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JAN - 2 :953
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EXPLICATION
SUIVIE
DES QUATRE ÉVANGILES
PAR SAINT THOMAS
LE
SAINT ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST
SELON SAINT MATTHIEU
(suite)
%
,V:S:
CHAPITRE IX.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
f. 1-8. — Noire-Seigneur Jésus-Christ donne une nouvelle et plus grande
manifestation de sa puissance. — Pourquoi il \eut avoir une patrie, être
citoyen d'une ville juive. — Pourquoi Capharnaùtn est appelé la ville du
Christ. — Sens plus étendu qu'on peut donner à ce mot en l'appliquant à toute
la Galilée? — On peut aussi le restreindre à la seule ville de Nazareth. —
Comment s'enchaîne le récit de saint Matthieu d'après cette dernière explica-
tion? — Le paralytique dont il est ici question est-il différent de celui dont
parle saint Jean? — Pourquoi le présente-t-on à Jésus étendu sur un lit? —
Pourquoi Jésus n'exige pas toujours la foi des malades? — Quelle est la foi
qu'il récompense ici ? — De quel prix est la foi personnelle aux yeux de Dieu?
— Le paralytique lui-même pouvait avoir une foi vive. — Bonté et humilité du
Christ qui appelle cet homme son fils. — Les péchés cause fréquente des
maladies du corps. — La jalousie des Scribes et des Pharisiens ne sert qu'à
rendre plus éclatant le miracle opér^ par Jésus-Christ. — Il leur prouve, en
pénétrant leurs pensées, qu'il peut remettre aux hommes leurs péchés. — Loin
de détruire le soupçon qu'ils avaient qu'il agissait comme Dieu, il le confirme
et par ses paroles et par le prodige qu'il opère. — Le miracle extérieur est la
preuve de celui qu'il opère à l'intérieur. — Notre-Seigneur leur déclare qu'il
est égal à son Père par le pouvoir qu'il a de remettre les péchés. — Comment
doit-on entendre ces paroles : afin que vous sachiez? etc. — Pourquoi Jésus
commande au paralytique d'emporter son lit. — Que signifie au sens mys-
tique le retour de Jésus dans sa cité après avoir été rejeté par la Judée? — Le
vaisseau de l'Eglise a besoin de Jésus-Christ. — L'universalité des nations
représentée par le paralytique. — Ce qu'il représente au sens moral. — Quels
sont ceux que les paralytiques spirituels doivent intéresser h leur guérison?
TOM. II. 1
2 EXPLICATION DE L EVANGILE
— Notre-Seiprneur se conduit ici en sage médecin. — Que signifient au sens
moral, se lever, enlever son lit, aller dans sa maison ? — Le lit figure des
voluptés sensuelles. — Que signifie la crainte dont le peuple est saisi à la vue
de ce miracle ?
f. 8-13. Pourquoi le Sauveur, après avoir opéré le miracle, ne reste-t-il pas dans
le même endroit? — Raison pour laquelle les autres Evangélistes donnent à
Matthieu le nom de Lévi , tandis que lui-même se fait connaître sous le nom
de Matthieu. — Dans quelle maison Notre-Seigneur le rencontre. — En quoi
la puissance de celui qui appelle Matthieu éclate davantage. — Docilité de
Matthieu. — Aucune considération ne l'arrête. — Comment Jésus l'en récom-
pense. — Peut-on accuser les disciples de Jésus-Christ d'irréflexion et d'im-
prudence pour l'avoir suivi aussitôt qu'il les eut appelés ? — Pourquoi Mat-
thieu ne fut-il pas appelé en même temps que les autres apôtres? — Où faut-
il placer la vocation de saint !\lattliieu? — Pourquoi est-elle placée parmi les
miracles? — Pourquoi, à l'exception de quelques-uns, ne savons-nous pas com-
ment et à quelle époque les autres apôtres ont été appelés ? — Repas offert
par Matthieu à Jésus-Christ. — C'est dans la maison même de Matthieu que
ce repas est donné. — 11 y invite les Publicaias. -:7 Qu'étaient-ils? — Ce que
présageait cette conduite. — Ces PublicainS n'étaient pas des idolâtres. —
Différentes manières dont Jésus amenait à lui ceux qui étaient mal disposés à
son égard. — Leçon qu'il nous donne. — Indignation des Pharisiens. — Double
erreur où ils étaient. — Le récit de saint Luc est conforme à celui de saint
Matthieu. — Dispositions où sont ces Publicains en s'approchant de Jésus. —
Dans quel sens Notre-Seigneur est médecin. — Que signifient ces paroles : Je
veux la miséricorde et non le sacrifice ? — Dieu ne rejette pas cependant le
sacrifice séparé de la miséricorde. — Ce que Notre-Seigneur veut leur en-
seigner. — Dieu n'aime pas les pécheurs en tant que pécheurs. — Il les recherche
comme un médecin recherche les malades. — Si le Christ est venu pour tous,
comment dit-il qu'il n'est venu que pour les justes? — Véritable sens de ces
paroles. — Que signifient la vocation et le nom de Matthieu ?
f, 14-17, — Les Pharisiens attaquent Jésus et ses disciples sur l'action de
manger elle-même. — Les disciples de Jean inexcusables de s'être joints aux
Pharisiens. — Comment ils cherchent à rendre l'accusation plus forte en se
mettant en regard eux et les Pharisiens. — Raison de la conduite de Jésus
différente ici de celle de Jean-Baptiste. — Quels sont ceux qui firent cette
question à Jésus ? — Il repousse les accusations dont les Publicains sont l'ob-
jet, avec plus de force que celles qui sont dirigées contre ses disciples. —
Exi)lication de cette réponse : Est-ce que les fils de l'époux, etc. — Dans quel
sens le j(;ùnc est une chose triste. — Doit-on conclure de ces paroles qu'il faut
consacrer au jeune les quarante jours qui suivent la Passion? — Comparai-
sons, exemples dont Notre-Seigneur se sert pour tracer aux apôtres la règle
qu'ils devront suivre à l'égard des nouveaux convertis. — Que signifie le vieux
vêtement, le morceau d'étofl'e forte?— Les vieilles outres et le vin nouveau?
— Après la résurrection, les Apôtres devinrent des outres neuves. — Le vête-
ment vieux et les outres vieilles signifient encore les Pharisiens, et le vin
Jiouveau les préceptes évangéli(iues que l'on ne devait pas immédiatement im-
poser aux Juifs. — Deux espèces de jeune di>iU parle Notre-Seigneur. — Vifs
désirs que nous devons avoir du Sauveur depuis qu'il nous a été enlevé. — Ces
deux espèces de jeune plus spécialement indiquées dans le mot tristesse dont
DE SAINT MATTHIEU. CHAP. IX. 3
se sert saint Matthieu et dans les comparaisons qui suivent. — Signification
mystique de la réponse de Jésus-Christ. — Ces comparaisons différentes l'une
de l'autre.
, 18-22. — Pourquoi Jésus-Christ fait succéder l'action aux enseignements. —
Conciliation des Evangélistes sur l'ordre dans lequel ce fait est présenté, et
sur le fait lui-même, — Dans les paroles d'un homme il faut chercher surtout
ce qu'il a eu intention de dire. — Le chef de la synagogue exagère peut-être
l'état de sa fille pour fléchir plus efficacement le Sauveur. — Faiblesse de sa
foi. — Leçon que donnent aux supérieurs et aux inférieurs la douceur et l'hu-
milité de Jésus. — Pourquoi Jésus ne prend pas Matthieu avec lui. — Pour-
quoi cette femme vient trouver Jésus dans le chemin et craint d'être remar-
quée. — Son humilité, sa foi. — Que veulent dire ces paroles : Ayez confiance?
— Sa foi était encore imparfaite. — Raisons pour lesquelles Jésus ne veut pas
qu'elle demeure cachée. — Puissance du Sauveur dans ce miracle. — Ce que
représente dans le sens mystique ce chef de la synagogue, sa fille, cette femme
infirme et la perte de sang qu'elle éprouvait. — Signification de ces trois
choses : Elle crut, elle dit, elle toucha. — Elle s'approche par derrière et touche
la frange de ses vêtements. — Signification mystique de cette action.
. 23-26. — Pourquoi Jésus tarde-t-il d'aller chez le chef de la synagogue? —
Pourquoi fait-il retirer les joueurs de flûte, et entrer avec lui les parents de la
jeune fille? — Que signifient ces paroles : Elle dort? — Pourquoi ne fait-il
aucun reproche à ceux qui se moquent de lui ? — Pourquoi ne veut-il pas que
la foule soit témoin de ce miracle? — Dans quel sens ressuscite-t-il cette jeune
fille? — Signification mystique de ce miracle. — Que représente la jeune fille,
— la foule, — la manière dont Jésus la ressuscite? — Signification morale. —
L'âme morte par le péché. — Circonstance de sa résurrection.
■. 27-31. — iNouvelle preuve de la puissance de Jésus dans la guérison des deux
aveugles. — Combien grande est leur foi. — Ils appellent Jésus fils de David.
— Pourquoi Notre-Seigneur attend-il pour guérir les malades qu'on l'en prie?
— Il examine leur foi avant de les guérir. — Pourquoi les guérit-il en parti-
culier? — Pourquoi cette question : Croyez-vous, etc., puisqu'il savait bien
s'ils avaient la foi? — Il ne leur dit pas : Croyez- vous que je puis prier mon
Père. — Pourquoi leur recommande-t-il de n'en parler à personne? — Cela
est-il contraire à ce qu'il dit dans un autre endroit : Allez annoncer la gloire
de Dieu? — Pourquoi le Seigneur qui voulait que ses miracles demeurassent
cachés, permet-il qu'ils soient dévoilés comme malgré lui? — Que signifient
dans le sens allégorique ces deux avei^les ?
L 32-34. — Comment la guérison du sourd-muet se lie avec celle des deux
aveugles? — Pourquoi Jésus n'exige-t-il pas de lui la foi avant de le guérir?
— Impression produite sur la foule par ce miracle. — Jalousie des Pharisiens,
leur conduite injuste. — Explication insensée qu'ils donnent de ce miracle. —
Que représente dans le sens mystique ce sourd-muet possédé du démon? Tout
le genre humain ou plus spécialement les Gentils. — Conciliation du récit des
Evangélistes sur ce fait.
K 35-38. — Comment Notre-Seigneur répond à l'accusation des Pharisiens de
parcourir également les bourgades , les villages, comme les villes. — Que
prêchait-il? — Pourquoi les guérisons suivent-elles la prédication? — Guéri-
sons intérieures en même temps qu'extérieures. — La bonté de Jésus ne s'ar-
rête pas là. — Sentiment d'un bon Pasteur. — Pourquoi cette compassion?
A
EXPLICATION DE L EVANGILE
— Que signifie la moisson dont il parle? — l'rière que doivent faire les
Apôtres. — Grandeur du ministère de la prédication. — Explication mystique
des deux derniers miracles et des paroles du Sauveur.
^. 1-8. — Jésus, étant monté dans une barque, repassa le lac et vint en sa
ville. Et voilà qu'on lui présentait un paralytique couché dans un lit. Jésus,
voyant leur foi, dit à ce paralytique : Mon fils-, ayez confiance, vos péchés
vous sont remis. Aussitôt, quelques-uns des scribes dirent en eux-mêmes : Cet
homme blasphème. Mais Jésus, ayant connu ce qu'ils pensaient, leur dit :
Pourquoi avez-vous de mauvaises pensées dans vos cœurs ? Lequel est le plus
aisé, ou de dire : Vos péchés vous sont remis, ou de dire : Levez-vous et
marchez ? Or, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir sur
la terre de remettre les péchés : Levez-vous, dit-il alors au paralytique, em-
portez votre lit, et vous en allez en votre maison. Il se leva aussitôt, et s'en
alla à sa maison. Et le peuple, voyant ce miracle, fut rempli de crainte, et
rendit gloire à Dieu de ce qu'il avait donné une telle puissance aux hommes.
S. Chrys. {hom. 30, sur S. Matth.) Notre-Seigneur Jésus-Christ a
montré précédemment sa puissance par sa doctrine , lorsqu'il ensei-
gnait comme ayant autorité ; dans la guérison du lépreux qu'il guérit
par ces seules paroles : « Je le veux , soyez guéri ; » dans la personne
du centurion qui lui dit : « Seigneur, dites seulement une parole et
mon serviteur sera guéri ; » sur la mer, dont il a enchaîné d'un seul
mot la fureur, et sur les démons qui ont confessé sa divinité. Ici par
une nouvelle et plus grande manifestation de sa puissance, il force ses
ennemis de reconnaître qu'il est l'égal de son Père en dignité. C'est ce
que nous lisons dans le passage suivant : « Et Jésus, étant monté dans
SAXCTOI JESll CIIRISTI EVANGEllUM
SECUNDUM MATTHiEUM.
(SEQUITUR.)
CAPUT NONUM.
El ascendens Jésus in naviculam , transfretavit,
et venit in civitatem suam. Et ecce offerebant
ei paralyticum jacfinteïii in lecto. Videns au-
tem Jfsus fidem illorum, dixit paralytico :
Confide, fili, remitluntur tibi peccata tua. Et
ecce quidam de scribis dixerunt intra se : Hic
blasphémai. Et cum vidisset Jésus cogita-
tiones eorum, dixit : Ut quid cagilatis inala in
cot-dibus vestris ? Quid est facilius dicere :
Dimilluntur tibi peccata tua ; an dicere :
Surge cl atnbula '.' Ut autem sciatis quia Fi-
lins /lominis fiahet polestatem in terra dimit-
tendi peccata, tune ait paralytico : Surge,
toile lectum tuum, et vade in doinum tuam.
Et surrexit, et abiit in domum suam. Yidentes
autem turbœ timuerunt , et glorifieaverunt
Deum, qui dédit talem polestatem hominibus.
Chrys. [in homil. 31, in Matth.)
Moustravit superius Christus suam vir-
tutem per doctriiiam, qiiaudo docuit eos
ut potestatem liabens ; per leprosum ,
quando dixit : « Vole, uiundaro; » per
centnrioneni. qui dixit : « Die verbo. et
sanabitur puor meus ; » per mare, quod
verbo rcfrœnavit; per dœmones, qui
eum confilebantur : bic autem rursus
abo majdri modo iuimicos ejus cojiil
coulîleri a-qualitatcm bouoris ad Pa-
trem. Unde ad boc osUndeudum subdi-
tur : « Et asceudeus Jésus iu uavicu-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX. 5
une barque, traversa la mer, et vint en sa ville.» C'est dans une barque
qu'il traverse le lac, bien qu'il pût le traverser à pied ; mais il ne vou-
lait pas faire continuellement des miracles pour ne pas détruire la di-
vine économie de son incarnation. — Jean, évèque (l). Le Créateur
de toutes choses, le Maître de l'univers ayant résolu de se resserrer
pour nous dans les limites étroites de la chair, voulut avoir une patrie
sur la terre, être citoyen d'une ville juive; lui de qui vient toute pa-
ternité, toute parenté, voulut avoir ici -bas des parents, afin d'attirer
à lui par l'amour ceux que la crainte en avait éloignés.
S. CiiRYS. [hom. 30.) L'Evangéliste appelle Capharnaûm la ville du
Sauveur ; car il y avait la ville où il était ne , qui était Bethléem ;
celle où s'étaient écoulées ses premières années , Nazareth, et la ville
dont il fit ensuite son séjour ordinaire, c'est-à-dire Capharnaûm (2*).
AuG. {de l'accord des Evanq.^ liv. ii, chap. 25.) Il serait plus difficile
de concilier saint Matthieu avec saint Marc, si saint Matthieu donnait
le nom de Nazareth à la ville que saint Marc appelle Capharnaûm, et
que saint Matthieu appelle simplement la cité du Seigneur. On con-
çoit très-bien, au contraire, que de même que l'empire romain, com-
posé de contrées si diverses est quelquefois désigné par le nom de
cité romaine ; ainsi la Galilée a pu être appelée la cité du Christ,
(1) Ce passage vient plutôt de saint Pierre Chrysologue, archevêque de Ravenne. On trouve
en effet cette citation dans le sermon 60, que quelques-uns attribuent à saint Chrysostome ,
qu'où a voulu peut-être désigner sous le nom de Jean, évèque. Le Bréviaire cite ce passage
comme venant de saint Pierre Chrysologue au xviii" dimanche après la Pentecôte.
(2*) Jésus choisit Capharnaûm pour son séjour de prédilection pendant le temps de sa vie pu-
blique. Là il était en sûreté, dit le docteur Sepp ; une barque légère le transportait de l'autre
côté du lac dans la tétrarchie d'Iturée; en passant le Jourdain sur un pont qui était proche, il
arrivait en Syrie. Il lui suffisait de traverser une montagne pour être en Phénicie, dans le pays
du Tyr et de Sidon. Ainsi, Capharnaûm était au milieu de ces trois contrées, comme la Pales-
tine au centre des trois parties du monde, et formait un point de réunion très-favorable au dé-
veloppement d'une religion qui devait embrasser le monde entier. Mais ce qui engagea encore
davantage Notre-Seigneur à se fixer dans ce paradis terrestre, c'est que Simon Pierre demeurait
à Capharnaûm, et que Jésus-Christ voulut demeurer dans la maison de cet apôtre. ( Yî'e de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, tom. I, 260.)
lam, transfretavitj et venit in civitatem
suam. » Navigium autem intrans per-
transit, qui pede mare poterat pertran-
sire : non enim semper mirabilia vole-
bat facere, ne incarnationis noceat ra-
tioni. JoAN. (Episcop.) Creator autem
rerum, orbis terrai Dominus, postea-
quam se propter nos nostra angustavit
in carne, cœpit habere humanam pa-
triam, cœpit civitatis judaicae esse civis,
parentes habere cœpit, parentum om-
nium ipse parens; ut attraheret charitas,
quos disperserat metus.
Chrys. {in hom. 30, in Matth.) Civi-
tatem autem suam hic Capharnaûm di-
cit : aha enim eum susceperat nascen-
tem, scilicet Bethlehem; alia eum nutri-
vit, scilicet Nazareth ; aha autem habuit
continue habitantem, scihcet Caphar-
naûm. AuG. {de cons. Evang. hb. ii,
cap. 25.) Vel ahter : quod Matthœus hic
scribit de civitate Domini, Marcus autem
de Capharnaûm, difficihus solveretur, si
Matthaeus Nazareth nominaret : nunc
vero eum potuerit ipsa GaUlaea dici ci-
vitas Christi, quia in Gahlaeea erat Na-
zareth (sicut universum regnum roma-
num in tôt regionibus constitutum di-
citur modo romana civitas) quis dubi
taverit, ut veniens in Galilaeam Dominus
6 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
parce que Nazareth en faisait partie. Par la même raison, Notre-
Seigneur Jésus-Christ étant venu dans la Galilée, l'Evangéliste a fort
bien pu dire qu'il était venu dans sa ville, quelle que fût la cité de la
Galilée où il se trouvât, d'autant plus que Capharnaum était de beau-
coup la ville la plus célèbre de cette région et en était considérée
comme la métropole. — S. Jér. Ou bien il ne faut entendre par la
ville du Christ que la ville de Nazareth, d'où lui est venu le nom de
Nazaréen. — S. Aug. {de l'accoi^d des Evang.^Yvv. ii , chap. 25.)
D'après cette explication, il faut admettre que saint Matthieu a omis
tout ce que Jésus a fait lorsqu'il fut venu dans sa ville, jusqu'à son
arrivée à Capharnaum, et qu'il a placé ici la guérison du paralytique.
C'est ce que font souvent les Evaugélistes : ils omettent les faits inter-
médiaires et ils donnent comme faisant suite à ce qui précède le fait
qu'ils racontent immédiatement, sans mai'quer la transition. C'est
ainsi que l'Evangéliste nous dit ici : « Et on lui présentait un paraly-
tique couché sur un lit. »
S. Chrys. {hom. 30.) Ce paralytique n'est pas celui dont parle
saint Jean {Jean^ v); car celui-là était étendu dans la piscine, celui-ci
se trouvait à Capharnaum. Le premier n'avait personne pour le servir;
le second recevait les soins de plusieurs personnes qui l'apportèrent
aux pieds de Jésus. — S. Jér. On le lui présenta sur un lit, car il était
impossible à cet homme de marcher. — S. Chrys. {hom. 30.) Jésus
n'exige pas toujours la foi des malades qui demandent leur guérison,
par exemple, lorsqu'ils ont perdu la raison , ou que leur âme est ab-
sorbée par l'excès de la douleur ; c'est poui' cela que l'Evangéliste
ajoute ; « Or, Jésus voyant leur foi, » etc. — S. Jér. Non pas la foi
du paralytique qu'on lui présentait, mais la foi de ceux qui le lui pré-
recte diceretur venisse in civitatem siiam,
in quocumque esset oppido Galilaeae ?
praeserlim qnia et ipsa Capharnaum ita
extollebatur in Galilœa, ut tauquaiu me-
tropolis hahoretur. Hier. Vel civitat(3m
ejus non aliaiu intollii^amus quani Naza-
reth : unde et Nazarenns appellatus
est. Aug. [de cons. Kvang. lib. ii, cap.
2o.) Et sccundum hoc dicimus Alatthœuni
pr.Tîtennisisse quœ gesta suât postea-
quam Jésus veuit in civitatem suam,
donec venirct Capharnaum, et hic ad-
Junxisse de sanato paralytico ; sicut in
mullis l'aciunt prœtermittentes média,
lan(|uam hoc contiuuo sequalur, (]uod
sine alla pncterniissiouis signiticatione
subjuDfimît : et hoc. modo liic subditur :
« Et ecce offerebaut ei paralytieum ja-
centeni in lecto. »
Chrys. [in homil. 30, in Mutth.) Pa-
ralyticus autem hic alter est prœter eum
qui in Joanuc pouitur (c. d.) : ille qui-
dem in uafatoriis jacebaf, liic autem in
Capluirnaum ; et ille famuiis carebat,
hic autem liabehal eos (jui sui curam
habebant, qui et portantes eum attule-
ruut. HiKK. Ubtulcrunt autem ei jaceu-
tem in lecto, quia ipse inpredi non vale-
bat. Chrys. [in homil. ut stip.) Non au-
tem ublipie ah jegris solum quan-it ii-
dem, puta eum insaniunt, vel aliter ab
a'ijriludine in excessu fuerinl mentis
unde subditur : « Videns autem Jesns
lideni illurum. » Hier. Non ejus qui of-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX. 7
sentaient. — S. Chrys. {hom. 30.) Pour récompenser cette foi si
grande, il fait éclater lui-même sa puissance, et par la plénitude de
son pouvoir il remet les péchés au paralytique en lui disant : a Ayez
confiance , mon fils , vos péchés vous sont remis. » — S. Jea^",
évèque (1). Quel prix n'a pas auprès de Dieu la foi personnelle,
puisqu'une foi étrangère en a eu un si grand à ses yeux qu'il accorde
à cet homme la guérison de son àme et de son corps ? Le paralytique
entend le pardon qui lui est accordé , et il se tait , aucune parole de
reconnaissance ; la guérison de sou corps le préoccupait beaucoup plus
que celle de son àme. C'est donc avec raison que Jésus-Christ consi-
déra la foi de ceux qui le portaient plutôt que l'insensibilité du para-
lytique lui-même. — S. Chrys. {hom. 30.) On peut dire aussi que la
foi de cet homme était grande, car s'il n'avait pas eu la foi , il n'au-
rait jamais permis qu'on le descendît par le toit, comme le rapporte
un autre Evangéliste. {Marc^ ii ; Luc^ v.)
S. Jér. Admirable humilité! Jésus appelle son fils un homme dé-
laissé, infirme, anéanti dans tous ses membres , et que les prêtres dé-
daignent de toucher. Il peut encore l'appeler justement son fils, parce
qu'il lui a remis ses péchés. Nous pouvons apprendre par là que
presque toutes les maladies sont la suite des péchés; et si Jésus com-
mence par remettre les péchés à cet homme , c'est afin que la santé
lui soit plus facilement rendue lorsqu'il aura fait disparaître les causes
de la maladie.
S. Chrys. {sur S. Matth.) Les scribes, en cherchant à difîamer le Sau-
veur, ne firent , contre leur volonté , que mettre dans un plus grand
jour le miracle qu'il avait opéré, car Jésus se servit de leur jalousie
pour le rendre plus éclatant ; c'est là , en effet, un des traits de cette
(1) Voyez la note de la page 5.
ferebatur, sed eoriim qui offerebant.
Chrys. {in homil. ut sup.) Quia igiturs
tantam ostendunt fidem, monslrat et
ipse suam virtutem, cum omni potestate
solvens peccata : unde sequitur : « Dixil
paralytico : Coufide, fili, remittuutur
tibi peccata tua. » Joan. (Episc.) Quan-
tum valet apud Deum fides propria,
apud quem sic valuit alieua : ut iutus et
extra sanaret hominem ? Audit veniam
et tacet para'n-ticus, nec uUam respondet
gratiam, quia plus corporis quam animae
tendebat ad curam. Merito ergo Christus
offerentium respexit fidem, non vecor-
diam jacentis. Chrys. {in hom. 30, in
Matth.) Vel erat magna fides etiam hu-
jus iuiirmi : uoueuimpermisissetsesub-
mitti, ut alius Evangelista dicit (Marc.
II, et Ltic. v) per tectum, non credens.
Hier. G mira humilitas ! Despectum et
debilem, totis membrorum compagibus
dissolutum, filium vocat, quem sacer-
dotes non dignautur attingere : aut certe
ideo filium, quia dimittuntur ei peccata
sua : ubi datur nobis iutelligentia, prop-
ter peccata plerasque evenire corporiim
débilitâtes : et idcirco forsitan prius di-
mittuntur peccata, ut causis debilitatis
ablatis, sanitas restituatur.
Chrys. {in hom. 34, in Matth.) Scri-
bae autem diffamare voleates, etiam no-
lentes fecerunt clarere quod factura est :
eorum enim jçmulatione ad signi osten-
sionem usus est Christus : hoc enim est
8 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
inépuisablo sagesse, de faire servir la malice de ses ennemis à la ma-
nifestation de ses prodiges. C'est ce que l'Evangéliste rapporte en ces
termes : « Et voilà (|ue quelques scribes dirent en eux-mêmes : Cet
homme blasphème. » — S. Jér. Nous lisons dans le Prophète (1) :
« C'est moi qui efface toutes vos iniquités. » D'après ces paroles, les
scribes, qui ne voyaient dans Jésus qu'un homme , et qui ne compre-
naient pas la portée des oracles divins, l'accusent de blasphème. Mais
le Seigneur, en dévoilant leurs pensées, leur prouve qu'il est le Dieu
qui seul peut connaître le secret des cœurs , et son silence semble
leur dire : En vertu de la même puissance qui me fait pénétrer vos
penëées, je puis remettre aux hommes leurs péchés ; comprenez par
vous-mêmes ce que je puis faire pour ce paralytique. C'est ce que si-
gnifient ces paroles : «Et Jésus ayant vu leui's pensées, leur dit ; Pour-
quoi pensez-vous du mal dans vos cœurs?» — S.Ghrys. {hom. 30.) Jésus
ne détruisit pas le soupçon qu'ils avaient , que c'était comme Dieu
qu'il disait : « Vos péchés vous sont remis. » S'il n'était pas l'égal de
Dieu son Père, il devait dire : Je suis loin d'avoir la puissance de re-
mettre les péchés. Loin de là, il établit le contraire et par ses paroles,
et par le prodige qu'il opère. Il ajoute donc : « Qu'est-il plus facile
de dire : Vos péchés vous sont remis, ou de dire : Levez-vous et
marchez ? » Plus l'âme est supérieure au corps, plus aussi la guérison
de l'àme par la rémission des péchés , l'emporte sur la guérison du
corps. Mais ce dernier prodige étant visible , tandis que le premier ne
l'est pas, Jésus l'opère quoiqu'il soit moindre, pour rendre certain le
premier qui est moins évident.
(l) haie, xun, 25.
superabundantia ejus sapientife, quod
sua per inimieos manifestât : unde se-
quitur : « Et ecce quidam de scribis dixe-
runt intra se : Hic blasphémât. » Hier.
Legimus in Propheta : « Ego sum qui
deleo omues iniquitates tuas. » Conse-
quenter ergo scribaî, quia hominem pu-
tahant, et verba Dei non intellijïebant,
arguunt euui vitio blaspbemite. Videns
autem cogitationes eorum, ostendit se
Deum, qui potest cordis occulta eognos-
cere, ot quodammodo tacens loquitur :
« Eadcni polentia, qua cogilationes ves-
tras intueor, possum et liominibus de-
licta dimittere : ex vobis iatelligite quid
paralyticus consequatur : » unde sequi-
tur : « Et cum vidisset Jésus cogilatio-
nes eorum, dixil : Ut (juid cogikitis mala
in cordibus vestris ? » Chrys. {in hom.
30^ in Matth.) Non quidem eorum des-
truxit suspicionem (qua scilicet cogita-
bant eum prœdicta dixisse ut Deum) ;
si enim non essct œqualis Deo Patri,
oportebat eum dicere : « Longe sum
ab bac potestale, » scilicet dimlttcndi
peccata : nunc autem coutrarium fir-
mavit sua voce, et miraculi ostcnsione.
Unde subdit : « Quid est facilius di-
cere : Dimittuulur libi peccata tua? an
dicere : Surgc et ambula ? » Quaulo qui-
dem anima corpore potior est, tanto
peccatum dimittere majus est quam cor-
pus sanare ; sed quia illud quidem non
manifcstum , hoc autem nianifestum ,
facit minus (quod est manifeslius) ul
demonslrel majus et non maaifestuni.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX.
9
\
S. JÉR. Celui-là seul qui remettait les péchés savait s'ils étaient re-
mis au paralytique. Mais quant à l'efTet de ces paroles : « Levez -vous
et marchez, » chacun pouvait en juger, celui qui se levait comme
ceux qui le voyaient. Quoiqu'il appartienne à la même puissance de
guérir les infirmités du corps et de l'àme ; il y a cependant une grande
différence entre dire et faire. Le Sauveur fait donc un miracle exté-
rieur comme preuve de celui qu'il opère à l'intérieur. « Or, éjoute-t-il,
afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre ce pouvoir
de remettre les péchés. » — S. Chrys. (hom. 30.) Il ne dit pas tout
d'abord au paralytique : « Je vous remets vos péchés ; » mais a Vos
péchés vous sont remis. » Or, comme les scribes se récriaient, il leur
révèle qu'il a une puissance plus élevée, et leur déclare « que le Fils
de l'homme a le pouvoir de remettre les péchés ; » et comme preuve
qu'il est égal à son Père, il ne dit pas que le Fils de l'homme a be-
soin d'un secours étranger pour remettre les péchés , mais qu'il a
lui-même ce pouvoir.
La Glose (1). Ces paroles : « Afin que vous sachiez » peuvent avoir
été dites par Jésus-Christ, ou n'être qu'une réflexion de l'Evangéliste,
comme s'il disait : « Tls doutaient qu'il pût remettre les péchés ; mais
afin que vous sachiez bien que le Fils de l'homme a ce pouvoir , il dit
au paralytique^ » etc. Si au contraire on suppose ces paroles dans la
bouche du Sauveur , voici le sens qu'on peut leur donner : « Vous
doutez que je puisse remettre les péchés, mais afin que vous sachiez
que le Fils de l'homme , » etc. La construction grammaticale de la
phrase n'est point parfaite ; mais l'Evangéliste remplace ce qui devait
suivre immédiatement et qu'il sous-entend par l'acte même que Jésus
(1) Ou plutôt saint Anselme ; les éditions précédentes portaient à tort à la marge : Glose in-
ierlinéaire.
Hier. Utrum sint paralytico peccata
dimissa, solus noverat qui dimittebat ;
« siirge autem et ambula , » tam ille qui
surgebat, quam îii qui surgentem vide-
bant, poterant approbare ; quanquam
ejusdem virtutis sit, et corporis et ani-
mée vilia dimittere. Inter dicere tamen
et facere multa distantia est : fit ergo
carnale signuui, ut probetur spirituale :
unde sequitur : « Ut autem soiatis quo-
uiam Filius liomiiiis habet potestatem
in terra dimittendi peccata.» Chrys. [in
homil.) Supra quidem paralytico non
dixit : « Dimitto tibi peccata, » sed, «di-
mittuntur tibi peccata. » Quiavero scri-
bae resistebant, altiorem suam potentiam
demonstrat, dicens « quia Filius homi-
ujs habet potestatem dimittendi pecca-
ta : » et ut ostendat se Patri sequalem,
non dixit quod Filius hominis iudiget
aliquo ad dimittendum peccata, sed
quoniam habet.
Glossa. Hœc autem verba : « Utscia-
tis, » possunt esse Christi vel Evaugehs-
tœ, quasi Evangelista diceret : « Ipsi du-
bitabant eum peccata dimittere ; sed ut
sciatis quoniam Filius hominis habet po-
testatem, ait paralytico. » Si autem
Christus dicatur pronuntiasse hœc verba,
sic intelligentur : « Vos dubitatis me
posse peccata dimittere, sed ut sciatis
quoniam Filius hominis, » etc. Quœ qui-
dem oratio imperfecta est ; sed subditur,
actus rei loco consequentis, ubi dicitur :
10
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
accomplit. Il dit au paralytique : « Levez-vous et emportez votre lit. »
— Jean , évoque. Afin que ce qui a été la preuve de sa maladie de-
vienne un témoignage de sa guérison. « Et allez dans votre maison. »
Vous, guéri par la foi au Christ, ne restez pas davantage au milieu de
la perfidie des Juifs. — S. Ciirys. (Jiom. 30.) Jésus lui donne cet ordre
afin que l'on ne prenne pas pour une simple apparence la guérison
qu'il vient d'opérer, et c'est pour en démontrer la vérité que l'Evan-
géliste dit : « Il se leva et il alla dans sa maison. » Et cependant ceux
qui en furent témoins se traînent encore dans des idées tout hu-
maines. « Et le peuple voyant cela , » etc. Si leurs pensées avaient été
justes et droites, est-ce qu'ils n'auraient pas dû reconnaître que Jésus
était le Fils de Dieu? Toutefois c'était déjà quelque chose que de le
regarder comme supérieur à tous les hommes, et comme l'envoyé de
Dieu.
S. HiL. Il y a une signification mystérieuse dans la conduite de
Jésus revenant dans sa ville , après avoir été rejeté par la Judée. La
cité de Dieu, c'est le peuple fidèle ; Jésus-Christ y est entré porté par
une barque , c'est-à-dire par son Eglise. — Jeàiv, évèque. Il n'a pas
besoin de cette barque , mais la barque a besoin de Jésus-Christ, car
jamais, sans la direction qui vient du Ciel, le vaisseau de l'Eglise ne
pourrait traverser la mer du monde et arriver au port de l'éternité.
— S. HiL. La personne du paralytique est la figure de l'universalité des
nations dont on demande la guérison; ce paralytique est présenté au
médecin par le ministère des anges , parce qu'il est l'œuvre de Dieu ;
il lui remet les péchés dont la loi ne pouvait le délivrer , parce que la
foi seule justifie le pécheur. Il est une preuve des merveilleux effets de
la résurrection , car en emportant son lit il nous apprend que notre
« Ait, paralytico : surge et toile lectum
liuim. « JoAN. (Ëpiscop.) Ut quod fuit
teslioioniuni infirmitatis, sit probalio sa-
uitalis : « et vade in doiuiim tuaui ; »
ne chrislianafidei curalus morerisin per-
fidia Judœorum, Gurys. {in hom. 30, in
MaWi.) Hoc autem prœcipit, ut non
leslinietur phantasia esse quod factum
est : uude ad veritateni facti ostendeu-
dam, snbditur : (( Et surrexit, et abiit
in donium suani. » Sed tamen astantes
honiiiies ailluic deorsum trahuntur : un-
de se(juitui' : « Videntes aiUem turba), »
ctr. Si cnim bene cogitassent apud se,
cnnnovissent ipiia Filins Dei erat : intérim
aulem non parvum erat œstimare omni-
bus hominibus majorem, et a Dec venire.
HiLAU. {cun. 8, in J/ft<#//.)M3'stice au-
tem a Judaea repudiatus, lu civitatem
suam revertitur. Deicivitasfideliumplebs
est : in banc ergo introivitperuavim (id
est Ecclesiam) vectus. Joan. (Episcop.)
Non autem Chrislus iudiget navi, sed ua-
vis Cbristo ; quia sine cœlesti guberuatioue
navis Ecclesiie per muudanum peiagus
ad cœlestem portuni non valet perve-
nire. Hilau. In paralytico aulem geu-
tium universilas offôrtur medenda ; bic
itatjue (angelis ministrantibus) curandus
oUcrtnr; bic /iliiis nuncupalur, (juia Dei
opus est; buic remittunlur anima^ pcc-
cata, quiP lex laxare non poterat ; tîdes
cnim sola justiticat; deinde virlutem
resurrecUonis osteudit/ cum sublatioue
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX. il
corps sera un jour affranchi de toute infirmité. — S. Jér. Dans le sens
tropologique, on peut voir ici l'image d'une âme qui vit sans force au
milieu de son corps, après avoir perdu toutes ses vertus, et que l'on
présente au Seigneur, le docteur consommé, pour être guérie. Tout
homme atteint de cette maladie doit intéresser à son état ceux qui
peuvent demander à Dieu sa guérison , et à l'aide de la doctrine cé-
leste rendre la force à ses pas cliancelants. Souffrons donc que les
conseillers de notre âme l'élèvent vers les choses supérieures, malgré
la langueur où la retient la faiblesse de son corps mortel. — Jean,
évêque. Le Seigneur sur cette terre ne s'inquiète pas du désir des
insensés, mais il a égard à la foi d'autrui ; c'est ainsi que le médecin
ne s'arrête point à la volonté des malades , lorsqu'ils demandent des
choses qui leur sont contraires.
Rab. Se lever, c'est arracher son âme aux désirs de la chair ; en-
lever son lit, c'est élever son corps des désirs de la terre jusqu'aux as-
pirations de l'esprit; aller dans sa maison, c'est retourner au paradis,
ou à la garde intérieure de soi-même, pour ne plus retomher dans le
péché. — S. Grég. [Moral, xxiii, 15.) Ou bien par le lit on peut en-
tendre les voluptés sensuelles ; on ordonne à celui qui a recouvré la
santé de porter ce lit oïi il était couché pendant sa maladie ; car tout
homme qui trouve encore son plaisir dans le vice, est comme étendu
sans force au milieu des voluptés de la chair. Mais lorsqu'il est guéri,
il porte ce lit, parce qu'il supporte les assauts de cette même chair,
au lieu de se reposer comme auparavant dans ses désirs coupables. —
S. HiL. [can. 8 sur S. Matth.) La foule, à la vue de ce miracle, fut
saisie de crainte; en effet, c'est un grand sujet d'effroi de tomber
entre les mains de la mort avant que Jésus-Christ nous ait pardonné
lectuli infirmitatem corporibus docuit
defutiiram.
HiERO.v. Juxta tropologiam autem in-
terdum anima jacens in corpore suo vir-
tutibus dissolutis a perfecto doctore Do-
mino offertur curanda. Ambros. (m Lu-
cam cap. 5.) Unusqiiisque euim aeger
petendœ salutis débet adhibere preca-
tores, per quos actuum nostrorum clau-
da vestigia, verbi cœlestis remedio re-
formentur : sint igitur monitores men-
tis, qui animum auditoris ad superiora
erigant, quamvis exterioris corporis de-
bilitate torpentem. JoAX. {Episcop.) Do-
minus autem in noc seoulo insipientium
voluutates non quierit; sed respicit ad
alterius fidem ; nec medicus languentium
respicit voluntatem, cum contraria re-
quiratinfirmus. Rab. Surgere autem, '.est
aoimam a carnalibus desideris abstra-
here; lectum tollere, est carnem a ter-
renis desideriis ad voluntatem spiritus
attollerè; domum ire, est adparadisum
redire, vel ad internam sui custodiam,
ne iterum peccet. Greg. (xxiii Mot.
cap. 15.) Vel per lectum voluptas corpo-
ris designatur : jubetur itaque ut hoc sa-
nus portet, ubi infirmus jacuerat; quia
omnis qui adhuc vitiis delectatur , infir-
mus jacet in voluptatibus carnis ; sed
sanatus hoc portât, quia ejusdem carnis
contumelias postmodum tolérât, in cu-
jus prius desideriis requiescebat. Hilar.
{Can. 8, «>iiV«^^^.) Videntes autemtur-
bœ timuerunt; magni enim timoris res
est, non dimissis a Christo peccatis in
12
EXPLICATION DE L EVANGILE
nos péchés , car sans ce pardon il n'y a point de retour possible
dans notre éternelle demeure. Lorsque cette crainte vient à cesser, on
rend gloire à Dieu de ce que par le moyen de son Verbe il a donné
aux hommes le pouvoir de remettre les péchés, de ressusciter les corps
et de rouvrir les portes du ciel.
y. 9-13. — Jésus , sortant de là, vit un homme assis au bureau des impôts,
nommé Matthieu, auquel il dit : Suivez-moi ; et, se levant, il le suivit. Et
il arriva que comme Jésus était à table dans la maison de cette homme, il y
vint beaucoup de publicains et de gens de mauvaise vie, qui se mirent à table
avec Jésus et ses disciples. Ce que les pharisiens ayant vu, ils dirent à ses
disciples : Pourquoi votre maître mange-t-il avec des publicains et des pé-
cheurs? Mais Jésus, les ayant entendus , leur dit : Ce ne sont pas ceux qui
se portent bien, mais les malades qui ont besoin de médecin. Allez donc et
apprenez ce que veut dire cette parole : J'aime mieux la miséricorde que le
sacrifice. Car je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs.
S. CuRYS. (/iom. 31 .) Après avoir opéré ce miracle, Jésus ne crut pas
devoir demeurer dans ce même endroit , pour ne pas donner un nou-
vel aliment à la jalousie des pharisiens. Imitons nous-mêmes cet
exemple , et n'opposons pas de résistance obstinée à ceux qui nous
dressent des embûches. C'est pour cela que l'écrivain sacré ajoute :
a Et Jésus partant de là (du lieu où il avait fait le miracle) vit un homme
assis au bureau des impôts et qu'on appelait INIatthieu. » — S. Jér.
Les autres Evangélistes n'ont pas voulu , par honneur et par respect
pour lui, l'appeler du nom connu de Matthieu ; ils l'ont appelé Lévi,
car il portait ces deux noms. Mais quant à lui il met en pratique cette
maxime de Salomon : «Lejusteest son propre accusateur» {Prov. xviii),
mortem resolvi ; quia uullus est in do-
mum <eteraam reditus, si cui indulta
nou fuerit venia delictorum. Cessante au-
tem timoré, honor Deo redditur, quod
potestas honiinibus hac via data sit per
verbum ejus, et peccalorum remissionis,
et corporum resurrcctionis, et reversio-
iiis in cœlum.
Et cum tramiret inde Jésus, vidit homineni se-
dentem in telonio Matthœum nomine : et ait
ilti : Sequere me : et surgens secutus est eum.
El factiim est discumbente en in domo,ecce
muiti pi/hlicani et peccatores renientes dis-
cumbebant cum Jesu et discipulis ejus. Et vi-
dentes pharisœi dicebant discipulis ejus : Quare
cum publicanis et peccatoribus manducat ma-
gister vester? At Jésus audiens ait : Non
est opus valentibus medicus, sedr maie haben-
fibus : euntes autcni discite quid est , miseri-
cordiam volo, et non sacrificium : non enim
veni vocare justos, sed peccatores.
Chrys. (inhomil. 'Si, in Matth.) Cum
Christus fecisset niiraculum, non per-
mansit in endeni looo, ne Judaeonimze-
lum accenderet ampliorem : lioc et nos
faciamus non obstiuate obsistentes eis
qui iusidiautur : unde dicitur : « Et cum
transiret inde Jésus (scilicet a loco ubi
miraculuni fecerat), vidit homineni se-
dentem in telonio, ■Malthseum nomine.»
Hier. Caeteri Evanpelistai propter vere-
cundiam et lionorem Matth;ei, noluerunt
enm nomine appellare vnlgato (Marc. 2,
et Z,wr. o), sed dixerunl Levi (dupliei
enim vocabulo fuit.) Ipse antem Mattliaeus
secnnduai illud Salomonis {Proverb.
18) : <( Justus accusalor est sui : » Mat-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX. 13
et se fait connaître sous le nom de Matthieu comme publicain ; il ap-
prend ainsi à ceux qui liront son Evangile, que nul ne doit désespérer
de son salut, s'il veut rentrer dans les sentiers de la vertu , puisque
lui-même a été changé en un instant de publicain en apôtre. La
Glose. Il était assis au bureau des impôts, c'est-à-dire dans une de ces
maisons où l'on percevait les impôts ; car le nom qui lui est donné
(tehniarius), receveur des impôts, vient du mot grec TéAO(;(l), qui si-
gnifie impôt.
S. Chrys. {hom. 31 sur S. Matth.) Ce qui fait éclater encore da-
vantage la puissance de celui qui l'appelle, c'est qu'il n'attend pas que
Matthieu abandonne cette profession pleine de dangers, il l'arrache
aux maux qui l'environnaient, comme Paul encore dans la fougue de
ses égarements. {Actes ^ ix.) Et il lui dit : « Suivez-moi. » Vous avez vu
la puissance de Dieu qui l'appelle, admirez aussi l'obéissance de celui
qui est appelé. Il n'oppose aucune résistance; il ne demande pas
d'aller chez lui pour faire part de son dessein à sa famille. Rémi. Il
compte même pour rien le danger qu'il courait de la part de ses chefs,
en quittant son emploi sans avoir réglé ses comptes, a Et se levant, il
le suivit. » Il a sacrifié les gains d'une profession tout humaine ; par
une juste compensation, il est devenu le dispensateur des talents du
Seigneur.
S. JÉR. Porphyre (2) et l'empereur Julien accusent ici , ou l'Evangéliste
d'avoir menti avec peu d'habileté , ou les disciples d'avoir suivi tout
aussitôt le Sauveur sans aucune réflexion, comme s'ils s'étaient rangés
(1) Le mot grec tsXoç signifie tantôt fin, tantôt il a le sens d'impôt.
(2) Ce Porphyre est un philosophe païen dont saint Augustin combat souvent les opinions.
D'après ce que dit le saint docteur, livre II des Rétract., chap. 31, ce ne serait pas ce Sicilien
nommé Porphyre qui s'est rendu célèbre, et qui a fait des leçons sur les écrits d'.\ristote. Le
Julien dont il est ici question est l'empereur Julien appelé l'Apostat, parce qu'il a en effet apos-
tasie la religion chrétienne pour se faire païen.
thseum se et publican.um nominal; ut
ostendat legenlibus nullum debere salu-
tem desperare , si ad meliora conversas
sit, cum ipse de publicano in apostolum
sit repente mutatus. Glossa. Dicit autem :
« Sedenteni in telouio, » id est, in do-
mo ubi vectigalia congregantur : erat
enim teloniarius dictus, a telos grœce,
quod est vectigal.
Chrys. {in homil. 'i\,in iMaitf).)Per
boc ergo etiam monstrat vocantis vir-
lutem, quoniam non desistentem a peri-
culoso officie ex mediis ipsum evulsit
mabs, sicut et Paulum adhuc insanien-
tem. {Act. 9.) Et ideo sequitur : « Et ait
illi : Sequere me. » Sicut vidisti vocantis
virtutem : ita disce vocati obedientiam :
neque enim restitit, neque domum abi-
re rogavit, et suis boc cummunicare.
Remig. Humana etiam pericula, quae ei
a principibus accidere poteraut, parvi-
pendit, dum officii sui rationes imper-
fectas reliquit : un<ie sequitur : « Et sur-
gens secutus est eum : » et quia terrena
lucra deseruit, ideo jure factus est domi-
nicorum talentorum dispeusator.
Hier. Arguit autem in boc loco Por-
pbyrius et JuUanus Augustus, vel im-
peritiam liistorici mentientis, vel stulti-
tiam eorum qui slaLim secuti suut Salva-
a
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
contre toute raison sous la conduite du premier venu qui les appelait
à le suivre. Mais au contraire, n'est-il pas certain que les Apôtres
avant de croire avaient été les témoins des plus grands miracles et des
plus grands prodiges? Est-ce que d'ailleurs l'éclat et la majesté de la
divinité qui, toute cachée qu'elle était, resplendissait sur la figure du
Sauveur, ne suffisaient pas pour attirer à lui au premier abord ceux
qui le voyaient? Car si la pierre d'aimant a, dit-on, la force d'at-
tirer à elle le fer, quelle puissance bien plus grande n'avait pas le
Seigneur de toutes les créatures pour attirer à lui tous ceux qu'il
voulait.
S. Chrys. {ho)7i. 31 sur S. Matth.) Mais pourquoi Jésus- Christ ne
l'a-t-il pas appelé en même temps que Pierre , Jean et les autres
apôtres? C'est qu'alors ses dispositions étaient encore imparfaites, et
celui qui voit le fond des cœurs voulut attendre que ses nombreux
miracles et l'éclat de sa réputation lui eussent rendu l'obéissance plus
facile. — S. Aug. {de V accord des Ecang., liv. ii, chap. 26.) Ou bien
il parait plus probable que saint Matthieu, en parlant ici de sa voca-
tion , rappelle un fait qu'il avait omis précédemment ; car on doit ad-
mettre qu'elle précéda le sermon sur la montagne , puisque saint Luc
{Luc^ vi) y fait mention des douze élus auxquels il donne le nom
d'apôtres. La Glose. Saint Matthieu place sa vocation parmi les
miracles ; ce fut en effet un grand miracle qu'un publicain devenu
apôtre. — S. Chrys. {hom. 31.) Mais pom'quoi donc, à l'exception de
Pierre, d'André, de Jacques , de Jean et de Matthieu, ne savons-nous
pas comment et à quelle époque eut lieu la vocation des autres
apôtres ? C'est que ceux que nous venons de nommer appartenaient
surtout à des professions basses et obscures ; car il n'y avait rien de
lorem ; quasi irratiouabiliter quemlibet
vocantem horainem siut secuti; cum
tantœ virtutes tantaque signa prœcesse-
rint, qiiœ apostolos antequam crederent,
vidisse uon dubiuui est. Cerle fiilgor ipse
et majestas Uiviuitatis occultai , quœ
etiam a facie refulgebat bumaaa, videu-
tes ad se trabere poterat primo aspectu:
si enim ex maguete hipide baec esse vis
dicitur, ut ferrum trabat, quanto magis
Dominus omnium creaturarum ad se tra-
bere poterat quos volebat !
Chrys. {in homil. 31, m Matth.) Sed
cur non cum Pctro et .loaime et abis
eum vocavit ? Quouiam (birius adimc
dispositus crat : sed post multa niiracula
et multam Cbristi famam, quaudo ap-
liorem eum ad obedientiam scivit, qui
intima cordis novit. AuG. {de cons.
EranrjAih. u, cap. 26.) Vel probabiUus
videtur, quod baec prœtermissa recor-
dando Mattbœus commémorât, quia an-
te sermonem babitum in monte creden-
dum est vocatum esse .Mattbaeum : in
eo quippe monte tune Lucas commé-
morât (cap. G) omnes duodecim electos,
(}U03 et apostolos uominavit. Glossa.
Mattbœus enim vocationem suam refert
inter miracula : magnum miraculum
fuit, quod publicanus factus est apos-
tolus. Chrys. {in homil. 31, in Matth.)
Quid est autem quod de aliis apostolis
uobis non dicitur , quabler cl quando
suut vocali, nisi de Petro et Andréa,
et Jacobo, et Joanne, et Mattbaeo? Hi
euim maxime erant iu iucouveaieutibus
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX.
i5
moins honorable alors que la profession d'un receveur d'impôts ou le
métier de pêcheur.
La Glose (1). Matthieu voulant témoigner à Jésus-Christ sa digne
reconnaissance pour le céleste bienfait de sa vocation, lui prépare un
grand repas dans sa maison ; et il offre ainsi les biens de la terre à
celui dont il attendait les biens de l'éternité. « Et il arriva, nous dit-il,
que comme Jésus était à table dans la maison. » — S. Aug. {del'accord
des Evang., liv. ii, chap. 27.) Saint Matthieu n'explique pas ici chez
qui Jésus était à table; on pourrait donc supposer que ce fait ne suit
pas immédiatement celui qui précède , mais qu'il s'est passé anté-
rieurement, et que saint Matthieu ne le raconte ici que suivant l'ordre
de ses souvenirs, si d'ailleurs saint Marc et saint Luc ne nous appre-
naient que c'est dans la maison de Lévi ou de Matthieu que Jésus s'est
mis à table. — S. Ghrys. {Iioîiî. 31.) Matthieu, honoré de ce que Jésus-
Christ daignait entrer dans sa maison , invita avec lui tous les publi-
cains qui étaient de la même profession. « Et voici^ nous dit-il , que
beaucoup de publicains, » etc. — La Glose (2). On appelle publicains
ceux dont la vie se passe au milieu des embarras des affaires publiques,
que l'on ne peut jamais ou presque jamais manier sans péché. Et ce
fut là un magnifique présage, de voir celui qui devait être l'apôtre et
le docteur des nations, dès le premier moment de sa conversion, attirer
après lui dans les voies du salut la foule des pécheurs et former déjà
par son exemple à la perfection ceux qu'il devait y conduire par sa
parole. — S. Jér. (3). Tertullien prétend que ces publicains étaient des
(1) Ou plutôt saint Anselme.
(2) Saint Anselme.
(3) Ce qui est ici donné sous le nom de saint Jérôme citant Tertullien, ne se trouve ni dans
l'un ni dans l'autre. La fin de la citation vient du commentaire de saint Jérôme sur saint
Matthieu.
et liumilibus studiis. Neque enim telonii
officio est aliquid deterius, neque pisca-
tioae.
Glossa. CoDgruam autem cœlestisbe-
neficii vicem rependens Mattlieeus, Chris-
to magnum convivium in domo sua pa-
ravit, ut illi commodaretsua temporalia,
a quo expectabat perpétua bona : unde
sequitur : « Et factum est, discumbente
eo in domo.. » Aug. (de cons. Evang.
lib. II, cap. 27.) Hic Matthaeus non ex-
presssit in cujus domo discumbebat Jé-
sus, unde posset videri non hoc ex or-
dine subjunxisse, sed quod alio tempore
factum est, recordatus interposuisse ;
nisi Marcus et Lucas, qui hoc omnino si-
militcr narrant (Marc, 2, et Luc. 5) ma-
ni{estarent in domo Levi (hoc est, Mat-
thœi ) discubuisse Jesum. Chrys. (in
hom. 31, in Motth.) Honoratus autem
Matthœus ingressu Christi in donnim
ejus, omnes pubhcanos qui erant ejus-
dem artis convocavit : unde sequitur :
« Ecce multi publicani, » etc. Glossa.
Publicani enim vocantur, qui pubUcis
negotiis imphcantur, quee sine peccato
aut vix aut nunquam possunt tractari ;
et pulchrura fuit praesagium, quia qui
apostolus et doctor gentium erat futu-
rus, in prima sua conversione peccan-
tium gregem post se trahit ad salutem,
ut jam perficeret exemplo, quod perfi-
cere debebat et verbo. Hier. Tertuhanus
hos dicit fuisse ethuicos dicente Scrip-
16
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
païens, et il appuie son sentiment sur cette parole de l'Ecriture : « îl
n'y aura point d'impôt en Israël, » comme si saint Matthieu lui-même
n'eût pas été juif. Ajoutons que le Seigneur ne mangeait pas avec les
païens ; car il évitait avec le plus grand soin de paraître détruire la
loi, lui qui avait dit à ses disciples : « N'allez pas dans la voie des na-
tions.» Or ces publicains, voyant un des leurs se convertir du péché
à la justice, et obtenir ainsi la grâce du repentir, ne désespèrent plus
eux-mêmes de leur salut. S. Chrys. (1). {hom. 31.) Ils s'approchèrent
donc de notre Rédempteur, et ils furent admis non-seulement à lui
parler, mais encore à manger avec lui. — Ce n'était pas seulement
en discutant avec ses ennemis, en. guérissant leurs malades, ou en
les reprenant de leur malice, mais en mangeant avec eux qu'il rame-
nait bien souvent ceux qui étaient mal disposés à son égard. Il nous
apprenait ainsi que chacun des instants comme chacune des actions
de notre vie peut être pour nous l'occasion d'immenses avantages. Or,
les pharisiens à cette vue furent indignés, et c'est d'eux que l'Evangé-
liste ajoute : « Ce que voyant les pharisiens, ils dirent à ses disciples :
Pourquoi votre Maître mange-t-il avec des publicains? » etc. Il est à
remarquer que lorsqu'ils croient surprendre les disciples en faute,
ils s'adressent à Jésus-Christ. «Voyez, lui disent-ils, vos disciples font
ce qu'il n'est pas permis de faire le jour du sabbat. » Ici c'est auprès
des disciples qu'ils accusent le Maître. Toute cette conduite témoignait
de leur malice et du désir qu'ils avaient de séparer du Maître le cœur
de ses disciples. — Rab. Ils étaient sous le coup d'une double erreur :
premièrement ils se croyaient justes , eux que leur orgueil plein de
faste tenait si loin de la justice ; en second lieu, ils regardaient comme
(1) La première partie de cette citation se trouve en termes plus exprès dans saint Grégoire,
homél. XXXIV sur les Evangiles.
tura : « Non erit vectigal peutlens ex
Israi'I (quasi Matllueus non fuerit Judœ-
iis.) Uouiiuus autem nou convivalur cum
ethuicis ; eiim id maxime caveret, ne le-
gem solvere viderelur, qui et discipiûis
prœcepil (J/«<^/?. 10) : « In viamgentium
ne abieritis. » Viderant autem publica-
nuni a peccalis ad meliora couversum,
locum invenisse pœnitentiœ, et ob id
etiam ipsi nou dcsperant sahitem. CiiRVS.
{in hom. 31, in Mattli.) Uiide accesse-
runt ad Hedemptorem noslrum ; et non
soluni ad colloijucndum, sed etiam ad
convedcendum recepti sunt : non euim
solum disputana, aut curans, aul arguons
inimicos, sed eliani convescens emeu-
dubal multolies eos qui maie dispositi
erant; per hoc docens nos, quoniam
omne tempus et omne opus potest nobis
tribuere utilitatem. Hoc aulem videutes
pharisœi, indignati sunt, de quibus sub
ditur : « Kt videutes pliarisaù die-ebant
discipulis ejus : Quare cum publicanis, »
etc. Notandum quod cum discipuli visi
suutpeccare, Christum alloquuntur- di-
centes : {Matt/i. \2) « Ecce discipuli tui
faciunt quod non licetfacere in sabbato : »
bic apud discipulos Christo detrabunt :
ipiif omnia maliguantium eranl, et vo-
Itîiilium separare a doctore corda disci-
pulorum. Hau. Duplici aulem errore te-
ncbaulur ; quia('tsc_;M>7(i.v arbitrabantur,
qui superbiai faslu a justitia longe dis-
cesseraut; et eos crimiuabautur injus-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX.
17
coupables ceux qui renonçaient à leur vie criminelle et se rappro-
chaient de la vertu.
S. AuG. {de l'accord des Evang., liv. ii, chap. 27.) Saint Luc paraît
raconter le même fait en termes tant soit peu différents. D'après
son récit , les pharisiens disent aux disciples : « Pourquoi mangez-
vous avec les publicains et avec les pécheurs ? » faisant ainsi tomber à la
fois ce reproche sur Jésus-Christ et sur ses disciples. Mais en adressant
ce reproche aux disciples , ne l'adressent-ils pas au Maître lui-même,
dont les Apôtres faisaient profession de suivre les exemples? La pensée
est donc la même, et elle est d'autant plus certaine qu'elle est exprimée
en termes différents, avec le même fond de vérité. — S. Jér. Ceux qui
viennent à Jésus ne persévèrent pas dans leurs habitudes criminelles,
comme le disent en murmurant les scribes et les pharisiens ; mais ils
sont conduits par le repentir comme le Seigneur le fait connaître par
ces paroles : « Mais Jésus les ayant entendus , leur dit : Ce ne sont
pas ceux qui se portent bien qui ont besoin , » etc. — Rab. Jésus se
déclare médecin, lui qui par un traitement vraiment admirable a voulu
être blessé pour nos péchés , afin de guérir les blessures de nos ini-
quités. Il appelle bien portants ceux qui, voulant établir leur propre
justice, ne sont pas soumis à la véritable justice de Dieu. {Rom, x.)
Il donne le nom de malades à ceux qui, vaincus par le sentiment de
leur propre fragilité, et qui persuadés d'ailleurs que la loi est impuis-
sante pour les justifier , se soumettent à la grâce de Dieu par le re-
pentir.
S. Chrys. {hom. 31.) Après avoir raisonné avec eux en suivant les
principes ordinaires de la raison, il leiu" cite l'Ecriture , et leur dit :
« Allez et apprenez ce que veut dire cette parole : Je veux la miséri-
tos qui resipiscendo a peccatis^ justitiae
appropiaquabant.
AuG. {de cons. Evang. lib. ii, cap. 27.)
Lucas autem aliquanto differentius hoc
videlur coxnmemoi'asse, secundum quem
pharisa;! dicunt discipulis {Luc. Ti) :
« Quare cum publicanis et peccatoribus
manducatis etbibitid'?» Cbristo et discipu-
bs ejus hoc objectum iusinuans. Sed
cum discipulis dicebalur, magis Magis-
tro objicitur, quem sectando imitaban-
tur. Uaaest ergo seuteatia, et tanto me-
lius insinuata, quanto quibusdam verbis
(maneute veritate) mutata. Hier. Neque
vero ia pristinis vitiis permanentes ve-
niunt ad Jesum, ut pharisœi et scribae
murmurant, sed pœuitentiam agentes;
quodetpraeseus sermo Dominisigniflcat:
TOM. II.
im4,e sequitur : « At Jésus audiens, ait:
Non est opus, » etc. Rab. Seipsmu medi-
cum dicit, qui miro medicandi génère
propter iniquitates uoslras ATilneratus
est {Isai. 43), ut vuhius peccatorum uos-
trorum sanaret. Sanos quidem eos ap-
pellat, qui suam volantes statuera justi-
tiam, veraî Dei justitiœ subjecti non
sunt {Roman. 10); maie habentes eos
vocal, qui suœ fragilitatis conscientia de-
victi, nec per legem videntes se justifi-
cari, pœnitendo se submittunt gratiae
Dei.
Chrys. {in ho?nil. 31, in Matth.) Post-
quam a communibus opinionibus eos
allocutus est, alloquitur eos ex scriptu-
ris, cum dicit : « Euules autem discite
quid est : Misericordiam volo et non sa-
2
18
EXPLICATION DE L EVANGILE
corde et non pas le sacrifice (1). » — S. Jér. 11 emprunte ce témoi-
gnage aux prophètes, pour condamner la sévérité des scribes et des
pharisiens qui, se regardant comme justes, évitaient tout contact avec
les pécheurs et les pul)licains. — S. Ghrys. {Iiom. 31.) C'est comme
s'il leur disait : Pourquoi me i'aites-vous un crime de convertir les pé-
cheurs ? Mais alors accusez Dieu le Père lui-même. Car je désire la
conversion des pécheurs comme il la désire. C'est ainsi qu'il leur dé-
montre que non-seulement la loi ne défend pas ce qu'ils lui repro-
chaient, mais qu'elle place même sa manière d'agir au-dessus du sa-
crifice. Car il ne dit pas : Je veux la miséricorde et le sacrifice; mais
il fait un précepte de la miséricorde, en excluant le sacrifice.
La Glose (2). Ce n'est pas cependant que Dieu rejette le sacrifice sé-
paré de la miséricorde ; mais il condamne ici la conduite des phari-
siens qui offraient de fréquents sacrifices dans le temple pour paraître
justes aux yeux du peuple, sans pratiquer les œuvres de misé-
ricorde, qui sont la preuve de la véritable justice. — Rab. Il leur en-
seigne donc à mériter par des œuvres de miséricorde les récompenses
de la miséricorde divine, et à ne pas se flatter que leurs sacrifices se-
ront agréables à Dieu (3), s'ils y joignent le mépris des besoins du
pauvre. C'est pourquoi il ajoute : « Allez, » c'est-à-dire quittez ces
sentiments de blâme aussi téméraire qu'insensé , et qui font ressortir
davantage la miséricorde. Il termine en se proposant lui-même comme
exemple de la miséricorde qu'ils doivent pratiquer. « Car je ne suis
pas venu, dit-il, pour appeler les justes, mais les pécheurs.» —
S. AuG. {de l'accord des Evang., liv. ii, chap. Ti.) Saint Luc ajoute :
(1) Osée, chap. vi, v, 6.
(2) Saint Anselme, mais dans un autre ordre.
(3) Le texte de Rabau porte : apaiseront Dieu , ce qui est plus en rapport avec l'idée de
sacrifice.
criiicium. » Hier. De prophetis sumeus
testimonium, sugillat scribas et pliari-
sœos, qui se jiistos œstimautes, pecca-
toriun et publi(;auoriim consortia decli-
nabant. Ciirys. {in homil. 31, inMutth.)
Ac si dicat : « Cur accusatis me, quo-
iiiam peccatores corripo? Ergo et Deum
Patrem ex hoc iucusate. Sicut euim ilie
vult peccalorum emendalioncm, ita et
ego : » et sic oslendit, uon solum non
esse prohibituni quod incusabant, scd et
secundmn lepem majus esse sacrificio :
uon eniui dixit : « Misericordiam volo,
et sacrilicium , » sed hoc injunxit, iihid
auteiu ejecil.
Glossa. Non lamen despicit Deus sa-
crilicium sine luiscricordia : faciebaul
autem pharisa-i saepe sacrificia in tem-
ple, ut justi apparcrent corara populo ;
sed nou exercebaut misericordiae opéra,
in ({uibiis probatur vera justitia. R^vii.
Admonet ila(iue eos ut per opéra uiiso-
ricordiai sibimelipsis superuai miseri-
cordiae priïuiia requirant, et non con-
temptis pauperum uecessitalibus per obla-
tionem sacriticiorum se Deoplacerecon-
fidaut. Unde dicit : Euntes (scilicet a le-
merilalc stultœ vituperationis, quae mi-
sericordiam maxime commcudal.) Unde
et suum (le misericordia exomplum eis
proponit, dicens : « Non euim veni vo-
care juslos, sed peccatores. » Aug. {de
covs. h.vany. lib. ii, cap. 27.) Lucas addi-
dit in pœndentiam; quod ad explauau-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX. 49
« A la pénitence, » ce qui explique clairement la pensée du Sauveur,
afin que personne ne croie qu'il aime les pécheurs en tant que pé-
cheurs. D'ailleurs cette comparaison avec les malades nous fait bien
connaître les desseins de Dieu ; il recherche les pécheurs comme un
médecin recherche les malades , pour les délivrer de leurs iniquités,
qui sont une véritable maladie , ce qui ne peut se faire que par la
pénitence.
S. HiL. {can. 9 sur S. Matth.) Est-ce que le Christ n'était pas venu
pour tous les hommes ? Comment donc peut-il dire qu'il n'est pas
venu pour les justes? Il était donc des hommes pour qui sa venue
n'était pas nécessaire (i)? Non, mais c'est que personne n'est juste par la
loi ; Jésus montre donc le néant de cette prétention à la justice , car
les sacrifices de l'ancienne loi étant impuissants pour la justification,
tous ceux qui vivaient sous la loi avaient besoin de la miséricorde. —
— S. CiiRYS. {hom. 31 sur' S. Matth.) C'est ce qui nous ferait croire à
une ironie de la part de Jésus-Christ comme dans ces autres paroles de
Dieu : « Voici qu'Adam est devenu comme un de nous, » car S. Paul
nous déclare positivement que personne n'est juste sur la terre :
«Tous ont péché, dit-il, et ont besoin de la gloire de Dieu.» {Rom. m.)
Par là même aussi, il calme les inquiétudes de ceux qui étaient ap-
pelés, en leur disant : « Je suis si loin d'avoir en horreur les pécheurs,
que ce n'est que pour eux que je suis venu. » — Rab. Ou bien c'est parce
que ceux qui étaient justes (comme Nathanaël et Jean-Baptiste) n'a-
vaient pas besoin qu'on les appelât à la pénitence. Ou bien encore,
je ne suis pas venu appeler les faux justes qui, comme les pharisiens,
se glorifient de leur justice, mais ceux qui se reconnaissent pécheurs.
(1) Il faut évidemment mettre ici un point d'interrogation, pour ne point laisser à cette phrase
le sens affirmatif, qui serait un contre-sens et une erreur.
dam sententiam valet, ne quisquam pec-
catores, ob hoc ipsum quod peccatores
suut, diligi arbitretur a Christo ; cum et
illa similitudo de œgrotis bene intimet
quid velit Deiis, vocando peccatores, tan-
quam medicus œgros; utique ut ab iiii-
quitate taiiquam ab œgritudine salvi fiant,
quod fit per pœnitentiam.
HiLAR. {Can. 9, in Matth.) Omnibus
autem Christus venerat : quomodo ergo
non se justis venisse dicit? Erant ergo
quibus necesse non erat ut veniret ? Sed
nemo justus ex lege est : ostendit ergo
inanem justitiae jactantiani ; quia sacri-
ficiis infirmis ad saluteni, misericordia
erat universis in lege positis necessaria.
Chrys. {in homit.) Unde ironice videtur
ad eos loquens, sicut cum dicitur {Gènes.
3.) : « Ecce jam Adam factus est quasi
unus ex nobis : » quoniam enim nullus
justus erat in terra, Paulus significat,
dicens [Rom. 3.) : « Omnes peccaverunt
et egent gloria Dei. » lu hoc autem et
illos mitigavit, qui vocati erant : quasi
diceret : Tantum renuo aljominari pec-
catores, qui propter eos solos adveni.
Rab. Vel quia qui justi erant (sicut Na-
thanaël et Joannes Baiitista) non erant
ad pœnitentiam invitandi. Vel « non veni
vocare justos » falsos, qui de justitia sua
gloriantnr, ut pharisaei, sed illos qui se
peccatores recognoscunt. Per Matthsei
20
EXPLICATION DE l'ÉVANGTLE
La vocation de saint Matthieu et celle des publicains représente la vo-
cation des Gentils qui soupiraient avec ardeur après les richesses de
la terre, et qui maintenant réparent leurs forces dans la compagnie
du Seigneur. L'orgueil des pharisiens est la figure de la jalousie des
Juifs à la vue de la conversion des Gentils. Ou bien Matthieu signifie
l'homme qui poursuit avidement les biens de la terre , et que Jésus
regarde, lorsqu'il jette sur lui les yeux de la miséricorde. Le nom de
Matthieu signifie donné; celui de Lévi (1), choisi^ car le pénitent est
choisi du milieu de la masse de ceux qui se perdent et il est donné à
l'Eglise par la grâce de Dieu. Et Jésus lui dit : « Suivez-moi. » Jésus
donne cet ordre au pécheur, ou par la prédication , ou par la voix des
Ecritures, ou par une inspiration intérieure.
^.14-17. — Alors les disciples de Jean le vinrent trouver, et lui dirent : Pour-
quoi les pharisiens et nous jeûnons-nous souvent, tandis que vos disciples ne
j dînent point? Jésus leur répondit : Les amis de l'époux peuvent-ils être dans
la tristesse et dans le deuil pendant que l'époux est avec eux? Mais il viendra
un temps que l'époux leur sera ôté , et alors ils jeûneront. Personne ne met
une pièce de drap neuf à un vieux vêtement; autrement le neuf emporterait
une 'partie du vieux, et le déchirerait encore davantage. Et l'on ne met point
non plus de vin ?iouveau dans de vieux vaisseaux, autrement les vaisseaux se
rompent et le vin se répand, et les vaisseaux sont perdus; mais on met le vin
nouveau dans des vaisseaux neufs, et ainsi h vin et les vaisseaux se conservent.
La Glose (2). A peine Notre- Seigneur s'est justifié de fréquenter les
pécheurs et de participer à leurs repas qu'on l'attaque sur l'action de
manger elle-même, a Alors, dit l'Evangéliste , les disciples de Jean
vinrent le trouver , et lui dirent : Pourquoi les Phailsiens et nous^
(1) C'est le nom que les autres évangélistes saint Marc et saint Luc donnent à saint Matthieu.
(2) Saint Anselme.
autem et pnbliciiiorum vocationem, li-
des sentiiui) exprimitur, quse prius mua-
di lucris iuliiabant, et nunc spiritualiter
cum Domino reliciimlur : superbia plia-
risajorum, invidia Jiidœorum do salute
gentium. Vel Mattboius signilicat homi-
nem terrenis lucris iubiautem, qiiem
videt Jésus, dum oculo misericordiœ res-
pii;it : Matlliœus enim inlerprctatur dona-
tus ; Levi assumptus /pnniilens autem a
massa perditorum assumitur, et gratia
Dei Ecclesiœ donatur. « Et ait illi Jésus :
Sequere me : » vel per praedicationem,
vel per Scripturae admonitiouem, vel per
interuam inspirationem.
Tune accesseruiU ad eum diteipuli Joannis , di-
centes : Qiiare »os ot pharisœi jej^tnamus frp-
(/uenter, discipuli autem tui non jejunant ? Et
ait mis Jésus : Nunquid possunt filii sponsi
lugere, quandiu cum illis est sponsus ? Ve-
nient autem dies cum auferetur ab eis sponsus,
et tune jejunabunt. Nemo autem immittit
commissuram panni rudis in vestimentum vê-
tus ; tollit enim plenitudinem ejus a vesti-
mento, et pejor scissura fit : neque mittunt vi-
num novum in utres veteres ; alioquin rvm-
puntur utres, et vinum effunditur, et utres pe-
reunt : sed vinum novum in utres novos tnit-
tunt, et ambo conservantur,
Glossa. Cum de convivio peccatorum
et de participatione respondisset eis, de
comestione eum aggrediuntur : uude di-
citur : <( Tune accesserunt ad eum disci-
puli Joaunis diceules : Quare uos, et plia-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX. 21
jeûnons-nous? » etc. S. Jér. Question pleine d'orgueil, et coupable va-
nité du jeûne ! Les disciples de Jean étaient inexcusables de s'être
joints aux pharisiens que leur Maître avait si hautement condamnés,
ils le savaient bien, et qui calomniaient celui qu'il avait annoncé. —
S. Chrys. {hom. 31.) Cette question revient à dire : « Soit, vous agis-
sez de la sorte comme médecin; mais pourquoi vos disciples, laissant là
le jeûne, vont-ils s'asseoir à de pareilles tables? » Pour rendre l'accu-
sation plus forte par la comparaison , ils se mettent en regard , eux
d'abord, et puis les pharisiens. Car ces derniers jeûnaient pour obéir
à la loi, comme ce pharisien qui disait : « .Je jeûne deux fois dans la
semaine (1), » et les disciples de Jean , d'après la recommandation de
leur Maître. — Rab. Car Jean ne but ni vin , ni rien de ce qui peut
enivrer, et le mérite de son abstinence est d'autant plus grand , qu'il
n'avait aucune puissance sur la nature. Mais quant- au Seigneur qui
peut remettre les péchés , pourquoi s'abstiendrait-il de manger avec
les pécheurs, puisqu'il peut les rendre plus justes que ceux qui font
profession d'abstinence. Jésus-Christ jeûne pour vous apprendre à ne
pas éluder le précepte du jeûne, et il mange avec les pécheurs, pour
vous faire comprendre sa puissance et l'efficacité de sa grâce.
S. AuG. {de l'accord des Evang., liv. ii, chap. 27.) Saint Matthieu
attribue cette question aux disciples de Jean ; le récit de saint Marc, au
contraire {Marc, \i), semblerait indiquer qu'elle fut faite par d'autres,
c'est-à-dire par les convives, objectant l'exemple des disciples de Jean
et des pharisiens; ce que saint Luc {Luc , v) raconte en termes plus
exprès. Si donc saint Matthieu s'exprime ainsi : « Alors les disciples
(1) Le sabbat est mis ici pour la semaine, à laquelle il donne son nom comme en étant le jour
principal.
risaei, jejunamus, » etc. Hier. Superba
interrogatio, et jejunii reprehendenda
jaetantia : necpoterant discipuli Joauuis
non esse sub vitio, qui jungebantur pba-
risaeis, quos a Jeanne noverant <;oudem-
natos ; et calumniabantur eum quem
sciebant magistri vocibus prtedicatum.
Chrys. [in homil. 31, in MaitJi.) Quod
autem dicunt, taie est : « Esto, tu ut
medicus hœc facis ; sed cur discipuli tui
dimittentes jejunium, talibus mensis at-
tendunt? » Ac deinde excusationem ex
comparatione augere volentes, primo
seipsos ponunt, et deinde pharisaeos. Je-
junabant enim illi quidem a lege discen-
tes^ sicut et pharisseus dixit : « Jejuno
bis in sabbato ; » ipsi autem a Joann'e.
Raba. Joannes enim vinum et siceram
non bibit (Luc. i); quod abstinentiae me-
ritum eo auget, cui uulla est potentia
naturae. Dominus autem qui peccata po-
test condonare, cur a peccatoribus man-
ducautibns declinaret, quosabstinentibus
poterat facere justiores ? Jejunat autem
Christus, ne praeceptum déclines : man-
ducat autem cum peccatoribus, ut gra-
tiam et potestatem intelligas.
AuG. (de con. Evang. lib. ii, c. 27.)
Sed cum Mattbaeus tantum discipulos
Joannis boc dixisse perbibeat, verba quae
apud Marcum leguutur (Marc. 2.) ma-
gis indicant alios boc dixisse de aliis (id
est, convivas de discipulis Joannis et
phariseeis) quod Lucas evidentius ex-
pressif {Liic. 5), qui alios de aliis dixisse
narravit : unde ergo Matthœus dixit :
22
EXPLICATION DE L EVANGILE
de Jean s'approchèrent, » etc., c'est que ces disciples étaient présents,
et que tous à l'envi faisaient autant qu'ils le pouvaient, cette objection.
— S. Chrys. {hom. 31.) Ou bien, si saint Luc place cette question
dans la bouche des pharisiens , tandis que saint JMatthieu l'attribue
aux disciples de Jean-13aptiste , c'est que les pharisiens les avaient
poussés à faire cette question, comme ils firent encore plus tard à l'égard
des hérodiens. Il est à remarquer que lorsqu'il s'agit de prendre la
défense des étrangers , des publicains par exemple, Notre-Seigneur,
pour consoler leur âme ulcérée par le chagrin , repousse avec force
les accusations dont ils sont l'objet, tandis qu'il répond avec une
extrême douceur lorsque le blàmc tombe sur ses disciples. Et Jésus
leur dit : « Les amis de l'Epoux peuvent-ils être dans le deuil pendant
que l'Epoux est avec eux? » Il vient de se présenter comme médecin,
ici il se donne le nom d'époux , rappelant ainsi ces paroles de Jean-
Baptiste {Jean, m) : « L'époux est celui qui a l'épouse. » — S. Jér.
L'époux, c'est Jésus-Christ; l'épouse, c'est l'Eglise. De cette union
spirituelle sont nés les Apôtres, qui ne peuvent pas être dans le deuil
tant qu'ils voient l'Epoux dans la chambre nuptiale , et qu'ils savent
qu'il est avec l'Epouse. Mais lorsque les jours des noces seront passés
pour faire place au temps de la passion et de la résurrection, alors les
fils de l'Epoux jeûneront, comme il est dit : « Viendront des jours, » etc.
S. Chrys. {hom. 31.) Voici le sens des paroles du Sauveur : « Le
temps présent est le temps de la joie et de l'allégresse ; il ne faut pas
y mêler de cause de tristesse. Cas le jeûne est une chose triste, non
pas précisément en elle-même, mais pour ceux dont les dispositions
sont imparfaites, c'est-à-dire pour ceux qui n'ont pas encore atteint
« Tune accesserunt, » etc. iiisi quia et
ipsi aderant, et omnes certatim, ut quis-
f{ue poterat , hoc objecerunt ? Curys.
(in homil. 31. in Matth.) Vel Lucas
(lixit, quod pliarisœi hoc dixerunt : hic
autem (hcltur (juod discipuh Joanuis,
quia phariscL'i illos secum ac(;cperunt ad
(liceiiduui, (juud postea iu Ilerodianis
l'eceruut. Setl coiisideraiidum quando
pro extraueis (sicul pro pubiicauis) ser-
mo erat, ut eorum turbataui niitifjet ani-
mam, vehenientius exprobrautes incusa-
vit : ubi autem discipulos couvitialjau-
tur, cuui niausuetudiue respoudet : unde
sequitur : « Et ait illis Jésus : Nunquid
possunt lîlii sponsi lugere quaudiu cuui
illis est sponsus ? » Primo quidem seip-
sum merlicnm vocaveral ; iiic autem
sponsum, iu memoriam reduceus verba
Joannis, quœ dixil [Joan. 3.) : « Qui
habet sponsam sponsus est. » Hier.
Sponsus Christus est, sponsa autem
Ecclesia : de hoc spirituali connubio
apostoli sunt procreati, qui lugere non
possuut quandiu sponsum iu thalamo
vident, et sciunt sponsum esse cum
sponsa : quando vero transierint nup-
tiœ, et passionis ac resurrectionis tem-
pus advenerit, lune sponsi filii jejuna-
buut. VA hoc est quod subditur : « Ve-
nient autem dies, » etc. Chrys. (in ho-
mil. 31. in, Matth.) Quod autem dicit,
taie est : « Gaudii est pra-sens tempus
et Iff'titia? ; non ergo inlroducenda suut
Iristia : » elenim jejunium triste est,
non naturaliter, sed illis qui imbecillius
adhuc dispositi sunt (id est, iis qui non-
dum robur spiritualis perf'octiouis atli-
DE SAINT MATTHIEU^ CHAP. IX. 23
la force de la perfection spirituelle ; car il est plein de douceur pour
ceux qui veulent se livrer à la contemplation de la sagesse et travailler
à leur perfection. Notre-Seigneur se conforme donc a leurs idées,
et il montre par là que la conduite de ses disciples était l'effet non
point de la sensualité, mais d'une économie pleine de sagesse.
S. Jér. Quelques-uns se fondent sur ces paroles pour conclure que
l'on doit consacrer au jeûne les quarante jours qui suivent la pas-
sion (1), quoique les jours de la Pentecôte et la descente de l'Esprit
saint qui suivent immédiatement, nous apportent de nouveaux sujets
de joie. Montan , Prisca et Maximilla prennent occasion des mêmes
paroles pour faire le carême après la Pentecôte, en alléguant que les
fils de l'Epoux doivent jeûner lorsque l'Epoux a disparu. Mais la cou-
tume de l'Eglise est de se disposer à la passion et à la résurrection du
Seigneur par l'humiliation de la chair , et de nous préparer par le
jeûne du corps à l'abondance spirituelle que les mystères tiennent
pour nous en réserve.
S. Ghrys. {hom. 31). Le Sauveur appuie de nouveau sa doctrine sur
des exemples empruntés à la vie ordinaire : « Personne, dit-il, ne
met une pièce de drap neuf à un vieux vêtement, » etc., paroles dont
voici le sens : Mes disciples ne sont pas encore assez forts , ils ont
encore besoin de condescendance , l'Esprit saint ne les a pas encore
renouvelés; dans cette disposition, il ne faut point leur imposer le
lourd fardeau des préceptes. En parlant de la sorte, il trace à ses
apôtres la règle qu'ils devront suivre , de traiter avec douceur les
disciples qui leur viendront de toutes les parties de la terre. — Kemi.
Par ce vieux vêtement il veut désigner ses disciples , car ils n'étaient
(1) Le texte de saint Jérôme porte : « Post dies quadraginta passionis jejunia debere com-
mitti.
gerunt) : his enim qui sapientiam con-
templari (vel studere perfectioni) deside-
rant delectabile est : uade secundum opi-
nionem illoruiu lioc dixit : per hoc au-
tem monstratj quod non gulae erat qnod
fiebat, dispensationis cujusdam.
Hier. Nonnulli autem putant idcirco
dies quadraginta passionis jejunio debe-
re committi , licet statim dies Peute-
costes et Spiritus Sanctus veniens indu-
cat nobis festivitatem. Exhujusmodioc-
casione testimonii Montanus, Prisca, et
Maximilla, etiam post Pentecosten faciunt
quadragesiinam, quod ablato sponso, fi-
lii sponsi debeaut jejunare : Ecclesiae
autem consuetudo ad passiouem Domini
et resurrectionem per humilitatem car-
nis venit, ut spirituali saginee jejunio
corporis praeparemur.
Chrys. [in homil. 31, inMattJi.) Rur-
sus autem a communibus exemplis con-
firmât hune sermonem, cum subdit :
« Nemo autem mittit commissuram pan-
ni rudis in vestimentum vêtus, » etc.
Ouasi diceret : « Nondum effecli sunt
fortes mei iliscipuli, sed adhuc multa
indigent condescensione ; nondum sunt
per spiritum renovati : sic autem dispo
sitis non oportet gravedinem imponere
prœceptorum : » hoc autem dixit, regu-
lam dans suis discipulis, ut discipulos ex
universo orbe terrarum cum mansuetu-
dine suscipiant. Remig. Per vestimen-
tum vêtus discipulos sucs vult intelligi ;
24
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
pas encore entièrement renouvelés; ce morceau d'étoffe forte, c'est-à-
dire neuve, signifie la grâce de la nouvelle loi , c'est-à-dire la doctrine
de l'Evangile, dont le jeûne est une petite partie. Il ne convenait donc
pas qu'il leur imposât la loi dure et pénible du jeûne, qui aurait pu
les briser par sa rigueur et leur faire perdre la foi. C'est pour cela qu'il
ajoute : a Car le neuf emporte une partie du vieux. »
La Cilose. C'est comme s'il disait : Une pièce d'étoffe , c'est-à-dire
neuve, ne doit pas être cousue à un vieil habit , car souvent elle em-
porte tout ce qu'elle recouvre , c'est-à-dire le vêtement presque tout
entier, et la déchirure est plus grande. C'est ainsi qu'en imposant un
lourd fardeau ù un homme encore novice , on détruit souvent le bien
qui existait auparavant dans son âme.
Rémi. A ces deux comparaisons, celle des noces et celle d'une pièce
d'étoffe neuve et d'un vêtement usé, il en ajoute une troisième , celle
des outres et du vin : « Et l'on ne met point, dit-il , du vin nouveau
dans de vieilles outres, » etc. Ces vieilles outres ce sont ses disciples,
qui n'étaient pas encore parfaitement renouvelés ; et le vin nouveau
signitie la plénitude de l'Esprit saint et les mystères du ciel , dont les
disciples n'étaient pas encore capables de pénétrer la profondeur.
Mais après la résurrection , ils devinrent des outres neuves ; ils re-
çurent le vin nouveau lorsque l'Esprit saint vint remplir leur cœur;
ce qui fait dire à quelques-uns : « Ils sont tous pleins de vin nou-
veau (1). » — S. CiiRYs. {ho)n. 31.) Le Sauveur nous donne ainsi la
(1) C'est-à-dire, ceux qui les entendirent parler sur-le-champ toutes sortes de langues. 11 y eut
cependant parmi eux de nombreuses exceptions, puisque quelques-uns se demandaient avec
étonnemont la cause de ce prodige, et il n'y eut que les moqueurs pour tenir co langage.
quia nondum erant per omnia innovati ;
panman rudevi (id est, iiovuru) appel-
lal iiovam graliam (id est, evaDseli(;am
doctrinam ; cujus quœdam particulaest
Jojunium : et ideo non conveniebat
ut severiora pnecepla jcjunii illis com-
miftcrentur ; ne forte austeritate jeju-
uii fransercntur , et fideni perderent
quam liahebant. Ideo subdit : « Tol-
lit enim pleniludiuem ejus a vestimen-
to, » etc.
Glossa. Quasi dicat : liieo rudis ])an-
nns (id est, novus non débet poni in
veslimenlo veteri, quia tollit seepe a
vestimenlopleiiitudinem ejus (id est per-
fectionem), cl tune fit pejor scissura.
Grave enim onus rudi injunctum, illud
boni quod prius inerat, ssepe destruil.
Remig. Duabus autem similitudinibus
positis (scilicet nuptiaruni, et de panno
rudi, et de vestimento veteri), nuuc ter-
tiam addit sindlitudinem de utribus et
de vino, dicens : « Neque mittunt vi-
nurn novum in utres veteres, » etc. Utres
veleres appellat suos discipnios, qui non-
dum perfecte erant innovati ; vinntn no-
vum appellat plenitudinem Spiritussanc-
ti, et profunda «(plestinm mysteriorum,
quaj tmic discipuli ferre non poterant ;
sed post resurrectionem utres novi facli
fuerunt, et vinum norum receperunt,
(juando Spiritus Sanctus replevit corda
eorum : unde quidam dixeruut [Act. 2):
« Omnes isli musto pleni sunt. » Chrys.
(in homil. 31^ in Mattlt.) Ilinc et nos
causam docuit luimilium verborum ,
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX. 25
raison de tant de paroles simples et familières qu'il disait à ses
apôtres, pour s'accommoder à leur faiblesse.
S. Jér. Nous pouvons encore entendre, par ce vêtement usé et pnr
ces vieilles outres, les scribes et les pharisiens. Ce morceau de drap
neuf et le vin nouveau sont les préceptes de l'Evangile qu'on ne peut
imposer aux Juifs, dans la crainte d'une déchirure plus grande. Les
Galates voulaient faire quelque chose de semblable, en mêlant les
prescriptions de la loi avec celles de l'Evangile , et en mettant du vin
nouveau dans de vieilles outres; mais l'Apôtre les en reprit en ces
termes : « 0 Galates insensés _, qui vous a fasciné l'esprit pour vous
rendre ainsi rebelles à la vérité ?» Il fallait donc verser d'abord la
doctrine de l'Evangile dans le cœur des Apôtres avant d'en faire part
aux scribes et aux pharisiens qui , étant corrompus par les traditions
de leurs ancêtres, ne pouvaient conserver la pureté sans mélange des
préceptes du Christ. Il y a, en effet, une grande différence entre la
pureté d'une âme virginale qa'aucune faute antérieure n'a souillée ,
et celle d'une âme qui a traîné dans la fange de toutes les passions. —
La Glose (I). Par là le Sauveur nous apprend que les Apôtres ne de-
vaient pas être retenus captifs des anciennes observances , eux qui de-
vaient être comme inondés des flots d'une grâce toute nouvelle.
S. AuG. {se7'm. du Carême) (2). Ou bien encore, tout chrétien qui
jeûne convenablement humilie son âme dans les gémissements de la
prière et la mortification du corps, ou la détache des séductions de la
chair sous le charme d'une sagesse toute spirituelle. Or, le Seigneur
(1) On ne trouve ce passage ni dans la Glose, ni dans saint Anselme, ni dans aucun autre
ouvrage.
(2) Cette citation est tirée du sermon 74 parmi les sermons divers, pour le samedi après le
second dimanche de Carême.
quffi et continuo ad eos dicebat propter
imbecillitatem ipsorum.
Hier. Vel aliter : per vestimentum
vêtus et utres veteres, debemus intelli-
gere scribas et pharisœos. « Particula
vestimenti novi et viaum novuin, » sunt
prœcepta evanijelica sentieuda, quœ nou
possiint sustiaere Judœi, ne major scis-
sura fiât : taie qiiid et Galatae facere cu-
piebant, ut cuni Evangelio legis prœ-
cepta miscereut, et in utribus veteribus
mitterent vinum novum ; sed Apostolus
ad eos loquitur {od Galcit. 3) : « 0 in-
sensati Galatse, quis vos fascinavit non
obedire veritati ? » Sermo igitur evan-
gelicus apostolis potius quam scribis et
pharisseis est infundendus, qui majorum
traditionibus depravati sinceritatem prae-
ceptorum Clirisli non poterant custo-
dire : alla est enim puritas virginalis
anima?, et nulla prioris vilii contagione
pollutœ ; alla ejus qu» multorum sor-
dium libidini subjacuerit. Glossa. Per
hoc ergo significat quod apostoli non
erant in veteribus observantiis deti-
nendi, quos oportebat gratia; novitatc
perfundi.
AuG. (in serm. de Quadragesima.)
Vel aliter : omnis qui recte jejunat, aut
animam suam in gemitu orationis et
castigatione corporis humiliai, aut ab
Dlecebra carnali spiritualis sapieatise de-
26
EXPLICATION DR l'ÉVANGILE
embrasse dans sa réponse ces deux espèces déjeune. Il dit du premier
qui tend à liumilier notre âme : a Les fils de l'Epoux ne peuvent pas
être dans le deuil; » et de celui qui offre à l'âme un aliment tout spi-
rituel : « Personne ne met un morceau de drap neuf, » etc. Mais
lor.S(}ue l'Epoux nous est enlevé, c'est alors qu'il faut pleurer, et notre
douleur èera véritable si nous brûlons du désir de le voir. Heureux
ceux qui ont pu jouir de sa présence avant sa passion , l'interroger
suivant leurs désirs, et l'écouter avec le respect qu'ils devaient à ses
divines paroles. Nos pères ont désiré le voir avant sa venue , et ils ne
l'ont point vu. Dieu leur avait donné une autre mission : ils devaient
annoncer son avènement, mais ils ne devaient pas entendre sa parole,
lurs(|u'il serait descendu sur la terre. C'est en nous que se sont accom-
plies ces paroles du Sauveur : « Il viendra un temps où vous désirerez
voir un de ces jours, et vous ne le pourrez pas. » Qui donc ne con-
sentira à être dans le deuil ici-bas? Qui ne dira : « Mes larmes sont
devenues mon pain le jour et la nuit , pendant qu'on me dit tous les
jours : Où est ton Dieu? » C'est donc avec raison que l'Apôtre dé-
sirait d'être dégagé des liens du corps pour être avec Jésus-Christ.
S. Auci. {de l'accord des Evang., liv. ii, chap. 12.) Saint Matthieu
emploie le mot tristesse là où saint Marc et saint Luc se sont servis de
l'expression ye^me;', parce que le jeûne dont parle ici le Seigneur ren-
ferme l'humiliation d'une âme affligée, tandis que les dernières com-
paraisons ont pour objet l'autre espèce de jeûne qui consiste dans la
joie de l'âme que les douceurs spirituelles tiennent comme suspendue
et détachée des aliments terrestres. Notre-Seigneur nous apprend
ainsi que ceux qui sont trop occupés de leur corps et qui n'ont point
lectatione suspendit : de utroque autem
jejuûii génère Dominus hic respondet :
nani de primo, (piodliabetaninife bunii-
liationem, dicit : Nonpossunt filii sponsi
luf^erc : » de illo, ijuod liabet epuluni
inentiSj consequeulcr loculiis est, diceus :
« Nenio inimittit commissurani panui
radis, » etc. Deinde quia spousus ahla-
tns uobis est, utique liiLrendum est : et
recle luf;enius, si flajjtraïuns desiderio
ejiis. Beati quibus licuiL oiim auto pas-
siouein tune, liabere prcescntem, inter-
roj^'are sicut velleut, audire sicut dehe-
rent : illos dies cuncupienuit videre pa-
tres anto adventum ejus, neque vide-
runt ; quia in aliadispensatione suut or-
diuati, per quos venturns annuntiare-
tiir, non a quibus venions audirelur : in
noijisauteuiillud impleluui estquud iiisc
dicit {Luc. 17) : « Venient dies quando
desideralntis videre unum de diebus is-
tis, et non poteritis, » Quis ergo hic non
higebil? Quis non dicat : « Factae suut
luihi la(;ryma; mea; panes die ac nocle,
diini dicilur niilû qnotidie : Ubi est
Deus tuus ? {Psal. 41.) Mérite ergo
Aposlobis cupiebat dissolvi, et esse cum
Christo. {ad Pliilipp. r.)
AiiG. {de cou. Evang. Hb. ii, cap. 22.)
Quod ergo dixit Jlatthœus Ivgere, ubi
Marcus et Lucas àu:m\ijejunare , sigui-
Jicavit de taH jcjunio Doininuni iocu-
tuni, quod pcriinet ad buniililateui tri-
bulationis ut iUud alterum quod pertinet
ad gaudium mentis in spirituaUa sus-
pcnsee, et ob boc alienata- a corpora--
libus cibis, posterioribiis similitudinibns
signilicasse iutelligalur; osleudens quod
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX. 27
dépouillé le vieil homme et ses inclinations, ne sont pas capables de
cette espèce de jeûne.
S. HiL. [can. 9 sur S. Matth.) Dans le sens mystique , la réponse
que Notre-Seigneur fait ici, en déclarant que ses disciples ne doiveut
point jeûner tant qu'ils jouissent de la présence de l'Epoux , nous ap-
prend la joie dont sa présence est pour nous le principe, et nous rap-
pelle le sacrement où il nous donne une nourriture sainte, nourriture
qui ne fera défaut à personne pourvu que Jésus-Christ soit présent,
c'est-à-dire qu'on le possède au dedans de soi-même. Mais lorsque
l'Epoux leur sera enlevé, alors ils jeûneront, car aucun de ceux qui
ne croiront pas à la résurrection du Christ, ne mangera le pain de
vie, puisque le sacrement où nous recevons le pain du ciel nous est
donné comme gage de notre foi en la résurrection. — S. Jér. Ouhien
encore, c'est lorsque nos péchés ont forcé l'Epoux de s'éloigner, qu'il
faut recourir au jeûne et nous abandonner à la tristesse. — S. Hil.
{Cati. 9 sur S. Matth.) Ces exemples nous sont aussi proposés pour
nous apprendre que les âmes, aussi bien que les corps affaiblis par d'an-
ciens péchés, sont incapables de recevoir les sacrements de la grâce
nouvelle.
Rab. Quoique ces diverses comparaisons n'aient qu'un même objet,
elles diffèrent cependant l'une de l'autre. Le vêtement qui couvre
notre corps représente les bonnes œuvres que nous faisons extérieu-
rement , et le vin qui nous fortifie intérieurement signifie la ferveur
de la foi et de la charité qui renouvelle l'intérieur de notre âme.
y. 18-22. — Comme il leur parlait de la sorte, un chef de la synagogue s'ap-
procha de lui et l'adorait, en lui disant : Seigneur, ma fille est morte présen-
tement; mais venez lui imposer les mains, et elle vivra. Alors Jésus, se
circa corpus occupatis, et ob hoc vete-
rem sensum liabentibus, hoc genus je-
jiinii non congruat.
HiLAR. {Can. 9, in Matth.) Mystice
vero, (luod prœsente sponso jejuuandi
necessitateni discipulis non esse respon-
del ; prBesentiai suae gaudium, et sacra-
jnentum sancti cibi edocet , quo uenio
se prfesente (id est, in conspectu men-
tis Christum contineus) indigebit. Ablato
autem se jejunaturos esse dicit ; quia
ouines non credentes resurrexisse Chris-
tum, habituri nonessent cibum vita? : in
lîde enim resurrectiouis sacramentum
panis cœlestis accipitur. Hier. Vel cum
propter peccata a uobis recesserit , tune
indicendum est jejunium ; tune luctus
est recipiendus. Hilar. [Can. d , in
Matth.) Ponit etiam exempla, quibus os-
teodit infirmatas vetustate peccatorum
et animas et corpora, novse gratite sa-
cramenta non capere.
Raba. Cum autem data? sint divers»
similitudiues ad idem, difïerunt tamen :
vestis enim qua foris tegimur, opéra bo-
ua significat, quae foris agimus : vinum
quo intus reficimur, fervor est fidei et
charitatis, quo intus reformamur.
Hœc illo loquente ad eos, ecce princeps unus ac-
cessit, et adorabat ewn, dicens : Domine, filia
rtipa modo defuncta est ; sed veni, impone i7ia-
num tuam super eam, et vivet. Et surgens
28
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
levant, le suivit avec ses disciples. En même temps, une femme, qui depuis
douze ans était affligée d'une perte de sang , s'approcha de lui par derrière et
loucha la frange qui était au bas de son vêtement; car elle disait en elle-
même : Si je puis seulement toucher son vêtement, je serai guérie. Jésus se
retournant alors et la voyant, lui dit : Ma fille, ayez confiance, votre foi
vous a guérie. Et cette femme fut guérie à la même heure.
S. CiiRYS. (hom. 32.) Aux enseignements Jésus-Christ fait succéder
les œuvres, ce qui devait surtout fermer la bouche aux pharisiens ;
car celui qui venait demander un miracle était un chef de la syna-
gogue, et sa douleur était grande; cette jeune personne était sa fille
unique, et dans la première tleur de l'âge , puisqu'elle n'avait que
douze ans. « Comme il leur parlait de la sorte, un chef s'approcha. »
S. AuG. {de l'accord des Evang., liv. ii, chap. 28.) Saint Marc et saint
Luc racontent le même fait, mais en suivant un ordre difîérent, et ils
le placent après que Jésus eut traversé le lac , en quittant le pays des
Gérazéniens, où il avait chassé les démons dans un troupeau de pour-
ceaux. Selon le récit de saint Marc, ce fait ce serait passé après (jue
Jésus eut de nouveau traversé le lac ; mais combien de temps après ?
c'est ce qu'on ne peut savoir. Cependant s'il n'y avait eu aucun inter-
valle, il n'y aurait pas moyen de placer ce que raconte saint Matthieu
du repas qui eut lieu dans sa maison , et c'est immédiatement après
que le chef de la synagogue est venu trouver Jésus. Car si ce prince
s'est présenté lorsque Jésus proposait la comparaison du drap neuf et
du vin nouveau , on ne doit pouvoir placer aucune action, aucune
parole intermédiaire. Or, dans la narration de saint Marc, on voit où
l'on pourrait intercaler d'autres faits. Saint Luc lui-même n'est pas
contraire à saint Matthieu , c£ir la manière dont il commence son ré-
Jesus scquebatur tnini, et discipuli ejus. Et
ecce mulier qum sanguinis fluxum paliehatta'
'duodecim annis, accessit rétro, et ietigit fim-
hriam vestimenti ejus. Dicebat cnim intra se :
Si tetigero tantum vcstimentum ejus, salva
ero. At Jésus conversus, et videns eam, di-xit :
Confide , filia, fides tua te salvam fecit. Et
salva fada est mulier ex iUa hora.
Chrys. [in homil. 32, in Matth.) Post
sermones, opus adjuuxit, quo atuplius
Pliarisaji obstruerentur ; eo quod qui
advenil ad uilraciilum peteiidum , arcbi-
synagop;us erul ; cl luctus inaijnus, quia
puclla uuifjcuita eral et duodeciui anno-
rum, quando iucipit esse tlos aîtatis : et
Ideo dicilur : « Hœc illo loquente ad eos,
eccc princeps unu» accessit. » Aug. ( de
concnr. seu conse^isu Evang. lib. ii,
cap. 28.)Dicuul aulem hoc et Maxcus et
Lucas, sed ab isto ordine jam recedunt:
eo enim loco hoc inserunt, ubi post ex-
pulsa dnemonia et iu porcos missa trans-
fretaudo redit a rcgioue Gerazeuorum ;
et per boc quod Marcus dicit, intelligen-
dum est lioc failum essepostquam veuit
rursus Jésus traus fretuui ; sed quau-
tum post, non apparet : nisi autem fuis-
set abquod intervalluin, non esset quan-
do fieret quod narrât IMatthœusin convi-
vio donius sna^ : post hoc factiim conti-
nuo sequitur de archisynagogi fiha. Si
enini loquente eo de paimo novo et tIuo
uovo, accessit princeps, uibil aliud facto-
runi dictorunique ejus inlerpositum est :
in uarratioue autem Marci patet locus
ubiahainterponi potuerunl: simihterau-
tem Lu<as non renititur Matthaeo : quod
cnim adjuuxit : « El ccce vir cui uomeu
I
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX. 29
cit : « Et voici qu'un homme qui s'appelait Jaïre, » n'indique pas que
ce soit immédiatement après ce qui précède , mais après ce que saint
Matthieu raconte en ces termes du repas qu'il prenait avec les pu-
blicains : « Pendant qu'il parlait de la sorte, un prince (l) (c'est-à-dire
Jaïre, chef de la synagogue) s'approcha, et il l'adorait en lui disant :
Seigneur, ma fille vient de mourir. » Pour faire disparaître toute con-
tradiction, il faut remarquer que les deux autres Evangélistes ne
disent pas qu'elle est morte , mais sur le point de mourir , tellement
qu'ils ajoutent que des envoyés vinrent apprendre au père que sa fille
était morte, et qu'il n'eût point à tourmenter davantage le Seigneur.
11 faut donc admettre que pour abréger , saint Matthieu s'est attaché
surtout à rapporter la prière qui fut adressée au Sauveur de faire ce
qu'il fit en efi'et, c'est-à-dire de ressusciter celle qui venait de mourir.
Il ne s'est donc pas arrêté à ce que le père dit à Jésus de sa fille, mais,
ce qui est bien plus important, aux sentiments et aux désirs qui .l'a-
gitaient. En effet, cet homme avait tellement désespéré de l'état de sa
fille , que ce qu'il désirait , c'est qu'elle fût rendue à la vie , tant il
croyait peu qu'il dût retrouver vivante celle qu'il avait laissée si près
de la mort. Les deux autres Evangélistes ont donc rapporté les paroles
de Jaïre ; saint Matthieu nous fait connaître surtout ses désirs , ses
pensées. Evidemment si l'un de ces deux Evangélistes avait prêté au
père ces paroles , que Jésus n'eût pas à se mettre en peine, parce que
sa fille était morte, le langage que lui fait tenir saint Matthieu serait
contradictoire. Mais rien ne dit que cet homme ait partagé les senti-
ments de ses serviteurs. Nous trouvons ici un des principes d'çxplica-
tion les plus importants : c'est que dans les paroles d'un homme nous
ne devons chercher que ce qu'il a l'intention de dire , que la volonté
(1) En grec, àpxtcruvaywyoç est la même chose que prince ou chef de la synagogue.
erat Jairus, non continuo accipiendum
est factum , sed post illiid de convivio
publicanorum, ut narrât MattliEeus, di-
cens : « Haec illo loquente ad eos, ecce
princeps unus (scilicet Jairus archisyua-
gogus) accessit et adorabateum, dicens:
Domine, filia mea modo defuncla est. »
Considerandum est autem (nerepugnare
videatur) quod alii duo Evangelistœ mor-
ti jam proximam, non tamen mortuam
esse dicant ; usque adeo ut dicant ve-
nisse postea qui mortuam nuntiarent, et
ob hoc non debere vexari magistrum :
intelligendum est enim brevitatis causa
Matthaeum hoc potius dicere voluisse,
rogatum Dominum esse ut faceret quod
ipsum fecisse manifestum est ; ut sci-
licet mortuam suscitaret. Attendit enim
non verba patris de iilia sua, sed ( quod
potissimum est) voluntatem : ita enim
despcraverat ut potius eam vellet revi-
viscere ; non credens vivam posse inve-
uiri, quam morientem reliquerat. Duo
itaque posuerunt quid dixerit Jairus ;
Matlhœus autem quidvohierit atque co-
gitaverit. Sane si quisquam illorum duo-
rum patrem ipsum commémorasse dixis-
set, ut non vexaretur Jésus, quod puella
mortua fuisset, repugnarent ejus cogita-
tioni verba quae posuit Matthaeus : nunc
vero non legitur quod suis nuntiantibus
ille consenserit. Hinc autem rem perne-
cessariam discimus, nihil in cujusque
verbis debere iuspicere nisi voluntatem,
30
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
dont ses paroles sont l'expression, et que ce n'est point mentir que de
raconter en d'autres termes ce qu'il a voulu dire sans rapporter les
expressions dont il s'est servi. — S. Chrys. {hom. 32.) Oubien encore,
ce que ce chef de la synagogue dit de la mort de sa fille n'est qu'une
manière d'exagérer son malheur. C'est l'ordinaire de tous ceux qui
demandent une grâce d'amplifier les maux qu'ils souftrent , et d'a-
jouter à la vérité pour fléchir plus efficacement ceux dont ils implorent
le secours. C'est pourquoi il dit à Jésus : « Mais venez lui imposer les
mains, et elle vivra. » Voyez quelles idées grossières {l)il avait encore
sur le Sauveur. Il lui demande deux choses : et de venir en personne,
et d'imposer les mains; c'est ce que demandait ainsi Naaman au pro-
phète Elisée. C'est qu'en effet ceux qui se trouvent dans ces disposi-
tions imparfaites ont besoin de signes sensibles et frappants.
Rewi. Admirons ici tout à la fois l'humifité et la douceur du Sei-
gneur. A peine le centurion l'en a-t-il prié, qu'il consent à le suivre :
« Alors Jésus_, se levant, le suivit. » Le Sauveur instruit tout à la fois
les supérieurs et ceux qui sont placés sous leur direction ; à ceux-ci il
donne un exemple d'obéissance; à ceux-là, il fait voir quelle doit
être leur assiduité, leur sollicitude dans l'enseignement, et le zèle avec
lequel ils doivent se transporter là où ils apprennent qu'un homme a
perdu la vie de l'àme.
Suite. « Et ses disciples marchèrent avec lui. » S. Chrys. {hom, 32.)
Suivant saint Marc et saint Luc, Jésus prit avec lui trois de ses disci-
ples, Pierre, Jacques et Jean ; il ne choisit point Matthieu afin d'exci-
ter en lui un désir plus vif, et aussi parce que ses dispositions étaient
(l)Tel est le sens du mot grec TiaxOrriTa.
cui debent verba servire; uec menliri
quemquam, si îiliis verbis dixerit quod
ille volueritcujus vorbanoiidicit. Chrys.
(in homil. .32, in Motth.) Vel hoc quod
princeps dixit de morte puellS; est au-
gentis calauiitatcm. Etenim cousuetudo
est rogantibus, extoUere scrmone pro-
priauiala; et umplius aliquid eo quod
est dicerc, ut niagis attrahant eos qui-
bus supplicaut. Uude subjuugit : « Sed
veni, iiiipone manum super eam, et vi -■
vet. » \'i(le autcm eju» grossitiem : duo
enim expelit a Christo : et accedere Ip-
sum, et niauum iuiponere : hoc eliam
Syrus ille Naaiuan a Propheta expetebat
(iv lieg. :J) ; etenim et visu indigent , et
seusibihbus rébus, qui grossius dispusiti
eraut.
Remig. Miranda est autem pariter at-
que imitanda Domini humihtas et man-
suetudo : nam mox ut rogatus est, ro-
gantem cœpit se(iui : unde subdit : « Et
surgens sequehatur eum. » Hic subditos
et praelatos pariter iustruxit : subdilis
exemplum obedienti.-B reliquit ; prœlatis
vero instantiam et soUicitudinem docen-
di demonstravit ; ut quotiescimque au-
dierint aliipiem mortuum iu anima, sta-
tim adesse studeant.
Sequitur : « Et Cum eo ibant disci-
puli ejus. » CuRYS. (in hom. 32, in
Matih.) El Marcusquidem et Lucas di-
cinit, quoniam très accepit (hscipulos
(scilicel Petrum, .Jacobum et .loannem) ;
!\hilthaîum autem non assumpsil, am-
plionni ci coucupisceuliam immitteus.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. ÎX. 31
encore imparfaites. Il honore les premiers pour engager les autres à
se rendre semblables à eux. C'était assez pour Matthieu d'être témoin
de la guérison de cette femme qui souffrait d'une perte de sang, a Et
voilà, nous dit-il, qu'une femme qui souffrait d'une perte de sang
depuis douze ans, s'approcha par derrière, et toucha la frange de son
vêtement. »
S. JÉR. Ce n'est ni dans la maison où était le Sauveur ni dans la
ville que cette femme vient le trouver (car la loi lui défendait d'ha-
biter dans les villes) (1), mais elle se présente à Jésus au milieu du
chemin, et c'est ainsi qu'en allant pour guérir une femme il rend la
santé à une autre (2*). — S. Chrys. {hom. 32.) Cette femme ne vient pas
faire à Jésus-Christ un aveu public de son infirmité , elle en avait
honte dans la persuasion qu'elle était impure , car la loi considérait
cette maladie comme une très-grande impureté ; c'est pourquoi elle
se cache et veut se dérober à tous les regards. — Rémi. Cette humilité
est digne de tout éloge ; elle ne se présente pas devant le Sauveur,
elle s'approche par derrière, et se juge indigne de toucher ses pieds.
Ce n'est pas même son vêtement qu'elle touche, mais la frange seule-
ment; carie Seigneur portait une frange à son vêtement pour obéir à
une prescription de la loi. (1) Les pharisiens aussi portaient des franges
(1) Levif. XIX, 2o. On n'y voit pas cependant que la femme qui souffrait d'une perte de sang
fût exclue des villes.
(2*) Une tradition très-ancienne dans l'Eglise raconte que cette femme était une païenne, qu'elle
habitait la ville de Césarée de Philippe, et que comme souvenir de sa guérison miraculeuse, elle
avait fait placer devant sa maison un monument qui la représentait à genoux devant le Sauveur,
et le remerciant de la faveur qu'elle en avait reçue L'empereur Julien trouva cette légende
assez importante pour se croire obligé, par ses préjugés antichrétiens, à faire enlever le monu-
ment et à le faire remplacer par sa propre statue, qui fut quelque temps après brisée par la
foudre. — Pour ce qui est de la guérison de ce genre de maladie, nous avons de cette époque
une douzaine de recettes qui nous donnent une idée de l'ignorance des médecins juifs ou rabbins
de ce temps-là. En voyant toutes les substances dont ils se servaient pour guérir cette maladie,
et à quelle forte dose ils les employaient, on comprend sans peine les plaintes de cette pauvre
femme, et l'on n'est plus étonné qu'elle ait dépensé inutilement une partie de sa fortune pour se
faire traiter.
(3) Nomb., XV, 3S.
et quia imperfectius adhuc dispositus
erat : propter hoc enim illos honorât ;
ut ahi similes ilUs efficiantur : sufficie-
bat enim intérim Matthseo videre ea
quae facta sunt circa sanguinis fluxum
patientem ; de qua subditur : « Ecce
muUer quae sanguinis fluxum patiebatur
duodecim annis accessit rétro, et tetigit
fimbriam vestimenti ejus. »
Hier. Haec autem muher sanguine
Quens, non in domo , non in urbe acce-
dit ad Dominum (quia juxta legem ur-
bibus excludebatur), sed initinere ambu-
lante Domino ; ut dum pergit ad aUam,
alia curaretur. Chrys. [in Jiomil. 32, in
Matth.) Ideo autem non Ubera propala-
tione ad Cliristum venit, quia verecun-
dabatur, propter passionem, immundam
se existimans : etenim apud legem mul-
ta immunditia œstimabatur esse heec
passio : propter hoc latet et occultatur.
Remig. In quo laudanda est ejus humili-
tas, quia non ad faciem accessit, sed ré-
tro et mdignam se judicavit pedes Do-
mini tangere; et non plenitudinem ves-
timenti tetigit, sed tautummodo fim-
briam : habuit enim Dominus fimbriam
juxta legis prseceptum. Pharisaei etiaui
32
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
qu'ils étalaient avec orgueil, et auxquelles ils ajoutaient des espèces
d'épines. Mais les franges des vêtements du Sauveur n'avaient rien
qui pût blesser, et ne pouvaient que guérir. Aussi cette femme disait
en elle-même : « Si je touche seulement la frange de sa robe, je serai
guérie. » Sa foi est vraiment admirable : elle a perdu tout espoir de
la part des médecins qui lui ont dévoré tout son avoir, mais elle com-
prend qu'elle a trouvé un médecin descendu du ciel, c'est en lui qu'elle
place toute son espérance, et c'est pour cela qu'elle mérita sa guérisûn.
«Et Jésus se retournant alors, et la voyant, lui dit : Ma fille, ayez con-
fiance : votre foi vous a guérie. » — Rab. Pourquoi donc lui recom-
mander la confiance? Si elle n'avait pas eu la foi, elle ne lui aurait
pas demandé sa guérison. Ce qu'il exige d'elle, c'est la force et la per-
sévérance de la foi, afin qu'elle parvienne à une guérison certaine et
véritable. — S. Chrys. [hom. 32.) Ou bien, il veut rassurer cette
femme trop craintive,, en lui disant : « Ayez confiance. » Il l'appelle
sa fille, car la foi l'avait rendue véritablement sa fille. — S. Jér. Il ne
lui dit pas : Votre foi vous guérira, mais « votre foi vous a guérie ; »
car vous êtes déjà guérie par cela seul que vous avez cru. — S. Chrys.
{hom. 32.) Cependant cette femme n'avait pas encore une connais-
sance parfaite du Sauveur , puisqu'elle croyait pouvoir se dérober à
ses regards. Mais il ne permit pas qu'elle demeurât cachée, non point
pour la gloire qui pourrait lui en revenir , mais dans l'intérêt de tous
ceux qui étaient présents. Premièrement, il bannit la crainte du cœur
de cette femme qui aurait pu se reprocher d'avoir dérobé la grâce de
sa guérison ; secondement, il rectifie lapensée qu'elle avait eue de pou-
voir se cacher; troisièmement, il révèle à tous sa foi pour les porter à
fimbrias habebant quas magnificabant,
in quibus etiam spinas appendebaut : sed
fimbriae Domiui non habebant vulue-
rare, sed potius sanare : et ideo sequi-
tur : « Diccbat cnim intra se quia si te-
tigero tautum vestimentiuii ejus, salva
ero. » In quo iides ejus admiranda est,
quia desperans de salute mcdicoruiu in
quos sua erogaverat (ut Marcus dicit) in-
tellexit cœlesteni adesse medicum, et in
eo totam suam inlentionem collocavit ;
et ideo salvari promeruit : unde sequi-
tur : <( At Jésus eonversus et videns
eam, dixit : Gonfide, fdia, tides tua le
salvani fecit. » Rab. Quid est quod eam
confiderc jussit, quœ si fidem non ha-
beret, salutem ab eo non qua;reret? Sed
robur et perseverantiam fidci ab ca ex-
postulavit, ut ad cerlam et veram per-
veniat salutem. Chrys. {in hom. 32, in
Matt/i.) Vel quia formidolosa erat baec
nmlier, propter hoc ait : Co7ifi.de : et
filiani eam vocat, quia fidem eam fi-
lium fccerat. Hier. Non autem dixit :
« Quia fides tua te salvam factura est, »
sed « salvam fecit : » in eo euim quod
credidisti, jam salva facta es.
CiiRYs. [in hom. 32, in Matth.) Non-
(lum tamen perfeclam de Cliristo opi-
uionem habebat, quia nequaquam aesti-
masset eum latere. Sed Cliristus non
dimisit eam latere, non (piasi gloriam
concupiscens, sed multorum causa : pri-
mo enim suivit timorem mulieris, ne a
conscientia pungatur, quasi donura fu-
rala : secundo eam emendat de hoc
quod .Tstimavit se latere : tertio omni-
bus iidem ejus osleudil, ut eam aemu-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX. 33
l'imiter. Enfin, en montrant qu'il savait tout, il nous donne une preuve
non moins grande de sa divinité qu'en arrêtant cette perte de sang.
« Et cette femme, continue l'Evangéliste, fut guérie à l'heure même. »
— La Glose (i). Ce fut au moment même où elle toucha le bord de sa
robe, et non pas au moment qu'il se retourna vers elle , car alors elle
était déjà guérie, comme les autres Evangélistes le remarquent expres-
sément , et comme on peut le conclure des paroles mêmes du Sei-
gneur. — S. HiL. Combien la puissance du Seigneur se montre ici
admirable ! Cette puissance qui résidait dans son corps communiquait
à des choses périssables la vertu de guérir , et l'opération divine s'é-
tendait jusqu'aux franges de ses vêtements. C'est qu'en effet Dieu ne
pouvait être ni circonscrit ni renfermé dans les limites étroites d'un
corps, car en s'unissant à un corps mortel il n'y a point renfermé la
nature de sa puissance , mais cette même puissance a élevé la fragi-
lité de notre chair pour accomplir l'œuvre de notre rédemption.
Dans le sens mystique, ce chef représente la loi qui vient demander
à Jésus-Christ de rendre la vie au cadavre de ce peuple qu'elle lui
avait préparé , et qu'elle avait nourri elle-même de l'espérance de
son avènement (2). — Had. Ou bien, ce prince de la s}Tiagoguc re-
présente Moïse, et il s'appelle Jaire, c'est-à-dire qmilhmiùieon qui est
illuminé; car il a reçu les paroles de vie pour nous les transmettre, et
éclairer ainsi les autres comme il est éclairé lui-même par l'Esprit
saint. La lilledu chef de la synagogue (c'est-à-dire la fille de la syna-
gogue elle-même, âgée de douze ans , âge de la puberté) est abattue
sous le poids des erreurs qui la minent , alors qu'elle devait enfanter
(1) Dans saint Anselme.
(2) Ce passage, qui se trouve développé en d'autres termes dans saint Hilaire, était cité sous
son nom dans les éditions précédentes.
lentur : quarto dédit ia hoc, quod mons
travit se nosse omuia, signum non mi-
nus eo quod foulem sanguinis siccavit,
de que sequitur : « Et salva facla est
millier ex illa hora. » Glossa. Intelli-
ffendum est ex illa liora ex qua tetigit
firabriam, non ex ilia hora ex qua Jésus
conversus est ad eam : jam euim salva
facta erat, ut alii Evangelistse manifeste
ostendunt (Marc, o, vers. 29, ut et Utc.
8, vers. 44), et ex verbis Domini per-
pendi potest. Hilar. In quo magna vir-
tutis dominiez admiratio est; cum po-
testas intra corpus manens, rébus cadu-
cis efficaciam adderet sauitatis, et usque
in vestium fimbrias operatio divinapro-
cederet; non enim comprehensibiUs erat
Deus, ut corpore clauderetur : assump-
TOM. II.
tio iiamque corporis non naturam vir-
tutis inclusit, sed ad redemptionem nos-
tram fragiUtatem corporis virtus assump-
sit.
Mystice autem princeps hic lex esse
intelligitur, quce Dominum orat ut plebi
quam ipsa Ghristo (ejus adveutus expec-
tatione) nutrierat, vitam mortuae reddat.
Raba. Vel archisyuagogus signât Moysen^
et dicitur Jaiius, id est illumina7is sive
illuminatus ; quia accipit verba vitee
dare nobis ; et per hoc cteteros illumi-
nât et ipse a Spiritu Sancto illumiuatur.
Filia igitur archisynagogi (id est, ipsa
synagoga) vel duodecimo a^talis auuo (id
est, tempore pubertatis) postquam spiri-
talem sobolem Deo geuerare debebat,
errorum languore consternata est. Ad
34
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
à Dieu une famille toute spirituelle. Pendant que le Verbe de Dieu
s'empresse d'aller trouver cette lillc du chef de la synagogue pour
sauver les enfants d'Israël, la sainte Eglise composée des (lentils, et
dont les forces se perdaient au milieu des crimes qui se commettaient
dans son sein, s'empare par sa foi de la guérison qui était destinée
à d'autres. — Hab. Remarquez encore que la fille du chef de la syna-
gogue est âgée de douze ans, et que cette femme souffre depuis douze
ans de cette perte de sang , en sorte que l'une avait commencé à
souffrir au moment où l'autre venait de naître : or, ce fut à peu près
à la même (époque que les patriarches donnèrent le jour à la syna-
gogue, et que la multitude des nations étrangères se plongea dans les
souillures de l'idolâtrie. Car la perte de sang dont il est ici question
peut s'entendre de deux manières ou de la fange de l'idolâtrie, ou des
plaisirs de la chair et du sang. Ainsi pendant que la synagogue avait
encore toute sa force, l'Eglise était languissante; mais le péché de la
synagogue est devenu le salut des Gentils. Or, l'Eglise s'approche du
Seigneur, et le touche, lorsqu'elle vient à lui par la foi.
La Glose (i). Elle crut, elle dit, elle toucha; car c'est par ces trois
choses la foi, la parole et les œuvres, que l'on obtient le salut. — Rab.
Elle s'approcha par derrière , ol)éissant par avance à cette parole :
« Si quelqu'un veut être mon disciple, qu'il me suive. » Ou bien c'est
parce que n'ayant point vu le Seigneur revêtu d'une chair mortelle,
elle est parvenue à le connaître après l'accomplissement des mystères
de son incarnation : c'est pour cela qu'elle touche la frange de son
vêtement; figure en cela du peuple des Gentils qui, sans avoir vu le
Fils de Dieu incarné, a reçu la parole qui lui annonçait son incarna-
(1) Dans Bède et dans Raban, avec une légère modification dans les expressions.
hanc ergo principis filiam dum properat
Dei Verbum, ut salvos faceret filios
Israël , saiicta Ecclesia ex Gentibus cou-
gregata, quae inleriorum lapsu criuii-
unm deperibat, paratam aliis tide prœri-
piiit sauilati'iii. l\.\u. Nolaiiduin autem
quod cuia arcbisynagogi lilia sil duode-
nis, et niulier luec ab auiiis duodeciin
sauguiue lluxerit, eo teinpore quo ban;
nata est, illa cœpit inlirniari : una euiiii
pêne seculi letate et syiiagoga ex pa-
triarclus cœpit uasci ; et gontium exle-
raruni uatio idololatria^ sanie fœdari.
Nam lluxus aanguiuis bifaiiam polest
iuteUigi , hoc est super idololatria- pol-
lutione , et super bis quai carnis et sau-
guiûis delectatione geruulur : et sic
quaudiu syuagoga vigiiit, laboravit Eccle-
sia ; scd illoruni delicto salus gentibus
l'acla est. {lio)n. ii.) Accedit autem et
langit Dominum Ecclesia, cum ei per
lidcui appropinquat. (ILOSSA. Credidit,
dixit, tetigit ; quia bis tribus (lide, vorbo
et opère) ouniis salus acquirilur. Rab.
Accedit autem rétro juxta hoc quod
ipse ait {Joav. 12) : « Si quis mibi uii-
nistrat, me scquat.ur : » sive quia prte-
senlcm Douduum iu carne non videus,
peractis jain sacrameulis incarnatiouis
illius ad agnitiouis ejus graliam per-
veuit : mule et limbriam veslimenti
taugit, quia cuni Cbristum iu cai'ue
gentilis populus non vidissot , verba iu-
carualiouis rccepit. Veslimentum ecim
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX. 35
lion. En effet, on peut dire que le mystère de l'incarnation de Jésus-
Christ est comme le vêtement dont la divinité était enveloppée, et la
doctrine de l'incarnation comme la frange de ce vêtement. Les Gentils
ne touchent pas le vêtement , mais seulement la frange , car ils n'ont
point vu le Seigneur incarné, mais ils ont reçu par les Apôtres la doc-
trine de l'incarnation. Heureux celui qui touche par la foi, ne fût-ce
même que les extrémités du Verbe 1 Ce n'est pas au milieu de la ville
que cette femme est guérie , mais dans le chemin où marche le Sau-
veur; c'est pour cela que les Apôtres ont dit plus tard : « Parce que
vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle , voilà que
nous allons vers les Gentils. » Or, ce fut dès l'avènement du Sauveur
que la Gentilité re(^ut les prémices du salut.
f. 23-2fi. — Lorsque Jésus fut arrive en la maison du chef de synagogue,
voyant les joueurs de flûte et une troupe de personnes qui faisaient grand
bruit, il leur dit : Retirez-vous, car cette fille n'est pas morte, mais elle n'est
qu'endormie. Et ils se moquaient de lui. Après donc qu'on eut fait sortir
tout ce monde , il entra et lui prit la main , et cette jeune fille se leva; et le
bruit s'en répandit dans tout le pays.
La Glose (1). Après la guérison de l'hémorrhoïsse (2), vient la ré-
surrection de la jeune fille que l'écrivain sacré raconte en ces termes :
« Et lorsque Jésus fut arrivé dans la maison du chef de la synagogue. »
-^ S. CuRYS. {ho?n. 32.) Il est à remarquer que Notre-Seigneur semble
user ici de lenteur, et qu'il s'entretient avec la femme qu'il vient de
guérir pour laisser à la jeune fille le temps de mourir, et rendre ainsi
plus éclatant le fait de sa résurrection. Il suivit la même conduite à
(1) Ce passage ne se trouve ni dans la Glose, ni dans saint Anselme, ni dans aucun autre
auteur.
(2) Ce mot vient du verbe grec psw, couler, et de aîfj.a, sang, et signifie une femme qui a un flux
de saug.
Christi dicitur luysterium incaruationis
ejus, quo Divinitas induta est; fimbrise
vestimenti, verba de incarnatione ejus
dependentia. Non autem vestem , sed
limbriam tangit ; quia non vidit in carne
Uominum, sed snscepit per apostolos in-
caruationis verijuui. Bealus (|ui vel extre-
mam partem Verbi fide tangit ! Non au-
tem in urbe, sed itinere pergente Do-
mino sanatur : uude apostoli {Act. 13) :
« Quia indignos vos judicatis vita œter-
ua, ecce convertimur ad Gentes : n Gen-
tilitas autem ex hora dominici adveutus
cœpit babere salutem.
Et cuni venisset Jésus in domum principis, et
vidisset tibicines et turbam tumuUuantem, di-
rebat : Recedîtc; non enim est mortua jmMa,
sed dormit. Et deridebant eitm. Et cum éjecta
esset tiirba, inlravit, et tenuit manum ejus, et
dixit : Puella, surge. Et surrexit puella. Et
exiit farna hœc in luiivei'sam terrain illam.
Glossa. Post uiuUeris hœmorrhoissae
curationem, sequitur de mortuae susci-
tatioue, cum dicitur : « Et cum venisset
Jésus in domum principis, » etc. Curys.
(/M homil. 32, in Matth.) Cousiderau-
dum est autem, quod propter hoc tar-
dius vadit, et plura loquitur mulieri cu-
ratai, ut permittat mori puellam, et sic
manifesta fiât resurrectionis demonstra-
tio : et similiter de Lazare qui usque ad
36 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
l'égard de Lazare, qui demeura dans le tombeau jusqu'au troisième
jour. « Et lorsqu'il eut vu les joueurs de flûte et une foule qm faisait
grand bruit. » Nous avons là une preuve évidente que la jeune fille
était morte. — S. A.mb. (sur S. Luc , vi.) En effet , c'était un usage
cbez les anciens de faire venir des joueurs de flûte pour exciter la
douleur et faire couler les larmes aux funérailles des morts. — S.Chrys.
{hom. 32.) Mais Jésus-Cbrist chassa tous ces joueurs de flûte , et fit
entrer les parents de la jeune fille afin (jue l'on ne pût attribuer à un
autre (1*) sa résurrection. Avant même de la ressusciter, il relève leur
courage par ces paroles : «Retirez-vous, car la jeune fille n'est pas
morte, mais elle dort. » — Rab. C'est-à-dire elle est morte à vos yeux,
mais pour Dieu qui peut la ressusciter , elle n'est qu'endormie dans
son corps comme dans son âme. — S. Chrys. Par ces paroles, le Sau-
veur apaise l'agitation intérieure de ceux qui étaient présents , et il
leur montre avec quelle facilité il peut ressusciter les morts. 11 tint le
même langage à Lazare {Jean, xi) : « Notre ami Lazare dort, » et il
nous apprend ainsi à ne pas redouter la mort. Comme il devait mou-
rir lui-même, il voulut, en rendant la vie à quelques morts^ ranimer
la confiance de ses disciples , et leur apprendre à supporter la mort
avec courage. Car dès qu'il s'approcbe, la mort n'est plus qu'un som-
meil. Or, en entendant ces paroles, ils se moquaient de lui , mais il ne
leur en fait aucun reproclie : car il voulait que cette dérision, les flûtes
et toutes les autres circonstances fussent autant de preuves de la mort
de cette jeune fille. Comme il arrive bien souvent que les hommes re-
fusent de croire aux miracles lorsqu'ils sont opérés, il veut les con-
vaincre auparavant par leurs propres aveux ; c'est ce qu'il fit encore
(1*) La traduction choisie par saint Tliomas porte : Ne posset dici quod aliter curavit. Nous
avons suivi comme plus clair le texte même wffTS [xr) ÈyYîvéffÔai ôItceîv 6ti âXXo; ÈOspairïuae,
ne dici posset alium curavisse.
terlium diem mansit. Sequitur : « Et
cum vidisset tibiciues et turbam tuniul-
tiiautem ; » quod est mortis demonstra-
lio. Ambr. (sup. Lucam, lib. fi.) More
euim veteri, libiciûes ad excitandos Inc-
tiis in mortuis solebaut adliiberi. Ciirys.
[in homil. '6i, in Mattli.) Sed Cbristus
tibias uuiversas projecit ; parentes au-
tem puellœ inlroduxit, ne posset dici
quod aliter curavit : sed et ante resusci-
tationeiu puellœ, sernione spem erigit.
Unde sequitur : « Dicobat : Recedite ;
non est enini niortua puella , sed dor-
mit. » Rah. Quasi diceret : Vobis niortua
est; Deo autem, qui suscitaro polost ,
dormit, tam in anima, quam in curpore.
Chrys. Per hoc autem, et tumuiluni
mentis removit eorum qui aderant, et
ostondit quoniam facile est ei morluos
suscitare : quod utique in Lazaro fecit,
dicens (Joan. il) : « Lazarus amicus nos-
Icr dormit ; » et simul docuit non for-
midare mortem : quia enim et ipse erat
uioriturus, et in aliorum corporibus ius-
truxit discipulos conlidere, el viriliter
ferre mortem. Etenim eo acccdente, jam
mors somnus erat. Hoc aulem Domino
dicente, deridebant eum. Non autem in-
crepavit derisionem ; ut et ipsa derisio,
et tibiui . et alla universa , domonsiratio
liant mortis : quia t>nim multolies post-
quani facta suul miracula, non creduut
bomines , antea eos oonviucit propriis
respousiouibus : quod et iu Lazaro fecit.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX. 37
à la mort de Lazare, lorsqu'il demanda : « Où l'avez-vous mis ? » Afin
que ceux qui lui répondirent : « Venez et voyez » fussent forcés de
croire que Lazare était véritablement mort, et qu'il l'a ressuscité.
S. Jér. Mais ceux qui couvraient ainsi d'indignes outrages le Sau-
veur qui allait ressusciter cette jeune fille, n'étaient pas dignes d'as-
sister au fait mystérieux de sa résurrection ; c'est pourquoi l'Evan-
géliste ajoute : « Et après qu'on eut fait sortir tout le monde, il entra,
lui prit la main, et la jeune fille se leva. » — S. Ciirys. {hom. 32.)
n n'introduit pas dans son corps une âme nouvelle, mais il y fait ren-
trer celle qui en était sortie , et rappelle la jeune fille comme d'un
sommeil, pour préparer ainsi les esprits à ^croire en la résurrection.
Non- seulement il ressuscite cette jeune fille , mais il lui fait encore
donner à manger, pour que tous soient bien convaincus que cette
résurrection n'est pas une cbose imaginaire, mais bien une réalité. —
« Et le bruit s'en répandit dans tout le pays. — La Glose. Cette
circonstance fait ressortir la grandeur et la nouveauté de ce miracle,
en même temps qu'elle devient une preuve évidente et irréfragable
de sa vérité.
S. HiL. {can. 9 sur S. Matth.) Dans le sens mystique , Notre-Sei-
^neur entre dans la maison du cbef delà synagogue, c'est-à-dire dans
la synagogue elle-même, au moment ou les cantiques de la loi font
entendre en son honneur des chants funèbres. — S. Jér. Jusqu'à ce
jour la jeune fille repose morte dans la maison de son père, et ceux
qui paraissent être les maîtres sont les joueurs de flûte qui font en-
tendre des airs lugubres. La foule des Juifs n'est pas le peuple des
croyants, c'est une foule tumulteuse. Mais lorsque la plénitude des
nations sera entrée, alors tout Israël sera sauvé. {Rom. xi.) — S. Hil.
cum dixit (Joan. ii) : « Ubi posuistis
enin? » ut qui dixerunt : « Veni et vide,
et quoniam fœtel {(|uatriduanus eaim
est), » non amplius possinl nou rtredere,
quouiam morluum suscitavit.
Hier. Non autem eraut digni ut vidè-
rent mysterium resurgentis, qui resusci-
tantem indiguis contumeliis irridebant :
etideo sequitur: « Et cum éjecta esset
turba, intravit et tenuit nianum ejus ; et
surrexit puella. » Chrys. (in homil. 32,
in Matth.) Non quidem aliam superin-
ducens animam, sed eara quae exierat
reinducens , et velut ex somno erigens,
ut antea viam faciat (per visum) fidei re-
surrectionis. Et non solum puellam re-
suscitat, sed et cibum ei jubet dari (ut
alii Evangelistse dicuut), ut non videatur
phantasma esse quod factum est. Sequi -
tur : « Et exiit fama lisec in universam
terram illam. » Glossa. Quod ad ma-
gnitudinem et uovitatem miraculi perti-
net, et ad manifestam veritateni ipsius,
ne coniictum putetur.
HiLAR. [Can. î), in Matth.) Mystice
autem Dominus domum principisingre-
ditur (scilicet synagogam), cui in canti-
cis legis bymnus luctuui personabat.
Hier. Usque enini hodie jacet in domo
principis puella mortua ; et qui videntur
magistri, tibiciues sunt carmen lugubre
canentes. Turba quoque Judœorum non
est turba credentium, sed tumultuan-
tium ; sed cum intraverit plenitudo gen-
tium, tune omnis Israël salvus fiet.
{Rom. 11.)' HiLAR. Ut autem ratusex le-
38
EXPLICATION DE L KVANGILE
Afin qu'il fût bien démontré que le nombre des croyants était limité,
la foule tout entière fut mise dehors. Le Sauveur aurait bien désiré
qu'elle fût sauvée, mais en se moquant de ses paroles et de ses actions,
elle se rendit indigne d'être t<''moin de la résurrection de cette jeune
fille. — S. Jér. « Jésus lui prit la main, et la jeune fille se leva, » car
la synagogue ne peut avoir part à la résurrection avant que les mains
des Juifs n'aient été purifiées du sang dont elles sont souillées. —
S. HiL. Le bruit de cette résurrection se répand dans toute cette con-
trée ; en effet, après que Jésus a sauvé ceux qu'il avait élus, ils vont
publier les bienfaits du Christ et ses œuvres.
Rab. Dans le sens moral, la jeune fille morte dans la maison, c'est
l'àme qui est morte dans ses pensées. Le Sauveur dit qu'elle n'est
qu'endormie, parce que ceux qui pèchent dans la vie présente peuvent
encore ressusciter par la pénitence. Les joueurs de flûte , ce sont
les flatteurs qui applaudissent à celle qui est morte. — S. Grég.
[Moral. XVII, 25.) La foule est mise dehors avant que la jeune fille
soit ressuscitée, car tant que la multitude des intérêts temporels n'est
pas chassée des plus secrètes parties du cœur, l'àme qui est morte au
dedans ne peut ressusciter. — Rab. Notre-Seigneur ressuscite cette
jeune fille dans la maison en présence d'un petit nombre de témoins,
le jeune homme en dehors de la porte de la ville, et Lazare devant un
grand nombre de spectateurs , parce qu'une faute publique exige un
remède public ; tandis qu'une faute légère peut être effacée par une
pénitence secrète et plus douce.
y, 27. -:n. — Comme Jésus sortait de ce lieu, deux avcuf/les le suivirent, en
disant : Fils de David, ayez pitié de nous. Et lorsqu'il fut venu en la maison,
ces aveugles s'approchèrent de lui. Et Jésus leur dit : Croyez-vous que je
a.(^ credentinm elecUonis uumerus posset
iiitelligi, liirl)!! omnis expulsa est ; quam
ulii[ne salvari.Domiuus optasset, sed ir-
ridendo dicta treslaquc ejus, resurrectio-
j}is lion fuit diiiiia consortio. Hier. Te-
nnit aiitfiui nianum ejus, et surrexil
puella ; quia uisi prius muadatae fueriut
Jiiamis .ludiEoruni, quœ sanguine plenae
suiit (Isoi.r, 1), sj'natroga eorum mortna
non cousurget. HiL. Exeunte autem fa-
ma in universani terrani illam.post elec-
lionis saluteni, donum Clirisli atque opé-
ra pr.edicantur.
Haban. Moraliter antom puella in do-
mo mortna, est anima mortua in cogita-
tioiie. Dicit ■•uitem quod puella dormit,
quia qui perçant in prœscnti, adluic per
pœnitcntiara resuscitari possunt : tibi-
cines sunt adnlatores, qui foveut mor-
tuam. (îRKG. (xvir Moral, cap. 2").) Fo-
ras autem lurba ejicitur, nt puella susci-
tatur ; quia nisi prius a secretioribus
cordis expellatur secularium multitudo
curarum, anima quse intriusecus jacct
mortua, non resurget. Rabax. Jn domo
autem puella panels arbifris surgit, ju-
venis extra portail), et l>azarus loram
multis, quia publica uoxa, publico eget
remedio ; levis, leviori et seereta potest
deleri pœuitentia.
Et transeunte inde Jesu, seciiti suni etim duo
cœci clamantes H dicentes : Miserere iiostri,
fili David. Cnm autem venisset domuni , acres-
serunt ad eum aeci. Et dixil cis Jésus : Credi-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX.
39
puisse faire ce que vous me demandez? Ils lui répondirent : Oui, Seigneur.
Alors il toucha leurs yeux, en disant : Qu'il vous soit fait selon votre foi.
Aussitôt leurs yeux furent ouverts. Et Jésus leur défendit fortement d'en
parler, en leur disant : Prenez bien garde que qui que ce soit ne le saclie.
Mais eux, s'en étant allés, répandirent sa réputation dans tout ce pays-là.
S. Jér. Ces premiers miracles qui ont pour objet la fille du prince
de la synagogue et la femme malade sont suivis , par une admirable
conséquence, de laguérison de deux aveugles. Il fallait, en effet, que
la privation de la vue démontrât ce que la mort et la maladie venaient
elles-mêmes de proclamer; c'est pour cela qu'il est dit : « Comme
Jésus sortait de ce lieu (c'est-à-dire s'éloignait de la maison de .Taire),
deux aveugles le suivirent en criant et en disant : « Fils de David,
ayez pitié de nous. » — S. Chrys. {hom. 33.) » C'est là un grand sujet
d'accusation contre les Juifs : des hommes privés de la vue reçoivent
la foi par l'ouïe seule, tandis que les Juifs, dont les yeux constataient
la vérité de ces miracles, refusent d'y croire. Voyez encore le désir de
ces aveugles; ils ne se contentent pas d'approcher de Jésus, mais ils
le font avec de grands cris, et en ne lui demandant qu'une seule
chose, c'est qu'il ait pitié d'eux. Ils l'appellent Fils de David , parce
que ce nom leur paraissait un titre d'honneur. — Rejii. C'est avec
raison d'ailleurs qu'ils lui donnent ce nom , car la Vierge Marie des-
cendait de la race de David. — S. Jér. Que Marcion , que les Mani-
chéens et les autres hérétiques se rendent attentifs à ces paroles , eux
qui déchirent l'Ancien Testament, et qu'ils apprennent que le Sauveur
est proclamé Fils de David. Or, s'il n'est pas né dans une chair mor-
telle, comment peut-il être appelé Fils de David?
S. Chrys. {ho7n. 33.) Il est à remarquer que dans une foule de cir-
constances ce n'est qu'après qu'on l'en a prié que le Seigneur guérit les
fis quia hoc, /tossum facfri; vobis ? Dicunt ci :
UtiqiiP, Domine! Tune tetigit ociilos eoi'itm :
et comminatus est illis Jésus, dicens : Videte
ne quis sciât. lUi autem exeuntes diffamm^e-
runt eum in tota terra illa.
Hier. Priori signode principis filia et
morbosa muliere^ consequenter signum
de duobus ctecis adjungitur, ut quod ibi
mors et débilitas, bic caecitas denions-
Iraret; et ideo dicitur : « Et transeunte
inde Jesu (scilicet a domo principis), se-
cuti sunt eum duo cœci clamantes et di-
centes : Miserere nostri, fili David. »
Chrys. (?» hom. 33, in Matth.) Non
autem parva bic Judseorum accusatio
est, eum bi quidem oculis carentes, ex
auditu solo fidem suscipiaut ; illi autem
babeutes visum attestantem miraculis
quee fiebant, contraria faciant, etc. Vide
autem et eorum desiderium : neqiie
euim simpliciter accesserunt, sed eum
clamore ; et uihil aliud quam misericor-
diam postvdantes : filium autem David
vocabant, quia nomen bonoris esse vi-
debatur. Remig. Recte ergo filium Da-
vid vocant, quia virgo Maria de stirpe
David originem duxit. Hier. Audiant
Marcion, et Manicbrpus, et cœteri baere-
tici, qui vêtus lauiant Testanientum , et
discant Salvatorem appellari filium Da-
vid : si enini non est nalus in carne,
quomodo vocatur filins David ?
Chrys. [in homil. 33, in Matth.) Con-
siderandum autem quod multotie? Do-
40
EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
malades, car il ne veut pas laisser croire (ju'il a couru après les mi-
racles pour s'attirer de l'honneur et de la gloire. — S. Jér. Et cepen-
dant, ce n'est pas dans le chemin et en passant, comme ils le pensaient,
qu'il guérit ces aveugles qui le prient , mais lorsqu'il est arrivé dans
la maison; ils s'avancent pour entrer, et tout d'ahord il examine leur
foi, afin de les préparer à recevoir la lumière de la vraie foi. « Lorsqu'il
fut entré dans la maison , ces aveugles s'approchèrent de lui, et Jésus
leur dit : « Croyez-vous que je puisse faire ce que vous me demandez? »
-7- S. Chrys. Il nous apprend une fois de plus à fuir la gloire que
donne la multitude , car comme la maison n'était pas éloignée^ il y
conduit les aveugles pour les y guérir en secret. — Rémi, Lui qui
pouvait rendre la vue aux aveugles , ne pouvait ignorer s'ils avaient
la foi ; il les interroge toutefois , afin qu'en confessant de bouche la
foi qu'ils portaient dans leur cœur, ils pussent obtenir une récompense
plus grande, selon ces paroles de l'Apôtre : « Il faut confesser débouche
pour obtenir le salut. » — S. Chrys. {hom. 33.) Et ce n'est pas la
seule raison ; Jésus voulait encore montrer qu'ils étaient dignes d'être
guéris, et prévenir cette difficulté : que si le salut était l'œuvre exclu-
sive de la miséricorde, tous devaient y avoir part. Il exige encore
d'eux la foi, afin de les élever plus haut; ils l'ont appelé Fils de David,
il leur apprend qu'ils doivent avoir de lui de plus hautes idées. Aussi
ne leur dit-il pas : « Croyez-vous que je puisse prier mon Père?»
mais : « Croyez -vous que je puisse faire ce que vous me demandez ?»
Ils lui r(?pondent : « Oui, Seigneur. » Ils ne l'appellent plus Fils de
David, ils s'élèvent plus haut et confessent sa souveraineté. Il leur
imposa alors les mains, comme dit le texte sacré, et il toucha leurs
miuus voluit rogatus sanare^ ut non ali-
quis œstimet eiim propter captandam
liouoris inapiiilicenliani ad miracula iu-
silire. Hier. Et tauieu roifantes non cu-
raiitur in ilinere, non transitorio (ut
putabant) ; seil postquam venil in do-
mum suani, accediuit ad eum ut in-
Iroeaut ; et priimmi fiorum discutitur
fides, ut sic vera; iidei lumen accipiaut:
unde sequilur : « Cum autem veuisset
douium, accesscrunt ad eum cœci et
dixit eis Jésus : Creditis quia hoc possum
facere vobis? » Chrys. Rursum autem
liic erudit nos, gloriam muUitudiais ex-
pellere : quia enim prope erat domus,
ducit eos illu<' sinfiuiariler curatiirus.
HF.Mir,. Qui aulcm cu'cis reddere pot
visiiui, non ij^uorabat si crcdere
ideo iuterropivit, ut fides coni
gestabatur in corde, dum co:
tur ore digna fieret ampliori mercede ;
secundum illud apostoli {Rom. 10) : « Ore
confessio lit ad salulem. » Chrys. [in
liomil. .");!, in Matth.) Et non propter
iioc solum, sed ut ostenderet quouiam
digui eraut curatione; et ut non aliquis
dicat, quoniam si misericordia solum sal-
vabat, onuies salvari oportebat. Ideo
etiam fidem ab eis expelil, ut ex hoc ad
excelsius eos reducat : quia enim dixe-
rant cum filium David, erudit quod
oportel de eo majora sentire : nnde non
dixit : « Creditis quoniam possum rogare
Patrem, » sed « Creditis quoniam possum
hoc facere? » De quorum responsioue se-
quilur : « Dicunt ei : Utique, Domine ! »
^1 wWta fiinim David eum vocant ,
; elevantur, et dominationem
n-. Et tune jam ipse impouit
m : imde sequitur : « Ttiuc te-
DE SAINT MATTHIEU, CHAI». IX.
41
yeux en leur disant : «Qu'il vous soit fait selon votre foi. » 11 leur parle
de la sorte pour affermir leur foi et constater en même temps que
ce qu'ils venaient de dire ne leur avait pas été dicté par la flatterie.
L'Evaugéliste rapporte ensuite leur guérison : «Et aussitôt leurs yeux
furent ouverts. » Jésus leur défend d'en parler à qui que ce soit ; et
ce n'est pas une simple défense, c'est un ordre exprès accompagné de
menaces sévères. « Et Jésus leur défendit fortement d'en parler, en leur
disant : « Prenez bien garde que qui que ce soit ne le sache ; mais eux,
s'en étant allés , répandirent sa réputation dans tout le pays. » —
S. Jér. C'est par amour pour l'humilité et [tour fuir l'éclat de la vaine
gloire que Jésus leur fait cette défense ; mais la reconnaissance qu'ils
éprouvent d'un si grand bienfait, ne leur permet pas de garder le si-
lence. — S. Ghrys. Ce que Notre- Seigneur dit à un autre dans une
circonstance difî'érente : «Va et annonce la gloire de Dieu» (Lmc, viii),
n'est pas contraire à ce qui est ici raconté. Jésus veut nous apprendre à
fermer la bouche à ceux qui cherchent à nous louer , en rapportant à
nous seuls les louanges qu'ils nous donnent. Mais si ces louanges
doivent se rapporter à Dieu, bien loin de les défendre, nous devons les
exciter et les prescrire. — S. Hil. Ou bien encore le Sauveur com-
mande à ces aveugles de se taire, parce que c'était aux Apôtres qu'était
réservé l'office de la prédication.
S. Grég. (Mor«/.,xix, 14.) Examinons ici pourquoi le Tout-Puissant,
pour qui vouloi r et pouvoir sont une même chose a voulu que ses mi-
racles demeurassent cachés , et que cependant ils fussent dévoilés
comme malgré ^lui par ceux qui venaient de recouvrer l'usage de la
vue. Il veut apprendre à ses disciples qui devaient marcher à sa suite,
qu'ils devaient désirer que leurs vertus demeurassent cachées aussi
aux yeux des hommes, et cependant les laisser publier malgré eux
ligit ociilos eonini dicens : Secimdum
lidem vestram fiât vobis ; » dicit autem
hoc fidem eoruiii flrmans, et coutestaus
quoniam non adulalionis erant verba
quae dixerant. Postea curationem subjun-
git, dicens : « Etaperti suut oculi eorum.»
Deinde post sanationem jubet nulli di-
cere ; el non simpliciter jubet, sed cum
multa vehementia : unde seqiiitur : « Et
comminatus eis Jésus, dicens : Videte
ne quis sciât : illi autem exeuntes, diSa-
maverunt eum in tota terra.» Hier. Do-
minus- quidem propter humilitatem fu-
gieus jactantiae gloriam hoc prœceperat;
et illi propter memoriam gratis non pos-
sunt tacere beneficium. Chrys. {in ho-
mil. 34, in Matth.) Quod autem alteri
dicit [Luc. 8) : « Vade, et annuntia glo-
riam Dei, » non est contrarium : erudit
enim nos prohibere eos qui vohmt nos
propter nos laudare ; si autem ad Domini
gloriam refertur, non debemus prohi-
bere, sed magis injungere ut hoc fiât.
HiLAR. Vel silentium cœcisDomiuus im-
perat, quia apostolorum proprium erat
praedicare.
Greg. (XIX 3/ojy/Z. cap. 14.) Quœren-
dum autem uobis est quid sit hoc quod
ipse omnipotens (cui hoc est velle quod
posse), et taceri virtutes suas voluit, et
tamen ab eis qui illuminati sunt quasi in-
vitus indicatur ; nisi quod servis suis se
sequentibus exemplum dédit , ut ipsi
quidem virtutes suas occultari deside-
42
EXPLICATION DE f/ÉVANGlLE
dans l'intérêt de ceux qui pourraient en profiter. Ils doivent donc re-
chercher le secret par inclination, et laisser dévoiler leurs œuvres par
nécessité. Qu'ils aiment à se [cacher pour garder plus sûrement leur
âme de tout danger, et qu'ils consentent à se voir divulgués dans l'in-
térêt des autres.
Rémi. Dans le sens allégorique, ces deux aveugles sont la figure des
deux peuples, du peuple juif, et des Gentils , ou bien des deux frac-
tions du peuple juif qui se séparèrent sousRoboam (1). Notre-Seigneur
Jésus-Christ choisit dans l'un et l'autre peuple qui croyait en lui,
ceux qu'il devait éclairer dans la maison , qui est son Eglise, car en
dehors de l'unité de l'Eglise, personne ne peut être sauvé. Or, ceux
d'entre les Juifs qui crurent en Jésus publièrent sou avènement dans
tout l'univers. Rab. La maison du chef de la synagogue, c'est la syna-
gogue elle-même qui est soumise à Moïse; la maison de Jésus, c'est la
céleste Jérusalem. Pendant que le Seigneur traverse ce monde pour
retourner dans sa maison , les deux aveugles se mettent à le suivre ;
en effet, après la prédication de l'Evangile par les Apôtres ^ un grand
nombre d'entre les Juifs et d'entre les Gentils se sont rangés sous sa
conduite. Mais après son ascension dans lescieux, il est entré dans sa
maison (c'est-à-dire dans son Eglise), et là, il leur a rendu l'usage de
la lumière.
f. .'J2-34. — Après qu'ils furent sortis, on lui présenta un homme muet possédé
du démon. Le démoli ayant été chassé, le muet parla, et le peuple en fut
dans l'admiration , et ils disaient : On n'a jamais rien vu de semblable en
(1) C'est-à-dire le royaume de Juda composé seulement de deux tribus et qui resta à Roboam,
fils de Salomon, et le royaume d'Israël, formé des dix autres tribus, et qui passa sous la domina-
tion de Jéroboam. (III Rois, xii.)
reut, et tamen ut aliis eorum exemplo
proticiant, prodantur inviti. Occultentur
ergo studio, necessitate piiblicenlur; et
eorum occultalio sit custodia propria,
eorum publicatio sit utilitas aliéna.
Uf.mic. Alleftorice autem per hos duos
Ocecoâ duo popnli desijiuaiitur, id estju-
daicus et fioutilis, vel duo populi judaiciB
frentis : nam (eiupore Roboam, rei^num
ejusdivisum est in duas partes. De ulro-
i]ue autem populo in se eredente Ciiris-
tus illumiriavit in (iomo (per quaminlel-
lipritur Kcflesia), quia absque unitate Ec-
<'lesi;j' nullus salvari potesl. llli autem
qui ex .ludaeis crediderunl , adventum
Domini jter universum orbem diflama-
verunt. Raba. Domus autem principis
synagoga et subdita !\Ioysi ; domus Jesu
cœlestis est Hierusalem : Domino ergo
per hoc seculuni transeunte, et in do-
mum suam revertente, duo tœci secuti
sunt eum ; quia pra'dicato Evangelio per
apostolos, multi ex .ludœis et Geutibus
eœperunt eum seqni : sed postquam in
cϔum eonsccnderat, intravit in doraum
(id est, in Ecclesiam), et ibi illuminati
r^UUl.
Egressis autem illis, eccfi obtuleritnt ei hominem
mulum , dœmonium hobenlem. Et ejecto dce-
mnnio, /ociitus est mutus ; et miratte sunt
lurbfr rficenfrs : Nunqvnm apparuit sic in
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX.
43
I
Israël. Mais les pharisiens disaient au contraire : C'est par le prince des
démons qu'il chasse les démons.
Remi. Par un enchaînement admirable , le Sauveur , après avoir
rendu la vue aux aveugles, délie la langue d'un muet , et guérit un
homme possédé du démon, et il se déclare ainsi le Dieu de toute puis-
sance, et l'auteur des guérisons divines, selon cet oracle d'Isaïe (xxxv):
« Alors les yeux des aveugles et les oreilles des sourds seront ouverts,
et la langue des muets sera déliée. » Après leur départ , dit l'Evan-
géliste, « on lui présenta un homme muet. » — S. Jér. Le mot grec
•/.a)(pbç (CO/5A05) , dans le langage ordinaire, signifie plutôt sourd que
muet, mais c'est l'usage des écrivains sacrés de le prendre inditle-
remment dans les deux sens (1). — S. Chrys. {hom. 33.) Cette infir-
mité n'était pas naturelle , elle venait de la malignité du démon.
C'est pourquoi cet homme eut besoin d'un secours étranger pour ar-
river jusqu'à Jésus-Christ, et il ne put ni le prier par lui-même,
n'ayant pas l'usage de la parole , ni le faire prier par d'autres, le dé-
mon tenant liée son âme aussi bien que sa langue. Aussi le Sauveur
n'exige pas de lui la foi, mais il le guérit aussitôt , comme le rapporte
l'écrivain sacré : « Et le démon ayant <Hé chassé, le muet parla.» —
S. HiL. {catî. 0 su?' S. Matth.) L'ordre naturel des choses est par-
faitement observé, le démon est d'abord chassé, et le corps reprend
immédiatement toutes ses fonctions.
« Et la multitude en fut dans l'admiration , et ils disaient : On n'a
jamais rien vu de semblable en Israël. » — S. Chris, {hom. 33.) Ce
(1) C'est-à-dire que d'après l'usage le plus ordinaire, on appelle en grec xtoçoç, celui qui est
sourd. Cependant ce nom est aussi donné au muet, parce que celui qui est sourd de naissance est
nécessairement muet. Aussi les Grecs appelaient dans leurs pièces de théâtre xwçov Ttpodo^Ttov,
la personne qui avait pour rùle de ne point parler.
Israël. Pharisœi autem dicebant : lu principe
dœmoniorum ejicit dœmones.
Reihg. Pulclireilliuninatis caecis mulo
loquelam reddidit, et obsessum a dte-
mone curavit : in quo facto osteudit se
Dominum virtutum, et cœlestis medi-
ciuse auctorem : nain per Isaïam dictum
est (cap. 3j) : « Tuuc aperieutur oculi
csecoruni, et aures surdorum patebunt,
et aperta erit liuL'ua mulorum : » unde
dicitur : « Egressis autem illis, ecce ob-
lulenint ei homiuem luutiim, » etc. Hier.
Quod autem dicitur ^rra^ce cophos magis
trituni est sermoue communi, ut siiir/us
quam mutus intelligatur ; sed moris est
Scripturarum cop/ion indifferenter vel
surdum vel mutum dicere. Chrys. (/71
homil. 33, in Matth.) Non autem na-
lurœ erat bœc passio, sed ex dœmonis
insidiis; ideoque et aliis indiguit, qui
eum adducerent ; neque enim per seip-
suni rogare poterat, sine voco existens ;
neque aliis supplicare, dœmone animam
cum lingua colUgante : propter lioc ne-
que expetit fidem ab eo, sed confestim
«gritudinem sanat : unde sequitur : «RI
ejecto dœmonio, locutus est mutus. »
HiL.^R. (Can. 9, in Matth.) In quo re-
rum ordo servatus est : uam dœmon
prius ejicitur, et tune reliqua corporis
officia succedunt.
Sequitur : « Et miratae sunt turbae di-
centes : Nunquam apparuit sic in Israël. »
44 EXPLICATION DE L EVANGILE
n'est pas seulement parce qu'ils admiraient en lui le pouvoir de gué-
rir qu'ils lu plaçaient au-dessus de tous les autres , mais parce qu'il
guérissait avec une facilité et une promptitude merveilleuse une in-
finité de maladies la plupart incurables. Ce qui contristait surtout les
pharisiens, c'est que la multitude le proclamait supérieur non-seule-
ment à ceux qui existaient alors, mais encore à tous ceux qui avaient
jamais paru en Israël. C'est ce qui les excite en sens contraire à ca-
lomnier Jésus-Christ, comme le dit l'Evangéliste : « Les pharisiens,
au contraire, disaient : C'est par le prince des démons qu'il chasse
les démons. » — Rémi. Les scribes et les pharisiens niaient les miracles
du Sauveur autant qu'il leur était possible de le faire, et ils interpré-
taient en mauvaise part ceux qu'ils étaient obligés d'admettre. Ils a(^-
complissaient ainsi cette parole du Roi- Prophète : « La multitude de
vos prodiges convaincra vos ennemis de mensonge. » — S. Ciirys.
(hom. 33.) Quoi de plus insensé que cette explication? Peut-on ima-
giner qu'un démon chasse un autre démon ? Le démon applaudit à
ses succès, mais il ne détruit pas ses œuvres. Jésus-Christ, au con-
traire, ne chassait pas seulement les démons, mais il guérissait les lé-
preux, il ressuscitait les morts , il remettait les péchés, il prêchait le
royaume de Dieu , et il amenait les hommes à son Père , ce que ne
pouvait ni ne voulait faire le démon.
Rab. De même que dans le sens mystique les deux aveugles figu-
raient les deux peuples juif et gentil , ainsi cet homme muet et pos-
sédé est la figure du genre humain tout entier. — S. Hil. {can, 9 sur
S. Matth.) Ou bien cet homme à la fois muet, sourd et possédé du dé-
mon représente le peuple des Gentils , indigne d'obtenir le salut.
Chry?. {in fiomil. ;33, in Matth.) Prae-
ponebat quidnai caiteris eiuii, non <juia
(Uirabat solum, sed quoniam facile et
velociter, et ioflnitas œgritudines etinsa-
nabiles sanaliat. Hoc autem maxime
pharisseos contristabat, quouiam omni-
bus eum pracpoocbant, non solum his
qui tune erant, sed et his qui unquam
fienifi fuerant in Israël : unde pliarisaM
concitati ei e converso detrabebant :
propter quodsequitur: « Pbarisa'i autem
dicel)ant : In principe da!moniorum eji-
cit d;emones. » Rk.mk;. Scribtc naniquc
et pliarisœi facta Doniiui nejjabant, quae
poterant ; et quaî non poterant negare,
in sinisfram parteni interprelabantur;
sec'uudum illnd {Psalm. (i5) : « in inulti-
ludine virtulis lune mentienlur tibi ini-
mici lui. » Chrys., (in homil. 33, in
Matth.) Eorum autem dicto quid est de-
mentius ? Non enim confinfii potest dae-
monem projicere alterum dœmonem :
suis enim applauderc consuevit, non dis-
solvore sua : Christus autem non solum
dœmonesejiciebal, sed et leprosos mun-
dabat, et raortuos suscitabat, et peccata
solveliat, et rc^nuni Dei prœdicabat, et
ad Patrern bomines adducebat ; qufe.
daîmon ueque posset facere, neque
vellet.
Rara. Mystice autem sicut in duobus
citHÛs sijïnatus est uterque populus Ju-
diPorum et Gentium,ita in homine muto
et da^moniaco «jeneraliter sisnatum est
omne trenus humanum. Hilar. [Can. 3,
in Mdtth.) Vol in inuto , et surdo, et
daîmoniaco, Gentium plebs (indigna to-
tius salutis) offertur. omnibus enim un-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX. 45
plongé qu'il est dans un abîme de maux, et comme enlacé dans tous
les vices de la chair. — Rémi. Le peuple des Gentils était muet, parce
qu'il ne pouvait ouvrir la bouche pour confesser la vraie foi et publier
les louanges de son Créateur , ou bien parce que, livré au culte des
idoles muettes, il leur était devenu semblable. Il était possédé, parce
que la mort de l'infidélité l'avait soumis à l'empire du démon. S. Hil.
{can. 9 sur S. Matth.) La connaissance de Dieu ayant dissipé toutes
les folles superstitions , l'homme recouvre tout à la fois l'usage de la
vue, de l'ouïe, et de la parole du salut. — S. Jér. De même que les
aveugles reçoivent la lumière, ainsi la langue des muets se délie pour
confesser celui qu'ils avaient auparavant nié. Cette foule qui est dans
l'admiration, c'est la multitude des nations qui confessent la divinité
du Seigneur. Les pharisiens qui le calomnient sont une figure de l'in-
fidéhté des Juifs qui persévère jusqu'à ce jour. — S. Hil. {can. 9 sur
S. Matth.) L'admiration de la foule est accompagnée de cet aveu :
« Jamais on n'a rien vu de semblable en Israël, » parce qu'en effet la
puissance divine du Verbe sauve aujourd'hui tous ceux qui n'avaient
pu recevoir aucun secours de la loi. — Rémi. Dans ceux qui pré-
sentent le muet au Seigneur pour être guéri , on peut voir la figure
des Apôtres et des prédicateurs qui ont offert aux yeux de la divine
miséricorde le peuple des Gentils pour qu'elle lui accordât le salut. —
S. kvG. {de l'accord des Evang., ii, 29.) Saint Matthieu est le seul
qui raconte ce double miracle des deux aveugles et du muet. Les deux
aveugles dont parlent les autres Evangélistes(i) ne sont pas les mêmes;
cependant le fait est semblable , et si saint Matthieu ne racontait pas
ce miracle avec toutes ses circonstances , on pourrait croire que son
(1) Marc, X, 46 ; Luc, xviii, 35. Ces deux Evangélistes ne parlent que d'un seul aveugle auquel
saint Marc donne le nom de Bartimée.
dique malis circumcessa, totîs corporis
vitiis implicabatur. Reuig. Gentilis enim
populus mutus erat ; quia iu confessione
verœ fidei et in laude sui Creatoris os
aperire non poterat ; sive quia mutis ido-
lis cultuni iinpendebat, similis illis fac-
tus : da-moriiacus erat quia per mortem
infidelitatis diaboli imperiis subditus
erat. Hîlar. [Can. 9, in Matth.) Dei au-
tem cognitioue superstitionum omnium
vesania elTugata, et visus, et audilus, et
sermo salutis invehilur. Hier. Sieutenim
cseci lumen recipiunt, sic et muli ad
loquendum liugua laxatur, ut couûteatur
eum quem antea donegabat. In turba
autem admirante confessio nationum
est. Pharisaei autem per suam caluœniam
usque hodie, Judœorum infidelitaleni
demonstrant. Hilar. {Can. 9, in Matth.)
Admirationem autem turbae talis con-
fessio subsecuta est : « Nunquam appa-
ruit sic in Israël, » quia is cui perlegem
nihil opis afferri potuit, verbi virtute sal-
vatur. Remig. Illi vero qui mutum sa-
naudum Douùno obtulerunt, intelligun-
turapostoli et prœdicatores, quia aspec-
tibus divinte pietatis gentilem populum
salvandum oblulerunt. Alg. {de con.
Evanrj. lib. Il, cap. 29.) Quod autem hic
dicitur de duobus cœcis et dœmonio
muto, solus Mattbffus posuit; illi duo
cteci, de quibus alii narrant, non sunt
isti, sed tamen simile factum est; ita ut
si ipse Matlhœus non etiam illius facti
meminisset, posset putari hoc quod mmc
narrât, dictum fuisse etiam ab aliis duo-
46
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
récit est le même que celui de saint Marc et de saint Luc. Nous ne de-
vons jamais perdre de vue qu'il se rencontre dans les Evangiles des
faits qui présentent les mêmes caractères. On a une preuve certaine
que ces faits sont différents lorsqu'ils sont rapportés par le même
Evangéliste. Lorsque donc nous rencontrons des faits de même nature
dans chacun des Evangélistes, et qu'il s'y trouve des particularités im-
possibles à concilier, nous devons en conclure que ce n'est pas le même
fait, mais un fait semblable dans sa nature ou dans ses circonstances.
f. 3S-38. — Or Jésus parcourait toutes les villes et les bourgades, enseignant
dans leurs synagogues, préchant l'Evangile du royaume, guérissant toutes les
langueurs et toutes les infirmités. En voyant cette foule, il en eut compas-
sion, parce qu'ils étaient fatigués et couchés çà et là, comme des brebis qui
n'ont point de pasteurs. Alors il dit à ses disciples : Lu moisson est grande,
mais il y a peu d'ouvriers. Priez donc le Maître de la moisson qu'il envoie
des ouvriers dans sa moisson.
S. Chrys. {ho)n. 33.) Le Seigneur voulut répondre par ses œuvres à
cette accusation des pharisiens : « C'est par le prince des démons qu'il
chasse les démons. » Car lorsque le démon reçoit un outrage , il se
venge non pas en faisant du bien, mais en cherchant à nuire à celui
qui le déshonore (1). Le Seigneur tient une conduite contraire : après
les iujures et les outrages non-seulement il ne punit pas , il ne fait
même pas de reproches , bien plus il répand des bienfaits. C'est ce
que l'Evangéliste ajoute : « Et Jésus parcourait toutes les villes et les
bourgades. » C'est ainsi qu'il nous apprend à répondre à ceux qui
nous accusent non par des accusations semblables, mais par des bien-
(1) Saint Chrysostome est encore plus énergique en disant que les démons cherchent à nuire
même à ceux qui les honorent.
bus : quod commeudare memorice dili-
genter debemus, esse quœdam facta si-
milia; quod probatur, cum idem ipse
Evangelista vitrumque commémorât; ut
(si quando talia siiii^ula apud singulos iu-
veiierimus, alque iu eis coutrarium quod
suivi non possit) occurral uobis uou esse
factum idem, sed aliud simile vel simili-
ter factum.
Et circuibat Jésus omnes cicilates et castelta,
docensin synagogis eorum, et prœdicaiiti Evan-
gelium Jiegni, et curans omiiem laiigitorem et
omnem iiifirniitateni. Videiis aiitem tuibcs, vii-
sertus est ris, ijuia rrant vexati et jareiiti's, si-
eut oves non habentes pastorem. Tune dùcit
disciputis suia : Jilessù guidem mutta, opéra-
rii autem pauci. Rogate ergo Dominum messis
ut mittat operarios in messem suani,
CiiUYS. {in liomil. 33, in 3faitli.)Vo-
hiit Domiaus ipso facto redarguere ac-
ousationem pbarisa^orum diceutium :
« lu principe da'uioniorum ejicit dœmo-
uia; » d;emon euim couvitium passus
non bene facit, sed uocet eis qui eum
inbonorant. IJominus autem coutrarium
facit qui post convitia et coutumelias,
uon sohmi non puuiit, sed nec etiau)
increpavit; quinimo bénéficia pnvslitit ;
undc sequitur : « Kt circuibat Jésus om-
nes civilales et castella ; » iu ipio erudit
uos accusatoribus uostris relribuere ,
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX. 47
faits. Celui qui, victime d'une accusation, cesse de faire le bien,
montre qu'il n'agissait que pour s'attirer les louanges des hommes.
Si au contraire Dieu est le principe du bien que vous faites à vos
frères, quoiqu'ils entreprennent contre vous, leur conduite n'interrom-
pra pas le cours de vos bienfaits , et votre récompense n'eu sera que
plus grande.
S. JÉR. Vous voyez qu'il prêche également l'Evangile dans les vil-
lages comme dans les villes et dans les bourgs , c'est-à-dire aux petits
comme aux grands; il ne considère pas la puissance qui vient de la
noblesse, il ne voit que le salut de ceux qui croient en lui. L'Evan-
géliste ajoute : « Il enseignait dans leurs synagogues , accomplissant
ainsi l'œuvre que son Père lui avait confiée et satisfaisant la faim qu'il
éprouvait de sauver les infidèles par sa parole. » ïl enseignait dans
les synagogues l'Evangile du royaume, comme le dit expressément le
texte sacré : « Et il prêchait l'Evangile du royaume. » — Rémi. Par
cet évangile du royaume, il faut entendre l'Evangile de Dieu, car si
on n'annonce que des biens temporels, ce n'est point là l'Evangile (1);
c'est pour cela que ce nom n'est pas donné à la loi , parce qu'elle ne
promettait à ceux qui l'observaient que des biens temporels, et non
ceux de l'éternité.
S. JÉR. Après avoir prêché l'Evangile et enseigné sa doctrine, il
guérissait toutes les langueurs et toutes les infirmités, persuadant
ainsi par ses œuvres ceux que ses discours n'avaient pu persuader ;
c'est ce qu'ajoute l'écrivain sacré : « Guérissant toute langueur et
toute infirmité. » Ces paroles lui sont appliquées littéralement , car
rien ne lui est impossible. — La Glose (2). La langueur , ce sont les
(1) Evangile, bonne nouvelle ; de eô, bien, etàyyéXXw, j'annonce.
(2) Dans saint Anselme.
non accusationes , sed bénéficia : qui
enim post accusationem desistit a bene-
ficio, monstrat quoniam propter Uomi-
Qum laiidem benefacit ; si vero propter
Deum beaefacis conservis, quicquid illi
fecerint, non desistis benefaciens, ut ma-
jor sit merces. _
Hier. Vides autem quod œqualiter, et
vicis, et urbibus, et castellis (id est, et
rnagnis, et parvis), Evangelium prtedi-
caverit ; ut non consideraret nobilium
potentiam, sed salutein credentium. Se-
quitur : « Docens in synagogis eoruui, »
hoc scilicet habens operis quod manda-
verat Pater et hanc esuriem ut per doc-
trinam salvos faceret infidèles. Docebat
autem in syuagoga Evangelium Regui :
unde sequitur : « Et prœdicans Evange-
lium Regni. » Remig. Intelligendum est
Dei : quamvis enim annuutientur bona
temporalia, tamen non dicitur Erancje-
llum. Hiuc est quod lex non nomiuatur
Evangelium, quia suis observatoribus
non promittebat bona cœlestia, sed ter-
rena.
Hier. Post prsedicatiouein autem et
doctrinam, curabat omnem lauguoremet
oumem infirmitatem ; et ut quibus sermo
non suaserat, opéra persuadèrent : unde
sequitur : « Curans omnem languorem
et omnem infirmitatem ; » quod de ipso
proprie dicitur : uihil quippe ei impossi-
bile est. Glossa. Languorem vocal diu-
turnam infirmitatem; infinnitatem au-
48
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
longues souffrances ; l'infirmité, les maladies les plus légères. — Rémi.
Remarquez qu'il guérissait intérieurement l'àme de ceux dont il gué-
rissait extérieurement le corps, ce que les autres hommes ne peuvent
faire par eux-mêmes, mais seulement par la grâce de Dieu.
S. Chrys. {hom. 33.) La bonté de Jésus-Clirist ne s'arrête pas là, il fait
preuve à leur égard d'une autre sollicitude, et il ouvre sur eux les en-
trailles de sa miséricorde. « Et, voyant ces troupes , dit l'Evangéliste,
il en eut compassion (1). » — Rémi. Notre- Seigneur nous révèle ici
les sentiments d'un bon pasteur si éloignés de ceux du mercenaire.
Mais pourquoi cette compassion ? La suite nous l'apprend. — Rab. Ou
bien ils étaient tourmentés par diverses erreurs ; ils étaient couchés,
c'est-à-dire comme engourdis sans pouvoir se lever , et tout en ayant
des pasteurs, ils étaient comme n'eu ayant pas. — S. Ciirys. {hom. 33.)
Le crime des princes des Juifs, c'est qu'étant les pasteurs du troupeau,
ils se conduisaient à son égard comme des loups ; car non-seulement
ils ne travaillaient pas à la réforme du peuple, mais encore ils nui-
saient à son avancement. Le peuple dans l'admiration s'écriait : « Ja-
mais on n'a rien vu de semblable dans Israël, » et à ce témoignage
ils opposaient cette calomnie : « C'est par le prince des démons qu'il
chasse les démons. »
Rémi. Mais du moment que le Fils de Dieu eut regardé du ciel sur
la terre pour entendre les gémissements de ceux qui étaient enchaînés
{Ps. ci), la moisson déjà grande devint plus considérable encore; car
jamais la multitude du genre humain ne fût parvenue à la foi, sil'au-
(1) Dans quelques exemplaires et dans celui que la Glose a suiTi après saint Hilaire, c'est ici
que commence le chap. x.
tem , levés morbos. Remio. Scientlum
est auteui quia illos quos corpore saua-
bat forinsecus, mente sanabat intrinse-
cus ; alii vero lioc faeere uou possiint
sua potestalc, sed per Dei gratiani.
Chrys. {in homil. 33, in Matlh.) Non
auleni in lioc slat Chrisli bouitas, sotl et
aliam providenliam circa eos ostendit,
viscera lulsericordiœ circa eos expan-
dens : unde sequitur : « Videns autcni
turbas, misertus est eis. » Remig. Per
quod officium boni pasloris niagis «juam
niercenarii in se Chi'istus ostendit. Quare
autem misertus sit, subjunpit : « Quia
erant vexati et jacentes, sicut oves non
habenles pastoreni ; » vexati qnidcm a
daîmonibus, sive quia a diversisiniirmi-
tatil)us et languoribus erantattriti.RAHA.
Vel vexati per diverses crrores, et ja-
centes (id est torpentes) , et non valen-
tes surgere ; et cura baberent pastores,
erant quasi non liabereut pastorem.
Chrys. [in homil. 'i'i , in Malth.) Ha»c
priucipum Juda-oium crat accusatio ;
quoniani pastores existentes, ea quœ lu-
porum erant, osleudebant : non soUnn
eniui non emendabant mullitudinem, sed
et niK-ebant eorum profectui : illis enini
admirantibus et dic^entibus : « Nunquam
apparuit ita in Israël, e contrario dice-
bant : Ononi'im in principe d;emouiorura
ejicit du'monia. »
Rkmig. Post(piani autem Dei Filins de
cœlo prospexit in terrani, ut audiret
geniilus compoditorum (/*sfl/. 101.), mox
nuilla messis ccepit augeri; liu'bir nam-
que bumani generis tidei non appropiu-
quasseut, nisi quia auclor buuiana- sa-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. IX. 49
teur du salut des hommes n'eût jeté du ciel un regard de miséricorde
sur la terre, et c'est pour cela que l'Evangéliste ajoute : a Alors il dit
à ses disciples : a La moisson est grande , il est vrai , mais les mois-
sonneurs sont peu nombreux. — La Glose (1). La moisson, ce sont
les hommes qui peuvent être moissonnés par les prédicateurs, séparés
de la masse de perdition et conservés dans les greniers comme les
grains détachés de la paille. — S. Jér. La grande moisson signifie la
multitude des peuples, et le petit nombre d'ouvriers, la rareté de ceux
qui doivent enseigner. — Remi. Le nombre des Apôtres était bien
petit en effet, en comparaison de ces vastes moissons. Or, le Sauveur
exhorte ses prédicateurs, c'est-à-dire les Apôtres et leurs successeurs,
à demander tous les jours que leur nombre s'augmente. « Priez donc
le Maître de la moisson, qu'il envoie des ouvriers dans sa maison. —
S. Chrys. {hom. 33.) Il déclare ainsi indirectement qu'il est ce Maître
dont il parle, car c'est lui-même qui est le Maître de la moisson. En
effet, s'il a envoyé les Apôtres moissonner ce qu'ils n'avaient pas semé,
il est évident qu'il n'a pu les envoyer recueillir la moisson d'autrui ,
mais ce que lui-même avait semé par les prophètes (2). Mais comme
ce sont les Apôtres qui sont les moissonneurs, il leur dit : « Priez donc
le Maître de la moisson qu'il envoie des ouvriers en sa moisson. » Ce-
pendant il ne leur adjoignit personne. Ils restèrent douze, et il ne les
multiplia qu'en ajoutant non pas à leur nombre ;, mais à leur puis-
sance.
S. Chrys. {hom. 33.) Le Sauveur nous apprend quel don précieux
(1) Saint Anselme,
(2) Jean, iv, 38.
lutis de cœlis prospexit iu terrain : et
ideo sequitur : « Tune dixit discipulis
suis : Messis quidem multa, operarii au-
tem pauci. » Glossa. Messis ergo dicun-
tur hommes qui possunt meti a praedi-
catoribus, et de collectione perditorum
separari, ut grana excussa a paleis,
postea in horreis repouantur. Hier.
Messis multa, populorum signât multi-
tudinem ; operarii pauci, peuuriam ma-
gistrorum. Remig. Parvus euim erat uu-
uierus apostolorum ad comparationem
tautarum segetum. Hortiilur autem Do-
uÙDUs suos prœdicatores (id est, apos-
tolos et eorum sequaces), ut quotidiesui
nuuieri augmeatatiouem exposcant :
unde sul)dit : « Rogate ergo dominum
messis ut mittat operarios in messem
suam. «Chrys. {in homil. 33, in Matth.)
TOM. II.
Latenter seipsum dominum ostendit :
ipse enim est qui messis et dominus ; si
enim metere uiisit quœ apostoli non se-
minaverunt, manifestum est quoniam
non aliéna metere misit, sed ea quse
ipse per prophetas seminavit. Sed cum
duodecim apostoli sint operarii, dixit :
« Deprecamini dominum messis, ut mit-
tat operarios io messem suam ; » et ta-
men nullum eis adjecit, quia scilicet
eos jam duodecim existantes multipli-
cavit, non numéro adjiciens, sed virtu-
tem largiens. Remig. Vel tune augmen-
tatus est, quando designavit et alios 72,
et quando sunt facti multi praidicalores,
Spiritu Sancto descendente super ere-
dentes.
Chrys. (m 'lomil.SZ, in Matth.) Osten-
dit autem quam magnum donum sit (sci-
50 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE DE S. MATTHIEU, CHAP. X.
c'est que de pouvoii' annoncer convenablement la parole de Dieu, en
nous recommandant de prier à cet eflet. Ces paroles nous rappellent
les comparaisons du précurseur, l'aire, le van, la paille et le blé (1).
— S. HiL. Dans le sens mystique , au moment où le salut est donné
aux nations, toutes les villes, toutes les bourgades sont éclairées par
l'avènement et la vertu du Christ. Le Seigneur a pitié de son peuple
tourmenté par la violence tyrannique de l'esprit impur, et fatigué du
lourd fardeau de la loi, car il n'avait pas encore de pasteur qui pût
lui assurer la garde de l'Esprit saint. Or, le fruit de ce don céleste
était on ne peut plus abondant, et sa source féconde ne pouvait être
épuisée par la multitude de ceux qui venaient y participer ; car quel
que soit leur nombre, sa plénitude se répand toujours delà même ma-
nière. Et comme il faut un grand nombre de ministres pour distribuer
cette grâce, Notre-Seigneur ordonne de prier le Maître de la moisson
d'envoyer un grand nombre de moissonneurs pour recevoir ce don de
l'Esprit saint. Eu effet, c'est par le moyen de la prière que Dieu ré-
pand sur nous cette grâce.
(1) Matth., m.
licet ut aliquis habeat virtutem decenter
praedicandi) , per hoc qiiod dicit ad hoc
esse orandum. Commémorât autem in
hoc loco verborum Joamiis de arca, et
ventilabro, et palea, et frumeuto. Hilar.
Mystice autem salute gentibus data, ci-
vitates omnes et castella omnia virtute
et ingressu Christi ilhiminantur, et om-
nem infirmitatem veterni lauguoris eva-
dunt. Immundi autem spiritus dominante
vioientia vexatam et sub legis onere
segrotam plebem Domiuus miseratm",
quia nuUus adhuc eis pastor erat, custo-
diam Sancti Spiritus redditurus. Erat au-
tem doni istius copiosissimus fruclus ,
cujus copia haurientium multitudinem
vincit ; uam quantumUbet assumatur a
cunctis, adlargiendum tamensemperexu-
berat; et quia pkires esse utile est, per
quos ministretur, rogari dominum messis
jubet ut ad capesseudum quod praepara-
batur donum Spiritus Sancti, messorum
copiam Deus prœstet : per oralioneni
euim hoc mimus a Deo uobis effundilur.
CHAPITRE X.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
y. 1-4. — Liaison de ce chapitre avec ce qui précède. — Election des douze
Apôtres. — Raison mystique de ce nombre. — Pouvoir que leur donne le
Sauveur. — Etendue de ce pouvoir. — Il est différent de celui qu'avait le
Sauveur lui-même. — Pourquoi l'Evangéliste donne-t-il ici le nom de tous les
Apôtres? — Signification du nom de Pierre; — du nom d'André. — Pour-
quoi les Apôtres sont-ils nommés deux à deux ? — sont-ils placés par ranf'
de dignité? — Signification du nom de Jacques, de Jean, de Philippe de
Barthélemi. — Pourquoi saint Matthieu se place-t-il après saint Thomas et
se donne-t-il le nom de publicain ? — Signification du nom de Thomas et de
Didyme, de Jacques fils d'Alphée et de Thadée , de Simon le Chananéen et
de Judas Iscariote. — Pourquoi le Sauveur a-t-il choisi pour apôtres des
hommes sans naissance, sans distinction, sans instruction? — Pourquoi un
d'eux fut-il mauvais ? — Quelle est la fin de la mission des Apôtres ?
Opportunité de cette mission.
f. 5-8. — Où doivent aller les apôtres ? — Comment concilier la défense qui
leur est faite d'aller vers les gentils , avec le commandement que le Sauveur
leur donne plus tard : Allez, enseignez toutes les nations ? — Diversité des
temps. — Ordre qu'ils devaient suivre. — Privilège que devaient avoir les
Juifs. — Réponse que Notre-Seigneur faisait par là aux outrages dont ils
l'accablaient. — Bonté qu'il témoigne pour les enfants d'Israël. — Significa-
tion morale de cette recommandation. — Quel est le royaume des cieux qu'ils
doivent prêcher? — Grandeur du ministère des Apôtres. — Pourquoi Jésus
leur donne le pouvoir de faire des miracles ? — Grandeur de ce pouvoir. —
jNécessité de ces miracles dans les commencements de l'Eglise. — Pourquoi
ont-ils été ensuite plus rares ? — Dans le sens spirituel, ils se renouvellent
sans cesse dans l'Eglise. — Que représentent ces différentes infirmités ? —
Pourquoi Notre- Seigneur ajoute-t-il : Donnez gratuitement ce que vous avez
reçu gratuitement ? — Leçon d'humilité et de désintéressement.
f. 9, 10. — Différentes raisons pour lesquelles il leur recommande de n'avoir
ni or, ni argent, ni bâton, ni deux tuniques, ni chaussures. — Admirable
compensation des privations qu'il leur impose. — Il les affranchit de toute
sollicitude, même de celle de la parole. — Comment il tempère la sévérité de
ces préceptes. — Pourquoi était-il convenable que les Apôtres fussent nourris
par ceux qu'ils enseignaient ? — Ce n'est pas une aumône qu'ils reçoivent.
— Ce n'est pas le prix de leurs prédications, c'est un subside qui leur permet
de continuer leurs travaux. — Notre -Seigneur ne défend point par là aux pré-
dicateurs de l'Evangile de se procurer d'autres moyens d'existence. — Com- •
ment concilier saint Matthieu et saint Jean relativement au bâton, à la
chaussure et aux deux tuniques? — Que signifient dans le sens spirituel l'or,
l'argent, la ceinture, les deux tuniques, les chaussures ?
f. 11-15. — Prudence dans le choix de ceux dont ils recevront l'hospitalité. —
Qui les guidera dans ce choix? — Comment Notre-Seigneur lui-même est-il
entré chez un publicain ? — Compensation des privations et du détachement
que Notre-Seigneur impose à ses Apôtres. — Grâce accordée à celui qui exerce
52 EXPLICATION DE l'ÉVANGÏLE
l'hospitalité. — Pourquoi ne veut-il pas qu'ils changent de demeure ? — Pour-
quoi doivent-ils souhaiter la paiv en entrant? — Dans quel sens les Apôtres
souhaitent la paix. — Ce qu'ils doivent faire si on ne veut pas la recevoir. —
Pourquoi secouer la poussière de leurs pieds ? — Que signifie celte poussière ?
— Pourquoi ceux qui ne les recevront pas seront-ils punis plus sévèrement
que Sodome et Gomorrhe ? — Diversité des supplices de Tenier. — Pourquoi
choisit-il pour exemple les villes de Sodome et de Gomorrhe? — Que si-
gnifie dans le sens spirituel la recommandation du Sauveur ?
y. 16-18. — Pourquoi prédit-il à ses disciples les épreuves qui devaient leur
arriver? — Pourquoi les envoie-t-il au milieu des loups? — Comment les
prédicateurs doivent-ils montrer la douceur des brebis ? — Conduite contraire
que tiennent quelques-uns de ceux qui sont à la tète des autres. — Quels sont
ceux que Notre-Seigneur veut désigner sous le nom de loups ? — Consolation
qu'il offre à ses disciples au milieu de ces épreuves. — Dans quel sens doi-
vent-ils avoir la prudence du serpent? — Pourquoi veut-il qu'ils joignent à
cette prudence la simplicité de la colombe ? — Qu'est-ce qui rendra néces-
saire pour eux la prudence du serpent ? — Comment les Apôtres n'ont-ils pas
quitté Jésus-Chrit en entendant ces prédictions ? — Que veulent dire ces pa-
roles : <( Pour leur servir de témoignage? » — Consolation pour les Apôtres;
condamnation de leurs persécuteurs, espérance pour les Gentils.
f. 19, 20. — Nouveau motif de consolation dans ces paroles : Ne vous inquiétez
pas de ce que vous aurez à répondre. — Ce que nous avons à offrir à Dieu
lorsque nous sommes traduits devant les tribunaux pour la cause du Christ. —
Comment Dieu récompense alors notre foi. — Comment conciher cette re-
commandation avec celle de saint Pierre : Soyez toujours prêts à ré-
pondre ? etc.
y. 21, 22. — Jésus leur prédit de plus grandes épreuves. — Celles qui viennent
de ceux qui nous sont chers sont plus douloureuses. — Nouvelle consolation
qu'il leur ménage, à cause de mon nom. — Nécessité de la persévérance. —
Pourquoi en fait-il un devoir à ses Apôtres ? — Double explication de ces pa-
roles.
y. 23. — Adoucissement que Notre-Seigneur apporte aux prédications effrayantes
qu'il vient de faire. — A quel temps faut-il rapporter la recommandation de
fuir ? etc. — Pourquoi leur recommande-t-il de fuir? — Pourquoi est-ce tou-
jours un crime de mettre fin à ses jours ? — Il prévient une objection de ses
disciples en leur disant : Vous ne parcourerez pas, etc. — Deux autres expli-
cations de ces paroles. — Règles à suivTe relativement à la fuite dans les per-
sécutions. — Quel est le sens spirituel de ces paroles ?
y. 24, 23. — Comment Notre-Scigneur console par avance ses Apôtres de la
mauvaise opinion qu'on aurait d'eux ? — Pourquoi ces consolations ? — Sens
de ces paroles : Le disciple n'est pas, etc. — Quel est ce maître, quels sont
CCS disciples ? — Liaison de ces paroles avec co qui précède. — Ce qu'elles
. signifiaient pour les Apôtres. — Ce qu'était Beolsébub.
y. 26-28. — Nouvelle consolation qu'il leur donne en leur disant : « Ne les crai-
gnez donc pas. » — Raison qu'il leur donne : Il n'y a rien de caché, etc. —
Pourquoi cependant les vices d'un si grand nombre demeurent-ils cachés pen-
dant cette vie? — Trois autres explications de ces mêmes paroles. — 11 leur
recommande de prêcher l'Evangile ouvertement et sans crainte. — Divers
sens des paroles qu'il leur adresse : Pnchez sur tes toits. — Comment Notre-
DE SAINT MATTfflEU, CHAP. X. 53
Seigneur monlre-t-il qu'il fait tout par ses Apôtres ? — Il ne faut avoir aucune
crainte dans la prédication de l'Evangile. — Que signifie la géhenne dont il
est ici question ? — En quel temps le corps sera-t-il jeté avec l'àme dans l'en-
fer ? — Le Sauveur ne délivre pas ses disciples de la mort, mais leur recom-
mande de la mépriser.
f. 29-31. — Que fait-il pour les rassurer contre la crainte d'être abandonnés
de Dieu, s'ils étaient mis ù mort? — Est-ce que deux passereaux, etc. —
Sens mystique de ces paroles. — Que signifient ces paroles : Tous les che^
veux de votre téte^ etc. — Conséquence ridicule qu'on voudrait tirer de ces
paroles pour la résurrection. — Dans quelle mesure et d'après quelle règle la
résurrection nous rendra les cheveux que nous avons perdus ? — Ce que ces
paroles doivent nous faire conclure de la providence de Dieu à notre égard. —
Sens mystique de ces paroles.
f, 32, 33. — Conclusion des enseignements qui précèdent : les Apôtres doivent
prêcher l'Evangile avec liberté. — Quelle espèce de confession Jésus exige de
ses disciples ? — Quelle en sera la récompense ? — En quoi consiste la néga-
tion de Dieu dont il est ici question ? — Pourquoi exige-t-il la confession de
bouche? — Ces paroles s'adressent à tous sans distinction. — Autre sens
moral de ces paroles.
f. 34-36. — Quelles seront les suites de la prédication ? — Comment concilier
les paroles de Jésus-Christ : Je ne suis pas veiiu apporter la paix, avec les
recommandations précédentes? etc. — Dans quel dessein leur annonce-t-il les
dissensions et les guerres? — Dans quel sens dit-il qu'il vient séparer? etc. —
Sens mystique de ces paroles appliquées au fidèle en particulier. — Et au
peuple de Dieu. — Conduite ordinaire de l'ennemi du salut.
f. 37-39. — Quel ordre le chrétien doit garder dans ses affections ? — Ces pa-
roles peuvent-elles se concilier avec celles de saint Paul, qui recommande
l'obéissance aux parents ? Les parents eux-mêmes doivent sacrifier à l'amour de
Dieu l'amour naturel qu'ils ont pour leurs enfants. — Obligation plus rigou-
reuse encore de se haïr soi-même. — Jusqu'où doit aller cette haine de soi-
même ? — Deux manières de porter sa croix . — Quels sont les avantages
attachés à la pratique de ces préceptes ? — Dans quel sens doit-on prendre
l'âme dans ce passage ? — Autre explication qu'on peut donner de ces pa-
roles du Sauveur.
y. 40-42. — Comment Notre-Seigneur pourvoit-il aux besoins des Apôtres qu'il
oblige à un si grand détachement ? — Récompenses promises à ceux qui les
recevront. — Preuve qu'il est notre Médiateur. — La récompense du pro-
phète et du juste [)romise à ceux qui les reçoivent. — Sens mystique de ces
paroles. — On peut voir Notre-Seigneur lui-même dans ce prophète et dans
ce juste. — Réponse à l'objection qu'on aurait pu tirer de sa pauvreté :
Celui qui aura donné un verre d'eau froide, etc. — Ce que Dieu demande
surtout. — Quels sont ces petits dont veut parler Jésus-Christ ?
u
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
f. 1-4. — Alors Jésus ayant appelé ses douze disciples , leur donna puissance
sur les esprits impurs pour les chasser, et pour guérir toutes les langueurs et
toutes les maladies. Or, voici les noms des douze apôtres : Le premier,
Simon ^ qui est appelé Pierre, et André son frère, Jacques , fils de Zébédée,
et Jean son frère, Philippe et Barthélemi, Thomas et Matthieu le puhlicain,
Jacques, fils d'Alphée, et Thaddée, Simon Chananéen , et Judas Iscariote, qui
est celui qui le trahit.
La Glose (1). Depuis la guérison de la belle-mère de Pierre jusqu'à
cet endroit, les miracles opérés par Jésus-Christ sont racontés sans in-
terruption, et ils ont tous eu lieu avant le sermon sur la raontap:ne,
ainsi que le prouve jusqu'à l'évidence la vocation de saint Matthieu
qui s'y trouve comprise, car saint jNlatthieu a été un des douze que
Jésus a élus sur la montagne pour l'apostolat. Ici l'Evaugéliste re-
prend son récit en suivant l'ordre dans lequel les faits se sont passés,
après la guérison du serviteur du centurion, a Et Jésus ayant appelé
les douze disciples. » — Rémi. L'Evaugéliste venait de raconter que
Notre-Seigneur avait engagé ses disciples à prier le Maître delà mois-
son d'envoyer les ouvriers dans sa moisson, et il accompht lui-même
ce qu'il les a engagés à demander. Le nombre douze en effet , est un
nombre parfait; puisqu'il vient du nombre six qui est parfait lui-même,
parce qu'il se compose de ses fractions qui sont un, deux trois. Or, ce
nombre sis étant doublé, forme le nombre douze. La Glose (2). Cette
multiplication par deux peut signifier ou les deux préceptes de la cha-
(1) La Glose collatérale au commencement du chapitre x, qu'elle fait commencer à ces pwoles :
0 Jésus voyant cette foule, » vers. 36 du chap. ix.
(2) Cette citation ne se trouve ni dans la Glose, ci dans saint Anselme ; la première partie se
retrouve dans saint Grégoire, homél. 17 sur ces paroles du chap. x de saint Luc : u 11 les envoya
deux à deux, » etc.
CÂPUT X.
Et convocotis duodecim discipulis suis, dédit
illis potestatem spirituum immundorum , ut
ejicerent eos, et curarent omnem languorem et
cmnem infirmitalem. Duodecim autem aposto-
lorumnowina sunt hctc : primus, Simon (qui
dicitur Petrus), et Andréas, frater ejus ; Ja-
cobus Zebedœi, et Joaiines , frater ejus ; Phi-
lippus et Bnrtholomœus ; Thomas et Matthœus
puhlica.nus; et Jacobus Alphai, et Thadœus;
Simon Chananœus, et Judas Iscarioles, qui et
tradidit eum.
Glossa. a curatione socrus Peiri ns-
que hue conlinuatiouem habuermil re-
lata miracula : et fuerunt anle sermo-
nem iu monteni habituai facta; qund ex
electioue Malthœi (quai inter ipsa refer-
tur) indubitanter habemus : fuit enim
unus de duodecim electus in monte ad
apostolatum : lue autem redit ad ordi-
nem rei sicut gesta est, post curatum
eeuturionis servimi, dicens : « El uou-
voeans duodecim discipulos. » Remig.
Narraverat enim superius EvangeUsta
(juia cohorlatus est Domiuus discipulos
ropare domiuum messis ut mitteret ope-
rarius iu messem suam ; et quod horta-
tus est, hoc nunc implere videtur. Duo-
denarius enim numerus perfectus est :
nascitur enim a senario, qui perfectio-
nem habet, eo quod ex suis partibus,
qintt sunt inntm, duo et tria , iu seip-
sum formatur : senarius autem numerus
(iupUratus, duodenarium pignit. fiLOSS.x.
Quœ quidem dupUcatio-ad duo praecepta
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X.
55
rite ou les deux Testaments. — Raban. Le nombre douze, composé du
nombre trois multiplié par quatre, signifie que les Apôtres prêcheront
la foi en la sainte Trinité dans les quatre parties du monde. Ce
nombre se trouve aussi figuré par avance de plusieurs manières dans
l'Ancien Testament; dans les douze enfants de Jacob {Gen. xxxv);
dans les douze chefs des enfants d'Israël (Nomb.i); dans les douze
sources d'eau vive d'Hélim {Exod. xv); dans les douze pierres pré-
cieuses qui brillaient sur le rational d'Aaron {Exod. xxxix); dans les
douze pains de proposition {Levi. xxiv) ; dans les douze hommes envoyés
par Moïse pour examiner la terre promise {ISomb. xiii) ; dans les douze
pierres qui servirent à élever un autel (III Rois, xviii); dans les douze
autres pierres qui furent retirées du Jourdain {Josué^ iv); dans les
douze bœufs qui supportaient la mer d'airain (III Rois, vu) ; et pour le
Nouveau Testament , dans les douze étoiles qui forment la couronne
de l'épouse {Apocal. xii); dans les douze pierres fondamentales ; dans les
douze portes de la Jérusalem céleste qui fut révélée à saint Jean (xxi).
S. Chrys. {hom. 33.) Ce n'est pas seulement en leur représen-
tant leur ministère comme une moisson prête à recueillir que le Sau-
veur inspire à ses Apôtres une vive confiance, mais encore en leur
donnant d'exercer ce ministère avec puissance. « Et il leur donna
puissance sur les esprits impurs, pour les chasser et pour guérir toutes
les langueurs et toutes les infirmités. » — Rémi. Nous avons ici une
preuve évidente que l'accablement de cette multitude ne venait pas
d'une seule cause, mais que leurs infirmités étaient nombreuses et va-
riées, et c'est en donnant à ses disciples le pouvoir de les traiter et de
les guérir que Jésus prend pitié d'elles. — S. Jér. Car le Seigneur est
plein de bonté et de clémence ; c'est un Maître qui n'est pas jaloux de
charitatis vel ad duo Testamenta perti-
nere videtur, Raba. Duodenarius etiam
numerus^ qui conficitur ex ternario et
quaternario, désignât eos per quatuor
mundi climata fidem sanctae Trinitatis
prnedicaturos. Iste etiam numerus per
multas figuras in veteri Testamento prœ-
signatusest: per 12 filios Jacob (Gen. 35);
per 12 principes filiorum Israël {Nnm. i);
per 12 fontes viventes in Helim {Exod.
15) ; per 12 lapides in rationali Aaron
(Exod. 39) ; per 12 panes propositionis
(Levit. 24) ; per 12 exploratores a Moyse
missos (Num. 13) ; per 12 lapides unde
factum est altare (m fieg. 18) ; per 12
lapides sublatos de Jordane (Josue. 4) ;
per 12bovesquisustinebantmare aeneum
(mi Reg. 7) : in novo etiam Testamento,
per 12 stellas in corona sponsae {Apocal.
12); per 12 fundamenta Hierusalem, quae
vidit Joannes (Apocal. 21), et per 12
portas (Ibidem.)
CnRYS. (in hom. 33, in Matth.) Non
solum autem eos confidere fecit, eorum
ministerium vocando missionem in mes-
sem, sed et faciendo eos potentes ad mi-
nisterium : unde sequitur : « Dédit illis
potestatem spirituum immuudorum ut
ejicerent eos, et ut curarent omnem lan-
guorem et omnem infirmitatem. » Remig.
In quo aperte demonstratur quia vexa-
tio turbarum non fuit tantum una aut
simplex , sed varia ; et hoc est misereri
turbis, dare discipulis potestatem curan-
di et sanandi eas. Hier. Benignus enim
et clemens Dominas, ac magister non
56
EXPLICATION DE L EVANGILE
la puissance de ses serviteurs et de ses disciples; aussi leur donne-t-il
libéralement le même pouvoir qu'il avait exercé de guérir toutes les
langueurs et toutes les infirmités. Mais il y a une grande ditférence
entre posséder et accorder aux autres ce qu'on possède soi-même,
entre donner et recevoir. Tout ce que fait Jésus-Cbrist, c'est avec un
pouvoir souverain , tandis que les Apôtres, dans toutes leurs œuvres,
sont forcés de confesser leur propre faiblesse et la puissance du Sei-
gneur, comme lorsqu'ils disent : et Au nom de Jésus , levez-vous et
marcbez {Actes, m, 6; ix, 3-i.) L'Evangéliste nous donne ici lenombre
des Apôtres pour en exclure comme faux apôtres ceux qui n'y sont
pas compris; c'est pour cela qu'il ajoute : « Or, voici les noms des
douze Apôtres : le premier, Simon qui s'appelle Pierre, et André son
frère. » Il n'appartenait qu'à celui qui pénètre le secret des cœurs
d'assigner à cbacun des Apôtres la place qu'il méritait. Le premier
nommé, c'est Simon, et Jésus lui donne le surnom de Pierre pour le
distinguer d'un autre Simon, le Cbananéen, du bourg de Cana, où
Jésus cbangea l'eau en vin. — Rab. Le nom grec Ilé-poç, en latin Pe-
trus, correspond au nom syriaque Cephas, dans cbacune de ces trois
langues, ce nom est dérivé du mot pie)Te. Or, il est hors de doute
que cette pierre est celle dont saint Paul a dit : « La pierre était le
Christ. »
Rémi. — Quelques-uns ont voulu trouver dans ce nom, qui en grec
comme en latin veut dire pierre, la signification d'un mot hébreu qui
selon eux signifie dissolvant, ou déchaussant , ou connaissant. Mais
cette interprétation a contre elles deux raisons, qui la rendent impos-
sible, la première, c'est que dans la langue hébraïque la lettre P
invidet servis atque discipulis virtutes
suas; ctsicut ipse curaveral omuern lau-
guorera et infiruiilatem, apostolis quo-
que suis Iribuit potestatem ut curent oui-
nem lauijuoroMU et oaïuem iufirmilateiu :
sed luulla ditlerentia est iuter liabere et
tribuere; ilonare et accipere : istc quod-
cunqne agit, potestatc IJomiui agit ; illi
si quid faeiunt, iudtocillitatem suaui et
virtutem Domiui confileutur, dicentes :
« In nomiue Jesu, surgo et ambula. »
Catalogus auteni apostolorum pouitur,
ut extra hos qui pseudoapostoli suut ,
excUulantur : uude sequitur : « Duode-
cim auteni apostolorum nomina sunl
hsec : » primus, Simon (qui vocatur Pe
trus), et Andréas, fraler ejus. Ordineni
quideni apostolorum et meritum unius-
cujusque, illius fuit distribuere qui cor-
dis areana rimatur. Primus scribitur Si-
mon, cognoraine Petrus , ad distinctio-
nem alterius Simonis (qui appellatur
Chanamcus), de vico Galilœa; Caua, ubi
Doniinus aquam convertit in vinum.
[Joan. 2.) Hara. Idem est autem praece
Ilé-rpoç, sive latine Petrus, ([uod syriace
Cephas ; et in utraque lingua nomen a
pelra derivatum est; nec dubium quin
illa de qua Paidus ait (i Corinth. 10) :
« Petra autem erat Christus. »
Rkmio. Fueruut autem noiniulli qui in
boc nomiue (grseco scilicet atque latiuo,
quod est Petrus quaerentes bebraicae
lingua? inlerpretationem, dixerunt, quod
interpretatur discatcians sive dissol-
rens, vel agnosrens ; sed illi qui hoc
dicunt, duabus tenentur contrarietati-
bus : prima est ex proprietate hebraicte
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. 57
n'existe pas, et qu'elle est remplacée par la lettre F (1) : ainsi on dit :
Philate ou Filate pour Pilate; la seconde, c'est l'interprétation de
l'Evangéliste qui raconte que le Seigneur dit à Pierre : Tu t'appelleras
Cephas, et ajoute de lui-même : « c'est-à-dire Pierre. » {Jean, i.) Or
Simon signifie obéissant, car il obéit à la voix d'André , et vint avec
lui trouver le Christ. [Jean, i.) Peut-être aussi est-ce parce qu'il se
montra plein d'obéissance pour la volonté divine, et que sur une seule
parole du Sauveur il se mit à sa suite. {Matth. iv.) Ce nom, selon
quelques autres interprêtes, peut encore signifier celui qui dépose son
chagrin, et c/ni entend une chose triste. En efî'et, à la résurrection du
Sauveur, Pierre bannit la tristesse que lui avaient causé la passion
du Sauveur et son propre reniement, et il entendit avec tristesse le
Sauveur lui dire : a Un autre te ceindra, et te conduira là où tu ne
veux pas. »
« Et André son frère. » C'est un grand honneur pour André que
cette dénomination. Pierre est désigné par sa vertu , et André par la
noblesse qui lui vient d'être le frère de Pierre. Saint Marc, au contraire,
ne nomme André qu'après Pierre et Jean, les deux sommités du col-
lège des Apôtres; et en cela difl'érant de saint IMatthieu, il les classe
suivant leur dignité. — Rémi. André signifie viril, car de même que
le mot virilis, en latin, vient du mot vir, ainsi en grec le nom d'André
vient d'àv/;p. C'est ajuste titre qu'on lui donne le nom de viril, paroe-
qu'il a tout quitté pour sui\Te le Christ, et qu'il a persévéré avec cou-
rage dans la voie de ses commandements.
S. JÉR. L'Evangéliste nous présente les Apôtres associés deux par
(I) Ou plutôt Phe, quoiqu'on l'écrive quelquefois comms la lettre P.
linguae, in qua P nou exprimilur, sed 1 Sequitur :« Kt Andréas, f rater ej us. »
lor.o eju3 F ponitur : unde Pilatum di- | Chrys. [in /lomil. 33, in Matth.) Non
ciiut Filatum (vel Philatum') ; secunda parva autem el h(ec laus est : Pelrum
ex interpretatione Evangelistae, qui nar- enim denominavit a virtute, Andream
rat Dominum dixisse : « Tu vocal)eris vero a nobilitate , quae est secuudum
Ceplias; » et ipse de suo addit : « Quod I morem (in hoc quod eum fratrem Pe-
interpretatur Petrus. » {Joan 1.) Simon
autem interpretatur obediens : obedivit
enim verbis Andreae, et cum eo venit ad
Christum {Joan 1) ; sive quia obedivit
prseceptis divinis, et quia ad unius jus-
sionis vocem secutus est Dominum
{Matth. 4); sive, ut quibusdam placet,
interpretatur « depouens mœrorem et
audiens trislitiam : » Domino enim sur-
gente, deposuit mœrorem dominicae
passionis et suae negationis, et tristitiam
audivit, dicente ei Domino (Joan. 21) :
« Alius te cinget, et ducet quo tu non vis. »
tri dixit) ; Marcus autem post duos ver-
tices (scilicet Petrum et Joanuem) An-
dream numerat : hic autem nou ita :
Marcus enim secundum dignitatem eos
ordiuavit. Remig. Andréas autem inter-
pretatur virilis : sicut enim apud Lati-
nes a viro derivatur virilis , ita apud
Graecos ab anir (àvr.p) derivatur .4«-
dreas : bene autem virilis dicitur, quia
relictis omnibus , secutus est Christum ,
et viriUter in mandatis ejus perseve-
ravit.
Hier. Evangelista autem paria juga
5S
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
deux. Il joint ensemble Pierre et André, beaucoup moins unis par les
liens du sang que par ceux de l'esprit; Jacques et Jean qui abandon-
nèrent leur père selon la nature pour suivre leur véritable Père qui
est au ciel. « Jacques, est-il dit, fils de Zébédée , et Jean son frère. »
Jacques est ainsi désigné à cause d'un autre Jacques qui est fils
d'Alpbée. — S. Ciirys. {homél. 33.) Vous voyez que ce n'est point par
rang de dignité qu'il les place , car Jean ne l'emporte pas seulement
sur les autres, mais sur son frère. — Rémi. Jacques veut dire supplan-
tateur, ou celui qui supplante; en effet non-seulement il supplanta
les vices de la cbair, mais encore il méprisa cette même chair jusqu'à
la livrer au glaive d'Hérode (1). Jean signifie la grâce de Dieu, parce
qu'il mérita d'être aimé de Dieu plus que tous les autres, et c'est ce
privilège d'amour particulier qui lui valut de reposer pendant la Cène
sur la poitrine du Sauveur {Jean, xiii). Viennent ensuite Philippe et
Barthélemi : Philippe signifie l'ouverture de la lampe ou des lampes,
parce qu'il s'empressa de répandre sur son frère, par le ministère de la
parole, cette lumière dont le Sauveur l'avait éclairé lui-même. Bar-
thélemi est un nom plutôt syriaque qu'hébreu ; il veut dire le fils de
celui qui suspend le cours des eaux, c'est-à-dire le fils de Jésus-
Christ, qui élève le cœur de ses prédicateurs au-dessus des choses de
la terre et les suspend pour ainsi dire aux choses célestes, afin que
plus ils pénètrent les secrets du ciel, plus aussi la rosée de leur prédi-
cation sainte puisse enivrer et pénétrer les cœurs de ceux qui les
entendent.
a Thomas et Matthieu le publicain. » — S. Jér. Les autres Evan-
(t) Actes, xn ; où nous lisons qu'Hérode fit trancher la tète à saint Jacques, ainsi qu'un autre
Hérode avait fait périr saint Jean-Baptiste.
apostolorum qugeque consociat : jungit
enim Petrum et Andrcam, fratres non
tam carne quani spiritu ; Jacobum et
Joannem , ijui patreui corporis relin-
quentes , venim Patrem secuti sunt.
{Matth. 4.) Unde sequitur : « Jacobus
Zebedaei, et Joannes, frater ejus : » Ja-
cobum quoque appellat Zebedœi, quia
el alius sequitur Jacobus Àlphœi. Chrys.
(il» homil. ;i3, in Mattli.) Vide auteiu
quia non secundum diguitatein eo» or-
dinal : mihi enini videtur Joannes, non
aliis sobun, sed etiam fratre, major esse.
Remig. Interpretatur autem Jacobus sxip-
planlans, sive sripplantator quia non
sobun vitiacarnis supplanta vit. sed etiam
eamdem caniom Herode trucidante con-
tempsit. (Act. 12.) Joannes interpretatur
De'i (jratia, quia prae omnibus diUgi a
Domino meruit; unde ob prœcipui amo-
ris iïratiam, supra pectus Domini in
cœna recubuit. {Joan. 13.) Sequitur :
(c PbiUppus et Barthoiomœus : » Phi-
lippus interpretatur os lampadis, sive
lampadanun ijuia lumen quo illumina-
tus est a Domino, mox invento fratri per
oflîcium oris studuit propinare. (Joan.
1.) Barthoiomœus svrum nomeu est, non
hebrœum, et interpretatur « fîlius sus-
pcndentis aquas , » id est , Christi , qui
corda suorum praedicatorum de terrenis
ad cœlestia sublevat et suspendit : ut
quo niaiîis cœlestia pénétrant, eo corda
suorum auditorum gutta sanctae prae-
dicationis magis inebrient et infundant.
Sequitur : « Thomas, et Matlhaeus Pu-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X.
59
gélistes en réunissant les deux noms miîttent d'abord celui de Matthieu,
ensuite celui de Thomas, et ils suppriment cette épithète de publicain
pour éviter l'apparence même de l'outrage à l'égard de saint Matthieu
en rappelant son ancienne profession. Mais lui-même se jilace après
saint Thomas, et se dit hautement publicain, pour montrer que la
grâce a surabondé là où le péché avait abondé. {Rom., v). Rémi.
Le nom de Thomas signifie ab?me ou gémeau ; en grec il revient à
celui de Did>/me. Thomas mérite à la fois le nom d'abîme et de
Didyme, car plus ses doutes se prolongèrent, plus aussi furent pro-
fondes et sa foi dans les effets de la passion du Seigneur et la con-
naissance qu'il eut de sa divinité, ce qu'il prouva en s'écriant : « Mon
Seigneur et mon Dieu ! » Matthieu signifie dojiné, car c'est par la
grâce de Dieu que de publicain il devint évangéliste. « Et Jacques fils
d'Alphée, et Thadée. » — Raban. Jacques, fils d'Alphée, est celui qui
dans l'Evangile et dans l'Epitre aux Galates est appelé le frère du
Seigneur (1), parce que Marie épouse d'Alphée était la sœur de Marie,
mère du Seigneur. Saint Jean l'appelle Marie, épouse de Cléophas,
ou peut-être parce qu'Alphée portait aussi le nom de Cléophas, ou bien
parce qu'après la naissance de Jacques , Marie ayant perdu Alphée,
épousa Cléophas en secondes noces (2*). — Rémi. Ce n'est pas sans
(1) Dans l'Evangile [Matth., xiii, 55 ; Marc, v, 3), il partage avec trois autres ce titre qui n'est
donné qu'à lui seul dans l'Epitre aux Galates, i, 19.
(2*) Alphée est le même personnage que Cléophas. Il ne faut pas considérer ces deux noms qui
diflërent en apparence, comme deux noms réellement différents, désignant la même personne ;
car c'est un seul et même nom modifié par une double prononciation du mot ^Snî^} 1^ fi étant
prononcé une fois comme dans 'JH^ 'Ayyœïoç , l'autre fois comme dans flDiJ j çacex , les
voyelles d'ailleurs étant aussi modifiées.
Selon le docteur Sepp, Alphée se prononçait ainsi d'après la prononciation grecque, ou Clopas,
d'après la prononciation rude des Galiléens, qui ne distinguaient pas les deux voyelles aleph et
he. La première était comme le sibbolet des Galiléens, qui donnaient à toutes les voyelles un son
guttural, comme c'est la coutume chez les peuples des montagnes Les Samaritains au con-
traire se distinguaient des Galiléens dans leur prononciation, par l'excès opposé : ils ne pouvaient
prononcer le schi et remplaçaient les sons gutturaux par la voyelle aleph, plus douce et plus
blicauus. » Hier. Caeteri Evangelistae ,
in conjunctione nominum, primum po-
nunt Matthaeum, postea Thomam ; nec
publicani nomea ascribunt, ne auliquae
conversationis recordantes , sugiliare
Evangelistam viderentur : iste vero, et
post Thomam se pouit, et publicaiium
appellat, ut ubi abundavit peccatum,
superabundet et gratia. {Ro77i. 5.) Remig.
Thomas autem interpretatur abi/ssits ,
sive geviinus, qui greece dicitur Didij-
mus. Bene autem Didipnus et abyssns
interpretatur, quia quo diutius dubita-
vit, eo profundius effectum dominicae
passionis credidit, et mysterium Divini-
tatis agnovit : unde dixit [Joan. 20) :
« Dominus meus et Deus meus. » Mat-
tbieus autem interpretatur donalus, quia
Dci munere de publicano Evangelista
factus est.
Sequitur : « Et Jacobus Alphœi, et
Thadaeus. » Raba. Iste Jacobus est qui in
Evangeliis fruter Domini nominatur, et
etiam in Epistola ad Galatas : quia Ma-
ria, uxor Alphœi, soror fuit Mariae, Ma-
tris Domini, quam Joannes Evangelista
Mariam Cleoplix uoniiuavit; ferlasse
quia idem Cléophas et Alphœus est dic-
tus : vel ipsa Maria defuncto Alphaeo
post Jacobum natum, nupsit Cleophœ.
60
EXPLICATION DE I. ÉVANGILE
raison qu'il est appelé fils d'Alphée, c'est-à-dire de celui qui est juste
ou savant, car nou-seulemcnt il triompha des vices de la chair, mais
encore il méprisa tous les soius qu'elle réclame ; et il eut pour témoins
de sa vertu les apôtres qui l'ordonnèrent évêque de l'Eglise de Jéru-
salem. L'histoire ecclésiastique raconte de lui_, entre autres choses que
jamais il ne mangea de viande, et qu'il ne but jamais ni vin ni bière.
11 ne faisait point usage de bains, ne portait pas d'habits de lin; nuit
et jour il priait, les genoux en terre. Ses vertus étaient si éclatantes
que tous unanimement l'appelaient le Juste. Thaddée est celui que
saint Luc appelle Judas de Jacques, c'est-à-dire frère de Jacques.
Dans sou Epître que l'Eglise reçoit comme canonique, il s'appelle lui-
même frère de Jacques. — S, AuG. {de Vacc. des Evang., 1. ii, ch. 30.)
Quelques manuscrits lui donnent le mon de Lebbée; mais qui empêche
que le même homme porte simultanément deux ou trois noms diffé-
rents? — Rémi. Judas signifie celui qui a confessé, parce qu'il a con-
fessé la divinité du Fils de Dieu. — Rab. Thaddée ou Lebbée signifie
sensé, ou celui qui s'appUque à la culture du cœur (1).
« Simon le Chananéen et Judas Iscariote, qui le trahit. » — S. Jér.
Simon le Chananéen est celui qui est appelé Zélotés par un autre
Evangéliste, parce que Ghana signifie rè/e (2). Judas Iscariote est ainsi
nommé ou du bourg où il a pris naissance, ou de la tribu d'Tssachar,
et il semble que ce soit par une espèce de prophétie qu'il soit né pour
sa condamnation , car Issachar signifie récompense, et ce nom semble
facile. Demeurant dans la plaine, ils s'étaient fait un dialecte uniforme et sans accent, et avaient
mélangé peu à peu l'idiome hébraïque d'un grand nombre de mots étrangers, (Vie de Notre-Sei-
gneur Jésus-Christ, tom. I, p. 241, 242.)
(1) Cette dernière signification ne se rapporte qu'à Lebbœus ou corculus.
(2) Ce mot suivant saint Jérôme, vient de 3/, cœur, ou suivant d'autres de N'3 /, lion, nom
qui fut donné au patriarche Juda, fils de Jacob.
Rf.mig. Et bene dicitnr filius Alphsci (id
est, justi , sive docti), quia non solum
vitia carnis supplautavit, sed etiam cu-
ram carnis contempsit : uam cujus me-
riti fuerit, testes sunt apostoli, qui eum
episcopum hierosolymilanœ Ecclesia? or-
dinaveruat : uiide et Kcclesiastica Histo-
ria inter caetera de eo dieit quia carneiu
nunquam comedit, et vinum et ciceram
non bibit; balneis et liueis vestibus non
est usus ; die noctcque ilexis «^enibiis
orabat. Adeo etiam niapni merili fuit, ut
ab omnibus jushis vocaretur. Tliada;us
autem ipse est quem Lucas Jvdam Ja-
cobi (id est, fratrem Jacobi) appellal ;
«ujus Epistola in Ecclesia legitur, in qua
se fratrem Jacobi nominat. Arc. (de
cons. Evang. lib. ii, cap. 30.) Nonnuli
autem codices babent Lebbœiim : quis
autem unquam prohibuit duobus vei
tribus nominibus unum bominem vo-
cari? Remig. .ludas autem interpretalur
confessus, eo quod Filium Dei coufessus
sit. Raba. Tbadauis autem, sive Leb-
bxiis, interpretalur corculus, id est, cor-
dis cnltor.
Sequitur : « Simon Chananaeus, et Ju-
das Iscbariotb, qui tradidit eimi. Hier.
Simon Cbauaua^us ipse est qui ab alio
Evaiifielista scribitur Zelotes. Cbana
quippe Zeltis interpretatnr. .ludas autem
Isciiarioth, vel a vico in quo ortus est,
vel ex tribu Issachar, vocabulum sump-
sit; ut quodam vaticinio in eondemna-
tionem sui natus sit : Issachar enim in-
terprclatus est merces, ut siguiticelur
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. 64
indiquer le prix de sa trahison. — Rémi. Le nom d'Iseariote signifie
souvenir du Seigneur, parce qu'il se mit à la suite du Sauveur; ou
bien mémorial de la mort, signification qui se rapporte au dessein
prémédité de la mort du Seigneur; ou bien suffocation, parce qu'il
s'étrangla de ses propres mains. 11 est à remarquer que ce nom de
Judas fut porté par deux des disciples de Jésus, qui sont la figure de
tous les chrétiens : Judas frère de Jacques représente tous ceux qui
persévèrent dans la foi; Judas Iscariote, ceux qui abandonnent la foi
pour retourner en arrière.
La Glose (1). Les Apôtres sont nommés deux par deux, éomme
témoignage d'approbation de la société conjugale prise dans le sens
figuré. — S. AuG. {Cité de Dieu, xviii.) Jésus les choisit donc pour
disciples et donna le nom d'apôtres à ces hommes de naissance obscure,
sans distinction, sans instruction, afin que lui seul fût reconnu pour
l'unique auteur de ce qui paraîtrait de grand dans leur personne
comme dans leurs actions. Parmi ces douze apôtres il s'en trouva un
mauvais ; mais Jésus fit servir sa méchaucett; même au bien, en ac-
complissant par elle le mystère de sa passion , et enseignant à son
Eglise à supporter comme lui les méchants dans son sein. — Rab. (2)
Le choix de Judas pour apôtre n'est point le résultat d'une impru-
dence ; le Seigneur nous apprend par là combien grande est la vérité
qui ne peut être affaiblie par la trahison même d'un de ses ministres.
11 a voulu encore être trahi par un de ses disciples, pour vous apprendre
lorsque vous serez trahi vous-même par un de vos amis, à supporter
avec patience les suites de votre erreur et la perte de vos bien-
faits.
(1) Cette citation ne se trouve ni dans la Glose, ni dans saint Anselme, ni dans aucun autre
auteur.
(2) Ou plutôt saint Ambroise, sur le chap. vi de saint Luc.
pretium proditionis. Remig. Interpreta-
tur autem Scharioth, memoria Domini,
quia secutvis est Dorainum ; sive memo-
riale mortis, quandiu ineditatus est in
corde suo ut Dominum traderet ia mor-
tem ; seu siiffocatio, quiaseipsum stran-
gulavit. El scieudum quod duo discipuli
lioc noniine sunt vocati, per quos oui-
iies Christiani desis^nantur : per Judam
Jacobi, illi qui in confessione fidei per-
sévérant ; per Judam Ischariotliem, illi
qui relicta fide rétro couvertuntur.
Glossa. Duo et duo nominatim expri-
muulur, ut jugalis societas approbetur.
AuG. (xviii de Civit. Del.) Elegit ergo
lios iu discipulos, quos et aposlolos no-
minavit; humiliter natos, inlionoratos,
illitteratos ut quicquid magnum essent
et faeerent, ipse in eis esset et faceret.
Habuit inter eosunum maluui, quomalo
uleus bene, et suée passionis implere
dispositum, et Ecclesise sure tolerando-
rum nialorum prseberet exeniplum. Rab.
Qui etiam non per imprudentiam iuler
apostoloâ eligitur : magna est enim Ve-
ritas, qtiam nec adversarius miuister iu-
lirmat. Voluit etiam a discipulo prodi,
ut lu a socio proditus modeste feras
tuum errasse judicium, periisse beneii-
ciimi.
62
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
f. 5-8. — Jésus envoya ces douze, après leur avoir donné les instructions sui-
vantes : N'allez point vers les Gentils, et n'entrez point dans les villes des
Samaritains ; mais allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël.
Or, allez et prêchez en disant :' Le royaume des deux est proche. Rendez la
santé aux malades, ressuscitez les morts, guérissez les lépreux, chassez les
démons; vous avez reçu gratuitement , donnez gratuitement.
La Glose. Comme toute manifestation de l'Esprit, d'après l'Apôtre,
est donnée pour l'utilité de l'Eglise , après avoir donné ce pouvoir
aux Apôtres, le Sauveur les envoie pour qu'ils puissent l'exercer dans
l'intérêt des hommes ; c'est ce que nous indique l'Evangéliste par ces
mots : « Jésus envoya ces douze. » — S. Chrys. {hom. 33.) Voyez
comme Jésus choisit bien le moment pour leur donner cette mission,
il les envoie après qu'ils l'ont vu ressusciter un mort, commander à la
mer et faire d'autres prodiges semblables, et après qu'il leur a donné
par ses paroles et par ses œuvres des preuves suffisantes de sa di-
vinité.
La Glose. En les envoyant, il leur enseigne où ils devaient aller,
ce qu'ils doivent dire, et ce qu'ils doivent faire. Et d'abord" où doivent-
ils aller ? 11 leur donne les instructions suivantes : « Vous n'irez point
vers les Gentils, et vous n'entrerez pas dans les villes des Samaritains;
mais allez plutôt aux brebis perdues de la maison d'Israël. » — S. Jér.
Ce commandement n'est pas contraire à celui qu'il leur donna plus
tard : « Allez, enseignez toutes les nations, » car le premier a été
donné avant, et le second après la résurrection du Sauveur. Il fallait
en efifet que l'Evangile fût d'abord annoncé aux Juifs , pour leur ôter
cette excuse, qu'ils avaient rejeté le Seigneur, parce qu'il avait envoyé
Sos duodecim misit Jésus prœcipiens eis, et di-
cens : In ciam gentium ne abieritis, et in ci vi-
tales Samaritanorum ne intraveritis ; sed po-
tius ite ad ovcs qiiœ perierunt domiis Israël.
Euntes autem prœdicate , dicentes, quia ap-
propinquavit regnum cœlorum. Infirmos ru-
rate, morluos suscitate, leprosos mundatc, dœ-
inones ejicite : gratis accepistis, gratis date.
(iLOSSA. Quia manifestatio Spiritus (ut
Apostolus dicit, (I ad Cor. 12), ad ulili-
talem Ecclesiœ dalur, jiosl datam apos-
tolis potestateui , mittit eos ut potesta-
tem ad aliorum ulilitateni exeijuautur:
undo se(|uitur : « Hos duodecim udsit
Jésus. » CiiUYS. {in hom. '.i'i, in Mollli.)
Atlcndite autem opportunilateui mis-
siouis : [losttiuam euim videnuil nior-
tuuin suscitanteiu, mare iucrepauleiu, et
cœtera hujusmodi, et sufticieuter virtu-
tis ejus demonstrationem susceperunt
per verba et per opéra, tune eos mittit.
Glossa. Mittens autem docet eos quo
eant, quid prœdiceut et quid faciaut :
primo quidem quo eant : unde dicitur :
« Prsecipieus eis, etdiceus : In viam gen-
tium ne al)ieritis et in civitates Saniari-
tanorum ne intraveritis ; sed potius ite
ad oves quœ perierunt domus Israël. »
IliKR. Non est autem contrarius locus
iste ei jimecepto qUo postea dicitur
[Matth. 28) : «Kuntes docete omnes gén-
ies; » ((uialioc ante resurrectionem, il-
lud post resurrectionem pra^ceptuni est;
et (iportel)at prius adveiitnm Cliristi
nuntiare Judajis^ ne justam habereut
excusationem, dicentes : « Ideo a se Do-
DE SAINT MATTEIEU, CHAP. X.
63
ses Apôtres aux Samaritains et aux Gentils. — S. Ghrys. {hom. 33.)
Une autre raison pour laquelle il les envoie d'abord vers les Juifs,
c'est pour les préparer dans la Judée comme dans une arène aux
combats qu'ils devaient livrer à l'univers entier , et il les excite à
prendre leur vol (1) comme de petits oiseaux encore faibles. — S. Grég.
{hom. 4 sur les Evang.) Ou bien il voulut d'abord être annoncé aux
Juifs seuls, et puis ensuite aux Gentils, de manière que la prédication
du Rédempteur repoussée par les siens, s'adressât ensuite aux Gentils
comme à des étrangers. Il y en avait cependant parmi les Juifs qui
devaient être appelés, comme il y en avait parmi les Gentils qui ne
devaient avoir part ni à cette vocation, ni au bienfait de la régénéra-
tion, sans toutefois mériter un jugement sévère pour le mépris qu'ils
avaient fait de la prédication évangélique. — S. Hil. {can. 10 sur
S. Malth.) La loi devait avoir le privilège des prémices de l'Evangile,
et l'incrédulité d'Israël devait être d'autant moins excusable, que les
avertissements lui avaient été prodigués avec un plus grand zèle. —
S. Chrys. {hom. 33.) Le Sauveur ne veut pas leur donner à penser
qu'il nourrissait contre eux de la haine, parce qu'ils l'accablaient
d'outrages et l'appelaient possédé du démon; il s'applique donc à les
rendre meilleurs, et il détourne ses disciples de toute autre occupation
pour les leur envoyer comme des médecins et comme des docteurs. Il
ne se contente pas de leur défendre de prêcher à d'autres qu'aux
Juifs, il ne leur accorde même pas de prendre la route qui les aurait
conduits chez les Gentils : « N'allez pas dans la voie qui mène aux
nations. » Et parce que les Samaritains étaient les ennemis des Juifs,
bien qu'ils fussent plus faciles à convertir à la foi, il ne permet pas à
(1) Allusion à ces paroles du Deutéronome, xxxii : u Comme l'aigle provoquant ses petits à
voler, » etc.
minum rejecisse, quia ad gentes et Sa-
maritanos apostolos miserit. Chrys. {in
hom. 33, ut sup.) Ideo etiam primo ad
Judœos mittit, ut quasi in quadani pa-
laestra ia Judeea exercitati, ad agones or-
bis terrarum intrarent, et velut quosdam
puUos débiles ad volandum eos iudu-
cens. Greg. {in hom. 4, super Evanfj.)
Vel quia prius soli JudŒœ voluit, et post
modum gentibus praedicari; quatenus
Redemptoris nostri praedicatio a propriis
repuisa, gentiles populos quasi extra-
neos quaereret. Erant etiam tune quidam
qui de Judsea vocaudi essent, et de gen-
tibus vocandi non esseut, qui née ad vi-
tam reparari merereutur, nec tameu
gravius de coutempta prœdicatione ju-
dicari. Hilar. {Can. 10, in Malth.) Le-
gis etiam latio obtinereprivilegiumEvan-
gelii debebat : hoc minus Israël sceleris
sui excusationem habiturus, quo plus se-
dulitatis in admouitione sensisset. Chrys.
{in hom. 33, ut sup.) Item ne existima-
rent quia Ciiristo convitiabantur et dx-
moniacum eum vocabant, quod propter
hoc eos odio baberet, primum eos emen-
dare studuit, et ab omnibus aliis disci-
pulos abducens, eis medicos et doctores
mittit ; et non solum probibuit abis an-
nuntiare antequam Judœis, sed neque
viam quae ad gentes fert, pertingere
concedebat; quod signât cumdicit:" In
viam gentium ne abieritis : » et quia
Samaritani contrariierautJudaeis (quam-
vis faciliores essent ut converterentur
ad (idem), tamen neque Samaritanis
64
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
ses disciples de leur annoncer l'Evangile avant de l'avoir prêché aux
Juifs. « Vous n'entrerez pas dans les villes dos Samaritains. » —
La Glose (1). Les Samaritains étaient des Gentils que le roi d'Assyrie
laissa dans la terre d'Israël après en avoir emmené les habitants en
captivité. Sous la pression des dangers auxquels ils furent exposés, ils
se convertirent au judaïsme (IV Rois, x[ii), se soumirent à la circon-
cision, admirent les cinq livres de Moïse, mais rejetèrent tout le reste
avec horreur, ce qui empêcha les Juifs de se mêler jamais aux Sama-
ritains.— S. CiiRYS. [Iiom. 33.) Jésus détourne donc ses disciples d'aller
vers les Samaritains, et il les envoie aux enfants d'Israël, qu'il ap-
pelle des brebis qui périssent, et non pas des brebis qui s'éloignent
d'elles-mêmes ; cherchant ainsi par tous les moyens à leur ménager le
pardon et à gagner leur cœur. — S. Hil, {can. 10 sur S. iMatt/i.) Le
Sauveur les appelle des brebis; mais ils ne s'en déchaînèrent pas moins
contre lui avec la méchanceté des vipères et la férocité des loups. —
S. Jér. Dans le sens tropologique il nous est ordonné à nous qui por-
tons le nom du Christ, de ne pas suivre la voie des Gentils et des héré-
tiques, et de ne point imiter la vie de ceux dont la religion nous
sépare.
La Glose. Après leur avoir appris où ils doivent aller, il leur
enseigne quel doit être le sujet de leurs prédications. « Allez et prê-
chez, en disant que le royaume des cieux approche. » — Rab. Notre-
Seigneur dit que le royaume des cieux approche, non pas sans doute
par aucun mouvement extérieur des éléments, mais par la foi qui
nous est donnée au Créateur invisible. C'est ajuste titre que les saints
sont appelés les cieux parce qu'ils possèdent Dieu par la foi et qu'ils
(I) Saint Anselme.
prius quaiu Judœis praedicari permisit :
unde dicit : « Et in civitates Samarita-
norum ne intraveritis. » Glossa. Sama-
ritani qiiidem fueruat Gentiles dimissi in
terra Israël a rege Assyriorum post cap-
tivitatem ab eo factam, et multis peri-
culiâ coacli ad jiidaisuium sunt couversi
{IV Meg. 1"), circumcisiouem et quiuque
libros Moysi recipientes, cœtera vero
omnino abhorreutes, nude Judan Saïua-
ritaiiiri non coniiuiscebantur. Chrys. {in
hom. Wi, ut sitp.) Ab bis er^'o discipu-
los averlens, ad iilios Israol millit, ipius
oves percuntcs vocal ndii aiiscedeules ;
uiidiqiio voniam fis excogilans, et altra-
hens eorum inentem. HiL. [Can. 10. in
Mallli.) Qui lameu licet oies vocculur,
in Christum luporum ac viperarum liu-
guis et faucibus sœvierunt. Hier. Juxta
tropologiam vero prœcipitur nobis (qui
Cbristi censemur uomiue), uc in viam
gentium et bœreticorum ambulemus er-
roreu), ut <iuorum religio separata est,
separetur et vita.
Gloss;a. Pùstquam autem docuit eos
quo eaut, insinuât quid prœdiceut :uude
subditiu" : « Kuntes auteui praîdicate di-
ceutes , quia appropiuquavit regnuui
cifloruni. » ILvB. Hic appropimiuare
dicilur regnuui cœlorum per eùllalaiii
nobis fidem iuvisibilis Creatoris, non ab-
ipia niotione eleiuenlorum. Uecte auteni
cœli vocantur sancti, qui De\im fide re-
lineul, et dibguul cliarilale. CuRYs. (in
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. 65
l'aiment par la charité. — S. Chrys. [homél. 33.) Vous voyez la sul)li-
mité de ce mystère et la dignité des Apôtres ; ce ne sont pas des choses
extérieures et sensibles qu'ils doivent annoncer comme Moïse et les
prophètes, mais des vérités nouvelles et tout à fait inattendues. Moïse
et les prophètes avaient annoncé dea biens terrestres ; les Apôtres
annoncent le royaume des cieux , et tous les biens qu'ils renferment.
S. Grég. {hom. -4 sur les Evang.) Au ministère sacré de la prédi-
cation, le Sauveur ajoute le pouvoir de faire des miracles, afin que la
manifestation de cette puissance ouvrît les cœurs à la foi, et qu'une
prédication toute nouvelle fût accompagnée d'œuvres d'un ordre tout
nouveau. C'est pour cela qu'il leur dit : « Rendez la santé aux ma-
lades, ressuscitez les morts, guérissez les lépreux, chassez les démons. »
— S. Jér. Dans la crainte que personne ne voulût croire à ces hommes
simples et grossiers, sans science, sans lettres, sans éloquence, qui
venaient promettre le royaume des cieux, il leur donne le pouvoir d'o-
pérer ces miracles, pour que la grandeur des prodiges fût une preuve
de la grandeur des promesses. — S. Hil. {caii. 10 sur S. Maith.) Le
Seigneur communique toute sa puissance, toute sa vertu aux Apôtres,
afin que ceux qui avaient été crées à l'image d'Adam et à la ressem-
blance de Dieu, reçoivent maintenant une ressemblance parfaite avec
le Christ, et qu'ils puissent guérir par cette participation à la puis-
sance divine tous les maux dont l'instinct infernal du démon avait
frappé le corps d'Adam. — S. Grég. [hom. 29 sur l'Evang.) Ces mi-
racles étaient nécessaires alors que l'Eglise était à son berceau, car
pour que la foi pût s'accroître, il fallait la nourrir avec des prodiges.
— S. CiiRYS. (1) Plus tard, ces miracles cessèrent lorsque la foi fut
(1) Cette citation de saint Chrysostome n'est pas tirée de son homélie sur cet endroit, mais de
l'homélie 4 sur le chap. i de saint Matthieu.
fiom. 33, ut sup.) Vides ministerii ina-
gnitudinem ; vides apostolorum digni-
tatem : nihil sensibile praecipiiuitur di-
cere (ut Moyses et proplietce), sed nova
quaidam et inopiuata : illi euim terrena
bona praedicaverunt ; lii aiitem regnum
cœlorum et omnia qua; illic sunt bona.
OuEG. {in hom. 4, stiper Evanrj.) Ad-
junctasunt autem praedicatoribus sanc-
tis miracula ut fidem verbis daret virtus
ostensa, et nova facerent, ipii nova prœ-
dicarent. Unde sequitur « : Infirmes cu-
rate, mortuos suscitate, leprosos mun-
date, dœmones ejicite. » H(er. Ne euim
bominibus rusticanis et absque eloquii ve-
uustate iudoctis et illiteratis uemo crede-
TOM. II.
ret poliicentibus régna cœlorum, dat po-
testatemprsedictafaciendi, ut magnitu-
dinem promissorum probet magnitudo
signorum. Hilar. {Can. 10, in Maith.)
Tota autem virtutis dominica' potestas
in apostolos transfertur ; ut qui in Adam
imagine et similitudine Dei erant figu-
rât!, nunc perfectam Cliristi imaginem
sortiantur, et quicquid malorum Adae
«•orpori Satanœ iustinctus intulerat, hoc
rursum ipsi de communione dominicjB
potestatis emendent. Greg. ijn hom. 29,
in Evang.) Hœc autem signa in exordio
EcclesiEe necessaria fuerunt, ut enim fi-
des cresceret, miraculis fueratuutrieuda.
Chrys, Postea autem steterunt revereu-
5
66
EXPLICATION DE L EVANGILE
répandue en tous lieux, ou s'il y en eut encore, ce fut en très-petit
nombre. Car Dieu opère ordinairemcut ces prodiges lorsque le mal est
arrivé à son comble , et c'est alors qu'il fait éclater sa puissance. —
S. Grég. {hom. 29 sur VEvmig.] Cependant la sainte Eglise renouvelle
tous les jours pour les àmos ces miracles extérieurs et sensibles des
Apôtres, miracles d'autant plus grands qu'ils ont pour objet de rendre la
vie non pas au corps, mais à l'àrae. — Rémi. Ces infirmes sont les âmes
sans énergie, qui n'ont pas la force de mener une vie chrétienne ; les
lépreux ceux qui sont couverts des souillures des œuvres et des plaisirs
de la chair; les morts, ceux qui font des œuvres de mort, les possédés,
ceux que le démon a soumis à son empire. — S. Jér. Et parce que les
dons spirituels s'avilissent toujours lorsqu'ils deviennent le prix d'une
récompense temporelle, Notre-Seigncur condamne cette avarice en ces
termes : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ; moi
qui suis votre maître et votre Seigneur, je vous ai donné cette grâce
sans vous lafaire payer; vous devez la donner de même. — La Glose.
Son but ici est de détourner Judas qui portait la bourse de se servir de
cette puissance pour amasser de l'argent, et de condamner en même
temps la pernicieuse hérésie des Simoniaques. — S. Grég. {homél. 29.)
Car il prévoyait qu'il y en aurait pour qui les dons de l'Esprit saint
seraient un objet de trafic, et qui mettraient le don des miracles au
service de leur avarice. — S. Ciirys. {hom. 33). Voyez comme le Sei-
gneur, en même temps qu'il sauvegarde la dignité des miracles, prend
soin de régler la conduite de la vie (1) en faisant voir que sans une
vie réglée les miracles ne sont rien. En effet, il étouffe dans leur cœur
tout sentiment d'orgueil par ces paroles : « Vous avez reçu gratui-
(1) C'est-à-dire qu'il n'a pas un moindre souci... selon le grec £7riiA£).£t'cat oùv iXa-Tov.
tia fidei ubique plantata. Si aulem et
postea l'acta sunt, pauca et rara fueruut :
consuetudo enira est Deo talia facere,
cum auclafueriut mala : tune enim suam
demoustratpotentiaui.GREG. {in ho m. 29,
nt sup.) Saucta tameu Ecclesia quotidie
spiritualiter facit, quod tiinc per aposto-
los corporaliter faciebat : quœ nimiruni
miracula tauto majora suut. quaulo per
htec, non corpora, sed anima? suscitan-
tur. Remig. Injinni quippe sunt isnavi,
qui non habent vires beue vivendi ; le-
prosi sunt immundi opère vel delecta-
tione carnali; morlui sunt, qui opéra
morl'iàAunnt ; damoniaci sunt, qui in
polestatem diaboli sunt redacli. Hier.
Et quia semper dona spiritualia. si mer-
ces média sit, viliura liuul, adjuntiitur
avaritiœ condemnatio , cum subdit :
« Gratis accepistis, gratis date ; ego nia-
gister et Dominus absque pretio vobis
hoc tribui : ergo et vos sine pretio
date. » Glossa. IIoc autem dicit, ne Ju-
das qui loculos habebat, de prsedicta
potestate pecuniam congregare vellet;
damnans etiara bic pertidiam simouiaca;
haîreseos. Greg. {in hom. 4, xit sup.)
Praeseiebat namque nonuullos douum
accepti spiritus in usum negotiationis
intlecterCj et miraculorum signa ad ava-
ritiai obse(]nium declinare. Chrys. {in
homil. .'f.'t. vt sup.) Vide autiMii qualiter
morum diligeutiam non minus babel
(}uam signorum ; moustrans quouiam
signa sine bis nibil sunt : eleuim super-
biam eorum comprimil. dicens : « Gra-
DE SAINT MATTHIEU. CHAP. X.
(>T
tement; » et par ces autres : « Donnez gratuitement, » il leur com-
mande de se garder purs de toute affection aux richesses.- Ou bien en
leur disant : a Vous avez reçu gratuitement, » il veut leur apprendre
qu'ils ne sont pas les auteurs des bienfaits qu'ils répandent; comme
s'il leur disait : « Vous ne donnez rien de ce qui vous appartient, »
vous ne l'avez reçu ni comme récompense , ni comme prix de votre
travail, c'est une grâce que je vous ai accordée, donnez-la donc comme
vous l'avez reçue, car jamais vous ne pourrez en trouver un prix qui
réponde à sa valeur.
f. 9-10. — N'ayez ni or, ni argent, ni monnaie dans vos ceintures, ni sac pour
le chemin, ni deux habits, ni souliers, ni bâton; car celui qui travaille mérite
qu'on le nourrisse.
S. Chrys. (Jioin. 33.) Après avoir défendu à ses Apôtres le trafic des
choses spirituelles, le Seigneur veut arracher de leur cœur la racine
de tous les maux. « Ne possédez, dit-il, ni or, ni argent. » — S. Jér.
Si la fin (fu'ils se proposent, en prêchant l'Evangile, n'est point de rece-
voir une récompense pécuniaire , pourquoi auraient-ils d'ailleurs de
l'or, de l'argent ou d'autre monnaie , puisqu'alors ce n'est plus le sa-
lut des hommes, mais l'amour de l'argent qui semblerait être le mo-
bile de leurs prédications? — S. Chrys. {hom. 33.) En leur donnant
ce précepte, il élève d'abord ses disciples au-dessus de tout soupçon ;
eu second lieu^ il les aO"ranchit de toute sollicitude pour qu'ils puissent
se donner tout entiers à la parole de Dieu , et il leur enseigne enfin
jusqu'où va sa puissance (1), car il leur dira plus tard : « Lorsque je
vous ai envoyés sans sac et sans bourse , vous a-t-il manqué quelque
(1) Il s'agit ici de la puissance proprement dite, ôOva[/,iv, comme le prouve le contexte, et non
pas de la vertu prise dans le sens moral.
lis accepistis, » et ab amore pecunia-
rum muudos esse praecipit, dicens :
« Gratis date. » Vel ut non videatur
eorum esse benefioium, ait : « Gratis ac-
cepistis : quasi dicat : Nibil vos de ves-
tro larfiimini suscipieutibus; ueque eniiii
mercede hoc accepistis, neque laboran-
tes ; mea est enim gratia ; lia igitur aliis
date ; ueque euim est condignum pre-
tium eorum invenire.
Xolite possidere aurum ni'que argentum, neque
pecuniam in zonis vestris ; non peram in via,
neque duas tunicas, neque calceamenta, neque
virgam : dignus est enim operarius cibo suo.
Chrys. {in homil. 33, vt sup.) Quia
spiritualium mercationem supra Domi-
nus prohibuerat. consequeuter radicem
omnium malorum evellens ait : « Nolite
possidere aurumneque argentum. » Hier.
Si enim sic praedicant ut pretiuui non
accipiaut, superflua est auri et argenti,
nummorumque possessio : nam si ha;c
babuisseut, videbantur non causa salutis
hominum, sed causa bicri prœdicare.
Chrys. (in homil. 33, tU sup.) Per
hoc ergo praeceptum primo quidem dis-
cipulos facit non esse suspectos ; secundo
ab omni eos libérât sollicitudine, ut va-
cationem omnem tribuant verboDei ; ter-
tio docet eos suam virtutem : boc nempe
eis postea dixil {Luc, 22) : « Nunquid
aliquid defuit vobis quando misi vos
sine sacculo et para? » Hier. Qui autem
68 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
chose?» {Luc, xxii.)— S. Jér. Ce n'est pas assez d'avoir coupé jusque
dans sa racine l'amour des richesses représentées par l'or , l'argent et
la monnaie courante, il semble vouloir retrancher jusqu'au soin des
choses nécessaires à la vie. C'est qu'il veut que les Apôtres, prédica-
teurs de la vraie religion, qui devaient enseigner que le gouvernement
de la providence divine s'étend à tout , se montrent eux-mêmes sans
préoccupation pour le lendemain : et c'est pour cela qu'il ajoute : « Ni
monnaie dans vos bourses. » — La Glose. Il y a deux sortes de choses
nécessaires : l'une qui sert à acheter le nécessaire , c'est l'argent dans
la bourse; l'autre le nécessaire lui-même, qui est ici représenté par le
sac. — S. Jér. Par ces paroles : « Ni sac dans la route, » le Sauveur
condamne certains philosophes qu'on appelait Bactropérates (1), qui
méprisant le monde, et comptant tout pour rien, portaient avec eux
toutes leurs provisions. « Ni deux tuniques. » Ces deux tuniques dont
parle le Seigneur signifient, à mon avis, deux vêtements différents. Il
ne défend donc pas à ceux qui sont exposés au froid glacial de la
Scythie où qui vivent sous d'autres climats rigoureux, de porter deux
tuniques ; mais par la tunique il entend le vêtement, et dès lors que
nous en avons un, il nous défend d'en avoir un autre en réserve, par
un sentiment de crainte pour l'avenir. « Ni chaussures. » Platon lui-
même a défendu de couvrir les deux extrémités du corps pour ne pas
rendre trop délicats la tête et les pieds , car lorsque ces deux parties
ont de la vigueur et de la fermeté , les autres parties du corps en de-
viennent elles-mêmes plus robustes. « Ni bâton. » Pourquoi chercher
l'appui d'un bâton , nous qui avons pour soutien le Seigneur lui-
même? — Rémi. Le Seigneur nous montre encore par ces paroles,
(1) Ce nom vient du mot grec poLXiponrjOâTat, de pax-pôv, bâton, et Tiripa, sac, nom qui fut
donné à ces philosophes parce qu'ils ne portaient qu'un bâton et qu'une besace.
divitias detruncaverat (quae per aurum ,
etargentum, et œssiguantiir), propemo-
dum et vitte necessaria amputai; ut
apostoli doctores vera; religionis , ipii
instituebaut oninia Dei provideutia gu-
bernari, seipsos ostenderent uibil cogi-
tare de craslino. Glossa. Unde addit :
« Neque pecuuiam in zonis vestris. »
Duo enim sunt gênera necessariorum :
unum quo emuutur necessaria (quod in-
teUigitur per pecuniaui in zonis), aliud
ipsa necessaria, quod inlelligitur per pe-
ram. Hikr. Per hocauteni t\noA dicil :
«Neque perani in via, » arguit pliiloso-
phos, qui vulgo appellantur buctropera-
tœ, ([uod conlemplores seculi et omnia
pro nihilo duceutes cellarium secuui ve-
hant. Sequitur : « Neque duas tuuicas : »
in duabus tuuicis duplex mihi videtur
innuere vestimentum; non quod in locis
Sfylliia! et glaciali nive rigentibus una
quis tunica iiabeat esse conlentus, sed
quod iu tunica vestimentum intelliga-
mus ; ne alio vesliti, aliud nobis futuro-
rum timoré reservemus. Sequitur :
« Neque calceamenta. » Et Plato eliam
praecepit duas corporis summitates non
esse velaudas , nec iissuefieri debere
mollitiei capitis et pedum ; oum enim
ba^c habuerint lîrmitatem. ca'tera robus-
tiora sunt. Sequitur : « Neque virgani :»
ijui enim Domini habemus auxilium.ba-
culi pra>sidium cur qua'ramus ? Remig.
Usleudit etiam Dominus bis verbis,
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. 60
qu'il rappelle les saints prédicateurs de la loi nouvelle à la dignité du
premier homme, car tant qu'il posséda les trésors du ciel il ne désira
point les trésors de la terre, et il n'y pensa que lorsqu'il eut perdu les
richesses du ciel par son péché.
S. Chrys. {hom. 33.) Heureux échange ! au heu de l'or, de l'argent
et d'autres choses de même nature, ils ont reçu le pouvoir de guérir
les malades, de ressusciter les morts, et de faire d'autres semblables
miracles. Aussi le Sauveur ne leur a pas tout d'abord fait cette dé-
fense : « Ne possédez ni or ni argent, » mais il a commencé par leur
dire : « Guérissez les lépreux , chassez les démons. » On voit ici que
d'hommes qu'ils étaient, le Sauveur en fait pour ainsi dire des anges,
qu'il aflfranchit de tout soin de la vie présente pour ne leur laisser
qu'une seule préoccupation, celle de la doctrine. Et encore veut-il les
déhvrer de cette sollicitude, lorsqu'il leur dit : « Ne vous mettez pas
en peine de ce que vous direz (1). » C'est ainsi qu'il leur rend léger et
facile ce que l'on regarde comme une tâche lourde et pénible. Car
quoi de plus doux que d'être affranchi de tout soin , de toute inquié-
tude, surtout lorsqu'avec cela on n'éprouve aucun dommage, parce
que Dieu est présent et que son action remplace la nôtre? — S. Jér.
Comme il venait d'envoyer prêcher ses Apôtres dépouillés de tout , et
sans leur rien laisser, et que la condition de ces maîtres de l'univers
paraissait bien dure, il adoucit la sévérité de ces commandements en
ajoutant : « Car l'ouvrier est digne de son salaire , » ce qui revient à
dire : « Recevez tout ce qui vous est nécessaire pour le vêtement et
pour la nourriture.» C'est ce que recommande aussi l'apôtre S. Paul :
(1) Le grec (ir) (J.epnj.vr;(TaT£ veut dire : ne pensez pas avec inquiétude {Luc, xii, 11), ce que la
traduction latine a rendu par : Nolite solliciti esse.
quod sancti praedicatores revocati sunt
ad primi hominis dignitatem, qui quan-
diii cœlestes possedit thesauros, ista non
concupivit; sed mox ut peccando ami-
sit, ista desiderare cœpit.
Chrys. {in homil. 33, ut svp.) Félix
autem est ista commutatio : nam pro
auro, et argeuto, et hujusmodi, accepe-
runt potestatem uurandi infirmes, sus-
citandi morluos , et alla hujusmodi :
unde non a principlo dixit eis : « ÎS'on
possideatis aurum vel argeutum; » sed
quando dixerat : « Leprosos mundate,
dœmones ejicite : » ex que patet quod
angelos eos ex hominibus (utitadicam)
construit, ab omni solvens vitœ hujus
sollicitudine, ut una sola detineantur
cura, quae est doctriuae., a qua etiam
eos solvit, dicens : « Ne solliciti sitis
quid loquamini : » quod videtur esse
valde onerosum et grave, hoc maxime
levé eis ostendit et facile : nihil enim
est ita jucundum ut a cura et sollicitu-
dine erutum esse, et maxime cum pos-
sibile fuerit ab hac erutos in nullo mi-
norari, Deo prsesente et pro omnibus
nobis effecto. Hier. Et quia nudos quo-
dammodo et expeditos ad prœdicandum
apostolos miserat, et dura videbatur
esse conditio magistrorum , severitatem
praecepli sequenti sententia temperavit,
dicens: « Dignus est enim operarius
cibo suo : » quasi dicerct : « Tantum
accipite, quantum in vestitu et victu
vobis necessarium est : » unde Aposto-
lus (I Timoth. 6) : « Habente» victum et
70
EXPLICATION DE LEVANGILE
« Dès lors que nous avons la nourriture et le vêtement , soyons-en
contents (1 Timoth.^ vi); et ailleurs : a Que celui que l'on instruit des
choses de la foi fasse part de tous ses biens à celui qui l'instruit »
{Galat. vi); c'est-à-dire que les disciples qui moissonnent les biens
spirituels de ceux qui les enseignent, les fassent participer à leurs biens
temporels, non pour satisfaire à leur avarice , mais pour subvenir à
leurs besoins.
S. CiiRYS. [hoyn. 33.) Il était nécessaire que les Apôtres fussent nour-
ris par leurs disciples, car ils auraient pu s'élever au-dessus de ceux
qu'ils enseignaient, parce qu'ils leur donnaient tout sans en rien re-
cevoir; et les disciples, à leur tour, auraient pu se croire méprisés,
et s'éloigner de leurs maîtres. Il ne veut pas non plus que les Apôtres
rougissent de leur mission et viennent dire : « Il veut donc que nous
vivions comme des mendiants ?» 11 leur montre que cette nourriture leur
est due, en leur donnant le nom d'ouvriers, et en appelant salaire ce
qu'ils reçoivent. Les Apôtres ne devaient pas regarder comme un léger
bienfait l'Evangile qu'ils annonçaient, parce que ce ministère est
tout entier dans la parole; et c'est pour cela qu'il ajoute : « L'ouvrier
mérite de recevoir sa nourriture. » Ce n'est pas qu'il veuille cependant
leur donner une idée exagérée de leurs travaux et de la récompense
qu'ils méritent ; mais son dessein est de tracer aux Apôtres une règle
de conduite, et d'apprendre à ceux qui fournissent à leurs besoins
qu'ils ne font en cela que s'acquitter de ce qu'ils doivent. — S. Aug.
L'Evangile n'est pas une chose vénale et on ne doit point l'annoncer
pour obtenir des biens temporels. Ceux qui trafiquent ainsi de l'Evan-
gile vendent à vil prix une chose bien précieuse. Les prédicateurs
peuvent donc recevoir des peuples qu'ils évang»';lisent la nourriture né-
cessaire à leur vie , et attendre de Dieu seul la récompense de leur
vestitum, his contenti simus; » et alibi
{ad Galat. 6) : « Commuaicet is qui ca-
lecliizatur, ei qui se catechizat, in om-
nibus bonis, » ut quorum discipuli me-
tunt spiritaiia, consortes faeiant eos ear-
iialium suoruni, non in avaritiàm, sed
in necessitatem.
CiiRYS. {in homil. 33, ut sup.) A dis-
«•-ipulis autem apostolos cibari oportebat,
ut, neque ipsi magna sapèrent adversus
Pos qui docebantur, sicut omnia prae-
beutes et nibil accipientes ; neque rur-
sus illi abscedant, quasi ab his despecti.
Deiude ut non dicant apostoli : « Men-
dicautes ergo nos jubet vivere » (ut in
hoc verecundarentur), monstrat hoc eis
debitum esse operarios eos vocaus, et
quod datur merccdem appellans : non
enini quia apostolorum in sermonibus
operatio erat, a>stimare debebaut parum
esse beneticium quod prœstabant : et
ideo dicit : « Dignus est operarius cibo
suo. » Hoc autem dixit, non (juidem os-
tendens tanto pretio aposlolicos dignos
esse labores ; sed apostolis legem indu-
cens, et tribuentibus suadens quia quod
ab ipsis datur, debitum est.
Aug. Non ergo est vénale Evangelium,
ut pro temporalibus pnedicetur. Si euim
sic vcndunt, niagnam rem vili pretio
vendunt. Accipianf ergo prjedicatore»
sustentationem necessitatis a populo,
mercedem dispensationis a Domino :
non enim a populo redditur quasi mer-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X.
1{
ministère. Ce n'est pas un salaire que les jQdèles donnent à ceux que
la charité porte à leur annoncer l'Evangile, c'est un subside qui leur
permet de continuer leurs travaux. S. Aug. {de l'accord des Evang.,
liv. II, chap. 30.) Après avoir dit à ses Apôtres : « Ne possédez point
d'or, » le Sauveur ajoute immédiatement : a L'ouvrier mérite qu'on
le nourrisse ; » paroles qui font connaître la raison pour laquelle il ne
veut pas qu'ils aient ou qu'ils portent avec eux de l'or ou de l'argent.
Ce n'est pas que l'un et l'autre ne soient nécessaires à l'entretien de la
vie ; mais il veut, en les envoyant prêcher l'Evangile, que l'on com-
prenne bien que ce salaire leur est dû par les fidèles qu'ils allaient
évaugéliser , comme la solde est due à ceux qui combattent. Nous
voyons encore ici que l'intention du Seigneur n'est pas de défendre
à celui qui annonce l'Evangile d'avoir d'autres moyens de subsistance
que les offrandes des fidèles , car alors saint Paul aurait été contre
cette défense, lui qui vivait du travail de ses mains (1). Mais il leur
donne simplement le pouvoir de recevoir ces offrandes comme une
chose qui leur est due. Ne pas faire ce que le Seigneur commande,
c'est une désobéissance formelle ; mais il est permis de ne pas user
d'un pouvoir qu'il donne, et d'y renoncer comme à un droit qui nous
est acquis. Le Sauveur veut donc établir que ceux qui annoncent
l'Evangile ont le droit de vivre de l'Evangile, et il recommande à ses
Apôtres d'être sans inquiétude lorsqu'ils ue posséderont ni ne por-
teront aucune des choses nécessaires à la vie, quelle que soit leur im-
portance; c'est pourquoi il ajoute : « ni bâton, » pour apprendre aux
fidèles qu'ils doivent tout aux ministres de l'Evangile , pourvu qu'ils
(t) Comme il le dit lui-même au livre des Actes, xx, 34, et dans la Ire Epître aux ThessaL, ii,
9, où il déclare qu'il a cru devoir agir de la sorte pour n'être à charge à personne, et qu'il a tra-
vaillé nuit et jour pour se procurer par le travail de ses mains ce qui lui était nécessaire.
ces illis qui sibi in cliaritate Evangelii
serviunt, sed tanquam stipeudium datiir
quo ut possint laborare pascuntur. Arc.
{de cons. Kvang. lib. ii, cap. 30.) Cum
diceret Dominas apostolis : « Nolite pos-
sidere aurum, » continuo .subjecit :
« Dignus est enim operarius cibo suo : »
unde satis osteudit cur eos possidere
hïec ac ferre noluerit, non quod neces-
sarianon sint sustentationi hujus vitijt',
sed quia sic eos mitlebat ut eis liO(; de-
beri demonstraret ab illis quibus Evan-
gelium credeutibus annuntiarent , tan-
quam stipendia mililantibus. Apparet
autem hic non praecepisse Dominum
ista tanquam Evangelista^ vivere aliunde
non debeant, quam eis praebentibus qui-
bus annuntiant Evangelium (alioquin
contra hoc praeceptum fecit Paulus, qui
victum de manuum suarum laboribus
transigebat) ; sed apparet potestatem
dédisse apostoUs, in qua scirent sibi ista
deberi. Cum autem a Domino aliquid
imperatur, nisi fiât, inobedientise culpa
est : cum autem a Domino polestas da-
tur, licet cui(jue non uti, el tauquam de
suo jure recedere. IIoc ergo ordinans
Dominas, quod qui Evangelium annun-
tiant , de Evangelio vivant , illa apostolis
loquebatur, ut securi non possiderent
neque portarent huic vitse necessaria ;
nec magna, ne^ minima ; ideo posuit :
« Nec virgam, » ostendens a fidehbus
suis omnia deberi ministrià suis, nulla
72
EXPLICATION DE L EVANGILE
ne demandent rien de superflu. D'après l'évangéliste saint Marc,
Notre-Seigneur leur défend de rien emporter avec eux pour le chemin,
si ce n'est un bâton, et le bâton est l'emblème de ce pouvoir qu'il leur
donne. Lorsque d'après saint Matthieu il défend de porter même des
chaussures, il veut qu'ils soient libres de toute inquiétude, car on ne
songe à s'en pourvoir que dans la crainte qu'on vienne à en manquer.
Il faut entendre dans le même sens ce qu'il dit des deux tuniques ; il
leur défend d'en porter d'autre que celle dont ils sont revêtus , pour
se prémunir contre les nécessités du voyage , puisqu'ils ont le droit
d'en recevoir au besoin. Dans saint Marc, Notre-Seigneur leur permet
d'avoir pour chaussures des sandales , et cette chaussure a néces-
sairement une signification mystique (1) ; comme elle laisse le pied dé-
couvert par dessus, tandis qu'elle le garantit par dessous, elle si-
gnifie que l'Evangile ne doit pas être tenu dans le secret, et qu'il ne
doit pas s'appuyer sur des intérêts temporels. 11 leur défend expressé-
ment dans le même endroit non-seulement de porter deux tuniques,
mais même de s'en revêtir ; c'est pour les avertir de fuir toute dupli-
cité, et d'être toujours simples dans leur conduite. Il est donc incontes-
table que le Seigneur a dit tout ce que les Evangélistes ont rapporté,
tant au sens littéral, qu'au sens figuré ; mais qu'ils ont rapporté les
uns une partie de son discours, les autres une autre. Maintenant que
celui qui prétendrait que le Sauveur n'a pu, dans le même passage,
parler tantôt au sens figuré, tantôt au sens propre, jette les yeux sur
d'autres parties de l'Evangile, et il se convainci*a que cette opinion est
aussi téméraire qu'elle est peu éclairée. Car lorsque le Seigneur re-
commande de laisser ignorer à la main gauche ce que fait la main
(1) La sandale, en grec uavodiXtov, est une chaussure qui ne couvre que la plante des pieds, et
laisse à découvert le dessus du pied, où^elle est retenue par des cordons.
.superflua reqnireûlil)us. Ilanc ergo po-
testatem virgœ iiomino significavit, cuni
(lixit secuiidiim Marcum {cap. 6) ne quid
toUerent iii vi;i, iiii^i virgam tantum :
sed et (^alceainenta, caiiu dicil Malllia?us
in via non fsse porlanda, curara prohi-
buil ; (plia ideo porlanda cogitantnr, m^
dnriinl. Hoc et (k; dnahus tnnicis inlelli-
genduni est., ne (piisipiam eorum praiter
eani ipia ossel indulns aliaiu porlandain
piitaret, sollicitns ne opus esset ; <-\\n\
ex poteslaleilla possitaccipei-e. Proinde
Marcus dicendo ealceari eos sandaliii?
(vel soleis), aliquid hoc calceamenlnni
myslica^ signifirationishabere adnionet ;
ulpesneque loclus ait desuper, ncque
nudus ad terrara ; id est, non occultetur
Evangeliuai. uec terrenis conimodis in-
nitatur. Et quod non portari duas tuui-
cas, sed expressiiis iudui prohibet , uao-
uet non (hipliciter, sed sinipliciter am-
bnlare : ita Doniinum omnia dixisse
inillo modo dubitanduni est. partini (iro-
])rio, partini ligurate ; sed Evaugelistas
alia isluni, alia illuni insernisse scriptis
suis. Oiiisqiiis auteni putat non potuisse
Domimun iii iiuo sermone quiçdam fi-
gurate, qiuedam proprie, ponere elo-
•piia ; cietera ejus inspiciat; et videbit
quam temere hoc atque iuerudite arbi-
tretur : quia enitn Doniinus nionel ni
uesc^iat sinislra quid faciat dextera
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. 73
droite, il sera forcé de prendre dans un sens figuré les aumônes et
tout ce qui fait la matière de ce commandement.
S. JÉR. Nous avons donné le sens historique, voyons maintenant le
sens anagogique (1). Il est défendu aux docteurs de l'Evangile d'avoir
ni or, ni argent, ni monnaie dans leur bourse. Nous voyons que l'or
est souvent pris pour l'intelligence, l'argent pour la parole, la monnaie
pour la voix. Or, nous ne pouvons recevoir ces trois choses de per-
sonne, si ce n'est de Dieu qui nous les donne, ni emprunter rien aux
enseignements des hérétiques , des philosophes ou d'autres doctrines
également perverses. — S. Hil. {can. 10 sur S. Matth.) La ceinture
est une des choses nécessaires à celui qui remplit quelque office , et
elle rend son action plus libre ; nous défendre d'avoir de l'argent dans
nos ceintures, c'est nous défendre toute vénalité dans l'exercice de notre
ministère. Nous ne devons point porter de sac pour le chemin, c'est-à-
dire qu'il nous faut laisser toute préoccupation des soins matériels;
car tout trésor sur la terre ne peut que nous être funeste , parce que
notre cœur sera nécessairement là où notre trésor est enfoui. Il ajoute :
« Ni deux tuniques. » Il nous suffit, en efi'et, de nous être revêtus une
fois de Jésus-Christ , et après avoir reçu l'intelligence de la vérité,
nous devons rejeter les vêtements que nous présentent l'hérésie ou la
loi ancienne. «Ni chaussures, » c'est-à-dire que, marchant sur une
terre sainte et débarrassée d'épines et de ronces , ainsi qu'il fut dit à
Moïse (Exode, m), nous ne devons couvrir nos pieds d'autre chaus-
sure que de celle que nous avons reçue de Jésus-Christ. — S. Jér. Ou
bien le Seigneur nous enseigne à ne pas enchaîner nos pieds dans les
(1) Le sens anagogique est ainsi appelé parce qu'il conduit et élève l'âme à une intelligence su
périeure des Ecritures, du mot grec àvaywyri, action de conduire en haut.
{MaUhcms 6 ) , ipsas eleemosynas et
quicquid hic aliud praecipit, figurate ac-
cipiendum putabit.
Hier. Hsec historiée dixerimus, cae-
tera secundum auagogem. Non licet
magistris auVum, et argentum, et pecu-
niam quae in zonis est, possidere. Au7um
Scepe legimus pro sensu, argentum pro
sermone, ses pro voce : heec non licet
vobis ab aUis accipere, sed data a Do-
mino possidere, neque haereticorum et
philosophorum perversfeque doctriuse
suscipere disciphnas. Hilar. [L'an. 10,
in Matth.) Quia vero zona ministerii
apparatus est, et ad efficaciam operis
praecinctio, per hoc quod a?ris in zona
inhibetur possessio, ne quid in uiiniste-
rio vénale sit, admonemur. Adnione-
mur etiam nec peram habere in via,
curam scilicet secularis substautiae relin-
queudam; quiaomnis thésaurus in terra
perniciosus est, corde illic future ubi
condatur et thésaurus. Dicit autem :
« Non duas tunicas ; sufficit enini nobis
semel Ciiristus indutus ; neve post iu-
telligentiam veram, altéra deinceps vel
haeresis vel legis veste induamur; « non
calceamenla, » quia in sancta terra pec-
catorum spinis atque aculeis non ob-
sessa, ut Moysi diclum est {Exod. 3),
nudis pedibus statut], admonemur non
alium gressus nostri habere (quam quem
accepimus a Christo) apparatum. Hier.
Vel docet Dominas pedes nostros mor-
74
EXPLICATION DE r> EVANGILE
liens de la mort, mais à les dépouiller de tout pour entrer dans la
terre sainte, à laisser même ce bâton qui pourrait se changer en ser-
pent ; à ne nous appuyer sur aucun secours humain, car un bâton ou
une baguette ne sont jamais que des roseaux qui, pour peu qu'on les
presse, se brisent et déchirent la main de ceux qui s'y appuient. —
S. HiL. {can. 10.) Nous n'avons besoin, du reste, d'aucun secours
étranger , nous qui avons en main le rejeton qui est sorti de la tige
de Jessé (1).
^. M -15. — En quelque ville ou quelque village que vous entriez, demandez
qui est digne de vous loger, et demeurez chez lui jusqu'à ce que vous vous en
alliez. En entrant dans la maison, saluez-la, en disant : Que la paix soit
dans cette maison! Et si cette maison en est digne, votre paix viendra sur
elle, si elle n'en est pas digne, votre paix reviendra à vous. Lorsque quelqu'un
ne voudra point vous recevoir ni écouter vos paroles, secouez, en sortant de
cette maison ou de cette ville, la poussière de vos pieds. Je vous le dis en
vérité, au jour du jugement Sodome et Gomorrhe seront traitées moins rigou-
reusement que cette ville.
S. Chrys. {hom. 33.) Le Seigneur venait de dire : « L'ouvrier est
digne de son salaire ; mais son intention n'est point d'ouvrir indiffé-
remment par ces paroles toutes les portes à ses disciples : aussi leurre-
commande-t-il d'user de la plus grande prudence dans le choix de ceux
dont ils recevront l'hospitalité : « Dans quelque ville, leur dit-il, ou dans
quelque bourg que vous entriez, demandez qui est digne de vous re
cevoir. » — S. Jér. Les Apôtres , en entrant dans une ville nouvelle
pour eux, ne pouvaient connaître celui qui se trouvait dans ces con-
fl) Isate, XI, 1.
tiferis vinculis non alligari, sed sanctam
terram ingredienles esse nudos ; neque
habere virgain, quœ vertalur in colu-
brum ; neque aliquo praisidio carnis iu-
niti; quia hujusmodi virga et baculus
ai'undineus est, quem si paidulnni pres-
sens, frangitnr, et mauuui trausforat
incnnibeutis. IIh.ar. (Can. 10, vt sup.)
Pûtestalis autem extrauea; jure non su-
mus indigi, habeutes virgam de radico
.lesse.
In quamcunqur nutem civitntem aut castpUum
intracerilis, interrogafe quis in ea dignus sit ;
ft ihi manetr , doiiPC exealis. Intrantes autem
in doniiim, salutate eam , dicentes : Pnx huic
domiti. Et si qnidem fuerit donvis illa digna,
véniel pax vextra super eam; si aulem non
fuerit digna, pax vestra revertetur ad vos. Et
quicunque non receperit vos neque nudterit
scrmoncs vesiros , exeuntes foras de domo vel
ciuitate, excutite pulverem de pedibus vestris.
Amen dico vobis, tolerabilius erit terrœ Sodo-
morum et Gomorrhœorum in die judicii, qtiam
illi cioitati.
CuRYS. (inhomil. :Vi, in Mottfi.)Qma.
dixerat superius Dominns : « Dignus est
operarius cibo sno, » necrederelur prop-
ter lioc. uuHiium eis januam aperire,
multam diUgentiam Idc jubet facere de
liospite ebgendo : unde dieitur : « In
quamcunipie eivilatem aut castellum in-
traveritis, interrogate quis in ea dignus
sit. » IIiK.R. Apostob novam introeuutes
urbeiu, scire uou potcraul quis talis es-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. 75
ditions. Leur choix devait donc se guider sur l'opinion générale et
sur le jugement des voisins, afin que la dignité de l'Apôtre ne fût pas
compromise par la mauvaise rfiputation de celui qui le recevrait. —
S. Chrys. {hom. 33.) Pourquoi donc alors le Sauveur s'est-il assis lui-
même à la table d'un publicain (1)? C'est que ce publicaiu s'en était
rendu digne par sa conversion. Or, cette manière d'agir ne devait pas
seulement tourner à la gloire des Apôtres, mais encore leur procurer
les choses nécessaires à la vie ; car si leur hôte était vraiment digne
de leur choix, il devait fournir amplement à tous leurs besoins , alors
surtout qu'on ne lui demanderait que le nécessaire. Remarquez
comment en même temps qu'il les dépouille de tout, il leur donne
tout en abondance , en leur permettant de demeurer dans la maison
de ceux qu'ils évangélisaient. Car ils étaient ainsi délivrés de toute sol-
licitude ; et comme ils ne portaient rien avec eux , qu'ils ne deman-
daient que le nécessaire , et n'entraient pas indistinctement chez tout
le monde, ils persuadaient plus facilement aux autres qu'ils n'étaient
venus que pour les sauver. Le Seigneur voulait que ses Apôtres bril-
lassent plus encore par leur vertu que par leurs miracles, et une
marque des moins équivoques de la vertu , c'est de renoncer aux
choses superflues. — S. Jér. Celui que les Apôtres choisissent pour
lui demander l'hospitalité ne fait pas une grâce à celui qui demeure
chez lui , mais au contraire il en reçoit une faveur ; et Jésus exige
qu'il soit digne, pour lui faire comprendre qu'il reçoit plutôt qu'il ne
donne. — S. Chrys. {hom. 33.) Remarquez que Notre-Seigneur ne leur
accorde pas encore toute faveur , ainsi il ne leur donne pas de savoir
qui est digne , et il leur commande de s'en informer. A cet ordre, il
ajoute celui de ne pas aller de maison en maison. « Demeurez-y,
(1) De saint Matthieu, dans la maison duquel il prit part à un grand festin. Luc, i, 27, 28, 29.
8et : ergo hospes fama eligendus est
populi, et judicio vicinorum, ue prœdi-
catoris dignitas suscipientis infamia de-
turpetur. Chrys. (in hom. 33, ut siip.)
Qualiler ergo ipse Christus apud publi-
cauuni manebat ? Quia scilicet dignus
effectus erat ex conversione : hoc etiam,
non solum in gloriam eis proderat, sed
in cibationem ; si enim dignus est, om-
nino dabit cibum, et maxime, cum ni-
hil amplius necessariispeteretur. lulende
autem qualiter omnibus eos denudans,
omnia eis dédit, permilteus in domibus
eorumqui docebantur manere : ita enim
et ipsi a sollicitudinibus eruebantur, et
aliis suadebant quoniam propter eorum
adveueranl salutem solam, in hoc quod
nihil deferebant, et nihil amplius neces-
sariis expetebant, et non ad omnes
simpliciter introibant : non euim signis
solum volebat eos claros apparere, sed
magis virtute : nihil autem ita virtulem
désignât, sicut non superfluis uti. Hier.
Hospes unus etiam eligitur non tribuens
beneficium ei qui apud se mansurus est,
sed aceipiens : hic enim dicitur quis in
ea dignus sit, ut magis se noverit acci-
pere gratiam quam dare.
Chrys. (in homil.S^i, %it sup.) Intende
autem quia nondum omnia eis tribuit :
ueque enim eis largitur ut sciant quis
sit dignus, sed jubet scrutari. Non so-
lum autem dignos jubet quaerere , sed
neque de domo iu domum trausmutari,
76
EXPLICATION DE L EVANGILE
dit-il, jusqu'à ce que vous vous en alliez ; » et cela pour ne pas con-
trister celui qui les a reçus, et ne pas encourir le reproche de légèreté
ou de sensualité. — S. Amb. Ce n'est donc pas sans motif qu'il ordonne
aux Apôtres de choisir la maison où ils devront demeurer , c'est afin
de ne pas avoir ensuite de raison d'en changer ; mais les mêmes pré-
cautions ne sont pas recommandées à celui qui les reçoit, car en vou-
lant y mettre trop de discernement, son hospitalité pourrait perdre de
son prix.
a En entrant dans la maison , saluez-la en disant : Que la paix
s©it dans cette maison. » — La Glose. C'est-à-dire, demandez la paix
pour celui qui vous reçoit, afin d'assoupir en lui toute résistance
contre la vérité. — S. Jér. Ces paroles renferment implicitement le
salut ordinaire des langues hébraïque et syriaque, car le mot à la fois
hébraïque et syriaque salemalach ou salamalacli répond au y.aips des
Grecs et à Y ave des Latins, et veut dire : « La paix soit avec vous. »
Or voici le sens de cette recommandation : en entrant dans une mai-
son, demandez la paix pour celui qui l'habite, et autant que vous le
pourrez, apaisez les discordes qui la troublent. Si on s'obstine à vouloir
la dissension , vous recevrez votre récompense pour la paix que vous
aurez oflerte, et ceux qui l'ont rejetée auront la guerre en partage,
comme l'indique le texte sacré : « Si cette maison en est digne, votre
paix viendra sur elle ; si elle n'en est pas digne, votre paix reviendra
sur vous. » — Rémi. Ou bien il y aura dans cette maison un prédes-
tiné à la vie, et il mettra en pratique la parole divine qu'il a entendue,
ou s'il n'y a personne qui veuille l'entendre, le prédicateur ne demeu-
rera pas sans fruit pour cela, car la paix lui revient, lorsqu'il reçoit du
Seigneur la récompense de sou travail et de son zèle. — S. Chrys.
cum subdit : « Et ibi manete donec
exeatis ; ut neque suscipientem con-
tristent, neque ipsi opiuionem accipiant
levitatis, aut gulœ. Ambr. {sup. Luc.
cap. 9.) Non erjjço oliose domus, quam
inn;rediantur apostoli, eligenda decerni-
tur, ut mutandi hospitii causa non sup-
pelal : non tauîen eadein cautio recep-
lori niaiidalur, ne duni hospes eligitur,
hospitalitas minualur.
Sequitur : « Intrantes autem in do-
mmu, salutate eam dicentes : Pa.x liuic
<lomui. » Glossa. {intérim.) QvvAiï dice-
ret : « Pacem bospiti precamini, ut so-
piatur omnis repugnantia contra verita-
tiMii. " Hii'R. Fn hoc etiaui occulte sabi-
tationeni bebra^i ac syri sermonis ex-
pressit. Quid enim graece dicitur Cfucrc
(xaipe), et latine Ave, hoc hebraico syro-
que sermone appellatur Salemalach,
sive Salamalach, id est, pax tecum.
Quod autem prœcipit, taie est : Introeun-
tes autem, pacem imprecamiui bospiti,
et (quantum in vobis est) discordiae
bella sedate. Si autem orta fuerit con-
tradictio, vos mercedem babebitis de ob-
lata pace ; illi qui babere noluerunt,
bi'llum possidebuut : unde sequitur : « Et
si ([uidem fuerit domus digna, veniet
pax veslra super eam. Siu aulem non
fuerit diirna, pax veslra ad' vos reverte-
tur. » Hkmig. Quia scilicet aut erit quis-
que prœdestinatus ad vitam , et cœleste
verbum sequitur, quod audit ; aut si
uuUus audire voluerit, ipse praedicator
sine fructu non erit ; quia ad eum pax
revertitur, quando ei a Domino pro la-
bore sui operis recompensalur. Chrys.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. 77
{hom. 33.) Le Seigneur recommande aux Apôtres de ne pas attendre
que les autres les saluent, parce qu'ils sont eux-mêmes leurs docteurs,
mais de les saluer les premiers et de les prévenir par ce témoignage
d'honneur. En ajoutant : « Mais si cette maison n'est pas digne, » il
leur fait voir qu'il s'agit non pas d'une simple salutation, mais d'une
véritable bénédiction. — Rémi. Le Seigneur veut donc que ses dis-
ciples offrent la paix en entrant dans une maison, afin que ce salut de
paix les aide à reconnaître la maison ou l'hôte qui sont dignes de les
recevoir. Il semble leur dire ouvertement : Offrez la paix à tous ; s'ils
la reçoivent, ils prouveront qu'ils en sont dignes , s'ils la rejettent, ils
s'en déclareront indignes. Quoique l'opinion générale ait dû les guider
dans le choix de celui qui était digne de les recevoir , ils doivent
cependant lui adresser ce salut, car il faut bien plutôt qu'on appelle
les prédicateurs à cause de leur dignité, que de les voir s'introduire
d'eux-mêmes sans être appelés. Or ce salut de paix renfermé dans ce
peu de mots peut servir ù reconnaître parfaitement si une maison ou
celui qui l'habite sont dignes de leur donner l'hospitalité.
S. HiL. Les Apôtres saluent donc la maison avec un vif désir de paix,
mais leurs paroles expriment plutôt la paix qu'ils ne la donnent. Quant
à la paix proprement dite, qui sort des entrailles de la miséricorde,
elle ne peut descendre sur cette maison qu'autant qu'elle la mérite ;
si elle n'en est pas trouvée digne, le mystère de cette paix toute divine
doit rester renfermé dans la conscience des Apôtres. Et ceux qui ont
rejeté les préceptes du royaume des cieux n'ont plus à attendre que la
malédiction éternelle que leur prédisent les apôtres en les quittant, et
en secouant la poussière de leurs pieds. « Lorsque quelqu'un ne vou-
dra point vous recevoir, ni écouter vos paroles, en sortant de cette
(m homil. 33, in Matth.) Instruit ergo
eos Dominus quod non propter hoc ex-
spectent ab aliis prsesalutari, quia doce-
bant, sed antecedere salutatioiie, alios
honorando. Deiude monstrat quod non
est sola salutatio, sed benedictio, per
hoc quod dicit : « Si autem non fiierit
digna. » Remig. Docuit ergo Dominus
discipulos suos offerre pacem in introitu
domus ut sahitatione pacis eUgeretur do-
mus digna vel hospes : ac si patenter di-
ceret : « Omnibus offerte pacem ; » quia
aut accipiendo, dignos, aut non acci-
pieudo, indignos se manifestabunt :
quamvis euimfama popuU dignus electus
sit hospes, tamen salutandus est ut ma-
gis suadignitate 7)?'ftY/?'cfl^o?'e.v vocentur,
quam ultro se iugerere videautur : haec
autem pax paucorum verborum ad to-
tam explorationem dignîE domus, vel
hospitis, potest referri.
HiLAR. Salutant ergo apostoU domum
cum pacis affectu, sed ita ut potius pax
eis dicta sit quam data : porro autem
propriam, quae viscera miserationis sunt,
non oportere in eam venirC;, nisi sit di-
gna ; quae si digna reperta non fuerit,
sacranientum pacis cœlestis intra pro-
priam apostolorum conscientiam est con-
lineudum; in eos autem qui cœlestis re-
gni prœcepta respuerint , egressu apos-
tolorum et signo pulveris a pedibus ex-
cussi, seterna maledictio relinquatur :
unde sequitur : « Et quicunque non re-
ceperit vos, neque audierit sermones
vestros, exeuntes foras de domo vel ci -
78
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
maison ou de cette ville secouez la poussière de vos pieds. » Car lors-
qu'on habite un endroit, il semble qu'on est en rapport, en communion
avec lui. Mais en secouant la terre de ses pieds, on se sépare complè-
tement du péché de cette maison, qui ne retire aucun avantage pour
sa guérison des traces qu'y ont imprimées les pieds des Apôtres. —
S. Jér. Ils secouent la poussière de leurs pieds, en témoignage de leurs
travaux, et pour attester qu'ils sont entrés dans cette ville^ et que la
prédication évangélique est parvenue jusqu'à ses habitants. Ou bien
cette poussière secouée signifie qu'ils ne doivent rien recevoir, pas
même le nécessaire, de ceux qui rejettent l'Evangile. — Rab. Ou bien
les pieds des Apôtres figurent l'œuvre même, la marche et le pro-
grès de la prédication apostolique. Cette poussière dont ils sont cou-
verts est la figure de la légèreté des pensées de la terre. Les docteurs
les plus éminents ne peuvent entièrement s'en garantir, lorsqu'ils se
livrent avec sollicitude aux œuvres de zèle que réclame l'utilité de
ceux qu'ils enseignent; et en traversant les routes du monde, la pous-
sière de la terre s'attache nécessairement à leurs pieds. Pour ceux
donc qui méprisent leur doctrine, les travaux, les dangers, les ennuis,
les inquiétudes des docteurs de l'Evangile deviennent un sujet de con-
damnation. Ceux au contraire qui reçoivent leur parole savent trouver
une leçon d'humilité dans les soucis et les peines que supportent pour
eux ceux qui les évangéiisent. Et pour faire voir que ce n'est pas une
faute légère de ne pas recevoir les Apôtres, le Sauveur ajoute : « Je
vous le dis en vérité, au jour du jugement, Sodome et Gomorrhe
seront traitées moins rigoureusement que cette ville. » — S. Jér. Car
la prédication ne s'est pas fait entendre à Sodome et à Gomorrhe,
tandis que cette ville l'a entendue et n'a pas voulu la recevoir. — Rémi.
vitate, excutite pulverem de pedibus
vestris. )) Existent! enim in loco, cum
loco videtiir esse oomniuuio. Totum
ergo peccatum illins domus exousso pul-
vere peduni reliuipiitur^ uihilque sani-
tatis de insisteiiliuin apostolonim vesti-
piis uiutualiir. ]1ieu. Pulvis etiam excu-
tilur de pedibus in lestimonium laboris
sui, quod iu;jressi sinlcivitatem, et pra^-
dicalio aposlolica ad ilios usque perve-
ueril. Sive excutitur pulvis, ut nihil ab
eis accipiant, nec ad victum quidem ne-
cessariu . qui Evaugeliuui spreverint.
Raba. Vel aliter : pedes discipulorum
ipsuui opus iucessumque pranlifationis
signant. Pulvis vero quo aspergunlur,
terrenee levitas est cogitationis; a qua
eliam sumnii doctores immunes esse ne-
queunt, cum pro auditoribus soliiciti sa-
lubribus curis incessauter intendunt ; et
(piasi per itinera nnuidi, uno calcaneo
teiTie pulverem Icgunt. Qui ergo spre-
verint doctrinaiu docentiuni , sibi labo-
res et pericula ta-diumque sollicitudinum
ad testinioniuni suai daniuationis iuDec-
tunt ; t[ui vero receperint verbuni, aftlic-
tiones curas(pie doctorum quas pro se
tolerabant, in argumeutum sibi vertunt
bumilitatis. Et ne levis culpa videatur esse
aposlolos non recipere, subdit : « Amen
dieo vobis, tolerabilius erit lerra> Sodo-
moruni et (iumorrhaiorum in die judi-
oii quam illi eivitati. » HlEU. Quia Sodo-
niitis et Gouiorrliaeis non fuit pnedica-
tum; huic, autem euni pra?diealuiu sit,
non recepitEvangelium. liKMKi. Vel quia
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. 79
Ou bien c'est parce que les habitants de Sodome et de Gomorrhe, au
milieu des désordres où ils vivaient, exerçaient volontiers l'hospitalité,
bien que ceux qu'ils ont reçus ne fussent pas des apôtres. — S. Jér.
Si la ville de Sodome est traitée moins rigoureusement que cette cité
qui n'a pas reçu l'Evangile, il y a donc divers degrés dans les sup-
plices des pécheurs, — Rémi. Notre-Seigneur choisit ici pour exemple
les villes de Sodome et de Gomorrhe, pour montrer que Dieu a surtout
en horreur les péchés contre nature, péchés qui ont attiré sur le monde
les eaux dans lesquelles il a été enseveli, qui ont amené la destruction
de quatre villes entières, et qui tous les jours sont cause des maux
incalculables qui viennent frapper les hommes.
S. HiL. Dans le sens mystique, le Seigneur nous enseigne à ne pas
fréquenter les maisons, et à ne pas cultiver l'amitié des personnes qui
se déclarent ennemis de Jésus-Christ ou qui ne le connaissent pas.
Dans chaque ville, il nous faut donc demander qui est digne de nous
recevoir, c'est-à-dire demander si l'Eglise est quelque part, et si Jésus-
Christ a lui-même une habitation ; et une fois entrés, n'allons pas ail-
leurs, car cette maison et celui qui l'habite sont dignes que nous
nous y arrêtions. Tl devait s'en rencontrer beaucoup parmi les Juifs,
dont l'attachement pour la loi serait si grand que tout en croyant en
Jésus-Christ dont ils avaient vu et admiré les prodiges, ils ne pourraient
cependant sortir des œuvres de la loi. D'autres, curieux d'examiner la
liberté dont Jésus-Christ est l'auteur, devaient user de feinte, en quit-
tant la loi pour l'Evangile. Plusieurs autres enfin devaient être entraî-
née dans l'hérésie par la dépravation de leur intelligence , et comme
tous prétendent, mais bien a tort, qu'ils sont en possession de la vérité
Sodomitae et Gomorrhsei intei* vitia car-
nis et hospitales fuisse leguntur {Gènes.
19), quamvis non taies hospites recepe-
rint, sicut apostolos. Hier. Si autem to-
lerabiliiis erit terrte Sodomorum, quam
illi civitati, quœ non recipit Evange-
lium, ergo inter peccatores supplicia di-
versa sunt. Remig. Specialiter tamen
Sodomorum et Gomorrhaeorum mentio-
nem fecit, ut per hoc demonstraret quia
ilia peccata sunt Deo magis odibilia,
quae fiunt contra naturam ; pro quibus
deletusest muadus aquis diluvii(6'eJi.6),
quatuor civitates subversse (Gen 19), et
mundus quotidie diversis malis afÛi-
gitur.
lIiLAR. Mystice autem instruit nos Do-
minus non immisceri eorum domibus
aut familiaritatibus, qui Christum aut
insectantur, aut uesciunt ; et in quacun-
que civitate interrogare quis eorum ha-
bitatione sit dignus ; id est, sicubi Flc-
clesia sit, et Christus habitator, neque
quoquam alibi transire; quia b*c est
domus dignaet justusbospes. Judœoruni
autem plures erant futuri, quorum tan-
tus in l'avorem legis affectus esset , ut
quamvis per admiratiouem operum in
Christum credidissent, tamen in legis
operibus morarentur ; alii vero explo-
rauda? libertatis quœ in Christo est, cu-
riosi, transire se ad Evaugelia ex lege
essent simulaturi ; midti etiam in hîpre-
sim per intelligentiâ' perversitatem tra-
ducerentur : et quia istiusmodi omnes
pênes se esse veritatem calholicam men-
80 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
catholique, il ne faut entrer qu'avec précaution dans cette maison qui
se dit l'Eglise catholique (1).
y. lfi-18. — Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups : soyez donc
prudents comme des serpents et simples comme des colombes. Mais donnez-
vous de garde des hommes, car ils vous feront comparaître dans leurs assem-
blées et ils vous feront fouetter dans leurs synagogues , et vous serez conduits
à cause de moi devant les gouverneurs et devant les rois , pour leur servir de
témoignage à eux et aux gentils.
S. Chrys. {ho?n. 34.) Après avoir banni toute sollicitude du cœur de
ses disciples et les avoir armés de la puissance de faire des miracles
éclatants, il leur prédit les dangers qu'ils devaient courir. Il le fait,
premièrement pour les convaincre de sa divine prescience ; seconde-
ment, pour éloigner de leur esprit le soupçon que ces épreuves leur
arrivent à cause de la faiblesse de leur Maître; troisièmement, pour
prévenir l'étonnement mêlé de frayeur que ces maux leur causeraient,
s'ils venaient fondre sur eux à l'improviste et contre toute espérance ;
quatrièmement, afin qu'étant ainsi prévenus, le spectacle de la croix
ne les jetât pas dans le trouble. Comme il veut ensuite leur apprendre
les lois nouvelles de ce combat, il les envoie dépouillés de tout, et il
veut qu'ils soient nourris par ceux qui les recevront. Il ne s'arrête pas
là, mais il leur donne une nouvelle idée de sa puissance, en ajoutant :
« Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. »
Remarquez que ce n'est pas seulement vers les loups qu'il les envoie, •
mais au milieu des loups, afin que sa puissance se manifeste avec
plus d'éclat, lorsqu'on verra les brebis triompher des loups , tout en
vivant au milieu d'eux, et qu'au lieu de périr sous leurs morsures répé-
(1) Le texte de saint Hilaire n'est ici qu'en abrégé, mais le sens est tout entier dans la citation,
si ce n'est que saint Hilaire parlant de cette maison, est plus précis et ajoute entre parenthèses
[id est Ecclesia quœ catholica dicitur).
tiuntur domo ipsa (id est, Ecclesia ca-
tholica), caute utendum est.
Ecce ego mitto vos sicut oves in medio luporum :
estote ergo prudentes sicut serpentes , et sim-
plices sicut columbœ. Caoete autem ab hotni-
nibus : tradcnt enim vos in concitiis, et in sy-
nagogis suis flagellabunt vos ; et ad prœsides,
et ad rrges ducemini propter me, in testimo-
iiiurn mis et gentibus.
Chrys. (in hom. 34, in Matili.) Quia
superius apostolorum reiuovit sollicitu-
dinem et signonun suoriim osteusione
eos armavit, consequenter pncdicit eis
inalaquœ debebaiit eis coutingere : pri-
mo quidetn, ut discerent pnescientia'
ejus virtuteui ; secundo, ut uuUus sus-
picaretur quouiam propter imbecillita'
tem niagistri hœc eis superveuirent
mala ; tertio, ut ipsi sustinentes uoa ob-
tupescerent, dum iuopinabiliter et prœ-
ter spem evenireut ; quarto, ut hoc au-
dientes nou turbeiitur iu tenipore cru-
cis. Deiude ut discaut quouiam uova
huic pnelii lex est, nudos etiam mittit
et a suscipientibus jubet cibari : neque
in hoc sistit, sed ulterins suam virtutem
osleudit. diceus: « Ecce ego mitto vos
si(;ut oves in medio luporum, » etc. Ubi
considerandum, quoil non simpliciter ad
lupos, sed in medio luporum mittit ; ut
sic suam virtutem magis demonstret,
cum oves lupos superaverint, etiam in
medio luporum existeutes ; et plurimos
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. 81
tées, elles parviendront à les changer et à les convertir. Or c'est une
œuvre bien plus grande et plus admirable de changer leurs âmes que
de les mettre à mort. En s' exprimant de la sorte, il leur apprend à
montrer la douceur des brebis au milieu des loups. — S. Grég.
{homél. 17 sw l'Evang.) Celui qui se charge du ministère de la pré-
dication, ne doit causer aucun mal, mais supporter celui qu'on veut
lui faire. C'est par cette douceur qu'il adoucira la fureur de ceux <|ui
se déchaînent contre lui, et que ressentant lui-même le contre-coup des
afflictions des autres, il pourra guérir les blessures des pécheurs. Si
quelquefois le zèle de la justice lui commande de sévir contre ceux
qui lui sont soumis, il faut que l'amour et non pas la dureté soit le
principe de sa colère, et que tout en maintenant au dehors les droits
de la discipline outragée, il aime d'un amour paternel ceux qu'il est
obligé de cbàtier extérieurement. Il en est beaucoup, au contraire, qui
à peine revêtus de l'autorité du commandement, se montrent ardents
à tourmenter leurs inférieurs, veulent imprimer la terreur du pouvoir,
et paraître dominateurs ; ils oublient tout-à-fait qu'ils sont pères, et
cette place qui leur fait un devoir de l'humilité, devient pour eux un
sujet d'orgueil et de domination. Parfois peut-être ils vous flattent
au dehors, mais ils exercent intérieurement leur fureur contre vous,
et c'est d'eux qu'il a été dit : « Ils viennent à vous avec des vêtements
de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravissants. » Remarquons
ici que nous sommes envoyés comme des brebis au milieu des loups,
parce que Dieu veut que nous conservions la pureté de l'innocence,
sans jamais nous rendre coupables des morsures de la méchanceté. —
S. Jér. Il donne le nom de loups aux Scribes et aux Pharisiens qui
étaient comme les clercs de la religion juive (1). — S, Hil. Ces loups
(1) C'est-à-dire qu'ils étaient chez les Juifs ce que les clercs sont chez nous, des hommes spé-
cialement conbacrés au service de Dieu.
morsus accipientes ab eis, uod solum
non consumuntur, sed et illos couver-
tunt. Multo auteni mirabilius est etma-
jus trausmutare meutes eorum, (luaiii
interficere eos. Inter lupos auteiii, oviiim
inarisuetudinem eos docet osteudere.
(iREG. {in /lotn. 17, in Evantj.) Qui enim
locuiu prœdicatoris suscipit, malainferre
uoii débet, sed tolerare ; ut ex ipsa sua
inausuetudine iram sœvientium mitiget,
et peccatorum vulneraipseia aliis afilic-
tionibus vulneratus, sanet : quoniani
etsi quaudoque zelus rectitudinis exigit
ut erga subditos sseviat, furor ipse de
amore sit, non de crudelitate ; quatenus
et jura disciplinae foris exhibeat, et in-
tus paterna pietate diligat quos foris cas-
TOM. II o
tigat. Multi autem cum regiuiiuis jura
suscipiant, ad lacerandos subditos inar-
descunt, terrorem potestatis exhibent,
doniiui videri appetunt, patres se esse
minime recoguoscuut, humilitatis locum
in elationem dominationis immutant ;
et, si quaudo extrinsecus blandiuutur,
intrinsecus saeviunt, de quibus dicitur :
[Mvtth. 7) : « Veniunt ad vos in vesti-
mentis ovium, intrinsecus autem sunt
kipi rapaces : » contra qua; nobis consi-
deraudum est, quia sicut oves inter lu-
pos mittimur; ut sensum servantes in-
uocentine, morsum malitiœ non habea-
mus. Hier. Lupos autem scribas et plia-
risaîos vocat, qui sunt clerici Judaeorum.
HiLAR. Lupos eliam significat omues
6
82 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
figurent aussi ceux qui dans leur fureur insensée devaient se déchaî-
ner contre les Apôtres.
S. Chrys. {hom. 34.) Ils avaient une coQsolation dans leurs maux,
c'était la puissance de Celui qui les envoyait : aussi le Sauveur cherche-
t-il à les bien convaincre avant tout de cette puissance, lorsqu'il leur
dit : « Voici que je vous envoie, » c'est-à-dire : Ne soyez pas effrayés
d'être envoyés au milieu des loups, car j'ai assez de puissance pour vous
préserver entièrement du mal qu'ils pourraient vous faire, non-seule-
ment en vous arrachant à leur dent meurtrière, mais en vous rendant
terribles aux lions eux-mêmes. Cependant il faut que vous passiez par
ces épreuves, pour faire briller dans tout son éclat votre gloire et ma
puissance. Toutefois, pour que les Apôtres puissent contribuer eux-
mêmes à cette gloire et qu'on ne croie pas qu'ils ont été couronnés
sans mérite, il ajoute : Soyez donc prudents comme des serpents et
simples comme des colombes. » — S. Hil. La prudence leur fera évi-
ter les embûches, la simplicité les garantira du mal. Notre-Seigneur
leur donne pour exemple la finesse du serpent, parce qu'il cache sa
tête dans les replis de son corps afin de mettre à couvert le siège de sa
vie. Ainsi devons-nous sauver au péril de tout notre corps notre tête,
qui est Jésus- Christ^ c'est-à-dire nous appliquer à conserver notre foi
dans toute sa pureté (1), dans toute son intégrité. — Rab. Le serpent
a coutume aussi de se frayer un passage dans des ouvertures étroites,
pour y laisser en passant son ancienne peau. C'est ainsi que le prédi-
cateur, en traversant la voie étroite, doit se dépouiller entièrement du
vieil homme. — Rémi. Le Sauveur donne ici une belle leçon aux pré-
dicateurs, en leur recommandant d'avoir la prudence du serpent; car
(1) Allusion à ces paroles de saint Paul : a Que le Christ habite par la foi dans vos cœurs; n
Ephes., III, 17 ; et à ces autres : « Pratiquant la vérité dans la charité, croissez en celui qui en
toutes choses est votre chef, c'est-à-dire le Christ. » Ephes., iv, 15.
hos qui vesano furore in apostolos desse-
vituri eraut.
Chrys. {inhom.Z't, ut sup.) Malorum
autem erat eis consolatio, niilteutis vir-
tus : et ideo ante omuia posuit, diceus :
« Ecce ego mitto vos, » quasi dicat : Ne
turbemini quoniam iu medio luporum
luiltimiui : possuni eniui facere ut uiliil
inali sustineatiâ, non sulum lupisuou
supposili, sed leonibus tenibiliores ef-
fecli : sed ita expedit fieri : boc enini
vos clariores facit, et meam virtutem
magis divulgat. Deinde, ut abquid etiam
a seipsis inférant, et non sine causa co-
ronari astimentur, subdit : « Kstote ergo
prudentes sicut serpentes, et simplices
sicut columbœ. » Hilar. Ut per pruden-
tiam devitent iusidias, per siiuplicitatem
non faciaut nialum. Et serpentis astutia
ponitur in exemplum, quia toto corpore
occultât caput ; ut illud, in quo vita
est protegat : ita nos toto periculo cor-
poris caput nostrum (qui Christus est)
custodiamus, id est, fidem integram et
incorruptam servare studeaiuus. Raba.
Soiet etiam serpens ebgere slrictas ri-
mas, per quas transiens veterem pellem
exuat : similiter prœdioator transiens
per angustam viam, veterem hominem
uuuiiuo deponat. Remig. Pulobre etiam
Domiuus pra^dicatores serpentis pruden-
tiam monet habere, quia primus bonio
ItR SAINT MATTHIEU, CHAI>. X. 83
c'est par le serpent que le premier homme fut trompé, et il semble
leur dire : Le serpent a été prudent et rusé pour tromper; soyez pru-
dents vous mêmes pour sauver; il a fait l'éloge de l'arljre de la science ;
exaltez vous-mêmes la puissance de la croix. — S. Hil. Le démon
s'est d'abord attaqué à l'âme du sexe le plus faible, et l'a séduite par
l'espérance, eu lui promettant la participation à l'immortalité; ainsi
devons-nous choisir nous-mêmes l'occasion favorable (eu égard à la
nature et aux dispositions d'un chacun) pour parler avec prudence,
révéler l'espérance des biens éternels et prédire en toute vérité, en
nous fondant sur la promesse de Dieu lui-même, ce que le démon
n'a promis que par un mensonge, c'est-à-dire que ceux qui croient
deviendront semblables aux anges. {Maiih. xxii.)
S. Ghrys. {hom. 24.) De même que nous devons avoir la prudence du
serpent pour éviter d'être blessés dans ce que nous avons de plus cher,
ainsi devons-nous avoir la simplicité de la colombe pour ne pas opposer
la vengeance à l'injustice qui nous est faite, et ne pas dresser aux autres
de pernicieuses embûches. — Rémi. Le Sauveur réunit ces deux vertus,
car la simplicité sans la prudence peut être facilement trompée, et la
prudence a ses dangers lorsqu'elle n'est pas tempérée par la simplicité.
S. JÉR. La simplicité des colombes nous est révélée dans la forme
sous laquelle l'Esprit saint a voulu paraître, et c'est en faisant allusion
à cette vertu que l'Apôtre a dit : « Soyez petits en malice.» — S.Chrys.
{ho7n. 34.) Quoi de plus dur en apparence que de semblables com-
mandements? Non-seulement il faut souffrir le mal, il n'est pas même
permis de s'en troubler, ce qui est le propre de la colombe ; car la co-
lère n'apaise pas la colère, mais la douceur seule peut l'éteindre.
Rab. Ces loups dont il vient de parler, ce sont les hommes, comme
per serpentera deceptus est : ac si dice-
ret :Quia hostis callidus fuit ad decipien-
dum, vos prudentes sitis ad liberan-
dum : ille laudavit liguuni, vos laudate
cruels virtutem. IliLAR. Illeanimuui pri-
mum mollioris sexus agjiressus est , spe
deiude illexit, et commuuioneiu immor-
talitatis spopondit : pari ergo opportu-
uitate (iutrospecta uniuscujusquenatura
et vùluntate) verboruni adbibenda pru-
dentiaesl, spes futuroruui bouorum reve-
landa; ut quod ille mentitus est, nos
prœdicemus ex vero secundum spousio-
ueni Dei (Matth. 22.), Augelis similes
l'uturos esse qui credant.
CiJRY.s. [in hom. 24, nt sup.) Sicut
autem prudentiam serpentis oportet ha-
bere, ut lu priucipalibua non laedamur,
sic et simplicilatem columba- in non
viudicando cum injusta patimur ; ueque
per iusidias alicui noceudo. Reufg. Ideo
autena Dominus boec duo sociavit , quia
suuplicitasabsque prudentia facile decipi
potest ; et prudentia periculosa est, uisi
simplicltate teiuperetur.
HiKU. Siniplicitas autem columbaruiu
ex Spiritus Saucti specie deuioustratur :
unde dicit Apostolus (1 ad Cor. 14) :
« Malitia autem parvuli estote. » Chrys.
[in hom. 34, ut sup.) Qidd autem durius
bis fiet jussionibus "' Nou enim sut'ticiens
est pati mala, sed ueque turbari concedi-
tur (quod est columba') ; ira enim nou
per iram, sed per mansuetudinem extiu-
guitur.
Rab. Quod autem lupi, de quibus su-
84
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
le prouvent les paroles suivantes : « Gardez-vous des hommes. » La
Glose (1). II est donc nécessaire que vous soyez comme des serpents,
c'est-à-dire pleins de finesse, car tout d'abord , suivant leur coutume,
ils vous traduiront devant leurs tribunaux, et vous défendront de
prêcher en mon nom ; et si vous n'obéissez, ils vous feront fouetter de
verges et vous conduiront eutin devant les gouverneurs et devant
les rois. — ■_ S. Hil. {can. 10 sur S. Matth.) Ce sont eux qui s'efiforcent
d'arracher un aveu à votre silence ou votre consentement à leurs
projets.
S. Chrys. {hom. 34.) Il est vraiment surprenant qu'en parlant de la
sorte le Sauveur n'ait pas vu s'éloigner aussitôt de lui ces hommes
qui n'avaient jamais quitté les bords du lac dans lequel ils jettaieut
leurs filets. C'est là une preuve non-seulement de leur vertu, mais de
la sagesse du docteur qui les enseignait ; car à chacun des maux qu'il
leur prédisait il prenait soin de joindre un adoucissement. C'est pour
cela qu'il ajoute : « A cause de moi. » C'est en effet une bien grande
consolation de souffrir pour Jésus-Christ. Les Apôtres n'étaient pas
persécutés comme des méchants et des scélérats ('2); Notre-Seigneur
en donne la raison : « Pour leur servir de témoignage. » — S. Grég.
[hom. 31.) C'est-à-dire à ceux qui leur ont donné la mort en les per-
sécutant ou qui n'ont pas changé eux-mêmes de vie ; car la mort des
saints est un puissant secours pour les bons comme elle est un té-
moignage contre les méchants qui périssent sans excuse là où les élus
trouvent de salutaires exemples qui les conduisent à la vie.
S. Chrys. {hom. 34.) Ce qui les consolait dans ces paroles , ce n'est
(1) Saint Anselme, qui donne à celte pensée de plus grands développements.
(2) Tel est le sens des mots grecs Ttovrjpol xat >.i|J.£wve?, noms qu'on donnait ;i ceux dont la
vie était comme une peste publique, que les Grecs appellent ),i[xôv.
pra dixerat, sint homines, osteudit cum
subdit: «Cavete autem ab homiuibus. »
Glossa. Ideo autem neeessariuni est ut
sitissicut serpentes, id est, astuti : nam
secunduni suam consuetudinem, tradent
vos primum in conciliis, prohibendo ne
praedicetir; iu noiuine meo ; deinde in-
correctos flagellabunt vos; tandem ad
reges et pra?.~ides (Uu-emini. IIilar.
[Can. 10, in Matth.) Qui extorquore si-
leutium vestrum, aut connivcntiam, ten-
tant.
Chrys. [in hom. 31, nt svp.) Miran-
dum est autem, qualiter boc audicnles,
non slatim abscesserint bomines, ([ui
stagnum illud niuiquam egrossi l'uerant
circa (juûd piscabautur : quod non vir-
tutis eorum erat sobim, sed sapientiae
Doctoris. Uuicuique euim malorum miti-
gationem adjungit : uude et boc dicit :
« Propter me ; non euim parva consola-
tio est propter Cbristum pati, quoniani
non ut perniciosi et nocivi boc patie
bautur : et rationem addidit : « In testi-
uionium illis. » GiucG. [in homil. '.i't, in
L'vanij.) Qui scibcet persequeudo mor-
teui iutulerunt, vel qui viveudo non
sunt mutali : mors quippe sanctorum
bonis est in adjulorium, mabs iu testi-
monium ; ut inde perversi sine excusa-
(iune pereant , unde electi exemplum
capiunt ut vivant.
Chhys. (in Jiom. :{'t, ntsxip.) Hoc au-
tem eos coDsolabatm", non quia aliorum
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. 85
pas le désir de voir la ruine de leurs cnuemis , mais la vive confiance
qu'ils avaient que le Sauveur était toujours avec eux et prévoyait tout
ce qui devait leur arriver. — S. Hil. {can. 10 sur S. Matth.) Ce té-
moignage non-seulement enlève aux persécuteurs toute excuse , mais
encore ouvre aux nations le chemin de la foi en Jésus-Christ , qui
leur fut prêchée jusqu'au milieu des tourments par la voix ferme et
constante des confesseurs ; et c'est pour cela qu'il ajoute : a Et aux
nations. »
y. 19, 20. — Lors donc qu'on vous livrera, ne vous mettez point en peine com-
ment vous leur parlerez ni de ce que vous leur direz; car ce que vous devrez
dire vous sera donné à l'heure même, parce que ce n'est pas vous qui parlez,
mais c'est l'Esprit de votre Père qui parle en vous.
S. CuRYs. {hom. 34.) Aux consolations qui précèdent, le Sauveur en
ajoute une non moins grande. Les Apôtres auraient pu lui dire :
Comment pourrons-nous persuader les esprits au milieu de tant de
persécutions ? Jésus leur commande de ne point se préoccuper de ce
qu'ils auront à répondre. «Lorsqu'on vous livrera, leur dit-il, ne vous
mettez point en peine comment vous leur parlerez , ni de ce que vous
leur direz. » Il distingue ici deux choses : la réponse et la forme qu'on
peut lui donner ; l'une qui a pour principe la sagesse , et l'autre qui
est du ressort de la parole. Or, comme c'était de lui que venaient et
les paroles qu'ils devaient dire, et la sagesse qui les inspirait, les pré-
dicateurs de l'Evangile n'avaient nullement à se préoccuper soit du
fond soit de la forme de leur discours. — S. Jér. Lorsque nous
sommes traduits devant les juges de la terre pour la cause de Jésus-
Christ, nous n'avons qu'une chose à faire : offrir pour lui notre vo-
lonté. Pour le reste, Jésus-Christ, qui lui-même habite en nous,
cupiebant pœnam, sed ut confidentiam
habeant, quoniam ubique eum habent
praeseutem etpreescieutem. Hilar. [Can.
10, in Matth.) Non soluoi autem hoc
testimouio excusatio ignoratfc Divinita-
tis adimenda est persequeutibus, sed
etiam gentibus via pandenda credendi
Chrislum, perlinacibus (inter ssvien-
tium pœnas) confessoruoi vocibus pr*-
dicatum : et hoc est cum subjungil :
Gentibus.
Cum autem tradent vos, nolite cogitare quomodo
aut quid loquamini : dabitur enim vobis in illa
fiora quid loquamini ; non enim vos estis qui
loquimini, sed Spiritus Patris vestri qui lo-
quitur in vobis.
Chrys. (m hom. 34, ut sup.) Cumprae-
missis consolationibus non parvam et
aliam appouit : ut enim non dicerent :
«Qualitersuadere poterimus,talibus per-
secutionibusexistentilîus; » jubet eos de
responsione coufidere, dicens : «Cum au-
tem tradent vos, nolite cogitare quomodo
aut quid loquamini. » Duo autem dicit :
Quomodo, oui quid ; quorum unum refer-
lurad sapieutiam, alterum ad oris offi-
cium : quia enim et ipse submiuistrabat
verbaqu8eloquerentur,etsapientiamqua
ea proferrent, non fueratnecesse sanctis
prœdicatoribus cogitare quid loqueren-
tur aut quomodo. Hier. Cum enim prop-
ter Christum ducamur ad judices, voluu-
tatem tantum nostram pro Christo debe-
mus offerre : cœterum ipse Christus, qui
in nobis habitat, loquetur pro se ; et Spi-
86
EXPLICATION DE L ÉVANGILE
parlera pour lui-même, et le Saint-Esprit nous prêtera son secours di-
vin pour r(>pondre. — S. Hil. Car si notre foi se donne tout entière
à l'accomplissement des divins préceptes, Dieu de son côté lui donnera
la science nécessaire pour répondre ; elle en a pour garant l'exemple
d'Abraham à qui Dieu, après lui avoir demandé le sacrifice de son
fils Isaac, fit trouver le bélier nécessaire au sacrifice. {Genèse , xxii.)
Aussi prend-il soin d'ajouter : a Car ce n'est pas vous qui parlez. » —
Rémi. Voici le sens de ces paroles : C'est vous qui marchez au combat,
mais c'est moi qui en soutiens tout l'eflort ; c'est vous qui prononcez
les paroles, mais c'est moi-même qui parle par votre bouche. C'est ce
ce qui faisait dire à saint Paul : a Est-ce que vous voulez faire l'ex-
périence de Jésus-Christ qui parle par ma bouche?» — S. Chrys.
{hom. 34.) C'est ainsi qu'il revêt les Apôtres de la dignité des pro-
phètes qui ont parlé sous l'inspiration de l'Esprit saint. Or , ce qu'il
leur dit ici : « Ne soyez pas en peine de ce que vous direz, » n'est pas
contraire à ce qui est dit ailleurs : « Soyez toujours prêts à répondre
pour votre défense à tous ceux qui vous demanderont raison de l'es-
pérance qui est en vous. » Lorsque la discussion s'engage entre nous
et nos amis , nous devons nous préoccuper de ce que nous répon-
drons ; mais devant le tribunal effrayant des persécuteurs, au milieu
d'un peuple en furie, alors que nous ne voyons de tous côtés que des
sujets d'effroi , Jésus-Christ vient à notre secours et nous donne la
force de parler avec une sainte hardiesse et d'être inaccessible à la
crainte.
y. 21 , 22. — Or le frère livrera le frère à la mort et le père le fils, les enfants
se soulèveront contre leurs pères et leurs mères et les feront mourir. Et vous
, ritus Sancti iii respondendo gratia mi-
nistrabitur. Hilar. Fides enim nostra
omnibus prœceptis divinsc voluntatis in-
tenta, ad responriiouem scientiîe instrue-
tur ; in exeniplo habcns Abrabani, cui
(postulato ad hostiani Isaac), non défait
Hi'ies ad viotiniani. {Gen. 22.) Etideo se-
qiiitnr : « Non enini vos cstis qui ioqui-
luini, » etc. Hkmk;. Et est sensus : Vo.-;
accedilis ad certanien, sed ego sum (jui
pr.'flior ; vos verba editis, sed ego lo-
quor. Hinc Paidus ait (Il Corint/i. 13) :
« Au experientiani quœritis cjus qui in
meloquilur Cliristus ? Chrvs. {in hom.
.'M, iil Slip.) Per lioc antem ad propbe-
tarnni dignitaf>Mn eos reduxit qui scili-
cetDei Spiritu suul loculi. Cum auteui
liic dicit : « Ne soUiciti sitis quid !o-
quamini, » et alibi dicitur (I Petr. 3) :
Parati semper ad satisfactionem omni
posceuti vos rationeui de ea quœ in
vobis est spe ; » non est inter se cou-
trarium. Cum enim in medio amico-
runi certanien erit, jubeninr esse sol-
liciti : cum autom est judicium ter-
ribile, et plèbes insanieiites, et timor
undiijue, auxilium a Cliristo pr;pbetur,
ut conlidenter loquantur, et non obstu-
peseant.
Tradpt autem fratev fratrem in mortcni, et
poler filium, H insurgent filii in parentes,
l'I morte eos afficient : et eritis odio omni-
bus Iwminibus propler nomen meum. Qui au-
DF SAINT MATTHIEU, CHAP. X.
87
serez hais de tous à cause de mon nom ; mais celui-là sera sauvé qui persé-
vérera jusqu'à la fin.
La Glose (1). Notre- Seigneur a fait précéder la consolation, il pré-
dit maintenant de plus grands dangers : a Le frère livrera son frère
à la mort, et le père son fils, et les fils s'élèveront contre leurs pa-
rents, ï) — S. Grég. {hom. 35 sur les Evang.) Les peines que nous
causent ceux dont l'affection et la fidélité nous paraissaient acquises,
nous sont beaucoup plus sensibles que les épreuves qui nous viennent
de personnes qui nous sont étrangères; car alors, outre la douleur du
corps, nous sommes déchirés par le regret de l'affection que nous
avons perdue. — S. Jér. C'est ce qui arrive souvent dans les persécu-
tions, et il n'y a point à compter sur l'affection de ceux qui n'ont
point la même foi.
S. Chrys. {hom. 3i.) Voici une épreuve plus terrible encore : a Et
vous serez haïs de tous les hommes. » Et en effet on les poursuivait,
et on voulait les chasser comme les ennemis communs du genre hu-
main. Aussi leur présente-t-il de nouveau cette double consolation :
« A cause de mon nom, » et cette autre . « Celui qui persévérera
jusqu'à la fin sera sauvé. » Il en est beaucoup, en effet, qui, pleins
d'ardeur dans les commencements, perdent insensiblement toute leur
force ; c'est pourquoi le Sauveur demande la persévérance jusqu'à la
fin. Car de quelle utilité peuvent être les semences qui donnent d'abord
des fleurs , et qu'on voit ensuite se dessécher sur leur tige ? Aussi
exige-t-il de ses disciples une persévérance constante. — S. Jér. Le ca-
ractère propre de la vertu, ce n'est pas de commencer , c'est d'a-
'1) Cette citation se trouve non dans la Glose, mais dans saint Anselme.
tem perseveraverit risque in finem , hic salvus
erit.
Glossa. Prsemissa consolatione sub-
dit graviora pericula : unde dicitur :
« Tradet autem frater fratrem in mor-
tem, et pater fdium ; et insurgent filii in
parentes, » etc. Grf.g. [in hom. 35, in
Evang.) Minorem enim dolorem inge-
runt niala, qu» ab extraneis , majorem
quae ab illis patimur, de quorum menti-
bus (vel atlectibus) praesumebamus ; quia
cum damno corporis, mala nos cruciant
amissae charitatis. Hier. Hoc autem in
persecutionibus fieri crebro videmus ; nec
uUus est inter eos fîdus affectus, quorum
diversa estfides.
Chrys. {in homil. 34, ut sup.) Deinde
quod estmulta horribilius, apposait, di-
cens : « Et eritis odio omnibus homini-
bus ; » ut enim communes orbis terra-
rum hostes, ita eos expellere tentabant :
bine etiam rursus apponitur consolatio,
cum dicit : « Propter nomen meum; »
et cum boc rursus aliam consolationem
ponit, cum subditur : « Qui autem per-
severaverit usque in finem, salvus erit;»
quoniam enim consuoveruut multi in
principio quidem esse véhémentes, pos-
tea vero dissolvi, propter hoc ait quo-
niam finem requiro ; qusî enim utilitas
est seminum, in principio quidem flo-
rescentium, postmodum autem tabes-
centium ? Propter hoc autem sufficien-
tem perseverantiam expetit ab ipsis.
Hier. Non enim cœpisse, sed perfecisse.
88
EXPLICATION DE L EVANfilF.E
chever. — Rémi. Et ce n'est pas à ceux qui commencent, mais à ceux
qui persévèrent, que la récompense est donnée.
S.CHRYS.(Aom. 34.) Notre-Seigneur prévient ici cette difficulté : Le
Christ est l'auteur de tout ce que nous admirons dans les Apôtres; il
n'est donc pas surprenant qu'ils soient devenus ce qu'on les a vus,
puisqu'ils n'avaient rien à supporter de pénible; c'est pourquoi il
ajoute que la persévérance leur est nécessaire. Car lors même qu'il les
aurait arrachés aux premiers dangers , ils étaient réservés à d'autres
plus grands encore , auxquels de nouveaux devaient succéder, puis-
qu'ils ne devaient pas vivre un instant sans avoir à redouter les
pièges qu'on leur dressait, vérité qu'il leur révèle d'une manière in-
directe, en leur disant : « Celui ipii persévérera jusqu'à la fin sera
sauvé. » — Rémi. C'est-à-dire celui qui n'abandonnera pas les pré-
ceptes de la foi, qui ne faiblira pas dans les persécutions, celui-là sera
sauvé, et les persécutions de la terre lui mériteront les récompenses
du royaume des cieux. Remarquez que le mot fin ne signifie pas tou-
jours la destruction d'une chose, mai s quelquefois sa perfection, comme
dans ce passage : « Le Christ est la fin. » {Rom. x.) On peut donc
adopter ce sens : « Celui qui persévérera jusqu'à la fin, » c'estrà-dire
dans le Christ. — S. Aug. (Cité de Dieu, liv. xxi, chap. 25.) En eflet,
persévérer dans le Christ, c'est persévérer dans la foi que nous avons
eu lui et qui agit par la charité.
y. 23. — Lors donc qu'ils vous persécuteront dans xine ville, fuyez dans une
autre; je vous le dis en vérité, vous n'aurez pas achevé toutes les villes d'Israël
que le Fils de l'homme ne vienne.
S. Chrys. [hom. 35.) Après avoir prédit à ses Apôtres les épreuves
virtutis est. RiiMiG. Nec iaclioaiitibus,
sod perseverantihus, privmiura tribuitur.
Chrys. [in hom. .34, lit sup.) Ne an-
tem aliquis dicat : « Quia oninia Chris-
tiis in apostolis fecit, nihil mirabile est
taies illos esse ofTeclos, iiiliil patientes
onerosum, » propter hoc ait, qnnd jier-
severanlia eis opus est. Etsi enim ex
priniis eruti fiierint periculis, aliis diffi-
<ilioribus conservanlur; et posl illa rar-
sus alia sneitedent ; et non staliunt, quin
insidias paliantur, donec vivant ; et hoc
occulte insinuât dicens : « Qui perseve-
raverit usque in tineni, hic salvus erit.»
HiiMiG. Fd est, qui prfpcepta fidei non
deseruerit , et in persecutionibus non
defecerit, salvus erit ; quia pro persecu-
tionibus terrenis percipiel prsemia resinl
ciiflestis. Et notanduui quia finis non
semper signât consumptionem, sed ali-
quando perfectionem, juxta illud {Bom.
10) : « Finis Christus est. » Unde etiani
potest esse sensus : « Qui perseverave-
rit nsque in fineni, » id est, in Christo.
Arc. (xxi de Civil. Dei, cap. 25.) In
Christo namque perseverare, est in fide
ejus perseverare quae per dilectionem
operatur. (Gai. 5.)
Cum autem persequentur vos in civitate ista, fu-
i)itfi in nliaiii. Amen riico vobis, non consum-
mnhitis dvitate.t Israël, âonec veniat Filiu.t
liomiiiis.
CuuYS. {in hom. 3'6, in Malth.) Posl-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. 89
terribles qui devaient leur arriver après son crucifiement, sa résurrec-
tion et son ascension, il ramène leur pensée sur des considérations moins
sévères ; il ne leur fait pas un devoir d'affronter audacieusement la
persécution, mais leur ordonne même de la fuir. « Lorsqu'ils vous per-
sécuteront, fuyez. » Le Sauveur use à leur égard de cette condescen-
dance, parce qu'ils étaient nouvellement convertis. — S.Jér. Il faut
rapporter ces paroles au temps où il envoyait les Apôtres prêcher
l'Evangile en leur disant : « N'allez pas dans la voie des Gentils; »
c'est-à-dire qu'ils ne doivent pas craindre la persécution , mais l'é-
viter, c'est ce que nous voyons faire aux fidèles de la primitive Eglise;
la persécution s'étant élevée à Jérusalem , ils se dispersèrent dans
toute la Judée {Actes, viii), et c'est ainsi que la persécution devint
elle-même le principe de la propagation de l'Evangile (1).
S. AuCt. {contre Faust, liv. xxn, chap. 39.) Si le Sauveur leur or-
donne de fuir, et si lui-même le premier leur en a donné l'exemple,
ce n'est point par impuissance de défendre ses disciples , mais c'est
pour enseigner à la faiblesse de l'homme à ne pas tenter Dieu, quand
il est eu son pouvoir de fuir le danger qu'il doit éviter. — S. Aug.
{Cité de Dieu, liv. i, chap. 23.) Il aurait pu leur conseiller de mettre
fin à leurs jours pour ne pas tomber entre les mains des persécuteurs.
Or, puisqu'il n'a donné ni l'ordre ni le conseil de sortir ainsi de cette
vie à ceux qu'il a promis de recevoir dans les demeures éternelles
qu'il est allé leur préparer; quels que soient les exemples que
puissent nous opposer les nations qui ne connaissent pas Dieu , il est
(1) Nous lisons au chap. viii des Actes, que tous les chrétiens se dispersèrent dans la Judée et
dans la Samarie, excepté les apôtres.
quam prsedixit terribilia illa, qu» post
crucem, et resurrectionem, et ascensio-
nem eis erant ventura, rursus ducit eos
ad mansuetiora : non eniiu jussit eos
ad persecutionem audaciter ire, sed fu-
gere : unde dicit : « Cum autem perse-
quentur vos, fugite ; » quia enim inté-
rim principium erat conversiouis eorum,
condecenti utitur sermone. Hier. Hoc
enim ad illud tempus référendum est,
cum ad praedicationem apostoli mitte-
bantur, quibus et proprie dictum est :
« In viam (jentium ne abieritis ; » quod
persecutionem timere non debeant, sed
declinare : quod quidem videmus in
principio fecisse credentes, quando orta
Hierosolymis persecutione, dispersi sunt
in universam Judaeam (Act.S), ut tribu-
lationis occasio fieret Evangelii semina-
rium.
Aug . {Co7i. Faust, lib. xxii, cap. 39.)
Neque tamen Salvator quia non potueral
tueri discipulos suos, ideo fugere prœ-
cipit, et bujus rei prior exempium prcE-
buit; sed instruebat homiuis infirmita-
tem, ne Deum tentare audeat quando
habet quid fai-iat, ut quod cavere opor-
tet, évadât. Aug. (1 de civit. Dei, cap.
23.) Potuit autem eos admonere ut sibi
manus iuferreut, ut non in manus per-
sequentium devenirent. Porro si hoc
ille non jussit aut monuit, ut hoc modo
sui ex bac vita emigrarent, quibus mi-
grantibus se mansionem aeternam prae-
paraturum esse promisit, queelibet ex-
empla opponant gentes quae igaoraut
90
EXPLICATION DR l'ÉVANGILE
évident que se donner la mort est un crime pour ceux qui croient en
un seul et vrai Dieu (1).
S. Chri's. {hom. 35.) Les Apôtres pouvaient lui objecter : Mais que
ferons-nous si après avoir fui la persécution qui nous menace , on
nous chasse encore de la contrée que nous aurons choisie? Le Sei-
gneur bannit cette crainte de leur cœur en ajoutant : « Je vous dis en
vérité, vous n'aurez pas achevé toutes les demeures d'Israël jusqu'à ce
(juc vienne le Fils de l'homme , » c'est-à-dire en parcourant la Pa-
lestine, vous ne devancerez pas le temps où je dois venir vous cher-
cher et vous prendre avec moi. — Rab. Ou bien il leur prédit qu'ils
ne convertiront pas à la foi par leurs prédications toutes les villes
d'Israël avant la résurrection du Sauveur, et aussi avant qu'ils aient
reçu le pouvoir de prêcher l'Evangile par toute la terre. — S. Hil.
{can. 10 sur S. Matth.) Ou bien encore il leur conseille de fuir d'une
ville dans une autre, parce que la prédication de l'Evangile, repoussée
par la Judée, s'est fait entendre dans la Grèce. Elle s'est ensuite ré-
pandue dans toutes les villes de cette contrée par les persécutions
multipliées des Apôtres, et de là elle s'est fixée, poury^demeurer, dans
l'universalité des nations. Mais le Seigneur, voulant montrer que si les
nations seraient amenées à la foi par la prédication des Apôtres, les
restes d'Israël ne devraient leur conversion qu'à son avènement,
il ajoute : « Vous n'achèverez pas toutes les villes , » c'est-à-dire
qu'après la plénitude des nations, ce qui restera d'Israël pour con-
sommer le nombre des saints sera réuni à l'Eglise par l'éclat du der-
nier avènement de Jésus-Christ.
S. AuG. [Lettre 180 à Honorât.) Que les serviteurs de Jésus-Christ
(1) Ces exemples sont ceux des païens, qui s'étaient donné la mort pour ne pas tomber aux
mains de leurs ennemis.
Deuin, nianife^tuin est hoc non licere
credentibus uuuni vernra Deura.
Chrys. {in homil. 35 , ut sup.) Ne
autem dicant : « Quid igilur si perse-
cutionem passi fugerimus , et rursus
hinc nos abjecerint?» hune destruens
timoreni, ait : « Amen dico vobis, non
cousummabitis civitates Israël , donec
veniat Fihus honiinis, » id est, non pr.iî-
venietis me circumeuntes Palrestinam ,
donec. vos assumam. Hau. Vol pra>di(it
qiiod non ante praedicationibus suis ad
fidem perdueent omnes civitates Israël,
quam resurreclio Domini fuerit ]»erpe-
trata, et in toto orbe terrarum praedi-
candi Evangelium potestas eoneessa.
HiLAR. {Can. 10, in Matth.) Vel ahter:
ex una in aliam fugam suadet, quia
prœdicatio ejus primum a Judaea effu-
gata transit ad Graeciam ; deinde diver-
sis intra Graeciae urbes apostolorum
passionibus l'ugata; tertio in universis
geutibus demoratur. Sed ut ostenderet
gentes quidem apostolorum pra^dicationi
credituras verum ut reliquum Israël
crederent, esse adventui suo debitura,
ait : « Non eousnmmabitis civitates, »
scilicet posl plenitudinem gentium, quod
erit reliquum Israël ad implendum uu-
uierum sanctorum, futuro clarilatis
Christi adventu in Ecclesiam convocan-
dum.
Ait,, {in epist. ad Uonor. episl. 180.)
Faciaul ergo servi Christi (juod praecepil,
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. 91
ne craignent donc pas de faire ce qu'il a commandé ou permis, et ce
qu'il a fait lui-même en fuyant en Egypte ; ils doivent donc fuir aussi
de ville en ville lorsqu'ils seront l'objet particulier d'une persécution ;
ceux au contraire qui ne sont pas personnellement recherchés , ne
doivent pas abandonner leur Eglise, mais rester pour soutenir ceux de
leurs frères qui n'attendent que d'eux leur subsistance. Mais lorsque
le danger devient général et qu'il menace également les évèques, les
clercs et les fidèles, que ceux qui doivent aux autres le secours de leur
ministère n'abandonnent pas les fidèles qui ont droit de le réclamer,
où qu'ils fuient tous ensemble dans des lieux sûrs. Que ceux qui sont
obligés de rester ne soient point abandonnés par ceux qui doivent
subvenir à leurs besoins spirituels , mais qu'ils vivent ensemble, ou
qu'ensemble ils partagent les épreuves auxquelles le père de famille
veut les soumettre. — Rejii. U ne faut pas oublier d'ailleurs que si le
précepte de la persévérance dans les persécutions regarde spécialement
les Apôtres et les hommes courageux qui leur ont succédé, la permission
de fuir est donnée à ceux qui sont faibles dans la foi. Le bon Maître a voulu
ainsi condescendre à leur faiblesse, dans la crainte qu'en se présentant
d'eux-mêmes au martyre, ils ne fussent exposés à renoncer à la foi
au milieu des tourments; car il vaut mieux fuir qu'apostasier. Et bien
qu'en fuyant ils ne fissent pas preuve d'une foi constante et parfaite ;
cependant ils avaient un grand mérite , car ils étaient prêts , en pre-
nant la fuite, à tout quitter pour Jésus-Christ. Or , si le Sauveur ne
leur avait pas accordé la permission de fuir la persécution , il y aurait
eu des hommes qui les auraient déclarés indignes de la gloire du
royaume des cieux.
S. Jér. En prenant ces paroles dans le sens spirituel, nous pouvons
vel permisit : sicut ipse fugit in ^gyp-
tum, fiigiant omnino de civitate in civi-
tatem, quando eoruni quisque speciali-
ter a perseciitoribus quaeritur; ut ab
aliis qui non ita requiruntur non desera-
tur Ecclesia^ sed prœbeant cibaria con-
servis, quos aliter vivere non posse no-
verunt. Cum auteni omnium (id est,
episcoporum, clericorum et laicorum)
est commune periculum, Iii qui aliis in-
digent, non deserantur ab his quibus
indigent ; aut igitur ad loca munila oni-
nes transeant; aut qui liabent necessita-
tem remanendi, non relinquantur ab
eis, per quos illorum ecclesiastica est
suppïenda nécessitas ; ut vel pariter vi-
vant, vel pariter sufferant quod eos pa-
ter familias volet pati. Remig. Prœterea
sciendum est quod sicut est praeceptum
perseverandi in persecutionibus specia-
liter ad apostolos pertinet, et ad eorum
successores vires fortes, sic licentia fu-
giendi satis convenit infirmis in fide,
quibus condescendit plus magister ; ne
si se ultro ad martyrium obtulissent,
l'ortassis positi in tormentis negarent :
levius enim erat fugere quam negare.
Sed quamvis fugiendo perfectœ fidei
constantiam in se non osteuderent , ta-
men magui meriti erant ; quoniam om-
nia pro Christo parati erant deserere,
scilicet fugiendo. Nisi autem illis licen-
tiam fugiendi dedisset, dicerent eos ali-
qui aliènes esse a gloria regni cœlestis.
Hier. Spiritualiter autem possumus di-
cere : Cum persecuti nos fueriut in una
92 EXPLICATION DE L ÉVANGILE
dire : Lorsqu'ils nous persécuteroiit dans une ville , c'est-à-dire dans
un livre, ou dans un texte de la sainte Ecriture , fuyons vers d'autres
villes , c'est-à-dire vers d'autres livres ; et quelque ami de la dispute
que soit notre persécuteur, le secours du Seigneur nous arrivera avant
qu'il ait remporté la victoire.
^. 24, 25. — Le disciple n'est point au-dessus du maître ni le serviteur au-
dessus de son Seigneur. Il suffit au disciple d'être comme son maître et au
serviteur comme son Seigneur. S'ils ont appelé le père de famille Beelzébub,
à combien plus forte raison ses domestiques.
S. Chrvs. {hom. 35.) Aux persécutions dont il vient de parler devait
se joindre la diffamation et la calomnie, qui seraient pour les Apôtres le
supplice le plus pénible en les atteignant jusque dans leur réputation ;
il leur apporte donc pour consolation son propre exemple, et leur
rappelle tout ce qu'on a osé dire de lui , consolation qui , pour eux,
était sans égale, — S. Hil. En effet, le Seigneur, la lumière éternelle,
le chef des croyants, le père de l'immortalité, révèle par avance à ses
disciples les consolations qui adouciront un jour leurs épreuves, afin
de nous faire embrasser avec ardeur comme un titre de gloire cette
carrière qui nous rend les égaux du Seigneur par les souffrances.
C'est pour cela qu'il ajoute : « Le disciple n'est pas au-dessus du
maître, ni le serviteur^ » etc. — S. Chrys. {hom. 35.) Il faut entendre
ces paroles dans ce sens : tant qu'il reste disciple et serviteur. Alors,
dis-je, il n'est pas au-dessus de son maître et de son seigneur, quant
à l'honneur auquel il peut aspirer. Et ne m'objectez pas ici de rares
exceptions, ces paroles doivent s'entendre de ce qui arrive le plus or-
dinairement. — Rémi. Le maître et le seigneur c'est lui-même ; par
civitate (hoc est, iu iino Scripturarum
libro vel testimonio), nos fugiamus ad
alias civitates, id est, ad alla volumina :
quainvis enim contentiosus fiierit perse-
ciitor, ante pnesidium Salvatoris adve-
niet, qnani advorsariis Victoria conceda-
liir.
Non est discipuliis super inagisirum, nec servies
super dominum suum. Sufficit discipulo ut sit
sicHt magister ejus, et servo sicut domimts
fijus. Si patremfamilias Beelzebuh vocave-
runt, quanto magis domesticos ejus ?
CiiRYS. {in hom. 33, vt sup.) Quia fii-
tunnn oral ut discipuli cuui pra-missis
perse<;uliouibus eliam difiamati , malam
opiniouem paterentur (quod muitis one-
rosius esse videlur), hic cos consolatur
a seipso, et ab his quae de ipso sunt dicta ;
cul consolationi uuUa poterat esse aequa-
hs. IIiLAR. Dominas enim lumen Oiter-
num, dux credeutium, et immortalitatis
parens, discipulis suis futurarum passio-
num solatium ante proemisit ; ut gloriae
loco auq>lectamur, si Domino uostro vel
passionibus adiequemur. Unde dicit :
« Non est discipulus super magistrum,
nec servus, » etc. Chrys. {in fiomil. 35
nt sup.) Inlelligendum, « donec fuerit
discipulus et servus ; » ûoa est, inquam,
super magistrum et dominum, secuudum
honoris naturam; nec milii ea qua? raro
coutinguat hic objicias, sed ab his qu»
tiuiit in pluribus suscipe hune sermo-
nem. Wfmic. Magistrum autem et domi-
num semetipsum appellat ; per sertum
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X.
93
le serviteur et le disciple, il veut désigner ses Apôtres. — La Glose.
Telle est la leçon qu'il veut faire à ses disciples : « Ne vous irritez pas
de souffrir ce que je souffre, car je suis votre Maître , et je vous en-
seigne ce qui doit vous être utile.
Ke.mi. Comme cette maxime ne paraissait pas se rapporter par-
faitement à ce qui précède , il leur fait connaître le but qu'il s'y est
proposé en ajoutant : « S'ils ont appelé Béelzébub le père de fa-,
mille, à combien plus forte raison traiteront-ils ses domestiques de
la même manière. »
S. Chrys. {hom. 35.) Il ne dit pas ses serviteurs , mais ses domes-
tiques, les gens de sa maison , pour exprimer dans quelle intimité il
est avec eux , ^omme il le dit ailleurs : « Je ne vous appellerai plus
mes serviteurs, mais mes amis. » — Rémi. Il semble leur dire par ces
paroles : « Ne cbercbez donc ni les honneurs de la terre , ni la gloire
qui vient des hommes, vous qui me voyez racheter le monde en sup-
portant tous les outrages et tous les opprobres. — S. Chrys. {hom. 35.)
Une se contente pas de dire : S'ils ont outragé le Maître, mais il
spécifie l'outrage ; « s'ils l'ont appelé Béelzébub. » — S. Jér. Béelzébub
était l'idole d'Accaron, qui est appelée dans le livre des Rois l'idole de
la mouche (1*). Béel est la même chose que Bel ou Baal, et Zébub si-
gnifie mouche. Les Juifs donnaient au prince des démons le nom de
l'idole la plus impure, qu'on appelait mouche , à cause de ce qu'elle a
'1') Béelzébub, c'est-à-dire Baal des mouches, maître des mouches, était une espèce de Baal
qu'on invoquait contre les mouches qui, dans le pays des Philistins et dans les contrées maréca-
geuses de la Basse-Egypte, étaient une plaie locale et insupportable. Ce Dieu avait un célèbre
oracle vénéré par les Israélites idolâtres dans Accaron, ville des Philistins. Il ne faut pas con-
fondre Béelzébub avec Beelzébul d'après le texte grec, le Seigneur des habitations souterraines,
le chef des malins esprits; ce n'est que par dérision que ce dernier est aussi appelé Béelzébub, ou
bien parce que ces deux noms ont entre eux, quant à l'expression, la plus grande analogie.
La plupart des manuscrits grecs, selon la remarque d'AUioli, portent ici Beelzébul. Il semble
que Beelzébul est mis pour Béelzébub, soit à cause de la consonnance des termes, soit par mé-
pris. Il y a d'ailleurs au fond unité de nature entre eux, puisque l'idolâtrie était l'ouvrage de
Satan, et que c'était lui qui dans les diverses idoles se faisait rendre les honneurs divins.
et discipulum suos vult intelligi aposto-
los. Glossa. Quasi diceret : « Ne iudi-
gnemini tolerare qute tolero ; quia Donai-
uus sum, faciens quod volo ; et magister,
doceus quod utile scio. »
Remig. Et quia hœc senteutia miuus
videbatur superioribus verbis cougruere,
quo tendant verba manifestatur, cum
subditur : « Si patreni familias Béelzébub
vocaverunt, quauto magis domesticos ?
Chrïs, (in hom. 3.j nt sup.) Non dixit
servos, sed, domesticos, ut multam ad
eos familiaritateui osteuderet : sicut et
alibi dixit : « Non dicaiu vos servos,
sed amicos meos. » Remig. Quasi dice-
ret : Vos ergo temporales honores et
humanam gloriam non quœralis, dum
me videtis per irrisiones et opprobria
genus humaaum redimere. Chkys. (/h
fiomih 35 vt sup.) 'Son solum autem di-
cit : « Si domus dominum conviciati
sunt; » sed ipsam speciem convitii, quo-
niam Béelzébub eum vocaverunt. Hier.
Beelsebub idolum est Accaron, quod vo-
catur in regum volumine Idoluvi invsca\
Jleel ipse est Bel, sive Baal, zebub autem
mitsco dicitur. Principem ergo dipmo-
niorum ex spurcissimi idoli appellabant
94
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
d*immonde, car la mouche en tombant dans un parfum en détruit la
bonne odeur.
f. 26-28. — Ne les craignez donc point. Car il n'y a rien de caché qui tic
doive être découvert ni rien de secret qui ne doive être connu. Dites dans la
lumière ce que je vous dis dans l'obscurité, et prêchez sur le haut des maisons
ce qu'on vous dit à l'oreille. Et ne craignez point ceux qui tuent le corps et
qui ne peuvent tuer l'âme; mais craignez plutôt celui qui peut perdre et l'âme
et le corps dans l'enfer.
Kemi. a cette première consolation, le Sauveur en ajoute une autre
qui n'est pas moins grande : « Ne les craignez donc pas, » c'est-à-dire
les persécuteurs. Et pourquoi ne doivent-ils pas les craindre ? « Parce
qu'il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert. » — S. Jér.
Gomment donc alors les vices d'un si grand nombre demeurent-ils
cachés pendant cette vie ? Notre-Seigneur veut parler ici du temps à
venir. Lorsque le Seigneur jugera ce qui est caché dans le cœur des
hommes (1 Cor. iv, 5), il portera la lumière dans les retraites les plus
ténébreuses, et découvrira les plus secrètes pensées des cœurs. Tel est
donc le sens de ces paroles : « Ne craignez ni la cruauté des persécu-
teurs, ni la rage des blasphémateurs, car viendrale jour du jugement
qui mettra en évidence votre vertu et leur malice. — S. Hil. {can. 10
sur S. Matth.) Il leur recommande donc de ne craindre ni les me-
naces, ni les outrages , ni la puissance des persécuteurs , parce que le
jour du jugement dévoilera le néant et la faiblesse de leurs entre-
prises. — S. Ghrys. {hom. 35.) Ou bien encore, au premier abord,
les paroles du Sauveur présentent un sens général ; toutefois , on ne
doit les entendre que de ce qui précède , dans ce sens : « S'il vous est
vocabulo; qui musca dicitur, propter
immunditiam, quBC exterminât suavita-
lera olei. [Eccle. 10.)
Ax' ergo timueritis eus. Xihil enim est opcrlum
ijuod non reveletur, et occultum, quod non scia-
tur. Quod dico vobis in tenebris, dicite in lu-
mine, et quod in mire audilis , prœdicate su-
per tecta. Et nolite timere eos qui occidunt
corpus, animam autem non possunt occidere ;
sed potius timete eum qui potest et animayn et
corpus perdere in ijehennam.
Ukmig. Post priBiiiissam consolalio-
ueiu, aliam non miuorem subjungil, di-
cens : « Ne ergo timueritis eos, » sicili-
cet persecutores. Quare auleiu nou esset
timendum manifestât, cum suhjungit :
« Nihil enim est opertum quod non re-
veletur, » etc. IIIKR. Quomodo ergo iu
prœseuti seculo multorum vitia uesciuu-
tur ? Sed de futuro tempore scribilur,
quando judicabitDeus occulta bominimi,
et iiiumiuabit latebras tenebrarum et
manifesta faciet consUiacordium : et est
sensus : Nolite timere persecutorum
sœvitiam, et blasphemantium rabiem ,
quia veniet dies judicii, in quo et vestra
virtus, et illorum uequitia demonstrabi-
tur. HiLAR. (C'«H.10 in Matth.) Igitur
non minas, non convilia (vel consilla),
non potestates insectantiuui, monet esse
nietuendas ; quia dies judicii uuUa hœc
fuisse alque inania revelabit. Curys.
{in hom. 3."i ut supr.) Vel aliter : figura
quidcm eorum quaj dicuutur uuiversa-
lem videtur enuntiationem liabere ; ve-
rum, nou de omnibus, sed de prœmissis
suhun dictum est : ([uasi dicat : Sidoletis
UE SAINT MATTHIEU;, CHAP. X. 95
pénible d'être en butte aux outrages, pensez que vous ne tarderez pas
ù être délivrés de cette épreuve. Ils vous prodigueront les noms inju-
rieux de devins , de magiciens et de séducteurs ; mais attendez un
peu, et tous (1) vous proclameront à l'envi les sauveurs de l'univers,
alors que par vos œuvres vous en paraîtrez les bienfaiteurs , et les
hommes cesseront de s'arrêter à leurs discours pour ne plus s'occuper
que de la vérité des faits.
Rémi. U en est qui prétendent que Notre- Seigneur promet ici à ses
disciples de révéler par eux tous les mystères cachés qui demeuraient
voilés sous la lettre de la loi; ce qui faisait dire à l'Apôtre : «Lorsqu'ils
seront convertis à Jésus- Christ, le voile sera levé. » Tel serait donc
le sens de ces 'paroles : « Pourquoi craindriez-vous vos persécuteurs,
vous dont la dignité est si grande , puisque Dieu vous a choisis pour
dévoiler les mystères de la loi et des prophètes. S. Chrys. [hom. 35.)
Après les avoir délivrés de toute crainte, et les avoir rendus supérieurs
aux opprobres, le moment est venu de leur parler de la liberté de la
prédication ; c'est ce qu'il fait, en leur disant • « Ce que je vous dis
dans les ténèbres, » etc. S. Hil. (2) Nous ne lisons nulle part que le Sei-
gneur eût pour habitude de discourir pendant la nuit , et d'enseigner
sa doctrine dans les ténèbres ; si donc il s'exprime ainsi , c'est que
tous ses discours sont ténèbres pour les hommes charnels, et que sa
parole est comme la nuit pour les infidèles. Il faut donc prêcher ses
divins enseignements avec toute la liberté de la foi et de la prédica-
tion. — Rémi. Voici donc le sens de ces paroles : « Ce que je vous dis
dans les ténèbres, » c'est-à-dire au milieu des Juifs incrédules, « dites-le
(1) Le grec irpocspoufTiv àTiavrEç fait disparaître l'amphibologie du latin universi, qu'on pour-
rait rapporter à orbis.
(2) Ce passage était auparavant attribué à saint Jérôme, et le texte en avait été altéré.
audientes convitia, hoc cogitate, quia et
ab hac suspicione postparum eruemini.
Vocabunt quidem vos ariolos, et magos,
et seductores ; sed expectate parum, et
salvatorcs vos orbis terrarum universi
dicent ; cum per res ipsas apparue ritis
beuefactores, uee illoruua attendent ser-
monibus homiues, sed rerum veritati.
Remig. Quidam autem dicunt quod
his verbis promiserit Doiniuus discipulis
suis, quod per eos esseut revelauda om-
nia occulta mysteria quae sub velamine
litteriE legis latebant : unde Apostolus
dic'it {n ad Cor inih. 3) : « Cum conversi
fuerint ad Christum, tune auferetur ve-
lamen : » et est sensus : Quare debetis
timere vestros persecutores, cum tautœ
sitis dignitatis, ut per vos occulta mys-
teria legis et propbeiarum siut mani-
festanda ? Chrys. [in homil. 35 ut siip )
Deinde quia eos ab omui timoré libera-
verat, et altiores opprobriis fecerat, nunc
opportuno tempore eis loquitur de libéra
propalatione quae est in praedicatione, di-
ceus : « Quod dico vobis in tenebris, »
etc. HiLAR. Non legimus Domiuum soli-
tum fuisse uoctibus sermocinari, et doc-
trinam in tenebris tradidisse : sed hoc
dicit, quia omnis sermo ejus carnalibus
tenebrae sunt, et verbum ejus infidelibus
nox est. Itaque quod ab eo dictum est,
cum libertate fidei et confessionis est lo-
quendum. Remig. Est ergo sensus :
« Quod dico vobis in tenebris (id est,
96
EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
à la lumière, » c'est-à-dire devant les fidèles; et « ce que vous
entendez à l'oreille, » c'est-à-dire ce que je vous dis en secret, « prè-
chez-le sur les toits, » c'est-à-dire en public et devant tout le monde.
L'expression parler à l'oreille , dans le langage ordinaire , veut dire
parler en secret.
Rab. Ces paroles : « Prêchez sur les toits, » sont une allusion à ce
qui se fait dans la Palestine, où les toits servent d'habitation , parce
qu'ils ne sont point terminés en pointe comme les nôtres, mais pré-
sentent une surface plane. Prêcher sur les toits , c'est donc prêcher
publiquement, devant un grand nombre d'auditeurs. — La Glose. Ou
bien encore : « Ce que je vous dis dans les ténèbres , » c'est-à-dire
pendant que vous êtes encore sujets à une crainte toute humaine ;
«dites-le en plein jour,» c'est-à-dire avec la confiance que donne la vé-
rité lorsque l'Esprit vous aura inondé de sa lumière ; « et ce que l'on
vous dit à l'oreille, » c'est-à-dire ce que vous percevez par l'ouïe seule,
« prêchez-le par les œuvres , tandis que vous habitez sur les toits, »
c'est-à-dire dans vos corps qui sont la demeure de vos âmes. —
S. Jér. Ou bien encore : « Ce que je vous dis dans les ténèbres,
prêchez-le en plein jour, » c'est-à-dire, ce que je vous dis dans le
mystère, prêchez-le à découvert ; « et ce que vous entendez à l'oreille,
prêchez-le sur les toits, » c'est-à-dire ce que je vous ai enseigné dans
un endroit resserré de la Judée , annoncez-le sans crainte à toutes les
villes du monde entier.
S. Chrys. {Iiom. 35.) Le Sauveur nous montre ici que c'est lui qui
opère toutes ces œuvres par ses Apôtres, et de beaucoup plus grandes
qu'il n'en a faites lui-même, comme il le dit ailleurs : « Celui qui croit en
moi fera les œuvres que je fais, et il en fera même de plus grandes, » ce
illier Judaeos iucredulos), vos (licite iû
luniiiie (id est, tidelibus prœdicate), et
qiiod iii aiire auditis (id est, quod dico
vobis secrète), praedicate super tecta
(id est, palaiu, coram omnibus) : »
solemus euiin dicere : « lu aurem loqiii-
tur illi, 1) id est, secrète.
Hab. Sanc ([uod ait : « Prœdicate su-
per tecta, » juxta moreui provinciœ Pa-
leslinoB loquitur, ubi soient in tectis rc-
sidere, quia non sunt cacuminata, sed
aequalia. Ergo priedicabitur in tectis,
quod cunctis audieiitibus palaui dicetur.
(iLOSsA. Vel aliter : « quod dico vobis
in tenebris, » id est, dum adlmc in ti-
moré caruali eslis, dicite in iuminc (id
est, in liducia veritatis, cum a Spiritu
Sauclo erilis illuiuiuali) ; elquocl in aure
auditis (id est solo auditu percipitis)
p7-jcdicate{o\)eTe complendo) svpe?- tecta
existentes ; id est, corpora vestra quae
sunt domicilia animarum. Hier. Vel ali-
ter : « Quod dico vobis in tenebris, di-
cite in lumine (id est, quod auditis iu
myslerio, apertius prœdicate) ; et quod
in aure auditis, praîdicate super tecta ; »
id est, ([uod vos enulivi in parvulo .lu-
deœ loco universis urbibus iu toto uiundo
audacter dicite.
CuuYS. {in hom. 35 vtsup.) Sicut au-
teni quando dicebat [Joan. H) : « Qui
crédit in nie, opéra quœ ego facio, et ille
taciet, et majora bis faciet, » ila et bic
monstrat quouiam omuia per eos opéra-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. 97
qui revient à dire : J'ai commencé par agir moi même , mais c'est
par vous que je veux accomplir ce qu'il y a de plus grand , paroles
qui ne renferment pas seulement un commandement , mais une pré-
diction de l'avenir, et apprennent aux Apôtres qu'ils triompheront de
tous les obstacles.
S. HiL. Il faut donc répandre continuellement la connaissance de
Dieu, et révéler par la lumière de la prédication le profond secret de
la doctrine évangélique, sans craindre nullement ceux qui n'ont de
puissance que sur nos corps, et n'en ont aucune sur nos âmes ; c'est pour
cela que le Sauveur ajoute : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps
et ne peuvent tuer l'âme. — S. Ghrys. {hom. 35.) Voyez comme il les
rend supérieurs à tout, en leur persuadant de mépriser non-seulement
toute sollicitude, les calomnies, les périls, mais encore ce qu'il y a de
plus terrible, la mort elle-même , et de tout sacrifier à la crainte de
Dieu. « Craignez plutôt, ajoute-t-il, celui qui peut envoyer votre corps
et votre âme dans l'enfer. »
S. Jér. Le nom de r/éhenne ne se trouve pas dans les livres de l'an-
cienne loi, et c'est le Sauveur qui l'a employé le premier ; examinons
à quelle occasion. Nous lisons en plusieurs endroits de l'Ecriture (1)
qu'il y avait une idole de Baal près de Jérusalem, au pied du mont
Moria, là où coule la fontaine de Siloë. Cette vallée, qui forme une
petite plaine, était arrosée de plusieurs ruisseaux , ombragée et pleine
de charmes; elle renfermait un bois consacré à cette idole. Le peuple
d'Israël en était venu à cet excès de folie d'abandonner les parvis du
temple pour venir immoler des victimes dans cette vallée, oublier au
(1) A la marge on indique le il livre des Paralipomènes, chap. xxiv, mais on n'y trouve rien
de semblable ; nous lisons au contraire au III livre des Rois, chap. xvi, que cette idole fut placée
par Achab dans le temple qu'il avait construit dans la ville de Samarie.
tur ; etiam plusquam per seipsum : quasi
dicat : Principium ego dedi ; sed ([uod
plus est, per vos explere voie : lioc au-
tem noii injungentis est soluni, sed et
futurum prsedicentis, et osteadeutis quo-
niam omnia superabunt.
HiLAR. Constauter ergo iugereuda est
Dei cognitio , et profundum doctrinee
Evaugelica?, secretuiu, lumine praedica-
tionis revelandum ; non timendo eos ,
quibus cum sit licentia in corpora tan-
tum, in animam jus nullum est : et ideo
subdllur : « Et nolite timere eos qui oc-
cidunt corpus, animam autem non pos-
sunt occidere. » Chrys. {in hom. 35 iit
sup.) Vide qualiter omnibus eos statuit
superiores, non soUicitudiuem solum et
TOM. II.
maledictionem, ueque pericula, sed et
ipsani (quse omnibus videtur terribilior)
mortem suadens propter Dei timorem
contemnere : uude subdit : « Sed potius
timete eum qui potest animam et cor-
pus perdere in gehennam. »
Hier. Nomen gehenme in veteribus li-
bris non invenitur, sed primo a Salva-
tore pouitur : quseramns ergo quae sit
hujus sermonis occa^io. Idolum Baal
fuisse juxta Hierusalem, ad radiées mon-
tis Moria, in quibus Siloe fluit, non se-
mel legimus. Hœc vallis et parva campi
planities irrigua erat et uemorosa, ple-
naque deliciis ; et lucus in ea idolo con-
secratus. In tantam autem populus Is-
raël dementiam veuerat, ut déserta tem-
08
EXPLICATION DE I, EVANGILE
milieu de ses délices la sévérité de la vraie religion , et brûler ses
enfants offerts comme victimes au démon. Ce lieu s'appelait Ciéhennoii
ou la vallée des fds d'Ennon (I). Ce nom se trouve souvent répété
dans les livres des Rois, dans les Paralipomênes et dans Jérémie.
Dieu y menace son peuple de remplir de cadavres ce lieu , qu'on
n'appellera plus Tophet et Baal, mais Polyandrium , c'est-à-dire le
tombeau des morts. Notre-Seigneur se sert donc de ce nom pour ex-
primer les supplices et les châtiments éternels qui attendent lés pé-
cheurs, — S. AuG. {Cité de Dieu, xiii, 2.) Ces supplices ne commen-
ceront pour le corps et pour l'àme à la fois , que lorsque l'âme sera
réunie au corps d'une union qui ne pourra plus être brisée. Et cepen-
dant cet état est justement appelé la mort de l'âme, parce qu'alors
elle ne vivra plus de la vie de Dieu , et la mort du corps , parce que
sous le coup de cette éternelle damnation, bien que l'homme conserve
le sentiment, ce sentiment n'étant plus pour son cœur la source d'au-
cune douceur^ d'aucun repos, mais un principe de douleur et de
peine, cet état mérite d'être appelé bien plutôt un état de mort qu'un
état de vie. — S. Ghrys. [)iom. 35.) Remarquez encore qu'il ne leur
promet pas de les afifranchir de la mort, mais qu'il leur conseille de la
mépriser, ce qui est bien plus grand que d'en être délivré, et que dans
ce même discoTirs il imprime dans leur âme la croj^ance de l'immor-
talité.
y. 29-31. — N'est-il pas vrai que deux passereaux ne se vendent qu'une obole?
et néanmoins il n'en tombe aucun sur la terre sans la volonté de votre Père;
(1) Au IV livre des Rois, chap. xxiii, v. 10, elle est appelée çàpayS, c"est-à-dire vallée; au
JI Paralipomênes, xvi, 3, yf) "Evvov, la terre d'Ennon ; dans Josué, xv, 8, vallée du fils d'Ennon ;
dans Jérémie, vu, 31, elle est également appelée çdtpaÇ; et au chap. xrx du même prophète,
vers. 2 et 6, 7ro),uîvûpiov , amas d'hommes, ce que saint Jérôme traduit par tombeau des morts.
pli vicinia, ibi liostias immolaret , et ri-
Ltorem religionis deliciœ viucerent, filios-
que suos iucendereut daîmoui; et appel-
labatur locus ipse Cefiennon, id est^
■oallis fiin Ennon : hoc Remiiii volu-
merij i-f Paraiipomenon, et Hiereniias.
scribunt plenissimo ; et comminatur Dens
se locum ipsuni iinplcluriuu ctidaveribus
mortuoruni, ut iiO(iuaqiiam vocetur To-
phet et Baal, scd vocolnr Polyandrium.
id est, tumulusmortuorum. Fiitura ergo
supplicia et pœnre perpétua' (iiiibiis pec-
catores cruciaudi suni, hujus loci voca-
bulo denotantur. Aug. (xiii de cirit. Dci,
cap. 2.) Hoc aulemnon antea tiet, ijuaiu
anima corpori fueril copulata, ut uulla
direptionc scpareutur ; et tameu tuuc
recte mors anhnx dicitur, quia non vi-
vit ex Deo; mors autem corporis, quia
in damnatione novissiaia, quamvisbouio
sentire non desinat, tanien quia sensus
ipse, nec voluntate suavis, nec quiète sa-
luliris, sed dolore pœnalis est, mors po-
tius appollauda, quam vila. Chrys. [in
/lotnil. 3.") ut snp.) Vide auteni rursus
(juia non proniittit eis liberationem a
morte, sed suadetcontemnereniortem;
ipiod nmlto majusest quam crui a morte;
et quod hoc sermoue, ea quae de im-
mortalitate sunt dogmata, eis inflgit.
A'ûiiiw duo passeres asse vœneuiil ? Et unus e.e
illis non cadit super ferram sine Pâtre vesiro.
Vestri autem capilli capilis omnes numcrati
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X.
99
mais pour vous, les cheveux mêmes de voire tête sont tous comptés. Ainsi ne
craignez point, vous valez beaucoup mieux qu'wi rjraitd nombre de passe-
reaux.
S. Chrys. {hom. 35.) Après avoir banni de leur âme la crainte de
la mort, le Sauveur ne veut pas que ses Apôtres pussent se croire
abandonnés s'ils venaient à succomber; il ramène de nouveau son dis-
cours sur la providence de Dieu , et leur dit : « Est-ce que deux pas-
sereaux ne se vendent pas une obole ? Et cependant pas un ne tombe
à terre sans la permission de votre Père. »
S. Jér. Voici le s.3ns de ces paroles : « Si de petits animaux ne pé-
rissent pas sans la permission de Dieu, si sa providence s'étend à toutes
les créatures, et si celles d'entre elles qui sont sujettes à la mort ne
peuvent périr sans la volonté de Dieu, vous dont la destinée est éter-
nelle, devriez-vous craindre que la providence vous abandonne dans
dans le cours de cette vie ?
S. HiL. Dans le sens mystique, ce qui est vendu, c'est le corps et
l'àme, et celui auquel on le vend , c'est le péché. Ceux qui vendent
deux passereaux pour une obole sont ceux qui étaient nés pour
prendre leur essor et s'élever jusqu'au ciel sur les ailes de la grâce,
et qui se vendent pour un misérable péché. Séduits par les voluptés
de cette vie, et acquis par avance aux vanités du siècle , ils se prosti-
tuent tout entiers et se vendent à ce vil prix. Or, la volonté de Dieu
c'est que l'une de ces deux substances s'élève par son essor au-dessus
de l'autre ; mais une loi qui a également Dieu pour auteur veut que
l'autre soit plus portée à tomber qu'à s'élever. De même que s'ils avaient
pris leur vol ensemble, ils n'auraient fait qu'un, et que le corps serait
ainsi devenu spirituel ; de même lorsqu'ils sont tous deux vendus au
péché, l'âme devient terrestre et matérielle au milieu des souillures
iunt. Nolite timerf : muHis passeribus melio-
res estis vos,
Chrys. {in homil. 3o ut sup.) Post-
quam tiiiiorem mortis excluserat, ne
{BStimareut apostoli (si interficereutur)
8e esse derelictos a Deo, rursus sermo-
nem deprovidentiaDeiinducit, dicens :
« Nonne duo passeres asse vaeueunt ? et
unus ex illis non cadit super terram
sine Pâtre vestro ? » Hier. Et est sen-
sus : Si parva auimalia absque Deo
non decidunt auctore , et in omnibus
est providentia, et quae in eis peritura
sunt, sine voluntate Dei non pereunt;
vos qui œterui estis, non debetis time-
re quod absque Dei vivatis providentia.
HiLAR. Mystice autem quod venditur,
corpus atque anima est, et cui venditur,
peccatum est. Qui ergo duo passeres
asse veuduut, seipsos peccato minime
venduut, uatos ad volandum, et ad cœ-
luui peuuis spiritualibus efl'erendos; sed
capli pretiis praeseutium voluptatum, et
ad luxum secuti vénales, tolos se talibus
actiouibus uundiiiantur. Dei autem vo-
luutatis est ut unus ex illis maixis evolet ;
sed lex ex constitutione Dei profecta
decernit. unum ex eis potius décidera.
Quemadmoduni enim si evolarent, ununi
essent, fieretque coi'pus spirituale ; ita
peccatorum pretio veaditis , anima ter-
100
EXPLICATION DE L ÉVANGILE
du vice, et les deux substauces u'eu loiit plus qu'uuc seule que les in-
clinations de la chair font tomber violemment à terre.
S. Jér. Ces paroles : « Tous les cheveux de votre tète s(jnt comptés, »
montrent l'immense providence de Dieu à l'égard des hommes, et sont
une preuve de cet amour ineffable de notre Dieu pour lequel il n'y a
rien de caché. — S. Hil. L'action de compter indique le soin que l'on
prend d'une chose. — S. Chrys. {hom. 35.) Si Notre-Seigneur s'ex-
prime de la sorte, ce n'est pas que Dieu compte littéralement nos
cheveux, mais il veut nous apprendre la connaissance parfaite que
Dieu a de nos besoins, et l'étendue de sa providence pour y sub-
venir.
S. Hil. Ceux qui nient la résurrection de la chair se moquent de
l'interprétation de l'Eglise, comme si nous disions que les cheveux
qui ont été comptés, et qui sont tombés sous le_s ciseaux, doivent
ressusciter. Mais le Sauveur ne dit pas : « Tous vos cheveux seront
conservés, mais «seront comptés.» Cette manière de parler prouve que
Dieu connaît le nombre de nos cheveux , mais non pas qu'il les con-
servera tous. — S. AuG. {Cité de Dieu, liv. dern. chap. 19.) On pour-
rait aussi faire cette question : Tous les cheveux qui ont été coupés,
reviendront-ils, et s'ils doivent repousser, qui n'aurait horreur de
cette diÔbrmité? Mais dès lors que l'on comprend et que l'on admet
en principe que le corps ne perdra rien de ce qui peut lui donner de
la grâce et de la beauté , on doit comprendre également que ce qui
serait de nature à produire une hideuse dififormité viendra se joindre
à la masse du corps et non pas aux membres dont la forme en serait
défigurée. Ainsi, qu'un vase de terre soit réduit en poussière et qu'il
soit ensuite rendu à sa première forme avec la même matière , il ne
reuam coutrahit ex vitiorum sorde ma-
leriam ; fitque unum ex illis (|uod truda-
tur in terram.
Hier. Ouod autem ait: « Vestri auteni
capilli capitis omues uumerati suut, »
iruiuensam Dei er;;a honiines ostendit
providcutiam, et iueffabilem sipnat af-
t'ectum, quod uiliil uostriiui Deuui lateat.
HiLAR. Iii nunieruin eiiiin aliqiiid ooUiiii
diliiieutiEe est. Cijrvs. [in Iiomil. :55 lit
■Slip.) Unde hoc dixit, non quod pilos
Deus numeret, sed ut diligeutem cogni-
tionem et multam circa eos providen-
tiam ostendat.
HiLAR. Dérident autem inteirmeiiliam
ecclesiaslicam in hoc loco, qni rarnis
resurreclionem uegant; quasi nos et ca-
pillos qui uuuierali sunt, et a tonsore
decisi, omnes dicamus resurgere; cum
Salvator non dixerit : «>Vestri autem
capiUi omnes salvandi sunt, sed, nurae-
rati sunt : » nbi numerus est, scientia
numeri demonstratur, non ejusdem nu-
meri conservatio. Aug. {ult. de Cirit.
Dei, cap. 19.) Quamviset de ipsis capilUs
possit inquiri, utrum redeat quidquid
toudeutibus dccidit ; quod si redituruui
est, quis non o:çhorreat illani deformita-
teni ■? Seuiel autem intellecto ita uihil
periturum esse de corpore , ut déforme
niiiil sit in corpore ; siniul inteUigitur
ea qutç deformem factura fuerant enor-
niitalem, massa* ipsi accessura non esse,
locis quibus membrorutn forma turpe-
lur; vehit si de hmo vas fieret, quod
rursus in eumdem hmum redactum to-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. 101
serait pas nécessaire que la partie d'argile qui formait l'anse fût
rendue à l'anse elle-même, ou que ce qui en formait le fond revint au
même endroit, il faudrait seulement que le tout revînt dans le tout ,
c'est-à-dire la totalité de la matière dans la totalité du vase, et qu'ainsi
aucune partie ne fut perdue. Si donc les cheveux coupés tant de fois
devaient rendre la tète difforme , ils ne lui seront pas rendus ; car
grâce à la mutabilité naturelle de la matière, ils prendront la forme
de la chair pour occuper n'importe quel endroit du corps, suivant que
l'exigera l'harmonie des parties qui le composent. On pourrait d'ailleurs
entendre cette parole : « Pas un cheveu de votre tête ne périra, » non
de la longueur, mais du nombre des cheveux ; comme paraissent l'in-
diquer ces paroles : « Les cheveux de votre tète sont comptés. » —
S. HiL. {can. 10 sur S. Matth.) En effet, il ne serait pas digne de Dieu
de compter ce qui doit périr. A.ussi , afin que nous sachions bien que
rien de ce qui compose notre être ne doit périr, il nous assure que nos
cheveux eux-mêmes ont été comptés. Nous n'avons donc à craindre
aucun danger pour nos corps, et Notre Sauveur nous confirme dans
cette assurance par les paroles qui suivent : « Ne craignez pas , vous
valez plus que beaucoup de passereaux. » — S. Jér. Ces paroles rendent
plus clair le sens de ce qui précède , c'est-à-dire qu'ils ne doivent pas
craindre ceux qui ne peuvent que tuer le corps ; car si les plus petits
animaux ne peuvent périr sans que Dieu le sache, combien moins
l'homme que Dieu a revêtu de la sublime dignité d'apôtre? — S. Hil.
Ou bien, en leur disant qu'ils valent mieux qu'un grand nombre de
passereaux, Notre-Seigneur montre qu'il préfère les fidèles qu'il a
élus à la multitude des infidèles , parce que ceux-ci tombent sur la
terre, tandis que ceux-là prennent leur vol vers les cieux.
lum de toto iterum fieret, non esset ne-
cesse ut illa pars limi quae in ansa fue-
rat, ad ansam rediret ; aut quae fundum
tecerat, ipsa rursus faceret fundum ;
duui tamen totum reverteretur in totum;
id est totus ille limus in totum vas, nulla
sui parte perdita remearet. Quapropter
si capilli loties tons! ad sua loca defor-
miter redeunt, non redibunt ; quia in
eamdem caruem, ut quemcunque iocum
ibi corporis teueaut, servata partium
congruentia materiae mutabilitate verten -
tur. Quamvis quod dicit : « Capillus ca-
pitis veslri non peribit, » non de longi-
tudine, sed de numéro capillorum posset
iulelligi ; uude et bi<- dicilur : « Capilli
capitis vestri numerati sunl. » Hilar.
{Can. 10 ut sup.) Neque euim dignum
negotium est peritura numerare. Ut igi-
turnihil ex uobis periturum esse cognos-
ceremus , ipso capillorum nostroruni
supputatorum numéro indicatur NuUus
igitur corporum nostrorum casus est
pertimescendus : et ideo subditur :
« îs'olite ergo timere, multis passeri-
bus meliores estis vos. » Hier. In quo
manifestius superior expositiouis sensiis
expressus est ; quod timere non debeaut
eos qui possunt corpus occidere; quo-
niam sine Dei scientia parva quteque ani-
malia non deciduut, quanto magis bomo,
qui apostoUca fultus sit dignitate? Hilar.
Vel cum dicit, plurimus eos aiite stare pas-
seribus, ostcudit multitudini infidelium
electionem tidelium praeesse ; quia his
casus in terra est, illis volatus in cœlum.
!02 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
Remi. Dans le sens mystique, Jésus-Christ est la tète, les Apôtres
sont les cheveux ; et c'est avec raison qu'il assure que ces cheveux
ont été comptés , parce que les noms des saints sont écrits dans le
ciel (1).
y. 32, 33. — Quiconque donc me confessera devant les hommes, je le confesserai
aussi moi-même devantmon Père qui est dans les deux; et quiconque me re-
noncera devant les hommes, je le renoncerai aussi moi-même devant moh Père
qui est dans les deux.
S. Chrys. {hom. 35.) Notre- Seigneur , en bannissant la crainte qui
troublait l'àme de ses disciples, leur donne une nouvelle force par les
paroles qui suivent. Non-seulement il les délivre de toute crainte,
mais il leur propose déplus grandes récompenses, et leur inspire ainsi
le courage de prêcher hautement et librement la vérité : « Quiconque
me confessera devant les hommes, je le confesserai moi-même devant
mon Père qui est dans les cieux. » — S. Hil. {can. 10 sur S. Matth.)
C'est la conclusion de ce qui précède , car une fois qu'on a puisé
la force dans d'aussi sublimes enseignements, on doit confesser li-
brement et avec constance le vrai Dieu. — Remi. C'est cette confes-
sion dont l'Apôtre a dit {Rom. x) : « Il faut croire de cœur pour ob-
tenir la justice, et confesser de bouche pour obtenir le salut. » Ainsi,
ne pensez pas pouvoir être sauvé sans la confession des lèvres , car
Notre -Seigneur ne dit pas seulement : « Celui qui m'aura confessé, »
mais il ajoute : « Devant les hommes , » et encore : « Celui qui
m'aura renoncé devant les hommes, je le renoncerai moi-même
(1) C'est la promesse que Jésus-Christ fait à ses apôtres : « Réjouissez-vous de ce que vos noms
sont écrits dans les cieux ; » au contraire, les noms des impies, de ceux cpii s'éloignent de Dieu,
sont écrits sur la terre. Jérém., xvii, 13.
Remig. Mystice autem Christus caput
est, apostoli capilli ; qui pulchre nu-
inerati dicuutur, quia noinina sancto-
rum scripla sunt ia cœlis.
Omnis ergo qui confitebitur me coram hominibus,
confilebor et ego eum coram Pâtre meo, qui in
cœlis eut ; qui autem negaverit me coram ho-
minibus, negnbo et ego eum coram Pâtre meo,
qui in cœlis est.
CiiRYS. {in homil. 33 in Matth.) Eji-
ciens Doniinus timoreni, qui diseipulo-
ruuî concntiebat animam, per ea qu*
consequuutur, rursus eos LOiifortat; uou
riolum timorem ejiciens, sed el spe pr;p-
iniorum majorum eos erigens iu liberam
propalationem veritatis, dicens : « Om-
nis ergo qui confitebitur me coram ho-
minibus, confitebor et ego eum coram
Pâtre meo, qui est in cœlis. » Hilar.
[Can. 10 in Matth.) Hoc concludendo
dicit, quia doctrinis talibus confirmalos
oportet liberam Dei confiteudi habere
conslautiam. Remig. Confessio autem hic
illa iutelligeudaest, dequadicit Apostolus
[Rom. 10) : « Corde creditur ad justi-
tiam ; ore fit confessio ad salutem. » Ne
ergo aliquis putaret se absque oris con-
fessioue posse salvari, non solum ait :
« Qui me confessas fucrit, » sed addidit
« coram hominibus : » et ilerum addit :
« Oui autem negaverit me coram homi-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. 103
(levant mon Père qui est dans les cieux. » — S. Hn.. Il nous apprend
par là qu'il nous rendra devant son Père le même témoignage quf,
nous lui aurons rendu devant les hommes. — S. Chrys. {hom. 35.)
Remarquons ici que le châtiment comme la récompense sont supé-
rieurs, l'un au mal, l'autre au bien. En effet, le Sauveur semble dire :
Vous n'avez rien épargné les premiers , soit pour me confesser , soit
pour me renoncer. Je n'épargnerai rien moi-même , et je serai ma-
gnifique dans la peine comme dans la récompense ; car c'est moi-même
qui vous reconnaîtrai ou qui vous renoncerai. Si donc vous avez fait
quelque bien sans en recevoir la récompense, ne vous en troublez pas,
une récompense surabondante vous attend dans l'avenir. Si , au con-
traire, vous vous êtes rendu coupable sans en avoir été puni, ne vous
laissez pas aller à un mépris insolent , car le châtiment vous est
également réservé, à moins que vous ne changiez et que vous ne de-
veniez meilleurs.
Rab. Nous ferons observer que les païens eux-mêmes ne peuvent
nier l'existence d'un Dieu , mais qu'ils peuvent fort bien ne pas re-
connaître l'existence d'un Dieu Père et Fils. Or, le Fils reconnaîtra
quelqu'un devant son Père , soit en lui donnant accès auprès de lui,
et en lui disant : « Venez, les bénis de mon Père. » — Rémi. Et il re-
noncera celui qui l'aura renoncé, en lui refusant tout accès auprès de
Dieu le Père, et en le rejetant de la présence de sa divinité et de celle
de son Père. — S. Chrys. (hom. 35.) Il exige non-seulement la foi in-
térieure de l'âme , mais encore la confession extérieure des lèvres,
afin de nous inspirer une hberté plus grande pour la prédication et
un amour plus fort pour lui , en nous rendant supérieurs à tout. Or,
nibus, negabo et ego eum coram Pâtre
mfco, qui est in cœlis. » Hilar. [ut sup.)
In quo ostendit, quales nos nominis sui
testes liominibus fuerimus, tali nos apud
Deum Patrem testimonio ejus usuros.
Chrys. {in homil. 35 v.t sup.) Ubi con-
sideraudum est quia in pœna ampiius
est supplicium, et in bonis major retri-
butio : quasi diceret : « Superabundasti
prias, me hic confitendo aiit uegando ?
Superabundo et ego iueffabiliter tibi
majora dando : illic enira earo te confite-
bor aut negabo. » Propter hoc si feceris
aliquod bonum, et non susceperis retri-
butionem, ne turberis ; cum addita-
niento enim in fuluro tempore retributio
te exspectat : etsi feceris aliquod ma-
him, et non exsolveris vàndictam, non
contemnas : illic enim te excipiet pœna,
nisi transmuteris et melior fias.
R.\.BA. Et sciendum quod negare quod
Deus non sit, nec pagani possunt ; sed
quod non sit Deus Fihus et Pater, nejiari
ab infidehbus potest. Confitebitur ergo
aliquem Fihus apud Patrem. quia per
Filium habebit accessum ad Patrem, et
quia Fihus dicet : « Venite, benedicti
Patris mei. » Remig. Negabit autem ne-
gantem se, quia per ipsum non habebit
accessum ad Patrem, et a conspectu suœ
Divinitatis et Patris repehetur. Chrys.
{in homil. 35 ut sup.) Ideo autem, non
solum fidem quœ est secuiidum men-
tem, sed et confessiouem exisit oris, ut
erigat nos in hberam propalationem et
ampliorem amorem, excelsos nos fa-
404
EXPLICATION DE L ÉVANGILE
ce n'est pas seulement à ses Apôtres , mais à tous qu'il adresse cette
recommandation, car il veut inspirer ce courage non-seulement à ses
Apôtres, mais encore à leurs disciples. Celui qui sera fidèle à ce com-
mandement non-seulement enseignera publiquement avec une sainte
hardiesse, mais il portera facilement la persuasion dans les cœurs, car
l'observation de ce précepte en a converti un grand nombre à la doc-
trine des Apôtres. — Rab. Ou bien on confesse Jésus par la foi , qui
opère par l'amour (1), en accomplissant fidèlement ses comman-
dements ; et on le renonce lorsqu'on ne craint pas de transgresser ses
préceptes.
% 34-36. — Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne
suis pas venu y apporter la paix, mais le glaive. Car je suis venu séparer
l'homme d'avec son père, la fille d'avec sa mère, et la belle-fille d'avec sa belle-
mère; et l'homme aura pour ennemis ceux de sa propre maison.
S. Jér. Notre-Seigneur avait dit plus haut : « Ce que je vous dis
dans les ténèbres, dites-le en plein jour; » il apprend ici à ses Apôtres
quels sero'nt les effets de leur prédication : « Ne pensez pas que je sois
venu apporter la paix. — La Glose. (2) Ou bien ces paroles sont la
suite de ce qui précède, c'est-à-dire qu'ils doivent être inaccessibles
aux affections charnelles comme à la crainte de la mort. — S. Chrys.
{hojn. 30.) Comment donc leur a-t-il ordonné de souhaiter la paix
dans chaque maison où ils entreraient ? Comment les anges eux-mêmes
ont-ils pu chanter cet hymne : « Gloire à Dieu dans les hauteurs des
cieux, et paix aux hommes sur la terre? » C'est que la paix consiste
surtout à retrancher ce qui est malade, à séparer ce qui est une somce
(1) Ou bienpa/- la charité, comme la Vulgate [Galat., v, 6) a traduit du grec ôi' àyàTriri;.
(2) La Glose interlinéaire ; mais où on ne trouve pas le commencement de cette citation.
ciens. Htec autem verba ad universos
loquitur, et neque persoua apostoloruui
utitur solum ; non enim solos apostolos,
sed et discipulos eoruui facit viriles. Qui
mine hoc servat, non solum cum libéra
propalatione doc.ebit, sed et omnibus
i'acile suadebit : hujus enim verbi ob-
servatio muitos ad apostolos adduxit.
Raba. Vol contitetur quis Jesum ea fide
quaî per dilectionem operatur, mandata
ejus lîdeliter iuipleudo ; negat qui prœ-
ceptis non obedit.
yulite arhitrari quia pacem rennrim miltere in
terrain : non ceiii pacem mittere, sed gladium :
veni enim separare homineni advemnii patrem
siiitiii. et filiam adeersiis mutrem suam, et iiu-
rurn adversus sacrum suam; et inimici hominis
domestici ejus.
HiKR. Supra dixerat : « Quod dico vo-
bis in tenebris, dicite in lumine : » num;
infertquid postpraedicationem sequatur,
direns : « Nolite arbitrari quia pacem
venerim mittere. » Glossa. Vel aliter
continua : sicut timor mortis non débet
attraliere.sic neccarnalisatfectus.CHRïS.
{in hoinil 36 in Matth.) Qualiter ergo
eis injunxit, ut iu unamquamque domuni
ingredientes pacem iudicerent ? [ut su p.)
Qualiter otiam ef angoli ilixerunt (Luc.
m) : « (iloria in exc'd-is Deo, et in terra
l>ax lioniiuilius ?» (Junuiam hic maxime
(•>! pa\. iiuM id (]Uod aigrotat, incidi-
DE SAINT JIATTHIEU, CHAP. X. AOV)
de division; c'est alors seulement qu'il sera possible d'unir le ciel avec
la terre. Le médecin ne coupe-t-il pas ainsi le membre qui est incurable
pour sauver le reste du corps? C'est ce qui est arrivé à la tour de
Habel, où une heureuse division vint mettre lin à une paix qui était
mauvaise. (Genèse, xi.) C'est ainsi que saint Paul divisa ceux qui s'é-
taient déclarés contre lui. [Actes, xxiii.) L'accord et la paix ne sont
pas toujours une bonne chose, car on les voit régner même parmi les
voleurs. Or cette guerre, ce n'est pas Jésus-Christ qui la rend néces-
saire, mais bien la volonté de ses ennemis. — S. Jér. En efifet, à peine
la foi en Jésus-Christ fut-elle annoncée, que tout l'univers s'est trouvé
divisé. Dans chaque maison on trouva des croyants et des infidèles, et
cette division fut la cause d'une guerre heureuse qui fit cesser une
paix pernicieuse dans ses résultats.
S. Chrys. [hom. 35.) En parlant de la sorte il veut consoler ses dis-
ciples, et il semble leur dire ; « Ne vous troublez pas comme si ces
événements devaient vous surprendre et tromper votre attente, car je
suis venu pour apporter la guerre. » Et ce n'est pas seulement « la
guerre, » mais ce qui est plus effrayant, « le glaive. » Il a voulu par
la dureté même de son langage exciter leur attention, les empêcher
de faiblir au milieu du danger, et prévenir ce qu'on aurait pu croire
et dire que sous des expressions pleines de douceur, il avait caché les
plus grandes difficultés; car il vaut mieux éprouver la douceur dans
les choses que dans les paroles. Il ne s'arrête pas à cette déclaration,
il explique la nature de cette guerre et fait voir qu'elle est plus terrible
même que la guerre civile : « Je suis venu séparer l'homme d'avec
son père, la fille d'avec sa mère, et la belle-fille d'avec sa belle-mère. »
Ainsi ce n'est pas seulement entre les amis que cet état de guerre
tur ; cum id quod litem infert, separa-
tur : ita enim possibile erit cœlum terrse
copulari. Nam et medicus ita reliquum
conservât corpus, cum id quod insana-
bilitersehabetabsciderit. Itaquidemet in
turri Babel irestum est {Ge7ies. ii) ; ma-
lam eniui pacem boua dissouantia solvit.
Ita et Paulus eos qui adversus euui con-
sonabant, divisit. {Act. 23.) Nou enim
ubique concordia bonum est : nam et
latrones consouant. Hoc autem prfelium
non est sui propositi, sed illorum consi-
lii. Hier. Ad fidem enim Cbristi totus
orbis contra se divisus est. Unaquaeque
domus et infidèles liabuit et credentes :
et propterea bellum conmiissuni est bo-
uum, ut rumpereliir pax niala.
CflRYS. (/7( /lointl. 'M utsup.) Hoc au-
tem dixit quasi discipulos consolans, ac.
si diceret : Ne turbemini, quasi prceter
spem bis contingentibus : propter lioc
enim veni ut prœliura mittam. Kt non
dixit proilinm, sed quod diflicilius est,
(jladium. Voluit enim asperitate verbo-
rum eorum excitare auditum, ut non in
difficidtale rerum deiîciant; ne aliquis
dicat quod blanda suasit, sed difficilia
occullavit. Melius est enim iu rébus
mansuetudinem videre, quam in verbis :
et propter hoc in bis non stetit, sed ex-
ponens praelii speciem, ostendit hoc
esse ci%'ili bello difficilius, dicens : « Veni
enim separare liominem adversus pa-
trem suum, et iiliam adversus matrem
suam. » In quo ostendit quod nonsolum
in familiaribus erit hoc prœlium, sed iu
406
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
existera, c'est entre ceux qui sout unis par les affections les plus vives
et par les liens les plus étroits. Une des preuves les plus évidentes de
la puissance du Christ, c'est que les Apôtres écoutèrent ces dures leçons
et qu'ils les firent à leur tour recevoir et mettre en pratique.
S. Chrys. {hom. 35.) Ce n'est pas Jésus-Christ lui-même qui opérait
cette séparation, mais la malice des hommes. Cependant il s'en déclare
l'auteur, d'après la manière de s'exprimer de l'Ecriture, par exemple
dans ce passage : « Dieu leur a donné des yeux pour ne point voir. »
(fsaie^ VI ; Rom. xi.) Nous avons ici une preuve du rapport intime
qui existe entre l'Ancien et le Nouveau-Testament. C'est ainsi que
nous voyons les Juifs se déclarer contre leurs frères et les mettre à
mort lorsqu'ils eurent fabriqué le veau d'or {Exod. xxxii,) et lors-
qu'ils eurent immolé des victimes à Beelphegor. (JVomb. xxv.) Or
pour montrer que c'est toujours le même Dieu qui sous la loi nouvelle
comme sous la loi ancienne a pour agréables ces mêmes sentiments,
Notre -Seigneur cite un passage de la prophétie deMichée : « L'homme
aura pour ennemis ceux de sa propre maison. [Michée, vii.) La société
juive présentait un spectacle semblable, il y avait de vrais et de faux
prophètes, et le peuple était divisé, et les familles étaient partagées;
les uns croyaient aux premiers, les autres suivaient les seconds. —
S. Jér. Ce passage se trouve presque mot pour mot dans le prophète
Michée. Il faut observer du reste que toutes les fois que le Sauveur
emprunte un témoignage à l'Ancien Testament, il importe peu s'il
donne seulement le sens de ce passage, ou s'il rapporte textuellement
les paroles.
S. HiL. {can. \0 sur S. Matth.) Dans le sens mystique, le glaive,
qui est l'arme la plus aiguisée, est l'emblème de la souveraineté et du
pouvoir judiciaire, de la sévérité et du droit de punir les coupables.
amantissimis et valde necessariis : quod
m;ixime Christi virtiitem osteudil; quia
discipuli haec audientes , et ipsi susce-
perunt, et aliis suaserunt.
Chrys. Quamvis auteiii uonipse Cliris-
tus haïKî separalionem fecerit, sed illo-
riiin inalitia, tamen dicit se facere, se-
cuindum Scripturœ consuetudinem rscrip-
tum est enim {Rom. n, ex Isai.d) : «Dédit
eis Deus oculos vit non videant. » Hocau-
lem maxime ostendit, vêtus Testamen-
tum esse novo eognatum : etenim in Ju-
da'is unusquisque proximuni intertieie-
bat, quaiido vilnlum feceruut (Ej-oit.32),
et quando Beelplie^or immolaverunt.
(Numer. 'J5) Unde utmonstraretciundem
esse cuihaec et illa placuerunt prophe-
tiœ meminit {Mic/ieœ 1) dicens : « Et ini-
mici liominis ddmestici ejus. » Et in Jii-
dœis taie aliquid coutifïit : erant enim
prophetai et ]iseudopropheta? ; et plebs
sciudebatnr, et donius dividebantur ; et
bi quidem bis credebaut, alii autemillis.
Hier. Hic autem iocus prope iisdeni
verbis in Micbœa propbeta desi-.ribitur.
(Cap. 7, lit sup.) El nolandum quod ubi-
cunque de veteri Testaniento lestinio-
nium ponitur, non refert utrum seusus
tantuni. an et verba eonsentiant.
lIiLAU. {Can. 10, lit sup.) .Mystice au-
tem. filadius lelorum omnium aculissi-
mumest ; incpio est jus potestatiset judi-
DE saint' MATTHIEU, CHAP. X. 407
Rappelons-nous donc que ce glaive figure la parole de Dieu; il a ûU't
apporté sur la terre, c'est-à-dire que la pr»'dication l'a lait pénétrer
dans le cœur des hommes. Ce glaive a donc divisé entre eux les cinq
habitants d'une même maison, trois contre deux et deux contre trois.
Ces trois habitants nous les trouvons dans l'homme : c'est son corps,
son âme et sa volonté. Car de même que l'âme a été unie et donnée
au corps, ainsi le pouvoir d'user de l'un et de l'autre à son gré a été
donné à l'homme, et c'est pour cela que Dieu a imposé des lois à la
volonté, comme nous le voyons dans ceux qui sont sortis les premiers
de sa main. Mais par suite du péché et de la désobéissance de notre
premier père, le péché devint pour les générations suivantes le père
de notre corps, l'infidélité la mère de notre âme, et la volonté adhère
à l'un et à l'autre ; c'est ainsi que l'on trouve cinq habitants dans la
même maison. Mais lorsque nous sommes renouvelés dans les eaux
du baptême, la puissance de la parole nous sépare des péchés de notre
origine, et ces retranchements qu'opère le glaive de Dieu rompent
tous les liens d'afîèction qui nous attachaient à notre père et à notre
mère. C'est ainsi qu'on voit éclater dans une même maison de sé-
rieuses divisions; l'homme régénéré trouve des ennemis dans ce qu'il
y a de plus intime en lui, car il met toute sa joie dans la sainte nou-
veauté de son esprit , tandis que les restes de son ancienne origine
veulent conserver ce qui faisait l'objet de leur bonheur. — S. Aug.
{Quest. évang. sur S. Matth., quest. 3.) Ou bien dans un autre sens :
« Je suis venu séparer l'homme d'avec son père parce qu'il renonce au
démon dont il était le fils, et « la fille d'avec sa mère, » c'est-à-dire le
peuple de Dieu d'avec la cité du monde, qui n'est autre que la société
corrompue du genre humain, représentée dans l'Ecriture tantôt par
cii, severitasetauimadversiopeccatorum.
Dei igitur verbuiu nuncupatum memi-
nerimus in gladio ; qui pladius missus
lîst in terram, id est, praedicatio ejusho-
minum cordibus infusa. Hic igitur rpiiu-
ijue liabitantes in una domo dividit ;
très in duos, et duos in très : et tria
tantum ad horainem referimus , id est,
corpus, et animam, et voluntatem : nam
ut corpori anima data est, ita et potes-
tas liomini uteudi utroque ut vellet, in-
dulta est. Atque ob id lex est j)roposita
voluntati : sed hoc in illis deprehenditur,
qui primi a Deo figurati sunt. Sed ex
peccato atque infidelitate primi parentis
sequeutibus geuerationibus cœpit esse
corporis nostri Puter, peccatum ; Muter
animœ, infidelitas ; voluntas autem sua
unicuique adjacet; ergo jam unius do-
mus quinque sunt. Cum ergo innova-
mur baptismi lavacro, per virtutem
verbi ab originis nostrae peccatis separa-
mur, recisisque quibusdam absectione
gladii Dei, a patris et matris affectioni-
bus dissidemus ; fitque gravis in domo
una dissensio, et domestica novo liomini
erunt inimica; quia ille manere in spi-
ritus novitate gaudebit ; ea vero quœ a
prosapiae antiquitate deducta sunt, con-
sistere in bis quibus oblectaiitur concu-
piscent. Aug. [de qnœst. Evang. in
Matth. qu. 3.) Vel aliter : « veni sepa-
rare hominem adversus patrem suum ; »
quia renuntiat quis diabolo, cpii fuit fi-
lins ejus; « et filiam adversus matrem : »
scilicet plcbem Dei adversus mundanain
civitatem, hoc est, perniciosam societa-
tem generis humani ; quam nunc Baby-
408
EXPLICATION DE L EVANGILE
Babylone, tantôt par Sodome, tantôt par l'Egypte et sous plusieurs
autres dénominations. (1) « La belle-fille d'avec sa belle-mère, »
c'est l'Eglise opposée à la synagogue qui a enfanté selon la chair le
Christ, époux de l'Eglise. Tous sont divisés par le glaive de l'Esprit,
qui est le Verbe de Dieu , « et les ennemis de l'homme sont ceux
de sa maison avec lesquels il était lié par une intimité des plus
étroites. — Rab. On est incapable de respecter aucun droit lorsqu'on
est divisé sur le point de la foi. — La Glose. On peut encore interpréter
ces paroles dans ce sens : Je ne suis pas venu parmi les hommes pour
donner une nouvelle force aux affections de la chair, mais pour sépa-
rer par un glaive tout spirituel ceux qu'elles retiennent étroitement
unis; c'est pour cela qu'il ajoute : « Et l'homme aura pour ennemi
ceux de sa propre maison. » — S. Grég. {Moral, m, 5.) Lorsque l'en-
nemi du salut, plein de ruse et de finesse, se voit chassé des cœurs
vertueux, il s'adresse à ceux pour lesquels ils ont une vive affection,
et leur met sur les lèvres un langage d'autant plus insinuant qu'ils
sont aimés plus tendrement, et c'est ainsi qu'en même temps que la
force de l'amitié pénètre au plus intime du cœur, le glaive de la per-
suasion franchit les retranchements de la droiture intérieure.
f. 37-39. — Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne
de moi, et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de
moi. Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n'est pas dignç de
moi. Celui qui conserve sa vie la perdra , et celui qui aura perdu sa vie pour
l'amour de moi la retrouvera.
S. Jér. Après avoir dit : « Je ne suis pas venu apporter la paix,
'1 Apoc, XI, 8; XIV, 8.
lonia, uunc .^gj'pto, nunc Sodoma,
nunc aliis atque alii» nominibus Scrip-
tura siguificat. « Nurum adversus so-
crum suam. » Ecclesiam adversus Syna-
gogam, quae secundum carnem Christum
peperit, sponsum Ecclesiae. Dividuntur
autem in gladio spiritus, quod est ver-
bum Dei : « et inimici hominis domestici
ejus, » cunj quibus ante consuetudine
implicatus erat. Rab. Nullaapud eosjura
custodiri possunt, iuter quos fidei bel-
lum est. Glossa. Vel aliter : hoc dicit,
quasi dicat : « Non ad hoc inter homi-
nes veni ut caraales affectus confirmem ;
sed spiritual! gladio disseceuj : » unde
recte dicitur : « Et inimici hominis do-
mestici ejus. » Greg. (IIl Moral, cap.
3.) Callidus namque adversarius cum a
bonorum cordibus repelli se conspicit,
eos qui ab illis valde diliguntur exquirit ;
et per eorum verba blandiens loquitur,
quia plus caeteris amantur ; ut dum vis
amoris cor perforât, facile persuasionis
ejus gladius ad intimae rectitudinis mu-
nimina irrumpat.
Qui amat patrem aut matrern plusquam me, non
est me dignus ; et qui amat filium aut filiam
super me, non est me dignus ; et qui non acce-
pit crucem suam et sequitur me, non est vie
dignus. Qui invenit animam suam , perdet il-
lan : et qui perdiderit animam suam propter
iM, inveitiet eam.
Hier. Qui ante praemiserat : « Non
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. 109
mais le glaive, et séparer l'homme d'avec son père, d'avec sa mère,
d'avec sa helle-mère, » Notre- Seigneur, ne voulant pas que les senti-
ments naturels l'emportent jamais sur la religion, ajoute : « Celui qui
aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi. » Nous
lisons dans le Cantique des Cantiques : « Il a réglé en moi la charité. »
{Cant. II.) Dans toute affection nous devons conserver cet ordre. Aimez
après Dieu votre père et votre mère_, aimez après lui vos enfants. Mais
si la nécessité vous force de mettre en présence l'amour de vos parents
et de vos enfants, et que vous ne puissiez satisfaire en même temps à
l'un et à l'autre, rappelez-vous qu'alors la haine pour les siens devient
un véritable amour de Dieu. Il ne défend donc pas d'aimer son père
ou sa mère, mais il ajoute d'une manière expressive : « plus que moi. »
— S. HiL. {can. 10 sio' S. Matth.) Ceux en effet qui donneront la pré-
férence à ces affections sur l'amour de Dieu se rendront indignes de
l'héritage des biens futurs.
S. Chrys. {hom. 36.) Ne soyez pas étonné si d'ailleurs, saint Paul
fait un commandement exprès d'obéir en tout à ses parents : il ne veut
parler que de l'obéissance dans les choses qui ne sont pas contraires à
la religion; et c'est en effet un devoir sacré que de rendre alors
à nos parents toute sorte d'honneur ; mais s'ils exigent au delà de ce
qui leur est dû, il faut s'y refuser. Cette doctrine est conforme à l'An-
cien Testament, où Dieu ordonne non-seulement de haïr, mais même
de lapider ceux qui adoraient les idoles. [Levit. xx.) Nous lisons encore
dans le Deutéronome : « Celui qui dira à son père et à sa mère : Je ne
ne vous connais pas, et à ses frères : Je vous ignore, ceux-là auront
gardé votre parole. » — La Glose. (1) On voit souvent les parents
(I) Ce passage ne se trouve ni dans la Glose, ni dans saint Anselme, ni dans aucun autre auteur.
veni pacem mittere, sed gladium, et di-
videre hoiiiiiunii adversus patrem, et ma-
Irem, et socrum, » ne quis pietatein
rolifïioni anteferret, suhjicit dicons :
« Quiauiatpatrem aut matrem plus([iiam
me, non est me dipuus : » et in Cantli;o
l'anlicorum (cap. 2) leginms : « Ordina-
vit in me cliaritatem : » hic enim ordo
in omniafl'eclii uecessariiis est. Aiuapost
Deuin, patrem, matrem, aina lilios. Si
autcm nécessitas venerit, ut amor pa-
rentum aut filiorum, Dei amori compa-
retur, et non possit utrumquo saivari ;
odium in suos, pietas in Deinn est. Non
ergu prohibuit amari patrem aut ma-
trem, sed siguaiiteraddidit : « Plusquam
me. » HiLAR. {Cant. 10, it(: sup.) llli
euim qui domesticas liominum chaiù-
tates dilectioni ejus praetulerint. futuro-
rumltonorum indigni erunt ha>reditate.
CuRYS. {in Jiomit. 3(i, ut sup.) Si au-
tem l^vulus jubet per oiunia pareutibiis
obedire {Cofoss. 3), non mireris : in illis
enim solum dicit obediendum, qua> non
uoceut pietati : etenim sanctum est, oni-
nem eis alium reddere lioiioriMn. Cum
autem anqtlius debito exegerinl. non
oportet asseutiri. Sun! autem ba'c veteri
Testamento consonaiitia : etenim illic eos
(jui idola colebant, non odio liabere so-
lum, sed et lapidare Dominas jubet {Le-
vit. 20) ; et in Deuteron. dicitnr (cap.
;i;!) : « Qui dixerit patri suo et matri
sua; : Nescio vos ; et fratribus suis :
Ignoro vos, hi cusiodicrunt eloquiuni
tumn. » Glossa. Videtin- autem in plu-
Ho
EXPLICATION DE L EVANGILE
aimer leurs enfants plus qu'ils n'en sont aimés ; aussi Notre-Seigneur
va-t-il par degrés, et après avoir enseigné que son amour doit passer
avant l'amour des parents, il enseigne naturellement qu'il doit aussi
l'emporter sur l'amour des enfants, en ajoutant : « Et celui qui aime
son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi. » — Rab. Ce
qui signifie qu'on est indigne de toute union avec Dieu quand on pré-
fère les affections de la cbair et du sang à l'amour spirituel qu'on doit
avoir pour Dieu.
S. CiiRYs. [ho)?î. 36.) Ces paroles pouvaient blesser ceux dont l'amour
se trouve ainsi sacrifié à l'amour de Dieu ; Notre-Seigneur, pour leur
faire supporter patiemment ce sacrifice, tient un langage plus élevé.
En effet, rien n'est plus intime à l'homme que son àme, et cependant
si vous ne haïssez votre âme, les plus grands maux vous attendent.
Et il ne vous ordonne pas seulement de haïr votre àme, mais encore
de la livrer à la mort et aux supplices les plus sanglants. Ainsi nous
enseigne-t-il qu'il ne suffit pas d'être prêt à subir une mort quel-
conque, mais qu'il faut être disposé à souffrir la mort la plus violente,
la plus ignominieuse, c'est-à-dire la mort de la croix, et c'est pour
cela qu'il ajoute : « Et celui qui ne prend pas sa croix. » Il ne leur a
pas encore parlé de sa passion, mais de temps en temps il les prépare
à recevoir ce qu'il doit plus tard leur en dire. — S. Hil. {can. 10 su?'
S. Matth.) Ou bien encore, ceux qui appartiennent à Jésus-Christ ont
crucifié leur corps avec ses vices et ses convoitises, {Galat. v), et on
est indigne de Jésus-Christ quand on ne marche pas à sa suite en
prenant sa croix (par laquelle nous souffrons avec lui, nous mourons
avec lui, nous sommes ensevelis avec lui^ nous ressuscitons avec lui),
pour vivre par ce mystère de la foi dans une sainte nouveauté d'es-
ribus acoidere ut parentes plus diligant
Iilios quam filii diligant eos : et ideo
gradatini postquam suum amorem, amori
parenlum esse pra'ponenduiu docuit,
docet consequenterprieferendum esse fi-
liorum amori, dicens : « Et qui amat fi-
liuni aiit liliam super me, non est me
dianus. »RAii. Per quod signiticat, illum
divino consorlio esse indignum, qiiicon-
sanguinitatis earnalem amorem pra-po-
nit spiriluali amori Dei.
CnRYS. {in homil. 3(i, nt snp.) Deiude
ut ïion moleste ferantilli (scilicet quihns
auior Dei prœferlur) ad altiorem addiicit
sermonem : auima euim niliil est fami-
liarius aliciii ; sedtamen et hanc nisi ode-
ris, contraria retribuentur tibi. Non ta-
meu simpliciter eam baberi odio jussit.
sed ut eam quis tradat in occisiones et
sanguines; ostendens quod non solum
ad mortem oportet esse paratum (id est,
ad qualemcunque mortem subeundani),
sed ad mortem violentam et probrosissi-
mam, scilicet mortem crucis : unde se-
quitur : « Et qui non accipit crucem, »
etc. Nibil aulem adbuc cis de propria
dixerat passione. sed intérim in bis eos
erudit, ut sermonem de passione ejus
magis suscipiant. Hil.\r. [Can. iO in
Matth.) Yel qui Clirisli sunt, crucifixe-
runt corpus suum cum vitiis et coucupis-
centiis (6'«/f7/. v), et indiguus estCbristo
qui non crucem suaui (in qua compati-
nuir, commorimur, consepelinnir , con-
surgimus) accipicns Dominum sitsecutus;
in boc sacramcnto fidei spiritus uovilate
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. ill
pi'it. — S. (iRÉfi. {hom. ari.) Le mot croix vient d'un mot latin (cni-
ciatus) qui signifie tourment; or nous portons la croix du Soigneur de
deux manières, ou bien en mortifiant notre corps par la privation,
ou par un sentiment de compassion qui nous fait regarder comme
nôtres les misères du prochain. Mais il en est quelques-uns qui font
profession de mortifier leur chair, non pour plaire à Dieu, mais par un
sentiment de vaine gloire ; et d'autres qui témoignent à leur prochain
une compassion qui n'a rien de spirituel, mais qui est toute charnelle,
et qui, loin de les porter à la vertu, favorise par ce sentiment de fausse
pitié leur penchant au vice. Ils semblent porter leurs croix, mais ils ne
suivent pas le Seigneur, et c'est pour cela qu'il ajoute ; « Et qui me
suit. »
S. CuRYS. [hom. 36.) Les commandements qu'il fait ici pouvaient
paraître accablants; il en fait donc ressortir les avantages immenses :
(f Celui qui conserve sa vie le perdra; et celui qui aura perdu sa vie
pour l'amour de moi, la retrouvera. » Comme s'il disait : « Non-seu-
lement ces sacrifices que je vous impose ne vous causeront aucun tort,
mais vous en recueillerez les fruits les plus précieux, tandis qu'une
conduite opposée vous serait infiniment nuisible. Ici comme partout,
le Sauveur prend ses inductions dans ce que les hommes désirent le
plus. Pourquoi refusez-vous de faire peu de cas de votre vie?semble-
t-il leur dire. Parce que vous l'aimez. Mais c'est justement pour cela
que vous devez la sacrifier, si vous voulez lui procurer les plus grands
avantages. — S. Rémi. L'àme ne signifie pas ici la substance même de
l'àme, mais la vie présente, et tel est le sens de ces paroles : « Celui
qui cherche son âme en cette vie, c'est- à-dire celui qui désire cette
vie avec ses attachements et ses plaisirs, et qui cherche à la trouver
victurus. Gkeg. (in lioviil. .'{'i in Evang.)
Crux quippe a cruciatu dicitur ; et duo-
bus inodis crucem Dommi bajuUiinu?,
cuiii aut per abstiueutiam caruem affli-
f,'imus, aut per corapassionem proxiuii
necessitalem illius uostram putauius.
Scieudum vero est quod sunt uounulli,
qui carnis abstineutiam non pro Deo, sed
pro inani gloria exbibent ; et sunt uou-
nulli qui compassionem proxiuii, non
spiritualiter, sed carnaliter impenduut;
ut ei, non ad virtutem , sed quasi mise-
rando ad culpas faveant. Ht itaquecru-
ceni Yidentur ferre, sed Doniinum non
sequuntur : et ideo ait : « Et sequitur
me. »
Chrys. [in Jiomil. ?A>, ut svp.) Quia
vero prœcepla quibus hum injunjîuntur,
onerosa videbantur, ponit et ulilitatem
eorum maxiniam existentem, diceus :
« Qui invenit animam suam, perdet
eam, et qui perdiderit propter me, inve-
uiet:» Quasi dicat :Non solumhaic qua;
praemisi non nocent, sed maxime pro-
derrint;contraria vero nocebunt : et hoc
ubique facit : ab his enim quœ homines
concupiscunt, iuducit ; sicut si dii-atur :
« Propter quid nou vis coutemnere ani-
mam tuam ? Quia diligis eam ? Quocirca
propter hoc contemne, et tune ei maxime
proderis. » Remig. Anima autem in hoc
loco, non substantia est intelligenda,
sed ha>c vita prsesens : et est sensus :
« Qui invenit animam suam » (scilicet
banc praesentem vitani), id est, qui hanc
lucem, et ejus dilectionem, et voluptates,
ad hoc desiderat, ut semper inveuire
possit vitam , quam semper servare eu-
112
EXPLICATION DE L EVANGILE
toujours, parce qu'il veut la conserver toujours, la perdra, c'est-à-dire
qu'il prépare son âme à la damnation éternelle. — Rab. Ou bien
encore, celui qui cherche a sauver son âme pour l'éternité, n'hésitera
pas à la perdre, c'est-à-dire à s'exposer à la mort. Ce qui suit est éga-
lement favorable à l'un et à l'autre sens. « Et celui qui aura perdu sa
vie pour moi la trouvera. » — Rémi. C'est-à-dire, celui qui au temps
de la persécution s'exposera, pour confesser mon nom, à perdre cette
vie mortelle, ses affections et ses plaisirs, trouvera le salut éternel de
son âme.
S. HiL. C'est ainsi qu'on perd sa vie en voulant la sauver, et qu'on
la sauve en consentant à la perdre, car le sacrifice d'une vie qui passe
si rapidement nous met en possession d'une vie qui ne finira jamais.
y. 40-42. — Celui qui vous reçoit me reçoit, et celui qui me reçoit reçoit celui
qui m'a envoyé. Celui qui reçoit un prophète en qualité de prophète recevra la
récompense du prophète; et celui qui reçoit un juste en qualité de juste recevra
la récompense du juste; et quiconque aura donné seulement à boire un verre
d'eau froide à l'un de ces plus petits, comme étant de mes disciples , je vous
dis en vérité qu'il ne perdra poi)it sa récompense.
S. JÉR. Notre-Seigneur, en envoyant ses disciples prêcher l'Evangile,
leur apprend à ne craindre aucun danger, et à sacrifier toutes lem's
affections aux devoirs de sa religion. Déjà, il s'en est déclaré, il ne
veut pas d'or, il ne veut pas d'argent dans leurs bourses : c'est une
condition bien dure que celle des Evangélistes. Mais comment pourvoir
aux dépenses nécessaires, à la nourriture , aux choses nécessaires à
la vie? Notre- Seigneur adoucit donc la sévérité de ses préceptes par
l'espérance des promesses. « (^elui qui vous reçoit, leur dit-il, me
reçoit, » Ainsi chaque fidèle doit être persuadé qu'il a reçu Jésus-Christ
pit, perdet, id est, animam suam aeternae
(lamnatioui prfeparat. Rab. Vel aliter :
(jui salutem auimai suœquaerit «ternam,
perdere eam (hoc est, in mortem dare)
non dubitat. Utrique autem seusui eou-
gruit apte quod seqviitur : Et qui perdi-
derit auimam suampropter me, inveniel
eam. Remig. Id est, qui banc tenipora-
leni luceni, et ejus dilectiones, et volup-
lates, tenipore persecutiouis propler con-
fessionem noiuinis mei contenipserit,
animae suai inveniet salutem œlernam.
HiL.\R. Sic er£;o protîcit luçruui aninue
lu mortem, et damnum in salutem :
delrimeiito enim brcvis vita?, fieuus im-
mortalitatis acquirilur.
Qui recipit vos, me recipil ; et ijui nu recipit.
recipit eum qui me rtdsit. Qui recipit prophe-
tam in nomine prophetœ, merredem prophetœ
accipiet ; et qui recipil justum in nomine justi,
mercedem justi accipiet. Et quicunque pottivi
dederit uni ex minimis istis calicem aquœ fri-
f/idœ, tantiim in nomine discipuli, amen, dico
vobis, non perdet mercedem suam.
HiKR. Domiuus ad praedicationem dis-
tipulos mittens, docet pericula non ti-
menda et affectum subjicit religioui :
aurum supra tulerat, a^s zona excusseiat ;
dura Kvaugelistarum conditio. Undeergo
suuiptus ■? unde victus ? unde uecessa-
ria? Et ideo austeritatem prfpceptorum
spe tempérât promissorum, iuquieus :
« Qui recipit vos, me recipit ; » ut in
suscipiendis apostolis uuuscpiisque cre-
dentium Christum se suscepisse arbitre-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. X. 113
en recevant ses Apôtres. — S. Ghkys. {hom. 36.) Ce qui précède suffi-
sait pour produire cette persuasion dans ceux qui devaient recevoir
les Apôtres. Car en voyant ces hommes héroïques (jui méi)risaient
tout (1) ce qui les concernait pour sauver leurs frères , (jui ne les
aurait accueillis avec le plus vif empressement? Plus haut, Notre-Sei-
gneur a menacé de punir ceux qui ne les recevraient point; ici il pro-
met de récompenser ceux qui les recevront. Et d'abord il leur promet
cet honneur insigne de recevoir dans la personne des Apôtres Jésus-
Christ et même son Père. « Et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a
envoyé. » Que peut-on comparer à cet honneur de recevoir Dieu le
Père et le Fils? — S. Hil. [can. dO sur S. Matth.) Ces paroles nous
apprennent en même temps son office de médiateur, car après que
nous l'avons reçu, lui qui est sorti de Dieu, il nous fait entrer eu com-
munication avec Dieu lui-même, et d'après cet ordre que suit la grâce,
recevoir les Apôtres, c'est recevoir Dieu, parce que le Christ est en eux,
et que Dieu est dans le Christ.
S. Chrys. {hom. 36.) A cette récompense qu'il promet il en ajoute
une autre : « Celui qui reçoit un prophète au nom du prophète, recevra
la récompense du prophète, et celui qui reçoit le juste, » etc. Il ne dit
pas simplement : Celui qui reçoit un prophète, ou celui qui reçoit
un juste, mais . Celui qui reçoit un prophète, un juste, au nom du
prophète, au nom du juste, c'est-à-dire parce qu'il est prophète, parce
qu'il est juste, et non pas à cause de la dignité dont il peut-être
revêtu (2) en ce monde, ou en vue de quelque autre avantage temporel.
(1) Le grec TtàvTwv, serait susceptible d'être pris au masculin pour tous les hommes, si le sens
neutre n'était déterpiiné parles paroles suivantes : twv xa6' eauxoûç.
(2) L'expression ptwxtv.vjv Tvpoctacfîav signifie une dignité d'ici-bas, qui passe avec cette vie.
tur. Chrys. (m homil. 36 utsup.) Suffi-
cientia si quidem erant prœmissa ad per-
suadendum eis qui erant apostolus sus-
cepturi. Qiiis enim eos qui ita erant for-
tes, et omnia contemnebant, ut alii salva-
rentur, non susciperet cum oniui desi-
derio ? Et superius quidem pœnam
comminatus est lus qui non recipereut;
hic autem retributiuueni promiltit reei-
pientibus. Et primo quidem repromiltit
honorem suscipieutibus apostolos , ut
Christum suscipiaut, et etiam Patrem :
imde subdit : « Et qui me recipit, reci-
pit eum qui me misit. » Quid auteiiî huic
honori fiet œquale, ut quis Patrem et
Filium recipiat? HiLAR. {Can. 10 m
Matth.) In quibus verbis docet etiam in
se mediatoris officium, qui cum sit re-
TOM. II.
ceptus a nobis, at(|ue ipse profectus ex
Deo sit, Deus per illum transfususinnos
sit ; ot per hune ordinem gratiarum non
est aliud apostolos récépissé quam Deum,
quia et in ilhs Christus et in Cliristo
Deus habitat.
Chrys. (m homil. 36, ut sup.) Pro-
mittit autem post haec et aliam retribu-
tiouem dicens : « Qui recipit pruphetam
in uomine prophétie, nierci'dem pro-
phétie accipiet ; et qui recipit justum, »
etc. Non autem simpliciter dixit : « Qui
suscipit prophetam, aut, qui suscipit
justum, » sed addidit : « In uomine
prophetBe,et in nominejusti;»hûc est, si
non propter vitœ hujus eminenliam,
neque propter aUud temporahum susce-
perit, sed quia vel propheta est, vel jus-
8
111
EXPLICATION DE L EVANGILE
Ou bien daus un autre sens, comme il avait recommande aux disciples
de recevoir les maîtres qui les enseignent, les fidèles pouvaient lui
faire secrètement cette réponse : Nous devons donc recevoir les faux
prophètes et Judas le traître ? Le Seigneur prend donc soin de leur
rappeler qu'ils ne doivent pas considérer les personnes, mais les noms
qu'elles portent, et qu'on ne perdra pas sa récompense parce que celui
({u'on aurait reçu en serait indigne. — S. Chrys. {hom. 36.) Notre-
Seigneur dit : « Tl recevra la récompense du prophète et la récom-
pense du juste, » c'est-à-dire la récompense qui convient à celui qui
reçoit le prophète ou le juste, ou celle que le prophète et le juste
devront recevoir eux-mêmes. — S. Grég. [homél. 20 sur les Evan{/.'\
Il ne dit pas : C'est des mains du juste ou du prophète qu'ils recevront
la récompense, mais : «la récompense du prophète et du juste; » peut-
être celui qu'ils reçoivent est-il juste, et plus il est dépouillé de tout en
ce monde^ plus grande aussi sera sa fermeté à défendre les intérêts de
la justice. Or celui qui possède les biens de la terre et qui pourvoit aux
besoins du prophète et du juste, participera au mérite de son indé-
pendance, et partagera la récompense de justice de celui qu'il a
secouru et nourri sur la terre. Cet apôtre est plein de l'esprit de
prophétie, mais son corps a besoin d'aliments, et si ses forces
ne sont pas réparées, il est certain que la voix lui fera défaut. Or
celui qui pourvoit à la nourriture du prophète, lui donne la force
de parler : il recevra donc avec le prophète la récompense du pro-
phète, parce qu'il a subvenu à ses besoins dans l'intention de plaire
à Dieu.
S. Jér. Dans le sens mystique, celui qui reçoit le prophète comme
prophète, et qui comprend ce qu'il lui enseigne des choses futures,
lus. Vel aliter : quia ad susceplionem
lïiaftistrorum discipulos provocaverat ,
poterat credenlium occulta esse respon-
sio : « Eriïo et pseudoprophetas et Ju-
dam proditoreiu debemus suscipere : »
imde Doiiiinus dicit, non personas sus-
cipiendas esse, sed uomiua; etmercedem
non perire suscipientis , licet indisuus
fuerit qui susceptus sit. Ciiuys. {in liom.
36, ut sup.) Dicit autem : « Mercedem
prophetœ et luercedem justi accipiet; »
id est, qualem decens est accipere ouni
qui suscipit proplietam vel juslnni, vol
qualem propheta aut justus est acceptu-
rus. GuKG. (ni /lomil. 20 in Kvang.)
Non enini ait : « Mercedem de propliota,
vel juslo, » sed, « mercedem propheta-,
vel justi : » iste euim fortasse justus est ;
et quanto in liuc mundo uiliil possidet,
tanto loquendi pro justitia fiduciam ma-
jorem habet : liuuc cum ille sustentât
qui in hoc mundo aliijuid possidet, illius
justitiœ libortatem sibi participem facit ,
et cum eo pariter justitiae pra;mia reci-
piet, quem sustentaudo adjuvit. Ille pro-
plieti;!; spiritu plenus est, sed taraen
corporeo eiiet alimento : et, si corpus
non reficitur, ccrtum est quod vox ipsa
sublralialur : qui igitur prophetae ali-
menta tribuit, vires illi ad loquendmn
(ledit : ciun propheta ergo mercedem
projdiofa' accipiet, qui hoc ante Dei ocu-
los e.xliibuit quoil adjuvit.
lIiKR. Mystice autem qui prophetain
recipit ut proplietam, et intelliiiit eum
de luturis loqucutem , hic propheta;
DE SAINT MAITHIEU, CHAI'. X.
n:>
l)artayera su récompeusc. Les Juifs donc, (|ui ik; com[irouaicul les
]>rophètes que daus uu sens charnel, ne recevront pas la récompense
des pr()[diètes. — Re.mi. Dans ce prophète et dans ce justiî, quelques-
uns veulent voir Notre-Seigneur Jésus-Christ, de qui xMuisc a dit :
« Dieu vous suscitera un prophète, » etc. {DeuL xvni), et qui
est juste aussi d'une manière incomparable. Cehii donc qui recevra
le prophète et le juste au nom du prophète et du juste, recevra la
récompense des mains de celui pour l'amour duquel il a fait cette
action.
S. Jér. Mais on pouvait lui alléguer cette exciuse : Ma pauvreté me
défend de donner l'hospitalité; il la détruit en nous proposant la chose
la moins coviteuse qui soit au monde, c'est-à-dire de donner de tout
cœur uu verre d'eau froide. « Et celui (jui donnera à l'un de ces plus
petits, un verre d'eau froide, etc. » Il dit un verre d'eau froide, et non
d'eau chaude, de peur que s'il s'agissait d'eau chaude, on ne pré-
textât encore sa pauvreté et l'impossibilité de se procurer du bois pour
la faire chauffer. — Rémi. Il ajoute : « Au plus petit, » c'est-à-dire
non pas seulement aux justes ou aux prophètes, mais à l'un des plus
petits et des plus misérables. — La Glose. Remarquez ici comme Dieu
regarde beaucoup plus à la disposition du cœur qu'à la valeur de la
chose que l'on donne. Ou bien les plus petits sont ceux qui ne pos-
sèdent rien absolument en cette vie, et qui jugeront un jour le monde
avec Jésus-Christ. — S. Hil. {can. 10 sur S. Matth.) Ou bien il pré-
voyait qu'il y en aurait plusieurs dont toute la gloire consisterait dans
le nom d'apôtre qu'ils déshonoreraient par tout le reste de leur vie ;
il ne veut donc pas priver de récompense l'honneur qui leur est rendu
au nom de la religion, car bien qu'ils soient les plus petits de tous.
niercedem accipiet. l^itur Judœi carna-
liter iutelligeules prophetas, luercedem
nou accipieut prophctarum. Remig.Nou-
nnlli vero propJietum iutellifïimt Domi-
nuin Jesiim Chririliim, de qiiù Moyses
dieit {Deutcr. 18) :«Prophelamvobissiid-
cilabit Ucus, » etc. quem siinililer per
jvs/nm iulelli'4uut , quia incomparabi-
liLer justus est. Qui ori^o in iiomiue justi
et prophetœ (scilicct Christi) proplie-
tam veï justuin suàcipit, ab eo recipiet
remunerationem pro cujiis amore re-
cipit.
Hier. Poterat aiilem aliquis causari et
dicere : « Paupertate prohibeor, ut lios-
pitalis esse non possiin : » et hauc excu-
sationem levissimo exèniplo diluit, nt
caliceui aqute frigidaî loto auimo porri-
gamus, dicens : « Et quicunque potum
dederit uni ex minimis calicem aquœ
frigjdœ, » etc. Frigidœ, iuquit, non
calidœ : ne et in calida paupertatis et
penuria lignoruni occaslo «lUDereretur.
Remig. Dicit auteni minimis, id est, non
prophetae, non justo, sed ab'ciii ex mini-
mis. Glossa. Ubi nota Deum magis ad
pium atfectum dautis respioei-e, quam
ad quautilatem rei exhibilte. Vcl niinimi
6uut qui nibil peuitus habent in hoc
muudo, et judices eruut cum Christo.
IIiL,\u. {Cant. 10 in Matth.) Vei prœ-
videns plures futuros, tantum apostola-
tus uomine gloriosos, omui vero vila^
suae opère improbabiles ; obsequium
quod ipsis sub roligionis opinione dela-
tum est, mercede non fraudât : nam ii-
ii6 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE DE S. MATTHIEU, CHAP. X.
c'est-à-dire les derniers des pécheurs, les services qu'on leur rend,
même les plus légers, et qui sont exprimés par ce verre d'eau froide,
ne seront pas perdus, car ce n'est pas aux péchés de l'homme, mais à
son titre d'apôtre (ju'est rendu cet honneur.
J
cet ipsi minimi essent (id est, peccato-
rum omnium ultimi), non iuania taraen
in eos (etiam levia sub frigidajaquaîQO-
miue desigoata) ofticia esse decernit :
non enim peccatis hominis, sed discipuli
nomiui honor prœstitus est.
CHAPITRE XL
SOMMAIRE ANALYTIQUE,
v. 1. — Pourquoi Notre-Seigneur se sépare-t-il de ses disciples après les ins-
tructions qu'il vient de leur donner ?
y. 2-6. — Pourquoi Jean-Baptiste envoie-t-il demander à Jésus s'il est celui qui
doit venir ? — Peut-on admettre en lui une ignorance quelconque relative-
ment à la personne du Sauveur 'f — Peut-on dire que Jean envoie demander
à Jésus s'il doit annoncer sa venue dans les enfers? — Dans quelle intention
envoie-t-il ses disciples faire cette question au Sauveur? — Ce n'est point
pour dissiper ses doutes, mais pour éclairer l'ignorance de ses disciples. —
Réponse de Jésus-Christ. — Comment et pour qui a-t-il été un sujet de scan-
dale ? — Explication mystique de ce fait.
y. 7-10. — Raison pour lesquelles Notre-Seigneur fait l'éloge de Jean-Baptiste.
— Pourquoi attend-il que les disciples de Jean soient partis ? — Comment
montre-t-il à la multitude que Jean n'a point perdu ses droits à la haute opi-
nion qu'ils avaient de lui? — 11 invoque leur propre témoignage et leur em-
pressement à aller trouver le saint précurseur dans le désert. — Pourquoi
cherche-t-il tout d'ahord à justifier Jean du reproche de légèreté ? — Jean-
Baptiste ne fut un roseau, c'est-à-dire un homme inconstant, ni de sa na-
ture, ni par la mollesse de sa vie. — La vie austère convient aux prédicatcuis.
— La recherche dans les vêtements n'est jamais exempte de péché. — Suivre
à cet égard, en évitant l'excès, les usages des persoimes au milieu desquelles
on vit. — Comment Jean-Baptiste est prophète et plus que prophète. —
Comment le prophète Malachie a pu lui donner le nom d'ange. — 11 est en-
core supérieur aux autres prophètes, parce qu'il a préparé les voies au Messie.
— Dans le sens mystique, qu'est-ce que le désert, le roseau, le vêtement? etc.
y. 11. — Eloge que Notre-Seigneur fait de Jean-Baptiste. — Au-dessus de qui
l'élève-t-il précisément par ces paroles : Entre ceux qui so7it nés des
femmes? etc. — Quel est ce plus petit, dans le royaume des cieux, qui est
plus grand que lui ?
y. 12-15. — Que signifie ici le royaume des cieux et quels sont les violents qui
le ravissent? — Nécessité de se faire violence pour entrer dans le ciel. —
Autre explication : les violents sont les publicains et les pécheurs , ou bien
ceux qui s'empressent de se convertir. — Doit-on conclure de ces paroles ;
La loi et les prophètes ont prophétisé jusqu'à Jean-Baptiste, qu'il n'y ait plus
eu de prophètes après lui ? — Comment Jean-Baptiste peut être appelé Elie.
f. 16-19, — Profond sentiment de mécontentement de Notre-Seigneur contre
les Juifs. — Que faut-il entendre par les enfants dont parle le Sauveur? —
Explication de cette allégorie. — Les Juifs ont tout méprisé, la prédication qui
les exhortait à la vertu , comme celle qui les appelait à faire pénitence de
leurs péchés. — Comment les Juifs peuvent-ils être appelés les compagnons
des prophètes ? — Application de cette comparaison à Jésus-Christ et à son
saint précurseur. — Comment faut-il entendre ces paroles : Jeati est venu, ne
mangeant ni ne buvant ? etc.; et ces autres : Le Fils de l'homme est venu,
mangeant et buvant? etc. — Ils ont suivi des routes différentes, mais qui
aboutissaient au même but. ~ Pourquoi ont-ils adopté un genre de vie dif-
118 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
feront ? — Dans quel sens la sagesse a-t-elle été justifiée par ses enfants ? —
Explication littérale et mystique.
y. 20-2i. — Sur qui tombent ces reproches particuliers? — Pourquoi Jésus
les adresse-t-il particulièrement aux villes de Corozaïm et de Hothsaide ? —
Pourquoi leur préfère-t-il Tyr et Sidon? — Que signiiient le cilice et la
rendre ? — Que représentent Tyr et Sidon ? — Le Sauveur a prêché l'Evangile
même dans les endroits où il prévoyait l'inutilité de ses prédications. — Pour-
quoi Tyr et Sidon seront punies moins rigoureusement que Corozaïm et
Bethsaïde ? — Pourquoi le Sauveur fait-il une mention spéciale de Caphar-
naum ? — Les crimes de Sodome et de Gomorrhc plus légers que ceux de ces
villes. — Inégalité de peines dans l'enfer. — Tyr et Sidon sont-elles coupables
de n'avoir pas cru? — Dans Corozaïm , il y en avait plusieurs qui devaient
croire, de môme que dans Tyr et dans Sidon il en était plusieurs qui devaient
rester dans l'incrédulité. — Est-ce par miséricorde que le Sauveur n'a pas
voulu faire de miracles au milieu des villes de Tyi' et de Sidon ? — En quoi
consiste la prédestination des saints ? — A quoi se trouve-t-elle attachée? —
Ces reproches ont été prononcés dans deux circonstances différentes.
y. 2.-), 20. — Jésus répond aux doutes intérieurs que devait soulever la doctrine
qu'il venait d'exposer. — La confession n'est pas toujours l'accusation des
péchés. — Peut- on conclure de ces paroles du Sauveur qu'il n'est qu'une
simple créature? — Quels sont ces sages et ces prudents? — Quels sont les pe-
tits auxquels les mystères ont été révélés? — Jésus- Christ ne condamne ici
ni la pénétration d'esprit, ni la véritable sagesse. — D'où vient la joie du
Sauveur ? — L'équité de cette conduite est confirmée par le jugement de la
volonté de Dieu. — Vigilance salutaire que ces paroles inspirèrent aux Apô-
tres. — Dans quel sens faut-il entendre que Dieu a caché ces vérités ?
y. 27. — Le Sauveur n'est point privé de la puissance qu'il vient de reconnaître
dans son Père. — C'est en même temps qu'il a été engendré qu'il est devenu
maître de toutes choses. — Il n'est en rien inférieur à son Père. — L'iden-
tité de nature dans le Père et le Fils est renfermée dans la mutuelle connais-
sance qu'ils ont de l'un et de l'autre. — Dans quel sens personne ne connaît
le Père que par le Fils ? — L'homme peut-il avoir du Père et du Fils une
connaissance aussi étendue que le Père et le Fils ? — Comment le Verbe fait
connaître le Père tel qu'il est. — Il se fait connaître en même temps lui-même.
f. 28-30. — ISotre-Seigneur appelle ses disciples à venir et à s'unir à lui. —
Quels sont ceux qu'il appelle plus particulièrement? — Le péché, fardeau
accablant, aussi bien que le joug des passions.— Il appelle indistinctement tous
ceux qui souffrent. — Comment peut-on venir à lui par le mouvement du
cœur ? — Comment devons-nous prendra le joug du Seigneur ? — Que de-
vons-nous surtout apprendre de lui ? — Récompense promise à la douceur et
à l'humilité. — Que fait-il pour bannir tout sentiment de crainte que pour-
rait inspirer l'idée seule de joug et de fardeau ? — Combien ce joug est doux
et ce fardeau léger. — Comment concilier cette promesse avec ce qu'il a dit
plus haut de la voie étroite, etc. — Comment l'Esprit saint adoucit les
épreuves inséparables de la vie chrétienne. — Comi)araison empruntée aux
souffrances, aux peines auxquelles on se dévoue volontairement pour acquérir
les richesses de la terre. — Dans quel sens l'Evangile est un joug plus léger
que la loi^ alors qu'il punit un seul mouvement de colère et la simple convoi-
tise ?
DR SAINT MATTHIEU, CHAP. XF.
119
V. 1 . — Après que Jésus eut achevé de donner ces instructions à ses douze
disciples, il partit de là pour aller enseiçpier et prêcher dans leurs villes.
Rar. Le Sauveur avait donnô à ses disciples qu'il envoyait prêcher
rr<>augile les instructions nécessaires; il accomplit raainttinaut lui-
même ce qu'il leur avait enseigné en allant porter aux Juifs les pré-
mices de sa prédication. « Après que Jésus eut achevé de donner ces
instructions à ses douze disciples, il partit de là, » etc.
S. CiiRYS. {hom. 37.) L'Evangéliste dit qu'il partit de là, c'est-à-dire
<|u'ayant donné à ses Apôtres leur mission, il s'éloigna afin de leur
laisser toute latitude pour le lieu et pour le temps (1) où ils accompli-
raient ce qu'il venait de leur recommander. Car s'il avait continué à
être présent au milieu d'eux et à guérir les malades, personne n'au-
rait eu recours à ses disciples. — Rémi. C'est par suite d'un dessein
plein de sagesse que le Sauveur passe de ces enseignements particu-
liers qui concernaient les apôtres, à des instructions qui s'adressent à
tous et qu'il fait au milieu des cités, car il était descendu des cieux sur
la terre pour éclairer tous les hommes, et il donne en cela aux prédi-
cateurs remplis de l'esprit de Dieu l'exemple de s'appliquer à être utile
à tous sans distinction.
^. 2-6. — Or Jean ayant appris dans la prison les œuvres merveilleuses de
Jésus-Christ , envoya deux de ses disciples lui dire : Etes-vous celui qui doit
venir ou devons-nous en attendre un autre? Et Jésus leur répondit : Allez,
racontez à Jean ce que voits avez entendu et ce que vous avez vu. Les aveufilea
voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les
(1) Le mot tempus, en grecxatpô;, ne signifie pas ici le temps considéré comme durée, mais
comme occasion favorable.
CAPUT XI.
Et factum est ciim cnnsummasset Jésus prœri-
piens duoderim disripulissuis, transiit inde ut
doceret et prœdiraret iu civitatibus ortrum.
Raba. Postquam discipulos suos Do-
minus ad praîdicandum raittens, prje-
missis verbis eos iustruxit ; ipse etiatu
quod docuerat verbis, factis implevit ;
offerens primain praidicaliouem Judaeis :
et hoc est quod dicilur : « Et factuin
est cum consummasset Jésus, etc., tran-
sit, » etc. Chrys. {in honiil. 37 in
Matlh.) Dicit aulem : « Transiit inde,
ut, » etc. Quia cuini eos misit, subtraxit
seipsuui, dans loeuui ois et tempus fa-
core quae injunxerat : eo enim prœsente
et curante nullus ad discipulos vellet ac-
cédera. Rem:g. Pulchre aulem de spe-
ciali doctrina, qua scilicet apostolos ins-
truxerat, ad generalem transiit, in civi-
tatibus praedicando; quia in boc de cœ-
lis ad terras descendit, ut omues illnmi-
naret : in quo facto uionentur etiam
sancti prœdicatores, ut onniibusprodesse
studeant.
Joannes autem cum audixset in vinculis oppra
Christi, mittens -duos de disripnlis suis, ait
un : Tu es qui venturuses. an nlium exspecta-
mus ? Et respondriis Jesux , ait illis : Eunles
renuntiate Joaiini guœ audùstis et vidistis :
rœci rident, claudi ambulant, leprosi mundan-
120
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
morts ressuscitent, l'Evangile est (uinoncé aux pauvres; et heureux celui qui
ne prendra point de moi un sujet de scandale.
La Glose. (1) L'Evangéliste vient d'exposer comment Notre-Seigneur,
par ses miracles et par sa doctrine, avait instruit ses disciples aussi
bien que le peuple ; il nous apprend maintenant comment ces ensei-
gnements parvinrent jusqu'aux disciples de Jean, qui paraissaient
avoir quelque jalousie contre le Christ. « Or Jean ayant appris dans la
prison, » etc.
S. Grég. (homél. Q sur les Evanfj.) Il nous faut rechercher pourquoi
Jean-Baptiste, prophète et plus que prophète, qui avait fait connaître
le Sauveur, lorsqu'il vint se faire baptiser , en lui rendant ce témoi-
gnage : « Voici l'Agneau de Dieu, voici celui qui eflace les péchés du
monde (2),» envoie de la prison où il est enfermé ses disciples pour
demander : « Etes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en
attendre un autre? » Il semble ignorer celui qu'il a lui-même mani-
festé au peuple, et ne pas connaître le Sauveur qu'il a proclamé si
hautement dans ses prédictions, lors de son baptême, et quand il le
voyait venir à lui (3*).
S. Ambr. {liv. V, sur S. Luc.) Il en est qui expliquent cette difficulté
en disant que Jean était un grand prophète qui connut le Christ, et
annonça la rémission future des péchés; mais qu'en prédisant sa venue
comme un saint prophète, il n'avait pas cru qu'il devait être soumis à
la mort. Ce n'est donc pas sa foi qui doute, mais sa piété; et saint
(1) Ce passage n'est ni dans la Glose, ni dans saint Anselme, ni dans aucun autre auteur.
(2) Ou bien, selon le texte même de l'évangéliste saint Jean , le péché en général , considéré
comme la racine de tous les péchés particuliers.
fy j Cette difficulté se trouve admirablement résolue par Bossuet, dans l'exorde du premier ser-
mon pour le deuxième dimanche de l'Avent, et où il développe cette pensée que Jean interroge,
parce qu'il sait, et qu'il demande au Sauveur Jésus quel il est, parce qu'il connaît très-bien quel
il est.
fur, surdi audiunt, mortui resurgunt , pau-
lieres ovangelizantur : et beatus est qui non
fuerit scandulizatus in me.
(iLOSSA. Ponuit supra Evangelista quo-
uiudo per miraciila et doctrinam Cliristi,
tain discipuli quam turbœ instruebau-
tur : nunc ostendit quomodo hœc ins-
Inictio iisque ad discipulos .loannis per-
veiierit, ijui ad Cliristiim iemiilatiouem
liabere videbautur : uiide dicil: « .loannes
aiitem cum atidisset in vinculis, » etc.
• iRF.r.. {'m hornil. (> in Evu»g.) Quae-
rendum aiUeiii mibls est. Joaniies pro-
idieta fi phisipiani prophela. (pii venieii-
ti-'iii ad haptisiiuuu Douiimun '>?teadit,
dicens (Joan. i) : « Ecce Agnus Dei,
ecce qui toUit peccata mundi, » cur lu
carcere positus mittens discipulos requi-
rit : « Tu es qui venturus es, au aliuui
expectamus"? » Tanquam si ignoraret
quimi ostenderat, et an ipse sit uescial
qneni ijjse propbetizando, baptizando,
ostendendo ipsum esse elauiaverat.
Ambh. {in Liic.Wh.w) Nonnulli auteui
boc sic intelligunt : maguum quideiu ita
propiietam esse Joannem ut Ciiristuui
agnosceret , aununtiaret remissioneni
peccatonun futuram ; sod tanicn tanquam
piiun valeni. quem ventuiuni credide-
dorat, non credidisse niurituriun. Non
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XI. i2l
Pierre lui-même partagea ce doute lorsqu'il dit au Sauveur : « Epar-
gnez-vous, Seigneur, cela ne vous arrivera pas. » (1*) — S. Chrys.
{hom. 37.) Mais cette explication n'est pas fondée, car Jean ne pouvait
pas ignorer même cette circonstance, puisque c'est la première chose
à laquelle il a rendu témoignage par ces paroles : « Voici l'Agneau de
Dieu, qui ôte les péchés du monde. » En lui donnant le nom d'Agneau,
il dévoile le mystère de la croix, puisijue ce n'est que par la croix (ju'il
a effacé les péchés du monde. Comment d'ailleurs serait-il plus (}u'uu
prophète s'il ignorait ce que les prophètes eux-mêmes ont connu et
annoncé? En effet Isaïe n'a-t-il pas dit (chap. lui) : « Il a été conduit
à la mort comme une brebis? »
S. Grég. {hom. 6 sur les Evançj.) On peut donner à cette ques-
tion une solution différente en réfléchissant sur le temps où ce fait
s'est passé. Sur les bords du Jourdain, Jean-Baptiste a déclaré que
Jésus était le rédempteur du monde; mais dans sa prison il envoie
demander s'il doit venir. Ce n'est pas qu'il doute que Jésus soit le
Rédempteur promis, mais il demande si celui qui est venu sur la
terre en se faisant annoncer par lui , suivra le même ordre pour
descendre dans les enfers (2). — S. Jér. C'est pour cela qu'il ne dit pas :
« Est-ce vous qui êtes venu? » mais : « Est-ce vous qui viendrez? o
Et tel est le sens de ces paroles : Faites-moi savoir, à moi qui dois des-
cendre aux enfers, si je dois aussi vous y annoncer, ou si vous devez
confier ce ministère à un autre. — S. Chrys. (/iom. 37.) Mais comment
cette opinion même peut-elle être soutenue? Car pourquoi Jean n'a -t-
Tj Matth., xvi, 22. Le texte grec porte : D.swç orot xOpte, où (XYi siTTat noi toOto ; ce que la
Vulgate a traduit : Absit a te Domine, non erit tihi hoc; « Loin de vous, ou à Dieu ne plaise, Sei-
gneur, cela ne vous arrivera pas. »
(2) Le sens de l'expression per se qui par elle-même pourrait être amphibologique est déterminé
par l'explication de saint JénJme, qui suit celle de saint Grégoire et dont voici le développement :
Utruiii te et inferis debeam nuntiare qui nuntiavi superis.
igilur fide, sed pietate dubitavit. Diibi-
lavit etiaui et Petrus, dicens : « Propi-
lius tibi esto, Domine, aon fiet hoc. »
Chrys. {in hoinil. 37 ut sup.) Sed non
uliqiie hoc habet rationem. Joannes
euhn neque hoc ignorabat; sed hoc
prinumi testatus est, dicens : « Ecce
Agnus Del, qui tollit peccatum mundi :»
agniini enini %M)cans crucem divulgat,
iiec aliter quam per crucem peccatum
abstuHt mundi. Qualiter autem major
propheta est hic, si neque illa quae pro-
phetarum sunt noscit ? Etenim Isaias di-
cit (cap. 53) : « Sicut ovisad passionem
ductus est,» etc. Greg. {'m liomil. G, in
Evanrj.) Uade ahter heec quaestio solvi-
tur, si geslœ rei tempus pensatur. Ad
Jordanis enim fluenta positus, quia ipse
Redemptor mundi esset, asseruit ; missus
vero in carcerem, an ipse veniat, requi-
rit ; non quia ipsum esse mundi Redemp-
torem dubitat; sed qua>rit ut sciât, si
is qui per se in mundum venerat, per se
etiam ad inferni claustra descendat.
Hier. Uude non ait : « Tu es qui venisti,
sed, tu es qui venturus es ? » Et est
sensus : Manda niihi, «lui ad inferna
descensurus sum, utrum te etiam inferis
debeam nuntiare. an alium ad iiœt; sa-
craraenta missurus es. CuRYS. [in liomil.
37 ut Slip.) Sed qualiter et hoc habet ra-
tionem ? Cujus enim gratia non dixit :
122
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
il pas dit : « Est-ce vous qui devez venir dans les enfers? » mais dit-il
simplement : « Qui devez venir? » D'ailleurs n'est-il pas ridicule qu'il
ait demandé s'il devait en allant dans les enfers l'annoncer dans ce lieu?
La vie présente seule est le temps de la grâce, et après la mort il ne
reste que le jugement et la peine ; quel besoin donc d'envoyer un pré-
curseur en ce lieu? Mais encore, si les infidèles pouvaient être sauvés
parla foi après leur mort, aucun d'eux ne périrait; car tous alors se
repentiront et adoreront le Fils de Dieu, puisqu'alors tout genou flé-
chira devant lui, dans le ciel, sur la terre et dans les enfers.
La Glose. Remarquons que saint Jérôme et saint Grégoire n'ont
pas dit que Jean-Baptiste devait annoncer la venue du Christ dans les
enfers pour convertir à la foi un certain nombre de ceux qui ne croient
pas en lui, mais pour consoler par l'espérance de son avènement pro-
chain les justes qui s'y trouvaient en attendant la venue du Christ.
S. HiL. [can. H sur S. Matth.) Il est cependant certain que l'erreur
ne s'est point mêlée à cette connaissance parfaite qu'avait saint Jean,
lui qui avait annoncé comme précurseur la venue du Messie, qui
comme prophète le reconnut au milieu de la foule, et comme con-
fesseur, rendit hommage au Sauveur qui venait à lui. On ne peut
admettre que la grâce de l'Esprit saint lui ait fait défaut dans la pri-
son, alors que plus tard l'apôtre devait répandre la lumière de sa puis-
sance sur ceux qui partageaient ses fers (1).
S. JÉR. Ce n'est point par ignorance qu'il interroge, mais de la même
manière que le Sauveur demandait en quel endroit le corps de Lazare
avait été déposé, afin de préparer ainsi à la foi ceux qui lui indi-
(1) Saint Hilaire fait probablement allusion au fait raconté dans les Actes des Apôtres,
XVI, 26.
« Tu es qui venturus et in infernum ? »
sed simpliciter : « Qui venturus es ? »
Quamvis et derisibilius videatur quod
propter hoc ei dixerit, ut et illuc abiens
prœdicaret : praeseus enim vita, ^rratife
tempus est ; post obitum auteni judicium
est et ptena : quare in nullo opus erat
prœcursore illic. Sed aliter : si inlideles
post morteni crcdeutes essent salvaudi ,
uuUus peribit aliquando : onines euiui
pœnitebunt luno, et adorabunt : omne
euiiu genullecletur, cœlestium.
trium et inferaurum {P/ii/. 2.)
Glossa. Consideranduui au
quod non ideo Hieronymus et (î
ilixeruiil, ([uod JoannesadventumCliristi
in infernuMi in'a-iiuuliaiurus essel, qiii;i
terres
1 est
orius
ejus prsedicatione alirpii non credentes
converterentur ad tidem; sed ut justis
in exspeotatione Christi maneutibus , ex
vicino adventu consolationem afferret.
HiLAR. [Canf. 11.) Certuu) est tameu
quod (]ui venluruni ut priecursor nun-
tiavit, consislenteni utpropbeta aurnovit,
adeunlenj ut confesser veneratus est,
ejus abundantiscieutiaj error non obrep-
sit. Nec sane credi potest Spiritus Sancti
jiratiani in carcere. posito defuisse, cuni
Apostùlus virtutis suae lumen esset in
carcere positis niinistraturus.
Hier. Non er^o quasi ii^norans inter-
rojiat, sed ipiiunodo Salvalor interrogat
{.loaii. 11) ubi sit Lazarus positus, ut qui
IcMiun sepulcri indicaliant.sallcni sicpa-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XI. 123
quaient le lieu de sa sépulture, et de les rendre témoins de la résur-
rection d'un mort. C'est ainsi que Jean-Baptiste, sur le point d'être
mis à mort par Hérode , envoie ses disciples à Jésus-Clirist, pour qu'ils
aient occasion de voir ses miracles et ses prodiges, et qu'ils puLssent
croire en lui, et s'instruire eux-mêmes en l'interrogeant au nom de
leur maître. Que les disciples de Jean nient nourri quelijue sentiment
d'envie contre le Christ, la question qu'ils lui ont faite précédemment
le démontre suffisamment, u Pourquoi les Pharisiens et nous jeùnons-
nous souvent, tandis que vos disciples ne jeûnent pas? » {Matt/i. ix.)
— S. CiiRYS. (ho))i. 37.) Tant que Jean-lJaptiste était avec eux, il leur
parlait sans cesse du Christ, c'est-à-dire qu'il leur recommandait de
croire en lui; mais sentant sa mort prochaine, il redouble de zèle, car
il craint de laisser dans ses disciples un levain de dangereuse erreur,
et il redoute qu'ils ne demeurent éloignés de Jésus- Christ, à l'école
duquel il a voulu les renvoyer tous dès le commencement. S'il leur
avait dit : Allez à lui, parce qu'il est bien au-dessus de moi, il ne
les aurait pas persuadés; ils auraient cru qu'il parlait ainsi par un
profond sentiment d'humilité, et ils lui seraient restés plus attachés
([u'auparavant. Que fait-il donc? Il attend que ses disciples viennent
lui rapporter eux-mêmes que le Christ fait des miracles ; et parmi eux
tous il n'en envoie que deux qu'il regardait peut-être comme plus
faciles à être convaincus. Il les envoie afin que sa demande ne prête
à aucun soupçon et qu'ils apprennent par les faits eux-mêmes la dis-
tance qui les sépare de Jésus-Christ.
S. HiL. {ca7î. 41 sur S. Matth.) Jean-Baptiste n'agit donc pas ici
pour éclairer son ignorance, mais pour dissiper celle de ses disciples ;
il les envoie considérer les œuvres de Jésus afin de leur apprendre
rarentur ad fidem, et videront mortuum
rosurgentem : sic et Joannes interficieu-
dus aïj flerode discipulos suos mittit ad
Ghristum, ut per liane occasionem vi-
dentes signa atqne virtutes, crederent in
eum, et magistro interrogante sibi dis-
cerent. Quod autem liaberent discipuli
Joannis aliquid mordacltatis ex invidia
adversus Dominum, superior quoque in-
terrogatio demoustravit, eum dixoruut
[Motth. 9) : « Quare nos etpharisœi je-
jiinamus fréquenter, discipuli auteiu tui
non jejunant? » Chrys. [in liomil. 37
■itt Slip.) Donec igitur J^aïuies erat cum
ipsis, suadebat eis continue de Clirislo :
id est, eis tideni iuCliriskun coumu^nda-
bat. Quiaautem jauj erat obiturus, amplius
studiuni facit : eleuiui formidabat, ne
reliuquat in discipulis suis perniciosi
dogmafis conditionem, et niaueant ab-
jecli aCbristo, oui et a principio omnes
suos alferre studuit. Si autem dixisset
eis : « Abite ad ipsum, quia melior me
est, » non utique persuasisset ; sed aesti-
maretur humilia de se sentiens hoc di-
cere, et sic magis essent ei aflixi. Quid
igitur facit ? Exspectat ab eis audire quod
Christus miracula facit : ueque omnes
mittit, sed duos quosdam, quos noverat
fortassis aliis persuasibiliures existentes,
ut insuspicabilis interrogatio fleret, et ex
rébus ipsis discerent distantlam inter
eum et Jesum.
IliLAR. [Caii. il ut stip.) Joannes igi-
tur, non suae, sed discipulorum igno-
ranlise consulit : ut cnim scirent non
124
EXPLICATION DE L EVANGILE
qu'il n'eu a poiut aunoncé un autre que lui, que ses prodiges donnent
une nouvelle autorité à ses paroles , et qu'ils n'attendent pas un autre
Christ que celui qui avait pour lui le témoignage des œuvres. —
S. Chrys. {hom. 37.) Notre-Seigneur Jésus- Christ, qui connaissait la
pensée de Jean, ne dit pas . « C'est moi ; » car cette réponse aurait
indisposé ceux (]ui l'entendaient ; ils auraient pu penser, quand ils ne
l'auraient pas dit, ce (]ue les Juifs lui objectèrent plus tard : « Vous
vous rendez donc témoignage à vous-même? » Il veut donc les instruire
à l'école de ses miracles, pour donner ainsi à sa doctrine une autorité
plus éclatante et plus irrécusable ; car le témoignage des omvres est
plus digne de foi que le témoignage des paroles. Il guérit donc sous
leurs yeux des aveugles, des boiteux , et beaucoup d'autres malades,
non pour l'enseignement de Jean-Baptiste, qui n'en avait pas besoin,
mais pour l'instruction de ses disciples qui étaient dans le doute. « Et
Jésus leur répondit : Allez, rapportez à Jean ce que vous avez entendu,
et ce que vous avez vu. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les
lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les
pauvres sont évangéhsés. » — S. Jér. Ce dernier trait n'est pas infé-
rieur à ceux qui précèdent ; les pauvres évangélisés sont ou les pauvres
d'esprit, ou ceux qui sont pauvres des biens de la terre ; ainsi la pré-
dication ne met aucune difteience entre la noblesse et l'obscurité de la
condition, entre les riches et les pauvres ; et c'est là une preuve de la
rigoureuse justice du maître, et de la vérité de ce divin précepteur :
tous ceux qui peuvent être sauvés sont égaux à ses yeux.
S. Chrys. [hom. 37.) Ce qu'il ajoute : « Et heureux est celui qui
ne prendra pas de moi un sujet de scandale, » tombe sur les envoyés
qui étaient scandalisés à son sujet; Notre-Seigneur ne dévoile pas
alium a se praedicatum, ad opéra ejus
intuenda dLscipulos suos misit; ut avxc-
torilatem dictis suis illius opéra confer-
reat ; nec Christus alius exspectaretur,
quam cui lestimouium opéra prsestitis-
sent. Chrys. (in hom. 37 nt siip.) Chris-
tus autem uieuteui uosceus Joauuis, non
dixit : « Ouoniam oiio sum ; » qm-à per
boc rursus obsisteret hoc audientibns :
excoiîitassent eniui etsi non dixissent,
quod Juda-i ad Ipsum dixerunt : « Tu de
teipsotestinitinium perhibes; » et\iropter
hoc a niiraculis feciteos discere, insuspi-
cabilenj doetrinani faeiens, et nismifes-
liorem : testimouium euim quod est a
rébus, credibiliusest testimonioquod est
a verbis; unde coulestiiu euravit cœcos,
et claudos, et alios multos, non ut doce-
ret Joaunem scientem, sed hos qui du-
bitabaut : et ideo sequitur : « Et res-
pondens Jésus, ait illis : Euntes renun-
tiate Joanui quae audistis et vidistis :
cxci vident, claudi ambulant, leprosi
mundantur, surdi audiunt, morlui resur-
ijuut, pauperes evangelizantur. » HiF.n.
Quod pntmissis non minus est. Pauperes
autem evanjrelizatos intellige, vel pau-
peres spiritu, vel certe opibus pauperes :
ut nulla inter uobiles et ignobiles, inter
divites et egeuos in praedicatione dis-
tautia sit : ha^c magislri rigorem, baec
pr^eceptoris comprobaut veritatem ;
quando omuis apud eum qui salvari po-
test, aequalis est.
CnRVS. {in hom. 37 ut su p.) Quod au-
tem ait : « El beatus est qui non fuerit
siandalizatus in me, inlerinuitios percu-
tit : quia enim scandalizabantur in ipso.
I)K SAINT MATTHIEU, CHAP. XI. 125
leurs doutes intérieurs, il les abandonne au jugement de leur con-
science, et leur adresse ce reproche indirect. — S. Un,, {can. 11 sw
S. Matth.) En disant : Bienheureux celui qui ne prendra point de lui
un sujet de scandale, il montre l'écueil contre lequel Jean a voulu les
prémunir, car il n'a envoyé ses disciples vers le Christ que dans la
crainte qu'ils ne fussent scandalisés à son sujet. — S. Grég. {hom. (J
sur les Evang.) Jésus-Christ a été pour les infidèles un grand sujet de
scandale lorsqu'après tant de miracles, ils le virent expirer sur la
croix ; c'est ce que saint Paul exprime lorsqu'il dit : « Nous prêchons
Jésus-Christ crucifié, qui est un scandale pour les Juifs. » (I Cor. i.)
Que signifient donc ces paroles : Heureux est celui qui n'aura pas été
scandalisé à mon sujet, si elles ne sont une déclaration manifeste de
l'ignominie et des humiliations de sa mort? N'est-ce pas comme s'il
disait clairement à Jean-Baptiste : Je fais des choses admirables, mais
je ne rougis pas d'en souffrir d'ignominieuses, et puisque ma mort
doit suivre la vôtre, il faut que les hommes se gardent de la mépriser,
après avoir admiré les prodiges que j'ai opérés?
S. HiL. Le sens mystique nous offre encore une intelligence plus
large de ce fait de la vie de Jean-Baptiste. C'est que comme prophète,
et par la nature même de sa mission prophétique, il annonce que la
loi est pour ainsi dire ensevelie (1) dans sa personne. La loi, en effet,
avait annoncé Jésus-Christ, prêché la rémission des péchés, promis le
royaume des cieux, et Jean avait accompli toute cette œuvre de la loi.
Au moment donc où cesse la loi qui, retenue captive par les péchés du
peuple, était comme chargée de chaînes, renfermée dans un cachot,
et ne pouvait par conséquent reconnaître le Christ, elle envoie consi-
(1) Le mot elata signifie ici enlevée, mise nu tombeau, comme dans ce passage de saint Luc :
Ecce defunctus efferebatur, etc.
(Iiibitationeiii eorum non divulgans, et
soli eorum conscientiae derelinqiiens,
redargutionem eorum latenter induxit.
HiLAR. {Can. 11, in Matth.) Itaque cui
rei Joaunes cavisset ostendit , dicens
bcatos eos in quibus aliquid in se scan-
dali non fuisset ; quia metu ejus (scili-
l'et ne scandalizarentur) discipulos sues
.Toannes ut Christum audirent, misit.
(iREG. {in hom. 6 in Evang.) Infidelium
mens grave in Christo scandalum pertu-
lit, cum eum etiam post lot miraoula
morienlera vidit : unde Paulus dicit
(l Cor. 1) : « Nos prapdicamus Christum
cruciiîxum, Judœisquidem scandalum ; »
quid ergo est dicere : « Beatus qui non
l'uerit scandalizatus in me, » nisi aperta
voce abjectionem mortis suœ humilita-
temque signare ? Ac si patenter dicat :
Mira quidem facio, sed abjecta perpeti
non dedignor' : quia ergo morieudo te
subsequor, cavendum valde est homi-
nibus, ne in me mortem despiciant , qui
signa venerantur.
HiLAR. Prœbetur etiam mystice in hi.~
quœ in Joanue gesta sunt intelligentia
amplior ; ut prophela ipso conditionis
suae' génère prophetaret, quia ineo forma
legis elata est : Christum enim lex an-
nuntiavit, et remissionem peccatorum
prgedicavit, et reguum cœlorum spopon-
dit, et Joannes tolum hoc opus legis
explevit. Igiîur cessante jam lege (quaB
peccatis plebis iuclusa, ne Christus pos-
120
EXI'LICATIO.N DK L'ÉVANOILli
(lfi(if J(i spuolacle ([uc présente l'Evangile, alin que l'incrfidulité soit
forcée de reconnaître la vérité de la doctrine dans la vérité des faits.
— S. Amb. On peut voir aussi dans ces deux disciples les deux
peuples, les Juifs lidèles et les (jentils.
^. 7-10. — Lorsqu'ils s'en furent allés, Jésus commença à parler de Jean un
peuple en celle sorle : Qu'éles vous allés voir dans le désert ? Un roseau agile
du vent? Qu'êtes-vous , dis-jc , allés voir? Un homme vêtu avec luxe et avec
mollesse? Vous savez que ceux qui s'habillent de cette sorte sont dans les
maisons des rois. Qu'êtes-vous donc allés voir? Un prophète^ Oui, je vous le
dis, et plus qu'un prophète. Car c'est de lui qu'il a été écrit : J'envoie devant
vous mon ange, qui vous préparera la voie où vous devez marcher,
S. CiiRYs. {hom. 37.) C'en était assez pour les disciples de Jean, et
ils se retirèrent convaincus par les miracles opérés sous leurs yeux que
Jésus était le Christ ; mais il fallait guérir les esprits de la multitude
qui ne connaissait pas l'intention de Jean-Baptiste , et pour qui 1^
question de ses disciples avait soulevé plus d'une difficulté. Car elle
pouvait dire : Celui qui a rendu un si glorieux témoignage au Christ
a-t-il donc changé de sentiment^ et doute-t-il aujourd'hui (pi'il soit le
Messie? Est-ce par un esprit d'opposition à Jésus qu'il lui fait adresser
cette question? La prison aurait-elle affaibli sa grande âme? Est-ce
que les premiers témoignages n'étaient que de vaines paroles? —
S. HiL. {ca)i. 11 sur S. Matth.) Afin donc (ju'on ne pût appliquer à
Jean-Baptiste ce qu'il venait de dire, comme si le saint précurseur eût
été scandalisé au sujetde Jésus-Christ, l'Evangéliste ajoute : «Lorsqu'ils
s'en furent allés, Jésus commença à parler de Jean aux peuples. » —
S. Chrys. [hom. 37.) Il attend que les disciples de Jean soient partis,
set iatellgi, quasi viuculis et quasi carcere
continebatur), ad Evaugelia contueuda
lex millit ; ut iutidelilas lideui dictorum
cûutempletur in faclis. Ambr. {super
Luc. lib. 3.) Et fortasse isti discipuli
quos misit, sunt duo populi : uuus qui
ex Judaeis credidit, alter qui ex Geu-
tibus.
Illis autem. nbeuntibus , cœpit Jésus dicere ad
turbas de Joanne : Quid existis in desertum
videre ? Arundinem vento agitatam ? Sed quid
existis videre ? Ilominem moUibus veslitum ?
Ecce )/ui inollibus vestiunlur, i» domibus re-
gum sunt. Scd quid existis videre ? Prophc-
tam'.' Etiam dico vobis, et plusquam prnphe-
tam : hic est enim de quo scripttun est : Ecce
ego mitto Angetum meuin ante fticiem luam,
qui prœparabil ciam tuam ante te.
CuRYS. {in hom. 'il in Matth.) Ouan-
tum ad discipulos Joannis satis actum
erat; cerlificati enim de Christo per
signa qu;c vidoraut, recesserunt : sed
opoiicbat etiam turbas sauari, quce ex
iuterrogatione discipulorum Joaunis
multa incouveuientia subintellexerint ,
iguoraules mitlcnlis cousiiium. Poterant
utiquc dicere • Qui tanta teslatus est de
Christo, aliter persuasus est uunc, et
dubilat utrum sit ipse : nuuquid ergo
allercatus ad Jesuni hoc dicit ; nuuquid
timidior a carcere factu»? nuuquid vaue
et inauiterpriora dixit? Hil.vr. [Can. 11
ut sup.) Ac ne aliud quod immédiate
pranuiserat;, roferri posset ad Joanncm
tanquam scandalizalus essel in Christo,
subditur : « Illis aulom abeunlibus, cœ-
pit Jésus dicere ad turbas de Joanne. »
CuHYs. (in homil JT nt sup.) Propler
DE SAINT MArnilEU, CHAI'. XI. 127
pour «{u'oii uc l'accuse pas de flatterie à son égard ; il redresse les idées
de la rmiltitude sans dévoiler leurs souprons, et en L'ur .loini.iiit sim-
plement la solution de leurs difficultés^ et il fait naître des doutes dans
leur âme en leur montrant (ju'il connaît les secrets de leur cœur. Ce-
pendant il ne leur dit pas comme aux Juifs : « Pounjuoi pensez-vous
le mal dans vos cœurs? » Car s'ils pensaient le mal , c'était par igno-
rance, et non par méchanceté. Aussi ne les reprend-il pas avec sévé-
rité, il se contente de justifier Jean , eu leur montrant (ju'il n'a [loint
perdu ses droits à la haute opinion qu'ils avaient de lui. C'est ce qu'il
lait, et par le témoignage qu'il lui rend , et par celui de la multitude
elle-même, dont il invoque non-seulement le témoignage verbal,
mais le témoignage de la conduite ; c'est pour cela qu'il leur dit :
«Qu'avez- vous été voir dans le désert?» c'est-à-dire : « Pourquoi avez-
vous abandonné vos cités et vous êtes-vous réunis dans le désert?»
Car une multitude si nombreuse ne se serait pas rendue dans le désert
avec un si grand empressement , si elle n'avait cru y rencontrer un
personnage important, extraordinaire, et plus ferme qu'un rocher. —
La Glose (1). Ce n'est pas qu'ils fussent venus alors dans le désert
pour y voir Jean-Baptiste, puisqu'il était en prison ; mais le Sauveur
leur rappelle ce qu'ils avaient fait autrefois , lorsqu'ils allaient fré-
quemment dans le désert pour y voir Jean-Baptiste qui s'y trouvait
encore.
S. CiiRYs. {ftom. 38.) Et voyez comment, sans s'arrêter à justifier
Jean-Baptiste de tout autre défaut, il éloigne de lui le reproche de lé-
gèreté que le peuple pouvait lui faire intérieurement en leur disant :
« Est-ce un roseau agité par le vent? » — S. Grég. {hom. 6 sur les
(1) Cette citation n'est pas dans la Glose, mais dans l'Ouvrage incomplet sur saint Matthieu,
qui se trouve dans les œuvres de saint Chrysostome, homél. 27, un peu avant le milieu.
hoc auleni abeimtibuseis ut uon videatiir
homini adulari : corripteas auteni et ple-
bem, non ducit iu médium suspieionem
eorum , sed solutiouem cogitationnm
eorum inducit ; quiaeos in dubitationem
mittebat, demoustrans se nosse occulta :
neque euim dixit sicut .Judsis : « Qaid
cogitatis mala? » Etenim si mala cogita-
verint, non tameu ex malitia, sed ex
ignorantia : uude non loquitur eis dure,
sed respoudet pro Jeanne, osteudens
quod uon excidit a priori opinioue. Hoc
autem docet, non soluui proprio verbo,
sed eorum testimonio ; non tautum per
ea quœ dixerunt, sed per ea qua; ege-
runt. Ideoque ait : « Qn'id existis in de-
sertum videre ? » Ac si diceret : Propter
quid civitates dimilleutes. convenislis in
desertum ? Non enim plebs tanta cum
tanto desiderio in erenium venisset. nisi
magnum quemdam, et mirabilem, et
petra solidiorem se videre cxistimans.
Glossa. Non autem tune exierant in de-
sertum ad hoc ut vidèrent Joannem
(nec enim erat tune in deserto, sed iu
carcere), sed praeteritum refert; quia
fréquenter exierat populus in desertum
videre Joannem, cum adhuc esset in de-
serto.
Chrys. (in homil. 38 vt siip.) Et vide
quia omnem aUam maliliam prœter-
mittens removet a Joanne levitatcm, de
qua turba; dubitabant, dicens : « Arun-
dinem vento agitalam? Greg. (in hom.
i28
EXPLICATION DE L EVANGILE
Evanr/.) Ce n'est point ici une affirmation , mais une interrogation ;
le roseau, aussitôt qu'il est effleuré par le moindre vent, plie de l'autre
côté, image de l'àme charnelle qui plie tour à tour sous le vent de la
faveur ou de la contradiction des langues. Jean n'était donc pas un
roseau agité par le vent, car aucune vicissitude des choses humaines
ne pouvait faire fléchir la droiture de sa conduite. Voici donc le sens
de ces paroles du Seigneur : — S. Jér. Avez-vous été dans le désert
pour voir un homme semblable à un roseau tour à tour agité par tous
les vents , et dont l'esprit léger douterait maintenant de celui auquel
il a rendu un éclatant témoignage ? Est-ce que peut-être l'aiguillon de
l'envie l'exciterait contre moi, est-ce qu'il poursuivrait la vaine gloire
dans ses prédications? Chercherait-il à en tirer profit? Pourquoi
désirerait-il les richesses? pour s'asseoir à des tables splendidement
servies? Mais il se nourrit de sauterelles et de miel sauvage; Est-ce
pour se vêtir avec mollesse? son vêtement est fait avec des poils de
chameau (1); et c'est pour cela que le Sauveur ajoute : « Mais qu'êtes-
vous allés voir? un homme vêtu mollement? » — S. Chrys. Ou bien
dans un autre sens, en allant dans le désert , vous avez prouvé par
votre empressement que Jean n'était pas semblable à un roseau mo-
bile. Et on ne peut dire que Jean, ferme et inébranlable de sa nature,
est devenu inconstant en s'abandonnant à une vie de plaisirs ; car de
même qu'un homme est naturellement colère , et qu'un autre le de-
vient par suite de longues souffrances, ainsi il en est qui sont incons-
tants par nature , et d'autres qui le deviennent en se livrant à leurs
passions. Or, Jean-Baptiste n'était pas inconstant par nature, et c'est
pour cela que le Sauveur leur fait cette question : « Etes-vous allés
(1) Il indique ici deux raisons pour lesquelles les hommes désirent les richesses : pour se pro-
curer une table plus délicate ou se vêtir d'habits riches et somptueux.
6, in Evung.) Quod videlicet, non asse-
rendo, sed ne^audo iululit : arundinem
<Iiiippe mox ut aura eonlinfiit, in partem
alteraui tleotit : per quaui carnalis ani-
inus deîianatur, qui uiox ut favore vel
detractioue taujj;itur, in partem quam-
libet incliuatur. Arundo ergo vento agi-
tata Joannes non erat. «jueni a status
sui rectitudine nuUa rerum varieta> iu-
flectebat : ac si Doniinus dieeiet :Hier.
Nunquid ob boc existis in desertuni. ut
videretià bominem talauio similem, qui
omui vento cin'innfertur, et levitate
mentis de eo ambigerel quem antea pra;-
dicarel? An forsilau stinudis invidiœ
contra me cogitur, et pr;edicatio ejus
vanam sectatur gloriam, ut ex ea qna^-
rat lucra ? Curdivitias cupiat? Ut affluât
dapibus? Locustis vescitur et melle syl-
vestri ; an ut moUibus vestiatur ? Pili
camelorum sunt tegmen ejus : et ideo
subjungit : « Sed quid existis videra ?
Homiuem moUibus vestilum ? » Chrys.
[in hom. 38 ut sup.) Vel aliter : quod
non sit Joaunes similis calamo mobili ,
per vestrum sludium signifioastis. scili-
cet iu deserfum euntes. Non lamen po-
test aliquisdicere quod Joannes quidem
constans erat. sed postea lasciviae ser-
viens factus et mobilis; siout enim ali-
quis est iracundus natura. aliu? per in-
tirmitatem longam ; ita aliqui sunt nio-
Itiles per naturam . alii vero lascivia;
servieudo mobiles fiunt. Joannes autem
neqnc natura mobilis erat ; propter quod
dixerat : « Num existis videre arundi-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XI. 129
voir un roseau agité par le veut? Ce n'est pas non plus en devenant
l'esclave de la volupté qu'il a perdu cette élévation de caractère : le
désert qu'il habitait , la prison où il est renfermé prouvent le con-
traire. S'il avait voulu se vêtir avec mollesse , il n'eût pas choisi pour
habitation le désert, mais les palais des rois , car : « Ceux qui sont
vêtus mollement, sont dans la maison des rois. » — S. Jér. Appre-
nons ici que la vie austère et la sévérité de la prédication doivent fuir
les cours des rois et éviter les palais des hommes livrés à la mollesse.
S. Grég. {hom. 6 sur les Evang.) Que personne ne s'imagine que
la recherche des vêtements riches et précieux puisse être exempte de
péché ; car s'il en était ainsi, Notre-Seigneur n'aurait point loué Jean-
Baptiste de porter un vêtement grossier , et saint Pierre n'aurait pas
combattu dans les femmes l'amour des vêtements somptueux par ces
paroles : « Ne recherchez pas les habits précieux. » — S. Aug. (1).
{Doct. chrét., liv. m, chap. 12.) Cependant, ce n'est pas dans l'usage
<ju'on fait de toutes ces choses , mais dans l'excès et l'attachement
immodéré de celui qui en use que se trouve le péché. Par conséquent,
si l'on se conduit à cet égard avec plus de parcimonie que ne le com-
portent les usages des personnes au milieu desquelles on vit , c'est re-
tenue excessive ou crainte superstitieuse ; mais si l'on dépasse en cela
les limites posées par la coutume des personnes vertueuses , c'est
mauvais signe, c'est dérèglement.
S. Chrys. {hom. 38.) Après avoir donné comme preuve de la vertu
du saint précurseur, le lieu qu'il habitait, ses vêtements, et le concours
du peuple , il le leur présente comme un prophète : « Qu'êtes- vous
(1) Le texte de saint Augiistin est différent quanta l'encliainement et aussi quanta l'expression.
nemvento agitatam ? » Neque lasciviae
dans seipsum, perdidit quam liabebat ex-
cellentiam : quod euim non servierit las-
civiae monstrat sola solitudo et carcer :
si enim vellet moliibus vestiri, non ere-
mum inhabitasset, sed regum palatia :
imde sequitur : Ei-cc qui moliibus ves-
tiuûtur, iu douiibus rei;um suot. Hier.
Ex hoc ostenditur rigidam vitam et aus-
teram praedicatiouem, vilare debere au-
las regum, et moUium hominum palatia
declinare.
Greg. {in hom. 6, in Evang.) Nemo
autem existimet in fluxu atque studio
pretiosarura vestium peccata déesse :
quia si hoc culpa non esset, nullo modo
Joannem Domiuus de vestimenti sui as-
peritate laudasset : et nequaquam Pe-
TOM. II.
trus feminas a pretiosarum vestium ap-
petitu compesceret, dicens (I Petr. 3) :
« Non in veste pretiosa. » Alg. {de Doc-
trine! Christiaiui, lib. 3, cap. 12.) Tamen
iu omnibus talibus non ususrerum, sed
libido uteutis iu culpa est : quisquis
enim rébus restrictius utitur, quam se
habeut mores eorum cum quibus vivit,
aut intemperans, aut superstitiosus est :
quisquis vero sic utitur, ut metas con-
sueludinis bonorum iulm' quos versatur,
excédât, aut alitiuid significat, aut Uagi-
tiosus est.
Chrys. {in hom. 38 ut sup.) A loco au-
tem, et vestimentis, et a concursu ho-
minum ejus moribus designatis inducit
jara et prophetam etiam eum esse, di-
cens : « Sed quid existis videre? Pro-
9
430
EXPLICATION DE L EVANGILE
allés voir ? uu prophète ? Oui, je vous le dis , et plus qu'un prophète.
— S. (iitÉCT. {Iiom. 6 sur les Evamj.) Le ministère du prophète c'est de
prédire les choses à venir, et non de les montrer ; donc Jean-Baptiste
est plus qu'un prophète, car il annonçait comme présent, celui qu'il avait
prédit en sa qualité de précurseur. — S. Jér. C'est par là (}u'il était plus
grand (jue les autres prophètes_, et aussi parce qu'aux privilèges de la di-
gnité de prophète il joignit la gloire débaptiser son Seigneur, — S.Chrys.
{hom. 38.) Jésus fait voir ensuite en quoi il est supérieur aux autres,
en ajoutant : « C'est de lui qu'il est écrit : Voici que j'envoie mon
ange devant votre face, o — S. Jér. Pour relever le mérite de Jean-
liaptiste, il emprunte le témoignage de Malachie qui l'avait annoncé
comme un auge. Or, le nom d'ange est donné ici à Jean-Baptiste,
non pas qu'il ait eu avec eux une même nature , mais parce qu'il a
rempli le même ministère, c'est-à-dire celui de messager, en annon-
çant le Sauveur qui devait venir. — S. Grég. En grec , le mot ange
correspond au mot latin messaf/er : c'est donc avec raison que celui
qui venait apporter à la terre un message des cieux reçoit le nom
d'ange et qu'il porte ce titre glorieux que justifient ses œuvres. —
S. Chrys. {hom. 38.) Il montre donc eu quoi Jean-Baptiste est plus
grand que les prophètes , c'est parce qu'il a eu l'honneur d'être près
du Christ. Ces paroles : « Devant votre face, » signifient auprès de vous.
Car de même que ceux qui marchent auprès du char du roi sont les
seigneurs les plus distingués de sa cour, ainsi Jean reçut un nouvel
éclat de la présence du Christ. — La Glose (1). Ajoutons enfin que
les autres prophètes ont eu pour mission d'annoncer l'avènement du
(1) La deuxième partie de cette citation se trouve dans la Glose interlinéaire, et la première
dans l'ouvrage que nous avons déjà indiqué sous le titre d'Ouvrage incomplet sur saint Matthieu.
plietam? Dico vobis, et plusquain Pro-
photain. » Greg. (in hom. G in Evang.)
Pro[)hetne enim miuisterinm est veutura
prtedicerc, nou eliaiu demonslrare :
.foanne-; erjïo plusquain propheta est,
quia euui quem praicurreiido i)ropheta-
verat, cliaiu osteudendoiiuntiabat. Hier.
In quo etiaui cteteris pmplietis majur
est : et quia ad privilei!iuui pruplietale
etiam Baptist* acxessil pra'niiuui , ni
suum Dominuni bapti'zarcl. CURYS. [in
homil. 38 nt sup.) l)t iude mouslrat se-
(uudum quid est major, dicens : « Uic
est eniui de quo scriptum est : Ecce
millo Augeluni nieuui au te fuciem tuam.»
lliKn. Ut euim nieritoruni .loanuis aui,'-
meuluni faceret, de Malachia tesliuio-
uium iufert, in quo cliaui Angeliia pra'-
dicalur. [Malach. 3.) Angelum aulem
hic dici Joanuem, uon putemus uaturœ
societate, sed officii dignitate, id est,
nuntium, qui venturum Domiuum nun-
tiavif. ("iREG. (in Jiom. 6, in Evang.)
Quod enim graece angélus, hoc latiue
nuntius dieitiu-. Recte ergo qui nuutiare
supernum nuntium venerat, angélus
Yocatur, ut dignitatem servet in uomine.
quam e.xplct in operalioue. Chrys. [iv
hom. uf sup.) Moustrat igitur secuuduni
quid e.-t major Joanues prophetis ; se-
cundum id sciUcet , quod est prope
Chrislum : et ideo dicit : « Mitto anfe
faciem tuam, » hoc est, prope te ; sicut
enim qui prope currum régis iucedunt,
ahis sunt (dariorcs; ita et .loannes prope
Christi pra>sentiam. Glossa. Deinde alii
l)rophcl» missi suut,utadventuni Christ!
auuuutiareul ; iste aulem ut pra^pararet
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XI. 431
Christ, et Jean-Baptiste de lui préparer les voies , et c'est pour cela
(ju'il est écrit : « Il vous préparera la voie où vous devez marcher, »
c'est-à-dire qu'il vous rendra les cœurs accessibles en leur prêchant la
pénitence et en leur donnant le baptême.
S. HiL. {can. 41 sur S. Matih.) Dans le sens mystique , le désert
c'est le lieu qui est privé de la présence de l'Esprit saint, et que Dieu
n'habite en aucune façon. Le roseau c'est l'homme tout resplendissant
de la gloire du monde , c'est-à-dire par la futilité de sa vie , mais qui
ne porte en lui-même aucun fruit de vérité; ses dehors sont agréables,
mais il est nul à l'intérieur ; le moindre vent, c'est-à-dire le moindre
souffle des esprits immondes l'agite, il n'a aucune consistance, aucune
fermeté, aucune force intérieure. Le vêtement représente le corps
dont l'âme est revêtue, que le luxe et la volupté amollissent ; les rois
sont l'image des anges prévaricateurs , car ils sont les puissants du
siècle et les maîtres du monde (1). Ceux donc qui sont vêtus avec mol-
lesse habitent dans la maison des rois , c'est-à-dire que ceux dont le
corps est amolli et a perdu sa force au sein des voluptés deviennent
l'habitation des démons. — S. Grég. {hom. 6 sur les Evcmg.) On peut
dire encore que Jean ne fut pas vêtu avec mollesse , parce qu'il n'a
point encouragé par un langage flatteur les vices des pécheurs ,
mais qu'il les a pressés de ses réprimandes énergiques et de ses re-
proches les plus sévères, jusqu'à les appeler : « Race de vipères. »
{Matth., m.)
V. 11. — Je vous le dis en vérité, entre ceux qui sont nés des femmes, il n'y en
(1) Ce n'est pas qu'ils aient un pouvoir souverain sur le ciel, sur la terre et sur les éléments,
mais ils sont ainsi appelés parce qu'ils exercent ce pouvoir sur les hommes remplis de l'esprit du
monde. Ou peut voir dans le traité 52 de saint Augustin sur saint Jean, l'explication qu'il donne
des paroles de Jésus-Christ : a Voici que le prince de ce monde va être chassé dehors. »
viam ipsiu? : imde soquitur : « Qui prae-
parabit viam tuam aute te , » id est,
pervia reddet tibi corda auditorum, pœ-
niteiiliam prsedicando et baptizando.
HiLAR. {('an. 11, ni Matth.) Mystice
auteiii, desertum, Spiritu Saiicto vacuum
est sentiendunijiii quobabitatioDei milla
sit. In aruudine, liomo talis osteuditur,
de gloria seculi(vitaB suœ inauitate)spe-
ciosuS; in se autem fructu veritatis ca~
vus, exterior placens, etnullus interior;
ad omnem ventorum motum (id est im-
mundorum spirituuin llatiim) moven-
dus, neque ad consistendi firmitatcm va-
lens, et auimi meduUis inauis : veste
autem, corpus quo iuduitur anima, si-
gnatui-, quod luxu aclasciviismollescat:
in regibus transgressorum angelorum
nuncupatio est : hi enim seculi sunt po-
tentes, mundique dominantes : ergo ves-
titi mollibus in domibus regum sunt ; id
est, illos quibus per luxuni fluida et
dissohita sunt corpora, patet esse daemo-
num habilationem. Greg. {in hom. 6,
in Evanfj.) Joannes etiam mollibus
vestitus non fuit, quia vitam peccan-
tium non blandimentis fovit, sed ri-
gore asperae invectionis increpavit, di-
cens {Matth. 3) : » Geuimina vipera-
l'um, » etc.
Amen dico vobis, non surrexit inter natos mulie-
132
EXPLICATION DE L EVANGILE
a point eu de plus f/rand que Jean-Baptiste ; mais celui qui est le plus petit
dans le royaume des cieux est plus (jrand, que lui.
S. CiiRYS. {ho}7i. 38.) Notre-Seigneur ne se contente pas de faire l'é-
loge de Jean-Baptiste , en rappelant le témoignage que lui rend le
prophète, il fait connaître la haute opinion qu'il a personnellement de
lui en disant : « Je vous le dis en vérité , il n'y en a point eu de plus
grand, » etc. — Rab. Pourquoi semblc-t-il dire, faire un éloge dé-
taillé de Jean-Baptiste : « Je vous le dis en vérité, entre ceux qui sont
nés des femmes, » etc. Il dit : Entre les enfants des femmes , et non
des vierges. Le mot femmes exprime dans le sens propre celles qui
n'ont plus leur virginité. Si Marie est quelquefois appelée femme dans
l'Evangile, il faut se rappeler que cette expression n'est employée que
pour désigner son sexe (4), comme dans ce passage : « Femme, voici
votre fils. » — S. Jér. Notre-Seigneur élève donc Jean-Baptiste au-
dessus des hommes qui sont nés des femmes et de leur union avec
l'homme , mais non pas au-dessus de celui qui est né de la Vierge et
de l'Esprit saint. D'ailleurs , en disant : « Nul d'entre les enfants des
femmes n'a été plus grand que Jean-Baptiste, » il ne le place pas pré-
cisément au-dessus des patriarches , des prophètes , et des autres
hommes, mais il les met simplement sur le même rang; car de ce que
les autres ne sont pas plus grands que lui^ il ne s'ensuit pas qu'il soit
plus grand qu'eux. — S. Chrys. {su?" S. Matth.) Mais comme la jus-
tice est si élevée^ qu'il n'y a que Dieu seul qui puisse en atteindre la
perfection, je pense que les saints, aux yeux si pénétrants du souverain
(1) Saint Jérôme a composé un Traité contre Helvidius, qui s'appuyait sur ce mot femme pour
nier la virginité de Marie, et a prouvé contre lui que le mot femme appliqué à la sainte Vierge
exprimait le sexe et non la perte de la virginité.
rum major Joanne. Baptista : qui auleni minor
est in regno cœlorum, major est illo.
Chuys. {in hom. 38 u( sup .) Praivaism
commendatione Joaimis ex prophetae
testimouio non hic stetit, sed jam sen-
leutiam propriam de ipso iuducit, di-
• ens : « Amen dico vobis, non surrexit
major, ' » etc. Raba. Ac si diceret :
<( Quid dicerem persiugula de commen-
datione Joanuis ? Amen dico vobis, inter
natos mulierum, » etc. Inter nato?, iu-
<{uit, nmlioruni, non virginum : mnlic-
res enim proprie corrupUe vocanlur :
si aulcui Maria ali([naii(lo mulier in
l'IvanjTi'lio nniicuiialnr, scicmhmi est in-
terprclcm, luulii'reniprofemiuaposuisse.
sicut ibi [Joan. 19) : « Mulier, ecce fi-
lins tuus. » Hier. His ergo prœfertur ho-
minibus qui de mulieribus nati sunt, et
de concnbitu viri, et non ei qui natus
est ex Virgiue et Spirilu Sancto : quam-
vis in eo quod dixit : « Non surrexit inter
natos mulierum major Joanne Baptista, »
non cœteris prophetis, et patriarchis,
cunctisque bominibus Joannem praHulit,
sed Joanui caUeros exœquavit : non enim
statim soquitur, ut si alii majores eo
non sunt, ille major aliorum sit. CnBV^.
[svp. Matth. in opère impcrf. liomil.
27.) Sed tanta cum sit justiliiP allitiulo
ut in illa nemo possit es>e perfcctus nisi
soins Deus. piilo <piod omnes sancti,
quantum ad sublililalem divini judicii.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XI. 133
juge, sont dans un degré plus ou moins élevé les uns que les autres,
et nous devons en conclure que celui au-dessus duquel il n'y en a
point de plus grand est lui-même plus grand que tous les autres.
S.Chrys. {hom. 38.)Mais de peur que cette surabondance de louanges
n'entraînât quelque inconvénient (I) pour les Juifs, qui avaient de
Jean-Baptiste une plus haute estime que de Jésus-Christ, le Sauveur
prévient toute impression fâcheuse en ajoutant : « Mais celui qui est
le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. » —
S. AuG. {cont. l'adoers. de la loi et des prophètes , hv. iv, chap, 5.)
Les hérétiques, en raisonnant sur ce texte, veulent en conclure
que Jean-Baptiste n'appartient pas au royaume des cieux , et encore
moins les prophètes de ce peuple, auxquels Jean-Baptiste est supérieur.
Or, ces paroles de Notre-Seigneur peuvent s'entendre de deux ma-
nières : ou bien ce royaume des cieux, c'est celui dont nous ne sommes
pas encore en possession, et dont Notre-Seigneur doit dire â la fm du
monde : « Venez, les bénis de mon Père, possédez le royaume, » etc.,
et comme les auges sont les habitants de ce royaume , le moindre
d'entre eux est plus grand que le juste, qui, sur cette terre, porte un
corps sujet à la corruption. Ou bien, si par le royaume des cieux il a
voulu signifier l'Eglise , dont tous les justes qui ont existé depuis la
naissance du genre humain sont les enfants, c'est de lui-même qu'il a
voulu parler , car il était au-dessous de Jean par son âge , et il lui
était supérieur par son éternité divine et par sa puissance souveraine.
Dans le premier sens, il faut donc diviser ainsi la phrase : « Celui qui
est le plus petit dans le royaume des cieux , » et ensuite : « Est plus
(1) Ou quelque absurdité, àxoTTiav Ttvà. Le sens n'est pas que ces louanges auraient produit
cet inconvénient pour les Juifs, car ce qui suit doit être pris à l'ablatif absolu d'après le grec itpo-
Tt(/.(0VTà)V, etc., c'est-à-dire comme, ou attendu que les Juifs, etc.
invicem sibi inferiores sunt aiit priores :
ex quo lutelligimus, quoniam qui majo-
reni se non liabet, major omnibus est.
Chrvs. {in hom. 38 ut sup.) Ne autem
rursus superabuudantia laudum pariât
aliqiiod inconveuieus, Judseis Joannein
prœferentibus Christo, convenienter lioc,
removet, dicens : « Qui autem miuor
est in regno cœlorum, hic major est illo. »
AuG. {con. adccrscrriuui legiset prophe-
tarum, lib. ii, oap. 5.) Argumentatur
autem ex hoc htereticus ita velut ratio-
cinando, tanquam Joannes nou pertineat
ad regaum cœlorum , et ob hoc multo
minus caeteri prophétie ilhus popuh,
quibus major est Joannes. Ilœc autem
verba Domini duobus modis possunt in-
teUigi : aut enim regnum cœloi~um ap-
pellavit hoc quod nondum accepimus,
de quo influe dicturus est {Mattli.2z>) :
i< Venite, benedicti Patris mei, percipite
regnum; » et quia ibi sunt angeli, qui-
libet in eis minor^ major est quolibet
justo portante corpus quod corrumpi-
tur : aut si regnum cœloruvi iutelligi
vohxit Ecclesiam, cujus filii sunt ab ins-
titutione generis himiani usque nunc
omnes justi, Dominus seipsum signifi-
lavit^ qui nascendi lempore minor erat
Joanne, major autem Divinitatis aeterni-
tate, et doniinica potestate. Proinde se-
cundum priorum expositionem ita dis-
tinguitur : « Qui minor est in regno
cœlorum ; » ac deinde subinfertur :
d34
lîXPLICATION DE L liVANGlLE
grand que lui ; » et dans le second sens : « Celui qui est le plus petit, »
et puis : « Eçt plus grand que lui dans le royaume des cieux. » —
S. Chrys. {hom. '38.) « Dans le royaume des cieux, » c'est-à-dire dans
toutes les choses spirituelles et célestes. Il en est qui pensent que Jésus-
Christ a voulu parler ici de ses Apôtres. — S. Jér. Pour nous , nous
entendons tout simplement ces paroles, en ce sens , que tout homme
juste qui est déjà réuni au Seigneur, est plus grand que celui qui se
trouve encore au milieu des combats ; car il y a une grande différence
entre celui qui a déjà reçu la couronne de la victoire, et celui qui sou-
tient encore sur le champ de bataille tous les efforts de ses ennemis (i).
y. 12-13. — Or, depuis le temps de Jean-Baptiste jusqu'à présent, le royaume
des cieux souffre violence, et ce sont les violents qui l'emportent. Car jusqu'à
Jean, tous les prophètes, aussi bien que la loi, ont prophétisé ; et si vous
voulez le comprendre, c'est lui-même qui est cet Elie qui doit venir. Que
celui-là entende qui a des oreilles pour entendre.
La Glose (2). Les paroles qui précèdent : « Celui qui est le plus petit
(1) Il en est qui expliquent ces paroles dans ce sens que le Précurseur, dans ses idées sur le
Messie, s'est montré inférieur au dernier disciple de Jésus. Or il n'y a ici aucun rapprochement
entre la croyance du Précurseur et celle d'un disciple de Jésus, mais une double comparaison : la
première, de Jean-Baptiste avec ceux qui l'avaient précédé, qui appartenaient avec lui à une ca-
tégorie particulière, tandis que les disciples du Messie formaient une nouvelle classe. Car ainsi
que le fait observer de Gerlach, les disciples, tels qu'ils étaient alors, n'avaient pas sur la dignité
du Sauveur des idées aussi claires que Jean. Dans la seconde comparaison le Sauveur caractérise
Jean-Baptiste au point de vue de l'opposition qui existe entre l'ancienne alliance et la nouvelle.
Or l'économie évangélique est infiniment élevée au dessus de tout l'Ancien Testament, parce
qu'elle est l'accomplissement et le développement des figures et des prophéties. Le Précurseur,
étant considéré comme le dernier représentant du prophétisme et de la loi, était inférieur à tout
membre de l'Eglise chrétienne, régénéré par le Saint-Esprit et placé dans l'ordre de la grâce.
C'est ce que Maldonat a parfaitement compris : c'est ainsi, dit ce savant interprète, que dans l'an-
tithèse que Notre-Seigneur fait entre l'Evangile et la Loi, et entre les personnages de l'Evangile
et de la Loi, il est parfaitement convenable que celui qui est le plus petit dans l'Evangile soit dit
plus grand que celui qui est le plus grand dans la Loi. On connaît cet axiome des philosophes :
la plus petite chose de la plus grande, est plus grande que la plus grande de la plus petite : Mi-
nimum maximi majus est maximo minimi. 11 ne s'agit donc pas ici de la sainteté intérieure , ni
de la prééminence dans le séjour de l'éternelle félicité, et Jésus-Christ ne veut pas dire assuré-
ment que le dernier des chrétiens soit plus saint que Jean-Baptiste, et plus élevé que lui dans
le ciel, mais que telle était la supériorité de la nouvelle alliance sur l'ancienne, que le premier de
l'une dans l'ordre du ministère est au-dessous du dernier de l'autre. Cette explication, qui est celle
de Maldouat, de saint Cyrille, etc., nous parait préférable à quelques-unes de celles que donnent
les Pères cités par saint Thomas.
(2) Ce passage ne se trouve ni dans la Glose, ni dans saint Anselme, ni dans aucun autre auteur.
« Major est illo. » Secundiim hanc an-
teni poslerioreni, ita : «Qui autemininor
est; » ac deindc snljinlerlur : « In rejino
eœlorum major est illo. » CnuYS. [in
hom. 38 lit svp.) Dicit aiiteni -.In reejno
eœlorum, id est, in siiiritualibiis et nni-
versis ijiiu; sunt seciuuiuni oœliuu. Qui-
dam aiilcm dicimt (|uuniaui de apostolis
iiûf di.xil Chrisliis. HiKR. .Nos aiilcm sim-
\tli(iler inleilifj;amiis, (jnod omnis banc,-
lus (jui jam eiim Domino est, sit major
illo qui adhuc consistit in prœlio : aliud
est euim victoriœ loronam possidere, f'
aliud adhuc in acie dimicare.
A diehus autem Joaiinis Baptislœ uscfue niinc,
regnum eœlorum vim patitur, et violenli ra-
inant illud: omnes eiiiin prophelœet lex, usque
ad Juaniiem prophetarunt ; et si vultis reci-
jiere, ipse est Klias ijui venliirns est : '/ni
liabet tiures audieiidi, niidiat.
Glossa. Qma. dixerat superius : « (Jui
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XI.
i3ri
dans le royaume des deux est plus grand que Jean-Baptiste,» pouvaient
faire penser que Jean-Baptiste était étranger au royaume des cieux,
Notre- Seigneur éloigne donc cette idée en ajoutant : « Depuis les
jours, » etc. — S. Grég. {hom. 20 sur S. Matth.) Le royaume des
cieux signifie le trône qui nous est préparé dans- le ciel, et lorsque des
pécheurs souillés de quelques crimes reviennent à Dieu par la péni-
tence et réforment leur conduite, ils entrent comme pécheurs dans un
lieu qui leur est étranger^ et ils ravissent avec violence le royaume des
cieux.
S. Jér. Si Jean-Baptiste a le premier prêché la pénitence au peuple
en ces termes : « Faites pénitence , car le royaume des cieux
approche, » il est juste que depuis ce temps le royaume des cieux
-ouffre violence, et que les violents seuls le ravissent. Il faut en effet
que nous nous fassions une grande violence, nous dont la naissance
est toute terrestre, pour chercher à mériter la gloire des cieux et con-
quérir par notre vertu ce que nous ne pouvons tenir de notre nature.
— S. HiL. {can. 11.) Ou hien dans un autre sens, Notre-Seigneur avait
ordonné à ses Apôtres d'aller vers les brebis perdues d'Israël (3i«^/A. xi;,
mais leur prédication tournait au profit des publicains et des pécheurs.
C'est ainsi que le royaume des cieux souffre violence, et que les vio-
lents le ravissent, parce que la gloire qui était due aux patriarches
d'Israël (I), que les prophètes avaient annoncée, et que Jésus-Christ
est venu offrir, a été enlevée et ravie par la foi des nations. —
S. Chrys. {hom. 38.) Ou bien encore, ceux qui s'empressent de se
convertir sont ceux qui ravissent le royaume de Dieu par la foi en
Jésus-Christ; voilà pourquoi il dit : « Depuis les jours de Jean-Baptiste
(1) n ne faut pas entendre que cette gloire était due aux Patriarches en vertu de leur dignité;
ils n'y avaient droit que par suite des promesses divines, et c'est toujours un don gratuit de la
part de Dieu.
minor est in re£»no cœlorum, est major
.loanne ; » ne videretur Joannes a regno
cœlorum esse aliénas, hoc removet sub-
dens : « A diebus autem, » etc. Greg.
(in hom. 20, in Evang.) Per regnum
C(elonim superniun solium designatiir,
i\W) (îimi peccatores quolibet facinore
polluti per pœniteiitiani redeant, et se-
metipsos corrigunl, quasi peccatores iu
locuui aliennai intrant, et violenter
regnum cœlorum rapiunt.
lliKR. Si autem primus Joannes Bap-
lista pœniteutiam populis nunliavit, di-
cens : « Pœnilentiam agite, appropin-
qnavit enini n^giiurncœliiruiii ; «coiive-
uienler adiclins illiiis rognuui cti'loruui
vim palilur, ut violent! rapiunt illud.
Grandis est enim violentia in terra nos
esse generatos, et cœlorum sedem quoe-
rere, et possidere per virtutem quae non
tenuimus per naturam. Hflar. {Can. 11
nt sup.) Vel aliter : Dominus apostolos
ire ad oves perditas Israël jusserat
(Matih. 10), sed omnis ha-c prasdicalio
proleclum publicanis el peccatoribus
afferebat : itaque vim regnum patitur,
et violenti diripiunt, quia gloria Israël
patribus débita, a propbelis nuntiata, a
Christo oblala, iide gentiuui occupatur
el rapitur. CuRYs.fù* /lomil. 38 ut sup.)
Vol rapiunt regnum Di'i per fidem
Cliristi onines (pii luui l'estinalione ve-
niiuil. Unde diiit : « A diebus autem
Joaunis usque uunc. » Kl ila impellil el
136
EXPLICATION DE L EVANGILE
jusqu'à présent. » C'est ainsi (ju'il les excite et les presse de croire en
lui ; en même temps il confirme lui-même tout ce que Jean-Baptiste
avait dit précédemment. Car si toutes choses ont été accomplies jus-
qu'à Jean-Baptiste, il est donc celui qui doit venir, et c'est pour cela
qu'il ajoute : « Tous les prophètes ont prophétisé jusqu'à Jean. » —
S. JÉR. Ce n'est pas qu'il veuille dire qu'après Jean il n'y a plus eu de
prophète, car nous lisons dans les Actes des Apôt?'es (xi et xxi), qu'A-
gabus et les quatre vierges, filles do Philippe, prophétisèrent; mais ces
paroles signifient que toutes les prophéties de la loi et des prophètes
ont eu Jésus-Christ pour objet. Ces paroles donc : « Us ont prophétisé
jusqu'à Jean, » indiquent le temps où devait venir le Christ, et où
Jean-Baptiste a signalé la présence de Celui dont ils avaient prédit la
venue.
S. Chrys. {hom. 38.) Il donne ensuite une autre explication de son
avènement : « Et si vous voulez le comprendre , lui-même est cet Elle
qui doit venir. » Dieu dit en eflet par la bouche du prophète Malachie
(chap. IV.) Je vous enverrai Elie de Thesba (1), et il dit de Jean-Bap-
tiste : « J'enverrai mon ange devant vous. » — S. Jér. Jean est donc
appelé Elie, non pas dans le sens de quelques philosophes insensés (2),
et de certains hérétiques qui enseignent le retour des âmes dans de
nouveaux corps , mais parce qu'au témoignage de l'Evangile lui-
même, il est venu dans la vertu et dans l'esprit d'Elie, et qu'il a reçu
la même grâce ou la même mesure de l'Esprit saint. Ajoutez que l'aus-
térité de la vie et la sévérité des principes sont les mêmes dans Elie
et dans Jean-Baptiste : ils habitaient tous les deux le désert, tous les
(1) Selon la traduction des Septante, la Vulgate traduit : « Elie le prophète.»
(2) Ces philosophes sont les Pythagoriciens, qui croyaient à la métempsycose ; mais on ne sait
pas quels sont les hérétiques qui partageaient leur sentiment.
feslinare facit ad fidem suam ; simul au-
tem et hi^ quiB antea dicta suut a Joaniie
opitulatur : si piiim usquc ad .loaimem
oinnia compléta sunt, ipse est qui vcii-
I unis est : uudesubdit : « Omnes enimpro-
plietae usque ad .loaimem, » etc. HiKU.
Non quod post Joaimein excludat pro-
{dietas ; legimus euim lu Actibiis apos-
tolorum, et Açrabum proplielasse {Act.
■H), et quatuor virijines iilias Pliilippi
{Act. 2\) , sed quod lex et propheta>
quos scriptes legimus, quicquid j)njplic-
laverunl, de Domino vaticinati suut.
Quaudo erpo dicitur : « l'sque ad .loau-
nem prophetaverunt, » Cliristi tempus
oslendilur; ut quem illi dixeruut esse
venlurum, .loanues veuisse osleuderet.
Chrys. (in /lom. 38 vt sup.) Deinde
aliam conjecturam sui adventus ponil,
dicens : « Et si vultis recipere. ipse est
Elias qui veuturus est. .> Dicit Dominus
in Malacliia (cap. 4) : « Mittam vobis
Eliam Tbesbitem ; » et de isto dicit :
« Ecce efio mitto .\nfîelum meum aute
faciem tuam. » Hier. AV/os eriio Joannes
dicitur ; non secundum stultos pbiloso-
plios et quosdam liœreticos, qui rever-
sionem animarum introducuut ; sed qûod
juxta aliud testimonium Evaugelii veue-
rit in spiritu et virtute Eliœ {Ltic. i), et
eamdem SpiritusSancti vel ijratiam ba-
luient vei mensuram. Sed et vitœ auste-
ritas ri;:orque mentis El'iiv. et Joaunis.
pares sunl : uterque in eremo, uterque
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XI. 137
deux ils portaient une ceinture de poils de chameau; le premier
fut obligé de fuir, parce qu'il avait reproché à Achab et à Jésabel leur
impiété, le second eut la tète tranchée parce qu'il avait condamné
l'union criminelle d'Hérode et d'Hérodiade. — S. Chrys. [hom. 38.)
Le Sauveur dit avec raison : « Et si vous voulez le comprendre, » leur
montrant ainsi qu'ils sont libres et qu'il exige une adhésion volon-
taire : or Jean est Elle, et à son tour Elle est Jean, parce que tous deux
sont précurseurs. — S. Jér. Ces paroles : « Lui-même est Elle, » sont
mystérieuses et ont besoin d'une intelligence particulière, comme le
prouve ce qu'il ajoute : « Que celui qui a des oreilles pour entendre,
entende. » — Rémi. C'est-à-dire : Que celui qui a les oreilles du
cœur pour entendre ou pour comprendre, qu'il entende, qu'il com-
prenne, parce qu'en effet il a dit non pas que Jean-Baptiste ait été Elie
en personne, mais seulement par l'esprit.
y. 16-19. — Mais à qui dirai-je que ce peuple-ci est semblable? Il est semblable
à ces enfants qui sont assis daiis la place, et qui crient à leurs compagnons,
et leur disent : Nous avons chanté pour vous réjouir, et vous n'avez point
dansé; nous avons chanté des airs lugubres, et vous n'avez point témoigné de
tristesse. Car Jean est venu ne mangeant ni ne buvant, et ils disent : Il est
possédé du démon. Le Fils de l'homme est venu, mangeant et buvant , et ils
disent : Voilà un homme qui aime à faire bonne chère et à boire du vin; il
l'st ami des publicains et des gens de mauvaise vie. Mais la sagesse a été
justifiée par ses enfants.
S. HiL. {can. 11.) Tout ce discours est à la honte de l'incrédulité ;
c'est l'expression d'un profond sentiment de mécontentement de ce
que ce peuple arrogant avait résisté aux divers genres d'instructions
qui lui avaient été faites. — S. Chrys. (hom. 38.) Le Sauveur procède
zona pellicea dngebatur : ille, quoniam
regem Achab et Jezabel impietatis arguit,
l'ugere compulsus est (III Reg. 19) : iste
quia Ilerodià etHerodiadis illicitas arguit
nuptias, capite truncatur. {Marc G.)
Chrys. {in hom. 38 ut stip.) Et bene
dixit : Si vultis recipere, libertatem os-
tendeus, et voluntariam expeteus men-
tem : est enim ille hic, et hic ille , quia
prwcursores. facti sunt utrique. Hier.
Ho(^ auleni quod dictum est : « Ipse est
Klias, » mysticuni esse et egere iutelli-
gentia, sequeus Domiui sermo demons-
trat. dicens : « Oui habet auras audiendi
audiat. )) Remkî. Ac si diceret : « Qui
habet aures cordis audiendi (id est, iutel-
Ugeudi) audiat (id est intelligat), » quia
non dixit Joannem Eliam esse in per-
-ona, sed in spiritu.
Oui autem similem œstimaho generatioiiem is-
tam '.> Similis est pueris sedentibus in foro,
qui clamantes coœqualibus dicunt : Cecinimus
vobis, et non saltastis ; lamentavimus, et non
planxistis : uenit enim Joannes, neque mandu-
cans, neque bibens ; et dicunt : Dœmonium ha-
bet : venit Filius hominis manducans et bibens,
et dicunt : Ecce homo vorax et potator vini,
publicanorum et peecatorum amicus. Etjusti-
ftcata est sapientia a filiis suis.
HiLAR. {Can. 11 iit Slip.) Totus hic
sermo infidelitalis opprobrium est. et de
affectusuperioris querimoni* descendit:
quia iusolens plebs per diversa seriuo-
uum gênera docta non fuerit. Chrys.
138
EXPLICATION DE I. EVANGILE
avec raison par interrogation , pour montrer que rien n'a été oublié
de ce qui devait contribuer à leur salut : a A qui comparerai-je cette
génération? » — La Glose (1). Comme s'il disait : Jean était un grand
prophète, mais vous n'avez voulu croire ni à sa parole ni à la mienne;
à qui donc vous comparerai-je ? Dans ce mot de génération il com-
prend les Juifs, Jean-I?aptiste lui-même,
llE^ri. Il se lait aussitôt cette réponse : « Elle est semblable à des
enfants assis sur la place publique qui crient à leurs compagnons :
Nous avons chanté pour vous, et vous n'avez pas dansé ; nous avons
chanté des airs lugubres , et vous n'avez point témoigné de tristesse.
— S. HiL. {Can. ii.) Par ces enfants, Notre-Seigneur entend les pro-
phètes qui ont prêché comme des enfants dans la simplicité de leur
âme, et qui, au milieu des synagogues comme au milieu d'une place
publique, ont reproché aux Juifs de n'avoir pas conformé leurs œuvres
extérieures aux chants qu'ils leur adressaient , et de n'avoir pas obéi
à leurs paroles ; car le mouvement de la danse doit se conformer à la
mesure du chant. Or, les prophètes ont appelé le peuple à louer Dieu
dans leurs chants, comme nous le voyons dans les cantiques de Moïse,
d'Isaie et de David ('â), etc. — S. Jér. Voici donc ce qu'ils reprochent
aux Juifs • « Nous avons chanté pour vous, et vous n'avez pas dansé, »
c'est-à-dire nous vous avons excités par nos chants à la pratique des
bonnes œuvres , et vous n'en avez rien fait ; nous avons pleuré pour
vous appeler à la pénitence, et vous n'avez pas été plus dociles, vous
avez méprisé toute espèce de prédication , et celle qui vous exhortait
à la vertu , et celle qui vous appelait à faire pénitence de vos péchés.
(1) Ce passage est plus explicite dans saint Anselme que dans la Glose.
(2) Pour Moïse, Exûd., xv ; Deut., xxxii; pourlsaie, xii, xxvi et II Bois, xxvi; pour David,
Ps. XVII, etc.
{in hom. .18 in Mat.th.) IJnde et bene
interrojialioiie iititiir; monstraiis qiio-
iiium iiiliilquod deberct tieri ad salutem
eorum, derelictum est, dicens : « Oui
autem similem œstimabo generatiouem
ist.<ini, » etc. Glos.s.\. Quasi dicerol :
« Tantus est Joanues, sed vos net; illi
iioc- mihi vohiistis credere ; et ideo cui
vos siiiiile? ;estimabo ? » Pei* geiierafio-
nem accipit coinmiinitor et .liubeos, et
se, ciiin .Joaiimie.
rîKMic. Mox autem sibi ipsi respou-
di'l, sulijunLfi'Us : « Similis est puoris
sedeiitibiis in l'oro, <pii damanles coa'-
quabbiis dicniit : Ceciiiinuis vidiis, et non
saltastis ; lamtMitavimus, et iiuii planxis-
lis. HiLAit. [C(in. Il, /'« Matlli.)\n pneris
proplietai siguautur, qui in simplicitalo
sensus (ut pueri) prsedicaverunt, et in
medio synagogœ tinquam in publico
fori conventu coarguunt, quod cantan-
tibussibi officio corporis non obseeunda-
verint, et quod dictis suis non paruerint ;
ad eantautium enim modum saltauliuni
motus aptatur. Prophetae enim ad con
fessionem i)sallendi Ueo provoravernut,
ut eantico .Moysi continetur, ut lsai;e, ut
David, etc. IIikh. Dictait ergo : « Ceci-
ninuis vobis, et non saltastis ; id est, pro-
vocavimus vos, ut ad uoslrum cauticum
bona ofierafaceretis, etnoluislis ; lunii'ii-
fa/t siiniiis, el \os ad pœmlrnliani pro-
vocavinuis ; et uec hor qnidem facere
Vdlnistis. spernentes uli'aniqiie priedi-
calioneni. lani exlmrtalionis ad virtutes,
((uam pœiiitenliaî post peccata. HEMKi.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XI. 139
— Hemi. Comment peut-il dire : « A leurs compagnons? » Est-ce que
les Juifs infidèles étaient les égaux et les compagnons des saints pro-
phètes? Non, mais il parle ainsi parce qu'ils étaient tous sortis d'une
souche commune. — S. Jér. Les enfants sont encore ceux dont Isaïe
a dit : « Me voici , moi et mes enfants , ceux que le Seigneur m'a
donnés ; » ces enfants s'arrêtent sur la place publique où l'on fait trafic
de tout, et ils disent : « Nous avons chanté pour vous , et vous n'avez
pas dansé. » — S. Chrys. [hom. 38.) Je vous ai donné l'exemple d'une
vie plus douce que sévère , et vous n'avez pas été persuadés ; Jean
s'est soumis à une vie austère, et vous n'y avez pas fait plus d'atten-
tion; il ne dit pas : Jean a suivi cette ligne de conduite, et moi cette
autre ; mais il ne sépare pas leur cause, parce que leur intention était
la même, et il ajoute : « Jean est venu, ne mangeant, ni ne buvant,
et vous avez dit : Il est possédé. Le Fils de l'homme est venu, man-
geant et buvant, « etc. — S. Aug. [cont. Faust, liv, xvi, chap. 31.) Je
voudrais bien que les Manichéens me disent ce que mangeait et ce que
buvait Jésus-Christ, lui qui se disait mangeant et buvant , en compa-
raison de Jean- Baptiste qui ne mangeait ni ne buvait. Car il n'est
pas dit que Jean ne buvait pas du tout, mais qu'il ne buvait ni' vin ni
rien de ce qui pouvait enivrer, il ne buvait donc que de l'eau ; on ne
peut pas dire non plus qu'il ne mangeait rien absolument , mais il
ne mangeait que du miel sauvage et des sauterelles. Pourquoi donc
Notre-Scigueur dit-il qu'il ne mangeait ni ne buvait, si ce n'est parce
qu'il n'usait pas des aliments ordinaires des Juifs? Et si le Seigneur
n'en avait pas lui-même fait usage, il n'aurait pu dire par comparaison
avec Jean-Baptiste qu'il mangeait et buvait. Or, n'est-il pas étonnant
qu'on dise de celui qui mangeait des sauterelles et du miel, qu'il ne
Qiiid est auteiu quod dicit coœqualibus :
nunquid infidèles Judaiicoifiqualeseraut
sanctis proplietis? Sed hoc dicit^ quo-
niain de una slirpe orti fuerimt. Hier.
l'ueri etiam sunt de quibusisaias loqui-
Uir (cap. 3) : « Ecce ego et pueri inei,
quos dédit mihi Dominas ; » isti ergo
pueri sedent ia foro, ubi multa venalia
suiit, et dicunt : « Geciuiuuis vobis, et
lion saltastis. » Chrys. (ï« liom. 38 nt
sup.) lloc est, reinissam vitam osteudi,
et non persuasi estis. « Lamentavimus,
et non planxistis;» hoc est, Joannes dn-
rani sustinuit vitam, et non attendistis :
non auteni dicit : « Ille ilhid, et ego
hoc, » sed connuuniter : ipiia una inteu-
lio utriusi[ue erut : unde scipiitnr :
« Veuit euim Joauues neque manducans
neque bibens, et dicitis : Daemonium
habet ; venit Fiiiushominis manducans,»
etc. Aug. {cont. Faust, in Hb. xvi, cap.
31.) Vellom antem ut mihi Manichaei di-
cerent, quid manducabat et quid bibe-
bat Christus, qui in comparatione .loan-
nis non manducantis neque bibeulis, hic
se dicit mandncantemac bibenleni? Non
enim dictum est quod Joannes omnino
non biberet, sed quod viuuui et siceraui
non biberet. Bibebat ergo aquam : cibus
etiam ejus non omnino uUus erat, sed
kicusta et mel sylvestre : unde ergo dic-
lus est non manducans neque bibens, nisi
quia illo victu quo Jiuhei utebantur non
utebatm"? Hoc ergo Domiuus nisi uterelur,
non in ejus comparatione manducans
bibeusque diceretur.Mirum auleui si non
140
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
mangeait pas, et qu'on présente comme mangeant celui qui se con-
tentait de pain et de légumes?
S. Chrys. {hom. 38.) « Le Fils de l'homme est venu, » etc., c'est-à-
dire nous avons suivi , Jean et moi , des routes différentes, mais qui
aboutissaient au même but , comme deux chasseurs qui poursuivent
un animal par deux chemins différents pour le faire arriver sur l'un
des deux. Les hommes sont généralement portés à admirer le jeûne et
l'austérité de la vie ; c'est pour cela que Dieu voulut (|ue dès son en-
fance Jean pratiquât ce genre de vie , pour donner ainsi par la suite
plus d'autorité à ses paroles. Notre Seigneur marcha lui-même dans
cette voie lorsqu'il jeima pendant quarante jours ; mais cependant il
prit d'autres moyens pour persuader aux Juifs de croire en lui , car
il était bien plus important que Jean-Baptiste lui rendît témoignage
en marchant dans cette voie, qu'il ne l'était pour lui-même de suivre
ce genre de vie. En eflet, Jean ne fit éclater en lui que l'austérité de
sa vie et l'amour de la justice, tandis que Jésus-Christ avait encore le
témoignage des miracles. Il laissa donc Jean-Bapliste briller par le
jeune, et il suivit une voie différente en ne refusant pas de s'asseoir à
la taltle des publicaius pour manger et boire avec eux. — S. Jér. Si
le jeûne vous est agréable, pourquoi Jean-Baptiste ne vous plait-il pas?
Si la vie ordinaire a pour vous plus d'attrait , pourquoi le Kils de
l'homme ne peut-il vous plaire? Pourquoi avez-vous traité l'un de
possédé, et l'autre d'ivrogne et d'intempérant?
S. Chrys. Quelle sera donc désormais leur excuse ? c'est pour cela
qu'il ajoute : « La sagesse a été justifiée par ses enfants, » c'est-à-dire :
si vous n'êtes pas persuadés, vous n'avez pas, du moins, de raison de
manducans dicitur, (jui locustas et mel
comedit : et manduuaus dicitur, qui pane
et olere contentus est.
Chrys. {in hom. 38 vt sup.) Venit Jé-
sus, ac si dicat : Per coutrariam viam ve-
iiimus ego et .loaniies, et idem fecimus ;
sicut si venatores per duas contrarias
viiis aliquod animal inse(piantnr, ut in
alteruni int-idat. Univnrsun» aiitcni lio-
uiinuni genns jejunium et duram vitam
admiratur, et propter lioc dispensatum
est a prima aîtale ita nutriri joannem,
ut per hoc digna fide essont qua; dice-
rentur ab ipso : incessit siquidem Domi-
nus per liane viam, (juando qiiadraginta
diebus jejunavit ; sed tanien et aliter do-
cuit ([uod sibi esset credendum : nuiUo
euim majus erat quod testaratur pro eo
Joannes , qui per hauc viam incesserat,
quam quod ipse per banc viam incede-
ret : aliter Joannes nihil plus ostendit,
pra?ter vitam etjustitiaui : Chrlstus au-
tem etniiraculis Icstimonium liabebat :
dimittens ergo Joannem jejunio fulgere,
ipse contrariam iucessit viam. ad meu-
sam intrans publicanorum, et mandu-
<-ans, et bibens. Hier. Si ergo jejunium
vobis placet, cur Joannes displicuit ? Si
saturitas, cur Filins bominis"? Quorum al-
teruni (la))ionium /labentein, alterum
voracem et ebriuin nuncupaslis.
Chrys. {in hom. 38 vt siip.) Qualem
igilur jam excusationeniaccipienl? Prop-
ter hoc subdit : « Kt jastiticata est sa-
pientia a filiis suis, » bocest : « Et si vos
persuasi non estis, sed me jam iûcusare
DE SAINT MATTHIEU, CHAH. XT, 141
m'accuser. C'est ce que le Prophète-Roi dit de Dieu le Père : « Afin
que vous soyez justifié daus vos paroles.» {Ps. l.) Quoique vous n'ayez
tiré aucun profit de l'économie de la divine providence à votre égard,
de son côté elle a fait tout ce qu'elle devait, de manière à ne laisser
pas même l'ombre d'un doute à l'impudence et à l'ingratitude. —
S. JÉR. La sagesse a été justifiée par ses enfants , c'est-à-dire la doc-
trine et la conduite de Dieu. Ou bien la conduite du Christ qui est la
vertu et la sagesse de Dieu a été justifiée par les Apôtres qui sont ses
enfants. — S. Hil. Or, il est lui-même la sagesse , non par les efifets
merveilleux qu'elle a produits en lui, mais par nature. Il en est plusieurs
(]ui cherchent à éluder la force de ces paroles de l'Apôtre qui pro-
clament le Christ la puissance et la sagesse de Dieu (I Corlnth. i), en
disant que la vertu de cette sagesse et de cette puissance divine s'est
montrée dans l'œuvre de son incarnation et de sa naissance d'une
Vierge ; mais pour détruire par avance cette interprétation , il a dé-
claré qu'il était lui-même la sagesse , montrant ainsi que ce n'étaient
pas seulement les œuvres de la sagesse^ mais la sagesse elle-même qui
résidait en lui ; car l'œuvre de la vertu n'est pas la vertu elle-même ,
et l'effet demeure distinct de celui qui le produit. — S. Aug. {Quest.
évang., liv. ii, chap. 11.) «La sagesse a été justifiée par ses enfants, »
en ce sens que les saints Apôtres comprirent que le royaume des cieux
n'était point dans le boire et dans le manger , mais dans la patience
à supporter les épreuves ; aussi l'abondance ne leur inspirait aucun
orgueil, et la pauvreté ne pouvait les abattre. C'est ce qui faisait dire
à saint Paul : « Je sais être dans l'abondance , et je sais supporter
la pauvreté. » — S. Hil. On lit dans quelques exemplaires : « La sa-
gesse a été justifiée par ses œuvres. » La sagesse , en effet, ne cherche
pas le témoignage des paroles, mais celui des œuvres. S. Chrys.
lion habetis ; » quod et de Pâtre ait Pro-
pheta {Psal. rjO) : « Ut justificerisin ser-
nionibus tuis ; » etsi enim nihil in vobis
expleatur a procuratione Dei quse est
circa nos, omnia qiiae sunt ex parte sua
complet; ut iuverecundis neque umbram
relinquat iugratiE dubitationis. Hier.
Justiiicata est ergo sapientia afiliis suis,
id est, Dei dispensatio atque doctrina :
vel ipse Christus (qui est Dei virtus, et
Dei sapientia) juste fecisse ab apc'Stolis,
suis filiis, comprobatus est. Hilar. Est
autem ipse sapientia, non ex efîectu,
sed ex natura : plures enim dictum
apostolicuin, quod ait Christum Dei sa-
pieutiam et Dei virtuteui (I Corinth. 1),
bis modis soient eludere, (juod in eo ex
Yirgine creando efficax Dei sapientia et
virtus exstiterit : sed ne taie quid posset
intelligi, Ipsum se sapient/am nuncu-
pavit, eam in se^ non quse sunt ejus, os-
tendens : non enim idem opus virtutis,
et virtus; et efficiens discernitur ab
effectu. Aug. {de question. Evang. lib.
II, cap. 2.) Vel justificata est sapientia a
flliis suis, quia sancti apostoli intellexe-
ruut reguum Dei non esse in esca et
potu, {Boni. 14), sed in œquanimitate
tolerandi ; quos nec copia sublevat, nec
deprimit egestas : unde et Paulus dice-
Ijat {Philip. 4) : « Scio abundare, scio
et peiiuriam pati. » Hilar. In quibusdam
libris legitnr : « Justificata est sapientia
ab operibus suis; » sapientia namque
non quœi'it vocis testimouium, sed ope-
rum. Chrys. {in homil. 38 ut sup.) Si
142
EXPLICATION DE L EVANGILE
{hom.. 38.) Si cette comparaison empruntée aux enfants vous paraît
vulgaire, n'en soyez pas surpris, car Jésus s'adressait ù des auditeurs
grossiers ; c'est ainsi qu'Ezéchiel se sert de plusieurs comparaisons
en rapport avec rintolligcnce des Juifs, mais qui ne convenaient nul-
lement à la grandeur de Dieu, si toutefois l'on peut dire qu'une chose
qui est utile aux hommes n'est pas digne de Dieu.
S. HiL. {can. ii.) Dans le sens mystique , la prédication elle-même
de Jean-Baptiste fut impuissante pour convertir les Juifs^ parce que
la loi leur avait paru pénible, difficile et gênante à cause de ses pres-
criptions sur les aliments et sur les boissons. Elle renfermait pour
ainsi dire en elle-même le péché auquel il donne le nom de démon,
parce que la difficulté que présentait son observation en rendait
pres(]ue inévitable la transgression. A son tour , la prédication de
l'Evangile de Jésus-Christ ne leur fut pas agréable^ malgré la liberté
(ju'elle leur rendait , en allégeant tout ce que la loi avait de difficile
et d'accablant. Les publicains et les pécheurs embrassèrent la foi, mais
pour les Juifs, après tant et de si grands avertissements , ils ne furent
pas justifiés par la grâce, et ils furent abandonnés par la loi. C'est
alors que la sagesse fut justifiée par ses enfants , c'est-à-dire par ceux
qui ravissent le royaume des cieux par la justification qui vient de la
foi, et en proclamant la justice des opérations de la sagesse de Dieu
qui prive de ses grâces les esprits rebelles pour en faire part aux
cœurs fidèles.
^. 20-24. — Alors il commença à faire des reproches aux villes dans lesquelles
il avait fait beaucoup de miracles de ce qu'elles n'avaient j^oint fait pénitence.
Malheur à toi, Corozaîn! malheur à toi, Bethsaîde! parce que si les miracles
qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans Tyr et dans Sidon,
.111 tem exerapla vilia sunt de pueris, non
luireris : ad imbecillitatem euim au-
dientiuni : loquebatur ; sicut Ezechiel
(cap. 4 et 5) luiilta exempla dixit Judjpis
convenientia, Dei iiia2uitudine indiaua
(id est, quœ Jiidœorum quideiu coudi-
tioni accoiumodala essent, sed indigna
qiia; de divina niagnitudine dicerentnr) :
uirii et lioc maxime Doo ditruiim , qiiod
ad liominum utililatem spectat, etc.
lliLAR. [Can. [[ut Slip. )^\yiiiL-e aiiteni,
.luda'os nec Joaunis prœdicatio intlexit,
• juiljus etlcx gravis visa est, potus ci-
vique pra'scriptis, et diflicilis, et mo-
lesta; poccatiun in se quod dcemonimn
imiiciipat, babens ; quia per observautiie
diflicuUateni necesse eis esset in lege
peccare : rursu8que in Christo Evangelii
prtedicatio vitœ libertate non plaçait,
perquamdiffioultateslefiisetoneralaxata
sunt, et jam publicaui peccatoresque
crediderunt; atque ita tôt et tantis ad-
monitiouum generibus frustra babitis
nec per sratiam justificantur, et a lege
sunt abdicati, et justificata est sapientia
a filiis suis ; ab bis scilicet qui regnum
cu'lorum fidei justiticatione diripiuut;
coniîiontcsjitstum sapientiœ opus, quod
munus suui ad fidèles a contumacibus
transtulerit.
Tuiw cœpit pxprobrare civitatibus in quitus
fnrtœ sunt plnriniœ virtules rjus , quia non
cqissent pivnitentiam. Xœ tibi, Corozaim, tœ
tibi, Bethsiiidii . quin xi in Ti/m ft Sidone
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XI.
U3
il. y a longtemps qu'elles miraient fait pénitence dans le sac et dans la cendre.
C'est pourquoi je vous déclare qu'au jour du jufjement Tyr et Sidon seront
traitées moins rigoureusement que vous. El toi, Capharnaûm , t'élèveras- tu
jusqu'au cieH Tu seras abaissée jusqu'au fond de l'enfer; parce que si les
miracles qui ont été faits au milieu de toi avaient été faits dans Sodome, elle
subsisterait peut-être encore aujourd'hui. C'est pourquoi je vous déclare qu'au
jour du jugement le pays de Sodome sera traité moins rigoureusement que toi.
La Glose (1). Jusqu'ici les reproches du Sauveur s'étaient adressés
indistinctement à tous les Juifs , maintenant il les fait tomber en par-
ticulier sur quelques villes qu'il avait évangélisées d'une manière
plus spéciale , et qui , cependant , n'avaient pas voulu se convertir.
« Alors , dit l'Evangéliste , il commença à faire des reproches aux
villes, » etc. — S. Jér. Ce chapitre s'ouvre par les reproches qu'il fait
aux villes de Bethsaide et de Capharnaûm, de ce qu'après tant de pro-
diges et de miracles opérés au milieu d'elles, elles n'ont pas fait pé-
nitence. « Malheur à vous, Corozaim ! malheur à vous , Bethsaide! »
— S. CuRYs. {hom. 38.) C'est pour vous apprendre que les habitants
de ces villes n'étaient pas mauvais par leur nature qu'il nomme la
ville de Bethsaide, qui avait donné le jour à plusieurs d'entre les
Apôtres. En effet, Philippe, et les deux principaux couples du collège
apostolique, Pierre et André, Jacques et Jean, étaient de Bethsaide. —
S. Jér. Cette expression, «malheur, » nous montre que le Sauveur dé-
plore le triste sort de ces villes, de ce qu'après tant de miracles et de
prodiges opérés sous leurs yeux, elles n'ont pas fait pénitence. —
Rab. Corozaim qui veut dire moji mystère^ et Bethsaide , la tnaisou
(1) Celte citation est un peu différente dans la Glose ; on la retrouve à peu près dans les mêmes
termes dans saint Ambroise.
fttctœ essent virtutes quœ factœ sunt in vobis,
olim in. cilicio et cinere pœnitentiam egissent !
Verumtamen dico vobis, Tyro et Sidotii rc-
missius erit in die judicii quam vobis. Et tu,
Capharnaûm, nunquid usque in cœtnm exnl-
tnberi.i ? usque in infernum descendes, quia si
in Sodomis faelœ fuissent virtutes quœ factœ
sunt in te, forte mansissent usque in hanc
diem. Verumtamen dico vobis quia terrœ
Sodornorum remissius erit' in die judicii, quam
tibi.
Glossa. Hucusque Judaeos comniuiii-
terincrepaverat ; uiinc autem quasi no-
minatim quasdam civilates increpat,
quibus specialiter praedicaverat, nec ta-
men converti volebant : unde dicitur :
« Tune cœpit exprobrare (ùvitatiiius, in
quibus, » etc. Hier. Exprobratio euim
civitatum Corozaim, et Bethsaïdae, et
Capharnaum, capituli bujus titulo pau-
ditur ; quod ideo exprobraverit eis, qui
post factas virtutes et signa quam plu-
rima non egerint pœnitentiam : unde
subditur : « Vse tibi, Corozaim, vm tibi,
Betbsaida. » Chrys. {in ftom. 38 utsup.)
Ut autem discas non a natura ipsos esse
malos, ponit nomeu civitatis, scilicet
Betlisaida, ex qua quaiidoque processe-
ruut apostoli : etenim Pliilippus et duo
binarii principalium apostolorum bine
fuerimt, scilicet Pelrus et Andréas, Ja-
cobus et Joannes. Hier. Sed per boc
quod dicit : Vœ , ba) urbes GaUlaeae a
Salvatore planguntur, quod post tanta
signa atque virtutes non egerint pœni-
tentiam. I^ARA. Corozaim autem, qu*
interpretatur /«ys^ermw meum, et Beth-
444
EXPLICATION ItE l'ÉVANGILE
^e.s frnila ou la maison des chasseurs^ sont des villes de Galilée
assises sur les bords de la mer de dalilée. Le Seigneur déplore le
triste sort de ces villes, à qui le mystère de Dieu a été révélé , qui
auraient dû produire des fruits de vertu, et dans lesquelles il avait
envoyé des chasseurs spirituels. — S. Jér. Le Sauveur leur préfère
Tyr et Sidon , villes adonnées à l'idolâtrie et à tous les vices. « Car,
ajoute-t-il, si les merveilles qui ont été opérées au milieu de vous
avaient été faites au milieu de Tyr et de Sidon, il y a longtemps
(lu'elles auraient fait pénitence dans la cendre et le cilice.» — S. Grég.
{Moral. ^ XXXV, 2.) Le cilice signifie la componction et l'austérité de
la pénitence ; la cendre, la poussière des morts. Tous deux sont mis
en usage dans la pénitence, afin que les pointes du cilice nous rap-
l)ellent ce que nous avons fait en péchant, et que la cendre nous fasse
réfléchir sur ce que nous sommes devenus par le jugement de Dieu.
— Rab. Tyr et Sidon sont des villes de Phénicie. Tyr veut dire an-
f/oisse^ et Sidon, chasse; elles représentent les nations que le démon
a prises comme un chasseur dans les détroits resserrés du péché, mais
que le Sauveur Jfsus a délivrées par son Evangile.
S. Jér. Où donc voyons-nous que le Sauveur ait fait des miracles
dans Corozaïm et dans Bethsaïde ? Nous lisons dans un des chapitres
précédents : « Il parcourait toutes les villes et les villages , guérissant
toutes les maladies, » etc. Il est donc à croire que Corozaim et Bethsaïde
étaient du nombre de ces villes et bourgades dans lesquelles le Sau-
veur avait opéré des miracles. — S. Aug. {de la persév., chap. 9.) Il
n'est donc pas vrai de dire que l'Evangile n'ait pas été prêché dans les
temps et dans les lieux où le Seigneur prévoyait l'inutilité de ses pré-
saida, quae donius fructuum, vel domus
renu/oriim dicilur, civitates sunt Gali-
lieœ, sitae inlitlore maris Galilseae. Plan-
cit ergo Domiiius civitates, qu* quou-
dam mysterium Dei teiuionint, et virtu-
taiii jaui i'ructniii gignere debuerunt, et
in (juas sjjirituales veuatores simt missi.
IliKR. VA pra^ieniiitiir eis Tyriis et Sidon,
mbes idololalriiK et viliis dedit;e: etideo
seqiiitur : « Quia si in Tyro et Sidone
l'actaî esseut virtules quse faeta; sunt iu
vobis, oliin in ciuere et cilicio pœuiten-
tiam émissent. » Greg. (xxxv Moral.
cap. 2.) In cilicio quidem asperitas et
compunctio peccatoruni, in cinere au-
tem pulvis osteuditur niortuoruni : et
idcirco utrumque hoc adhiheri ad pœ-
uitentiaiu solet, ut iu punctioiu> ciVwAi
coguoscanius quid per culpaui fecimus.
et in favilla cineris perpendamus quid per
judiciuni facti sumus. Raba. Tyrus au-
tem et Sidon >sunt urbes Phœniciae : iu-
terpretatur autem Tjtus ongustia, et
Sidon venatio ;et significaut gentes, quas
venator diabolus in angustia peccatorum
comprehendit , sed Salvator Jésus per
Evangeliuin absolvit.
Hii-.ii. Qua^rinnis autem ubi S('riptuni
sit quod in Corozaïm et Betbsaïda Domi-
uus sigua fecerit : supra legimus : « Et
circuibat civitates omnes et vices, cu-
rans oranem infirmitatem, » etc. : inter
ca'teras ergo urbes et viculos, aestiman-
dum est in Corozaïm et Betbsaïda Do-
minum signa fecisse. Auo. {de Perserer.
cap. 9.) Non ergo verum est quod bis
temporibus et bis iocis Evau^elium ejus
pnrdii-alum non est, in quibus taies om-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XI. iib
dieations pour tous ceux qui l'entendraient , aussi bien que pour un
grand nombre de ceux qui n'ont pas voulu croire en lui , même après
qu'ils l'eurent vu ressusciter des morts ; car voici le Seigneur qui nous
assure que les habitants de Tyr et de Sidon eussent fait une pénitence
pleine d'humilité , s'ils avaient été témoins des miracles de la puis-
sance divine. Or, si les morts sont jugés sur ce qu'ils auraient fait
s'ils avaient vécu, comme les habitants de ces villes se seraient con-
vertis à la foi si l'Evangile leur eût été annoncé et confirmé par tant
de miracles éclatants, il faudrait en conclure qu'ils seront exempts de
tout châtiment ; et cependant ils seront punis au jour du jugement,
d'après les paroles qui suivent : « Néanmoins je vous le dis , Tyr et
Sidon seront traitées moins rigoureusement que vous. » La peine des
derniers sera donc plus légère , et le châtiment des autres plus rigou-
reux. — S. Jér. Et la raison, c'est que Tyr et Sidon ont foulé aux
pieds la loi naturelle seule, tandis que ces villes, à la transgression de
la loi écrite, ont joint le mépris des miracles qui ont été faits au milieu
d'elles. — Rab. Nous sommes aujourd'hui témoins de l'accomplisse-
ment des paroles du Sauveur : Corozaim et Bethsaïde ne voulurent
pas croire en lui lorsqu'il les honorait de sa présence , tandis que Tyr
et Sidon crurent plus tard à la prédication des Apôtres. — Rémi. Ca-
pharnaùm était la métropole de la Galilée , et la ville la plus célèbre
de cette province ; c'est pour cela que le Seigneur en fait une mention
spéciale : « Et toi Capharnaûm, t'élèveras-tu jusqu'au ciel? tu seras
abaissée jusqu'aux enfers. » — S. Jér. On peut entendre ces paroles
de deux manières : ou bien tu descendras jusqu'aux enfers, parce que
tu as résisté avec orgueil à mes prédications ; ou bien , parce que
nés futures esse praesciebat, quales multi
ia ejus corporali preesentia fuerunt, qui
in euin, nec suscitatis ab eo mortuis
credere voluerunt : ecce eniin Dominas
attestalur quod Tyrii et Sydonii acturi
essent magua; humilitatis pœnitentiam,
si in eis facta essent divinarum signa
virtutum. Porrosietiam secundum facta
quae facluri essent si vivereut, mortui
judicantur, profecto quia fidèles futur!
erant isti, si eis cum tantis miraculis
Evangelium fuisset prœdicatum , non
sunt utique punieudi; et tauien in die
judlcii punientur : sequitur euim : «Ve-
rumtamen dico vobis : Tyro et Sidoni
remissius erit, » etc. Severius ergo pu-
nientur illi, isti remissius. Hier. Quod
ideo est, quia Tyrus et Sidon naturalem
tantum legem calcaverant; istae vero ci-
vitates post transgressionem naturalis
TOM. II.
legis et scriptae, etiam signa quae apud
eas facta sunt, parvi duxerunt. Raba.
Impletum autem hodie videmus dictum
Salvatoris ; quia scilicet Corozaïm et
Betbsaïda praesente Domino credere no-
lueruut, Tyrus autem et Sidon postea
evangelizantibus discipulis credidenmt.
Remig. Capharnaûm autem metropolis
erat Galilaeae, et insiguis civitas iliius
proviuciae : et ideo Dominus specialiter
mentioiiem iliius facit, dicens : « Et tu,
Capharnaûm, nunquid usque in cœlum
exaltaberis ? usque ad infernum des-
cendes. » Hier. In altero exemplari re-
perimus : « Et tu, Capharnaûm, quae
usque ad cœlum exaltata es, usque ad
inferna descendes. » Et est duplex in-
telligeutia : vel ideo ad inferna descen-
des, quia contra praedicationem meam
superbissime restitisti : vel idée, quia
10
146
EXPLICATION DE l'ÉVANGÏLE
élevée jusqu'au ciel (i) par le séjour que j'ai daigné faire au milieu de
toi, aussi bien que par les prodiges et par les merveilles que j'ai
opérés dans ton sein , tu seras condamnée à de plus grands supplices
pour avoir abusé de grâces si privilégiées, en refusant de croire
en moi. — Rémi. Ce ne sont pas seulement les pécliés de Tyr et de
Sidon, mais les crimes de Sodome et do (jomorrhe qui sont légers en
comparaison. Car, ajoute-t-il, si les merveilles qui ont été opérées au
milieu de toi eussent été faites dans Sodome , peut-être cette ville
existerait encore. — S. Chrys. {hom. 39.) C'est ce qui rend leur accu-
sation plus rigoureuse, car la plus forte preuve de mécbanceté , c'est
d'être plus mauvais non-seulement que les méchants qui existent,
mais que ceux qui ont jamais existé.
S.JÉR. Dans la ville de Capharnaûm, qui veut àvc^ très-belle maison
de plaisance, se trouve condamnée Jérusalem , à qui Ezéchiel a dit :
Sodome a été trouvée juste auprès de toi. — Rémi. Le Seigneur qui
connaît toutes choses, s'est servi ici du mot dubitatif peut-être^ pour
montrer que les hommes ont reçu de lui le don du libre arbitre. \\
ajoute : « C'est pourquoi je vous déclare qu'au jour du jugement le
pays.de Sodome sera traité moins rigoureusement que vous.» Il faut se
rappeler que sous le nom d'une ville ou d'une contrée , les reproches
du Seigneur s'adressent non pas aux édifices ou aux murailles des
maisons, mais aux hommes qui les habitent, d'après la figure appelée
métonymie, qui exprime le contenu pour le contenant. Les paroles sui-
vantes : « La peine sera plus légère au jour du jugement, » démon-
trent jusqu'à l'évidence qu'il y a dans l'enfer divers degrés de peines,
(1) C'est ainsi que porte le texte grec que nous avons entre les mains : "J) Swç TOÛ oùpavoû
{jil/wÔsTffa, n'as-tu pas été élevée jusqu'au ciel; tandis que la Vulgate traduit : Numquid usque ad
rœlum exaltaberis, etc., t'élèveras-tu jusqu'au ciel?
exaltata usque in cœlum, meo liospilio et
ineis signis atque virtutibus, tantum ha-
liens privilegiiiiu, niajoribus plecteris
suppliciis, quod liis ([uoqiie credere no-
liiisti. Remig. Non solum autem Tyri et
Sidonis, sed ipsa Sodoniorum et Go-
morrhaeorum feceruut levia peccata, per
comparationem : et ideo sequitiir: «Quia
si in Sodoniis factre essent virhites quae
t'actœ sunt in te, forte niansissent usque
in hune diem. » Chkys, (m/ sup.) la
quo augetur eoruni accusatio : eteniui
niaxiiiia malitia^ demonstratio est, cum,
non solum liis qui tum; erunl, sed lus
«pii unquam fueraat mali, apparent dé-
tériores.
HiKU. In Capharnaûm autem, qute in-
lerpretatur villa jndcherrima, condeni-
natur Hierusalem, oui dicitur per Eze-
cliielem (cap, 16) : <( Justiiieata est So-
dûuia ex te. » IIemig. Ideo autem Domi-
nus qui oiimia uovit, in hoc loco ver-
buni (lubitativum posuit (scilicet forte],
nt demonstraret quia liberum arbitriuui
concessum est hominibus. Sequitur ;
« Verumtamen dico vobis, quia ferra;
Sodomorum remissius erit in die judi-
cii quam tibi. » Et sciendum est quod
noniinc civitatis vel terrœ, non aedilicia
vei domorum parietes Dominas increpat,
sed liomines in eis commorantes ; se-
cundum speciem tropi, quœ est inetony-
miu, in qua per hoc quod oontinet, id
quod conlinetur, ostendilur. Per hoc au-
tem quod dicit : « Remissius erit iu die
judicii, » aperte demoustratquiadiversa
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XI.
147
de même qu'il y a divers degrés de gloire dans le royaume des deux.
— S. Jér. Un lecteur attentif me dira peut-être : Si les villes de Tyr,
de Sidou et de Sodome auraient pu faire pénitence en entendant les
prédications du Seigneur et devant l'éclat de ses miracles , elles ne
sont pas coupables de n'avoir pas cru, mais la faute doit être imputée
au silence de celui qui n'a pas voulu leur prêcher dans le temps où elles
étaient disposées à faire pénitence. La réponse à cette difficulté est fa-
cile et claire : c'est que nous ignorons les jugements de Dieu, et les
mystérieuses dispositions de sa providence. Notre-Seigneur s'était pro-
pose de ne point sortir des frontières de la Judée, ne voulant pas four-
nir aux pharisiens et aux prêtres un motif ou un prétexte pour le
persécuter. C'est pour cela qu'il fait cette recommandation aux Apôtres :
a Vous n'irez pas dans le chemin des nations. » Or, Corozaim et
Bethsaïde sont condamnées, parce qu'elles ont refusé de croire à la pa-
role du Seigneur lui-même présent au milieu d'elles ; Tyr et Sidou
sont justifiées pour avoir cru à la parole de ses Apôtres. Pourquoi
faire ici une question de temps alors que vous voyez que ceux qui
croient sont sauvés? — Rémi. Voici une autre solution de cette diffi-
culté : dans Corozaim, il y en avait probablement plusieurs qui de-
vaient croire, de même que dans Tyr et dans Sidon il en était plu-
sieurs qui devaient rester dans l'incrédulité , et qui , par conséquent,
n'étaient pas dignes de l'Evangile. Notre-Seigneur a donc évangélisé
les habitants de Corozaim et de Bethsaïde, afin que ceux qui devaient
croire pussent embrasser la foi ; et il ne voulut point porter la pré-
dication de l'Evangile aux habitants de Tyr et de Sidon, dans la
crainte que ceux qui refuseraient de croire , devenus plus coupables
par le mépris de l'Evangile, ne fussent aussi plus rigoureusement
punis.
suut supplicia la inferno, sicut et diver-
886 siint mansiones in regno cœlorum.
Hier. Quairat autern prudens lector^ et
dicat : « Si Tyrus, et Sidon, et Sodoma,
potueruut agere pœniteutiam ad praedi-
cationem Salvatorls, signorumque mira ■
eula, non suut in culpa, quod non cre-
dideruut, sed vitii sileutiuni in eo est,
qui acturis pœniteutiam notait praedi-
care. » Ad quod facilis et aperta estres-
ponsio, ignorare nos judicia Dei, et sin-
gularumejus dispensatiouum sacramenta
nescire. Propositum fiierat Domiuo, Ju-
daeœ fines non excedere, ne justam plia-
risaeiâ et sacerdotibus occasionem perse-
cutionis daret : unde et apostolis prae-
cepit (sup.) : « In viam gentium ne
abieritis ; » Corozaim igitur et Bethsaida
damnantur , quod praesente Domino
credere noluerunt : Tyrus et Sidon ju9-
tificantur, quod apostolis illius credide-
runt : non quseras tempora, cum creden-
tium iutuearis salutem. Remig. Solvitur
aulem et aliter : fortassis erant plurimi
in Corozaim et Bethsaida, qui credituri
erant; et erant multi in Tyro et Sidone,
qui non erant credituri; et ideo non
erant digni Evangelio. Dominus ergo
ideo habitatoribus Corozaim et Beth-
saidge prœdicavit, ut illi qui credituri
erant, crederent, et habitatoribus Tyri
et Sidonis prœdicare noluit, ne forte illi
qui non erant credituri, contemptu Evan-
gelii détériore» facti atrocius punirentur.
148
EXPLICATION DE L EVANGILE
S. AuG. {de la persévér., chap. 40.) Un controversiste catholique (1)
qui n'est pas à dédaigner explique ce passage de l'Evangile en disant
que le Seigneur avait prévu que les Tyriens et les Sidonieus devaient
plus tard abandonner la foi qu'ils auraient embrassée sur l'autorité des
miracles opérés sous leurs yeux ; et c'est par miséricorde qu'il n'a
point voulu faire de miracles au milieu d'eux , parce que en aban-
donnant la foi qu'ils avaient professée, ils se seraient rendus dignes
de châtiments plus rigoureux que s'ils ne l'avaient jamais reçue.
{Evang., chap. l^.) On peut dire encore que le Seigneur prévoit avec
certitude les grâces auxquelles il a daigné attacher notre délivrance :
c'est la prédestination dos saints , c'est-à-dire la prescience et la pré-
paration des grâces qui doivent infailliljlement sauver ceux qui
doivent l'être; les autres, par un juste jugement de Dieu, sont laissés
dans la masse de perdition, comme les habitants de Tyr et de Sidon
(jui auraient pu croire également s'ils avaient été témoins des nom-
breux miracles de Jésus-Christ; mais comme le don de la foi ne
leur a pas été accordé , les moyens de croire leur ont été refusés.
On peut conclure de là qu'il y a des hommes qui ont naturellement
dans leur esprit un don particulier d'intelligence qui les porterait
vers la foi , s'ils voyaient des miracles ou s'ils entendaient des
paroles conformes aux dispositions de leur âme ; et cependant si ,
par un profond jugement de Dieu, ils ne sont pas séparés de
la masse de perdition par la grâce de la prédestination , ils n'en-
tendront jamais ces paroles divines, ils ne verront jamais ces faits
miraculeux qui deviendraient pour eux, s'ils en étaient témoins , des
moyens assurés de parvenir à la foi. C'est dans cette masse de perdi-
(1) Quel est ce controversiste? Saint Augustin ne nous le dit pas, et nous ne pouvons le savoir,
bien qu'il paraisse l'auteur de la citation précédente, donnée sous le nom de Rémi.
AUG. [de Persev. cap. 10.) Quidam
autem disputator catliolicus uon iguobi-
lis, hune Evangelii locum sic exposuit,
ut diceret praescisse Domiuum Tyrios et
Sidonios a fide fuisse postea recessuros,
cum factis apud se miraculis credidis-
sent; et iiiisericordia polius non eum
illic ista fecisso, qiioniani graviorl {Kmx
obuoxii fièrent, si fidom quaiu tenue-
rant reliquissent, quam si cam nuilo
tempure tennissent. (Et cap. 12.) Vel ali-
ter : prœsctvit profecto Deus bénéficia
sua, quibus nos liberare dignatur : hau'
autem est praedestinatio sanctoruni
(prœscientia scilicet et pra;paratio l)cno-
ficiorum Dei, quibus certissime liberan-
tur, quicunque liberautur) ; cœteri au-
tem nonnisi in massa perditionis, justo
divino judicio reliuquuutur, ubi Tyrii
relicti suut et Sidonii, qui etiam credere
poterant. si multa Cln-isti signa vidis-
sent ; sod qiioniam ut crederent non eis
erat datuni. otiam unde crederent est
negatum : ex quo apparet liabcre quos-
dam in ipso iugenio divinumnaturaliter
munus intelligeutiiï cpio uioveautur ad
fidcni. si congrua suis mentibus, vel an-
diant verba, vel signa conspiciant ; et
tanien si Dei altiore judicio. a perditionis
massa non sunt gratiae prœdestinatione
discreli, nec ipsa eis adhibentur vel
dicta divina, vel facta, per quae possenf
credere. si andirent utique talia vel vi-
dèrent. In eadem perditionis massa re-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XI. 149
tion que furent laissés les Juifs eux-mêmes qui ne purent croire aux
miracles si éclatants qui furent opérés sous leurs yeux, et l'Evangile
ne nous a pas caché la raison pour laquelle ils n'ont pu croire :
« Bien que le Sauveur eût opéré sous leurs yeux d'aussi grands mi-
racles , ils no pouvaient pas croire , selon ce qu'Isaïe a dit : « Il a
aveuglé leurs yeux (1), et il a endurci leurs cœurs. » {Jean, xii.) Les
yeux des Tyriens et des Sidoniens n'étaient donc pas aveuglés de ma-
nière à ne pouvoir croire, s'ils avaient vu de semblables miracles; mais
comme ils n'étaient pas prédestinés , il ne leur servit de rien d'avoir
pu croire, de même que ce n'eût pas été pour eux un obstacle de ne
pouvoir croire si Dieu les eût prédestinés à recevoir la lumière de la
foi malgré leur aveuglement , et s'il avait voulu leur ôter leur cœur
de pierre, cause de leur endurcissement.
S. AuG. {de V accord des Evang., liv. ii , chap. 32.) Saint Luc rap-
porte ces mêmes paroles, en les donnant comme la suite d'un discours
du Seigneur. Cet Evangéliste paraît avoir suivi dans sa narration
l'ordre dans lequel ces paroles ont été dites, tandis que saint Matthieu
ne suit d'autre ordre que celui de ses souvenirs. Ou bien, la manière
dont saint Matthieu s'exprime : « Alors il commença à faire des re-
proches, » etc., devrait être entendue en ce sens que le mot « alors »
indiquerait le moment précis du temps où ces paroles ont été pro-
noncées, et non l'espace de temps plus long dans lequel on pourrait
placer un grand nombre d'autres actions , ou d'autres discours du
Sauveur. En admettant cette opinion, il faut admettre que ces paroles
(1) Isaïe (chap. vi, v. 9) s'exprime ainsi : a Aveuglez le cœur de ce peuple, appesantissez ses
oreilles. » Les Septante ont traduit : « Le cœur de ce peuple s'est appesanti et ses oreilles ont
entendu difflcilement, et ils ont fermé les yeux pour ne point voir, n C'est cette traduction qui
est citée dans les Actes des Apôtres, xxviii, 26.
licti sunt etiam JudcEi qui non potue-
runt credere factis iu conspectu suo tam
maguis clarisque virtutibus : car enim
non poterant credere, non taeuit Evan-
gelium dicens [Joan. 12) : « Cum antem
taaLa signa fecisset coram eis, non pote-
rant credere, quiadixit Isaias » (cap. 6) :
« Excaecavit oculos illorum, et indura-
vit cor eorum. » Non erant ergo sic ex-
caecati oculi, nec sic induratnm cor
Tj'riorum et Sidoniorum, quin credidis-
sent, si qualia viderunt isti signa vidis-
sent : sed nec illis profuit quod poterant
credere quia praedestinati non erant;
nec istis obfiiisset quod non poterant
credere, si ita prapdestinati essent, ut
eos cificos Dominus iliuminaret, et in
duratis cor lapideum vellet auferre.
AuG. {deCons. Evang. lib.ii, cap. .32.)
Hoc autem quod hic dicitur, etiam Lu-
cas commémorât (cap. 10), continuatim
cuidam sermoni Domini etiam lioc ex
ipsius ore conjuugens : unde magis vi-
detur ipse hoc ordine illa commemorare,
quœ a Domino dicta sunt ; Matthaeus au-
tem suœ recordationis ordinèm tenuisse :
aut illud quod Matthseus ait : « Tune cœ-
pit exprobrare civitatibus, » sicaccipien-
dum putant, ut punctum ipsum tempo-
ris vokiisse credatur exprimere in hoc
quod est, tune; non autem ipsum tem-
pus ahquanto latins quo hic multa gere-
bantur et dicebantur. Quisquis hoc cré-
dit, credat hoc esse bis dictum.Cum enim
150
EXPLICATION DE L'ÉVANGILE
ont été dites deux fois ; car, puisque dans un seul et même Evangile
on trouve répétées comme dites dans deux circonstances différentes
les mêmes paroles du Seigneur, par exemple, la recommandation
qu'il fait de ne pas porter de sac en voyage {Luc , ix et x), qu'y a-t-il
d'étonnant que des paroles dites deux fois par le Sauveur soient rap-
portées par deux Evangélistes dans l'ordre où elles ont été prononcées?
Et la raison pour laquelle cet ordre est différent , c'est justement
parce que chacun d'eux rattache ces paroles au temps où elles ont été
dites.
y. 25, 26. — Alors Jésus dit ces paroles : Je vous rends gloire, 'mon Père,
Seigneur du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages
et aux prudents , et que vous les avez révélées aux petits. Oui, mon Père,
parce qu'il vous a plu ainsi.
La Glose (1). Le Seigneur savait qu'un grand nombre douteraient
de la vérité qu'il venait de leur révéler, c'est-à-dire que les Juifs ont
rejeté le Christ, tandis que les Gentils l'ont reçu avec empressement;
il répond donc à ces doutes intérieurs : « Et Jésus, répondant, dit ces
paroles : Je vous rends gloire , mon Père, » etc. C'est-à-dire vous qui
faites les cieux , et qui laissez dans l'attachement aux choses de la
terre ceux que vous voulez. Ou bien dans le sens littéral : — S. AuG.
(serm. 9 sur les paroles du Seig.) Puisque Jésus-Christ dit : « Je vous
confesse, » lui si éloigné de tout péché, la confession n'est donc pas
toujours l'aveu des péchés , mais quelquefois aussi l'expression de la
louange. Nous confessons donc soit en louant Dieu , soit en nous ac-
cusant nous-mêmes ; et ces mots : Je vous confesse, signifient non pas :
je m'accuse, mais : je vous loue, je vous rends gloire.
(1) La deuxième partie seule de cette citation vient de la Glose ; la première partie se trouve
dans saint Anselme, presque dans les mêmes termes.
et apud iinum Evangelistam inveuiantur
quaedam quae bis dixerat Dominus (sicut
apud Lucam de nontollendapera in via)
[Luc. 9 et 10), quid miruin, si aliquid
aliud bis diclum, sigillatim a singulis
dicitur eodem ordine quo dictuin est? Et
ideo diversus ordo apparet in singulis,
quia et tune quando ille, et tuncquando
iste commémorât, dictum est.
Jn illo tempore, respondens Jésus, dixit : Con-
fileof tibi, Pater, Domine cocli et terrœ, quia
abscondisti hœc a sapifntibus et prudentibus,
et revetasti ea paruulis : ita, Pater, quoniam
sic fuit placitum ante te.
Glossa. Quia sciebat Dominus multos
de superiori quaestione dubitaturos (sci-
licet quod Judaei Christum non recepe-
runt, quem gentilitas tam proua susce-
pit), respondet hic cogitationibus eorum :
et ideo dicit : « Respondens Jésus dixit :
Coufiteor tibi, Pater, » etc. Id est qui
lacis cœlos, et reliuquis in terrenitate
quos vis. Vel ad litterani. AuG. [de Ver.
Dont. serm. 9.) Si Christus dixit : Con-
/iteor, a quo longe est omne peccatum,
confessio non est solius peceatoris, sed
aliijuando otiam laudatoris. Coufileuiur
ergo sive laudautes Deum, sive accu-
santes nosmetipsos : dixit ergo : Con-
fiteor tibi, id est, laudo te, non accuso
me.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XI. 151
S. Jér. Que ceux qui osent calomnier le Sauveur en niant sa nais-
sance éternelle et en soutenant qu'il a (dé créé dans le temps _, en-
tendent et méditent ces paroles. Ils appuient leur opinion sur ce qu'il
appelle ici son Père le Seigneur du ciel et de la terre. Mais s'il n'est
qu'une simple créature, et qu'une créature puisse donner le nom de
Père à son Créateur, il a fait une chose déraisonnable en ne l'appelant
pas sou Maitre ou son Père comme il l'appelle le Maitre et le Père du
ciel et de la terre. Or il rend grâces à Dieu de ce qu'il révèle le mystère
de son avènement aux Apôtres , mystère qu'il a laissé ignorer aux
scribes et aux pharisiens qui étaient sages et prudents à leurs propres
yeux. C'est le sens de ces paroles : « Di ce que vous avez caché aux
sages, » etc. — S. Aug. {serm. 9 sur les paroles du Seig.) Sous le
nom de ces sages et de ces prudents on peut entendre les orgueilleux,
comme Notre-Seigneur l'explique lui-même, en ajoutant: « Et que
vous les avez révélés aux petits. » En eflfet, que veut dire « aux petits, »
si ce n'est aux humbles? — S. Grég. {Moral, xxvir, 7.) Il n'ajoute pas :
Vous les avez révélés aux insensés, mais aux petits, pour nous mon-
trer qu'il ne condamne pas la pénétration , mais seulement l'enflure
de l'esprit. S. Chrys. {hom. 39.) Ou bien encore , en nommant ici des
sages, il n'a point voulu parler de la véritable sagesse , mais de celle
que les scribes et les pharisiens ne tenaient que de leur éloquence ;
c'est pour cela qu'il ne dit pas : « Vous les avez révélés aux insensés, »
mais : « aux petits , » c'est-à-dire aux gens sans instruction et sans
éducation. C'est ainsi qu'il nous ap[)rend à fuir en tout l'orgueil, et à
rechercher la pratique de l'humilité. — S. Hil. {can. 11.) Les secrets
et la vertu des paroles célestes demeurent cachés pour les sages,
c'est-à-dire pour ceux qui sont pleins d'une folle présomption, et dont
la sagesse n'est pas le fruit de la prudence ; et ces mêmes secrets sont
Hier. Audiant ergo qui Salvatorem
non natum, sed creatum calumniantur ;
quod Patrem sinon vocet cœli et terr*
dominum : si enim et ipse creatura est,
et creatura Conditorem suuui putrem
appellare potest, stultura fuit uou et sui,
et cœli ac terrée dominum vel patrem si-
militer appellare. Gratias autem agit,
quod apostolis adventus sui aperuerit
sacramenta, quae ignoraveruut scribae et
pharisaei, qui sibi sapieutes videntur, et
in conspectu suo prudentes. Et ideo se-
quitur : « Quia abscoudisti sapientibus, »
etc. AuG. (de Verb. Z;o?h. serm. 8.) No-
mine sapientum et prudentum superbos
intelligi posse, ipse exposuit, cum ait :
« Revelasti ea parvalis. » Quid enim est
« parvulis, nisi humilibus ? » Greg. (xxvii
Moral, cap. 7.) Quod enim non subjun-
xit : « Revelasti ea stultis, sed, parv^ulis,»
tumorem se damnasse innuit, non acu-
men. Chrys. (in hom. 39, in Mutth.)
Vel dicens, sapientes, non veramsapien-
tiam dicit, sed eam quam videbantur
scribae et pharissei ab eloquentia habere.
Propter hoc neque dixit : « Revelasti ea
stultis, sed, parvulis » (id est, informi-
bus aut rusticis), in quo erudit nos per
omnia ab elatione erui, bumilitatem au-
tem zelare. Hilar. (Can. 11 m Matth.)
Cœlestium ergo verborum arcana atque
virtutes sapientibus absconduQtur, et
parvulis revelantur; parvulis mabtia,
non sensu ; sapientibus vero stultitiae
152 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
révélés aux petits, c'est-à-dire à ceux qui sont petits en malice, et non
en intelligence. — S. Chrys. {hom. 30.) Que ces mystères aient été ré-
vélés aux uns, c'est un légitime sujet de joie, mais qu'ils restent ca-
chés pour les autres, c'est un trop juste sujet de larmes. Aussi la joie du
Sauveur vient- elle exclusivement de ce que les petits ont connu ce
que les sages ont ignoré.
S. HiL. {can. 11.) Il confirme l'équité de cette conduite par le ju-
gement de la volonté de son Père ; suivant ce jugement, ceux qui re-
fusent d'être petits devant Dieu deviennent insensés dans leur propre
sagesse; c'est pour cela qu'il ajoute : « Oui, je vous bénis, ô mon
Père, parce qu'il vous a plu ainsi, m — S. Grég. {Moral., liv. xxv,
chap. 43.) Ces paroles renferment pour nous une leçon d'humilité, et
nous apprennent à ne pas discuter témérairement les jugements de
Dieu sur la vocation des uns , et sur la réprobation des autres , en
nous montrant qu'il ne peut y avoir d'injustice dans ce qui a plu à
celui qui est souverainement juste. — S. Jér. Notre- Seigneur tient
encore ce langage affectueux à son Père, pour l'engagera consommer
l'œuvre qu'il a commencée dans ses Apôtres. — S. Chrys. {hom. 39.)
Ces paroles de Jésus- Christ à ses Apôtres leur inspirèrent une plus
grande vigilance ; le pouvoir qu'ils avaient reçu de chasser les dé-
mons était de nature à leur donner une haute idée d'eux-mêmes , il
réprime donc cette idée en leur apprenant que les faveurs qui leur
ont été accordées ne sont pas le fruit de leurs efforts, mais l'effet d'une
révélation divine. Aussi les scribes et les pharisiens , infatués de leui-
sagesse et de leur prudence, sont-ils tombés victimes de leur orgueil.
Si donc ils ont mérité pour cela que les mystères de Dieu demeurent
cachés pour eux, craignez vous aussi, et appliquez- vous à rester pe-
tits, car c'est ce qui vous a donné droit à la révélation de ces mystère?.
suoe prœsumptione, non prudenticB cau-
sis. Chrys. [hom. 39.) Revelatum autem
esse his, dignumest Isetitia ; occultari au-
tem his non laetitia, sed lacrymis dignum
est. Non ergo propter lioc lœtatiir, sed
quoniam quœ sapientes non cognove-
runt, cognoverunt lii.
FliLAU. {nt svp.) Facii autem luijus
yi|uitatem, Dominus paternge voluntatis
repulsione , praesumamus ; ostendens
quod injustum esse non potest quod pla-
cuil justo. IliKii. In his etiani verbis
blaudientis atTectu loquitur ad Patreni,
ut L'(e|)tum in apostolisoompleaturbene-
fîcium. Chrys. [in hom. '39utsiip.) Hœo
autem quœ Dominus discipulis dixit, stu-
diosiores eos fecerunt : quia enim con-
sequens erat eos de se magna sapere qui
judioio confirmât, ut qui dedignantur i da-mones abigebant, ideo bine eos re-
parvuli in Deo fieri, slulti deinceps in 1 primit : revelatio enim erat quod eis fac-
sapienlia sua fiant : et ideo subibiitur : tum est, non illorum sludium: ideoque
« lia, Pater, quoniam sic placitum fuit scriba», sapientes et jtrudenles a^sliman-
aiite te. » Greg. (xxv Moral, cap. 13.) tes se esse, exciderunt propter proprium
Quibus verbis exenqila humilitatis acci- tumorem. Unde si propter lioc ab eis abs-
pimus, ne temere discutere supornacon- i condila sunt Dei mysteria. « Timete (di-
silia de aliorum vocatione, alioruui vcro , cit) et vos et manete parvuii : hoc enim
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XI. 153
Ces paroles : « Vous avez caché ces choses aux sages , » doivent être
entendues dans le sens de ces autres de saint Paul : « Dieu les a livrés
au sens réprouvé. » L'intention de l'Apôtre n'est pas d'attribuer à
Dieu immédiatement cet effet, mais à ceux qui en ont posé la cause.
C'est dans le même sens qu'il faut entendre ces paroles du Sauveur :
« Vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents. » Et pour-
quoi ces vérités sont-elles demeurées cachées pour eux ? Ecoutez saint
Paul qui vous répond : « Parce que, s'efforçant d'établir leur propre
justice, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu. »
y. 27. — Mon Père m'a mis toutes choses entre les mains , et nul ne connaît le
Fils que le Père, comme nul ne connaît le Père que le Fils, et celui à qui le
Fils aura voulu le révéler.
S. Ghrys. (hom. 39.) Ce que le Sauveur vient de dire : « Je vous
rends gloire , mon Père , de ce que vous avez caché ces choses aux
sages, » pouvait laisser penser qu'il rendait grâces à son Père, comme
s'il était lui-même privé de cette puissance ; il ajoute donc pour pré-
venir cette idée : « Mon Père m'a mis toutes choses entre les mains.»
Que ces paroles : « Toutes choses m'ont été données par mon Père, »
ne vous fassent soupçonner rien de naturel et d'humain ; Notre-Sei-
gneur ne s'en est servi que pour détruire la pensée qu'il existe d^ux
dieux non engendrés ; car c'est en même temps qu'il a été engendré
qu'il est devenu le Maître de toutes choses. — S. Jér. Si nous en-
tendions ces paroles d'après nos faibles idées, il faudrait admettre
que celui qui donne cesse d'avoir au moment où celui qui reçoit
commence à posséder. Ou bien par les choses qui lui sont remises
entre les mains, il faut entendre non pas le ciel, la terre, les éléments,
et toutes les autres choses qu'il a faites et créées, mais ceux qui par
fecit vos revelatione potiri. » Sicut aii-
lem cum Paulus dicit {Rom. 5) : « Tra-
didit illos Deus iii reprobum sensum , »
non hoc dicit iuduceiis Denm lioc ageu-
tem, sed illos qui causamtribuerunt ; ita
et hic : « Abscoiidisti lisec a sapientibus
et prudeutibus. » El propter quid abs-
condita sunt ab illis ? Audi Paulum di-
centem {Rom. 10) : « Quoniam quaereu-
tes propriam justitiam statuera, justitiœ
Dei non sunt subjecti. »
Omnia mihi tradlta sunt a Pâtre meo : et nemo
novit Filium nisi Pater, neque Patrem qiiis
novit nisi Filins, et nui voluerit Filins rei>e-
lare.
Chrys. {in homil. 39.) Quia dixerat :
« Confiteor tibi, Pater, quoniam abscon-
disti hsec a sapientibus, » ut non aestimes
quoniam ita gratias agit Patri, sicut si
ipse sit liac virtute privatus, consequen-
ter adjuugit : « Omnia mihi tradlta sunt
a Pâtre meo. » Cum autem audieris quo-
niam tradita sunt, nihil humanum suspi-
ceris : ut enim non duos deos ingertitos
esse existimes, banc ponit dictionem ;
simul enim cum genitus est, omnium do-
minafor fuit. Hier. Alioquin si juxta
nostram fragiUtatem sentire volumus ,
cum cœperit habere qui accepit, incipiel
non habere qui dédit. Vel tradita slbi
omnia, non cœlum, et terra, et elementa
intelligenda sunt, et caetera quse ipse fe-
cit et condidit, sed hi qui per Filium ac-
154
EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
le Fils ont accès auprès du Père. — S. Hil. {can. 11.) Ou bien encore,
il s'exprime de la sorte, pour prévenir toute pensée »]u'il soit en rien
inférieur à son Père. — S. Aug. {cont. Maximin.) S'il était en quelque
chose moins puissant que son Père , il n'aurait pas à lui tout ce qu'à
son Père; mais le Père, en engendrant son Fils , lui a donné la puis-
sance, comme aussi par le même acte il a donné tout ce qui fait partie
de sa substance à celui qu'il a engendré de sa propre substance.
S. Hil. {can. \\.) Ensuite, dans cette mutuelle connaissance du
Père et du Fils , il nous donne à comprendre qu'il n'y a pas autre
chose dans le Fils que dans le Père qui soit resté inconnu. « Et per-
sonne ne connaît le Fils si ce n'est le Père , comme nul ne connaît le
Père si ce n'est le Fils. » — S. Chrys. {Jiom. 39.) En disant que seul
il connaît le Père , il nous démontre indirectement qu'il lui est con-
substantiel, comme s'il disait : « Qu'y a-t-il d^étonnant que je sois le
.Maître de toutes choses, alors que j'ai en moi quelque chose de plus
grand encore, c'est-à-dire que je connais mon Père, et que j'ai avec
lui une seule et même substance? — S. Hil. 11 nous enseigne que
l'identité de nature , dans l'un et dans l'autre , est renfermée dans
cette mutuelle connaissance de l'un et de l'autre, de manière que celui
qui connaît le Fils connaîtra le Père dans le Fils ; car toutes choses
lui ont été données par le Père. — S. Chrys. {sw S. Matth.) Ces pa-
roles : « Personne ne connaît le Père si ce n'fst le Fils, » signifient
non pas que tous ignorent le Père absolument, mais que personne ne
le connaît de la même manière qu'il le connaît lui-même , ce que l'on
doit dire du Fils également ; car il n'est pas question ici d'un Dieu in-
connu, comme le prétend Marcion.
S. AuG. {de la Trinité., liv. i, chap. 8.) Enfin, comme la nature di-
cessum habent ad Patrem. Hilar. (Can.
ii ut sup.) Vel lioc dicit, ne quid in illo
minus quam quod iu Deo est, aeslimare-
tur. AcG. {Contra Maximinum.) Nam si
minus liabet in poteslate aliquid quam
Pater, non sunt ejus oninia quae liabet
Pater : gignendo enim dédit Pater po-
lenliam Filio, sicut onmia quai liabet in
substantia siîa, gignendo dédit ei quem
genuit de substantia sua.
Hilar. {Can. 1 1 xit sup.) Deiude in mu-
tua cognitione Patris et FUii, dat intel-
ligere non aliud in Filio, quam quod in
l^atre ignorabile sit extitisse. Sequitur
enim : « Et nemo uovit Filium'uisi Pater;
neque Patrem quis novit, nisi Filius. »
CuRYs. {in homil. vt sup.) Ex eo enim
quud Soins Patrem uovit, latenter osten-
dit ejusdem se esse substantia:' : ac si di-
ceret : « Quid mirum est si omnium suni
dominator, cum aliqiiid aliud majus
habeam ? scilicet scire Patrem, et ejus-
dem esse substantiae. » Hilar. Eamdeni
enim utriusque in mutua cognitione do-
cet esse substantiam ; cum qui Filium
cognosceret, patrem quoque cognituni<
esset iu Filio ; quia omnia ei a Pain-
sunt tradita. Chrys. {in opère imperf.
/loin. 28.) Cum autem dicit : « Neque
Patrem aliquis cognoscit, nisi Filius; »
non boc ait quoniam eum omnes omnino
ignorent, sed quoniam cognitione (jua
ipse eum novit, nuUus eum sit : quod et
de Filio dicendum est : neque etiaui de
iguoto quodam Deo boc dixit, sicut Mar-
cion ait.
AuG. {primo de Trin. cap. 8.) Deniquf
propter substauti;e inseparabilitatem sut-
DE iSAlNT MATTHIEU, CHAP. XI. 155
vine est inséparable, il suffît quelquefois de nommer le Père seul, ou
le Fils seul, sans qu'on sépare pour cela l'Esprit de l'un et de l'autre,
Esprit qu'on appelle proprement Esprit de vérité (1). — S. Jék. Que
l'hérétique Eunomius rougisse donc de son orgueilleuse prétention,
qu'il a lui-même du Père et du Fils une connaissance aussi étendue
que le Père et le Fils l'ont eux-mêmes l'un de l'autre ; qu'il cherche à
soutenir et à consoler sa folle prétention , en s'appuyant sur les pa-
roles suivantes ; « Et celui à qui le Fils aura voulu le révéler, » tou-
jours est-il ^Tai qu'autre chose est de connaître par égalité de nature,
autre chose de ne connaître que par la grâce d'une révélation. —
S. AcG. [de la Trinité^ liv. vu, chap. 3.) Or, le Père se révèle par son
Fils, c'est-à-dire par son Verbe ; car si ce verbe que nous proférons,
tout passager et transitoire qu'il est, se révèle lui-même et révèle notre
propre pensée, à combien plus forte raison le Verbe de Dieu par qui
toutes choses ont été faites ! Il fait donc connaître le Père tel qu'il est,
parce qu'il est lui-même ce qu'est le Père. — S. Aug. {Quest. évang.,
liv. II, chap. 1.) Eu prononçant ces paroles : « Personne ne connaît le
Fils, si ce n'est le Père, » il n'a pas dit : Et celui à qui le Père aura
voulu le révéler; mais après avoir dit : « Personne ne connaît le
Père, si ce n'est le Fils, » il ajoute : a Et celui à qui le Fils aura voulu
le révéler ; » paroles qu'il ne faut pas entendre dans le sens que le
Fils ne puisse être connu autrement que par le Père. Quant au Père,
il peut être connu non-seulement par le Fils, mais encore par ceux à
qui le Fils l'aura révélé. S'il a choisi de préférence cette manière de
s'exprimer, c'est pour nous faire comjjrendre que le Père et le Fils
nous sont connus par la révélation du Fils, parce qu'il est lui-même
la lumière de notre intelligence. Les paroles suivantes : Et celui à qui
(1) C'est ainsi que Jésus-Ciirist rappelle lui-même. (Jean, xiv, 17; xv, 26; xvi, 13.)
ficienter aliquando nominatur vel solus
Pater, vel solus Filius ; nec inde separa-
tur utriusque spiritus, qui proprie dicitur
spiritus leritatis. Hier. Erubescat ergo
Eunomius hœreticus tantamsibi notitiam
Patris et Filii, quantaui ad alterutrum
inter se habent, vendicans : quod si inde
contendit, et suam consolatur insaniam,
quia sequitur : « Et oui voluerit Filius
revelare; aliud est naturae aequalitate
noîse quod noveris, aliud revelantis di-
gnatione. Aug. (vu de Trinit. cap. 3.)
Revelatur autem Pater per Filium, id est,
per Verbum suum : si enira hoc verbum
quod nos proferimus temporale et tran-
sitorium, et seipsum ostendit, et illud de
<îtoo loquimur, quacto magis Verbum
Dei , per quod facta sunt omnia ?
Quod ita ostendit Patrem, sicuti est Pater,
quia et ipsum ita est et hoc est quod
Pater. Aug. {de quœst. Evang. lib. ii^
cap. 1.) Cum autem diceret : « Nemo
uovit Filium nisi Pater,» non dixit : «Et
eui voluerit Pater revelare : » sed cum
diceret : « Nemo novit Patrem nisi Fi-
lius, » addidit : « Et cui voluerit Filius
revelare : » quod non ita intelligendum
est, quasi Filius a nuUo possit cognosci
nisi a Pâtre solo. Pater autem, non so-
lum a Filio, sed etiam ab eis quibus re-
velaverit Fihus : sic enim potius dictum
est, ut intelligamus Patrem et ipsum Fi-
lium per Filium revelari, quia ipse est
mentis nostrœ lumen ; et quod postea
456
EXPLICATION DE L'ÉVANGILE
le Fils aura voulu le révéler , doivent s'entendre non-seulement du
Père, mais encore du Fils ; car elles se rapportent à tout ce qui pré-
cède. C'est par son Verbe , en effet , que le Père se fait connaître ;
mais le Verbe ne révèle pas seulement ce qu'il est chargé de faire
connaître, il se révèle encore lui-même. — S. CnuYs. {hom. 39.'» Si
donc il fait connaître le Père , il se fait connaître en même temps
lui-même, mais il passe sous silence comme assez claire cette der-
nière vérité, et il s'attache à la première sur laquelle il pouvait y avoir
des doutes. Il nous enseigne eu même temps qu'il est tellement d'ac-
cord avec son Père, qu'il n'est pas possible d'arriver au Père si ce
n'est par le Fils ; car ce qui scandalisait surtout les Juifs , c'est qu'il
leur paraissait en opposition avec Dieu, et il s'applique de toute ma-
nière à détruire cette erreur.
y. 28-30. — Vene:^ à moi vous tous fjui êtes fatigués et qui êtes chargés , et je
vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous, et apprenez de moi que je suis
doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes ;] car mon
joug est doux et mon fardeau est léger.
S. Chrys. [ho7n. 39.) Le discours qui précède, et qui est plein de j
l'ineffable puissance du Sauveur, avait excité dans le cœur de ses dis-
ciples un vif désir de s'unir à lui ; il les appelle maintenant lui-même
en leur disant : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui êtes
chargés. » — S. AuG. [serm. 10 sur les paroles du Seig.) Pourquoi
tous, tant que nous sommes , nous fatiguons-nous ? C'est parce que
nous sommes des hommes mortels, portant des vases de boue (1),
cause pour nous de mille anxiétés. Mais si ces vases de chair nous
(1) Allusion à ces paroles de l'Apôtre : Nous portons ce trésor dans des vases fragiles, c'est-à-
dire dans des corps pétris de limon. (II Cor., iv, 7.)
intulit : «Etcui voluerit Fiiiiis revelare, »
non tantum Patrem, sed etiani Filium
accipiaiuus : ad tolum eniin quod dixit,
illatum est; Verbo enitu suo ipse Pater
declaralur. Verbum autein uoii solnm
id quod per ^'erlJum declarafur, sed
etiam seipsum déclarât. Chrys. {inhomil.
.'j9 ut snp.) Si ergo Patrcni révélât, et
seipsum révélât : sed hoc quidem ut ma
nitestum dimisit, illud autem posuil;
•juia scilicet poferat esse dubium : per
lioc etiam instruit, quod adeo concordat
Patri, quod non est possibile aliqueui
venire ad Patrem, nisi per Filium; hoc
enim maxime scandaUzabat, quod vide-
batur Deo contrarius : et ideo per omnia
hoc destruere studuit.
Venite ad me omnes qui laboratis et onern:
estis , et ego reficiam vos. Tollite jugin
meum super vos ; discite a me guia mitis si/"
et humilis corde ; et invenietis requiem animi-
bus vesiris : jugum enim meum suave est, ■'
omis meum levé.
Chrys. {in homil. 39 ut sup.) Per i ■
quœ dicta sunt m desiderium sui disci-
pulos constituerai, ostendeus ineCfabileiu
suam virtutem : nunc autem eos ad ^l■
vocat diceus : « Venite ad me omue-
qui lal)orati6 et ouerati estis. » Afo. {de
Vcrb. Domin. serm. 10.) Quare euiin
I mines laboramus, nisi quia sumus bo-
mines mortales, lutea vasa portantes,
qu.-p l'acnvuit invicem angnstias ? Sed si
angustienturvasacarnis, dilatenturspatia
DE SAINT MATTHIEU. CHAP. XI.
157
tiennent à l'étroit, dilatons du moins en nous les espaces de la cha-
rit»''. Car pourquoi vous dit-il : « Venez à moi , vous tous qui êtes fa-
tigués, » si ce n'est pour que vous cessiez de l'être. — S. Hil. {can. 11.)
Il appelle aussi à lui ceux qui soufifraient des difficultés de la loi, et
•jui étaient accablés sous les lourds fardeaux du péché. — S. Jér. Que
le péché soit un fardeau accablant, le prophète Zacharie l'atteste
lorsqu'il nous représente l'iniquité assise sur une masse de plomb
(chap, v); et le Psalmiste le confirme par son exemple {Ps. xxvii),
quand il dit : « Mes iniquités se sont appesanties sur moi. »
S. Grég. {Moral, xxx, 12.) C'est un joug bien rude , c'est un bien
dur esclavage que de se soumettre volontairement aux choses du
temps, de rechercher avec empressement les biens de la terre, de
s'efi'orcer de retenir ce qui nous échappe , de vouloir se fixer sur un
terrain sans consistance, de désirer les choses passagères, et de nepas
vouloir passer avec elles. Car, tandis qu'elles fuient toutes contre
notre volonté, nous sommes profondément affectés et accablés de leur
perte, après avoir été tourmentés du désir de les posséder.
S. Chrys. {hom. 39.) Une dit pas : Que celui-ci ou celui-là vienne à
moi, mais : Venez, vous tous qui vivez dans l'anxiété, dans la tristesse,
dans le péché; venez , non pour recevoir le châtiment de vos péchés,
mais pour en être délivrés ; venez, non pas que j'aie besoin de la gloire
que vous pouvez me procurer', mais parce que je veux votre salut;
c'est pour cela qu'il ajoute ; « Et je vous rétablirai. » Il ne dit pas
simplement : Je vous sauverai, mais ce qui est beaucoup plus je
vous rétablirai, c'est-à-dire je vous ferai jouir d'un repos complet. —
Rab. Non-seulement je vous déchargerai, mais je vous rassasierai de
mes consolations intérieures. — Rémi. « Venez, » nous dit-il, non en
charitatis : ad quid ergo dicit: « Venitead
me, omiies qui laboratis, » nisi ut nou
laboretis, Hil,\r. (C'en. 11 utsup.) Legis
etiam difficultatibus laborantes, et pec-
catis seculi oneratos, ad sevocat. Hier.
Gravia enim esse ouera peccati et Zaclia-
rias propheta testatur (cap. 5) iniqui-
tatem dicens sedere super taleutnm
pkinibi : et Psalmista compte vit {Psol.
37) : « Iniquitates mese aggravatee sunt
super me. »
Greo. (xxx Moral, cap. 12.) Asperum
etiam jugum et durum servitutis pondus
est subesse temporalibus, ambire ter-
rena, retinere labeatia, vel stare in non
stantibus ; appetere quidem trauseim-
tia, sed eu m transeuntibus uolle trans-
ira. Dum enim contra votum cuucta fu-
giunt, quae prius mentem ex desiderio
adeptionis afflixerant, post ex pavore
amissionis premunt.
Chrys. (m hoinil. 39 utsup.) Non au •
tem dicit : « Venite ille et ille^ sed, om-
iies ; » qui in sollicitudinibus, qui in tris-
titiis, qui in peccatis estis ; non ut ex-
petam, noxas sed ut solvam peccata : ce-
nite, non quoniam indigeo vestra glo-
ria, sed quia volo vestram salutem : unde
dicit : « Et ego reficiam vos : » nou dixit :
Salvabo solum, sed (quod multoamplius
crat), reficiam vos, id est, in omni
quiète constituam. JLkb. Non solum exone-
rabo, sed interna refectione saturabo.
Remig. Venite dicit^ non pedibus, sed
458
EXPLICATION DE L EVANGILE
dirigeant vos pas vers moi, mais toute votre vie_, par le mouvement de
la foi et non par celui du corps; car l'accès que Dieu nous donne près
(le lui est tout spirituel. Il ajoute : « Prenez mon joug sur vous. » —
Hab. Le joug du Christ, c'est son Evangile qui unit et associe les Juife
et les Gentils. 11 nous ordonne de prendre ce joug sur nous, c'est-à-
dire de le traiter avec honneur, de peur qu'en le mettant au-dessous
de nous, c'est-à-dire en n'ayant que du mépris pour lui , nous ne ve-
nions à le fouler sous les pieds fangeux des vices ; c'est pour cela qu'il
ajoute : « Apprenez de moi. » S. Aug. {serm. 10 sur les paroles du
Seig.) Apprenez de moi , non pas à créer l'univers, à faire des mi-
racles dans ce inonde, mais apprenez que je suis doux et humble de
cœur. Voulez-vous devenir grand? commencez par les plus petites
choses. Vous proposez-vous de construire un édifice d'une hauteur
prodigieuse ? occupez-vous tout d'abord d'asseoir les fondements à
une grande profondeur ; plus l'édifice doit être élevé, plus les fon-
fements que l'on creuse doivent être profonds. Or, jusqu'où doit s^é-
lever le sommet de l'édifice que nous voulons construire ? Jusque sous
les regards de Dieu.
Rab. Il nous faut donc apprendre de notre Sauveur à avoir des
mœurs douces et des sentiments humbles, à ne blesser personne, à ne
mépriser personne et à posséder dans le fond de notre cœur les vertus
dont nous pratiquons les œuvres au dehors. — S. Chrys. [hom. 39.) C'est
pour cela que Notre- Seigneur a commencé l'exposition de ses lois di-
vines (1*) par l'humilité, et qu'il lui promet une magnifique récompense
(1*) Le texte de saint Chrysostome éclaircit ce que l'extrait qu'en donne ici saint Thomas laissr
dans l'obscurité. En effet Notre-Seigneur ne commence pas ici à donner ses lois divines ; il l'a
lait précédeniment : aussi saint Chrysostome dit-il : Aie xal àp/6(J.£voç Ttov Ôct'cov èxîivcov
vôfJLWv ivTCùOev YJp^aTO. Kaî èvTaûÔa TvdÀiv tô aùxô toOto Ttotsî. C'est pourquoi Notre-Sei-
gneur a commencé par là l'exposition de ses divines lois ; c'est ce qu'il fait encore ici.
moribus ; non corporc, sed fide : iste
iiamque est spiritnalis accessus, qiio quis
Deo appropiuqnat : et ideo sequitiir :
« ToUite juguui iiieuni super vos. » Rab.
Jugum Cbristi est Evaugelimu Cliristi..
quodJiidœoset geutes iu unilate conjuu-
git et sociat. Ilocaulem super nos jube-
mur sumere (id est, iu bouore babere),
ne forte subtus ponentes (id est, iUud
prave coutemuenles), lutnlentis pedibus
vitiorum couculceuuis : uude subditur :
« Discite a me. »Ai'G. [de Ver. JJoin.
serm. 10.) non nuuidum fabricare, non
in ipso muuiio uiiracula facere, sed quia
mitis sum et bumilis corde. ."Slaguuscsse
vis ? A minime iucipe. Cogitas maguam
fabricara construere celsitudinis ? De
fundamento prius cogita bumilitatis : o\
quanto quisque vultsuperimponere maju-
;edilicium, tauto altius fodiat fuudamen-
lum. Quo autem perveuturum est cacu-
men nostri œditicii ? Usque ad conspec-
tum Dei.
Rab. Disceudum ergo nobis est a Sal-
vatore uostro, ut simus mites moribu?
et bumiles mèntibus ; neminem laeda-
mus, neminem coutemnamus ; et virtute-
quas foris osleudimus in opère, intus
teneamus iu corde. Chrys. (in homil.
30 lit sup.) Et ideo iuoipiens, diviuas
leges ab bumilitate iucipit, et maximum
praemium pouit, diceus : « Et invenietia
DE SAINT MATTHIEU, Cil A P. XI. 159
en ajoutant : a Et vous trouverez le repos de vos âmes. » C'est là, en
effet, la plus grande récompense ; car c'est ainsi que non-seulement
vous deviendrez utiles aux autres , mais que vous vous procurerez à
vous-mêmes le repos intérieur. Il vous donne dès maintenant cette ré-
compense, en attendant le repos éternel qu'il vous réserve dans l'a-
venir. — S. Chrys. {hom. 39.) Pour bannir tout sentiment de crainte
que pourrait inspirer l'idée seule de joug et de fardeau, il s'empresse
d'ajouter : « Mon joug est doux, et mon fardeau léger. » — S. Hil.
{canAi.) Il nous propose l'image souriante d'un joug suave et d'un
fardeau léger, pour donner à ceux qui croiront en lui comme un pres-
sentiment du bonheur que lui seul a vu dans le sein de son Père. —
S. Grég. {Moral, iv.) Quel fardeau si lourd impose-t-il donc à. nos
âmes en nous commandant de fuir tout désir qui porte le trouble dans
notre cœur, et en nous avertissant d'éviter les sentiers si difficiles de
ce monde? — S. Hil. Qu'y a-t-il, au contraire, de plus doux que ce
joug , de plus léger que ce fardeau : s'abstenir de tout crime , vouloir
le bien, repousser le mal , aimer tous les bommes, n'avoir de haine
pour personne, chercher à mériter les biens éternels, ne pas se laisser
séduire par les choses présentes, et ne jamais faire à un autre ce qu'on
ne voudrait pas souffrir soi-même ?
Rab. Mais comment le joug du Christ peut- il être plein de douceur,
alors que lui-même nous dit plus haut {Matth. vii) : « La voie qui
conduit à la vie est étroite ? » C'est que ce sentier étroit dans le com-
mencement, s'élargit avec le temps par les ineffables délices de la cha-
rité. — S. AuG. [serm. sur les paroles du Seig.) Disons encore que
ceux qui ont pris sur eux avec courage le joug du Seigneur, ont à
courir des dangers si considérables, qu'on peut dire avec vérité qu'ils
ne passent jamais du travail au repos, mais toujours du repos autra-
requiem auimabus veslris : » hoc maxi-
mum est praemium : uou enim alteri effi-
ceris utilis solum, sed teipàum requies-
oere facis; et aule futura, hauc tibi dat
retributiouem ; iu futuroantem perpétua
gaudebis requie. Chrys. {utsup.) Et ue
formidarent, quia dixeraf, onvseijagnm^
subdit : «. Jugum euim meum, » etc.
HiLAR. {Cant. Il iitsup.) Jugi autem
suavis et levis oueris blandimenta pro-
ponit, ut credentibus ejus boui s<Mentiam
praistet quod ipse solus iiovit ia Pâtre.
Greg. (iv Moral.) Quid grave meutis
nostrae cervicibuâ imponit, qui vitare
omne desiderium quod perturbât, prge-
cipit? qui declinare laboriosa mundi
hujus iûnera monet? Hilar. Et quid
jugo isto suavius, quid hoc onere levius
probatur ? scelere abstiaere , bouuui
velle, mahim nolle, amare omnes, odisse
uulluui, seterna consequi, prseseutibus
non capi, uolle inferre alteri quod sibi
perpeti sit molestum"?
Rab. Sed quomodo jugum Christi
suave, cum supra dicatur {Motth. 7.) :
« Arcta est via quae ducit ad vitam ?» Sed
quod angusto initio incipitur, processu
temporis iueffabili diieotionis dulcedine
dilatatur. Aug. [de Ver. Vom. serm. 9.)
Item qui jugum Domini intrepida cer-
vice subierunt, tam difficilia pericula pa-
tiuntur, ut non a laboribus ad quietem ,
sed a quiète ad iaborem vocari videan-
tur, sicut et Apostolus de se dicit. (Il ad
460
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
vail, ainsi que rApôtrejle dit de lui-même. (Il Cor. vi.) Cependant l'Esprit
saint était avec lui pour renouveler dejour en jour l'homme intérieur,
au milieu des ruines toujours croissantes de l'homme extérieur , et
grâce au repos spirituel qu'il fait goûter à l'âme , à l'abondance des
délices toutes divines qu'il rc-pand dans les cœurs , à l'espérance du
bonheur éternel qu'il ntms donne , il adoucissait pour lui toutes les
rigueurs, et allégeait tous les fardeaux accablants de la vie présente.
Les hommes consentent à être déchirés ou brûlés pour racheter, au
prix de douleurs aiguës , non-seulement les douleurs éternelles, mais
les souffrances prolongées de cette vie. Quelles tempêtes, quelles tour-
mentes n'ont pas aflrontées les marchands pour acquérir des richesses
grosses elles-mêmes d'orages? D'ailleurs ceux qui ne les aiment pas
ont à supporter les mêmes peines, et ceux qui les aiment , tout en les
supportant, ne s'en trouvent pas accablés. îl en est ainsi de toutes les
autres épreuves ; car l'amour rend facile et réduit presque à rien ce
qu'il y a de plus terrible et de plus aflreux. Combien plus sera-t-il donc
vrai de dire que la charité rend facile le chemin qui conduit au vrai
bonheur, lorsque la cupidité rend facile autant qu'elle le peut celui
qui n'aboutit qu'à la misère? — S. Jér. Comment peut-on dire que
l'Evangile est un joug plus léger que la loi , alors qu'il punit la co-
lère et la simple convoitise, taudis que la loi n'atteint que l'homicide
et l'adultère ? C'est que la loi renferme un grand nombre de pré-
ceptes dont l'Apôtre déclare ouvertement l'accomplissement impos-
sible. La loi exige les œuvres; l'Evangile demande surtout la volonté,
et, n'eût-elle pas son effet, elle ne perd pas sa récompense. L'Evangile
nous commande ce qui nous est possible, c'est-à-dire de ne pas
nourrir de mauvais désirs, ce qui dépend de notre volonté ; la loi, qui
n'atteint pas la volonté, punit seulement le fait pour vous détourner
Corinth. 6.) Sed profecto aderat Spiritus
Sauctus, qui in fixterioris homhiis cor-
riiptione iuleriorein renovaret de die iu
dicm ; et gustata requie spirituali, iu
al'llueutia deliciarum Dei, in spe futurie
beatiludiiiis, oninia prœsentia deliuiret
aspera, et orauia gravia relevaret. Secari
et uri se liouiines patiuntur, ut dolores
non œlerni, sed aliquanto diuturnioris
idceris, acriorum dolorum pretio redi-
inautur. Quibus tempeslatibus vel pro-
(■ellis impleti sunt mercatore:^, ut divi-
tias ventosasacqiiirant? Sed «pii bas uou
amant, cadcm gravia patiuntur ; qui vero
amant, eadeui quidem, sed non gravia
patiuntur : et sic de aliis eliani dii-i po-
test ; omuia eniin saeva et imuiauia;
prorsus faciba et prope nuba efficit
amor : quanto ergo facibus ad veram
l)eatitudinem cbaritas facit, quod aduii-
seriaiu (quantum potuit) cupidilas fecit ?
lIiKR. Quomodo etiam levius est lege
Kvangebum, cum in lege bomicidium
et adulterium, in Evangebo ira con-
cupiscentiaque puniatur ? [Matth. 5.)
In lege multa praecepta sunt, quae Apo-
stolus non posse compleri, plenissime
docet. (Act. 15.) In lege opéra requi-
runtur, iu Evangebo volunlas qua^ri-
tur ; qua; etsi eirectum non babuerit,
lamou prœmiuui non amiltit. Kvange-
lium ea pra'cipit, qu;v possumus, ne
scibcet coucupiscamus : boc iu uoslro
arbitrio est : lex cum voluntatem non
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XI. i61
de l'adultère. Supposez qu'une vierge soit outragée dans une persé-
cution, l'Evangile la recevra comme vierge , parce que sa volonté n'a
pas consenti au péché , tandis que la loi la rejettera comme ayant
perdu son honneur.
puniat, punit effectum, ne adulterium
lacias. Finge in persecutione aliquatn
virgiaem prostitutam : hsec apud Evan-
geliuin, quia voluntate non peccat, virgo
suscipitur : in lege, quasi corrupta re-
pudiatur.
TOM. 11.
i\
CHAPITRÉ XII.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
y. 1-8. — Liaison des faits racontés dans ce chapitre avec ce qui précède. —
Dans quelle intention Notre-Seigneur conduit-il ses disciples le long des tilés?
— Austérité de -vie des Apôtres, leur zèle pour suivre Jésus-Christ. — Pour-
quoi les IMiarisicns attaquent plutôt les disciples sur l'observation du sabbat
que sur les épis qu'ils prenaient. — Réponse de Notre-Seigneur ; argument
ad hominem tiré de l'exemple de David, qu'ils sont obligés d'excuser. — Pour-
quoi choisit-il cet exemple ? — Condition exigée de David et des gens de sa
suite pour manger les pains de proposition. — Comment cet exemple justi-
fie-t-il ses disciples du reproche qui leur était fait de violer le sabbat? —
Autre raison tirée de l'exemple des prêtres ; nouvel argument ad hominem.
— Comment ces exemples justifient pleinement les Apôtres. — Pourquoi
Notre-Seigneur emprunte ces deux exemples, l'un à la puissance royale,
l'autre au ministère sacerdotal. — Il ramène de nouveau les Pharisiens à la
pensée de la miséricorde. — Autre raison qui justifie ses disciples, tirée de
ce que le Fils de l'homme est le maître du sabbat. — hiterprétation mystique
de ce fait évangélique. — Toute l'œuvre du salut renfermée dans la miséri-
corde.
y. 9-13. Les Pharisiens s'attachent à calomnier le Sauveur lui-même à l'occa-
sion de la guérison du paralytique. — Cette guérison eut-elle lieu le même
jour du sabbat que le précédent ? — Piège que lui tendent les Pharisiens dans
la question qu'ils lui adressent. — Conmient concilier saint Matthieu avec
saint Marc et saint Luc, d'après lesquels c'est Notre-Seigneur lui-même qui in-
terroge les Pharisiens ? — Notre-Seigneur répond à cette question, et confond
en même temps leur avarice. — Pourquoi choisit-il le jour du sabbat pour
opérer cette guérison? — Explication mystique île cette guérison. — Pour-
quoi cette guérison après que les Apôtres avaient traversé les moissons. —
Que signifie cette main desséchée^ etc.
y. 14-21. — Comment les Pharisiens reconnaissent ce miracle. — Pourquoi
Notre-Seigneur se dérobe à la haine de ses ennemis. — Pourquoi recom-
mande-t-il le silence à ceux qu'il guérit? — Dans quel dessein l'Evangéliste
cite la prophétie d'Isaïe — Voici mon serviteur, etc. — Explication des dif-
férentes parties de cette prophétie? — Quel est ce roseau cassé et cette mèche
fumante ? — Que signifient ces paroles : « Jusqu'à ce qu'il fasse triompher la
justice de sa cause?» — Ce passage du prophète en confirme une multitude
d'autres.
y. 22-24. — Miracle tpii fut pour les Pharisiens l'occasion du blasphème contre
le Saint-Esprit. — Malice surprenante du démon qui avait fermé les deux
passages par oii la foi aurait pu entrer dans cet homme. — Trois prodiges
opérés dans un seul homme. — Ils se renouvellent tous les jours dans la con-
version de ceux qui embrassent la foi. — Dessein particulier de Dieu dans la
guérison de ce possédé. — Il est la figure des Gentils. — Celui qui ne croit
pas est tout à la fois possédé, aveugle et nniet. — Cette guérison est la même
que celle qui est racontée par saint Luc. — Impression diflerente que produit
ce miracle sur la multitude et sur les Pharisiens. — A qui attribuent-ils la
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE DE S. MATTHIEU, CHAP. XII. d63
puissance qu'avait Jésus-Christ de chasser les démons? — Ce que c'est que
Beelzébub.
. 25, 26. — Notre-Seigneur répond à leurs pensées les plus secrètes. — Il leur
répond avec douceur. — Il ne relève pas la volonté mauvaise qu'ils avaient de
l'accuser. — 11 tire sa réponse et emprunte ses exemples des choses les plus
connues. — Comparaison du royaume, de la cité , de la maison ou règne la
division. — Richesse et fécondité de la parole de Dieu. — Sens intime et si-
gnification mystérieuse de ce passage. — Dilemne dans lequel Notre-Seigneur
renferme ses accusateurs.
. 27, 28. — Seconde réponse plus évidente. — Que faut-il entendre par les en-
fants dont parle ici Notre-Seigneur? — Comment il conduit ses accusateurs
à la connaissance de Dieu et de lui-même. — Quel est ce royaume de Dieu qui
est parvenu jusqu'à eux?
. 29. — Troisième réponse. — On ne peut chasser le démon sans l'avoir vaincu.
— Puissance de Notre-Seigneur sur le démon. — Qu'est-ce que la maison du
démon? — Pourquoi cependant, malgré cette victoire du Sauveur sur le dé-
mon, nous ne devons pas être sans crainte. — Comment a-t-il pillé la maison
du fort?
. .30. — Quatrième réponse. — Dans quel sens n'être pas avec Jésus-Christ,
c'est être contre lui? — A qui faut-il appliquer ces paroles?
. 31, 32. — Jugement sévère que prononcé le Sauveur contre l'interprétation
calomnieuse des Pharisiens. — Le pardon offert à tous les pécheurs repen-
tants. — Quel est ce blasphème qui ne sera remis ni dans ce siècle ni dans
l'autre? — Explications diverses des saints docteurs.
. 33, 35. — Comment Notre-Seigneur confond de nouveau l'impudence de
ses ennemis. — Dilemme dans lequel il les enfei^me. — On doit juger l'arbre
par ses fruits, les Pharisiens font le contraire. — Quels sont ceux que le Sau-
veur condamne par ces paroles ? — Que faut-il entendre par ce bon arbre ? —
Obligation pour nous de produire de bons fruits, si nous voulons être de bons
arbres. — Quels sont ceux qu'il désigne sous la figure d'arbres mauvais? —
Pourquoi les appelle-t-il race de vipères? — Quand un homme parle-t-il de
l'abondance du cœur ? — Quel est le trésor du cœur ? — Non-seulement les
paroles coupables , mais les mauvaises pensées recevront leur châtiment. —
Les mauvais discours indiquent un fond bien plus mauvais encore.
. 36, 37. — Quelle est cette parole oiseuse dont les hommes rendront compte ?
— Différentes explications des saints docteurs. — Sera-t-on justifié par les
bonnes paroles comme on sera condamné pour les mauvaises ? — Nous serons
jugés non sur ce qu'on aura dit de nous, mais sur ce que nous aurons dit
nous-mêmes.
. 38-40. — Malice persévérante des Pharisiens. — Quelle espèce de prodige
demandaient-ils à Notre-Seigneur? — Inutilité de ce prodige pour eux. —
Après avilir outragé le Sauveur, ils cherchent à le flatter. — Sévérité avec
laquelle Notre-Seigneur les reprend. — Quel est ce signe du prophète Jonas
qui leur sera donné ? — Comment doit-on compter les trois jours et les trois
nuits pendant lesquels Notre-Seigneur est resté dans le tombeau ?
. 41-42. — Les Juifs n'eurent pas le même sort que les Ninivites. — Equité
de leur condamnation. — Il n'y aura qu'une seule résurrection pour les bons
et les méchants. — Comment les Ninivites et la reine de Saba condamneront
cette génération ? -^ De quoi les Ninivites et cette reine sont-ils la figure "^
164
EXPLICATION DE L ÉVANGILE
. 43-4b. — Châtiraents sévères que les Juifs auront à souffrir non-seulement
dans l'autre vie, mais dans celle-ci. — Cet exemple du démon qui revient
avec sept esprits plus mauvais que lui doit s'entendre des Juifs. — Quels sont
les lieux arides.— Que figurent ces sept esprits plus mauvais que le démon ?
— Comment le dernier état est pire que le premier. — Explication morale de
ce passage.
. 46-50. — A quel moment les parents du Sauveur viennent-ils demander à
lui parler"/ — Quels sont (;es frères du Seigneur dont parle l'Evangéliste ? —
Vanité et prétention des parents du Sauveur.— Ce qu'ils auraient dû faire.—
Dans quelle intention vient-on annoncer à Notre-Seigneur que ses parents
demandent à lui parler ? — Réponse qu'il fait. — Peut-on l'accuser de dédain
ou d'indifférence pour sa mère ? — Peut-on dire qu'il l'a reniée? — Ce qu'il
nous apprend par cette conduite. — Comment peut-on devenir le frère, la
mère du Sauveur ? — La confiance que nous inspire notre parenté ne doit
pas nous faire négliger la pratique de la vertu. — Comment nous pouvons as-
pirer légitimement à l'honneur de la maternité divine. — Explication allégo-
rique de ce fait historique.
^T^ 1_8^ — £,i ce temps-là, Jésus passait le long des blés un jour de sabbat, et
ses disciples ayant faim, se mirent à rompre des épis et à en manger. Ce que
les pharisiens voyant, ils lui dirent : Voilà vos disciples qui font ce qu'il
7i' est point permis de faire aux jours du sabbat. Mais il leur dit : N'avez-
vous point lu ce que fit David, lorsque lui et ceux qui l'accompagnaient furent
pressés de la faim? Comme il entra dans la maison de Dieu et mangea des
pains de proposition , dojit il n'était permis de manger ni à lui ni à ceux qui
étaient avec lui, mais aux prêtres seuls? (i) Ou n'avez-vous poirit lu dans la
loi que les prêtres, aux jours du sabbat, violent le sabbat dans le temple et
ne sont pas néanmoins coupables? Or, je vous déclare que celui qui est ici est
■ plus grand que le temple. Que si vous saviez bien ce que veut dire cette
parole : J'aime mieux la miséricorde que le sacrifice, vous yi'auriez jamais
condamné des innocents. Car le Fils de l'homme est maître même du sabbat.
La Glose. Après avoir raconté les prédications et les miracles qui
(1) La phrase serait plus claire dans le texte de la Vulgate, si au lieu de nisi, il y avait serf solis
sacerdotibus, et elle ne donnerait pas à entendre qu'il pouvait y avoir des prêtres parmi ceux qui
étaient avec David.
CAPUT XII.
Jn i!!o Icmporc : abiil Jésus per sata sabbato;
(liscipuli autem ejiis esurientes cœperunt vel-
Ifire xpiras et manducare. Pliarisœi autem vi-
ih'iites, dixerunt ei : Ecce discipuli tui facUtnt
quod non licet eis facerc'sabbatis. At iUe dixit
pis : Non legistis quid fecit David quando esu-
riit ipse, et qui cum eo erant ; quomodo intraiit
in domum Dei, et panes propositionis comedil.
quos non licebat ei edere; neque his qui cum
eo erant, nisi solis sacerdotibus ? Aut non le-
gistis in leye quia sabbatis sacerdotes in tem-
plo sahbatutn dotant, et sine crimine sunt '.'
Dico autem vobis quia templo major est hic.
Si autem sciretis quid est, inisericordiam volo,
et non sacrificium , nunquam condemnassetis
innocentes : Dominus enim est Filius fiominis
etiatn sabbati.
Glossa. Narrata prœdicatioue cum
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII. 165
eurent lieu l'année qui précéda le supplice de Jean-Baptiste , l'Evan-
géliste passe aux événements de l'année qui suivit la mort du saint
précurseur, alors que Jésus-Christ commence à être en butte à toutes
sortes de contradictions, et il ouvre'son récit par ces paroles : « Dans
ce temps-là, » etc.
S. AuG. {de l'accord des Evang., liv. ii, cliap. 34.) Ce qui suit est
raconté par saint Marc (chap. ii) et par saint Luc (chap. yi) sans
l'ombre même de contradiction ; mais ils ne disent pas : a En ce temps
là ; » d'où l'on peut conclure que saint Matthieu suit dans sa narra-
tion l'ordre des faits, et les autres l'ordre de leurs souvenirs, à moins
qu'on ne donne un sens plus large à ces paroles : « En ce temps là, »
c'est-à-dire dans le temps où toutes ces choses et une foule d'autres faits
avaient lieu. Toutes ces choses se seraient donc passées après la mort
de Jean (l); car on croit qu'il fut décapité peu de temps après qu'il
eut envoyé ses disciples consulter Jésus-Christ. Cette locution : « Dans
ce temps-là, » exprimerait alors un temps indéterminé.
S. Chrys, [hom. 40.) Mais pourquoi le Sauveur, dont la prescience
s'étendait à tout, conduisait-il ses Apôtres le long des blés un jour de
sabbat si son intention n'était pas que le sabbat fût violé ? Il le vou-
lait en effet, mais non pas absolument, c'est-à-dire sans raison , et il
choisissait une occasion légitime de mettre fin à la loi , sans paraître
la violer. Aussi pour adoucir les esprits des Juifs prévenus contre lui,
il met en avant la nécessité : « Ses disciples ayant faim. » Ce n'est
pas, sans doute, qu'il puisse y avoir jamais d'excuse pour ce qui est
évidemment péché ; ainsi ni l'homicide ne peut s'excuser par l'excès
(1) La seconde partie de cette citation ne se trouve pas en termes exprès dans saint Aue:ustin,
mais on la trouve en termes équivalents dans le chapitre 43 et dans les suivants.
miraculis unius auui ante quaestionem
Joannis factis, transit ad ea quae facta
sunt in alio anno, scilicet post morteui
Joannis, quando jam in omnibus Christo
contradieitur : unde dicit : « In illo tem-
pore, » etc.
AuG. [de Cons. Ecang, lib. ii, cap. 34.)
Hoc autem qiiod hic sequitur, sine ulla
repugnantise quaestione commemoratur
a Marco (cap. 2) et a Luca (cap. 6), sed
illi non dicunt : « In illo tempore ; »
unde fortassis Matthaeus rei gestae hic
ordiuem tenuit, illi autem recordationis
suae ; nisi latins accipiatur quod dictum
est : « In illo tempore, » id est quchrec
multa et diversa gerebanlur. Unde con-
cipitur ista omnia post mortem Joannis
compléta esse. Cum enim Joannes disci-
pulos suos ad Christum misisset, creditur
post paululum decollatus fuisse : unde
cum dicitur : « In illo tempore, » inter-
minatum tempus ponere videtur.
Chrys. (in liomil. 40 in Molih.) (in&ve
autem per sata sabbato eos ducebat qui
omnia prascivit, nisi quia volebat sol-
veresabbatum ? Yolebat quidem, sed non
simpUciter : ideoque non sine causa id
solvit, sed dans occasionem rationabilem,
ut et legem cessare faciat et legem non
offeudat ; et ideo hic ut Judaeos mitiget,
naturœ necessitatem prîemittit : et hoc
est quod dicitur : « Discipuli autem ejus
esurientes, » etc. Quamvis in peccatis
quae manifesta sunt, nuUa sit excusatio
(neque enim occidens, ad sui excusa-
tionem potest furorem prœtendere ; neque
16(1
EXPLICATION DE L ÉVANGILE
de la colère^ ni l'adultère par la violence de ses désirs ou par toute
autre cause ; ici néanmoins , en alléguant la nécessite de la faim, il
délivre ses disciples de toute culpabilité.
S. Jér. Nous lisons dans un autre Evangéliste, que les disciples,
importunés par la foule, n'avaient même pas le temps de manger : ils
avaient donc naturellement faim. Ils apaisent cette faim en broyant
entre leurs mains des épis de blé , preuve de l'austérité de leur vie ;
ils n'ont pas besoin d'aliments recherchés , la plus simple nourriture
leur suffit. — S. Ciirys. {hojn. -40.) Admirez ces disciples, qui dans
une aussi dure nécessité, n'ont aucun souci de leur corps, oublient la
nourriture qu'il réclame, et qui, bien que pressés par la faim, ne se
séparent pas de Jésus-Christ; car ils n'auraient pas eu recours à ce
moyen s'ils n'y avaient été poussés par une faim violente. Que trou-
vèrent donc à reprendre les pharisiens dans cette action ? L'Evangé-
liste nous l'apprend : « Ce que les pharisiens voyant , ils lui dirent :
Voilà que vos disciples font ce qu'il n'est pas permis de faire le jour
du sabbat. » — S. Aug. {du trav. des inoines, chap. xxiii.) L'accusa-
tion des Juifs contre les disciples du Seigneur porte plutôt sur la vio-
lation du sabbat que sur le vol qu'ils auraient commis ; car la loi dé-
fendait aux enfants d'Israël , de ne saisir comme voleur dans leurs
champs, que celui qui voulait emporter quelque chose avec lui, et ils
devaient laisser aller en liberté, et sans lui infliger aucune peine, celui
qui n'y avait pris que ce qu'il voulait manger (I).
S. Jér. Remarquez que les premiers Apôtres du Sauveur, en dé-
truisant l'observation littérale du sabbat , condamnent les Ebionites,
(1) Cette défense n'est pas mentionnée en termes exprès dans le Deutéronome, chap. xxiii, mais
elle est une conséquence naturelle du verset 25.
qui adultérât, concnpiscenliam ; sed nec
ullam aliam causaiu), hic tamen fameni
inducens, discipulos ab omui accusalioue
libérât.
Hier. Ut autem iii alio Evaugelista le-
gimus [Marc. 6), propterniiuiamimpor-
tunitatem nec vescendi quideui habeliant
lociini, et ideo quasi homiues esuriebaut.
Quod autem spicas segetuui mauibus
confricaut et inediam consolantur, vit*
austerioris indicium est, non pr;eparatas
epulas, sed simpliceni cibuni qufpren-
tiuui. CiinYS. [in liomil. 'lO nf xnp.) ïu
autem admirare discipulos qui ita eranl
oppressi, et millaiu corporaliuui liabe-
bant curam, sed et contemnebnnt car-
nalem mensam, et famo oppujiuabanlur,
uec tameu desislebanl a Cluislo : uisi
eniui eos cogeret vehementer esuries,
nequaquam hoc fecissent. Quid autem
pharissei ad hoc dicerent, subditur :
« Pharissei autem videntes, dixeruntei:
Ecce discipuli tui faciuut quod non licet
sabbato. » AuG. [de Opère monacho-
riiiu, cap. 23.) De sabbato autem potius
quam de furto discipulos Domiui Judaei
i-alumniati suut , quia populo Israël per
lepem prseceptum est [Denteron. 23) ut
in agris suis furem nuUum teuereut, nisi
qui secuni aliipiid vellet auferre : nam
qui nihil aliud attigisset quam id quod
i-omedisset, liberum impuuitumqueabire
siiicreut.
HiEH. Nota vero quod primi apostoli
Salvatoris litteram sabbali destruuntad-
versus Eblouitas, qui cum cœteros reci-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII. 167
qui reçoivent tous les Apôtres à l'exception de saint Paul, qu'ils re-
jettent comme transgresseur de la loi. Or, quelle excuse le Sauveur
donne-t-il de leur conduite : « N'avez-vous pas lu ce que fit David
lorsqu'il avait faim ? » Pour détruire l'accusation calomuieuse des
pharisiens, il leur rappelle ce fait de l'histoire ancienne , alors que
David, fuyant la colère de Said , vint à Nobé , où il fut reçu par le
grand-prètre Achimélech , et lui demanda de lui donner à manger.
(I Rois, XXI.) Achimélech, n'ayant pas de pain ordinaire , lui donna
les pains sauctiliés , qu'il n'était permis de manger qu'aux prêtres
seuls et aux lévites {LéviL xxiv); il jugea qu'il valait mieux arracher
des hommes au danger de la faim que d'offrir un sacrifice à Dieu,
car sauver les hommes, c'est une hostie (jui lui est on ne peut plus
agréable. C'est cette raison que le Seigneur leur oppose par ce raison-
nement : si vous regardez David comme un saint, si vous n'osez in-
iriminer la conduite du grand prêtre Achimélech,, alors que tous deux
ont transgressé la loi pour une raison plausible, tirée de la faim qu'il
(éprouvait, pourquoi ne pas accepter en faveur de mes disciples le
motif d'excuse que vous approuvez dans les autres? 11 y avait d'ailleurs
une grande différence entre ces deux faits : les uns ne faisaient que
broyer quelques épis entre leurs mains le jour du sabbat , tandis
que les autres avaient mangé des pains destinés aux seuls lévites
dans un jour où les fêtes des Néoménies (l*) venaient s'ajouter à
la solennité du sabbat. C'était, en effet, à l'occasion de ces fêtes
(1') La néoméuie, du grec néoménia, vcO|J.r|Vta, est la nouvelle lune, le nouveau mois, et le pre-
mier jour du mois lunaire. L'auteur de la Vulgate, accommodant son langage à la coutume des
Homains, donne le nom de calendes au premier jour de chaque mois des Hébreux, ou à la néo-
ménie (1 Rois, xx, 3t); mais les néoménies se comptaient non des conjonctions do la lune et du
soleil, mais des premières phases de la lune. Moïse avait ordonné que ce jour fût célébré avec
une dévotion particulière, regardant le renouvellement des phases de la lune comme une des
marques les plus sensibles et les plus éclatantes du soin avec lequel la Providence divine gou-
verne l'univers; mais pour écarter de cette solennité toutes les superstitions des Gentils, il
avait eu la précaution d'en régler le cérémonial de la manière la plus précise et la plus détail-
lée. (Nomb,, xxvni, H, 15; x, 10.)
piant apostolos, Paiilum taïKpiam traus-
sressorem legis répudiant. Deiude ad
e.Kcusationem eorum subditur : « Al ille
dixit eis : Non legistis quid feceril David
quando esuriit ? » Ad cout'utaudam ^iqui-
dem caliiinniam pharisiEorum, veteri.-
recordatur historiuî, quaudo David fu-
giens Saulem veuit Nobbaui, et ab A<;iii-
melecb sauerdote susceptus postulavit
cibos (I Beç/. 21) ; qui cum panes laicos
non haberet, dédit ei consecrato^ panes,
quibns non licebat vesci, nisi solis saeer-
dotibus et levitis {Levit. 24); melius ar-
bitratus de famis periculo bomines libe-
rare , quam Dec sacriticium offerre :
bostia enim Dec placabilis est boiuiuuni
sakis. Opponit erpo Dominus, et dicit :
« Si et David sanetus est, et Acbimelecb
pontifex a vobis non reprehenditur, el
uterque legis mandatum probabili excu-
satioue transgressisnnt, et faines in causa
est ; cur eamdem finieui non probatis
in apostolis, quam prubalis in cœteris? »
Quanqnam et in hoc niulta distantia sit:
isti spicas in sabbato manu confricant,
illi panes comederunt leviticos ; et ad
sabbati solemnitatem accedebant ueo-
meuiarum dies, quibus requisitus in
168 EXPLICATION DE l'ÉVANGÏLE
que David, qui devait s'asseoir à la table du roi, s'était enfui de la
cour.
S. Chrys. {hom. 40.) Notre-Seigneur cite l'exemple de David pour
excuser ses disciples, car l'autorité du Roi-Prophète était grande parmi
les Juifs. Et ils ne pouvaient lui objecter que David était prophète,
car ce titre ne lui donnait aucun droit de manger des pains réservés
aux prêtres seuls. Or, plus l'exemple qu'il choisit est grand, plus
le motif d'excuse qu'il invoque en faveur de ses disciples est pé-
reraptoire. D'ailleurs si David était prophète, les gens de sa suite ne
l'étaient pas. — S. Jér. Remarquez cependant que ni David ni les
gens de sa suite ne mangèrent des pains de proposition qu'après avoir
affirmé qu'ils étaient purs de tout contact avec les femmes. — S. Chrys.
{hom. M.) Mais on me dira : Que fait cet exemple à la question qui
nous occupe? car David n'a pas transgressé le sabbat. Notre-Seigneur
nous montre ici son admirable sagesse, en choisissant l'exemple d'une
transgression plus grande que la violation du sabbat , car on est
beaucoup moins coupable de transgresser le sabbat , ce qui est bien
souvent arrivé, que de toucher à cette table sainte, ce qui n'était per-
mis à personne. Il donne ensuite une solution différente et plus di-
recte en ajoutant : « Est-ce que vous n'avez pas lu dans la loi que les
prêtres violent le sabbat dans le temple , et ne sont pas néanmoins
coupables ?» — S. Jér. Comme s'il disait : Vous accusez mes dis-
ciples de ce qu'étant pressés par la faim ils ont broyé quelques épis
le jour du sabbat, lorsque vous-mêmes vous violez le sabbat dans le
temple en immolant des victimes, en égorgeant des taureaux, en brû-
lant des holocaustes sur des bûchers enflammés; et d'après le texte
d'un autre Evangéliste {Jean^ vu), vous donnez la circoncision à vo^
convivio fu^t ex aula regia. (I Reg. 20.)
Chrys. [in homil. 40 ut sup.) Excu-
sans autem disdpulos, David in médium
addiicit : etenim imilta propheta? hujus
•■rat gloria apud Judaîos. Nec potest
responderi, quod David propheta erat;
<[uia nec propter hoc ei licebat, sed sa-
cerdotibus solis ; tanto autem magis dis-
cipulos ab accusatione libérât, qnanto
major invenitur ijui foc fecit : sed efsi
David proplieta erat, non tamenquicum
ipso erant. IIikr. Observa tamen quod
panes prnpositionis, nec David, necpueri
ejus acceperunt, antequam inmidos se a
mulieribus esse responderiut. Ciiuys.
{ut Slip.) Sed dicef aliquis : « O'ii'l ''■'^t
exeniplum hoc ad quod (jua'riUn"' » Non
enim David sabbalum transgressus est :
sed in hoc ostenditur Christi sapientia.
quod ahud exemplum affert sabbato
majus : neque enim est sequale transgredi
sabbali diem ( quod multoties factuni
est), et sacram iliam tangere mensam,
qnod nuUi fas erat. Deinde rursus et ali-
ter solvit, principaliorem iuduceus solu-
tionem, cum dicit : « Autnon legistis in
lege, quia sabbatis saeerdotes in lemplti
sabbatum violant, et sine crimine sunt ?»
HiKR. Ac sidiceret: « Calumniamini dis-
«•ipulos meos, cur sabbato spicas trive-
rint, famis necessitate cogeute ; cum ipsi
saldiatum vinletis in templo immolantes
victimas. ca'dentes tauros. holocausia
super lignorum struem incendio coucre-
manles : » et juxta altcrius Evangelii
iidem {Joan. 7) : •< Circuuiciditis parvu-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII.
169
enfants le jour du sabbat, violant ainsi la loi du sabbat pour en
observer une autre. Lt's lois de Dieu ne se détruisent pas récipro-
quement, et c'est avec une sagesse vraiment admirable que pour jus-
tifier ses Apôtres de les avoir transgressées, il montre (pi'ils n'ont fait
que suivre les exemples d'Achimélecli " et de David. Il fait voir en
même temps que les auteurs de cette calomnie sont eux-mêmes cou-
pables d'une transgression du sabbat bien plus réelle, sans avoir pour
eux l'excuse de la nécessité.
S. Chrys. {hom. iO.) Et ne me dites pas que ce n'est pas se justifier
que de s'appuyer sur l'exemple d'au autre qui est également cou-
pable ; car lorsque l'auteur d'un fait n'est pas accusé , ce fait peut
être invoqué comme moyen de justification (1*). Mais Notre-Seigneur
ne se contente pas de" cette raison , et il en apporte une bien plus
forte en ajoutant que ceux qu'il a choisis pour exemples ne sont point
coupables. Et voyez que de circonstances réunies : le lieu , c'est dans
le temple ; le temps, c'est le jour du sabbat; le fait lui-même, ce n'est
pas une simple infraction, c'est une violation de la loi^ et cependant
non-seulement ils ne sont soumis à aucune peine , mais ils sont
exempts de toute faute ; ce qu'il exprime en ces termes : « Et ils ne
sont pas coupables. » Or, ce second exemple n'est cependant point
semblable au premier. Le premier n'a eu lieu qu'une fois , il a été
donné par David qui n'était pas prêtre , et qui avait pour lui l'excuse
de la nécessité ; le second , au contraire, se reproduit tous les jours
du sabbat dans la personne des prêtres^ et il est selon la loi, et ainsi
ce n'est plus seulement par indulgence, mais en suivant la rigueur de
la loi, que la conduite de ses disciples est justifiée. Mais est-ce que les
(l*j Le texte grec ici comme en beaucoup d'autres circonstances précise bien plus clairement \r-
seus que la traduction latine. "Orav yàp [xr; ÈYxa),î^Tai ô itîTrcityixôj;, vôfxoç à7:o),OY£aç yîvî-
Tai TÔ To),(j.r;6£v.
los in sabbatû : ut dum aliam legem ser-
vare cupitis, sabbatum destruatis. » Nun-
rjuam autem leges Dei sibi coiitrarise
sunt, pt prudeuter ubi discipiilL sui ar-
gui poterant trausgressioniS; et Acbime-
lech, et David, dixit exeiupla sectatos;
veram autem et absijue necessitatis ob-
tentu sabbati pr.-Bvaricationem in ipsos
refert qui calumniam fecerant.
Chrys. [in /lomil. iO nt siip.) Ne autem
mibi dicas quoniaui afTerre iu médium
aiium peccantem, non est erui ab aceu-
satione : cimi enim non accusatur qui
fecit, excasatio fit circa id i[uod i'actum
est. Verum hoc non Inc sufticit; sed quod
niajus est dixit, quod « sine crimiae
simt.)' Vide autem quanta posuit.Locum
ubi dicit, in templo : tempu?, cum dicit,
siibbatis ,rem ipsam, cum dicit, riolant,
et non solum, solvunt. Et quod non
solum liberantur a pœna, sed a culpa
Hberati sunt. Uude dicit : << Sine crimine
sunt.» Neque autem hoc secimdura si-
mile est priori, quod dixerat de David.
Illud enim et semel factum est, et ;i
David non sacerdote , et necessitatis
causa : hoc autem secundum singub)
sabbato, et a sacerdotibus, et secundum
legem : et ideo non secundum veuiam,
ut in primo exemplo, sed secimdum le-
gem (discipuli) ab accusatione sunt li-
berati. Sed nunquid discipuh sunt sacer-
170
EXPLICATION DE I, EVANdILE
disciples sont prêtres ? Ils sont plus que prêtres , car ils avaient avec
eux le Seigneur du temple, qui n'est plus une figure, mais bien la vé-
rité; c'est pour cela qu'il ajoute : « Je vous dis qu'il y a ici quelqu'un
plus grand que le temple. » — S. Jér. Le mot hic doit être pris ici non
pas comme prouom, mais comme adverbe de lieu (1*), c'est-à-diie (jue
le lieu où se trouvait lo maître du temple était plus grand que le
temple lui-mèuie.
S. AuG. [Qucst. évang.^ liv. ii, cbap. 10.) Il faut remarquer que
Notre-Seigneur emprunte le premier exem[>le à la puissance royale
dans la personne de David, et le second au ministère sacerdotal dans
la personne des .prêtres (jui violent le sabbat pour le service du
temple. L'accusation tirée des épis froissés le jour du sabbat ne pouvait
donc en aucune manière peser sur lui, qui était vrai roi et le prêtre
véritable. — S. Ghrys. {hom. 40.) Ce qu'il venait de dire pouvait pa-
raître dur à ceux qui l'entendaient; il les ramène de nouveau à la
pensée de la miséricorde, et en parle avec une certaine force de lan-
gage en leur disant : « Si vous saviez bien ce que signifie cette pa-
role : Je veux la miséricorde et non le sacrifice, vous n'auriez jamais
condamné des innocents. » — S. Jér. Nous avons déjà expliqué plus
haut (2) ce que signifient ces paroles : « J'aime mieux la miséricorde
que le sacrifice. » Quant à celles qui suivent : « Jamais vous n'auriez
condamné des innocents, » elles doivent s'entendre des Apôtres dans
ce sens; «si vous approuvez la commisération d'Acbimélech qui donne
du pain à David pressé par la faim , pourquoi condamnez-vous mes
(1*) 11 y a en efiet dans le texte grec wÔ£, et non pas oùxo;. L'interprétation de saint Jérùme
n'est cependant pas la plus généralement admise, car mémo en admettant que le mot liic soit
adverbe de lien et non pas un pronom, il est plus naturel de traduire : n Or je vous déclare que
celui qui est ici est plus grand que le temple. «
(2) Matth., IX, 13.
dotes"? Imo siml tfacenlotibiis majores :
ipse enim adeiat qui terapli est doniinus,
(|iii Veritas est et iiou typus : et ideo
subditur : « Dico autcin vobis ({uia tem-
plo major est hic. »
Hii'.R. Iliv. non pronomeii, sed adver-
bium \on lejiendiim est. qiiod major tem-
plosit iocus, qui Doniinnm templi teueat.
AuG. {(h'. Quœst. l'irnn/. iib. n, cap.
10.) Nolandum antcin unum exomplum
datum esse roftia' potestalis de David ;
alteruin sacerdotalis de bis qui propter
minislcriuiu teuipli sabbata violant ; ut
nudto uiiiius atl ipsuni evulsaniui sab-
bato spicarum crinien perliueat . tpii
verus rex et verus sacerdos est. Curys.
(in Iiomil. 40 ut sup.) Deiiide, quia grave
audientibus videbatur essequod dixerat,
vursus convolât ad misericordiam. ser-
luouem cuiu quadam veheiuentia indu-
ceus, cum dicit : « Si autem sciretis
quid est. misericordiam volo et non sa-
criticium , uunquam condemnassetis in-
nocentes. » IhER. Quid autem est, «mi-
sericordiam volo et non sacriticiimi , »
supra diximus. Qnodanlem dixit : « Nnn-
quam condemnassetis innocentes, » de
apostolis intelliiieudum est : et est sen-
sus : « Si misericordiaiu comprobaslis
Acliimelech. eo qnod periclitantem Tame
David refocillavit. quare meosdiscipnlos
coudemuatis ? »
DE SAINT MATTHIEU, CHAl^ XH. 171
disciples? » — S. Ciirys. {hom. 40.) Voyez comment il revient de
nouveau sur la nécessité de la miséricorde, et comment il prouve que
ses disciples sont au-dessus du pardon, en déclarant qu'ils sont inno-
cents, comme il l'avait dit plus haut des prêtres. Il donne ensuite une
nouvelle raison de leur innocence, en ajoutant : « Le Fils de l'homme
est maître même du sabbat. » — Rémi. Or, le Fils de l'homme, c'est
lui-même, et voici le sens de ces paroles : Celui que vous regardez
comme un simple mortcd est Dieu, le Seigneur de toutes les créatures,
et le maître du sabbat ; il peut donc changer la loi à son gré, puisque
c'est lui qui l'a faite. — S. Aug. {cont. Faust, xvi, 28.) Il ne défend
pas à SOS disciples de broyer des épis le jour du sabbat, pour con-
damner les Juifs d'alors et les Manichéens qui devaient venir plus
tard, et qui n'osent arracher l'herbe, de peur de commettre un ho-
micide.
S. HiL. {can. 12 su?' S. Matth.) Dans le sens mystique, remarquons
tout d'abord que ce discours commence par ces paroles : « Dans ce
temps-là, » c'est-a-dire dans le temps où il rendit grâces à Dieu son
Père du salut auquel il appelait les Gentils. Ce champ que traversent
les disciples, c'est lejnonde; le sabbat, c'est le repos; la moisson,
le progrès de ceux qui doivent embrasser la foi et s'avancer vers la
maturité (1). Donc cette entrée dans le champ le jour du sabbat, c'est
l'ayénement du Seigneur dans le monde , lorsque la loi était comme
frappée d'inactivité ; cette faim, c'est le désir qu'il avait du salut des
hommes. — Rab. Ils cueillent des épis, lorsqu'ils attachent les hommes
(1) Le mot XaXixi profectus a successivement deux sens dans cette phrase; il s'gnifie d'abord
progrès, et vient du verbe proficio ; appliqué ensuite à Jésus-Christ, il signifie entrée et vient du
verbe proficiscor, et voici le sens de cette phrase : L'entrée dans ce champ le jour du sabbat, qui
est le jonr du repos, signifie l'avènement de Jésus-Christ, ou son entrée dans le monde , alors
que la loi de Moïse a dû demeurer inactive et toucher à sa fin.
Chrys. {ht homil. 40 vt sup.) Vide
aiitem rursus qualiter ad veuiaiu dueeus
sermouem, discipulos riirsus venia supe-
riores ostendit, in lioc quod dicit eos
innocentes ; quod quidem supra et de
sacerdotibus dixerat : deiude et aliam
causam dicit, quare sint innocentes, di-
cens : « Dominas euim est Filius liomi-
nis etiam sabbati. » Hemig. Filiuui au-
teniboniinis seipsum appellat; et est sen-
sus : « Ille (jucm vos purum liomineni
putatis, Deiis est, oniniiiui creaturarum
Dominus,et etiam sabbati ; et ideo potest
legem mulare pro sua voluutate, (piia
feciteam. » Aug. {contra FausLUb. wi,
cap. 28.) Discipulos autem suos vellere
spicas sabbato non prohibuit ; ut iude
couvinceret, et preeseutes Judaeos , et
futuros ManiclicBos, qui lierbam non
evellunt, ne homicidium perpètrent.
HiLAR. (Can. 12,, in Matth.) Mystice
autem, iu principio est contuendum,ser-
monem hune ita cœptum esse in illo
tempore, quo scilicet Deo Patri irratiani
de data gentibus sainte coufessus est. Arjer
autem mundus est ; sabbatnm otium est;
seges, crediturorum profecUisin messem :
ergo sabbato in agrumprofectus, in legis
otio Domini progressus in hune mundum
est ; esuries lames est salulis humanae.
Rab. {et expressins Glossa.) Spicas vel-
luut, dum singulos homiues a terrena
172
KXPUCATION DE L EVANGILE
aux désirs de la terre; ils broient ces épis lorsqu'ils dépouillent les
âmes de la concupiscence delà chair ; ils mangent les grains, lorsqu'ils
incorporent à l'Eglise les âmes qu'ils viennent de purifier, — S. AuG.
[Quest. évanr/.^ ii, 2.) Personne ne peut faire partiedu corps de Jésus-
Christ, s'il ne s'est dépouillé de ses vêtements charnels, selon cette
recommandation de l'Apôtre : or Dépouillez-vous du vieil homme. »
{Coloss. III.) — La Glose. Les Apôtres font cette action le jour du
sabbat, c'est-à-dire dans l'espérance du repos éternel auquel ils in-
vitent tous les hommes. — Rab. On peut dire aussi que ceux qui
trouvent leurs délices dans la méditation des Ecritures, marchent le
long des blés avec le Seigneur; ils ont faim, parce qu'ils ont le désir
d'y trouver le pain de vie, c'est-à-dire l'amour de Dieu ; ils arrachent
les épis et ils les broient lorsqu'ils discutent les témoignages de l'Ecri-
ture pour y trouver ce qui est caché sous la lettre , et ils font cela le
jour du sabbat_, alors qu'ils sont plus libres des pensées tumultueuses
(lu monde.
S. HiL. Les pharisiens, qui croyaient avoir entre leurs mains la clef
des cieux, reprochent aux disciples d'avoir fait ce que la loi leur dé-
fendait. Le Seigneur leur répond en leur donnant un avertissement
qui contient une espèce de prophétie ; et pour montrer que ce genre
d'actions renfermait une souveraine efficacité, il ajoute : « Si vous
saviez ce que signifient ces paroles : Je préfère la miséricorde au
sacrifice. » Eu effet, l'œuvre de notre salut ne dépend pas du sacri-
fice, mais de la miséricorde ; et, la loi cessant d'exister, nous sommes
sauvés par la bonté de Dieu. Or, s'ils avaient compris la grandeur de
ce don, jamais ils n'auraient condamné des innocents, c'est-à-dire les
Apôtres, qu'ils accusaient par jalousie d'avoir transgressé la loi.
intentioue retrahunt ; fricant, dum a
concupiscentia carnis mentes exuuut ;
irrana comedunt dum emundatos in cor-
pus Ecclesiae trajioiunt. Ari;. (de Qu(Est.
Kvang. lib. n, cap. 2.) Nulius autem
transit in corpus Chrisli, nisi carnalibus
spoliatus fuerit indumentis ; secundum
illud Apostoli {ad Coloss. 3) : « Exuite
vos veterem hominem.» GLOss.\.Sal)l>ato
lioc aj^unt, scilicet spe qnielis a»tc'rna\,
ad ([uam et alios invitant. ]{.vu. Itom am-
bulant per sofa l'um Domino, <jni in
Siriptnrarum meilitalione deleclaiitur ;
rsiniiiiit dum panem vita? !id est, l)ei
amorein ) in eis invenire desiderant ;
reliant spicas et tenint , dum tes-
timonia discutiunt donecinveuiant quod
latebat in littera : et hoc sahbato, dum
a turbidis cogitatiouibus vacant.
HiLAR. Pharisœi qui pênes se claveui
cddorum esse existiuiabant, illicita agere
disi'ipulos arguurît, (juos Dominus (in
quibus sub rerum argumente propheti.-e
ratio continetur; admonuit; atque ulos-
tenderet omueni rerum efticientiam liane
specim futuri operis oontlnere, adjecit :
« Si aulem sciretis quid est. misericor-
diam volo , et non sacrificimn. » Opus
enim sahitis nostrœ, non in sacriticio,
sed in misiM'icordia est; et loge cessante,
in Dei bonitate salvanuir. l'ujus rei do-
nuni si intellexissent. nunquam condeai-
uasseut innocentes (id est apostolos),
({uos iusimulaturi erant traugressœ legis
DE SAINT MATTHIEU, CHAI'. XII. 173
Car les anciens sacrifices étant abrogés , la loi nouvelle , loi de misé-
ricorde, venait au secours de tous les hommes par le moyen des
Apôtres.
\. 9-1 iJ. — Etiint parti de là, il vint en leur synagogue, où il trouva un
homme ijui avait une main séchée. Ils lui demandèrent , pour avoir un sujet
de l'accuser, s'il était permis de guérir aux jours du sabbat. Mais il leur
répondit : Qui sera l'homme d'entre vous qui, ayant une brebis qui vienne à.
tomber dmis une fosse le jour du sabbat, ne la prendra pas pour l'en retirer J
Or, combien un homme est-il plus excellent qu'une brebis ! Il est donc permis
de faire du bien le jour du sabbat. Alors il dit à cet homme : Etendez votre
main. Il l'étcndit, et elle devint saine comme l'atitre.
S. JÉit. Comme NotrQ-Seigneur avait victorieusement justifié sas
disciples du reproche qu'on leur faisait d'avoir violé le jour du sabbat,
les pharisiens s'attachent à le calomnier lui-même. « Etant parti de
là, dit l'écrivain sacré, il vint dans leur synagogue.» — S. Hil. {can. 12.)
Ce qui précède s'était passé au milieu des champs, et ce n'est qu'après
qu'il entre dans la synagogue. — S. Aug. [de l'accoî^d des Evang., ii,
35.) On pourrait croire que le fait des épis et la guérison que saint
Matthieu raconte à la suite ont eu lieu le même jour , puisque dans
ce dernier cas il fait encore mention du jour du sabbat, si d'ailleurs
saint Luc ne nous apprenait qu'il opéra cette guérison un autre jour
de sabbat. Cette manière de s'exprimer de saint Matthieu : « Et par-
tant de là , il vint dans leur synagogue , » signifie donc seulement
qu'il ne vint dans la synagogue qu'après avoir quitté le champ , sans
indiquer si c'est immédiatement ou plusieurs jours après; et cela suffit
pour donner raison au récit de saint Luc, qui rattache cette guérison
à un autre jour de sabbat.
invidia ; curu sacrificiorum vetustate
cessante universis per eos misericordiee
uovitas subveniret.
Fa eum inde transisset, venit in synagogam eo-
rum : et ecce hotiw manum habens aridam. Et
iitterrogahaiit eum, dicentes : Si licet sabbatis
curare '.' ut accusareiit eum. Jpse autem dixit
eis : Quis erit ex vobis horno qui fiabeat ovein
unam;et si ceciderit hœc sabbatis in foveam,
nonne tenebit et levabit? Quanto magis melior
est homo ooe ! llaque licet sabbatis benefacere.
Tune ait honiini : Extende manum tuam. Et
extendit, et restituta est sanitati, sicut altéra.
Hier. Quia deslructiouem sabbalL qua
discipulos arguebant, probabili exemple
excusaverat, ipsum caluiuDiari volunl.
Uude dicitur : « Et eum iiide transisset,
venit lu synagogam, » etc. Hilar. {Can.
12 ut sup.) Hsec enim qua; prœmissa
sunt^ in campo dicta gestaque sont; et
post bœc synagogam iugreditur. Aug.
[de Concor. seu Cous. Evang. lib. ii,
cap. 35.) Posset autem putari eodem
die factum, et de spicis, et de isto saua-
to, ([uouiam et sabbatum hic comme-
moratur : uisi Lucas aperuisset (cap. 6.)
alio sabbato factum fuisse. Proinde quod
dicit Mattliaius : « Et eum inde transis-
set, venit in synagogam eorum : » non
quidem venit, nisi eum inde transisset :
sed post quot dies in synagogam eoruni
venerit, posteaquam a segete illa trau-
siit, au recte continuoque illuc ierit, non
expressum est : ac per hoc locus datur
narrationi Lucœ qui dicit alio sabbato
hujusmodi manum fuisse sanatam.
174 EXPLICATION DE l/ÉVANGlLE
S. HiL. {can. 12.) A peine est-il entré dans la synagogue , qu'ils lui
présentent un homme dont la main est desséchée, et lui demandent
s'il est permis de guérir le jour du sabhat , pour trouver dans sa ré-
ponse une occasion de le condamner. « Et il se trouva là un homme
qui avait une main desséchée, et ils l'interrogeaient, » etc.
S. CiiRYS. {Iiom. 41.) Ils interrogent non pour s'instruire, mais pour
trouver occasion de l'accuser, comme l'Evangéliste le dit clairement :
« Afin de pouvoir l'accuser. » Le fait seul suffisait à leurs mauvais
desseins, mais ils veulent le prendre dans ses paroles pour se ménager
contre lui un plus grand nombre de sujets d'accusation. — S. Jèr. Ils
lui demandent s'il est permis de guérir le jour du sabbat, afin do l'ac-
cuser de cruauté, d'impuissance s'il s'en abstient , et de transgression
de la loi s'il guérit cet homme.
S. AuG. {de l'accord des Evang., ii, 33.1 On peut être surpris de ce
que saint INlatthieu dit que ce sont les pharisiens eux-mêmes qui de-
mandent au Seigneur s'il est permis de guérir le jour du sabbat_,
tandis que saint Marc et saint Luc racontent que c'est le Seigneur lui-
même qui leur fait cette question : « Est-il permis de faire du bien le
jour du sabbat ou de faire du mal? » 11 faut donc comprendre qu'ils
l'interrogèrent les premiers , en lui demandant : « Est-il permis de
guérir le jour du sabbat? » Le Seigneur , voyant dans leur pensée
qu'ils cherchaient une occasion de l'accuser , place au milieu d'eux
celui qu'il devait guérir . et leur adresse la question rapportée par
saint Marc et saint Luc ; et comme ils gardent le silence, il leur pro-
(1) Marc, III, 4 ; Luc, vi, 'J. Saint Marc omet ces paroles : « Je vous le demande, u que rapporte
saint Luc.
lliLAR. (r«». 12«^ sup.) lufïresso axv-
li'iii syiiajiopam, bomiuem aridfP maoïis
offenint, interrogantes an curare sabba-
tis liceret, occasionem arguendi eum ex
respousione quœrentes : unde sequitur:
<( Ecce bomo maniim habens aridam :
et iuterrogabaut, » etc.
Chkys. [in homil. 41, in Matth.) Nou
auteiu interrogaut ut addiscant, sed ut
accusent eum : unde sequitur : « Ut ac-
cusarenl eum : » quamvis et ipsum opus
sufficeret, si accusare volebant : sed et
per verba volebant captionem invcnire,
majoreni cupiani argutionum sibi pra?-
parantes. Hikr. Et interrogaut utruni
liceal curaro sabbalis, ut si non cura-
verit, erudelitatis aut imbecillitatis ; si
curaverit, Irausgressiouis vilin eum ac-
cusent.
AuG. {de Cous. Evancj. lib. ii, cap.
35.) Sed potest movere, quoniodo Mat-
tbœus dixerit, ([uod ipsi iuterrogaveruut
Dominum, si licet sabbato curare ? cuni
Marcus et Lucas illos polius a Domiuo
intcrrogatos esse perbibeant : « Licet
sabbato henefacere, an maie ? Itaque
iuteiligendum quod illi prius interroga-
verunt Uoininum : « Si licet sabbato
curare ? » Deinde intelligens cogitatioues
eorum, adilum accusaudi quaerentium,
constituit in niedio ilhuu queni erat sa-
natunis. et interrogavit quiv Marcus et
Lucas eum interrogasse conmiemoraut ;
cl lune iliis taceutibus proposuit simili-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII. 175
pose la comparaison de la brebis, et il conclut en leur disant : « Il est
donc permis de faire du bien les jours du sabbat. » Il leur répond
donc en ces termes : « Quel est celui qui, parmi vous, ayant une bre-
bis, » etc. — S. JÉii. La réponse qu'il fait à cette question est une
condamnation de leur avarice. Gomment, leur dit-il, vous vous hâtez,
le jour du sabbat, de retirer une l)rebis ou un autre animal de la fosse
où ils sont tombés, et cela non point par compassion pour cet animal,
mais par un sentiment de vil intérêt, et moi je ne devrais pas délivrer
un homme qui vaut mille fois plus qu'une brebis ! — Rab. Cet exemple
est parfaitement choisi pour rt'pondie à leur question et pour leur
prouver qu'ils violent continuellement le sabbat par esprit de cupi-
dité, eux qui lui reprochent de le violer pour une œuvre de charité,
et qui , par une fausse interprétation de la loi , prétendent que les
bonnes œuvres sont interdites le jour du sabbat, tandis qu'on ne doit
s'abstenir que des mauvaises ; c'est pour cela qu'il est dit : « Vous ne
ferez pas ces jours-là d'œuvres serviles , » c'est-à-dire de péchés. C'est
ainsi que dans le repos éternel il y aura cessation du mal et non pas
du bien. — S. Aug. [de l'accord des Evanç/., ii, 35.) La conclusion de
cette comparaison, c'est qu'il est permis de faire de bonnes o:!uvres le
jour du sabbat. « Donc, leur dit-il , il est permis de faire du Inen les
jours du sabbat. »
S. CiiRYs. {hom. -41.) Remarquez que d'excuses différentes il apporte
pour justifier la violation du sabbat; mais comme la maladie de cet
homme était incurable , il en vient à sa guérison. Alors il dit à cet
homme : « Etendez votre main. » — S. Jér. Dans l'Evangile dont se
servent les Nazaréens et les Ebionites , et que plusieurs regardent
comme l'Evangile authentique de saint Matthieu, il est dit que cet
iiiiliiioin (le ove, et conclusit quod licet
sahbato beuefacere : unde sequilur :
« Ipse autem dixit illis : Quis erit ex
vobis hoiwo qui liabeat ovem, » etc.
Hier. Ubi sic solviL propositam quaestio-
iiem, ut, interrofiantes avariti;e coudem-
uaret : « :ii vos (inqiiit) in sab])ato ovem,
et aliud (|uodlibet animal in foveam de-
cidens oriperc festinatis, non animali,
sed veslrtE, avaritia' consulentes, quanlo
magis cpo boniineni, qui nuilto melior
est ovo, debeo lil)crari> ? wRau. {imo po-
tius Glossa.) Conipetenti ergo exeniplo
solvii qiuestionem eorum, ut eos osten-
dattabbatum violare in opère cupidita-
tis, qui eum violare arguunt in opère
charilalis, et qui iegem raale interpré-
tantes, dicunt in saldiato a bonis ferian-
dum, in quo a malis tantum ferianduni
est. Unde {Levit. 23) : « Opus scrvile
non faciclis in eis, » hoc est peccutuin :
sic in aeterna requie a malis tanluni fe-
riabitur, non a bonis. Aug. {de Cou.
Evaiifj. lib. n, cap. 33.) Proposita autem
siniilitudine de ove, concludit quod liceat
sabbato benefacere, dicens : « Itaque li-
cet sabbatis beuefacere. »
CiîRYS. (Jn hom. 41 ut sup.) Intende
autem qualiter varias excusationes do
solutione sabbati inducit : sed cpiia jani
iusanabiliter œgrotabat. ad opus pro-
cessit : unde sequitur : « Tune ait liumini :
Extende manum, » etc. Hier. In Evan-
gelio quo utuutur Nazarâei et Ebionita;
(quod vocatur a plerisque Matthcei au-
thenlmnn), houio iste qui aridam ha-
176
EXPLICATION DE L EVANGILE
homme, dout la maiii était desséchée, i-tait maçon, et qu'il pria Jésus
en ces termes : «J'étais maçon, demandant ma nourriture au tra-
vail de mes mains ; je vous eu prie, ô Jésus, rendez-moi la santé , alin
([ue je ne sois pas réduit à mendier honteusement mon pain. » —
Rab. Jésus choisit le jour du sabbat de préférence pour enseigner et
pour guérir, non-seulement en vue du sabbat spirituel , mais aussi à
cause du grand concours de peuple qui était plus favorable au salut de
tous, unique objet de ses désirs.
S. HiL. Dans le sens mystique, après le retour des champs où les
Apôtres avaient cueilli les fruits de la moisson, Jésus vient dans la
synagogue pour y préparer l'œuvre d'une nouvelle moisson ; car
plusieurs de ceux qui furent guéris se joignirent plus tard aux
Apôtres. — S. Jér. Jusqu'à l'avènement du Dieu Sauveur, la main
dans la synagogue des Juifs demeura desséchée et incapable des œuvres
de Dieu ; mais lorsqu'il fut venu sur la terre, les Apôtres rendirent
l'usage de cette main droite à ceux qui embrassèrent la foi, et elle re-
couvra la même force d'action qu'auparavant. — S. Hil. Toute gué-
risou se fait par la parole , et la main redevient semblable à l'autre,
c'est-à-dire qu'elle devient propre au ministère du salut comme celle
des Apôtres. Aussi le Sauveur apprend-il aux pharisiens à ne pas
voir avec peine l'œuvre du salut des hommes confiée aux Apôtres,
puisqu'eux-mèmes, s'ils veulent croire, deviendront dignes du même
ministère. — Rab. Ou bien cet homme, dout la main est desséchée,
c'est le genre humain qui est devenu complètement stérile en bonnes
œuvres pour avoir étendu vers le fruit défendu cette main qu'a guérie
une autre main innocente étendue sur la croix. C'est dans la syna-
bet mauum, cemeutarius scribitur, is-
tiusmodi vocibus auxilium precans :
(( Cemeutarius eram, mauibus victum
quaritaus ; precor te, Jesu, ut uiihi res-
tituas sanitatem , ne turpiter mendicem
cibos. I) Rab. Sabbatis autem pra?cipue
docet etoperatur.lesiis, uou soluniprop-
ter spirituale sablnitum, sed etiaiii propter
celebrioreiii populi couveiitum, ipuerens
saluleui (iiiiniuin.
HlL-Viî. (C'««. 12 ut Slip.) Mystiee autem,
post reditumde seijete, ex qua jam apos-
toli fruclus sationis aeceperant. ad syna-
gogam venit, jam illic messis suœ opu»
paraturus, quia plures poslmodum una
«•uni aposlolis exstiteruut, qui curabau-
tur. IIœu. Usque autem ad adventum
Dumiui Salvatoris arida manus iu syua-
goga Judseorum fuit, et Dei opéra nou
fiebaut in ea. Postquam autem ille venit
iu terras, reddita est iu apostolls cre-
dentibus dextera, et operi pristiuo resti-
tuta. HiLAR. {(an. 12 ut siip.) Curatio
autem oumis in vei"bo est ; et manus
sicut altéra redditur; id est similis mi-
nisterio aposlolorum in ofticium dandae
salutis efticitur ; docetquepharissosaegre
ferre non oportere operationoni huma-
iiiË salutis in apostolis, cumipsisad ofli-
l'ii ejusdem ministerium manus sit refor-
manda, si credant. Rae. Vel aliter :
liomo qui liabebatmanumaridam, buma-
luun iienus indicat, sterilitate boni ope-
ris arefactum per mauum ad pomum
cxtensam quam sanavit manus inuocens
in cruce exteusa : et beue manus iu svna-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII.
177
gogue que se trouve cette main desséchée , parce que la science,
lorsqu'elle est départie avec abondance, expose à des fautes plus graves
et sans excuse. Jésus commande d'étendre cette main desséchée qu'il
veut guérir ; car l'infirmité d'une àme ne peut être guérie par un remède
plus efficace que par d'abondantes aumônes. Cet homme avait la main
droite desséchée, parce qu'elle était comme engourdie pour les œuvres
de charité ; sa main gauche était saine , parce qu'elle servait ses in-
térêts. A l'arrivée du Seigneur, la main droite devient saine comme
la gauche, parce qu'elle distribue par un sentiment de charité ce
qu'elle avait amassé par esprit d'avarice.
f. i4-21. — Mais les pharisiens, étant sortis, tinrent conseil ensemble contre
lui sur les moyens de le perdre. Or, Jésus le sachant, se retira de ce lieu-là;
et beaucoup de personnes l'ayant suivi, il les guérit tous. Et il leur com-
manda de ne le point découvrir, afin que cette parole du prophète Isaîe fût
accomplie : Voici mon serviteur que j'ai élu, mon bien-aimé dans lequel j'ai
mis toute mon affection. Je ferai reposer sur lui mon esprit, et il annoncera
la justice aux nations. Il ne disputera point, il ne criera point , et personne
n'entendra sa voix da7is les places publiques, il ne brisera point le roseau
cassé, et il n'achèvera point d'éteindre la mèche qui fume encore, jusqu'à ce
qu'il fasse triompher la justice de sa cause ; et les nations espéreront en son
nom.
S. HiL. {can. 12.) L'envie soulève contre Jésus l'esprit des pharisiens,
parce qu'ils ne voyaient en lui que l'homme, et qu'ils ne voulaient
pas y découvrir Dieu dans les œuvres qu'il opérait. L'Evangéliste
ajoute donc : « Mais les pharisiens, étant sortis, » etc. — Rab. Ils
sortent , parce que leur àme s'est détournée de Dieu ; ils tinrent
conseil pour prendre les moyens de perdre la vie et non de la trouver
goga erat arida, quia ubi majus donum
scientiae, ibi gravius est inexcusabilis
noxœ periculum. Sauauda autem manus
arida jubetur extendi, quia iufructuosa
débilitas aniuiae mdlo melius ordine
quam eleemosynarum largitate curatur ;
habebat autem homo dexteram mauum
laiiiïuidam,, quiaabeleemosynistorpebat;
sinistramsanaai, quia suœ utilitati iuleu-
debat ; sed venieutt- Domiuo dextera
sanatur ut sinistra, '[uia quod congrega-
verat avide, modo distribuit cliaritative.
Eiintei autem phariseei consilium faciebant ad-
versus eum , </uomodo perderent eum. Jésus
autem scieiis, secessit inde; et secuti sunt eum
multi; et curavit eos omnes. Et prœcepit eis
ne manifestum eum facerenl. Ut adimpleretur
TOM. II.
quod dictum est per Isaiam prophetam, di-
centem : Ecce puer meus , quem ego elegi, di-
lectus meus in quo beiie complacuit animce
meœ ; ponam Spiritum meuin super eum, et ju-
dicium gentibus nuntiabit. Non contendet, ne-
que r/amabit, neque audiet aliquis in plateis
rijcem ejus. Arundinem quassatam non con-
fringet, et llnum furnigans non exlinguet, do-
nec ejiciat ad l'icloriam judicium, et in no-
mine ejus gentes spcrabunt.
• HiLAR. (Can. 12 ut sup.) Invidia au-
tem facit pliarisaeos commovere, quia
contuentes hominem in corpore, Deum
in operibus non intelligebant : unde di-
citur : « Exeuntes autem pbarisaei, » etc.
R.\B. « Exeuntes dicit, quia eorum mens
a Domino aversa fuit : consilium fece-
runt, quomodo vitam perderent, non
12
478
EXPLICATlOiN DE L EVANGILE
pour eux-mêmes. — S. Hil. {can. 12.) Jésus, connaissant leurs desseins,
se retire pour s'éloigner de ce conseil d'iniquité. « Or, Jésus , le sa-
chant, » etc. — S. Jér. Il se retire , parce qu'il connaît les pièges
qu'ils veulent lui tendre , et qu'il veut leur ôter l'occasion d'exercer
contre lui leurs projets impies. — Rémi. Ou bien il se retire comme
homme pour se dérober à leurs embûches, ou bien encore parce que
ce n'était ni le temps ni le lieu où il devait soufTrir; car il ne conve-
nait pas (ju'un prophète fût rais à mort hors de Jérusalem , comme il
le dit lui-même. {Luc, xiii.) Tl s'éloigne encore de ceux qui le haïssent
et le persécutent , pour aller où il trouvera un grand nombre de
cœurs qui l'aiment et qui lui sont dévoués. C'est ce que l'Evangéliste
nous indique en disant : « Et beaucoup de personnes le suivirent. »
Ainsi, tandis que les pharisiens réunissent tous leurs efforts pour le
perdre, une multitude sans instruction le suit, en professant pour lui
un attachement unanime. Aussi ne tarde-t-il pas à récompenser leurs
désirs; il est dit, en effet : « Et il les guérit tous. » — S. Hil. Il com-
mande à ceux qu'il guérit de garder le silence sur leur guérison. « Et
il leur commanda de ne point le faire connaître. » La santé qu'il avait
rendue à chacun d'eux était un témoignage en sa faveur; mais eu
commandant le silence, ou en faisant une obligation du secret, il évite
loute occasion de vaine gloire ; et cependant il se fait connaître par
cela seul qu'il commande le secret, puisqu'on ne garde le silence qu'à
l'égard d'une chose dont on ne doit point parler. — Rab. Il nous
apprend aussi, lorsque nous avons fait ijuelque action importante, à
ne point rechercher les louanges des hommes.
(1) Le sens du mot latin non capit est déterminé par le texte grec oyx £VÔ£/_£-ai, non con-
tingit, non convenit, il n'est pas convenable.
i.|uoraodo ipsi vitani inveuirent. Hilar.
{Can. \2ufsvp.) Sciensque eorum con-
silia, secessit, ut a consiliis iiialiiniaii-
tium proful abessot, undi» sequitiir :
« Jésus autem scieiis, » etc. Hier. Sciens
(iu(|uam) eorum insiilias, secessit, ut
pharisaeorum contra se occasionein im-
pietatis auferret. Remig. Sive secessit
iude quasiliomo, fugiens insidiassuorum
lierse(iueiitium ; sive quia non erat leni-
piis, ueque locus patieudi : non eniiu
'•apit perire Prophelam extra Hieriisa-
leni, sicut ipsedicit. [Ltic. 13.) Declinavit
etiaui Duminus odio se perseipientes ,
et perveiiit illiic ubi invenit pliirinios
per se aniorcin dili;ienles. Inde sequi-
lur : « Ktseculisuut eum multi. » Qiieiu
pbarisœi unanimi consilio perdere qu»-
ruut turba indocta unanimi dileclione
sequitur : unde mo\ sui desiderii couse-
qiiuatur eirectimi : uam sequitur : « Kf
curavit eos omnes. » HrLAR. Mis auteni
quos curavit. silentium imperavit : unde
sequitur : « Et praecepit eis ne mauifes-
tum eum lacèrent, » etc. Naui sains uui-
cuique reddita erat sibi ipsi testis : sed
jubendo silentium teueri (seu jubendo
secrelum), et gloriandi de se jactantiam
déclinât, et nibilomiuus co^nitiunem sui
invTslat in eo ipso, cuni admonel de se
laceri, quia observatio sileulii ex re quœ
sit silenda , proliciscitur. Hab. In hoc
etiani nos instruit, ne eum aliquid ma-
iini l'ecerimus, laudem foris quœramu».
XII.
179
DE SAINT MATTHIEU, CHAI'
Kemi. Un autre motif pour lequel il leur commande de ne point le
découvrir, c'est afin de ne point rendre ses persécuteurs plus cou-
pables. — S. Chrys. [hom. 41.) De peur que ces actes de folie, in-
croyables dans les pharisiens, ne vous jettent dans le trouble, Jésus
apporte le témoignage du Prophète. Car l'exactitude des prophètes
est si grande en ce qui concerne le Christ , qu'ils ont rapporté les
moindres détails de sa vie, ses voyages, ses marches, et jusqu'aux in-
tentions qui le faisaient agir, pour vous montrer que toutes ces
choses leur étaient dictées par l'Esprit saint. 11 est impossible, en effet,
de connaître les pensées d'un homme , à plus forte raison les inten-
tions du Christ, à moins que l'Esprit saint ne les révèle. L'Evangéliste
ajoute donc : « Afin que cette parole du prophète Isaïe fût accomplie :
Voici mon serviteur, » etc. — Rejii. Notre- Seigneur est appelé le ser-
viteur du Dieu tout-puissant, non pas comme Dieu, mais suivant l'é-
conomie de son incarnation ; car par la coopération du Saint-Esprit
il a pris dans le sein de la Vierge une chair exempte de la tache du
péché. Quelques exemplaires portent : « L'élu que j'ai choisi ; » car il
a été choisi , c'est-à-dire prédestiné par Dieu le Père, pour être non
pas son fils adoptif , mais son propre fils. — Rab. Il dit : « Je l'ai
choisi » pour une œuvre que nul autre n'a faite , pour racheter le
genre humain, et rétablir la paix entre le monde et Dieu.
Suite. «Mon bien-aimé, en qui j'ai mis mon aflection , » car lui
seul est cet Agneau sans tache dont le Père a dit : « Voici mon Fils
bien-aimé en qui mon âme a mis ses complaisances. » — Rémi. Ces
paroles : « JNIon àme, » ne doivent pas être entendues en ce sens que
Dieu le Père ait une âme comme la nôtre ; c'est par métaphore que le
Remig. Ideb etiam prœcepit ut nou
inanifestarent euai ne persequentes ip-
suiii détériores fièrent.
Chrys. {in homil. 41 ut svp.) Deinde
ut non turberis ia his quaj fiuut iusania
iuopinabili phariri.Teoruui , iuduxit Pro-
phetaiii lioc prœdicentem. Tanta enim
eratproplietarum dili^entia^ utuequehaec
doreliquerint, sed et vias ejus et transi-
tas prophelizarint et iutentionem cum
«jua hoc faciebat ; ut discas quôniaui om-
uia aSpiritu Saucto loquebantur.Si enim
fogitatioues honiiuuui impossibile est
scire, multo luaijis Cbristi intentiouem,
uisi Spiritus Sanctus revelaret. Sequitur
ergo : « Ut implerctur quod dictum »
est per Isaiam (cap. 42) : « Ecce puer
meus, p) elc. Remig. Du;iiiuus quidem
.lesus Christus pner omnipotentis Del
dictus est, non secunduni Divinitatem,
sed secunduni assumpta? carnis dispen-
sationem ; quia coopérante SpirituSancto
carneiu suscepit ex Virgine, absque ma-
cula peccati. Quidam libri babeut :
« Electus quem elegi : » electus enim
fuit a Deo Pâtre (id est prajdestiuatus)
ut esset Filius Dei proprius, non adopti-
vus. Rab. Quem eligi dicit ad opus quod
nemo alius fecit, ut redimeret genus
bumauum, et pacifi caret muudum cum
Deo. Sequitur : «Dilectus meus in quo
bene complaeuit animœ meœ : » quia
ipse solus est Agnus sine macula pec-
cati, de quo Pater dicit :.« Hic est Filius
meus dilectuj, in quo mibi bene com-
placui. » Remig. Quod autem dicit :
« Animœ laeœ, » nou ita intelligendum
est, quod De us Pater animara habeat,
180
EXPLICATION DE L EVANGILE
prophète lui attribue une àme pour exprimer son affection. Et en cela
rien d'étonnant, puisque nous lui attribuons de la même manière
les différents membres de notre corps. — S. Chrys. {hom. -41.) Le
Prophète a commencé par l'énumération de ces deux caractères (1*),
pour vous indiquer que tout ce qui suit s'est fait selon le bon plaisir
du Père ; car celui qui est aimé agit conformément à la volonté de
celui qui l'aime. De même celui qui est élu ne détruit pas la loi par
opposition à celui qui l'a choisi, il ne se présente pas comme l'ennemi
du législateur, mais comme en parfaite harmonie avec lui. Or, c'est
parce qu'il est mon bieu-aimé que « je ferai reposer mon esprit sur
lui. » — Rlmi. Dieu le Père fit reposer son esprit sur lui , lorsque par
l'opération du Saint-Esprit il prit un corps dans le sein de la Vierge
Marie, et lorsqu'étant fait homme, il fut inondé de la plénitude de
l'Esprit saint.
S. Jér. L'Esprit saint repose non pas sur le Verbe de Dieu , sur ce
Fils unique qui sort du sein du Père (;2), mais sur celui dont il a été
dit: c( Voici mon serviteur. » Que doit-il opérer par son ministère?
Ecoutez la suite : « Il annoncera la justice aux nations, » — S. Acg.
{Cité de Dieu, xxi, 30.) C'est qu'en effet, il est venu annoncer le ju •
gement à venir à ceux qui l'iguoraieut. — S. Chrys. {ho??î. il.) Il fait
ensuite connaître son humilité, en ajoutant : « Il ne disputera point, »
car il s'est offert selon le bon plaisir de son Père , et il s'est livré de
lui-même entre les mains de ses persécuteurs. « Il ne criera point, »
'l*j La première phrase de cette citation de saint Chrysostome ne se trouve dans le texte grec
qu'après l'explication de tout le passage du prophète, et le sens assez obscur de cette phrase
devient clair en la replaçant dans sou ordre naturel. Après cette dernière partie de la prophétie :
«1 Et les natioQS espéreront en son nom, » le saint docteur ajoute : Ec pour vous apprendre que
tout cela se fait selon la volonté de Dieu, le prophète a eu soin de dire en premier lieu : Mon servi-
teur bien-aiiné, etc.
(2) Jean, i, 18 ; viii, 42.
sed translative anima iu Deum adscri-
bitur, ut per eam demoustraretur Dei
affectus. Nec uiiruni, si anima transla-
tive in deo dicitur, cum etiam cfetera
fiorporis niembra ei ascribautur. Chrys.
{in liom. 41 ut sup.) Hoc autem iu priu-
l'ipio Propliela pouit, ut diseas quia hoc
quod hic dicitur, fuit secuudum consi-
lium Patris : dilectiis cuim secundum
idusihum ejus qui diliirit, facit. Sed ite-
ruui elei-tus, iiuu ut adversarius suivit
leiîem, neque ut iuiiuicus existeus lej^is-
latori, sed ci concordans; quia ergu di-
lectus est, « ponaui Spiritum nieuui su-
per euui. » Remig. ïunc etiam Deus
Pater posuit spiritum suum super eum,
cum opérante Spirilu Sancto suscepit
carnem ex Virgine; et mox ut homo
factus est, pleuitudinem Spiritus Sancti
suscepit.
Hier. Ponitur autem Spiritus Sanctus.
non super Dei Verbum, et super Unige-
uituni (jui e sinu Patris processit, sed
super eum de quo dictum est : « Ecce
puer meus : » quid autem peripsum fac-
turus sit subditur : « Et judicium gen-
tibus nuntiabil.» AUG. (sx de Cirit. Dei,
cap. 30.) Quia scihcet judiciuiu prœnuu-
liavil futurum, quod gentibus erat oc-
cultum. Chrys;. {in hom il nt sup.)
Deiude humililatem ejus manifestaus
dicit : « Non conteudet; quia sicut illi
phiiuit. oblatus est, et niauibus per-
sequentium se ultro obtulit : « Neque
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII. 181
car il s'est tu comme un agneau devant celui qui le tond. « Personne
n'entendra sa voix sur les places publiques. » — S. Jér. La voie qui
conduit à la perdition est large et spacieuse, et il en est beaucoup qui
la prennent; or il en est beaucoup qui n'entendent pas la voix du
Sauveur, parce qu'ils sont non dans la voie étroite, mais dans la voie
large (i). — Rémi. Le mot grec zXaxsla, correspondant au mot. latin
platea^ place publique, veut dire étendue ; personne donc n'a entendu
sa voix dans les lieux spacieux , parce qu'il a promis à ceux (jui
l'aiment, non pas les jouissances de la vie , mais de rigoureuses pri-
vations.
S. Chrys. {hom. 41.) Le Sauveur voulait, par cette douceur, guérir
l'esprit des Juifs ; mais bien qu'ils aient rejeté les avances de sa bonté,
il ne voulut pas leur résister en les détruisant. Aussi le Prophète nous
tait-il connaître à la fois sa puissance et leur faiblessse dans les pa-
loles suivantes : « Il ne brisera pas le roseau cassé, et il n'éteindra
pas la mèche qui fume encore. » — S. Jér. Celui qui ne tend pas la
main au pécheur , et qui ne porte point le fardeau dont son frère est
chargé, achève de briser le roseau cassé ; et celui qui méprise la plus
petite étincelle de foi dans le dernier des croyants , éteint la mèche
qui fume encore. S. Are. {Cité de Dieu, xx, 30.) Il ne voulut donc ni
briser ni éteindre les Juifs ses persécuteurs, comparés ici au roseau
brisé, parce qu'ils n'avaient plus leur intégrité , et à la mèche qui
fume, parce qu'ils avaient perdu la lumière ; cependant il leur par-
donne, car il n'était pas encore venu pour les juger , mais p'our être
jugé par eux. — S. Aug. {Quest. évanrj., ii, 3.) A l'occasion de cette
mèche qui fume, remarquez qu'en perdant sa lumière, elle exhale une
mauvaise odeur.
(1) Matth., vu, 13.
clainabit, » quia sicut aquus coram ton-
dente se obmutnit : « Neque audiet ali-
quis in plateis Tocemejus. » HjERO.Lata
enim est et spatiosa via qiifp ducit ad
perditioneui, et multi ingrediuntur per
eam : qui multi non audiunt vocem Sal-
vatoris, quia non sunt in arcta via, sed
in spatiosa. Remig. f/o /'('(/ namque gra;ce
7r),aTcîa, latine latitudo dicitur : in pla-
teis eriîo vocem ejus nemo audivit, quia
suis dilectoribus non delectabilia in hoc
mundo promisit, sed aspera.
Chrys. (in homil. 41 »^ 5w/).) Volebat
autem Dominusper ejusmodi mansuetu-
dineni curare .ludaîos ; sed licet isti re
uuerenl, non tamen eis restitit eos des-
truendo : unde et ejus virtutem et illo-
rum imbecillitatem Propheta ostendens
dicit : « Arundinem quassatam non con-
fringet et linum fumigaos non extin-
guet. » Hier. Qui peccatori non porrigit
manum, nec portai onus fratris sui, isle
quassatuni caîamum confringit ; et qui
modicam scintillam fîdei contemnit in
parvulis, hic linum extiuguit fumigans.
Aug. (XX de Civit. Dei, 30.) Unde persecu-
tores Judaeos, qui calamo quassato (per-
dita integritate) et lino fumanti (amisso
lumine) comparati sunt, non contrivit,
nec extinxit ; quia pepercit eis, qui non-
dum venerat eos judicare, sed judicari
ab eis. Aug. [de qnœst. Evang. lib. ii,
cap. 3.) In lino etiam fumigante notandum
est, quia desertum lumine facit putorem.
182
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
S. Ghrys. {hom. 41.) Ou bien par ces paroles : « [1 n'achèvera pas
(le briser le roseau cassé , il leur fait voir qu'il lui était facile de les
briser tous, comme on brise un roseau, et non pas un roseau quel-
conque, mais un roseau déjà cassé. Ce qui suit : « 11 n'éteindra pas
la mèche qui fume encore, » nous montre leur fureur allumée contre
lui, et la toute-puissance de Jésus-Christ pour éteindre cette fureur
avec la plus grande facilité, et c'est en cela qu'il fait paraître l'excès
de sa douceur. — S. Hil. [con. i^.) Ou bien par ce roseau qu'il
n'achève pas de briser, il nous apprend que les nations fragiles et déjà
brisées, n'ont pas été broyées entièrement , mais qu'elles ont été ré-
servées pour le salut ; et en ajoutant : « Il n'éteindra pas la mèche
qui fume encore , » il nous montre que la dernière étincelle de feu
n'est pas éteinte dans cette mèche qui fume encore , c'est-à-dire que
l'esprit de la grâce ancienne n'a pas entièrement disparu du milieu
des restes d'Israël, parce qu'elles ont conservé, avec la faculté de faire
pénitence, le pouvoir de recouvrer la lumière dans tout son éclat. —
Rab. (1). Ou bien, au contraire, ce roseau brisé, ce sont les Juifs agités
par le vent , et dispersés bien loin les uns des autres. Cependant le
Seigneur ne les condamne pas immédiatement , mais il les supporte
avec patience. Cette mèche qui fume encore serait alors le peuple,
formé des nations, qui, après avoir éteint dans son cœur la chaleur
de la loi naturelle , était enveloppé de toutes parts d'erreurs téné-
breuses, semblables à une épaisse fumée qui blesse les yeux. Or, non-
seulement le Seigneur n'éteignit pas. cette mèche fumante , et ne la
réduisit pas en cendres, mais au contraire il lit jaillir de cette étin-
celle la flamme la plus vive et le feu le plus ardent.
(1) Raban a emprunté cette citation à saint Jérôme, lettre 151 à Algasie.
Chrys. {homil. 41 ut stip.) Vel in hoc
quod dicit : « Arundinem quassatam non
confringet, » osteudit quod ita facile eral
ei omnes eos fran^ere^ siciit aruudiuem;
et non simpliciter arundiuem, sed jaui
contritaïu. In hoc autem quod dicit :
<( Linuui funiigans non extinguet, » de-
nionslrat et illorum furorem accensuui,
et viiiutem Chrisli poleutem ad extin-
guendum ejusmodi furorem cuin omni
facihtate : uude in hoc uuilta luansuetudo
Christi oslenditur. Hilar. {Vont. 12 v/
sup.) Vel per lioc qnod dicit : « Arundi-
nem qu;e quassata est non esse coufrac-
tam , » oslendit caduca et quassata gen-
tium corpora non fuisse contritaj sed in
salutem potius reservata; per hoc aulem
quod dicit : « Liaum fumigaus non extiu-
guet, » ostendit exiguitatem igais jam tan-
tum fumigantis in lino non extinclam, id
est, Israël ex reliquiis veteris gratiae spiri-
tum non ablatum, quiaresumendi totiu?
luminis in tempore pœnileuti* sit facul-
tas. Raba. Vel e converso, « aruudiuem
quassatam » vocat Judaîos, quos a veato
agitâtes, et quasi ab invicem dissipâtes,
non statim Domiuus coudemnavit, sed
patienter supportavit. Liniim autem fu-
migans vocat populum de gentibus cen-
grcgatum, qui extincte naturalis legisar-
dore, fumi auiarissiuii et oculis nexii
teuehrosa?quc calignis involvebatur er-
roribus, quem non solum non extiuxitet
rodegit in cinerem, sed e coutrarie de
parva scintilla et pêne merieute maxima
suscitavit incendia.
DE SAINT MATTHIEU, CIIAP. XII.
183
S. CiiRYS. {hom. 4-1.) On pourra peut-être objecter : Quoi donc, eu
sera-t-ii toujours ainsi? supportei"a-t-il jusqu'à la fin ceux qui se
laissent emporter à cet excès de malignité et de folie? Non; mais
lorsque sa mission sera terminée, il passera à uu autre ordre de
choses, et c'est ce qu'il nous déclare par ces mots : « Jusqu'à ce qu'il
lusse triompher la justice de sa cause (1). » Gomme s'il disait : Lors-
qu'il aura accompli l'objet de sa mission, ce sera le tour de la ven-
geance absolue ; car alors ses ennemis seront sévèrement châtiés ,
lorsqu'il aura rendu son triomphe si éclatant qu'il n'y aura plus de
[ilace pour leurs insolentes contradictions. — S. Hil. {can. 1*2.) Ou
bien jusqu'à ce qu'il fasse triompher le jugement en dépouillant la
mort de toute sa puissance et en faisant revenir avec lui la justice
dans son retour triomphant. — Rab. Ou bien encore jusqu'à ce que
le jugement dont il était l'objet aboutisse à une victoire éclatante, car
après avoir triomphé de la mort par sa résurrection , après avoir
chassé le prince de ce monde, il est rentré triomphant dans le royaume
des cieux et s'est assis à la droite de son Père , jusqu'à ce qu'il ait ré-
duit tous ses ennemis sous ses pieds (I Cor. 1, 15.) — (S. CnRYS.(/iom.4;l.)
Mais sa puissance ne se bornera pas à punir ceux qui auront refusé
de croire en lui, il entraînera encore après lui tout l'univers : « Et les
nations espéreront en son nom. » — S. Aug. {Cité de Dieu, xx, 30.)
Nous voyons déjà l'accomplissement de cette dernière partie de la
prophétie , et cet accomplissement qui est incontestable nous garantit
(1) Dans la langue chaldaïque, le mot zàchut, traduit par celui de victoire dans ce passage
d'Isaïe, signifie également vérité. Le texte hébreu porte emeth, qui veut dire vérité; comme le
remarque Maldonat, saint Matthieu s'est servi du texte chaldéen et a mis victoire pour vérité. Le
même mot hébreu avec un léger changement, au lieu de vérité, pourrait signifier terre. Voilà
pourquoi on lit dans quelques exemplaires : Jusqu'à ce qu'il fasse le jugement sur la terre. Du
reste, le jugement qui aboutit à la vérité et le jugement qui aboutit à la victoire sont une seule
et même chose.
Chrys. {in homih 41 ut sup.) Sed
posset aliqiiis dicere : « Quid igitur ?
seraper liaec erunt? et feret usqiie in fi-
uem eo3 qui sic iusidiantur et insa-
iiiunt ? » Al)sit : sed cum sua omnia
facta eruut, tuuc et ilia operabitur : et
iioc oipiiavit, diceuà : « Donec ejiciatia
victoriam judicium. » Ac si dicat : « Cuiii
ea quïe ex se siint, omnia compleverit,
lune perfectaui ultionem inducet ; «
tune cuiui punientur, cum claram fece-
rit suam victoriam, ut non reliuquatur
eis inverecunda eoutradictionis occasio.
HiLAR. {Can. 12 ut sup.) Vel « douée
ejiciat ad victoriam judicium, » sublata
scilicet mortià potestate, judicium clari-
tatis suse reditu introducat. Rab. Vel
donec illud judicium quod in eo ageba-
tur ad victoriam perveniret; quia post-
quam mortem resurgeudo superavit ,
expulse principe hujus mundi,victor ad
regnum rediit, in Patris dextera sedens,
donec ponat sub pedibus omues inimicos
suos (I ad Corinth. 15.) Chrys. {in
homil. 41 ut sup.) Sed non in hoc sta-
bunt ea quœ sunt dispensatiouis, ut so-
lum puuiantur qui non crediderunt ; sed
et orbem terrarum ad se trahet : unde se-
quitur : « Et iu nomine ejus gentesspe-
rabuut. » Al'G. (xx de Civit. cap. 30.)
Hoc autem ultimum jam videmus im-
pletum ; et super hoc quod negari non
484 EXPLICATION DE l/ÉVANGlLE
l'accomplissement du jugement dernier, que quelques-uns ont la
témérité de nier , jugement qui aura lieu sur la terre parce que le
Christ descendra lui-même du haut des cieux. En effet, qui aurait
jamais cru que les nations espéreraient dans le nom du Christ, alors
qu'il était au pouvoir de ses ennemis , chargé de chaînes , frappé de
verges, bafoué et attaché sur une croix, et quand ses disciples eux-
mêmes avaient perdu le peu d'espérance qu'ils avaient placée en lui.
Ce qu'alors un voleur seul avait à peine espéré sur la croix, est devenu
l'objet de l'espérance de toutes les nations répandues sur la face de la
terre, et tous les hommes recourent au signe de cette croix sur
laquelle il est mort pour se garantir eux-même de la mort éternelle.
Que personne donc ne doute que Jésus-Christ n'accomplisse un jour
ce dernier jugement tel qu'il a (Ué prédit.
Rémi, Remarquons que ce témoignage du prophète ne vient pas
confirmer seulement la vérité de ce passage, mais la vérité d'une
multitude d'autres. Ainsi ces paroles : « Voici mon serviteur, » se rap-
portent à cet endroit où le Père dit : « Celui-ci est mon Fils , »
{Matth., m); et ces autres : «Je placerai mon esprit en lui, » au
miracle de l'Esprit saint descendant sur le Seigneur au moment de
son baptême. {Luc, m.) Ce qu'il ajoute : « Il annoncera la justice aux
nations , » se rapporte à ce que saint Matthieu dit ailleurs : « Lorsque
le Fils de l'homme s'assiéra sur le trône de sa gloire. » [Matth., xxv.'i
Ces autres paroles : « Il ne disputera ni ne criera » se sont vérifiées
lorsque le Seigneur ne répondit presque rien au prince des prêtres et
à Pilate {Matth.^ xxvi, xxvii), et qu'il garda un silence absolu devant
Hérode {Luc. xxiii). Ce qui suit : « Il n'achèvera pas de briser le roseau
cassé » se rapporte à ce trait de la vie du Sauveur où il se dérobe à la
potest, creditur et illud quod impruden-
ter a quibusdaru negatur, novissiimim
judicium ; quod ponet iu terra, cum ve-
nerit ipse de cœlo : quis enira speraret
gentes in Christi iiomine speraturas,
quando tenebatur, ligabatur, cœdebatnr,
illudebatiir et crucitigebatur , quando
et ipsi discipuli spen» perdiderant quani
inillo habero jani cœperaut? Quod tune
vix unus latro speravit in cruce, nunc;
sperant gentos longe lateque diffusai
runi aliorum hoc testimonio confirma-
tur : nani quod dicit : « Ei-ce puer
meus . » ad illuni locum refertur, ubi
dixeral Pater [Matdi. 3) • «Hic est Filius
meus ; » qnod vero ait : « Ponam Spi-
ritum meum super eum, » ad hoc refer-
tur quod Spiritus Sanctus descendit su-
per Dominum baptizatum.(/.Mr. 3.) Quod
auteui subjungit : « Judicium gentil>ii.~
nuntiabit, » refertur ad id ipiod infra di-
citur [Matth. 25) : « Cum seJerit Filius
et ne in tfiternum moriantur, ipsa in qua | hominis in sede majestatis suae ; » quod
ille morluus est cruce signantur. Xullus ■ aiitem subdit : « Non contondet neque
igitur dnl)itet per Jesum Chrislinn taie j clamabit, » ad hoc refertur, quod Do-
quale pr;i'nuntiatur novissiunuu fiitnnuii millu^^ i)au('a respondi't priucipi sa^er-
esse judiLiuui. dolumcL i'ilato [Mu (th. lu et 27); Herodi
Remig. Sciondum est autem (piia, n(Ui \ vero nulla il.nc. 23) ; quod vero dicit :
solum istius loci sensus, sed et niulto- | "Arundinoniquassatamnonconfringel,»
DE SATNT MATTHTETT. CIIAP, XII,
185
fureur de ses ennemis pour leur éviter un plus grand crime {Jean , tu
et viii) ; enfin ces paroles : « Les nations espéreront en son nom »
peuvent se rapporter à ce passage de saint Maltliieu : « Allez, ensei-
gnez toutes les nations. » (Matth., xxviii.)
y. 23-24. — Alors on lui présenta un possédé aveugle et muet, et il le guérit,
en sorte qu'il commença à parler et à voir. Tout le peuple en fui rempli
(l'admiration; et ils disaient : N'est-ce point là le Fils de David? Mais les
pharisiens entendant cela, dirent : Cet homme ne chasse les démons que par
Béelzéhuh , prince des démons.
La Glose. — Le Seigneur venait de réfuter les calomnies des phari-
siens qui lui reprochaient de faire des miracles le jour du sabbat;
mais comme, par une méchanceté plus noire encore, ils dénaturaient
les miracles eux-mêmes qu'il opérait par une vertu toute divine en les
attribuant à l'esprit impur , l'Evangéliste raconte le prodige qui fut
pour eux l'occasion de ce blasphème : « Alors on lui présenta un
possédé. »
Rémi. Ce mot alors se rapporte au moment où il sortait de la syna-
gogue après avoir guéri cet homme dont la main était desséchée. Ou
bien cette expression alors signifie un espace de temps plus étendu et
voudrait dire : alors qu'il prononçait tous les discours, ou qu'il faisait
les œuvres qui sont ici racontés. — S. Chrys. {hom. 41. ) Quelle ma-
lice surprenante dans le démon ! il avait fermé les deux passages par
lesquels la foi aurait pu entrer dans cet homme , c'est-à-dire la vue et
l'ouïe ; mais le Seigneur va ouvrir l'un et l'autre : « Et il le guérit, »
(1) Cette citation ne se trouve ni dans la Glose, ni dans saint Anselme, ni dans aucun autre
auteur.
ad hoc pertinet quod Dominus siios per-
secuturos decliaavit, ne fièrent détério-
res (Jean. 7 et 8) ; quod vero dicit : «In
Domine ejus pentes sperabunt.» ad hoc
refertur quod ipse dixit : [Malth. 28) :
« Euntes docete oinnes gentes. »
Tune (ihlatus est ei dœmonium hnbens , cwcus et
mutus, et ciiravit ewn, ita ut loqueretur et vi-
deret. Et stupebnnt omues turhœ, et dicehant :
Nutu/uid hic est filius David ? Pharisœi au-
tem audientes dixeritnt : Hic non pjicil dirmo-
7ie.i, nisi in Beelzebuh, principe dcemoniorum.
Glossa. Confutaverat superius Domi-
nus pharisaeos Christi uiiracula caium-
niantes ex lioc quod sabbaliun solvere
videbatur : sed quiamajori neijuitiaipsa
Christi miracula divina virtute fada per-
vertebant, attribuentes ea immundo spi-
ritui , ideo Evangelista praemittit mira-
culum ex quo blasphemandi occasio-
nein sumpserunt, dicens : « Tune obla-
tus est ei dœmonium habeus. »
Remig. Ouod autem dicit, tu7ic. ad su-
periora refertur. quando sauato honiine
qui habebat manum aridam, exivit de
synagoga. Sive quod dicit, tune, potest
referri ad latius alque prolixius lempus,
ut sit seusus : « Tune quando hi«c vel
ilia dicebanturvel gerebautur. » Chrys.
{in liumil. 41 v( siip.) .Miranda est au-
tem uequitia dremonis : utrumque in-
gressum oppilavit, per quem ille erat
crediturus, scilicet, et auditum, et visum ;
sed Christus utrumque aperuit : unde
sequitur : « Et curavit eum, » etc. Hier.
IS('>
KXPUCAIION DI-: L EVAN<iILi:
ajoute l'Evangéliste. — S. Jér. Nous voyons ici trois prodiges opérés
dans un seul homme : l'aveugle voit, le muet parle, le possédé est
délivré du démon, et ce miracle extérieur et sensible se renouvelle
tous les jours dans la conversion de ceux qui embrassent la foi; après
que le démon est chassé de leur àme ils voient la lumière de la foi , et
leur bouche, jusqu'alors muette , s'ouvre pour proclamer les louanges
de Dieu. — S. Hil. ( can. 12 sw S. Matth.) Ce n'est pas sans un des-
sein particulier de Dieu qu'après avoir parlé d'une multitude de per-
sonnes guéries en commun , l'Evangéliste nous raconte la guérison
particulière d'un homme (jui était tout à la fois possédé, aveugle et
muet. Il convenaiL en etlet qu'après la guérison dans la synagogue de
l'homme dont la main était desséchée, celui dont il est ici question
devint la ligure de la guérison spirituelle des nations , et qu'après
avoir été possédé du démon , aveugle et muet, il devint l'habitation
de Dieu , vit et reconnut le vrai Dieu dans la personne du Christ et
rendît gloire à Dieu pour les œuvres qu'il opérait. — S. Aug. {Quest.
Evam/., II, 4.) Celui qui ne croit point et qui est l'esclave du démon
est tout à la fois possédé, aveugle et maet; il ne comprend pas, il ne
confesse pas la foi ou il ne rend pas gloire à Dieu. — S. AuG. [De
l'accord des Evang., n, 37.) Ce n'est pas dans le même ordre que
saint Luc raconte ce fait (xi); il parle d'un muet seulement, sans ajou-
ter qu'il fût aveugle ; mais de ce qu'il omet une circonstance de ce
genre , on ne peut conclure qu'il veut raconter une guérison diflFé-
reute, car la suite de son récit revient à celui de saint Matthieu.
S. Hil. [can. 12.) A la vue de ce miracle, la foule est dans l'éton-
nement, mais l'envie des pharisiens ne fait que s'accroître : « Et tout
le peuple étonné disait : N'est-ce point là le fils de David? » — La
Tria autem signa simul in uno homine
perpetrata sunt : ciEcus vidot, mutus lo-
quitiir, posspssus a dieniouo liberatiir :
quod et timc quideni cariialitei' faolum
est, sed quotidie cuinpletur in oonver-
sioue credentiuiu, ut expiilso dœmoue
piiinuni fidei lumen aspiciaut, deiude
et laudes Dei tacentiaprius ora laxeutur.
IliLAU. (C'OH. 12' »< sup.) Non auteui
sine ratione cuni turbas omnes curalas
in comuiuui dixissel, nuuc scorsuui daf-
mouium habens, cœcus et uiulus, offer-
tur : oportebat oniui ul poslquaiu lua-
nus arida; iiomo oblalusest, qui insyua-
gorra (nirabalur, in uuius luijusiuodi iiu-
ininis loruia geutiuni saius liei-et ; ut qui
••rat baliitalio daenionii, et cœouset niu-
lus, Deo capax pararetur; et Ucum con-
tueretur in Christo, et Christi opéra Dei
confession» laudaret. Aug. {de quœst.
Lvang. lib, u, qutest. 4.) Daemonium
enim babeus, cfecus et uiutus est, qui
non crédit et subditus est diabolo ; qui
non intelligit et non contitetur ipsaui fi-
deiu, vel qui non dat laudem Deo. AlG.
[de con. Evang. lib. ii, cap. 37.) Hoc
autem non isto ordiue, sed post mulla
alia Lucas commémorât (cap. 11), et /«"-
^««tdicit tantum, et non cœcum : sed
non ex eu quod aliquid tacet, de alio
dicere pulaudus est; oa enim sequentia
et ipse contexit qu;e Mattbteus.
IliLAR. {Can. 12 ut «•//).) Stupuerunt
facli istius opus turbiv, sed pliarisa'oruui
ingravescit invidia : unde sequitur : « Kl
stupebantomuesturbae etdicebaut: Nuu-
nr<; saint Matthieu, chai-, xii. 487
fji.osE. Ils l'appellent le Fils de David à cause de sa bonté et de ses
bienfaits. — Rab. Tandis que le peuple moins instruit ne cessait d'ad-
mirer les prodiges du Sauveur, ceux-ci s'appliquaient toujours à les
nier, ou, lorsqu'ils ne le pouvaient, à les révoquer du moins en doute,
à les dénaturer par des interprétations malveillantes, comme s'ils
étaient l'œuvre non pas de la divinité, mais de l'esprit immonde, de
lieelzébub qui passait pour le dieu d'Accaron. C'est ce qu'ils firent
dans cette circonstance. « Les pharisiens entendant cela dirent : Cet
homme ne chasse les dém ons que par Beelzébub, prince des démons. »
Rémi. Beelzébub n'est autre chose que Beel ou Baal, ou Reelphé-
gor. Beel fut le père de Ninus, roi des Assyriens; il fut appelé Baal
parce qu'on l'adorait sur les hauteurs , et Beelphégor à cause de la
montagne de r*héga, où son idole était placée, Zébul fut un serviteur
d'Abimélech, fils de Gédéon. C'est cet Abimélech qui, après le meurtre
de ses soixante-dix frères , éleva un temple à Baal et y établit prêtre
Zébub pour chasser les mouches qui s'y rassemblaient en grand
nombre à cause de la grande (Quantité de sang des victimes immo-
lées (1); car Zébub signifie mouche et Beelzébub veut dire l'homme
des mouches. Ils l'appelaient prince des démons à cause des impuretés
qui déshonoraient sou culte. Ne trouvant donc rien de plus infâme à
objecter contre le Sauveur, ils disaient que c'était par Beelzébub qu'il
chassait les démons. Il faut remarquer que ce nom doit être écrit avec
un ô à la fin et non avec un t ou avec un rf, comme on le voit dans
quelques exemplaires fautifs.
(1) Ce n'est pas Zébub, mais Zébul, comme on le voit au livre des Juges, chap. ix, v. 28. On n'y
voit pas non plus qu'il ait été établi prêtre ou chargé de chasser les mouches, mais simplement
qu'Abimélech l'établit prince sur la maison d'Hémor, père de Sichem. D'où peut donc venir cette
fausse interprétation de Rémi? Probablement il aura confondu zébul qui signifie habitation, avec
zébub qui veut dire mouche. (Voyez la note sur le vers. 25 du chap. x.)
quid hic est filins David"? » Glossa. Ob
misericordiaiu et Ijeûeficia ^/^HW^ David
prœdicant. Rab. Turbis autem quse mi-
nus eruditac videbantur, Doaiini semper
facta mirantibus, illi contra vel negare
baec, vel quœ negare uequiveraut siiiis-
tra interpretatioue pervertere labora-
bant ; quasi baîc uou Divinitatis, sed
immundi spiritus opéra fuissent, id est,
Beelzébub, qui Deus erat Accaron. (iv
Reg. 1.) Unde sequitur : « Pharisa-i auteui
audientes dixeruut : Hic non ejicit dœ-
mones, nisi in Beelzébub, principe dae-
monioruni. »
Remig. Beelzébub autem ipse est Beel,
Baal et Beelphégor. Beel fuitpater Nini,
régis Assyriorum ; Baal dictus est, quia
in excelso colebatur ; Beelphégor aloco,
id est, a monte Phega ; Zebub servus
fuit Abimélech, filii Gedeonis. qui occisis
septuaginta fratribus , aHlificavit tem-
plum Baal, et constiluit eum sacerdo-
tem in ipso ad abigeudas muscas , qua^
ibi congregabantur propter nimium
cruoreni victiniarum : Zebub namque
;h«5C0 dicitur : Beelzébub ergo vir mus-
carum interpretatur. Unde propter spur-
cissimum ritum culeudi, dicebaut eum
esse priucipem da-moniorum.Nihil ergo
sordidius inveuientesquod Domino obji-
cerent, dicebaut eum in Beelzébub ejicere
dœmonia. Et scicudum quod non est le-
gendum per d, vel t, ia fine, ut quaedam
mendosa exemplaria habent, sed per b.
188
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
5'. 25, 26, — Or Jésus connaissant leurs pensées leur dit : Tout royaume divisé
contre lui-même sera ruiné, et toute ville ou maison qui est divisée contre
elle-même ne pourra subsister. Que si Satan chasse Satan il est divisé contre
lui-même! Comment donc son royinane suhsistera-t-il?
S. Jér. Les pharisiens attribuaient au prince des démons les œuvres
de Dieu ; Notre-Seigncur répond non à ce ce qu'ils disaient mais à ce
(ju'ils pensaient au-dedans d'eux-mêmes (1), pour les forcer de croire
à la puissance de Celui qui voyait le fond des cœurs. « Or Jésus con-
naissant leurs pensées, » etc. — S. Ghrys. {hom. 42 sur S. Matth.) Ils
avaient déjà accusé plus haut le Seigneur de chasser les démous par
Beelzébub, sans qu'il les en eût repris ; il voulait laisser à la multitude
de ses miracles de leur faire connaître sa puissance , et à sa doctrine
de révéler sa grandeur ; mais comme ils persévéraient dans cette inter-
prétation calomnieuse , il leur en fait des reproches sévères , bien que
cette accusation n'eût pas le moindre fondement, car l'envie n'examine
pas la nature de ses accusations^ pourvu qu'elle accuse. Cependant Jésus
ne leur répond point avec mépris , mais ses paroles sont pleines de
douceur et de dignité pour nous apprendre à être doux envers nos enne-
emis, à ne point nous troubler alors même qu'ils nous accuseraient de
choses que nous ne reconnaissons pas en nous et qui n'ont aucun fon-
dement. Cette conduite fait même ressortir l'odieux de leurs calomnies,
car un possédé du démon n'aurait pu faire ni paraître une aussi grande
douceur, ni connaître les pensées des cœurs. C'est du reste parce que leurs
fl) Parce qu'il appartient à Dieu seul de connaître les secrets des cœurs : c'est pour cela qu'au
psaume vu, vers. 9, il est dit de Dieu qu'il sonde les cœurs et les reins; et dans Jérémie,
L-hap. XVII, vers. 10, Dieu dit de lui-même ■ « Je suis le Seigneur qui sonde les cœurs, et qui
éprouve les reins. »
Jésus autem sdetis cogitationes eoi-um, dixit eis:
Ontne regnum contra se dicisum desolahitur,
et omnïs civitas vel diimus dicisa contra se,
non stabit. Et si Sathanas Sathanam ejicit,
adversus se dicisus est : quomodo ergo stabit
regmim ejus ?
Hier. Pharisapi opéra Dei priiicipi dic-
nioniorum deputabant : (piiljus Domi-
ims, non ad dicta, sed ad cOLMlata res-
pondit ; ut vel sic compellerentur cre-
dere potentire ejus, qui cordi.s videbat
occulta : unde dicitur : « Jésus autem
scieus copitalioiies eorum, » etc.CHiivs.
{in liomit. 42 in Matth.) Superlut^ ipii-
dem et de hoc Christuni accusaveraut.
t}uin in Beelzébub ejiceret da>mouia;sed
tune quidem eos non inerepavit. conse-
dens eis et a pluribus signis cognoscere
ejus virlutem, et a doctrina discere eju»
uiaguitudiueui : sed quia peruianebant
eadem dicentes.jam increpateos ; quani-
vis eorum accusatio valde irrationabilis
esset: iuvidia autom non quœrit quiddi-
cat, sed solum ut dicat : neque tamen
Clirislus eos contempsit, sed respondet
cnm decenti mansuetudine, docens nos
mites esse inimicis, et non turbari,
etiamsi talia dicant qnœ nos in nobis non
recognoscimus, neque habet aliquam
rationem. In quo etiani ostendit meuda-
cia esse qua> ah ipsis suiit dicta : uenue
enim est dœmonium liabontis lantamos-
tendere mansueludiuem, et cogitationes
scire. Et quia valde irraliouabiiis eral
DE SAINT MATEHIEU, CHAI". XIl, 189
accusations étaient dépourvues de toute raison , qu'ils redoutaient la
multitude, et qu'ils n'osaient rendre publique cette accusation contre
le Christ; ils se contentaient de l'agiter au fond de leur cœur. C'est
pour cela que l'Evangéliste dit : « Or, Jésus connaissant leurs pen-
sées.» Le Sauveur, dans sa ré[»onse, ne relève point cette volonté qu'ils
avaient de l'accuser; il ne divulgue pas leur méchanceté, il se con-
tente de leur répondre, car son désir était d'être utile aux pécheurs
et non pas de dévoiler leurs crimes. Il ne se justifie point non
plus à l'aide de témoignages de l'Ecriture, car ils n'y auraient fait
aucune attention et les auraient expliqués dans un autre sens , mais
il tire sa réponse des choses qui arrivent ordinairement ^V). Les
guerres qui viennent de l'extérieur sont bien moins funestes que les
guerres civiles : c'est ce qui se vérifie également pour tous les corps
comme pour tous les êtres. Mais le Seigneur emprunte ses exemples
aux choses qui sont plus connues : « Tout royaume divisé contre lui-
même sera ruiné, » etc. Kien n'est plus puissant sur la terre qu'un
royaume , cependant la division est pour lui un principe certain de
ruine ; que dire après cela d'une ville , d'une maison , divisées contre
elles-mêmes. Grand ou petit, tout ce qui combat contre soi-même se
détruit nécessairement. — S. Hil. [can. 12.) Le sort d'une maison ou
d'une cité est ici le même que celui d'un royaume; c'est pour cela
qu'il ajoute : « Toute ville ou toute maison divisée contre elle-même
ne pourra subsister. » — S. Jér. De même que la concorde fait
croître les plus petites choses , ainsi la division fait tomber les plus
grandes (2).
(1*) Le grec porte àitô xiiv xoivîr) cujAeaivovcwv, ce que la traduction latine dont saint Thomas
a fait usage rend assez mal, par a communibus opinionibus.
(2) Saint Jérôme a emprunté cette maxime de Salluste, Guerre contre Juyurtha, sans citer la
source où il l'a prise.
eorum suspicio^ et multitudinem time-
bant; non audel)ant publicare Christiac-
cusatiouein, sed in mente volvebant :
propterqnod dicit : «Scieus cD^itationes
eorum : » ijise auteni acousatiouem qui-
dem in respondendo non pouit, neque
divul^rat eorum nequitiam; solutioneni
auleni inducit : studium enim ejus erat
prodesse peccantibus, non publicare.
Non auteni .respondel eis a Scripturis,
quia non attendereut, aliter exponentes,
sed a ('ouimunibus opinionibus : non enim
ita exteriora prœlia eorrumpuut, sicut
ea quœ sunt contribulium : hoc enim fit
in corporibuâ et in omnibus rébus : sed
intérim a magis cognitis exempla ducit,
dicens : « Omne regnuni contra se divi-
sum desolabitur, » etc. Niliii enim est
in terra regno potentius ;sedtamenper
altercationem périt : quid auteni dicen-
dum est de civitat€_. vel de domo? Ita
sive magumu sive parvum fuerit quod
contra seipsum pugnat, périt. Hilar.
[Can. 12 %d svp.) Unde domus et civi-
tatis eadem est hic ratio quse et regni :
propter quod sequitur : « Et omnis civi-
tas vel domus divisa contra se, non sta-
bit. » Hier. Quomodo enim concordia
parvse res crescunt,, sic discordia maxi-
raie dilabuntur.
190
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
S. HiL. [caii. I^.) La parole de Dieu est riche et féconde, et soit
•[u'on l'entende dans le sens le plus simple, soit qu'on pénètre dans
ses profondeurs, elle est indis[)ensal)le à tout progrès de l'àme. Lais-
sons doue de côté l'interprétation commune assez claire d'elle-même,
et arrêtons-nous au sens intime de ces paroles. Le Seigneur , ayant à
repousser l'accusation de faire des miracles par Béelzébub, fait retom-
ber cette accusation sur ses auteurs. En efïet, la loi vient de Dieu et la
promesse du royaume d'Israël découle de la loi : si le royaume de la loi
est divisé contre lui-même, il faut nécessairement qu'il se détruise, et
c'est ainsi (jue le royaume d'Israël a perdu la loi , alors que le peuple
de la loi attaquait dans le Christ l'accomplissement de la loi. C'est la
ville de Jérusalem qui est ici désignée , elle qui , après avoir dirigé
contre le Christ tous les flots de la fureur populaire et rais en fuite les
Apôtres avec la multitude des croyants , ne tiendra pas contre cette
division , et le Sauveur prédit ici la ruine de cette ville , qui suivit de
près cette division. Il ajoute ensuite : Et si Satan chasse Satan , com-
ment son royaume subsistera-t-il ? — S. Jér. C'est-à-dire : Si Satan
combat contre lui-même et si le démon se déclare l'ennemi du démon,
la fin du monde devrait être proche , car il n'y aurait plus de place
pour ces puissances ennemies dont les divisions assurent la paix aux
hommes. — La Glose. Le Seigneur les renferme donc dans un
dilemme dont ils ne peuvent sortir : ou bien le Christ chasse le
démon par la puissance de Dieu , ou bien par la vertu du prince des
démons. Si c'est par la puissance de Dieu , vos calomnies tombent à
faux ; si c'est par le prince des démons, le royaume des démons est donc
divisé contre lui-même, et il ne peut subsister. C'est pour cela que les
pharisiens se retirent de son royaume, et le Sauvem- insinue que c'est
HiLAR. [Can. 12 ut sup.) Sermo
autein Uei dives est, et vel simpliciter
intellei.'tus, vel inspectiis iuterius, ad
omuem profectum ('st necessariiis. Relic-
tis ergo liis qufe ad oommuiiem iutelli-
gentiam patent, causis interioribus im-
inoreinur. Respouàunis euim Domiuus
ad id quod de Beelzebul) dictum erat, in
ipsos quibus respoudebat responsionis
(•onditioneui retorsit: lex euim a Deo est,
et regui Israël poUieitatio ex lege est : si
regnum legis coutra se dividiliir, dissul-
vatur necesse est : et sic Israël reguuin
amisit legeru, quuiido impletioueui legis
iuCbristu plebs legis iuipugiial. Sed ci-
vilashii' Hierusalein indicatur, (juai post-
t[iiain in Doniiniun suuni furt>re pb^bis
exarsit, et aposlolos ejus cum creden-
tium turbià fugavit, post divisionem non
stabit : atque ita quod per banc divi-
sionem mox secutuin est, civitalis illius
deuuntiatur excidium. Deinde assumit :
« Et si Sathauas Sathanam ejicil, quo-
modo stabit regnum ejus? » Hier. Ac si
diceret ; Si Satbauas puguat contra se,
et dœmon iuimicus est dœmoni, deberet
jaui muudi venire consummatio : nec
habeut iu eo locum adversariai potes-
tates, quarum intér se bellum, pax ho-
minuni est. Glossa. Necessaria ergo
complexioue eos arguit. Vel enini Cbris-
tus in virtule Dei daMUones ejicit, velin
principe da-monioruni; si in virtuteDei,
frustra calumuiantur; si in priucipedsE-
mouiorum, regnum ejus divisum est,
nec stabit : et ideo a reguo ejus rece-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XU.
491
de leur propre choix, parce qu'ils out refusé «le croire en lui. —
S. Chrys. {hom. 42.) Ou bien si ce royaume est divisé, 11 s'est atl'aibli
par cette division et il est perdu ; et, s'il est perdu, comment peut-il
en renverser un autre? — S. Hil. [can. 12.) Ou bien encore si le
démon est forcément l'auteur de cette division intestine, et qu'il porte
le trouble parmi les démons eux-mêmes , il faut en conclure que celui
qui est parvenu à les diviser a plus de puissance que ceux qu'il a divi-
sés; donc le royaume du démon, devenu le théâtre d'une telle division,
est détruit. — S. Jér. Si vous pensez, scribes et pharisiens, que les
démons se retirent pour obéir à leurs chefs , pour tromper par cette
démarche simulée les hommes ignorants, que pouvez-vous dire de ces
guérisons miraculeuses dont le Sauveur est l'auteur? A moins que
vous ne reconnaissiez aussi dans le démon la puissance de guérir les
infirmités du corps et le pouvoir d'opérer des prodiges spirituels.
y. 27, 28. — Et si c'est par Béehéhuh que je chasse les démons , par qui vos
enfants les chassent-ils? C'est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges. Que
si c'est par l'Esprit de Dieu que je citasse les démons, le royaume de Dieu est
donc parvenu jusqu'à vous.
S. CiiRYS. {hom. 42.) A cette première réponse. Notre- Seigneur
en ajoute ime seconde beaucoup plus évidente encore : « Et si c'est
par Béelzébub que je chasse les démons, par qui vos enfants les chasse-
ront-ils ? » Par les enfants des Juifs , il entend les exorcistes établis
par la loi ou les Apôtres sortis de la nation juive. S'il veut parler des
exorcistes qui chassaient les démons en invoquant le nom de Dieu, il
force les pharisiens par cette question adroite de reconnaître en eux
dunt ; quod iuuiiit sibi eos elegisse, dum
iu se uon credimt. Chrys. {in fiomil. 42
ut Slip.) Vel sic : « Si divisas est, imbe-
i-illi ir factus est et périt ; si aulem périt,
qudUter potest aliuui projicere ? » Hilau.
{C(int. 12 ut svp.) Vel aliter : « Si ad
divisiiiiem suani coactus est dEemon, iit
dcemones perturbaret, bine quoque ais-
liiuaudum est plus iu eo qui divisent,
qiiam in bis ([ui divisi suut inesse virtu-
tis : ergo roi^num diaboli divisione tali
l'acta est dissolulum. » Hier. Si auteiu
putatis^o scribœ etpbarisîlei, quod reces-
sio dfemonum obedientia sit iu priuci-
peui suuni, ut bomiues ignorantes frau-
duleuta simulatione deludaut, quid po-
testis dicere de corpormn sanitatibus
quas Dominus perpetravit ? Aliud est,
si membrorum quoque débilitâtes et spi-
ritualium virtutum iusiguia dtemouibus
assignatis.
Et si ego in Beelzi'biib ejicin dœmones, fitii ri's ■
tri in quo ejiciunl ? ideo ipsi judices vestri
orunt : si uutem ego in Spirilii Dei ejicio dœ-
mones, igitur peroenit in vos regnurn Dei.
Chrys. [in hom. 42 nt sup.) Post pri-
mani soluliouem venit ad secundam qua>
prima inauifestior est, diceus : « Kt si
ego iu Beelzebub ejicio dœuiones, filii
vestri iu quo ejiciuut? » Hier. Filios
Jiidœorum vel exorcistas legis gentis il-
lius ex more signât, vel apostolos ex
eorum stirpe generatos. Si exorcistas,
qui ad iuvocationem Dei ejiciebant dro-
moues, coarctat pliarisœos interrogatione
19:2 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
l'œuvre de l'Esprit saint ? Si le pouvoir de chasser les démons, leur
dit-il, est dans vos enfants l'œuvre de l)ieu , et non pas des démons,
pourquoi cette puissance aurait-elle en moi un autre principe ? Ils se-
ront donc eux-mêmes vos juges, non par la puissance qu'ils exerceront
sur vous, mais par l'opposition de leur conduite avec la vôtre, puisque
c'est à Dieu qu'ils font remonter le pouvoir de chasser les démons,
tandis que vous l'attribuez au prince des démons. Si au contraire ces
paroles doivent s'entendre des Apôtres , ce qui est plus probable, ils
seront leurs juges, parce qu'ils siégeront sur douze sièges pour juger
les douze tribus d'Israël. {Matth. xix.) — S. Hil. {can. d2.) Or, c'est à
juste titre que les Apôtres seront établis leurs juges, eux qui ont été
revêtus du pouvoir de chasser les démons , pouvoir que les pharisiens
ont refusé de reconnaître dans le Christ lui-même. — Rab. Ou bien
encore, c'est parce que les Apôtres avaient la conscience que le Christ
ne les avait initiés à aucune science funeste.
S. Chrys. {hom. -42.) Le Sauveur ne dit pas ici : Mes disciples, ni
mes Apôtres, mais « vos enfants, » afin de leur donner toute facilité de
reprendre leur dignité, ou, s'ils persévéraient dans leur ingratitude,
d'ôter toute excuse à leur impudence. Or, les Apôtres chassaient les
démons en vertu du pouvoir que le Sauveur lui-même leur avait donné;
cependant les pharisiens ne songeaient pas à les accuser, car ce n'était
pas le fait lui-même qu'ils attaquaient, mais la personne du Christ.
Il prend les Apôtres pour exemple, afin de leur prouver que c'était
sous l'inspiration de l'envie qu'ils parlaient ainsi de lui. Il les con-
duit ensuite de nouveau à la connaissance de lui-même, en leur dé-
montrant qu'ils sont les ennemis déclarés de leur propre bonheur, et
(1) Matth., X, 1; Marc, m, a; Luc, ix, I.
prudenti, ut confiteautur Spiritus Saacti
esse opus eorum : si expulsio, inquit,
daemoiminin filiis ve.stris DeououdîKino-
nibus depiilatur, (juare iu me idem opus
non eamdem liabeat et causam ? Erjîo
ipsi vestri judices erunt; non potestate,
sed comparatione ; dum illi expulsiouem
daemonum Deo assijjriiaut, vos principi
daenionionim : sin aiitemelde apostolis
toli bene sibi conscii erant, nihd malae
artis se ab eo didicisse.
Chrys. {in hom. 42 ut sup.) Non au-
lem dixit : Discipuli mei, ueque upos-
fvli, sed /ilii restri : ut si quideni vo-
luerint reverti ad illorum di;ïuitatem,
multam bine accipiant occusiouem: si
autem ingrat! fueiint, neque inverecun-
dam babeaut extusaliouem. Ejiciebanl
dictum est fquod et magis iuleliigere de- i autem apostoli dœmones, quia accepe-
bemus) : ipsi eruntjudices eorum , quia | rant potestatera ab ipso ; et tamen nihil
sedeb mt in duodecim soUis, judicantes ' eos inc-usabaut : non enim rébus, sed
duodecim tribus Israël. {Matlli. 19.) Hi- j personae Cbrisli adversabantur : volens
LAR. {Can. 12 ut sup.) Idcirco autem \ igitur monstrare quoniam invidiae'erant
digne judices sunt iu eos l'onstituti, qui- i quae dicebanlur de ipso, apostolos in
bus id dédisse Cbristus adversus duîmo- j médium ducit. Rursus autem ad sui
nés potestatis reperitur, quod ipse est j cognitionem inducit eos, demonslrans
negatus liabuisse. Rau. Vel quia apos I quoniam propriis adversautur bonis, et
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII. ^93
qu'ils s'opposent à leur salut, tandis qu'ils devraient se réjouir de ce
qu'il était venu pour leur communiquer des biens ineffables. « Or,
poursuit-il, si c'est par l'Esprit de Dieu que je chasse les démons, le
royaume de Dieu est donc parvenu jusqu'à vous. » Il leur montre par
là que chasser les démons n'est pas l'effet d'une grâce ordinaire, mais
un acte de puissance (i) extraordinaire , et c'est pour étabhr cette vé-
rité qu'il tire cette conclusion : « Donc le royaume de Dieu est par-
venu jusqu'à vous. » Comme s'il disait: S'il en est ainsi, vous ne pouvez
douter de la venue du Fils de Dieu sur la terre. Mais il laisse cette
conséquence dans l'obscurité, pour ne pas leur être insupportable. Au
contraire, comme il veut les attirer à lui , il ne se contente pas de
dire : Le royaume de Dieu est arrivé, mais « il est arrivé jusqu'à
vous. » Il semble leur dire : Les biens vous arrivent et se répandent
sur vous ; pourquoi donc vous déclarer contre ce qui doit être votre
salut ? Ces œuvres si grandes de la puissance divine ont été prédites
par tous les prophètes comme le signe de la présence du Fils de Dieu
sur la terre. — S. Jér. Il se désigne lui-même comme ce royaume de
Dieu, dont il est dit ailleurs : « Le royaume de Dieu est au milieu de
vous. 0 {Luc, xvii.) Et encore : « Il y en a un au milieu de vous que
vous ne connaissez pas. » [Jean, i.) Ou bien encore, c'est ce royaume
que Jean-Baptiste et le Seigneur lui-même ont annoncé en ces termes :
« Faites pénitence,, car le royaume descieux est proche.» iMatlh. m.)
Il est un troisième royaume de la sainte Ecriture qui est enlevé aux
Juifs pour être donné à une nation qui lui fera porter des fruits.
{Matth. XXI.) — S. HiL. [can. 12.) Si donc les disciples agissent parla
vertu du Christ , et que le Christ agisse lui -même par la vertu de
(1) Le mot virtus doit être entendu ici dans le sens de puissance, comme l'indique le texte grec
(XEYiffTirii; 8v)và(i.ew;.
contrariantur suaî saluti; ciim deceret
eos laitari, quod magna boua illis adve-
nerat donaturus : uude seqiiitur : « Si
auteui ego in Spirilu Dei ejicio daemo-
nia, pervenit in vos regnum Dei. » Per
lioc auteni demonstrat quod magnœ
virtutis opus est dœnionesejicere, et non
cujusiibct gratia : et ob hoc quidem
syllogizat, diceus : « Ergo pervenit in
vos regnum Dei. » Ac si dicat : si hoc
est, profecto Filius Dei advenit : hoc
autem obumbrale dicit, ut non illis sit
grave : deinde ut illos alUciat, non dixit
simpliciter : « Pervenit regnum, sed, «in
vos: » quasi dicat : Vobis veniunt bona;
propter quid vestram impuguatis salu-
TOM. II.
tem ? Hoc euim est signum a prophetis
traditum prœsentiae Filii Dei, tantafieri,
potestate divina. Hier. Regnum enim
Dei seipsum signât; de quo in alio loco
scriptum est {Luc. 17) : « Regnum Dei
intra vos est; » (et Joan. 1):» Médius
slat inter vos quem nescitis : » vel certe
illud regnum quod et Joannes et ipse
Dominus prœdicaveruut {Matt/i. 1, 3 et
4) : « Pœnitentiam agite, appropinqua-
vit enim regnum cœlorum : » est et ter-
tium regnum Soripturae sanctae, quod
aufertur a Judseis, et traditur genti fa-
cienti fructus ejus. {Mutth. 21.) Hilar.
[Cant. 12 ut sup.) Si ergo discipuli ope-
ranturper Christum, et ex Spiritu Dei
43
I9i
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
l'Esprit saint, le royaume de Dieu arrive, puisqu'il a été communiqué
aux Apôtres par le ministère du médiateur lui-même (l). — La Glose.
On peut dire aussi que l'affaiblissement du pouvoir du démon est une
augmentation du royaume de Dieu. — S. Aug. [Quest. évang., i, 5.)
On peut donc donner aussi cette explication : Si je chasse les démons
par Béelzébub, même dans votre pensée, le royaume de Dieu est par-
venu jusqu'à vous; car ce royaume du démon qui, de votre aveu, est
divisé contre lui-même , ne peut subsister. Ce royaume de Dieu dont
il parle , c'est celui où les impies subissent leur condamnation , et où
ils sont séparés des fidèles qui font maintenant pénitence de leurs pé-
chés ('2).
f. 29. — Mais comment quelqu'un peut-il entrer dans la maison du fort et
enlever ses meubles, si auparavant il ne lie le fort pour pouvoir piller ensuite
sa maison ?
S. Chrys. {hom. 42.) A cette seconde réponse, Notre-Seigneur en
ajoute encore une troisième : « Comment quelqu'un peut-il entrer
dans la maison du fort? » etc. Que Satan ne puisse chasser Satan,
c'est chose évidente d'après ce qui précède, et il est également hors
de doute que personne ne peut le chasser sans l'avoir tout d'abord
vaincu. Notre-Seigneur reproduit donc, mais avec une nouvelle force,
la raison qu'il a donnée précédemment : Je suis si loin de demander au
démon son appui, que je suis en guerre avec lui et que je le tiens cap-
tif, et la preuve, c'est que j'enlève tout ce qu'il possède. C'est ainsi
qu'il établit le contraire de ce que ses ennemis cherchaient à lui re-
(1) Cette citation vient plutôt de saint Anselme.
(2) Saint Augustin veut dire ici que le démon ne peut prêter appui à un royaume qui est la
condamnation des impies et la séparation des bons d'avec les mauvais.
Christus operatur , adest regnuni Dei
jam iii apostolosmediatoris offlcio traus-
fusum. Glos. Dimiuulio etiam regnidia-
boli, ostaugmeutatio regniDei. Alg. {de
qucest. Evang. lib. i, quaest. 5.) Unde
potest etiam hic esse sensiis : « Si ego
in BeelzeLub ejirio d;f niones, etiam se-
cunduia vt'slram seiitcntiam pm-veiiit in
vos regnum Dei ; (piia regnum diaboli
stare non potest, qiicm adversum se di-
visum fatemini : » regnum enim Dei
nunc dixit qiio damnanliir inipii, et a
lîdelibus de peccatis suis pœuitentiam
nunc agentibus secemuntiir.
A'it fjuitmodo potest quisquam intrare in domum
fortis, et vn.ia ejiis diripeie, nisi prinx alli-
ijaverit fortem, et tune domum illius diripiet '.'
Chrys. (/« homil. 42 ut snp.) Posita
secunda solutione, iuducit et terliam di-
cens : « Aut quomodo potest quisquani
intrare in domum fortis, » etc. Quod
enim non potest Satbanas Satbanani
ejicere, manifestum ex dictis est : sed
quoniam neque alins potest eum ejicere,
nisi prias eum superaverit, omnibus est
manit'estum : constiluitur ergo quod et
antea eum niajori abundantia : dicit
enim : Tantum absisto ab hoc quod utar
diabolo coadjutore, quod praelior eum
eo et hgo eum, et hujus conjectura est,
quod vasa ejus diripio : et sic contra-
rium ejus quod iUi teutabaut dicere de-
DE SAÎNT MATTHIEU, CHAP. XII.
195
procher. Que voulaient-ils en efiet? Persuader que ce n'était point par
sa propre puissance qu'il chassait les démons. Or, il leur démontre
qu'il a fait captifs, non-seulement les démons, mais leur chef lui-même.
Ce qu'il a fait le prouve suffisamment. Car comment, sans l'avoir
réduit le premier , aurait-il pu se rendre maitrc des démons qui sont
sous ses ordres? Ces paroles contiennent, à mon avis , une prophétie;
car non- seulement il chasse actuellement les démons, mais il fera dis-
paraître l'erreur de toute la face de la terre, et détruira tous les arti-
fices du démon. Il ne dit pas : 11 enlèvera , mais : « Tl arrachera, »
pour montrer la puissance avec laquelle il agit. — S. Jér. La maison
du démon, c'est le monde qui est soumis à l'empire du malin esprit,
non par la volonté de son Créateur, mais par la grandeur de sa faute.
Le fort a été chargé de chaînes , relégué dans l'enfer et brisé sous les
pieds du Seigneur. Toutefois nous n3 devons pas être sans crainte (1);
car notre adversaire est proclamé « le fort » par la bouche même de
sou vainqueur. — S. Chrys. {hom. 42.) Il l'appelle le fort, pour expri-
mer son antique tyrannie, due tout entière à notre lâcheté. — S. AuG.
{Quest. évang., \, 5. ) Satan tenait les hommes captifs , et ils ne pou-
vaient s'arracher de ses mains par leurs propres forces , si la grâce de
Dieu n'était venu les délivrer. Ce qu'il appelle ses armes, ce sont les infi-
dèles. Il a lié le fort en lui enlevant le pouvoir qu'il avait de s'opposer
à la volonté des fidèles qui veulent suivre le Christ , et conquérir le
royaume de Dieu. — Rab. Il a pillé sa maison, parce qu'il a délivré
des pièges du démon, pour les réunir à son Eglise , ceux qu'il avait
prévus devoir être à lui , ou bien lorsqu'il a donné le monde entier à
1^1; Dans saint Jérôme cette seconde partie de la citation se trouve avant ce qui précède.
monstrat : illi enim volebant ostendere
quod non propria virtute ejicit daemo-
nes : ipse auteui osteudit, quod non so-
lum dtemones, sed et eorum principem
ligavit : quod luanifestum est ab his quse
facta suut : qualiter enim principe non
victo, hi qui subjacent dœniones direpti
sunt. Hoc antem mihi prophetia videlur
esse quod dicitur : non enim solum dae-
mones ejieit, sed et errorcu^ universi
orbis terrarum abiget, et niacbinatio-
nem diaboli dissolvet : et non dixit, ra-
piet, sed, diriplet, osteudens quod boc
cum potestate liât. Hier. Domus illius
mundus est qui in maliguo positus
(I Jonn. 5) , non creatoris dignitate , sed
magnitudine delinquentis. Alligatus est
fortis, et religatus in tarlaruiu, et Domini
pede contritus. Non autem debemus esse
securi ; adversarius noster fortis victo-
ris quoque vocibus coiuprobatur. Chuys.
[in homil. 42 ut sup.) Fortem autem
eum vocat, antiquam ejus ostendens
tyrannideni, quai ex nostra desidia orta
est. AuG. {de Quœst. Evang. lib. i,
quaîst. 3.) Quos scilicet ipse tenebat, ne
possent viribus suis ab illo se bomines
eruere, sed per gratiam Dei : rasa ejiis
dicit omnes infidèles. Alligavit autem
fortem, quia potestatem illi ademit im-
pediendi voluntatem fidelium asequeudo
Cbristum , et obtinendo regnum Dei.
Rab. Domum ergo ejus diripuit, quia
ereptos a diaboli laqueis eos quos suos
esse prsevidit, Ecclesiae adunavit; vel
quia omnes mundi partes apostolis et
196 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
convertir à ses Apôtres et à leurs successeurs. Par cette comparaison
si claire, il leur montre donc qu'il n'est point associé aux opérations
mensongères du démon, comme ils l'en accusaient faussement, mais
que c'est par la puissance divine qu'il a délivré les hommes de la
tyrannie des démons.
y. 30. — Celui qui n'est point avec moi est contre moi, et celui qui n'amasse
point dissipe.
S. Chrys. [hom. 42.) A cette troisième raison en succède une
quatrième : « Celui qui n'est pas avec moi est contre moi. » —
S. HiL. {can. 12.) Jésus fait connaître combien il s'en faut qu'il ait
emprunté la moindre puissance au démon , et il nous laisse entrevoir
combien il est dangereux de se faire une mauvaise idée de lui, puisque
ne pas être avec lui c'est être contre lui. — S. Jér. Il ne faut pas
croire cependant que ces paroles se rapportent aux hérétiques et aux
schismatiques , quoiqu'on puisse les leur appliquer par extension ;
far le contexte et la suite du récit nous forcent de les entendre du dé-
mon, en ce sens qu'on ne peut comparer les œuvres du Seigneur aux
œuvres de Béelzébub. Le désir du démon, c'est de tenir les âmes cap-
tives; le désir du Seigneur, c'est de les délivrer; l'un prêche le culte
des idoles, l'autre la connaissance du vrai Dieu; le démon entraîne au
mal , le Sauveur rappelle à la pratique des vertus. Or, quel accord est
possible entre ceux dont les œuvres sont si contraires?
S. Chrys. {ho?n. 42.) Comment donc celui qui n'amasse pas avec
moi et qui n'est pas avec moi , peut-il être d'accord (I) avec moi pour
(1) Le texte grec Ttpoc i\xé ôfjiôvotav liteSstÇaTO détermine beaucoup plus clairement le sens
que le mot latin comparandus.
eorum successoribus couverteudas dis-
tribuit. Ostendit igilur manifestam para-
bolam, dicens, quod non concordat iu
t'aliaci operalioue cum dœmonibus, ut
calumniabanliir ; sed virtute Diviiiitatis
bomines a da^moiiibus lLl)eravit.
(Jui non est me.cnm contra me eut ; et qui non con-
gregat mecum, spargit.
CiiiiYS. {in homil. 42 ut sup.) Posita
lertia solutione, bic pouit quarlaiu di-
cens : « Qui non est niecnni, centra me
est. n HiLAR. (Can. 12 u/ sup.) In quo
ostendit longe a se esse ut aliquid a dia-
bolo mutuatus sit polestatis : et ex boc
ingenti:^ pericnli ros inlolliçritur. maie
de eo opiuari, cinn quo non csso idip-
sum est quod contra esse. Hier. Non
tamen putet boc quisquam de baereticis
dictum et scbismaticis (quamquam et ita
ex superfluo possit intelligi). sed ex con-
sequentibuS;, textuque sermonis, ad dia-
bobnn refertur. eo quod non possint
opéra Salvatoris Beelzebub operibus
coniparari. 111e cupit animas bominuui
tenere captivas^ Dominus liberare ; illc
prœdicat idola, lue unius Dei notitiam ;
ille Irabit ad vitia, bic revocat ad virtu-
tes : quomodo ergo possuut inler se ba-
bere concordiam, quorum opéra sunt
diversa"'
Chrys. {homil. 42 ut sup.) Qui ergu
non mecum congregat, ncque mecum
est. non erit milii comparandus, ul me-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII. 497
chasser les démons? il désire bien plutôt disperser et détruire ce qui
m'appartient. Mais dites moi, si vous aviez un combat à livrer (l*),
celui qui ne voudrait pas venir à votre secours ne serait point par là
même contre vous. Car le Seigneur lui-même a dit dans un autre
endroit : « Celui qui n'est pas contre vous est pour vous. » Il n'y a
point ici de contradiction entre ces deux passages : d'un côté le Sei-
gneur veut parler du démon qui est en guerre ouverte avec lui; de
l'autre, d'un homme qui était en partie avec les disciples, et dont ils
disaient : « Nous avons vu un homme chasser les démons en votre
nom. » Ce sont les Juifs qu'il paraît surtout avoir ici en vue , et qu'il
range dans le parti du démon; ils étaient en effet contre lui , et ils
dispersaient ce qu'il cherchait à réunir. On peut admettre aussi qu'il
veut parler de lui-même, car il était l'ennemi déclaré du démon, et
s'efforçait de détruire ses œuvres.
y. 31, 32. — C'est pourquoi je vous déclare que tout péché et tout blasphème
sera remis aux hommes; mais le blaspjhème contre le Saint-Esprit ne leur
sera jjoint remis. Et quiconque aura parlé contre le Fils de l'homme, il lui
sera remis; mais si quelqu'un a parlé contre le Saint-Esprit , il ne lui sera
réunis ni en ce siècle ni dans le siècle à venir.
S. Chrys. [hom. 42.) Le Seigneur a répondu aux pharisiens en jus-
tifiant sa conduite; il leur inspire maintenant une salutaire frayeur.
Car une partie importante de la correction , c'est non-seulement de
justifier sa manière d'agir (2*), mais aussi d'y ajouter les menaces. —
(1*) Le texte grec £1 oio'. Tivi r:ole\J.rin(X'., ô ixi) pou),ô(XcVOç dOt (7U!J.[J.ay^^aai, etc.. fait dis-
paraître l'espèce d'amphibologie de la traduction latine... cum aliqnu... qui... Il faudrait ille
qui
(V) Ici encore le texte grec fixe le sens et 1 application du mot excusando... xè \ii\ [xôvov àirO'
).OYsT<T0ai v.où 7r£Î6£iv...
cum dœmones ejiciat, sed magis deside-
rat qu£e mea sunt spargere. Sed die
•mihi : si oportuerit cum aliquo prœliari,
qui noa vuH tibi auxiliari, hoc ipso non
est adversum te : ipse etiam Domiuus
alio loco dixit {Marc. 9, vers. 38, et Zhc.
0, vers. .50) : « Qui non est adversum
vos, pro vobis est. » Sed non est con-
trarium hoc quod hic dicitur : hic enim
loquitur de diabolo adversario existente,
ibi autem de homine qui in parte erat
cum eis de quo dictum erat [lit sup.) :
« Vidimus quemdam in nomine tuo eji-
cientem daemonia. » Videtur autem
.ludaeos hic occulte iusinuare, cum dia-
bolo statuens eos : ipsi enim adversus
eum erant, et spargebant quœ ipse con-
gregabat : sed et deceus est credere, hoc
de seipso dixisse, quia adversus diabo-
lum erat. et quse illius sunt, disper-
gebat .
Ideo dico vobis : Omne peccatum et blasphemia
remittetur hominibus, spiritus autem blasphe-
mia non remittetur. Et qnicunque dixerit
verbum contra Filium hominis, remittetur ei:
qui autem dixerit contra Spiritum Sanctum,
non remittetur ei, neque in hoc seculo, neque
in futuro.
Chrys. {in homil. 42 ut sup.) Quia
Dominus phariseeis excusando respon-
derat, jam eos terret. Est enim hoc cor-
rectionis non parvapars, non solum ex-
cusando respondere. sed et comrainari.
498
EXPLICATION DE L ÉVANGILE
S. HiL. {can. 12.) Il prononce un jugement sévère contre l'opinion in-
juste des pharisiens et contre la perversité de ceux qui la partagent,
en promettant le pardon do tous les péchés , mais en le refusant au
blasphème contre l'Esprit. « C'est pourquoi je vous déclare que tout
péché et tout blasphème sera remis. » — Rémi. Remarquons, toutefois,
que le pardon n'est pas accordé indistinctement à tout le monde,
mais à ceux qui auront fait une pénitence proportionnée à leurs pé-
chés. Ces paroles sont la condamnation de l'erreur de Novatien_, qui
prétendait que les fidèles ne pouvaient se relever de leurs chutes par
la pénitence, ni mériter (I) le pardon de leurs péchés, surtout ceux
qui avaient renoncé la foi dans les persécutions.
« Mais le blasphème contre le Saint-Esprit ne leur sera point re-
mis. » — S. AuG. {serm. sur les paroles du Seif).) Quelle différence
entre cette locution : « Le blasphème contre l'Esprit ne sera pas par-
donné, » et cette autre que nous Hsons dans saint Luc : « Si quelqu'un
blasphème contre l'Esprit saint, il ne lui sera pas remis » (chap. xi),
si ce n'est que la pensée est rendue plus clairement d'une fa^on que
de l'autre, et que le second Evangéliste explique le premier sans le
contredire? En effet, cette expression : le blasphème de l'Esprit, a
quelque obscurité, parce qu'on ne dit pas de quel esprit il s'agit, et
c'est pour la faire disparaître que Notre -Seigneur ajoute : « Et qui-
conque aura dit une parole contre le Fils de l'homme. » Après avoir
parlé eu général de toute espèce de blasphème , il veut spécifier en
particulier le blasphème contre le Fils de l'homme , blasphème qui
nous est représenté comme un péché très-grave dans l'Evangile de
(1) Le mot promereri doit être pris ici dans le sens d'obtenir, car personne ne peut mériter
proprement le pardon de ses péchés.
HiLAR. {Can. 12 ut svp.) PharisBeorum
eaim sententiam. et eorum qui ita oum
his sentiunt perversitalem severissinia
diffiaitioue condemiiat ; peccatoriim om-
nium veuiam promiltens, et blasphemiœ
spiritus iudulsentiam abuepaus. « Ideo
dico vobis : Omne peccatum et blasphe-
mia remittetur. » RiiMiG. Sciendum est
tamen quod non passim quibuscunque
dimittitur, sed illis qui pro suis reatibus
di^nam pœnitentiam eperlnt. Destruitur
autem his verbis error Novatiani, qui
dicebaf, quod fidèles post lapsum per
pœnitentiam non possunt surpere, neque
peccatorum ~uorum veniam promereri,
maxime illi qui in perseeutioue positi
nepabant.
Sequitur : « Spiritus autem blasphemia
non remittetur. » AuG. {de Verb. Dom.
serm. ii, cap. 8.) Quid enim interest ad
rem, utrum dieatur : « Spiritus blasphe-
mia non remittetur; » an dieatur : « Qui
blasphemaverit in Spiritum Sanctum,
non ei remittetur, » ut Lucas dicit ? (cap.
1 i .) Nisi forte quod eadem sentenlia aper-
tius isto modo quam illo dicitur, et alium
Evangelistam non destruit alius, sed
exponit ? Spiritiis enim blasphemia
clause dictum est, quia non est expres-
sum cujus spiritus: et ideo ad hujusmodi
expositioni'm subditur : « Et quicunque
dixerit verbum contra Filium liominis, »
etc. Ideo post universalem commemo-
rationem nmnis blasphemiœ eminentius
voluit exprimere blasphemiam qune dici-
tur contra Filium homiuis, ipiam Evan-
gelio secuudum Joannem valde grave
ostendit esse peccatum . ubi ait de Spi-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII. 199
saint Jean, où nous lisons : « [l convaincra le monde de péché, de jus-
tice et déjugeaient ; de péché , parce qu'ils n'ont pas cru en moi. »
[Jean, xvi.) — Le Sauveur ajoute : « Mais celui qui aura blasphémé
contre le Saint-Esprit, il ne lui sera point pardonné. » Ges paroles ne
signifient donc pas que dans la Trinité l'Esprit saint est supérieur au
Fils , erreur que n'a jamais soutenue personne , pas même les héré-
tiques.
S. HiL. {can. 12.) Qu'y a-t-il de plus impardonnable que de nier la
nature divine dans le Christ {\), que de le dépouiller de la substance
de l'Esprit du Père qui demeure en lui_, alors qu'il opère toutes ses
œuvres par l'Esprit de Dieu, et que Dieu est en lui pour se réconcilier
le monde ? — S. Jér. Ou bien ce passage doit être entendu ainsi ; Si
quelqu'un dit une parole contre le Fils de l'homme , scandalisé qu'il
est par la chair dont je suis revêtu, et ne voyant en moi qu'un homme,
cette opinion, bien qu'elle soit un blasphème et une erreur coupable,
sera cependant digne de pardon , à cause de la faiblesse de la nature
humaine qui parait en moi ; mais celui qui, eu présence d'œuvres in-
contestablement divines dont il ne peut nier la puissance , osera
cependant me calomnier sous l'inspiration de l'envie , et dire que le
Christ, le Verbe de Dieu, et les œuvres de l'Esprit saint doivent être
attribuées à Béelzébub, ne peut espérer de pardon ni dans ce monde
ni dans l'autre. — S. Aug. {serm. ii sur les paroles du Seig.) Si tel
était le sens de ces paroles , il ne serait question d'aucun autre blas-
phème, et le seul qui serait irrémissible serait le blasphème contre le
Fils de l'homme, c'est-à-dire celui qui ne veut voir en lui qu'un
;i; C'est-à-dire nier la divinité du Christ, ou ce qui se trouve en lui de divin comme dans le
Fils de Dieu. Saint Hilaire s'exprime de la même manière au can. 16, où il fait l'éloge de saint
Pierre comme ayant été jugé digne de reconnaître le premier ce qu'il y avait de divin dans le
Christ, qui quod in Christo Dei esset, primus agnosceret.
ritu Sancto (Joan. 16) : « Ille arguet
mundum de peccato, de justitia et de
judicio : de peccato quidem , quia non
credunt in me.» Sequitur : « Q\\\ autem
dixerit contra Spiritnm Sanctum . non
remittetiir ei : » non ergo hoc dicitur
propterea, quia in Trinitate major est
Filio Spiritus Sanctus, quod uullus un-
quam vel haereticus dixit.
HiL-VR. (Cant. 12 ut sup.) Quid autem
tam extra veniam est, quam in Cliristo
negare quod Dei est, et consistenteni in
eo paterni spiritus substantiamadimere;
cum in Spiritu Dei omne opus consum-
met, et in eo Deus sit uiundum recon-
cilians sibi? Hier. Vel ita locus iste est
intelligendus : Qui verbum di.xerit con-
tra Filium hominis, scandalizatus carne
mea, et me hominem tantum arbitrans,
talis opinio atque blasphemia, quam-
quam culpa non careat erroris, tamen
habet veniam propter corporis vilitatem ;
qui autem manifesta inteiligens opéra
Dei virtutem negare non possit, eadem
calumniatur stimulatus invidia, et Chris-
tum Dei Verbum , et opéra Spiritus
Sancti dicit esse Beelzebub, isti non re-
mittetur, ueque in hoc seculo, ueque in
future. Aug. (de Yerb. Dom. serm. ix ut
sup.) Sed si hoc propterea dictum esset,
profecto de omni blasphemia taceretur,
et hœc sola remissibilis videretur quae
contra Filium hominis dicitur, quasi cum
homo solum putatur; cum vero prae-
200
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
homme. Mais comme il a commencé par dire . « Tout péché et tout
blasphème sera remis aux hommes, » il est hors de doute que le
blasphème contre le Père lui-même est compris dans cette proposition
générale; et le seul blasphème qu'il déclare irrémissible est celui qui
attaque l'Esprit saint. Est-ce que le Père lui-même a pris la forme
d'un esclave, de manière que sous ce rapport l'Esprit saint lui soit su-
périeur ? Et quel est celui qu'on ne pourrait convaincre d'avoir parlé
contre l'Esprit saint avant qu'il devînt chrétien et catholique? Est-ce
que d'al)ord les païens, lorsqu'ils osent attribuer les miracles de Jésus-
Christ à des opérations magiques, ne sont pas semblables à ceux qui
lui reprochaient de chasser les démons au nom du prince des dé-
mons? Et les Juifs eux-mêmes, et tous les hérétiques qui confessent
l'Esprit saint, mais qui nient sa présence perpétuelle dans le corps du
Christ, qui est l'Eglise catholique , ressemblent aux pharisiens qui
niaient que l'Esprit saint fût en Jésus-Christ. D'ailleurs , il y a eu des
hérétiques, comme les Ariens, les Eunomiens et les Macédoniens, qui
ont osé soutenir que l'Esprit saint n'était qu'une créature , ou qui ont
nié son existence, jusqu'à prétendre que le Père seul était Dieu, et
qu'on lui donnait tantôt le nom de Fils, tantôt le nom de l'Esprit saint ;
ce sont les Sabelliens (l). Les Photiniens soutiennent aussi que le Père
seul est Dieu, que le Fils n'estqu'un homme, et ils nient complètement
l'existence de la troisième personne , de l'Esprit saint. 11 est donc évi-
dent que les païens , les hérétiques et les Juifs blasphèment contre
l'Esprit saint. Faut-il donc les abandonner ou les considérer comme
n'ayant plus d'espérance? Si le blasphème qu'ils ont proféré contre
(1) On les appelait aussi Patripassiens, et saint Augustin lui-même les appelle ainsi dans ce
passage, parce qu'ils enseignaient que Dieu le Père s'était incarné et avait souffert la mort.
missum sit : « Omne peccatum et blas-
pbemia reoiittetur houiiuibiis, » procul-
(iubio et illa blaspheinia quœ contra Pa-
treui dicilnr istageueralitate concluditur;
et tanien ha'C sola irremissibilis diffiui-
tur, quai dieitur contra Spiritum Sanc-
tum. Nuuquid nam et Pater formam
servi accepit, quasi sit major f^pirilus
Sauctus? El jam autea (cap. .'!) : Ouis
etiaiii non convincitur dixisse verbum
contra Spiritum Sanctum anteqnam
r.hristianus catbolicus lieref? Primo ipsi
pagani, cum dicunt Clu-i.-tum magicis ar-
libus fecisse miracula. nonne similes
sunt liis qui dixerunt eum in principe
diEmonioruin ejecisse dapmonia? Judœi
etiam et quicunque baeretici, qui Spiri-
tum Sanctum coufitentur, sed negant
piiin esse iii corpore Cbrisli 'quod e#l
Ecclesia catholica), similes sunt phari-
saeis, qui negabant Spiritum Sanctum
esse in Christo. Quidam etiam baeretici
ipsum Spiritum Sanctum vel creaturam
esse contendunt, sicut Ariani, Euno-
miani et l\Iacedoniani ; vel eum prorsus
ita negant ut Deum uegent esse Trinita-
teni, sed solum Patrem esse Deum asse-
verant, et ipsum aliquando vocari Fi-
lium, ali([uaudo Spirittnn Sanctum,
sicut Sabelliani ; Photiniaui quoque Pa-
trem solum esse diceutes Deum, Filium
vero non uisi hominem, negant omnino
tertiam esse personam Spiritum Sanc-
tum ; manifestum est igitur a pagauis,
Judaeis et ba^reticis, blaspbemari Spiri-
tum Sanctum. Nunquid ergo desereudi
sunt, et sine ulla spe deputandi ? Quibus
si non est dimissum verbum quod ài\e-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII. 201
l'Esprit saint, ne doit pas leur être remis, c'est donc inutilement qu'on
leur promet qu'ils recevront la rémission de leurs péchés dans le
baptême, ou par leur entrée dans l'Eglise ? Car Notre-Seigneur ne dit
pas : Ce péché ne lui sera remis que dans le baptême (1*), mais : « Il
ne lui sera remis ni dans ce monde ni dans l'autre, » et ainsi il n'y
aurait pour être exempts de ce crime énorme que ceux qui sont ca-
tholiques dès leur enfance. — Et au chap. xv : Il en est quehiues-uns
qui prétendent que le blasphème contre l'Esprit saint est le péché
exclusif de ceux qui, après avoir été purifiés dans l'Eglise par l'eau
régénératrice, et après avoir reçu l'Esprit saint , répondent par l'in-
gratitude, à ce bienfait inestimable du Sauveur, et se plongent de nou-
veau dans l'abîme du péché mortel , tels que les adultères , les homl-
cides_, ou les apostats du nom chrétien ou de l'Eglise catholique. Mais
je ne sais quelle preuve on peut apporter à l'appui d'un pareil sen-
timent , alors que l'Eglise ne ferme à aucun crime les portes de la pé-
nitence, et que l'Apôtre nous avertit de reprendre les hérétiques eux-
mêmes (II Timoth. Il), dans l'espérance que Dieu les amènera par la
pénitence à la connaissance de la vérité. Enfin le Seigneur n'a pas
dit : « Le fidèle catholique qui aura proféré une parole contre l'Esprit
saint, mais : « Celui qui aura dit, n c'est-à-dire : Quiconque aura dit,
il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle ni dans l'autre.
S. AuG. {serm.surlamont., i, 43.) Nous lisons dans l'apôtre saint
Jean (I Jean, \) : « Il est un péché qui conduit à la mort; je ne dis
pas que quelqu'un doive prier pour ce péché. » Or, je dis que ce péché
du frère qui engendre la mort, est le péché de celui qui , après avoir
(i*) Nous avons dû rétablir le vrai sens de cette phrase en y remettant, d'après le texte même
de saint Augustin, De verbis Matth., Jérém. 71, cap. vr, la particule nisi. omise dans les diffé-
rentes éditions latines de la Chaîne d'or.
runt coutra Spiritum Sauctum, iuauiter
eis promittitur quod in baptismo sive iu
Ecclesia reinissiouem accipiant peocato-
rum. Non enim dicliim est : « Non re-
mittetur ei, nisi in baptismo, sed, neque
ia hoc seculo neque iu futuro : » et sic
illi soli testiiuandi suut ab hujusmodi
gravissimi peocati reatu Hljeri, qui ab
infantia sunt catholici. Et (cap. 15) : Nou-
nullis autem videtur eos tantummodo
peccare in Spiritum Sanctum, qui lava-
cro regenerationis abluti in Ecclesia, et
accepte Spiritu Saucto, velut tauto postea
dono Saivatoris ingrati, mortifère aliquo
peccato se immerserunt ; qualia sunt,
vel adulteria, vel homicidia, vel ipsa
discessio a nomine christiano. sive a
catholica Ecclesia : sed iste sensus unde
probari possit ignore ; cum et pœniteu-
tiœ quorumcunque criminum locus iu
Ecclesia non negetur, et ipsos htereticos
ad hoc utique corripiendos dicat Apos-
tolus ([I ad Timoth. 2) ne forte det illis
Deus pœuitentiam ad cognosceudam ve-
ritatem. Postremo non ait Dominus :
« Qui fidelis catholicus dixerit verbum
contra Spiritum Sanctum, » sed, « qui
dixerit (hoc est, quicunque dixerit), non
remittetur ei, neque in lioc seculo, neque
in futuro. »
AuG. (de Sermone Domini in monte,
lib. I, cap. 43.) Dicit Joaunes apostolus
(I Joan. o) : «Est peccatum admortem;
non pro eo dico ut roget quis ; » pecca-
tum autem fratris ad mortem dico esse,
cum post Dei agnitionem per gratiam
202
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
connu Dieu par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, attaque la
sainte fraternité, ou qui, poussé par une ardente jalousie, se déclare
contre la grâce elle-même à laquelle il doit sa réconciliation avec
Dieu. L'énorraitéde ce crime est telle, qu'elle ne laisse plus de place
à l'humilité de la prière, alors même que les remords de la conscience
forcent le pécheur de reconnaître et d'avouer son crime. Il faut croire
que cette disposition de l'âme, à cause de la grandeur du péché, pro-
duit déjà quelque chose de l'impénitence finale et de la damnation, et
c'est peut-être là ce qu'on peut appeler pécher contre l'Esprit saint,
c'est-à-dire par malice et par envie , attaquer la charité fraternelle
après avoir reçu la grâce de l'Esprit saint. C'est ce péché qui, selon la
déclaration du Seigneur , ne sera remis ni dans ce monde ni dans
l'autre. Cette explication nous amène ù examiner si les Juifs com-
mirent ce péché contre l'Esprit saint lorsqu'ils accusèrent Notre-
Seigneur de chasser les démons au nom de Béelzébuh, prince des dé-
mons, c'est-à-dire si nous devons regarder cette accusation comme di-
rigée personnellement contre le Seigneur,, parce qu'il dit de lui-même
dans un autre endroit : « S'ils ont appelé le père de famille Béelzébuh,
à combien plus forte raison ses serviteurs, o Ou bien, comme ils ne par-
laient de la sorte que par un excès de jalousie, et qu'ils n'avaient que
de l'ingratitude pour de si grands bienfaits , ne peut-on pas croire
que par l'excès même de leur jalousie ils ont péché contre l'Esprit
saint, quoiqu'ils ne fussent pas encore chrétiens? Cette explication ne
ressort pas des paroles du Seigneur , mais on peut dire cependant
qu'il les avertit de recevoir la grâce qui leur est offerte, et après l'avoir
reçue, de ne plus retomber dans le péché qu'ils avaient déjà commis.
Ils avaient proféré contre le Fils de l'homme une parole pleine de mé
Domiui nostri .lesu Christi, quisque op-
pufXiiat tVateruitateai ; aut adversiis ip-
sani aratiain qua reooiiciliatus est Deo,
invidentire facibiis aiiilaliir. Hiijus pec-
cati tanta labes est, ut (lepret-aiidi humi-
litateiii siihire non possit; etiamsi pec-
fatnni siumi niala conscienlia. et aguos-
cere, et aununtiare cogafiir. Qiiani uien-
fis alfeclionem propter peccati niagnitu-
dinemjam do damnationealiquos habere
credenihnn est : et boc fortasse est pee-
care in Spirituni Sanctuni ; id est Cper
malitiam et invidiani), fraternam inqiu-
{ïuare cbaritatein post acceptam gratiani
Spiritus Sancti : <iiiod peccatum Dunii-
niis neque bic, ne(iiie in fiitnro seonhi
dimitti dirit. Unde qneeri potest, utrnm
in Spiritum Sanctum Juda3i peccaveriut,
quandû dixeruut qnod in Beelzebub,
principe dceniouiorum, Dominas daemo-
nia expellebaf ; utrnm enim boc in ip-
sum Dominnm dictum accipiamus? quia
de se dicit alio in loco : « Si patrem
familias Beelzebub vocaverunt, quanto
magis domesticos ejus? » An quoniam
de magna invidentia dixerant, ingrati
tam pra^sentibusbeneficiis, quamvisnou-
dum cliristiani fuerint, tamen propter
ipsam invidentiœ magnitudinem in Spiri-
tum Sanctum peccasse credendi sunt :
non enim boc colbgitur de verbis Do-
nnni : videri tamen potest adbuc eos
niouuisse, ut accédant ad gratiam, et
post acceptam gratiam non ita peccent,
ut tune peccaverunt. Nunc enim in Fi-
lium hominis dixerunt verbum uequam.
DE SAINT MATIHIEU, CHAP. XII. 203
chancelé ; elle aurait pu leur être pardonnée s'ils avaient voulu se
convertir et croire en lui ; mais si après avoir reçu l'Esprit saint ils
avaient continué à porter envie à leurs frères , et à se déclarer contre
la grâce (ju'ils avaient reçue, ce péché ne leur sera pardonné ni dans
ce monde ni dans l'autre. Et en ettet, si le Sauveur les avait consi-
dérés comme déjà condamnés, sans nulle espérance de retour, il
n'aurait pas continué de leur donner des conseils en ajoutant immé-
diatement : « Ou faites un arhre bon, » etc. — S. Aug. {Réti^act.^ i, 19.)
Je n'ai pas appuyé cette interprétation, parce que j'ai dit que toi était
mon sentiment, en ajoutant, toutefois, pourvu que l'on arrive à la
fin de cette vie dans cette disposition d'esprit si criminelle. Il ne faut,
en effet, désespérer pendant cette vie d'aucun pécheur , quelque dé-
pravé qu'il soit, et ce ne sera jamais témérité de prier pour celui dont
il est permis encore d'espérer le salut.
S. Aug. {se?'m. 11 su?' les paroles du Seig., chap. 1 et 5.) Ce passage
renferme un grand mystère, et il faut demander à Dieu la lumière né-
cessaire pour bien l'exposer. Je vous le déclare, mes très-clicrs frères,
peut-être dans toutes les saintes Ecritures ne trouve-t-on pas une
question plus importante et plus difficile. Remarquez d'abord que
Notre-Seigneur n'a pas dit : Aucun blasphème contre l'Esprit saint ne
sera remis , ni : Celui qui aura dit une parole quelconque contre
l'Esprit saint, mais : « Celui qui aura dit la parole. » — Et au chap. vi :
11 n'est donc point nécessaire de regarder comme irrémissible tout
blasphème, toute parole contre l'Esprit saint, il faut seulement recon-
naître qu'il y aune parole qui, dite contre l'Esprit saint, ne peut ob-
tenir de pardon. Les saintes Ecritures ont, en eiïet, l'habitude des'ex-
et potest eis dimitti, si conversi fiierint
et ei crediderint. Si autem postquam
Spiritum Sanctum acceperint , fraterni-
tati invidere, et irratiam quam accepe-
runt oppugnare voluerint, non eis di-
mitti potest, neque in hoc seculo, ueqiie
in fnturo. Nam si eos sic haberet con-
demnatos, nt uulla spes illis reliqua es-
set, non adliuc monendo indicaret, cum
addidit, dicens : « Aiit faeite arborera
bonam, » etc. Arc. (inlib. retract. \ih.
I, cap. 19.) Hoc autem non confirmavi,
quia hoc putare me dixi ; sed tamen
addendum fuit : « Si in bac tam seele-
rata mentis perversitate tinierit banc
vitam ; » quoniam de quocimque pes-
simo in bac vita constituto non est uti-
que desperandum ; nec pro illo im-
prudenter oratur. de qno non despe-
ratur.
Aug. {de Verb. Dom. serm. ii, cap. 4
et S.) Est autem magnum secretum hujus
qucestionis. Lumen ergo expositionis a
Domino quseratur. Dico autem cbaritati
vestr», forte in omnibus Scripturis sanc-
tis nulla major quaestio, nuUa difticilior
iuvenitur, etc. Prius ergo ut advertalis
admoneo, non dixisse Domiuum : « Om-
uis blasphemia Spiritus non remittetur;»
neque dixisse : « Qui dixerit quodcun-
(jue verbum contra Spiritum Sanctum, »
sed, « qui dixerit verbum. » (Et cap. 6.)
Quapropter non est necesse ut omnem
biasphemiam , et omne verbum quod
dicitur contra Spiritum Sanctum, remis-
sionem quisquam existimet non babere ;
sed necesse est plane ut sit aliquod ver-
bum, quod si dicatur contra Spiritum
Sanctum, uullam remissionem mereatur,
etc. Soient enim Scripturœ ita loqui, ut
204
EXPLICATION DE L EVANGILE
primer de manière que lorsqu'une chose n*a été dite ni du tout ni de
la pai-tie, il n'est pas nécessaire qu'elle puisse s'appliquer à la totalité
pour nous défondre de l'entendre de la partie (l*). Ainsi le Seigneur
dit aux Juifs {Jean, xv) • « Si je n'étais pas venu, et si je ne leur avais
point parlé, ils ne seraient pas coupables ; » Notre-Seigneur n'a pas
voulu uous dire que les Juifs eussent été absolument sans péché, mais
qu'il y avait un péché que les Juifs n'auraient pas eu si le Christ n'é-
tait pas venu. — Et au chap. xvui : L'ordre que nous uous sommes
]>rescrit nous fait un devoir d'expliquer quelle est donc cette espèce
de blasphème contre l'Esprit saint. Le caractère particulier sous lequel
nous est rc[)réseuté le Père, c'est l'autorité ; pour le Fils, c'est la nais-
sance; pour le Saint-Esprit, c'est l'union du Père et du Fils. Or le lien
qui unit le Père et le Fils est aussi dans leurs desseins , celui qui doit
nous unir tous ensemble entre nous et avec eux : « Car sa charité a été
répandue en nos cœurs par l'Esprit saiut qui nous a été donné. » Nos
péchés nous ayant privés de la possession des biens véritables, la cha-
rité couvre la multitude des péchés. (I Pierre, i.) Que ce soit, en effet,
dans l'Esprit saint que Jésus-Christ nous remette les péchés, nous
pouvons le conclure de ce qu'après avoir dit à ses Apôtres : « Recevez
l'Esprit saint, » il ajoute aussitôt : « Les péchés seront remis à ceux
à qui vous les remettrez. » La première grâce que reçoivent ceux qui
croient, c'est donc la rémission des péchés dans l'Esprit saint ; c'est
(1*) Nous croyons devoir, pour l'iiitelligeûce de cette phrase assez obscure, citer le contexte
entier de S. Augustin, n Cette proposition serait donc prise dans son sens général et universel, si
l'on disait : Tout blasphème contre l'Esprit saint est irrémissible, ou bien . Celui qui aura dit
contre l'Esprit saint une parole quelconque , etc. Elle serait prise au contraire dans un sens
restreint ou particulier si l'on disait : Certain blasphème contre l'Esprit saint sera irrémissible.
Or, comme cette proposition n'est énoncée ni en termes généraux ni en termes particuliers...
mais qu'elle présente seulement un sens indéfini, il n'est pas nécessaire d'entendre ici toute
espèce de blasphèmes ou de paroles injurieuses, mais il faut bien plutôt admettre que Notre-
Seigneur a voulu parler ici de certain blasphème, de certaine parole injurieuse... "
quaudi» aliqiiid sic dicitur ut ueque ex
toto, ueque ex parte, dicluni sit ; uon
sit uecesue ut ex toto fieri possit, ut ex
parte non intelligatur, etc. Sicut cum
Dominus dixit .ludteis (Joan.^) : « Si non
venissem et locutus cis luissem, pecca-
tum non liabereut : » non enim ita dic-
tum est, ut siue uUo oiunino peccato
vellet intelligi fuluros fuisse Juda.'os,
sed esse aliquod iieocatum quod non
liaberent, nisiChristus venisset. (Et cap.
12.) Quis auteni sit iste niodus blasplie-
uiandi eontra Spiritum Sanctuni, ordo
postulat ut dicamus, etc. lusinuatur si-
quidem nobis in Pâtre auctoritas, in
Filio uativitas. in Spiritu Sancto Patris
Filiique comuiunitas. Quod ergo com-
mune est Patri et Filio, per hoc nos vo-
luerunt habere commuuionem, et iuter
nos, et secum : « charitas enim diffusa
est in cordibus nostris per Spiritum
Sanctuni, qui datus est nobis. » (Ad Rom.
3.) Et quia peecalis alieuabamur a pos-
sessioue Itoiiorum verorum , charitas
operitmultitudinem peccatorum. (I Pctr.
1.) Oi'odenini Christus in Spiritu Sancto
peccata diniittat, hinc intelligi potest,
quod cum dixisset discipulis (7ofl». 201 :
« Accipite Spiritum Sanctuni, » contiuuo
subjecit : « Si cui dimiseritis peccata, di-
mittentur ilH, » etc. Primum itaque
credentium beneficium est in Spiritu
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII. 205
contre ce don gratuit que s'élève le cœur impénitent. Donc l'impéni-
tence est ce blasphème contre l'Esprit saint qui ne sera remis ni dans
ce monde ni dans l'autre. Car celui qui, « par sa dureté et par l'impé-
nitence de son cœur, amasse un trésor de colère pour le jour de la
colère, » {Rom. ii,) celui-là, soit dans sa pensée, soit verbalement,
prononce une parole criminelle contre l'Esprit saint par lequel les pé-
chés sont remis. Or, cette impénitence ne peut espérer aucun pardon,
ni dans ce monde ni dans l'autre, parce que la pénitence obtient dans
ce monde le pardon qui nous ouvre les portes de l'autre vie. — Et au
chap. XIII : Or, cette impériitence ne peut être définitivement jugée
pendant cette vie^ car on ne doit désespérer de personne tant que la
patience de Dieu peut l'amener à se repentir. {Rom. ii.) Car enfin
qu'arrivera-t-il si ceux que vous voyez livrés ù toute sorte d'erreurs,
et que vous condamnez comme ayant perdu tout espoir , font péni-
tence avant le moment de leur mort? Quoique ce blasphème se com-
pose de plusieurs paroles et qu'il puisse être très-étendu , l'Ecriture,
suivant sa coutume, en parle comme si ce n'était qu'une seule parole.
Ainsi, bien que Dieu ait adressé plusieurs paroles aux prophètes,
on lit cependant : « Parole qui fut adressée à tel ou à tel prophète. »
— Et au chap. xv : Si l'on nous fait ici cette question : Est-ce l'Esprit
saint qui seul remet les péchés, ou est-ce le Père etleFils? nousrépon-
drons que c'est également le Père et le Fils, carie Fils dit du Père; «Votre
Père vous remettra vos péchés » {Matth. vi,) et il dit de lui-même :
« Le Fils a sur la terre le pouvoir de remettre les péchés. » Pourquoi
donc cette impéniteuce qui demeure sans pardon n'a- 1- elle pour
Sancto remissio peccatoriim : contra hoc
donum gratuitum loquitur cor impœni-
tens : ipsaergo impœniteutia est « Spiritus
blasphemia quse non remittetur, ueque
in hoc seculO; nequo in future : » con-
tra enini Spirituni Sauctum, quopeccata
dimittuntur, verbum valde mahim (sive
cogitatione, sive iingua sua) dicit, qui
« secunduni duritiam cordis sui et cor
inipœnitens tliesaurisat sibi iraui in die
irœ. » [Rom. 2.) H;ec omnino impœniteu-
tia non habet roniissionc-ni. neque in
hoc seculo, neque in futuro ; quia pœ-
nitentia irapetrat reniissionem in hoc
seculo, quae valeat in futuro. (Et cap.
13.) Sed ista iinpœuitentia quandiu quis-
que in hac carne vivit, non polest judi-
cari : de nullo eniui desperandum est
quandiu patientia Dei ad pœnitentiam
adducit [Rom. 2, etc.) : quid enim si isti
quos in quocunque génère erroris notas,
et tanquam desperatissimos damnas, an-
tequam istam vitam fmiant, agant pœ-
nitentiam, et inveniant veram vitam in
futuro? etc. Hœc autem blasphemia,
quamvis prolixa et pluribus verbis con-
texta sit, solet tamen Scriptura etiani
multa verba verbum appellare : ueque
enim unum verbum locutus est Domi-
nus cuicunque prophetœ : et tamen le-
gitur : « Verbum (juod factum est ad
illum, vel ad illum propbetam. » (Et
cap.lo.) Hic autem fortassisaliquisquœ-
rat, utruni tautummodo Spiritus Sanctus
peccata diraittat, an, et Pater, etFilius:
responde-mus quod et Pater et Filius :
ipse enim Filius de Pâtre dicit [Matth.
6) : « Dimittetvobis Pater vester peccata
vestra ; » et de se ait : « Filius hominis
potestatem habet in terra dimittendi
peccata. » [Malth. 9.* Cur ergo illa im-
pœniteutia qu<e nunquam diraittitur, so-
206
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
cause que le blasphème contre l'Esprit saint , comme si celui qui se
trouve 11»'; par ce péché d'impéuitcuce résistait au don de l'Esprit saint,
don qui nous confère la rémission des péchés? — Et au chap. xvii :
C'est que les péchés qui ne peuvent être remis en dehors de l'Eglise
ne doivent être remis que par la vertu de cet Esprit qui est le prin-
cipe de l'unité de l'Eglise, etc. Donc la rémission des péchés, qui est
l'reuvre de la Trinité tout entière^ est attribuée spécialement à l'Esprit
saint ; car il est cet Esprit d'adoption des enfants dans lequel nous
crions : Mon Père, mon Père {Rom. viu), afin que nous puissions lui
dire : « Pardonnez-nous nos offenses. » Et comme le dit saint Jean,
c'est en cela que nous connaissons que le Christ demeure en nous,
parce qu'il nous a rendus participants de son Esprit (l Jean, lY^ 13.)
C'est ce même Esprit qui est l'auteur de cette société qui ne fait de
nous qu'un seul corps, le corps du Fils unique de Dieu. — Et au
chap. XX : Car l'Esprit saint est lui-même en quelque sorte la société
du Père et du Fils, etc. Et au chap. xxii : Celui donc qui se rendra
coupable d'impénitence contre l'Esprit saint, qui réunit toute l'Eglise
dans les liens d'une même communion et d'une seule unité, il ne lui
sera jamais pardonné (l*).
S. Chrys. {ho?n. A3.) On peut encore dire, suivant la première inter-
prétation, (|ue les Juifs ne connaissaient pas la personne du Christ, mais
ils avaient de l'Esprit saint une connaissance suffisante, car c'estlui qui
avait inspiré les prophètes. Voici donc le sens des paroles du Sauveur :
J'admets que la chair dont je suis revêtu soit pour vous une cause de
scandale (2*); mais quant à l'Esprit saint, pouvez-vous dire : Nous ne le
(1*) Tous ces divers passages de saint Augustin ne sont que de courts extraits de son serm. 7t,
De vérbis Matthœi, où toute cette doctrine se trouve largement exposée.
(2*) 'E[Aol TTpoîTCTatETc, in me offenditis.
lum ad Spiritus Sancti blasphemiam di-
citnr pertinere ? tanquani ille qui in hoc
impœnitentiae peecato fiierit obligatus.
dono Spiritus Sancti resistere videatur,
quod eo dono fiât remissio peccatorum.
( F>t cap. n. ) Scilicet peccata , quia
praeter l-^-clesiani non dimittuntur, in eo
spiritu diniitli oportebal, quo in unum
Ecclesia conjiregatur, etc. Ueuiissio ergo
peccatorum, quani tota Trinitas facit,
propric ad Spirituin Sanctum dicitur per-
tinere : ipse euim est « Spiritu^ adi iplionis
fdioruui, imiuo clauiaunis : Abbapater»
[RoiH. 8), ut ci puâsinuu dicere : « Di-
niitte nobis débita noitra ; et in hoc co-
gnoscimuà(sicut dicit Joannes) quoniam
Cliristui nianet in nobis de Spiritu suo
rjtiemdodit nobis :» ad ipsunietianiperti-
net societasquaefficimur utrum corpus
unici Filii Dei, etc. (Et cap. 20.) Quia quo-
dauimodo societas Patris et Fihi est ipse
Spiritus Sanctus. (Et cap. 22.) Quisquis
ergo reus fucrit impœnitentiai contra
Spirituni Sanctum, in quo unitas et so-
cietas conununionis congregatur Eccle-
siae, uunquam illi reniittetur.
CnRYs. {in /loiitil. 43 itt sup. 31.) Vel
ahter : secundum primam expositiouem.
Judad quidcm ignorabant Christum quis
esset ; Spiritus autem Sancti sufticiens
acceperaut experimentum ; etenim pro-
plietœ per euni locuti sunt : quod ergo
dicit, hoc est : Esto quod me olTenditis
propter carnem circumpositam, unnquid
et de Spiritu Sancto h;ibetis dicere, quo-
niam ignoramus cum ? Propter hoc non
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII. 207
connaissons pas? Et vous en subirez le châtiment dans cette vie et dans
l'autre ; car chasser les démons et guérir les maladies est une œuvre
de l'Esprit saint; ce n'est donc pas à moi seul que vous faites outrage,
mais à l'Esprit saint: c'est pourquoi votre condamnation est inévitable
dans ce monde et dans l'autre. Il en est qui ne sont punis que dans
cette vie, comme ceux qui ont participé indignement aux saints
mystères chez les Corinthiens (1); il en est qui ne reçoivent leur châti-
ment que dans l'autre monde, comme le mauvais riche dans l'enfer.
11 en est enfin qui sont punis dans ce monde et dans l'autre , comme
les Juifs qui furent cruellement châtiés lors de la prise de Jérusalem,
et qui auront encore à endurer d'affreux supplices dans l'enfer.
Rab. L'autorité divine de ces paroles condamne l'erreur d'Origène,
qui assure qu'après bien des siècles , tous les pécheurs obtiendront
leur pardon ; et Notre-Seigncur l'a détruite par ces seuls mots : « 11 ne
lui sera pardonné ni dans cette vie ni dans l'autre. » — S. Grég.
{Dialof/. IV, 34.) Ce passage nous donne à entendre que certaines
fautes sont pardonnées en ce monde , taudis que d'autres ne sont re-
mises que dans l'autre ; car ce qui n'est nié (jue pour une seule chose
est affirmé pour quelques autres. Et cependant on ne peut espérer ce
pardon que pour les fautes les plus légères, comme des paroles oiseuses,
des rires immodérés , ou les fautes que l'on commet dans la gestion
de ses affaires, fautes que peuvent à peine éviter, ceux même qui
savent comment on doit se garder de tout péché ; ou bien enfin l'igno-
rance en matière légère. Il est encore d'autres fautes dont nous demeu-
(1) L'Apôtre s'exprime en ces termes : « Celui qui maoge indignement le corps du Seigneur,
mange sa propre condamnation i> (l Cor., xi, 29) ; et il ajoute (vers 30) : « C'est pourquoi il y en
a beaucoup parmi vous qui sont malades et languissants, et plusieurs sont morts; » ce à quoi
saint Chrvsostome fait ici allusion.
ignoscibilis est vobis htec blasphemia ;
et hic et illic dabitis viûdictam : quia
euim dœraones ejicere et sanitates per-
ticpre, Spiritus Sancti est ; non ergo milii
contumelias infertis soluni, sed Spiritui
Saucto ; ideoque vobis inevitabilis erit
condemnalio, et hic et illic. Ktenim ho-
minuui hi quidfni hic soluuipuuiiuitur,
sicut qui iiidi^rne parlicipavcruut myste-
riis apud Corinthios (1 ad Cor. il); hi
autem illic soluui, sicut dives in inferno
{Lvc. IG), hi autem hic et illic, sicut et
ipsi Judœi, qui et hic iutolerabili.i passi
sunt Hierusaleni capta, et ibi difficilli-
mam suslinent pœnam.
Raua. In hac autem auctoritate extin-
guitur baeresis Origenis, qui asserit po.-l
muUa secula omues peccatores veniaui
cousecuturos , quae refellitur per hoc
quod dicitur, quod : « Non remittetur,
uequein hoc seculo, neque infuturo. »
Greo. (jn.Dialorj. lib. iv, cap. 34.) Datur
etiam iiitelligi, quasdam culpas in hoc
seculo, quasdam vero in futuro relaxari :
quod enim de uuo negatur, de quibus-
dam conceditur : sed tameu hoc de par-
vis minimisque peccatis fieri posse cre-
dendum est ; sicut est assidue otiosus
sermo, inmioderatus risus, vel peccatum
curtP rei famiharis quae vix sine culpa
vel ah ipsis agitur qui culpam qualiter
debeant declinare sciunt, aut innongra-
vilius culpis error ignorantia? : quœdani
etiam post raortem gravant, si nobis in
208
EXPLICATION DE L EVANGILE
rous chargés après la mort, si elles ue nous ont pas été remises pen-
dant cette vie, etc. Mais il ne faut pas oublier que personne n'obtien-
dra le pardon de ses fautes légères après la mort, à moins d'avoir mé-
rité dans cette vie par ses bonnes œuvres ([ue ce pardon lui soit ac-
cordé.
% 33-35. — Ou dites que l'arbre est bon et que le fruit en est bon aussi ; ou
dites que l'arbre étant mauvais, le fruit aussi en est mauvais; car c'est par le
fruit qu'on connaît l'arbre. Race de vipères, comment pouvez vous dire de
bonnes choses, vous qui êtes méchants? car c'est de l'abondance du cœur que
la bouche parle. L'homme qui est bon tire de bonnes choses de son bon trésor;
et l'homme qui est méchant tire de mauvaises choses de son mauvais trésor.
S. Chrys. {hom. 43.) Notre-Seigneur ne se contente pas de cette
première réfutation, il veut les confondre par de nouvelles raisons. Ce
n'est pas sans doute pour se justifier à leurs yeux, il l'avait fait suffi-
samment, mais pour changer les dispositions de leur cœur. 11 leur dit
donc : «Ou dites qu'un arbre est bon, » etc., paroles qui veulent
dire : Personne d'entre vous n'a osé dire qu'il était mal de délivrer
les hommes du démon. Toutefois, comme ils n'attaquaient pas les
œuvres elles-mêmes, mais qu'ils prétendaient que le démon en était
l'auteur, il leur démontre que celte accusation est contraire à toutes
les règles du raisonnement ainsi qu'à toutes les idées reçues , et que
de pareilles inventions sont le comble de l'impudence. — S. Jér. Il
les tient resserrés dans un raisonnement que les Grecs appellent àfj/.iov
et que nous pouvons appeler raisonnement qu'on ne peut éluder. Il les
renferme comme dans un cercle d'où ils ne peuvent sortir et les
presse par les deux faces de cet argument: Si le démon est mauvais,
leur dit-il, il ne peut faire des actions qui soient bonnes; et si les
hac vita adhuc positU minime fueriiitre-
laxata, etc. Hoc tamea scieudum est,
quia illic sallein de miuimié nii quisque
purgationis obtiueljit, uisi qui hoc bonis
actibus in liac vita positus ut oblineat,
promeretur.
Âut facile arborent hotinm, et fructum ejus io-
num; aiif facile arhorcm malam , et fructum
ejus malum : si guident ex fructu arhor aynos-
cilur. Proijenies viperarum , qtwmodo potestis
bona lûqui cum sitis mali? Ex abundaiilia
enim cordis os toi/uilur. Bonus homo de buno
thesauro profert bona, et malus homo de malo
thesauro profert mala.
Chuys. (/» homil. 43 in Muttli.) Post
priores redarfiutiones, rursus eos aliter
coulundit. Hue autem l'acit, non ut seip-
sum accusatioue liberet (ad hoc enim
sufliciebant priora), sed eos corrigere
volens : unde dicit : « Aut facile arbo-
rcm bouam, » etc. Ac si dicat : Nulius
vestruni dixit, quod malum est aliquos
a doenione liberare : sed quia operibus
non maledicebant, sed diabolum dice-
bant boc operantem, demonstrat quod
luBc accusatio est pr;eter consequentiam
rerum, et pra-ter communes couceplior
nés ; talia autem contigere est innnensae
verecundia'. HiKU. Constringit ergo eos
syllogismo. quem Graci vocant apliijc-
Iniii ; nos inevitobilem possumus appel-
lare; qui interrugatos bine inde couclu-
dit, et in utroque cornu premit : « Si,,
inquit, diabolus malus est. bona opéra
lacère non polest ; si autem bona siml
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII. 209
actions dont VOUS avez été témoins sont bonnes, le démon ne peut
en être l'auteur, car il n'est pas possible que le bien puisse naître du
mal ouïe mal venir du bien. — S. Chrys. {hom. 43.) En effet, on
juge l'arbre à son fruit , et non pas le fruit par l'arbre, comme le dit
Notre- Seigneur lui-même : « Car c'est par le fruit que l'on connaît
l'arbre. » — Bien que ce soit l'arbre qui produise le fruit, c'est cepen-
dant le fruit qui détermine l'espèce de l'arbre. Mais pour vous, vous
faites le contraire. Vous ne trouvez rien à reprendre dans les œuvres,
et vous condamnez l'arbre en m'appelant possédé du démon.
S. HiL. {can. 12.) Il réfute donc les calomnies des Juifs qui, tout en
comprenant que les œuvres du Christ exigeaient une puissance divine,
ne voulurent pas cependant reconnaître sa divinité ; mais en même
temps il condamne tous ceux dont la foi pervertie devait dans la suite
embrasser avec ardeur les différentes hérésies qui ont nié sa divinité
et son unité de nature avec le Père, malheureux qui ne pouvaient,
comme les Gentils, s'excuser sur leur ignorance, et qui cependant
n'avaient pas la connaissance de la vérité. Cet arbre, c'est le Sauveur
lui-même revêtu de la nature humaine, parce qu'en effet la fécondité
intérieure de sa puissance se répand au dehors en fruits abondants et
variés. Il faut donc faire un bon arbre avec de bons fruits, ou un
arbre mauvais avec de mauvais fruits , non pas qu'un bon arbre
puisse être mauvais ou qu'un mauvais arbre puisse être bon, mais par
cette comparaison le Sauveur veut nous faire comprendre qu'il faut
abandonner le Christ comme étant inutile , ou s'attacher à lui comme
étant la source féconde de tout bon fruit. Vouloir prendre un moyen
terme, attribuer quelques privilèges au Christ et nier ses qualités
qu£E facta cernitis, sequitur ut non sit
diabolus qui illa fecit ; » neque enim
fieri potest ut ex malo bonum , aut ex
bono oriatur malum. Chrys. {in hom.
43 ut sup.) Etenim arboris dijudicatio
a fructu apparet, non fructus ab arbore :
unde sequitur : « Si quidem ex fructu
arbor agnoscilur, » etc. Etsi enim arbor
fructu? est causa, sed tanien fructus ar-
boris est demonstrativus ; vos autemcon-
trariura facitis : in operibus enim nihil
accusare babentes contrariam de arbore
ferlis sententiam, me dœmoniacum ap-
pellantes.
IIiLAU. [Can. 12 ut sup.) Sic ergo in
prœsens Judajos refellit, qui cum intelli-
gerent Christ) opéra ultra humanam
esse virtutem, noluerunt tamen ea quœ
Dei sunt confiteri : futuram vero om-
TOM. II.
nem fidei perversitatem coarguit; eorum
scilicet quiDivinitatem et communionem
paternae substantiœ Domino detralientes
in diversa haeresum studia efferbuerunt;
neutrum facientes; uec inter geutes sub
venia ignorationis habitantes, nec inve-
: ritatis cognitione versantes. Arborem
, se in corporepositumsignificat; quiaper
I interiorem virtutis suœ fecunditatem
I exeat ubertas omnis in fructus : igilur
arbor bona facienda cum fructibus bo-
nis est, aut mala constituenda cum ma-
! lis fructibus : non quod arbor mala pos-
sit constitui quœ bona est, nec e contra;
sed ut per hancsignificationem intellige-
remus Cbristum aut tanquam inutilem
rehnquendum ; aut tanquam bonum bo-
norurn fructuum utilitate retinendum.
Cceterum médium se agere, et Christo
14
210
EXPLICATION DE l'ÉVANGU.E
essentielles , le vénérer comme Dieu , et le dépouiller de son union
substantielle avec Dieu, c'est un blasphème contre l'Esprit saint. Saisi
d'admiration à la vue de la grandeur de ses œuvres , vous n'osez pas
lui refuser le nom de Dieu , et par je ne sais quelle mauvaise disposi-
tion de votre esprit vous lui contestez la noblesse de son origine en
niant son unité de nature avec le Père. — S. Aug. {serm. 12 sur les
paroles (lu Seirjneur.) Ou bien encore le Seigneur nous rappelle ici
l'obligation d'être de bons arbres si nous voulons produire de bons
fruits , car ces paroles : « Faites un bon arbre et que ses fruits soient
bons » renferment un précepte salutaire auquel nous devons obéir ,
tandis que les paroles suivantes : « Faites un arbre mauvais et que
ses fruits soient mauvais » ne nous imposent pas l'obligation d'agir
de la sorte, mais nous avertissent d'éviter une pareille conduite.
Notre-Seigneur avait ici eu vue des hommes qui , tout mauvais qu'ils
étaient, prétendaient pouvoir dire de bonnes choses ou faire de bonnes
actions; il leur déclare que cela est impossible, car il faut changer
l'homme si l'on veut changer ses œuvres ; si l'homme persiste dans ce
qui le rend mauvais, il ne peut faire de bonnes œuvres; s'il persévère
dans ce qui le rend bon^ il ne peut en faire de mauvaises. Or, le Christ
a trouvé tous les arbres (1) mauvais, mais il a donné le pouvoir de
devenir enfants de Dieu à tous ceux qui croyaient en lui.
S. Ghrys. {hom. 43.) Comme il défendait ici non pas ses intérêts,
mais les œuvres de l'Esprit saint, il leur adresse ces reproches juste-
ment mérités : « Race de vipères , comment pouvez-vous dire de
bonnes choses, vous qui êtes mauvais? » En leur parlant de la sorte,
il accuse leur conduite et tout à la fois il la fait servir de preuve de
(1) C'est-à-dire tous les hommes mauvais, à cause de la corruption de leur cœur.
aliqua déferre, negare quœ maxima sunt,
venerari tanquam Deum, Dei commu-
nione spoliare , blasphemia spiritus est ;
ut cuûi per admirationem tantorum ope-
riini Uei nomen detrabere non audeas,
permalevolentiam mentis generositatem
ejus (abnegata pateruœsubstantia; com-
raunione ) decerpas. Aug. {de Verb.
/)om. serm. 12.) Vcl in hoc admonuit
nos Domiuus, ut bonœ arbores simus,
ut bonos fructus producere possimus :
ubienimait: « Faeite arborcm bonam,
et fructum ejus bonum, » est prœeep-
tum sahibre, cui obedientia est necessa-
ria. Quod autein dicit : « Facile arborem
malam, et fructum ejus nialum, » non
prœceptum est ut faciatis, sed monitio ut
cavealis : contra hos enim dixit, qui pu-
tabant se cum mail essent, bona loqui
posse, vel bona opéra habere : hoc Do-
minus dicit esse non posse : prius enim
est mutandus homo, ut opéra mutentur :
si enim mauet homo in eo quod malus
est, bona opéra habere non potest ; si
manet in eo quod bonus est, mala opéra
habere non potest : omnes ergo malus
arbores Christus invenit, sed « dédit po-
testatem filios Dei fîeri credentibus in
uomine ejus. » [Joan. 1.)
CiiRYS. (in fiomil.i3 in Maith.) Quia
vero, non pro seipso, sed pro Spiritu
Sancto, facit sermonem, eos convenien-
ter increpat, diceus : « Progenies vipe-
rarum, quomodo potestis bona loqui ,
cum sitis mali ? » Hoc autem dixit, et
eos incusaus, et eorum quee dicta suut
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII. 5H
ce qu'il vient de dire. Vous qui êtes de mauvais arbres, semble-t-il
leur dire, vous ne pouvez pas porter de bons fruits : je ne suis donc
pas étonné que vous parliez de la sorte, car vos pères étaient vicieux,
votre éducation a été mauvaise, et vous avez une âme portée au mal.
Remarquez qu'il ne dit pas : « Gomment pouvez-vous dire de bonnes
choses alors que vous êtes une race de vipères? » car voici la cons-
truction naturelle de la phrase . « Gomment pouvez-vous dire de
bonnes choses, étant mauvais comme vous l'êtes? » [1 les appelle race
de vipères parce qu'ils se glorifiaient de leurs ancêtres (1) et, pour
pour anéantir leur orgueil, il les sépare de la race d'Abraham et leur
déclare que leurs aïeux leur ressemblaient. — Rab. Ou bien en les
appelant race de vipères il veut dire qu'ils sont les enfants et les imi-
tateurs du démon, eux qui interprètent ses actions en mauvaise part,
ce qui est le propre du démon.
« La bouche parle de l'abondance du cœur. » Un homme parle de
l'abondance du cœur quand il connaît l'intention qui le fait parler,
vérité que le Sauveur développe plus clairement en ajoutant :
« L'homme qui est bon tire de bonnes choses de son bon trésor, et
celui qui est mauvais tire de mauvaises choses d'un trésor mauvais. »
Le trésor du cœur c'est l'intention que l'àme se propose et d'après
laquelle le juge intérieur détermine le mérite de l'action ; c'est elle
qui fait que des actions éclatantes ne reçoivent quelquefois qu'une
légère récompense, et que, par suite de la négligence d'uu cœur que
la tiédeur domine, des actes de vertus héroïques sont faiblement
récompensés par le Seigneur. — S. Ghrys. {hom. 4-3.) 11 donne encore
(1) C'est le renroche que Jean-Baptiste leur adressait : « Race de vipères, etc. ne dites pas en
vous-mêmes : nous sommes les enfants d'Abraham, « etc.
demoustralionem ex ipsis praebens :
quasi dicat : Ecce vos cum sitis arbores
malce, uon potestis portare fructum bo-
num : non ergo mirer quod bœc loqui-
mini : et eniiu maie uutriti eslis a malis
progenitoribus, et luentem malam ha-
betis. Et vide quod non dixit : « Quali-
ter potestis boua loqui, cum sitis pro-
genies viperarum ? » Nihil enim hoc ad
illud pertiuet, sed « Qualiter potestis
bona loqui, cum sitis mali?)) Progenies
autem viperarum eos dixit, quia in pro-
genitoribus gloriabantur : ut ergo exclu-
deret corum superbiam, separavit eos a
cognatioue Abraham, attribueus eis pro-
genitores similium morum. Rab. Vel
progenies viperanim (id est, filios et
imitatores 'diaboh) eos appellat; quia
scienter bonis operibus detrahunt (quod
diabolicum est). Unde sequitur : « Ex
abundautia euim cordis os loquitur. »
nie homo ex abundaotia cordis loqui-
tur, qui non ignorât ex qua intentione
verba promantur ; quod apertius osten-
dere volens, subjungit : « Bonus homo
de bono thesauro profert bona, et ma-
lus homo de malo thesauro profert
mala. » Thésaurus cordis intentio est co-
gitationis, et qua interius arbiter judi-
cat proventum operis ; ut aliquando ma-
jora minorem babeaut mercedem ; ah-
quando ob incuriam cordis tepidi, majo-
rum virtutum opéra ostentantes, minora
a Domino preemia sortiantur, Chrvs.
212 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
ici une preuve de sa divinité qui pénètre le fond des cœurs , et il nous
appiend que non-seulement les paroles coupables, mais les mauvaises
pensées, recevront leur châtiment. Du reste, c'est une conséquence
naturelle que l'excès de la malice du cœur se répande au dehors par
les paroles qui sortent de la bouche. Aussi , lorsque vous entendez un
homme proférer de mauvais discours, tenez pour certain que la malice
de son âme est bien plus grande que ne l'indiquent ses paroles , car
elles ne sont que l'exubérance de la corruption de son cœur; c'est en
cela que ce reproche est plus sévère et plus sensible pour les Juifs, car
si leurs paroles sont si mauvaises, jugez (l*) combien la source d'où
elles découlent doit être corrompue. Voici en effet ce qui arrive ordi-
nairement : c'est que la langue, retenue par la honte (•2), ne répand
pas immédiatement tout son venin, tandis que le cœur, qui n'a aucun
homme pour témoin de ses actes, se livre sans crainte à tout le mal
(jui se présente à la volonté, car Dieu est son moindre souci, et
lorsque le mal déborde à l'intérieur , il se répand à l'extérieur par les
paroles, ce qui fait dire au Seigneur : « C'est de l'abondance du cœur
(jue la bouche parle ; » et encore : « L'homme tire ses paroles du tré-
sor de son cœur. »
S. Jér. En disant : « L'homme qui est bon tire de bonnes choses
d'un bon trésor, » le Sauveur fait voir aux Juifs coupables de blas-
phème à l'égard de Dieu dans quel trésor ils ont puisé ces blasphèmes ;
ou bien cette pensée se rapporte à ce qui précède et leur montre que
(1*) Toutes les éditions de la Chaine d'or portent excogitata radix. C'est évidemment une faute,
et le texte grec nous aide ici à rendre à cette phrase son sens véritable : èvvôridov i?) pîÇa xaî
i\ TtïiYr), " Jugez combien la racine et la source, » etc.
(2) Le mot grec càayyto\i.bft\, précise le sens du mot latin confusa, que nous traduisons « re-
tenue par la honte. »
[inhomil. 43 ut sup.) Ex liis etiam de- 1 non repente etfundtt nequitiam : cor au-
inonstrat suara Deitatem scientem cordis
ucculta : : quouiam non verborum so-
luui, sed eliam malanim cogitationum
exsolvent vindictam. Est anteni naturae
eonseqiientia; supereniinentis intus ue-
quitiœ verba poros extra etfuiidi : quare
cuni audierishominem niale loquentem,
multo ampliorem œstinies nequiliani
quani verba demonstrant : quod euim
exterius dicitur, est supcrfluentia ejus
(juod intus est. In qiio eus vehemeuter
teliait : si enim quod dictum est ab eis,
ita est nialuni, excogita radix verborum
quani maligna est? Contiugil autem hoc
decenter : liimua enim confusa niultoties
tem nullum bominum babens lestem,
sine timoré quœcunque vult parturit
mala : Dei enim non multa cura est ei,
sed cum augetur multitudo malorum
quae inlus sunt, quœ intérim occullabau-
tur, extra per verba proveniunt : etideo
dicit : « Ex abuudantia cordis os loqui-
tur : » et, quod liomo de thesauris cor-
dis ioquitur.
HiRR. In hoc autem quod dicit : « Bo-
nus honio de l)ono Ibesauro profert
bona, » etc., vel ipsos Judteos Deum blas-
phémantes ostendit, de quali thesauro
blasplieniiam proférant : vel cum supe-
riori quœstione haeret sententia, quod
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII. 213
de même qu'un homme qui est bon ne peut dire de mauvaises choses ,
de même celui qui est mauvais ne peut en dire de bonnes ; ainsi
le Christ ne peut faire de mauvaises œuvres et le démon ne peut en
faire de bonnes.
y. 36, 37. — Or, je vous déclare que les hommes rendront compte au jour du
jugement de toute parole inutile qu'ils auront dite. Car vous serez justifié
par vos paroles et vous serez condamné par vos paroles (1).
S. Chrys. {hom. 43.) A la suite de ces reproches, le Seigneur
cherche à inspirer aux Juifs une grande crainte en leur apprenant que
ceux qui se seront rendus coupables de crimos semblables seront
punis du dernier supplice : « Or, je vous déclare que les hommes ren-
dront compte au jour du jugement de toute parole inutile qu'ils
auront dite. » — S. Jér. Voici le sens de ces paroles : Si une parole
oiseuse qui n'édifie en rien ceux qui l'entendent n'est point sans dan-
ger pour celui qui la dit , et si au jour du jugement chacun doit
rendre compte de ses discours, à combien plus forte raison vous qui
calomniez les œuvres de l'Esprit saint, et qui dites que je chasse les
démons par Beelzébub, rendrez-vous compte de semblables calomnies.
— S. Chrys. (hom. 43.) Il ne dit pas ; « La parole inutile que vous
aurez dite , » car son dessein est d'enseigner tout le genre humain et
de rendre son discours moins dur pour les Juifs. Or, la parole oiseuse
est celle qui contient un mensonge ou une calomnie ; quelques-uns
rétendent à la parole vaine , à celle par exemple qui excite un rire
immodéré ou qui est contraire à la décence et à la pudeur. — S. Grég.
(1) Théophylacte pense que ces dernières paroles sont un proverbe tiré de l'Ecritnre, mais on
ne sait de que! endroit. Etre justifié par ses paroles, ne veut pas dire qu'on est rendu juste, mais
qu'on est reconnu et déclaré juste et innocent, parce que les paroles sont les indices de la justice
de l'âme, et que celui qui ne pèche pas en paroles est un homme parfait. Jacques, m, 2.
quomodo non possit bonus homo pro-
ferre mala, nec malus bona, sic non
possit Christus mala, nec diabolus bona
opéra facere.
IHco autem vohis, qiioniam omne verbum otiomm
quod locuti fuerint homines, reddent rationem
de eo in diejudicii : ex uerbis enim tuis justi-
ficaberis, et ex verbis tuis condemnaberis.
Chrys. {in hom. 43 itt sup.) Postprse-
missa eis Dominus multura timoreui in-
cutit : ostendeiH quod ullimam dabunt
vindictam, qui talia deliquerunt : unde
dicil : « Dico auteui vobis, quoniam
omne verbum otiosum quod locuti fue-
rint homines, reddent rationem, » etc.
Hier. Et est sensus : Si otiosum verbum
quod ncquaquam jedificat audientes,
non est absque periculo ejus qui loqui-
tur, et in die judicii reddet unusquisque
rationem sermonum suorum ; quanto
magis vos, qui opéra Spiritus Sancti ca-
lumuiamini, et dicitis me in Beelzébub
ejicere dfcmonia, reddituri estis ratio-
nem calumniee vestrœ ? Chrys. ( in
homil. 43 ut sup.) Non auteni dixit :
« Quod locuti estis vos ; » simul quidem
omne hominum erudiens genus, simul
autem minus ouerosum facicns suum
sermonem. Otiosum autem verbum est
quod mendax est, quod calumniam ha-
bet. Quidam autem dicunt quoniam et
vanum ; quale e>t quod risum movet
inordiuatum. vol turpe, vel inverecuu-
214
EXPLICATION DE L EVANGILE
(hom. 0, sur les Evang.) Ou bien la parole oiseuse est celle qui n'est
raotivôe ni par une véritable utilité, ni par une juste nécessité. —
S. Jér. C'est une parole qui est sans utilité pour celui qui parle
comme pour celui qui écoute ; par exemple, lorsqu'au lieu d'entretiens
sérieux nous nous entretenons de clioses frivoles ou que nous racontons
les récits fabuleux de l'antiquité. Quanta celui qui se livre aux bouf-
fonneries, rit à gorge déployée et blesse la pudeur dans ses discours, il
n'est pas seulement coupable d'une parole oiseuse, mais de discours
criminels. — Rémi. A cette vérité se rattacbe la maxime suivante :
« C'est d'après vos paroles que vous serez condamnés ; c'est d'après vos
paroles que vous serez justifiés. » Nul doute qu'on ne soit condamné
pour les mauvaises paroles qu'on aura dites ; mais quant aux bonnes
paroles, elles ne pourront justifier que celui qui les aura dites avec
une conviction intime et une intention vertueuse. — S. Chrys. (Jiom. 43.)
Remarquez qne ce jugement n'a rien de trop sévère : vous serez jugés
non point sur ce qu'on aura dit de vous , mais sur ce que vous aurez
dit vous-même ; ce ne sont donc pas ceux qui sont accusés qui doivent
craindre^ mais ceux qui accusent les autres, car personne ne sera forcé
de s'accuser du mal qu'il aura entendu et dont il aura été l'objet, il
ne sera responsable que du mal qu'il aura dit lui-même.
y. 38-40. Alors quelques-uns des scribes et des pharisiens lui dirent : Maître,
nous voudrions bien que twus nous fissiez voir quelque prodige. Mais il leur
répondit : Cette race méchante et adultère demande un prodige, et on ne lui
en donnera point d'autre que celui du prophète Jonas. Car comme Jonas fut
trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine, ainsi le Fils de l'homme
sera trois jours et trois ?iuits dans le conir de la terre.
S. Chrys. {hom. 44.) Le Seigneur avait bien des fois réduit les
dum. Greg. [in homil. 9, in Evang.)
Yel otiosum verbuui est, quod aut utilitate
rectitudinis, aul ratione juslœ necessita-
tis caret. Hier. Quod scilicet sine utilitate
et loqueûtis dioitur et audieuti?; si omis-
sis seriis, de l'ebus fiivolis Irxiuamur, et
fabulas uarreuuis aulirjuas. Citterum qui
scurrilia replicat, et cacliiuuis ora dis-
solvit, et aliijuid proferl hirpitudiuis hic
uou otiosi v^erbi, sed criuiinosi teaebitur
reus. Remig. Ex superioribus autem ver-
bis adliuc sequens dependet seuteutia,
cuiu dicitur : « Ex verbis enini tuis justi-
iîcaberis, et ex verbis tuis condemnabe-
ris : » non est dubiuni quia unusipiisque
de verbis suis malis qua; loquitur. l'on-
dcinnabilnr : verumlameu ex bonis ver-
bis non justilicatur (juis, nisi ex intimo
corde et devota intentione ea proférât.
Chrys. [in hom. 43 «^5?^/).) Vide autem
quia non est ouerosum hoc judicium.
i\on ex quibus alius dixit de te, sed ex
quibus ipse locutus es, sententias judex
feret. Non igitur accusatos tiniere opor-
tet, sed accusantes :non enim illicoiiun-
tur accusare se pro his malis qua? audie-
runt, sed hi pro hisquœ maie dixerunt.
Tune responderunt ei quidam de scribis et pha-
risœis dicentes : Magisler, volumus a te sig-
iwm l'iderr. Qui respondens ait illis : Gênera-
tio mala et adultéra signum quœrit, et signum
non dabitur ei, nisi signum Jonœ prophetœ :
sicut enim fuit Jonas in ventre celi tribus die-
bus et tribus noctibus, sic erit Filius hominis
in corde terrœ tribus diebus et tribus noctibus.
CuRYS. {in homil. k'i, in Mutth.)
DE SAIXT MATTHIEU, CHAP. XII.
215
pharisiens au silence et mis un frein à leur impudence ; ils se rejettent
donc de nouveau sur ses œuvres, ce que l'Evangéliste étonné
nous raconte en ces termes : « Alors quelques-uns des scribes lui
dirent,» etc. Alors, c'est-à-dire quand ils auraient di'i se rendre, pleins
d'admiration et d'étonnement ; mais ils persévèrent dans leur malice
et ils lui disent pour le surprendre : « Nous voudrions que vous nous
fassiez voir un prodige. »
S. JÉR. Ils demandent des prodiges , comme si les faits qu'ils ont
vus jusqu'ici n'étaient pas des prodiges. Saint Luc explique plus clai-
rement quelle espèce de miracle ils lui demandent : Nous voudrions
que vous nous fassiez voir un prodige dans le ciel (1). Peut-être vou-
laient-ils que comme Elle il fit descendre le feu du ciel, ou qu'à
l'exemple de Samuel (IV Rois, i), il fît en plein été et contrairement à
ce qui arrive dans ces contrées, il fit gronder le tonnerre, briller les
éclairs et tomber la pluie (l Rois, vu et xii). Mais n'auraient-ils pas
trouvé le moyen de calomnier ces prodiges eu disant qu'ils étaient
le résultat de causes secrètes et variées qui agissent sur l'atmosphère?
Car, puisque vous calomniez ce que vous voyez de vos yeux , ce que
vous touchez de la main, ce dont vous ressentez l'utilité, que ne diriez-
vous pas d'un miracle qui viendrait du ciel ? Vous répondriez sans
doute que les magiciens en Egypte ont fait eux-mêmes beaucoup de
prodiges dans les airs.
S. Chrys. {hom. 43.) Leurs paroles sont pleines à la fois d'adulation
et d'ironie. Ils avaient commencé par outrager le Sauveur en le
traitant de possédé du démon ; ils cherchent à le flatter maintenant
en l'appelant Maître. Aussi leur répond-il avec sévérité : « Cette géné-
(1) Saint Luc dit simplement : a Et d'autres, pour le tenter, lui demandaient un prodige dans
le ciel; » mais on suppose qu'ils lui ont dit : « Nous voudrions, n etc. [Luc, xi).
Quia Dominus siiperius multoties verbis
inverecundam pbarisfEoriim obstruxerat
linguam, rursus ad opéra veniuut : quod
admirans Evanjielista, dicit : « Timc res-
ponderunt ei quidam de scribis, » etc.
Tune scilicet cum flecti oportebat, cum
admirari, cum obstupescere ; sed tune a
malitia non desistunt : dicuut enim :
« Volumus a te signumvidere, » ut eum
capiant.
Hier. Sic signa postulant, quasi quœ
viderant, signa non fuerint : sed in alio
Evangelista quid pétant pleuius explica-
tur {Lnc. 11) : « Volumus a te signum
videre de cœlo, » Vel in morem Elise,
ignem de sublimi venire cupiebaal
(IV i?ej/. 1) ; vel in similitudinem Samue-
lis tempore aestivo (contra naturam
loci), mugire tonitrua, coruscare ful-
gura, imbres ruere. (I Reg. 7 et 12.)
Quasi non possiut et illa calumniari, et
dicere ex oceultis et variis aeris passio-
nibus accidisse : nam qui calumniaris ea
quae oculis vides, manu teues, utilitate
sentis, quid facturus es de bis quae de
cœlo venerint? Utique respondebis et
Magos in .ïgypto multa signa fecisse de
cœlo. [Exod. 7 et 8.)
Chrys. [ta homil. 43 ut snp.) Verba
autem eorum adulatione et ironia sunt
pleua : et prius quidem convitiabantur,
dœmoniocvm eum dicentes, nunc autem
adulantur, voeantes eum inagistrum :
propter hoc et Dominus eos vehementer
216
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
ration méchante, » etc. Lorsqu'ils le chargeaient d'injures, il leur
répondait avec douceur ; mais lorsiju'ils veulent le prendre par la flat-
terie il leur fait les plus vifs reproches; il prouve ainsi qu'il était supé-
rieur à toute faiblesse, incapable de s'irriter des outrages ou de faiblir
devant la flatterie. Or, voici le sens de ces paroles : « Qu'y a-t-il d'é-
tonnant que vous agissiez ainsi contre moi qui suis pour vous un
inconnu, quand vous vous êtes conduit de la même manière à l'égard
de mon Père dont vous aviez éprouvé tant de fois la puissance et que
vous avez abandonné pour courir aux autels du démon? » Il les
appelle « génération méchante » parce qu'ils n'ont jamais eu que de
l'ingratitude pour leurs bienfaiteurs. Les bienfaits ne font que les
rendre plus mauvais, ce qui est le comble de la perversité. — S. Jér.
Le mot « adultère » qu'il ajoute est parfaitement choisi, parce que
cette génération avait abandonné son mari et que, suivant Ezéchiel,
elle s'était livrée à plusieurs amants (1). — S. Ciirys. (Jiom. 43.) Il se
déclare ainsi l'égal de Dieu son Père, puisque c'est pour n'avoir pas
voulu croire en lui que cette génération est devenue adultère.
Rab. Il va maintenant leur répondre non pas en leur faisant voir
un prodige dans le ciel, mais en le tirant des profondeurs de la terre..
Il a donné ce signe dans le ciel, mais à ses disciples, en leur dévoilant
la gloire de l'éternelle félicité , d'abord en figure sur la montagne
{Matih., xviii), et puis en réalité lorsqu'il s'éleva dans les cieux.
{Marc XVI.) Rajoute : « On ne lui donnera pas d'autre signe. » —
S. Chrys. {hom. A3.) Il parle ainsi, parce que ce n'était pas pour les
(1] Ezech., XVI, Ib : u Tu t'es abandonnée à la prostitution, et tu t'es livrée à tous les passants, »
et au vers. 2-i : « Tu as préparé pour toi une maison de débauche sur toutes les places publiques; «
vers. 25 : a A l'entrée de toutes les voies, tu as établi des signes de prostitution, u Et il conti-
nue les mêmes reproches dans tout le reste du chapitre, surtout au verset 33, où il dit : « Tu as
donné un salaire à tous tes amants, o
arguit:imde seqiiitur: « Qtii respoudeus
ait illis : Mala geueratio, » etc. Et quidem
cum ei couvitiabantur, mausuete eis
respoudebat; cum autem adulabantnr,
convitiose; demonstrans qiiod utra-
qiie passione erat siiperior; et neque
loiiviliis in iram deducilur, neque ab
adulatione moUilur. Ouod autem dicit,
taie est : Ouid mirum si hoc in me faci-
tis, qui icrnotus sum vobis, cum in pa-
trem cujus tantam accepistis e.xperien-
tiaui, hoc idem fecistis, derelicto eo ad
daemones currentes ? Propter hoc autem
eos dicit generationem mulam, quia in-
grat! semper facti sunt circa benefacto-
res ; et heneficiis détériores fiunt, quod
est ultimai malitite. Hier. E^regic autem
dixit : Et adultéra, quia dimiserat vi-
rum, et juxta Ezechietem (cap. 16), mul-
tis se amatoribus copulavit. Chrys. [in
Jiom. l.'i lit sup.) Uude et monstrat se
Pat ri a^quelam, si ei non credere gene-
rationem adnltcram facit.
Raba. Deinde respondere iucipit, non
eis signum de cœlo (quod indigni erant
viderc), sed de profundo inferi tribueus.
Discipulis autem suis signum de cœlo
dédit, quibus apternam beatitudinis glo-
l'iam, et prius in monte figuraliter (Matth .
17), et post veraciter in cœlum superele-
vatus ostendit. {Marc. 16.) Unde sequi-
tur : « Et signum non dabitur, » etc.
Chrys. («'» fiom. 43 ut sup.) Quia non ut
eos induceret, signa faciebat (sciebat
DE SAINT MATTHIEU, C.HAP, XII, 247
amener à lui qu'il faisait des miracles , car il savait qu'ils étaient plus
durs que la pierre , mais c'était pour en convertir d'autres. Ou bien
c'est parce qu'ils ne devaient pas être témoins d'un signe tel qu'ils le
demandaient. En effet, il leur donna plus tard un signe, alors qu'ils
apprirent à connaître sa puissance par leur propre châtiment, et c'est
ce qu'il leur fait entendre à mots couverts en leur disant : « On ne lui
donnera pas de signe, » paroles dont voici le sens ; J'ai répandu sur
vous mes bienfaits à profusion, aucun d'eux ne vous a portés à rendre
hommage à ma puissance; vous la connaîtrez donc par le châtiment
qui vous attend, lorsque vous verrez la destruction de votre cité. Il
entremêle ici une prédiction de sa résurrection , qu'ils devaient aussi
connaître un jour par leur supplice, « si ce n'est le signe du prophète
Jonas. » La croix n'aurait jamais été l'objet de la foi si elle n'avait
eu pour elle le témoignage des miracles, et si elle n'avait pas été crue,
la résurrection ne l'aurait pas été davantage; c'est pour cela qu'il
l'appelle un signe, et que pour en faire reconnaître la vérité il en
rappelle une figure prophétique : « Car, de même que Jonas fut dans
le ventre de la baleine, » etc. — Rab. Il fait voir aux Juifs qu'ils sont
aussi coupables que les Ninivites, et que leur ruine est imminente s'ils
ne font pénitence; mais de même que Jonas, en annonçant le châti-
ment, indique les moyens de l'éviter, ainsi les Juifs ne doivent pas
désespérer de leur pardon , si du moins , après la résurrection de
Jésus-Christ, ils fout pénitence. Jonas, dont le nom signifie colombe
et celui ciui rjémit^ figure celui sur lequel l'Esprit saint descendit en
forme de colombe {Luc, m) , et qui s'est chargé de nos souffrances.
{haïe y LUI.) La baleine qui engloutit Jonas au milieu de la mer
{Jon.^ Il) signifie la mort que Notre-Seigneur Jésus-Christ a endurée
enim eos lapideos esse), sed ut alios
emendaret : aiit quoniam non acciperent
signum quale est illud quod pelebant :
signum enim eis factmu est, quando per
propriam pœnani cognoverunt ejus vir-
tntem : hoc igitiir occulte insinuans, di-
cit : « Siguuui non dabitur ei : » ac si
diceret : Mulla bénéficia demonstravi ;
nihil liorum vos allexit ad venerauduni
meam virtutem, quam cognoscetis per
pœnam, quando civitatem vestram in
et resurrectio utique crédita non esset :
propter hoc et signum hoc vocat, et fi-
guram in médium fert, ut veritas creda-
tur : unde sequilur : « Sicut fuit Jonas
in ventre ceti, » etc. Rab. Ostendit Ju-
daeos ad instar Ninivitarum criminosos,
et nisi pœniterent subversion! proximos :
sed sicut illis denuutiatur supplicium, et
demonstratur remedium [Jonœ, 3): ita
Judœi non debent, desperare veniam, si
saltem post Christi resurreclionem ege-
terram projectam videbitis. Intérim au- rint pœnitentiam. Jonas enim (id est,
tem sermonem de resurrectione inter- , cohimba vel dolens) signum est ejus su-
ponit, quem cognituri erant per ea quae i per quem descendit Spiritus Sauctus in
postea erant passuri, dicens : « Nisi si- ' speeie columbae {Lnc. 3), et qui dolores
gnum Jonee prophetœ : crux enim pro- I nostros portavit. {Isai. 33.) Piscis qui
fecto crédita non esset, nisi signa tes- Jonam devoravit in pelago {Joan. 2) si-
tantia habuisset : bac autera non crédita I gnificat mortem quam Christus passus
218
EXPLICATION DE L EVANGILE
sur la croix. Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre de la
baleine, le Christ demeura le même temps dans le tombeau. Jonas fut
jeté sur le rivage , le Christ a ressuscité dans sa gloire.
S. AcG. {De l'ace, des Evang., m, 2i.) Quelques auteurs qui
paraissent ignorer la manière de s'exprimer de l'Ecriture, ont voulu
compter pour une nuit les trois heures qui s'écoulèrent de la sixième
à la neuvième et pendant lesquelles le soleil fut obscurci, et pour un
jour les trois autres heures, depuis la neuvième jusqu'au coucher du
soleil, pendant lesciuelles il éclaira de nouveau la terre. Vint ensuite la
nuit (lu sabbat, et en la comptant avec le jour qui suivit on a deux
nuits et deux jours. Après le jour du sabbat vient la nuit du premier
jour de la semaine (1) (c'est-à-dire la nuit qui précède le dimanche)
dans laquelle le Seigneur est ressuscité. Nous avons donc deux nuits
et deux jours et de plus une nuit , alors même qu'on devrait la com-
prendre tout entière , et que nous ne prouverions pas que le point du
jour était la partie extrême de cette nuit. C'est ainsi que sans compter
ces six heures (dont trois heures de nuit et trois heures de jour), nous
avons réellement trois jours et trois nuits, et il ne nous reste plus qu'à
démontrer que cette explication est conforme à l'usage de l'Ecriture,
qui prend souvent la partie pour le tout. — S. Jér. Ce n'est pas que
Jésus-Christ ait été les trois jours entiers et les trois nuits dans les
enfers, mais on entend que ces trois jours et ces trois nuits sont for-
més d'une partie du jour de la Pâque , d'une partie du dimanche et
du jour du sabbat tout entier. — S. Aug. [De la Trinité, iv, 9.)
L'Ecriture elle-même nous témoigne que ces trois jours ne furent pas
(1) C'est-à-dire le premier jour de la semaine qui se termine par le sabbat, et que l'on appello
pour cela le jour du sabbat.
est in mundo : tribus diebus et noctibus
fuit ille in ventre ceti, et iste in sepul-
cro ; ille éjectas est in aridam, iste re-
surrexit in gloriam.
Al'g. {de Con. Evang. lib. 3, cap. 24.)
Quidam autem niodiuu locutionis Scrip-
turae nescieutes, noctem voliierunt an-
numerare très illas lioras a sexta usque
ad nonam, quibus sol obscuratus est, et
diem très boras alias, quibus iteruni
terris est redditus, id est, a nona uscpie
ad ejus occasum : sequitur enim nox fu-
tura sabbali, qua cum suo die conipu-
tata erunt jam duae nocles et duo dies.
Porro autem post sabbatum sequitur nox
primae sabbati (id est, illucescentis diei
dominicae) in qna tune Dominus resur-
rexit : erimt ergo duae noctes et duo
dies, et una nox, etiamsi tota posset in-
telligi ; nec ostenderemus quod illud di-
luculum pars ejus extrema sit : qua-
propter nec annumeratis illis sex horis
(quarum tribus tenebratus est, et tribus
illuxitjcoustabit ratio trium dierum et
trium noctium : restât ergo ut lioc inve-
uiatur illo Scripturarum usitato loquendi
modo, quo a parte tolum intelligitur.
Hier. Non quod omnes très dies et très
noctes in inferno fuerit, sed quod in
parte parasceves et dominicae, et tota
die sabbati très dies et très noctes intel-
ligantur. AcG. (IV de Trin. cap. 9.)
Ipsum enim triduimi non plénum et to-
tum fuisse Scriptura testis est ; sed pri-
DE SAINT MATTHIEU. CHAP. XU.
219
complets; mais la seconde partie du premier jour et la première partie
du troisième jour sont comptées pour des jours entiers; quant au jour
intermédiaire, c'est-à-dire le deuxième jour, il est complet et a ses
vingt-quatre heures, douze de nuit et douze de jour. La nuit qui pré-
céda la première aurore où la résurrection du Seigneur eut lieu
appartient au troisième jour. Car de même que les premiers jours de
l'homme sur la terre se comptent du jour à la nuit comme symbole
de sa chute future , de même les jours se comptent ici de la nuit au
jour comme figure de la réparation de l'homme. — S. Chrts.
{hom. 44.) Une leur dit pas clairement qu'il ressusciterait, car ils se
seraient moqués de lui; mais il le leur donne à entendre pour qu'ils
pussent croire par la suite ce qu'il avait prédit par avance. Il ne dit
pas simplement : « Dans la terre , » mais « dans les entrailles de la
terre » pour exprimer une véritable sépulture , et afin que personne
ne pût soup(^onner que sa mort n'était qu'apparente. Il dit clairement
qu'il y restera trois jours , afin que l'on ne put douter de la réalité de
sa mort. D'ailleurs la figure de la résurrection est une preuve de sa
réalité, car Jonas ne fut pas seulement en apparence, mais bien réel-
lement dans le ventre de la baleine. Or la vérité n'aurait-elle existé
qu'en apparence, tandis qne la figure a existé en réalité? Les disciples
de Marcion sont donc de véritables enfants du démon , en affirmant
avec leur maître que la passion du Christ n'a été qu'imaginaire; ajou-
tons que le signe du prophète Jonas , qui devait être donné à cette
génération est une preuve que le Sauveur devait souÛrir la mort pour
les Juifs, quoiqu'ils n'en dussent tirer aucun profit (l).
^. 41, 42. — Les Ninivites s'élèveront au jour du jugement contre cette race et
(1) Le contraire est arrivé pour Jonas, figure de Jésus-Cbrist, car il a sauvé ceux pour lesquels
il s'est jeté à la mer. (Jon,, i, 5.)
mus dies a parte extrema totus anmime-
ratus est, dies vero tertius a parte prima
et ipse totus ; médius autem inter eos
(id estj secundus diesj absolute totus
24 horis suis, 12 nocturnis, 12 diurnis :
nox enim iisque ad diluculum quo Do-
miui resurrectiû declai'ata est, ad ter-
tium perlinet dieui : sicuteniaiprimidies
propter fiiturum liominis lapsum a luce in
noctem, ita isti propler liominis repara-
tionem a tenebris inlucem computantur.
Chrys. [in Iiomil.'ii vt si/js.) Non autem
manifeste dixit quod resurgeret, quia
eum derisissent ; sed occulte insinuai,
ut et illi credereut quod prœscivit : non
autem dixit : In terra, sed, in corde
terrx, ut et sepulcrum ostenderet, et
nuUus solam mortis apparentiam suspi-
cetur : et très dies propter hoc posait ut
credatur quod mortuus est. Sed ipsa fi-
gura veritatem demonstrat : non enim
fuit Jonas in ventre ceti in phantasia,
sed in veritate : neque figura fuit in ve-
ritate, et voritas in imaginatioue : prop-
ter quod manifestum est quod filii sunt
diaholi Marcionem sequentes, qui Christi
passionem pliantasticam esse asseruit :
et quod pro eis esset passurus (licet eis
non proficeret), per hoc iumiit quod illi
generationi signum daretur Jonœ pro-
phetae.
Viri Ninivitce surgent injiidicio cum generatione
is(a, et condeinimbunt eam, quia pœnitentiam
220
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
la condamneront, parce qu'ils ont fait pénitence à la prédication de Jonas ; et
cependant il y a ici plus que Jonas. La reine du Midi s'élèvera au jour du
jugement contre cette race et la condamnera, parce qu'elle est venue des extré-
mités de la terre pour entendre la sogesse de Salomon ; et cependant il y a ici
plus que Salomon.
S. Chrys. {hom. 4-4.) On aurait pu croire que les Juifs auraient un
jour le même sort que les Ninivites, et qu'ils se convertiraient après la
résurrection du Sauveur, comme les Ninivites s'étaient convertis à la
voix de Jonas et avaient ainsi sauvé leur ville de la destruction qui
la menaçait. Notre- Seigneur déclare ici qu'un sort tout différent leur
est réservé ; et loin que le bienfait de sa mort leur soit utile , elle ne
fera qu'aggraver leur supplice, comme il le prouvera plus bas par
l'exemple du démon. Il montre d'abord ici l'équité de leur condamna-
tion : « Les habitants de Ninive se lèveront, dit-il, au jour du ju-
gement contre cette génération. » — Rémi. Le Seigneur , en s'expri-
raant de la sorte, établit clairement qu'il n'y aura qu'une seule résur-
rection pour les bons et pour les méchants, contre quelques hérétiques
qui ont prétendu qu'il y aurait une résurrection pour les bons et une
pour les méchants. Il détruit en même temps cette opinion fabuleuse
des Juifs qui disent que la résurrection aura lieu mille ans avant le
jugement, et il déclare ouvertement, au contraire, que le jugement sui-
vra immédiatement la résurrection ; « Et ils condamneront cette géné-
ration.»— S. JÉR. Ce ne sera pas en prononçant contre elle le jugement
souverain, mais par la simple opposition de leur conduite ; c'est pour
cela qu'il ajoute : « Parce qu'ils ont fait pénitence à la voix de Jo-
nas, et voilà plus que Jonas ici. » Le mot htc doit être pris comme
adverbe de lieu, et non pas comme pronom. Jonas (selon la version
pgerunt in prœdicatione Jonœ : et ecce plus-
quam Jonas hic. Regina Austri surget injudi-
cio cum generatione ista, Pt condemnahit eam,
quia venit a finihus terrœ audire sapientiam
Salomonis : et ecce plusquam Salomon hic.
Chrys. (in hom. 44 m< s«j3.)Nealiqui3
existimaret quod talia deinoeps futnra
essent in .ludœii^ quulia Ninivilis conti-
gerant; ut sicut .louas illos convertit, et
civitas fuit a periculo lilierata. ita isti
postresurrectiouem oonverterenlur ; Do-
minus nunc totuni conlrariuiu ostendit,
quoniam scilicet ex benetieio passionis
nuUum fructum pcrceperunt, sed et gra-
via palientur , ut iufra ostendit per
excmplum daenionis. Intérim autem os-
tendit quod juste patientur, dicens :
« Viri Ninivites surgent in judicio cum
generatione ista. » Remig. Ostendit au-
tem Dominus liis verbis unam esse ma-
lorum et bouorum resurrectionem futu-
ram, contra quosdam hœreticos. qui di-
xerunt unam esse resurrectionem bouo-
rum, et alteram malorum. Destruitur
etiam bis verbis fabula Jud:rorum, qui
soliMit dicere quod ante judicium mille
annis celebretiir resurrectio; aperte bis
verbis ostendeus, quia mox ut celebrabi-
tur resurrectio, celebrabitur et judicium.
« Kt condemnabunt eam. » Hier. Non
seutenlias potestate, sed comparationis
exemple : unde subdit : « Quia pœni-
tentiam egerunt in prredicatione Jonse.
Et ecce plusquam Jonas hic, » etc. Hic,
adverbium loci, non pronomen intelli-
gas : « Jonas (secundum "0 interprètes)
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII. 221
des Septante) ne prêcha que pendant trois jours (1); j'ai prêché pen-
dant un temps beaucoup plus long ; il s'adressait aux Assyriens, nation
infidèle ; je m'adresse aux Juifs, peuple de Dieu; il ne fit que prêcher
sans opérer de miracles , et moi, après tant et de si grands prodiges,
je suis accusé calomnieusement de connivence avec Béelzébub.
S. CiiRYS. {Jiom. 4i.) Le Seigneur, non content de cet exemple, en
ajoute un autre : « La reine du Midi, » etc. Cet exemple est plus frap-
pant encore que le premier. Jonas alla trouver les Ninivites ; la reine
du Midi n'attendit pas que Salomon se rendit près d'elle , mais elle
alla le trouver elle-même, et c'était une femme, une barbare, habi-
tant des contrées éloignées ; elle n'était pas dominée par la crainte de
la mort, mais par le seul désir d'entendre les paroles de la sagesse (2*).
Cette femme s'est donc rendue ici , moi j'y suis venu ; elle est arrivée
des extrémités de la terre , et moi je parcours les villes et les cam-
pagnes; elle discuta sur les arbres et sur les plantes, et moi j'enseigne
d'iuelTables mystères. — S. Jér. Cette reine du Midi condamnera le
peuple juif, de la même manière que les Ninivites condamneront les
Israélites incrédules. Cette reine est la reine de Saba dont il est
question au livre III des Rois, et au II des Paralipomènes. Elle aban-
donna son peuple et son royaume , et à travers mille difficultés elle
vint dans la Judée pour entendre la sagesse de Salomon , et lui offrit
une multitude de présents (3). Les Ninivites et la reine de Saba sont
la figure des nations qui ont embrassé la foi et qui ont été préfé-
(1) Ce n'est pas seulement parce qu'il fallait trois jours pour parcourir la ville de Ninive, mais
aussi parce que Jonas avait dit dans sa prédication : « Dans trois jours, Ninive sera détruite. »
La Vulgate, d'après l'hébreu, a mis quarante jours au lieu de trois jours.
(2'*) Dans le texte grec saint Chrysostome ajoute : « Mais il y a ici plus que Salomon, d ce qui
répand plus de clarté sur le contraste qu'il établit entre la reine du Midi et le Sauveur.
(3) C'est-à-dire cent vingt talents d'or et une grande quantité de pierres précieuses et de par-
fums, (III Rois, X et II; Paralip., ix.) La Vulgate traduit : une grande quantité de pierres pré-
cieuses et de parfums, là où le grec dit seulement, des pierres précieuses, XîÔov Tifxiov, mais
avec un adjectif numérique.
Iriduo prœdicavit ; ego tanto tempore :
ille Assyriis geuti incredulœ, ego Judaeis
populo Dei ; ille voce locutus est sim-
plici, nihil sigaorum faciens ; ego lauta
faciens, Beelzebub caluuiuiam suslineo.»
Chrvs. {in f/om. 44 vt sup.) Non au-
tem hic stat Doiiiiiius, sed et aliam an-
nuntialionem adjungit, dicens: « Regiua
Austri, n etc. Istud plus fuit quam prius.
Jonas euim ad illos abiit ; regina autem
Austri non exspectavit Salomonem ad
ipsam ire, sed ipsa ad eum accessit; et
niulier, et Ijarbara, et remota ; non raor-
tem formidans, illecta sola cupidine ver-
borum sapientum. Ibiergo mulier adve-
nit, hue ego veni ; et ipsa quidem a fini-
bus terrée surrexit, ego autem civitates
et castra circumeo ; et illa quidem de
arboribus et lignis disputavit, ego autem
de iueffabilibus niysteriis. Hier. Eodem
ergo modo coudemuabit regiua Auslri
populum Judaeorum, quo contemuabunt
viri Ninivitae Israëlem iucredulum. Ista
est Regiua Saba, de qua in Regum volu-
miue (lib.. m Bec/, cap. 10) et in Parali-
pomenon (lib. ir, cap. 9) legimus, quaj
per taulas difûcullates gente sua et im-
perio derelictis, venitin Judaeam^sapien-
tiam audire Salomonis, et ei multa mu-
nera obtulit : in Ninive autem, et in Re-
222
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
rées au peuple d'Israël. — Rab. Les Ninivites représentent ceux qui
renoncent au péché ; la reine de Saba, ceux qui ne connaissent pas
le péché; car la pénitence efface le péché, mais la sagesse apprend à
l'éviter.
Remi. Le nom de reim; convient admirablement à l'Eglise, parce
qu'elle sait diriger sa conduite ; c'est d'elle que le Psalmiste a dit :
« La reine s'est tenue debout à votre droite. » {Ps. xliv.) C'est la reine
du Midi, parce qu'elle est pleine du fou de l'Esprit saint. Le vent brû-
lant du Midi est une figure de l'Esprit saint. Saiomon , dont le nom
signifie le pacifique , représente celui dont il est dit : « C'est lui qui
est notre paix. » {Ephés. ii.)
f. 43-45. — Lorsque l'esprit impur est sorti d'un homme, il vu dans des lieux
arides, cherchant du repos, et il n'en trouve point. Alors il dit : Je retournerai
dans ma maison d'où je suis sorti; et revenant il la trouve vide, nettoyée et
parée. En même temps, il va prendre avec lui sept autres esprits plus mé-
chants que lui; et entrant dans cette maison, ils y demeurent, et le dernier
état de cet homme devient pire que le premier. C'est ce qui arrivera à cette
race criminelle.
S. Chrys. {ho?n. 44.) Le Seigneur avait dit aux Juifs : « Les habi-
tants de Ninive s'élèveront au jour du jugement et condamneront
cette génération. » Mais dans la crainte que le temps si éloigné de
cette condamnation ne la leur fit mépriser et n'encourageât leur négli-
gence , il leur apprend qu'ils auront à souffrir des châtiments très-
sévères non-seulement dans l'autre vie , mais dans celle-ci , et il leur
fait connaître sous le voile d'une parabole le supplice qui leur est ré-
servé : « Lorsque l'esprit impur , » etc. — S. Jér. Il en est quelques-
gina Saba, occulte fides nationum prœ-
fertur Israëli. Raba. Ninivitœ significant
eos qui peccare desisliuit, Regiua vero
eos qui peccare nesciunt : pœuiteutia
enim peccatum abolet, sapientia cavel.
Remig. Pulclire autem EcclesiadeGen-
tibus coDgregala reyina dicitur, quia
mores suos regere novit : de qua Psal-
mista [Psal. 44) : « Astitit Regiua adextris
tuis. » Austri autem regina est, (juia ar-
dore Spirilus Sancti superabuudal : aus-
ter enim veutus calidiis signilicat Spiri-
tum Sanctum. Salomou autem, (jui in-
terpretatur /;«c//i(i/5, siguilicat ipsum de
quo dictum est [Lplt. 2) : Ipse est pax
nos Ira.
Cum autem iinmtuulus spiiitus exierit ah humiiu;
ambulat per loca arida guœrens requiem, et non
invenit. Tune dicit : Revertar in domum tneam
unde exii'i. Et veniens , invenit eam vacantem,
scopis mundatam et ornatam : tune vadit , et
assumit seplem alius spiritus secuni nequiores
se : et intrantea habitant ibi : et fiunt novissima
hominis illius pejora prioribus. Sic erit gène-
rationi huic pessiinœ.
Chrys. {in hom. 44 lit sup.)(^mvi Do-
miuus dixerat Judœis : « Viri Niuivitae
surgent iii judicio, et coiidemuabuut
gijiieratioiiem islam, » ne propter tem-
poris tardationem coutemuereut et tie-
reut pigriores, osteudit quod, iion solum
in futnro seculo, sed et liic gravissima
patienlur, futuram in cis pœnam sub
quodam amigmale subdens. L'ude dicit :
« Cum autem immuudus spiritus, » etc.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII.
223
uns (1) qui prétendent que ce passage s'applique aux hérétiques.
L'esprit immonde qui habitait d'abord en eux , lorsqu'ils étaient en-
core infidèles, disent-ils, a été chassé par la confession de la vraie foi;
mais lorsqu'ils ont embrassé le parti de l'hérésie , et qu'ils ont orné
de fausses vertus la maison intérieure de leur âme , le diable revient
les trouver après avoir pris avec lui sept autres esprits , il fixe en eux
son séjour, et rend leur dernier état pire que le premier. Le sort des
hérétiques est , en efTet , plus déplorable que celui des infidèles ; car
dans les infidèles vous pouvez rencontrer l'espérance de la vraie
foi, mais dans les hérétiques vous ne trouverez que les luttes et les
déchirements de la discorde. Cette explication a pour elle quelque
probabilité et quelque apparence de science, cependant je ne sais si
elle est fondée sur la vérité. En effet^ la conclusion de cette parabole :
« C'est ce qui arrivera à cette génération criminelle,)» nous force de
l'appliquer, non aux hérétiques, ou à n'importe quels autres hommes,
mais au peuple juif, si nous voulons que l'ensemble de ce passage ne
reste pas vague, indéterminé, susceptible de sens divers, et ne perde
de sa clarté par des interprétations sans fondement, mais qu'il forme
un tout parfaitement en rapport avec les antécédents et les consé-
quences. L'esprit impur est donc sorti des Juifs lorsque la loi leur fût
donnée et lorsqu'ils l'eurent chassé, il a erré dans les solitudes des na-
tions, comme l'indiquent les paroles suivantes : « Il va par des lieux
arides. » — Rémi. Les lieux arides, ce sont les cœurs des Gentils que
n'ont jamais arrosés les eaux salutaires, c'est-à-dire les saintes Ecri-
tures. — Rab. Ou bien, ces lieux arides, ce sont les cœurs des fidèles
(1) On ne voit pas parmi les Pères qui précédèrent saint Jérôme, quel est celui qui aurait
donné cette explication. Saint Ambroise dans son commentaire sur saint Luc, saint Chrysostome,
saint Hilaire sur saint Matthieu, appliquent ce passage aux Juifs.
Hier. Quidam isUim locuin de haereticis
dictum putaut, quod immundus spiritus
qui in eis ante habitaverat, quaudo geu-
tiles eraut, ad coufessioneui ver£e fidei
ejiciatur; postea vero cum se ad hsere-
sim transtulerint^ et simulatis virtutibus
oruaveriut domuni suam ; tune aliis
septem nequam spiritibua adjunctis, re-
vertatur ad eos diabolus, et babitet in
illis, fiantque novissima eorum pejora
prioribus. IMulto quidem pejori condi-
tione suut hoerelici, quam geutiles ; quia
in illis spes iidei, in istis est pugna dis-
cordiaî. Cum hiec iutelligentia plausum
quemdam et colorem doctrinœ prasferatj
nescio an babeat veritatem : ex eo enim
quod finita vel parabola vel exemplo se-
quitur : « Sic erit generationi buic pes-
simœ, » compellimur, non ad haeretico3
et quoslibet bomines, sed ad Judœorum
populura referre parabolam ; ut contex-
tus lûci non passim et vagus in diversum
fluctuet, atque insipientium more turbe-
tur; sed bœrens sibi, vel ad priora, vel
ad posteriora respondeat. Unde immun-
dus spiritus exiit a Judaeis, quaudo acce-
peruut legem ; expulsus autem a Judaeis,
ambulavit per genlium solitudines : unde
sequitur : « Ambulat perioca arida,» etc.
Remig. Loca vrkia appellat corda gen-
tium, ab omni bumore salularium aqua-
rum (boc est sanctarum Scripturarum,
spiritualium donorum, et ab infusione
Sancti Spiritus), aliéna. Raba. Vel loca
224
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
qui, après avoir été purifiés de la mollesse des pensées dissolues , sont
explorés par l'ennemi perfide de notre salut qui cherche à y fixer son
séjour; mais il s'éloigne des âmes chastes , et ne peut trouver que
dans le cœur des méchants un repos qui lui soit agréable. C'est pour
cela que le Seigneur ajoute : a Et il ne le trouve pas. »
Rémi. Le démon pensait avoir trouvé dans le cœur des Gentils un
repos éternel, mais Notre- Seigneur ajoute : « Et il ne le trouve pas, »
parce que les Gentils ont embrassé la foi, lorsque le Fils de Dieu se
fut rendu visible par le mystère de l'Incarnation. — S. Jér. Après la
conversion des Gentils, le démon, ne trouvant plus en eux de repos,
dit : « Je reviendrai dans la maison d'où j'étais sorti, chez les Juifs
que j'avais quittés en premier lieu^ et, en y revenant , il trouve cette
maison vide, nettoyée et parée. » En effet, ce temple des Juifs était
vide, et le Christ n'y demeurait plus , lui qui avait dit : « Levez-vous,
sortons d'ici. » {Jean^ xiv.) Les Juifs n'étant plus sous la garde de
Dieu et de ses anges, et n'ayant pour ornement que les observances
superflues de la loi, et les traditions des pharisiens , le démon revient
dans sa première demeure , il en prend possession avec sept autres
esprits, et le dernier état de ce peuple devient pire que le premier.
En effet, les Juifs qui blasphèment contre Jésus- Christ dans les syna-
gogues sont les esclaves d'un bien plus grand nombre de démons que
ue Tétaient leurs ancêtres dans l'Egypte avant d'avoir reçu la loi ; car
on n'était pas aussi coupable de ne pas croire en celui qui devait ve-
nir, que de ne pas le recevoir lorsqu'il était venu. Ce nombre de sept
(1) Cette interprétation n'est pas littérale ; ces paroles sont celles que Jésus prononça lorsqu'il
sortit du Cénacle lui et ses apôtres pour se rendre au jardin des Olives, où devait commencer sa
passion.
arida sunt corda fidelium, quae a molli -
tie fluxœ cogitationis expurgata callidus
insidiator explorai, si quos gressus ibi
figere possit; sed caslas mentes effiigiens
diabolus, in solo corde pravorum gra-
tam sibi potest invenire quieteni : unde
sequitur : « Et non invenit. »
RiiMiG. Putabat auteni diabolus se per-
petuam quietem posse babere in genlili
populo ; sed subditur : « Kl non inve-
nit, » quia apparente Dei Filio per mjs-
terium incarnatiouis suœ gentilitas cre-
didit. IliEn. Quie cum Domino credi-
disset, ille non iuvento loco in nalioni-
bus, dixil : « Reverlar in domum meani
unde exivi, » babeo Judœos quos anle
dimiseram." Et venions invenit vacantom
scopis mundatam et oruatam;» vacabat
enim templum Judseorum , et Cbristum
hospilem non babebat dicentem [Joan.
14) : « Surgite et abeamus bine. » Quia igi-
lur, et Dei, et angelorum praesidia non
babebant, et oruati erant superfluis ob-
servationibuslegis, et traditionibusPba-
risœorum, reverlitur diabolus ad sedem
suam pristinam; et septenario numéro
sibi addilo daernonum, babitat pristinam
domum : et fiunt novissima illius populi
pejora prioribus : multo enim nunc ma-
jore dœmonum numéro possidentur
blaspbemantes in synagogis suis Cbris-
tum Jesum quam in .-Egypto possessi
fuerant anle legis notitiam, quia aliud
est venturum non credere, aliud non
suscepisse qui venerit. Septenarium au-
tem uumerum adjunclum diabolo, vel
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII. 22j
autres esprits que le démon prend avec lui est mis ici ou à cause des
jours de la semaine, ou à cause du nombre des dons de l'Esprit saint.
Ainsi de même que dans Isaie sept esprits de vertus différentes viennent
se reposer sur la fleur de la tige de Jessé, de même, à l'opposé , nous
voyons un nombre égal de vices consacre dans la personne du dé-
mon. C'est donc avec dessein que Jésus dit du démon qu'il prend sept
esprits avec lui, ou à cause de la violation du sabbat , ou à cause des
péchés mortels qui sont contraires aux sept dons du Saint-Esprit (1).
S. CnRïs. {hom. 44.) Ou bien le Sauveur veut faire comprendre aux
Juifs la grandeur du châtiment qui les attend. Voyez, leur dit-il,
ceux qui, étant possédés du démon, sont délivrés de cette tyrannie ;
s'ils tombent ensuite dans le relâchement, ils s'attirent de plus ter-
ribles épreuves ; ainsi en sera-t-il de vous-mêmes. Vous étiez autrefois
les esclaves du démon , lorsque vous adoriez les idoles , et que vous
immoliez vos enfants aux démons; cependant je ne vous ai pas aban-
donnés, j'ai chassé le démon par les prophètes, et je suis venu moi-
même en personne pour vous délivrer d'une manière plus complète.
Mais loin de répondre à de si grands bienfaits, vous n'en êtes devenus
que plus mauvais (car c'est un plus grand crime de mettre à mort le
Christ qu'un prophète), c'est pourquoi de plus terribles châtiments
vous sont réservés. Et en effet, ce qu'ils eurent à souffrir sous Vespa-
sien et Titus fut mille fois plus affreux que ce qu'ils avaient enduré en
Egypte, à Babylone, et sous Antiochus (2). Il va plus loin encore, et
leur fait voir le triste état de leur âme dépouillée de toutes vertus, et
devenue pour le démon une proie bien plus facile qu'auparavant. Or,
(1^ On ne trouve cette phrase ni dans saint Jérôme, ni dans aucun autre auteur; la Glose n'en
cite que la dernière partie.
(2'^ C'est cet Antiochus dont les cruautés sont rapportées 1 Machah., i, et ii Machab., v, vi, vu.
propter sabbatum intellige, vel propter
numerum Spiritus Sancti, ut quomodo
in Isaia (cap. 11), super florem qui de
radiée Jesse desceadit, septem spiritus
virtutum descendisse narrantur, ita e
contrario, vitiorum numerus in diabolo
consecratus sit. Pulchre « ergo septem
spiritus assurai dicuntur, vel propter »
violationem sabbati, vel propter crimi-
nalia peccata, qnœ contraria sunt sep-
tem donis Spiritus Sancti.
Chrys. (in Jiomil. i't ut svp.) Vel hic
pœnam eorum demonstrat : dicit enim
quod cum dsemouiaci liberati fuerint ab
infirniitale , si desidiores efficiantur ,
graviorem attrahunt adversus se phan-
lasiam : ita et in vobis fiet : etenim
TOM. II.
ante detinebamini a dfemoue, quando
idola adorabatis, et filios vestros daemo-
nibus occidebatis ; sed tamen non dere-
liqui vos, sed expuli daemonem illum
per prophetas, et per memetipsum rur-
sus veni, auiplius expurgare vos volens :
quia igitur non vultis atteudere, sed in
majorera ineidistis uequitiara (gravius
enim est occidere Christuni quam pro-
phetam), propter hoc difficiliora patie-
raini. Quae enim sub Vespasiano et Tito
contigerunt, eis multo graviora fuerunt
bis quœ passi simt in .Egypto, et in Ba-
bj-lone, et sub Antiocho : nec hoc solum
ostendit, sed quoniam ab omni virtute
erant desolati (seu destituti) et daemo-
num actibus occupabilns magis quam
15
226
EXPLICATION DR l'ÉVANGILE
ce n'est pas seulement dans les Juifs, mais dans nous-mêmes que cette
parabole trouve son application. Si après avoir reçu la lumière de la
foi et la rémission de nos premières fautes, nous y retombons de nou-
veau, la peine des fautes suivantes sera beaucoup plus sévère; c'est
pour cela que Notre-Seigneur dit au paralytique : « Vous voilà guéri,
ne péchez plus, de peur qu'il ne vous arrive quelque chose de pis. » —
Rab. Lorsqu'un homme se convertit à la foi, le démon, chassé de son
âme par le baptême, parcourt les lieux arides, c'est-à-dire les cœurs
des fidèles. — S. Grég. {Moral, xxxiii , 3.) Les lieux arides et sans
eau sont les cœurs des justes; la règle forte et sévère qu'ils s'imposent
dessèche dans leur àme les eaux des concupiscences charnelles. Les
lieux humides, au contraire, sont les âmes des hommes attachés à la
terre ; la concupiscence de la chair, en les pénétrant de ses eaux cor-
rompues, les rend molles et sans cohésion , et le démon y imprime
d'autant plus profondément les traces de son iniquité, qu'il marche
dans ces âmes comme sur une terre détrempée et sans consistance.
Rab. Or, en rentrant dans sa maison d'où il était sorti, il la trouve
vide de bonnes actions par suite de sa négligence , purifiée de toutes
souillures, c'est-à-dire de ses anciens vices, par le baptême; ornée de
fausses vertus par l'hypocrisie. — S. Aug. {Quest. évang.^ i, 8.) Le
Seigneur nous apprend encore par ces paroles qu'il en est dont la foi
sera si faible, qu'ils retourneront au monde, incapables qu'ils seront
des travaux de la mortification. Eu nous faisant remarquer que le dé-
mon prend avec lui sept autres esprits, il veut nous faire comprendre
que celui qui tombe des hauteurs de la justice devient en même temps
hypocrite. En eflet, lorsque la concupiscence de la chair, chassée par
ante. Hœc autem, non solum ad illos,
sed ad nos eliUui dicta esse, ration em
liabet ; si illumiuati et a prioribus eruti
malis, nirsus ab eadenv possideamur
nequitia: etenim difficilior jam eritpœna
posteriorum peccatorum : propter quod
paralylico Cliristus dixit {Joan. 5) :
« Ecce sanns factus es, noli peccare, ne
deterius libi aliquid continuât. » Raba.
Homo enim quilibct ad fidem convorsus
est, a quo diabolns per baptisnuini oji-
citur ; qui ejeclus inde loca arida por-
agrat, id est corda ildelinm. Greg.
(XXXIII Moral, cap. 3.) Loca onini arcii-
lia atipie ina(iuosa sunt corda Jusloruni;
qaœ per disciplinai l'ortiludinoni abonini
carnalis concupisceuliie hiiniore sic-
canUir; loca voro bumentia siint ti'rre-
noruni boaiinuin meutes ; qua- humor
carnalis concupiscentiee , quia replet
lluidas facit ; in quibus diabolns inii[ui-
tatis suœ vestigia tanto altius imprimit,
(juanlo in eisdem mentibus pertransitus
illius quasi in fluxA terra descendit.
Raba. Rediens autem ad domumsuani,
unde exiverat, invenit eam vacanteni a
bonis actibus per negligentiam ; scopis
mundatam (scilicel a viliis pristinis) per
bapUsnium ; ornalamsimulalis virtulibus
per bypocrisim. Arc. (dcQiuisl. Evunrj.
lib. 1, quœst. 8.) Unde per bœc verba
significat Dominus quosdam lia creditu-
ros, ni non possint ferre laborem con-
tinentirt!, et ad seculum redituri siut.
Quod dioit : « Assinnit socum alios sep-
tem, » intelligitur ijuia cum quis cecide-
rit de justitia, etiam simulationem habo
bit : cupiditas enim caruis expulsa per
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII. 227
les œuvres ordinaires de la pénitence , ne trouve pas un lieu d'a-
gréal)lê repos, elle revient avec plus d'empressement, et s'empare de
nouveau du cœur de l'homme, pour peu qu'il se soit laissé aller à la
négligence. Alors la parole de Dieu ne peut plus avoir d'accès par la
saine doctrine pour habiter cette maison une fois nettoyée de ses
souillures; et comme cette concupiscence de la chair ne prend pas
seulement avec elle les sept vices qui sont opposés aux sept dons de
l'Esprit saint, mais qu'elle affectera par hypocrisie d'avoir ces mêmes
vertus, on peut dire qu'elle revient avec sept démons plus méchants,
c'est-à-dire avec les sept démons de rhypocri>ie , de manière que
l'état de cet homme devienne pire que le premier. — S. Grég.
{Moral. VII, 7.) Il arrive souvent aussi que, lorsque l'àme vient à
s'enorgueillir de ses premiers pas dans la perfection , et veut en être
louée comme de véritables vertus, elle donne entrée à son ennemi fu-
rieux contre elle, et qui s'acharne avec d'autant plus de violence à sa
ruine, qu'il a éprouvé de douleur d'en avoir été chassé, ne fût-ce que
pour quelque temps.
^. 46-50. — Lorsqu'il parlait encore au peuple, sa mère et ses frères se tenaient
nu dehors et demandaient à lui parler. Et quelqu'un lui dit : \oilà votre
mère et vos frères qui sont dehors et qui vous demandent? Mais s' adressant à
celui qui lui jmrlait, il dit : Qui est ma mère et qui sont mes frères f Et
étendant sa main vers ses disciples : Voici, dit-il, ma mère et mes frères.
Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les deux, celui-là est
mon frère , ma sœur et ma mère.
S. HiL. {can. 12 sur S. Matth.) Comme il avait dit tout ce qui pré-
cède au nom de la puissance et de la majesté de son Père , l'Evan-
pœnitentiam consuetis operibus, cum
uon invenerit iu quibus delectationibus
couquiescat, avidius redit, et rursus oc-
cupât mentem hominis, si negligentia
subsecutâ est ; ut uoa introduceretur
tauquam habitator mundatœ domui
sermo Uei per sauam doctrinam : et quo-
niam non solum babebit illa septem vitia
quae septem virtutibus sunt contraria
spiritualibui, sed etiam per bypocrisini
se ipsas babere virtutes simiilabit, prop-
terea assiimptis secum septem aUis ne-
quioribus (boc est ipsa septenaria simu-
latione) redit ipsa cocupiscentia, ut sint
novissima hominis ilUuspejoraprioribus.
Greg. (VII Moral, cap. 7.) Plerumque
eliam flt ut cum mens ex ipso exordio
sui profectus extollitur, cumque se jam
quasi de virtutibus erigit, ssevienti con-
tra se adversarioaditumpandat; tantoque
se vebementius in ejus contractione exhi-
bet, quanto et gravius, quia vel ad mo-
dicum fuerat projectus, dolet.
Adhuc eo loquenie ad turbas, ecce mater ejus et
fratres stabant foris, quœrentes loqui ei. Dixit
aulem ci quidam : Ecce mater tua, et fratres
tui, foris stant, qiiœre.ntcs te alloqui. Al ipse
respnndens dicenti sibi ait : Quœ est mater mea,
et qui sunt fratres met? Et extendeus manum
in discipulos suos, dixit : Ecce mater mea et
fratres mci : quicunque enim fecerit voluniatem
Patris mei, qui in cœlis est, ipse meus frater,
et soror, et mater est.
HiLAR. [Cant. 12 ut sup.) Quia prae-
dicta omnia in paternae majeslatis virtute
loqnebatur, nuntianti sibi quod foris a
228
EXPLICATION DE l/ÉVANGlLE
géliste nous apprend ce qu'il répondit lorsqu'on vint lui annoncer
que ses frères et sa mère l'attendaient au dehors (1). « Pendant qu'il
parlait encore au peuple, » etc. — S. Aug. {de l'accord des évang.,
u, 40.) Nous devons penser que Notre-Seigneur fit cette réponse dans
des circonstances qui la motivaient ; car avant de la rapporter l'Evan-
géliste fait cette remarque « : Lorsqu'il parlait encore au peuple. »
Que veut dire ce mot « encore » si ce n'est au moment même où il
tenait ce discours? Saint Marc (m) place égalemr-nt ce fait après avoir
rapporte ce qui concerne le blasphème sur le Saint-Esprit, et il ajoute :
« Et ses frères et sa mère étant venus. » Saint Luc n'a pas gardé ici
l'ordre historique; mais il a raconte ce fait par anticipation , d'après
l'ordre de ses souvenirs. — S. Jér. {contre Helvid.) Helvidius (5) veut
appuyer une de ses erreurs sur ce que nous voyons dans l'Evangile
des frères do Notre-Seigneur. Pourquoi , demande-t-il , les aurait-on
appelés les frères du Seigneur s'ils n'avaient pas été réellement ses
frères? Or, il faut savoir que dans l'Ecriture le nom de frères est en-
tendu de quatre manières différentes. Il y a les frères de nature, les
frères de nation , les frères de parenté , et les frères d'affection : les
frères de nature, comme Esaii et Jacob , les frères de nation , tous les
Juifs, par exemple, qui se donnent entre eux le nom de frères, comme
nous le voyons dans le Deutcronome : « Vous ne pourrez placer à
votre tête un étranger qui ne soit point votre frère (xvii) ; les frères de
parenté, c'est-à-dire ceux qui sont d'une même famille; c'est dans ce
sens qu'Abraham dit à Loth dans la Genèse (xiii) : « Qu'il n'y ait point
de débat entre vous et moi, car nous sommes frères. » Enfin il y a les
(1) La deuxième partie de la citation diflère un peu quant à l'expression.
(2) C'était un homme grossier, sans éducation, ayant à peine reçu les premiers éléments des
connaissances humaines, indigne d'être vaincu, dit saint Jérôme et qui cependant porta la folie
jusqu'à oser écrire contre la perpétuelle virginité de la très-sainte Vierge.
raatre atviue fratribus exspectaretur ,
quid respoaderit Evangelista demons-
trat, subdens : « Adbuc eo loqueute ad
lurbas, » etc. Aug. [de Von. Evang.
lib. II, cap. 40.) Hoc sine dubio conve-
uientor geslum intelligere debemus :
prœmisit enim cum ad hoc narrauduni
transiret : « Adhoc eo loqueate ad tur-
bas. » Quid est aulffin, ciiJhuc, nisi
quando illud loqucbatiir ? Nam et Mar-
cus post illud quod de blasphoniia Spi-
ritus Sancti retulerat, dixit (cap. 3) :
« Et veuiunt mater ejus et fratres ; »
Lucas autera non bujus rel gcstœ ordi-
nem lenuit, sed praeoccupavit lioc, et
recordalum ante narravit. (cap. 8.) Hier.
{contra llelvidhnn.) Hinc Helvidii uua
propositio sumitur, ex hoc quod fratres
/>ow«nnuEvangeliononiiuantur : «Unde
(inquit) fratres Douiiui dicli sunt, qui
non erant fratres ? Sed jani uunc scien-
dum est quatuor niodis in Scripluris di-
vinis fratres dici : natura, gente, cogna-
tione et affectu. Natura, ut Esau et Ja-
cob {Cènes. 25, etc.) ; gente, ut ouines
.ludœi fratres inter se vocantur; ut in
Deuteronomio (cap. 17) : « Non poteris
constituere super te hominem abenum,
qui non est frater tuus : » porro cogna-
lione fratres vocantur, qui sunt de una
familia, sicul in Gene?i(cap. 13): «Dixit
auteni Abraham ad Loth : Non sit rixa
inter te et me, quouiam fratres sumus; »
affeclu autem fratres dicuntur, quod in
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XII.
229
frères d'aflfection, qui le sont d'une manière ou particulière, ou géné-
rale : particulière, comme le sont tous les chrétiens d'après ces pa-
roles du Sauveur : « Allez, dites à mes frères» {Jean, xx); générale,
comme tous les hommes nés d'un même père sont unis entre eux par
les liens d'une même fraternité, et c'est dans ce sens qu'il est dit dans
Isaïe : « Dites à ceux qui vous haïssent : Vous êtes nos frères (l).» Or,
je vous le demande, dans quel sens l'Evangile prend-il les frères du
Seigneur? Est-ce selon la nature? Mais l'Ecriture ne les appelle ni les
enfants de Marie ni ceux de Joseph. Est-ce comme ayant une même
nationalité? Mais il serait absurde de donner ce nom à un petit
nombre de Juifs, alors que tous les Juifs qui étaient présents y avaient
droit. Est-ce d'après l'affection qu'inspire la nature ou la grâce? Mais
à ce titre , qui méritait mieux ce nom de frères que les Apôtres , qui
recevaient les instructions les plus secrètes du Seigneur? Ou bien si
tous les hommes sont ses frères par cela qu'ils sont hommes, c'était
une absurdité de donner ici ce nom comme propre et personnel en
disant : « Voici que vos frères vous cherclient- » Il ne reste donc plus
de possible que la dernière interprétation , qui explique ce nom de
frères dans le sens de la parenté et non point dans le sens de l'affec-
tion, de la nationalité ou de la nature. — S. Jér. (sw S. Matth.) Il
en est qui ont supposé que ces frères du Seigneur étaient des enfants
que Joseph avait eus d'une première épouse ; ils suivent en cela les
extravagances des Evangiles apocryphes et imaginent l'existence de
je ne sais quelle femme qu'ils appellent Escha. Pour nous, nous
voyons dans ces frères du Seigneur, non pas les enfants de Joseph,
mais les cousins du Seigneur 3 enfants de la sœur de Marie, tante du
(1) Selou la "ersioa des Septante siTraTc, àôsXcpoi ïi|Aà)v, toîç [Aiaoùff'.v û[Aa;; tandis que la
Vulgate a traduit : Dixerunt fratres vestri odientes vos Ifsaïe, lxvi, 5) : «Vos frères vous haïssent,
et ils ont dit. n
duo dividitur, iii spéciale et commime :
in spéciale, quia omnes christiani fratres
dicuntur, ut Salvator dicit (Joan. 20) :
« Vade, die fratribus meis; » porro in
commune, quia omnes homines ex uno
pâtre nati, pari inter nos germanitate
conjungimur: sicut ibi {fsai. 66) : « Di-
cite bis qui oderunt vos : Fratres nostri
vos estis. » Interrogo ergo juxta quem
modum fratres Do mini in Evangelio
appellentur : juxta uaturam ? sed Scrip-
tura non dicit, nec Mariae eos vocat fi-
lios, nec Joseph ; juxta gentem ? sed ab-
surdum est ut pauci ex Judseis vocati
sint fratres ; cum omnes qui ibi fuerant
Judaii, fratres potueriut appellari, juxta
affectum humani juriset spiritus. Verum
si sic, qui magis erant fratres quam apos-
toli, quos Dominus docebat intrinsecus ?
Aut si omnes (quia homines) sunt fra-
tres, stultum fuit ûuntiare quasi pro-
prium : « ecce fratres tui quserunt te : »
restât igitur ut fratres eos iutelligas ap-
pellatos, cognatione, non affeetu, non
gentis privilegio, non natura. Hier. {sup.
Matth.) Quidam vero fratres Domini
de alla uxore Joseph filios suspicantm",
sequentes dehramenta apocryphorum,
et quamdam Escham mulierculam con-
fingentes : nos autem fratres Domini,
non filios Joseph, sed consobrinos Sal-
vatoris, sororis Mariae materteree Do-
230
EXPLICATION DE L EVANGILE
Seigneur, qui est appelée mère de Jacques le Mineur, de Joseph et de
Jude, auxquels l'Evangile, dans un autre endroit, donne le nom de
frères du Seigneur. Or, toute l'Ecriture atteste qu'on étend ce nom de
frères jusqu'aux cousins.
S. Chrys. {homélie 45.) Or, voyez quel est l'orgueil des frères du
Seigneur 1 Leur devoir était d'entrer et de se mêler à la foule pour
écouter ses enseignements , ou , si telle n'était pas leur intention ,
d'attendre qu'il eût terminé son instruction pour venir le trouver (l).
Mais non, ils l'appellent au dehors, et ils l'appellent en présence de
tous, faisant ainsi preuve d'une excessive vanité, et voulant montrer
qu'ils commandaient au Glirist avec autorité. C'est ce que l'Evaugé-
liste somhle vouloir nous indiquer indirectement par ces mots : «Lors-
qu'il parlait encore, » comme s'il voulait dire : Est-ce qu'ils n'auraient
pu choisir un autre moment? Mais que voulaient-ils lui dire? Si c'é-
tait une question de doctrine qu'ils voulaient lui proposer, ils devaient
le faire devant le peuple pour que tous pussent en profiter; et s'ils n'a-
vaient à l'entretenir que de leurs affaires particulières , ils devaient
attendre : il est donc évident qu'ils agissaient ainsi par un motif de
vaine gloire.
S. AuG. [De la nat. et de la grâce, xxxvi.) Mais quoi que l'on puisse
dire des frères du Seigneur, lorsqu'on parle de péché, pour l'honneur
du Christ , je ne veux pas qu'il soit question en aucune manière de la
Vierge Marie , car nous savons qu'elle a reçu une grâce plus abon-
dante pour triompher en tout du péché , parce qu'elle devait conce-
(I) On ne peut se dissimuler que saint Chrysostome a été un peu loin dans ce passage en
étendant presque à la mère du Sauveur ce reproche de vanité, àTTÔvO'.av, qu'un interprète a traduit
par importunité. Saint Thomas a omis cette partie des reproches de saint Chrysostome que saint
Augustin corrige dans le passage suivant.
iniui fiUos intelligimus ; quse esse dicitur
mater Jacobi miiioris, et Joseph, et Judœ,
({uos in alio Evanpelii loco fratres Do-
viini legimiis appellatos [Marc. 6, et ud
Culat.i); fratres aulem consobrinos
dici omnis Scriptura demonstrat.
Chrys. {in liom. 45, in Malth.) Vide
autem et fratrum cjus elationem : cuni
eiiiin deceret eos ingredi, et audire cuai
turba ; vel, si hoc non vellent, exspec-
tare finem sermonis, et tiiuc eum adiré ;
hi extra eumvocant, et coram omnibus
hocfacimit, et superfluum honoris amo-
rcm ostendentes, el monstrare volentes
quod cum omni potestate Christo aliquid
injuiigunt : quod et Evangelista ostendit,
hoi.'ip6um ûbscui'ciuàiuuaus, cum dicit :
« Adhuceo loquente : » ac si diceret :
« Nunquid non erat tempus aliud ? »
quid autem, et loqui volebant? Si pro
veritatis dogmatibus, communiler hoc
proponore oportebat, ut alios kicrareu-
tur ; si autem de aliis ad seipsos perti-
nentibus, non oportebat ita festinanter
vocare : unde manifestiim est, quoniam
solum ex vana gloria hoc faciebanf.
AuG. {dp. y'alura et gratia, cap. 36.)
Sed quicquid dicatur de fratribus, de
sancta Virgiue Maria (propter honorem
Christ!) nuUam prorsus cum de peccatis
agitur, habere voie qua?sliouem : inde
enim scimus quod ei phis gratis colla
tuin fuerit ad vincendum omni ex parte
peccatum, quod concipere et parère me-
DE SAINT MATTHIEU, CHAI'. XII. 231
voir et enfanter celui qui, bien certainement, ne fat jamais souillé
d'aucuu péché.
« Et quelqu'un lui dit : Voici que votre mère et vos frères sont
dehors et veulent vous parler. » — S. Jér. Celui qui vient lui annon-
cer cette nouvelle ne me parait pas l'avoir fait avec simplicité et natu-
rellement, mais pour lui tendre un piège et voir s'il sacrifierait aux
affections de la nature une œuvre toute spirituelle. Le Sauveur refuse
donc de sortir, non qu'il méconnaisse sa mère et ses frères, mais parce
qu'il veut répondre à ceux qui cherchent à le prendre en défaut. —
S. Chrys. {hom. -45.) Il ne dit pas : Allez , et dites-lui qu'elle n'est
pas ma mère , il adresse la parole à celui qui vient de lui porter
cette nouvelle : « Mais s'adressant à celui qui lui parlait , il lui dit :
Quelle est ma mère, quels sont mes frères?» — S. Hil. {can. 12.)
N'allons pas croire qu'il ait éprouvé un sentiment de dédain pour sa
mère , lui qui du haut de la croix lui témoigna tant d'affection et une
si tendre sollicitude. {Jean, xix.) — S. Chrys. {hom. 45.) S'il avait
voulu renier sa mère , il l'aurait fait lorsque les Juifs lui faisaient un
reproche de la condition de sa mère. — S. Jér. Il n'a donc pas renié
sa mère, comme le prétendent Marcion et les Manichéens, pour nous
faire croire que sa naissance n'était qu'imaginaire, mais il a voulu
montrer qu'il préférait les Apôtres à ses parents, pour nous apprendre
à préférer nous-mêmes les affections de l'esprit aux affections de la
chair. — S. Amb. {sur S. Liic.^ liv. vi.) Il ne condamne pas les devoirs
de piété filiale qu'un fils doit à sa mère, mais il veut nous apprendre
qu'il se doit bien plus aux devoirs mystérieux qui l'attachent à son
père , et à l'amour qu'il a pour lui , qu'à son affection pour sa mère ;
ruit eum quem constat niillum habuisse
peccatum.
Sequitur : « Dixit ei quidam : Ecce
mater tua et fratres lui foris stant quœ-
rentes te. » Hier. Videtur mihi iste qui
nuutiat, non fortuito et simpliciter nun-
tiare, sed insidias teudere : utrum spi-
rituali operi carnem et sanguiuem prae-
forat : unde et Dominus, uou quod ma-
trem negaret et fratres, exire contempsit,
sed quod responderet insidianti. Chrys.
[in hom. 43 ut sup.) Neque aulem dixit:
« Vade, die ei, quouiam non est ma-
ter mea; » sed ad eum qui nuntiaverat
extendit sermonem : sequitur enim :
« At ipse respondens dicenti silji ail :
Quee est mater mea, et qui sunt fratres
mei? » HiLAR. [Can. 12 ut sup.) Nonau-
tem fastidiose de maire sua sensisse exis-
limandus est, cui in passione positus ma-
ximoe sollicitudinis Iribuit affectum.
(Joan. 19.) Chrys. {ut sup.) Quod sine-
gare vellet matrem, lune utique negas-
sel, quando Judaei exprobrabant ei de
maire. [Marc. G.) Hier. Non ergo (juxta
Marcionem et Manicbccum) matrem ne-
gavit, ut nalus de pbautasmate putare-
tur ; sed apostolos cognalioni prœtulit ,
ut et nos in comparatione dilectionis
carui spirilum prteferamus. Ambr. (in
Lucam, lib. 6.)Nec maternse réfutât ob-
sequium pielatis, cujus prœceptum est
(Exod. 20) : « Honora patrem tuum et
matrem luam ; » sed paierais se mys-
teriis vel affectibus amplius quam ma-
teruis debere demonstrat : unde sequi-
232 EXPLICATION DE L EVANGILE
aussi l'Evangéliste ajoute : « Et, étendant la main vers ses disciples,
il dit : Voici ma mère, et voici mes frères.» — S. Grég. {homé-
lie 31 sur les Evaurj.) Notre-Seigneur a daigné appeler les fidèles ses
frères lorsqu'il a dit : « Allez, annoncez à mes frères, » (Matth. xxviii.)
On peut donc se demander comment celui qui est devenu le frère du
Seigneur en embrassant la foi, peut devenir aussi sa mère. C'est que
celui qui est devenu le frère et la sœur de Jésus-Christ par la foi,
mérite de devenir sa mère par la prédication, car il enfante le
Seigneur eu le produisant dans le cœur de ses auditeurs, et il devient
sa mère s'il fait naître par ses paroles l'amour du Sauveur dans l'àme
du prochain.
S. Chrys. {hoîn. 45.) Aux leçons qui précèdent, il en ajoute encore
une autre, c'est que la confiance que peut nous inspirer notre parenté
ne doit pas nous faire négliger la pratique de la vertu, car s'il ne ser-
vait de rien à la mère de Jésus d'être sa mère , sans l'éminente vertu
qui la distinguait, qui peut se flatter d'être sauvé grâce à sa parenté?
Il n'y a qu'une seule noblesse, c'est de faire la volonté de Dieu, comme
il nous l'apprend dans les paroles suivantes : « Quiconque fera la
volonté de mon Père qui est au ciel, celui-là est mon frère, ma mère et
ma sœur. » Bien des mères ont proclamé le bonheur de la sainte
Vierge et de son chaste sein ; elles ont désiré pour elles une maternité
semblable. Qui les empêche d'obtenir ce bonheur? Le Sauveur vous a
ouvert une large voie, et il est permis non-seulement aux femmes,
mais encore aux hommes de devenir mère de Dieu (1).
S. JÉR. Nous pouvons encore donner une autre explication. Le
(1) C'est ainsi que l'Apùtre écrivant aux Galates leur dit : o Mes petits enfants, que j'enfante
de nouveau, jusqu'à ce que Jésus-Clirist soit formé en vous, n {Gai., iv, 19.)
tur : « Et extendens manum ia discipu- his autem quae dicta sunt, et aliud nos
los suos, dixit : Ecce mater mea et
fratres raei. » Greg. {in homil. 31^
in Erang.) Fidèles quidem discipu-
lo3 /'ro^res nominare dignatus estDomi-
nus, dicens (Matth. 28) : « Ite, nuntiate
fratribus meis. » Qui ergo frater Doiuini
lieri ad fidem veniendo potuit, quœren-
dum est quomodo eliam possit c*se ma-
ter. Sed .sciendum nobis est, quia qui
Christi frater vel soror est credendo , ma-
ter efficitur praedicando : quasi enim pa-
docuit, videlicet in nuUa cognatione
confidentes virtutem negligere : si enim
matri nihil prodest matrem esse, uisi
virtus adesset , quis utique alius per co-
gnationem salvabitur? Una enim nobi-
litas sola est, Dei facere voluntatem : et
ideo sequitnr : « Quicunque enim fecent
voluntatem Patris mei, qui in cœlis est,
ipse meus frater, et soror, et mater
est : » multœ mulieres beatificaverunt
sanctam Yirginem illam, et ejus uterum.
rit Dominum, quem cordi audientis in- , et opiaverunt taies fieri maires : quidest
fundit; et mater ejus efficitur, si per ' igitur quod probibeat ? Ecce latam vobis
ejus vocem amor Domini in proximi j coustituit viam ; et licet non mulieribus
mente generatur. solum, sed et viris, fieri matrem Dei.
Cbrys. {in homil. 45 ^tt sup.) Cum 1 Hier. Dicamus autem et aliter : Sal-
DE SAINT MATTHIEr, CHAP. XII.
233
Seigneur parle à la foule et enseigne les nations dans l'intérieur de la
maison; sa mère et ses frères, c'est-à-dire la synagogue et le peuple
juif, so tiennent dehors. — S. Hil. {cnn. 12.) Ils avaient cependant
comme les autres la faculté d'arriver jusqu'à lui; mais comme il est
venu parmi les siens, et que les siens ne l'ont pas reçu [Jean , xii) , ils
refusent d'entrer et d'approcher de lui.
S. Grég. [hom. 31.) Pouri[uoi la mère du Sauveur reste-t-elle dehors,
comme s'il ne la connaissait pas? Parce que la synagogue n'est plus
reconnue par celui qui l'a établie , car en s'attachant exclusivement à
l'observation de la loi, elle a perdu l'intelligence spirituelle et s'est
condamnée elle-même à être au dehors la gardienne de la lettre. —
S. Jér. Après qu'ils auront demandé, prié et envoyé un messager, il
leur sera répondu qu'ils sont 1 ibres d'entrer et de croire eux-mêmes ,
s'ils le veulent.
valor loquitur ad turbas , intrinsecus
erudit uationes; mater ejus et fratres
(hoc est synagoga et populus Judaeo-
rum ) foris stant. Hilar. [Can. 12 ut
svp.) Cum itaque iugrediendi ad euni
haberent ut cœteri potestatem, quia ta-
men in sua venit, et sui eum non rece-
perunt [Joan. 1), ingressu atque aditu
abstinent.
Greg. {in hom. 3, utjam sup.) Unde
et mater ejus cum quasi non agnoscitur,
foris stare perhibetur ; quia videlicet sy-
nagoga idcirco ab auctore suo non re-
cognoscilur, quia legis observationem
tenens, spiritualem intellectum perdidit,
et se ad custodiam litterte foi'is fixit.
Hier. Cumque rogaverint, et quœsie-
rint, et nuntium miserint, responsum
accipieut : liberi eos esse arbitrii intrare
posse, si velint et ipsicredere.
CHAPITRE XIII.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
f. 1-0. — Non-seulement les paroles et les actions du Seigneur, mais ses
courses et les lieux témoins de sa prédication sont pleins d'enseignements
mystérieux. — Il abandonne la Judce pour la punir de sa perfidie. — Pour-
quoi Notre-Seigneur sort de la maison et s'assied dans une barque au bord
de la raer. — Pourquoi parle-t-il ici en paraboles ? — Tous ses enseigne-
ments ne sont pas en paraboles. — Il commence par la parabole qui devait
les rendre plus attenlils. — Quel est ce semeur qui sort pour répandre sa se-
mence ? — D'où a pu sortir, et comment est sorti celui qui est présent en tous
lieux? — Ces deux expressions ; «Le semeur sortit pour semer,» ne sont
pas identiques; ce qu'elles signifient. — Erreur de Valentin qui veut appuyer
son système des trois natures sur cette parabole. — Cijmment expliquer la
conduite du semeur qui répand sa semence sur le cbemin, sur la pierre, au
milieu des épines. — Nécessité de recourir ici au sens spirituel pour com-
prendre toutes les parties de cette parabole. — Leçon que Notre-Seigneur
donne ici à ses disciples et à tous les prédicateurs de l'Evangile. — Interpré-
tation morale du chemin, de la pierre, de la terre, etc.
y. 10-17. — Sagesse de la conduite des apôtres. — Comment peut-on dire
qu'ils s'approchèrent du Sauveur, puisqu'ils étaient avec lui dans la barque?
— Sollicitude des apôtres pour les intérêts du prochain. — Notre-Seigneur en
déclarant qu'il a été donné à ses apôtres de connaître les mystères du royaume
des cieux, n'établit pas le système de la nécessité ou de la fatalité. — Le
libre arbitre n'est pas ici détruit. — Que devons-nous faire quand nous Toyons
un de nos frères recevoir la parole de Dieu avec négligence ? — Dans quel
sens faut-il entendre ces paroles : « Celui qui a déjà, on lui donnera en-
core, » etc? — Aveuglement volontaire des Juifs. — Comment, tout en voyant,
ne voyaient-ils pas ? — Pourquoi et comment la foi leur est-elle devenue im-
possible ? — Quels sont ces yeux et ces oreilles que le Sauveur proclame heu-
reux de voir, etc.? — Comment concilier ces paroles avec ces autres :
Abraham a désiré voir mon jour, il Va vu? etc. — Comment ce saint pa-
triarche a vu le jour du Seigneur. — Ce que les apôtres voient et entendent.
f. 18-23. — Dans une parabole, est-il nécessaire que toutes les circonstances
aient leur application littérale^ — D'où vient le défaut d'intelligence dans
celui qui entend la parole et ne la comprend pas. — Ce que c'est que la se-
mence. — Quels sont ceux qui sont figurés par le terrain pierreux? — Par
les épines? — Séduction des richesses. — Que représente la bonne terre? —
Il y a aussi trois espèces de bonne terre. — Ce qui fait cette difTérence. —
Comment doit-on entendre ces différents produits de la bonne terre et quels
sont ceux qui rendent cent, soixante, trente pour un? — Diverses explica-
tions des saints ddcteurs.
f. 24-30. — Objet que se propose le Sauveur dans la parabole de l'ivraie. —
Que faut-il entendre ici par le royaume des cieux? — De quelle manière le
démon tend ses embûches. — L'erreur ne vient qu'après la vérité et prend au-
tant qu'elle peut sa couleur et sa ressemblance. — C'est pendant que les pre-
miers pasteurs sommeillent que le démon répand ses erreurs. — L'ivraie dé-
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE DE S. MATTHIEU, CHAP. XIII. 235
signe-t-elle les hérétiques , ou les mauvais catholiques ? — Portrait des héré-
tiques. — L'homme spirituel ne découvre les erreurs que lorsqu'il commence
à juger toutes choses. — Quels sont ces serviteurs qui viennent proposer au
père de famille d'arracher l'ivraie. — Comment s'approche-t-on de Dieu ? — Quel
est cet homme ennemi et pourquoi est-il ainsi appelé ? — Nécessité de la vi-
gilance dans les pasteurs de l'Eglise. — 11 faut subordonner à la justice de
Dieu le désir de voir disparaître les méchants du milieu de leurs frères. —
Zèle et charité de ces serviteurs, ce qu'ils se proposent. — Dieu veut laisser
aux méchants le temps de se repentir. — Les bons ont besoin d'être mêlés
aux méchants. — lien est beaucoup qui ne sont d'abord que de l'ivraie, et qui
deviennent ensuite du froment. — Cette recommandation : Lahsez les croître
l'un et l'autre jusqu'à la moisson, est-elle contraire à cette autre de saint
Paul : « Faites disparaître le mal du milieu de vous? » — Quand doit-on re-
jetter un fidèle de laconnnunion de l'Eglise? — Quand au contraire doit-on
user de patience? — Défense que fait ici Notre-Seigneur de mettre à mort
les hérétiques. — Cette défense emporte-t-elle celle de les mettre en prison,
de s'opposer à leurs réunions? etc.— Doit-on user de contrainte pour forcer
les dissidents à revenir à l'unité ? — Utilité des moyens coercitifs dans cer-
taines circonstances. — Exemple d'Absalon. — Exemple de saint Paul. — A
quoi sont destinés les hérétiques au jour du jugement ? — Pounjuoi le père
de famille coramande-t-il d'arracher d'abord l'ivraie ? — Pourquoi com-
mande-t-il de faire plusieurs bottes ? — Pourquoi Dieu attend-t-il jusqu'à la
fin des temps pour punir les hérétiques ? — Différentes leçons qui ressortent
pour nous de cette parabole.
y, 31, 32. — Liaison de la parabole du grain de sénevé avec les deux paraboles
de la semence et de l'ivraie. — Que faut-il entendre ici par le royaume des
cieux, par le grain de sénevé, et par l'homme qui le sème dans son champ?
— Dans quel sens la prédication de l'Evangile est la plus humble de toutes les
doctrines. — Différence de la prédication évangélique avec la doctrine des
philosophes. — Que figurent les branches sur lesquelles les oiseaux du ciel
viennent se reposer ? — Le grain de sénevé peut encore figurer Notre-Sei-
gneur lui-même. — Quelles sont les branches de l'arbre dans cette interpré-
tation ?
y. 33. — La prédication figurée par le levain doit changer le monde entier. —
Le levain figure encore la charité. — Que signifient les trois mesures? — La
charité cachée dans le cœur doit s'y développer comme le levain dans la pâte.
— Le levain représente encore l'Eglise. — Les trois mesures de farine repré-
sentent les trois parlies de l'càme. — Peut-on y voir figurée la croyance aux
trois personnes de la sainte Trinité ? — Le levain peut aussi figurer Notre-
Seigneur lui-même.
f. 34, 3o. — Pourquoi Notre-Seigneur parlait au peuple en paraboles. — Il lui
a parlé quelquefois sans paraboles. — Comment un témoignage emprunté aux
Psaumes, se trouve-t-il attribué au prophète Isaie ?
y. 3t)-42. — Pourquoi le Sauveur renvoie le peuple et rentre avec ses disciples
dans la maison. — Explication mystique de cette circonstance. — Pourquoi
les apôtres l'interrogent-ils en secret et sur la parabole de l'ivraie en particu-
lier? — Pourquoi Notre-Seigneur se donne-t-il le nom de Fils do l'homme?
— Que figurent le champ, la bonne semence, l'ivraie, l'homme ennemi, la
moisson ? — Notre-Seigneur dit ailleurs que le temps de la moisson est arrivé ,*
236 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
pourquoi déclarc-t-il ici qu'elle n'aura lieu que plus tard ? — Quel est ce
royaume d'où les anges feront disparaître tous les scandales ? — A quel mo-
noent les bons seront séparés dos méchants. — Par ce royaume on peut aussi
entendre le royaume du ciel. — Que faut-il entendre par les scandales et par
ceux qui commettent l'iniquité. — Amour ineffable de Dieu pour les hommes ;
il est toujours prêt à répandre sur nous ses bienfaits , et il ne punit qu'à la
dernière extrémité. — Les pleurs et les grincements de dents, preuve de la
résurrection future et de la double peine de l'enfer. — Eclat dont brilleront
les élus dans le ciel.
y. 44. Prix et magnificence de la doctrine évangélique. — Le trésor caché c'est
la prédication de l'Evangile. — 11 faut acheter le droit de posséder ce trésor
et d'en jouir. — Pourquoi l'homme cache-t-il ce trésor? — Ce trésor caché
figure encore le désir du ciel. — Quel est ce champ dans lequel il est caché ?
— ^'écessité de le dérober aux attaques des louanges des hommes. — A quel
prix peut-on en acquérir ce trésor ? — On peut encore voir dans ce trésor le
Verbe de Dieu ou les saintes Ecritures.
y. 43, 46. — Pourquoi la parabole de la perle précieuse après celle du trésor. —
Deux choses nécessaire pour la prédication de l'Evangile. — La vérité, qui est
une, figurée par cette perle précieuse. — Il n'y a que ceux qui la possèdent qui
en connaissent le prix. — Les bonnes perles figurent la loi et les prophètes.
— La perle précieuse c'est la science du Sauveur. — Que fait l'homme qui
l'a trouvée ? — Cette perle précieuse peut encore s'entendre de la douceur de
la vie céleste, ou de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ou du précepte do la charité qui
renferme tous les autres, ou du Verbe divin. — Quelle que soit la chose signi-
fiée par cette perle précieuse, nous ne pouvons l'acquérir qu'en méprisant tout
ce que nous possédons sur la terre.
y. 47-30. — La parabole du filet jeté dans la mer nous appi'end à ne pas mettre
notre confiance dans la prédication seule, et dans la foi qui en est la suite. —
Ce sont les apùtrcs qui ont jeté ce filet dans la mer du monde. — Ou bien ce
filet est la figure de la sainte Eglise. — Le rivage de la mer représente la fin
du monde. — C'est alors qu'aura lieu la séparation des bons avec les mau-
vais. — Quelle diflërence entre cette parabole et celle de l'ivraie? — Supplice
rigoureux réservé aux mauvais. — Le dogme des supplices éternels claire-
ment enseigné.
y, 51, 52. — Pourquoi Notre-Seigneur continue-t-il de parler à ses disciples en
paraboles? — Science toute particulière qu'il exige d'eux. — Que signifie la
comparaison du docteur qui tire de son trésor des choses anciennes et nou-
velles ? — Que ûgurentces choses anciennes et nouvelles ? — Ce docteur instruit
représente les apntres.
f. 53-58. — Ordre chronologique des faits non suivi ici par saint Matthieu. —
Pourquoi Notre-Seigneur enseigne-t-il dans la synagogue ? — Aveuglement et
folie des iNazaréens. — Conmient ils cherchent à rabaisser le Sauveur ? —
Dans quel sens sublime il est vraiment le fils du charpentier. — Les Nazaréens
se trompent sur ses frèies comme ils s'étaient trompés sur son père. — Pour-
quoi leur était-il un sujet de scandale? — Pourquoi se donne-t-il le nom de
prophète ? — Pourquoi un prophète est-il sans honneur dans sou pays ? —
Application à Notrc-Seigneur. — Comment et pourquoi l'incrédulité des Na-
zaréens fut-elle ca'ise que le Sauveur fit peu de miracles parmi eux? — Pour-
quoi en fit-il quelques-uns ?
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII.
237
f. i-9. — Ce jour-là, Jésus étant sorti de la maison, s'assit au bord de la mer.
Et il s'assembla autour de lui une si grande foule de peuple qu'il monta dans
une barque où il s'assit, tout le peuple se tenant sur le rivage. Et il leur dit
beaucoup de choses en paraboles, leur parlant de cette sorte : Celui qui sème
sortit pour semer, et, pendant qu'il semait, une partie de la semence tomba le
long du chemin; et les oiseaux du ciel, étant venus, la mangèrent. Une autre
tomba dans des lieux pierreux, où elle n'avait pas beaucoup de terre, et elle
leva aussitôt, parce que la terre où elle était n'avait pas beaucoup de profon-
deur. Mais le soleil s'étard levé, elle en fut brûlée, et, comme elle n'avait
point de racine, elle sécha. Une autre tomba dans les épines, et les épines
venant à croître V étouffèrent. Une autre enfin tomba dans la bonne terre et
elle porta du fruit, quelques grains rendant cent, pour un, d'autres soixante
et d'autres trente. Que celui-là entende qui a des oreilles pour entendre.
S. Chrys. [hom. 45.) Après avoir donné cette leçon à celui qui lui
avait annoncé la présence de sa mère et de ses frères, Jésus se rend
cependaut à leurs désirs et il sort de la maison. C'est ainsi qu'après
avoir guéri d'abord dans ses frères le mal de la vaine gloire , il rend
ensuite à sa mère l'honneur qui lui était dû. « Ce jour-là même, Jésus
étant sorti, » etc. — S. AuG. [De l'ace, des Evang., ii, .41 .) Cette expres-
sion : « Ce jour-là » indique suffisamment que ce fait eut lieu immé-
diatement après ce qui précède ou peu de temps après, à moins que
l'on ne donne ici au mot jour le sens qu'il a quelquefois dans l'Ecri-
ture, c'est-à-dire qu'on le prenne pour un temps indéfini (1).
Rab. Non-seulement les paroles et les actions du Seigneur, mais
encore ses courses et les lieux témoins de ses prédications et de ses
(1) C'est ainsi qu'on doit l'entendre dans les paroles suivantes : «Dans ce jour, vous connaîtrez, i.
Jean, xiv ; « Dans ce jour, vous ne me demanderez rien , n Jean, \vi, 23 ; «Et en ce jour, vous
demanderez en mon nom, » etc., xvi, 25.
CAPUT xni.
In illo die exiens Jésus de domo , sedebat sectts
mare. Et congregatœ sunt ad eum turbœ mul-
(œ, ita ut in naviculnm ascendens sederet ; et
omnis turba stabat in litiore ; et locuttis est eis
multa in parabolis, diceiis : Ecce, exiit gui se-
minât, seminare semen suum. Et duni seminat,
quœdam ceciderunt secus viam, et venerunt vo-
lucres cœli, et comederunt ea. Alia autem ce-
ciderunt in pelrosa, tibi non habebant terram
mullam; et continua exorta sunt, quia non ha-
bebant altitudinem lerrœ : sole autem orto
œstuaverunt ; et quia non habebant radicem,
aruerunt, Alia autem ceciderunt in spinas , et
creverunt spinœ, et suffocaverunt ea, Alia au-
tetn ceciderunt in terram bonam, et dabant
fructum; aliud centesimum, aliud sexagesi-
mum, aliud trigesimum. Qui habel aures au-
diendi, audiat.
Chrys. (in hoin. 45 ut sup.) Poslquam
increpaverat eum qui matris et fratrum
praîsentiam nuntiavit, dehinc fecit quod
illi cupiebant : exiit scilicet de domo ;
primo sanans tegritudinem vaiise gloriœ
fratrum ; secundo decentem honorem
exliibeus malri : unde dicitur : « In illo
die e.xieus Jésus, » etc. AuG. [de cons.
Evang. lib. ii, cap. 41.) Cum dicit, in
illo die, salis indicat, aut hoc conse ■
queuter geslum post praemissa, aut non
multa interponi poluisse; nisi forte dies,
more Scripturarum, lempus significet.
Rab. Non solum autem verba et facta
Domini, verum etiam itinera ac loca in
238
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
miracles sont pleins d'enseiguemeiils mystérieux. Après le discours
qu'il avait prononcé dans cette maison où d'horribles blasphémateurs
l'avaient appelé possédé du démon , il sort pour enseigner sur le bord
de la mer; il montre ainsi qu'il abandonne la Judée pour la punir de
sa perfidie et qu'il va porter h; salut aux nations. En effet, les cœurs
des infidèles, longtemps dominés par l'orgueil et l'incrédulité , sont
comparés aux flots amers et soulevés de l'Océan. Quant à la maison
du Seigneur, qui ne sait que c'était la Judée qui l'était devenue pour
la foi?
S. Jér. Remarquons encore que le peuple ne pouvait entrer dans la
maison de Jésus, ni s'y joindre aux Apôtres pour y entendre ses mys-
térieuses leçons. C'est pour cela que le Seigneur, plein de miséricorde,
sort de la maison et s'assied sur le rivage de la mer de ce siècle pour
réunir autour de lui la foule, pour lui adresser sur le rivage les ensei-
gnements qu'elle n'était pas digne d'entendre dans l'intérieur de la
maison. « Et il s'assembla autour de lui une grande foule de peuple.»
— S. Chrys. {hom. 45.) Ce n'est pas sans raison que l'Evangéliste
rapporte cette circonstance; il veut nous faire remarquer l'intention
expresse du Sauveur, qui voulait réunir une grande multitude et
l'avoir tout entière devant les yeux , sans laisser une seule personne
derrière lui. — S. Hil. [can. 13.) La suite du récit nous expli(iue
pourquoi Notre-Seigneur s'assied dans la barque, tandis que le peuple
reste sur le rivage. Il allait parler en paraboles, et, en agissant de la
sorte, il nous apprend d'une manière figurée que ceux qui sont hors
de l'Eglise ne peuvent avoir aucune intelligence de la parole divine.
Cette barque représente l'Eglise , la parole de la vie qu'elle renferme
dans son sein estprèchée à ceux qui sont au dehors; mais, semblables
quibus virtutes operatur et praedicat,
cœlestibus simt pleua sacramentis. Post
sermoneni quippo in domo habitum,
ubi nefanda blasplieniia (kKinouium ha-
bere dictus est, egredious docebat ad
mare ; ut osLeiideret se rclicta ob cul-
pam perfidiae Judam, ad gcntes salvaii-
das esse transiturum : geiitilium enim
corda diu suporba et incredula, iiierito
luiiiidis aniarisque Ihictibus maris assi-
iiiilauliir : domum vero Domiiii per fi-
dfiu fuisse .ludfoam quis nesciaf?
HiKiî. ConsideraiKhim etiaiii quod po-
puliis domuui Jesu non poterat inlrare,
nec esse ibi ubi apostoli audiobant mys-
teria : ideirco miseralor Duminus egre-
ditur de domo sua, etscdct juxta bujiis
seculi mare, ul rongregenlnr ad enin
iiHilta' lurlia', cl audiaut iii lilturi'. c|iia>
in tus non merebantur audire : unde se-
quitur : « et congregalœ suut ad eum tur-
bœ multœ. » CuRVs. {in homil. iow/ sup.)
Hoc autem non simpliciter Evangelista
posuit, sed ut moustraret quod Dominus
hoc feccrit ; volens cuni diligentia hoc
spi'ctaculum statuere, ut nulium dimit-
tat pust dorsum, sed omnes corani facie
liaboat. HiLAR. {Can. 13, in Matlli.) Se-
dissc autem Dominum in navi, et turbas
foris stetisse, ex subjectis rébus est ra-
tio. In parabolis enim erat loculurus ; et
facli ipsius gencre signiticat , eos qui
extra Ecclesiam positi suut, nullam di-
vini sermouis posse capere intelligen-
liam : navis enim Ecclesio; typum prav
fert, iutra quam verbum vitœ positum
cl pra^dicatum lii qui extra sunt, ef arc-
iKi" modo stériles. inlcUigere non pos-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII. 239
au sable stérile, ils ne peuvent la comprendre. — S. Jér. Jésus est au
milieu des flots , la mer vient battre tout autour de lui ; tranquille
dans sa majesté , il fait approcher la barque du rivage, afin que le
peuple, libre de toute crainte et afl"ranclii des épreuves qui eussent été
au-dessus de ses forces , se tienne ferme sur le rivage pour entendre
de là ses paroles. — Rab. Ou bien il monte dans cette barque et s'y
assied au milieu de la mer pour figurer que le Christ devait monter par
la foi dans les âmes des Gentils et rassembler son Eglise au milieu de
la mer, c'est-à-dire au milieu des peuples qui devaient le contredire.
Cette foule qui se tient sur le rivage et qui n'est ni sur la mer ni
dans la l)arque, nous représente ceux qui reçoivent la parole de
Dieu et qui sont séparés par la foi des flots de la mer, c'est-à-dire des
réprouvés , sans être encore pénétrés des mystères du royaume des
cieux.
« Et il leur dit beaucoup de choses en paraboles. » — S. Chrys.
{hom. 45.) Il n'avait pas suivi cette méthode dans son discours sur la
montagne, qui n'était point ainsi composé de paraboles , car il ne s'a-
dressait alors qu'à la multitude seule et à 'des esprits simples et sans
déguisement (1), tandis qu'il comptait ici parmi ses auditeurs des
scribes et des pharisiens. Mais ce n'est pas le seul motif pour lequel il
parle en paraboles , il veut encore donner plus de clarté à ses ensei-
gueracnts, les graver plus profondément dans la mémoire en les pla-
çant pour ainsi dire sous les regards. — S. Jér. Remarquez que tous
ses enseignements ne sont pas en paraboles , mais une grande partie
seulement , car s'il n'avait parlé qu'en paraboles , le peuple n'en eût
retiré aucun fruit; mais en mêlant des choses claires à des choses
(1) Le mot grec ànloLCioç, quoiqu'il signifie aussi grossier , sans éducation, sans forme, doit
être pris ici dans le second sens que nous lui avons donné , sans fard, sans déguisement.
sunt. Hier. Jésus etiam in mediis flucti-
bus est ; hinc inde inari tunditur ; et in
suamajestale securus appropiuquare fa-
cit terrae naviculam suam ; ut populus
nequaquam periculum sustinens, non
tentationibus circuindatus quas ferre non
polerat, stet iu littore (fixo gradu) ut au-
diat quœ dicuutur. Rab. Vel quod ascen-
dens navem sedebat in mari, siguificat
quod Cbristus per fidem ascensurus erat
in mentes geutilium, et Ecclesiam col-
lecturus in mari, id est, in medio natio-
num eoutradicoulium. Turba vero quae
stabat in littore, quœ neque in navi, ne-
que in mari erat, gerit figuram recipien-
tium verbum Dei, et jam fide a mari (id
est, a reprobis) separatorum, sed nec-
dum mysteriis cœlestibus imbutorum.
Sequitur : « Et locutus est eis multa
in parabolis. » Chrys. {in hom. 43 nt
Slip.) Quamvis in monte ita non fecerit :
non enim per parabolas sermonem con-
texit : tune enim turbae solee erant et
plebs incomposita ; bic autem et scribce
etpliarisfei. Non propterboc autem solum
in parabobs loquitur, sed ut manifestio-
rem sermonem faciat, et ampliorem me-
moriam imponat, et sub visum res redu-
cat. Hier. Et notandum quod non om-
nia locutus sit eis in parabolis, sed multa :
si enim dixisset cuncta in parabolis, abs-
que emolumento populi recessissent ; sed
240 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
moins évidentes , l'intelligence des unes excite à pénétrer l'obscurité
des autres. La foule, d'ailleurs, n'est pas animée des mêmes senti-
ments, mais elle est composée de volonté diverses : il lui adresse donc
un grand nombre de paraboles pour satisfaire par la diversité de l'en-
seignement à la diversité des désirs et des besoins.
S. CuRYS. {hom. 45.) 11 commence par la parabole qui devait rendre
ses auditeurs plus attentifs; car, comme il devait leur parler en
figures, il éveille tout d'abord leur attention par ces paroles : « Celui
qui sème sortit pour semer. » — S. JÉii. Or, ce semeur qui répand
sa semence, c'est le Fils de Dieu qui est venu semer parmi les peuples
la parole de son Père. — S. Chkys. {hom. 45.) Mais d'où a pu sortir
celui qui est présent en tous lieux, et comment est-il sorti? Il n'est
pas sorti comme on sort d'un endroit que l'on quitte, mais il s'est rap-
proché de nous par son incarnation (1) et par la nature humaine dont
il s'était revêtu. Nous ne pouvions arriver jusqu'à lui, nos péchés
étaient pour nous un obstacle insurmontable ; il est venu jusqu'à
nous. — Rab. Ou bien il est sorti lorsque dans la personne de ses
Apôtres, il a abandonné la Judée pour aller évangéliser les Gentils. —
S. JÉR. Ou bien encore il était au dedans, lorsque, dans l'intérieur de
la maison il dévoilait à ses disciples les mystères du royaume des
cieux. Il sort donc de cette maison pour répandre la semence au
milieu de la foule. — S. Chrys. {hom. -45.) Lorsque vous entendez
Notre- Seigneur vous dire : « Celui qui sème sortit pour semer, » ne
regardez pas ces deux expressions comme identiques. Le semeur sort
bien souvent, et pour d'autres motifs; par exemple, pour labourer la
(1) Dans le texte grec, on lit : ttj cr/éau xat oixovo[j.ta xî) irpô; r,u.a; 2ià Tf,; xara Tr,v
aàpxa ircOiêoXyi; , manière dont les Pères grecs expriment souvent le mystère de l'incarnation,
comme étant l'i^conomie principale de notre saint.
perspicua miscet obscuris, ul per ea quœ
intelligunt, provoceutur ad eoriim noti-
tiam quœ nou intelligunt. Turba etiam
non uniuà senlenlia; est, seddiversarum
in singulis volautatum : unde loqiiitur
ad eam in niuUis parabolis, ut juxta va-
rias vùluntates, diversas recipereut dis-
ciplinas.
CORYS. (/n fiomil. 'ilintsnp.) Primam
auteui parabolam ponit eam qu* facie-
bat auditorem attentioreui : quia enim
sub œnigmate eral traclalurus, erigit
mentes audientium per primam parabo-
lam, dicens : « Ecce exiit qui scminat
seminare semen suum, » etc. HiKR. Si-
gnificatur autem sator iste qui seminat,.
esse Filius Dei. et Patris in populis so-
minaresermonem. Chrys. {in }wmil.'tv>
ut sup.) Unde autem exiit qui ubique
praesens est, vel qualiter exiit ? Non loco,
sed iucarnatione, propinquior factus uo-
bis per liabitum carnis : quia enim nos
inlrare non poteramus ad eum, peccatis
nostris proliibentibus nobis ingressum,
ipse ad nos egreditur. Raba. Vel exiit,
cum relicta Judœa per apostolos ad
gentes transivit. Hier. Vel iutus erat,
dum domi versabatur, et loquebatur dis-
cipulis sacramenta (seu mysleria.) Exiit
ergo de domo sua, ut seminaret in turlus.
CiiRYïi. [in liomil. io vt sup.) Cum au-
tem audieris, quouiam exiit qui seminat
ut seminet, nou .Tstimesesse identitatem
sermouis. Egreditur enim multoties qui
seminat et ad aliam rem : vel ut scindât
lerram. vel ut malas incidat lierlias. vel
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII. 241
terre, pour couper les mauvaises herbes , pour arracher les épioes ou
pour d'autres travaux semblal)les. Mais ici il sort pour semer. Et que de-
viendra cette semence? Trois parties sont perdues, une seule est conser-
vée, non pas d'une manière égale, mais avec quelque différence : « Et
pendant qu'il sème, une partie de la semence tomba sur le chemin. »
— S. Jér. Valentin se sert de cette parabole pour établir son hérésie
et appuyer son système des trois natures : la nature spirituelle , la
nature naturelle ou animale, et la nature terrestre. Or nous voyons
ici quatre espèces différentes de terre : l'une qui est le long du che-
min , l'autre qui est un terrain pierreux , la troisième couverte d'é-
pines, et la quatrième qui est une bonne terre. — S. Chrys. {hom. 4-5.)
Mais quelle apparence de raison dans la conduite de celui qui sème-
rait au milieu des épines , sur les pierres ou le long du chemin? Si
l'on prend la semence et la terre dans leur sens matériel et ordinaire,
ce serait folie d'agir de la sorte , car il n'est au pouvoir ni de la pierre
de devenir terre , ni du chemin de ne pas être un chemin , ni des
épines de ne pas être des épines. Mais lorsqu'on entend la terre et la
semence de la terre des âmes et de la semence de la parole de Dieu,
cette conduite est on ne peut plus louable , car dans ce sens il est pos-
sible à la pierre de devenir une terre fertile , au chemin de ne plus
être foulé aux pieds, et aux épines d'être arrachées. Quant au surplus
de la semence qui est perdu , la faute n'en est pas à celui qui sème ,
mais à la terre qui reçoit la semence^ c'est-à-dire à l'àme, car le
semeur ne fait aucune distinction entre le pauvre et le riche , entre le
sage et l'ignorant; il s'adresse à tous, faisant de son côté tout ce qui
dépend de lui , tout eu prévoyant ce qui doit arriver et motiver ce
reproche : « Qu'ai-je dû faire que je n'aie pas fait? » Or, s'il ne dit
ut spinas evellat, vel ut aliam quamdam
talem diligentiam exhibeat : hic autem
ad semiuaudum exivit : quid igilur fit de
semine.isto ■? Très depereuut partes, et
unasalvatur; et hoc non a?quahter, sed
cum ditfereutia (juadam : unde sequitur :
« Et dum semniat, qufcdam ceciderunt
secus viam, » etc. Hier. Haac parabo-
lam ad probandam liœresim suaui Va-
lentinus assumit, très introducens natu-
ras : spiritualeni, naturalem (vel auiuia-
lem) atque terrenam, cuui hœc quatuor
sint; una juxta viaui, aliapetrosa, terlia
plenaspiuis, quarta terra bona. Chrys.
(in homil. 45 ut sup.) Sed secundura
hoc quaUter haberet rationem iuter
spinas seniinare, et super petram , et
in via? In semiuibus quidem et in terra
TOM. II.
(materiahbus ) non haberet utique ra-
tionem : non enim est in postestate
petrœ fieri terrain, ueque viae non esse
viam, neque spinœ non esse spinam ;
in animabus auteiu et doctrinis multam
liabet hoc laudeiu : possibile enim est
petram fieri terram pinguem^ et viam
non ultra conculcari, et spinas destrui.
Quod igitur plus seminis periit, non est
ab eo qui seminat, sed a suscipiente
terra, id est, ab anima : ipse enim qui
seminat, non divitem, non pauperem
discernit, non sapientem, neque insi-
pientem, sed omnibus loquebatur. quae
a seipso erant, complens ; praevidens ta-
men quae futura erant, ut liceat ei di-
cere : « Quid me oportuit facere, et non
feci {[sai, o.) Ideo autem non dicit ma-
16
242
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
pas clairement qu'une partie de la semence est tombée sur les âmes
ni'gligentes qui l'ont laissé enlever, une autre sur les riches qui l'ont
étouffée, une autre sur les àmos molles qui l'ont perdue, c'est qu'il ne
veut pas blesser trop vivement les Juifs et les jeter dans le décourage-
ment (1). Cette parabole apprend encore à ses disciples à ne point
négliger le ministère de la prédication, bien qu'un grand nombre de
leurs auditeurs ne laissent pas de se perdre, puisque ce triste résultat
n'a pas empêché le Seigneur qui prévoyait toutes choses, de répandre
la semence de sa parole dans les cœurs.
S. Jér. Remarquez encore que c'est ici la première parabole que
Notre-Scigneur fait suivre de son explication, et toutes les fois qu'il
explique lui-même ses paroles, gardez-vous de les entendre autrement
ou de leur donner un sens plus ou moins étendu que l'explication
donnée par le Seigneur lui-même. — Kab. Disons quelques mots de
ce que le Sauveur nous laisse libres d'interpréter. Le chemin c'est l'âme
pleine de zèle foulée et desséchée sous les pas des mauvaises pensées ;
la pierre, c'est la dureté d'une âme audacieuse; la terre, c'est la dou-
ceur d'une âme obéissante ; le soleil , c'est l'ardeur de la persécution
qui sévit. La profondeur de la terre, c'est la droiture de l'âme formée
par les célestes enseignements. Nous avons déjà fait observer que les
choses n'ont pas toujours un seul et même sens dans l'interprétation
allégorique. — S. Jér. Toutes les fois que Notre-Seigneur nous donne
cet avertissement : « Que celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il
entende , » nous sommes prévenus de donner toute notre attention
pour comprendre ses divines paroles. — Rémi. Les oreilles pour
entendre , ce sont les oreilles de l'âme qui doivent servir à l'intelli-
gence et à l'accomplissement des commandements de Dieu.
(1) Le grec àTToyvwffiv signifie plutôt désespoir.
nifeste (juouium haec susceperunt desi-
des et perdiderunt; liœc autem divites,
et suffocaverunt; lia'c autem molles, et
perdiderunt ; quia noluit eos vehemen-
ter taugere, ut nou in diftidentiam mit-
tat. Per liane etiam parabolam discipulos
erudit, et si plures audienlium eos fue-
rint qui perçant, ut non propter hoc de-
sides sint, quia uec propter hocDoniinus
qui omniapra3vidit, destititaserainando.
Hier. Observa autem liane esse pri-
mam parabolam, quaj cum interpreta-
lione sua posita est ; et cavendum est
ubicunque Dominus cxponit sermunes
suos, ne vel aliud, vel qiiid pins vel mi-
nus prœsumas intelligere, quam ab eo
expositum est. Raba. Quœ vero nostrœ
intelligentiœ dereliquit, perstringeuda
sunt breviter. Via est mens sedula, ma-
larum cogilationum meatu Irita atque
arefacta; petravi , duritiani prolervae
mentis; terrain, levitatem animœ obc-
dientis ; solem, dicit fervorem persecu-
lionis saîvientis. Alliludo terrx mi pro-
bitas aninuB disciplinis eœlestibus insti-
tut.e : iu qua expositions diximus, quia
nequaquam ipsae res in uua eademque
significatione semper allegorice ponun-
tur. Hier. Provoeamur autem ad dicto-
rnm iulelligentiam, quolies bis sermoni-
bus conimonemur qni sequunlur : « Qui
babet anres audicndi audiat. » Remig.
Aures audieudi sunt aures mentis, scilicet
iutelligeudi et facieadi quae jussa sunt.
DE SAINT MATTHIEU, CIIAP. XIII.
243
y. 10-17. — Ses disciples, s' approchant, lui dirent : Pourquoi leur parlez-vous
en paraboles? C'est, leur répondit-il, (pie pour vous autres il vous a été donné
de connaître les mystères du royaume des deux, mais pour eux il ne leur a
pas été donné. Car quiconque a déjà, on lui donnera encore, et il sera dans
l'abondance; mais pour celui qui n'a point, on lui ôtera même ce qu'il a.
C'est pourquoi je leur parle en paraboles , parce qu'en voyant ils ne voient
point, et qu'en écoutant ils n'entendent ni ne comprennent point. Et la pro-
phétie d'isaïe s'accomplit en eux, lorsqu'il dit : Vous écouterez de vos oreilles
et vous 7i' entendrez point, vous regarderez de vos yeux et vous ne verrez point.
Car le cœur de ce peuple s'est appesanti, et leurs oreilles sont devenues
sourdes, et ils ont fermé leurs yeux, de peur que leurs yeux ne voient, que
leurs oreilles n'entendent, que leur cœur ne comprenne, et que, s'étant con-
vertis, je ne les guérisse. Mais pour vous, vos yeux sont heureux de ce qu'ils
voient et vos oreilles de ce qu'elles entendent. Car je vous dis en vérité que
beaucoup de prophètes et de justes ont souhaité de voir ce que vous voyez et ne
l'on/ pas vu, et d'entendre ce que vous entendez et ne l'ont pas entendu.
La Glose (1). Les disciples, remarquant qu'il y avait de l'obscurité
dans le discours que le Seigneur adressait au peuple, voulurent lui
conseiller de ne plus parler en paraboles : « Et ses disciples, s'appro-
ebant de lui, lui dirent, » etc. — S. Chrts. {ho}n. 46.) La conduite des
Apôtres est vraiment digne d'admiration ; malgré le désir qu'ils ont
de s'instruire, ils cboisissent le moment pour interroger , et ils ne le
font pas publiquement , ce ({ue saint Mattliieu nous indique par ces
paroles : « Alors ses disciples s'approcbant, » etc. Saint Marc est
encore plus explicite, et dit clairement qu'ils vinrent le trouver en par-
ticuHer. — S. Jér. On peut se demander comment ils purent s'ap-
(1) Dans saint Anselme.
Et accedentes discipuli dixerunt ci: Quarein pa-
rabolis loqueris eis ? Qui respondens ait illis :
Quia vobis datum est jiosse mysteria regni cae-
lorum, illis aulem non est datum : qui enim
habet, dabilur ei, et abundabit ; qui aulem
non habet, et quod Itabet auferetur ab eo. Ideo
in parabolis loquor eis, quia videntes non vi-
dent, et audientes non audiunt neque intclli-
gunt, ut adimpleatur in eis propfieiia Isaiœ
dicentis : Auditu audietis, et non intelliyetis ;
et videntes videbitis, et non videbitis. Lieras ■
satum est enim cor populi hujus, et auribus
graviter audierunt, et oculos suos clauserunt,
nequando vidcant oculis, et auribus audianf,
et corde intelligant, et convertantur, et sanem
eos. Vestri autein beati ocuU, quia vident et
aures vestrœ, quia audiunt : amen quippe dico
vobis, quia multi propheiœ et justi ciipierunt
videre quœ vidrtis, et non viderunt, et audire
quœ auditis, et non audierunt.
Glossa, Intelligentes discipuli esse
obscura quœ a Domino populo diceban-
tur, voluerunt Domino intimare ne pa-
rabolice loqueretur : unde dicitur : « Et
accédantes discipuli dixerunt ei, » etc.
Chrys. (<k Jwm. 46, in Matth.) Ubi
dignum est admirari discipulos, quare
discere cupientes, sciunt quando iuter-
rogare oporteat : non enim coram om-
nibus hoc faciunt : et hoc ostendit Mat-
tha?us, cum dicit : « Et accedentes : »
Marcus autem manifestius demoustrat,
dicens (cap. 4.) quod « siuguiariter ac-
cesserunt. » Hier. Quœrendum est autem
Ui
EXPLICATION DE L EVANGILE
proclier du Seigneur, puisqu'il se trouvait alors dans la barque. Il
faut l'entendre dans ce sens qu'ils étaient montés avec lui dans cette
barque, et que c'est là qu'ils lui demandèrent l'explication de la pa-
rabole. — Rémi. L'Evangéliste dit qu'ils s'approchèrent pour marquer
qu'ils l'interrogèrent; ou bien ils ont pu s'approcher réellement de lui,
bien qu'il n'y eût qu'une légère distance qui les en séparât.
S. Chrys. {hom. 46.) Remarquez aussi avec quelle vive affection (1*)
ils se préoccupent du soin et des intérêts du prochain_, avant de penser
à ce qui les concerne, car ils ne lui disent pas : « Pourquoi nous par-
lez-vous en paraboles, » mais : « Pourquoi leur parlez-vous en para-
boles ? » « C'est, leur répond-il , que pour vous autres , il vous a été
donné de connaître les mystères du royaume des cieux. » — Rémi.
Pour vous, dis-je, qui me suivez, et qui croyez en moi. Les mystères
du royaume des cieux, c'est la doctrine évangélique ; mais pour eux,
c'est-à-dire pour ceux qui sont au dehors et ne veulent pas croire en
lui (les scribes, les pharisiens et tous les autres qui persévèrent dans
leur infidélité), il ne leur a pas été donné de les comprendre. Joignons-
nous donc aux disciples pour approcher du Seigneur avec un cœur
pur, afin qu'il daigne nous expliquer la doctrine de l'Evangile , selon
cette parole du Deutéronome (xxxiu) : « Ceux qui se tiennent à ses
pieds recevront sa doctrine (2).» — S. Chrys. {hom. 46.) En parlant
de la sorte, Notre-Seigneur n'établit pas le système de la nécessité ou
(1*) Nous avons préféré suivre ici !e texte grec, qui porte : Triv Ziù.O(jZOpyia.y , et signifie non
Tp&s droiture , reciilude comme porte la traduction latine, mais, tendresse, affection, telle que
celle que les parents ont pour leurs enfants et réciproquement. Ce sens est d'ailleurs plus en
rapport avec l'ensemble du contexte.
[ï] C'est Moïse qui parle ainsi de Dieu, lorsqu'il dit : a Le Seigneur est venu de Sinaï (lorsqu'il
a donné la loi , il s'est levé pour nous de Seir {lorsqu'il commanda d'ériger le serpent d'airain),
il a apparu du haut des montagnes de Pharan (pour remplir de son esprit les soixante-dix juges
que Moïse avait établis.) » Mais on peut aussi appliquer ces paroles au Christ dans le sens allé-
gorique, comme le fait saint Augustin, quest. 56 sur le Deutéronome.
quomodo accedaul tune ad eum, cuu:
.lesus in ua\a sedeal "? Nisi forte inlelli-
gatur, quod duduiu cum ipso uavem
conscenderiut, et ibi stautes super inter-
pretatioûe parabolœ sciscitati siut. Re-
MIG. Dicit ergo Evangelista, accedentes,
ut ostenderet quod sciscitati sunt : sive
poterant accedere corpore, quamvis es-
set alii]uid vel brève spaliuni inter eos.
Chuys. {in liom. 4U ut syp.) Conside-
randa est autem et eoruui recliludo^
qualiter inultam pro aliishabent curaiii ;
et prius quae aliorum sunt qua?runt ; et
tune quœ sunt ipsorura : non cnim di-
zeruDt : « In parabolis loqueris nobis, »
BCd, « in parabolis loqueris illis : » qui
respoudeus ait illis quia « vobis datum
est nosse mysteriuni regni cœlorum. »
Remig. Vobis, iuquam, qui niibi adhae-
retis et in me creditis. Mysteria enim
regni cœlorum appellat Evangelicam
doctrinam : illis autem, scilicet qui foris
sunt , et in eum credere noluut (scri-
bis scilicet , pliarisœis , et cœleris in
iulîdelitàte perseverantibus) non est da-
tum. Accedamus ergo cum diseipulis ad
Dominum puro corde, ut nobis evange-
licam doctrinam interprelari dignetur :
juxta illud {Deut. 33) : « Qui appropin-
quant pedibus ejus, accipiunt de doc-
triua ejus. » Chrys. {in liomil. 46 ut
sxip.) Hoc autem dLxit, non necessitatem
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII. 245
de la fatalité ; il veut simplement montrer que ceux qui n'ont pas
reçu cette faveur sont eux-mêmes la cause de tous leurs maux, et que
la connaissance des mystères divins est un don de Dieu et une grâce
qui descend du ciel. Cependant le libre arbitre n'est pas pour cela dé-
truit, ces paroles et celles qui suivent le prouvent évidemment. En
effet, pour ne pas jeter dans le désespoir ceux qui n'ont pas reçu
cette grâce , ou dans la négligence ceux à qui elle a été donnée , il
nous dit clairement que la raison première de ces dons vient de nous :
«Celui qui a déjà, on lui donnera encore, » etc., paroles dont voici
le sens : Celui qui est plein d'ardeur et de zèle recevra en abondance
tous les dons de Dieu, mais s'il en est dépourvu et qu'il ne prête en
aucune manière son concours , il ne recevra pas les dons de Dieu, et
il perdra même ce qu'il a; non pas que Dieu le lui enlève, mais
parce qu'il se rend indigne de conserver ce qu'il possède. Si donc
nous voyons un de nos frères entendre la parole de Dieu avec négli-
gence, et que nos efforts soient impuissants pour réveiller son atten-
tion, gardons le silence ; car en insistant davantage, nous ne ferions
qu'accroitre sa négligence (1). Mais pour celui qui a le désir de s'ins-
truire, nous l'attirons facilement, et nous ne craignons pas de pro-
longer nos discours. Notre- Seigneur a bien raison de dire ; « Ce qu'il
paraît avoir; » car il ne possède pas même ce qu'il a.
Remi. Celui qui a le désir de la lecture recevra le don de l'intelli-
gence, et celui qui n'a pas ce désir, se verra enlever jusqu'aux dons
qu'il tenait de la nature. Ou bien, celui qui a la charité recevra
toutes les autres vertus ; mais celui qui n'a pas la charité en sera dé-
(I) Le sens du mot latin intendetur est déterminé d'une manière plus précise par le mot grec
È7iiT£ÎVcTat qui signifie accroître, augmenter.
inducens neque fatum ; sed monstraus ; quod habet auferetur ab eo ; non Deo
quoniam illi quibus non est datum, auferente, sed se indi^num faciente his
causa sibi suntuniversoFammalorum ; et quœ habet : unde et nos si viderimus
ostendere volens quoniam cosnoscere ! aliquem desidiose audientcm verbum
divina mysteria donum Dei est, et gra- j Dei, et exhortanles quod attcndat, non
lia desuper data. Non tamen propter i ei persuaserimus, sileamus : quia si ma-
hoc liberum arbitrium destruitur : ex i gis immorati fuerimus , intendetur ei
hoc et his quœ sequuntur raanifestum j desidia : studentem autem discere alli-
est : ut euini neque isti desperent, neque j ciraus, et multa effundinius. Et bene di-
illi pigritentur audientes quoniam eis ] xit secundum Evangelistam : « Quod
datum est, demonstrat a nobis princi- videtur habere : » neque enim habet
pium horum esse, cum sitbdit : « Qui ipsum quod habet.
enim habet, dabitur ei, » etc. Ac si di- j Remig. Qui etiam habet studium le-
ceret : Cum aUquis desiderium habuerit i gendi dabitur ei et facultas intelligendi ;
et studium, dabuntur ei universa qua;
a Deo sunt : cum autem his vacuus fue-
rit, et qute ad se pertinent non inférât,
neque quse a Deo sunt ei dantur ; sed et
et qui non habet legendi studium, hoc
quod per naturse bonum videtur habere,
auferetur ab eo : vel qui habet charita-
tem. dabuntur ei caeterœ virtutes ; et qui
246
EXPLICATION DE L EVANGILE
pouillé^ parce qu'il n'y a pas de bien possible sans la charité. —
S. Jér. Ou bien encore, les Apôtres qui ont cru en Jésus-Christ,
n'eussent-ils qu'une vertu médiocre , en recevront l'accroissement ;
mais les Juifs, qui n'ont pas voulu croire en lui, bien qu'il fût le Fils
de Dieu, se verront enlever même les biens naturels qu'ils paraissent
avoir; car ils ne peuvent rien comprendre avec sagesse , parce qu'ils
n'ont pas en eux le principe de la sagesse. — S. Hil. {can. 13.) Ajou-
tons que les Juifs, n'ayant pas la foi, ont perdu la loi qu'ils avaient
reçue; car la foi chrétienne renferme tout don parfait; dès qu'on l'a
reçue, elle s'enrichit de nouveaux fruits; mais si on la rejette, elle en-
lève jusqu'aux dons qu'on avait reçus précédemment.
S. CnRYs. {hom. 46.) Notre-Seigneur veut rendre encore plus claire
cette vérité, et il ajoute : « Je leur parle en paraboles, parce qu'en
voyant ils ne voient point. » Si cet aveuglement venait de la nature,
le Sauveur aurait dû leur ouvrir les yeux ; mais comme il était volon-
taire, il ne dit pas simplement : Ils ne voient pas, mais « en voyant,
ils ne voient pas. » Ils l'ont vu, en elTet, chasser les démons , et ils ont
dit : « C'est par Béelzébub qu'il chasse les démons. » {Matth. xii.) Ils
entendaient dire qu'il attirait tout le monde à Dieu , et ils disaient :
a Cet homme ne vient pas de Dieu. » [Jean, ix.) Mais comme ils affir-
maient le contraire de ce qu'ils voyaient et de ce qu'ils entendaient,
ils perdent la faculté de voir et d'entendre. En effet, cette faculté,
ne leur a servi de rien qu'à rendre leur condamnation plus terrible.
Aussi dans le commencement il ne leur parlait pas en paraboles,
mais en termes clairs et sans énigme, et il ne se sert de paraboles que
parce qu'ils dénaturent tout ce qu'ils voient et tout ce qu'ils entendent.
non habet, auferetur ab eo : quia absque
charitate nulUun bonum esse potest.
Hier. Vel apostolis in Christo credenti-
bus etiaiu si quid minus virtutis habeut
conceditur : Judicis voro qui non credi-
derunt in Filiiun Dei, etiam si quid per
nalurae bonum possident, toUitur : neque
enim possunl aliquid sapienter iutel-
ligerfî, ([uia sapientire non liahent caput.
FIiLAR. {Cant. 13, in Matth.) Fidem
etiam Juda?i non habontes, lofiem quoque
quam habuorant perdiderunt ; et ideo
perfectum bdes evangelica babet do-
num : quia suscepta, novis fructibus
ditat, repudiala vero etiam veteris sub-
slantiae opes detraliit.
Chuys. {in hoviil. 46 vtsup.) Ut au-
tem manifeslius quod dixerat fiât, sub-
dit : « Ideo in parabolis loquor eis quia
videntes non vident, » etc. Et siquidem
naturae haec excsecatio esset, aperire
eorum oculos oportebat : quia vero vo-
luntaria est bœc excaecatio, propter hoc
non dixit simpliciter : « Non vident, »
sed, « videntes non vident : » videruut
enim d.Tmones exeuntes, et dixeruut
[Mutth. 12) : « In Beelzebub ejicit da^mo-
nia : » audiebant quod ad Deum omues
attrahebat et dicunt {Joon. 9) : « Non
est hic homo a Deo. » Quia erjïo con-
traria liis ([UcB videbant et audiebant,
enuntiabant, propter hoc ipsum videre
et audire eis aufertur : nibil enim bine
proficiuut, sed in judicium majus iuci-
dunt : unde et a principio, non eis pa-
rabolice loquebatur, sed cum multa cer-
titudine : quia autem audila et visa per-
vertuut, jam in parabolis loquitur. Re-
DE SAINT MATTHIEU, CHAH. XIII.
247
— Remi. Et remarquez que non-seulement ses paroles , mais encore
ses actions elles-mêmes, étaient autant de paraboles , c'est-à-dire des
symboles des choses spirituelles, ce que prouvent évidemment les paroles
suivantes : « Parce qu'en voyant ils ne voient point ; » car on ne peut
voir les paroles, mais seulement les entendre. — S. Jér. Notre-Sei-
gneur parle ainsi de ceux qui sont sur le rivage, et qui , autant par
suite delà distance (]ui les sépare de Jésus, que du bruit des Ilots, n'en-
tendaient pas clairement ce qu'il disait. ,
S. Ghrys. {hom. 46.) Afin qu'ils ne pussent dire : C'est notre ennemi
qui nous accuse , il leur cite le Prophète qui rend pleinement té-
moignage à ce qu'il vient de dire ; « Et la prophétie d'Isaïe s'accom-
plit en eux : vous entendrez de vos oreilles , et vous ne comprendrez
pas, et en voyant, vous ne verrez pas » (I), c'est-à-dire vous enten-
drez de vos oreilles des paroles , mais vous n'en comprendrez pas le
sens ; vous verrez de vos yeux mon humanité , et vous ne verrez pas,
c'est-à-dire vous ne comprendrez pas ma divinité. — S. Ciirys. {hom. 46.)
Il leur parle de la sorte , parce qu'ils se sont privés eux-mêmes de la
faculté de voir et d'entendre en fermant leurs oreilles et leurs yeux,
et en laissant leur cœur s'appesantir; car leur crime n'était pas seu-
lement de ne pas entendre , mais d'être contrariés d'entendre ; c'est
pour cela qu'il ajoute : « Leur cœur s'est appesanti. » — Rab. Le
cœur des Juifs s'est appesanti sous le poids de leur malice, et c'est la
multitude de leurs péchés qui leur a fait entendre avec peine les pa-
roles du Seigneur qu'ils recevaient avec une superbe ingratitude. —
S. JÉR. De peur que nous ne pensions que cet appesantissement du
cœur et cette surdité de l'ouïe étaient uu vice de la nature et non de
(l) Selon la version des Septante. La Vulgate traduit l'hébreu un peu différemment
en écoutant, et ne comprenez pas ; voyez ce qui est visible, et ne comprenez pas. «
1 Ecoutez
siiG. Et uotandum est quia non soluiii
quaî loquebatur, verum etiam quœ fa-
ciebat parabokB faeruut (id est, signa
spirilualium rerum), quod liquide os-
teudit, cuui dicit : « Ut videnles non
videant : » verba namque videri non po-
teraut, sed audiri. Hier. Hœe de bis lo-
quitur qui stant in Ullore, et dividuntur
a Jesu, et souitu tluetaum perstrepeute
non aiidiunl ad liquidum qutc dicuntur.
Chrvs. (/)i Itomil. 40 m/ Slip.) Déinde
ut non dicereut quouiani ut inimieus
nosler nobis detrabit, proplielam indu-
cit eadem sentientem. Uude sequitur :
« Ut impleatur in eis propbetia Isaiœ
dicentis » (cap. 6) : « Audilu audietis,
et non iatelligetis ; et vidantes vide-
bitis,« id est, » audilu audielis (verba) , »
sed « non inteUigetis (verboruui arcana) ;
videutes videbitis (carnem scilicet), et
non videbitis ; » hoc est, non intelligelis
Divinitalem. Chrys. {In homil. 46 ut
svp.) Hoc aulem dixit, quia sibi ipsis
aljslulerunt videre et aiidire, aures et
oculos sibi claudenles, et cor incras-
santes : non enira solumniodo non
audiebant , sed graviter audiebant :
unde sequitur : « lucrassatum est cor
populi bujus. » Rara. Incrassatum
est enim cor Jud;Eoruni crassitudine
malitise ; et abundautia peccatoruni gra-
viter verba Domini audierunt, quia in-
grati susceperunt. Hier. Ac ne forte ar-
bitremur urassitudinem cordis et gravi-
248
EXPLICATION DE L EVANGILE
la volonté, il prouve que c'était la suite du mauvais usage de leur li-
berté en ajoutant : « Et ils ont fermé les yeux. »
S. CiiKYS. {hom. 46.) Jusqu'ici il a fait voir l'étendue de leur ma-
lice et leur cloignement aiiecté à l'égard de Dieu ; mais comme son
désir est de les attirer à lui , il ajoute : « Et que s'étant convertis, je
ne les guérisse, » paroles qui prouvent que s'ils voulaient se conver-
tir, il les guérirait. Ainsi lorsqu'on dit d'une personne quelconque :
S'il m'en avait prié , je lui aurais immédiatement pardonné , on dé-
clare à quelles conditions le pardon est offert ; de même en disant :
« De peur que s'étant convertis je ne les guérisse , » Notre- Seigneur
montre et qu'il leur est possible de se convertir , et qu'en faisant pé-
nitence ils seront sauvés.
S. AuG. {Qiiest. évang.) (l). Ou bien encore , ils ont fermé les yeux
afin de ne pas voir de leurs yeux , c'est-à-dire qu'eux-mêmes ont été
cause que Dieu leur a fermé les yeux , comme le dit un autre Evan-
géliste [Jean, xii) : « Il a aveuglé leurs yeux. » Est-ce de telle sorte
qu'ils ne voient jamais, ou bien est-ce afin qu'ils ne voient point en
regrettant et eu déplorant leur aveuglement, de manière qu'étant pro-
fondément burailiés de cet état, ils soient amenés à confesser leurs pé-
cbés et à cbercber Dieu avec amour? C'est ainsi que saint Marc l'en-
tend : « De peur qu'ils ne viennent à se convertir, et que leurs pécbés
ne leur soient pardonnes. » {Marc, iv.) Nous voyons donc clairement
que par leurs pécbés ils se sont rendus indignes de comprendre, et
que cependant, par un effet de la miséricorde de Dieu, ils ont pu con-
naître leurs pécbés, et en obtenir le pardon par leur conversion. Mais
la manière dont saint Jean rapporte ce passage : « Ils ne pouvaient
(1) Question 14 sur saint Matthieu, après les autres questions sur les Evangiles.
tiilein aurium iiatnrre, nou voluntatis,
siibjungit ciilpani arl)itrii, et dicit : « Et
oculos snos clauserunt. »
Chrys. [in hom. l(j nt svp.) lu lioc
autem inleusam eoruin noquitiam oston-
dit, et aversioneim-umsUulio ; ut autem
attraliat eos, subdit : « Et convertantur,
et sanem eos : » in quodenionstratquia
?i converterentur, sanarentur : sicut
(uim aliquis dieit : « Si rogatus essem,
confestim doiiatunis erani, » ostendit
qualiter aliquis sibi reconcilietur ; ita et
bit; cum dicit : «Nequando convertantur
fit sanem eos, » demonstrat quoniam et
f.ouverti possibile est, et pœnitentiam
ageiites salvari.
AuG. (de Qu.isL Evang.) Vel aliter :
oculos suos clauserunt, nequando oculis
videaut; id est, ipsi causa fuerunt ut
Deus eis oculos clauderet : alius euim
Evangi'lista dicit {Joan. 12) : « Excfpcavit
oculos eorum : » sed utrum ut nunquam
vidcant"? an vero ne vel sic aliquando
videant, caecitate sua sibi displiceutes, et
se dolentes, et ex lioc bumiliali atque
connnoti ad confitendum peccata sua, et
pie quferendum Deum "? Sic eiiim Mar-
cus boc dicit (cap. 4) : « Nequando con-
vertantur, et dimittantur eis peccata. »
Ubi intelliguntur peccatis suis meruisse,
ut non intelligerent, et tamenboc ipsum
misericorditer eis l'actum, ut peccata sua
cognoscerent, et conversi veniam me-
rerenlur. Quod autem Joannes bunc lo-
cum ita dicit (cap. 12) : « Propterea non
poteraul credere , quia iterum dixit
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. Xlll. 249
croire, parce que, Isaïe a dit encore : Il a aveuglé leurs yeux , et il a
endurci leur cœur, de peur qu'ils ne voient de leurs yeux, et ne com-
prennent du cœur, et qu'ils se convertissent, et que je les guérisse, »
paraît contredire cette explication , et nous force d'entendre ces pa-
roles : a De peur qu'ils ne voient de leurs yeux, » non pas d'un aveu-
glement qui leur permettra de voir un jour, mais dans ce sens que
cet aveuglement sera perpétuel. En effet, saint Jean dit clairement :
a Afin qu'ils ne voient pas de leurs yeux , » et en ajoutant : « C'est
pour cela qu'ils ne pouvaient pas croire , » il montre assez que cet
aveuglement n'a pas eu lieu , afin que, vivement touchés de cet état
et regrettant de ne pas comprendre, ils se convertissent en faisant pé-
nitence (car c'est ce qu'ils ne pourraient faire sans croire tout d'abord,
puisque la foi est ce principe de leur conversion, comme la conversion
est le principe de leur guérison , et leur guérison la condition néces-
saire pour comprendre) ; mais cet Evangéliste nous déclare, au con-
traire, qu'ils ont été aveuglés , de manière que la foi leur fût impos-
sible, puisqu'il dit ouvertement : « C'est pour cela qu'ils ne pouvaient
croire. » Or, s'il en est ainsi, qui ne prendrait la défense des Juifs et ne
proclamerait qu'ils ne sont nullement coupables de n'avoir pas cru?
Car s'ils n'ont pas cru, c'est que Dieu a aveuglé leurs yeux. Mais comme
nous ne devons point supposer l'ombre de faute en Dieu, il nous faut
reconnaître que certains autres péchés ont été causes de cet aveu-
glement qui leur a rendu la foi impossible. Car voici comme s'exprime
saint Jean r « Ils ne pouvaient croire , parce qu'Isaïe a dit encore :
Il a aveuglé leurs yeux. » C'est donc en vain que nous nous efforçons
de comprendre qu'ils ont été aveuglés à cette fin qu'ils pussent se con-
vertir , puisqu'au contraire ils ne pouvaient pas se convertir parce
Isaias : Excaecavit oculos eorum, et in-
duravit cor eorum, ut non videant ocu-
lis, et non iutelligant corde et conver-
tantur, et sanem eos; » adversari vide-
tur huic sententiœ et omnino cogère ut
quod hic dictiim est : « Nequando oeu-
lis videant, » non accipiaturne vel sicali-
quandooculis videant, sed prorsus ut non
videant; quandoquidem aperte ita dicit :
« Ut oculis non videant; » et quod ait :
« Propterea non poterant credere, »
satis ostendit, non ideo factam excae-
cationem, ut ea commoti et dolentes se
nonintelligere, converterentur aliquando
per pœnitentiam (non enim possent hoc
faoere nisi prius crederent, ut credendo
converterentur, et conversione sanaren-
tur, et sanati intelUgerent), sed ideo
potius excaecatos, ut non crederent :
dicit enim apertissime : « Propterea non
poterant credere : » quod si ita est, quis
non exriurgat indefensionem Judaeorum,
ut eos extra culpam fuisse proclamet,
quod non crediderunt? Propterea enim
non poterant credere, quia excsecavit
oculos eorum ; sed quoniam potius Deus
extra oulpam débet intelligi, cogimur
fateri aliis quibusdam peccatis ita eos
excaecari meruisse, qua tamen excœca-
tione non poterant credere : verba enim
Joannis ista suut : « Nou poterant cre-
dere quia iterum dixit Isaias : Excaeca-
vit oculos eorum. » Frustra itaque cona-
mur intelligere ideo fuisse excaecatos,
ut convertentur ; cum ideo converti non
poterant, quia non credebant ; et ideo
250
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
qu'ils ne croyaient pas, et qu'ils ne pouvaient croire parce qu'ils étaient
aveugles. Toutefois ou peut dire, avec quelque apparence de raison,
qu'un certain nombre de Juifs auraient pu être guéiis , mais que
cependant l'excès de leur orgueil était monté à un tel point, qu'il leur
était avantageux de ne pas croire tout d'abord. Ils ont donc été aveuglés
pour ne pas comprendre les paraboles du Seigneur ; ne les compre-
nant pas, ils ne crurent pas en lui, et ne croyant pas en lui, ils le cru-
cifièrent avec les autres Juifs qui étaient perdus sans espoir. Mais
après la résurrection ils se convertirent, alors que profondément hu-
miliés du crime du déicide qu'ils avaient commis , ils aimèrent avec
plus d'ardeur celui qu'ils reconnaissaient avec joie leur avoir par-
donné un si grand crime ; car il fallait que la grandeur de leur or-
gueil fût abattue par cet excès d'humiliation. Cette explication pour-
rait paraître singulière si les faits ne lui donnaient raison , comme
nous le lisons expressément au livre des Actes (i). La manière dont
saint Jean s'exprime : « C'est pour cela qu'ils ne pouvaient croire,
parce qu'il a aveuglé leurs yeux , afin qu'ils ne voient point, » ne lui
est pas contraire; nous disons, en effet, qu'ils ont été aveuglés, afin
qu'ils pussent se convertir , c'est-à-dire que les paroles du Seigneur
leur furent d'abord cachées sous le voile des paraboles , afin qu'après
sa résurrection, ils fussent ramenés à lui par une pénitence salutaire.
Aveuglés d'abord par l'obscurité de ce langage, ils ne comprirent pas
les paroles du Seigneur ; ne les comprenant pas, ils ne crurent pas en
lui, et ne croyant pas en lui , ils le crucifièrent. Mais après sa résur-
rection, saisis d'épouvante à la vue des miracles qui se faisaient en
son nom, ils furent touchés jusqu'au fond ducœur del'éuormité d'un
(I) « Après que Pierre eut parlé , ils furent touckés jusqu'au fond du cœur, et dirent à Pierre
et aux Apôtres : Que ferons-nous? » etc. [Actes, ii, 37.)
credere non poteraut, quia excœcati
eraiit. Au forte nou absurde dicimus,
quosdam Judoeorum fuisse sanabiles, sed
tanto lamen tuiuore superbiœ pericli-
tatos, ut eis expedierit priuio non cre-
dere; et ad hoc fuisse ca'catos, ut nou
intelligerent Dominum loqueuleni para-
bolas ; quibus non intellectis nou in
eum crederent : non credentes autem
cum cœteris desperatis crucifigereut
eum ; atque ita post ejus resurrectioneui
converterentur, quaudo jam de reatu
mortis Domiui amplius humiliati ddige-
rent vehementius eum a quo sibi tau-
tum scelus dimissum esse gauderent ;
quoniam tanta erat eorum superbia ul
tali Imrailiatione esset dejicienda : quod
incongrue dictum esse quilibet arbitre-
tur, si non ita contigisse in Actibus
apostoioruui manifeste legerit. (cap. 2.)
Non ergo abhorret quod ait Joaunes
{Propterea non poteront credere; quia
exccecavil oculos eorum ut non videant)
ab ea senteulia qua iutelligimus, ideo
excaecatos ul converterentur ; boc est,
ideo eis per obscuritates parabolarmn
occultatas scnteutias Domiui, ut post
ejus resurrectionem salubriori pœni-
tenlia resipiscerent ; quia per obscurita-
tem sermonis excecati, dicta Domini
non intellexerunt, et ea non intelligendo
non in eum crediderunt; non credeudo
eum crucitixerunt ; atque ita post resur-
rectionem miraculis qua; in ejus nomine
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII, 251
si grand crime , et donnèrent les preuves du plus humble repentir, et
lorsqu'ils eurent reçu le pardon de leurs péchés , leur obéissance fut
d'autant plus grande que leur amour était plus ardent ; mais cet aveu-
glement ne fut pas ainsi pour tous le principe de leur conversion. —
Rémi. Cette phrase peut être entendue en ce sens qu'à chaque membre
on sous-entende la particule négative; afin qu'ils ne voient pas de
leurs yeux , qu'ils n'entendent pas de leurs oreilles , qu'ils ne com-
prennent pas de leur cœur, et qu'ils ne se convertissent, et que je ne
les guérisse.
La Glose {i). Les yeux de ceux qui voient et ne veulent pas croire
sont donc bien malheureux. Mais pour vous , vos yeux sont heureux,
parce qu'ils voient, et vos oreilles, parce qu'elles entendent.» —
S. Jér. Si nous n'avions pas lu plus haut que, pour exciter l'attention
de ceux qui l'écoutaient, le Sauveur avait dit : « Que celui-là entende
qui a des oreilles pour entendre, » nous aurions pu croire que ce sont
les yeux et les oreilles du corps qu'il proclame bienheureux. Mais pour
moi , ces yeux sont heureux qui peuvent connaître les mystères de
Jésus-Christ, et heureuses ces oreilles dont Isaie a dit : « Le Seigneur
m'a donné une oreille pour l'écouler (2). »La Glose. En effet, l'âme est
véritablement un œil, parce qu'elle s'applique par son énergie naturelle
à l'intelligence des choses ; l'àme est aussi l'oreille , parce qu'elle peut
recevoir les enseignements des autres. — S. Hil. {caii. 13.) Ou bien il
veut parler ici du bonheur des Apôtres , à qui il fut donné de vair de
leurs yeux et d'entendre de leurs oreilles le salut de Dieu, que les pro-
phètes et les justes avaient désiré voir et entendre , et qui ne devait
(1) Saint Anselme.
(2) La Vulgate porte : « Le Seigneur m'a ouvert l'oreille. » Saint Jérôme traduit ici d'après la
version des Septante irpocréOYine, apposuit, le sens est le même.
fiebant exterriti, majoris crimiûis reatu
compuncti suut et prostrati ad pœuiteu-
tiam ; deiade (accepta iuduigentia) ad
obedieiitiam flagraatissima dileclione
conversi : quibusdam autem non pro-
fuit illaccecitas ad couversionem. Remig.
Et quautiim ad hoc potest hœc senten-
tia sic inlelligi, ut in omnibus subaudia-
tur, non ; hoc modo : « Nequando ocu-
lis videaut, et nequando auribus audiant,
et nequando corde intelligaiit , et ne-
quando convertautur, et sauem eos. »
Glossa. Sic ergo oculi eorum qui vi-
dent et nolunt credere, sunt miseri;
vestri autem : « Beati oculi quia vident,
et aures vestrae quia audiunt. » Hier.
Nisi autem sufgi'a legissemus auditores
ad intelligentiam provocatos, Salvatore
dicente : « Qui habet aures audieudi au-
diat ; » putaremus nunc oculos et aures,
quae beatitudinem accipiunt, corporales
inlelligi. Sed mihi videutur oculi illi
beati qui Christi possunt agnoscere sa-
cramenta ; et illœ beatse aures, de qui-
bus Isaias kxjuitur (cap. 50) : « Dominus
apposuit mihi aurem. » Glossa. Mens
enim est oculits, quia naturali vigore ad
inteliigendum aliquid dirigitur; auris ,
quia alio docente discit. HiLAR. {(an. 13
vtsiij).) Vel aposlolici temporis beatitu-
dinem docet, quorum oculis atque auri-
bus contigit Dei salutare videre et au-
dire, prophetis atque justis cupientibus
videre et audire in pleiiitudinem tempo-
252
EXPLICATION DE L EVANGILE
être révélé que dans la plénitude des temps, comme Notre-Seigneur
le dit en termes exprès : « Car je vous dis en vérité, que beaucoup de
prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l'ont
pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l'ont point entendu.
S. JÉR. Ce que le Sauveur dit ici paraît contraire à ce qu'il dit ail-
leurs : « Abraham a désiré voir mon jour, et il l'a vu, et il en a
été réjoui. » — Rab. Isaïe lui-même , Michée et d'autres prophètes
ont vu la gloire du Seigneur , et c'est pour cela qu'ils ont été appelés
voyants. — S. Jér. Aussi ne dit-il pas : Tous les prophètes et tous les
justes, mais plusieurs, car dans ce nombre, les uns ont pu voir, et les
autres être privés de cette faveur. Toutefois cette interprétation n'est
pas sans danger, car elle paraît établir entre les saints différents de-
grés de mérite (quant à la foi qu'ils avaient en Jésus- Christ) (l).
Abraham vit sous des emblèmes (2), sous des nuages obscurs ; mais
vous avez sous vos yeux et vous possédez votre Seigneur , vous l'in-
terrogez comme vous voulez , et vous vivez avec lui. — S. Chrys.
{hom. 46.) Ce que les Apôtres voient et entendent, c'est sa présence,
ses miracles, sa voix, sa doctrine, et en cela il proclame leur sort pré-
férable non-seulement à celui des méchants, mais encore à celui des
bons qui les ont précédés, et il les déclare plus heureux que les an-
ciens justes, parce qu'ils voient non-seulement ce que les Juifs ne
voient point, mais encore ce que les prophètes et les justes ont désiré
voir et n'ont pas vu. En effet, les anciens justes n'ont vu le Christ que
(1) Cette parenthèse ne se trouve pas dans saint Jérôme, mais elle a été mise ici pour plus de
clarté.
(2) C'est là évidemment le sens de ces paroles : Abraham vidif in œnùjmate , vidit in specie, et
l'interprète qui a cru. pouvoir ajouter la particule non : non vidit in specie, n'a nullement compris
le sens de cette phrase. Il n'avait pour aller jusqu'au bout qu'à ajouter : Non vidit in individuo.
rum destinatum, etc. Unde sequitur :
« Amen quippe dico vobis, quia multi
proplietae et justi cupieruut videre quse
vos videtis, et non videruut, et audire
qufE vos auditis, et non audierunt. »
Hier. Videtur autem huic loco ilhid
esse contrarium , quod alibi dicitur
(Joan. 8) : « Abraham cupivit videre
diem meum ; vidit , et pavisus est. »
Rab. Isaias quoque (cap. 6), et Michaeas
(cap.. 7), et multi alii proplietae videruut
gloriam Doniini, qui etiaui propterea
viden'es appellati sunt. (1 Reg. 9.) Hier.
Non autem dixit : « Omnes prophètes et
justi, » sed, multi : inter inultos enim
potest fieri ut alii viderint, alii non vi-
dèrent : lioet et in hoc periculosa sit iu-
terpreiatio, ut inter sanctorum mérita
discretionem quamlibet facere videamur
(scilicet quantum ad tidem de Christo
habitam). Ergo Abraham vidit in œnig-
mate, vidit m specie : vos autem im-
praesentiarum tenetis et habetis Domi-
num vestrum, et ad voluntatem inter-
rogatis, et convescimini ei. Chrys. {in
homil. 46 xU sup.) Hsec ergo quae apos-
toli videruut et audierunt, pra'sentiani
s>iam dicit, miracula. voce m et doctri-
nam ; in hoc autem, non solum malis,
sed his qui boni fuerant, eos praeponit :
etenim antiquis justis beatiores eos di-
cit : quoniaui, non solum quf«.Iudifii non
viderant hi vident, sed et quae justi et
prophetœ cupierimt videre , et non vi-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII. 253
par la foi, tandis que les Apôtres le voient de leurs yeux et sans obscu-
rité. Admirez le parfait accord de l'Ancien Testament avecle Nouveau.
Si les prophètes avaient été les serviteurs d'un dieu étranger ou
opposé au vrai Dieu, jamais ils n'auraient désiré voir le Christ.
f. 18-23. — Ecoulez donc, pour vous, la parole de celui qui sème. Quiconque
écoute la parole du royaume et n'y fait point d'attention, l'esprit malin vient
et enlève ce qui avait été semé dans son cœur : c'est là celui qui a reçu la se-
mence le long du chemin. Celui qui reçoit la semence au milieu des pierres,
c'est celui qui écoute la parole et qui la reçoit à l'heure même avec joie; mais
il n'a point en soi de racine et il n'est que pour un temps, et lorsqu'il survient
des traverses et des persécutions à cause de la parole, il en prend aussitôt un
sujet de scandale. Celui qui reçoit la semence parmi les épines, c'est celui qui
entend la parole, mais ensuite les sollicitudes de ce siècle et l'illusioii des
richesses étouffent en lui cette parole et la rendent infructueuse. Enfin celui
qui reçoit la semence dans une bonne terre , c'est celui qui écoute la parole,
qui la comprend, qui porte du fruit, et rend cent, ou soixante, ou trente
pour un.
La Glose (1). Notre-Seigneur avait déclaré plus haut qu'il n'a pas été
donné aux Juifs, mais seulement aux Apôtres, de connaître le royaume
de Dieu. Comme conséquence de ces paroles, il leur dit : « Pour vous
écoutez donc la parabole de celui qui sème , » vous à qui sont com-
muniqués les mystères du ciel.
S. AuG. (5^^r la Genèse, viii. A.) Ce que l'Evangéliste raconte, c'est-
à-dire que le Seigneur a parlé de la sorte, a véritablement eu lieu;
mais le récit du Seigneur n'a été qu'une parabole , et dans ce genre
de récit on n'exige pas que toutes les circonstances qui le composent
(I) Dans saint Anselme avec quelques variantes.
deruut : illi enim fide solum considera-
verunt, lii autem visu et multo mani-
festius. Vides aulem qualiter velus Tes-
tamentum copulat novo : nou enim si
proplielQ} alieui cujiisdam et contrarii
Dei servi fuisseul^ Cliristum cupivissent.
Vos ergo audite parabolam seminantis : omnis
qui audit verbum regni, et non intelligit, venit
malus, et rapit quod setninalum est in corde
ejus ; hic est qui secus viani seminatus est :
qui autem supra petrosa seminatus est, hic est
qui verbum audit , et. continua cum gaudio
accipit illud, non habet autem in se radicem,
' sed est temporalis : facta autem tribulatione
et persecutione prnpter verbum, continua scan-
dalizatur. Qui autem seminatus est in spinis,
hic est qui verbum Dei audit; et sollicitudo
seculi istius, et fallacia divitiarum suffocat
verbum, et sine fructu e/ficitur. Qui vero in
terram bonam seminatus est, hic est qui audit
verbum, et intelligit, et fructum affert ; et fa-
cil aliud quidem centesimitm , aliud aulem
sexagesimum, aliud vero trigesimum.
Glossa. Dixerat superius quia Judœis
non est datum nosse reguum Dei, sed
apostolis : et ideo concludit dicens :
« Vos ergo audite parabolam seminan-
tis, » quibus scilicet committuntur cœli
mysteria.
AuG. {super Genesim ad Utteram,
lib. 8, cap. 4.) Quod narravit Evangelista
factum est : Dominum scilicet talia lo-
cutum fuisse : ipsius autem Domini nar-
ratio, parabola fuit : de qua nunquam
exigitur ut etiam ad lilteram facta
monslrentur quae sermone proferuntur.
2o4
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
aient leur application littérale. — La Glose. Notre-Seigneur explique
ensuite cette parabole : « Celui qui écoute la parole du royaume et ne
la comprend pas , » phrase qu'il faut entendre ainsi : « Tout homme
qui entend la parole, » c'est-à-dire ma prédication, laquelle donne les
moyens de mériter le royaume des cieux , et qui ne comprend pas.
Or, d'où vient ce défaut d'intelligence? Le voici : «L'esprit mahn,
c'est-à-dire le démon , vient , et il enlève ce qui avait été semé dans
son cœur. Or, tout homme à qui ce malheur arrive , c'est celui qui a
été semé le long du chemin. Remarquez aussi que le mot semer s'en-
tend de différentes manières : on dit d'une semence qu'elle a été
semée, et aussi d'un champ qu'il a été semé , et nous voyons ici cette
double signification. Dans cette phrase : « Il enlève ce qui a été
semé , » c'est de la semence qu'il est «juestion ; dans cette autre :
« Celui qui a été semé le long du chemin, » ce n'est pas de la
semence, mais du lieu où elle été répandue, c'est-à-dire de l'homme,
qui est le champ ensemencé par la parole de Dieu.
Rémi. Dans ces paroles , Notre-Seigneur nous explique ce que c'est
que la semence, c'est-à-dire la parole du royaume ou delà doctrine
évangélique. Il en est qui reçoivent la parole de Dieu sans aucune
affection ; aussi les démons enlèvent aussitôt la semence de la parole
divine répandue dans leur cœur, comme une semence tombée sur un
chemin battu. « Celui qui est semé sur la pierre (I) écoute la parole,
mais il n'a pas de racines. » En etfet, la semence ou la parole de Dieu
qui tombe sur la pierre, c'est-à-dire sur un cœur dur et indompté, ne
peut fructifier; sa dureté est trop grande, son désir du ciel trop faible,
(l) Le grec TrexpcôSy) signifie un endroit pierreux, en latin petrosa, comme nous lisons dans
saint Matthieu.
Glossa. Unde parabolam exponens,
subdit : « Omnis qui audit verbum re-
gni, et non intelligit. » sic construenduin
esl : « Omuis qui audit verbum ( id
est, prfEdicationeui mcam, quœ ad reg-
num cœloruni adipisceudum valet), et
non intelligil ; >> ijno modo autem non
intelligat, subjungit : « Yeuit enim ma-
lus (id est, diaboius), et rapit quod se-
minatum est in corde ejus : » omuis
(inquam) qui talis est, liic est qui setus
viam seminatus est. Notandum est au-
tem quod seminaiitm diversismodis ac-
cipitur : dicitur cnim, et semen scmi-
nutum , et agcr seminatus : quod
utrumque bic invenitur. Ubi enim ait :
« Uapil quod seminatum est, » de se-
niine inlelligendum est ; ubi autem se-
quitur : « Secus viam seminatus est, »
non de semiue, sed de loco seminis in-
telligendura est, id est, homine qui est
quasi ager, divini verbi semiue semi-
natus.
Remig. HIs autem verbis exponit Do-
minus quid sit semen, verbum scilicet
regni (id est, evangelicoe doctrinœ ) :
suul enim nonnuili ({ui verbum Dei nulla
cordis devotione susi-ipiunt, et ideo se-
men verbi Dei, quod in eorum cordi-
bus seminatur, da;mones quasi semen
viae tritae subito auferunt. Sequitur :
« Qui autem esl seminatus supra petram,
bic verbum audit, non habet autem ra-
diccm, » etc. Semen enim seu verbum
Dei ([uod in petra (id est, corde dure
et iudomito) seminatur, fructificare non
pulest : «juia mulla est ejus duritia, et
parvum cœlcsle desiderium ; unde prop-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII. 255
et cette excessive dureté ne lui permet pas d'avoir de racines. —
S. JÉR. Faites attention à cette parole : « 11 est aussitôt scandalisé. »
Il y a donc une différence entre celui que l'excès des tribulations et
de la douleur force pour ainsi dire de renier Jésus-Christ, et celui que
le premier vent de la persécution scandalise et fait tomber. — «Celui qui
est semé au milieu des épines, » etc. Ce qui a été dit autrefois à Adam
dans un sens littéral : « Tu mangeras ton pain au milieu des ronces et
des épines (1*) » s'entend ici dans le sens allégorique de tout homme qui
se livre aux voluptés du siècle et aux soins de ce monde et qui par là
mange le pain céleste et l'aliment de la vérité au milieu des épines.
— Rab. C'est avec raison que Notre-Seigneur appelle ces plaisirs des
épines , parce qu'ils déchirent l'àme avec les pointes aiguëes de leurs
pensées, étouffent dans leur germe les fruits spirituels des vertus et ne
leur permettent pas de se développer. — S. Jér. Cette expression :
« La séduction des richesses étouffe la parole » est aussi élégante que
vraie , car les richesses sont séduisantes , et elles ne tiennent pas ce
qu'elles ont promis. Rien de plus fragile que leur possession ; elles
portent tantôt d'un côté, tantôt de l'autre leur faveur inconstante, ou
bien elles abandonnent celui qui les possédait, ou bien elles viennent
enrichir ceux qui eu étaient dépourvus : aussi le Seigneur affirme-t-il
qu'il est difficile aux riches d'entrer dans le royaume des cieux (2),
parce que les richesses étouffent la parole de Dieu et amollissent la
vigueur des vertus. — Rémi. Ces trois natures de terre différentes
représentent tous ceux qui peuvent entendre la parole de Dieu , mais
(1*) Le texte de la Genèse porte : n La terre sera maudite à cause de ce que tu as fait, et tu
n'en tireras de quoi te nourrir pendant toute ta vie qu'avec beaucoup de travail. Elle te produira
des ronces et des épines, et tu te nourriras de l'herbe de la terre. » [Gen. ii.)
(2) C'est à l'occasion de ce jeune homme qui s'en alla triste après avoir entendu ces paroles :
'1 Allez, vendez ce que vous possédez. » [Marc, x, 23 ; Luc, xv, 34.)
(er nimiam duritiain uou babet in se ra-
dicem. Hier. Attende autem quod dic-
tiim sit : « ConUnuo scandabzatur. » Est
crgo aliqua distantia inter eum quimul-
tis tribulationibus pœnisque compellitur
Cbristiim negare, et euni (iui ad primam
persecutioncm statini scandalizatur et
corruit, de quo bic loquitur. Sequitur :
«Qui autem seminatus est in spinis, » etc.
uiibi videtur et ilhul quod juxta lilte-
ram ad Adam dicitur {(Jen. 3) : « Inter
spinas et tribulos panem tuura mandu-
cabis, » bic significare uiystice quod
quicunque secidi se dederit voiuptalibus,
curisque istius mundi, panem cœlestem
et cibum verum inter spinas comedit.
Raba. Uecle aulem spinœ vocautur, quia
cogitationum suarum punctionibus men-
tem lacérant : et quasi strangulando
spirituales virtutum fructus gignere non
permittunt. Hier. Et eleganter adjunxit :
" Fallacia divitiarum suffocat verbum : »
blandœ euim sunt divitiae, aiiud agen-
tcs, aliud poUicenles. Lubrica est illarum
possessio, duui bue illucque circumfe-
runtur, et instabili gradu, vel babentes
deserunt, vel non babentes refioiunt :
unde et Dominus divites asserit difficul-
ter intrare in regnum cœ\ovnm {Mo ti h.
19), suffocantibus divitiis verbum Dei,
et vigorem virtutum eniollientibus. Re-
siiG. Et sciendum quod bis tribus gene-
ribus terrée nequam comprebeuduntur
omnes qui verbum Dei audire possunt.
256
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
qui ne peuvent lui faire produire des fruits de salut, à l'exception des
Gentils, qui n'ont pas même mérité de l'entendre. « Enfin celui qui
reçoit la semence dans la bonne terre. » La bonne terre , c'est la con-
science pure des élus, l'âme des saints qui reçoit la parole de Dieu
avec joie, avec désir, avec amour, qui la conserve courageusement
dans la prospérité comme dans l'adversité , et lui fait produire des
fruits. « Et il porte du fruit, et rend cent, ou soixante, ou trente
pour un. »
S. Jér. Remarquez que comme il y a trois sortes de mauvaises
terres, le chemin, la pierre et le champ couvert d'épines, il y a de
même trois espèces différentes de bonnes terres : celle qui rend cent
pour un, celle qui rend soixante, celle qui rend trente. Et ce qui fait
cette différence, ce n'est pas la nature de la terre, qui est la même
d'un côté comme de l'autre, mais la volonté. Or, dans les incrédules
comme dans ceux qui croient, c'est le cœur qui reçoit la semence;
c'est pour cela qite Notre-Seigneur a dit de la première espèce de
terre : « L'esprit malin vient et enlève ce qui a été semé dans son
cœur, » et des deux autres : « C'est celui qui reçoit la parole. » Lors-
qu'il envient à la bonne terre, il dit également : « C'est celui qui
reçoit la parole. » Nous devons donc d'abord entendre , puis com-
prendre, et, après avoir compris, produire les fruits des enseignements
que nous avons reçus , et rendre ou cent , ou soixante , ou trente pour
un. — S. AuG. {Cité de Dieu , ii , chap. dern.) Il en est qui entendent
ce passage dans ce sens que les saints , suivant la diversité de leurs
mérites , pourront délivrer, les uns trente âmes , les autres soixante ,
d'autres enfin cent, au jour du jugement, et non dans les temps qui
suivront. Or, un sage , voyant que les hommes abusaient pour faire le
sed tameu ail salutem perducere non
valent^ Excipiimtur Geutiles, qui nec
etiam audire menieruut. Sequitur: « Qui
vero iu terram bonaiu, » etc. Terra bona
est fidelis oonscientia electorum, sivo
meus saiictorum • (ju;e verbum Dei cum
gaudio, et desiderio, et curdis devotione,
suàcipit, et iuter prospéra et adversa
virililer conservât, et usque ad fruetum
perducit : uude sequitur : « Et facit
t'ructum, aliud centesinumi, aliud sexa-
gesimum, aliud vero trigesiniuni. »
Hier. Et notanduni ipiodsicut in terra
mala très fuere diversitates (scilicet, se-
cus viani, et petrosa, et spinosa loca),
sic iu terra bona, triua diversilas est :
centesiiui, sexagesimi et trigesinii l'ruc-
tus. El iu illa autem, et iu ista , non
niulalur substautia, sedvoluntas, et lani
incredulorum quam credentium corda
sunt, qui semen recipiunt : unde primo
dixit : « Venit malus, et rapit quod se-
niinatum est iu corde ejus, » et secundo,
et tertio ait : « Hic est qui verbum au-
dit. » In expositione quoque terrai bo-
nae, « iste est qui audit verbum. » Pri-
muni ergo debemus audire, deinde in-
telligere, ac post intelligentiam, fructus
reddere doctrinarum, et facere, vel ceu-
lesimum fruclum, vel sexagesimum, vel
trigesijnum. Aug. (ii de Civif. T^e/, cap.
ult.) Quidam putant hoc sic esse iulel-
ligenduui, quod sancli pro suorum di-
versilale nieritoruui, alii tricenos homi-
nes libèrent, alii sexagenos, alii ceute-
uos (quod in die judiiii futurum suspi-
cari soient, non post judicium). Qua opi-
uione quidam cumvideret homines im-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP, XIII. 257
mal de cette opinion et se promettaient l'impunité au jour du juge-
ment, parce que tous pourraient être sauvés par cette voie, leur
répondit qu'il était bien plus prudent de vivre de manière à se trouver
parmi ceux dont l'intercession devait délivrer les autres. En effet, ils
pourraient être si peu nombreux que , lorsque chacun d'eux aurait
délivré le nombre qui lui est assigné, il en restât un plus grand
nombre qui ne pourraient être sauvés par leur intercession , et parmi
ces derniers se trouveraient tous ceux qui, par une témérité sans fon-
dement, avaient mis toute leur confiance dans les mérites des autres.
Rémi. Celui qui prêche la foi en la sainte Trinité rend trente pour
un; soixante pour un^ celui qui recommande la perfection dans les
bonnes œuvres, car c'est en six jours que l'œuvre de la création fut
achevée {Genèse^ ii); et cent pour un, celui qui promet la vie éternelle,
car le nombre cent pas'se de la gauche à la droite. Ur, par la gauche ,
il faut entendre la vie présente, et par la droite la vie future. Dans un
autre sens, la parole de Dieu rend trente pour un lorsqu'elle fait ger-
mer les bonnes pensées ; soixante, lorsqu'elle produit les bonnes pa-
roles; cent, lorsqu'elle fait arriver jusqu'aux fruits des bonnes œuvres.
S. AuG. (Quest. évang.^ i, 10.) Ou bien le nombre cent, c'est le
fruit que produisent les martyrs ou par la sainteté de leur vie ou par
le mépris qu'ils font de la mort ; le nombre soixante, c'est le fruit que
rendent les vierges qui, goûtant les douceurs du repos intérieur, n'ont
plus à soutenir les combats de la chair ; en effet , on donne la retraite
après l'âge de soixante ans aux soldats ou aux fonctionnaires publics;
le nombre trente est celui des époux, car c'est l'âge de ceux qui
sont appelés à combattre , et ils ont en effet les plus rudes assauts à
punitatem sibi perversissime poUicentes,
eo quod omnes isto modo ad liberatio-
nem pertiaere posse videantur, respon-
dit bene potius esse vivenduin, ut inter
eos quisque reperiatur, qui pro aliis in-
tercessuri simt liberaudis; ne tam pauci
sint ut uuoquoque illorum cito ad nu-
merum suum perveniente multi rema-
neant qui erui jam de poeuis illorum
iiitercessione uon possint ; el in cis in-
veniatur quisquis sibi spem fructus
alieni temeritate vanissima pollicetur.
Remig. Triccsimum ergo fruclum fa-
cit, qui fidem sanctas Trinitatis docet ;
sexogesimum vero qui perfectionem bo-
nof um operum commeudat ; senario
enim numéro omnis muudi ornatus
eompletus est {Gen. 2) ; centcsinmm au-
tem fruclum facit, qui vitam aeternam
TOM. H.
promittit ; centenarius enim de laeva
transit ad dexteram ; per lœvam autem
vita praesens designatur, per dexteram
futura. Ahter semeu verbi Dei ti icesi-
mum fruclum facit, quando bonam co-
gitatiouem gignit; sexagcsimum, quando
bonam locutionem; centesimum,(\\x3.nào
ad fructum boni operisperducit.
AuG. {de Quest. Evang. lib. i, qu. 10.)
Vel aliter : cenlesinnis fructus est mar-
tyrum, propter sanctilalem vitae, vel
coutemptum mortis ; sexagesimvs, virgi-
num, propter otium interius, quia non
pugnant contra consuetudiuem carnis;
solet enim otium concedi sexagenariis
post militiam, vel post actiones publi-
cas; tricesimus vero, conjugatorum,
quia liœc est jetas prœliantium, et ipsi
habeut acriorem conflictum, ne libidi-
17
258 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
soutenir pour ne pas être vaincus par leurs passions. Ou bien il faut
lutter contre l'amour des biens temporels pour lui disputer la vic-
toire; ou bien il faut le tenir dompté et soumis pour réprimer avec
facilité ses moindres mouvements, lorsqu'il veut se soulever; ou enfin,
il faut l'éteiudre entièrement de manière à ce qu'il ne puisse plus
exciter la moindre émotion dans notre âme. Voilà pourquoi nous
voyons les uns affronter la mort avec courage pour la défense de la
vérité, les autres sans s'émouvoir, d'autres enfin avec joie. Ces trois
degrés de vertu correspondent aux fruits que peuvent donner les trois
espèces de terre : l'une trente, l'autre soixante, l'autre cent pour un,
et il faut au moment de la mort faire partie d'une de ces trois espèces
de terre si l'on veut sortir de cette vie dans les conditions qui assurent
la récompense.
S. Jér. — Ou bien encore la terre qui rend cent pour un, signifie
les vierges ; celle qui rend soixante , les veuves ; celle qui rend trente
ceux qui mènent une vie chaste dans l'état du mariage (i). Ou bien
enfin le nombre trente est une figure du mariage, parce que ce
nombre, qui s'exprime par le rapprochement des doigts qui s'unissent
par un doux embrassement, représente l'union de l'homme et de la
femme. Le nombre soixante représente les veuves qui vivent dans les
larmes et dans la tribulation (aussi le nombre soixante s'exprime en
abaissant le doigt inférieur), car leur récompense est d'autant plus
grande qu'il leur est plus difficile de résister aux séductions de la
volupté dont elles ont déjà fait l'épreuve. Enfin, le nombre cent, pour
lequel la main droite remplace la main gauche et qui s'exprime par
le cercle que forment les mêmes doigts de cette main , représente la
couronne de la virginité (2).
(1) n s'agit ici de la chasteté conjugale.
(2) Cette interprétation figurée fait allusion à la manière dont les anciens exprimaient les
nibu3 superentur. Vel aliter : confligen-
duni est cum auiore teinporalium bo-
norum, ut non vincat; aut etiani edo-
bus, scj:afjesh)nts viduis et continenti-
bus, tricesimus casto matrimonio depu-
tatur. Sive aliter : triginla refertur ad
mitus subditusque esse débet , ut cum i nuptias : nam ipsa digitorum conjunc-
surgere cœperit, facile reprituatur; aut tio, quasi molli se osculo complectens et
ita extinctus, ut se omnino nulla ex fœderans, maritum pingit et conjugem ;
parte commoveat : ex quo fit ut ipsam sexaginla vero ad viduas, eo quod in
etiam mortem propter veritatem, alii ' angustia et tribulatione siut positœ (unde
fortiter subeant, alii œquauimiter, alii | et inferiori digito deprimuntur) , quia
libenter : quae tria gênera friictus sunt I quanto major est difficultas experlœ
terrae tricesimi , et secragesimi , et cen- j quondam voluptatis illecebris abstinere.
tesimi : in boruni aliquo in geuere
inveniendus est tempore morlis suae,
si quis de hac vita recle cogitât emi-
grare.
tanto niajus et prœniiiun. Porro cente-
.v/?HW5numeru3a sinistra transit ad dexte-
ram, et iisdem quidem digitis non ea-
dem manu circulum facieus, exprioiit
IJitii. \ ul cen/esiiitiis l'ruulus viririni- , virfiuilatis corouam.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP, XIII.
259
f, 24-30, — Il leur proposa une autre parabole, en disant : Le royaume des
cieux est semblable à im homme qui avait semé de bon grain dans son champ.
Mais pendant que les hommes dormaient, son ennemi vint et sema de l'ivraie
au milieu du blé, et s'en alla. L'herbe ayant donc poussé et étant montée
en épi, l'ivraie aussi parut. Alors les serviteurs du père de famille vinrent le
trouver et lui dire : Seigneur, n'avez-vous pas semé du bon grain dans votre
cluimp? d'où vie7it donc qu'il y a de l'ivraie? Il leur répondit : C'est mon
ennemi qui l'y a semée. Et ses serviteurs lui dirent : Voulez-vous que 7ious
allions l'arracher? Non, leur répondit-il , de peur qu'en arrachant l'ivraie
vous ne déraciniez en même temps le bon grain. Laissez croître l'un et Vautre
jusqu'à la moisson , et au temps de la moisson , je dirai aux moissonneurs :
Arrachez premièrement l'ivraie et liez- la en bottes pour la brûler, mais
amassez le blé dans mon grenier.
S. Chrys, {hom. 47 5m;* S. Matth.) Dans la parabole précédente, le
Seigneur s'est proposé ceux qui ne reçoivent pas la parole de Dieu ;
ici il veut parler de ceux qui reçoivent une parole de corruption , car
c'est un des artifices du démon de mêler toujours l'erreur à la vérité :
a II leur proposa une autre parabole, » etc. — S. Jér. Notre-Seigneur
agit comme un homme riche qui sert à ses convives une table cou-
verte de mets variés, où chacun peut choisir dans cette variété ce qui
convient à son estomac, L'Evangéliste ne dit pas « l'autre parabole, »
mais « une autre parabole , » car s'il avait dit « l'autre , » nous n'au-
rions pu en espérer une troisième, tandis qu'en disant « une autre, »
il nous fait entendre que d'autres paraboles doivent la suivre. Il nous
explique ensuite le sujet de cette parabole en disant : « Le royaume
des cieux est semblable à un homme qui sème de bon grain, » etc. —
nombres par les signes des doigts, et qu'il serait trop long de développer ici. Ce passage est tiré
de l'apologie que fait saint Jérôme de ses écrits contre Jovinien, lettre 50 à Pammachius.
Aliamparabolam proposuit illù, dicens : Simile
factum est regnum cœlorum homini qui serai-
navit bonum semen in agro auo : cum autem
dormirent humines, veiiit inirt.icus ejus, et
superseminavit zizania in medio t rit ici , et
ahiit. Cum autem crcvisset herba et fructum
fecisset, tune apparuerunt et zizania. Acce-
denies autem servi patrisfamilias , dixerunt
ei : Domine, nonne bonum sentcn seminasti in
agro tuo ? Unde ergo habet zizania ? Jit ait
iilis : Inimicus homo hoc fecit. Servi autem
dixerunt ei : Vis igitur imus et colligimus ea?
Et ait : Non, ne forte colligentes zizania,
eradicetis simul cum eis et triticum : sinile
utraque crescere usque ad messem, et in tem-
pore messis, dicam messoribus : Colligile pri-
mum zizania, alligate ea in fasciculos ad com-
burendum, triticum autem congregate in hor-
reum meum,
Chrys. {in homil. il, in Matth.)
In praecedenti parabola, locutus est Do-
miuus de his qui verbum Dei non sus-
cipiunt; hic autem de liis qui suscipiunt
corruptivum sermonem : etenim hoc est
diabolicae machinatiouis, veritati semper
errorem inserere : unde sequitur :
« Aliam parabolam proposuit, » etc.
Hier. Proposuit autem aliam parabolam,
quasi dives paterfamiliasiuvitatos diver-
sis reficiens cibis_, ut unusquisque se-
cundum naturam sui stomaciù varia ali-
menta susciperet : non autem dixit^
a Itéra m, sed aliam. Si enim prae-
misisset alteram, expectare tertiamnon
poteramus : praemisit aliam, ut pluies
sequantur. Quae autem sit parabola os-
tenditur cum subditur: « Simile factum
est reguum cœlorum bomini qui semi-
260
EXPLICATION DE L EVANGILE
Remi. Le royaume des deux, c'est le Fils même de Dieu, et ce
royaume est semblable à un homme qui a semé de bon grain dans
son champ, — S. Ciirys. {hom. M.) Il nous apprend ensuite de quelle
manière le démon tend ses embûches : « Pendant que les hommes
dormaient, son ennemi vint et sema de l'ivraie au milieu du blé, et il
s'en alla. » Notrc-Seigneur nous enseigne par là que l'erreur ne vient
qu'après la vérité, ce que l'expérience ne prouve que trop. En eflfet,
ce n'est qu'après les prophètes que sont venus les faux prophètes;
après les Apôtres, les faux apôtres; après le Christ, l'Antéchrist. Si le
démon ne voit rien qu'il puisse imiter, s'il ne voit personne qu'il
puisse faire tomber dans le piège, il s'abstient de tenter; mais comme
il voit ici que l'un rend cent pour un, l'autre soixante, l'autre trente,
et qu'il n'a pu enlever ou étouffer ce qui a pris racine , il a recours à
d'autres artifices , il mêle les erreurs à la vérité ; il leur en donne
autant qu'il peut la couleur et la ressemblance pour tromper plus
facilement ceux sur qui la séduction exerce depuis longtemps son
empire. C'est pour cela que Notre- Seigneur ne dit pas qu'il y sème
une autre semence , mais de l'ivraie , parce qu'elle a quelque ressem-
blance pour la forme avec le grain de froment. Le démon fait éclater
encore sa malignité en ne répandant l'ivraie que lorsque les
semailles étaient terminées , afin de nuire davantage aux travaux du
laboureur.
S. AuG. {Quest. évang.) (1) Il ajoute : « Lorsque les hommes dor-
maient. » C'est en effet lorsque les premiers pasteurs de l'Eglise se
laissèrent aller à la négligence , ou bien lorsque les Apôtres se sont
endormis du sommeil de la mort, que le démon est venu et qu'il a
(I) Question 11 sur saint Matthieu.
navit bonum semen, » etc. Remig.
Rcgmmi cœlonnn appellal ipsum Filium
Dei; quod regûiim siiiiile dicitur esse
homini qui semiuavit boiium semen ia
agro 3U0. CnRYS. {in homil. il vt sup.)
Deinde moduiu insidianim diaboli os-
tendit, dicens : « Cum auLem dormirent
homines, venit inimicus ejus, et super-
seminavit zizania iu medio tritici, et
abiit. » Demonstrat bic quod error post
veritatem existit ; quod et rerum exitus
testatur. Eteuim post propbetas fueruut
pseudopropbetœ , et post apostolos ,
pseudoapostob, et post Cbristum , auti-
cbristiis : nisi enimdiabolus videritquid
imitetur, vei quibus iusidietur, nou ten-
tât : quia igitur vidit quod bie reddit iu
fructu centesimum, iile sexugesimuiii.
alius trigesimum, et nou poterat rapere
ueque suffocare quod radicatum erat,
per abam deceptionem insidiatur, inter-
serens sua, et multis ea simibtudinibus
coloraus, ut facile surripiat bos qui ha-
bituales suut ad deceptionem : propter
boc non dicit quod semiuet aliquod aiiud
semeu sed zizania, quœ secundum visum
assiuiilantur quodam modo frumento.
Hinc eliam apparet diaboU maliguitas :
tune enim seminavit quando uuiversa
erant compléta, ut magis noceret agri-
coke studio.
AuG. [de Quxst. Evang.) Dicit autem :
« Cum dormirent homines : » quia cum
negligeutius agerent prœpositi Êcclesiœ,
aut dormitionem mortis acciperent apos-
luli, veuil tliiibobis, et superseminavit eos
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII. 261
semé par-dessus la bonne semence ceux que le Seigneur appelle les
mauvais enfants. On peut demander avec raison s'il a voulu désigner
par là les hérétiques, ou bien lés catholiques dont la vie n'est pas con-
forme à leur foi. Il nous dit qu'ils ont été semés au milieu du fro-
ment, il semble donc qu'il a voulu désigner ceux qui appartiennent
à une même communion. Cependant, comme lui-même nous déclare
que ce champ est non-seulement l'Eglise , mais le monde entier, on
peut très-bien voir dans cette ivraie les hérétiques qui dans ce monde
se trouvent mêlés aux justes. Ceux qui conservent la vraie foi tout eu
la déshonorant par leur vie sont plutôt semblables à la paille qu'à
l'ivraie, parce que la paille a la même origine et la même racine que
le froment. Quant aux schismatiques, ils ressemblent bien plus aux
pailles brisées ou coupées que l'on sépare de la moisson. Il ne faut
pas en conclure cependant que tout hérétique et tout schismatique
soient extérieurement séparés de l'Eglise; l'Eglise en renferme un
grand nombre dans son sein qui n'attirent pas l'attention de la multi-
tude en défendant leurs erreurs d'une manière éclatante. S'ils le fai-
saient, l'Eglise les retrancherait de la communion. — Et plus bas :
Lors donc que le démon en répandant ses détestables erreurs et ses
fausses doctrines eut semé de l'ivraie au milieu du blé , c'est-à-dire
eut jeté les hérésies sur la vérité en se couvrant du nom du Christ, il
se cacha avec plus de soin et se rendit invisible ; c'est ce que Notre-
Seigneur veut exprimer par ce mot : « Et il s'en alla. » Il faut cepen-
dant admettre, comme il l'explique lui-même, que sous le nom d'ivraie
il a voulu comprendre non pas seulement quelques scandales, mais
tous les scandales et tous ceux qui opèrent l'iniquité.
S. Chrys. {hom. 47.) Notre-Seigneur, dans ce qui suit, nous trace
quos vialos filios Dominus interpretatur.
Sed recte quaeritur utrum fiœretici sunt,
aut maie viventes catholici. Sed qiiod
dicit eos in medio tritici serainatos,
quasi videntur illi sigaiticari qui unius
communionis suut. Verumtauien qu3-
niam agrum ipsuni, non Ecclesiam, sed
hune mundum inlerpretatus est, bene
intelliguutur haeretici qui in hoc mundo
perniiscentur bonis : at illi qui in eadem
fide mali sunt palea potius quam zizania
deputantur; quia palea etiaui fuudaïuen-
tum habet cum t'rumento, radicenique
communem : schismatici autem viden-
tur spicis corruptis etiam siiuiliores, vel
paleis aristaruni fractis vel scissis, et de
segete abjectis : nec tamen consequens
est ut omnis haereticus vel schismaticus
ab Ecclesia corporaliter saperetur: mul-
tos enim portât Ecclesia, quia non ita
defendunt falsitatem sententise suse, ut
intentain multitudinem faciant ; quod si
fecerint, tune expelluntur. Et inferius :
luim ergo diabolus aspersis pravis erro-
ribus falsisque opinionibus supersemi-
nasset zizania (hoc est, prsecedente no-
mine Chrlsti haereses superjecisset), ma-
gis ipse laluit, atque occultissimus factus
est : hoc est enim quod dicit, et abiit :
quanquam iu hac parabola Dominus
(sicut iu expositione conclusit), nonqua^-
dam, sed omnia scandala, et eos qui fa-
ciunt iniquitatem, zizaniorum nomine
signiflcasse intelligitur.
Chrys. {in honul. 47 ut sup.) Ex pos-
terioribus autem diligenterhœreticorum
262
EXPLICATION DE L ÉVANGILE
avec soin le portrait des hérétiques : « Lorsque l'herbe eut poussé et
qu'elle fut montée en épis, alors l'ivraie parut elle-même. » Les héré-
tiques dissiuiuleut d'abord leur présence, mais lorsque leur confiance
s'est accrue (1*), qu'ils sont parvenus à se faire écouter, et qu'ils ont
fait quelques prosélytes, ils répandent leur venin. — S. AuG. {Quest.
évang.) {'2). On hien dans un autre sens, lorsque l'homme spirituel
commence à juger toutes choses, alors les erreurs se dessinent à ses
yeux, il voit clairement que ce qu'il a entendu , ce qui a fait l'objet
de ses lectures s'éloignait de la règle de la vérité ; mais tant qn'û n'a
pas atteint la perfection spirituelle, la vue de tant d'erreurs , de tant
d'hérétiques qui se sont couverts du nom du Christ , peut faire im-
pression sur lui, comme nous le voyons dans la suite de la parabole :
« Alors les serviteurs du père de famille vinrent le trouver , et lui
dirent : Seigneur , n'avez- vous pas semé de bon grain dans votre
champ ? D'où vient donc qu'il y a de l'ivraie ? » Ces serviteurs sont-ils
les moissonneurs dont il sera bientôt question? Notre-Seigneur lui-
même, dans l'explication de la parabole, nous dit que les moisson-
neurs sont les anges , et comme on ne peut dire que les anges igno-
raient quel était celui qui avait semé l'ivraie au milieu du blé, il
faut entendre par ces serviteurs les fidèles eux-mêmes; et il n'y a rien
d'étonnant s'il les désigne en même temps comme étant la bonne se-
mence, car une même chose peut être représentée sous différentes
figures, suivant le rapport sous lequel on la considère; c'est ainsi que
le Sauveur a dit de lui-même qu'il était la porte , et aussi qu'il était
le pasteur.
Rémi. Ils s'approchent de Dieu , non par le mouvement du corps,
(1*) riappriTiav signifie plutôt confiance que liberté.
(î) Question H sur saint Matthieu; saint Augustin y fait allusion à ces paroles de l'Apôtre :
« L'homme spirituel juge toutes choses. » (I Cor. u, 15.)
formam describit, diceus : « Ciim autem
crevisset herba, et friictum fecisset, tiinc
apparuerunt et zizania. » In principio
enim hseretici obumbrant seipsos ; cum
autem nmltarn acceperinl libertatem, et
sermoue aliijuis c-uui eis paiiicipaverit,
tune venenunt etrundcnt. Al'G. {de
Quœst. Evung.) Yel aliter : euni bomo
spiritnaUs esse cœperit dijudicans oni-
nia, tune ei errores ineipunit apparere :
discernit enim quicquid audierit aut le-
gerit al)boiTere a régula verilatis ; sed
donccin eisdem perficiatur apiritualibus,
potest eum niovere, quare sub nomine
cbristiano tam miiltae haereticorum exti-
tere faloitates : unde sequitnr : « Acce-
dentes autem servi patrisfaniilias dixc-
runt ei : Domine, nonne bonum semen
seminasti in agro tuo ? Unde ergo babet
zizania, » etc. : utrum autem ipsi sint
servi, quos postea messores appellat ; an
quia in expositione parabolae messores
dicit esse angelos; nec quisquam dicere
facile ausus fuerit angelos nescisse qui
zizania sup(;i'seminaverit ; magis opor-
tet intelligi homines ipsos tîdeles servo-
rum nomine hoc loco signiiicatos : nec
mirum si et bonum semen ipsi dican-
tur : ex diversis enim siguiticationibus
una res diversas similitudines recipit;
sicut et de se ait [Joan. 10), quod ipse
s,\{ janua, et quod ipse sit pastor.
Remig. Accedunt autem ad Deum, non
corpore, sed corde et mentis desiderio ;
DE SAINT JIATTHIEU, CHAP. XIII. 263
mais par le cœur et par le désir de l'âme , et Notre- Seigneur leur ap-
prend que cela est arrivé par la malice du démon : « C'est l'homme
ennemi qui a fait cela. » — S. Jér. Le démon est appelé l'homme
ennemi, parce qu'il a cessé d'être Dieu ; et c'est de lui qu'il est écrit
au psaume neuvième : « Levez-vous, Seigneur , que l'homme ne s'af-
fermisse pas dans sa puissance. » Aussi celui qui est placé à la tète
de l'Eglise ne doit pas se laisser aller au sommeil, de peur que
l'homme ennemi ne profite de sa négligence pour semer par dessus le
bon grain l'ivraie, c'est-à-dire les erreurs des hérétiques. — S. Chrys.
{hom. 47.) Notre-Seigneur l'appelle l'homme ennemi, à cause du mal
qu'il fait aux hommes. C'est sur nous que tombent les eflfets de sa
haine, quoique la cause du mal qu'il nous fait soit non pas son ini-
mitié contre nous, mais son opposition contre Dieu. — S. Aug. {Quest.
évang.) Lorsque le serviteur de Dieu aura compris que le démon n'a-
vait recours à cette manœuvre frauduleuse que parce qu'il sentait
qu'il ne pouvait rien contre la puissance d'un nom si grand , et qu'il
était obligé de couvrir ses fourberies du prestige de ce nom, il peut
sentir en lui le désir de faire disparaître de tels hommes du commerce
des choses humaines, s'il en avait le temps ; mais il consulte la justice
de Dieu, pour savoir s'il doit le faire. « Les serviteurs lui dirent :
Voulez-vous que nous allions l'arracher? » — S. Chrys. {hom. 47.)
Nous pouvons admirer ici le zèle et la charité de ces serviteurs : ils
ont hâte d'aller arracher l'ivraie , preuve de leur sollicitude pour la
semence ; ils n'ont en vue qu'une chose , ce n'est pas de faire punir
qui que ce soit, mais que les semences ne soient pas perdues.
Quelle fut la réponse du Seigneur ? « Et il leur répondit : Non. »
— S. JÉR. Dieu veut laisser le temps au repentir, et il nous enseigne
quo docente intelligunt diaboli caUiditate
hoc esse factutn : uade sequitur : « Et
ait illis : Inimicus homo hoc fecit. »
Hier. Diabolus propterea inimicus homo
appellatur, quia Deus esse desiit : et iu
nono psalmo scriptum est de eo :
« Exsurge, Domine, non confortetur
homo. » Quamobrem non dormiat qui
Ecclesiœ praepositus est, neperillius ne-
gligentiam inimicus homo supersemiuet
zizania, hoc est, hœreticorum dogmata.
Chrys. («( Iiomil. 47 vt sup.) Inimicus
autem vocatur propter jacturam quam
infert hominibus : vexatio enim diaboU
adversus uos est ; principium autem
vexatiouis factum est, non ab inimicitia
quae est ad nos, sed quae est ad Deum.
Aug. (de Quœst. Evang. ut sup.) Cum
autem (servus Uei) cognoverit diabolum
hanc excogitasse fraudem, cum contra
tanti nominis auctorem nihil se valere
sentiret, ut fallacias suas eodem nomine
obtegeret, potest ei suboriri voluntas ut
taies homines de rébus humanis auferat,
si aliquam temporis hal)eat facultatem ;
sed utrum facere debeat, justitiam Dei
i-onsuiit : unde sequitur : « Servi autem
dixerunt ei : Vis imus et colligimus ea ? »
Chrys. {in Iiomil. «^5)/;j.) Ubiintuenda
est servorum diligentia et dilectio : etenim
festinant zizauia evellere, quod mons-
trat eorum de semine sollicitudinem :
ad hoc enim solum respiciunt, non ut
aliquis puniatur, sed ut seminata non
pereant.
Quid autem Dominus responderit sub-
ditur : « Et ait : Non. » Hier. Datur
enim locus poenitentiae, et monemur ne
264 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
à ne pas nous hâter de retrancher un de nos frères de la communion
des fidèles, car il peut arriver (|ue celui-là même, dont l'esprit est per-
verti par une erreur dangereuse , se convertisse et devienne un zélé
défenseur de la vérité ; c'est pour cela qu'il ajoute : « De crainte qu'en
arrachant l'ivraie , vous ne déraciniez en môme temps le froment. »
S. AuG. {Quest. évang.) Cette réponse est des plus propres aies calmer
et à leur inspirer une grande patience. Le père de famille répond de
la sorte, parce que les hons qui sont encore faibles ont besoin dans
certaines circonstances d'être mêlés aux méchants , soit afin que ce
mélange serve d'épreuve à leur vertu, ou afin que ce rapprochement
soit pour les méchants une exhortation puissante à devenir meilleurs.
Ou bien peut-être le blé est déraciné lorsqu'on arrache l'ivraie, parce
qu'il en est beaucoup qui ne sont d'abord que de l'ivraie et qui de-
viennent ensuite froment. Or, si on ne les supportait avec patience
lorsqu'ils sont mauvais, on ne verrait jamais en eux ce changement
admirable; si donc on les arrache, on déracine en même temps le
froment, puisqu'ils devaient devenir froment si on les eût épargnés.
Dieu veut donc qu'on ne les arrache pas de cette vie , car en s'efi'or-
çant de faire périr les méchants on s'exposerait à faire périr les bons,
puisqu'ils deviendront peut-être bons; ou à nuire aux bons eux-mêmes
puisque les méchants sont pour eux une occasion involontaire de
vertu. Ce retranchement se fera donc bien plus à propos lorsqu'à la
fin ils n'auront plus le temps de changer de vie , et que le spectacle
de leurs erreurs ne pourra plus être pour les bons une occasion
de progrès dans la vérité ; c'est pour cela qu'il ajoute : « Laissez
croître l'un et l'autre jusqu'à la moisson, » c'est-à-dire jusqu'au juge-
ment.
S. Jér. Cette recommandation parait en opposition avec ce pré-
cito amputemus fratrem : quia fieri po-
test ut ille qui hodie noxio depravatus
est dogmate, cras resipiscat et defendere
incipiat veritatem : uude subditur : « Ne
forte coUigentes zizaiiia, eradicelis simul
et triticum. Aco. [de Qitœst. Erang. ut
sup.) lu quo eos patientissimos et trau-
quillissinios reddit : hoc enim dicitur,
quia boui, dum adliuciufirmi sunt, opus
babent in quibusdam malorum com-
mixtione; sive ut per eos exerceantur,
sive ut eorum comparatione magua illis
exhorlatio fiât ut nitantur ad melius.
Aut forte simul eradicatur triticum cum
auferuntur zizania, quia luulti j^rimo
zizatiia suut, et postea (ritkuni fiunt :
qui niai pationlur cum mali suut li>lc-
rentur, ad laudabilem mutationem non
perveuiuut ; itaque si evulsi fuerint, si-
mul eradicatur et triticum quod futuri
essent, si eis parceretur. Ideo dicit taies
uou esse auferendos de hac vita, ne
cum aliquis malos conatur interficere,
l)onos intertîciat, quod forte futuri sunt;
aut bonis obsit, quibus et inviti utiles
sunt. Sed timc opportune hoc tiet, cum
jam in fine non restât, vel tempus com-
mutaudae vitae, vel proficieudi ad veri-
tatem ex occasione atque comparatione
alieni erroris : et ideo subdit : « Sinite
utraque crescere usque ad messem, » id
est usque ad judicium.
Hier. Videtur autem hoc esse contra-
rinm illi prœcepto (I Corinth. 5) :
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII. 265
cepte : « Faites disparaître le mal du milieu de vous. » (I Cor. v.)
Car s'il nous est défendu d'arracher , et si nous devons attendre avec
patience la moisson , comment pouvons-nous en retrancher quelques-
uns du milieu de nous ? Le froment et l'ivraie (en latin lolium) se
ressemhlent beaucoup tant qu'ils sont en herbe et que leur tige n'est
pas encore couionnée d'épis , et il est très-difficile , pour ne pas dire
impossible, de les distinguer. Le Seigneur nous recommande donc de
ne pas nous hâter de prononcer la sentence sur ce qui est douteux,
et de laisser le jugement à Dieu, qui , au jour du jugement, rejettera
de l'assemblée des saints, non pas sur de simples conjectures, mais
pour des crimes évidents. — S. AuG. {contre la lettre de Parmen.,
III, 2.) Lorsqu'un chrétien , dans le sein de l'Eglise, est reconnu cou-
pable d'un crime qui mérite anathème, et qu'on n'a pas à craindre le
schisme, qu'il soit soumis à l'anathème, avec un sentiment de charité
qui se propose , non pas de le déraciner , mais de le corriger. S'il ne
reconnaît pas sa faute, s'il n'en fait pas pénitence, il sera mis hors de
l'Eglise, et séparé par sa propre volonté de la communion des fidèles.
C'est pour cela que le Seigneur , après avoir dit : « Laissez croître
l'un et l'autre jusqu'à la moisson , » en donne cette raison : « De
crainte qu'en arrachant l'ivraie , vous ne déraciniez en même temps
le froment. » Il est donc évident que, lorsqu'on n'a pas à craindre
cet inconvénient, et qu'on est tout-à-fait certain que le bon grain ne
court aucun danger , c'est-à-dire lorsque le crime est connu de tous,
et qu'il inspire une telle horreur qu'il ne trouve point de défenseur,
ou au moins de défenseur qui puisse devenir l'auteur d'un schisme,
on ne doit pas laisser dormir la sévérité delà discipline. La répression
« Auferte malum de medio vestrum : »
si eniui prohibetur eradicatio, et usque
ad messem tenenda est patientia, quo-
modo ejiciendi sunt quidam de medio
uostrum ? Sed inter triticum et zizania
(quod nos appellamus lolium) quandiu
herba est, et necdurn calamus venit ad
spicam, grandis similitudoest, et in dis-
themate dignus habeatur, fiât hoc ibi
ubi periculum schismatis non timetur,
cum dilectione non ad eradicandum,
sed corrigendum : quod si se non agno-
verit, neque pœnitendo correxerit, ipse
foris exiet, et per propriam voluntatem
ab Ecclesiffi communione dirimetur :
uude Dominus oum dixisset : « Sinite
cernendo aut uulla, aut difficilis distan- utraque crescere usque ad messem, »
tia : prœmonet ergo Dominus ne ubi subjunxit causam dicens : « Ne forte
quid ambiguum est, cito sentenliampro- "cum vultis colligere zizania, eradicetis
feramus, sed Deojudici reservemus ; ut i simul et triticum. » Ubi salis ostendit
cum dies judicii venerit, ille non suspi- cum uietus iste non subest, sed omnino
cionem criminis, sed manifestura rea- ! de frumeutorum stabilitate certa secu-
tum de sanctorum cœtu ejiciat. AuG. ritas manet (id est, quando ita cuj usque
(contra t'pist. Parmeniani. lib. 3, cap. I crimen notum est, et omnibus execrabile
2.) Cum enim quisque christianorum ! apparet, ut vel nulles prorsus vel non
iutus in Ecclesia constitutorum in aliquo taies habeat defensores, per quos possit
tali peccato fuerit deprehensus, ut ana- 1 schisma contingere), non dormiat sève-
266
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
du crime sera d'autant plus efficace, que les lois de la charité auront
été plus respectées ; mais si le mal a gagné la multitude, la seule
chose utile à faire , c'est de s'affliger et de gémir. 11 faut donc re-
pi'endre avec miséricorde ce qu'on peut corriger; et ce qui est incor-
rigible, il faut le sup[iorter avec [tatleuce . pleurer et gémir par un
sentiment de charité juscpi'à ce que Dieu lui-même se charge de re-
prendre et de corriger, et attendre jusqu'à la moisson pour arracher
l'ivraie et pour jeter la paille au vent. Mais lorsqu'on peut élever la
voix au milieu du peuple, il faut atteindre la multitude des coupables
par des reproches généraux , surtout si un fléau envoyé du Ciel nous
oflre l'occasion favorable de leur rappeler qu'ils ont reçu le châtiment
qu'ils méritaient. Alors le malheur qui les frappe leur fait écouter
avec humilité la parole (jui leur démontre la nécessité de changer de
vie, et cette parole inspire à leurs cœurs affligés les gémissements
d'une confession pleine de repentir plutôt que les murmures de la
résistance. Mais alors même qu'aucune calamité ne serait venu frap-
per les coupables, on peut, toutes les fois que l'occasion s'en présente,
reprendre les vices de la multitude en s'adressant à elle directement ;
car de même que les hommes s'irritent de ce qui leur est reproché en
particulier, les reproches qui sont adressés à la multitude dont ils font
partie excitent en eux des gémissements salutaires.
S. Chrts. [hom. i7.) Le Seigneur fait cette recommandation pour
défendre les meurtres ; car mettre à mort les hérétiques , ce serait
donner naissance à une guerre implacable dans l'univers. Et c'est
pour cela qu'il a dit : « De peur que vous n'arrachiez le blé, » c'est-à-
dire si vous recourez aux armes, si vous mettez à mort les hérétiques,
vos coups atteindront nécessairement un grand nombre de saints. Ce
ritas disciplina : iu qua tanto est efû-
cacior emendatio pravitatis, qiiauto dili-
oreatior fiierit observatio charitatis :
cum vero idem mor'ius plurimos occu-
pant, nihil aliud boni restât quam dolor
et gemitus. Sic igitur misericorditer
corripiat hoiuo quod potest ; quod auteiii
lion potest, patienter ferat; et ex dilec-
tioue gemat atqiie lugeat, donec iile
desuper emendet ac corrigat ; atqne
usquc ad messem différât eradicare zi-
zania et paleam ventilare. Turba auteni
iniquorum cum facultas est in populis
promendi sermonem, generali objurga-
tione ferienda est ; et maxime si occa-
sionem atque opportuuitatem pradiuerit
aliquod Doinini desuper tlagelium, quo
eos appareat pro suis merilis vapulare :
tune enim aures bumiles prfebet emen-
dantis sermoui calamitas auditorum ; et
facilius in gemitum coufitendi quam in
murmura resistendi afflicta corda com-
pellit : quauquam etsi nulla calamitas
ti-ibulatiouis premat, cum facultas datur,
utiliter corripitur in multitudine mul-
titudo : nam sicut separata saevire ,
sic in ipsa cougregatioue objurgala ge-
mere consuevit.
Chuys. {in /loin. 47 ut sup.) Hoc au-
tem dixit Dominus probibens occisiones
fieri : neque enim opurtet interficere
haereticum, quia prœlium intxpiabile in
orbem tei'rarum induceretur : et ideo
dicit : « Ne eradicetis simul cum eis fru-
mentum ; » id est, si raoverilis arma,
et occlderitis luvreticos, uecesse est mul-
DE SAINT MATTHIEU, CIIAP. XIII. 267
qu'il défend, ce n'est donc point de jeter en prison les hérétiques, et
de s'opposer à la licence de leurs prédications , à la réunion de leurs
synodes, et de rendre inutiles leurs efforts, mais de les mettre à mort.
— S. AuG. [Lettre dS à Vinc.) C'était d'abord mou sentiment qu'il ne
fallait forcer personne d'embrasser l'unité du Christ, mais agir sim-
plement par la parole, combattre par la discussion, vaincre parla
raison, afin d'éviter d'avoir pour catlioliques hypocrites ceux que
nous avions pour hérétiques déterminés. Cependant mon opinion était
combattue , si non par des raisons, du moins par des exemples con-
traires. En effet_, la frayeur qu'inspirent ces lois promulguées par des
rois qui servent le Seigneur avec crainte , produit les plus heureux
effets (1). Ainsi les uns disent : C'était depuis longtemps notre volonté,
mais grâces soient rendues à Dieu qui nous a fourni l'occasion favo-
rable, et ôté tout prétexte de différer; d'autres : Nous savions que c'é-
tait la vérité, mais nous étions retenus par je ne sais quelles habi-
tudes; grâces à Dieu qui a brisé nos liens; d'autres : Nous ne savions
pas que telle était la vérité et nous n'avions aucun désir de l'ap-
prendre, mais la crainte nous a forcés d'y être attentifs et de prendre
les moyens de la connaitre ; grâces au Seigneur qui a secoué notre
négligence avec l'aiguillon de la terreur; d'autres encore : Nous crai-
gnions d'entrer dans l'Eglise , retenus par de faux bruits dont nous
n'aurions pas reconnu la fausseté si nous n'y étions pas entrés , et
nous n'y serions pas entrés si une contrainte salutaire ne nous eût
forcés; grâces à Dieu qui par cette sévérité a fait cesser nos hésitations
et nous a fait connaître par expérience la futilité et la fausseté des
bruits que des voix trompeuses répandaient sur son Eglise ; d'autres
(1) Saint Augustin fait ici allusion à ce passage du psaume ii, vers. 10 et 11 : o Et maintenant,
rnis, comprenez, instruisez-vous , vous qui jugez la terre! Servez le Seigneur dans la crainte. »
to6 sanctorum siinul submitti : non ergo
detinere haereticos, et abscindere libe-
ram eorum propalationem, et syuodos,
et studia dissolvere probibet, sed inler-
ficere et occidere. Auc. {ad Vincent.
epist. 48.) Hfec autem primiliis mea sen-
tentiaerat, iifiminem ad unitatem Cbristi
esse cogeiidum ; vei'bo enim agendum,
disputatione pugiiandum, ratione viii-
l'euduin ; ue fictos catliobcos babere-
uius, quos apertos ba^reticos uoveramus:
sed lifec opinio mea non contradieeii-
tium verbis, sed demonstrantium supe-
rabatur exemplis : barimi enim legum
terror qiiibus promulirandis reges ser-
viunt Domino in timoré, ita profuit, ut
nuuc alii dicant : « Jam bocvolebamus,
sed Deo gratias qui uobis occasionem
praebuit, et dilationum morulas ampu-
tavit ; » alii dicant : « Hoc esse veruni
jam sciebamus, sed nescio qua consuetu-
dine teuebamur : Gratias Deo, qui vin-
cula nostra dirupit ; alii dicant : « Nes-
ciebamus boc esse veritatein, nec eam
discere volebamus ; sed ad eam cognos-
cendam metus fecit intentos : gratias
Domino, qui negligenliam nostram sti-
mulo terroris excussit ; » alii dicant :
« Nos falsis rumoribus terrebamur in-
trare, quos falsos esse nesciremus nisi
intraremus, nec intraremus nisi cogere-
mur : gratias Deo, qui trepidationem
nostram flagello abstuiit, expertos do-
cuit, quam vana et inania de Ecclesia
268
EXPLICATION DE L EVANGILE
enfin : Nous pensions qu'il importait peu de croire en Jésus Christ
dans une religion ou dans une autre; mais grâces au Seigneur qui a
mis un terme à notre séparation et nous a enseigné que le seul culte
agréable à Dieu est celui qui lui est rendu dans l'unité. Que les rois
de la terre se montrent donc les serviteurs du Christ en publiant
des lois en faveur de la religion du Christ. — S. AuG. {Lettre 50 au
comte Bonif.) Quel est celui d'entre vous qui voudrait, je ne dis pas
qu'un hérétique périsse, mais qu'il éprouvât même la moindre perte?
Cependant la maison de David ne put recouvrer la paix tju'après que
son lils Absalon eut été enseveli dans la guerre impie qu'il faisait
contre son père (II Rois ,18); quoique David eût recommandé avec le
plus grand soin aux chefs de son armée de prendre tous les moyens
pour conserver la vie à son fils et que son cœur de père n'attendit que
son repentir pour lui pardonner. Mais lorsqu'il fat tombé victime de
sa rébellion , que resta-t-il à son père que de pleurer sa mort et de se
consoler par la pensée que son royaume avait recouvré la paix ? C'est
ainsi que notre mère, la sainte Eglise catholique, lorsqu'elle rassemble
dans son sein un grand nombre de ses enfants au prix de la perte de
quelques-uns, adoucit et calme la douleur de son cœur maternel par
le spectacle de tant de peuples afi'ranchis et délivrés de l'erreur. Que
veut donc dire ce qu'ils ne cessent de crier (1) : N'est-on pas libre de
croire ou de ne pas croire? A qui donc le Christ a-t-il fait violence?
Quel est celui qu'il a contraint d'embrasser la vérité ? Nous leur
répondons par l'exemple de l'apôtre saint Paul, qui les force de
reconnaître que Jésus-Christ a usé de violence à son égard avant de
l'enseigner, qu'il l'a frappé avant de le consoler. Et il est remarquable
(1) Saint Augustin veut parler ici des Donatistes, au sujet desquels il écrit au comte Bonifaoe,
pour l'engager à réprimer leurs entreprises.
sua mendax fama jactaverit ; » alii di-
sant : « Putabamus quidem nihil inte-
resse ubi fidem Ghristi teneremus ; sed
gratias Domiuo, qui nos a divisione col-
legit, et hoc uni Deo congruere, ut in
nnitate colatur, ostendil : » serviant ergo
reges terrae Christo, leges edendo pro
Christo. A\JG. {ad Boni fa du m Comifem,
epist. 50.) Quis autem vestrum velit, non
solum aliquem h.preticornin perire, ve-
ruui etiam aliquid perdere ? Sed aliter
non meruit hahere pacem domus David,
nisi Absalom tilius cjus in bello quod
contra patrem gerebat, fuisset extinctus.
(Il Heg. 18.) Quamvis luagna cura man-
davorit suis ut eum quinituni possent
vivuni salvumque servarent, et esset
cui pœnitenti paternus affectus ignosce-
ret. Quid autem ei restitit , nisi perdi-
tuui flere , et sui regni pace acquisita
suam mœstitiam cousolari ? Sic ergo ca-
tliolica mater Ecclesia, sialiquorum per-
ditione tam multos cceteros coUigit, do-
lorem materni cordis lenit et sauat tan-
torum liberatione populorum. Ubi est
autem qnod isti cjaniare consuevernnt :
« Liberum est credere vel non credere?
Cui vim Cbristus intulit ? quem coegit ? »
Kcce habent apostoium Paulum : agnos-
caut in eo prius«cogentem Christum, et
postea docentem ; prius ferienteni, et
postea consolantem. (Act. 0.) Mirum au-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII, 269
que celui que Dieu a forcé par un cliâtiment extérieur de se soumettre
à l'Evangile a travaillé à la propagation de l'Evangile plus que ceux
dont la vocation n'avait été déterminée que par une seule parole.
Pourquoi donc l'Eglise ne forcerait-elle pas ses enfants égarés de
revenir dans son sein , alors que ces mêmes enfants en ont forcé tant
d'autres à périr?
«Et au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Ramassez
d'abord l'ivraie et liez-la en bottes pour la brûler. » — Rémi. La mois-
son c'est le temps oii l'on recueille, c'est-à-dire le jour du jugement
où les bons seront séparés d'avec les mauvais. — S. Chrys. {hom. 47.)
Mais pourquoi dit-il : « Arrachez d'abord l'ivraie? » C'est pour ôter
aux bons toute crainte que le blé ne partage le sort de l'ivraie. —
S. JÉR. Or, en commandant d'arracher l'ivraie pour la jeter au feu, et
d'amasser le blé dans les greniers, il déclare ouvertement que les
hérétiques et les hypocrites sont destinés à brûler dans les feux de
l'enfer, et que les saints qu'il appelle le blé ou le bon grain seront
recueillis dans les greniers, c'est-à-dire dans les demeures éternelles.
— S. AuG. {Quest. évang.) On peut demander pourquoi il ne com-
mande pas de faire une seule botte ou un seul tas de toute l'ivraie;
c'est peut-être à cause des différentes sortes d'hérétiques qui non-seu-
lement sont séparés du bon grain, mais qui sont encore séparés entre
eux. Il a donc voulu exprimer par ces bottes d'ivraie les conventicules
de chaque hérésie, dont tous les membres sont unis entre eux par des
liens communs. Or, ils sont liés ensemble et destinés au feu du mo-
ment qu'ils se séparent de la communion- catholique et qu'ils com-
mencent à former des Eglises particulières. Mais ils ne seront jetés au
tem est quomodo ille qui pœna corporis
ad Evangelium coactus intravit, plus illis
omnibus qui solo veri)0 vocati sunt, iu
Evangelio laboravit. (I ad ( orinth.Vo.)
Cur ergo non cogeret Ecclesia perditos
filios ut redirent, si perditi filii coege-
runt alios ut périrent?
Sequitur : « Et in temi)ore messis, di-
cam messoribus : Colligite primuni ziza-
nia, et alligale ea in fasciculos ad com-
burendum. » Remig. Messis autem ap-
pellatur tenipus meteudi : per messem
vero desiguatur dies judicii, in quo
separandi sunt boni a nialis. Chrys. {in
homil. 47 ut sup.) Sed propter quid di-
eit : « Colligite pciinum zizania? » Ut non
timeant boni, quasi siniul cum zizaniis
tollatur frumentum. Hier. Quod autem
dicit zizanioruni fasciculos igni tradi.
et triticum congregari in horrea, mani-
festum est bœreticos quosque et bypo-
critas gelienuse iguibiis concreniandos :
Sanctos vero (qui appellantur triticum)
borreis, id est, cœleslibus uiansiouibus,
recipi. Al'G. {de Quœst. Evang. ex
Mutth. ut sup.) Quœri autem potest cur
non unum fascem, aut unum acervum
zizaniorum fieri dixerit; nisi forte
propter varielatem bœreticoruni, non
solum a tritico, sed etiam a seipsis dis-
crepantium, ipse uniuscujusque baere-
seos conventicula, in quibus sigillatim
sua conimunione devincli sunt, nomine
fasciculornm designavit; ut etiam tune
incipiant alligari ad comburendum, cum
a catbolica communione segregati, suas
proprias quasi ecclesias babere cœpe-
rint ; ut combustio eorum sit in fine
270
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
feu qu'à la fin des temps, bien que depuis longtemps ils soient réunis
en bottes. Cependant s'il en était ainsi, il n'y en aurait pas un si
grand nombre qui regretteraient leurs erreurs et les abjureraient
pour rentrer dans l'Eglise catbolique. Ce n'est donc qu'à la fin que
les bottes seront liées , afin que leur opiniâtreté ne soit point punie
sans discernement, mais que chacun d'eux soit puni d'une manière
proportionnée à sa perversité.
Rac. (I). Remarquez qu'en disant : « Il a semé du bon grain, » il
nous fait connaître la bonne volonté dont les élus sont l'objet et qui
est eu eux, en ajoutant : « L'ennemi vient, » etc., il nous avertit d'a-
voir à nous tenir sur nos gardes; lorsque l'ivraie ayant crû, il dit :
« C'est l'homme ennemi qui a fait cela , » il nous recommande la
patience; et en ajoutant plus bas : o De peur qu'en arrachant l'ivraie,»
il nous donne l'exemple du discernement dont nous devons faire
usage. Les paroles suivantes : « Laissez-les croître l'un et l'autre jus-
qu'à la moisson , » nous font un devoir de la longanimité , et il nous
recommande la justice par celles qui terminent : « Liez-la en bottes
pour la brûler. »
f. 31, 32. — // leur proposa une autre parabole, en leur disant : Le royaume
des deux est semblable à un grain de sénevé qu'un homme prend et sème en
son champ. Ce grain est la plus petite de toutes les semences; mais lorsqu'il a
crû, il est plus grand que tous les autres légumes, et il devient un arbre; de
sorte que les oiseaux du ciel viennent se reposer sur ses branches.
S. Chrys. {hotn. 47.) Notre-Seigneur venait de dire que trois parties
(() Cette citation ne se trouve pas tout entière dans Rabau telle qu'elle est ici; elle est com-
posée de différentes phrases de ses écrits sur celte matière.
seculi, non alligatio fascicule ruin. Sed
si ita esset, non tam niulli resipiscendo
et in catliolicam Ecclesiam remeando ab
errore discerent. Qiiaproptei' alligatio
fasciculoruni in fine profutura est, ut
non confuse, sed pro modo pervei'sitatis
suœ , uniuscujusque erroris perlinacia
puniatur.
Rab. Et notandum quod ubi dicit :
« Semiuavit bonum senien, » notât
bonani voluutatem quai in electis est :
ubi vero dicit :« Inimicus venit, » etc.,
cautelam liabendam intiuiare voluit :
quaudo auteni crescentibus zizaniis quasi
patienter ferens ait : « Inimicus homo
hoc fecit, » patientiam nobis connucn-
davit ; ubi vero ait : « Ne forte colli-
geutes zizania, » donavit nobis discre-
tionis exemplum. Quando autem sub-
jungil : « Sinite utraque crescere usque
ad messem , » commendavit longanimi-
taleni ; ad ultimum , justitiam , cum
dixit : « Alligate ea in fascicules ad
comburenilum, » etc.
Aliam paraholam proposuit eis, diceyis : Simile
est reynum cœlorum grano sinapis, quod acci-
piens liûnio semiuavit in agro suo, quod mini-
muni quidem est omnibus seminibus : cum au-
tem creoerit, majus est omnibus oleribus, et fit
arbor ; ita ut volucres cœli veniattt, et habitent
in ramis ejus.
CnRvs. {in hom. '»" ut sup.) Quia
Duminus dixeral (juod de semiue très
DE SAINT MATTHIEU, CIIAP. XIII. 271
de la semence étaient perdues et qu'une seule produisait du fruit et
que dans cette dernière la perte est encore considérable à cause de
l'ivraie qu'on a semée par dessus. Ses disciples pouvaient lui dire :
Mais quels seront donc les fidèles, et quel sera leur nombre? Il va au-
devant de cette crainte en leur proposant la parabole du grain de
sénevé : « Il leur dit encore cette autre parabole : Le royaume des
cieux est semblable à un grain de sénevé, » etc. — S. Jér. Le royaume
des cieux , c'est la prédication de l'Evangile et la connaissance des
Ecritures , qui conduisent à la vie et dont Notre^Seigneur dit aux
Juifs : « Le royaume de Dieu vous sera enlevé. » Or, ce royaume du
ciel est semblable à un grain de sénevé. — S. Aug. {Quest. Evang.^
liv. I, quest. 2.) Le grain de sénevé figure la ferveur de la foi, à cause
de la vertu qu'on lui attribue d'expulser le poison, c'est-à-dire tous les
dogmes pervers des hérétiques.
« Qu'un homme prend et sème dans son champ. » — S. Jér. Cet
homme qui sème dans son champ, c'est, d'après le sentiment le plus
commun , le Sauveur qui sème la vérité dans l'àme des fidèles. Selon
quelques autres, c'est l'homme lui-même qui sème dans son champ,
c'est-à-dire dans son cœur. Or, quel est celui qui sème en nous si ce
n'est notre intelligence et notre sentiment? Ils reçoivent le grain de la
prédication, et le nourissant avec le suc de la foi, ils lui donnent la
force de se développer dans le champ de notre cœur.
a Ce grain est la plus petite de toutes les semences. » La prédica-
tion de l'Evangile est la plus humble de toutes les doctrines, car au
premier coup d'œil elle n'obtient pas la croyance due à la vérité,
en prêchant un homme-Dieu , un Dieu mort , et le scandale de la
partes pereunt^ et salvatur una ; et in
ipsa rursus quae salvatur, multa efficitur
jactura, propler zizania quœ super semi-
nanUir; ne dicerent : « Qui ergo erunt,
et quauli fidèles? » consequenter liuuc
timorem aufert per parabolam siuapi-^ :
et ideo dicitur : « Aliam parabolam pro-
posuit eis, dicens : Siuiile est reguum
cœloruni grano siuapis, » etc. Hier.
Regnum cœlorum praedicatio Evangelii
est et nolitia Scripturarum, quœ ducit
ad vitam ; de qua dicitur ad Judœos
{Mattli. 21) : « Auferetura vobis reguum
Dei : » luijusmodi ergo reguum cœlo-
rum est simile grano sinapis. Aug. {de
Quxst. Evang. lib. i, quœst. 11.) Gra-
num namque sinapis ad fervorem fidei
pertinet, quod dicatur venena expel-
lere, id est, omnia dogmata pravitatis.
Sequitur: «Quodaccipiensbomo semi-
navit in agro suo. » Hier. Homo qui
seniinat iu agro suo a plerisque Salva-
tor iulelligitur. qui in auimis credentium
seraiuat : ab aliis, ipse homo seminans
iu agro suo, id est, in corde suo. Quis
autem est iste qui seminat, nisi sensus
noster et animus ? qui suscipiens gra-
num preedicationis, et fovens sementem
bumore fidei, facit in agro sui pectoris
pullulare.
Sequitur: «Quod miuimum quidemest
on:nibus seminibus. » Praedicatio Evan-
gelii minima est omnibus disciplinis :
ad primam quippe doclrinam fidem non
habet veritatis, « bominem Deum, Deum
mortuum, » et scandalnm crucis praedi-
272 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
croix. Rapprochez-la des doctrines et des écrits des philosophes, de l'é-
clat de leur éloiiuence, de leurs discours étudiés, et vous reconnaîtrez
combien la semence de l'Evangile est inférieure aux autres semences.
S. Chrys. {hom. 47.) Ou bien la semence de l'Evangile est la plus
petite, parce que les disciples étaient les plus faibles des hommes;
mais comme ils avaient en eux une grande vertu , leur prédication
s'est répandue par toute la terre, comme l'indique la suite de la para-
bole : « Mais lorsipi'il a crû, il est le plus grand de tous les légumes,»
c'est-à-dire de tous les dogmes. — S. Aug. {Quest. évang.) Les
dogmes des sectes sont leurs propres sentiments, c'est-à-dire les opi-
nions dont elles sont convenues. — S. Jér. La doctrine des philo-
sophes, lorsqu'elle se développe, ne présente rien de piquant et n'a
aucune apparence de vie, et sa nature molle et languissante ne produit
que des plantes et des herbes que l'on voit bientôt se dessécher et
périr. Au contraire, la prédication évangéUque, qui paraissait peu de
chose dans ses commencements lorsqu'elle fut semée , soit dans l'àme
des fidèles, soit dans tout l'univers , n'a point produit de simples
plantes, mais s'est élevée jusqu'à la hauteur d'un arbre, et sur les
branches sont venus habiter les oiseaux du ciel, c'est-à-dire les âmes
des fidèles ou les vertus qui sont consacrées au service de Dieu. « Et
il devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent se repo-
ser sur ses branches. » Je suis porté à croire que ces branches de
l'arbre évangélique, qui sont sorties du grain de sénevé, figurent la
variété des dogmes, sur lesquels chacun des oiseaux dont nous avons
parlé vient se reposer. Prenons donc aussi nous-mêmes les ailes de
la colombe (1) et élevons- nous bien haut, afin de pouvoir habiter sur
(1; Allusion à ces paroles du psaume liv^ vers. 7 : a Qui me donnera les ailes de la colombe,
et je volerai, et je me reposerai? »
cans : confer hujusmodi doctriuam dog- 1 marcidumque ebuUit in olera et in her-
matibus pliilosophorum et libris eoruni,
et spleudori eloqueuti;u, compositionique
sermouum ; etvidebis quauto luinuà sit
cœlerisseuiiulbiis semeu Evaugelii.
Chrys. {in //omit. 47 vfsiip.) Vel mi-
bas, qute cito arescunt et corruuut
praedicatiû autem evangelica (qiise parva
videbatur in principio), cum vel in
anima credentis, vel in toto mundo sala
fuerit, non exsurgit in olera, sed crescit
nimiun est semeu Evangelii, quia disci- j in arborem ita ut volucres cœli (quas
puli universis eraut imbecilliores, sed vel animas credenlium, vel fortitudines
tamen quia magna erat virtus in eis, Deiservitio mancipatas sentire debemus)
expansa est eorum prœdicatio ubique
terrarum : et ideo sequitur : « Cum au-
tem creverit, majus est omnibus oleri-
bus, » id est, dogmatibus. Aug. {de
Quœst. Evang. nt sup.) Dogmata autem
sunt placita sectarum, id est, ut placuit
sectis. lliEU. Philosophorum enim doj
veuiant et babiteut in ramis ejus : unde
se(]uitur : « Et lit arbor, iia ut volucres
creli veniant, et habitent in ramis ejus.»
Ramos puto evangelic;c arboris, qui de
grano siuapis creverint, dogmatum esse
diversltates, in quibus supra diclarum
voluorum unaquœque requiescit. Assu-
mata cum creverint, niliil mordax.nibil ; niamus et nos penuas columbaj ut ad
vitale demonstraut, sed lotum llaccidum | aUiora volitantes, possiuius babitart in
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII. 273
les branches de cet arbre, nous construire un nid au milieu des
vérités divines, et nous bâter de fuir la terre et de gagner le ciel.
S. HiL. {ccm. 13.) Ou bien encore le Seigneur se compare lui-
même à ce grain de sénevé qui est d'un goût très-piquant, la plus
petite de toutes les semences , et dont la force augmente lorsqu'il est
broyé.
S. Grég. {Moral. ^ xix, \.) Il est en effet ce grain de sénevé qui,
après avoir été semé dans le jardin de sa sépulture, s'est élevé comme
un grand arbre; c'était un grain lorsqu'il mourut, ce fat im arbre
lorsqu'il ressuscita; c'était un grain par l'humilité de la chair, il
devint un arbre par la puissance de sa majesté. — S. Hil. {can. 43.)
Lorsque ce grain eut été semé dans la terre, c'est-à-dire lorsque le
Sauveur fut tombé au pouvoir de la multitude, qu'il eut été livré par
elle à la mort et que son corps eut été enseveli dans le tombeau comme
un grain qu'on sème dans un champ , il devint plus grand que tous
les légumes et surpassa de beaucoup la gloire des prophètes. La pré-
dication des prophètes fut donnée comme une herbe salutaire au
peuple d'Israël encore faible et infirme , mais aujourd'hui les oiseaux
du ciel se reposent sur les branches de l'arbre. Ces branches de l'arbre,
ce sont les Apôtres qui par la puissance du Christ se sont étendus sur
toute la surface du monde pour lui donner un doux ombrage. C'est
sur ces branches que toutes les nations de la terre viendront dans
l'espérance d'y trouver la vie et un lieu de repos comme sur les
branches d'un arbre , contre la violence des vents , c'est-à-dire contre
les orages que soulève le souffle du démon. — S. Grég. {Moral., xix, 1 .)
Sur ces branches se reposent les oiseaux du ciel ; en effet , les saintes
âmes qui s'élèvent au-dessus des pensées de la terre sur les ailes des
ramis hujus arboris, et nidos nobis
facere doctrinarum, terrenaque fugientes
ad cœlestia festinare.
HiLAR. (cap. i'i, in Matth.) Vel grano
sinapis seipsum Dominus comparavit,
acri seiuiui et omnium semimim mi-
nimo, cujus virtus pressuris accenditur.
Greg. (XIX Moral, cap. 1.) Ipse quidem
estgranum siuapis, qui 'n horto sepultu-
rte plantatus arbor magna surrexit : gra-
num uamque fuitcummoreretur ; arbor
cum resurgeret ; granum])eT liumilita-
tem carnis ; arbor per potentiam majes-
tatis. niLAR.(-i<^sui>.) Graumu igitur hoc
postqnam in agro seminatum fuit (id
est ubi a populo comprobensus et trudi-
tu3 morti, tauquam iu agro luit satione
TOM. II.
quadam corporis cousepultus ) , ultra
mensuram omnium olerum excrevit, et
uuiversam prophetarum gloriam exce-
dit. Oleris enim vice tanq.iam aegroto
Israe'i data est praedicatio prophetarum :
sed jam in ramis arboris cœli volucres
iuhabitaut : apostolos scilicet ex Christi
virtuLe protensos, et muudum iuum-
brantes, in ramis intelligimus ; in quos
gentes in spem vitae advolabunt; et
aurarum turbine (id est, diaboli spi-
ritu natuque) vexatœ, tanquam iu ramis
arboris conquiescent. Greg. (xix Moral.
cap. 1.) In istis etiam volucres requies-
cuut ; quia sanclœ anima?, quœ quibus-
dam virtutum penuis a terrena cogila-
lioue se sublevaut, ia eorum dictis
18
274
EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
vertus , se reposent des fatigues do la vie dans leurs saintes conversa-
tions et dans les consolations dont elles sont la source.
f. 33. — Il leur dit encore cette autre parabole : Le royaume des deux est
semblable au levam qu'une femme prend et qu'elle mêle dans trois mesures
de farine, jusqu'à ce que la pâte soit toute levée.
S. Ghrys. {hom. 47.) C'est pour établir la même vérité que Notre-
Seigneur propose la parabole du levain : « Il leur dit encore cette
autre parabole : Le royaume des cieux est semblable au levain, » etc.,
c'est-à-dire : de même que le levain change et modifie une grande
quantité de farine, en lui communiquant sa saveur; ainsi vous chan-
gerez le monde entier. Et remarquez ici la sagesse du Sauveur ; il
emprunte ses comparaisons à des faits naturels et il montre ainsi que
de môme qu'il est impossible que ces faits ne se produisent pas suivant
leur nature , ainsi en est-il du royaume des cieux. Or, il ne dit pas sim-
plement : Le levain qu'elle place, mais « qu'elle cache, qu'elle mêle, »
paroles dont voici le sens : C'est ainsi que vous-mêmes vous triom-
pherez de vos persécuteurs après vous être mêlés et confondus avec
eux. Car de môme que le levain, bien qu'il soit comme perdu dans la
masse , n'est point détruit , mais communique insensiblement sa force
à toute la pâte , ainsi en sera-t-il de votre prédication. Ne craignez
donc pas les persécutions que je vous ai prédites, car elles ne servi-
ront qu'à vous rendre plus éclatants et à vous faire triompher de tous
vos ennemis. Notre-Seigneur prend ici les trois mesures de farine pour
une grande quantité, et il donne au nombre trois la signification d'un
nombre considérable et indéterminé. — S. Jér. La mesure dont il est
ici question est une mesure en usage dans la Palestine et qui représente
atque consolationibus ab hujnsmodi fati-
gationc vitœ respirant.
Aliam paraholam lor.uliis est eis, dicetis : Simile
est reynum cœlorum fermenta, qiiod acceptum
muîier ahscondit in farinœ satis tribus, donee
fermentatnm est toliim.
CiiRYS. [inhomil. hliilsup.) Ad idem
ostendendum Domiims apponit paraho-
lam de fennento : uiide ditiUur : « Aliam
paraholam loculus est eis : Simile est
regnum cœlorum fermeiito : » (piasi di-
ceret : Sicul fermcntum mullam i'ariuam
transmutât in suani virtutem, ila et vos
tolnm mundum transmulahitis. Kt vide
Cinisli iiruili'utiiiui : ea euim (pi;e sunt
nalurtc iuducit, demnnstraiis ipiouiaui
sicut illa impossibile est non fîeri, ita et
hoc. Non autem dixit quod posuit sim-
pliciter, sed ubscondit : ac si diceret :
ita et vos cum subjecti fuoritis impu-
gnatoribus vestris, tune eos superabitis :
et sicut fermentum sutTodilur quidem,
non autem destruitur, sed paulatim ad
su uni habitum omnia transmutât, sic et
in priedicatione vestra continget : non
itaque quia multas dixi superventuras
vobis vexaliones, limoatis : ita enim
fulgebitis, et omnes superabitis. Tria
autem sata hic pro multis posuit : hune
enim numerum detenninalum pro mul-
titudine indeterminata accepit. Hier.
Salum autem est genus mensura^, juxta
morcm pnivincia' l'alestiiia',. umnn mo-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII. 275
unboisseauetdemi. — S. A\:G.{Qucst. écanr/., i, 12.) Ou bien le levain
c'est la charité , parce qu'elle excite et qu elle échauffe : la femme
représente la sagesse. Ces trois mesures de farine sont ces trois choses
qui se trouvent dans l'homme et qui sont exprimées par ces paroles :
a Ue tout votre cœur, de toute votre âme et de tout votre esprit. »
[Mattli. XXII.) Ou bien elles représentent les trois récoltes qui
donnent : l'une cent, l'autre soixante et l'autre trente ; ou bien les trois
espèces d'hommes dont il est parlé dans Ezéchiel : Noé, Daniel et
Job (1).
Rab. Il dit : « Jusqu'à ce que toute la pâte soit levée, » parce que
la charité cachée dans notre âme doit s'y développer jusqu'à ce
qu'elle ait communiqué sa perfection à l'àme tout entière , ce qui se
commence dans cette vie et s'achève dans l'autre. — S. Jér. Ou
bien encore cette femme qui prend du levain et le met dans trois
mesures de farine, c'est la prédication des Apôtres, ou l'Eglise
formée de différentes nations. Elle prend le levain, c'est-à-dire
l'intelligence des Ecritures, et elle le cache dans trois mesures de
farine : l'esprit, l'àme et le corps, afin de les ramener à l'unité,
et qu'il n'y ait entre eux aucun désaccord. Ou bien encore, nous
lisons dans Platon qu'il y a trois parties dans l'àme : la partie
raisonnable , la partie irascible et la partie concupiscible ; si donc
nous avons reçu le levain évangélique des saintes Ecritures, nous
devons posséder la prudence dans la partie raisonnable, la haine
contre le mal dans la partie irascible, le désir des vertus dans la partie
concupiscible , et tout cela doit être le fruit de la doctrine évangélique
(I) Ezécli. XIV, 14. 0 Si trois hommes justes, Noé, Daniel et Job, sont au milieu d'elle, par leur
propre justice, ils ne délivreront que leurs âmes;» et au verset 16: « Je jure par moi-même,
dit le Seigneur, que si ces trois hommes sont en ce lieu-là, ils ne délivreront ni leurs fils ni leurs
filles, mais eux seuls seront délivrés. »
dium et dimiiliuin accipiens. Aug. [de
Quœst. Evang. lib. i, quœst. 12.) Vel
fermentam dicit dilecliouem, eo quod
fervescere facit et excitât ; muliercm, sa-
pientiam dicit : in farinœ autem satis
tribus iutelliguntur, vel tria in homine :
« ex toto corde, ex tota anima, et ex
tota mente ; » [Muith. 22) vel tria illa
fructifera : « centesinium, sexagesimum
et tricesimum; » {ut sxip.) vel tria illa
gênera liominum : « Noe, Daniel et
Jûb. » (Ezech. 14.)
Rab. Dicit autem, donec fennentatiim
est tolum, quia charitas in nostra mente
recondita eo usque crescere débet, donec
totam mentem in sui perfectionem com-
mutet, quod hic quidem inchoatur, in
futuro vero perficitur. Hier. Vel aliter:
mulier ista quae fermentum accipit et
abscondit, praedicatio milii videtur apos-
tolica, vel Ecclesia de diversis gentibus
congregata : haec toUit fermentum (in-
telligentiam scilicet Scripturarum) , et
abscondit illud in fariuse salis tribus; ut
spiritus, anima et corpus, in unum re-
dacta non discrepent inter se. Vel aliter :
legimus in Platone tria esse in anima :
rationale, irascibile et concupiscibile :
et nos ergo si acceperimus fermentum
evangelicum sacrarum Scripturarum, in
ratione possideamus prudentiam ; in ira,
odium contra vitia ; in desiderio, cupi-
ditatem virtutum, et hoc totum fiet per
evangeUcam doctriuam, quam uobis
276 EXPLICATION DE l'ÉVaNGILE
que notre mère la sainte Eglise nous a communiquée. Je crois devoir
rapporter également l'interprétation de quelques auteurs, d'après
laquelle cette femme est aussi l'Eglise, qui a mêlé la foi à trois
mesures de farine , c'est-à-dire à la croyance dans le Père , dans le
Fils et dans le Saint-Esprit, et lorsque ce précieux levain de la foi a
fait fermenter toute la masse, elle nous conduit à la connaissance non
pas de trois Dieux, mais d'un seul et même Dieu. C'est une pieuse
interprétation; mais ui les paraboles, ni l'explication douteuse d'un
discours énigmatique ne peuvent servir d'appui et de preuve aux
dogmes de la foi.
S. HiL. {can. 13.) Ou bien encore le Seigneur se compare lui-même
au levain ; le levain est fait avec de la farine et il rend à la masse d'où
il est sorti la vertu qu'il en a reçue. Or, c'est ce levain qu'une femme,
la synagogue, a pris et a caclié par la condamnation à mort qu'elle a
prononcée contre le Seigneur. Ce levain , mélangé avec trois mesures
de farine, c'est-à-dire mêlé dans des proportions égales à la loi, aux
propbètes, à l'Evangile , ne fait qu'une seule cbose de ces trois élé-
ments , parce que la propagation de l'Evangile vient accomplir les
prescriptions de la loi et les prédictions des propbètes. Je me rappelle
cependant en avoir entendu plusieurs qui interprétaient ces trois
mesures de farine de la vocation des nations sorties de Sem , de
Cbam et de Japliet. Mais je ne sais si cette interprétation est fondée
en raison , car quoique toutes les nations aient été appelées à l'Evan-
gile, on ne peut dire que Jésus-Cbrist y ait été cacbé; puisqu'au con-
traire il s'y est manifesté avec éclat ; et d'ailleurs ce céleste levain n'a
point communiqué sa vertu à toute la masse des infidèles.
5". 34, 35. — Jésus dit toutes ces choses au peuple en pa7-aboles, et il ne leur
mater Ecclesia prœstitit. Dicam et quo- i mortis abscondit : hoc in farina? luen-
rumdaui intelligeutiam : mulierem istam suris tribus (id est, legis, proplietarum,
et ipsi Eeclesiam interpretautur, qu* ti- Evaugeliorum œqualitate ) coopertum ,
dem homiiiis farinœ satis tribus com- omuia uoum facit ; ut quod lex cousti-
miscuit : sciiicet credulitati Patris, et i tuit , propbetœ nuutiaverunt , idipsum
Filii, et Spiritus Saucti, et cuui in unuui Evaugeliorum profectibus expleatur :
fuerit termentata, non nos ad triplicem ' quanquam ad trium gentium vocationem
Deum, sed ad uuius Diviuitatis perdu- (ex Sem, Cham et Japhelb) très men-
cit nolitiaui. Pius quideui sensus, sed { suras fariuœ esse rel'erendas sensisse
nunquam parabobv et dubia senigmatum ! multos memiui : sed nescio an hoc ita
intelligenlia possuut ad auctoritatem
dogmatum proticere.
liiL^vR. (cap. 13 ut stip.) Vel aliter :
fermeuto se Dominus euuiparavit : fer-
nientum enim de farina est, quod vir-
tulem acceptam acervo sui generis
reddit : hoc ;.utem fermentum acccptum
opmari ratio permittat; cum etsi om-
nium gentium voeatio sit, in his tameu
Christus nouabscousussit, sed osteusus;
et in tanta iulidehum multitudine non
fermentatum sit tôt uni.
Ilœc omnia loculus est Jésus in partiLolis ad
mulicr (syuagoga sciiicet) per judicilim | turbas, et sine ptiraUuUs non to(^uebatur eis
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII.
277
parlait point sans paraboles, afin que cette parole du Prophète fût accomplie :
J'ouvrirai ma bouche pour parler en paraboles; je publierai des choses qui ont
été cachées depuis la créatio?i du inonde.
S. CnRYS. {hom. 48.) Après avoir rapporté ces paraboles, l'Evangé-
liste, voulant prouver que Notre-Seigneur n'introduisait pas en cela
de nouveautés , cite le prophète qui avait prédit ce mode d'enseigne-
ment. «Or Jésus dit toutes ces choses, j» etc. Saint Marc dit qu'il parlait
en paraboles pour se mettre à la portée de leur intelligence {Marc^ iv).
Ne soyez donc pas surpris si , en parlant du royaume des cieux , il
emprunte les comparaisons de la semence et du levain; il s'adressait à
des hommes ignorants et qui avaient besoin de cette méthode simple
pour être amenés à la vérité. — Rémi. Le mot parabole, en grec
comme en latin, signifie comparaison qui sert à démontrer la vérité,
car elle nous découvre dans les différentes parties de la comparaison
des expressions figurées et des images de la vérité.
S. Jér. Ce n'est pas aux disciples, mais au peuple qu'il parlait en
paraboles, et encore aujourd'hui c'est le langage que le peuple entend
volontiers; aussi l'Evangéliste ajoute-t-il : «Et il ne leur parlait point
sans paraboles. » — S. Chrys. {hom. 48.) Cependant il a parlé souvent
au peuple sans paraboles, mais dans cette circonstance il ne leur
parla qu'en paraboles. — S. Aug. {Quest. év.) Ou bien l'Evangéliste
s'exprime ainsi, non que le Seigneur n'ait jamais parlé dans le sens
littéral, mais parce qu'il n'a presque jamais fait de discours où il n'ait
enseigné quelque vérité sous le voile de la parabole, bien qu'il y ait
parlé en même temps dans le sens littéral; c'est- à dire que souvent
son discours est tout entier composé de paraboles , tandis qu'on n'en
ut impleretur qiiod dictum erat per prophe-
tam , dicentem : Aperiam in paraboUs os
meum ; eructabo abscondita a constitutione
mundi
Chrys. {in homil. 48, in Matth.) Post
praemissas parabolas ne aliquis opiaare
lur quod Christus nova indiiceret, iu-
duxit Evangeliita Prophelaui, etiam hune
praedicentem doctrinse niodum : et ideo
dicit : « Hsec omnia locutus est, » etc.
Marcus aiitem ait (cap. 4) : « Quoniam
sicut poterant audire, loquebatur eis ser-
moneui in parabolis : « unde non mire-
ris si de règne disputans, grani et fer-
menti meminit : liomiuibus enira loque-
batur idiotis et indigentibus ab his in-
duci. Remig. Parabola graece latine
dicitur similitudo, per quam veritas
demonstratur. Ostendit quippe in ipsa
siniilitudine quasdam figuras verborum
et imagines veritatis.
Hier. Non autem discipulis, sed turbis
parabolas loquebatur ; et usque hodie
turbse in parabolis audiunt : et ideo di-
citur : « Et sine parabolis non loqueba-
tur eis. » Chrys. (in homil. 48. Quam-
vis enim et multa sine parabolis turbis
dixerit, sed tameu tune uiliil. Aug. [de
Quœst. Evang. vt Malth. quœst. 14.)
Yel hoc dicitur, non quia nihil proprie
locutus est, sed quia nuUum fere ser-
monem explicavit, ubi non per para-
bolam aliquid significaverit , quamvis
in eo aliqua et proprie dixerit , ita ut
sœpe inveniatur totus sermo ejus para-
bolis explicatus, lotus autem proprie
278
EXPLICATION DE L EVANGILE
trouve aucun qui soit tout entier dans le sens littéral. Par discours
entiers et complets, j'entends ceux (^uc le Seigneur faisait suivant que
l'occasion se présentait, jusqu'à ce que la matière qu'il traitait, étant
terminée, il passait à un autre sujet. On ne peut nier du reste que
souvent un évangéliste présente en un seul discours ce qu'un autre
évaugéliste rapporte comme ayant été dit en plusieurs circonstances
différentes, parce qu'il s'attache dans sa narration , non pas à l'ordre
historique des faits, mais à l'ordre dans lequel ils se présentent à son
souvenir.
Or, l'auteur sacré nous apprend pourquoi il parlait en paraboles :
a C'est afin que cette parole du Prophète fût accomplie.» — S. Jér. Ce
témoignage est emprunté au psaume lxxvii. Dans quelques manus-
crits, au lieu de la traduction de la Yulgate que nous avons rapportée :
« Afin que cette parole du prophète fut accomplie , » on lit : « Cette
parole du prophète Isaïe. » — Rémi. Porphyre prend occasion de là
pour faire cette objection aux chrétiens : Votre Evangéliste a poussé
la sottise jusqu'à attribuer à Isaïe ce qui se trouve dans les psaumes
et à citer ce témoignage comme venant du prophète Isaïe. — S. Jér.
Comme cette citation ne se trouvait nullement dans Isaïe, j'avais d'a-
bord pensé que des hommes instruits avaient fait disparaître le nom
du prophète. Mais je crois maintenant que le texte portait primitive-
ment : « Ce qui a été écrit par le prophète Asaph. » En effet, le
psaume ixxii , auquel est emprunté ce • témoignage , a pour titre :
« Au prophète Asaph. » (I) Les premiers copistes n'auront pas
compris ce nom d'Asaph et, croyant que c'était une faute d'écriture,
(1) Ou plutôt, d'après le grec •. Intelligence d'Asap/i.
dictus nuUus inveniatur. Explicatos au-
tem sermones dico, quando ex aliqua
occasione rerum iucipit loqui quousqiie
terminel quicqnid ad ipsam rem perti-
net, et transeat ad aliud. Nomiunquam
sane alius evanp;eli#ta contexit. qiiod
aliud divcrsis teniporibus dictum indi-
cat : non enim oninino secuuduni reruni
gestarum ordineni, sed secimdum siuT,
quisque recordatiouis faoultateui, uarra-
tionem quam exorsus est ordinavit.
Quare aiitcm in parabolis loquebatur
manifestai Evanfçelista, cum subdit : «Ut
adlmpleretur quod dictum crat pt>r Pro-
pbetam, » etc. Hier. Hoc testimonium
de 77 psalm. sumptum est. Legi iu non-
nullis codicibus oo loco, ubi nos posui-
mus, et vulgata editiohabet : « Ut adlm-
pleretur quod dictum est per Prophetam
dicentem, » ibi scriptum : « Per Isaiam
propbetam dicentem. » Rkmig. Uude
Porpliyrius objecit fidelibus : « Evange-
lista vester tautae insipieutia? fuit, ut
(piod l'operitur in psalmis, ipsc deputa-
voril Isaite » fid est, velut ex Isaice pro-
plietia desumptum retulerit.) HiEU.
Qiiia ergo minime invcniebatur in Isaia,
arljitror postea a prudentibus viris esse
sublatum : sed milii videtur in prlncipio
ita editnm : « Quod scriptum est per
Asaph proplietam dicentem ; septuage-
simus enim septimus psalmus (de quo
sumptum est boc tçstimonium ) Asaph
Prophetœ inscribitur , et primum scrip-
torem non intellexisse Asupfi , et pu-
tasse scriptoris vitium, atque emea-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XllI. 279
ils auront remplacé ce nom par le nom plus connu d'Isaïe; car il faut
se rappeler que non-seulement David, mais tous les autres dont les
noms se trouvent en tête des psaumes, des hymnes et des divins can-
tiques, tels qu'Asaph, Tditliuu, Eman Ezarite et d'autres dont l'Ecri-
ture fait mention, méritent le nom de prophète. Quant à ce qui est dit
de la personne du Christ: «J'ouvrirai ma bouche en paraboles,» etc.,
si nous considérons attentivement ces paroles , nous y verrons la des-
cription de la sortie d'Israël de la terre d'Egypte , et le récit de tous
les miracles qui sont contenus dans l'Exode; d'où nous devons con-
clure que tout ce qui se trouve écrit dans ce livre doit être pris dans
un sens allégorique et nous révèle des mystères cachés. Ce sont ces
vérités mystérieuses que le Seigneur promet de dévoiler, lorsqu'il dit :
« J'ouvrirai ma bouche en paraboles. » — La Glose (1). Ces paroles
veulent dire : J'ai parlé autrefois par les prophètes; je parlerai main-
tenant moi-même en paraboles , et je ferai sortir du trésor de mes
secrets des mystères qui s'y trouvaient cachés depuis la création du
monde.
y. 36-43. — Alors Jésus, ayant renvoyé le peuple, revint dans la maison, et
ses disciples, s' approchant de lui, lui dirent : Expliquez-nous la parabole de
l'ivraie semée dans le champ. Et leur répondant, il leur dit : Celui qui sème
le bon grain, c'est le Fils de l'homme. Le champ, c'est le monde. Le bon
grain, ce sont les enfants du royaume. Et l'ivraie, ce sont les enfants d'ini-
quité. L'ennemi qui l'a semée, c'est le diable. Le temps de la moisson est la
fin du monde. Les moissonneurs sont les anges. Comme donc on cueille
l'ivraie et qu'on la brûle dans le feu, il en arrivera de même à la fin du
(I) La Glose iaterlinéaire, avec quelques changements. On retrouve plus littéralement ce pas-
sage dans saint Anselme.
dasse uonieu Isaiœ , cujus vocabu-
lum nianifestius erat. Sciendum est ita-
que quod , non solum David, sed etiam
cœteri (quorum in psalmis, et byninis,
et canticis Dei prœscripta sunt nomina)
prophetœ sunt appellandi, Asaph vide-
licet, et Idithum, et Kuiani Ezarites, et
reliqui quos Scriptura commémorât :
quodque in periona Domini dicitur :
« Aperiam in parabolis os meum, » etc.
considerandum atteutius, et inveniemus
describi egressum Israëlis ex ^Egypto ;
et omnia signa narrari quse in Exodi
continentur liistoria : ex que intelligi-
gimus universa iUa quae ibi scripta sunt
parabolice sentienda et manifestare abs-
coridita sacramenta : hoc enim se Sal-
vator dicturum esse promittit, dicens :
« Aperiam in parabolis os meum. »
Glossa. Quasi diceret : Qui prius locu-
tus sum per propbetas, modo in propria
persoua aperiam os meum in parabolis ;
et eructabo de thesauro meisecreti (sive
emittam) mysteria, quse absconditaerant
a constitutione mundi. »
Tune dimissis turhis, venit in domiini , et acces-
serunt ad eitm diseipuli ejiis dicentes : Edis-
sere nobis parabolam ziznniorum agri. Qui
respondens ait illis : Qui seminat bonum se-
men, est Filius hominis ; ager autem est mun-
dus; bonum vero semen, hi sunt filii regni;
zizania autem filii sunt neguam; inimicus au-
tem qui seminavit ea , est diabolus; messis
vero consummatio sec/U est; tnessores autem
angeli sunt. Sicut ergo colliguntur zizania, et
igni comburuntur , sic erit in consummatione
280
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
monde. Le Fils de l'homme enverra ses anges, qui ramasseront et enlèveront
hors de son royaume tous les scandales et ceux qui commettent l'iniquité; et
ils les précipiteront dans la fournaise du feu. C'est là qu'il y aura des pleurs
et des grincements de dents. Alors les justes brilleront comme le soleil dans
le royaume de mon Père. Que celui-là entende qui a des oreilles pour en-
tendre.
S. Chrys. {hotn. 48.) Le Seigneur avait parlé au peuple en para-
boles pour lui douncr l'occasion de l'interroger; mais quoiqu'il leur
eût dit beaucoup de choses en paraboles, personne cependant ne lui
adressait la parole. Il renvoya donc la multitude, comme le remarque
l'Evangéliste : « Alors, ayant renvoyé le peuple, il revint dans la mai-
son. » Aucun des scribes ne l'y suit, ce qui prouve clairement qu'ils
ne le suivaient auparavant que pour le surprendre dans ses dis-
cours (1). — S. JÉR. Or, Jésus renvoie le peuple et rentre dans la
la maison pour donner à ses disciples la facilité de s'approcher de lui,
et de lui faire en secret des questions sur ce que le peuple ne méritait
ni n'était capable d'entendre.
RiVB. Dans le sens mystique , c'est après avoir congédié la foule
tumultueuse des Juifs qu'il entre dans FEghse formée des nations, et
c'est là qu'il expose aux fidèles les mystères du royaume des cieux :
« Et alors ses disciples s'approchèrent, » etc. — S. Chrys. {hom. 48.)
Autrefois, pleins du désir d'apprendre, ils craignaient de l'interroger;
maintenant ils le font librement et avec confiance , parce qu'il leur a
dit : « 11 vous a été donné de connaître les mystères du royaume des
cieux. » C'est pour cela qu'ils l'interrogent en particulier, c'est-à-dire
en secret et non point par un sentiment de jalousie contre la multi-
(1) Comme on le verra plus tard des pharisiens, des hérodiens, et dessadducéens, chap. xxii.
seculi : mittel Filius hominh anrjelos suos : et
colligent de regno ejus omnia scandala, et eos
qui faciunt iniquitalem; et mittent eos in ca-
mimtm ignis : Un erit fletus et stridor den-
tiuin ; tune justi fulgebunt nicut sol in regno
Patris eorum. Qui habet aures audiendi, ati-
diat.
Chrys. [in hom. 48 ut sup.) Locutus
fuerat Dominns turbis in parabolis ut eos
ad iuLerroganduin induceret; et qiiam-
vis mulla in i)arabolls dixisset, nullus
tamen euui interrofiavit : et ideo eos
dimiriit : uude sequitur : « Tune dimissis
turbis, venit in domuui. » Nullus aulem
scribarum eura sequitur : unde uiani-
festun) est quod propter nibil aliud prius
sequebautur quam ut eum caperent in
sermone. Hier. Diiuittit autem turbas
Jésus, et domuni reverlitur, ut accédant
ad eum discipuli , et secreto interrogent
quœ populus nec merebatur audire nec
poterat.
ILvB. Mystice autem dimissa turba
tumulluanlium Judaeorum , iugreditur
Ecclesiam gentium, et ibi tidelibus expo-
nit sacramcnta cœlestia : unde sequitur :
« Et accesseruut ad eum discipuli, » etc.
CiiRYS. (in hom. 48 itt sup.) Cum ali-
quando volentes discere formidaverint
interrogare, nunc libère interrogant,
et confisi sunt , quoniam audieraut :
« Vobis datum est nosse mystcrium
regni Dei : » ideoque siugulariter (sive
seorsim) interrogant, non multitudi-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII.
281
tude qui n'avait pas reçu la même faveur. Ils laissent de côté la para-
bole du levain et celle du sénevé comme plus claire, et ils l'interrogent
sur la parabole de l'ivraie , parce qu'elle a de l'analogie avec la para-
bole de la semence et qu'elle contient quelques particularités de plus.
Le Seigneur leur explique donc cette parabole : « Et leur répondant,
il leur dit : Celui qui sème le bon grain, c'est le Fils de l'homme. » —
Rémi. Notre-Seigneur s'est appelé le Fils de l'homme pour nous laisser
un exemple d'humilité, ou bien parce qu'il devait se rencontrer des
hérétiques qui nieraient son humanité. Ou bien encore, c'est afin que
par la foi à son humanité, nous puissions nous élever jusqu'à la con-
naissance de sa divinité.
a Le champ, c'est le monde, » etc. — S. Chrys. {hom. 48.) Gomme
c'est lui-même qui sème son champ, il faut en conclure que le monde
actuel lui appartient. « La bonne semence, ce sont les enfants du
royaume. » — Rémi. C'est-à-dire les saints et les élus qui sont mis au
nombre des enfants de Dieu. — S. Aug. {Contre Fauste, xviii, 7.)
L'ivraie, d'après l'explication du Sauveur, ce ne sont pas quelques
erreurs mêlées à la vérité des saintes Ecritures (suivant l'interpréta-
tion des Manichéens), mais ce sont tous les enfants de l'esprit mauvais,
c'est-à-dire les imitateurs des mensonges du démon. «L'ivraie, dit
Notre-Seigneur, ce sont les enfants d'iniquité, » dénomination qui
comprend tous les impies et tous les méchants. — S. Aug. {Quest.
évang.^ liv. vi, quest. 2.) Toutes les mauvaises herbes qui se trouvent
dans les moissons reçoivent le nom d'ivraie. L'ennemi qui la sème,
c'est le démon. — S. Chrys. {hom. 48.) C'est en effet une des ruses
du démon de mêler toujours l'erreur à la vérité. « La moisson, c'est
nem aBmulantes quibus non erat datum.
Dimittunt autem parabolam fermenti et
sinapis , ut manifestiores ; interrogant
autem de parabola zizaniorum , quia ha-
bet convenientiam ad prœmissam para-
bolam de semine, et aliquid amplius
ostendit. Dominus autem quse esset para-
bola exponit : uude sequitur : « Qui res-
pondens ait eis : qui seminat bonum se-
men est Filius hominis. » Remig. Ideo
autem Domiuus se Filhini hominis ap-
pellavit, ut hoc indioio nobis exeuiplum
humilitatis relinqueret ; sive quia futu-
rum erat ut liBeretici negarent eum ve-
rum liominem esse; sive ut per huma-
nitatis fidem possimus conscendere ad
Divinitatis cognitionem.
Sequitur : « Ager autem est mun-
dus, » etc. Chrys. [inhomil. 48 ut sup.)
Cum autem ipse sit qui seminat agrum
suum, manifestum est quod prœsens
mundus est ejus. Sequitur : « Bonum
vero semen hi sunt filii regni. » Remig.
Id est, sancti et electi viri, qui iuter filios
computautur. Acg. [contra Fcmstum,
lib. 18, cap. 1.) Zizania autem exponit
Dominus non aliqua falsa veris Scriptu-
ris immissa (sicut Manichaeus iuterpre-
tatur), sed omnes filios maligni, id est,
imitatores diabolicae falsitalis, uude se-
quitur : « Zizania autem sunt filii ne-
quam, » per quos omnes impios et mali-
gnos vult intelligi. Aug. [de Quœst.
Èvang. lib i, qusest. 11.) Omnis autem
immunditia in segete zizania dicuntur,
Sequitur : « Inimicus qui seminavit ea,
est diabolus. » Chrys. {in homil. 48 ut
sup.) Etenim hoc diabolicae est machina-
282
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
la fin du monde. » Notre-Seigneur dit dans un autre endroit, mais en
parlant des Samaritains : « Levez vos yeux et regardez les campagnes
comme elles blanchissent déjà pour la moisson. » [Jean, iv.) Et
ailleurs : « La moisson est grande , mais il y a peu d'ouvriers , »
paroles qui signifient que le temps de la moisson est arrivé. Pourquoi
donc déclare-t-il qu'elle n'aura lieu que plus tard? C'est qu'il l'entend
ici dans un autre sens. Aussi, tandis que dans les paroles qui pré-
cèdent il dit que l'un sème et que l'autre moissonne , il déclare ici
que c'est le même qui sème et qui moissonne ; car lorsqu'il dit que
celui qui sème n'est pas celui ijui moissonne , ce n'est pas entre lui et
les prophètes, mais entre les prophètes et les Apôtres qu'il veut établir
une distinction , puisque c'est le Christ qui a semé lui-même par les
prophètes dans la Judée et dans la Samarie. C'est donc sous deux
sens différents qu'il prend dans ces deux circonstances les mots de
semence et de moisson. Lorsqu'il parle d'obéissance et de soumission
à la foi, il se sert du nom de moisson, parce qu'elle est le principe
et la cause de toute perfection ; mais lorsqu'il est question du fruit
qu'on doit retirer de la parole de Dieu, comme dans cet endroit, il
appelle la moisson la consommation de toutes choses. — Rémi. La
moisson désigne le jour du jugement où les bons seront séparés des
méchants par le ministère des Anges, ainsi qu'il le dira plus bas :
« Le Fils de l'homme viendra juger le monde avec ses anges ; » et
c'est pour cela qu'il dit : « Les moissonneurs sont les anges. »
« De même que les moissonneurs ramassent l'ivraie, ainsi les anges
feront disparaître de son royaume tous les scandales. » — S. Aug.
(Cité de Dieu., ix.) Est-ce donc de ce royaume où il n'y a plus de scan-
tiouis veritati semper iuserere errorem
sequitur : « Messis vero consummatio
est seculi. » Alio autem loco ait, sed de
Saïuaritauis loqueus [Joan. 4) : « Levate
oculos vestro?, et cousideratc regiones,
qnouiam jam albœ suut ad messem. »
Et nirsus {Matth. 9, et Luc. 10) : «Jles-
sis quidem milita, operarii autem paiici:))
in quibusverbis messem dioit jamadesse.
Qualiter ergo hic eam dicit esse fntu-
ram ? Sed soienùum quod iu alia sigui-
ficatione messem dicit : iinde et ihi
dicit (/of7»i. 4) quod « alius est qui semi-
nat, et alius qui metit ; » hic autem
eumdeiii dicit esse qui seniiuat, et qui
metit ; quouiam ibi non ad sui differeu-
tiam, sed apostolorum prophetas iuduxit :
et euim ipse Christus per propiietas se-
minavlt in Judœis et Samarilanis. Idem
ergo nominal semen et messem secun-
dum aliud et aliud. Cum enim de obe-
dientia loquitur, et persuasione ad fidem,
tune vocat messem, sicul in quo totum
perfîcitur ; sed cum inquirit de fruclu
auditionis verbi Dei, tune consumma-
tioncm dicit messcvi; sicut hic. Remig.
Per messem enim designatur dies judi-
cii, in quo separandi suut boni a malis,
quod fiet miuisterio augelorum : uude
infra dicitur (cap. 23) quod veniet FiUus
hominis cum angelis suis judicare : »
propter quod sequitur : « Messores au-
tem augeli sunt. »
Sequitiu? : « Sicut ergo coUiguntur ziza-
nia, etc., sic angeli colligent de regno
ejus omnia scandala, » etc. Auc (xx de
Civit. Dei. cap. 9.) ^'unquid de regno
illo, ubi nuUa sunt scandala? De regno
DE SAINT MATTHIEU^ CHAP. XIII. 283
dales? Non, c'est de ce royaume qui est sur la terre, c'est-à-dire de
l'Eglise, qu'ils les feront disparaître. — S. AuG. {Quest. évmir/., i, 10.)
L'ivraie qu'on met d'abord de côté signifie que c'est après que les
persécutions auront exercé leur empire que les bons seront séparés
des mécbants; ce sont les bons anges qui feront cette séparation , car
ils peuvent s'acquitter de cette œuvre de justice avec une intention
droite et pure, tandis que les méchants sont incapables d'accomplir
le ministère de la miséricorde. — S. Chrys. {hom. 4.8.) Ou bien on
peut entendre par ce royaume l'Eglise du ciel, et Notre-Seigueur nous
révèle ici la double peine des réprouvés, la privation de la gloire,
par ces paroles : a Et ils enlèveront tous les scandales de son royaume,»
pour les en bannir à tout jamais, et le supplice du feu par ces
autres : « Et ils les précipiteront dans la fournaise du feu. » —
S. JÉR. (1). Tous les scandales sont figurés ici par l'ivraie; mais en
disant : « Ils enlèveront de son royaume tous les scandales , et tous
ceux qui font l'iniquité, » Notre-Scigneur veut distinguer entre les
hérétiques et les schismatiques. Ceux qui sont une cause de scandale
sont les hérétiques , ceux qui commettent l'iniquité représentent les
schismatiques. — La Glose (2). Ou bien dans un autre sens, il faut
entendre par les scandales tous ceux qui sont pour le prochain une
occasion de chute ou de ruine , et par ceux qui commettent l'ini-
quité, les pécheurs quels qu'ils soient. — Rab. Remarquez que
Notre-Seigneur dit ; « Ceux qui font, » et non pas ceux qui ont fait
l'iniquité ; car ce ne sont pas ceux qui font pénitence , mais ceux qui
persévèrent dans leurs péchés qui seront livrés aux supplices éternels.
f() On ne trouve rien de semblable, ni dans saint Jérôme, ni dans Raban, ni dans Bède, ni
dans aucun autre auteur.
(2) On ne trouve cotte citation ni dans la Glose actuelle, ni dans saint Anselme.
ergo islo ejus quod est hic (scilicel Ec-
clesia) coUigeutur. Alg. {de Quœst.
EviuKj. lib. I, cap. 10 etH.) Quod autem
primo separautur zizania, hoc est, quia
tribulatioue praecedente separabuutur
impii a piis; quod per honos angelos in-
felligitur iieri, quia officia vindicta; pos-
suul iuiplere bono animo, quoniodo lex,
quouiodo judex ; officia vcro uiisericor-
dio", niali iinplere non possunl. Chrys.
{in homil. 48 ut sup.) Vel potest intel-
ligi de regno cœleslis Iv'clesife et tune
ostenditur liic duplex pœna : videlicet
quod excidunt a gloria, in hoc quod
dicit : « El coUigent de regno ejus om-
nia scandala » (scilicet ne scaudala in
regnum ejus intrent), et quod combu-
ruulur, in hoc quod subdit : « Et niit-
teut eos in camimim ignis. Hier. Omnia
autem scandala referuntur ad zizania :
in hoc autem quod dicit : « Et colligent
de regno,)) etc. inter hœrelicosetschis-
niaticos volait distinguere, ut per eos
qui faciunt scandala, intelligantur hœre-
tici; per eos vero qui faciunt iuiquitates,
intelligantur scbismatici. Glossa. VelaU-
ter : Per scandala possunt intelligi illi
qui prœbent proximo occasionem offen-
siouis aut ruinrc ; per fucientes iniqiii-
latem, quicuuque peccantes. Rab. Ob-
serva quod dicit : « Et eos qui faciunt
iniquitatem, )) non « qui fecerunt ; » quia
non qui conversi sunt ad pœniten-
tiam , sed solum qui permanent ia pec-
catis , seternis crucialibus mancipandi
erunt.
28i
EXPLICATION DE L EVANGILE
S. Chrys. {hom. 48.) Considérez ici l'amour ineffable de Dieu pour
les hommes, il est toujours prêt à répandre sur nous ses bienfaits et il
ne punit qu'à la dernière extrémité. Lorsqu'il s'agit de semer, c'est
lui-même qui sème , et lorsqu'il faut qu'il punisse , il se décharge de
ce soin sur les anges.
« C'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. » —
Rémi. Ces paroles sont une preuve de la résurrection véritable des
corps (1) et nous y voyons annoncés la double peine de l'enfer, une
excessive chaleur et un froid des plus rigoureux. Or, de même que
l'ivraie représente tous les scandales, ainsi tous ceux dont Notre-Sei-
gneur dit ici : « Alors les justes brilleront comme le soleil dans le
royaume de leur Père , » seront mis au nombre des enfants du
royaume. Dans ce monde ^ la lumière que répandent les saints brille
aux yeux des hommes; après la consommation des siècles , les justes
brilleront eux-mêmes comme le soleil dans le royaume de leur Père.
— S. Chrys. {hojn. 48.) Notre- Seigneur ne veut pas dire que leur
éclat sera tout juste égal à l'éclat du soleil, mais il se sert de cette
comparaison parce que parmi les astres qui nous éclairent, il n'en est
point qui brille d'un plus vif éclat que le soleil. — Rémi. Ces paroles :
a Alors ils brilleront, » signifient que les saints brillent sur cette terre
par leurs exemples, mais qu'ils brilleront alors comme le soleil pour
la plus grande gloire de Dieu.
cr Que celui-là entende qui a des oreilles pour entendre. » —
Raban. C'est-à-dire que celui qui a de l'intelligence comprenne,
parce que toutes ces paroles doivent être entendues dans un sens mys-
térieux,
(1) Comme elle est indiquée dans le livre de Job (xxiv, 19).
Chrys. {in homil. 48 ut sup.) Vide au-
tem ineffabilein Dei amorera ad homi-
nes. Est enim ad bénéficia promplus et
ad pœuam tardas. Cum enim semiuat,
per seipsum seiuiuat ; cum autem punit,
per alios; miltit enim ad hoc angelos
suos.
Sequitur : « Ibi erit fletus et stridor
dentium. » Rfmig. His verbis denions-
tratur vera corporum resurrectio : nihil-
ominus ostenditur per hoc duplex pœna
iuferi : scilicet nimii caloris, et niniii
frij^oris; sicut autem scandala referuntur
ad zizania, ita isti reputantur in filios
regni de quibus sequitur : « Tune justi
fulf^ebunt sicut sol in regno Patris eo-
rum : » in praesenti enim seculo fulget
lux sauctorum coram hominibus; post
coDsuuimationem autem muudi , ipsi
justi fulgebunt sicut sol in regno Patris
sui. Chrys. {ut snp.) Non quia ita solum
sicut sol, sed quia hoc sidère aliud ma-
gis luculentum non noscimus, coguilis
nobis utitur exemplis. Remig. Quod au-
tem dicit : « Tune fulgebunt, » intelli-
geudum est quia et nunc fulgent in exem-
pliuu aliorum, sed tune fulgebunt sicut
sol ad laudandum Deum.
Sequitur : « Qui habet aures audiendi
audiat. » Rab. Id est, qui habet iuteUec-
tum, intelligat, quia mj'stice haec om-
nia intelligenda sunt.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII.
28i
f. 44. — Le royaume des cieux est semblable à un trésor caché dans un champ,
qu'un homme trouve et qu'il cache; et, dans la joie qu'il ressent, il va vendre
tout ce qu'il a et achète ce champ.
S. CiiRïs. {ho}n. 48.) Les paraboles précédentes du levain et du
grain de sénevé avaient pour objet de faire ressortir la puissance delà
prédication évangélique qui a triomphé (1) du monde entier; Notre-
Seigneur veut faire connaître maintenant tout le prix et la magnifi-
cence de cette sublime doctrine, et il se sert pour cela de la parabole
du trésor et de la pierre précieuse : « Le royaume des cieux est sem-
blable à un trésor caché dans un champ. » La prédication de l'Evan-
gile est cachée dans le monde , et si vous ne vendez pas tout ce que
vous possédez, vous ne pourrez l'acheter. Il faut de plus faire ce sacri-
fice avec joie. « Lorsqu'un homme le trouve, il le cache. » — S. Hil.
Ce trésor se trouve sans qu'il en coûte rien, car la prédication de
l'Evangile est sans conditi(»n ; mais il faut nécessairement acheter le
droit d'user de ce trésor et d'en devenir le possesseur ainsi que du
champ qui le renferme , car on ne peut posséder les richesses du ciel
sans être disposé à leur sacrifier les biens de la terre. — S. Jér. FI
cache ce trésor , ce n'est point par un sentiment d'envie , mais il le
cache dans son cœur par le désir de conserver et par la crainte de
perdre ce trésor qu'il a su préférer aux richesses qu'il possédait.
S. GftÉG. {hom. 12 sur les Evang.)0\i bien ce trésor caché dans un
champ, c'est le désir du ciel : le champ dans lequel il est caché, c'est
la perfection et la sainteté de la vie qui conduit au ciel. Lorsqu'un
homme a trouvé ce trésor, il le cache pour le conserver, car le goût et
(1) Ou qui triomphera, d'après le texte grec, où le verbe TiepiÉaiat est au futur.
Simile est regnum cœlorum thcsauro abscondito
inagro, quem qui invenit /tomo , abscondit,
et prœ gaudio illius vadit , et vendit universa
quœ habet, et émit agrum illum.
Chrys. (in homil. 48 ut sup.) Para-
bolte quas supra Dominiis posuerat de
fermento et sinapi, ad virtulem evange-
licae prœdicatiouis referimlur, quouiam
superavit orbem terrarum : nuuc autem
ut pretiositatem et maguificenliam ejus-
dem osteuderet, propouit parabolam de
Ihesauro et margarita, dicens : « Simile
est regûum cœlorum Ihesauro abscou-
dito in agro : » prœdicatio enim Evan-
gelii occulta est iu muiido ; et, si nou
vendiderisonmia, uon emes eam; etcum
gaudio hoc oportet facere : unde sequi-
tur : « Quam qui invenit homo abscon-
dit. » HiLAR. Hic quidem thésaurus gra-
tis iuveuitur : evangeliorum enim prœ-
dicatio in absoluto est : sed utendi et
possidendi hujusmodi thesauri cum agro
potestas non potest esse sine pretio ;
quia cœlesles divitiœ non sine damno
seculi possideutiir. Hier. Quod autem
abscondit, non de invidia facit ; sed ti-
moré servantis et noleutis perdere, abs-
condit in corde, quem prislinis pra;tulit
facultatibus.
Greg. {in homil. 12, in Evang.) Vel
aliter : thésaurus iu agro absconditus,
est cœleste desiderium: ager vero in qiio
thésaurus absconditur, est disciplina stu-
dii cœlestis ; quem scilicet thesaurum
286 • EXPLICATION DE l'ÉVANGILR
le désir ardent des biens célestes ne suffisent pas pour défendre ce tré-
sor contre les esprits mauvais , si celui qui le possède ne s'efforce pas
de le dérober aux attaques des louanges des hommes. Eu effet;, la vie
présente est semblable à une route que nous parcourons pour arriver
à la patrie; mais cette route se trouve assiégée par les esprits mauvais
comme par autant de voleurs de grand chemin. Ceux donc qui portent
ce ti'ésor à découvert semljlent vouloir devenir la proie des voleurs. Je
ne veux pas dire que notre prochain ne doive pas être témoin de nos
bonnes œuvres, mais simplement qu'il ne faut pas dans nos actions
nous proposer les louanges des hommes. Or, le royaume des cieux est
comparé aux choses de la terre, pour que notre esprit puisse s'élever
de ce qu'il connaît à ce qu'il ne connaît pas encore, et que de l'amour
qu'il donne aux choses dont il a la connaissance , il apprenne à aimer
ce qu'il ne connaît pas. « Et dans la joie qu'il en ressent, » etc. On
achète le champ avec le prix de tous les biens qu'on a vendus , lors-
qu'on renonce aux voluptés charnelles et qu'on foule aux pieds tous
les désirs terrestres par une obéissance entière aux lois qui conduisent
au ciel.
S. Jér. Ou bien encore ce trésor dans lequel sont cachés tous les
trésors de la sagesse et de la science (1), c'est ou le Verbe Dieu qui est
comme caché dans la nature humaine de Jésus-Christ, ou bien les
saintes Ecritures dans lesquelles est renfermée la connaissance du
Sauveur. — S. AuG. {Quest. Evang., liv. i, chap. 13.) Ce trésor
caché dans le champ, ce sont les deux Testaments qui se trouvent
dans l'Eglise ; lorsqu'un homme parvient à les atteindre par une partie
seulement de son intelligence, il comprend que ce champ renferme
de grandes richesses , il s'en va , il vend tout ce qu'il possède et il
(1) Allusion à ce que l'Apùtre dit de Jésus-Christ. Coloss. il, 3.
cum invenit homo, abscondit (scilicet ut
servetur), quia studium cœlestis deside-
rii a malignis spiritibui custodife nou
sufficit qui lioc ab liumauis laudibus uou
abseondil : iu prajsenti elenini vita quasi
lu via sumus qua ad palriam pergimus ;
maligni autem spiritus iter uostruui,
quasi quidam latruucub, ubsident. De-
praidari ergo desideranl qui thesaurum
pubbce porlaul in via. iloc autem dico,
non ut proximi uostri opéra uostra boua
non videant, sed ut per boc quod agi-
nius, laudes exlcrius nou qua^ramus.Cœ-
lorum autem regnum idcirco terrenis
rébus similo dicitur, ut ex bis qute aui-
nuis uovil, surgatad iucognita qu;c nou
novil; ut per boc quod seiL noliun dili-
gere, discat et ignotum amare : sequi-
tur : « Et pr.e gaudio, » etc. agrum pro-
fecto venditis omuibus comparai, (jui
vokiptatibus caruis renuntians, cuncla
sua terrena desideria per discipliaœ cœ-
lestis custodiaiu calcat.
Hier. Vel tbesaurus iste in quo suut
omnes tbesauri sapientiae et scientite
absconditi, aut Deus Verbum est, qui iu
carne Cbristi videtur absconditus ; aut
sancta; Scripturae, iu quibus reposita est
notitia Salvatoris. AcG. ((/e Quœst. Lvung.
lib. \, cap. 13.) Hune autem Ibesaurum
dixit in agro absconditum, scilicet duo
Test ameuta iu Ecclesia ; qu;e cum quis
ox parte inlolleclus attigcrit, sentit illic
magna latere ; et vadit et vendit omnia
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII. 287
rachète, c'est-à-dire que par le mépris des choses temporelles il
achète le repos , afin de s'enrichir ainsi du trésor de la connaissance
de Dieu.
y. 4b, 46. — Le royaume des deux est semblable à un marchand rjui est dans
le commerce et qui cherche de belles perles, et qui en ayant trouvé une de
grand prix va vendre tout ce qu'il avait et l'achète.
S. CiiRVs. {hom. 48.) La prédication de l'Evangile n'est pas seule-
ment une source de richesses multipliées, comme l'est un trésor, mais
elle est précieuse encore comme une perle , et c'est pour cela qu'après
la parabole du trésor, Notre-Seigneur propose la parabole de la pierre
précieuse. « Le royaume des cieux est encore semblable à un mar-
chand qui cherche de bonnes perles. » Pour la prédication de l'Evan-
gile, deux choses sont nécessaires : la séparation des affaires de la
terre, et la vigilance, deux conditions qui se trouvent exprimées dans
cette comparaison du commerce. Or, la vérité est une et ne peut être
divisée en plusieurs parties (1) ; c'est pour cela qu'il n'est question que
d'une seule pierre précieuse , et de même que celui possède une perle
d'un grand prix connaît bien sa richesse, tandis que tous les autres
l'ignorent, car cette perle est si petite qu'elle tient tout entière dans
sa main; de même dans la prédication de l'Evangile, ceux qui ont le
bonheur de la recevoir savent quelles richesses spirituelles ils ont
acquises, richesses complètement ignorées de ceux qui ne connaissent
pas la valeur de ce trésor.
S. JÉR. Dans les bonnes perles, on peut voir figurés la loi et les pro-
phètes. Comprenez donc, Marcion, et vous autres Manichéens que la
(1) Ce n'est pas que matériellemeat il n'y ait plusieurs vérités, selon le langage de l'école , et
celui de saint Augustin. Confess. liv. i, chap. 20. Mais il n'y a qu'une vérité formelle que l'on
retrouve dans tout ce qui est vrai, etc.
sua, et émit illum ; id est, contemptu
temporaliiim comparât sibi otium, utsit
dives coguitione Dei.
Itevum simile est regnum cœlorum homini ncgo-
tiatori quœrenti bonus margaritas : inuenta
auteni una pretiosa margarita, abiit et ven-
didit omnia quœ liabuit, et émit eam.
Chrys. [in homil. 48 ut sup.) Evan-
gelica prtcdicatio, non solum lucrum
multiplex prœbet ut thésaurus, sed et
pretiosa est ut margarita : unde post pa-
rabolam de thesauro, ponit parabolam
de margarita, dicens : « Iterum simile
est regnum cœlorum quœrenli bonas
margaritas, » etc. la proîdicatione enim
duo oportet adesse, scilicet ab hujusvi-
tae negotiis separari, et vigilantem esse,
quod uegotialio désignât : una autem
est Veritas, et non partita, et propter
lioc una margarita dicitur inventa ; et
sicut quimargaritam habet, ipse quidem
novit quod dives est, aliis vero non est
cognitus, multoties eam manu detinens
propter ejus parvitatem, ila est in prœ-
dicatione Evangelii : qui enim eam deti-
nent, sciunt se divites esse : infidèles
autem bunc tbesaurum nescientes, divi-
tias nostras ignorant.
Hier. Bonae autem margaritae possunt
intelligi lex et propbelœ. Audi crgo,
Marcion et Mauiclisee, quod bonaï mar-
288
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
loi et ces prophètes sont de bonnes perles. La perle qui est d'un très-
grand prix, c'est la science du Sauveur, le mystère de sa passion et de
sa résurrection. Lorsque l'homme qui est dans le commerce a trouvé
cette perle, à l'exemple de l'Apôtre saint Paul il méprise comme de la
boue, pour gagner Jésus-Christ {Philip., m), tous les mystères de la
loi et des prophètes, et ces observances anciennes au milieu desquelles
il avait vécu d'une manière irréprochable. Ce n'est pas que la décou-
verte de cette perle précieuse détruise le prix et la valeur de celles
qu'il possédait auparavant ; mais auprès d'elles toutes les autres sont
d'un prix inféi"ieur.
S. Grég. (Jiom. 12 sur les Evang.) Ou bien encore cette pierre pré-
cieuse c'est la douceur de la vie céleste , celui qui l'a trouvée vend
pour l'acheter tout ce qu'il possède. Celui qui a pu goûter parfaite-
ment^ autant qu'on le peut, la suavité de cette vie céleste a])andonne
bien volontiers pour elle tout ce qu'il avait aimé sur la terre. Il trouve
désormais sans beauté tous les objets créés qui l'avaient séduit par
leur apparence , parce que l'éclat seul de cette perle précieuse brille
maintenant aux yeux de son âme.
S. AuG. {Quest. évang. sur S. Matfh.., chap. 13.) Ou bien enfin cet
homme qui cherche de belles perles et qui en trouve une de grand prix,
est celui qui recherche la compagnie des hommes vertueux pour mener
avec eux une vie sainte, et trouve le seul homme qui soit sans péché ,
Notre- Seigneur Jésus-Christ. Ou bien celui qui, cherchant à connaître
les préceptes dont l'observation le fera vivre saintement au milieu des
hommes, trouve le précepte de la charité fraternelle qui renferme tous
les autres au témoignage de l'Apôtre. Ou bien celui qui cherche de
bonnes pensées et trouve cette parole qui renferme toutes choses.
garitœ sunt lex et prophetee. Una ergo
pretiosissima margarita est scientia Sal-
vatoris, et sacrameutum passiouis et re-
surrectiouis illius : quod cum iuvenerit
liomo negotiator, similiâ Pauli apostoli,
omuia legis proplietariiuique mysleria
et observationes pristiuas, iu quibus iu-
culpate vixerat, quasi purganicuta cou-
temuit, ut Clirislum lucril'aciat (of/ P/ii-
lip. 3), uon quod iuveutiu borne uiarga-
ritae condeuuialio sit veterum luargari-
tarum, sed quod coiuparalione ejusom-
uis alla gemma sit vilior.
Greg. {in/iotnil. 11, in ]:: van g.) Y c\}^cr
margaritam preliosam iutelligilur cœies-
tis vitœ dulcedo, quum iuveutam oumia
vendeus omit ; (juia qui cœleslis vita-
dulcediuem, iu quantum possibilitas ad-
mittit perfecte coguoverit^ ea quae iu
terreuis amaverat, libenter cuneta dere-
liuquit ; déforme couspicitur quicquid de
terreuœ rei placebat specle, quia sola
pretiosaî margaritai claritas fulget iu
mente.
Auo. {de Quœst. Evang. exMatth.ca-p.
13.) Vel liomo cum quœrit bonas marga-
rilas, iuvenit unaui preliosam; quia
quccreus homines bouos^ cum quibus
uliliter vivat, iuveuit uuum siue peecalo,
Jesum Cliristum ; aut priecepta quœreus
quibus servatis cum bomiuibus recle
conversetur, iuveuit dilectiouem proxi-
mi, iu quo uuo dicit Apostolus omuia
coutineri : aut bouos iiilellectus quaî-
lens, invenit iilud vcrlnim quo cuncla
cuutinculur : « lu priucipio crat Ver-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII. 289
0 Au commencement était le Verbe , » {Jean , i) , Verbe qui brille de
tout l'éclat de la v('rité, qui est ferme de toute la force de l'éternité, et
qui, semblable de toutes parts à lui-même, resplendit de la beauté
même de la divinité; Verbe dans lequel il faut reconnaître un Dieu
sous l'enveloppe de cliair dont il est revêtu. Quelle que soit parmi ces
trois choses ou parmi d'autres celle qui est signifiée par celte perle
précieuse, c'est nous qui en sommes le prix, et nous ne sommes
libres de l'acquérir qu'en méprisant pour obtenir cette heureuse déli-
vrance tout ce que nous possédons sur la terre. Car , après avoir tout
vendu , nous n'avons pas de biens d'un plus grand prix que nous-
mêmes (puisque nous n'étions pas à nous lorsque ces biens nous enla-
çaient comme autant de chaînes), et c'est nous-mêmes qu'il faut
donner pour acquérir cette perle précieuse , non pas que nous soyons
d'une valeur égale, mais parce que nous ne pouvons donner davantage.
j^. 47-30. — Le royaume des deux est semblable encore à un filet jeté dans la
mer, qui prend toutes sortes de poissons ; et lorsqu'il est plein, les pêcheurs le
tirent sur le bord, où, s'étant assis, ils mettent ensemble tous les bons dans
les vaisseaux et ils jettent dehors les mauvais. Il en sera de même d la fin du
monde ; les anges viendront et sépareront les méchants du milieu des justes,
et ils les jetteront dans la fournaise du feu. C'est là qu'il y aura des pleurs
et des grincements de dents.
S. Chrys. (hom. 48.) Notre-Seigneur, craignant que nous ne met-
tions toute notre confiance dans la prédication seule , et que nous ne
croyions que la foi seule suffit pour le salut^ après avoir relevé le
prix de la prédication évangélique dans les paraboles qui précédent,
en ajoute une autre qui est effrayante : « Le royaume des cieux est
encore semblable à un filet. » — S. Jér. Après que cette prophétie de
bum » {Joan. 1), quod est lacidum can-
dore veritatis, et solidum firmitate seler-
nitatis, et uudiquesibi simile pulcliritu-
dine Divinitatis ; qui Deus peuetrata
carnis testudiue intelligeudus est. Quod-
libet vero illorum trium sit, vel aliud
occurrere potuerit , quod margaritae
unius pretiosae nomiue significetur, pre-
tium ejus est nos ipsi, qui ad eam pos -
sidendam non sumus liberi, nisi omni-
bus pro nostra liberatioue contemptis
quse temporaliter possidentur. Vendilis
enim rébus nostris, nuUum aliud pre-
tium majus accipimus quam uosipsos
(quia talibus implicati, noslri non era-
mus), ut rursus nos pro illa margarita
demus ; non quia tantum valemus, sed
quia plus dare non possumus.
TOM. 11.
Iterum simile est regnum cœlorum sagenœ missœ
in mare , et ex omni génère piscium congre-
ganti. Quam cum impleta esset , educentes,
et secus littus sedentes, elegerunt bonos in
vasa malos autem foras miserunt. Sic erit in
consummatione seculi. Exibunt angeli, et se-
parabunt malos de medio justorum, et mitlent
eos in caminum ignis ; ibi erit fletus et stridor
dentium.
Chrys. (in hoinil. 48 ut sitp.) Post-
quam per dictas parabolas evangeli-
cam praedicationem commendaverat, ut
non confidamus in prfedicatione solum,
neque fidem nobis œstimemus sufficere
ad salutem , aliam parabolam terribiiem
subdit, dicens : « Iterum simile est reg-
num cœlorum sagense. » Hier. Impleto
enim Hieremi* vaticinio dicentis (cap.
19
290
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
Jf-réraio fut accomplie : « Jo vous envenai un grand nombre de pé-
cheurs» {Jé?'éni.,x\'i); après que Pierre, André, Jacques et Jean eurent
entendu ces paroles : a Suivez-moi et je ferai de vous des pêcheurs
d'hommes, » {MatiJi., iv,) ils se firent à l'aide de l'Ancien et du Nou-
veau Testament un filet entrelacé des vérités de l'Evangile ; ils le
jetèrent dans la mer de ce monde, et il est resté tendu jusqu'à présent
au milieu des flots pour prendre dans ces gouffres amers et trompeurs
tout ce qui se présente , c'est-à-dire les hommes bous et mauvais :
« Et qui prend toute sorte de poissons. »
S. CiRÉG. (Jioin. 10 sur les Evamj.) Ou bien la sainte Eglise est com-
parée à un filet parce qu'elle est confiée à des pêcheurs , et c'est par
elle (|ue chacun de nous est tiré des flots de ce monde sur le rivage
du royaume des cieux et arraché aux abiuies de la mort éternelle. Ce
filet recueille des poissons de toute espèce, car l'Eglise appelle à la
rémission des péchés les sages et les ignorants, les hommes libres et
les esclaves, les riches et les pauvres, les forts et les faibles. Ce filet,
c'est-à-dire la sainte Eglise, sera tout à fait rempli lorsqu'à la fin des
temps (1) la destinée du genre humain sera consommée. C'est pour
cela qu'ilest dit : « Lorsqu'il fut plein, » etc. — De même que la mer
figure le monde, ainsi le rivage de la mer représente la fin du monde.
C'est alors que les bons poissons seront recueillis dans des vaisseaux
et les mauvais jetés au loin, c'est-à-dire que les élus seront reçus dans
les tabernacles éternels , tandis que les méchants, privés de la lumière
qui éclaire le royaume intérieur, seront traînés dans les ténèbres
extérieures. Pendant cette vie , les filets de la foi contiennent indif-
(1) Tous les exemplaires que j'ai pu vérifier portent in fine siio. Ne serait-il pas mieux de lire in
sinu suo ?
16) : « Ecce ego mittam ad vos pisca-
tores multos, » postquam audierunt Pe-
trus et Andréas, Jacobus et Joaunes
{Mattli.k) : « Sequimini me, faciam vos
tieri piscatores hoiuioum , » coiilexue-
runt sibi ex veteri et ex novo Testa-
mento sageuam evangelicorum dogina-
tum, et misenint eani in mare bujiis se-
culi, qua; usqiie liodio in mediis flucti-
bus tendiluf, capiens de falsis et ama-
ris gurgilibiis quicquid iuciderit, id est,
bonos homiues et malos : et boc est
quod siibdit : « Et ex omni génère, » etc.
Greg. [in homil. 11, in Evang.) Yel
aliter : sancta Ecclesia sageuœ tionipa-
ratur, quia et piscatoribus est commissa,
et per eam quisque ad seternum regnum
a praesentis seculi fluctibus trabitur, ne
œternœ mortisprofundo mergatur : quae
ex omni génère piscium congregat,
quia ad peccatorum veniam sapientes et
faUioê, liberos et servos, divites et pau-
peres, fortes et infirmos, vocat. Quae sa-
geiia (scilicet sancta Ecclesia) tune per-
lecte impletur, cum in fine suo humani
generis sumuia concluditur : unde sequi-
tur : <i Quam cum impleta esset, » etc.
Sicut enini mare seculum, ita secuH fi-
nem significal bltus maris : in quo sciH-
cet tine, boni pisces in vasis eliguntur,
mali projiciuntur foras ; quia et electus
quisque in tabernacula a-teiua recipitur,
et iuterui regni luce perdila, ad exte-
riores tenebras reprobi pertrabuntur.
DE SAINT MATTHIEU, CHAI'. XIII. 291
féremment les bons et les mauvais , comme des poissons mêlés en-
semble; mais le rivage fera reconnaître ceux que contenait le filet de
l'Eglise. — S. JÉR. Eu effet, lors(iue ce filet sera tiré sur le rivage,
alors on verra comment doit s'opérer la séparation des bons avec les
mauvais.
S. Ghrys. {hom. 48.) Quelle différence y a-t-il entre cette parabole
et celle de l'ivraie? De part et d'autre, les uns sont sauvés et les autres
périssent; mais dans la parabole de l'ivraie, c'est la perversité des
dogmes liérctiques qui est la cause de leur perte; dans la parabole de
la semence, c'est le défaut d'attention à la parole de Dieu, et dans
celle-ci c'est la vie criminelle des liommes qui sera pour eux un
obstacle à leur salut, bien qu'ils aient été pris dans le filet, c'est-à-dire
bien qu'ils aient reçu la connaissance de Dieu. Et ne soyez pas tenté
de regarder comme un supplice peu rigoureux pour les mauvais
d'être jetés dehors, car écoutez Notre-Seigneur qui vous fait connaître
dans l'explication de cette parabole combien ce supplice sera terrible :
« Il en sera de môme à la fin des temps. Les Anges viendront et sépa-
reront les mauvais , » etc. Il dit ailleurs que c'est lui-même qui les
séparera comme un pasteur sépare les brebis d'avec les boucs. Ici ce
sont les Anges qui font cette séparation, comme dans la parabole de
l'ivraie.
S. Grég. {hom. 10.) Il faut bien plutôt trembler en entendant ces
paroles, que chercher à les expliquer, car les tourments des pécheurs
y sont prédits ouvertement et personne ne peut s'excuser ici sur sou
ignorance en prétextant l'obscurité du dogme des supplices éternels.
— Rab. Lorsque la fin du monde sera venue , on connaîtra les véri-
tables signes qui doivent servir à séparer les poissons entre eux , et là
Nunc enini malos bouosque communiter
(quasi permixtos pisces) tidei sageua coii-
tinet; sed littus indicat sagena Ecclesiœ
quid traliebat. Hier. Duiii enim sagena
extrahetur ad littus, tuue verum secer-
iieodorum ptseium iudicium demonstra-
bitiir.
Chuys. {in Iiom. 48 nt svp.) Qui au-
Lem distat h.cc parabola a parabola ziza-
nioruni ? Eteuiui illic hi quidem salvau-
tur, lii autem pereuiit, sicut et hic : sed
illic ([uidem, propler pravorum dogma-
luin luBresim : in anteriori autem para-
bola de semine, quia uoii attendebant
quae dicebantur : liic autem propter vitae
nequitiam, propter quam, quamvis et
piscatione capti (id est, cognitione Dei
frueutes), non possuut salvari. Ne au-
tem audiens quoniam malos foras mise-
runt, œstimes banc pœnam non esse
periculosam , per expositionem ejus
gravitatem ostendit, dicens : « Sic erit
in consummatione seculi. Exibunt an-
geli et separabunt malos, » etc. quamvis
alibi dicat {Matth. 23) quod ipse segre-
gabit eos, sicut séparât pastor oves ab
htedis ; hic angelos hoc facere dicit, si-
cut et in parabola zizaniorum.
Greg. (in homil. 11 ut sup.) Timen-
dum est autem hoc potins quam expo-
nendum : aperta enim voce tormenta
peccautium dicta sunt, ne quis ad iguo-
rantiœ suae excusationem recurreret, si
quid de œlerno supplicio obscure dice-
retur. Rab. Cum enim veuerit finis muu-
di, tiuic verum secernendorum piscium
292
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
comme daus un port , à l'abri de toute agitation , les bons seront pla-
cés dans les vaisseaux des célestes demeures, et les mauvais jetés dans
les flammes de l'enfer qui doivent les brûler et les tourmenter pendant
l'éternité.
^i'. 51, 52. — Avez-vous bien compris tout ceci? Oui, Seigneur, répondirent-ils.
Et il ajouta : C'est pourquoi tout docteur instruit de ce qui regarde le
royaume des deux est semblable à un père de famille qui tire de son trésor
des choses nouvelles et des choses anciennes.
S. CmiYs. {hom. 48.) Après que le peuple s'est retiré, le Seigneur
continue de parler à ses disciples en paraboles , parce que cette mé-
thode d'enseignement a ouvert leur intelligence et leur a fait com-
prendre les paroles du Sauveur. Il leur demande donc : « Avez-vous
compris toutes ces choses? Ils lui répondent : Oui. » — S. Jér. Il
s'adresse particulièrement aux Apôtres , car il ne veut pas seulement
qu'ils entendent comme le peuple, mais comme des hommes qui
doivent un jour enseigner les autres.
S. CiiRYS. Il les félicite de nouveau de ce qu'ils ont compris par les
paroles suivantes : « C'est pourquoi tout docteur tire de son trésor
des choses nouvelles et des choses anciennes. »
S. AuG. {Cité de Dieu, xx, A.) Il ne dit pas des choses anciennes et
des choses nouvelles, ce qu'il n'eût pas manqué de faire, s'il n'avait
préféré suivre l'ordre que prescrivait le mérite de ces choses plutôt
que l'ordre des temps. Les Manichéens (I) qui prétendent n'être en
possession que des promesses nouvelles de Dieu, restent ensevelis dans
la vétusté de la chair et introduisent en même temps la nouveauté de
(1) Cette citation ne se trouve pas dans saint Augustin à l'endroit marqué, et il est difficile
d'en indiquer la source.
indicium demonstrabitur ; et quasi in
quodam quietissiuio porta, boni mitten-
tur in vasa cœlestium mansionuui ; mâ-
les autem torrendos et exsiccandos ge-
hennse flauima suscipiet.
Intellexistis hœc omnia? Dicunt ei : Eliarn, Do-
mine. Ait illis : Jdeo omnis scriba dodus iti
régna cœlorum , similis est homini patrisfa-
milias, gui profert de thesauro suo nova et
vetera.
Chrys. {in homil. 48 ut sup.) Rece-
dentibus turbis, Douiinus discipulis in
parabolis loquitur, ex quibus sapientio-
res sunl facti, ita quod inlelligunt quœ
dicuulur : quocirca dicit eis : « Intel-
lexistis haec omnia ? Dicunt ei : Etiam. »
Hier. Ad apostolos enim proprie sermo
est, quos non vult audire tantum ut po-
pulum, sed etiam intelligere ut magis-
tros futures.
Chrys. {ut iup.) Deinde quia intel-
lexerunt, rursus eos laudat : unde se-
quitur : « Ait illis : Ideo omnis scriba
intus profert nova et vetera, » etc.
Auo. (XX de Civit. Dei, cap. 4.) Non
dixit : « Vetera et nova ; » quod utique
dixisset, nisi maluisset meritorum ordi-
nem servare quam temporum.Manichaei
etiam dum sola Dei promissa nova te-
nere se arbilrantur, rémanent in vetus-
tate carais, et uovitatem inducunt erro-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII.
203
l'erreur. — S. Aug. {Quest. évang.) Notre-Seigneur a-t-il voulu expli-
quer ici quel est ce trésor caché dans le champ et que l'on peut
entendre des saintes Ecritures composées de l'Ancien et du Nouveau
Testament; ou hien son dessein est-il de nous apprendre qu'on doit
regarder comme un homme docte dans l'Eglise celui qui comprend
les anciennes Ecritures, même sous la forme de paraboles, en puisant
dans les nouvelles les principes d'une bonne interprétation (puisque
le Sauveur lui-même a parlé en paraboles dans le Nouveau Testament)?
Car s'il est celui en qui toutes les Ecritures reçoivent leur accomplis-
sement et leur manifestation, et que cependant il parle encore en
paraboles jusqu'à ce que sa passion ait déchiré le voile et qu'il n'y
ait rien de caché qui ne soit révélé, nous devons en conclure que ce
qui avait été prédit de lui si longtemps avant sa venue sur la terre
était plus que tout le reste caché sous le voile des paraboles. Et en
voulant entendre ces prédictions à la lettre, les Juifs ont refusé (1*)
de devenir instruits en ce qui concerne le royaume des cieux.
S. Grég. {hom. 13.) Si par ces choses nouvelles et anciennes nous
entendons les deux Testaments, nous serons forcés de ne point regar-
der Abraham comme docte et instruit, lui qui connaissait sans doute
les faits de l'Ancien et du Nouveau Testament, mais qui n'en a point
parlé. Nous ne pourrons pas non plus comparer Moïse à ce docte père
de famille, car s'il a enseigné les préceptes de l'Ancien Testament, il
n'a point promulgué les vérités de la loi nouvelle. Nous devons donc
entendre que Notre-Seigneur ne parlait que de ceux qui existaient
autrefois, mais de ceux qui pouvaient faire partie de l'Eglise. Ce sont ces
derniers qui tirent de leur trésor des choses nouvelles et des choses
(1*) Plusieurs exemplaires portent vobierunt au lieu de nolueruni, mais outre que le sens en est
visiblement altéré, le contexte de saint Augustin nous force de mettre noluerunt esse docti, etc.,
neque transire ad Christum.
ris. Aug. [Je Qiisest. Evang. er Matth.
16.) Utrum aulem ista conclusione expo-
nere voliiit, quem dixerit « tbesaurum
in agro abscondilum » (quoniam sanctae
Scripturae iutelliguntur, quse nomine
duorum testamentorum, novi et veteris
concluduutur) , an ostendere voluil eum
doctuui liabendum in Ecclesia, qui etiam
Scripturas veleres parabolis explicatas
intellexerit, ab istis novis accipiens ré-
gulas (quia et ista Dominus per parabo-
las enuntiavit), ut si ipse iu quo illa
coiuplentur et manifestantur, per para-
bolas adbuc loquitur, donec passio ejus
vélum discindat (ut nihil sit occultum
quodnon reveletur), multo magis illa quae
tam longe de illo scripta sunt, parabolis
operta esse noverimus; quae cum Judœi
ad litteram accipiant, noluerunt esse
docti in regno cœlorum.
Greg. {in Iiomil. 13 idsup.) Sed siper
novum et i^ehis (quod dicitur) utrumque
Testamentum accipimus, Abraham doc-
tum fuisse denegamus, qui novi et ve-
teris Testanienti, etsi factanovit, minime
verba nuntiavit : Moysen quoque docto
patrifamilias comparare non possumus;
quia etsi Testamentum edocuit vêtus,
novi tamen dicta non protulit : sed in
eo quod hic dicitur, intelligi valet, quia
non de his qui fuerant, sed de his qui
esse in Ecclesia poterant, loquebatur;
294
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
anciennes lorsque par leur vie comme par leurs paroles, ils annoncent
les vérités renfermées dans les deux Testaments. — S. Hil. {can. 14.)
Jésus parle ici à ses disciples et il les appelle scribes ou docteurs à
cause de leur science, parce qu'ils ont compris ce (ju'il leur a enseigné
de nouveau et d'ancien, c'est-à-dire son Evangile, et ce qu'il leur a
expliqué de la loi. La loi et l'Evangile ont tous les deux pour auteur
le même père de famille et sortent tous les deux du même trésor. Sous
ce nom de père de famille, il établit aussi une comparaison entre
ses disciples et lui-même, parce qu'ils ont puisé la doctrine des
vérités anciennes et des vérités nouvelles dans le trésor de l'Esprit
saint.
S. JÉR. Ou bien il donne aux Apôtres le nom de scribes doctes et
instruits, parce qu'ils étaient comme les secrétaires du Sauveur, et
qu'ils écrivaient ses paroles et ses préceptes sur les tables de chair du
cœur humain. (II Cor,, m.) Riches des mystères du royaume des
cieux et des richesses du père de famille , ils tiraient du trésor de leur
doctrine des choses nouvelles et des choses anciennes, c'est-à-dire
qu'ils appuyaient toutes les vérités de l'Evangile sur des témoignages
de la loi et des prophètes. C'est pour cela que l'épouse dit dans le
Cantique des cantiques (cliap. vu) : « Mon bien-aimé, je vous ai
réservé les choses nouvelles avec les choses anciennes. » — S. Grég.
{hom. 12.) Ou bien encore, la chose ancienne, c'est que le genre
humain, par suite de ses crimes, devait périr victime d'un supplice
éternel , et la chose nouvelle , c'est qu'il se convertisse et qu'il vive
d'une vie immortelle dans le royaume des cieux. Il nous a donné
d'abord comme figure du royaume le trésor trouvé et la pierre pré-
cieuse ; il nous a fait connaître ensuite les peines de l'enfer où les
méchants brûleront éternellement, et il conclut par ces paroles :
qui tune nova et vetera profenmt, cuiu
utriusque Testamenti praedicamenta vo-
cibus et moribus loquuntur. Hilar.
{Can. 14, in Matth.) Discipulis enim
est locutus, quos scribis propter scien-
tiam nuncupat ; eo quod intellexerint ea
([uae ille uova et vetera (idest, iu evan-
jieliis et in lege) protnlerit ; quœ sunt et
ejusdeui patrisfauiilias, et unius utraque
thesauri : ipsos etiam sub patrisfamiiias
noiuine sibi comparât, eo quod doclri-
nam de thesauro suo novorum Spiritus
Sancti ac veterum sunt adepli.
Hier. Vel apostoli instructi svrilxf di-
• unlur, quasi notaiil Salratoris ; qui
vcrba illius et praîcepta signabant iu ta-
l)ulis (urdis earnalibus (II for. 3) reg-
norum cœlestium sacrameatis, et polle-
bant opibus patrisfamiiias, ejicienles de
tbesauro doctriuarum suarum iiova et
vetera ; ut quicquid in Evangelio prîB-
dicabaut, legis et propbelarum vocibus
comprobarent. Uude et spousa dicit in
Canlico canticorum (cap. 7) : « Nova
oum veteril)U5, dilecte mi, reservavi
libi. » Greg. [in homil. 11 ut sup.) Vel
aliter : vêtus est, ut pro culpa bumauuni
genus in aeterua pœna intereat ; et no-
vitm, ut couversus iu reguo vivat. Prius
autem de regni similitudine tliesauruin
invenlum ac margaritam honam pro-
tulit ; postmodnm inferui pœnas de ma-
iorum combustione narravit, atque iu
couclusioue subjungit : « Fdeo doctus
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII,
29.H
« C'est pourquoi tout scribe instruit tire de son trésor des choses nou-
velles et anciennes (l), paroles dont voici le sens : Celui-là doit être
regardé dans l'Eglise comme un prédicateur instruit qui sait dire des
choses nouvelles sur les douceurs ineffables du royaume des cieux, et
des choses anciennes sur la rigueur effrayante des supplices éternels,
afin que les châtiments épouvantent ceux qui demeurent insensibles à
l'attrait des récompenses.
t. 33-58. — Lorsque Jésus eut achevé ces paraboles, il partit de là; et étant
venu en son paijs , il les instruisait dans leurs synagogues ; de sorte qu'étant
saisis d'étofinement, ils disaient : D'où est venue à celui-ci cette sagesse et
cette puissance? N'est-ce pas là le fils de ce charpentier? Sa mère ne s'ap-
pelle-t-elle pas Marie, et ses frères, Jacques, Joseph, Simon et Jude? Et ses
sœurs ne sont-elles pas toutes parmi nous? D'où lai viennent donc toutes ces
choses ? Et il leur était un sujet de scandale. Mais Jésus leur dit : Un pro-
phète n'est sans honneur que dans son pays ou dans sa maison. Et il ne fil
pas là beaucoup de miracles, à cause de leur incrédulité.
S. Jér. Après ces paraboles que Notre- Seigneur avait proposées au
peuple et que les apôtres seuls avaient comprises, il vint dans sa
patrie pour y enseigner plus ouvertement. C'est ce que l'Evangéliste
rapporte en ces termes : « Lorsque Jésus eut achevé ces para-
boles, » etc. — S. AuG. [de l'accord des Evang.., ii, 45.) Saint Mat-
thieu passe de ces discours en paraboles à un autre sujet sans indi-
quer qu'il suit un ordre rigoureux d'autant plus que saint iMarc
(chap. iv)et saint Luc (chap. viii), en cela différents de saint Matthieu,
paraissent avoir disposé leur narration d'une manière plus conforme
(1) La pensée de saint Grégoire, dans ce passage, c'est que la promesse des récompenses ap-
partient plus particulièrement au Nouveau Testament, et la menace des châtiments à l'Ancien
Testament.
scriba profert de thesauro suo uova et
vetera, » etc. Ac si dicat : 111e in saucta
Ecclesia doctiis prœdicator est , qui et
nova scit proferre de suavitate regni, et
vetusta dicere de terrore supplicii ; ut
vel pœnae terreant , quos prsemia non
invitant.
Et faction est, cum consummasset Jésus pura-
bolas istas , transiit inde. Et veniens in pa-
triam suam, docebat eos in synayogis enrum ,
ita ut mirarentur, et dicerent : Unde liuic sa-
pientia hœc et virtutes ? Nonne hic est fabri
filius ? Nonne mater ejus dinitur A/aria , et
fratres ejus Jacobus, et Joseph , et Simon , et
Judas ? et sorores ejus , nonne omnes apud
nos sunt? Unde ergo huic omnia ista? Et
■srandalizabantur in o. Jésus autem dixit eis :
Non est propheta sine honore , nisi in patria
sua et in dumo sua. Et non fecit ibi virtutes
multas, propter increduUtatem illorum.
Hier. Post parabolas quas Domiuus
ad populum est locutus, et quas soli
apostoli iutelligunt^ transiit in patriam
suam, ut ibi aperlius doceat : et hoc est
quod dicitur : « Et factum est cum con-
summasset Jésus parabolas, » etc. AuG.
{de Cons. Erang. lib. ii, cap. 42.) A su-
periori sermoae parabolarum istarum
sic transit ut non oslendat consequentis
ordinis necessitatem ; praesertim quia
Marcus (cap. 4) ab istis parabolis, non
in quod Matthaeus, sedin aliijdinteudens,
in quod et Lucas (cap. 8) ita coutexuit
narrationeui nt credibilius ostendatur
296
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
à l'ordre chronologique des faits , en plaçant après ces paraboles les
deux miracles du sommeil de Jésus dans la barque pendant la tempête
et des démons chassés, miracles que saint Matthieu a entremêlés pré-
cédemmcQt dans son récit.
S. Chrys. {hom. 49.) L'Evangéliste appelle ici Nazareth sa patrie;
il n'y fit pas beaucoup de miracles, ainsi qu'il le dit plus bas , mais il
les multiplia dans Capharnaûm , où il développa en même temps sa
doctrine qui ne devait pas moins les frapper d'admiration que ses
miracles. — Rémi. Il enseignait dans les synagogues où les Juifs se
rassemblaient en foule, parce qu'il était descendu du ciel sur la terre
pour le salut d'uu grand nombre. — « De sorte qu'étant saisis d'éton-
nement, ils disaient : D'où lui est venue cette sagesse et cette puis-
sance? » La sagesse se rapporte à sa doctrine, la puissance aux mi-
racles qu'il opérait.
S. Jér. Aveuglement inconcevable des Nazaréens, ils s'étonnent que
la sagesse possède la sagesse, et que la puissance fasse éclater la puis-
sauce (1). La cause de leur erreur est évidente; ils ne voient dans
Jésus que le fils d'un charpentier. — S. Chrys. {hom. 49.) Leur aveu-
glement et leur folie s'étendent à tout, ils cherchent à le rabaisser par
celui qu'ils regardent comme son père; cependant l'histoire des temps
anciens leur offrait un grand nombre d'exemples d'enfants illustres
nés de parents sans distinction : David était fils de Jessé, simple labou-
reur; Amos était fils de bergers et berger lui-même. C'était au con-
traire une raison de lui témoigner plus d'honneur, puisque, malgré
sa naissance si humble, il prêchait une doctrine si relevée, car il était
(1) Allusion à ces paroles de l'Apôtre : « Le Christ est la sagesse et la puissance de Dieu. »
(i Cor. \, 24.)
hoc esse polius consequenter orestum
quod ipsi duo consequeuter adjungimt :
de navi scilicet iu que dormiebat .Jesus,
et de miraculo expulsorum dtemouio-
rum, quœ Matthaeus superius recolens
iulerposuit.
Chrys. [in hom. 49 in Matth.) Pa-
triain autem ejus hic Auzareth vocal :
11011 eniiii fecit ibi virlutes militas (ul
iufra dicitur) , sed iu Caplianiaum feoit
multa signa : sed doctriiiaiii eis osteudit,
non minorem admirationein habentem,
quam signa. Remig. In syuagogis auteiu
docebat, vibi plurimi couveuiebant, quia
propter multorum salutem de cœlis des-
cendit ad terras. Sequitur : «Ita ut uiira-
rentur, et di.-erent : Undehuic sapientia
tauta et virtutes. » Sapienlia refertur ad
doctrinam, virtutes vero ad miraculorum
operationem.
Hier. Mira stultitia Nazarenorum. Mi-
rantur undo habeat sapieutiam Sapientia,
et virtutes Yirtus : sed error in promptu
est, quia fabri filium suspicautur : unde
et dicuul: « Nonne bic est fabri tilius? »
Chrys. {in /lomil. 49 ut sup ) Per om-
nia ergo enint insensati, vilipeudenles
euiu ab eo qui œstiiuabatur esse pater ;
quaiuvis multa horum exempta haben-
tes iu antiquis temporibus; et patnnn
ignobilium uobilesvidentos tilios; eleniiu
David cujusdam agricolie Jesse fuit ti-
lius ; et Amos cujusdam pastoris, et ipsc
pastor : oportebat enim propter lioc
maxime ipsiim honorare, quoniam a ta-
libus exislens, talia loquebatur : ex lioc
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIII. 297
évident quelle n'était pas le résultat d'une éducation tout humaine ,
mais un effet de la grâce divine. — S. Aug. {serm. pour la Naiiv.
de Notre-Seign.) (1). Le Père du Christ est en effet ce divin charpen-
tier qui a fait l'univers avec tout ce qu'il renferme , qui a donné le
plan de l'arche de Noé et fait connaître à Moïse l'ordonnance du
tabernacle, établi l'arche d'alliance; divin charpentier, dis-je ijui apla-
nit les intelligences raboteuses et retranche toutes les pensées orgueil-
leuses. — S. HiL. {can. 14.) Il était aussi le Fils de cet ouvrier qui
dompte le fer par le feu, qui dissout toute la puissance du monde dans
les ardeurs de son jugement, qui plie la matière aux usages de
l'homme et qui donne à nos corps leur forme pour que les membres
puissent remplir leurs divers offices et concourir aux œuvres de le vie
éternelle.
S. Jér. Après s'être trompés sur le père de Jésus, il n'est point sur-
prenant qu'ils se trompent également sur ses frères : « Est-ce que
sa mère ne s'appelle pas Marie et ses frères Jacques et Joseph? » —
S. JÉR. [contre Helvid.) Ceux qu'ils appellent les frères du Seigneur
sont les enfants de sa tante, Marie de Cléophas', femme d'Alphée et
mère de Jacques et de Joseph : Cette Marie était aussi la mère de
Jacques le Mineur. — S. Aug. {Quest. évcmg.^ quest. 17 sur S. Matth.)
Il n'est pas étonnant qu'on ait appelé frères du Seigneur tous ses
parents du côté maternel , puisque les Juifs , qui pensaient que Joseph
étaient son père, appellent également ses frères tous ceux qui étaient
parents de Joseph. — S. Hil. Le Seigneur se voit donc méprisé à
cause de ses parents, et quoique la sagesse de son enseignement et
(1) On ne trouve point ce passage dans les sermons de saint Augustin sur la Nativité, mais
plutôt, avec quelque différence et en d'autres termes, dans le sermon pour l'octave de l'Epi-
phanie.
eniin erat manifestum quoniam non ex
hiiinana diligentia erat, sed ex divina
gralia. Aug. [in Serm. de A"at.) Est au-
tem pater Christi faber Deus, qui totius
mundi opéra faliricalus est, arcam Noe
disposuit, Moysi labernaculiun ordiua-
vit, arcam testaiiienti instituit : fabrum
dixerim, qui menteni rigidam explanat,
ae cogitationes superbas excidit. Hilar.
{(.'071. 14, in Matth.) Fabri etiaiu bic
erat tilius, ferrum igiie vinceulis, om-
nem seculi virtuteiu judicio decoquen-
tis ; massamque formanlis in omne opus
ntilitatis Immaua^ : formaiu scilicet cor-
porum uostronim in diversa membro-
runi ministeria, et ad omnia aîternse vi-
tae opéra, fingentis.
Hier. Cum autem errent in pâtre, non
est mirandum si errent in fratribus :
unde subditur : « Nonne ejus mater di-
citiir Maria ? et fratres ejus Jaeobus et
Joseph , » etc. Hier, [contra Helvid.)
Fratres Domi ni hic appellantur fihi ma-
terter^L' ejus Mariœ ; et bœc est mater
Jacobi et Joseph, id est, Maria Cieophe,
uxor Alpbaei; et hœc dicta est Maria
mater Jacobi minoris. Aug. [de Quœst.
Evang. ex Matth. quœst. 17.) Non
ergo mirum est dictos est fratres Do-
mini ex materno génère quoscunque
cognalos cum etiam ex cognatione Jo-
seph dici potuerint fratres ejus ab illis
qui eum patrem Domini esse arbitrabau-
tur. Hilar. [ut sitp.) Inhonoratur ergo
Dominus a suis ; et quanquam docendi
prudentia et operandi virtus admiratio-
298
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
l'éclat de ses miracles dussent exciter leur admiration , ils ne peuvent
croire (jue c'est Dieu qui agit ici dans l'homme, parce qu'ils cherchent
à l'outrager en lui rappelant le métier de son père. Au milieu donc
de tant de merveilles qu'il opérait sous leurs yeux, sou humanité seule
fait impression sur eux , et ils disent : a D'où lui viennent touAes
ces choses ? »
« Et il leur était un sujet de scandale. » — S. Jér. Cette erreur des
Juifs est la cause de notre salut et en même temps la condamnation
des hérétiques; ils s'obstinaient tellement à ne voir qu'un homme en
Jésus-Christ, qu'ils le regardaient comme le fds d'un charpentier. —
S. Chrys. {hom. 49.) Mais admirez ici la douceur de Jésus-Christ : il
ne leur dit aucune injure, mais leur répond avec la plus grande mo-
dér.ition : « Et Jésus leur dit : Un prophète n'est sans honneur que
dans son pays et dans sa maison.» — Rémi. Il se donne le nom de pro-
phète et c'est le nom que Moïse lui avait donné, lorsqu'il disait :
« Dieu vous suscitera un prophète du milieu de vos frères. » [Deu-
tér.^ xviii.) Remarquons ici que ce n'est pas seulement Jésus-Christ,
le chef de tous les prophètes , mais encore Jérémie et Daniel , et les
autres prophètes qui ont reçu plus d'honnenr et de gloire parmi les
étrangers qu'au milieu de leurs concitoyens. — S. Jér. En effet, il
est presque dans la nature que les habitants d'un même pays se
jalousent mutuellement ; ils ne considèrent pas les œuvres actuelles
de l'homme fait, ils ne se rappellent que les faiblesses de son enfance,
comme s'ils n'avaient point eux-mêmes passé par les mêmes degrés
pour arriver à la maturité de l'âge.
S. HiL. {can. 14.) Il déclare qu'un prophète est sans honneur dans
sa patrie, parce qu'il ne devait recevoir que des mépris dans la Judée
uem commoveret, non tamen credunt
hsec in homine Deiim agere ; quia et
eum paternœ artis quodam opprobrio
lacessunt. luter tôt ergo uiaguitica qufe
gerebat, corporis ejus contemplatione
commovebantur, et ideodicuut: « Uude
ergo huic omnia ista ? »
Sequitur : « Kt sic scandalizabantur iu
eo. » Hier. Error Jiidaiornm sains nos-
tra est, et ha;reticonim condeuuiatio :
in tant uni enini l'eriiebant iiomineni Je-
siim Cliristiun ut putareiit filiuni l'abri.
CuRYs. (//( lioniil. iît ut stip.) lutuere
auteui Chrisli mansuetudinem : non
convitiatus est, sed cum multa niausue-
liidine respondit : unde sequitur : « Jé-
sus autem dixit eis : Non est propheta
sine lionore, nisi in patria sua et in
domo sua. » Remig. Prophetam s,ei]i?,\x\n
appellat ; «juod et Moyses manifestât,
cum dicit [Deuteron. 18) : « Prophetam
suscitabit Deus de fratribus vestris vo-
bis. » Et lioc scieudum quia, non solum
Christus (qui estcaputprophetarum om-
nium), sed etiam Hieremias et Daniel, et
cœteri minores propheta?, majoris hono-
ris et dignitatis fuerunt apud exteros,
quam apud suos. HiEU. Propemodum
enim naturale est, cives semper civibus
iuvidere : non enim cousideraul prae-
sentia vin opéra, sed fragilis recordautur
infautiae, (juasi non et ipsi, per eosdem
fetatum gradus ad maturam aetatem ve-
nerint.
HiLAR. Inhonorabilem etiam prophe-
tam in patria sua esse respondit, quia in
DE SAINT MAITHIEU, CHAP. XIII.
299
jusqu'au jour où il devait être condamné à la mort de la croix, et que
ce n'est qu'au milieu des fidèles qu'il a étô reconnu comme la vertu
de Dieu. Il ne voulut point faire de miracles par suite de leur incré-
dulité, comme le remarque l'Evangéliste : « Et il ne fit pas là beau-
coup de miracles , à cause de leur incrédulité. » — S. Jér. Ce n'est
pas que leur incrédulité rendît ces miracles impossibles, mais il ne
voulait pas que ces nombreux miracles fussent une cause de condam-
nation pour ses concitoyens. — S. Ciirys. {hom. •49.) Mais puisqu'ils
ne pouvaient s'empêcher d'admirer les prodiges qu'il opérait, pour-
quoi ne pas les multiplier parmi eux? C'est que le Sauveur n'agissait
point par ostentation et ne recherchait que l'utilité des autres ; or, il
ne voyait pas ici cette utilité, il néglige donc ce qui lui est personnel
pour ne pas augmenter leur culpabilité et leur châtiment. Mais pour-
quoi donc en fit-il quelques-uns? Afin de leur ôter tout prétexte de
dire : « Si vous aviez fait des miracles, nous aurions cru.» — S. Jér. On
peut encore entiîndre ces paroles dans un autre sens , c'est-à-dire que
Jésus a été méprisé dans sa maison et dans sa patrie (par le peuple
juif), et qu'il n'y a fait que peu de miracles, afin qu'ils ne fussent pas
entièrement inexcusables. Tous les jours, au contraire, il opère par
ses Apôtres de plus grands prodiges au milieu des nations, moins
pour la guérison des corps que pour le salut des âmes.
Judaea esset usqiie ad crucis sententiam
conteiiinendus, et quia pênes solos fidè-
les Dei virlus est : et propter eoruiu in-
credulitatem operibus divinœ virtutis
abstiiiuit : unde sequitur : « Et non fecit
ibi virtules multas propter incredulita-
tem illorum. » Hier. Non qiiod etiam
incredulis illis facere non potuerit virtu-
les multas : sed quod ne multas faciens
virtutes cives incrédules condemnaret.
Chrys. {in Iiomil. 49 vt siip.) Si autem
adniiratio ei conveniebat ex uiiraculis,
quare non multa fecit ? Quia non ad os-
tentationem suain inspiciebat, sed ad ea
quœ aliiâ erant utilia : hoc igitur non
proveniente despexit quod erat sui ip-
sius, ut non pœnam eis augeat. Cur igi-
tur et pauca fecit signa ? Ut non di-
cant : « Si utique facta essent signa
non credidissemus. Hier. » Potest etiam
aliter intelligi, quod Jésus despiciatur
in domo et in patria sua (hoc est in
populo Judaeorum), et ideo ibi pauca
signa fecerit, ne penitus inexcusabiles
fiereut : majora autem signa quotidie
in gentibus per apostolos facit, non tam
in sanatione corporum quam in anima-
rum salute.
CHAPITRE XIV.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
f. 1-5. — Opinion qu'Hérode avait conçue de Jésus-Christ, au récit des prodiges
qu'il opérait — Orgueil et indifférence de ce prince. — A quelle époque faut-
il rattacher ce fait? — Puissance de la vertu sur les méchants eux-mêmes. —
Jalousie des Juifs. — Croyance d'Hérode à la résurrection des fnorts. — Ce
prince était-il dans le doute, ou avait-il une véritable conviction que Jean était
ressuscité? — Quel est cet Hérode dont il est ici question? — A quelle époque
se rattache la mort de Jean-Baptiste que l'Evangeliste raconte ici ? — Cause
pour laquelle le saint précurseur fut jeté en prison. — Liberté courageuse de
Jean-Baptiste. — Différence entre la crainte de Dieu etla crainte des hommes
quant à leurs effets.
f,- 6-12. — Quels sont les princes que nous voyons dans l'Ecriture célébrer
l'anniversaire de leur naissance '^ — Sentiments de pudeur dans lesquels les
mères, quelles qu'elles soient, élèvent généralement leurs filles, — Comment
Hérodiade éleva la sienne. — Hérode est-il excusable d'avoir commis cet
homicide malgré lui et contre sa volonté et par respect pour son serment? —
La promesse ou le serment qui ne peuvent s'accomplir que par un crime sont-
ils obligatoires? — Double crime de la fille d'Hérodaide. — La tristesse que
fait paraître Hérode à la demande qui lui est faite est-elle véritable ? — Il
rend complices de son crime tous ceux qu'il craignait d'avoir pour témoins de
son parjure. — Comment un premier crime l'a entraîné dans un autre. —
Pourquoi Dieu permet-il que Jean -Baptiste soit décapité pour récompense 'et
comme prix d'une danse lascive ? — C'est pour le Christ qu'il est mort. —
Quels sont ces disciples qui l'ensevelissent et viennent apprendre sa mort
à Jésus. — Explication mystique des circonstances de la mort de Jean-
Baptiste.
j^. 13, 14. — Ordre des événements. — Différentes raisons pour lesquelles Jésus
se retire dans un lieu désert. — Désir qu'avait le peuple de s'attachera lui. —
Comment Jésus récompense cette sainte ardeur. — Explication mystique de
la retraite de Jésus.
y. 15-21. — Foi de ce peuple qui persévère avec le Sauveur malgré la faim
qu'il éprouve. — Pourquoi Notre-Seigneur attend-il pour donner à manger au
peuple qu'on lui en fasse la demande '' — Pourquoi a-t-il permis que le peuple le
suivît dans le désert ? — Imperfection de la foi des Apôtres. — Pourquoi Notre-
Seigneur n' a-t-il pas immédiatement opéré ce miracle et presse-t-il ses disci-
ples de donner à manger à ce peuple? — Comment concilier ici le récit de saint
Jean avec celui de saiut .Matthieu ? — Tempérance des Apôtres, leur détachement
des besoins du corps. — l'ouniuoi le Sauveur n'a-t-il pas tiré du néant les
pains destinés à nourrir celte nmltitude ? — Le miracle de la multiplication
des pains aussi grand que le miracle de la création des plantes, etc. — Pourquoi
Jésus Icve-t-il les yeux au ciel avant d'opérer ce miracle ? — Sa conduite dans
les miracles du premier oi-dre. — Pourquoi les pains sont-ils partagés avant
d'être multipliés? — Pourquoi est-ce par l'intermédiaire des apôtres qu'ils
sont distribués? — Nouveau miracle qui suit la multiplication. — Pourquoi
Notre-Seigneur voulut-il qu'il restât douze corbeilles pleines ? — A quelle époque
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE DE S. MATTHIEU, CHAP. XIV. 301
du Sauveur faut-il placer ce miracle ? — Explication mystique des différentes
circonstances de ce prodige.
f. 22. 33. — Pourquoi Notre- Seigneur ordonne-t-il de se séparer de lui ceux qui
ont été les témoins de ce miracle ? — AfTection des disciples pour leur divin
Maître. — Leçon d'humilité qu'il nous donne. — Avantages de la solitude. —
Ces paroles : Il monta seul pour prier, ne se rapportent pas à la nature divine;
— Comment concilier la contradiction qui paraît exister entre saint Matthieu,
d'après lequel Notre- Seigneur, après avoir renvoyé le peuple, monta seul sur
la montagne pour y prier, et saint Jean qui rapporte qu'il était sur la mon-
tagne lorsqu'il nourrit la multitude ? — Les disciples avaient raison de ne se
séparer du Sauveur que malgré eux. — Jésus conduit ses disciples par degrés
à de plus grandes épreuves. — C'est en son absence que la tempête s'élève.
— Pourquoi les lai?se-t-il toute la nuit ballottés par les flots? — Ne pas chercher
avec trop d'empressement la dcHvrance de nos maux. — Pourquoi Jésus per-
met-il que leur crainte augmente au moment où ils espéraient être délivrés ?
— Preuve de la vérité du corps de Notre-Seigneur contre les Manichéens. —
Ce n'est qu'après qu'ils ont jeté des cris confus que Notre-Seigneur se révèle
à eux. — Comment se fait-il connaître ? — Foi de saint Pierre dans la de-
mande qu'il fait à Jésus. — Par quel motif désire-t-il aller rejoindre son divin
Maître? — Jésus fait ici un plus grand miracle que celui d'apaiser la fureur
des vents. — Que nous enseigne la faiblesse de Pierre qui se laisse troubler
par un obstacle beaucoup moins grand que celui qu'il vient de surmonter. —
Pourquoi le Sauveur permet ce doute et cette crainte dans son apôtre. —
Pourquoi Dieu laisse un peu d'action à la tentation. — Pourquoi Jésus ne
commande pas aux vents de s'apaiser, mais se contente de soutenir Pierre par
la main. — Son défaut de foi seul fut cause qu'il enfonça. — Puissance de
Jésus-Christ dans ce nouveau miracle. — Explication allégorique de toutes les
circonstances de ce fait miraculeux. — Que signifie Jésus seul sur la montagne,
vers le soir, la barque agitée pendant qu'il prie, le commandement qu'il fait
à ses Apôtres de monter dans la barque, la mer courroucée ^ Notre-Seigneur
revenant trouver ses disciples à la quatrième veille, la crainte et la défiance
qu'ils éprouvent à son aspect, Pierre qui veut aller à sa rencontre, la crainte
qui s'empare de lui, Notre-Seigneur le soutenant par la main, etc ?
y. 34-36. — Retour de Notre-Seigneur dans la contrée de Génézareth. — Foi
des habitants de cette contrée. — La barque qui aborde au rivage avec les
Apôtres, figure de l'Eglise qui arrive au port de l'éternité. — Explication
allégorique de la puissance contenue dans la frange du vêtement de Jésus.
302
EXPLICATION DE L'ÉVANGILE
y. 1-5. — En ce temps-là Rérode le tétrnrque apprit ce qui se publiait de Jésus;
et il dit à ses officiers : C'est Jean- Baptiste, c'est lui-même qui est ressuscité
d'entre les morts ; et c'est pour cela qu'il se fait par lui tant de miracles. Car
Hérode ayant fait arrêter Jean, l'avait fait lier et mettre en prison, à cause
d'Hérodiade, femme de son frère, parce que Jean lui disait : Il ne vous est
point permis d'avoir cette femme. Hérode voulait donc le faire mourir; mais
il appréhendait le peujde, parce que Jean était regardé comme un prophète.
La Glose (1). L'Evangéliste, après nous avoir raconté l'intcrpréta-
tion calomnieuse que les pharisiens donnaient des miracles de Jésus-
Christ et comment ses concitoyens, tout en les admirant, n'avaient
cependant que du mépris pour lui, rapporte l'opinion qu'Hérode avait
conçue du Christ au récit des prodiges qu'il opérait : « En ce temps-là,
Hérode apprit^ » etc. — S. Chrys. {hom. 49.) Ce n'est pas sans raison
que l'Evangéliste désigne ici le temps d'une manière précise ; il veut
vous apprendre tout à la fois l'orgueil du tyran et son indifïereuce.
En effet, ce n'est point tout d'abord et un des premiers, mais beaucoup
plus tard , qu'il apprend les prodiges opérés par le Cbrist; c'est ainsi
que la plupart des puissants du monde , séduits par le faste qui les
environne, négligent de s'instruire des vérités du salut, parce qu'ils
n'y attachent pas grande importance.
S. AuG. [de l'accord des Evang., ii, -43.) Saint Matthieu dit ; « En
ce temps-là, » et non pas : « Dans ce jour-là, » ou « A cette heure ; »
c'est qu'en effet saint Marc, qui raconte le même fait de la même ma-
nière (cliap. vi), ne suit pas le même ordre. Il le place après que
(1) Cette citation ne se trouve ni dans la Glose actuelle, ni dans saint Anselme, ni dans au-
cun autre auteur.
CAPUT XIV.
Jn illo tempore, audivit Herodf.s tetrarcha fa-
mam Jesu, cl ait pueris suis : Hic est Joan-
nes Baptista; ipse surrexit a mortuis , et ideo
virtutes operantur in eo. Herodes enim tenuit
Joanncm , et alliyavit eum , et posuit in carce-
rem propter Herodiadem, uxorem fratris sui.
Dicebat enim illi Joannes : î\'un Ucet tibi ha ■
bere eani. Et volens illum occidere, timnit
populum, tjuia sicut prophetam eum habebant.
Glossa. Quia supra Evangelista oslen-
deral (luoinodo pharisan Christi luira-
cula caluniniabantur, concives auleiii
ejus hoc admirantes, Clirisluin tamen
couteiunebaiit, refert nunc quam opi-
uiouem ex auditis niiraculis Ilerode»
de Cliristo couceperat : unde dicitur :
« In illo tempore, audivit Herodes, » etc.
CiiRYS. (in honiil. i9 ut svp.) Non abs-
que causa liic tempus Evaugelista dési-
gnât, sed ut discas tj^ranni superbiani
et negligentiam : ueque euim a prin-
cipio didieit ea qute erant de Cbristo,
sed post plurimum tempus : sic etiam
niulti qui in polestalibus sunt, multa ela-
tione circiimdati hujusmodi tarde addis-
cuiit ; quia non nniltam borum faciunt
curant.
AuG. {de Cens. Lvany. lib. ii, cap.
43.) Dicit autem Mattbœus : « In illo
tempore,» non « in illo die, » vel « illa
liora : » nam et Marcus quidem hoc
codoni modo dicit (cap. G), sed non eo-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIV. 303
Notre-Seigneur a envoyé ses disciples prêcher l'Evangile et sans faire
supposer qu'il y ait une liaison rigoureuses entre ces deux faits. Saint
Luc (chap. ix) suit le môme ordre que saint Marc, mais sans nous
forcer d'admettre que c'est l'ordre dans lequel les faits se sont passés.
S. CiiRYS. {hom. 40.) Voyez quelle est la puissance de la vertu :
Hérode redoute Jean-Baptiste , bien qu'il soit mort , et s'entretient de
sa résurrection : « Et il dit à ses courtisans : C'est Jean-Baptiste. »
— Rab. Nous pouvons juger ici combien grande était la jalousie des
Juifs. Hérode, qui n'est qu'un étranger, déclare que Jean-Baptiste est
peut-être ressuscité d'entre les morts, et cela sans que personne le lui
ait attesté , et les Juifs ont mieux aimé croire que le Christ, dont les
prophètes avaient annoncé la résurrection, avait été enlevé frauduleu-
sement de son tombeau, plutôt que d'admettre sa résurrection, preuve
que les Gentils étaient bien mieux disposés à embrasser la foi que les
Juifs. — S. Jér. Un interprète ecclésiastique demande ici comment
Hérode a pu soupçonner que Jean était ressuscité d'entre les morts.
Ce n'est point à nous de rendre raison d'une erreur qui nous est étran-
gère, et l'hérésie de la métempsycose (1) ne peut s'appuyer sur ce
passage pour soutenir qu'après bien des années révolues les âmes
viennent animer des corps différents, puisque Notre-Seigneur avait
trente ans lorsque Jean fut décapité.
Rab. Tous ceux qui croient à la résurrection des morts ont admis
en même temps avec raison que les saints jouiront alors d'une puis-
sance plus grande que celle qu'ils avaient lorsqu'ils étaient appesantis
(1) C'est-à-dire de la transmigration des âmes d'un corps dans un autre j erreur qui eut pour
auteur Pythagore.
dem ordLne; quia postquam discipulos
ad prsedicandum Domiims misit, hoc
subjecit, nulla timien facla necessitate
qua hoc cousequ enter gestiim esse intel-
ligere cogère mur : Lucas etiam (cap. 9)
narrandi eum ordinem tenet, quem et
Marcus ; riec ipse tamen rerum gestarum
ordinem fuisse eumdem credi cogit.
CuRYS. {m lioni. 49 lit sup.) Videergo
quam magnum quid est virtus : nam et
defunctum Joanuem Herodes formida-
vit, et de rcsurrectione philosophatur :
et ideo sequitur : « Et ait pueris suis :
Hic est Joanues, » etc. Raba. Sed quanta
est invidia Jadœorum ex islo loco doce-
mur. Joannem eniui a mortuis potuisse
resurgere (nulio attestante) Herodes ahe-
nigena pronuntiavit : Judaei vero Chris-
tum, quem prophetœ pruidixerant, non
resurrexisse, sed furtim ablatum esse
credere maluerunt; in quo insinuatur
quod promptior est animus geutium ad
creduiitatem , quam Judœorum. Hieh.
Quidam autem ecclesiasticorum inter-
pretum quaerit quare Herodes ista sit sus-
picatus, ut putet Joanuem a mortuis
resurrexisse : quasi alieni erroris nobis
reddeuda sit ratio ; aut ex his verbis
habeat occasionem hœresis metcmpsy-
c/ioseos, quœ post multos anuorum cir-
culos in diversa corpora dicit animas
iusiuuari ; cum eo teuipore quo Joannes
decolialus est, Dominus triginta anno-
rum esset.
Raba. René autem de resurrectionis
virtute omnes senserunt, quod majoris
potentiae sunt Sancti futuri cum a mor-
tuis resurrexerint, quam fuere dum ad-
304
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
par rinfirmité de la chair. C'est pour cela qu'Hérode dit : « Et il se
fait des miracles par lui. » — S. Aug. {de l'accord des Evang.) Dans
saint Luc, au contraire, nous lisons : a Et Hérode dit : J'ai fait
mourir Jean; quel est donc celui-ci dont j'apprends de telles choses?»
Puisque saint Luc nous représente Hérodiî étant encore dans le doute,
il faut admettre que ce doute fit place à la conviction dans son esprit
sur ce qu'on lui avait rapporté, lorsqu'il dit à ses courtisans, d'après
saint Matthieu : « Celui-ci est Jean-Baptiste ; » ou bien il faut voir
dans ces paroles l'expression d'un esprit qui doute encore , car elles
sont susceptibles de ces deux sens et peuvent signifier ou bien qu'Hé-
rode était convaincu par le rapport des autres^ ou qu'il doutait encore,
comme saint Luc parait l'iudiqui'r. — Rémi. Peut-être nous demandera-
t-on ici pourquoi saint Matthieu s'exprime de la sorte : « En ce temps-
là Hérode apprit, » etc., tandis qu'il raconte bien auparavant que ce
n'est qu'après la mortd'Hérode que le Sauveur revint d'Egypte. Cette
difficulté n'existe plus dés qu'on admet qu'il y eut deux Hérodes. Le
premier Hérode étant mort, eut pour successeur Archélaïis, son fils,
qui dix ans après fut exilé à Vienne, dans les Gaules. César-Auguste
divisa alors ce royaume eu quatre principautés ou tétrarchies, et en
donna trois parties aux enfants d'Hérode. Cet Hérode qui fit décapiter
Jean-Baptiste est donc le fils du grand Hérode sous le règne duquel
naquit Notre-Seigneur^ et c'est pour bien marquer cette différeuce que
l'Evangéliste lui donne le nom de tétrarque.
La Glose. L'Evangéliste ayant rapporté ce que pensait Hérode de
la résurrection de Jean, sans rien dire de sa mort, revient sur ses pas
pour raconter la manière dont mourut le saint précurseur. — S. Chrys.
hue carnis infirmitate gravarentur :
propterea dicit : « Et ideo virtutes ope-
rantur in eo. » Aug. [de Cons. Evang.
ut Slip.) Lucas autem dicit (cap. 19) :
«Et ailHerodes: Joannem ego decollavi;
quis est iste de quo audio talia ego ? »
Quia ergo hfesitautem Lucas commemo-
ravit Herodem, iutelligendum est aut
post hanc luTsitationem confirmasse in
animo :^uo quod ab aliis dicebalur. cuui
dixit pueris suis (sicut hic Matthaeus
narrât) : « [lie est Joannes Baptista, »etc.
aut ita prouuntianda sunt haec verba,
ut haesitantem adhuc indicent : utroque
enim modo pronuntiari potest, ut aut
confirmatum eum ex aliorum verbis ac-
cipiamus ; aut adhuc eum hœsitantem,
ut Lucas commémorât. Remig. Forte
autem quaeret aUquis quare dicat Mat-
thœus : « In illo tempore, audivit Héro-
des, » etc., eum longe superius dicat,
quod mortuo Herode, reversus est Do-
minus ex .ïgypto. Sed hœc qusestio
solvitur, si intelligatur duos fuisse Héro-
des : mortuo namque priore Herode,
successit ei Archeiaus, filius ejus, qui
post deeem annos relegatus est exiUo
apud Yiennam, urbem Galhae ; deinde
Ccesar Augustus jussit dividi illud reg-
num in tetrarchias ; et très partes dédit
tîliis Herodis. Iste ergo Herodes, qui
Joannem decollavit , est filins majoris
Herodis, sub quo Dominus natus est : et
ut hoc ostenderet Evangelista, addidit,
t et ra relia.
Glossa. Quia vero dixerat de opinione
resurrectionis Joannis, eum nihil de
morte dixisset, ideo revertitur, et narrât
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIV. 305
{hom. 49.) Il n'a point donné à ce récit une très-gi-ande impor-
tance (1*), car tout son dessein était de nous transmettre ce qui avait
rapport à Jésas-Clirist et rien autre chose, si ce n'est ce qui pouvait
concourir au même but. Il le commence donc en ces termes : o Hérode
ayant fait arrêter Jean, l'avait fait charger de chaînes.» — S. AuG. {de
raccord des Evang., ii, 44.) Saint Luc ne rapporte pas ce fait dans le
même ordre, mais il le joint au récit qu'il fait du baptême de Notre-
Seigneur. C'est donc la narration anticipée d'un événement qui n'ar-
riva que longtemps après, puisqu'il le place immédiatement après les
paroles de Jean-Baptiste qui nous montrent le Seigneur le van à la
main. Or, d'après l'Evangéliste saint Jean, cet événement n'arriva
pas aussitôt le baptême de Jésus , puisqu'il nous raconte qu'aussitôt
son baptême, Jésus alla dans la Galilée, puis revint dans la Judée, y
baptisa sur les bords du Jourdain , et tout cela avant que Jean fût mis
en prison. Ni saint Matthieu, ni saint Marc n'ont raconté dans cet ordre
la captivité de Jean-Baptiste, comme le prouvent leurs écrits, car ils
rapportent que lorsque le saint précurseur fut arrêté, le Seigneur se
trouvait dans la Galilée, et après avoir raconté les nombreux miracles
qu'il y opéra, à l'occasion de la renommée du Clixist qui parvint jus-
qu'aux oreilles d'Hérode, ils racontent tout ce qui a rapport à la prison
et à la mort de Jean-Baptiste : Quant à la cause pour laquelle il fut
jeté en prison , saint Matthieu nous la fait connaître, par ce qu'il
ajoute : « A cause d'Hérodiade , épouse de son frère ; car Jean lui
disait : Il ne vous est pas permis d'avoir cette femme.
S. Jér. Une ancienne histoire nous apprend que Philippe , fils du
(1*) Le texte grec porte : Kai tt ôviuoTS où 7rpor,YOW[j.£vwi; aùxYiv îi(îr,YaYcV. Et pourquoi
n'a-t-il pas raconté précédemment cette histoire?
qualiter obierit. Chrys. (m homil, 49 ut
siip.) Et hanc historiam nobis Evangelista
non principaliter inducit, quia totumstu-
dium fuit ei dicere de Chrislo, et nihil
aliud, nisi quod forte ad hoc conferre
deberet. Dicit ergo : « Herodes tenait
Joauneiu, et alligavit eum. » AuG. {de
Cons. Evaiig. lib. ii, cap, 44.) Lucas
quideni non eodem ordine id recorda-
lur, sed circa baptisnmra quo Uoniinus
baptizatus est. (Cap. 3.) Unde hoc praeoc-
cupasse intelligitur,nt narret quod multo
posl factum est : cum enini commemo-
rasset Joannes verba de Domino, quod
ventilabrura in manu ejus sit, continuo
hoc subjecit, quod non continuo factum
esse Joannes Evangehsta exponit ; cum
commemoret, posteaquam Ijaptizatus est
TOM. U.
Jésus iisse eum in Galilaeam, et post re-
diisse in Judaeam, et ibi baptizasse circa
Jordanem, antequam Joannes in carce-
rem missus esset. Sed uec Matthaeus,
nec Mareus, eo ordine de Joanne in car-
cerem misso in sua narratione posue-
runt, quod factum apparet in eorum
scriptis : nam et ipsi dixerunt, tradito
Joanne Dominum esse in Galiiœam, et
post niultaquae fecit ibi, ex occasione fa-
mce venientis ad Herodem de Christo,
narrant omnia quse de Joanne fuerunt
incluso et occiso patrata. Causani autem
quare positus sit in carcerem , ostendit
cum dicit : « Propler Herodiadem ,
uxorem fratris sui : dicebat enim isti
Joannes : Non Hcettibi habere eam. »
Hier. Vêtus narrât historia Philippum
20
306
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
premier Hérode, et frère de celui-ci, épousa Hérodiade, tille d'Aretas,
roi d'Arabie. Plus tard son beau-père, par suite de certains débats
qu'il eut avec son gendre, reprit sa fille , et pour punir son premier
mari la donna pour femme à Hérode , ennemi de Philippe (1*). Or,
Jean-Baptiste qui était venu dans l'esprit et la vertu d'Elie, reprit
Hérode et Hérodiade de cette union criminelle avec la même autorité
dont Elie avait fait preuve à l'égard d'Achab et de Jézabel (2). Il lui
déclara que du vivant de son frère , il ne pouvait épouser sa femme ;
et il aima mieux encourir la haine implacable du roi que de sacrifier
par une basse flatterie les commandements de Dieu. — S. Chrys.
[hom. 49.) Cependant ce n'est pas à cette femme qu'il s'adresse^ mais
à celui qui l'a épousée, parce qu'il était le chef et le maitre ; d'ailleurs
il professait probablement la loi judaïque , et c'est au nom de celte
loi que Jean lui défend l'adultère.
« Et il voulait le faire mourir , mais il craignait le peuple. » —
(1*) Nous trouvons dans les différents interprètes tant de divergences sui- ce point que nous
croyons utile d'exposer ici le plus clairement possible quel était cet Hérode, cette Hérodiade, et
ce frère d'Hérode dont elle était la femme. Le roi Hérode, dont il est ici question, est celui qui
est appelé Antipas, tétrarque de Galilée et de Pérée. l\ était fils d'Hérode le Grand et de
Malthace de Samarie. Il était marié à une fille d'Aretas , roi d'Arabie. Durant un séjour qu'il tit
à Rome, il s'éprit d'Hérodiade, femme de son demi-frère Hérode-Philippe, l'enleva et contracta
avec elle un mariage secret, en s'engageant à renvoyer sa première femme, qui, informée des
projets de son mari, prévint l'outrage et se réfugia chez son père. C'est cet Hérode Antipas qui,
d'après Josèphe, était souverain de Galilée au temps de Notre-Seigneur.
Hérodiade était fille d'Aristobule, et par conséquent petite-fille d'Hérode le Grand; elle épousa,
d'après la volonté de son aïeul, Hérode, fils d'Hérode le Grand et de Mariamne. C'est cet Hérode
que Josèphe désigne ainsi par son nom de famille [Antip. xviii, 5, 1-4), tandis que saint Marc
l'appelle de sou nom propre : Philippe. [Marc, vi, 17.) Ce Philippe, fils d'Hérode le Grand et de
Mariamne, qui vivait on simple particulier à Rome , ne doit pas être confondu avec un autre
Philippe, également frère d'Antipas, qui était tétrarque de la Gaulonitide, de la Trachonitide, de
de la Batanée et de la Judée. — Le docteur Sepp nous parait avoir ici confondu Hérodiade avec
Salomé, sa fille, lorsqu'il dit : Antipas, laissant sa légitime épouse, la fille d'Aretas, roi des
Arabes, avait connu pour la première fois Salomé, sa nièce, fille d'Aristobule , chez Hérode. Il
en était devenu épris, l'avait enlevée à son frère et l'avait prise pour femme. ( Vie de N. S. J.-C,
tome 1, page 437.) Salomé, fille d'Hérodiade, épousa d'abord le tétrarque Philippe, beau-fils de
son père, qui portait aussi le nom de Philippe [Marc, vi.) — Après la mort de ce prince, qui
ne lui laissa pas d'enfants, elle épousa Aristobule , fils d'Hérode , le frère d'Agrippa.
(2) A la suite du meurtre commis sur la personne de Naboth , que Jézabel, épouse d'Achab,
avait fait mettre à mort, après qu'elle avait suscité contre lui de faux témoins pour l'accuser de
blasphème et le faire lapider, et cela pour que le roi Achab devint possesseur d'une vigne qu'il
désirait vivement et que Naboth n'avait pas voulu lui céder. (III Rois, xxi, 14, 15, 16, 19.)
Herodis majoris filium, fratrem luijus
Herodis duxisse lixorem Herodiadem,
filiam Arethœ, régis Arabum ; postea
vero soceruin ejus, exorlis quibusdain
conlra geuerum simullatiljus, lulisse li-
liam suam, el in doloreiu priori» inariti,
Herodis, iuiraici ejus nupliis copulassc.
Ergo Joanues Baptista, qui veueral iu
spiritu et virlule Elia; [Luc. i), eadem
auctoritate qua ille Achab corripuerat et
Jézabel (111 Heg. xxi), arguilHerudcincl
Herodiadem, quod illicitas nuptias fece-
riiit ; el uon liceat fratre viveute ger-
inano uxorem ejus ducere; rnalens pe-
riclilari apud regeiu, quam propteradu-
lalioiiem esse immeinor preeceptorum
Dei. CURYS. (in hom. 49 ut sup.) Non
lameu uxori loquitur , sed vire ejus ;
quouiam priucipalior erat hic : forsitau
euim legeiu Judaîorum teuebat ; et ideo
Joanues euni ah aduUerio prohibuit.
Se(iuilur : « Kl voleus eum oecidere
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIV. 307
S. Jér. Il craignait que la réputation de Jean qui avait baptisé un
grand nombre de juifs n'excitât une sédition populaire ; mais il était
esclave de sa passion pour cette femme , et cette passion lui faisait
perdre de vue les préceptes de la loi divine (1*). — La Glose. La crainte
de Dieu réforme la volonté coupable ; la crainte des bommes l'arrête
pour un instant, mais ne la cbange pas ; elle rend plus ardents pour
le crime ceux dont elle a enebaîné quelque temps les violents désirs.
^. 0-12. — 0/' le jour de ta naissance d'Hérode, la fille d'Hérodiade dansa au
milieu de l'assemblée, et elle plut de telle sorte à Hérode, qu'il lui promit
avec serment de lui donner tout ce qu'elle lui demanderait. Cette fille ayant
été instruite auparavant par sa mère, lui dit : Donnez-moi présentement dans
un bassin la tête de Jean-Baptiste. Le roi ressentit de la tristesse de cette
demande; néanmoins, à cause du serment qu'il avait fait, et de cetix qui
étaient à table avec lui, il commanda qu'on la lui donnât. Il envoya en
même temps couper la tête à Jean dans la prison. Et sa tête fut apportée
dans un bassin et donnée à cette fille, qui la porta à su mère. Ses disciples
vinrent prendre son corps et l'ensevelirent , et ils l'altèrent dire à Jésus.
La Glose (2) . Après avoir raconté l'emprisonnement de Jean-Bap-
tiste , l'Evangéliste nous fait le récit de sa mort : « Or , le jour de la
naissance d'Hérode , » etc. — S. Jér. Nous ne voyons dans l'Ecriture
que Pbaraon et Hérode qui aient célébré l'anniversaire de leur nais-
sance; il était juste qu'ils fussent unis pour la célébration de cette
fête comme ils l'étaient par leur impiété (3*).
(r) Josèphe, qui est d'accord avec les Evangélistes dans son récit de l'apostolat de saint Jean,
et qui désigne la forteresse de Machaire comme le lieu de la détention du précurseur, s'écarte
de l'Evangéliste dans le récit de l'arrestation et de l'exécution de Jean-Baptiste. Mais les deux
récits peuvent s'accorder en se complétant. Taudis que Josèphe ajoute le motif politique de l'ar-
restation de Jean-Baptiste, les Evangélistes expliquent son récit en racontant l'intrigue d'Hé-
rodiade.
(2) Cette citation ne se trouve ni dans la Glose, ni dans saint Anselme.
(3') Au temps d'Auguste, la coutume depuis longtemps en usage chez les Grecs de terminer
limebat populuni. » Hier. Seditiouem
quideui populi verebatur propter Joan-
neiii ; a quo sciebat turbas in Jordaue
pluriinas baptizatas ; sed amore vince-
batur u.xoris, ob cujus ardorem etiam
Dei prœcepta neglexerat. Glossa. Timor
eniui Dei corrigit ; timur hominum dif-
ferl, sed voluntatem non aufert : unde
et avidiores reddit ad crimen, quos ali-
quando suspendit a crimine.
Die autetn natalis Herodis, saltavit filia ffero-
diadis in medio, et plaçait Berodi : unde cum
juramento pollicitus est ei dure quodcunque
postulasset ab eo. At Ma prœtuonita a matre
sua : Da mihi, inquit, hic in disco caput Joan-
nis Baptistœ. Et contristatus estrex : propter
jusjurandum autem et eos qui pariter recum-
bebant, jussit dari. Misitque, et decollavit
Joannem in carcere. Et allatum est caput ejus
in disco, et datum est puellœ , et illa attulit
matri suœ. Et acccdentes discipuli ejus, tule-
runt corpus ejus, et sepelierunt illud, et ve-
nientes nuntiaverunt Jesu.
Glossa. Postquam enarravit Evange-
lista incarcerationem Joannis, prosequi-
tur de occisione ipsius, dicens : « Die
autem natalis, » etc. Hier. Nullum in-
venimus alium observasse diem natalis
sui, uisi Herodem et Pharaonem [Exod.
40), ut quorum erat par impietas, esset
una solemuitas.
308
EXPLICATION DE l' ÉVANGILE
Remi. Il faut se rappeler que non-seulement les femmes riches,
mais encore les plus pauvres ont coutume d'élever leurs filles dans de
si grands sentiments de pudeur , «qu'elles demeurent presque invi-
sibles pour les étrangers. Mais cette femme impudique apprit à sa
fille à braver toute pudeur, et loin de lui douner des leçons de mo-
destie, lui enseigna des danses lascives. Hérode ne fut pas moins cou-
pable d'avoir oublié que sa maison était une maison royale et d'avoir
permis à cette femme d'eu faire une salle de spectacle. « Et elle plut
à Hérode, » etc.
S. Jér. Je ne puis excuser Hérode , d'avoir commis cet homi-
cide malgré lui et contre sa volonté , et par respect pour son ser-
ment ; car peut-être ne i'avait-il fait que pour préparer les voies
à ce meurtre atFx*eux. Mais puisqu'il veut se justifier en alléguant son
serment, l'aurait-il exécuté si on lui eût demandé la mort de son père
ou de sa mère? Il n'aurait fait aucun cas de ce serment s'il se fût agi
de personnes qui le touchassent de si près ; ne devait-il pas le respecter
davantage quand on lui demandait la tète d'un prophète? — IsiD. (I).
Lorsque vos promesses sont mauvaises, gardez-vous de les mettre à
exécution ; la promesse qui ne peut s'accomplir que par un crime est
une impiété , et on ne doit pas observer un serment par lequel on s'est
imprudemment engagé à commettre le mal.
« Celle-ci ayant été instruite auparavant par sa mère dit : Donnez-
les festins d'apparat par des danses mimiques et par des scènes tirées des poètes dramatiques,
s'était introduite à la cour des grands dans tout l'empire romain... L'historien Josèphe {An-
tiq., XII, 4, 4) nous parle d'une célèbre danseuse qui, déjà du temps de Ptolémée Evergète, avait
paru dans la salle pendant un festin que donnait ce prince et avait séduit tous les convives par
la manière dont elle exerçait son art. Cet usage, d'origine grecque, avait passé, avec celui du
théâtre, dans les cours des princes juifs, et Hérode l'Ancien avait, au grand scandale du peuple,
fait construire un magnifique théâtre dans son palais et fait venir les acteurs et les danseurs les
plus célèbres , connus sous le nom de Thymelici. Saloraé parut donc devant toute la cour d'Hé-
rode comme reine de la fête et comme danseuse à la fois.
(1) Livre des Synonymes, cbap. x. Cette citation est rapportée dans les Décrets, cause xxii,
quest. IV, chap. 5, qui commence par ces mots : In malis.
Remig. Et scienduni qiiod consuetudo
est, non soUun divitum, sed etiam pau-
perum niulierum, ita pudice filias suas
nutrire, ut vix ah extraueis videanlur :
bœc autem inipudiea inulier inipudiie
filiam suaui uutrivit, quam non docuil
pudorem, sed sallatioueiu. Nec minus
reprehendeudus est Herodes, qui oblilus
est, domuni suam esse aulam rofiiam,
quam pra.'dicta mulier feoerat Iheatruin :
unde sequitur : « Et placuit Elerodi, » etc.
Hier. Kgo autem non excuso Hero-
dem quod invitus et nolens propter ju-
ramentum liomicidium fecerit, qui ad
hoc forte jura vit ut futurae occisioni ma-
chinas prœpararet; aHoquin (si ob jus-
jurandum fecisse se dicit) si uiatris vel si
patris postulasset interitum, facturusfue-
ral, an non ? Quod in se evso repudiatu-
rus fuit, contemnere debuitin propheta.
Isii). In malis erao promissis rescinde
fidem : impia est promissio qua» scelere
adimpletur : illud non est observandum
sacramentum, que malum incaute pro-
mittitur.
Sequitur : « At illa prœmonita a ma-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIV. 309
moi présentement dans un bassin la tête de Jean-Baptiste. » — S. Jér.
Hérodiade, craignant qu'Hérode ne vînt à se repentir ou ne se ré-
conciliât avec son frère Pliilippe, et que les liens criminels qui l'unis-
saient à Hérode ne fussent rompus par une répudiation , commande
à sa fille de demander immédiatement et au milieu du repas la tète
de Jean. Le sang était le digne prix des pas d'une infâme danseuse.
S. Chrys. [hom. 49). Cette fille est doublement coupable , par sa
danse lascive , et pour avoir séduit Hérode à ce point qu'elle pût
demander un meurtre pour récompense. Voyez quelle cruauté dans
cette danseuse impudique, et quelle faiblesse dans Hérode : il se
lie par un serment , et il la rend maîtresse de la demande qu'elle
voudra lui faire. Lors(|u'il vit le crime qui allait résulter de cette
demande, il s'attriste, dit l'Evangéliste ; k Et le roi fut contristé. »
Car la vertu force les méchants eux-mêmes à lui payer le tribut de
leur admiration et de leurs louanges. — S. Jér. Ou bien dans un autre
sens, c'est la coutume des Ecritures que l'écrivain sacré rapporte
comme la vérité l'opinion la plus commune parmi les contemporains.
Ainsi, de même que Marie elle-même appelle Joseph le père de Jé-
sus (1), ainsi l'Evangéliste nous dit qu'Hérode fut contristé, parce que
telle fut l'opinion des convives. Car ce fourbe, habile à dissimuler les
sentiments de son âme, cet artisan d'homicide affectait un air triste
pendant que son cœur était dans la joie. « A cause du serment, » etc.
[1 fait servir son serment d'excuse à son crime et devient impie en se
couvrant du manteau de la religion. L'Evangéliste ajoute : « Et à
cause de ceux qui étaient à table avec lui.» C'est-à-dire qu'Hérode
(I) Lorsqu'elle dit
(Luc, II, 48.)
Voici que votre père et moi nous vous cherchions fort affligés.
tre sua : Da mihi (inquit) capiit Joan-
nis, » etc. Hier. Herodias enim limeus ne
Herodes aliquando resipisceret, vel Plii-
lippo fratri amicus fieret, at([ue illicitœ
uuptiee repudio solvereutur, monet fi-
liam lit in ipso statim convivio Joannis
caput postulet; digno operi isaltationis
dignum sanguinis praernium.
CuRYS. [in homil. 49 ut sup.) Duplex
est antcin hic puellse accusatio : et quo-
niam saltavit, et quoniam ita ei placuit
ut occisionem expeteret ut mercedem.
Vide autem qualiter crudelis est obscœna
saltatrix, et qualités mollis est Herodes :
seipsum enim obnoxium juramento fa-
cit , illam autem dominam petitionis
constituit ; quia ergo scivit quod ex ejus
petitione malum eveniebat, tristatus est :
unde sequitur : « Et contristatus est
rex : » virtus enim etiam apud malos ad-
miratione et laudibus digna est. Hier.
Vel aliter consuetudinis Scripturarum
est, ut opinionem multorum sic narret
historicus, quomodo eo tempore ab lio-
niinibns credebatur : sicut igitur Joseph
ab ipsa quoque Maria appellabatur j9fl<er
Jesti {Luc. 2), ita et nunc Herodes dici-
tur contristatus , quia hoc discumbentes
putabant : dissimulator enim mentis
suœ, et artifex homicidii, tristitiam prse-
ferebat in facie. cum Iselitiam haberetiû
mente. Sequitur : « Propter jusjuran-
dum, » etc. Scelus excusât juramento,
ut sub occasione pietatis impius fieret.
Quod autem subjecit : « Et propter eos
qui parit«r diseumbebant , w vult omnes
310
EXPLICATION DE L EVANGILE
veut les rendre tous complices de son crime, et, dans un festin oii
préside l'impureté, leur servir des mets ensanglantés.
S. Chrys. {hom. i9.) Mais s'il craignait d'avoir des témoins de son
parjure , ne devait-il pas craindre beaucoup plus d'avoir tant de té-
moins de ce meurtre impie? — Rémi. C'est ainsi qu'un premier crime
l'a entraîné dans an crime plus grand encore, il n'a point étouffé un
désir impudique , il est tombé dans la-debauche, et pour n'avoir pas
mis de frein à sa passion voluptueuse , il s'est précipité dans le crime
affreux de l'homicide. « Et il envoya couper la tète à Jean , » etc. —
S. Jér. Nous lisons dans l'histoire romaine que Flaminius , général
romain, ayant près de lui, dans un festin, une courtisane qui lui
disait qu'elle n'avait jamais vu d'homme décapité, commanda qu'un
criminel condamné à mort fût exécuté sous ses yeux , au milieu
même du banquet. Les censeurs le chassèrent du sénat pour avoir osé
associer l'horreur du sang répandu aux joies d'un festin , et donné
comme un spectacle agréable la mort d'un homme, bien que coupable,
joignant ainsi le hbertinage à l'homicide. Mais combien plus grand
fut le crime d'Hérode, d'Hérodiade et de cette jeune fille qui, comme
prix d'une danse lascive, demande la tète d'un prophète , pour avoir
en sa puissance cette langue qui avait condamné un commerce cri-
minel.
« Et la tète de Jean fut donnée à cette fille (I*). » — S. Grég.
(1') Nous n'avons pas traduit ici une courte citation de la Glose qui n'est que la répétition
littérale de la dernière phrase de saint Jérôme : « Ut haberet in potestate linguam quae illicitas
nuptias arguebat. »
La nouvelle Jézabel avait enfin obtenu ce qu'elle demandait depuis si longtemps à ce prince
incestueux. — Nousjisons dans l'histoire que Marc-Antoine se faisait aussi apporter pendant le
repas les tètes des proscrits, et que Fulvia, sa femme, prit sur ses genoux la tète de Cicéron et
perça sa langue avec des aiguilles. Dion Cassius nous raconte la même chose d'Agrippine , après
qu'elle eut fait périr Paulina LoUia. Ce genre de cruauté était du reste tout à fait dans les mœurs
de l'époque; et en se faisant présenter la tête de ceux qu'on voulait frapper, on s'assurait par
sceleris sui esse cousorles, ut in luxu-
rioso coûvivlo eriientae épuise defer-
rentur.
Chrys. [in homJl. iO ut sup.) Si au-
tem testes liabere perjuralioiiis formida-
vil, quanto uiagis linuiisse oporteliat tam
iuiquae occisiouis tantos testes habere !
Remig. Sed iu eo luiiuis peccatum, fac-
tuiu est causa majorispcccuti : naui (juia
libidinosam voluntalcm non exliuxit,
idcii'co ad iuxuriam usi[ue pervenit ;
et quia Iuxuriam non coercuit, idée
ad reatuni liomicidii descendit : unde
sequitnr : « Misil(]ue, et decoliavil.Iuan-
neui, n etc. Hier. Leginius in roraana
Historia Flaminium, ducem romauuni,
quod accubanti juxta se meretriculae,
quBB nunquam vidisse se diceret homi-
neni decoUalum, assensus sit, ut reus
qnidam capitalis criuiiuis in convivio
Irnuearetur, a censoribus pulsuui curia,
quod ppulas sangnini commiscueril; et
niortem, ([namvis noxii liominis", in alte-
rius delicias prœstilerit, ut libido et hq-
niicidiujn piiriter niiscerentur. Quanto
scelcratior Ilorodes et Ilerodias, ac puella
quae sallavit; in pretium sanguinis petiit
caput propbt'la^, ut liaberct in potestate
linguam, quaj illii-itiis nuptias arguebat.
Seqiiilur : « Kt daliini csl puelUï, » etc.
Glossa. (inierlin.) VI habeat in potes-
tate liuguam. qu<e illicitas nuptias argue-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIV. 311
{Moral, m, 5) (1). Ce n'est pas sans un étonneraent profond que
je considère cet homme , rempli de l'esprit de prophétie dès le
sein de sa mère(£i<c, i), et qui n'en eut point de plus grand que lui
parmi ceux qui sont nés des femmes, jeté eu prison parles méchants,
décapité pour récompenser la danse lascive d'une jeune fille , et
mourant, lui d'une sainteté si éminente , pour l'amusement de gens
infâmes I Pourrions-nous penser, eu efifet, que cette mort ignominieuse
a été la peine de quelques fautes de sa vie? Non , Dieu n'abaisse et
n'humilie ainsi ses élus sur la terre, que parce qu'il sait comment il
les récompensera dans les cieux ; concluons de là ce que souffriront
un jour ceux qu'il réprouve , s'il tourmente ainsi ceux qu'il aime. —
S. Grég. {Moral, xxix, 16) (2). Jean-Baptiste n'a pas été mis à mort
pour avoir confessé le nom du Christ, mais comme victime de la vé-
rité et de la justice. Or, comme le Christ est la vérité, c'est pour le
Christ qu'il a combattu jusqu'à la mort.
« Ses disciples vinrent ensuite, » etc. — S. Jér. Nous pouvons en-
tendre ici les disciples de Jean aussi bien que ceux du Sauveur. —
Rab. Josèphe raconte que Jean fut amené chargé de chaînes au châ-
teau de Machéronte (3*), et que ce fut là qu'il fut décapité. L'histoire
là de l'exécution des ordres qu'on avait donnés. Nous ne devons donc pas nous étonner si la
tradition historique, après saint Jérôme et Nicéphore, raconte qu'Hérodiade, lorsqu'on lui pré-
senta la tête de Jean, perça sa langue avec une aiguille, comme si elle avait encore craint ses
reproches, puis qu'ayant fait envelopper sa tète dans des chiffons, elle la fit ensevelir dans nn
lieu secret, tandis qu'on jata son corps à la voirie. (Voyez Sepp, Yie de N. S. J-C, tome I,
page 445, et Dict. enajclop. de la Théolog. cathoL, art. Hérodiade.)
(1) Dans les anciennes éditions, chap. 4, sur ces paroles du chap. 2 du livre de Job : a Qui
nettoyait sa plaie avec les débris d'un vase. »
(2) Dans les anciennes éditions, chap. 4, sur ces paroles du chap. 38 de Job : a La lumière sera
enlevée aux impies. »
(3*) La forteresse de Machaire était située sur l'extrême limite des Etats d'Hérode. Les rabbins
la nommaient Fort noir ou encore Fournaise, à cause de la terre noire d'asphalte et des sources
chaudes qui se trouvaient eu cette contrée. Elle était située au delà de la mer Morte, dans le
voisinage du mont Nébo. C'était le lieu le mieux fortifié après Jérusalem. Le roi Hérode l'avait
fait bâtir pour en faire une place d'armes contre les Arabes. Ceux-ci s'en étaient emparés plus
tard, mais elle avait été probablement reconquise dans la guerre actuelle. La nature l'avait mu-
bat. Greg. (III Moral, cap. 5.) Sed non
admiratione gravissima perpendo quod
ille qui proplietiai spiritu intra matris
uterum impletus est [Luc. 1), qiio iuter
natos luulierum neuio major siirrexit
[Mattli. 12) ab iniquis in carcereui mit-
titur, et pro puellse saltu capite truuca-
tur, et vir tautaî sanctitatis pro risu tur-
pium moritur. Niinquid nam credimus
aliquid fuisse quod in ejus vita illa sic
despecta mors lergeret? Sed idcirco Deus
suùs sic primit in infimis, quia videt quo-
modo eos rémunérât in summis. Hinc
ergo unusquisque colligat t[uid ilii sint
passuri quos reprobat, si sic cruciat quos
amat. Greg. (xxix Moral, cap. 16.) Ne-
que enim Joannes de confessione Christi,
sed de justitiœ veritate requisitus occu-
buit : sed quia Cliristus est veritas, usque
ad mortem pro Christo certavit, qui ad
illum quasi pro veritate pervenit.
Sequitur : « Et accedentes disci-
puli, » etc. Hier. In quo ipsius Joannis
et Salvatoris discipulos intelligerepossu-
mus. Raba. Narrât autem Josepbus vinc-
tum Joannem in castellum Macheronta
adductum, ibique truncatum : ecciesias-
tica vero Historia narrai sepultum eum
312
EXPLICATION DE L'ÉVANGILE
nous apprend d'aillours qu'il fut enseveli dans Sébaste , ville de Pa-
lestine, appelée autrefois Saraarie (1*).
S. Chrys. {hom. 50.) Remarquez comment les disciples de Jean sont
entrés dans une plus grande intimité avec Jésus ; ce sont eux qui
viennent le trouver pour lui annoncer la mort du saint précurseur :
« Et ils vinrent l'annoncer à Jésus. » Ils abandonnent tous les autres
pour se réfugier auprès de Jésus-Cbrist^ après avoir été amenés à lui
peu à peu , et par la réponse qu'il leur avait faite, et par le malheur
qu'ils venaient d'éprouver.
S. HiL. [can. 12.) Dans le sens mystique, Jean est la figure de la
loi, parce que c'est la loi qui a prédit le Christ, et c'est en prenant son
point de départ dans la loi qu'il annonçait lui-même le Christ, Hérode
est le roi du peuple, et en cette qualité, il représente seul la personne
et la cause de tout le peuple qui lui est soumis. Jean-Baptiste rappe-
lait à Hérode qu'il lui était défendu d'épouser la femme de son frère ;
car le peuple de la circoncision et les Gentils forment deux peui»les
distincts. Ces peuples sont frères et descendent de la souche commune
du genre humain. Mais la loi défendait au peuple d'Israël de se
nie de fossés profonds de cent coudées ; à ses pieds était bâtie la ville basse, mais elle étalait en
haut ses rochers avançant en saillies au-dessus de l'abîme et entourés de murs. Aux angles
étaient placées des tours hautes de soixante coudées, et c'est dans l'une de ces tours que Jean-
Baptiste était enfermé (Voyez Josèphe, Aniiq., xviii, 5, 2, et Sopp., Vie de N. S. Jésus-Christ ,
page 437.)
Ce récit soulève une petite difficulté. Josèphe nous apprend que Jean-Baptiste éta't prisonnier
à Machaire, place forte située sur la frontière méridionale de la Pérée, tandis que la résidence
d'Hérode était à Tibériade, ville éloignée de Machaire d'une journée de marche. De Machaire à
Tibériade, la tète de Jean-Baptiste ne pouvait être apportée qu'au bout de deux jours; elle ne
put donc être présentée à table. Mais un renseignement fourni par Josèphe offre une conciliation
possible {Antiq., wux , 5, 1.) 11 n'est pas, en effet, défendu de supposer qu'à ce moment le
tétrarque était en guerre avec le roi arabe Arétas, son beau-père, et qu'il avait choisi pour rési-
dence la place forte de Machaire, située sur la limite, entre son territoire et celui des ennemis.
Cette explication est d'autant plus probable que sur la place au milieu de la citadelle s'élevait
un magnifique château où le tétrarque se tenait avec son état-major pendant que la guerre le
forçait à rester dans ces contrées.
{!*) C'est Hérode qui, après avoir rendu à Samarie son ancienne splendeur, lui donna, pour
flatter Auguste, le nom à'Augusta, en grec Sébaste. — Il y a une autre ville du nom de Sébastr
dans l'Asie Mineure et qui fut le chef-lieu de la première Arménie, formée aux dépens de la Cap-
padoce.
iu Sebastia, urbe Palmstinoriim , quœ
quonilam Samaris dicta est. Chrys. (in
hom. '60 in Malth.) Intende aulem qua-
liter discipnli .loannid jam magis fami-
liares facti sont .lesii : ipsi enim sunl qui
annuntiaverunt ci quod factum est de
.loanne : unde sequitur : « Et venientes
nuntiaverunt Jesii. » Etenim universos
dimitleutes ad ipsum confugiunt, et ita
paulalim post calamitatem et responsio-
nem a Christo datam directi suut.
HiLAR. {Can. 12 ut svp.) .MystiLC au-
tem Joannes praetnlit formam lepis, quia
lex Christum prœdicavit ; et Joannes
profectus ex lèpre est, Christum ex lege
prœuuntians : Herodes vero princeps est
populi ; et populi princeps subjectae sibi
universitatis nomen causanique complec-
titur. .loanues erpo Herodem monebat.
ne fratris sui uxoreni sibi jungeret : suut
enim atque eraut duo populi (cireumci-
sionis et gentium.) Hi igitur fratres ex
eodem sunt humani generis parente ;
sed Israclem lex admonebat, ne opéra
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XTV. 343
mêler aux œuvres des Gentils et d'imiter leurincrédulilé, qui leur était
étroitement unie comme par les liens intimes du mariage. Or, le jour
de sa naissance, c'est-à-dire au milieu des joies profanes de la terre, la
fille d'Hérodiade dansa ; car la volupté qui est comme la fille de l'in-
fidélité , se mêlait à toutes les joies d'Israël avec tous les mouvements
désordonnés de ses charmes séducteurs, et le peuple lui était vendu
comme par un serment. En efifet, les Israélites vendirent honteusement
les biens ineffables de la vie éternelle en se livrant aux péchés et aux
voluptés du siècle. Cette volupté , sous l'inspiration de sa mère,
c'est-à-dire de l'incrédulité , a demandé qu'on lui apportât la tête de
Jean-Baptiste, c'est-à-dire la gloire de la loi; mais le peuple, con-
vaincu du bien que renfermait la loi , ne consent pas aux exigences
de la volupté sans ressentir une vive douleur du danger auquel il
s'expose ; il sait qu'il n'aurait pas dû sacrifier la gloire des comman-
dements qui lui ont été donnés, mais enchaîné par ses péchés comme
par un serment, dépravé et vaincu par la crainte et par l'exemple des
princes qui l'entourent, il obéit avec tristesse aux séductions de la vo-
lupté. La tète de Jean est donc apportée dans un plat à la fin des
joies dissolues de ce peuple impudique. C'est toujours au détriment
de la loi qu'on voit se développer et s'accroître la volupté des sens et
le luxe des mondains. Cette tête passe des mains de la mère dans
celles de la fille; c'est ainsi que le peuple d'Israël, par un trait de
honteuse lâcheté , livre la gloire de la loi à la débauche et à l'incré-
dulité. Les temps que devait durer la loi étant expirés et ensevelis
avec Jean-Baptiste, ses disciples viennent annoncer au Sauveur ce
qui vient d'avoir lieu, et passent ainsi de la loi à l'Evangile.
S. Jér. Ou bien encore, nous voyons jusqu'à ce jour dans cette tète
de Jean-Baptiste qui était prophète , les Juifs qui ont perdu Jésus-
gentium et intiilelitatem sibi jungeret,
quse ipsis tanquam vinculo coujugalis
amoris annexa est. Die autem natalis (id
est, rerum corporalium gaudiis), Hero-
diadis tilia saltavit : vûluptas enim tan-
quam ex iufîdelitate orta, per omnia Is-
raël gaudia totis illecebrte suae cursibus
efferebatur, cui se etiam sacramento ve-
nalem populus addidit : sub peccatis
enira et seculi voluptatibus Israelitae vitœ
ar-ternae mimera vendiderunt. Haec ma-
tris suce (id est, intidelitatis) instinctu,
oravit deferri sibi caput Joannis (id est,
gloriam legis), sed populus boni ejus
quod in lege erat conscius, voluptatis con-
ditionibus non sine periculi sui dolore
concedit ; scitque se talem praeceptorum
gloriam non oportuisse concedere, sed
peccatis tanquam sacramento coactus^
et principum adjacentium metu atque
exemplo depravatus et victus, illecebris
voluptatis mœstus obtempérât. Igitur in-
ter reliqua dissoluti populi gaudia in
disco Joannis caput affertur; damnosci-
licet legis, voluptas corporum et secu-
laris luxus augetur. Ita per puellam ad
matrem defertur; ac sic probrosus Israël
etiam voluptati et infidelitati suae gloriam
legis addixit. Finitis igitur legis tempo-
ribus et cum Joanne sepultis, discipuli
ejus res gestas Domino annuntiant, ad
evangelia scilicet ex lege venientes.
Hier. Vel aliter : nos usque hodie cer-
nimus in capite Joannis prophetae, Ju
314
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
Christ, la tête et le chef des prophètes. — Rab. C'est parmi eux que le
prophète a perdu la langue et la voix. — Rémi. Ou bien la décolla-
tion de Jean-Baptiste signifie la diminution, l'amoindrissement que
subit sa réputation dans l'opinion des Juifs , qui s'étaient imaginés
qu'il était le Christ (1) ; de même que l'élévation du Seigneur sur la
croix représente le progrès de la foi, et c'est dans ce sens que Jean
avait dit [Jean, i) : « 11 faut (ju'il croisse, et moi que je diminue. »
y. 13, 14. — Jésus l'ayant appris, partit de là dans une barque, pour se retirer
à l'écart dans un lieu désert; et le peuple l'ayant su, le suivit à pied de
diverses villes. Lorsqu'il sortait, ayant vu une grande multitude, it en eut
compassion, et il guérit leurs malades.
La Glose (^). Le Sauveur ayant appris la mort de celui qui l'avait
baptisé, se retira dans la solitude : a Jésus l'ayant appris, il monta
dans une barque et se retira dans un lieu désert. » S. Aug. (de raccord
des Evang., ii, 45.) L'Evangéliste place cette retraite du Sauveur
immédiatement après le martyre de Jean-Baptiste : donc ce n'est
qu'après la mort du précurseur qu'est arrivé ce fait qu'il a raconté
d'abord : « Hérode, troublé de ce qu'on lui apprenait de Jésus, dit :
C'est Jean-Baptiste ! On doit donc regarder comme arrivas postérieu-
rement les faits racontés par saint Luc , que le bruit public porte jus-
qu'aux oreilles d'Hérode, et qui lui font demander avec inquiétude
quel est celui dont il apprend de telles choses , après qu'il a fait lui-
même mourir Jean-Baptiste. — S. Jér. S'il se retire dans un lieu
désert , ce n'est point par crainte de la mort , comme se l'imaginent
(1) 'I Cependant le peuple s'imaginant, et chacun ayant dans l'esprit que Jean pourrait bien
être le Christ. » {Luc, lu, 15.)
(2) Ou plutôt saint Anselme ; cette citation paraît extraite de saint Jérôme avec quelques légers
changements.
daeos Christum (qui caput prophetarura
est) perdidisse. Rab. Sed, et linguam, et
vocera apud eos perdidit propheta. Re-
MIG. Vel aliter : decollatio Joaunis siprnat
minorationem famte illius qua restiuiaba-
tur a populo Christus [Luc. 3), sicut e.xal-
tatio Domini in cruce signal profoctum
fidei: iinde Joaunesdixerat (JoanA; : «11-
liini oporfet crescere, me aulem uiiniii.))
Quod cum nudisset Jésus , secessit indc in iwti-
cula in locum descrtum seorsuin. Et cum au-
dissent turbœ , secutce sunt eum pédestres de
civilalibus. Et exiens l'idit turbam mullam, et
misertus est eis, et curavit languidos eorum.
Glossa. Salvator aiidita uece sui Bap-
tistae, secessit in locum desertum : unde
sequitur : « Quod cum audisset Jésus,
secessit iude iu navicula in locum deser-
tum seorsum^ » Aug. (de Cois. Evang.
lib. II, cap. 43.) Hoc autem continue
po>t Joannis passionem Evangelista fac-
Umi esse commémorât : unde post hœc
facta smil illa qua> primo narrala simt,
(juibus motus Herodesdixit : « Hic est
.loanues : » illa enim posteriora debent
intelligi qua^ ad Herodem pertulit fama
(quae Lucas refeit) ut moveretur et haesi-
taret, quisnam iste esse posset, de que
audiret talia cum Joannem ipse occi-
disset. Hier. Non autem secedit in locum
desertum timoré mortis (ut (juidara ar-
DE SAINT MATTHIEU, CIIAP. XIV.
315
quelques-uns, mais pour épargner à ses ennemis d'ajouter un second
homicide au premier. Peut-être aussi voulait-il différer sa mort jus-
qu'à la fête de Pâques, jour où l'agneau figuratif devait être immolé,
et où les portes des croyants devaient être marquées de son sang.
Peut-être encore se retira-t-il pour nous donner l'exemple de ne point
nous exposer avec témérité à la persécution ; car tous ne supportent
pas les tourments avec la même constance qu'ils mettent à les affron-
ter. C'est pour cela qu'il nous dit dans un autre endroit : « Lorsqu'ils
vous persécuteront dans une ville, fuyez dans une autre. » (Matth.x.)
L'expression dont se sert l'Evangéliste est d'ailleurs parfaitement
choisie; car il ne dit pas : Il s'enfuit dans un lieu désert, mais : Il se
retira, de manière qu'il se dérobe plutôt à ses persécuteurs qu'il ne
les craint. Il a pu aussi, en apprenant la mort de Jean-Baptiste, se
retirer dans le désert pour un autre motif, c'est-à-dire pour éprouver
la foi de ceux qui croyaient en lui. — S. Ghrys. {ho7n. 50.) Ou bien
encore , c'est qu'il voulait agir comme homme dans beaucoup de
choses, le temps n'étant pas encore arrivé de dévoiler sa divinité;
c'est pour cela qu'il défend ailleurs à ses disciples de dire à personne
qu'il est le Christ (i) , taudis qu'après sa résurrection il veut qu'on le
publie hautement. C'est pour le même motif qu'il ne voulut pas se
retirer avant qu'on lui eût appris ce qui venait d'arriver , bien qu'il le
sût parfaitement de lui-même , pour établir en toute circonstance la
vérité de son incarnation , et la faire croire non-seulement par le té-
moignage des yeux , mais par celui des œuvres. Or, il se retire, non
pas dans une ville , mais dans le désert , et en montant dans une
barque, afin que personne ne put le suivre. Mais le peuple ne l'aban-
(1) Notre-Seigneur fit cette recommandation à ses Apôtres après l'admirable confession de saint
Pierre : « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. «
bitrantur), sed parcens inimicis suis, ne
homicidium homicidio jungerent; vel iu
diem Paschae suum iuteritum differens,
in quo propter sacramentum immolan-
dus est agnus, et postes credentium san-
guine respergendi. Sive ideo recessit, ut
nobis praeberet exeuiplum temeritatis
ultro se tradenlium viland*, quia non
omnes eadem constautia persévérant iu
tormeutis, qua se torqueudos offerunt.
Ob hanc causaui iu alio l(jeo preecipit
(Mallh. 10) : « Ciiui persecuti vosfuerint
in una civitate, fugite iu aliam : » unde
eleganter quoque F'vaugelisla non dicit :
« Fugit in locuui desertum, » sed, « se-
cessit, » ut persecutores vilaverit magis
quam timueril. Potest etiam aliam ob
causaui audito Joannis interitu seces-
sisse in desertum locum, ut credentium
probaret fidem. Chrys. [in homil. 50 ut
sup.) Vel ideo boc fecit, quia plura bu-
manitus vult dispensare, nondum tem-
pore existente denudaudi suam manifeste
Deitatem : propter quod et discipulis
dixit [Mail h. 16) quod nulb dicerent
quod ipse esset Cbristus ; post resurrec-
tionem autem volebat boc tieri manifes-
tum. Ideo autem, quamvis per se uoverit
quod factum est, tamen antequam nun-
tiaretur ei, non secessit, ut demoustraret
per omnia incarualionis veritatem : non
enim solo visu, sed operibus, boc credi
volebat. Recedens vero non abiit in civi-
tatem, sed in desertum , et navigio, ut
nuUus sequeretur. Turbae autem neque
lia désistant, sed sequuutur; et neque
316
EXPLICATION DE L'ÉVANGILE
donne pas, et ne laisse pas de le suivre , sans être effrayé de ce qui
est arrivé à Jean-Baptiste. « Et le peuple l'ayant su , le suivit à
pied, » etc.
S. JÉR. Le peuple suit le Sauveur non sur des chars ou sur des
bêtes de somme , mais en se soumettant aux fatigues d'un long
voyage à pied (1*), pour montrer le désir qu'il avait de s'attacher à
Jésus. — S. Chrys. {hom. 50.) Cette sainte ardeur fut aussitôt récom-
pensée. « Lorsqu'il sortait, dit l'Evangéliste, il vit une grande multi-
tude et il en eut compassion, et il guérit leurs malades. » L'affection
de ce peuple, qui abandonnait ses demeures pour le chercher avec
tant d'empressement, était bien grande; mais ce qu'il faisait en leur
faveur était bien supérieur aux efforts de leur zèle : aussi l'Evangé-
liste donne-t-il comme cause de ces guérisons la miséricorde. Quelle
plus grande miséricorde , en effet , que celle qui guérit tous les ma-
lades qu'on lui présente, sans exiger d'eux la foi !
S. HiL. {can. 14.) Dans le sens mystique, le Verbe de Dieu , lorsque
la loi a cessé d'exister , monte dans une barque pour se réunir à l'E-
glise et se dirige vers le désert ; il rompt tout commerce avec le
peuple d'Israël et passe dans les cœurs qui étaient vides de la connais-
sance de Dieu. Le peuple, l'ayant appris, sort de la ville pour le
suivre au désert, et quitte ainsi la synagogue pour entrer dans l'E-
glise. A cette vue, le Sauveur a pitié d'eux et guérit toutes leurs lan-
gueurs et toutes leurs infirmités , c'est-à-dire qu'il purifie les âmes et
les corps plongés dans la léthargie de l'incrédulité , pour les rendre
capables de comprendre la doctrine de la loi nouvelle. — Rab.
(1*) On se demande naturellement comment le peuple suit à pied Notre-Seigneur qni se relire
dans le désert en traversant la mer de Tibériade. La réponse est facile : c'est qu'il y avait une
autre voie qui côtoyait le lac de Génésareth et traversait le Jourdain au moyen d'un pont (Adri-
chome, Description de la tribu de Nephtali), et c'est celle que le peuple suivit pour rejoindre
Jésus-Christ.
quod gestum est de Joanne eos terruit.
Unde sequitur : « Et cuic audissent turbae,
secutae sunt, » etc.
HiER.Seculae sunt autem eum pédes-
tres; non in jiuuentis, non in vehicnlis,
sed proprio labore peduni. ut ardorem
mentis ostenderent. Chrys. [in homil.
.'50 nt sup.) Et propter hoc statim retri-
butionem acceperunt : unde sequitur :
« Et exiens vidit turbam niultani, et mi-
sertus est eis, et curavit languidos eo-
rum : » etsi eniiii uiulta erat afTectio eo
rum qui civitates dimittebant, et dili-
jçeuter eum quaerebanl ; sed lameu qua?
ab ipso fiebaut, omnis studii superexce-
dunl retributioueni : ideoque causam
talis curationis misericordiam ponit : est
autem maiïna misericordia, quod omnes
curât; et tidem non expetil.
HiLAU. (ToH. 14 ^it sup.) Mysliceautem
Dei Verbum lege finita, navem conscen-
dens Ecclesiam adiit, et in desertum ten-
dit : relictaquippe conversatione Israël,
in vacua divina; cognitionis pectora tran-
sit. Turba autem hoc audiens, Dominum
de civitate sequitur in desertum ; de
synagoga videlicet ad Ecclesiam ten-
dens ; quam videns misertus est et om-
nem languorem infirmilatemque curât ;
obsessas scilicet mentes et corpora infi-
delitatis veteruo ad intelligentiam novae
prœdicationis emundat. Raba. Illud quo-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIV. 347
Remarquons encore que c'est après qu'il s'est retiré dans le désert
que la foule le suit , car il n'était adoré que par un seul peuple avant
qu'il se rendît dans la solitude des nations. — S. Jér. Ils abandonnent
leurs villes , c'est-à-dire leurs anciennes habitudes et leurs diverses
croyances. Jésus va à leur rencontre et nous apprend par là que si ce
peuple avait la volonté de venir le trouver il n'en avait pas la force ,
et c'est pour cela qu'il sort lui-même et le prévient.
^. 15-21. — Le soir étant venu, ses disciples s'approchèrent de lui et lui dirent :
Ce lieu-ci est désert et il est déjà bien tard; renvoyez le peuple, afin qu'ils
s'en aillent acheter de quoi manger. Mais Jésus leur dit : Il n'est pas néces-
saire qu'ils y aillent : donnez-leur vous-même à maiiger. Ils lui répondirent :
Nous n'avons ici que cinq pains et deux poissons. Apportez-les-moi ici, leur
dit-il. Et, après avoir commandé au peuple de s'asseoir sur l'herbe, il prit les
citq pains et les deux poissons , et, levant les yeux au ciel, il les bénit; puis,
rompant les pains, il les donna à ses disciples , et les disciples au peuple. Ils
en mangèrent tous, et furent rassasiés; et on emporta douze paniers pleins
des morceaux qui étaient restés. Or ceux qui ma^igèrent étaient au nombre de
cinq mille hommes, sans compter les femmes et les petits enfants.
S. Chrys. {hom. 50.) Ce qui montre la foi de ce peuple , c'est que
malgré la faim qu'il éprouve, il persévère avec le Sauveur jusqu'au
soir. « Le soir étant venu, ses disciples s'approchèrent de lui et lui
dirent : Ce lieu-ci est désert. » Notre-Seigneur , qui a le dessein de
donner à manger à cette multitude, attend cependant qu'il en soit
prié. C'est ainsi que jamais il ne s'empresse de faire des miracles,
mais qu'il attend toujours qu'on lui en fasse la demande. Mais pour-
quoi donc n'en est-il pas un seul dans toute cette multitude pour s'ap-
que notandum quod postquam Dominus
in desertum venit, secutœ sunt eum
turbae multae : nam antequam veniret in
solitudinem genlium, ab uno lantum
populo colebatur. Hier. Relinquunt au-
lem civitates suas, hoc est, pristiuas con-
versationes et varietates dogmatum :
egressus aulem Jésus significat quod
turbse quidem habebant eundi volun-
tatem, sed perveniendi vires non habue-
runt : ideo Salvator egreditur de loco
suo, et obviani pergit.
Vespere aulera facto, accesserunt ad eum disci-
puli ejus, dicentes : Desertus est locus, et hora
jam prœleriil : dimitle turbas , %it ewites
in castella . eviant sil/i escas. Jésus autem
dieit eis : Non habent necesse ire; date illis
vos mandticare. Besponderunt ei : Non habe-
mus hic msi quinque panes et duos pisces.
Qui ait eis : Afferte mihi illos hue : et eum
jussisset turbam discumbere super fœnum ,
acceptis quinque panibus et duobus piscibus,
aspiciens in cœlum benedixit, et fregit, et dédit
diseipulis panes; discipuli autem turbis. Et
maniiucanerunt omnes , et saturati sicnt. Et
tulerunt reliquias duodecim cophinos fragmen-
torum plenos. Mandacantium autem fuit nu-
merus quinque millia virorum, exceptis mulie-
ribus et parmdis.
Chrys. {in hom.liO vtsup.)TaThSiTnia
fideni ostendit, quod Doininum etiam
famem patientes expectabant usque ad
vesperam : Ideo sequitur : « Vespere au-
tem facto, accesserunt ad eum discipuli
ejus dicentes : Desertus est locus. » Ciba-
turus quidem eos Dominus expectat ro-
gari; quasi ubique non insisteus prior ad
miracula, sed vocatus. Ideo autem nuUus
318
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
procher de lai? C'est par un profond sentiment de respect, et le dfîsir
ardent d'être toujours avec lui leur fait oublier le besoin de la faim.
Les disciples eux-mêmes ne viennent pas lui dire : Donnez-leur à man-
ger, car leurs dispositions étaient encore trop imparfaites ; mais ils
lui représentent que le lieu est désert. Ce que les Juifs avaient regardé
comme un miracle impossible dans le désert, lorsqu'ils disaient : « Est-ce
qu'il pourra nous dresser une table dans le désert? (Ps. lxxvii) c'est
ce que Jésus se propose de faire. Il conduit ce peuple dans le désert,
afin que te miracle ne laisse aucune place au doute et que personne
ne puisse penser que c'est un des bourgs voisins qui a fouini le pain
qu'il distribue à ce peuple. Ce lieu est désert, il est vrai , mais celui
qui nourrit tout ce qui respire le remplit de sa présence , et quoique
l'beure soit passée, comme le font remarquer les Apôtres, celui qui
parle ici n'est pas soumis aux heures dont se composent nos journées.
Bien que pour préparer ses disciples à ce miracle il eût commencé par
guérir un grand nombre de malades, ils étaient encore si imparfaits
qu'ils ne pouvaient soupçonner le miracle qu'il devait opérer en mul-
tipliant les pains, et c'est pour cela qu'ils lui disent : « Renvoyez le
peuple , » etc. Remarquez la sagesse du divin Maître : il ne leur dit
pas immédiatement : « Je les nourrirai , » car ils ne l'auraient pas
cru facilement , mais il leur répond : « Il n'est pas nécessaire qu'ils
s'en aillent, donnez-leur vous-mêmes à manger. » — S. Jér. Il les
presse ainsi de distribuer du pain à la multitude, pour que la gran-
deur du miracle devînt plus éclatante par l'aveu qu'ils feraient eux-
mêmes qu'ils n'avaient pas de pain à lui donner.
S. AuG. {De V accord des Evang.,u, AQ.) On peut être embarrassé pour
concilier la narration de saint Jean , d'après laquelle Notre-Seigneur,
de turba accedit : venerabantur eniin
eum abundanter, et neque famis sensum
accipiebant amore iustaotiae. Sed ueque
discipuli aceedentes dicuut : Ciba eos
(adhuc eniin imperfectius erant discipuli
dispositi), sed dicunt : « Desertus est
locus : » quod enim videl)atur Judeeis
iu eremo esse uiiraculum, cum dicereut
{Psal. 77) : « Nunquid potest parare
niensam in deserto ? » boc et per opéra
ostendit. Propter hoc aiitem etiudeser-
tum eos ducit, ut siue omni suspicione
sit hoc miracuUiiii ; et miUus œstimet
ex castello aliquo prope existenli inferri
aliquid ad mensam. Sed quamvis deser-
tus sit locus, tamen qui nutril orbem ter-
rarum adest; et si borani jaui pra*teriit
(ul dicuut), tameu qui uou erat borœ
suppositus, loquebatur. Et quamvis prae-
veniens discipulos Dominus raultos in-
firmos curaverit, tamen intérim ila im-
perfecti erant, quod neque quid de pa-
uibus facturus erat, poteraut aestimare :
unde subdunt : « Dimitte turbas, » etc.
Vide autem Magistri sapientiam : non
enim statim dixiteis : » Ego cibabo eos»
(neque euim hoc facile suscepissent), sed
subditur : « Jésus autem dixit eis : Non
habent uecesse ire ; date illis vos man-
ducare. » Hier, lu quo provocat apos-
tolos ad fractiouem panis, ut illis se non
habere testantibus magnitudo miraculi
notior fjeret.
AcG. {(le Cons. Evang. lib.ii, cap. 46.)
Potesl autem movere, si Dominus secun-
dum narratiouem Joannis {cap. 6.) pros-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIV.
319
à la vue de toute cette multitude , demande à Philippe comment on
pourrait donner à manger à tout ce peuple , avec ce que raconte ici
saint Matthieu , que les disciples prièrent Notre-Seigneur de renvoyer
le peuple pour qu'il put acheter des aliments dans les villages voisins.
Pour résoudre cette difficulté, il suffit de dire que c'est après ces
paroles que le Seigneur , ayant vu cette grande multitude , adresse à
Philippe les paroles que saint Jean rapporte et qu'ont omises saint
Matthieu et les autres évangélistes. Et en général , disons qu'un évan-
géliste peut raconter ce qu'un autre a passé sous silence , sans qu'on
doive se laisser arrêter par de semblables difficultés.
S. CiiRYs. {hom. 50.) Cette réponse du Sauveur ne suffit pas pour
donner aux disciples de plus hautes idées; ils continuent de lui parler
comme s'il n'était qu'un homme : « Et ils lui répondirent : Nous n'a-
vons ici que cinq pains, » etc. Cependant les disciples nous donnent
ici une preuve de leur sagesse dans le peu de souci qu'ils prennent
de la nourriture. Ils étaient douze et n'avaient que cinq pains et deux
poissons. Ils méprisaient les besoins du corps, et ils étaient tout
entiers aux choses spirituelles. Mais comme leurs pensées se traînaient
encore sur la terre , le Sauveur les amène insensiblement au miracle
qu'il veut opérer : « Et il leur dit : Apportez-moi ces pains. » Pour-
quoi donc n'a-t-il pas tiré du néant ces pains avec lesquels il doit
nourrir la foule? C'est pour fermer la bouche à Marcion et aux Mani-
chéens, qui soutiennent que les créatures sont complètement étrangères
à Dieu , et pour montrer par ses œuvres que toutes les choses visibles
sont sorties de sa main et ont été créées par lui. C'est ainsi qu'il prouve
quel est celui qui produisit les fruits et qui a dit au commencement :
« Que la terre produise les plantes verdoyantes. » {Genèse^ i.) Le
pectis turbis queesivit a Philippe unde
illis escee dari possent , quomodo sit ve-
rum quod MattbEeus hic narrât, priu^
dixisse Domino discipulos ut diniitleret
turbas, quô possent alimenta emere de
proximis locis : inteiligitur ergo post haec
verba Dominum inspexisse multitudi ■
nem, et dixisse Philippe quod Joannes
commémorât, Jlatthœus autem et alii
praetermiserunt, et omnino talibus quaes-
tionibus neminem raoveri oportet, cum
ab aliquo evangelistarum dicitur quod
ab alio praetermiltitur.
Chrys. {in liomil. ."iO ut sup.) Disci-
puli vero neque per prœmissa verba di-
rect! suut, scd adhuc ut homini loquuu-
tur : unde sequitur ; « Responderunt ei :
non habemus hic nisi quinque panes^ » etc .
Addiscimus autem in hoc discipulorum
sapientiam quaUter contempserunt es-
cam : duodecim enim existentes, quin-
que panes habebant et duos pisces ; con-
temptibilia enim illis erant corporaha,
et a spiritualibus possidebantur. Quia
igitur discipuli adhuc ad terram trahe-
bautur, jam Dominus inducere incipit
quœab ipso erant : unde sequitur : « Qui
ait eis : Afferte illos mihi hue : » Prop-
ter quid autem non facit panes ex ni-
hilo. quibus turbam pascat? Ut scilicet
obstruât Marcionis et Manichœi os, qui
creaturas aliénant a Deo : et per opéra
doceat quoniam omnia quîe videntur,
ejus opéra et creationessuut; et ut osten-
dat quoniam ipse est qui fruclus tradidit
et qui dixit a principio {Gènes. 1) : « Terra
320 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
miracle qu'il va faire n'est pas raoiiis grand , car il ne faut pas une
moindre puissance pour nourrir une grande multitude avec cinq
pains et quelques poissons que pour faire sortir les fruits de la terre,
et du sein des eaux les reptiles et les animaux qui ont la vie et le
mouvement, double création qui le proclame le Seigneur de la terre
et de la mer. L'exemple des disciples nous apprend que le peu même
que nous possédons nous devons aimer à le verser dans le sein des
pauvres. En effet, aussitôt que le Seigneur leur ordonne d'apporter
leurs cinq pains , ils obéissent sans songer à répondre : « Comment
pourrons-nous apaiser notre faim? Et après avoir commandé au
peuple de s'asseoir sur l'herbe, il prit les cinq pains et, levant les
yeux au ciel, il les bénit, » etc. Pourquoi lever les yeux au ciel et
bénir ces pains ? C'était pour déclarer qu'il venait du Père et qu'il
était son égal. Il prouvait qu'il était égal à son Père en agissant en
tout avec puissance, et il montrait qu'il venait du Père en lui rappor-
tant tout ce qu'il faisait et en l'invoquant avant toutes ses œuvres.
C'est comme preuve de cette double vérité que tantôt il opérait ses
miracles avec puissance , tantôt il priait avant de les faire. Tl faut de
plus remarquer que pour les miracles moins importants il lève les
yeux vers le ciel , et que pour les plus éclatants, il agit avec une puis-
sance absolue. Ainsi , lorsqu'il ressuscite les morts, quand il met un
freina la fureur des flots, quand il juge les pensées secrètes des
cœurs, quand il ouvre les yeux de l'aveugle-né, œuvres qui ne peuvent
avoir que Dieu pour auteur , nous ne le voyons pas recourir à la
prière; mais lorsqu'il multiplie les pains (miracle inférieur à ceux qui
précèdent), il lève les yeux au ciel pour vous apprendre que même
dans les prodiges moins importants il n'agit point par une puissance
germinetherbamvireulem; » ueque enim | cequalis est : aequalitatem demonstrabat,
hoc minus illo est : non enim minus est cum omnia potestate faceret : a Pâtre
de quinque panibus pascere tantos, et de 1 autem se esse monstrabat, per hoc quod
piscibussimiliter, quam de terra educere ad ipsum omnia referens faciebat ; invo-
fructum, et ab aquis reptilia et alia ani- cans eum ad ea quœ fiebant : et ideo ut
mata ; quod demonstrat eum esse Domi-
num terrœ et maris. Oportet autem
erudiri discipulorum exemple, quoniam
etsi pauca babuerimus, oportet ea tri-
buere indigentibus : jussi namque disci-
puli afferre quinque panes, non dieunt :
« Unde mitigabimus l'amem nostram ? »
Sed obediuut confêslim : unde sequitur :
« Et cum jussisset turl)am discumbere
super fœnum, acceptis quinque panibus,
aspiciens, in cœlum benedixit , n etc.
Quare autem aspexit in cœlum et bene-
dixit? Oportebat namque credi de eo
quoniam a Paire est, et quoniam ei
utrumque ostendat, uunc quidem potes-
tate, nunc autem orans miraoula facit.
Deiude considerandum quod in mino-
ribus quidem respicit in cœlum, in ma-
joribus autem potestate omnia facit :
quando enim peccata dimisit, mortuos
suscitavit, mare refraeuavit, occulta cor-
dium redarguit, oculos condidit cœci
nati (quœ solius Dei sunf), nequaquam
videtur orans ; (juaudo autem panes
multiplicari fecit (quod bis omnibus mi-
nus est), tune respexit in cœlum, ut
discas quoniam et in miuoribus non
aliunde virtutem habet quam a Paire.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIV. 321
difiercnte de celle de son Père. Il nous apprend en même temps à ne
jamais prendre nos repas avant d'avoir rendu grâces à Celui qui nous
donne la nourriture. Notre-Seigneur veut en outre opérer un miracle
avec ces cincj pains pour amener ses disciples à croire en lui, car ils
étaient encore bien faibles dans la foi. C'est pourquoi il lève les yeux
vers le ciel. Car s'ils avaient déjà été témoins d'un grand nombre de
miracles, ils n'en avaient pas encore vu de semblable (l*).
S. JÉR. Le Sauveur rompt le pain, et le pain se multiplie. Si ces
pains étaient restés entiers et qu'ils n'eussent pas été partagés par
morceaux, ni multipliés en si grande quantité, jamais ils n'auraient
pu rassasier une si grande multitude. Or, remarquons que c'est par
l'intermédiaire des Apôtres que le peuple reçoit du Seigneur cette
nourriture. « Et il les donne à ses disciples. » — S. Chrys. [hom. .'SO.)
Il veut en cela non-seulement leur faire lionneur, mais rendre impos-
sible et l'incrédulité , et l'oubli à l'égard d'un miracle auquel leurs
mains elles-mêmes rendaient témoignage. Il permet que la multitude
éprouve d'abord le besoin de la faim, que les disciples s'approcbent de
lui, l'interrogent et lui remettent les pains entre les mains pour multi-
plier les preuves de ce miracle et les circonstances qui devaient en
conserver le souvenir. En ne donnant aux peuples que des pains et
des poissons , et en les leur distribuant d'une manière égale, il leur
enseigne l'humilité , la tempérance (2*) et la charité qui devait leuj'
faire regarder toutes les choses comme communes entre eux. Le lieu
même où il les nourrit , l'herbe sur laquelle il les fait asseoir, con-
tiennent un enseignement , car il ne veut pas seulement apaiser leur
(1*) Nous avons dû recourir ici au texte même de saint Chrysostome pour donner à l'ensemble
de la pensée plus de clarté en ajoutant quelques phrases omises par saint Thomas qui souvent
abrège les citations et intervertit l'ordre du texte original,
(2*) Le mot grec ey/tpatstav signifie littéralement tempérance , et non point économie ou par-
cimonie, comme semblerait l'indiquer la traduction latine parcimoniam.
Simul autem erudit uos non prius tan-
gere mensani, donec gratias egerimus ei
qui cibum dal nobis : propter hocetiam
et in cœlum respicil : aliorum enim si-
gnorum multorum exempla habebaat
discipuli, hujuâ uullum.
Hier. Frangente autem Domino semi-
uarium fil ciborum : si enim fuissent
integri, et non in frusta discerpti, nec
divisi in mulliplicem segetem, tantam
multitudiuem alere non poterant. Turbae
autem a Domino per apostolos alimenta
suscipiunt : unde sequitur : « Et dédit
discipulis, » etc. Chrys. {in homil. 50 ut
sup.) In quo quidem, non solum eos
honoravit, sed voluit ut hoc miraeulo
TOM, II.
facto non incréduli fiant, neque oblivis-
cantur ejus cum praeterierit, manibus
ipsis testantibus. Ideoque turbas dimittit
prius famis sensum accipere, et disci-
pulos accedere, etinterrogare, etabipsis
accepit panes ; ut multa essent testi-
monia ejus quod fiebat, et multas reme-
morationes babereut miraculi : ex hoc
autem quod nihil amplius quam panes
et pisces eis dédit, et ex boc quod omni-
bus communiter ea apposait , humili-
tatem, parcimoniam, et charitatem, qua
omnia aîstimarent communia, eos eru-
divit : quod et a loco docuit, cum super
fœnum eos discumbere fecit : non enim
nutrirc solum corpora volebat, sed el
2i
322
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
faim , mais aussi nourrir leur àme. Or, les pains et les poissons se
multipliaient entre les mains des disciples , comme l'indique la suite
du récit : a Et tous en mangèrent, » etc. Le miracle ne s'arrêta pas
là et la multiplication s'étendit au delà du nécessaire, de manière
qu'après avoir multiplié les pains entiers , il permit qu'il restât une
grande quantité de morceaux (1*). Le Seigneur veut prouver ainsi que
ce sont vraiment les restes des pains qu'il a multipliés, convaincre les
absents de la vérité du miracle et montrer à tous que ce n'est pas
un prodige imaginaire : « Et ils emportèrent douze paniers (2*) pleins
des morceaux qui étaient restés. » — S. Jér. Chacun des apôtres
remplit son panier avec les restes des pains multipliés miraculeuse-
ment par le Sauveur, et ces restes prouvent que ce sont de vrais pains
qu'il a multipliés. — S. Ghrys. {hom. 50.) 11 voulut qu'il restât douze
corbeilles pleines , afin que Judas put aussi porter la sienne. Il fait
aussi emporter ces restes par ses disciples, et non par la foule, dont les
dispositions étaient moins parfaites. — S. Jér. Le nombre de ceux
qui furent rassasiés était de cinq mille et correspondait aux cinq
pains qui furent distribués : « Or, le nombre de ceux qui mangèrent
était de cin(i mille hommes. » — S. Chrys. {hom. 50.) Un trait à la
louange de ce peuple, c'est que les femmes comme les hommes sui-
vaient Jésus-Christ quand le miracle fut opéré (3*). — S. Hil. Les
(1*) Nous avons traduit ici d'après le texte grec qui offre un sens différent de la traduction latine
dont s'est servi saint Thomas : xaî T:£pt(j(j£ù(7at oO/i àptov; (iovov, «/).à xxi x)â(7jiaTa.
(2*) Ces paniers étaient des corbeilles de voyage comme les Juifs avaient coutume d'en porter
avec eux lorsqu'ils allaient aux fêtes ou en campagne. Ils se servaient de corbeilles et de paniers
pour que leurs pains qui étaient minces et déliés comme nos galettes ne se rompissent pas. Or ,
dans une si grande multitude, on peut supposer qu'il y en eut au moins douze qui prirent avec
eux quelques provisions. Cette corbeille servait encore à un autre usage. Les Juifs la remplis-
saient de foin pour s'en servir comme d'oreiller la nuit, et c'était là tout le mobilier de campagne
des Hébreux pauvres, ce qui a fait dire à Juvénal : Quorum cophinus fœnumque supellex, que
tout leur mobilier consistait en une corbeille et du foin.
(3*) Le texte grec est encore ici contraire à la traduction latine dont s'est servi saint Thomas :
0 (i.£Yi(7X0v r^v Toù ôïijJ.o\j èyy.(îy[j.io-^ oti xal yuvaïxE; xaî àvôpE? îrpocrrjôpEuov. Alors
auimam erudire. Panes aulem et pisces
ia discipulorimi manibus augebantur :
unde sequitur : « Kt manducaverunt
omnes, » etc. Nec usque ad hoc stetit
lairaculutn, sed et superaljuudare fecit,
non panes integros, sed fragmenta ; ut
ostendat quoniani illoruin panumbaîre-
liquiït eranl, et ut absentes discant quod
lactum est; et ne ullus quod factuuj est
lesliniet esse phanlasiani : unde sequi-
tur : « Et tuleru'nt reliquias duodeciui
cophinos pleuos fragmentoruui. Hier.
Unusquisque enim apostoloruui de reli-
quiis Salviiluris iuq>let cophiuuui suuui,
ut ex reliquiis doceat veros fuisse paues
qui multiplicati sunt. Chrys. {in homil.
50 ut sup.) Propter hoc euim et duo-
decim copliinos superabundare fecit, ut
et Judas suum cophinum portaret. Acci-
piens autem fragmenta dédit discipulis,
et non turbis, quœ adliuc imperfeutius
dispositae erant, quam discipuU. Hier.
Juxta numerum quinque panum, et co-
medeutiuiu virorum quiuque milliuui
multiludo est : unde sequitur : « Maudu-
cantium aulem fuit numerus quiuque
millia virorum, » etc. Chrys. [vt sup.)
Hoc enim erat plebis niaxiuia iaus, quo-
uiani mulieres et viri astabaut, quaudo
bœc reli(|uiu; factae sunt. Hilar. {Can.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIV. 323
pains ne se multiplient pas en d'autres pains entiers, mais aux
premiers morceaux en succèdent d'autres , et le pain se multiplie soit
dans l'endroit qui sert de table, soit dans les mains de ceux qui s'en
nourrissent.
Rab. Saint Jean, avant de raconter ce miracle (chap. vi) , nous fait
observer que la Pâque était proche. Saint Matthieu et saint Marc le
placent immédiatement après le martyre de Jean-Baptiste , d'où nous
devons conclure que le saint Précurseur fut décapité aux approches
de la fête de Pâques et que c'est l'année suivante , au retour de la
même fête, que s'accomplit le mystère de la passion du Sauveur.
S. Jér. Toutes les circonstances de ce miracle sont pleines de mys-
tères (1). Notre-Seigneur l'opère non le matin, ni au milieu de la
journée, mais le soir, lorsque le soleil de justice est couché. — Rémi.
Le soir signifie la mort du Sauveur , car c'est lorsque le soleil de vé-
rité se coucha sur l'autel de la croix qu'il rassasia ceux qui étaient
tourmentés par la faim. Ou bien le soir est la figure du dernier âge
du monde , cet âge où le Fils de Dieu vint nourrir la multitude de
ceux qui croyaient en lui. — Rab. Les disciples prient le Sauveur de
renvoyer le peuple pour qu'il achète de quoi manger dans les villages
voisins ; c'est le dégoût que les Juifs ont pour les Gentils , qu'ils
regardent comme plus propres à chercher leur nourriture dans les
écoles de philosophes que dans les divins pâturages des livres sacrés.
— S. HiL. {can. 14.) Mais le Seigneur répond : « Il n'est point néces-
commence une autre phrase : IIwi; Ta )xt4'ava yÉYOvE , comment put-il y avoir des restes?
Dans la traduction latine , au contraire , on lit : u Hoc enim erat plebis maxima laus quoniani
mulieres et viri astabant quando hai reliquia; factœ sunt, » ce qui n'offre pas un sens bien satis-
faisant.
(1) Saint Jérôme embrasse ici dans cette explication mystique tous les détails qui précèdent
la retraite du Sauveur dans le désert, la compassion qu'il témoigne pour le peuple qui le suit et
dont il guérit les malades, etc.
14 in Muttfi.) Non autem quinque panes
multii)licanlur in plures (panes), sed
t'ragmentis fragmenta succédant. Crescit
deinde materies, nescio utrum in men-
saruni loco, aut in sinnentium mauibus.
Raba. Hoc autem niiraculum scrip-
lurus Joannes (cap. 6) prsemisit quia
proximum esset Pascha; Malthaeus vero
et Marcus hoc (interfecto Joanne) con-
tinue faclum esse commémorant; unde
colligitur, imminente paschali festivitate
fuisse decollatum ; et anno post sequente
cum pascliale tempus rediret, mysterium
dominicaî passionis esse completum.
Hier. Omnia auleni haec plena mys-
leriis sunt : hoc enim facit Dominus,
non mane, non meridie, sed vespere;
quando sol justitiœ occubuit. REMio.Per
vesperam enim mors Domini designa-
tur ; quia postquam ille verus sol in ara
crucis occubuit, famelicos satiavit. Vel
vesperum ultinia aelas secnli designatur,
in qua Filius Dei veniens, turbas in se
credentium ret'ecit. Raba. Quod autem
discipuli rogant Dominum ut dimittat
turbas, ut emant sibi cibos per castella,
signât fastidium Judœorum contra turbas
gentium, quas judicabant magis aptas ut
quœrerent sibi cibum in conveuticulis
philosophorum, quam divinorum libro-
rum uterentur pastu. HiLAR. {Can. 14
ut sup.) Sed Dominas respondit : «Non
324
EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
saire qu'ils y aillent ; » il nous apprend ainsi que ceux qu'il a guéris
n'ont pas besoin de se nourrir d'une doctrine vénale et qu'il n'est pas
nécessaire de retourner dans la Judée pour s'y procurer des aliments.
Il commande donc à ses disciples de leur donner eux-mêmes à man-
ger. Est-ce donc qu'il ignorait qu'ils n'avaient rien à leur donner?
Mais toutes les circonstances de ce miracle demandent à être expli-
quées dans un pens figuré. Les Apôtres n'avaient pas encore reçu le
pouvoir de consacrer et de distribuer le pain du ciel qui devait être
la nourriture de la vie éternelle. Leur réponse doit être entendue dans
le sens spirituel ; ils étaient réduits à n'avoir que cinq pains, c'est-à-
dire les cinq livres de la loi, et deux poissons, c'est-à-dire qu'ils n'a-
vaient d'autre nourriture que la prédication de Jean-Baptiste et des
prophètes. — Rab. Ou bien par ces deux poissons il faut entendre
les psaumes et les prophéties ; car l'Ancien Testament comprend ces
trois choses : la loi, les prophètes et les psaumes.
S. HiL. [can. 14.) Les Apôtres ne purent d'abord donner au peuple
que ces trois choses qui étaient en leur possession; mais la prédica-
tion de l'Evangile, en venant s'y ajouter , y puisa le principe de cette
force divine dont les développements vont toujours croissants. Le
Sauveur fait ensuite asseoir le peuple sur le gazon , ce n'est plus sur
la terre qu'il se repose, mais sur le lit que lui présente la loi, et comme
l'herbe repose sur la terre, chacun s'assied et se repose sur les fruits
de ses œuvres. — S. Jér. Ou bien il les fait asseoir sur le gazon, et
i'après un autre Evangéiiste {Ma?x, vi) , par groupe de cinquante et
de cent, afin qu'après avoir foulé aux pieds les inclinations de la
chair , et placé au-dessous d'eux les voluptés du siècle comme un
gazon desséché, ils s'élèvent par la pénitence, représentée par le
habent necesse ire ; » ostendens eos
i^uibus medetur venalis doctrinse cibo
non egere, nequo ueces^iilatem habere
regredi ad Judaeam cibosque mercari ;
jubetque apostolis utescam dareut.Nuu-
quid autem iguorabat non esse quod
dari posset? Sed erat omnis typica ratio
explicanda : nondum enim concessuui
apostolis erat ad vitre feternae cibumcœ-
lesteui paneni periicere ac raiuistrare :
quorum responsio ad spirilualis intelli-
gentiœ ordinem tendit ; quia atlhuc sub
quinque panibus (id est, (juinque libris
legis) continebantur ; et piscium duo-
rum (id est, proi>betaruni et Joannis)
praedicationibns alebantur. Hah. Vol per
duos pisces, elprupbelias, etpsalmoslia-
bemus : lotum enim vêtus Testamentum
in bis tribus couipletur : lege, propbetis
et psalmis.
IIiLAR. [Can. 14 ut sup.) Hase igilur
primum, quia in bis adhuc erant apos-
toli obtulerunt : sed ex bis evangeliorum
pr.'pdicatio in majorera suœ virtutis
abundantiam crescit. Accumbere post
boc supra fœnum populus jubetur, non
jam in terra jacens, sed lege suffultus :
et tanquam (terra fœno) fructibus operis
sui inlimus unusquisque substernitur.
Hier. Vel discumbere jubentur super
fœnum, et secundum aliura Evangelistam
(Marc. 6), per quinqua2e^o^ et centenos,
ut postquam calcaveriut carnem suam
et secnli volnptates quasi arens fœnum
sibi subjecerint, tune per quinquage-
narii numeri pœnitentiam ad perfeclum
DE SAINT MATTHIEU, f.HAP. XIV. 325
nombre cinquante, à la perfection du nombre cent, fl lève les yeux
vers le ciel , pour leur apprendre à diriger leurs regards de ce côté ;
il leur rompt le pain de la loi avec celui des prophètes , et leur en
expose les mystères , afin que ce qui ne pouvait servir de nourriture
en demeurant dans son entier, pût rassasier la multitude des nations,
lorsqu'il serait divisé en plusieurs parties.
S, HiL. {can. 1 i.) Les pains sont remis entre les mains des Apôtres,
car c'était par eux que les dons de la grâce divine devaient être dis-
tribués. Le nombre de ceux qui mangèrent fut le même que le nombre
(le ceux qui devaient embrasser la foi ; car nous lisons dans le livre
des Actes (chap. iv), que sur la multitude presque innombrable du
peuple juif, cinq mille se convertirent à la foi. — S. Jér. Parmi ceux
qui mangèrent de ces pains , il y eut cin(i mille hommes parvenus à
la plénitude de l'âge; les femmes et les enfants , (c'est-à-dire la fai-
blesse du sexe et celle de l'âge), ne sont pas dignes d'être compris dans
ce nombre. Aussi dans le livre des Nombi^es (chap. i), les esclaves,
les femmes, les enfants et le bas peuple ne sont pas compris dans le
dénombrement. — Rab. Pour nourrir cette multitude affamée, le Sau-
veur ne créé pas de nouveaux aliments, mais il prend ceux qui étaient
entre les mains de ses disciples , et il les bénit ; il nous apprenait
ainsi qu'en venant dans une chair mortelle, il n'annonçait pas d'autres
vérités que celles qui avaient été prédites , et il montrait que la loi et
les prophètes renfermaient dans leur sein les plus grands mystères.
Les disciples emportent les morceaux qui restent ; ce sont les mys-
tères les plus secrets, qui ne peuvent être compris des esprits grossiers;
ils ne doivent pas être reçus avec négligence, mais devenir l'objet de
l'étude la plus sérieuse de la part des douze Apôtres et de leurs suc-
('esscurs, figurés ici par les douze paniers. Les paniers ou corbeilles
centesimi numeri culmen ascendant.
Aspicit autem ad cœlum, ut ad illud di-
rigendos oculos doceat. Fraugitur autem
lex cum prophetis, et ejus iu médium
proferuutur mysteria, ut quod integriun
non alebat, divisura par partes alat gen-
tium multitudinem.
HiLAR. (Can. 14 ntsup.) Dantur autem
apostolis panes, quia per cos eraut divi-
na3 gratiœ doua reddenda. Idem autem
edentium numerus invenitur, qui futu-
rus fuerat erediturorum : nam sicut in
iibro Actuum continetur (cap. 4) ex is-
raëlitici populi intinitale, virorum quiu-
que millia crediderunt. Hier. Comede-
runt autem quinque millia virorum, qui
in perfectum virum creverant ; mulieres
autem et parvuli (sexus fragilis et aetas
minor) numéro indigni sunt : unde et in
Numerorum Iibro (cap. 1), servi, mu-
lieres et parvuli, et vulgus ignobile, abs-
que numéro praetermittitur. Rab. Turbis
autem esurientibus non nova créât ci-
baria, sed acceptis eis quse habebant dis-
cipuli, benedixit, quia veniens in carne,
non alia qiuim quae praedicta sunt prae-
dicabat, sedlegis et prophetarum scripta
mysteriis gravida esse demonstrat. Quod
autem superest turbis, a discipulis tolli-
tur ; quia secretiora mysteria ([use a ru-
dibus capi uequeunt, non sunt negligen-
ter habenda, sed a duodecim apostolis
(qui per duodecim cophinos signantur),
et ab eorum successoribus diligenter ia-
326
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
servent à des usages communs, et Dieu a choisi ce qui est vil et bas
aux yeux du monde, pour confondre ce qui est fort (l Cor. i). On
peut voir dans ces cinq mille hommes les cinq sens du corps humain,
et une figure de ceux qui, sous la livrée du monde, font un bon usage
des choses extérieures.
^. 22-33. — Aussitôt Jésus obligea ses disciples de monter dans la barque, et
de passer avant lui à l'autre bord pendant qu'il renverrait le peuple. Après
l'avoir renvoyé , il monta seul sur une montafjne pour prier ; et le soir étant
venu, il se trouva seul en ce lieu-là. Cependant la barque était fort battue
des flots au milieu de la mer {!*), parce que le vent était contraire. Mais à là
quatrième veille de la nuit, Jésus vint à eux, marchant sur la mer. Lorsqu'ils
te virent marcher ainsi sur la mer, ils furent troublés , et ils disaient : C'est
11)1 fantôme, et ils s'écrièrent de frayeur. Aussitôt Jésus leur parla et leur
dit : Rassurez-vous ; c'est moi, ne craiynez point. Pierre lui répondit : Sei-
gneur, si c'est vous, commandez que j'aille à vous sur les eaux. Jésus lui dit :
\enez. Et Pierre, descendant de la barque, marchait sur l'eau pour aller
trouver Jésus. Mais, voyant un grand vent, il eut peur, et il commençait à
s'enfoncer lorsqu'il s'écria : Seigneur, sauvez-moi. Aussitôt Jésus, lui tendant
la main, le prit et lui dit : Homme de peu de foi, pourquoi avez-vous douté?
Et étant monté dans la barque, le vent cessa. Alors ceux qui étaient dans
cette barque, s' approchant de lui, l'adorèrent en lui disant : Vous êtes vrai-
ment le Fils de Dieu.
S. CHRi's. {hom. 50.) Notre-Seigneur , voulant livrer à un examen
(1*) On peut trouver extraordinaire qu'il puisse s'élever une tempête aussi violente sur une
étendue d'eau aussi peu considérable , ce lac ayant à peine six lieues de long et trois de .arge
(Robinson et Smith, Palestine, m, 573), quoique Josophe lui donne une longueur de cent qua-
rante stades, sur une largeur de quarante. Mais les voyageurs modernes ont constaté qu'il s'élève
souvent de dangereuses tempêtes sur ce lac (Wincr, Lexiq., i, 478), et on pourrait apporter à
l'appui les lacs de Genève et de Lucerne, qui eux mêmes ont souvent été le théâtre de violents
orages.
qiiirenda. Cophiuis eiiim servilia opéra
aguntiir : et Deus inlirnia niundi elegit^
ut confundat fortia. (I (ormlh. i.)
Ouinque autem niillia pro ([iiiiiqiie seii-
sibus corporis accipi pnssnnt : lii sunt
qui in seculari habita exterioribus recle
iiti novenint.
Et stutiiii compiilit di.iripulos axcenilfire in nat'i-
culam, et prœcrdrrr non traits frctum, lUmcr
dimilteret turbas. Et dimissa liirija, ascendit
in montem solus orare. Vesperc autem facto,
solus erat ibi. Navicula autem in medio mari
/actabatur fluctibus : erat enim coiitrarius ven-
ins. Quarta nutem vir/ilia noctis, venit nd eos
ambuinns super mare : et videntes eum super
mare ambulanlem, lurbati sunt dicentes quia
phnntasma est : et prœ timoré clamaverwit.
Slaliirif/ue Jésus locutus est eis, dicens : Ba-
hete fiducTam, ego sum, noiite timere. Respon -
liens autem Petrus, dixit illi : Domine, si tu
es, jubé me neuire ad te super aquas. Al ipse
ait : Veni. Et descendens Petrus de navicula,
ambulabat super aquas ut veniret ad Jesum.
Videns vero vcnlum validum timuit : et eum
eœpisset mergi, clamavil, dicens : Domine,
salvum me fac. Et continua Jésus extendens
manum, apprehendit eum, et ait illi : Àfodicœ
fidei, quare dubitasti ? Et eum ascendisset in
naviculam, cessavit ventus. Qui autem in na-
vicula erant, venerunt, et adoraveruni eum,
direntes : Vere Eilius Dei es.
Chrys. {in hom. 50 ut sup.) Pilim^i-
lein examinalioneiu eonmi qu;".' faota
DE SAINT MATTHIEU, CHAl>. XIV. 327
sérioux le miracle qu'il vient d'opérer, ordonne à ceux qui en ont été
les témoins de se séparer de lui ; car en supposant que lui présent, on
pût croire qu'il n'avait fait ce miracle qu'en apparence , on ne pou-
vait en porter le même jugement lorsqu'il aurait disparu (1*). C'est
pour cela que l'Evangéliste ajoute ; « Et aussitôt Jésus obligea ses
disciples d'entrer dans une barque et de le précéder. » — S. Jér. Nous
avons ici une preuve que c'était malgré eux que les disciples se sépa-
raient du Sauveur, et que dans l'affection qu'ils avaient pour ce divin
Maître, ils ne voulaient même pas le quitter un seul instant.
S. Chrys. {hom, 50 et 51). Remarquons que toutes les fois que le
Seigneur a opéré de grandes choses, il renvoie le peuple, et nous en-
seigne ainsi à ne pas rechercher la gloire qui vient des hommes, et
à ne pas attirer le peuple après nous. Il nous apprend aussi à ne pas
nous mêler continuellement à la multitude et à ne pas la fuir non
plus toujours , mais à fréquenter tour à tour le monde et la soli-
tude. « Après avoir renvoyé la foule , il monta seul sur la mon-
tagne, » etc. Il nous enseigne ici les avantages de la solitude, lorsque
nous voulons nous entretenir avec Dieu. Jésus se rend dans le désert,
et il y passe la nuit en prières , pour uous apprendre à choisir les
temps et les lieux où nous pourrons nous livrer dans le calme à la
prière. — S. Jér. Ces paroles : « Il monta seul pour prier, » ne doivent
pas être rapportées à la nature divine qui vient de rassasier cinq mille
hommes avec cinq pains , mais à la nature humaine qui se retire
dans la solitude en apprenant la mort de Jean-Baptiste. Ce n'est pas
(1 ') Le texte grec oflre ici un sens tout diflérent de celui que présente la traduction latine dont
saint Thomas a fait usage, et nous avons préféré ici comme plus clair et plus rationnel le sens du
texte original Ei yàp xal Tiapwv èSôxEi çavrâl^Eiv , à),X' oùx àX/iÔetav TtSTioiYixÉvat • où
o^qirou xal àutov. Nam si pncsens videretur id per phantasiam fecisse, non secundum rei verita-
tem ahsens certè non item.
erant tradere volens, eos qui praemissum
sigauin viderant, jussit a se separari,
quia etsi prajseiis visus fuissel, phautas-
tice, et non in veritate fecisse miracii-
lum diceretur; non lamen ut absens :
et ideo dicitur : « Et statim compulit Jé-
sus discipulos asceudere naviculam et
praîcedere eum, » etc. Hier. Quo ser-
mone osteaditur invitos eos a Domino
recessisse, dum amore praeceptoris ue
ad punctum quideui temporis ab eo vo-
lunt separari.
Chrys. {homil. 50 et 51.) Cousiderau-
duui autem quod cuni Dominus magna
operatur, dimittit lurbas, docens nos
nusquam gloriam multitudinis prosequi,
neque attraheremultitudinem. Et iterum
docct non debere turbis nos commiscere
continue, neque fugere multitudinem
semper, sed alterutrum vicissim facere :
uude sequitur : « Et dimissa turba, as-
ceudit in moutem solus, » etc. In quo
nos docet quia solitudo bona est, eum
nos Deum interpellare oporteat : propter
hoc etiam ad desei'tum vadit, et ibi per-
noctat dum orat, erudiens nos in ora-
tione trauquillitatem quœrere, et a
tempore, et a loco. Hier. Quia autem
ascendit solus orare, uou ad eum referas
quidem qui quiuque panibus quinque
raillia hominuni satiavit, sed ad eum
qui, audita morte Joaunis, secessit in
328
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
que nous divisions la personne du Seigneur, mais il faut admettre
une distinction entre les œuvres qui viennent de Dieu, et celles qui ne
viennent que de l'homme.
S. AuG. [De l'ace, des Evang., liv. ii,cliap. 47.) Il semble qu'il y ait
ici contradiction entre saint Matthieu, d'après lequel J(-sus, après
avoir renvoyé le peuple^ monte seul sur la montagne pour y prier, et
saint Jean, qui rapporte qu'il était sur la montagne lorsqu'il nourrit la
multitude. Mais comme saint Jean raconte qu'après c<î miracle il s'en-
fuit sur la montagne pour ne pas être retenu par le peuple qui vou-
lait le faire roi , il est évident qu'il était descendu de la montagne
dans la plaine lorsqu'il fit distribuer les pains à la foule. Ce que dit
saint Matthieu : « 11 monta sur la montagne pour prier, » n'est pas
contraire à ce que dit saint Jean : « Lorsqu'il sut qu'ils allaient venir
pour le faire roi, il s'enfuit tout seul sur la montagne. » Le désir de
prier n'exclut pas l'intention qu'il avait de fuir ; au contraire, le Sei-
gneur nous apprend ici que nous avons une raison pressante de prier
lorsque nous sommes obligés de fuir. Il n'y a pas plus de contradic-
tion entre le récit de saint Matthieu , où Notre-Seigneur ordonne
d'abord à ses disciples de monter dans la barque, et congédie ensuite
le peuple avant de monter seul sur la montagne pour y prier, et le
récit de saint Jean, où nous lisons : « Il s'enfuit seul sur la montagne.
Et lorsque le soir fut venu , ses disciples descendirent au l»ord de la
mer, et lorsqu'ils furent montés dans la barque, » etc. Car qui ne voit
que saint Matthieu raconte sommairement et par récapitulation, tan-
dis que saint Jean ne rapporte qu'ensuite ce que firent les disciples,
c'est-à-dire ce que Notre-Seigneur leur avait ordonné avant de s'enfuir
sur la montagne.
soliludiuem ; non quod personam Do-
miûi separemus, sed quod opéra ejus
inter Deum homineraque divisa siut.
AUG. (de Con. Evang. lih. ii, cap. H.)
Potcst autem hoc videri contrariura .
quod Malthanis dimissis turljis enm di-
cit ascendere iii montein, ut illic solus
oraret ; Joaniies autem in monte fuisse,
cum easdem turbas pavit : sed cnni et
ipse Joaunes dicat post illud miracuhun
fuisse eum in monte ne a lurbis tcne-
retur, qute eum volebaut facere regem,
iitique manifeslum est (piod de monte in
pianiora desccnderat, quando illi panes
ministrati sunt : née illud reitiignal(inod
Matthaeus dixit : « Ascendit in nionleni
solus orare ; » Joamies autem : « Cum
cognovisset, inquil, quod voiduri essent
ut facerent eum regem , fugit iterum in
montcm ipse solus : » neque enim causa
orandi contraria est causiB fugiendi,
quandoquidem et hinc Dominus docet
banc esse nobis niagnam causam orandi,
quando est causa fugiendi. Nec illud con-
trarium est quod IMatthiîeus prius dixit
eum jussisse ascendere discipulos in na-
viculam, ac deinde dimissis turbis ascen-
disse in montem solus orare; Joannes
vero prius eum fugisse commémorât so-
lum in niontem, ac deinde : « Ut autem
sero factum est, inquit, descenderuut dis-
cipuli ejus ad mare, etcum ascendissetna-
vim,))elc. Ouis enim non videat hoc Mat-
IhiEum recapilulando, Joannem posteadi-
xisse faclum a discipulis, quod j.im Jésus
Jusserat autequam fugisset in nionlem !
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIV. 329
S. JÉR. C'est avec bien de la raison que les disciples ne se séparent
du Seigneur que malgn"; eux, et contre leur volonté , dans la crainte
d'être exposés à un naufrage en son absence, car, ajoute l'Evangé-
liste : « Le soir étant venu , la barque était battue par les flots. » —
S. Chrys. [hom, 51.) Les disciples essuient de nouveau une tempête,
mais la première fois ils avaient le Sauveur avec eux dans leur barque ;
et maintenant ils sont seuls ; c'est ainsi qu'il les conduit par degrés à
de plus grandes épreuves, et qu'il leur apprend à tout supporter avec
courage. — S, Jér. Pendant que le Seigneur est sur le sommet de la
montagne, soudain un vent contraire s'élève , agite la profondeur de
la mer, et met les disciples en danger , et ils sont menacés du nau-
frage jusqu'au moment où Jésus arrive.
S. Chrys. {hom. 51.) Pendant toute la nuit il les laisse ballotéspar
les flots, il veut, par là, relever leur àmc abattue par la crainte, leur
inspirer un vif désir de sa personne qui le rende continuellement
présent à leur souvenir. C'est pour cela qu'il ne vient pas immédia-
tement à leur secours; car l'Evangéliste ajoute t « Or, à la quatrième
veille de la nuit. » — S. Jér. Les heures de la nuit sont divisées en trois
parties d'après les veilles oxi l'on relevait les postes militaires établis
pour la nuit, et en rapportant que le Seigneur ne vint à eux qu'à la
quatrième veille, c'est nous indiquer qu'ils furent en danger toute la
nuit. — S. Chrys. (hom. 51.) Il leur apprend ainsi à ne pas chercher
avec trop d'empressement à échapper aux maux qui les menacent, mais
à supporter avec courage les épreuves qui leur arrivaient. Or, c'est jus-
tement au moment où ils espéraient être délivrés , que leur crainte
est à son comble. « Et lorsqu'ils le virent marcher sur les flots , ils
furent troublés, » etc. Telle est la conduite du Seigneur lorsqu'il est
Hier. Recte autem quasi inviti et de-
trectautes apostoli a Domino recesseranl,
ne illo absente, naufragia sustinerent.
Sequitur enim : « Vespere autem facto,
navicula jactabatur. » etc. Chrts. (m
hom. 5! ut snp.) Rursus autem discipuli
terapestatem sustiueut sicut cl prius ; sed
Kinc quidem habeutc:; eum in navigio
hoc passi sunt, nunc autem soli exis-
Icutes : paulatim enim ad majora eo» du-
cit, et ad ferendura omuia viriliter ins-
truit. Hier. Domino quidem in moutis
cacumiue commoranto. statim ventus
contrarius oritur. et turbat mare et peri-
ditantur apostoli : et tandiu iraniiuens
naufragium persévérât, quamdiu Jésus
veniat.
Chrys. [ut snp.) Tota autem nocle
dimittit eos lluctuari ; erigens eorum cor
post timorcm, in majus sui desiderium
immittens eos, et in memoriam conti-
nuam : propter hoc non coufestim eis
astitit : unde sequitur : « Quarta autem
rigilianoctis. » etc. Hier. Stationes enim
et vigiliœ militares in terna horarum spa-
tia dividuntur : quando ergo dicit quarta
vigilia noctis venisse ad eos Dominum,
ostendit tota nocte pericUtatos. Chrys.
(ut sitp.) Erudiens eos non cito solutio-
nem inquirere adveuientium œalorum,
sed ferre viriliter ea quae continguat :
quando autem putaverunt erui. tune in-
teusus est timor : unde sequitur : « Et
videntes eum turbati sunt, » etc. Sem-
330
l'XPLICATION DR L EVANGILE
sur 1(3 point de mettre fin à une épreuve. C'est alors qu'il fait naître
de nouveaux dangers, et inspire de plus grandes appréhensions; car
1<; temps de l'épreuve ne devant pas être bien long , lorsque les com-
bats des justes touchent à leur fin , il augmente leurs dangers pour
augmenter leurs mérites; c'est ce qu'il fit pour Abraham_, dont la
dernière épreuve fut l'immolation de son fils.
S. JÉR. Ces cris confus, ces voix sans expression sont l'indice d'une
crainte excessive. Or, s'il est vrai, comme le prétendent Marcion et les
Manichéens, que le Seigneur ne soit pas né d'une vierge, et qu'il n'ait
qu'une apparence fantastique , comment les Apôtres craignent-ils de
voir un fantôme. — S. Chrys. {hom. 51.) Ce n'est qu'après qu'ils ont
jeté ces cris que le Seigneur se révèle à ses disciples ; car plus leur
frayeur avait été grande, plus aussi leur joie fut vive eu le voyant au
milieu d'eux. Aussitôt Jésus leur parla et leur dit : a Rassurez-vous,
c'est moi; ne craignez pas. » Cette parole dissipe leurs craintes, et
ouvre leur âme à la confiance. — S. Jér. Il dit : « C'est moi, » et il
n'explique pas qui il est ; mais comme sa voix leur était connue, ils
pouvaient le reconnaître malgré la profonde obscurité de la nuit. Ou
bien encore, ils reconnurent eu lui celui qu'ils savaient avoir ainsi
parlé à Moïse {Exod. m) : « Voilà ce que vous direz aux enfants
d'Israël : Celui qui est m'a envoyé vers vous. » Partout on retrouve
la foi vive de Pierre ; c'est cette foi vive , qui dans cette circonstance
comme dans toutes les autres, lui fait espérer, alors que tous les
autres gardent le silence, qu'il pourra faire par la puissance du Maître
ce qui lui était naturellement impossible. « Or , Pierre , prenant la
parole, lui dit : « Seigneur . si c'est vous , commandez-moi d'aller à
per enim hoc Dominuâ facit, cvim solu-
tiirus sil niala aliqua, difficilia et terri-
bilia inducit : quia enim non est longo
tempore' tenlari, cuni fiiiieiuli suut atones
justorimi, voleiis amplius oos lucrari, aii-
f^et eoruui certainiiia, (piod et iu Abra-
ham fecit, ultimuin certainen teiitationem
lilii poneiis.
Hier. Confusus autem clamor et in-
cerla vox, magui clamoris indiciuni est.
Si autem juxta Ahircionem et Maui
chcBum, Domiuus nosler uou est natus
ex Virfïine, scd visiis in phantas-
mate, quomodo nunc apostoli timent ne
phantasmu videaut. Curys. {ut sxip.)
Christus ergo non prinsse reveUivil dis-
cipuhs donec clamaverant : qnanto
enim musis iutendebatiu- limor. tanto
niafçis hi-tati sunt in fjus prie>eiilia :
unde sequitur : « Statimque Jésus locu-
tus est eis, dicens : Habete fiduciam;
ego sum, noUte timere; » hoc autem
verbum, et timorem solvit, et fiduciam
praîparavit. HiEii. Quod autem dicit :
« Ego sum, » uec subjuugit quis sit ;
vel ex voce sibi notapoterautinteUigere
eum qui per obscurae noctis lenebras lo-
qucbatur; vel ipsum esse scire pote-
rant, quem locutuui ad Moyseu nove-
rant {Exod. 3) : « Hœc dices fihis Is-
raël :Qui est, rnisit me ad vos. » In om-
nibus aiitem locis ardentissimoi fidei in-
venitur Petrus : eodem igilur tidei ar-
dore quo semper, nunc quoque (tacen-
tibus cfpleris) crédit se posse facere per
voluntatem Magistri. quod non poterat
per naturam : unde sequitur : «Respon-
dc'iis -udiMii l't'lnis di.xit : nomin<\ situ
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIV. 331
VOUS, » etc. Commandez-moi , et soudain les flots s'affermiront, et
mon corps pesant par sa naturtï, deviendra léger. — S. Aug. {serm. 13
sur les par. du Seig.) Je ne le puis de moi-même , mais par votre
puissance. Pierre reconnut ainsi ce qu'il avait de lui-même, et la puis-
sance supérieure à toute faiblesse humaine que le Sauveur pouvait lui
communiquer et dont il lui donnait l'assurance. — S. Chrys. {hom. M .)
Voyez combien grande est sa ferveur, combien grande est sa foi, il ne
dit pas : Demandez^ priez, mais : « Ordonnez. » Il ne s'est pas borné
à croire que le Christ pouvait marcher sur les flots, mais il a cru qu'il
pouvait communiquer cette puissance aux autres, et il désire vive-
ment aller le rejoindre, non point par ostentation, mais par amour
pour son divin Maître. En effet , il ne dit pas : Commandez que je
marche sur les eaux , mais : « Commandez que je vienne à vous. » Il
est évident qu'après avoir montré par le premier miracle qu'il vient
d'opérer que la mer lui est soumise, il en fait maintenant un plus grand
et plus admirable encore : « Et Jésus lui dit : Venez. » Et Pierre,
descendant de la barque , marchait sur l'eau pour aller à Jésus. —
Que ceux qui prétendent que le corps du Seigneur n'est pas véritable,
parce qu'il a marché comme une substance aérienne et légère sur les
eaux qui cèdent si facilement, expliquent comment Pierre a pu mar-
cher sur ces mêmes eaux, bien qu'ils soient obligés de reconnaître en
lui un homme véritable. — Rab. Théodore a soutenu aussi que le
corps du Seigneur était sans pesanteur, et qu'il avait marché sur la
mer sans peser sur elle ; mais cette opinion est contraire à la foi ca-
tholique, car saint Denis a écrit que Notre-Seigneur marchait sur
l'eau sans que ses pieds fussent mouillés , bien qu'ils fussent pesants
et matériels comme tous les corps (liv. des No?7is divins, chap. 1 .)
es, jubé me veaire ad te, » etc. Tuprœ-
cipe, et illico solidabuntur undœ ; et
levé fiet corpus, quod per se grave est.
Aug. [de Verb. Uom. serm. 13.) Nou
enim possum hoc in me, sed ia te.
Agnovit Petrus quid sibi esset a se, quid
ab illo cujus yoluntate se credidit posse
quod nulla humana iufirmilas posset.
Chrys. {utsup.) Vide autem quantus est
fervor, quanta fides ; non dixit : « Ora,
etdeprecare, sed jubé : » non enim so-
lum credidit quoniam potest Christus
ambulare super mare, sed quoniam po-
test et aliosiuducere ; et concupiscit vo-
lociter ad eu m ire : hoc enim tam mag-
num quœsivit propter amorcm solum,
non propter ostentationem : nou enim
dixit : « Jubé me ire super aquas, sed,
jubé me venire ad le. » Patet autem
quod cum in miraculo supraposito os-
tenderit quod dominatur mari, nunc ad-
mirabilius signum inducit : unde sequi-
tur : « At ille ait : Veni.Et descendens
Petrus ambulabat super aquam. » Hier.
Qui putaut Domini corpus ideo non esse
verum quia super molles aquas quasi
molle et aereum incesserit, respoudeant
quomodo ambulaverit Petrus , quem
utique verum hominem non negabunt.
Raba. Denique Theodorus scripsit cor-
porale pondus non habuisse Dominum
secundum carnem, sed absque pondère
super mare ambulasse : sed coutrarium
fides catliolica prœdicat : nam Dionysius
dicit [lib. de Div. Nom. cap. 1) quod
non infusis (sive non madefactis) pedibus
corporale pondus habenlibus et mate-
riale onus, deambulabat super undam.
332 EXPLICATION DE L ÉVANGILE
S. Chrys. {hom. 51.) Pierre, qui vient de triompher de la plus
grande difficulté en marchant sur les eaux de la mer , se laisse trou-
bler par un obstacle beaucoup moindre, par le souffle du vent. « Mais,
voyant la violence du vent, » etc. Telle est la nature humaine, elle
déploie souvent un courage admirable au miheu des grandes épreuves,
et elle faiblit dans les circonstances ordinaires. Cette crainte qu'é-
prouve Pierre, montre la dififérence qui séparait le maître du disciple,
et en même temps elle calmait la jalousie des autres Apôtres. Car s'ils
furent contrariés de la demande faite par les deux frères de s'asseoir
à la droite du Sauveur {Matth. xx), ils l'eussent été bien davantage de
la fermeté avec laquelle saint Pierre eût marché sur les eaux. Ils n'é-
taient pas encore remplis de l'Esprit saint, ce n'est que plus tard que
devenus tout spirituels , ils accordent en toute circonstance la pri-
mauté à Pierre , et lui donnent la première place dans toutes leurs
assemblées (1). — S. Jér. Dieu laisse un peu d'action à la tentation,
pour augmenter la foi de Pierre, et lui faire comprendre que ce qui
l'a sauvé du danger , ce n'est point la prière qu'il lui adresse si faci-
lement, mais la puissance divine. Sa foi était vive, mais la fragilité
humaine l'entraînait dans l'abîme.
S. AuG. {serm. 13 sur les paroles du Seig.) Pierre mit donc sa con-
fiance dans le Seigneur, et le Seigneur lui rendit le pouvoir qu'il lui
avait accordé, il chancela par suite de la faiblesse de l'homme , mais
il revint aussitôt au Seigneur. « Et lorsqu'il commençait à enfoncer,
il s'écria, » etc. Est-ce que le Seigneur laisserait chanceler celui dont
il a entendu la prière ? « Et aussitôt Jésus étendant la main, » etc.
(1) Il ne faut pas entendre ces paroles dans le sens que Pierre ne tenait cette primauté que
de la simple concession des Apôtres. Elles signifient que les Apôtres reconnaissaient en lui cette
primauté qu'il tenait de Jésus-Clirist lui-même et qu'ils s'y soumettaient volontiers, comme l'in-
dique le texte grec : 7rpw-£twv irapaxiopoÙCTi IléTpw.
Chuys. {ut sup.) Petrus autem, quod 1 euin praernittunt. Hier. Paululuoi etiam
majus est superans (scilicet undas ma- reliuquilnr tentation!, ut augeaturfides;
ris) a minori tiirbatur (scilicet a venti I et iutelligat se, non facilitate postula-
impulsii), unde sequitur : « Videns au- j tionis, sedpotentiaDominicouservatum:
tem ventum validiim, » etc. Talis est ardebat euim in animo ejus fides, sed
enim ualura humana, ut uiultoties in 1 humaua fragilitas in profundum tra-
inagnis rectesc liahens, in ininoribus re- 1 hebat.
prehendatur : liic autem (juod Petrus ti- AuG. {de Ver. Dom. serm. 13.) PrîE-
rauit, ditîereutiam demouslrabat magis
tri et discipuli, sed alios discipulos mili-
gabat : si enim in dunbns fratribus ses-
suris ad dexteram moleslati sunt {Mot f II.
20), raulto magis hic moleslati fuissent :
nondum eniin erant Spiritu pleni, postea
vero spiriluales pffncti nhique Pclropri-
sumpsit ergo Petrus de Domino, potuit
de Domino ; titubavit ut homo sed redi-
vit ad Dominum : unde sequitur : « Et
cum cœpisset mergi clamavit, » etc.
Nunquid autem Dominus desereret titu-
bautem , quem audierat invocantem?
Unde S(>quitiir : « Et continuo Jésus
matum concedunt, et in com-ionibur: extendens manum, » etc
DE SAINT MATTHIEU, CHAP, XIV. 333
S, Chrys. {hom. 51.) Jésus ne commande pas aux vents de s'a-
paiser, mais il étend la main pour le soutenir, parce qu'il fallait que
Pierre fit preuve de foi. Lorsque tous nos moyens humains font dé-
faut, c'est alors que Dieu fait paraître sa puissance. Et pour le con-
vaincre que ce n'est pas la violence du vent , mais son peu de foi qui
l'a mis en danger, il lui dit : « Homme de peu de foi , pourquoi avez-
vous douté? » Preuve que le vent n'aurait pu rien contre lui, si sa foi
avait été plus ferme. Notre-Seigneur Jésus- Christ fait ici ce que fait
la mère qui voit le petit oiseau sortir du nid avant d'être assez fort, et
sur le point de tomber, elle le prend sur ses ailes , et le reporte dans
son nid. « Et lorsqu'il fut monté dans la barque , ceux qui étaient là
se jetèrent à ses pieds, en disant : Vous êtes vraiment le Fils de Dieu. »
— Rab. Paroles qu'on peut entendre des matelots ou des Apôtres. —
— S. Chrys. (liom. 51.) Voyez comme il les conduisait tous par de-
grés vers ce qui est plus élevé. Il a commandé précédemment à la
mort, mais sa puissance paraît bien plus grande lorsqu'il marche sur
la mer, qu'il commande à un autre d'en faire autant, et qu'il le sauve
du danger qui le menace. Aussi s'empressent-ils de reconnaître sa di-
vinité : « Vous êtes vraiment le Fils de Dieu, » ce qu'ils n'avaient pas
fait auparavant. — S. Jér. En voyant Jésus rendre à la mer par un
seul signe le calme qu'elle ne recouvre ordinairement qu'après de vio-
lentes secousses, les matelots et les passagers le proclament le vrai
Fils de Dieu. Pourquoi donc Arius ose-t-il enseigner dans l'Eglise qu'il
n'est qu'une créature?
S. AuG. {serm. \h:sur les par. du Seig.) Dans le sens mystique, la
montagne , c'est l'élévation ; mais qu'y a-t-il dans l'univers de plus
élevé que le ciel? Or, notre foi connaît celui qui monte au ciel. Mais
Chrys. {;ut sup.) Ideo autem uou in-
juQxit ventis quiescere, sed extendens
manum apprehendit eum, quaniam illius
fide opus erat : cum enim quse a nobis
sunt defecerint, tune ea quae a Deo sunt,
stanl. Ut idtur monstraret quia non
venti immisnio, sed illius modlL-a credn-
litas periculum uperatur, subditur : Et
ait illi : « Modicae fidei, quare dubi-
tasti ? » In quo manifestât quia neque
veutus nocere potuisset, si fides firnia
fuisset. Sicut autem puUura ante tempus
ex nido exeuntem et casurum mater
alis portans, rursus ad nidum reducit,
ita et Christus fecit : unde sequitur :
« Et cum ascendisset in naviculam, ado-
raverunt eum dicentes : Vere Filius Dei
es. Rab. Quod quidem de nantis inteili-
gùndum est, sive de apostolis. Curvs.
{îit sup.) Vide autem qualiter paulatim
ad id quod est excelsius universos doce-
bat : supra enim increpavit mare ; nunc
autem magis virtutem suam demonstral
super mare ambulando, et alii hoc idem
facere jubeudo , et periclitautem sal-
vando, ideoque dicebant ei : « Vere Fi-
lius Dei es; » quod supra non dixerunt.
Hier. Si ergo ad unum signum tran-
quillitate maris reddita (quœ post ni-
mias procellas interdum et casu fieri so-
let), nautae atque vectores vere Filium
Dei confitentur, cur Arius ipsum in
Ecclesia prœdicat creaturam ?
AuG. (de Ver. Do m. serm. 14.) Mys-
tice autem mons altitude est : quid au-
tem altius cœlo in hoc mundo ? Quis
334
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
pourquoi y moute-t-il seul? Parce que personue ne monte au ciel que
celui qui est descendu du ciel {Jean, m). Lors même qu'à la fin des
temps il viendra pour nous faire monter avec lui jusqu'au ciel, il y
montera seul encore, car la tète avec le corps ne forment qu'un seul
Christ. Maintenant le clief seul y est monté, et pour prier, parce qu'il
y est monté afin d'intercéder pour nous. — S. Hil. {ca7i. 14.) Il est
seul vers le soir, figure de l'abandon où il doit être au temps de sa
passion lorsque la crainte aura dispersé tous ses disciples. — S. Jér.
Il monta encore seul sur la montagne, parce que la foule ne peut s'é-
lever avec lui vers les choses sublimes , avant qu'il ne l'ait enseigné
près de la mer, sur le rivage. — S, Aug. {ser?n. \\ su?' les par. du
Seig.) Cependant dans le temps où le Christ prie sur la montagne,
la barque est agitée sur la mer par une violente tempête, et les vagues
qui la couvrent peuvent la submerger. Dans celte barque, vous devez
voir l'Eglise, et dans cette mer agitée, le monde présent. — S. Hil.
[can. 14.) Il ordonne à ses Apôtres de monter dans la barque^ et de
traverser le détroit pendant qu'il congédie la foule, et, après l'avoir
renvoyée, il monte sur la montagne; c'est-à-dire au sens figuré, ({u'il
nous commande de rester dans le sein de l'Eglise et de voguer sur la
mer du monde jusqu'au temps où il reviendra dans la gloire pour
sauver les restes d'Israël et leur pardonner leurs péchés. Après avoir
renvoyé le peuple d'Israël , ou plutôt après l'avoir admis dans le
royaume céleste, il s'assiéra dans sa gloire et dans sa majesté en ren-
dant à Dieu le Père d'éternelles actions de grâces. Mais en attendant,
les disciples sont le jouet des vents et de la mer, et livrés à ces agita-
tions du monde que soulève contre eux l'esprit du mal. — S. Aug.
{serm. 14 sur les par. du Seig.) Lorsqu'un homme qui joint à une
vero in cœluiii asccudit, uovil fides
nostra : cur autem solus ? Quia nemo as-
cendit in cœlum uisi qui descendit.
[Joan. 3.) Quamvis et cum in iîne vene-
rit, et nos jn cœlum levaverit, etiaiu
tune solus asceudet, quia caput cum
corpore suo uuus est Cliristus : nunc
autem solum caput asceudit : ascendit
autem orare, quia ascendit ad Patrem
pro nobis intnrpellare. IIilar. [Can. 14
ut s%ip.) Vel quod vespore solus est, so-
litudinem suam in temporo passionis os-
tendit, caUnris Irepidalioue dilapsis.
Hier. Ascendit etiam in niontem solus,
quia lurba ad sublimiaseipii nnn]iotest,
uisi dùcuerit eani juxla mare in litlore.
Adg. [de Ver. JJom. serni. li.) Voriiui-
tamen dum Christus orat in execlso,
uavicula lurbatur mat^uis fluclibus in
profundo , et quia insurgunt Uuctus,
potest mergi. Naviculam quippe istam,
Ecclesiam cogitare, turbulentum mare,
hoc seculum. Hilar. [Can. 14 ut sup.)
Quod autem conscendere discipuios ju-
bet et ire trans fretum, dum turbas ipse
dimiLlit, et dimissis turbis asceudit in
montem orare ; esse intra Ecclesiam ju-
bet, et per seculum ferri usqne in id
tempus quo revertens in claritatis ad-
venlu populo omni qui ex Israël erit re-
liquus, salutem reddat, ejusque peccata
dimittat; dimissoque eo (vel in cœlesle
regnuni potins admisso), agens Deo Pa-
tri gratias in gloria ejus et majestate
consistât. Sed inter ha'c discipuji veuto
ac mari deforunlur, et totius seculi mo-
tibus (immundo spiritu adversante) jac-
taulur. Aug. [de Ver. Loin. serm. 14 ut
DE SAINT MATTHIEU, CHAI». XIV. 335
volonté impie une grande puissance , cherche à persécuter l'Eglise,
c'est la mer en furie qui se soulève contre la barque du Christ. —
Rab. Aussi est-ce avec raison que l'Evangéliste nous représente la
barque au milieu de la mer , taudis que Jésus est seul sur la terre ,
car souvent l'Eglise gémit sous le poids de telles afflictions , que le
Seigneur parait l'avoir abandonnée pour un moment.
S. AuG. {serm. 14 sur les paroles du Seigneur.) Le Seigneur vint
trouver ses disciples battus par les flots, à la quatrième veille (1*),
c'est-à-dire vers la fin de la nuit, car la veille est de trois heures et la
nuit est divisée en quatre veilles. — S. Hil. La première veille fut
celle de la loi; la seconde, celle des prophètes; la troisième, celle de
l'avènement corporel du Sauveur ; la quatrième sera celle de son
retour dans la gloire. — S. Aug. [serm. 14 sur les paroles du Sei-
gneur.) Il vient à la quatrième veille de la nuit, lorsque la nuit touche
à sa fin, et c'est aussi à la fin du monde, lorsque la nuit de l'ini-
quité aura disparu , qu'il viendra juger les vivants et les morts. Il
vient les trouver d'une manière merveilleuse ; les. flots se soulevaient,
mais il les foulait aux pieds ; ainsi , quel que soit le soulèvement des
puissances de ce monde, leur tète orgueilleuse se trouve foulée aux
pieds de celui qui est notre tète. — S. Hil. {can. 14.) Lorsque le Christ
reviendra à la fin des temps , il trouvera l'Eglise fatiguée et comme
assiégée de tous côtés, et par l'esprit de l'Antéchrist, et par les agita-
tions du monde entier. Et comme les fourberies de l'Antéchrist inspi-
reront aux fidèles une juste défiance contre toute nouveauté , ils
seront effrayés même de l'avènement du Seigneur, craignant d'être
(1*) Ce mot est emprunté au langage militaire. On relevait les sentinelles quatre fois la nuit. La
quatrième veille s'étendait de trois heures à si^f heures du matin.
sup.) Quando enioi aliquis impiœvolun-
tatis, maxiinfe potestatis, persecutionem
inducit Ecclesiœ, super iiaviculamChristi
grandis unda cousurg;it. Rab. Unde bene
dicitur quia navis in medio mari, el ipse
solus in terra, quia nounuuquam Ec-
clesia tantis pressuris est aftlicta , ut
eam Domiuus deseruisse videretur ad
tempus.
Alg. [de Ver. Dom. sèrm 14 ut sup.)
Venit autem Dominus ad visitandos dis-
cipulossuosqui turbanturin mari,quarla
vigilia noctis, id est, exlrema parte
noclis : vigilia cniuj uua très boras ha-
bet, ac per boc nox quatuor vigilias ba-
bet. HiLAR. Prima igitur vigiUa fuit ie-
gis ; secuuda, propbetarum ; tertia, cor-
poralis adventus ; quarta, in reditu cla-
ritatis. Aug. (de ]'er. Dom. serm. 14 ut
sup.) Quartaigitur vigilia uoetis (hoc est
pêne jam nocte tînita), sic, veniet in fine
seculi (iniquitatis nocte transacla), ad
judicaudum vivos et mortuos. Venit au-
tem mirabiliter : surgebant enim lluc-
tus, sed calcabantur : quantumlibet euiui
polestates seculi consurgant, premit
earum caput , nostrum caput. Hilar.
[Can. 14 ut sup.) Veuieus autem Cbris-
tus in fine inveniet Ecclesiam fessam , et
Autichristi spiritu, et totius seculi moti-
bus circumactum. Et quia de Anticbristi
consuetudine ad omnem tentationum
novitatem solliciti erunt, etiam ad Do-
mini adventum expavesceut, falsas re-
336
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
le jouet de fausses représontations ot de fantômes destinas à tromper
les yeux. Mais le bon Maître dissipera toutes leurs craintes en leur
disant : « C'est moi , » et par la foi qu'ils auront en son avènement ,
il les délivrera du naufrage qui les menace. — S. AuG. {Quest.
évang., liv. i, quest. 14.) Ou bien les disciples, en croyant que c'est
un fantôme , sont la figure de ceux qui se sont laissé vaincre par le
démon et qui douteront de l'avènement du Cbrist. Pierre , au con-
traire, qui implore le secours du Seigneur pour ne pas être submergé,
représente l'Eglise qui , après la dernière persécution, aura encore
besoin d'être purifiée par quelques tribulations, vérité qu'exprime
l'apôtre saint Paul , lorsqu'il dit : a II ne laissera pas d'être sauvé ,
mais comme par le feu. » (I Corinth., m.) — S. Hil. Ou bien encore
Pierre qui, de tous ceux qui sont dans la barque, est le seul pour
oser adresser la parole au Seigneur et lui demander l'ordre d'aller à
lui sur les eaux, semble prédire les dispositions de son âme au temps
de la passion , alors que s'attachant aux pas du Sauveur , il voulut le
suivre jusqu'à la morfr. Mais la crainte qui s'empare de lui annonce
aussi la faiblesse qu'il a montrée dans cette épreuve, lors(iue la crainte
de la mort le porta jusqu'à renier son divin Maître. Le cri qu'il jette
exprime les gémissements de sa pénitence. — Rab. Le Seigneur jeta
sur lui un regard et le convertit ; il étendit la main et lui accorda le
pardon de sa faute; et c'est ainsi que ce disciple trouva le salut qui
ne dépend ni de celui qui veut , ni de celui qui court , mais de Dieu
qui fait miséricorde. — S. Hil. Jésus n'accorda pas à Pierre le pou-
voir de venir jusqu'à lui ; il se contenta de le soutenir en lui ten-
dant la main , et en voici la raison : c'est que lui seul devait soutfrir
pour tous les hommes et pouvait les délivrer de leurs péchés , et il ne
rum imagines (el subrepeutia oculis tig-
menta) metueules : sed bonus Dominas
timorem depellet, dicens : « Ego sum ; »
et adventus sui fide metum naufragii
imminentis repellet. AuG. {de QitœsL
Evang. lib. 1, qua'st 14.) Vel quod di-
xerunt discipuli phantasma esse, signifi-
cat quia quidam qui cesserint diabolo,
de Chrisli adventu dubilabunt. Quod au-
tem Petrus implorât auxilium a Domino
ne mergatur, signilicat quibusdam Iribu-
lalionibus etiaui post ultimam persecu-
lionem purgandam esse et Kcc:lesiam :
quod elPaulus signât, dicens (i Corintli.
3) : « Salvus erit, sic tamen quasi per
ignem. » Hilau. {ut svp.) Vel (juod Pe-
trus ex omni consisteulium in navi nu-
méro respondere audet, et juberi sibi ut
supra aquEis ad Uomiuum venial jireca-
tur passionis tempure voluntalis su* dé-
signât affectum, dum vestigiis Domini
inbaerens ad contemnendam mortem
comitatus est : sed infirmitatem futur*
tentalionis timiditas ejus ostendit : per
metum euim mortis usque ad negandi
uecessitatem coactus est : clamor autem
ejus pœuiteulia; ipsius gemitus est. Rab.
Respexit Dominus, et ad pœuiteutiam
convertit ; mauum extendit, et iudul-
gentiam tribuit, et sic discipulus sahi-
tem invenit , quia non est volentis
ueipie currentis, sed miserentis Dei.
HiLAR. Quod autem trépidante Petro
virtuteni perveniendi ad se Domiuus
non induisit, sed manu appreheusum
sustinuit, iia^c est ratio : solus enim pas-
surus pro omnibus omnium peccata sol-
vebal ; nec socium admittit quicquid
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XÏV. 337
veut partager avec personne l'œuvre du salut qu'il accomplit seul
pour l'universalité du genre humain. — S. Au(i. {serm. 43 e^ 14 sur
les paroles du Seigneur.) Dans ce seul apôtre (c'est-à-dire dans
Pierre, le premier, le chef du collège apostolique et qui figure l'E-
glise), nous sont représentées les deux classes d'hommes : les forts,
lorsqu'il marche sur les eaux ; les faibles, lorsque le doute s'empare de
son âme. La tempête, c'est la passion qui domine chacun de nous.
Vous aimez Dieu? Vous marchez sur la mer et vous foulez aux pieds
la crainte du monde. Vous aimez le monde? Il vous submerge. Mais
lorsque votre cœur est agité par les flots des passions , si vous voulez
en triompher, invoquez la divinité du Sauveur.
Rémi. Le Seigneur viendra certainement à votre secours , lorsqu'a-
près avoir apaisé les flots des tentations, il vous donnera l'espoir d'é-
chapper au danger par la protection dont il vous couvre ; c'est ce
qu'il fera aux approches de l'aurore, car, lorsque la fragihté hu-
maine , comme assiégée par les épreuves , considère son peu de force,
elle ne voit que ténèbres autour d'elle, mais si alors elle élève sa pen-
sée vers le secours qui vient d'en haut , elle aperçoit aussitôt le lever
du jour qui éclaire toute la veille du matin. — Rab. Il n'est point
(tonnant que le vent cesse au moment où le Seigneur monte dans la
barque , car toutes les guerres s'apaisent bientôt dans tout cœur où le
Seigneur est présent par sa grâce. — S. Hil. {can. 14.) Le calme que
Jésus rend aux vents et à la mer est une figure de cette paix et de
cette tranquillité éternelles qu'il doit rendre à l'Eglise en revenant
dans sa gloire. Et comme. cet avènement sera beaucoup plus éclatant
que le premier , tous s'écrient pleins d'admiration : « Vous êtes vrai-
ment le Fils de Dieu , » car tous proclameront alors d'une manière
universitati praeslatur ab uno. AuG. {de
Ver.Dom. serm. 13 et 14.) Inunoetiam
aposlolo (id est, Petro in ordine aposto-
lorum primo et prœcipuo in quo figura-
batur Ëcdesia), utrumijue genus signi-
licandum fuit, id est, flrmi in hoc quod
super aquas ambulavit, et infirmi in hoc
quod dubilavit : nam et uuicuique sua
cupiditas tempestas est. Amas Deimi ?
ambulas supra mare ; sub pedibus tuis
est seculitimor. Amasseculum?absorbet
te : sed cum fluctuât cupiditate cor tuum,
ut vincas cupiditatem, iuvoca Christi di-
vin! tatem.
Remig. Aderit autem Domiuus si sopitis
leulationum periculis protectionis sua;
fiduciam tribuat; et hoc diluculo appro-
pinquaute : cum euim humanu Iragilitas
TOM. H.
pressuris obsita, suarum virium parvi-
tatem considérât, erga se tenebras cer-
nit ; cum autem mentem ad supernum
praesidium erexerit, repente exortum
luciferi conspicit, qui totam vigiliam
matutinam iUuminat. Rab. Nec mirau-
dum si ascendenteinnaviculam Domino,
ventus cessavit : in quocunque enim
corde Domiuus per gratiam adest, mox
universa bella quiescunt. Hilar. [Can.
14 ut sup.) Ascensu etiam Christi in ua-
vim ventum et mare esse sedatum, post
clarilatis suae reditum œterua Ecclesiae
pax et tranquillitas iudicatur : et quia
tune manifestius adveniet , recte admi-
rantes universi locuti sunt : « Vere Fi-
lius Uei es : » confessio enim universo-
rum tune et absoluta et publiée erit, Dei
338
EXPLICATION DE l'ÉVANGILK
absolue et publique que le Fils de iJieu desceudu sur la terre non plus
dans l'humilité de la chair , mais au milieu de la gloire dont il est
environné dans les cieux , a rendu la paix à son Eglise. — S. Ava.
{Qiiest. évang., ii, \A.) Nous voyons encore ici une figure de la mani-
festation éclatante qu'il fera de lui-même à ceux qui marchent ici-
bas dans la foi et qui le verront alors tel qu'il est.
f. 34-36. — Et ayant passé l'eau, ils vinrent en la terre de Génésar. Et les
habitants de ce lieu l'ayant connu, ils envoyèrent dans tout le pays et lui pré-
sentèrent tous les malades, le priant qu'il leur permît seulement de toucher la
frange de son vêtement, et tous ceux qui la touchèrent furent guéris.
Remi. L'Evangéliste nous a fait connaître précédemment l'ordre
donné par le Seigneur à ses disciples de monter dans la barque et de
le devancer au delà du détroit. 11 continue son récit et nous apprend
où ils abordèrent après cette traversée : « Et ayant traversé le lac , ils
vinrent dans la terre de Génézareth.
Rab. La terre de Genezar, qui s'étend sur les bords du lac de Géné-
zareth , tire son nom de la nature même du lieu. Ce nom vient d'un
mot grec qui signifie s'engenclrant à elle-même le vent, parce que la
surface du lac, toujours ridée, produit une brise continuelle (1).
S. Chrys. L'Evangéliste nous apprend que ce fut après une longue
absence que Jésus vint dans ce pays , en ajoutant : « Et lorsqu'ils le
connurent, » etc. Ils apprirent son arrivée par la renommée et non
en le voyant de leurs yeux, quoique certainement par suite des grands
miracles qu'il opérait dans ces contrées, un grand nombre de per-
(t) Genesar est un mot hébreu qui signifie, d'après saint Jérôme et Bède, \e principe ou le com-
mencement de la naissance, et ce n'est que par une interprétation forcée qu'on prétend tirer l'éty-
mologie de ce mot de yevéffiç, génération, et de àrip, air.
Filium non jam ia humilitate corporea ,
sed in gloria cœlesli , pacem EcclesiLe
reddidisse. (Aug. de Quast. Evang. lib.
n, quœst. 14.) Signiflcatur enim clarita-
tem ejus tune manifestam futurara, per
speciem jam videntibus qui per fidem
au ne ambulaut.
Et cum transfrclassenl, venerunl in lerram Gé-
nézareth. Et cum cognovissent eum viri loci
ilKus, miserunt in universam rcgionem itlam,
et obtulerunt ei omnes maie /labentes; et roya-
Itant eum ut vel fimbriam vestimenti ejus lan-
gèrent. Et quicumque tetigerunt, salvi facti
Sun t.
Remig. Narraverat superius Evange-
lista Dominuni jussisse discipulos suos
acendere lu naviculaui , ol piœcederc
eum trans fretum. Nuuc incœpta iuteu-
tioue perrieverans dicit quo iu trausfre-
tando porveneriul, diceus : « Et cum
trausfrelassent, venerunt in terram Gé-
nézareth. »
Rab. Terra Genezar (juxta staguuui
Genezareth) a loci ipsius uatura uumeu
traheus qua crisi)antiburi aquis de seipso
sitii excitare auram perhibetur : grœco
enim vocabulo <juasi yeiierans sibi au-
ra m dicitur.
CuRVS. Moustrat autem Evangelista
quod post multum lempus ad partes
illas Chriitus venerat : et ideo sequitur :
« El cum cognovissent, » etc. Hier. Co-
gnoverunt autem eum rumore , non
facie : vel certe pro signorum magnilu-
dine quai perpelrabat in pujiulis, vultu
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIV. 339
sonnes le connaissaient de vue. Et voyez quelle est la foi de ces habi-
tants de la terre de Gcnézareth : ils ne se contentent pas de la guéri-
son de ceux qui vivent au milieu d'eux ; mais ils envoient aux villes
d'alentour pour les presser d'accourir toutes au souverain médecin. —
S. GiiRYs. Ils ne l'entraînent plus dans leurs maisons comme aupara-
vant et ne lui demandent plus d'imposer les mains , mais ils méritent
ses faveurs par une foi plus grande : « Et ils lui présentèrent tous les
malades , le priant qu'il leur permit seulement de toucher le bord de
son vêtement. » Cette femme qui souffrait d'une perte de sang leur
avait enseigné cette haute sagesse, qu'en touchant seulement la
frange des vêtements du Christ ils seraient sauvés. On voit d'après
cela que l'absence du Sauveur non-seulement ne leur fit point perdre
la foi , mais au contraire la rendit plus vive , et c'est par la vertu de
cette foi qu'ils furent tous sauvés : a Et tous ceux qui le touchaient
étaient guéris. » — S. Jér. Si nous connaissions la signification du
mot Génézareth dans notre langue , nous comprendrions comment ,
sous cette figure des Apôtres et de leur barque, Jésus veut nous repré-
senter l'Eglise qu'il fait aborder au rivage après l'avoir sauvée du
naufrage et qu'il fait reposer dans le port, à l'abri de toute agitation.
— Rab. Genezar signifie le principe de la naissance; or, nous joui-
rons d'une tranquillité entière et parfaite quand Jésus-Christ nous
rendra l'héritage du ciel et le vêtement de joie que nous avions porté
autrefois. — S. Hil. Ou bien, dans un autre sens, les temps de la loi
étant expirés et cinq mille hommes d'Israël entrés dans l'Eglise, le
peuple des croyants sauvé par la foi, quoique sorti de la loi , présente
au Seigneur ce qui lui reste d'infirmes et de malades , qui tous dé-
plurimis notus erat : Et vide quanta fi-
des sit hominum terrîB Genezareth ! ut
non prfesentium tantum salute contenti
sint, sed mittant ad alias per circuitum
civitates, quo omnes curranl ad medi-
cum. Chrys. {utsup.) Neqixeenim simi-
liter ut prius.ad domos trahebant, et tac-
tum mauus inquirebant, sed cum majori
fide eum aliiciebant : unde sequitur :
« Et obtulerunt ei omnes maie habentes,
et rogabant eum ut val fimbriam vesti-
menti tangerent. » Mulier enim quae
fluxum sanguinis patiebatur, universos
hanc sapientiam edocuit, ut scilicet tan-
gendo fimbriam vestimenti Cliristi salva-
rentur. Patet etiam quod tempus quo
Christus absens fuit, non solum fidem
eorum non dissolvit, sed et majorem
reddidit, cujus virtute omnes salvati
sunt : et ideo sequitur : « Et quicunque
tetigerunt, salvi facti sunt. » Hier. Si au-
tem sciremus quid in uostra lingua re-
sonat Genezareth, intelligeremus quo-
modo Jésus per typum apostolorum et
navis Ecclesiam de persecutionis nau-
fragioliberalam transducat ad littus,'etin
tranquillissimo portu faciat requiescere.
Rab. Genezar enim interpretatur ortus
principium : tune autem plena nobis
tribuetur tranquillitas, quando Paradisi
per Cbristum nobis restituetur bœreditas,
ac primae stola; jucunditas. Hilar. {ut
Slip.) Vel aliter : finitis legis temporibus,
et ex Israël quinque millibus virorum
intra Ecclesiam collocatis, jam creden-
tium populis occurrit, jam ipse ex lege
per fidem salvus, reliquos ex suis infir-
mes aegrotosque offereus Domino ; obla-
340 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE DE S. MATTHIEU, CHAP. XIV.
siient toucher les frauges de ses vêtements, et doivent être sauvés par
la foi. Mais de même que les franges pendent du vêtement tout en-
tier, ainsi la vertu de l'Esprit saint sortait de Jésus-Glirist, et cette
vertu communiquée aux Apôtres, comme sortis eux-mêmes du même
corps, guérit tous ceux qui désirent s'en approcher. — S. Jér. Ou
bien encore , par cette frange do la robe , vous pouvez entendre les
plus petits commandements ; celui qui les transgresse sera appelé le
plus petit dans le royaume des deux ; ou bien encore le corps qu'il a
revêtu pour nous faire parvenir jusqu'au Verbe de Dieu. — S. Chrys.
Pour nous, non-seulement nous pouvons toucher le vêtement ou la
frange de Jésus-Christ, mais même son corps qu'il nous donne à
manger. Or, si ceux qui touchèrent seulement la frange de son vête-
ment en ressentirent une influence si salutaire, que n'éprouverons-
nous pas_, nous qui le recevons tout entier ?
tique fimbrias vestimentorum contin-
gere optabant, salvi per fideni futuri ; sed
ut ex veste tota fimlariae, ita ex Domino
nostro Jesu Cbristo Sancti Spiritus vir-
tus exiit : quœ apostolis data ipsis quo-
que tanquam ex eodem corpore exeun-
tibus, saluteui his qui continjïere cu-
piunt, subuiinistrat. Hier. Vel fimbriam
vestivienti ejus, minimum mandatum
inteliige, quod qui traiisgressus l'ueril.
miniraus vocabitur in regno cœlorum
[Mattli. 5)j vel assumptionem corporis,
per quam veaimus ad verbum Dei.
Chrys. [ut stip.) Nos autem, non solum
fimbriam aut vestimentum Christi ha-
bemus, sed etiam corpus ejus ut come-
damus : si ergo qui fimbriam veslimenti
ejus tetigeruut, tantam aeceperuut vir-
tutem, multu magis qui totum ipsum
sument.
CHAPITRE XV.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
f' 1-6, — Conduite des habitants de Génézareth différente de celle des Scribes et
des Pharisiens. — Pourquoi l'Evangélistc précise ici le temps. — D'où viennent
ces Scribes et ces Pharisiens? — Ce qui les rend doublement coupables. —Leur
surprenante folie. — Quelles étaient ces traditions des anciens , et comment
les Pharisiens les entendaient? — Pourquoi et comment les disciples de Jésus
ne se lavaient pas les mains avant de manger. — Comment Jésus répond aux
Scribes et aux Pharisiens. — Il prend le rôle d'accusateur. — Contradiction de
la conduite des Scribes et des Pharisiens. — Comment doit-on entendre l'hon-
neur qui est dû aux parents? — Châtiment réservé à ceux qui leur refusent
cet honneur. — Comment les Pharisiens méritent- ils doublement ce châti-
ment? — Comment couvraient-il leur impiété et leur dureté sous l'apparence
de la religion ? — Diverses explications de ces paroles : Ce que j'offre de mon
bien tournera à votre profit.
f. 7-11. — Le Sauveur établit par l'autorité d'isaïe que des Scribes et les Pha-
risiens n'avaient pas droit d'accuser ceux qui transgressaient la tradition des
anciens. — Comment ils méritent le reproche d'hypocrisie. — Pourquoi Notre-
Seigneur s'adresse ensuite au peuple ? — Comment il prépare les esprits à ce
qu'il va leur dire. — Dans quel sens les Juifs entendaient le nom de commun
ou d'impur et à quoi l'appliquaient-ils ? — L'Ancien Testament qui défend
certains aliments, est-il en opposition avec ce que le Seigneur dit ici et avec
l'apôtre saint Paul ? — Distinction entre ce que les choses sont de leur nature,
et ce qu'elles sont sous leur rapport figuratif.
f. 12-14. — Scandale des Pharisiens en entendant ces paroles. — Ce que c'est
que le scandale. — Notre-Seigneur ne cherche pas à dissiper ce scandale, et
donne un nouveau cours à ses reproches. — Doit-on entendre de la loi ces
paroles : Toute plainte que mon Père, etc. ? — A quoi faut-il les appliquer? —
Comment et à quelle condition les plantations faites et de la main de Dieu ne
peuvent être déracinées. — Raison pour laquelle les docteurs de la loi et
leurs vaines observances seront déracinées. — Commandement que Jésus fait
de les laisser et de les abandonner.
f. 15-20. — Erreur et ignorance de Pierre en entendant ces paroles. — Pour-
quoi Notre-Seigneur lui fait un reproche de son peu d'intelligence. — Peut-on
reprocher à Notre-Seigneur d'avoir ignoré les lois physiques de la digestion ? —
Comment Notre-Seigneur se conforme aux idées imparfaites des Juifs. — Deux
sortes de bouche : celle du corps , celle du cœur. — La faculté principale de
l'âme est-elle dans le cerveau ou dans le cœur ? — Le cœur source et prin-
cipe des mauvaises pensées.
f. 22-28. — Pourquoi Jésus se rend dans le pays de Tyr et de Sydon. — A
quel moment ouvre-t-il aux Gentils la porte de l'Evangile? — Pourquoi le Sei-
gneur qui avait défendu à ses apôtres d'aller vers les nations y va lui-même.
— Sagesse dont les Chananéens font ici preuve. — Grande foi de la Chana-
néenne. — Comment cherche-t-elle à toucher le cœur du Sauveur? — Com-
ment Jésus accueille sa prière. — Raisons pour lesquelles il diffère d'exaucer
cette femme. — Motifs qui portent les apôtres à intercéder pour elle. — Com-
342 EXPLICATION PE l'ÉVANGILE
ment concilier la contradiction a])parente qui existe ici entre le récit de saint
Matthieu et celui de saint Marc. — Sens de la réponse que Jésus fait à ses apô-
tres.— Sainte hardiesse de la Chananéenne. — Sa foi en la divinité de Jésus-
Christ. — Nouveau refus du Sauveur. — Explication de ses paroles. — Pru-
dence de cette femme , sa foi , sa patience , son humilité. — Motif principal
pour lequel le Sauveur tardait à l'exaucer. — Part considérable qui revient à
cette femme dans laguérison de sa fille au témoignage même du Sauveur. —
Différentes leçons que nous pouvons tirer de cet exemple. — Explication
allégorique des difTérentes circonstances de ce faitévangélique.
y. 29-31. — Tantôt Notre-Seigneur parcourt le pays pour guérir les malades,
tantôt il les attend. — Comment ces pauvres infirmes manifestent leur foi. —
Promptitude avec laquelle il les guérit. — Explication allégorique du retour
de Notre-Seigneur dans la Judée, et de la guérison de tous ces malades.
•f. 32-38. Pourquoi Notre-Seigneur appelle près de lui ses disciples avant de
faire un miracle pour nourrir cette multitude. — Jésus prévient la demande
de ce peuple. — Preuves de la vérité du miracle. — Pourquoi Jésus en diffère
l'exécution. — Dispositions encore imparfaites de ses disciples.^ — Leur amour
pour la vérité malgré leurs défauts. — Leur sagesse et leur sobriété. — Pour-
quoi les restes furent- ils ici moins considérables que dans le premier miracle,
alors que ceux qui furent nourris étaient en plus petit nombre ? — Double
opération de la divinité et de l'humanité dans Jésus-Christ que ce miracle fait
ressortir. — Comment la vérité des deux miracles de la multiplication des
pains se trouve-t-elle solidement étabjie? — Pourquoi Notre-Seigneur a-t-il
commencé par guérir les infirmités de ce peuple avant de le nourrir? — Ex-
plication allégorique des différentes circonstances de ce miracle. — Que repré-
sente ce peuple, le nombre de quatre mille , les trois jours qu'ils passent près
du Sauveur, les sept pains, les quelques poissons, la multitude qui s'asseoit sur
la terre, les corbeilles, etc.
f . 39. — Leçon que Notre-Seigneur donne aux prédicateurs en se séparant de
la foule après le miracle de la multiplication des pains.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XV.
343
f. 1-6. — Alors des scribes el des pharisiem , qui étaient venus de Jérusalem,
s'approchèrent de Jésus et lui dirent : Pourquoi vos disciples violent-ils la
tradition des anciens; car ils ne lavent point leurs mains lorsqu'ils prennent
leurs repas? Il leur répondit : Pourquoi vous-mêmes violez-vous le comman-
dement de Dieu pour suivre votre tradition ? Car Dieu a fait ce comman-
dement : Honorez votre père et votre mère ; et cet autre : Que celui qui aura
outragé de paroles son père ou sa mère soit puni de mort. Mais vous autres
vous dites : Quiconque aura dit à son père ou à sa mère : Tout don que j'offre
de mon bien tournera à votre profit , quoiqu'après cela il n'honore point son
père ou sa mère ; et ainsi vous avez rendu inutile le commandement de Dieu
par votre tradition.
Rab. Les habitants de Génézareth et les esprits les plus simples
croient en Jésus-Christ , tandis que ceux qui paraissent sages à leurs
propres yeux viennent pour lui livrer combat, selon ces paroles :
Vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents , et vous les
avez révélées aux petits. » C'est ce que l'Evangéliste veut exprimer
lorsqu'il dit: «Alors des scribes et des pharisiens, qui étaient venus de
Jérusalem s'approchèrent de Jésus. » — S. Arc. {De l'accord des
Evang., ii, 49.) Saint Matthieu a disposé l'ordre de son récit de ma-
nière que ces paroles : « Alors des scribes et des pharisiens s'appro-
chèrent, » etc., servent à la fois de transition et indiquent la suite
chronologique des événements.
S. Chrys. {hom. 52.) L'Evangéliste nous marque ici le temps pour
dévoiler l'excès de leur méchanceté sans égale (1*), car ils choisissent
pour l'attaquer le moment où il vient de faire une multitude de mi-
racles et de guérir les malades par le seul contact de la frange de sa
(1*) L'expression grecque oùôsvi EÏxoudav, du verbe eïxw, ressembler, est rendue d'une
manière inexacte par l'expression latine nulli cedentem.
CAPUT XV.
Tune accesserunt ad eum ab Hierosohjmis scribœ
et pharisœi, dicentes : Quare discipuli lui trans-
yrediuntur traditionem seniorum? IVon enim
lavant manus suas cum panem manducant.
Ipse autem respondens, ait illis : Quare et vos
transgredimini mandatum Dei propter tradi-
tionem vestram ?Nam Deus dixit : Honora pa-
trem et matrem ; et, qui maledixerit patri vel
matri, morte moriatur : vos autem dicitis :
Quicumque dixerit patri vel matri : Mutins
quodcumque est ex me, tibi proderit; et non
honorificabit patrem suum aut matrem suam;
et irritum fecistis mandatum Dei propter tra-
ditionem vestram.
Rab. Homines Genezareth, et minus
docli creduut ; sed qui sapientes viden-
tur, ad pugnam veniunt; juxta illud
[Matth. 11) : « Abscondisti haec a sapien-
tibus et prudentibus, et revelasti ea par-
vulis : » unde dicitur : « Tune accesse-
runt, » etc. Aug. [de Cous. Evang.
lib. II, cap. 49.) Ita autem consent
Evangelista narrationis suae ordinem, di-
cens : « Tune accesserunt, » ut quantum
ipse transitus indicat, rerum etiam con-
sequentium ordo servetur.
Chrys. {in homil. 52, in Matth.)
Propter hoc autem Evangelista hic tem-
pus désignât, ut osteudat ineffabilem
illorum nequitiam nulli cedentem : tune
enim venerunt, quando plurima signa
operatus est, quando infirmes ex tactu
fimbriae curaverat. Quod autem ab Hie-
344
RXPLICATION DE L EVANGILE
rohc. Ces scribes , ces pharisiens viennent de Jérusalem ; ce n'est pas
qu'ils ne fussent disscminfis dans toutes les tribus, mais ceux qui
habitaient la métropole étaient pires (jue les autres à cause des grands
honneurs qui leur étaient rendus et de l'orgueil excessif qui en était
la suite. — Rémi. Ils sont doublement coupables, parce qu'ils venaient
de Jérusalem , la ville sainte , et parce qu'ils étaient les anciens du
peuple et les docteurs de la loi et que leur intention n'était pas de
consulter le Sauveur , mais de trouver à le reprendre : « Et ils lui
dirent: Pourquoi vos disciples violent-ils la tradition des anciens?» —
S. Jér. Etonnante folie des pharisiens et des scribes! Ils reprochent
au Fils de Dieu de ne point garder les traditions et les préceptes des
hommes. — S. Chrys. {liom. M.) Voyez comme ils sont pris dans
leurs propres paroles : ils ne demandent point pourquoi transgressent-
ils la loi de Moïse, mais pourquoi violent-ils les traditions des
anciens? preuve évidente que les prêtres introduisaient un grand
nombre de nouveautés , malgré cette défense de Moïse : « Vous n'a-
jouterez rien aux paroles que je vous dis aujourd'hui et vous n'en
retrancherez rien. » C'est alors qu'ils devaient s'affranchir de ces pra-
tiques, qu'ils se liaient par un plus grand nombre de vaines obser-
vances , parce qu'ils craignaient qu'on ne vînt leur enlever l'autorité
souveraine, et qu'ils voulaient se rendre redoutables en leur qualité
de législateurs (-2*).
(1) C'est ainsi que nous lisons dans les Bibles corrigées, comme on lisait autrefois d'après le
texte grec Trapàooaiv, la tradition. D'anciens exemplaires, et entre autres celui de saint Jérôme,
portaient les traditions ; mais pourquoi les traditions, lorsqu'il s'agit d'une tradition en particulier?
(2*) La loi donnée par Dieu à Moïse prescrivait un grand nombre de pratiques extérieures, au
fond pleines de sagesse, eu égard aux temps, et les vrais fils d'Israël les observaient avec zèle et
ponctualité : Jésus lui-même, durant sa vie mortelle , en donna l'exemple. Mais aux ordonnances
divines les Pharisiens avaient ajouté des traditions purement humaines , faisant consister la piété
dans une fidélité superstitieuse à ces inventions de leur orgueil. C'est à ce joug arbitraire que le
Sauveur avait soustrait ses disciples (D. Guéranger).
On doit bien se garder aussi de comparer les traditions et les additions des pharisiens avec
rosolymis venisse dicuntur scribœ et
pliarissei, sciendum est quod per omnes
tribus erant disseininati ; sed qui in me-
tropoli habitabant, pejores aliis erant ;
velut ampliori l'ruentes honore, et lua-
jorem superbiam possideutes. Remig.
Duabus aiitem de causis reprelienduntur ;
et quia ab Hierosolyniis vénérant (id
est, a loeo sancto descenderant), et quia
seniores populi et legis doctores erant ;
et non ad discendum, seil ad reprelien-
dendum Doniinum vénérant : suliditur
enini : « Dicentes : Qnare discipuli lui
transgrediuntur Iraditionem, » etc. HiKU.
Mira pharisiEorum scribarumque slul-
tilia ! Dei Filium arguant quare Iradi-
tiones hominum et prœcepta non servet.
CuRYS. [ut svp.) Vide autem qualiter et
a sua interrogatione capiuntur. Non
enim dicunt : « Quare transgrediuntur
legem Moysi? » sed, traditionem senio-
ruin : unde manifestum est quod luulta
nova inducebant sacerdotes ; quamvis
Moyses dixerit (De^/eron. 4) : « Non
adjicietis ad verbuiu cpiod ego propono
vobis liûdie, et non auferetis ab eo » et
qiiando oportcbat eos al) observationiluis
libcrari, tniii- anipliorihus observatio-
nibus se alligabant, liiuenles ne aliquis
oorum principatum aul'erret; terribilio-
res esse voleutes, quasi et ipsi essent
lecislatores.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XV. 345
Remi. — Quelles étaient ces traditions? Saint Marc nous l'apprend :
a Les pharisiens et tous les Juifs ne mangent point qu'ils ne se lavent
fréquemment les mains. » {Marc, vu.) Voilà pourquoi ils adressent
ce reproche aux disciples de Jésus : « Ils ne lavent pas leurs mains. »
— BEDE {sur S. Matth.) Comme ils entendaient les paroles des pro-
phètes dans un sens charnel , ils n'observaient ce précepte que Dieu
donne par Isaïe : « Lavez-vous et soyez purs » qu'en lavant leurs
corps , et ils avaient donc établi qu'on ne pouvait manger qu'après
s'èlre lavé les mains. — S. Jér. On doit se laver les mains, c'est-à-
dire purifier les œuvres non du corps , mais de l'âme , pour qu'elles
puissent accomplir la parole de Dieu. — S. Giirys. {hom. 52.) Les dis-
(dples mangeaient sans s'être lavé les mains, parce qu'ils rejetaient
les observances superflues pour ne s'attacher qu'au nécessaire ; ils ne
se croyaient obligés ni à se laver , ni à ne se pas laver les mains , et
ils pratiquaient l'un et l'autre suivant les occasions. Car, comment
auraient-ils pu attacher de l'importance à une semblable tradition,
eux qui n'avaient même aucun souci de la nourriture qui leur était
nécessaire? — Remi. Ou bien ce que les pharisiens reprochent aux
disciples du Seigneur n'est pas de manquer à l'usage reçu de se laver
les mains lorsqu'il eu est besoin , mais de ne pas observer ici les cou-
tumes inutiles, introduites par les traditions des anciens (1.) —
les traditions de l'Eglise catholique et qui sont ou divines ou apostoliques, ou ecclésiastiques , et
avec les commandements de l'Eglise. Les traditions pharisaïques étaient du moins en partie sans
authenticité et des inventions purement humaines ; les traditions de l'Eglise catholique sont des
révélations divines quand l'Eglise les a déclarées telles. Elles confirment ce qui est écrit dans les
Livres saints ou elles complètent ce qui n'y est qu'indiqué ou n'y est pas écrit; ou bien encore
elles cclaircissent ce qui n'y est écrit que d'une manière obscure. Les préceptes des pharisiens,
comme le leur reproche Notre-Seigneur, étaient le plus souvent en opposition avec les comman-
dements de Dieu; les commandements de l'Eglise non-seulement procèdent de l'autorité spiri-
tuelle établie par Jésus-Christ lui-même, mais ils n'ont qu'un seul but, qui est de procurer plus
sûrement et d'une manière plus déterminée et plus parfaite l'accomplissement des commande-
ments de Dieu.
(1) Cette pensée se trouve développée plus au long dans le chap. vu de saint Marc.
Remig. Qubo antem fuerint traditiones,
manifestât Marcus cum ait [cap. 1) :
« Pharisœi et omnes Judœi nisi crebro
lavent manus suas, non raanducant pa-
nem : » unde et hic discipulos reprehen-
dunt, dicentes : « Non enim lavant, » etc.
Beda. {super Matth.) Yerba enim pro-
phetarum carualiter accipientes, quod
dictum erat {Isaiœ 1) : « Lavamini, et
mundi estote, » de corpore solum la-
vande servabaut ; et ideo statuerant non
nisi lotis manibus manducandum esse.
Hier. Manus autem (id est, opéra, non
corporis, sed animée) lavandae sunt, ut
fiât in illis verbumDei. Chrys. {ittsvp.)
Ideo autem discipuli non lotis manibus
mauducabant, quia jam superilua despi-
ciebant, ea solum quae sunt necessaria
attendantes ; et ueque lavari uec non la-
vari pro lege habeutes, sed ut contingebat
alterutrum facieutes : qui enim et ipsum
necessarium cibum contemnebant, qua-
liter circa hoc, studium haberenf? Re-
mig. Vel reprehendebaut pharisaei disci-
pulos Domini, non de ista lavatione quae
consueto more congruis et uecessariis
temporibus agitur ; sed de illa superflua
quae de superstitiosa traditione seniorum
3i6
EXPLICATION DE L EVANGILE
S. CnRYS. {hom. 52.) JésQS-Christ n'excuse pas directement ses dis-
ciples; mais, prenant le rôle d'accusateur, il fait voir aux scribes et
aux pharisiens que ce n'est pas à ceux qui se rendent coupables de
fautes énormes qu'il appartient de reprendre les fautes légères que
peuvent commettre les autres. « Mais il leur répondit : Pourquoi
vous-mêmes violez-vous le commandement de Dieu? » etc. Il ne dit
pas que ses disciples font bien pour ne pas donner aux Juifs occasion
de les calomnier; mais il ne les blâme pas non plus, pour ne point
paraître approuver leurs traditions. Il n'accuse pas non plus les an-
ciens, ce qu'ils auraient repoussé comme un outrage, mais il reprend
ceux qui sont venus le trouver , tout eu blâmant indirectement les
anciens qui avaient établi cette tradition. « Et vous, pourquoi violez-
vous les commandements de Dieu pour votre tradition? » — S. Jér.
C'est-à-dire : Gomment, vous violez les commandements de Dieu pour
une tradition tout humaine, et vous reprochez à mes disciples d'atta-
cher peu d'importance aux prescriptions des anciens pour observer
les commandements de Dieu? car Dieu a fait ce commandement :
« Honore ton père et ta mère.» Cet honneur dont parle l'Ecriture con-
siste moins en marques de déférence, de respect, que dans l'assistance
et dans les secours effectifs qu'on leur donne : « Honorez les veuves
qui sont vraiment veuves ,» dit saint Paul (I Timoth., v), honneur
qu'il faut entendre des secours qui leur sont donnés. Dieu, en faisant
ce commandement, avait eu en vue les infirmités, l'âge ou l'indigence
des parents, et voulait que les enfants honorassent leurs parents en leur
leur procurant les choses nécessaires à la vie (i). — S. Chrys. {hom. 52.)
(1) Cette inlerprétatioa n'est pas exprimée d'une manière explicite, mais elle est comme sous-
entendue dans V Exode, xx, dans le Deutéronome, y, dans \' Ecclésiastique, m.
fueratreperta. Chrys. {ut sup.) Christus
auteni non excusavit , sed confestim
reaccusavitj demonstrans quoniam eum
qui magna peccat , pro parvis peccatis
aliorum soUiciUmi esse non oportet :
unde sequitur : « Ipse autem respon-
dens, ait illis : Quare et vos transgredi-
mini, » etc. Non autem dicit quod bene
faciunt transgredientes, ut non det eis
occasionem caliimnise, neque tamen vi-
tupérât quod ab apostolis factum est, ne
approbet eorum traditiones : netjiie rur-
sus accusât seniores, quia tanquam inju-
riatorem eum repulissent ; sed incropat
eos qui advenerant tangens etlam seuio
res qui talem Iraditionem statuerant, di-
cens : « Quare et vos transgredimini
raandatum Del propter iraditionem ves-
tram? :> Quasi dicat : Hier. Cum vos
propter traditionem hominum praecepta
Dei uegligalis, quare discipulos meos ar-
guendos creditis, quod seuiorum jussa
parvipendant, ut Dei praecepta custo-
diant ? Nam Deus dixit : Honora pa-
trem et matrem. » Honor in Scripturis
non tantum in salutationibus et officiis
deferendis, quantum in eleemosynis ac
munerum oblatione sentitur. « Honora,
inquit Apostolus (l Timoth. 5), viduas
qua^ vere viduae sunt : » hic enim honor
(lonum intelligitur. Praeceperat ergo Do-
minus vel imbecillitales, vel aetates, vel
penurias parentum consideraus, ut filii
iionorareut (etiam in vita? necessariis
ministrandis) parentes suos. Chrvs. {ut
sup.) Voluit autem monstrare quod pa-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XV. 347
Dieu a voulu montrer combien les parents devaient èli^e honorés par
leurs enfants, en sanctionnant ce précepte par la récompense et par le
châtiment. iMais Notre-Seigneur , passant sous silence la récompense
promise à ceux qui honorent leurs parents , c'est-à-dire une longue
vie sur la terre , s'arrête de préférence à ce qui est de nature à les
effrayer , c'est-à-dire au châtiment , pour inspirer une vive crainte
aux uns et convertir les autres. C'est pour cela qu'il ajoute : « Que
celui qui aura outragé son père ou sa mère soit puni de mort. » Il
leur prouve par là qu'ils sont vraiment dignes de mort ; car si celui
qui outrage de paroles son père ou sa mère est puni de mort, com-
bien plus méritez-vous ce châtiment, vous qui les outragez par vos
actions. Et non-seulement vous manquez à l'honneur qui est dû à
vos parents, mais encore vous enseignez aux autres à le leur refuser.
Comment donc osez-vous accuser mes disciples , vous qui ne méritez
pas même de vivre?
Notre-Seigneur leur fait connaître la manière dont ils violent ce
commandement de Dieu, en ajoutant : « Mais vous, vous dites : Qui-
conque aura dit à son père ou à sa mère : Tout don que j'offre de
mon bien, tourne à votre profit. » — S. Jér. Les scribes et les pha-
risiens, voulant détruire cette loi divine et providentielle , pour cou-
vrir leur impiété sous l'apparence de la religion , enseignèrent aux
enfants dénaturés que s'ils avaient l'intention de consacrer à Dieu, qui
est le Père véritable, ce qui était destiné à leurs parents , ils devaient
préférer ce sacrifice aux secours que leur père et leur mère avaient
droit d'attendre d'eux. — La Glose (l). Voici donc le sens de ces pa-
roles : Ce que j'offre à Dieu vous servira aussi bien qu'à moi ; vous ne
devez donc pas prendre pour votre usage ce qui m'appartient , mais
(1) Ce passage est tiré de saint Anselme et non de la Glose, telle que nous l'avons.
rentes essent valde honorandi, par hoc
quod adjuQxit et preemium et pœnam :
sed Dominus hicpreemiumpraetermiltens
quod honorantibus repromittitur (scili-
cet esse longaevum super terram), ponit
quod terribilius est (scilicet pœnam) , ut
et ipsos slupefaceret, et alios attraliaret :
unde addit : « Et qui maledixerit patri
vel matri, morte moriatur : » in quo de-
monstrat eos morte dignos esse ; si enim
qui verbo dehonorat parentem, morte
punitur, multo magis vos qui opère; et
non solum dehouoratis parentes , sed et
alios hoc docetis : qui igitur neque vi-
vere debetis, quaUter meos discipulos
incusatis ?
Quomodo autem Dei mandatum trans-
grediantur, manifestât cum subdit :
« Vos autem dicitis : Quicuuque dixerit
patri vel matri : Munus quodcunque ex
me tibi proderit, » etc. HiER.Prœmissam
enim providentissimam Dei legem vo-
lentes scribœ pharisœique subverlere,
ut impietatem sub nomine pietatis indu-
cerent, docuerunt pessimos filios, ut si
quis ea quae parentibus offerenda sunt,
Dec vohierit vovere, qui vt?rus est Pater,
oblatio Domini praeponatur parentum
muneribus. Glossa. Ut sitsensus : quod
ego offero Dec, et mihi et tibi proderit :
et ideo non debes sumere (scilicet res
meas in tuos usus) sed pati ut Deo offe-
3-48
EXPLICATION DE L EVANGILE
permettre que je l'offre à Dieu. — S, Jér. Ou bien il est probable que
les parents^ dans la crainte d'encourir le crime de sacrilège, n'osaient
prendre ce qu'ils voyaient consacré à Dieu , et qu'ils étaient réduits à
la dernière pauvreté; il arrivait ainsi que l'offrande faite par les
enfants, sous le prétexte du temple et de Dieu , tournait au profit des
prêtres. — La Glose. Le sens serait donc celui-ci: Quiconque, c'est-à-
dire celui d'entre vous, jeunes gens , qui aura dit (ou qui aura pu
dire, ou qui dira) à son père ou à sa mère : Mon père, le don
que j'offre à Dieu de mon bien, tournera à votre profit, servira
à votre usage ; c'est-à-dire vous ne devez pas le prendre , pour
ne pas vous rendre coupable de sacrilège. Ou bien encore, on peut
dire, en suppléant à ce qui manque : Quiconque dira à son père, etc.,
sous-entendez , accomplira le commandement de Dieu, ou accom-
plira la loi, ou sera digne de la vie éternelle. — S. Jér. On peut
encore donner cette explication abrégée : Vous forcez les enfants
de dire à leurs parents : Le don que j'allais offrir à Dieu, je l'emploie
par là même à votre entretien, et il tourne à votre profit , mon père et
ma mère; mais non, il n'en est pas ainsi. — La Glose. Et c'est ainsi
que par suite des conseils que lui aura donnés votre avarice , ce fils
n'aura aucun respect pour son père et sa mère , comme il le dit en
propres termes : Et il n'honorera ni son père ni sa mère, » comme
s'il disait : Voilà les mauvais conseils que vous donnez aux enfants, et
vous êtes cause que ce fils, plus tard, ne rendra ni à son père ni à sa
mère l'honneur qu'il leur doit. C'est ainsi que ce commandement de
Dieu qui fait un devoir aux enfants d'assister leurs parents , vous
l'avez rendu inutile à cause de votre tradition en servant les in-
térêts de votre avarice. — S. Aud. {contre l'ennemi de la loi et des
prophètes^ ii, 1.) Jésus-Christ nous montre ainsi avec évidence, que
ram. Hier. Vel certe ipsi parentes quae
Deo consecrata cernebant, ne sacrilegii
crimeu incurrerent, déclinantes, eges-
tate couficiebantur ; atque ita fiebat ut
oblatio liberoriim, sub occasione templi
et Dei, iu lucra cederet sacerdotum.
Glossa. Ut sitsensus : « Quicunque (id
est, quisquis vestrum, o juveues), dixe-
rit (id est, dicere poterit, vel dicet) patri
vel matri : » 0 pater, « muuus quod est
ex me » Deo jaiii devotuin, « proderit
tibi ; admirandû : » quasi diceret « : Cedet
iu tuos usas : » id est : « Certe non de-
bes sumere, ne sis reus sacrilegii. » Vel
polest logi per defectum, boc modo :
« Quicunque dixerit patri, » etc. subaudi,
« faciet Dei mandatum, vel complebit
legem, vel erit diguus vita œterna. » Hier.
Potest autem et hune breviter habere
sensum. Compellitis, inquit, filios, ut
dicant parentibus suis : « Quodcunque
donum oblaturus eram Deo, in tuos con-
sumo cibos ; tibique prodest, o pater et
mater : » quasi diceret : ISon. Glossa.
Et sic propter istas persuasiones avaritiœ
vestrœ, ille juvenis non honorificabit
patrem et malrem : unde sequitur : «Et
non honorificabit patrem et matrem : »
quasi diceret : Vos filiis ista pessima
suasistis ; et propter hoc filins postea
patrem et matrem non honorificabit ; et
ita mandatum Dei de sustentandis paren-
tibus fecistis irritum propter traditiouem
vestram, scilicet avaritia^ vestrœ ser-
vientes. Ai'G. {contra adversarium le-
gis et prophetarum, iib. ii, cap.l.) Evi-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XV. 349
c'est la loi de Dieu même dont l'hérétique fait l'objet de ses blas-
phèmes, et que les Juifs ont des traditions étrangères aux livres pro-
phétiques, et que l'Apôtre appelle des fables profanes et des contes de
vieilles femmes (I Tim.^ iv.) — S. Aug. {cont. Faust., xvi, 24.) Notre-
Seigneur nous enseigne ici plusieurs choses , d'abord (pi'il ne détour-
nait pas les Juifs du Dieu qu'ils adoraient ; et que bien loin de violer
lui-même ses commandements, il condamnait ceux qui se rendaient
coupables de cette transgression , et qu'enfin ce n'était que par Moïse
qu'il avait donné ces préceptes. — S. Aug. {Quest. évang., i, 15.) Ou
bien dans un autre sens : « Le présent que j'otfre de mon bien tour-
nera à votre profit , » c'est-à-dire : Le présent que vous offrez pour
moi, vous appartiendra désormais; paroles qui signifient que les en-
fants n'avaient plus besoin des sacrifices que leurs parents offraient
pour eux, lorsqu'ils étaient arrivés à l'âge où ils pouvaient les offrir
eux-mêmes. Parvenus à cet âge, où ils pouvaient tenir ce langage à
leurs parents, les pharisiens niaient qu'ils fussent coupables de man-
quer à l'honneur qu'ils leur devaient.
j»'. 7-11. — Hypocrites, Isaïe a bien prophétisé de vous, quand il a dit : Ce
peuple m'honore des lèvres; mais son cœur est loin de moi. Et c'est en vain
qu'ils m'honorent, enseigna?it des maximes et des ordonnances humaines. Puis,
ayant appelé le peuple, il leur dit : Ecoutez, et comprenez bien ceci : Ce n'est
pus ce qui entre dans lu bouche qui souille l'homme; mais ce qui sort de lu
bouche de l'homme, c'est là ce qui le souille.
S. Chrys. [hom. 52.) Le Seigneur vient de prouver aux pharisiens
qu'ils n'avaient pas droit d'accuser ceux qui transgressaient la tradi-
tion des anciens, alors qu'ils violaient eux-mêmes la loi de Dieu. Il
denter autem hic Christus ostendit, et
illam esse Dei leffeiu quam haereticus
blaspheinat, et Judaios habere suas tra-
ditiones a libris propbeticis et legitimis
aliénas, quas Apostolus appellat (I Ti-
moth. 4) « prolauas fabulas et aniles. »
Aug. {contra Fatistum, bb. xvi, cap. 24.)
Multa etiam nos bic Dominus docet, et
Judœos a Deo suo se non avertere, et ejus
mandata non tautum se non infringere,
verum etiam illos a quibus iufringeren-
tur arguere, et uou nisi per Moysen ista
mandasse. Auo. (de Quœst. Evung.
lib. 1, quaest. 15.) Vel aliter : « IMunus
quodcuaque est ex me, tibi proderit, »
id est, « munus quod offers causa mei,
ad te jam pertiuebit : » quibus verbi s si-
gnificant filii, jam sibi non necesse esse
parentum pro se oblationem, quod ad
eam aetatem pervenissent, ut possent jam
offerre pro se. In bac ergo œtate consti-
tutos ut possent parentibus suis lioc di-
cere, cum hoc dixisseut, u&gabaiit pba-
risaei reos esse, si parentibus non praes- .
tarent honorem.
Hypocritœ, bene prophetavit de vobis Isaias
dicens : Populus hic labiis me honorât, cor
autem eorum longe est a me. Sine causa autem
colunt me, docentes doctrinas et mandata ho-
minum. Et convucatis ad se turbis, dixit eis :
Audite et intulligite : non quod intrat in ns
coinquinat hominem, sed quod procedit ex ore,
hoc coinquinat hominem.
Chrys. {ut sup.) Monstraverat Domi-
nus quod pbarisœi non erantdigni accu-
sare transgredientes mandata seniorum,
cum Dei legem destruerent : rursus au-
3Sd
EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
établit encore la même vérité par le témoignage du prophète : « Hypo-
crites, leur dit-il, Isaïe a bien prophétisé de vous. » — Rem. Un hypo-
crite est un homme qui feint, qui simule, et qui afifecte de paraître au
dehors tout autre qu'il n'est au fond du co^ur. C'est avec raison qu'il
les appelle hypocrites, eux, qui sous prétexte d'honorer Dieu, ne cher-
chaient qu'à amasser les biens de la terre. — Rab. Isaïe a prévu cette
hypocrisie des Juifs qui les porterait à combattre artificieusement
l'Evangile; et c'est pour cela qu'il a dit au nom du Seigneur: «Ce
peuple m'honore des lèvres, » etc. — Rémi. Le peuple juif paraissait
s'approcher de Dieu, et l'honorer des lèvres et de la bouche ; car il
se faisait gloire de n'adorer qu'un seul Dieu ; mais son cœur s'éloigna
de lui, parce qu'après avoir vu tant de prodiges et de miracles, il ne
voulut ni reconnaître sa divinité , ni le recevoir. — Rab. Us l'hono-
raient des lèvres, lorsqu'ils disaient : « Maître , nous savons que vous
êtes vrai; » mais leur cœur était bien loin de lui, lorsqu'ils envoyèrent
des hommes pour lui tendre des pièges et le surprendre dans ses dis-
cours. — La Glose (2). Ou bien ils l'honoraient en recommandant les
purihcations extérieures et légales , mais comme ils n'avaient point
la pureté intérieure, leur cœur était loin de Dieu , et l'honneur qu'ils
lui rendaient était sans fruit pour eux, comme l'ajoute le Sauveur :
« Et c'est en vain qu'ils ni'honorent , enseignant des maximes et des
ordonnances humaines. » — Rab. Ils n'auront point de part à la ré-
compense des vrais adorateurs , eux qui enseignent des doctrines et
des préceptes purement humains, au mépris des commandements qui
viennent de Dieu.
(1) Isdie , XXIX, 13. On lit dans la version des Septante : Tt[iw(7i, ils m'honorent; la Vulgate a
traduit un peu différemment : « Ce peuple me glorifie des lèvres, n etc.
(2) Ce passage se trouve plus explicitement dans saint Anselme.
tem demonstrat hoc ipsuni et a pro-
pheta. Unde dicil : « Hypocrilaî, bene
prophetavit de vobis Isaias, » etc. Re-
mk;. Hypocrita dicitur Simulator, quia
aliud opère simulât, et aliud corde ges-
tat. Isli ergo bene hypocritœ dicuntur
quia sub honore Dei, terrena sibi lucra
accuuiulare cupiebant. R.\Fi. Pra-vidit au-
tem Isaias simulationes .ludœorum, quod
in dolo pugnarent contra Evangeliuni.
Et ideo dixit ex persona Doniini : « Popu-
lus hic labiià me honorât, » etc. Remig.
Judœorum namque popvdus labiis etore
Deo appropinquare et lionorarc eum vi-
debalur, quia unius Dei cultum se habere
gloriabatur; sed corde longe a Deo reccs-
sit, (piia visis signis atque miraculis nec
Divinitatem ejus cognoscere, nec eum sus-
cipere voluorunt. Raua. item labiis eimi
honorabaut, quando dicebant {MaKfi.
22) : « Magisler, scinms quia verax es ; »
sed cor eorum longe ab eo fuit, quando
miserunt insidiatores ut eum capereul
in sermone. Glos&a. Vel commendaudo
exteriorem munditiam eum honorabant;
sed dum inleriori (qiiœ vera est) care-
bant, cor eorum longe erat a Deo ; et
illis talis honor inulilis erat : unde se-
quitur : « Sine causa autem coiunt me,
docentes doctrinas et mandata homi-
num. » Rab. Non enira habebunt merce-
dem eum veris cultorilnis , docentes
doctrinas et mandata liomiuum con-
temptis divinis.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XV. 351
S. Chrys. {hom. 52.) Après avoir donné un nouveau poids à l'ac-
cusation dirigée contre les pharisiens , en l'appuyant de l'autorité du
prophète , sans qu'il ait pu les amener à de meilleurs sentiments, il
cesse de leur parler, et il s'adresse au peuple : « Puis, ayant appelé le
peuple, il leur dit : Ecoutez, et comprenez bien ceci. » Gomme il doit
exposer à la foule une vérité élevée et pleine de sagesse , avant de l'é-
noncer, il prépare les esprits à la recevoir, en témoignant d'abord des
égards et de la sollicitude pour ce peuple ; ce que l'Evangéliste nous in-
dique par ces paroles : « Puis, ayant appelé le peuple. » Les circonstances
sont d'ailleurs on ne peut plus favorables pour ce qu'il va leur dire ; car
ce n'est qu'après avoir ressuscité des morts et triomphé des pharisiens
qu'il propose sa loi pour la faire plus facilement accepter. Il ne se
contente pas d'appeler la foule, mais il la rend plus attentive par ces
paroles : « Entendez, et comprenez, » c'est-à-dire prêtez votre atten-
tion, et élevez votre esprit pour comprendre mes paroles. ïl ne leur
dit pas : Il ne faut pas faire de distinction entre les aliments , ou c'est
à tort que Moïse a prescrit cette distinction ; mais, puisant ses preuves
dans la nature même des choses , il parle sous forme d'avertissement
et de conseil, et il dit ; « Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui
souille l'homme, » etc. La traduction de saint Jérôme porte : Qui rend
commun (l). — S. Jeu. Le mot communicat est une expresion par-
particulière aux Ecritures, et qui n'est point employé dans le langage
ordinaire. Le peuple juif qui se vantait d'être l'héritage de Dieu,
donnait le nom de nourriture commune ou impure aux viandes dont
se nourrissent tous les hommes, comme la viande de porc, de lièvre,
(1) Saint Marc, chap. vu, vers, la, emploie la même expression, et c'est d'ailleurs la traduction
littérale du grec xoivoùvxa; le sens est du reste le même en traduisant : qui souille, car on
regarde comme impures et souillées les choses qui servent à des usages communs.
Chrys. {ut sup.) Augmentata ergo ac-
cusatione pharisœorum a teâtimonio
Prophctae, et illis non emendatis, jam eis
non loquitur, sed turbis : unde dicit :
« Et convocatis ad se turbis, dixit eis :
Audite etintelligite. )) Quia turbis dogma
excelsum et multa pbilosophia plénum
propositurus erat, non sinipliciter boc
enuntial, sed susceptibilum facit sermo-
nem : primo quidem bonore et soUici-
tudine exbibita circa turbas ; quod os-
tendit Evangelista, dicens : « Et convo-
catis ad se turbis : » deinde etiam sus-
ceptibilem facit sermouem ex tempore,
quia post mortuos suscitatos, post victo-
riam contra pbarisœos babitam, tune
legem proponit, ut facilius suscipiatur.
Et non solum simpHciter turbas advo-
cavit, sed etiam eas altentiores fecit in
boc quod dixit : « Audite et intelligite, »
id est, attendite et erigimini mente ad
hoc audiendum. Non autem dixit eis :
« Nibil est observatio escarum; » neque
quod Moyses maie injunxerat; sed per
modum admonilionis et consilii, a rerum
ipsarum natura testimonium accipiens,
ait : « Non quod intrat in os, coinquinat
bominem, » etc. Hieronymus babet ,
communicat. Hier. Verbum commu-
nicat proprie Scripturarum est, et pu-
biico sermone non teritur ; populus au-
tem Judaeorum partem Dei se esse jac-
tans, communes cibos vocai, quibus om-
nes utuntur homines ; verbi gratia suil-
352
EXPLICATION DE L EVANGILE
et d'autres animaux qui n'ont pas le sabot fendu , qui ne ruminent
pas, et parmi les poissons , ceux qui n'ont point d'écaillés. C'est dans
ce sens que nous lisons dans les Actes des Apôtres (chap. 10) : «Ne re-
gardez pas comme commun ce que Dieu a sanctifié. » Ainsi le mot
commun, qui exprime ce qui est permis aux autres hommes, comme
ne faisant point partie de l'héritage de Dieu , est pris ici dans le sens
d'impur.
S. AuG. {cont. Faust., vi, 7.) L'Ancien Testament, qui défend cer-
tains aliments, n'est nullement en opposition avec ce que le Seigneur
dit ici : « Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille, » ni
avec ces autres paroles de l'Apôtre : « Tout est pur pour ceux qui sont
purs » {Tit. i), et encore : « Toute créature de Dieu est bonne. »
(I Timoth. IV.) (1*) Que les Manichéens, s'ils le peuvent, comprennent
que l'Apôtre a voulu parler ici des substances considérées en elles-
mêmes , tandis que la sainte Ecriture , pour établir certaines fi-
gures qui étaient en rapport avec le temps , considère certains ani-
maux comme impurs, non pas de leur nature , mais par la significa-
tion qui s'y trouve attachée. Ainsi , par exemple , que l'on demande
(1*) L'Eglise, d'accord avec ces paroles du Seigneur et avec celles de saint Paul, ne connaît ni
mets impurs ni jours néfastes, et elle défend et punit toute superstition à cet égard. Mais on
aurait tort d'en conclure qu'on peut manger et boire ce qu'on veut, et qu'on n'offense pas Dieu
en le faisant, caria loi de Dieu prescrivait de s'abstenir de certaines viandes, et ie Sauveur ne
voulait pas annuler la loi de Dieu, mais l'accomplir. Jésus-Christ veut dire seulement, selon la
juste remarque de d'AUioli: Ce ne sont point les viandes (impures, souillées par des mains impures
ou bien défendues en effet) qui en elles-mêmes et par elles-mêmes souillent l'homme, mais ce sont les
mauvais sentiments du coeur qui se manifestent au dehors par des œuvres mauvaises, qui rendent
l'honmie impur et criminel. Jésus-Christ, dans ce passage, ainsi qu'il a coutume de faire, rappelle
les pharisiens aux dispositions intérieures , comme étant le point essentiel , sans pour cela repré-
senter comme superflues les pratiques extérieures , quand elles sont prescrites par Dieu ou par
la puissance établie de Dieu. Ces paroles, que les hérétiques et les mauvais chrétiens détournent
à leur sens pour violer sans scrupule les préceptes du jeune et de l'abstinence, renferment donc
leur condamnation. Ce qui les rend coupables et les damne , ce n'est pas la nourriture , la viande
en elle-même et par elle-même , c'est la désobéissance qui fait prendre la nourriture et manger la
viande contre la loi positive d'une autorité établie de Dieu.
Cette explication ressort de la réponse qne Notre-Seigneur fait aux pharisiens. Us se lavaient
les mains avant de manger, de peur que la souillure des mains , contractée suivant eux par le
contact de mille choses non mentionnées dans la loi, ne se communiquât aux aliments et que par
suite la souillure, ainsi contractée, n'infectât le corps tout entier. Jésus répond : Rien de ce qui
entre dans l'homme à son insu ne peut le souiller : ce qui le souille, c'est ce qui est voulu par lui,
c'est ce qui vient de lui.
lam carnem, lepores, et istiusmodi ani-
mantia, quae ungulam non findunt, nec
ruminant, nec squanimosa in piscibus
sunt : unde et in Actibus apostolorum
scriptumest Icap. 10) : « Quod Deus
sanctificavit, tu ne commune dixeris ; »
commune ergo quod cœteris hominibus
patet, quasi non de parte Dei, pro im-
mundo appellatur.
AuG. {Contra Faustum, lib. 6, cap. 7.)
Testameuto autem veteri ubi carnales
quidam cibi prohibenlur, non est con-
traria ista sententia, qua Dominusdixit :
«Non quod intrat in os coinquinat,))etc.,
et qua Apostolus dicit {ad Tit. l) : «Om-
nia munda mundis ; » et (I Timoth. 4) :
« Omnis creatura Dei bona est. » Si
possunt, Apostolum de ipsis dixisse na-
turis intelligaut Manichaei ; illas autem
litteras propter quasdam prœligurationes
tempori conprruentes, auimalia quaedaui
(non natura, sed significatione)iuimuijda
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XV.
353
si le porc et l'agneau sont purs de leur nature, il faudra répondre
affirmativement, parce que « toute créature de Dieu est bonne. » Mais
si on les considère sous un certain rapport significatif, l'agneau est
pur, le porc ne l'est pas. Tl en est de même pour les mois fou et sage :
l'un et l'autre sont purs, si on les considère daus le son de la voix qui
les prononce , aussi bien que dans les lettres et les syllabes qui les
composent; mais considérés dans leur signification, le nom de fou,
peut recevoir la qualification d'impur , non pas dans sa nature, mais
parce qu'il signifie quelque chose d'impur. Peut-être aussi que le fou
est dans l'ordre des réalités ce que le porc est dans l'ordre des figures.
Ainsi cet animal et ce mot latin de deux syllabes (stultus) , que nous
traduisons par fou, auraient une seule et même signification ; car la
loi répute le porc immonde, parce qu'il ne rumine pas , ce qui tient à
sa nature, et n'est point un vice en lui. Il est des hommes qui sont
figurés par cet animal , et qui sont impurs par leur propre faute et
non par nature, parce qu'après avoir écouté volontiers les leçons de
la sagesse, ils n'y pensent plus en aucune façon. Car si après avoir
reçu des enseignements utiles, vous les rappelez comme des entrailles
de votre mémoire , et que vous reportiez la douceur de ce souvenir
comme dans la bouche de la pensée , que faites-vous en cela, que ru-
miner spirituellement ? Ceux qui agissent difî'éremment sont figurés
par les animaux impurs. Or, cette multitude de choses qui nous sont
proposées ou dans des expressions allégoriques , ou dans des obser-
vances figuratives , font sur les esprits raisonnables une douce et sa-
lutaii'e impression. Mais un grand nombre de ces choses étaient pour
le peuple juif autant de préceptes qu'il devait non-seulement écouter,
mais encore mettre en pratique. C'était le temps où les mystères, dont
dixisse. Itaque verbi gratia, si de porco
et agno requiratur, utrumque natura
muuduiu est, quia « omnis creatura Dei
bona est; » quadam vero sigaificatione
agnus munâus, porcus iintnundus est;
tanqnam si stultum et sapieutem dice-
res, utrumque lioc verbum natura vocis,
et litterarum , et syllabarum , quibus
constat, utique mundam est; signitica-
tione autem unuui horuni verborum
(quod dieitur stultus) immundum dici
potest ; non natura sui, sed quoniam
quoddam inununduui significat. Et for-
tasse quod est in rerum tiguris poreus,
hoc est in reniai génère stultus ; et tam
illud animal quani istff" duce syllabœ
(quod dieitur stultus) quoddam unum
idemque siguiticant : immundum quippe
TOM. II.
illud animal in lege positum est, eo quod
non ruminet; non autem hoc ejus vi-
tium, sed natura est. Sunt autem homi-
nes qui per hoc animal signiticantur im-
mundi proprio vitio, non natura , qui
cum libenler audiaut verba sapientiee,
postea de bis omnino non cogitant.
Quod enim utile audieris, velut ab in-
testino mémorise tanquam ad os cogita-
tionis recordandi dulcedine revocare,
quid aliud est quam spiritualiter rumi-
nare ■? Quod qui non faciuut, illorum
auimaliiim génère figurantur : hae au-
tem multitudines rerum in locutionibus
vel observatlonibus iîguratis rationales
mentes utiliter et suaviter movent : sed
priori populo multa talia, non tantum
audieuda, vcrum etiamobservanda prai-
23
354
RXI'LICATIOiN DR L EVANGILE
Dieu réservait la révélation aux siècles qui suivirent , devaient être
prophétisés non-seulement par des paroles, mais encore par des faits.
Lorsque plus tard ces mystères ont été révélés par le Christ, et dans
le Christ, ces observances n'ont pas été imposées comme un joug aux
nations qui embrassèrent la foi, mais l'autorité de la prophétie qu'elles
contenaient a conservé toute sa force. Or, je demanderai aux Mani-
chéens si cette maxime du Seigneur ; « Ce qui entre dans la bouche ne
souille pas, » est vraie ou fausse ; s'ils prétendent qu'elle est fausse ,
pourquoi leur docteur Adimantus, qui reconnaît qu'elle vient de Jésus-
Christ , s'en fait une arme pour battre eu brèche l'Ancien Testament ?
Si elle est vraie, comment peuvent-ils admettre contre sa déclara-
tion que la nourriture souille l'homme?
S. Jér. Un lecteur attentif pourra nous faire cette difficulté : « Si
ce qui entre dans la bouche de l'homme ne le souille pas, pourquoi ne
pas manger des viandes offertes aux idoles ? Nous répondons que les
aliments et toute créature de Dieu sont purs par eux-mêmes ; mais
que l'invocation des idoles et des démons rend impures ces viandes
immolées aux idoles pour ceux qui les mangent avec la conviction
qu'ils font un acte idolâtrique , et ainsi leur conscience qui est faible,
en est souillée, suivant la parole de l'Apôtre (I Co?i)ith. ^Yiu). — Rémi.
Mais celui qui est doué d'une foi assez grande pour comprendre que
ce que Dieu a créé ne peut être souillé en aucune manière , sanctifie
sa nourriture par la prière et par la parole de Dieu, et il peut manger
ce qu'il voudra, à moins, toutefois, que cette liberté ne devienne un
scandale pour les personnes faibles, comme le fait remarquer le même
Apôtre.
% 12-14. — Alors ses disciples s'approcJunit, lui dirent: Savez-vous bien que
cepta siint. Tempus eniin erat quo, non
tantum dictis, sed etiam fattis prophe-
tari oportcbat ea qu:E posteriore tem-
pore fueraut revelauda ; quibus per
Christum atque in Cliristo revelatis, iî-
dei gentium onera observaliouiiui non
sunt imposita ; prophetia; tameu est auc-
toritas comiuendaUi. Requiro autem a
Manichaeis utruni ista Douiiui senleutia
(qua dixit non iuqninavi his honiinem
quai in os ejus inlraut) vera aut falsa
sit : si falsam dicunt, cur eoriun doclor
Adimantus a Christo prolalam dicens,
ad e.\pu*;nanduni vêtus Teslamoiituni
ubjecit ? Si auteni vera est, cur adversus
eani creduut se coinquinari ?
Hier. Opponat autom pnidens Untoi-,
et dical : « Si ([uod intral in os non
coinquinat hominem , quare idolotliytis
non vescimur '? » Sciendnm igitur quod
ipsi quidem cibi et oiunis Dei creatura
per se munda sit, sed idolorum et dae-
moniorum iuvocatio ea facit immunda ;
apud eos scilicet t(ui « cum conscientia
idoli idolotbytuiu mandneaut et con-
scienlia eorum cum sit infirma, pollui-
tur ; » ut Apostolus (iicit (I Timoi/i.8.)
Remig. Quicunque autem tautae fidei est
ut iateliigat creaturam Dei nullo modo
inquinari posse , sauctiticetur cibus per
verbum Dei et orationem, et comedat
quicquid vull ; ita tameu quod « biec b'-
centia offendiculum non fiât infirmis, ><
ut Apostolus diiîil. (uOi Slip.)
Tune uccedfitles discipuli ejus dixenml ci .■ Sois
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XV.
355
les plmrisiens, ayant entendu ce que vous venez de dire, s'en sont scandalisés?
Mais il répondit : Toute plante que mon père céleste n'a point plantée sera
arrachée. Laissez-les ; ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles : que
si un aveugle conduit un autre aveugle, ils tombent tous deux dans la fosse.
S. JÉR. Une seitle parole du Sauveur vient de détruire toute cette
superstition des observances légales auxquelles tenaient tant les Juifs,
persuadés que toute leur religion consistait à prendre telle nourriture
ou à rejeter telle autre. — S. Ghrys. {ho)7î. 52.) Les pharisiens, ayant
entendu la doctrine que Jésus vient d'enseigner, n'osent plus le con-
tredire, car il les avait fortement convaincus non-seulement en
repoussant leurs accusations , mais encore en dévoilant leurs fourbe-
ries, mais ils furent scandalisés (les pharisiens et non le peuple).
« Alors les disciples s'approchant lui dirent : Savez-vous bien que
les pharisiens , ayant entendu ce que vous venez de dire , s'en sont
scandalisés? — S. Jér. Gomme le mot scandale est souvent employé
dans la sainte Ecriture , il nous faut expliquer en peu de mots ce qu'il
signifie. Nous croyons pouvoir le définir , une pierre d'achoppement ,
une cause de chute ou un choc des pieds. Lors donc que nous lisons :
« Quiconque aura scandalisé, » nous devons l'entendre dans ce sens :
Celui qui en paroles ou en action aura été pour son frère une occa-
sion de chute ou de ruine.
S. Chrys. {hom. .52.) Notre-Seigneur Jésus-Christ ne cherche pas à
faire disparaître le scandale des pharisiens ; au contraire, il donne un
nouveau cours à ses reproches : « Toute plante que n'a pas plantée
mon Père céleste sera arrachée. » Les Manichéens prétendent qu'il
veut parler ici de la Loi , mais cette opinion se trouve réfutée par ce
qu'il a dit plus haut; car, s'il avait ici la Loi en vue, comment aurait-
quia pharisœi, audito hor.verho, scandalizati
sunt ? At ille respondens ait : Omnis plantatio
quam non plantavit Pater meus cœlestis, era-
dicabitiir; sinite illos, cœci sunt, et duces cœ-
corum; ccecus mitera si cœco ducal uni prœstet,
ambo in foveam cadunt.
Hier. Ex uno sermone Domiai omnis
superstitio observationum judaicarum
fuerat elisa, qui in cibis sumeudis abo-
minandisque religionem suam sitam ar-
bitrantur. CnRYS. {ut sup.) Prœmissa
itaqiie cum audissent pbarissei , nihil
contradixerunt ilii (quia vehementer eos
convicerat ; non redarguendo solum, sed
et dolum illorum propalaudo), sed scan-
dalizati sunt (pharisœi scilicet, non au-
tem turbœ) : unde dicitur : « Tune ac-
cedenles discipuli ejus dixerunt ei :
Sois quia pharisaei, audito hoc verbo,
scandalizati sunt ? » Hier. Quia crebro
teritur in ecclesiasticis Scripturis scan-
dalum, breviter diceudum est quid si-
guificat scandaluni ; nos « offendiculum
vel ruinam et impactioneiupedis )>possu-
mus dicere. Quando ergolegimus : « Qui-
cunque scandaHzaverit, » hoc intelU-
gimus : « Qui dicto vel facto occasionem
ruinse dederit. »
Chrys. {%it sup.) Christus autem non
solvit pharisseorum scaudalum, sed ma-
gis eos increpavit : unde sequitur : « At
ille respondens ait : Omnis plantatio
quam non plantavit Pater meus cœlestis,
eradicabitur : » hoc autem Manichaei de
lege dictum esse dicunt : sed confutant
eos quœ antea dicta sunt; si enim de
356
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
il pris plus haut la drUt^nse de la Loi en leur disant : « Pourquoi
transgressez-vous la loi de Dieu, à cause de votre tradition? Comment
aurait-il pu citer à l'appui l'autorité du prophète? Si c'est Dieu qui a
fait ce commandement : « Honorez votre père et votre mère, » com-
ment ce précepte, qui fait partie de la Loi^ ne serait-il pas la planta-
tion de Dieu? — S. Hil. {ca7i. 14.) Donc ces paroles : «Toute plante
qui n'a pas été plantée par mon Père céleste sera arrachée, » signifient
que toute tradition humaine qui sert de prétexte à la violation de la
loi doit être arrachée et rejetée. — Rémi. Toute fausse doctrine, toute
observance superstitieuse ne peuvent avoir de durée non plus que
leurs auteurs , et comme elles ne viennent pas du Père , elles seront
déracinées avec eux; celle-là seule demeurera qui a été plantée par
Dieu le Père. — S. Jér. Est-ce que cette plantation dont l'Apôtre a
dit : « J'ai planté, Apollon a arrosé » serait aussi déracinée? La
réponse à cette question se trouve dans les paroles suivantes : a C'est
Dieu qui a donné l'accroissement. » L'Apôtre ajoute encore : «Vous
êtes le champ que Dieu cultive , vous êtes l'édifice que Dieu bâtit , »
et dans le même verset : « Nous sommes les coopérateurs de Dieu ; »
or, si nous sommes ses coopérateurs, donc lorsque Paul plante et
qu'Apollon arrose, c'est Dieu qui plante et arrose avec ses coopé-
rateurs. Ceux qui soutiennent le système de plusieurs natures dif-
férentes abusent de ce passage en disant : « Si la plantation que
n'a pas faite le Père doit être arrachée , donc celle qu'il a faite
ne sera jamais déracinée. » Jérémie leur répond : « Je vous ai planté
comme une vigne choisie, comment êtes-vous devenus pour moi
une vigne étrangère et pleine d'amertume ? » Dieu a planté , il
est vrai , et personne ne peut déraciner ce qu'il a plante ; mais ,
lege dixisset, qualiter superius pro lege
pugnasset, dicens : Quare transgredimiui
mandatuiu Dei propter traditionem ves-
tram ? » Qualiter etiam proplietam indu-
xisset in médium ? Si etiam Deus dixit :
« Honora patrem et matrem , » qualiter
hoc quod in lege dictum est, non est
Dei plantatio ? Hilar. {('an. 14 ut sup.)
Dicens ergo : « Omnem plantationem »
quaj non a Pâtre sit, eradicandani docet
traditionem hominuni et eruendam, cu-
jusfavorelegispraeceptalrausgressisuut,
Reiiig. Omnis etiam falsa doUrina et
superstiliosa observatio cum aucloribus
penuanere non potest; et quia a Deo
Pâtre non est, cum eisdem eradicabitur :
illa ergo sola permanebit qua; a Deo
Pâtre est. Hikr. Nunquid ergo eradica-
bitur et illa plantatio de (|ua Aposlolus
ait (I Corinth.) 3 : « Ego plantavi, Apollo
rigavit ? » Sed solvitur quaestio ex eo
quod sequitur : « Deus autem incremeu-
tum dédit. » Dicit et ipse {%ibi svp.) : « Dei
agricultura , Dei sedificatio estis ; et in
oodem loco : « Cooperatores Dei su-
mus : » si autem cooperatores, igitur plan-
tante Paulo et rigaute Apollo, Deus cum
cooperatoribus suis plantât et rigat. Abu-
tuntur autem hoc loco qui diversas natu-
ras iutroducunt, dicentes : « Si plantatio
quam non plautavil Pater eradicabitur,
ergo quam ille plantavit non potest
eradicari. » Sed audiant ilîud Hieremiaî
(cap. 2) : « Ego vos plautavi vineam ve-
ram ; quomodo versi estis in amaritu-
diuem vitis alienœ ? » Plantavit quidem
Deus, et nemo potest eradicare planta-
tionem ejus. Sed qiioiiiani isla plantatio
DE SAINT MATTHTEU^ C.HAP. XV. 357
comme cette plantation a ses racines dans le libre arbitre, aucun
autre ne pourra la déraciner si elle ne donne son consentement. —
La Glose. Ou bien cette plantation signifie les docteurs de la loi et
leurs disciples, qui n'avaient pas Jésus-Christ pour fondement. Le
Sauveur donne la raison pour laquelle ils seront déracinés : « Lais-
sez-le ; ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles. » — Rab.
Ils sont aveugles, c'est-à-dire privés de la lumière des commande-
ments de Dieu, et ils sont conducteurs d'aveugles parce qu'ils en-
traînent les autres dans le précipice ; ils suivent eux-mêmes les sen-
tiers de l'erreur et ils y égarent les autres. (I Timoth.^ m.) C'est pour
cela qu'il ajoute : « Si un aveugle conduit un autre aveugle, ils
tombent tous deux dans la fosse. » — S. Jér. C'est le commandement
que l'Apôtre avait fait à son disciple : « Fuyez celui qui est hérétique
après le premier ou le second avertissement , en vous rappelant qu'un
tel homme est perverti. » {Tit. in.) C'est dans le même sens que le
Sauveur nous ordonne d'abandonner les docteurs de mensonge à leur
volonté dépravée, convaincu qu'il était iju'on ne pouvait que diffici-
lement les ramener à la vérité.
^. 15-20. — Pierre, prenant la parole, lui dit ; Expliquez-nous cette parabole.
Et Jésus lui répondit ; Quoi ! êtes-vous encore vous-mêmes sans intelligence ?
Ne comprenez-vous pas que tout ce qui entre dans la bouche descend dans le
ventre et est jeté ensuite au lieu secret? Mais ce qui sort de la bouche part du
cœur, et c'est ce qui souille l'homme. Car c'est du cœur que partent les mau-
vaises pensées, les meurtres , les adultères, les fornications, les larcins, les
faux témoignages et les blasphèmes. Ce sont là les choses qui souillent l'homme
impur. Mais manger sans avoir lavé ses mains ne souille point l'homme.
Remi. Notre- Seigneur avait l'habitude de parler en paraboles.
in voluntate proprii arbitrii est, nullus
alius eam eradicare poterit, nisi ipsa tri-
buerit asseusum. Glossa. {InterUn.)
Vel plantàtio ista doclores legis significat
cum sequacibus suis qui Christum non
habebant fuudamentiim.
Quare auteiii sunt eradicandi subdihir :
« Sinite illos : caeci sunt, et duces cœ-
corum. » Rab. Cœci quidem sunt, id est,
luce mandatorum Dei privati : et sunt
duces cxcorum. quia alios in praecipi-
tium trahunt; errantes, et in errorem
niittentes (il Timoth. 3) ; unde subditur :
« Ca;cus autem si cau'O ducatuni prce-
stet, anibo in foveam cadunt. » Hier.
Hoc etiaiu est quod Apostolus praecepe-
rat [adTilum 3j : «Hfereticumhomineni,
post primam et alteram correctionem
dovita; sciens quod sit perversus hujus-
modi. » In hune sensum et Salvator
praecipit doctores pessimos dimittendos
arbitrio suo, sciens eos difficulter ad veri-
tatem posse retrabi.
Jiespondens autem Petrus, dixit n : Edissere
nohis parabolnm istam. At ille dixit : Adhuc
et vos sine intellectu estis ? Non i7itelligilis quia
omne quod in os intrat, in ventrem vadit, et
in secessu7n emittitur? Quœ autem procedunt
de ore, de corde exeunt, et ea coinquinant ho-
tninem. De corde enim exeunt cogitationes ma-
Ice, homicidia, aduUeria, fornicaliones, furta,
falsa testimonia, blaspkemiœ. Hœc sunt quœ
coinquinant hominem. Non lotis autem mani-
bus manducare, non coinquinat hominem.
Remig. Consueverat Dominus parabo-
358
EXI'I-ICATION DK L EVANGILE
Pierre , ayant donc entendu ces paroles : « Ce n'est pas ce qui entre
dans la bouche qui souille l'homme,» crut que c'était une expression
parabolique ou figurée, et il lit au Sauveur la »iuestiou suivante :
«Expliquez-nous cette parabole. » Il parlait ainsi au nom de tous;
aussi le Seigneur fait tomber le reproche à la fois sur lui et sur les
autres : « Et vous aussi, vous êtes encore sans intelligence? — S. Jér.
Le Sauveur fait un reproche à Pierre de regarder comme une para-
bole une vérité exprimée clairement , sans la moindre figure. Appre-
nons de là qu'on n'est pas un bon disciple lorsqu'on veut entendre
avec clarté ce qui est obscur, ou regarder comme obscur ce qui est
d'une clarté évidente. — S. Curys. {hom. 52.) Ou bien le Seigneur
le reprend , parce que ce n'était pas pour dissiper ses doutes que
Pierre l'interrogeait, mais parce qu'il se scandalisait comme les pha-
risiens. Le peuple, en effet, n'avait pas compris ce qu'avait dit le
Sauveur; mais pour les disciples, ils en avaient été scandalisés. Aussi
avaient-ils voulu d'abord l'interroger comme au nom des pharisiens ;
mais ils eu furent empêchés par cette grande vérité qu'ils entendent
sortir de la bouche de Jésus : « Toute plante que mon Père n'a pas
plantée sera arrachée, » etc. Mais Pierre, dont l'ardeur éclate partout,
ne peut garder le silence. Aussi Jésus le reprend vivement et motive
ainsi ses reproches : a Vous ne comprenez donc pas que ce qui entre
dans la bouche descend dans le ventre et est jeté ensuite au lieu
secret? »
S. JÉR. Il en est qui ont pris occasion de ces paroles pour reprocher
au Seigneur d'avoir ignoré les lois physiques de la nutrition en pen-
sant que tous les aliments descendent dans le ventre et sont jetés
ensuite dans un lieu secret , tandis que la nourriture , soumise immé-
lice loqui, et ideo Petrus cum audisset :
« Quod iutrat in os, non (;oinqumat bo-
minem, » putavit illum parabolice fuisse
locutum : et ideo iuterroiiavit, ut sub-
ditur : « llespoudens aulem Pelrus, dixit
ei : Edissere nobis parabolani ; » et quia
ex persoua caderorum (bxerat, id(;irco
simul cuni abis a Domino reprchensus
est : unde sequitur : « At ille dixit :
Adbuc et vos sine intebectu estis. » Hikr.
Corripitur autcm a Domino quare para-
boUce (bctum pntet, quod perspicue lo-
cutus est. Ex quo animadvertimus vitio-
sum esse auditorem (jui obscura mani-
feste, aut manifeste dicta, obscure veHt
inteliii;ere. Chrys. [in homil. 52 ut sup.)
Vel ideo Dominus increpat eum, quia
non erat ex iucertitudine quod qu;esieral.
sed ex scandalo quo scandalizatus erat.
Turbae enim non iutellexerunt quod dic-
tum erat ; discipuli autem scaudabzati
fuerant : unde a principio quasi pro pba-
risœis interrogare volebant, sed quia au-
diorant eum magna diceutem : « Omnis
planlatio quam non plautavit Pater meus,
eradical)itur, » etc., rcpressi fueruut.
Sed Petrus, qui ubique fervens erat,
neque ita silet; quem Dominus increpat
et iucrepatioui ratiouem addidit, diceus :
« Non iutelligitis quia omne quod in os
intrat, in ventrem vadit, et in secessum
emittitur? »
lliKR. Ex bacsententia quidam caium-
niantur quod Dominus pbysiciB disputa-
tionis ignarus, putet omnes cibos in
ventrem ire et lu secessum digeri. cum
DE SAINT MATTHIEU. CHAP. XV.
359
diatement à une espèce de dissolution , est distribuée dans les
membres, dans les veines, dans les nerfs et jusque dans la moelle des
os. Mais ils doivent savoir aussi que lorsque les aliments ont subi,
sous l'action d'un fluide délié , une opération qui les rend liquides
et qu'ils ont été comme cuits et digérés dans les membres , ils des-
cendent vers les parties inférieures du corps , que les Grecs appellent
pores, et sont jetés ensuite dans un lieu secret (V) — S. Aug. {De la
vraie relig., chap. 40.) Les aliments, après qu'ils ont été soumis à la
dissolution et qu'ils ont perdu leur forme , sont distribués dans toutes
les parties du corps et y deviennent des éléments réparateurs. Le
mouvement vital les sépare en deux parties distinctes : l'une , parfai-
tement préparée , sert à développer l'admirable organisation de notre
corps; l'autre, dépouillée de tout principe nutritif, est rejetée par les
canaux destinés à cet usage. Ainsi une partie, la plus grossière, est
rendue à la terre pour y prendre de nouvelles formes ; une autre se
sécrète et s'exhale par tous les pores du corps ; une autre enfin se
répand dans toute l'économie intérieure du corps humain (2) et
devient un des principes de la génération.
S. Chrys. En parlant de la sorte à ses disciples , Notre-Seigneur se
conforme encore aux idées imparfaites du judaïsme, il dit : La nour-
riture ne reste pas, mais elle s'en va, bien qu'elle ne pût souiller,
même en restant dans le corps. Mais ils ne pouvaient encore com-
prendre cette doctrine , car Moïse leur avait ordonné de se considérer
comme impurs tant que la nourriture était dans leurs entrailles , et
de se laver et de se purifier le soir , qui est comme le temps où la
(l"j L'acte de la digestion, dit en physiologie chymifîcalion et cbylification , se trouve ici indi-
qué, quoique d'une manière confuse, par saint Jérôme, et d'une manière plus claire par saint
Augustin.
(2) Latentes numéros veut dire ici, selon la remarque du P. Nicolaï, membrorum proporiiones et
juncturas.
statiiïi infusae escae per artus, et venas,
ac meduUas, nervosque fundantur. Sed
sciendum quod leauis liiimor et liqueus
esca, cum in venis et artubus concocta
fuerit etdigesta, per occultes meatus
corporis (quos Grœci poi-os vocaut) ad
inferiora dilabilur, et iu secessum vadit.
Al'g. {(le vera Relig. cap., 40.^ Alimenta
carnis corrupta (id est, amittentia for-
mam suam) in membrorum fabricam
migrant ; et corrupta reficiuut, in aliam
formam per convenieutiam transeuntia;
et per vitalem motum dijudicantur quo-
dam modo, ut ex eis iu structuram liujus
pulchri visibilis quee apta suut, assuman-
tur; non apta vero, per congruos mea-
tus abjiciantur; quorum aliud fœculen-
tissimum redditur terrae ad alias formas
assumendas ; aliud per totum corpus
exhalât ; aliud totius animalis latentes
numéros accipit, etinchoatur inprolem.
Chrys. {ut sitp.) Cum autem hoc Do-
minas dicit, adhuc discipulis secundum
judaicam iufirmitatem respoudet : dicit
enim quoniam cibus non mauet, sed
egreditur; quamvis etsi maneret, non
faceret immundum, sed nondum hœc
audirc poterant : propter hoc autem
Moyses tautum tempus dicit esse im-
muudos, quantum cibus intus manet : in
vespere enim jubet lavari et munduni
esse, quasi tempus digestionis et eges-
360
EXPLICATION DE L EVANGILE
digestion est faite et où le corps se débarrasse du reste des aliments.
— S. AuG. (De la Trinité, xv, 18.) Le Seigneur, sous une même
dénomination , a compris deux sortes de bouches dans l'homme : la
bouche du corps et la bouche de l'àme. Dans ces paroles ; o Tout ce
qui entre dans la bouche, » etc., il ne peut être question que de la
bouche du corps, tandis que c'est de la bouche du cœur que Notre-
Seigneur veut parler dans le passage suivant : « Ce qui sort de la
bouche part du cœur , et c'est ce qui souille l'homme. » — S. Chrys.
{hom. 52.) Les choses (|ui sont au fond du cœur restent dans l'homme
et le souillent non-seulement lorsqu'elles y restent, mais surtout lors-
qu'elles en sortent; c'est pour cela qu'il ajoute : « C'est du cœur que
sortent les mauvaises pensées. » Il met les mauvaises pensées en pre-
mière ligne , parce que c'était le vice particulier des Juifs qui lui ten-
daient des embûches. — S. Jér. La faculté principale de l'âme n'est
donc pas, comme le veut Platon, dans le cerveau, mais dans le cœur,
d'après Jésus-Christ, et cette doctrine condamne l'opinion de ceux
qui prétendent que les pensées nous sont suggérées par le démon et
ne sont pas le fruit de notre propre volonté. Le démon peut devenir
l'auxiliaire et le fauteur des mauvaises pensées, mais non pas en être
l'auteur. Car bien que cet ennemi, qui se tient toujours en embus-
cade , puisse développer par son souffle l'étincelle de nos pensées et
en produire un grand incendie, nous devons en conclure non pas
qu'il scrute les secrets cachés de notre cœur , mais que sur l'appa-
rence extérieure et d'après nos actions, il conjecture ce qui se passe
au fond de notre âme. Ainsi, par exemple, s'il nous voit jeter sou-
vent les yeux sur une femme d'un extérieur agréable , il comprend
que notre cœur a été blessé par ces regards de la flèche d'un amour
coupable.
ionis dimetiens. Adg. (xv de Trin.
cap. 48.) Duo autem quaîdam hooiinis
ora Dominus complexus est, unum cor-
poris, aliud cordis : iiam cum dicit :
« Omne quod ia os intrat, » etc.;
apertissime demonslravit os corporis ;
at in eo quod sequitur, os cordis osten-
dit, dicens : Quae autem procedunt de
ore, de corde exeunl, et ea coiuqiiiuaut
hominem. Chrys. {ut sup.) Qiuu eiiiiii
cordis sunt iutus, in liominc nianenl, et
ftxeunlia iuquiuant non uianeutia soluni ,
imo tune niagis, cum exierinl : unde
subjungit : « De corde enim oxeunt co-
gitatioues malae : » quas primo ponit,
quod hoc erat judaicum vilium , ipii
scilicetjnsidiabautur. IliEU. Principale
igitur animae , non secundum Platonem
in cerebro est, sed juxta Christum in
corde; et arguendi sunt ex bac senten-
tia, qui cogitationes a diabolo immitti
putant, et non ex propria uasci volun-
tate. Diabolus adjutor esse et inceusor
(sive incentor) malarum cogitatiouum
potest, auctor esse non potest; si au-
tem semper in insidiis positus, lèvera
cogitationum nostrarum scintiJlam suis
fomitibus inilainmaverit, non debemus
opiuari eum qua'ijue occulta cordis ri-
mari, scd ex corporis habitu et gestibus
;cslimare quid versemusintrinsecus. Ver-
bi gratia : si pulchram uudierem nos cre-
bro viderit inspicere, inlelligit cor ab
oculis amorisjacnlo vulueratum.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XV.
361
La Glose. (1). Les pensôes mauvaises produisent aussi les mauvaises
actions et les paroles coupables défendues par la loi. C'est pour cela
que Notre-Soigneur ajoute les homicides que la loi proscrit par ce
commandement : « Vous ne tuerez pas ; » les adultères et les fornica-
teurs par cet autre ; « Vous ne commettrez pas d'adultère ; » les vols,
par celui-ci : « Vous ne déroberez pas ; » les faux témoignages , par
cet autre : « Vous ne ferez pas de faux témoignage contre votre pro-
chain ; » les blasphèmes enfin , par ce précepte : « Vous ne prendrez
pas le nom de Dieu en vain. »
Rémi. Après avoir énuméré les vices que défend la loi divine , le
Seigneur ajoute avec raison : « Voilà ce qui souille l'homme, » c'est-
à-dire qui le rend immonde et impur. — La Glose. Et, comme pour
développer cette doctrine, il a pris occasion de la méchanceté des pha-
risiens qui préféraient leurs traditions aux préceptes divins, il conclut
en insistant sur le peu de raison de cette tradition : « Mais manger
sans avoir lavé ses mains ne souille pas l'homme. » — S. Chrys. {ho-
mélie 52.) Il ne dit pas : Manger les viandes défendues par la loi ne
souille pas l'homme, pour ne point soulever de nouvelles contradic-
tions; il ne comprend dans sa conclusion que ce qui avait été l'objet
de la discussion.
^'. 22-28. — Et Jésus étant parti de là, se retira du côté de Tyr et de Sidon;
et une femme chunanéenne, qui était sortie de ce pays-là, s'écria en lui disant :
Seigneur, fils de David, ayez pitié de moi ; ma fille est misérablement tour-
mentée par le démon. Mais il ne lui répondit pas un seul mot. Et ses disciples,
(!) Cette citation et celle qui se trouve plus bas sous le nom de la Glose ne se trouvent ni dans
la Glose actuelle, ni dans saint Anselme, ni dans aucun autre interprète.
Glossa. Ex cogitationibus autem ma-
lis proveuiunt et mala facta, et mala
verba, qiuB lege proliibentur : unde
subdit : bomicidia ; ijuse probibentur
illo legis prsecepto : « Non occides ; »
adulleria et foruicationes , quaî iutelli-
guntiir probiberi illo pra^ceplo : « Non
mœcbaberis ; » liirta, qufc probibentur
illo prtecepto : « Non furlum faciès ; »
falsa testimouia contra illud prœceptuin :
« Non dices adversus proximuni tiuun
falsum teslimonium ; » blasphemiœ, con-
tra illud praecepLuni : « Non assumes
nomen Dei tui in vanuui. n
Ri:Mir,. Nominatis aiilem vitiis (jute di-
vina legc probibentur, pulclire Doniinus
subjuuiiit : « Haec sunl qua- coinquinant
bomiuein, » id est, immundum et im-
purum redduut. GLOSsa. Et quia hujus-
modi verba Doniini ex pbarisœorum
nequitia occasionem sumpserant, qui
Iraditiones suas divinis prfeceptis praefe-
rebant, cousequenter concludit incoave-
nieutiam, traditionis prEemissae dicens :
« Non lotis autera manilnis manducare ,
non coinquinat liomiueni. » Chrys. («^
svp.) Non autem dixit : « Escas in lege
probibitas manducare, non coinquinat
bominem, » ut non posscnt illi contra-
dicere ; sed concludit de illo de quo dis-
putatio ei"at.
Et egressus inde Jésus, seeessil in partes Tyri
et Sidonis. Et ecce mulier Chananœa a finibus
illis egressa rlamnvit, dicens ei : Miserere
mei. Domine, fili Daoid; filia mea niale a dœ-
monio vexatur. Qui non respondit ei verbum.
362
EXPLICATION DE L EVANGILE
x'iipprodianl de lui, le pliaient en lui disant : Accordez-lui ce qu'elle demande,
afin qu'elle s'en aille, parce quelle crie après nous. Il leur répondit : Je n'ai
été envoyé qu'aux hiebis perdues de la maison d'Israël. Mais elle s'approcha
de lui et l'adora en lui disant : Seigneur, secourez-moi. Il lui répondit : Il
n'est pas juste de prendre le pain des enfants et de le donner aux chiens. Elle
répliqua: Il est vrai. Seigneur; mais les petits chiens mangent au moins les
miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. Alors Jésus, lui répondant,
lui dit : 0 femme, votre foi est grande : qu'il vous soit fait comme vous le
désirez. Et sa fille fut guérie à l'heure même.
S. Jér. Notre-Seigneur laisse là les Juifs, les pharisiens et les calom-
niateurs et il se rend dans le pays de Tyr et dans celui de Sidon pour
étendre ses bienfaits jusqu'aux habitants de cette contrée : « Et Jésus,
étant parti de là, se retira dans le pays de Tyr et de Sidon. »
Rémi. Tyr et Sidon étaient des villes habitées par des Gentils ; Tyr
était la métropole (1) des Chananéens, Sidon était situé sur les fron-
tières de leur pays, du côté du nord. — S. Ghrys. {hom. 53.) Remar-
quons que c'est au moment qu'il affranchit les Juifs des observances
qui leur interdisaient certaines nourritures^ qu'il ouvre aux Gentils la
porte de l'Evangile. C'est ainsi que Pierre reçut dans une vision
l'ordre de s'affranchir de cette loi, et qu'il fut envoyé immédiatement
vers le centurion Corneille {Actes , x.) Si l'on demande pourquoi le
Sauveur, qui avait dit à ses disciples ; « Vous n'irez pas vers les
nations, »y a été lui-même, nous répondrons d'abord qu'il n'était pas
soumis aux préceptes qu'il donnait à ses disciples, et, en second lieu,
qu'il n'y alla point pour prêcher l'Evangile , mais pour y chercher
(1) Le mot ?«e7ro/)o/e vient de deux mots : [iSTpov, mesure, et 7t6).tç, ville; ce nom était donné
aux villes qui étaient comme la mesure, la règle des autres, c'est-à-dire aux villes capitales. Ce
nom fut donné depuis, dans le langage ecclésiastique, aux villes où résident les grands dignitaires
de l'Eglise.
lit uccedentps discipuli ejus, rogahant eum
diccntes : Dimitte eam, quia clamât post nos.
Ipse autem respondens ait : Non sum missus
nisi ad oves quœ perierunt domus Israël. At
illa venit et adoravit eum dicens : Domine,
ndjuva me. Qui respondens ait : Non est ho-
num sumere panem filiornm, et mittere cani-
biis. At illa dixil : Etiam, Domine; nani et
catelli edunt de 7nicis quœ cadunt de mensa
dominorum suorum. Tune respondens Jésus,
ait illi : 0 mulier, magna est fides tua ; fiât
tibi sicut vis. Et sanata est filia ejus ex illa
horn.
IliKU. Scrihis, el pharisœis, et cahim-
niatoribiis derelictis, transgreditur ia
parles Tyri et Sidonis, ut Tyrios Sido-
niosque curaret ; et ideo dicitur : « Et
egresâus inde Jésus secessit in partes
Tyri et Sidonis. » REMiG.Tyruset Sidon
civitates fuere Gentiliuui : nam Tyrus
nietropolis fiierat Ciiananœorum; Sidon,
terminus Clianauœorum, respiciens ad
Aquilouem. CuRVS (in /lomil. 53, in
Matth. ) Considerauduui autem quod
quando abcscarum observatione Judaeos
eripuit, tune et gentibus januam ape-
ruit : sicut et Petrus prius in visions
jussus est hanc legem solvere, et post
ad Coruelium mittitur (cap. 10) : si tjiiis
autem quferat : « Cum discipiilis suis
di.xerit : In viam gentium ne abieritis,
(jualiter hanc ambulat viam ? » Primuui
quidem ilUid dicemus, (iiiia non erat
obuoxius prtecepto quod discipulis de-
derat ; secundo autem, quia neque ut
DE SAINT MATrHIEU, CHAP. XV.
3G3
une retraite, puisque saint Marc nous apprend (cliap. vu) (ju'il dési-
rait que personne ne le sût.
Rémi. Il y alla aussi pour faire sentir les effets de sa bonté aux
habitants de Tyr et de Sidon, c'est-à-dire pour délivrer du démon la
fille de cette pauvre femme et confondre, par l'exemple de sa foi, la
méchanceté des scribes et des pharisiens. C'est cette femme, dont l'E-
vangéliste dit : « Voici qu'une femme chananéennc , qui était sortie
de ce pays, » etc. — S. Chrys. {hom. 53.) Il nous fait remarquer
qu'elle était Chananéenne pour nous faire voir l'efficacité de la pré-
sence de Jésus-Christ dans cette contrée. Les Chananéens , en effet,
qui avaient été chassés de la Judée dans la crainte qu'ils ne vinssent
à pervertir les Juifs, font ici preuve d'une plus grande sagesse en sor-
tant de leur pays et en venant trouver Jésus-Christ. Or, cette femme,
en s'approchant de Jésus , n'implore que sa miséricorde. Elle se
met à crier à haute voix : « Ayez pitié de moi , Seigneur , fils de
David. »
La Glose (1). Nous voyons ici la grande foi de la Chananéenne ;
elle reconnaît un Dieu dans celui qu'elle appelle son Seigneur , elle
confesse en même temps son humanité en l'appelant fils de David.
Elle avoue qu'elle n'a aucun droit, aucun mérite , c'est la seule misé-
ricorde de Dieu qu'elle implore en disant : « Ayez pitié de moi , » car
la douleur de la fille est la douleur de la mère. Pour toucher davan-
tage le cœur du Seigneur, elle lui fait le tableau du malheur qui l'af-
flige ; c( Ma fille est misérablement tourmentée par le démon ; »
paroles qui découvrent au médecin les plaies qu'il doit guérir et qui
lui font connaître la grandeur et la nature du mal : sa grandeur,
(1) On ne trouve cette citation, ni dans la Glose, ni dans saint Anselme.
praedicaturus abiit, uude et Marciis dieit
capite 7, quoniara occultavit seipsum.
Remig. Ivit autem ut Tyrios Sidonios-
que curarot sive ut liujus mulieris filiam
liberaret a daîmonio; quatenus per ejus
fideni , scribarum et pbarisaeorum ue-
quitiam condeiunaret : de qua quideni
muliere subditur : « Ecce mulier Cha-
nanaea a fîuibus illis egressa , » etc.
Chrys. (h^ sup.) Dicit autem Evangelista
esse Chanana>aiu , ut ostendat virtutem
praiseutia; Cliristi : Chananaei enim, ([ui
expulsi fui^raut ut non perverterent Jii-
daeos, bi Jada:'is apparuerunt pruden-
tiores ; ut exireut a terminis siiis, et ac-
cédèrent ad Cbristum. Cum autem hœe
mulier accessisset, uibil aliuil quam mi-
sericordiam poposcit : unde sequitur :
« Clamavit dicens ei : Miserere raei, Do-
mine, iili David. » Glossa. Magna fides
Cbananaese bic notatur : Deum crédit ubi
Dominum vocat; bominem, ubi dicit
filium David. Nihil ex merito postulat,
sed solam misericordiam Dei efflagitat,
dicens : Miserere. Nec dicit : « Miserere
filise, sed, miserere mei : » quia dolor
tilise dolor est matris : et ut magis eum
ad compassionem moveat, totum ei do-
lorem enarrat : unde seqnitur : « Filia
mea maie a daemonio vexatur : » iu que
vulnera medico detegit , et magnitu-
dinem, et qualitatem morbi ; maguitu-
364
EXPLICATION DE L EVANGILE
lorsqu'elle dit : « Elle est tourmentée misérablement ; » sa nature ,
lorsqu'elle ajoute : « Par le démon. »
S, Chrys. [hom. il su?' divers textes de S. Matth.) Voyez la sagesse
de cette femme : elle n'a pas été trouver les hommes qui auraient
pu la tromper; elle n'a point eu recours à de vaines amulettes; mais,
abjurant toutes les pratiques du culte des démons, elle vient trouver
le Seigneur. Elle ne s'adresse pas à Jacques, elle ne choisit pas
Jean pour médiateur , elle ne vient pas trouver Pierre ; elle se couvre
de la protection du repentir et accourt seule se jeter aux pieds du
Sauveur. Mais quel résultat inattendu! elle prie, elle fait retentir
l'air de ses lamentations et de ses cris, et ce Dieu si bon, si tendre
pour les hommes , ne lui répond pas un mot , comme le rapporte l'E-
vangéliste : « Et il ne lui répondit pas un mot. » — S. Jér. Ce n'est
point sans doute par orgueil, comme les pharisiens; ce n'est point par
arrogance, comme les scribes, mais pour ne point paraitre contredire
cet ordre qu'il avait donné : « Vous n'irez point vers les nations. » Il
ne voulait pas donner lieu à la calomnie et il réservait aux temps qui
devaient suivre sa passion et sa résurrection la parfaite conversion
des Gentils. — La Glose (1). S'il diffère de l'exaucer, s'il ne lui répond
pas, c'est pour faire éclater la patience et la persévérance de cette
femme. Disons encore que c'est pour donner lieu à la médiation des
Apôtres et nous apprendre ainsi la nécessité de l'intercession des
saints pour obtenir les grâces que nous demandons : « Et ses dis-
ciples s'approchant de lui, le priaient, » etc. — S. Jér. Les dis-
ciples, qui ne connaissaient pas encore la conduite mystérieuse du
Sauveur , le priaient pour cette Chananéenne , soit par un senti-
(1) Cette citation n'est ni dans la Glose, ni dans saint Anselme.
dinem, cum dicit : « Maie vexatur ; »
qualitatem, cuin dicit : « A dœmonio. »
CuRYS. (i)i homil. 17, in varias Mut-
theci locos) : Vide autem prudenliam
feminae : nou ivit ad homines seduc
tores, uon qnaesivit iuaues ligaturas, sed
oiïincs relinqueas diaholi culliis, veuit
ad Doniinum. Non pelivit.laeohum. iiou
roixavit Joannem , uon accessit ad Pe-
tnini, sed suscepit in se pœnitentia; pa-
trocinium, et sola cucnrrit ad Dmui-
niuu. Sed vide inexperlum nogdtiuni :
petit, et lamentuiu suuiu prodiicit in da-
moreni, et amator liominum Deus uon
respondet verbuni : uude seijuitur :
« Qui non respondit ci verbuui. » Hier.
Non autem de superbia piiarisaica, uec
de scribarum supercilio ; sed ne ipse
sententiîB suœ coutrarius videretur, per
quam jusserat : « lu viam gentium ne
abieritis; » nolebat enim occasionemca-
lumniantibus dare, perfectamque salu-
tcni gentium passionis et resurrectiouis
tempori rcservabat. Glossa. Differendo
etiani et uon respondeudo, patientiam
mulieris et perseverautiam nobis osten-
dit. Ideo etiaui non respondit, ut disci-
pidi pro ea rogarent ; osteudcus per hoc
nece^arias esse preces sanitorum ad ali-
(juid iiupetranduni : uudc scquilur :
« Et accedentes discipuli ejus, rogabanl
euuj , » etc. Hier. Discipuli adhuc illo
tenipore uiysteria Doniini nescientes,
vel misericordia moli, rogabaut pro Cha-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XV. 363
ment de compassion , soit par le désir de se débarrasser de ses im-
portunités.
S. Auci. {De Vacc. de^ Evang., il, 49.) Il semblerait qu'il y a ici
une certaine contradiction entre le récit de saint Matthieu et celui de
saint Marc, qui raconte que cette femme vint trouver Notre- Seigneur
dans une maison où il se trouvait alors. Or, on peut dire que saint
Matthieu n'a point parlé de cette circonstance , tout en racontant le
même fait ; mais comme il rapporte que les Apôtres ont dit au Sei-
gneur : « Renvoyez-la, parce qu'elle crie après nous, » il paraît indi-
quer clairement que cette femme adressait ses supplications au Sei-
gneur en marchant à sa suite. Saint Marc, de son côté, raconte que
cette femme entra dans la maison où était Jésus , parce qu'il avait dit
précédemment que le Sauveur était dans cette maison, tandis que
saint Matthieu, en disant : a II ne lui répondit pas, » donne à
entendre ce que ni l'un ni l'autre n'ont rapporté^ que Jésus sortit de
la maison en gardant le silence , et ainsi tout le reste se lie parfaite-
ment sans l'ombre même de contradiction.
S. CnRYS. {hom. 53.) Je présume que les disciples furent attristés
du malheur de cette femme, cependant ils n'osèrent dire au Seigneur :
« Accordez-lui cette grâce , » ils se contentent de lui dire : « Ren-
voyez-la. » C'est ainsi que souvent^ lorsque nous voulons amener
quelqu'un à notre sentiment, nous lui disons le contraire de ce que
nous désirons. « Jésus leur répondit : Je ne suis envoyé qu'aux bre-
bis de la maison d'Israël. » — S. Jér. Il ne dit pas d'une manière
absolue qu'il n'est pas envoyé aux Gentils , mais il déclare qu'il a été
envoyé premièrement au peuple d'Israël, et, ce peuple rejetant l'Evan-
gile qui lui était ofifert, c'était avec justice que Dieu en faisait part
nansea muliere ; vel importunitate ejus
carere cupieates.
AcG. {de cons. Evanrj. lib. ii, cap.
49.) Affert autem aliquam repugnantife
quœstioneui, quod Marcus in domo dicit
fuisse Doininuin , cum ad illum venit
mulier pro filia sua rogaiis ; Jlatthœus
autem potest intelligi de domo tacuisse,
eamdem tamen rem commémorasse ;
sed quoniam dicit discipulos Domino ita
suggessisse : « Dimitte iilam, quoniam
clamai post nos, niliil videtur aliud si-
gaificare quam post ambulantem Domi-
num mulierem islam deprecatorias vo-
ces emisisse. Intelligendum est ergo
dixisse quidem Marcum quod intraverit
ubi eral Jésus, cum eum praedixisset,
fuisse ia domo : sed quia Matthœus ait :
« Non respondit verbum; » dédit agnos-
cere (quod tacueruut ambo) in eo si-
lentio egressum fuisse Jesum de domo
illa : atque ita caetera coutexuntur, quae
jam in nullo discordent.
Chrys. (m homil. 53 ut sup.) ^ïstimo
autem et discipulos ad calamitatem mu-
lieris esse trislatos : sed tamen non sunt
ausi dicere : « Da ei banc gratiam, sed,
dimitte eam : » sicut et nos, cum volue-
rimus alicui persuadere, multoties con-
traria dicimus. « Ipse autem respondens
ait : Non sum missus nisi ad oves do-
mus Israël, » etc. HiKti. Non autem hoc
dicit, quin ad gentes non missus sit, sed
quod primum ad Israël missus est : ut
illis non recipientibus EvangeUum, justa
fieret ad gentes transmigratio. Hemig.
306
EXPLICATION DE L EVANGIF.E
aux Gentils. — Rémi. Il est aussi envoyé particulièrement pour le sa-
lut des Juifs, en ce sens qu'il devait les enseigner lui-même visi-
blement et en personne. — S. Jér. C'est avec intention qu'il dit :
« Aux brebis perdues de la maison d'Israël , » pour nous faire com-
prendre qu'il est ici question de cette brebis égarée dont il parle
dans une autre parabole. [Luc, xv.) — S. Chrys. {hom. 53.) Mais
lorsque cette femme vit que les Apôtres ne pouvaient rien pour elle,
elle devint impudente de la bonne sorte et saintement hardie; car
elle n'avait osé d'abord se présenter devant lui , comme l'indiquent
ces paroles des disciples : « Elle crie après nous, » et c'est au moment
où il semble qu'elle va se retirer dans de mortelles angoisses, qu'elle
s'approche de plus près : « Mais elle s'approcha de lui et l'adora. »
— S. Jér. Remari|uez que cette Chauanéenne commence par appeler
à plusieurs reprises le Sauveur, Fils de David, puis ensuite. Seigneur,
et qu'elle finit par l'adorer comme Dieu. — S. Ciîrys. {hom. 53.)
Aussi ne lui dit-elle pas : « Priez ouiuterc(idez auprès de Dieu, » mais :
« Seigneur, secourez-moi. » Mais plus cette femme multiplie ses sup-
plications, plus aussi Jésus multiplie ses refus. Ce n'est plus le nom
de brebis, mais celui d'enfants, qu'il donne aux Juifs; tandis qu'il ne
donne à cette femme que le nom de chienne. « Et il lui répondit :
Il n'est pas bon, » etc. — La Glose (1). Les enfants, ce sont les Juifs
engendrés et nourris par la loi dans le culte d'un seul Dieu ; le pain,
c'est l'Evangile, les miracles, et tout ce qui concourt à notre salut. Or,
il n'est pas convenable que toutes ces grâces soient enlevées aux en-
fants et données aux Gentils qui sont ici désignés par les chiens, jus-
qu'à ce que les Juifs aient rejeté les biens qui leur sont offerts. —
Rab. Les Gentils sont appelés chiens à cause de leur idolâtrie, parce
(1) Cette citation n'est ni dans la Glose, ni dans saint Anselme.
Specialiter eliam missus est ad saiutem
Judœorum, ut etiam corporali prœsen-
tia eos doceret. Hier. Signauter autem
dixit : «Ad oves perdita» domus Israiil, »
ut etiam ex hoc loco uuuc erroueam
ovem de alla parabola iutelligamus. [Luc.
jo.) Chrys. {in homil.h^ nt snp.) Sed
quia mulier vidil uibii pusse apostulos,
iuverecuuda eiîecta est, bona iuvere-
(juudia : antea enim ueque lu couspec-
lum veuire audebat : uude dictum est :
« Clamât post uos : » quaudo autem vi-
debatur ut auguëtiata recederet, tuuc
propius veuit : uudc sequitur : « At illa
venil, et adoravit eum. » Hikr. Nota
quod isla Ciiananœa perseveranler pri-
mum /iliuiii Duvhl , deiiide iJouùuum
vocat ; et ad extremum Deum adoravit.
CuRYS. {ut sup.) Ideoque non dixit :
« Koga, vel deprecare Deum, sed. Do-
mine, adjuva me. » Quanto ergo magis
mulier multiplieabat supplicationem ,
tauto et ipse multiplieabat negatiouem ;
et uon adhuc Judaeos oves vocat, sed
/ilios : illam autem canem : uude se-
quitur : « Qui respoudens ait : Non est
bonum, » etc. Glossa. Filii suutJudaei
generati et nutriti sub cultu uuius Dei
per legem : panis est EvaugeUum ; mi-
racula, et alia quee ad saiutem uostram
perfiueut : non est ergo conveniens ut a
tîliis auferautur, et deutur geutilibus
(qui suut canes), donec Judœi repudii-nl.
Uau. Canes autem geutiles propter ido-
DE SAINT MATTHIEU, CIIAP. XV. 367
que semblables aux chiens qui se nourrissent de sang et qui dévorent
les cadavres, ils sont atteints d'une espèce de rage (1).
S. Chrys. {hom. 53.) Admirez ici la prudence de cette femme : ni
elle n'ose contredire le Sauveur, ni elle ne s'attriste des louanges qu'il
donne aux autres, ni elle ne se laisse abattre par cette parole outra-
geante. Mais elle répliqua : « 11 est vrai, Seigneur; mais les petits
chiens mangent au moins des miettes qui tombent de la table de leur
maître. » Jésus lui avait dit : « Il n'est pas juste ; » elle répond : « Il
est vrai, Seigneur. » Il appelle les Juifs les enfants _, elle enchérit et
les appelle maîtres. Il lui a donné le nom de chienne, elle ajoute à cette
qualification en rappelant ce que font les chiens , et semble dire au
Sauveur ; Si je suis un chien, je ne suis point étrangère. Vous me
donnez le nom de chien , nourrissez-moi donc comme un chien, je ne
puis m'éloigner de la table de mon Maître. — S. Jér. Quel exemple
de foi, de patience, d'humilité dans cette femme; de foi, elle croit
fermement que sa fille peut obtenir sa guérison ; de patience, si sou-
vent rebutée, elle continue de prier; d'humilité, elle se compare, non
pas aux chiens, mais aux petits des chiens : « Je sais , dit-elle, que je
ne suis pas digne de manger le pain des enfants , ni de recevoir une
portion entière, ni de m'asseoir à table avec le père de famille; mais
je me contente des restes que l'on donne aux petits chiens , afin de
m'élever par l'humilité de ces miettes jusqu'à l'honneur de m'asseoir
à la table où on sert le pain tout entier. — S. Chrys. {hom. 53.) Voici
la raison du retard que Jésus mettait à l'exaucer (2*) : il savait qu'elle
lui tiendrait ce langage, et il ne voulait pas qu'une si grande vertu
(1) Raban a emprunté cette pensée à saint Jérôme.
(2') Le mot grec àvyaai, à la place duquel le traducteur latin aura lu àxouffat, signifie obtenir,
gagner, etc., et nous lui avons donné ce sens comme plus en rapport avec le contexte.
lulatriam dicuntur ; qui esui sanguinis
dediti et cadaveribus mortuorum ver-
tuntur in rabiem.
CuRYS. {ut Slip.) Vide autem mulieris
prudentiam ! qualiter neque contradicere
ausa est, neque tristata in aliorum lau-
dibus, neque molesta in proprio convi-
cio : uude sequitur : « At illa dixlt :
Etiam, Domine ; nam et catelli eduut de
micis, » etc. Ule dixerat : « Non est bo-
num ; » haec autem dixit : « Utique, Do-
mine; » ipse Judœos filios vocat, hase
autem dominos ; ipse canem eam uomi-
navit, haec autem et opus cauis adjecit :
ac si dicat : « Si canis sum, non sum
aliéna : cauem me dicis, ergo uutri me ut
canem : non possum relinquere meu-
^am Domini mei. » Hier. Mira autem
hujuà mulieris fides, patientia, et humi-
litas prœdicatur : fides, qua credebat sa-
nari posse filiam suam ; patientia , qua
loties contempta in precibus persévérât ;
humilitus, quod se non canibus, sed
catulis comparai. « Scio me, inquit, fi-
liorum panem non mereri, nec integros
capere posse cibos, nec sedere ad men -
sam cum paire ; sed contenta sum reli-
quiis calulorum, ut per humilitatem
mearum ad panis integri veniam magni-
tudiuem. » Chrys. Propter hoc autem
Chrislus lardabal: prajsciebat enim eam
hoc dicluram, uec occultari volebat tau -
368
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
demeurât cachée. « Alors Jésus , lui répondant , lui dit : 0 femme,
votre foi est grande, qu'il vous soit fait comme vous le désirez. » Ne
semble-t-il pas lui dire : « Votre foi mériterait d'obtenir bien davan-
tage, mais en attendant, qu'il vous soit fait comme vous le désirez, »
Remarquez ici la part considi^able qui revient à cette femme dans la
gnérison de sa fille. Aussi Jésus ne lui dit pas : « Que votre fille soit
guérie, » mais : « Votre foi est grande , qu'il vous soit fait comme
vous le désirez, » pour vous apprendre qu'elle parlait avec simplicité,
sans flatterie, et que sa prière était animée par la foi la plus vive. Or,
cette parole du Sauveur est semblable à cette autre que Dieu pro-
nonça au commencement du monde : « Que le firmament soit fait , et
il fut fait; » carl'Evaugéliste ajoute : « Et sa fille fut guérie. » Remar-
quez encore qu'elle obtient elle-même ce que les Apôtres n'ont pu ob-
tenir, tant la prière persévérante a de puissance ! Dieu, en effet, aime
mieux que nous le prions beaucoup nous-mêmes pour nos péchés,
que d'avoir recours aux prières des autres.
Rémi. Nous avons encore ici un exemple de la nécessité d'instruire
et de baptiser les enfants. Cette femme , en effet , ne dit pas : « Sau-
vez ma fille, ou secourez-là, » mais : « Ayez pitié de moi, et secou-
rez-moi. » De là est venue, dans l'Eglise, la coutume que les fidèles
engagent leur foi pour leurs enfants , alors que ceux-ci n'ont ni Fàge
ni la raison pour l'engager eux-mêmes à Dieu ; et de même que c'est
par la foi de cette femme que sa fille fut guérie , de même aussi c'est
par la foi des parents catholiques que les péchés sont remis à leurs
enfants.
Dans le sens allégorique , cette femme est la figure de la sainte
Eglise, formée et rassemblée de toutes les nations. Le Seigneur, en
tam mulieris virtutem : unde sequitur :
«Tune respoadens Jésus, ait illi :0 mil-
lier, magna est fi des tua; fiât tibi sicul
vis. » Ac si dicat : « Fides tua majora his
audire potest ; verum intérim fiât tibi si-
cut vis : » vide autemqualiter non parum
ethœc mulieriululit infiliœ mediciuam :
propter hoc enim neque Chrislus dixit :
« Sana sit filia tua 5 sed, magna est iides
tua , fiât tibi sicut vis , » ut discas quo-
niam siuipliciter loquebatur, et non adu-
lationis, sed multae tidei erant verba ip-
sius. Hœc autein Cliristi vox similis est
ilii voci qua dixit : « Fiat firmamentum. »
et factum est: unde sequitur : «Et sana-
ta est filia ejus,» etc. Intende auteni
qualiler aposlolis non impetrantibus im-
petrat ipsa : tam magnum quid est ins-
tantia orationis ! Etenim pro nostris uo-
xis a nobis vult magis rogari quam ab
aliis pro nobis.
Remig. His etiam verbis datur nobis
exempluni catechizandi et baptizandi
pueros ; quoniam hic mulier non ait :
« Salva filiam meam, aut adjuva eam ;
sed, miserere mei, et, adjuva me ; » hinc
etenim descendit consuetudo in Eccle-
sia ut fidèles pro suis parvulis fidem
Deo promittant, quando ipsi non sunt
tanlœ aitatis et rationis, ut per se fidem
Deo promittere valeant ; quatenus sicut
fide istius mulieris sanata est filia ejus,
ita et fide virorum catholicorum pecca-
ta parvulis relaxentur.
Allegorice autem hœc mulier sanclam
Ecciesiam signilîeat, de gentibus congre-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XV.
369
abandonnant les scribes et les pharisiens pour venir dans le pays de
Tyr et de Sidon, figurait l'abandon où il devait laisser les Juifs pour
porter l'Evangile aux Gentils. Cette femme a passé les frontières de
son pays, de même la sainte Eglise a quitté ses anciennes erreurs et
ses vices d'autrefois. — S. Jék. Cette fille de la Chananéenne, ce sont
les âmes des fidèles cruellement tourmentées par le démon , alors
qu'elles étaient privées de la connaissance de leur Créateur et qu'elles
adoraient des idoles de pierre. — Hemi. Les enfants, ce sont les pa-
triarches et les prophètes de ce temps-là ; la table figure la sainte
Ecriture; les miettes, les préceptes secondaires , ou les mystères inté-
rieurs dont se nourrit la sainte Eglise; les croûtes de pain, les pré-
ceptes extérieurs et charnels qu'observaient les Juifs. Les miettes sont
mangées sous la table, parce que l'Eglise se soumet avec humilité à
l'accomplissement des préceptes divins. — Rab. Les petits chiens ne
mangent pas les croûtes (1), mais les miettes du pain des enfants.
Ainsi lorsque ceux qui étaient l'objet du mépris parmi les nations se
convertissent à la foi, ils ne cherchent pas l'écorce de la lettre dans
les saintes Ecritures, mais le sens spirituel qui peut hâter leur progrès
dans les bonnes œuvres.
S. Jér. Quel étonnant changement s'est opéré ! Autrefois les Israélites
étaient les enfants et nous étions les chiens ; mais la foi si différente
dans les uns et dans les autres a changé cette dénomination. Plus tard,
alors que s'accomplissait re mystère au temps de la passion, il est dit
des Juifs : a Un grand nombre de chiens dévorants m'ont entouré. »
Pour nous, au contraire, nous avons entendu avec la Chananéenne
(1) Cette explication est peut-être trop textuelle , parce qu'elle ne l'est pas assez, car les miettes
ne doivent pas s'entendre ici dans un sens différent des petits morceaux, des débris ou fragments
de pain qui peuvent être aussi bien des croûtes que de la mie. Le mot grec i^f/itcoôwv vient de 4"? ;
qui signifie petite parcelle d'or.
gatam : per hoc enim quod Dominus re-
lictis scribis et pliarisœis venit in partes
Tyri et Sidonis, praefigurabatur quia re-
licturus erat Judfeos , et trausiturus ad
gentes. Est autem liaec mulier egressa
a finibus suis, quoniain Ecclesia sancta
recessit a pristinis erroribus et vitiis.
Hier. Filiam autem Cliauanaeae puto
animas esse credentium , qu:je maie a
daemonio vexabantur, ignorantes Créa -
torem , et adorantes lapideni. Remig.
Filios autem Dominus appellat patriar-
chas et prophetas illius temporis; per
mensam designatur sacra Scriptura; per
micas vero minimapraîcepla vel interna
mysteria, quibus sancta Ecclesia pasci-
citur; per cnistas ,yevo , carualia prai-
TOM. II.
cepta, quae Judaei observant ; micae autem
sub mensa comedi dicuntur, quia Eccle-
sia humiiiter se submiltit ad impleuda
divina prcecepta. Rab. Non autem crus-
tas, sed micas de pane puerorum edunl
catelli; quia conversi ad fidem qui
erant despecti iu gentibus , non iitterae
superficiem in Scripturis, sed spiritualem
sensum (quo in bonis actibus proficere
valent) inquirunt.
Hier. Mira autem rerum conversio,
Israël quondam filiits, nos canes : pro
diversitate lidei, ordo norainum com-
mutatur : de illis postea dicitur (quoad
impletiouem mysterii tempore passio-
nis) : « Circumdederunt me canes mul-
ti : » nos audivimus cum muliere : « Fides
24
370 EXPLICATION DR L ÉVANGILE
cette parole : « Votre foi vous a sauvée. » — Rab. C'est à juste titre
que le Sauveur déclare que cette foi est grande ; car sans avoir été ni
pénétrés des enseignements de la loi , ni instruits par les oracles des
prophètes, les Gentils ont obéi à la prédication des Apôtres aussitôt
qu'ils ont entendu leur voix , et ont ainsi mérité la grâce du salut.
Mais si le Seigneur diffère d'accorder le salut d'une âme aux pre-
mières larmes de l'Eglise suppliante, il ne faut ni désespérer, ni cesser
de demander, mais redoubler de persévérance dans la prière.
S. AuG. {Quest. évang., i, 16 ou 17.) Le serviteur du centurion et
la lille de la Chananéenne ont été guéris sans que le Seigneur soit
entré dans leurs maisons, et figurent les nations, qui, sans être visitées
extérieurement par Jésus-Christ _, seront sauvées par sa parole. C'est
à la prière du centurion et de la Chananéenne que leurs enfants (1)
sont guéris, et ils sont en cela la figure de l'Eglise , qui est tout à la
fois pour elle-même et la mère, et les enfants; car la réunion de tous
ceux qui composent l'Eglise , porte le nom de mère , et chacun des
membres reçoit le nom d'enfant. — S. Hil. Ou bien encore , cette
femme, qui franchit les frontières de son pays, est la figure des pro-
sélytes; elle sort du milieu des nations, pour venir au milieu d'un
peuple qui lui est étranger; elle prie pour sa fille, c'est-à-dire pour le
peuple des Gentils, soumis à la domination des esprits immondes, et
comme la loi lui a fait connaître le Seigneur , elle l'appelle fils de
David. — Rab. Disons encore que celui dont la conscience est souillée
de la tache du péché a sa fille tourmentée cruellement par le démon ;
de même celui qui empoisonne ses bonnes œuvres par le venin du
(1) Ce ne fut point le fils du centurion, mais son serviteur, qui fut guéri, et cette expression
d'enfant ne s'explique ici que parce que dans le grec le mot uaîç signifie à la fois enfant et ser-
viteur.
tua te salvum fecit. » Rab. Quae merilo
magna dicitur, quia ciiiri gentes nec
lege fuerint itubutae, nec vocibus proplie-
tarum inslructiE, ad prcedicationem mox
apostolorum iu audilu auris obedieruut ;
ideoque salutem impetrare uieruerunt ;
veruiu si ad primas EcclesijE rogantis
lacrymas Domiuus salutem aulm* dilTort
dare, non est desperandum, vel a peteu-
do cessaudum, sed magis precibus iusis-
tendum.
Alg. {de Quœst. Evang. lib. i, cap. IG
vel 17.) Quod et puerum Ceiituriouis, et
tiliam Chananae* mulieris , uou veuiens
ad domos eorum sanat, sigiiiticat gen-
tes ad quas non venit, salvas fore per
verbum suum : quod ipsis rogantibus
filii sanantur, intelligenda est persona
Ecclesi*, quae sibi est et mater et filii :
nam simul omnes quibus constat Eecle-
sia, mater dicitur, singuli autem iidem
ipsi filii appellanlur. HiuvR. {Can. i in
Mutth.) Vel bœc mulier proselytorum
formam prœfert, fines sucs egressa ; ex
gentibus scilicet iu populi alterius no-
nieu excedens : quae pro fi lia (videlicet
gentium plèbe dominatu immundorum
spirituum occupata) orat; et quia Do-
minum toguovit ex lege, David filium
nuucupat. Uab. Item si quis conscien-
tiam habet alicu^us vitii sorde poliu-
tam, filiam iiabet maie a daemonio ve-
xatam : item si quis bona qua^ gessit,
peccatorum peste fœdavit, filiam babel
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XV. 371
péché, a également sa fille agitée par les fureurs de l'esprit impur,
et ils doivent tous deux avoir recours aux prières et aux larmes , et
réclamer le recours et l'intercession des saints.
^. 29-31. — Jésus, étant parti de là, vint le long de la mer de Galilée; et, étant
monté aur une montagne, il s'y assit. Alors de grandes troupes de peuple le
vinrent trouver, ayant avec eux des muets, des aveugles, des boiteux, des estro-
piés et beaucoup d'autres malades qu'ils mirent à ses pieds; et il les gué-
rit; de sorte que ces peuples étaient dans l'admiration , voyant que les muets
parbiieut , (pie les axeugies voyaient, et ils rendaient gloire au Dieu d'Is-
raël.
La Glose. Après avoir guéri la fille de la Cliananéenne , Notre-
Seigucur retourne dans la Judée : «Jésus, étant sorti de là, vint le
long delà mer de Galilée. » — Rémi. Cette mer porte différents noms;
elle s'appelle mer de Galilée, parce qu'elle est proche de la Galilée, et
mer de Tibériade , parce que la ville de Tibériade est bâtie sur ses
bords.
« Et, étant monté sur la montagne, il s'y assit. » — S. Gurys.
{hom. 53.) Remarquons que tantôt le Sauveur parcourt le pays pour
guérir les malades, tantôt il s'assied pour les attendre. C'est donc
avec raison que l'Evangéliste ajoute : « Et de grandes troupes de
peuple vinrent le trouver. » — S. Jér. Le mot grec xuXXoùç, que le
traducteur latin a rendu par infirmes, ne signifie pas infirmité en gé-
néral, mais une infirmité particulière; et de même qu'on appelle
boiteux celui qui boite d'un pied, ainsi on appelle -/.uXXbç ou manchot
celui qui est privé de l'usage d'une main. — S. Ghrys. Or, ces infirmes
manifestaient leur foi de deux manières et en gravissant la montagne.
iiunmudi spiritus furiis agitatam : ideo-
que necesse est ut ad preces lacrymasijue
confugiat, sanctoruuique iuLercessioues
et auxilia quaerat.
Et cum transisset inde Jésus, venit secus mare
Galilœœ, et ascendens in ntontem sedebat ibi.
Et accesserunt ad eutn turbœ multœ, habentes
se.cum mutos, cœcos, ctaudos, débiles, et alios
miiltos. Et prnjecerunt eos ad pedes ejus, et
curavit eos ; ita ut turbœ mirareatur, videntes
mutos loquentes, claudos ambulantes, cœcos
videntes, et magnificabant Deum Israèl.
Glossa. Sanata Chanantese filia, rever-
titur Domiiius ad Judfeain : unde dici-
tur : « Et cum transisset inde Jésus ve-
nit secus mare.» Remig.Hoc mare diver-
sis vocabulis appellatur : dicitur enim
mare Galilœx, propter Galilseam ad-
jacentem ; mare Tiberiadis, propter
Tiberiadem civitatem.
Sequitur : « Et ascendens in montem
sedebat ibi. » CuRYs. ( in liomil. 53 ut
sup.) Considerandum autem quod ali-
quaudo Domiuus circuit ut sanet infir-
mes ; aliquaado autem sedet, expectans
eos : et ideo couvenienter bicsubditur :
« Et accesserunt ad eum , » etc. Hier.
In eo ioco ubi latiuus iuterpres transtu-
Wi débiles, in grœcoscriplum eàlcyllous
(xuXXoy;) quod non debilitatis générale^
sed unius infirmitalis nomen est ; ut
quomodo claudus dicitur qui pede clau-
dicat uno, sic cyllos (/.•j),)>à:) appelletur,
qui unam manuui debiiem habet. Ghrys.
I {ut sup.) Hi autem iu duobus fidem suam
372 EXPLICATION DR l'ÉVANGILE
et en étant convaincus qu'il leur suffisait pour être guéris d'être jetés
aux pieds de Jésus. Ils ne cherchent pas encore à toucher la frange
de ses vêtements, mais ils font preuve d'une foi plus grande, comme
le remarque l'Evangéliste : « Et ils les mirent à ses pieds. » Il a guéri
la fille de la Chananéenne après l'avoir fait longtemps attendre, pour
faire éclater la vertu de cette femme , tandis qu'il guérit immédia-
tement tous ces infirmes, non pas qu'ils fussent meilleurs, mais afin
de fermer la bouche aux Juifs incrédules : « Et il les guérit tous. »
Le grand nombre de ceux qui étaient guéris , et la promptitude avec
laquelle il les guérissait les jetaient dans l'étonnement , « de telle
sorte, » dit le texte sacré, « que ces peuples étaient dans l'admiration
en voyant les muets qui parlaient, » etc.
S. Jér. Il ne dit rien de ceux qui étaient estropiés , parce qu'il ne
pouvait exprimer leur guérison en un seul mot (l*).
Rab. Dans le sens mystique, Notre- Seigneur, après avoir donné une
figure de la conversion des Gentils dans la guérison de la fille de la
Chananéenne, vient dans la Judée, parce qu'en effet, après que la
plénitude des nations sera entrée dans l'Eglise, tout Israël sera sauvé. »
{Rom, XI.) — La Glose. La mer, sur les bords de laquelle arrive Jésus,
est la figure du trouble et de l'agitation de cette vie ; c'est la mer de
Galilée (2*), parce que les hommes passent de la pratique des vices à
celle des vertus. — S. Jér. Il monte sur le sommet de la montagne
comme l'oiseau qui provoque ses petits encore faibles à prendre leur
essor. — Rab. C'est afin d'élever l'esprit de ses auditeurs jusqu'à la
(T) Cette explication n'est pas très-naturelle. Saint Jérùme, au lieu de debilibus , met le mot
grec v.v'yiobç.
(2*) Pour comprendre cette interprétation mystique, il faut se rappeler l'étymologie du mot Gali-
lée, en hébreu /' /3 volubilis, versatilis.
demonstrabant j et in ascendendo mon-
tem el ia hoc quia existimabant se uullo
alio indigere, nisi ut projicerentur ad
pedes Jesu : neque etiam adbuc tangunt
fimbriam vestimenti, sed et ad altiorem
fideui ascenduut : unde dicitur : « Et
projeceruut eos ad pedes ejus. » Et mu-
lieris quidera filiam cum uuilta tardit.ite
curavit, ut ejus virtulem ostenderet : liis
auteiu, uon (juia meliores erant, sed ut
infidelium Judteorum ora obslrueret,
coufestim sauatioueui pra'bet : unde si>-
quitur : « El curavit omnes. » IMultitudo
autem eorum qui curabantur, et facilitas
sanalionis eos in stuporem itiittebat :
uude sequitur : « Ma ut turbœ mi-
rarentur, videntes mutos loqueutes. »
Hier. De debilibus tacuit ; quia quid
e contrario diceret uno verbo, uon ha-
bebat.
Rab. Mystice autem cura in filia Cha-
nanteae praefigurasset salutera gentium ,
venit in Judseam, quia cum plenitudo
geulium intraverit, tune omnis Israël
salvus erit. [Rom. ii.) Glossa. Mare au-
tem juxta quod venit Jésus, turbida hu-
jus seculi volumina significat ; quod est
Galilaa, cum homiues a vitiis ad virtu-
les transmigrant. Hier. Ascendit autem
in montera, ut quasi avis teneros provo-
cel ad volandum. Rab. Ut scilicet audito-
res suos erigat ad superna et caeleslia
DE SAINT MATTHIEU, CHAF. XV.
373
méditation des vérités suhlimes et célestes. Il s'assied sur le sommet,
pour nous montrer qu'on ne doit chercher le repos que dans les choses
du ciel. Pendant qu'il est assis sur la montagne, c'est-à-dire dans la
cité des cieux , une multitudi' de fidèles s'approchent de lui avec un
saint empressement, conduisant avec eux les muets et les aveugles, » etc.,
et ils les mettent aux pieds de Jésus , parce que c'est à lui seul qu'ils
présentent pour être guéris ceux qui confessent leurs péchés. La ma-
nière dont il les guérit excite l'admiration de la foule , et ils rendent
gloire au Dieu d'Israël; c'est ainsi que les fidèles chantent les louanges
de Dieu, lorsqu'ils voient ceux dont l'âme était languissante et ma-
lade, s'enrichir des œuvres des vertus chrétiennes. — La Glose (1).
Les muets sont ceux qui ne louent jamais Dieu ; les aveugles, ceux
qui ne comprennent pas les voies de la véritable vie; les sourds, ceux
qui n'obéissent pas à sa parole ; les boiteux, ceux qui ne marchent pas
droit dans le chemin du devoir ; les infirmes et les estropiés, ceux qui
sont comme frappés d'impuissance par les bonnes œuvres.
j. 32-38. — Or Jésus , ayant appelé ses disciples, leur dit : J'ai compassion de
ce peuple, parce qu'il y a déjà trois jours qu'ils demeurent continuellement avec
moi, et ils n'ont rien à manger ; et je ne veux pas les renvoyer qu'ils n'aient
mangé, de peur qu'ils ne tombent en défaillance dans le chemin. Ses disciples lui
répondirent : Comment pourrons-nous trouver en ce lieu désert assez de pain
pour rassasier une si grande multitude de personnes ? Et Jésus leur répondit :
Combien avez-vous de pains? Sept, lui répondirent-ils, et quelques petits pois-
sons. Alors il commanda au peuple de s'asseoir sur la terre; et prenant les sept
pains et les poissons, après avoir rendu grâces, il les rompit et les donna à ses
disciples, et ses disciples les donnèrent au peuple. Tous en mangèrent et furent
rassasiés ; et on emporta sept corbeilles pleines des morceaux qui étaient restés.
(1) Ou plutôt saint Anselme comme plus haut.
meditanda : sedebatque ibi, ut demons-
trarel non nisi iu cœlestibus requiem
esse quœrendani. Eo autem sedeute in
monte (id est, in cœlorum arce), accé-
dant turbte fidelium devota mente iili
appropinquantes ; ducentes secum mutos
et csecos, etc, eosque ad pedes Jesu pro-
jiciunt ; quia peccata confitentes ipsi
soli curandos subjiciunt : quos ita curât,
ut turbœ mirentur et magnificent Deum
Israël : quia fidèles quando viderint eos
qui spirtualiter œgrotaverimt, diversis
operibus virtutum ditatos, laudem Deo
décantant. Glossa. Mvti autem sunt qui
non laudant Deum ; cœci, (fui non intel-
liîïunt viani vitœ ; svrdi, qui non obtem-
pérant ; claudi per dévia boni operis
non recte euntes; débiles sunt qui infirmi
sunt in bonis operibus.
Jésus autem coiiuocatis discipulis suis, dixit :
Misereor turbce, quia triduo jam persévérant
mecum, et non habent quod manducent ; et di-
mittere eos jejunos nolo, ne deficiant in via.
Et dicunt ei discipuli : Unde ergo nobis in de-
serto panes tantos, ut saturemus turbam tan-
tam ? Et ait illis Jésus : Quot panes habetis ?
At illi dixerunt: Septem, et paucns pisciculos.
Et prœcepit tiirbœ ut discumberent super ter-
rant. Et aecipiens septem panes et pisces, et
gratias agens fregit et dédit discipulis, et dis-
cipuli dederunt populo. Et comederunt omnes,
etsalurati sunt. Et quod superfuit de fragmen-
tis tulerunt septem sportas plenas. Erant au-
37i
EXPLICATION DE L EVANGILE
Or ceux qui en mangèrent étaient au nombre de quatre mille hommes , sans
compter les petits enfants et les femmes.
S. Jér. Notre-Seigneur .](';sus-Christ a commencé par rendre la
santé aux infirmes; il nourrit maintenant ceux qu'il vient de guérir.
Il- réunit ses disciples et leur apprend ce qu'il va faire : « Et
Jésus, » etc. Il agit ainsi pour enseigner aux maîtres, par son
exemple , à communitiuer leurs desseins à leurs inférieurs et à leurs
disciples , et aussi pour que cet entretien rende plus éclatant le mi-
racle qu'il va faire. — S. Chrys. {Jiom. 54.) Cette multitude, qui n'é-
tait venue que pour obtenir sa guérisou , n'osait demander du pain ;
mais Jésus , qui est l'ami des hommes et qui prend soin de tous , leur
en donne sans attendre qu'ils en demandent : « J'ai compassion de ce
peuple, leur dit-il. Et pour qu'on ne puisse pas dire qu'ils avaient
apporté leur nourriture avec eux, il ajoute : « Car voilà trois jours
qu'ils demeurent continuellement avec moi et ils n'ont rien à man-
ger. B Quand même ils auraient eu des vivres avec eux lorsqu'ils arri-
vèrent, ils étaient déjà consommés; aussi ne fait-il pas ce miracle
le premier ou le second jour, mais le troisième, alors que toutes les
provisions étaient épuisées , afin que le sentiment du besoin leur fit
recevoir avec un désir plus ardent le prodige qu'il allait opérer. Il
fait voir «qu'ils étaient venus de loin et qu'il ne leur restait plus rien
en disant : « Je ne veux pas les renvoyer qu'ils n'aient mangé, o Son
intention est bien de les nourrir par un nouveau miracle ; cependant
il en difiere l'exécution, car il veut, par cette question et parla
réponse qui doit la suivre , rendre ses disciples plus attentifs et les
forcer à manifester leur foi , en lui demandant de faire une nouvelle
multiplication des pains. Mais quoique Jésus-Christ eût réuni dans le
tem qui manducaverant, quatuor millia hotni-
num pxtrn parvulos et muUeres.
Hier. Prias Clirislus iulirmcniui dc-
bilitales abstulerat : puslea vero sauatis
offert cibos. Couvocat (jiioque discipulos
suos , et quod facturas est , loqaitur :
unde dicitur : « Jesas auleiii, » etc. Hoc
auteai facit at maulstris excuiplaiu tri-
huat, cnin iniaoribus alquo discipalis
«•oiamauicandi cuiisilia, vel ut ex confa-
bulatioue iutellijiit si;jrni aia^nitadineiu.
Chrys. (in hom. ai, in Molth.) Tur-
bae euiiii caui ad saaatiuueni veaissent,
non aud(!l)ant pelere paues; unde iiise
arnator lioniinum, et oniniuui curam
îierens,eliam uon petenlibus dat : prop-
tpf quod dicit : «Misereor turb.T. » Ne
aulcin dicalur , qiioniam veuieiiti's via-
ticum portaverant, dicit : « Quia tri-
duo jam persévérant mecum, et non
liabent quod manducent. » Ktsi enim
quaiido venerunt cibos habuerant,tamen
consumpti jam eraut ; et propter hoc,
non in prima aut secunda die hoc fecit,
sedintertia, quando jam omnia erant
consmupta : ut prius ipsi in necessitate
constituti cuni auqdiori desiderio susci-
perent quod iiebat. Monstrat autem et
quod de iouçre vénérant, et nihil eis re-
Hquimi fuerat, in hoc quod dicit : « Et di-
mittere eos jejuuos nolo. » etc. Cuui au-
tem nolit eos jejunos dimiltere , ideo
tamen non statiin signum facit. ut ex
bac iuterrogalione et responsione atleu-
liores discipulos faciat , et fidem suam
osteiidenles dicaut : « Fac panes. » Kt
quanivis Christus phirima fecerit ut mi-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XV.
375
premier miracle les circonstances <iui devaient en rendre toujours
présent le souvenir à leur esprit, comme de distribuer eux-mêmes le
pain , de recueillir les restes dans les corbeilles , cependant leurs dis-
positions étaient encore bien imparfaites , ainsi ([ue le prouve la
réponse qu'ils font à Jésus : « Comment pourrons-nous trouver, » etc.
Cette réponse , qui indique une foi faible , met cependant à l'abri de
tout soupçon le miracle qui va s'opérer. Car , afin qu'on ne puisse
supposer que les provisions ont été apportées de quelque bourg
voisin, le miracle se fait dans la solitude, à une grande distance de
tout endroit habité. Cependant, le Sauveur, pour élever leur âme,
leur adresse une question dont la nature seule doit leur rappeler le
premier miracle : « Et Jésus leur dit : Combien avez- vous de pains?
— Sept, lui dirent-ils. » Mais ils n'ajoutent pas comme la première
fois : « Qu'est-ce que cela pour un si grand nombre? » Ils avaient fait
quelques progrès , quoiqu'il y eût encore bien des choses qu'ils ne
pussent comprendre. Admirez toutefois leur amour pour la vérité :
ils ne songent pas , dans un récit dont ils sont les auteurs , à cacher
leurs plus grands défauts ; car ce n'est pas une accusation ordinaire ,
ce n'est pas une faute légère que l'oubli si rapide d'un aussi grand
prodige. Admirez encore un autre trait de leur sagesse : comme ils
savent dompter le besoin de la faim , et ne se préoccupent guère des
soins de la nourriture. Ils sont dans le désert et ils y restent trois
jours, n'ayant seulement avec eux que sept pains. Notre-Seigneur suit
la même marche que pour le premier miracle (l*) : il fait asseoir la
(1*) On est vraiment surpris de voir quelques hommes éminents qui par leurs savants tra-
vaux excgétiques ont vengé victorieusemeut nos saints Evangiles, et la personne de Notre-
Seigneur Jésus-Christ, de toutes les attaques du rationalisme et du panthéisme moderne, le
docteur Sepp en particulier se joindre ici aux détracteurs de l'Evangile et prétendre qu'il s'agit
ici du même fait que la première multiplication des pains, avec quelques variantes seulement.
Mais il ne faut qu'examiner un instant les deux récits pour se convaincre qu'il y a eu deux mi-
raculi prius facti rec.ordarentur, quia fe-
cit eos ministros, partili suut cophinos,
adhuc tameu imperfectiusdispositierant :
quod patet per hoc quod sequitur : « Et
discipuli dicunt : « Undeergo uobis pa-
nes,» etc. Ipsi quidem infirma cogitatione
hoc dixerunt, per hoc tamen miraculum
futuruni iususpicabile facientes : ne ali-
quis enim suspicaretur, quod ah ahquo
propinqno castello accepti sint cibi,
propter hoc, miraculum istud in solitu-
dine fit, mullum a castelHs distante.
Ipse autem Christus ut diïcipulorum
erigat mentem, eos interrogat, ut ex
modo interrogationis eos commemoret
(sive commonefaciat) illorum quae prias
t'acta sunt : unde sequitur : « Et ait
iUis Jésus : Quot panes hahetis ? At
illi dixerunt : Septem, » etc. Non autem
addunt : « Sed liœc quid suut inter tan-
tos'? » sicut autea dixerant : jam enim
paulatim profecerant, Ucet non totum
apprehendatur ah eis. Admirare autem
in apostohs veritatis amoreni ; qualiter
ipsi scribentes non occultant suos etiam
magnos defectus : non enim est quanta-
libet accusatio (seu qiialislibet noxa) pa-
rum ante tali signo facto, confeslim obli-
visci : admirare autem et aliam sapieu-
tiam eorum ; qualiter veutrem supera-
bant, non multam mensa; curam fa-
cientes : in eremo enim existentes, et
per très dies ibi morantes,solum septem
panes ibi habebant. Alla vero similiter
376
EXPLICATION DE L EVANGILE
foule sur la terre et multiplie les pains dans les mains de ses dis-
ciples : « Et il ordonna à la foule de s'asseoir, » etc. — S. Jér. Il est
inutile de rappeler ici ce que nous avons dit plus haut; arrêtons-nous
seulement aux circonstances qui nous offrent quelque différence.
S. Chrys. {hom. 54.) Ces deux miracles ne se terminent pas de la
même manière. Ils emportent ici sept corbeilles pleines des morceaux
qui étaient restés. Or, ceux qui en mangèrent étaient au nombre de
quatre mille hommes, » etc. Pourquoi les restes furent-ils moins con-
sidérables dans ce miracle que dans le prender, alors que ceux qui
mangèrent étaient en plus petit nombre? C'est peut-être que les cor-
beilles étaient plus grandes que les paniers , ou bien le Sauveur vou-
lut-il que la différence de ces deux miracles en rendit le souvenir plus
facile. Voilà pourquoi dans le premier il y avait autant de paniers
que de disciples, tandis que dans celui-ci il y a autant de corbeilles
qu'il y avait de pains.
Rémi. Dans ce récit de l'Evangile, nous devons considérer la double
opération de la divinité et de l'humanité dans Jésus- Christ. La com-
passion qu'il ressent pour ce peuple est une preuve qu'il a pris les
sentiments de notre faible nature , et le miracle qu'il fait en multi-
pliant les pains et en nourrissant cette multitude fait éclater en lui
la toute-puissance divine. Ainsi se trouve renversée l'erreur d'Euty-
chès , qui ne voulait reconnaître en Jésus- Christ qu'une seule nature.
racles de ce genre. 1° Les deux miracles sont rapportés par les mêmes évangélistes. — 2« Us
sont opérés dans des lieux différents : la première fois le miracle eut lieu près de Bethsaïde
Julias, et la seconde fois sur les confins de la Décapolie. — 3" Les circonstances du récit ne
sont nullement les mêmes ; cinq mille personnes d'un côté, quatre raille de l'autre , cinq pains
et deux poissons la première fois, sept pains et quelques poissons la seconde fois, douze cor-
beilles pleines des restes dans la première multiplication, sept dans la seconde. — 4" Lorsque la
première multiplication eut lieu, la foule suivait Jésus-Christ depuis un jour seulement; au
moment de la seconde, elle fut à sa suite pendant trois jours. — 5° Enfin Jésus-Christ lui-même
aussi bien que ses Apôtres parlent de ces deux miracles, en les distinguant de la manière la
plus expresse. (S. Matth,, xvi, 5, 10.)
prioribus fecit : etenim recuuibere eos
fecit in terra, et iu niauibusciiscipulorum
i;rescere panes : unde serjuitur : « Et
prœcepit tiirba3 nt discumberent, » etc.
Hier. De lioc auteni supra diximus. et
eadem repetere otiosi est; tantuni in bi.-;
quae discrepant, inimoreuiur.
Chrys. {ut svp.) Finis autem utriusque
niiracidi non similis est : sequilurenini :
«Ktfiuod snperfuit tulerunt septem spor-
las. Erant auteui qui nianducaverunt qua-
tuor niiliia, » etc. Qiiare auteni minores
bierunt reliijuia^ in lioc miraculo quam
m primo, etsi non tôt l'ueriut cpii «ome-
derunt ? Aut igitur boc est, quia sporta'
copbinis majores erant: aut ut ex diver-
sitate rememorentur et iliius et bujus
miraculi; ot propter boc tune quidem
fecit copliiiiosreliquiarum numéro aequa-
ies discipulis : nuuc autem sportas pani-
bus tequales.
Remig. In bac autem evanpelica lec-
tione consideranda est in Cbristo ope-
ratio Diviuitatis et bumanitatis : per lioc
enim quod turbis miseretur, ostendit se
bumauae frapibtatis affectionem babere :
in eo vero quod panes nmltiplicavit et
turbas pavit. ostenditur Divinitalis ope-
ratio. Destrnilur erpo bic error Eulycbe-
lis, qui in Cliristo dicebat uuam ualuram.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XV. 377
S. AuG. {De Vacc. des Evang.,u, 50.) Il n'est pas inutile de remar-
quer ici que si l'un des Evaugélistcs avait raconté ce miracle sans
avoir rapporté celui de la multiplication dos cinq pains, on pourrait
le supposer en contradiction avec les autres. Mais comme ce sont les
mêmes qui ont raconté à la fois le miracle des cinq et celui des sept
pains, il n'y a plus de difficulté et il faut admettre la vérité de ces
deux miracles. Nous faisons cette remarque afin que lorsque l'on
trouve dans un Evangéliste un fait de la vie de Notre-Seigneur qui
parait contredire dans une de ses circonstances un fait semblable
raconté par un autre Evangéliste , sans qu'on puisse les concilier , on
en conclue que ces deux faits distincts ont eu lieu et que l'un a été
raconté par un Evangéliste et l'autre par un autre.
La Glose (1). Remarquons encore que Notre-Seigneur commence
par guérir les infirmités et qu'il donne ensuite à manger à ceux qu'il
a guéris , parce qu'en effet il faut d'abord faire disparaître les péchés
de l'àme avant de la nourrir de la parole de vie. — S. Hil. [can. 13.)
Ce peuple qu'il a nourri en premier lieu représentait les Juifs qui em-
brassèrent la foi ; ainsi cette nouvelle multitude est une figure du
peuple des Gentils , et dans ces quatre mille personnes rassemblées
nous voyons représentée cette multitude innombrable réunie des
quatre parties du monde. — S. Jér. Nous ne comptons pas ici cinq
mille personnes, mais quatre mille seulement. Le nombre quatre a
toujours une signification heureuse : la pierre qui est carrée ne vacille
pas, elle n'est point sujette à chanceler, et c'est pourquoi les Evan-
giles se trouvent consacrés par ce nombre quatre. Dans le miracle
précédent, comme le chiffre de la multitude se rapproche du nombre
(I) Saint Anselme.
AuG. {(le Cons. Evang., lib. ii, cap.
50.) Sane non abs re est, adinonere in
lioc miraculo, quod si aliquis Evanfïe-
listarum lioc dixisset, qui de quinqiie
panibus non dixisset, coutrarius caeteris
putaretur : sed quia illi qui miraculum
de seplem panibus narraveruut, uec illud
de ({uinque tacuerunt, uemineni luo-
vere débet, et utruuique factuui bo-
miues iutelligunt. IIoc ideo diximus, ut
sicubi simile reperitur factum a Domino,
quod in aliquo alteri evaniielistîe ita re-
pugnare videatur, ut omnino solvi non
possil , nibil aliud intcliigatur, quam
utrunKjue factum esse, et aliud ab abo
connnemoratum.
Glossa. Notaudum aulcm quod prius
Dominas aufert débilitâtes, posteacibat:
quia prius sunt removenda peccata, et
postea anima verbis Dei nutrienda. Hi-
LAR. {Can. 13 ut sup.) Sicut autem illa
turba quam prius pavit, judaicae creden-
tiuni convenit plebi, ita liœc populo Pen-
tium comparatur : quod vero quatuor
millia viroruiii coiigrejiantur, multitudo
innumerabiliuni ex quatuor orbis par-
tibus iotelligilur. Hikk. Isti etiam non
smit quinque millia, sed quatuor millia,
qui numerus semper in laude ponitur,
et quadrangulus lapis non iUictual, non
est iustabilis, et ob banc causam eliam
Evangelia iu hoc numéro consecrata
sunt. In superiori ergo signe quia pro-
pinqui erant et vicini quinque sensuum,
378
EXPLICATION DE L EVANGILE
des cinq sens, ce n'est pas le Seigneur qui paraît y faire attention, mais
ses disciples; ici , au contraire, c'est le Sauveur lui-même qui déclare
qu'il a compassion de ce peuple qui depuis trois jours persévère avec
lui, parce qu'en effet ils croyaient au Père, au Fils et au Saint-Esprit. —
S. HiL. [can. 3.) Ou bien ils passent avec le Seigneur un temps égal à celui
de sa passion ; ou bien encore , avant de recevoir le baptême , ils con-
fessent qu'ils croient à sa passion et à sa résurrection; ou bien enfin,
par un mouvement de sympathique compassion , ils veulent jeûner
tout le temps qu'a duré la passion du Seigneur. — Rab. Ou bien ,
dans un autre sens , cette circonstance nous rappelle les trois époques
où, pendant toute la durée des siècles , la grâce nous est donnée ; la
première avant la loi, la seconde sous la loi, la troisième sous la
grâce, la quatrième s'accomplira dans le ciel dont la perspective
ranime celui qui en fait le terme de tous ses efforts. — Rémi. Ou bien
enfin, c'est qu'en faisant pénitence des péchés qu'on a commis, on se
convertit au Seigneur dans les pensées , dans les paroles et dans les
actions. Le Seigneur ne voulut pas renvoyer ce peuple sans qu'il eût
mangé, de peur qu'il ne tombât en défaillance dans le chemin , car
c'est ainsi que les pécheurs convertis par la pénitence sont exposés à
périr dans le cours de cette vie qui passe , si on les renvoie privés de
la nourriture de la sainte doctrine.
La Glose. Les sept pains sont les écrits du Nouveau Testament qui
nous révèle et nous donne à la fois la grâce de l'Esprit saint (1). Ce
ne sont point des pains d'orge , comme précédemment , parce que ,
dans le Nouveau Testament , l'alimeut qui donne la vie n'est pas de
même que sous la loi , enveloppé de figures , comme d'une paille qui
adhère fortement. Nous n'avons point ici deux poissons, figure des
(1) Allusion au nom que l'Eglise donne à l'Esprit saint dans ses hymnes : L'Esprit aux sept
dons.
non ipse Dominiis eoriim recordatur,
sed discipiilL : liic antem ipse Domiuiis
misereri se dicit eoriim, quia tridiio jam
persévérant cuni eo : quia scilicet Patri,
Filio, Spirituique Sancto oredebant. Hi-
LAR. {ut sup.) Vel quia oiniie passionis
doininiciE tempus cuni Doaiino afiunt,
sive quia venturi ad baplisaium confi-
tentur se credere iu passione ac resur-
rertione ejus; sive quia tolo passionis
Dominica; tempore jejuniis Domino qua-
dam compassionis socielate junguulur.
Rab. Vel ï\oc dicilur, quia in loto seculo
triplex tempus est que gratia datur :
primum aiite legera ; seonndnni sub lege ;
tertiuni sub gratia ; quartum est in
ciplo, ad quod teudens reficitur in via.
Remit.. Vel quia peccata commi.-sa per
pnpnitentiaiu corrigeâtes , cogitatione ,
locutione et opère convertuntur ad Do-
minum. Has turbas noluit Doiuinus di-
niittere jejunas, ne delicerent in via;
quia peccatores per pœnitentiam con-
versi in cursu labentis seculi pereunl, si
absque sacrae doctriniB pabulo diinit-
tantur.
Glossa. Septeni panes sunt Srriptura
Novi Testainenti, in quo gratia Spiritus
sancti et revelatur et dalur : ueque sunt
bordeacei, ut supra; quia non hic ut in
lege vitale alimentum lîguris (quasi te-
nacissima palea) tegitur; hic non duo
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XV. 379
deux seules personnes qui, sous la loi, recevaient l'onction sainte , le
grand-prêtre et le roi, mais quelques poissons, figure des saints du
Nouveau Testament, qui, arrachés aux flots du siècle , supportent les
agitations de la mer et, nous ranimant par leur exemple, nous em-
pêchent de défaillir dans le chemin.
S. HiL. Or, la multitude s'asseoit sur la terre , car elle n'avait pu
se reposer sur aucune des œuvres de la loi, et elle tenait encore forte-
ment à l'origine de son corps et à la source de ses péchés. — La
Glose. Ou bien on peut dire que dans le premier miracle elle s'asseoit
sur le gazon pour comprimer les désirs de la chair : ici elle est assise
sur la terre, car il lui est ordonné d'abandonner le monde. La mon-
tagne sur laquelle le Seigneur nourrit ce peuple^ c'est la hauteur du
Christ, D'un côté, la terre est recouverte de gazon , parce que la hau-
teur du Christ s'y trouve recouverte, pour les hommes charnels, d'es-
pérance et de désirs terrestres; ici, au contraire, tout désir charnel
est éloigné , et la fermeté d'une espérance permanente soutient les
convives du Nouveau Testament. Là il y a cinq mille hommes ,
parce que les hommes charnels sont esclaves de leurs sens ; ici,
quatre mille , figure des quatre vertus qui donnent à l'âme la vie
spirituelle, c'est-à-dire la tempérance, la prudence, la force, la
justice. De ces quatres vertus, la première donne la connaissance de
ce qu'il faut rechercher et de ce qu'il faut éviter; la deuxième met un
frein à la cupidité des plaisirs des sens ; la troisième nous donne la
fermeté pour supporter toutes les épreuves de la vie; la quatrième,
qui se répand dans toutes les autres , est l'amour de Dieu et du pro-
chain. De part et d'autre, les femmes et les enfants ne sont point comp-
téSj car, dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament, ceux qui
pisces, ut in lege duo uiifiebantur fscili-
cet rex et sacerdos), sed pauci, id est,
sancti Novi Testaraenti, qui de fluctibus
seculi ercpti, et sustineut turbulentum
mare, et exemple suo nos reficiuut, ue
in via doficiamus.
HiLAR. {vtsvp.) Turbse autem in lerram
recumbuut • nuUis enim legis operibus
fuerant ante substrata;, sed peccatorum
et corporum suonim origini inbaerebaut.
Glossa. Vel ibi super fœnum, ut desi-
deria oarnis comprimanlur; bic super
terram , ubi et ipse mundus relinqui
pr*cipitur : vel mous in quo Dominus
reficit, est allitudo Christi : ibi ergo fœ-
num super terram, quia ibi celsitudo
Christi (propter rarnales) i-arnali spe et
desiderio tegitur : hic remotaomni cupi-
ditate carnali convivas Novi Testamenti
spei permanentis soliditas continet : ibi
quinque niillia, quia caruales quinque
sensibus subditi : bic quatuor, propter
quatuor virtutes (juibus spiritualiter vi-
vitur : temperantiam, prudentiam, for-
titudinem et justitiam : quariun prima
est coguitio rerum appetendarum et vi-
tandarum ; seeunda refrœnatio eupidita-
tis ab bis quae temporaliter délectant;
tertia firmitas contra molesta seculi;
quarta qufe per omnes diffunditur, dilec-
tio Dei et proximi : et ibi, et hic, mulie-
res et parvuli excepti sunt ; quia in Ve-
teri etiNovo Testamento non admittuntur
ad Dominuni qui non perdurant occur-
380
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
ne peuvent atteindre l'état de l'homme parfait, soit par faiblesse, soit
par légèreté d'esprit, ne peuvent être admis près du Seigneur. Ces
deux collations ont eu lieu sur la montagne, car les livres de l'Ancien
et du Nouveau Testament nous rappellent à la fois la sublimité des
préceptes divins et des récompenses célestes et proclament la grandeur
et l'élévation du Christ. Quant aux mystères plus sublimes que la-
multitude ne peut comprendre, les Apôtres les soulèvent et les accom-
plissent, et ils sont en cela la figure des cœurs parfaits que la grâce
de l'Esprit aux sept dons a remplis d'intelligence. Les corbeilles sont
ordinairement faites avec des joncs et des feuilles de palmier; elles re-
présentent les saints qui enfoncent la racine de leur cœur dans la
source même de la vie ; semblables au jonc dans l'eau, ils ne sont point
exposés à se dessécher et ils portent dans leur cœur la palme de la
récompense éternelle.
y. 39. — Jésus ayant ensuite renvoyé le peuple, il monta sur une barque
et passa au pays de Magedan (1*),
S. Chrys. {hom. 54.) Le Seigneur renvoie maintenant le peuple,
comme il a fait après le miracle des cinq pains , et il ne prend pas
pour se retirer le chemin de terre , mais il monte dans une barque
pour que la foule ne puisse le suivre. « Après cela , Jésus ayant ren-
voyé la foule , monta dans une barque et vint sur les confins de Ma-
geddan. — S. Aug. [De Vacc. desEvang., ii, 51.) Saint Marc (ch. viii)
dit : « dans le pays de Dalmanutha; «mais il est évident qu'il s'agit du
même lieu, car, même dans plusieurs exemplaires de saint Marc , on
ne trouve que le mot Mageddan (2*). — Rab. Mageddan est un pays
(1*) Nous avons rétabli l'ordre suivi dans toutes les Bibles actuelles, et dans lesquelles le cha-
pitre XVI commence non à ce verset 39 du chapitre xv, mais à ces paroles : « Alors des Phari-
siens et des Sadducéens vinrent à lui, » etc.
(î*) Tous les exemplaires de saint Marc portent maintenant Dalmanutha , ou Dalmanoutha,
rere iu viruin perfectum, vel iufirmitate
virium, vel levitate mentis : utraque re-
fectio iu monte celebrata est , nuia utrius-
que Testamenli Scriptvira et altitudinem
l'n'lestium pneceptorum mandat et pivc-
niiorum : utraque altitudinem Cliri»li
pnedicat. Altiora mysteria quae non
<:apit communis turba, apostoli sustol-
lunt et implent ; scilioet perfectorum
corda septiformis Spiritus «^ratia ad in-
lelli)ïenduin ilhistrata. Sportaj junco et
foliis palmarum soient coutexi ; et si-
ffuificant sauctos qui radicem cordis in
ipso fonte vitae coUocant (ne arescant.
lit jimous in aqua), et palmam aeternae
lelribuliouis in corde retiueut.
Et dimissa turba, ascendit in naviculam;
et venit in fines Magedan.
Chrvs. (in homil. 34^ in Matth.) Si-
eut post miraculum quinque panum Do-
niinus turbas dimisit, ita et nuuc : uec
autem pedes recedit, sed navigio ; ne
turba eum sequatur : unde dicitur : «Et
dimissa turba, ascendit in naviculam, et
venit in fines Magedan. » AcG. [de Cons.
Evang. lib. il, cap. 51.) Marcus autem
dicit (cap. 8.) quod in Dalmanutha :
nec est dubitandum eumdem locum
esse sub utro(jue nomiue : nam plerique
codices non habent, etiam secimdum
Marcum, uisi Magedan. Rab. Est autem
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XV.
381
situé en face de Gerasam ; il signifie fruits ou nouvelles et il est une
figure de ce jardin dont il est dit : «Jardin fermé, fontaine scellée, »
{Canl. IV.) jardin qui produit les fruits des vertus et où le nom du
Seigneur est annonce. Cette interprétation apprend aux prédicateurs
qu'après avoir distribué au peuple le pain de la parole sainte, ils
doivent, dans le secret de leurs cœurs, reprendre de nouvelles forces
en se nourrissant des fruits des vertus.
selon la traduction latine du syriaque. Le texte grée porte Aa).(jLavou6à, bien que les Scolies
font remarquer que l'exemplaire royal porte MaSsyaSà, qui se rapproche de Mageddan.
Suivant un historien récent de la vie de Jésus-Christ, la leçon de Magdala doit être seule con-
servée. Les copistes étrangers à toute notion de la topographie de la Galilée ont estropie ces
noms comme on le voit ; Madegada, Magadan, Magedan , lesquels tous cependant sont des cor-
ruptions de Magdala. Quant à Dalmanoutha, il pourrait se faire qu'une petite anse de ce nom
fût dans le voisinage de Magdala, les deux textes concorderaient alors. Ce serait à Dalmanou-
tha, aux confins de Magdala que Jésus aurait abordé. ( Vie de Jésus suivie des Evangiles paral-
lèles, par l'abbé Michon, Tom. II, pag. 1-20.)
Msigedan regio contra Gerasam ; elinler-
pretatur poma vel mintia, et significat
hortura de quo dicitur [Cant. 4) :« HorLus
conclusus, fous signatus, » ubi crescunt
poma virtutum, et ubi nuntiatur uomeu
Domini : docet autem quod praedicatores
ministrato verbo turbœ, ipsi iotra cubicu-
lum cordis virtutum pomis debent refici.
\
CHAPITRE XVI.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
^. 1-4. Aveuglement des Pharisiens et des Sadducéens. — Dans quel sens deman-
dent-ils un prodige dans le ciel ? — Réponse de Notre-Seigneur, explication
littérale et allégorique. — Pourquoi les appelie-t-il génération perverse et adul-
tère? Pourquoi les laisse-t-il là et les aliandonne-t-il à eux-mêmes?
f. 5-11. — Combien les disciples de Jésus étaient peu préoccupés des nécessités
de la vie. — Pourquoi le Sauveur les avertit de n'avoir aucun commerce avec
la doctrine des Pharisiens. — Pourquoi la compare-t-il au levain, et ne dit-il
pas ouvertement à ses disciples de se garder de la doctrine des Pharisiens? —
Comment les apùtres étaient-t-ils sans pain, eux qui avaient rempli sept cor-
beilles des morceaux qui restaient ? — Dessein de ^otre-Seigneur dans les re-
proches qu'il leur adresse. — Efficacité de ces reproches sur l'esprit des dis-
ciples.
f. 13-li). — Notre-Seigneur voulant confirmer ses disciples dans la foi , com-
mence par éloigner de leur esprit toutes les erreurs ou fausses opinions qui
pouvaient s'y trouver. — Comment devons-nous nous conduire vis-à-vis de
l'opinion que les hommes peuvent avoir de nous? — Que signifient ces pa-
roles : Que disent les hommes? Pourquoi ISotre-Seigneur cherche de préfé-
rence à connaître l'opinion qui le peuple avait de lui. — 11 fait comprendre
à ses disciples par cette question qu'on doit voir en lui autre chose que le Fils
de l'homme. — Diverses opinions des hommes sur sa personne, à quoi se rat-
tachent-elles ? — Pourquoi le Sauveur s'informe-t-il de ce que les hommes
pensent de lui avant de demander à ses disciples quelle est leur opinion person-
nelle? — Pourquoi Pierre répond au nom de tous. Sens profond de ces paroles:
Vous êtes le Christ le fils du Dieu vivant. — Pourquoi le Sauveur laisse à son
disciple de proclamer les grandeurs de son éternelle divinité. — Récompense
que mérite la confession de Pierre. — Rapprochement entre ces paroles :
Simon fils de Jean, et ces autres: Vous êtes le Christ, le fils du Dieu vivant. —
Le bonheur de Pierre est d'avoir étendu ses regards au delà de ce qui est
humain, et de ne pas s'être arrêté à ce qui venait de la chair et du sang. —
Les disciples savaient-t-ils déjà que Jésus était le Christ , lorsqu'il les envoya
prêcher l'Evangile? — Peut-on dire que les paroles de Pierre signifient sim-
plement que Jésus est un des nombreux enfants adoptifs de Dieu ? — Les disci-
ples de Jésus ont-ils connu tout d'abord sa consubstantialité avec Dieu le Père?
— A qui est due cette révélation ? — Notre-Seigneur enseigne à ses disciples
que plusieurs croiront un jour ce que Pierre vient de confesser. — Pourquoi
donae-t-il à son apôtre le nom de Pierre? — Est-ce en cette circonstance qu'il
reçut ce nom ? — Qui.'l est le vrai sens de ces paroles : Vous êtes Pierre, et sur
cette pierre je bâtirai mon Eglise. — Présage de la solidité des fondements de
l'Eglise dans ce nouveau nom donné au prince des apôtres. — Que faut-il
entendre par les portes de f enfer? — Est-ce contre la pierre sur laquelle
l'Eglise est bâtie, ou contre l'Eglise elle-même que les portes de l'enfer ne
prévaudront point ? — Privilège unique de l'Eglise catholique. — Ces paroles
signifient-elles que les apôtres n'ont pas été soumis à la mort? — Comment
pourrons-nous participer aux prérogatives du prince des apôtres ? — Que laut-
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE DE S. MATTHIEU, CHAP. XVI. 383
il entendre par les clefs du royaume des cieux données à Pierre ? — Grandeur
de la puissance qui lui est communiquée. — Haute idée que Notre-Seigneur
donne à Pierre de sa personne divine. — Différence du pouvoir accordé à
Pierre et du pouvoir accoi'dé aux autres apôtres et plus tard aux évoques et aux
prêtres. — Pourquoi ce pouvoir est donné d'une manière particulière à Pierre.
— Ce pouvoir ne lui est-il donné que sur les vivants ? — De quelle ma-
nière doit-on exercer ce pouvoir, erreur de ceux qui condamnent les innocents,
et s'imaginent qu'ils peuvent absoudre les coupables. — Explication tropolo-
gique de ces paroles.
f. 20-21. — Comment concilier l'ordre que Notre-Seigneur donne ici à ces dis-
disciples de ne dire à personne qu'il est le Christ, avec celui où il leur a com-
mandé d'annoncer son avènement. — Différence entre prêcher le Christ, et
prêcher Jésus-Christ. — Comment, dans quelle mesure et dans quel tem.ps les
apôtres devaient-ils annoncer cette vérité? — Raisons de cette défense dans
les paroles suivantes où le Sauveur prédit et annonce ses souffrances. —
Pourquoi s'étend-t-il longuement sur ce triste sujet.
f. 22-23. — Pierre ose reprendre le Sauveur de ce qu'il vient de dire. — Sen-
timent qu'inspirent à Pierre ces paroles. — Reproche que lui fait Jésus ? —
Que signifient ces paroles : Retirez-vous derrière moi ? — Doit-on rapporter à
Pierre le nom de satan? — L'erreur de l'Apôtre vient-elle d'une suggestion
du démon ? — Preuve que la profession de foi qu'il vient de faire n'est pas le
fruit de ses propres pensées. — En supposant que le Sauveur donne à Pierre
le nom de satan, le frappe-t-il de la même condamnation ? — Heureux effets
des reproches de Jésus-Christ. — Comment Pierre pouvait être pour Jésus un
sujet de scandale.
jt. 24-25. — Nécessité du renoncement pour celui qui veut être le disciple de
Jésus-Christ. — Le Sauveur n'impose pas ici de nécessité. — Est-ce à ses
disciples seuls qu'il propose ces conditions. — Nécessité de nous détacher
de nous-mêmes, si nous voulons nous approcher de Dieu. — En quoi consiste
ce renoncement, jusqu'où il faut le porter, jusqu'à la croix. — Cause et molîf
pour lesquels on doit souffrir , nécessité de suivre Jésus-Christ. — Comment
devons-nous le suivre? — Récompenses que le Sauveur promet à ceux qui
endureront ces peines pour son nom. — Que signifient ces paroles : Celui qui
voudra sauver sa vie, la perdra ?
f. 26-28. — Comment Notre-Seigneur nous apprend que le salut et la perle de
l'àme ne sont pas les mêmes dans les deux cas. — La perte de l'àme , perte
irréparable, l'homme ne peut rien donner en échange. — Préceptes différents
que Notro-Seigneur donne à ses disciples dans les temps de paix et dans les
temps de persécution. — A cette doctrine sévère il fait succéder des prédictions
moins tristes. — Quelle sera la gloire de celui qui sera victorieux. — Quand
le Sauveur doit-il venir dans sa gloire ? — Prédiction du jugement universel. —
Perspective d'une récompense prochaine pour les apôtres, avaut-goùt de la
gloire des cieux. — Dans quel sens faut-il entendre ces paroles : Avant qu'ils
voient le Fils de l'homme venant dans son ré(jne ? — Explication morale de
ces paroles.
384
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
f. -1-4. — Alors les pharisiens et les sadducéens vinrent trouver Jésus pour le
tenter, et le prièrent de leur faire voir quelque prodige dans le ciel. Mais il
leur répondit : Le soir vous dites : il fera beau , parce que le ciel est rouge ; et
le matin vous dites ; Il y aura aujourd'hui de l'orage , parce que le ciel est
sombre et rougcâtrc. Vous savez donc reconnaître ce que présagent les divei'ses
apparences du ciel ; et vous ne savez point discerner les signes des temps que
Dieu a marqués? Cette génération corrompue et adultère demande un prodige,
et il ne lui sera point donné d'autre prodige que celui du prophète Jonas. Et.
les laissant, il s'en alla.
Remi. « Les pharisiens et les sadducéens s'approchèrent de lui, » etc.
Etonnant aveuglement des pharisiens et des sadducéens ! Ils de-
mandent un prodige dans le ciel , comme si les fait? dont ils étaient
témoins n'étaient pas de véritables prodiges. Saint Jean nous apprend
(chap. vi) quelle espèce de miracle ils lui demandaient, en rappor-
tant qu'après que Jésus eut nourri le peuple avec cinq pains, le peuple
s'approcha de lui, et lui dit : « Quel miracle faites-vous, afin que
nous le voyions et que nous croyions en vous? » Nos pères ont mangé
la manne dans le désert, ainsi qu'il est écrit : Il leur a donné à man-
ger le pain du ciel. {Ps. lxxvii.) C'est dans ce même sens que les pha-
risiens lui disent ici : « Faites-nous voir un prodige dans le ciel, »
c'est-à-dire faites tomber la manne un ou deux jours de suite , afin
que tout le peuple soit rassasié , comme cela s'est fait si longtemps
dans le désert. Mais le Sauveur qui, comme Dieu, pénétrait leurs
pensées , et savait bien qu'alors même qu'il ferait paraître à leurs
yeux un prodige dans le ciel, ils ne croiraient pas davantage^ ne vou-
lut pas leur donner le signe qu'ils demandaient. « Il leur répondit :
Le soir vous dites : Il fera beau, » etc. — S. Jér. Cette phrase manque
CAPUT XVI.
Et accessenint ad eum pharisœi et sadducœi
tentantes; et rogaverunt eum ut signum de
cœlo ostenderet eis. Ai illr respondens ait
illis : Facto vespere dicitis : Serenum erit,
rubicundum est enim cœlum : et mane: Hodie
tempestas, rutilât enim triste cœlum : faciem
ergo cœli dijudicare noslis , signa autem tem-
porum non potestis scire. Generatio mala et
adultéra signum qiiœrit, et signum non dabitur
ei nisi signuyn Jonœ prophetœ. Et relictis illis,
abiit.
Sequilur : « Et accesseraut ad eum
pharisœi el sadducœi, » etc. Remig. Ad-
miranda quippe est cœcitas pharisœorum
et sadducœorum : sic enim postulabaiit
signum de cœlo, quasi ea non essent si-
gua quœ f'acere videbatur. Quod autem
signum postularent, Joannes manifestât :
referi enim (cap. 6.) post refectionem
de quinque pauibus turbam accessisse ad
Dominum, et dixisse : « Quod signum
facis, ut videamus et credamus tibi.
Patres nostri mauna in deserto comede-
runt, sicut scriptum est {Psalm. 77) :
Panem de cœlo dédit eis manducare. »
Ideoque et hi dicunt : « Ostende nobis
signum de cœlo, » id est, « fac ut uuo
vel duobus diebus mauna pluat, ut
totus populus pascatur, sicut mulio tem-
pore tactum est in deserto. » Ipse vero
inspiciens cogitationes eorum ut Deus,
et sciens quod si etiam signum de cœlo
fis ostenderet non crederent, noluit eis
dare signum quod postulabant : unde
sequitur : « Al ille respondens ait illis :
Facto vespere dicitis : Serenum erit, » etc.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVI.
38t
dans plusieurs des exemplaires grecs. Le sens , d'ailleurs, en est clair,
c'est-à-dire que d'après les phénomènes réguliers des éléments , on
peut prédire d'avance le beau temps et les jours de pluie. Mais les
scribes et les pharisiens qui paraissaient être les docteurs de la loi, ne
pouvaient reconnaître dans les oracles des prophètes le temps de la
venue du Christ. — S. Aug. {Quest. évanc/., i, 20.) Ces paroles du
Seigneur : « Le soir vous dites : Il fera beau, car le ciel est rougi-, »
peuvent signifier ({ue la rémission des péchés est accordée dans le
premier avènement par le sang que Jésus-Christ a versé dans sa pas-
sion ; et les autres : « Le matin vous dites : 11 y aura de l'orage au-
jourd'hui , car le ciel est d'un rouge sombre, » que dans le second
avènement le Christ sera précédé par le feu. — La Glose. Ou bien
dans un autre sens , le ciel est sombre et rougeàtre , c'est-à-dire les
Apôtres auront à souffrir après ma résurrection, et vous pouvez savoir
qu'après eux, je dois exercer mon jugement ; car si je n'épargne pas
les souffrances à mes serviteurs , à plus forte raison ne les épar-
gnerai-je pas aux autres un jour à venir.
« Vous savez donc discerner les différentes apparences du ciel , et
vous ne savez pas reconnaître les signes des temps? » — Rab. Ces
signes des temps sont dans la pensée du Seigneur, son avènement ou
sa passion qui nous sont représentés par un ciel qui est rouge le soir;
et la tril)ulation qui précédera son second avènement, figurée par un
ciel qui, le matin, est sombre et rougeàtre.
S. GuRYS. {hom. 54.) De même que dans le ciel les signes qui an-
noncent le beau temps sont différents de ceux qui présagent la pluie,
ainsi en est-il de ce qui me concerne. Maintenant, dans mon premier
avènement, il est nécessaire que j'opère ces prodiges qui éclatent sur
Hier. Hoc apud Grœcos in plerisque co-
dicibus non liabetur. Seusus autem
manifestus est, quod ex elemeatorum
ordine et consonantia, possunt et sereni
et pluviosi dies prainosci ; scribœ autem
et pharisœi, qui videbantur legis esse
doctores, ex prophetarum vaticiuio non
poterant cognoscere Salvatoris adven-
tum. Aug. [de Quœst. Evuny. lib. i,
cap. 20.) Potest eliani intelliiji quod dixit
Dominas : « Facto vespere, dicitis : Sere-
num erit : etenim rubicuudum est
cœlum, » id est, sanguine passionis
Christi primo adventu indulgentia pec-
catorum datur; « et mane : llodie tem-
pestas,rubet enim cum tristitia cœlum :»
illud est, quod secundo adventu igné
prsecedeute veuturus est. Glossa. Vel
TOM, 11.
aliter : « Rutilât triste cœlum, id est,
patiuntur apostoli post resurrectionem,
post quos me judicare in future scire
potestis ; quia cum non parco meis bonis
quin patiautur, non parcam aliis in
future.
Scqnilur : « Faciein ergocœli judicare
nostis, signa autem temporum non potes-
tis. » Rab. Signa temporum dixit de ad-
ventu suo vel passione, cui simile est
roseum cœlum vespere ; et idem de tri-
bulationc an te adventum suum futura,
cui simile est mane roseum cum tristitia
cœlum.
CuRYS. {ut sxip.) Sicut ergo in cœlo
aliudquidem estsignum serenitatis, aliud
pluviîe, ita et in me putare oportet: nunc
enim : (scilicet in primo adventu) his si-
25
386
EXPLICATION DE L EVANGILE
la terre , ceux qui auront le ciel i)Our théâtre sont réservés pour mon
second avènement. Je suis venu actuellement comme un médecin,
alors je viendrai comme un juge. C'est pour cela qu'aujourd'hui je
suis venu en voilant ma divinité ; alors je viendrai avec un grand
éclat, et toutes les puissances <lu ciel seront ébranlées. Mais le temps
de ces prodiges n'est pas encore arrivé; car je suis venu pour mou-
rir, et souffi'ir auparavant toutes les ignominies. Cette génération
corrompue et adultère demande un prodige, et il ne lui sera pas
donné. — S. Aug. {de l'accord des Evang.) Saint Matthieu a déjà rap-
porté ces mêmes paroles (chap. 12), ce qui doit nous convaincre que
le Seigneur a souvent dit plusieurs fois la même chose ; et lorsque
nous ne pouvons faire disparaître la contradiction qui existe entre deux
récits, nous devons eu conclure que ces paroles ont été dites dans
deux circonstances différentes. — La Glose. Il les appelle génération
corrompue et adultère, c'est-à-dire, n'ayant ([u'une intelligence char-
nelle , incapable de comprendre les choses spirituelles. — Kab. Le
Seigneur ne donnera donc point à cette génération qui le tente de
prodige dans le ciel, comme ils le demandent, eux qu'il a rendus té-
moins de tant de prodiges sur la terre ; mais il réserve ces prodiges
pour la génération de ceux qui cherchent le Seigneur (1), c'est-à-dire
pour les Apôtres qui le virent monter au ciel, et auxquels il envoya
l'Esprit saint.
S. Jér. Nous avons dit plus haut ce que signifie ce prodige de Jo-
nas {Matth. xii.) — S. Ghrys. {hom. 54.) Or , les pharisiens qui en-
tendaient cette réponse pour la seconde fois auraient dû interroger le
Sauveur, et lui demander quel était le sens de ces paroles ? Mais ils se
(1) Allusion à ces paroles du Ps. xxiii, vers. 6 : « C'est la génération de ceux qui cherchent
le Seigneur,!) de même que ce qui précède rappelle ces deux autres passages : ails m'ont tenté»
[Ps. xcix, 9,) et au vers. 10 : « J'ai été irrité contre cette génération. »
gais quae in terra sunt, opus est ; quae
autem in cœlo sunt, conservantur tem-
pori secundi adventus : nunc enim sicut
medicus veni, tune sicut judex adero :
propter hoc nunc occullus veni, tune
autem cum luulla divul.ualioue, quaudo
virtutes cœlorum movebunlur : sed non
est nunc tempus horum siiinorum, quia
veni mori, et quae abjecla sunt puti. El
ideo sequitur : « Geueralio lualaet adul-
téra signum quœrit et non dabitur. »
Aug. {de Cons. Evang. \\h. u, ubi sitp.)
Hoc autem et alibi jani dixit Matthœus
(cap. 12), unde relineudum ent eadem
Dominum sœpe dixisse ; ut quod (exis-
tente contrario) solvi non poluerit, bis
dictum intelligatur. Gloss.a. {interlin.)
Dicit autem : « Generatio mala et adul-
téra, » id est incredula pro spirituali
carneum liabens iutellectuni. Rab. Non
ergo génération! illi tentantium Dominum
signum cœleste dalur, quale quEerebant,
quibus multa signa dédit in terra gene-
ralioni quœrentium Dominum, id est,
apostulis, quibus cernenlibusascendit in
cœlum, et Spiritum sanctum misit.
Hier. Çjxxxà autem sibi velit signum
Jona; jam supra dictum est. {Matth. 12.)
Ghrys. (M<5(//).)Ciim autem hoc secundo
pharlsœi audissent,oporlebat interrogare
et dicere : « Quid est quod dicitur ? »
Sed ipsi non desiderio disceudi hoc a
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVI. 387
sont gardés de faire cette demande au Seigneur dans le désir de s'ins-
truire. C'est pourquoi Nolie-Seigneur se sépare d'eux. «Et, les laissant
là, il s'en alla. » — Rab. C'est-à-dire ayant quitté cette mauvaise gé-
nération des Juifs, il passa au delà du lac , et le peuple des Gentils le
suivit. Et remarquez qu'il n'est point dit qu'il se retira après avoir
renvoyé le peuple comme dans les autres circonstances, mais qu'il les
abandonna, parce que l'erreur de l'incrédulité s'était emparée de leurs
esprits orgueilleux.
y. 5-11. — Or ses disciples, étant passés au delà de l'eau, avaient oublié de
prendre des pains. Jésus leur dit : Ayez soin de vous garder du levain des
pliarisiens et des sadducéens. Mais ils pensaient et disaient entre eux : nous
n'avons point pris de pains. Ce que Jésus connaissant, il leur dit : Hommes
de peu de foi, pourquoi vous entretenez-vous ensemble de ce que vous n'avez
j>oint pris de pains? Ne comprenez-vous point encore et ne vous souvient-il
point que cinq pains ont suffi pour cinq mille hommes, et combien vous en
avez remporté de paniers ? et que sept pains ont suffi pour quatre mille
hommes, et combien vous en avez remporté de corbeilles ? Comment ne com-
prenez-vous point que ce n'est pas du pain que je vous parlais, lorsque je vous
ai dit de vous garder du levain des pharisiens et des sadducéens? Alors ils
comprirent qu'il ne leur avait pas dit de se garder du levain qu'on met dans
le pain, mais de la doctrine des pharisiens et des sadducéens.
La Glose (1). Notre- Seigneur avait abandonné les pharisiens en
punition de leur incrédulité ; par une conséquence naturelle , il en-
seigne à ses disciples qu'ils doivent éviter leur doctrine. « Or , ses
disciples étant passés au delà du lac, avaient oublié de prendre des
pains. — Rémi. Ils étaient si étroitement attachés à leur Maître, qu'ils
(1) On ne trouve cette citation ni dans la Glose actuelle, ni dans saint Anselme, ni dans aucun
autre auteur.
Domino quaesierunt : et ideo Dominas
eos reliquil : imde sequitur. « Et relictis
illis, abiit, » etc. Rab. Id est reliclagene-
ratioue mala .ludœorum, abiit trans fre-
tum; et gentium secutus est populus.
Nota quod non sicutin aliis legitur locis,
dimissis turbis, abiit, sed quia infideli-
tatis error iusolentium animos obtine-
bat, dicitur quod eos reliquit.
Et cum venissent discipuli ejus trans fretum,
obliti sunt panes accipere. Qui dixit illis : In-
tuemini et cuvp.te a fermenta pharisœorum et
sadducœorum. At illi cogitabant inler se, di-
centes, quia panes non accepimus. Sciens autem
Jésus dixit illis : Quid cogitatis inter vos mo-
dicœ fidei, quia panes non hahelis ? Nondum
intelligitis, neque recordamini quinque panunt,
et quinque millium hominum, et quot cophinos
sumpsistis ? Neque septem panum et quatuor
millium hominum, et quot sportas sumpsistis?
Quare non intelligitis, quia non de pane dixi
vobis: Cavete a fermenta pharisœorum et sad-
ducœorum ? Tune intellexcrunt quia non dixe-
rit cavendum a fermento panum, sed a doc-
trina pharisœorum et sadducœorum.
Glossa. Sicut Dominas pharisaeos reli-
querat propter eorum iufidelitatem , ita
consequeuter et doclrinam eorum a dis-
cipulis cavendani esse docet: unde sequi-
tur : « I<^t cum venissent discipuli ejus
trans fretum, obliti sunt panes accipere.»
Remig. Tauto enim amore magistri deti-
388
EXPLICATION DE L EVANGILE
ne pouvaient s'en séparer , môme un instant. Remarquons encore
combien les disciples de Jésus étaient loin de rechercher les délices de
la vie, eux qui se préoccupaieut si peu du nécessaire, qu'ils oubliaient
même de prendre du pain, nourriture indispensable de notre faible
nature.
« Il leur dit : Ayez soin de vous garder du levain des phari-
siens, » etc. — S. HiL. Le Sauveur avertit ici les Apôtres de n'avoh"
aucun commerce avec la doctrine des Juifs ; car les œuvres de la loi
n'avaient été ordonnées que pour recevoir leur accomplissement par
la foi, et comme tigure de ce qui devait se réaliser dans l'avenir. Ceux
donc qui avaient le bonheur de vivre dans le temps où la vérité se
manifestait sur la terre, devaient regarder comme désormais inutiles
les figures de la vérité, de peur que la doctrine des pharisiens, qui ne
connaissaient pas le Christ, ne vînt à corrompre les effets de la vérité
de l'Evangile. — S. Jér. Celui qui se garde du levain des pharisiens et
des sadducéens, ne s'attache pas aux préceptes de la loi et de la lettre,
et ne se met pas en peine des traditions humaines; son unique souci
c'est d'accomplir les commandements de Dieu. C'est là ce levain dont
l'Apôtre a dit : « Un peu de levain corrompt toute la masse.» (I Cor.^y;
et Gai., V.) Il faut à tout prix se gai'der d'un tel levain, qui est celui
de Marcion, de Valentin , et de tous les hérétiques. ,Le levain a une
force telle, que si on le mêle à la farine en petite quantité , il se dé-
veloppe bientôt, et communique la saveur qui lui est propre à toute
la pâte à laquelle il se trouve mêlé ; il en est de même de la doctrine
des hérétiques : quelque faible que soit l'étincelle qu'elle aura jetée
dans votre cœur, vous la verrez bientôt produire un grand incendie
qui envahit l'homme tout entier. — S. Chrys. {hom. 54.) Mais pour-
nebantur^ ut nec etiam ad puoctum
vellent ab eo recedere. Auimadverten-
dum est ergo quantum alieui essent ab
appetitu deliciarum, cum tam parvam
habereut de necessariis curam ut etiam
obliti sint panes accipere, sine quibus
bumana fragilitas subsistere non potest.
Sequitur : « Qui dixil iliis : lutuemiui
et cavete a fermento pbarisœoruni, «etc.
HiLAR. In quo monentiir apostoli non
admisceri Judaîorum doctrina> ; qnia
legis opéra in effectum lidei et pru^ligu-
rationem rerum consequontium consti-
tuta suut ; et in quorum tempora atque
aetatem verilas contigisset^ uibil ultra
in veritatis similitudine posituui arbi-
trarcntur ; ne doctrina pharisa;onun
Clu'istuni uescions, efl'ei'tuni veritatis
evangelicai corrumperet. Hieu. Qui euim
caveta fermento pbaristeorum etsaddu-
caeorum, legis, ac iittene praecepta non
servat, traditioûes bominum negligit,
ut faciat Dei mandata ; hoc est fermen-
tum, de quo ApostoUis ait (I Corinth.b,
et tid Galat. 5) : « Modieum fermen-
tum totam massam corrumpit : » istius-
modi fermeutum etiam omni ratione
vitandum est ; quod habuit Marcion . et
Valeutinus, et omues bferetici : fermen-
tuni euim banc babet vim. ut si farinae
mixtum fuerit, quod parum videbatur,
crescat in majus, et ad saporem suum
universam conspersiouem t rabat : ita et
doctrina ba^retiea, si vel modieam sciu-
tillam jccerit iu luum pectus, in brevi
ingens tlanmia concrescit, et totam bo-
miuis possessionem ad se trabit. Chrys.
[ut Slip, /lomil. 'o'i.) Scd quare uoo
I
I
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVI. 389
quoi le Sauveur De leur dit-il pas ouvertement : « Gardez-vous de la
doctrine des pharisiens? » parce qu'il veut leur rappeler le miracle de
la multiplication des pains qui vient d'avoir lieu. Il savait qu'ils l'a-
vaient oublié, et comme il ne jugeait pas à propos de leur reprocher
directement cet oubli, il profite de l'occasion qu'ils lui présentent pour
leur rendre ce reproche plus supportable. C'est pour cela que l'Evan-
géliste nous dévoile ce qui se passait dans leur àme : « Et ils pensaient
entre eux , et disaient : Nous n'avons pas pris de pains. » — S. Jér.
Comment se fait-il qu'ils étaient sans pain , eux qui, après en avoir
rempli sept corbeilles, montent dans la barque, viennent sur les fron-
tières de Magedan et entendent Jésus leur dire pendant la traversée,
qu'ils doivent se garder du levain des pharisiens et des sadducéens?
Nous répondons à cette question que l'Ecriture affirme qu'ils avaient
oublié de prendre des pains avec eux.
S. Chrys. {Iiom. 54.) Gomme les Apôtres se traînaient encore dans
l'attachement aux observances judaïques, Notre-Seigneur leur en fait
un vif reproche dans la pensée d'être utile à tous les autres. « Ce que
Jésus connaissant, il leur dit : Pourquoi vous entretenez-vous ensemble
que vous n'avez point de pain, » hommes de peu de foi ? — La Glose.
C'est-à-dire pourquoi pensez-vous que j'ai voulu parler de ces pains
matériels, au sujet desquels vous ne devez avoir aucun doute après
qu'un si petit nombre de pains a produit des restes si considérables ?
— S. Chrys. [hom. 54..) Son dessein, ici, est de les affranchir de toute
inquiétude pour la nourriture. Mais pourquoi ne leur a-t-il pas adressé
ce reproche lorsqu'ils lui exprimèrent cette pensée de défiance :
« Comment pourrons-nous trouver un si grand nombre de pains dans le
désert ? » Il semble qu'il eût été mieux placé dans cette circonstance.
dixit : « Attendite a doctrina phari-
sfeonim, » manifeste? Quia vult comme-
morare ea quaî facta sunt, scilicet de
midliplicatione panuin : eteniui iioverat
eos esse oblitos : simpliciter autem de
hoc eos incusare, non videtur rationem
habere , occasione autem ab eisrecepta,
eos increpare susceplibileui faciebat in-
cusationem : et ideo qua; copitabant dis-
cipuli, Evangelista in médium iutroducit,
diceus : al illi cogitabant intra fe, di-
centes, quia panes non accepimus. »
Hier. Quomodo autem panes non habe-
bant, qui stalim impletis septem sportis,
ascenderunt in naviculam, et veuerunt
Scriptura testatur quod obliti sunt eos
secum toUere.
Chrys. {%tt svp.) Quia vero discipuli
circa observationes judaicas adhuc repe-
bant, ideo Dominus vehementer eos in-
crepat ad utilitatem omnium : imde
sequilur : « Sciens autem Jésus dLxit eis :
Quid cogilatis inter vos modicae fidei,
quia panes non habetis ? » Glossa.
Quasi diceret : Quid cogitatis me dixisse
de terrenis panibus, de quibus non est
vobis dubitandum, cum de tam paucis
tantas feci abundare reliquias? Chrys.
(ut sitp.) Hoc autem facit ut sollicitu-
dinem escarum ab eis adjiciat. Sed
L
in fines Magedan; ibique audiunt navi- quare non arguit eos. cum dixerunt :
gantes quod cavere debeant a fermento j « Unde nobis in solitudine panes tanti ? »
pharisaeorum et sadducaeorum ? sed , Etenim oppurtuuius videbatur hof dici.
390
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
Cependant Notre-Seignear ne les reprend pas alors , pour ne point
paraître prendre l'initiative des miracles qu'il opère, et aussi pour que
le peuple ne fût pas témoin des reproches qu'il leur adressait. Ces re-
proches, d'ailleurs , furent bien plus motivés lorsqu'a[)rès le double
miracle de la multiplication dos paius , il les voit encore inquiets de
leur nourriture. Mais voyez quelle douceur dans ce reproche. Il ré-
pond lui -môme comme pour excuser ceux qu'il vient de reprendre,
en ajoutant: «Ne comprenez-vous point encore, et ne vous souvient-il
point que cinq pains ont suffi pour cinq mille hommes, et combien
vous avez remporté de paniers ? et que sept pains ont suffi pour quatre
mille hommes? » etc. — La Glose. C'est-à-dire : « Est-ce que vous
ne comprenez pas ce mystère ? Est-ce que vous n'avez pas conservé
le souvenir de ma puissance ?» — S. Chrys. 11 leur remet ainsi en
mémoire les miracles qui avaient eu lieu , et les rend plus attentifs
à ceux (jui doivent suivre.
S. JÉR. En leur adressant ce reproche : « Pourquoi ne comprenez -
vous pas ? » il veut leur apprendre en même temps ce que signifient
les cinq pains , et ensuite les sept autres qui furent multipliés ; et
encore les cinq mille hommes , et après les quatre mille qu'il nourrit
dans le désert. Car si le levain des pharisiens et des sadducéens ne si-
gnifie pas le pain matériel , mais les traditions corrompues et les
dogmes des hérétiques, pourquoi les pains qui servirent à nourrir le
peuple de Dieu ne figureraient-ils pas la doctrine pure et véritable ?
— S. CiiRYS. [hom. 54.) Si vous voulez connaître l'efficacité du re-
proche de Jésus sur ses disciples, et comment il réveilla leur âme en-
dormie, écoutez ce que dit l'Evangéliste : « Ils comprirent alors qu'il
ne leur avait pas dit de se garder du levain qu'on met dans le pain,
Sed ideo tune non repreheudit eos, ne
videretur se ingerere ad signa facienda;
et nolebat ante torbas eos increpare.
Tiinc etiam ralionabilior heec accusatio
fuit, quando jani duplici miraculo de
panibus facto taies eraut ut adhuc de
escis dubitareut. Vide autem et increpa-
tionem cuni mansuetndine; velut enim
excusaudo respoudet pro bis quos in-
crepaverat, dicens : « Noudum intelli-
gitis, neque recordamini (juinquo pa-
uum, et quinque niillium bouiinuni, et
quot cophinos sumpsistis? Neque sep-
teni panum , et quatuor milliuui lio-
luinum ?)) etc Glossa. {interl in. )()\iA&i
diceret : « Neque uiysterium inteib-
gitis, neque virtutem in nienioria ha-
betis? » Chrvs. [ut svp.) Per quod
in memoriam eis reducit ea qua? prai-
terierunt, et ad futura attentiores facit.
Hier. Per boc autem quod dieit :
« Quare non inteUigitis, » etc., ecce per
occasionem docet eos quid significent
qiunque panes et septem ; quinque millia
lioiuiuunij el quatuor milba, quae pasta
saut in eremo : si enim fermentum pba-
risœorum et sadducaeorum non corpo-
ralom paneni, sed traditiones perversas
et biEretica significat dogmata , quare
cibi quibus uutritus est popuUis Dei,
non verani doctrinam integramque si-
gnificent ■' Chrys. {ut sup.) Ut autem
discas quantum in discipubs potuit in-
«•repalio Cbrisli, et quabter eorum men-
tem erexerit dorùiientem, audi quid
l-lvangeHsta dicat : « Tune inteilexerunt
quod non dixit cavendum a fermento
panum, sed a doctrina pharisaeorum et
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVI.
394
mais de la doctrine des pharisiens et des sadducéens, » bien que Jésus
ne leur ait pas donné cette explication . Le reproche du Seigneur les
sépare des observances judaïques , leur fait secouer leur indifférence,
les rend plus attentifs , et fortifie leur foi encore si faible. Et s'il leur
arrive maintenant d'être presque sans pain , ils seront sans crainte,
et apprendront à mépriser jusqu'aux nécessités de la vie.
jf. 13-i9. — Jésus, étant venu aux environs de Césarée de Philippe, interrogea
ses disciples et leur dit : Qui dit-on que soit le Fils de l'homme? Ils lui
répondirent : Les uns disent que c'est Jean-Baptiste , les autres Elie, les
autres Jérémie, ou quelqu'un des prophètes. Et vous autres, qui dites-vous
que je suis? Simon Pierre , prenant la parole, lui dit : Vous êtes le Christ,
Fils du Dieu vivant. Jésus lui répondit ; Vous êtes bienheureux, Simoii, fils
de Jean, parce que ce n'est point la chair et le sang qui vous ont révélé ceci,
mais mon Père qui est dans les deux. Et moi aussi je vous dis que vous êtes
Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Eglise; et les portes de l'enfer
ne prévaudront point contre elle. Et je vous donnerai les clefs du royaume
des deux ; et tout ce que vous lierez sur la terre sera aussi lié dans les
deux, et tout ce que vous délierez sur la terre sera aussi délié dans les
deux.
La Glose {\). Après avoir inspiré à ses disciples un profond éloi-
gnement pour la doctrine des pharisiens, Notre-Seigneur choisit ce
moment favorable pour jeter dans leurs âmes les fondements profonds
de la doctrine évangélique , et pour donner à son enseignement plus
de solennité , l'Evangéliste nous désigne l'endroit où elle se passa :
« Or, Jésus vint dans les environs de Césarée de Philippe. » Il ne dit
pas simplement Césarée , mais Césarée de Philippe ; car il y a une
(1) On ne trouve ce passage ni dans la Glose, ni dans saint Anselme, ni dans aucun autre in-
terprête.
sadducseorum : quainvis eo hoc non in-
terpretaute. Incrcpatio ergo Domiai eos
a judaicis observationibus abdiixit; desi-
des existantes attentiores fecit, et a par-
va fide eos eripuit ; ut non timeant si
quando paucos panes habere videantur,
neque pro pane solliciti sint, sed bapc
despiciaut universa.
Venit autern Jésus in partes Cœsareœ Philippi,
et interrogabat discipulos suos, dicens : Quem
dicunt hommes esse Filium hominis? At illi
dixerunt : Alii Joannem Baptistam, aliiautem
Eliam ; alii vero Hieremiam, aut unum ex
propheiis. Dixit illis Jésus : Vos autem quem
me esse dicitis ? Respondens Simon Petrus di-
xit : Tues Christus Filius Dei vivi. Respon-
dens autem Jésus dixit ei : Beatus es, Simon
Barjona, quia caro et sanguis non revelavit
tibi, sed Pater meus qui in cœlis est. Et ego
dico tibi, quia tu es Petrus, et super hancpe-
tram œdificabo Ecdesiam meam, et portée in-
feri non prœvalebunt adversus eam. Et tibi
dabo claves regni cœlorum. Et quodcumque li-
gaveris super terram, erit ligatum et in cœlis;
et quodcumque solveris super terram, eri iso-
lutum et in cœlis.
Glossa. Postquam discipulos a phari-
saeorum doctrina removerat Dominus,
convenienter evangelicse doctrinae alti-
ludinem in eis fundat : et ut major so-
lemuitas designelur, locus describitur,
cum dicitur : « Venit autem Jésus in
partes Caesareae Pbilippi. » Chrys. (m
homil. 53. in Matth.) Ideo autem non
simpliciter Cœsaream nominat, sed Cas-
saream Philippi ; quia est alia Caesarea,
392
RXPLICATION DE l'ÉVANGILE
autre ville de Césarée , celle de Straton. Ce n'est point dans celle-là,
mais dans la première , que Jésus fait cette question à ses disciples;
il les emmène loin des Juifs, afin que, sans crainte aucune, ils disent
librement ce qu'ils ont dans le cœur. — Rab. Ce Pliilipjje était frère
d'Hérode , il était tétrar([uc de l'Iturée et de la Tracliouitide. Il avait
appelé Césarée , en l'honneur de Tibère , la ville qui est maintenant
connue sous le nom de Pauéas (l*).
La Glose. Le Sauveur veut confirmer ses disciples dans la foi, il
commence donc par éloigner de leur esprit les opinions et les erreurs
que d'autres pouvaient y avoir jetées. «Et il interrogea ses disciples
eu leur demandant : Que disent les hommes qu'est le Fils de l'homme ? »
— OiUG. C^). Eu interrogeant ainsi ses disciples, il veut nous ap-
prendre par leurs réponses qu'il y avait alors sur le Christ diverses
opinions parmi les Juifs, et aussi nous faire rechercher nous-mêmes
l'opinion que les hommes peuvent avoir de nous. S'ils en disent du
mal, nous devons cesser d'y donner occasion , et s'ils en disent du
bien, nous devons redoubler nos eflorts pour mériter leur approba-
tion. Les disciples des évèques doivent apprendre aussi , à l'exemple
des Apôtres, à informer leurs supérieurs de ce qu'ils entendent dire au
dehors sur leur personne.
S. Jér. L'expression dont il se sert : « Que disent les hommes qu'est
le Fils de l'homme, » est parfaitement choisie, car ceux qui parlent
(1*) Il y avait en effet deux villes de Césarée : l'une appelée Césarée en Palestine, située sur le
bord de la mer et qu'Hérode le Grand nomma ainsi en l'honneur d'Auguste. 11 y avait eu autrefois,
à la place de Césarée la tour dite de Straton. Josèphe raconte qu'Hérode mit dix ans à la bâtir,
qu'il l'orna d'un port, de temples, et d'autres éditices publics. L'autre était nommée Césarée de
Philippe, elle se nommait auparavant Banéas ou Panéas ; mais elle fut agrandie, ornée d'édifices
nouveaux par Philippe, fils d'Hérode le Grand et appelée Césarée de Philippe en l'honneur de
Tibère et de Philippe. Cette ville était située près d'une source du Jourdain, qui sort d'une grotte
nommée Panéum, au pied d'une montagne.
(2) On ne trouve pas ce passage dans les écrits qui nous sont restés d'Origène.
quse est Str.itonis : non autein In illa,
sed in hac discipulos interrogavil ; longe
eos a Judœis abduceus, ut ab omni ti-
moré eruti libère dicant quœ babebant
in mente. Rab. Pbilippus autem iste
frater fuit FIerodi.s, ïetrarcba Iturece et
Tliraconitidis regionis, qui in lionorom
Tiberii Cœsaris, Ceesaream Pbilippi, quas
uunc Paneas dicitur, appellavit.
Glossa. Contîrmalurus autem in fide
discipulo.s, prius opiniones et errores
aliorum a mentibus eorum voluit renio-
vere : unde sequitur : « Et inlerrogabat
discipulos suos dicens : Quem di( uni bu-
mines esse Filium hominis? » Orig.
{Tract. I, in Mattk. 16.) Interrogat
Cbristus discipulos, ut ex apostolorum
responsionibus nos discamus diversas
opiniones fuisse tune apud Judaeos de
Cbristo, et ut nos semper scrutenuir
qualis opinio sit apud honiines de uobis ;
ut si quid maie dicitur de nobis, occa-
sioues illius praecidamus, si quid autem
boni, ejus occasiones augeamus. Sed et
discipuli episcoporum apostolorum ins-
truuntiir exemplo, ut qualescumque opi-
niones audierint forîs de episcopis suis,
référant eis.
HiKR. Pulchre autem interrogat :
« (tuem dicnnt homines esse Filium
DR SAINT MATTHIEU, CHAP. XVI. 393
du Fils de l'homme sont des hommes; mais ceux qui comprennent sa
divinité sont appelés , non pas des hommes , mais des dieux. —
S. Chrys. {ho7n. 54.) Il ne leur demande pas : Que disent de moi les
pharisiens et les scribes? mais: « Que disent les hommes? » Car il
cherche à connaître la pensée du peuple, qui n'était pas tourné au
mal. L'idée que le peuple avait du Christ était sans doute bien au-
dessous de la réalité , mais au moins elle était pure de toute malice,
tandis que l'opinion que les pharisiens se formaient de sa personne
était pleine de méchanceté.
S. HiL. {can. \^siir S. Matth.) « Que disent les hommes qu'est le
Fils de l'homme ? » Il nous apprend par ces paroles que l'on doit
voir en lui autre chose que ce qui paraît au dehors , car il était vrai-
ment le Fils de l'homme. Quelle idée voulait-il donc qu'on eût de lui?
Non pas, sans doute, celle qu'il avait fait connaître lui-même ; la vé-
rité qui faisait l'objet de cet examen était cachée, et c^est cette vérité
que la foi des chrétiens doit embrasser. Or , telle doit être notre pro-
fession de foi : nous devons croire qu'il est le Fils de Dieu comme il
est le Fils de l'homme; car l'une de ces deux croyances, sans l'autre,
ne peut en rien nous donner l'espérance du salut ; aussi est-ce avec
intention qu'il dit : « Que disent les hommes du Fils de l'homme ? »
— S. Jér. Il ne dit pas : Que disent-ils que je suis, mais : « Que
disent-ils qu'est le Fils de l'homme? » pour éviter dans cette question
toute apparence de recherche personnelle. Remarquons encore que
partout où nous lisons dans l'Ancien Testament : Fils de l'homme, le
texte hébreu porte : Fils d'Adam.
Orig. Les disciples rapportent les difiérentes opinions qu'on se for-
homiuis : » quia qui de Filio hominis
loquuntur, homines sunt ; qui vero Di-
vinitatem ejus intelligunt, non homines,
sed dii appellantur. Chrys. {ut sup.)
Non autein dicit : « Quem me dicunt
scribœ et pbarisaei esse, sed quem me
dicunt homines esse ? » plebis mentem,
qua; ad maliim proua inflexa non erat,
investifjans. Etsi euim multo humilier
quam oportebat eorum erat de Christo
opinio, sed tamen a nequitia libéra erat :
pharisa'orum antem opinio de Christo
erat pleua multa malitia.
HiLAR. (Can. 16, in Matth.) Dicendo
ergo : « Quem dicunt homine» esse Fi-
lium hominis ? » etc., signiticavit prœter
id quod in se videbatur esSe, aliud seu-
tiendum : erat enim hominis Filius.
Quod igitur de se opinandi judicium de-
siderabat ? Non illud arbitramur quod
de se ipse confessus est, sed occultum
erat de quo quaerebatur, in quod se
credentium fides debeat exteudere. Est
autem hœc confessionis tenenda ratio,
ut sicut Dei filium, ita et Filium homi-
nis meminerimus; quia alterum sine
altero uihil spei tribuit ad salutem : et
ideo signanterdixit : i( Quem dicunt ho-
mines esse Filium hominis ? »
Hier. Non enim dixit : « Quem me
esse dicunt homines, sed, quem dicunt
esse Filium hominis? » ne jactanler de
se quœrere videretur : et nota quod
ubicumque in Veteri Testamento scri-
ptum est : « Filius hominis, » in Hebraeo
positum est, « Filius Adam. »
Orig. {ut sup.) Diversas autem Judaeo-
rum opiniones de Christo discipuli refe-
394
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
mait du Christ. « Et ils lui répondirent : Les uns disent Jean-Baptiste,
c'est-à-dire ceux qui partafi^eaient l'opinion d'Hérode ; les autres, Elle,
et ceux-là pensaient ou bien qu'Elie avait reçu une seconde naissance,
ou que n'ayant point été autrefois soumis à la mort du corps, il se
manifestait dans le temps présent; les autres, Jérémie , que le Sei-
gneur avait établi prophète parmi les nations, et ils ne comprenaient
pas que Jérémie était la figure du Christ; ou l'un des prophètes, pour
une raison semblable, à cause des choses que Dieu avait révélées aux
prophètes, bien qu'elles n'aient pas reçu leur accomplissement en eux.
mais seulement dans Jésus-Christ. — S. Jér. Cependant le peuple a
bien pu se tromper en prenant le Christ pour Elle et pour Jérémie, de
même qu'Hérode qui le prenait pour Jean-Baptiste ; aussi suis-je
étonné de voir quebjues interprètes rechercher les causes de toutes ces
erreurs.
S. Chrys. {hojn. 5i.) Après que les disciples lui ont fait connaître
l'opinion du peuple, il les presse par une seconde question de se
former une plus haute idée de lui ; « Et Jésus leur dit : Et vous , qui
dites- vous que je suis?» Vous, dis-je, quiètes toujours avec moi,
qui avez été témoins de plus grands miracles que le peuple , vous ne
devez point partager sa manière de voir. Aussi ne leur fit-il pas cette
question au début de sa prédication , mais après avoir fait un grand
nombre de miracles , et leur avoir souvent parlé de sa divinité. —
S. Jér. Remarquez que d'après ce langage du Sauveur , les Apôtres
ne sont pas appelés des hommes, mais des dieux , car après avoir dit :
« Les hommes, que disent-ils qu'est le Fils de l'homme? » il ajoute :
« Et vous, que dites-vous que je suis? » c'est-à-dire les hommes qui
runt : unde dicitur : « At illi dtxerunt :
Alii Joanaein Baptistam (aestimatiouem
scilicet secuti Herodi») ; alii autem Eliam
(videlicet aestimantes , quod aut secun-
dam nalivitatem susceperit Elias, aut ex
eo tempore in corpore vivens in tempore
apparuit illo) ; alii vero Hiereniiam, »
queni Dominus in pentibus propbelaui
constitnit (non intelliîïenles qiioniam
Hieremias typus fuerat Christi), « aut
unum ex prophetis, « ratione simili, pro-
pter illa quaî Deus ad ipsos loeutus
est prophetas, non tanien iu ipsis, sed in
Christo sunt impleta. Hier. Sod tamen
turbse sic errare potneruut, et iu Elia,
et in Hieremia, quoiuodo Herodes erra-
vitin .loanue : unde miror quosdani in-
terprètes causas errorum sinctulorum
inquirere.
Chrys. {ut sup.) Quia vero discipuli
opinionemturbae reoitaverant, evocat eos
per secundam interrogationem ad opi-
uaoduni aliquid rnajus de ipso : et ideo
sequitur : « Dicit illis Jésus : Vos autem
quem me esse dicitis? » Vos, inquam,
qui simul mecum estis semper, quia ma-
jora signa vidistis, quam turb», non
oportet vos iu opinione convenire cum
turbis : et propter boc, non a principio
prœdicationis cos de boc interrogavit,
sed postquam multa signa fecit, et multa
loeutus est cis de sua Deitate. Hier.
Attende autem quod ex boc textu ser-
mouis apostoli nequaquam fiomines ,
sed du appellantur : cum enim dixisset :
« Quem dicunt bomines esse Filium ho-
minis? subjecit : « Vos autem quem
me esse dicitis ? » Ac si dicat : « lUis,
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVI. 395
ne sont que des hommes ont de moi une opinion tout humaine ;
mais vous qui êtes des dieux, que pensez-vous que je suis?
Rab. Ce n'est point sans doute par ignorance que le Sauveur s'in-
forme de l'opinion que ses disciples et le peuple peuvent avoir de sa
personne; s'il demande à ses disciples ce qu'ils pensent de lui, c'est
pour récompenser dignement leur confession de foi, conforme à la vé-
rité. A.ussi s'informe-t-il d'abord de l'opinion du peuple, afin qu'après
avoir rapporté les jugements de ceux qui se trompent , on soit obligé
de reconnaître que les disciples ont puisé la vérité de leur profession
de foi , non pas dans les idées du peuple , mais dans une révélation
particulière du Sauveur.
S. Chrys. [hom. 54.) Lorsque Notre- Seigneur demande quelle opi-
nion le peuple a de lui, tous répondent; mais lorsqu'il demande à ses
disciples quelle est leur opinion personnelle , Pierre répond au nom
de tous comme étant la bouche et la tête du collège apostolique :
« Simon Pierre, prenant la parole, lui dit : Vous êtes le Christ Fils du
Dieu vivant. » — Orig. Pierre rejette toutes les fausses idées que les
Juifs se faisaient de Jésus, et il confesse hautement cette vérité qu'igno-
raient les Juifs : « Vous êtes le Christ, » et ce qui est bien plus
grand : « Le Fils du Dieu vivant, » qui avait dit par les prophètes :
« Moi je vis , dit le Seigneur (1). » On l'appelait vivant , mais d'une
manière éminente, parce qu'il est supérieur à tous les êtres qui ont la
vie; car seul il possède l'immortalité, et il est la source de la vie.
C'est lui que nous appelons dans un sens véritable Dieu le Père. Or,
celui qui dit : « Je suis la vie » {Jean, xi), est lui-même la vie qui sort
(I) Isaie, XLix, 18 ; Jerem., xxii, 24; Ezéchiel, v, 11 ; xiv, 16, 18 et 20; xvii, 19 xvni, 3 ;
xxxiii, il et 27 ; xxxiv, 8.
qiiiii homines siint, humana opiuantibus,
V03 qui dii estis, quem me esse existi-
matis '? »
Rab. Non aulem quasi nesciens de se
seutentiam disfnpulorum vel extra-
neoruni inquirit ; sed ideo discipulos
quid de se seuliantiuterrosat, ut confes-
sionem rectae fidei digna mercede remu-
neret. Idoo quid alii de se sentiant
iuquirit ; ut, oxposilis primo seutentiis
enantium, discipuli probareutur veri-
latem suae coufessiouis, uou de opiuioue
vulgata, sed de ipso percepisse doininicae
revelatiouis arcauo.
Chrys. {ut sup.) (Juaudo vero Domi-
nus de plebis opinione interrogat, omnes
respondent ; sed omnibus discipulis in-
terrogatis, Petrus tanquam os aposto-
lorum et caput pro omuibus respondet :
unde sequitur : «Respondens Simon Pe-
trus, dixit : Tu es Christus Filius Del
vivi. » Orig. {ut sup.) Denegavit quidem
Petrus aliquid eorum esse Jesum quae
arbitrabautur Judaei ; confessus est au-
teui : « Tu es Christus, » quod nescie-
bant Juda?i : sed et quod majus est,
« Filius Dei vivi, » qui et per prophètes
dixerat : « Vivo ego, dicit Dominus : »
et ideo dicebatnr rivus, sed secuudum
superemiueutiam; quia supereminet om-
nibus habeutibus vitam , quoniam so-
his habet immortalitatem , et est fons
vit8e,quod proprie dicitur Deus Pater;
vita autera est quasi de fonte procedens.
396
EXPLICATIOX DE l'ÉVANTîILE
comme de la source. — S. Jér. Pierre dit : « Du Dieu vivant, » par
opposition avec ces dieux qu'on regarde comme des dieux , et qui ne
sont que des morts : je veux parler de Saturne, de Jupiter, de Vénus,
d'Hercule, et des autres divinités. — S. Hil. Au contraire, la foi vraie
et inviolable, c'est que le Fils est sorti Dieu de Dieu, et que de toute
éternité il a possédé l'éternité du l'ère. Croire et confesser (pi'il a pris
un corps semblable au nôtre , et ([u'il s'est fait homme, c'est la per-
fection de la foi. Aussi la déclaration de l'Apôtre embrasse tout_, en
formulant aussi clairement la nature et le nom du Christ, et résume
toutes les vertus. — Rab. Par un admirable contraste, c'est Notre-
Seigneur lui-même qui confesse les humiliations de la nature humaine
dont il s'est revêtu , tandis que le disciple proclame les grandeurs de
son éternelle divinité.
S. Hil. La confession de Pierre mérita une récompense digne d'elle,
parce qu'il avait reconnu le Fils de Dieu sous les dehors de l'homme (1) :
« Jésus lui répondit • Vous êtes heureux , Simon , fils de Jean ,
parce que ce n'est ni le sang ni la chair qui vous ont révélé ceci. » —
S. JÉR. Le Sauveur paie d'un juste retour le témoignage que lui a
rendu son apôtre. Pierre lui avait dit : « Vous êtes le Christ, le Fils du
Dieu vivant; » Jésus- Christ lui répond : « Vous êtes heureux (2*),
Simon, fils de Jean. » Pourquoi? parce que ce n'est ni la chair ni le
sang, mais mon Père qui vous a révélé cette vérité. Ce que la chair
ni le sang n'ont pu révéler, l'a été par la grâce de l'Esprit saint. Cette
confession lui a donc mérité le nom qui lui est donné de fils de
(t) L'homme est ici pris pour la nature humaine, car on ne pourrait dire dans le sens rigou-
reux que le Fils de Dieu était dans l'homme, puisqu'il est homme et Dieu.
(2*) C'est de cette parole du Sauveur que vient l'usage reçu parmi les chrétiens catholiques,
de nommer le successeur de saint Pierre, le chef de l'Eglise, Bienheureux Père (Beatissim»
Pater), d'où s'est formée la dénomination de <i saint Père. »
qui dixit {Joan. 11) : « Ego sum vita. »
Hier. Deum etiam vivum appellat, ad
comparationem eonim deorum qui pu-
tantur dii, sed niortui sunt : Saturnum
dico, JoveiB, Veuereui et Herculem etcœ-
tera idolorum porlenta. IIilar. {ut sup.)
Est auteni veraet inviolabilis lides ex Deo
Deuui Filium profcctum esse, cui sit ex
aeteruitate Patris ccteruitas. Hune igitur
assuiupsisse corpus, et homiueni factum
esse, perfecta confessio est. Complexus
est itaqueomnia qui etuaturaiii ei nomen
expressit, in quo sunnua virlutuni est.
Raiî. Mira autoni distinctidne facliuii est,
ut Doniinus ipse humililateni assumptfo
humauilatisproiiteatur; discipulus excel-
Jentiam diviiiae œternitatis ostendat.
HiLAR. {ut sup.) Diguum autem con-
fessio Pétri praeujium consecuta est, quia
Dei Filium in liomine vidisset : unde se-
quitur : « Respondens autem Jésus dixit
ei : Beatus es, Simon Barjoua, quiacaro
et sanguis non revelavit tibi. » Hier.
Reddit euim Christus Apostolo vicem
pro testimonio quod de se dédit Petrus:
dixerat : « Tu es Christus Filins Dei
vivi : » Dominus autem dixit ei :
« Beatus es, Simon Barjona : » qnare?
quia « non revelavit tibi cai'o et sanguis,
sed revelavit Pater. » Quod caro et san-
guis revelare non poluit, Spirilus saucti
gratia revelatum est. Ergo ex confessione
sorlitur vocabulum, quod revelationem
ex Spirilu sancto liabeat, cujus et filius
DE SAINT MATTHIEU, CHAI». XVI.
397
l'Esprit saint, à qui il devait cette révélation ; car dans notre langue,
Barjona veut dire fils de la colombe. Quebiues-uns l'entendent
simplement en ce sens que Simon (c'est-à-dire Pierre), était fils
de Jean, d'après cette question que le Sauveur lui adressa dans un
autre endroit : « Simon, fils de Jean, m'aimez-vous? » lis pré-
tendent que c'est par une erreur des copistes qu'au lieu de Bar-
joanna, c'est-à-dire : fils de Jean, nous lisons Barjona, avec une syl-
labe de moins. Or, Joanna signifie grâce de Dieu , et ces deux noms
peuvent recevoir une interprétation spirituelle, c'est-à-dire que la
colombe représente le Saint-Esprit, et la grâce de Dieu, les dons spi-
rituels.
S. Chrys. {hom. 54.) Il eût été inutile de dire : Vous êtes le fils de
Jona, ou de Joanna , si le Sauveur n'avait eu l'intention de montrer
que le Christ est aussi naturellement le Fils de Dieu que Pierre est fils
de Jona, c'est-à-dire de la même substance que celui qui l'a en-
gendré.
S. JÉR. Comparez ces paroles : « Ce n'est point la chair ni le sang
qui vous l'ont révélé, » à ces autres de l'Apôtre : « Aussitôt j'ai cessé
de prendre conseil de la chair et du sang {Gai., i); ce sont les Juifs
qu'il veut désigner sous le nom de la chair et du sang , et nous y
trouvons une preuve que dans cet endroit , ce n'est point par la doc-
trine des pharisiens, mais par la grâce de Dieu, que le Christ, Fils de
Dieu, a été révélé à Pierre. — S. Hil. Ou bien dans un autre sens,
Pierre est heureux parce qu'il a eu le mérite d'étendre ses regards au
delà de ce qui est humain, et que sans s'arrêter à ce qui venait de la
chair et du sang, il a contemplé le Fils de Dieu par un efl"et de la ré-
appellandus sit : siquidem Barjona in
liugua nostra sonat Films coiumbx.
Hier. Alii simpliciter accipiunt , (piod
Simon (scilicet Petrus) filins sitJoannis,
jnxta alterins loci interrogalionem :
« Simon Joannis, diligis me » {.[oan.2\),
et volunt scriptornm vitio depravatum,
ut pro Barjoanna (id est, filius Joannis)
Barjono scriptum sit, uua detracta f^yl-
laba : Joanna vero iutei'pretatur Del
grutia : utrumque autem nomen niys-
tice intclligi polest ; quod , et colu.mbu
Spiritum sanctum, et gratta Dei douum
significet spirituale.
Chrys. [ut sup.) Vanum autem esset
dicere : « Tues filius Jonfp,vel Joamia; »
nisi ut osteudat quoniam ita naturaliter
est Christus Filius Dei, sicut Petrus ti-
lius Jonfe, ejusdem substantiœ cum eo
qui genuit.
Hier. Hlud autem quod ait : « Quia
caro et sanguis non revelavit » tibi,
apostolicse nai-rationi compara, in qua
ait {ad Galat. \) : a Continuo non ac-
quievi carni et sauguiui ; » carnem ibi et
sanguinem Judœos siguificans : ut hic
quoque sub alio sensu dcmonstretur,
quod ei, non per doctriuam phari-
sa^orum, sed per Dei gratiam Christus
Dei Filius revelatus sit. Hilar. [ut svp.)
Vel aliter : beatus hic quia ultra huma-
num oculos intendisse et vidisse lauda-
tus est, non id quod ex carne et san-
guine est contuens, sed Dei Filium cœ-
lestis Pafris revelatione conspiciens,
diguusque judicatus, ut primas aguos-
398 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
vélatioii divine, et a été jugé digne de reconnaître le premier que la
divinité était dans le Christ.
Orig. {traité 1 sur S. Matth.^ 46.) C'est ici le lieu de demander si,
lorsque le Sauveur envoya ses disciples prêcher l'Evangile, ils savaient
déjà qu'il était le Christ, car d'après ce passage , Pierre confesse ici
pour la première fois que le Sauveur était le Christ , le Fils du Dieu
vivant. Comprenez donc , si vous le pouvez , que c'est une grâce bien
moindre de croire «pie de connaître que Jésus est le Christ , et nous
dirons alors que lorsqu'il envoyait ses disciples prêcher l'Evangile, ils
croyaient qu'il était le Christ, mais qu'ensuite ils arrivèrent jusqu'à le
connaître. Ou bien nous répondrons que les Apôtres n'avaient alors
que le commencement de la connaissance du Christ et que cette con-
naissance était très-restreinte, mais qu'ensuite ils firent tant de progrès
dans cette connaissance,, qu'ils comprirent ce que le Père avait révélé
du Christ, comme Pierre, que Jésus proclame bienheureux, non-
seulement pour avoir dit : « Vous êtes le Christ, » mais surtout pour
avoir ajouté : « Le Fils du Dieu vivant. »
S. CiiRYS. {hom. 54.) Or, si Pierre n'avait pas confessé que le Christ
est réellement né du Père, il n'aurait pas eu besoin de révélation , et
il n'aurait pas été proclamé bienheureux pour avoir cru que le Christ
était un des nombreux enfants adoptifs de Dieu. En effet, bien aupa-
ravant, ceux qui étaient dans la barque lui avaient dit . « Vous êtes
vraiment le Fils de Dieu » {Matth.^ xiv); Nathanaël lui-même lui avait
dit : « Maître, vous êtes le Fils de Dieu. » {Jean, i.) Cependant ils n'ont
pas été déclarés bienheureux, parce qu'ils n'ont pas confessé la même
filiation que Pierre. Ils croyaient que le Christ était semblable à beau-
ceret quod Divinitas esset in Christo.
Orig. [Tract. 1 in. Matth. 16, utsvp.)
Est autem iu hoc loco quocreudum ,
utrum cuin prius iiiitterentur, jam co-
guoscebaul discipuli quouiam ipse crat
Chrislus : hic cuiui sermo dcmonstrat,
quoniam tune prinnun confessus fuerit
eumPelms «Christum Fihum Dei vivi :»
et vide si potes quoniam credere Jesuni
esse Ghrislum minus est, quam cognos-
cere ; ut dicamus quod quando mitte-
bantur ad prœdicandum, credebaut qul-
dem Jesum esse Chrislum ; poslea au-
tem proticientes eliam cognoveruul. Aut
ita est respondendum, ut dicamus quo-
niam tune (juidem apostoU initia cogni •
tionis habebant Ghrisli, et exigua co-
gnoscebant de iilo, postea autem prole-
cerunt in agnitionem ipsius, ut possent
capere sententiam Christi revelatam a
Paire, sicut et Petrus, qui beatificatur,
non sohim in eo quod dicit : « Tu es
Ghristu?, » sed in eo magis quod addi-
dit, « Filius Dei vivi. »
Chrys. {lit Slip.) Nimirum autem si
non confessus esset Petrus, Christum
proprie ex Pâtre natum, non esset hic
revehitione opus, neque aestimare Chris-
tum uuum ex multis filiis adoptivis beati-
tudiue dignum esse : nam et ante hoc
ilU qui erant in navi, dixerunt [Matth.
14) : « Vere Filius Dei es : » sed et Na-
liianael dixit {.loan. 1) : « Rabbi, tu es
Filins Dei : » non tamen beuti dicti sunt,
quia non talem confessi sunt filiationem ,
qualem Petrus : sed uuum ex multis
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVI. 399
coup d'autres, mais non pas qu'il fût le Fils de Dieu ; ou bien s'ils lui
reconnaissaient une supériorité réelle sur tous les autres , ils ne le re-
gardaient cependant pas comme étant né de la substance même du
Père. Vous voyez donc comme le Pcre révèle le Fils , et comment le
Fils révèle le Père ; car on ne peut connaître le Fils que par le Père,
comme on ne peut connaître le Père que par le Fils , ce qui établit
clairement que le Fils est consubstantiel au Père , et doit recevoir les
mêmes adorations. Or, Jésus prend occasion de cela pour enseigner à
ses Apôtres que plusieurs croiront un jour ce que Pierre vient de
confesser : a Et moi, je vous dis que vous êtes Pierre, et que sur cette
pierre je bâtirai mon Eglise. » — S. Jér. C'est-à-dire parce que vous
avez fait cette confession de foi : « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu
vivant, » moi je vous dis non point par un discours vain et sans objet,
mais je vous dis (car pour moi, dire c'est faire) : « Vous êtes Pierre. »
De même que précédemment lui qui est la véritable lumière avait
donné à ses Apôtres le nom de lumière du monde et d'autres noms
figuratifs; ainsi il a donné le nom de Pierre à Simon, qui croyait que
Jésus-Christ était la pierre par excellence. — S. Aug. {de l'accord
des Evanr/., ii, 53.) Il ne faut pas croire cependant que ce fut dans
cette circonstance que Pierre reçut son nom ; ce nom lui fut donné
dans une autre circonstance rapportée par saint Jean, alors que Jésus-
Christ lui dit : « Vous vous appellerez Géphas , » te qui veut dire
Pierre.
S. Jér. C'est en suivant cette métaphore de la pierre que le Sau-
veur lui dit : C'est sur vous que je bâtirai mon Eglise , comme il l'a-
joute en effet : « Sur celte pierre, je bâtirai mon Eglise. » — S. Chrys.
{hom. 54.) C'est-à-dire, sur cette foi et sur cette confession, je bâtirai
k
eum aestimabant, uoa vere Filium ; vel
et si praecipuum quidem prae multis,
non autem ex substantia Patris. Vides
autem qualiter et Filium révélât Pater,
et Patrem Filius : non enim ab alio est
discere Filium quaiu a Pâtre, nec ab
alio Patrem quam a Filio : quare et hic
manifestum est quod Filius est con-
substautialis et coadorandus Patri. Os-
tendit autem Christus exbinc jam mul-
tos illud credituros quod fuerat Petrus
confessus : unrje subdit : « Et ego dico
tibi quia tu es Petrus, et super banc pe-
tram a'dilicabo Ecclesiam , » etc. Hier.
Ac si dicat : « Quia tu mihi dixisti : Tu
es Christus Filius Dei vivi , et ego dico
tibi, non sermone casso, et nullum opus
babeute , sed dico tibi ( quia meum
dixisse, fecisse est). Quia tues Petrus; »
sicut enim ipse lumen apostolis donavit
ut lumen mundi appellentur, et cœtera
qu.Te a Domiai sortiti vocabula sunt : ita
et Simoni qui credebat io petram Gbris-
tum, Pétri largitus est nomeu. AuG. [de
Con. Evang. bb. ii, cap. 53.) Nullus ta-
men arbitretur quod bie Petrus nomen
acceperit : non enim accepit hoc no-
men, nisi ubi Joannes commémorât ei
diclum esse (cap. 1) : « Tu vocaberis Ce-
pbas, quodiûterpretatur Petrus. »
Hier. Secundum autem metapboram
petra?, recte dicitur ei : « /Edificabo
Ecclesiam mearn super te : » et hoc est
quod sequitur : « Et super banc petram
œdifieabo Ecclesiam meam. » Chrys.
{%U sup.) Id est, « in bac fide et confes-
400
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
mon Eglise. Nous apprenons de là (ju'un grand nombre croiront ce
que Pierre vient de confesser, oA il élève en même temps son intelli-
gence et lui donne la charge de suprême pasteur. — S. Adg. {Liv. de
Retract., \, 21.) J'ai dit dans un certain endroit (1), de l'apôtre saint
Pierre, que l'Eglise avait été bàlie sur lui comme sur la pierre; mais
je me rappelle avoir plus tard expliqué cette parole : « Vous êtes
Pierre, et sur cette pierre je bâtirai, » etc., en ce sens que d'après
ces paroles du Sauveur, l'Eglise est bâtie sur celui que Pierre a
confessé en ces termes : « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant. »
De cette manière, l'Apôtre aurait reçu son nom de cette pierre et il
représenterait l'Eglise qui est bâtie sur cette pierre. En effet, le Sau-
veur ne lui dit pas : Vous êtes la pierre (petra), mais « Vous êtes
Pierre » (Petrus) ; la pierre, c'était le Christ (I Corinth., x) dont
Simon a confessé la divinité, comme toute l'Eglise le confesse, et c'est
pour cela qu'il a reçu le nom de Pierre. Le lecteur peut choisir entre
ces deux opinions celle qui lui paraîtra la plus probable.
S. HiL. Dans ce nouveau nom donné au prince des Apôtres, nous
trouvons un présage heureux de la solidité des fondements de l'Eglise
et une pierre digne de cet édifice qui devait briser et réduire en
poudre les lois et les portes de l'enfer et tous les cachots de la mort ,
et c'est pour montrer la force de l'Eglise bâtie sur cette pierre que
Jésus ajoute : « Et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre
elle. » — S. Jér. Les portes de l'enfer sont, à mon avis , les vices et
les péchés des hommes, ou du moins les doctrines des hérétiques qui
séduisent les hommes et les entraînent dans l'abime.
(1) C'était dans la lettre contre Donat, comme saint Augustin l'indique lui-même; mais noua
n'avons plus acluellement cette lettre.
sione œdifieabo Ecclesiam meam. » Hinc
ostenditmultosjam credituros illudquod
Petrus coiiferisus fiierat; et erigit ejus
sensum, el Pastoreni ipsuiu facil. AuG.
[in Lib. Retruct. lib. i, cap. 21.) Dixi iu
quodain loco do apostolo PeLro, quod in
illo (tauquam iu petra) aidificata est Ec-
clesia ; sed scio me postea ; a'pissiine sic
exposuisse quod a Ûouiino diclum est :
« Tu es Petrus, et super luiuc petram
aediticabo, » etc.,ut sui)er iiaiic iiUellige-
retur quem coiifessus est Petrus, diceiis :
« Tu es Chri-,tus Filius Dei vivi, » ac si
Petrus ab bac p(>tra appeliatus, persuuaui
Ecclesia; tiguraret, qua; super banc pe-
tram aidilicatur : non euim dictum est
iili : « Tu es petra, sed, tu es Peirus : »
petra autem erat Cbristus (I Cor. 1(1)
quem coufessus Simon, sicut eum tota
Ecclesia confîtetur, dictas est Petrus :
barum autem duarumsententiarum,qua3
sit probabibor eligat lector.
IliLAR. {tU sup.) Est autem iu nuu-
cupatione novi nominis felix Ecclesiœ
fundameutum , dignaque aediticatione
illius petra, qua^ infernales leges etTar-
tari portas et omuia mortis claustra dis-
solveret : uude ad osteudeud.im tirmila-
tem Ecclesite supra petram fuudata-, ^ub-
ditur : « Et portai inferi nou pra»vale-
bunt adversus eam. » Glossa. [interlin.)
M Id est, non separabunt eam a cbaritate
luea et tide. » Hier. Ego portas iiifcri
vitii reor atque peccata : vel cerle bic-
reticorum doctrinas per quas illecli bo-
ulines ducuulur ad Tarlarum.
I)K SAINT MATTHIEU, CHAI». XVI.
401
Orig. Tous les esprits de malice répandus dans les airs sont aussi
les portes de l'enfer auxquelles sont opposées les portes de la jus-
tice (1). — Rah. Les portes do l'enfer sont encore les tourments et les
séductions que mettent en usage les persécuteurs. Ce sont aussi les
œuvres mauvaises des incrédules , et leurs discours absurdes , parce
qu'ils l'ont connaître le chemin de la perdition. — Orig. Notre-Sei-
gneur ne précise pas si c'est contre la pierre sur laquelle le Christ a
bâti son Eglise ou si c'est c'est contre l'Eglise elle-même, bâtie sur
la pierre, que ces portes de l'enfer ne prévaudront pas. Mais il est évi-
dent qu'elles ne prévaudront ni contre la pierre, ni contre l'Eglise.
— S. GïR. D'après cette promesse du Seigueur, l'Eglise apostolique,
placée au-dessus de tous les évoques, de tous les pasteurs , de tous les
chefs des EgHses et des fidèles, demeure pure de toutes les séductions
et de tous les artifices des hérétiques dans ses pontifes , dans sa foi
toujours entière et dans l'autorité de Pierre, Tandis que les autres
Eglises sont déshonorées par les erreurs de certains hérétiques, seule
elle règne, appuyée sur des fondements inébranlables, imposant
silence et fermant la bouche à tous les hérétiques ; et nous, si nous ne
sommes ni égarés par une téméraire présomption de notre salut, ni
enivrés du vin de l'orgueil, nous confessons et nous prêchons en union
avec elle la règle de la vt-rité et de la sainte tradition apostolique. —
S. Jér. Qu'on ne s'imagine pas que ces paroles doivent s'entendre en
ce sens que les Apôtres n'ont pas été soumis à la mort, quand on sait
la gloire éclatante de leur martyre. — Orig. Et à nous aussi il sera
dit : « Vous êtes Pierre. » Aussitôt que nous aurons confessé que
(l) Allusion à ce que saint Paul dit des esprits de malice au chapitre vi de son épitre aux
Ephésiens, et à ces paroles du Psalmiste : « Ou-vrez-nioi les portes de la justice. » (Ps, cxvii, 19.)
Orig. {ut sup.) Sed et sinirulœ spiri-
luales nequitife in cœlestibus portse siint
iuferoruin, ([uibus contrariantur portae
justitifc. Wah, Porlœ quoque/H/erJ. eliara
toruienta et blandiiuriiita sunt persecu-
toruin; scd et prava infidelium opéra
ineptaque colloquia poriœ sont inferi,
quia iter perdilioiiisosteudnn . Orig. {ut
sup.) Non auteni expriniit ut -uni petrae
non praivalebuutj in qiia tcdi ical Cbris-
tus Ecclcsiam, aut Ecclesiae quani œdi-
ficat supra petram : tamen laanifestuiu
est, quia uec adversus pelrain, nec ad-
versus Ecclesiam, portée prtEvaleut iufe-
rorum. Cyril, (in iib. Thesavri.) Secun-
dum autem banc Domini promissionem
Ecclesia apostoUca Pelri ab omni seduc-
tione beereticaque (ùrcumveutione mauet
TOM. U.
inimaculata super omnes praeposiitos et
episcopos, et super omnes primates Ec-
clesiaruni et populorum in suis pontifi-
cibus, in fide plenissima et auctoritate
Pétri. Et cum alise Ecclesiae quorumdam
errore sint verecuudatœ, stabilita In-
quassabiliter ipsa sola régnât, silentium
imponens, et omnium obturans ora bae-
reticorum; et nos uecessario salutis non
decepti superbia, neque vino superbiae
inebriati, lypum veritatis et sanctœ apos-
tolicse traditionis una cum ipsa coufi-
temur et praedicamus. Hier. Neuio au-
tem putet boc de morte dici, quod apos-
toli conditioni mortis subjecti non fue-
rint, quorum martyria videat coruscare.
Orig. (utsiq).) Si ergo et nos (Pâtre no-
bis révélante, qui est in ccelis, quaudo
26
402
EXPLICATION' DE L ÉVANGILE
Jésus-Christ est le Fils du Dieu vivant par un effet de la révélation du
Père qui est dans les cieux, c'est-à-dire lorsque nous-mêmes nous
vivrons déjà pour ainsi dire dans le ciel. Car la pierre, c'est tout
fidèle imitateur du Christ ; mais celui contre lequel prévalent les
portes de l'enfer n'est ni la pierre sur laquelle le Christ bâtit son
Eglise , ni cette Eglise , ni aucune partie de cette Eglise , dont le Sei-
gneur asseoit les fondements sur la pierre.
S. Chrys. {hom. 5i.) Le Sauveur donne ensuite une autre préroga-
tive à Pierre, en ajoutant : « Et je vous donnerai les clefs du royaume
des cieux. » C'est-à-dire : De même que mon Père vous a fait la grâce
de me connaître _, je vous accorderai aussi une faveur particulière,
c'est-à-dire les clefs du royaume des cieux. — Bab. Celui qui a reconnu
et confessé le roi des cieux avec plus d'ardeur que tous les autres
reçoit aussi d'une manière jîlus particulière que tous les autres les
clefs du royaume des cieux , afin qu'il fût bien démontré pour tous
que sans cette confession et sans cette foi , personne ne peut entrer
dans le royaume des cieux. Les clefs du royaume des cieux sont la
puissance et le droit de juger : la puissance, pour lier et délier, le
pouvoir de juger, de discerner ceux qui sont dignes et ceux qui ne le
pas. — La Glose. « Et ce que vous lierez, » c'est-à-dire celui que vous
aurez jugé indigne d'absolution pendant sa vie, en sera jugé indigne
devant Dieu lui-même. « Et ce que vous aurez délié , » c'est-à-dire
celui que vous aurez jugé digne d'être absous ici-bas, recevra de Dieu
la rémission de ses péchés. — Orig. Voyez quelle grande puissance
a été donnée à cette pierre sur laquelle l'Eglise est bâtie ; ses juge-
ments, sont irrévocables, comme si Dieu lui-même les avait prononcés
scilicet conversatio noslra in cœlis est
(Philip., 3), confessi fuerimus Jesum
Chrislum esse Filiuin Dei vivi, et nobis
dicetur : « Tu es Petrus, » etc. Petra
enim est oninis qui imitator est Christi ;
adversus quem autem porlœ prœvaleut
inferorum, ille neque pelra dicendus est
supra quam œdificat Cliristus Ecclesiam;
neque Ecclesia, neque pars EcclesiSj
quam Christus œdificat supra petram.
Chrys. (:ut s«/).)Deinde et alium Pétri
dicit honorem, cum subditur : « El tibi
dabo claves reiiui cœlorum : >> quasi di-
ceret : Sicut Pater dédit tibi me cofïuos-
cere, ita et ego aliquid dabo, scilicei
claves regni cœlorum. Rab. Qui enim
Rçgem cœlorum majori prœ caeteris de-
votioae confessus est, merito prœ cœle-
ris ipse coUatis clavibus regai cœlestis
donatus est ; ut constaret omnibus quia
absque ea confessione ac fide regnum
cœlorum nuUus posset intrare. Claves
autem regni cœlorum ipsam discretio-
nem et potentiam nominat; potcnticnn
qua ligat et solvat ; discrelioncm qua
dignos vel indignos discernât. GLOSSJi.
[intérim.) Unde sequilur : « Et quod-
cumque ligaveris , » id est, quemcum-
que indignum remissione judicaveris dum
vivit, iudiguus apud Deum judicabitur.
« Etquodcumque solveris, » id est, quem-
cumque solveudum judicaveris dum vi-
vit, remissionem peccatorum conseque-
tur a Deo. Orig. {ut nup.) Vide autem
quautam polestatem liabet petra super
quam œdilicabitur Ecclesia, ut ejus etiam
judicia maueaut firma, quasi Dec judi-
cante per eam. Chrys. («^ sup.) Vide
DR SAINT MATTHIEU, THAÏ'. XVI. 403
par sa bouche. — S. Ghrys. {hom. M.) Voyez aussi comme Jésus-Christ
inspire à Pierre une haute idée de sa personne : il promet de lui don-
ner ce qui n'appartient qu'à Dieu seul, c'est-à-dire le pouvoir de re-
mettre les péchés et de rendre l'Eglise immuable au milieu de toutes
les tempêtes, des persécutions et des souÛrances.
Rab. Quoique le Seigneur paraisse donner exclusivement à Pierre
ce pouvoir de lier et de délier, il l'accorde également aux autres
Apôtres (1) et maintenant encore à toute l'Eglise dans la personne des
évêques et des prêtres ; mais Pierre a reçu d'une manière pkis parti-
culière les clefs du royaume des cieux et la primauté du pouvoir judi-
ciaire, afin que tous les fidèles répandus dans l'univers comprennent
que du moment où, de quelque manière que ce soit, on se sépare de
l'unité de la foi ou de la société de Pierre, on ne peut être délivré des
liens du péché, ni voir ouvrir devant soi les portes du royaume du
ciel.
La Glose (1). Notre-Seigneur a donné d'une manière particulière
ce pouvoir à Pierre pour nous inviter à l'unité; il l'a établi prince des
Apôtres afin que l'Eglise eût au-dessus de tous les autres un seul
vicaire de Jésus-Christ , auquel tous les membres de l'Eglise pussent
recourir si la division venait à s'introduire parmi eux ; s'il y avait
plusieurs chefs dans l'Eglise , le lien de l'unité serait rompu. Quel-
ques-uns prétendent qu(i celte expression : « Sur la terre » signifie
que ce pouvoir de lier et de déher ne lui a été donné que sur les
vivants et non sur les morts , car celui qui exercerait ce pouvoir sur
les morts ne l'exercerait pas sur la terre.
(1) Voyez Matth., xviii, 18.
(2) Ce passage se trouve dans saint Anselme, mais les deux parties de la citation y sont inter-
verties.
autemqualilerChrislusredncitPetriuii in
excclsam de ipso iiiteiligentiaiu. Hœc
enim ei se proiniltit datuiniin, quœ sunt
prnpria Dei solius , scilicet peccata sol-
vere , et Ecclesiani iiumutabilem fa-
cere inter tôt persecutionum et tenta-
liouum procellas.
Rab. Hiec aulem liiiandi atque solven-
di potestas quamvis soli Petro data vi-
deatur a Domino, tamen et ca-teris
apostolis datur ; necuou eliani mine in
episcopis ac presbyteris, omni Ecclesiae :
sed idée Pefrus specialiter claves regni
cœlorum et principatum judiciarise po-
testatis accepit, ut omues per orbem
credentes intelligant, quia quicumquc
ab unitate fidei vel societatis illius quo-
libet modo semetipsos sepiregant, taies
née vinclis peccatorum absolvi, nec ja-
nuam possunt ve^sm cœlestis ingredi.
Glossa. Specialiter etiam eam Petro
coûcesiit, ut ad unitateni uos invitaret .•
ideo enim eum principem apostolorum
eonstituit, ut Ecclesia uuum principalem
Chriàti haberet vicarium, ad quem di-
versa membra Ecclesite recurrerent, si
forte inter se dissentireut. Quod si di-
versa capita essent in Ecclesia, unitatis
vinculum rumperetur. Quidam autem
dicunt quod ideo dicit, 'super terrain ;
non enim data est potestas hominibus
ligaudi vel solvendi mortuos, sed vivos.
Qui autem mortuos solveret vel ligaret
non super terram hoc faceret.
404
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
CoNC. DE Constant. (1). Comment s'en trouve-t-il qui osent dire que
ce pouvoir ne doit s'exercer que sur les vivants? Ignorent-ils donc
que la sentence d'anathème n'est autre chose qu'une sentence de sépa-
ration? On doit toujours éviter tout commerce avec ceux qui sont
esclaves de crimes énormes, qu'ils soient du nombre des vivants ou
parmi les morts, car on doit toujours se séparer de ce qui est coupable
et nuisible. D'ailleurs nous avons d'Augustin, de pieuse mémoire, et
qui jeta un si vif éclat parmi les évoques d'Afrique _, plusieurs lettres
où il enseigne qu'il faut anathématiser les héréti(iues même après
leur mort. Les autres évoques d'Afrique ont conservé cette tradition
ecclésiastique , et la sainte Eglise romaine elle-même a anathématisé
aussi quelques évèques après leur mort, quoique leur foi n'eût pas été
incriminée pendant leur vie.
S. Jér. Quelques évèques et quelques prêtres qui n'ont pas l'intelli-
gence de ce passage, affectent en quelque sorte d'imiter la conduite
orgueilleuse des pharisiens en condamnant les innocents et en s'ima-
ginant qu'ils peuvent absoudre les cou])ables, lorsqu'ils devraient
savoir que Dieu tient compte non tant de la sentence des prêtres que
des dispositions des coupables. Nous lisons , dans le passage du Lévi-
tique qui ordonne aux lépreux de se présenter devant les prêtres
(chap. 13 et 14), que, s'ils sont atteints de la lèpre, ils soient alors
déclarés impurs par le prêtre , non pas que ce soient les prêtres qui
les rendent lépreux et impurs, mais parce qu'ils connaissent les carac-
tères qui distinguent le lépreux de celui qui ne l'est pas, celui qui est
pur de celui qui est impur. De même donc que dans l'ancienne loi le
(1) C'est le deuxième concile de Conslantinople et le cinquième œcuménique, session viii. On
trouve quelques parties de cette citation dans les Décrets, caus. 24, quest. 2, chap. Sane pro-
fertur, etc.
Ex SENTENT. CONSTANTINOPOL. CONCILII.
Quomodo autem praesumunt quidam di-
cere de vivis tantummodo haec dicta
esse '^ An ignorant, quia judicium ana-
thematis nihil est aliud quam separatio ?
Evitandi sunt autem illi qui a pessimis
culpis detinentur, sive iu vivis sint, sive
non : a nocecte enim semper resurgere
uecessarium est. Scd et Augustin! reli-
giosaj memoriae, qui inter Africanos
episcopos splenduit, diversai epistolœ re -
citata; sunt, significantes quod oporteret
hœreticos et post mortem anatheuuitiza-
re. Talem autem ecclesiasticam tradi-
iionem et alii Africaui episcopi servave-
runt. Sed et saneta Romana Ecolesia
quosdam episcopos post mortem anallio-
matizavit, licet pro fide iu vita sua uoii
essent accusati.
Hier. Islum locum episcopi et presb}-
teri non intelligentes aliquid sibi de pha-
risœorum assumunt supercUio ; ut vel
damnent innocentes, vel solvere se no-
xios arbitrentur : cum apud Dominum
non sententia sacerdotum , sed reorum
vita quaeratur. Legimus iu Levitico
(cap. 13 et 14) de leprosis , ubi juben-
tur ostendere se sacerdotibus ; ut (si le-
pram habuerint) tune a sacerdole im-
numdi liant : non quod sacerdotes lepro-
sos faciant et immundos, sed quod
liabeant uotitiam leprosi'et non leprosi;
et posseut discernere qui muudus, quive
immundiis sit. Quomodo ergo ibi lepro-
I
liK SAINT MArrHIKU, CHAI'. XVI. 405
prêtre déclarait le lépreux impur , ainsi l'évêque ou le prêtre exercent
le pouvoir de lier et de délier , non pas à l'égard de ceux qui sont
innocents et purs, mais dans ce sens qu'après avoir entendu la con-
fession des diverses espèces de péchés, ils savent quels sont ceux qu'ils
doivent lier et ceux qui méritent d'être déliés.
Orig. Celui donc qui exerce le pouvoir de lier et de délier de ma-
nière à être jugé vraiment digue d'exercer ce pouvoir dans le ciel est
irrépréhensible. Or, les clefs du royaume des cieux sont données aussi
comme récompense à celui qui par ses vertus peut fermer les portes
de l'enfer. » En effet, lorsqu'un homme commence à pratiquer toutes
les vertus chrétiennes , il s'ouvre à lui-même la porte du royaume des
cieux , c'est-à-dire que le Seigneur la lui ouvre par sa grâce , de
manière que la même vertu est tout à la fois la porte et la clef de la
porte. Peut-être même pourrait-on dire que chacune des vertus est le
royaume des cieux.
i'. 20, 21. — Eti même temps il défendit à ses disciples de dire à personne qu'il
fût Jésus le Christ. Dès lors Jésus commença à découvrir à ses disciples qu'il
fallait qu'il allât à Jérusalem, qu'il y souffrît beaucoup de la part des séna-
teurs, des scribes et des princes des prêtres , qu'il y fût mis à mort et qu'il
ressuscitât le troisième jour.
La Glose. Après que Pierre a confessé que Jésus était le Christ, Fils
du Dieu vivant , le Sauveur , ne voulant pas que ses disciples publient
pour le moment cette vérité , leur commande de ne dire à personne
qu'il était le Christ. — S. Jér. Lorsqu'il a envoyé précédemment ses
disciples prêcher l'Evangile, il leur a commandé d'annoncer son avè-
nement. Comment concilier cet ordre avec celui qu'il leur donne ici
sum sacerdos immunduiu facit, sic et
hic alligat vel solvit episcopus, vel pres-
byler, uon eos qui iusontes suut vel in-
noxii, sed pro officio suo cum pecca-
torum audierit varietates, scit qui ligan-
dus sit, qui solvendus.
Orig. (m< sup.) Sit ergo irreprehensi-
bilis qui alterum ligat vel solvit, ut iu-
veniatur dignus ligare vel solvere in
cœlo. Sed et ei qui potuerit virtutibus
portam obstrnore inferoruin, quasi prfe-
mium dantur claves regni cœlorum.
Omues euiui species virlutuiu cum quis
cœperit operari, quasi ipse sibi aperit
portas regni cœlorum : Domino videli-
cet aperiente eam per gratiam suam,
ut inveniatur eadem virtus et porta esse,
et clavis portae. Forsitau autem et uua-
quaeque virtus est regnum cœlorum.
Tune prœcepit discipulis suis, ut nemini dicerent
quia ipse esset Jésus Christus : exinde ccepit
Jésus ostendere discipulis suis, quia oportet
eum ire Hierosolymani, et multa pati a senio-
ribus et scribis, et principibus sacerdotum, et
occidi, et tertia die resurgere.
Glossa. Postquam Petrus confessus
est Christum Filinm Bel vivi, quia uoluil
hoc eos intérim prsedicare, subdit :
« Tune prœcepit discipulis nt nemini
dicerent, » etc. Hier. Sed cum supra
mittens discipulos suos ad praedicandum,
jusserit eis ut annuntiarent adventum
suum, videtur esse coutrarium quod hic
406 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
de ne pas publier qu'il est le Christ. Je crois donc qu'il y a une diffé-
rence entre prêcher le Christ et prêcher Jésus-Christ; le nom de Christ
exprime en général la dignité , celui de Jésus est le nom propre du
Sauveur, — Orig. Ou bien on peut dire que les Apôtres parlaient
très-peu de Jésus et seulement comme d'un homme étonnant et
extraordinaire , mais sans annoncer qu'il était le Christ. Si l'on
prétend que les Apôtres aient publié dès lors cette vérité , il faudra
dire que le dessein du Sauveur était que les Apôtres ne donnassent
d'abord de temps à autre (ju'une légère idée de ce qu'il était^ afin
que dans l'intervalle ces premières notions du Christ eussent le
temps de pénétrer dans l'esprit de leurs auditeurs. Ou bien il faut
résoudre cette difficulté en disant que l'onlre qu'ils avaient reçu
d'annoncer le Christ ne devait être accompli que dans les temps qui
suivirent sa résurrection. La défense , au contraire , qu'il fait ici
aux Apôtres est pour le temps actuel, car il était inutile de prêcher le
Christ sans parLn' de sa croix. Il leur défend donc de dire à personne
qu'il fut le Christ, et cependant il les préparaît à prêcher plus tard
qu'il était le Christ qui a été crucifié et qui est ressuscité d'entre les
morts.
S. Jér. Que personne ne suppose que cette explication n'est que
le fruit de notre invention , car le Sauveur lui-même nous indique
dans ce qui suit les raisons de cette défense : « Dès lors Jésus com-
mença à découvrir à ses disciples qu'il fallait qu'il souffrît, » etc.
Voici le sens de ces paroles : Vous prêcherez mon nom lorsque j'aurai
souflert ces tourments , car il ne servirait de rien d'annoncer publi-
quement le Christ et de faire connaître sa majesté au milieu des
praecepit, ne se dicaut esse /esMWi C//77S- 1 resurrectionem, sed ad tempora post
tum : mihi videlur aliud esse Christian \ futura : liic autem quae mandat ut ne-
prsidicare, aliud Jesum Chl'istum : et
Cliristus commune dignitatis est nomen;
Jésus proprium vocabulum Salvatoris.
OuiG. [ut sup.) Vel tune leviter quidem
mini dicant, tune apostolis eonvenire :
inutile autem est ipsum quidem praedi-
cari, crucem autem ejustaceri. Propterea
prœcipit eis ut nemini dicereut quia ipse
de eo annuntiabant quasi de niagno et est Cliristus ; et prœparabat eos, ut post-
mirabili viro, Christum autem esse eum modum dicant quouiam ipse est Chris-
nondum annuntiabant ; qui autem vult i tus qui cruciiixus est et resurrexit a mor-
etiam Christum eum prœdicatum prius tuis.
ab apostolis, dicet quoniam leviter pnts- Hier. Quod ne quis putet nostrœ tan-
mitterc voluit eos meulionem noniinis tum esse intelligentiae, quod sequitur
sui, ut intérim facto silentio prtedicatio- causas turic prohibilœ praedicationiâ
nis hujus, lioc ipsum quod leviter de exponit. Sequitur enim :« Exinde cœpit
Christo auditum fuerat, digeratur in seu- Jésus ostendere discipulis quia oportet
sibus auditorum. Aut ita est solvenda eum pati, » etc. Estantem sensus : tune
quœstio ut videantur ea quae superius de | me prapdicate , eum ista passus fuero,
annuntiando Christo sunt dicta, non ad \ quia non prodest Christum publice pra>-
tempus perlinere quod fuit ante Christi I dicare, et ejus vuigare in populis majes-
DR SAINT MATTHIEU. CHAP. XVI.
407
peuples qui seraient témoins quelque temps après de sa flagellation et
de sa mort sur la croix.
S. CnRYS. {hom. 5i.) Si on arrache ce qui a déjà poussé des racines
et qu'on veuille le planter de nouveau, il tiendra difficilement dans
l'esprit d'un grand nombre; mais, au contraire, si une vérité qui a
jeté une fois ses racines n'est ébranlée, on lui voit prendre bientôt de
grands accroissements. Or, le Sauveur s'étend longuement sur ces
tristes prédictions pour ouvrir l'intelligence de ses disciples.
Orig. Remarquez que l'Evangéliste ne dit pas : Il commença à
leur dire ou à leur enseigner, mais « Il commença à leur découvrir, »
car de même qu'on découvre et qu'on montre les choses extérieures,
ainsi Notre-Seigneur rend sensibles les choses dont il parle. Or, je suis
persuadé que le mystère de sa passion ne fut pas découvert aussi clai-
rement à ceux qui virent de leurs yeux ses innombrables souffrances,
qu'il le fut aux disciples dans le discours que Jésus leur adresse sur
le mystère de sa passion et de sa résurrection. Et cependant il ne fît
alors que commencer à leur découvrir ce mystère . et ce ne fut que
plus tard , lorsqu'ils furent devenus capables, qu'il le leur développa
dans sa plénitude, car tout ce que Jésus commence il le perfec-
tionne. Il fallait qu'il allât à Jérusalem pour être immolé dans la Jéru-
salem d'ici-bas (dans la Jérusalem terrestre), mais il devait régner
par sa résurrection dans la Jérusalem d'en haut , c'est-à-dire dans la
Jérusalem céleste {GaL, iv); car, après que Jésus-Christ fut res-
suscité et beaucoup d'autres avec lui, ce n'est plus sur la terre , mais
dans le ciel qu'il faut chercher Jérusalem , c'est-à-dire la maison de
la prière. Il a beaucoup à souffrir de la part des anciens de la Jéru-
salem terrestre avant d'être glorifié par ceux qui jouissent de ses
tatem, queni post paululum flagellatum
visuri sunt et cruciiîxum.
Chrys. {ut Slip.) Quod enim semelra-
dicatum est, etpostea evulsum, si iterutu
plantelur difficile retinehitur apud mul-
tos : quod autem iufixum seinel est, et
mansit poslea immobile, facile prove-
hitur ad augmenlum : propter hoc au-
tem immoratur tristibus preedicendis, et
sermonem multiplicat, ut aperiat disci-
pulorum mentes.
Orig. (iil sitp.) Et vide quia non dixit:
« Cœpit dicere vel docere, sed osten-
dere; » quoniam sicut corporalia os-
tendi dicuntur, sic ostendi dicuntur a
Christo ea (]u;e loquebatur. Non autem
sic puto eis qui corporaliter eum multa
patientem viderunt, ostensa fuisse ea quae
videbantur, quomodo discipulis ostensus
est rationabilis sermo de mysterio pas-
sionis et resurrectionis Christi ; et tune
quidem cœpit ostendere : consequenter
autem postea capaeioribus factis plenius
demonstravit, quia omne quod cœpit Jé-
sus, boc perfecit. Oportebat autem eum
ire in Hieiusalem, ut occidatur quidem
in Hierosolymis quae sunt deorsum (vel
in terrena Hierusalem) ; regnet autem
resurgens cœlesti in Hierusalem (quae
sursum est {ad Cal. 4.) Postquam enim
resurrexit Christus, et alii consurrexe-
runt ei, j.im non deorsum quaeritur Hie-
rusalem, vel domus oralionis in ea, sed
sursum. Patitur autem multa a seniori-
bus Hierusalem terren;c ut glorificetur
ab his qui capiunt bénéficia ejus cœles-
408 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
bienfaits, c'est-à-Jiiu les anciens de la Jérusalem céleste (1). Le troi-
sième jour, il ressuscite d'entre les morts et obtient à ceux qu'il a
délivrés du démon la grâce d'être baptisés dans leur esprit, dans leur
àme et dans leur corps , au nom du Père , du Fils et du Saint-Esprit,
de manière que ces trois jours soient perpétuellement présents à la
mémoire de ceux qu'ils ont rendu enfants de lumière.
V. 22, 23. — Et Pierre, le prenant à part, commença à le reprendre, en lui
disant : A Dieu ne plaise, Seigneur, cela ne vous arrivera point. Mais Jésus,
se retournant, dit à Pierre ; Retirez-vous de moi, Satan, vous m'êtes un sujet
de scandale, parce que vous ne goûtez point les choses de Dieu, mais les clioses
de la terre.
Orig. Jésus ne faisait encore que découvrir à ses Apôtres le com-
mencement de ces mystères, que déjà Pierre les regardait comme in-
dignes du Fils du Dieu vivant, et comme s'il oubliait que le Fils du
Dieu vivant ne peut faire aucune action qui mérite le blâme, il ose
le reprendre de ce qu'il vient de dire : « li^t Pierre , le prenant à
part, » etc. — S. Jér. Nous avons souvent rappelé que Pierre fait
preuve d'une ardeur excessive et d'un amour extraordinaire pour le
Sauveur. Or, comme il ne veut pas voir détruit l'effet de sa confession
et de la récompense qu'il en a reçue du Sauveur, et qu'il ne croit point
que le Fils de Dieu puisse être mis à mort , il le prend dans son affec-
tion et le conduit à l'écart pour ne point paraître blâmer son Maître
en présence des autres disciples. Il commence donc à le reprendre par
un sentiment d'amour, et à le contredire en lui disant : « A Dieu ne
plaise, Seigneur. » Ou suivant le texte grec qid est préférable : «Soyez-
(1) Allusion aux vingt-quatre vieillards dont il est parlé dans l'Apocalypse, et qui entourent le
trône de l'Agneau (Apoc, iv, 10 ; v, 8, 19 et 14 ; xai, 16; xix, 4.) Ces vieillards sont lar figure
des dou;e tribus de l'ancienne loi , et des douze apôtres de la loi nouvelle.
tibus senioribus. Tertia autem die re-
surrexit a mortiiis, ut eripieûs amaligno
acquirat eis qui liberati fuerint hoc do-
num ut baptizentur spiritu, et anima, et
corpore, iu uomine Patris, et Filii, et
Spiritus Saucti, qui sunt Ires dies simul
perpétue instauteii eis qui per eus facli
fuerint filii lucis.
Et assumens eum Petrus, cœpit increpare illum,
dicens • Ahsit a te, Domine; non erit tibi hoc.
Qui converxus dMt Peiro : Vade posi me,
Sathana : scandalum es mihi; quia non sapis
ea quœ Dei sunt, sed ea quœ hominum.
Orig. (ut svp.) Adhur initia eorum
quae ostendebaiitur doceusClirislus, Pe-
trus indigna hfec Filio Dei vivi arbitra-
batur; et quasi oblitus quoniam Filiu?
Dei vivi nihil dignum increpatione facit,
aut agit, cciipit iu(_'repare : et hoc est
quod dicitur : « Et assumens eum Pe-
trus,» etc. Hier. Sœpe diximusnimiiar-
dorio amorisque quammaximi fuisse Pe-
trum in Doaiinum Salvatorem. Qui ergo
post confe^siûnem suam et prœmium
Salvatoris quod audierat, non vult des-
trui confesslonem suam, nec putat posse
fieri ut Doi Filius occidatur, assurait
eum in aiîectum suum, vel soparatim
ducit, ne prœseutibus caeteris coudisci-
pulis videatur magistrum arguere : et
coîpit illum increpare amantis afTectu,
et obstans dicere : « Absil a te, Domine.»
Vel ut melius habetur iu graeco : « Pro-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVI. 409
VOUS favorable, cela ne vous arrivera pas (1). » — Orig. (2). Comme
si le Sauveur avait besoin de cette disposition favorable à son égard.
Jésus, tout en acceptant ce témoignage d'affection, lui reproche son
ignorance. « Mais Jésus , se retournant , dit à Pierre : Retirez-vous
derrière moi , Satan. » — S. Hil. Le Seigneur, qui connaît la nature
des artifices du démon , dit à Pierre : « Retirez-vous derrière moi, »
c'est-à-dire suivez l'exemple de ma passion. Il se retourne vers celui
(jui avait suggéré à Pierre les paroles qu'il venait de prononcer, et il
ajoute ; « Satan, vous m'êtes un sujet de scandale, » car il u'est pas
convenable de rapporter à Pierre ce nom de Satan, et de faire tomber
sur lui ce reproche de scandale après les promesses magnifiques de
bonheur et de puissance qui lui ont été faites. — S. Jér. Pour moi,
je ne verrai jamais une suggestion du démon dans l'erreur de l'Apôtre,
erreur qui a pour cause un sentiment d'affection. Que le lecteur pru-
dent veuille bien remarquer que cette béatitude et cette puissance ne
lui sont pas données en ce moment, mais seulement promises pour
l'avenir; car si Jésus lui eût accordé immédiatement cette faveur,
jamais cette grossière erreur n'eût trouvé accès dans son esprit,
S. Ghrys. (Jiom. 54.) Qu'y a-t-il de surprenant que Pierre soit dans
ces dispositions , puisque ce mystère ne lui avait pas été révélé. Vou-
lez-vous être convaincu que la profession de foi qu'il vient de faire à
l'égard du Christ n'est pas le fruit de ses propres pensées? Voyez quel
trouble lui inspire la perspective des choses qui ne lui ont pas été ré-
vélées. Il ne considère tout ce qui a rapport au Christ qu'à un point
de vue tout terrestre et tout humain , et il lui semble que c'est une
(1) "IXewç (TOt, xu(>i£, où \}.-f\ îa-zm doi toOto.
(2) Cette citation portait auparavant le nom de saint Jérôme. Ce saint docteur ajoute aux pa-
roles qui précèdent, en faisant parler saint Pierre : « Mes oreilles ne peuvent entendre que le
Fils de Dieu puisse être mis à mort. »
pitius sis tibi. Domine, non erit tibi hoc. »
Origenes. {iU s^tp.) Quasi necessariam
haboret propitiationem. Cujus affectiim
quidem suscipiens Christus, ignorantiam
exprobrat. Uùde sequilur : « Qui con-
versas dixit Petro : Vade post me, Sa-
taua, )) etc. IIilar. {ut siip.) Scions enim
Dominus diabolica; ai'tis iusliuctum, Pe-
tro ait : « Vade rétro post me , » id est,
ut exemplum suaî passionis sequatur. In
eum vero per quem opinio haec sugge-
rebatur conversus, adjecit : « Satana,
scandahini es mihi : » non enim convenit
existimare Petro Satanœ nomeu et offeii-
sionem scandali deputari, post iudulta
illa beatitudinis et potestatis tanta prs-
ronia. Hier. Sed mihi error apostolicus
de pietatis affectu veuiens, nunquam in-
ceutivum videbitur diaboli. Prudens ergo
lector consideret Petro iliam beatitu-
diuem ac potestatatem in futuro pro-
missam , non in prœsenti datam ; quam
si statim dedisset ei, nuuquam in eo
pravai confessionis eiTor invenissel lo-
cum.
Chrys. [tit snp.) Quid otiam mirabile
est haec pati Petrum qui de his revela-
tionem non suscepit ? Ut enim discas
quod neque illa qua^ de Christo con-
fessus fuerat^ ex se locutus est, vide qua-
liter in his quje non rcvelata sunt ei,
turbationem patiatur : humana enim et
terrestri cogitatione quœ sunt Christi
consideraus, œslimabat turpe et iudi-
i\0
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
honte et une indignité pour le Sauveur d'être soumis aux souffrances
et à la mort , et c'est pour cela que le Sauveur ajoute : « Vous ne
goûtez pas les choses de Dieu, mais celles des hommes. » — S. Jér.
C'est-à-dire c'est la volonté do mou Père et la mienne , que je meure
pour le salut des hommes. Pour vous , vous ne considérez que votre
volonté, vous ne voulez pas que le grain de froment tombe dans la
terre pour produire ])eaucoup de fruits (1), et puisque votre langage
est opposé à ma volonté, vous méritez d'être appelé mon ennemi. En
effet, le mot Satan signifie adversaire ou ennemi. Ce n'est pas cepen-
dant, comme plusieurs le pensent, que Pierre soit frappé de la même
condamnation que Satan. Jésus dit à Pierre : « Retirez-vous derrière
moi, Satan, » c'est-à-dire : Suivez-moi, vous quiètes opposé à ma vo-
lonté. Il dit au contraire à Satan : « Retire-toi , Satan , » sans qu'il
ajoute : derrière, de manière que l'on puisse sous-entendre : va dans
le feu éternel. — Orig. {traité 1 su?' S. Matth.) Jésus dit donc à Pierre :
« Retirez-vous derrière moi, » parce qu'il avait cessé, par son igno-
rance, de marcher à la suite du Christ. Il l'appelle Satan à cause de
cette même ignorance qui l'a mis en opposition avec Dieu. Cependant,
heureux celui vers lequel se tourne le Christ, quand même ce serait
pour le réprimander ! Mais pourquoi dit-il à Pierre ; « Vous m'êtes
un sujet de scandale, » alors que nous lisons dans le Psaume cxviii :
« Une paix abondante est le partage de ceux qui aiment votre loi, et
il n'y a point de scandale pour eux. » Nous répondons que Jésus n'est
pas le seul qui ne puisse être scandalisé, mais encore tout homme qui
a dans le cœur la charité parfaite; et cependant on peut être par ses
(I) «si le grain de froment ne meurt pas, après.qu'oa l'a jeté dans la terre^ il reste seul; mais
quand il est mort, il porte beaucoup de fruit. » [Jean, xii, 24.)
puiim esse ei. quod pateretur : et ideo
Dominus subjecit : « Quia non sapis ea
([Ufe Dei siml, sed ea qure honîiuum. »
Hier. Quasi diceret : Aleœ voluutatis est
et Patris, ut pro bominuin salute mo-
riar; tu tuam tautuin consideransvolun-
tatem, non vis granum tritici cadere in
terram , ut multos afferat fructus ; et
ideo quia contraria loqueris voluntali
meœ, debes adversarius appellari : Sa-
tanas enini interpretatur adversarius
(sive contrarius) ; non tanien (ut pleri-
que putant) eadem Satauas et Petrus
sententia condeuuiatur : « Petro enim
dicilur : « Vade rétro me, Satana, » id
est, « sequere me, qui contrarius es vo-
luutati mea;; » ille audit : « Vade, Sa-
taua, » et non ei dicitur, rétro, ut sub-
audiatur : «Vade in ignem aeternum. »
Orig. [Tractalu 1, in Matth.) Dixit
ergo Petro : « Vade post me ; » quasi
desistenti per ignorautiam ire post Chris-
tum ; Satana autem dixit ei, quasi per
ignorantiam aliquid habenti contrarium
Deo : beatus autem ad quem conver-
titnr Cbristus, etiam si corripiendi causa
convertitur. Sed quare dicit ad Pntrum :
« Scandalum mihi es, » cum in psalnio
dicatur {Psalm. 118) : « Pax multa di-
ligentibus legem tuam, et non est illis
sfandahim? » Sed respoudendum est
quoniam, non soluni Jésus non scanda-
lizatur, sed nec omnis bomo qui in di-
lectione Dei perfectus est, sed quantum
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVI. 411
actions ou par ses paroles un sujet de scandale pour cet homme, bien
qu'il ne puisse en être victime.
Ou bien on peut dire qu'il appelle un sujet de scandale pour lui,
tout fulùlc qui pèche; dans le sens Je saint Paul , qui disait (II Co-
rinth., xi) : « Qui est scandalisé sans que je sois brûlé de douleurs? »
y. 24, 25. — Alors Jésus dit à ses disciples : Si quelqu'un veut venir après moi,
qu'il renonce à soi-même, et qu'il se charge de sa croix, et me suive. Car celui
qui voudra sauver sa vie la perdra; et celui qui perdra sa vie pour l'amour de
moi la retrouvera.
S. Chrys. {hom. 56.) Après que Pierre eut dit au Sauveur ; « Soyez-
vous favorable , cela ne vous arrivera pas, » et qu'il en a reçu cette
réponse *. « Retirez-vous derrière moi, Satan, » Notre- Seigneur, non
content de lui avoir fait ce reproche , veut lui démontrer pleinement
toute l'inconvenance de son langage et les fruits de sa passion : « Alors
Jésus dit à ses disciples • « Si quelqu'un veut venir après moi, » pa-
roles dont voici le sens : Vous me dites : Epargnez-vous, Seigneur,
et moi je vous dis que non-seulement c'est une chose funeste pour
vous de me dissuader de souffrir , mais que vous-mêmes vous ne
pourrez être sauvés sans souffrir et mourir , et sans un renoncement
continuel à votre vie. Remarquez , du reste , qu'il n'impose pas ici de
nécessité. Il ne dit pas : Quand même vous ne voudriez pas, il vous
faut souffrir, mais : « Si quelqu'im veut, » paroles qui étaient pour
ses disciples un attrait bien plus puissant, car en laissant toute liberté
à celui qui vous écoute, vous l'attirez plus sûrement, tandis que vous
l'éloignez davantage si vous lui faites violence. Ce n'est pas, du reste,
ad se qui taie aliquid vel agit, vel loqui-
tur, scandalum est alteri, licet ille scaa-
ilalizabilis non sit.
Aut certe omuem discipulum peccan-
tera scandalum sibi appellat, sicut et
Paulus dicebat (II Corinlli. 2) : « Quis
scandalizatur, et ego non uror ? »
Tune Jésus dixit discipulis suis : Si quis vult post
me venire, abneget semetipsum, et tollat cru-
cem suam, et sequalur me : qui enim rotuerit
animam suatn salvam facere, perdet eam ; qui
autem perdiderit animam suam propter me,
inveniet eam.
Chrys. (in homil. 56, in Malth.)
Postquam Petru» dixerat : « Propitius
esto tihi, nequaquam erit tibi hoc; » et
audivit : « Vade rétro me, Satana, » non
fuit Dominus hac solum increpatione
contentus, sed ex superabundautia voiuit
ostendere inconvenientiam dictorum a
Petro, et fructum suae passiouis : unde
subditur : « Tune Jésus dixit discipulis
suis : Si quis vult post me venire : »
quasi diceret : Tu dicis uiihi : « Propi-
tius esto tibi. » Ego autem dico tibi, quo-
niam, non solum meprohibere a passione
nocivum tibi est, sed neque salvari po-
teris, nisi patiaris, et moriaris, et vilaj
abrenuntie» semper : et vide quod non
coactivum facit scrmonem ; non enim
dixit : « Si nolueritis, oportet vos base
pâli ; sed si quis vult : » hoc autem di-
cens magis altrahebat : qui enim liber-
tati auditorem dimittit, magis attrahit ;
qui vero violeutiam iufert, multoties
412
EXPLICATION DK L EVANGILE
à ses disciples seuls qu'il propose ces conditions , c'est en général à
tout l'univers : « Si quelf^u'un veut, » c'est-ù-dire si une femme , si
un homme, si un roi, si un esclave, etc. Or, ces conditions sont au
nombre de trois : Qu'il se renonce lui-même, qu'il porte sa croix, et
qu'il me suive.
S. Grég. {hom. 32 sur les Evang.) Si nous ne commençons, en
effet, par nous détacher de nous-mêmes , nous ne pouvons nous ap-
procher de celui qui est au-dessus de nous ; mais si nous nous laissons
nous-mêmes, où pourrons-nous aller en dehors de nous? Ou bien,
que devient celui qui s'en va, s'il s'abandonne lui-même ? Happelons-
uous ici que le péché nous a fait déchoir de l'état où Dieu nous avait
créés dans l'origine; nous nous laissons donc nous-mêmes, nous nous
renonçons nous-mêmes lorsque nous évitons ce que nous suggérait le
vieil homme, et que nous tendons vers cette sainte nouveauté à laquelle
Dieu nous appelle. — S. Grég. {hom. 10 sur Ezéch.) On se renonce
encore soi-même quand on réforme sa conduite , et que l'on com-
mence d'être ce qu'on n'était pas en cessant d'être ce qu'on était. —
S. Grég. {Mo)'aL, xxxiii, 6.) C'est encore se renoncer soi-même que
de fouler aux pieds l'enflure de l'orgueil et de se montrer aux yeux
de Dieu tout à fait dépouillé de soi-même.
Orig. {ù'aité 11 sur S. Matth.)Ma.[s quand même nous nous abstien-
drions de tout péché, si nous n'embrassons par la foi la croix de Jésus-
Christ, on ne peut pas dire que nous sommes crucifiés avec lui. —
S. Chrys. {hom. 55.) Ou bien encore, celui qui renonce son frère, ou
son serviteur, ou n'importe quel autre homme , c'est celui qui ne lui
porte aucun secours lorsqu'il le voit déchiré sous les coups de fouets,
ou soumis à d'autres tourments. Ainsi le Sauveur veut-il que nous ne
impedit. Non solis discipulis suis, sed et
communiter hoc dogma orbi terrarum
proponit, dicens : « Si quis vult, » id
est, si millier, si vir, si rex, si liber,
siservus,» etc. Tria autem sunt quee
dicuntur : « Abueget semetipsum, et
tollat crucem suaiu, et sequatur me. »
(!reg. {in. honiil. 32, in. Evanrj.) Quia
nisi quis a semetipso deficiat, ad eum
qui super ipsum est, non appropinquat.
Sed si nos ipsos reliuquimus, (pxo ibi-
mus extra nos"? vol quis est quivadit, si
se desernil ? Sed aliud sumus per pec-
catnm lapsi, aliud per naluram conditi :
timc ergo nosmetipsos reliuquimus et
al)negamiis, fum vitamus quod per vp-
tuslatem fuimus, et ad hoc nitimur
quod per uovitatem vocamur. Gueg.
(super Ezechielem hom. 10.) Semetipsum
etiam abuegat, quicunque mutatur ad
meliora, et incipit esse quod non erat,
et desinit esse quod erat. Greg. {in Mo-
ral, lib. xxxiii, cap. 6.) Semetipsiun
etiam abuegat, qui calcato typho super-
biai, ante Dei oculos se esse a se alienum
demoustrat.
Orig. (Tract. 2 in MattJi.,i6.) Quam-
vis autem videatur aliquis a peccato
abstinere, tamen nisi crucem Christi
crediderit, non potest dici Christo con-
fîxus sive cruci : unde sequitur : « Et
tollat crucem suau). » Chrys. (iit sup.)
Vel ahter : quinegat alium, vel fratrem,
vel lamulum, vel quemcuuque, et si fla-
gellatum viderit, et quodcunque alind
patieutem non assistit, uou adjuval : ita
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVI.
413
mf'magions pas davantago uotre corps , soit qu'cm nous trappe de
verges, soit qu'on nous accable d'autres mauvais traitements; car
c'est l'épargner en réalité, de même que les pères épargnent vérita-
blement leurs enfants, lorsque les confiant aux soins de leurs maîtres,
ils leur recommandent de n'avoir pour eux aucun ménagement. Et ne
croyez pas que ce renoncement à soi-même ne doive s'étendre qu'aux
paroles injurieuses et aux outrages. Notre-Seigneur nous découvre
clairement jusqu'où il faut porter ce renoncement , jusqu'à la mort la
plus honteuse, jusqu'à la mort de la croix, comme il nous l'exprime
par ces paroles : « Qu'il porte sa croix, et qu'il me suive. » —
S. Jér. Il faut suivre le Seigneur en prenant sur nous la croix de sa
passion, et l'accompagner, sinon en réalité , du moins par l'intention
et le désir du cœur.
S. Ghrys. {hom. 55.) Mais comme les voleurs eux-mêmes sont
exposés à de nombreuses et à de rudes épreuves, Notre-Seigneur, ne
voulant pas vous laisssr croire qu'il suffit de souffrir en général, vous
fait connaître la cause pour laquelle vous devez souffrir, en ajoutant :
« Et qu'il me suive. » C'est-à-dire qu'il vous faut tout supporter pour
l'amour de lui , et pratiquer à son exemple toutes les vertus ; car la
seule manière légitime de suivre Jésus-Christ, c'est d'être plein de
zèle pour les vertus , et de tout supporter pour l'amour de lui. —
S. Grég. (hom. 32.) Il y a aussi deux manières de porter sa croix,
lorsqu'on mortifie son corps par l'abstinence, ou lorsqu'on afflige son
âme en compatissant aux misères du prochain. Mais comme les ver-
tus sont toujours entremêlées de quelques vices, il faut nous avouer
à nous-mêmes que la vaine gloire vient quelquefois attaquer la mor-
tification de la chair; car la maigreur extérieure du corps, la pâleur
vult corpori noslro nos non ignoscere,
iitsLflagellaverint, vel quodciinque aliud
feceriut, corpori non parcamus : hoc
enim est parcere , sicut patres tune
ignoscunt filiis, ciun magistris eos tra-
dentés jusseriut ut non parcant. Ne au-
tem sestimes quod usque ad verba tan-
tuin et contuinelias oportet abnegare
seipsum, ostendit usque ad quantum
abnegare seipsum oporteat ; quia usque
ad mortem, etiam turpissimam (scilicet
crucis) quod significat in hoc quod di-
cit : « Et toUat crucem suam, et sequa-
tur me. » Hif.r. {vt svp.) Sequendus
enim est Dominus (Tuce assumpla pas-
sionis sufe; et si non sorte, tamen vo-
luntate comitandus est.
Chrys. (ut sup.) Quia etiam lalrones
multa gravia patiuntur, ut non œstimes
quod passio malorum sufficiat, adjungit
causam patiendi, cum dicit : « Et se-
quatur me ; » ut propter eum omnia sus-
lineas, et alias ejus virtutes addiscas :
hoc est enim sequi Christum ut opor-
tet, diligeutem esse circa virtutes, et pati
omnia propter Ipsum. Greg. {in ho-
mil. 32, ut sup. ) Duobus eliani mo-
dis cru\ toUilur; cum autper abstinen-
tiam afiligitiir corpus, aut per compas-
sionem proximi aflligitur animus. Sed
quia ipsis virtutibus quaedam vitia
juncta sunt, dicendum nobis est quod
abstinentiam carnis uonnunquam vana
gloria obsidot, quia dum lenuitas in cor-
4U
EXPLICATION DE I.'ÉVANGILK
du visage, découvrent la vertu et l'exposent aux louanges des hommes.
D'un autre côté, la compassiou dé^éuère presque toujours secrètement
en une fausse tendresse, qui l'entraîne quelquefois jusqu'à la condes-
cendance pour les vices ; et c'est pour nous faire éviter ce danger
qu'il ajoute : « Et qu'il me suive. » — S. Jér. Ou hion encore, celui
qui est crucifié au monde porte sa croix, et celui pour lequel le monde
est crucifié marche à la suite du Seigneur attaché sur la croix.
S. Chrys. {ho7n. 55.) Notre-Seigneur adoucit par les paroles qui
suivent ce que ce langage pouvait avoir de trop sévère pour ceux qui
l'entendaient; il promet des récompenses supérieures aux peines en-
durées pour sou nom, en même temps qu'il prédit les châtiments ré-
servés à la méchanceté et à la négligence. « Celui qui voudra sauver
sa vie la perdra. »
Orig. Ces paroles peuvent s'entendre de deux manières : pre-
mièrement, si quelqu'un, par affection pour la vie présente , épargne
son âme dans la eraiute de la mort, et parce qu'il croit que cette mort
est la perte de son àme, en voulant sauver son àme de cette manière,
il la perdra, et lui fera perdre tous ses droits à la vie éternelle. Mais
celui, au contraire , qui méprise la vie présente et qui aura combattu
jusqu'à la mort pour la vérité (I), celui-là perdra son âme pour cette
vie, mais comme il la perd pour Jésus-Christ, il la sauve infailli-
blement pour la vie éternelle. Ou bien encore , dans un autre sens :
Si quelqu'un comprend en quoi consiste le salut véritable , et veut
procurer ce salut à son âme, eu se renonçant lui-même, il perd son
âme pour Jésus-Christ, quant à la jouissance des plaisirs charnels; et
(1) «Combattez pour la vérité jusqu'à la mort, » Eccli. , iv, 23, suivant la version grecque; la
Volgate porte : <i Combattez pour la justice. «
pore, dum pallor in vultu respiciLur,
virtus patefacla laudatur. Coinpassionem
vero animi pleruunine lalentor obsidet
pietas falsa, ut liane nonuunquam us-
que ad condesceudeuduiu vitiis pertra-
hat : uude ad hœc excludenda subdit. :
« Et sequatur me. » Hier. Vel aliter :
tollit cruccm suaui, qui muudo cruciG-
gitur : cui autoni niundiis crucilîxus est,
sequitur Doiuiimm crucitixiiin.
Chrys. (ut suj).) Deiude quia yrave
videbalur quod dieluni est per ea (juoe
sequuulur id uiitiLrat, pnemia pouens
superemiuentia laboribus , et lualiliai ,
pœaas : unde sequitur: « Qui eniui vo-
luerit animam suam salvaui lacère, per-
det eain. »
Orig. (m< snp.) Quod dupliciter potesl
intelligi. Primum sic : si qiiis amator
vilœ pra^seutis parcit auimai sua? li-
mens uiori, et putans auiuiaiu suam per
hauc uiorlem perire; isle voleus boc
modo salvare auimam suam, perdet
eaiu ; alienam illam faciens a vita œter-
na. Si quis contemueus vitam prœseu-
tem usque ad morlem pro veritate cer-
taverit, perdet quidem animam suam
quantum ad vitam praesentein; sed quo-
niaui propter Christum perdet eam, ma-
gis eam salvam faciet in vitam aelernam.
Alio modo sic : si quis iulelligit qua? est
vera salus, et acquirere vult eam ad sa-
lutem auiuuesuœ; iste abnegans semet-
ipsum perdit quantum ad voluplates
carnales auimam suam propter Chris-
tum, etperdeus auimam suam hoc modo
DE SAINT MATTHIEU;, CHAP. XVI. 4i5
en perdant son âme de cette manière, il la sauve par les œuvres de
piété. Ct'tte expression : « Celui (jui voudra, » indi(jue que cette pro-
position et celle qui précède n'ont qu'un seul et même sens. Si donc
ce que Jésus a dit plus haut : « Qu'il se renonce lui-même, » doit s'en-
tendre de la mort du corps , nous devons conclure que tout doit s'en-
tendre de cette mort seule. Si, au contraire, se renoncer soi-même c'est
se dépouiller de toute habitude de vie sensuelle , perdre son âme, c'est
vivre entièrement séparé des plaisirs de la chair.
y. 26-28. — Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde et de
perdre son âme? ou par quel échange l'homme pourra-t-il racheter son âme?
Car le Fils de l'homme doit venir dans la gloire de son Père avec ses anges;
et alors il rendra à chacun selon ses œuvres. Je vous dis en vérité qu'il y en
a ici quelques-uns qui n'éprouveront point la mort, qu'ils n'aient vu le Fils
de l'homme venir en son règne.
S. Chrts. {hom. 55.) Notre-Seigneur avait dit : a Celui qui veut
sauver, perdra; et celui qui perdra, sauvera, » mettant ainsi des deux
côtés le salut et la perdition ; mais afin qu'on ne puisse supposer que
le salut et la perdition sont les mêmes dans les deux cas, il ajoute :
« Et que servirait-il à l'homme de gagner le monde entier , et de
perdre son âme. » C'est-à-dire : Ne m'alléguez pas que celui qui a
échappé aux dangers qui le menacent pour la cause du Christ, sauve
son âme, mettez même avec son âme l'univers tout entier, que lui en
reviendra-t-il si son âme vient à périr pour l'éternité? Si vos servi-
teurs étaient dans la joie, sous vos yeux, tandis que vous, au contraire,
vous seriez plongé dans des maux extrêmes , quel avantage vous re-
viendrait-il d'être leur maître ? Appliquez cette considération à votre
salvat eam per opéra pietatis : dicendo
euim : « Qui voluerit, » praecedentem
et sequentem unum sensum esse osten-
(lit. Si ergp quod superius dixit : « Ab-
negel semeptisum, » de morte corporali
dixit, consequentur hoc de sola morte
intelligere debemus dictum esse. Si au-
tem abnegare seipsum est carnalem con-
versationem rejicere, et perdere ani-
mam , est depouere voluptates carna-
les.
Quid enim prodest homini si universum mundum
lucretUT, animœ vero suœ detrimentum patia-
tur? Aut quam dabit homo commutationem
pro anima sua? Filius enim hominis venturus
est in gloria Patris sui cum angelis suis, et
tune reddet unicuique secundum opéra ejus.
Amen dico vobis, svnt rjuidam de hie stanti-
bus, qui non gustabuut mortem, donec vi-
deant Filium hominis venientem in regno
suo.
Chrys. {nt Slip.) Quia dixerat : « Qui
vult salvare, perdet, et qui perdet, sal-
vabit » (utrobique salutem et perditio-
nem ponens), ne aliquis œstimet aequa-
lem esse hinc inde perditioneui et
salutem, subjungit : « Quid enim prodest
homini si universum mundum iucretur,
animae vero suae detrimentum patia-
tur? » Quasi diceret : Ne dicas quod qui
pericula qufe propter Christum immi-
nent, effugerit, salvet animam suam;
sed pone etiam cum anima totum orbem
terrarum; quid ex his erit amplius ho-
mini pereunte anima in perpetuum? Si
enim famulos fuos videas in lœtitia, le
autem in malis ultimis constitutum,
quid lucrareris ex eorum dominio? Hoc
416
EXPLICATION DK I, EVANGILE
âme, puisqu'elle est destinée avec la chair coupable à une perte
éternelle.
Orig. Je pense que c'est gagner le monde que de ne pas se renoncer
soi-même, et de ne pas perdre son âme eu la privant des plaisirs delà
chair, et on perd alors véritablement son âme. Aussi entre ces deux
partis qui nous sont proposcîs, ne devons-nous pas hésiter à perdre
plutôt le monde entier pour gagner nos âmes.
S. GnRYS. {hom. 55.) Mais quand bien même vous régneriez sur
l'univers entier, vous ne pourriez pas racheter votre âme, et c'est pour
cela que le Sauveur ajoute : « Et qu'est-ce que l'homme donnera en
échange de son âme?» c'est-à-dire si vous perdiez vos richesses, vous
pourriez donner d'autres richesses pour rentrer en possession des
premières ; mais si vous perdez votre âme , vous ne pouvez donner ni
une autre âme, ni quoi que ce soit pour la racheter. Qu'y a-t-il d'é-
tonnant qu'il en soit ainsi pour votre âme ? Est-ce qu'il n'en est pas
de même pour votre corps ? Car vous auriez beau placer dix mille
diadèmes sur un corps atteint d'une maladie incurable , ils seraient
impuissants pour le guérir. — Orig. Au premier abord, il semble que
l'homme pourrait donner, en échange de son âme , ses richesses en
les distribuant aux pauvres pour la sauver; mais l'homme n'a rien
qu'il puisse donner en échange pour délivrer son âme de la mort.
Dieu, au contraire, a donné comme prix d'échange pour les âmes des
hommes , le sang précieux de sou Fils. — S. Grég. {hom. 32 sur les
Evang.) Ou bien encore, on peut établir de la sorte la liaison dans le
discours du Sauveur. La sainte Eglise traverse des temps de paix et
des temps de persécution, et pour ces temps si divers, le Rédempteur
etiam in anima tua reputa; cum carne
lasciviente ipsa fuliiram perditionem ex-
pectat.
Orig. {nt sup.) Puto etiam quod mun-
dum lucratur. qui non abnegat semetip-
sum, nec perdit animam suam quantmu
ad voluptates carnales, et ipse facil ani-
mœ suae detrimentum; ideo duobus no-
bis propositis, magis est eligeudum lit
mundum perdamus, et lucremur animas
nostras.
Chrys. {ut sup.) Sed si regnaveris
super universum orbem terrarum, non
poteris animam tuam eniere : unde se-
quitur : « A ut quam dabit liomo com-
mutationem pro anima sua? » Ac si di-
cat : « Divitias si perdideris, poteris dare
divilias alias ail eas redimendas : ani-
mam aulem perdeus , non poteris ani-
mam aliquam dare , sed ueque aliquid
aliud. » Quid autem mirabile est, si ani-
mas hoc contingif? Etenim hoc in cor-
pore videtur contiugere : etsi enim decem
millia diademata corpori iusanabiliter
œgroto circunqiosueris, non curatur.
Oric;. {ut sup.) VA prima qnidem facie
commutatio anima; est in substantia, ut
dei substanliam suam homo pauperibus,
et salvot animam suam : sed puto quod
non babet aliquid homo, quod dans
(quasi commulationem animœ suae) li-
beret eam de morte : Deus aulem pro
aniuiabus hominum dédit in commuta-
tiouem preliosum sanguinem Filii sui.
tiiîF.i;. {in /loin. 32. in J:vang.) Vel ali-
ter potest conlinuari : quia sancla Ec-
clesia aliud habel tempus persecutio-
nis, et aliud pacis, Redemptor nosler se
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVI.
417
nous donne des préceptes différeuts. Dans les temps de persécution,
nous devons sacrifier notre vie, et dans les temps de paix, dompter et
réduire les désirs terrestres qui peuvent nous tyranniser davantage;
c'est pour cela qu'il dit : « Que sert à l'homme ? » etc. — S, Jér.
L'exhortation qu'il vient de faire à ses disciples de se renoncer eux-
mêmes, et de porter leur croix, les a remplis d'efifroi. A cette doctrine
sévère il fait donc succéder des prédictions plus agréables : « Le Fils
de l'homme viendra, dit-il, dans la gloire de son Père avec ses
anges, » etc. Vous craignez la mort? écoutez quelle sera la gloire du
triomphateur ; vous redoutez la croix ? entendez quel sera le ministère
des anges. — Orig. C'est-à-dire : Maintenant le Fils de l'homme est
venu sur la terre, mais ce n'est pas daus la gloire; car il ne convenait
pas qu'il se chargeât de nos péchés, étant environné d'honneur et d»;
gloire. iMais alors il viendra dans toute sa gloire, lorsqu'il aura pré-
paré ses disciples , et après qu'il s'est fait semblable à eux , pour les
rendre semblables à lui, c'est-à-dire participants de sa propre gloire.
— S. Ghrys. Il ne dit pas : Le Fils de l'homme viendra daus une
gloire semblable à celle de son Père, pour ne pas laisser supposer que
ce sont deux gloires différentes , mais : « Dans la gloire du Père, »
montrant ainsi qu'il s'agit absolument de la même gloire. Or, si la
gloire est une, il est évident qu'il n'y a également qu'une substance.
Que craignez-vous donc, Pierre, en entendant parler de mort? Vous
me verrez alors dans la gloire; et si je suis dans la gloire, vous y se-
rez aussi vous-même. Mais cependant à ces prédictions de gloire il
entremêle une pensée effrayante , c'est celle du jugement. « Et alors
il rendra à chacun selon ses œuvres. » — S. Jér. Il n'y a point de
distinction entre les Juifs et les Gentils, entre les hommes et les
femmes , entre les pauvres et les riches, là où l'on tient compte non
ejus tempore distinguit iu prœceptis :
nam persecutionis lempore, pouenda est
anima : pacis *dutem tempore ea qua;
amplius dominari possurit, frangenda
suiit desideria terrena : mide dicitur :
« Quid euim prodest liomini, si, » etc.
Hier. Pruvocali;; aulem discipulis ut ab-
negareut se, et toUerent crucem suam,
grandis fit terror audientium : idcirco
tristibus lœta succedunt,, et dicit : « Fi
lius enim homiuis venturus est iu gloria
Patris sui ciun augelis, » etc. Times
mortem"? audi gloriain triumphautis :
vereris cru(;enr? ausculta augelorum mi-
nisteria. Ork;. {^it sup.) Quasi diceret :
Nunc quidem Filiu,- hominis veuit, sed
non in gloria : non enim decebat eum
iu gloria constitutum peccata Dostra por-
TOM. II.
tare : sed tune véniel in gloria, cum
ante praeparaverit discipulos sues : fac-
tus sicut illi, ut illos faceret (sicut est
ipse) conformes gloriœ suae. Chrys. Non
autem dixit : lu tali gloria in quali est
Pater, ne alterilatem gloriœ suspiceris ,
sed, in (jloria Patris, ut eadem gloria
ostendatur. Si autem gloria una est, ma-
nifestum quod et substantia una est.
Quid ergo times, Petre, mortem au-
diens? Tune me videbis in gloria; si au-
tem ego in gloria, et vos : sed tamen
dicens (/Zor/V/?«. terribilia immiscuit, ju-
dicium in médium introduceus : unde
sequitur : « Et tune reddel unicuique
secundum opéra ejus. » Hier. Non est
enim distinctio Judwi et Gentilis, viri et
muUeris, pauperum et divitum, ubi non
27
418
EXPLICATION DE j/ÉVANGILK
des persomies , mais des œuvres. — S. Chrys. {hom. 55.) Notre-
Seigueur s'exprime de la sorte, pour rappeler aux pécheurs les sup-
plices qui les attendent, et aussi aux justes les récompenses et les cou-
ronnes qui leur sont réservées.
S. JÉR. Les Apôtres pouvaient se scandaliser intérieurement de ces
paroles et se dire en eux-mêmes : Vous nous annoncez une mort éter-
nelle dans un avenir prochain, mais la promesse que vous nous faites
de venir daus votre gloire , ne doit s'accomplir que dans des temps
bien éloignés. Celui qui pénètre les secrets des cœurs, prévoyant cette
objection, oppose à la crainte des maux présents la perspective d'une
récompense prochaine : « Je vous le dis eu vérité , il y en a de ceux
qui sont ici présents, qui n'éprouveront pas la mort avant qu'ils aient
vu le Fils de l'homme venant en son règne. » — S. Chrys. [hom. 55.)
Il veut leur apprendre quelle était cette gloire dans laquelle il doit
venir plus tard, et il la leur révèle en cette vie, autant qu'ils en étaient
capables, afin que la pensée de sa mort ne fût pas pour eux un sujet
de tristesse. — Remi. Cette prédiction du Sauveur eut son accomplis-
sement pour les trois disciples , devant lesquels il fut transfiguré sur
la montagne où il leur découvrit les joies des récompenses éternelles.
Ils le virent venant dans son règne , c'est-à-dire resplendissant de
cette gloire dans laquelle , après le jugement , il apparaîtra aux yeux
de tous les saints (1). — S. Chrys. {hom. 55.) Il ne leur fait pas con-
naître les noms de ceux qui doivent le suivre sur la montagne, car les
autres auraient vivement désiré l'accompagner pour être témoins de
cette manifestation de sa gloire, et auraient soufiert de la préférence
donnée sur eux aux autres disciples. — S. Grég. {hom. 32.) Ou bien
(1) Tous les saints sont pris ici dans le sens collectif. Car même avant le jugement dernier,
chacun de ceux qui ont conservé ou recouvré la pureté de l'âme voient le Fils de Dieu par anti-
cipation.
persoucf;, sed, opéra considerantur.
Chrys. {ut sup. ) Hoc aulem dixit, nou
soluni peccatoribus pœuas commemo-
rans, sedjustis bravia et coroûas.
Hier. Poterat autem apostolorum ta-
cita cogitatio isliusmodi scaudaluni sus-
tinere : « Occisionem et inortera nune
dicis esse futuram; qiiod autem promit-
tis te affuturum in ploria, in tenipora
longa differtur. » Prrevidens ergo occul-
torum cognitor quid possent objicore,
praesentem timorem prœsenti eouipeu-
sat prsemio, dicens : «Aaieu dieu vobis,
sunt de liic stautibus qui nou gustabunt
morteai donei-, videaut Fiiiuui bouiiuis
venienteiu in regno suo, » etc.. Chrys.
{ut sup.) Volens ergo uioustrare (|uid
est illa gloria in qua postea venturus
est, eis in praesenti \'ita revelavit (sicut
possibile erat eos discere), ut neque in
Domini morte jam doleant. Remig. Quod
ergo bic dicitur inipletum est in tribus
discipulis, quibus Dominus transfigura-
tus in monte gaudia œlernse repromis-
sionis ostendit; qui viderunt eum in re-
gno suo venieutem, id est, in ea claritate
l'ulgeutem, in qua, peracto judicio, vide-
bitnr ab omnibus sanctis. Chrys. (uf
sup.) Propter boc autem non praedicil
nomiua eorum qui ascensuri erant in
montem ; quia rebqui valde coueupis-
cerent sequi, exemplum ilUus gloriie vi-
suri, et graviter tulissent velut despeoli.
(iKKG. {in hom. 32 ut sup.) Vel regnum
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVI. 419 .
bien encore, il appelle le royaume de Dieu l'Eglise actuelle ; et comme
plusieurs de ses disciples devaient vivre assez longtemps pour voir
établie cette Eglise que Dieu opposait à la gloire du monde , il leur
fait cette promesse consolante : « Plusieurs de ceux qui sont ici pré-
sents, » etc.
Orig. Dans le sens moral , on peut dire que le Verbe de Dieu (1) a
pour ceux (]ui sont nouveaux dans la foi l'apparence d'un esclave,
taudis ([ue pour ceux qui sont parfaits, il paraît dans la gloire de son
Père. Les anges sont les discours des prophètes qu'il est impossible de
comprendre dans le sens spirituel avant d'avoir l'intelligence spiri-
tuelle du Verbe du Christ, de mauière qu'on les voit apparaître en
même temps dans la majesté. C'est alors qu'il donnera de la gloire à
chacun suivant ses actes, car plus on est vertueux , plus aussi on a
l'intelligence spirituelle de Jésus- Christ et de ses prophètes. Ceux qui
se tiennent où est Jésus sont ceux qui ont jeté près de lui les fonde-
ments de leur âme et de leurs affections. Ceux qui sont plus solidement
assis ne goûtent pas la mort avant qu'ils aient vu le Verbe de Dieu
dans sou règne. Ils verront la grandeur sublime de Dieu qui reste in-
visible pour ceux qui sont enveloppés, dans les épais nuages de leurs
péchés, ce sont ces derniers qui goûtent la mort ; car l'âme pécheresse
est frappée de mort ('2). De même, en effet , que le Christ est la vie et
le pain vivant qui est descendu du ciel, ainsi son ennemi, c'est-à-dire
la mort, est le pain de mort. Il en est qui mangent très-peu de ces
pains, qui ne font que les goûter; d'autres , au contraire, s'en nour-
rissent abondamment. Ceux qui ne commettent que des fautes rares
(1) Le Verbe de Dieu efet pris ici pour le Verbe consubstantiei de Dieu, bien que ue qui suit
puisse se rapporter dans un sens figuré à la parole du Christ.
(2) Il est question ici de la mort spirituelle de l'âme, comme l'explique le contexte.
Dei praesens Ecclesi.a vocatur; et quia
uonnulU ex discipulis ejus usque adeo
iii corpore victuri erant^ ut Ecclesiam
Dei coustructani conspicereut, et contra
liujus uuiûdi gloriam eroctam, consola-
tt>ria promissioiie nunc; dicitur : « Sunt
quidam de hic stantibus. »
Orig. (ut sxip.) Moraliter aulem Ver-
Inim Dei liis qui uoviter iuducuutur ad
tidem, l'ormam habet servi, perfectis
autem venit in Rloria Patris sui. Angeli
autem illius sunt prophetarum scruio-
nes, quos non est possibile ante spiri-
lualiter inlelliiïere, uisi cum spiritualiter
intellectuni fuerit Vorbuni Christi; ut
videantur simul apparere in majestate.
Tune auteui dabit unicuique de gloria sua
secundum actum ejus; quia quanto quis
melior fuerit in actibus suis, tanto spiri-
tualius iutelligit Christum vel prophetas
ipsius. [Et Tr. 3.) Stantes autem ubi stat
Jésus sunt qui fundatas habeut apud
Jesum animœ bases : ex quibus qui me-
lius stant, dicuntur non gustare mortem,
donec videant Verbum Dei, quod venit
in regno suo; videntes eminentiam Dei,
quam videre non possunt (jui diversis
involuti sunt peccatis, quod est mor-
tem gustare. quia peccans anima mori-
tur : sicut euim ipse vita est et panis
vivusqui de cœlo descendit (Joan. 6),
sic et inimica ejus mors panis est mor-
tuus. Ex istis autem pauibus quidam
modicum manducant, tantura gustantes;
quidam autem abundantius : qui enim
rare et modicum peccant, lantummodo
420 EXPLICATION DE l'ÉVANGU.E DE S. MATTHIEU, CHAP. XVI.
et peu nombreuses, ne font que goûter la mort; ceux , au contraire,
qui pratiquent dans leur perfection les vertus spirituelles , ne goûtent
pas la mort, mais se nourrissent continuellement du pain de vie. Ces
paroles : « Jusqu'à ce qu'ils voient, ne précisent pas l'époque après
laquelle doit arriver ce qui n'avait pas encore reçu son accomplisse-
ment ; elles expriment simplement une chose qui se fera nécessai-
rement. Celui, en effet, qui aura une fois vu Jésus dans sa gloire, ne
goûtera jamais la mort.
Rab. Au témoignage du Sauveur , les saints ne font que goûter et
comme etfleurer la mort du corps ; mais la vie de l'âme demeure tou-
jours en leur possession.
gustanl moiicni; qui autem perfectius
susceperunt spirilualem virtutem, non
gustaut eani (seilicel morteui), sed vivo
pane semper vescuntur. Ouod aulem di-
cit, donec videant, non définit tempus;
ut postquam transierit illud, donec, fiât
quod ante non fuerat factum ; sed rem
quce necessaria est, exponit : qui euiui
seiuel videt eum in gloria ejus, jam ne-
quaquani gustabit morlem.
FL\.B. Sanctos aulem mortem gustare
testatur, a quibus mors corporis quasi
libando guslatur; vita vero animœ pos-
sidendo teuetur.
CHAPITRE XVII.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
f. 1-4. — Comment concilier saint Matthieu, d'après lequel la Iransfi'^uration
eut lieu six jours après la promesse, avec saint Luc qui compte huit jours
d'intervalle? — Pourquoi ce retard de six jours? — Pourquoi le Sauveur
prend-il de préférence Pierre, Jacques et Jean? — De qui sont- ils la figure?
Pourquoi les conduit-il sur une haute montagne et à l'écart? — A-t-il perdu
dans la transfiguration sa forme et sa figure ordinaires? — Preuve qu'il a
conservé le corps dont il s'était revêtu. — La gloire des saints doit-elle avoir
le même éclat que le gloire du Seigneur ? — Explication tropologique de la
transfiguration. — Diverses raisons de l'apparition de Moïse et d'Elie. —
Pourquoi Notre-Seigneur opère devant les apôtres ce prodige dans le ciel qu'il
avait refusé aux Scribes et aux Pharisiens? — Sous quelle impression Pierre
propose-t-il au Sauveur de fixer son séjour sur cette montagne? — Quelle était
en cela son erreur ?
y. 5-9. — Que figure cette nuée lumineuse qui couvre et enveloppe les Apôtres?
Pourquoi n'est ce point Moïse ou Elie qui prennent la parole, mais Dieu le
Père? — Pourquoi fait-il entendre sa voix? — Amour qu'il a pour son Fils.
Que signifient ces paroles: Ecoutez-le? — Rapport admirable entre la pre-
mière régénération par le baptême, et la seconde par la résurrection. — Mani-
festation de la Trinité. — Raisons pour lesquelles les apôtres sont saisis de
crainte. — Ils tombent la face contre terre. — Que signifie cette circonstance ?
— Pourquoi ce sentiment de crainte et d'effroi que personne n'éprouva au
baptême de Jésus ? — Comment il rassure ses Apôtres. — Pourquoi il leur
recommande le silence sur ce qui vient de se passer?
f. I0-L3. — Tradition des Juifs sur l'avènement d'Elie. — Sur quoi reposait-
elle? — Comment concilier ces paroles du Sauveur qu'Elie doit venir, et
qu'il est déjà venu ? — Dans quel sens rétablira-t-il toutes choses ? — Pour-
quoi Dieu ne l'a pas envoyé lors du premier avènement du Sauveur? — Dans
quel sens Elie est déjà venu. — Pourquoi Notre-Seigneur appelle Jean-
Baptiste Elie ? — Comment prend-il occasion de la mort de Jean-Baptiste pour
parler de sa passion à ses Apôtres ? — Quels furent les auteurs de la mort de
Jean-Baptiste et de Jésus-Christ?
y. 14-17. — Dans quelle intention Jésus descend de la montagne vers le peuple.
— Différents préliminaires des guérisons opérées par le Sauveur. — Quelle
était la cause de la maladie dont ce lunatique était atteint ? — C'est le démon
qui en était l'auteur. — Preuve du peu de foi qu'avait le père de cet homme.
— Reproche que lui en fait Jésus et à tous les Juifs. — Quel sentiment dicte
à Notre-Seigneur ces paroles : 0 génération incrédule, etc. — Espérance qu'il
donne au père de cet enfant. — Exemple et leçon qu'il donne aux prédicateurs.
— Explication figurée de ce fait évangéliquc.
y. 18-20 — Pourquoi les Apôtres interrogent-ils le Sauveur sur l'impossibilité
pour eux de chasser ce démon ? — Imperfection de la foi des Apôtres. — Les
miracles sont opérés souvent pour récompenser la foi de ceux qui les deman-
dent, souvent aussi la puissance de celui qui les opère, suffit. — Pourquoi la
foi est-elle comparée ic i au grain de sénevé ? — Puissance de la foi . — Le s
422
EXPLICATION DE L EVANGILE
Apôtres ont-ils transporté des montagnespar la vertu de leur foi? — Dans quel
sens peut-on entendre cette montagne ? — Moyen que le Sauveur nous donne
pour surmonter les \)\us fortes tentations. — Nécessité de la prière et du jeûne.
— Dans quel sens plus étendu peut-on entendre ici le jeûne ?
, 21-22. — l»ourquoi Notre-Seigneur prédit-il souvent à ses disciples les mys-
tères de sa passion ? — La prédiction qu'il en fait ici a quelque chose de plus
particulier. — Pourquoi entremèle-t-il des pensées consolantes aux souvenirs les
plus affligeants ? — Pourquoi cependant cette prédiction jettc-t-elle les Apôtres
dans une profonde tristesse ? — Quelle en est la cause ?
. 23-25. — Comment Notre-Seigneur prouve à la fois sa tristesse et son hu-
milité? — Quel était cet impôt qu'on vient lui demander de payer? — Pour-
quoi le demande-ton à Jésus dans la ville de Capharnaum? — Pourquoi s'a-
dressenl-t-il à Pierre plutôt qu'à Jésus? — Dans quel esprit l'interrogent-ils'
— Réponse de Pierre. — Deux manières d'entendre les paroles de Notre-
Seigneur : Les enfants sont exempts. — Sous quel rapport le Sauveur était
exempt de l'impôt. — Il est le vrai et le propre fils de Dieu le Père. — Pourquoi
cependant se soumet- il au paiement de l'impôt? — Conséquence pratique que
nous devons tirer de la conduite de Notre-Seigneur. — Prescience et puis-
sance du Sauveur. — Sa pauvreté volontaire. — Diverses raisons pour les-
quelles il n'a pas voulu payer cet impôt avec l'argent qui était en réserve
pour sa subsistance. — Circonstances où nous devons éviter le scandale qui
résulte de nos actions, circonstances où nous ne devons en tenir aucun compte.
— Foi et obéissance de Pierre. — Explication figurée de celte pièce de
monnaie trouvée dans la bouche d'un poisson.
f, 1-4. — Six jours après, Jésus ayant jms avec lui Pierre, Jacques et Jean
son frère, les mena à l'écart sur une haute montagne; et il fut transfiguré
devant eux. Son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements
blancs comme la neige. En même temps ils virent paraître Moïse et Elie qui
s'entretenaient avec lui. Alors Pierre, prenant la parole, dit à Jésus : Sei'
gneur, nous sommes bien ici; faisons-y, s'il vous plaît, trois tentes : une pour
vous, une x>our Moïse, et une pour Elie.
Remi. Six jours après cette prédiction , Notre-Seigneur accomplit
dans sa transfiguration sur la montagne, la promesse de cette appa-
rition glorieuse qu'il avait faite à ses disciples. « Et six jours après,
dit l'Evangéliste , Jésus prit Pierre, Jacques et Jean, » etc. — S. Jér.
CAPUT XVII.
Kl posl dies sex, assumpsit Jésus Pelrum ri Ja-
cobum, cl Jnannptn, fratrem cjus : et duxit illos
in monleni excp.isum SPorsum; cl Ininsfiguratus
pst ante eos. Et resplonduit fartes rjus sirui
sot; vestimenta atilein ejus facta suiit alba sicut
nix. Et ecce apparuerunt illis Moyses et Elias
rum eo loquentes. Respondens autem Petrus
ilixit ad Jesum : llomine, bonmn est nos hic
esse : si vis, fnciamus liic tria labernaculn
libi iinum, Moysi unum, et Eliœ unutn.
Remig. Claritatem suae visioais quam
prouliserat Domiuus discipulis sui», in
hac trausfiguratioue habita in monte
post sex dies complevlt : unde dicitur :
« Et post sex dies assumpsit Jésus Pe-
lrum, et Jacobum, et Joannem, » etc.
DE SAINT MArrHIEF, CHAP. XVII. 123
On se demande comment, d'après saint Matthieu, ce fut six jours après
que Jésus prit avec lui ses disciples, tandis (jne saint Luc compte huit
jours d'intervalle. La réponse est facile : saint Matthieu ne compte que
les jours pleins qui séparent ces deux événements, tandis que S. Luc
compte de plus le premier et le dernier jour. — S. Chrys. {hom. .^7
sur S. Matth., dans les nouvelles éditions_, 06.) Ce n'est point immé-
diatement après cette promesse, mais six jours après, qu'il les conduit
sur la montagne ; il reut, par ce retard de quelques jours , étouffer
tout sentiment humain d'envie dans les autres disciples , et exciter
dans l'àme de ceux qu'il doit prendre avec lui un plus vif désir et le
soin d'une préparation plus parfaite. — Rab. Le nombre six n'est
point mis ici sans raison ; c'est après six jours écoulés que le Sauveur
manifeste sa gloire , figure de la résurrection (j[ui doit avoir lieu à la
fin des six âges de l'homme, — Orig. Ou bien encore , comme ce
monde visible a été créé après le nombre complet de six jours, celui
qui s'élève au-dessus de toutes les choses du monde, peut monter sur
cette montagne élevée pour y contempler la gloire du Verbe de
Dieu.
S. Chrys. Notre- Seigneur prend avec lui ces trois disciples, parce
qu'ils étaient supérieurs aux autres Apôtres, Remarquez ici que saint
Matthieu ne cherche point à taire le nom de ceux qui lui furent pré-
férés ; c'est ce que fait également saint Jean , en rapportant les ma-
gnifiques prérogatives accordées à saint Pierre , car le collège des
Apôtres était pur de tout sentiment d'envie et de vaine gloire. —
S. HiL. {ccm. 17.) Ces trois disciples que Jésus prend avec lui figurent
l'élection future de tous les peuples qui descendent de la triple souche
de Sem, de Cham et de Japbet. — Rab. Ou bien, il ne prend avec lui
que trois disciples, parce qu'il y en a beaucoup d'appelés , mais peu
Hier. QufEritur autem quomodo post
sex (lies assunipsit eos, cum Lucas oc-
tonarium nuinerum ponat. Sed facilis
est responsio : quia hic medii pouuutur
dies, ibl primus additur et extremus.
Chrys. (m hom. 57, in Matth.) Ideo
autem, non confestim facta promissione
eos sursum ducit, sed post sex dies, ut
reliqui discipuli nihil patiantur huma-
uum (id est, aliquem invidiae motuni),
vel ut horum dierum spatio vehenien-
tiori concupisceutia repleti qui assu-
mendi erant, sollicita mente accédèrent.
Raba. Mérite autem post sex dies glo-
riam illam ostendit, quia post sex aetates
futiira est resurrectio. Orig. [ut sup-.)
Vel (quia in sex diebus totus perfecti
numeri factus est visibilis muudus) qui
transcendit omnes res mundi, potest as-
ceudere super moulem excelsum, et glo-
riam aspicere Verbi Dei.
Chrys. [tit sup.) Ideo autem hos très
assunipsit, quoniam aliis potiores erant.
Inteude autem qualiter Matthseus non
occultât eos qui sibi praepositi sunt : hoc
enim et Joannes facit, prsecipuas Pétri
laudes commemorans • ab œmulatione
enim et vaua gloria muudus fuit apos-
tolorum chorus. Hilah. [can. 17, in
Matth.) lu tribus autem assumptis de
trium origine (Sem, Cham et Japhet)
futura electio populi ostenditur. Raba.
Vel très solummodo discipulos secum
ducit, qui multi sunt vocati, pauci vero
AU
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
d'élus. Ou bien encore , parce que ceux-là seuls qui conservent dans
une âme pure la foi en la sainte Trinité , jouiront alors de l'éternelle
vision des cieux.
Rémi. Notre-Seigneur , sur le point de découvrir à ses disciples la
splendeur de sa gloire, les conduit sur une montagne : « Et il les con-
duisit sur une haute montagne (1). » Ainsi enseigne-t-il à tous ceux
qui désirent arriver à la contemplation de Dieu, qu'ils ne doivent point
rester plongés dans les vils plaisirs des sens, mais s'élever toujours
par les affections de leur cœur jusqu'aux biens invisibles des cieux. Il
veut apprendre aussi à ses disciples à ne point chercher la gloire de
la divine clarté dans les basses régions de ce monde , mais dans le
royaume de la félicité céleste. Il les conduit à l'écart , parce que les
saints sont ici-bas séparés des méchants par les dispositions de leur
âme et l'intention de leur foi, et qu'ils en seront complètement sé-
parés dans le siècle futur. Ou bien encore, parce qu'il y en a beau-
coup d'appelés et peu d'élus. {Matth., xx.)
« Et il fut transfiguré , » etc. Il apparut aux yeux des Apôtres tel
(1*) L'Evangéliste ne désigne point celte montagne par son nom ; la tradition a suppléé à ce
silence. Saint Cyrille, évêque de Jérusalem en 350, Euscbe de Césarée vers la même époque,
Procope de Gaza et saint Jérôme affirment que c'est le mont Thabor, au sud de la Galilée,
ÏJtabirion des Grecs, le Djebel-Nour (montagne de lumière) des Arabes modernes. Cette suppo-
sition n'est pas contredite par ce qui est marqué, que Jésus-Christ était auparavant à Césarée de
Philippe ; car durant l'espace de six jours, il eut bien le temps de se rendre au mont Thabor.
Reland (Palœst. 334, 336) présume toutefois que Ta montagne de la Transfiguration était plus
près de Césarée de Philippe; mais «i le Thabor, dit le docteur Sepp, servait au nord de limite à la
tribu d'Issachar; il était à une demie journée de marche au sud-ouest de Capharnaiim. Il s'élève
de la plaine dans la forme d'un cône coupé jusqu'à une hauteur de 1,760 pieds au-dessus du
niveau de la mer; tandis que du côté du nord, il est inaccessible, tant il est escarpé Cette
montagne est là comme la montagne de Dieu, dominant toutes les autres, placée au milieu de la
contrée, et offrant au spectateur un magnifique horizon d'où il embrasse la mer Méditerranée,
les hauteurs du Carmel, la mer de Galilée, le fleuve sacré du Jourdain, les montagnes d'Hauran,
le mont Liban au nord avec son sommet couvert de neige , et au midi les montagnes de la
Samarie Le Thabor était pour la Galilée la sainte montagne, comme le mont Garizim pour
la Samarie, comme le Moria pour la Judée ; et c'est pour cela que saint Pierre, dans sa seconde
épitre, l'appelle la Montagne sainte. Ainsi toute la contrée put être témoin de la merveille qui s'y
opéra : tous purent voir le nuage léger qui enveloppa le sommet du Thabor, et la gloire de Dieu
descendre sur le mont Horeb, non au milieu de la tempête et de la foudre, mais dans un éclat
doux et tempéré. » Vie de N. S. J-C, tome I, page 443. Voyez aussi Histoire de l'Eglise, par
l'abbé Darras, tom. IV, page 595, etZ.es Lieux saints, par Mgr Mislin, tome III, page 406-410.
— Schegg., Dici. encydop. de la Théolog. cathol., art. Thabor.
elecli. Vel quia qui nunc fidem sanctae
Trinitalis iucorrnptci meute servaul, lune
œterna ejus visione Itetautur.
Remig. Ostcnsurus autein Dominus
ploriam suaî elaritatis iliseipulis, ducit
eos in montom : uude sequilur : « l^l
duxit illos in monlem, » etc. In quo do-
cet quia necesse est omnibus qui Deuui
conteuiplari desiderant , ul non in inli-
niis voluptalibus jaceant. sed amore su-
pernorum seniper ad cœlestiaerifianlur;
et ut oslendal discipulis qualenus f;lo-
riam divinœ claritatis, non iu hujus se-
culi prol'undo quaerant, sed iu cœleslis
l)eatilndinis re^uo. Ducuntur auteni seor-
suni, quia sancii viri toto animo et fidei
intenlioue separati suut a malis, fuudi-
tusque separabuutur in fuluro : vel
quia multi vocali, pauei vero electi. »
Sequitur : « Et traustiguratus est, »
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVII. 42,S
qu'il apparaîtra au jour du jugement. Ne nous imaginons pas, toutefois,
qu'il ait quitté sa première forme et sa figure ordinaire, et qu'il ait
laissé le corps véritable dont il était revêtu , pour prendre un corps
spirituel ou aérien. L'Evangéliste nous apprend la manière dont s'o-
péra cette transfiguration : « Son visage devint brillant comme le so-
leil, et ses vêtements blancs comme la neige. » Puisque l'Evangé-
liste nous décrit l'éclat de son visage et la blancheur de ses vêtements,
la substance n'en fut donc pas détruite, l'éclat seul en fut changé.
Sans doute le Seigneur fut transformé en cette gloire dont il sera re-
vêtu lorsqu'il viendra pour établir son règne ; mais cette transforma-
tion lui donna un nouvel éclat, sans changer ni les traits ni la na-
ture de son visage. Supposons que son corps soit devenu un corps
spirituel, est-ce que la nature de ses vêtements fut également changée?
Ils devinrent si blancs, dit un autre Evangéliste {Marc, ix), que nul
foulon sur la terre ne pourrait leur donner une pareille blancheur. Or
des objets de ce genre ont une forme corporelle , on peut les toucher,
et ce n'est pas quelque chose de spirituel et d'aérien qui fait illusion
aux regards et n'a qu'une apparence fantastique. — Rémi. Sile visage
du Sauveur est devenu brillant comme le soleil , et que le visage des
saints doive aussi briller un jour comme cet astre, faut-il en conclure
que la gloire du Seigneur et celle des serviteurs auront le même éclat?
Non, sans doute, mais comme rien dans la création n'approche de
l'éclat du soleil, les saintes Ecritures, pour nous donner uue idée de la
résurrection future, nous disent que le visage du Seigneur resplendit
comme le soleil, et que les ju-tes brilleront eux-mêmes un jour comme
cet astre.
Orig. Dans le sens mystique, celui qui, comme nous l'avons dit.
etc. HiKR. Qualis enim futurus est tem-
pnrc judicaudi, talis apostolis apparaît.
Nemo autem putet pristiuam eiim for-
mam et faciem perdidisse, vel ainisisse
corporis veritatem, et assumpsisse cor-
pus spiritale vel aereum : sed quomodo
transfiguratus sit Evaugelista dcuions-
traus dicit : « Resplenduit faciès ejus
sicut sol, vestimenta autem ejus facta
sunt alba sicut nix. » Ubi spleudor fa-
ciei osteuditur. et caudor describitur
vestium, non substautia tollitur, sed glo-
ria commutatur. Certe trausibrmatus
est Doiiiiaus iu eaiu gloriam, qua veii-
turus est postea iu repuum suum. Trans-
formatio spleudorem addidit, faciem
noQ subtraxit. Esto corpus spiritale fue-
rit; num et vestimenta mulata sunt?
quœ in tantum fuere candida, ut alius
Evangelista dixerit ( Marc. 9) : « Qualia
fullo super terram non posset facere : »
bujusmodi autem corporale est et tactui
subjacet; non spiritale et aereum quod
illudat oculis, et tantum iu phantasmate
aspiciatur. Remig. Si autem faciès Do-
mini resplenduit sicut sol, et sancti si-
cut sol fulgebunt, nunquid erit œqualis
claritas Domini et servorum? Nequa-
quam : sed quia uihil lucidius iuveuitur
sole, idcirco ad manifestandum exem-
plum futurfe resurrectionis , et faciès
Domini resplendere, et jusli fulgere di-
cuntur sicut sol.
Orig. {ut siij).) Mystice autem cum
426
EXPLICATION DE L EVANGILK
s'est élevé au-dessus des six jours , voit Jésus transfiguré devant les
yeux de son cœur; car le Verbe de Dieu a diverses formes, et il se
découvi-e à chacun de la manière qu'il sait lui être la plus utile, sans
jamais se dévoiler au delà des dispositions de son âme. Aussi l'Evan-
géliste ne dit-il pas simplement : « Il fut transfiguré, mais il fut trans-
figuré devant eux. » En effet, dans l'Evangile, Jésus est compris d'une
manière simple et ordinaire par ceux qui ne peuvent monter sur la
montagne élevée de la sagesse par les saints exercices des entretiens
spirituels. Ceux, au contraire , qui sont assez heureux pour gravir
cette montagne , ne le connaissent plus selon la chair, mais voient en
lui le Verbe de Dieu. C'est devant eux que Jésus se transfigure et non
pas devant ceux qui vivent ici-bas d'une vie toute terrestre. Ceux de-
vant lesquels Jésus se transfigure, deviennent les enfants de Dieu ; il se
découvre à leurs yeux comme le soleil de justice, et ses vêtements de-
viennent brillants comme la lumière. Ces vêtements sont les discours
et les récits de l'Evangile, dont Jésus est comme revêtu, et que les
Apôtres nous ont conservés dans leurs écrits. — La Glose. Ou bien
les vêtements du Christ figurent les saints dont Isaïe a dit : « Ils se-
ront pour vous comme un habillement d'honneur dont vous serez re-
vêtu. » (Chap. XLix.) Ils sontcomparés à la neige, parce qu'ils auront
l'éclat pur de la vertu , et que le feu des passions ne pourra plus les
atteindre.
S. Chrys. {hom. 56.) En même temps, ils virent paraître Moïse,» etc.
On peut donner plusieurs raisons de cette apparition : premièrement,
comme le peuple disait que Jésus était Elle ou Jérémie, ou un des
prophètes, il parait entouré des premiers des prophètes, pour montrer
aliquis transcendent sex dies (secun-
dum quod diximus)^ videt transfigura-
tum Jesum ante oculos cordis sui : di-
versas enim habet Verbum Dei formas,
apparens uuicuique sccundiim quod vi-
flenti expedire cognoverit; et nemini
supra quod capit, senictipsum ostendit :
unde non dixit simplicitor : « Transfigu-
ratus est, sed, coram eis; » in Evangeliis
Jésus enim simpliciter intelligitur ab eis
qui non asceudunt per exercitationem
verborum spiritualium super excelsuin
sapientiae montera; eis autem qui as-
cendant, jam non secundum carnem
cognoscitur, sed Deus Verbum intelligi-
tur. Coram his ergo transtiguratur Jé-
sus, et non coram illis, qui sunt deor-
sum. in conversatione terrena vivnntcs.
Hi autem coram quibus transliguratur,
facti sunt filii Dei; et ostenditm* eis sol
esse justitiœ; et vestimenta ipsius fiunt
candida sicut lumen ; quse sunt serraones
et litterae evangeliorum , quibus Jésus
estindutus, secundum illa quœ ab apos-
tolis dicuutur de eo. Glossa. Yel vesti-
menta Christi sanctos signiticant. de
quibus Isaias (cap. 49) : «Omnibus bis
velut vcstimento vestieris; » et nivi com-
parantur, quia candidi erunt virtutibus;
et omnis vitiorum cestus ab eis remotus
erit.
Sequitur : (( VA. upparuerunt illis
Moyses, » ett-. Chrys. {ut sup.) Hoc au-
tem mullas liabet ratiunes : et prima
quidem est heec : quia enim turbae dice-
bant eum esse Eliam vel Hieremiam , aut
unum ex propbetis, capita prophefariun
secum ducit, ut sallcm bine videalur
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVII.
i27
la difFérence qui existe entre le maître et les serviteurs. Deuxièmement,
les Juifs accusèrent continuellement Jésus d'être un blasphémateur,
un transgrcsseur de la loi, un usurpateur de la gloire de son Père;
pour établir son innocence sur ces deux points , il fait paraître deux
hommes qui ont brillé surtout par leur zèle pour la loi , comme pour
la gloire de Dieu ; car c'est Moïse qui donna la loi, et Elle fut un des
plus zélés défenseurs de la gloire de Dieu. Troisièmement, il veut leur
apprendre qu'il est le maître de la vie et de la mort , et c'est dans ce
dessein qu'il fait paraître Moïse, qui avait payé le tribut à la mort, et
Elle, qui n'y avait pas encore été soumis. Une quatrième raison que
nous fait connaître l'Evangéliste , c'était pour dévoiler la gloire de la
croix et calmer les inquiétudes et les craintes de Pierre et des autres
disciples à l'égard de la passion ; car, comme le remarque un autre
Evangéliste : « Ils s'entretenaient avec lui de sa mort (1) qui devait
s'accomplir dans Jérusalem {Luc, ix). Il se montre donc au milieu de
ceux qui se sont exposés à la mort pour être agréables à Dieu, et pour
le peuple fidèle ; car tous deux se présentèrent avec fermeté devant
deux tyrans. Moïse devant Pharaon {Exode, v), et Elie devant Achab
(HT Rois, x). Il les fait encore paraître dans cette circonstance , pour
exciter ses disciples à imiter leurs vertus , c'est-à-dire la douceur de
Moïse et le zèle d'Elie. — S. Hil. Moïse et Elie sont choisis de pré-
férence parmi tous les saints , pour nous montrer le règne de Jésus-
Christ établi au milieu de la loi et des prophètes ; car il doit juger
Israël, assisté des mêmes témoins qui ont annoncé sa venue. — Orig.
(1) 11 s'agit ici de la fin de la vie d'après le texte grec e^ooov, et non pas de l'excès de la dou-
leur qu'il devait souffrir au moment de sa mort. A plus forte raison ne peut-on [l'entendre avec
quelques interprètes dans le sens littéral de l'excès de l'amour qui lui a fait souffrir la mort pour
nous.
differentia servorum et Domiiii. Alla ra-
tio est : quia enim contiuiie Jesum accu-
sabaat Judœi , tanquam transgressorem
legis et blasphemum, Patris sibi glo-
riam usurpante ni ; ut ostendatur ab
utraque accusatione innoxius, eos qui in
utroque fulserunt, in médium ducit :
eteuim lAIoyses legem dédit, et Elias
pro gloria Dei œmulator fuit. Alia ratio
est, ut discant quoniam mortis et vi-
tae potestatem habet : propterea et
Moysen qui morte defecerat, et liliam
qui noudum morteni passus fuerat , in
médium ducit. Aliani causam et ipse
Evangelista révélât, scilicet monstrare
crucis gloriam , et mitigare Potrum, et
alios discipulos passionem timeutes ; lo-
québantur enim, ut alius Evangelista di-
cit {Luc. 9), « de excesssu quem com-
pleturus erat in Hierusalem : » unde eos
in médium ducit qui se morti exposue-
runt pro bis quse Deo placebant, et pro
plèbe credentium : eteuim tyrannis uter-
que se libère prsesentavit ; Moyses qui-
dem Pbaraoni (Exod. 5) ; Elias autem
Achab. (III Recj. 10.) Ducit autem etprop-
ter hoc eos in médium : volebat enim
quod discipuli illorum privilégia zela-
rent, ut scilicet fièrent mausueti sicut
Moyses, et zelantes sicut Elias. Hilau.
{lit sup.) Quod etiam IMoyses et Elias ex
omni sanctorum numéro assistunt, mé-
dius inter legem etprophetas Christus in
regno est : cum his euim Israelem (qui-
bus testibus prœdicatus est) judicabit.
Orig. (ui sup.) Si quis etiam intelligit
428
EXPLICATION DE L EVANGILE
Celui qui comprc-nrl le ra[»port qui existe entre l'esprit de la loi et les
paroles de Jésus, et qui sait trouver dans les prophéties la sagesse
cachée du Christ, celui-là voit Moïse et Elle dans la même gloire que
Jésus. — S. Jér. Remarquons encore que tandis qu'il refusa de faire
voir aux scribes et aux pharisiens un prodige dans le ciel , il en fait
éclater un de cette nature devant les Apôtres , pour augmenter leur
foi, puisqu'il fait descendre Elie du ciel où il était monté, et ressusciter
Moïse des enfers. C'est ce double prodige qu'Isaïe conseillait à Acliab
de demander au plus profond de l'abîme ou au plus haut des
deux. (Chap. vu).
Orig. Mais que dit ici Pierre, toujours plein d'ardeur? a Or,
Pierre, prenant la parole, dit à Jésus : Seigneur, nous sommes bien
ici , » etc. Comme il avait appris de Jésus lui-même qu'il lui fallait
aller à Jérusalem, il craint encore pour son Maître ; mais après le re-
proche qu'il en a reçu , il n'ose plus lui dire : « Gardez-vous-en bien,
Seigneur ; » mais il exprime la même pensée sous une autre forme. II
voyait sur la montagne un grand calme et une solitude profonde , et
d'après la disposition des lieux, il pense y pouvoir trouver une demeure
convenable, comme il le dit au Sauveur ; « Nous sommes bien ici, »
Il voudrait même y rester toujours , et il parle d'y élever des tentes :
« Faisons , s'il vous plaît, trois tentes. » Il espérait que s'il pouvait
s'établir sur la montagne, Jésus n'irait pas à Jérusalem, et qu'en évi-
tant d'aller dans cette ville, il éviterait en même temps la mort; car
il savait que les scribes tramaient sa perte. Il se confiait encore sur
la présence d'Elie, qui avait fait descendre le feu sur la montagne
(IV Rois, i), et sur celle de Moïse {Exode, xxiv, 23), qui était entré
dans la nuée pour parler à Dieu. Ils auraient pu ainsi se dérober à
spiritalem legem convenieatem sermo-
nibus Jesu, et in prophetis absconditam
Cliristi sapieutiam , ille vidit Moysen
et, Eliam in gloria una cum Jesu. Hier.
Cousiderauduui est etiaui quod Scribis
et Pliarisaeis, de cœlo signa poscentibus
dare uoluit ; hic vero ut apostolorum
augeat fidem, dat signuni de eœlo ; Elia
inde descendente quo conscenderat, et
Moyse ab inferis résurgente : quod et
Achaz per Isaiaiu praecipitur (cap. 7), ut
petat sibi signuni de inferno vel de
excelso.
Orig. {ut siq).) Quid autem fervidns
Petrus dixerit, subditur : m Respondeus
auteni Petrus dixit ad Jesuui : Bonum
est nos hic esse, » etc. Quia enina audi-
vil quod oportet euiu Ilierosolyniani ire.
adhue timet pro Christo, sed post incre-
pationem non audet dicere rursus :
« Propitius esto tibi ; n sed idem occulte
per alla signa insinuât : quia enim vi-
debat uuiltam quieteni et solitudinem,
cogitavit convenientem ibi stationem
esse ex loci dispositione : quod signi-
licat, diceus : « Bonum est nos hic esse. »
Vult etiam ibi semper esse, ideo taber-
naculorum meniinit, dicens : « Si visfa-
ciamus hic tria tabernacula : » cogitavit
enim quod si hoc fieret, non ascenderet
Hiorosolymam, et si non ascenderet
Christus, non moreretur : ibi enim scie-
l>at scribas insidiari ei. Cogitabat etiam
quod Elias aderat, qui in moutem ignem
descendere fecit (IV Reg. 1), et Moyses,
qiii intravit uebulam. et Dco loculus est.
DE SAINT MATTHIEU^ CHAP. XVII. 429
tous les regards et à toutes les recherches des persécuteurs. Rémi. Ou
bien, dans un autre sens, à la vue de la gloire du Seigneur et de ses
deux fidèles serviteurs, Pierre fut tellement ravi de joie, qu'il oublie
toutes les choses de la terre, et qu'il voudrait rester toujours dans cet
endroit. Or, si tel fut l'enivrement et le transport de cet Apôtre, quelle
douceur et quelle suavité de voir un jour le Roi de gloire dans toute
sa beauté {{), et de se trouver mêlé aux chœurs des anges et de tous
les saints ? Cette parole de Pierre : « Seigneur, si vous le voulez, » est
une preuve tout à la fois de son dévouement et de son obéissance.
S. Jér. Vous êtes cependant dans l'erreur, Pierre , et comme le re-
marque un autre Evangéliste {Luc , ix) : « Vous ne savez ce que
vous dites. » Ne cherchez pas à élever trois tentes , lorsqu'il ne doit y
avoir qu'une seule tente, celle de l'Evangile , qui contient le mysté-
rieux abrégé de la loi et des prophètes. Si cependant vous voulez
trois tentes, n'égalez pas les serviteurs au maître, mais établissez trois
tentes (ou plutôt une seule) , pour le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
Que ces trois personnes qui n'ont qu'une seule et même divinité,
n'aient aussi dans votre cœur qu'une seule et même demeure. — Rémi.
L'erreur de Pierre fut encore de vouloir étabhr sur la terre le royaume
des élus, que Jésus avait promis d'établir un jour dans les cieux; il
se trompa encore en oubliant qu'il était mortel, lui et les deux autres
disciples_, et en voulant entrer dans l'éternelle félicité sans avoir passé
par la mort. — Rab. Il se trompa enfin, en croyant qu'il fallait des
tentes pour la vie du ciel, où il n'est nul besoin d'habitation , alors
qu'il est écrit : « Je n'ai pas vu de temple dans la céleste Jéru-
salem. » (Apoc, XXI.)
(1) Allusion à ce passage où Isaïe (xxxiii, 17) , en parlant des justes, dit : « Ils verront le roi
dans sa beauté ou dans sa gloire, » d'après le texte grec : \Lfzà Ô6|r);.
{Exod. 24 et 33.) Unde occultari poterant,
ut uullus persecutorum sciret ubi essent.
Remig. Vèl aliter : visa Domini raajestate
et duorum servorum, Petrus adeo delec-
tatus est, ut cuncta lemporalia oblivioui
traderet, et ibi in perpetuum vellet ina-
nere ; si autera tune Petrus sic accensus
est, quanta erit suavilas et dulcedo vi-
dere Regem in décore suo ; et interesse
choris angelorum et omnium sanctorum?
in eo sane quod ait Petrus : « Domine,
si vis, » devotioneni subditi et obedieu-
lis servi osleudit.
Hier. Erras tamen, Petre; et sicutalius
Evangelista testatur {Luc. 9), nescis quid
dicas: noli tria tabernaculaquaerere, cum
UDum sit tabernaculum Evangelii, in que
lex et prophetae recapitulanda sunl; si
autem quseris tria labernacula, nequa-
quam serves cum Domino conféras ; sed
fac tria tabernacula (imo unum) Patri,
et Filio, et Spiritui Sancto ; ut quorum
est una Divinitas, unum sit et in pectore
tuo tabernaculum. Remig. Erravit etiam
quia voluit ut regnum electorum consti-
tueretur iu terra, quod Dominus promi-
serat dare in cœlis. Erravit etiam quia
oblitus est se et socios suos esse mor-
tales, et absque gustu mortis voluit su-
bire aeternam felicitateni. Raba. Et ineo
quod cœlesti (;onversationi tabernacula
facieuda putavit, in qua domus necessa-
ria non erat, cum scriptum sit [Apocal.
21) : « Templum non vidi in ea.»
430
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
^. 5-9. — Lorsqu'il parlait encore, une nuée lumineuse les couvrit; et il sortit
une voix de cette nuée, qui fit entendre ces paroles : Celui-ci est mon Fils
bien-aimé, dans lequel j'ai mis toute mon affection : écoutez-le. Les disciples,
les ayant entendues, tomberait le visage contre terre et furent saisis d'une
grande crainte. Mais Jésus, s' approchant, les toucha et leur dit : Levez-vous
et ne craignez point. Alors, levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus seul.
Lorsqu'ils descendaient de la montagne, Jésus leur fit ce commandement et
leur dit : Ne parlez à personne de ce que vous avez vu , jusqu'à ce que le Fils
de l'homme soit ressuscité d'entre les morts.
S. JÉR. Ceux qui désiraient une tente matérielle faite avec des
branches ou des tentures, sont enveloppés et couverts d'un nuage
brillant. « Lorsqu'il parlait encore , une nuée lumineuse les cou-
vrit, » etc. — S. Chrys. {hom. 56.) Quand le Seigneur menace, il fait
apparaitr(^ une nuée ténébreuse , comme sur le mont Sinaï ; mais ici
il fait briller une nuée lumineuse, parce qu'il veut, non pas épouvan-
ter, mais instruire. — Orig. Cette nuée (]ui couvre et protège les
saints, c'est la vertu du Père , ou bien l'Esprit saint ; je dirai même
que notre Sauveur est la nuée lumineuse qui couvre l'Evangile, la loi
et les prophètes, comme le comprennent bien ceux qui peuvent y con-
templer sa lumière. — S. Jér. La demande de Pierre était impru-
dente : aussi le Seigneur ne lui fait pas de réponse, mais c'est le Père
lui-même qui répond pour le Fils, afin d'accomplir cette parole du
Seigneur : « Celui qui m'a envoyé , c'est lui-même qui me rend té-
moignage. » {Jea?î, VIII.)
S. Chrys. {ho)n. 56.) Ce n'est ni Moïse ni Elie qui prennent la pa-
role, mais c'est le Père, qui est au-dessus d'eux tous, qui fait entendre
sa voix du sein de la nuée , afin que les disciples ne puissent douter
Adhuc eo loquente, ecce nubes lueida obumbravit
eos. Et ecce vox de nube, dicens : Hic est Filius
meus dilectus, in quo mihi hene complacui ; ip-
sum audite. Et audicntes discipuli, ceciderunt
in faciem suam, et timuerunt val de. Et acces-
sit Jésus, et tetigit eos, diadique eis : Surgite,
nolite timere. Levantes autem oculos suos, ne-
minem viderunt, nisi solum Jesum. Et descen-
dentibus illis de monte prœcepit illis Jésus, di-
cens : Nemini dixeritis visionem, donec Filiiis
hominis a mortuis resiirgat.
Hier. Qui carnale ex froudibus aut
tentoriis qiuerebant tabernaculiuu, uubis
lucidiu operiuntur uiubraculo : unde di-
citur : ;< Adhuc eo loquente^ ecce nubes
luc-ida, )) etc. Chrys. {nt sup.) Cum Do-
luiiius coimuiualur, nubeiii tenebrosam
ostendit, sicul iu Sina. {Exod. 19.) Hic
auteuij quia \mii lerrero volebal, sed do-
cere, nubes apparuit lueida. Orig. (ut
sup.) Lueida autem nube obumbrans
sanctos, est virlus paterna, vel forte
Spiritus Sanctus : dicam etiam Salvato-
rem nostrum esse lucidam nubem qua?
obumbrat Evangelium, et legeui, etpro-
phetas; sicut intelligunt, qui possunt
aspicere lumen ipsius in praemissis . H i er .
Quia vero imprudenter interrogaverat
Petrus, propterea Domini responsionem
non merelur ; sed Pater respoudet pro
Filio, ut verbum Domini compleretur
(Joan. 8) : « Qui me misit, ipse de me
teslimonium perliibet. »
Chrys. (iit sup.) Neque autem Moyses
loquitur, neque Elias ; sed Pater omni-
bus major vocem emitlit ex nube, ul
discipuli credaul quod a Deo liajc vox
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVII.
-431
que cette voix vient de Dieu, car Dieu apparaît ordinairement dans
une nuée, comme il est écrit dans le livre des Psaumes {Ps. xcvii) :
« Une nuée est autour de lui, et l'obscurité l'environne, » c'est ce que
nous voyons ici : « Et une voix vint de la nuée, » etc." — S. Jér. Le
Père fait entendre sa voix du haut du ciel, pour rendre témoignage à
son Fils, pour dissiper l'erreur de Pierre, et lui enseigner la vérité,
ainsi qu'aux autres Apôtres par son intermédiaire ; c'est pour cela
qu'il dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. » C'est pour lui qu'il faut
dresser une tente, c'est ù lui qu'il faut obéir , 'c'est lui qui est le Fils,
les autres ne sont «jue les serviteurs ; ils doivent, à votre exemple, pré-
parer au Seigneur une tente dans le secret de leur cœur. — S. Chrys.
(hom. 56.) Soyez donc sans crainte, Pierre : si Dieu est puissant, il est
évident que son Fils a une puissance égale à la sienne ; s'il en est
aimé, n'ayez aucune crainte; personne ne trahit et n'abandonne celui
qu'il aime. Or_, vous ne l'aimez pas autant que l'aime son Père ; car
il n'aime pas seulement son Fils parce qu'il l'a engendré, mais parce
qu'il n'a qu'une seule et même volonté avec lui. « Dans lequel j'ai
mis toute mon affection. » C'est-à-dire dans lequel je repose et que
j'ai pour agréable, parce qu'il remplit avec zèle toutes les volontés de
son Père. Sa volonté est la même que celle de son Père ; si donc il veut
souffrir la mort de la croix, ne vous y opposez pas. — S. HiL.Lavoix qui
sort de la nuée proclame non-seulement qu'il est le Fils, qu'il est le
bien-aimé, celui eu qui le Père met sou affection , mais encore celui
qu'il faut écouter, afin qu'il fût regardé comme le Maître de tels doc-
teurs, lui qui, après sa mort;, devait confirmer par un exemple écla-
tant la gloire du royaume céleste. — Rémi. Il dit donc : « Ecoutez-le, »
c'est-à-dire en d'autres termes : Que les ombres de la loi disparaissent,
erat : seinper enim apparere solet Deus
iu nube, sicut scriptum est (Psal. 17) :
« Nubes et caligo in circuitu ejus : » et
hoc est quod dicitur : « Et ecce vox de
nube. » Hier. Vox quidern Patris de cœlo
loquentis auditur, quœ testimonium per-
hibeat Filio, et Petrum errorc sublato
doceat veritatein ; imo per Petrum cœ-
teros apostolos : uude subdit, dicens :
« Hic est Filius meus dilectus. » Huic
est faciendum taberuaculum, huic ob-
temperaudum : hic est FiUus, illi servi
suut ; debeii-t et ipsi vobiscum iu peue-
tralibus cordis sui Domiuo tabernaculum
prteparare. Chrys. ((/^ «wp.) Ne igitur ti-
ineas, Petre : si enim poteus est Deus^
manifestum ([uia et Filius similiter po-
teus est ; si autem diligitur, ne timeas :
nuUus enim euui quem diligit prodit ;
nec tu œqualiter eum diligis genitori :
ueque autera solum diligit eum quia ge-
nuit, sed et quia unius est voluntalis
eum ipso. Sequitur enim : « In quo
uiihi bene complacui ; » ac si diceret :
« In quo requiesco, quem accepte; »
quia omnia quse sunt Patris cura dili-
gentia exsequitur, et estvoluntas una ip-
sius et Patris : quare etsi crucifigi vult,
non contradicas. Hilar. Hune esse /i-
lium, hune dilectum, hune complaci-
tum, sed et hune oudiendinn , vox de
nube significat dicens : « Ipsum audite, »
ut scilieet idoneus ipse prœceptorum ta-
lium auctor esset, qui post obitum cor-
poris, regni cœlestis gloriam, facti con-
lirmasset exemple. Remic. Dicit ergo,
« ipsum audite, » ac si aUis verbis dice-
retur : Recédant umbrae légales, et typi
432
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
ainsi que les figures des prophètes , et ne suivez plus que la lumière
brillante del'Evaugile. — Ou bien encore, ces paroles : « Ecoutez-le, »
signifient qu'il est celui que Moïse avait prédit en ces termes : « Dieu
vous suscitera un prophète du milieu de vos frères : vous l'écouterez
comme moi. » [Deut. xviii.) C'est ainsi que le Seigneur se procure
des témoins de tous côtés, la voix du Père du haut du ciel , Elle qui
vient du paradis , Moïse sortant des limbes , les Apôtres choisis parmi
les hommes : « Afin qu'au nom de Jésus, tout genou fléchisse, sur la
terre , dans le ciel et dans les enfers. » {Philip., ii.) — Orig. La voix
qui sort de la nuée s'adressait à Moïse et à Elie qui désiraient voir et
entendre le Fils de Dieu , ou bien aux Apôtres pour les instruire.
La Glose. Remarquons le rapport admirable qui existe entre le
mystère de cette seconde régénération, qui doit avoir lieu à la résur-
rection, lorsque notre corps ressuscitera, et le mystère de la première
qui a lieu dans le baptême, où l'âme renaît à une vie nouvelle. Dans
le baptême de Jésus-Christ, nous voyons concourir les trois personnes
de la Trinité : le Fils s'y montre revêtu d'une chair comme la nôtre,
l'Esprit saint y apparaît sous la forme d'une colombe , et le Père s'y
déclare dans la voix qui se fait entendre. De même dans la transfigu-
ration, qui est un symbole mystérieux de la seconde régénérati(jn, toute
la Trinité apparaît , le Père dans la voix , le Fils sous la forme de
l'homme, l'Esprit saint dans la nuée. On se demande pourquoi l'Esprit
saint apparut d'un côté dans une nuée , et de l'autre sous la forme
d'une colombe ; la raison eu est que l'Esprit saint manifeste ses dons
sous des formes sensibles ; c'est ainsi que dans le baptême il donne
l'innocence figurée par l'oiseau, symbole de la simplicité , dans la ré-
surrection, il nous donnera l'éclat et le rafraîchissement; le rafraîchis-
prophelarum, et solum coruscum lumen
Evangelii dequamini : sive ideoait: « Ip-
sum audite ; » ut illum esse ostenderet,
quem Moyses praedixerat, dicens {Dexit.
18) : « Proplietam suscitabit vobis Deus
de fratribus vestris; tauquam me, au-
dietis ipsum. » Sic eigo Domiaus uadi-
que habuit testes, ex cœlo vocem Pa-
tris, ex paradiso Eliam, ex inferis
Moyseu, ex hominibus apostolos : « ut
in nomine Jesu. omue genu llectatur,
cœlestium, terreslrium et inferuorum. »
{Philip. 2.) Orig. {ut sup.) Vox autem
de nube aul ad Moysen et Eliam lo-
quitur, qui desiderabant videre Filium
Dei et audire eum, aut discipulos do-
cebat.
(Jlossa. Notandum autem quud beue
couvenit myslerium secundœ regonora-
tionis (quœ scilicet erit in resurrectiuue,
ubi caro resuscitabitur) cum mysterio
primae, quae est in baptismate, ubi anima
resuscitatur : in baptismate enim Christ!
operatio totius Triuitatis ostensa est :
fuit enim ibi Filius incarnatus ; appa-
ruit in columbaî specie Spiritus Sanctus ;
et Pater fuit ibi in voce declaratus. Et
similiter in transtiguratione (quae est sa-
cramentum secundae regeneratiouis) tota
Trinitas apparuit : Pater in voce, Filius
in homine, Spiritus Sanctus in nube.
Quœritur autem quare Spiritus Sanctus
ibi in columba, hic in nube declaratus
est : dona siquidem sua per species de-
clarare solet : inuocentiam autem in
baptismate donat; quee per avem sim-
plicitatis designatur : daturus est aulem
claritalem et refrigerium iu resurrec-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVII. 433
sèment, figuré par la nuée; l'éclat des corps ressuscites, figuré par ce
nuage de lumière.
« Et ses disciples, entendant ces paroles_, tombèrent le visage contre
terre, et furent saisis de crainte. » — S. Jér. Ils sont saisis d'effroi
pour trois raisons : ou bien parce (ju'ils ont reconnu leur erreur, ou
bien parce que cette nuée lumineuse les avait enveloppés, ou bien enfin
parce qu'ils avaient entendu la voix de Dieu le Père ; car la fragilité
humaine ne peut supporter la vue d'une gloire bien au-dessus d'elle ;
l'épouvante s'empare de tout son être , et elle tombe la face contre
terre ; en eff'et plus l'homme veut étendre et agrandir ses recherches,
plus il fait de lourdes chutes, quand il méconnaît ses forces. — Rémi.
Les saints Apôtres tombent la face contre terre (1), circonstance qui
est une preuve de leur sainteté ; car dans les saintes Ecritures, nous
voyons les saints tomber le visage contre terre , taudis que les impies
sont renversés en arrière. — S. Chrys. {hom. 56.) Mais comment se
fait-il que les disciples tombent ainsi sur la montagne , alors qu'au
baptême de Jésus-Christ , quand une voix semblable se fit entendre,
personne, dans la multitude qui était présente, n'éprouva cette impres-
sion extraordinaire de crainte ? C'est que la solitude, l'élévation de la
montagne, le silence profond qui s'étendait au loin, la transfiguration
elle-même, si propre à saisir l'imagination, et cette lumière si pure, et
cette nuée lumineuse , toutes ces circonstances réunies impression-
naient vivement les disciples.
S. JÉR. Comme ils étaient étendus à terre et ne pouvaient se relever,
(1) C'est ce que nous lisons d'Abraham {Gènes., xvir, 3 et 17); de Moïse {Nombr,, xvi, 4);
d'Aaron (xvi, 22) ; de Tobie, de Sara et de leurs fils [Tob., xii, 16). Cependant cette manière de
tomber n'est pas exclusivement particulière aux justes. Quant aux impies qui sont renversés en
arrière, on peut voir Gènes., xlix, 17 ; Isaïe, .xxviii, 13 ; Jean, xviii, 26. On le remarque aussi de
quelques autres, et en particulier d'Héli, à qui on ne pouvait reprocher qu'une trop grande in-
dulgence pour ses tils coupables.
tione ; ideo in nube refrigerium, in fui-
gore nubis claritas resurgentium cor-
porum designatur.
Sequitur : « Et audientes discipuli ce-
ciderunt in facieni suam, et timuerunt. »
Hier. Triplicem autem ob causam pa-
vore terrentur : vel quia se errasse co-
gnoverant; vel quia nubes lucida ope-
ruerat eos; aut quia Dei Patris vocem
loquentis audierant. Humana enim fra-
gilitas conspectum majoris glorite ferre
non sustinet, ac toto animo et corpore
contremiscens ad terram cadit : quanto
enim quis ampliora quaesierit. tanto ma-
gis ad inferiora coUabitur, si ignorave-
TOM. II.
rit mensuram suam. Remig. In eo vero
quod sancti apostoli in faciem cecide-
runt, fuit indicium sanctitatis : quia
sancti in faciem cadere dicuntur, impii
vero retrorsum. Chrys. {ut siip.) Sed
cum aute in Christi baptismo, quando talis
etiam vox de cœlo delata est, nullus ex
turba qufe aderat taie aliquid passus est,
quomodo discipuli in monte ceciderunt?
Quia scilicet solitudo, altitudo et silen-
tium erat multum, et transtiguratio stu-
pore plena , et lumen purum , et nubes
extensa; ex quibus omnibus stupor in
eis congregabatur.
Hier. Quia vero illi jacebant et surgere
434
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
il s'approcha avec bonté et les toucha, pour dissiper ainsi leur crainte,
et fortifier leurs membres affaiblis : « Mais Jésus s'étant approché, les
toucha. » Il les avait guéris en les touchant, il complète leur guérison
par cette parole de commandement : « Levez-vous, et ne craignez
point. » Il chasse d'abord la crainte, afin de pouvoir ensuite les ins-
truire. «Alors, levant les yeux, ils ne virentplus que Jésus seul. » Effet
d'une conduite pleine de sagesse ; car si Moïse etElie étaient restés avec
le Seigneur, on n'aurait pas su d'une manière certaine à qui la voix
du Père rendait témoignage. Ils voient Jésus debout, alors que la nuée
est dissipée, et que Moïse et Elle ont disparu ; car après que l'ombre
de la loi et des prophètes s'est retirée , on les retrouve tous deux dans
l'Evangile. — Suite. « Et lorsqu'ils descendaient de la montagne,
Jésus leur fît ce commandement et leur dit : Vous ne direz à per-
sonne ce que vous avez vu. » Il ne veut pas que cet événemeut soit
prêché au peuple, dans la crainte que la grandeur même du prodige
ne le rendît incroyable , et que la croix qui devait suivre la manifes-
tation d'une si grande gloire ne fût un scandale pour les esprits gros-
siers. — Remi. Ou bien encore, si ce mystère de sa gloire avait été
publié parmi le peuple, il se serait opposé à l'économie de sa passion,
et la rédemption du genre humain aurait pu être ainsi retardée. —
S. HiL. Il leur ordonne encore de garder le silence sur les choses qui
viennent de s'accomplir, il veut qu'ils soient remplis de l'Esprit saint
avant de rendre témoignage aux faits spirituels qui se sont passés
sous leurs yeux.
% 10-13. — Ses disciples V interrogèrent alors et lui dirent : Pourquoi donc
les scribes disent-ils qu'il faut qu'Elie vienne auparavant? Mais Jésus leur
non poterant, ipse clenienter accedit, et
tangit eos^ ut tactu fuget timurem, et de-
bilitata membra soUdentur : et hoc est
quod dicitur : « Et accessit Jésus, et te-
tigit eos. » » Quos autem manu sanave-
rat, etiam sanavit iniperio : unde sequi-
lur : « Dixitque eis : Surgite, et nolite
timere. » Primum tinior expellitur, ut
postea dûctrina trihuatur. Sequitur :
<( Levantes aulciu uculos suos, neniinera
viderunt nisi Jesum : » quod ratiouabi-
liter factuui est, ne si Moysos et Elias
persévérassent cuni Domino. Palris vox
videretur incerta, oui potissinnun daret
testimonium. Vident etiam Jesum stan-
tem ablala nubc, et Moysen et Eliam
evanuisse; quia postquam legis et pro-
phelarnm umbra discesserat, utrumque
in Evangelio reperitur. Se((uitur : <( El
descendentibus illis de monte, praecepit
eis Jésus, dicens : Nemini dixeritis visio-
neni, » etc. Non vult ergo in populos
praîdicari, ne incredibile esset pro rei
magnitudine, et post tantam gloriam
apud rudes animos sequens crux scan-
dalum faceret. Remig. Sive quia si ma-
jestas illius divulgaretur in populo, po-
puli inipedirent dispensationem passio-
nis ejus, resistendo principibus sacerdo-
tum; et sic redeniptio humani generis
retardaretur. Hilar. {ut siip.) Silentium
etiam rerum gestai'um quas viderant
imperat, ut cum essent Spiritu sancto
repleti, tune gestorum spiritualiuni tes-
tes essent.
Et iiiterrogaverunt eum discipuli ejus dicentet :
(Jiiiil prijii scrihfF dietnit quod Etiam opnrieat
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVII. 435
répondit : Il est vrai qu'Elie doit venir et qu'il rétablira toutes choses. Mais
je vous déclare qu'Elie est déjà venu , et ils tie l'ont point connu ; mais ils
l'ont traité comme il leur a plu. C'est ainsi qu'ils feront souffrir le Fils de
l'homme. Alors ses disciples comprirent que c'était de Jean-Baptiste qu'il leur
avait parlé.
S. Jér. Suivant une tradition des pharisiens, fondée sur un passage
du prophète Malachie (chap. iv, 5), la venue d'Ehe doit précéder l'a-
vénement du Sauveur (1) pour ramener le cœur des pères à leurs en-
fants^ et le cœur des enfants à leurs pères , et pour tout rétablir dans
le premier état. Les disciples pensèrent donc que cette transformation
glorieuse était celle dont ils venaient d'être témoins sur la montagne ;
comme nous le voyons par la question qu'ils lui adressent : « Les
disciples l'interrogèrent alors et lui dirent : Pourquoi donc les scribes
disent-ils qu'il faut qu'Elie vienne auparavant? » C'est-à-dire : Vous
êtes d(''jà venu dans votre gloire, pourquoi votre précurseur ne pa-
rait-il point? Et ce qui les porte à parler ainsi, c'est la disparition
d'Ehe.
S. Chrys. [hom. 57.) Ce n'est point d'après les Ecritures que les
disciples savaient qu'Elie devait venir, mais parce que les scribes le
leur avaient appris, et cette opinion sur Elle et sur le Christ était ré-
pandue dans la classe ignorante du peuple. Or, les scribes n'expli-
quaient point d'une manière conforme à la vérité l'avènement du
Christ et d'Elie. En effet , les saintes Ecritures annoncent deux avè-
nements du Christ, celui qui a déjà eu lieu et celui qui doit s'accom-
plir plus tard. Mais les scribes , pour tromper le peuple , ne lui par-
laient que d'un seul avènement , et lui disaient que si Jésus était le
(1) Le passage du prophète Malachie parait regarder surtout le dernier avènement : o Je vous
enverrai le prophète Elle, avant que soit venu le grand, l'épouvantable jour du Seigneur. »
primo venire ? Atille respondens ait eis : Elias
quidem venturus fst, et restituet omnia. Dico
ttutem vohisquia Elias jam venit, et non cogno-
verunt eunt, sed fecerunt in eo quœcunque vo-
luerunt. Sic et Filius hominis passurus est ab
eis. Tune intellexerunt discipuli quia de Joanne
Baptista dixisset eis.
Hier. Traditio pharisteorum est juxta
Malachiam proplietam {cap. 4.) quod
Elias veuiat aute Salvatoris adventum.
et reducat cor patrum ad filios, et filio-
rum ad patres, et restituât omuia in an-
tiquum statuni. estimant ergo discipuli
transformationem gloriœ banc esse,
quam in monte videiaul : et ideo dici-
tur : « Et interrogaverunt eum dicen-
tes : Quid ergo scribtje dicuut cjuod
Eliam oportet venire, » etc. Ac si dice-
rent : Si jam venisti in gloriam, quo-
modo praîcursor tuu» non apparet? ma-
xime autem hoc dicunt, quia Eliam
viderant recessisse.
CuRYS. (in hom. 38, in Motth.) Non
autem adventum EliiE discipuli Je Scrip-
turis sciebant, sed scribae eis manifesta-
bant; et ferebatur hic sermo in plèbe
indocta, sicut et de Cbristo. Non autem,
ut oportebat, adveutus Christi et Eliœ a
scribis interprctabatur; Scripturae euim
duos dant Christi adveutus : eum scili ■
cet qui factus est, et eum qui futurus
est : sed scribae plebem evertentes , se-
cundum adventum solum commemora-
bant plebi, et dicebaut quoniam si hic
436
EXPLICATION DE LEVANGILE
Christ promis, il devait être précédé par Elie. Le Sauveur donne ici à
ses disciples la solution de cette difficulté : « Mais Jésus leur répon-
dit : Il est vrai qu'Elie doit venir et rétablir toutes choses. Or, je vous
déclare qu'Elie est déjà venu, » etc. Ne croyez pas que Notre-Seigneur
commette une erreur en disant d'une part qu'Elie doit venir , et de
l'autre qu'il est déjà venu. En efTet, lorsqu'il prédit qu'Elie doit venir
et rétablir toutes choses , il parle d'Elie lui-même en personne. Elie
rétablira toutes choses en guérissant l'infidélité des Juifs qui existe-
ront alors, c'est-à-dire, suivant l'Ecriture, en réunissant les cœurs des
pères avec leurs enfants, ce qui doit s'entendre du cœur des Juifs avec
les Apôtres. — S. Aug. {Quest. évang.^ i, 21.) Ou bien, il rétablira
toutes choses, c'est-à-dire ceux que la persécution de l'Antéchrist aura
ébraulés ; ou bien, il rétablira toutes choses, c'est-à-dire il acquittera
sa dette en mourant. — S. Ciirys. {hom. 57.) Si la présence d'Elie
doit produire de si grands biens, pourquoi Dieu ne l'a-t-il pas envoyé
alors ? Nous répondons que les Juifs ont pris le Christ pour Elie et
qu'ils n'ont pas cru en lui. Mais alors ils croiront en lui, car lorsqu'après
une si longue attente , il viendra leur annoncer Jésus , ils seront plus
disposés à recevoir sa parole. Mais lorsque le Sauveur dit qu'Elie est
déjà venu, il donne le nom d'Elie à Jean-Baptiste à cause du ministère
qui lui était confié ; car de même qu'Elie sera le précurseur du second
avènement, Jean-Baptiste a été le précurseur du premier. Il appelle
Jean-Baptiste Elie, pour montrer le rapport de son premier avènement
avec l'Ancien Testament et avec les prophéties.
S. Jér. Celui donc qui doit venir en personne lors du second avè-
nement du Sauveur est déjà venu en esprit et en vertu dans la per-
est Ghristus, uportebat Eliam praevenire.
Est igitur solutio quam Ghristus inducit.
Sequitur : « At ille respoudens ait :
Elias quidem venlurus est et restituet
omnia : dico autein vobis quia jam ve-
nit, » etc. Ne auteni uistimes euui iu ser-
mone errasse, si quaudoque dicit Eliam
venturuui; et quandoque venisse : cum
enim dicit quod Elias vouturus est, et
restaurabit omuia , de ipso Elia in pro-
pria persoua luquitur; qui quideui res-
taurabit omnia, dum corriget intidelita-
tem .ludœorum, qui tuuc inveuientur,
quod est couvertere corda palrum ad li-
lios, id est, .luda-orum ad apostolos. Aug.
{de Qiiœst. Evantj. lib. i, cap. 21.) Vel
restituet oimiicu id est, eos quos Anti-
christi persecutiu perturbaveril, vel ut
ipse restitiKil moriondo, qucP débet.
Chrys. {ut sup.) Si autem lot bona erunt
ex Elise praeseutia, quare tune non euni
misit? Dicamus quia et tune Christum
Deslimantes Eliam, non crediderunt ei.
Tune autem Elise credent, quia cum
post lantam expectationem venerit an-
nuutians Jesum, facilius suscipient quae
ab eodcm diceutur. Cum vero dicit quod
« Elias jam veuit, » .loannem Eliam
vûcat, propter miuisterii modum ; sicut
enim Elias secundi adventns praecursor
erit, ita Joannes prsecursor factus est
primi : propter hoc autem Joaunem
Eliam nominal, ut osteudat primum
suum adventum Veteri Testamento et
prophetiœ convenire.
Hier. Ipse ergo qui venturus est inse-
cnndo Salvatoris adventu jnxta corporis
lidem, nunc per Joaunem veuit in vir-
DE SAINT MATTHIEU, flHAP, XVII.
i37
sonne de Jean-Baptiste. « Et ils ne l'ont pas connu, » etc. C'est-à-dire
qu'ils l'ont méprisé et^mis à mort. — S. Hil. Ainsi, celui qui était le
précurseur de l'avènement du Sauveur le fut aussi de sa passion, dans
les outrages et les persécutions qu'il endura, ce que Notre -Seigneur
indique par les paroles suivantes : « C'est ainsi qu'ils feront souflVir
le Fils de l'homme. » — S. Chrys. {hom. 57.) Le Sauveur choisit l'oc-
casion favorable pour leur parler de sa passion, en leur faisant trouver
une puissante consolation dans le rapprochement qu'il en fait avec
celle de Jean-Baptiste. — S. Jér. Comment peut-on dire qu'Hérode et
Hérodias qui ont fait décapiter Jean-Baptiste, ont aussi crucifié Jésus-
Christ, alors que nous lisons dans l'Evangile que ce furent les scribes
et les pharisiens qui le mirent à mort ? Nous répondrons en peu de
mots que la faction des pharisiens fut complice de la mort de Jean, et
qu'Hérode joignit sa volonté à celle des Juifs qui crucifièrent le Sau-
veur en le renvoyant à Pilate pour qu'il fût crucifié , après s'en être
moqué et l'avoir couvert de son mépris (1).
Rab. En rapprochant la pensée de la passion du Seigneur, qu'il leur
avait souvent prédite , de la mort du précurseur, qui était un fait ac-
compli, les disciples comprirent que c'était de Jean-Baptiste qu'il leur
avait parlé sous le nom d'Elie. « Alors les disciples comprirent, » etc.
— Orig. Quant à ce que Notre-Seigneur dit de Jean : « Elle est déjà
venu, » etc., il ne faut pas l'entendre de l'àme d'Elie, pour ne pas
tomber dans la croyance à la métempsycose, qui est contraire à la doc-
trine de l'Eglise, mais comme l'ange l'a expliqué à Zacharie , c'est-à-
dire qu'il est venu dans l'esprit et la vertu d'Elie.
(1) On ne voit pas expressément dans saint Luc, où il est question d'Hérode (chap. xxv), qu'il
ait renvoyé Jésus à Pilate pour qu'il fût crucifié ; nous voyons au contraire que Pilate conclut de
ce renvoi qu'Hérode n'a trouvé en lui aucune cause de mort, mais on peut déduire cependant cette
conséquence de l'ensemble des procédés d'Hérode à l'égard de Jésus.
hute et spiritu. Sequitur : « Et non co-
gnoverunt eum, » etc., hoc est spreve-
runt et decollaveruut eum. Hilar. Ut
Domini adventum praenuutians , pas-
sionem quoque praecurreret, et injuriœ
et vexationis exemplo : unde sequitur :
« Sic et Filius hominis passurus est ab
eis. » Chrys. {utsup.) Inquo opportune
suam passionem commémorât, ex pas-
sione Joanuis multam eis preebens con-
solationem. Hier. Quaeritnrergo eum He-
rodes et Hérodias Joauneminterfecerint,
quomodo ipsi quoque Jesum crucifixisse
dicantur, eum legauuis eum a scrihis et
pharisaeis interfectum : et breviter res-
poudendum, quod in J oannis necem pha-
risa&orum factio consenserit ; et in occi-
slone Domini Herodes junxerit voiunta-
tem suam; qui iilusum atque despectum
remisit ad Pilatum, ut eum crucifigeret.
Raba. Ex indicio autem passionis suae
(quam Dominus ei sœpius praedLxit), et
praecursoris sui (quam jam completam
cernebant) discipuli cognoscebant Joau-
nem sibi in Eliae vocabulo demonstra-
tum esse : unde sequitur : « Tune intel-
lexerunt discipuli, » etc. Orig. [ut sup.)
Quod autem dixit propter Joannem,
« Elias jam venit, » non anima Eliae est
intelligenda , ne incidamus in dogma
transcorporationis, quod alienum est ab
ecclesiastica veritate ; sed sicut Angélus
praedixit {Luc. 1) : « Venit in spiritu et
virtute Eliae. »
138
EXPLICATION I»F L EVANGILE
t. 14-17. — Lorsqu'il fut venu vers le peuple, un homme s'approcha de lui, qui
se jeta à genoux, à ses pieds, et lui dit : Seigneur , ayez pitié de mon fils qui
est lunatique et qui souffre beaucoup, car il tombe souvent dans le feu et sou-
vent dans l'eau. Je l'ai présenté à vos disciples, mais ils ne l'ont pu guérir. Et
Jésus répondit en disant : 0 race incrédule et dépravée ! jusqu'à quand serai-je
avec vous? jusqu'à quand vous souffrirai-je? Amenez-moi ici cet enfant. Et
Jésus, ayant menacé le démon, il sortit de l'enfant, qui fut guéri au même
instant.
Orig. Pierre, qui désirait cette vie glorieuse qui venait de lui être
révélée, et préférait ses intérêts aux intérêts du grand nombre, disait :
a Nous sommes bien ici. » Mais la charité ne cherche pas ses intérêts
personnels (I Co?inth., xiu); aussi Jésus n'accéda point au désir de
son disciple, il descendit vers le peuple comme de la montagne élevée
de sa divinité, afin de secourir ceux qui ne pouvaient monter jusqu'à
lui, par suite des infirmités de leur âme. C'est ce que'signifient ces pa-
roles : « Et lorsqu'il fut venu vers le peuple. » Car s'il n'était pas
venu le premier vers ce peuple avec les disciples qu'il avait choisis,
il n'eût pas vu s'approcher de lui cet homme dont il est dit : a Un
homme s'approcha de lui, et se jetant à ses pieds, il lui dit : Seigneur,
ayez pitié de mon fils. » Remarquons ici que tantôt ce sont les ma-
lades eux-mêmes dont la foi sollicite la guérison; tantôt ce sont
d'autres personnes qui la demandent pour eux , comme cet homme
prosterné aux genoux de Jésus le prie pour son fils ; tantôt , enfin,
le Sauveur guérit de lui-même sans eu avoir été prié. Or, examinons
d'abord ce que signifient ces paroles : « Il est lunatique, et il souffre
beaucoup (1*). » Les médecins interprètent cette maladie à leur ma-
(1*) Cet homme était atteint d'épilepsie. En effet, les caractères principaux de cette maladie se
Et cum venisset ad turbam, accessit ad eum homo
genibus provolulus ante eum, dicens : Domine,
miserere filio meo, quia lunalicus est, et maie
patitur : nam sœpe cadit in ignem, et crebro
in aquam ; et obtuli etim discipulis tuis, et non
potuerunt curare eum. Respondens autem Jé-
sus, ait : O generalio incrcdula et perversa,
quousque ero vobiscum? usquequo patiar vos?
Afffrte hue illum ad me. Et increpauit illum
Jésus, et exiit ab eo dœmonium ; et curatus est
puer ex illa hora.
Orig. [Tract. W. m/ 5«/).) Concupiscens
Petrus spectabilem illam vitani et prœ-
ponons utililateni siiaiii uUlitatibu? plu-
rimoriini, dicebal : « Bouum est nos hic
esse : » #ed quoniam charilas non ipuerit
qiue sua snut (I Cor. 13), hoo quoil vi-
debatnr honum Peiro, uon fecit .Itsus ;
sed (juasi de moule excelso Divinitalis
descendit ad turbam, ut qui uon pote-
rant ascendere sursum propter infirmi-
tatem animarum suarum, illis proficiat :
unde dicitur : « Et cum venisset ad
turbam ; » nisi enim cum discipulis suis
electis venisset ad turbam , non acces-
sisset ad eum ille de quo subditur :
« Accessit ad eum homo genibus provo-
iutus ante eum, dicens : Domine, mise-
rere filio meo. » Ubi considerandum est
quod quandiique qui patiuntur, creduul
et deprecantur pro sua salute ; quando-
que autem pro eis alii faciunt, sicut nuuc
qui prenibus volvitur, pro filio rogat ;
quaudoque vero a semelipso Saivator
etiam a uuUo rogaius, sauat. Primo au-
tem quipramus quid est quod sequitur :
« Onia lunaticus est, et maie patitur. »
DE SAINT MATTPrTF.U, CHAP. XVII. i39
uière, ils ne veulent point y voir l'action de l'esprit impur, maisl'efifet
d'une douleur matérielle ; ils prétendent que les humeurs sont mises
en mouvement dans la tête d'après certain rapport d'influence exercé
par la lune. Pour nous, qui croyons à l'Evangile, nous disons que
c'est l'esprit impur qui est l'auteur de cette maladie dans les hommes,
îl observe certaines phases de la lune , et il agit de manière à faire
adopter aux hommes cette erreur que leurs maladies sont la suite des
influences lunaires , et à leur faire conclure que les créatures de Dieu
sont mauvaises. C'est ainsi que d'autres démons observent d'autres
signes dans les étoiles pour tendre des pièges aux hommes, et profé-
rer contre le ciel des paroles d'iniquité , c'est-à-dire qu'il existe des
étoiles malfaisantes, et d'autres douées de qualités contraires, quand
il est vrai de dire que Dieu n'a créé aucune étoile qui puisse faire du
mal aux hommes.
«Car souvent il tombe dans le feu, » etc. — S. Chrys. {hom. 57.)
Remarquons que si cet homme n'avait pas été protégé par la Provi-
dence, il fût mort depuis longtemps ; car le démon qui le précipitait
dans le feu et dans l'eau l'aurait fait périr , si Dieu n'eût mis frein à
sa fureur. — S. Jér. « Je l'ai présenté à vos disciples, et ils n'ont pu
le guérir. » Il accuse indirectement les Apôtres , bien que cependant
le défaut de guérison ne vienne pas toujours de l'impuissance de ceux
qui essaient de guérir , mais du peu de foi de ceux qui veulent être
guéris. — S. Chrys. [hom. 57.) Voyez , d'ailleurs, comme cet homme
retrouvent dans la description qu'a faite le père de l'état de son enfant. L'épilepsie se manifeste
d'ordinaire au changement de la lune et c'est la raison pour laquelle le père dit qu'il était luna-
tique. Quoi qu'il en soit, cette affection du système nerveux, cette épilepsie était chez ce jeune
homme produite par le démon, comme nous le voyons par la question que les apôtres font à
Notre-Seigneur : « Pourquoi n'avons-nous pu, nous autres, chasser ce démon? n
Medici ergo Iqquuntur quse volunt ; quia
nec immundum spirilum arbitranlur, sed
corporalem aliquam passiouem, et dicunt
huraida moveri in capite secundum ^i-
quam compassiouem ad lumen lunare,
quod humidam habet naluram ; nos au-
tem, qui Evanctelio credimus, dicimus
hanc passionem immundum spiritum in
horainibus operari. Observât enim quifi-
dam scbemata lunœ, et sic operatur, ut
ab observatione lunae pati homines men-
tiatur, et per hoc culpabilem Dei crea-
turam ostendat : sic et alii daemones se-
cundum aliqua stellarum schemata in-
sidiantur hominibus, ut iniquitatem qui-
dam in excelso loquantur [Psal. 72),
quasdcim stellas dicentes maleficas, quas-
dam beneficas : cum nuUa steila a Deo
sit facta ut maie faciat.
lu hoc autem quod subditur : « Nam
sœpe cadit in ignem, » etc. Chrys. {ttt
sup.) Considerandum est quod nisi pro-
videntia hic liomo esset munitus, dudum
periisset : dœmon enim qui ipsum in
ignem et in aquam mittebat, interfecis-
sel eum omuino. nisi Deus eum refrae-
nasset. Hier. Quod autem dicit : « Et
obtuli eum discipulis tuis, et non po-
tuerunl eum curare, » latenter accusât
apostolos; cum impossibihtas curandi
interdum, non ad irabecillitatem curan-
tium, sed ad eorum qui curandi sunt fi-
dem referatur. Chrys. {ut sup.) Inspice
autem et aliunde ejus insipientiam ; qua-
4iO
EXPLICATION DE L EVANGILE
est imprudent; c'est en présence de la foule qu'il cherche à indisposer
Jésus contre ses disciples; mais Jésus les justifie aussitôt en rejetant
sur lui seul le défaut de guérison. Nous avons , en efi'et , plusieurs
preuves de son peu de foi. Cependant le Sauveur , pour ne pas le dé-
courager, ne fait pas tomber sur lui seul ses reproches, mais sur tous
les Juifs ; car il est probable que plusieurs d'entre eux avaient mau-
vaise opinion de ses disciples. Or, Jésus répondit: « Jusquesà quand
serai-je avec vous? » etc., paroles qui nous montrent le désir qu'il
avait de sortir de la vie et de souffrir la mort.
Rémi. Il faut se rappeler que ce n'est pas seulement de ce jour, mais
de longtemps auparavant , que le Seigneur avait à souffrir de la mé-
chanceté des Juifs; c'est pour cela qu'il dit: «Jusquesà quand serai-je
avec vous ? » C'est-à-dire j'ai souffert depuis trop longtemps de vos
injustices, et vous êtes indignes de ma présence. — OniG. Ou bien,
ses disciples n'ayant pu guérir cet homme par suite de leur peu de foi,
c'est à eux qu'il adresse ce reproche : a 0 génération incrédule ! » Il
ajoute : « Et dépravée , » pour nous apprendre que le mal a pour
cause sur la terre la perversité des hommes, et non leur nature, et
c'est, je pense , cette perversité de tout le genre humain qui le fait s'é-
crier comme accablé sous le poids de tant de malice : « Jusques à quand
serai-je avec vous? » — S. Jér. N'allons pas croire que le Sauveur se
soit laissé abattre par l'ennui, et que lui, si doux et si pacifique, ait
éclaté en paroles de colère ; non , il agit ici comme un médecin qui,
voyant un malade aller contre ses ordonnances, dirait : Jusques à quand
viendrai-je ici? jusques à quand perdrai-je mes soins et mes peines,
puisque vous faites le contraire de ce que je vous ordonne ? Une preuve
liter coram turba interpellai Jesum ad-
versus discipulos : sed ipse eos libérât
ab accusatioue, defectum curationis im-
piitaus illi. Ex multis enim monstratur
eum in/inniitii m fide fuisse : non ta-
men tautuni in ejus persouam invehitur,
ne ipsuni contnrbaret, sed in omnes Ju-
dœos : probabilo est enim nmllos prœ-
seutiunide discipulis inconvenientia co-
gitasse : et ideo sequitur : « Respondens
autem Jésus dixit : Quousqae, » etc.
Per lioc autem quod dicit : « Quousque
ero vobiscum, » oslendit desideratam ah
eo esse mortem, ot coucupisciljilem re-
cessum.
Remig. Siiendum (luoque quin Domi-
nas, non tanlum tune ra-peral pati im-
probitatem .luda'orum,sed alongoprius
tempore : et ideo hic dicit : « Usquequo
patiar vos? » Ac si dicat : « Quia longo
tempore cœpi pati vestras improbitales,
ideo indigni estis mea prsesentia. » OniG.
{ut svp.) Vol quoniam non potuerant
eum sanare discipuli, quasi adhuc mo-
dicse tîdei constituti, propterea dixit :
« 0 generatio inoredula ! » Et quod ait,
pcrversa, ostendit quoniam ex perver-
sitate malitia est introducta extra natu-
ram : puto autem quod propter perver-
silatem totins humani generis quasi gra-
vatus malitia eorum, dixit : « Usquequo
ero vobiscum? » Hier. Non autem cre-
doudum est quod ttedio superatus sit, et
mansuetus ac mitis in verba furoris eru-
perit : sed quod in similitudinem medici
si t-egrotum videat contra sua prœcepta
se gerere, dicat : Usquequo accedani in
domum tuam ? usquequo artis perdam
industriam, me aliud jubente, et le aliud
perpétrante? Quod autem non sit iratus
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVII. 441
qu'il n'est pas irrité contre cet homme, mais seulement contre sa
mauvaise disposition, et que dans sa personne il veut reprendre l'in-
crédulité de tous les Juifs, c'est qu'il ajoute : « Amenez-moi ici cet en-
fant. » — S. Chrys. {hom. 57.) Après avoir excusé ses disciples , il
inspire au père de cet enfant l'espérance douce et certaine de la gué-
rison de sou fils , et pour amener le père à croire à ce miracle, il me-
nace le démon qu'il voit s'agiter et trembler au seul son de sa voix.
« Et Jésus le menaça, » non pas celui qui soufirait, mais le démon, —
Rémi. Il laisse en cela un exemple aux prédicateurs, c'est de reprendre
et de poursuivre les vices, mais de soulager les hommes. — S. Jér.
Ou bien il réprimande cet enfant , parce que ses péchés étaient cause
qu'il était tourmenté par le démon.
« Et le démon sortit de lui. » — Rab. Car aucune infirmité ne ré-
siste à l'action du Tout-Puissant qui donne la guérison.
S. Jér. Pour moi, je crois que dans le sens figuré le lunatique est
celui qui, par moment, retourne au vice, et qui tantôt se précipite
dans le feu, parce que le cœur des adultères est comme une fournaise
embrasée (1); tantôt se jette dans les eaux des voluptés et des désirs
charnels qui ne peuvent éteindre la charité. — S. Aug. [Quest.
évang., i, 22.) Ou bien, le feu signifie la colère, parce qu'il tend à
s'élever en haut; et l'eau les voluptés de la chair. — Orig. L'Esprit
saint, parlant de l'inconstance du pécheur, dit : « L'insensé est chan-
geant comme la lune. » {Ecdésiast., xxvii.) On voit, en effet, ces
hommes se livrer avec une espèce d'impétuosité à la pratique des
n) u Tous les adultères sont comme le four où ou a mis le feu. » (Osée, vu, 4). « Ils lui ont
exposé leur cœur comme un four, » (vu, 6,) ce que les Septante ont traduit ainsi : a Leurs cœurs
ont été allumés comme un four, o
homini, sed vitio, ac per unum homi-
nem Judœos arguât infidelitatis, patet ex
hoc quod infert : « Afferte hue ilhim ad
me. » Chuvs. {xit sup.) Postquam enim
discipulos excusaverat, ducit patrem
pueri ad spem benignam credendi quod
ab lioc uialo eripietur ; et ut iuducatur
pater ad fideni futuri miraculi, videns
dsemonem turuultunj pati ex hoc solum
quod vocabatur, increpavit eum : unde
sequitur : « Et iucrepavit eum Jésus : »
non ille qui patiebatur, sed da;mon in-
crepatur. Remig. In quo facto reliquit
exemphim pi\Tdicatoribus. ut vitia per-
sequantur , homines vero sublevent.
Hier. Sive increpavit puerum, quiaprop-
ter peccata sua a daemone fuerat op-
pressus.
Sequitur: «Et exiit ab eo daemouium. »
Rab. Quia nuUa remauet ihi infirniitas,
ubi omnipotens salutem prasstat.
Hier. Mihi autem videtur juxta tro-
pologiam lunaticus esse, qui per hora-
runi momenta mutatur ad vitia; et nunc
quidem in i^^uem fertur, quod adulte-
rantium corda succensa sunt; nunc in
aquas, scilicet vokiplatum, vel cupidi-
tatum, quœ non valent extinguere cha-
ritatem. Aug. (de Qu.tsf. Evong. lib. i,
cap. 22.) Vel ignis ad irani pertinet, eo
quod alta petat ; aqua vero ad volup-
tates carnis. Orig. [ut snp.) De incons-
tantia autem peccatoris dicitur (Ecdé-
siast. 27) : « Stultus ut luna mutatur. »
Et est videre in tahbus impetus quos-
dain quasi operum bonorum subrepere ;
442 EXPLICATION DE l/ftVANGILE
bonnes œuvres, et puis soudain , comme emportés par un mauvais
esprit, devenir les esclaves de leurs passions, et déchoir du haut de-
gré de vertu où on les croyait inébranlables. Peut-être est-ce l'ange à
qui Dieu a confié la garde de ce lunatique , qui est appelé ici son
père, et c'est lui qui prie le médecin des âmes comme pour son fils, et
lui demande de délivrer celui que n'a pu guérir la parole impuissante
des disciples du Christ, parole qu'il n'a point voulu entendre, comme
s'il était atteint de surdit<; ; il faut la parolu du Christ pour qu'il agisse
désormais suivant les inspirations de la raison.
y, 18-20. — Alors les disciples vinrent trouver Jésus en particulier et lui dirent :
Pourquoi n' avons-nous pu, nous autres, cfuisser ce démon? Jésus leur répon-
dit : A cause de votre incrédulité. Car je vous le dis en vérité, si vou-i aviez
de la foi comme un grain de sénevé , vous diriez à cette montagne : Trans-
porte-toi d'ici là, et elle s'y transporterait; et rien ne vous serait impos-
sible. Mais cette sorte de démons ne se cho.sse que par la prière et par le
■jeîme.
S. CiiRYS. {hom. o7.) Les Apôtres avaient reçu le pouvoir de chasser
les esprits immondes , et comme cependant ils n'avaient pu délivrer
le démoniaque qui leur avait été présenté , on peut supposer qu'ils
doutaient s'ils avaient encore le pouvoir qui leur avait été donné. C'est
ce que i'Evangéliste nous exprime en disant : « Alors les disciples
vinrent trouver Jésus, » etc. Ils l'interrogent en particulier, non par
un sentiment de crainte ou de Vionte, mais parce qu'ils avaient à lui
demander rexplicatiou d'une chose extraordinaire et mystérieuse.
a .Jésus leur répondit : A cause de votre incréduUté. » — S. Hil. Les
Apôtres avaient la foi, sans doute ; mais elle était loin d'être parfaite ;
aliquando autem quasi qoadam abrep- 1 monlihuic : Transi kinc Uluc, ut tramibù ; et
tiorie spiriliis a passionibus comprehen- nihil impossibile erii vobi». Hor. autem yenus
.lunliir, (ït cariant a stalu horio, in quo i """ 'J^^"''' ""' P'^ orationem etjejunium.
starc putabariliir. ForsiUiri nnio ari^^elus j Crhys. {nt sup.) Ai;ceperant discipulia
qui sortitus est hujus bjriatici ciiBlodiarii, I Domiuo potestalem spiriluurn iminun-
pater bnjii-H appellatur, dfîprccaris quasi ! dorum, et quia oblatuin dieinoniacum
pro filio medicurn aniinarum, ut iiberet \ curare non potuerant, videtur quod in
eurn qui non potest .«anari a passioiHi per I dubitationem deveuerint, ne forte gra-
vf;rbum buniiie discipuioruui Ciiristi ; | tiam quai erat eis tradita, perdidissenl :
quia non recepit eoruni adruonitioneni, i et ideo dicit : «Tune accesserunt, » eU.-.
veluti surdus : et ideoopus est ei Christi Interrogant quidcm singulariler , non
sermo, ut jani de cîctero sine ratione j propter verecundiam, sed quia de inef-
non agat. { fabili et magna re erant eum inlerroga-
turi.
Tune accesserunt discipuli ad Jesum secreto, et
dixerunl : Quare nos non potuimus ejicere il-
lum ? Dixit mis Ji-mn : Propter ineredulita-
Ipm veslram : nmen r/uippe dieo "obis : Si hn-
hueritis fidnm sicut f/ranum f inapis , dicetis
Sequitur : « Dixit illis Jésus : Propter
incredulitatem veslram. » Hilar. [ut
Slip.) Crediderant quiiiem apostoli ; iion-
dum tamen erant perfeclœ fidei : nam
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVII. 443
car pendant le séjour du Seigneur sur la montagne , elle s'était bien
affaiblie au contact de la foule, au milieu de laquelle ils étaient restés.
— S. Ghrys. {hom. 57.) Il est donc évident, d'après ces paroles, que
quelques-uns des disciples, mais non pas tous, avaient faibli dans la
foi; car ceux qui étaient comme les colonnes (I), c'est-à-dire Pierre,
Jacques et Jean, n'étaient pas alors avec eux. — S. Jér. C'est cette
vérité que le Seigneur leur rappelle dans un autre endroit {Jean, xv) :
« Tout ce que vous demanderez en mon nom , vous le recevrez , si
vous avez la foi. » Donc toutes les fois que nous ne recevons pas , ce
n'est pas l'impuissance de celui <jui accorde , mais la faute de ceux
qui demandent qui en est cause.
S. Chrys. {hom. 57.) Il faut cependant se rappeler que souvent la
foi de celui qui prie suffît pour obtenir le miracle qu'il demande , que
bien des fois aussi la puissance de celui qui opère le miracle suffit
également, lors même que ceux qui demandent ce miracle n'ont pas
la foi. Car si d'un côte ceux qui vinrent trouver Pierre en faveur du
centurion Corneille attirèrent sur lui la grâce de l'Esprit saint par
la foi personnelle; d'un autre côté , le mort qui fut jeté dans le tom-
beau d'Elisée ressuscita par la vertu seule du corps du saint pro-
phète. (IV Rois, xui.) Or_, il arriva que les disciples faiblirent ici dans la
foi, parce que leurs dispositions étaient imparfaites avant la passion
du Sauveur. C'est pour cela qu'il donne ici la foi comme la cause des
miracles : « Je vous le dis en vérité, si vous aviez de la foi, » etc. —
S. JÉR. Il en est qui pensent que la foi qui est ici comparée au grain de
sénevé , est petite et faible ; mais qu'ils écoutent le grand Apôtre
s'écriant : « Quand j'aurais une foi si grande, que je pourrais trans-
(1) C'est ainsi que les appelle l'apôtre saint Paul : u Jacques, Céphas et Jean, qui paraissaient
être les colonnes. i> {Galat., n, 9.)
Domino in monte demorante, el ipsis
cum turba residentibus, quidam tepor
eorum fidem relaxaverat. Chrys. {iit
Siip.) Unde manifestum est hinc quo-
niam et discipuli in fide infirmati sunt,
sed non omnes : columna; enim illœ non
aderant, scilicet Petrus, Jacobus et .loan-
nes. Hier. Hoc est autem quod in alio
loco Dominus dioit {Joan. 15) : « Quse-
cunque in nomine meo petieritis, acci-
pietis credentes. » Ergo quoties non ac-
cipimus, non prsestantis est impossibi-
litas, sed poscentium culpa.
Chrys. {ut sup. ) Sciendum tamen
quod sicut multoties accedentis tides ac-
cipère sufficit effectum miraculi , ita
multoties facientium miracula sufficit
virtus, eliam non credenlibus illis qu
expeticriut miracula operari. Etenim qui
circaCornelium ex propria tidcallexerimt
gratiani Spiritus sancti : ille autem mor-
tuus(iui projectusestiu sepulcrum Elisaei,
sola virtuto corporis sancti resuscitatus
est. (IV Iteg. dS.) Coutigit autem et tune
discipulos infirmari in fide : imperfectiiis
enim dispositi erant ante crucem ; et
ideo fidem dicit hic esse causam signo-
rum : unde subditur : « Amen quippe
dico vobis : Si habuerilis fidem , » etc.
Hier. Putant aliqui fidem grano sinapis
comparatam parvenu dici, cum Aposto-
lus dicat (1 Corinth. 13) : « Et sihabuero
444
EXPLICATION DE l'ÉVANGILK
porter les montagnes. » (I Cor., xiii.) C'est donc une grande chose que
la foi que le Sauveur compare ici à un grain de sénevé.
S. Grég. {Moral, i, 2 ou 4, Pref.) Si le grain de sénevé n'est broyé,
il ne fait point sentir sa vertu; ainsi, c'est lorsque la persécution
accable et broie pour ainsi dire l'homme juste, que tout ce qui parais-
sait en lui de méprisable et d'informe se change en vertu pleine de
ferveur. — Orig. [Traité iv sur S. Matth.) Ou bien encore, la foi est
comparée au grain de sénevé, parce que les hommes n'ont pour elle
que du dédain et la regardent comme une chose de peu d'importance
et sans aucune valeur. Mais lorsque cette semence trouve une âme
bonne, comme une terre bien disposée, elle devient un grand arbre.
Or, la maladie de ce lunatique est si forte et si difficile à guérir parmi
toutes les autres, qu'elle est comparée ici à une montagne et qu'elle
ne peut être guérie que par toute la foi de celui qui entreprend cette
guérison. — S. Chrys. {hom. 57.) C'est pour cela que le Sauveur la
compare indirectement au transport d'une montagne, et qu'il va
même au delà en ajoutant : « Et rien ne vous sera impossible. » —
Rab. Ainsi la foi rend notre âme capable de recevoir tous les dons du
Ciel et d'obtenir avec la plus grande facilité tout ce que nous pouvons
demander au Seigneur, fidèle dans ses promesses.
S. Chrys. {hom. 57.) Si vous me demandez : Quand donc les
Apôtres ont-ils transporté des montagnes? je vous répondrai qu'ils
ont opéré des prodiges bien plus grands en ressuscitant plusieurs fois
des morts. Mais l'histoire nous apprend qu'après les Apôtres, des saints
qui leur étaient inférieurs ont réellement transporté des montagnes
dans des nécessités pressantes (l*). Si les Apôtres eux-mêmes n'ont
(1*) Saint Grégoire le Grand rapporte un miracle semblable de saint Grégoire de Néo-Césarée,
tantam fidem ita ut montes transferam : »
magna est ergo fides quce grano sinapis
comparatur.
Greg. (I Moral, in jncefat. cap. 4vel
2.) Graniim qiiippe sinapis nisi teratiir,
nequaqnam virtus ejiis aguoscitur : sic
si viruni sanctinn tritura persecutionis
opprimai, mox in fervorem virtutis ver-
titnr quic({uid iii illo autea despicabile
infirnnunque videbatur. Orig. {Tract.
4, m Matth.) Vol ideo omnis tides grano
sinapis coniparatur, quoniam conteni-
nitur quidem tides ab lioinlnibus, et
niodicuni aliiiuid et vile apparet. Cuin
vero conseciitinn fueritliujusniodisemen
bonam aniniani quas terram. fit arbur
magna. Sic autem magna est pra'dicta
liiuatici infirmitas, et fortis ad rurandiun
inter omnia mala, ut menti assimiletur,
nec expellatur, nisi per omnem fidem
ejus qui passiones liujusmodi sanare vo-
luerit. Chrys. [ut sup.)\jnàe etdetrans-
latione montium mentionem facit : et
ultra procedit, diceus : « Et nihil im-
posslbile erit vobis. » Rab. Sic enim fides
meutem nostram capacem douis cœles-
tibus facit, ut quaîcunque voiumus fa-
cillime a fideli Domino impetrare pos-
simus.
Chrys. {ut svp.) Si autem dixeris :
Ubi apostoli montem traustulerint, illud
dicam , qnia mulla majora l'ecerunt ,
mortuos pluriuios suscitantes. Dicuntur
autem post apostolos, sancti quidam
apostolis minores, montes necessitate
imminente transtulisse. Si autem apos-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVII. 445
pas fait de miracles de ce genre, ce n'est point impuissance de leur
part, mais parce qu'ils ne l'ont pas voulu, n'y voyant aucune néces-
sité. Le Seigneur ne dit pas d'ailleurs (ju'ils feraient ce miracle, mais
qu'ils pourraient le faire. Il est probable cependant qu'ils ont opéré
ce prodige , mais les Evangélistes ne nous en ont point conservé le
souvenir, car ils n'ont pas rapporté tous \vs miracles faits par les
Apôtres. — S. Jér. Ou bien encore , la montagne qu'il s'agit ici de
transporter n'est point une de ces montagnes qui peut être aperçue
des yeux du corps , mais cette montagne qui fut enlevée de l'àme du
lunatique et dont Jérémie a dit qu'elle corrompait toute la terre.
{Jéj'émie^ li, 25.)
La Glose. Voici donc le sens de ces paroles : Vous direz à cette
montagne, c'est-à-dire au démon plein d'orgueil : Transporte-toi d'ici,
c'est-à-dire de ce corps que tu obsèdes, dans les profondeurs de la
mer, c'est-à-dire dans les abîmes de l'enfer; et il s'y transportera , et
rien ne vous sera impossible, c'est-à-dire qu'il n'y aura point de ma-
ladie que vous ne puissiez guérir. — S. Aug. [De Vacc. des Ev., i, 22.)
Ou bien , dans un autre sens , de peur que les Apôtres ne vinssent à
s'enorgueillir des miracles qu'ils opéraient, Notre-Seigneur les avertit
de chercher plutôt à remplacer la vanité naturelle à l'homme, figurée
ici par une montagne élevée , par l'humilité de la foi , qu'il compare
à un grain de sénevé.
appelé le Thaumaturge [Dialog., S, 7.) Comme une montagne l'empêchait de bâtir une église, il
pria Dieu avec une foi vive de la faire changer de place et la montagne changea de place. Cepen-
dant saint Grégoire de Nysse, dans la vie de ce saint, ne parle que d"un grand rocher, qui fut
déplacé ; mais il avertit plusieurs fois qu'il n'a pas tout raconté.
Transporter les montagnes, c'était au temps de Notre-Seigneur un proverbe commun chez les
Juifs pour exprimer une force et une puissance considérables. En prononçant ces paroles il mon-
trait sans doute à ses disciples le Thabor et la mer de Galilée. Le Thabor, en effet est de 200 pieds
plus haut que les montagnes environnantes. Il s'élève à 1,300 pieds au-dessus de la vallée , à
1,748 pieds au-dessus du niveau de la Méditerranée, et à 2,300 pieds au-dessus du lac de Géné-
sareth; de sorte que l'image dont il se sert en cette circonstance, quand il dit que la montagne
se jetterait dans la mer, n'avait rien que de très-naturel.
tolorum tempore montes uon siint traus-
lati, hoc uou fuit quia non potuerunt,
sed quia noluerunt, utilitate non immi-
nente. Nec Dominus dixit quod hoc es-
sent facturi, sed quod lioc facere pos-
sent : probabile tamen est factum esse,
sed scriptum non esse : neque enimom-
nia miracula qua; fecerunt, scripta sunt.
Hier. Vel monlis translalio non ejus si-
gnificatur quem oculis carnis aspicimus,
sed illius qui a Domino translatus fuerat
ex lunatico ; qui per prophetam corrum-
pere dicitur omnem terram. [Hierem.
51.)
Glossa. (interlin.) Ut sit sensus :
« Dicetis monti huic (id est, superbo
diabolo) : Transi hinc (id est ab obsesso
corpore) in altum maris (id est, in pro-
fundum iuferui), et transibit ; et nihll
impossibile erit vobis; id est, nulla in-
commoditas insanabilis. Aug. (de Cons.
Evang. lib. i, cap. 22.) Vel aliter : ne
discipuli in miraculis faciendis extoUe-
rentur in superbiam, admoniti sunt po-
tins per humihtatem lidei, quasi per sina-
pis granum, elationem terrenam (quae
montis nomine significala est) curare
transferre.
446
EXPLICATION DE L EVANGILE
Rab. Eu enseignant aux Apôtres ce qu'ils doivent faire pour chasser
les démous, il nous apprend à tous les règles de la vie spirituelle^ c'est-
à-dire que nous pouvons surmonter les plus fortes tentations, qu'elles
viennent des esprits impurs ou des hommes, par la prière et par le
jeûne, et que c'est encore un des moyens les plus efficaces d'apaiser la
colère de Dieu ; c'est pour cela qu'il ajoute : « Cette sorte de démon
ne se chasse que par la prière et par le jeûne. » — S. Chrys. (Aome-
/?e 57.) Le Sauveur ne parle pas ici seulement de l'espèce des luna-
tiques, mais de tous les démons, quels qu'ils soient ; car le jeûne est
une source abondante de sagesse ; il rend l'homme semblable à un
ange descendu du ciel et le revêt d'une force toute divine pour com-
battre les puissances invisibles. Mais la prière lui est encore plus
nécessaire, car celui qui joint le jeûne à une prière bien faite est
affranchi de bien des nécessités ; il n'est plus esclave de l'avarice ; au
contraire , sa main se répand facilement en aumônes. De même celui
qui jeûne est beaucoup plus dégagé, sa prière est plus attentive et
plus recueillie ; il éteint dans son cœur les mauvais désirs , se rend
Dieu propice et humilie l'orgueil de son âme. Celui donc qui sait unir
la prière au jeûne a, pour ainsi dire deux ailes plus rapides que les
vents ; il ne se laisse atteindre dans la prière ni par l'ennui , ni par la
tiédeur, défauts si communs dans un grand nombre; mais il est plus
ardent que le feu et plus élevé que la terre , et un tel homme est par-
dessus tout redoutable au démon. Rien n'est plus fort que l'homme
qui sait bien prier. Si la faiblesse de votre tempérament ne vous permet
pas de jeûner continuellement, au moins vous permet-elle de prier,
et si vous ne pouvez jeûner, vous pouvez au moins ne pas vous Uvrer
à la volupté. Or, c'est là un acte de haute importance et qui égale
presque le mérite du jeûne. — Orig. Si donc nous devons un jour
Rab. Dum auteui docet apostolos quo-
modo dœmou debeat expelli, omues
instituit ad vitam ; ut scilicet uoverimus
graviora quœque vel immundorum spi-
rituum vel lioniiuum tentameuta, jeju-
niis et oralionibus esse superanda : iram
quoque Domiiii hoc reuiedio singulari
posse placari : uiide t^ubdit : « Hoc au-
tem geuus nou ejicitur nisi per jejunium
et orationem. » Chrys. {ut sup.) Ouod
dicit non solum de génère lunalicoruiu,
sed et universo génère dtenionum : jeju-
nium eaim nuiltam sapientiani iniponit,
et liomincui quasi angelum de cœlo
consliluit, et incorporeas polestates ini-
puguat, sed et oratioue opus est (juasi
principaliori : qui enim orat ut oporlet,
et jejunat, non imdtis indiget ; et ita non
fit avarus, sed ad eleemosynam promp-
tus est; qui etiam jejunat, levis est, et
vigilanter orat, et concupiscenlias per-
niciosas extinguit, et propitium Deuni
facit, et animam superbam humiliât. Qui
ergo orat cum jejuuio, dupUoes babel
alas, etiam ipsis ventis leviores : neque
enim oscilat et torpet oraus (quod et
mulli paliuntur), sed est igné vehemen-
tior et terra subliaiior : ideoque talis
maxime dtemoniis adversalur. Nihil est
homines decenter orante potentius : si
auteni iufîrmum est tibi corpus ad cou-
liiuie jejunandum, non tamen ad oran-
ilum ; et si jejunai'e nou potes, tamen
non lascivire : non parvum autem est
hoc. neque multum a jejunio distans.
Orig. {ut sup.) Si ergo aliquando opor-
DE SAINT MATTHIEU, CHAI'. XVII.
447
entreprendre et poursuivre la guérison d'un mal semblable, n'adju-
rons pas l'esprit impur, ne l'interrogeons pas comme s'il nous enten-
dait; mais chassons ces esprits malins par nos jeûnes et par nos
prières. — La Glose. Ou bien encore ou ne peut vaincre cette espèce
de démon, c'est-à-dire cette inconstance des voluptés charnelles,
qu'en fortifiant son esprit par la prière et en macérant son corps par
les jeûnes. — Rémi. Ou bien enfin, le jeûne doit s'entendre ici dans
dans un sens plus étendu, non-seulement de l'abstinence des aliments,
mais du renoncement à toute volupté charnelle et à toutes les passions
qui portent au péché ; il faut entendre également la prière dans un
sens général en tant qu'elle comprend les œuvres de la piété et de la
charité, prière que l'A-pôtre recommande quand il dit : « Ne cessez
point de prier. »
f. 21-22. — Comme ils étaient en Galilée, Jésm leur dit : Le Fils de l'homme
doit être livré entre les mains des hommes ; ils le feront mourir et il ressusci-
tera le troisième jour ; ce qui les affligea extrêmement.
Kemi. Notre- Seigneur prédit souvent à ses disciples les mystères de
sa passion, afin que la connaissance plus grande qu'il leur en
donne par avance les aide à supporter plus facilement cette épreuve
lorsqu'elle sera arrivée ; c'est pour cela que nous lisons ici : « Comme
ils étaient en Galilée, Jésus leur dit : Le Fils de l'homme doit être
livré , » etc. — Orig. Au premier abord , ces paroles paraissent être
les mêmes que celles qui ont été rapportées plus haut, et on pourrait
dire qu'elles n'en sont qu'une répétition, mais il n'en est pas ainsi ; eu
effet, dans les paroles qui précèdent, il n'est pas dit que le Fils de
l'homme sera livré; ici, au contraire, nous voyous que non-seulement
il sera livré , mais qu'il sera livré entre les mains des hommes. L'A-
tuerit nos circa curationem taie aliquid
patientium permauere, uon adjuremus,
neque interrogemus, neque loquamur
quasi audienti spiritui iminimdo ; sed
abigamus jejuniis et orationibus nostris
spiritus nialignos. Glossa. Vel hoc ge-
nus dœmoriii (id est, ista carnaliuiu vo-
luptatum mutabilitas) non viucitur nisi
spiritus oratione confirmetur, et caro
perjejunium maeeretur. Remig. Vel je-
junium hic intelligitur générale, quo
non solum abstiiieiuiis a cibis, sed ad
omnibus illecebris carualibus et pecca-
torum passionibus : similiter oratio in-
telligenda est generalis, quse in piis et
bonis operibus consistit : de qua dicit
Apostolus (I Thessal. 5) : « Sine inter-
missione o; ate. »
Conversantibus antem eis in Galilœa, dixit illis
Jésus : Filius hominis tradendus est in manus
hominum, et occident eum, et tertia die resur-
get. Et contristati sunt vehementer.
Remig. Sœpe Dominus mysteria suœ
passionis discipulis prœdixit, ut quando
acciderent, tantolevius ea ferrent, quanto
praîcognitahabereul : et ideo hic dicitur :
« Conversantibus autem eis dixit : Filius
hominis tradendus est, » etc. Orig. (m^
sup.) Videutur quidem haee illis quai
supra dixerat similia esse, ut facile quis
dicat Dominum eadem ipsa repetere :
quod non est ila: tradendum enimsupe-
rius non est dictuni ; hic autem, non so-
lum iradenchtm, sed eliam in manns
hominum tradendum audivimus. Tra-
ditum igitur Apostolus Filium narrât a
i48
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
pôtre déclare que le Fils a été livré par Dieu le Père {Rom.., viii) ; mais
il est également vrai (ju'il fut livré entre les mains des hommes par
les puissances ennemies.
S. Jér. Notre-Seigneur entremêle toujours des pensées consolantes
aux souvenirs affligeants ; en effet , si la prédiction de sa mort est de
nature à les contrister , la pens('e de sa résurrection doit les combler
de joie. — S. Ghrys. {himî. 57.) Il leur prédit qu'il ne restera pas
longtemps dans le sein de la mort, mais qu'il ressuscitera le troisième
jour. — O-RiG. Cependant cette prédiction du Seigneur les jette dans
la tristesse, comme le remarciuc l'Evangélisto : « Et ils furent profon-
dément affligés. » Ils ne firent point attention aux paroles suivantes :
« Et il ressuscitera le troisième jour, » et ne réfléchirent point quel
était celui qui n'avait besoiu que de trois jours pour triompher de la
mort. — S. Jér. Or, cette tristesse profonde qu'ils éprouvent ne vient
pas de l'incrédulité, mais de l'amour qu'ils avaient pour leur Maître
et qui ne leur permettait d'entendre rien qui lui fût contraire ou qui
parût indigne de lui.
f. 23-26. Et étant venus à Caphurnaûm , ceux qui recevaient le tribut de deux
drachmes vinrent trouver Pierre et lui dirent : Votre maître )ie paie-t-il pas
le tribut ? Il leur répondit : Oui, il le paie. Et étant entré dans le logis, Jésus
le prévint et lui dit : Simon, que vous en semble? De qui est-ce que les rois
de la terre reçoivent les tributs et les impôts"! Est-ce de leurs propres enfants,
ou des étrangers (1)? Des étrangers, répondit Pierre.. Jésus lui dit : Les
enfants en sont donc exempts? Mais afin que 7ious ne les scandalisions point,
allez-vous-en à la mer et jetez votre ligne; et le premier poisson que vous
tirerez de l'eau, prenez-le et lui ouvrez la bouche : vous y trouverez une pièce
(1) Le mot étrangers est pris ici par opposition non pas à ceux qui font partie du royaume,
mais à ceux qui font partie de la maison ou de la famille du roi.
Deo Pâtre {ad Boni. 8), sed etiam con-
trariœ potestates eum iii manus hoiiii-
num tradiderunt.
Hier. Semper autem prosperis miscet
tristia : si enim contristat eos quod oc-
cidendusest, débet lœtificare, quod sub-
ditur : « Et die tertiaresuriiet. «CiiRYS.
[ut sup.) Neque enim multum lempus
dixit quo in morte manerel, sed lertia
die se dixit resurrecliirum. Orig. {vlstip.)
Praedicente autem hiec Domino, trislati
sunt discipuli : unde sequilur : « Et
conlristati sunt veiiemeuter, » non at-
tendentes ad illud quod dixerat ; « Et
tertia die resurget, » nec considérantes
quis esset cui ad destruendam mortem
trium dierum tempus sufficeret. Hier.
Porro quod contristabantur vehemen-
ter, non de infidelitate venit,verum quia
pro dilectione Magistri, niliil de eo si-
nistrum et humile patiuntur audire.
Et cum venissent Capharnaum, accesserunt qui
didrachma accipiebant ad Petrum, et dixerunt
ei: Magisl-er vesler non soleil didrachma ? Ait :
Etiam. Et cum intras^et in domum, prœvenit
eum Jésus, dicens : Quid libi videtur, Simon ?
Reges terrœ a quibus accipiunl tributum vel
censum, a filiis suis, an ab alienis? Et ille di-
xit : Ab alienis. Dixit iili Jésus : Ergo Uberi
sunt filii. Ut autem non scandalizemus eos,
rade ad mare, et mitte hamum ; et eum piscein
qui primo ascenderit, toile : et aperto ore ejus
I»E SAINT MATTHIEU, CHAI'. XVII. 440
d'argent de quatre drachmes que vous prendrez et que vous leur donnerez pour
moi et pour vous.
La Glose (I). Comme les disciples avaient été attristés en entendant
parler des souffrances du Sauveur , ufiu que personne n'attribuât sa
passion à la nécessité plutôt qu'à i^on humilité , l'Evangéliste rapporte
un fait ([ui démontre à la fois la liberté et l'humilité de Jésus-Christ :
« Et étant venu à Capharnaûm , ceux (|ui recevaient le tribut de deux
drachmes s'approchèrent, » etc. S. Hil. On vient demander au Sei-
gneur de payer l'impôt de deux drachmes, c'est-à-dire de deux
deniers. La loi commandait à tous les Israélites, pour le rachat de
leur corps et de leur âme, cet impôt destiné à l'entretien des ministres
du temple. — S. Chrys. {hom. 58.) Lorsque le Seigneur immola les
premiers-nés des Egyptiens, il prit la tribu de Lévi en souvenir de cet
événement (2*). Mais comme le nombre des premiers-nés des Juifs était
(1) On ne trouve rien de semblable dans la Glose actuelle, ni dans saint Anselme.
(2*) Le texte de saint Chrysoslorae ne laisse pas d'avoir une certaine obscurité; car on ne voit
point dans les livres de Moïse que la tribu de Lévi ait été prise pour les premiers nés des Egyp-
tiens qui furent mis à mort; mais nous lisons dans le chap. m des Nombres, » que les Lévites
furent pris pour les premiers nés des enfants d'Israël, et que pour le pr'x des deux cent soixante -
treize aines des enfants d'Israël qui passaient le nombre des Lévites il fallait payer cinq sicles pour
chaque tète, » etc., vers. 45, 46, 47, 48. C'est d'après cette citation que nous avons traduit le
texte de saint Chrysostome t6t£ xriv Aeyl çuXriV àvr' aOtàiv ëXaêev.
Toutefois nous croyons devoir ajouter que ce tribut dont Jésus fonde l'exemption sur sa filia-
tion divine n'est point le tribut que les premiers nés des Israélites payaient à Dieu comme leur
rançon pour avoir échappé au glaive de l'ange exterminateur, car malgré l'autorité de saint Chry-
sostome, ce sentiment a d'autant moins de probabilité, que cette rançon ne se payait qu'une fois
dans la vie, un mois après la naissance, ou au plus tard le jour de la présentation, et qu'elle était
de cinq sicles ou de dix drachmes.
Ce ne peut être non plus, ainsi que le pensent certains interprètes après saint Jérôme, le tri-
but imposé aux Juifs par Pompée ou par Auguste, lors du dénombrement de Cyrinus, 1" parce que
le mot census sur lequel se fondent les partisans de cette opinion ne signifie pas précisément la
taxe, l'estimation de ce que valent les biens d'un chacun, mais en général tout ce que les rois
lèvent sur leurs sujets, tributs, taxes, impôts. D'ailleurs la taxe basée sur la valeur des biens
aurait dû être inégale selon la quantité différente des biens que chacun aurait possédés, et non
pas de deux drachmes par tête. 2" Parce que si on applique à ce tribut le raisonnement de Jésus-
Christ, ou il ne conclura point pour son exemption, ou la conclusion sera fort indirecte, et suppo-
sera un autre principe qui n'est pas dans le raisonnement. Les rois de la terre reçoivent le tribut
des étrangers, et non de leurs propres enfants. Or, je suis le Fils du roi des rois; donc, je suis
exempt du tribut qu'on paie aux )'ois de la terre. Ce raisonnement serait d'autant plus faible que
le Fils de Dieu en se faisant homme et naissant volontairement sujet d'un roi de la terre, s'est
dès lors engagé à subir toutes les conditions des autres hommes, lorsqu'elles n'emportent ni pé-
ché, ni ignorance. 3" Parce que les partisans de ce sentiment ne peuvent assigner d'autre auteur
de ce tribut que Pompée ou Auguste, qui auraient imposé à tous les Juifs l'obligation de payer
au peuple romain la même somme qu'ils payaient pour leur temple; or Pompée ne rendit point la
invenies staterem : illum sumens, da eis pro
me et te.
Glossa, Quia tliscipuli audita Domini
passione contristati erunt, ne aliquis
passionem Cliristinecessitati adscriberet
non humilitati. sul)jun2it factum in quo
Christi libertas et Iniinilitas demonstra-
tur. Unde dicilur : « Et cum venissenl
Capharnaûm, aecesserunt qui didrachnia
accipiebant, » etc. Hilar. {ut sup.) Do-
minus didrachma solvere postulatur, id
est, denariûs duos : hoc enim omni Is-
raeli lex pro redeuiptione corporis et
auimœ constituerat in ministerio templi
servientium. Chrys. {in homil. 58, in
Mattli.) Cum enim primogenita ^îlgyp-
tiorum interfecit Deus, tune tributîuu
Levi pro eis accepit ; deinde quia pri-
TOM, II. 29
Ai)()
EXPLICATION DE L EVANGILE
plus considérable que le nombre des membres de la tribu de Lévi , il
ordonna de payer un sicle pour le prix de ceux <iui dépassaient ce
nombre; et de là vint la coutume de payer cet impôt pour les pre-
miers-nés. Or, comme Jésus-Christ était premier-né et que Pierre
paraissait être le premier des disciples, ils s'adressent à lui. Je ne
crois pas du reste qu'ils demandaient ce tribut dans toutes les villes,
et s'ils viennent trouver Jésus à Gapharnaiim , c'est qu'ils pensaient
que c'était sa patrie.
S. Jér. Ou bien encore on peut dire qu'après César-Auguste , la
Judée, étant devenue tributaire, l'impôt personnel atteignait tous les
individus; c'est pour cela que Joseph et Marie, qui étaient de la
même tribu, partirent pour Bethléem , afin de s'y faire inscrire. Mais
comme Notre- Seigneur avait été élevé à Nazareth, qui est un bourg
de la Galilée, voisin de Capharnaûm , on lui demande de payer le tri-
but dans cet endroit; ceux qui percevaient cet impôt, n'osant pas
le demander à Jésus-Christ lui-même, intimidés qu'ils étaient par la
grandeur de ses miracles, ils s'adressent à son disciple. — S. Chrys.
Galilée tributaire des Romains, mais seulement Jérusalem et la Judée, et Auguste conservant à
la Judée la forme de royaume allié des Romains n'a pu lui imposer de tribut.
Ce tribut est donc celui que chaque Israélite était tenu de payer annuellement pour l'entretien
du temple d'après la loi de YExode (xxx, 12, 14;) et qui dura jusqu'à la destruction du second
temple. Cet impôt était dû à partir de vingt ans. Il ne fut d'abord exigé que lorsque les besoins
du temple le demandaient ; mais probablement après le schisme des dix tribus, qui diminua les
offrandes et les revenus, il devint annuellement exigible. Cette redevance nationale était acquittée
par tous les Juifs, qui l'envoyaient de tous les points du monde, à l'époque de la solennité pas-
chale, quand ils ne pouvaient l'apporter eu.x-mêmes (Josèphe, De la guerre des Juifs, vu, 26 ;
Antig. Jud., xviti, 12.) Le Sauveur n'était point allé cette année à Jérusalem, et n'y avait pas
acquitté personnellement cette dette sacrée ; voilà pourquoi les collecteurs de l'impôt s'adressent
à Pierre, chef des apôtres, pour le lui réclamer. On'réclame au Sauveur, suivant la remarque judi-
cieuse de M. l'abbé Darras [Histoire de l'Eglise, tom. I, pag. 601) le didrachme officiel. Car bien
que les évaluations en monnaie romaine fussent d'usage pour les affaires, le commerce, le sa-
laire, et les transactions de tout genre , par une distinction où le caractère hébreu se peint tout
entier, dès qu'il s'agissait de l'impôt national pour le Temple, et des dîmes sacrées établies par
Moïse, le langage romain était répudié, on n'employait que les évaluations de l'ancien système
monétaire de la Grèce, établi en Judée par Alexandre le Grand. Il est aisé maintenant de com-
prendre le raisonnement de Jésus-Christ. Dieu lève tous les ans un tribut pour les dépenses ordi-
naires de sa maison ; or, il ne prétend pas comprendre dans cette capitation son propre fils, mais
seulement ses sujets; preuve, Yexemple des rois de la terre. La conséquence est claire pour
Jésus-Christ qui parlait à un Apôtre persuadé qu'il était vraiment le Fils de Dieu.
mogenitis (jui erant apiid Judœos niinor
hiijus tribus iniuierus erat, pro deficieii-
libus in uuuioruni siolnm jussit inforri ;
et ex tuuc touuil eousuetudo, ut priiuo-
ixenita vecUiral lioc iul'errenl; quia igitur
priiuuifenilus erat Cliristus, videbalur
autem discipulorum primus esse Potrus,
ad eum accedunt : et ut inilii videtur,
non iu unaquaque civitate hoc expete-
bant : ideoque in Capharnaûm adeunt
Christuui, quia ejus patriaexistiuiabalur.
HiKR. Vel aliter : posl Auaustum Civ-
sareui, Judœa facta est tributaria : om-
nes l'eusi capite ferebanlur : unde et
Juseph (uui Maria, coiiuata sua, prol'ec-
tusest in Bethléem. Rursus quouiani
Domiuus nutrilus erat in Nazareth (quod
est oppidum GalilrPie subjacens Caphar-
naûm urbi), ibi depusiilur tributum ; et
pro signorum maiiniludine hi qui exige-
bant, non audobaut ipsum repetere^ sed
discipulum conveniunl. Curys. {nf sup.)
DE SAINT MATTHIEU, CHAP, XVII.
;t
{hom. ri8.) Ils l'interrogent sans arrogance, mais avec douceur et sans
formuler d'accusation. C'est une simple fiuestion qu'ils lui posçnt :
(T Votre maître ne paie-t-il pas le tribut des deux drachmes? » —
S. Jér. Ou bien ils l'interrogent avec malice pour savoir s'il paie les
impôts et s'il n'est pas en opposition avec les ordres de César.
S. Cmrys. {hom 58.) Or, quelle est la réponse de Pierre? « Et il
leur répondit : Oui. » C'est à eux que s'adresse sa réponse et non pas
à Jésus-Christ, car il rougissait d'avoir à lui parler de choses sem-
blables. — La Glose. Ou bien dans un autre sens, Pierre répond oui^
c'est-à-dire : il est vrai qu'il ne le paie pas. Pierre voulait faire con-
naître indirectement au Sauveur que les hérodiens exigeaient cet im-
pôt ; mais le Seigneur va au devant : « Et lorsqu'il fut entré dans la
maison, il le prévint. » — S. Jér. Avant même que Pierre lui ait
fait part de cette question, iNotre- Seigneur l'interroge, afin que ses
disciples ne soient pas scandalisés de ce qu'on lui deman<le de payer
l'impôt, en voyant qu'il sait parfaitement ce qui s'est passé en son
absence.
« Et il répondit : Des étrangers; Jésus lui dit : Donc les enfants en
sont exempts. » — Orig. Cette réponse peut s'entendre de deux ma-
nières différentes. Dans le premier sens , les fils des rois de la terre
sont libres et exempts chez les rois de la terre ; les étrangers qui
habitent au delà des frontières sont libres aussi ; mais ceux qui les
oppriment comme les Egyptiens opprimaient les enfants d'Israël , les
rendent esclaves. Dans le second sens, bien que quelques-uns soient
étrangers aux fils des rois de la terre , par cela même qu'ils sont les
enfants de Dieu , ils sont libres ; ce sont ceux qui persévèrent dans les
enseignements de Jésus , qui ont connu la vérité et que la vérité a
Et neque liuDc cum muUa vehementia,
sed mansuetius : neque euim incusantes,
sed interroiïantes dixorimt : « Mastister
vester non suivit didraclima? » Hier.
Sive malitiose iuterrogant utrum reddat
tribula ; an coulradicat Cœsaris volun-
tali.
Chrys. {ut sup.) Qnid igitur Petriis?
Ait : Ktiam : et his quideui dixit, quo-
niam solvit ; Cliristo autem non dixit,
erubescens fortassis pro liis ei loqui.
Glossa. Vel aliter Petrus respondit :
Ella m, id est, ita est quod non solvit.
Voluit autem Petrus Domino intimare,
quod Herodiani peterent ceusum ; sed
Dorainus prœvenit eum : unde sequitur :
« Et cum intrasset domum, praevenit
eum, » etc. Hier. Aute quidem quam
Petrus suggérât, Dominus interrogat, ne
scaiidalizeiitur discipuli adpostulationem
tributi ; cum videaut euranosse quœ ab-
sente se gesta suut.
Sequitur : « At ille dixit : Ab alienis :
dixit illi Jésus : Ergo liberi sunt filii. »
Oric. {ut sitp.) Sermo iste duplicem ba-
bet sensum : secundnm unum enim,
filii regum terra^ liberi sunt apud reges
terrai ; extranei autem extra terram qui-
dem bberi sunt; propter eos autem qui
deprimunt eos (sicut /l-lgyptii tilios Is-
raël) servi ; secumluui allerum autem,
propter lioc ipsum quod aliqui sunt
alieui a iiliis regum terrte, sed sunt filii
Dei, liberi sunt, qui manent in verbis
Jesu, et cognoverunt veritatem, et Veri-
tas liberavit eos a servitute peccati : filii
Am
EXPLICATION DR l'ÉVANGILE
délivrés de la servitude du péché. Au contraire , dans ce sens, les fils
des rois de la terre ne sont pas libres, car quicomjue commet le péché
est esclave du péché. {Jean, viii.) — S. Jér. Quant à Notre-Seigneur,
il était fils de roi et selon la chair et selon res[trit , étant tout à la fois
sorti de la souche de David, et le Verbe du Père tout-puissant ; donc,
comme fils de roi, il ne devait pas les imjxHs. — S. Aug. [Quest.
évang., i, 23.) Le Sauveur dit que dans tout royaume les enfants sont
libres, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas soumis à Timpôt ; donc à plus
juste titre, les fils de ce roi de qui relèvent tous les royaumes
doivent être libres de l'impôt dans tous les royaumes de la terre, —
S. Chrys. {hor/2. 58.) Or, s'il n'était pas le fils, ce langage serait sans
raison. On me dira peut-être : 11 est le fils, mais non pas le propre
fils; il est donc étranger, et ainsi cet exemple n'a aucune force. Je
réponds que le Sauveur parle ici des fils proprement dits, par oppo
sitiou aux étrangers qui ne sont pas nés de la substance môme des
parents. Or, voyez comme Jésus-Christ confirme ici la vérité que le
Père céleste avait révélée à Pierre et qui lui avait dicté ces paroles :
« Vous êtes le Christ _, le Fils du Dieu vivant. »
S. Jér. Cependant, quoiqu'il fût libre, comme il avait pris toutes
les humiliations de notre nature, il dut accomplir toute justice. Il
ajoute donc : « Mais, afin que nous ne les scandalisions pas, » etc.
— Orig. Comme conséquence naturelle de ces paroles, nous devons
comprendre que toutes les fois que des hommes se présentent pour
nous prendre les biens de la terre au nom de la justice, ce sont les
rois de la terre qui leur transmstteut l'ordre d'exiger de nous ce qui
leur appartient, et le Seigneur nous défend par son exemple de don-
ner aucun scandale à ceux qui sont chargés de cette mission, ou pour
autem regum terrée liberi non siint,
quoniam « omnis qui facit peccatum,
servus est peccati. » (Joan. 8.) Hier. Do-
minus autem noster, et secundum car-
uem, et secundum spiritum lilius eral
régis, vel ex David slirpe geueratus, vel
omnipotentis Patris Yerbura : ergo tri-
buta, quasi tilius régis, non debebat.
Aug. {de Quœst. Evany. lib. i, cap. 23.)
Dicit enim iu onmi regno liberos esse
liiios, id est, non esse vectigabiles. Mullo
ergo magis liberi esse debeiit in quoli-
bet regno terreno filii regni ipsius, sub
quo suiit onmia régna lerrena. Chuys.
ut sup.) Si autem non erat tilius. inani-
ter hoc exeniplum induxit. Sed dicetali-
quis : « Filius est, sed non proprius. est
ergo alienus : » et sic hoc exeniplum
non habet virtutem : ipse enim de pro-
priis filiis disputât, ad quorum differen-
tiam a lie nos vocat qui non ex pareutibus
substantialiter nati sunt. lutende autem
qualiter et bine Cbristus certiflcat eam
cognitiouem quœ Fetro revelata est de
eo, pcr quam dixit : « Tu es Christus
Filius Dei vivi. »
Hier. Quanivis ergo liber essel, (juia
tamen buniililatem carnis assumpsei'al,
debuit omneni juc^titiam adimpiere. Unde
sequitur : « Ut autem non scandalizenms
eos, » etc. Orig. {nt sup.) Consequeus
qnoque est intelligere quoniam quolies
exsurgunt ipiidam, qui per justitiani
toilant nostra terrena, reges Inijus ferra'
eos transmittnnt, utexiganl a nobisijiia'
sunt ipsorum : et idco suo exeniplo jiro-
iiibet Donùuus aliquod scamlalum tieri
etiam bujusmodi liominibus; sive ne
DE SAINT MATTIIIKU, CHAP. XVII.
i:i3
ne pas les exposer à de plus grandes fautes , ou pour les amener au
salut. C'est ainsi que le Fils de Dieu , qui ne fit jamais aucune œuvre
servile, paya cependant l'impôt et la capitation, parce qu'il avait
revêtu la forme d'esclave par amour pour les hommes. — S. Jér (1).
Je ne sais ce que je dois en premier lieu admirer ici_, ou la prescience
ou la puissance du Sauveur : la prescience, qui lui fit connaître qu'un
poisson avait une pièce de monnaie dans la bouche et que ce poisson
devait être le premier pris ; sa puissance, si une seule parole a suffi
pour créer cette pièce de monnaie dans la bouche d'un poisson et s'il
a été ainsi l'auteur de ce (|ui devait arriver. Jésus-Christ, dans sou
excessive charité , a donc souffert la mort de la croix et payé les im-
pôts, et nous, malheureux que uous sommes, qui portons le nom du
Christ et qui n'avons jamais rien fait de digue d'une si grande ma-
jesté, nous sommes affranchis du tribut par honneur pour lui, et
exempts d'impôts comme les fils des rois. Ces paroles, comprises dans
leur sens le plus simple , sont encore un sujet d'édification pour ceux
qui les entendent et qui apprennent ainsi que Notre-Seigneur fut si
pauvre , qu'il n'avait pas de quoi payer l'impôt pour lui et pour son
disciple. On nous objectera peut-être : Mais alors comment Judas
pouvait-il porter de l'argent dans une bourse? Nous répondons que
Jésus regarda comme un crime d'appliquer à son usage l'argent des-
tiné aux pauvres et qu'il nous a donné cet exemple à imiter. —
S. Cïmrs. Ou bien il ne veut pas qu'on prenne de l'argent qui est en
réserve pour montrer que son empire s'étend sur la mer et sur les
poissons qui l'habitent. — Orig. Ou bien, comme Jésus ne portait pas
de pièce de monnaie à l'effigie de César , parce que le prince de ce
(I) Dans le commentaire de saint Jérôme, les différentes parties de cette citation ne sont pas
disposées dans le même ordre.
amplius peccent, sive ut salventur : Fi-
lius enim Dei qui niillum opus fecit
servile, quasi habens formain servi,
quam propter liominem suscepit. tribu-
tum et ceusum dédit. Hier. Qiiidprimura
in hoc loco mirer uesoio, utrum prae-
seientiaui, an nia^nitudinem Salvatoris :
prafcscientiam, quod noverat habere pis-
cem in ore staterem, et quod priuius ipse
capiendus esset ; magiiitudiuem atque
virtuteiïi, si ad ejus verbum stater in
ore piscis creatus est , et quod i'uturum
erat, ipse loquendo fecerit. Ipso era;o
Christus (propter eximiara charilalem)
et crucem sustiutiit, et tributa reddidit :
nos infelices , qui Chrisli censemur no-
mine, et nihil tanta dignum facimus
majestate, pro illius honore tributa non
reddimus, et quasi iilii régis a vectigaU-
bus immunes sunius. Hoc etiam simpli-
citer intellectum œdificat auditorem ;
dum audit Dominum tantiB fuisse pau-
pertatis, ut tiude tributa pro se et Apos-
tolo redderet, non habuerit. Quod si
quis objicere voluerit : « Quomodo Ju-
das in loculis portabat pecuniam? »
respondebimus : Rem pauperum in usus
suos convertere nefas putavit, nobisque
idem tribiiit exempUuu. (^hrys. (ut sup.]
Vel ideo non ex repositis jubet dare, ut
ostendat quod maris et piscium domine-
tur. Orig. (ut sup.) Vel quoniam Jésus
non habuit imaginem Ca>saris : priuceps
enim hujus seculi nihil habebat in eo :
io4
EXPLICATION Dl:: L KVANGILE
monde n'avait aucun droit sur lui , il prit une pièce de monnaie à l'i-
mage de César non dans ce qui pouvait lui appartenir, mais dans le
sein de la mer; et encore il n'alla pas la chercher lui-même et n'en
fit pas sa propriété, afin qu'on ne put trouver l'effigie de César auprès
de l'image du Dieu invisible. Voyez quelle prudence dans la con-
duite de Jésus- Christ : il ne refuse pas le tribut, il ne veut pas non
plus qu'on le paie de la manière ordinaire : mais il fait d'abord
remarquer qu'il n'y est pas soumis, et c'est alors seulement qu'il le
paie. Ainsi , d'un côté il commande de payer l'impôt pour ne pas
scandaliser ceux qui sont chargés de le percevoir , et il montre , de
l'autre, qu'il n'y est pas soumis pour ne pas scandaliser ses disciples.
Dans une autre circonstance, nous le voyons mépriser le scandale que
pouvaient prendre les pharisiens de sa doctrine sur les aliments, et il
nous enseigne par là à discerner les circonstances où il faut ne faire
aucune attention à ceux qui se scandalisent et celles où il faut eu
tenir compte. — S. Grég. [hom. 7 sur Ezech.) Remarquons, en effet,
que nous devons, autant que nous le pouvons sans péché, éviter de
scandahser le prochain; mais si c'est la vérité même qui donne lieu
au scandale , il vaut mieux le permettre que de sacrifier la vérité. —
S. Chrys. {ho7n. 58.) La puissance du Christ vous parait ici admirable;
mais admirez également la foi de Pierre , qui obéit dans une chose
aussi difficile. Aussi Notre- Seigneur , voulant récompenser sa foi,
daigne se l'associer dans le paiement de l'impôt, ce qui fut pour
Pierre un témoignage insigne d'honneur. « Ouvrez la bouche de ce
poisson, lui dit-il; vous y trouverez une pièce d'argent de quatre
drachmes; donnez-la pour vous et pour moi. » — La Glose {\). C'é-
(1) Dans saint Anselme.
proplerea non ex proprio, sed ex mari,
imaginem Cœsaris aocepit ; non autem
suscepit ipse staterem, ueque fecit eum
sibi possessionem , ne sil aliquaudû
imago Caesaris apud imaginem invisibilis
Dei. Vide eliam CliristiprudeuUam, (jua-
liter née reuuit trihuUim. uec simplici-
ter jubet dari ; sed prius osteudit se non
esse obnoxium, et tune dat : ([uormn
unum fecit (scilicet dare tribulum) ut
illi (scilicet exactores) non scandalizen-
liir; hoi- autem (scilicet, quod nsleudit
se liberum) ut non scaudalizentur disci-
puli. Alio vero loco coutemnit phari-
sceorum scandalum , quando de escis
disputabat [Malth. 15), docens nos scire
tempera secundum quee oportet non con-
temnere eus qui scandalizantur, et secun-
dum f{\v<R oportet coutemnere. Greg.
f super Ezecfiielem, liomil. 1.) Couside-
randum euim est quia in quantum sine
peccato po.-sumus, vitare proximorum
scandalum debemus ; si autem de veri-
late scandalum sumitur, utilius permitti-
tiir nasci scandalum quam veritas relin-
quatur. CuRYS. («/ svp.) Sicut autem
stupescis de Christi virtute, itii adu 1-
rare Pétri tîdem, quoniam rei tam difii-
cili obedivit. Ideoque dp tide eum renui-
nerans copulavit eum sibi iu tribut!
datione ; quod fuit abuudaidis honoris :
et hoc est quod dicitur : « Et aperlo ore
ejus, inventes staterem : da pro me et
te. » Glossa. Gonsuetudo eniui erat ut
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVII. 4.S5
tait la coutume que chacun payât pour soi un didraclime, et le stalère
valait deux drachmes.
Ori«. Dans le sens figuré , Notre- Seigneur , dans le champ de la
consolation (car c'est ce que signifie le mot Capharnaiun) , console
tous ses disciples , les déclare des enfants libres et leur donne le pou-
voir de pêcher ce premier poisson dans lequel Pierre trouve sa con-
solation, comme dans le fruit de sa pèche. — S. Hil. En commandant
à Pierre d'aller pêcher le premier poisson , le Seigneur nous déclare
que d'autres viendront à la suite. Le bienheureux Etienne, le premier
des martyrs , est le premier tiré de l'eau , et il a dans la bouche le
didrachme de la prédication nouvelle , de la valeur de deux deniers ,
car il prêchait eu contemplant dans son martyre (1) la gloire de Dieu
et Notre- Seigneur Jésus-Christ. — S. Jér. Ou bien le premier poisson
qui est tiré de l'eau , c'est le premier Adam qui est délivré par le
second Adam ; et ce qui est trouvé dans sa bouche, c'est-à-dire dans
sa confession , est donné à la fois pour Pierre et pour le Seigneur. —
Orig. Lorsque vous verrez un avare corrigé par quelque nouveau
Pierre qui lui aura retiré de la bouche le langage des intérêts de la
terre ; vous pourrez dire qu'il a été tiré à l'aide du hameçon de la raison
du sein de la mer, c'est-à-dire des flots des sollicitudes de l'avarice, et
qu'il a été pris et sauvé par ce nouvel Apôtre qui lui a enseigné la
vérité , et lui a donné à la place des deux drachmes l'image de Dieu ,
c'est-à-dire sa parole. — S. Jér. Il est à remarquer que c'est la même
somme qui est payée , mais dans un sens différent ; car pour Pierre
elle est payée comme pour un pécheur. Notre-Seigneur , au contraire ,
(1) Cette expression inpassioiie doit s'entendre non point de la passion de Jésus- Christ, mais
du martyre de saint Etienne.
unusquisque pro se didrachma redderet :
stater vero est pondus diiorum di-
drachmatum.
Orig. {nt sup.) Mystice autem in agro
consolationis (sic enim interpreUtur
Capharnauni (consolatiir omnem disci-
puïum, et liberum filium esse pronuutial.
et dat ei virtutem piscaudi primum pis-
ceni, ut ascendente eo, consolationem ac-
cipiat Petrus super eum queui piscatus
est. HiLAR. (ut sup.)' Cum autem primum
piscem admouetur Petrus inquirere ,
ascensuri ualeuduutur et plures. Beatus
ille primus martyr Stephanus, primus
ascendit, et staterem in ore continuit :
in quo didrachma novae praedicationis
(tanquam duo deuarii) habebatur : Dei
enim sioriam et Dominum Christum in
passione contuens praedicabat. Hier.
Vel iste piscis primus captus est primus
Adam, qui per secundum Adam libera-
lur; et id quod in ore ejus (hoc est in
confessione) fuit inventum, pro Petro et
Domino redditur. Orig. (ni sup.) Cum
etiam videris avarum liominem ab ali-
quo Petro correctum, (juod abstulit de
ore ejus verbum pecuniœ, dices eum
asceudisse de mari (id est de lluctibus sol-
licitudiuum avaritiee) ad hamum ratio-
uabilem ; et comprehensum atque sal-
vatum ab aUquo Petro, qui eum docuit
veritatem, ut pro statere habeat imagi-
nem Dei, id est, eloquium ejus. Hier.
Et pulchre illud ipsum quidem datur
pretium, sed divisum est; quia pro
Petro, quasi pro peccatore, pretium red-
i.% EXPMCATIO.V )IK l'ÉVANGILE DE S. MA ITHIEU, r.HAP. XVII.
n'a commis aucun péché. Cependant, comme preuve qu'il avait une
chair semblable à la nôtre , la même somme est payée pour le Sei-
gneur et pour le serviteur.
(iebatur : Dominus autem noster pec- l niilitudo carnis, duin eodem c-l Doniinus
fatum uon fecil : ostenditur autem si- 1 et servus prelio liberaritur, ■
CHAPITRE XVIII.
SOMMAIRE ANALYTIQIIK.
f. l-(). — Sous l'impression de quel sentiment les Apôtres demandent à Notre-
Seigneur quel est le plus grand dans le royaume des cieux? — Ce que nous
devons imiter dans la conduite des Apôtres. — Quel est ce petit enfant qu'il
place au milieu d'eux? — Dans quel sens il veut qu'ils deviennent semblables
à des petits enfants. — Nécessité non-seulement de devenir semblables à de
petits enfants, mais d'honorer ceux qui leur ressemblent. — Châtiments
réservés à ceux qui les mé|)risent. — Quels sont ceux qu'atteint cette con-
damnation dans l'intention du Sauveur? — Comment celui qui s'est converti
et qui est devenu semblable à un petit enfant peut-il être encore scandalisé?
— Quelle était la peine infligée chez les Juifs aux plus grands crimes? —
Quel est dans le sens figuré ce supplice de la meule, la mer, etc.?
f. 7-9. — Quel est ce monde à (jui Noire-Seigneur dit anathème à cause de
ses scandales. — Dans quel sens faut-il entendre qu(î les scandales sont
nécessaires? Pourquoi sont-ils nécessaires ou utiles? — L'humilité de la pas-
sion du Sauveur a été un scandale pour le monde. — Peut-on entendre ces
scandales des anges de Satan ? — Que faut-il entendre sous cette dénomina-
tion générale : Malheur à l'homme par qui le scandale arrive? — Preuve
que les scandales ne sont pas d'une nécessité absolue. — Nécessité pour nous
de retrancher toutes les occasions de scandale. — Que faut-il entendre par
ce bras, ce pied, cet œil, cette main qui scandalisent?
f. 10-14. — Comment Notre-Seigneur adoucit la sévérité du précepte qu'il
vient de donner. — Non-seulement nous devons rompre tout commerce avec
ceux qui nous scandalisent, mais encore rendre à ceux qui sont saints l'hon-
neur qui leur est dû. — Quels sont ces petits que Jésus-Christ nous défend
de mépriser. — Raison pour laquelle nous devons nous garder de les mépri-
ser. — Grande dignité des âmes à qui Dieu donne un ange pour gardien dès
leur entrée dans la vie. — Dans quels rangs des hiérarchies célestes sont
choisis les anges qu'il députe vers les hommes. — Les anges députés vers les
hommes ne cessent pas de jouir de la céleste vision. — Danger pour nous
de mépriser ceux dont les anges sont les gardiens. — Dans quel autre sens
les anges de Dieu sont-ils nos anges, d'après saint Augustin? — Que faut-il
entendre. par la face de Dieu? — Autre raison pour laquelle nous ne devons
pas mépriser les petits. — Volonté que le Père céleste a de sauver tout le
genre humain. — Quel est cet homme qui laisse les quatre-vingt-dix-neuf
brebis pour courir après celle qui s'est égarée ? — Que représentent la brebis
qui s'égare et les quatre-vingt-dix-neuf autres? — Pourquoi ces quatre-vingt-
dix-neuf autres sont-elles laissées sur la montagne? — Pourquoi la joie dans
le ciel est-elle plus grande pour la conversion d'un pécheur que pour la per-
sévérance de quatre-vingt-dix-neuf justes ? — A quelle fin Notre-Seigneur a
proposé cette parabole.
y. 15-17. — Devoir de la correction. — Nous est-il permis de rester indifférents
aux péchés les uns des autres? — Motifs qui font qu'on néglige le devoir de
la correction. — Nouveau mode de réconciliation que Notre-Seigneur pro-
pose à ses disciples. — Commande- t-il de pardonner indistinctement à tout
i58 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
homme qui pèche? — Commande-t-il de faire de vifs reproches? etc. — Obli-
gation où nous sommes de pardonner. — A qui Notre-Seigneur impose-t-il
le devoir de la correction? — Comment doit-on remplir ce devoir? — Cir-
constances où il faut reprendre en secret, d'autres où il faut reprendre publi-
quement. — Sous quelle inspiration doit se faire la réprimande. — Que faut-
il faire si la première correction et la seconde devant témoins ne sont pas
bien accueillies? — Que veulent dire ces paroles : Dites-le à toute l'Eglise?
— Devons-nous agir de même à l'égard de ceux qui ne font point pai'tie de
l'Eglise? — Cette conduite que nous recommande iNotre-Seigneur s'applique-t-
elle à toutes sortes de péchés? — Est-ce aller contre la miséricorde de Jésus-
Christ que de restreindre ces paroles aux péchés plus légers? — Sage tempé-
rament qu'il faut savoir garder en évitant les partis extrêmes.
f. ■18-2(». Pouvoir extraordinaire que Notre-Seigneur donne ici à ses Apùtres. —
— Pourquoi déclare-t-il irrévocable le jugement prononcé par le tribunal des
Apôtres? — 11 laisse à leur propre volonté le soin de lier et de délier, suivant
l'opportunité. — Peine qu'il inflige au pécheur incorrigible. — Attention
qu'il faut apporter dans l'exercice de ce pouvoir. — Puissance, efficacité de
la prière faite de concert et en commun. Les faveurs célestes découlent de
de Jésus-Christ comme du Père céleste. — Comment Noire- Seigneur nous
engage et nous presse d'embrasser promptement la paix fraternelle. — Pour-
quoi ajoute-t-il : Là où seront réunis en mon nom? — Comment se fait-il
cependant que des personnes parfaitement unies n'obtiennent pas ce qu'elles
demandent? — Diflérentes raisons qui détruisent l'effet de nos prières. —
Explication de ces paroles dans le sens figuré.
^. 21-2'2. — Le pardon que nous devons accorder à nos frères quand ils nous
ont offensé a-t-il des limites? — Que signifie le nombre de septante fois
sept fois choisi par INotre-Seigneur? — Explication figurée du nombre sept et
septante fois sept fois.
y. 23-33. — Parabole qui confirme la doctrine précédente. — Usage des para-
boles et des comparaisons dans la Syrie et la Palestine. — Qu'est-ce que ce
royaume des cieux qui est devenu semblable à un roi? — Que représentent
les serviteurs de ce roi ? — Quand devrons-nous rendre compte à ce roi de
toute notre vie? Rapidité avec laquelle se fera ce jugement. — Que repré-
sente cet homme qui devait dix mille talents? — Que figurent ces dix mille
talents? — Impuissance pour le pécheur de s'acquitter par lui-même de la
dette qu'il contracte vis-à-vis de Dieu. — Que représentent au figuré la
femme et les enfants de cet homme ? — Par ({uel motif le roi donne-t-il cet
ordre sévère? — Humiliation et satisfaction du pécheur. — Excès de l'amour
de Dieu pour les pécheurs repentants. — Que figure la somme de cent
deniers que lui devait son compagnon? — Différence entre les péchés commis
contre Dieu et ceux que f on commet contre son frère. — Caractère de gra-
vité que présentent nos péchés contre Dieu. — Que représentent ces deux
serviteurs? — Comment pouvons- nous facilement obtenir le pardon des
fautes commises contre Dieu ? — Indignité de la conduite de ce serviteur à
qui son maître vient de remettre des dettes énormes. — Circonstances qui
rendent plus coupable sa conduiUî. — Que représentent les compai^nons de
ce serviteur? — Sévéï'ité du roi son maître à son égard. — Sa condamnation
et son supplice. — Durée éteiiulle des peines de l'enfer. — Nécessité de
pardonner du fond du cœur les plus légères offenses comme les plus graves.
Explication allégorique de cette parabole.
DE SAINT MATTHIEU. CHAI'. XVIII.
459
f. 1-6. — En ce même temps, le.i disciples s'approchèrent de Jésus et lui dirent:
Qui pensez-vous qui est le plus grand dans le royaume des deux? Jésus ,
ayant appelé un petit enfant , le mit au milieu d'eux et leur dit : Je vous dis
en vérité que si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme de
petits enfants, vous n'entrerez point dans le royaume des deux. Quiconque
donc s'humiliera comme cet enfant sera le plus grand dans le royaume des
deux. Et quiconque reçoit en mon nom un enfant tel que je viens de dire,
c'est moi-même qu'il reçoit. Que si quelqu'un scandalise un de ces petits qui
croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui pendit au cou une de
ces meules qu'un âne tourne, et qu'on le jetât au fond, de la mer.
S. Jeu. Los disciples, voyant que le même impôt avait été payé
également pour Pierre et pour le Sauveur , en conclurent que Pierre
était placé au-dessus de tous les autres Apôtres. — S. Chrys. {homé-
lie 58.) Cette pensée leur inspira un sentiment tout naturel et tout
humain , que l'Evangéliste nous exprime en ces termes : « En ce
même temps, les disciples s'approchèrent de Jésus et lui dirent : Qui
pensez-vous qui soit le plus grand dans le royaume des cieux? » Ils
rougissent d'avouer le sentiment de jalousie qui les domine ; ils ne
demandent pas ouvertement : Pourquoi avez-vous honoré Pierre plus
que nous? mais ils lui font cette question en général ; « Quel est le
plus grand ? » Lorsqu'ils avaient vu ces marques d'honneur accordées
H trois d'entre eux dans la transfiguration , ils n'éprouvèrent rien de
semblable ; mais ils furent péniblement affectés quand cet honneur
sembla se concentrer sur un seul. Remarquez cependant qu'ils ne
demandent rien des choses de la terre et (|u'ils étouffèrent ensuite ce
sentiment de jalousie, tandis que pour nous , nous ne pouvons même
CAPUT XVIII.
In illa hora, aecesserunt discipidi ad Jesum, di-
centes : Quis putas major est in reyno cœlo-
rum? et advocans Jésus parvulum, staluit eum
in medio eoriim, et dixit : Amen dico vobis, nisi
conversi fiierilis et effieiamini sicut parmli,
non intrabitis in regnum cœlorum. Quicunque
ergo humiliaoerit se sicut parvulus iste, hic est
major in régna cœlorum; et qui susceperit
unum parculum talem in noînine meo, me sus-
cipit ; qui auteni scandalizaoerit unum de pu-
sillis islis qui in me credunt, expedit et ut sus-
pendatur mola asinaria in collo ejus, et demer.
gatur inprofundum maris.
Hier. Quia disflpuli videraiit pru Petro
et Domino idem tiiluitiuu redilitum ex
aequalitate pretiij arbitrati suut omnibus
apostolis Petrum esse praelatum. Chrys.
[in homil. '69 ttt stip.) Uude passi sunl
aliquid humanum; quod Evangelista de-
sifiiiat dicens : « in illa hora, aecesserunt
dis(ripuU ad Jesum, dicentes : Quis pHtas
major est in regno cœlorum ? » Vere-
cundati siquidem passionem confiteri
quam passi sunt, non dicunt manifeste :
«Petrum cur prœhonorasti nobis? sed
indt'terminatc interrogant : « Quis major
est? » Quando autem très prœbouoratos
viderunl (scilicet, Petrum, Jacobum et
Joaniiem in tninstiguratione), nihil taie
passi sunt; quando vero in unum solum
contulit honorem, lune doluerunt. Tu
autem considéra primum quidem quod
nihil eorum, quai sunt in terris, quae-
runt; deinde, quod postea banc pas-
sioneni deposueruut; nos autem neque
ad defectus eorum contingere possumus.
.160
KXIMJCATION KK L EVANGILE
nous élever jusqu'à leurs défauts , car nous ne cherchons [las à savoir
(juel est le plus grand dans le royaume des cieux , mais quel est le
plus grand dans les royaumes de la terre.
Orig. {Traité v sur S. Matth.) Nous devons imiter la conduite des
disciples toutes les fois qu'il s'élève (!U nous (juelques doutes que nous
ne pouvons résoudre;. Il nous faut venir d'un commun accord trouver
Jésus , qui a la puissance d'éclairer le cœur des hommes et de leur
faire comprendre la solution de toutes les difficultés ; interrogeons
aussi un des docteurs qui sont à la tète des églises. Les disciples, en
faisant cette question, savaient bien que les saints ne sont pas égaux
dans le royaume du ciel, mais ils désiraient savoir par quel moyen
on parvenait à être le plus grand et comment on arrivait à être le
plus petit. Ou bien encore , d'après ce que Notre-Seigneur leur avait
dit précédemment, ils savaient quel était le plus petit et quel était le
plus grand ; mais ils ignoraient quel était le premier dans le nombre
de ceux qui passaient pour grands.
S. Jér. Jésus, voyant leurs pensées, voulut guérir ce désir de vaine
gloire en leur proposant un combat tout d'humilité : « Et ayant appelé
un petit enfant. » — S. Chrys. {hom. 58.) Rien de plus sage que la
conduite de Notre-Seigneur plaçant au milieu d'eux un tout petit
enfant, exempt de toute passion. — S. Jér. Il veut ainsi montrer réunis
en lui l'âge et le symbole de l'innocence. Ou bien c'est lui-même qu'il
place au milieu d'eux comme un petit enfant , lui qui n'était pas venu
pour être servie afin de leur donner un exemple frappant d'humilité.
D'autres entendent par ce petit enfant l'Esprit saint , que Jésus plaça
dans le cœur de ses disciples pour changer leur orgueil en humilité.
neque enim quserimus « quis major est
in regno cœlorum, sed quis major est in
reguo terrœ. »
Orig. {Tract. '•>, inMott/i.) in liis au-
lem imitatores discipulorum esse del)0-
mus (si quaiido aliepiid in nobis dubimn
quEeritur et non invenitur), ut (;um omni
consensu accedamus ad Jesum, qui po-
tens est iliuminaro corda liominum ad
iutelligendamsolutionein omnium qu;cs-
tionum ; iuterrogemus ctiam aliejuem
dûctorum, qui pra'positi iiabonlur in
ecclesiis. Sciebant autem discipuli hoc
iûterrogautes (juia non est ic(iuaiitas
sanctorum in regno cœlesti ; sed quo-
modo major, et qualiter vivens miuimus,
hoc discere cupiebant. Vel sciebant quis
esset minimus et quis magnus, ex co
quod supra Dominas dixerat ; sed ex
multis magnis quis esset major, hoc eis
non erat manifesluni.
Hier. Videns autem Jésus cogitaliones
eorum, voluit desiderium gloria^ humi-
litatiscontentiouesanare; undesequitur:
« Et advocaus parvuhim , » etc. Chrys.
{ni sup.) Mihi videtur valde bene par-
I vuhnn in medio statuere omnibus pas-
I sionibus cxutum. Hier. Ut in eo, et aeta-
tem (piaereret, et simiHtudinem iuno-
centia^ demonstraret; velcerto parvulum
statuit in medio eorum seip.-^um. qui non
veuerat ministrare, ut eis humihtatis tri-
bueret exemplum. Alii jxti riiltini iuter-
prelantur Spiritum Sanctum, quem po-
suerit in cordibus discipulorum ut super-
biam in humilitatcm mutaret. Sequitur :
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIII. 461
« Et il leur dit : Je vous dis eu vérité que si vous ue vous convertissez
et si vous ne devenez comme de petits enfants, » etr. Il ne fait pas un
précepte à ses disciples de reprendre l'àcço des enfants , mais d'avoir
leur innocence et d'atteindre par leurs eiJbrts à ce (jue les enfants pos-
sèdent par le privilège de leur âge, c'est-à-dire d'être petits en malice
et non en sagesse ([ Corinth., xiv). Voici le sens de ces paroles : Voyez
cet enfant dont je vous propose l'exemple : il ne persévère pas dans
sa colère, il oublie les injures, il ne met pas son plaisir dans la vue
d'une belle femme, il ue parle pas autrement qu'il ne pense. Or, à
moins d'avoir cette innocence et cette pureté d'àme^ vous ne pourrez
entrer dans le royaume des cieux. — S. Hil. {can. 14 sur S. Matth.)
Ces enfants sont aussi tous les fidèles , à cause de leur obéissance à la
foi, car ils se font gloire de suivre leur père, d'aimer leur mère ; ils
ignorent ce que c'est que de vouloir le mal ; ils négligent les soucis
des affaires, n'ont ni arrogance, ni baine, ni habitude du mensonge;
ils croient à ce qu'on leur dit et tiennent pour vrai ce qu'ils entendent.
Tel est aussi le sens littéral de ces paroles.
La CiLose {intei'lin.) (i). Si vous ue dépouillez ces sentiments d'or-
gueil et de secrète iri-itation qui vous dominent actuellement, pour
devenir tous innocents et humbles par vertu, comme L-s enfants le
sont par leur âge, vous n'entrerez pas dans le royaume des cii'ux, car
on n'y entre pas à d'autres conditions. Quiconque donc s'humiliera
comme cet enfant, celui-là sera le plus grand dans le royaume des
cieux; car plus ou s'humiliera, plus aussi on deviendra grand dans le
royaume des cieux. — Hemi. C'est-à-dire dans la connaissance de la
(I) La première partie de cette citation se trouve dans la Glose, quoique d'une manière non
suivie ; la seconde partie est de saint Anselme.
« El dixit : Amen dicovobis, niai efficia- j quuntur, matrem amaut; velle malum
mini sicut parvuii, » etc. Non prœcipit uesciunt : curam operum negligunt;
apoâtolis utaîtaleui liabeant parvuloruui,
sed ut innotentiam; et quod illi per an-
nos posàideut, iii possideant per indus-
triani, ut malitia, non sapieuti.i, parvuii
sint. (I Cor. 14.) Ac si dicat : Sicut iste
parvulus, cujus vobis exeuipluui tribuo.
non insûlescunt, non oderunt.nou men-
liuutur; dictis credunt, et quod au-
diunt veruni habeut : Uttera ergo sic le-
gitur.
Glossa. [interlin.) Nisi conversi fue •
ritis ab bac elatione et indignatione in
non persévérât in iracundia, bcsus non j qua modo estis, et efficiamiiii oiunes ita
meminit, videns pulcbraui muliereni j innocentes et bumiles per virtutem, si-
non delectatur, non aliud cogitât et aliud
loquitur; sic et vos, nisitalem iiabueritis
innocentiaui et auinii puritatem, in
regnum cœlorum non poteritis intrare.
Hilar. {('on. 14, in Muttli.) Pueros
etiam credentes omnes per audientiam
tidei nuncupavit : lii enini palreui se-
cut parvidi sunt per a.'tatem, non iutra-
bitis in regmun cœlorum; quandoqui-
dem aliter non intratur ; quicunque
ergo bumiliaverit se sicut parvulus iste,
bic major est iuregno cielorum :quanto
enim quis erit bumilior, tauto major ef-
ficitur in regrio cœlorinu. Remig. Id est.
462
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
grâce, ou bien dans la hiérarchie ecclésiastique, ou certainement
dans l'éternelle félicité. — S. .1er. Ou bien encore, quiconque s'humi-
liera comme cet enfant, c'esl-à-dire celui qui s'humiliera à mon
exemple, celui-là entrera dans le royaume des cieux.
« Et quiconque reçoit en mon nom un enfant tel que celui que je
viens de dire, c'est moi tju'il reçoit. » Paroles dont voici le sens : Ce
n'est pas seulement en devenant semblables à cet en faut , mais encore
en honorant à cause de moi ceux qui leur ressemblcsnt, que vous
aurez droit à la récompense , et je vous assigne comme récompense
de l'honneur que vous leur aurez témoigné , le royaume des cieux.
Mais une récompense bien supérieure encore, c'est ce qui suit :
« C'est moi qu'il reçoit. » — S. Jér. Car c'est Jésus-Christ que l'on
reçoit en recevant celui qui reproduit dans toute sa vi(! l'humilité et
riunoeence du Sauveur. Mais de peur que les Apôtres ne s'attribuent
d'eux-mêmes cet honneur qu'on pourra leur rendre , le Sauveur
ajoute avec sagesse que ce n'est pas à cause de leur mérite , mais en
considération de leur Maître qu'ils recevront cet honneur.
S. Chrys. {hom. 58.) Pour leur faire recevoir et pratiquer plus faci-
lement ces vérités , il leur donne ensuite la sanction des châtiments :
« Si quelqu'un scandalise. » etc., c'est-à-dire : de même que ceux qui
honorent ces petits à cause de moi seront jugés digues de récompense,
ainsi , ceux qui les méprisent seront punis des derniers châtiments.
Ne soyez pas surpris de l'entendre appeler les outrages un scandale ,
car bien souvent les caractères faibles sont scandalisés par le mépris
qu'on fait d'eux. — S. Jér. Remarquez que ce sont les petits qui sont
scandalisés, car ceux qui sont plus forts ne se scandalisent pas si faci-
lement. Or, bien t|ue cette condamnation , prononcée par le Sauveur,
I
in cognitione gratiœ, vel ecclesiastica
dignitate, vel certe iu aeterua beatitu-
dine. Hier. Vel aliter : « Quicunque hu-
miliaverit se sicut parvulus iste (id est^
qui se in exempliun mei luiniiliaverit),
hic intrabit in regaiim cû-loriuii. »
Seqiiitur : « EL qui suscoperit uuuiu
parvuluui taleni iu ncjuiine nieo, » etc.
CiiRys. {ut sitp.) Ac si dicat : « Non so-
luin si taies efficiauiini, niercedein acci-
pielis, sed et si alios taies propter me
houorabitis, et honoris qui est ad illos
retributionem, vobis deterinino reg-
uum. » Magis autem quod muito niajus
est ponit, dicens : « Me suscipit. » HiiiR.
Qui enini lalis l'uerit, ut Chrisli imitPtur
iiuuiilitatom cl inuoceutiam, iu eu Chris-
tus suscipitur : et prudeuter (ne cuni
delatuui fueril apostolis, se pu lent hono-
râtes) adjecit, non suo illos merito, sed
magistri honore suscipiendos.
CuRYS. (utsup.) Deinde facile suscep-
tibilem hune sermoneui facit, pœnani
iuducens : unde sequitur : « Qui autem
scandalizat, » etc. Ac si diceret : Sicut
qui hos honorant propter me, merce-
dcm liabeiit, ita et (|ui hos deshouorant,
ultimaui sustiuebuut viudictam. Si autem
couvitium ncandalum vocat, ne mireris :
nmlti enim pusillanimes ex eo quod des-
piciuntur scaudalizati sunt. Hier. Nota
quod qui scandaiizatur parvulus est ;
majores enim scandala non recipiunt.
Et quuuquam geucralis possil esse seu-
DE SAINT MATTHIEU, CIIAP. XVIII.
463
atteigne eu général tous ceux qui sont pour les autres une occasion
de scandale, la suite du discours nous permet aussi de l'appliquer
aux Apôtres eux-mêmes; car cette question : Quel est le plus grand
dans le royaume des cieux , paraissait être entre eux une question de
prééminence, et s'ils avaient persévéré dans cette mauvaise disposition,
ils auraient pu perdre , par ce scandale , ceux qu'ils appelaient à la
foi et qui les auraient vus divisés par une question de préséance. —
Orig. Mais comment expliquer que celui qui s'est converti et qui est
devenu semblable à un enfant soit donné comme petit et susceptible
d'être scandalisé? Voici comment on peut résoudre cette difiicuhé.
Celui qui croit au Fils de Dieu et vit d'une manière conforme à l'E-
vangile s'est transformé jusqu'à devenir semblable à un enfant. Celui
au contraire qui n'a point subi cette bienheureuse transformation , ne
peut entrer dans le royaume des cieux. Or, dans la multitude innom-
brable de ceux qui ont embrassé la foi, il en est qui sont nouvellement
convertis et qui travaillent à devenir semblables à des enfants, mais
qui ne le sont pas encore devenus ; ces derniers sont faibles en Jésus-
Christ et peuvent être facilement scandalisés.
S. Jér. En ajoutant : « Il vaudrait mieux pour lui qu'on lui atta-
chât une meule de moulin au cou, » etc., Notre-Seigneur parle d'après
l'usage de ces contrées, car chez les anciens Juifs la peine infligée aux
plus grands crimes était d'être précipité dans la mer après avoir été
attaché à une pierre (1*). Or, il lui serait avantageux qu'il en fût ainsi,
car il vaut beaucoup mieux subir pour sa faute une peine de courte
({*) Ce genre de mort se retrouve chez plusieurs autres peuples de l'antiquité. C'est de cette ma-
nière que chez les Germains on plongeait dans un étang les femmes adultères. L'empereur Au-
guste lui-même fit périr ainsi le précepteur et les serviteurs de son lils. Ces meules de pierre
sont trés-comraunes en Palestine, elles sont de toutes grandeurs. Chaque maison a son moulin à
bras, sans y comprendre les moulins ou l'on emploie les bêtes de somme. Au dire des voyageurs,
les fragments de ces meules usées sont si communs en Palestine, que souvent, dans les terrains
explicitement calcaires, on est tenté de croire qu'on se trouve sur un terrain volcanique.
tentia adversus omnes qui aliquem scau-
dalizant, tamea juxta consequentiam
sermonis eliain contra apostolos dictum
intelligi potest; qui interrogando, quis
major esset iu reguo cœlorum, » vide-
bautur iuter se de diguilale contendere;
et (si in hoc vilio permausissenl) poterant
eos, quos ad lidem vocabant, per suuiu
scandalum perdere, duin apostolos vidè-
rent iuter se de honore pugnarc. Orig.
[utsup.) Ouomodo autem qui conversus
est et factus quasi puer, et minitmis est,
et potens scaudalizari '? Hoc sic possu-
mus explauare : oiuuis qui Fiiio Dei cré-
dit et conversatur secundum evangehcos
actus conversus ambulat quasi puer : qui
autem ii jn convertitur ut fiât sicut puer,
imnc impossibile est iulrare in reguum
cœlorum. In omui autem credentium
mullitudine, sunt quidam nuper con-
versi, ut fiant sicut parvuli, noiidum au-
tem sunt facti ; lii pusilli habcutur in
Christo, et sunt scandali receptores.
Hier. Quod aulem dicitur : « Expedit
ei ut suspendatur mula, « etc., secundum
ritum provinciai loquitur, quo majorum
crimiuum ista apud veteres Judœos pœ-
na iuerat, ut in profundum ligato saxo
demergerentur. Expedit autem ei, quia
multo inelius est pro culpa brevem reci-
461
EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
durée que d'être réservé à des châtiments éternels. — S. Ghrys. [ho-
mélie 58.) Il était ce semble naturel et logique que le Sauveur termi-
nât cette seconde partie en disant : « C'est moi qu'il ne reçoit pas, »
ce qui (Hait de tous les châtiments le }>lus sensible; mais comme les
disciples étaient encore peu avancés et qu'une peine semblable ne
pouvait les impressioner , il leur fait connaître , par la comparaison
d'un fait qui leur est connu, le supplice qui leur est préparé, et il leur
déclare qu'il vaudrait mieux pour eux subir ce châtiment temporel,
parce qu'un supplice bien plus terrible leur est réservé.
S. HiL. Dans le sens mystique , le supplice de la meule , c'est la
peine de l'aveuglement spirituel; car c'est après qu'on leur a couvert
les yeux que l'on fait tourner la meule aux animaux. Nous voyons
aussi souvent les Gentils désignés sous le symbole de l'âne, parce
qu'ils sont renfermés dans l'ignorance d'un travail dont ils ne peuvent
voir la fin. Pour les Juifs, au contraire, la loi leur a tracé le chemin
de la science, et, s'ils viennent à scandaliser les Apôtres du Christ, il
aurait mieux valu pour eux qu'on leur eût attaché une meule de
moulin au cou et qu'on les eût précipités dans la mer; c'est-â-dire qu'il
leur eût été plus avantageux d'être condamnés aux durs travaux des
Gentils et de rester ensevelis dans les ténèbres du siècle , car c'eut
été pour eux un moindre crime de ne pas connaître Jésus-Christ que
de refuser de recevoir le Seigneur et le Maître des prophètes.
S. Grég. {Moral., vi, 17.) Ou bien, dans un autre sens, que doit-on
entendre par la mer, si ce n'est le siècle, et par cette meule de moulin,
si ce n'est l'action des choses de la terre qui, eu étreignant l'âme et en
la prenant comme au cou par des désirs insensés, la condamne à tour-
ner péniblement dans le même cercle ? Or, il en est plusieurs qui , en
se séparant des actions terrestres et en voulant s'élever jusqu'à l'exer-
cice de la contemplation, sans prendre conseil de l'humilité, non-seu-
pere pœnam, quam aeteruis servari -jm-
ciatibus. Chrys. [ut sup.) Consequeus
aulem erat prioribus dicere : « Me non
suscipit » (quod erat onini pœna ama-
rius), sed quia crassi eranl, et prœdicta
pœna eos non luovebat, comparatione
exenipli cogniti manifestât pra^^paratani
pœnam; propter boc euini dicit, quod
expedit eis hoc sustinere, quoniam eos
aba gravior pœna expectat.
HiLAR. {nt sup.) Myslice autem moia>
opns labor est caicitatis : uaui daiisisju-
merdorum ucubs agunlur in gyrum ; et
sub asini qnidem nonnne freiiueuter gén-
ies ciigiioniinatas reperimus, quaî cœci
laboris ignoraulia contiueiitur ; Juda;is
autem scieutiœ iter in lege praestitum
est ; ([ui si Christi apostolos scaudabza-
verint, rectius aliigatacollo molaasinaria
demersi in mare fuissent (id est, gentium
labore depressi, in iguorautia secub de-
uiurareutur), quia iilis tolerabilius fuerat
nescisse Cbristum, quam prophetarum
Dominuni non récépissé.
(iREG. {Moral. VI cap. 17.) Vel aUter :
ipiid per mare, nisi secuhmi? quid per
moUxni asinariam, nisi actio terrena si-
gnitîcatur? quae cum colla mentis per
slulta desideria stringit, banc in laboris
circuitum miltit. Sont ulique uounuUi
qui dum terreuas aclioues deserunt, et
ad coulemplatiouis studia (humilitate
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIII. /|G5
leraent se précipitent dans l'erreur , mais encore détachent les faibles
du sein de la vérité. Ceiui-là donc qui scandalise un de ces petits,
il vaudrait mieux qu'il lût précipité dans la mer avec une meule au
cou , c;ir il eut été plus avantageux à cette àme dépravée de se livrer
aux affaires du monde , (jue de faire servir les saints exercices de la
contemplation à la perte d'un grand nombre. — S. Alg. {Quest.
évang., i, 24.) Ou bien encore, celui qui scandalisera un de ces petits,
c'est-à-dire un des humbles, tels que doivent être ses disciples, en
refusant d'obéir ou en résistant à l'autorité , comme l'Apôtre le dit
d'Alexandre d'Ephèse(l) (I Timoth., iv) : «il vaudrait mieux qu'on lui
attachât une meule de moulin au cou et qu'il fût précipité dans le
fond de la mer ; » c'est-à-dire qu'il serait préférable pour lui que la
passion pour les biens de la terre , passion qui est comme le poids
auquel sont attachés les insensés et les aveugles, l'entraînât à la mort.
y. 7-9. — Malkmr au monde à cause des scandales. Car il est nécessaire qu'il
arrive des scandales ; mais malheur à l'homme par qui le scandale arrive.
Que si voire main ou votre pied est un sujet de scandale, coupez-les et les
jetez loin de vous. Il vaut bien mieux pour vous que vous entriez dans la vie
71 ayant qu'un pied ou qu'une main, que d'en avoir deux et être jeté dans
le feu éternel. Et si votre œil vous est un sujet de scandale , arrachez-le et
le jetez loin de vous. Il vaut mieux pour vous que vous entriez dons la vie
n'ayant qu'un œil, que d'en avoir deux et être précipité dans le feu de
l'enfer.
La Glose (2). Notre- Seigneur venait de dire qu'il vaudrait mieux
(1) 11 Alexandre l'ouvrier en airain m'a fait beaucoup de mal. Evitez-le, il a résisté de toute sa
force à mes paroles. « ( II Timoth., iv, 14. )
(2) Ce n'est ni dans la Glose actuelle, ni dans saint Anselme, ni dans aucun autre interprète.
poslposita) ultra iiitelligenti;e vires sur-
gunt, lion solum se iu errorem deji-
ciunt, sed infirmos quosque de greiiiio
veritatis dividunt. Qui ergo unum de
minimis scandalizat, melius ei fuerat li-
gata coUo mola asiuaria iu mare pro-
jici; quianimiruniperversae menti expe-
dientius esse potuisset , ut occupata
muudo terrena uegoLia agert't, quam ut
per contemplationis studiaad multorum
perniciem vacaret. .\ug. (de Quxst.
Evamj. lih. i, cap. 24.) Vel aliter : «Qui
scandalizaverit unum ex pusillis istis »
(id est, ex humilibus qualcri vult esse
discipulos suos), non obtemjierando, vel
etiam coutradicendo,sicut de Alexandro
Apostolus dicit {Timoth. 9) : « Expedit
illi ut mola asinaria suspendatur coUo
TOM. II.
ejus^ et praecipitetur in profundum ma-
ris; » id est, congruit ei ut cupiditas re-
rum temporalium (cui stulti etcaeci alli-
gantur) eum devinclum pondère suo de-
ducat ad interitum.
Vœ mundo a scandalis ! Necesse est enim ut ve-
niant scandala : verumtamen vœ homini illi
per quem seandalum venit! Si autem manus
tua, vel pes tuus scandalizat te, abscide eum,
et projice abs te : bonum est tibi ad vitam in-
gredi debilem vel claudum, quam duas manus
vel duos pedes habentem mitti in ignem œter-
num. Et si oculus tuus scandalizat te, erue
eum et projice abs te : bonum est tibi unum
oculum habentem in vitam intrare, quam duos
ocalos habentem mitti in gehennam ignis.
Glossa. Dixerat Dominus quod exfie-
30
466
EXPLICATION DR l/ÉVANGILE
pour celui qui scandalise , qu'on lui attachât une meule de moulin au
cou ; il en donne maintenant la raison. « Malheur au monde , à cause
de ses scandales! » — Orig. [Traité m sur S. Matth.) Ce que Notre-
Seigneur appelle ici le monde, ce ne sont pas les éléments du monde
extérieur, mais les hommes qui sont dans le monde. Or, les disciples
de Jésus-Christ ne sont pas du monde; par conséquent, cette malé-
diction , qui tombe sur les scandales , ne les atteint pas , car les scan-
dales ont beau être multipliés , ils ne touchent point celui qui n'est
pas du monde. S'il est encore du monde , parce qu'il aime le monde
et les choses qui sont dans le monde, les scandales n'auront de prise
sur lui qu'en proportion de ce qu'il serait engagé dans les liens du
monde.
« Il est nécessaire que les scandales arrivent. » — S. Ciirys, {homé-
lie 59.) En disant : Il est nécessaire, le Sauveur ne détruit pas le
libre arbitre et ne le soumet à aucune fatalité ; il ne fait que prédire
ce qui arrivera. Les scandales, c'est tout ce qui fait obstacle dans la
voie droite. Or, ce n'est point la prédiction de Jésus-Christ qui est la
cause des scandales, ce n'est point parce qu'il les a prédits que les scan-
dales arrivent, mais c'est parce qu'ils devaient certainement arriver
qu'ils les a prédits. On me dira peut-être : Si tous viennent à se cor-
riger de leurs défauts et qu'il n'y ait plus personne pour donner de
scandale, comment établir la vérité de cette parole de Jésus-Christ?
Kien de plus facile, car c'est justement parce qu'il a prévu qu'il y
aurait des hommes qui ne se corrigeraient pas , qu'il a dit : « Il est
nécessaire qu'il arrive des scandales, » c'est-à-dire : ils arriveront
nécessairement. Or, si tous les hommes avaient dû réformer leur con-
duite, il n'aurait pas tenu ce langage. — La Glose. Ou bien il faut
dit ei qui scandalizat, ut suspendatur
mola asinaria in coUo ejus : cujus ratio-
aem assiguans subdit : « Vaî muudo a
scaiidalis, » id est, propter scandala.
Orig. {Tract. 3. in Matth.) Hoc non de
elemeutiâ mundi intelligamus, sed lio-
mines qui suut in nmndo , dicuutur
mundus. Non suntauteuidiscipuli Cliristi
de lioc mundo ; unde non potest eis esse
a scandalis vae : nam etsi multa sunt
scandala, non tangunt eum qui non est
de lioc mundo. Si autem adliuc est de
lioc mundo, propterea quod diligit mun-
dum et quce sunt in muudo, tuuta scan-
dala compreheudent eum, <iuantis eo
luerat obligatus in mundo.
Sequitur: «Necesse est enim nt veniant
scandala. » Chbys. (m homil. (iO, in
Matth.) Cum autem dicit : Necesse est,
non destruit libertatem arbitrii, neque
necessitati aliquarum rerum supponit;
sed quod omniuo futurum est prœdicit :
scandala quidemsuut probibitiones rec-
tœ viifi : non autem prœdictio Cbristi
scandala inducit : neque enim quia pr*-
dixit, propter hoc tit, sed quia oranino
futurum erat, propter hoc praedixit. Sed
dicet aliquis : « Si omnes corrigantur, et
nullus sit qui scandala afferat, nonne
mendacii arguetur hic sermo ? » Nequa-
quam : quia euim prœvidit inemendatos
futuros homines esse, propter hoc dixit :
« Necesse est ut veniant scandala, » id
est, omnino venient : si autem corri-
geudi esseut, non dixisset. Glossa. [ut
sup.) Vel « necesse est ut veniant seau-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIH. 467
qu'il arrive des scandales , parce qu'ils sout nécessaires ou du moins
utiles pour faire connaître ceux qui sont d'une vertu éprouvée (1). —
S. Chrys. {hom. 59.) En effet, les scandales réveillent les hommes, les
rendent plus attentifs et plus sur leurs gardes et relèvent aussitôt
celui qui tombe, en lui inspirant pour l'avenir une plus grande vigi-
lance (2*).
S. HiL. {can. 18 sur S. Matth.) Ou bien encore , c'est l'humilité de
la passion qui a été un scandale pour le monde. En effet, ce qui
retient le plus les hommes dans l'ignorance des mystères du salut,
c'est qu'ils n'ont pas voulu reconnaitre le Dieu de la gloire éternelle sous
les dehors ignominieux de la croix. Or, qu'y a-t-il au monde de plus
dangereux que de ne pas recevoir Jésus-Christ? Il déclare donc qu'il
est nécessaire qu'il arrive des scandales, parce qu'il fallait qu'il subît
toutes les humiliations de sa passion pour accomplir le mystère qui de-
vait nous rendre la bienheureuse éternité. — Orig. Oubien ces scandales
qui arrivent sont les auges de Satan. Gardez-vous de croire cependant
que ces anges soient scandales par leur nature ou par leur substance;
c'est leur libre arbitre ijui a produit le scandale dans quelijues-uns
qui n'ont pas voulu sup[>orter l'épreuve à laquelle Dieu avait soumis
leur vertu. Il n'y a de bien véritable que celui qui est combattu par le
mal. Il est donc nécessaire que les scandales arrivent, comme il est né-
cessaire que nous ayons à souffrir de la malice des esprits célestes dont
la haine s'enflamme d'autant plus que le Verbe de Dieu le Christ établit
plus solidement son empire parmi les hommes et chasse loin d'eux
toutes les malignes intluences. Aussi ces mauvais anges cherchent-ils
(I) Saint Paul applique cette vérité aux Uérésies. (I Corintk., xi, 19.)
(2*) Nous avons cru devoir préciser le temps, pour l'avenir, bien que la traduction latine adoptée
par saint Thomas présente cette sollicitude ou cette vigilatice comme étant la cause qui aide
celui qui tombe à se relever; car le texte grec parait indiquer formellement l'avenir : aa^a),£OT£-
pov yàp aÙTOv i^yâazxan, xai SjffàXwTOv {i.âX>.ov ttouï.
dala, » quia suiit uecessaria, id est, uti-
lia, ut per hoc qui probati sunt, rnani-
festi fiant. Chrys. {ut sup.) Scandala
enim erigunt vel excitant homiues, et
acutiores eos faciunt; et cuui qui cadit,
velociter erigunt, in quantuiu ingerunt
soliicitudineiu.
HiLAR. {Can. 18, in Matth.) Vel hu-
militas passionis scandalum mundo est.
In lioc cnira maxime ignorautia detine-
tur liumana quod sub doformitate crucis
œternœ gloriie Domiuum iioluit acci-
pere : et quid in mundo tain periculo-
sum, quam non récépissé Christum ?
Ideo vero uecesse ait venire scandala,
quia ad sacramfcntum reddtudaî uobis
aeternitatis omnis in eo passionis humi-
litas esset complenda. Orig. (ut sup.)
Vel veuientia scandala sunt angeli Sata-
me : nec lamen putes secundum natu-
ram vel substantiam esse bujusmodi
scandala; sed libertas arbitrii in quibus-
daui genuit scandalum, nolens suscipere
pro virtute laborem. Non potest autem
esse verum bonum nisihabeatimpugna-
lionemmali. Sic ergo necesse estvenire
scandala, sicut uecesse est sustinere ma-
litiam cœlestium, qua tauto magis irri-
tautur, quanto magis Verbum Christi in
bominibns invalescens, expellit ab eis
mali^nas virtutes : quœrunt autem or-
gana per quœ scandala operentur, qui-
468 EXPLICATION DR l/ftVANGILE
des instruments pour produire des scandales, et c'est à eux surtout que
le Sauveur dit : Malheur, car le jugement sera bien plus sévère pour
celui qui scandalise que pour celui qui est scandalisé ; c'est pour cela
qu'il ajoute : « Malheur à l'homme par qui arrive le scandale. » —
S. JÉR. C'est-à-dire : Malheur à l'homme qui, par sa propre faute,
devient cause de ce qui doit arriver nécessairement dans le monde.
Cette sentence, qui est générale, atteint eu particulier Judas, qui avait
déjà préparé son àme à la trahison. — S. Hil. Ou bien, sous cette
dénomination générale, il veut désigner le peuple juif, auteur de ce
scandale qui a eu pour objet la passion de Jésus-Christ et qui a ex-
posé le monde au danger de renoncer, à cause même de sa passion,
à Jésus-Christ, dont la loi et les prophètes avaient annoncé les souf-
frances.
S. Chrys. {hom. 59.) Pour vous faire comprendre que les scandales
ne sont pas d'une absolue nécessité , écoutez ce qui suit : « Si votre
pied ou votre main vous scandahse , » etc. Il ne veut point parler ici
des membres du corps , mais des amis que nous regardons comme
nous étant aussi nécessaires que nos membres, car rien n'est plus nui-
sible que de mauvaises fréquentations. — Rab. Le mot scandale est un
mot grec qu'on peut traduire par pierre d'achoppement, ou par chute
ou choc des pieds. Celui-là donc scandalise son frère qui, par une
parole ou par une action contraire à la règle , devient pour lui une
occasion de chute. — S. Jér. Notre- Seigneur retranche donc d'une
manière absolue tout prétexte fondé sur les Uens du sang ou de l'ami-
tié, pour que les fidèles ne soient pas exposés aux scandales par suite
d'un sentiment d'affection quelconque. Si quelqu'un, leur dit-il, vous est
aussi étroitement uni que votre main , votre pied , votre œil , s'il est
bus est magis vœ. Nam multo pejus erit non suât absolutœ necessitatis scandala
ei qui scaudalizat, quam ei qui scanda-
lizatur : unde sequitur : « Verumtamea
vte homini illi per quem scandalum ve-
nit ! )) HrER. Ac si dicat : « Vaî liomini
illi qui vitio suo facil ut per se fiat,quod
necesse est ut in mundo fiai. » Simul<iue
audi quîH sequuutur : « Si autein manus
tua vel pes tuus scaudalizat te, » etc.
Xou autem hoc de membris corporalibus
dicit, sed de ainicis, quos in ordine ue-
cessariorum membrorum habemus : ui-
liil est euim ita nocivum ut couversatio
per generalem sententiam percutitur Ju- mala. Raba. Scandalum qiiippe seruio
das, qui proditioni aniuuim prœpara- arrecus est ; quod nos « offeudiculuni vel
verat. Hilar. [xit svp.) Vel sub bomiuis j ruiuam et impactionem pedis » dicere
nuncupatione, auctorem scandali hujus j possumus : ille ergo scaudalizat fra-
(quod est circa passionem Christi) ju- trem, qui ei dicto factove minus reeto
daicum populuni désignât, per quem occasionem ruinae dederit. Hier. Igitur
omne huic mundo periculum compa- omnis truncatur affectus et uuiversa
ratur, ut Cliristum in passione abneget, propinquitas amputatur, ne per occasio-
queni lex et prophetae passibilem prœ- nem pietatis unusquisque credentinui
dicaverunt. j scandalis pateat : si (inquit) ita est tibi
CuHYs. [ni stij).) Ul autem discasquod | conjuuctus ut manus, pes, ocuius, et est
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIII. i69
pour vous d'une utilité incontestable, plein de vigilance et de sollici-
tude pour vos intérêts , mais qu'il vous soit une cause de scandale et
vous entraîne dans l'abime par le contraste de ses mœurs déréglées, il
vous est beaucoup plus avantageux de rompre toute liaison avec lui
et de renoncer aux avantages temporels que vous en retiriez, que de
conserver près de vous une cause certaine de ruine en tenant aux
avantages que vous procurent ces parents et ces amis. Chaque fidèle
connaît ce qui peut lui nuire , ce qui est pour son àme une cause de
séduction ou de tentation fréquente. Or, il vaut mieux qu'il vive dans
la solitude que de perdre la vie éternelle pour les biens si fragiles de
la vie présente. — Orig. Ou bien, dans un autre sens également rai-
sonnable, on peut entendre par l'œil les prêtres, qui sont comme l'œil
de l'Eglise , parce qu'ils en sont comme les sentinelles ; par la main ,
les diacres et les autres ministres par qui s'accomplissent les œuvres
spirituelles. Les fidèles, au contraire, sont comme les pieds du corps
de l'Eglise. Et aucun d'eux ne doit être épargné s'il devient une cause
de scandale pour l'Eglise. Ou bien encore, l'action de l'àme, c'est la
main qui pèche; la marche de l'âme , c'est le pied; la vue de l'âme,
c'est l'œil coupable ; il faut les couper et les arracher s'ils nous sont
un sujet de scandale, car souvent les actions des membres désignent
dans la sainte Ecriture les membres eux-mêmes.
y. 10-14. — Prenez bien garde de ne mépriser aucun de ces petits ; car je vous
déclare que dans le ciel leurs anges voient sans cesse la face de mon Père qui
est dans les deux. Car le Fils de l'homme est venu sauver ce qui était perdu.
Si un homme a cent brebis et qu'une seule vienne à s'égarer, que pensez-vous
qu'il fasse alors ? Ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf sur les mon-
tagnes pour aller cheixlier celle qui s'est égarée? Et s'il arrive qu'il la trouve.
utilis atque sollicilus et acutus ad pros-
piciendum, scandalum autem tibi facit,
et propter morum dissonanliam te per-
trahit in gehennam ; melius est ut pro-
pinquitate ejus careas et emolumentis
carnalibus quam dura vis tibi lucrifacere
cognatos et necessarios, causam habeas
ruinarum : novit enim unusquisque cre-
dentium quid sibi noceat, vel in quo sol-
licitetur aninius, ac saepe tentetur ; me-
lius est enim vitam solitariam ducere,
quam ob vitae praeseutis neeessaria vi-
tam œteruam perdere. Orig. {ut svp.)'Veï
sacerdotes rationabiliter possunt dici Ec-
clesiie ocvlus. quoiiiam specnlatores ha-
bentur; diacoui autem cœterique, manus,
quia par eos opéra spiritualia geruntur :
populus autem, sunt pedes corporis Ec-
clesiœ ; quibus omnibus parcere non
oportet, si scandalum Ecclesiae factifue-
rint. Vel actus animae peccans manus
intelligitur, et incessus animae, peccans
pes ; et visus animae pecccns oculus :
quos oportet praescindere, si scandalum
pracbent : fréquenter enim ipsa opéra
membrorum pro membris in Scriptura
ponimtur.
Videte ne contemnatis umim ex hispusillis. Dico
enim vobis quia angeli eorum in cœlis semper
vident faciem Patris mei qui in cœlis est : ve-
nit enim Filius hominis salvare quod perierat .
Quid vobis videtur? Si fuerint alicui centum
oves, et rrrarerit nna ex eis, nonne relinquit
nonaginta novem in montibus, et vadit quarere
eam qiiœ erravit? Et si contigerit ut inveniat
eam, amen dico vobis, quiagaudebit super eam
470
KXPrJCATION DE L EVANGILE
je VOUS dis en vérité quelle lui cause plus de joie que les quatre-vingt-dix-
neuf qui ne sont point égarées. Ainsi votre Père , qui est dans les deux, ne
veut jias qu'un seul de ces petits périsse.
S. JÉR. Notre- Seigneur venait «le déclarer par la comparaison de la
main, du pied et de l'œil qu'il fallait couper tous les liens du sang et
de l'amitié qui pouvaient être un sujet de sc;indale; il adoucit main-
tenant ce que ce précepte pouvait avoir de sévère par les paroles sui-
vantes : « Prenez garde de ne mépriser aucun de ces petits, » c'est-à-
dire : Gardez -vous en toute occasion de les mépriser, et, en faisant
votre salut, cherchez à les sauver eux-mêmes; mais s'ils persévèrent
dans leurs péchés , il vaut mieux que vous vous sauviez seuls , que de
périr avec la multitude. — S. Curys. {hom. 59) Ou bien, dans un
autre sens, il est souverainement avantageux et de fuir les méchants,
et d'honorer les bons. Aussi, après nous avoir enseigné à rompre tout
commerce avec ceux qui nous scandalisent, il nous apprend ici à
rendre à ceux qui sont saints l'honneur et les devoirs qui leur sont
dus. — La Glose. Ou bien encore , puisque c'est un si grand mal que
le scandale donné à nos frères, prenez garde de ne mépriser aucun
de ces petits. — Orig. G^s petits sont ceux qui sont nouvellement nés
en Jésus-Christ ou ceux qui ne font aucun progrès et qui sont toujours
comme des enfants qui viennent de naître. Mais Jésus-Christ n'a pas
cru nécessaire de défendre de mépriser les fidèles plus parfaits; il ne
parle que des petits , comme précédemment : « Si quelqu'un scanda-
lise un de ces petits , » etc. Peut-être donne-t-il ici le nom de petits à
ceux qui sont parfaits , d'après ce qu'il dit dans un autre endroit :
« Celui qui aura été le plus petit parmi vous sera le plus grand. »
{Luc, XXII.) — S. Chrys. Ou bien encore, est-ce parce que ceux qui
magis quam super nonaginta 7wvem, gitœ non
firraverunt. Sic non est voluntas ante Patretn
vestrum, qui in cœlis est, ut pereat uniis de
piisillis istis.
Hier. Snpra dixerat Dominus per vw-
oivni, et jyedein, et oculum, omnespro-
piuquitates et necessitudiues qu.e scan-
dalum facere poterant, amputandas :
austeritatera itaque sententiœ suhjecto
prîBcepto lemperavit dicens : « Videte
ne contemnatis iinum ex his pusillis : »
ac si dicat : Quanluni iu vobis est, iio-
lite contemnere, sed post vestram salu-
tem, eliaui illoriini quan-ite sauitatem :
sin aiitem persévérantes iu peccatis vide-
rilis, nielius est vos salvos tieri quani pe-
rire ciun multis. Chrvs. {ut snp.) Vel
aliter : sicut fugere malos, ila honorare
bonos magnum habet lucrum. Supra
ergo docuil scaudalizantium absciudere
amicitias; Lie autem docet exhibera
sanctis bonorem et procurationem . Glos-
SA. {sive Ansebmts.) Vel aliter : « Quia
tantum malnm provenit ex scandalizatis
fratribus, videte ne contemnatis unum
ex bis pusillis. » Orig. [nt sup.) Pusilli
autem sunt qui nuper in Cbristo sunt
nati ; aul Vales qui permanent sine pro-
fectu, quasi nuper nali. Non autem habuit
neeesse mandare Cbristus de perfectio-
ribus tidelibus non contemnendis, sed de
pusillis ; sicul et supra dixerat : « Siquis
scandalizaverit unum ex pusillis istis. »
Alius autem forte d\dt pusillum, hic di-
cM perfectum; secnndum quod alibi ait
[Liic. 22) : « Qui miniums fuerit in vo
bis, hic erit major. » Chrys. (ut sup.)
Vel quia periecti parrnli apud multos
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIII. 47i
sont parfaits sont regardés par un grand nombre comme petits, c'est-
à-dire comme pauvres et méprisables. — Orig. Cependant cette inter-
prétation ne s'accorde pas avec ces paroles : « Si quelqu'un scandalise
im de ces petits, » etc., car l'homme parfait ne se laisse ni scandaliser,
ni entraîner à sa perte. Toutefois si on veut admettre cette inter-
pri'tation comme vraie , on peut dire que l'âme du juste est soumise à
la mutabilité, et par là soumise, bien que difficilement, au scandale.
La Glose (1). La raison pour laquelle il ne faut pas mépriser ces
petits, c'est qu'ils sont tellement chers à Dieu, qu'il a député des anges
pour veiller sur eux. C'est pour cela que Notre-Seigneur ajoute :
«Car je vous déclare, » etc. Quelques auteurs prétendent que Dieu
donne aux hommes im ange gardien aussitôt qu'ils ont reçu dans le
bain sacré de la régénération une nouvelle naissance en .Jésus- Christ;
et ils ajoutent qu'il n'est pas croyable qu'un des saints anges soit pré-
posé à la garde des incrédules et des pécheurs qui , dans le temps de
leur infidélité et de leurs égarements, sont sous la puissance des anges
de Satan. D'autres veulent que Dieu donne un ange gardien, aussitôt
leur naissance, à tous ceux qui ont été l'objet de la prescience divine.
— S. Jeu. Qu'elle est grande la dignité des âmes, puisqu'à chacune
d'elles, aussitôt son entrée dans la vie. Dieu donne un ange pour veiller
à sa garde !
S. Chrys. {hom. 59.) Le Sauveur ne parle pas ici de tous les anges
indistinctement, mais de ceux qui ont la prééminence sur les autres.
Ces paroles : « Ils voient la face de Dieu , » signifient qu'ils jouissent
d'un accès plus facile près de Dieu , et de plus grands honneurs dans,
la cour céleste. — S. Grég. {hom. 34 sur les Evang.) On dit que Denis
(l) Ou plutôt saint Anselme.
aestimantur, scilicet pauperes et cou-
lemptibiles. Or:g. Sed huic exposilioni
non videtur convenire quod dicitur :
« Si qnis scandalizaverit unum de pu-
sillis, » etc. Perfectus enim non scanda-
lizatur, nec périt. Sed qui hanc exposi-
tioneni œstimat veram, dicit quod justi
I\oniinis anima vertibilis est, et scanda-
lizaturaliquando, etsi non facile.
Glossa. Ideo autem non sunt conteni-
uendi, quia adeo chari sunt Deo, quod
augeli sunt eis ad custodiam deputati :
unde sequitur : « Dico enini vobis
quia, » etc. Orig. {vt svp.) Quidam vo-
lunt ex eo dari hominilnis angelum ad-
jutorem ex que per lavacrum regenera-
tionis nati sunt infantes in Christo ; di-
ceutes non esse credibile increduiis et
errantibus praesse angelum sanctum ;
sed tempore infidelitatis et peccatorum
est homo sub angelis Satanœ. Alii autem
volunt mox cum quisfuerit uatus eorum
qui prœcoguiti sunt a Deo, accipere sibi
pr.ppositum angelum. HiK«. Magua enim
dignitas auimarum, ut unaquœque ha-
beat ab ortu nativitatis in custodiam sui
angelum delegatnm.
Chrys. {ut svp.) Hic autem, non de
quibuscuuque angelis loquitur, sed de
superemiueutibus: cum enim dicat : «Vi-
dent faciem Palris mei, » nihil aliud os-
tendit, iinani magis liberam i>rajsentiam
et majorem eorum honorem apud Deuni.
Grec, (in hoinil. 34, in Evang. )Y<ivi\x\:
i72 EXPLICATION DE l' ÉVANGILE
l'Aréopagiste, un des Pères les plus anciens et les plus vénérables,
prétend (comme il l'enseigne en effet, liv. des célestes hier. ^ chap. xiii),
que Dieu choisit dans les rangs inférieurs des anges pour les missions
extérieures ou intérieures qu'il leur confie , mais qu'il n'en est point
dans les hiérarchies supérieures qui soient employés dans des minis-
tères extérieurs. — S. Grég. {Moral., ii, 2.) Les anges ne cessent
jamais de voir la face du Père, même quand ils sont envoyés vers
nous ; ils descendent jusqu'à nous pour nous protéger de leur pré-
sence toute spirituelle, et cependant ils demeurent par la contempla-
tion intérieure dans le lieu qu'ils viennent de quitter, car ils con-
servent, en venant à nous, le don de la vision divine, et ne sont point
privés, par conséquent, des joies de la conte ;mplation intérieure. —
S. HiL. Tous les jours les anges offrent à Dieu les prières de ceux qui
doivent être sauvés par Jésus-Christ; il est donc souverainement dan-
gereux de mépriser celui dont les désirs et les prières montent jusqu'au
trône du Dieu éternel et invisible, par l'entremise et par le ministère
des anges. — S. Aug. [Cité de Dieu., xxii, 29.) Ou bien, nous appe-
lons nos anges ceux qui sont les anges de Dieu ; ils sont les anges de
Dieu, parce qu'ils ne quittent pas sa présence, ils sont nos anges,
parce que nous sommes déjà leurs concitoyens. De même donc qu'ils
jouissent maintenant de la vue de Dieu, ainsi nous le verrons nous-
mêmes un jour face à face, selon ces paroles de saint Jean : « Nous
le verrons tel qu'il est. » (I Jean, m.) La face de Dieu c'est la manifes-
tation de son être, et non la partie du corps que nous appelons de ce
nom.
S. Chrys. [horyi. 59.) Le Sauveur nous donne une nouvelle raison
de ne pas mépriser les petits, et cette raison est plus forte que celle
autem Dionysius Areopagita antiquus et
venerabilis Pater dicern (sicut rêvera di-
cit, lib. de cœl. Hier. cap. d3.) quod ex
iniuoribvis angelorum ugmiuibiis ad ex-
plendum ininisteriuin vel visibiliter vel
iiivisibiliter mittiinliir : uaiii superiora
illa agmina usum exterioris ministerii
iieqiiaquam habent. Giœg. (Il Moral.
cap. 2.) Et faciem erijo Patris aiifieli
semper vident, et tauien ad uos veniuut,
quia et ad nos spiritali prœsentia foras
exeuntj et tamen ibi se mide recesserant
per iuteruam contemplatiouem servant:
neqiie enim sic a divina visione ionis
exeuut, ut inteniae conlemplationis gau-
dlis privenlur. IIilar. (ut sup.) Salvan-
ilnrum ipitur per Chrislumorationesan-
iieli Deo quotidie otTerunl : erpo peri-
culose ille contemnitur cujus desideria
ac postulationes ad aeternum et invisibi-
lem Ueum angelorum famulatu ac minis-
terio pervebuntur, Aug. {de Ci vit. })ei
lib. 22, cap. 29.) Vel angeli nostri dicuu-
tur qui sunt angeli Dei : « Dei suut, »
quii Deuni non reliquerunt; « nostri
suut, » quia suos cives nos habere cœ-
perunt. Sicut ergo mine illi vident
Deuni, ita et nos sumus visuri facie
ad faciem : de qua visioue dicil Joaunes
{in epist. 1 , cap. 3) : « Yidebiinus euni
sicuti est : » faciès enim Dei manifes-
tatio ejus intelligenda est, non aliquod
taie membrum quale nos babemus in
corpore atque isto noniine nuncupanius.
Chrys. {rit snp.) Rursus aliam ratio-
ueui ponit, quare pusilli non sint cou»
DE SAINT MATTHIEU, CHAI». XVUI. 473
qui précède : « Car le Fils de l'homme est venu , » etc. — Rémi.
C'est-à-dire ne méprisez pas les petits, car j'ai daigné me faire homme
pour eux. En effet , après ces mots : « Ce qui était perdu , » nous de-
vons sous-enteiidre le genre humain; car tous les éléments gardent
fidèlement l'ordre dans lequel ils ont été placés , mais l'homme s'est
égaré, parce qu'il est sorti de l'ordre qui lui avait été tracé. — S. Chrys.
{hom. 59.) Il ajoute à cette raison une parabole qui met dans tout sou
jour la volonté (ju'a le Père céleste de sauver le genre humain : « Si
un homme a cent brebis , et qu'une seule vienne à s'égarer , que
pensez-vous qu'il fasse alors? » etc. — S. Grég. {hom. 24 sur les
Evang.) Cet homme c'est le Créateur des hommes ; car le nombre
cent étant un nombre parfait, il fut le pasteur de cent brebis lors(]u'il
eut créé la nature des anges et celle des hommes. — S. Hil. Dans
cette seule brebis qui s'égare , il faut voir l'homme , et dans ce seul
homme se trouve compris le genre humain tout entier ; car tout le
genre humain a péché dans la faute du seul Adam (1). Celui qui est à
la recherche de cet homme , c'est Jésus-Christ , et les quatre-vingt-
dix-neuf brebis qui sont laissées, c'est la multitude des esprits qui
jouissent de la gloire des cieux (2). — S. Grég. {hom. 34 sur S. Malth.)
L'Evangéliste dit que ces quatre-vingt-dix-neuf brebis sont laissées
sur les montagnes, c'est-à-dire sur les lieux élevés, parce que les bre-
bis qui ne se sont point égarées se tenaient sur les hauteurs spiri-
tuelles de la foi. — Bède. Le Seigneur a donc retrouvé la brebis
perdue, quand il eut accompli l'œuvre de la réparation de l'homme,
et il y a dans le ciel une joie bien plus grande pour cette seule brebis
(1) Saint Hilaire ajoute : « Donc par les quatre-vingt dix-neuf brebis qui ne se sont point éga-
rées , il faut entendre la multitude des anges qui se réjouissent dans le ciel, et qui prennent soin
du salut des hommes, n
(2) Le saint docteur ajoute encore : <c Auxquels seront réunis avec une grande joie, pour former
le corps de Jésus-Christ, les hommes qui se sont égarés. »
temnendi, priore majorem dicens :
« Venit enlm. » Remig. Quasi diceret :
« Non couteuiuatis pusillos, quLa ego pro
liominibus liomo fieri dignatus suui ; »
cum enim dicit : « quod perierat, )> sub-
intelligendum est geuiis hiioianum. Oui-
nia enim elenienta suum ordinem ser-
vant; sed liorao erravit, quia suum or-
dinem perdidit. Chrvs. {%it sup.) Deinde
ad Iiauf ralionem parabolam copulat per
([uam et Palrem iiiducil salutem iiomi-
num volenlem, dicens : « Quidvobis vi-
detur?Si fiierintalicui ceutumoves, «etc.
tîUEG. {in homil. 24 , in Evong. in
Matth.) Hoc ad ipsum auctorem liomi-
num pertinet : quia enim ceuteuarius
perfectus est numerus, ipsecentumoves
liabuit cum angeiorum et hominum subs-
tantiam creavil, Hilar. [ut sup.) Ovis
aulem una homo intelligendus est, et sub
hominc uno universitas sentienda est. In
unius enim Adse errore, omne hominum
genus aberravit : igitur et quaerens lio-
minem Cliristus est : et nonaginta no-
vem relictae, cœlestis gloriae multitudo
est. Greo. (ut sup.) Dicit autem Kvan-
gelista eas reiictas in montibus ut sigui-
ficet in excelsis, ijuia nimirum ovesquap
non perierant, in sublimibus stabant.
Beda. Ovem ergo Dominus invenit,
quando homiuem restauravit : et su-
per eam iuventam majus gaudium est
474
EXPLICATION T)E L EVANGILE
qui est retrouvée, que pour les quatre-vingt-dix-neuf au très. En efifet,
la réparation du genre humain donne beaucoup plus de gloire à Dieu
que la création des anges ; car, si la création des anges est une œuvre
admirable de la puissance de Dieu, la rédemption des hommes est
bien plus admirable encore. — Rab. Remarquez qu'il manque une
unité au nombre neuf pour atteindre le nombre dix, et à quatre-vingt-
dix-neuf , pour atteindre le nombre cent. Les nombres auxquels il
manque une unité pour arriver à un nombre parfait, peuvent varier
par leur quantité plus ou moins grande, mais l'unité invariable en elle-
même perfectionne les autres nombres en venant s'y ajouter; et c'est
pour que le nombre des brebis fût complet dans le ciel que le Sauveur
est venu chercher sur la terre l'homme qui s'était égaré. ^- S. Jér.
D'autres pensent que les quatre-vingt-dix-neuf brebis représentent le
nombre des justes, et cette brebis qui s'égare, le nombre des pécheurs,
selon ce que le Sauveur dit ailleurs : « Je ne suis pas venu appeler les
justes, mais les pécheurs. » {Matth., ix.)
S. Grég. [hom. 34.) Mais poui'quoi Notre- Seigneur déclare-t-il que
la conversion des pécheurs cause dans le ciel une plus grande joie
que la persévérance des justes? C'est que ceux quiont une très-grande
confiance de n'avoir point commis de fautes graves sont presque tou-
jours pleins de tiédeur pour la pratique des vertus élevées. Au con-
traire, il arrive souvent que ceux qui ont la conscience d'avoir commis
quelque grande faute, sous l'impression de la douleur qu'ils en res-
sentent, s'embrasent du feu de l'amour divin. Gomme ils ont toujours
leurs égarements devant les yeux , ils réparent les pertes précédentes
par les gains qu'ils réalisent ensuite. C'est ainsi que, dans une bataille,
un général préfère le soldat qui, après s'être enfui , revient presser
in cœlo quam super nonaginta no-
vèm, quia major materia divinœ lau-
dis est in restauratioue hominum ,
quam in creatione angelorum : mirabi-
liter enim anj^elos creavit, sed mirabi-
lins liominem restauravit. Raba. Nota
(juod unum deest a iioveui, ut decem
siut; pl a nonaiiinta novem, ut centum
fijnt. Variari erço per brevitatera et
maiinitudineni numeri possunt ijuibus
uMum dciicit, ut perficiautur ; ipsnm
vero unum sine varietate in se manens,
cum accesserit, cseleros perticit : et qt
perfecta summa ovium inteîïraretur in
cœlo, homo perditus quasrebatur in
terra. Hier. Alii vero nonaginta novem
nvibus justorum putant numerum in-
telligi, et in una ovicula, peccatorum,
secundum quod in alio loco dixerat
[Matth. 9) : « Non veni vocare justes,
sed peccatores. »
Greg. [in hom. 34 nt snp.) Conside-
randum autem nobis est cur Dominus
plus de conversis peccatoribus ([uam de
stantibus justis gaudium esse faleatur :
(piia scilicet, jilenimque pigri rémanent
ad cxercenda bona pra-cipua. qui valde
sibi securi sunt >piod nuUa commiserinf
mala graviora. At contra nonmmqiiam
bi qui se aliquid egisse illicite memine-
runt, ex ipso suo dolore compuncti
inardescunt in auiorem Dei. Et quia se
errasse a Deo considérant, damna prœ-
cedentia lucris subsequentibus recom-
pensant : sic et dux in prslio plus eum
militem diligit qui post fugam convcrsus
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIII. 17?>
vigoureusement l'ennemi, à celui qui n'a jamais tourné le dos, mais
qui aussi n'a jamais fait d'action d'éclat (I). Mais il est cependant des
justes qui donnent à Dieu une si grande joie, qu'on ne pourrait leur
préférer aucun pécheur repentant; car bien qu'ils n'aient conscience
d'aucune faute, on les voit renoncer à toutes les jouissances permises,
et s'humilier en toutes choses. Combien grande sera donc la joie ,
lorsque le juste gémira dans l'humiliation , alors qu'il y a sujet de se
réjouir, de ce que le pécheur condamne hautement le mal qu'il a com-
mis.
BEDE. Ou bien encore, les quatre-vingt-dix-neuf brebis qui sont
laissées sur la montagne, sont les orgueilleux auxquels il manque l'u-
nité pour arriver à la perfection désignée par le nombre cent. Lorsque
le Sauveur aura retrouvé le pécheur qui s'égarait, il se réjouira
donc davantage, c'est-à-dire qu'il fera éprouver aux siens plus de joie
de cette conversion, que de la prétendue persévérance des faux justes.
S. JÉR. Les paroles suivantes : « Ainsi votre Père qui est dans les
cieux, ne veut pas qu'un seul de ces petits périsse , » etc., se rappor-
tent à ce qu'il a dit plus haut : « Prenez garde de mépriser un seul
de ces petits, » et le Sauveur nous enseigne par là que cette parabole
a pour but de nous enseigner à ne pas mépriser les petits; en ajou-
tant : « Votre Père ne veut pas, » il nous apprend que toutes les fois
qu'il périt un de ces petits, ce n'est point par la volonté du Père
qu'il périt.
f. lb-I7. — Que si votre frère a péché contre vous , allez lui représenter sa
faute en particulier, entre vous et lui. S'il vous écoute, vous aurez gagné votre
(1) Saint Grégoire ajoute que le laboureur préfère de beaucoup la terre qui après avoir produit
des épines porte d'abondantes moissons, à celle qui n'a jamais produit ni épines ni moissons.
hostem fortiter premit, quam illuni qui
nunquam torfïvini prfebuit, et nunqiiam
aliquid fortiter ferit. Sed et simt quidam
justi, do quibus tantum est gaudium ut
eis nullus jjœnitens prcepoui possit : qui
etsi non sint sibi malorum conscii.tanien
licita respuunt, et in omnibus se bumi-
liant. Quantum ergo gaudium est, si hu-
militer plaugat justus? cum gaudium
sit, si quod maie gessit, damnât injus-
lus.
Beda. Vel par nonaginta novem oves
quas in montibus reliquit, superbes si-
gnificat quibus ad perfectionem (cente-
nario designatam) unitas deest : eum
ergo invenerit peccatoremj magis super
eum gaudet (id est, suos gaudere facit)
quam super justes falsos.
HiKR. Quod autem subditur : « Sic non
est vohmtas ante Patrem vestrum ut pe-
rçât unus, » etc., refertur ad superius
propositum, de quo dixerat : « Videte
ne contemnatis unum de pusillis istis, »
et docet idcirco parabolani positam, ut
pusiUi non contemnantur. In eo autem
quod dicit : « Non est vohmtas ante Pa-
trem,» etc., osteudit quod quotiescunque
perierit aliquis ex pusillis, non volun-
tate Patris périt.
Si autem peccaverit in te frater tuus, vade et
corripe eum inter te et ipsum solnm. Si te an-
dierit, lucratus eris fratrem tuum; si autem
476
EXPLICATION DE L EVANGILE
frère. Mais s'il ne vous écoute point, prenez encore avec vous une ou deux
personnes, afin que tout soit confirmé par l'autorité de deux ou trois té-
moins. Que s'il ne les écoute pas non plus, dites-le à l'Eglise; et s'il n'é-
coute pas l'Eglise même, qu'il soit à votre égard comme un païen et un pu-
blicain .
S. Chrys. [hom. 60.) Le Sauveur s'était exprimé avec force contre
les auteurs du scandale, et avait rempli leur àme d'une vive crainte ;
mais il veut empêcher aussi ceux à qui le scandale était donné , tout
en évitant une faute, de tomber dans une autre (!'), c'est-à-dire dans
la négligence ; car en s'imaginant qu'on doit avoir pour eux toute
sorte d'égards , ils pourraient se laisser facilement dominer par l'or-
gueil ; il étouffe donc ces sentiments dans leur âme , et leur fait un
devoir de reprendre leur frère lorsqu'il est en faute : « Si votre frère
péclie contre vous, » etc. — S. Aug. (serm. 16 sur les par. du Seig.)
Notre-Seigneur nous recommande de ne pas rester indifférents aux
péchés les uns des autres _, en cherchant non pas précisément à re-
prendre, mais à corriger ; car c'est l'amour qui doit inspirer la cor-
rection, et non pas le désir de faire de la peine. Mais si vous négligez
ce devoir, vous devenez plus coupable que celui qui avait besoin de
correction ; il vous avait offensé , et il s'était par là même profondé-
ment blessé ; mais vous méprisez cette blessure de votre frère, et vous
êtes plus coupable par votre silence qu'il ne l'est par l'outrage qu'il
vous a fait, — S. Aiig. {Cité de Dieu, i, 9.) Souvent, en effet, on dis-
simule d'une manière coupable la vérité, en négligeant d'instruire ou
d'avertir, quelquefois de reprendre et de corriger ceux qui font mal,
(r) Le texte grec de saint Chrysostome est un peu différent de la traduction latine donnée par
saint Thomas: 'Iva [ù] 7ïâ).tv Tay-Vî fîvwvtat viTT-ioi ol (jxavôa),isô[Aîvot, [XïioÈ lô Tràv vo-
(xîÇovte; èç' STÉpouç sppi96at, ei; ÉTÉpav xaxtav è|£),8w(Ti. _C'est-à-dire, afin que ceux à
qui le scandale est donné ne se laissent pas aller à la négligence, et qu'en pensant que toute la
sévérité de ce discours tombait sur les autres, etc.
le non audierit, adhibe tecum adhuc tinum ve.l
duos, ut in orr duoruni vel trium tnslium strt
omne verbum ; quod si non audierit eos, die
Ecclesiœ; si autem Ecdesiam non audierit, sit
tibi sicut ethnicus et piiblicanus.
Chrys. (m homil. 61^ in Matth.) Quia
siiperins vehementem sermoneiu adver-
siis scandalizantes proposait., uudique
eos lerreus, ne rursiis lii quihus scau-
dala ioferuntiir sic Jïaul resupini ut
iinuni coutemneules in alind viliuai in-
cidant (scilicet neatliijentiiB), ac per oui-
nia sibi parci volentes in elalioueiu inci-
dant, iiis Dominiis eos comprimit, et re-
darguliouem lieri jubel, diceus : « Si
autem peccaverit in te frater tuus, » etc.
Aug. (de Ver. ])om. serm. 16.) Admo-
uet nos quidem Dominus noster non ne-
gligere inviceui peccata uostra; non
quœrendo quid reprebendas, sed videndo
quod corrigas : debemus enim amando
L'orriperc, non nocendi aviditate, sed stu-
dio corrigendi; si neglexeris, pejor eo
factus es : iste injuriani fecit, et injuriam
faciendo gravi seipsum vulnere per-
cussit : tu vulnus. fratris contemnis :
pejor es tacendo, iiuani ille couvitiando.
ACG. (de Civit. Dei. bb. 1, cap. 9.) Ple-
rumque enim a nialis docendis et ad-
monendis, abcpiando etiaui objurgandis
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIII. /1-77
soit qu'on recule devant la difficulté, soit qu'on veuille éviter leur ini-
mitié , dans la crainte qu'ils ne cherchent à nous traverser ou à nous
nuire dans la jouissance de ces biens temporels que notre cupidité
désire encore trop vivement acquérir, ou que notre faiblesse redoute
de se voir enlever. Mais si nous nous abstenons du devoir de la répri-
mande et de la correction à l'égard de ceux qui font mal , soit parce
que nous attendons une occasion plus favorable, soit parce que nous
avons obtenu ainsi qu'ils ne deviennent plus mauvais, ou qu'ils ne nous
empêchent de former les autres chrétiens faibles à une vie vertueuse
et fervente, et ne les influencent pour les détourner de la foi , alors ce
n'est plus par un motif de cupidité , mais par un principe de charité
que nous agissons. Or, ceux qui sont placés à la tète des églises pour
les diriger, ont une obligation bien plus rigoureuse de ne point né-
gliger le devoir de la correction ; et, toutefois , lors même qu'on ne
serait pas à la tète des autres , dès lors qu'on leur est uni par les rela-
tions ordinaires de la vie, et que l'on remarque en eux bien des choses
qu'il faut reprendre ou corriger, on n'est pas entièrement exempt de
faute lorsqu'on néglige de le faire , parce qu'on veut éviter de les
offenser dans la crainte d'être troublé dans la jouissance des biens de
cette vie qu'on possède légitimement, mais pour lesquels on éprouve
un attachement beaucoup trop vif.
S. Chrys. {hom. 60.) Remarquons que quelquefois Notre-Seigneur
amène celui qui a été l'auteur de l'offense à celui qu'il a offensé, par
exemple, lorsqu'il dit : « Si vous vous rappelez que votre frère a quelque
chose contre vous , allez vous réconciher avec votre frère , » et que
d'autres fois il ordonne à celui qui a été offensé de pardonner à son
prochain , comme dans ces paroles : « Pardonnez-nous nos offenses.
et corripiendis, maie dissimulatur ; vel
cum laboris piget, vel cum eorum iaimi-
citias devitauuij, ne impediant et no-
ceant in istis temporalibus rébus, sive
quas adipisci adliuc nostra cupiditas
appétit, sive quas adViuc amittere formi-
dat infirmitas. Si auteni propterea quis-
que objurpandis et corripiendis maie
agentibus pareil, quia opportunius tem-
pus inquirit, vel eisdem ipsis meruit ne
détériores ex hoc efficiantur, vel ad bo-
nam vitam et piamerudieudos impediant
alios iniîrmos, aut premant atque avor-
tant a lide ; non videtur esse'cupiditatis
occasio, sed consilium charitatis. Longe
autem graviorem habent causam eccle-
siarum prœpositi, qui in ecclesiis con-
stituti sunt, ut non parcant objnrgando
peccata : nec ideo tamen ob bujusce-
modi culpam penitus alienus est, qui li-
cet prœpositus non sit, in eis tamen qui-
bus vitae bujus necessitate conjungitur,
multa monenda vel arguenda novit, et
negligit ; devitans eorum offensiones prop-
ter illa quibus in bac vita non indebitis
utitur, sed plus quam debuit delectatur.
CuRYS. [ut sup.) Considerandum au-
tem quod quandoque Dominus eum qui
contristavit, ad eum qui contristatus est
ducit ; sicut cum dicit [Malth. 5) : « Si
recordatus fueris quod frater tuus habet
aliquid adversum te, vade reconciliari
fratri tuo : « quandoque autem eum qui
injusta passus est jubet dimittere proxi-
mo, sicut ibi : « Dimitte nobis débita
nostra, sicut et nos dimittimus, » etc.
478
EXPLICATION DR l'ÉVANGILE
comme nous les pardonnons, » etc. Ici il nous propose un nouveau
mode de réconciliation , il conduit celui qui a reçu l'ofTense à celui
qui l'a faite; il prévoit, en eflfet, que celui qui a commis l'injustice,
ne viendrait pas facilement excuser (I) sa conduite, retenu qu'il serait
par la honte; il lui amène donc celui qui a soullert l'otfense, et ce n'est
pas de sa part une simple démarche qu'il veut ici, mais il de-
mande la réparation du mal qui a été fait : « Allez et reprenez-le. » —
Uab. U ne commande pas de pardonner indistinctement à tout homme
qui pèche, mais à celui qui est disposé à écouter , c'est-à-dire à obéir
et à faire pénitence, afm que le pardon ne soit pas trop difficile^ ou
que l'indulgence ne soit excessive. — S. Gukys. {hom. 00.)llueditpas:
Accusez, faites de vifs reproches, tirez vengeance; mais : «Repre-
nez-le, » c'est-à-dire rappelez-lui sa faute , dites-lui ce qu'il vous a
fait souffrir. Pour lui , il est plongé dans sa colère comme dans un
profond sommeil causé par l'ivresse , il faut donc que vous qui êtes
affranchi de cette infirmité , vous alliez trouver celui qui est malade.
S. Jér. Il faut vous rappeler cependant , que si votre frère a péché
contre vous, et vous a offensé de quelque manière que ce soit, non-
seulement vous avez le pouvoir , mais vous êtes dans l'obligation de
lui pardonner ; car il nous est commandé de remettre leurs dettes à
ceux qui nous doivent. C'est pourquoi Noire-Seigneur nous dit ici ;
« Si votre frère a péché contre vous. » S'il a péché contre Dieu (2), il
n'est pas en notre pouvoir de lui pardonner ; mais nous, au contraire_,
(1) Un interprète moderne a traduit le mot grec àiroXoyîav par sa/iA7ac/to«e?n, c'est-à-dire
pour rendre compte de sa conduite, ou pour se justifier aux yeux de celui qui le reprend, ou
bien pour lui donner satisfaction de quelque manière que ce soit ; car le mot àTToXoytav peut re-
cevoir tous ces sens,
(2) Saint Jérôme cite ici ce passage du premier livre des Rois (ii, 25 ) : « Si un homme a pé-
ché contre un homme, le prêtre pourra prier pour lui ; mais s'il a péché contre Dieu, qui priera
pour lui? u La Vulgate traduit : n Si un homme pèche contre un homme, Dieu peut lui être pro-
pice. I) Les Septante ont traduit un peu différemment : « Ils prieront pour lui le Seigneur, o
npo(T£u|tovTat TiJpi a-jToû Trpo; KOpiov.
Hic aulem alium excogUat uiodum : eum
enim qui coiitrislatus est, ducit ad eum
qui contristavil; et ideo dicit : « Si pec-
caverit in te frater tuus : » quia eniui
ille qui iujusta fecit, non facile veniret
ad excusationem verecundalus, hune qui
passas est, ad illum trahit; d non siiu-
pliciter^ sed ut corrigat quod factum est :
unde dicit : « Yade et corripe eum. »
Rab. Non passim juhet peccanti dimit-
tere, sed audienti (id est, obedienti) et
pœnilentiam agenti ; ne vel difficilis sit
venia, vel remissa iudulgentia. Chuys.
{uf. sup.) Non aulem dicit, avctisu, ne-
que, increpa, neque vindictus eapele,
sed, argue, id est, « remémora illi pec-
catum; die ei qu?e ab eo passus es : »
ipse enim ira et verecundia detinetur
ebrius factus quasi gravi somno : unde
oportet te, qui sanus es, ad illum qui
tegrotat abire.
Hier. Sciendum tamen quod si pecca-
verit in vos frater vester, et in qualibet
causa vos lœserit, dimiltendi habetis po-
testatem imo uecessitatem ; quia praeci-
pitur ut debiloribus nostris débita di-
mittamus, propter quod et hic dicitur :
« Si peccaverit in te frater tuus ; » si
autem in Deum quis peccaverit, non est
uostri arbitrii : nos e contrario in Dei
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIII, 479
nous sommes pleins d'indulgence pour les oti'enses commises contre
Dieu, et remplis d'animosité pour venger celles qui s'adressent à nous.
— S. Chrys. {hom. 60.) C'est à celui qui a reçu l'injure , et non pas à
un autre , que Notre-Seigneur impose le devoir de la correction, car
celui qui a commis l'offense est disposé à recevoir plus facilement de
sa part la réprimande, surtout lorsqu'elle se fait sans témoin ; et rien
n'est plus propre à l'apaiser que de voir celui qui avait le droit d'exiger
une réparation sévère, montrer tant de zèle pour son salut. — S. Aug.
{serm. 16 sur les par. du Seig.) Lors donc qu'un de nos frères pèche
contre nous, montrons-nous empressés, non pas de défendre nos droits
(car rien n'est plus glorieux que d'oublier une offense), mais d'ou-
blier l'injure qui nous est faite, sans oublier la blessure qu'elle a
faite à notre frère. Reprenez-le donc entre vous et lui, en ne vous ap-
pliquant qu'à le corriger et en ménageant sa honte. Car il pourrait
arriver que sous l'impression de ce sentiment, il entreprit de justifier
la faute qu'il a commise , et ainsi en voulant le corriger , vous le
rendriez plus coupable. — S. Jér. Il faut reprendre votre frère en
secret, de peur que, s'il vient à perdre tout sentiment de honte et de
crainte, il ne persévère dans son péché.
S. Aug. {serm. 46), etc. L'Apôtre nous fait cette recommandation :
« Reprenez devant tout le monde le pécheur scandaleux , afin que les
autres aient de la crainte. » Il faut doue que vous sachiez qu'il est des
circonstances où il faut reprendre votre frère seul à seul, et d'autres
où il faut le reprendre devant tout le monde. Mais que devons nous
faire avant d'en arriver là? Ecoutez et retenez : «Si votre frère, dit-il,
a péché contre vous, reprenez-le entre vous et lui seul. » Pourquoi?
Parce qu'il a péché contre vous. Que veulent dire ces paroles : « Il a
injuria benigni sumus; in nostris contu-
meliis exercemus odia. Chrys. (ut iïip.)
Ideo autem prœcepit arguere ei qui
passus est iajuriain, et non aiii; quiaille
qui fecit injuriam, ab eo man^iuelius
sustinet, et maxime cum solus eum cor-
ripiat : quum enim qui vindictam expe-
tere dehebat, bic salutis videtur dUigeu-
tiam babere, maxime boc eum potest
propitium facere. Aug. (de Ver. Boni.
serm 16, ut sup.) Quando ergo in nos
ahquis peccat, babeamus ma^nan: eu-
ram, non pro nobis (uam gloriosum est
injuriam obUvisci), sed obbviscere in-
juriam luam, non vulnus fratris lui :
ergo corripe eum inter te et ipsum so-
luni, studens correctioni, parcens pudo-
ri. Forte enim prse verecundia incipit
defeudere peccatum suum, et quem vis
facere correctiorem, faeit pejorem. Hier.
Corripiendus est enim seorsum frater ,
ne sisemel pudorem atque verecundiam
amiserit, permaneal in peccato.
Aug. {fie Ver. Dom. serm. i^ntsup.)
Apostolus autem (i Tunoth. 5) .• « Pec-
cantem coram omnibus argue , ut et
caeleri timorem babeant : » aliquando
ergo scias corripiendum esse fratrem
solim, aliquando autem corom omnilnis.
Quid aulem ante facere debeamus, in-
tendite et videte. « Si peccaverit, inquit,
in te frater tuus, corripe eum inter te
et ipsum solum : » Quare? quia in te
peccavit? Quid est, in te peccavit ? Tu
480
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
péché contre vous? » Vous savez qu'il a péché, et puisque sonofifense
contre vous a été secrète, que votre correction le soit également; car
si vous êtes le seul pour connaître qu'il a péché contre vous, et que
vous vouliez cependant le reprendre jaihliquement , ce n'est plus une
correction, mais une accusation publique. Votre frère a donc péché
contre vous, mais si vous êtes le seul pour le savoir, c'est vraiment
contre vous seul qu'il a ]iéché ; s'il vous a offensé devant un grand
nombre de personnes , il a péché contre tous ceux (ju'il a rendu té-
moins de sa faute. Il faut donc reprendre publiquement les fautes pu-
bliques, et en secret les fautes secrètes. Apprenez à discerner les temps
et les occasions , et vous concilierez les Ecritures. Or , pourquoi re-
prenez-vous le prochain? Est-ce parce que vous éprouvez de la peine
d'en avoir été offensé? A Dieu ne plaise , si vous le faites par amour
pour vous, vous ne faites rien ; si, au contraire, vous le reprenez dans
son intérêt, vous agissez dans la perfection. Or, apprenez des paroles
elles-mêmes de Notre-Seigneur, dans qu'elle intention vous devez
faire cette réprimande , si c'est dans votre intérêt , ou dans celui de
votre frère : « S'il vous écoute , vous aurez gagné votre frère , » etc.
Faites-le donc pour lui , afin de le gagner. Reconnaissez qu'en pé-
chant contre votre frère, vous vous êtes perdu, car, autrement, comment
vous aurait-il gagné? Que personne donc ne regarde comme in-
différente l'ofïense faite à un de ses frères. — S. Chrys. {hoin. 60.)
Ces paroles nous prouvent encore que l'inimitié porte dommage aux
deux pai'ties, aussi ne dit-il pas : il s'est gagné lui-même , mais vous
l'avez gagné, preuve que tous deux , vous et lui vous avez souffert de
ce désaccord. — S. Jér. En procurant le salut d'un autre , nous assu-
rons ainsi notre propre salut.
scis quia peccavit : (juia enim secretum
fuit, quando ia te peccavit, secretum
([ugere cum corrigis quae peccavit : nam
si solus uosti quia peccavit iu te, et eum
vis corani omnibus arguere, non es
corrector, sed proditor. Peccavit ergo
in te frater tuus; sed si tu solus nosti,
tune vere in te solum peccavit : nam si
multis audientibus tibi fecit injuriam ,
et in illos peccavit quos testes sute iui-
({uitatis eflecit : ergo ipsa corripienda
sunt coram omnibus, quae peccautur co-
ram omnibus ; ipsa corripienda sunt se-
cretius, quai peccautur secrelius : distri-
buite teuipora, et concordate Scripturas.
Quare auteni proximum corripis "? Quia
tu doles quod peccaverit in te ? Absit :
si amore tui id lacis, nibil facis ; si amore
illius facis, optime facis. Denique in
ipsis verbis attende cujus amore id fa-
cere debeas, utrum tui, an illius. Sequi-
tur enim : « Si te audierit, lucratus erit
fratrem tuum, » etc. Ergo propter illum
fac, ut lucreris illum ; agnosce quia in
liominem peccando peristi : nam si non
perleras, quomodo te lucratus est ? Ne-
mo ergo coutemnat ({uando peccat in
fratrem. Chrvs. {ut sup.) In quo eliam
demonstralur qnod iuimicitia damuum
est commune : et propterea boc nou di-
xit, quod ille lucratus est seipsum, sed
quod tu lucratus es eum : ex quo osten-
dit quoniam et tu et ille damnum passi
eratis ex discordia. Hier. Per salutem
euim alterius nobis quoque acquirilur
salus.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIII. 481
S. Ghrys. {hom. 60.) Mais que devez-vous faire si vous ne pouvez
persuader votre frère ? Les paroles suivantes vous l'apprennent : a S'il
ne vous écoute point, prenez encore avec vous une ou deux personnes ;»
car plus il montrera d'impudence et d'opiniâtreté , plus il faut s'ap-
pliquer à le guérir sans se laisser aller à la colère ou à la haine. Ainsi,
lorsqu'un médecin voit que la maladie s'aggrave , loin d'abandonner
son malade, il redouble d'efforts pour triompher de l'extrémité du
mal. Hemarquez aussi que cette réprimande ne doit point se faire
sous l'inspiration de la vengeance , mais dans le seul but de corriger
notre frère. C'est pour cela que le Sauveur ne nous commande pas de
prendre d'abord deux témoins, mais alors seulement que notre frère
refuse d'écouter notre réprimande ; et encore n'est-ce pas un grand
nombre de personnes, mais une ou deux qu'il faut prendre avec soi ;
mesure qu'il appuie du témoignage de la loi : « Tout sera assuré par
la déposition de deux ou de trois témoins (1);» comme s'il disait:
Vous pouvez alors vous rendre le témoignage que vous avez fait tout
ce qui dépendait de vous. — S. Jér. Ou bien , on peut admettre cette
autre interprétation ; S'il ne veut pas vous écouter , prenez d'abord
avec vous un seul témoin ; s'il refuse encore de l'écouter, prenez-en un
troisième, afin que votre admonition ou du moins la honte, le force
de reconnaître sa faute, ou qu'alors il soit convaincu devant témoins.
— La Glose (2). Ou bien encore, pour lui prouver qu'il a péché , s'il
venait à le nier.
S. JÉR. Or, s'il refuse encore de les écouter, il faut alors déclarer sa
faute à un plus grand nombre, afin de leur inspirer pour lui une vive
horreur, et essayer de sauver par l'opprobre celui qui n'a pu être
(1) Deutér., xix, 15.
(2) Ou plutôt saint Anselme.
Chrys. {ut sup.) Quid autem facere
debeas consequeuter, si non persuadea-
tur, subditur : « Si autem te non audierit,
adhibe tecum unum vel duos : >> quaato
enim iuverecundior fuerit et pertinacior,
tanto magis nos ad niediciuam studere
oportet, non ad iram el odiuui ; etenim
medicus cum viderit morbum non re-
mitti, non desistit, sed tune magis prae-
paratur ad curandum. Vide autem qua-
liter, non viudictai gratia hsec correctio
fit, sed emeudationis : et propter laoc ,
non confestim jubet duos accipere, sed
quando ipse corrigi non voluerit : neque
tune ad eum mitlit multitudinem, sed
unum vel duos : et ad hoc legis testi-
TOM. II.
moniuni inducit, diceus : « Ul in ore
duoruni vel trium testium stet omne
verbum, » etc. Quasi diceret : « Habes jam
testimonium quod totum fecisti quod
tuumerat. » Hier. Vel iutelligendum est
hoc modo ; si te audire noluerit, adhi-
beatur uuus frater tantum ; quod si uec
illum audierit, adhibeatur et tertius, vel
corrigendi studio (ut scilicet vel admo-
uitione aut pudore corrigatur), vel con-
veniendi sub testibus. Glossa. Vel si di-
xerit non esse peccatum, ul probent
illud esse peccatum.
Hier. Porro si nec illos audire volue-
rit, tune multis dicendum est, ut detes-
lationi eum habeant, ut qui non potuit
31
482
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
sauvé par la honto : «Que s'il ne les écoute pas non-plus, dites-le à
l'Eglise. » — S. Ghrys. {hom. GO.) C'est-à-dire à ceux qui sont à la
tête de l'Eglise. — La Glose. Ou bien, dites-le à toute l'Eglise, pour
lui faire essuyer une plus grande honte. Tous ces moyens épuisés, il
faut en venir à l'excommunication qui doit être prononcée par la
bouche de l'Eglise, c'est-à-dire par le prêtre qui est l'organe de toute
l'Eglise , lorsqu'il prononce la sentence d'excommunication : « S'il
n'écoute pas l'Eglise, » etc. — S. Aug. [serm. 16 sur les par. du Seig.)
Ne le comptez plus dès lors au nombre de vos frères ; cependant ne
négligez pas son salut ; car si nous ne regardons pas comme nos frères
les étrangers, c'est-à-dire les Gentils et les païens, nous ne laissons pas
de chercher à les sauver. — S. Ghrys. {hom. 60.) Toutefois le Seigneur,
à l'égard de ceux qui sont hors de l'Eglise, ne nous a rien commandé
de semblable à ce que nous devons faire pour reprendre et corriger
nos frères. Voici ce qu'il nous ordonne de faire à l'égard de ceux qui
sont en dehors de l'Eglise [Matth., v) ; « Si quelqu'un vous frappe
sur une joue, présentez-lui l'autre joue, » et saint Paul : « Pourquoi
voudrais-je juger ceux qui sont hors de l'Eglise?» Mais pour nos frères,
il faut les reprendre et les retirer du mal , et , s'ils ne veulent point
obéir, les séparer de l'Eglise pour les couvrir de confusion (1*). —
S. Jér. En nous disant : « Qu'il soit à votre égard comme un païen et
comme un publicain, » le Sauveur nous apprend à concevoir plus
d'horreur pour celui qui, sous le nom de chrétien , se conduit en in-
fidèle, que pour ceux qui sont ouvertement connus pour païens. On
appelait publicains ceux qui étaient avides d'argent, et qui exigeaient
(1*) Nous avons complété la phrase d'après le texte même de saint Chrysostome, pour ôter
toute amphibologie au mot avertere, àTTOaTpé^SffÔa'., qui, dans saint Thomas , doit signifier sé-
parer de l'Eglise, et qui, dans saint Chrysostome, signifie retirer du mal.
pudore salvari , salvatur opprobriis :
uade sequitur : « Quod si non audierit
eos, die Ecclesiœ. » Chrys. {ut sup.) Id
est, his qui Ecclesiai président. Glossa.
Vel die toti Ecclesiœ, ut majorem eru-
besceutiam patiatur. Post liaec omnia
sequatur exeommunicatio, qu* iieri dé-
bet per os Ecclesiœ, id est, per sacer-
dotem, quo excomaïunicaute tota Eccle-
sia cum eo operatur : uude sequitur :
« Si autein Ecclesiam non audierit, »
etc. Aug. {de Yerb. IJom. serm. 16 ut
sup.) Noli illuiu jaui dcputare in numéro
fratrum tuorum : ncc sic tamen salus
ejus negligenda est : nam et ipsos etliui-
cos (id est , gentiles et paganos) in nu-
méro quideni fratrum non deputaniiis,
sed tamen eorum salutem semper inqui-
rimus. Chrys. {ut sup.) Nihil tamen taie
praecipit Dominus observandum in his
qui extra Ecclesiam sunt, quale praecipit
hic de fratribus corripieudis ; sed de
exterioribus dicit (Mafth. 5 ) « Si quis
percusserit te in unam maxillam, pi'aebe
eietaliam :» quod et Paulus dicit (1 Cor.
15.) « Quid milii est de liis qui forissunt
judicare"? «Praires autem et arguere et
avertere jubet. Hier. Quod autem dicit :
« Sicut elhnicus et publicanus, » osten-
ditur majoris esse detestationis qui sub
nouiine lidelis agit opéra infidelium,
^quam hi qui aperte Gentiles sunt. Publi-
cani enim vocantur, qui seculi sectan-
tur luera , et exigunt vectigalia per
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIIT.
483
les impôts en recourant au trafic, aux fraudes, au vol et à des par-
jures horribles.
Orig. {Traité VI sur S. Matth.) II faut remarquer ici «jue cette
conduite que nous recommande le Sauveur, ne doit pas être appliquée
à toute espèce de péché. Car si un de nos frères vient à commettre un
de ces péchés qui conduisent à la mort, et qu'il soit, par exemple,
abominable et infâme, adultère , homicide ou efféminé , est-ce qu'il
serait raisonnable de le réprimander seul à seul , et s'il se montrait
docile à vos observations, de dire aussitôt : Je l'ai gagné ? Ou bien s'il
ne voulait pas vous écouter , serait-il convenable pour le chasser du
sein de l'Eglise d'attendre que, malgré la réprimande faite devant les
témoins et devant l'Eglise, il ait persévéré dans son crime ? Il en est
qui, considérant l'immense miséricorde de Jésus-Christ, prétendent
que c'est aller contre cette miséricorde que de restreindre ces paroles
aux seuls péchés plus légers, parce que Notre-Seigneur ne fait aucune
distinction de péchés. D'autres , examinant plus attentivement ces
paroles, soutiennent qu'elles ne s'appliquent pas à toute sorte de pé-
chés; car, disent-ils, celui qui se rend coupable de crimes énormes
n'est plus notre frère, il n'en a plus que le nom, et l'Apôtre nous dé-
fend même de manger avec lui. Or, de même que ceux qui n'appliquent
pas ce passage (1) à toute espèce de péchés, favorisent la négligence,
et l'invitent, pour ainsi dire, au péché; ainsi, celui qui enseigne que le
fidèle qui n'est coupable que de fautes légères et vénielles, doit être
regardé comme un païen et un publicaiu après avoir subi la répri-
mande devant témoins ou devant l'Eglise , me paraît introduire une
(1) La particule négative ne se trouve pas dans le texte d'Origène; c'est évidemment par erreur
typographique qu'elle a été supprimée; car donnerait-on à ceux qui sont négligents une nou-
velle occasion de pécher, si on appliquait à toute sorte de péchés une discipline aussi sévère ?
negotiatioues, et fraudes, et lurta, scele-
rataque perjuria.
Orig. {Tract, (i, in Matth.) Videanius
autem ne forte seutentia hœc non de
quocunque peccato posita sit : quid enim
si aliquis peccaverit aliquod peccalorum
quœ sunt ad mortein (puta masculorum
concubitor factus, adiilter, homicida, aut
mollis), nunquid talem rationis est ut
arguât solus ad solum; et (si audierit)
stalim eum dicere lucrifaetum ; et si non
audierit, non prius expellat eum de Ec-
ciesia, uisi postipiani corani testiijus ar-
gutus et ab Ecclesia, perstiterit in actu
priori ? Alius auleui respicieus ad im-
mensani misericordiani Ghristi, docet
quoniam (eum verba Ghristi uullam fa-
ciaut ditfereutiaui peccatoriim) contra
Ghristi niisericordiam faciunt, qui hœc
ad minima tantum peccata pertinere dis-
tinguunt. Alius contra caute ipsa verba
cousideraus, non de omni peccato haec
dicta defendet; quoniam qui grandiailla
peccata facit, non est frater, sed nomi-
natur frater ; eum quo secundum Apos-
tolum (1 Corinth. o) non oportel nec ci-
buni sumere : sicut autem uegligentibus
peccandi occasionem dant qui non ad
omnepeccatum hoc pertinere exponunt;
sic e contra, qui docet in uiinimis et non
mortiferis peccatis peccautem post ar-
gutionem testium, vel Ecclesiui, fieri
oportere sicut ethnicum et publicanum,
aliquid cradelilatis videlur inducere ;
484 EXPLICATION DK F.'ÉVANGILE
doctrine par trop sévère. Car eiilin nous ne pouvons pas prononcer
que cet homme est tout à fait perdu, parce que d'abord, s'il a résisté
à trois réprimandes, il peut se rendre à la quatrième; en second lieu,
parce que souvent on ne lui rend pas selon ses œuvres , mais au delà
de ce que méritent ses fautes , ce qui est souvent avantageux en ce
monde; eulin, Jésus-Christ n'a point dit absolument : Qu'il soit comme
un païen et un publicain, mais : « Qu'il soit pour vous. » Si donc
après l'avoir repris trois fois d'iiue faute légère , il ne s'en cor-
rige pas, nous devons le considérer comme un païen et un publicain,
afin de le couvrir de confusion eu nous abstenant de le voir ; mais que
Dieu le juge aussi comme un païen et un publicain , ce n'est pas à
nous de l'affirmer ; c'est au jugement de Dieu lui-même.
y. 18-20. — Je vous dis en vérité que tout ce que vous lierez sur la terre sera
lié aussi dans le ciel , et que tout ce que vous délierez sur la terre sera aussi
délié dans le ciel. Je vous dis encore que si deux d'entre vous se réunissent
ensemble sur la terre, quelque chose qu'ils demandent, elle leur sera accordéje
par mon Père qui est dans les deux. Car en quelque lieu que se trouvent
deux ou trois personnes assemblées en mon nom, je m'y trouve au milieu
d'elles.
S. JÉR. Notre-Seigneur venait de dire : « S'il n'écoute pas l'Eglise,
qu'il soit pour vous comme un païen et comme un publicain. » Celui
qui se trouvait ainsi rejeté , aurait pu répondre ou du moins penser ;
Vous me méprisez, et.moi aussi je vous méprise ; vous me condamnez,
je vous condamne également ; il donne donc ici aux Apôtres un pou-
voir vraiment extraordinaire , de manière à faire comprendre à ceux
qui sont frappés par leur condamnation , que la sentence de la terre
est confirmée par le jugement de Dieu ; c'est pour cela qu'il ajoute :
utrum eoini omuiuo pereat, pi'ouunliare
non possumus : primum, quia qui ter
argutus non obedivit, potest in quarto
obedire : deinde, quia aliquando, non
secundum opéra homiuis redditur ei,
sed amplius quam peccavit, quod expe-
dit iu hoc mundo : deuium, quia non
dixit solum : « Sit sicul ellinicus et pu-
blicauus, » sed, « sit tlbi. » Qui ergo in
peccato levi corrcctus ter, non se emen-
dat, nos quiùem debenms cuiu habere
sicuL etbuicuui et publicauuni, ut eum
abstinemus ab eo coufuudalur ; an auleui,
etiaui a Deo, quasi publicauus et etbui-
cus judicetur, nou est noslrum prouuu-
tiare, sed est in judicio Dei.
Amen dico uubis, ijuœcunque alliyaveritis super
terram, erunl liyata et in cœlo ; et quœeunque
solveritis super terram , erunt soluta et in
cœlo. Iterum dico vobis, quia si duo ex vobis
consenserint super terram, de omni re quam-
cunque petierint, fiet illis a Paire meo, qui in
cœlis est : vbi enim sunt duovel très congregati
in noraine meo, ibi sum in medio eorum.
Hier. Quia dixerat : « Si Ecclesiam
non audierit, sit tibi sicut ethnicus et
publicauus ; » et poterit conlempti fra-
Iris haec esse responsio vel tacita coai-
talio : « Si ijie despicis, et ego te des-
picio ; si me condemnas, et tu mes sen-
tenlia condemnaberis ; » potestatein tri-
buil aposlolis ut sciant qui talibus con-
demuantur, bumanaui sententiam divina
seutentia corroborari : unde dicitur :
« Amen dico vobis : Quœeunque alliga-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIII.
485
et Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez, » etc. — Orig. Il ne
dit pas : « dans les cieux, » comme dans le pouvoir qu'il a donné à
Pierre, mais « dans le ciel » au singulier; car les Apôtres n'étaient pas
aussi parfaits que Pierre (1). — S. Hil. L'intention du Sauveur dans
ces paroles est d'inspirer à tous les hommes la crainte la plus vive,
pour les contenir ici-bas dans le devoir ; c'est pour cela qu'il déclarn
irrévocable le jugement prononcé par le tribunal sévère des Apôtres,
jusque là que tous ceux qu'ils aurontliés sur la terre, c'est-à-dire qu'ils
auront laissés dans les liens du péché, et ceux qu'ils auront déliés en
leur donnant dans la rémission des péchés le gage du salut, seront
liés ou déUés dans les cieux. — S. Chrys. {hom. 60.) Et remarquez
qu'il ne dit pas à celui qui est à la tète de l'Eglise -Liez un tel, mais :
« Si vous liez, les liens ne pourront être rompus. » Il laisse ainsi à son
propre jugement la conduite qu'il doit tenir. Voyez encore comme il
a chargé d'une double chaîne le pécheur incorrigible , d'abord par
une peine actuelle , c'est-à-dire sa séparation de l'Eglise , dont il a
parlé plus haut en ces termes : « .Qu'il soit pour vous comme un
païen, » et parle supplice de l'autre vie, qui est d'être lié dans le ciel;
et c'est par cette multitude de jugements qu'il veut éteindre l'indi-
gnation du frère coupable. — S. Aug. {serm. 16 sur les par. du S eig.)
Ou bien dans un autre sens : Vous avez commencé à regarder votre
frère comme un publicain, vous le liez sur la terre, mais faites atten-
tion de le lier pour des motifs justes; car l'éternelle justice brise les
liens qui sont imposés injustement. Lorsqu'au contraire vous aurez
corrigé votre frère , et rétabli l'accord entre vous et lui , vous l'avez
délié, et lorsque vous l'aurez délié sur la terre, il sera également délié
(1) Cette explication est évidemment une subtilité, car dans l'Ecriture, les cieux et le ciel sont
pris indistinctement, et signifient la même chose. Et si l'on admettait une distinction entre ces
deux locutions, nous dirions, au contraire, que souvent le ciel au singulief est pris pour le ciel
principal, comme dans ce passage : " Le trône du Seigneur est dans le ciel. » {Ps. x, 4.)
veritis, » etc. Orig. {%it sup.) Non dixit,
in cœlis, sicut Petro, sed, in cœlo uno ,
quia non sunt tantae perfecUoiiis sicut
Petrus. HiLAR. Per hoc tamea ad terro-
rem maximi melus, quo ad prœsens om-
nes continentur, immobile severitatis
aposlolicae judicium demonstravit ; ut
quos in terris ligaverint (id est, peccato-
rumnodisinnexo§ reliquerint) etquossol-
veriut (concessiqne scilicet veniaerecepe-
rint in salutem), hi in cœlis ligati sint
vel soluti. Chrys. {tit sup.) Et notandum
quod non dixit primati Ecclesiae : « Liga
talem, » sed, « si ligaveritis, indissolu-
bilia erimt ligamina ; » quasi hoc ejus
judicio dimittens. Vide autem qualiter
incorrigibilem duplicibus colligavit ue-
cessitatibus ; scilicet et pœna quae est hic
(scilicet projectione ab Ecclesia, quam
supra posuit, dicens : « Sit tibi sicut
ethnicus, » etc.) et supplicio future ,
quod est ligatum esse in cœlo, ut multi-
tudiue judiciorum dissolvat fratris Lram.
Aug. (de Ver. Doin. serm. 16 vt sup.)
Vel aliter : « Go^pisti habere fratrem
tuum tan(iuam publicanuni ; ligas eum
in terra; sed ut juste alliges, vide : »
nam iujusta vincula disrumpit justitia.
Cum autem correxeris, et concordaveris
cum fratre tuo, solvisti illuni in terra ;
486
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
dans le ciel. Or, en cela , vous rendez un service signalé , non pas à
vous, mais à votre frère, parce qu'il s'est fait à lui-même un tort im-
mense plutôt qu'à vous. — La Glose (1). Ce n'est pas seulement l'effi-
cacité de l'excommunication, mais encore la puissance de toute prière
des fidèles priant de concert dans l'unité de l'Eglise, que Notre-
Seigneur confirme en ajoutant : « Je vous dis encore que si deux
d'entre vous s'unissent ensemble sur la terre (soit pour recevoir un
pénitent, soit pour rejeter un orgueilleux ou pour toute autre chose
qu'ils demanderont et qui ne sera pas contraire à l'unité de l'Eglise),
ce qu'ils demandent leur sera accordé par mon Père qui est dans les
cieux. » Par ces paroles : « Qui est dans les cieux (!2), » il nous montre
que son Père est au-dessus de toutes choses, et qu'il peut ainsi exaucer
les prières qui lui sont adressées. Ou bien : « Il est dans les cieux, »
c'est-à-dire dans les saints, ce qui prouve qu'il leur accordera cer-
tainement l'objet de leurs prières , si toutefois cet objet est digne de
Dieu, parce qu'ils ont en eux-mêmes celui à qui s'adressent leurs
demandes ; et voilà pourquoi Dieu exauce et ratifie les désirs de ceux
qui sont unis entre eux , parce qu'il habite au milieu d'eux , suivant
ces paroles : « Là oii deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis
moi-même au milieu d'eux. » — S. Cerys. {hom. GO.) Comme il avait
dit ; a Ce (ju'ils demandent leur sera accordé par mon Père, » il veut
leur apprendre que c'est également de lui-même comme de son Père
que découlent ces faveurs, et il ajoute : « Là où sont réunis deux ou
trois, je suis moi-même au milieu d'eux. » — Orig. Une dit pas : «Je
serai au milieu d'eux, » mais au présent : «Je suis; » car aussitôt que
(1) Dans saint Anselme.
(2) Parce que les cieux sont considérés comme la partie de l'univers la plus élevée, quoique
dans le psaume vni, vers. 2, il est dit que Dieu est au-dessus des cieux; c'est pour cette raison
que saint Denis, dans son livre des noms divins, l'appelle sitpercœlestis, au-dessus des cieux.
cum solveris in terra, solutus erit et in
cœlo : multum prœstas, non tibi, sed illi,
quia multum uocuit, non tibi, sed sibi.
Glossa. Non solum auteni de exeommu-
nicatione, sed etiam de omni petitioiie
quae fit a cousentientibus in uuitate Ec-
clesiae, dat confirmationem, cum sub-
dit : « Iterum dico vobis, ([uia si duo
ex. vobis consenserint super lerram (vel
pœnilentem recipiendo, vel superbum
abjiciendo, vel de alla re quam petie-
rinl, quai non est contraria Ecclesiai uui-
lati), fiet illis a Pâtre meo, qui in cœlis
est. » Per hoc auleui quod dicil : « Qui
in cœlis est, » euui super omnia esse os-
leudit, et per hoc complerc cum possc
quod petitur : vel « in cœlis est, » id
est, in sanctis : quod valet ad proban-
dum, quod llet illis quicquid petierint,
quod dignuni sil, quia illum apud se ha-
bent, a quo pt;tunt : und(! rata est sen-
tentia conseulientium, quia Deus cum
eis habitat : et ideo sequitur : « Ubi
enim sunt duo vel très congregati in no-
mine meo, in medioeorumsuni.))CHRYS.
{lit sup.) Vel quia dixerat : « Fiet illis a
l'atre meo, » ut ostendat se etiam esse
datorem simul cum Pâtre, subdit : « Ubi
sunt enim duo vel très, ipse in medio
eorum sum. » Orig. {ut sup.) Non au-
tem dixil : « In medio eorum ero. » sed,
« sum : » mox enim ut alicui consense-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIII.
■487
quelques personnes s'unissent entre elles , Jésus-Christ se trouve au
milieu d'elles, — S. Hil. Il est lui-même la paix et la charité , et il
établira son trône et son habitation dans les volontés droites et paci-
fiques. — S. JÉR. Ou bien encore , tout ce qui précède était une invi-
tation à la charité et à la concorde ; le Sauveur sanctionne cet appel
par la récompense qu'il promet , et pour nous faire embrasser plus
promptement la paix fraternelle, il nous déclare (ju'il sera au milieu
de deux ou trois personnes dès lors qu'elles seront unies entre
elles.
S. GnRYS. {hom. 60.) Il ne dit pas simplement : « Là où seront réu-
nis, » mais il ajoute : « En mon nom, » comme s'il disait : Si je suis
le motif principal de l'affection qu'un chrétien a pour son frère , je
serai avec lui, pourvu qu'il ait d'ailleurs toutes les autres vertus. Mais
comment donc se fait-il que des personnes parfaitement unies entre
elles n'obtiennent pas ce qu'elles demandent ? Premièrement , parce
qu'elles demandent des choses qu'il ne leur est pas avantageux d'ob-
tenir ; en second lieu , parce qu'elles sont personnellement indignes
d'être exaucées, et qu'elles n'apportent pas à la prière les dispositions
convenables ; aussi Notre- Seigneur prend-il soin de dire : a Si deux
d'entre vous^ » c'est-à-dire de ceux dont la vie est conforme à l'Evan-
gile ; troisièmement , parce qu'elles prient contre ceux qui les ont
offensés, ou quatrièmement, enfin parce qu'elles implorent la miséri-
corde divine pour des pécheurs sans repentir. — Ortg. Voici encore
une autre cause qui détruit l'effet de nos prières ; nous ne sommes
parfaitement unis entre nous, ici-bas, ni par la foi, ni par la confor-
mité de la vie. Car de même que la musique ne peut charmer les
oreilles, s'il y a défaut d'accord dans les voix, de même si l'harmonie
ne règne dans l'Eglise , Dieu ne peut ni s'y complaire ni écouter les
rint, Christus invenitur in eis. Hilar.
(utsup.) Ipse enim qui pax atque chan-
tas est, sedem atque liabitationem iu
bouis atque paciticis voluntatibus collo-
cabil. Hier. Vel aliter : omnis superior
sermo ad concordiam nos provocaverat :
i^itur et prœmiuiu pollicetur, ut sollici-
tius festinenius ad pacem, cum se dicat
inter duos vol très médium fore.
Chrys. {in liomil. 61 ut sup.) Nonau-
tem dixit simpliciter : « Ubi congregati
fueriut, » sedaddidit, « in noniine nieo:»
quasi dicat : Si quis me principalem cau-
sam amicitiaî ad proximum habuerit,
cum eo ero (si iu aliis virtuosus erit) ;
quomodo ergo non ibi consentientes
consequuntur id quod petuat ? Primo
quidem, quia non expedientia petunt;
secundo, quia indigni sunt qui petunt,
et ea quoe sunt a seipsis non inferunt :
unde dicit : « Si duo ex vobis » (qui
evangelicam ostenditis conversationem) ;
tertio, quia adversus eos qui contrista-
verunt, oraut, vindictam quaerentes;
quarto, quia petunt misericordiam pec-
cantibus, qui non pœnituerunt. Orig.
{ut sup.) Et ista est etiani causa propter
quam non exaudimur orautes; quia non
couscutimus uobis per oninia super
terram, neque dogmate, neque conver-
satioue. Sicut enim iu musicis nisi fuerit
convenientia vocum, non détectât au-
dientem, sic Ecciesia, nisi consensum
habuerit, non delectatur Deus in ea, nec
488
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
voix de ses enfants. — S. Jér. Nous pouvons encore entendre ces pa-
roles dans un sens spirituel , et dire que là où l'esprit^ l'âme et le
corps sont unis entre eux, et n'offrent pas le spectacle de volontés op-
posées, ils ol)tiendront tout ce qu'ils demanderont au Père céleste;
car nul ne doute que là ou le corps a la même volonté que l'esprit, la
prière n'ait pour objet des choses agréables à Dieu. — Orig. Ou bien
encore , celui on qui les deux Testaments s'accordent et s'unissent
entre eux, peut être certain que sa prière, quel qu'en soit l'objet, de-
vient agréable à Dieu.
f, 21-22. — Alors Pierre, s' approchant , lui dit : Seigneur, combien de fois
pardonner ai- je à mon frère, lorsqu'il péchera contre moi? jusqu'à sept fois?
Jésus lui répondit : Je ne vous dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à septante
fois sept feis.
Notre-Seigneur avait fait plus haut cette recommandation : « Pre-
nez garde de mépriser aucun de ces petits; » il avait ajouté : « Si
votre frère pèche contre vous, recevez-le , » etc., et il avait promis de
récompenser cette conduite en leur disant : « Si d'eux d'entre vous
sont unis entre eux , tout ce qu'ils demanderont leur sera accordé. »
Pierre, excité par ces paroles, interroge le Sauveur comme l'Evangé-
liste le rapporte : « Alors Pierre s'approchant , lui dit : Seigneur,
combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu'il péchera contre
moi? » Et, tout eu faisant cette question, il donne son avis : « Est-ce
jusqu'à sept fois? » — S. Ghrys. {hom. 61.) Pierre croit avoir fait
un acte héroïque ; mais que lui répond Jésus , le tendre ami des
hommes? « Jésus lui dit : Je ne vous dis pas jusqu'à sept fois, » etc.
— S. AuG. {serm. 16 sur les paroles du Seigneur.) J'ose le dire :
audit voces eorum. Hier. Possumus au-
tem et hoc spiritualiter intelligere, quod
ubi spiritiis et anima corpusque consen-
serint, et non intra se bellum diversa-
rum habuerint voluiitatum, de omni re
quam petierinl, impetreut a Pâtre : nuUi
enim dubium est quin bonarum rerum
postulatin sit, ubi corpus vult babere ea
qua; spirilus. Oiuo. (nt sup.) Vel in que
duo Testameuta consentiunt sibi , ejus
invenitur oratin de omni re acceptabilis
Deo.
Tune accedms Petrus ad eum, dixit : Domine,
quoties peccabit in me frater meus, et dimiltnm
ei ? Usque septies ? Dicil illi Jésus . Xon dico
libi usque septies, sed usque septuagies septies.
HiKR. Supra dixerat Uoiuinus : « Vi-
dete ne contemnatis unum de pusillis
istis, » et adjecerat ; « Si peccaverit in
te frater tuus, accipe illum, » etc., et
prfpmium repromiserat, dicens : « Si
duo ex vobis consenserint, oume quod
pelicrint fiet ilUs, » etc. Unde provocatu?
apostolus Petrus interrogal : et hoc est
quod dicitur : « Tune accedens ad eum
Petrus, dixit : Domine, quoties peccabit
in me frater, et dimittam, » etc. Rt eum
interrogatione profert sententiam, di-
cens : « Usque septies ? » Chrys. (in
homil. 62, in Mutth.) Putavit quidem
aliquid se magnum dicere : sed quid
amator hominum Cbristus responderit,
subditur : « Dicil illi .Jésus : Non dico
tibi usque seplies, » etc. Aur.. {de Verb.
Dom. serm. 15.) Audeo dicere, etsi sep-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIII. 489
quand même il aurait péthv. sop tante fois huit fois , pardonnez-lui ;
eût-il péché cent fois , pardonnez -lui encore ; en un mot , toutes les
fois qu'il pèche _, ne cessez de lui pardonner. Car si Jésus-Christ, hien
qu'il ait trouvé en nous des millii^rs de péchés, nous les a tous par-
donnés, ne refusez donc pas de faire vous-mêmes miséricorde, ainsi
que l'Apôtre vous le recommande en ces termes {Coloss., m) : « Vous
pardonnant entre vous les sujets de plainte que vous pourriez avoir
les uns contre les autres, comme Dieu vous a pardonné en Jésus-
Christ (1). » — S. Chrys. {hom. 61.) En disant : a Jusqu'à septante
■fois sept fois, le Sauveur ne précise pas un nombre et ne circonscrit
pas le pardon dans un chiffre quelconque , mais il veut dire qu'il ne
faut mettre aucune restriction, aucune limite à ce pardon. — S. Aug.
{serm. 16 sw les pai^oles du Seif/neur.) Cependant ce n'est point au
hasard que le Sauveur choisit le nombre de septante fois sept fois ;
car la loi a été donnée en dix commandements. Si la loi est représen-
tée par le nombre dix , le péché l'est par le nombre onze , car il va
au delà du nombre dix (2*). Le nombre sept se prend ordinairement
pour un tout complet, car le temps fait sa révolution en sept jours.
Or, onze fois sept font soixante-dix-sept; le Sauveur, en choisissant
ce nombre soixante-dix-sept, a donc voulu que tous les péchés que
nos frères pourraient commettre fussent pardonnes. — Orig. {Traité
VI sur S. Matth.) Ou bien encore, comme le nombre six parait dési-
gner l'action et le travail, et le nombre sept le repos et la tranquillité^
on peut dire que celui qui aime le monde et qui fait les œuvres du
monde, pèche sept fois en se livrant à ces actions toutes mondaines.
(l) Le texte grec porte : « Comme le Christ vous a remis, » et la traduction latine : « Comme
le Seigneur vous a remis, n etc. Saint Augustin fait allusion à ces autres paroles de saint Paul :
« Dieu était en Jésus-Christ, se réconciliant le monde. » (II Corinth., v, 10.)
(2*) Saint Augustin, dans cette e.xplication plus ingénieuse et plus subtile que solide , joue sur
le sens de ces mots : Peccatum per undecim significatur, quia transgressio denarii est.
tuagies octies peccaverit , ignoscas ; etsi
centies, et omnino qiioties peccaverit,
ignosce ; si enim Chrislus millia pecca-
torum invenit, et tameii omnia donavit,
noli subducere misericordiam : ait enim
Apostolus {Coloss. 3) : « Douantes vobis-
metipsis, si quis adversus aliquem habet
querelam sicut Deus in Christo douavit
vobis. » Chrys. {vt sup.) Cum ergo di-
cit : « Usqiio septuagies seplies, » non
numerum delerminatum ponit, ut nu-
méro coucludat remissioueni ; sed quod
continue et semper est, siguificavit. Aur,.
{de Verb. J)i>ni. serm. 15 ut sup.) Non
tamen sine causa Dominas septuagies
septies dixit : nam lex in decem prae-
ceptis commendatur : Lex enim per de-
cem, peccatum per undecim significatur :
quia transgressio denarii est ; septem au-
tem solet pro toto computari, quia .^ep-
tem diebus volvitur tempus ; duo autcm'
septies undecim t\nntsep(uogies septtes :
omnia ergo peccata dimitti voluit, quia
ea ex septuagesimo septimo numéro
prsesignavit. Orig. {Troct.^, in Mcilth.)
Vel quia numenis sex videtur e^se ope-
ris et laborij, septimus autem repausa-
tionis vel quietis, propteroa is qui diligit
mundum et ea quae sunt in mundo agit,
sive secularia operatur septies peccat :
490
EXPLICATION DE I.'ÉVANGILE
Pierre croyait sans doute qu'il était question de ces œuvres , quand il
pensait qu'il fallait pardonner sept fois ; mais comme Jésus-Christ
savait qu'il en est dont les péchés s'étendent hicn au delà, il ajoute le
nombre septante au nombre sept pour nous apprendre que nous
devons pardonner à nos frères qui vivent dans le monde et qui
pèchent dans l'usage qu'ils font des choses du monde. Mais si quel-
qu'un multiplie les transgressions au delà de ce nombre , il n'a point
de pardon à espérer. — S. Jér. Ou bien il faut entendre ces septante
fois sept fois dans le sens de quatre cent quatre-vingt-dix fois (1),
c'est-à-dire que vous devez pardonner à votre frère autant de fois
qu'il pourra pécher. — Rab. Toutefois, il y a une différence entre
le pardon que nous accordons à un frère qui le demande et avec
lequel nous renouons les liens étroits qui nous unissaient (comme
Joseph avec ses frères), et le pardon que nous accordons à un ennemi
qui nous persécute, à qui nous voulons _, et à qui même, s'il est pos-
sible , nous faisons du bien , comme David lorsqu'il fuyait devant
Saûl.
f. 23-35. — C'est pourquoi le royaume des deux est comparé à un roi qui vou-
lut faire rendre compte à ses serviteurs ; et ayant commencé à le faire, on lui
en présenta un qui lui devait dix mille talents (2*). 3fais comme il n'avait
■ pas le moyen de les lui rendre, son maître commanda^ qu'on le vendit, lui, sa
femme et ses enfants, et tout ce qu'il avait pour satisfaire à cette dette (3*). Ce
serviteur, se jetant à ses pieds , le conjurait en lui disant : Seigneur, ayez un
peu de patience et je vous rendrai tout. Alors le maître de ce serviteur , étant
(1) Dans ce sens , septante fois sept fois ne signifie pas soixante-dix-sept , mais sept fois
soixante-dix-sept.
(2*) Environ cinquante millions de francs de notre monnaie actuelle ; somme énorme choisie
par Noire-Seigneur pour mieux représenter l'immensité de la dette du pécheur envers Dieu.
(3') Tel était le droit commun dans le monde entier avant la prédication de l'Evangile. A Rome,
au temps de la législation des douze tables, le créancier pouvait : 1" mettre aux fers son débi-
teur, 2" le mutiler, 3» le vendre comme esclave. (Voyez Pandectes , traduites en latin moderne
par Pothier, (t. I, p. 94.)
Petrus ergo taie aliquid intellexit quando
pulavit esse t^epties iudulircndam : sed
quoniam sciebat Clirislus extendere ali-
qnos peccata sua eliam uUoriiis propte-
rea ultra septeiiarium uuiueruin addidit
adhuc, 70 , ut dicat remissioneni fieri
oportere fralribus in lioc muudo degeii-
tibus, et secuudum res luijus niundipec-
cantibus. Si aulem aliquis ultra ea pec-
cata peccaverit, jaui non babebil re-
missioneni. Hier. Vel iulelligenduni est
sepluagies scpties, id est, quadringentis
nouaginla vicibus : uttoties peccanti lia-
tri diniitteret. ({uoties ille peecare pos-
set. Uab. Aliter tameu datur veuia pe-
teuti fratri, ut nobis scilicet socia cha-
rltate coaiuiunicet (sieut Josepb fratri-
l)us), aliter inimico persequenti, ut bo-
uum ei velimus, et (si licet) faciamus, ut
David fugiens Saul.
Ideo assimilaiwn est regnum cœlorum /lomini régi,
qui voluit ratiotiPin ponere cum set-vis suis;
et cum cœpisset rationem ponere, oblatus est
ei uinis qui debebat ei decem millia tatenta.
Cum aiitem non haberet unde reddrret, ju.isit
eum dnminusejus venUndari, et uxorem ejus, et
/ilios , et omnio quœ kabebnt ; et rcddi. Proci-
dens nutem servus ille orabat eum, dicens :
Pntientiam habe in me, et omnia reddnm tibi.
Misertus autem Dominus servi iltius, dimisit
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIIT.
/m
touché de compassion , le laissa aller et lui remit sa dette. Mais ce serviteur
ne fut pas plus tôt sorti que, trouvant un de ses compagnons qui lui de-
vait cent deniers , il le prit à la gorge et /'étouffait presque en lui disant :
Rends-moi ce que tu me dois. Et son compagnon , se jetant à ses genoux , le
conjurait en. lui disant : Ayez un peu de patience et je vous rendrai tout.
Mais il ne voulut point l'écouter ; il s'en alla et il le fit mettre en prison pour
l'y tenir jusqu'à ce qu'il lui rendît ce qu'il lui devait. Les autres serviteurs,
ses compagnons, voyant ce qui se passait, e)i furent extrêmement affli-
gés et avertirent leur maître de tout ce qui était arrivé. Alors son maître,
l'ayant fait venir , lui dit : Méchant serviteur, je vous avais remis tout ce que
vous me deviez, parce que vous m'en aviez prié; ne fallait-il donc pas que
vous eusmz aussi pitié de votre compagnon, comme j'avais eu moi-même pitié
de vous? Et son maître, tout en colère, le livra entre les mains des bourreaux
jusqu'à ce qu'il payât fout ce qu'il lui devait. C'est ainsi que mon Père, qui
est dans le ciel, vous traitera, si chacun de vous ne pardonne à son frère du
fond du cœur.
S. Chrys. {fiom. 61.) Notre-Seigneur ajoute une parabole à ce qu'il
vient de dire pour montrer par un exemple que ce n'était point une
chose héroïque de pardonner septante fois sept fois. — S. Jér. C'est
l'usage en Syrie et en Palestine d'entremêler à tous les discours des
paraboles , afin de graver plus facilement dans l'esprit des auditeurs ,
à l'aide de comparaisons et d'exemples, le précepte qu'ils ne pour-
raient retenir s'il était présenté dans sa simplicité. C'est pour
cela que Notre-Seigneur dit ici : « Le royaume des cieux est sem-
blable, » etc. — Orig. {Traité vu sur S. Mattfi.) De même que le
Fils de Dieu est la sagesse, la justice (1) et la vérité, il est aussi le
royaume, non pas de ceux dont les affections rampent sur la terre,
(1) « Il nous a été donné de Dieu pour être notre sagesse, notre justice (I Corinlh., i, 30) ;
c'est l'Ksprit qui témoigne que Jésus-Christ est vérité, » etc. (1 Jean, v, 6) Voyez encore ce que
Jésus dit de lui-même : Jean, viii, 22 ; xiv, 6.
eum, fit debitum dimisit ei. Egressus autfim
servus ille, invenit unum de conservis suis, qui
debebat ei centum denarios; et tenens suffoca-
bat eum dicens : Redde qiiod debes. Et proci-
dens conservus ejus rogabat eum dicens : Pa-
tientiam habe in me, etomnia reddam tibi. Ille
autem noluit ; sed abiit, et misit eum in carce-
rem, donec redderet debitum. Videntes autem
ronserui ejus quœ fiebant , contristati sunt
imlde, et venenint, et narraverunt Domino suo
omnia quœ facta fuei-ant. Tune vocanit illum
Dominus siius, et ait illi : Serve nequam, omne
debitum dimisi tibi, quoniam rogasti me :
nonne ergo oportuit et te misereri conservi tui,
sirut fit ego tui misertus sum ? Et irafus Do-
minus ejus, tradidit eum tortoribus, quoad-
usque redderet ei universum debitum. Sic et
Pater meus cœlestis faciet vobis, si non re-
miseritis unusqiiisque fratri suo de cordibus
vesiris.
Chrys, (m homil. 62, in Matth.) Ne
aliquis festimaret luagnum quid usque
sepluagies septies adjecit parabolam.
Hier. Familiare enim est Syris, et
maxime Palaestinis, ad omnem sermo-
nem suum parabolam junijere; uL quod
per simplex prceceptum ab auditoribus
teneri non potest, per similitudiaeni
exemplaque teneatur : mule dicilur :
« Ideo assimilalum est regnum cœlo-
rum, » etc. Orig. {Tract. 1, in Matth.)
Filius Dei, sicut est sapientia, justitia et
Veritas, ita ipse est regnum ; non autem
alicujus eorum qui sunt deorsum. sed
492
EXPLICATION DE L EVANGILE
mais de tous ceux qui tiennent leur cœur en haut , qui font rt'gner la
justice et les autres vertus dans leurs âmes, et qui deviennent pour
ainsi dire comme les cieux en portant l'image de l'homme céleste (4).
Ce royaume des cieux, c'est-à-dire le Fils de Dieu, est devenu sem-
blable à un homme roi , lorsqu'il s'est uni notre humanité et qu'il a
été fait à la ressemblance de la chair du péché. — Rémi. Ou bien
encore, ce royaume des cieux, c'est la sainte Eglise dans laquelle
Notre-Seigneur Jésus- Christ fait lui-même ce qu'il exprime dans cette
parabole. Sous le nom d'un homme, c'est quelquefois le Père qui
nous est désigné, comme dans cette parabole : « Le royaume des
cieux est semblable à un homme roi qui fit les noces de son fils ; »
quelquefois c'est le Fils : ici on peut l'entendre de l'un et de l'autre ,
du Père et du Fils qui sont un seul Dieu. Or, Dieu est appelé roi,
parce qu'il dirige et gouverne tout ce qu'il a créé. — Orig. Les servi-
teurs, dans ces paraboles, sont exclusivement les dispensateurs de la
parole et ceux à qui Dieu a confié la charge de négocier et de faire
produire des intérêts pour le ciel. — Remi. Ou bien les serviteurs de
ce roi représentent tous les hommes qu'il a créés pour le louer et à
qui il a donné la loi naturelle. Il leur fait rendre compte à chacun ,
lorsqu'il examine leur vie , leurs mœurs , leurs actions , pour rendre à
chacun suivant ses œuvres. {Rom. ii.) « Et ayant commencé à faire
rendre compte, » etc. — Orig. Nous devrons rendre compte au roi de
toute notre vie, lorsqu'il nous faudra tous comparaître devant le tri-
bunal de Jésus- Christ. (Il Corhith., v). Si nous nous exprimons de la
sorte, qu'on se garde de croire que ce jugement demandera beaucoup
(1) De même que nous avons porté l'image de l'homme terrestre, portons aussi l'image de
l'homme céleste. (I Corinth., xv, 49.)
omnium (jui snut sursum, iu quorum
seusibus, et juslitia, et cseterae virtutes
régnant; qui facti sunt cœli per hoc
quod portant cœlestis imaginem. Hoc
ergo regnum cœlorum (id est, Filins
Dei) quando factus est in similitudinem
carnis peccati, tune similis factus estlio-
mini régi, uniens homincm sibi. Remig.
Vel refjnuni cœlorum congrue sancta Ec-
clesia intelligitur, iu quo Dominus ope-
ratur hoc quod iu istaparabola loquitur.
Nouiine autem hominis aliquando desi-
gnalur Pater, sicut ibi : « Siuiile est reg-
num cœlorum homiui régi qui fecit nup-
tias fiUo suo, » et(;. AUquando vero desi-
gnatur Filius : hic autem ulrumque
iutelligi potest, et Pater, et Filins, ([ui
sunt unus Deus : Deus autem rex dicitur,
cuncla qute creavit regendo et guber-
nando. Orig. {u( siip.) Servi autem hi
soli sunt quantum ad istas parabolas qui
dispensatores verbi habentur, et quibus
hoc est commissum ut negotientur et
fœnerent. Remig. Vel per servos hujus
hominis régis designautur omnes homi-
nes, quos ad laudaudum se creavit, et
quibus legem uaturœ dédit : cum qui-
bus rationem ponit, quando vitam, et
mores, et actus singulorum discutit, ut
unicuique secundum quod gessit tribuat
{Pom. 2) : unde sequitur : « Et cum cœ-
pisset rationem ponere, » etc. Orig. {ut
sup.) Omuis autem vitre nostrœ ratio po-
nenda est a rege, quando omnes nos
pra'sentari oportuei-it ante tribunal
Cliristi. (II ad Corinth. 5.) Nec hoc di-
ciinus ut suspicio sit, ne forte res ipsa
necessarium habeat longum teuipus :
DE SAINT MATTHIEU, CHAI». XVIII.
493
do temps, car lorsque Dieu voudra passer au crible les âmes de tous
les hommes, par un effet admirable de sa puissance, il fera revivre eu
un seul instant dans le souvenir de chacun toutes les actions qui ont
rempli le cours de sa vie. Notre-Seigneur ajoute : « Elt lorsqu'il eut
commencé à faire rendre compte, parce que le jugement doit com-
mencer par la maison de Dieu. (I Pierre , iv.) Lors(|u'il commençait
donc à se faire rendre compte , on lui pnisentu un homme qui lui
devait une somme incalculable de talents ; il avait fait des pertes
énormes et, sous le poids de grandes obligations, il n'avait fait aucun
profit. Peut-être cet homme nous est-il représenté comme ayant
perdu autant de talents qu'il avait perdu d'hommes , et il est ainsi
devenu débiteur de cette somme énorme de talents , parce qu'il avait
suivi cette femme assise sur un talent de plomb dont le nom est l'i-
niquité (I).
S. JÉR. Il en est, je le sais, qui prétendent que cet homme qui
devait dix mille talents est la figure du démon ; ils entendent par
cette femme et par ses enfants qui sont vendus , parce qu'il persévère
dans sa méchanceté , l'extravagance de sa conduite et les mauvaises
pensées. Car, de même que la femme de l'homme juste est l'image de
la sagesse , la femme de l'homme injuste et pécheur est la figure de
la folie. Mais comment le Seigneur peut-il remettre au démon dix
mille talents , et ne nous remet-il pas à nous , ses compagnons , cent
deniers? C'est une interprétation contraire à celle de l'Eglise et
qu'aucun homme sage n'admettra jamais. — S. Aug. {serm. IG
sur les paroles du Seigneur.) Il faut donc dire que la loi ayant été
donnée en dix préceptes , cette homme devait dix mille talents qui
(1) Ou bien l'impiété, comme on lit dans la Vulgate, Zachar., v, 7, quoique les Septante portent
avo(J,(a, iniquité; mais ces deux expressions reviennent au même, car il n'y a point de plus
grande iniquité que l'impiété, qui méprise et foule aux pieds toutes les lois divines et humaines.
volens enim Deus ventilare omnium
mentes, cito omuia ab omnibus omui
tempore gesta_, singulis quibusque faciet
in mentem venire iuelîabili quadamvir-
tute. Dicit autem : « Et cum cœpisset
rationem ponere, » quia iiiitium judicii
est ut incipiat a domo Dei {Primœ Pé-
tri, 4.) In priucipio ergo ponendae ra-
tionis oblatus est debitor talentorum
multorum, qui scilicet raulta fecerat
damna, et maana ei erant injuncta, et
nullum atlulit lucrum : qui forsitan tôt
taleuta pordidit, quantos perdidit homi-
nes; et ideo talentorum multorum est
factus debitor, quoniam secutus est mu-
lierem super talentum plumbi sedentem,
cujus nouieu iniquitas.
Hier. Scio quosdamistum qui debebal
decem millia talenta, diabolum inter-
prelari ; cujus uxorem et filius venun-
dandos (persévérante illo tu malitia) ,
« insipientiam et malas cogitaliones » iu-
telligi volunt. Sicut enim uxor justi dici-
tur sapientia, sic uxor injusti et pecca-
toris appellatur stultUia. Sed quomodo
ei dimittat Domiuus decem millia talen-
ta, et ille nobis couservis suis ceutum
denarios non dimiserit, nec ecclesias-
ticœ interpretationis est, nec a pruden-
tibus viris recipienda. AuG. {de Verb,
Dom. serm. 15 ut sup.) Ideo dicendum
est quod quia lex in decem preeceptis
commendatur, ille debebat decem millia
talentorum ; per quod omuia peccata si-
494
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
représentent tous les péchés que l'on peut commettre contre la
loi.
Uemi. L'homme (]ui peut hien pécher de lui-même et par sa propre
volonté ne peut en aucune manière se relever par ses propres forces ,
et il n'a pas de quoi rendre ce qu'il doit, parce qu'il ne trouve rien en
soi qui puisse l'afiranchir de ses péchés ; c'est pour cela que Notre-
Seigneur ajoute : « Mais comme il n'avait pas le moyen de les lui
rendre, » etc. Or, la femme de l'insensé est la folie et la volupté ou la
convoitise. — S. Aug. {Quest. Evang.^ i, 25.) Cette circonstance
nous apprend que celui qui transgresse les préceptes du décalogue
doit suliir des châtiments sévères pour ses passions et ses mauvaises
actions représentées ici par la femme et par les enfants. Or, le prix de
cet homme qui est vendu, c'est le supplice du damné. — S. Chrys.
{hom. 61.) Si ce roi donne cet ordre , ce n'est point par cruauté, mais
par un sentiment d'ineffable affection ; il veut simplement l'effrayer
par ces menaces pour le porter à demander en grâce de ne pas être
vendu; c'est en effet ce qui arrive : « Ce serviteur, se jetant à ses
pieds, le conjurait, » etc. — Rémi. Nous voyous dans ces paroles l'hu-
miliation et la satisfaction du pécheur ; ces autres : « Ayez un peu de
patience _, » sont l'expression de la prière du pécheur qui demande à
Dieu de le laisser vivre et de lui accorder le temps de faire pénitence.
Or, la bonté et la clémence de Dieu sont sans bornes à l'égard des
pécheurs qui se convertissent, car il est toujours prêt à pardonner les
péchés par le baptême ou par la pénitence. « Alors son maître , tou-
ché de compassion, » etc. — S. Chrys. {hom. 61.) Voyez l'excès de
l'amour de Dieu : le serviteur demande un simple délai ; son maître
lui accorde bien plus qu'il ne demande : il lui fait remise entière et
gnificat, quae scilicet contra legem fiuot.
Remig. Homo autem sua voluutate et
sponte peccaus, suc coualu nullo modo
surgere valet, etuon hahet mule reddat,
quia uihil in ?e invenit per quod se a
peccatis solvat : unde sequitur : « Cum
autem non haberet, » etc. Uxor quidem
stulti est stuUitia, et carnis voluptas, seu
cupiditas. Aur,. {de Qnast. Evan(j.\\h. \,
cap. 25.) Per hoc ergo signiticatm traus-
gressorem Decalogi pro cupiditate et
pravls operibus (tanquam uxore et liliis)
pœnas solvere debuisse, quod est pre-
tium ejus : pretium euim venditi est
supplicium damiiati. Curys. {ui sup.)
Hoc autem non ex crudelitate jussit sed
ex inelTabili affcclione : vult enim eum
terreie per lias minas, ut snpplicet et non
vendalur : quod et factum ostenditur,
cum subditur : « Procidens autem servus
ille orabat, » etc. Remig. His autem ver-
bis liumiliatio et satisfactio peccatoris
demoustratur, dum dicitur« Procidens;»
in hoc vero quod dicitur : « Patientiam
habe in me, » vox exprimitur peccatoris
poscentis lempus vivendi et spatium cor-
rigendi. Est autem larga Dei beuignitas
et clemeutia erga peccatores conversos;
([uoniam ipse soniper paratus est per
baplismum aut per pœnitontiam peccata
diniittere : unde seipiitur : « Misertus au-
tem Dominus, » etc. CuuYS. [ut sup.)
Vide autem divini amoris superabundan-
tiam : petit servus solius lemporis dila-
tionem, ipse autem majus eo quod petit
dedil; ei dimissiouem, et coucessionem
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIII. 495
absolue de tout ce qu'il lui devait. C'était co qu'il désirait faire dès le
commencemeut ; mais il uc voulait pas que tout dans ce don vînt de
lui seul ; il voulait que ce serviteur y contribuât par sa prière pour ne
point le laisser aller sans mérite. Il ne lui remit pas ce qu'il devait
avant de lui avoir fait rendre compte, pour lui faire comprendre l'é-
normité des dettes dont il le déchargeait, et le disposer à user lui-
même de douceur à l'égard de son compagnon. Jusque là, en effet,
sa conduite fut digne d'éloges, car il avoua sa dette et promit de la
payer; il se jeta à genoux pour demander du temps et reconnut la
grandeur des sommes qu'il devait, mais ce qu'il fit ensuite fut indigne
d'un si beau commencement : « Or, ce serviteur étant sorti, trouva
un de ses compagnons qui lui devait cent deniers, et, le prenant à la
gorge, il l'étouûait, » etc.
S. AuG. {serm. iQ sur les paroles du Seigneur.) Cette somme de
cent deniers qu'il devait à son compagnon vient du même nombre
dix, qui est le nombre des préceptes de la loi , car cent multiplié par
cent fait dix mille et dix fois dix font cent ; ainsi ces dix mille talents
et ces dix deniers ne s'éloignent pas du nombre des commandements
qui sont la matière aux transgressions ; ces deux serviteurs sont donc
tous deux débiteurs , tous deux dans la nécessité de demander par-
don, car tout homme est débiteur de Dieu, et a son frère pour débi-
teur. — S. Chrys. Il y a autant de différence entre les péchés commis
contre Dieu et ceux que l'on commet contre son frère , qu'il y en a
entre dix mille talents et cent deniers, difféi'ence que rend encore plus
sensible (1*) la distance qui sépare les personnes et la continuité des
(1*) Nous avons cru devoir ici corriger la traduction latine par le texte grec de S. Chrysostome,
beaucoup plus clair, et remplacer ex differentiâ peccatorum et paudtate peccantium, ce qui n'offre
totius mutui. Volebat autem et a princi-
pio dare, sed nolebat soliim suum esse
donum, sed et supplicaliouis illius, ut
uon iucoronatus abscedat. Ideo autem
autequam ratiouem poueret, debitum
uon dimisit, quia docere voliiit a quan-
tis debitis eum libérât, ulsalteui ita crga
conservum mansuetior ficrct. Et quidem
usque ad bœc qiia; premissa sunt accep-
tabilis fuit : cteniui coufessus est, et pro-
uiisit se reddere debituiu , et procidens
rogavit, et debiti uiagiiitudiuem coguo-
vit ; sed quaj postea fecit, iudigiia f uere
prioribus. Sequitur euim : « ICgressus
autem serviis ilie inveuit unum de con-
servis qui debebat iili ceutum deuarios :
et teneus suffocabat eum, » etc.
AuG. {de Veib. Dom. serm. 15 %it
sup.) Quod autem dicitur, quod debebat
et centum denarios , ab eodem numéro
(scilicet decem) sumitur, qui est uume-
rus legis : nam et centum centies sunt
decem millia ; et decies déni sunt ceu-
tum ; et illa decem millia talentorum, et
illi decies déni, a légitime numéro non
recedunt, in quo ulroque invenies pec-
cata : uterque est ergo debitor, uterque
veniae deprecator : omuis enim liomo et
debitor est Dei, et debitorem habet fra-
trem suum. Chrys. {ut sup.) Tanta au-
tem differentiâ est peccatorum quae
commitluntur in hominem et quee coni-
mittuntur in Deum, quanta est ditfe-
rentia decem millium talentorum et ceu-
tum denariorum : magis autem et multo
plus patel ex differentiâ personarum et
•490
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
offenses. En effet , si nous avons l'œil de l'homme pour témoin , nous
nous abstenons et nous craignons même de pécher ; mais , placés que
nous sommes sous les yeux de Dieu, nous ne laissons passer aucun
jour sans l'offenser , nous parlons et nous agissons en tout contre lui
sans la moindre crainte. Et ce n'est pas le seul caractère de gravité
que présentent nos péchés contre Dieu, ils en ont un autre qui vient
des bienfaits dont il nous a comblés. C'est lui, en effet, qui nous a
donné l'être , et qui a créé pour nous tout cet univers ; il a répandu
sur nous par son souffle divin une âme raisonnable ; il a envoyé son
Fils sur la terre, il nous a ouvert le ciel et nous a fait ses eufants. Et
quand même nous donnerions tous les jours notre vie pour lui , pour-
rions-nous reconnaître dignement ses bienfaits? Non, sans doute, car
ce sacrifice lui-même tournerait à notre avantage. Mais nous, bien
au contraire, nous ne cessons de transgresser ses lois. — Remi. Ainsi
donc le serviteur qui doit dix mille talents représente ceux qui
tombent dans les grands crimes , et celui qui doit cent deniers ceux
qui commettent des fautes moins graves. — S. Jér. Rendons cette
vérité plus sensible par un exemple ; si quelqu'un parmi vous a com-
mis un adultère, un homicide, un sacrilège, crimes énormes , ces dix
mille talents lui seront remis sur sa demande, s'il pardonne lui-même
les légères offenses commises contre lui.
S. AuG. {serm. 16 su?' les paroles du Seigneur.) Mais ce serviteur
méchant, ingrat, inique, ne voulut pas accorder ce qu'on lui avait
remis malgré son indignité : « Et le saisissant à la gorge , il l'étouf-
fait, en disant : Rends ce que tu dois. » — Remi. C'est-à-dire qu'il
aucuu sens raisonnable, par ex differentiâ personarum, et peccatorum frequentiâ, ànoT^çSiaçopàî
Twv TTpoCTWTTwv^ xai 7.710 Tf]; (TJVîX^î*? "ktiSv âjxapTTiixdtwv.
a peccatorum frequentiâ. Homine enim
vidante, et desistimus et pigritamur
peccare; Deo autem viilonte seciiudum
ununiquemque diem non absistimus, sed
agiinus iiiforniidabiliter omnia cX loqui-
nmr. Non liinc autem sohim m'aviora pa-
tent peccata in Deuni, sed etiam a bene-
ticio (juo suums potiti ab illo : fecit ciiini
nos esse, et omnia proplor nos o])eratus
est. Animam ralionalcm nobis inspira-
vit, Filiuni sumn misit, co'lum nobis
aperuit, et nos filios suos fecit. Nun(]uid
ergo si unaquaque die morerennir pro
illo , retribueremus ei aliquid dignuni ?
Nequaqiiam. Sed hoc potius ad utiiitateni
no.îlrnm perlineret : nos autem e coii-
traricj iu lei^ibus ejus oll'eudimus. IIEMIG.
Sic ergo per debitorem decem millium
talenloium signautur illi, qui majora
crimina committunt ; per debilorem au-
tem centum deuariorum, qui minora
eonmiittit. Hier. Ouod ut manifeslius
tiat, dicamus sub exemplo : ï^i quis ves-
trum commiserit adulterium, homici-
dium , sacrilegium , majora crimina ;
decem millia talentorum roganti dimit-
tuutnr, si et ipse dimittat minora pee-
cantibus.
AuG. [de Yerb. Dom. serm. 15 tit
sitp.) Sed ille servus malus, iugratus,
iniquus, uoluit pr*stare quod illi indi-
gno praestitum fuit : sequitur enim :
« Kt lenens sulTocabat, dicens : Redde
t[uud debes. » Kkmic. Id est, acriler in-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIII. 497
le pressait avec violence pour en tirer vengeance. — Orig. Il l'étouf-
fait, ce qui doit faire supposer qu'il était sorti de chez le roi, car il
n'aurait pas osé, en la présence du roi, se porter à cette extrémité
sur son compagnon. — S. Chrys. {hom. 60.) Ces paroles mêmes :
« Il ne fut pas plus tôt sorti » nous montrent que ce ne fut pas long-
temps après, mais immédiatement, alors qu'il entendait encore reten-
tir à son oreille le pardon bienfaisant de son maitre, qu'il abuse indi-
gnement, pour se venger, de la liberté qui vient de lui être rendue;
or, que fit alors son compagnon? «Et se jetant à ses pieds, il le con-
jurait en disant : Prenez patience, » etc. — Orig. Remarquez le
choix admirable des expressions dans l'Ecriture : le serviteur, qui
devait une somme énorme de talents, se jette aux pieds du roi pour
l'adorer , tandis que celui qui ne devait que cent deniers s'était bien
jeté aux pieds de son compagnon, mais sans l'adorer, il le conjurait
seulement en lui disant : « Prenez patience. » — S. Chrys. [hom. 60.)
Mais cet ingrat serviteur n'eut même pas le moindre respect pour
ces paroles auxquelles il devait son salut, comme nous l'indique la
suite du récit : « Mais il ne voulut pas l'écouter. » — S. AuG. [Quest.
évanç/., i, 35.) C'est-à-dire qu'il persévéra dans la volonté de le livrer
à la justice et au châtiment : « Et il s'en alla. » — Rémi. Il poursui-
vit avec une colère plus violente le projet qu'il avait de se venger, et
il le fit jeter en prison jusqu'à ce qu'il eût payé sa dette , c'est-à-dire
que, s'étant saisi de son frère, il en tira une cruelle vengeance.
S. Chrys. {hom. 60.) Voyez la charité du maitre et la cruauté de ce
serviteur. Tl a le premier demandé grâce pour dix mille talents , son
compagnon pour cent deniers; l'un priait son maître, l'autre son
compagnon ; l'un obtint la remise totale de sa dette, l'autre ne demau-
sislebat ut vindictam ab eo exigeret.
Orig. (w^ sup.) Ideo (ut arbitror) suOo-
cabat, quûuiam a rege exierat : nou
enim suffocaret couservum suum, si nou
exisset a rege. Chr\:?. [ut sup.) Per hoc
etiam quod dicilur egressus, ostenditur
quod, uon post multum tempus, sed
coufestim adliuc quasi iu auribus habeus
beneficium, iu uialitiam abusus est libe-
ratioue a proprio Domiuosibi data.Quid
igitur ille fecerit subditur : « Et proci-
dens cousei'vus ejus, rogabat eum, di-
ceus : Patientiam habe, » etc. Orig. {ul
sup.) Cousidera subtilitatem Scripturae,
quouiam servus multorum debitortaleu-
torum procidens adoravit regem; qui
autem centum debebat denai'ios, proci-
dens non adorabat, sed rogabat conser-
TOM. II.
vum, dicens : « Patientiam habe. »
Chrys. {ut sup.) Sed iieque iiœc verba
ingratus servus reveritus est, quibus sal-
vatus est : sequitur eniui : « Ille autem
noluit. » AuG. {(le Quœst. Evung. lib. i,
cap. 25.) Id est, tenuit contra eum hune
animum, ut supplicium illi vellet « sed
abiit. ») Hemig. Id est, magis ira exarsit,
ut ab eo vindictam exigerai : « et misit
eum in carcerem douée redderet debi-
tum ; » id est, appreheuso fratre vindic-
tam ab eo exegit,
Chrys. («<5w/?.) Vide Domini charita-
teui et servi crudelitatem : hic pro de-
cem miliibus talentis, hic autem pro
centum denariis ; hic conservum, hic
autem Domiuum rogabat, et hic quidem
totalem absohitioaem accepit ; ille au-
32
498
EXPLICATION DE L EVANGILE
dait qu'un délai et ne put l'obtenir. Les autres serviteurs, voyant ce
qui se passait, en furent vivement attristés, selon la remarque de
l'auteur sacré. — S. Aug. {Quest. évang.) Par ces compagnons, il faut
entendre l'Eglise qui exerce le pouvoir de lier l'un et de délier l'autre.
— Rémi. Ou bien les compagnons de ce serviteur représentent peut-
être les anges ou les prédicateurs de la sainte Eglise, ou tous ceux des
fidèles qui , en voyant un de leurs frères sans compassion pour son
frère après qu'il a obtenu lui-même le pardon de ses péchés, s'affligent
sensiblement de sa perte : « Et ils vinrent, et ils avertirent leur
maître, » etc. Ils viennent non pas d'une manière sensible, mais par les
sentiments de leur cœur. Raconter au Seigneur, c'est lui exposer par
les mouvements de l'âme les douleurs et la tristesse du cœur. — Suite.
« Alors son maître l'ayant fait venir. » — 11 le lit venir en prononçant
la sentence de mort et en lui ordonnant de sortir de ce monde , et il
lui dit : « Méchant serviteur, je vous avais remis tout ce que vous me
deviez, parce que vous m'en aviez prié. » — S. Chrys. (hom. 61.)
Lorsque ce serviteur lui devait dix mille talents , il ne l'a point appelé
de la sorte ; il ne lui a dit aucune parole outrageante , mais il a eu
pitié de lui. Lorsqu'au contraire il voit son ingratitude à l'égard de
son compagnon , il l'appelle : a Méchant serviteur , » et lui reproche
l'indignité de sa conduite : « Ne fallait-il pas avoir pitié vous-
même, » etc. — Rémi. Remarquons qu'on ne voit pas que ce serviteur
ait osé faire aucune réponse à son maître, ce qui nous apprend, qu'au
joui du jugement et cette vie une fois terminée, tout moyen de justi-
fication nous sera ôté.
S. Chrys. {ho7n. 60.) Le bienfait ne l'a pas rendu meilleur; c'est
donc au châtiment de le corriger : « Et son maître irrité le livra
tem solam dilationem petebal, nec hoc
dédit. Condolueruut qui non debebanl :
unde sequitur : « Videates autem con-
servi contristati sunt, » etc. Adg. [de
Quœst. Evang. lib. i ut sup.) Per coq-
servos iotelligitur Ecclesia, quae illum
solvit et illum ligat. Reutg. Vel conservi
forte angeli sunt intelligeudi, aut prœdi-
catores sanctœ Ecclesiœ, sive quicunque
lideles, qui videntes aliquem fi-atremre-
missionein peccatorum adeptum non
velle misereri conservi sui, contristantur
de ejus perdilioue. Sequitur : «Etveue-
runt, et narraveruut domino, » etc. Ve-
niunt quidem, non corpore, sed corde.
Domino autem narrare est dolores et
contristationes cordis in suo affectu de-
monstrare. Sequitur : « Tune vocavit
eum dominus suus : » vocavit quidem
per senteutiam mortis, et ab hoc seculo
migrare jussit, et dixit ei : « Serve ne-
quam, omne debitum dimisi tibi, quo-
uiam rogasti me. » Chrys. {ut sup.) Et
quidem quando decem millia taleuta de-
bebat, non vocat eum nequam ; neque
est convitiatus, sed misertus; quando
autem contra servum ingratus est eifec-
tus ; tune dicit ei : « Serve uequam ; »
et hoc est quod dicitur : « Nonne ergo
oportuit et te misereri, » etc. Remig. Et
sciendum quia servus ille nuUum res-
ponsum legitur domino dédisse, in quo
demonstratur quod in die judicii et sta-
tim post hanc vitam omne argumentum
excusationis eessabit.
Chrys. (ut sup.) Quia vero beneficio
non est factus melior, relinquitur ut
pœna corrigatur : unde sequitur : « Et
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIII. 499
entre les mains des bourreaux , » etc. Notre-Seigneur ne dit pas sim-
plement : Il le livra, mais : « 11 le livra tout en colère, » remarque
qu'il n'a point faite lorsque le maître commanda de vendre ce servi-
teur, car il n'agissait pas alors par colère, mais plutôt par amour, et
dans le dessein de le rendre meilleur. Ici, au contraire, c'est une sen-
tence qui emporte condamnation au supplice et à la peine. — Kemi.
Dans le langage de l'Ecriture, Dieu se met en colère, lorsqu'il exerce
sa juste vengeance contre les pécheurs. Les bourreaux, ce sont les
démons , qui sont toujours prêts à se saisir des âmes perdues et con-
damnées, et à les tourmenter dans les supplices de l'enfer. Mais une
fois plongé dans cet abîme d'éternelle damnation , le pécheur pourra-
t-il trouver le moyen de devenir meilleur et d'échapper à ces supplices?
Non; le mot « jusqu'à ce que » exprime ici une durée infinie, et veut
dire qu'il paiera toujours sans pouvoir jamais s'acquitter et que son
supplice sera éternel. — S. Chrys. {hom. 60.) Ces paroles sont une
preuve qu'il sera toujours , c'est-à-dire éternellement puni , sans qu'il
puisse jamais acquitter sa dette. Quoique les dons et la vocation de
Dieu soient irrévocables (1), cependant l'excès de la malice a été si
loin qu'elle a détruit jusqu'à cette loi de miséricorde. — S. AuG.
{serm. 16 sw les paroles du Seignew.) Dieu nous a dit : « Remettez,
et il vous sera remis. » Or, je vous ai remis le premier, remettez du
moins à mon exemple, car si vous ne remettez pas, je vous rappellerai
devant moi et je reviendrai sur le pardon que je vous ai accordé. En
effet, Jésus-Christ ne peut ni se tromper, ni nous tromper, lorsqu'il
ajoute : « C'est ainsi que mon Père céleste vous traitera, si vous ne
pardonnez chacun à vos frères du fond de vos cœurs. Il vaut mieux
(I) Les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance. (Hom., xi, 29.)
iratus dominus ejus tradidit eum torto-
ribus, » etc. Non autem simpliciter dixit :
« Tradidit eum. » sed, « iratus, » quod
non posuit qunudo jussit eum veudi;
non enim hoc erat irte, sed magls amo-
ris ad correctionem : liic autem hœc
seutentia est supplicii et pœnse. Remig.
Tune enim dicitur Deus irasci, quando
adversus peccatores vindicat. Tortores
autem dicuntur daemones, quia semper
ad hoc parati sunt, ut perditas animas
suscipiant, et in pœna aeternoe damna-
tionis eas torqueant. Nunquid autem
postquam aliquis demersus fuerit in
aeternam damnationem, poterit invenire
spatium corrigendi, aut aditum exeundi ?
Non : sed quousque ponitur pro inlinito ;
et est sensus : Semper solvet; sed uun
quam persolvet. et semper pœnam luel.
Chrys. (ut sup.) Per hoc ergo ostendi-
tur quod continue (id est, seternaliter)
punietur, nequereddel aliquaudo.Quam-
vis autem irrevocabilia sint charismata et
Dei vocationes, tamen tantum vaiuitma-
litia, ut et hanc legem solvere videatur.
AuG. [de Verb. Dom. serm. i.j ut
sup. ) Dicit enim Deus : « Dimit-
tite, et dimittetur vobis ; sed ego prior
dimisi, dimitte vel postea : nam si non
dimiseris, revocabo te ; et quicquid tibi
dimiseram, rephcabo tibi : » non enim
falUt aut faUitur Christus, qui subjecit,
dicens : « Sic et Pater meus cœlestis fa-
ciet vobis, si non remiseritis unusquis-
500 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
que vous soyiez sévère et emporté dans vos paroles , tout en pardon-
nant du fond du cœur , que d'avoir un langage caressant avec une
âme implacable. C'est pourquoi Notre-Seigneur ajoute : « Du fond de
vos cœurs ; il veut que , si la charité vous fait un devoir de punir^
vous conserviez toujours la douceur au fond de votre âme. Qu'y a-t-il
de plus compatissant que le médecin (]ui approche du malade le fer à
la main? Il sévit contre la plaie pour guérir le malade, car, s'il use de
ménagements à l'égard de la blessure, l'homme est perdu. — S. Jér.
Le Sauveur ajoute : « Du fond de vos cœurs » pour prévenir toute
hypocrisie et tout faux semblant de réconciliation. Par cette compa-
raison du roi et du serviteur qui avait demandé et obtenu la remise
des dix mille talents qu'il devait à son maître, le Seigneur fait
une obligation à Pierre de remettre à ses frères les légères offenses
dont ils se rendront coupables à son égard. — Orig. Il veut aussi
nous enseigner à pardonner facilement à ceux qui nous ont fait
du tort, surtout s'ils réparent leur faute et viennent implorer leur
pardon.
Rab. Dans le sens allégorique, ce serviteur, qui devait dix mille
talents , c'est le peuple juif soumis au décalogue de la Loi , et à qui
Dieu a souvent remis ses dettes lorsque, réduit aux dernières extré-
mités, il faisait pénitence et implorait miséricorde; mais une fois
délivré de ces épreuves, il n'avait aucune commisération et exigeait
avec une rigueur implacable tout ce qui pouvait lui être dû. Il ne ces-
sait de tourmenter les Gentils, comme s'ils lui étaient soumis; il exi-
geait d'eux l'observation de la circoncision et des prescriptions légales
et massacrait impitoyablement les prophètes et les Apôtres qui lui
que fralri suo de cordibus vestris : » me-
lius est enim ut clames ore, et dimittas
in corde, quam sis blandus ore, et, cni-
delis in corde. Ideo enim Dominas sub-
dit : « De cordibus vestris. » ut si per
cbarilatem imponitis discipliuam, de
corde lenitas non recédât. Quid enim
tam pium ([uain medicus fereus ferra-
mentum? Saevit in vuluus, ut bomo sa-
netur : quia si vulnus palpatur, bomo
perditur. Hier. Ideo Domiuus addidil :
« De cordibus vestris, » ut omnem si-
mulationem ficlre pacis averleret : pra;-
cipil ergo Dominus Petro sub compara-
lioue régis domini, et servi, qui debitor
decem millium laleulorum a domino ro-
gans veuiam impelraverat , ut ipse quo-
que dimittat conservis suis minora pec-
cantibus. Orig. (ut siip.) Vult etiam do-
cere faciles nos esse ad indulgendum
eis qui nocuerunt nobis ; maxime si
satisfaciant et deprecentur sibi veuiam
dari.
Rab. Allegorice aulem servusliic, qui
decem miilia talentorum debuit, judaicus
est populus Decalogo legis astrictus , eui
Domiuus siepius dimisil débita , quando
in augustiis constitutus et poenitentiam
agens illius misericordiamdeprecabatur;
sed liberatus ab angustiis, nuUam com-
pasàionem babebat, imo potius omnes
debitores alrocitcr repetebal ; et genti-
leni populum, quasi sibi obnoxium, fati-
gare non dilîerebat, et quasi a debitore
suo circumcisiouem et ceremonias legis
expetebat, el prophetas et aposlolos ver-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVIII, 501
apportaient la parole de réconciliation. C'est pour cela que Dieu les
livra aux Romains qui détruisirent leur cité du fond en comble, ou
plutôt aux esprits mauvais pour être tourmentés par eux dans les
supplices éternels.
bum reconciliationis afférentes crudeli-
ter trucidabat : unde tradidit eosDomi-
nus in manus Romanorum, qui civita-
tem eorum de fundamento everterent;
vel malignoruni spirituum, qui aetemis
cruciatibus eos punirent.
CHAPITRE XIX.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
y. 1-8. — Pourquoi Notre-Seigneur revient dans la Judée dont il était sorti
précédemment. — Que faut-il entendre par la Judée? — Pourquoi une grande
foule de peuple accompagne le Sauveur. — Sa bonté à l'égard de tout ce
peuple. — Piège que lui tendent les pharisiens. — Leur méchanceté paraît
jusque dans la manière dont ils l'interrogent. — La c[uestion qu'ils lui font
est un indice de la corruption de leur cœur. — Leçon que Notre-Seigneur
donne à ceux qui sont chargés d'enseigner les autres. — Sagesse de sa
réponse aux pharisiens. — Dessein de Dieu dans la création de l'homme et de
la ffmme. — Pourquoi l'homme et la femme ne naissent pas simultanément
du même sein comme il arrive pour certains oiseaux? — Le mariage est l'u-
nion indissoluble d'un seul avec une seule, d'après la règle suivie dans la
création et d'après la loi formelle de Dieu. — Pourquoi l'affection des époux
l'un pour l'autre est-elle plus forte que l'affection des frères entre eux et que
celle des enfants pour leurs parents. — Comment Notre-Seigneur établit l'in-
divisibiUté du mariage. — Comment l'union de l'homme et de la femme est
un grand mystère en Jésus-Christ et en son Eglise. — Comment le Sauveur
interprète les paroles et les faits de la loi ancienne. — Dans quel sens l'homme
et la femme ne font qu'un. — Paroles qui démontrent que renvoyer sa femme
c'est agir à la fois contre la nature et contre la loi. — Pourquoi l'homme
n'a-t-il pas droit de séparer l'homme de la femme? — Les pharisiens sont
convaincus par les livres de Moïse. — Pourquoi ne se rendent-ils pas à
des preuves aussi fortes et s'appuient- ils de l'autorité de Moïse dans la
nouvelle question qu'ils font au Sauveur? — Notre-Seigneur n'est pas en
opposition avec la loi de Moïse. — Comment il se justifie de l'accusation que
les pharisiens voulaient lui intenter. — Dureté des pharisiens et fourberie
des Manichéens. — Comment concilier la permission donnée par Moïse avec
la loi divine. — Différence entre la permission et le commandement.
y. 9. — Comment Notre-Seigneur établit la loi d'autorité. — Peut-on dire qu'il
permet au mari de renvoyer son épouse, aussi bien que Moïse l'avait permis?
— Cause unique de séparation d'après Notre-Seigneur. — Pourquoi le mari
ne doit-il pas garder une épouse adultère? — Que doit-il faire lorsque le
crime d'adultère a été réparé et expié ? — Le crime d'adultère ne dissout pas
l'union des époux. — La séparation qu'autorise l'adultère n'entraîne pas la
permission de prendre une autre épouse. — La défense de contracter un
second mariage existe dans ce cas pour le mari comme pour la femme.
y. iO-12. — Pourquoi le mariage est souvent un pesant fardeau. — Quels
sont ceux à qui Dieu accorde le don de virginité ? — Pourquoi tous ne com-
prennent pas cette parabole : Il n'est pas avantageux de se marier? —
Nécessité de la grâce. — Quelle est la chasteté vraiment glorieuse et méri-
toire? — Trois genres d'eunuques. — Quels sont ceux à qui le Sauveur pro-
met la récompense? — Eunuques de nature, de nécessité, de volonté. —
Pourquoi Dieu permet que la nature des choses contrevienne de temps en
temps aux lois naturelles établies. — Conditions que demande la vertu de
EXPLICATION DE L'ÉVANGILE DE S. MATTHIEl', CHAP. XIX. 503
chasteté. — Dans quel sens faut-il entendre ces paroles du Sauveur : Il en
est qui se sont faits eunuques?
y. 13-15. — Pourquoi ceux qui avaient écouté ces derniers enseignements de
Jésus lui présentent-ils des enfants? — Coutume chez les anciens de présen-
ter les enfants aux \icillards. — Pourquoi les disciples repoussaient ces
enfants. — Pourquoi Notre-Soigneur, au contraire, les prend dans ses bras,
les bénit, etc. — Pourquoi dit-il ; Le royaume des cieux appartient à ceux
qui leur ressemblent. — Les païens doivent présenter aussi leurs enfants
aux prêtres. — Quels sont les enfants dans le sens mystique'^ — Pourquoi
Notre-Seigneur bénit ces enfants et leur impose les mains. — De qui les
enfants sont-ils la figure?
f. 17-22. — A quelle occasion ce jeune homme s'adresse-t-il à Notre-Seigneur?
— Motifs qui le portent à faire cette question. — Ce jeune homme était-il
esclave de l'amour des richesses ? — Peut-on l'accuser d'hypocrisie et d'être
venu pour tenter Jésus? — Comment concilier entre eux les Evangélistes sur
la réponse que lui fait le Sauveur. — Comment fait-il entendre à ce jeune
homme, par cette réponse, qu'il est vraiment Dieu? — Quelle utilité Jésus se
proposait dans cette réponse. — Pourquoi ajoute-t-il : Si vous voulez entrer
dans la vie? — Preuve que la loi promettait à ceux qui l'accomplissaient, la
vie éternelle. — Comment ce jeune homme demande-t-il au Sauveur quels
étaient les commandements qu'il fallait garder? — Pourquoi Notre-Seigneur
ne rappelle ici que les préceptes de la seconde table. — Nouvelle question
de- ce jeune homme. — Comment peut-on arriver à la perfection? — Expli-
cation détaillée de ces paroles : Allez, vendez tout ce que vous avez, etc. —
Le Sauveur propose aux hommes deux sortes de vie : la vie active et la vie
contemplative. — N'y a-t-il que ceux qui pour être parfaits vendent leurs
biens et en distribuent le prix aux pauvres qui posséderont le royaume
des cieux? — Est-il mieux de jouir de ses biens et d'en distribuer successi-
vement les fruits aux pauvres? — Grandeur de la récompense promise parle
Sauveur. — Si celui qui accomplit tous les commandements est parfait, com-
ment Notre-Seigneur peut-il dire à ce jeune homme qui les avait observés
tous : Si vous voulez être parfait? — Est-on parfait par cela seul qu'on a
fait ainsi le sacrifice de tous ses biens? — Interprétation morale de ces
paroles du Sauveur. — Nécessité de suivre le Seigneur après qu'on a renoncé
aux biens de la terre. — Pourquoi ce jeune homme, entendant ces paroles,
s'en alla tout triste. — Servitude des grandes richesses. — Pourquoi les biens
qu'on possède enchaînent plus étroitement que ceux qu'on désire.
f. 23-26. — Notre-Seigneur n'accuse pas les richesses, mais ceux qui les pos-
sèdent avec trop d'attachement. Comment faut-il les posséder ? — La diffi-
culté pour les riches d'entrer dans le royaume des cieux emporte-t-elle l'im-
possibilité ? — Dangers que court celui qui veut accroître ses richesses. —
Explication figurée de ces paroles : Il est plus facile à un chameau, etc. —
D'où vient l'inquiétude des Apôtres en entendant ces paroles ? — Nécessité
d'une grâce toute particulière pour faire son salut au milieu des richesses. —
Est-il possible ;"i Dieu de faire entrer dans les cieux un riche cupide,
avare? etc. — Pourquoi Notre-Seigneur tient-il un langage aussi sévère?
^. 27-30. — Pourquoi Pierre s'adresse-t-il au Sauveur avec tant de confiance?
Est-ce seulement pour son frère et lui qu'il fait cette question ? — La récom-
pense promise n'est accordée qu'à ceux qui, après avoir quitté tous leurs
504
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
biens, se mettent à la suite du Seigneur. Comment les apôtres ont-ils suivi leur
divin Maître? — Dans quel sens faut-il entendre ces paroles : Vous serez assis
sur douze trônes? — Notrc-Seigneur no promet- il ici à ses disciples que la ré-
compense promise à la reine du Midi et aux Ninivitcs? — Suit-il de ces paroles
que Judas doive siéger avec les autres Apôtres? — Notre-Seigneur doit juger,
assisté de ses disciples. — Seront-ils les seuls pour juger avec lui? — Peut-on
rapporter ces paroles aux premiers temps du christianisme? — Explication
mystique de ces paroles. — Récompense promise dès cette vie ii ceux qui ont
tout quitté pour suivre Jésus-Christ. — Quel est le centuple qu'ils recevront
en ce monde? — Notie-Seigneur veut-il, par ces paroles, dissoudre le lien du
mariage'' — Nécessité de se garantir contre la tiédeur, pour ne pas perdre
le rang qu'on occupe dans le service de Dieu. — Il ne suffit pas d'avoir été
élevé dans le sein de la religion par des parents chrétiens. — Ces paroles :
Les ipremiers seront les derniers, etc., peuvent encore être rapportées aux
Juifs et aux Gentils, à ce jeune homme qui s'en alla tout triste et aux Apôtres,
aux hommes comparés à certains anges.
f. 1-8. — Jésus, ayant achevé ses discours, partit de Galilée et vint aux confins
de la Judée, au delà du Jourdain, où de grandes troupes le suivirent, et il les
guérit au même lieu, Les pharisiens vinrent aussi à lui pour le tenter, et ils
lui dirent : Est-il permis à un homme de quitter sa femme pour quelque
cause que ce soit? Il leur répondit : N'avez-vous point lu que celui qui créa,
l'homme dès le commencement le créa un seul homme et une seule femme, et
qu'il dit : Pour cette raison, l'homme abandonnera son père et sa mère, et il
s'attachera à sa femme, et ils seront deux dans une seule chair. Ainsi ils ne
sont plus deux, mais une seule chair. Que l'homme donc ne sépare pas ce que
Dieu a joint. Mais pourquoi donc, lui dirent-ils. Moïse a-t-il ordonné qu'on
donne à sa femme un écrit de séparation, et qu'o)i la renvoie? Il leur répon-
dit : C'est à cause de la dureté de votre comr que Moisc vous a permis de quit-
ter vos femmes ; mais cela n'a pas été ainsi dès le commencement.
S. Chrys. {hom. 62.) Notre-Seigneur était précédemment sorti- de
la Judée à cause de la jalousie de ses ennemis; il y revient mainte-
nant fixer son séjour, parce que le temps de sa passion n'était plus
éloigné. Cependant il ne s'avance pas au cœur de la Judée, mais il
CAPUT XIX.
/it factuni r.sl, cutn consummasset Jesns sermo-
iies istos, migravit a Galilœa, et renit in fines
Judœœ iratis Jordanem : et secutœ sunt eum
turbœ multœ; et curavit eos ibi. Et accesserunt
ad eum pharisœi tentantes eum, et dkentes :
.5! licel homini dimittere itxorem suam qua-
rumque ex causa ? Qui respondens. ait eis :
Non leqistis, quia qui fecit hnminem ah initio,
mascuhim et feminam fecit eos ? et dixil :
Propter hoc, dimittet homo patrem et matrem,
et adhœrcbit uxori suce ; et eruiit duo in carne
una. Itaque jam non sunt duo, sed una caro.
Qiiod ergo Deus conjunxit, homo non separet.
Dicunt illi : Quid ergo Moyses mandavit dare
tibelluni repudii, et dimittere? Ait illis : Quo-
niam Mol/ses ad duritiam cordis vestri per-
misit vobis dimittere uxores vestras : ab initi'i
autem non fuit sic.
Chrvs. (m /lonit: 63, in Matth.) Do-
niiims prias .hida'aiu reliiupieus propter
illonun ii'iiuilatioiieni, nimc ibidem jam
immoral ur,(iiiia passio iiiproxinio fuliira
eral : non tanien ad Juda-am iuleriiu
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVI. 505
s'arrête sur ses frontières. « Et il arriva, dit l'auteur sacré, que lors-
que Jésus eut achevé tous ces discours, » etc. — Rab. L'Evangéliste
commence donc à raconter les actions, les enseignements de Jésus
et aussi oc qu'il eut à souffrir, d'abord au delà du Jourdain, à l'Orient,
ensuite en deçà du Jourdain, lorsqu'il vint à Jéricho , à Hethphagé et
à Jérusalem ; « Et il vint aux confins de la Judée. » — S. Chrys.
{sur S. Matth.) Il agit en cela avec justice, comme le Seigneur de
tous les hommes, qui aime les uns sans délaisser les autres. — Rémi.
F! faut se rappeler que tout le pays habité par les Israélites portait le
nom général de Judée , mais que ce nom était donné d'une manière
spéciale à la partie méridionale habitée par la tribu de Juda et par
celle de Benjamin, pour la distinguer des autres pays renfermés dans
la même province , comme la Samarie , la Galilée , la Décapoio et
d'autres encore (1*).
« Et de grandes troupes le suivirent. » — S. Chrys. {sur S. Matth.)
Ils l'accompagnaient, comme déjeunes enfants conduisent leur père
partant pour un long voyage. Et le Sauveur, comme un père, qui est
sur son départ, leur laissa pour gages de sa tendresse la guérison de
leurs maladies , comme l'indique l'auteur sacré : « Et il les guérit. »
— S. Chry's. [hom. 63.) Remarquons ici que le Seigneur ne s'ap-
plique continuellement ni à enseigner le peuple , ni à faire des mi-
racles, mais il fait alternativement l'un et l'autre pour confirmer par
(1*) La version faite d'après le texte éthiopien de saint Matthieu porte que Jésus vint ad fines
.fudœce, ce qui est plus exact. Il se retira sur la rive gauche du Jourdain, pays connu dans la
langue des Grecs sous le nom de Pérée. Il était là sur une terre presque galiléenne, sous la do-
mination d'Hérode Antipas , mais fort loin de lui, car le tétrarque tenait sa cour dans la ville
de Séphoris, à deux lieues de Nazareth. Ce pays, d'ailleurs, au témoignage de Josèphe, était
plein d'espaces déserts où l'on était en sûreté. Jésus se tint dans cette portion de la Pérée qui
confinait à la Judée ; il n'était séparé de ce dernier pays que par le fleuve, aux bords duquel
s'arrêtait l'autorité des puissants de Jérusalem. (Foisset, Bist. de J.-C, chap. .vxxiv.)
asceudit, sed iu terminos .kideete : unde
dicitur : « Et factum est, eu m consuin-
masset Jésus sermone.'^ istos, » Raba.
Hic ergo incipit narrare quee in Judœa
fecit, et dociiit, sive passus est, et primo
quidem traus .lordanem ad Orientem,
deiude etiani cis Jordauem, quando ve-
nit Hiericho, et Bethpliage, et Hierasa-
lem; unde sequitur : « Et venit iu fines
Judfeae. » Chrys. {in Matth.) Quasi jus-
tus Domiuus omnium, i[ui sic diligit
alios servos, ut alios non contemnat. Re-
MiG. Scieudum est autem quod omuis illa
Israelitarum provincia generaliter Judœa
dicebatur ad comparationem aliarura
gentium, verumtameu meridiana ejus
plaga in qua habitabat tribus Juda et tri-
bus Benjamin, specialiter dicebatur .Ju-
dœa, ad distinctionem aliarum regionum,
quee in ipsa provincia continebantur, id
est, Samaria, Galilœa, Decapolis, et reli -
qucB aiiœ.
Sequitur: « Et secutae sunteum turbee
multfe. » Chrys. [sup. Matth. ut sup.)
Perducebant eum quasi parvuli filii pa-
trem peregre longe proficisceutem ; ipse
autem tanquam pater proticiscens, pl-
gnora charitatis filiis reliquit remédia sa-
nitatum. Unde dicitur: « Et curavit eos.»
Chrys. {in homil. 63 ut s^ip.) Conside-
randum etiam quod ueqne doclrinae ver-
borum continue Dominus insistit, nec
signorum operatioui ; sed nunc quidem
hoc, nunc autem illud i'acit, ut a siguis
806
EXPLICATION DE L EVANGILE
les miracles l'autorité de ses paroles , et montrer, par la nature de ses
enseignements , l'utilité des miracles.
Orig. {traité vu sur S. Matth.) Notre-Seigneur guérissait tout ce
peuple au delà du Jourdain où le baptême était donné , car c'est vrai-
ment dans le baptême que tous les hommes sont délivrés de leurs
infirmitfis spirituelles; et s'il en est beaucoup qui suivent Jésus-Christ
comme la multitude , tous cependant n'imitent pas la conduite de
saint Matthieu, qui se leva aussitôt et quitta tout pour suivre le Christ.
— Rab, 11 guérit aussi les Caliléens sur les confins de la Judée, pour
montrer qu'il comprend les Gentils dans le pardon qu'il [iréparait à la
Judée. — S. Chrys. {hom. 62.) Jésus-Christ guérissait les hommes (1), et
les bienfaits dont ils étaient l'objet se répandaient par eux sur une
foule d'autres , car leur guérison était pour un grand nombre une occa-
sion d'acquérir la connaissance de sa divinité. Ce n'était pas toutefois
pour les pharisiens , que ses miracles ne faisaient qu'endurcir comme
l'indiquent les paroles suivantes : « Et les pharisiens s'approchèrent
de lui pour le tenter, et ils lui dirent : Est-il permis à un homme de
renvoyer sa femme, » etc. — S. Jér. Ils veulent le prendre dans ce
dilemme sans réplique, et le faire tomber dans le piège, quelle que soit
sa réponse : S'il dit qu'on peut renvoyer sa femme pour toute sorte de
raisons et en prendre une autre , il se trouvera en contradiction avec
sa doctrine sur la pureté des mœurs ; s'il répond , au contraire _, qu'il
est défendu de la renvoyer pour toute espèce de motifs , il sera con-
vaincu de sacrilège et d'opposition va la doctrine de Moïse et de Dieu
lui-même (2*). — S. Chrys. {ho7n. 62.) Voyez comme leur méchanceté
(1) Le mot grec èÔepàTreuffe est plus clair, et précise le sens du mot latin curahat.
(2*) Par cette question insidieuse, les pharisiens espéraient le surprendre, et trouver occasion
de l'accuser auprès d'Hérode A ntipas, qui avait renvoyé sa femme injustement. Au reste, ce
désordre était devenu si commun, que l'historien Josèphe raconte de lui-même que sa première
credibilis apparerel in his quse dicebat ;
ex sermoniim autem doctrina utilitas
quae erat, in signis, ostenderetur.
Orig. [Tract. 7, in Mattli.) Sanabat
autem Dorainus turbas trans Jordanem,
ubi baptismus daljatur : vere enim om-
nes a spiritualilnis intiruiitatibus salvan-
tur etiam in baptisnio : et nuilti quidem
sequunliu" Christiim siciil turbae, tamen
non surgentes ut IMatlbœus, qui surgens
secutus est Dominiim. {Mati/i.^.) Raiîa.
Curat etiam GaliUcos in Judieœ fiuibus,
ut peccata genlium in eam veniam, ipue
JudaefR parabatur, admitterct. Chkys.
(in //omit. 63 nf siip.) Cnrabat siqiii-
dem Ciirislus homines ; et illis benefa-
ciens, et per eos multis aliis : horum
enim sanalio aliis erat occasio divinae
cognitionis ; sed non pharisaîis, qui ex
signis duriores fiebant : unde sequitur :
« Et accesseruut ad eum pharisrei ten-
tantes eum, et dicentes, si licet bomiui
dimillere uxoreni, » etc. Hier. Ut quasi
cornulo eum tencant syllogisme, et
quodcunque responderit, pateat captioui :
si dixerit dimittendam uxorem qualibet
ex causa, et duceudam aliam, pudicitiae
prœdicator sibi vidétur dicen? contraria;
sin autem responderit, non omnem ob
causam debere diniitli. quasi sacrilegii
reus tenebitur, et adversus doctrinam
Moysi el Dei facere. Chrys. (in /lomil.
I
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVI.
507
paraît jusque dans la manière dont ils l'interrogent. Le Sauveur avait
déjà eu occasion d'expliquer ce commandement, et ils viennent le
le questionner comme s'ils n'en avaient jamais parlé , s'imaginant
sans doute qu'il avait oublié ce qu'il avait pu dire. — S. Ciirys.
(sur S. Matth.) Lorsque vous voyez un homme cultiver avec soin l'a-
mitié des médecins , vous en concluez qu'il est atteint de quelque
infirmité; de même, lorsque vous voyez un homme et une femme qui
viennent questionner sur les moyens de renvoyer sa femme ou son
mari, concluez sûrement que cet homme, que cette femme mènent une
vie dissolue; car la chasteté se plaît dans les liens du mariage, mais
le libertinage regarde ces liens comme un esclavage et un supplice.
Les pharisiens savaient bien qu'ils n'avaient aucune raison valable
pour renvoyer leurs femmes , si ce n'est des motifs honteux , et ils ne
laissaient pas de contracter avec l'une et avec l'autre de nouveaux
engagements. Us n'osèrent pas demander à Jésus pour quels motifs
il était permis de renvoyer sa femme , afin de ne pas se trouver res-
serrés dans les limites étroites de raisons claires et précises ; mais ils
lui demandent s'il est permis de la renvoyer pour toute espèce de rai-
femme le quitta, puis qu'il renvoya la seconde parce qu'elle lui déplaisait, pour en épouser une
troisième, quoi qu'elle lui eût donné trois fils. Si le mal était si grand chez les Juifs, que de-
vait-ce donc être chez les païens? Nous le savons en partie, par ce que les historiens profanes
nous racontent des mœurs de la Grèce et de Rome, et de la dissolution dont leb femmes et les
filles des empereurs eux-mêmes n'étaient pas exemptes. Il suffit de se rappeler ici les noms
d'Agrippine, de Poppée, de Julie, fille d'Auguste , de Messaline, de Faustine, etc., et ce que dit
Sénèque, que les femmes ne comptaient plus leurs années par les consuls, mais par le nombre
des hommes qu'elles avaient eues. (Sepp, Vie de Notre-Seigneur Je'sus- Christ, t. I, 521.)
Kistémaker et Stolberg font observer avec raison que dans la question posée par les phari-
siens, il ne s'a<jit pas de la loi chrétienne, mais de la loi juive. Jésus est mis en demeure de se
prononcer entre Hillel, qui admettait la répudiation pour quelque motif que ce fut, et Schammaï,
qui ne la permettait qu'en cas d'adultère de l'épouse. Les pharisiens ne lui demandent pas autre
chose. Voilà pourquoi Jésus en appelle immédiatement au texte de Moïse , et se prononce pour
la doctrine de Schammaï.
Tout à l'heure , sur l'interpellation de ses disciples, il exposera, au contraire , sa doctrine
propre, qui est l'indissolubilité absolue du lien conjugal. La législation de Moïse n'était qu'une
législation de circonstance. La loi primordiale n'avait point admis le divorce. A plus forte raison,
ne sera-t-il pas admis par la loi chrétienne, comme Jésus va l'enseigner à ses Apôtres dans un
instant. (Foisset, Hist. de Jésus-Christ, d'après les textes contemporains, chap. xxxiv.)
63 ut svp.) latuere autem ex modo
etiam interrogalionis eorum malitiani :
Dominus enim supra de lege liac dispu-
taveral. Ipsi autem quasi jam nullo dicto
interrogant, scilicel opiuantes quod ob-
litus esset eorum quœ dixerat. Chrys.
(super Matth. in opère hnperf. homil.
32 ut sup.) Sicut autem, sivideas homi-
uem assidue amicitias medicorum colen-
tem, intelligis quia infirmas est, sic et
cum videas virum sive mulierem de di-
mittendis uxoribus aut viris interrogau-
tes, cognosce quia vir ille lascivus est,
mulier iila raeretrix est : nam in matri-
monio castitas delectatur, libido autem
(juasi vinculo conjugii colligata torque-
tur. Sciebant autem quoniam nuliam
causam idoneam habebanl cirea dimit-
tendas uxores prseter solam turpitudi-
nem ; et alias atque àlias sibi jungebaut.
Timueruut autem iuterrogare ex quibus
causis, ne seipsos infra angustias certa-
rum causarum astringerent ; sed inter-
rogaverunl si ex omnibus causis licet ;
508
EXPLICATION DE L EVANGILE
sons, car ils savaient bien que la passion ne sait ni s'arrêter ni se con-
tenir dans les bornes d'un seul mariage , mais que plus on la satis-
fait, plus elle s'enflamme.
Orig. {Traité yu sur s . Matth.) En voyant que Notre- Seigneur a
voulu être ainsi tenté , qu'aucun de ses disciples , chargé d'enseigner
les autres, ne s'attriste d'être éprouvé de la même manière, mais
qu'il considère le Sauveur, faisant à ceux qui le tentent, une réponse
pleine de religion et de piété. — S. Jér. Il pèse tous les termes de sa
réponse, de manière à éviter le piège qu'ils lui tendent, et il produit
tout à la fois le témoignage de l'Ecriture et de la loi naturelle , pour
mettre ainsi en comparaison la première déclaration de Dieu avec la
seconde : « Et il leur répondit : N'avez-vous pas lu que Celui qui a
créé l'homme dès le commencement créa un seul homme et une seule
femme? » C'est ce qui est écrit au commencement de la Genèse. Or,
ces paroles : « Un seul homme et une seule femme , » prouvent qu'on
doit éviter de s'engager dans les liens d'un second mariage. En efifet ,
Notre-Seigneur n'a pas dit : mâle au singuher et femelle au pluriel ,
ce que les Juifs avaient en vue en répudiant leur première épouse ,
mais mâle et femelle, tous deux au singulier (1*), afin qu'on ne s'en-
gageât dans les liens que d'un seul mariage. — Rab. C'est par un
dessein salutaire de Dieu qu'il a été établi que l'homme devrait aimer
dans la femme une partie de son propre corps et ne pas regarder comme
lui étant étrangère une chair qu'il reconnaîtrait avoir été tirée de lui.
— S. Chrys. {sur S. Matth.) Or, si Dieu a créé d'une seule et même
chose l'homme et la femme pour établir entre eux une parfaite unité ,
pourquoi l'homme et la femme ne naissent- ils pas simultanément du
{!*) Cette explication est nécessaire pour bien rendre les expressions latines masculuni et /e-
minom. etc.
scientes quia modum nescit , nec infra
terraiaos unius conjiigii capit libido ; sed
quanto niagis exercetur. niagis accen-
ditur.
Orig. {Tract. 7 ut snp.) Teutato au-
tera Domino, nullus discipulornm ejus
qui positus est ad docenduui, graviter
ferat, si tentatus fiicrit a quibusdam :
tainen et tentatoribus respondet dogmata
pietatis. Hier. Sic auteni responsionem
tempérât, ut decipulam transeat, Scrip-
fiiram adducens iu teslimouium, et na-
turalem legem priniamque Dei senteu-
tiam cum seeunda opponens : unde se-
quitur : « Qui respondens ait eis : Non
legistis quia qui fecit bominem ab iuitio.
masculum et feminam fecit eos "? » Hoc
iu exordio Genesis scriptum est. Dicendo
autem « masculum et feminam, » os-
tendit seeunda vitanda conjugia; non
enim ait : « .Masculum et feminas, »
quod ex priorum repudio quœrebatur;
sed « masculum et femiuam, » ut unius
conjugii consortia nectereutur. Rab. Sa-
lubri autem consilio Dei factum est. ut
sui corporis porlionem vir amplectere-
tur in femina ; nec a se putaret esse di-
versum, quod de se cognosceret fabrica-
tum. Chrys. {sup. Matth. in opère im-
perfecto, homil. 32 ut svp.) Si ergo ad
lioc Deus marem et feminam ex uuo
creavit, ut sint ununi. quare de caetero
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVI. 509
même sein, comme il arrive pour certains oiseaux? Parce que, bien
que Dieu ait créé l'homme et lu femme en vue de la génération des
enfants, cependant il est toujours l'ami de la chasteté et l'auteur de la
continence. C'est pourquoi Dieu n'a pas suivi la même règle dans la
génération humaine. D'après cette règle , si l'homme v eut se marier
selon l'ordre établi dès la création, il doit comprendre parfaitement
ce qu'est l'homme et la femme, et, s'il ne veut pas se marier, il n'y
est point comme forcé par une union qui daterait de sa naissance , et
il ne devient point ainsi , en gardant la continence , la perte d'un
autre qui ne s'y croirait pas appelé. C'est ainsi que le Seigneur, le
mariage une fois contracté, défend aux époux de se séparer l'un de
l'autre, si ce n'est d'un consentement mutuel. — S. Chrys. {]ioin. 60.)
Ce n'est pas seulement d'après la règle suivie dans la création, mais
d'après une loi formelle qu'il établit, que le mariage est l'union indis-
soluble d'un seule avec une seule ; c'est pour cela qu'il ajoute :
0 L'homme abandonnera son père et sa mère et s'attachera à son
épouse. » — S. Jér. Il dit encore ici « à son épouse , » et non « à ses
épouses, » et il ajoute expressément : « Ils seront deux dans une
seule chair; » car un des principaux avantages de l'union conjugale,
c'est de réunir deux corps en une seule chair. — La Glose. Ou bien
ces paroles : « dans une seule chair » signifient l'union elle-même des
deux sexes. — S. Chrîs. [sur S. Matth.) Si donc parce que la femme
vient de l'homme et qu'ils sont tous deux d'une même chair, l'homme
doit abandonner son père et sa mère, on doit voir exister une plus
grande affection entre les frères et sœurs qui sortent des mèuies
parents, tandis que les époux viennent de familles différentes. Cepen-
dant l'affection des époux est de beaucoup supérieure, parce que l'ins-
vir et inulier non ex uno utero nascuu-
tur, sicut volatilia qusedani ? quia Deus
masculum quidem creavit et feminam,
propter ueces:^itatem filiorum generau-
dorum, tamen semper fuit caslitatis ama-
tor et continentiaj auclor : ideo illum
typum non servavit in omnibus ; ut si-
quidem vult liomo nubere secuuduni
primam dispositionem creatiouis huma-
nae, intelliarat quid est vir et uxor; si au-
tera noluerit nubere, non Iiabebit neces-
sitatem uubeudi propter conjuuctionem
nativitatis, ne forte videalur per suam
coutinentiam alterum perdere, qui nole-
bat esse coutinens ; sicut Douiinus post
conjunctiim matrimonium jubet, ne al-
ler altero uoleute se separet. Chrys.
{homil. 63 ut sup.) Non soluni autem
ex modo creationis, sed etiam ex modo
legislationis monstravit quoniam unum
oportet uni conjungi, et nunquam res-
cindi; unde sequitur : « £t dixit : Prop-
ter hoc relinquet homo patrem et ma-
trem, et adbserebit uxori su<e. » Hiek.
Similiter ait uxori, non uxoribus : et
expresse subditur : « Et erunt duo in
carne una : » préemium enim est nuptia-
rum, ex duobus unam caruem fieri.
Glossa. [interlin.) Vel « in carne una, »
id est, in carnali copula. Chrys. {sup.
Matth. in opère imper f. ut sup.) Siergo
quia ex viro est uxor, et ex una carne
sunt amljo, relinquet bomo patrem suum
et matrem, major uunc charitas débet
esse iuter fratres et sorores ; quia bi qui-
dem ex eisdem parentibus exeunt, iUi
autem ex diversis : sed boc magnum est
nimis, quia fortior est Dei constitutio
510
EXPLICATION DE L EVANGILE
titution divine est plus forte que la force même de la nature ; en efifet,
les préceptes divins ne sont point soumis à la nature, tandis que la
nature obéit aux commandements de Dieu. D'ailleurs, les frères
sortent d'une seule et même union pour suivre des routes différentes ;
l'homme et la femme , au contraire , naissent de parents divers pour
accomplir ensemble la même destinée. L'ordre que suit la nature
vient ici confirmer l'ordre établi de Dieu ; car ce ({ue la sève est dans
les arbres, l'amour l'est dans les hommes. Or, la sève monte de la
racine pour former le corps de la plante, et de là s'élève encore plus
haut pour se transformer en semence. C'est ainsi que les parents
aiment leurs enfants et n'en sont pas également aimés , car l'homme
applique surtout son affection non pas à aimer ceux qui lui ont donné
le jour, mais aux enfants qui naissent de son union, comme il est
écrit : « L'homme abandonnera son père et sa mère et s'attachera à
son épouse. »
S. Chrys. {hom. 02.) Admirez la sagesse de ce divin Maître. On lui
demande : « Est-il permis? » Il ne répond pas aussitôt : « Il n'est pas
permis , » pour ne pas les troubler et les déconcerter , mais il appuie
cette défense sur des preuves. Dieu, en effet, dès le commencement,
fit l'homme et la femme, et il ne les unit pas d'une manière ordinaire,
mais il leur ordonna d'abandonner leur père et leur mère. Il ne se con-
tente pas non plus de commander à l'homme d'aller trouver la femme, il
veut qu'il lui soit uni, et, par la manière dont il s'exprime, il établit
l'indivisibilité du mariage. Mais il montre encore plus fortement com-
bien cette union est étroite en ajoutant : « Et ils seront deux dans
une seule chair. » — S. Aug. [sur la Genèse dans le sens litter.^ ix.)
Ces paroles, au témoignage de l'Ecriture , ont été dites par le premier
homme; le Seigneur, cependant, les attribue à Dieu lui-même. Nous
quam virtus naturœ : non enira pra^cepta
Uei nalurœ subjecta sunt, ; sed uatura
Dei prœceptis obtempérât. Deindefralres
ex une nascuntnr, ut diversas vias pé-
tant; vir autem et uxor ex diversis nas-
cuntur, ut in unum conveniant. Ordo
etiam naturte Dei ordioationem loqui-
tur: quod enim est iu arboribns hunior,
hoc est in hominibns ainor ; humor au-
tem de radicibus asceiidil in herbam. et
sursum traiismitlitur in semen ; ideo
parentes quidem dili^unt, sed non sic di-
liguntnr a iiliis : bonio enim. non ad pa-
rentes, sed ad procrcandos filios trans-
mittil alTectum : et hoc est quod dicitur :
« Propter hoc reUnquet homo patrem
et matretu, et adhœrebil uxori suui. »
Chrys. [in Iiomil. 63 ut svp.) Vide
etiam sapientiam doctoris. hiterrogatus
enim si licet . non confestim dixit, non
licef, ut non turbarentur, sed per pro-
bationem hoc constituit : Ueus enim a
principio mascuhun et feminani fecif, et
non simpliciter eos conjunxit. sed ma-
trem jussit dimittere et patrem ; et non
simpliciter virum muheri dixit advenire,
sed conjungi; ex ipso modo locutionis
indivisibilitatem oslendens : sed et ma-
jorem copulam adjunxil, cum dixit :
« Et erunt duo iu carne una. » Arc.
(IX sup. Gen. ad lit. vf svp.) Haîc ta-
men verba cum primi homiuis fuisse
Scriptura testetur, Dominus tamen hic
Deum hoc dixisse déclarai^ ut hiuc iu-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XVI. 511
devons donc comprendre qu'Adam , par suite de l'extase qui avait
précédé , a pu dire ces paroles par inspiration et comme prophète. —
Rémi. L'Apôtre saint Paul nous enseigne que c'est là un grand mys-
tère en Jésus-Christ et en son Eglise. {Ephèse, v.) Eu ofifet, Notre-
Seigneur Jésus-Christ abandonna en quelque sorte son Père, lorsqu'il
descendit des cieux sur la terre ; il abandonna sa mère, c'est-à-dire la
synagogue , en punition de son infidélité, et il s'attacha à son épouse,
c'est-à-dire à la sainte Eglise, et ils sont deux dans une chair, c'est-à-
dire Jésus-Christ et l'Eglise dans un seul corps.
S. Chrys. {hom. 62.) Après avoir rapporté les paroles et les faits de
la loi ancienne, Jésus les interprète lui-même avec autorité, et il éta-
blit la loi en ces termes : « Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule
chair. » De même qu'on dit de ceux qui s'aiment d'un amour spiri-
tuel, qu'ils ne t'ont qu'une seule âme, comme l'atteste l'Ecriture .
« Tous les croyants n'avaient qu'un cœur et qu'une âme » {Act. iv) ;
ainsi on^ dit de l'homme et de la femme qui s'aiment d'un amour
selon la chair, qu'ils ne sont qu'une même chair; or, si c'est une
chose horrible de couper ou de déchirer sa propre chair , il ne l'est
pas moins de séparer la femme de son mari. — S. Aug. {Cité de
Dieu, XIV, 22.) Notre- Seigneur dit qu'ils ne font qu'un, ou bien à
cause de leur union, ou à cause de l'origine de la femme, qui a été
tirée du côté de l'homme. — S. Chrys. {hom. 62.) Enfin, il fait inter-
venir l'autorité de Dieu lui-même en disant : « Que l'homme donc
ne sépare pas ce que Dieu a uni; paroles qui démontrent que ren-
voyer sa femme , c'est agir à la fois contre la nature et contre la
loi (1*) : contre la nature, en divisant une seule et même chair;
(1*) Le mot grec Ttapà a plutôt ici le sens de contra que deprœler, qui se trouve dans le texte
de la Chaîne d'or.
telUgeremus propter exstasim, quœ prae-
cesserat in Adam, hoc divinitus tanquam
proplietam dicere potuisse. RiLMiG.Mys-
terium enim hoc esse Apostolus dicit iu
Christo et Ecclesia (Eph. 5), Dominus
enim Jésus Christus, quasi ^jo^rem de-
sei'v.it cum de cœlis ad terram descen-
dit; et matrem deseruit (id est, synago-
gam) propter iutideUtatem ; et adhœsit
uxori suce (sancta; scilicet Ecclesiœ), et
suut duo in carne una, id est, Christus
et Ecclesia in uno corpore.
Chrys. {in Jiomil. 63 ut sup.) Post-
quani vero veteris legis et verba et facta
induxit, cum potestatejam et ipseinter-
pretalur et iegem indicit, dicens : « Ita-
que jam non sunt duo, sed una caro : »
sicut enim qui spiritualiter se diligunt,
una anima esse dicuntur (dicente Scrip-
tura {Àct. 4) : « Omnium credentium
erat cor unum et anima una, » sicviret
uxor qui carnaliter se diligunt, una caro
esse dicuntur : quemadmodum igitur
carnem iucidere est sordidum, itaetmu-
herem dividere est iniquum. Aug. (xiv
de Civit. Dei, cap. 22.) Unum etiam di-
cuntur, vel propter conjunctionem, vel
propter originem feminse, quae de mas-
culi latere creata est. Chrys. [in homil.
63 xit sup.) Ulterius autem et Deus in-
duxit, dicens : « Quod ergo Deus con-
junxit, homo non separet, » demonstrans
quod etprœter naturam, et praeter Iegem
est, uxorem dimittere : prxter naturam
542
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
contre la loi, parce que renvoyer sa femme, c'est rompre des liens
que Dieu lui-même avait assemblés et déclarés indissolubles. —
S. Jér. Dieu a formé cette union en ne faisant qu'une chair de
l'homme et de la femme ; ce n'est donc pas à l'homme , mais à Dieu
seul de la séparer; or, l'homme sépare, lorsi[u'il renvoie sa première
femme par le désir d'eu prendre une autre; Dieu sépare, lui qui avait
uni, lorsque, d'un mutuel consentement et en vue du service de Dieu,
nous avons une femme; mais que nous sommes comme n'en ayant pas.
([ Corijith.^ VII.) — S. Aug. {contre Fauste, xix, 29.) Voilà donc les
Juifs convaincus par les livres de Moïse qu'on ne doit pas renvoyer
son épouse^ eux ([ui croyaient agir conformément à la loi de Moise,
lorsqu'ils répudiaient leurs femmes. Nous apprenons en même temps
par le témoignage de Jésus-Christ que Dieu a fait l'homme et la
femme , et les a unis entre eux , doctrine qui condamne les Mani-
chéens qui nient cette vérité et se mettent ainsi en opposition avec
l'Evangile de Jésus-Christ.
S. Ghrys. {sur S. Matth.) Une déclaration aussi conforme à la chas-
teté est accablante pour des fornicateurs ; ils ne peuvent rien opposer
à la raison , mais ils ne se rendent pas pour cela à la vérité. Us s'ap-
puient donc de l'autorité de Moïse, comme des hommes qui ayant une
mauvaise cause à défendre ont recours à des personnages haut placés,
pour remporter par leur influence un triomphe qu'ils ne peuvent
espérer de la justice de leur cause. « Mais pourquoi donc, lui disent-
ils, Moïse a-t-il commandé, » etc. — S. Jér. Ils découvrent l'accusa-
tion calomnieuse qu'ils avaient préparée , bien que le Sauveur n'ait
point donné son propre sentiment, mais qu'il n'ait fait que rappeler
un fait de l'histoire ancienne et les commandements de Dieu. —
quideiu, quia una caro dividitur; prœ-
ter lecjem aulem, quoniaiu Deo copu-
lante et jubeiite uon dividi, uxor diinil-
titur. Hier. Ueus euim coiijunxit, uiiain
facieudo carueui viri et feuiinx- : liauc
ergo hoiiio uou polesl separare, sed so-
lus Deus : honio séparât, quaudo prop-
ler desideriuin secuiidae uxorio prima di-
mittitur : Deus séparât (qui et conjuu-
xerat), quaudo ex eouseusu propterser-
vituteiu Dei sic liabeuius uxoroiii, quasi
uon habeutes (I Cor. 7.) Aug. [Vont.
Faust, lib. xix, cap. 29.) Ecce Judaii ex
libris Moysi couvincuntur non esse uxo-
mm diiuitteudaiu, qui seciuiduui volun-
lateui legis Moysi arbitrabaulur si; fa-
cere cum dimitterent. Simul et iliud iiic
(ipso Chrislo alleslaute) coguosciuuis
Deuiu fecisse et coujunxisse uiasculum
et feminam quod Mauicbaei netjando
dauiuantur, Christi Evaugelio resisteutes.
Chrys. (sup. Matth. hi opère imper f.
ut xup.) Gravis est autem foruicariis in-
terprelatio castitatis ; sed contra ratio-
nem respondere non possuut, verilati ta-
luen credere uon acquiescuut. Conferuul
ergo se ad patrociuium Moysi ; sicut ho-
mines nialam causam babentes confu-
giuut ad potentes viros, ut si ])er justi-
tiaui uou possuut, viucaut per perso-
nam. Unde sequitur : « Dicuulilli : Quid
ergo Moyses uiaudavit , » etc. Hier.
Aperiuut cahuiuiiaiu (juaui paraveraut ;
licet Domiuus non propriaui sententiam
prolulerit, sed veteris bistori* et iiianda-
toruui Uei fuerit recordatus. Curys. [in
DE SAINT. MATTHIEU, CHAP. XIX. f)13
S. Chrys. {hom. 02.) Si Notre-Seignftur eût été en opposition avec
l'Ancien Testament, il n'eût point pris la défense de Moïse; il n'aurait
pas non plus montré le rapport des faits anciens avec ce qui le con-
cernait. Cependant l'ineffable sagesse du Sauveur va jusqu'à justifier
ses accusateurs dans sa réponse : « Et il leur répondit : C'est à cause
de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis, » etc. C'est ainsi
qu'il justifie Moïse de l'accusation qu'ils semi)laient vouloir lui inten-
ter_, pour la faire retomber tout entière sur leur tète. — S. A.ug. {contre
Fauste, xix, 29.) Quelle n'était pas en effet leur dureté;, puisque l'acte
de répudiation qui offrait un moyen de séparation aux hommes justes
et prudents, ne pouvait ni les fléchir, ni ramener dans leurs cœurs
l'affection qui doit régner entre les époux. Mais quelle est donc la
fourberie des Manichéens, qui reprochent à Moïse d'avoir détruit le
mariage en autorisant le billet de répudiation et qui louent Jésus-
Christ d'avoir confirmé l'indissolubilité du lien conj ugal ? Dans leur
opinion sacrilège, ils devraient, au contraire, louer Moïse d'avoir
séparé ce que le démon avait uni , et blâmer Jésus-Christ d'avoir res-
serré des liens formés par le démon.
S. CiiRYs. {hom. 62.) Comme cette réponse pouvait produire une im-
pression fâcheuse, le Sauveur en revient aussitôt à la loi (1) et ajoute :
0 Mais au commencement, il n'en a pas été ainsi. » — S. Jér. Paroles
dont voici le sens : Est-ce que Dieu peut être en contradiction avec
lui-même , â ce point d'établir une loi et de la détruire par un com-
mandement contraire? c'est ce qu'on ne peut admettre. Mais Moïse,
voyant que le désir d'épouser d'autres femmes, ou plus riches ou plus
(1) Il s'agit ici évidemment de la loi naturelle donnée ù tous les hommes dès le commencement
du monde, et non de la loi de Moïse.
homi. 63 ut sup.) Si autem Dominus alie-
nus esset a Veteri Testaaiento, non de-
certasset pro Moyse; neque quae sua
sunt, monstrasset veteribus convenire;
sed ineffabilià Chrisli sapientia et pro liis
excusaudo respondit. llnde sequitur :
« Et ait illis : Quoniam Moysos ad duri-
tiam cordis vestri promisit, » etc. In
quo libérât Moysen ab accusatione, et
totuni in iilorum caput convertit. AUG.
{C'oitt. Faust, lib. xix, cap. 29.) Quantum
enini erat duriliœ, qurc nec per iibelli
interpositiouem, ul)i dissuadendi locus
justis et prudentibus tribuebatur, solvi
et flecti posset ad recipiendani vel revo-
candam conjugii charitatem? Porro qua
calliditate reprehendunt Mauicliaii Moy-
sen, tanquaiii conjugia dirimeutem per
TOM. II.
libellum repudii ; et laudant Christum
tanquam ejusmodi vinculum confirman-
tem ? cuni secundum suani sacrilegam
sententiam, Moysen laudare debuerunt
separauteni quod conjunxerat diabolus,
et Christum vituperare diaboii ligamenta
solidantem.
Chrys. [In liomil. G^iutsup.) Denique
quia grave erat quod dictura erat, statim
reducit sermouem ad legem , dicens :
« Ab initio autem non fuit sic. » Hier.
Quod dicit hujusmodi est : Nunquid po-
test Deus sibi esse contrarius, ut aliud
ante jusserit, et sententiam suam novo
frangat imperio ? Non ita sentiendum
est : sed Moyses cum videret propter de-
siderium conjugum secundarum (quœ
illis diliores , vel juniores, vel pul-
33
514
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
jeunes ou plus belles , était pour les premières épouses une cause de
mauvais traitements et de mort, ou pour les maris de conduite licen-
cieuse, aima mieux permettre le divorce, que de laisser persister les
haines et les homicides. Remarquez encore qu'il ne dit pas : A
cause de la dureté de votre cœur, Dieu vous a permis , mais : « Moïse
vous a permis; » car, selon la remarque de l'Apôtre (1), c'était un
conseil de l'homme et non pas un commandement de Dieu. —
S. Ghrys. [sur S. Matth.) Aussi est-ce avec dessein qu'il dit : « Moïse
vous a permis, » et non : Moïse vous a commandé ; car ce que nous
commandons est l'expression d'une volonté qui persévère , tandis que
ce que nous permettons , nous l'accordons malgré nous , parce que
nous ne pouvons pas arrêter entièrement la mauvaise volonté des
hommes. Moïse vous a donc permis de faire mal, pour vous empêcher
de faire plus mal encore ; donc , en nous accordant cette permission ,
il ne vous a pas fait connaître ce qu'exige la justice de Dieu; il a sim-
plement déchargé le péché de culpabiUté , de manière qu'en parais-
sant agir d'après votre loi, ce qui était péché cessât de l'être pour
vous.
jt". 9. — Aussi je vous déclare que quiconque renvoie sa femme, si ce n'est en cas
d'adultère, et en épouse une autre, commet un adultère, et que celui qui épouse
celle qu'un autre a renvoyée, commet aussi un adultère .
S. Ghrys. {hom. 62.) Après leur avoir ainsi fermé la bouche, Notre-
Seigneur établit d'autorité la loi en ces termes : a Aussi je vous
déclare que quiconque aura renvoyé son épouse , » etc. — Orig. On
(1) I Corinth., VII, 12. k Quant aux autres, ce n'est pas le Seigneur, mais c'est moi qui leur
dis ; Il alors que l'Apôtre permet à la partie fidèle de se séparer de la partie infidèle, après avoir
dit au vers. 10 : 'c Pour ceux qui sont dans le mariage, ce n'est pas moi , mais le Seigneur qui
leur fait ce commandement, que la femme ne se sépare pas de son mari. »
cliriores essenl) primas uxores interfici,
aut malain vitaui dncore, maliiit indul-
gere dissidiiim, qiiaui oïlia ol Immicidia
perseverare. Sinudque considéra (luod
uon dixil : a Propler duriliani cordis
vestri peruiisiL vobis Deiis, sed, Moyscs, »
ut juxla Aposlolum (I Cor. 7.), consilium
esset hominis , non imperium Dei.
Chrys. (Super Ma f th. in opère imper f.
ut sup.) Propterea beue dixit, quod
Moyses hoc permisit, non priEcepit.
Quod enim pripcipimus, semper volu-
mus; quod aulom pcrniittimus, nolen-
tes induljicmus ; (piia malam voluulalom
honiinum ad plénum proliibere non pos-
sumus (cl jam attic.) Permisit ( r^o vobis
facere mala, ne faceretis pejora : ergo
lioc vobis permitleudo, non vobis Dei
Jiislitiam demonstravit , sed a peccato
altstidil cidpam (leccandi ; ut quasi se-
cuuduui legeni agentibus vobis pecca-
tum vestrum non videatur esse pecca-
tum.
Dico autem vobis quia quicumque dimiserit uxo-
rem sitamnisi ob fornicationem, et aliam duxe-
rit, mœchatur; et qui dimissam duxeril, mœ-
chatur.
CHnvs. {In homil. 63 ut snp.) Quia os
illorum oppilaveral, jam cum anctoritate
logcm inducit, dicens : « Dico autem vo-
bis, quia (luicumque dimiserit uxoivm.»
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIX. 515
dira peut-être que Jésus, par ces paroles : « Quiconque aura renvoyé
sa femme, si ce n'est en cas d'adultère, » a donc permis au mari de
renvoyer son épouse, aussi Ijieu que Moïse, qui, au témoignage du
Sauveur , leur a donné cette permission à cause de la dureté de leur
cœur. Nous répondons que l'adultère, crime pour lequel, selon la loi,
on devait être lapidé (1), n'est point ce défaut honteux, pour lequel
Moïse permet de donner l'acte de répudiation; car, dans le cas d'adul-
tère, cet acte de répudiation n'était pas nécessaire. Peut-être Moïse
a-t-il voulu désigner , par cette chose honteuse , toute faute commise
par la femme qui autorise le mari à lui donner un acte de répudiation.
Mais s'il n'est permis de renvoyer sa femme que pour le seul crime
d'adultère, que doit-on faire si une femme, innocente de ce crime, est
coupahle d'un crime plus énorme, comme d'avoir empoisonné ou
mis à mort ses enfants? Le Seigneur a tranché cette difficulté dans
un autre endroit en ces termes {Malth., v) : « Quiconque renverra sa
femme, si ce n'est pour cause d'adultère, la fait tomber dans l'adul-
tère eu l'exposant à contracter un second mariage.
S. JÉR. Il n'y a donc que l'adultère qui puisse triompher de l'affec-
tion qu'on doit à son épouse ; en effet , dès lors qu'elle a partagé son
corps avec un autre, et que par le crime de la fornication elle s'est
séparée de son mari, il ne doit point la garder, de peur de tomber lui-
même sous cette malédiction de l'Ecriture : « Celui qui retient une
adultère est insensé et méchant. » {Prov., xviii, 22.) — S. Ghrys.
{sur S. Matth.) De même qu'un homme se rendrait coupable de
(1) Jean^ viii, b; Lev., xx, 20 ; Deut., xxii, 22. Dans ces deux passages de l'ancienne loi, il est
simplement dit que les époux coupables d'adultère seront mis à mort, il n'est point question de
lapidation. Nous voyons seulement au vers. 21 du chap. xxii du Deutérnnome , que ce supplice
était infligé à la flUc qui avait commis le crime de fornication dans la maison de son père.
etc. Orig. {7it svp.) Forte auteni dicet
aliquis quouiam Jésus dicens : « Qui-
cumque dimiserit uxorem suarn Disi ob
t'oruieatiouem_, » permisit uxorem dimit-
lere, quemaduiodum Moyses, quem re-
tulit propter duritiani cordis Judœorum
boc prœcepiose. Sed ad boc respondeu-
duiu, quoniuui si secuudum leiïem adul-
téra lapidatur, non secnndum boc intel-
ligitur res /urpis, propter quam Moyses
permittit bbelhun repudii. {ex Dnitc-
ron, 2i.) Nec euim in causa adulte rii
oportebatlibellum dare repudii. Sed for-
sitaa Moyses oumem culpani muUeris
turpem rem appellavit; quai si inventa
fuerit in nxore, scribitur ei libellus repu-
dii. Qua^reuduni est autem si propter
solam causam fornicationis dimittere
jubet uxorem , quid est , si mulier non
fuerit fornicata, sed aUud quid gravius
fecerit, puta veuefiica inveniatur, aut in-
terfectrix fiiiorum? Sed Doniiuus expo-
nens rem abbi, dixit [Mutth. 5) : « Qui
dimiserit, excepta causa fornicationis ,
facit eam mœcbari ; dans ei occasionem
secuudarum nuptiarura. »
Hier. Sola ergo foruicatio est quae
uxoris vincit afîectum ; imo cum illa
unam caruem in aliam divisent , et se
fornicatione separaverit a marito, non
débet teueri ; ne virum quoque sub ma-
ledictione faciat, dicente Scriptura (Prov.
18 , vers 22.) : « Qui adulteram tenet,
stultus et impius est. » Chrys. {Super
Matth. in opère imperf. ut sup.) Sicut
enim crudebs est et iniquus qui castam
olC
EXPLICAIION DE l'ÉVANGILK
cruauté et d'injustice en renvoyant une femme chaste, ainsi serait-il
insensé et inique s'il retenait une adultère, car c'est patronor l'infa-
mie que de dissimuler le crime d'une épouse. — S. Aug. {Des ma-
riages adult., II, 9.) Cependant, après que le crime d'adultère a été
commis et expié, la réconciliation des époux ne doit être ni difficile,
ni regardée comme honteuse , alors que les clefs du royaume des
cieux donnent la certitude de la rémission des péchés; ce n'est pas
sans doute que le mari doive rappeler sa femme adultère après la
séparation , mais il ne doit plus la traiter d'adultère après qu'elle a
été jugée digne de l'union de Jésus-Christ.
S. Chrys. {sur S. Matth.) Toute chose se détruit par les mêmes
causes qui l'ont fait naître ; or, ce n'est point l'acte du mariage , mais
la volonté des époux qui constitue l'union conjugale; donc ce n'est
pas la séparation du corps qui la détruit, mais la séparation de
volonté. Celui donc qui se sépare de son épouse, sans en prendre une
autre, reste toujours l'époux de la première ; car, bien qu'il en soit
séparé de corps , il lui reste uni par la volonté ; ce n'est que lorsqu'il
en a pris une autre que la séparation est complète et absolue. Aussi
Notre- Sigueur ne dit pas : Celui qui renvoie son épouse est adultère,
mais : « Celui qui en prend une autre. » — Rémi. Il n'y a qu'une seule
raison matérielle qui puisse légitimer le renvoi d'une épouse : c'est l'a-
dultère ; il n'y a qu'une seule raison spirituelle , et c'est la crainte de
Dieu {\); mais il n'en est aucune qui permette de prendre une autre
épouse du vivant de celle qu'on a renvoyée. — S. Jér. Il pouvait faci-
lement arriver qu'un homme calomniât une épouse innocente , et lui
imputât un crime imaginaire , afin de pouvoir contracter un second
(1) C'est ainsi qu'un grand nombre de fidèles se sont séparés de leurs femmes d'un commun
accord pour se livrer tout entiers aux œuvres de la piété, comme le remarquent Raban et
Bède.
diiuittit, sic fatuus est et iniquus qui re-
tiuet meretricein : uam patrouus turpi-
tudinis est, qui crimeu celât uxoris. Aug.
[De adnlterinis conjugiis, lib.ii, cap. 9.)
Nou tarnen erit tiirpis nec difticilis (etiaui
post patrata et purgata adulteria) recou-
cilialio coujugum ; ubi per claves regni
cœlorum uon dubitatur fieri remissio
peccatorum ; non ut pust viri divorlium
adultéra revocelur, sed ut post Christi
consortium adultéra non vocetur.
Chuys. ( Super Muttli. in opei-e im-
perf. lit svp.) Omuis autem res per (juas
causas nascitur, per ipsas solvitur : lua-
trinioniuui luteui uon facit coilus, sed
voluulas : et ideo non solvit illud sepa-
ratio corporis, sed separatio voluntatis.
Ideo qui diruittit conjugeni suam et
aiiam non accipit. adhuc maritus est :
nam et si corpore jam separatus est, ta-
rnen adhuc voluntate coujunclus est ;
cum ergo aliam acceperit, timc plane
diuiittit. Et ideo Douiinus uon dicit :
« Qui dimittit, mœchatur, » sed, « qui
alteram ducit. » Rab. Una ergo solum-
niodo carnalis est causa (id est, fomi-
calio) una spirilualis (et haec est tinior
Dei ) ut uxor diniiltatur ; nulla autem
causa est ut vivente ea quœ relicla est,
alla ducatiu'. Hier. Poterat autem acci-
dere ul aliquis calumniam faceret iuno-
cenli uxuri , et ob sccuudam copulaui
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIX. 517
mariage. En permettant donc de renvoyer la première femme, le
Sauveur défend d'en prendre une autre du vivant de la première. Et
encore, comme il pouvait également se faire qu'en vertu de la même
loi, une femme donnât à son mari un acte de répudiation, la même
défense lui est faite de prendre un second mari. Notre-Seigneur va
plus loin : une femme de mauvaise vie et qui s'est rendue coupable
d'adultère ne craint pas beaucoup l'opprobre ; il est défendu à celui
qui voudrait devenir son second mari de la prendre , sous peine du
crime d'adultère. « Et celui qui épouse celle qu'un autre a renvoyée
commet aussi un adultère. » — La Glose. Notre-Seigneur veut effrayer
celui qui prendrait cette femme , parce qu'une adultère ne redoute ni
la honte, ni l'opprobre.
f. 10-12. — Ses disciples lui dirent : Si la condition d'un homme est telle à
l'égard de sa femme, il n'est pas avantageux de se marier. Il leur dit : Tous
ne sont pas capables de cette résolution, mais ceux à qui il a été donne. Car il
y a des eunuques qui sont nés tels dès le ventre de leur mère; il y en a que les
hommes ont faits eunuques , et il y en a qui se sont rendus eunuques eux-
mêmes , pour gagner le royaume des deux. Qui peut comprendre ceci, le com-
prenne.
S. JÉR. C'est un lourd fardeau qu'une épouse, s'il n'est point permis
de s'en séparer , sauf le cas d'adultère. Eh quoi ! si elle est sujette à
l'ivrognerie, à la colère, si elle est de mœurs licencieuses , faudra-t-il
donc la garder ? C'est en considérant ce joug pesant du mariage,, que
les Apôtres expriment leur sentiment : Ses disciples lui dirent :.a Si
la condition d'un homme est telle à l'égard de sa femme , il n'est pas
avantageux de se marier. » — S. Chrts. {hom. 62.) Car il est plus
facile de lutter contre la concupiscence et contre soi-même que contre
nuptiarum veteri crirnen impingeret.
I deo sic priôrem dimiltere jubetur uxo-
rem, ut secundam prima vivente non
habeat. Nec non, quia poterat evenire
ut juxta eamdem legem, uxor quoque
marito daret repudium, eadem cautela
prfecipitur ue secundum accipiat virum :
et quia nieretrix, et quse semel fuerat
adultéra, opprobrium non timebat , se-
cundo praecipitur vire quod si lalem
duxerit, sub adulterii crimine sit. Uude
sequitur : « Et qui dimissam duxerit,
mœchatur. » Glossa. Accipientem terret,
quia adultéra non timet opprobrium.
No7i omnes capiunt verbum istud, sed quitus
datum est. Sunt enim eunuchi qui de matris
utero sic nati sunt ; et surit eunuchi qui facti
sunt ab hominibus ; et sunt eunuchi qui seipsos
caslraverunt propter regnumcœlorum. Quipo-
test capere capiat.
Hier. Grave pondus uxor est , si
(excepta causa fornicationis) eam dimit-
tere non licet. Quid enim si temulenta
fuerit, si iracunda, si malis moribus,
tenenda erit ? Videntes ergo Apostoli
grave uxorum jugura, proferunt motum
animi sui : un de dicitur : « Dicunt ei dis-
cipuli ejus : Si ita est causa hominis cum
Iuxore, non expedit nubere, » etc. Chrys.
(In homil. 63 \it sup.) Levius enim est
contra concupiscentiam praliari, et con-
518
EXPLICATION DE L EVANGILE
une mauvaise femme. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Or, le Seigneur
ne répond point que cela est avantageux , au contraire , il convient
avec eux que ce n'est pas avantageux; mais il tient compte en même
temps de l'infirmité de la chair, et il ajoute : « Tous ne comprennent
pas cette parole, » c'est-à-dire tous ne sont pas capables de cette ré-
solution. — S. JÉR. Gardons-nous de penser qu'en disant : « Ceux à
qui il a été donné, » le Sauveur ait voulu parler du destin ou du
hasard, en ce sens que ceux qui ont reçu le don de la virginité, n'en
soient redevables qu'au hasard ; car ce don est accordé à ceux qui l'ont
demandé à Dieu, qui l'ont voulu, et qui ont fait des efforts pour l'ob-
tenir. — S. Chrys." (5wr i5. Matth.) Si donc tous ne comprennent pas
cette parole , c'est qu'ils ne veulent pas la comprendre. La palme est
offerte à tous, que celui qui désire la gloire, ne pense pas à la fatigue,
personne ne pourrait remporter la victoire , si tous craignaient le
danger. De ce qu'il eu est qui ne tiennent pas la résolution qu'ils ont
prise d'être chastes, nous ne devons pas en être plus négligents dans
la pratique de cette vertu ; ainsi ceux qui tombent sur le champ de
bataille n'amortissent pas le courage des autres. En s'exprimant de la
sorte : « Ceux à qui il a été donné, » le Sauveur nous apprend que
sans le secours de la grâce , tous nos efforts seraient inutiles. Or, ce
secours de la grâce n'est jamais refusé à ceux qui le demandent; car
le Seigneur a dit : « Demandez et vous recevrez. » S. Chrys. {hom. 62.)
Il prouve ensuite la possibilité de cette vertu , en ajoutant : « Il y a
des eunuques, » etc., paroles dont voici le sens : Pensez à ce que
vous feriez si vous étiez devenu eunuque par la main des hommes.
Vous seriez privé et de la volupté , et de la récompense delà chasteté.
— S. Chrys. {sur S. Matth.) De même que l'action séparée de la vo-
ira seipsum, quam ad muliei'em malam.
Chrys. {Super Matth. in opère imper f.
ut Slip.) Nou autem dixit (juia expedit,
sed luagis consensit quod nou expedit,
sed iuËrinitatem carnis consideravit :
undc sequitur : « Qui dixit eis : Nou
omnes capiuut verbuni istnd , » id est,
uou onmes hoc possuut. HiKii. Nomo
autem putet sub hoc verbo quod addit :
« Sed (juibus datum est, » vel fatum vel
l'ortunam iutroduci ; quod hi sint virgi-
iies, quos ad hoc casus adduxit : sed 1ns
datum est a Ueo ipii petierunt, ([ui vo-
hiei'unt, qui ut acciperent laboraverunt.
Chrys. {Svper Matth. in opère imperf.
ut svp.) hlco erifo non omnes capere
pnssunt, quia nou omnes vohnit. Palma
proposita est : qui concupiscil sloriani,
nou coi-'itcl de lahore : uemo viucerct, si
omnes periculum timerent. Ex eo ergo
quod quidam a proposito continentise
cadunt, nou debemus circa virtutem
castitatis fieri pigriorcs ; sicut et qui in
pugua cadunt, nou exauinaut csiteros.
Quod ergo (Hcit: « Quibus datum est, »
illud ostendit, quia uisi auxilium gra-
tiœ acciperemus , uihil nobis valeret.
Hoc autem auxilium gratiœ volentibus
non denegatur. Dicit enim Dominus :
« Petite, et accipietis. » Chrys. {In
homil. 63 nt svp.) Deinde possibile hoc
esse ostendcus, ait: « Sunt euim euuu-
chi ; » quasi dicat : Excogita si ab aliis
excisus esses, quid utique faceres. Vo-
luptate quidem privatus esses , mer-
cedem autem nou haberes. Chrys.
{Super Matth. in opère imperf. nf
sup.) Sicut enim peccatum opus siue vo-
DE SAINT MATTHIETI, CHAP. XIX. 519
loiitc ne peut constituer le péché, ainsi l'acte, sans la volonté, ne peut
être imputé à justice. La chasteté, vraiment méritoire et glorieuse,
n'est donc pas celle qui vient de l'impuissance d'un corps incapable
d'enfreindre cette vertu, mais celle qui résulte de la résolution libre et
sainte de garder la continence.
S. Jér. Il établit donc trois genres d'eunuques , deux dans le sens
matériel, et le troisième dans le sens spirituel : les uns sont nés ainsi
dès le sein de leur mère ; les autres sont ceux que la captivité a rendu
tels, ou qui ont été mutilés pour le plaisir des personnes de qualité ;
les troisièmes sont ceux qui se sont faits eunuques eux-mêmes pour
le royaume des cieux, et qui, pouvant être des hommes jouissant de la
virilité, se sont faits eunuques par amour pour Jésus-Christ ; c'est à ces
derniers (^u'il promet la récompense ; mais les autres , pour qui la
chasteté est une nécessité et non pas un sacrifice volontaire , n'ont
rien à espérer. — S. Hil. D'un côté nous voyons la nature dans celui
<iui est eunuque de naissance, de l'autre , la nécessité dans celui qui
l'est devenu de la main des hommes, de l'autre, enfin, la volonté dans
celui qui a résolu de vivre tel, dans l'espérance du royaume des cieux.
— S. Chrys. {sur S. Matth.) Qu'il y en ait qui soit eunuques de nais-
sance, on ne peut l'attribuer qu'à la création , de même que ceux qui
naissent avec six ou quatre doigts ; car si Dieu laissait la nature de
chacun des êtres créés suivre d'une manière immuable l'ordre qu'il a
établi dès le commencement , les homnaes finiraient par oublier l'o-
pération de la toute-puissance divine. C'est pourquoi la nature des
choses contrevient de temps en temps aux lois naturelles établies, pour
rappeler sans cesse au souvenir des hommes , que Dieu est l'artisan
souverain de la nature.
luntate non facit, ita justitia ex opère
uon consummalur , uisi et voluatas ad -
fuerit. Illa est ergo gloriosa coutinen-
tia, non illa quam transgredi non po-
lest nécessitas debilitatis corporis, sed
quam complectitur volimtas sancti pro-
positi.
Hier. Triplex ergo genus eunucho-
rum posait, quorum duo suut carnales,
et tertii spirituales : alii euim sunt qui
de utero matris sic uascuntur; alii, quos
vel captivitas facit, vel delicia; matro-
nales ; tertii sunt qui seipsos castrave-
runt propter regnum cœlorum, et qui
(cum possiut esse viri) propter Christum
eunuclîi fiuut : istis promittitur prai-
niium : superioribus autem (quibus né-
cessitas castimouia est, non voluntas)
nibil omniuo debetur. Hilar. In uno
enim eorum posuit uaturam (scilicet in
eo qui nascitur, in allero necessitam (sci-
licet in eo qui factus est), in tertio vo-
luutatem, qui scilicet spe regui cœlestis
lalis esse decrevit. Chrys. (Svper Matth.
in opère imperf. ut sxip.) Quod autem
aliqui sic nascuntur, a creatioue fit, sicut
et nascuntur sex digitos habentes, aut
quatuor ; si enim Deus sicut ab initio
constituit unauiquamque naturani , sic
dimitteret illaui immutabiliter semper
in suo ordine permauere, in oblivionem
deduceretur coraui bominibus operatio
Dei. Ideo ergo interdum natura rerum
convertitur contra suam naturam : ut
semper Deus naturse opifex in memo-
riam rcducatur.
520
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
S. JÉR. Nous pouvons donner une autre explication : Ceux qui sont
eunuques dès le sein de leur mère sout ceux qui sont d'un tempé-
rament froid et sans inclination pour le plaisir ; ceux qui le sont par
le fait des hommes, sont ceux que les médecins ont faits eunuques ou
à qui on fait prendre les mœurs cÛéminées (1) des femmes pour servir
au culte des idoles; ou bien ceux qui, à la persuasion des hérétiques,
simulent la chasteté pour se couvrir des dehors trompeurs de la vraie
religion. Or, aucun d'eux n'obtiendra le royaume des cieux, à l'excep-
tion de ceux qui se sont rendus eunuques pour Jésus-Christ. C'est
pour cela que le Sauveur ajoute : « Qui peut comprendre ceci le com-
prenne. » C'est-à-dire que chacun interroge ses forces pour voir s'il
peut remplir les devoirs qu'impose la virginité et la pureté. La chas-
teté a des charmes naturels , elle attire à soi tout le monde , mais il
faut que chacun examine ses forces, et que celui qui peut comprendre
comprenne. » C'est la parole du Seigneur qui exhorte ses soldats, et
les appelle à conquérir la palme de la chasteté , et il leur tient ce lan
gage : « Que celui qui peut combattre, ne refuse pas le combat, qu'il
remporte la victoire et qu'il triomphe. » — S. Chrys. {hom. 62.) Lorsque
le Seigneur dit qu'il eu est qui se sont faits eunuques , il ne veut
point parler du retranchement d'aucun membre, mais de la mortifica-
tion des pensées mauvaises ; car celui qui se mutile lui-même est sou-
mis à la malédiction , parce qu'il se rend coupable du crime des ho-
micides, donne occasion aux Manichéens de rabaisser la créature, et
qu'il imite la conduite des païens qui se mutilent ainsi eux-mêmes ;
la pensée de se retrancher un membre ne peut venir que d'une
(1) Le moi physici, que nous traduisons ici par médecins dans la langue ecclésiastique, signifie
ordinairement médecins, comme on peut s'en convaincre en lis.int au titre L des Décrétâtes, le
chapitre non magnopere. Ce nom était donné aux médecins, parce qu'ils étudiaient les lois de la
nature.
Hier. Possiiruus cl aliter dicere : Eu-
nuchi sunt ex matris utero, ([ui frigidio-
ris uaturœ sunt, nec libidiuem appe-
teutes; et alii qui ab houiiuihus tiunt,
quos aut physici faciuut, aul ijropter ido-
lorum cultum eiiioUiuntur in femiiias ;
vel persuasioue ha^retica simulant casti-
tateu), ut lueuliautur rclitiionis verita-
teni. Sed uuUus eoriuu cousequitur re-
guuiu cœlorum , iiisi qui se pro|)ler
Chrisfum castraverit. Uude sequilur :
« Qui potest capere, capiat » : ut luuis-
quisque consideret vires suas , utrum
possil virginalia et pudicitite iuiplere
praîcepla : per se enini rastilas blauda
eslj et quemlibet ad se allicieus : sed
considerandic sunt vires, ut qui potest
capere, capiat. Ou* hortantis Domini
vox est, et milites suos ad pudicitia-
praîmium concitantis : ijuasi dicat : « Qui
potest puguare , pugnet, superet ac
triumphet. » Chrys. [In homil. 63 ut
sup.) Cum aulem dicit : « Qui se castra-
veruut, » non membrorum dicit abscis-
siouem, sed malaruni cogitatiouum in-
teremplioueiu : maledictioni est euim
oliuoxius qui niembrum absciudit ; ete-
uim quae homicidaruui sunt, talis pne-
sumit ; et Manicha^is (qui delraluuit
creaturis) tribuit oocasiouem ; et eadem
cum gentibus. membra detruncantibus,
inique agit : absciudere enim membra,
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XXI. 521
tentation du démon. D'ailleurs, en agissant ainsi , on n'éteint pas les
feux de la concupiscence, on ne fait que les irriter, puisque le sperme
qui est en nous a d'autres sources, et surtout dans les désirs im-
purs et dans la négligence de rame. Si l'âme est mortifiée , elle n'a
rien à craindre des mouvements naturels de la concupiscence; de
même que cette mutilation d'un membre ne suffit pas pour réprimer
les tentations, et pour donner la paix à i'àme, en mettant comme un
frein aux pensées mauvaises.
f. 13-15. — On lui présenta alors des petits enfants , afin qu'il leur imposât les
mains, et qu'il priât pour eux; et comme ses disciples les repoussaient avec des
paroles rudes , Jésus leur dit : Laissez ces petits enfants , et ne les empêchez
pas de venir à moi, car le royaume du ciel est pour ceux qui leur ressemblent,
■ Et leur ayant imposé les mains, il partit de là.
S. Chrys. {su?' s. Matth.) Notre-Seigneur venait de parler de la
chasteté ; quelques-uns de ceux qui l'avaient écouté lui présentèrent
des enfants d'une grande pureté , car ils pensaient que le Sauveur
n'avait relevé le mérite que de la pureté du corps : « On lui présenta
alors des enfants, » etc. — Orig. Ils savaient par l'expérience de ses
miracles que l'imposition seule de ses mains, jointe à la prière, suffi-
sait pour repousser tout accident funeste ; ils lui présentent donc des
enfants, dans la pensée, qu'après que le Seigneur leur aurait commu-
niqué, en les touchant, une vertu toute divine, ils seraient à l'abri de
tout malheur, et des attaques du démon (1). — Rémi. C'était une cou-
tume chez les anciens de présenter les petits enfants aux vieillards,
pour que ces derniers pussent les bénir de la main ou par leurs pa-
(1) Allusion au Ps. xc, vers. 6 que l'Eglise, dans l'office du premier dimanche de carême,
traduit ainsi : u De la ruine du démon du midi, » d'après le mot grec <jU|j.7tTM|i.aT0Ç.
daemoniacae tentationis est. Cum his au-
tem quee dicta sunt , neque concupis-
ceutia maasuetior ita fit, sed molestior :
aliunde enim liabet foutes sperma quod
in nobis est ; et praecipue a proposito
inconliiienti, et mente uegliiiente : et si
ipsa sobria fuerit , naturalium motuum
nullum est nocumentum, nec ista abs-
cissio meuibri comprimit teutationes, et
trauquillitatem facit, ut cogitationis frœ-
num.
Tune oblati sunt ei parvuli, ut manus eis impo-
neret et oraret : discipuU autem increpahant
eos. Jésus vero ait eis : Sinite parvulos, et
nolite eos prohibere ad me venire : talium est
enim regnutn cœlorum. Et cum imposuisset eis
manu/t, abiit inde.
Chrys. {sîiper Matth. in opère im-
per f. ut sup.) Dominus de castitate ser-
monem fecerat : audientes autem qui-
dam obtulerunt ei infantes castitate mun-
dissimos : putabant enim quia Dominus
corpore mundos tantum laudaret : et
boc est quod dicitur : « Tune oblati sunt
ei parvuli, » etc. Orig. (ïit sup.) Jam
euiui ex prœcedeutibus virtutibus ejus
expert! erant quoniam per impositionem
manuum ejus, et orationem, repelluntur
mala ; offeruut ergo ei pueros, considé-
rantes quoniam impossibile est ut post-
quani per tactum Dominus dederit eis
divinam virtutem, ruina aut daemonium
aliquod taugere eos possit. Remig. Con-
suetudo etiam fuit apud veteres ut par-
vuli offerrentur senioribus , quatenus
eorum manu vel ore benedicerentur :
522
EXPLICATION DE L EVANGILE
rôles, et c'est en vertu de cet usage que ces petits enfants sont pré-
sentés au Seigneur.
S. Chrys. (sur S. Matth.) L'homme charnel, qui ne peut se réjouir
dans le bien, l'oublie facilement , tandis qu'il ne perd jamais le sou-
venir du mal qu'il a entendu. Jésus venait à peine de prendre un en-
fant et de dire : « Si vous ne devenez comme cet enfant , vous n'en-
trerez pas dans le royaume descicux, » et voilà qu'aussitôt les disciples,
oubliant l'innocence de cet âge, éloignaient les enfants du Sauveur
comme indignes de s'approcher de lui. «Et comme ses disciples les re-
poussaient, » etc. — S. Jér. Ce n'est pas qu'ils voulussent s'opposer à ce
(jue Jésus les bénît de la main et de la voix , mais n'ayant pas encore
une foi très-grande, ils s'imaginaient qu'en cela, semblable aux autres
hommes , le Sauveur était fatigué de l'importunité de ceux qui lui
présentaient ces enfants. — S. Chrys. {hom. 62.) Ou bien encore, les
disciples repoussaient les enfants par égard pour la dignité de Jésus-
Christ ; mais le Seigneur, voulant les former à l'humilité et leur ap-
prendre à fouler aux pieds les prétentions de l'orgueil humain, prend
ces petits enfants, les tient dans ses bras , et promet le royaume des
cieux à ceux qui leur ressemblent. « Et Jésus leur dit : Laissez les en-
fants, et ne les empêchez pas, » etc. — S. Chrys. {sur S. Matth.) Qui
mériterait, en effet, d'approcher de Jésus si ou éloigne de lui la sim-
plicité de l'enfance? Aussi ajoute-t-il : «Et ne les empêchez pas,» etc.;
car, s'ils doivent être un jour des saints , pourquoi défendre aux fils
d'approcher de leur père ; et s'ils doivent devenir pécheurs , pourquoi
prononcer la sentence de condamnation avant d'avoir vu leurs fautes.
— S. JÉR. C'est avec dessein qu'il dit : « C'est à ceux qui leur res-
semblent qu'appartient le royaume des cieux, » et non pas « à
et juxtahanc consuetudinem parvuli ob-
lati sunt Domino.
Chrys. {super Matth. in opère ini-
perf. ut sup.) Caro aulem quia non de-
lectatur in boiio, facile obliviscitiir bo-
num; malum autem quod audierit, reti*
net semper. Aute niodicum autem tem-
pus Cbrislus accipiens puerum, dixit :
« Nisi factl fueritis sicut parvulus iste,
non intrabitis in refinum cœlorum : »
et ecce statiui obliti discipuli puerilis in-
nocenti*, vetabant pueros ad Chrisluni
quasi indiiïuos accedere. llnde sequitur :
« Discipuli autem iucrepabant eos. »
Hir.R. Non quia nollont eis Salvatoris, et
manu, et voce beuedici, sed quod uon-
(iiim liabeute^ pleuissimam fidem, puta-
rent (!um (in similitudinem aliorum lio-
luiuuui) olfereutium imporluuitato las-
sari. Chrys. (in homil. 63 xit sup.) Vel
discipuli expellebant pueros causa digni-
tatis Christi. Dominus autem docens eos
moderata sapere, et tumorem concul-
care mundanum, accepit parvulos, et in
ulnis tenuit eos; et talibus reguimi cœ-
lorum promittit : unde sequitur : « Jésus
autem ait eis*: Sinite parvulos, et nolite
eos probibere, » etc. Chrys. {super
Matth. in opère imperf. ut sup.) Quis
enim mereatur appropinquare Christo,
si repellitur ab eo simplex infantia? Ideo
dixit : « Et nolite probibere, » etc. Nam
si sancti futuri sunt, quid vetatis filios
ad patrem venire "? Si autem peccatores
futuri sunt, ut quid sententiam coudem-
natiouis profertis antequam culpam vi-
dealis? Hier. Signanter autem dixit :
« Talium est enim reguum cœlorum, »
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIX. 523
ceux-ci ; » il veut montrer que ce n'est pas à l'âge, mais à la pureté
des mœurs qu'appartient le royaume des cieux , et que c'est à ceux
qui imitent leur innocence ot leur simplicité que la récompense est
promise.
« Et lorsqu'il leur eut imposé les mains, » etc. — S. Chrys. (sur
S. Matth.) Ce passage de l'Evangile apprend ù tous les parents qu'ils
doivent présenter leurs enfants aux prêtres ; car ce n'est pas le prêtre
qui leur impose alors les mains, c'est Jésus-Christ, au nom duquel se
fait cette imposition. En effet, si celui qui offre à Dieu parla prière la
nourriture qu'il va prendre, mange cette nourriture , sanctifiée par la
parole de Dieu et la prière, selon la doctrine expresse de l'Apôtre (l),
coml)ien plus est-il nécessaire d'offrir les enfants à Dieu pour qu'il les
sanctifie. La raison pour laquelle nous bénissons notre nourriture
avant de la prendre, c'est que le monde tout entier est sous l'empire
de l'esprit malin (l Jean, v, 49), et que, par conséquent, toutes les
choses corporelles qui forment une grande partie du monde créé lui
sont soumises ; les enfants eux-mêmes, lorsqu'ils viennent au monde,
sont donc également sous son empire quant à leur corps.
Orig. Dans le sens mystique , nous appelons enfants ceux qui sont
encore charnels en Jésus-Christ , et qui ont encore besoin de lait,
(l Corinth. , m.) Ceux au contraire , qui professent la doctrine du
Verbe, mais qui sont encore simples et nourris d'un enseignement
approprié à la faiblesse du jeune âge, sont encore novices, ce sont eux
qui présentent au Sauveur les enfants et les petits ; mais ceux qui sont
plus parfaits, c'est-à-dire les disciples de Jésus, avant de connaître les
(l) L'Apôtre combat ici la doctrine de ceux qui enseignaient qu'il fallait s'abstenir des aliments
que Dieu a créés pour que les fidèles s'en nourrissent avec actions de grâces. I Tim., iv, 5.
non istorum, ut ostenderet, non aetatem
regnare, sed mores, et his qui similem
haberent iunoceutiam et simplicitatem,
praemium repromitti.
Sequitur : « Et cum imposuisset eis ma-
nus, » etc. Chrys. {sup. Matth. in opère
imper f. ut sxip.) Praeseus locus instituit
omnes parentes, ut filios sucs sacerdoti-
bus ofl'eraut : non enim sacerdos manus
iniponit , sed Christus, in cujus uomine
manas imponilur : si enim quis escas
suas per orationem offert Deo, sanctifi-
catas eas manducat (sanctifieatur enim
per verbum Dei , et orationem , ut
Apostolus dicit), quanto magis pueros
offerri Deo et sanctiiicari necesse est?
Causa autem sanctificandarum escarum
haec est, quoniam totus mundus in ma-
ligno positus est, unde res corporales,
quae sunt magna pars mundi, in maligno
positae sunt : consequenler infantes ,
quando nascuntur et ipsi (quantum ad
carnem) in maligno positi sunt.
Orig. {ut sup.) Pueros autem mystice
dicimus, qui iu Christo adhuc carnales
sunt, et lacté opus habentes. (I Cor. 3.)
Qui autem profitentnr verbi doctrinam,
simpliciores quidem et quasi puerilem
sermonem habentes qui uutriuntur, ad-
huc novitii sunt, qui offeruut Salvatori
pueros et in infantes ; qui autem viden-
tur esse perfectiores, et ideo sunt disci-
524
EXPLICATION DE L EVANGILE
dispositions de la justice divine à l'égard des enfants, s'élèvent contre
ceux qui , à l'aide d'une doctrine élémentaire , présentent à Jésus-
Christ les enfants et les petits , c'est-à-dire les moins instruits. Or, le
Seigneur veut apprendre à ses disciples parvenus à la maturité de
l'âge, à condescendre à la faiblesse des enfants et aux exigences de
leur âge, et à devenir comme des enfants pour les enfants, afin de les
gagner à Jésus-Christ, et il leur dit : « Le royaume des cieux est pour
ceux qui leur ressemblent, car lui-même, qui avait la nature de Dieu,
a daigné se faire enfant». (I Philip., ii.) Voilà donc ce qu'il nous faut
considérer attentivement afin que le désir d'une sagesse plus excel-
lente et ù'uu progrès spirituel plus avancé ne nous porte à mépriser
les petits enfants comme si nous étions au-dessus d'eux, et à les em-
pêcher de s'approcher de Jésus. Et comme les enfants ne sont pas ca-
pables de suivre tous les enseignements de Jésus , il leur impose les
mains, et après leur avoir communiqué une vertu particulière parce di-
vin attouchement, il les laisse comme étant encore incapables de le
suivre, à l'exemple des autres disciples plus parfaits. — Rémi. Il bénit
les enfants en leur imposant les mains , pour signifier que les humbles
d'esprit sont dignes de sa grâce et de sa bénédiction. — La Glose (1).
Il leur imposa aussi les mains pour marquer que la grâce du secours
divin serait départie à ceux dont la pureté égale l'humilité. — S. Hil.
{can. \^sur S. Matth.) Les enfants sont encore la figure des Gentils
qui ont retrouvé le salut par la foi et par ce qu'ils ont entendu. Ce-
pendant les disciples, dans le désir qu'ils ont de sauver d'abord le
peuple d'Israël, les empêchent d'approcher. Le Seigneur, alors , leur
défend de les éloigner ; car le don du Saint-Esprit devait être accordé
(1) Cette pensée est plus complète dans saint Anselme.
puli Jesu, priusquaru discant rationem
justitiai de pueris, reprehendunt eos qui
por siniplicem doctrinain pueros et in-
faiites (id est, minus adluic eruditos)
offerunt Cliristo : Dominas aulem lior-
tans discipulos suos, jam viros consti-
tutos condesceudere ulilitatibus puero-
rum, ut fiant pueris, quasi pueri, ut
pueros lucrentur, dicit : « Taiium est
enim regnum cœlorum : » nam et ipse
cum in forma Dei esset (Philipp. 2),
faclus est puer. Hœrc ergo debemus al-
teudere, ne œstimalione sapientia? excel-
lentioris, et profectus spiriiualioris, con-
temnamus quasi magui pusillos Eccle-
sia;, proliibentes pueros veuire ad .le-
sum. Quouiam aulcm pueri uou omuia
quae dicuntur sequi possunt, imposait
eis manus Jésus ; et virtutem relinquens
in eis per tactum , abiit ab eis quasi non
potentilnis sequi Christum , sicut caeteri
diseipuli ejus perfecti. Remig. Manibus
eliam impositis benedixit pueris, siguifi-
cans quod humiles spiritu sunt digni
ejus gratia et benediclione. Glossa. Im-
posait etiam eis manus, ut veris conti-
nentibus et veris humilibus gratiam sui
auxilii conferendam siguiticaret. Hilar.
(Can. 19, in Matth.) Infantes etiam gen-
tium forma sunt, quibus per lidem et
audituni salus reddilur : verum ex affectu
primum salvandi Israël a discipulis inhi-
bentur accedere, quos Dominus ait non
uporlere prohiberi : muuus euim Spiri-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIX. 525
aux Gentils par l'imposition îles mains et par la prière , après l'aboli-
tion des prescriptions légales.
f. 16-22, — Alors un jeune homme s'approcha , et lui dit : Bon maître , quel
bien faut-il que je fasse pour acquérir la vie éternelle? Jésus lui répondit:
Pourquoi m'interrogez-vous sur ce qui est bon? (1*) il n'y a que Dieu seul
qui soit bon. Que si vous voulez entrer en la vie, gardez les commandements.
Quels commandements? lui dit-il. Jésus lui dit : Vous ne tuerez point ; vous
ne commettrez point d'adultère ; vous ne déroberez point ; vous ne direz point
de faux témoignage ; honorez votre père et votre mère, et aimez votre prochain
comme vous-même. Ce jeune homme lui répondit : J'ai gardé tous ces com-
mandements dès ma jeunesse; que me manque-t-il encore? Jésus lui dit : Si
vous voulez être parfait, allez, voidez ce que vous avez et le donnez aux
pauvres, et vous aurez un trésor dans le ciel; puis venez, et me suivez. Ce
jeune homme, entendant ces paroles, s'en alla tout triste, parce qu'il avait de
grands biens.
Hab. Ce jeune homme avait peut-être entendu dire à Notre-Seigneur
que ceux-là seuls étaient dignes d'entrer dans le royaume des cieux,
qui s'appliquent à devenir semblables aux petits enfants , mais il veut
en être plus certain, il demande donc qu'on lui explique , non point
en paraboles^ mais (>n termes clairs, par quels moyens on peut mériter
la vie éternelle : « Alors un jeune homme s'approcha, et lui dit : Bon
maître, quel bien faut-il que je fasse, » etc. — S. Jér. Celui qui fait
cette question est un jeune homme riche et plein de lui-même, il in-
terroge, non par le désir d'apprendre, mais pour tenter le Seigneur,
(!') Le texte grec porte : « Pourquoi m'appelez-vous bon?» Tî jAS XÉyîi; àyaOov; une autre
variante suivie parla traduction latine : « Pourquoi m'interrogez-vous sur le bien ? i> Tt jxe ÉpwTâ;
7T£pl àyaOoO. Griesbach et Lachmaun adoptent la première, Auguste Hahnn suit la seconde
saint Augustin donne plus bas l'explication de ces variantes qui se trouvent aussi entre saint
Mattliicu, saint Marc et saint Luc.
tus Sauc.ti per impositionem manus et
precationem (cessante legis opère) erat
geutibus largiendum.
El ecce unus accédons, ait illi : Magister boue,
quid boni faciam, ut habeam vitam œternam?
Qui dixit ei : Quid me interrogas de bono ?
Unus est bonus, Deus. Si auiem vis ad vitam
inyredi, serva mandata. Dicit illi: Quœ ? Jésus
autem dixit : Non homicidium faciès, non
adulterabis, non faciès furtum, non falsum
lestimonium dices ; honora patrem tuum et
matrem tuam; et diliges proximum tuum sicut
teipsum. Dicit illi adolescens : Omnia hœc cus-
todivi njuventute mea ; quid adhuc mihi deest ?
Ait illi Jésus : Si vis perfectus esse, vade,
et vende omnia quœ habes, et da pauperibus ;
et habebis thesaurum in cœlo; et veni, sequere
me. Cum audisset autem adolescens verbum,
ahiit tristis : erat enim habens multas posses-
siones.
Raba. Audierat forsau liomo iste a Do-
mino, tantum eos qui volant parviilis si-
miles esse, dignos introitu regni coeles-
tis : et ideo certior cupiens esse, non
per parabùlas, sed aperte postulat ex-
poni, quibus meritis vitam aeternaui con- .
sequi possit : et ideo dicitur : « Et
ecce unus accedeus, ait illi : .Magister
bone, quid boni faciam, » etc. Hier.
Iste qui iuterrogat, et adolescens, et di-
ves erat, et superbus; et non voto dis-
centis, sed teutautis, iuterrogat : quod
ex eo probare possumus, quod, dicente
5^6
EXPLICATION DE L EVANGILE
et la preuve, c'est qu'après que Jésus lui eut répondu : « Si vous vou-
lez entrer dans la vie , gardez les commandements , » il demande de
nouveau artificieusement, quels sont ces commandements, comme s'il
ne les avait pas lus bien des fois, ou comme si le Sauveur pouvait lui
commander des choses contraires aux préceptes divins. — S. Ciirys.
(Jiom. 63.) Je n'hésite pas à dire (jue ce jeune homme était esclave de
l'avarice et de l'amour des richesses , puisque le Seigneur lui-même
lui a reproché ce vice ; mais je ne puis le regarder en aucune façon
comme un hypocrite, parce qu'il est dangereux de juger en matière
incertaine, surtout lorsqu'il s'agit d'accuser. En effet , saint Marc dé-
truit entièrement ce soupçon , car il rapporte que cet homme accou-
rut, et se mit à genoux devant Jésus pour lui faire cette question,
et que Jésus, l'ayant regardé, conçut pour lui de l'afifection. Or, s'il
était venu pour le tenter, l'Evangéliste nous l'aurait fait remarquer,
comme il le fait ordinairement pour les autres , et en supposant qu'il
eût gardé le silen(>e sur ce point , le Sauveur n'aurait pas permis que
son hypocrisie demeurât cachée , mais il lui en aurait fait des re-
proches publics, ou il l'en aurait repris en secret , ce qu'il ne fait en
aucune façon, car voici la suite du récit : « Et il lui dit : Pourquoi
m'appelez-vous bon? »
S. AuG. [de l'accord des évang., ii, 63.) Il y a, ce semble, une diffé-
rence assez grande entre ce que dit ici saint Matthieu : « Pourquoi
me demandez -vous le bien que vous devez faire ?» et celles que rap-
portent saint Marc et saint Luc : « Pourquoi m'appclez-vous bon ? »
La première variante : « Pourquoi me demandez-vous le bien que vous
devez faire ? » se rapporte plus directement à cette question : « Quel
bien faut-il que je fasse ? » Car ce jeune homme y parle expressément
du bien, et en fait l'objet même de sa question , tandis qu'en disant :
sibi Domino : « Si vis ad vilain ingredi,
serva mandata, » rursum fraudulenter
interrogat, qua; sint illa mandata : quasi
non et ipse legerit, aut Doniinus possil
Deo jubere contraria. Cuuys. {in Itumd.
64, in Matth.) Ego autem uvaruvi qui-
dom eum, et pecvniarntn umalorem,
ne(iiiaquani recnso dicere (quia et Ciiris-
lus talem eum esse redarguit) simiiUifo-
rem autem nequa(iuam, quia non est se-
curuni de incertis judicare, et maxime
accnsando. Marcus autem banc suspi-
ciunem destruit : dii^it enim (cap. 10)
quod accurrens et gcnutlectens rogabat
eum ; et quouiam iuspiciens eum Jésus
amavit eum : si etiam tentans accessis-
set, demonstrasset uobis hoc Evange-
lista, sicut in aliis facit; si autem et ipse
siluisset, Cbristus eum non pennisisset
latere, sed redarguisset manifeste, aut
occulte iusinuasset : hoc autem non fa-
cit : sequitur enim : « Qui dicit ei :
Quid me interrogas de bono ? »
Al:g. {de Con. EcangAlh. il, cap. 63.)
Potest autem vidcri distare aUquid quod
hic secuudiuu IMattba'um dicitur : « Quid
me interrogas de bouo ? » secuudum
abos autem : « Quid me dicis bonum ? »
{Marc. 10, et Luc. 18.) Nam, « quid me
interrogas de bono '? » ad iUud magis
referri potest, ijuod ait ille (luœrens :
«Quid boni faciam ? » Ibi enim et bo-
ntim nominavil, et interrogalio est : Ma-
gister autem bone, uoudum est iuterro-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIX.
yil
« Bon maître, » il n'interroge pas encore. On peut donc admettre par-
faitement que Notre-Seigueur lui a rt^pondu par ces deux questions :
« Pourquoi m'appelez-vous bon, et pourcjuoi m'interrogez-vous sur le
bien que vous devez faire ?» — S. Jér. Gomme ce jeune homme
l'avait appelé bon maitre, mais sans reconnaître qu'il était Dieu ou le
Fils de Dieu, Jésus lui répond qu'aucun homme , quelque saint qu'il
soit, n'est bon en comparaison de Dieu , dont il est dit : « Louez le
Seigneur, parce qu'il est bon (1). » Et c'est pour cela qu'il ajoute :
« Il n'y a que Dieu seul qui soit bon. » Mais que personne ne pense
que ces paroles : « Il n'y a que Dieu seul qui soit bon , » ne com -
prennent pas le Fils de Dieu dans cette bonté qui est l'attribut de la
divinité ; car nous lisons dans un autre passage : « Le bon Pasteur
donne sa vie pour ses brebis. » — S. Aug. {de la Trinit., i, 13.) Ou
bien dans un autre sens , ce jeune homme cherchait la vie éternelle,
qui consiste dans la contemplation de Dieu , dont la claire vision est
une cause non de peine, mais de joie éternelle. Or, il ne comprenait pas
quel était celui avec lequel il parlait, et le regardaitseulement comme
Fils de l'homme. Le Sauveur lui répond donc : « Pourquoi me de-
mandez-vous le bien qu'il faut faire, et m'appelez-vous bon maître en
ne consultant que ce qui frappe vos yeux? » Cette forme du Fils de
l'homme apparaîtra au jour du jugement , non-seulement aux yeux
des justes, mais des impies , et cette vue sera pour eux un supplice,
parce qu'elle leur sera imposée comme châtiment. Mais il est une
autre vision de cette nature par laquelle je suis égal à Dieu, et c'est
ce Dieu un dans sa nature. Père, Fils et Saint-Esprit qui est seul bon,
parce que sa vue n'est pour personne un sujet de deuil et de gémis-
sement, mais une source de salut et de joie véritable. — S. Jér. Le
(1) Ps. cv, I ; cvr, 1 ; cxvii, 1 ; cxxxv, 1 ; l Parai., xvi, 3-4; v, 13 ; Daniel, m, S9.
gatio : commodissimc ergo intelligitur
utrniiKinn dictuni : « Quid me dicis bo-
luiu), et iiiterrogas me de bono? » Hier.
Quia vero inagislrum vocaverat bonum,
et non Dcum vel Dei /ilium coufessus
erat, dixit qucmvis sauctuDi hominem
comparationc Dei non esse bonum, de
quo dicilur : « Confitemini Domino, quo-
niani bonus : » el ideo dicit : « Unus est
bonus Deus. » Ne quis autem putet, in
eo quod bonvs Deus dicitur, excludi a
bonitate Filium Dei, legimus in alio loco
{Joan. 40) : « Pastor bonus ponit ani-
mam suampro ovibus suis. » Auc. {\(le
Trinit. cap. 13.) Vel quia ille vilani *ter-
nam qugerebat, vita aulem Beterna est in
illa contemplalionc, qua non ad pnenam
videtnr Deus, sed ad gaudium sempiter-
num; et non iutelligebat cum quo lo-
quebalur (quoniani tanlummodo euni
Filium Iioini nis arhllriiiuv), ideo dicit :
« Quid me intcrrogas de bono, et vocas
me, secundum qiiod vides magistrum
bonum ? Ihçc forma Filii hominis appa-
rebit in jiidicio, non tantum justis, sed
et impiis ; et ipsa visio malum eis eril :
quia pœnalis erit : est autem visio for-
mœ meœ, in qua œqualis sum Deo : ille
ergo uinis Deus, Pater, Filius et Spiritus
sanctns, ipse est solus bonus ; quia nemo
videt cum ad luctum et planctum, sed
tantum ad salutem et Iteliliam verani. »
538
EXPLICATION DE L EVANGILE
Sauveur ne refuse pas de recevoir ce témoignage rendu à sa bonté;
il repousse simplement l'erreur qu'il était maître sans être Dieu. —
S. Chrys. {Iiom. G3.) Mais quelle utilité à lui répoudre de la sorte?
C'était pour le ramener peu à peu , lui apprendre à se dépouiller de
l'esprit de flatterie et de l'amour des biens de la terre, et lui persuader
de s'attacher à Dieu^ de chercher les biens futurs , et de s'appliquer
à la connaissance de celui qui est véritablement bon, la racine et la
source de tous les biens.
Orig. {traité^wi sur S. Matlh.) Jésus-Christ, en s'cxprimaut de la
sorte, répond encore à la question que lui faisait ce jeune homme :
Quel bien faut-il que je fasse, » etc. En effet, lorsque nous nous éloi-
gnons du mal, et que nous faisons le bien , on appelle bien ce que
nous faisons relativement à ce que font les autres hommes, mais con-
sidéré dans la vérité et d'après ces paroles : « Il n'y a que Dieu seul
qui soit bon, » le bien que nous faisons ne peut être appelé bien. On
peut encore dire que le Seigneur, sachant que l'intention de celui qui
l'interrogeait n'était pas de pratiquer le bien même tout naturel, lui
répond : « Pourquoi me demandez- vous quel bien vous devez faire? »
c'est-à-dire : « Pourquoi me questionner sur le bien, alors que vous
n'êtes pas disposé à le pratiquer ? » 11 ajoute ensuite : « Si vous vou-
lez entrer dans la vie, » etc. Remarquez (ju'il parle à cejeune homme
comme s'il était hors de la vie : « Si vous voulez entrer dans la vie, »
car dans un sens véritable l'homme, qui vit éloigné de celui qui a dit :
« Je suis la vie » {Jean, xi et xiv), est en dehors de la vie. D'ailleurs
tout homme sur la terre , est seulement dans l'ombre de la vie, en-
touré qu'il est d'un corps périssable et mortel. Or , il entrera dans la
Hier. Salvator eliam nosler bonitatis tes-
timonium non renuit, sed magistri abs-
que Deo exclusit crrorem. Chrys. {in
hom. G2 ut svp.) Qnœ autein iililitas est
ut ita responderet ■? Reducit coim eum
paulatiui, et erudit liberari ab omni adu-
latit)ne, et ab liis quae sunt super terram
eum abduceus, Deo adhœrere suadet, et
fiilura (jutcrere, et nosse eum qui vere
est bonus, et radix et fous universoruni
bonorum.
Orig. {tract. 8 in Matth.) Respondet
etiainsicChristuspropter eum qui dixit:
« Oiiid boni faciam, » etc. Quaudo euim
declinaïuus a malo et lacimus bonum,
(|u:uiliuu ad comparatiouem cœterorum
lioininum, dicitur bonvm quod laci-
mus ; (luanlum aulem ad veritateui ,
secuudum quod hic dicitur : « Uuus et
bonus, » bonum nostrum non est bo-
num. Dicere autem potest quis, quouiam
scieus Dominus propositum interrogan-
tis non esse ut faciat vel humanum bo-
num, dixit : « Quid me interrogas de
bono ? )) Ac si dicat : « Cum sis impa-
ratus ad ea qua3 dicuutur, cur me iuter-
rogas de bono ? » Post hoc autem
dixit : « Si vis ad vitam , » etc. Ubi
considéra (juoniam adbuc quasi extra
vitam constituto respondit : « Si vis ad
vitam ingredi, » secuudum enim unum
moduui bomo est extra vitam , qui est
extra eiim (jui dixit {Joan., 14 et 14) :
« Ego sum vila ; » alias autem oumis qui
super terram est («juamvis justissimiis)
potest quidem in umbra esse vilvc-, cum
sit (orpore morlis circumdatus. Introibil
autem quis in vitam , abstinens se ab
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIX. 529
vie en s'abstenant des œuvres mortes, et en désirant les œuvres de la
vie. Il y a aussi des paroles de mort et des paroles de vie, des pensées
de mort et des pensées de vie, etc.; c'est pour cela que Notre-Seigneur
Jésus-Christ dit à ce jeune homme : « Si vous voulez entrer dans la
vie. » — S. AuG. {se?'?n. 17 sur les par. du Seig.) Il ne lui dit pas : si
vous voulez arriver à la vie éternelle , mais • « Si vous voulez entrer
dans la vie, » établissant ainsi que la seule et véritable vie est la vie
éternelle. Considérons ici combien cette vie éternelle est digne de nos
afifeclions, alors que nous aimons tant cette misérable vie qui doit
sitôt finir.
Rémi. Ces paroles sont une preuve <|ue la loi promettait à ceux qui
l'accomplissaient, non-seulement les biens temporels, mais encore la
vie éternelle , et, comme ce jeune homme l'avait entendu dire , il de-
vient attentif et demande : « Quels sont ces commandements? » —
S. CiiRYS. {hom. 63.) Il fait cette question sans intention de tenter le
Seigneur , mais parce qu'il pensait qu'en dehors des préceptes de la
loi, il en était d'autres qui seraient pour lui un principe de vie.
Rémi. Jésus use à son égard d'une grande condescendance comme
avec un malade, et lui expose avec douceur les préceptes de la loi :
Jésus lui dit : « Vous ne commettrez pas d'homicide, » etc. L'exposi-
tion abrégée de ces préceptes se trouve dans la proposition suivante :
« Et vous aimerez votre prochain comme vous-même , » ainsi que le
dit l'Apôtre : « Celui qui aime le prochain a accompli la loi. »
(ï Rom., XVI.) Si l'on examine pourquoi Notre-Seigneur ne rappelle
ici que les préceptes de la seconde table, on reconnaîtra que c'est, sans
doute, parce que ce jeune homme s'appliquait à développer en lui
l'amour de Dieu, ou bien, parce que l'amour du prochain est un de-
operibus mortuis ; appetens autem opéra
viva. Sunt auteui et verba viortiia, et
verba^'il;o ; et cogitatioues mortuœ, et
cogitationes vivœ : et ideo dicit : « Si vis
ad vitam, » etc. AuG. {de Verb. J)om.
serm. 17.) Nec etiam dixit: « Si vis ve-
uire ad vitam cetemam^ » sed , « si vis
ingredi ad vitam, » eam diffiaiens vitam,
quîB fuerit œterna vita. Hic ergo cou-
siderandum est quemadmodum amaada
sit aeteraa vita, quaudo sic amatur mi-
sera ista, et quandoque finienda vita.
Remig. Demoustratur autem bis verbis
quia lex suis impletoribus, uou solum
bona temporalia dabat, sed et vitam
feternam : et quia Iioc audierat, sollici-
tus factus iuterrogavit: uade sequitur :
TOM, II.
« Dicit illi: Quae? » Curys. {in honiil.
6i H<s?<;j.) Hoc autem uou tentans dixit:
sed œstimaus alia quaedam prœcepta esse
praeter legalia, quœ vitœ causa fièrent ei.
Remig. Jésus vero quasi iutirmo con-
desceudeus, clementissime legis prae-
cepta exposuit: uude sequitur: « Jésus
autem dixit : Non bomicidium faciès, »
etc. Quorum prœceptorum expositio est
sequens sententia, qua dicitur : « Et di-
liges proximum tuum sicut teipsum. »
Eteuim Apostoius dicit {Rom. 16) : « Qui
diligit proximum, legem implevit. »
Quaerendum est autem quare Dominus
tantum secundo tabulae prœcepta com-
memoravit ; idcirco scilicet, quia forte
iste studiosus erat in dilectione Dei ; sive
34
530
EXPLICATION DE L liVANGILK
gré pour s'élever à l'amour de Dieu. — OiUG. Ou bien peut-être, ces
préceptes suffisent pour qu'on puisse entrer dans ce que j'appellerai
le commencement de la vie, mais ils ne suffisent pas , non plus que
d'autres semblables pour nous introduire dans la partie la plus intime
de la vie. Or, celui qui aura transgressé un de ces commandements,
n'entrera même pas dans le commencement de la vie.
S. Chrys. {hom. G3.) Après que le Sauveur eut rappelé les pré-
ceptes qui se trouvent dans la loi, ce jeune homme lui dit : «J'ai
observé tous ces commandements dès ma jeunesse; » et il ne s'arrête
pas là, mais il interroge de nouveau le Sauveur : « Que me manque-t-il
encore? m question qui est une preuve du vif désir dont il était animé.
— Rémi. Notre-Seigneur enseigne à ceux qui veulent devenir par-
faits dans la grâce , comment ils peuvent arriver à la perfection :
Jésus lui dit : Si vous voulez être parfait , allez , vendez tout ce que
vous avez. » Faites attention à ces paroles ; il ne dit pas : « Allez,
mangez tout ce que vous avez, » mais : « Allez et vendez. » Et il ne
dit pas seulement : « Vendez une partie de vos biens , » comme firent
Ananie et Sapliire (I), mais : « Vendez tout, » et il ajoute avec
dessein : « Tout ce que vous avez. » Or_, nous avons les choses que
nous possédons justement ; ce sont ces choses que nous devons vendre,
quant à celles que nous possédons injustement, nous devons les rendre
à ceux à qui nous les avons enlevées. Il ne dit pas enfin : « Donnez-en
le prix à vos parents ou aux riches qui pourraient vous rendre en
échange des biens semblables, » mais : « Donnez-en le prix aux
pauvres. » — S.Aug. {du trav. des moines^ chap. 25.) Il ne faut pas,
(1) Anauie el Saphire ue sont pas, toutefois , repris par saint Pierre pour n'avoir pas vendu
tous leurs biens, mais pour n'en avoir pas apporté le prix tout entier aux pieds des Apôtres, et
pour en avoir réservé une partie.
quia dilectio proximi gradus est asceii-
deiidi ad dilectionem Dei. Orig. {tract.
8, in Matth.) Forsitau avitem ista prai-
cepta sufiiciunt ut in priucipiuiu (ut ita
dicam) vitte iugrediatur quis; uou autem
suf'ficiunt hoec (vel alia siniilia istis) ad
iuteriora vita; introducere queniquain.
Qui auteui pra;terievit uuum isloruui
maudatoFum nec iu principiuin vita;
iutrabit.
Chrys. (in Iiomil. Gi ut svp.) Quia
ergo Domiuus ea prsecepta cuuiinouio-
raveral (juai eraut in loge, ideo soijui-
tur: « DiciL illi adolescous : Hctc omuia
servavi a juventute uiea ; » ot uoquo
hic sletit, sed rursus iuterrogat :
« Quid adiuic. niiiù dt-osl? wQuod ipsuui
siifuuiii est velieiucuLis desiderii. Remig.
mis autem qui iu gratia perfecti esse
voluut , osteudit qualiter ad perfec-
tiouem veuire possunt : uude sequi-
tur : « Ait illi Jésus : Si vis perfec-
tus esse, vade, et vende omuia quai
babes, » etc. Notauda sunt ista verba :
nou ait : « Vade, et mauduca omnia qua;
babes ; » sed, « vade, et vende ; » et
non ait : Aliqua, sicut Auanias et Sap-
jibira {Act. 5), sed, omnia : et pulclire
sul)jungit : « Quœ babes : » illa enitu
babemus, quœ juste possidemus ; illa
ergo quai juste possideutur, vendeuda
simt : qua>, vero injuste, sunt eroganda
illis quibus fueraut ablata : nec ait : « Da
proxiuiis aul divitibus, a ({uibus accipies
siniilia, » sed, « da pauperibus. » Ai:(;.
(de Opc}\ MitiHich. f,i|t. :2j,) Nec atlen-
DE SAINT MATTllIELI, CIIAI'. XIX.
)31
d'ailleurs, se préoccuper dans quels monastères , ou dans quel endroit
on distribuera ce qu'on possède à ses frètes indigents, car tous les
chrétiens ne forment qu'une seule sociétc'-. Toutes les fois donc, qu'un
chrétien distribue aux pauvres, n'importe dans quel endroit, les choses
nécessaires à la vie, ou bien toutes les fois qu'il reçoit n'im[»orte de
quelles mains ce qui lui est nécessaire, il reçoit de ce qui appartient
à Jésus-Christ.
Rab. Voici deux sortes de vies que le Sauveur propose aux hommes :
la vie active, à laquelle se rapporte ce précepte : « Vous ne tuerez
pas, » et tous les autres préceptes de la loi ; et la vie contemplative que
Notre-Seigneur a en vue dans ces paroles : « Si vous voulez être par-
fait, » etc. La vie active appartient à la loi ancienne, et la vie con-
templative à l'Evangile; car de même que l'Ancien Testament a pré-
cédé le Nouveau, ainsi la vie pleine de bonnes œuvres doit précéder
la contemplation. — S. Aug. {cont. Faust,, v, 9.) Cependant, il n'y a
pas que ceux qui, pour être parfaits , vendent ou abandonnent t(jus
leurs biens qui posséderont le royaume des cieux ; le divin commerce
de la charité unit à cette partie de la milice chrétienne uu grand
nombre de fidèles qui se rendent volontairement tributaires des pauvres,
et à qui le Sauveur dira au dernier jour : « J'ai eu faim, et vous
m'avez donné à manger. » Loin de nous la pensée qu'ils doivent un
jour être privés de la vie éternelle comme étant étrangers aux pré-
ceptes de l'Evangile.
S. Jér. {cont. Vigilance.) Quant à ce que prétend Vigilance, qu'il
est mieux de jouir de ses biens et d'en distribuer successivement les
fruits aux pauvres, plutôt que de vendre ces biens et de leur en donner
immédiatement le prix, ce n'est pas moi, mais Dieu lui-même qui lui
dendum iu quibus monasteriisvel iu quo
loco iudigentibus fratribus hoc quod ha-
Ijebal aliquis iiupenderit : omuium enim
Christianorum una respublica est : et
ideo quisqujs Christiauus necessaria ubi-
libet erogavit; uudecuuque etiam ipse,
quod necessarium est sibi, accipit, de eo
quod est Christi, accipit.
Rab. Ecce duas vitas bouiindjus pro-
positas : « activam, » ad quam pertinet :
« Non occides, » et cœtera legis mandata;
et « contemplativaui, » ad quam pertinet:
« Si vis perfectus esse, » etc. Activa ad
legem pertinet, coutemplativa ad Evau-
gclium ; (pia sicut vêtus novum pra;-
cessit TL'stamentuui, ila boua actio prae-
cedit coutemplatiouem. Alg. ( cont.
Faust, lib. 5, cap. 9.) Nec tanem illi
soli, qui (ut sint perfecti) veudunt val
dimittunt omuia sua, pertinent ad re-
gnum cœlorum ; sed huic miiiliae chris-
lianae propter quoddam commercium
charitatis subjungitur etiam quîedam
stipeudiaria niultitudo, cui dicetur iu
fine : « Esurivi, et dedistis niihi mandu-
care : » quos absit ut (sicut istos a man-
datis evangelicis alienos) a vita aeterna
separandos judicemus.
Hier, \contra Vigilantium.) Quod
autem Vigilantius asserit cos melius fa-
cere qui utautur rébus suis, et paulatim
fructus possessionum pauperibus divi-
dant, quam illos qui possessiouibus ve-
nundatis semel omnia largianlur, non a
532
EXPLICATION DE L EVANGILE
répondra : a Si vous voulez être parfait, allez et vendez. «[Cet état que
vous louez n'est que le deuxième ou le troisième degré, nous l'approu-
vons nous mêmes, à la condition de ne pas oublier que le premier état
est préféraljle au second et au troisième. — Genn. [des dogmes de
l'Eglise.^ chap. 71.) (I). C'est une chose louable de distribuer ses biens
aux pauvres avec une certaine mesure, mais il est mieux de les leur
donner tous à la fois, pour accomplir le dessein de suivre le Sauveur, et
s'affranchir de tout souci en partageant la pauvreté de Jésus-Christ. —
S. Chrys. {hom. 63.) Comme il était ici question des richesses de la
terre, et que Notre-Seigneur exhortait ce jeune homme à s'en dé-
pouiller, il lui montre que la récompense qu'il accordera sera plus
grande que ce sacrilice, et le surpassera de toute la distance qui sé-
pare le ciel de la terre : « Et vous aurez, ajoute-t-il, un trésor dans
le ciel; » car un trésor annonce la richesse et la durée de la ré-
compense. ,
Orig. Si tous les commandements sont renfermés dans cette parole :
« Vous aimerez le prochain comme vous-même , » et si, d'ailleurs,
celui qui les accomplit tous est parfait, comment le Seigneur, enten-
dant ce jeune homme lui dire : « J'ai gardé tous ces commandements
dès ma jeunesse, » lui dit comme s'il n'avait pas encore atteint la
perfection: « Si vous voulez être parfait? » Peut-être que ces pa-
roles : « Vous aimerez le prochain, » n'ont pas été dites par le Sei-
gneur, mais qu'elles ont été ajoutées par quelque copiste, chose d'au-
tant plus probable, que saint Marc et saint Luc , qui rapportent ce
même trait, ne font aucune mention de ces paroles. Voici une autre
explication : Nous lisons dans l'Evangile selon les Hébreux, qu'après
(1) Parmi les ouvrages de saint Augustin, t. III.
(2) Voici le texte même d'Origène : » Dans un certain Evangile intitulé selon les Hébreux, si
toutefois on croit pouvoir le recevoir, non comme autorité, mais comme éclaircissement. "
me ei , sed a Deo respoudebitur : « Si
vis esse perfectus, vade et vende : » iste
quem tu laudas, secundus aut tcrtius
ijradus est, quem et nos recipimus,
dnmmodô sciauius prima secundis et
terliis prœferenda. Gen.nad. {de Eccl.
dofjm. cap. 71.) Bonum est enim facul-
tates cum dispeusatione pauperibus ero-
gare ; melius est pro intentioue seqnendi
Dominum insimul donare, et absobituni
soUicitudiue egere cum Christo. Cunvs.
(in homil. Gl vt sup.) Et quia de pecu-
niis erat sermo , a quibus denudari
admouuit , ostendit (piod ampliora liis
retribuet, quanto terra majus cstcivluin:
et ideo dicil : « Kt babebil liie^auniin iii
in cœlo : » in thesauro enim copia et
permanentia retributionis ostenditur.
OiUG. [ut svp.) Si autem omne man-
datum in hoc verbo impletur : « Dibges
proximumtuum sicut teipsum, » perfec-
tus autem est qui impleverit omne man-
datum ; quomodo Dominus diceuti ado-
lescenti : « Hsec omnia servavi a juveu-
tute mea, » quasi noudum perfecto dicit :
« Si vis perfectus esse? » Forte autem
quod ait : « Diliges proximum tuum, »
non a Domino positum est, sed ab ali-
quo additum ; qnia nec Marcus , nec
Lucas (luinc locuni exponeutes) hoc ad •■
(Udcrunt. Vcl aliter : scriptum e.4 in
Kvaiiixelio secundum llebra'os . (|uud
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIX. 533
que le Seigneur eut dit ces paroles : « Allez et vendez tout ce que vous
avez, » ce jeune homme qui ("tait riche , se gratta la tête d'hésita-
tion, et ne goûta point ce langage. Alors le Seigneur lui dit :
« Comment dites-vous : J'ai accompli tout ce qui est écrit dans la loi
et dans les prophètes ? Il est écrit dans la loi : Vous aimerez le pro-
chain comme vous-même, et voilà qu'un grand nombre de vos frères
sont couverts de haillons mal propres, mourants de faim , tandis (jue
votre maison regorge de richesses, et qu'il n'en sort rien absolument
pour subvenir à leur détresse. » Le Seigneur, voulant donc convaincre
et éprouver ce riche, lui dit : « Si vous voulez être parfait, allez, ven-
dez tout ce que vous avez, et donnez-le aux pauvres, c'est alors que
l'on verra si vous aimez le prochain comme vous-même. Mais si la
perfection consiste dans la réunion de toutes les vertus, comment
suffit-il pour devenir parfait de vendre tout ce qu'on possède, et de le
donner aux pauvres? » Supposons un homme qui ait accompli ce gé-
néreux sacrifice, sera-t-il aussitôt sans colère, sans concupiscence,
orné de toutes les vertus , exempt de tous les vices ? Quelque esprit
sage pourra dire que celui qui a donné ses biens aux pauvres se trouve
aidé de leurs prières, et qu'il reçoit de leur abondance spirituelle de
quoi subvenir à son indigence spirituelle, et que c'est ainsi qu'il de-
vient parfait, tout en conservant quelques passions qui tiennent à l'hu-
manité. Ou bien encore, celui qui a pris la pauvreté en échange de la
richesse afin de devenir parfait , en vertu de sa foi aux paroles de Jésus-
Christ, recevra la grâce nécessaire pour devenir sage en Jésus-Christ,
juste, chaste et sans aucune passion. Ce n'est pas, sans doute^ qu'il attein-
dra le comble de la perfection du moment où il aura donné ses biens aux
pauvres, mais, dès ce jour, la méditation des choses divines lui rendra
cum Dominus dixisset ei : « Vade, et
vende omnia quai habes, » cœpit dives
scalpere cap ut suum, et non placuit ei.
Et dlxit ad eum Dominus : « Quomodo
dicis: Feci legera et prophetas ? Quo-
niam scriptum est in lege : Diliges
proximum tuuni sicut teipsum : et ecce
multi fraires tui filii Abrahte amicti sunt
stercnrc, morientes praî famé, et domus
tua plena est multis bonis, et non egre-
(iitur omnino aliquid ex ea ad eos. » Vo-
lens ergo Dominus arguere divitem il-
lum, dicit: « Si vis perfectus esse, vado,
vende omnia, da fiauperibus : sic enim
apparebit si diligis proximum tuum si-
cnt teipsum. » Sed si perfectus est qui
babet omnes virlules, quomodo fit per-
fectus qui vendit omnia sua, et paupe-
ribus dat ? Ponamus enim aliquem boc
fecisse, quomodo statim erit sine ira,
sine concupiscentia, et suscipiens omnes
virtutes, et deponeus malitiam univer-
sam? Sapienti ergo videbitur forsan di-
cere , quoniam qui paupcribus tradidit
bona sua, ipsorum oratiouil)us adjuva-
tur ; accipiens ad suam spiritualem iuo-
piam, illorum spiritualem abundantiam ;
et fit boc modo perfectus, quauivis ali-
quas bumaoas babuerit passiones. Aut
ita : iste qui mutavit pro divitiis pauper-
tatem, ut fiât perfectus , credeus sermo-
nibus Clirisli, adjuvabitur ut sapiens fiat
iu Cbristo, justus et caslus, et absque
omui passione , non tamen sic, ut in
ipso tempore quo tradiderit bona sua
paupcribus, fiat omnino perfectus, sed
534
EXPLICATION DE L EVANGILE
peu à peu familières toutes les vertus. On peut encore donner une
autre interprétation toute morale, en disant ({ue les biens de chaque
fidèle sont ses actes (1). Or, dans ce sens, Jésus-Christ ordonne de
vendre tous les biens qui sont viciés pour quelque cause que ce soit,
et de les donner à ceux qui pourront eu tirer profit, et qui sont pauvres
de tout bien; car de même que la paix que souhaitent les Apôtres,
revient à eux, lorsqu'elle ne rencontre pas un fils de la paix {Matth..,x.);
ainsi tous les péchés reviennent à ceux qui les ont commis lorsqu'il ne
se trouve personne qui puisse en l'aire sortir quelque bien. Dans ce
sens, on ne peut douter que celui qui a vendu de la sorte tous ses
biens, ne soit réellement parfait. Or, il est évident que celui qui agit
de la sorte, a un trésor dans le ciel , et qu'il est devenu lui-même un
homme céleste. Il a, en effet, dans le ciel qui lui appartient, le trésor
de la gloire de Dieu et les richesses inépuisables de la sagesse divine.
Il pourra donc suivre Jésus-Christ, puisqu'il n'en sera détourné par
aucun bien possédé injustement.
S. JÉR. Il en est beaucoup qui abandonnent leurs richesses et qui
ne suivent pas le Seigneur. Or, cela ne suffit pas pour parvenir à la
perfection ; il faut , après avoir professé un généreux mépris pour les
richesses, se mettre à la suite du Sauveur; en d'autres termes, après
qu'on s'est séparé du mal, il faut encore faire le bicn_, pareequ'il est plus
facile de faire peu de cas de sa bourse que de sa volonté. C'est pour-
quoi Jésus ajoute : « Puis venez, et suivez -moi ; » car c'est suivre le
Seigneur et marcher sur ses traces que de l'imiter. — Suite. « Ce jeune
homme, ayant entendu ces paroles, s'en alla tout triste. » C'est cette
(1) Origène ne dit pas d'une manière aussi explicite que les actes de l'âme forment ici-bas sa
richesse ou sa propriété, mais seulement après la mort^, alors qu'il ne reste aux bons que leurs
bonnes œuvres, et aux mauvais que leurs mauvaises actions.
ex illo die incipiet speculatio Dci fiJdu-
ccre eum ad omnes virtules. Aliter au-
tem ad expositioncm moralem transibit,
dicens, sulistautiam esse unius cuju^quc
animse actus ejus. Imperat er^o Ghris-
lus vendere ômnem substautiam malam,
et quasi traderc cam virtulibus operau-
tibus eam, qum ab omiii bono pauperes
sunt: sicut eiiim pax apostoloruiu re-
vertitur ad ipsos, nisi fuerit lilius pacis
{Matth. dO), sic universa peccata rcver-
luntiir ad auctores eoruui , cnui non
fuerit quis utens malis oornra ; et sic
neque dubitatio crit quin statiiu erit por-
fectus qui sic vendidit omuos proprias
facultat.i;s. i\Iauifostuni est autem ijuod
qui talia agit, habet lliesaunuu in cœlo.
et ipse factus cœlestis : iu suo eniui cœlo
habebit thesaurum ploriaî Dei , et divi-
tias iu omni sapieutia Dci. Talis autem
poterit sequi Christum, quia non distra-
liitur ab aliqua niala possessione , quo
miuus Christum sequatur.
Hier. IMulli etiam divitias reliuquentes,
Dominum non sequuntur; uec hoc ad
perfectionem sufficit, uisi post contcm-
ptas divitias Salvatorcm sequanlur ; iil
est relictis malis faciant bona : facilius
enim sacculus coutemnitur, quam vo-
luutas : et ideo sequitur : « Et veui, se-
ipiere me. » Sequitur enim Don\inum
qui imitator est ejus. et per vestiiiia il-
lius iïraditur. Sequitur : « Cum audisset
autem adolesccns vorba Iki'c . abiit tris-
DE SAINT MATTHIEU, CHAI'. XIX. o35
tristosso qui conduit à la mort, et l'Evangélistc nous en fait connaîtr(}
la cause : « Car il avait de grands biens,» c'est-à-dire des épines et des
ronces qui (Houflërent la semence que le Seigneur avait jetée dans
son cœur. — S. Ciirys. {lioni. 03.) Ceux qui ont peu de liieiis et ceux
(|ui en possèdent en abondance n'en sont pas également esclaves, car
l'accroissement (l*) des richesses , en rend le désir plus ardent et la
cupidité plus vive. — S. Auf;. {Lettre à Paulin et à Thérèse^ 34.)
Je ne sais pas comment il arrive, lorsqu'on aime les biens superflus
de la terre , que ceux qu'on possède enchaînent plus étroitement que
ceux qu'on désire; car, pourquoi ce jeune homme s'en alla-t-il tout
triste, si ce n'est parce qu'il avait de grands biens? Il est bien diffé-
rent , en effet , de vouloir s'incorporer , pour ainsi dire , les biens que
l'on n'a pas, ou de se séparer de ces biens, lorsqu'ils font, pour ainsi
dire, partie de notre corps; car, d'un côté, on les rejette comme quel-
quelque chose d'étranger ; de l'autre , on ne s'en sépare que comme
des membres qu'il faut retrancher. — Orig. D'après le récit évangé-
lique , ce jeune homme est digne d'éloges pour n'avoir commis ni
meurtre, ni adultère, mais il est lilàmable de s'être attristé des paroles
de Jésus-Christ, qui l'appelait à la perfection. Il était jeune encore
dans son âme^ et c'est pour cela qu'il abandonna le Sauveur et s'en
alla.
y. 23-26. — Et Jésus dit à ses disciples : Je vous dis en vérité qii'wi riche
entrera difficilement dans le royaume des deux. Je vous le dis encore une
fois : Il est plus aisé qu'un chameau passe par le trou d'une aiguille, qu'il ne
l'est qu'un riche entre dans le royaume des deux. Ses disciples, entendant
ces paroles, en furent fort étonnés; et ils disaient : Qui pourra donc être
(I*) Dans toutes les éditions de la Chaîne d'or on lit abjectio dimtiarum, ce qui n'a ici aucun
sens pour accessio divitiarum d'après le texte grec ■rrpoffô'ifixii è7tEtî7tovTwv.
tis.» Hœc est tristitia quae ducit ad mor-
lem : causaque Iristitiœ redditur : « Erat
enim liabens multas possessiones, » id
oii, spinas et tribulos, quae sementem
domiuicam suffocaverimt. Curys. {in
liom. 03 ulsup.) Non enim simililer de-
liueutur qui pauca liabent, et qui multis
aijuudaiit; quoniam accessio divitiarum
niajorem acccudit Hammam, et violen-
tior fit cupido. AuG. {in Epistola ad
Paulinutn et Theresiam, Epist. 34.) Nes-
cio auîeni quomodo cum superllna ter-
rena diliguntur, arctius adepta quam
concupita constriuguut : uam unde ju-
veuis isle tristis discessit, nisi quia mag-
nas habel)al divilias ? Alind est euim nolle
incoriiorarc quai desunt, aliiul jam in-
corporata divellere : illa enim velut ex-
tranea repudiantur, ista velut membra
prœcidunlur. Orig. {iit sup.) Secundum
historiam autem iste adolcscens lauda-
bilis quidem est, quia non oecidit, non
adulteratus est; vituperabilis autem,
quia contristatus est in vcrbis Christi vo-
cantibus e\im ad perfectionem : adoles-
cens quippe erat secundum animam, et
propterea relinquens Christum abiit.
Jésus autem dixit discipulis suis: Amen dico vo-
bis, quia diues difficile intrabit in regnum cœ-
lorum. Et itcrum dico vobis, facilius est ca-
melum per for amen acus transire, quam. divi-
tem intrare in regnum cœlorum. Auditis autem
his, discipuli mirabantur valdc dicentes : Quis
ergo poterit salvus esse ? Aspiciens autem
536 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
sauvé? Jésus, les regardant, leur dit : Cela est imposuble aux hommes, mais
tout est possible à Dieu.
La Glose (1). Notre-Seigneur prend occasion de cet avare, dont il
vient d'être question, pour parler de tous ceux qui sont esclaves de
l'avarice : a Et Jésus dit à ses disciples : Je vous le dis en vérité, » etc.
S. CiiRYs. {ho)n. 63.) Ce ne sont point les richesses qu'il accuse ici,
mais ceux qui s'en rendent esclaves , et il enseigne en même temps à
ses disciples, qui étaient pauvres, à ne pas rougir de leur pauvreté.
— S. HiL. [can. 10.) Ce n'est point un crime d'avoir des richesses,
mais il faut les posséder avec modération ; en effet , comment pourra-
t-on soulager les nécessités des saints {Rom., xii), si l'on ne garde pas
de quoi venir à leur secours? — Rab. Mais il y a une grande diffé-
rence entre posséder les richesses et aimer les richesses ; or , le plus
sûr est de ne pas les avoir et de ne pas les aimer. — Rémi. Aussi le
Seigneur, expliquant lui-même, dans saint Marc, le sens de ce pas-
sage déclare « qu'il est difficile à ceux qui mettent leur confiance
dans les richesses , d'entrer dans le royaume des cieux. » Ils mettent
leur confiance dans leurs richesses en y plaçant toutes leurs espérances.
— S. JÉR. Gomme il est difficile de mépriser et de sacrifier les ri-
chesses qu'on possède, Notre-Seigneur ne dit pas qu'il est impossible,
mais qu'il est difficile à un riche d'entrer dans le royaume des cieux ,
la difficulté n'emporte pas l'impossibilité , mais indique seulement la
rareté du fait. — S. Hil. {can. 19.) C'est une chose pleine de dangers
que de vouloir s'enrichir , et l'innocence qui cherche à accroître ses
richesses, se charge d'un lourd fardeau. Dans le service de Dieu (2),
(1) Dans saint Anselme.
f2) Dans presque tous les exemplaires de saint Hilairc, on lit famulatus Dei , le service de
Dieu ; ne serait-il pas plus rationnel de lire fmnulus Dei, le serviteur de Dieu ?
Jésus, dixit illis : Apud homines hoc impossi-
bile est; apud Deum autem omnia possibilin
sunt.
Glossa. Occasione hujusavari, de quo
prsedictum est, habuit sermouem Domi-
nus de avaro : unde sequitur : « Jésus
aulem dixit discipulis suis : Amen
dico, » etc. Cfjrys. {in tiom. 04 ut sup.)
Quod quidem dixit, non pecuniisquidem
detrahens, sed eis qui detineulur ah ip-
sis ; et discipulos pauperes existentes
monens non verecundari ob inopiani.
HiLAR. {Can. 19 ut sttp.) Ilabere enini di-
vilias crimen non est, sed raodus in ha-
hendo relinendus est : nam quoniodo
coninumicandumost neccssilalibus sanc-
toruui, si connnunirandi niateria luin
relinquitur ? Raua. Sed intcr « pecuuias
habere, et pecunias amare, » nonnulla
distantia est : tutius autem est nec ha-
bere, nec amare divitias. Remig. Unde
Dominus in Marco exponens hujus loci
sensum, dixit {Marc. 10) : « Difticile est
conlidentihus in divitiis iutrare in reg-
num cœlorum : » illi enim in divitiis
coniiduut, qui omnem suam spem in di-
vitiis collocant. Hier. Quia vero divitioe
hahitœ difticile coutemuuntur, non dixit
quod « impossihile est divitem intrare
in repnum cœlorum, » sed difficile ; ulii
difficile ponitur, non impossihihtas pra?-
tenditur, sed raritas demonslratur. Hi-
LAR. {Can. 10 lit Slip.) Periculosa enim
cura est velle ditescerc, et pravc omis
innocentia subit incrementis opum occu-
pala : rem enim seculi famulatus Dei non
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIX. 537
on ne peut acquérir les biens du monde , sans s'exposer à contracter
les vices du monde, et c'est ce qui rend difficile aux riches l'entrée du
royaume des cieux.
S. Chrys. {hom. 63.) Après avoir déclaré qu'il était difficile à un
riche d'entrer dans le royaume des cieux , Notre-Seigncur entreprend
de prouver que cette difficulté va même jusqu'à l'impossibilité : « Je
vous le dis encore une fois, il est plus aisé à un chameau de passer
par le trou d'une aiguille, qu'à un riche d'entrer dans le royaume des
cieux (1). » — S. Jér. D'après ces paroles , personne , ce semble, ne
pourra être sauvé. Mais si nous lisons dans le prophète [saïe(chap. xxv),
comment les chameaux de Madian et d'Epha se rendent à Jérusalem
chargés de dons et de présents, et comment ceux qui étaient courbés
et contournés sous le poids des vices , entrent par la porte de cette
cité, nous comprendrons comment ces chameaux , qui sont la figure
des riches, pourront entrer par la voie étroite et resserrée qui conduit
à la vie, après s'être déchargés du poids si lourd de leurs péchés et de
toute la dépravation des sens. — S. Ciirys. {sur S. Matth.) Les âmes
des païens sont comparées ici à des chameaux mal conformés , et qui
sont courbés sous la bosse de l'idolâtrie , car c'est la connaissance de
Dieu qui relève les âmes. L'aiguille, c'est le Fils de Dieu, dont la pre^
mière partie, celle qui représente sa divinité, est d'une finesse extrême,
tandis que l'autre partie , qui figure son humanité , est beaucoup
(1) Faire passer un éléphant par le trou d'une aiguille était chez les Juifs une expression pro-
verbiale, pour exprimer une chose impossible. Mais cette image devait d'ailleurs se présenter
d'autant plus facilement ici, que Jésus et ses disciples se trouvaient sur la grande route que pre-
naient les caravanes pour aller en Arabie, et que traversent continuellement des chameaux
chargés de marchandises — Les paroles de Notre-Seigneur renferment encore un autre sens
plus large et plus profond, qui nous est aussi indiqué par la tradition. Nous lisons en effet dans
les livres du rabbin : a Ouvrez-moi , dit Dieu le Seigneur, ouvrez-moi la porte du repentir pas
plus large seulement que le trou d'une aiguille, et je vous ouvrirai les portes de la miséricorde si
larges, que vous pourrez y entrer sur un char attelé de quatre chevaux." (Midrasch sehir haschi'
rim, in cap. v cantic.) Mais les siens ne l'o nt pas reçu , et les enfants des hommes n'ont point
fait pénitence ; c'est pour cela que la porte du ciel est devenue étroite comme le chas d'uno
aiguille. {Hist. de N.-S. J.-C, par le docteur Sepp.)
sine seculi vitiiâ assequetur:hinc difficile
est divitem regaiim cœloruui adiré.
Chrys. (in hom. 31 ut sup.) Quia vero
dixerat difficile divitem intrare in res-
nuui, procedit'id osteudendum quod est
intpossibile: unde sequitur : « Et iteruni
dico vobis, facilins est camelum per fora-
inen acns transire quam divitem intrare
in repniim ccelorum. » Hier. Seciiudum
hoc nuUus divitum salvus erit. Sed si
leganuis Isaiam (cap. 30), quomodo ca-
meli Madian et Epha veniant ad lliero-
solymam cnm donis atque muncribus, et
qui quondam curvi eraut et vitiorum
gravitate distorti , ingrediantur portas
Hierusalem, videbimus quomodo et isti
cameli, quibus divites comparantur, cum
deposuerunt gravent sarciuam peccato-
rum ettotius cor[)oris pravilatem, intrare
possunt por angustam et arcfam viam
([uo! ducit ad vilam. Chrys. [snp. Maltli.
in opère imper f.nt sup.) Gentium etiam
aniniin assimilatœ simt tortuosis camelis ,
in quibus eratgibbusidololatria^;quouiam
cognitio Dei erectio est animaruni. Acus
autem est Filins Dei, cujus prima pars
subtilis est secuudum Divinilatem, alia
vero groosior secuudum iucarualionem
538
EXPLICATION DE L EVANGILE
moins aiguisée. Or, cette aiguille, dans toute sa longueur, est droite,
et ne présente aucune déviation, et c'est par la blessure qu'elle a faite
dans la passion, (|ue les Gentils sont entrés dans la vie éternelle. C'est
cette aiguille qui a cousu la tunique de l'immortalité ; c'est cette
aiguille qui a cousu et uni la chair à l'esprit , c'est elle qui a uni le
peuple juif au peuple des Gentils ; c'est elle_, enfm , qui a établi des
liens étroits entre les anges et les hommes. Il est donc plus facile aux
Gentils de passer par le trou de l'aiguille, qu'aux Juifs qui se croient
riches, d'entrer dans le royaume des cieux ; car si l'on ne peut arra-
cher les Gentils qu'avec peine au culte insensé des idoles , combien
sera-t-il plus difficile de détacher les Juifs des cérémonies du culte
du vrai Dieu, cén'-imonies si conformes à la raison. — La Glose (1). On
donne encore cette autre explication , qu'il y avait à Jérusalem une
porte qu'on appelait le trou de l'aiguille, et par laquelle un chameau
ne pouvait passer qu'après avoir déposé son fardeau et plié les ge-
noux. C'était le symbole de cette vérité , que les riches ne peuvent
entrer dans la voie étroite qui conduit à la vie , qu'après s'être dé-
chargés des souillures de leurs péchés et de leurs richesses, en cessant,
du moins, de les aimer. — S. Grég. [Moral., xxxv, 11.) Ou bien, sous
le nom de riches, Notre-Seigneur veut que nous entendions tout homme
orgueilleux , et sous celui de chameau, ses humiliations personnelles.
Le chameau passe par le trou de l'aiguille , lorque notre Rédempteur
a pénétré jusqu'à la mort par la porte étroite et resserrée de ses souf-
frances, souffrances qui ont été pour lui comme une aiguille, parce
qu'elles ont transpercé son corps de douleur. Or, le chameau passe
par le trou d'une aiguille, plus facilement que le riche n'entre dans le
royaume des cieux , parce que si Jésus n'avait commencé par nous
(1) Saint Anselme.
ejus : tota autcm recta est, et nullam
habct dcflexionem, per cujus vulnus pas-
sionis, gentes ingrcssa) sunt iu vitam
.■Btornam : hac acu consuta est inimorta-
lilatis tunica : ipsa est acus quae spiritui
cniisuit carnem : hrec acus judaicum
populnm junxit et gentium : liœc acus
amicitiaui aûgelorum et hominum copu-
lavit. Facilius est crfïo Gcntiles transire
per foramen acus, <iuain divites .Tad:fos
intrare iu regnum cœloruni : si euini
pentes cum tauto labore divellunlur ab
irralionabilibusidolorum cultnris, quanti >
niau;is .ludaM divellnntnr a rationabilibus
l)ei cnlturis? Glossa. Aliter dicilur, (piia
IliorDsolyinis quaHlam porta erat, qna;
foramen (ini.s dic^'lialiir, pi^r quani ca-
melus (nisi deposito onere et flexis ge-
nihus) transire non poterat, per quod
siiinificatur divites non posse transire
viam arctam (juœ ducit ad vitani, nisi
surdibus peccatorum et divitiis depositis,
salteni non amando. Greg. (XXXV Mo-
ral, cap. 11.) Vel nomine divitis queui-
libet elatum, cameli appellatione pro-
priam condesceusionem signiticat. Ca-
nielus autem per foramen acus transit,
cuui Rcdeniptor noster usque ad susccp-
tiouem mortis per angustias passionis
iiilravit; quœ passiovelut acus extitit,
quia ilùlore corpus pupuiiit. Facilius au-
t(Mn cauiclus foramen acus quani divos
regnum cœlorum iu;,'reilitur, quia nisi
i[ise lu'ius ]ici' passiouem suam formam
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIX. îî39
donner l'exemple de l'humilité dans sa passion, jamais notre or-
gueilleuse raideur n'aurait voulu s'abaisser jusqu'à son humi-
lité.
S. Chrys. {hom. G3.) Ces paroles jettent le trouble dans l'àme des
Apôtres (jui, cependant, menaient une vie pauvre ; mais ils sont in-
quiets pour le salut des autres , et ont déjà les entrailles paternelles
qui conviennent aux docteurs et aux maîtres des nations. îls lui disent
donc : « Qui pourra être sauvé ?» — S. Aug. [Qucst. évayir/., i, 2G.)
Comme le nombre des riches est peu considérable en comparaison de
la multitude des pauvres , nous devons comprendre <iue les disciples
mettaient au nombre des riches tous ceux qui désirent les richesses.
— S. Chrys. {hom. 63.) Notre- Seigneur montre ensuite que c'est là
l'reuvre de Dieu, et qu'il faut à l'homme une grâce signalée pour se bien
diriger au milieu des richesses (1). Aussi l'Evangéliste ajoute : « Or,
Jésus, les regardant, leur dit : Cela est impossible aux hommes,
mais tout est possible à Dieu. » Il nous fait remarquer que Jésus re-
garde ses disciples pour signifier que par ce regard plein de bonté, il
veut enhardir leur timidité. — Rémi. Il ne faut pas, toutefois;, en-
tendre les paroles du Sauveur , en ce sens qu'il soit possible à Dieu de
faire entrer dans le royaume des cieux un riche cupide , avare et su-
perbe, mais qu'il le convertira d'abord pour qu'il puisse y entrer. —
S. Chrys. {ho}?i. 64.) Et s'il s'exprime de la sorte, ce n'est pas pour
que vous vous découragiez et que vous vous arrêtiez comme devant
une impossibilité ; mais afin, qu'étant bien convaincu de la grandeur
de l'entreprise , vous franchissiez cet obstacle (2) en recourant à Dieu
par la prière.
(1) Le grec porte tw (xé/.XwvtU toûto y.aOopTOÙv , pour bien diriger cette œuvre.
(2) àlV tva... sîTiTTrioriOTTiç paoîwç, afin que vous sautiez facilement par-dessus.
nobis Inmiilitatis ostenderet, nequaquam
se ad humilitatem ipsius superba nostra
rigiditas incliuaret.
CnuYs. [in liom. 64 ut s«p.)Discipuli
autem inopes existenles turbantur pro
sainte alioruui dolentes, et doclorum
jam viscera assumeutes : unde sequitur :
« Quis crgo poterit salvus esse? » Aug.
(de Quxst. Evancj. lib. i, cap. 2G.) Cuui
auteni paucL sint divites in comparatione
nniltitudiuis pauperum , intelligendiim
est quod omnes qui divitias cupiunt, in
diviliuii numéro haberi discipuli animad-
vertcrunt. Chrys. {in hom. Gi lit snp.)
Uei autem opus lioc esse consequentor
oslendit, quoniam multa opus est gralia,
ut homo in divitiis dirigatur : unde se-
quitur : « Aspiciens autem Jésus dixit
eis : Apud homines hoc impossibile est ;
apud Deum autem omuia possibilia
suut. » Per hoc quod dicit, aspiciens,
significat Evangelista quod mansueto
oculo timidam corum mentem mitigavit.
Remig. Non autem hoc sic intelligendum
est, quod possibile sit apud Deum, quod
dives, cupidus, avarus et superbus intret
in regnum cœlorum ; sed ut converta-
lur, et sic intret. CiiRYS. (in homil. G4 ut
Aî//>.)Neque etiam hoc ideo dicitur, ut
resnpinus jaceas, et sicut ab impossibi-
libus abstineas ; sed magniludinem jus-
tilirc considerans, iusilias Deum rogaus.
540
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
f. 27-30. — Alors Pierre, prenant In parole , lui dit : Pour nous autres, vous
voyez que nous avons tout quitté, et que nous vous avons suivi; quelle sera
donc notre récompense ? Et Jésus leur dit : Je vous dis en vérité que pour
vous, qui m'avez suivi, lorsqu'au temps de la régénération le Fils de l'homme
sera assis sur le trône de sa gloire , vous serez aussi assis sur douze trônes , et
vous jugerez les douze tribus d'Israël. Et quiconque aura quitté pour mon
nom sa maison ou ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa
femme, ou ses enfants, ou ses terres, en recevra le centuple, et aura pour héri-
tage la vie éternelle. Mais plusieurs qui avaient été les jrremiers seront les der-
niers; et plusieurs qui avaient été les derniers seront les premiers.
Orig. {traité 9 sur S. Matth.) Pierre avait entendu ces paroles du
Sauveur : « Si vous voulez être parfait, allez, vendez tout ce que vous
avez, et donnez-en le prix aux pauvres.» Il vit ensuite ce jeune homme
s'en aller tout triste, et combien il était difficile pour un riche d'entrer
dans le royaume des cieux. Il interroge donc le Sauveur avec con-
fiance, comme un homme qui a consommé une œuvre difficile ; car
si son frère et lui ont quitté des choses de peu d'importance, Dieu ne les
a pas estimées de la sorte, mais il a considéré la perfection de l'amour
qui a été le principe de leur détachement , et qui leur aurait fait sa-
crifier les plus grandes richesses , s'ils les avaient possédées. Aussi je
pense que c'est en se fondant plutôt sur les sentiments de son cœur
que sur la valeur des choses qu'il a quittées , que Pierre s'adresse au
Sauveur avec tant de confiance : « Alors Pierre , prenant la parole,
lui dit : Voilà que nous avons tout quitté. »
S. Ghrys. {hom. 63.) Quelles sont donc toutes ces choses , ô bien-
heureux Pierre! une ligne, un filet, une barque. Il dit ; « Nous
avons tout quitte, » en parlant de ces choses, non pas, sans doute,
Tune respondens Petrus dixit ci : Ecce nos reli-
quimus omnia, et secuti sumus te. Quid erijo
erit nobis ? Jésus autem dixit illis : Amen dico
vobis, quod nos qui secuti estis me, in regene-
rationc cum sedcrit Filius hominis in sede ma-
jestatis suœ, sedehitis et vos supei- scdcs duo-
decimjudicantcs duodecim tribus Israël. El
omnis qui reliquerit domum, vel fratres, aut
sorores, nul patrem, aut niatrem, aut uxorem,
nul /ilios, aut ar/ros propter nomcn meum,
rcniupliini arcipief, et vitam œternam pnssi-
debit. Multi autcni crunt primi novissimi, cl
nouissimi primi.
Orig. [Tract. î), in Matth.) AnditM-at
Petrus vcrbnm Uomini dioenlis : « Si
vis porfr^rlus osse, v;ul(\, et vnndo oiiinia
(|aii> iiiihos. » Deiudo coMsidnravil ado-
lesccutcm ciuu Irisliliaabeuulcni, cl dil-
fieultulem divilum iugrediendi in rejp;-
uiim cœlonim : ideo quasi qui nou faci-
lem rem coiisummaverat, flducialiter
quœsivit : et si euim miniina cum fratre
reliquil, sed non minima œstiniata sunt
apud Deum, considerantem quouiam ex
taata plouitudine dilectionis illa minima
rorKiueruut, uletiam simultas habuisscnt
possesioncs, omnia reliquissont. Kt piito
quod masis Petrus confidens de affecin
suo, (piam de ipsa quantitate rernm re-
lictaium, liducialiler inlerroiïavit : undi'
dicitur : « Tune respondens Petrus, dixit
ei : Ecce nos reiiquimus omnia. »
CiiRYS. {in liomil. (>j in Matth.) Qua-
lia omnia, o béate Pelre ! aruudinem ,
rclc, uavigium. Omuia quidem hsec di-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIX. 541
pour en rehausser le prix (t), mais pour inspirer de la confiance au
pauvre peuple qui l'entend. Car le Seigneur ayant dit : « Si vous vou-
lez être parfait, vendez tout ce que vous avez, » etc., les pauvres pou-
vaient répondre : Mais quoi , nous ne possédons rien , nous ne pou-
vons donc être parfaits ? Or, Pierre fait cette question , afin que vous
qui êtes pauvre vous ne vous croyiez ici inférieur en rien à ceux qui
sont riches ; car celui qui avait reçu les clefs du royaume des cieux,
espère avec confiance les autres biens que le ciel renferme, et c'est au
nom de l'univers tout entier qu'il interroge son divin Maître. Or, con-
sidérez comme il répond avec précision aux deux conditions exigées
par Jésus-Christ. Le Sauveur a demandé deux choses à ce riche, de
donner aux pauvres tout ce qu'il avait, et de le suivre ; c'est pourquoi
Pierre ajoute : « Et nous vous avons suivi. » — Orig, C'est-à-dire,
d'après la révélation que le Père a faite ù Pierre , que Jésus était son
Fils, nous vous avons suivi , vous qui êtes la justice , la sanctification
et toute vertu semblable. Il demande donc comme un athlète qui est
vainqueur, quel sera le prix du combat.
S. JÉR. Comme en effet il ne suffît pas de tout abandonner, Pierre
ajoute ce qui est le caractère propre de la perfection : « Et nous vous
avons suivi. » Nous avons fait ce que vous avez ordonné ; quelle sera
donc notre récompense ? C'est ce que signifient ces paroles : « Que
nous sera-t-il donc donné ? » Or, Jésus leur dit : « Je vous le dis en
vérité^ que pour vous qui m'avez suivi, » etc. — S. Jér. Il ne dit pas :
«Pour vous qui avez quitté toutes choses, » car c'est ce qu'a fait le philo-
sophe Cratès (2), et beaucoup d'autres qui ont méprisé les richesses ;
(1) Ou bien, par un spntiment de vanité, d'après le sens du mot grec çt),OTi|xtav , qui signifie
amour de l'honneur.
(2) C'est ce philosophe qui a prononcé ces belles paroles , en jetant tout son or dans la mer :
a Allez, mauvaises passions, je vous précipite et vous submerge au fond de la mer pour ne pas
cit, non propter niagnificentiam , sed ut
per interrogationem banc inopem indu-
cat plebem : quia enim Dominus dixe-
rat : « Si vis perl'ectus esse, vende om-
nia, » etc., ne dicat aliquis inopum :
« Quid igitur? si non liabuero, nonpos-
sum esse perfeclus ? » inlerrogat Petrus
ut tu inops discas quoniam in uullo bic
diminutus es. Oui eniiu claves regni
oœlorum acceperat, pro bis qua; ibi sunt
jam confidit, et pro orbe terrarum uni-
verso inlerrogat. lutuere auteni et quo-
modo respondet dibgenter sicut Christus
inquisivit : etenim Cbristus duo a divite
expetiit, dare pauperibus quœ babebat ,
et sequi se : propter boc ipse addit :
« Et secuti sumus le. » Orig. (m^ mp.)
l'otest dici secundum omnia quae Pater
revelavit Petro esse filium suum ; secuti
sumus te jnstitiam, sunclificationem,
et bujusmodi : propter boc quasi victor
atbleta inlerrogat quae sint prœmia cer-
taminis.
Hier. Quia ergo non sufficit tantum
relinquere, jungit quod perfectum est :
« Et secuti sumus le ; » fecimus quidem
quod jussisti : <juid ergo nobis dabis
prœmii? Et boc est quod dicitur : « Quid
ergo erit nobis ?» Sequitur : «Jésus autem
dixit illis •: Amen dico vobis quod vos
qui secuti estis me, » etc. Hier. Non
dixit : Qui reliquistis omnia (lioc enim
et Crates pbilosopbus fecit, et multi aUi
divitias contempserunt) , sed , « qui se-
542
EXPLICATION DE L EVANGILE
mais : « Pour vous qui m'avez suivi, » ce qui est le caractère propre des
Apôtres et des vrais fidèles. — S. Hil. {caîi. 20.) Les Apôtres ont suivi
Jésus-Christ dans la régénération, c'est-à-dire dans les eaux du bap-
tême et dans la sanctification que donne la foi; c'est cette régénération
que les Apôtres ont suivi et que la loi n'avait pu leur donner. —
— S. Jér. Ces paroles du Sauveur peuvent encore recevoir cet autre
sens : « Vous qui m'avez suivi , vous serez assis au jour de la régé-
nération, » c'est-à-dire lorsque les morts ressusciteront incorruptibles
du sein de la corruption (I Corùith., xv), vous serez assis sur les trônes
des juges pour condamner les douze tribus d'Israël, parce que, té-
moins de votre foi, elles ont refusé d'en être les imitateurs. — S. Aug.
(Cité de Dieu, xx, 5.) Car votre corps sera régénéré par le don de l'in-
corruptibilité, comme votre àme rera régénérée par la foi. — S. Chiiys.
{sur S. Matth.) Les Juifs auraient pu dire au jour du jugement :
« Seigneur, en vous voyant revêtu d'une chair mortelle, nous n'avons
pu vous reconnaître pour le Fils de Dieu. Et qui, parmi les hommes,
pouvait voir ce trésor caché dans la terre_, ce soleil couvert de nuages? »
Mais les disciples répondront : « Et nous-mêmes , nous étions des
hommes du peuple, sans instruction ; vous , au contraire , vous étiez
des prêtres et des scribes; mais notre volonté droite a été comme une
lampe qui a éclairé notre grossière ignorance, tandis que votre mahce
a été comme un nuage qui a couvert de ténèbres toute votre science.
S. Chrys. {hom. 64.) Il ne dit pas : Pour juger les nations de l'uni-
vers, mais : a Pour juger les tribus d'Israël , » parce que les Juifs et
les Apôtres avaient été élevés suivant les mêmes lois et sous les mêmes
être submergé par vous. i> C'est par erreur que quelque copiste malhabile avait mis le nom de
Socrate au lieu de celui de Cratès, qu'il ne connaissait pas.
cuti estis me : » quod proprie apostolo-
rum estatque credentium. HiLAR. {Can.
20 in Matth.) Secuti sunt quidem dis-
cipuli Christum iu regeneratione, id est,
iu lavacro baptismi, iu fidei sauctiiîca-
tione : haec enim illa regeiieratio est,
qiiam apostoli suut secuti, quaiu lex iu-
dulgere nou potuit. Hier. Vel aliter dé-
bet construi : « Vos qui secuti estis me,
sedebitis in regeueratione , » id est ,
quaudo mortui ex corruptioue résurgent
incorrupti (1 Corintlt., 15) , sedebitis et
vos in soliis judicantium coudemnaules
duodecim tribus Israël ; quia vobis cre-
deulibus illi credere noluerunt. Ace. (XX
de C'iv. Dei, cap. 5.) Sic cnim caro ves-
tra regenerabitur per iucorruplionein,
quemadmoduui auiuia vestra regenera-
bitur per fidem. Ciïrys. [Sup. Matth. in
opère imperf. hom. 33.) Futurum enim
erat ut die judicii responderent Juda-i :
« Domine, non te cognovimus Filiuui
Dei in corpore constitutum : quis homi-
uum videre poterat thcsaurum in terra
abscouditum, solem uube celalum? Res-
pondebunt ergo discipuli : « Et nos bo-
ulines fuimus rusliciet obscuriiu plèbe;
vos sacerdotes et scribai ; sed in uobis
bona voluutas facta est quasi luceriia
rusticitatis nostraî ; in vobis autem ma-
litia facta est quasi caligo scientiœ ves-
trœ. »
Chrys. {In homil. G5 nt sup.) Propter
lioc autem nou dixit : « Et génies in orbe
terrarum , sed tribus Israël ; » quia in
cisdem erant educali, et legibus, et cou-
DE SAINT MATTHIEU, CIIAP. XIX, 543
institutions. Aussi lorsque les Juifs viendront dire : Nous avons refusé
de croire au Christ , parce que la loi le défendait, on leur opposera
les disciples de Jésus, qui ont reçu et observé la môme loi. Mais on
dira peut-être : Quelle si grande récompense leur a-t-il promise, s'ils
ne doivent recevoir que ce que la reine du Midi et les Ninivites rece-
vront eux-mêmes ? Il leur a déjà promis et il leur promettra encore
d'autres récompenses hicn plus magnifiques, mais ici-môme il inditjue
que ce qui leur est destiné est bien supérieur à ce que recevront les
Ninivites. En parlant de ces derniers , il dit simplement qu'ils se
lèveront contre cette génération pour la condamner, mais lorsqu'il
s'agit des Apôtres, il s'exprime en ces termes : « Lorsque le Fils de
l'homme siégera sur le trône de sa gloire, vous serez assis vous-mêmes
sur douze trônes, » etc. Il est donc certain qu'ils partageront et sa
royauté et sa gloire. C'est cet honneur et cette gloire qui sont figurés
ici par les trônes. Or, comment s'est accomplie cette promesse? Est-ce
que Judas siégera aussi avec les autres Apôtres ? Non, assurément,
car voici la loi que le Seigneur a établie par le prophète Jérémio :
« Je me déclarerai en faveur d'une nation ou d'un royaume pour l'é-
tablir et pour l'affermir , mais si ce royaume ou cette nation pèche
devant mes yeux, je me repentirai aussi du bien que j'avais résolu de
lui faire; » c'est-à-dire : S'ils se rendent indignes de mes promesses,
je me garderai bien de les accomplir. Or , Judas s'est rendu indigne
de l'honneur qui lui avait été promis. Aussi n'est-ce pas sans condi-
tions que le Sauveur fait cette promesse à ses disciples ; car il ne dit
pas d'une manière absolue : « Vous serez assis, » mais il fait précéder
ces paroles de celles-ci : « Vous qui m'avez suivi, » paroles qui
excluaient Judas, et qui attiraient à lui ceux qui devaient plus tard
marcher à sa suite ; car ce n'était ni aux disciples seuls , ni à
suetudinibus Apostoli et Judœi. Cum
eri,'o dixerint Jiidaei quoniam « propter
lioc non pbtuimus credere Christo , quia
lex proliibuit, » discipuli in médium iu-
duceulur, qui eamdem siisceperunt le-
gom. Sed dicet aliquis : « Quid magnum
promisit cis, si id quod Ninivitce habeut,
et regina Austri, hoc et ipsi babebunt?»
Maxima (juideni aliaprœmia ante et post
ois promiUit; sed et bic occulte iusiuuat
ali(iuid plus illis : de illis euim simpli-
citer dicit, quod « surgent et condem-
nabuut geueratiouem banc ; » de bis au-
tem : « Cum sederit Filius bomiuis, se-
debitis et vos. » Manilestum est ergo
<[uod coiiregnabuut et communicabunt
in gloria illa ; bonorem enim et gloriam
inelTabllem significavit per lliroiios. Oua-
liter autem liaec promissio compléta est?
Nunquid euim et Judas sedebit? Nequa-
quam : lex enim a Domino posila est
per Hieremiam propbetam {cap. 18) :
« Loquar super gentem et reguum, ut
œdificem et plantem illud ; sed si fecerit
malum in conspcctu meo, pœuitebo et
ego de bonis quai locutus sum, ut face-
rem eis ; » quasi dicat : « Si indiguos
seipsos promissione faciant, non adbuc
faciam quod promisi : » indignuni autem
seipsum priucipatu Judas ostendit : et
propter boc tune loqueus discipulis, non
simpliciter eis promisit : neque- euim
dixit : « Vos sedebitis ; d sed adjunxit,
« qui secuti estis me; » ut et bine Ju-
dam excludat, et cos qui postea futiiri
orant, attraberet ; non euim ad illos su-
544
EXPLICATION DE L EVANGILE
Judas, qui s'en était déjà rendu indigne, que Noire-Seigneur les
adressait.
S. HiL. [can. 20.) Jésus-Christ, en plaçant ses Apôtres sur douze
trônes pour juger les douze tribus d'Israël, les associe à la gloire des
douze patriarches (1), et nous devons conclure de ce passage que Jésus
doit juger un jour, assisté de ses disciples. Aussi dit-il aux Juifs dans
un autre endroit : « C'est pourquoi ils seront vos juges. » {Matth., xii ;
Luc, XI.) Nous ne devons pas croire, toutefois, que ces douze hommes
seront les seuls qui jugeront avec lui, parce qu'il est question de douze
trônes sur lesquels ils seront assis ; le nombre douze représente ici la
multitude de tous ceux qui seront associés à ce jugement, parce qu'il
est composé des deux parties du nombre sept , qui signifie souvent
l'universalité des choses; en effet, ses deux parties, trois et quatre,
multipliées l'une par l'autre , donnent le nombre douze. D'ailleurs,
l'apôtre saint Mathias ayant été élu pour remplacer le traître Judas ,
il s'ensuivrait donc que l'apôtre saint Paul, qui a travaillé plus que
les autres, ne trouverait plus de siège pour juger, lui qui nous déclare
qu'il doit un jour faire partie du nombre des juges avec les autres
saints : « Tgnorez-vous que nous jugerons les anges? » — S. Aug.
{de la pé?iit.) (-2). Tl faut donc placer au nombre de ceux qui jugeront
alors avec Jésus-Christ , tous ceux qui ont abandonné leurs biens et
suivi le Seigneur. — S. Gré&. {Moral., x, 37.) Tout homme, en effet,
qui pressé par l'aiguillon de l'amour divin, aura sacrifié tout ce qu'il
(1) Ils deviennent les juges des douze tribus dont les patriarches ont été les pères.
(2) La dernière homélie du livre des cinquante homélies, qui est intitulée : De la nécessité et
de l'utilité de la pénitence , et que Bède appelle : Le Livre de la Pénitence, dans son explication
de la le Epître aux Corinthiens, chap. v et vi.
los dictum est ; neque ad Judam jam
indignum effectum.
HiLAR. {Can. 20 ut sup.) Sequela ergo
Cbristi aposlolos super diiodecim Ihro-
uos in jiidicandis diiodecim tribubus
Israël, iu diiodecim patriarcliariim glo-
ria copulavit. Auu. (XX de Civit. Dei,
cap. j.) Ex lioc eiiim loco discimus cum
suis discipulis judicaturum Jesum ; uude
et alibi Judœis dicit {Matth. xii, et Jmc.
Il) : « Ideo judices vestri eruut. » Nec
quoniam super duodecim sedes sessuros
esse ait, diiodecim solos homiues euui
ipso judicaturos putare debemus : duô-
deuario quippe numéro universa quie-
dam signilicata est judicaulium muUi-
ludo, propler duas partes niimeri scp-
leiiarii quo siguiticatur plerumque iini-
versitas : quse duae partes (id est, très et
quatuor) altéra per alteram niultipli-
catœ, duodecim faciunt : alioquiu quo-
niam in locura Judœ Iraditoris aposto-
lum IMattbiam legimus ordinatuui, apos-
tûlus Paulus qui plus omnibus illis labo-
ravit, ubi ad judicandum sedeat nou ba-
bebit : qui profecto cum aliis sauctis ad
numerum judicum se pertinere demons-
trat, cum dicit (I Cnrinih., G) : « Nesci-
tis quia angelos judicabimus?» Al'G. {in
lib. de pœnUentia.) in boc ergo numéro
judicantium omues iutelliguntur, qui
propt^r Evangeliuiii sua omuia dimise-
ruiil ,\el sccuti sunt Dominum. GuEi;.
(X Moral., cap. 'M.) Quis(iuis euim sti-
mulo diviui amoris excitatus Jiic jios-
sessa reliquerit, illic proculdubio cul-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIX. 545
possédait, parviendra au faîte de la puissance judiciaire , et exercera
les fonctions de juge avec le juge souverain, parce qu'il a embrassé ici-
bas les rudes privations de la pauvreté volontaii-c
S. AuG. {Cité de Dieu, xx, 5.) Il faut entendre de la même manière
le nombre douze, appliqué à ceux qui doivent être jugés , car de ce
que le Sauveur dit : « Pour juger les douze tribus d'israél, » il ne
s'ensuit pas que la tribu de Lévi ne sera pas soumise à ce jugement,
ou que le peuple juif seul sera jugé à l'exclusion des autres peuples.
— S. CiiRYs. [sur S. Matth.) Ou bien encore , par ces paroles : « Au
temps de la régénération, » Notre-Seigneur a voulu exprimer ces pre-
miers temps du christianisme qui suivirent immédiatement son ascen-
sion ; car les hommes furent alors régénérés par le baptême, et c'était
le temps où lui-même était assis sur le trône de sa majesté. Et re-
marquez que ces paroles s'appliquent , non pas au jour du jugement
dernier, mais à la vocation de tous les peuples, car le Sauveur ne dit
pas : « Lorsque le Fils de l'homme viendra , assis sur le trône de sa
majesté, mais au temps de la régénération , lorsqu'il s'assiéra sur le
trône de sa majesté. C'est ce qui arriva lorsque les nations commen-
cèrent à croire en J(îsus-Christ , selon ces paroles du Roi-Prophète :
« Le Seigneur régnera sur les nations , le Seigneur est assis sur son
trône qui est saint. » {Ps. xlyi.) Alors aussi les Apôtres furent assis
sur leurs douze trônes, c'est-à-dire dans le cœur de tous les chrétiens;
car tout chrétien qui reçoit la parole de Pierre , devient le siège de
Pierre, et il en est ainsi de tous les autres Apôtres. Or, les Apôtres sont
assis sur douze trônes distincts , suivant la différence des dispositions
des âmes et des cœurs que Dieu seul connaît (i). Car le peuple chrétien
(1) Tout ce passage se trouve, dans un ordre différent, dans saint Chrysostome.
men judieiarite polestatis obtinebit ; ut
simul tune judex cum judice veniat, qui
nunc consideratioue judicii sese sponta-
uea paupertate ca?tigal.
AuG. (XX de Clvit., cap. 5.) De ipsis
quoque judicandis in boc numéro duo-
denario similis (^ausa est : non euim
quia dictum est: « Judicantes duodecim
tribus Isratïl, » tribus Levi (quaj 13 est)
ab eis judicanda non erit ; aut solum
illum populum, non eliam gentes cœte-
ras, judicabunl. Chrys. [Super Matth.
in opère imper f. vt sxip.) Vel per boc
quod dicit, « in regeneratione, » prœ-
mittit Christus tempus Christianitatis fu-
turum post ascensioncm suani, quia sci-
iicet boulines regeuerantur per baptis-
muui, et iliud est tempus quando Cbris-
lus sedet in sede majestatis suœ. Et vide
TOM. II.
quia, non de tempore futuri judicii di-
cit, sed de vocatione genlium universa-
rum : non enim dixit : « Cum venerit
Filins bominis sedens super sedem ma-
jestatis suce, » sed in regeneratione cum
sederit in sede majestatis su». » Quod
ex tune fuit ex quo gentes credere cœ-
perunt in Cbristum, secundum illud
[Psalm. 4G) : « Regnabit Dominus su-
per gentes , Deus sedet super sedem
sauctam suam : » et ex tune apostoli
soderunt super duodecim tbronos, id
est , in omnibus Christianis : omnis
enim Ghrislianus qui suscipit ver-
hum Pétri, tlironus fit Pétri, et sic de
aliis apostolis. Sedent ergo apostoli in
bis tbronis, in duodecim partes distinc-
tis, secundum differentias animarum et
diversitates cordium , quas solus Deus
33
546
EXPLICATION DE L iiVANGILE
est divisé eu douze tribus comme le peuple juif, de manière que cer-
taines âmes appartiennent à la tribu de Rubeu , d'autres âmes aux
autres tribus, suivant la diflérence de leurs vertus. En eiiet, toutes les
vertus ne sont pas au même degré dans tous les hommes , mais tel
excelle dans celle-ci, et tel autre dans celle-là. Les Apôtres jugeront
donc les douze tribus d'Israël, c'est-à-dire tout le peuple juif, sur ce
chef que leur prédication a été reçue par toutes les nations. L'univer-
salité des chrétiens forme les douze trônes des Apôtres , mais l'unique
trône de Jésus-Christ. En effet , toutes les vertus sont comme le siège
unique de Jésus-Christ; car il est le seul qui soit également parfait
dans toutes les vertus. Parmi les Apôtres, chacun d'eux excelle aussi
dans une vertu spéciale : Pierre dans la foi, Jean dans l'innocence.
Pierre se repose donc dans la foi comme sur un trône , Jean , dans
l'innocence, et ainsi des autres Apôtres. Les paroles suivantes montrent
que Jésus-Christ voulait aussi parler de la récompense que les Apôtres
devaient recevoir en ce monde : « Et quiconque aura quitté pour mon
nom sa maison ou ses frères, » etc.; car s'ils reçoivent le centuple
en ce monde, il est certain que le Sauveur leur promettait une
récompense même pour cette vie. — S. Chrys. ( hom. 64. ) Ou
bien , il ne promet à ses disciples que les biens à venir, parce qu'ils
étaient supérieurs aux promesses terrestres, et ne cherchaient rien
des biens de la vie présente que le Seigneur promet aux autres
hommes. — Orig. Ou bien dans un autre sens, celui qui aura aban-
donné tous ses biens, et qui aura suivi Jésus-Christ, recevra, lui
aussi, tout ce qui a été promis à Pierre; mais si son sacrifice n'a
pas été entier, et qu'il n'ait abandonné que ce qui est ici men-
tionné d'une manière spéciale, il recevra dès ici-bas une récompense
cognoscit : sicut enim JudaBorum popu-
lus in duodecim triltus luit divisas , sic
et univcrsus populus christiamis dividi-
lur in duodecim triions, ut quaedaiu ani-
ma-, siut do tribu Ruben, et sic de aliis,
propter diversas virtutcs. Non enim om-
ues in omnibus a^qualiter sunt, sed uuus
pivecedit in isla , alius in illa : et sic
apostoli judical)uut duodecim triljus
[sraël (i<l est^ omncs Judœos) pcr Iioc
quûd verbum apostolorum est a ^^enti-
bus receptum. Onmcs aulem Chrisliani
sunt quidem duodecim sedes apostolo-
rum, sed una sedes Cliristi : ClirisU enim
onmes virtutes sunt quasi una sedes,
quiainomni virlute œiiualiter ipso solus
pert'ectus est. L'nusipiisque etiam apos-
lolorum in aliquo buuo spécial! lit per-
l'ectior, ut Pctrus in lide : et ideo Petrus
requiescit in lide, Joanues in iunoceutia,
et sic de aliis. Et quod de retributione
apostolis in hoc mundo danda Christus
loquantur, demonstrat quod scquitur :
« Et omuis (jui reliquent domum vel
fratres : » si enim in hoc seculo centu-
plum recipiunt, sine dubio et apostolo-
rnm (etiam in hoc seculo) merccs lulura
promittebatur. Curys. {in hom. 05 ut
Slip.) Vel discipulis promittit fulura, quia
excelsiores erant jam, et uihil prajsen-
tium quœrebant, aliis autem qua; sunt
hic, repromillit. Orio. {ut siip.) Vel ali-
ter : si quis reliquerit omnia, et secutus
fuerit Chi-istum , quaj promissa sunt
Petro et ipse recipiet ; si aulem uou
omnia reliquit , sed qua'dam qua' spe-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XIX.
547
bien supérieure à ce qu'il a quitté , et aura pour liéritage la vie éter-
nelle.
S. JÉR. Il en est quelques-uns qui ont pris occasion de ces paroles
pour avancer qu'après la résurrection il y aurait une durée de mille
ans, pendant laquelle nous recevrons le centuple de tout ce que nous
avons sacrilié sur la terre, centuple qui sera suivi de la vie éternelle.
Ils ne comprenaient pas qu'en supposant que cette promesse fût digne
relativement à tout le reste , elle serait une honte eu ce qui concerne
les épouses, car celui qui en aurait sacrifié une , devrait, d'après cette
opinion, en recevoir cent daps la vie future. Voici donc le sens de
ces paroles : Celui qui aura abandonné pour Jésus-Christ les biens
temporels, recevra les biens spirituels, qui seront aux premiers, en va-
leur et en mérite , ce qu'est le nombre cent comparé à un nombre de
beaucoup inférieur. — ORia. Même dès cette vie pour les frères selon
la chair qu'il a quittés, il trouvera un grand nombre de frères selon
la foi, il aura pour pères tous les évêques et les prêtres, et pour en-
fants tous ceux qui sont dans l'âge de l'enfance. Il aura encore pour
frères les anges, et pour sœurs toutes les vierges qui ont consacré leur
virginité au Seigneur, aussi bien celles qui vivent encore sur la terre,
que celles qui jouissent déjà dans le ciel de la vie éternelle. Les champs
et les maisons , ce sont les demeures multipliées qui sont préparées
dans le repos du paradis et dans la cité de Dieu ; et ce qui est au-
dessus de toutes ces récompenses, ils recevront la vie éternelle. — S. Aug,
{Cité de Dieu, xx, 8.) L'Apôtre saint Paul, expliquant en quelque ma-
nière ces paroles : « Il recevra le centuple , » dit : « Nous sommes
comme n'ayant rien, et nous possédons toutes choses; » car le nombre
cent est employé quelquefois comme nombre universel et iudéter-
cialiter referuntur, hic multiplicia reci-
piet, et vitaui possidebit teteruam.
IltER. Ex Occasioiie auteiii Imjus seii-
leiitia' quidam introducunt mille aunos
post resurrecliouem, dicentes, tune no-
biâ ceulupium omuium rerum quas di-
luisimus, et vitam a^teruam esse redden-
dam ; iiou intelligeutes quod si iu cœte-
ris digna sit promissio, iu uxoribus ap-
I>areat turpitudo, ut qui uuam pro Do-
miuo dimiserit, ceutum recipiat iu fu-
turo. Seusus igitur iste est : « Qui car-
nalia pro Salvalore dimiserit, spiritualia
recipiet, quœ comparatione et merito
sui ita erunt quasi parvo numéro ceute-
uarius numerus comparetur. » Orig. [ut
sup.) Sed iu hoc seculo pro t'ratribus
carnalibus multos inveniet fratres se-
cuudum fidera, sic et parentes omnes
episcopos et presbyteros ; et fliios omnes
aetatem filiorum habeute-;. Suut autem
et angeli fratres ; et sorores omnes
quae exhibucrunt se Christo virgines
castas, tam istse quae nunc liabentur in
terris, quam illœ quœ jam vivuut in cœ-
lis. Agros autem et dovios nmltipUces
intellige in requie paradisi, et civitate
Dei : super hœc autem omnia posside-
buut vitam œteruam.AuG. (XX de Ci vit.
Dei, cap. 8.) Hoc autem quod liic dici-
tur, centuplum accipiet, exponensquo-
dammodo xVpostolus ait (11 Corinth., G) :
« Quasi nihil habentes et omnia possi-
dentes. » Centum enim pro ipsa uni-
548 KXI'LICATIO.N DE I.'ÈVANGILE
rainé. — S. Jér. Ces autres paroles : « Celui qui abandonnera, » etc.
se rapportent à ces autres : « Je suis venu séparer l'homme d'avec
son père, » etc. Ceux donc qui, pour la foi chrétieuue, et pour la pré-
dication de l'Evangile, auront méprisé toutes les richesses et les
voluptés de la terre, ceux-là recevront le centuple , et posséderont la
vie éternelle. — S. Chrys. {hoin. 63.) Lorsque Notre-Seigneur dit :
a (^elui qui aura quitté sa femme , » il ne veut pas dissoudre d'une
manière absolue le lien du mnriage, mais il veut que nous sacrifiions
toutes les affections au sentiment de la foi. Il fait ici , d'ailleurs, une
allusion indirecte aux temps de persécution , où on devait voir des
pères entraîner leurs enfants dans l'impiété. Or_, s'ils en viennent à
cet excès, il ne faut plus les considérer comme des pères (1*).
Rab. Comme il en est beaucoup qui ne poursuivent pas la carrière
de la vertu avec la même ferveur qu'ils avaient en y entrant , mais
qui se laissent aller à la tiédeur , ou qui ne sont pas longtemps sans
faire de lourdes chutes, le Sauveur ajoute : « Plusieurs qui étaient les
premiers seront les derniers, et plusieurs qui avaient été les derniers
seront les premiers. » — Orig. Il exhorte par là ceux qui ont fait tout
récemment profession d'obéir à la parole de Dieu , à se hâter de s'é-
lever jusqu'à la perfection , en n'imitant point ceux qui paraissent
avoir vieilli et s'être affaiblis dans la foi. Ces paroles peuvent aussi
servir à humilier ceux qui se glorifient uniquement d'avoir été élevés
dans le sein de la religion par des parents chrétiens , et à inspirer de
la confiance à ceux qui ont été tout nouvellement initiés aux vérités
de la foi. D'après une autre signification, les premiers sont les Israélites
(1*) Nous avons cru devoir traduire ici le mot latin viris par pères, d'après le texte grec |J.ilΣ
îraTspsç eiTWffav , qu'ils ne soient plus pour vous des pitres , pour rétablir la corrélation qui
existe entre la phrase précédente et celle-ci.
versitate pomintur aliqiiando. Hier.
Quod autem dicit : <■ Kt omnis qui reli-
querit, » etc. Congruit illi seuteiitia3 qua
dixerat [Mattli. 10) : « Veui separare
liominem a pâtre suo, » etc. Qui enini
propter iidem Cliristi et prfedicationem
Evangelii omnes affectiis conteuipseriut
alquc divitias et seculi voluplates, isti
centuplum accipieul, et vitam aUornam
possidebunt. Chuys. (/■«//om.Go vtsup.)
Cum autem dicit : « Qui reliquerit uxo-
reiu. » iiou lioc ait ut simpliciter nup-
ti* divelhmtur, sed ut oiunii)US pnrfe-
ramus lidei pietatem. Videtur autem
milii et persecutiouis tempus occulte iu-
sinuare : quia enim luulti fiiluri eraut,
filios ad iuipielalem Iraiieules, cum lioc
acciderit , ueque pro viris liabeantur.
Rab. Verum quia multi virtutuni stu-
dia non eadem rpia iucipiuitl, iuteutione
pietatis consummaut, sed vel tepescuut,
vel accelerate labuntur , sequitur :
« Multi autem erunt primi, uovissimi ;
et uovissimi , primi. » Orig. Per boc
exhortatur eos (jui nuper accedunt ad
verbum diviuum, ut festiuent ad perl'ec-
lum ascendere prœ uuiltis qui videnlur
seuuisse in fide. Potest etiam bic scnsus
destruere cos qui ploriautur. eo quod
a cliristianis parentibus sunt ouulriti in
ipsa Clirisliauitale : neipie pu-illanimes
iiant, ipiod Clirisliauitatis doiimata no-
vissimo receperuut. Haliel eliam aliuui
iutellecluni ut sint primi Israelila'. qui
DE SAINT MATTHIEU, CHAI». XIX.
549
qui par leur incrédiiliti'! sont devenus les derniers , tandis que les
Gentils qui (Uaieut les derniers sont devenus les premiers. C'est avec
dessein que le Sauveur emploie l'expression « plusieurs, » et non pas
« tous. » Car tous les premiers ne seront pas les derniers, et récipro-
quement tous les derniers ne seront pas les premiers. Enfin, il est un
'grand nombre d'hommes qui, inférieurs aux anges, et comme les der-
niers par leur nature, sont devenus supérieurs à queltiues-uns des
anges par leur vie tout angélique , tandis que bien des anges , qui
étaient les premiers par leur nature , sont devenus les derniers par
leur faute. — Rem[. On peut encore rapporter d'une manière toute
spéciale ces paroles à la tristesse qu'éprouva ce jeune homme riche ;
il paraissait être le premier par l'accomplissement fidèle des préceptes
de la loi, mais il devint le dernier en préférant à Dieu les richesses de
la terre. Les saints Apôtres paraissaient, au contraire, être les derniers,
mais en abandonnant tout par l'effet de la grâce et de l'humilité , ils
sont devenus les premiers. Enfin, il en est un grand nombre qui,
après avoir fait preuve d'un grand zèle pour les bonnes œuvres , en
abandonnent tout à fait la pratique, et deviennent les derniers après
avoir été les premiers.
facli sunt novissimi prppter infidelita-
tem : gentes autein novissimœ, prima?.
Caute auteni dicit, mxiltl : uon enim
omnes primi eruul novissimi^ nec oin-
nes novissimi , primi. Adhuc autem
multi hominum (jui natnra novissimi
sunt , efticiuutur per vitam angelicam
quibusdam angelis superiores ; et qui-
dam aufieli qui fiierunt i^rinti, sunt no-
iiissiini pi'opter culpam. Remig. Potesl
etiam spncialiter referri ad tristitiam di-
vitiS;, qui priinns videbatur legis prae-
cepta implendo ; sed quia terrenam
substantiam prsE,tulit Deo, novissimus
factus est. Saucti vero apostoli novis-
simi videbantur, sed relinquendo omnia
per humilitatis gratiam, l'acti iw\ij)rimi.
Sunt etiam plurimi ([ui post studia bono-
rum operum a boni» operibus deticiunt,
et cura hxenni ji ri ini, iiunt novissimi.
CHAPITRE XX.
SOMMAIRE ANALYTIOIJK.
y. 1-1(1. — Pourquoi Notrc-Scigncur propose cette parabole. — Que re[)rc-
senteul les princi[)aux personnages de cette parabole? — Dans quel dessein
et à quelle fin Dieu nous a-t-il appelés à son service? — Nous sommes à l'é-
gard de Dieu comme des ouvriers mercenaires. — La vigne , ligure de l'E-
glise. — La vie, comparée à un seul jour. — Que figure ici le denier promis?
— Que signifient les différentes heures auxquelles le père de famille envoie
travailler à sa vigne? — Quels sont ceux qui sont figurés par ces ouvriers
oisifs? — Pourquoi le père de famille promet à tous la même récompense? —
Pourquoi la sixième et la neuvième heure sont réunies ensemble par Notrc-
Seigneur. — Quels sont les ouvriers de la onzième heure? — Quand doit
venir l'heure du salaire. — Que faut-il entendre par l'intendant du père de
famille? — Que figurent les ouvriers de la dernière heure, recevant leur
récompense avant les ouvriers appelés à la première heurCj et pourquoi les
derniers sont récompensés avant les premiers? — Pourquoi et dans quel sens
recoivent-ils tous le même salaire? — Pourquoi les premiers disent-ils qu'ils
ont porté tout le poids du jour et de la chaleur? — Comment expliquer les
murmures dans ceux qui sont appelés à entrer dans le royaume des cieux ?
— Comment doit-on expliquer tous les détails d'une parabole? — De quoi se
plaignent les ouvriers de la première heure? — Injustice de leurs plaintes.
— Comment concilier cette égalité de récompense dans les élus, avec ces
paroles du Sauveur : Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père?
— Que signifie l'œil mauvais. — Dans quel sens les derniers seront les pre-
miers, et les premiers les derniers. — Comment expliquer ces paroles : Il xj
en a beaucoup d'appelés, mais peu sont élus? — Pourquoi les uns sont-ils
appelés à la première heure, les autres à la troisième? etc.
f. 17-19. — Pourquoi Notre-Seigneur parle-t-il de nouveau de sa passion à ses
Apôtres? — De quelle manière en parlait-il à la foule? — Intention formelle
que les disciples gardent dans leur cœur le souvenir de cette prédiction , et
quel est en cela son dessein ? — Pourquoi joint-il à la prédiction de sa pas-
sion celle de sa résurrection ?
f. 20-23. — Vertu de Salomé, mère des deux apôtres Jacques et Jean. — Quel
est le motif qui la porte à faire au Sauveur cette demande? — Comment con-
cilier ici saint Matthieu, qui met celte demande dans la bouche de Salomé,
avec saint Marc, d'après lequel cette demande a été faite par les enfants de
Zébédéc eux-mêmes? — Comment ces deux Apôtres furent amenés à faire
cette demande prétentieuse. — Cette demande avait-elle pour objet un
royaume spirituel? — Peut-on admettre que cette femme demandait pour ses
enfants les biens du ciel? — Que doit-on entendre par la droite et la gauche
de Jésus-Christ. — Pourquoi ces deux disciples se servent-ils de l'intermé-
diaire de leur mère pour faire au Sauveur cette demaudc? — Pourquoi
Motre-Scigneur répond-il à la pensée de ces deux disciples, plutôt qu'à la
demande de leur mère. — Pourquoi permet-il que ses disciples aient des pen-
sées et tiennent des discours réprébensibles ? — Dans quel sens les deux dis-
ciples ne comprennent pas ce qu'ils demandent? — Il faut mériter la gloire
EXPLICATION DE l'^.VANGILE DE S. MATTHIEU, CHAP. XX. o5i
ol la recompense avant do les obtenir. — Personne ne peut rogner avec
Jésus-Christ sans avoir souflcrt avec lui. Dans quel sens les deux disciples
répondent-ils (ju'ils peuvent lioire son calice, et comment peut-on dire qu'ils
l'ont bu tous deux? — A qui est réserve l'honneur d'être assis à la droite et
à la f^auche du Sauveur?
y. 24-28.— Indignation des dix autres Apôtres contre les deux frères .lacques et
Jean. — Le sentiment qui les anime est aussi charnel que l'était la demande
des deux disciples. — Que fait Notre-Seigneur pour calmer et consoler les uns
et les autres. — Comment les chefs de l'Eglise doivent exercer la puissance
spirituelle qu'ils ont reçue. — Est-il permis de désirer l'honneur attaché aux
premières dignités? — Différence entre les princes du monde et les chefs de
l'Eglise. — Notre-Seigneur se propose lui-même pour exemple. — En quoi ceux
qui sont revêtus de la puissance ecclésiastique doivent l'imiter.
f. 29-34. — Une nombreuse assemblée est une preuve du zèle de celui qui
enseigne. — Comment concilier ici saint Matthieu avec saint Marc, qui ne
parle que d'un seul aveugle. — Quel était ce Bartimée dont parle saint Marc ?
— Le fait semblable que raconte saint Luc est différent de celui-ci. — Par
quel motif le peuple reprenait ces deux aveugles pour les faire taire. — Par
quel sentiment ces deux aveugles redoublent leurs cris, malgré la défense qui
leur est faite. — Pourquoi le Sauveur permettait qu'on leur imposât silence.
— Pourquoi s'arréta-t-il pour les guérir? — Pourquoi leur demande-t-il
ce qu'ils veulent? — Il veut les amener à confesser sa divinité. — Reconnais-
sance de ces deux aveugles après leur guérison. — Explication allégorique de
lagucrison de ces deux aveugles, et ce qu'ils représentent.
552
EXPLICATION DE L ÉVANGILE
. 1-lG. — Le ruijauiiic des cieux est semblable à un jjcrc de fandlle, qui surlil
dès le grand matin, afin de louer des ouvriers pour travailler à sa vicjne; et,
étant convenu avec les ouvriers d'un denier pour^Heur journée, il les envoya à
sa vigne (!'). // sortit encore sur la troisième heure du jour, et, en ayant vu
d'autres qui se tenaient dans la place sans rien faire, il leur dit : Allez-vous-
en aussi, vous autres, « ma vigne, et je vous donnerai ce qui sera raison-
nable ; et ils s'y en allèrent. Il sortit encore sur la sixième et sur la neuvième
heure du jour , et il fit la même chose. Enfin, étant sortit sur la onzième
heure , il en trouva d'autres qui étaient là sans rien faire, av^.quels il dit :
Pourquoi demeurez-vous là tout le long du jour sans travailler? Parce que,
lui dirent-ils, personiie ne nous a loués. Et il leur dit : Allez-vous-en aussi,
vous autres , à ma vigne (2). Le soir étant venu , le maître de la vigne dit à
celui qui avait le soin de ses affaires : Appelez les ouvriers , et payez-les, en
commençant depuis les derniers jusqu'aux premiers. Ceux donc qui n'étaient
venus à lu vigne que vers la onzième heure, s'étant approchés, reçurent chacun
un denier. Ceux qui avaient été loués les premiers venant à leur tour, crurent
qu'on leur donnerait davantage : mais ils ne reçurent non plus qu'un denier
chacun; et, en le recevant, ils murmuraient contre le père de famille, en
disant : Ces derniers n'ont travaillé qu'une heure , et vous les rendez égaux à
(r) Cette parabole prend sur le fait, remarque justement l'alihé Darras [flist. de N.-S.J.-C,
tome II, 363) , et dessine avec une admirable netteté les habitudes sociales des Juifs. Gomme au
temps du vieux Tobie, les ouvriers inoccupés, les serviteurs disponibles se tenaient sur la place
publique ou à la porte de la cité, offrant leurs bras à qui en avait besoin, attendant que le
vigneron, le laboureur, le propriétaire de troupeaux vint les employer aux travaux de la vie agri-
cole ou pastorale. Le prix de la journée entière ou de la fraction du jour était débattu à l'amiable
et fixé d'avance. Chaque soir le salaire était lidèlement distribué à ces ouvriers libres , qu'il était
parfois nécessaire d'adjoindre, comme supplément, aux serviteurs ou aux esclaves à poste fixe,
pour les travaux d'urgence. Le précepte mosaïque était formel à ce sujet. (Deutér., xxiv, 14-15,
— Léoit., XLx, 13, — Tob., iv, 15.) Le prix d'une journée de travail, commençant à six heures
du matin et finissant à six heures du soir, était, à l'époque évangélique, d'un denier ou de seize
as romains , représentant environ SO centimes de notre monnaie actuelle. 11 faut tenir compte ici
de deux élémeuts qui modifient le résultat de la comparaison qu'on voudrait établir entre l'exi-
guité d'une telle rémunération et le prix actuel de la main-d'œuvre parmi nous; d'une part, les
denrées do première nécessité, qui étaient proportionnellement moins chères...; d'un autre côté,
il s'agit ici d'un travail des champs , partout moins rétribué que celui d'une industrie propre-
ment dite Il n'y a pas longtemps encore qu'en France, dans nos provinces vinicoles, les
bandes de travailleurs qui couvrent nos coteaux, à l'époque des vendanges, recevaient pour prix
de la journée un salaire inférieur à celui des vignerons de l'Evangile.
(2) Le grec ajoute xal ô àv -fl Stxaiov ).r)'|>sO£, c'est-à-dire vous recevrez ce qui sera raison-
nable.
GAPUT XX.
Simile est regnum. cœlorum homini patrifami-
lias, qui exiil primo mane conducere opera-
rios in vineam siiam. Coniientione autem facta
cura operariis ex denario diurno, misit eos in
vineam suam. Et pgressus circa horam ter-
tiam, vidit alios stnnles in foro otiosos, et dixit
mis : Ile et vos in vinontn menin, et quodjus-
tnmfiierit, dalio vohix. Illi /inlem ahierunt. Tte-
rum autem exiit circa .sexiam et nmmm horam,
et fecit similiter. Circa undecimam vern exiit,
et invenit alios stantes, cl dixit illis • Quid hic
statis tola die otiosi ? Dieunt et, quia nemo nos
conduxit. Dixit illis : lie et vos in vineam
meam. Cum sera autem factum esset, dicil
Dominus vineas procuratori suo : Voca opera-
rios, et redde illis mcrcedem suam, incipiens a
novissimis itsque ad primos. Cum renissent
err/o qui circa undecimam horam vénérant, ac-
ceperunt sinr/ulos denarios; venientes autem et
primi arhitrnti siint quod plus esscnt accep-
turi : acceperunt autem et ipsi singulos dena-
rios : et accipientes nturmurabani adversiis
palremfamilias, dieentes : Ni novissimi una
/lora fecerunt, et pares illos nobis fecisii, qui
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XX.
553
nous, qui avons parlé le poids du jour et de la chaleur. Mais il répondit à
l'un d'eux : Mon ami, je ne vous fais point de tort; n'ètes-vous pas convenu
avec moi d'un denier pour votre journée? Prenez ce qui vous appartient , et
vous en allez ; pour moi, je veux donner à ce dernier autant qu'à vous. Ne
m'est-il donc pas permis de faire ce que je veux? (1) Et votre œil est-il mau-
vais, parce que je suis bon? Ainsi les derniers seront les premiers et les pre-
miers seront les derniers , parce qu'il y en a beaucoup d'appelés , mais peu
d'élus.
He.mi. Notre- Seigneur venait de dire que plusieurs de ceux qui
étaient les premiers seraient les derniers, et que plusieurs de ceux qui
étaient les derniers deviendraient les premiers ; pour confirmer cette
vérité, il propose la parabole suivante : « Le royaume des cieux est
semblable, » etc. — S. Ghrys. (sur S. M«^^A.) Le père de famille c'est
Jésus-Christ, le ciel et la terre sont comme sa maison ; sa famille , ce
sont toutes les créatures qui habitent le ciel, la terre et les enfers (2*);
la vigne c'est la justice en général (|ui renferme toutes les différentes
espèces de justices comme autant de plants de vigne , la douceur, la
patience, et les autres vertus qui sont toutes comprises sous le nom
général de justice (3). Les ouvriers de cette vigne sont les hommes.
Le texte ajoute : « Il sortit le matin pour louer des ouvriers, » etc.
Dieu a comme répandu la justice dans nos facultés, non pas pour lui,
mais pour notre utilité. Nous sommes donc, ne l'oublions pas, des
mercenaires qui avons été loués. Or, personne ne loue un mercenaire
uniquement pour qu'il travaille à gagner sa nourriture ; ainsi Jésus-
(I) C'est ainsi qu'il faut traduire , d'après le vrai texte grec y^ où/, zifiil [AOt , etc.
(2*) Nous avons traduit le mot latin infcriorum jiar créatures qui habitent l'enfer, jjarce que le
contexte exige ce scas. Qui quasi triste/jam domum œdificavit, id est, inferos , cœlum et terram:
ut super terram habitarent certantes, in inferno autem victi, in cœlo victores , etc.
(3) D'après le proverbe grec : îlvi 5iy.a'.0C7UV7i cu),)vyi6ôr)v iraa' àocTi^ ÈcttI. Toute vertu est
renfermée dans la justice seule.
portavimus pondus diei et œslus. At ille res-
pondens uni eorum dixit : Amice, non fado tibi
injuriant : nonne ex denario comienistimocurn?
Toile quod tuum est, et vnde : voln nutem
huic novissimo dare sicut et tibi. Aut non licet
mihi quod volo facere '.'An oculus tuus nequam
est, quia ego bonus sum? Sic erunt novissimi
primi, et primi novissimi : multi enim sunt
vocati, pauci vero electi.
Remig. Quia dixerat Domiuns : « Multi
eruut primi novissimi, et novissimi pri-
n}i, )) ut banc seutentiam coufiriiiaret,
subjimxit similitudiueui, diccus : « Si-
mile est rcj^uum cœlorum, » etc. Chuys.
[super Mafth. in opère imperf. honi.
64.) Homo paterfamilias Christus est;
cui cœli et terra quasi uua est domus ;
iamilia autem, cœlestium, et terreftrium,
et iuferiorum creaturarum : vioea au-
tem ejus justitia est, in qua diversaî
species justitiarum positae sunt , quasi
vîtes ; puta mausuetudo, castitas, patieu-
tia, C8etera;que virtules ; cpioe omnes a.e-
neraliter justitia appellautur : homines
autem vineiP, cultores ponuntur ; uude
dicitur : « Qui e.xiit primo niaue con-
ducere operarios, » etc. Deus euim jus-
titiam suam dédit in seusibus uoslris,
non proptor suam utilitalem, sed prop-
1er nostram. Scitotc ergo quia merce-
uarii sumus couducli, Sicut ergo ue-
mo ideo conducit mercenarium ut boc
solum faciat (juod manducat, sic et nos
non ideo vocati sumus a Gbi'isto, ut haec
554
EXPLICATION DE I. EVANGILE
Christ no nous a pas appelés à son service pour nous occuper seu-
lement de nos intérêts, mais encore pour travailler à la gloire de Dieu.
Et de même que le mercenaire commence par remplir sa tâche avant
de songer à la nourriture de chaque jour, ainsi nous devons d'ahord
nous appliquer à ce qui doit procurer la gloire de Dieu , avant de
songer à nos propres intérêts. Le mercenaire , encore , consacre toute
sa journée au service de son maître, et ne réserve qu'une heure seu-
lement par jour pour prendre sa nourriture; ainsi nous devons con-
sacrer toute notre vie à la gloire de Dieu, et n'en donner qu'une faible
partie à nos besoins temporels. Enfin si le mercenaire passe un jour
sans travailler, il n'ose paraître devant son maître pour demander son
pain, et comment ne rougissez-vous pas d'entrer dans l'église de Dieu
et de paraître en sa présence le jour où vous n'avez fait aucune bonne
action sous ses yeux. — S. Grég. [liom. do.) Dans un autre sens, le
père de famille, c'est-à-dire notre Créateur, aune vigne, qui est l'Eglise
universelle, et qui_, depuis le juste Abel jusqu'à la fin du monde, a
poussé autant de ceps qu'elle a produit de saints. Or, dans aucun
temps, Dieu n'a cessé d'envoyer des ouvriers pour instruire son peuple
comme pour cultiver sa vigne; car il l'a cultivée successivement,
d'abord par les patriarches , puis par les docteurs de la loi , ensuite
par les prophètes_, (!t enfin par les Apôtres comme par autant d'ou-
vriers. On peut dire, toutefois, que tout homme qui fait le bien avec
une intention droite est en quelque manière et dans une certaine me-
sure un des ouvriers de cette vigne.
Orig. {traité iO sur S. Matth.) Nous pouvons bien dire que toute
cette vie n'est qu'un seul jour, jour d'une grande étendue par rapport
solum operemur quae ad nostrum per-
tinent usum, serl ad gloriam Dei ; et si-
cut mercenarius prius aspicit opus
suiim, deinde qnotidianum dbum , sic
et nos primum dcbemus aspicerc quœ
ad gloriam Dei pertinent , deinde
qnaî ad nostram ntilitatem , et sicnt
mercenarius totam diem circa domini
opus impendit , unam autem horam
circa suum cibum, sic et nos omue tem-
pns vitai nostrcB debenius impendere cir-
ca gloriam Dei, niodicam autem partem
circa usus nostros terrenos ; et sicut
mercenarius ea die qna opus non fece-
rit, erubescit intrare in domum et pe-
tere panem , quomodo tu non confuu-
dcris intrare in Ecclesiam, et starc anle
conspectum Dei, quando nibil boni in
conspcciu Dei gessisti? GnKc,. {in /mm.
15, m Emng.) Vel patcrfamilias (id
est, Conditor noster) habet vineam, uni-
versam scilicet Ecclesiam, qufe ab Abel
justo usque ad ultimum electum qui in
fide mundi nasciturns est quot sanctos
protulit, quasi tôt palmitcs luisit. Ad
erudiendam autem Dominus plebem
suam , quasi ad excoleudàm vineam
suani, nullo tempore destitit operarios
miltere ; quia et prius par patres , cl
postmodum per legis doctores, deinde
per proplietas, ad exlremum vero per
apostolos (quasi per operarios) in vi-
neie cuUura laboravit : qnamvis in quo-
libet modulo vel mensura quisquis cum
lide rectu bona?. aclionis extitit, bnjus
vincna operarius fuit.
Onin. (Tract. 10, in Matth.) Tolum
aulnm boc seculum prœsens, vniuii
diem diccrc possimuis ; magnum qui-
d'-m quantum ad nos, inodicnm aulem
DE SAINT MATTHIEU. THAP. XX.
ri.^iS
à nous, mais d'une courte durée si on le compare ;\ la vie de Dieu. —
S. riRÉo. {hom. 19.) Le matin de ce jour du monde fut l'époque (]ui
s'écoula depuis Adam jusqu'à Noé; c'est pour cela que Notre-Seiyucur
dit : « Il sortit de grand matin , afin de louer des ouvriers pour sa
vigne, » et il ajoute les conditions'dont il est convenu avec eux : « Et
étant convenu avec eux d'un denier , o etc. — Orig. Je pense que le
denier figure ici le salut éternel. — Rémi. Le denier était une pièce
de monnaie qui valait dix as, et qui portait l'effigie du roi : le denier
désigne donc parfaitement la récompense qui est accordée à l'obser-
vation du Décalogue. C'est aussi avec dessein qu'il est dit : « Etant
convenu avec eux , » etc. ; car dans le champ de la sainte Eglise,
chacun travaille dans l'espoir de la récompense future. — S. Grég.
La troisième heure est le temps qui s'écoula de Noé à Abraham, et
c'est de cette époque que le Sauveur veut parler, quand il dit : « Etant
sorti vers la troisième heure , il vit d'autres ouvriers qui se tenaient
sans rien faire sur la place publique. » — Orig. La place publi(jue,
c'est tout ce qui est en dehors de la vigne, c'est-à-dire en dehors de
l'Eglise de Jésus-Christ. — S. Chrys. {sur S. Matth.) Dans ce monde,
les hommes vivent d'un échange mutuel d'achats et de ventes^ et pour-
voient à leur subsistance par un commerce do fraudes réciproques. —
S. Grég. C'est avec justice que l'on peut adresser le reproche d'oisi-
veté à celui qui no vit que pour lui et se nourrit des plaisirs des sens,
parce qu'il ne travaille pas à produire les fruits des œuvres de Dieu.
— S. Chrys. {sur S. Matth.) Ces ouvriers oisifs ne sont pas les pé-
cheurs, qui sont bien plutôt morts, mais tous ceux qui n'accomplissent
pas les œuvres de Dieu. Voulez-vous donc ne pas rester oisif? Ne pre-
nez pas le bien d'autrui , et donnez de vos propres biens ; vous aurez
quantum ad Dei vitam. Greg. {in hom.
19 lit sup.) Maneautem mundi fuit œtas
ab Adam usque ad Noe : et ideo dicitur :
« Qui exiit primo mane conducere ope-
rarios in vineam suam : » et modum
••onductionis subjunxit, dicens : « Con-
veutione autem facta, » etc. Orig. {îtt
stip.) Salutis autem arbitrer nomen esse
flenariian. Rkmig. Ueuarius enim dici-
tur qui antiquitus pro deccm nummis
(ompulabatur, et figuram régis habet :
recte crgo per denarium designatur ob-
servât! decaloïi prœmium : pulclire
ergo dicit : « Convcntione facta, » etc.
Quia nnusquisque in agro sanctae Eccle-
sise pro spe futur» rcmuuerationis la-
borat. Gri:<;. {vt sup.) Tertla vcro liora
a Noe fuit usque ad Abraliam , do qua
dicitur : « Et egressus circa horam ter-
tiam, vidit alios in foro stantes otiosos.»
Orig. {iit sup.) Forum autem est quic-
quid est extra vineam, id est, extra Ec-
cicsiam Christ!. Chrys. {sitp Mallli. in
opère imperf. hom. 34.) In hoc enim
mundo, veudendo et emendo, vivnnt
homines ; et invicem sibi fraudem fa-
cientes, vitam suam sustentant. Greg.
{ut sup.) Qui autem sibi vivit, qui caruis
suai volnptatibus pascitur, recte otiosus
arguitur ; qu!a fructum divin! operis non
sectatur. Chrys. {super Motlh. in opère
imperf. ut sup.) Vel otios! sunt non
peccatores (illi enim mortui dicuntur) ;
otiosus autem est qui opus De! non ope-
ratur. Yis ergo non esse otiosus ? Non
aliéna tollas. et de tuis des ; et operatus
556
EXPLICATION DE L EVANGILE
travaillé dans la vigne du Seigneur, en cultivant le cep de la miséri-
corde, « Et il leur dit : Allez -vous en aussi dans ma vigne. » Remar-
(|ucz quo ce n'est i^u'avec les premiers qu'il s'engage de donner un
denier, il loue les autres pour un prix indéterminé : « Je vous donne-
rai ce qui sera juste. » Le Seigneur, qui prévoyait la prévarication
d'Adam, et qu'après lui tous les hommes devaient périr dans les
eaux du déluge , fit avec lui un traitt'î bien précis , afin qu'il ne put
prétexter qu'il avait abandonné la voie de la justice, parce qu'il
ignorait quelle en serait la récompense; mais il ne s'est point en-
gagé de cette manière avec les derniers , parce que son intention
était de les récompenser bien au delà de ce que pouvaient espérer
des mercenaires. — Orig. Ou bien encore , comme il a loué les ou-
vriers de la troisième heure pour faire l'ouvrage tout entier , il se
réserve d'apprécier leur travail avant de leur donner une juste ré-
compense ; car ils pouvaient travailler autant que ceux qui avaient
commencé le matin en s'apphquant à leur travail dans un court espace
de temps avec une laborieuse activité qui compenserait l'inaction du
matin. — S. Grég. La sixième heure est celle qui s'étend d'Abraham
à Moïse, et la neuvième, celle qui s'est écoulée de Moïse jusqu'à l'a-
vénement du Seigneur. « Et il sortit de nouveau, » etc.
S. Chrys. Notre-Seigneur réunit ensemble la sixième et la neuvième
heure, parce que c'est alors qu'eut lieu la vocation du peuple jnif^ et
que Dieu renouvela fréquemment ses alliances avec les hommes ,
comme pour leur annoncer que le temps marqué pour le salut du
genre humain n'était pas éloigné. — S. Grég. La onzième heure c'est
le temps qui s'écoulera depuis l'avènement du Seigneur jusqu'à la fin
es ia vinea Domini, misericordiae vilein
colens. Sequitur : « Et dixit illis : Ile et
vos in vinoam ineam. » Nota qnod solis
primis couveail spocialiler dare deiia-
riimi ; alios auteiu sub iacerto pacte
conduxit, diceiis : « Qiiod justum l'uerit
dabo vobis. » Sciens enim Dominas <niia
prfevaricatui'us lïierat Adam, et omiies
postmodum iu diluvio eraiit perituri,
certum fecit paclum ad eum ; neipiaudo
dicat ideo se ue^lcxisse justiliam, quia
uesciebat quai praimia fuerat i'ei;oplu-
riis : istis autem non fecit pactum, (piia
tantum paratus est retribuere, quantum
incrceuarii reeipere non sperabant.
Onic. (ut Slip.) Vel quia operarios ler-
tia? Iiorae invitavit ad lotum upus ; (juic-
«piid antera polerant operari, suo urbi-
trio reservavit, ut juslam eis mercedom
reddat : poterant enim œquale opus fa-
cere in vinea eis qui ex maue sunt ope-
rati, quicunque in tempore brevi vole-
bant operantem virtutem ad opus ex-
tendere, quaj ante non l'uerat operala.
(jREO. [ut aup.) Sexta quoquc bora est
alj Abraham usque ad Moyseu : uona
est a Moyse usque ad adventum Do-
mini : unde sequitur : « Itorum autem
exiit, » etc.
CuRVs. (svpcr Matth. in opère iin-
perf. iit Slip.) Ideo autem conjunxit
sextam et nonam, quia in sexta et noua
ijimerationem vocavit Judœorum, et fre-
«luentavit i:um hominibus dispnucrc tes-
tamenla quasi diflinito salutis omnium
lempore jam appropinquante. Grki..
(vt Slip.) Undecima vero hora est ab
adveulu Domini usque ad lincm uunidi.
DK SAINT MATTHIEU, CHAP. XX. ?)57
du monde. L'ouvrier du raatiu, de la troisième, de la sixième et de la
neuvième heure, c'est donc cet ancien peuple hébreu qui, dans la per-
sonne de ses élus, n'a point cessé de travailler à la vigne du Seigneur
depuis le commencement du monde, en s'efforçant d'adorer Dieu avec
une foi droite et sincère. A la onzième heure , ce sont les Gentils qui
sont appelés. « Vers la onzième heure , il sortit, » etc. Ils avaient né-
gligé, dans le cours de tant de siècles , de travailler à la culture de
leur âme, et ils passaient ainsi tout le jour sans rien faire. Mais re-
marquez ce qu'ils répondent à la question qui leur est faite : « Per-
sonne, lui dirent-ils, ne nous a loués. » Aucun patriarche , en efifet,
aucun prophète n'était venu vers eux , et que signifient ces paroles :
« Personne ne nous a loués , » si ce n'est : « Personne ne nous a fait
counaitre le chemin de la vie. » — S. Chrys. {suî' S. Matth.) Quelle
est donc la nature de cette convention, et quelle récompense y est pro-
mise (I)? C'est la promesse de la vie éternelle; car les Gentils étaient
les seuls qui ne connaissaient ni Dieu ni les promesses éternelles de
Dieu. — S. HiL. {can. 20.) Le Seigneur les envoie donc à sa vigne.
«Et il leur dit : Allez, vous aussi, à ma vigne. »
Rab. Après avoir fait connaître les conditions du travail pour la
journée, le Sauveur, continuant son récit, arrive à l'heure du salaire,
et dit : « Le soir étant venu , » etc. , c'est-à-dire lorsque le jour, qui
comprend toute la durée du monde , était sur son déclin, et appro-
chait de la consommation de toutes choses. — S.CHRYS.(sM;'iS'.i¥ff///<.)
Remarquez que c'est le soir du même jour , et non le matin suivant,
quelepère de famille donne à chacun ce qui lui est dû. Ce sera donc
(1) Àllasioa au texte grec oùoîtç "ôjxà; £iji.t(ïfJwca-o , personne ne nous a loués pour un prix
convenu.
Operator ertro mane, bora tertia, sexta
et nona, antiquus ille et hebraicus po-
pulus desijinatur, qui in electis suis ab
ipso mundi exordio dum recta fide
Deiim studuit colère, quasi non destitit
in vineae cultura laborare ; ad undeci-
luam vero Gentiles vocantvir : unde se-
quitur : « Circa undeoimam vero exiit,»
elc. Qui enini transacto lam longo mun-
di tempore pro vita sua laborare ne-
glexerant, quasi tota die otiosi stabant.
Sed animadverte quid inquisiti respon-
deant : sequitur euini : « Dicunt ei quia
nemo nos conduxit : » nullus quippe ad
eos patriarcba, nullus propheta ad eos
venerat : et quid est dicere : « Nemo
nos conduxit, » nisi « vitaj nobis nemo
viaui prœdicavit ? Cnins. {sup. MutUt.
ht opère imperf. vt sup.) Quae est enim
conductio nostra et couductionis mer-
ces ? Promissio vitœ œteruœ : gentes
enim solae neque Deum sciebant, neque
Dei promissa. Hilar. {can. 20 ut stip.)
Hi igitur mittuntur ad vineam : unde
sequitur: « Dixit eis : Ite et vos, » etc.
Rab. Postquam autem operis diurni
ratio reddita est, ad remunerationis
tempus opportunum, dicit : « Cum au-
tem sero factum esset, » hoc est, cum
dies totius niundi ad vesperam consum-
mationis iucliuata esset. Chrys. {super
Mdtth. in opère imperf. xit sup.) Consi-
déra quia sero (non alio mane) merce-
dem reddit : erao adhuc stante seculo
558
EXPLICATION DE L EVANGILE
pendant lu durée du siècle présent qu'aura lieu le jugement après
lequel chacun recevra sa récompense ; et cela pour deux raisons : la
première, c'est que la bicnlieureuso éternité doit être la récompense
de la justice, et qu'il faut par conséquent que le jugement la précède ;
la seconde raison pour laquelle le jugement doit précéder le jour de
Téternité, c'est afin que les pécheurs ne soient pas témoins du bon-
heur de ce jour éternel.
« Et le maître dit à son intendant , » c'est-à-dire le Fils à l'Esprit
saint. — La Glose. Uu bien, si vous aimez mieux, le Père dit au Fils,
car le Père agit par le Fils, et le Fils par l'Esprit saint, sansc^u'il y ait
entre eux aucune différence de nature ou de dignité. — Orig. Ou
bien encore, le maître dit à sou intendant, c'est-à-dire à l'ange chargé
de la distribution des récompenses, ou à l'un de ces nombreux inten-
dants dont l'Apôtre a dit : « L'héritier est sous la puissance des
tuteurs et des curateurs pendant tout le temps de son enfance. »
[Galat., I.) — Rémi. Ou bien enfin, c'est Notre-Seigneur Jésus-Christ
lui-même, qui est à la fois le père de famille et l'intendant du maître
de la vigne, comme il est lui-môme la porte et le portier ; car c'est lui
qui doit venir juger les hommes, et rendre à chacun selon ses œuvres.
C'est donc au moment où les hommes seront réunis pour le jugement
dernier, après lequel chacun recevra selon ses œuvres, qu'il appellera
les ouvriers pour leur donner une récompense.
Orig. Or, les premiers ouvriers , que leur foi avait rendus recom-
mandables , n'ont pas reçu l'effet des promesses, le père de famille
ayant voulu, par une faveur particulière pour nous, qu'ils ne reçoivent
qu'avec nous l'accomphsseinent de leur félicité, (fîeôr.^xi.) Et comme
islo judicium est futurum, et unicuique
luerces sua reddcnda; et hoc propter
dnas rationes : prima est, «inia ipsa bea-
liludo futura est iiierces jiislilia!, ideo
non in illo seciilo lit judicium, sed aute
illud ; deiude, aute adveulum diei illius
praimittitur judicium, ne videaut pec-
catores diei illius beatitudinem.
Sequitur : « Dicit Dominus procura-
tori suo, » id est, Filius Spiritui saucto.
Glossa. Vel si volueris, dicit Pater Fi-
liu, quia scilicet Pater operatur per Fi-
lium, etFilius per Spiritum sanctum , non
propter aliquam diiierentiam substautite
autdiiiuitatis. Orig. {xit sup.) Vel « dicit
iJominus procuratori suo, » id est, ali-
cui auttelorum, qui super mercedes re-
tribucndas est positus ; sive alicui ex
multis procuratoribus, secundum (piud
scriptum est [ad Galat. 4) : « Sub cura-
toribus et tutoribus esse h»redem iu
tempore (juo parvulus est. » Remig. Vel
Uoniinus Jésus Christns ipse est paterfa-
milias et vinea,' procurator, sicutet ipse
est ustiuui et ustiarius : ipse euim est
venturus ad judicium, ut unicuique red-
dat secundum quod çtessit. Vocat crgo
operarios , et reddit illis mercedem ,
quando cougregabuntur iu judicio, ut
unusquisque accipiat secundum opéra
sua.
Orig. (w^ sup.) Primi autem operarii
testimonium babeutes per iidem, non
acceperunt Deipromissionem, pro uobis
aliquid meliusprospiciente patrefamilias,
ut non sine uobis perliciantur. Ft ijuia
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XX. 559
nous avons été l'objet d'une miséricorde toute spéciale, nous espérons
recevoir les premiers la récom[)ense, taudis que ceux qui ont travaillé
avant nous ne la recevront qu'après nous : « Appelez les ouvriers, et
payez-les en commençant par les derniers. » — S. Cukys. (^m;* S. Matth.)
En eflet, nous donnons toujours plus volontiers à ceux qui n'ont au-
cun droit à notre libéralité ; car nous donnons alors en vue de l'hon-
neur qui nous en revient. Dieu se montre donc juste en donnant aux
saints la récompense qu'il leur a promise , et miséricordieux , en l'ac-
cordant aux Gentils selon ces paroles de saint Paul : « Or, les Gentils
doivent glorifier Dieu de la miséricorde qu'il leur a faite; » voilà
pourquoi le maître ajoute : « En commençant par les derniers jus-
qu'aux premiers. » C'est aussi pour faire éclater son ineflable miséri-
corde que Dieu récompense ainsi les derniers et les moins dignes,
avant de récompenser les premiers; car une miséricorde infinie n'exa-
mine pas l'ordre et le rang des personnes. — S. Auti. {de l'espiit et de
la lettre, cliap. xxiv.) Ou bien , les moins dignes ou les derniers se
trouvent les premiers, parce qu'ils ont attendu moins longtemps leur
récompense (1).
« Ceux donc qui n'étaient venus qu'à la onzième heure s'étant ap-
prochés, »■ etc. — S. Gkég. Les ouvriers qui n'avaient travaillé qu'à la
onzième heure reçurent pour salaire, comme ceux qui avaient com-
mencé à la première heure, le même denier qu'ils avaient ardemment
désiré ; parce que, en effet, ceux qui se sont convertis à Dieu à la fin
du monde ont reçu la même récompense , la même vie éternelle que
ceux qui avaient été appelés dès le commencement du monde. —
S. Chrys. {mr S. Matth.) Or, il n'y a en cela aucune injustice, car
(1) Dans l'édition de Paris, on lit : Veliit minores reperiuntur priores , avec une variante à la
marge; mais la construction que nous avons adoptée, d'après l'édition de Bàle, rend le sens plus
clair et peut seul s'accorder avec le contexte.
inisericordiam consecuti sumus, primi
mercedem speramus accipere, qui su-
imis Chrjsti : post nos autem, qui ante
nos operati sunt ; et ideo dicitur : « Voca
operarios, etredde illis uiercedeui, » etc.
CuRYS. {sup.Malth. in opère imper/', ut
Slip.) Seniper enim libeiitius aliquid da-
ums illis quibus gratis donamus, quia
pro solo nostro honore donamus. Ergo
omnibus sanctis Deus reddens merce-
dem, jiistus ostenditur ; gentibus autem
Anxii misericors ; dicente Apostolo {ad
Rom. 15) : « Gentes autem super mise-
ricordia houorare Deum. » Et ideo di-
citur : « lucipiens a novissimis usque ad
primos. » Aut certe ut osteudat Deus
iuœstimabilem misericordiam suam, pri-
mum novissimis et indignioribus reddit
mercedem , postea primis : nimia enim
misericordia ordinem non aspexit. AuG.
[de spiritu et littera, cap. 24, in fine.)
Vel ideo velut priores reperiuntur mino-
res, quia minus dilati sunt.
Sequitur : « Cum venisseut ergo
qui, )) etc. Greg. {ut sup.) Eumdem de-
narium accipiuut qui laboraverunt ad
undecimam quem expeclaverunt toto de-
siderio, et qui laboraverunt ad primam,
quia œqualem vilœ; neternœ retributionem
sortiti sunt cum his qui al) initio mundi
vocati fuerant, hi qui in fine mundi ad
Deum veueruut. Curys. {super Matth.
560
EXPLTCATION DE L ÉVANGILE
que fait à celui qui a vécu dès les premiers jours du monde, et qui n'a
pas dépassé le temps qui lui était marqué, que le monde ait continué
à exister après lui? El quant à ceux qui naissent à la fin des temps,
ils vivent nécessairement le nombre de jours qui leur a été assigné.
En quoi donc leur travail serait- il allégé , si le monde venait à finir
aussitôt, puisqu'ils doivent achever leur tâche avant la fin du monde ?
D'ailleurs, il ne dépend pas de l'homme, mais de la puissance divine,
de naître plus tôt ou plus tard ; celui qui est né en premier lieu ne doit
pas revendiquer la première place ou l'honneur d'être le premier, et
celui qui n'est venu qu'après ne doit pas être considéré comme étant
d'un mérite inférieur. « Et en recevant ce denier , ils murmuraient
contre le père de famille, et disaient, » etc. Mais s'il est vrai, comme
nous venons de le dire , que les premiers et les derniers aient vécu
chacun leur temps, ni plus ni moins, et que la mort ait été pour les
uns comme pour les autres la consommation de leur destinée, pour-
quoi donc les premiers disent-ils : « Nous avons porté le poids du jour
et de la chaleur ? » C'est que nous avons besoin d'une plus grande
force pour pratiquer la justice, nous qui savons que la fin du monde
approche. Aussi est-ce pour nous armer d'un nouveau courage que le
Christ disait : « Le royaume des cieux est proche. » Au feontraire,
c'était pour ceux qui out vécu les premiers une occasion de tiédeur,
de savoir que le monde devait durer longtemps encore, et bien que
leur vie n'ait pas égalé la durée du monde , ils paraissent cependant
en avoir supporté toutes les incommodités. Ou bien , « le poids du
jour, » ce sont les commandements de la loi; « la chaleur , » c'est la
tentation brûlante de l'erreur qu'allumaient en eux les esprit de ma-
lice en les excitant à la jalousie contre les Gentils. Les Gentils, au
in opère imperf. ut sup.) Non autein
injuste : nam et qui in prima parle seculi
natus est et non amplius vixit quam sta-
tutum tempus vilœ suae, quid ilii uocuit
si post illius exitum muudus t-tetit? VA
qui circa iinem nascuutur, non minus
vivnnt quam dies qui uumerati sunt eis.
Quid illis ergo prodest ad coiiipeudium
laboris, si cito mundus tinilur, cum
pensum vitae suœ compleant anle muu-
dum ? Deinde non est in liomine, quando
uascatur (prius aut postea), sed potesta-
tis divinœ. Nec ille quidem sibi priorem
del»et lociim (vel priorem honorem) de-
fendere, qui prius natus est; uec ille
coutemplibilior débet esse, qui postea.
Sequitiir : « Et accipientes murmurabant
adversus patremfaniilias, diceutes, » etc.
Si aulem verumest quod diximus, quia
primi et posteriores tempus suum vixe-
runt, et non amplius neque minus, et
unicuique mors sua est consummatio ip-
sius, quid est quod dicuut : « Portavi-
mus pondus diei et œstus ? » Quia seili-
cet magna est nobis virtus ad faciendam
juslitiam, cognoscere prope esse fi-
nem mundi. Uude et Christus nos ar-
maus dioebat {Matth. i) : « Appropin-
quavit reguum cœlorum. Illis autem inlir-
matio erat, scire mundi spatia esse lou-
giuqua : quamvis ergo non per omne
seculum vixeriut, tamen lolius seculi
gravamiua pertulisse videntur : aut
« pondus totius diei, » dicit onerosa le-
gis mandata; astiim aulem urentem er-
roris teulationem, quam conllabaut spi-
ritus maligni in eos, ad a.'mulationem gen-
tium eos irritantes; a quibus omnibus
DE SAINT MATTHIEU, ClfAP, XX, oGl
contraire, en eml)rassant la foi chrétienne, n'ont pas été soumis à ces
difficultés, et ont été entièrement sauvés par la grùce qui résume tout
dans son mystérieux travail. — S. Grég. Ou bien encore : « Porter le
l,oids du jour et de la chaleur , » c'est pendant toute la durée d'une
longue vie, supporter les fatigues d'une lutte continuelle contre les
ardeurs de la concupiscence. Mais comment donc expliquer les mur-
mures dans ceux qui sont appelés à entrer dans le royaume des ci eux?
Car aucun murmurateur ne peut y entrer, comme aucun de ceux qui
le reçoivent pour récompense , ne peut se laisser aller aux murmures.
S. GuiiYS. {hom. (ri.) On ne doit point chercher à concilier exacte-
ment tous les détails d'une parabole avec l'ensemble du récit _, mais
bien comprendre la fin que l'auteur s'y est proposée, et ne pas aller au
delà. L'intention du Sauveur n'est donc pas ici de nous montrer ceux
qui étaient les premiers atteints d'une violente jalousie, mais de nous
faire voir les derniers en possession d'une gloire si grande qu'elle
était capable d'inspirer aux autres de l'envie. — S. Grég. Ou bien
encore, les anciens patriarches, quelle que fût d'ailleurs leur justice,
n'ayant pu entrer dans le royaume des cieux avant l'avènement du
Sauveur, se laissent en quelque sorte aller aux murmures. Nous, au
contraire, qui sommes venus à la onzième heure, nous ne murmurons
pas après notre travail, parce qu'étant venus dans le monde après
l'avènement du Médiateur , nous entrons dans le royaume des cieux
aussitôt que nous sommes sortis de notre corps. — S. Jér. Ou bien
tout homme qui n'est appelé qu'après les Gentils leur porte envie et
se fait comme un supplice de la grâce de l'Evangile qu'ils ont reçue
avant lui. — S. Hil. {cati. 20.) Ce murmure des ouvriers avait déjà
éclaté sous Moïse par la bouche insolente de ce peuple opiniâtre.
« Mais il répondit à l'un d'eux : Mon ami, je ne vous fais point de
(;entiles liberi extiterunt Chrislo creden-
tes, et per compendium gratiae ad plé-
num salvati. Greg. {ïU sup.) Vel « pon-
dus diei et aestus » ferre est per Ion-
isions vitte tempora carnis suse calore
latin;ari. Sed potest quaRri quomodo mur-
murare dicti sunt, qui ad regnum vocan-
tur cœlorum ? Eteuim regnum illud nul-
lus qui murmurât accipit, nuUus qui
accipit murmurare potest.
Chrys. (m homil. 65 ut sup.) Non au-
tem oportet ea quœ in parabolis sunt,
secuudura totum quod dicitur iuvesti-
gare ; sed inlentionem propter ipiam
composita est iatelligere, et nihil ultra
scrutari. Non ergo inducit hoc, utosteu-
dat aliquos esse invidia morsos, sed ut
TOM. II.
ostendat hos tanto potitos e«se honore
quod et invidiam aliis poterat generare.
Greg. {ut sup.) Vel quia antiqui patres
usque ad adventum Domini, quantum-
libet juste vixerint, ducti ad regnum
non sunt, eorum hoc ipsum murmurasse
est ; nos autem, qui ad undecimam ve-
uimus, post laborem non murmuramus ;
quia post Mediatoris adventum in hoc
mundo venientes, ad regnum ducimur
mox ut de corpore eximus. Hier. Vel
omnis rétro vocatio gentilibus invidet,
et in Evangelii torquetur gralia. Hilar.
{Can. 20 ut snp.) Et secundum insolen-
tiam populi jam sub Moyse contumacis
hoc murmur operantium est.
Sequitur : « Al ille respondens uni
36
562
F.XPIJCATIOiN I)F, L KVANGIŒ
tort. » — Remi. Dans ce seul homme auquel il s'adresse, ou peut voir
tous ceux d'entre les Juits qui ont cru en Jésus-Christ et à qui le Sau-
veur donne le nom d'amis à cause de la foi qu'ils ont embrassée. —
S. Chrys. {sur S. Matth.) Ils se plaignaient non pas d'avoir été frus-
trés du salaire qui leur était dû, mais de ce que les autres recevaient,
à leur avis, plus qu'ils ne méritaient. C'est ainsi que les envieux s'at-
tristent du bien que l'on fait à un autre, comme si l'on diminuait par
là celui qu'ils possèdent, preuve évidente que l'envie vient de la vaine
gloire , car on ne se plaint d'être le second que parce qu'on a désiré
être le premier, et c'est ce mouvement d'envie que le Seigneur com-
bat par ces paroles : « Est-ce que vous n'êtes pas convenu d'un
denier avec moi? » — S. Jér. Le denier porte l'effigie du roi; vous
avez donc reçu le salaire que je vous avais promis , c'est-à-dire mon
image et ma ressemblance. Que demandez-vous de plus ? Ce que vous
désirez, ce n'est pas de recevoir davantage, c'est que l'autre ne reçoive
rien du tout : « Prenez ce qui vous appartient , et vous en allez. » —
Remi. C'est-à-dire, recevez votre récompense et entrez dans la gloire :
« Je veux donner à ce dernier venu, » au peuple gentil, « autant qu'à
vous, » comme il le mérite. — Orig. Peut-être est-ce au premier
homme que s'adressent ces paroles : « Mon ami, je ne vous fais pas
tort : est-ce que vous n'êtes pas convenu d'un denier avec moi? »
Prenez ce qui vous appartient, et allez-vous-en ; le denier, c'est-à-dire
le salut, vous est acquis. «Pour moi, je veux donner à ce dernier
autant qu'à vous. » Ou peut, avec assez de vraisemblance, voir dans
cet ouvrier, venu le dernier, l'apôtre saint Paul, qui n'a travaillé
qu'une heure, et qui cependant a travaillé peut-être plus que tous
ceux qui ont vécu avant lui (1).
(1) Allusion à ces paroles . «. J'ai travaillé plus que tous les autres. " I Corinth., xv, 91.
eorum dixit : Amice , noa facio tibi in-
juriam. » Remig. Per hune unum pos-
sunt intelligi omnes qui ex Judaeis credi-
deruut, quos amicos propter lidem no-
minal. Chuys. {sup. Matth. in opère
imperf. ut sup.) Non autem dolebant
quasi defraudati mercede sua, sed quia
illi amplius quam merebautur, accepe-
rant : sic eniai dolent invidi quaudo
alteri aliquid additur, quasi eis subtra-
hatur : ex quo palet quod ex vana gloria
«ascitur invidia : ideo enim dolet esse
secuudus, quia desiderat esse prior; et
ideo invidia; luotum removet dieens :
« Nonne ex denario convenisli mecum? »
liiEU. Denarius figuram régis lial)et :
ecepisli ergo mercedem, quaiu tibi pro-
uiiseraui : hoc est, imagineni et siniili-
tudinem meam ; quid quœris amplius ?
et non tam ipse plus accipere quam
alium nihil accipere desideras : « Toile
quodtuum est, et vade. » Remig. Id est,
recipe mercedem tuam, et vade in glo-
riam. « Voie autem et huic uovissinio
(id est, gentili populo) dare (secuudimi
meritum) sicutettibi. » Orig. {ut sup.)
Forsitan autem Adœ dicit : «Amice, uou
facio tibi injuriam : nonne ex denario
convenisti mecum ? Toile quod tuum
est, et vade : » tuum est salus, quod est
denarius : « volo autem et huic novis-
simo dare sicut et tibi : » non incredi-
biliter potest quis arbitrari nunc novis-
siinum esse apostolum Paulum, qui una
iiora operatus est; et forte super onmes
qui auto cum fueruiil.
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XX. f>63
S. AuG. {De la Virgin.^ cliap. 26.) La vie éternelle sera également
accordée à tous les saints , ainsi que le figure ce denier donné ù tous
comme la récompense commune de leur travail. Mais comme dans la
vie éternelle les mérites des saints brilleront d'un éclat différent,
il y a aussi plusieurs demeures dans la maison du Père céleste.
Si donc le denier, qui est le même pour tous , signifie que la vie
éternelle sera égale en durée pour tous les saints dans le ciel, le
grand nombre de demeures différentes prouve que la gloire sera plus
éclatante pour les uns que pour les autres. — S. (Irég. Comme nous
n'entrons dans le royaume des cieux que par un effet du bon vouloir
de Dieu, le Sauveur ajoute avec raison : « Ne m'est-il donc pas per-
mis de faire ce que je veux? » C'est un acte de folie de la part de
l'homme, de murmurer contre la volonté de Dieu. Il aurait lieu de
se plaindre si Dieu ne donnait point ce qu'il doit ; mais qui peut se
plaindre de ce qu'il ne donne point ce qu'il ne doit pas? C'est ce que
le Maître exprime en termes clairs : « Est-ce que votre n^il est mauvais
parce que je suis bon? » — Rémi. L'œil signifie ici l'intention; les Juifs
avaient un œil mauvais, c'est-à-dire une intention vicieuse, parce
qu'ils s'attristaient du salut des Gentils.
Les paroles qui suivent : « Ainsi les premiers seront les derniers, et
les derniers seront les premiers , » nous font connaître le but de cette
parabole, qui est 'de nous apprendre que les Juifs ont passé de la tête,
où ils étaient, à l'extrémité opposée, tandis que nous, placés à cette
extrémité, nous sommes devenus la tête. — S. Chrys. {sur S. Matth.)
Ou bien Notre-Seigneur déclare que les premiers seront les derniers ,
et les derniers les premiers, non pour donner aux derniers la préémi-
nence sur les premiers, mais pour nous apprendre que l'époque diffé-
rente de leur vocation n'a établi entre eux aucune différence, et qu'ils
AuG. (de Sancta Virg, cap. 26.) Quia
vero ipsa vita aeterna pariter erit omni-
bus sanctis aequalis, denarius omnibus
est attributus (qui est omnium merces.)
Quia vero in ipsa vita alterna distincte
fulgebunt lumina meritorum, multœ
mansiones sunt apud Patrem : ac in de-
nario quidem non impari non vivet al ius
alio prolixius ; in multis autem man-
sionibus honoratur alius alio clarius.
Greg. {nt sup.) Et quia ipsa regni per-
ceptio ejus est bonitas voluntatis, recte
subjungitur : « Aut uon licet mihi quod
volo- facere ? » Stulta euim est questio
bominis contra bonitatem Dei murmu-
rare. Conquerendum quippe esset, uon
si non dat quod non débet, sed si non
daret quod deberet : uude aperte subdi-
tur : « An oculus tuus nequam est, quia
ego bonus sum ? » Remig. Per oculum
enim vult intentionem intelligi : Judaei
namque nequam habuerunt oculum (id
est, intentionem malam), quia de salute
Gentium dolebant.
Ad quid autem sensus hujus parabolae
tendat, manifestât cum subditur : Sic
erunt primi uovissimi, et novissimi pri-
mi; » eo scilicet quod Judœi de capite
vertantur in caudam, et nos de cauda
mutamur in'caput. Chrys. {super Matth.
in opère imper f. ut sxip.) Autideo pri-
mas dicit novissimos, et novissimos pri-
mos; non ut novissimi digniores sint
auam primi, sed ut cosequentur, et nulia
501
KXPLICATION DE L'ÉVANGILE
sont, sous co ra[»poit, parlai temeut égaux. Quant aux paroles qui ter-
minent : « Il y en a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus, » elles se
rapportent, non pas aux saints dont il vient d'être question, mais aux
Gentils, parmi lesquels, en effet, beaucoup sont appelés, mais peu
sont élus. — S. Grég. Il en est beaucoup , en effet , qui embrassent la
foi, mais il en est peu qui parviennent jusqu'au royaume des cieux ,
car la plupart font profession de suivre Dieu et s'éloignent de lui par
leurs mœurs. Nous devons donc faire ici deux réflexions: la première,
c'est que personne ne doit se laisser aller à la présomption, car bien
qu'il soit appelé à la foi , il ne sait pas s'il sera du nombre des élus
qui entreront en possession du royaume ; la seconde , c'est qu'il ne
faut jamais désespérer de son prochain quand on le voit croupir dans
le vice, car nous ne connaissons pas les trésors de la miséricorde
divine. — Et plus haut : Ou bien, dans un autre sens, notre matin ,
c'est notre enfance ; la troisième heure , c'est l'adolescence ou la cha-
leur de l'âge qui se développe et qui est comme le soleil qui s'élève
dans les hauteurs des cieux. La sixième heure, c'est la jeunesse, alors
que la plénitude de la force s'établit en l'homme , comme le soleil qui
semble se fixer au milieu du firmament. La neuvième heure est
comme la vieillesse dans laquelle l'âge descend tous les jours des hau-
teurs brûlantes de la jeunesse, comme le soleil qui descend des points
élevés du ciel. La onzième heure , c'est l'âge de la caducité et de la
décrépitude.
S. Ghrys. {hom. 64,) Le père de famille n'a pas loué tous ses
ouvriers à la même heure , mais les uns le matin, les autres à la troi-
sième heure et ainsi de tous ceux qui suivent; mais la cause en est
dans les différentes dispositions de leur âme ; car le Seigneur les
appelle lorsqu'ils sont prêts à lui obéir ; c'est ainsi qu'il appela le lar-
sit iuter eos di£ferentia, temporis causa.
Quod aiitem dicit : « Multi suut vocati,
pauci vero electi, » non ad superiores
sanctos pertinet, sed ad trentes ; ([uoniam
ex ipsis gentibus qui multi voi-ati sunt,
pauci suut eligendi. Gueg. (î(^ sup.) Ad
fidem euiiu pluies veuiunl, et ad crelcsto
regnura pauci perducuntur : plerique
enim Deum vocibus sequuntur, moribus
fugiunt. Ex hoc ergo duo pensare debe-
mus : primuni est, ut de se quisque mi-
nime prœsumat ; quia elsi jam ad lidem
vocalus est, utrum ad regnuni eligendus
sit, nescit : sccuudum vero est, ut unus-
quisque proximum suuni, quem jacere
in viliis conspicit, desperare non audeat ;
quia diviiiii' misci'icnrdiiv divitias Il'Iih-
rat. Et jam ante : vel aliter : manenoi-
trum, pueritia est ; hora tertia, adoles-
centia intelligi potest; quia quasi jam sol
in altum proticit, dum calor œtatis cres-
cit ; sexta autem juventus est : quia ve-
lut in centro sol tigitur, dum in ea ple-
uiludo roboris solidatur ; nona autem ,
senectus intelligitur; in qua velut sol ab
alto axe descendit; quia aetas a colore
juventutis déficit ; undecima vero est ea
aetas quandecrepita vel velerana vocatur.
Chrys. {in homil. 65 «^ snp.) Quod
autem non omnes simul conduxit, sed
alios mane , alios hora tertia, et sic de
aliis. ex dilTerentia mentis eorum proces-
sif : tune enim eos vocavit, quando erant
obedituri : nam el iatroueuj vocavit.
DK SAINT MATTHIEU, CHAP. XX.
r)6r>
ron au moment où il prévoyait (ju'il répondrait à sa vocation. Il est
vrai que ces ouvriers disent : « Personne ne nous a loués ; » mais ,
comme nous l'avons dit , il ne faut pas chercher la raison de toutes
les circonstances des paraboles. D'ailleurs , ces paroles ne viennent
pas du père de famille , mais des ouvriers ; et quant à Dieu , au con-
traire, il appelle tous les hommes dès le premier âge de la vie, comme
le prouvent ces paroles : « Il sortit de grand matin pour louer des
ouvriers, » — S. Grég. Ceux donc qui ont tardé jusqu'au dernier âge
à vivre pour Dieu , sont ceux qui se tiennent dans l'oisiveté jusqu'à
la onzième heure , et cependant le père de famille ne laisse pas de les
appeler, et souvent il les récompense les premiers, parce qu'ils sortent
de cette vie pour entrer dans l'éternité avant ceux qui ont été appelés
dès leur première enfance. — Orig. Or, ces paroles : « Pourquoi
demeurez -vous ainsi tout le jour sans travailler? » ne s'adressent pas
à ceux qui, après avoir commencé par l'esprit, finissent par la chair
{Galat.,ni), s'ils veulent revenir plus tard à la vie de l'esprit. En par-
lant ainsi , notre intention n'est pas de détourner ces enfants volup-
tueux , qui ont dissipé toute la richesse de la doctrine évangélique en
vivant dans la débauche, de revenir dans la maison paternelle ;
nous voulons simplement dire qu'on ne peut nullement les comparer
à ceux qui ont péché dans leur jeunesse avant d'avoir reçu les ensei-
gnements de la foi. — S. Chrys. {hom. Oi.) Jésus termine en disant :
« Les derniers seront les premiers et les premiers les derniers, » et il
fait ici allusion indirecte tant à ceux qui , après avoir brillé d'abord
d'un vif éclat, ont ensuite méprisé les leçons de la vertu, qu'aux
autres , qui , ramenés des sentiers du vice , se sont élevés au-dessus
d'un grand nombre par la sainteté de leur vie. Cette parabole a donc
été composée pour exciter l'ardeur de ceux qui ne se sont convertis
quando obediturus erat. Si autern dicant
ijuia « nemo uos conduxit, » sicut dic-
timi est, non oportet oninia scrulari quae
in parabolis sunt. Item hoc non dicit
Dominus, sed operarii : quod enim ipse
omnês (quantum ad se pertinet) a prima
ietate vocet, signlficatur, cuni dicitur :
« Exiit primo mane operarios condu-
cere. » Greg. {ut svp.) Qui ergo usque
ad ultimam œtatem Dec vivere neglexe-
runt, usque ad horam undecimam otiosi
sleteiunt; et tamen taies paterfamilias
vocat : et plerumque ante remnnerantur,
quia prius ad regiinm de corpore exeunt,
quam lii qui modo in puerilia vocati esse
videbantur. Ork;. {u( snp.) Non autem
dicitur : « Quid hic statis tota die otio-
si, » his qui spiritu incipientes carne
consumraantur , si postea regredi vo-
lunt. ut iterum spiritu vivant : quod
non dicimus dissuadentes ne ad domum
paternam revertantur lascivi iilii, qui vi-
vendo luxuriose evangelicag doctrina?
substantiam consumpserunt ; sed quo-
niam non similes sunt eis qui peccave-
runt in juventute sua, dum non adhuc
didicissent quœ fidei erant. Chrvs. (in
fioin. lit Slip.) Quod autom dicit : « Erunt
primi novissimi et novissimi primi, » eos
occulte insinuât qui a principio clarue-
runt, et postea virtutem conlempserunt;
et rursus eos qui a malitia reducti sunt,
et multos superexccsserunt : composita
est ergo hœc parabola, ut eos avidiores
566
EXPLlCATIOiN DE L EVANGILE
que dans leur extrême vieillesse, et les délivrer de la crainte de rece-
voir une récompense moins grande que les autres.
y. 17-19. — Or, Jésus s'en allant à Jérusalem, il prit d part ses douze disciples,
et leur dit : Nous allons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera livré aux
princes des prêtres et aux scribes, qui le condamneront à la mort et le livre-
ront aux Gentils, afin qu'ils le traitent avec dérision et qu'ils le fouettent et
le crucifient; et il ressuscitera le troisième jour.
S. Chrys. {hom. 05.) Notre-Seigneur , en quittant la Galilée, ne
vint pas immédiatement à Jérusalem ; mais il opéra d'abord un grand
nombre de miracles , confondit les pharisiens , donna à ses disciples
les leçons de la perfection chrétienne et leur fit connaître la récom-
pense qui lui était réservée. Maintenant qu'il est sur le point de se
rendre à Jérusalem , il leur parle de nouveau de sa passion : « Et
Jésus, s'en allant à Jérusalem, prit en particulier les douze, » etc. —
Orig. {Traité XI sur S. Matth.) Judas se trouvait encore au nombre
des douze Apôtres, car il était peut-être encore digne d'apprendre en
particulier avec les autres ce que son maître devait soutfrir. — S. Chrys.
{sur S. Matth.) Le salut des hommes repose tout entier dans la mort
de Jésus-Christ, et cette mort doit être le premier et le plus digne
sujet de nos actions de grâces. Le Sauveur annonce en secret à ses
Apôtres le mystère de sa passion , parce que c'est dans les meilleurs
vases qu'on renferme les plus précieux trésors. Si d'autres avaient
entendu prédire la passion du Christ, il est probable que cette prédic-
tion aurait troublé les hommes à cause de l'imperfection de leur foi,
et les femmes par suite de la faiblesse naturelle à leur sexe , faiblesse
(|ui leur fait verser des larmes dans de semblables circonstances.
l'aceret, iiui in ultima senectulo coiiver-
liintur ; ne existimarent se minus ali-
quid habituros.
Et ascendens Jésus Hierosohjmam , assumpsit
duodecim discipulos secreto, et ait illis : Ecce
ascendimus Hierosohjmam, et Filius hoininis
tradetur pvincipibus sacerdotum et scribis ; et
r.ondemnalmnt eum morte, et tradent eumyen-
tibus ad illudendum, et flagellandum, et ei-uci-
pgendum; et tertia die resurgef.
Chrys. {in hom. KB in Matth.) l")oiiii-
nus a rialila\a venions, non reponle llie-
rosolyniam ascentlit, sed prius niiracula
l'ecit, pharisœos confulavit, ot disi'ipulos
de vitaî perfectiono et reniuneratione
instruxit; nunc jani asccnsnrus Iliern-
salcm rursus eis de passione loquilur :
undo dicilur : « Ht asceudeus Jésus Hie-
rosolymam, assumpsit duodecim.» Orig.
{Tract. II, in Matth.) In duodecim
adliuc erat et Judas ; adhuc enim forsi-
tan dignus erat cum aliis seorsum audire
quai passurus erat Magister. Chrys.
{sup. Matth. in opère imperf.. hom. 35.)
Omnis aulem salus homiuuni in Christi
morte posita est ; nec est aliquid propter
quod ra;igis Deo gratias agere debea-
mus, quam propter mortem ipsius : ideo
duodecim apostolis in secreto mortis
su,T annuntiavit myslerium ; quia sem-
per pretiosior thésaurus in meiioribus
vasis includitnr. Si autem alii audissent
passionem Christi futuram, viri forsitan
turbarentur propter inlirmitatem tidei,
et muUeres pro])ler inollitiem suai ua-
tnra; ; ex qua in lali negotio ad hicry-
mas excitantur. Chuys. {in homil. (J6 ut
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XX.
567
— S. Chrvs. {hom. 65.) Ce n'est pas que le Sauveur n'ait parle
de ce mystère à la foule; mais c'est d'une manière voiliie, comme
dans ces paroles : a Détruisez ce temple » {Jean , ii) ; et dans ces
autres : « Il ne leur sera pas donné d'autre signe que celui du pro-
phète Jonas. » [Matth., XII.) Au contraire, il en parle clairement à
ses disciples : « Voici que nous allons à Jérusalem, » etc. — S. Gurys.
{sur S. Matth.) Cette expression : « Voici » marque l'intention for-
melle que les disciples gardent dans leurs cœurs le souvenir de cette
prédiction. « Voici que nous allons à Jérusalem, » c'est-à-dire :
Remarquez que c'est volontairement que je vais à la mort, et, lorsque
vous me verrez suspendu à la croix, gardez-vous de croire que je ne
sois qu'un homme ; » car, s'il est dans la nature de l'homme de mou-
rir, il n'est point dans sa nature de vouloir marcher de lui-même à
la mort.
Orig. Cet exemple doit nous apprendre, à nous qui connaissons
bien souvent les épreuves qui nous attendent , que nous devons nous-
mêmes nous offrir au danger; mais, comme le Sauveur nous dit
ailleurs ; « Lorsqu'on vous poursuivra dans une ville , fuyez dans une
autre , celui qui est sage en Jésus-Christ doit discerner le temps où il
doit aller au-devant de la persécution et celui où il peut la fuir.
S. Jér. Bien souvent il avait parlé à ses disciples de sa passion; mais
comme les entretiens nombreux qu'il avait eus avec eux sur d'autres
sujets avaient pu leur faire oublier ce qu'il leur en avait dit , avant
d'aller à Jérusalem avec eux , il les prépare à cette grande épreuve ,
pour qu'il ne fussent pas scandalisés lorsqu'ils seraient eu présence
de la persécution et de l'ignominie de la croix. — S. Chrys. {sur
sup.) Dictum est quidem et ad multoSj
lamen occulte , sicut ibi {Joan. ii ) :
« Solvite lemplum hoc ; » et {Matth.
12 ) : « Signum non dabitur ei nisi si-
gnum Jonae prophetae. » Discipulis au-
tem manifeste cxposuit, dicens : « Ecce
ascendimus Hierosolymam. Chrys. (sup.
Matth. in opère imperf. ut sup.) Quod
dicit, ecce, coutestantis est seruio, ut
memoriam praescieutiae hujusmodi in
cordibus recondaut. Dicit autem, ascen-
ditmis, ac si dicat : Videte quia voluu-
tarie vado ad mortem ; cum ergo vide-
ritis me iu cruce pendentem, ne aesti-
metis me liomiuem esse tantum : nam
etsi posse mori hominisest , velle tamen
mciri hominis non est.
Orig. (r(t sup.) Hocigitur cousideran-
tes, scire debemus quoniam fréquenter
etiam cognoscentes quoniam et tentatio-
nes aliquas subituri sumus, nos ipsos
offerre debemus ; sed quoniam supra-
dictum est {cap. 10): « Si quis vos per-
secutus fuerit in una civitate, fugite in
aliam, » sapientis in Christo est, ut co-
gnoscat quale tempus exigit declinatio-
nem; quale autem obviationem pericu-
lorum.
Hier. Crebro autem de passione sua
discipulis dixerat ; sed quia multis in
medio disputatis poterat labi de memo-
ria quod audierant, iturus Hierosoly-
mam, et secum ducturus apostolos, ad
tentationem eos parât ; ne cum veuerit
persecutio et crucis ignomiuia, scanda-
lizentur. Chrys. {sup. Matth. in opère
568
EXPLICATION DE L EVANGILE
S. Matth.) En oflot, lorsque la tentation nous trouve préparés, elle
nous paraît bien plus légère que si elle nous avait surpris tout d'un
poup. — S. CiiRYs. {hom. 05.) Il leur fait encore cette prédiction pour
leur apprendre que c'est après l'avoir prévu, après l'avoir voulu, qu'il
endurera les souffrances de sa passion. Mais tandis qu'au commence-
ment il ne leur avait prédit que sa mort seule, lorsqu'il les trouve bien
préparés, il va plus loin et leur annonce qu'il sera livié aux fientils.
— Rab. En effet. Judas livra Jésus aux Juifs, et ceux-ci à leur tour le
livrèrent à Pilate , c'est-à-dire au pouvoir des Romains. Or, le Sei-
gneur ne voulut point des prospérités de ce monde, mais il leur pré-
féra les souffrances , pour nous apprendre , à nous dont la chute avait
eu pour cause l'attrait du plaisir , par quelles amertumes nous pour-
rions nous relever ; c'est pour cela qu'il ajoute : « Afin qu'ils le
traitent avec dérision, qu'ils le fouettent et le crucifient. » — S. Arc.
{Cité de Dieu, xviii, 49.) Par sa passion, il nous enseigne ce que nous
devons souffrir pour la vérité^ et par sa résurrection ce que nous
devons espérer dans l'éternité : « Et le troisième jour, il ressuscitera.»
— S. Chrys. [homélie 66.) Il s'exprime de la sorte pour que leur âme,
attristée par la perspective de ses souffrances , se repose dans l'espé-
rance de la résurrection : « Il ressuscitera le troisième jour. » —
S. AuG. {De la Trinité, iv, 3, 4.) Une seule mort , celle du Sauveur
selon le corps , nous a sauvés de deux morts , et sa seule résurrection
a été pour nous le principe de deux résurrections différentes. Or,
cette relation d'un à deux vient du nombre trois, qui se compose de
ces deux premiers nombres. — Orig. Nous ne voyons pas que les dis-
ciples aient rien dit ou rien fait en entendant cette triste révélation
imperf. ut sup.) Tribulatio enim cum
superveaeril expectautibus nobis, levior
iavenitur quam esset fntura, si repenlina
venisset. Chrys. (in hom. GG ut sup.)
Praedicit etiam eis, ul discaut quoiiiam
praesciens ad passionem venit el volens;
sed a principio quidem niortem prœ-
dixit cis solam ; qnando aiilem exerci-
fali sunt, adduoit alia ; sciUcel quoniam
Iradent eum ixontibus. Rab. Tradidit
enim Judas Domiiuim Judfpi.s, et ipsi
tradidenmt euui goutibus ; id est, Pilato,
et polestali Homanorum. Ideo autcni
Domiiius in nuindo noluit prosperari.
sed gravia pati, ni ostenderet nobis qui
per deloctalioneni cecidinius, cnni qna
aniariludine redire debeamus : undo se-
quilur : « Ad iliiidendnm, et lUifieliaii-
dum, et (•rncififieudum. » AUG. (xviii de
Civit. Dei, cap. 49.) Passione ostendit
quid sustinere pro veritate, resurrec-
tioue (juid sperare in fefernitate debea-
mus : unde dicit : « Et tertia die resur-
get. » Chrys. (in hom. 66 ut sïtp.) Quœ
quidem liujus gratia dixit, ut cum tris-
tia viderint , resurrectiouem expecta-
rent ? Uude subdit : « Et tertia die resur-
get. » AuG. (iv de Trinit., cap. a et 4.1
Una enim mors (scilicet Salvatoris. se-
cundum corpus) duabus niortibus nos-
tris saluti fuit; scilicet animae et <;orpo-
ris; et una ejus resurrectio, duas nobis
resurrectiones prœstitit. Use autem ra-
tio simpb ad duphlm, oritur quidem a
ternario numéro : ununi quippe et duo.
tria sunt. URIg. (ni su p.) Hic autem non
referuntur discipuli dixisse aut fecisse
aliquid . cuin audisseni Iristia baîc
DE SAINT MATTHIEU, CnAP. XX. 560
des souffrances de Jésus-Christ ; ils se rappelaient les paroles du Sei-
gneur ù Pierre, et ils craignaient de s'attirer un semblable et peut-être
plus sévère reproche. Et maintenant, voici que les scribes, qui se
flattent de connaître les saintes Ecritures, condamnent Jésus à mort
et le flagellent par leurs accusations, et ils le crucifient pour faire
disparaître sa doctrine; mais après avoir paru succomber un instant,
il se relève et apparaît à ceux qui ont reçu le pouvoir de le voir et de
le reconnaître.
f. 22-33. — Alors la mère des enfants de Zébédée s'approcha de lui avec ses
fils, et l'adora en témoignant qu'elle voulait lui demander quelque chose. Il
lui dit : Que voulez-vous? Ordonnez, lui dit-elle, que mes deux fils que voici
soient assis dans votre royaume , l'un à votre droite et l'autre à votre gauche.
Mais Jésus leur répondit : Vous ne savez ce que vous demandez. Pouvez-vous
boire le calice que je dois boirel Ils lui dirent : Nous le pouvons. Il leur
repartit : Il est vrai que vous boirez le calice que je boirai ; inais pour ce qui
est d'être assis à ma droite ou à ma gauche , il ne dépend pas de moi de vous
le donner; mais ce sera le partage de ceux à qui mon Père l'a préparé.
S. Jér. Le Seigneur venait de terminer son discours en disant : « Et
il ressuscitera le troisième jour. » Cette femme s'imagine donc que
son règne commencerait aussitôt après sa résurrection (1), et avec la
vivacité de désirs naturelle à son sexe, elle veut jouir de ce qu'elle voit
déjà comme présent, sans penser à ce qui doit arriver dans l'avenir :
0 Alors la mère des enfants de Zébédée s'approcha, » etc. — S. Chrys.
(sur S. Matth.) Cette mère des enfants de Zébédée est Salomée, dont
un autre Evangéliste (2) nous fait connaître le nom , femme vraiment
fl) Le texte de saint Jérôme est un peu différent et porte : « Elle pensa que son règne allait
commencer immédiatement, et qu'il accomplirait dès son premier avènement ce qui n'est promis
que pour le second.»
(2) Dans une autre circonstance, lorsqu'elle se tient près de la croix et qu'elle se rend au
sépulcre. (Marc, xv, xvi.) Saint Chrysostome donne ici l'explication du nom hébreu Salomé, qui
veut dire pacifique.
Christo futura, recordantes quae Domi-
nns dixit ad Petriim; ne audiant talia, vel
pejora : et nuuc quideiu qui divinas lit-
teras scire se arbitrantur scribse, cou-
demnant .lesum morte , et in linguis
suis flaiïellant , et crucifisuut eum per
Loc quod tollere volunt doctrinam ip-
sius : ille autem paululum deficiens sur-
git, apparens liis qui acceperuut posse
videre.
Tune accessit ad eum mater filiorum Zebedœi
cum filiis suis, adorons etpelens aliijuid ab eo :
qui dixit ei : Qiiid vis ? Ait illi : Die ut sedeant
hi duo filii mei, unus ad dexteram tuam, et
unus ad sinistram in regno tua. Respondens
autem Jésus, dixit : Neseilis ijuid petatis :po-
teslis bibere calicem quem ego bibiturus sum '.'
Dieunt ei : Possumus. Ait illis : Calicem qui-
dem meum bibctis ; sedere autem ad dexteram
meam, vel ad sinistram, non est meum dure
vobis, sed quibus paratum est a Pâtre meo.
Hier. Quia post omnia dixerat Domi-
nas : « Et terlia die resurget , » puta-
vit mulier post re^urrectionem eum re-
gnaturum, et aviditate feminea pra^sen-
tia cupit, imuiemor futurorum : unde
dicitur: « Tune accessit ad eum, » etc.
CiiRYS. [sup. Matth. in opère imper f.
ut sup. ) llaec mater filiorum Zebedœi
est Salome, cujus apud alterum evange-
570
EXPLICATION DE L EVANGILE
pacifique, qui a enfanté les enfants de la paix. Nous pouvons juger ici
du mérite et de la gloire de cette femme qui, non contente de voir ses
enfants quitter leur père^, abandonne elle-même son mari pour suivre
Jésus-Christ; car son mari pouvait vivre sans elle, mais pour elle,
elle ne pouvait obtenir le salut sans Jésus-Christ. On peut admettre,
d'ailleurs, que Zébédée était mort dans l'espace de tempsqui s'écoula
de la vocation des Apôtres à la passion [du Sauveur. C'est donc alors
que cette femme d'un sexe faible et accablée par l'âge, marchait à la
suite de Jésus-Christ; car la foi ne vieillit point, et la piété ne'connait
point la fatigue. L'affection naturelle pour ses enfants (1*) lui donne
la hardiesse de faire au Sauveur une demande. « Elle l'adora en lui
témoignant qu'elle voulait lui demander quelque chose , » c'est-à-dire
elle commence par lui rendre ses hommages pour assurer le succès de
sa demande. « Il lui dit : Que voulez-vous ? » S'il lui fait cette question,
ce n'est point qu'il ignore ce qu'elle désire , mais il veut lui montrer
tout ce que la demande qu'elle allait lui adresser avait de déraison-
nable. « Et elle lui dit : Ordonnez que mes deux enfants soient
assis, » etc.
S. AuG. {de l'accord des Evang., ii, 64.) Saint Matthieu met dans
la bouche de la mère la demande qui, d'après saint iNIarc, a été faite
parles enfants de Zébédée eux-mêmes, parce qu'elle n'a été auprès du
Seigneur que l'interprète de leurs désirs, et ainsi saint Marc, pour
abréger, leur attribue cette demande. — S. Chrys. {hom. 65.) Ces deux
disciples se voyaient plus honorés que les autres , ils avaient entendu
dire au Sauveur : « Vous serez assis sur douze trônes, » ils demandent
donc d'occuper les premiers. Ils savaient bien qu'ils étaient plus élevés
(1') On lit dans le texte latin de l'Ouvrage inachevé, sur saint Matthieu, natorum affectus.
listam ponitur nomea ; vere paci/ica,
qiife vere filios {^eauit pacis. Magua laus
mulieris ex hoc loco coUigitur, quia, uou
solum filii reliquerunt patrem, sed ipsa
reliquerat virum suum, et secuta fuerat
Christum ; quia ille sine ista vivere po-
terat, ista auteiu siue Christo salva esse
nou poterat : nisi forte quis dirai, quia
infra tempus vocationis apostolorum et
passionis Christi morluus est Zebedœus ;
et sic illa sexu fragilis , nUate defecta
Christi vestigia sequebatur ; quia iides
numquam seuescit, et religio taligatio-
nem non sentit. Audai-em autem fecerat
eani ad pctendum naturœ alTectus : un(ie
difitiir: « Adorans et petens aliijuid ah
eo, » id est, reverenlia oxhibita petit, ut
quod pclierit, siiji delur. Sequilur :
« Qui dicit ei : Quid vis"'» non iuterro-
gat quasi nesciens, sed ut illa exponeute
manifestum faceret irrationabilem esse
petitionem : unde subditur : « Ait illi :
Die ut sedeant hi duo filii. »
AuG. {(le Con. Evang., lib. ii, cap. 64.)
Quod autem per matrem dictum esse
JMatthasus expressif, hoc Jlarcus ipsos
filios Zebedaji perhibet dixisse, cuui illa
eorum voluntatem aftulisset ad Domi-
num : unde niagis ipsos quam illam
dixisse quod dictum est Marcus breviter
intimavit. [cap. 10.) Ciirys. (in hom. 66
ni sup.) Yidebant enim seipsos honora-
tos prœ aliis, et audierant quod « super
duodecim tlirmios sedehitis : » unde
luiniatum ipsius calliodrai petebant ac-
cipcrc : et quod quidcm plus aliis ho-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XX. 571
en dignité que les autres auprès de Jésus-Christ;, mais ils craignaient
que Pierre n'obtint la primauté sur eux. Aussi un autre Evangélistc
nous rapporte que, comme ils approchaient de Jérusalem , ils s'ima-
ginaient que le royaume de Dieu allait s'ctabhr (1), c'est-à-dire un
royaume visible, preuve évidente qu'ils ne demandaient rien de spi-
rituel, et qu'ils n'avaient aucune idée d'un royaume plus élevé. —
Orig. {traité 12 sur S. Matth.) Dans les cours des rois de la terre, on
regarde comme un grand honneur d'être assis près du roi, il n'est
donc pas étonnant que cette femme , dans la simplicité et l'inexpé-
rience de son sexe, ait cru pouvoir faire au Sauveur une semblable
demande (2*). Ses deux enfants eux-mêmes , qui étaient encore bien
imparfaits, et n'avaient pas des pensées fort élevées du règne du Christ,
partagèrent les idées de leur mère sur la destinée de ceux qui seront
assis avec Jésus. — S. Chrys. {sur S. Matth.) Ou bien dans un autre
sens, nous ne prétendons pas que la demande de cette femme soit lé-
gitime, mais nous disons qu'elle désirait pour ses enfants, non pas les
biens de la terre, mais les biens du ciel. Elle ne partageait pas les
sentiments des autres mères , qui aiment le corps de leurs enfants, et
ne font aucun cas de leur âme, et qui désirent les voir réussir et pros-
pérer en ce monde, sans avoir aucun souci de ce qu'ils auront à
souffrir dans l'autre ; elles montrent ainsi qu'elles sont les mères
des corps, mais non des âmes de leurs enfants. Je pense donc que ces
deux frères ayant entendu le Seigneur prédire sa passion et sa résur-
(1) On ne trouve rien de semblable dans aucun évangcliste ; peut-être saint Chrysostome fait-il,
sans s'enwdouter, allusion à ces paroles de Jésus-Christ, dites dans une autre occasion et dans un
tout autre sens : « Scitote quia propè est in januis regnum Dci. « {Matth., xxiv, 23.)
(2*) Dans le grand conseil de Jérusalem, les deux principaux membres après le Nasi on prince
du sanhédrin, s'appelaient, l'un le Père ou \' Ancien, et l'autre le Safje. C'étaient ces deux places
que Salomé voulait procurer à ses fils à coté du Christ, dans le royaume qu'il allait bientôt fon-
der, ou dans le sanhédrin céleste. (Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par le docteur Sepp,
tome I, page 532. )
noris apud Christum liabebaut. nove-
rant ; timebaiil vero Pclruui sibi prœ-
ferri : iiiido et aliiis Kvaiigelista dicit,
quod (luia eraiit yrope Hierusalem, pu-
tahaiil quod regnum Dei essetin januis;
id est, aliquid sensibile : unde manifes-
tiim est quod nihil spirituale petebant,
nec intelligentiam superioris regni ha-
bobant. Ork;. (Tract. \u, in Matth.)
Sicut enim in regno muudiali in bonore
esse videntur qui sedent cum rege, non
luit mirum si mulier muliebri simplici-
tate, vel imperilia, talia se debere pe-
lerc jpstimavit ; et ipsi Iratres adbuc
iiuperfecti , et nihil altius cogilaules de
regno Christi, talia arbitrati sunt de bis
qui sedebunt cum Jesu. Chryp. {snp.
Matth. in opère imperf. ut sup.) Yel
aliter : non dicimus quod recte peteret
baec mulier ; sed hoc dicimus quia, non
terrena, sed cœlestia filiis suis optabat :
non enim sentit sicut caeterae matres
quiE corpora natorum suorum ahiant,
animas autem contemnunt ; desiderant
illos valere in seculo isto, et non curant
quid sint passuri in alio, ut osteudaut
quia (orporum sunt parentes, non ani-
mariun. .Kstimo autem quod lu fratres
cum iuidissent Dominum de passioue a<-
resurrectione sua prophetantem, cœpe-
572 EXPLICATION DE L ÉVANGILE
rection, se dirent en eux-mêmes dans le sentiment de foi qui les ani-
mait : Voici que le roi du ciel va descendre dans le royaume des en-
fers pour détruire l'empire de la mort; lorsque sa victoire sera con-
sommée, que lui restera-t-il, que de recevoir les honneurs et la gloire
de la royauté? — Orig. C'est, en effet, après qu'il a détruit le péché
(jui régnait dans nos corps mortels et toute la puissance des esprits
de malice, que Jésus-Christ reçoit parmi les hommes les honneurs de
la souveraineté, ce qui est pour lui s'asseoir sur le trône de sa gloire.
Dieu agit en toute puissance à sa droite et à sa gauche, en ne souffrant
aucun mal en sa présence. Parmi ceux qui s'approchent de Jésus-
Christ, ceux qui sont les plus élevés , sont à sa droite ; ceux qui sont
au-dessous, sont à sa gauche. Par la droite du Christ, peut-être peut-on
comprendre toute créature invisible; et par la gauche toute créature
visible et corporelle. Dans le nombre de ceux qui s'approchent du
Christ, les uns prennent la droite, c'est-à-dire les choses intelligibles ,
les autres la gauche, c'est-à-dire les choses sensibles.
S. CiiRYS. {SU7' S. Matth.) Comment celui qui s'est donné lui-même
aux hommes , pourrait- il ne pas leur donner part à la gloire de son
royaume? La négligence de celui qui prie est donc seule coupable, là
où la miséricorde de celui qui donne ne peut être mise en doute. Les
deux frères se dirent probablement à eux-mêmes : Si nous nous
adressons directement au maître, peut-être notre démarche fera mau-
vaise impression sur l'âme de nos frères; car bien qu'ils ne puissent
être vaincus par une jalousie toute charnelle , régénérés qu'ils sont
par l'esprit, cependant ils peuvent encore y être accessibles dans ce
qui reste en eux de charnel. Envoyons donc notre mère à notre place,
elle priera pour nous en son nom ; si l'on trouve sa démarche répré-
ruut dicere intra se, cuiu esseat fidèles :
« Ecce rex cœlestis descendet .ad régna
lartarea, ut regnum mortis destruat :
iiim autem Victoria fuerit consummata,
ijuid aliud restât, uisi ut regni gloria
siibsequatur? » Orig. (ntsup.) Destructo
enim peccato quod regnabat in corpori-
Ims niortalihus lioniiuum, et omni prin-
«•ipatu iiialiguarum virtutnm , erniiien-
tiain regni in honiinilius Clirislus reci-
pit; qnod estipsum sedere in sede glorine
sna>. Quod autem oninia Deus facit ad
dexteram et sinistram, hoc est ut jani
vide si potes intelligere invisibilem crea-
turam ; sinistram autem, visibilem et
corporaleni : appropinquantium enim
Cliristo quidam dexteram sorliuntur, ut
intelligibilia ; alii sinistram, ut senbi-
bilia.
Chrys. {sup. Matth. in opère imprrf.
itt svp.) Qui autem seipsum donavit ho-
uiiuibus, quomodo regni sui socielatem
non douabif? Retentis negligeutia repre-
henditur, ul)i de dantis misericordia non
dubitatur. Si nos rosamus magistrum,
lorsilan cœterorum fratrum corda concu-
Mullum niahmi sit aute eum ; et qui tiemus : elsi enim vinci a carne non
'piidcin prircoUunl pra> cœteris appro- j possunt quasi jam spirituales, tamen
piuqiiaiitibus Clirislo , sunt a dexlris j percuti possiut quasi adlnu; carnales :
ejus ; ipii autem inieriores sunt, a sinis- | ergo submiltanuis matrem nostrani, u(
tris snnl ejus. Dexteram autem Christi, ', suo nomine dcprccctur pro nobis. Si
DE SAINT MATrHIEU, CTIAP. XX. 573
liensible, elle en obtiendra facilement le pardon ; si au contraire, elle
est accueillie, elle obtiendra plus facilement ce qu'elle demande pour
ses enfants ; car le Seigneur, qui a rempli le cœur des mères d'amour
pour leurs enfants, exaucera plus facilement une prière inspirée par
ralièctiou maternelle. Voilà pourquoi le Seigneur, qui connaît le se-
cret des cœurs, ne répond pas à la prière que cette femme lui adresse,
mais à la pensée de ses enfants qui la lui avaient dictée. Car si leur
désir était bon, leur demande était inconsidérée. Et, toutefois , bien
que leur prière ne dût pas être exaucée , elle ne méritait pas d'être
bumiliée, parce qu'elle avait pour principe un grand amour du Sei-
gneur. Aussi ne les réprimande-t-il que de leur ignorance : « Mais
Jésus répondit : Vous ne savez ce que vous demandez. » — S. Jeu.
Il n'est pas étonnant que le Sauveur les reprenne de leur ignorance,
puisqu'il est dit de Pierre lui-même : « Il ne savait pas ce qu'il disait.»
{Luc, IX.) — S. GiiRYS. {hojii. sur S. Matth.) Souvent, enefifet, le Sei-
gneur permet que ses disciples aient des pensées, tiennent des dis-
cours réprébensibles, pour y trouver l'occasion d'expliquer les règles
de la vie chrétienne ; car il sait que leur erreur ne peut leur nuire
tant que leur maître est avec eux, et la doctrine qu'il leur expose de-
vient une source d'édification, non-seulement dans le présent, mais
pour l'avenir. — S. Ghrys. {hom. 66.) Or, en s'exprimant de la sorte,
il leur fait comprendre qu'ils ne demandent rien de spirituel , et que
s'ils avaient su ce qu'ils demandaient, jamais ils u'auraicnt songé à en
faire l'objet d'une prière dont l'accomplissement surpasse le pouvoir
des puissances célestes (1*). — S. Hil. {can. 20.) Ils ne savent encore
(!') Le texte grec xà; âvw 2"Jvà|Ji£ii; détermine clairement le sens que nous donnons ici au
latin superiores virtutes.
enim reprehensibilis inventa fuerit, fa-
cile merebitur veniam : ipse enim sexus
excusât errurem : si auteni non fuerit
importuna, facilius impetrabit mater,
pro filiis suis rogaus : ipse enim Domi-
nus, qui maternos animes Bliorum mi-
seratione implevit^ facilius audiet ma-
ternum alîectum. Tune Dominus occul-
torum cognitor. non ad verba interce-
denlis mulieris respondit,sedad consilia
suggerentium filiorum. Bonum quidem
erat eorum desiderium, sed inconsido-
rata petitio : ideo etsi impetrare non de-
bebant, simplicitas tameu petitionis eo-
rum confundi non merebatur, quia de
amore Domiui talis petitio nascebatur :
propterea solam ignorantiam in eis Do-
minus ruprebemiit : uude sequitur :
« Respondens autem Jésus, dixit : Nes-
citis quid petatis. » Hier. Nec mirum si
ista arguatur imperitiue, cum et de Petro
dicatur (Luc. 9) : « Nesciens quid dice-
ret. » Chrys. {svp. Matth. in opère Im-
perf. ut sup.) Nam fréquenter Dominus
patitur discipulos suos aliquid non recte,
aut dicere, aut cogitare ; ut ex illorum
culpa occasionem inveniat exponendi
regulam pietatis ; sciens quia error eo-
rum non nocet prœsente magistro ; et
non solum in praesenti, sed etiam in fu-
ture doctrina ejus œdificat. Curys. [in
hom. 60 ut sup.) Hoc autem dicit, osten-
dens quod vel uibil spirituale petebant,
vel si novissent quai petebant, non ausi
fuissent tautum quid petere , quod su-
perexcedit sui^eriores virtutes. Hilar.
574
EXPLICATION DE L EVANGILE
ce qu'ils demandent, parce que la gloire réservée aux Apôtres ne pou-
vait faire l'objet d'aucune discussion, après qu'il leur avait prédit si
clairement qu'ils devaient juger le monde. — S. Ciiia s. {sur S. Matth.)
Uu bien, vous ne savez ce que vous demandez , c'est-à-dire : Je vous
ai appelés à ma droite de la gaucbe où vous étiez (1), et vous, de
votre propre choix , vous vous bâtez de repasser ù la gauche. Aussi
est-ce pour cela , peut-être , que cette demande se négociait par le
moyen d'une femme; le démon recourut à ses armes habituelles, à la
femme, pour séparer ces deux frères de leur maître par la suggestion
de leur mère, comme il avait dépouillé Adam par le moyen de sa
femme. Mais la ruine ne pouvait plus arriver jusqu'aux saints par
une femme, depuis que le salut de tous les hommes était sorti par les
mains d'une femme. Ou bien encore, ces paroles : « Vous ne savez ce
que vous demandez, » nous apprennent que nous devons penser non-
seulement à la gloire que nous voulons obtenir, mais à éviter la ruine
dont le péché nous menace. Ainsi dans les guerres qui ont lieu sur la
terre, celui qui ne pense qu'aux dépouilles et aux richesses de la vic-
toire, triomphe difficilement, ils auraient donc dû faire cette prière :
« Donnez -nous le secours de votre grâce , afin que nous puissions
triompher de tout mal. »
Rab. Ils ne savaient pas encore ce qu'ils demandaient, eux qui vou-
laient obtenir du Seigneur le trône de gloire qu'ils n'avaient pas en-
core mérité. La perspective d'une si grande gloire avait pour eux de
l'attrait, mais il leur fallait auparavant prendre la voie du travail qui
pouvait seule les y conduire; c'est pour cela qu'il ajoute : « Pouvez-
vous boire le calice?» — S. Jér. Le mot calice, dans le style des
Ecritures, signifie soufirance, comme dans le Psaume cxv : « Je pren-
(1) Allusion à ce qui doit arriver au jugement dernier, où les brebis seront à la droite, etc.
(Matth., XXV, 33.)
(cap. 20 tit Slip.) Nesciunt eliam quid
pétant, quia nihil de cloria apostolorum
ambigeudum erat : judicaturos euiiii eus
sermosuperior exposait (c«iJ. 19).Chbys.
{sup. Mallh. in opère imperf. vt sup.)
Vel « nescilis quid petatis : » quasi fli-
cat : « Ego vos vocavi ad parteui dex-
teram de siuistra; et vos vestro consilio
curritis ad sinistram : » ideo forsitan
et per mulierem res agebatur : eoululit
enim se diabolus ad eousueta arma ,
luulierem ; ut sicut Adam per muliorem
spoliavit, ita et istos separaret per ma-
trem ; sed jam uon poterat per mulie-
rem perditio introire in sanctos, ex quo
de uiuliere salus cuuctorum processit.
Vel ideo dieit : « Nescitis quid petatis. »
Non enini solum debemus cogitare qua-
lem gloriam cousequamur, sed quomodo
evadamus ruinam peccati ; quia et in
seculari bello, qui semper de pra^da vic-
torise cogitât , difficile vincit : ideo pe-
tendum erat : « Da nobis auxilium gra-
tis tua?, ut omne malum vincamus. »
Rab. Nesciebant etiam quid petereut,
qui sedem gloria? a Domino (quara non-
dum merebautur) iuquirunt. Delectabat
eos culmen honoris, sed prius babebaut
exercere viam laboris : unde subdit :
« Potestis bibere calicem. » Hier. Cali-
cem in Scripturis divinis passiouem in-
telligiuius; ut in [PsaiA'.')) « calicem sa-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XX. 575
drai le calice du sabbat, » et le Roi-Propbète expli(}ue aussitôt quel est
ce calice : « La mort de ses saints est précieuse aux yeux de Dieu. »
— S. Chrïs. {su?' s. Mattli.) Notre-Seigneur savait qu'ils étaient dis-
posés aie suivre jusque dans ses souffrances, mais il leur fait cette
question pour nous apprendre que personne ne peut régner avec lui
sans avoir participé à sa passion ; car un trésor aussi précieux ne peut
s'acquérir à vil prix (1). Or, la passion du Sauveur, ce n'est pas seu-
lement la persécution des Gentils, mais toute violence que nous souf-
frons en combattant contre le péché. — S. Chrys. {hom, 66.) Il leur dit
donc : « Pouvez-vous boire? » etc., c'est-à-dire : « Vous me parlez de
gloire et de couronnes, et moi je vous parle de combats et de fatigues,
car le temps des récompenses n'est pas encore venu. » Par la manière
dont il leur fait cette question, il les encourage et les attire; il ne leur
ditpas:Pourrez-vous répandre votre sang? mais : «Pouvez-vous boire
le calice ? » et il ajoute : « Que je dois boire , » pour enflammer plus
vivement leurs désirs par ce rapprochement. — S. Hil, {caii. 20.) Or,
les deux disciples qui avaient déjà la liberté et la constance du
martyre, promettent de boire ce calice. « Ils lui dirent : Nous le pou-
vons. » — S. Chrys. {sur S. Matth.) Ou bien ils font cette réponse
moins par confiance dans leur propre force que par ignorance de leur
fragihté ; car la tentation de la souffrance et de la mort paraît légère
à ceux qui ne l'ont pas éprouvée. — S. Chrys. {hom. 63.) Ou bien
encore, ils promettent de boire ce calice par le désir qu'ils en ont ;
car ils n'auraient jamais parlé de la sorte, si ce qu'ils demandaient
(1) Allusion à ces paroles de saint Paul (II Tint, ii, 12) : n Si nous souffrons, nous régnerons
avec lui; » et dans l'Epitre aux Romains, viii, 17 : « Si nous souffrons avec lui, nous serons
glorifiés, » etc..
lutaris accipiam ; » statimque infert quis
iste sil calix : « Pretiosa ia conspectu
Domini mors sanctorum ejus. » Chrys.
{siip. Mattli. in opère imperf. ut sup.)
Sciebat aulem Domiuus qnia passionem
ipsius poterant imilari; sedideo interro-
gal, ut omne? audiamus quia uemo po-
lest cum Christo regnare, nisi passionem
Christi fuerit imitatus : res enim pre-
tiosa, vili pretio uon comparatur. Passio-
uem autem Domini dicimus non solum
persecutionem (îenliliiim, sed omneni
violentiam quam patimur contra peccala
certantes. Chrys. {in homil. 66 ut sup.)
Dicit ergo: « Potestis bibere, » etc. Ac si
dicat : « Vos mihi de honore et coronis
loquimini ; ego autem de agonibus vobis
et sudoribus : non euim hoc est prae-
miorum tempus. » Ex modo autem in-
terrogationis eos attrahit : uon enim
dixit : « Potestis sanguinem vestrum
effuudere ? sed, potestis bibere calicem. »
Deinde addit : « Quem ego bibiturus
sum : » ut ex communione ad ipsum avi-
diores fiant. Hilar. [Van. 20 ut sup.) At
illi qui jani marlyrii hbertatem constan-
tiamque retinebant, bibituros se polii-
centur. Uude sequitur : « Dicunt ei :
Possumus. » Chrys. {siip. Matth. in
opère imperf. ut sup.) Vel dicunt hoc
non tam ex fiducia suœ fortitudinis,
quam ex ignorantia suae fragihtatis :
inexpertis enim levis videtur esse ten-
tatio passionis et mortis. Chrys. (m Jio-
niil. GQ ut sup.) \e\ hoc ex desiderio
promittunt : neque enim hoc dixissenl.
576
EXPLICATION DE L EVANGILE
n'avait été l'objet de leur attente. Or , le Seigneur leur prédit des
biens du plus grand prix, c'est-à-dire (Qu'ils seront rendus dignes de
souffrir le martyre.
« Il leur répartit : Il est vrai que vous boirez le calice que je boirai. »
Orig. Jésus-Christ ne leur dit pas : Vous pouvez boire mon calice,
mais les yeux fixés sur la perfection à laquelle ils devaient atteindre,
il leur dit : « Il est vrai que vous boirez mon calice. » — S. Jér. On
se demande dans quel sens les deux enfants de Zébédée , Jacques et
Jean, ont bu le calice du martyre, puisque d'après l'Ecriture, Jacques
seul fut décapité par Hérode [Acies, xii), et que Jean mourut dé mort
naturelle. Mais puisque nous lisons dans l'histoire ecclésiastique que
Jean fut plongé dans une chaudière d'huile bouillante _, et qu'il fut
exilé dans l'ile de Pathmos, nous voyons qu'il eut vraiment l'esprit du
martyre, et qu'il but le calice du confesseur de la foi , calice que
burent aussi les trois enfants dans la fournaise , bien que leur persé-
cuteur n'ait pas répandu leur sang.
S. HiL. {can. 20.) Notre-Seigneur, tout en louant la foi qui les
anime, leur déclare qu'ils seront associés à ses souffrances , mais que
Dieu, son Père, avait disposé en faveur d'autres de l'honneur de s'as-
seoir à sa droite et à sa gauche : « Mais pour ce qui est d'être assis à
ma droite et à ma gauche , » etc. Dans notre opinion , cet honneur
n'est pas tellement réservé à d'autres , que les Apôtres n'y aient point
départ, eux qui, assis sur les sièges des patriarches, jugeront les
douze tribus d'Israël. Autant que l'Evangile nous permet de le con-
clure, nous verrons assis aux côtés du Sauveur Moïse et Elle , au mi-
lieu desquels il parut sur la montagne dans tout l'éclat de sa gloire.
uisi expectassent audire, quod petebant.
Uominus autem eis prophetat magna bo-
ua, id est, martyrio diguos efficieudos.
Sequitur : « Ait illis : Calicem quidem
meum bibelis. » OuiG. {ut sup.) Non
ita respondit Cliristus : « Calicem meum
bibere poteslis;» sed ad futuram eorum
perfeclionem respicieus, dixit : « Calicem
(]uidem meum biboti.-^. » Hiiiu. Onœritur
.lutcm quomodo calicem marlyrii lilii
Zebedœi (Jacobu-; videlicetet Joannes) bi-
beriut ; cum Scriptura narret Jacobum
tanlum apublolum ab Ilerode capite trun-
catum [Act. 12) ; Juaiines autem propria
morte vilam finicril:sed silegimusin ec-
desiasllca historia, ([uod ipse Joannes
proptermartyrium sil missus in ferventis
olei dulium. et relegalus iii Patbmos in-
sulam fi'û, videbimus marlyrio animuni
non defuisse, et bibisse Joannem calicem
confessionis ; quem et très pueri in ca-
mino ignis biberunt; licet persecutor
non fuderit sanguinem.
HiLAR. {Can. 20 ut sup.) Dommus er-
go collaudaus eorum fidem, ait martyrio
quidem eus secum compati posse, sed
\x\x eju» ac dextrœ assidere, aliis a
Deo Paire fuisse dispositum : nnde se-
quitur : « Sedere autem ad dexteram
meam vel ad siuistram, » etc. Kt quidem
quantum arliitramur, ita bonor iste aliis
est reservatus quod tamen uec apostoli
ab eo erunt alieni, qui in duodecim pa-
triarcharum sede considentes, Israëlem
judicabuut ; et quantum sentire ex ipsis
evaugeliis licet, in regno cœlorum Moy-
S(V el Elias assidebunt, <piibus concomi-
lautibus (um uloriai suœ babituiii moule
DE SAINT MATTHIEU, CHA1\ XX.
57"
{Matth., xviii; Mafc, ix; Luc, ix.) — S. Jér. Quant à moi, telle n'est
pas mon opinion, mais je pense que le Sauveur ne nomme pas ceux
qui seront assis dans le royaume des cieux, dans la crainte que cette
désignation spéciale de quelques-uns, ne parût une exclusion pour
les autres. En eflet, la gloire du royaume des cieux ne dépend pas
seulement de celui qui la donne, mais aussi de celui qui la reçoit;
car Dieu ne fait acception de personne , et celui qui se rendra digne
de ce royaume, recevra ce que Dieu a préparé, non pas àla personne,
mais à la vie sainte et pure. Si donc vous vous rendez dignes par vos
vertus du royaume des cieux, vous en serez mis en possession. Ce-
pendant il ne leur dit pas : Vous ne serez pas assis à ma droite, pour
ne pas les couvrir de confusion , ni : Vous y serez assis , pour ne pas
froisser les autres disciples. — S. Chrys. {hom. 65.) Ou bien dans un
autre sens, cette place est inaccessible , non-seulement aux hommes,
mais encore aux anges ; car saint Paul nous déclare en ces termes
qu'elle est l'apanage exclusif du Fils unique : « A qui , parmi les
anges, a-t-il jamais dit : Asseyez-vous à ma droite? » C'est donc uni-
quement par condescendance pour ceux qui l'interrogent, et non pour
établir que quelques-uns des saints seraient assis à ses côtés, qu'il ré-
pond à leur question ; car le Seigneur leur répond : « Vous mourrez,
en effet, pour moi, mais cela ne suffit pas pour que vous obteniez
la première place ; car s'il s'en trouve un autre qui joint au martyre
une vertu plus parfaite, mon amour pour vous ne peut aller jusqu'à
lui enlever la première place pour vous la donner. » Mais il ne veut pas
que l'on croie que c'est impuissance de sa part , aussi ne dit-il pas
simplement : Ce n'est point à moi de donner , mais : « Ce n'est point
à moi de vous le donner, » cela est réservé à ceux à qui mon Père
apparuit. Hier. Sed mihi hoc nequaquam
videtur ; sed ideo sedentium iu regno
cœlorum vucabula nou dicuntur , ne
paucis nominatis (.'ceteri putarentur ex-
clusi : regnmn enini cœloruui non est
tantum dantis, sed accipientis : non enim
est personarum acceptio apud Deum,
sed quicuuque talem se priebuerit, ut
regno cœlorum dignus fiât, hic accipiet
quod non personai, sed vitui paratum
est. « Si itai|ue taies estis, qui consequa-
niiui regnuni eœloruui (quod Pater meus
victoribus prteparavit), vos quoque acci-
pietis illud. » Ideo tamen ueque dixit,
non sedebUis, ne duos confuuderet,
ueque sedebitis, ne caeteros irritaret.
Chkys. (//( homil. 66 ut sup.) Yel aliter :
videtur invius omnibus esse locus ille,
non solum bomiuibus, sed etiam mige-
TOM. II.
lis : sic enim praecipuum unigeniti po-
nit id Paulus, dicens [Hebr. 1) : « Ad
quem autem angelorum dixit unquam :
Sede a dextris meis? » Dominus ergo,
non quasi exislentibus quibusdam qui
assessuri sunt, sed condescendens iuter-
rogantium suspicion! respondit : hoc
enim imum solum quarebant, prte aliis
slare apud ipsum. Sed Dominus respon-
det : Moriemiui quidempiopter me, non
tamen hoc sufticit vos facere primum
ordinem obtinere : si enim aliquis ahus
veuerit, cum martyrio ampUorem virtu-
tem possideus, non quia vos anio, illum
expellam , et vobis dabu primatum.
Propter lioc autem, ut non ipse intir-
mus esse ostendatur, nou dixit simpUci-
ter : « Nou est meumdare, » sed, «non
est meum vobis dare, sed quibus para-
37
578
EXPLICATION DE L EVANGILE
l'a préparé, c'est-à-dire à ceux qui peuvent briller par l'éclat de leurs
bonnes œuvres. — Rémi. Ou bien encore : « Ce n'est point à moi de
vous le donner, c'est-à-dire de le donner à des orgueilleux comme
vous, mais cela est réservé aux humbles de cœur auxquels mon Père
céleste l'a préparé.» — S. Aug. {de la Trinité^ i, 12.) Ou bien enfin, le
Seigneur répond à ses disciples comme homme revêtu de la forme de
serviteur : « Mais pour ce qui est d'être assis à ma droite , ce n'est
point à moi de vous le donner, » etc. Or, ce que le Père a préparé, le
Wls l'a également préparé ; car le Fils et le Père ne sont qu'un.
ji'. 24-28. — Les dix autres ayant entendu cela, en conçurent de l'indignation
contre les deux frères. Mais Jésus, les ayant appelés à lui, leur dit : Vous
savez que les princes des nations dominent sur elles , et que ceux qui sont les
plus puissants parmi eux les traitent avec empire. Il n'en doit pas être de
même parmi vous ; mais que celui qui voudra devenir yrand parmi vous soit
votre serviteur ; et que celui qui voudra être le premier d'entre vous soit votre
esclave; comme le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour
servir, et donner sa vie pour la rédemption de plusieurs.
S. Chrys. {hom. 65.) Tant que Jésus-Christ n'a fait qu'exprimer sa
volonté à l'égard des deux disciples (1*), les autres Apôtres n'éprou-
vèrent aucun sentiment de peine ; ils ne s'indignent que lorsqu'il les
reprend : « Et les dix autres ayant entendu, » etc. — S. Hil. Ce n'est
pas sur la mère qu'ils font retomber la témérité d'une pareille
demande, mais sur les enfants qui, paraissant ignorer ce qu'ils
étaient, se sont laissé dominer par une ambition aussi démesurée. —
(1*) L'obscurité de cette phrase tient à ce qu'elle est séparée de ce qui lu suit immédiatement
dans saint Clirysostome. — Cette suite se trouve au moins pour le sens après la citation de saint
Hilaire. Il s'agit donc ici des desseins du Sauveur, relativement aux deux frères Jacques et Jean,
qu'il a honorés d'une manière toute particulière dans la transfiguration ; par exemple , etc. oOx
yjYavây.TO'jv signifie > il? ne s'indignèrent pas, » plutôt que " ils ne .«'attristèrent pas. n
tum est ; « his scilicet qui ab operibus
possiint fieri clari. Remig. Vel aliter :
« Non est lueum dare vobis, id est, su-
perbis talibus quales vos eslis ; sed humi-
libus corde, (piibus paratum est a Pâtre
uieo. » Aug. (l de Trin. cap. 12.) Vel
aliter secuudum forniam servi discipulis
Dumiiius respoudet : « Sedere autem ad
dexleraui,uoiiest uieum dare vobis, » etc.
(Jiiod autem paratum est a Paire ejus,
L't ab ipso filio est paratuui ; quia et ipse
fl Pater unum suiil.
El aitdieiites ilecem, indiynati sunt de diiobus
fralribus. Jésus autem vocavil eos ad sf , l't
ait : Scilis quia principes fietiliiim domiiuinlnv
eorum, et qui majores sunt, potestatem exer-
cent in eos. Non ita erit vos : sed quicumque
voluerit inter vos major fieri, sit vester minis-
ter : et quicumque voluerit inter vos primus
esse, erit vester servus : sicut Filius hominis
non venit ministrare, et dare animam snam in
redemptionem pro mullis.
Chrys. (»1 Jiomil. 60.) Douée Cbristi
seutentia erat, uou tristabantur alii dis-
cipuli ; sed tune tristati suut, quando
eos iucrepavit. Uude dicitur : « El au-
dieutes decem, » etc. Hilar. Nou ad mu-
lierem audaciam referuut postulautis,
sed ad iilios, quod ignorantes mensuram
suam, non uiodiea cupidilate exarseriut.
CiiRYs. (in hum. (Ki iif sup.) Intelloxe-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XX. 579
S. CiiRYS. {hom. 65.) Ils comprirent que cette demande venait des
deux frères , quand le Sauveur leur adressa ce reproche. Jusque-là ,
lorsqu'ils avaient vu les marques particulières d'iioiineur (ju'il leur
donnait, comme dans sa transfiguration , quelleque fût la peine qu'ils
en ressentaient intérieurement, ils n'osaient pas la faire paraître au
dehors, par respect pour leur divin Maître. — S. Ciirys. {sur
S. Matth.) La demande des deux disciples avait «Hé toute charnelle,
la tristesse des dix autres fut de même nature, car s'il est blâmable
de vouloir s'élever au-dessus des autres, il est on ne peut plus glo-
rieux d'accepter que d'autres soient élevés au-dessus de nous (1").
S. Jeu. Toutefois le divin Maître ne reproche ni leur ambition aux
deux disciples , ni leur indignation jalouse aux dix autres : « Mais
Jésus les appela à lui, » etc. — S. Ghrys. {hom. 66.) Gomme il les voit
dans le trouble , il les appelle à lui pour les consoler en leur adressant
la parole de plus près , car les deux frères s'étaient séparés de la
société des dix Apôtres pour se rapprocher du Seigneur et lui parler
en particulier. Or, il apaise les sentiments de leur âme, non plus
comme précédemment , en plaçant un petit enfant au milieu d'eux ,
mais par un exemple tout opposé : « Vous savez , leur dit-il , que les
princes des nations dominent sur elles. » — Orig. C'est-à-dire : Vous
savez que, non contents de gouverner leurs sujets, ils aspirent à une
domination tyrannique; mais pour vous, qui êtes mes disciples, il
n'en sera pas de la sorte , car , si les choses matérielles sont soumises
à la nécessité, les choses spirituelles dépendent de la volonté. Ceux
(1') Plusieurs éditions portent: « Minus est gloriosum ; « il est facile de voir que c'est une
faute qui ûte tout sens raisonnable à la deuxième partie de la phrase. Il suffit du reste de voir le
contexte dans {'Ouvrage inachnvt; sur saint Matthieu , homélie 25, pour se convaincre qu'il faut
lire : Il Nimis est gloriosum. » Après le premier membre de cette phrase, on lit en effet : n Nam
sicut isti , si spiritualiter sapuissent, non fuerant petituri ut essent super omnes, sic et illi, si spi-
ritualiter intellexissent, non fuerant contristatri esse aliquos ante se. Nam velle quidem,ii etc.
ruut euim quia bscc petitio discipulorum
fuil, quando eos Domiuus increpavit.
Quaudo auteni eo:5 a Domiuo prœbouo-
ratos videruut (iu trausfiguratione), si
secundum meutein dolebant, in médium
eiierre non audebant, venerautes docto-
rem. Chrys. {in opère imperf.) Sicut
autem duo carnaliler petieruut, ita et
decem carnaUter contristati suât : nam
velle quidem esse super omues, vitupe-
rabile est, susliuere autem alium super
se^ nimis est gloriosum.
Hier. Humilis autem magisteretmitis
nec cupiditatis duos arguit postulantes,
nec decem reliquos iudignationisincrepat
et livoris : midesequitur : «Jésus autem
vocavit eos ad se. » Chrys. {in hom.
GG ut sup.) Quia enim turbati erant, vo-
calione eos consolatur, de propiuquo eis
loquendo : etenim duo a societate decem
seipsos séparantes, propius stabant,
seorsum Domino loquentes : non tamen
sicut prius pueros in médium ducens,
eos consolatur, sed a contrario inseruit,
dicens : « Scitis quia principes gentium
dominantur eorum. » OmG. {Tract. I2iit
snp.) Id est, non conlenti tantum regere
suos subditos, violenter eis dominari ui-
tuutur ; inter vos autem, qui estis mei,
non eruut baec ; quouiam sicut omnia
carualia in necessitale sunt posita, spi-
ritualia autem in voluntate, sic et qui
o8()
EXPLICATION DE 1. EVANGILE
donc qui sont revêtus d'une puissance toute spirituelle doivent faire
reposer toute leur autorité sur l'afifection de ceux qui leur sont sou-
mis, plutôt que sur la crainte des châtiments extérieurs. — S. Chrys.
[hom. (ifi.) Il leur montre en même temps que c'est le propre des
nations idolâtres d'ambitionner la primauté, et par cette comparaison
il apaise l'agitation de leur âme. — S. Chrys. [sw S. Matth.) C'est
une chose louable de désirer le travail du ministère , car le travail
dépend en partie de notre volonté , aussi bien que la récompense qui
la suit ; mais c'est une vanité que d'ambitionner l'honneur des pre-
mières dignités, parce qu'elles dépendent de la volonté de Dieu.
Aussi, quand bien même nous obtiendrions cet honneur, nous ne
savons pas si nous méritons la couronne de justice. En effet, l'Apôtre
ne sera pas trouvé digne d'éloges aux yeux de Dieu pour avoir été
apôtre, mais pour avoir bien rempli les devoirs de l'apostolat; de
même ce n'est pas aux mérites qui ont précédé sa vocation que l'A-
pôtre doit l'honneur de l'apostolat; mais il a été jugé digne de ce mi-
nistère , d'après les dispcîfeitious de son âme. Disons encore que les
premières dignités vont au devant de ceux qui les fuient , et fuient
ceux qui les recherchent. Ce qu'il faut désirer, ce n'est donc point un
rang plus élevé , mais une vie plus vertueuse. C'est donc pour éteindre
l'ambition des deux frères et l'indignation des autres Apôtres, que le
Sauveur établit cette différence entre les princes du monde et les
chefs de l'Eglise , et il montre ainsi que le pouvoir ecclésiastique ne
doit être ni recherché par celui qui ne l'exerce pas , ni envié à celui
qui en est revêtu. Les princes du monde semblent n'être établis que
pour faire peser leur domination sur leurs inférieurs, les réduire en
servitude, les dépouiller et les exploiter jusqu'à la mort au prolit de
principes sunt spirituales, priucipatus
eoruiii iu dilectione subditorum débet
esse positus, non in timoré corporali.
Chhys. (?n /loniil. OG.) Ostendit autem iu
lioc, (juod Genliliuni est prinialns cu-
pere, et sie f;eulium coniparaliuue,
eoruni auimam œstuautem convertit.
Chuys. {sïip. Mattli. in opère imperf.
utsvp.) Kt opus tjuidem desiderare bo-
nnu) est (quia nostra; voluntatis est, et
nostra estmerces), primatum aulem Iio-
iiuris (;oncupiscere, vauitas est : hoc enim
«Kusequi, judiciuui Dei est : propter
• piyd ex priuiatu honoris uescimus, si
niercedeni justitia; ujeremur ; neque
•Miiiii apostoius laudeni habebit ;»pnd
Deniii (plia aiioslcihis luit ; setl si opus
•lll|J^llli;ltl|s sui t»ca<' iiiiplevit : iiecapas-
tolus pro merito suo autecedenti houo-
ratus est, ut esset apostoius ; sed ad hoc
niiuisterium aplus est judicatus secun-
dum niotuiu animœ suœ. PriiuatuscLiaiu
i'ugienlem se desiderat, et desideran-
teni se horret : conversatio ergo nie-
Uor desideranda est , non dignior gra-
dus. Volens ergo Uoniiuus, et duonun
fratruni ambitiouem, et aliorum iudi-
gnationera extingnere, introducit ditle-
rentiani inter principes ujundiaieset ec-
clesiaslicos; osteudens quia primatus iu
Christo, nec ab aliciuo appeleudus est
non habcnte, nec alteri hivideudus est
bal)euti ; (juia principes nnnidi ideo sunt
ut doniinentur niinoribus suis, et eos
servituli sid)jiciaut et expoiieut, et usque
niiirleni cis idaiitiir ad suani utililateui
DK SAINT MATTHIEU, CHAI'. XX. 581
leur propre gloire et de leur utilité personnelle. Les princes de l'E-
glise , au contraire , ne sont placés à sa tête que pour servir leurs
inférieurs, leur distribuer tout ce qu'ils ont reçu de Jésus-Christ, pour
veiller aux intérêts des fidèles au détriment de leurs intérêts person-
nels, et ne ])oint reculer devant la mort même pour les sauver. Il n'est
donc ni juste, ni utile de désirer la puissance et les honneurs dans
l'Eglise, car quel est l'homme tant soit peu sage qui voudrait se sou-
mettre de lui-même à une si grande servitude et au danger effrayant
de rendre compte pour toute l'Eglise , à moins qu'il n'ait perdu toute
crainte des jugements de Dieu, et <iu'il ne veuille faire un abus
indigne de la puissance ecclésiastique en la transformant en un pou-
voir tout séculier ?
S. Jér. Jésus termine en se proposant comme exemple pour faire
rougir par ses actions ceux que ses paroles laisseraient insensibles :
« Comme le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi. » — Orig.
Les anges et Marthe l'ont servi, il est vrai; il n'est cependant [)as
venu pour être servi, mais pour servir, et il poussa si loin cette servi-
tude à l'égard des autres , qu'il accomplit les paroles suivantes : « Et
pour donner sa vie en mourant pour la rédemption de plusieurs , »
qui ont cru en lui. Mais comme il a été le seul qui fût libre entre les
morts {Ps. Lxxxvii), et plus fort que toute la puissance de la mort, il a
par là même affranchi de la mort tous ceux qui ont voulu le suivre.
Les princes de l'Eglise doivent donc imiter Jésus-Christ qui se rendait
accessible, ne dédaignait pas de parler aux femmes, d'imposer les
mains sur les petits enfants , et de laver les pieds à ses disciples pour
les engager à en faire autant à leurs frères. Mais, malgré cet exemple,
nous offrons dans notre conduite le spectacle d'un orgueil qui va au
delà de l'orgueil des princes du monde ; car, soit que nous ne voulions
et ploriam ; principes auleni Ecclesiae
fiiiut, ut serviant minoribus suis, et
luinislrent eis quaecunque acceperunt a
Christo ; ut suas utilitates negligant, et
illoruni procurent, et mori non récusent
pro saluLe inferiorum. Primatum erpro
Ecciesiœ concupiscere^ neque justuni
est, neque utile Nullus sapiens vuit ul-
tro se subjicere servituti etperieulo tali,
ut det rationeiu pro omni Ecclesia; nisi
forte qui non timet Dei judicium, abu-
tens primatu suo ecclesiastico seculari-
ter, ita ut convertat illuni in seculareni.
HiEK. Denique sui propouit exeuipluni ;
m si dicta parvi penderent, erubesce-
renl ad opéra : unde subdit : « Sicut
Filius bominis non venit miaistrari. »
Orio. {ut sup.) Nam si augeli et Martba
ministraverunt ei, tainen non ideo venit
ut ministretur, sed utministret; et tan-
tum crevit ininistrans, ut impleretur
quod sequitur : « Et daret aniniam suam
in redeniptionem pro multis » qui cre-
diderunt in eum ; daret, inquam, in mor-
teui. Sed quoniam solus erat inter mor-
tuos liber {Psal. 87) et fortior omni po-
testate mortis, omnes sequi se volentes
liberavit a morte. Ecclesiarum ergo prin-
cipes imitari debent Cbristum accessibi-
lem, et mulieribus loquenlera, et pueris
manus imponentem, et discipulis pedes
lavantem, ut ipsi similiter faciant fratri -
bus. Nos autem taies sumus, ut etiam
principum mundi excedere videamursu-
582
EXPLICATION DE L EVANGILE
pas comprendre, soit que nous méprisions le précepte de Jésus-Christ,
nous voulons , comme les rois de la terre, nous faire précéder par des
gardes, nous cherchons à nous rendre redoutables et de difficile
accès , surtout à l'égard des pauvres ; nous n'avons pour les autres et
nous ne voulons pour nous-mêmes aucune marque d'affabilité.
S. GiiiiYS. (Iiom. (H).) Donc, à quelque degré que vous puissiez vous
humilier, jamais vous ne descendrez aussi bas que votre Sauveur et
votre Dieu.
y. 29-34. — Lorsqu'ils sortaient de Jéricho, il fut suivi d'une grande troupe de
peuple, et deux aveugles , qui étaient assis le long du chemin, ayant ouï dire
que Jésus passait, commencèrent à crier, en disant : Seigneur, fils de David,
ayez pitié de nous. Et le peuple les reprenait pour les faire taire ; mais ils se
mirent à crier encore plus linut : Seigneur, fils de David, ayez pitié de nous.
Alors Jésus s'arrêta, et, les ayant appelés, il leur dit : Que voulez-vous que je
fasse? Seigneur, lui dirent-ils, que nos yeux soient ouverts. Jésus, étant donc
ému de compassion à leur égard, leur toucha les yeux , et au même moment
ils recouvrèrent la vue et le suivirent.
S. Chrys. {sur S. Matth.) De même qu'une abondante moisson
témoigne en faveur du travail du laboureur, ainsi une nombreuse
assemblée est une preuve du zèle de celui qui enseigne : « Et lors-
qu'ils sortaient , une foule nombreuse le suivit. » Aucun d'eux ne fut
arrêté par les difficultés de la route, car l'amour spirituel n'est point
sujet à la fatigue, aucun d'eux ne fut retenu par la pensée de ses inté-
rêts temporels, car ils entraient en possession du royaume des cieux.
Celui, en effet, qui a ime fois goûté en vérité le bien céleste, ne trouve
plus rien sur la terre qui soit digne de son affection. Or , ces deux
perbiam ; vel non intelUgeuteâ, vel cou-
lemnentes raandatuui Cbristi ; et quaeri-
mus (sicut rcses) acies prœcedentes; et
lerribilesnos et aecessu difficiles (maxime
pauperibus) cxhibeams ; uullam atTabi-
îitatem liabentes, vel habere ad nosper-
mitloIlte^.
CniiYS. [ia homil. 66, ut sup.) Quaii-
Uuncmuiiie erpto tu Uumiliatus l'ucris,
nul) poleris tantum descendere quantum
Dominus tau^;.
F/ /•(iffilioilibus mis (ib Jliericho, smilu est
rum luvha mulla. Et ccce duo cœci aedentcs
xrciis l'iam , niidieriint quia Jésus trnnsirrl,
*"' cinm'ivruiil , dicentrs : Domine, miserere
nostri , fili David. Turlia auteiii incrrpnhal
rfis vl lucerrnt. At illi magis clamabnut ,
diceiUfs : J'omine, miserere noslri, fili Dnvid
El stetit Jésus, et vocavit eos, et ait : Quid
vultis ut faciam robis ? Dicunt illi : Domine,
ut aperiantur oculi nostri. Misertus autem
eormn Jésus, tetigit oculos eorum. Et con-
festim viderunt, et secuti sunl eum.
Chrys. (super Matth. in opère im-
perf. liomil. 36.) Sicut tcstimonium stu-
diosi aijricola? est me^sis fecimda, ita as-
siilui docloris est documentum, eoclesia
pleaa: unde etbicdicitur: « Et egredicn-
tii)us mis secuta esteum urba multa, etc.
Neminem labor iliueris irapedivit, quia
amor spirilualis fatigationem non sentit:
neminem possessionimi suarum recor-
dalio retraxit, quia ingrediebaulur in
posscssionem regni cœlestis : vere eniu)
non habet super terrara qnod amet, qui
bonum cœlcste in veritate suslaverit.
HE SAINT MATTHIEU, CHAP. XX.
583
aveugles se rencontrent très-à propos sur le passage de Jésus-Christ,
car, après avoir recouvré la vue, ils le suivront à Jérusalem pour
rendre témoignage à sa puissance : « Et voici que deux aveugles, » etc.
Ces deux aveugles entendaient les pas de ceux qui marchaient, mais
ne pouvaient les voir. Ils n'avaient de libre dans tout leur corps que
la voix ; et comme ils ne pouvaient se mettre à la suite du Sauveur ,
ils l'accompagnent de leurs cris et de leurs supplications : « Et ayant
entendu que Jésus passait, ï> etc.
S. AuG. {De Vacc. des Evang., ii, 56.) Saint Marc raconte ce même
fait, mais ne parle que d'un seul aveugle, difficulté dont voici la
solution. Des deux aveugles que saint Matthieu comprend dans son
récit, l'un était très-connu dans la ville , et ce qui le prouve , c'est
que saint ûlarc a cru devoir nous faire connaître son nom et celui
de son père. Ce Bartimée , fils de Timée , était probablement déchu
d'une grande fortune et devait à cette circonstance d'être très-connu.
Il était non-seulement aveugle , mais encore assis près du chemin
comme un mendiant. C'est donc de celui-là seulement que saint Marc
a voulu parler , parce que sa guérison eut autant d'éclat que ses mal-
heurs avaient eu de retentissement. Quant à Saint Luc , bien qu'il
raconte un fait absolument semblable , il faut admettre qu'il s'agit
dans son récit d'un autre aveugle , qui fut l'objet d'un semblable mi-
racle , car il place sa guérison lorsque Jésus approchait de Jéricho ,
tandis que , suivant les autres Evangélistes , les deux aveugles furent
guéris lorsque Jésus sortait de Jéricho.
« Et le peuple les reprenait pour les faire taire. » — S. Chrys.
{sur S. Matth.) Ils voyaient les haillons repoussants dont cet homme
Opportune autem oblati suut aiite faciem
Christi duo caeci^ ut apertis oculis, quasi
lestes virtutis ascenderent cum eo in
Hiorusalem. Unde sequitur : « El ecce
duo cfcci. 0 Hi currentium strepitum au-
diebant, et persouas non videbant, nihil
solum habentes de toto corpore , nisi
voceni : et ideo quia pedibus eum sequi
non poterant, voce sequebatur. Unde
dicitur : Audierunt quia Jésus transi-
ret, » etc.
AuG. {de Con. Erang., lib. ii^ cap. 56.)
FIoc autem factum Marcus commémo-
rât (cap. 10), sed de uno caeco factum :
quae ita solvilur quaîstio; nam duorum
csecoruni (quos Mattbœus interposait)
ununi fuisse in illa civilate famosissi-
mum ex hoc satis apparet, quod et no-
meu ejus, et patris ejus, Marcus com-
memoravit : Barthimxns enim Timei
filivs, ex aliqua magna felicitate dejec-
tus, uolissimus fuit ; ijui non solum cae-
fuis, verum etiam mendicus sedebat.
Ilinc est ergo, quod ipsum solum voluit
commemorare Marcus, cujus illuminatio
tam claram famam huic miraculo com-
paravit, quam erat illius nota calamitas,
Lucas vero, quamvis omnino eodem
modo factum, tamen in alio caeco intel-
ligendus est par commemorare miracu-
lum [cap. 18) ; ille quippe hoc factum
dicit : « Cum appropinquaret Hiericho,»
alii, « cum egrederelur ab Hiericho. »
Sequitur : Turba autem increpabat eos
ut tacerent, » etc.. Chrys. {svp. Matth.
in opère imper f. ut sup.) Videbant cuim
:>Si
EXI'LH-ATION DK L EVANGILE
clnil (;ouv(!rl, et, ne considéraient pas l'éclatante beauté de son âme.
\ nihi l»irii la sagesse insensée des hommes. Ils s'imaginaient que c'é-
tait 1111 outrage pour les grands de recevoir les hommages des pauvres,
car, quel est le pauvre qui eut osé saluer en public un riche? —
S. HiL. Ou bien ce n'est point par honneur pour le Sauveur qu'ils
font taire ces deux aveugles , mais parce qu'il leur faisait peine d'en-
tendre affirmer par ces aveugles ce qu'ils niaient eux-mêmes, c'est-à-
dire que Jésus était fils de David. — Orig. {Traité xiii sur S. Matth.)
Ou bien peut-être c'étaient ceux qui croyaient en Jésus-Christ qui
reprenaient les aveugles de ne lui donner que le nom trop peu digne
de fils de David, au lieu de dire : « Fils de Dieu, ayez pitié de nous. »
— S. Chrys. {sur S. Matth.) Mais la défense qui leur était faite , loin
de leur fermer la bouche; les excitait davantage. C'est ainsi que la foi
s'accroît et se fortifie par la contradiction; aussi est-elle calme ettran-
(luille parmi les dangers, tandis qu'elle n'est pas sans crainte au mi-
lieu de la paix. « Et ils se mirent à crier encore plus haut : Ayez pitié
de nous, fils de David. » Ils avaient crié d'abord parce qu'ils étaient
aveugles , ils se mettent à crier plus haut encore parce qu'on les em-
pêche d'approcher de la lumière. — S. Chrys. {hom. 66.) Le Sauveur
permettait qu'on leur fît cette défense pour faire éclater la vivacité de
leurs désirs. Apprenez de là que, quelque soit notre misère et notre
abjection, nous obtiendrons par nous-mêmes tout ce que nous deman-
derons, en nous approchant de Dieu avec ferveur.
« Alors Jésus s'arrêta, et, les ayant appelés, » etc. — S. Jér. Le Sei-
gneur s'arrêta , parce que les aveugles ne savaient de quel côté ils
devaient se diriger. Il y avait auprès de Jéricho beaucoup d'excava-
tions, d'endroits escarpés pendant en précipices ; le Seigneur s'arrêta
sordidas vestes , et non considerabant
conscienti* claritatem. Ecce fatua sa-
pienlia homiiium ! Kxistimabant cnim
iiijuriain pati mafjuos, si a pauperibus
honurenlnr; (luisenim pauper ausus est
divilt'iii public.e salutaro ? IIilaiu {in
Mutlh.) Vt'l silenlium non causa hono-
ris exiguiit ; sed quod acerbe a cfecis
aiidiebaot quod iiegabant ; scilicct « Do-
niiuum esse David Filium. » Orig.
(ti-ucl. 13, in Matth.) Vel qui credide-
raut, increpabant eos , lit non appclla-
rent eum contemplibili noniine « Filium
David, » sed potius dicerent: « Fili Dei,
miserere nostri. » Chrys. [snp. Miilth.
in opère imper/', ut sup.) Invitabaulur
aulem magis vetiti, quain compesceban-
lur : lidcs euini ipiando vetatur, niairis
accenditur ; et ideo in periculis secura
est, et in securitate periclitatur : unde
sequitur : « At illi magis clamabant, di-
ceutes : Miserere nostri, l'ili David ; «
primo enim clamabant, quiacaîci erant;
secundo magis clamabant , quia vela-
bantur ad lumen accedere. Chrys. lin-
hom. (i7, in Matth.) Cbristus autem
penuittebat eos vetari, ut plus eoruui
desiderium appareret. Hinc autem disce
quoniam etsi abjc(;ti fuerimus , cum
studio accedentes ad Deum , per nos
ipsos assequemur quod petimus.
Sequitur : « Et stetit .lesus, et vocavit
eos. » IliKR. hleo autem stetit Jésus, quia
cœci, ([uo pcrgerent, iguorabant. Jlultaî
foveie erant in Hiericbo, mullœ rupes et
prtcriipta in profundum vergcntia : id-
DE SAINT MATTHIEU, CHAP. XX.
>85
donc pour (ju'ils pussent venir jusqu'à lui. — Onia. Ou bien le Seigneur
ne continue pas son chemin , mais s'arrête pour que le bienfait qu'il
va leur accorder ne se répande pas au delà ; mais que la miséricorde
coule sur eux comme d'une source permanente et durable. — S. Jér.
Il les fait appeler pour ijue la foule ne les empêche pas d'approcher,
et il leur demande ce qu'ils veulent , afin que leur réponse rende évi-
dentes leur infirmité et la puissance qui doit les guérir. — S. Cifiivs.
{sur S. Matth.) Ou bien il leur fait cette demande pour faire connaître
leur foi, et, par rcxemple de ces aveugles qui confessent qu'il est le
Fils de Dieu, confondre ceux qui voient et ne le regardent que comme
un homme. Ils avaient appelé le Christ Seigneur, et en cela ils disaient
la vérité; mais en ajoutant : Fils de David, ils affaiblissaient la force
de leur profession de foi. En efi'et, on donne aux hommes, par exten-
sion et par abus, le nom de seigneur; mais il n'y a de véritable sei-
gneur que Dieu. Lors donc qu'ils appellent Jésus « Seigneur , fils de
David , » ils l'honorent simplement comme homme ; s'ils l'appelaient
Seigneur, sans aucune addition, ils confesseraient par là même sa divi-
nité. C'est pourquoi il les interroge en ces termes : « Que voulez-vous
que je vous fasse? » Alors ils ne l'appellent plus : « Seigneur, Fils de
David, » mais simplement « Seigneur : » « Et ils lui dirent : Seigneur,
que nos yeux s'ouvrent.» En effet, le fils de David ne peut ouvrir les
yeux des aveugles; il n'y a que le Fils de Dieu qui ait cette puissance.
Tant qu'ils se sont contentés de dire : « Seigneur, Fils de David,» leur
guérison a été comme suspendue ; mais aussitôt qu'ils eurent dit :
« Seigneur, » leurs yeux se sont ouverts. En effet, l'Evangéliste
ajoute : « Et Jésus, ayant pitié d'eux, toucha leurs yeux. » Il les tou-
cha, comme homme, avec la main, et il les guérit comme Dieu. — •
(ùrco Dominus stat, ut venire possint.
Ork;. [ut Slip.) Vel Jésus uon pertran-
sit, sed stat, ut stante eo, non transflnat
beneficium, sed quasi de fonte stante mi-
serieordia defluatiisque ad eos. Hier.Vo-
cari auteni jiibet, ne tiirbœ prohibeant ;
et interrogat qiiid velint, ut ex res-
ponsione eonim manifesta débilitas ap-
pareat, et virtus ex remedio cognosca-
tur. Chrys. {sup. Matth. in opère im-
perf. %it sup.) Vel interrojiabat propter
fidem, ut diim caeci Cliri^luni Filinm
Dei confitentur, confundautur vidontes,
qui eum tantuni hominem pulant. Do-
minnin quidem Cbristum vocaverant, et
verum dixerant : sed dicentes : « Filium
David, » dissipabant quod bene confessi
sunt : nam abusive ethomines dominici
dicuntur ; vere autem nemo JJominus,
nisi Deus. Cum ergo dicunt : « Domine,
Fili David, » abusive Christnm secun-
dum liominem honorant; si autem so-
lummodo Dominum dicereut, Deitatem
confiterentnr ; ideo interrogat : « Quid
vultis ? » Tune illi jam non dixerunt :
« Domine Fili David, » sed tantum ,
« Domine. » Sequitur enini : « Dicunt
illi : Domine, ut aperiantur oculi nostri : »
Filius enim David caecos illumiuarc uon
potest, Filius Dei potest. Quandiu ergo
dixerunt : « Domine, Fili David, » sus-
pensa est sanitas ; mox autem ut dixe-
runt, Domine, infusa est sanitas. Sequi-
tur enim: « Misertus autem eorum Jé-
sus tetigit oculos, » etc. Tetigit autem
ut homo carualiter , sanavit ut Deus.
f)86
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
S. Jér. Le Créatour leur donne ce que la nature leur avait refusé ,
ou du moins la miséricorde leur rend ce que la maladie leur avait
ôté.
S. CiiRYS. {hom. rSfî.) La reconnaissance de ces aveugles, après qu'ils
eurent reçu cette grâce, égala leur persévérance avant de l'avoir
obtenue. — S. Chrys. {sur S. Matth.) Ils offrirent à Jésus-Christ un
présent qui lui fut bien agréable , car l'auteur sacrr'; nous apprend
qu'ils le suivirent ; c'est là ce que Dieu demande de vous par le pro-
phète : «Marchez avec crainte en présence de votre Dieu. » {Mich., vi.)
— S. Jér. Ces aveugles, qui étaient assis près de la ville de Jéricho,
retenus par leur infirmité et qui ne pouvaient que gémir et crier,
suivent maintenant Jésus, moins par le mouvement des pieds que par
leurs vertus. — Rab. Jéricho , dont le nom signifie lune , est une
figure de l'inconstance humaine. — Orig. Dans le sens mystique,
Jéricho signifie le monde, au milieu duquel Notre-Seigneur est des-
cendu. Ceux qui habitent Jéricho ne peuvent sortir de la sagesse du
monde avant d'avoir vu non-seulement Jésus , mais encore ses dis-
riples sortir de Jéricho. Or, une foule nombreuse, à la vue de cette
guérison miraculeuse , les suivit , pleine de mépris pour le monde et
pour les choses du monde , afin de monter , sous la conduite de Jésus-
Christ, jusqu'à la Jérusalem céleste. Dans ces deux aveugles, nous
pouvons voir les deux peuples de Juda et d'Israël (i) , (jui étaient
aveugles avant l'avènement du Christ, parce qu'ils ne voyaient pas la
parole de vérité qui était renfermée dans la loi et les prophètes , et
parce qu'étant assis le long du chemin de la loi et des prophètes , et
(1*) AllusioQ à la division des dix tribus d'avec les tribus de Juda et de Benjamin, qui s'opéra
sous Roboam. III Bois, 12.
Hier. Praestat enini arlit'ex quod natura
non dederat ; aut certe (juDd débilitas
tiilerat misericordia donat.
CuRVS. (in humil. G7 ut sup.) lli auleni
situt aute dationem fueruiit persévéran-
tes, ita et post donatioueni non fuerunt
iu|Trati. Chrys. (super Matth. in opère
imperf. ut sup.) Bonuni enim munus
(ililideruut Christo sanati. Serjuitur
enim: « lît seculi suut emn : » hoc enim
Heiis a te reiiuirit, secundum Proplie-
lam (Michivx 6) : « Sollicilum te ainhn-
lare cum Domino Doo tuo. » Hieuon.
Qui ertto in Hierieho cuntracti sedeliant,
et (dainare tanluin n(iverant, postea se-
qiiinilur .lesiini, non lani pedibns, (piam
virtulilKis. Hai!. Ilieriilio auleiu, 'iiia-
interpretatur luna , defectum nostrae
mutabilitatis siguificat. Orig. (»^ sup.)
Mystice autein Hierieho iutelliizitnr
mandas, in qnem Cbristus descendit.
Qai autem <ant in Hiericbo, exire nes-
ciaut de sapientia mnndi, nisi viderint,
non soluni Jesnm exeuntemde Hierieho,
sed etiam discipnlos ejus. Hœc ergo vi-
dentes secntro snnt enm turb* lunlta:-,
munduni et numdaua omuia contemnen-
tes , nt Ciiristo duce tiscendant in Hie-
rasalem cœlesteni. «Deus ca^cos » pos-
sunuis dicere Judam et Israël, qui ante
Cbristi adventuni caeci fuerunt; quia
non videbant verbum veruni, quod erat
in Icge et prophctis; sed « sedentes se-
«•us viani » Icgis et prophelarum, et se-
DE SAI^^^ Matthieu, chap. xx. riS?
n'ayant que l'intelligence chamelle de la lettre, ils élevaient la voix
seulement vers celui' qui est né de la race de David selon la chair.
I\om.^ I.) — S. Jér. Ou hien encore, par ces deux aveugles, la plu-
part entendent les pharisiens et les sadducéens. — S. Aug. {Qucst.
évanr/., i, 20.) Ou bien, dans un autre sens, ces deux aveugles sont la
figure de ceux qui, dans les deux peuples, s'attachent par la foi à
l'économie de la vie humaine de Jésus-Christ, par laquelle il est notre
voie, et qui désirent d'être éclairés, c'est-à-dire de comprendre quel-
que chose de l'éternité du Verbe. Or, c'est ce qu'ils espèrent obtenir
lorsque Jésus vient à passer, c'est-à-dire par le mérite de la foi, qui
reconnaît que le Fils de Dieu s'est fait homme, est né et a souffert
pour nous. En effet, d'après cette économie de l'incarnation, Jésus ne
fait pour ainsi dire que passer , parce que cette action ne dure qu'un
temps. Or, il leur fallait crier assez haut pour dominer le bruit de la
foule, qui couvrait leur voix, c'est-à-dire il leur fallait s'appliquer avec
persévérance à la prière , aux saints désirs , pour arriver à vaincre par
la force de l'intention l'habitude des désirs charnels, qui, comme une
foule tumultueuse, empêche l'âme de voir la lumière do l'éternelle
vérité , ou bien la foule elle-même des hommes charnels qui veulent
nous rendre impossibles les exercices spirituels de la prière et de la
vertu. — S. AuG. {serm. 18 sur les par. du Seirj.) Eu effet, les mau-
vais chrétiens et ceux qui vivent dans la tiédeur font de l'opposition
aux bons chrétiens qui veulent accomplir les préceptes divins , mais
que ceux-ci ne cessent pas de crier sans se lasser ; car tout chrétien
qui commence à pratiquer la vertu et à mépriser le monde est sur de
trouver au début de sa conversion des censeurs de sa conduite dans
les chrétiens dont la charité s'est refroidie ; mais s'il persévère , il se
oundum carnem tantura intelligentes,
••lamabant tantum ad eiim qui factus est
ex semine David secundum carnem.
{Rom. 1.) IliEUOX. Vel duos c;pcos pleri-
que pharisaeos et sadducaeos intelligunt.
AuG. [de Quicsl Evung., lib. i, cap. 28.)
Vel aliter : duo cœci sedentes juxta
viam , significaut de utroque populo
quosdam jaui cohaerentes per fidem dis-
pensationi temporal!, secundum quam
Christus via est, et desiderantes illumi-
nari , id est, aliquid de Verbi œternitate
intelligere : quod transeunte Jesu impe-
trare cupiebaut ; id est, per meritum
iîdei, qua crcditur Filius Dei et uatus
homo et passus propter nos : per banc
piiim dispensalionem quasi transit Jésus,
quia aclio temporalis est. Oportohat au-
tem ut tantimi clamarent, donec resis-
tentis sibi turbee strepilum vincerent ; id
est, tam perseverauler aninium intende-
rent, orando, atquc pulsando, quousque
consuetudinem desideriorum carnalium
(ijuœ tanquam turba obstrepit cogita-
tioni lucem veritatis teleruœ videre co-
nanti) , vel ipsam liominum carnalium
lurbam studia spiritualia impedieutem,
fortissima intentione superarent. Ait..
{(le Verb. l)om., serm. 18, cap. 14.) Bo-
nus enim Christianos volentes facere
prœcepta Dei , Cliristianl mali et tepidi
prohibent : clament tamen illi non défi-
cientes {et cap. n;. Cum enim qnisque
Christianus cœperit bene vivere, mun-
dumque contenmere, in ipsa sui novitate
patilur reprehensores, frigidos Christia-
o88
EXPLICATION DE L EVANGILE
verra bientôt applaudi et appuyé par ceux-là même qui voulaient
d'abord lui créer des obstacles. — S*. Aug. (Quest. évang.^ v.) Jésus
(jui a dit : « On ouvrira à celui <\m frappe» [Matth., vu, Lwc, xi) les
ayaut entendus, s'arrête, les touche et ouvre leurs yeux à la lumière.
En effet, comme c'est la toi au mystère de l'Incarnation qui s'est
accompli dans le temps, qui nous prépare à l'intelligence des choses
de réternit('', lorsque Jésus passe, ils sont avertis que la lumière va
leur être rendue, et il s'arrête, en effet, pour leur ouvrir les yeux, car
les choses du temps passent et celles de l'éternité sont immuables. —
S. CiiRYS. [sur S. Matth.) Il en est qui voient dans les deux aveugles
deux sortes de Gentils, issus, les uns de Cham, les autres de Japhet.
« Us étaient assis le long du chemin, » c'est-à-dire qu'ils étaient
proches de la vérité, sans pouvoir la trouver; ou bien ils confor-
maient leur vie aux préceptes du Verbe , mais sans se diriger
d'après les principes surnaturels du Verbe, parce qu'ils n'avaient
pas encore reçu la connaissance du Verbe (1*). — Rab. Mais
aussitôt qu'ils apprirent la grande réputation de Jésus-Christ , ils
cherchèrent à s'attacher à lui, et c'est alors qu'ils trouvèrent de nom-
breux contradicteurs ; d'abord dans les Juifs , comme nous le lisons
dans les Actes ('2) et puis dans les Gentils qui suscitèrent contre eux
une persécution encore plus violente , sans que tous leurs efforts aient
pu priver du salut ceux qui étaient prédestinés à la vie. — S. Chrys.
{sur S. Matth.) C'est donc les yeux du cœur que le Sauveur toucha
(r) Pour rendre plus intelligible tout ce passage, nous avons cru devoir compléter cetle
citation tronquée dans toutes les éditions et traduire ces expressions abstraites secundum ra-
tionem verbi deyentes, sed non in ratione verbi ronsistentes, d'après l'explication qu'en donne
l'auteur de l'Ouvrage inachevé sur saint Mattliicu : n Quomodo juxtà veritatem vel rationem
verbi gentcs conversabanlur ■? Legcs rntionabiles proponebant, sincera judicabant... Ergo quasi
jusliliam faciebant, sed justitiani tenere non poterant, non intelligentes quomodo oporleat
scire. u
(2) Actes, IV, 2, 18, 21 ; v, 18, 33, 40 ; vu, 54, 56, 57 ; vin, 1 ; ix, 23, 29 ; xii, 2, 3 ; xiil, V'. ;•» ;
XIV, 2, 5, 18 ; XVII, 5, S, 13 ; xxi , 27, etc.
nos ; sed si pcrseveiMVfirit, ipsi jam ob-
sc>([uenlar qui ante prohibebaiiL. Aug.
[de Quœst. Kvaiuj., lib v.) Uuque au-
"lieiis Jésus qui ait : « Pulsauti apcrie-
lur, » stans eos taiiprit et ilhiniiiiat : (juia
iMiini filles incarnatinnis tcniporalis ad
ajlerua inlelUgonda un» pneparal, trans-
t'unle Jesu, adnionlli suiit ut illuuiina-
reulur, et ab eo slautc ilknniuali siuit :
leniporalia euiin transeunt, telerna slaut.
fliiRYS. {super Matth. in opère imper f.
lit sttp.) Quidam iiitcrprelanlur duoscœ-
ros fieiililes : uuum ex Cham, aliuni tw
.lafdii't. (( Qui sccus viani sedcl)aul. » id
est, juxta veritatem conversabantur, sed
veritatem invenire non poterant ; vel
secundum rationem verbi degentes, non
aulem in ipsa ralione verbi consistentes,
quia uûtitiam verbi nondum acceperaut.
llAB. Aguitii autem fama nomiuis Chris-
ti, participes ejus tieri quarebant ; con-
tradicebant multi primo Judoii (ut iu
Actibus Icgimus), deindc etiam Gentiles
acriori persecutione inslabaul : nec ta-
men eus qui eraut ad vilam praeordi-
uali , salule privare valebaut. Chrvs.
(mper Matth. in opère imper f. ut siip.)
Conscquenlcr autem iiontiuni oculos
DF SAINT MATTHIEi:, CHAP. XX, 589
on donuant aux Gentils, et aussitôt qu'ils furent éclairés ils ont mar-
ché à sa suite par la pratique des bonnes œuvres. — Orig. Et nous
aussi , qui sommes assis le long du chemin des Ecritures et qui com-
prenons sous quel rapport nous sommes aveugles , si nous prions par
amour de la vérité , Jésus touchera les yeux de notre âme et les
ténèbres de l'ignorance se retireront de notre esprit pour nous laisser
voir et suivre celui qui ne nous a rendus à la lumière que pour nous
permettre de marcher à sa suite.
mentis teligil Jésus, dans eis gratiam
Spiritus Sancli; quae illuminata', secutae
simt eum operibus bonis. ORir.. (uf, siip.)
Et nos ergo sedentes juxla Scriptura-
rum vidui, et intelligentes in qnibns caBci
sumus, si ex affectu petierinius, tanget
oculos aniniaruni noslraruiii ; ul n.'ce-
dent a sensibns nostris lenebra; ignoran-
tiœ, et eum videanius et sequamur (\\i\
dédit nobis posse videre propler niliil
aliud nisi ut eum sequamur.
FIN DU TOME DEUXIEME.
iMI'l.niHiil IKUTliKMN ( UALANDRE KIL-
'^'■^
i^m
:l^'t
.*^^--..-
vl'îpf-
^
*--ïs^rî. ■•
y^ft
/■''v/;;.--;-:-^-.
>::;»•:;• ï
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TO
THOMAS AQUINAS, St.
Explication suivie des
quatre évangiles.
BQ
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V.2