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Full text of "Explication suivie des quatres évangiles...appelée à juste titre La chaîne d'or"

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Iittp://www.archive.org/details/explicationsuivi02tliom 


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JAN  -  2  :953 


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EXPLICATION 

SUIVIE 

DES  QUATRE  ÉVANGILES 

PAR    SAINT    THOMAS 


LE 

SAINT  ÉVANGILE  DE  JÉSUS-CHRIST 

SELON  SAINT  MATTHIEU 

(suite) 


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CHAPITRE  IX. 

SOMMAIRE    ANALYTIQUE. 


f.  1-8.  —  Noire-Seigneur  Jésus-Christ  donne  une  nouvelle  et  plus  grande 
manifestation  de  sa  puissance.  —  Pourquoi  il  \eut  avoir  une  patrie,  être 
citoyen  d'une  ville  juive.  —  Pourquoi  Capharnaùtn  est  appelé  la  ville  du 
Christ.  —  Sens  plus  étendu  qu'on  peut  donner  à  ce  mot  en  l'appliquant  à  toute 
la  Galilée?  —  On  peut  aussi  le  restreindre  à  la  seule  ville  de  Nazareth.  — 
Comment  s'enchaîne  le  récit  de  saint  Matthieu  d'après  cette  dernière  explica- 
tion? —  Le  paralytique  dont  il  est  ici  question  est-il  différent  de  celui  dont 
parle  saint  Jean?  —  Pourquoi  le  présente-t-on  à  Jésus  étendu  sur  un  lit?  — 
Pourquoi  Jésus  n'exige  pas  toujours  la  foi  des  malades?  —  Quelle  est  la  foi 
qu'il  récompense  ici  ?  —  De  quel  prix  est  la  foi  personnelle  aux  yeux  de  Dieu? 
—  Le  paralytique  lui-même  pouvait  avoir  une  foi  vive.  —  Bonté  et  humilité  du 
Christ  qui  appelle  cet  homme  son  fils.  —  Les  péchés  cause  fréquente  des 
maladies  du  corps.  —  La  jalousie  des  Scribes  et  des  Pharisiens  ne  sert  qu'à 
rendre  plus  éclatant  le  miracle  opér^  par  Jésus-Christ.  —  Il  leur  prouve,  en 
pénétrant  leurs  pensées,  qu'il  peut  remettre  aux  hommes  leurs  péchés.  —  Loin 
de  détruire  le  soupçon  qu'ils  avaient  qu'il  agissait  comme  Dieu,  il  le  confirme 
et  par  ses  paroles  et  par  le  prodige  qu'il  opère.  —  Le  miracle  extérieur  est  la 
preuve  de  celui  qu'il  opère  à  l'intérieur.  —  Notre-Seigneur  leur  déclare  qu'il 
est  égal  à  son  Père  par  le  pouvoir  qu'il  a  de  remettre  les  péchés.  —  Comment 
doit-on  entendre  ces  paroles  :  afin  que  vous  sachiez?  etc.  —  Pourquoi  Jésus 
commande  au  paralytique  d'emporter  son  lit.  —  Que  signifie  au  sens  mys- 
tique le  retour  de  Jésus  dans  sa  cité  après  avoir  été  rejeté  par  la  Judée?  —  Le 
vaisseau  de  l'Eglise  a  besoin  de  Jésus-Christ.  —  L'universalité  des  nations 
représentée  par  le  paralytique.  —  Ce  qu'il  représente  au  sens  moral.  —  Quels 
sont  ceux  que  les  paralytiques  spirituels  doivent  intéresser  h  leur  guérison? 

TOM.   II.  1 


2  EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 

—  Notre-Seiprneur  se  conduit  ici  en  sage  médecin.  —  Que  signifient  au  sens 
moral,  se  lever,  enlever  son  lit,  aller  dans  sa  maison  ?  —  Le  lit  figure  des 
voluptés  sensuelles.  —  Que  signifie  la  crainte  dont  le  peuple  est  saisi  à  la  vue 
de  ce  miracle  ? 

f.  8-13.  Pourquoi  le  Sauveur,  après  avoir  opéré  le  miracle,  ne  reste-t-il  pas  dans 
le  même  endroit?  —  Raison  pour  laquelle  les  autres  Evangélistes  donnent  à 
Matthieu  le  nom  de  Lévi ,  tandis  que  lui-même  se  fait  connaître  sous  le  nom 
de  Matthieu.  —  Dans  quelle  maison  Notre-Seigneur  le  rencontre.  —  En  quoi 
la  puissance  de  celui  qui  appelle  Matthieu  éclate  davantage.  —  Docilité  de 
Matthieu.  —  Aucune  considération  ne  l'arrête.  —  Comment  Jésus  l'en  récom- 
pense. —  Peut-on  accuser  les  disciples  de  Jésus-Christ  d'irréflexion  et  d'im- 
prudence pour  l'avoir  suivi  aussitôt  qu'il  les  eut  appelés  ?  —  Pourquoi  Mat- 
thieu ne  fut-il  pas  appelé  en  même  temps  que  les  autres  apôtres?  —  Où  faut- 
il  placer  la  vocation  de  saint  !\lattliieu?  —  Pourquoi  est-elle  placée  parmi  les 
miracles?  —  Pourquoi,  à  l'exception  de  quelques-uns,  ne  savons-nous  pas  com- 
ment et  à  quelle  époque  les  autres  apôtres  ont  été  appelés  ?  —  Repas  offert 
par  Matthieu  à  Jésus-Christ.  —  C'est  dans  la  maison  même  de  Matthieu  que 
ce  repas  est  donné.  —  11  y  invite  les  Publicaias.  -:7  Qu'étaient-ils?  —  Ce  que 
présageait  cette  conduite.  —  Ces  PublicainS  n'étaient  pas  des  idolâtres.  — 
Différentes  manières  dont  Jésus  amenait  à  lui  ceux  qui  étaient  mal  disposés  à 
son  égard.  —  Leçon  qu'il  nous  donne.  —  Indignation  des  Pharisiens.  —  Double 
erreur  où  ils  étaient.  —  Le  récit  de  saint  Luc  est  conforme  à  celui  de  saint 
Matthieu.  —  Dispositions  où  sont  ces  Publicains  en  s'approchant  de  Jésus.  — 
Dans  quel  sens  Notre-Seigneur  est  médecin.  —  Que  signifient  ces  paroles  :  Je 
veux  la  miséricorde  et  non  le  sacrifice  ?  —  Dieu  ne  rejette  pas  cependant  le 
sacrifice  séparé  de  la  miséricorde.  —  Ce  que  Notre-Seigneur  veut  leur  en- 
seigner. — Dieu  n'aime  pas  les  pécheurs  en  tant  que  pécheurs.  —  Il  les  recherche 
comme  un  médecin  recherche  les  malades.  —  Si  le  Christ  est  venu  pour  tous, 
comment  dit-il  qu'il  n'est  venu  que  pour  les  justes?  —  Véritable  sens  de  ces 
paroles.  —  Que  signifient  la  vocation  et  le  nom  de  Matthieu  ? 

f,  14-17,  —  Les  Pharisiens  attaquent  Jésus  et  ses  disciples  sur  l'action  de 
manger  elle-même.  —  Les  disciples  de  Jean  inexcusables  de  s'être  joints  aux 
Pharisiens.  —  Comment  ils  cherchent  à  rendre  l'accusation  plus  forte  en  se 
mettant  en  regard  eux  et  les  Pharisiens.  —  Raison  de  la  conduite  de  Jésus 
différente  ici  de  celle  de  Jean-Baptiste.  —  Quels  sont  ceux  qui  firent  cette 
question  à  Jésus  ?  —  Il  repousse  les  accusations  dont  les  Publicains  sont  l'ob- 
jet, avec  plus  de  force  que  celles  qui  sont  dirigées  contre  ses  disciples.  — 
Exi)lication  de  cette  réponse  :  Est-ce  que  les  fils  de  l'époux,  etc.  —  Dans  quel 
sens  le  j(;ùnc  est  une  chose  triste.  —  Doit-on  conclure  de  ces  paroles  qu'il  faut 
consacrer  au  jeune  les  quarante  jours  qui  suivent  la  Passion?  —  Comparai- 
sons, exemples  dont  Notre-Seigneur  se  sert  pour  tracer  aux  apôtres  la  règle 
qu'ils  devront  suivre  à  l'égard  des  nouveaux  convertis.  —  Que  signifie  le  vieux 
vêtement,  le  morceau  d'étofl'e  forte?—  Les  vieilles  outres  et  le  vin  nouveau? 

—  Après  la  résurrection,  les  Apôtres  devinrent  des  outres  neuves.  —  Le  vête- 
ment vieux  et  les  outres  vieilles  signifient  encore  les  Pharisiens,  et  le  vin 
Jiouveau  les  préceptes  évangéli(iues  que  l'on  ne  devait  pas  immédiatement  im- 
poser aux  Juifs.  —  Deux  espèces  de  jeune  di>iU  parle  Notre-Seigneur.  —  Vifs 
désirs  que  nous  devons  avoir  du  Sauveur  depuis  qu'il  nous  a  été  enlevé.  —  Ces 
deux  espèces  de  jeune  plus  spécialement  indiquées  dans  le  mot  tristesse  dont 


DE  SAINT  MATTHIEU.   CHAP.    IX.  3 

se  sert  saint  Matthieu  et  dans  les  comparaisons  qui  suivent.  —  Signification 
mystique  de  la  réponse  de  Jésus-Christ.  —  Ces  comparaisons  différentes  l'une 
de  l'autre. 

,  18-22.  —  Pourquoi  Jésus-Christ  fait  succéder  l'action  aux  enseignements.  — 
Conciliation  des  Evangélistes  sur  l'ordre  dans  lequel  ce  fait  est  présenté,  et 
sur  le  fait  lui-même,  —  Dans  les  paroles  d'un  homme  il  faut  chercher  surtout 
ce  qu'il  a  eu  intention  de  dire.  —  Le  chef  de  la  synagogue  exagère  peut-être 
l'état  de  sa  fille  pour  fléchir  plus  efficacement  le  Sauveur.  —  Faiblesse  de  sa 
foi.  — Leçon  que  donnent  aux  supérieurs  et  aux  inférieurs  la  douceur  et  l'hu- 
milité de  Jésus.  —  Pourquoi  Jésus  ne  prend  pas  Matthieu  avec  lui.  —  Pour- 
quoi cette  femme  vient  trouver  Jésus  dans  le  chemin  et  craint  d'être  remar- 
quée. —  Son  humilité,  sa  foi.  —  Que  veulent  dire  ces  paroles  :  Ayez  confiance? 

—  Sa  foi  était  encore  imparfaite.  —  Raisons  pour  lesquelles  Jésus  ne  veut  pas 
qu'elle  demeure  cachée.  —  Puissance  du  Sauveur  dans  ce  miracle.  —  Ce  que 
représente  dans  le  sens  mystique  ce  chef  de  la  synagogue,  sa  fille,  cette  femme 
infirme  et  la  perte  de  sang  qu'elle  éprouvait.  —  Signification  de  ces  trois 
choses  :  Elle  crut,  elle  dit,  elle  toucha.  —  Elle  s'approche  par  derrière  et  touche 
la  frange  de  ses  vêtements.  —  Signification  mystique  de  cette  action. 

.  23-26.  —  Pourquoi  Jésus  tarde-t-il  d'aller  chez  le  chef  de  la  synagogue?  — 
Pourquoi  fait-il  retirer  les  joueurs  de  flûte,  et  entrer  avec  lui  les  parents  de  la 
jeune  fille?  —  Que  signifient  ces  paroles  :  Elle  dort?  —  Pourquoi  ne  fait-il 
aucun  reproche  à  ceux  qui  se  moquent  de  lui  ?  —  Pourquoi  ne  veut-il  pas  que 
la  foule  soit  témoin  de  ce  miracle?  —  Dans  quel  sens  ressuscite-t-il  cette  jeune 
fille?  —  Signification  mystique  de  ce  miracle.  —  Que  représente  la  jeune  fille, 

—  la  foule,  —  la  manière  dont  Jésus  la  ressuscite?  —  Signification  morale.  — 
L'âme  morte  par  le  péché.  —  Circonstance  de  sa  résurrection. 

■.  27-31.  —  iNouvelle  preuve  de  la  puissance  de  Jésus  dans  la  guérison  des  deux 
aveugles.  —  Combien  grande  est  leur  foi.  —  Ils  appellent  Jésus  fils  de  David. 

—  Pourquoi  Notre-Seigneur  attend-il  pour  guérir  les  malades  qu'on  l'en  prie? 

—  Il  examine  leur  foi  avant  de  les  guérir.  —  Pourquoi  les  guérit-il  en  parti- 
culier? —  Pourquoi  cette  question  :  Croyez-vous,  etc.,  puisqu'il  savait  bien 
s'ils  avaient  la  foi?  —  Il  ne  leur  dit  pas  :  Croyez- vous  que  je  puis  prier  mon 
Père.  —  Pourquoi  leur  recommande-t-il  de  n'en  parler  à  personne?  —  Cela 
est-il  contraire  à  ce  qu'il  dit  dans  un  autre  endroit  :  Allez  annoncer  la  gloire 
de  Dieu?  —  Pourquoi  le  Seigneur  qui  voulait  que  ses  miracles  demeurassent 
cachés,  permet-il  qu'ils  soient  dévoilés  comme  malgré  lui?  —  Que  signifient 
dans  le  sens  allégorique  ces  deux  avei^les  ? 

L  32-34.  —  Comment  la  guérison  du  sourd-muet  se  lie  avec  celle  des  deux 
aveugles?  —  Pourquoi  Jésus  n'exige-t-il  pas  de  lui  la  foi  avant  de  le  guérir? 

—  Impression  produite  sur  la  foule  par  ce  miracle.  —  Jalousie  des  Pharisiens, 
leur  conduite  injuste.  —  Explication  insensée  qu'ils  donnent  de  ce  miracle.  — 
Que  représente  dans  le  sens  mystique  ce  sourd-muet  possédé  du  démon?  Tout 
le  genre  humain  ou  plus  spécialement  les  Gentils.  —  Conciliation  du  récit  des 
Evangélistes  sur  ce  fait. 

K  35-38.  —  Comment  Notre-Seigneur  répond  à  l'accusation  des  Pharisiens  de 
parcourir  également  les  bourgades ,  les  villages,  comme  les  villes.  —  Que 
prêchait-il?  —  Pourquoi  les  guérisons  suivent-elles  la  prédication?  —  Guéri- 
sons  intérieures  en  même  temps  qu'extérieures.  —  La  bonté  de  Jésus  ne  s'ar- 
rête pas  là.  —  Sentiment  d'un  bon  Pasteur.  —  Pourquoi  cette  compassion? 


A 


EXPLICATION  DE  L  EVANGILE 


—  Que  signifie  la  moisson  dont  il  parle?  —  l'rière  que  doivent  faire  les 
Apôtres.  —  Grandeur  du  ministère  de  la  prédication.  —  Explication  mystique 
des  deux  derniers  miracles  et  des  paroles  du  Sauveur. 


^.  1-8.  —  Jésus,  étant  monté  dans  une  barque,  repassa  le  lac  et  vint  en  sa 
ville.  Et  voilà  qu'on  lui  présentait  un  paralytique  couché  dans  un  lit.  Jésus, 
voyant  leur  foi,  dit  à  ce  paralytique  :  Mon  fils-,  ayez  confiance,  vos  péchés 
vous  sont  remis.  Aussitôt,  quelques-uns  des  scribes  dirent  en  eux-mêmes  :  Cet 
homme  blasphème.  Mais  Jésus,  ayant  connu  ce  qu'ils  pensaient,  leur  dit  : 
Pourquoi  avez-vous  de  mauvaises  pensées  dans  vos  cœurs  ?  Lequel  est  le  plus 
aisé,  ou  de  dire  :  Vos  péchés  vous  sont  remis,  ou  de  dire  :  Levez-vous  et 
marchez  ?  Or,  afin  que  vous  sachiez  que  le  Fils  de  l'homme  a  le  pouvoir  sur 
la  terre  de  remettre  les  péchés  :  Levez-vous,  dit-il  alors  au  paralytique,  em- 
portez votre  lit,  et  vous  en  allez  en  votre  maison.  Il  se  leva  aussitôt,  et  s'en 
alla  à  sa  maison.  Et  le  peuple,  voyant  ce  miracle,  fut  rempli  de  crainte,  et 
rendit  gloire  à  Dieu  de  ce  qu'il  avait  donné  une  telle  puissance  aux  hommes. 

S.  Chrys.  {hom.  30,  sur  S.  Matth.)  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  a 
montré  précédemment  sa  puissance  par  sa  doctrine  ,  lorsqu'il  ensei- 
gnait comme  ayant  autorité  ;  dans  la  guérison  du  lépreux  qu'il  guérit 
par  ces  seules  paroles  :  «  Je  le  veux  ,  soyez  guéri  ;  »  dans  la  personne 
du  centurion  qui  lui  dit  :  «  Seigneur,  dites  seulement  une  parole  et 
mon  serviteur  sera  guéri  ;  »  sur  la  mer,  dont  il  a  enchaîné  d'un  seul 
mot  la  fureur,  et  sur  les  démons  qui  ont  confessé  sa  divinité.  Ici  par 
une  nouvelle  et  plus  grande  manifestation  de  sa  puissance,  il  force  ses 
ennemis  de  reconnaître  qu'il  est  l'égal  de  son  Père  en  dignité.  C'est  ce 
que  nous  lisons  dans  le  passage  suivant  :  «  Et  Jésus,  étant  monté  dans 


SAXCTOI  JESll  CIIRISTI  EVANGEllUM 

SECUNDUM  MATTHiEUM. 

(SEQUITUR.) 


CAPUT  NONUM. 

El  ascendens  Jésus  in  naviculam ,  transfretavit, 
et  venit  in  civitatem  suam.  Et  ecce  offerebant 
ei  paralyticum  jacfinteïii  in  lecto.  Videns  au- 
tem  Jfsus  fidem  illorum,  dixit  paralytico  : 
Confide,  fili,  remitluntur  tibi  peccata  tua.  Et 
ecce  quidam  de  scribis  dixerunt  intra  se  :  Hic 
blasphémai.  Et  cum  vidisset  Jésus  cogita- 
tiones  eorum,  dixit  :  Ut  quid  cagilatis  inala  in 
cot-dibus  vestris  ?  Quid  est  facilius  dicere  : 
Dimilluntur  tibi  peccata  tua  ;  an  dicere  : 
Surge  cl  atnbula  '.'  Ut  autem  sciatis  quia  Fi- 


lins /lominis  fiahet  polestatem  in  terra  dimit- 
tendi  peccata,  tune  ait  paralytico  :  Surge, 
toile  lectum  tuum,  et  vade  in  doinum  tuam. 
Et  surrexit,  et  abiit  in  domum  suam.  Yidentes 
autem  turbœ  timuerunt ,  et  glorifieaverunt 
Deum,  qui  dédit  talem  polestatem  hominibus. 

Chrys.  [in  homil.  31,  in  Matth.) 
Moustravit  superius  Christus  suam  vir- 
tutem  per  doctriiiam,  qiiaudo  docuit  eos 
ut  potestatem  liabens  ;  per  leprosum , 
quando  dixit  :  «  Vole,  uiundaro;  »  per 
centnrioneni.  qui  dixit  :  «  Die  verbo.  et 
sanabitur  puor  meus  ;  »  per  mare,  quod 
verbo  rcfrœnavit;  per  dœmones,  qui 
eum  confilebantur  :  bic  autem  rursus 
abo  majdri  modo  iuimicos  ejus  cojiil 
coulîleri  a-qualitatcm  bouoris  ad  Pa- 
trem.  Unde  ad  boc  osUndeudum  subdi- 
tur  :  «  Et  asceudeus  Jésus  iu  uavicu- 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   IX.  5 

une  barque,  traversa  la  mer,  et  vint  en  sa  ville.»  C'est  dans  une  barque 
qu'il  traverse  le  lac,  bien  qu'il  pût  le  traverser  à  pied  ;  mais  il  ne  vou- 
lait pas  faire  continuellement  des  miracles  pour  ne  pas  détruire  la  di- 
vine économie  de  son  incarnation.  —  Jean,  évèque  (l).  Le  Créateur 
de  toutes  choses,  le  Maître  de  l'univers  ayant  résolu  de  se  resserrer 
pour  nous  dans  les  limites  étroites  de  la  chair,  voulut  avoir  une  patrie 
sur  la  terre,  être  citoyen  d'une  ville  juive;  lui  de  qui  vient  toute  pa- 
ternité, toute  parenté,  voulut  avoir  ici -bas  des  parents,  afin  d'attirer 
à  lui  par  l'amour  ceux  que  la  crainte  en  avait  éloignés. 

S.  CiiRYS.  [hom.  30.)  L'Evangéliste  appelle  Capharnaûm  la  ville  du 
Sauveur  ;  car  il  y  avait  la  ville  où  il  était  ne ,  qui  était  Bethléem  ; 
celle  où  s'étaient  écoulées  ses  premières  années ,  Nazareth,  et  la  ville 
dont  il  fit  ensuite  son  séjour  ordinaire,  c'est-à-dire  Capharnaûm  (2*). 
AuG.  {de  l'accord  des  Evanq.^  liv.  ii,  chap.  25.)  Il  serait  plus  difficile 
de  concilier  saint  Matthieu  avec  saint  Marc,  si  saint  Matthieu  donnait 
le  nom  de  Nazareth  à  la  ville  que  saint  Marc  appelle  Capharnaûm,  et 
que  saint  Matthieu  appelle  simplement  la  cité  du  Seigneur.  On  con- 
çoit très-bien,  au  contraire,  que  de  même  que  l'empire  romain,  com- 
posé de  contrées  si  diverses  est  quelquefois  désigné  par  le  nom  de 
cité  romaine  ;   ainsi  la  Galilée  a  pu  être  appelée  la  cité  du  Christ, 

(1)  Ce  passage  vient  plutôt  de  saint  Pierre  Chrysologue,  archevêque  de  Ravenne.  On  trouve 
en  effet  cette  citation  dans  le  sermon  60,  que  quelques-uns  attribuent  à  saint  Chrysostome , 
qu'où  a  voulu  peut-être  désigner  sous  le  nom  de  Jean,  évèque.  Le  Bréviaire  cite  ce  passage 
comme  venant  de  saint  Pierre  Chrysologue  au  xviii"  dimanche  après  la  Pentecôte. 

(2*)  Jésus  choisit  Capharnaûm  pour  son  séjour  de  prédilection  pendant  le  temps  de  sa  vie  pu- 
blique. Là  il  était  en  sûreté,  dit  le  docteur  Sepp  ;  une  barque  légère  le  transportait  de  l'autre 
côté  du  lac  dans  la  tétrarchie  d'Iturée;  en  passant  le  Jourdain  sur  un  pont  qui  était  proche,  il 
arrivait  en  Syrie.  Il  lui  suffisait  de  traverser  une  montagne  pour  être  en  Phénicie,  dans  le  pays 
du  Tyr  et  de  Sidon.  Ainsi,  Capharnaûm  était  au  milieu  de  ces  trois  contrées,  comme  la  Pales- 
tine au  centre  des  trois  parties  du  monde,  et  formait  un  point  de  réunion  très-favorable  au  dé- 
veloppement d'une  religion  qui  devait  embrasser  le  monde  entier.  Mais  ce  qui  engagea  encore 
davantage  Notre-Seigneur  à  se  fixer  dans  ce  paradis  terrestre,  c'est  que  Simon  Pierre  demeurait 
à  Capharnaûm,  et  que  Jésus-Christ  voulut  demeurer  dans  la  maison  de  cet  apôtre.  (  Yî'e  de 
Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  tom.  I,  260.) 


lam,  transfretavitj  et  venit  in  civitatem 
suam.  »  Navigium  autem  intrans  per- 
transit,  qui  pede  mare  poterat  pertran- 
sire  :  non  enim  semper  mirabilia  vole- 
bat  facere,  ne  incarnationis  noceat  ra- 
tioni.  JoAN.  (Episcop.)  Creator  autem 
rerum,  orbis  terrai  Dominus,  postea- 
quam  se  propter  nos  nostra  angustavit 
in  carne,  cœpit  habere  humanam  pa- 
triam,  cœpit  civitatis  judaicae  esse  civis, 
parentes  habere  cœpit,  parentum  om- 
nium ipse  parens;  ut  attraheret  charitas, 
quos  disperserat  metus. 

Chrys.  {in  hom.  30,  in  Matth.)  Civi- 
tatem autem  suam  hic  Capharnaûm  di- 


cit  :  aha  enim  eum  susceperat  nascen- 
tem,  scilicet  Bethlehem;  alia  eum  nutri- 
vit,  scilicet  Nazareth  ;  aha  autem  habuit 
continue  habitantem,  scihcet  Caphar- 
naûm. AuG.  {de  cons.  Evang.  hb.  ii, 
cap.  25.)  Vel  ahter  :  quod  Matthœus  hic 
scribit  de  civitate  Domini,  Marcus  autem 
de  Capharnaûm,  difficihus  solveretur,  si 
Matthaeus  Nazareth  nominaret  :  nunc 
vero  eum  potuerit  ipsa  GaUlaea  dici  ci- 
vitas  Christi,  quia  in  Gahlaeea  erat  Na- 
zareth (sicut  universum  regnum  roma- 
num  in  tôt  regionibus  constitutum  di- 
citur  modo  romana  civitas)  quis  dubi 
taverit,  ut  veniens  in  Galilaeam  Dominus 


6  EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 

parce  que  Nazareth  en  faisait  partie.  Par  la  même  raison,  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ  étant  venu  dans  la  Galilée,  l'Evangéliste  a  fort 
bien  pu  dire  qu'il  était  venu  dans  sa  ville,  quelle  que  fût  la  cité  de  la 
Galilée  où  il  se  trouvât,  d'autant  plus  que  Capharnaum  était  de  beau- 
coup la  ville  la  plus  célèbre  de  cette  région  et  en  était  considérée 
comme  la  métropole.  —  S.  Jér.  Ou  bien  il  ne  faut  entendre  par  la 
ville  du  Christ  que  la  ville  de  Nazareth,  d'où  lui  est  venu  le  nom  de 
Nazaréen.  —  S.  Aug.  {de  l'accoi^d  des  Evang.^Yvv.  ii ,  chap.  25.) 
D'après  cette  explication,  il  faut  admettre  que  saint  Matthieu  a  omis 
tout  ce  que  Jésus  a  fait  lorsqu'il  fut  venu  dans  sa  ville,  jusqu'à  son 
arrivée  à  Capharnaum,  et  qu'il  a  placé  ici  la  guérison  du  paralytique. 
C'est  ce  que  font  souvent  les  Evaugélistes  :  ils  omettent  les  faits  inter- 
médiaires et  ils  donnent  comme  faisant  suite  à  ce  qui  précède  le  fait 
qu'ils  racontent  immédiatement,  sans  mai'quer  la  transition.  C'est 
ainsi  que  l'Evangéliste  nous  dit  ici  :  «  Et  on  lui  présentait  un  paraly- 
tique couché  sur  un  lit.  » 

S.  Chrys.  {hom.  30.)  Ce  paralytique  n'est  pas  celui  dont  parle 
saint  Jean  {Jean^  v);  car  celui-là  était  étendu  dans  la  piscine,  celui-ci 
se  trouvait  à  Capharnaum.  Le  premier  n'avait  personne  pour  le  servir; 
le  second  recevait  les  soins  de  plusieurs  personnes  qui  l'apportèrent 
aux  pieds  de  Jésus.  —  S.  Jér.  On  le  lui  présenta  sur  un  lit,  car  il  était 
impossible  à  cet  homme  de  marcher.  —  S.  Chrys.  {hom.  30.)  Jésus 
n'exige  pas  toujours  la  foi  des  malades  qui  demandent  leur  guérison, 
par  exemple,  lorsqu'ils  ont  perdu  la  raison  ,  ou  que  leur  âme  est  ab- 
sorbée par  l'excès  de  la  douleur  ;  c'est  poui'  cela  que  l'Evangéliste 
ajoute  ;  «  Or,  Jésus  voyant  leur  foi,  »  etc.  —  S.  Jér.  Non  pas  la  foi 
du  paralytique  qu'on  lui  présentait,  mais  la  foi  de  ceux  qui  le  lui  pré- 


recte  diceretur  venisse  in  civitatem  siiam, 
in  quocumque  esset  oppido  Galilaeae  ? 
praeserlim  qnia  et  ipsa  Capharnaum  ita 
extollebatur  in  Galilœa,  ut  tauquaiu  me- 
tropolis  hahoretur.  Hier.  Vel  civitat(3m 
ejus  non  aliaiu  intollii^amus  quani  Naza- 
reth :  unde  et  Nazarenns  appellatus 
est.  Aug.  [de  cons.  Kvang.  lib.  ii,  cap. 
2o.)  Et  sccundum  hoc  dicimus  Alatthœuni 
pr.Tîtennisisse  quœ  gesta  suât  postea- 
quam  Jésus  veuit  in  civitatem  suam, 
donec  venirct  Capharnaum,  et  hic  ad- 
Junxisse  de  sanato  paralytico  ;  sicut  in 
mullis  l'aciunt  prœtermittentes  média, 
lan(|uam  hoc  contiuuo  sequalur,  (]uod 
sine  alla  pncterniissiouis  signiticatione 
subjuDfimît  :  et  hoc.  modo  liic  subditur  : 


«  Et  ecce  offerebaut  ei  paralytieum  ja- 
centeni  in  lecto.  » 

Chrys.  [in  homil.  30,  in  Mutth.)  Pa- 
ralyticus  autem  hic  alter  est  prœter  eum 
qui  in  Joanuc  pouitur  (c.  d.)  :  ille  qui- 
dem  in  uafatoriis  jacebaf,  liic  autem  in 
Capluirnaum  ;  et  ille  famuiis  carebat, 
hic  autem  liabehal  eos  (jui  sui  curam 
habebant,  qui  et  portantes  eum  attule- 
ruut.  HiKK.  Ubtulcrunt  autem  ei  jaceu- 
tem  in  lecto,  quia  ipse  inpredi  non  vale- 
bat.  Chrys.  [in  homil.  ut  stip.)  Non  au- 
tem ublipie  ah  jegris  solum  quan-it  ii- 
dem,  puta  eum  insaniunt,  vel  aliter  ab 
a'ijriludine  in  excessu  fuerinl  mentis 
unde  subditur  :  «  Videns  autem  Jesns 
lideni  illurum.  »  Hier.  Non  ejus  qui  of- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    IX.  7 

sentaient.  —  S.  Chrys.  {hom.  30.)  Pour  récompenser  cette  foi  si 
grande,  il  fait  éclater  lui-même  sa  puissance,  et  par  la  plénitude  de 
son  pouvoir  il  remet  les  péchés  au  paralytique  en  lui  disant  :  a  Ayez 
confiance ,  mon  fils ,  vos  péchés  vous  sont  remis.  »  —  S.  Jea^", 
évèque  (1).  Quel  prix  n'a  pas  auprès  de  Dieu  la  foi  personnelle, 
puisqu'une  foi  étrangère  en  a  eu  un  si  grand  à  ses  yeux  qu'il  accorde 
à  cet  homme  la  guérison  de  son  àme  et  de  son  corps  ?  Le  paralytique 
entend  le  pardon  qui  lui  est  accordé ,  et  il  se  tait ,  aucune  parole  de 
reconnaissance  ;  la  guérison  de  sou  corps  le  préoccupait  beaucoup  plus 
que  celle  de  son  àme.  C'est  donc  avec  raison  que  Jésus-Christ  consi- 
déra la  foi  de  ceux  qui  le  portaient  plutôt  que  l'insensibilité  du  para- 
lytique lui-même.  —  S.  Chrys.  {hom.  30.)  On  peut  dire  aussi  que  la 
foi  de  cet  homme  était  grande,  car  s'il  n'avait  pas  eu  la  foi ,  il  n'au- 
rait jamais  permis  qu'on  le  descendît  par  le  toit,  comme  le  rapporte 
un  autre  Evangéliste.  {Marc^  ii  ;  Luc^  v.) 

S.  Jér.  Admirable  humilité!  Jésus  appelle  son  fils  un  homme  dé- 
laissé, infirme,  anéanti  dans  tous  ses  membres ,  et  que  les  prêtres  dé- 
daignent de  toucher.  Il  peut  encore  l'appeler  justement  son  fils,  parce 
qu'il  lui  a  remis  ses  péchés.  Nous  pouvons  apprendre  par  là  que 
presque  toutes  les  maladies  sont  la  suite  des  péchés;  et  si  Jésus  com- 
mence par  remettre  les  péchés  à  cet  homme ,  c'est  afin  que  la  santé 
lui  soit  plus  facilement  rendue  lorsqu'il  aura  fait  disparaître  les  causes 
de  la  maladie. 

S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.)  Les  scribes,  en  cherchant  à  difîamer  le  Sau- 
veur, ne  firent ,  contre  leur  volonté ,  que  mettre  dans  un  plus  grand 
jour  le  miracle  qu'il  avait  opéré,  car  Jésus  se  servit  de  leur  jalousie 
pour  le  rendre  plus  éclatant  ;  c'est  là ,  en  effet,  un  des  traits  de  cette 

(1)  Voyez  la  note  de  la  page  5. 


ferebatur,  sed  eoriim  qui  offerebant. 
Chrys.  {in  homil.  ut  sup.)  Quia  igiturs 
tantam  ostendunt  fidem,  monslrat  et 
ipse  suam  virtutem,  cum  omni  potestate 
solvens  peccata  :  unde  sequitur  :  «  Dixil 
paralytico  :  Coufide,  fili,  remittuutur 
tibi  peccata  tua.  »  Joan.  (Episc.)  Quan- 
tum valet  apud  Deum  fides  propria, 
apud  quem  sic  valuit  alieua  :  ut  iutus  et 
extra  sanaret  hominem  ?  Audit  veniam 
et  tacet  para'n-ticus,  nec  uUam  respondet 
gratiam,  quia  plus  corporis  quam  animae 
tendebat  ad  curam.  Merito  ergo  Christus 
offerentium  respexit  fidem,  non  vecor- 
diam  jacentis.  Chrys.  {in  hom.  30,  in 
Matth.)  Vel  erat  magna  fides  etiam  hu- 
jus  iuiirmi  :  uoueuimpermisissetsesub- 


mitti,  ut  alius  Evangelista  dicit  (Marc. 
II,  et  Ltic.  v)  per  tectum,  non  credens. 

Hier.  G  mira  humilitas  !  Despectum  et 
debilem,  totis  membrorum  compagibus 
dissolutum,  filium  vocat,  quem  sacer- 
dotes  non  dignautur  attingere  :  aut  certe 
ideo  filium,  quia  dimittuntur  ei  peccata 
sua  :  ubi  datur  nobis  iutelligentia,  prop- 
ter  peccata  plerasque  evenire  corporiim 
débilitâtes  :  et  idcirco  forsitan  prius  di- 
mittuntur peccata,  ut  causis  debilitatis 
ablatis,  sanitas  restituatur. 

Chrys.  {in  hom.  34,  in  Matth.)  Scri- 
bae  autem  diffamare  voleates,  etiam  no- 
lentes  fecerunt  clarere  quod  factura  est  : 
eorum  enim  jçmulatione  ad  signi  osten- 
sionem  usus  est  Christus  :  hoc  enim  est 


8  EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 

inépuisablo  sagesse,  de  faire  servir  la  malice  de  ses  ennemis  à  la  ma- 
nifestation de  ses  prodiges.  C'est  ce  que  l'Evangéliste  rapporte  en  ces 
termes  :  «  Et  voilà  (|ue  quelques  scribes  dirent  en  eux-mêmes  :  Cet 
homme  blasphème.  »  —  S.  Jér.  Nous  lisons  dans  le  Prophète  (1)  : 
«  C'est  moi  qui  efface  toutes  vos  iniquités.  »  D'après  ces  paroles,  les 
scribes,  qui  ne  voyaient  dans  Jésus  qu'un  homme  ,  et  qui  ne  compre- 
naient pas  la  portée  des  oracles  divins,  l'accusent  de  blasphème.  Mais 
le  Seigneur,  en  dévoilant  leurs  pensées,  leur  prouve  qu'il  est  le  Dieu 
qui  seul  peut  connaître  le  secret  des  cœurs ,  et  son  silence  semble 
leur  dire  :  En  vertu  de  la  même  puissance  qui  me  fait  pénétrer  vos 
penëées,  je  puis  remettre  aux  hommes  leurs  péchés  ;  comprenez  par 
vous-mêmes  ce  que  je  puis  faire  pour  ce  paralytique.  C'est  ce  que  si- 
gnifient ces  paroles  :  «Et  Jésus  ayant  vu leui's  pensées,  leur  dit  ;  Pour- 
quoi pensez-vous  du  mal  dans  vos  cœurs?» — S.Ghrys.  {hom.  30.)  Jésus 
ne  détruisit  pas  le  soupçon  qu'ils  avaient ,  que  c'était  comme  Dieu 
qu'il  disait  :  «  Vos  péchés  vous  sont  remis.  »  S'il  n'était  pas  l'égal  de 
Dieu  son  Père,  il  devait  dire  :  Je  suis  loin  d'avoir  la  puissance  de  re- 
mettre les  péchés.  Loin  de  là,  il  établit  le  contraire  et  par  ses  paroles, 
et  par  le  prodige  qu'il  opère.  Il  ajoute  donc  :  «  Qu'est-il  plus  facile 
de  dire  :  Vos  péchés  vous  sont  remis,  ou  de  dire  :  Levez-vous  et 
marchez  ?  »  Plus  l'âme  est  supérieure  au  corps,  plus  aussi  la  guérison 
de  l'àme  par  la  rémission  des  péchés ,  l'emporte  sur  la  guérison  du 
corps.  Mais  ce  dernier  prodige  étant  visible ,  tandis  que  le  premier  ne 
l'est  pas,  Jésus  l'opère  quoiqu'il  soit  moindre,  pour  rendre  certain  le 
premier  qui  est  moins  évident. 

(l)  haie,  xun,  25. 


superabundantia  ejus  sapientife,  quod 
sua  per  inimieos  manifestât  :  unde  se- 
quitur  :  «  Et  ecce  quidam  de  scribis  dixe- 
runt  intra  se  :  Hic  blasphémât.  »  Hier. 
Legimus  in  Propheta  :  «  Ego  sum  qui 
deleo  omues  iniquitates  tuas.  »  Conse- 
quenter  ergo  scribaî,  quia  hominem  pu- 
tahant,  et  verba  Dei  non  intellijïebant, 
arguunt  euui  vitio  blaspbemite.  Videns 
autem  cogitationes  eorum,  ostendit  se 
Deum,  qui  potest  cordis  occulta  eognos- 
cere,  ot  quodammodo  tacens  loquitur  : 
«  Eadcni  polentia,  qua  cogilationes  ves- 
tras  intueor,  possum  et  liominibus  de- 
licta  dimittere  :  ex  vobis  iatelligite  quid 
paralyticus  consequatur  :  »  unde  sequi- 
tur  :  «  Et  cum  vidisset  Jésus  cogilatio- 
nes eorum,  dixil  :  Ut  (juid  cogikitis  mala 


in  cordibus  vestris  ?  »  Chrys.  {in  hom. 
30^  in  Matth.)  Non  quidem  eorum  des- 
truxit  suspicionem  (qua  scilicet  cogita- 
bant  eum  prœdicta  dixisse  ut  Deum)  ; 
si  enim  non  essct  œqualis  Deo  Patri, 
oportebat  eum  dicere  :  «  Longe  sum 
ab  bac  potestale,  »  scilicet  dimlttcndi 
peccata  :  nunc  autem  coutrarium  fir- 
mavit  sua  voce,  et  miraculi  ostcnsione. 
Unde  subdit  :  «  Quid  est  facilius  di- 
cere :  Dimittuulur  libi  peccata  tua?  an 
dicere  :  Surgc  et  ambula  ?  »  Quaulo  qui- 
dem anima  corpore  potior  est,  tanto 
peccatum  dimittere  majus  est  quam  cor- 
pus sanare  ;  sed  quia  illud  quidem  non 
manifcstum  ,  hoc  autem  nianifestum  , 
facit  minus  (quod  est  manifeslius)  ul 
demonslrel  majus  et  non  maaifestuni. 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   IX. 


9 


\ 


S.  JÉR.  Celui-là  seul  qui  remettait  les  péchés  savait  s'ils  étaient  re- 
mis au  paralytique.  Mais  quant  à  l'efTet  de  ces  paroles  :  «  Levez -vous 
et  marchez,  »  chacun  pouvait  en  juger,  celui  qui  se  levait  comme 
ceux  qui  le  voyaient.  Quoiqu'il  appartienne  à  la  même  puissance  de 
guérir  les  infirmités  du  corps  et  de  l'àme  ;  il  y  a  cependant  une  grande 
différence  entre  dire  et  faire.  Le  Sauveur  fait  donc  un  miracle  exté- 
rieur comme  preuve  de  celui  qu'il  opère  à  l'intérieur.  «  Or,  éjoute-t-il, 
afin  que  vous  sachiez  que  le  Fils  de  l'homme  a  sur  la  terre  ce  pouvoir 
de  remettre  les  péchés.  »  —  S.  Chrys.  (hom.  30.)  Il  ne  dit  pas  tout 
d'abord  au  paralytique  :  «  Je  vous  remets  vos  péchés  ;  »  mais  a  Vos 
péchés  vous  sont  remis.  »  Or,  comme  les  scribes  se  récriaient,  il  leur 
révèle  qu'il  a  une  puissance  plus  élevée,  et  leur  déclare  «  que  le  Fils 
de  l'homme  a  le  pouvoir  de  remettre  les  péchés  ;  »  et  comme  preuve 
qu'il  est  égal  à  son  Père,  il  ne  dit  pas  que  le  Fils  de  l'homme  a  be- 
soin d'un  secours  étranger  pour  remettre  les  péchés ,  mais  qu'il  a 
lui-même  ce  pouvoir. 

La  Glose  (1).  Ces  paroles  :  «  Afin  que  vous  sachiez  »  peuvent  avoir 
été  dites  par  Jésus-Christ,  ou  n'être  qu'une  réflexion  de  l'Evangéliste, 
comme  s'il  disait  :  «  Tls  doutaient  qu'il  pût  remettre  les  péchés  ;  mais 
afin  que  vous  sachiez  bien  que  le  Fils  de  l'homme  a  ce  pouvoir ,  il  dit 
au  paralytique^  »  etc.  Si  au  contraire  on  suppose  ces  paroles  dans  la 
bouche  du  Sauveur ,  voici  le  sens  qu'on  peut  leur  donner  :  «  Vous 
doutez  que  je  puisse  remettre  les  péchés,  mais  afin  que  vous  sachiez 
que  le  Fils  de  l'homme ,  »  etc.  La  construction  grammaticale  de  la 
phrase  n'est  point  parfaite  ;  mais  l'Evangéliste  remplace  ce  qui  devait 
suivre  immédiatement  et  qu'il  sous-entend  par  l'acte  même  que  Jésus 


(1)  Ou  plutôt  saint  Anselme  ;  les  éditions  précédentes  portaient  à  tort  à  la  marge  :  Glose  in- 
ierlinéaire. 


Hier.  Utrum  sint  paralytico  peccata 
dimissa,  solus  noverat  qui  dimittebat  ; 
«  siirge  autem  et  ambula  ,  »  tam  ille  qui 
surgebat,  quam  îii  qui  surgentem  vide- 
bant,  poterant  approbare  ;  quanquam 
ejusdem  virtutis  sit,  et  corporis  et  ani- 
mée vilia  dimittere.  Inter  dicere  tamen 
et  facere  multa  distantia  est  :  fit  ergo 
carnale  signuui,  ut  probetur  spirituale  : 
unde  sequitur  :  «  Ut  autem  soiatis  quo- 
uiam  Filius  liomiiiis  habet  potestatem 
in  terra  dimittendi  peccata.»  Chrys.  [in 
homil.)  Supra  quidem  paralytico  non 
dixit  :  «  Dimitto  tibi  peccata,  »  sed,  «di- 
mittuntur  tibi  peccata.  »  Quiavero  scri- 
bae  resistebant,  altiorem  suam  potentiam 
demonstrat,  dicens  «  quia  Filius  homi- 


ujs  habet  potestatem  dimittendi  pecca- 
ta :  »  et  ut  ostendat  se  Patri  sequalem, 
non  dixit  quod  Filius  hominis  iudiget 
aliquo  ad  dimittendum  peccata,  sed 
quoniam  habet. 

Glossa.  Hœc  autem  verba  :  «  Utscia- 
tis,  »  possunt  esse  Christi  vel  Evaugehs- 
tœ,  quasi  Evangelista  diceret  :  «  Ipsi  du- 
bitabant  eum  peccata  dimittere  ;  sed  ut 
sciatis  quoniam  Filius  hominis  habet  po- 
testatem, ait  paralytico.  »  Si  autem 
Christus  dicatur  pronuntiasse  hœc  verba, 
sic  intelligentur  :  «  Vos  dubitatis  me 
posse  peccata  dimittere,  sed  ut  sciatis 
quoniam  Filius  hominis,  »  etc.  Quœ  qui- 
dem oratio  imperfecta  est  ;  sed  subditur, 
actus  rei  loco  consequentis,  ubi  dicitur  : 


10 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


accomplit.  Il  dit  au  paralytique  :  «  Levez-vous  et  emportez  votre  lit.  » 

—  Jean  ,  évoque.  Afin  que  ce  qui  a  été  la  preuve  de  sa  maladie  de- 
vienne un  témoignage  de  sa  guérison.  «  Et  allez  dans  votre  maison.  » 
Vous,  guéri  par  la  foi  au  Christ,  ne  restez  pas  davantage  au  milieu  de 
la  perfidie  des  Juifs.  —  S.  Ciirys.  (Jiom.  30.)  Jésus  lui  donne  cet  ordre 
afin  que  l'on  ne  prenne  pas  pour  une  simple  apparence  la  guérison 
qu'il  vient  d'opérer,  et  c'est  pour  en  démontrer  la  vérité  que  l'Evan- 
géliste  dit  :  «  Il  se  leva  et  il  alla  dans  sa  maison.  »  Et  cependant  ceux 
qui  en  furent  témoins  se  traînent  encore  dans  des  idées  tout  hu- 
maines. «  Et  le  peuple  voyant  cela ,  »  etc.  Si  leurs  pensées  avaient  été 
justes  et  droites,  est-ce  qu'ils  n'auraient  pas  dû  reconnaître  que  Jésus 
était  le  Fils  de  Dieu?  Toutefois  c'était  déjà  quelque  chose  que  de  le 
regarder  comme  supérieur  à  tous  les  hommes,  et  comme  l'envoyé  de 
Dieu. 

S.  HiL.  Il  y  a  une  signification  mystérieuse  dans  la  conduite  de 
Jésus  revenant  dans  sa  ville  ,  après  avoir  été  rejeté  par  la  Judée.  La 
cité  de  Dieu,  c'est  le  peuple  fidèle  ;  Jésus-Christ  y  est  entré  porté  par 
une  barque  ,  c'est-à-dire  par  son  Eglise.  — Jeàiv,  évèque.  Il  n'a  pas 
besoin  de  cette  barque  ,  mais  la  barque  a  besoin  de  Jésus-Christ,  car 
jamais,  sans  la  direction  qui  vient  du  Ciel,  le  vaisseau  de  l'Eglise  ne 
pourrait  traverser  la  mer  du  monde  et  arriver  au  port  de  l'éternité. 

—  S.  HiL.  La  personne  du  paralytique  est  la  figure  de  l'universalité  des 
nations  dont  on  demande  la  guérison;  ce  paralytique  est  présenté  au 
médecin  par  le  ministère  des  anges ,  parce  qu'il  est  l'œuvre  de  Dieu  ; 
il  lui  remet  les  péchés  dont  la  loi  ne  pouvait  le  délivrer ,  parce  que  la 
foi  seule  justifie  le  pécheur.  Il  est  une  preuve  des  merveilleux  effets  de 
la  résurrection ,  car  en  emportant  son  lit  il  nous  apprend  que  notre 


«  Ait,  paralytico  :  surge  et  toile  lectum 
liuim.  «  JoAN.  (Ëpiscop.)  Ut  quod  fuit 
teslioioniuni  infirmitatis,  sit  probalio  sa- 
uitalis  :  «  et  vade  in  doiuiim  tuaui  ;  » 
ne  chrislianafidei  curalus  morerisin  per- 
fidia  Judœorum,  Gurys.  {in  hom.  30,  in 
MaWi.)  Hoc  autem  prœcipit,  ut  non 
leslinietur  phantasia  esse  quod  factum 
est  :  uude  ad  veritateni  facti  ostendeu- 
dam,  snbditur  :  ((  Et  surrexit,  et  abiit 
in  donium  suani.  »  Sed  tamen  astantes 
honiiiies  ailluic  deorsum  trahuntur  :  un- 
de  se(juitui'  :  «  Videntes  aiUem  turba),  » 
ctr.  Si  cnim  bene  cogitassent  apud  se, 
cnnnovissent  ipiia  Filins  Dei  erat  :  intérim 
aulem  non  parvum  erat  œstimare  omni- 
bus hominibus  majorem,  et  a  Dec  venire. 


HiLAU.  {cun.  8,  in  J/ft<#//.)M3'stice  au- 
tem a  Judaea  repudiatus,  lu  civitatem 
suam  revertitur.  Deicivitasfideliumplebs 
est  :  in  banc  ergo  introivitperuavim  (id 
est  Ecclesiam)  vectus.  Joan.  (Episcop.) 
Non  autem  Chrislus  iudiget  navi,  sed  ua- 
vis  Cbristo  ;  quia  sine  cœlesti  guberuatioue 
navis  Ecclesiie  per  muudanum  peiagus 
ad  cœlestem  portuni  non  valet  perve- 
nire.  Hilau.  In  paralytico  aulem  geu- 
tium  universilas  offôrtur  medenda  ;  bic 
itatjue  (angelis  ministrantibus)  curandus 
oUcrtnr;  bic  /iliiis  nuncupalur,  (juia  Dei 
opus  est;  buic  remittunlur  anima^  pcc- 
cata,  quiP  lex  laxare  non  poterat  ;  tîdes 
cnim  sola  justiticat;  deinde  virlutem 
resurrecUonis  osteudit/  cum  sublatioue 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.  IX.  il 

corps  sera  un  jour  affranchi  de  toute  infirmité.  —  S.  Jér.  Dans  le  sens 
tropologique,  on  peut  voir  ici  l'image  d'une  âme  qui  vit  sans  force  au 
milieu  de  son  corps,  après  avoir  perdu  toutes  ses  vertus,  et  que  l'on 
présente  au  Seigneur,  le  docteur  consommé,  pour  être  guérie.  Tout 
homme  atteint  de  cette  maladie  doit  intéresser  à  son  état  ceux  qui 
peuvent  demander  à  Dieu  sa  guérison  ,  et  à  l'aide  de  la  doctrine  cé- 
leste rendre  la  force  à  ses  pas  cliancelants.  Souffrons  donc  que  les 
conseillers  de  notre  âme  l'élèvent  vers  les  choses  supérieures,  malgré 
la  langueur  où  la  retient  la  faiblesse  de  son  corps  mortel.  —  Jean, 
évêque.  Le  Seigneur  sur  cette  terre  ne  s'inquiète  pas  du  désir  des 
insensés,  mais  il  a  égard  à  la  foi  d'autrui  ;  c'est  ainsi  que  le  médecin 
ne  s'arrête  point  à  la  volonté  des  malades  ,  lorsqu'ils  demandent  des 
choses  qui  leur  sont  contraires. 

Rab.  Se  lever,  c'est  arracher  son  âme  aux  désirs  de  la  chair  ;  en- 
lever son  lit,  c'est  élever  son  corps  des  désirs  de  la  terre  jusqu'aux  as- 
pirations de  l'esprit;  aller  dans  sa  maison,  c'est  retourner  au  paradis, 
ou  à  la  garde  intérieure  de  soi-même,  pour  ne  plus  retomher  dans  le 
péché.  —  S.  Grég.  [Moral,  xxiii,  15.)  Ou  bien  par  le  lit  on  peut  en- 
tendre les  voluptés  sensuelles  ;  on  ordonne  à  celui  qui  a  recouvré  la 
santé  de  porter  ce  lit  oïi  il  était  couché  pendant  sa  maladie  ;  car  tout 
homme  qui  trouve  encore  son  plaisir  dans  le  vice,  est  comme  étendu 
sans  force  au  milieu  des  voluptés  de  la  chair.  Mais  lorsqu'il  est  guéri, 
il  porte  ce  lit,  parce  qu'il  supporte  les  assauts  de  cette  même  chair, 
au  lieu  de  se  reposer  comme  auparavant  dans  ses  désirs  coupables.  — 
S.  HiL.  [can.  8  sur  S.  Matth.)  La  foule,  à  la  vue  de  ce  miracle,  fut 
saisie  de  crainte;  en  effet,  c'est  un  grand  sujet  d'effroi  de  tomber 
entre  les  mains  de  la  mort  avant  que  Jésus-Christ  nous  ait  pardonné 


lectuli  infirmitatem    corporibus    docuit 
defutiiram. 

HiERO.v.  Juxta  tropologiam  autem  in- 
terdum  anima  jacens  in  corpore  suo  vir- 
tutibus  dissolutis  a  perfecto  doctore  Do- 
mino offertur  curanda.  Ambros.  (m  Lu- 
cam  cap.  5.)  Unusqiiisque  euim  aeger 
petendœ  salutis  débet  adhibere  preca- 
tores,  per  quos  actuum  nostrorum  clau- 
da  vestigia,  verbi  cœlestis  remedio  re- 
formentur  :  sint  igitur  monitores  men- 
tis, qui  animum  auditoris  ad  superiora 
erigant,  quamvis  exterioris  corporis  de- 
bilitate  torpentem.  JoAX.  {Episcop.)  Do- 
minus  autem  in  noc  seoulo  insipientium 
voluutates  non  quierit;  sed  respicit  ad 
alterius  fidem  ;  nec  medicus  languentium 
respicit  voluntatem,  cum  contraria  re- 


quiratinfirmus.  Rab.  Surgere  autem, '.est 
aoimam  a  carnalibus  desideris  abstra- 
here;  lectum  tollere,  est  carnem  a  ter- 
renis  desideriis  ad  voluntatem  spiritus 
attollerè;  domum  ire,  est  adparadisum 
redire,  vel  ad  internam  sui  custodiam, 
ne  iterum  peccet.  Greg.  (xxiii  Mot. 
cap.  15.)  Vel  per  lectum  voluptas corpo- 
ris designatur  :  jubetur  itaque  ut  hoc  sa- 
nus  portet,  ubi  infirmus  jacuerat;  quia 
omnis  qui  adhuc  vitiis  delectatur  ,  infir- 
mus jacet  in  voluptatibus  carnis  ;  sed 
sanatus  hoc  portât,  quia  ejusdem  carnis 
contumelias  postmodum  tolérât,  in  cu- 
jus  prius  desideriis  requiescebat.  Hilar. 
{Can.  8,  «>iiV«^^^.)  Videntes  autemtur- 
bœ  timuerunt;  magni  enim  timoris  res 
est,  non  dimissis  a  Christo  peccatis  in 


12 


EXPLICATION  DE   L  EVANGILE 


nos  péchés ,  car  sans  ce  pardon  il  n'y  a  point  de  retour  possible 
dans  notre  éternelle  demeure.  Lorsque  cette  crainte  vient  à  cesser,  on 
rend  gloire  à  Dieu  de  ce  que  par  le  moyen  de  son  Verbe  il  a  donné 
aux  hommes  le  pouvoir  de  remettre  les  péchés,  de  ressusciter  les  corps 
et  de  rouvrir  les  portes  du  ciel. 

y.  9-13.  —  Jésus ,  sortant  de  là,  vit  un  homme  assis  au  bureau  des  impôts, 
nommé  Matthieu,  auquel  il  dit  :  Suivez-moi  ;  et,  se  levant,  il  le  suivit.  Et 
il  arriva  que  comme  Jésus  était  à  table  dans  la  maison  de  cette  homme,  il  y 
vint  beaucoup  de  publicains  et  de  gens  de  mauvaise  vie,  qui  se  mirent  à  table 
avec  Jésus  et  ses  disciples.  Ce  que  les  pharisiens  ayant  vu,  ils  dirent  à  ses 
disciples  :  Pourquoi  votre  maître  mange-t-il  avec  des  publicains  et  des  pé- 
cheurs? Mais  Jésus,  les  ayant  entendus ,  leur  dit  :  Ce  ne  sont  pas  ceux  qui 
se  portent  bien,  mais  les  malades  qui  ont  besoin  de  médecin.  Allez  donc  et 
apprenez  ce  que  veut  dire  cette  parole  :  J'aime  mieux  la  miséricorde  que  le 
sacrifice.  Car  je  ne  suis  pas  venu  appeler  les  justes,  mais  les  pécheurs. 

S.  CuRYS.  (/iom.  31 .)  Après  avoir  opéré  ce  miracle,  Jésus  ne  crut  pas 
devoir  demeurer  dans  ce  même  endroit ,  pour  ne  pas  donner  un  nou- 
vel aliment  à  la  jalousie  des  pharisiens.  Imitons  nous-mêmes  cet 
exemple ,  et  n'opposons  pas  de  résistance  obstinée  à  ceux  qui  nous 
dressent  des  embûches.  C'est  pour  cela  que  l'écrivain  sacré  ajoute  : 
a  Et  Jésus  partant  de  là  (du  lieu  où  il  avait  fait  le  miracle)  vit  un  homme 
assis  au  bureau  des  impôts  et  qu'on  appelait  INIatthieu.  »  —  S.  Jér. 
Les  autres  Evangélistes  n'ont  pas  voulu ,  par  honneur  et  par  respect 
pour  lui,  l'appeler  du  nom  connu  de  Matthieu  ;  ils  l'ont  appelé  Lévi, 
car  il  portait  ces  deux  noms.  Mais  quant  à  lui  il  met  en  pratique  cette 
maxime  de  Salomon  :  «Lejusteest  son  propre  accusateur»  {Prov.  xviii), 


mortem  resolvi  ;  quia  uullus  est  in  do- 
mum  <eteraam  reditus,  si  cui  indulta 
nou  fuerit  venia  delictorum.  Cessante  au- 
tem  timoré,  honor  Deo  redditur,  quod 
potestas  honiinibus  hac  via  data  sit  per 
verbum  ejus,  et  peccalorum  remissionis, 
et  corporum  resurrcctionis,  et  reversio- 
iiis  in  cœlum. 

Et  cum  tramiret  inde  Jésus,  vidit  homineni  se- 
dentem  in  telonio  Matthœum  nomine  :  et  ait 
ilti  :  Sequere  me  :  et  surgens  secutus  est  eum. 
El  factiim  est  discumbente  en  in  domo,ecce 
muiti  pi/hlicani  et  peccatores  renientes  dis- 
cumbebant  cum  Jesu  et  discipulis  ejus.  Et  vi- 
dentes  pharisœi  dicebant  discipulis  ejus  :  Quare 
cum  publicanis  et  peccatoribus  manducat  ma- 
gister  vester?  At  Jésus  audiens  ait  :  Non 
est  opus  valentibus  medicus,  sedr  maie  haben- 
fibus  :  euntes  autcni  discite  quid  est ,  miseri- 


cordiam  volo,  et  non  sacrificium  :  non  enim 
veni  vocare  justos,  sed  peccatores. 

Chrys.  (inhomil.  'Si,  in  Matth.)  Cum 
Christus  fecisset  niiraculum,  non  per- 
mansit  in  endeni  looo,  ne  Judaeonimze- 
lum  accenderet  ampliorem  :  lioc  et  nos 
faciamus  non  obstiuate  obsistentes  eis 
qui  iusidiautur  :  unde  dicitur  :  «  Et  cum 
transiret  inde  Jésus  (scilicet  a  loco  ubi 
miraculuni  fecerat),  vidit  homineni  se- 
dentem  in  telonio,  ■Malthseum  nomine.» 
Hier.  Caeteri  Evanpelistai  propter  vere- 
cundiam  et  lionorem  Matth;ei,  noluerunt 
enm  nomine  appellare  vnlgato  (Marc.  2, 
et  Z,wr.  o),  sed  dixerunl  Levi  (dupliei 
enim  vocabulo  fuit.)  Ipse  antem  Mattliaeus 
secnnduai  illud  Salomonis  {Proverb. 
18)  :  <(  Justus  accusalor  est  sui  :  »  Mat- 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   IX.  13 

et  se  fait  connaître  sous  le  nom  de  Matthieu  comme  publicain  ;  il  ap- 
prend ainsi  à  ceux  qui  liront  son  Evangile,  que  nul  ne  doit  désespérer 
de  son  salut,  s'il  veut  rentrer  dans  les  sentiers  de  la  vertu  ,  puisque 
lui-même  a  été  changé  en  un  instant  de  publicain  en  apôtre.  La 
Glose.  Il  était  assis  au  bureau  des  impôts,  c'est-à-dire  dans  une  de  ces 
maisons  où  l'on  percevait  les  impôts  ;  car  le  nom  qui  lui  est  donné 
(tehniarius),  receveur  des  impôts,  vient  du  mot  grec  TéAO(;(l),  qui  si- 
gnifie impôt. 

S.  Chrys.  {hom.  31  sur  S.  Matth.)  Ce  qui  fait  éclater  encore  da- 
vantage la  puissance  de  celui  qui  l'appelle,  c'est  qu'il  n'attend  pas  que 
Matthieu  abandonne  cette  profession  pleine  de  dangers,  il  l'arrache 
aux  maux  qui  l'environnaient,  comme  Paul  encore  dans  la  fougue  de 
ses  égarements.  {Actes ^  ix.)  Et  il  lui  dit  :  «  Suivez-moi.  »  Vous  avez  vu 
la  puissance  de  Dieu  qui  l'appelle,  admirez  aussi  l'obéissance  de  celui 
qui  est  appelé.  Il  n'oppose  aucune  résistance;  il  ne  demande  pas 
d'aller  chez  lui  pour  faire  part  de  son  dessein  à  sa  famille.  Rémi.  Il 
compte  même  pour  rien  le  danger  qu'il  courait  de  la  part  de  ses  chefs, 
en  quittant  son  emploi  sans  avoir  réglé  ses  comptes,  a  Et  se  levant,  il 
le  suivit.  »  Il  a  sacrifié  les  gains  d'une  profession  tout  humaine  ;  par 
une  juste  compensation,  il  est  devenu  le  dispensateur  des  talents  du 
Seigneur. 

S.  JÉR.  Porphyre  (2)  et  l'empereur  Julien  accusent  ici ,  ou  l'Evangéliste 
d'avoir  menti  avec  peu  d'habileté ,  ou  les  disciples  d'avoir  suivi  tout 
aussitôt  le  Sauveur  sans  aucune  réflexion,  comme  s'ils  s'étaient  rangés 

(1)  Le  mot  grec  tsXoç  signifie  tantôt  fin,  tantôt  il  a  le  sens  d'impôt. 

(2)  Ce  Porphyre  est  un  philosophe  païen  dont  saint  Augustin  combat  souvent  les  opinions. 
D'après  ce  que  dit  le  saint  docteur,  livre  II  des  Rétract.,  chap.  31,  ce  ne  serait  pas  ce  Sicilien 
nommé  Porphyre  qui  s'est  rendu  célèbre,  et  qui  a  fait  des  leçons  sur  les  écrits  d'.\ristote.  Le 
Julien  dont  il  est  ici  question  est  l'empereur  Julien  appelé  l'Apostat,  parce  qu'il  a  en  effet  apos- 
tasie la  religion  chrétienne  pour  se  faire  païen. 


thseum  se  et  publican.um  nominal;  ut 
ostendat  legenlibus  nullum  debere  salu- 
tem  desperare ,  si  ad  meliora  conversas 
sit,  cum  ipse  de  publicano  in  apostolum 
sit  repente  mutatus.  Glossa.  Dicit  autem  : 
«  Sedenteni  in  telouio,  »  id  est,  in  do- 
mo  ubi  vectigalia  congregantur  :  erat 
enim  teloniarius  dictus,  a  telos  grœce, 
quod  est  vectigal. 

Chrys.  {in  homil.  'i\,in  iMaitf).)Per 
boc  ergo  etiam  monstrat  vocantis  vir- 
lutem,  quoniam  non  desistentem  a  peri- 
culoso  officie  ex  mediis  ipsum  evulsit 
mabs,  sicut  et  Paulum  adhuc  insanien- 
tem.  {Act.  9.)  Et  ideo  sequitur  :  «  Et  ait 


illi  :  Sequere  me.  »  Sicut  vidisti  vocantis 
virtutem  :  ita  disce  vocati  obedientiam  : 
neque  enim  restitit,  neque  domum  abi- 
re  rogavit,  et  suis  boc  cummunicare. 
Remig.  Humana  etiam  pericula,  quae  ei 
a  principibus  accidere  poteraut,  parvi- 
pendit,  dum  officii  sui  rationes  imper- 
fectas  reliquit  :  un<ie  sequitur  :  «  Et  sur- 
gens secutus  est  eum  :  »  et  quia  terrena 
lucra  deseruit,  ideo  jure  factus  est  domi- 
nicorum  talentorum  dispeusator. 

Hier.  Arguit  autem  in  boc  loco  Por- 
pbyrius  et  JuUanus  Augustus,  vel  im- 
peritiam  liistorici  mentientis,  vel  stulti- 
tiam  eorum  qui  slaLim  secuti  suut  Salva- 


a 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


contre  toute  raison  sous  la  conduite  du  premier  venu  qui  les  appelait 
à  le  suivre.  Mais  au  contraire,  n'est-il  pas  certain  que  les  Apôtres 
avant  de  croire  avaient  été  les  témoins  des  plus  grands  miracles  et  des 
plus  grands  prodiges?  Est-ce  que  d'ailleurs  l'éclat  et  la  majesté  de  la 
divinité  qui,  toute  cachée  qu'elle  était,  resplendissait  sur  la  figure  du 
Sauveur,  ne  suffisaient  pas  pour  attirer  à  lui  au  premier  abord  ceux 
qui  le  voyaient?  Car  si  la  pierre  d'aimant  a,  dit-on,  la  force  d'at- 
tirer à  elle  le  fer,  quelle  puissance  bien  plus  grande  n'avait  pas  le 
Seigneur  de  toutes  les  créatures  pour  attirer  à  lui  tous  ceux  qu'il 
voulait. 

S.  Chrys.  {ho)7i.  31  sur  S.  Matth.)  Mais  pourquoi  Jésus- Christ  ne 
l'a-t-il  pas  appelé  en  même  temps  que  Pierre ,  Jean  et  les  autres 
apôtres?  C'est  qu'alors  ses  dispositions  étaient  encore  imparfaites,  et 
celui  qui  voit  le  fond  des  cœurs  voulut  attendre  que  ses  nombreux 
miracles  et  l'éclat  de  sa  réputation  lui  eussent  rendu  l'obéissance  plus 
facile.  —  S.  Aug.  {de  V accord  des  Ecang.,  liv.  ii,  chap.  26.)  Ou  bien 
il  parait  plus  probable  que  saint  Matthieu,  en  parlant  ici  de  sa  voca- 
tion ,  rappelle  un  fait  qu'il  avait  omis  précédemment  ;  car  on  doit  ad- 
mettre qu'elle  précéda  le  sermon  sur  la  montagne ,  puisque  saint  Luc 
{Luc^  vi)  y  fait  mention  des  douze  élus  auxquels  il  donne  le  nom 
d'apôtres.  La  Glose.  Saint  Matthieu  place  sa  vocation  parmi  les 
miracles  ;  ce  fut  en  effet  un  grand  miracle  qu'un  publicain  devenu 
apôtre.  —  S.  Chrys.  {hom.  31.)  Mais  pom'quoi  donc,  à  l'exception  de 
Pierre,  d'André,  de  Jacques  ,  de  Jean  et  de  Matthieu,  ne  savons-nous 
pas  comment  et  à  quelle  époque  eut  lieu  la  vocation  des  autres 
apôtres  ?  C'est  que  ceux  que  nous  venons  de  nommer  appartenaient 
surtout  à  des  professions  basses  et  obscures  ;  car  il  n'y  avait  rien  de 


lorem  ;  quasi  irratiouabiliter  quemlibet 
vocantem  horainem  siut  secuti;  cum 
tantœ  virtutes  tantaque  signa  prœcesse- 
rint,  qiiœ  apostolos  antequam  crederent, 
vidisse  uon  dubiuui  est.  Cerle  fiilgor  ipse 
et  majestas  Uiviuitatis  occultai ,  quœ 
etiam  a  facie  refulgebat  bumaaa,  videu- 
tes  ad  se  trabere  poterat  primo  aspectu: 
si  enim  ex  maguete  hipide  baec  esse  vis 
dicitur,  ut  ferrum  trabat,  quanto  magis 
Dominus  omnium  creaturarum  ad  se  tra- 
bere poterat  quos  volebat  ! 

Chrys.  {in  homil.  31,  m  Matth.)  Sed 
cur  non  cum  Pctro  et  .loaime  et  abis 
eum  vocavit  ?  Quouiam  (birius  adimc 
dispositus  crat  :  sed  post  multa  niiracula 
et  multam  Cbristi  famam,  quaudo  ap- 
liorem  eum  ad  obedientiam  scivit,  qui 


intima  cordis  novit.  AuG.  {de  cons. 
EranrjAih.  u,  cap.  26.)  Vel  probabiUus 
videtur,  quod  baec  prœtermissa  recor- 
dando  Mattbœus  commémorât,  quia  an- 
te  sermonem  babitum  in  monte  creden- 
dum  est  vocatum  esse  .Mattbaeum  :  in 
eo  quippe  monte  tune  Lucas  commé- 
morât (cap.  G)  omnes  duodecim  electos, 
(}U03  et  apostolos  uominavit.  Glossa. 
Mattbœus  enim  vocationem  suam  refert 
inter  miracula  :  magnum  miraculum 
fuit,  quod  publicanus  factus  est  apos- 
tolus.  Chrys.  {in  homil.  31,  in  Matth.) 
Quid  est  autem  quod  de  aliis  apostolis 
uobis  non  dicitur ,  quabler  cl  quando 
suut  vocali,  nisi  de  Petro  et  Andréa, 
et  Jacobo,  et  Joanne,  et  Mattbaeo?  Hi 
euim  maxime  erant  iu  iucouveaieutibus 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   IX. 


i5 


moins  honorable  alors  que  la  profession  d'un  receveur  d'impôts  ou  le 
métier  de  pêcheur. 

La  Glose  (1).  Matthieu  voulant  témoigner  à  Jésus-Christ  sa  digne 
reconnaissance  pour  le  céleste  bienfait  de  sa  vocation,  lui  prépare  un 
grand  repas  dans  sa  maison  ;  et  il  offre  ainsi  les  biens  de  la  terre  à 
celui  dont  il  attendait  les  biens  de  l'éternité.  «  Et  il  arriva,  nous  dit-il, 
que  comme  Jésus  était  à  table  dans  la  maison.  »  — S.  Aug.  {del'accord 
des  Evang.,  liv.  ii,  chap.  27.)  Saint  Matthieu  n'explique  pas  ici  chez 
qui  Jésus  était  à  table;  on  pourrait  donc  supposer  que  ce  fait  ne  suit 
pas  immédiatement  celui  qui  précède ,  mais  qu'il  s'est  passé  anté- 
rieurement, et  que  saint  Matthieu  ne  le  raconte  ici  que  suivant  l'ordre 
de  ses  souvenirs,  si  d'ailleurs  saint  Marc  et  saint  Luc  ne  nous  appre- 
naient que  c'est  dans  la  maison  de  Lévi  ou  de  Matthieu  que  Jésus  s'est 
mis  à  table.  —  S.  Ghrys.  {Iioîiî.  31.)  Matthieu,  honoré  de  ce  que  Jésus- 
Christ  daignait  entrer  dans  sa  maison ,  invita  avec  lui  tous  les  publi- 
cains  qui  étaient  de  la  même  profession.  «  Et  voici^  nous  dit-il ,  que 
beaucoup  de  publicains,  »  etc.  —  La  Glose  (2).  On  appelle  publicains 
ceux  dont  la  vie  se  passe  au  milieu  des  embarras  des  affaires  publiques, 
que  l'on  ne  peut  jamais  ou  presque  jamais  manier  sans  péché.  Et  ce 
fut  là  un  magnifique  présage,  de  voir  celui  qui  devait  être  l'apôtre  et 
le  docteur  des  nations,  dès  le  premier  moment  de  sa  conversion,  attirer 
après  lui  dans  les  voies  du  salut  la  foule  des  pécheurs  et  former  déjà 
par  son  exemple  à  la  perfection  ceux  qu'il  devait  y  conduire  par  sa 
parole.  —  S.  Jér.  (3).  Tertullien  prétend  que  ces  publicains  étaient  des 

(1)  Ou  plutôt  saint  Anselme. 

(2)  Saint  Anselme. 

(3)  Ce  qui  est  ici  donné  sous  le  nom  de  saint  Jérôme  citant  Tertullien,  ne  se  trouve  ni  dans 
l'un  ni  dans  l'autre.  La  fin  de  la  citation  vient  du  commentaire  de  saint  Jérôme  sur  saint 
Matthieu. 


et  liumilibus  studiis.  Neque  enim  telonii 
officio  est  aliquid  deterius,  neque  pisca- 
tioae. 

Glossa.  CoDgruam  autem  cœlestisbe- 
neficii  vicem  rependens  Mattlieeus,  Chris- 
to  magnum  convivium  in  domo  sua  pa- 
ravit,  ut  illi  commodaretsua  temporalia, 
a  quo  expectabat  perpétua  bona  :  unde 
sequitur  :  «  Et  factum  est,  discumbente 
eo  in  domo..  »  Aug.  (de  cons.  Evang. 
lib.  II,  cap.  27.)  Hic  Matthaeus  non  ex- 
presssit  in  cujus  domo  discumbebat  Jé- 
sus, unde  posset  videri  non  hoc  ex  or- 
dine  subjunxisse,  sed  quod  alio  tempore 
factum  est,  recordatus  interposuisse  ; 
nisi  Marcus  et  Lucas,  qui  hoc  omnino  si- 
militcr  narrant  (Marc,  2,  et  Luc.  5)  ma- 


ni{estarent  in  domo  Levi  (hoc  est,  Mat- 
thœi  )  discubuisse  Jesum.  Chrys.  (in 
hom.  31,  in  Motth.)  Honoratus  autem 
Matthœus  ingressu  Christi  in  donnim 
ejus,  omnes  pubhcanos  qui  erant  ejus- 
dem  artis  convocavit  :  unde  sequitur  : 
«  Ecce  multi  publicani,  »  etc.  Glossa. 
Publicani  enim  vocantur,  qui  pubUcis 
negotiis  imphcantur,  quee  sine  peccato 
aut  vix  aut  nunquam  possunt  tractari  ; 
et  pulchrura  fuit  praesagium,  quia  qui 
apostolus  et  doctor  gentium  erat  futu- 
rus,  in  prima  sua  conversione  peccan- 
tium  gregem  post  se  trahit  ad  salutem, 
ut  jam  perficeret  exemplo,  quod  perfi- 
cere  debebat  et  verbo.  Hier.  Tertuhanus 
hos  dicit  fuisse  ethuicos   dicente   Scrip- 


16 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


païens,  et  il  appuie  son  sentiment  sur  cette  parole  de  l'Ecriture  :  «  îl 
n'y  aura  point  d'impôt  en  Israël,  »  comme  si  saint  Matthieu  lui-même 
n'eût  pas  été  juif.  Ajoutons  que  le  Seigneur  ne  mangeait  pas  avec  les 
païens  ;  car  il  évitait  avec  le  plus  grand  soin  de  paraître  détruire  la 
loi,  lui  qui  avait  dit  à  ses  disciples  :  «  N'allez  pas  dans  la  voie  des  na- 
tions.» Or  ces  publicains,  voyant  un  des  leurs  se  convertir  du  péché 
à  la  justice,  et  obtenir  ainsi  la  grâce  du  repentir,  ne  désespèrent  plus 
eux-mêmes  de  leur  salut.  S.  Chrys.  (1).  {hom.  31.)  Ils  s'approchèrent 
donc  de  notre  Rédempteur,  et  ils  furent  admis  non-seulement  à  lui 
parler,  mais  encore  à  manger  avec  lui.  —  Ce  n'était  pas  seulement 
en  discutant  avec  ses  ennemis,  en.  guérissant  leurs  malades,  ou  en 
les  reprenant  de  leur  malice,  mais  en  mangeant  avec  eux  qu'il  rame- 
nait bien  souvent  ceux  qui  étaient  mal  disposés  à  son  égard.  Il  nous 
apprenait  ainsi  que  chacun  des  instants  comme  chacune  des  actions 
de  notre  vie  peut  être  pour  nous  l'occasion  d'immenses  avantages.  Or, 
les  pharisiens  à  cette  vue  furent  indignés,  et  c'est  d'eux  que  l'Evangé- 
liste  ajoute  :  «  Ce  que  voyant  les  pharisiens,  ils  dirent  à  ses  disciples  : 
Pourquoi  votre  Maître  mange-t-il  avec  des  publicains?  »  etc.  Il  est  à 
remarquer  que  lorsqu'ils  croient  surprendre  les  disciples  en  faute, 
ils  s'adressent  à  Jésus-Christ.  «Voyez,  lui  disent-ils,  vos  disciples  font 
ce  qu'il  n'est  pas  permis  de  faire  le  jour  du  sabbat.  »  Ici  c'est  auprès 
des  disciples  qu'ils  accusent  le  Maître.  Toute  cette  conduite  témoignait 
de  leur  malice  et  du  désir  qu'ils  avaient  de  séparer  du  Maître  le  cœur 
de  ses  disciples.  —  Rab.  Ils  étaient  sous  le  coup  d'une  double  erreur  : 
premièrement  ils  se  croyaient  justes  ,  eux  que  leur  orgueil  plein  de 
faste  tenait  si  loin  de  la  justice  ;  en  second  lieu,  ils  regardaient  comme 

(1)  La  première  partie  de  cette  citation  se  trouve  en  termes  plus  exprès  dans  saint  Grégoire, 
homél.  XXXIV  sur  les  Evangiles. 


tura  :  «  Non  erit  vectigal  peutlens  ex 
Israi'I  (quasi  Matllueus  non  fuerit  Judœ- 
iis.)  Uouiiuus  autem  nou  convivalur  cum 
ethuicis  ;  eiim  id  maxime  caveret,  ne  le- 
gem  solvere  viderelur,  qui  et  discipiûis 
prœcepil  (J/«<^/?.  10)  :  «  In  viamgentium 
ne  abieritis.  »  Viderant  autem  publica- 
nuni  a  peccalis  ad  meliora  couversum, 
locum  invenisse  pœnitentiœ,  et  ob  id 
etiam  ipsi  nou  dcsperant  sahitem.  CiiRVS. 
{in  hom.  31,  in  Mattli.)  Uiide  accesse- 
runt  ad  Hedemptorem  noslrum  ;  et  non 
soluni  ad  colloijucndum,  sed  etiam  ad 
convedcendum  recepti  sunt  :  non  euim 
solum  disputana,  aut  curans,  aul  arguons 
inimicos,  sed  eliani  convescens  emeu- 
dubal  multolies  eos  qui  maie  dispositi 


erant;  per  hoc  docens  nos,  quoniam 
omne  tempus  et  omne  opus  potest  nobis 
tribuere  utilitatem.  Hoc  aulem  videutes 
pharisœi,  indignati  sunt,  de  quibus  sub 
ditur  :  «  Kt  videutes  pliarisaù  die-ebant 
discipulis  ejus  :  Quare  cum  publicanis,  » 
etc.  Notandum  quod  cum  discipuli  visi 
suutpeccare,  Christum  alloquuntur- di- 
centes  :  {Matt/i.  \2)  «  Ecce  discipuli  tui 
faciunt  quod  non  licetfacere  in  sabbato  :  » 
bic  apud  discipulos  Christo  detrabunt  : 
ipiif  omnia  maliguantium  eranl,  et  vo- 
Itîiilium  separare  a  doctore  corda  disci- 
pulorum.  Hau.  Duplici  aulem  errore  te- 
ncbaulur  ;  quia('tsc_;M>7(i.v  arbitrabantur, 
qui  superbiai  faslu  a  justitia  longe  dis- 
cesseraut;  et  eos  crimiuabautur   injus- 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    IX. 


17 


coupables  ceux  qui  renonçaient  à  leur  vie  criminelle  et  se  rappro- 
chaient de  la  vertu. 

S.  AuG.  {de  l'accord  des  Evang.,  liv.  ii,  chap.  27.)  Saint  Luc  paraît 
raconter  le  même  fait  en  termes  tant  soit  peu  différents.  D'après 
son  récit ,  les  pharisiens  disent  aux  disciples  :  «  Pourquoi  mangez- 
vous  avec  les  publicains  et  avec  les  pécheurs  ?  »  faisant  ainsi  tomber  à  la 
fois  ce  reproche  sur  Jésus-Christ  et  sur  ses  disciples.  Mais  en  adressant 
ce  reproche  aux  disciples  ,  ne  l'adressent-ils  pas  au  Maître  lui-même, 
dont  les  Apôtres  faisaient  profession  de  suivre  les  exemples?  La  pensée 
est  donc  la  même,  et  elle  est  d'autant  plus  certaine  qu'elle  est  exprimée 
en  termes  différents,  avec  le  même  fond  de  vérité.  —  S.  Jér.  Ceux  qui 
viennent  à  Jésus  ne  persévèrent  pas  dans  leurs  habitudes  criminelles, 
comme  le  disent  en  murmurant  les  scribes  et  les  pharisiens  ;  mais  ils 
sont  conduits  par  le  repentir  comme  le  Seigneur  le  fait  connaître  par 
ces  paroles  :  «  Mais  Jésus  les  ayant  entendus ,  leur  dit  :  Ce  ne  sont 
pas  ceux  qui  se  portent  bien  qui  ont  besoin  ,  »  etc.  —  Rab.  Jésus  se 
déclare  médecin,  lui  qui  par  un  traitement  vraiment  admirable  a  voulu 
être  blessé  pour  nos  péchés ,  afin  de  guérir  les  blessures  de  nos  ini- 
quités. Il  appelle  bien  portants  ceux  qui,  voulant  établir  leur  propre 
justice,  ne  sont  pas  soumis  à  la  véritable  justice  de  Dieu.  {Rom,  x.) 
Il  donne  le  nom  de  malades  à  ceux  qui,  vaincus  par  le  sentiment  de 
leur  propre  fragilité,  et  qui  persuadés  d'ailleurs  que  la  loi  est  impuis- 
sante pour  les  justifier ,  se  soumettent  à  la  grâce  de  Dieu  par  le  re- 
pentir. 

S.  Chrys.  {hom.  31.)  Après  avoir  raisonné  avec  eux  en  suivant  les 
principes  ordinaires  de  la  raison,  il  leiu"  cite  l'Ecriture  ,  et  leur  dit  : 
«  Allez  et  apprenez  ce  que  veut  dire  cette  parole  :  Je  veux  la  miséri- 


tos  qui  resipiscendo  a  peccatis^  justitiae 
appropiaquabant. 

AuG.  {de  cons.  Evang.  lib.  ii,  cap.  27.) 
Lucas  autem  aliquanto  differentius  hoc 
videlur  coxnmemoi'asse,  secundum  quem 
pharisa;!  dicunt  discipulis  {Luc.  Ti)  : 
«  Quare  cum  publicanis  et  peccatoribus 
manducatis  etbibitid'?»  Cbristo  et  discipu- 
bs  ejus  hoc  objectum  iusinuans.  Sed 
cum  discipulis  dicebalur,  magis  Magis- 
tro  objicitur,  quem  sectando  imitaban- 
tur.  Uaaest  ergo  seuteatia,  et  tanto  me- 
lius  insinuata,  quanto  quibusdam  verbis 
(maneute  veritate)  mutata.  Hier.  Neque 
vero  ia  pristinis  vitiis  permanentes  ve- 
niunt  ad  Jesum,  ut  pharisœi  et  scribae 
murmurant,  sed  pœuitentiam  agentes; 
quodetpraeseus  sermo  Dominisigniflcat: 

TOM.  II. 


im4,e  sequitur  :  «  At  Jésus  audiens,  ait: 
Non  est  opus,  »  etc.  Rab.  Seipsmu  medi- 
cum  dicit,  qui  miro  medicandi  génère 
propter  iniquitates  uoslras  ATilneratus 
est  {Isai.  43),  ut  vuhius  peccatorum  uos- 
trorum  sanaret.  Sanos  quidem  eos  ap- 
pellat,  qui  suam  volantes  statuera  justi- 
tiam,  veraî  Dei  justitiœ  subjecti  non 
sunt  {Roman.  10);  maie  habentes  eos 
vocal,  qui  suœ  fragilitatis  conscientia  de- 
victi,  nec  per  legem  videntes  se  justifi- 
cari,  pœnitendo  se  submittunt  gratiae 
Dei. 

Chrys.  {in  ho?nil.  31,  in  Matth.)  Post- 
quam  a  communibus  opinionibus  eos 
allocutus  est,  alloquitur  eos  ex  scriptu- 
ris,  cum  dicit  :  «  Euules  autem  discite 
quid  est  :  Misericordiam  volo  et  non  sa- 

2 


18 


EXPLICATION  DE  L  EVANGILE 


corde  et  non  pas  le  sacrifice  (1).  »  —  S.  Jér.  11  emprunte  ce  témoi- 
gnage aux  prophètes,  pour  condamner  la  sévérité  des  scribes  et  des 
pharisiens  qui,  se  regardant  comme  justes,  évitaient  tout  contact  avec 
les  pécheurs  et  les  pul)licains.  —  S.  Ghrys.  {Iiom.  31.)  C'est  comme 
s'il  leur  disait  :  Pourquoi  me  i'aites-vous  un  crime  de  convertir  les  pé- 
cheurs ?  Mais  alors  accusez  Dieu  le  Père  lui-même.  Car  je  désire  la 
conversion  des  pécheurs  comme  il  la  désire.  C'est  ainsi  qu'il  leur  dé- 
montre que  non-seulement  la  loi  ne  défend  pas  ce  qu'ils  lui  repro- 
chaient, mais  qu'elle  place  même  sa  manière  d'agir  au-dessus  du  sa- 
crifice. Car  il  ne  dit  pas  :  Je  veux  la  miséricorde  et  le  sacrifice;  mais 
il  fait  un  précepte  de  la  miséricorde,  en  excluant  le  sacrifice. 

La  Glose  (2).  Ce  n'est  pas  cependant  que  Dieu  rejette  le  sacrifice  sé- 
paré de  la  miséricorde  ;  mais  il  condamne  ici  la  conduite  des  phari- 
siens qui  offraient  de  fréquents  sacrifices  dans  le  temple  pour  paraître 
justes  aux  yeux  du  peuple,  sans  pratiquer  les  œuvres  de  misé- 
ricorde, qui  sont  la  preuve  de  la  véritable  justice.  —  Rab.  Il  leur  en- 
seigne donc  à  mériter  par  des  œuvres  de  miséricorde  les  récompenses 
de  la  miséricorde  divine,  et  à  ne  pas  se  flatter  que  leurs  sacrifices  se- 
ront agréables  à  Dieu  (3),  s'ils  y  joignent  le  mépris  des  besoins  du 
pauvre.  C'est  pourquoi  il  ajoute  :  «  Allez,  »  c'est-à-dire  quittez  ces 
sentiments  de  blâme  aussi  téméraire  qu'insensé ,  et  qui  font  ressortir 
davantage  la  miséricorde.  Il  termine  en  se  proposant  lui-même  comme 
exemple  de  la  miséricorde  qu'ils  doivent  pratiquer.  «  Car  je  ne  suis 
pas  venu,  dit-il,  pour  appeler  les  justes,  mais  les  pécheurs.»  — 
S.  AuG.  {de  l'accord  des  Evang.,  liv.  ii,  chap.  Ti.)  Saint  Luc  ajoute  : 

(1)  Osée,  chap.  vi,  v,  6. 

(2)  Saint  Anselme,  mais  dans  un  autre  ordre. 

(3)  Le  texte  de  Rabau  porte  :  apaiseront  Dieu ,  ce  qui  est  plus  en  rapport  avec  l'idée  de 
sacrifice. 


criiicium.  »  Hier.  De  prophetis  sumeus 
testimonium,  sugillat  scribas  et  pliari- 
sœos,  qui  se  jiistos  œstimautes,  pecca- 
toriun  et  publi(;auoriim  consortia  decli- 
nabant.  Ciirys.  {in  homil.  31,  inMutth.) 
Ac  si  dicat  :  «  Cur  accusatis  me,  quo- 
iiiam  peccatores  corripo?  Ergo  et  Deum 
Patrem  ex  hoc  iucusate.  Sicut  euim  ilie 
vult  peccalorum  emendalioncm,  ita  et 
ego  :  »  et  sic  oslendit,  uon  solum  non 
esse  prohibituni  quod  incusabant,  scd  et 
secundmn  lepem  majus  esse  sacrificio  : 
uon  eniui  dixit  :  «  Misericordiam  volo, 
et  sacrilicium ,  »  sed  hoc  injunxit,  iihid 
auteiu  ejecil. 

Glossa.  Non  lamen  despicit  Deus  sa- 
crilicium sine  luiscricordia  :  faciebaul 


autem  pharisa-i  saepe  sacrificia  in  tem- 
ple, ut  justi  apparcrent  corara  populo  ; 
sed  nou  exercebaut  misericordiae  opéra, 
in  ({uibiis  probatur  vera  justitia.  R^vii. 
Admonet  ila(iue  eos  ut  per  opéra  uiiso- 
ricordiai  sibimelipsis  superuai  miseri- 
cordiae priïuiia  requirant,  et  non  con- 
temptis  pauperum  uecessitalibus  per  obla- 
tionem  sacriticiorum  se  Deoplacerecon- 
fidaut.  Unde  dicit  :  Euntes  (scilicet  a  le- 
merilalc  stultœ  vituperationis,  quae  mi- 
sericordiam maxime  commcudal.)  Unde 
et  suum  (le  misericordia  exomplum  eis 
proponit,  dicens  :  «  Non  euim  veni  vo- 
care  juslos,  sed  peccatores.  »  Aug.  {de 
covs.  h.vany.  lib.  ii,  cap.  27.)  Lucas  addi- 
dit  in  pœndentiam;  quod  ad  explauau- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.   IX.  49 

«  A  la  pénitence,  »  ce  qui  explique  clairement  la  pensée  du  Sauveur, 
afin  que  personne  ne  croie  qu'il  aime  les  pécheurs  en  tant  que  pé- 
cheurs. D'ailleurs  cette  comparaison  avec  les  malades  nous  fait  bien 
connaître  les  desseins  de  Dieu  ;  il  recherche  les  pécheurs  comme  un 
médecin  recherche  les  malades  ,  pour  les  délivrer  de  leurs  iniquités, 
qui  sont  une  véritable  maladie ,  ce  qui  ne  peut  se  faire  que  par  la 
pénitence. 

S.  HiL.  {can.  9  sur  S.  Matth.)  Est-ce  que  le  Christ  n'était  pas  venu 
pour  tous  les  hommes  ?  Comment  donc  peut-il  dire  qu'il  n'est  pas 
venu  pour  les  justes?  Il  était  donc  des  hommes  pour  qui  sa  venue 
n'était  pas  nécessaire  (i)?  Non,  mais  c'est  que  personne  n'est  juste  par  la 
loi  ;  Jésus  montre  donc  le  néant  de  cette  prétention  à  la  justice  ,  car 
les  sacrifices  de  l'ancienne  loi  étant  impuissants  pour  la  justification, 
tous  ceux  qui  vivaient  sous  la  loi  avaient  besoin  de  la  miséricorde. — 
—  S.  CiiRYS.  {hom.  31  sur'  S.  Matth.)  C'est  ce  qui  nous  ferait  croire  à 
une  ironie  de  la  part  de  Jésus-Christ  comme  dans  ces  autres  paroles  de 
Dieu  :  «  Voici  qu'Adam  est  devenu  comme  un  de  nous,  »  car  S.  Paul 
nous  déclare  positivement  que  personne  n'est  juste  sur  la  terre  : 
«Tous  ont  péché,  dit-il,  et  ont  besoin  de  la  gloire  de  Dieu.»  {Rom.  m.) 
Par  là  même  aussi,  il  calme  les  inquiétudes  de  ceux  qui  étaient  ap- 
pelés, en  leur  disant  :  «  Je  suis  si  loin  d'avoir  en  horreur  les  pécheurs, 
que  ce  n'est  que  pour  eux  que  je  suis  venu.  »  —  Rab.  Ou  bien  c'est  parce 
que  ceux  qui  étaient  justes  (comme  Nathanaël  et  Jean-Baptiste)  n'a- 
vaient pas  besoin  qu'on  les  appelât  à  la  pénitence.  Ou  bien  encore, 
je  ne  suis  pas  venu  appeler  les  faux  justes  qui,  comme  les  pharisiens, 
se  glorifient  de  leur  justice,  mais  ceux  qui  se  reconnaissent  pécheurs. 

(1)  Il  faut  évidemment  mettre  ici  un  point  d'interrogation,  pour  ne  point  laisser  à  cette  phrase 
le  sens  affirmatif,  qui  serait  un  contre-sens  et  une  erreur. 


dam  sententiam  valet,  ne  quisquam  pec- 
catores,  ob  hoc  ipsum  quod  peccatores 
suut,  diligi  arbitretur  a  Christo  ;  cum  et 
illa  similitudo  de  œgrotis  bene  intimet 
quid  velit  Deiis,  vocando  peccatores,  tan- 
quam  medicus  œgros;  utique  ut  ab  iiii- 
quitate  taiiquam  ab  œgritudine  salvi  fiant, 
quod  fit  per  pœnitentiam. 

HiLAR.  {Can.  9,  in  Matth.)  Omnibus 
autem  Christus  venerat  :  quomodo  ergo 
non  se  justis  venisse  dicit?  Erant  ergo 
quibus  necesse  non  erat  ut  veniret  ?  Sed 
nemo  justus  ex  lege  est  :  ostendit  ergo 
inanem  justitiae  jactantiani  ;  quia  sacri- 
ficiis  infirmis  ad  saluteni,  misericordia 
erat  universis  in  lege  positis  necessaria. 


Chrys.  {in  homit.)  Unde  ironice  videtur 
ad  eos  loquens,  sicut  cum  dicitur  {Gènes. 
3.)  :  «  Ecce  jam  Adam  factus  est  quasi 
unus  ex  nobis  :  »  quoniam  enim  nullus 
justus  erat  in  terra,  Paulus  significat, 
dicens  [Rom.  3.)  :  «  Omnes  peccaverunt 
et  egent  gloria  Dei.  »  lu  hoc  autem  et 
illos  mitigavit,  qui  vocati  erant  :  quasi 
diceret  :  Tantum  renuo  aljominari  pec- 
catores, qui  propter  eos  solos  adveni. 
Rab.  Vel  quia  qui  justi  erant  (sicut  Na- 
thanaël et  Joannes  Baiitista)  non  erant 
ad  pœnitentiam  invitandi.  Vel  «  non  veni 
vocare  justos  »  falsos,  qui  de  justitia  sua 
gloriantnr,  ut  pharisaei,  sed  illos  qui  se 
peccatores  recognoscunt.   Per  Matthsei 


20 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGTLE 


La  vocation  de  saint  Matthieu  et  celle  des  publicains  représente  la  vo- 
cation des  Gentils  qui  soupiraient  avec  ardeur  après  les  richesses  de 
la  terre,  et  qui  maintenant  réparent  leurs  forces  dans  la  compagnie 
du  Seigneur.  L'orgueil  des  pharisiens  est  la  figure  de  la  jalousie  des 
Juifs  à  la  vue  de  la  conversion  des  Gentils.  Ou  bien  Matthieu  signifie 
l'homme  qui  poursuit  avidement  les  biens  de  la  terre  ,  et  que  Jésus 
regarde,  lorsqu'il  jette  sur  lui  les  yeux  de  la  miséricorde.  Le  nom  de 
Matthieu  signifie  donné;  celui  de  Lévi  (1),  choisi^  car  le  pénitent  est 
choisi  du  milieu  de  la  masse  de  ceux  qui  se  perdent  et  il  est  donné  à 
l'Eglise  par  la  grâce  de  Dieu.  Et  Jésus  lui  dit  :  «  Suivez-moi.  »  Jésus 
donne  cet  ordre  au  pécheur,  ou  par  la  prédication  ,  ou  par  la  voix  des 
Ecritures,  ou  par  une  inspiration  intérieure. 

^.14-17.  —  Alors  les  disciples  de  Jean  le  vinrent  trouver,  et  lui  dirent  :  Pour- 
quoi les  pharisiens  et  nous  jeûnons-nous  souvent,  tandis  que  vos  disciples  ne 
j  dînent  point?  Jésus  leur  répondit  :  Les  amis  de  l'époux  peuvent-ils  être  dans 
la  tristesse  et  dans  le  deuil  pendant  que  l'époux  est  avec  eux?  Mais  il  viendra 
un  temps  que  l'époux  leur  sera  ôté ,  et  alors  ils  jeûneront.  Personne  ne  met 
une  pièce  de  drap  neuf  à  un  vieux  vêtement;  autrement  le  neuf  emporterait 
une  'partie  du  vieux,  et  le  déchirerait  encore  davantage.  Et  l'on  ne  met  point 
non  plus  de  vin  ?iouveau  dans  de  vieux  vaisseaux,  autrement  les  vaisseaux  se 
rompent  et  le  vin  se  répand,  et  les  vaisseaux  sont  perdus;  mais  on  met  le  vin 
nouveau  dans  des  vaisseaux  neufs,  et  ainsi  h  vin  et  les  vaisseaux  se  conservent. 

La  Glose  (2).  A  peine  Notre- Seigneur  s'est  justifié  de  fréquenter  les 
pécheurs  et  de  participer  à  leurs  repas  qu'on  l'attaque  sur  l'action  de 
manger  elle-même,  a  Alors,  dit  l'Evangéliste  ,  les  disciples  de  Jean 
vinrent  le  trouver ,  et  lui  dirent  :  Pourquoi  les  Phailsiens  et  nous^ 

(1)  C'est  le  nom  que  les  autres  évangélistes  saint  Marc  et  saint  Luc  donnent  à  saint  Matthieu. 

(2)  Saint  Anselme. 


autem  et  pnbliciiiorum  vocationem,  li- 
des  sentiiui)  exprimitur,  quse  prius  mua- 
di  lucris  iuliiabant,  et  nunc  spiritualiter 
cum  Domino  reliciimlur  :  superbia  plia- 
risajorum,  invidia  Jiidœorum  do  salute 
gentium.  Vel  Mattboius  signilicat  homi- 
nem  terrenis  lucris  iubiautem,  qiiem 
videt  Jésus,  dum  oculo  misericordiœ  res- 
pii;it  :  Matlliœus  enim  inlerprctatur  dona- 
tus  ;  Levi  assumptus  /pnniilens  autem  a 
massa  perditorum  assumitur,  et  gratia 
Dei  Ecclesiœ  donatur.  «  Et  ait  illi  Jésus  : 
Sequere  me  :  »  vel  per  praedicationem, 
vel  per  Scripturae  admonitiouem,  vel  per 
interuam  inspirationem. 

Tune  accesseruiU  ad  eum  diteipuli  Joannis ,  di- 


centes  :  Qiiare  »os  ot  pharisœi  jej^tnamus  frp- 
(/uenter,  discipuli  autem  tui  non  jejunant  ?  Et 
ait  mis  Jésus  :  Nunquid  possunt  filii  sponsi 
lugere,  quandiu  cum  illis  est  sponsus  ?  Ve- 
nient  autem  dies  cum  auferetur  ab  eis  sponsus, 
et  tune  jejunabunt.  Nemo  autem  immittit 
commissuram  panni  rudis  in  vestimentum  vê- 
tus ;  tollit  enim  plenitudinem  ejus  a  vesti- 
mento,  et  pejor  scissura  fit  :  neque  mittunt  vi- 
num  novum  in  utres  veteres  ;  alioquin  rvm- 
puntur  utres,  et  vinum  effunditur,  et  utres  pe- 
reunt  :  sed  vinum  novum  in  utres  novos  tnit- 
tunt,  et  ambo  conservantur, 

Glossa.  Cum  de  convivio  peccatorum 
et  de  participatione  respondisset  eis,  de 
comestione  eum  aggrediuntur  :  uude  di- 
citur  :  <(  Tune  accesserunt  ad  eum  disci- 
puli Joaunis  diceules  :  Quare  uos,  et  plia- 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   IX.  21 

jeûnons-nous?  »  etc.  S.  Jér.  Question  pleine  d'orgueil,  et  coupable  va- 
nité du  jeûne  !  Les  disciples  de  Jean  étaient  inexcusables  de  s'être 
joints  aux  pharisiens  que  leur  Maître  avait  si  hautement  condamnés, 
ils  le  savaient  bien,  et  qui  calomniaient  celui  qu'il  avait  annoncé.  — 
S.  Chrys.  {hom.  31.)  Cette  question  revient  à  dire  :  «  Soit,  vous  agis- 
sez de  la  sorte  comme  médecin;  mais  pourquoi  vos  disciples,  laissant  là 
le  jeûne,  vont-ils  s'asseoir  à  de  pareilles  tables?  »  Pour  rendre  l'accu- 
sation plus  forte  par  la  comparaison ,  ils  se  mettent  en  regard  ,  eux 
d'abord,  et  puis  les  pharisiens.  Car  ces  derniers  jeûnaient  pour  obéir 
à  la  loi,  comme  ce  pharisien  qui  disait  :  «  .Je  jeûne  deux  fois  dans  la 
semaine  (1),  »  et  les  disciples  de  Jean ,  d'après  la  recommandation  de 
leur  Maître.  —  Rab.  Car  Jean  ne  but  ni  vin  ,  ni  rien  de  ce  qui  peut 
enivrer,  et  le  mérite  de  son  abstinence  est  d'autant  plus  grand  ,  qu'il 
n'avait  aucune  puissance  sur  la  nature.  Mais  quant-  au  Seigneur  qui 
peut  remettre  les  péchés ,  pourquoi  s'abstiendrait-il  de  manger  avec 
les  pécheurs,  puisqu'il  peut  les  rendre  plus  justes  que  ceux  qui  font 
profession  d'abstinence.  Jésus-Christ  jeûne  pour  vous  apprendre  à  ne 
pas  éluder  le  précepte  du  jeûne,  et  il  mange  avec  les  pécheurs,  pour 
vous  faire  comprendre  sa  puissance  et  l'efficacité  de  sa  grâce. 

S.  AuG.  {de  l'accord  des  Evang.,  liv.  ii,  chap.  27.)  Saint  Matthieu 
attribue  cette  question  aux  disciples  de  Jean  ;  le  récit  de  saint  Marc,  au 
contraire  {Marc,  \i),  semblerait  indiquer  qu'elle  fut  faite  par  d'autres, 
c'est-à-dire  par  les  convives,  objectant  l'exemple  des  disciples  de  Jean 
et  des  pharisiens;  ce  que  saint  Luc  {Luc ,  v)  raconte  en  termes  plus 
exprès.  Si  donc  saint  Matthieu  s'exprime  ainsi  :  «  Alors  les  disciples 

(1)  Le  sabbat  est  mis  ici  pour  la  semaine,  à  laquelle  il  donne  son  nom  comme  en  étant  le  jour 
principal. 


risaei,  jejunamus,  »  etc.  Hier.  Superba 
interrogatio,  et  jejunii  reprehendenda 
jaetantia  :  necpoterant  discipuli  Joauuis 
non  esse  sub  vitio,  qui  jungebantur  pba- 
risaeis,  quos  a  Jeanne  noverant  <;oudem- 
natos  ;  et  calumniabantur  eum  quem 
sciebant  magistri  vocibus  prtedicatum. 
Chrys.  [in  homil.  31,  in  MaitJi.)  Quod 
autem  dicunt,  taie  est  :  «  Esto,  tu  ut 
medicus  hœc  facis  ;  sed  cur  discipuli  tui 
dimittentes  jejunium,  talibus  mensis  at- 
tendunt?  »  Ac  deinde  excusationem  ex 
comparatione  augere  volentes,  primo 
seipsos  ponunt,  et  deinde  pharisaeos.  Je- 
junabant  enim  illi  quidem  a  lege  discen- 
tes^  sicut  et  pharisseus  dixit  :  «  Jejuno 
bis  in  sabbato  ;  »  ipsi  autem  a  Joann'e. 
Raba.  Joannes  enim  vinum  et  siceram 


non  bibit  (Luc.  i);  quod  abstinentiae  me- 
ritum  eo  auget,  cui  uulla  est  potentia 
naturae.  Dominus  autem  qui  peccata  po- 
test  condonare,  cur  a  peccatoribus  man- 
ducautibns  declinaret,  quosabstinentibus 
poterat  facere  justiores  ?  Jejunat  autem 
Christus,  ne  praeceptum  déclines  :  man- 
ducat  autem  cum  peccatoribus,  ut  gra- 
tiam  et  potestatem  intelligas. 

AuG.  (de  con.  Evang.  lib.  ii,  c.  27.) 
Sed  cum  Mattbaeus  tantum  discipulos 
Joannis  boc  dixisse  perbibeat,  verba  quae 
apud  Marcum  leguutur  (Marc.  2.)  ma- 
gis  indicant  alios  boc  dixisse  de  aliis  (id 
est,  convivas  de  discipulis  Joannis  et 
phariseeis)  quod  Lucas  evidentius  ex- 
pressif {Liic.  5),  qui  alios  de  aliis  dixisse 
narravit  :  unde  ergo  Matthœus  dixit  : 


22 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


de  Jean  s'approchèrent,  »  etc.,  c'est  que  ces  disciples  étaient  présents, 
et  que  tous  à  l'envi  faisaient  autant  qu'ils  le  pouvaient,  cette  objection. 
—  S.  Chrys.  {hom.  31.)  Ou  bien,  si  saint  Luc  place  cette  question 
dans  la  bouche  des  pharisiens ,  tandis  que  saint  JMatthieu  l'attribue 
aux  disciples  de  Jean-13aptiste ,  c'est  que  les  pharisiens  les  avaient 
poussés  à  faire  cette  question,  comme  ils  firent  encore  plus  tard  à  l'égard 
des  hérodiens.  Il  est  à  remarquer  que  lorsqu'il  s'agit  de  prendre  la 
défense  des  étrangers ,  des  publicains  par  exemple,  Notre-Seigneur, 
pour  consoler  leur  âme  ulcérée  par  le  chagrin  ,  repousse  avec  force 
les  accusations  dont  ils  sont  l'objet,  tandis  qu'il  répond  avec  une 
extrême  douceur  lorsque  le  blàmc  tombe  sur  ses  disciples.  Et  Jésus 
leur  dit  :  «  Les  amis  de  l'Epoux  peuvent-ils  être  dans  le  deuil  pendant 
que  l'Epoux  est  avec  eux?  »  Il  vient  de  se  présenter  comme  médecin, 
ici  il  se  donne  le  nom  d'époux ,  rappelant  ainsi  ces  paroles  de  Jean- 
Baptiste  {Jean,  m)  :  «  L'époux  est  celui  qui  a  l'épouse.  »  —  S.  Jér. 
L'époux,  c'est  Jésus-Christ;  l'épouse,  c'est  l'Eglise.  De  cette  union 
spirituelle  sont  nés  les  Apôtres,  qui  ne  peuvent  pas  être  dans  le  deuil 
tant  qu'ils  voient  l'Epoux  dans  la  chambre  nuptiale ,  et  qu'ils  savent 
qu'il  est  avec  l'Epouse.  Mais  lorsque  les  jours  des  noces  seront  passés 
pour  faire  place  au  temps  de  la  passion  et  de  la  résurrection,  alors  les 
fils  de  l'Epoux  jeûneront,  comme  il  est  dit  :  «  Viendront  des  jours,  »  etc. 

S.  Chrys.  {hom.  31.)  Voici  le  sens  des  paroles  du  Sauveur  :  «  Le 
temps  présent  est  le  temps  de  la  joie  et  de  l'allégresse  ;  il  ne  faut  pas 
y  mêler  de  cause  de  tristesse.  Cas  le  jeûne  est  une  chose  triste,  non 
pas  précisément  en  elle-même,  mais  pour  ceux  dont  les  dispositions 
sont  imparfaites,  c'est-à-dire  pour  ceux  qui  n'ont  pas  encore  atteint 


«  Tune  accesserunt,  »  etc.  iiisi  quia  et 
ipsi  aderant,  et  omnes  certatim,  ut  quis- 
f{ue  poterat ,  hoc  objecerunt  ?  Curys. 
(in  homil.  31.  in  Matth.)  Vel  Lucas 
(lixit,  quod  pliarisœi  hoc  dixerunt  :  hic 
autem  (hcltur  (juod  discipuh  Joanuis, 
quia  phariscL'i  illos  secum  ac(;cperunt  ad 
(liceiiduui,  (juud  postea  iu  Ilerodianis 
l'eceruut.  Setl  coiisideraiidum  quando 
pro  extraueis  (sicul  pro  pubiicauis)  ser- 
mo  erat,  ut  eorum  turbataui  niitifjet  ani- 
mam,  vehenientius  exprobrautes  incusa- 
vit  :  ubi  autem  discipulos  couvitialjau- 
tur,  cuui  niausuetudiue  respoudet  :  unde 
sequitur  :  «  Et  ait  illis  Jésus  :  Nunquid 
possunt  lîlii  sponsi  lugere  quaudiu  cuui 
illis  est  sponsus  ?  »  Primo  quidem  seip- 
sum  merlicnm  vocaveral  ;  iiic  autem 
sponsum,  iu  memoriam  reduceus  verba 


Joannis,  quœ  dixil  [Joan.  3.)  :  «  Qui 
habet  sponsam  sponsus  est.  »  Hier. 
Sponsus  Christus  est,  sponsa  autem 
Ecclesia  :  de  hoc  spirituali  connubio 
apostoli  sunt  procreati,  qui  lugere  non 
possuut  quandiu  sponsum  iu  thalamo 
vident,  et  sciunt  sponsum  esse  cum 
sponsa  :  quando  vero  transierint  nup- 
tiœ,  et  passionis  ac  resurrectionis  tem- 
pus  advenerit,  lune  sponsi  filii  jejuna- 
buut.  VA  hoc  est  quod  subditur  :  «  Ve- 
nient  autem  dies,  »  etc.  Chrys.  (in  ho- 
mil. 31.  in,  Matth.)  Quod  autem  dicit, 
taie  est  :  «  Gaudii  est  pra-sens  tempus 
et  Iff'titia?  ;  non  ergo  inlroducenda  suut 
Iristia  :  »  elenim  jejunium  triste  est, 
non  naturaliter,  sed  illis  qui  imbecillius 
adhuc  dispositi  sunt  (id  est,  iis  qui  non- 
dum  robur  spiritualis  perf'octiouis  atli- 


DE   SAINT   MATTHIEU^    CHAP.    IX.  23 

la  force  de  la  perfection  spirituelle  ;  car  il  est  plein  de  douceur  pour 
ceux  qui  veulent  se  livrer  à  la  contemplation  de  la  sagesse  et  travailler 
à  leur  perfection.  Notre-Seigneur  se  conforme  donc  a  leurs  idées, 
et  il  montre  par  là  que  la  conduite  de  ses  disciples  était  l'effet  non 
point  de  la  sensualité,  mais  d'une  économie  pleine  de  sagesse. 

S.  Jér.  Quelques-uns  se  fondent  sur  ces  paroles  pour  conclure  que 
l'on  doit  consacrer  au  jeûne  les  quarante  jours  qui  suivent  la  pas- 
sion (1),  quoique  les  jours  de  la  Pentecôte  et  la  descente  de  l'Esprit 
saint  qui  suivent  immédiatement,  nous  apportent  de  nouveaux  sujets 
de  joie.  Montan  ,  Prisca  et  Maximilla  prennent  occasion  des  mêmes 
paroles  pour  faire  le  carême  après  la  Pentecôte,  en  alléguant  que  les 
fils  de  l'Epoux  doivent  jeûner  lorsque  l'Epoux  a  disparu.  Mais  la  cou- 
tume de  l'Eglise  est  de  se  disposer  à  la  passion  et  à  la  résurrection  du 
Seigneur  par  l'humiliation  de  la  chair ,  et  de  nous  préparer  par  le 
jeûne  du  corps  à  l'abondance  spirituelle  que  les  mystères  tiennent 
pour  nous  en  réserve. 

S.  Ghrys.  {hom.  31).  Le  Sauveur  appuie  de  nouveau  sa  doctrine  sur 
des  exemples  empruntés  à  la  vie  ordinaire  :  «  Personne,  dit-il,  ne 
met  une  pièce  de  drap  neuf  à  un  vieux  vêtement,  »  etc.,  paroles  dont 
voici  le  sens  :  Mes  disciples  ne  sont  pas  encore  assez  forts ,  ils  ont 
encore  besoin  de  condescendance ,  l'Esprit  saint  ne  les  a  pas  encore 
renouvelés;  dans  cette  disposition,  il  ne  faut  point  leur  imposer  le 
lourd  fardeau  des  préceptes.  En  parlant  de  la  sorte,  il  trace  à  ses 
apôtres  la  règle  qu'ils  devront  suivre ,  de  traiter  avec  douceur  les 
disciples  qui  leur  viendront  de  toutes  les  parties  de  la  terre.  —  Kemi. 
Par  ce  vieux  vêtement  il  veut  désigner  ses  disciples ,  car  ils  n'étaient 

(1)  Le  texte  de  saint  Jérôme  porte  :   «  Post  dies  quadraginta  passionis  jejunia  debere  com- 
mitti. 


gerunt)  :  his  enim  qui  sapientiam  con- 
templari  (vel  studere  perfectioni)  deside- 
rant  delectabile  est  :  uade  secundum  opi- 
nionem  illoruiu  lioc  dixit  :  per  hoc  au- 
tem  monstratj  quod  non  gulae  erat  qnod 
fiebat,  dispensationis  cujusdam. 

Hier.  Nonnulli  autem  putant  idcirco 
dies  quadraginta  passionis  jejunio  debe- 
re committi ,  licet  statim  dies  Peute- 
costes  et  Spiritus  Sanctus  veniens  indu- 
cat nobis  festivitatem.  Exhujusmodioc- 
casione  testimonii  Montanus,  Prisca,  et 
Maximilla,  etiam  post  Pentecosten  faciunt 
quadragesiinam,  quod  ablato  sponso,  fi- 
lii  sponsi  debeaut  jejunare  :  Ecclesiae 
autem  consuetudo  ad  passiouem  Domini 
et  resurrectionem  per  humilitatem  car- 


nis  venit,  ut  spirituali    saginee  jejunio 
corporis  praeparemur. 

Chrys.  [in  homil.  31,  inMattJi.)  Rur- 
sus  autem  a  communibus  exemplis  con- 
firmât hune  sermonem,  cum  subdit  : 
«  Nemo  autem  mittit  commissuram  pan- 
ni  rudis  in  vestimentum  vêtus,  »  etc. 
Ouasi  diceret  :  «  Nondum  effecli  sunt 
fortes  mei  iliscipuli,  sed  adhuc  multa 
indigent  condescensione  ;  nondum  sunt 
per  spiritum  renovati  :  sic  autem  dispo 
sitis  non  oportet  gravedinem  imponere 
prœceptorum  :  »  hoc  autem  dixit,  regu- 
lam  dans  suis  discipulis,  ut  discipulos  ex 
universo  orbe  terrarum  cum  mansuetu- 
dine  suscipiant.  Remig.  Per  vestimen- 
tum vêtus  discipulos  sucs  vult  intelligi  ; 


24 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


pas  encore  entièrement  renouvelés;  ce  morceau  d'étoffe  forte,  c'est-à- 
dire  neuve,  signifie  la  grâce  de  la  nouvelle  loi ,  c'est-à-dire  la  doctrine 
de  l'Evangile,  dont  le  jeûne  est  une  petite  partie.  Il  ne  convenait  donc 
pas  qu'il  leur  imposât  la  loi  dure  et  pénible  du  jeûne,  qui  aurait  pu 
les  briser  par  sa  rigueur  et  leur  faire  perdre  la  foi.  C'est  pour  cela  qu'il 
ajoute  :  a  Car  le  neuf  emporte  une  partie  du  vieux.  » 

La  Cilose.  C'est  comme  s'il  disait  :  Une  pièce  d'étoffe ,  c'est-à-dire 
neuve,  ne  doit  pas  être  cousue  à  un  vieil  habit ,  car  souvent  elle  em- 
porte tout  ce  qu'elle  recouvre ,  c'est-à-dire  le  vêtement  presque  tout 
entier,  et  la  déchirure  est  plus  grande.  C'est  ainsi  qu'en  imposant  un 
lourd  fardeau  ù  un  homme  encore  novice ,  on  détruit  souvent  le  bien 
qui  existait  auparavant  dans  son  âme. 

Rémi.  A  ces  deux  comparaisons,  celle  des  noces  et  celle  d'une  pièce 
d'étoffe  neuve  et  d'un  vêtement  usé,  il  en  ajoute  une  troisième  ,  celle 
des  outres  et  du  vin  :  «  Et  l'on  ne  met  point,  dit-il ,  du  vin  nouveau 
dans  de  vieilles  outres,  »  etc.  Ces  vieilles  outres  ce  sont  ses  disciples, 
qui  n'étaient  pas  encore  parfaitement  renouvelés  ;  et  le  vin  nouveau 
signitie  la  plénitude  de  l'Esprit  saint  et  les  mystères  du  ciel ,  dont  les 
disciples  n'étaient  pas  encore  capables  de  pénétrer  la  profondeur. 
Mais  après  la  résurrection ,  ils  devinrent  des  outres  neuves  ;  ils  re- 
çurent le  vin  nouveau  lorsque  l'Esprit  saint  vint  remplir  leur  cœur; 
ce  qui  fait  dire  à  quelques-uns  :  «  Ils  sont  tous  pleins  de  vin  nou- 
veau (1).  »  —  S.  CiiRYs.  {ho)n.  31.)  Le  Sauveur  nous  donne  ainsi  la 

(1)  C'est-à-dire,  ceux  qui  les  entendirent  parler  sur-le-champ  toutes  sortes  de  langues.  11  y  eut 
cependant  parmi  eux  de  nombreuses  exceptions,  puisque  quelques-uns  se  demandaient  avec 
étonnemont  la  cause  de  ce  prodige,  et  il  n'y  eut  que  les  moqueurs  pour  tenir  co  langage. 


quia  nondum  erant  per  omnia  innovati  ; 
panman  rudevi  (id  est,  iiovuru)  appel- 
lal  iiovam  graliam  (id  est,  evaDseli(;am 
doctrinam  ;  cujus  quœdam  particulaest 
Jojunium  :  et  ideo  non  conveniebat 
ut  severiora  pnecepla  jcjunii  illis  com- 
miftcrentur  ;  ne  forte  austeritate  jeju- 
uii  fransercntur ,  et  fideni  perderent 
quam  liahebant.  Ideo  subdit  :  «  Tol- 
lit  enim  pleniludiuem  ejus  a  vestimen- 
to,  »  etc. 

Glossa.  Quasi  dicat  :  liieo  rudis  ])an- 
nns  (id  est,  novus  non  débet  poni  in 
veslimenlo  veteri,  quia  tollit  seepe  a 
vestimenlopleiiitudinem  ejus  (id  est  per- 
fectionem),  cl  tune  fit  pejor  scissura. 
Grave  enim  onus  rudi  injunctum,  illud 
boni  quod  prius  inerat,  ssepe  destruil. 


Remig.  Duabus  autem  similitudinibus 
positis  (scilicet  nuptiaruni,  et  de  panno 
rudi,  et  de  vestimento  veteri),  nuuc  ter- 
tiam  addit  sindlitudinem  de  utribus  et 
de  vino,  dicens  :  «  Neque  mittunt  vi- 
nurn  novum  in  utres  veteres,  »  etc.  Utres 
veleres  appellat  suos  discipnios,  qui  non- 
dum perfecte  erant  innovati  ;  vinntn  no- 
vum  appellat  plenitudinem  Spiritussanc- 
ti,  et  profunda  «(plestinm  mysteriorum, 
quaj  tmic  discipuli  ferre  non  poterant  ; 
sed  post  resurrectionem  utres  novi  facli 
fuerunt,  et  vinum  norum  receperunt, 
(juando  Spiritus  Sanctus  replevit  corda 
eorum  :  unde  quidam  dixeruut  [Act.  2): 
«  Omnes  isli  musto  pleni  sunt.  »  Chrys. 
(in  homil.  31^  in  Mattlt.)  Ilinc  et  nos 
causam    docuit    luimilium    verborum , 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   IX.  25 

raison  de  tant  de  paroles  simples  et  familières    qu'il  disait  à  ses 
apôtres,  pour  s'accommoder  à  leur  faiblesse. 

S.  Jér.  Nous  pouvons  encore  entendre,  par  ce  vêtement  usé  et  pnr 
ces  vieilles  outres,  les  scribes  et  les  pharisiens.  Ce  morceau  de  drap 
neuf  et  le  vin  nouveau  sont  les  préceptes  de  l'Evangile  qu'on  ne  peut 
imposer  aux  Juifs,  dans  la  crainte  d'une  déchirure  plus  grande.  Les 
Galates  voulaient  faire  quelque  chose  de  semblable,  en  mêlant  les 
prescriptions  de  la  loi  avec  celles  de  l'Evangile  ,  et  en  mettant  du  vin 
nouveau  dans  de  vieilles  outres;  mais  l'Apôtre  les  en  reprit  en  ces 
termes  :  «  0  Galates  insensés  _,  qui  vous  a  fasciné  l'esprit  pour  vous 
rendre  ainsi  rebelles  à  la  vérité  ?»  Il  fallait  donc  verser  d'abord  la 
doctrine  de  l'Evangile  dans  le  cœur  des  Apôtres  avant  d'en  faire  part 
aux  scribes  et  aux  pharisiens  qui ,  étant  corrompus  par  les  traditions 
de  leurs  ancêtres,  ne  pouvaient  conserver  la  pureté  sans  mélange  des 
préceptes  du  Christ.  Il  y  a,  en  effet,  une  grande  différence  entre  la 
pureté  d'une  âme  virginale  qa'aucune  faute  antérieure  n'a  souillée  , 
et  celle  d'une  âme  qui  a  traîné  dans  la  fange  de  toutes  les  passions.  — 
La  Glose  (I).  Par  là  le  Sauveur  nous  apprend  que  les  Apôtres  ne  de- 
vaient pas  être  retenus  captifs  des  anciennes  observances ,  eux  qui  de- 
vaient être  comme  inondés  des  flots  d'une  grâce  toute  nouvelle. 

S.  AuG.  {se7'm.  du  Carême)  (2).  Ou  bien  encore,  tout  chrétien  qui 
jeûne  convenablement  humilie  son  âme  dans  les  gémissements  de  la 
prière  et  la  mortification  du  corps,  ou  la  détache  des  séductions  de  la 
chair  sous  le  charme  d'une  sagesse  toute  spirituelle.  Or,  le  Seigneur 

(1)  On  ne  trouve  ce  passage  ni  dans  la  Glose,  ni  dans  saint  Anselme,  ni  dans  aucun  autre 
ouvrage. 

(2)  Cette  citation  est  tirée  du  sermon  74  parmi  les  sermons  divers,  pour  le  samedi  après  le 
second  dimanche  de  Carême. 


quffi  et  continuo  ad  eos  dicebat  propter 
imbecillitatem  ipsorum. 

Hier.  Vel  aliter  :  per  vestimentum 
vêtus  et  utres  veteres,  debemus  intelli- 
gere  scribas  et  pharisœos.  «  Particula 
vestimenti  novi  et  viaum  novuin,  »  sunt 
prœcepta  evanijelica  sentieuda,  quœ  nou 
possiint  sustiaere  Judœi,  ne  major  scis- 
sura  fiât  :  taie  qiiid  et  Galatae  facere  cu- 
piebant,  ut  cuni  Evangelio  legis  prœ- 
cepta miscereut,  et  in  utribus  veteribus 
mitterent  vinum  novum  ;  sed  Apostolus 
ad  eos  loquitur  {od  Galcit.  3)  :  «  0  in- 
sensati  Galatse,  quis  vos  fascinavit  non 
obedire  veritati  ?  »  Sermo  igitur  evan- 
gelicus  apostolis  potius  quam  scribis  et 


pharisseis  est  infundendus,  qui  majorum 
traditionibus  depravati  sinceritatem  prae- 
ceptorum  Clirisli  non  poterant  custo- 
dire  :  alla  est  enim  puritas  virginalis 
anima?,  et  nulla  prioris  vilii  contagione 
pollutœ  ;  alla  ejus  qu»  multorum  sor- 
dium  libidini  subjacuerit.  Glossa.  Per 
hoc  ergo  significat  quod  apostoli  non 
erant  in  veteribus  observantiis  deti- 
nendi,  quos  oportebat  gratia;  novitatc 
perfundi. 

AuG.  (in  serm.  de  Quadragesima.) 
Vel  aliter  :  omnis  qui  recte  jejunat,  aut 
animam  suam  in  gemitu  orationis  et 
castigatione  corporis  humiliai,  aut  ab 
Dlecebra  carnali  spiritualis  sapieatise  de- 


26 


EXPLICATION   DR   l'ÉVANGILE 


embrasse  dans  sa  réponse  ces  deux  espèces  déjeune.  Il  dit  du  premier 
qui  tend  à  liumilier  notre  âme  :  a  Les  fils  de  l'Epoux  ne  peuvent  pas 
être  dans  le  deuil;  »  et  de  celui  qui  offre  à  l'âme  un  aliment  tout  spi- 
rituel :  «  Personne  ne  met  un  morceau  de  drap  neuf,  »  etc.  Mais 
lor.S(}ue  l'Epoux  nous  est  enlevé,  c'est  alors  qu'il  faut  pleurer,  et  notre 
douleur  èera  véritable  si  nous  brûlons  du  désir  de  le  voir.  Heureux 
ceux  qui  ont  pu  jouir  de  sa  présence  avant  sa  passion  ,  l'interroger 
suivant  leurs  désirs,  et  l'écouter  avec  le  respect  qu'ils  devaient  à  ses 
divines  paroles.  Nos  pères  ont  désiré  le  voir  avant  sa  venue  ,  et  ils  ne 
l'ont  point  vu.  Dieu  leur  avait  donné  une  autre  mission  :  ils  devaient 
annoncer  son  avènement,  mais  ils  ne  devaient  pas  entendre  sa  parole, 
lurs(|u'il  serait  descendu  sur  la  terre.  C'est  en  nous  que  se  sont  accom- 
plies ces  paroles  du  Sauveur  :  «  Il  viendra  un  temps  où  vous  désirerez 
voir  un  de  ces  jours,  et  vous  ne  le  pourrez  pas.  »  Qui  donc  ne  con- 
sentira à  être  dans  le  deuil  ici-bas?  Qui  ne  dira  :  «  Mes  larmes  sont 
devenues  mon  pain  le  jour  et  la  nuit ,  pendant  qu'on  me  dit  tous  les 
jours  :  Où  est  ton  Dieu?  »  C'est  donc  avec  raison  que  l'Apôtre  dé- 
sirait d'être  dégagé  des  liens  du  corps  pour  être  avec  Jésus-Christ. 

S.  Auci.  {de  l'accord  des  Evang.,  liv.  ii,  chap.  12.)  Saint  Matthieu 
emploie  le  mot  tristesse  là  où  saint  Marc  et  saint  Luc  se  sont  servis  de 
l'expression  ye^me;',  parce  que  le  jeûne  dont  parle  ici  le  Seigneur  ren- 
ferme l'humiliation  d'une  âme  affligée,  tandis  que  les  dernières  com- 
paraisons ont  pour  objet  l'autre  espèce  de  jeûne  qui  consiste  dans  la 
joie  de  l'âme  que  les  douceurs  spirituelles  tiennent  comme  suspendue 
et  détachée  des  aliments  terrestres.  Notre-Seigneur  nous  apprend 
ainsi  que  ceux  qui  sont  trop  occupés  de  leur  corps  et  qui  n'ont  point 


lectatione  suspendit  :  de  utroque  autem 
jejuûii  génère  Dominus  hic  respondet  : 
nani  de  primo,  (piodliabetaninife  bunii- 
liationem,  dicit  :  Nonpossunt  filii  sponsi 
luf^erc  :  »  de  illo,  ijuod  liabet  epuluni 
inentiSj  consequeulcr  loculiis  est,  diceus  : 
«  Nenio  inimittit  commissurani  panui 
radis,  »  etc.  Deinde  quia  spousus  ahla- 
tns  uobis  est,  utique  liiLrendum  est  :  et 
recle  luf;enius,  si  flajjtraïuns  desiderio 
ejiis.  Beati  quibus  licuiL  oiim  auto  pas- 
siouein  tune,  liabere  prcescntem,  inter- 
roj^'are  sicut  velleut,  audire  sicut  dehe- 
rent  :  illos  dies  cuncupienuit  videre  pa- 
tres anto  adventum  ejus,  neque  vide- 
runt  ;  quia  in  aliadispensatione  suut  or- 
diuati,  per  quos  venturns  annuntiare- 
tiir,  non  a  quibus  venions  audirelur  :  in 
noijisauteuiillud  impleluui  estquud  iiisc 


dicit  {Luc.  17)  :  «  Venient  dies  quando 
desideralntis  videre  unum  de  diebus  is- 
tis,  et  non  poteritis,  »  Quis  ergo  hic  non 
higebil?  Quis  non  dicat  :  «  Factae  suut 
luihi  la(;ryma;  mea;  panes  die  ac  nocle, 
diini  dicilur  niilû  qnotidie  :  Ubi  est 
Deus  tuus  ?  {Psal.  41.)  Mérite  ergo 
Aposlobis  cupiebat  dissolvi,  et  esse  cum 
Christo.  {ad  Pliilipp.  r.) 

AiiG.  {de  cou.  Evang.  Hb.  ii,  cap.  22.) 
Quod  ergo  dixit  Jlatthœus  Ivgere,  ubi 
Marcus  et  Lucas  àu:m\ijejunare ,  sigui- 
Jicavit  de  taH  jcjunio  Doininuni  iocu- 
tuni,  quod  pcriinet  ad  buniililateui  tri- 
bulationis  ut  iUud  alterum  quod  pertinet 
ad  gaudium  mentis  in  spirituaUa  sus- 
pcnsee,  et  ob  boc  alienata-  a  corpora-- 
libus  cibis,  posterioribiis  similitudinibns 
signilicasse  iutelligalur;  osleudens  quod 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    IX.  27 

dépouillé  le  vieil  homme  et  ses  inclinations,  ne  sont  pas  capables  de 
cette  espèce  de  jeûne. 

S.  HiL.  [can.  9  sur  S.  Matth.)  Dans  le  sens  mystique ,  la  réponse 
que  Notre-Seigneur  fait  ici,  en  déclarant  que  ses  disciples  ne  doiveut 
point  jeûner  tant  qu'ils  jouissent  de  la  présence  de  l'Epoux ,  nous  ap- 
prend la  joie  dont  sa  présence  est  pour  nous  le  principe,  et  nous  rap- 
pelle le  sacrement  où  il  nous  donne  une  nourriture  sainte,  nourriture 
qui  ne  fera  défaut  à  personne  pourvu  que  Jésus-Christ  soit  présent, 
c'est-à-dire  qu'on  le  possède  au  dedans  de  soi-même.  Mais  lorsque 
l'Epoux  leur  sera  enlevé,  alors  ils  jeûneront,  car  aucun  de  ceux  qui 
ne  croiront  pas  à  la  résurrection  du  Christ,  ne  mangera  le  pain  de 
vie,  puisque  le  sacrement  où  nous  recevons  le  pain  du  ciel  nous  est 
donné  comme  gage  de  notre  foi  en  la  résurrection.  — S.  Jér.  Ouhien 
encore,  c'est  lorsque  nos  péchés  ont  forcé  l'Epoux  de  s'éloigner,  qu'il 
faut  recourir  au  jeûne  et  nous  abandonner  à  la  tristesse.  —  S.  Hil. 
{Cati.  9  sur  S.  Matth.)  Ces  exemples  nous  sont  aussi  proposés  pour 
nous  apprendre  que  les  âmes,  aussi  bien  que  les  corps  affaiblis  par  d'an- 
ciens péchés,  sont  incapables  de  recevoir  les  sacrements  de  la  grâce 
nouvelle. 

Rab.  Quoique  ces  diverses  comparaisons  n'aient  qu'un  même  objet, 
elles  diffèrent  cependant  l'une  de  l'autre.  Le  vêtement  qui  couvre 
notre  corps  représente  les  bonnes  œuvres  que  nous  faisons  extérieu- 
rement ,  et  le  vin  qui  nous  fortifie  intérieurement  signifie  la  ferveur 
de  la  foi  et  de  la  charité  qui  renouvelle  l'intérieur  de  notre  âme. 

y.  18-22.  —  Comme  il  leur  parlait  de  la  sorte,  un  chef  de  la  synagogue  s'ap- 
procha de  lui  et  l'adorait,  en  lui  disant  :  Seigneur,  ma  fille  est  morte  présen- 
tement; mais  venez  lui  imposer  les  mains,   et  elle  vivra.  Alors  Jésus,  se 


circa  corpus  occupatis,  et  ob  hoc  vete- 
rem  sensum  liabentibus,  hoc  genus  je- 
jiinii  non  congruat. 

HiLAR.  {Can.  9,  in  Matth.)  Mystice 
vero,  (luod  prœsente  sponso  jejuuandi 
necessitateni  discipulis  non  esse  respon- 
del  ;  prBesentiai  suae  gaudium,  et  sacra- 
jnentum  sancti  cibi  edocet ,  quo  uenio 
se  prfesente  (id  est,  in  conspectu  men- 
tis Christum  contineus)  indigebit.  Ablato 
autem  se  jejunaturos  esse  dicit  ;  quia 
ouines  non  credentes  resurrexisse  Chris- 
tum, habituri  nonessent  cibum  vita?  :  in 
lîde  enim  resurrectiouis  sacramentum 
panis  cœlestis  accipitur.  Hier.  Vel  cum 
propter  peccata  a  uobis  recesserit ,  tune 


indicendum  est  jejunium  ;  tune  luctus 
est  recipiendus.  Hilar.  [Can.  d ,  in 
Matth.)  Ponit  etiam  exempla,  quibus  os- 
teodit  infirmatas  vetustate  peccatorum 
et  animas  et  corpora,  novse  gratite  sa- 
cramenta  non  capere. 

Raba.  Cum  autem  data?  sint  divers» 
similitudiues  ad  idem,  difïerunt  tamen  : 
vestis  enim  qua  foris  tegimur,  opéra  bo- 
ua  significat,  quae  foris  agimus  :  vinum 
quo  intus  reficimur,  fervor  est  fidei  et 
charitatis,  quo  intus  reformamur. 

Hœc  illo  loquente  ad  eos,  ecce princeps  unus  ac- 
cessit, et  adorabat  ewn,  dicens  :  Domine,  filia 
rtipa  modo  defuncta  est  ;  sed  veni,  impone  i7ia- 
num  tuam  super  eam,  et  vivet.  Et  surgens 


28 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


levant,  le  suivit  avec  ses  disciples.  En  même  temps,  une  femme,  qui  depuis 
douze  ans  était  affligée  d'une  perte  de  sang ,  s'approcha  de  lui  par  derrière  et 
loucha  la  frange  qui  était  au  bas  de  son  vêtement;  car  elle  disait  en  elle- 
même  :  Si  je  puis  seulement  toucher  son  vêtement,  je  serai  guérie.  Jésus  se 
retournant  alors  et  la  voyant,  lui  dit  :  Ma  fille,  ayez  confiance,  votre  foi 
vous  a  guérie.  Et  cette  femme  fut  guérie  à  la  même  heure. 

S.  CiiRYS.  (hom.  32.)  Aux  enseignements  Jésus-Christ  fait  succéder 
les  œuvres,  ce  qui  devait  surtout  fermer  la  bouche  aux  pharisiens  ; 
car  celui  qui  venait  demander  un  miracle  était  un  chef  de  la  syna- 
gogue, et  sa  douleur  était  grande;  cette  jeune  personne  était  sa  fille 
unique,  et  dans  la  première  tleur  de  l'âge ,  puisqu'elle  n'avait  que 
douze  ans.  «  Comme  il  leur  parlait  de  la  sorte,  un  chef  s'approcha.  » 
S.  AuG.  {de  l'accord  des  Evang.,  liv.  ii,  chap.  28.)  Saint  Marc  et  saint 
Luc  racontent  le  même  fait,  mais  en  suivant  un  ordre  difîérent,  et  ils 
le  placent  après  que  Jésus  eut  traversé  le  lac  ,  en  quittant  le  pays  des 
Gérazéniens,  où  il  avait  chassé  les  démons  dans  un  troupeau  de  pour- 
ceaux. Selon  le  récit  de  saint  Marc,  ce  fait  ce  serait  passé  après  (jue 
Jésus  eut  de  nouveau  traversé  le  lac  ;  mais  combien  de  temps  après  ? 
c'est  ce  qu'on  ne  peut  savoir.  Cependant  s'il  n'y  avait  eu  aucun  inter- 
valle, il  n'y  aurait  pas  moyen  de  placer  ce  que  raconte  saint  Matthieu 
du  repas  qui  eut  lieu  dans  sa  maison  ,  et  c'est  immédiatement  après 
que  le  chef  de  la  synagogue  est  venu  trouver  Jésus.  Car  si  ce  prince 
s'est  présenté  lorsque  Jésus  proposait  la  comparaison  du  drap  neuf  et 
du  vin  nouveau ,  on  ne  doit  pouvoir  placer  aucune  action,  aucune 
parole  intermédiaire.  Or,  dans  la  narration  de  saint  Marc,  on  voit  où 
l'on  pourrait  intercaler  d'autres  faits.  Saint  Luc  lui-même  n'est  pas 
contraire  à  saint  Matthieu ,  c£ir  la  manière  dont  il  commence  son  ré- 


Jesus  scquebatur  tnini,  et  discipuli  ejus.  Et 
ecce  mulier  qum  sanguinis  fluxum  paliehatta' 
'duodecim  annis,  accessit  rétro,  et  ietigit  fim- 
hriam  vestimenti  ejus.  Dicebat  cnim  intra  se  : 
Si  tetigero  tantum  vcstimentum  ejus,  salva 
ero.  At  Jésus  conversus,  et  videns  eam,  di-xit  : 
Confide ,  filia,  fides  tua  te  salvam  fecit.  Et 
salva  fada  est  mulier  ex  iUa  hora. 

Chrys.  [in  homil.  32,  in  Matth.)  Post 
sermones,  opus  adjuuxit,  quo  atuplius 
Pliarisaji  obstruerentur  ;  eo  quod  qui 
advenil  ad  uilraciilum  peteiidum ,  arcbi- 
synagop;us  erul  ;  cl  luctus  inaijnus,  quia 
puclla  uuifjcuita  eral  et  duodeciui  anno- 
rum,  quando  iucipit  esse  tlos  aîtatis  :  et 
Ideo  dicilur  :  «  Hœc  illo  loquente  ad  eos, 
eccc  princeps  unu»  accessit.  »  Aug.  (  de 
concnr.  seu  conse^isu  Evang.  lib.  ii, 
cap.  28.)Dicuul  aulem  hoc  et  Maxcus  et 


Lucas,  sed  ab  isto  ordine  jam  recedunt: 
eo  enim  loco  hoc  inserunt,  ubi  post  ex- 
pulsa dnemonia  et  iu  porcos  missa  trans- 
fretaudo  redit  a  rcgioue  Gerazeuorum  ; 
et  per  boc  quod  Marcus  dicit,  intelligen- 
dum  est  lioc  failum  essepostquam  veuit 
rursus  Jésus  traus  fretuui  ;  sed  quau- 
tum  post,  non  apparet  :  nisi  autem  fuis- 
set  abquod  intervalluin,  non  esset  quan- 
do fieret  quod  narrât  IMatthœusin  convi- 
vio  donius  sna^  :  post  hoc  factiim  conti- 
nuo  sequitur  de  archisynagogi  fiha.  Si 
enini  loquente  eo  de  paimo  novo  et  tIuo 
uovo,  accessit  princeps,  uibil  aliud  facto- 
runi  dictorunique  ejus  inlerpositum  est  : 
in  uarratioue  autem  Marci  patet  locus 
ubiahainterponi  potuerunl:  simihterau- 
tem  Lu<as  non  renititur  Matthaeo  :  quod 
cnim  adjuuxit  :  «  El  ccce  vir  cui  uomeu 


I 


DE   SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    IX.  29 

cit  :  «  Et  voici  qu'un  homme  qui  s'appelait  Jaïre,  »  n'indique  pas  que 
ce  soit  immédiatement  après  ce  qui  précède ,  mais  après  ce  que  saint 
Matthieu  raconte  en  ces  termes  du  repas  qu'il  prenait  avec  les  pu- 
blicains  :  «  Pendant  qu'il  parlait  de  la  sorte,  un  prince  (l)  (c'est-à-dire 
Jaïre,  chef  de  la  synagogue)  s'approcha,  et  il  l'adorait  en  lui  disant  : 
Seigneur,  ma  fille  vient  de  mourir.  »  Pour  faire  disparaître  toute  con- 
tradiction, il  faut  remarquer  que  les  deux  autres  Evangélistes  ne 
disent  pas  qu'elle  est  morte ,  mais  sur  le  point  de  mourir ,  tellement 
qu'ils  ajoutent  que  des  envoyés  vinrent  apprendre  au  père  que  sa  fille 
était  morte,  et  qu'il  n'eût  point  à  tourmenter  davantage  le  Seigneur. 
11  faut  donc  admettre  que  pour  abréger  ,  saint  Matthieu  s'est  attaché 
surtout  à  rapporter  la  prière  qui  fut  adressée  au  Sauveur  de  faire  ce 
qu'il  fit  en  efi'et,  c'est-à-dire  de  ressusciter  celle  qui  venait  de  mourir. 
Il  ne  s'est  donc  pas  arrêté  à  ce  que  le  père  dit  à  Jésus  de  sa  fille,  mais, 
ce  qui  est  bien  plus  important,  aux  sentiments  et  aux  désirs  qui  .l'a- 
gitaient. En  effet,  cet  homme  avait  tellement  désespéré  de  l'état  de  sa 
fille ,  que  ce  qu'il  désirait ,  c'est  qu'elle  fût  rendue  à  la  vie ,  tant  il 
croyait  peu  qu'il  dût  retrouver  vivante  celle  qu'il  avait  laissée  si  près 
de  la  mort.  Les  deux  autres  Evangélistes  ont  donc  rapporté  les  paroles 
de  Jaïre  ;  saint  Matthieu  nous  fait  connaître  surtout  ses  désirs ,  ses 
pensées.  Evidemment  si  l'un  de  ces  deux  Evangélistes  avait  prêté  au 
père  ces  paroles ,  que  Jésus  n'eût  pas  à  se  mettre  en  peine,  parce  que 
sa  fille  était  morte,  le  langage  que  lui  fait  tenir  saint  Matthieu  serait 
contradictoire.  Mais  rien  ne  dit  que  cet  homme  ait  partagé  les  senti- 
ments de  ses  serviteurs.  Nous  trouvons  ici  un  des  principes  d'çxplica- 
tion  les  plus  importants  :  c'est  que  dans  les  paroles  d'un  homme  nous 
ne  devons  chercher  que  ce  qu'il  a  l'intention  de  dire ,  que  la  volonté 


(1)  En  grec,  àpxtcruvaywyoç  est  la  même  chose  que  prince  ou  chef  de  la  synagogue. 


erat  Jairus,  non  continuo  accipiendum 
est  factum ,  sed  post  illiid  de  convivio 
publicanorum,  ut  narrât  MattliEeus,  di- 
cens  :  «  Haec  illo  loquente  ad  eos,  ecce 
princeps  unus  (scilicet  Jairus  archisyua- 
gogus)  accessit  et  adorabateum,  dicens: 
Domine,  filia  mea  modo  defuncla  est.  » 
Considerandum  est  autem  (nerepugnare 
videatur)  quod  alii  duo  Evangelistœ  mor- 
ti  jam  proximam,  non  tamen  mortuam 
esse  dicant  ;  usque  adeo  ut  dicant  ve- 
nisse  postea  qui  mortuam  nuntiarent,  et 
ob  hoc  non  debere  vexari  magistrum  : 
intelligendum  est  enim  brevitatis  causa 
Matthaeum  hoc  potius  dicere  voluisse, 
rogatum  Dominum  esse  ut  faceret  quod 
ipsum   fecisse  manifestum  est  ;  ut  sci- 


licet mortuam  suscitaret.  Attendit  enim 
non  verba  patris  de  iilia  sua,  sed  (  quod 
potissimum  est)  voluntatem  :  ita  enim 
despcraverat  ut  potius  eam  vellet  revi- 
viscere  ;  non  credens  vivam  posse  inve- 
uiri,  quam  morientem  reliquerat.  Duo 
itaque  posuerunt  quid  dixerit  Jairus  ; 
Matlhœus  autem  quidvohierit  atque  co- 
gitaverit.  Sane  si  quisquam  illorum  duo- 
rum  patrem  ipsum  commémorasse  dixis- 
set,  ut  non  vexaretur  Jésus,  quod  puella 
mortua  fuisset,  repugnarent  ejus  cogita- 
tioni  verba  quae  posuit  Matthaeus  :  nunc 
vero  non  legitur  quod  suis  nuntiantibus 
ille  consenserit.  Hinc  autem  rem  perne- 
cessariam  discimus,  nihil  in  cujusque 
verbis  debere  iuspicere  nisi  voluntatem, 


30 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 


dont  ses  paroles  sont  l'expression,  et  que  ce  n'est  point  mentir  que  de 
raconter  en  d'autres  termes  ce  qu'il  a  voulu  dire  sans  rapporter  les 
expressions  dont  il  s'est  servi.  —  S.  Chrys.  {hom.  32.)  Oubien  encore, 
ce  que  ce  chef  de  la  synagogue  dit  de  la  mort  de  sa  fille  n'est  qu'une 
manière  d'exagérer  son  malheur.  C'est  l'ordinaire  de  tous  ceux  qui 
demandent  une  grâce  d'amplifier  les  maux  qu'ils  souftrent ,  et  d'a- 
jouter à  la  vérité  pour  fléchir  plus  efficacement  ceux  dont  ils  implorent 
le  secours.  C'est  pourquoi  il  dit  à  Jésus  :  «  Mais  venez  lui  imposer  les 
mains,  et  elle  vivra.  »  Voyez  quelles  idées  grossières  {l)il  avait  encore 
sur  le  Sauveur.  Il  lui  demande  deux  choses  :  et  de  venir  en  personne, 
et  d'imposer  les  mains;  c'est  ce  que  demandait  ainsi  Naaman  au  pro- 
phète Elisée.  C'est  qu'en  effet  ceux  qui  se  trouvent  dans  ces  disposi- 
tions imparfaites  ont  besoin  de  signes  sensibles  et  frappants. 

Rewi.  Admirons  ici  tout  à  la  fois  l'humifité  et  la  douceur  du  Sei- 
gneur. A  peine  le  centurion  l'en  a-t-il  prié,  qu'il  consent  à  le  suivre  : 
«  Alors  Jésus_,  se  levant,  le  suivit.  »  Le  Sauveur  instruit  tout  à  la  fois 
les  supérieurs  et  ceux  qui  sont  placés  sous  leur  direction  ;  à  ceux-ci  il 
donne  un  exemple  d'obéissance;  à  ceux-là,  il  fait  voir  quelle  doit 
être  leur  assiduité,  leur  sollicitude  dans  l'enseignement,  et  le  zèle  avec 
lequel  ils  doivent  se  transporter  là  où  ils  apprennent  qu'un  homme  a 
perdu  la  vie  de  l'àme. 

Suite.  «  Et  ses  disciples  marchèrent  avec  lui.  »  S.  Chrys.  {hom,  32.) 
Suivant  saint  Marc  et  saint  Luc,  Jésus  prit  avec  lui  trois  de  ses  disci- 
ples, Pierre,  Jacques  et  Jean  ;  il  ne  choisit  point  Matthieu  afin  d'exci- 
ter en  lui  un  désir  plus  vif,  et  aussi  parce  que  ses  dispositions  étaient 

(l)Tel  est  le  sens  du  mot  grec  TiaxOrriTa. 


cui  debent  verba  servire;  uec  menliri 
quemquam,  si  îiliis  verbis  dixerit  quod 
ille  volueritcujus  vorbanoiidicit.  Chrys. 
(in  homil.  .32,  in  Motth.)  Vel  hoc  quod 
princeps  dixit  de  morte  puellS;  est  au- 
gentis  calauiitatcm.  Etenim  cousuetudo 
est  rogantibus,  extoUere  scrmone  pro- 
priauiala;  et  umplius  aliquid  eo  quod 
est  dicerc,  ut  niagis  attrahant  eos  qui- 
bus  supplicaut.  Uude  subjuugit  :  «  Sed 
veni,  iiiipone  manum  super  eam,  et  vi -■ 
vet.  »  \'i(le  autcm  eju»  grossitiem  :  duo 
enim  expelit  a  Christo  :  et  accedere  Ip- 
sum, et  niauum  iuiponere  :  hoc  eliam 
Syrus  ille  Naaiuan  a  Propheta  expetebat 
(iv  lieg.  :J)  ;  etenim  et  visu  indigent ,  et 
seusibihbus  rébus,  qui  grossius  dispusiti 
eraut. 


Remig.  Miranda  est  autem  pariter  at- 
que  imitanda  Domini  humihtas  et  man- 
suetudo  :  nam  mox  ut  rogatus  est,  ro- 
gantem  cœpit  se(iui  :  unde  subdit  :  «  Et 
surgens  sequehatur  eum.  »  Hic  subditos 
et  praelatos  pariter  iustruxit  :  subdilis 
exemplum  obedienti.-B  reliquit  ;  prœlatis 
vero  instantiam  et  soUicitudinem  docen- 
di  demonstravit  ;  ut  quotiescimque  au- 
dierint  aliipiem  mortuum  iu  anima,  sta- 
tim  adesse  studeant. 

Sequitur  :  «  Et  Cum  eo  ibant  disci- 
puli  ejus.  »  CuRYS.  (in  hom.  32,  in 
Matih.)  El  Marcusquidem  et  Lucas  di- 
cinit,  quoniam  très  accepit  (hscipulos 
(scilicel  Petrum,  .Jacobum  et  .loannem)  ; 
!\hilthaîum  autem  non  assumpsil,  am- 
plionni  ci    coucupisceuliam  immitteus. 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.   ÎX.  31 

encore  imparfaites.  Il  honore  les  premiers  pour  engager  les  autres  à 
se  rendre  semblables  à  eux.  C'était  assez  pour  Matthieu  d'être  témoin 
de  la  guérison  de  cette  femme  qui  souffrait  d'une  perte  de  sang,  a  Et 
voilà,  nous  dit-il,  qu'une  femme  qui  souffrait  d'une  perte  de  sang 
depuis  douze  ans,  s'approcha  par  derrière,  et  toucha  la  frange  de  son 
vêtement.  » 

S.  JÉR.  Ce  n'est  ni  dans  la  maison  où  était  le  Sauveur  ni  dans  la 
ville  que  cette  femme  vient  le  trouver  (car  la  loi  lui  défendait  d'ha- 
biter dans  les  villes)  (1),  mais  elle  se  présente  à  Jésus  au  milieu  du 
chemin,  et  c'est  ainsi  qu'en  allant  pour  guérir  une  femme  il  rend  la 
santé  à  une  autre  (2*). —  S.  Chrys.  {hom.  32.)  Cette  femme  ne  vient  pas 
faire  à  Jésus-Christ  un  aveu  public  de  son  infirmité ,  elle  en  avait 
honte  dans  la  persuasion  qu'elle  était  impure ,  car  la  loi  considérait 
cette  maladie  comme  une  très-grande  impureté  ;  c'est  pourquoi  elle 
se  cache  et  veut  se  dérober  à  tous  les  regards.  —  Rémi.  Cette  humilité 
est  digne  de  tout  éloge  ;  elle  ne  se  présente  pas  devant  le  Sauveur, 
elle  s'approche  par  derrière,  et  se  juge  indigne  de  toucher  ses  pieds. 
Ce  n'est  pas  même  son  vêtement  qu'elle  touche,  mais  la  frange  seule- 
ment; carie  Seigneur  portait  une  frange  à  son  vêtement  pour  obéir  à 
une  prescription  de  la  loi.  (1)  Les  pharisiens  aussi  portaient  des  franges 

(1)  Levif.  XIX,  2o.  On  n'y  voit  pas  cependant  que  la  femme  qui  souffrait  d'une  perte  de  sang 
fût  exclue  des  villes. 

(2*)  Une  tradition  très-ancienne  dans  l'Eglise  raconte  que  cette  femme  était  une  païenne,  qu'elle 
habitait  la  ville  de  Césarée  de  Philippe,  et  que  comme  souvenir  de  sa  guérison  miraculeuse,  elle 
avait  fait  placer  devant  sa  maison  un  monument  qui  la  représentait  à  genoux  devant  le  Sauveur, 

et  le  remerciant  de  la  faveur  qu'elle  en  avait  reçue L'empereur  Julien  trouva  cette  légende 

assez  importante  pour  se  croire  obligé,  par  ses  préjugés  antichrétiens,  à  faire  enlever  le  monu- 
ment et  à  le  faire  remplacer  par  sa  propre  statue,  qui  fut  quelque  temps  après  brisée  par  la 
foudre.  —  Pour  ce  qui  est  de  la  guérison  de  ce  genre  de  maladie,  nous  avons  de  cette  époque 
une  douzaine  de  recettes  qui  nous  donnent  une  idée  de  l'ignorance  des  médecins  juifs  ou  rabbins 
de  ce  temps-là.  En  voyant  toutes  les  substances  dont  ils  se  servaient  pour  guérir  cette  maladie, 
et  à  quelle  forte  dose  ils  les  employaient,  on  comprend  sans  peine  les  plaintes  de  cette  pauvre 
femme,  et  l'on  n'est  plus  étonné  qu'elle  ait  dépensé  inutilement  une  partie  de  sa  fortune  pour  se 
faire  traiter. 

(3)  Nomb.,  XV,  3S. 


et  quia  imperfectius  adhuc  dispositus 
erat  :  propter  hoc  enim  illos  honorât  ; 
ut  ahi  similes  ilUs  efficiantur  :  sufficie- 
bat  enim  intérim  Matthseo  videre  ea 
quae  facta  sunt  circa  sanguinis  fluxum 
patientem  ;  de  qua  subditur  :  «  Ecce 
muUer  quae  sanguinis  fluxum  patiebatur 
duodecim  annis  accessit  rétro,  et  tetigit 
fimbriam  vestimenti  ejus.  » 

Hier.  Haec  autem  muher  sanguine 
Quens,  non  in  domo ,  non  in  urbe  acce- 
dit  ad  Dominum  (quia  juxta  legem  ur- 
bibus  excludebatur),  sed  initinere  ambu- 
lante Domino  ;  ut  dum  pergit  ad  aUam, 


alia  curaretur.  Chrys.  [in  Jiomil.  32,  in 
Matth.)  Ideo  autem  non  Ubera  propala- 
tione  ad  Cliristum  venit,  quia  verecun- 
dabatur,  propter  passionem,  immundam 
se  existimans  :  etenim  apud  legem  mul- 
ta  immunditia  œstimabatur  esse  heec 
passio  :  propter  hoc  latet  et  occultatur. 
Remig.  In  quo  laudanda  est  ejus  humili- 
tas,  quia  non  ad  faciem  accessit,  sed  ré- 
tro et  mdignam  se  judicavit  pedes  Do- 
mini  tangere;  et  non  plenitudinem  ves- 
timenti tetigit,  sed  tautummodo  fim- 
briam :  habuit  enim  Dominus  fimbriam 
juxta  legis  prseceptum.  Pharisaei  etiaui 


32 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


qu'ils  étalaient  avec  orgueil,  et  auxquelles  ils  ajoutaient  des  espèces 
d'épines.  Mais  les  franges  des  vêtements  du  Sauveur  n'avaient  rien 
qui  pût  blesser,  et  ne  pouvaient  que  guérir.  Aussi  cette  femme  disait 
en  elle-même  :  «  Si  je  touche  seulement  la  frange  de  sa  robe,  je  serai 
guérie.  »  Sa  foi  est  vraiment  admirable  :  elle  a  perdu  tout  espoir  de 
la  part  des  médecins  qui  lui  ont  dévoré  tout  son  avoir,  mais  elle  com- 
prend qu'elle  a  trouvé  un  médecin  descendu  du  ciel,  c'est  en  lui  qu'elle 
place  toute  son  espérance,  et  c'est  pour  cela  qu'elle  mérita  sa  guérisûn. 
«Et  Jésus  se  retournant  alors,  et  la  voyant,  lui  dit  :  Ma  fille,  ayez  con- 
fiance :  votre  foi  vous  a  guérie.  »  —  Rab.  Pourquoi  donc  lui  recom- 
mander la  confiance?  Si  elle  n'avait  pas  eu  la  foi,  elle  ne  lui  aurait 
pas  demandé  sa  guérison.  Ce  qu'il  exige  d'elle,  c'est  la  force  et  la  per- 
sévérance de  la  foi,  afin  qu'elle  parvienne  à  une  guérison  certaine  et 
véritable.  —  S.  Chrys.  [hom.  32.)  Ou  bien,  il  veut  rassurer  cette 
femme  trop  craintive,,  en  lui  disant  :  «  Ayez  confiance.  »  Il  l'appelle 
sa  fille,  car  la  foi  l'avait  rendue  véritablement  sa  fille.  —  S.  Jér.  Il  ne 
lui  dit  pas  :  Votre  foi  vous  guérira,  mais  «  votre  foi  vous  a  guérie  ;  » 
car  vous  êtes  déjà  guérie  par  cela  seul  que  vous  avez  cru.  —  S.  Chrys. 
{hom.  32.)  Cependant  cette  femme  n'avait  pas  encore  une  connais- 
sance parfaite  du  Sauveur  ,  puisqu'elle  croyait  pouvoir  se  dérober  à 
ses  regards.  Mais  il  ne  permit  pas  qu'elle  demeurât  cachée,  non  point 
pour  la  gloire  qui  pourrait  lui  en  revenir ,  mais  dans  l'intérêt  de  tous 
ceux  qui  étaient  présents.  Premièrement,  il  bannit  la  crainte  du  cœur 
de  cette  femme  qui  aurait  pu  se  reprocher  d'avoir  dérobé  la  grâce  de 
sa  guérison  ;  secondement,  il  rectifie  lapensée  qu'elle  avait  eue  de  pou- 
voir se  cacher;  troisièmement,  il  révèle  à  tous  sa  foi  pour  les  porter  à 


fimbrias  habebant  quas  magnificabant, 
in  quibus  etiam  spinas  appendebaut  :  sed 
fimbriae  Domiui  non  habebant  vulue- 
rare,  sed  potius  sanare  :  et  ideo  sequi- 
tur  :  «  Diccbat  cnim  intra  se  quia  si  te- 
tigero  tautum  vestimentiuii  ejus,  salva 
ero.  »  In  quo  iides  ejus  admiranda  est, 
quia  desperans  de  salute  mcdicoruiu  in 
quos  sua  erogaverat  (ut  Marcus  dicit)  in- 
tellexit  cœlesteni  adesse  medicum,  et  in 
eo  totam  suam  inlentionem  collocavit  ; 
et  ideo  salvari  promeruit  :  unde  sequi- 
tur  :  <(  At  Jésus  eonversus  et  videns 
eam,  dixit  :  Gonfide,  fdia,  tides  tua  le 
salvani  fecit.  »  Rab.  Quid  est  quod  eam 
confiderc  jussit,  quœ  si  fidem  non  ha- 
beret,  salutem  ab  eo  non  qua;reret?  Sed 
robur  et  perseverantiam  fidci  ab  ca  ex- 
postulavit,  ut  ad  cerlam  et  veram  per- 


veniat  salutem.  Chrys.  {in  hom.  32,  in 
Matt/i.)  Vel  quia  formidolosa  erat  baec 
nmlier,  propter  hoc  ait  :  Co7ifi.de  :  et 
filiani  eam  vocat,  quia  fidem  eam  fi- 
lium  fccerat.  Hier.  Non  autem  dixit  : 
«  Quia  fides  tua  te  salvam  factura  est,  » 
sed  «  salvam  fecit  :  »  in  eo  euim  quod 
credidisti,  jam  salva  facta  es. 

CiiRYs.  [in  hom.  32,  in  Matth.)  Non- 
(lum  tamen  perfeclam  de  Cliristo  opi- 
uionem  habebat,  quia  nequaquam  aesti- 
masset  eum  latere.  Sed  Cliristus  non 
dimisit  eam  latere,  non  (piasi  gloriam 
concupiscens,  sed  multorum  causa  :  pri- 
mo enim  suivit  timorem  mulieris,  ne  a 
conscientia  pungatur,  quasi  donura  fu- 
rala  :  secundo  eam  emendat  de  hoc 
quod  .Tstimavit  se  latere  :  tertio  omni- 
bus iidem  ejus  osleudil,  ut  eam  aemu- 


DE   SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   IX.  33 

l'imiter.  Enfin,  en  montrant  qu'il  savait  tout,  il  nous  donne  une  preuve 
non  moins  grande  de  sa  divinité  qu'en  arrêtant  cette  perte  de  sang. 
«  Et  cette  femme,  continue  l'Evangéliste,  fut  guérie  à  l'heure  même.  » 
—  La  Glose  (i).  Ce  fut  au  moment  même  où  elle  toucha  le  bord  de  sa 
robe,  et  non  pas  au  moment  qu'il  se  retourna  vers  elle  ,  car  alors  elle 
était  déjà  guérie,  comme  les  autres  Evangélistes  le  remarquent  expres- 
sément ,  et  comme  on  peut  le  conclure  des  paroles  mêmes  du  Sei- 
gneur. —  S.  HiL.  Combien  la  puissance  du  Seigneur  se  montre  ici 
admirable  !  Cette  puissance  qui  résidait  dans  son  corps  communiquait 
à  des  choses  périssables  la  vertu  de  guérir ,  et  l'opération  divine  s'é- 
tendait jusqu'aux  franges  de  ses  vêtements.  C'est  qu'en  effet  Dieu  ne 
pouvait  être  ni  circonscrit  ni  renfermé  dans  les  limites  étroites  d'un 
corps,  car  en  s'unissant  à  un  corps  mortel  il  n'y  a  point  renfermé  la 
nature  de  sa  puissance ,  mais  cette  même  puissance  a  élevé  la  fragi- 
lité de  notre  chair  pour  accomplir  l'œuvre  de  notre  rédemption. 

Dans  le  sens  mystique,  ce  chef  représente  la  loi  qui  vient  demander 
à  Jésus-Christ  de  rendre  la  vie  au  cadavre  de  ce  peuple  qu'elle  lui 
avait  préparé ,  et  qu'elle  avait  nourri  elle-même  de  l'espérance  de 
son  avènement  (2).  —  Had.  Ou  bien,  ce  prince  de  la  s}Tiagoguc  re- 
présente Moïse,  et  il  s'appelle  Jaire,  c'est-à-dire  qmilhmiùieon  qui  est 
illuminé;  car  il  a  reçu  les  paroles  de  vie  pour  nous  les  transmettre,  et 
éclairer  ainsi  les  autres  comme  il  est  éclairé  lui-même  par  l'Esprit 
saint.  La  lilledu  chef  de  la  synagogue  (c'est-à-dire  la  fille  de  la  syna- 
gogue elle-même,  âgée  de  douze  ans ,  âge  de  la  puberté)  est  abattue 
sous  le  poids  des  erreurs  qui  la  minent ,  alors  qu'elle  devait  enfanter 

(1)  Dans  saint  Anselme. 

(2)  Ce  passage,  qui  se  trouve  développé  en  d'autres  termes  dans  saint  Hilaire,  était  cité  sous 
son  nom  dans  les  éditions  précédentes. 


lentur  :  quarto  dédit  ia  hoc,  quod  mons 
travit  se  nosse  omuia,  signum  non  mi- 
nus eo  quod  foulem  sanguinis  siccavit, 
de  que  sequitur  :  «  Et  salva  facla  est 
millier  ex  illa  hora.  »  Glossa.  Intelli- 
ffendum  est  ex  illa  liora  ex  qua  tetigit 
firabriam,  non  ex  ilia  hora  ex  qua  Jésus 
conversus  est  ad  eam  :  jam  euim  salva 
facta  erat,  ut  alii  Evangelistse  manifeste 
ostendunt  (Marc,  o,  vers.  29,  ut  et  Utc. 
8,  vers.  44),  et  ex  verbis  Domini  per- 
pendi  potest.  Hilar.  In  quo  magna  vir- 
tutis  dominiez  admiratio  est;  cum  po- 
testas  intra  corpus  manens,  rébus  cadu- 
cis  efficaciam  adderet  sauitatis,  et  usque 
in  vestium  fimbrias  operatio  divinapro- 
cederet;  non  enim  comprehensibiUs  erat 
Deus,  ut  corpore  clauderetur  :  assump- 

TOM.  II. 


tio  iiamque  corporis  non  naturam  vir- 
tutis  inclusit,  sed  ad  redemptionem  nos- 
tram  fragiUtatem  corporis  virtus  assump- 
sit. 

Mystice  autem  princeps  hic  lex  esse 
intelligitur,  quce  Dominum  orat  ut  plebi 
quam  ipsa  Ghristo  (ejus  adveutus  expec- 
tatione)  nutrierat,  vitam  mortuae  reddat. 
Raba.  Vel  archisyuagogus  signât  Moysen^ 
et  dicitur  Jaiius,  id  est  illumina7is  sive 
illuminatus  ;  quia  accipit  verba  vitee 
dare  nobis  ;  et  per  hoc  cteteros  illumi- 
nât et  ipse  a  Spiritu  Sancto  illumiuatur. 
Filia  igitur  archisynagogi  (id  est,  ipsa 
synagoga)  vel  duodecimo  a^talis  auuo  (id 
est,  tempore  pubertatis)  postquam  spiri- 
talem  sobolem  Deo  geuerare  debebat, 
errorum  languore   consternata  est.  Ad 


34 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


à  Dieu  une  famille  toute  spirituelle.  Pendant  que  le  Verbe  de  Dieu 
s'empresse  d'aller  trouver  cette  lillc  du  chef  de  la  synagogue  pour 
sauver  les  enfants  d'Israël,  la  sainte  Eglise  composée  des  (lentils,  et 
dont  les  forces  se  perdaient  au  milieu  des  crimes  qui  se  commettaient 
dans  son  sein,  s'empare  par  sa  foi  de  la  guérison  qui  était  destinée 
à  d'autres.  —  Hab.  Remarquez  encore  que  la  fille  du  chef  de  la  syna- 
gogue est  âgée  de  douze  ans,  et  que  cette  femme  souffre  depuis  douze 
ans  de  cette  perte  de  sang ,  en  sorte  que  l'une  avait  commencé  à 
souffrir  au  moment  où  l'autre  venait  de  naître  :  or,  ce  fut  à  peu  près 
à  la  même  (époque  que  les  patriarches  donnèrent  le  jour  à  la  syna- 
gogue, et  que  la  multitude  des  nations  étrangères  se  plongea  dans  les 
souillures  de  l'idolâtrie.  Car  la  perte  de  sang  dont  il  est  ici  question 
peut  s'entendre  de  deux  manières  ou  de  la  fange  de  l'idolâtrie,  ou  des 
plaisirs  de  la  chair  et  du  sang.  Ainsi  pendant  que  la  synagogue  avait 
encore  toute  sa  force,  l'Eglise  était  languissante;  mais  le  péché  de  la 
synagogue  est  devenu  le  salut  des  Gentils.  Or,  l'Eglise  s'approche  du 
Seigneur,  et  le  touche,  lorsqu'elle  vient  à  lui  par  la  foi. 

La  Glose  (i).  Elle  crut,  elle  dit,  elle  toucha;  car  c'est  par  ces  trois 
choses  la  foi,  la  parole  et  les  œuvres,  que  l'on  obtient  le  salut.  —  Rab. 
Elle  s'approcha  par  derrière ,  ol)éissant  par  avance  à  cette  parole  : 
«  Si  quelqu'un  veut  être  mon  disciple,  qu'il  me  suive.  »  Ou  bien  c'est 
parce  que  n'ayant  point  vu  le  Seigneur  revêtu  d'une  chair  mortelle, 
elle  est  parvenue  à  le  connaître  après  l'accomplissement  des  mystères 
de  son  incarnation  :  c'est  pour  cela  qu'elle  touche  la  frange  de  son 
vêtement;  figure  en  cela  du  peuple  des  Gentils  qui,  sans  avoir  vu  le 
Fils  de  Dieu  incarné,  a  reçu  la  parole  qui  lui  annonçait  son  incarna- 

(1)  Dans  Bède  et  dans  Raban,  avec  une  légère  modification  dans  les  expressions. 


hanc  ergo  principis  filiam  dum  properat 
Dei  Verbum,  ut  salvos  faceret  filios 
Israël ,  saiicta  Ecclesia  ex  Gentibus  cou- 
gregata,  quae  inleriorum  lapsu  criuii- 
unm  deperibat,  paratam  aliis  tide  prœri- 
piiit  sauilati'iii.  l\.\u.  Nolaiiduin  autem 
quod  cuia  arcbisynagogi  lilia  sil  duode- 
nis,  et  niulier  luec  ab  auiiis  duodeciin 
sauguiue  lluxerit,  eo  teinpore  quo  ban; 
nata  est,  illa  cœpit  inlirniari  :  una  euiiii 
pêne  seculi  letate  et  syiiagoga  ex  pa- 
triarclus  cœpit  uasci  ;  et  gontium  exle- 
raruni  uatio  idololatria^  sanie  fœdari. 
Nam  lluxus  aanguiuis  bifaiiam  polest 
iuteUigi ,  hoc  est  super  idololatria-  pol- 
lutione ,  et  super  bis  quai  carnis  et  sau- 
guiûis    delectatione    geruulur   :    et   sic 


quaudiu  syuagoga  vigiiit,  laboravit  Eccle- 
sia ;  scd  illoruni  delicto  salus  gentibus 
l'acla  est.  {lio)n.  ii.)  Accedit  autem  et 
langit  Dominum  Ecclesia,  cum  ei  per 
lidcui  appropinquat.  (ILOSSA.  Credidit, 
dixit,  tetigit  ;  quia  bis  tribus  (lide,  vorbo 
et  opère)  ouniis  salus  acquirilur.  Rab. 
Accedit  autem  rétro  juxta  hoc  quod 
ipse  ait  {Joav.  12)  :  «  Si  quis  mibi  uii- 
nistrat,  me  scquat.ur  :  »  sive  quia  prte- 
senlcm  Douduum  iu  carne  non  videus, 
peractis  jain  sacrameulis  incarnatiouis 
illius  ad  agnitiouis  ejus  graliam  per- 
veuit  :  mule  et  limbriam  veslimenti 
taugit,  quia  cuni  Cbristum  iu  cai'ue 
gentilis  populus  non  vidissot ,  verba  iu- 
carualiouis  rccepit.   Veslimentum  ecim 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    IX.  35 

lion.  En  effet,  on  peut  dire  que  le  mystère  de  l'incarnation  de  Jésus- 
Christ  est  comme  le  vêtement  dont  la  divinité  était  enveloppée,  et  la 
doctrine  de  l'incarnation  comme  la  frange  de  ce  vêtement.  Les  Gentils 
ne  touchent  pas  le  vêtement ,  mais  seulement  la  frange  ,  car  ils  n'ont 
point  vu  le  Seigneur  incarné,  mais  ils  ont  reçu  par  les  Apôtres  la  doc- 
trine de  l'incarnation.  Heureux  celui  qui  touche  par  la  foi,  ne  fût-ce 
même  que  les  extrémités  du  Verbe  1  Ce  n'est  pas  au  milieu  de  la  ville 
que  cette  femme  est  guérie ,  mais  dans  le  chemin  où  marche  le  Sau- 
veur; c'est  pour  cela  que  les  Apôtres  ont  dit  plus  tard  :  «  Parce  que 
vous  vous  jugez  vous-mêmes  indignes  de  la  vie  éternelle ,  voilà  que 
nous  allons  vers  les  Gentils.  »  Or,  ce  fut  dès  l'avènement  du  Sauveur 
que  la  Gentilité  re(^ut  les  prémices  du  salut. 

f.  23-2fi.  —  Lorsque  Jésus  fut  arrive  en  la  maison  du  chef  de  synagogue, 
voyant  les  joueurs  de  flûte  et  une  troupe  de  personnes  qui  faisaient  grand 
bruit,  il  leur  dit  :  Retirez-vous,  car  cette  fille  n'est  pas  morte,  mais  elle  n'est 
qu'endormie.  Et  ils  se  moquaient  de  lui.  Après  donc  qu'on  eut  fait  sortir 
tout  ce  monde ,  il  entra  et  lui  prit  la  main ,  et  cette  jeune  fille  se  leva;  et  le 
bruit  s'en  répandit  dans  tout  le  pays. 

La  Glose  (1).  Après  la  guérison  de  l'hémorrhoïsse  (2),  vient  la  ré- 
surrection de  la  jeune  fille  que  l'écrivain  sacré  raconte  en  ces  termes  : 
«  Et  lorsque  Jésus  fut  arrivé  dans  la  maison  du  chef  de  la  synagogue.  » 
-^  S.  CuRYS.  {ho?n.  32.)  Il  est  à  remarquer  que  Notre-Seigneur  semble 
user  ici  de  lenteur,  et  qu'il  s'entretient  avec  la  femme  qu'il  vient  de 
guérir  pour  laisser  à  la  jeune  fille  le  temps  de  mourir,  et  rendre  ainsi 
plus  éclatant  le  fait  de  sa  résurrection.  Il  suivit  la  même  conduite  à 

(1)  Ce  passage  ne  se  trouve  ni  dans  la  Glose,  ni  dans  saint  Anselme,  ni  dans  aucun  autre 
auteur. 

(2)  Ce  mot  vient  du  verbe  grec  psw,  couler,  et  de  aîfj.a,  sang,  et  signifie  une  femme  qui  a  un  flux 
de  saug. 


Christi  dicitur  luysterium  incaruationis 
ejus,  quo  Divinitas  induta  est;  fimbrise 
vestimenti,  verba  de  incarnatione  ejus 
dependentia.  Non  autem  vestem ,  sed 
limbriam  tangit  ;  quia  non  vidit  in  carne 
Uominum,  sed  snscepit  per  apostolos  in- 
caruationis verijuui.  Bealus  (|ui  vel  extre- 
mam  partem  Verbi  fide  tangit  !  Non  au- 
tem in  urbe,  sed  itinere  pergente  Do- 
mino sanatur  :  uude  apostoli  {Act.  13)  : 
«  Quia  indignos  vos  judicatis  vita  œter- 
ua,  ecce  convertimur  ad  Gentes  :  n  Gen- 
tilitas  autem  ex  hora  dominici  adveutus 
cœpit  babere  salutem. 

Et  cuni  venisset  Jésus  in  domum  principis,  et 


vidisset  tibicines  et  turbam  tumuUuantem,  di- 
rebat  :  Recedîtc;  non  enim  est  mortua  jmMa, 
sed  dormit.  Et  deridebant  eitm.  Et  cum  éjecta 
esset  tiirba,  inlravit,  et  tenuit  manum  ejus,  et 
dixit  :  Puella,  surge.  Et  surrexit  puella.  Et 
exiit  farna  hœc  in  luiivei'sam  terrain  illam. 

Glossa.  Post  uiuUeris  hœmorrhoissae 
curationem,  sequitur  de  mortuae  susci- 
tatioue,  cum  dicitur  :  «  Et  cum  venisset 
Jésus  in  domum  principis,  »  etc.  Curys. 
(/M  homil.  32,  in  Matth.)  Cousiderau- 
dum  est  autem,  quod  propter  hoc  tar- 
dius  vadit,  et  plura  loquitur  mulieri  cu- 
ratai,  ut  permittat  mori  puellam,  et  sic 
manifesta  fiât  resurrectionis  demonstra- 
tio  :  et  similiter  de  Lazare  qui  usque  ad 


36  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

l'égard  de  Lazare,  qui  demeura  dans  le  tombeau  jusqu'au  troisième 
jour.  «  Et  lorsqu'il  eut  vu  les  joueurs  de  flûte  et  une  foule  qm  faisait 
grand  bruit.  »  Nous  avons  là  une  preuve  évidente  que  la  jeune  fille 
était  morte.  —  S.  A.mb.  (sur  S.  Luc  ,  vi.)  En  effet ,  c'était  un  usage 
cbez  les  anciens  de  faire  venir  des  joueurs  de  flûte  pour  exciter  la 
douleur  et  faire  couler  les  larmes  aux  funérailles  des  morts. — S.Chrys. 
{hom.  32.)  Mais  Jésus-Cbrist  chassa  tous  ces  joueurs  de  flûte ,  et  fit 
entrer  les  parents  de  la  jeune  fille  afin  (jue  l'on  ne  pût  attribuer  à  un 
autre  (1*)  sa  résurrection.  Avant  même  de  la  ressusciter,  il  relève  leur 
courage  par  ces  paroles  :  «Retirez-vous,  car  la  jeune  fille  n'est  pas 
morte,  mais  elle  dort.  »  —  Rab.  C'est-à-dire  elle  est  morte  à  vos  yeux, 
mais  pour  Dieu  qui  peut  la  ressusciter  ,  elle  n'est  qu'endormie  dans 
son  corps  comme  dans  son  âme.  —  S.  Chrys.  Par  ces  paroles,  le  Sau- 
veur apaise  l'agitation  intérieure  de  ceux  qui  étaient  présents  ,  et  il 
leur  montre  avec  quelle  facilité  il  peut  ressusciter  les  morts.  11  tint  le 
même  langage  à  Lazare  {Jean,  xi)  :  «  Notre  ami  Lazare  dort,  »  et  il 
nous  apprend  ainsi  à  ne  pas  redouter  la  mort.  Comme  il  devait  mou- 
rir lui-même,  il  voulut,  en  rendant  la  vie  à  quelques  morts^  ranimer 
la  confiance  de  ses  disciples ,  et  leur  apprendre  à  supporter  la  mort 
avec  courage.  Car  dès  qu'il  s'approcbe,  la  mort  n'est  plus  qu'un  som- 
meil. Or,  en  entendant  ces  paroles,  ils  se  moquaient  de  lui ,  mais  il  ne 
leur  en  fait  aucun  reproclie  :  car  il  voulait  que  cette  dérision,  les  flûtes 
et  toutes  les  autres  circonstances  fussent  autant  de  preuves  de  la  mort 
de  cette  jeune  fille.  Comme  il  arrive  bien  souvent  que  les  hommes  re- 
fusent de  croire  aux  miracles  lorsqu'ils  sont  opérés,  il  veut  les  con- 
vaincre auparavant  par  leurs  propres  aveux  ;  c'est  ce  qu'il  fit  encore 

(1*)  La  traduction  choisie  par  saint  Tliomas  porte  :  Ne  posset  dici  quod  aliter  curavit.  Nous 
avons  suivi  comme  plus  clair  le  texte  même  wffTS  [xr)  ÈyYîvéffÔai  ôItceîv  6ti  âXXo;  ÈOspairïuae, 
ne  dici  posset  alium  curavisse. 


terlium  diem  mansit.  Sequitur  :  «  Et 
cum  vidisset  tibiciues  et  turbam  tuniul- 
tiiautem  ;  »  quod  est  mortis  demonstra- 
lio.  Ambr.  (sup.  Lucam,  lib.  fi.)  More 
euim  veteri,  libiciûes  ad  excitandos  Inc- 
tiis  in  mortuis  solebaut  adliiberi.  Ciirys. 
[in  homil.  '6i,  in  Mattli.)  Sed  Cbristus 
tibias  uuiversas  projecit  ;  parentes  au- 
tem  puellœ  inlroduxit,  ne  posset  dici 
quod  aliter  curavit  :  sed  et  ante  resusci- 
tationeiu  puellœ,  sernione  spem  erigit. 
Unde  sequitur  :  «  Dicobat  :  Recedite  ; 
non  est  enini  niortua  puella ,  sed  dor- 
mit. »  Rah.  Quasi  diceret  :  Vobis  niortua 
est;  Deo  autem,  qui  suscitaro  polost , 
dormit,  tam  in  anima,  quam  in  curpore. 
Chrys.  Per  hoc   autem,  et   tumuiluni 


mentis  removit  eorum  qui  aderant,  et 
ostondit  quoniam  facile  est  ei  morluos 
suscitare  :  quod  utique  in  Lazaro  fecit, 
dicens  (Joan.  il)  :  «  Lazarus  amicus  nos- 
Icr  dormit  ;  »  et  simul  docuit  non  for- 
midare  mortem  :  quia  enim  et  ipse  erat 
uioriturus,  et  in  aliorum  corporibus  ius- 
truxit  discipulos  conlidere,  el  viriliter 
ferre  mortem.  Etenim  eo  acccdente,  jam 
mors  somnus  erat.  Hoc  aulem  Domino 
dicente,  deridebant  eum.  Non  autem  in- 
crepavit  derisionem  ;  ut  et  ipsa  derisio, 
et  tibiui .  et  alla  universa  ,  domonsiratio 
liant  mortis  :  quia  t>nim  multolies  post- 
quani  facta  suul  miracula,  non  creduut 
bomines ,  antea  eos  oonviucit  propriis 
respousiouibus  :  quod  et  iu  Lazaro  fecit. 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.   IX.  37 

à  la  mort  de  Lazare,  lorsqu'il  demanda  :  «  Où  l'avez-vous  mis  ?  »  Afin 
que  ceux  qui  lui  répondirent  :  «  Venez  et  voyez  »  fussent  forcés  de 
croire  que  Lazare  était  véritablement  mort,  et  qu'il  l'a  ressuscité. 

S.  Jér.  Mais  ceux  qui  couvraient  ainsi  d'indignes  outrages  le  Sau- 
veur qui  allait  ressusciter  cette  jeune  fille,  n'étaient  pas  dignes  d'as- 
sister au  fait  mystérieux  de  sa  résurrection  ;  c'est  pourquoi  l'Evan- 
géliste  ajoute  :  «  Et  après  qu'on  eut  fait  sortir  tout  le  monde,  il  entra, 
lui  prit  la  main,  et  la  jeune  fille  se  leva.  »  —  S.  Ciirys.  {hom.  32.) 
n  n'introduit  pas  dans  son  corps  une  âme  nouvelle,  mais  il  y  fait  ren- 
trer celle  qui  en  était  sortie ,  et  rappelle  la  jeune  fille  comme  d'un 
sommeil,  pour  préparer  ainsi  les  esprits  à  ^croire  en  la  résurrection. 
Non- seulement  il  ressuscite  cette  jeune  fille  ,  mais  il  lui  fait  encore 
donner  à  manger,  pour  que  tous  soient  bien  convaincus  que  cette 
résurrection  n'est  pas  une  cbose  imaginaire,  mais  bien  une  réalité.  — 
«  Et  le  bruit  s'en  répandit  dans  tout  le  pays.  —  La  Glose.  Cette 
circonstance  fait  ressortir  la  grandeur  et  la  nouveauté  de  ce  miracle, 
en  même  temps  qu'elle  devient  une  preuve  évidente  et  irréfragable 
de  sa  vérité. 

S.  HiL.  {can.  9  sur  S.  Matth.)  Dans  le  sens  mystique ,  Notre-Sei- 
^neur  entre  dans  la  maison  du  cbef  delà  synagogue,  c'est-à-dire  dans 
la  synagogue  elle-même,  au  moment  ou  les  cantiques  de  la  loi  font 
entendre  en  son  honneur  des  chants  funèbres.  —  S.  Jér.  Jusqu'à  ce 
jour  la  jeune  fille  repose  morte  dans  la  maison  de  son  père,  et  ceux 
qui  paraissent  être  les  maîtres  sont  les  joueurs  de  flûte  qui  font  en- 
tendre des  airs  lugubres.  La  foule  des  Juifs  n'est  pas  le  peuple  des 
croyants,  c'est  une  foule  tumulteuse.  Mais  lorsque  la  plénitude  des 
nations  sera  entrée,  alors  tout  Israël  sera  sauvé.  {Rom.  xi.)  —  S.  Hil. 


cum  dixit  (Joan.  ii)  :  «  Ubi  posuistis 
enin?  »  ut  qui  dixerunt  :  «  Veni  et  vide, 
et  quoniam  fœtel  {(|uatriduanus  eaim 
est),  »  non  amplius  possinl  nou  rtredere, 
quouiam  morluum  suscitavit. 

Hier.  Non  autem  eraut  digni  ut  vidè- 
rent mysterium  resurgentis,  qui  resusci- 
tantem  indiguis  contumeliis  irridebant  : 
etideo  sequitur:  «  Et  cum  éjecta  esset 
turba,  intravit  et  tenuit  nianum  ejus  ;  et 
surrexit  puella.  »  Chrys.  (in  homil.  32, 
in  Matth.)  Non  quidem  aliam  superin- 
ducens  animam,  sed  eara  quae  exierat 
reinducens ,  et  velut  ex  somno  erigens, 
ut  antea  viam  faciat  (per  visum)  fidei  re- 
surrectionis.  Et  non  solum  puellam  re- 
suscitat,  sed  et  cibum  ei  jubet  dari  (ut 
alii  Evangelistse  dicuut),  ut  non  videatur 


phantasma  esse  quod  factum  est.  Sequi  - 
tur  :  «  Et  exiit  fama  lisec  in  universam 
terram  illam.  »  Glossa.  Quod  ad  ma- 
gnitudinem  et  uovitatem  miraculi  perti- 
net,  et  ad  manifestam  veritateni  ipsius, 
ne  coniictum  putetur. 

HiLAR.  [Can.  î),  in  Matth.)  Mystice 
autem  Dominus  domum  principisingre- 
ditur  (scilicet  synagogam),  cui  in  canti- 
cis  legis  bymnus  luctuui  personabat. 
Hier.  Usque  enini  hodie  jacet  in  domo 
principis  puella  mortua  ;  et  qui  videntur 
magistri,  tibiciues  sunt  carmen  lugubre 
canentes.  Turba  quoque  Judœorum  non 
est  turba  credentium,  sed  tumultuan- 
tium  ;  sed  cum  intraverit  plenitudo  gen- 
tium,  tune  omnis  Israël  salvus  fiet. 
{Rom.  11.)'  HiLAR.  Ut  autem  ratusex  le- 


38 


EXPLICATION   DE   L  KVANGILE 


Afin  qu'il  fût  bien  démontré  que  le  nombre  des  croyants  était  limité, 
la  foule  tout  entière  fut  mise  dehors.  Le  Sauveur  aurait  bien  désiré 
qu'elle  fût  sauvée,  mais  en  se  moquant  de  ses  paroles  et  de  ses  actions, 
elle  se  rendit  indigne  d'être  t<''moin  de  la  résurrection  de  cette  jeune 
fille.  —  S.  Jér.  «  Jésus  lui  prit  la  main,  et  la  jeune  fille  se  leva,  »  car 
la  synagogue  ne  peut  avoir  part  à  la  résurrection  avant  que  les  mains 
des  Juifs  n'aient  été  purifiées  du  sang  dont  elles  sont  souillées.  — 
S.  HiL.  Le  bruit  de  cette  résurrection  se  répand  dans  toute  cette  con- 
trée ;  en  effet,  après  que  Jésus  a  sauvé  ceux  qu'il  avait  élus,  ils  vont 
publier  les  bienfaits  du  Christ  et  ses  œuvres. 

Rab.  Dans  le  sens  moral,  la  jeune  fille  morte  dans  la  maison,  c'est 
l'àme  qui  est  morte  dans  ses  pensées.  Le  Sauveur  dit  qu'elle  n'est 
qu'endormie,  parce  que  ceux  qui  pèchent  dans  la  vie  présente  peuvent 
encore  ressusciter  par  la  pénitence.  Les  joueurs  de  flûte ,  ce  sont 
les  flatteurs  qui  applaudissent  à  celle  qui  est  morte.  —  S.  Grég. 
[Moral.  XVII,  25.)  La  foule  est  mise  dehors  avant  que  la  jeune  fille 
soit  ressuscitée,  car  tant  que  la  multitude  des  intérêts  temporels  n'est 
pas  chassée  des  plus  secrètes  parties  du  cœur,  l'àme  qui  est  morte  au 
dedans  ne  peut  ressusciter.  —  Rab.  Notre-Seigneur  ressuscite  cette 
jeune  fille  dans  la  maison  en  présence  d'un  petit  nombre  de  témoins, 
le  jeune  homme  en  dehors  de  la  porte  de  la  ville,  et  Lazare  devant  un 
grand  nombre  de  spectateurs ,  parce  qu'une  faute  publique  exige  un 
remède  public  ;  tandis  qu'une  faute  légère  peut  être  effacée  par  une 
pénitence  secrète  et  plus  douce. 

y,  27. -:n.  —  Comme  Jésus  sortait  de  ce  lieu,  deux  avcuf/les  le  suivirent,  en 
disant  :  Fils  de  David,  ayez  pitié  de  nous.  Et  lorsqu'il  fut  venu  en  la  maison, 
ces  aveugles  s'approchèrent  de  lui.  Et  Jésus  leur  dit  :  Croyez-vous  que  je 


a.(^  credentinm  elecUonis  uumerus  posset 
iiitelligi,  liirl)!!  omnis  expulsa  est  ;  quam 
ulii[ne  salvari.Domiuus  optasset,  sed  ir- 
ridendo  dicta  treslaquc  ejus,  resurrectio- 
j}is  lion  fuit  diiiiia  consortio.  Hier.  Te- 
nnit  aiitfiui  nianum  ejus,  et  surrexil 
puella  ;  quia  uisi  prius  muadatae  fueriut 
Jiiamis  .ludiEoruni,  quœ  sanguine  plenae 
suiit  (Isoi.r,  1),  sj'natroga  eorum  mortna 
non  cousurget.  HiL.  Exeunte  autem  fa- 
ma  in  universani  terrani  illam.post  elec- 
lionis  saluteni,  donum  Clirisli  atque  opé- 
ra pr.edicantur. 

Haban.  Moraliter  antom  puella  in  do- 
mo  mortna,  est  anima  mortua  in  cogita- 
tioiie.  Dicit  ■•uitem  quod  puella  dormit, 
quia  qui  perçant  in  prœscnti,  adluic  per 


pœnitcntiara  resuscitari  possunt  :  tibi- 
cines  sunt  adnlatores,  qui  foveut  mor- 
tuam.  (îRKG.  (xvir  Moral,  cap.  2").)  Fo- 
ras autem  lurba  ejicitur,  nt  puella  susci- 
tatur  ;  quia  nisi  prius  a  secretioribus 
cordis  expellatur  secularium  multitudo 
curarum,  anima  quse  intriusecus  jacct 
mortua,  non  resurget.  Rabax.  Jn  domo 
autem  puella  panels  arbifris  surgit,  ju- 
venis  extra  portail),  et  l>azarus  loram 
multis,  quia  publica  uoxa,  publico  eget 
remedio  ;  levis,  leviori  et  seereta  potest 
deleri  pœuitentia. 

Et  transeunte  inde  Jesu,  seciiti  suni  etim  duo 
cœci  clamantes  H  dicentes  :  Miserere  iiostri, 
fili  David.  Cnm  autem  venisset  domuni ,  acres- 
serunt  ad  eum  aeci.  Et  dixil  cis  Jésus  :  Credi- 


DE   SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   IX. 


39 


puisse  faire  ce  que  vous  me  demandez?  Ils  lui  répondirent  :  Oui,  Seigneur. 
Alors  il  toucha  leurs  yeux,  en  disant  :  Qu'il  vous  soit  fait  selon  votre  foi. 
Aussitôt  leurs  yeux  furent  ouverts.  Et  Jésus  leur  défendit  fortement  d'en 
parler,  en  leur  disant  :  Prenez  bien  garde  que  qui  que  ce  soit  ne  le  saclie. 
Mais  eux,  s'en  étant  allés,  répandirent  sa  réputation  dans  tout  ce  pays-là. 

S.  Jér.  Ces  premiers  miracles  qui  ont  pour  objet  la  fille  du  prince 
de  la  synagogue  et  la  femme  malade  sont  suivis ,  par  une  admirable 
conséquence,  de  laguérison  de  deux  aveugles.  Il  fallait,  en  effet,  que 
la  privation  de  la  vue  démontrât  ce  que  la  mort  et  la  maladie  venaient 
elles-mêmes  de  proclamer;  c'est  pour  cela  qu'il  est  dit  :  «  Comme 
Jésus  sortait  de  ce  lieu  (c'est-à-dire  s'éloignait  de  la  maison  de  .Taire), 
deux  aveugles  le  suivirent  en  criant  et  en  disant  :  «  Fils  de  David, 
ayez  pitié  de  nous.  »  —  S.  Chrys.  {hom.  33.)  »  C'est  là  un  grand  sujet 
d'accusation  contre  les  Juifs  :  des  hommes  privés  de  la  vue  reçoivent 
la  foi  par  l'ouïe  seule,  tandis  que  les  Juifs,  dont  les  yeux  constataient 
la  vérité  de  ces  miracles,  refusent  d'y  croire.  Voyez  encore  le  désir  de 
ces  aveugles;  ils  ne  se  contentent  pas  d'approcher  de  Jésus,  mais  ils 
le  font  avec  de  grands  cris,  et  en  ne  lui  demandant  qu'une  seule 
chose,  c'est  qu'il  ait  pitié  d'eux.  Ils  l'appellent  Fils  de  David  ,  parce 
que  ce  nom  leur  paraissait  un  titre  d'honneur.  —  Rejii.  C'est  avec 
raison  d'ailleurs  qu'ils  lui  donnent  ce  nom  ,  car  la  Vierge  Marie  des- 
cendait de  la  race  de  David.  —  S.  Jér.  Que  Marcion  ,  que  les  Mani- 
chéens et  les  autres  hérétiques  se  rendent  attentifs  à  ces  paroles  ,  eux 
qui  déchirent  l'Ancien  Testament,  et  qu'ils  apprennent  que  le  Sauveur 
est  proclamé  Fils  de  David.  Or,  s'il  n'est  pas  né  dans  une  chair  mor- 
telle, comment  peut-il  être  appelé  Fils  de  David? 

S.  Chrys.  {ho7n.  33.)  Il  est  à  remarquer  que  dans  une  foule  de  cir- 
constances ce  n'est  qu'après  qu'on  l'en  a  prié  que  le  Seigneur  guérit  les 


fis  quia  hoc,  /tossum  facfri;  vobis  ?  Dicunt  ci  : 
UtiqiiP,  Domine!  Tune  tetigit  ociilos  eoi'itm  : 
et  comminatus  est  illis  Jésus,  dicens  :  Videte 
ne  quis  sciât.  lUi  autem  exeuntes  diffamm^e- 
runt  eum  in  tota  terra  illa. 

Hier.  Priori  signode  principis  filia  et 
morbosa  muliere^  consequenter  signum 
de  duobus  ctecis  adjungitur,  ut  quod  ibi 
mors  et  débilitas,  bic  caecitas  denions- 
Iraret;  et  ideo  dicitur  :  «  Et  transeunte 
inde  Jesu  (scilicet  a  domo  principis),  se- 
cuti  sunt  eum  duo  cœci  clamantes  et  di- 
centes  :  Miserere  nostri,  fili  David.  » 

Chrys.  (?»  hom.  33,  in  Matth.)  Non 
autem  parva  bic  Judseorum  accusatio 
est,  eum  bi  quidem  oculis  carentes,  ex 
auditu  solo  fidem  suscipiaut  ;  illi  autem 


babeutes  visum  attestantem  miraculis 
quee  fiebant,  contraria  faciant,  etc.  Vide 
autem  et  eorum  desiderium  :  neqiie 
euim  simpliciter  accesserunt,  sed  eum 
clamore  ;  et  uihil  aliud  quam  misericor- 
diam  postvdantes  :  filium  autem  David 
vocabant,  quia  nomen  bonoris  esse  vi- 
debatur.  Remig.  Recte  ergo  filium  Da- 
vid vocant,  quia  virgo  Maria  de  stirpe 
David  originem  duxit.  Hier.  Audiant 
Marcion,  et  Manicbrpus,  et  cœteri  baere- 
tici,  qui  vêtus  lauiant  Testanientum ,  et 
discant  Salvatorem  appellari  filium  Da- 
vid :  si  enini  non  est  nalus  in  carne, 
quomodo  vocatur  filins  David  ? 

Chrys.  [in  homil.  33,  in  Matth.)  Con- 
siderandum  autem  quod  multotie?  Do- 


40 


EXPLICATION  DE  l/ÉVANGILE 


malades,  car  il  ne  veut  pas  laisser  croire  (ju'il  a  couru  après  les  mi- 
racles pour  s'attirer  de  l'honneur  et  de  la  gloire.  —  S.  Jér.  Et  cepen- 
dant, ce  n'est  pas  dans  le  chemin  et  en  passant,  comme  ils  le  pensaient, 
qu'il  guérit  ces  aveugles  qui  le  prient ,  mais  lorsqu'il  est  arrivé  dans 
la  maison;  ils  s'avancent  pour  entrer,  et  tout  d'ahord  il  examine  leur 
foi,  afin  de  les  préparer  à  recevoir  la  lumière  de  la  vraie  foi.  «  Lorsqu'il 
fut  entré  dans  la  maison ,  ces  aveugles  s'approchèrent  de  lui,  et  Jésus 
leur  dit  :  «  Croyez-vous  que  je  puisse  faire  ce  que  vous  me  demandez?  » 
-7-  S.  Chrys.  Il  nous  apprend  une  fois  de  plus  à  fuir  la  gloire  que 
donne  la  multitude ,  car  comme  la  maison  n'était  pas  éloignée^  il  y 
conduit  les  aveugles  pour  les  y  guérir  en  secret.  —  Rémi,  Lui  qui 
pouvait  rendre  la  vue  aux  aveugles  ,  ne  pouvait  ignorer  s'ils  avaient 
la  foi  ;  il  les  interroge  toutefois ,  afin  qu'en  confessant  de  bouche  la 
foi  qu'ils  portaient  dans  leur  cœur,  ils  pussent  obtenir  une  récompense 
plus  grande,  selon  ces  paroles  de  l'Apôtre  :  «  Il  faut  confesser  débouche 
pour  obtenir  le  salut.  »  —  S.  Chrys.  {hom.  33.)  Et  ce  n'est  pas  la 
seule  raison  ;  Jésus  voulait  encore  montrer  qu'ils  étaient  dignes  d'être 
guéris,  et  prévenir  cette  difficulté  :  que  si  le  salut  était  l'œuvre  exclu- 
sive de  la  miséricorde,  tous  devaient  y  avoir  part.  Il  exige  encore 
d'eux  la  foi,  afin  de  les  élever  plus  haut;  ils  l'ont  appelé  Fils  de  David, 
il  leur  apprend  qu'ils  doivent  avoir  de  lui  de  plus  hautes  idées.  Aussi 
ne  leur  dit-il  pas  :  «  Croyez-vous  que  je  puisse  prier  mon  Père?» 
mais  :  «  Croyez -vous  que  je  puisse  faire  ce  que  vous  me  demandez  ?» 
Ils  lui  r(?pondent  :  «  Oui,  Seigneur.  »  Ils  ne  l'appellent  plus  Fils  de 
David,  ils  s'élèvent  plus  haut  et  confessent  sa  souveraineté.  Il  leur 
imposa  alors  les  mains,  comme  dit  le  texte  sacré,  et  il  toucha  leurs 


miuus  voluit  rogatus  sanare^  ut  non  ali- 
quis  œstimet  eiim  propter  captandam 
liouoris  inapiiilicenliani  ad  miracula  iu- 
silire.  Hier.  Et  tauieu  roifantes  non  cu- 
raiitur  in  ilinere,  non  transitorio  (ut 
putabant)  ;  seil  postquam  venil  in  do- 
mum  suani,  accediuit  ad  eum  ut  in- 
Iroeaut  ;  et  priimmi  fiorum  discutitur 
fides,  ut  sic  vera;  iidei  lumen  accipiaut: 
unde  sequilur  :  «  Cum  autem  veuisset 
douium,  accesscrunt  ad  eum  cœci  et 
dixit  eis  Jésus  :  Creditis  quia  hoc  possum 
facere  vobis?  »  Chrys.  Rursum  autem 
liic  erudit  nos,  gloriam  muUitudiais  ex- 
pellere  :  quia  enim  prope  erat  domus, 
ducit  eos  illu<'  sinfiuiariler  curatiirus. 
HF.Mir,.  Qui  aulcm  cu'cis  reddere  pot 
visiiui,  non  ij^uorabat  si  crcdere 
ideo  iuterropivit,  ut  fides  coni 
gestabatur    in  corde,    dum  co: 


tur  ore  digna  fieret  ampliori  mercede  ; 
secundum  illud  apostoli  {Rom.  10)  :  «  Ore 
confessio  lit  ad  salulem.  »  Chrys.  [in 
liomil.  .");!,  in  Matth.)  Et  non  propter 
iioc  solum,  sed  ut  ostenderet  quouiam 
digui  eraut  curatione;  et  ut  non  aliquis 
dicat,  quoniam  si  misericordia  solum  sal- 
vabat,  onuies  salvari  oportebat.  Ideo 
etiam  fidem  ab  eis  expelil,  ut  ex  hoc  ad 
excelsius  eos  reducat  :  quia  enim  dixe- 
rant  cum  filium  David,  erudit  quod 
oportel  de  eo  majora  sentire  :  nnde  non 
dixit  :  «  Creditis  quoniam  possum  rogare 
Patrem,  »  sed  «  Creditis  quoniam  possum 
hoc  facere?  »  De  quorum  responsioue  se- 
quilur :  «  Dicunt  ei  :  Utique,  Domine  !  » 
^1  wWta  fiinim  David  eum  vocant , 
;  elevantur,  et  dominationem 
n-.  Et  tune  jam  ipse  impouit 
m  :  imde  sequitur  :  «  Ttiuc  te- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAI».    IX. 


41 


yeux  en  leur  disant  :  «Qu'il  vous  soit  fait  selon  votre  foi.  »  11  leur  parle 
de  la  sorte  pour  affermir  leur  foi  et  constater  en  même  temps  que 
ce  qu'ils  venaient  de  dire  ne  leur  avait  pas  été  dicté  par  la  flatterie. 
L'Evaugéliste  rapporte  ensuite  leur  guérison  :  «Et  aussitôt  leurs  yeux 
furent  ouverts.  »  Jésus  leur  défend  d'en  parler  à  qui  que  ce  soit  ;  et 
ce  n'est  pas  une  simple  défense,  c'est  un  ordre  exprès  accompagné  de 
menaces  sévères.  «  Et  Jésus  leur  défendit  fortement  d'en  parler,  en  leur 
disant  :  «  Prenez  bien  garde  que  qui  que  ce  soit  ne  le  sache  ;  mais  eux, 
s'en  étant  allés ,  répandirent  sa  réputation  dans  tout  le  pays.  »  — 
S.  Jér.  C'est  par  amour  pour  l'humilité  et  [tour  fuir  l'éclat  de  la  vaine 
gloire  que  Jésus  leur  fait  cette  défense  ;  mais  la  reconnaissance  qu'ils 
éprouvent  d'un  si  grand  bienfait,  ne  leur  permet  pas  de  garder  le  si- 
lence. —  S.  Ghrys.  Ce  que  Notre- Seigneur  dit  à  un  autre  dans  une 
circonstance  difî'érente  :  «Va  et  annonce  la  gloire  de  Dieu»  (Lmc,  viii), 
n'est  pas  contraire  à  ce  qui  est  ici  raconté.  Jésus  veut  nous  apprendre  à 
fermer  la  bouche  à  ceux  qui  cherchent  à  nous  louer ,  en  rapportant  à 
nous  seuls  les  louanges  qu'ils  nous  donnent.  Mais  si  ces  louanges 
doivent  se  rapporter  à  Dieu,  bien  loin  de  les  défendre,  nous  devons  les 
exciter  et  les  prescrire. — S.  Hil.  Ou  bien  encore  le  Sauveur  com- 
mande à  ces  aveugles  de  se  taire,  parce  que  c'était  aux  Apôtres  qu'était 
réservé  l'office  de  la  prédication. 

S.  Grég.  (Mor«/.,xix,  14.)  Examinons  ici  pourquoi  le  Tout-Puissant, 
pour  qui  vouloi  r  et  pouvoir  sont  une  même  chose  a  voulu  que  ses  mi- 
racles demeurassent  cachés ,  et  que  cependant  ils  fussent  dévoilés 
comme  malgré  ^lui  par  ceux  qui  venaient  de  recouvrer  l'usage  de  la 
vue.  Il  veut  apprendre  à  ses  disciples  qui  devaient  marcher  à  sa  suite, 
qu'ils  devaient  désirer  que  leurs  vertus  demeurassent  cachées  aussi 
aux  yeux  des  hommes,   et  cependant  les  laisser  publier  malgré  eux 


ligit  ociilos  eonini  dicens  :  Secimdum 
lidem  vestram  fiât  vobis  ;  »  dicit  autem 
hoc  fidem  eoruiii  flrmans,  et  coutestaus 
quoniam  non  adulalionis  erant  verba 
quae  dixerant.  Postea  curationem  subjun- 
git,  dicens  :  «  Etaperti  suut  oculi  eorum.» 
Deinde  post  sanationem  jubet  nulli  di- 
cere  ;  el  non  simpliciter  jubet,  sed  cum 
multa  vehementia  :  unde  seqiiitur  :  «  Et 
comminatus  eis  Jésus,  dicens  :  Videte 
ne  quis  sciât  :  illi  autem  exeuntes,  diSa- 
maverunt  eum  in  tota  terra.»  Hier.  Do- 
minus- quidem  propter  humilitatem  fu- 
gieus  jactantiae  gloriam  hoc  prœceperat; 
et  illi  propter  memoriam  gratis  non  pos- 
sunt  tacere  beneficium.  Chrys.  {in  ho- 
mil.  34,  in  Matth.)  Quod  autem  alteri 


dicit  [Luc.  8)  :  «  Vade,  et  annuntia  glo- 
riam Dei,  »  non  est  contrarium  :  erudit 
enim  nos  prohibere  eos  qui  vohmt  nos 
propter  nos  laudare  ;  si  autem  ad  Domini 
gloriam  refertur,  non  debemus  prohi- 
bere, sed  magis  injungere  ut  hoc  fiât. 
HiLAR.  Vel  silentium  cœcisDomiuus  im- 
perat,  quia  apostolorum  proprium  erat 
praedicare. 

Greg.  (XIX  3/ojy/Z.  cap.  14.)  Quœren- 
dum  autem  uobis  est  quid  sit  hoc  quod 
ipse  omnipotens  (cui  hoc  est  velle  quod 
posse),  et  taceri  virtutes  suas  voluit,  et 
tamen  ab  eis  qui  illuminati  sunt  quasi  in- 
vitus  indicatur  ;  nisi  quod  servis  suis  se 
sequentibus  exemplum  dédit ,  ut  ipsi 
quidem  virtutes  suas  occultari  deside- 


42 


EXPLICATION   DE   f/ÉVANGlLE 


dans  l'intérêt  de  ceux  qui  pourraient  en  profiter.  Ils  doivent  donc  re- 
chercher le  secret  par  inclination,  et  laisser  dévoiler  leurs  œuvres  par 
nécessité.  Qu'ils  aiment  à  se  [cacher  pour  garder  plus  sûrement  leur 
âme  de  tout  danger,  et  qu'ils  consentent  à  se  voir  divulgués  dans  l'in- 
térêt des  autres. 

Rémi.  Dans  le  sens  allégorique,  ces  deux  aveugles  sont  la  figure  des 
deux  peuples,  du  peuple  juif,  et  des  Gentils ,  ou  bien  des  deux  frac- 
tions du  peuple  juif  qui  se  séparèrent  sousRoboam  (1).  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ  choisit  dans  l'un  et  l'autre  peuple  qui  croyait  en  lui, 
ceux  qu'il  devait  éclairer  dans  la  maison ,  qui  est  son  Eglise,  car  en 
dehors  de  l'unité  de  l'Eglise,  personne  ne  peut  être  sauvé.  Or,  ceux 
d'entre  les  Juifs  qui  crurent  en  Jésus  publièrent  sou  avènement  dans 
tout  l'univers.  Rab.  La  maison  du  chef  de  la  synagogue,  c'est  la  syna- 
gogue elle-même  qui  est  soumise  à  Moïse;  la  maison  de  Jésus,  c'est  la 
céleste  Jérusalem.  Pendant  que  le  Seigneur  traverse  ce  monde  pour 
retourner  dans  sa  maison ,  les  deux  aveugles  se  mettent  à  le  suivre  ; 
en  effet,  après  la  prédication  de  l'Evangile  par  les  Apôtres  ^  un  grand 
nombre  d'entre  les  Juifs  et  d'entre  les  Gentils  se  sont  rangés  sous  sa 
conduite.  Mais  après  son  ascension  dans  lescieux,  il  est  entré  dans  sa 
maison  (c'est-à-dire  dans  son  Eglise),  et  là,  il  leur  a  rendu  l'usage  de 
la  lumière. 


f.  .'J2-34.  —  Après  qu'ils  furent  sortis,  on  lui  présenta  un  homme  muet  possédé 
du  démon.  Le  démoli  ayant  été  chassé,  le  muet  parla,  et  le  peuple  en  fut 
dans  l'admiration ,  et  ils  disaient  :  On  n'a  jamais  rien  vu  de  semblable  en 

(1)  C'est-à-dire  le  royaume  de  Juda  composé  seulement  de  deux  tribus  et  qui  resta  à  Roboam, 
fils  de  Salomon,  et  le  royaume  d'Israël,  formé  des  dix  autres  tribus,  et  qui  passa  sous  la  domina- 
tion de  Jéroboam.  (III  Rois,  xii.) 


reut,  et  tamen  ut  aliis  eorum  exemplo 
proticiant,  prodantur  inviti.  Occultentur 
ergo  studio,  necessitate  piiblicenlur;  et 
eorum  occultalio  sit  custodia  propria, 
eorum  publicatio  sit  utilitas  aliéna. 

Uf.mic.  Alleftorice  autem  per  hos  duos 
Ocecoâ  duo  popnli  desijiuaiitur,  id  estju- 
daicus  et  fioutilis,  vel  duo  populi  judaiciB 
frentis  :  nam  (eiupore  Roboam,  rei^num 
ejusdivisum  est  in  duas  partes.  De  ulro- 
i]ue  autem  populo  in  se  eredente  Ciiris- 
tus  illumiriavit  in  (iomo  (per  quaminlel- 
lipritur  Kcflesia),  quia  absque  unitate  Ec- 
<'lesi;j'  nullus  salvari  potesl.  llli  autem 
qui  ex  .ludaeis  crediderunl ,  adventum 
Domini  jter  universum  orbem  diflama- 


verunt.  Raba.  Domus  autem  principis 
synagoga  et  subdita  !\Ioysi  ;  domus  Jesu 
cœlestis  est  Hierusalem  :  Domino  ergo 
per  hoc  seculuni  transeunte,  et  in  do- 
mum  suam  revertente,  duo  tœci  secuti 
sunt  eum  ;  quia  pra'dicato  Evangelio  per 
apostolos,  multi  ex  .ludœis  et  Geutibus 
eœperunt  eum  seqni  :  sed  postquam  in 
cϔum  eonsccnderat,  intravit  in  doraum 
(id  est,  in   Ecclesiam),  et   ibi   illuminati 

r^UUl. 


Egressis  autem  illis,  eccfi  obtuleritnt  ei  hominem 
mulum ,  dœmonium  hobenlem.  Et  ejecto  dce- 
mnnio,  /ociitus  est  mutus  ;  et  miratte  sunt 
lurbfr    rficenfrs  :  Nunqvnm   apparuit   sic  in 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    IX. 


43 


I 


Israël.  Mais  les  pharisiens  disaient  au  contraire  :  C'est  par  le  prince  des 
démons  qu'il  chasse  les  démons. 

Remi.  Par  un  enchaînement  admirable ,  le  Sauveur ,  après  avoir 
rendu  la  vue  aux  aveugles,  délie  la  langue  d'un  muet ,  et  guérit  un 
homme  possédé  du  démon,  et  il  se  déclare  ainsi  le  Dieu  de  toute  puis- 
sance, et  l'auteur  des  guérisons  divines,  selon  cet  oracle  d'Isaïe  (xxxv): 
«  Alors  les  yeux  des  aveugles  et  les  oreilles  des  sourds  seront  ouverts, 
et  la  langue  des  muets  sera  déliée.  »  Après  leur  départ ,  dit  l'Evan- 
géliste,  «  on  lui  présenta  un  homme  muet.  »  —  S.  Jér.  Le  mot  grec 
•/.a)(pbç  (CO/5A05) ,  dans  le  langage  ordinaire,  signifie  plutôt  sourd  que 
muet,  mais  c'est  l'usage  des  écrivains  sacrés  de  le  prendre  inditle- 
remment  dans  les  deux  sens  (1).  —  S.  Chrys.  {hom.  33.)  Cette  infir- 
mité n'était  pas  naturelle ,  elle  venait  de  la  malignité  du  démon. 
C'est  pourquoi  cet  homme  eut  besoin  d'un  secours  étranger  pour  ar- 
river jusqu'à  Jésus-Christ,  et  il  ne  put  ni  le  prier  par  lui-même, 
n'ayant  pas  l'usage  de  la  parole  ,  ni  le  faire  prier  par  d'autres,  le  dé- 
mon tenant  liée  son  âme  aussi  bien  que  sa  langue.  Aussi  le  Sauveur 
n'exige  pas  de  lui  la  foi,  mais  il  le  guérit  aussitôt ,  comme  le  rapporte 
l'écrivain  sacré  :  «  Et  le  démon  ayant  <Hé  chassé,  le  muet  parla.»  — 
S.  HiL.  {catî.  0  su?'  S.  Matth.)  L'ordre  naturel  des  choses  est  par- 
faitement observé,  le  démon  est  d'abord  chassé,  et  le  corps  reprend 
immédiatement  toutes  ses  fonctions. 

«  Et  la  multitude  en  fut  dans  l'admiration ,  et  ils  disaient  :  On  n'a 
jamais  rien  vu  de  semblable  en  Israël.  »  —  S.  Chris,  {hom.  33.)  Ce 

(1)  C'est-à-dire  que  d'après  l'usage  le  plus  ordinaire,  on  appelle  en  grec  xtoçoç,  celui  qui  est 
sourd.  Cependant  ce  nom  est  aussi  donné  au  muet,  parce  que  celui  qui  est  sourd  de  naissance  est 
nécessairement  muet.  Aussi  les  Grecs  appelaient  dans  leurs  pièces  de  théâtre  xwçov  Ttpodo^Ttov, 
la  personne  qui  avait  pour  rùle  de  ne  point  parler. 


Israël.  Pharisœi  autem  dicebant  :  lu  principe 
dœmoniorum  ejicit  dœmones. 

Reihg.  Pulclireilliuninatis  caecis  mulo 
loquelam  reddidit,  et  obsessum  a  dte- 
mone  curavit  :  in  quo  facto  osteudit  se 
Dominum  virtutum,  et  cœlestis  medi- 
ciuse  auctorem  :  nain  per  Isaïam  dictum 
est  (cap.  3j)  :  «  Tuuc  aperieutur  oculi 
csecoruni,  et  aures  surdorum  patebunt, 
et  aperta  erit  liuL'ua  mulorum  :  »  unde 
dicitur  :  «  Egressis  autem  illis,  ecce  ob- 
lulenint  ei  homiuem  luutiim,  »  etc.  Hier. 
Quod  autem  dicitur  ^rra^ce  cophos  magis 
trituni  est  sermoue  communi,  ut  siiir/us 
quam  mutus  intelligatur  ;  sed  moris  est 
Scripturarum  cop/ion   indifferenter  vel 


surdum  vel  mutum  dicere.  Chrys.  (/71 
homil.  33,  in  Matth.)  Non  autem  na- 
lurœ  erat  bœc  passio,  sed  ex  dœmonis 
insidiis;  ideoque  et  aliis  indiguit,  qui 
eum  adducerent  ;  neque  enim  per  seip- 
suni  rogare  poterat,  sine  voco  existens  ; 
neque  aliis  supplicare,  dœmone  animam 
cum  lingua  colUgante  :  propter  lioc  ne- 
que  expetit  fidem  ab  eo,  sed  confestim 
«gritudinem  sanat  :  unde  sequitur  :  «RI 
ejecto  dœmonio,  locutus  est  mutus.  » 
HiL.^R.  (Can.  9,  in  Matth.)  In  quo  re- 
rum  ordo  servatus  est  :  uam  dœmon 
prius  ejicitur,  et  tune  reliqua  corporis 
officia  succedunt. 

Sequitur  :  «  Et  miratae  sunt  turbae  di- 
centes  :  Nunquam  apparuit  sic  in  Israël.  » 


44  EXPLICATION  DE   L  EVANGILE 

n'est  pas  seulement  parce  qu'ils  admiraient  en  lui  le  pouvoir  de  gué- 
rir qu'ils  lu  plaçaient  au-dessus  de  tous  les  autres ,  mais  parce  qu'il 
guérissait  avec  une  facilité  et  une  promptitude  merveilleuse  une  in- 
finité de  maladies  la  plupart  incurables.  Ce  qui  contristait  surtout  les 
pharisiens,  c'est  que  la  multitude  le  proclamait  supérieur  non-seule- 
ment à  ceux  qui  existaient  alors,  mais  encore  à  tous  ceux  qui  avaient 
jamais  paru  en  Israël.  C'est  ce  qui  les  excite  en  sens  contraire  à  ca- 
lomnier Jésus-Christ,  comme  le  dit  l'Evangéliste  :  «  Les  pharisiens, 
au  contraire,  disaient  :  C'est  par  le  prince  des  démons  qu'il  chasse 
les  démons.  » —  Rémi.  Les  scribes  et  les  pharisiens  niaient  les  miracles 
du  Sauveur  autant  qu'il  leur  était  possible  de  le  faire,  et  ils  interpré- 
taient en  mauvaise  part  ceux  qu'ils  étaient  obligés  d'admettre.  Ils  a(^- 
complissaient  ainsi  cette  parole  du  Roi- Prophète  :  «  La  multitude  de 
vos  prodiges  convaincra  vos  ennemis  de  mensonge.  »  —  S.  Ciirys. 
(hom.  33.)  Quoi  de  plus  insensé  que  cette  explication?  Peut-on  ima- 
giner qu'un  démon  chasse  un  autre  démon  ?  Le  démon  applaudit  à 
ses  succès,  mais  il  ne  détruit  pas  ses  œuvres.  Jésus-Christ,  au  con- 
traire, ne  chassait  pas  seulement  les  démons,  mais  il  guérissait  les  lé- 
preux, il  ressuscitait  les  morts ,  il  remettait  les  péchés,  il  prêchait  le 
royaume  de  Dieu  ,  et  il  amenait  les  hommes  à  son  Père ,  ce  que  ne 
pouvait  ni  ne  voulait  faire  le  démon. 

Rab.  De  même  que  dans  le  sens  mystique  les  deux  aveugles  figu- 
raient les  deux  peuples  juif  et  gentil ,  ainsi  cet  homme  muet  et  pos- 
sédé est  la  figure  du  genre  humain  tout  entier.  —  S.  Hil.  {can,  9  sur 
S.  Matth.)  Ou  bien  cet  homme  à  la  fois  muet,  sourd  et  possédé  du  dé- 
mon représente  le  peuple  des  Gentils  ,  indigne  d'obtenir  le  salut. 


Chry?.  {in  fiomil.  ;33,  in  Matth.)  Prae- 
ponebat  quidnai  caiteris  eiuii,  non  <juia 
(Uirabat  solum,  sed  quoniam  facile  et 
velociter,  et  ioflnitas  œgritudines  etinsa- 
nabiles  sanaliat.  Hoc  autem  maxime 
pharisseos  contristabat,  quouiam  omni- 
bus eum  pracpoocbant,  non  solum  his 
qui  tune  erant,  sed  et  his  qui  unquam 
fienifi  fuerant  in  Israël  :  unde  pliarisaM 
concitati  ei  e  converso  detrabebant  : 
propter  quodsequitur:  «  Pbarisa'i  autem 
dicel)ant  :  In  principe  da!moniorum  eji- 
cit  d;emones.  »  Rk.mk;.  Scribtc  naniquc 
et  pliarisœi  facta  Doniiui  nejjabant,  quae 
poterant  ;  et  quaî  non  poterant  negare, 
in  sinisfram  parteni  interprelabantur; 
sec'uudum  illnd  {Psalm.  (i5)  :  «  in  inulti- 
ludine  virtulis  lune  mentienlur  tibi  ini- 
mici  lui.  »   Chrys., (in  homil.  33,   in 


Matth.)  Eorum  autem dicto  quid  est  de- 
mentius  ?  Non  enim  confinfii  potest  dae- 
monem  projicere  alterum  dœmonem  : 
suis  enim  applauderc  consuevit,  non  dis- 
solvore  sua  :  Christus  autem  non  solum 
dœmonesejiciebal,  sed  et  leprosos  mun- 
dabat,  et  raortuos  suscitabat,  et  peccata 
solveliat,  et  rc^nuni  Dei  prœdicabat,  et 
ad  Patrern  bomines  adducebat  ;  qufe. 
daîmon  ueque  posset  facere,  neque 
vellet. 

Rara.  Mystice  autem  sicut  in  duobus 
citHÛs  sijïnatus  est  uterque  populus  Ju- 
diPorum  et  Gentium,ita  in  homine  muto 
et  da^moniaco  «jeneraliter  sisnatum  est 
omne  trenus  humanum.  Hilar.  [Can.  3, 
in  Mdtth.)  Vol  in  inuto ,  et  surdo,  et 
daîmoniaco,  Gentium  plebs  (indigna  to- 
tius  salutis)  offertur.  omnibus  enim  un- 


DE   SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   IX.  45 

plongé  qu'il  est  dans  un  abîme  de  maux,  et  comme  enlacé  dans  tous 
les  vices  de  la  chair.  —  Rémi.  Le  peuple  des  Gentils  était  muet,  parce 
qu'il  ne  pouvait  ouvrir  la  bouche  pour  confesser  la  vraie  foi  et  publier 
les  louanges  de  son  Créateur  ,  ou  bien  parce  que,  livré  au  culte  des 
idoles  muettes,  il  leur  était  devenu  semblable.  Il  était  possédé,  parce 
que  la  mort  de  l'infidélité  l'avait  soumis  à  l'empire  du  démon.  S.  Hil. 
{can.  9  sur  S.  Matth.)  La  connaissance  de  Dieu  ayant  dissipé  toutes 
les  folles  superstitions ,  l'homme  recouvre  tout  à  la  fois  l'usage  de  la 
vue,  de  l'ouïe,  et  de  la  parole  du  salut.  —  S.  Jér.  De  même  que  les 
aveugles  reçoivent  la  lumière,  ainsi  la  langue  des  muets  se  délie  pour 
confesser  celui  qu'ils  avaient  auparavant  nié.  Cette  foule  qui  est  dans 
l'admiration,  c'est  la  multitude  des  nations  qui  confessent  la  divinité 
du  Seigneur.  Les  pharisiens  qui  le  calomnient  sont  une  figure  de  l'in- 
fidéhté  des  Juifs  qui  persévère  jusqu'à  ce  jour.  —  S.  Hil.  {can.  9  sur 
S.  Matth.)  L'admiration  de  la  foule  est  accompagnée  de  cet  aveu  : 
«  Jamais  on  n'a  rien  vu  de  semblable  en  Israël,  »  parce  qu'en  effet  la 
puissance  divine  du  Verbe  sauve  aujourd'hui  tous  ceux  qui  n'avaient 
pu  recevoir  aucun  secours  de  la  loi.  —  Rémi.  Dans  ceux  qui  pré- 
sentent le  muet  au  Seigneur  pour  être  guéri ,  on  peut  voir  la  figure 
des  Apôtres  et  des  prédicateurs  qui  ont  offert  aux  yeux  de  la  divine 
miséricorde  le  peuple  des  Gentils  pour  qu'elle  lui  accordât  le  salut.  — 
S.  kvG.  {de  l'accord  des  Evang.,  ii,  29.)  Saint  Matthieu  est  le  seul 
qui  raconte  ce  double  miracle  des  deux  aveugles  et  du  muet.  Les  deux 
aveugles  dont  parlent  les  autres  Evangélistes(i)  ne  sont  pas  les  mêmes; 
cependant  le  fait  est  semblable ,  et  si  saint  Matthieu  ne  racontait  pas 
ce  miracle  avec  toutes  ses  circonstances  ,  on  pourrait  croire  que  son 

(1)  Marc,  X,  46  ;  Luc,  xviii,  35.  Ces  deux  Evangélistes  ne  parlent  que  d'un  seul  aveugle  auquel 
saint  Marc  donne  le  nom  de  Bartimée. 


dique  malis  circumcessa,  totîs  corporis 
vitiis  implicabatur.  Reuig.  Gentilis  enim 
populus  mutus  erat  ;  quia  iu  confessione 
verœ  fidei  et  in  laude  sui  Creatoris  os 
aperire  non  poterat  ;  sive  quia  mutis  ido- 
lis  cultuni  iinpendebat,  similis  illis  fac- 
tus  :  da-moriiacus  erat  quia  per  mortem 
infidelitatis  diaboli  imperiis  subditus 
erat.  Hîlar.  [Can.  9,  in  Matth.)  Dei  au- 
tem  cognitioue  superstitionum  omnium 
vesania  elTugata,  et  visus,  et  audilus,  et 
sermo  salutis  invehilur.  Hier.  Sieutenim 
cseci  lumen  recipiunt,  sic  et  muli  ad 
loquendum  liugua  laxatur,  ut  couûteatur 
eum  quem  antea  donegabat.  In  turba 
autem  admirante  confessio  nationum 
est.  Pharisaei  autem  per  suam  caluœniam 
usque  hodie,    Judœorum    infidelitaleni 


demonstrant.  Hilar.  {Can.  9,  in  Matth.) 
Admirationem  autem  turbae  talis  con- 
fessio subsecuta  est  :  «  Nunquam  appa- 
ruit  sic  in  Israël,  »  quia  is  cui  perlegem 
nihil  opis  afferri  potuit,  verbi  virtute  sal- 
vatur.  Remig.  Illi  vero  qui  mutum  sa- 
naudum  Douùno  obtulerunt,  intelligun- 
turapostoli  et  prœdicatores,  quia  aspec- 
tibus  divinte  pietatis  gentilem  populum 
salvandum  oblulerunt.  Alg.  {de  con. 
Evanrj.  lib.  Il,  cap.  29.)  Quod  autem  hic 
dicitur  de  duobus  cœcis  et  dœmonio 
muto,  solus  Mattbffus  posuit;  illi  duo 
cteci,  de  quibus  alii  narrant,  non  sunt 
isti,  sed  tamen  simile  factum  est;  ita  ut 
si  ipse  Matlhœus  non  etiam  illius  facti 
meminisset,  posset  putari  hoc  quod  mmc 
narrât,  dictum  fuisse  etiam  ab  aliis  duo- 


46 


EXPLICATION    DE  l'ÉVANGILE 


récit  est  le  même  que  celui  de  saint  Marc  et  de  saint  Luc.  Nous  ne  de- 
vons jamais  perdre  de  vue  qu'il  se  rencontre  dans  les  Evangiles  des 
faits  qui  présentent  les  mêmes  caractères.  On  a  une  preuve  certaine 
que  ces  faits  sont  différents  lorsqu'ils  sont  rapportés  par  le  même 
Evangéliste.  Lorsque  donc  nous  rencontrons  des  faits  de  même  nature 
dans  chacun  des  Evangélistes,  et  qu'il  s'y  trouve  des  particularités  im- 
possibles à  concilier,  nous  devons  en  conclure  que  ce  n'est  pas  le  même 
fait,  mais  un  fait  semblable  dans  sa  nature  ou  dans  ses  circonstances. 

f.  3S-38.  —  Or  Jésus  parcourait  toutes  les  villes  et  les  bourgades,  enseignant 
dans  leurs  synagogues,  préchant  l'Evangile  du  royaume,  guérissant  toutes  les 
langueurs  et  toutes  les  infirmités.  En  voyant  cette  foule,  il  en  eut  compas- 
sion, parce  qu'ils  étaient  fatigués  et  couchés  çà  et  là,  comme  des  brebis  qui 
n'ont  point  de  pasteurs.  Alors  il  dit  à  ses  disciples  :  Lu  moisson  est  grande, 
mais  il  y  a  peu  d'ouvriers.  Priez  donc  le  Maître  de  la  moisson  qu'il  envoie 
des  ouvriers  dans  sa  moisson. 

S.  Chrys.  {ho)n.  33.)  Le  Seigneur  voulut  répondre  par  ses  œuvres  à 
cette  accusation  des  pharisiens  :  «  C'est  par  le  prince  des  démons  qu'il 
chasse  les  démons.  »  Car  lorsque  le  démon  reçoit  un  outrage ,  il  se 
venge  non  pas  en  faisant  du  bien,  mais  en  cherchant  à  nuire  à  celui 
qui  le  déshonore  (1).  Le  Seigneur  tient  une  conduite  contraire  :  après 
les  iujures  et  les  outrages  non-seulement  il  ne  punit  pas ,  il  ne  fait 
même  pas  de  reproches ,  bien  plus  il  répand  des  bienfaits.  C'est  ce 
que  l'Evangéliste  ajoute  :  «  Et  Jésus  parcourait  toutes  les  villes  et  les 
bourgades.  »  C'est  ainsi  qu'il  nous  apprend  à  répondre  à  ceux  qui 
nous  accusent  non  par  des  accusations  semblables,  mais  par  des  bien- 

(1)  Saint  Chrysostome  est  encore  plus  énergique  en  disant  que  les  démons  cherchent  à  nuire 
même  à  ceux  qui  les  honorent. 


bus  :  quod  commeudare  memorice  dili- 
genter  debemus,  esse  quœdam  facta  si- 
milia;  quod  probatur,  cum  idem  ipse 
Evangelista  vitrumque  commémorât;  ut 
(si  quando  talia  siiii^ula  apud  singulos  iu- 
veiierimus,  alque  iu  eis  coutrarium  quod 
suivi  non  possit)  occurral  uobis  uou  esse 
factum  idem,  sed  aliud  simile  vel  simili- 
ter  factum. 

Et  circuibat  Jésus  omnes  cicilates  et  castelta, 
docensin  synagogis  eorum,  et  prœdicaiiti  Evan- 
gelium  Jiegni,  et  curans  omiiem  laiigitorem  et 
omnem  iiifirniitateni.  Videiis  aiitem  tuibcs,  vii- 
sertus  est  ris,  ijuia  rrant  vexati  et  jareiiti's,  si- 
eut  oves  non  habentes  pastorem.  Tune  dùcit 
disciputis  suia  :  Jilessù  guidem  mutta,  opéra- 


rii  autem  pauci.  Rogate  ergo  Dominum  messis 
ut  mittat  operarios  in  messem  suani, 

CiiUYS.  {in  liomil.  33,  in  3faitli.)Vo- 
hiit  Domiaus  ipso  facto  redarguere  ac- 
ousationem  pbarisa^orum  diceutium  : 
«  lu  principe  da'uioniorum  ejicit  dœmo- 
uia;  »  d;emon  euim  couvitium  passus 
non  bene  facit,  sed  uocet  eis  qui  eum 
inbonorant.  IJominus  autem  coutrarium 
facit  qui  post  convitia  et  coutumelias, 
uon  sohmi  non  puuiit,  sed  nec  etiau) 
increpavit;  quinimo  bénéficia  pnvslitit  ; 
undc  sequitur  :  «  Kt  circuibat  Jésus  om- 
nes civilales  et  castella  ;  »  iu  ipio  erudit 
uos    accusatoribus    uostris    relribuere , 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    IX.  47 

faits.  Celui  qui,  victime  d'une  accusation,  cesse  de  faire  le  bien, 
montre  qu'il  n'agissait  que  pour  s'attirer  les  louanges  des  hommes. 
Si  au  contraire  Dieu  est  le  principe  du  bien  que  vous  faites  à  vos 
frères,  quoiqu'ils  entreprennent  contre  vous,  leur  conduite  n'interrom- 
pra pas  le  cours  de  vos  bienfaits ,  et  votre  récompense  n'eu  sera  que 
plus  grande. 

S.  JÉR.  Vous  voyez  qu'il  prêche  également  l'Evangile  dans  les  vil- 
lages comme  dans  les  villes  et  dans  les  bourgs ,  c'est-à-dire  aux  petits 
comme  aux  grands;  il  ne  considère  pas  la  puissance  qui  vient  de  la 
noblesse,  il  ne  voit  que  le  salut  de  ceux  qui  croient  en  lui.  L'Evan- 
géliste  ajoute  :  «  Il  enseignait  dans  leurs  synagogues ,  accomplissant 
ainsi  l'œuvre  que  son  Père  lui  avait  confiée  et  satisfaisant  la  faim  qu'il 
éprouvait  de  sauver  les  infidèles  par  sa  parole.  »  ïl  enseignait  dans 
les  synagogues  l'Evangile  du  royaume,  comme  le  dit  expressément  le 
texte  sacré  :  «  Et  il  prêchait  l'Evangile  du  royaume.  »  —  Rémi.  Par 
cet  évangile  du  royaume,  il  faut  entendre  l'Evangile  de  Dieu,  car  si 
on  n'annonce  que  des  biens  temporels,  ce  n'est  point  là  l'Evangile  (1); 
c'est  pour  cela  que  ce  nom  n'est  pas  donné  à  la  loi ,  parce  qu'elle  ne 
promettait  à  ceux  qui  l'observaient  que  des  biens  temporels,  et  non 
ceux  de  l'éternité. 

S.  JÉR.  Après  avoir  prêché  l'Evangile  et  enseigné  sa  doctrine,  il 
guérissait  toutes  les  langueurs  et  toutes  les  infirmités,  persuadant 
ainsi  par  ses  œuvres  ceux  que  ses  discours  n'avaient  pu  persuader  ; 
c'est  ce  qu'ajoute  l'écrivain  sacré  :  «  Guérissant  toute  langueur  et 
toute  infirmité.  »  Ces  paroles  lui  sont  appliquées  littéralement ,  car 
rien  ne  lui  est  impossible.  —  La  Glose  (2).  La  langueur ,  ce  sont  les 

(1)  Evangile,  bonne  nouvelle  ;  de  eô,  bien,  etàyyéXXw,  j'annonce. 

(2)  Dans  saint  Anselme. 


non  accusationes ,  sed  bénéficia  :  qui 
enim  post  accusationem  desistit  a  bene- 
ficio,  monstrat  quoniam  propter  Uomi- 
Qum  laiidem  benefacit  ;  si  vero  propter 
Deum  beaefacis  conservis,  quicquid  illi 
fecerint,  non  desistis  benefaciens,  ut  ma- 
jor sit  merces.  _ 

Hier.  Vides  autem  quod  œqualiter,  et 
vicis,  et  urbibus,  et  castellis  (id  est,  et 
rnagnis,  et  parvis),  Evangelium  prtedi- 
caverit  ;  ut  non  consideraret  nobilium 
potentiam,  sed  salutein  credentium.  Se- 
quitur  :  «  Docens  in  synagogis  eoruui,  » 
hoc  scilicet  habens  operis  quod  manda- 
verat  Pater  et  hanc  esuriem  ut  per  doc- 
trinam  salvos  faceret  infidèles.  Docebat 
autem  in  syuagoga  Evangelium  Regui  : 


unde  sequitur  :  «  Et  prœdicans  Evange- 
lium Regni.  »  Remig.  Intelligendum  est 
Dei  :  quamvis  enim  annuutientur  bona 
temporalia,  tamen  non  dicitur  Erancje- 
llum.  Hiuc  est  quod  lex  non  nomiuatur 
Evangelium,  quia  suis  observatoribus 
non  promittebat  bona  cœlestia,  sed  ter- 
rena. 

Hier.  Post  prsedicatiouein  autem  et 
doctrinam,  curabat  omnem  lauguoremet 
oumem  infirmitatem  ;  et  ut  quibus  sermo 
non  suaserat,  opéra  persuadèrent  :  unde 
sequitur  :  «  Curans  omnem  languorem 
et  omnem  infirmitatem  ;  »  quod  de  ipso 
proprie  dicitur  :  uihil  quippe  ei  impossi- 
bile  est.  Glossa.  Languorem  vocal  diu- 
turnam  infirmitatem;  infinnitatem  au- 


48 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


longues  souffrances  ;  l'infirmité,  les  maladies  les  plus  légères. — Rémi. 
Remarquez  qu'il  guérissait  intérieurement  l'àme  de  ceux  dont  il  gué- 
rissait extérieurement  le  corps,  ce  que  les  autres  hommes  ne  peuvent 
faire  par  eux-mêmes,  mais  seulement  par  la  grâce  de  Dieu. 

S.  Chrys.  {hom.  33.)  La  bonté  de  Jésus-Clirist  ne  s'arrête  pas  là,  il  fait 
preuve  à  leur  égard  d'une  autre  sollicitude,  et  il  ouvre  sur  eux  les  en- 
trailles de  sa  miséricorde.  «  Et,  voyant  ces  troupes ,  dit  l'Evangéliste, 
il  en  eut  compassion  (1).  »  —  Rémi.  Notre- Seigneur  nous  révèle  ici 
les  sentiments  d'un  bon  pasteur  si  éloignés  de  ceux  du  mercenaire. 
Mais  pourquoi  cette  compassion  ?  La  suite  nous  l'apprend.  — Rab.  Ou 
bien  ils  étaient  tourmentés  par  diverses  erreurs  ;  ils  étaient  couchés, 
c'est-à-dire  comme  engourdis  sans  pouvoir  se  lever  ,  et  tout  en  ayant 
des  pasteurs,  ils  étaient  comme  n'eu  ayant  pas.  — S.  Ciirys.  {hom.  33.) 
Le  crime  des  princes  des  Juifs,  c'est  qu'étant  les  pasteurs  du  troupeau, 
ils  se  conduisaient  à  son  égard  comme  des  loups  ;  car  non-seulement 
ils  ne  travaillaient  pas  à  la  réforme  du  peuple,  mais  encore  ils  nui- 
saient à  son  avancement.  Le  peuple  dans  l'admiration  s'écriait  :  «  Ja- 
mais on  n'a  rien  vu  de  semblable  dans  Israël,  »  et  à  ce  témoignage 
ils  opposaient  cette  calomnie  :  «  C'est  par  le  prince  des  démons  qu'il 
chasse  les  démons.  » 

Rémi.  Mais  du  moment  que  le  Fils  de  Dieu  eut  regardé  du  ciel  sur 
la  terre  pour  entendre  les  gémissements  de  ceux  qui  étaient  enchaînés 
{Ps.  ci),  la  moisson  déjà  grande  devint  plus  considérable  encore;  car 
jamais  la  multitude  du  genre  humain  ne  fût  parvenue  à  la  foi,  sil'au- 

(1)  Dans  quelques  exemplaires  et  dans  celui  que  la  Glose  a  suiTi  après  saint  Hilaire,  c'est  ici 
que  commence  le  chap.  x. 


tem  ,  levés  morbos.  Remio.  Scientlum 
est  auteui  quia  illos  quos  corpore  saua- 
bat  forinsecus,  mente  sanabat  intrinse- 
cus  ;  alii  vero  lioc  faeere  uou  possiint 
sua  potestalc,  sed  per  Dei  gratiani. 

Chrys.  {in  homil.  33,  in  Matlh.)  Non 
auleni  in  lioc  slat  Chrisli  bouitas,  sotl  et 
aliam  providenliam  circa  eos  ostendit, 
viscera  lulsericordiœ  circa  eos  expan- 
dens  :  unde  sequitur  :  «  Videns  autcni 
turbas,  misertus  est  eis.  »  Remig.  Per 
quod  officium  boni  pasloris  niagis  «juam 
niercenarii  in  se  Chi'istus  ostendit.  Quare 
autem  misertus  sit,  subjunpit  :  «  Quia 
erant  vexati  et  jacentes,  sicut  oves  non 
habenles  pastoreni  ;  »  vexati  qnidcm  a 
daîmonibus,  sive  quia  a  diversisiniirmi- 
tatil)us  et  languoribus  erantattriti.RAHA. 
Vel  vexati  per  diverses  crrores,  et  ja- 


centes (id  est  torpentes) ,  et  non  valen- 
tes  surgere  ;  et  cura  baberent  pastores, 
erant  quasi  non  liabereut  pastorem. 
Chrys.  [in  homil.  'i'i ,  in  Malth.)  Ha»c 
priucipum  Juda-oium  crat  accusatio  ; 
quoniani  pastores  existentes,  ea  quœ  lu- 
porum  erant,  osleudebant  :  non  soUnn 
eniui  non  emendabant  mullitudinem,  sed 
et  niK-ebant  eorum  profectui  :  illis  enini 
admirantibus  et  dic^entibus  :  «  Nunquam 
apparuit  ita  in  Israël,  e  contrario  dice- 
bant  :  Ononi'im  in  principe  d;emouiorura 
ejicit  du'monia.  » 

Rkmig.  Post(piani  autem  Dei  Filins  de 
cœlo  prospexit  in  terrani,  ut  audiret 
geniilus  compoditorum  (/*sfl/.  101.),  mox 
nuilla  messis  ccepit  augeri;  liu'bir  nam- 
que  bumani  generis  tidei  non  appropiu- 
quasseut,  nisi  quia  auclor  buuiana-  sa- 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    IX.  49 

teur  du  salut  des  hommes  n'eût  jeté  du  ciel  un  regard  de  miséricorde 
sur  la  terre,  et  c'est  pour  cela  que  l'Evangéliste  ajoute  :  a  Alors  il  dit 
à  ses  disciples  :  a  La  moisson  est  grande ,  il  est  vrai ,  mais  les  mois- 
sonneurs sont  peu  nombreux.  —  La  Glose  (1).  La  moisson,  ce  sont 
les  hommes  qui  peuvent  être  moissonnés  par  les  prédicateurs,  séparés 
de  la  masse  de  perdition  et  conservés  dans  les  greniers  comme  les 
grains  détachés  de  la  paille.  —  S.  Jér.  La  grande  moisson  signifie  la 
multitude  des  peuples,  et  le  petit  nombre  d'ouvriers,  la  rareté  de  ceux 
qui  doivent  enseigner.  —  Remi.  Le  nombre  des  Apôtres  était  bien 
petit  en  effet,  en  comparaison  de  ces  vastes  moissons.  Or,  le  Sauveur 
exhorte  ses  prédicateurs,  c'est-à-dire  les  Apôtres  et  leurs  successeurs, 
à  demander  tous  les  jours  que  leur  nombre  s'augmente.  «  Priez  donc 
le  Maître  de  la  moisson,  qu'il  envoie  des  ouvriers  dans  sa  maison.  — 
S.  Chrys.  {hom.  33.)  Il  déclare  ainsi  indirectement  qu'il  est  ce  Maître 
dont  il  parle,  car  c'est  lui-même  qui  est  le  Maître  de  la  moisson.  En 
effet,  s'il  a  envoyé  les  Apôtres  moissonner  ce  qu'ils  n'avaient  pas  semé, 
il  est  évident  qu'il  n'a  pu  les  envoyer  recueillir  la  moisson  d'autrui , 
mais  ce  que  lui-même  avait  semé  par  les  prophètes  (2).  Mais  comme 
ce  sont  les  Apôtres  qui  sont  les  moissonneurs,  il  leur  dit  :  «  Priez  donc 
le  Maître  de  la  moisson  qu'il  envoie  des  ouvriers  en  sa  moisson.  »  Ce- 
pendant il  ne  leur  adjoignit  personne.  Ils  restèrent  douze,  et  il  ne  les 
multiplia  qu'en  ajoutant  non  pas  à  leur  nombre ;,  mais  à  leur  puis- 
sance. 

S.  Chrys.  {hom.  33.)  Le  Sauveur  nous  apprend  quel  don  précieux 

(1)  Saint  Anselme, 

(2)  Jean,  iv,  38. 


lutis  de  cœlis  prospexit  iu  terrain  :  et 
ideo  sequitur  :  «  Tune  dixit  discipulis 
suis  :  Messis  quidem  multa,  operarii  au- 
tem  pauci.  »  Glossa.  Messis  ergo  dicun- 
tur  hommes  qui  possunt  meti  a  praedi- 
catoribus,  et  de  collectione  perditorum 
separari,  ut  grana  excussa  a  paleis, 
postea  in  horreis  repouantur.  Hier. 
Messis  multa,  populorum  signât  multi- 
tudinem  ;  operarii  pauci,  peuuriam  ma- 
gistrorum.  Remig.  Parvus  euim  erat  uu- 
uierus  apostolorum  ad  comparationem 
tautarum  segetum.  Hortiilur  autem  Do- 
uÙDUs  suos  prœdicatores  (id  est,  apos- 
tolos  et  eorum  sequaces),  ut  quotidiesui 
nuuieri  augmeatatiouem  exposcant  : 
unde  sul)dit  :  «  Rogate  ergo  dominum 
messis  ut  mittat  operarios  in  messem 
suam.  «Chrys.  {in homil.  33,  in  Matth.) 

TOM.  II. 


Latenter  seipsum  dominum  ostendit  : 
ipse  enim  est  qui  messis  et  dominus  ;  si 
enim  metere  uiisit  quœ  apostoli  non  se- 
minaverunt,  manifestum  est  quoniam 
non  aliéna  metere  misit,  sed  ea  quse 
ipse  per  prophetas  seminavit.  Sed  cum 
duodecim  apostoli  sint  operarii,  dixit  : 
«  Deprecamini  dominum  messis,  ut  mit- 
tat operarios  io  messem  suam  ;  »  et  ta- 
men  nullum  eis  adjecit,  quia  scilicet 
eos  jam  duodecim  existantes  multipli- 
cavit,  non  numéro  adjiciens,  sed  virtu- 
tem  largiens.  Remig.  Vel  tune  augmen- 
tatus  est,  quando  designavit  et  alios  72, 
et  quando  sunt  facti  multi  praidicalores, 
Spiritu  Sancto  descendente  super  ere- 
dentes. 

Chrys.  (m  'lomil.SZ,  in  Matth.)  Osten- 
dit autem  quam  magnum  donum  sit  (sci- 


50  EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE  DE   S.   MATTHIEU,   CHAP.   X. 

c'est  que  de  pouvoii'  annoncer  convenablement  la  parole  de  Dieu,  en 
nous  recommandant  de  prier  à  cet  eflet.  Ces  paroles  nous  rappellent 
les  comparaisons  du  précurseur,  l'aire,  le  van,  la  paille  et  le  blé  (1). 
—  S.  HiL.  Dans  le  sens  mystique  ,  au  moment  où  le  salut  est  donné 
aux  nations,  toutes  les  villes,  toutes  les  bourgades  sont  éclairées  par 
l'avènement  et  la  vertu  du  Christ.  Le  Seigneur  a  pitié  de  son  peuple 
tourmenté  par  la  violence  tyrannique  de  l'esprit  impur,  et  fatigué  du 
lourd  fardeau  de  la  loi,  car  il  n'avait  pas  encore  de  pasteur  qui  pût 
lui  assurer  la  garde  de  l'Esprit  saint.  Or,  le  fruit  de  ce  don  céleste 
était  on  ne  peut  plus  abondant,  et  sa  source  féconde  ne  pouvait  être 
épuisée  par  la  multitude  de  ceux  qui  venaient  y  participer  ;  car  quel 
que  soit  leur  nombre,  sa  plénitude  se  répand  toujours  delà  même  ma- 
nière. Et  comme  il  faut  un  grand  nombre  de  ministres  pour  distribuer 
cette  grâce,  Notre-Seigneur  ordonne  de  prier  le  Maître  de  la  moisson 
d'envoyer  un  grand  nombre  de  moissonneurs  pour  recevoir  ce  don  de 
l'Esprit  saint.  Eu  effet,  c'est  par  le  moyen  de  la  prière  que  Dieu  ré- 
pand sur  nous  cette  grâce. 

(1)  Matth.,  m. 


licet  ut  aliquis  habeat  virtutem  decenter 
praedicandi) ,  per  hoc  qiiod  dicit  ad  hoc 
esse  orandum.  Commémorât  autem  in 
hoc  loco  verborum  Joamiis  de  arca,  et 
ventilabro,  et  palea,  et  frumeuto.  Hilar. 
Mystice  autem  salute  gentibus  data,  ci- 
vitates  omnes  et  castella  omnia  virtute 
et  ingressu  Christi  ilhiminantur,  et  om- 
nem  infirmitatem  veterni  lauguoris  eva- 
dunt.  Immundi  autem  spiritus  dominante 
vioientia  vexatam  et  sub  legis  onere 
segrotam  plebem  Domiuus  miseratm", 


quia  nuUus  adhuc  eis  pastor  erat,  custo- 
diam  Sancti  Spiritus  redditurus.  Erat  au- 
tem doni  istius  copiosissimus  fruclus , 
cujus  copia  haurientium  multitudinem 
vincit  ;  uam  quantumUbet  assumatur  a 
cunctis,  adlargiendum  tamensemperexu- 
berat;  et  quia  pkires  esse  utile  est,  per 
quos  ministretur,  rogari  dominum  messis 
jubet  ut  ad  capesseudum  quod  praepara- 
batur  donum  Spiritus  Sancti,  messorum 
copiam  Deus  prœstet  :  per  oralioneni 
euim  hoc  mimus  a  Deo  uobis  effundilur. 


CHAPITRE  X. 

SOMMAIRE    ANALYTIQUE. 

y.  1-4.  —  Liaison  de  ce  chapitre  avec  ce  qui  précède.  —  Election  des  douze 
Apôtres.  —  Raison  mystique  de  ce  nombre.  —  Pouvoir  que  leur  donne  le 
Sauveur.  —  Etendue  de  ce  pouvoir.  —  Il  est  différent  de  celui  qu'avait  le 
Sauveur  lui-même.  —  Pourquoi  l'Evangéliste  donne-t-il  ici  le  nom  de  tous  les 
Apôtres?  —  Signification  du  nom  de  Pierre;  —  du  nom  d'André.  —  Pour- 
quoi les  Apôtres  sont-ils  nommés  deux  à  deux  ?  —  sont-ils  placés  par  ranf' 
de  dignité?  —  Signification  du  nom  de  Jacques,  de  Jean,  de  Philippe  de 
Barthélemi.  —  Pourquoi  saint  Matthieu  se  place-t-il  après  saint  Thomas  et 
se  donne-t-il  le  nom  de  publicain  ?  —  Signification  du  nom  de  Thomas  et  de 
Didyme,  de  Jacques  fils  d'Alphée  et  de  Thadée ,  de  Simon  le  Chananéen  et 
de  Judas  Iscariote.  —  Pourquoi  le  Sauveur  a-t-il  choisi  pour  apôtres  des 
hommes  sans  naissance,  sans  distinction,  sans  instruction?  —  Pourquoi  un 

d'eux  fut-il  mauvais  ?  —  Quelle  est  la  fin  de  la  mission  des  Apôtres  ? 

Opportunité  de  cette  mission. 

f.  5-8.  —  Où  doivent  aller  les  apôtres  ?  —  Comment  concilier  la  défense  qui 
leur  est  faite  d'aller  vers  les  gentils ,  avec  le  commandement  que  le  Sauveur 
leur  donne  plus  tard  :  Allez,  enseignez  toutes  les  nations  ?  —  Diversité  des 
temps.  —  Ordre  qu'ils  devaient  suivre.  —  Privilège  que  devaient  avoir  les 
Juifs.  —  Réponse  que  Notre-Seigneur  faisait  par  là  aux  outrages  dont  ils 
l'accablaient.  —  Bonté  qu'il  témoigne  pour  les  enfants  d'Israël.  —  Significa- 
tion morale  de  cette  recommandation.  —  Quel  est  le  royaume  des  cieux  qu'ils 
doivent  prêcher?  —  Grandeur  du  ministère  des  Apôtres.  —  Pourquoi  Jésus 
leur  donne  le  pouvoir  de  faire  des  miracles  ?  —  Grandeur  de  ce  pouvoir.  — 
jNécessité  de  ces  miracles  dans  les  commencements  de  l'Eglise.  —  Pourquoi 
ont-ils  été  ensuite  plus  rares  ?  —  Dans  le  sens  spirituel,  ils  se  renouvellent 
sans  cesse  dans  l'Eglise.  —  Que  représentent  ces  différentes  infirmités  ?  — 
Pourquoi  Notre-  Seigneur  ajoute-t-il  :  Donnez  gratuitement  ce  que  vous  avez 
reçu  gratuitement  ?  —  Leçon  d'humilité  et  de  désintéressement. 

f.  9,  10.  —  Différentes  raisons  pour  lesquelles  il  leur  recommande  de  n'avoir 
ni  or,  ni  argent,  ni  bâton,  ni  deux  tuniques,  ni  chaussures.  —  Admirable 
compensation  des  privations  qu'il  leur  impose.  —  Il  les  affranchit  de  toute 
sollicitude,  même  de  celle  de  la  parole.  —  Comment  il  tempère  la  sévérité  de 
ces  préceptes. —  Pourquoi  était-il  convenable  que  les  Apôtres  fussent  nourris 
par  ceux  qu'ils  enseignaient  ?  —  Ce  n'est  pas  une  aumône  qu'ils  reçoivent. 
—  Ce  n'est  pas  le  prix  de  leurs  prédications,  c'est  un  subside  qui  leur  permet 
de  continuer  leurs  travaux. —  Notre -Seigneur  ne  défend  point  par  là  aux  pré- 
dicateurs de  l'Evangile  de  se  procurer  d'autres  moyens  d'existence.  —  Com-  • 
ment  concilier  saint  Matthieu  et  saint  Jean  relativement  au  bâton,  à  la 
chaussure  et  aux  deux  tuniques?  —  Que  signifient  dans  le  sens  spirituel  l'or, 
l'argent,  la  ceinture,  les  deux  tuniques,  les  chaussures  ? 

f.  11-15.  —  Prudence  dans  le  choix  de  ceux  dont  ils  recevront  l'hospitalité.  — 
Qui  les  guidera  dans  ce  choix?  —  Comment  Notre-Seigneur  lui-même  est-il 
entré  chez  un  publicain  ?  —  Compensation  des  privations  et  du  détachement 
que  Notre-Seigneur  impose  à  ses  Apôtres. —  Grâce  accordée  à  celui  qui  exerce 


52  EXPLICATION  DE  l'ÉVANGÏLE 

l'hospitalité.  —  Pourquoi  ne  veut-il  pas  qu'ils  changent  de  demeure  ?  —  Pour- 
quoi doivent-ils  souhaiter  la  paiv  en  entrant?  —  Dans  quel  sens  les  Apôtres 
souhaitent  la  paix.  —  Ce  qu'ils  doivent  faire  si  on  ne  veut  pas  la  recevoir.  — 
Pourquoi  secouer  la  poussière  de  leurs  pieds  ?  —  Que  signifie  celte  poussière  ? 
—  Pourquoi  ceux  qui  ne  les  recevront  pas  seront-ils  punis  plus  sévèrement 
que  Sodome  et  Gomorrhe  ?  —  Diversité  des  supplices  de  Tenier.  —  Pourquoi 
choisit-il  pour  exemple  les  villes  de  Sodome  et  de  Gomorrhe?  —  Que  si- 
gnifie dans  le  sens  spirituel  la  recommandation  du  Sauveur  ? 

y.  16-18.  —  Pourquoi  prédit-il  à  ses  disciples  les  épreuves  qui  devaient  leur 
arriver?  —  Pourquoi  les  envoie-t-il  au  milieu  des  loups?  —  Comment  les 
prédicateurs  doivent-ils  montrer  la  douceur  des  brebis  ?  —  Conduite  contraire 
que  tiennent  quelques-uns  de  ceux  qui  sont  à  la  tète  des  autres. —  Quels  sont 
ceux  que  Notre-Seigneur  veut  désigner  sous  le  nom  de  loups  ?  —  Consolation 
qu'il  offre  à  ses  disciples  au  milieu  de  ces  épreuves.  —  Dans  quel  sens  doi- 
vent-ils avoir  la  prudence  du  serpent?  —  Pourquoi  veut-il  qu'ils  joignent  à 
cette  prudence  la  simplicité  de  la  colombe  ?  —  Qu'est-ce  qui  rendra  néces- 
saire pour  eux  la  prudence  du  serpent  ?  —  Comment  les  Apôtres  n'ont-ils  pas 
quitté  Jésus-Chrit  en  entendant  ces  prédictions  ?  —  Que  veulent  dire  ces  pa- 
roles :  <(  Pour  leur  servir  de  témoignage?  »  —  Consolation  pour  les  Apôtres; 
condamnation  de  leurs  persécuteurs,  espérance  pour  les  Gentils. 

f.  19,  20.  —  Nouveau  motif  de  consolation  dans  ces  paroles  :  Ne  vous  inquiétez 
pas  de  ce  que  vous  aurez  à  répondre.  —  Ce  que  nous  avons  à  offrir  à  Dieu 
lorsque  nous  sommes  traduits  devant  les  tribunaux  pour  la  cause  du  Christ. — 
Comment  Dieu  récompense  alors  notre  foi.  —  Comment  conciher  cette  re- 
commandation avec  celle  de  saint  Pierre  :  Soyez  toujours  prêts  à  ré- 
pondre ?  etc. 

y.  21,  22.  —  Jésus  leur  prédit  de  plus  grandes  épreuves.  —  Celles  qui  viennent 
de  ceux  qui  nous  sont  chers  sont  plus  douloureuses.  —  Nouvelle  consolation 
qu'il  leur  ménage,  à  cause  de  mon  nom.  —  Nécessité  de  la  persévérance.  — 
Pourquoi  en  fait-il  un  devoir  à  ses  Apôtres  ?  —  Double  explication  de  ces  pa- 
roles. 

y.  23. —  Adoucissement  que  Notre-Seigneur  apporte  aux  prédications  effrayantes 
qu'il  vient  de  faire.  —  A  quel  temps  faut-il  rapporter  la  recommandation  de 
fuir  ?  etc.  —  Pourquoi  leur  recommande-t-il  de  fuir?  —  Pourquoi  est-ce  tou- 
jours un  crime  de  mettre  fin  à  ses  jours  ?  —  Il  prévient  une  objection  de  ses 
disciples  en  leur  disant  :  Vous  ne  parcourerez  pas,  etc.  —  Deux  autres  expli- 
cations de  ces  paroles.  —  Règles  à  suivTe  relativement  à  la  fuite  dans  les  per- 
sécutions. —  Quel  est  le  sens  spirituel  de  ces  paroles  ? 

y.  24,  23.  —  Comment  Notre-Scigneur  console  par  avance  ses  Apôtres  de  la 
mauvaise  opinion  qu'on  aurait  d'eux  ?  —  Pourquoi  ces  consolations  ?  —  Sens 
de  ces  paroles  :  Le  disciple  n'est  pas,  etc.  —  Quel  est  ce  maître,  quels  sont 
CCS  disciples  ?  —  Liaison  de  ces  paroles  avec  co  qui  précède.  —  Ce  qu'elles 

.   signifiaient  pour  les  Apôtres.  —  Ce  qu'était  Beolsébub. 

y.  26-28.  —  Nouvelle  consolation  qu'il  leur  donne  en  leur  disant  :  «  Ne  les  crai- 
gnez donc  pas.  »  —  Raison  qu'il  leur  donne  :  Il  n'y  a  rien  de  caché,  etc.  — 
Pourquoi  cependant  les  vices  d'un  si  grand  nombre  demeurent-ils  cachés  pen- 
dant cette  vie?  —  Trois  autres  explications  de  ces  mêmes  paroles.  —  11  leur 
recommande  de  prêcher  l'Evangile  ouvertement  et  sans  crainte.  —  Divers 
sens  des  paroles  qu'il  leur  adresse  :  Pnchez  sur  tes  toits.  —  Comment  Notre- 


DE  SAINT   MATTfflEU,   CHAP.   X.  53 

Seigneur  monlre-t-il  qu'il  fait  tout  par  ses  Apôtres  ?  —  Il  ne  faut  avoir  aucune 
crainte  dans  la  prédication  de  l'Evangile.  —  Que  signifie  la  géhenne  dont  il 
est  ici  question  ?  —  En  quel  temps  le  corps  sera-t-il  jeté  avec  l'àme  dans  l'en- 
fer ?  —  Le  Sauveur  ne  délivre  pas  ses  disciples  de  la  mort,  mais  leur  recom- 
mande de  la  mépriser. 

f.  29-31.  —  Que  fait-il  pour  les  rassurer  contre  la  crainte  d'être  abandonnés 
de  Dieu,  s'ils  étaient  mis  ù  mort?  —  Est-ce  que  deux  passereaux,  etc.  — 
Sens  mystique  de  ces  paroles.  —  Que  signifient  ces  paroles  :  Tous  les  che^ 
veux  de  votre  téte^  etc.  —  Conséquence  ridicule  qu'on  voudrait  tirer  de  ces 
paroles  pour  la  résurrection.  —  Dans  quelle  mesure  et  d'après  quelle  règle  la 
résurrection  nous  rendra  les  cheveux  que  nous  avons  perdus  ?  —  Ce  que  ces 
paroles  doivent  nous  faire  conclure  de  la  providence  de  Dieu  à  notre  égard. — 
Sens  mystique  de  ces  paroles. 

f,  32,  33.  —  Conclusion  des  enseignements  qui  précèdent  :  les  Apôtres  doivent 
prêcher  l'Evangile  avec  liberté.  —  Quelle  espèce  de  confession  Jésus  exige  de 
ses  disciples  ?  —  Quelle  en  sera  la  récompense  ?  —  En  quoi  consiste  la  néga- 
tion de  Dieu  dont  il  est  ici  question  ?  —  Pourquoi  exige-t-il  la  confession  de 
bouche?  —  Ces  paroles  s'adressent  à  tous  sans  distinction.  —  Autre  sens 
moral  de  ces  paroles. 

f.  34-36.  —  Quelles  seront  les  suites  de  la  prédication  ?  —  Comment  concilier 
les  paroles  de  Jésus-Christ  :  Je  ne  suis  pas  veiiu  apporter  la  paix,  avec  les 
recommandations  précédentes?  etc.  —  Dans  quel  dessein  leur  annonce-t-il  les 
dissensions  et  les  guerres?  —  Dans  quel  sens  dit-il  qu'il  vient  séparer?  etc. — 
Sens  mystique  de  ces  paroles  appliquées  au  fidèle  en  particulier.  —  Et  au 
peuple  de  Dieu.  —  Conduite  ordinaire  de  l'ennemi  du  salut. 

f.  37-39.  —  Quel  ordre  le  chrétien  doit  garder  dans  ses  affections  ?  —  Ces  pa- 
roles peuvent-elles  se  concilier  avec  celles  de  saint  Paul,  qui  recommande 
l'obéissance  aux  parents  ?  Les  parents  eux-mêmes  doivent  sacrifier  à  l'amour  de 
Dieu  l'amour  naturel  qu'ils  ont  pour  leurs  enfants.  —  Obligation  plus  rigou- 
reuse encore  de  se  haïr  soi-même.  —  Jusqu'où  doit  aller  cette  haine  de  soi- 
même  ?  —  Deux  manières  de  porter  sa  croix .  —  Quels  sont  les  avantages 
attachés  à  la  pratique  de  ces  préceptes  ?  —  Dans  quel  sens  doit-on  prendre 
l'âme  dans  ce  passage  ?  —  Autre  explication  qu'on  peut  donner  de  ces  pa- 
roles du  Sauveur. 

y.  40-42.  —  Comment  Notre-Seigneur  pourvoit-il  aux  besoins  des  Apôtres  qu'il 
oblige  à  un  si  grand  détachement  ?  —  Récompenses  promises  à  ceux  qui  les 
recevront.  —  Preuve  qu'il  est  notre  Médiateur.  —  La  récompense  du  pro- 
phète et  du  juste  [)romise  à  ceux  qui  les  reçoivent.  —  Sens  mystique  de  ces 
paroles.  —  On  peut  voir  Notre-Seigneur  lui-même  dans  ce  prophète  et  dans 
ce  juste.  —  Réponse  à  l'objection  qu'on  aurait  pu  tirer  de  sa  pauvreté  : 
Celui  qui  aura  donné  un  verre  d'eau  froide,  etc.  —  Ce  que  Dieu  demande 
surtout.  —  Quels  sont  ces  petits  dont  veut  parler  Jésus-Christ  ? 


u 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


f.  1-4.  —  Alors  Jésus  ayant  appelé  ses  douze  disciples ,  leur  donna  puissance 
sur  les  esprits  impurs  pour  les  chasser,  et  pour  guérir  toutes  les  langueurs  et 
toutes  les  maladies.  Or,  voici  les  noms  des  douze  apôtres  :  Le  premier, 
Simon ^  qui  est  appelé  Pierre,  et  André  son  frère,  Jacques ,  fils  de  Zébédée, 
et  Jean  son  frère,  Philippe  et  Barthélemi,  Thomas  et  Matthieu  le  puhlicain, 
Jacques,  fils  d'Alphée,  et  Thaddée,  Simon  Chananéen ,  et  Judas  Iscariote,  qui 
est  celui  qui  le  trahit. 

La  Glose  (1).  Depuis  la  guérison  de  la  belle-mère  de  Pierre  jusqu'à 
cet  endroit,  les  miracles  opérés  par  Jésus-Christ  sont  racontés  sans  in- 
terruption, et  ils  ont  tous  eu  lieu  avant  le  sermon  sur  la  raontap:ne, 
ainsi  que  le  prouve  jusqu'à  l'évidence  la  vocation  de  saint  Matthieu 
qui  s'y  trouve  comprise,  car  saint  jNlatthieu  a  été  un  des  douze  que 
Jésus  a  élus  sur  la  montagne  pour  l'apostolat.  Ici  l'Evaugéliste  re- 
prend son  récit  en  suivant  l'ordre  dans  lequel  les  faits  se  sont  passés, 
après  la  guérison  du  serviteur  du  centurion,  a  Et  Jésus  ayant  appelé 
les  douze  disciples.  »  —  Rémi.  L'Evaugéliste  venait  de  raconter  que 
Notre-Seigneur  avait  engagé  ses  disciples  à  prier  le  Maître  delà  mois- 
son d'envoyer  les  ouvriers  dans  sa  moisson,  et  il  accompht  lui-même 
ce  qu'il  les  a  engagés  à  demander.  Le  nombre  douze  en  effet ,  est  un 
nombre  parfait;  puisqu'il  vient  du  nombre  six  qui  est  parfait  lui-même, 
parce  qu'il  se  compose  de  ses  fractions  qui  sont  un,  deux  trois.  Or,  ce 
nombre  sis  étant  doublé,  forme  le  nombre  douze.  La  Glose  (2).  Cette 
multiplication  par  deux  peut  signifier  ou  les  deux  préceptes  de  la  cha- 

(1)  La  Glose  collatérale  au  commencement  du  chapitre  x,  qu'elle  fait  commencer  à  ces  pwoles  : 
0  Jésus  voyant  cette  foule,  »  vers.  36  du  chap.  ix. 

(2)  Cette  citation  ne  se  trouve  ni  dans  la  Glose,  ci  dans  saint  Anselme  ;  la  première  partie  se 
retrouve  dans  saint  Grégoire,  homél.  17  sur  ces  paroles  du  chap.  x  de  saint  Luc  :  u  11  les  envoya 
deux  à  deux,  »  etc. 


CÂPUT  X. 

Et  convocotis  duodecim  discipulis  suis,  dédit 
illis  potestatem  spirituum  immundorum ,  ut 
ejicerent  eos,  et  curarent  omnem  languorem  et 
cmnem  infirmitalem.  Duodecim  autem  aposto- 
lorumnowina  sunt  hctc  :  primus,  Simon  (qui 
dicitur  Petrus),  et  Andréas,  frater  ejus  ;  Ja- 
cobus  Zebedœi,  et  Joaiines ,  frater  ejus  ;  Phi- 
lippus  et  Bnrtholomœus  ;  Thomas  et  Matthœus 
puhlica.nus;  et  Jacobus  Alphai,  et  Thadœus; 
Simon  Chananœus,  et  Judas  Iscarioles,  qui  et 
tradidit  eum. 

Glossa.  a  curatione  socrus  Peiri  ns- 
que  hue  conlinuatiouem  habuermil  re- 
lata miracula  :  et  fuerunt  anle  sermo- 
nem  iu  monteni  habituai  facta;  qund  ex 
electioue  Malthœi  (quai  inter  ipsa  refer- 


tur)  indubitanter  habemus  :  fuit  enim 
unus  de  duodecim  electus  in  monte  ad 
apostolatum  :  lue  autem  redit  ad  ordi- 
nem  rei  sicut  gesta  est,  post  curatum 
eeuturionis  servimi,  dicens  :  «  El  uou- 
voeans  duodecim  discipulos.  »  Remig. 
Narraverat  enim  superius  EvangeUsta 
(juia  cohorlatus  est  Domiuus  discipulos 
ropare  domiuum  messis  ut  mitteret  ope- 
rarius  iu  messem  suam  ;  et  quod  horta- 
tus  est,  hoc  nunc  implere  videtur.  Duo- 
denarius  enim  numerus  perfectus  est  : 
nascitur  enim  a  senario,  qui  perfectio- 
nem  habet,  eo  quod  ex  suis  partibus, 
qintt  sunt  inntm,  duo  et  tria ,  iu  seip- 
sum  formatur  :  senarius  autem  numerus 
(iupUratus,  duodenarium  pignit.  fiLOSS.x. 
Quœ  quidem  dupUcatio-ad  duo  praecepta 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    X. 


55 


rite  ou  les  deux  Testaments.  —  Raban.  Le  nombre  douze,  composé  du 
nombre  trois  multiplié  par  quatre,  signifie  que  les  Apôtres  prêcheront 
la  foi  en  la  sainte  Trinité  dans  les  quatre  parties  du  monde.  Ce 
nombre  se  trouve  aussi  figuré  par  avance  de  plusieurs  manières  dans 
l'Ancien  Testament;  dans  les  douze  enfants  de  Jacob  {Gen.  xxxv); 
dans  les  douze  chefs  des  enfants  d'Israël  (Nomb.i);  dans  les  douze 
sources  d'eau  vive  d'Hélim  {Exod.  xv);  dans  les  douze  pierres  pré- 
cieuses qui  brillaient  sur  le  rational  d'Aaron  {Exod.  xxxix);  dans  les 
douze  pains  de  proposition  {Levi.  xxiv)  ;  dans  les  douze  hommes  envoyés 
par  Moïse  pour  examiner  la  terre  promise  {ISomb.  xiii)  ;  dans  les  douze 
pierres  qui  servirent  à  élever  un  autel  (III  Rois,  xviii);  dans  les  douze 
autres  pierres  qui  furent  retirées  du  Jourdain  {Josué^  iv);  dans  les 
douze  bœufs  qui  supportaient  la  mer  d'airain  (III  Rois,  vu)  ;  et  pour  le 
Nouveau  Testament ,  dans  les  douze  étoiles  qui  forment  la  couronne 
de  l'épouse  {Apocal.  xii);  dans  les  douze  pierres  fondamentales  ;  dans  les 
douze  portes  de  la  Jérusalem  céleste  qui  fut  révélée  à  saint  Jean  (xxi). 
S.  Chrys.  {hom.  33.)  Ce  n'est  pas  seulement  en  leur  représen- 
tant leur  ministère  comme  une  moisson  prête  à  recueillir  que  le  Sau- 
veur inspire  à  ses  Apôtres  une  vive  confiance,  mais  encore  en  leur 
donnant  d'exercer  ce  ministère  avec  puissance.  «  Et  il  leur  donna 
puissance  sur  les  esprits  impurs,  pour  les  chasser  et  pour  guérir  toutes 
les  langueurs  et  toutes  les  infirmités.  »  — Rémi.  Nous  avons  ici  une 
preuve  évidente  que  l'accablement  de  cette  multitude  ne  venait  pas 
d'une  seule  cause,  mais  que  leurs  infirmités  étaient  nombreuses  et  va- 
riées, et  c'est  en  donnant  à  ses  disciples  le  pouvoir  de  les  traiter  et  de 
les  guérir  que  Jésus  prend  pitié  d'elles.  —  S.  Jér.  Car  le  Seigneur  est 
plein  de  bonté  et  de  clémence  ;  c'est  un  Maître  qui  n'est  pas  jaloux  de 


charitatis  vel  ad  duo  Testamenta  perti- 
nere  videtur,  Raba.  Duodenarius  etiam 
numerus^  qui  conficitur  ex  ternario  et 
quaternario,  désignât  eos  per  quatuor 
mundi  climata  fidem  sanctae  Trinitatis 
prnedicaturos.  Iste  etiam  numerus  per 
multas  figuras  in  veteri  Testamento  prœ- 
signatusest:  per  12  filios  Jacob  (Gen.  35); 
per  12  principes  filiorum  Israël  {Nnm.  i); 
per  12  fontes  viventes  in  Helim  {Exod. 
15)  ;  per  12  lapides  in  rationali  Aaron 
(Exod.  39)  ;  per  12  panes  propositionis 
(Levit.  24)  ;  per  12  exploratores  a  Moyse 
missos  (Num.  13)  ;  per  12  lapides  unde 
factum  est  altare  (m  fieg.  18)  ;  per  12 
lapides  sublatos  de  Jordane  (Josue.  4)  ; 
per  12bovesquisustinebantmare  aeneum 
(mi  Reg.  7)  :  in  novo  etiam  Testamento, 


per  12  stellas  in  corona  sponsae  {Apocal. 
12);  per  12  fundamenta  Hierusalem,  quae 
vidit  Joannes  (Apocal.  21),  et  per  12 
portas  (Ibidem.) 

CnRYS.  (in  hom.  33,  in  Matth.)  Non 
solum  autem  eos  confidere  fecit,  eorum 
ministerium  vocando  missionem  in  mes- 
sem,  sed  et  faciendo  eos  potentes  ad  mi- 
nisterium :  unde  sequitur  :  «  Dédit  illis 
potestatem  spirituum  immuudorum  ut 
ejicerent  eos,  et  ut  curarent  omnem  lan- 
guorem  et  omnem  infirmitatem.  »  Remig. 
In  quo  aperte  demonstratur  quia  vexa- 
tio  turbarum  non  fuit  tantum  una  aut 
simplex ,  sed  varia  ;  et  hoc  est  misereri 
turbis,  dare  discipulis  potestatem  curan- 
di  et  sanandi  eas.  Hier.  Benignus  enim 
et  clemens  Dominas,  ac  magister  non 


56 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


la  puissance  de  ses  serviteurs  et  de  ses  disciples;  aussi  leur  donne-t-il 
libéralement  le  même  pouvoir  qu'il  avait  exercé  de  guérir  toutes  les 
langueurs  et  toutes  les  infirmités.  Mais  il  y  a  une  grande  ditférence 
entre  posséder  et  accorder  aux  autres  ce  qu'on  possède  soi-même, 
entre  donner  et  recevoir.  Tout  ce  que  fait  Jésus-Cbrist,  c'est  avec  un 
pouvoir  souverain  ,  tandis  que  les  Apôtres,  dans  toutes  leurs  œuvres, 
sont  forcés  de  confesser  leur  propre  faiblesse  et  la  puissance  du  Sei- 
gneur, comme  lorsqu'ils  disent  :  et  Au  nom  de  Jésus ,  levez-vous  et 
marcbez  {Actes,  m,  6;  ix,  3-i.)  L'Evangéliste  nous  donne  ici  lenombre 
des  Apôtres  pour  en  exclure  comme  faux  apôtres  ceux  qui  n'y  sont 
pas  compris;  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  :  «  Or,  voici  les  noms  des 
douze  Apôtres  :  le  premier,  Simon  qui  s'appelle  Pierre,  et  André  son 
frère.  »  Il  n'appartenait  qu'à  celui  qui  pénètre  le  secret  des  cœurs 
d'assigner  à  cbacun  des  Apôtres  la  place  qu'il  méritait.  Le  premier 
nommé,  c'est  Simon,  et  Jésus  lui  donne  le  surnom  de  Pierre  pour  le 
distinguer  d'un  autre  Simon,  le  Cbananéen,  du  bourg  de  Cana,  où 
Jésus  cbangea  l'eau  en  vin.  —  Rab.  Le  nom  grec  Ilé-poç,  en  latin  Pe- 
trus,  correspond  au  nom  syriaque  Cephas,  dans  cbacune  de  ces  trois 
langues,  ce  nom  est  dérivé  du  mot  pie)Te.  Or,  il  est  hors  de  doute 
que  cette  pierre  est  celle  dont  saint  Paul  a  dit  :  «  La  pierre  était  le 
Christ.  » 

Rémi.  —  Quelques-uns  ont  voulu  trouver  dans  ce  nom,  qui  en  grec 
comme  en  latin  veut  dire  pierre,  la  signification  d'un  mot  hébreu  qui 
selon  eux  signifie  dissolvant,  ou  déchaussant ,  ou  connaissant.  Mais 
cette  interprétation  a  contre  elles  deux  raisons,  qui  la  rendent  impos- 
sible, la  première,  c'est  que  dans  la  langue  hébraïque  la  lettre  P 


invidet  servis  atque  discipulis  virtutes 
suas;  ctsicut  ipse  curaveral  omuern  lau- 
guorera  et  infiruiilatem,  apostolis  quo- 
que  suis  Iribuit  potestatem  ut  curent  oui- 
nem  lauijuoroMU  et  oaïuem  iufirmilateiu  : 
sed  luulla  ditlerentia  est  iuter  liabere  et 
tribuere;  ilonare  et  accipere  :  istc  quod- 
cunqne  agit,  potestatc  IJomiui  agit  ;  illi 
si  quid  faeiunt,  iudtocillitatem  suaui  et 
virtutem  Domiui  confileutur,  dicentes  : 
«  In  nomiue  Jesu,  surgo  et  ambula.  » 
Catalogus  auteni  apostolorum  pouitur, 
ut  extra  hos  qui  pseudoapostoli  suut , 
excUulantur  :  uude  sequitur  :  «  Duode- 
cim  auteni  apostolorum  nomina  sunl 
hsec  :  »  primus,  Simon  (qui  vocatur  Pe 
trus),  et  Andréas,  fraler  ejus.  Ordineni 
quideni  apostolorum  et  meritum  unius- 
cujusque,  illius  fuit  distribuere  qui  cor- 


dis  areana  rimatur.  Primus  scribitur  Si- 
mon,  cognoraine  Petrus ,  ad  distinctio- 
nem  alterius  Simonis  (qui  appellatur 
Chanamcus),  de  vico  Galilœa;  Caua,  ubi 
Doniinus  aquam  convertit  in  vinum. 
[Joan.  2.)  Hara.  Idem  est  autem  praece 
Ilé-rpoç,  sive  latine  Petrus,  ([uod  syriace 
Cephas  ;  et  in  utraque  lingua  nomen  a 
pelra  derivatum  est;  nec  dubium  quin 
illa  de  qua  Paidus  ait  (i  Corinth.  10)  : 
«  Petra  autem  erat  Christus.  » 

Rkmio.  Fueruut  autem  noiniulli  qui  in 
boc  nomiue  (grseco  scilicet  atque  latiuo, 
quod  est  Petrus  quaerentes  bebraicae 
lingua?  inlerpretationem,  dixerunt,  quod 
interpretatur  discatcians  sive  dissol- 
rens,  vel  agnosrens  ;  sed  illi  qui  hoc 
dicunt,  duabus  tenentur  contrarietati- 
bus  :  prima  est  ex  proprietate  hebraicte 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    X.  57 

n'existe  pas,  et  qu'elle  est  remplacée  par  la  lettre  F  (1)  :  ainsi  on  dit  : 
Philate  ou  Filate  pour  Pilate;  la  seconde,  c'est  l'interprétation  de 
l'Evangéliste  qui  raconte  que  le  Seigneur  dit  à  Pierre  :  Tu  t'appelleras 
Cephas,  et  ajoute  de  lui-même  :  «  c'est-à-dire  Pierre.  »  {Jean,  i.)  Or 
Simon  signifie  obéissant,  car  il  obéit  à  la  voix  d'André ,  et  vint  avec 
lui  trouver  le  Christ.  [Jean,  i.)  Peut-être  aussi  est-ce  parce  qu'il  se 
montra  plein  d'obéissance  pour  la  volonté  divine,  et  que  sur  une  seule 
parole  du  Sauveur  il  se  mit  à  sa  suite.  {Matth.  iv.)  Ce  nom,  selon 
quelques  autres  interprêtes,  peut  encore  signifier  celui  qui  dépose  son 
chagrin,  et  c/ni  entend  une  chose  triste.  En  efî'et,  à  la  résurrection  du 
Sauveur,  Pierre  bannit  la  tristesse  que  lui  avaient  causé  la  passion 
du  Sauveur  et  son  propre  reniement,  et  il  entendit  avec  tristesse  le 
Sauveur  lui  dire  :  a  Un  autre  te  ceindra,  et  te  conduira  là  où  tu  ne 
veux  pas.  » 

«  Et  André  son  frère.  »  C'est  un  grand  honneur  pour  André  que 
cette  dénomination.  Pierre  est  désigné  par  sa  vertu ,  et  André  par  la 
noblesse  qui  lui  vient  d'être  le  frère  de  Pierre.  Saint  Marc,  au  contraire, 
ne  nomme  André  qu'après  Pierre  et  Jean,  les  deux  sommités  du  col- 
lège des  Apôtres;  et  en  cela  difl'érant  de  saint  IMatthieu,  il  les  classe 
suivant  leur  dignité.  —  Rémi.  André  signifie  viril,  car  de  même  que 
le  mot  virilis,  en  latin,  vient  du  mot  vir,  ainsi  en  grec  le  nom  d'André 
vient  d'àv/;p.  C'est  ajuste  titre  qu'on  lui  donne  le  nom  de  viril,  paroe- 
qu'il  a  tout  quitté  pour  sui\Te  le  Christ,  et  qu'il  a  persévéré  avec  cou- 
rage dans  la  voie  de  ses  commandements. 

S.  JÉR.  L'Evangéliste  nous  présente  les  Apôtres  associés  deux  par 

(I)  Ou  plutôt  Phe,  quoiqu'on  l'écrive  quelquefois  comms  la  lettre  P. 


linguae,  in  qua  P  nou  exprimilur,  sed  1  Sequitur  :«  Kt  Andréas,  f rater  ej us.  » 
lor.o  eju3  F  ponitur  :  unde  Pilatum  di-  |  Chrys.  [in  /lomil.  33,  in  Matth.)  Non 
ciiut  Filatum  (vel  Philatum')  ;  secunda  parva  autem  el  h(ec  laus  est  :  Pelrum 
ex  interpretatione  Evangelistae,  qui  nar-  enim  denominavit  a  virtute,  Andream 
rat  Dominum  dixisse  :  «  Tu  vocal)eris  vero  a  nobilitate ,  quae  est  secuudum 
Ceplias;  »  et  ipse  de  suo  addit  :  «  Quod  I  morem  (in  hoc  quod  eum  fratrem  Pe- 


interpretatur  Petrus.  »  {Joan  1.)  Simon 
autem  interpretatur  obediens  :  obedivit 
enim  verbis  Andreae,  et  cum  eo  venit  ad 
Christum  {Joan  1)  ;  sive  quia  obedivit 
prseceptis  divinis,  et  quia  ad  unius  jus- 
sionis  vocem  secutus  est  Dominum 
{Matth.  4);  sive,  ut  quibusdam  placet, 
interpretatur  «  depouens  mœrorem  et 
audiens  trislitiam  :  »  Domino  enim  sur- 
gente,  deposuit  mœrorem  dominicae 
passionis  et  suae  negationis,  et  tristitiam 
audivit,  dicente  ei  Domino  (Joan.  21)  : 
«  Alius  te  cinget,  et  ducet  quo  tu  non  vis.  » 


tri  dixit)  ;  Marcus  autem  post  duos  ver- 
tices  (scilicet  Petrum  et  Joanuem)  An- 
dream numerat  :  hic  autem  nou  ita  : 
Marcus  enim  secundum  dignitatem  eos 
ordiuavit.  Remig.  Andréas  autem  inter- 
pretatur virilis  :  sicut  enim  apud  Lati- 
nes a  viro  derivatur  virilis  ,  ita  apud 
Graecos  ab  anir  (àvr.p)  derivatur  .4«- 
dreas  :  bene  autem  virilis  dicitur,  quia 
relictis  omnibus ,  secutus  est  Christum , 
et  viriUter  in  mandatis  ejus  perseve- 
ravit. 
Hier.  Evangelista  autem  paria  juga 


5S 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


deux.  Il  joint  ensemble  Pierre  et  André,  beaucoup  moins  unis  par  les 
liens  du  sang  que  par  ceux  de  l'esprit;  Jacques  et  Jean  qui  abandon- 
nèrent leur  père  selon  la  nature  pour  suivre  leur  véritable  Père  qui 
est  au  ciel.  «  Jacques,  est-il  dit,  fils  de  Zébédée ,  et  Jean  son  frère.  » 
Jacques  est  ainsi  désigné  à  cause  d'un  autre  Jacques  qui  est  fils 
d'Alpbée.  —  S.  Ciirys.  {homél.  33.)  Vous  voyez  que  ce  n'est  point  par 
rang  de  dignité  qu'il  les  place ,  car  Jean  ne  l'emporte  pas  seulement 
sur  les  autres,  mais  sur  son  frère.  —  Rémi.  Jacques  veut  dire  supplan- 
tateur,  ou  celui  qui  supplante;  en  effet  non-seulement  il  supplanta 
les  vices  de  la  cbair,  mais  encore  il  méprisa  cette  même  chair  jusqu'à 
la  livrer  au  glaive  d'Hérode  (1).  Jean  signifie  la  grâce  de  Dieu,  parce 
qu'il  mérita  d'être  aimé  de  Dieu  plus  que  tous  les  autres,  et  c'est  ce 
privilège  d'amour  particulier  qui  lui  valut  de  reposer  pendant  la  Cène 
sur  la  poitrine  du  Sauveur  {Jean,  xiii).  Viennent  ensuite  Philippe  et 
Barthélemi  :  Philippe  signifie  l'ouverture  de  la  lampe  ou  des  lampes, 
parce  qu'il  s'empressa  de  répandre  sur  son  frère,  par  le  ministère  de  la 
parole,  cette  lumière  dont  le  Sauveur  l'avait  éclairé  lui-même.  Bar- 
thélemi est  un  nom  plutôt  syriaque  qu'hébreu  ;  il  veut  dire  le  fils  de 
celui  qui  suspend  le  cours  des  eaux,  c'est-à-dire  le  fils  de  Jésus- 
Christ,  qui  élève  le  cœur  de  ses  prédicateurs  au-dessus  des  choses  de 
la  terre  et  les  suspend  pour  ainsi  dire  aux  choses  célestes,  afin  que 
plus  ils  pénètrent  les  secrets  du  ciel,  plus  aussi  la  rosée  de  leur  prédi- 
cation sainte  puisse  enivrer  et  pénétrer  les  cœurs  de  ceux  qui  les 
entendent. 

a  Thomas  et  Matthieu  le  publicain.  »  —  S.  Jér.  Les  autres  Evan- 

(t)  Actes,  xn  ;  où  nous  lisons  qu'Hérode  fit  trancher  la  tète  à  saint  Jacques,  ainsi  qu'un  autre 
Hérode  avait  fait  périr  saint  Jean-Baptiste. 


apostolorum  qugeque  consociat  :  jungit 
enim  Petrum  et  Andrcam,  fratres  non 
tam  carne  quani  spiritu  ;  Jacobum  et 
Joannem ,  ijui  patreui  corporis  relin- 
quentes ,  venim  Patrem  secuti  sunt. 
{Matth.  4.)  Unde  sequitur  :  «  Jacobus 
Zebedaei,  et  Joannes,  frater  ejus  :  »  Ja- 
cobum quoque  appellat  Zebedœi,  quia 
el  alius  sequitur  Jacobus  Àlphœi.  Chrys. 
(il»  homil.  ;i3,  in  Mattli.)  Vide  auteiu 
quia  non  secundum  diguitatein  eo»  or- 
dinal :  mihi  enini  videtur  Joannes,  non 
aliis  sobun,  sed  etiam  fratre,  major  esse. 
Remig.  Interpretatur  autem  Jacobus  sxip- 
planlans,  sive  sripplantator  quia  non 
sobun  vitiacarnis  supplanta  vit.  sed  etiam 
eamdem  caniom  Herode  trucidante  con- 
tempsit.  (Act.  12.)  Joannes  interpretatur 


De'i  (jratia,  quia  prae  omnibus  diUgi  a 
Domino  meruit;  unde  ob  prœcipui  amo- 
ris  iïratiam,  supra  pectus  Domini  in 
cœna  recubuit.  {Joan.  13.)  Sequitur  : 
(c  PbiUppus  et  Barthoiomœus  :  »  Phi- 
lippus  interpretatur  os  lampadis,  sive 
lampadanun  ijuia  lumen  quo  illumina- 
tus  est  a  Domino,  mox  invento  fratri  per 
oflîcium  oris  studuit  propinare.  (Joan. 
1.)  Barthoiomœus  svrum  nomeu  est,  non 
hebrœum,  et  interpretatur  «  fîlius  sus- 
pcndentis  aquas  ,  »  id  est ,  Christi ,  qui 
corda  suorum  praedicatorum  de  terrenis 
ad  cœlestia  sublevat  et  suspendit  :  ut 
quo  niaiîis  cœlestia  pénétrant,  eo  corda 
suorum  auditorum  gutta  sanctae  prae- 
dicationis  magis  inebrient  et  infundant. 
Sequitur  :  «  Thomas,  et  Matlhaeus  Pu- 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.  X. 


59 


gélistes  en  réunissant  les  deux  noms  miîttent  d'abord  celui  de  Matthieu, 
ensuite  celui  de  Thomas,  et  ils  suppriment  cette  épithète  de  publicain 
pour  éviter  l'apparence  même  de  l'outrage  à  l'égard  de  saint  Matthieu 
en  rappelant  son  ancienne  profession.  Mais  lui-même  se  jilace  après 
saint  Thomas,  et  se  dit  hautement  publicain,  pour  montrer  que  la 
grâce  a  surabondé  là  où  le  péché  avait  abondé.  {Rom.,  v).  Rémi. 
Le  nom  de  Thomas  signifie  ab?me  ou  gémeau  ;  en  grec  il  revient  à 
celui  de  Did>/me.  Thomas  mérite  à  la  fois  le  nom  d'abîme  et  de 
Didyme,  car  plus  ses  doutes  se  prolongèrent,  plus  aussi  furent  pro- 
fondes et  sa  foi  dans  les  effets  de  la  passion  du  Seigneur  et  la  con- 
naissance qu'il  eut  de  sa  divinité,  ce  qu'il  prouva  en  s'écriant  :  «  Mon 
Seigneur  et  mon  Dieu  !  »  Matthieu  signifie  dojiné,  car  c'est  par  la 
grâce  de  Dieu  que  de  publicain  il  devint  évangéliste.  «  Et  Jacques  fils 
d'Alphée,  et  Thadée.  »  —  Raban.  Jacques,  fils  d'Alphée,  est  celui  qui 
dans  l'Evangile  et  dans  l'Epitre  aux  Galates  est  appelé  le  frère  du 
Seigneur  (1),  parce  que  Marie  épouse  d'Alphée  était  la  sœur  de  Marie, 
mère  du  Seigneur.  Saint  Jean  l'appelle  Marie,  épouse  de  Cléophas, 
ou  peut-être  parce  qu'Alphée  portait  aussi  le  nom  de  Cléophas,  ou  bien 
parce  qu'après  la  naissance  de  Jacques ,  Marie  ayant  perdu  Alphée, 
épousa  Cléophas  en  secondes  noces  (2*).  —  Rémi.  Ce  n'est  pas  sans 

(1)  Dans  l'Evangile  [Matth.,  xiii,  55  ;  Marc,  v,  3),  il  partage  avec  trois  autres  ce  titre  qui  n'est 
donné  qu'à  lui  seul  dans  l'Epitre  aux  Galates,  i,  19. 

(2*)  Alphée  est  le  même  personnage  que  Cléophas.  Il  ne  faut  pas  considérer  ces  deux  noms  qui 
diflërent  en  apparence,  comme  deux  noms  réellement  différents,  désignant  la  même  personne  ; 

car  c'est  un  seul  et  même  nom  modifié  par  une  double  prononciation  du  mot  ^Snî^}  1^  fi  étant 

prononcé  une  fois  comme  dans   'JH^  'Ayyœïoç  ,  l'autre  fois  comme  dans  flDiJ  j  çacex ,  les 

voyelles  d'ailleurs  étant  aussi  modifiées. 

Selon  le  docteur  Sepp,  Alphée  se  prononçait  ainsi  d'après  la  prononciation  grecque,  ou  Clopas, 
d'après  la  prononciation  rude  des  Galiléens,  qui  ne  distinguaient  pas  les  deux  voyelles  aleph  et 
he.  La  première  était  comme  le  sibbolet  des  Galiléens,  qui  donnaient  à  toutes  les  voyelles  un  son 
guttural,  comme  c'est  la  coutume  chez  les  peuples  des  montagnes Les  Samaritains  au  con- 
traire se  distinguaient  des  Galiléens  dans  leur  prononciation,  par  l'excès  opposé  :  ils  ne  pouvaient 
prononcer  le  schi  et  remplaçaient  les  sons  gutturaux  par  la  voyelle  aleph,  plus  douce  et  plus 


blicauus.  »  Hier.  Caeteri  Evangelistae  , 
in  conjunctione  nominum,  primum  po- 
nunt  Matthaeum,  postea  Thomam  ;  nec 
publicani  nomea  ascribunt,  ne  auliquae 
conversationis  recordantes ,  sugiliare 
Evangelistam  viderentur  :  iste  vero,  et 
post  Thomam  se  pouit,  et  publicaiium 
appellat,  ut  ubi  abundavit  peccatum, 
superabundet  et  gratia.  {Ro77i.  5.)  Remig. 
Thomas  autem  interpretatur  abi/ssits , 
sive  geviinus,  qui  greece  dicitur  Didij- 
mus.  Bene  autem  Didipnus  et  abyssns 
interpretatur,  quia  quo  diutius  dubita- 
vit,  eo  profundius  effectum  dominicae 
passionis  credidit,  et  mysterium  Divini- 


tatis  agnovit  :  unde  dixit  [Joan.  20)  : 
«  Dominus  meus  et  Deus  meus.  »  Mat- 
tbieus  autem  interpretatur  donalus,  quia 
Dci  munere  de  publicano  Evangelista 
factus  est. 

Sequitur  :  «  Et  Jacobus  Alphœi,  et 
Thadaeus.  »  Raba.  Iste  Jacobus  est  qui  in 
Evangeliis  fruter  Domini  nominatur,  et 
etiam  in  Epistola  ad  Galatas  :  quia  Ma- 
ria, uxor  Alphœi,  soror  fuit  Mariae,  Ma- 
tris  Domini,  quam  Joannes  Evangelista 
Mariam  Cleoplix  uoniiuavit;  ferlasse 
quia  idem  Cléophas  et  Alphœus  est  dic- 
tus  :  vel  ipsa  Maria  defuncto  Alphaeo 
post  Jacobum  natum,  nupsit  Cleophœ. 


60 


EXPLICATION  DE   I.  ÉVANGILE 


raison  qu'il  est  appelé  fils  d'Alphée,  c'est-à-dire  de  celui  qui  est  juste 
ou  savant,  car  nou-seulemcnt  il  triompha  des  vices  de  la  chair,  mais 
encore  il  méprisa  tous  les  soius  qu'elle  réclame  ;  et  il  eut  pour  témoins 
de  sa  vertu  les  apôtres  qui  l'ordonnèrent  évêque  de  l'Eglise  de  Jéru- 
salem. L'histoire  ecclésiastique  raconte  de  lui_,  entre  autres  choses  que 
jamais  il  ne  mangea  de  viande,  et  qu'il  ne  but  jamais  ni  vin  ni  bière. 
11  ne  faisait  point  usage  de  bains,  ne  portait  pas  d'habits  de  lin;  nuit 
et  jour  il  priait,  les  genoux  en  terre.  Ses  vertus  étaient  si  éclatantes 
que  tous  unanimement  l'appelaient  le  Juste.  Thaddée  est  celui  que 
saint  Luc  appelle  Judas  de  Jacques,  c'est-à-dire  frère  de  Jacques. 
Dans  sou  Epître  que  l'Eglise  reçoit  comme  canonique,  il  s'appelle  lui- 
même  frère  de  Jacques. — S,  AuG.  {de  Vacc.  des  Evang.,  1.  ii,  ch.  30.) 
Quelques  manuscrits  lui  donnent  le  mon  de  Lebbée;  mais  qui  empêche 
que  le  même  homme  porte  simultanément  deux  ou  trois  noms  diffé- 
rents? —  Rémi.  Judas  signifie  celui  qui  a  confessé,  parce  qu'il  a  con- 
fessé la  divinité  du  Fils  de  Dieu.  —  Rab.  Thaddée  ou  Lebbée  signifie 
sensé,  ou  celui  qui  s'appUque  à  la  culture  du  cœur  (1). 

«  Simon  le  Chananéen  et  Judas  Iscariote,  qui  le  trahit.  »  —  S.  Jér. 
Simon  le  Chananéen  est  celui  qui  est  appelé  Zélotés  par  un  autre 
Evangéliste,  parce  que  Ghana  signifie  rè/e  (2).  Judas  Iscariote  est  ainsi 
nommé  ou  du  bourg  où  il  a  pris  naissance,  ou  de  la  tribu  d'Tssachar, 
et  il  semble  que  ce  soit  par  une  espèce  de  prophétie  qu'il  soit  né  pour 
sa  condamnation ,  car  Issachar  signifie  récompense,  et  ce  nom  semble 

facile.  Demeurant  dans  la  plaine,  ils  s'étaient  fait  un  dialecte  uniforme  et  sans  accent,  et  avaient 
mélangé  peu  à  peu  l'idiome  hébraïque  d'un  grand  nombre  de  mots  étrangers,  (Vie  de  Notre-Sei- 
gneur  Jésus-Christ,  tom.  I,  p.  241,  242.) 

(1)  Cette  dernière  signification  ne  se  rapporte  qu'à  Lebbœus  ou  corculus. 

(2)  Ce  mot  suivant  saint  Jérôme,  vient  de  3/,  cœur,  ou  suivant  d'autres  de  N'3 /,  lion,  nom 
qui  fut  donné  au  patriarche  Juda,  fils  de  Jacob. 


Rf.mig.  Et  bene  dicitnr  filius  Alphsci  (id 
est,  justi ,  sive  docti),  quia  non  solum 
vitia  carnis  supplautavit,  sed  etiam  cu- 
ram  carnis  contempsit  :  uam  cujus  me- 
riti  fuerit,  testes  sunt  apostoli,  qui  eum 
episcopum  hierosolymilanœ  Ecclesia?  or- 
dinaveruat  :  uiide  et  Kcclesiastica  Histo- 
ria  inter  caetera  de  eo  dieit  quia  carneiu 
nunquam  comedit,  et  vinum  et  ciceram 
non  bibit;  balneis  et  liueis  vestibus  non 
est  usus  ;  die  noctcque  ilexis  «^enibiis 
orabat.  Adeo  etiam  niapni  merili  fuit,  ut 
ab  omnibus  jushis  vocaretur.  Tliada;us 
autem  ipse  est  quem  Lucas  Jvdam  Ja- 
cobi  (id  est,  fratrem  Jacobi)  appellal  ; 
«ujus  Epistola  in  Ecclesia  legitur,  in  qua 
se  fratrem  Jacobi  nominat.  Arc.  (de 
cons.  Evang.  lib.  ii,  cap.  30.)  Nonnuli 


autem  codices  babent  Lebbœiim  :  quis 
autem  unquam  prohibuit  duobus  vei 
tribus  nominibus  unum  bominem  vo- 
cari?  Remig.  .ludas  autem  interpretalur 
confessus,  eo  quod  Filium  Dei  coufessus 
sit.  Raba.  Tbadauis  autem,  sive  Leb- 
bxiis,  interpretalur  corculus,  id  est,  cor- 
dis  cnltor. 

Sequitur  :  «  Simon  Chananaeus,  et  Ju- 
das Iscbariotb,  qui  tradidit  eimi.  Hier. 
Simon  Cbauaua^us  ipse  est  qui  ab  alio 
Evaiifielista  scribitur  Zelotes.  Cbana 
quippe  Zeltis  interpretatnr.  .ludas  autem 
Isciiarioth,  vel  a  vico  in  quo  ortus  est, 
vel  ex  tribu  Issachar,  vocabulum  sump- 
sit;  ut  quodam  vaticinio  in  eondemna- 
tionem  sui  natus  sit  :  Issachar  enim  in- 
terprclatus  est   merces,  ut    siguiticelur 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   X.  64 

indiquer  le  prix  de  sa  trahison.  —  Rémi.  Le  nom  d'Iseariote  signifie 
souvenir  du  Seigneur,  parce  qu'il  se  mit  à  la  suite  du  Sauveur;  ou 
bien  mémorial  de  la  mort,  signification  qui  se  rapporte  au  dessein 
prémédité  de  la  mort  du  Seigneur;  ou  bien  suffocation,  parce  qu'il 
s'étrangla  de  ses  propres  mains.  11  est  à  remarquer  que  ce  nom  de 
Judas  fut  porté  par  deux  des  disciples  de  Jésus,  qui  sont  la  figure  de 
tous  les  chrétiens  :  Judas  frère  de  Jacques  représente  tous  ceux  qui 
persévèrent  dans  la  foi;  Judas  Iscariote,  ceux  qui  abandonnent  la  foi 
pour  retourner  en  arrière. 

La  Glose  (1).  Les  Apôtres  sont  nommés  deux  par  deux,  éomme 
témoignage  d'approbation  de  la  société  conjugale  prise  dans  le  sens 
figuré.  —  S.  AuG.  {Cité  de  Dieu,  xviii.)  Jésus  les  choisit  donc  pour 
disciples  et  donna  le  nom  d'apôtres  à  ces  hommes  de  naissance  obscure, 
sans  distinction,  sans  instruction,  afin  que  lui  seul  fût  reconnu  pour 
l'unique  auteur  de  ce  qui  paraîtrait  de  grand  dans  leur  personne 
comme  dans  leurs  actions.  Parmi  ces  douze  apôtres  il  s'en  trouva  un 
mauvais  ;  mais  Jésus  fit  servir  sa  méchaucett;  même  au  bien,  en  ac- 
complissant par  elle  le  mystère  de  sa  passion ,  et  enseignant  à  son 
Eglise  à  supporter  comme  lui  les  méchants  dans  son  sein.  —  Rab.  (2) 
Le  choix  de  Judas  pour  apôtre  n'est  point  le  résultat  d'une  impru- 
dence ;  le  Seigneur  nous  apprend  par  là  combien  grande  est  la  vérité 
qui  ne  peut  être  affaiblie  par  la  trahison  même  d'un  de  ses  ministres. 
11  a  voulu  encore  être  trahi  par  un  de  ses  disciples,  pour  vous  apprendre 
lorsque  vous  serez  trahi  vous-même  par  un  de  vos  amis,  à  supporter 
avec  patience  les  suites  de  votre  erreur  et  la  perte  de  vos  bien- 
faits. 

(1)  Cette  citation  ne  se  trouve  ni  dans  la  Glose,  ni  dans  saint  Anselme,  ni  dans  aucun  autre 
auteur. 

(2)  Ou  plutôt  saint  Ambroise,  sur  le  chap.  vi  de  saint  Luc. 


pretium  proditionis.  Remig.  Interpreta- 
tur  autem  Scharioth,  memoria  Domini, 
quia  secutvis  est  Dorainum  ;  sive  memo- 
riale  mortis,  quandiu  ineditatus  est  in 
corde  suo  ut  Dominum  traderet  ia  mor- 
tem  ;  seu  siiffocatio,  quiaseipsum  stran- 
gulavit.  El  scieudum  quod  duo  discipuli 
lioc  noniine  sunt  vocati,  per  quos  oui- 
iies  Christiani  desis^nantur  :  per  Judam 
Jacobi,  illi  qui  in  confessione  fidei  per- 
sévérant ;  per  Judam  Ischariotliem,  illi 
qui  relicta  fide  rétro  couvertuntur. 

Glossa.  Duo  et  duo  nominatim  expri- 
muulur,  ut  jugalis  societas  approbetur. 
AuG.  (xviii  de  Civit.  Del.)  Elegit  ergo 


lios  iu  discipulos,  quos  et  aposlolos  no- 
minavit;  humiliter  natos,  inlionoratos, 
illitteratos  ut  quicquid  magnum  essent 
et  faeerent,  ipse  in  eis  esset  et  faceret. 
Habuit  inter  eosunum  maluui,  quomalo 
uleus  bene,  et  suée  passionis  implere 
dispositum,  et  Ecclesise  sure  tolerando- 
rum  nialorum  prseberet  exeniplum.  Rab. 
Qui  etiam  non  per  imprudentiam  iuler 
apostoloâ  eligitur  :  magna  est  enim  Ve- 
ritas, qtiam  nec  adversarius  miuister  iu- 
lirmat.  Voluit  etiam  a  discipulo  prodi, 
ut  lu  a  socio  proditus  modeste  feras 
tuum  errasse  judicium,  periisse  beneii- 
ciimi. 


62 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


f.  5-8.  —  Jésus  envoya  ces  douze,  après  leur  avoir  donné  les  instructions  sui- 
vantes :  N'allez  point  vers  les  Gentils,  et  n'entrez  point  dans  les  villes  des 
Samaritains  ;  mais  allez  plutôt  vers  les  brebis  perdues  de  la  maison  d'Israël. 
Or,  allez  et  prêchez  en  disant  :'  Le  royaume  des  deux  est  proche.  Rendez  la 
santé  aux  malades,  ressuscitez  les  morts,  guérissez  les  lépreux,  chassez  les 
démons;  vous  avez  reçu  gratuitement ,  donnez  gratuitement. 

La  Glose.  Comme  toute  manifestation  de  l'Esprit,  d'après  l'Apôtre, 
est  donnée  pour  l'utilité  de  l'Eglise ,  après  avoir  donné  ce  pouvoir 
aux  Apôtres,  le  Sauveur  les  envoie  pour  qu'ils  puissent  l'exercer  dans 
l'intérêt  des  hommes  ;  c'est  ce  que  nous  indique  l'Evangéliste  par  ces 
mots  :  «  Jésus  envoya  ces  douze.  »  —  S.  Chrys.  {hom.  33.)  Voyez 
comme  Jésus  choisit  bien  le  moment  pour  leur  donner  cette  mission, 
il  les  envoie  après  qu'ils  l'ont  vu  ressusciter  un  mort,  commander  à  la 
mer  et  faire  d'autres  prodiges  semblables,  et  après  qu'il  leur  a  donné 
par  ses  paroles  et  par  ses  œuvres  des  preuves  suffisantes  de  sa  di- 
vinité. 

La  Glose.  En  les  envoyant,  il  leur  enseigne  où  ils  devaient  aller, 
ce  qu'ils  doivent  dire,  et  ce  qu'ils  doivent  faire.  Et  d'abord" où  doivent- 
ils  aller  ?  11  leur  donne  les  instructions  suivantes  :  «  Vous  n'irez  point 
vers  les  Gentils,  et  vous  n'entrerez  pas  dans  les  villes  des  Samaritains; 
mais  allez  plutôt  aux  brebis  perdues  de  la  maison  d'Israël.  »  —  S.  Jér. 
Ce  commandement  n'est  pas  contraire  à  celui  qu'il  leur  donna  plus 
tard  :  «  Allez,  enseignez  toutes  les  nations,  »  car  le  premier  a  été 
donné  avant,  et  le  second  après  la  résurrection  du  Sauveur.  Il  fallait 
en  efifet  que  l'Evangile  fût  d'abord  annoncé  aux  Juifs ,  pour  leur  ôter 
cette  excuse,  qu'ils  avaient  rejeté  le  Seigneur,  parce  qu'il  avait  envoyé 


Sos  duodecim  misit  Jésus  prœcipiens  eis,  et  di- 
cens  :  In  ciam  gentium  ne  abieritis,  et  in  ci  vi- 
tales Samaritanorum  ne  intraveritis  ;  sed  po- 
tius  ite  ad  ovcs  qiiœ  perierunt  domiis  Israël. 
Euntes  autem  prœdicate ,  dicentes,  quia  ap- 
propinquavit  regnum  cœlorum.  Infirmos  ru- 
rate,  morluos  suscitate,  leprosos  mundatc,  dœ- 
inones  ejicite  :  gratis  accepistis,  gratis  date. 

(iLOSSA.  Quia  manifestatio  Spiritus  (ut 
Apostolus  dicit,  (I  ad  Cor.  12),  ad  ulili- 
talem  Ecclesiœ  dalur,  jiosl  datam  apos- 
tolis  potestateui ,  mittit  eos  ut  potesta- 
tem  ad  aliorum  ulilitateni  exeijuautur: 
undo  se(|uitur  :  «  Hos  duodecim  udsit 
Jésus.  »  CiiUYS.  {in  hom.  '.i'i,  in  Mollli.) 
Atlcndite  autem  opportunilateui  mis- 
siouis  :  [losttiuam  euim  videnuil  nior- 
tuuin  suscitanteiu,  mare  iucrepauleiu,  et 


cœtera  hujusmodi,  et  sufticieuter  virtu- 
tis  ejus  demonstrationem  susceperunt 
per  verba  et  per  opéra,  tune  eos  mittit. 
Glossa.  Mittens  autem  docet  eos  quo 
eant,  quid  prœdiceut  et  quid  faciaut  : 
primo  quidem  quo  eant  :  unde  dicitur  : 
«  Prsecipieus  eis,  etdiceus  :  In  viam  gen- 
tium ne  al)ieritis  et  in  civitates  Saniari- 
tanorum  ne  intraveritis  ;  sed  potius  ite 
ad  oves  quœ  perierunt  domus  Israël.  » 
IliKR.  Non  est  autem  contrarius  locus 
iste  ei  jimecepto  qUo  postea  dicitur 
[Matth.  28)  :  «Kuntes  docete  omnes gén- 
ies; »  ((uialioc  ante  resurrectionem,  il- 
lud  post  resurrectionem  pra^ceptuni  est; 
et  (iportel)at  prius  adveiitnm  Cliristi 
nuntiare  Judajis^  ne  justam  habereut 
excusationem,  dicentes  :  «  Ideo  a  se  Do- 


DE  SAINT  MATTEIEU,   CHAP.  X. 


63 


ses  Apôtres  aux  Samaritains  et  aux  Gentils.  —  S.  Ghrys.  {hom.  33.) 
Une  autre  raison  pour  laquelle  il  les  envoie  d'abord  vers  les  Juifs, 
c'est  pour  les  préparer  dans  la  Judée  comme  dans  une  arène  aux 
combats  qu'ils  devaient  livrer  à  l'univers  entier ,  et  il  les  excite  à 
prendre  leur  vol  (1)  comme  de  petits  oiseaux  encore  faibles.  —  S.  Grég. 
{hom.  4  sur  les  Evang.)  Ou  bien  il  voulut  d'abord  être  annoncé  aux 
Juifs  seuls,  et  puis  ensuite  aux  Gentils,  de  manière  que  la  prédication 
du  Rédempteur  repoussée  par  les  siens,  s'adressât  ensuite  aux  Gentils 
comme  à  des  étrangers.  Il  y  en  avait  cependant  parmi  les  Juifs  qui 
devaient  être  appelés,  comme  il  y  en  avait  parmi  les  Gentils  qui  ne 
devaient  avoir  part  ni  à  cette  vocation,  ni  au  bienfait  de  la  régénéra- 
tion, sans  toutefois  mériter  un  jugement  sévère  pour  le  mépris  qu'ils 
avaient  fait  de  la  prédication  évangélique.  —  S.  Hil.  {can.  10  sur 
S.  Malth.)  La  loi  devait  avoir  le  privilège  des  prémices  de  l'Evangile, 
et  l'incrédulité  d'Israël  devait  être  d'autant  moins  excusable,  que  les 
avertissements  lui  avaient  été  prodigués  avec  un  plus  grand  zèle.  — 
S.  Chrys.  {hom.  33.)  Le  Sauveur  ne  veut  pas  leur  donner  à  penser 
qu'il  nourrissait  contre  eux  de  la  haine,  parce  qu'ils  l'accablaient 
d'outrages  et  l'appelaient  possédé  du  démon;  il  s'applique  donc  à  les 
rendre  meilleurs,  et  il  détourne  ses  disciples  de  toute  autre  occupation 
pour  les  leur  envoyer  comme  des  médecins  et  comme  des  docteurs.  Il 
ne  se  contente  pas  de  leur  défendre  de  prêcher  à  d'autres  qu'aux 
Juifs,  il  ne  leur  accorde  même  pas  de  prendre  la  route  qui  les  aurait 
conduits  chez  les  Gentils  :  «  N'allez  pas  dans  la  voie  qui  mène  aux 
nations.  »  Et  parce  que  les  Samaritains  étaient  les  ennemis  des  Juifs, 
bien  qu'ils  fussent  plus  faciles  à  convertir  à  la  foi,  il  ne  permet  pas  à 

(1)  Allusion  à  ces  paroles  du  Deutéronome,  xxxii  :  u  Comme  l'aigle  provoquant  ses  petits  à 
voler,  »  etc. 


minum  rejecisse,  quia  ad  gentes  et  Sa- 
maritanos  apostolos  miserit.  Chrys.  {in 
hom.  33,  ut  sup.)  Ideo  etiam  primo  ad 
Judœos  mittit,  ut  quasi  in  quadani  pa- 
laestra  ia  Judeea  exercitati,  ad  agones  or- 
bis  terrarum  intrarent,  et  velut  quosdam 
puUos  débiles  ad  volandum  eos  iudu- 
cens.  Greg.  {in  hom.  4,  super  Evanfj.) 
Vel  quia  prius  soli  JudŒœ  voluit,  et  post 
modum  gentibus  praedicari;  quatenus 
Redemptoris  nostri  praedicatio  a  propriis 
repuisa,  gentiles  populos  quasi  extra- 
neos  quaereret.  Erant  etiam  tune  quidam 
qui  de  Judsea  vocaudi  essent,  et  de  gen- 
tibus vocandi  non  esseut,  qui  née  ad  vi- 
tam  reparari  merereutur,  nec  tameu 
gravius  de  coutempta  prœdicatione  ju- 
dicari.  Hilar.  {Can.  10,  in  Malth.)  Le- 


gis  etiam  latio  obtinereprivilegiumEvan- 
gelii  debebat  :  hoc  minus  Israël  sceleris 
sui  excusationem  habiturus,  quo  plus  se- 
dulitatis  in  admouitione  sensisset.  Chrys. 
{in  hom.  33,  ut  sup.)  Item  ne  existima- 
rent  quia  Ciiristo  convitiabantur  et  dx- 
moniacum  eum  vocabant,  quod  propter 
hoc  eos  odio  baberet,  primum  eos  emen- 
dare  studuit,  et  ab  omnibus  aliis  disci- 
pulos  abducens,  eis  medicos  et  doctores 
mittit  ;  et  non  solum  probibuit  abis  an- 
nuntiare  antequam  Judœis,  sed  neque 
viam  quae  ad  gentes  fert,  pertingere 
concedebat;  quod  signât  cumdicit:"  In 
viam  gentium  ne  abieritis  :  »  et  quia 
Samaritani  contrariierautJudaeis  (quam- 
vis  faciliores  essent  ut  converterentur 
ad    (idem),    tamen    neque    Samaritanis 


64 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 


ses  disciples  de  leur  annoncer  l'Evangile  avant  de  l'avoir  prêché  aux 
Juifs.  «  Vous  n'entrerez  pas  dans  les  villes  dos  Samaritains.  »  — 
La  Glose  (1).  Les  Samaritains  étaient  des  Gentils  que  le  roi  d'Assyrie 
laissa  dans  la  terre  d'Israël  après  en  avoir  emmené  les  habitants  en 
captivité.  Sous  la  pression  des  dangers  auxquels  ils  furent  exposés,  ils 
se  convertirent  au  judaïsme  (IV  Rois,  x[ii),  se  soumirent  à  la  circon- 
cision, admirent  les  cinq  livres  de  Moïse,  mais  rejetèrent  tout  le  reste 
avec  horreur,  ce  qui  empêcha  les  Juifs  de  se  mêler  jamais  aux  Sama- 
ritains.—  S.  CiiRYS.  [Iiom.  33.)  Jésus  détourne  donc  ses  disciples  d'aller 
vers  les  Samaritains,  et  il  les  envoie  aux  enfants  d'Israël,  qu'il  ap- 
pelle des  brebis  qui  périssent,  et  non  pas  des  brebis  qui  s'éloignent 
d'elles-mêmes  ;  cherchant  ainsi  par  tous  les  moyens  à  leur  ménager  le 
pardon  et  à  gagner  leur  cœur.  —  S.  Hil,  {can.  10  sur  S.  iMatt/i.)  Le 
Sauveur  les  appelle  des  brebis;  mais  ils  ne  s'en  déchaînèrent  pas  moins 
contre  lui  avec  la  méchanceté  des  vipères  et  la  férocité  des  loups.  — 
S.  Jér.  Dans  le  sens  tropologique  il  nous  est  ordonné  à  nous  qui  por- 
tons le  nom  du  Christ,  de  ne  pas  suivre  la  voie  des  Gentils  et  des  héré- 
tiques, et  de  ne  point  imiter  la  vie  de  ceux  dont  la  religion  nous 
sépare. 

La  Glose.  Après  leur  avoir  appris  où  ils  doivent  aller,  il  leur 
enseigne  quel  doit  être  le  sujet  de  leurs  prédications.  «  Allez  et  prê- 
chez, en  disant  que  le  royaume  des  cieux  approche.  »  —  Rab.  Notre- 
Seigneur  dit  que  le  royaume  des  cieux  approche,  non  pas  sans  doute 
par  aucun  mouvement  extérieur  des  éléments,  mais  par  la  foi  qui 
nous  est  donnée  au  Créateur  invisible.  C'est  ajuste  titre  que  les  saints 
sont  appelés  les  cieux  parce  qu'ils  possèdent  Dieu  par  la  foi  et  qu'ils 

(I)  Saint  Anselme. 


prius  quaiu  Judœis  praedicari  permisit  : 
unde  dicit  :  «  Et  in  civitates  Samarita- 
norum  ne  intraveritis.  »  Glossa.  Sama- 
ritani  qiiidem  fueruat  Gentiles  dimissi  in 
terra  Israël  a  rege  Assyriorum  post  cap- 
tivitatem  ab  eo  factam,  et  multis  peri- 
culiâ  coacli  ad  jiidaisuium  sunt  couversi 
{IV  Meg.  1"),  circumcisiouem  et  quiuque 
libros  Moysi  recipientes,  cœtera  vero 
omnino  abhorreutes,  nude  Judan  Saïua- 
ritaiiiri  non  coniiuiscebantur.  Chrys.  {in 
hom.  Wi,  ut  sitp.)  Ab  bis  er^'o  discipu- 
los  averlens,  ad  iilios  Israol  millit,  ipius 
oves  percuntcs  vocal  ndii  aiiscedeules  ; 
uiidiqiio  voniam  fis  excogilans,  et  altra- 
hens  eorum  inentem.  HiL.  [Can.  10.  in 
Mallli.)  Qui  lameu  licet  oies  vocculur, 


in  Christum  luporum  ac  viperarum  liu- 
guis  et  faucibus  sœvierunt.  Hier.  Juxta 
tropologiam  vero  prœcipitur  nobis  (qui 
Cbristi  censemur  uomiue),  uc  in  viam 
gentium  et  bœreticorum  ambulemus  er- 
roreu),  ut  <iuorum  religio  separata  est, 
separetur  et  vita. 

Gloss;a.  Pùstquam  autem  docuit  eos 
quo  eaut,  insinuât  quid  prœdiceut  :uude 
subditiu"  :  «  Kuntes  auteui  praîdicate  di- 
ceutes ,  quia  appropiuquavit  regnuui 
cifloruni.  »  ILvB.  Hic  appropimiuare 
dicilur  regnuui  cœlorum  per  eùllalaiii 
nobis  fidem  iuvisibilis  Creatoris,  non  ab- 
ipia  niotione  eleiuenlorum.  Uecte  auteni 
cœli  vocantur  sancti,  qui  De\im  fide  re- 
lineul,  et  dibguul  cliarilale.  CuRYs.  (in 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.   X.  65 

l'aiment  par  la  charité.  —  S.  Chrys.  [homél.  33.)  Vous  voyez  la  sul)li- 
mité  de  ce  mystère  et  la  dignité  des  Apôtres  ;  ce  ne  sont  pas  des  choses 
extérieures  et  sensibles  qu'ils  doivent  annoncer  comme  Moïse  et  les 
prophètes,  mais  des  vérités  nouvelles  et  tout  à  fait  inattendues.  Moïse 
et  les  prophètes  avaient  annoncé  dea  biens  terrestres  ;  les  Apôtres 
annoncent  le  royaume  des  cieux ,  et  tous  les  biens  qu'ils  renferment. 

S.  Grég.  {hom.  -4  sur  les  Evang.)  Au  ministère  sacré  de  la  prédi- 
cation, le  Sauveur  ajoute  le  pouvoir  de  faire  des  miracles,  afin  que  la 
manifestation  de  cette  puissance  ouvrît  les  cœurs  à  la  foi,  et  qu'une 
prédication  toute  nouvelle  fût  accompagnée  d'œuvres  d'un  ordre  tout 
nouveau.  C'est  pour  cela  qu'il  leur  dit  :  «  Rendez  la  santé  aux  ma- 
lades, ressuscitez  les  morts,  guérissez  les  lépreux,  chassez  les  démons.  » 

—  S.  Jér.  Dans  la  crainte  que  personne  ne  voulût  croire  à  ces  hommes 
simples  et  grossiers,  sans  science,  sans  lettres,  sans  éloquence,  qui 
venaient  promettre  le  royaume  des  cieux,  il  leur  donne  le  pouvoir  d'o- 
pérer ces  miracles,  pour  que  la  grandeur  des  prodiges  fût  une  preuve 
de  la  grandeur  des  promesses.  —  S.  Hil.  {caii.  10  sur  S.  Maith.)  Le 
Seigneur  communique  toute  sa  puissance,  toute  sa  vertu  aux  Apôtres, 
afin  que  ceux  qui  avaient  été  crées  à  l'image  d'Adam  et  à  la  ressem- 
blance de  Dieu,  reçoivent  maintenant  une  ressemblance  parfaite  avec 
le  Christ,  et  qu'ils  puissent  guérir  par  cette  participation  à  la  puis- 
sance divine  tous  les  maux  dont  l'instinct  infernal  du  démon  avait 
frappé  le  corps  d'Adam.  —  S.  Grég.  [hom.  29  sur  l'Evang.)  Ces  mi- 
racles étaient  nécessaires  alors  que  l'Eglise  était  à  son  berceau,  car 
pour  que  la  foi  pût  s'accroître,  il  fallait  la  nourrir  avec  des  prodiges. 

—  S.  CiiRYS.  (1)  Plus  tard,  ces  miracles  cessèrent  lorsque  la  foi  fut 

(1)  Cette  citation  de  saint  Chrysostome  n'est  pas  tirée  de  son  homélie  sur  cet  endroit,  mais  de 
l'homélie  4  sur  le  chap.  i  de  saint  Matthieu. 


fiom.  33,  ut  sup.)  Vides  ministerii  ina- 
gnitudinem  ;  vides  apostolorum  digni- 
tatem  :  nihil  sensibile  praecipiiuitur  di- 
cere  (ut  Moyses  et  proplietce),  sed  nova 
quaidam  et  inopiuata  :  illi  euim  terrena 
bona  praedicaverunt  ;  lii  aiitem  regnum 
cœlorum  et  omnia  qua;  illic  sunt  bona. 
OuEG.  {in  hom.  4,  stiper  Evanrj.)  Ad- 
junctasunt  autem  praedicatoribus  sanc- 
tis  miracula  ut  fidem  verbis  daret  virtus 
ostensa,  et  nova  facerent,  ipii  nova  prœ- 
dicarent.  Unde  sequitur  «  :  Infirmes  cu- 
rate,  mortuos  suscitate,  leprosos  mun- 
date,  dœmones  ejicite.  »  H(er.  Ne  euim 
bominibus  rusticanis  et  absque  eloquii  ve- 
uustate  iudoctis  et  illiteratis  uemo  crede- 

TOM.    II. 


ret  poliicentibus  régna  cœlorum,  dat  po- 
testatemprsedictafaciendi,  ut  magnitu- 
dinem  promissorum  probet  magnitudo 
signorum.  Hilar.  {Can.  10,  in  Maith.) 
Tota  autem  virtutis  dominica'  potestas 
in  apostolos  transfertur  ;  ut  qui  in  Adam 
imagine  et  similitudine  Dei  erant  figu- 
rât!, nunc  perfectam  Cliristi  imaginem 
sortiantur,  et  quicquid  malorum  Adae 
«•orpori  Satanœ  iustinctus  intulerat,  hoc 
rursum  ipsi  de  communione  dominicjB 
potestatis  emendent.  Greg.  ijn  hom.  29, 
in  Evang.)  Hœc  autem  signa  in  exordio 
EcclesiEe  necessaria  fuerunt,  ut  enim  fi- 
des  cresceret,  miraculis  fueratuutrieuda. 
Chrys,  Postea  autem  steterunt  revereu- 

5 


66 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


répandue  en  tous  lieux,  ou  s'il  y  en  eut  encore,  ce  fut  en  très-petit 
nombre.  Car  Dieu  opère  ordinairemcut  ces  prodiges  lorsque  le  mal  est 
arrivé  à  son  comble ,  et  c'est  alors  qu'il  fait  éclater  sa  puissance.  — 
S.  Grég.  {hom.  29  sur  VEvmig.]  Cependant  la  sainte  Eglise  renouvelle 
tous  les  jours  pour  les  àmos  ces  miracles  extérieurs  et  sensibles  des 
Apôtres,  miracles  d'autant  plus  grands  qu'ils  ont  pour  objet  de  rendre  la 
vie  non  pas  au  corps,  mais  à  l'àrae.  —  Rémi.  Ces  infirmes  sont  les  âmes 
sans  énergie,  qui  n'ont  pas  la  force  de  mener  une  vie  chrétienne  ;  les 
lépreux  ceux  qui  sont  couverts  des  souillures  des  œuvres  et  des  plaisirs 
de  la  chair;  les  morts,  ceux  qui  font  des  œuvres  de  mort,  les  possédés, 
ceux  que  le  démon  a  soumis  à  son  empire.  —  S.  Jér.  Et  parce  que  les 
dons  spirituels  s'avilissent  toujours  lorsqu'ils  deviennent  le  prix  d'une 
récompense  temporelle,  Notre-Seigncur  condamne  cette  avarice  en  ces 
termes  :  «  Vous  avez  reçu  gratuitement,  donnez  gratuitement  ;  moi 
qui  suis  votre  maître  et  votre  Seigneur,  je  vous  ai  donné  cette  grâce 
sans  vous  lafaire  payer;  vous  devez  la  donner  de  même. —  La  Glose. 
Son  but  ici  est  de  détourner  Judas  qui  portait  la  bourse  de  se  servir  de 
cette  puissance  pour  amasser  de  l'argent,  et  de  condamner  en  même 
temps  la  pernicieuse  hérésie  des  Simoniaques.  —  S.  Grég.  {homél.  29.) 
Car  il  prévoyait  qu'il  y  en  aurait  pour  qui  les  dons  de  l'Esprit  saint 
seraient  un  objet  de  trafic,  et  qui  mettraient  le  don  des  miracles  au 
service  de  leur  avarice.  —  S.  Ciirys.  {hom.  33).  Voyez  comme  le  Sei- 
gneur, en  même  temps  qu'il  sauvegarde  la  dignité  des  miracles,  prend 
soin  de  régler  la  conduite  de  la  vie  (1)  en  faisant  voir  que  sans  une 
vie  réglée  les  miracles  ne  sont  rien.  En  effet,  il  étouffe  dans  leur  cœur 
tout  sentiment  d'orgueil  par  ces  paroles  :  «  Vous  avez  reçu  gratui- 

(1)  C'est-à-dire  qu'il  n'a  pas  un  moindre  souci...  selon  le  grec  £7riiA£).£t'cat  oùv  iXa-Tov. 


tia  fidei  ubique  plantata.  Si  aulem  et 
postea  l'acta  sunt,  pauca  et  rara  fueruut  : 
consuetudo  enira  est  Deo  talia  facere, 
cum  auclafueriut  mala  :  tune  enim  suam 
demoustratpotentiaui.GREG.  {in  ho  m.  29, 
nt  sup.)  Saucta  tameu  Ecclesia  quotidie 
spiritualiter  facit,  quod  tiinc  per  aposto- 
los  corporaliter  faciebat  :  quœ  nimiruni 
miracula  tauto  majora  suut.  quaulo  per 
htec,  non  corpora,  sed  anima?  suscitan- 
tur.  Remig.  Injinni  quippe  sunt  isnavi, 
qui  non  habent  vires  beue  vivendi  ;  le- 
prosi  sunt  immundi  opère  vel  delecta- 
tione  carnali;  morlui  sunt,  qui  opéra 
morl'iàAunnt  ;  damoniaci  sunt,  qui  in 
polestatem  diaboli  sunt  redacli.  Hier. 
Et  quia  semper  dona  spiritualia.  si  mer- 
ces  média  sit,    viliura   liuul,  adjuntiitur 


avaritiœ  condemnatio ,  cum  subdit  : 
«  Gratis  accepistis,  gratis  date  ;  ego  nia- 
gister  et  Dominus  absque  pretio  vobis 
hoc  tribui  :  ergo  et  vos  sine  pretio 
date.  »  Glossa.  IIoc  autem  dicit,  ne  Ju- 
das qui  loculos  habebat,  de  prsedicta 
potestate  pecuniam  congregare  vellet; 
damnans  etiara  bic  pertidiam  simouiaca; 
haîreseos.  Greg.  {in  hom.  4,  xit  sup.) 
Praeseiebat  namque  nonuullos  douum 
accepti  spiritus  in  usum  negotiationis 
intlecterCj  et  miraculorum  signa  ad  ava- 
ritiai  obse(]nium  declinare.  Chrys.  {in 
homil.  .'f.'t.  vt  sup.)  Vide  autiMii  qualiter 
morum  diligeutiam  non  minus  babel 
(}uam  signorum  ;  moustrans  quouiam 
signa  sine  bis  nibil  sunt  :  eleuim  super- 
biam  eorum  comprimil.  dicens  :  «  Gra- 


DE  SAINT  MATTHIEU.   CHAP.    X. 


(>T 


tement;  »  et  par  ces  autres  :  «  Donnez  gratuitement,  »  il  leur  com- 
mande de  se  garder  purs  de  toute  affection  aux  richesses.- Ou  bien  en 
leur  disant  :  a  Vous  avez  reçu  gratuitement,  »  il  veut  leur  apprendre 
qu'ils  ne  sont  pas  les  auteurs  des  bienfaits  qu'ils  répandent;  comme 
s'il  leur  disait  :  «  Vous  ne  donnez  rien  de  ce  qui  vous  appartient,  » 
vous  ne  l'avez  reçu  ni  comme  récompense ,  ni  comme  prix  de  votre 
travail,  c'est  une  grâce  que  je  vous  ai  accordée,  donnez-la  donc  comme 
vous  l'avez  reçue,  car  jamais  vous  ne  pourrez  en  trouver  un  prix  qui 
réponde  à  sa  valeur. 

f.  9-10.  —  N'ayez  ni  or,  ni  argent,  ni  monnaie  dans  vos  ceintures,  ni  sac  pour 
le  chemin,  ni  deux  habits,  ni  souliers,  ni  bâton;  car  celui  qui  travaille  mérite 
qu'on  le  nourrisse. 

S.  Chrys.  (Jioin.  33.)  Après  avoir  défendu  à  ses  Apôtres  le  trafic  des 
choses  spirituelles,  le  Seigneur  veut  arracher  de  leur  cœur  la  racine 
de  tous  les  maux.  «  Ne  possédez,  dit-il,  ni  or,  ni  argent.  »  —  S.  Jér. 
Si  la  fin  (fu'ils  se  proposent,  en  prêchant  l'Evangile,  n'est  point  de  rece- 
voir une  récompense  pécuniaire ,  pourquoi  auraient-ils  d'ailleurs  de 
l'or,  de  l'argent  ou  d'autre  monnaie ,  puisqu'alors  ce  n'est  plus  le  sa- 
lut des  hommes,  mais  l'amour  de  l'argent  qui  semblerait  être  le  mo- 
bile de  leurs  prédications?  — S.  Chrys.  {hom.  33.)  En  leur  donnant 
ce  précepte,  il  élève  d'abord  ses  disciples  au-dessus  de  tout  soupçon  ; 
eu  second  lieu^  il  les  aO"ranchit  de  toute  sollicitude  pour  qu'ils  puissent 
se  donner  tout  entiers  à  la  parole  de  Dieu ,  et  il  leur  enseigne  enfin 
jusqu'où  va  sa  puissance  (1),  car  il  leur  dira  plus  tard  :  «  Lorsque  je 
vous  ai  envoyés  sans  sac  et  sans  bourse ,  vous  a-t-il  manqué  quelque 

(1)  Il  s'agit  ici  de  la  puissance  proprement  dite,  ôOva[/,iv,  comme  le  prouve  le  contexte,  et  non 
pas  de  la  vertu  prise  dans  le  sens  moral. 


lis  accepistis,  »  et  ab  amore  pecunia- 
rum  muudos  esse  praecipit,  dicens  : 
«  Gratis  date.  »  Vel  ut  non  videatur 
eorum  esse  benefioium,  ait  :  «  Gratis  ac- 
cepistis  :  quasi  dicat  :  Nibil  vos  de  ves- 
tro  larfiimini  suscipieutibus;  ueque  eniiii 
mercede  hoc  accepistis,  neque  laboran- 
tes  ;  mea  est  enim  gratia  ;  lia  igitur  aliis 
date  ;  ueque  euim  est  condignum  pre- 
tium  eorum  invenire. 

Xolite  possidere  aurum  ni'que  argentum,  neque 
pecuniam  in  zonis  vestris  ;  non  peram  in  via, 
neque  duas  tunicas,  neque  calceamenta,  neque 
virgam  :  dignus  est  enim  operarius  cibo  suo. 

Chrys.  {in  homil.  33,  vt  sup.)  Quia 
spiritualium  mercationem  supra  Domi- 


nus  prohibuerat.  consequeuter  radicem 
omnium  malorum  evellens  ait  :  «  Nolite 
possidere aurumneque  argentum.  »  Hier. 
Si  enim  sic  praedicant  ut  pretiuui  non 
accipiaut,  superflua  est  auri  et  argenti, 
nummorumque  possessio  :  nam  si  ha;c 
babuisseut,  videbantur  non  causa  salutis 
hominum,  sed  causa  bicri  prœdicare. 
Chrys.  (in  homil.  33,  tU  sup.)  Per 
hoc  ergo  praeceptum  primo  quidem  dis- 
cipulos  facit  non  esse  suspectos  ;  secundo 
ab  omni  eos  libérât  sollicitudine,  ut  va- 
cationem  omnem  tribuant  verboDei  ;  ter- 
tio docet  eos  suam  virtutem  :  boc  nempe 
eis  postea  dixil  {Luc,  22)  :  «  Nunquid 
aliquid  defuit  vobis  quando  misi  vos 
sine  sacculo  et  para?  »  Hier.  Qui  autem 


68  EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 

chose?»  {Luc,  xxii.)—  S.  Jér.  Ce  n'est  pas  assez  d'avoir  coupé  jusque 
dans  sa  racine  l'amour  des  richesses  représentées  par  l'or  ,  l'argent  et 
la  monnaie  courante,  il  semble  vouloir  retrancher  jusqu'au  soin  des 
choses  nécessaires  à  la  vie.  C'est  qu'il  veut  que  les  Apôtres,  prédica- 
teurs de  la  vraie  religion,  qui  devaient  enseigner  que  le  gouvernement 
de  la  providence  divine  s'étend  à  tout ,  se  montrent  eux-mêmes  sans 
préoccupation  pour  le  lendemain  :  et  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  :  «  Ni 
monnaie  dans  vos  bourses.  »  —  La  Glose.  Il  y  a  deux  sortes  de  choses 
nécessaires  :  l'une  qui  sert  à  acheter  le  nécessaire  ,  c'est  l'argent  dans 
la  bourse;  l'autre  le  nécessaire  lui-même,  qui  est  ici  représenté  par  le 
sac.  —  S.  Jér.  Par  ces  paroles  :  «  Ni  sac  dans  la  route,  »  le  Sauveur 
condamne  certains  philosophes  qu'on  appelait  Bactropérates  (1),  qui 
méprisant  le  monde,  et  comptant  tout  pour  rien,  portaient  avec  eux 
toutes  leurs  provisions.  «  Ni  deux  tuniques.  »  Ces  deux  tuniques  dont 
parle  le  Seigneur  signifient,  à  mon  avis,  deux  vêtements  différents.  Il 
ne  défend  donc  pas  à  ceux  qui  sont  exposés  au  froid  glacial  de  la 
Scythie  où  qui  vivent  sous  d'autres  climats  rigoureux,  de  porter  deux 
tuniques  ;  mais  par  la  tunique  il  entend  le  vêtement,  et  dès  lors  que 
nous  en  avons  un,  il  nous  défend  d'en  avoir  un  autre  en  réserve,  par 
un  sentiment  de  crainte  pour  l'avenir.  «  Ni  chaussures.  »  Platon  lui- 
même  a  défendu  de  couvrir  les  deux  extrémités  du  corps  pour  ne  pas 
rendre  trop  délicats  la  tête  et  les  pieds  ,  car  lorsque  ces  deux  parties 
ont  de  la  vigueur  et  de  la  fermeté  ,  les  autres  parties  du  corps  en  de- 
viennent elles-mêmes  plus  robustes.  «  Ni  bâton.  »  Pourquoi  chercher 
l'appui  d'un  bâton ,  nous  qui  avons  pour  soutien  le  Seigneur  lui- 
même? —  Rémi.  Le  Seigneur  nous  montre  encore  par  ces  paroles, 

(1)  Ce  nom  vient  du  mot  grec  poLXiponrjOâTat,  de  pax-pôv,  bâton,  et  Tiripa,  sac,  nom  qui  fut 
donné  à  ces  philosophes  parce  qu'ils  ne  portaient  qu'un  bâton  et  qu'une  besace. 


divitias  detruncaverat  (quae  per  aurum , 
etargentum,  et  œssiguantiir),  propemo- 
dum  et  vitte  necessaria  amputai;  ut 
apostoli  doctores  vera;  religionis ,  ipii 
instituebaut  oninia  Dei  provideutia  gu- 
bernari,  seipsos  ostenderent  uibil  cogi- 
tare  de  craslino.  Glossa.  Unde  addit  : 
«  Neque  pecuuiam  in  zonis  vestris.  » 
Duo  enim  sunt  gênera  necessariorum  : 
unum  quo  emuutur  necessaria  (quod  in- 
teUigitur  per  pecuniaui  in  zonis),  aliud 
ipsa  necessaria,  quod  inlelligitur  per  pe- 
ram.  Hikr.  Per  hocauteni  t\noA  dicil  : 
«Neque  perani  in  via,  »  arguit  pliiloso- 
phos,  qui  vulgo  appellantur  buctropera- 
tœ,  ([uod  conlemplores  seculi  et  omnia 
pro  nihilo  duceutes  cellarium  secuui  ve- 


hant.  Sequitur  :  «  Neque  duas  tuuicas  :  » 
in  duabus  tuuicis  duplex  mihi  videtur 
innuere  vestimentum;  non  quod  in  locis 
Sfylliia!  et  glaciali  nive  rigentibus  una 
quis  tunica  iiabeat  esse  conlentus,  sed 
quod  iu  tunica  vestimentum  intelliga- 
mus  ;  ne  alio  vesliti,  aliud  nobis  futuro- 
rum  timoré  reservemus.  Sequitur  : 
«  Neque  calceamenta.  »  Et  Plato  eliam 
praecepit  duas  corporis  summitates  non 
esse  velaudas ,  nec  iissuefieri  debere 
mollitiei  capitis  et  pedum  ;  oum  enim 
ba^c  habuerint  lîrmitatem.  ca'tera  robus- 
tiora  sunt.  Sequitur  :  «  Neque  virgani  :» 
ijui  enim  Domini  habemus  auxilium.ba- 
culi  pra>sidium  cur  qua'ramus  ?  Remig. 
Usleudit    etiam    Dominus    bis    verbis, 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    X.  60 

qu'il  rappelle  les  saints  prédicateurs  de  la  loi  nouvelle  à  la  dignité  du 
premier  homme,  car  tant  qu'il  posséda  les  trésors  du  ciel  il  ne  désira 
point  les  trésors  de  la  terre,  et  il  n'y  pensa  que  lorsqu'il  eut  perdu  les 
richesses  du  ciel  par  son  péché. 

S.  Chrys.  {hom.  33.)  Heureux  échange  !  au  heu  de  l'or,  de  l'argent 
et  d'autres  choses  de  même  nature,  ils  ont  reçu  le  pouvoir  de  guérir 
les  malades,  de  ressusciter  les  morts,  et  de  faire  d'autres  semblables 
miracles.  Aussi  le  Sauveur  ne  leur  a  pas  tout  d'abord  fait  cette  dé- 
fense :  «  Ne  possédez  ni  or  ni  argent,  »  mais  il  a  commencé  par  leur 
dire  :  «  Guérissez  les  lépreux ,  chassez  les  démons.  »  On  voit  ici  que 
d'hommes  qu'ils  étaient,  le  Sauveur  en  fait  pour  ainsi  dire  des  anges, 
qu'il  aflfranchit  de  tout  soin  de  la  vie  présente  pour  ne  leur  laisser 
qu'une  seule  préoccupation,  celle  de  la  doctrine.  Et  encore  veut-il  les 
déhvrer  de  cette  sollicitude,  lorsqu'il  leur  dit  :  «  Ne  vous  mettez  pas 
en  peine  de  ce  que  vous  direz  (1).  »  C'est  ainsi  qu'il  leur  rend  léger  et 
facile  ce  que  l'on  regarde  comme  une  tâche  lourde  et  pénible.  Car 
quoi  de  plus  doux  que  d'être  affranchi  de  tout  soin ,  de  toute  inquié- 
tude, surtout  lorsqu'avec  cela  on  n'éprouve  aucun  dommage,  parce 
que  Dieu  est  présent  et  que  son  action  remplace  la  nôtre?  —  S.  Jér. 
Comme  il  venait  d'envoyer  prêcher  ses  Apôtres  dépouillés  de  tout ,  et 
sans  leur  rien  laisser,  et  que  la  condition  de  ces  maîtres  de  l'univers 
paraissait  bien  dure,  il  adoucit  la  sévérité  de  ces  commandements  en 
ajoutant  :  «  Car  l'ouvrier  est  digne  de  son  salaire ,  »  ce  qui  revient  à 
dire  :  «  Recevez  tout  ce  qui  vous  est  nécessaire  pour  le  vêtement  et 
pour  la  nourriture.»  C'est  ce  que  recommande  aussi  l'apôtre  S.  Paul  : 

(1)  Le  grec  (ir)  (J.epnj.vr;(TaT£  veut  dire  :  ne  pensez  pas  avec  inquiétude  {Luc,  xii,  11),  ce  que  la 
traduction  latine  a  rendu  par  :  Nolite  solliciti  esse. 


quod  sancti  praedicatores  revocati  sunt 
ad  primi  hominis  dignitatem,  qui  quan- 
diii  cœlestes  possedit  thesauros,  ista  non 
concupivit;  sed  mox  ut  peccando  ami- 
sit,  ista  desiderare  cœpit. 

Chrys.  {in  homil.  33,  ut  svp.)  Félix 
autem  est  ista  commutatio  :  nam  pro 
auro,  et  argeuto,  et  hujusmodi,  accepe- 
runt  potestatem  uurandi  infirmes,  sus- 
citandi  morluos ,  et  alla  hujusmodi  : 
unde  non  a  principlo  dixit  eis  :  «  ÎS'on 
possideatis  aurum  vel  argeutum;  »  sed 
quando  dixerat  :  «  Leprosos  mundate, 
dœmones  ejicite  :  »  ex  que  patet  quod 
angelos  eos  ex  hominibus  (utitadicam) 
construit,  ab  omni  solvens  vitœ  hujus 
sollicitudine,  ut  una  sola  detineantur 
cura,  quae   est  doctriuae.,  a  qua  etiam 


eos  solvit,  dicens  :  «  Ne  solliciti  sitis 
quid  loquamini  :  »  quod  videtur  esse 
valde  onerosum  et  grave,  hoc  maxime 
levé  eis  ostendit  et  facile  :  nihil  enim 
est  ita  jucundum  ut  a  cura  et  sollicitu- 
dine erutum  esse,  et  maxime  cum  pos- 
sibile  fuerit  ab  hac  erutos  in  nullo  mi- 
norari,  Deo  prsesente  et  pro  omnibus 
nobis  effecto.  Hier.  Et  quia  nudos  quo- 
dammodo  et  expeditos  ad  prœdicandum 
apostolos  miserat,  et  dura  videbatur 
esse  conditio  magistrorum ,  severitatem 
praecepli  sequenti  sententia  temperavit, 
dicens:  «  Dignus  est  enim  operarius 
cibo  suo  :  »  quasi  dicerct  :  «  Tantum 
accipite,  quantum  in  vestitu  et  victu 
vobis  necessarium  est  :  »  unde  Aposto- 
lus  (I  Timoth.  6)  :  «  Habente»  victum  et 


70 


EXPLICATION  DE  LEVANGILE 


«  Dès  lors  que  nous  avons  la  nourriture  et  le  vêtement ,  soyons-en 
contents  (1  Timoth.^  vi);  et  ailleurs  :  a  Que  celui  que  l'on  instruit  des 
choses  de  la  foi  fasse  part  de  tous  ses  biens  à  celui  qui  l'instruit  » 
{Galat.  vi);  c'est-à-dire  que  les  disciples  qui  moissonnent  les  biens 
spirituels  de  ceux  qui  les  enseignent,  les  fassent  participer  à  leurs  biens 
temporels,  non  pour  satisfaire  à  leur  avarice ,  mais  pour  subvenir  à 
leurs  besoins. 

S.  CiiRYS.  [hoyn.  33.)  Il  était  nécessaire  que  les  Apôtres  fussent  nour- 
ris par  leurs  disciples,  car  ils  auraient  pu  s'élever  au-dessus  de  ceux 
qu'ils  enseignaient,  parce  qu'ils  leur  donnaient  tout  sans  en  rien  re- 
cevoir; et  les  disciples,  à  leur  tour,  auraient  pu  se  croire  méprisés, 
et  s'éloigner  de  leurs  maîtres.  Il  ne  veut  pas  non  plus  que  les  Apôtres 
rougissent  de  leur  mission  et  viennent  dire  :  «  Il  veut  donc  que  nous 
vivions  comme  des  mendiants  ?»  11  leur  montre  que  cette  nourriture  leur 
est  due,  en  leur  donnant  le  nom  d'ouvriers,  et  en  appelant  salaire  ce 
qu'ils  reçoivent.  Les  Apôtres  ne  devaient  pas  regarder  comme  un  léger 
bienfait  l'Evangile  qu'ils  annonçaient,  parce  que  ce  ministère  est 
tout  entier  dans  la  parole;  et  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  :  «  L'ouvrier 
mérite  de  recevoir  sa  nourriture.  »  Ce  n'est  pas  qu'il  veuille  cependant 
leur  donner  une  idée  exagérée  de  leurs  travaux  et  de  la  récompense 
qu'ils  méritent  ;  mais  son  dessein  est  de  tracer  aux  Apôtres  une  règle 
de  conduite,  et  d'apprendre  à  ceux  qui  fournissent  à  leurs  besoins 
qu'ils  ne  font  en  cela  que  s'acquitter  de  ce  qu'ils  doivent.  —  S.  Aug. 
L'Evangile  n'est  pas  une  chose  vénale  et  on  ne  doit  point  l'annoncer 
pour  obtenir  des  biens  temporels.  Ceux  qui  trafiquent  ainsi  de  l'Evan- 
gile vendent  à  vil  prix  une  chose  bien  précieuse.  Les  prédicateurs 
peuvent  donc  recevoir  des  peuples  qu'ils  évang»';lisent  la  nourriture  né- 
cessaire à  leur  vie ,  et  attendre  de  Dieu  seul  la  récompense  de  leur 


vestitum,  his  contenti  simus;  »  et  alibi 
{ad  Galat.  6)  :  «  Commuaicet  is  qui  ca- 
lecliizatur,  ei  qui  se  catechizat,  in  om- 
nibus bonis,  »  ut  quorum  discipuli  me- 
tunt  spiritaiia,  consortes  faeiant  eos  ear- 
iialium  suoruni,  non  in  avaritiàm,  sed 
in  necessitatem. 

CiiRYS.  {in  homil.  33,  ut  sup.)  A  dis- 
«•-ipulis  autem  apostolos  cibari  oportebat, 
ut,  neque  ipsi  magna  sapèrent  adversus 
Pos  qui  docebantur,  sicut  omnia  prae- 
beutes  et  nibil  accipientes  ;  neque  rur- 
sus  illi  abscedant,  quasi  ab  his  despecti. 
Deiude  ut  non  dicant  apostoli  :  «  Men- 
dicautes  ergo  nos  jubet  vivere  »  (ut  in 
hoc  verecundarentur),  monstrat  hoc  eis 
debitum  esse  operarios  eos  vocaus,  et 


quod  datur  merccdem  appellans  :  non 
enini  quia  apostolorum  in  sermonibus 
operatio  erat,  a>stimare  debebaut  parum 
esse  beneticium  quod  prœstabant  :  et 
ideo  dicit  :  «  Dignus  est  operarius  cibo 
suo.  »  Hoc  autem  dixit,  non  (juidem  os- 
tendens  tanto  pretio  aposlolicos  dignos 
esse  labores  ;  sed  apostolis  legem  indu- 
cens,  et  tribuentibus  suadens  quia  quod 
ab  ipsis  datur,  debitum  est. 

Aug.  Non  ergo  est  vénale  Evangelium, 
ut  pro  temporalibus  pnedicetur.  Si  euim 
sic  vcndunt,  niagnam  rem  vili  pretio 
vendunt.  Accipianf  ergo  prjedicatore» 
sustentationem  necessitatis  a  populo, 
mercedem  dispensationis  a  Domino  : 
non  enim  a  populo  redditur  quasi  mer- 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    X. 


1{ 


ministère.  Ce  n'est  pas  un  salaire  que  les  jQdèles  donnent  à  ceux  que 
la  charité  porte  à  leur  annoncer  l'Evangile,  c'est  un  subside  qui  leur 
permet  de  continuer  leurs  travaux.  S.  Aug.  {de  l'accord  des  Evang., 
liv.  II,  chap.  30.)  Après  avoir  dit  à  ses  Apôtres  :  «  Ne  possédez  point 
d'or,  »  le  Sauveur  ajoute  immédiatement  :  a  L'ouvrier  mérite  qu'on 
le  nourrisse  ;  »  paroles  qui  font  connaître  la  raison  pour  laquelle  il  ne 
veut  pas  qu'ils  aient  ou  qu'ils  portent  avec  eux  de  l'or  ou  de  l'argent. 
Ce  n'est  pas  que  l'un  et  l'autre  ne  soient  nécessaires  à  l'entretien  de  la 
vie  ;  mais  il  veut,  en  les  envoyant  prêcher  l'Evangile,  que  l'on  com- 
prenne bien  que  ce  salaire  leur  est  dû  par  les  fidèles  qu'ils  allaient 
évaugéliser ,  comme  la  solde  est  due  à  ceux  qui  combattent.  Nous 
voyons  encore  ici  que  l'intention  du  Seigneur  n'est  pas  de  défendre 
à  celui  qui  annonce  l'Evangile  d'avoir  d'autres  moyens  de  subsistance 
que  les  offrandes  des  fidèles  ,  car  alors  saint  Paul  aurait  été  contre 
cette  défense,  lui  qui  vivait  du  travail  de  ses  mains  (1).  Mais  il  leur 
donne  simplement  le  pouvoir  de  recevoir  ces  offrandes  comme  une 
chose  qui  leur  est  due.  Ne  pas  faire  ce  que  le  Seigneur  commande, 
c'est  une  désobéissance  formelle  ;  mais  il  est  permis  de  ne  pas  user 
d'un  pouvoir  qu'il  donne,  et  d'y  renoncer  comme  à  un  droit  qui  nous 
est  acquis.  Le  Sauveur  veut  donc  établir  que  ceux  qui  annoncent 
l'Evangile  ont  le  droit  de  vivre  de  l'Evangile,  et  il  recommande  à  ses 
Apôtres  d'être  sans  inquiétude  lorsqu'ils  ue  posséderont  ni  ne  por- 
teront aucune  des  choses  nécessaires  à  la  vie,  quelle  que  soit  leur  im- 
portance; c'est  pourquoi  il  ajoute  :  «  ni  bâton,  »  pour  apprendre  aux 
fidèles  qu'ils  doivent  tout  aux  ministres  de  l'Evangile ,  pourvu  qu'ils 

(t)  Comme  il  le  dit  lui-même  au  livre  des  Actes,  xx,  34,  et  dans  la  Ire  Epître  aux  ThessaL,  ii, 
9,  où  il  déclare  qu'il  a  cru  devoir  agir  de  la  sorte  pour  n'être  à  charge  à  personne,  et  qu'il  a  tra- 
vaillé nuit  et  jour  pour  se  procurer  par  le  travail  de  ses  mains  ce  qui  lui  était  nécessaire. 


ces  illis  qui  sibi  in  cliaritate  Evangelii 
serviunt,  sed  tanquam  stipeudium  datiir 
quo  ut  possint  laborare  pascuntur.  Arc. 
{de  cons.  Kvang.  lib.  ii,  cap.  30.)  Cum 
diceret  Dominas  apostolis  :  «  Nolite  pos- 
sidere  aurum,  »  continuo  .subjecit  : 
«  Dignus  est  enim  operarius  cibo  suo  :  » 
unde  satis  osteudit  cur  eos  possidere 
hïec  ac  ferre  noluerit,  non  quod  neces- 
sarianon  sint  sustentationi  hujus  vitijt', 
sed  quia  sic  eos  mitlebat  ut  eis  liO(;  de- 
beri  demonstraret  ab  illis  quibus  Evan- 
gelium  credeutibus  annuntiarent ,  tan- 
quam stipendia  mililantibus.  Apparet 
autem  hic  non  praecepisse  Dominum 
ista  tanquam  Evangelista^  vivere  aliunde 
non  debeant,  quam  eis  praebentibus  qui- 


bus annuntiant  Evangelium  (alioquin 
contra  hoc  praeceptum  fecit  Paulus,  qui 
victum  de  manuum  suarum  laboribus 
transigebat)  ;  sed  apparet  potestatem 
dédisse  apostoUs,  in  qua  scirent  sibi  ista 
deberi.  Cum  autem  a  Domino  aliquid 
imperatur,  nisi  fiât,  inobedientise  culpa 
est  :  cum  autem  a  Domino  polestas  da- 
tur,  licet  cui(jue  non  uti,  el  tauquam  de 
suo  jure  recedere.  IIoc  ergo  ordinans 
Dominas,  quod  qui  Evangelium  annun- 
tiant ,  de  Evangelio  vivant ,  illa  apostolis 
loquebatur,  ut  securi  non  possiderent 
neque  portarent  huic  vitse  necessaria  ; 
nec  magna,  ne^  minima  ;  ideo  posuit  : 
«  Nec  virgam,  »  ostendens  a  fidehbus 
suis  omnia  deberi  ministrià  suis,  nulla 


72 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


ne  demandent  rien  de  superflu.  D'après  l'évangéliste  saint  Marc, 
Notre-Seigneur  leur  défend  de  rien  emporter  avec  eux  pour  le  chemin, 
si  ce  n'est  un  bâton,  et  le  bâton  est  l'emblème  de  ce  pouvoir  qu'il  leur 
donne.  Lorsque  d'après  saint  Matthieu  il  défend  de  porter  même  des 
chaussures,  il  veut  qu'ils  soient  libres  de  toute  inquiétude,  car  on  ne 
songe  à  s'en  pourvoir  que  dans  la  crainte  qu'on  vienne  à  en  manquer. 
Il  faut  entendre  dans  le  même  sens  ce  qu'il  dit  des  deux  tuniques  ;  il 
leur  défend  d'en  porter  d'autre  que  celle  dont  ils  sont  revêtus  ,  pour 
se  prémunir  contre  les  nécessités  du  voyage ,  puisqu'ils  ont  le  droit 
d'en  recevoir  au  besoin.  Dans  saint  Marc,  Notre-Seigneur  leur  permet 
d'avoir  pour  chaussures  des  sandales ,  et  cette  chaussure  a  néces- 
sairement une  signification  mystique  (1)  ;  comme  elle  laisse  le  pied  dé- 
couvert par  dessus,  tandis  qu'elle  le  garantit  par  dessous,  elle  si- 
gnifie que  l'Evangile  ne  doit  pas  être  tenu  dans  le  secret,  et  qu'il  ne 
doit  pas  s'appuyer  sur  des  intérêts  temporels.  11  leur  défend  expressé- 
ment dans  le  même  endroit  non-seulement  de  porter  deux  tuniques, 
mais  même  de  s'en  revêtir  ;  c'est  pour  les  avertir  de  fuir  toute  dupli- 
cité, et  d'être  toujours  simples  dans  leur  conduite.  Il  est  donc  incontes- 
table que  le  Seigneur  a  dit  tout  ce  que  les  Evangélistes  ont  rapporté, 
tant  au  sens  littéral,  qu'au  sens  figuré  ;  mais  qu'ils  ont  rapporté  les 
uns  une  partie  de  son  discours,  les  autres  une  autre.  Maintenant  que 
celui  qui  prétendrait  que  le  Sauveur  n'a  pu,  dans  le  même  passage, 
parler  tantôt  au  sens  figuré,  tantôt  au  sens  propre,  jette  les  yeux  sur 
d'autres  parties  de  l'Evangile,  et  il  se  convainci*a  que  cette  opinion  est 
aussi  téméraire  qu'elle  est  peu  éclairée.  Car  lorsque  le  Seigneur  re- 
commande de  laisser  ignorer  à  la  main  gauche  ce  que  fait  la  main 

(1)  La  sandale,  en  grec  uavodiXtov,  est  une  chaussure  qui  ne  couvre  que  la  plante  des  pieds,  et 
laisse  à  découvert  le  dessus  du  pied,  où^elle  est  retenue  par  des  cordons. 


.superflua  reqnireûlil)us.  Ilanc  ergo  po- 
testatem  virgœ  iiomino  significavit,  cuni 
(lixit  secuiidiim  Marcum  {cap.  6)  ne  quid 
toUerent  iii  vi;i,  iiii^i  virgam  tantum  : 
sed  et  (^alceainenta,  caiiu  dicil  Malllia?us 
in  via  non  fsse  porlanda,  curara  prohi- 
buil  ;  (plia  ideo  porlanda  cogitantnr,  m^ 
dnriinl.  Hoc  et  (k;  dnahus  tnnicis  inlelli- 
genduni  est.,  ne  (piisipiam  eorum  praiter 
eani  ipia  ossel  indulns  aliaiu  porlandain 
piitaret,  sollicitns  ne  opus  esset  ;  <-\\n\ 
ex  poteslaleilla  possitaccipei-e.  Proinde 
Marcus  dicendo  ealceari  eos  sandaliii? 
(vel  soleis),  aliquid  hoc  calceamenlnni 
myslica^  signifirationishabere  adnionet  ; 
ulpesneque  loclus  ait  desuper,    ncque 


nudus  ad  terrara  ;  id  est,  non  occultetur 
Evangeliuai.  uec  terrenis  conimodis  in- 
nitatur.  Et  quod  non  portari  duas  tuui- 
cas,  sed  expressiiis  iudui  prohibet ,  uao- 
uet  non  (hipliciter,  sed  sinipliciter  am- 
bnlare  :  ita  Doniinum  omnia  dixisse 
inillo  modo  dubitanduni  est.  partini  (iro- 
])rio,  partini  ligurate  ;  sed  Evaugelistas 
alia  isluni,  alia  illuni  insernisse  scriptis 
suis.  Oiiisqiiis  auteni  putat  non  potuisse 
Domimun  iii  iiuo  sermone  quiçdam  fi- 
gurate,  qiuedam  proprie,  ponere  elo- 
•piia  ;  cietera  ejus  inspiciat;  et  videbit 
quam  temere  hoc  atque  iuerudite  arbi- 
tretur  :  quia  enitn  Doniinus  nionel  ni 
uesc^iat     sinislra    quid    faciat     dextera 


DE   SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   X.  73 

droite,  il  sera  forcé  de  prendre  dans  un  sens  figuré  les  aumônes  et 
tout  ce  qui  fait  la  matière  de  ce  commandement. 

S.  JÉR.  Nous  avons  donné  le  sens  historique,  voyons  maintenant  le 
sens  anagogique  (1).  Il  est  défendu  aux  docteurs  de  l'Evangile  d'avoir 
ni  or,  ni  argent,  ni  monnaie  dans  leur  bourse.  Nous  voyons  que  l'or 
est  souvent  pris  pour  l'intelligence,  l'argent  pour  la  parole,  la  monnaie 
pour  la  voix.  Or,  nous  ne  pouvons  recevoir  ces  trois  choses  de  per- 
sonne, si  ce  n'est  de  Dieu  qui  nous  les  donne,  ni  emprunter  rien  aux 
enseignements  des  hérétiques ,  des  philosophes  ou  d'autres  doctrines 
également  perverses.  —  S.  Hil.  {can.  10  sur  S.  Matth.)  La  ceinture 
est  une  des  choses  nécessaires  à  celui  qui  remplit  quelque  office ,  et 
elle  rend  son  action  plus  libre  ;  nous  défendre  d'avoir  de  l'argent  dans 
nos  ceintures,  c'est  nous  défendre  toute  vénalité  dans  l'exercice  de  notre 
ministère.  Nous  ne  devons  point  porter  de  sac  pour  le  chemin,  c'est-à- 
dire  qu'il  nous  faut  laisser  toute  préoccupation  des  soins  matériels; 
car  tout  trésor  sur  la  terre  ne  peut  que  nous  être  funeste ,  parce  que 
notre  cœur  sera  nécessairement  là  où  notre  trésor  est  enfoui.  Il  ajoute  : 
«  Ni  deux  tuniques.  »  Il  nous  suffit,  en  efi'et,  de  nous  être  revêtus  une 
fois  de  Jésus-Christ ,  et  après  avoir  reçu  l'intelligence  de  la  vérité, 
nous  devons  rejeter  les  vêtements  que  nous  présentent  l'hérésie  ou  la 
loi  ancienne.  «Ni  chaussures,  »  c'est-à-dire  que,  marchant  sur  une 
terre  sainte  et  débarrassée  d'épines  et  de  ronces  ,  ainsi  qu'il  fut  dit  à 
Moïse  (Exode,  m),  nous  ne  devons  couvrir  nos  pieds  d'autre  chaus- 
sure que  de  celle  que  nous  avons  reçue  de  Jésus-Christ.  —  S.  Jér.  Ou 
bien  le  Seigneur  nous  enseigne  à  ne  pas  enchaîner  nos  pieds  dans  les 

(1)  Le  sens  anagogique  est  ainsi  appelé  parce  qu'il  conduit  et  élève  l'âme  à  une  intelligence  su 
périeure  des  Ecritures,  du  mot  grec  àvaywyri,  action  de  conduire  en  haut. 


{MaUhcms  6  ) ,  ipsas  eleemosynas  et 
quicquid  hic  aliud  praecipit,  figurate  ac- 
cipiendum  putabit. 

Hier.  Hsec  historiée  dixerimus,  cae- 
tera secundum  auagogem.  Non  licet 
magistris  auVum,  et  argentum,  et  pecu- 
niam  quae  in  zonis  est,  possidere.  Au7um 
Scepe  legimus  pro  sensu,  argentum  pro 
sermone,  ses  pro  voce  :  heec  non  licet 
vobis  ab  aUis  accipere,  sed  data  a  Do- 
mino possidere,  neque  haereticorum  et 
philosophorum  perversfeque  doctriuse 
suscipere  disciphnas.  Hilar.  [L'an.  10, 
in  Matth.)  Quia  vero  zona  ministerii 
apparatus  est,  et  ad  efficaciam  operis 
praecinctio,  per  hoc  quod  a?ris  in  zona 
inhibetur  possessio,  ne  quid  in  uiiniste- 


rio  vénale  sit,  admonemur.  Adnione- 
mur  etiam  nec  peram  habere  in  via, 
curam  scilicet  secularis  substautiae  relin- 
queudam;  quiaomnis  thésaurus  in  terra 
perniciosus  est,  corde  illic  future  ubi 
condatur  et  thésaurus.  Dicit  autem  : 
«  Non  duas  tunicas  ;  sufficit  enini  nobis 
semel  Ciiristus  indutus  ;  neve  post  iu- 
telligentiam  veram,  altéra  deinceps  vel 
haeresis  vel  legis  veste  induamur;  «  non 
calceamenla,  »  quia  in  sancta  terra  pec- 
catorum  spinis  atque  aculeis  non  ob- 
sessa,  ut  Moysi  diclum  est  {Exod.  3), 
nudis  pedibus  statut],  admonemur  non 
alium  gressus  nostri  habere  (quam  quem 
accepimus  a  Christo)  apparatum.  Hier. 
Vel  docet  Dominas  pedes  nostros  mor- 


74 


EXPLICATION   DE   r>  EVANGILE 


liens  de  la  mort,  mais  à  les  dépouiller  de  tout  pour  entrer  dans  la 
terre  sainte,  à  laisser  même  ce  bâton  qui  pourrait  se  changer  en  ser- 
pent ;  à  ne  nous  appuyer  sur  aucun  secours  humain,  car  un  bâton  ou 
une  baguette  ne  sont  jamais  que  des  roseaux  qui,  pour  peu  qu'on  les 
presse,  se  brisent  et  déchirent  la  main  de  ceux  qui  s'y  appuient.  — 
S.  HiL.  {can.  10.)  Nous  n'avons  besoin,  du  reste,  d'aucun  secours 
étranger  ,  nous  qui  avons  en  main  le  rejeton  qui  est  sorti  de  la  tige 
de  Jessé  (1). 

^.  M -15.  —  En  quelque  ville  ou  quelque  village  que  vous  entriez,  demandez 
qui  est  digne  de  vous  loger,  et  demeurez  chez  lui  jusqu'à  ce  que  vous  vous  en 
alliez.  En  entrant  dans  la  maison,  saluez-la,  en  disant  :  Que  la  paix  soit 
dans  cette  maison!  Et  si  cette  maison  en  est  digne,  votre  paix  viendra  sur 
elle,  si  elle  n'en  est  pas  digne,  votre  paix  reviendra  à  vous.  Lorsque  quelqu'un 
ne  voudra  point  vous  recevoir  ni  écouter  vos  paroles,  secouez,  en  sortant  de 
cette  maison  ou  de  cette  ville,  la  poussière  de  vos  pieds.  Je  vous  le  dis  en 
vérité,  au  jour  du  jugement  Sodome  et  Gomorrhe  seront  traitées  moins  rigou- 
reusement que  cette  ville. 

S.  Chrys.  {hom.  33.)  Le  Seigneur  venait  de  dire  :  «  L'ouvrier  est 
digne  de  son  salaire  ;  mais  son  intention  n'est  point  d'ouvrir  indiffé- 
remment par  ces  paroles  toutes  les  portes  à  ses  disciples  :  aussi  leurre- 
commande-t-il  d'user  de  la  plus  grande  prudence  dans  le  choix  de  ceux 
dont  ils  recevront  l'hospitalité  :  «  Dans  quelque  ville,  leur  dit-il,  ou  dans 
quelque  bourg  que  vous  entriez,  demandez  qui  est  digne  de  vous  re 
cevoir.  »  —  S.  Jér.  Les  Apôtres ,  en  entrant  dans  une  ville  nouvelle 
pour  eux,  ne  pouvaient  connaître  celui  qui  se  trouvait  dans  ces  con- 

fl)  Isate,  XI,  1. 


tiferis  vinculis  non  alligari,  sed  sanctam 
terram  ingredienles  esse  nudos  ;  neque 
habere  virgain,  quœ  vertalur  in  colu- 
brum  ;  neque  aliquo  praisidio  carnis  iu- 
niti;  quia  hujusmodi  virga  et  baculus 
ai'undineus  est,  quem  si  paidulnni  pres- 
sens, frangitnr,  et  mauuui  trausforat 
incnnibeutis.  IIh.ar.  (Can.  10,  vt  sup.) 
Pûtestalis  autem  extrauea;  jure  non  su- 
mus  indigi,  habeutes  virgam  de  radico 
.lesse. 

In  quamcunqur  nutem  civitntem  aut  castpUum 
intracerilis,  interrogafe  quis  in  ea  dignus  sit  ; 
ft  ihi  manetr  ,  doiiPC  exealis.  Intrantes  autem 
in  doniiim,  salutate  eam ,  dicentes  :  Pnx  huic 
domiti.  Et  si  qnidem  fuerit  donvis  illa  digna, 
véniel  pax  vextra  super  eam;  si  aulem  non 


fuerit  digna,  pax  vestra  revertetur  ad  vos.  Et 
quicunque  non  receperit  vos  neque  nudterit 
scrmoncs  vesiros  ,  exeuntes  foras  de  domo  vel 
ciuitate,  excutite  pulverem  de  pedibus  vestris. 
Amen  dico  vobis,  tolerabilius  erit  terrœ  Sodo- 
morum  et  Gomorrhœorum  in  die  judicii,  qtiam 
illi  cioitati. 

CuRYS.  (inhomil.  :Vi,  in  Mottfi.)Qma. 
dixerat  superius  Dominns  :  «  Dignus  est 
operarius  cibo  sno,  »  necrederelur  prop- 
ter  lioc.  uuHiium  eis  januam  aperire, 
multam  diUgentiam  Idc  jubet  facere  de 
liospite  ebgendo  :  unde  dieitur  :  «  In 
quamcunipie  eivilatem  aut  castellum  in- 
traveritis,  interrogate  quis  in  ea  dignus 
sit.  »  IIiK.R.  Apostob  novam  introeuutes 
urbeiu,  scire  uou  potcraul  quis  talis  es- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.  X.  75 

ditions.  Leur  choix  devait  donc  se  guider  sur  l'opinion  générale  et 
sur  le  jugement  des  voisins,  afin  que  la  dignité  de  l'Apôtre  ne  fût  pas 
compromise  par  la  mauvaise  rfiputation  de  celui  qui  le  recevrait.  — 
S.  Chrys.  {hom.  33.)  Pourquoi  donc  alors  le  Sauveur  s'est-il  assis  lui- 
même  à  la  table  d'un  publicain  (1)?  C'est  que  ce  publicaiu  s'en  était 
rendu  digne  par  sa  conversion.  Or,  cette  manière  d'agir  ne  devait  pas 
seulement  tourner  à  la  gloire  des  Apôtres,  mais  encore  leur  procurer 
les  choses  nécessaires  à  la  vie  ;  car  si  leur  hôte  était  vraiment  digne 
de  leur  choix,  il  devait  fournir  amplement  à  tous  leurs  besoins ,  alors 
surtout  qu'on  ne  lui  demanderait  que  le  nécessaire.  Remarquez 
comment  en  même  temps  qu'il  les  dépouille  de  tout,  il  leur  donne 
tout  en  abondance  ,  en  leur  permettant  de  demeurer  dans  la  maison 
de  ceux  qu'ils  évangélisaient.  Car  ils  étaient  ainsi  délivrés  de  toute  sol- 
licitude ;  et  comme  ils  ne  portaient  rien  avec  eux ,  qu'ils  ne  deman- 
daient que  le  nécessaire ,  et  n'entraient  pas  indistinctement  chez  tout 
le  monde,  ils  persuadaient  plus  facilement  aux  autres  qu'ils  n'étaient 
venus  que  pour  les  sauver.  Le  Seigneur  voulait  que  ses  Apôtres  bril- 
lassent plus  encore  par  leur  vertu  que  par  leurs  miracles,  et  une 
marque  des  moins  équivoques  de  la  vertu ,  c'est  de  renoncer  aux 
choses  superflues.  —  S.  Jér.  Celui  que  les  Apôtres  choisissent  pour 
lui  demander  l'hospitalité  ne  fait  pas  une  grâce  à  celui  qui  demeure 
chez  lui ,  mais  au  contraire  il  en  reçoit  une  faveur  ;  et  Jésus  exige 
qu'il  soit  digne,  pour  lui  faire  comprendre  qu'il  reçoit  plutôt  qu'il  ne 
donne.  —  S.  Chrys.  {hom.  33.)  Remarquez  que  Notre-Seigneur  ne  leur 
accorde  pas  encore  toute  faveur ,  ainsi  il  ne  leur  donne  pas  de  savoir 
qui  est  digne  ,  et  il  leur  commande  de  s'en  informer.  A  cet  ordre,  il 
ajoute  celui  de  ne  pas  aller  de  maison  en  maison.  «  Demeurez-y, 

(1)  De  saint  Matthieu,  dans  la  maison  duquel  il  prit  part  à  un  grand  festin.  Luc,  i,  27,  28,  29. 


8et  :  ergo  hospes  fama  eligendus  est 
populi,  et  judicio  vicinorum,  ue  prœdi- 
catoris  dignitas  suscipientis  infamia  de- 
turpetur.  Chrys.  (in  hom.  33,  ut  siip.) 
Qualiler  ergo  ipse  Christus  apud  publi- 
cauuni  manebat  ?  Quia  scilicet  dignus 
effectus  erat  ex  conversione  :  hoc  etiam, 
non  solum  in  gloriam  eis  proderat,  sed 
in  cibationem  ;  si  enim  dignus  est,  om- 
nino  dabit  cibum,  et  maxime,  cum  ni- 
hil  amplius  necessariispeteretur.  lulende 
autem  qualiter  omnibus  eos  denudans, 
omnia  eis  dédit,  permilteus  in  domibus 
eorumqui  docebantur  manere  :  ita  enim 
et  ipsi  a  sollicitudinibus  eruebantur,  et 
aliis  suadebant  quoniam  propter  eorum 
adveueranl  salutem  solam,  in  hoc  quod 


nihil  deferebant,  et  nihil  amplius  neces- 
sariis  expetebant,  et  non  ad  omnes 
simpliciter  introibant  :  non  euim  signis 
solum  volebat  eos  claros  apparere,  sed 
magis  virtute  :  nihil  autem  ita  virtulem 
désignât,  sicut  non  superfluis  uti.  Hier. 
Hospes  unus  etiam  eligitur  non  tribuens 
beneficium  ei  qui  apud  se  mansurus  est, 
sed  aceipiens  :  hic  enim  dicitur  quis  in 
ea  dignus  sit,  ut  magis  se  noverit  acci- 
pere  gratiam  quam  dare. 

Chrys.  (in  homil.S^i,  %it  sup.)  Intende 
autem  quia  nondum  omnia  eis  tribuit  : 
ueque  enim  eis  largitur  ut  sciant  quis 
sit  dignus,  sed  jubet  scrutari.  Non  so- 
lum autem  dignos  jubet  quaerere ,  sed 
neque  de  domo  iu  domum  trausmutari, 


76 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


dit-il,  jusqu'à  ce  que  vous  vous  en  alliez  ;  »  et  cela  pour  ne  pas  con- 
trister  celui  qui  les  a  reçus,  et  ne  pas  encourir  le  reproche  de  légèreté 
ou  de  sensualité.  —  S.  Amb.  Ce  n'est  donc  pas  sans  motif  qu'il  ordonne 
aux  Apôtres  de  choisir  la  maison  où  ils  devront  demeurer  ,  c'est  afin 
de  ne  pas  avoir  ensuite  de  raison  d'en  changer  ;  mais  les  mêmes  pré- 
cautions ne  sont  pas  recommandées  à  celui  qui  les  reçoit,  car  en  vou- 
lant y  mettre  trop  de  discernement,  son  hospitalité  pourrait  perdre  de 
son  prix. 

a  En  entrant  dans  la  maison ,  saluez-la  en  disant  :  Que  la  paix 
s©it  dans  cette  maison.  »  —  La  Glose.  C'est-à-dire,  demandez  la  paix 
pour  celui  qui  vous  reçoit,  afin  d'assoupir  en  lui  toute  résistance 
contre  la  vérité.  —  S.  Jér.  Ces  paroles  renferment  implicitement  le 
salut  ordinaire  des  langues  hébraïque  et  syriaque,  car  le  mot  à  la  fois 
hébraïque  et  syriaque  salemalach  ou  salamalacli  répond  au  y.aips  des 
Grecs  et  à  Y  ave  des  Latins,  et  veut  dire  :  «  La  paix  soit  avec  vous.  » 
Or  voici  le  sens  de  cette  recommandation  :  en  entrant  dans  une  mai- 
son, demandez  la  paix  pour  celui  qui  l'habite,  et  autant  que  vous  le 
pourrez,  apaisez  les  discordes  qui  la  troublent.  Si  on  s'obstine  à  vouloir 
la  dissension  ,  vous  recevrez  votre  récompense  pour  la  paix  que  vous 
aurez  oflerte,  et  ceux  qui  l'ont  rejetée  auront  la  guerre  en  partage, 
comme  l'indique  le  texte  sacré  :  «  Si  cette  maison  en  est  digne,  votre 
paix  viendra  sur  elle  ;  si  elle  n'en  est  pas  digne,  votre  paix  reviendra 
sur  vous.  »  —  Rémi.  Ou  bien  il  y  aura  dans  cette  maison  un  prédes- 
tiné à  la  vie,  et  il  mettra  en  pratique  la  parole  divine  qu'il  a  entendue, 
ou  s'il  n'y  a  personne  qui  veuille  l'entendre,  le  prédicateur  ne  demeu- 
rera pas  sans  fruit  pour  cela,  car  la  paix  lui  revient,  lorsqu'il  reçoit  du 
Seigneur  la  récompense  de  sou  travail  et  de  son  zèle.  —  S.  Chrys. 


cum  subdit  :  «  Et  ibi  manete  donec 
exeatis  ;  ut  neque  suscipientem  con- 
tristent,  neque  ipsi  opiuionem  accipiant 
levitatis,  aut  gulœ.  Ambr.  {sup.  Luc. 
cap.  9.)  Non  erjjço  oliose  domus,  quam 
inn;rediantur  apostoli,  eligenda  decerni- 
tur,  ut  mutandi  hospitii  causa  non  sup- 
pelal  :  non  tauîen  eadein  cautio  recep- 
lori  niaiidalur,  ne  duni  hospes  eligitur, 
hospitalitas  minualur. 

Sequitur  :  «  Intrantes  autem  in  do- 
mmu,  salutate  eam  dicentes  :  Pa.x  liuic 
<lomui.  »  Glossa.  {intérim.)  QvvAiï  dice- 
ret  :  «  Pacem  bospiti  precamini,  ut  so- 
piatur  omnis  repugnantia  contra  verita- 
tiMii.  "  Hii'R.  Fn  hoc  etiaui  occulte  sabi- 
tationeni  bebra^i  ac  syri  sermonis  ex- 
pressit.  Quid  enim  graece  dicitur  Cfucrc 
(xaipe),  et  latine  Ave,  hoc  hebraico  syro- 


que  sermone  appellatur  Salemalach, 
sive  Salamalach,  id  est,  pax  tecum. 
Quod  autem  prœcipit,  taie  est  :  Introeun- 
tes  autem,  pacem  imprecamiui  bospiti, 
et  (quantum  in  vobis  est)  discordiae 
bella  sedate.  Si  autem  orta  fuerit  con- 
tradictio,  vos  mercedem  babebitis  de  ob- 
lata  pace  ;  illi  qui  babere  noluerunt, 
bi'llum  possidebuut  :  unde  sequitur  :  «  Et 
si  ([uidem  fuerit  domus  digna,  veniet 
pax  veslra  super  eam.  Siu  aulem  non 
fuerit  diirna,  pax  veslra  ad'  vos  reverte- 
tur.  »  Hkmig.  Quia  scilicet  aut  erit  quis- 
que  prœdestinatus  ad  vitam  ,  et  cœleste 
verbum  sequitur,  quod  audit  ;  aut  si 
uuUus  audire  voluerit,  ipse  praedicator 
sine  fructu  non  erit  ;  quia  ad  eum  pax 
revertitur,  quando  ei  a  Domino  pro  la- 
bore  sui  operis  recompensalur.  Chrys. 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   X.  77 

{hom.  33.)  Le  Seigneur  recommande  aux  Apôtres  de  ne  pas  attendre 
que  les  autres  les  saluent,  parce  qu'ils  sont  eux-mêmes  leurs  docteurs, 
mais  de  les  saluer  les  premiers  et  de  les  prévenir  par  ce  témoignage 
d'honneur.  En  ajoutant  :  «  Mais  si  cette  maison  n'est  pas  digne,  »  il 
leur  fait  voir  qu'il  s'agit  non  pas  d'une  simple  salutation,  mais  d'une 
véritable  bénédiction.  —  Rémi.  Le  Seigneur  veut  donc  que  ses  dis- 
ciples offrent  la  paix  en  entrant  dans  une  maison,  afin  que  ce  salut  de 
paix  les  aide  à  reconnaître  la  maison  ou  l'hôte  qui  sont  dignes  de  les 
recevoir.  Il  semble  leur  dire  ouvertement  :  Offrez  la  paix  à  tous  ;  s'ils 
la  reçoivent,  ils  prouveront  qu'ils  en  sont  dignes ,  s'ils  la  rejettent,  ils 
s'en  déclareront  indignes.  Quoique  l'opinion  générale  ait  dû  les  guider 
dans  le  choix  de  celui  qui  était  digne  de  les  recevoir ,  ils  doivent 
cependant  lui  adresser  ce  salut,  car  il  faut  bien  plutôt  qu'on  appelle 
les  prédicateurs  à  cause  de  leur  dignité,  que  de  les  voir  s'introduire 
d'eux-mêmes  sans  être  appelés.  Or  ce  salut  de  paix  renfermé  dans  ce 
peu  de  mots  peut  servir  ù  reconnaître  parfaitement  si  une  maison  ou 
celui  qui  l'habite  sont  dignes  de  leur  donner  l'hospitalité. 

S.  HiL.  Les  Apôtres  saluent  donc  la  maison  avec  un  vif  désir  de  paix, 
mais  leurs  paroles  expriment  plutôt  la  paix  qu'ils  ne  la  donnent.  Quant 
à  la  paix  proprement  dite,  qui  sort  des  entrailles  de  la  miséricorde, 
elle  ne  peut  descendre  sur  cette  maison  qu'autant  qu'elle  la  mérite  ; 
si  elle  n'en  est  pas  trouvée  digne,  le  mystère  de  cette  paix  toute  divine 
doit  rester  renfermé  dans  la  conscience  des  Apôtres.  Et  ceux  qui  ont 
rejeté  les  préceptes  du  royaume  des  cieux  n'ont  plus  à  attendre  que  la 
malédiction  éternelle  que  leur  prédisent  les  apôtres  en  les  quittant,  et 
en  secouant  la  poussière  de  leurs  pieds.  «  Lorsque  quelqu'un  ne  vou- 
dra point  vous  recevoir,  ni  écouter  vos  paroles,  en  sortant  de  cette 


(m  homil.  33,  in  Matth.)  Instruit  ergo 
eos  Dominus  quod  non  propter  hoc  ex- 
spectent  ab  aliis  prsesalutari,  quia  doce- 
bant,  sed  antecedere  salutatioiie,  alios 
honorando.  Deiude  monstrat  quod  non 
est  sola  salutatio,  sed  benedictio,  per 
hoc  quod  dicit  :  «  Si  autem  non  fiierit 
digna.  »  Remig.  Docuit  ergo  Dominus 
discipulos  suos  offerre  pacem  in  introitu 
domus  ut  sahitatione  pacis  eUgeretur  do- 
mus  digna  vel  hospes  :  ac  si  patenter  di- 
ceret  :  «  Omnibus  offerte  pacem  ;  »  quia 
aut  accipiendo,  dignos,  aut  non  acci- 
pieudo,  indignos  se  manifestabunt  : 
quamvis  euimfama  popuU  dignus  electus 
sit  hospes,  tamen  salutandus  est  ut  ma- 
gis  suadignitate  7)?'ftY/?'cfl^o?'e.v  vocentur, 
quam  ultro  se  iugerere  videautur  :  haec 


autem  pax  paucorum  verborum  ad  to- 
tam  explorationem  dignîE  domus,  vel 
hospitis,  potest  referri. 

HiLAR.  Salutant  ergo  apostoU  domum 
cum  pacis  affectu,  sed  ita  ut  potius  pax 
eis  dicta  sit  quam  data  :  porro  autem 
propriam,  quae  viscera  miserationis  sunt, 
non  oportere  in  eam  venirC;,  nisi  sit  di- 
gna ;  quae  si  digna  reperta  non  fuerit, 
sacranientum  pacis  cœlestis  intra  pro- 
priam apostolorum  conscientiam  est  con- 
lineudum;  in  eos  autem  qui  cœlestis  re- 
gni  prœcepta  respuerint ,  egressu  apos- 
tolorum et  signo  pulveris  a  pedibus  ex- 
cussi,  seterna  maledictio  relinquatur  : 
unde  sequitur  :  «  Et  quicunque  non  re- 
ceperit  vos,  neque  audierit  sermones 
vestros,  exeuntes  foras  de  domo  vel  ci  - 


78 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


maison  ou  de  cette  ville  secouez  la  poussière  de  vos  pieds.  »  Car  lors- 
qu'on habite  un  endroit,  il  semble  qu'on  est  en  rapport,  en  communion 
avec  lui.  Mais  en  secouant  la  terre  de  ses  pieds,  on  se  sépare  complè- 
tement du  péché  de  cette  maison,  qui  ne  retire  aucun  avantage  pour 
sa  guérison  des  traces  qu'y  ont  imprimées  les  pieds  des  Apôtres.  — 
S.  Jér.  Ils  secouent  la  poussière  de  leurs  pieds,  en  témoignage  de  leurs 
travaux,  et  pour  attester  qu'ils  sont  entrés  dans  cette  ville^  et  que  la 
prédication  évangélique  est  parvenue  jusqu'à  ses  habitants.  Ou  bien 
cette  poussière  secouée  signifie  qu'ils  ne  doivent  rien  recevoir,  pas 
même  le  nécessaire,  de  ceux  qui  rejettent  l'Evangile.  —  Rab.  Ou  bien 
les  pieds  des  Apôtres  figurent  l'œuvre  même,  la  marche  et  le  pro- 
grès de  la  prédication  apostolique.  Cette  poussière  dont  ils  sont  cou- 
verts est  la  figure  de  la  légèreté  des  pensées  de  la  terre.  Les  docteurs 
les  plus  éminents  ne  peuvent  entièrement  s'en  garantir,  lorsqu'ils  se 
livrent  avec  sollicitude  aux  œuvres  de  zèle  que  réclame  l'utilité  de 
ceux  qu'ils  enseignent;  et  en  traversant  les  routes  du  monde,  la  pous- 
sière de  la  terre  s'attache  nécessairement  à  leurs  pieds.  Pour  ceux 
donc  qui  méprisent  leur  doctrine,  les  travaux,  les  dangers,  les  ennuis, 
les  inquiétudes  des  docteurs  de  l'Evangile  deviennent  un  sujet  de  con- 
damnation. Ceux  au  contraire  qui  reçoivent  leur  parole  savent  trouver 
une  leçon  d'humilité  dans  les  soucis  et  les  peines  que  supportent  pour 
eux  ceux  qui  les  évangéiisent.  Et  pour  faire  voir  que  ce  n'est  pas  une 
faute  légère  de  ne  pas  recevoir  les  Apôtres,  le  Sauveur  ajoute  :  «  Je 
vous  le  dis  en  vérité,  au  jour  du  jugement,  Sodome  et  Gomorrhe 
seront  traitées  moins  rigoureusement  que  cette  ville.  »  —  S.  Jér.  Car 
la  prédication  ne  s'est  pas  fait  entendre  à  Sodome  et  à  Gomorrhe, 
tandis  que  cette  ville  l'a  entendue  et  n'a  pas  voulu  la  recevoir.  —  Rémi. 


vitate,  excutite  pulverem  de  pedibus 
vestris.  ))  Existent!  enim  in  loco,  cum 
loco  videtiir  esse  oomniuuio.  Totum 
ergo  peccatum  illins  domus  exousso  pul- 
vere  peduni  reliuipiitur^  uihilque  sani- 
tatis  de  insisteiiliuin  apostolonim  vesti- 
piis  uiutualiir.  ]1ieu.  Pulvis  etiam  excu- 
tilur  de  pedibus  in  lestimonium  laboris 
sui,  quod  iu;jressi  sinlcivitatem,  et  pra^- 
dicalio  aposlolica  ad  ilios  usque  perve- 
ueril.  Sive  excutitur  pulvis,  ut  nihil  ab 
eis  accipiant,  nec  ad  victum  quidem  ne- 
cessariu .  qui  Evaugeliuui  spreverint. 
Raba.  Vel  aliter  :  pedes  discipulorum 
ipsuui  opus  iucessumque  pranlifationis 
signant.  Pulvis  vero  quo  aspergunlur, 
terrenee  levitas  est  cogitationis;  a  qua 
eliam  sumnii  doctores  immunes  esse  ne- 


queunt,  cum  pro  auditoribus  soliiciti  sa- 
lubribus  curis  incessauter  intendunt  ;  et 
(piasi  per  itinera  nnuidi,  uno  calcaneo 
teiTie  pulverem  Icgunt.  Qui  ergo  spre- 
verint doctrinaiu  docentiuni ,  sibi  labo- 
res  et  pericula  ta-diumque  sollicitudinum 
ad  testinioniuni  suai  daniuationis  iuDec- 
tunt  ;  t[ui  vero  receperint  verbuni,  aftlic- 
tiones  curas(pie  doctorum  quas  pro  se 
tolerabant,  in  argumeutum  sibi  vertunt 
bumilitatis.  Et  ne  levis  culpa  videatur  esse 
aposlolos  non  recipere,  subdit  :  «  Amen 
dieo  vobis,  tolerabilius  erit  lerra>  Sodo- 
moruni  et  (iumorrhaiorum  in  die  judi- 
oii  quam  illi  eivitati.  »  HlEU.  Quia  Sodo- 
niitis  et  Gouiorrliaeis  non  fuit  pnedica- 
tum;  huic,  autem  euni  pra?diealuiu  sit, 
non  recepitEvangelium.  liKMKi.  Vel  quia 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    X.  79 

Ou  bien  c'est  parce  que  les  habitants  de  Sodome  et  de  Gomorrhe,  au 
milieu  des  désordres  où  ils  vivaient,  exerçaient  volontiers  l'hospitalité, 
bien  que  ceux  qu'ils  ont  reçus  ne  fussent  pas  des  apôtres.  —  S.  Jér. 
Si  la  ville  de  Sodome  est  traitée  moins  rigoureusement  que  cette  cité 
qui  n'a  pas  reçu  l'Evangile,  il  y  a  donc  divers  degrés  dans  les  sup- 
plices des  pécheurs,  —  Rémi.  Notre-Seigneur  choisit  ici  pour  exemple 
les  villes  de  Sodome  et  de  Gomorrhe,  pour  montrer  que  Dieu  a  surtout 
en  horreur  les  péchés  contre  nature,  péchés  qui  ont  attiré  sur  le  monde 
les  eaux  dans  lesquelles  il  a  été  enseveli,  qui  ont  amené  la  destruction 
de  quatre  villes  entières,  et  qui  tous  les  jours  sont  cause  des  maux 
incalculables  qui  viennent  frapper  les  hommes. 

S.  HiL.  Dans  le  sens  mystique,  le  Seigneur  nous  enseigne  à  ne  pas 
fréquenter  les  maisons,  et  à  ne  pas  cultiver  l'amitié  des  personnes  qui 
se  déclarent  ennemis  de  Jésus-Christ  ou  qui  ne  le  connaissent  pas. 
Dans  chaque  ville,  il  nous  faut  donc  demander  qui  est  digne  de  nous 
recevoir,  c'est-à-dire  demander  si  l'Eglise  est  quelque  part,  et  si  Jésus- 
Christ  a  lui-même  une  habitation  ;  et  une  fois  entrés,  n'allons  pas  ail- 
leurs, car  cette  maison  et  celui  qui  l'habite  sont  dignes  que  nous 
nous  y  arrêtions.  Tl  devait  s'en  rencontrer  beaucoup  parmi  les  Juifs, 
dont  l'attachement  pour  la  loi  serait  si  grand  que  tout  en  croyant  en 
Jésus-Christ  dont  ils  avaient  vu  et  admiré  les  prodiges,  ils  ne  pourraient 
cependant  sortir  des  œuvres  de  la  loi.  D'autres,  curieux  d'examiner  la 
liberté  dont  Jésus-Christ  est  l'auteur,  devaient  user  de  feinte,  en  quit- 
tant la  loi  pour  l'Evangile.  Plusieurs  autres  enfin  devaient  être  entraî- 
née dans  l'hérésie  par  la  dépravation  de  leur  intelligence ,  et  comme 
tous  prétendent,  mais  bien  a  tort,  qu'ils  sont  en  possession  de  la  vérité 


Sodomitae  et  Gomorrhsei  intei*  vitia  car- 
nis  et  hospitales  fuisse  leguntur  {Gènes. 
19),  quamvis  non  taies  hospites  recepe- 
rint,  sicut  apostolos.  Hier.  Si  autem  to- 
lerabiliiis  erit  terrte  Sodomorum,  quam 
illi  civitati,  quœ  non  recipit  Evange- 
lium,  ergo  inter  peccatores  supplicia  di- 
versa  sunt.  Remig.  Specialiter  tamen 
Sodomorum  et  Gomorrhaeorum  mentio- 
nem  fecit,  ut  per  hoc  demonstraret  quia 
ilia  peccata  sunt  Deo  magis  odibilia, 
quae  fiunt  contra  naturam  ;  pro  quibus 
deletusest  muadus  aquis  diluvii(6'eJi.6), 
quatuor  civitates  subversse  (Gen  19),  et 
mundus  quotidie  diversis  malis  afÛi- 
gitur. 

lIiLAR.  Mystice  autem  instruit  nos  Do- 
minus  non  immisceri   eorum   domibus 


aut  familiaritatibus,  qui  Christum  aut 
insectantur,  aut  uesciunt  ;  et  in  quacun- 
que  civitate  interrogare  quis  eorum  ha- 
bitatione  sit  dignus  ;  id  est,  sicubi  Flc- 
clesia  sit,  et  Christus  habitator,  neque 
quoquam  alibi  transire;  quia  b*c  est 
domus  dignaet  justusbospes.  Judœoruni 
autem  plures  erant  futuri,  quorum  tan- 
tus  in  l'avorem  legis  affectus  esset ,  ut 
quamvis  per  admiratiouem  operum  in 
Christum  credidissent,  tamen  in  legis 
operibus  morarentur  ;  alii  vero  explo- 
rauda?  libertatis  quœ  in  Christo  est,  cu- 
riosi,  transire  se  ad  Evaugelia  ex  lege 
essent  simulaturi  ;  midti  etiam  in  hîpre- 
sim  per  intelligentiâ'  perversitatem  tra- 
ducerentur  :  et  quia  istiusmodi  omnes 
pênes  se  esse  veritatem  calholicam  men- 


80  EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 

catholique,  il  ne  faut  entrer  qu'avec  précaution  dans  cette  maison  qui 
se  dit  l'Eglise  catholique  (1). 

y.  lfi-18.  —  Je  vous  envoie  comme  des  brebis  au  milieu  des  loups  :  soyez  donc 
prudents  comme  des  serpents  et  simples  comme  des  colombes.  Mais  donnez- 
vous  de  garde  des  hommes,  car  ils  vous  feront  comparaître  dans  leurs  assem- 
blées et  ils  vous  feront  fouetter  dans  leurs  synagogues ,  et  vous  serez  conduits 
à  cause  de  moi  devant  les  gouverneurs  et  devant  les  rois ,  pour  leur  servir  de 
témoignage  à  eux  et  aux  gentils. 

S.  Chrys.  {ho?n.  34.)  Après  avoir  banni  toute  sollicitude  du  cœur  de 
ses  disciples  et  les  avoir  armés  de  la  puissance  de  faire  des  miracles 
éclatants,  il  leur  prédit  les  dangers  qu'ils  devaient  courir.  Il  le  fait, 
premièrement  pour  les  convaincre  de  sa  divine  prescience  ;  seconde- 
ment, pour  éloigner  de  leur  esprit  le  soupçon  que  ces  épreuves  leur 
arrivent  à  cause  de  la  faiblesse  de  leur  Maître;  troisièmement,  pour 
prévenir  l'étonnement  mêlé  de  frayeur  que  ces  maux  leur  causeraient, 
s'ils  venaient  fondre  sur  eux  à  l'improviste  et  contre  toute  espérance  ; 
quatrièmement,  afin  qu'étant  ainsi  prévenus,  le  spectacle  de  la  croix 
ne  les  jetât  pas  dans  le  trouble.  Comme  il  veut  ensuite  leur  apprendre 
les  lois  nouvelles  de  ce  combat,  il  les  envoie  dépouillés  de  tout,  et  il 
veut  qu'ils  soient  nourris  par  ceux  qui  les  recevront.  Il  ne  s'arrête  pas 
là,  mais  il  leur  donne  une  nouvelle  idée  de  sa  puissance,  en  ajoutant  : 
«  Voici  que  je  vous  envoie  comme  des  brebis  au  milieu  des  loups.  » 
Remarquez  que  ce  n'est  pas  seulement  vers  les  loups  qu'il  les  envoie,  • 
mais  au  milieu  des  loups,  afin  que  sa  puissance  se  manifeste  avec 
plus  d'éclat,  lorsqu'on  verra  les  brebis  triompher  des  loups ,  tout  en 
vivant  au  milieu  d'eux,  et  qu'au  lieu  de  périr  sous  leurs  morsures  répé- 

(1)  Le  texte  de  saint  Hilaire  n'est  ici  qu'en  abrégé,  mais  le  sens  est  tout  entier  dans  la  citation, 
si  ce  n'est  que  saint  Hilaire  parlant  de  cette  maison,  est  plus  précis  et  ajoute  entre  parenthèses 
[id  est  Ecclesia  quœ  catholica  dicitur). 


tiuntur  domo  ipsa    (id  est,   Ecclesia  ca- 
tholica), caute  utendum  est. 

Ecce  ego  mitto  vos  sicut  oves  in  medio  luporum  : 
estote  ergo  prudentes  sicut  serpentes ,  et  sim- 
plices  sicut  columbœ.  Caoete  autem  ab  hotni- 
nibus  :  tradcnt  enim  vos  in  concitiis,  et  in  sy- 
nagogis  suis  flagellabunt  vos  ;  et  ad  prœsides, 
et  ad  rrges  ducemini  propter  me,  in  testimo- 
iiiurn  mis  et  gentibus. 

Chrys.  (in  hom.  34,  in  Matili.)  Quia 
superius  apostolorum  reiuovit  sollicitu- 
dinem  et  signonun  suoriim  osteusione 
eos  armavit,  consequenter  pncdicit  eis 
inalaquœ  debebaiit  eis  coutingere  :  pri- 
mo quidetn,  ut  discerent  pnescientia' 
ejus  virtuteui  ;  secundo,  ut  uuUus   sus- 


picaretur  quouiam  propter  imbecillita' 
tem  niagistri  hœc  eis  superveuirent 
mala  ;  tertio,  ut  ipsi  sustinentes  uoa  ob- 
tupescerent,  dum  iuopinabiliter  et  prœ- 
ter  spem  evenireut  ;  quarto,  ut  hoc  au- 
dientes  nou  turbeiitur  iu  tenipore  cru- 
cis.  Deiude  ut  discaut  quouiam  uova 
huic  pnelii  lex  est,  nudos  etiam  mittit 
et  a  suscipientibus  jubet  cibari  :  neque 
in  hoc  sistit,  sed  ulterins  suam  virtutem 
osleudit.  diceus:  «  Ecce  ego  mitto  vos 
si(;ut  oves  in  medio  luporum,  »  etc.  Ubi 
considerandum,  quoil  non  simpliciter  ad 
lupos,  sed  in  medio  luporum  mittit  ;  ut 
sic  suam  virtutem  magis  demonstret, 
cum  oves  lupos  superaverint,  etiam  in 
medio  luporum  existeutes  ;  et  plurimos 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    X.  81 

tées,  elles  parviendront  à  les  changer  et  à  les  convertir.  Or  c'est  une 
œuvre  bien  plus  grande  et  plus  admirable  de  changer  leurs  âmes  que 
de  les  mettre  à  mort.  En  s' exprimant  de  la  sorte,  il  leur  apprend  à 
montrer  la  douceur  des  brebis  au  milieu  des  loups.  —  S.  Grég. 
{homél.  17  sw  l'Evang.)  Celui  qui  se  charge  du  ministère  de  la  pré- 
dication, ne  doit  causer  aucun  mal,  mais  supporter  celui  qu'on  veut 
lui  faire.  C'est  par  cette  douceur  qu'il  adoucira  la  fureur  de  ceux  <|ui 
se  déchaînent  contre  lui,  et  que  ressentant  lui-même  le  contre-coup  des 
afflictions  des  autres,  il  pourra  guérir  les  blessures  des  pécheurs.  Si 
quelquefois  le  zèle  de  la  justice  lui  commande  de  sévir  contre  ceux 
qui  lui  sont  soumis,  il  faut  que  l'amour  et  non  pas  la  dureté  soit  le 
principe  de  sa  colère,  et  que  tout  en  maintenant  au  dehors  les  droits 
de  la  discipline  outragée,  il  aime  d'un  amour  paternel  ceux  qu'il  est 
obligé  de  cbàtier  extérieurement.  Il  en  est  beaucoup,  au  contraire,  qui 
à  peine  revêtus  de  l'autorité  du  commandement,  se  montrent  ardents 
à  tourmenter  leurs  inférieurs,  veulent  imprimer  la  terreur  du  pouvoir, 
et  paraître  dominateurs  ;  ils  oublient  tout-à-fait  qu'ils  sont  pères,  et 
cette  place  qui  leur  fait  un  devoir  de  l'humilité,  devient  pour  eux  un 
sujet  d'orgueil  et  de  domination.  Parfois  peut-être  ils  vous  flattent 
au  dehors,  mais  ils  exercent  intérieurement  leur  fureur  contre  vous, 
et  c'est  d'eux  qu'il  a  été  dit  :  «  Ils  viennent  à  vous  avec  des  vêtements 
de  brebis,  mais  au  dedans  ce  sont  des  loups  ravissants.  »  Remarquons 
ici  que  nous  sommes  envoyés  comme  des  brebis  au  milieu  des  loups, 
parce  que  Dieu  veut  que  nous  conservions  la  pureté  de  l'innocence, 
sans  jamais  nous  rendre  coupables  des  morsures  de  la  méchanceté.  — 
S.  Jér.  Il  donne  le  nom  de  loups  aux  Scribes  et  aux  Pharisiens  qui 
étaient  comme  les  clercs  de  la  religion  juive  (1).  —  S,  Hil.  Ces  loups 

(1)  C'est-à-dire  qu'ils  étaient  chez  les  Juifs  ce  que  les  clercs  sont  chez  nous,  des  hommes  spé- 
cialement conbacrés  au  service  de  Dieu. 


morsus  accipientes  ab  eis,  uod  solum 
non  consumuntur,  sed  et  illos  couver- 
tunt.  Multo  auteni  mirabilius  est  etma- 
jus  trausmutare  meutes  eorum,  (luaiii 
interficere  eos.  Inter  lupos  auteiii,  oviiim 
inarisuetudinem  eos  docet  osteudere. 
(iREG.  {in  /lotn.  17,  in  Evantj.)  Qui  enim 
locuiu  prœdicatoris  suscipit,  malainferre 
uoii  débet,  sed  tolerare  ;  ut  ex  ipsa  sua 
inausuetudine  iram  sœvientium  mitiget, 
et  peccatorum  vulneraipseia  aliis  afilic- 
tionibus  vulneratus,  sanet  :  quoniani 
etsi  quaudoque  zelus  rectitudinis  exigit 
ut  erga  subditos  sseviat,  furor  ipse  de 
amore  sit,  non  de  crudelitate  ;  quatenus 
et  jura  disciplinae  foris  exhibeat,  et  in- 
tus  paterna  pietate  diligat  quos  foris  cas- 

TOM.    II  o 


tigat.  Multi  autem  cum  regiuiiuis  jura 
suscipiant,  ad  lacerandos  subditos  inar- 
descunt,  terrorem  potestatis  exhibent, 
doniiui  videri  appetunt,  patres  se  esse 
minime  recoguoscuut,  humilitatis  locum 
in  elationem  dominationis  immutant  ; 
et,  si  quaudo  extrinsecus  blandiuutur, 
intrinsecus  saeviunt,  de  quibus  dicitur  : 
[Mvtth.  7)  :  «  Veniunt  ad  vos  in  vesti- 
mentis  ovium,  intrinsecus  autem  sunt 
kipi  rapaces  :  »  contra  qua;  nobis  consi- 
deraudum  est,  quia  sicut  oves  inter  lu- 
pos mittimur;  ut  sensum  servantes  in- 
uocentine,  morsum  malitiœ  non  habea- 
mus.  Hier.  Lupos  autem  scribas  et  plia- 
risaîos  vocat,  qui  sunt  clerici  Judaeorum. 
HiLAR.   Lupos    eliam   significat   omues 

6 


82  EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 

figurent  aussi  ceux  qui  dans  leur  fureur  insensée  devaient  se  déchaî- 
ner contre  les  Apôtres. 

S.  Chrys.  {hom.  34.)  Ils  avaient  une  coQsolation  dans  leurs  maux, 
c'était  la  puissance  de  Celui  qui  les  envoyait  :  aussi  le  Sauveur  cherche- 
t-il  à  les  bien  convaincre  avant  tout  de  cette  puissance,  lorsqu'il  leur 
dit  :  «  Voici  que  je  vous  envoie,  »  c'est-à-dire  :  Ne  soyez  pas  effrayés 
d'être  envoyés  au  milieu  des  loups,  car  j'ai  assez  de  puissance  pour  vous 
préserver  entièrement  du  mal  qu'ils  pourraient  vous  faire,  non-seule- 
ment en  vous  arrachant  à  leur  dent  meurtrière,  mais  en  vous  rendant 
terribles  aux  lions  eux-mêmes.  Cependant  il  faut  que  vous  passiez  par 
ces  épreuves,  pour  faire  briller  dans  tout  son  éclat  votre  gloire  et  ma 
puissance.  Toutefois,  pour  que  les  Apôtres  puissent  contribuer  eux- 
mêmes  à  cette  gloire  et  qu'on  ne  croie  pas  qu'ils  ont  été  couronnés 
sans  mérite,  il  ajoute  :  Soyez  donc  prudents  comme  des  serpents  et 
simples  comme  des  colombes.  »  —  S.  Hil.  La  prudence  leur  fera  évi- 
ter les  embûches,  la  simplicité  les  garantira  du  mal.  Notre-Seigneur 
leur  donne  pour  exemple  la  finesse  du  serpent,  parce  qu'il  cache  sa 
tête  dans  les  replis  de  son  corps  afin  de  mettre  à  couvert  le  siège  de  sa 
vie.  Ainsi  devons-nous  sauver  au  péril  de  tout  notre  corps  notre  tête, 
qui  est  Jésus- Christ^  c'est-à-dire  nous  appliquer  à  conserver  notre  foi 
dans  toute  sa  pureté  (1),  dans  toute  son  intégrité.  —  Rab.  Le  serpent 
a  coutume  aussi  de  se  frayer  un  passage  dans  des  ouvertures  étroites, 
pour  y  laisser  en  passant  son  ancienne  peau.  C'est  ainsi  que  le  prédi- 
cateur, en  traversant  la  voie  étroite,  doit  se  dépouiller  entièrement  du 
vieil  homme.  —  Rémi.  Le  Sauveur  donne  ici  une  belle  leçon  aux  pré- 
dicateurs, en  leur  recommandant  d'avoir  la  prudence  du  serpent;  car 

(1)  Allusion  à  ces  paroles  de  saint  Paul  :  a  Que  le  Christ  habite  par  la  foi  dans  vos  cœurs;  n 
Ephes.,  III,  17  ;  et  à  ces  autres  :  «  Pratiquant  la  vérité  dans  la  charité,  croissez  en  celui  qui  en 
toutes  choses  est  votre  chef,  c'est-à-dire  le  Christ.  »  Ephes.,  iv,  15. 


hos  qui  vesano  furore  in  apostolos  desse- 
vituri  eraut. 

Chrys.  {inhom.Z't,  ut  sup.)  Malorum 
autem  erat  eis  consolatio,  niilteutis  vir- 
tus  :  et  ideo  ante  omuia  posuit,  diceus  : 
«  Ecce  ego  mitto  vos,  »  quasi  dicat  :  Ne 
turbemini  quoniam  iu  medio  luporum 
luiltimiui  :  possuni  eniui  facere  ut  uiliil 
inali  sustineatiâ,  non  sulum  lupisuou 
supposili,  sed  leonibus  tenibiliores  ef- 
fecli  :  sed  ita  expedit  fieri  :  boc  enini 
vos  clariores  facit,  et  meam  virtutem 
magis  divulgat.  Deinde,  ut  abquid  etiam 
a  seipsis  inférant,  et  non  sine  causa  co- 
ronari  astimentur,  subdit  :  «  Kstote  ergo 
prudentes  sicut  serpentes,  et  simplices 


sicut  columbœ.  »  Hilar.  Ut  per  pruden- 
tiam  devitent  iusidias,  per  siiuplicitatem 
non  faciaut  nialum.  Et  serpentis  astutia 
ponitur  in  exemplum,  quia  toto  corpore 
occultât  caput  ;  ut  illud,  in  quo  vita 
est  protegat  :  ita  nos  toto  periculo  cor- 
poris  caput  nostrum  (qui  Christus  est) 
custodiamus,  id  est,  fidem  integram  et 
incorruptam  servare  studeaiuus.  Raba. 
Soiet  etiam  serpens  ebgere  slrictas  ri- 
mas, per  quas  transiens  veterem  pellem 
exuat  :  similiter  prœdioator  transiens 
per  angustam  viam,  veterem  hominem 
uuuiiuo  deponat.  Remig.  Pulobre  etiam 
Domiuus  pra^dicatores  serpentis  pruden- 
tiam  monet  habere,  quia  primus  bonio 


ItR   SAINT   MATTHIEU,    CHAI>.    X.  83 

c'est  par  le  serpent  que  le  premier  homme  fut  trompé,  et  il  semble 
leur  dire  :  Le  serpent  a  été  prudent  et  rusé  pour  tromper;  soyez  pru- 
dents vous  mêmes  pour  sauver;  il  a  fait  l'éloge  de  l'arljre  de  la  science  ; 
exaltez  vous-mêmes  la  puissance  de  la  croix.  —  S.  Hil.  Le  démon 
s'est  d'abord  attaqué  à  l'âme  du  sexe  le  plus  faible,  et  l'a  séduite  par 
l'espérance,  eu  lui  promettant  la  participation  à  l'immortalité;  ainsi 
devons-nous  choisir  nous-mêmes  l'occasion  favorable  (eu  égard  à  la 
nature  et  aux  dispositions  d'un  chacun)  pour  parler  avec  prudence, 
révéler  l'espérance  des  biens  éternels  et  prédire  en  toute  vérité,  en 
nous  fondant  sur  la  promesse  de  Dieu  lui-même,  ce  que  le  démon 
n'a  promis  que  par  un  mensonge,  c'est-à-dire  que  ceux  qui  croient 
deviendront  semblables  aux  anges.  {Maiih.  xxii.) 

S.  Ghrys.  {hom.  24.)  De  même  que  nous  devons  avoir  la  prudence  du 
serpent  pour  éviter  d'être  blessés  dans  ce  que  nous  avons  de  plus  cher, 
ainsi  devons-nous  avoir  la  simplicité  de  la  colombe  pour  ne  pas  opposer 
la  vengeance  à  l'injustice  qui  nous  est  faite,  et  ne  pas  dresser  aux  autres 
de  pernicieuses  embûches.  —  Rémi.  Le  Sauveur  réunit  ces  deux  vertus, 
car  la  simplicité  sans  la  prudence  peut  être  facilement  trompée,  et  la 
prudence  a  ses  dangers  lorsqu'elle  n'est  pas  tempérée  par  la  simplicité. 

S.  JÉR.  La  simplicité  des  colombes  nous  est  révélée  dans  la  forme 
sous  laquelle  l'Esprit  saint  a  voulu  paraître,  et  c'est  en  faisant  allusion 
à  cette  vertu  que  l'Apôtre  a  dit  :  «  Soyez  petits  en  malice.» — S.Chrys. 
{ho7n.  34.)  Quoi  de  plus  dur  en  apparence  que  de  semblables  com- 
mandements? Non-seulement  il  faut  souffrir  le  mal,  il  n'est  pas  même 
permis  de  s'en  troubler,  ce  qui  est  le  propre  de  la  colombe  ;  car  la  co- 
lère n'apaise  pas  la  colère,  mais  la  douceur  seule  peut  l'éteindre. 

Rab.  Ces  loups  dont  il  vient  de  parler,  ce  sont  les  hommes,  comme 


per  serpentera  deceptus  est  :  ac  si  dice- 
ret  :Quia  hostis  callidus  fuit  ad  decipien- 
dum,  vos  prudentes  sitis  ad  liberan- 
dum  :  ille  laudavit  liguuni,  vos  laudate 
cruels  virtutem.  IliLAR.  Illeanimuui  pri- 
mum  mollioris  sexus  agjiressus  est ,  spe 
deiude  illexit,  et  commuuioneiu  immor- 
talitatis  spopondit  :  pari  ergo  opportu- 
uitate  (iutrospecta  uniuscujusquenatura 
et  vùluntate)  verboruni  adbibenda  pru- 
dentiaesl,  spes  futuroruui  bouorum  reve- 
landa;  ut  quod  ille  mentitus  est,  nos 
prœdicemus  ex  vero  secundum  spousio- 
ueni  Dei  (Matth.  22.),  Augelis  similes 
l'uturos  esse  qui  credant. 

CiJRY.s.  [in  hom.  24,  nt  sup.)  Sicut 
autem  prudentiam  serpentis  oportet  ha- 
bere,  ut  lu  priucipalibua  non  laedamur, 


sic  et  simplicilatem  columba-  in  non 
viudicando  cum  injusta  patimur  ;  ueque 
per  iusidias  alicui  noceudo.  Reufg.  Ideo 
autena  Dominus  boec  duo  sociavit ,  quia 
suuplicitasabsque  prudentia  facile  decipi 
potest  ;  et  prudentia  periculosa  est,  uisi 
simplicltate  teiuperetur. 

HiKU.  Siniplicitas  autem  columbaruiu 
ex  Spiritus  Saucti  specie  deuioustratur  : 
unde  dicit  Apostolus  (1  ad  Cor.  14)  : 
«  Malitia  autem  parvuli  estote.  »  Chrys. 
[in  hom.  34,  ut  sup.)  Qidd  autem  durius 
bis  fiet  jussionibus  "'  Nou  enim  sut'ticiens 
est  pati  mala,  sed  ueque  turbari  concedi- 
tur  (quod  est  columba')  ;  ira  enim  nou 
per  iram,  sed  per  mansuetudinem  extiu- 
guitur. 

Rab.  Quod  autem  lupi,  de  quibus  su- 


84 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


le  prouvent  les  paroles  suivantes  :  «  Gardez-vous  des  hommes.  »  La 
Glose  (1).  II  est  donc  nécessaire  que  vous  soyez  comme  des  serpents, 
c'est-à-dire  pleins  de  finesse,  car  tout  d'abord  ,  suivant  leur  coutume, 
ils  vous  traduiront  devant  leurs  tribunaux,  et  vous  défendront  de 
prêcher  en  mon  nom  ;  et  si  vous  n'obéissez,  ils  vous  feront  fouetter  de 
verges  et  vous  conduiront  eutin  devant  les  gouverneurs  et  devant 
les  rois.  — ■_  S.  Hil.  {can.  10  sur  S.  Matth.)  Ce  sont  eux  qui  s'efiforcent 
d'arracher  un  aveu  à  votre  silence  ou  votre  consentement  à  leurs 
projets. 

S.  Chrys.  {hom.  34.)  Il  est  vraiment  surprenant  qu'en  parlant  de  la 
sorte  le  Sauveur  n'ait  pas  vu  s'éloigner  aussitôt  de  lui  ces  hommes 
qui  n'avaient  jamais  quitté  les  bords  du  lac  dans  lequel  ils  jettaieut 
leurs  filets.  C'est  là  une  preuve  non-seulement  de  leur  vertu,  mais  de 
la  sagesse  du  docteur  qui  les  enseignait  ;  car  à  chacun  des  maux  qu'il 
leur  prédisait  il  prenait  soin  de  joindre  un  adoucissement.  C'est  pour 
cela  qu'il  ajoute  :  «  A  cause  de  moi.  »  C'est  en  effet  une  bien  grande 
consolation  de  souffrir  pour  Jésus-Christ.  Les  Apôtres  n'étaient  pas 
persécutés  comme  des  méchants  et  des  scélérats  ('2);  Notre-Seigneur 
en  donne  la  raison  :  «  Pour  leur  servir  de  témoignage.  »  —  S.  Grég. 
[hom.  31.)  C'est-à-dire  à  ceux  qui  leur  ont  donné  la  mort  en  les  per- 
sécutant ou  qui  n'ont  pas  changé  eux-mêmes  de  vie  ;  car  la  mort  des 
saints  est  un  puissant  secours  pour  les  bons  comme  elle  est  un  té- 
moignage contre  les  méchants  qui  périssent  sans  excuse  là  où  les  élus 
trouvent  de  salutaires  exemples  qui  les  conduisent  à  la  vie. 

S.  Chrys.  {hom.  34.)  Ce  qui  les  consolait  dans  ces  paroles  ,  ce  n'est 

(1)  Saint  Anselme,  qui  donne  à  celte  pensée  de  plus  grands  développements. 

(2)  Tel  est  le  sens  des  mots  grecs  Ttovrjpol  xat  >.i|J.£wve?,  noms  qu'on  donnait  ;i  ceux  dont  la 
vie  était  comme  une  peste  publique,  que  les  Grecs  appellent  ),i[xôv. 


pra  dixerat,  sint  homines,  osteudit  cum 
subdit:  «Cavete  autem  ab  homiuibus.  » 
Glossa.  Ideo  autem  neeessariuni  est  ut 
sitissicut  serpentes,  id  est,  astuti  :  nam 
secunduni  suam  consuetudinem,  tradent 
vos  primum  in  conciliis,  prohibendo  ne 
praedicetir;  iu  noiuine  meo  ;  deinde  in- 
correctos  flagellabunt  vos;  tandem  ad 
reges  et  pra?.~ides  (Uu-emini.  IIilar. 
[Can.  10,  in  Matth.)  Qui  extorquore  si- 
leutium  vestrum,  aut  connivcntiam,  ten- 
tant. 

Chrys.  [in  hom.  31,  nt  svp.)  Miran- 
dum  est  autem,  qualiter  boc  audicnles, 
non  slatim  abscesserint  bomines,  ([ui 
stagnum  illud  niuiquam  egrossi  l'uerant 
circa  (juûd  piscabautur  :  quod  non  vir- 


tutis  eorum  erat  sobim,  sed  sapientiae 
Doctoris.  Uuicuique  euim  malorum  miti- 
gationem  adjungit  :  uude  et  boc  dicit  : 
«  Propter  me  ;  non  euim  parva  consola- 
tio  est  propter  Cbristum  pati,  quoniani 
non  ut  perniciosi  et  nocivi  boc  patie 
bautur  :  et  rationem  addidit  :  «  In  testi- 
uionium  illis.  »  GiucG.  [in  homil.  '.i't,  in 
L'vanij.)  Qui  scibcet  persequeudo  mor- 
teui  iutulerunt,  vel  qui  viveudo  non 
sunt  mutali  :  mors  quippe  sanctorum 
bonis  est  in  adjulorium,  mabs  iu  testi- 
monium  ;  ut  inde  perversi  sine  excusa- 
(iune  pereant ,  unde  electi  exemplum 
capiunt  ut  vivant. 

Chhys.  (in  Jiom.  :{'t,  ntsxip.)  Hoc  au- 
tem eos  coDsolabatm",  non  quia  aliorum 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    X.  85 

pas  le  désir  de  voir  la  ruine  de  leurs  cnuemis  ,  mais  la  vive  confiance 
qu'ils  avaient  que  le  Sauveur  était  toujours  avec  eux  et  prévoyait  tout 
ce  qui  devait  leur  arriver.  —  S.  Hil.  {can.  10  sur  S.  Matth.)  Ce  té- 
moignage non-seulement  enlève  aux  persécuteurs  toute  excuse ,  mais 
encore  ouvre  aux  nations  le  chemin  de  la  foi  en  Jésus-Christ ,  qui 
leur  fut  prêchée  jusqu'au  milieu  des  tourments  par  la  voix  ferme  et 
constante  des  confesseurs  ;  et  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  :  a  Et  aux 
nations.  » 

y.  19,  20.  —  Lors  donc  qu'on  vous  livrera,  ne  vous  mettez  point  en  peine  com- 
ment vous  leur  parlerez  ni  de  ce  que  vous  leur  direz;  car  ce  que  vous  devrez 
dire  vous  sera  donné  à  l'heure  même,  parce  que  ce  n'est  pas  vous  qui  parlez, 
mais  c'est  l'Esprit  de  votre  Père  qui  parle  en  vous. 

S.  CuRYs.  {hom.  34.)  Aux  consolations  qui  précèdent,  le  Sauveur  en 
ajoute  une  non  moins  grande.  Les  Apôtres  auraient  pu  lui  dire  : 
Comment  pourrons-nous  persuader  les  esprits  au  milieu  de  tant  de 
persécutions  ?  Jésus  leur  commande  de  ne  point  se  préoccuper  de  ce 
qu'ils  auront  à  répondre.  «Lorsqu'on  vous  livrera,  leur  dit-il,  ne  vous 
mettez  point  en  peine  comment  vous  leur  parlerez ,  ni  de  ce  que  vous 
leur  direz.  »  Il  distingue  ici  deux  choses  :  la  réponse  et  la  forme  qu'on 
peut  lui  donner  ;  l'une  qui  a  pour  principe  la  sagesse ,  et  l'autre  qui 
est  du  ressort  de  la  parole.  Or,  comme  c'était  de  lui  que  venaient  et 
les  paroles  qu'ils  devaient  dire,  et  la  sagesse  qui  les  inspirait,  les  pré- 
dicateurs de  l'Evangile  n'avaient  nullement  à  se  préoccuper  soit  du 
fond  soit  de  la  forme  de  leur  discours.  —  S.  Jér.  Lorsque  nous 
sommes  traduits  devant  les  juges  de  la  terre  pour  la  cause  de  Jésus- 
Christ,  nous  n'avons  qu'une  chose  à  faire  :  offrir  pour  lui  notre  vo- 
lonté.  Pour  le  reste,  Jésus-Christ,  qui  lui-même  habite  en  nous, 


cupiebant  pœnam,  sed  ut  confidentiam 
habeant,  quoniam  ubique  eum  habent 
praeseutem  etpreescieutem.  Hilar.  [Can. 
10,  in  Matth.)  Non  soluoi  autem  hoc 
testimouio  excusatio  ignoratfc  Divinita- 
tis  adimenda  est  persequeutibus,  sed 
etiam  gentibus  via  pandenda  credendi 
Chrislum,  perlinacibus  (inter  ssvien- 
tium  pœnas)  confessoruoi  vocibus  pr*- 
dicatum  :  et  hoc  est  cum  subjungil  : 
Gentibus. 

Cum  autem  tradent  vos,  nolite  cogitare  quomodo 
aut  quid  loquamini  :  dabitur  enim  vobis  in  illa 
fiora  quid  loquamini  ;  non  enim  vos  estis  qui 
loquimini,  sed  Spiritus  Patris  vestri  qui  lo- 
quitur  in  vobis. 

Chrys.  (m  hom.  34,  ut  sup.)  Cumprae- 


missis  consolationibus  non  parvam  et 
aliam  appouit  :  ut  enim  non  dicerent  : 
«Qualitersuadere  poterimus,talibus  per- 
secutionibusexistentilîus;  »  jubet  eos  de 
responsione  coufidere,  dicens  :  «Cum  au- 
tem tradent  vos,  nolite  cogitare  quomodo 
aut  quid  loquamini.  »  Duo  autem  dicit  : 
Quomodo,  oui  quid  ;  quorum  unum  refer- 
lurad  sapieutiam,  alterum  ad  oris  offi- 
cium  :  quia  enim  et  ipse  submiuistrabat 
verbaqu8eloquerentur,etsapientiamqua 
ea  proferrent,  non  fueratnecesse  sanctis 
prœdicatoribus  cogitare  quid  loqueren- 
tur  aut  quomodo.  Hier.  Cum  enim  prop- 
ter  Christum  ducamur  ad  judices,  voluu- 
tatem  tantum  nostram  pro  Christo  debe- 
mus  offerre  :  cœterum  ipse  Christus,  qui 
in  nobis  habitat,  loquetur  pro  se  ;  et  Spi- 


86 


EXPLICATION   DE   L  ÉVANGILE 


parlera  pour  lui-même,  et  le  Saint-Esprit  nous  prêtera  son  secours  di- 
vin pour  r(>pondre.  —  S.  Hil.  Car  si  notre  foi  se  donne  tout  entière 
à  l'accomplissement  des  divins  préceptes,  Dieu  de  son  côté  lui  donnera 
la  science  nécessaire  pour  répondre  ;  elle  en  a  pour  garant  l'exemple 
d'Abraham  à  qui  Dieu,  après  lui  avoir  demandé  le  sacrifice  de  son 
fils  Isaac,  fit  trouver  le  bélier  nécessaire  au  sacrifice.  {Genèse ,  xxii.) 
Aussi  prend-il  soin  d'ajouter  :  a  Car  ce  n'est  pas  vous  qui  parlez.  » — 
Rémi.  Voici  le  sens  de  ces  paroles  :  C'est  vous  qui  marchez  au  combat, 
mais  c'est  moi  qui  en  soutiens  tout  l'eflort  ;  c'est  vous  qui  prononcez 
les  paroles,  mais  c'est  moi-même  qui  parle  par  votre  bouche.  C'est  ce 
ce  qui  faisait  dire  à  saint  Paul  :  a  Est-ce  que  vous  voulez  faire  l'ex- 
périence de  Jésus-Christ  qui  parle  par  ma  bouche?»  —  S.  Chrys. 
{hom.  34.)  C'est  ainsi  qu'il  revêt  les  Apôtres  de  la  dignité  des  pro- 
phètes qui  ont  parlé  sous  l'inspiration  de  l'Esprit  saint.  Or ,  ce  qu'il 
leur  dit  ici  :  «  Ne  soyez  pas  en  peine  de  ce  que  vous  direz,  »  n'est  pas 
contraire  à  ce  qui  est  dit  ailleurs  :  «  Soyez  toujours  prêts  à  répondre 
pour  votre  défense  à  tous  ceux  qui  vous  demanderont  raison  de  l'es- 
pérance qui  est  en  vous.  »  Lorsque  la  discussion  s'engage  entre  nous 
et  nos  amis ,  nous  devons  nous  préoccuper  de  ce  que  nous  répon- 
drons ;  mais  devant  le  tribunal  effrayant  des  persécuteurs,  au  milieu 
d'un  peuple  en  furie,  alors  que  nous  ne  voyons  de  tous  côtés  que  des 
sujets  d'effroi ,  Jésus-Christ  vient  à  notre  secours  et  nous  donne  la 
force  de  parler  avec  une  sainte  hardiesse  et  d'être  inaccessible  à  la 
crainte. 


y.  21 ,  22.  —  Or  le  frère  livrera  le  frère  à  la  mort  et  le  père  le  fils,  les  enfants 
se  soulèveront  contre  leurs  pères  et  leurs  mères  et  les  feront  mourir.  Et  vous 


,  ritus  Sancti  iii  respondendo  gratia  mi- 
nistrabitur.  Hilar.  Fides  enim  nostra 
omnibus  prœceptis  divinsc  voluntatis  in- 
tenta, ad  responriiouem  scientiîe  instrue- 
tur  ;  in  exeniplo  habcns  Abrabani,  cui 
(postulato  ad  hostiani  Isaac),  non  défait 
Hi'ies  ad  viotiniani.  {Gen.  22.)  Etideo  se- 
qiiitnr  :  «  Non  enini  vos  cstis  qui  ioqui- 
luini,  »  etc.  Hkmk;.  Et  est  sensus  :  Vo.-; 
accedilis  ad  certanien,  sed  ego  sum  (jui 
pr.'flior  ;  vos  verba  editis,  sed  ego  lo- 
quor.  Hinc  Paidus  ait  (Il  Corint/i.  13)  : 
«  Au  experientiani  quœritis  cjus  qui  in 
meloquilur  Cliristus  ?  Chrvs.  {in  hom. 
.'M,  iil  Slip.)  Per  lioc  antem  ad  propbe- 
tarnni  dignitaf>Mn  eos  reduxit  qui  scili- 
cetDei  Spiritu  suul  loculi.  Cum  auteui 


liic  dicit  :  «  Ne  soUiciti  sitis  quid  !o- 
quamini,  »  et  alibi  dicitur  (I  Petr.  3)  : 
Parati  semper  ad  satisfactionem  omni 
posceuti  vos  rationeui  de  ea  quœ  in 
vobis  est  spe  ;  »  non  est  inter  se  cou- 
trarium.  Cum  enim  in  medio  amico- 
runi  certanien  erit,  jubeninr  esse  sol- 
liciti  :  cum  autom  est  judicium  ter- 
ribile,  et  plèbes  insanieiites,  et  timor 
undiijue,  auxilium  a  Cliristo  pr;pbetur, 
ut  conlidenter  loquantur,  et  non  obstu- 
peseant. 


Tradpt  autem  fratev  fratrem  in  mortcni,  et 
poler  filium,  H  insurgent  filii  in  parentes, 
l'I  morte  eos  afficient  :  et  eritis  odio  omni- 
bus Iwminibus  propler  nomen  meum.  Qui  au- 


DF   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    X. 


87 


serez  hais  de  tous  à  cause  de  mon  nom  ;  mais  celui-là  sera  sauvé  qui  persé- 
vérera jusqu'à  la  fin. 

La  Glose  (1).  Notre- Seigneur  a  fait  précéder  la  consolation,  il  pré- 
dit maintenant  de  plus  grands  dangers  :  a  Le  frère  livrera  son  frère 
à  la  mort,  et  le  père  son  fils,  et  les  fils  s'élèveront  contre  leurs  pa- 
rents, ï)  —  S.  Grég.  {hom.  35  sur  les  Evang.)  Les  peines  que  nous 
causent  ceux  dont  l'affection  et  la  fidélité  nous  paraissaient  acquises, 
nous  sont  beaucoup  plus  sensibles  que  les  épreuves  qui  nous  viennent 
de  personnes  qui  nous  sont  étrangères;  car  alors,  outre  la  douleur  du 
corps,  nous  sommes  déchirés  par  le  regret  de  l'affection  que  nous 
avons  perdue.  —  S.  Jér.  C'est  ce  qui  arrive  souvent  dans  les  persécu- 
tions, et  il  n'y  a  point  à  compter  sur  l'affection  de  ceux  qui  n'ont 
point  la  même  foi. 

S.  Chrys.  {hom.  3i.)  Voici  une  épreuve  plus  terrible  encore  :  a  Et 
vous  serez  haïs  de  tous  les  hommes.  »  Et  en  effet  on  les  poursuivait, 
et  on  voulait  les  chasser  comme  les  ennemis  communs  du  genre  hu- 
main. Aussi  leur  présente-t-il  de  nouveau  cette  double  consolation  : 
«  A  cause  de  mon  nom,  »  et  cette  autre  .  «  Celui  qui  persévérera 
jusqu'à  la  fin  sera  sauvé.  »  Il  en  est  beaucoup,  en  effet,  qui,  pleins 
d'ardeur  dans  les  commencements,  perdent  insensiblement  toute  leur 
force  ;  c'est  pourquoi  le  Sauveur  demande  la  persévérance  jusqu'à  la 
fin.  Car  de  quelle  utilité  peuvent  être  les  semences  qui  donnent  d'abord 
des  fleurs ,  et  qu'on  voit  ensuite  se  dessécher  sur  leur  tige  ?  Aussi 
exige-t-il  de  ses  disciples  une  persévérance  constante. — S.  Jér.  Le  ca- 
ractère propre  de  la  vertu,  ce  n'est  pas  de  commencer ,  c'est  d'a- 

'1)  Cette  citation  se  trouve  non  dans  la  Glose,  mais  dans  saint  Anselme. 


tem  perseveraverit  risque  in  finem ,  hic  salvus 
erit. 


Glossa.  Prsemissa  consolatione  sub- 
dit  graviora  pericula  :  unde  dicitur  : 
«  Tradet  autem  frater  fratrem  in  mor- 
tem,  et  pater  fdium  ;  et  insurgent  filii  in 
parentes,  »  etc.  Grf.g.  [in  hom.  35,  in 
Evang.)  Minorem  enim  dolorem  inge- 
runt  niala,  qu»  ab  extraneis ,  majorem 
quae  ab  illis  patimur,  de  quorum  menti- 
bus  (vel  atlectibus)  praesumebamus  ;  quia 
cum  damno  corporis,  mala  nos  cruciant 
amissae  charitatis.  Hier.  Hoc  autem  in 
persecutionibus  fieri  crebro  videmus  ;  nec 
uUus  est  inter  eos  fîdus  affectus,  quorum 
diversa  estfides. 

Chrys.  {in  homil.  34,  ut  sup.)  Deinde 


quod  estmulta  horribilius,  apposait,  di- 
cens  :  «  Et  eritis  odio  omnibus  homini- 
bus  ;  »  ut  enim  communes  orbis  terra- 
rum  hostes,  ita  eos  expellere  tentabant  : 
bine  etiam  rursus  apponitur  consolatio, 
cum  dicit  :  «  Propter  nomen  meum;  » 
et  cum  boc  rursus  aliam  consolationem 
ponit,  cum  subditur  :  «  Qui  autem  per- 
severaverit usque  in  finem,  salvus  erit;» 
quoniam  enim  consuoveruut  multi  in 
principio  quidem  esse  véhémentes,  pos- 
tea  vero  dissolvi,  propter  hoc  ait  quo- 
niam finem  requiro  ;  qusî  enim  utilitas 
est  seminum,  in  principio  quidem  flo- 
rescentium,  postmodum  autem  tabes- 
centium  ?  Propter  hoc  autem  sufficien- 
tem  perseverantiam  expetit  ab  ipsis. 
Hier.  Non  enim  cœpisse,  sed  perfecisse. 


88 


EXPLICATION   DE   L  EVANfilF.E 


chever.  —  Rémi.  Et  ce  n'est  pas  à  ceux  qui  commencent,  mais  à  ceux 
qui  persévèrent,  que  la  récompense  est  donnée. 

S.CHRYS.(Aom.  34.)  Notre-Seigneur  prévient  ici  cette  difficulté  :  Le 
Christ  est  l'auteur  de  tout  ce  que  nous  admirons  dans  les  Apôtres;  il 
n'est  donc  pas  surprenant  qu'ils  soient  devenus  ce  qu'on  les  a  vus, 
puisqu'ils  n'avaient  rien  à  supporter  de  pénible;  c'est  pourquoi  il 
ajoute  que  la  persévérance  leur  est  nécessaire.  Car  lors  même  qu'il  les 
aurait  arrachés  aux  premiers  dangers ,  ils  étaient  réservés  à  d'autres 
plus  grands  encore ,  auxquels  de  nouveaux  devaient  succéder,  puis- 
qu'ils ne  devaient  pas  vivre  un  instant  sans  avoir  à  redouter  les 
pièges  qu'on  leur  dressait,  vérité  qu'il  leur  révèle  d'une  manière  in- 
directe, en  leur  disant  :  «  Celui  ipii  persévérera  jusqu'à  la  fin  sera 
sauvé.  »  —  Rémi.  C'est-à-dire  celui  qui  n'abandonnera  pas  les  pré- 
ceptes de  la  foi,  qui  ne  faiblira  pas  dans  les  persécutions,  celui-là  sera 
sauvé,  et  les  persécutions  de  la  terre  lui  mériteront  les  récompenses 
du  royaume  des  cieux.  Remarquez  que  le  mot  fin  ne  signifie  pas  tou- 
jours la  destruction  d'une  chose,  mai  s  quelquefois  sa  perfection,  comme 
dans  ce  passage  :  «  Le  Christ  est  la  fin.  »  {Rom.  x.)  On  peut  donc 
adopter  ce  sens  :  «  Celui  qui  persévérera  jusqu'à  la  fin,  »  c'estrà-dire 
dans  le  Christ.  —  S.  Aug.  (Cité  de  Dieu,  liv.  xxi,  chap.  25.)  En  eflet, 
persévérer  dans  le  Christ,  c'est  persévérer  dans  la  foi  que  nous  avons 
eu  lui  et  qui  agit  par  la  charité. 

y.  23.  — Lors  donc  qu'ils  vous  persécuteront  dans  xine  ville,  fuyez  dans  une 
autre;  je  vous  le  dis  en  vérité,  vous  n'aurez  pas  achevé  toutes  les  villes  d'Israël 
que  le  Fils  de  l'homme  ne  vienne. 

S.  Chrys.  [hom.  35.)  Après  avoir  prédit  à  ses  Apôtres  les  épreuves 


virtutis  est.  RiiMiG.  Nec  iaclioaiitibus, 
sod  perseverantihus,  privmiura  tribuitur. 
Chrys.  [in  hom.  .34,  lit  sup.)  Ne  an- 
tem  aliquis  dicat  :  «  Quia  oninia  Chris- 
tiis  in  apostolis  fecit,  nihil  mirabile  est 
taies  illos  esse  ofTeclos,  iiiliil  patientes 
onerosum,  »  propter  hoc  ait,  qnnd  jier- 
severanlia  eis  opus  est.  Etsi  enim  ex 
priniis  eruti  fiierint  periculis,  aliis  diffi- 
<ilioribus  conservanlur;  et  posl  illa  rar- 
sus  alia  sneitedent  ;  et  non  staliunt,  quin 
insidias  paliantur,  donec  vivant  ;  et  hoc 
occulte  insinuât  dicens  :  «  Qui  perseve- 
raverit  usque  in  tineni,  hic  salvus  erit.» 
HiiMiG.  Fd  est,  qui  prfpcepta  fidei  non 
deseruerit ,  et  in  persecutionibus  non 
defecerit,  salvus  erit  ;  quia  pro  persecu- 


tionibus terrenis  percipiel  prsemia  resinl 
ciiflestis.  Et  notanduui  quia  finis  non 
semper  signât  consumptionem,  sed  ali- 
quando  perfectionem,  juxta  illud  {Bom. 
10)  :  «  Finis  Christus  est.  »  Unde  etiani 
potest  esse  sensus  :  «  Qui  perseverave- 
rit  nsque  in  fineni,  »  id  est,  in  Christo. 
Arc.  (xxi  de  Civil.  Dei,  cap.  25.)  In 
Christo  namque  perseverare,  est  in  fide 
ejus  perseverare  quae  per  dilectionem 
operatur.  (Gai.  5.) 

Cum  autem  persequentur  vos  in  civitate  ista,  fu- 
i)itfi  in  nliaiii.  Amen  riico  vobis,  non  consum- 
mnhitis  dvitate.t   Israël,  âonec  veniat  Filiu.t 

liomiiiis. 

CuuYS.  {in  hom.  3'6,  in  Malth.)  Posl- 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   X.  89 

terribles  qui  devaient  leur  arriver  après  son  crucifiement,  sa  résurrec- 
tion et  son  ascension,  il  ramène  leur  pensée  sur  des  considérations  moins 
sévères  ;  il  ne  leur  fait  pas  un  devoir  d'affronter  audacieusement  la 
persécution,  mais  leur  ordonne  même  de  la  fuir.  «  Lorsqu'ils  vous  per- 
sécuteront, fuyez.  »  Le  Sauveur  use  à  leur  égard  de  cette  condescen- 
dance, parce  qu'ils  étaient  nouvellement  convertis. —  S.Jér.  Il  faut 
rapporter  ces  paroles  au  temps  où  il  envoyait  les  Apôtres  prêcher 
l'Evangile  en  leur  disant  :  «  N'allez  pas  dans  la  voie  des  Gentils;  » 
c'est-à-dire  qu'ils  ne  doivent  pas  craindre  la  persécution ,  mais  l'é- 
viter,  c'est  ce  que  nous  voyons  faire  aux  fidèles  de  la  primitive  Eglise; 
la  persécution  s'étant  élevée  à  Jérusalem ,  ils  se  dispersèrent  dans 
toute  la  Judée  {Actes,  viii),  et  c'est  ainsi  que  la  persécution  devint 
elle-même  le  principe  de  la  propagation  de  l'Evangile  (1). 

S.  AuCt.  {contre  Faust,  liv.  xxn,  chap.  39.)  Si  le  Sauveur  leur  or- 
donne de  fuir,  et  si  lui-même  le  premier  leur  en  a  donné  l'exemple, 
ce  n'est  point  par  impuissance  de  défendre  ses  disciples ,  mais  c'est 
pour  enseigner  à  la  faiblesse  de  l'homme  à  ne  pas  tenter  Dieu,  quand 
il  est  eu  son  pouvoir  de  fuir  le  danger  qu'il  doit  éviter.  —  S.  Aug. 
{Cité  de  Dieu,  liv.  i,  chap.  23.)  Il  aurait  pu  leur  conseiller  de  mettre 
fin  à  leurs  jours  pour  ne  pas  tomber  entre  les  mains  des  persécuteurs. 
Or,  puisqu'il  n'a  donné  ni  l'ordre  ni  le  conseil  de  sortir  ainsi  de  cette 
vie  à  ceux  qu'il  a  promis  de  recevoir  dans  les  demeures  éternelles 
qu'il  est  allé  leur  préparer;  quels  que  soient  les  exemples  que 
puissent  nous  opposer  les  nations  qui  ne  connaissent  pas  Dieu ,  il  est 

(1)  Nous  lisons  au  chap.  viii  des  Actes,  que  tous  les  chrétiens  se  dispersèrent  dans  la  Judée  et 
dans  la  Samarie,  excepté  les  apôtres. 


quam  prsedixit  terribilia  illa,  qu»  post 
crucem,  et  resurrectionem,  et  ascensio- 
nem  eis  erant  ventura,  rursus  ducit  eos 
ad  mansuetiora  :  non  eniiu  jussit  eos 
ad  persecutionem  audaciter  ire,  sed  fu- 
gere  :  unde  dicit  :  «  Cum  autem  perse- 
quentur  vos,  fugite  ;  »  quia  enim  inté- 
rim principium  erat  conversiouis  eorum, 
condecenti  utitur  sermone.  Hier.  Hoc 
enim  ad  illud  tempus  référendum  est, 
cum  ad  praedicationem  apostoli  mitte- 
bantur,  quibus  et  proprie  dictum  est  : 
«  In  viam  (jentium  ne  abieritis  ;  »  quod 
persecutionem  timere  non  debeant,  sed 
declinare  :  quod  quidem  videmus  in 
principio  fecisse  credentes,  quando  orta 
Hierosolymis  persecutione,  dispersi  sunt 
in  universam  Judaeam  (Act.S),  ut  tribu- 


lationis  occasio  fieret  Evangelii  semina- 
rium. 

Aug  .  {Co7i.  Faust,  lib.  xxii,  cap.  39.) 
Neque  tamen  Salvator  quia  non  potueral 
tueri  discipulos  suos,  ideo  fugere  prœ- 
cipit,  et  bujus  rei  prior  exempium  prcE- 
buit;  sed  instruebat  homiuis  infirmita- 
tem,  ne  Deum  tentare  audeat  quando 
habet  quid  fai-iat,  ut  quod  cavere  opor- 
tet,  évadât.  Aug.  (1  de  civit.  Dei,  cap. 
23.)  Potuit  autem  eos  admonere  ut  sibi 
manus  iuferreut,  ut  non  in  manus  per- 
sequentium  devenirent.  Porro  si  hoc 
ille  non  jussit  aut  monuit,  ut  hoc  modo 
sui  ex  bac  vita  emigrarent,  quibus  mi- 
grantibus  se  mansionem  aeternam  prae- 
paraturum  esse  promisit,  queelibet  ex- 
empla  opponant   gentes  quae  igaoraut 


90 


EXPLICATION   DR   l'ÉVANGILE 


évident  que  se  donner  la  mort  est  un  crime  pour  ceux  qui  croient  en 
un  seul  et  vrai  Dieu  (1). 

S.  Chri's.  {hom.  35.)  Les  Apôtres  pouvaient  lui  objecter  :  Mais  que 
ferons-nous  si  après  avoir  fui  la  persécution  qui  nous  menace ,  on 
nous  chasse  encore  de  la  contrée  que  nous  aurons  choisie?  Le  Sei- 
gneur bannit  cette  crainte  de  leur  cœur  en  ajoutant  :  «  Je  vous  dis  en 
vérité,  vous  n'aurez  pas  achevé  toutes  les  demeures  d'Israël  jusqu'à  ce 
(juc  vienne  le  Fils  de  l'homme ,  »  c'est-à-dire  en  parcourant  la  Pa- 
lestine, vous  ne  devancerez  pas  le  temps  où  je  dois  venir  vous  cher- 
cher et  vous  prendre  avec  moi.  —  Rab.  Ou  bien  il  leur  prédit  qu'ils 
ne  convertiront  pas  à  la  foi  par  leurs  prédications  toutes  les  villes 
d'Israël  avant  la  résurrection  du  Sauveur,  et  aussi  avant  qu'ils  aient 
reçu  le  pouvoir  de  prêcher  l'Evangile  par  toute  la  terre.  —  S.  Hil. 
{can.  10  sur  S.  Matth.)  Ou  bien  encore  il  leur  conseille  de  fuir  d'une 
ville  dans  une  autre,  parce  que  la  prédication  de  l'Evangile,  repoussée 
par  la  Judée,  s'est  fait  entendre  dans  la  Grèce.  Elle  s'est  ensuite  ré- 
pandue dans  toutes  les  villes  de  cette  contrée  par  les  persécutions 
multipliées  des  Apôtres,  et  de  là  elle  s'est  fixée,  poury^demeurer,  dans 
l'universalité  des  nations.  Mais  le  Seigneur,  voulant  montrer  que  si  les 
nations  seraient  amenées  à  la  foi  par  la  prédication  des  Apôtres,  les 
restes  d'Israël  ne  devraient  leur  conversion  qu'à  son  avènement, 
il  ajoute  :  «  Vous  n'achèverez  pas  toutes  les  villes ,  »  c'est-à-dire 
qu'après  la  plénitude  des  nations,  ce  qui  restera  d'Israël  pour  con- 
sommer le  nombre  des  saints  sera  réuni  à  l'Eglise  par  l'éclat  du  der- 
nier avènement  de  Jésus-Christ. 

S.  AuG.  [Lettre  180  à  Honorât.)  Que  les  serviteurs  de  Jésus-Christ 

(1)  Ces  exemples  sont  ceux  des  païens,  qui  s'étaient  donné  la  mort  pour  ne  pas  tomber  aux 
mains  de  leurs  ennemis. 


Deuin,  nianife^tuin   est  hoc  non   licere 
credentibus  uuuni  vernra  Deura. 

Chrys.  {in  homil.  35 ,  ut  sup.)  Ne 
autem  dicant  :  «  Quid  igilur  si  perse- 
cutionem  passi  fugerimus ,  et  rursus 
hinc  nos  abjecerint?»  hune  destruens 
timoreni,  ait  :  «  Amen  dico  vobis,  non 
cousummabitis  civitates  Israël ,  donec 
veniat  Fihus  honiinis,  »  id  est,  non  pr.iî- 
venietis  me  circumeuntes  Palrestinam , 
donec.  vos  assumam.  Hau.  Vol  pra>di(it 
qiiod  non  ante  praedicationibus  suis  ad 
fidem  perdueent  omnes  civitates  Israël, 
quam  resurreclio  Domini  fuerit  ]»erpe- 
trata,  et  in  toto  orbe  terrarum  praedi- 
candi  Evangelium  potestas  eoneessa. 
HiLAR.  {Can.  10,  in  Matth.)  Vel  ahter: 


ex  una  in  aliam  fugam  suadet,  quia 
prœdicatio  ejus  primum  a  Judaea  effu- 
gata  transit  ad  Graeciam  ;  deinde  diver- 
sis  intra  Graeciae  urbes  apostolorum 
passionibus  l'ugata;  tertio  in  universis 
geutibus  demoratur.  Sed  ut  ostenderet 
gentes  quidem  apostolorum  pra^dicationi 
credituras  verum  ut  reliquum  Israël 
crederent,  esse  adventui  suo  debitura, 
ait  :  «  Non  eousnmmabitis  civitates,  » 
scilicet  posl  plenitudinem  gentium,  quod 
erit  reliquum  Israël  ad  implendum  uu- 
uierum  sanctorum,  futuro  clarilatis 
Christi  adventu  in  Ecclesiam  convocan- 
dum. 

Ait,,  {in  epist.  ad  Uonor.  episl.  180.) 
Faciaul  ergo  servi  Christi  (juod  praecepil, 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   X.  91 

ne  craignent  donc  pas  de  faire  ce  qu'il  a  commandé  ou  permis,  et  ce 
qu'il  a  fait  lui-même  en  fuyant  en  Egypte  ;  ils  doivent  donc  fuir  aussi 
de  ville  en  ville  lorsqu'ils  seront  l'objet  particulier  d'une  persécution  ; 
ceux  au  contraire  qui  ne  sont  pas  personnellement  recherchés  ,  ne 
doivent  pas  abandonner  leur  Eglise,  mais  rester  pour  soutenir  ceux  de 
leurs  frères  qui  n'attendent  que  d'eux  leur  subsistance.  Mais  lorsque 
le  danger  devient  général  et  qu'il  menace  également  les  évèques,  les 
clercs  et  les  fidèles,  que  ceux  qui  doivent  aux  autres  le  secours  de  leur 
ministère  n'abandonnent  pas  les  fidèles  qui  ont  droit  de  le  réclamer, 
où  qu'ils  fuient  tous  ensemble  dans  des  lieux  sûrs.  Que  ceux  qui  sont 
obligés  de  rester  ne  soient  point  abandonnés  par  ceux  qui  doivent 
subvenir  à  leurs  besoins  spirituels ,  mais  qu'ils  vivent  ensemble,  ou 
qu'ensemble  ils  partagent  les  épreuves  auxquelles  le  père  de  famille 
veut  les  soumettre.  —  Rejii.  U  ne  faut  pas  oublier  d'ailleurs  que  si  le 
précepte  de  la  persévérance  dans  les  persécutions  regarde  spécialement 
les  Apôtres  et  les  hommes  courageux  qui  leur  ont  succédé,  la  permission 
de  fuir  est  donnée  à  ceux  qui  sont  faibles  dans  la  foi.  Le  bon  Maître  a  voulu 
ainsi  condescendre  à  leur  faiblesse,  dans  la  crainte  qu'en  se  présentant 
d'eux-mêmes  au  martyre,  ils  ne  fussent  exposés  à  renoncer  à  la  foi 
au  milieu  des  tourments;  car  il  vaut  mieux  fuir  qu'apostasier.  Et  bien 
qu'en  fuyant  ils  ne  fissent  pas  preuve  d'une  foi  constante  et  parfaite  ; 
cependant  ils  avaient  un  grand  mérite  ,  car  ils  étaient  prêts ,  en  pre- 
nant la  fuite,  à  tout  quitter  pour  Jésus-Christ.  Or  ,  si  le  Sauveur  ne 
leur  avait  pas  accordé  la  permission  de  fuir  la  persécution  ,  il  y  aurait 
eu  des  hommes  qui  les  auraient  déclarés  indignes  de  la  gloire  du 
royaume  des  cieux. 

S.  Jér.  En  prenant  ces  paroles  dans  le  sens  spirituel,  nous  pouvons 


vel  permisit  :  sicut  ipse  fugit  in  ^gyp- 
tum,  fiigiant  omnino  de  civitate  in  civi- 
tatem,  quando  eoruni  quisque  speciali- 
ter  a  perseciitoribus  quaeritur;  ut  ab 
aliis  qui  non  ita  requiruntur  non  desera- 
tur  Ecclesia^  sed  prœbeant  cibaria  con- 
servis,  quos  aliter  vivere  non  posse  no- 
verunt.  Cum  auteni  omnium  (id  est, 
episcoporum,  clericorum  et  laicorum) 
est  commune  periculum,  Iii  qui  aliis  in- 
digent, non  deserantur  ab  his  quibus 
indigent  ;  aut  igitur  ad  loca  munila  oni- 
nes  transeant;  aut  qui  liabent  necessita- 
tem  remanendi,  non  relinquantur  ab 
eis,  per  quos  illorum  ecclesiastica  est 
suppïenda  nécessitas  ;  ut  vel  pariter  vi- 
vant, vel  pariter  sufferant  quod  eos  pa- 
ter  familias  volet  pati.  Remig.   Prœterea 


sciendum  est  quod  sicut  est  praeceptum 
perseverandi  in  persecutionibus  specia- 
liter  ad  apostolos  pertinet,  et  ad  eorum 
successores  vires  fortes,  sic  licentia  fu- 
giendi  satis  convenit  infirmis  in  fide, 
quibus  condescendit  plus  magister  ;  ne 
si  se  ultro  ad  martyrium  obtulissent, 
l'ortassis  positi  in  tormentis  negarent  : 
levius  enim  erat  fugere  quam  negare. 
Sed  quamvis  fugiendo  perfectœ  fidei 
constantiam  in  se  non  osteuderent ,  ta- 
men  magui  meriti  erant  ;  quoniam  om- 
nia  pro  Christo  parati  erant  deserere, 
scilicet  fugiendo.  Nisi  autem  illis  licen- 
tiam  fugiendi  dedisset,  dicerent  eos  ali- 
qui  aliènes  esse  a  gloria  regni  cœlestis. 
Hier.  Spiritualiter  autem  possumus  di- 
cere  :  Cum  persecuti  nos  fueriut  in  una 


92  EXPLICATION  DE   L  ÉVANGILE 

dire  :  Lorsqu'ils  nous  persécuteroiit  dans  une  ville ,  c'est-à-dire  dans 
un  livre,  ou  dans  un  texte  de  la  sainte  Ecriture  ,  fuyons  vers  d'autres 
villes ,  c'est-à-dire  vers  d'autres  livres  ;  et  quelque  ami  de  la  dispute 
que  soit  notre  persécuteur,  le  secours  du  Seigneur  nous  arrivera  avant 
qu'il  ait  remporté  la  victoire. 

^.  24,  25.  —  Le  disciple  n'est  point  au-dessus  du  maître  ni  le  serviteur  au- 
dessus  de  son  Seigneur.  Il  suffit  au  disciple  d'être  comme  son  maître  et  au 
serviteur  comme  son  Seigneur.  S'ils  ont  appelé  le  père  de  famille  Beelzébub, 
à  combien  plus  forte  raison  ses  domestiques. 

S.  Chrvs.  {hom.  35.)  Aux  persécutions  dont  il  vient  de  parler  devait 
se  joindre  la  diffamation  et  la  calomnie,  qui  seraient  pour  les  Apôtres  le 
supplice  le  plus  pénible  en  les  atteignant  jusque  dans  leur  réputation  ; 
il  leur  apporte  donc  pour  consolation  son  propre  exemple,  et  leur 
rappelle  tout  ce  qu'on  a  osé  dire  de  lui ,  consolation  qui ,  pour  eux, 
était  sans  égale,  —  S.  Hil.  En  effet,  le  Seigneur,  la  lumière  éternelle, 
le  chef  des  croyants,  le  père  de  l'immortalité,  révèle  par  avance  à  ses 
disciples  les  consolations  qui  adouciront  un  jour  leurs  épreuves,  afin 
de  nous  faire  embrasser  avec  ardeur  comme  un  titre  de  gloire  cette 
carrière  qui  nous  rend  les  égaux  du  Seigneur  par  les  souffrances. 
C'est  pour  cela  qu'il  ajoute  :  «  Le  disciple  n'est  pas  au-dessus  du 
maître,  ni  le  serviteur^  »  etc.  —  S.  Chrys.  {hom.  35.)  Il  faut  entendre 
ces  paroles  dans  ce  sens  :  tant  qu'il  reste  disciple  et  serviteur.  Alors, 
dis-je,  il  n'est  pas  au-dessus  de  son  maître  et  de  son  seigneur,  quant 
à  l'honneur  auquel  il  peut  aspirer.  Et  ne  m'objectez  pas  ici  de  rares 
exceptions,  ces  paroles  doivent  s'entendre  de  ce  qui  arrive  le  plus  or- 
dinairement. —  Rémi.  Le  maître  et  le  seigneur  c'est  lui-même  ;  par 


civitate  (hoc  est,  iu  iino  Scripturarum 
libro  vel  testimonio),  nos  fugiamus  ad 
alias  civitates,  id  est,  ad  alla  volumina  : 
quainvis  enim  contentiosus  fiierit  perse- 
ciitor,  ante  pnesidium  Salvatoris  adve- 
niet,  qnani  advorsariis  Victoria  conceda- 
liir. 

Non  est  discipuliis  super  inagisirum,  nec  servies 
super  dominum  suum.  Sufficit  discipulo  ut  sit 
sicHt  magister  ejus,  et  servo  sicut  domimts 
fijus.  Si  patremfamilias  Beelzebuh  vocave- 
runt,  quanto  magis  domesticos  ejus  ? 

CiiRYS.  {in  hom.  33,  vt  sup.)  Quia  fii- 
tunnn  oral  ut  discipuli  cuui  pra-missis 
perse<;uliouibus  eliam  difiamati ,  malam 
opiniouem  paterentur  (quod  muitis  one- 
rosius  esse  videlur),  hic  cos  consolatur 


a  seipso,  et  ab  his  quae  de  ipso  sunt  dicta  ; 
cul  consolationi  uuUa  poterat  esse  aequa- 
hs.  IIiLAR.  Dominas  enim  lumen  Oiter- 
num,  dux  credeutium,  et  immortalitatis 
parens,  discipulis  suis  futurarum  passio- 
num  solatium  ante  proemisit  ;  ut  gloriae 
loco  auq>lectamur,  si  Domino  uostro  vel 
passionibus  adiequemur.  Unde  dicit  : 
«  Non  est  discipulus  super  magistrum, 
nec  servus,  »  etc.  Chrys.  {in  fiomil.  35 
nt  sup.)  Inlelligendum,  «  donec  fuerit 
discipulus  et  servus  ;  »  ûoa  est,  inquam, 
super  magistrum  et  dominum,  secuudum 
honoris  naturam;  nec  milii  ea  qua?  raro 
coutinguat  hic  objicias,  sed  ab  his  qu» 
tiuiit  in  pluribus  suscipe  hune  sermo- 
nem.  Wfmic.  Magistrum  autem  et  domi- 
num semetipsum  appellat  ;  per  sertum 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    X. 


93 


le  serviteur  et  le  disciple,  il  veut  désigner  ses  Apôtres.  —  La  Glose. 
Telle  est  la  leçon  qu'il  veut  faire  à  ses  disciples  :  «  Ne  vous  irritez  pas 
de  souffrir  ce  que  je  souffre,  car  je  suis  votre  Maître  ,  et  je  vous  en- 
seigne ce  qui  doit  vous  être  utile. 

Ke.mi.  Comme  cette  maxime  ne  paraissait  pas  se  rapporter  par- 
faitement à  ce  qui  précède ,  il  leur  fait  connaître  le  but  qu'il  s'y  est 
proposé  en  ajoutant  :  «  S'ils  ont  appelé  Béelzébub  le  père  de  fa-, 
mille,  à  combien  plus  forte  raison  traiteront-ils  ses  domestiques  de 
la  même  manière.  » 

S.  Chrys.  {hom.  35.)  Il  ne  dit  pas  ses  serviteurs ,  mais  ses  domes- 
tiques, les  gens  de  sa  maison ,  pour  exprimer  dans  quelle  intimité  il 
est  avec  eux ,  ^omme  il  le  dit  ailleurs  :  «  Je  ne  vous  appellerai  plus 
mes  serviteurs,  mais  mes  amis.  »  —  Rémi.  Il  semble  leur  dire  par  ces 
paroles  :  «  Ne  cbercbez  donc  ni  les  honneurs  de  la  terre ,  ni  la  gloire 
qui  vient  des  hommes,  vous  qui  me  voyez  racheter  le  monde  en  sup- 
portant tous  les  outrages  et  tous  les  opprobres.  —  S.  Chrys.  {hom.  35.) 
Une  se  contente  pas  de  dire  :  S'ils  ont  outragé  le  Maître,  mais  il 
spécifie  l'outrage  ;  «  s'ils  l'ont  appelé  Béelzébub.  » —  S.  Jér.  Béelzébub 
était  l'idole  d'Accaron,  qui  est  appelée  dans  le  livre  des  Rois  l'idole  de 
la  mouche  (1*).  Béel  est  la  même  chose  que  Bel  ou  Baal,  et  Zébub  si- 
gnifie mouche.  Les  Juifs  donnaient  au  prince  des  démons  le  nom  de 
l'idole  la  plus  impure,  qu'on  appelait  mouche ,  à  cause  de  ce  qu'elle  a 

'1')  Béelzébub,  c'est-à-dire  Baal  des  mouches,  maître  des  mouches,  était  une  espèce  de  Baal 
qu'on  invoquait  contre  les  mouches  qui,  dans  le  pays  des  Philistins  et  dans  les  contrées  maréca- 
geuses de  la  Basse-Egypte,  étaient  une  plaie  locale  et  insupportable.  Ce  Dieu  avait  un  célèbre 
oracle  vénéré  par  les  Israélites  idolâtres  dans  Accaron,  ville  des  Philistins.  Il  ne  faut  pas  con- 
fondre Béelzébub  avec  Beelzébul  d'après  le  texte  grec,  le  Seigneur  des  habitations  souterraines, 
le  chef  des  malins  esprits;  ce  n'est  que  par  dérision  que  ce  dernier  est  aussi  appelé  Béelzébub,  ou 
bien  parce  que  ces  deux  noms  ont  entre  eux,  quant  à  l'expression,  la  plus  grande  analogie. 

La  plupart  des  manuscrits  grecs,  selon  la  remarque  d'AUioli,  portent  ici  Beelzébul.  Il  semble 
que  Beelzébul  est  mis  pour  Béelzébub,  soit  à  cause  de  la  consonnance  des  termes,  soit  par  mé- 
pris. Il  y  a  d'ailleurs  au  fond  unité  de  nature  entre  eux,  puisque  l'idolâtrie  était  l'ouvrage  de 
Satan,  et  que  c'était  lui  qui  dans  les  diverses  idoles  se  faisait  rendre  les  honneurs  divins. 


et  discipulum  suos  vult  intelligi  aposto- 
los.  Glossa.  Quasi  diceret  :  «  Ne  iudi- 
gnemini  tolerare  qute  tolero  ;  quia  Donai- 
uus  sum,  faciens  quod  volo  ;  et  magister, 
doceus  quod  utile  scio.  » 

Remig.  Et  quia  hœc  senteutia  miuus 
videbatur  superioribus  verbis  cougruere, 
quo  tendant  verba  manifestatur,  cum 
subditur  :  «  Si  patreni  familias  Béelzébub 
vocaverunt,  quauto  magis  domesticos  ? 
Chrïs,  (in  hom.  3.j  nt  sup.)  Non  dixit 
servos,  sed,  domesticos,  ut  multam  ad 
eos  familiaritateui  osteuderet  :  sicut  et 
alibi  dixit  :   «   Non   dicaiu    vos  servos, 


sed  amicos  meos.  »  Remig.  Quasi  dice- 
ret :  Vos  ergo  temporales  honores  et 
humanam  gloriam  non  quœralis,  dum 
me  videtis  per  irrisiones  et  opprobria 
genus  humaaum  redimere.  Chkys.  (/h 
fiomih  35  vt  sup.) 'Son  solum  autem  di- 
cit  :  «  Si  domus  dominum  conviciati 
sunt;  »  sed  ipsam  speciem  convitii,  quo- 
niam  Béelzébub  eum  vocaverunt.  Hier. 
Beelsebub  idolum  est  Accaron,  quod  vo- 
catur  in  regum  volumine  Idoluvi  invsca\ 
Jleel  ipse  est  Bel,  sive  Baal,  zebub  autem 
mitsco  dicitur.  Principem  ergo  dipmo- 
niorum  ex  spurcissimi  idoli  appellabant 


94 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 


d*immonde,  car  la  mouche  en  tombant  dans  un  parfum  en  détruit  la 
bonne  odeur. 

f.  26-28.  —  Ne  les  craignez  donc  point.  Car  il  n'y  a  rien  de  caché  qui  tic 
doive  être  découvert  ni  rien  de  secret  qui  ne  doive  être  connu.  Dites  dans  la 
lumière  ce  que  je  vous  dis  dans  l'obscurité,  et  prêchez  sur  le  haut  des  maisons 
ce  qu'on  vous  dit  à  l'oreille.  Et  ne  craignez  point  ceux  qui  tuent  le  corps  et 
qui  ne  peuvent  tuer  l'âme;  mais  craignez  plutôt  celui  qui  peut  perdre  et  l'âme 
et  le  corps  dans  l'enfer. 

Kemi.  a  cette  première  consolation,  le  Sauveur  en  ajoute  une  autre 
qui  n'est  pas  moins  grande  :  «  Ne  les  craignez  donc  pas,  »  c'est-à-dire 
les  persécuteurs.  Et  pourquoi  ne  doivent-ils  pas  les  craindre  ?  «  Parce 
qu'il  n'y  a  rien  de  caché  qui  ne  doive  être  découvert.  »  —  S.  Jér. 
Gomment  donc  alors  les  vices  d'un  si  grand  nombre  demeurent-ils 
cachés  pendant  cette  vie  ?  Notre-Seigneur  veut  parler  ici  du  temps  à 
venir.  Lorsque  le  Seigneur  jugera  ce  qui  est  caché  dans  le  cœur  des 
hommes  (1  Cor.  iv,  5),  il  portera  la  lumière  dans  les  retraites  les  plus 
ténébreuses,  et  découvrira  les  plus  secrètes  pensées  des  cœurs.  Tel  est 
donc  le  sens  de  ces  paroles  :  «  Ne  craignez  ni  la  cruauté  des  persécu- 
teurs, ni  la  rage  des  blasphémateurs,  car  viendrale  jour  du  jugement 
qui  mettra  en  évidence  votre  vertu  et  leur  malice.  —  S.  Hil.  {can.  10 
sur  S.  Matth.)  Il  leur  recommande  donc  de  ne  craindre  ni  les  me- 
naces, ni  les  outrages ,  ni  la  puissance  des  persécuteurs  ,  parce  que  le 
jour  du  jugement  dévoilera  le  néant  et  la  faiblesse  de  leurs  entre- 
prises. —  S.  Ghrys.  {hom.  35.)  Ou  bien  encore,  au  premier  abord, 
les  paroles  du  Sauveur  présentent  un  sens  général  ;  toutefois ,  on  ne 
doit  les  entendre  que  de  ce  qui  précède ,  dans  ce  sens  :  «  S'il  vous  est 


vocabulo;  qui  musca  dicitur,  propter 
immunditiam,  quBC  exterminât  suavita- 
lera  olei.  [Eccle.  10.) 

Ax'  ergo  timueritis  eus.  Xihil  enim  est  opcrlum 
ijuod  non  reveletur,  et  occultum,  quod  non  scia- 
tur.  Quod  dico  vobis  in  tenebris,  dicite  in  lu- 
mine,  et  quod  in  mire  audilis ,  prœdicate  su- 
per tecta.  Et  nolite  timere  eos  qui  occidunt 
corpus,  animam  autem  non  possunt  occidere  ; 
sed  potius  timete  eum  qui  potest  et  animayn  et 
corpus  perdere  in  ijehennam. 

Ukmig.  Post  priBiiiissam  consolalio- 
ueiu,  aliam  non  miuorem  subjungil,  di- 
cens  :  «  Ne  ergo  timueritis  eos,  »  sicili- 
cet  persecutores.  Quare  auleiu  nou  esset 
timendum  manifestât,  cum  suhjungit  : 
«  Nihil  enim  est  opertum  quod  non  re- 
veletur, »  etc.  IIIKR.   Quomodo  ergo  iu 


prœseuti  seculo  multorum  vitia  uesciuu- 
tur  ?  Sed  de  futuro  tempore  scribilur, 
quando  judicabitDeus  occulta  bominimi, 
et  iiiumiuabit  latebras  tenebrarum  et 
manifesta  faciet  consUiacordium  :  et  est 
sensus  :  Nolite  timere  persecutorum 
sœvitiam,  et  blasphemantium  rabiem , 
quia  veniet  dies  judicii,  in  quo  et  vestra 
virtus,  et  illorum  uequitia  demonstrabi- 
tur.  HiLAR.  (C'«H.10  in  Matth.)  Igitur 
non  minas,  non  convilia  (vel  consilla), 
non  potestates  insectantiuui,  monet  esse 
nietuendas  ;  quia  dies  judicii  uuUa  hœc 
fuisse  alque  inania  revelabit.  Curys. 
{in  hom.  3."i  ut  supr.)  Vel  aliter  :  figura 
quidcm  eorum  quaj  dicuutur  uuiversa- 
lem  videtur  enuntiationem  liabere  ;  ve- 
rum,  nou  de  omnibus,  sed  de  prœmissis 
suhun  dictum  est  :  ([uasi  dicat  :  Sidoletis 


UE  SAINT  MATTHIEU;,   CHAP.    X.  95 

pénible  d'être  en  butte  aux  outrages,  pensez  que  vous  ne  tarderez  pas 
ù  être  délivrés  de  cette  épreuve.  Ils  vous  prodigueront  les  noms  inju- 
rieux de  devins ,  de  magiciens  et  de  séducteurs  ;  mais  attendez  un 
peu,  et  tous  (1)  vous  proclameront  à  l'envi  les  sauveurs  de  l'univers, 
alors  que  par  vos  œuvres  vous  en  paraîtrez  les  bienfaiteurs ,  et  les 
hommes  cesseront  de  s'arrêter  à  leurs  discours  pour  ne  plus  s'occuper 
que  de  la  vérité  des  faits. 

Rémi.  U  en  est  qui  prétendent  que  Notre- Seigneur  promet  ici  à  ses 
disciples  de  révéler  par  eux  tous  les  mystères  cachés  qui  demeuraient 
voilés  sous  la  lettre  de  la  loi;  ce  qui  faisait  dire  à  l'Apôtre  :  «Lorsqu'ils 
seront  convertis  à  Jésus- Christ,  le  voile  sera  levé.  »  Tel  serait  donc 
le  sens  de  ces  'paroles  :  «  Pourquoi  craindriez-vous  vos  persécuteurs, 
vous  dont  la  dignité  est  si  grande ,  puisque  Dieu  vous  a  choisis  pour 
dévoiler  les  mystères  de  la  loi  et  des  prophètes.  S.  Chrys.  [hom.  35.) 
Après  les  avoir  délivrés  de  toute  crainte,  et  les  avoir  rendus  supérieurs 
aux  opprobres,  le  moment  est  venu  de  leur  parler  de  la  liberté  de  la 
prédication  ;  c'est  ce  qu'il  fait,  en  leur  disant  •  «  Ce  que  je  vous  dis 
dans  les  ténèbres,  »  etc.  S.  Hil.  (2)  Nous  ne  lisons  nulle  part  que  le  Sei- 
gneur eût  pour  habitude  de  discourir  pendant  la  nuit ,  et  d'enseigner 
sa  doctrine  dans  les  ténèbres  ;  si  donc  il  s'exprime  ainsi ,  c'est  que 
tous  ses  discours  sont  ténèbres  pour  les  hommes  charnels,  et  que  sa 
parole  est  comme  la  nuit  pour  les  infidèles.  Il  faut  donc  prêcher  ses 
divins  enseignements  avec  toute  la  liberté  de  la  foi  et  de  la  prédica- 
tion. —  Rémi.  Voici  donc  le  sens  de  ces  paroles  :  «  Ce  que  je  vous  dis 
dans  les  ténèbres,  »  c'est-à-dire  au  milieu  des  Juifs  incrédules,  «  dites-le 

(1)  Le  grec  irpocspoufTiv  àTiavrEç  fait  disparaître  l'amphibologie  du  latin  universi,  qu'on  pour- 
rait rapporter  à  orbis. 

(2)  Ce  passage  était  auparavant  attribué  à  saint  Jérôme,  et  le  texte  en  avait  été  altéré. 


audientes  convitia,  hoc  cogitate,  quia  et 
ab  hac  suspicione  postparum  eruemini. 
Vocabunt  quidem  vos  ariolos,  et  magos, 
et  seductores  ;  sed  expectate  parum,  et 
salvatorcs  vos  orbis  terrarum  universi 
dicent  ;  cum  per  res  ipsas  apparue  ritis 
beuefactores,  uee  illoruua  attendent  ser- 
monibus  homiues,  sed  rerum  veritati. 
Remig.  Quidam  autem  dicunt  quod 
his  verbis  promiserit  Doiniuus  discipulis 
suis,  quod  per  eos  esseut  revelauda  om- 
nia  occulta  mysteria  quae  sub  velamine 
litteriE  legis  latebant  :  unde  Apostolus 
dic'it  {n  ad  Cor inih.  3)  :  «  Cum  conversi 
fuerint  ad  Christum,  tune  auferetur  ve- 
lamen  :  »  et  est  sensus  :  Quare  debetis 
timere  vestros  persecutores,  cum  tautœ 


sitis  dignitatis,  ut  per  vos  occulta  mys- 
teria legis  et  propbeiarum  siut  mani- 
festanda  ?  Chrys.  [in  homil.  35  ut  siip  ) 
Deinde  quia  eos  ab  omui  timoré  libera- 
verat,  et  altiores  opprobriis  fecerat,  nunc 
opportuno  tempore  eis  loquitur  de  libéra 
propalatione  quae  est  in  praedicatione,  di- 
ceus  :  «  Quod  dico  vobis  in  tenebris,  » 
etc.  HiLAR.  Non  legimus  Domiuum  soli- 
tum  fuisse  uoctibus  sermocinari,  et  doc- 
trinam  in  tenebris  tradidisse  :  sed  hoc 
dicit,  quia  omnis  sermo  ejus  carnalibus 
tenebrae  sunt,  et  verbum  ejus  infidelibus 
nox  est.  Itaque  quod  ab  eo  dictum  est, 
cum  libertate  fidei  et  confessionis  est  lo- 
quendum.  Remig.  Est  ergo  sensus  : 
«  Quod  dico  vobis  in   tenebris  (id  est, 


96 


EXPLICATION  DE   l/ÉVANGILE 


à  la  lumière,  »  c'est-à-dire  devant  les  fidèles;  et  «  ce  que  vous 
entendez  à  l'oreille,  »  c'est-à-dire  ce  que  je  vous  dis  en  secret,  «  prè- 
chez-le  sur  les  toits,  »  c'est-à-dire  en  public  et  devant  tout  le  monde. 
L'expression  parler  à  l'oreille ,  dans  le  langage  ordinaire ,  veut  dire 
parler  en  secret. 

Rab.  Ces  paroles  :  «  Prêchez  sur  les  toits,  »  sont  une  allusion  à  ce 
qui  se  fait  dans  la  Palestine,  où  les  toits  servent  d'habitation  ,  parce 
qu'ils  ne  sont  point  terminés  en  pointe  comme  les  nôtres,  mais  pré- 
sentent une  surface  plane.  Prêcher  sur  les  toits ,  c'est  donc  prêcher 
publiquement,  devant  un  grand  nombre  d'auditeurs.  — La  Glose.  Ou 
bien  encore  :  «  Ce  que  je  vous  dis  dans  les  ténèbres ,  »  c'est-à-dire 
pendant  que  vous  êtes  encore  sujets  à  une  crainte  toute  humaine  ; 
«dites-le  en  plein  jour,»  c'est-à-dire  avec  la  confiance  que  donne  la  vé- 
rité lorsque  l'Esprit  vous  aura  inondé  de  sa  lumière  ;  «  et  ce  que  l'on 
vous  dit  à  l'oreille,  »  c'est-à-dire  ce  que  vous  percevez  par  l'ouïe  seule, 
«  prêchez-le  par  les  œuvres ,  tandis  que  vous  habitez  sur  les  toits,  » 
c'est-à-dire  dans  vos  corps  qui  sont  la  demeure  de  vos  âmes.  — 
S.  Jér.  Ou  bien  encore  :  «  Ce  que  je  vous  dis  dans  les  ténèbres, 
prêchez-le  en  plein  jour,  »  c'est-à-dire,  ce  que  je  vous  dis  dans  le 
mystère,  prêchez-le  à  découvert  ;  «  et  ce  que  vous  entendez  à  l'oreille, 
prêchez-le  sur  les  toits,  »  c'est-à-dire  ce  que  je  vous  ai  enseigné  dans 
un  endroit  resserré  de  la  Judée  ,  annoncez-le  sans  crainte  à  toutes  les 
villes  du  monde  entier. 

S.  Chrys.  {Iiom.  35.)  Le  Sauveur  nous  montre  ici  que  c'est  lui  qui 
opère  toutes  ces  œuvres  par  ses  Apôtres,  et  de  beaucoup  plus  grandes 
qu'il  n'en  a  faites  lui-même,  comme  il  le  dit  ailleurs  :  «  Celui  qui  croit  en 
moi  fera  les  œuvres  que  je  fais,  et  il  en  fera  même  de  plus  grandes,  »  ce 


illier  Judaeos  iucredulos),  vos  (licite  iû 
luniiiie  (id  est,  tidelibus  prœdicate),  et 
qiiod  iii  aiire  auditis  (id  est,  quod  dico 
vobis  secrète),  praedicate  super  tecta 
(id  est,  palaiu,  coram  omnibus)  :  » 
solemus  euiin  dicere  :  «  lu  aurem  loqiii- 
tur  illi,  1)  id  est,  secrète. 

Hab.  Sanc  ([uod  ait  :  «  Prœdicate  su- 
per tecta,  »  juxta  moreui  provinciœ  Pa- 
leslinoB  loquitur,  ubi  soient  in  tectis  rc- 
sidere,  quia  non  sunt  cacuminata,  sed 
aequalia.  Ergo  priedicabitur  in  tectis, 
quod  cunctis  audieiitibus  palaui  dicetur. 
(iLOSsA.  Vel  aliter  :  «  quod  dico  vobis 
in  tenebris,  »  id  est,  dum  adlmc  in  ti- 
moré caruali  eslis,  dicite  in  iuminc  (id 
est,  in  liducia  veritatis,  cum   a  Spiritu 


Sauclo  erilis  illuiuiuali)  ;  elquocl  in  aure 
auditis  (id  est  solo  auditu  percipitis) 
p7-jcdicate{o\)eTe  complendo)  svpe?-  tecta 
existentes  ;  id  est,  corpora  vestra  quae 
sunt  domicilia  animarum.  Hier.  Vel  ali- 
ter :  «  Quod  dico  vobis  in  tenebris,  di- 
cite in  lumine  (id  est,  quod  auditis  iu 
myslerio,  apertius  prœdicate)  ;  et  quod 
in  aure  auditis,  praîdicate  super  tecta  ;  » 
id  est,  ([uod  vos  enulivi  in  parvulo  .lu- 
deœ  loco  universis  urbibus  iu  toto  uiundo 
audacter  dicite. 

CuuYS.  {in  hom.  35  vtsup.)  Sicut  au- 
teni  quando  dicebat  [Joan.  H)  :  «  Qui 
crédit  in  nie,  opéra  quœ  ego  facio,  et  ille 
taciet,  et  majora  bis  faciet,  »  ila  et  bic 
monstrat  quouiam  omuia  per  eos  opéra- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    X.  97 

qui  revient  à  dire  :  J'ai  commencé  par  agir  moi  même ,  mais  c'est 
par  vous  que  je  veux  accomplir  ce  qu'il  y  a  de  plus  grand  ,  paroles 
qui  ne  renferment  pas  seulement  un  commandement ,  mais  une  pré- 
diction de  l'avenir,  et  apprennent  aux  Apôtres  qu'ils  triompheront  de 
tous  les  obstacles. 

S.  HiL.  Il  faut  donc  répandre  continuellement  la  connaissance  de 
Dieu,  et  révéler  par  la  lumière  de  la  prédication  le  profond  secret  de 
la  doctrine  évangélique,  sans  craindre  nullement  ceux  qui  n'ont  de 
puissance  que  sur  nos  corps,  et  n'en  ont  aucune  sur  nos  âmes  ;  c'est  pour 
cela  que  le  Sauveur  ajoute  :  «  Ne  craignez  pas  ceux  qui  tuent  le  corps 
et  ne  peuvent  tuer  l'âme.  —  S.  Ghrys.  {hom.  35.)  Voyez  comme  il  les 
rend  supérieurs  à  tout,  en  leur  persuadant  de  mépriser  non-seulement 
toute  sollicitude,  les  calomnies,  les  périls,  mais  encore  ce  qu'il  y  a  de 
plus  terrible,  la  mort  elle-même ,  et  de  tout  sacrifier  à  la  crainte  de 
Dieu.  «  Craignez  plutôt,  ajoute-t-il,  celui  qui  peut  envoyer  votre  corps 
et  votre  âme  dans  l'enfer.  » 

S.  Jér.  Le  nom  de  r/éhenne  ne  se  trouve  pas  dans  les  livres  de  l'an- 
cienne loi,  et  c'est  le  Sauveur  qui  l'a  employé  le  premier  ;  examinons 
à  quelle  occasion.  Nous  lisons  en  plusieurs  endroits  de  l'Ecriture  (1) 
qu'il  y  avait  une  idole  de  Baal  près  de  Jérusalem,  au  pied  du  mont 
Moria,  là  où  coule  la  fontaine  de  Siloë.  Cette  vallée,  qui  forme  une 
petite  plaine,  était  arrosée  de  plusieurs  ruisseaux ,  ombragée  et  pleine 
de  charmes;  elle  renfermait  un  bois  consacré  à  cette  idole.  Le  peuple 
d'Israël  en  était  venu  à  cet  excès  de  folie  d'abandonner  les  parvis  du 
temple  pour  venir  immoler  des  victimes  dans  cette  vallée,  oublier  au 

(1)  A  la  marge  on  indique  le  il  livre  des  Paralipomènes,  chap.  xxiv,  mais  on  n'y  trouve  rien 
de  semblable  ;  nous  lisons  au  contraire  au  III  livre  des  Rois,  chap.  xvi,  que  cette  idole  fut  placée 
par  Achab  dans  le  temple  qu'il  avait  construit  dans  la  ville  de  Samarie. 


tur  ;  etiam  plusquam  per  seipsum  :  quasi 
dicat  :  Principium  ego  dedi  ;  sed  ([uod 
plus  est,  per  vos  explere  voie  :  lioc  au- 
tem  noii  injungentis  est  soluni,  sed  et 
futurum  prsedicentis,  et  osteadeutis  quo- 
niam  omnia  superabunt. 

HiLAR.  Constauter  ergo  iugereuda  est 
Dei  cognitio ,  et  profundum  doctrinee 
Evaugelica?,  secretuiu,  lumine  praedica- 
tionis  revelandum  ;  non  timendo  eos , 
quibus  cum  sit  licentia  in  corpora  tan- 
tum,  in  animam  jus  nullum  est  :  et  ideo 
subdllur  :  «  Et  nolite  timere  eos  qui  oc- 
cidunt  corpus,  animam  autem  non  pos- 
sunt  occidere.  »  Chrys.  {in  hom.  35  iit 
sup.)  Vide  qualiter  omnibus  eos  statuit 
superiores,  non  soUicitudiuem  solum  et 

TOM.   II. 


maledictionem,  ueque  pericula,  sed  et 
ipsani  (quse  omnibus  videtur  terribilior) 
mortem  suadens  propter  Dei  timorem 
contemnere  :  uude  subdit  :  «  Sed  potius 
timete  eum  qui  potest  animam  et  cor- 
pus perdere  in  gehennam.  » 

Hier.  Nomen  gehenme  in  veteribus  li- 
bris  non  invenitur,  sed  primo  a  Salva- 
tore  pouitur  :  quseramns  ergo  quae  sit 
hujus  sermonis  occa^io.  Idolum  Baal 
fuisse  juxta  Hierusalem,  ad  radiées  mon- 
tis  Moria,  in  quibus  Siloe  fluit,  non  se- 
mel  legimus.  Hœc  vallis  et  parva  campi 
planities  irrigua  erat  et  uemorosa,  ple- 
naque  deliciis  ;  et  lucus  in  ea  idolo  con- 
secratus.  In  tantam  autem  populus  Is- 
raël dementiam  veuerat,  ut  déserta  tem- 


08 


EXPLICATION   DE   I,  EVANGILE 


milieu  de  ses  délices  la  sévérité  de  la  vraie  religion ,  et  brûler  ses 
enfants  offerts  comme  victimes  au  démon.  Ce  lieu  s'appelait  Ciéhennoii 
ou  la  vallée  des  fds  d'Ennon  (I).  Ce  nom  se  trouve  souvent  répété 
dans  les  livres  des  Rois,  dans  les  Paralipomênes  et  dans  Jérémie. 
Dieu  y  menace  son  peuple  de  remplir  de  cadavres  ce  lieu ,  qu'on 
n'appellera  plus  Tophet  et  Baal,  mais  Polyandrium  ,  c'est-à-dire  le 
tombeau  des  morts.  Notre-Seigneur  se  sert  donc  de  ce  nom  pour  ex- 
primer les  supplices  et  les  châtiments  éternels  qui  attendent  lés  pé- 
cheurs, —  S.  AuG.  {Cité  de  Dieu,  xiii,  2.)  Ces  supplices  ne  commen- 
ceront pour  le  corps  et  pour  l'àme  à  la  fois ,  que  lorsque  l'âme  sera 
réunie  au  corps  d'une  union  qui  ne  pourra  plus  être  brisée.  Et  cepen- 
dant cet  état  est  justement  appelé  la  mort  de  l'âme,  parce  qu'alors 
elle  ne  vivra  plus  de  la  vie  de  Dieu  ,  et  la  mort  du  corps ,  parce  que 
sous  le  coup  de  cette  éternelle  damnation,  bien  que  l'homme  conserve 
le  sentiment,  ce  sentiment  n'étant  plus  pour  son  cœur  la  source  d'au- 
cune douceur^  d'aucun  repos,  mais  un  principe  de  douleur  et  de 
peine,  cet  état  mérite  d'être  appelé  bien  plutôt  un  état  de  mort  qu'un 
état  de  vie.  —  S.  Ghrys.  [)iom.  35.)  Remarquez  encore  qu'il  ne  leur 
promet  pas  de  les  afifranchir  de  la  mort,  mais  qu'il  leur  conseille  de  la 
mépriser,  ce  qui  est  bien  plus  grand  que  d'en  être  délivré,  et  que  dans 
ce  même  discoTirs  il  imprime  dans  leur  âme  la  croj^ance  de  l'immor- 
talité. 


y.  29-31.  —  N'est-il  pas  vrai  que  deux  passereaux  ne  se  vendent  qu'une  obole? 
et  néanmoins  il  n'en  tombe  aucun  sur  la  terre  sans  la  volonté  de  votre  Père; 

(1)  Au  IV  livre  des  Rois,  chap.  xxiii,  v.  10,  elle  est  appelée  çàpayS,  c"est-à-dire  vallée;  au 
JI  Paralipomênes,  xvi,  3,  yf)  "Evvov,  la  terre  d'Ennon  ;  dans  Josué,  xv,  8,  vallée  du  fils  d'Ennon  ; 
dans  Jérémie,  vu,  31,  elle  est  également  appelée  çdtpaÇ;  et  au  chap.  xrx  du  même  prophète, 
vers.  2  et  6,  7ro),uîvûpiov  ,  amas  d'hommes,  ce  que  saint  Jérôme  traduit  par  tombeau  des  morts. 


pli  vicinia,  ibi  liostias  immolaret ,  et  ri- 
Ltorem  religionis  deliciœ  viucerent,  filios- 
que  suos  iucendereut  daîmoui;  et  appel- 
labatur  locus  ipse  Cefiennon,  id  est^ 
■oallis  fiin  Ennon  :  hoc  Remiiii  volu- 
merij  i-f  Paraiipomenon,  et  Hiereniias. 
scribunt  plenissimo  ;  et  comminatur  Dens 
se  locum  ipsuni  iinplcluriuu  ctidaveribus 
mortuoruni,  ut  iiO(iuaqiiam  vocetur  To- 
phet et  Baal,  scd  vocolnr  Polyandrium. 
id  est,  tumulusmortuorum.  Fiitura  ergo 
supplicia  et  pœnre  perpétua'  (iiiibiis  pec- 
catores  cruciaudi  suni,  hujus  loci  voca- 
bulo  denotantur.  Aug.  (xiii  de  cirit.  Dci, 
cap.  2.)  Hoc  aulemnon  antea  tiet,  ijuaiu 
anima  corpori  fueril  copulata,  ut  uulla 
direptionc  scpareutur  ;    et    tameu  tuuc 


recte  mors  anhnx  dicitur,  quia  non  vi- 
vit  ex  Deo;  mors  autem  corporis,  quia 
in  damnatione  novissiaia,  quamvisbouio 
sentire  non  desinat,  tanien  quia  sensus 
ipse,  nec  voluntate  suavis,  nec  quiète  sa- 
luliris,  sed  dolore  pœnalis  est,  mors  po- 
tius  appollauda,  quam  vila.  Chrys.  [in 
/lotnil.  3.")  ut  snp.)  Vide  auteni  rursus 
(juia  non  proniittit  eis  liberationem  a 
morte,  sed  suadetcontemnereniortem; 
ipiod  nmlto  majusest  quam  crui  a  morte; 
et  quod  hoc  sermoue,  ea  quae  de  im- 
mortalitate  sunt  dogmata,  eis  inflgit. 

A'ûiiiw  duo  passeres  asse  vœneuiil  ?  Et  unus  e.e 
illis  non  cadit  super  ferram  sine  Pâtre  vesiro. 
Vestri  autem  capilli  capilis  omnes  numcrati 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    X. 


99 


mais  pour  vous,  les  cheveux  mêmes  de  voire  tête  sont  tous  comptés.  Ainsi  ne 
craignez  point,  vous  valez  beaucoup  mieux  qu'wi  rjraitd  nombre  de  passe- 
reaux. 

S.  Chrys.  {hom.  35.)  Après  avoir  banni  de  leur  âme  la  crainte  de 
la  mort,  le  Sauveur  ne  veut  pas  que  ses  Apôtres  pussent  se  croire 
abandonnés  s'ils  venaient  à  succomber;  il  ramène  de  nouveau  son  dis- 
cours sur  la  providence  de  Dieu ,  et  leur  dit  :  «  Est-ce  que  deux  pas- 
sereaux ne  se  vendent  pas  une  obole  ?  Et  cependant  pas  un  ne  tombe 
à  terre  sans  la  permission  de  votre  Père.  » 

S.  Jér.  Voici  le  s.3ns  de  ces  paroles  :  «  Si  de  petits  animaux  ne  pé- 
rissent pas  sans  la  permission  de  Dieu,  si  sa  providence  s'étend  à  toutes 
les  créatures,  et  si  celles  d'entre  elles  qui  sont  sujettes  à  la  mort  ne 
peuvent  périr  sans  la  volonté  de  Dieu,  vous  dont  la  destinée  est  éter- 
nelle, devriez-vous  craindre  que  la  providence  vous  abandonne  dans 
dans  le  cours  de  cette  vie  ? 

S.  HiL.  Dans  le  sens  mystique,  ce  qui  est  vendu,  c'est  le  corps  et 
l'àme,  et  celui  auquel  on  le  vend ,  c'est  le  péché.  Ceux  qui  vendent 
deux  passereaux  pour  une  obole  sont  ceux  qui  étaient  nés  pour 
prendre  leur  essor  et  s'élever  jusqu'au  ciel  sur  les  ailes  de  la  grâce, 
et  qui  se  vendent  pour  un  misérable  péché.  Séduits  par  les  voluptés 
de  cette  vie,  et  acquis  par  avance  aux  vanités  du  siècle ,  ils  se  prosti- 
tuent tout  entiers  et  se  vendent  à  ce  vil  prix.  Or,  la  volonté  de  Dieu 
c'est  que  l'une  de  ces  deux  substances  s'élève  par  son  essor  au-dessus 
de  l'autre  ;  mais  une  loi  qui  a  également  Dieu  pour  auteur  veut  que 
l'autre  soit  plus  portée  à  tomber  qu'à  s'élever.  De  même  que  s'ils  avaient 
pris  leur  vol  ensemble,  ils  n'auraient  fait  qu'un,  et  que  le  corps  serait 
ainsi  devenu  spirituel  ;  de  même  lorsqu'ils  sont  tous  deux  vendus  au 
péché,  l'âme  devient  terrestre  et  matérielle  au  milieu  des  souillures 


iunt.  Nolite  timerf  :  muHis  passeribus  melio- 
res  estis  vos, 

Chrys.  {in  homil.  3o  ut  sup.)  Post- 
quam  tiiiiorem  mortis  excluserat,  ne 
{BStimareut  apostoli  (si  interficereutur) 
8e  esse  derelictos  a  Deo,  rursus  sermo- 
nem  deprovidentiaDeiinducit,  dicens  : 
«  Nonne  duo  passeres  asse  vaeueunt  ?  et 
unus  ex  illis  non  cadit  super  terram 
sine  Pâtre  vestro  ?  »  Hier.  Et  est  sen- 
sus  :  Si  parva  auimalia  absque  Deo 
non  decidunt  auctore  ,  et  in  omnibus 
est  providentia,  et  quae  in  eis  peritura 
sunt,  sine  voluntate  Dei  non  pereunt; 
vos  qui  œterui  estis,  non  debetis  time- 


re  quod  absque  Dei  vivatis  providentia. 
HiLAR.  Mystice  autem  quod  venditur, 
corpus  atque  anima  est,  et  cui  venditur, 
peccatum  est.  Qui  ergo  duo  passeres 
asse  veuduut,  seipsos  peccato  minime 
venduut,  uatos  ad  volandum,  et  ad  cœ- 
luui  peuuis  spiritualibus  efl'erendos;  sed 
capli  pretiis  praeseutium  voluptatum,  et 
ad  luxum  secuti  vénales,  tolos  se  talibus 
actiouibus  uundiiiantur.  Dei  autem  vo- 
luutatis  est  ut  unus  ex  illis  maixis  evolet  ; 
sed  lex  ex  constitutione  Dei  profecta 
decernit.  unum  ex  eis  potius  décidera. 
Quemadmoduni  enim  si  evolarent,  ununi 
essent,  fieretque  coi'pus  spirituale  ;  ita 
peccatorum  pretio  veaditis ,   anima  ter- 


100 


EXPLICATION    DE    L  ÉVANGILE 


du  vice,  et  les  deux  substauces  u'eu  loiit  plus  qu'uuc  seule  que  les  in- 
clinations de  la  chair  font  tomber  violemment  à  terre. 

S.  Jér.  Ces  paroles  :  «  Tous  les  cheveux  de  votre  tète  s(jnt  comptés,  » 
montrent  l'immense  providence  de  Dieu  à  l'égard  des  hommes,  et  sont 
une  preuve  de  cet  amour  ineffable  de  notre  Dieu  pour  lequel  il  n'y  a 
rien  de  caché.  —  S.  Hil.  L'action  de  compter  indique  le  soin  que  l'on 
prend  d'une  chose.  —  S.  Chrys.  {hom.  35.)  Si  Notre-Seigneur  s'ex- 
prime de  la  sorte,  ce  n'est  pas  que  Dieu  compte  littéralement  nos 
cheveux,  mais  il  veut  nous  apprendre  la  connaissance  parfaite  que 
Dieu  a  de  nos  besoins,  et  l'étendue  de  sa  providence  pour  y  sub- 
venir. 

S.  Hil.  Ceux  qui  nient  la  résurrection  de  la  chair  se  moquent  de 
l'interprétation  de  l'Eglise,  comme  si  nous  disions  que  les  cheveux 
qui  ont  été  comptés,  et  qui  sont  tombés  sous  le_s  ciseaux,  doivent 
ressusciter.  Mais  le  Sauveur  ne  dit  pas  :  «  Tous  vos  cheveux  seront 
conservés,  mais  «seront  comptés.»  Cette  manière  de  parler  prouve  que 
Dieu  connaît  le  nombre  de  nos  cheveux ,  mais  non  pas  qu'il  les  con- 
servera tous.  — S.  AuG.  {Cité  de  Dieu,  liv.  dern.  chap.  19.)  On  pour- 
rait aussi  faire  cette  question  :  Tous  les  cheveux  qui  ont  été  coupés, 
reviendront-ils,  et  s'ils  doivent  repousser,  qui  n'aurait  horreur  de 
cette  diÔbrmité?  Mais  dès  lors  que  l'on  comprend  et  que  l'on  admet 
en  principe  que  le  corps  ne  perdra  rien  de  ce  qui  peut  lui  donner  de 
la  grâce  et  de  la  beauté ,  on  doit  comprendre  également  que  ce  qui 
serait  de  nature  à  produire  une  hideuse  dififormité  viendra  se  joindre 
à  la  masse  du  corps  et  non  pas  aux  membres  dont  la  forme  en  serait 
défigurée.  Ainsi,  qu'un  vase  de  terre  soit  réduit  en  poussière  et  qu'il 
soit  ensuite  rendu  à  sa  première  forme  avec  la  même  matière ,  il  ne 


reuam  coutrahit  ex  vitiorum  sorde  ma- 
leriam  ;  fitque  unum  ex  illis  (|uod  truda- 
tur  in  terram. 

Hier.  Ouod  autem  ait:  «  Vestri  auteni 
capilli  capitis  omues  uumerati  suut,  » 
iruiuensam  Dei  er;;a  honiines  ostendit 
providcutiam,  et  iueffabilem  sipnat  af- 
t'ectum,  quod  uiliil  uostriiui  Deuui  lateat. 
HiLAR.  Iii  nunieruin  eiiiin  aliqiiid  ooUiiii 
diliiieutiEe  est.  Cijrvs.  [in  Iiomil.  :55  lit 
■Slip.)  Unde  hoc  dixit,  non  quod  pilos 
Deus  numeret,  sed  ut  diligeutem  cogni- 
tionem  et  multam  circa  eos  providen- 
tiam  ostendat. 

HiLAR.  Dérident  autem  inteirmeiiliam 
ecclesiaslicam  in  hoc  loco,  qni  rarnis 
resurreclionem  uegant;  quasi  nos  et  ca- 
pillos  qui  uuuierali  sunt,   et  a  tonsore 


decisi,  omnes  dicamus  resurgere;  cum 
Salvator  non  dixerit  :  «>Vestri  autem 
capiUi  omnes  salvandi  sunt,  sed,  nurae- 
rati  sunt  :  »  nbi  numerus  est,  scientia 
numeri  demonstratur,  non  ejusdem  nu- 
meri  conservatio.  Aug.  {ult.  de  Cirit. 
Dei,  cap.  19.)  Quamviset  de  ipsis  capilUs 
possit  inquiri,  utrum  redeat  quidquid 
toudeutibus  dccidit  ;  quod  si  redituruui 
est,  quis  non  o:çhorreat  illani  deformita- 
teni  ■?  Seuiel  autem  intellecto  ita  uihil 
periturum  esse  de  corpore  ,  ut  déforme 
niiiil  sit  in  corpore  ;  siniul  inteUigitur 
ea  qutç  deformem  factura  fuerant  enor- 
niitalem,  massa*  ipsi  accessura  non  esse, 
locis  quibus  membrorutn  forma  turpe- 
lur;  vehit  si  de  hmo  vas  fieret,  quod 
rursus  in  eumdem  hmum  redactum  to- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    X.  101 

serait  pas  nécessaire  que  la  partie  d'argile  qui  formait  l'anse  fût 
rendue  à  l'anse  elle-même,  ou  que  ce  qui  en  formait  le  fond  revint  au 
même  endroit,  il  faudrait  seulement  que  le  tout  revînt  dans  le  tout , 
c'est-à-dire  la  totalité  de  la  matière  dans  la  totalité  du  vase,  et  qu'ainsi 
aucune  partie  ne  fut  perdue.  Si  donc  les  cheveux  coupés  tant  de  fois 
devaient  rendre  la  tète  difforme ,  ils  ne  lui  seront  pas  rendus  ;  car 
grâce  à  la  mutabilité  naturelle  de  la  matière,  ils  prendront  la  forme 
de  la  chair  pour  occuper  n'importe  quel  endroit  du  corps,  suivant  que 
l'exigera  l'harmonie  des  parties  qui  le  composent.  On  pourrait  d'ailleurs 
entendre  cette  parole  :  «  Pas  un  cheveu  de  votre  tête  ne  périra,  »  non 
de  la  longueur,  mais  du  nombre  des  cheveux  ;  comme  paraissent  l'in- 
diquer ces  paroles  :  «  Les  cheveux  de  votre  tète  sont  comptés.  »  — 
S.  HiL.  {can.  10  sur  S.  Matth.)  En  effet,  il  ne  serait  pas  digne  de  Dieu 
de  compter  ce  qui  doit  périr.  A.ussi ,  afin  que  nous  sachions  bien  que 
rien  de  ce  qui  compose  notre  être  ne  doit  périr,  il  nous  assure  que  nos 
cheveux  eux-mêmes  ont  été  comptés.  Nous  n'avons  donc  à  craindre 
aucun  danger  pour  nos  corps,  et  Notre  Sauveur  nous  confirme  dans 
cette  assurance  par  les  paroles  qui  suivent  :  «  Ne  craignez  pas ,  vous 
valez  plus  que  beaucoup  de  passereaux.  » — S.  Jér.  Ces  paroles  rendent 
plus  clair  le  sens  de  ce  qui  précède  ,  c'est-à-dire  qu'ils  ne  doivent  pas 
craindre  ceux  qui  ne  peuvent  que  tuer  le  corps  ;  car  si  les  plus  petits 
animaux  ne  peuvent  périr  sans  que  Dieu  le  sache,  combien  moins 
l'homme  que  Dieu  a  revêtu  de  la  sublime  dignité  d'apôtre?  —  S.  Hil. 
Ou  bien,  en  leur  disant  qu'ils  valent  mieux  qu'un  grand  nombre  de 
passereaux,  Notre-Seigneur  montre  qu'il  préfère  les  fidèles  qu'il  a 
élus  à  la  multitude  des  infidèles ,  parce  que  ceux-ci  tombent  sur  la 
terre,  tandis  que  ceux-là  prennent  leur  vol  vers  les  cieux. 


lum  de  toto  iterum  fieret,  non  esset  ne- 
cesse  ut  illa  pars  limi  quae  in  ansa  fue- 
rat,  ad  ansam  rediret  ;  aut  quae  fundum 
tecerat,  ipsa  rursus  faceret  fundum  ; 
duui  tamen  totum  reverteretur  in  totum; 
id  est  totus  ille  limus  in  totum  vas,  nulla 
sui  parte  perdita  remearet.  Quapropter 
si  capilli  loties  tons!  ad  sua  loca  defor- 
miter  redeunt,  non  redibunt  ;  quia  in 
eamdem  caruem,  ut  quemcunque  iocum 
ibi  corporis  teueaut,  servata  partium 
congruentia  materiae  mutabilitate  verten  - 
tur.  Quamvis  quod  dicit  :  «  Capillus  ca- 
pitis  veslri  non  peribit,  »  non  de  longi- 
tudine,  sed  de  numéro  capillorum  posset 
iulelligi  ;  uude  et  bi<-  dicilur  :  «  Capilli 
capitis  vestri  numerati  sunl.  »  Hilar. 
{Can.  10  ut  sup.)  Neque  euim  dignum 


negotium  est  peritura  numerare.  Ut  igi- 
turnihil  ex  uobis  periturum  esse  cognos- 
ceremus ,  ipso  capillorum  nostroruni 
supputatorum  numéro  indicatur  NuUus 
igitur  corporum  nostrorum  casus  est 
pertimescendus  :  et  ideo  subditur  : 
«  îs'olite  ergo  timere,  multis  passeri- 
bus  meliores  estis  vos.  »  Hier.  In  quo 
manifestius  superior  expositiouis  sensiis 
expressus  est  ;  quod  timere  non  debeaut 
eos  qui  possunt  corpus  occidere;  quo- 
niam  sine  Dei  scientia  parva  quteque  ani- 
malia  non  deciduut,  quanto  magis  bomo, 
qui  apostoUca  fultus  sit  dignitate?  Hilar. 
Vel  cum  dicit,  plurimus  eos  aiite  stare  pas- 
seribus,  ostcudit  multitudini  infidelium 
electionem  tidelium  praeesse  ;  quia  his 
casus  in  terra  est,  illis  volatus  in  cœlum. 


!02  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

Remi.  Dans  le  sens  mystique,  Jésus-Christ  est  la  tète,  les  Apôtres 
sont  les  cheveux  ;  et  c'est  avec  raison  qu'il  assure  que  ces  cheveux 
ont  été  comptés ,  parce  que  les  noms  des  saints  sont  écrits  dans  le 
ciel  (1). 

y.  32,  33.  —  Quiconque  donc  me  confessera  devant  les  hommes,  je  le  confesserai 
aussi  moi-même  devantmon  Père  qui  est  dans  les  deux;  et  quiconque  me  re- 
noncera devant  les  hommes,  je  le  renoncerai  aussi  moi-même  devant  moh  Père 
qui  est  dans  les  deux. 

S.  Chrys.  {hom.  35.)  Notre- Seigneur ,  en  bannissant  la  crainte  qui 
troublait  l'àme  de  ses  disciples,  leur  donne  une  nouvelle  force  par  les 
paroles  qui  suivent.  Non-seulement  il  les  délivre  de  toute  crainte, 
mais  il  leur  propose  déplus  grandes  récompenses,  et  leur  inspire  ainsi 
le  courage  de  prêcher  hautement  et  librement  la  vérité  :  «  Quiconque 
me  confessera  devant  les  hommes,  je  le  confesserai  moi-même  devant 
mon  Père  qui  est  dans  les  cieux.  »  —  S.  Hil.  {can.  10  sur  S.  Matth.) 
C'est  la  conclusion  de  ce  qui  précède ,  car  une  fois  qu'on  a  puisé 
la  force  dans  d'aussi  sublimes  enseignements,  on  doit  confesser  li- 
brement et  avec  constance  le  vrai  Dieu.  —  Remi.  C'est  cette  confes- 
sion dont  l'Apôtre  a  dit  {Rom.  x)  :  «  Il  faut  croire  de  cœur  pour  ob- 
tenir la  justice,  et  confesser  de  bouche  pour  obtenir  le  salut.  »  Ainsi, 
ne  pensez  pas  pouvoir  être  sauvé  sans  la  confession  des  lèvres  ,  car 
Notre -Seigneur  ne  dit  pas  seulement  :  «  Celui  qui  m'aura  confessé,  » 
mais  il  ajoute  :  «  Devant  les  hommes ,  »  et  encore  :  «  Celui  qui 
m'aura  renoncé  devant  les  hommes,  je  le  renoncerai  moi-même 

(1)  C'est  la  promesse  que  Jésus-Christ  fait  à  ses  apôtres  :  «  Réjouissez-vous  de  ce  que  vos  noms 
sont  écrits  dans  les  cieux  ;  »  au  contraire,  les  noms  des  impies,  de  ceux  cpii  s'éloignent  de  Dieu, 
sont  écrits  sur  la  terre.  Jérém.,  xvii,  13. 


Remig.  Mystice  autem  Christus  caput 
est,  apostoli  capilli  ;  qui  pulchre  nu- 
inerati  dicuutur,  quia  noinina  sancto- 
rum  scripla  sunt  ia  cœlis. 

Omnis  ergo  qui  confitebitur  me  coram  hominibus, 
confilebor  et  ego  eum  coram  Pâtre  meo,  qui  in 
cœlis  eut  ;  qui  autem  negaverit  me  coram  ho- 
minibus, negnbo  et  ego  eum  coram  Pâtre  meo, 
qui  in  cœlis  est. 

CiiRYS.  {in  homil.  33  in  Matth.)  Eji- 
ciens  Doniinus  timoreni,  qui  diseipulo- 
ruuî  concntiebat  animam,  per  ea  qu* 
consequuutur,  rursus  eos  LOiifortat;  uou 
riolum  timorem  ejiciens,  sed  el  spe  pr;p- 
iniorum  majorum  eos  erigens  iu liberam 


propalationem  veritatis,  dicens  :  «  Om- 
nis ergo  qui  confitebitur  me  coram  ho- 
minibus, confitebor  et  ego  eum  coram 
Pâtre  meo,  qui  est  in  cœlis.  »  Hilar. 
[Can.  10  in  Matth.)  Hoc  concludendo 
dicit,  quia  doctrinis  talibus  confirmalos 
oportet  liberam  Dei  confiteudi  habere 
conslautiam.  Remig.  Confessio  autem  hic 
illa  iutelligeudaest,  dequadicit  Apostolus 
[Rom.  10)  :  «  Corde  creditur  ad  justi- 
tiam  ;  ore  fit  confessio  ad  salutem.  »  Ne 
ergo  aliquis  putaret  se  absque  oris  con- 
fessioue  posse  salvari,  non  solum  ait  : 
«  Qui  me  confessas  fucrit,  »  sed  addidit 
«  coram  hominibus  :  »  et  ilerum  addit  : 
«  Oui  autem  negaverit  me  coram  homi- 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   X.  103 

(levant  mon  Père  qui  est  dans  les  cieux.  »  —  S.  Hn..  Il  nous  apprend 
par  là  qu'il  nous  rendra  devant  son  Père  le  même  témoignage  quf, 
nous  lui  aurons  rendu  devant  les  hommes.  —  S.  Chrys.  {hom.  35.) 
Remarquons  ici  que  le  châtiment  comme  la  récompense  sont  supé- 
rieurs, l'un  au  mal,  l'autre  au  bien.  En  effet,  le  Sauveur  semble  dire  : 
Vous  n'avez  rien  épargné  les  premiers ,  soit  pour  me  confesser ,  soit 
pour  me  renoncer.  Je  n'épargnerai  rien  moi-même  ,  et  je  serai  ma- 
gnifique dans  la  peine  comme  dans  la  récompense  ;  car  c'est  moi-même 
qui  vous  reconnaîtrai  ou  qui  vous  renoncerai.  Si  donc  vous  avez  fait 
quelque  bien  sans  en  recevoir  la  récompense,  ne  vous  en  troublez  pas, 
une  récompense  surabondante  vous  attend  dans  l'avenir.  Si ,  au  con- 
traire, vous  vous  êtes  rendu  coupable  sans  en  avoir  été  puni,  ne  vous 
laissez  pas  aller  à  un  mépris  insolent ,  car  le  châtiment  vous  est 
également  réservé,  à  moins  que  vous  ne  changiez  et  que  vous  ne  de- 
veniez meilleurs. 

Rab.  Nous  ferons  observer  que  les  païens  eux-mêmes  ne  peuvent 
nier  l'existence  d'un  Dieu ,  mais  qu'ils  peuvent  fort  bien  ne  pas  re- 
connaître l'existence  d'un  Dieu  Père  et  Fils.  Or,  le  Fils  reconnaîtra 
quelqu'un  devant  son  Père ,  soit  en  lui  donnant  accès  auprès  de  lui, 
et  en  lui  disant  :  «  Venez,  les  bénis  de  mon  Père.  »  —  Rémi.  Et  il  re- 
noncera celui  qui  l'aura  renoncé,  en  lui  refusant  tout  accès  auprès  de 
Dieu  le  Père,  et  en  le  rejetant  de  la  présence  de  sa  divinité  et  de  celle 
de  son  Père.  —  S.  Chrys.  (hom.  35.)  Il  exige  non-seulement  la  foi  in- 
térieure de  l'âme ,  mais  encore  la  confession  extérieure  des  lèvres, 
afin  de  nous  inspirer  une  hberté  plus  grande  pour  la  prédication  et 
un  amour  plus  fort  pour  lui ,  en  nous  rendant  supérieurs  à  tout.  Or, 


nibus,  negabo  et  ego  eum  coram  Pâtre 
mfco,  qui  est  in  cœlis.  »  Hilar.  [ut  sup.) 
In  quo  ostendit,  quales  nos  nominis  sui 
testes  liominibus  fuerimus,  tali  nos  apud 
Deum  Patrem  testimonio  ejus  usuros. 
Chrys.  {in  homil.  35  v.t  sup.)  Ubi  con- 
sideraudum  est  quia  in  pœna  ampiius 
est  supplicium,  et  in  bonis  major  retri- 
butio  :  quasi  diceret  :  «  Superabundasti 
prias,  me  hic  confitendo  aiit  uegando  ? 
Superabundo  et  ego  iueffabiliter  tibi 
majora  dando  :  illic  enira  earo  te  confite- 
bor  aut  negabo.  »  Propter  hoc  si  feceris 
aliquod  bonum,  et  non  susceperis  retri- 
butionem,  ne  turberis  ;  cum  addita- 
niento  enim  in  fuluro  tempore  retributio 
te  exspectat  :  etsi  feceris  aliquod  ma- 
him,  et  non  exsolveris   vàndictam,  non 


contemnas  :  illic  enim  te  excipiet  pœna, 
nisi  transmuteris  et  melior  fias. 

R.\.BA.  Et  sciendum  quod  negare  quod 
Deus  non  sit,  nec  pagani  possunt  ;  sed 
quod  non  sit  Deus  Fihus  et  Pater,  nejiari 
ab  infidehbus  potest.  Confitebitur  ergo 
aliquem  Fihus  apud  Patrem.  quia  per 
Filium  habebit  accessum  ad  Patrem,  et 
quia  Fihus  dicet  :  «  Venite,  benedicti 
Patris  mei.  »  Remig.  Negabit  autem  ne- 
gantem  se,  quia  per  ipsum  non  habebit 
accessum  ad  Patrem,  et  a  conspectu  suœ 
Divinitatis  et  Patris  repehetur.  Chrys. 
{in  homil.  35  ut  sup.)  Ideo  autem,  non 
solum  fidem  quœ  est  secuiidum  men- 
tem,  sed  et  confessiouem  exisit  oris,  ut 
erigat  nos  in  hberam  propalationem  et 
ampliorem  amorem,    excelsos  nos    fa- 


404 


EXPLICATION  DE  L  ÉVANGILE 


ce  n'est  pas  seulement  à  ses  Apôtres ,  mais  à  tous  qu'il  adresse  cette 
recommandation,  car  il  veut  inspirer  ce  courage  non-seulement  à  ses 
Apôtres,  mais  encore  à  leurs  disciples.  Celui  qui  sera  fidèle  à  ce  com- 
mandement non-seulement  enseignera  publiquement  avec  une  sainte 
hardiesse,  mais  il  portera  facilement  la  persuasion  dans  les  cœurs,  car 
l'observation  de  ce  précepte  en  a  converti  un  grand  nombre  à  la  doc- 
trine des  Apôtres.  —  Rab.  Ou  bien  on  confesse  Jésus  par  la  foi ,  qui 
opère  par  l'amour  (1),  en  accomplissant  fidèlement  ses  comman- 
dements ;  et  on  le  renonce  lorsqu'on  ne  craint  pas  de  transgresser  ses 
préceptes. 

%  34-36.  —  Ne  pensez  pas  que  je  sois  venu  apporter  la  paix  sur  la  terre;  je  ne 
suis  pas  venu  y  apporter  la  paix,  mais  le  glaive.  Car  je  suis  venu  séparer 
l'homme  d'avec  son  père,  la  fille  d'avec  sa  mère,  et  la  belle-fille  d'avec  sa  belle- 
mère;  et  l'homme  aura  pour  ennemis  ceux  de  sa  propre  maison. 

S.  Jér.  Notre-Seigneur  avait  dit  plus  haut  :  «  Ce  que  je  vous  dis 
dans  les  ténèbres,  dites-le  en  plein  jour;  »  il  apprend  ici  à  ses  Apôtres 
quels  sero'nt  les  effets  de  leur  prédication  :  «  Ne  pensez  pas  que  je  sois 
venu  apporter  la  paix.  —  La  Glose.  (2)  Ou  bien  ces  paroles  sont  la 
suite  de  ce  qui  précède,  c'est-à-dire  qu'ils  doivent  être  inaccessibles 
aux  affections  charnelles  comme  à  la  crainte  de  la  mort.  —  S.  Chrys. 
{hojn.  30.)  Comment  donc  leur  a-t-il  ordonné  de  souhaiter  la  paix 
dans  chaque  maison  où  ils  entreraient  ?  Comment  les  anges  eux-mêmes 
ont-ils  pu  chanter  cet  hymne  :  «  Gloire  à  Dieu  dans  les  hauteurs  des 
cieux,  et  paix  aux  hommes  sur  la  terre?  »  C'est  que  la  paix  consiste 
surtout  à  retrancher  ce  qui  est  malade,  à  séparer  ce  qui  est  une  somce 

(1)  Ou  bienpa/-  la  charité,  comme  la  Vulgate  [Galat.,  v,  6)  a  traduit  du  grec  ôi'  àyàTriri;. 

(2)  La  Glose  interlinéaire  ;  mais  où  on  ne  trouve  pas  le  commencement  de  cette  citation. 


ciens.  Htec  autem  verba  ad  universos 
loquitur,  et  neque  persoua  apostoloruui 
utitur  solum  ;  non  enim  solos  apostolos, 
sed  et  discipulos  eoruui  facit  viriles.  Qui 
mine  hoc  servat,  non  solum  cum  libéra 
propalatione  doc.ebit,  sed  et  omnibus 
i'acile  suadebit  :  hujus  enim  verbi  ob- 
servatio  muitos  ad  apostolos  adduxit. 
Raba.  Vol  contitetur  quis  Jesum  ea  fide 
quaî  per  dilectionem  operatur,  mandata 
ejus  lîdeliter  iuipleudo  ;  negat  qui  prœ- 
ceptis  non  obedit. 


yulite  arhitrari  quia  pacem  rennrim  miltere  in 
terrain  :  non  ceiii  pacem  mittere,  sed  gladium  : 
veni  enim  separare  homineni  advemnii  patrem 
siiitiii.  et  filiam  adeersiis  mutrem  suam,  et  iiu- 


rurn  adversus  sacrum  suam;  et  inimici  hominis 
domestici  ejus. 

HiKR.  Supra  dixerat  :  «  Quod  dico  vo- 
bis  in  tenebris,  dicite  in  lumine  :  »  num; 
infertquid  postpraedicationem  sequatur, 
direns  :  «  Nolite  arbitrari  quia  pacem 
venerim  mittere.  »  Glossa.  Vel  aliter 
continua  :  sicut  timor  mortis  non  débet 
attraliere.sic  neccarnalisatfectus.CHRïS. 
{in  hoinil  36  in  Matth.)  Qualiter  ergo 
eis  injunxit,  ut  iu  unamquamque  domuni 
ingredientes  pacem  iudicerent  ?  [ut  su  p.) 
Qualiter  otiam  ef  angoli  ilixerunt  (Luc. 
m)  :  «  (iloria  in  exc'd-is  Deo,  et  in  terra 
l>ax  lioniiuilius  ?»  (Junuiam  hic  maxime 
(•>!  pa\.  iiuM   id  (]Uod    aigrotat,  incidi- 


DE  SAINT  JIATTHIEU,    CHAP.   X.  AOV) 

de  division;  c'est  alors  seulement  qu'il  sera  possible  d'unir  le  ciel  avec 
la  terre.  Le  médecin  ne  coupe-t-il  pas  ainsi  le  membre  qui  est  incurable 
pour  sauver  le  reste  du  corps?  C'est  ce  qui  est  arrivé  à  la  tour  de 
Habel,  où  une  heureuse  division  vint  mettre  lin  à  une  paix  qui  était 
mauvaise.  (Genèse,  xi.)  C'est  ainsi  que  saint  Paul  divisa  ceux  qui  s'é- 
taient déclarés  contre  lui.  [Actes,  xxiii.)  L'accord  et  la  paix  ne  sont 
pas  toujours  une  bonne  chose,  car  on  les  voit  régner  même  parmi  les 
voleurs.  Or  cette  guerre,  ce  n'est  pas  Jésus-Christ  qui  la  rend  néces- 
saire, mais  bien  la  volonté  de  ses  ennemis.  —  S.  Jér.  En  efifet,  à  peine 
la  foi  en  Jésus-Christ  fut-elle  annoncée,  que  tout  l'univers  s'est  trouvé 
divisé.  Dans  chaque  maison  on  trouva  des  croyants  et  des  infidèles,  et 
cette  division  fut  la  cause  d'une  guerre  heureuse  qui  fit  cesser  une 
paix  pernicieuse  dans  ses  résultats. 

S.  Chrys.  [hom.  35.)  En  parlant  de  la  sorte  il  veut  consoler  ses  dis- 
ciples, et  il  semble  leur  dire  ;  «  Ne  vous  troublez  pas  comme  si  ces 
événements  devaient  vous  surprendre  et  tromper  votre  attente,  car  je 
suis  venu  pour  apporter  la  guerre.  »  Et  ce  n'est  pas  seulement  «  la 
guerre,  »  mais  ce  qui  est  plus  effrayant,  «  le  glaive.  »  Il  a  voulu  par 
la  dureté  même  de  son  langage  exciter  leur  attention,  les  empêcher 
de  faiblir  au  milieu  du  danger,  et  prévenir  ce  qu'on  aurait  pu  croire 
et  dire  que  sous  des  expressions  pleines  de  douceur,  il  avait  caché  les 
plus  grandes  difficultés;  car  il  vaut  mieux  éprouver  la  douceur  dans 
les  choses  que  dans  les  paroles.  Il  ne  s'arrête  pas  à  cette  déclaration, 
il  explique  la  nature  de  cette  guerre  et  fait  voir  qu'elle  est  plus  terrible 
même  que  la  guerre  civile  :  «  Je  suis  venu  séparer  l'homme  d'avec 
son  père,  la  fille  d'avec  sa  mère,  et  la  belle-fille  d'avec  sa  belle-mère.  » 
Ainsi  ce  n'est  pas  seulement  entre  les  amis  que  cet  état  de  guerre 


tur  ;  cum  id  quod  litem  infert,  separa- 
tur  :  ita  enim  possibile  erit  cœlum  terrse 
copulari.  Nam  et  medicus  ita  reliquum 
conservât  corpus,  cum  id  quod  insana- 
bilitersehabetabsciderit.  Itaquidemet  in 
turri  Babel  irestum  est  {Ge7ies.  ii)  ;  ma- 
lam  eniui  pacem  boua  dissouantia  solvit. 
Ita  et  Paulus  eos  qui  adversus  euui  con- 
sonabant,  divisit.  {Act.  23.)  Nou  enim 
ubique  concordia  bonum  est  :  nam  et 
latrones  consouant.  Hoc  autem  prfelium 
non  est  sui  propositi,  sed  illorum  consi- 
lii.  Hier.  Ad  fidem  enim  Cbristi  totus 
orbis  contra  se  divisus  est.  Unaquaeque 
domus  et  infidèles  liabuit  et  credentes  : 
et  propterea  bellum  conmiissuni  est  bo- 
uum,  ut  rumpereliir  pax  niala. 
CflRYS.  (/7(  /lointl.  'M  utsup.)  Hoc  au- 


tem dixit  quasi  discipulos  consolans,  ac. 
si  diceret  :  Ne  turbemini,  quasi  prceter 
spem  bis  contingentibus  :  propter  lioc 
enim  veni  ut  prœliura  mittam.  Kt  non 
dixit  proilinm,  sed  quod  diflicilius  est, 
(jladium.  Voluit  enim  asperitate  verbo- 
rum  eorum  excitare  auditum,  ut  non  in 
difficidtale  rerum  deiîciant;  ne  aliquis 
dicat  quod  blanda  suasit,  sed  difficilia 
occullavit.  Melius  est  enim  iu  rébus 
mansuetudinem  videre,  quam  in  verbis  : 
et  propter  hoc  in  bis  non  stetit,  sed  ex- 
ponens  praelii  speciem,  ostendit  hoc 
esse  ci%'ili  bello  difficilius,  dicens  :  «  Veni 
enim  separare  liominem  adversus  pa- 
trem  suum,  et  iiliam  adversus  matrem 
suam.  »  In  quo  ostendit  quod  nonsolum 
in  familiaribus  erit  hoc  prœlium,  sed  iu 


406 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


existera,  c'est  entre  ceux  qui  sout  unis  par  les  affections  les  plus  vives 
et  par  les  liens  les  plus  étroits.  Une  des  preuves  les  plus  évidentes  de 
la  puissance  du  Christ,  c'est  que  les  Apôtres  écoutèrent  ces  dures  leçons 
et  qu'ils  les  firent  à  leur  tour  recevoir  et  mettre  en  pratique. 

S.  Chrys.  {hom.  35.)  Ce  n'est  pas  Jésus-Christ  lui-même  qui  opérait 
cette  séparation,  mais  la  malice  des  hommes.  Cependant  il  s'en  déclare 
l'auteur,  d'après  la  manière  de  s'exprimer  de  l'Ecriture,  par  exemple 
dans  ce  passage  :  «  Dieu  leur  a  donné  des  yeux  pour  ne  point  voir.  » 
(fsaie^  VI  ;  Rom.  xi.)  Nous  avons  ici  une  preuve  du  rapport  intime 
qui  existe  entre  l'Ancien  et  le  Nouveau-Testament.  C'est  ainsi  que 
nous  voyons  les  Juifs  se  déclarer  contre  leurs  frères  et  les  mettre  à 
mort  lorsqu'ils  eurent  fabriqué  le  veau  d'or  {Exod.  xxxii,)  et  lors- 
qu'ils eurent  immolé  des  victimes  à  Beelphegor.  (JVomb.  xxv.)  Or 
pour  montrer  que  c'est  toujours  le  même  Dieu  qui  sous  la  loi  nouvelle 
comme  sous  la  loi  ancienne  a  pour  agréables  ces  mêmes  sentiments, 
Notre -Seigneur  cite  un  passage  de  la  prophétie  deMichée  :  «  L'homme 
aura  pour  ennemis  ceux  de  sa  propre  maison.  [Michée,  vii.)  La  société 
juive  présentait  un  spectacle  semblable,  il  y  avait  de  vrais  et  de  faux 
prophètes,  et  le  peuple  était  divisé,  et  les  familles  étaient  partagées; 
les  uns  croyaient  aux  premiers,  les  autres  suivaient  les  seconds.  — 
S.  Jér.  Ce  passage  se  trouve  presque  mot  pour  mot  dans  le  prophète 
Michée.  Il  faut  observer  du  reste  que  toutes  les  fois  que  le  Sauveur 
emprunte  un  témoignage  à  l'Ancien  Testament,  il  importe  peu  s'il 
donne  seulement  le  sens  de  ce  passage,  ou  s'il  rapporte  textuellement 
les  paroles. 

S.  HiL.  {can.  \0  sur  S.  Matth.)  Dans  le  sens  mystique,  le  glaive, 
qui  est  l'arme  la  plus  aiguisée,  est  l'emblème  de  la  souveraineté  et  du 
pouvoir  judiciaire,  de  la  sévérité  et  du  droit  de  punir  les  coupables. 


amantissimis  et  valde  necessariis  :  quod 
m;ixime  Christi  virtiitem  osteudil;  quia 
discipuli  haec  audientes ,  et  ipsi  susce- 
perunt,  et  aliis  suaserunt. 

Chrys.  Quamvis  auteiii  uonipse  Cliris- 
tus  haïKî  separalionem  fecerit,  sed  illo- 
riiin  inalitia,  tamen  dicit  se  facere,  se- 
cuindum  Scripturœ  consuetudinem  rscrip- 
tum  est  enim  {Rom.  n,  ex  Isai.d)  :  «Dédit 
eis  Deus  oculos  vit  non  videant.  »  Hocau- 
lem  maxime  ostendit,  vêtus  Testamen- 
tum  esse  novo  eognatum  :  etenim  in  Ju- 
da'is  unusquisque  proximuni  intertieie- 
bat,  quaiido  vilnlum  feceruut  (Ej-oit.32), 
et  quando  Beelplie^or  immolaverunt. 
(Numer.  'J5)  Unde  utmonstraretciundem 


esse  cuihaec  et  illa  placuerunt  prophe- 
tiœ  meminit  {Mic/ieœ  1)  dicens  :  «  Et  ini- 
mici  liominis  ddmestici  ejus.  »  Et  in  Jii- 
dœis  taie  aliquid  coutifïit  :  erant  enim 
prophetai  et  ]iseudopropheta?  ;  et  plebs 
sciudebatnr,  et  donius  dividebantur  ;  et 
bi  quidem  bis  credebaut,  alii  autemillis. 
Hier.  Hic  autem  iocus  prope  iisdeni 
verbis  in  Micbœa  propbeta  desi-.ribitur. 
(Cap.  7,  lit  sup.)  El  nolandum  quod  ubi- 
cunque  de  veteri  Testaniento  lestinio- 
nium  ponitur,  non  refert  utrum  seusus 
tantuni.  an  et  verba  eonsentiant. 

lIiLAU.  {Can.  10,  lit  sup.)  .Mystice  au- 
tem. filadius  lelorum  omnium  aculissi- 
mumest  ;  incpio  est  jus  potestatiset  judi- 


DE  saint' MATTHIEU,   CHAP.   X.  407 

Rappelons-nous  donc  que  ce  glaive  figure  la  parole  de  Dieu;  il  a  ûU't 
apporté  sur  la  terre,  c'est-à-dire  que  la  pr»'dication  l'a  lait  pénétrer 
dans  le  cœur  des  hommes.  Ce  glaive  a  donc  divisé  entre  eux  les  cinq 
habitants  d'une  même  maison,  trois  contre  deux  et  deux  contre  trois. 
Ces  trois  habitants  nous  les  trouvons  dans  l'homme  :  c'est  son  corps, 
son  âme  et  sa  volonté.  Car  de  même  que  l'âme  a  été  unie  et  donnée 
au  corps,  ainsi  le  pouvoir  d'user  de  l'un  et  de  l'autre  à  son  gré  a  été 
donné  à  l'homme,  et  c'est  pour  cela  que  Dieu  a  imposé  des  lois  à  la 
volonté,  comme  nous  le  voyons  dans  ceux  qui  sont  sortis  les  premiers 
de  sa  main.  Mais  par  suite  du  péché  et  de  la  désobéissance  de  notre 
premier  père,  le  péché  devint  pour  les  générations  suivantes  le  père 
de  notre  corps,  l'infidélité  la  mère  de  notre  âme,  et  la  volonté  adhère 
à  l'un  et  à  l'autre  ;  c'est  ainsi  que  l'on  trouve  cinq  habitants  dans  la 
même  maison.  Mais  lorsque  nous  sommes  renouvelés  dans  les  eaux 
du  baptême,  la  puissance  de  la  parole  nous  sépare  des  péchés  de  notre 
origine,  et  ces  retranchements  qu'opère  le  glaive  de  Dieu  rompent 
tous  les  liens  d'afîèction  qui  nous  attachaient  à  notre  père  et  à  notre 
mère.  C'est  ainsi  qu'on  voit  éclater  dans  une  même  maison  de  sé- 
rieuses divisions;  l'homme  régénéré  trouve  des  ennemis  dans  ce  qu'il 
y  a  de  plus  intime  en  lui,  car  il  met  toute  sa  joie  dans  la  sainte  nou- 
veauté de  son  esprit ,  tandis  que  les  restes  de  son  ancienne  origine 
veulent  conserver  ce  qui  faisait  l'objet  de  leur  bonheur.  —  S.  Aug. 
{Quest.  évang.  sur  S.  Matth.,  quest.  3.)  Ou  bien  dans  un  autre  sens  : 
«  Je  suis  venu  séparer  l'homme  d'avec  son  père  parce  qu'il  renonce  au 
démon  dont  il  était  le  fils,  et  «  la  fille  d'avec  sa  mère,  »  c'est-à-dire  le 
peuple  de  Dieu  d'avec  la  cité  du  monde,  qui  n'est  autre  que  la  société 
corrompue  du  genre  humain,  représentée  dans  l'Ecriture  tantôt  par 


cii,  severitasetauimadversiopeccatorum. 
Dei  igitur  verbuiu  nuncupatum  memi- 
nerimus  in  gladio  ;  qui  pladius  missus 
lîst  in  terram,  id  est,  praedicatio  ejusho- 
minum  cordibus  infusa.  Hic  igitur  rpiiu- 
ijue  liabitantes  in  una  domo  dividit  ; 
très  in  duos,  et  duos  in  très  :  et  tria 
tantum  ad  horainem  referimus ,  id  est, 
corpus,  et  animam,  et  voluntatem  :  nam 
ut  corpori  anima  data  est,  ita  et  potes- 
tas  liomini  uteudi  utroque  ut  vellet,  in- 
dulta  est.  Atque  ob  id  lex  est  j)roposita 
voluntati  :  sed  hoc  in  illis  deprehenditur, 
qui  primi  a  Deo  figurati  sunt.  Sed  ex 
peccato  atque  infidelitate  primi  parentis 
sequeutibus  geuerationibus  cœpit  esse 
corporis  nostri  Puter,  peccatum  ;  Muter 
animœ,  infidelitas  ;  voluntas  autem  sua 
unicuique  adjacet;  ergo  jam  unius  do- 


mus  quinque  sunt.  Cum  ergo  innova- 
mur  baptismi  lavacro,  per  virtutem 
verbi  ab  originis  nostrae  peccatis  separa- 
mur,  recisisque  quibusdam  absectione 
gladii  Dei,  a  patris  et  matris  affectioni- 
bus  dissidemus  ;  fitque  gravis  in  domo 
una  dissensio,  et  domestica  novo  liomini 
erunt  inimica;  quia  ille  manere  in  spi- 
ritus  novitate  gaudebit  ;  ea  vero  quœ  a 
prosapiae  antiquitate  deducta  sunt,  con- 
sistere  in  bis  quibus  oblectaiitur  concu- 
piscent. Aug.  [de  qnœst.  Evang.  in 
Matth.  qu.  3.)  Vel  aliter  :  «  veni  sepa- 
rare  hominem  adversus  patrem  suum  ;  » 
quia  renuntiat  quis  diabolo,  cpii  fuit  fi- 
lins ejus;  «  et  filiam  adversus  matrem  :  » 
scilicet  plcbem  Dei  adversus  mundanain 
civitatem,  hoc  est,  perniciosam  societa- 
tem  generis  humani  ;  quam  nunc  Baby- 


408 


EXPLICATION  DE  L  EVANGILE 


Babylone,  tantôt  par  Sodome,  tantôt  par  l'Egypte  et  sous  plusieurs 
autres  dénominations.  (1)  «  La  belle-fille  d'avec  sa  belle-mère,  » 
c'est  l'Eglise  opposée  à  la  synagogue  qui  a  enfanté  selon  la  chair  le 
Christ,  époux  de  l'Eglise.  Tous  sont  divisés  par  le  glaive  de  l'Esprit, 
qui  est  le  Verbe  de  Dieu ,  «  et  les  ennemis  de  l'homme  sont  ceux 
de  sa  maison  avec  lesquels  il  était  lié  par  une  intimité  des  plus 
étroites.  —  Rab.  On  est  incapable  de  respecter  aucun  droit  lorsqu'on 
est  divisé  sur  le  point  de  la  foi.  — La  Glose.  On  peut  encore  interpréter 
ces  paroles  dans  ce  sens  :  Je  ne  suis  pas  venu  parmi  les  hommes  pour 
donner  une  nouvelle  force  aux  affections  de  la  chair,  mais  pour  sépa- 
rer par  un  glaive  tout  spirituel  ceux  qu'elles  retiennent  étroitement 
unis;  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  :  «  Et  l'homme  aura  pour  ennemi 
ceux  de  sa  propre  maison.  »  —  S.  Grég.  {Moral,  m,  5.)  Lorsque  l'en- 
nemi du  salut,  plein  de  ruse  et  de  finesse,  se  voit  chassé  des  cœurs 
vertueux,  il  s'adresse  à  ceux  pour  lesquels  ils  ont  une  vive  affection, 
et  leur  met  sur  les  lèvres  un  langage  d'autant  plus  insinuant  qu'ils 
sont  aimés  plus  tendrement,  et  c'est  ainsi  qu'en  même  temps  que  la 
force  de  l'amitié  pénètre  au  plus  intime  du  cœur,  le  glaive  de  la  per- 
suasion franchit  les  retranchements  de  la  droiture  intérieure. 


f.  37-39.  —  Celui  qui  aime  son  père  ou  sa  mère  plus  que  moi  n'est  pas  digne 
de  moi,  et  celui  qui  aime  son  fils  ou  sa  fille  plus  que  moi  n'est  pas  digne  de 
moi.  Celui  qui  ne  prend  pas  sa  croix  et  ne  me  suit  pas  n'est  pas  dignç  de 
moi.  Celui  qui  conserve  sa  vie  la  perdra ,  et  celui  qui  aura  perdu  sa  vie  pour 
l'amour  de  moi  la  retrouvera. 

S.  Jér.  Après  avoir  dit  :   «  Je  ne  suis  pas  venu  apporter  la  paix, 

'1    Apoc,  XI,  8;  XIV,  8. 


lonia,  uunc  .^gj'pto,  nunc  Sodoma, 
nunc  aliis  atque  alii»  nominibus  Scrip- 
tura  siguificat.  «  Nurum  adversus  so- 
crum  suam.  »  Ecclesiam  adversus  Syna- 
gogam,  quae  secundum  carnem  Christum 
peperit,  sponsum  Ecclesiae.  Dividuntur 
autem  in  gladio  spiritus,  quod  est  ver- 
bum  Dei  :  «  et  inimici  hominis  domestici 
ejus,  »  cunj  quibus  ante  consuetudine 
implicatus  erat.  Rab.  Nullaapud  eosjura 
custodiri  possunt,  iuter  quos  fidei  bel- 
lum  est.  Glossa.  Vel  aliter  :  hoc  dicit, 
quasi  dicat  :  «  Non  ad  hoc  inter  homi- 
nes  veni  ut  caraales  affectus  confirmem  ; 
sed  spiritual!  gladio  disseceuj  :  »  unde 
recte  dicitur  :  «  Et  inimici  hominis  do- 
mestici ejus.  »  Greg.    (IIl   Moral,  cap. 


3.)  Callidus  namque  adversarius  cum  a 
bonorum  cordibus  repelli  se  conspicit, 
eos  qui  ab  illis  valde  diliguntur  exquirit  ; 
et  per  eorum  verba  blandiens  loquitur, 
quia  plus  caeteris  amantur  ;  ut  dum  vis 
amoris  cor  perforât,  facile  persuasionis 
ejus  gladius  ad  intimae  rectitudinis  mu- 
nimina  irrumpat. 

Qui  amat  patrem  aut  matrern  plusquam  me,  non 
est  me  dignus  ;  et  qui  amat  filium  aut  filiam 
super  me,  non  est  me  dignus  ;  et  qui  non  acce- 
pit  crucem  suam  et  sequitur  me,  non  est  vie 
dignus.  Qui  invenit  animam  suam ,  perdet  il- 
lan  :  et  qui  perdiderit  animam  suam  propter 
iM,  inveitiet  eam. 

Hier.  Qui  ante  praemiserat    :  «   Non 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    X.  109 

mais  le  glaive,  et  séparer  l'homme  d'avec  son  père,  d'avec  sa  mère, 
d'avec  sa  helle-mère,  »  Notre- Seigneur,  ne  voulant  pas  que  les  senti- 
ments naturels  l'emportent  jamais  sur  la  religion,  ajoute  :  «  Celui  qui 
aime  son  père  ou  sa  mère  plus  que  moi  n'est  pas  digne  de  moi.  »  Nous 
lisons  dans  le  Cantique  des  Cantiques  :  «  Il  a  réglé  en  moi  la  charité.  » 
{Cant.  II.)  Dans  toute  affection  nous  devons  conserver  cet  ordre.  Aimez 
après  Dieu  votre  père  et  votre  mère_,  aimez  après  lui  vos  enfants.  Mais 
si  la  nécessité  vous  force  de  mettre  en  présence  l'amour  de  vos  parents 
et  de  vos  enfants,  et  que  vous  ne  puissiez  satisfaire  en  même  temps  à 
l'un  et  à  l'autre,  rappelez-vous  qu'alors  la  haine  pour  les  siens  devient 
un  véritable  amour  de  Dieu.  Il  ne  défend  donc  pas  d'aimer  son  père 
ou  sa  mère,  mais  il  ajoute  d'une  manière  expressive  :  «  plus  que  moi.  » 
—  S.  HiL.  {can.  10  sio'  S.  Matth.)  Ceux  en  effet  qui  donneront  la  pré- 
férence à  ces  affections  sur  l'amour  de  Dieu  se  rendront  indignes  de 
l'héritage  des  biens  futurs. 

S.  Chrys.  {hom.  36.)  Ne  soyez  pas  étonné  si  d'ailleurs,  saint  Paul 
fait  un  commandement  exprès  d'obéir  en  tout  à  ses  parents  :  il  ne  veut 
parler  que  de  l'obéissance  dans  les  choses  qui  ne  sont  pas  contraires  à 
la  religion;  et  c'est  en  effet  un  devoir  sacré  que  de  rendre  alors 
à  nos  parents  toute  sorte  d'honneur  ;  mais  s'ils  exigent  au  delà  de  ce 
qui  leur  est  dû,  il  faut  s'y  refuser.  Cette  doctrine  est  conforme  à  l'An- 
cien Testament,  où  Dieu  ordonne  non-seulement  de  haïr,  mais  même 
de  lapider  ceux  qui  adoraient  les  idoles.  [Levit.  xx.)  Nous  lisons  encore 
dans  le  Deutéronome  :  «  Celui  qui  dira  à  son  père  et  à  sa  mère  :  Je  ne 
ne  vous  connais  pas,  et  à  ses  frères  :  Je  vous  ignore,  ceux-là  auront 
gardé  votre  parole.  »  — La  Glose.  (1)  On  voit  souvent  les  parents 

(I)  Ce  passage  ne  se  trouve  ni  dans  la  Glose,  ni  dans  saint  Anselme,  ni  dans  aucun  autre  auteur. 


veni  pacem  mittere,  sed  gladium,  et  di- 
videre  hoiiiiiunii  adversus  patrem,  et  ma- 
Irem,  et  socrum,  »  ne  quis  pietatein 
rolifïioni  anteferret,  suhjicit  dicons  : 
«  Quiauiatpatrem  aut  matrem  plus([iiam 
me,  non  est  me  dipuus  :  »  et  in  Cantli;o 
l'anlicorum  (cap.  2)  leginms  :  «  Ordina- 
vit  in  me  cliaritatem  :  »  hic  enim  ordo 
in  omniafl'eclii  uecessariiis  est.  Aiuapost 
Deuin,  patrem,  matrem,  aina  lilios.  Si 
autcm  nécessitas  venerit,  ut  amor  pa- 
rentum  aut  filiorum,  Dei  amori  compa- 
retur,  et  non  possit  utrumquo  saivari  ; 
odium  in  suos,  pietas  in  Deinn  est.  Non 
ergu  prohibuit  amari  patrem  aut  ma- 
trem, sed  siguaiiteraddidit  :  «  Plusquam 
me.  »  HiLAR.  {Cant.  10,  it(:  sup.)  llli 
euim  qui  domesticas  liominum    chaiù- 


tates  dilectioni  ejus  praetulerint.  futuro- 
rumltonorum  indigni  erunt  ha>reditate. 
CuRYS.  {in  Jiomit.  3(i,  ut  sup.)  Si  au- 
tem  l^vulus  jubet  per  oiunia  pareutibiis 
obedire  {Cofoss.  3),  non  mireris  :  in  illis 
enim  solum  dicit  obediendum,  qua>  non 
uoceut  pietati  :  etenim  sanctum  est,  oni- 
nem  eis  alium  reddere  lioiioriMn.  Cum 
autem  anqtlius  debito  exegerinl.  non 
oportet  asseutiri.  Sun!  autem  ba'c  veteri 
Testamento  consonaiitia  :  etenim  illic  eos 
(jui  idola  colebant,  non  odio  liabere  so- 
lum, sed  et  lapidare  Dominas  jubet  {Le- 
vit. 20)  ;  et  in  Deuteron.  dicitnr  (cap. 
;i;!)  :  «  Qui  dixerit  patri  suo  et  matri 
sua;  :  Nescio  vos  ;  et  fratribus  suis  : 
Ignoro  vos,  hi  cusiodicrunt  eloquiuni 
tumn.  »  Glossa.  Videtin-  autem  in  plu- 


Ho 


EXPLICATION    DE  L  EVANGILE 


aimer  leurs  enfants  plus  qu'ils  n'en  sont  aimés  ;  aussi  Notre-Seigneur 
va-t-il  par  degrés,  et  après  avoir  enseigné  que  son  amour  doit  passer 
avant  l'amour  des  parents,  il  enseigne  naturellement  qu'il  doit  aussi 
l'emporter  sur  l'amour  des  enfants,  en  ajoutant  :  «  Et  celui  qui  aime 
son  fils  ou  sa  fille  plus  que  moi  n'est  pas  digne  de  moi.  »  —  Rab.  Ce 
qui  signifie  qu'on  est  indigne  de  toute  union  avec  Dieu  quand  on  pré- 
fère les  affections  de  la  cbair  et  du  sang  à  l'amour  spirituel  qu'on  doit 
avoir  pour  Dieu. 

S.  CiiRYs.  [ho)?î.  36.)  Ces  paroles  pouvaient  blesser  ceux  dont  l'amour 
se  trouve  ainsi  sacrifié  à  l'amour  de  Dieu  ;  Notre-Seigneur,  pour  leur 
faire  supporter  patiemment  ce  sacrifice,  tient  un  langage  plus  élevé. 
En  effet,  rien  n'est  plus  intime  à  l'homme  que  son  àme,  et  cependant 
si  vous  ne  haïssez  votre  âme,  les  plus  grands  maux  vous  attendent. 
Et  il  ne  vous  ordonne  pas  seulement  de  haïr  votre  àme,  mais  encore 
de  la  livrer  à  la  mort  et  aux  supplices  les  plus  sanglants.  Ainsi  nous 
enseigne-t-il  qu'il  ne  suffit  pas  d'être  prêt  à  subir  une  mort  quel- 
conque, mais  qu'il  faut  être  disposé  à  souffrir  la  mort  la  plus  violente, 
la  plus  ignominieuse,  c'est-à-dire  la  mort  de  la  croix,  et  c'est  pour 
cela  qu'il  ajoute  :  «  Et  celui  qui  ne  prend  pas  sa  croix.  »  Il  ne  leur  a 
pas  encore  parlé  de  sa  passion,  mais  de  temps  en  temps  il  les  prépare 
à  recevoir  ce  qu'il  doit  plus  tard  leur  en  dire.  —  S.  Hil.  {can.  10  su?' 
S.  Matth.)  Ou  bien  encore,  ceux  qui  appartiennent  à  Jésus-Christ  ont 
crucifié  leur  corps  avec  ses  vices  et  ses  convoitises,  {Galat.  v),  et  on 
est  indigne  de  Jésus-Christ  quand  on  ne  marche  pas  à  sa  suite  en 
prenant  sa  croix  (par  laquelle  nous  souffrons  avec  lui,  nous  mourons 
avec  lui,  nous  sommes  ensevelis  avec  lui^  nous  ressuscitons  avec  lui), 
pour  vivre  par  ce  mystère  de  la  foi  dans  une  sainte  nouveauté  d'es- 


ribus  acoidere  ut  parentes  plus  diligant 
Iilios  quam  filii  diligant  eos  :  et  ideo 
gradatini  postquam  suum  amorem,  amori 
parenlum  esse  pra'ponenduiu  docuit, 
docet  consequenterprieferendum  esse  fi- 
liorum  amori,  dicens  :  «  Et  qui  amat  fi- 
liuni  aiit  liliam  super  me,  non  est  me 
dianus.  »RAii.  Per  quod  signiticat,  illum 
divino  consorlio  esse  indignum,  qiiicon- 
sanguinitatis  earnalem  amorem  pra-po- 
nit  spiriluali  amori  Dei. 

CnRYS.  {in  homil.  3(i,  nt  snp.)  Deiude 
ut  ïion  moleste  ferantilli  (scilicet  quihns 
auior  Dei  prœferlur)  ad  altiorem  addiicit 
sermonem  :  auima  euim  niliil  est  fami- 
liarius  aliciii  ;  sedtamen  et  hanc  nisi  ode- 
ris,  contraria  retribuentur  tibi.  Non  ta- 
meu  simpliciter  eam  baberi  odio  jussit. 


sed  ut  eam  quis  tradat  in  occisiones  et 
sanguines;  ostendens  quod  non  solum 
ad  mortem  oportet  esse  paratum  (id  est, 
ad  qualemcunque  mortem  subeundani), 
sed  ad  mortem  violentam  et  probrosissi- 
mam,  scilicet  mortem  crucis  :  unde  se- 
quitur  :  «  Et  qui  non  accipit  crucem,  » 
etc.  Nibil  aulem  adbuc  cis  de  propria 
dixerat  passione.  sed  intérim  in  bis  eos 
erudit,  ut  sermonem  de  passione  ejus 
magis  suscipiant.  Hil.\r.  [Can.  iO  in 
Matth.)  Yel  qui  Clirisli  sunt,  crucifixe- 
runt  corpus  suum  cum  vitiis  et  coucupis- 
centiis  (6'«/f7/.  v),  et  indiguus  estCbristo 
qui  non  crucem  suaui  (in  qua  compati- 
nuir,  commorimur,  consepelinnir ,  con- 
surgimus)  accipicns  Dominum  sitsecutus; 
in  boc  sacramcnto  fidei  spiritus  uovilate 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    X.  ill 

pi'it.  —  S.  (iRÉfi.  {hom.  ari.)  Le  mot  croix  vient  d'un  mot  latin  (cni- 
ciatus)  qui  signifie  tourment;  or  nous  portons  la  croix  du  Soigneur  de 
deux  manières,  ou  bien  en  mortifiant  notre  corps  par  la  privation, 
ou  par  un  sentiment  de  compassion  qui  nous  fait  regarder  comme 
nôtres  les  misères  du  prochain.  Mais  il  en  est  quelques-uns  qui  font 
profession  de  mortifier  leur  chair,  non  pour  plaire  à  Dieu,  mais  par  un 
sentiment  de  vaine  gloire  ;  et  d'autres  qui  témoignent  à  leur  prochain 
une  compassion  qui  n'a  rien  de  spirituel,  mais  qui  est  toute  charnelle, 
et  qui,  loin  de  les  porter  à  la  vertu,  favorise  par  ce  sentiment  de  fausse 
pitié  leur  penchant  au  vice.  Ils  semblent  porter  leurs  croix,  mais  ils  ne 
suivent  pas  le  Seigneur,  et  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  ;  «  Et  qui  me 
suit.  » 

S.  CuRYS.  [hom.  36.)  Les  commandements  qu'il  fait  ici  pouvaient 
paraître  accablants;  il  en  fait  donc  ressortir  les  avantages  immenses  : 
(f  Celui  qui  conserve  sa  vie  le  perdra;  et  celui  qui  aura  perdu  sa  vie 
pour  l'amour  de  moi,  la  retrouvera.  »  Comme  s'il  disait  :  «  Non-seu- 
lement ces  sacrifices  que  je  vous  impose  ne  vous  causeront  aucun  tort, 
mais  vous  en  recueillerez  les  fruits  les  plus  précieux,  tandis  qu'une 
conduite  opposée  vous  serait  infiniment  nuisible.  Ici  comme  partout, 
le  Sauveur  prend  ses  inductions  dans  ce  que  les  hommes  désirent  le 
plus.  Pourquoi  refusez-vous  de  faire  peu  de  cas  de  votre  vie?semble- 
t-il  leur  dire.  Parce  que  vous  l'aimez.  Mais  c'est  justement  pour  cela 
que  vous  devez  la  sacrifier,  si  vous  voulez  lui  procurer  les  plus  grands 
avantages.  —  S.  Rémi.  L'àme  ne  signifie  pas  ici  la  substance  même  de 
l'àme,  mais  la  vie  présente,  et  tel  est  le  sens  de  ces  paroles  :  «  Celui 
qui  cherche  son  âme  en  cette  vie,  c'est-  à-dire  celui  qui  désire  cette 
vie  avec  ses  attachements  et  ses  plaisirs,  et  qui  cherche  à  la  trouver 


victurus.  Gkeg.  (in  lioviil.  .'{'i  in  Evang.) 
Crux  quippe  a  cruciatu  dicitur  ;  et  duo- 
bus  inodis  crucem  Dommi  bajuUiinu?, 
cuiii  aut  per  abstiueutiam  caruem  affli- 
f,'imus,  aut  per  corapassionem  proxiuii 
necessitalem  illius  uostram  putauius. 
Scieudum  vero  est  quod  sunt  uounulli, 
qui  carnis  abstineutiam  non  pro  Deo,  sed 
pro  inani  gloria  exbibent  ;  et  sunt  uou- 
nulli qui  compassionem  proxiuii,  non 
spiritualiter,  sed  carnaliter  impenduut; 
ut  ei,  non  ad  virtutem ,  sed  quasi  mise- 
rando  ad  culpas  faveant.  Ht  itaquecru- 
ceni  Yidentur  ferre,  sed  Doniinum  non 
sequuntur  :  et  ideo  ait  :  «  Et  sequitur 
me.  » 

Chrys.  [in  Jiomil.  ?A>,  ut  svp.)  Quia 
vero  prœcepla  quibus  hum  injunjîuntur, 
onerosa  videbantur,  ponit  et  ulilitatem 


eorum  maxiniam  existentem,  diceus  : 
«  Qui  invenit  animam  suam,  perdet 
eam,  et  qui  perdiderit  propter  me,  inve- 
uiet:»  Quasi  dicat  :Non  solumhaic  qua; 
praemisi  non  nocent,  sed  maxime  pro- 
derrint;contraria  vero  nocebunt  :  et  hoc 
ubique  facit  :  ab  his  enim  quœ  homines 
concupiscunt,  iuducit  ;  sicut  si  dii-atur  : 
«  Propter  quid  nou  vis  coutemnere  ani- 
mam tuam  ?  Quia  diligis  eam  ?  Quocirca 
propter  hoc  contemne,  et  tune  ei  maxime 
proderis.  »  Remig.  Anima  autem  in  hoc 
loco,  non  substantia  est  intelligenda, 
sed  ha>c  vita  prsesens  :  et  est  sensus  : 
«  Qui  invenit  animam  suam  »  (scilicet 
banc  praesentem  vitani),  id  est,  qui  hanc 
lucem,  et  ejus  dilectionem,  et  voluptates, 
ad  hoc  desiderat,  ut  semper  inveuire 
possit  vitam  ,  quam  semper  servare  eu- 


112 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


toujours,  parce  qu'il  veut  la  conserver  toujours,  la  perdra,  c'est-à-dire 
qu'il  prépare  son  âme  à  la  damnation  éternelle.  —  Rab.  Ou  bien 
encore,  celui  qui  cherche  a  sauver  son  âme  pour  l'éternité,  n'hésitera 
pas  à  la  perdre,  c'est-à-dire  à  s'exposer  à  la  mort.  Ce  qui  suit  est  éga- 
lement favorable  à  l'un  et  à  l'autre  sens.  «  Et  celui  qui  aura  perdu  sa 
vie  pour  moi  la  trouvera.  »  —  Rémi.  C'est-à-dire,  celui  qui  au  temps 
de  la  persécution  s'exposera,  pour  confesser  mon  nom,  à  perdre  cette 
vie  mortelle,  ses  affections  et  ses  plaisirs,  trouvera  le  salut  éternel  de 
son  âme. 

S.  HiL.  C'est  ainsi  qu'on  perd  sa  vie  en  voulant  la  sauver,  et  qu'on 
la  sauve  en  consentant  à  la  perdre,  car  le  sacrifice  d'une  vie  qui  passe 
si  rapidement  nous  met  en  possession  d'une  vie  qui  ne  finira  jamais. 

y.  40-42.  —  Celui  qui  vous  reçoit  me  reçoit,  et  celui  qui  me  reçoit  reçoit  celui 
qui  m'a  envoyé.  Celui  qui  reçoit  un  prophète  en  qualité  de  prophète  recevra  la 
récompense  du  prophète;  et  celui  qui  reçoit  un  juste  en  qualité  de  juste  recevra 
la  récompense  du  juste;  et  quiconque  aura  donné  seulement  à  boire  un  verre 
d'eau  froide  à  l'un  de  ces  plus  petits,  comme  étant  de  mes  disciples ,  je  vous 
dis  en  vérité  qu'il  ne  perdra  poi)it  sa  récompense. 

S.  JÉR.  Notre-Seigneur,  en  envoyant  ses  disciples  prêcher  l'Evangile, 
leur  apprend  à  ne  craindre  aucun  danger,  et  à  sacrifier  toutes  lem's 
affections  aux  devoirs  de  sa  religion.  Déjà,  il  s'en  est  déclaré,  il  ne 
veut  pas  d'or,  il  ne  veut  pas  d'argent  dans  leurs  bourses  :  c'est  une 
condition  bien  dure  que  celle  des  Evangélistes.  Mais  comment  pourvoir 
aux  dépenses  nécessaires,  à  la  nourriture  ,  aux  choses  nécessaires  à 
la  vie?  Notre- Seigneur  adoucit  donc  la  sévérité  de  ses  préceptes  par 
l'espérance  des  promesses.  «  (^elui  qui  vous  reçoit,  leur  dit-il,  me 
reçoit,  »  Ainsi  chaque  fidèle  doit  être  persuadé  qu'il  a  reçu  Jésus-Christ 


pit,  perdet,  id  est,  animam  suam  aeternae 
(lamnatioui  prfeparat.  Rab.  Vel  aliter  : 
(jui  salutem  auimai  suœquaerit  «ternam, 
perdere  eam  (hoc  est,  in  mortem  dare) 
non  dubitat.  Utrique  autem  seusui  eou- 
gruit  apte  quod  seqviitur  :  Et  qui  perdi- 
derit  auimam  suampropter  me,  inveniel 
eam.  Remig.  Id  est,  qui  banc  tenipora- 
leni  luceni,  et  ejus  dilectiones,  et  volup- 
lates,  tenipore  persecutiouis  propler  con- 
fessionem  noiuinis  mei  contenipserit, 
animae  suai  inveniet  salutem  œlernam. 
HiL.\R.  Sic  er£;o  protîcit  luçruui  aninue 
lu  mortem,  et  damnum  in  salutem  : 
delrimeiito  enim  brcvis  vita?,  fieuus  im- 
mortalitatis  acquirilur. 

Qui  recipit  vos,  me  recipil ;  et  ijui  nu    recipit. 


recipit  eum  qui  me  rtdsit.  Qui  recipit  prophe- 
tam  in  nomine  prophetœ,  merredem  prophetœ 
accipiet  ;  et  qui  recipil  justum  in  nomine  justi, 
mercedem  justi  accipiet.  Et  quicunque  pottivi 
dederit  uni  ex  minimis  istis  calicem  aquœ  fri- 
f/idœ,  tantiim  in  nomine  discipuli,  amen,  dico 
vobis,  non  perdet  mercedem  suam. 

HiKR.  Domiuus  ad  praedicationem  dis- 
tipulos  mittens,  docet  pericula  non  ti- 
menda  et  affectum  subjicit  religioui  : 
aurum  supra  tulerat,  a^s  zona  excusseiat  ; 
dura  Kvaugelistarum  conditio.  Undeergo 
suuiptus  ■?  unde  victus  ?  unde  uecessa- 
ria?  Et  ideo  austeritatem  prfpceptorum 
spe  tempérât  promissorum,  iuquieus  : 
«  Qui  recipit  vos,  me  recipit  ;  »  ut  in 
suscipiendis  apostolis  uuuscpiisque  cre- 
dentium  Christum  se  suscepisse  arbitre- 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   X.  113 

en  recevant  ses  Apôtres.  —  S.  Ghkys.  {hom.  36.)  Ce  qui  précède  suffi- 
sait pour  produire  cette  persuasion  dans  ceux  qui  devaient  recevoir 
les  Apôtres.  Car  en  voyant  ces  hommes  héroïques  (jui  méi)risaient 
tout  (1)  ce  qui  les  concernait  pour  sauver  leurs  frères ,  (jui  ne  les 
aurait  accueillis  avec  le  plus  vif  empressement?  Plus  haut,  Notre-Sei- 
gneur  a  menacé  de  punir  ceux  qui  ne  les  recevraient  point;  ici  il  pro- 
met de  récompenser  ceux  qui  les  recevront.  Et  d'abord  il  leur  promet 
cet  honneur  insigne  de  recevoir  dans  la  personne  des  Apôtres  Jésus- 
Christ  et  même  son  Père.  «  Et  celui  qui  me  reçoit,  reçoit  celui  qui  m'a 
envoyé.  »  Que  peut-on  comparer  à  cet  honneur  de  recevoir  Dieu  le 
Père  et  le  Fils?  —  S.  Hil.  [can.  dO  sur  S.  Matth.)  Ces  paroles  nous 
apprennent  en  même  temps  son  office  de  médiateur,  car  après  que 
nous  l'avons  reçu,  lui  qui  est  sorti  de  Dieu,  il  nous  fait  entrer  eu  com- 
munication avec  Dieu  lui-même,  et  d'après  cet  ordre  que  suit  la  grâce, 
recevoir  les  Apôtres,  c'est  recevoir  Dieu,  parce  que  le  Christ  est  en  eux, 
et  que  Dieu  est  dans  le  Christ. 

S.  Chrys.  {hom.  36.)  A  cette  récompense  qu'il  promet  il  en  ajoute 
une  autre  :  «  Celui  qui  reçoit  un  prophète  au  nom  du  prophète,  recevra 
la  récompense  du  prophète,  et  celui  qui  reçoit  le  juste,  »  etc.  Il  ne  dit 
pas  simplement  :  Celui  qui  reçoit  un  prophète,  ou  celui  qui  reçoit 
un  juste,  mais  .  Celui  qui  reçoit  un  prophète,  un  juste,  au  nom  du 
prophète,  au  nom  du  juste,  c'est-à-dire  parce  qu'il  est  prophète,  parce 
qu'il  est  juste,  et  non  pas  à  cause  de  la  dignité  dont  il  peut-être 
revêtu  (2)  en  ce  monde,  ou  en  vue  de  quelque  autre  avantage  temporel. 

(1)  Le  grec  TtàvTwv,  serait  susceptible  d'être  pris  au  masculin  pour  tous  les  hommes,  si  le  sens 
neutre  n'était  déterpiiné  parles  paroles  suivantes  :  twv  xa6'  eauxoûç. 

(2)  L'expression  ptwxtv.vjv  Tvpoctacfîav   signifie  une  dignité  d'ici-bas,  qui  passe  avec  cette  vie. 


tur.  Chrys.  (m  homil.  36  utsup.)  Suffi- 
cientia  si  quidem  erant  prœmissa  ad  per- 
suadendum  eis  qui  erant  apostolus  sus- 
cepturi.  Qiiis  enim  eos  qui  ita  erant  for- 
tes, et  omnia  contemnebant,  ut  alii  salva- 
rentur,  non  susciperet  cum  oniui  desi- 
derio  ?  Et  superius  quidem  pœnam 
comminatus  est  lus  qui  non  recipereut; 
hic  autem  retributiuueni  promiltit  reei- 
pientibus.  Et  primo  quidem  repromiltit 
honorem  suscipieutibus  apostolos ,  ut 
Christum  suscipiaut,  et  etiam  Patrem  : 
imde  subdit  :  «  Et  qui  me  recipit,  reci- 
pit  eum  qui  me  misit.  »  Quid  auteiiî  huic 
honori  fiet  œquale,  ut  quis  Patrem  et 
Filium  recipiat?  HiLAR.  {Can.  10  m 
Matth.)  In  quibus  verbis  docet  etiam  in 
se  mediatoris  officium,  qui  cum  sit  re- 

TOM.   II. 


ceptus  a  nobis,  at(|ue  ipse  profectus  ex 
Deo  sit,  Deus  per  illum  transfususinnos 
sit  ;  ot  per  hune  ordinem  gratiarum  non 
est  aliud  apostolos  récépissé  quam  Deum, 
quia  et  in  ilhs  Christus  et  in  Cliristo 
Deus  habitat. 

Chrys.  (m  homil.  36,  ut  sup.)  Pro- 
mittit  autem  post  haec  et  aliam  retribu- 
tiouem  dicens  :  «  Qui  recipit  pruphetam 
in  uomine  prophétie,  nierci'dem  pro- 
phétie accipiet  ;  et  qui  recipit  justum,  » 
etc.  Non  autem  simpliciter  dixit  :  «  Qui 
suscipit  prophetam,  aut,  qui  suscipit 
justum,  »  sed  addidit  :  «  In  uomine 
prophetBe,et  in  nominejusti;»hûc  est,  si 
non  propter  vitœ  hujus  eminenliam, 
neque  propter  aUud  temporahum  susce- 
perit,  sed  quia  vel  propheta  est,  vel  jus- 

8 


111 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


Ou  bien  daus  un  autre  sens,  comme  il  avait  recommande  aux  disciples 
de  recevoir  les  maîtres  qui  les  enseignent,  les  fidèles  pouvaient  lui 
faire  secrètement  cette  réponse  :  Nous  devons  donc  recevoir  les  faux 
prophètes  et  Judas  le  traître  ?  Le  Seigneur  prend  donc  soin  de  leur 
rappeler  qu'ils  ne  doivent  pas  considérer  les  personnes,  mais  les  noms 
qu'elles  portent,  et  qu'on  ne  perdra  pas  sa  récompense  parce  que  celui 
({u'on  aurait  reçu  en  serait  indigne.  —  S.  Chrys.  {hom.  36.)  Notre- 
Seigneur  dit  :  «  Tl  recevra  la  récompense  du  prophète  et  la  récom- 
pense du  juste,  »  c'est-à-dire  la  récompense  qui  convient  à  celui  qui 
reçoit  le  prophète  ou  le  juste,  ou  celle  que  le  prophète  et  le  juste 
devront  recevoir  eux-mêmes.  —  S.  Grég.  [homél.  20  sur  les  Evan{/.'\ 
Il  ne  dit  pas  :  C'est  des  mains  du  juste  ou  du  prophète  qu'ils  recevront 
la  récompense,  mais  :  «la  récompense  du  prophète  et  du  juste;  »  peut- 
être  celui  qu'ils  reçoivent  est-il  juste,  et  plus  il  est  dépouillé  de  tout  en 
ce  monde^  plus  grande  aussi  sera  sa  fermeté  à  défendre  les  intérêts  de 
la  justice.  Or  celui  qui  possède  les  biens  de  la  terre  et  qui  pourvoit  aux 
besoins  du  prophète  et  du  juste,  participera  au  mérite  de  son  indé- 
pendance, et  partagera  la  récompense  de  justice  de  celui  qu'il  a 
secouru  et  nourri  sur  la  terre.  Cet  apôtre  est  plein  de  l'esprit  de 
prophétie,  mais  son  corps  a  besoin  d'aliments,  et  si  ses  forces 
ne  sont  pas  réparées,  il  est  certain  que  la  voix  lui  fera  défaut.  Or 
celui  qui  pourvoit  à  la  nourriture  du  prophète,  lui  donne  la  force 
de  parler  :  il  recevra  donc  avec  le  prophète  la  récompense  du  pro- 
phète, parce  qu'il  a  subvenu  à  ses  besoins  dans  l'intention  de  plaire 
à  Dieu. 

S.  Jér.  Dans  le  sens  mystique,  celui  qui  reçoit  le  prophète  comme 
prophète,  et  qui  comprend  ce  qu'il  lui  enseigne  des  choses  futures, 


lus.  Vel  aliter  :  quia  ad  susceplionem 
lïiaftistrorum  discipulos  provocaverat , 
poterat  credenlium  occulta  esse  respon- 
sio  :  «  Eriïo  et  pseudoprophetas  et  Ju- 
dam  proditoreiu  debemus  suscipere  :  » 
imde  Doiiiinus  dicit,  non  personas  sus- 
cipiendas  esse,  sed  uomiua;  etmercedem 
non  perire  suscipientis  ,  licet  indisuus 
fuerit  qui  susceptus  sit.  Ciiuys.  {in  liom. 
36,  ut  sup.)  Dicit  autem  :  «  Mercedem 
prophetœ  et  luercedem  justi  accipiet;  » 
id  est,  qualem  decens  est  accipere  ouni 
qui  suscipit  proplietam  vel  juslnni,  vol 
qualem  propheta  aut  justus  est  acceptu- 
rus.  GuKG.  (ni  /lomil.  20  in  Kvang.) 
Non  enini  ait  :  «  Mercedem  de  propliota, 
vel  juslo,  »  sed,  «  mercedem  propheta-, 
vel  justi  :  »  iste  euim  fortasse  justus  est  ; 


et  quanto  in  liuc  mundo  uiliil  possidet, 
tanto  loquendi  pro  justitia  fiduciam  ma- 
jorem  habet  :  liuuc  cum  ille  sustentât 
qui  in  hoc  mundo  aliijuid  possidet,  illius 
justitiœ  libortatem  sibi  participem  facit , 
et  cum  eo  pariter  justitiae  pra;mia  reci- 
piet,  quem  sustentaudo  adjuvit.  Ille  pro- 
plieti;!;  spiritu  plenus  est,  sed  taraen 
corporeo  eiiet  alimento  :  et,  si  corpus 
non  reficitur,  ccrtum  est  quod  vox  ipsa 
sublralialur  :  qui  igitur  prophetae  ali- 
menta tribuit,  vires  illi  ad  loquendmn 
(ledit  :  ciun  propheta  ergo  mercedem 
projdiofa'  accipiet,  qui  hoc  ante  Dei  ocu- 
los  e.xliibuit  quoil  adjuvit. 

lIiKR.  Mystice  autem  qui  prophetain 
recipit  ut  proplietam,  et  intelliiiit  eum 
de   luturis   loqucutem ,    hic    propheta; 


DE  SAINT   MAITHIEU,    CHAI'.   X. 


n:> 


l)artayera  su  récompeusc.  Les  Juifs  donc,  (|ui  ik;  com[irouaicul  les 
]>rophètes  que  daus  uu  sens  charnel,  ne  recevront  pas  la  récompense 
des  pr()[diètes.  —  Re.mi.  Dans  ce  prophète  et  dans  ce  justiî,  quelques- 
uns  veulent  voir  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  de  qui  xMuisc  a  dit  : 
«  Dieu  vous  suscitera  un  prophète,  »  etc.  {DeuL  xvni),  et  qui 
est  juste  aussi  d'une  manière  incomparable.  Cehii  donc  qui  recevra 
le  prophète  et  le  juste  au  nom  du  prophète  et  du  juste,  recevra  la 
récompense  des  mains  de  celui  pour  l'amour  duquel  il  a  fait  cette 
action. 

S.  Jér.  Mais  on  pouvait  lui  alléguer  cette  exciuse  :  Ma  pauvreté  me 
défend  de  donner  l'hospitalité;  il  la  détruit  en  nous  proposant  la  chose 
la  moins  coviteuse  qui  soit  au  monde,  c'est-à-dire  de  donner  de  tout 
cœur  uu  verre  d'eau  froide.  «  Et  celui  (jui  donnera  à  l'un  de  ces  plus 
petits,  un  verre  d'eau  froide,  etc.  »  Il  dit  un  verre  d'eau  froide,  et  non 
d'eau  chaude,  de  peur  que  s'il  s'agissait  d'eau  chaude,  on  ne  pré- 
textât encore  sa  pauvreté  et  l'impossibilité  de  se  procurer  du  bois  pour 
la  faire  chauffer.  —  Rémi.  Il  ajoute  :  «  Au  plus  petit,  »  c'est-à-dire 
non  pas  seulement  aux  justes  ou  aux  prophètes,  mais  à  l'un  des  plus 
petits  et  des  plus  misérables.  —  La  Glose.  Remarquez  ici  comme  Dieu 
regarde  beaucoup  plus  à  la  disposition  du  cœur  qu'à  la  valeur  de  la 
chose  que  l'on  donne.  Ou  bien  les  plus  petits  sont  ceux  qui  ne  pos- 
sèdent rien  absolument  en  cette  vie,  et  qui  jugeront  un  jour  le  monde 
avec  Jésus-Christ.  —  S.  Hil.  {can.  10  sur  S.  Matth.)  Ou  bien  il  pré- 
voyait qu'il  y  en  aurait  plusieurs  dont  toute  la  gloire  consisterait  dans 
le  nom  d'apôtre  qu'ils  déshonoreraient  par  tout  le  reste  de  leur  vie  ; 
il  ne  veut  donc  pas  priver  de  récompense  l'honneur  qui  leur  est  rendu 
au  nom  de  la  religion,  car  bien  qu'ils  soient  les  plus  petits  de  tous. 


niercedem  accipiet.  l^itur  Judœi  carna- 
liter  iutelligeules  prophetas,  luercedem 
nou  accipieut  prophctarum.  Remig.Nou- 
nnlli  vero  propJietum  iutellifïimt  Domi- 
nuin  Jesiim  Chririliim,  de  qiiù  Moyses 
dieit  {Deutcr.  18)  :«Prophelamvobissiid- 
cilabit  Ucus,  »  etc.  quem  siinililer  per 
jvs/nm  iulelli'4uut ,  quia  incomparabi- 
liLer  justus  est.  Qui  ori^o  in  iiomiue  justi 
et  prophetœ  (scilicct  Christi)  proplie- 
tam  veï  justuin  suàcipit,  ab  eo  recipiet 
remunerationem  pro  cujiis  amore  re- 
cipit. 

Hier.  Poterat  aiilem  aliquis  causari  et 
dicere  :  «  Paupertate  prohibeor,  ut  lios- 
pitalis  esse  non  possiin  :  »  et  hauc  excu- 
sationem  levissimo  exèniplo  diluit,  nt 
caliceui  aqute  frigidaî  loto  auimo  porri- 


gamus,  dicens  :  «  Et  quicunque  potum 
dederit  uni  ex  minimis  calicem  aquœ 
frigjdœ,  »  etc.  Frigidœ,  iuquit,  non 
calidœ  :  ne  et  in  calida  paupertatis  et 
penuria  lignoruni  occaslo  «lUDereretur. 
Remig.  Dicit  auteni  minimis,  id  est,  non 
prophetae,  non  justo,  sed  ab'ciii  ex  mini- 
mis. Glossa.  Ubi  nota  Deum  magis  ad 
pium  atfectum  dautis  respioei-e,  quam 
ad  quautilatem  rei  exhibilte.  Vcl  niinimi 
6uut  qui  nibil  peuitus  habent  in  hoc 
muudo,  et  judices  eruut  cum  Christo. 
IIiL,\u.  {Cant.  10  in  Matth.)  Vei  prœ- 
videns  plures  futuros,  tantum  apostola- 
tus  uomine  gloriosos,  omui  vero  vila^ 
suae  opère  improbabiles  ;  obsequium 
quod  ipsis  sub  roligionis  opinione  dela- 
tum  est,  mercede  non  fraudât  :  nam  ii- 


ii6  EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE   DE   S.    MATTHIEU,    CHAP.   X. 

c'est-à-dire  les  derniers  des  pécheurs,  les  services  qu'on  leur  rend, 
même  les  plus  légers,  et  qui  sont  exprimés  par  ce  verre  d'eau  froide, 
ne  seront  pas  perdus,  car  ce  n'est  pas  aux  péchés  de  l'homme,  mais  à 
son  titre  d'apôtre  (ju'est  rendu  cet  honneur. 


J 


cet  ipsi  minimi  essent  (id  est,  peccato- 
rum  omnium  ultimi),  non  iuania  taraen 
in  eos  (etiam  levia  sub  frigidajaquaîQO- 


miue  desigoata)  ofticia  esse  decernit  : 
non  enim  peccatis  hominis,  sed  discipuli 
nomiui  honor  prœstitus  est. 


CHAPITRE  XL 

SOMMAIRE    ANALYTIQUE, 

v.  1.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  se  sépare-t-il  de  ses  disciples  après  les  ins- 
tructions qu'il  vient  de  leur  donner  ? 

y.  2-6.  —  Pourquoi  Jean-Baptiste  envoie-t-il  demander  à  Jésus  s'il  est  celui  qui 
doit  venir  ?  —  Peut-on  admettre  en  lui  une  ignorance  quelconque  relative- 
ment à  la  personne  du  Sauveur  'f  —  Peut-on  dire  que  Jean  envoie  demander 
à  Jésus  s'il  doit  annoncer  sa  venue  dans  les  enfers?  —  Dans  quelle  intention 
envoie-t-il  ses  disciples  faire  cette  question  au  Sauveur? —  Ce  n'est  point 
pour  dissiper  ses  doutes,  mais  pour  éclairer  l'ignorance  de  ses  disciples.  — 
Réponse  de  Jésus-Christ.  —  Comment  et  pour  qui  a-t-il  été  un  sujet  de  scan- 
dale ?  —  Explication  mystique  de  ce  fait. 

y.  7-10.  —  Raison  pour  lesquelles  Notre-Seigneur  fait  l'éloge  de  Jean-Baptiste. 

—  Pourquoi  attend-il  que  les  disciples  de  Jean  soient  partis  ?  —  Comment 
montre-t-il  à  la  multitude  que  Jean  n'a  point  perdu  ses  droits  à  la  haute  opi- 
nion qu'ils  avaient  de  lui?  —  11  invoque  leur  propre  témoignage  et  leur  em- 
pressement à  aller  trouver  le  saint  précurseur  dans  le  désert.  —  Pourquoi 
cherche-t-il  tout  d'ahord  à  justifier  Jean  du  reproche  de  légèreté  ?  —  Jean- 
Baptiste  ne  fut  un  roseau,  c'est-à-dire  un  homme  inconstant,  ni  de  sa  na- 
ture, ni  par  la  mollesse  de  sa  vie. —  La  vie  austère  convient  aux  prédicatcuis. 

—  La  recherche  dans  les  vêtements  n'est  jamais  exempte  de  péché.  —  Suivre 
à  cet  égard,  en  évitant  l'excès,  les  usages  des  persoimes  au  milieu  desquelles 
on  vit.  —  Comment  Jean-Baptiste  est  prophète  et  plus  que  prophète.  — 
Comment  le  prophète  Malachie  a  pu  lui  donner  le  nom  d'ange.  —  11  est  en- 
core supérieur  aux  autres  prophètes,  parce  qu'il  a  préparé  les  voies  au  Messie. 

—  Dans  le  sens  mystique,  qu'est-ce  que  le  désert,  le  roseau,  le  vêtement?  etc. 
y.  11.  —  Eloge  que  Notre-Seigneur  fait  de  Jean-Baptiste.  —  Au-dessus  de  qui 

l'élève-t-il  précisément  par  ces  paroles  :  Entre  ceux  qui  so7it  nés  des 
femmes?  etc.  —  Quel  est  ce  plus  petit,  dans  le  royaume  des  cieux,  qui  est 
plus  grand  que  lui  ? 

y.  12-15.  —  Que  signifie  ici  le  royaume  des  cieux  et  quels  sont  les  violents  qui 
le  ravissent?  —  Nécessité  de  se  faire  violence  pour  entrer  dans  le  ciel.  — 
Autre  explication  :  les  violents  sont  les  publicains  et  les  pécheurs ,  ou  bien 
ceux  qui  s'empressent  de  se  convertir.  —  Doit-on  conclure  de  ces  paroles  ; 
La  loi  et  les  prophètes  ont  prophétisé  jusqu'à  Jean-Baptiste,  qu'il  n'y  ait  plus 
eu  de  prophètes  après  lui  ?  —  Comment  Jean-Baptiste  peut  être  appelé  Elie. 

f.  16-19,  —  Profond  sentiment  de  mécontentement  de  Notre-Seigneur  contre 
les  Juifs.  —  Que  faut-il  entendre  par  les  enfants  dont  parle  le  Sauveur?  — 
Explication  de  cette  allégorie. —  Les  Juifs  ont  tout  méprisé,  la  prédication  qui 
les  exhortait  à  la  vertu ,  comme  celle  qui  les  appelait  à  faire  pénitence  de 
leurs  péchés.  —  Comment  les  Juifs  peuvent-ils  être  appelés  les  compagnons 
des  prophètes  ?  —  Application  de  cette  comparaison  à  Jésus-Christ  et  à  son 
saint  précurseur.  —  Comment  faut-il  entendre  ces  paroles  :  Jeati  est  venu,  ne 
mangeant  ni  ne  buvant  ?  etc.;  et  ces  autres  :  Le  Fils  de  l'homme  est  venu, 
mangeant  et  buvant?  etc.  —  Ils  ont  suivi  des  routes  différentes,  mais  qui 
aboutissaient  au  même  but.  ~  Pourquoi  ont-ils  adopté  un  genre  de  vie  dif- 


118  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

feront  ?  —  Dans  quel  sens  la  sagesse  a-t-elle  été  justifiée  par  ses  enfants  ?  — 
Explication  littérale  et  mystique. 

y.  20-2i.  —  Sur  qui  tombent  ces  reproches  particuliers?  —  Pourquoi  Jésus 
les  adresse-t-il  particulièrement  aux  villes  de  Corozaïm  et  de  Hothsaide  ?  — 
Pourquoi  leur  préfère-t-il  Tyr  et  Sidon? —  Que  signiiient  le  cilice  et  la 
rendre  ?  — Que  représentent  Tyr  et  Sidon  ? —  Le  Sauveur  a  prêché  l'Evangile 
même  dans  les  endroits  où  il  prévoyait  l'inutilité  de  ses  prédications.  —  Pour- 
quoi Tyr  et  Sidon  seront  punies  moins  rigoureusement  que  Corozaïm  et 
Bethsaïde  ?  —  Pourquoi  le  Sauveur  fait-il  une  mention  spéciale  de  Caphar- 
naum  ?  —  Les  crimes  de  Sodome  et  de  Gomorrhc  plus  légers  que  ceux  de  ces 
villes.  —  Inégalité  de  peines  dans  l'enfer. —  Tyr  et  Sidon  sont-elles  coupables 
de  n'avoir  pas  cru?  —  Dans  Corozaïm ,  il  y  en  avait  plusieurs  qui  devaient 
croire,  de  môme  que  dans  Tyr  et  dans  Sidon  il  en  était  plusieurs  qui  devaient 
rester  dans  l'incrédulité.  —  Est-ce  par  miséricorde  que  le  Sauveur  n'a  pas 
voulu  faire  de  miracles  au  milieu  des  villes  de  Tyi'  et  de  Sidon  ?  —  En  quoi 
consiste  la  prédestination  des  saints  ?  —  A  quoi  se  trouve-t-elle  attachée?  — 
Ces  reproches  ont  été  prononcés  dans  deux  circonstances  différentes. 

y.  2.-),  20.  —  Jésus  répond  aux  doutes  intérieurs  que  devait  soulever  la  doctrine 
qu'il  venait  d'exposer.  —  La  confession  n'est  pas  toujours  l'accusation  des 
péchés.  —  Peut- on  conclure  de  ces  paroles  du  Sauveur  qu'il  n'est  qu'une 
simple  créature? —  Quels  sont  ces  sages  et  ces  prudents?  —  Quels  sont  les  pe- 
tits auxquels  les  mystères  ont  été  révélés?  —  Jésus- Christ  ne  condamne  ici 
ni  la  pénétration  d'esprit,  ni  la  véritable  sagesse.  —  D'où  vient  la  joie  du 
Sauveur  ?  —  L'équité  de  cette  conduite  est  confirmée  par  le  jugement  de  la 
volonté  de  Dieu.  —  Vigilance  salutaire  que  ces  paroles  inspirèrent  aux  Apô- 
tres. —  Dans  quel  sens  faut-il  entendre  que  Dieu  a  caché  ces  vérités  ? 

y.  27.  —  Le  Sauveur  n'est  point  privé  de  la  puissance  qu'il  vient  de  reconnaître 
dans  son  Père.  —  C'est  en  même  temps  qu'il  a  été  engendré  qu'il  est  devenu 
maître  de  toutes  choses.  —  Il  n'est  en  rien  inférieur  à  son  Père.  —  L'iden- 
tité de  nature  dans  le  Père  et  le  Fils  est  renfermée  dans  la  mutuelle  connais- 
sance qu'ils  ont  de  l'un  et  de  l'autre.  —  Dans  quel  sens  personne  ne  connaît 
le  Père  que  par  le  Fils  ?  —  L'homme  peut-il  avoir  du  Père  et  du  Fils  une 
connaissance  aussi  étendue  que  le  Père  et  le  Fils  ?  —  Comment  le  Verbe  fait 
connaître  le  Père  tel  qu'il  est.  —  Il  se  fait  connaître  en  même  temps  lui-même. 

f.  28-30.  —  ISotre-Seigneur  appelle  ses  disciples  à  venir  et  à  s'unir  à  lui.  — 
Quels  sont  ceux  qu'il  appelle  plus  particulièrement? —  Le  péché,  fardeau 
accablant,  aussi  bien  que  le  joug  des  passions.—  Il  appelle  indistinctement  tous 
ceux  qui  souffrent.  —  Comment  peut-on  venir  à  lui  par  le  mouvement  du 
cœur  ?  —  Comment  devons-nous  prendra  le  joug  du  Seigneur  ?  —  Que  de- 
vons-nous surtout  apprendre  de  lui  ?  —  Récompense  promise  à  la  douceur  et 
à  l'humilité.  —  Que  fait-il  pour  bannir  tout  sentiment  de  crainte  que  pour- 
rait inspirer  l'idée  seule  de  joug  et  de  fardeau  ?  —  Combien  ce  joug  est  doux 
et  ce  fardeau  léger.  —  Comment  concilier  cette  promesse  avec  ce  qu'il  a  dit 
plus  haut  de  la  voie  étroite,  etc.  —  Comment  l'Esprit  saint  adoucit  les 
épreuves  inséparables  de  la  vie  chrétienne.  —  Comi)araison  empruntée  aux 
souffrances,  aux  peines  auxquelles  on  se  dévoue  volontairement  pour  acquérir 
les  richesses  de  la  terre.  —  Dans  quel  sens  l'Evangile  est  un  joug  plus  léger 
que  la  loi^  alors  qu'il  punit  un  seul  mouvement  de  colère  et  la  simple  convoi- 
tise ? 


DR   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XF. 


119 


V.  1 .  —  Après  que  Jésus  eut  achevé  de  donner  ces  instructions  à  ses  douze 
disciples,  il  partit  de  là  pour  aller  enseiçpier  et  prêcher  dans  leurs  villes. 

Rar.  Le  Sauveur  avait  donnô  à  ses  disciples  qu'il  envoyait  prêcher 
rr<>augile  les  instructions  nécessaires;  il  accomplit  raainttinaut  lui- 
même  ce  qu'il  leur  avait  enseigné  en  allant  porter  aux  Juifs  les  pré- 
mices de  sa  prédication.  «  Après  que  Jésus  eut  achevé  de  donner  ces 
instructions  à  ses  douze  disciples,  il  partit  de  là,  »  etc. 

S.  CiiRYS.  {hom.  37.)  L'Evangéliste  dit  qu'il  partit  de  là,  c'est-à-dire 
<|u'ayant  donné  à  ses  Apôtres  leur  mission,  il  s'éloigna  afin  de  leur 
laisser  toute  latitude  pour  le  lieu  et  pour  le  temps  (1)  où  ils  accompli- 
raient ce  qu'il  venait  de  leur  recommander.  Car  s'il  avait  continué  à 
être  présent  au  milieu  d'eux  et  à  guérir  les  malades,  personne  n'au- 
rait eu  recours  à  ses  disciples.  —  Rémi.  C'est  par  suite  d'un  dessein 
plein  de  sagesse  que  le  Sauveur  passe  de  ces  enseignements  particu- 
liers qui  concernaient  les  apôtres,  à  des  instructions  qui  s'adressent  à 
tous  et  qu'il  fait  au  milieu  des  cités,  car  il  était  descendu  des  cieux  sur 
la  terre  pour  éclairer  tous  les  hommes,  et  il  donne  en  cela  aux  prédi- 
cateurs remplis  de  l'esprit  de  Dieu  l'exemple  de  s'appliquer  à  être  utile 
à  tous  sans  distinction. 

^.  2-6.  —  Or  Jean  ayant  appris  dans  la  prison  les  œuvres  merveilleuses  de 
Jésus-Christ ,  envoya  deux  de  ses  disciples  lui  dire  :  Etes-vous  celui  qui  doit 
venir  ou  devons-nous  en  attendre  un  autre?  Et  Jésus  leur  répondit  :  Allez, 
racontez  à  Jean  ce  que  voits  avez  entendu  et  ce  que  vous  avez  vu.  Les  aveufilea 
voient,  les  boiteux  marchent,  les  lépreux  sont  guéris,  les  sourds  entendent,  les 

(1)  Le  mot  tempus,  en  grecxatpô;,  ne  signifie  pas  ici  le  temps  considéré  comme  durée,  mais 
comme  occasion  favorable. 


CAPUT  XI. 

Et  factum  est  ciim  cnnsummasset  Jésus  prœri- 
piens  duoderim  disripulissuis,  transiit  inde  ut 
doceret  et  prœdiraret  iu  civitatibus  ortrum. 

Raba.  Postquam  discipulos  suos  Do- 
minus  ad  praîdicandum  raittens,  prje- 
missis  verbis  eos  iustruxit  ;  ipse  etiatu 
quod  docuerat  verbis,  factis  implevit  ; 
offerens  primain  praidicaliouem  Judaeis  : 
et  hoc  est  quod  dicilur  :  «  Et  factuin 
est  cum  consummasset  Jésus,  etc.,  tran- 
sit, »  etc.  Chrys.  {in  honiil.  37  in 
Matlh.)  Dicit  aulem  :  «  Transiit  inde, 
ut,  »  etc.  Quia  cuini  eos  misit,  subtraxit 
seipsuui,  dans  loeuui  ois  et  tempus  fa- 


core  quae  injunxerat  :  eo  enim  prœsente 
et  curante  nullus  ad  discipulos  vellet  ac- 
cédera. Rem:g.  Pulchre  aulem  de  spe- 
ciali  doctrina,  qua  scilicet  apostolos  ins- 
truxerat,  ad  generalem  transiit,  in  civi- 
tatibus  praedicando;  quia  in  boc  de  cœ- 
lis  ad  terras  descendit,  ut  omues  illnmi- 
naret  :  in  quo  facto  uionentur  etiam 
sancti  prœdicatores,  ut  onniibusprodesse 
studeant. 

Joannes  autem  cum  audixset  in  vinculis  oppra 
Christi,  mittens  -duos  de  disripnlis  suis,  ait 
un  :  Tu  es  qui  venturuses.  an  nlium  exspecta- 
mus  ?  Et  respondriis  Jesux ,  ait  illis  :  Eunles 
renuntiate  Joaiini  guœ  audùstis  et  vidistis  : 
rœci  rident,  claudi  ambulant,  leprosi  mundan- 


120 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


morts  ressuscitent,  l'Evangile  est  (uinoncé  aux  pauvres;  et  heureux  celui  qui 
ne  prendra  point  de  moi  un  sujet  de  scandale. 

La  Glose.  (1)  L'Evangéliste  vient  d'exposer  comment  Notre-Seigneur, 
par  ses  miracles  et  par  sa  doctrine,  avait  instruit  ses  disciples  aussi 
bien  que  le  peuple  ;  il  nous  apprend  maintenant  comment  ces  ensei- 
gnements parvinrent  jusqu'aux  disciples  de  Jean,  qui  paraissaient 
avoir  quelque  jalousie  contre  le  Christ.  «  Or  Jean  ayant  appris  dans  la 
prison,  »  etc. 

S.  Grég.  (homél.  Q  sur  les  Evanfj.)  Il  nous  faut  rechercher  pourquoi 
Jean-Baptiste,  prophète  et  plus  que  prophète,  qui  avait  fait  connaître 
le  Sauveur,  lorsqu'il  vint  se  faire  baptiser ,  en  lui  rendant  ce  témoi- 
gnage :  «  Voici  l'Agneau  de  Dieu,  voici  celui  qui  eflace  les  péchés  du 
monde  (2),»  envoie  de  la  prison  où  il  est  enfermé  ses  disciples  pour 
demander  :  «  Etes-vous  celui  qui  doit  venir,  ou  devons-nous  en 
attendre  un  autre?  »  Il  semble  ignorer  celui  qu'il  a  lui-même  mani- 
festé au  peuple,  et  ne  pas  connaître  le  Sauveur  qu'il  a  proclamé  si 
hautement  dans  ses  prédictions,  lors  de  son  baptême,  et  quand  il  le 
voyait  venir  à  lui  (3*). 

S.  Ambr.  {liv.  V,  sur  S.  Luc.)  Il  en  est  qui  expliquent  cette  difficulté 
en  disant  que  Jean  était  un  grand  prophète  qui  connut  le  Christ,  et 
annonça  la  rémission  future  des  péchés;  mais  qu'en  prédisant  sa  venue 
comme  un  saint  prophète,  il  n'avait  pas  cru  qu'il  devait  être  soumis  à 
la  mort.  Ce  n'est  donc  pas  sa  foi  qui  doute,  mais  sa  piété;  et  saint 

(1)  Ce  passage  n'est  ni  dans  la  Glose,  ni  dans  saint  Anselme,  ni  dans  aucun  autre  auteur. 

(2)  Ou  bien,  selon  le  texte  même  de  l'évangéliste  saint  Jean  ,  le  péché  en  général  ,  considéré 
comme  la  racine  de  tous  les  péchés  particuliers. 

fy  j  Cette  difficulté  se  trouve  admirablement  résolue  par  Bossuet,  dans  l'exorde  du  premier  ser- 
mon pour  le  deuxième  dimanche  de  l'Avent,  et  où  il  développe  cette  pensée  que  Jean  interroge, 
parce  qu'il  sait,  et  qu'il  demande  au  Sauveur  Jésus  quel  il  est,  parce  qu'il  connaît  très-bien  quel 
il  est. 


fur,  surdi  audiunt,  mortui  resurgunt ,  pau- 
lieres  ovangelizantur  :  et  beatus  est  qui  non 
fuerit  scandulizatus  in  me. 

(iLOSSA.  Ponuit  supra  Evangelista  quo- 
uiudo  per  miraciila  et  doctrinam  Cliristi, 
tain  discipuli  quam  turbœ  instruebau- 
tur  :  nunc  ostendit  quomodo  hœc  ins- 
Inictio  iisque  ad  discipulos  .loannis  per- 
veiierit,  ijui  ad  Cliristiim  iemiilatiouem 
liabere  videbautur  :  uiide  dicil:  «  .loannes 
aiitem  cum  atidisset  in  vinculis,  »  etc. 

•  iRF.r..  {'m  hornil.  (>  in  Evu»g.)  Quae- 
rendum  aiUeiii  mibls  est.  Joaniies  pro- 
idieta  fi  phisipiani  prophela.  (pii  venieii- 
ti-'iii  ad   haptisiiuuu  Douiimun  '>?teadit, 


dicens  (Joan.  i)  :  «  Ecce  Agnus  Dei, 
ecce  qui  toUit  peccata  mundi,  »  cur  lu 
carcere  positus  mittens  discipulos  requi- 
rit  :  «  Tu  es  qui  venturus  es,  au  aliuui 
expectamus"?  »  Tanquam  si  ignoraret 
quimi  ostenderat,  et  an  ipse  sit  uescial 
qneni  ijjse  propbetizando,  baptizando, 
ostendendo  ipsum  esse  elauiaverat. 

Ambh.  {in  Liic.Wh.w)  Nonnulli  auteui 
boc  sic  intelligunt  :  maguum  quideiu  ita 
propiietam  esse  Joannem  ut  Ciiristuui 
agnosceret ,  aununtiaret  remissioneni 
peccatonun  futuram  ;  sod  tanicn  tanquam 
piiun  valeni.  quem  ventuiuni  credide- 
dorat,  non   credidisse   niurituriun.   Non 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XI.  i2l 

Pierre  lui-même  partagea  ce  doute  lorsqu'il  dit  au  Sauveur  :  «  Epar- 
gnez-vous, Seigneur,  cela  ne  vous  arrivera  pas.  »  (1*)  —  S.  Chrys. 
{hom.  37.)  Mais  cette  explication  n'est  pas  fondée,  car  Jean  ne  pouvait 
pas  ignorer  même  cette  circonstance,  puisque  c'est  la  première  chose 
à  laquelle  il  a  rendu  témoignage  par  ces  paroles  :  «  Voici  l'Agneau  de 
Dieu,  qui  ôte  les  péchés  du  monde.  »  En  lui  donnant  le  nom  d'Agneau, 
il  dévoile  le  mystère  de  la  croix,  puisijue  ce  n'est  que  par  la  croix  (ju'il 
a  effacé  les  péchés  du  monde.  Comment  d'ailleurs  serait-il  plus  (}u'uu 
prophète  s'il  ignorait  ce  que  les  prophètes  eux-mêmes  ont  connu  et 
annoncé?  En  effet  Isaïe  n'a-t-il  pas  dit  (chap.  lui)  :  «  Il  a  été  conduit 
à  la  mort  comme  une  brebis?  » 

S.  Grég.  {hom.  6  sur  les  Evançj.)  On  peut  donner  à  cette  ques- 
tion une  solution  différente  en  réfléchissant  sur  le  temps  où  ce  fait 
s'est  passé.  Sur  les  bords  du  Jourdain,  Jean-Baptiste  a  déclaré  que 
Jésus  était  le  rédempteur  du  monde;  mais  dans  sa  prison  il  envoie 
demander  s'il  doit  venir.  Ce  n'est  pas  qu'il  doute  que  Jésus  soit  le 
Rédempteur  promis,  mais  il  demande  si  celui  qui  est  venu  sur  la 
terre  en  se  faisant  annoncer  par  lui ,  suivra  le  même  ordre  pour 
descendre  dans  les  enfers  (2).  —  S.  Jér.  C'est  pour  cela  qu'il  ne  dit  pas  : 
«  Est-ce  vous  qui  êtes  venu?  »  mais  :  «  Est-ce  vous  qui  viendrez?  o 
Et  tel  est  le  sens  de  ces  paroles  :  Faites-moi  savoir,  à  moi  qui  dois  des- 
cendre aux  enfers,  si  je  dois  aussi  vous  y  annoncer,  ou  si  vous  devez 
confier  ce  ministère  à  un  autre.  —  S.  Chrys.  (/iom.  37.)  Mais  comment 
cette  opinion  même  peut-elle  être  soutenue?  Car  pourquoi  Jean  n'a -t- 

Tj  Matth.,  xvi,  22.  Le  texte  grec  porte  :  D.swç  orot  xOpte,  où  (XYi  siTTat  noi  toOto  ;  ce  que  la 
Vulgate  a  traduit  :  Absit  a  te  Domine,  non  erit  tihi  hoc;  «  Loin  de  vous,  ou  à  Dieu  ne  plaise,  Sei- 
gneur, cela  ne  vous  arrivera  pas.  » 

(2)  Le  sens  de  l'expression  per  se  qui  par  elle-même  pourrait  être  amphibologique  est  déterminé 
par  l'explication  de  saint  JénJme,  qui  suit  celle  de  saint  Grégoire  et  dont  voici  le  développement  : 
Utruiii  te  et  inferis  debeam  nuntiare  qui  nuntiavi  superis. 


igilur  fide,  sed  pietate  dubitavit.  Diibi- 
lavit  etiaui  et  Petrus,  dicens  :  «  Propi- 
lius  tibi  esto,  Domine,  aon  fiet  hoc.  » 
Chrys.  {in  hoinil.  37  ut  sup.)  Sed  non 
uliqiie  hoc  habet  rationem.  Joannes 
euhn  neque  hoc  ignorabat;  sed  hoc 
prinumi  testatus  est,  dicens  :  «  Ecce 
Agnus  Del,  qui  tollit  peccatum  mundi  :» 
agniini  enini  %M)cans  crucem  divulgat, 
iiec  aliter  quam  per  crucem  peccatum 
abstuHt  mundi.  Qualiter  autem  major 
propheta  est  hic,  si  neque  illa  quae  pro- 
phetarum  sunt  noscit  ?  Etenim  Isaias  di- 
cit  (cap.  53)  :  «  Sicut  ovisad  passionem 
ductus  est,»  etc.  Greg.  {'m  liomil.  G,  in 
Evanrj.)  Uade  ahter  heec  quaestio  solvi- 


tur,  si  geslœ  rei  tempus  pensatur.  Ad 
Jordanis  enim  fluenta  positus,  quia  ipse 
Redemptor  mundi  esset,  asseruit  ;  missus 
vero  in  carcerem,  an  ipse  veniat,  requi- 
rit  ;  non  quia  ipsum  esse  mundi  Redemp- 
torem  dubitat;  sed  qua>rit  ut  sciât,  si 
is  qui  per  se  in  mundum  venerat,  per  se 
etiam  ad  inferni  claustra  descendat. 
Hier.  Uude  non  ait  :  «  Tu  es  qui  venisti, 
sed,  tu  es  qui  venturus  es  ?  »  Et  est 
sensus  :  Manda  niihi,  «lui  ad  inferna 
descensurus  sum,  utrum  te  etiam  inferis 
debeam  nuntiare.  an  alium  ad  iiœt;  sa- 
craraenta  missurus  es.  CuRYS.  [in  liomil. 
37  ut  Slip.)  Sed  qualiter  et  hoc  habet  ra- 
tionem ?  Cujus  enim  gratia  non  dixit  : 


122 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


il  pas  dit  :  «  Est-ce  vous  qui  devez  venir  dans  les  enfers?  »  mais  dit-il 
simplement  :  «  Qui  devez  venir?  »  D'ailleurs  n'est-il  pas  ridicule  qu'il 
ait  demandé  s'il  devait  en  allant  dans  les  enfers  l'annoncer  dans  ce  lieu? 
La  vie  présente  seule  est  le  temps  de  la  grâce,  et  après  la  mort  il  ne 
reste  que  le  jugement  et  la  peine  ;  quel  besoin  donc  d'envoyer  un  pré- 
curseur en  ce  lieu? Mais  encore,  si  les  infidèles  pouvaient  être  sauvés 
parla  foi  après  leur  mort,  aucun  d'eux  ne  périrait;  car  tous  alors  se 
repentiront  et  adoreront  le  Fils  de  Dieu,  puisqu'alors  tout  genou  flé- 
chira devant  lui,  dans  le  ciel,  sur  la  terre  et  dans  les  enfers. 

La  Glose.  Remarquons  que  saint  Jérôme  et  saint  Grégoire  n'ont 
pas  dit  que  Jean-Baptiste  devait  annoncer  la  venue  du  Christ  dans  les 
enfers  pour  convertir  à  la  foi  un  certain  nombre  de  ceux  qui  ne  croient 
pas  en  lui,  mais  pour  consoler  par  l'espérance  de  son  avènement  pro- 
chain les  justes  qui  s'y  trouvaient  en  attendant  la  venue  du  Christ. 

S.  HiL.  [can.  H  sur  S.  Matth.)  Il  est  cependant  certain  que  l'erreur 
ne  s'est  point  mêlée  à  cette  connaissance  parfaite  qu'avait  saint  Jean, 
lui  qui  avait  annoncé  comme  précurseur  la  venue  du  Messie,  qui 
comme  prophète  le  reconnut  au  milieu  de  la  foule,  et  comme  con- 
fesseur, rendit  hommage  au  Sauveur  qui  venait  à  lui.  On  ne  peut 
admettre  que  la  grâce  de  l'Esprit  saint  lui  ait  fait  défaut  dans  la  pri- 
son, alors  que  plus  tard  l'apôtre  devait  répandre  la  lumière  de  sa  puis- 
sance sur  ceux  qui  partageaient  ses  fers  (1). 

S.  JÉR.  Ce  n'est  point  par  ignorance  qu'il  interroge,  mais  de  la  même 
manière  que  le  Sauveur  demandait  en  quel  endroit  le  corps  de  Lazare 
avait  été  déposé,  afin  de  préparer  ainsi  à  la  foi  ceux  qui  lui  indi- 

(1)  Saint  Hilaire  fait  probablement  allusion  au  fait  raconté  dans  les  Actes  des  Apôtres, 
XVI,  26. 


«  Tu  es  qui  venturus  et  in  infernum  ?  » 
sed  simpliciter  :  «  Qui  venturus  es  ?  » 
Quamvis  et  derisibilius  videatur  quod 
propter  hoc  ei  dixerit,  ut  et  illuc  abiens 
prœdicaret  :  praeseus  enim  vita,  ^rratife 
tempus  est  ;  post  obitum  auteni  judicium 
est  et  ptena  :  quare  in  nullo  opus  erat 
prœcursore  illic.  Sed  aliter  :  si  inlideles 
post  morteni  crcdeutes  essent  salvaudi , 
uuUus  peribit  aliquando  :  onines  euiui 
pœnitebunt  luno,  et  adorabunt  :  omne 
euiiu  genullecletur,  cœlestium. 
trium  et  inferaurum  {P/ii/.  2.) 

Glossa.    Consideranduui    au 
quod  non  ideo  Hieronymus  et  (î 
ilixeruiil,  ([uod  JoannesadventumCliristi 
in  infernuMi  in'a-iiuuliaiurus  essel,  qiii;i 


terres 


1    est 
orius 


ejus  prsedicatione  alirpii  non  credentes 
converterentur  ad  tidem;  sed  ut  justis 
in  exspeotatione  Christi  maneutibus ,  ex 
vicino   adventu  consolationem  afferret. 

HiLAR.  [Canf.  11.)  Certuu)  est  tameu 
quod  (]ui  venluruni  ut  priecursor  nun- 
tiavit,  consislenteni  utpropbeta  aurnovit, 
adeunlenj  ut  confesser  veneratus  est, 
ejus  abundantiscieutiaj  error  non  obrep- 
sit.  Nec  sane  credi  potest  Spiritus  Sancti 
jiratiani  in  carcere.  posito  defuisse,  cuni 
Apostùlus  virtutis  suae  lumen  esset  in 
carcere  positis  niinistraturus. 

Hier.  Non  er^o  quasi  ii^norans  inter- 
rojiat,  sed  ipiiunodo  Salvalor  interrogat 
{.loaii.  11)  ubi  sit  Lazarus  positus,  ut  qui 
IcMiun  sepulcri  indicaliant.sallcni  sicpa- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XI.  123 

quaient  le  lieu  de  sa  sépulture,  et  de  les  rendre  témoins  de  la  résur- 
rection d'un  mort.  C'est  ainsi  que  Jean-Baptiste,  sur  le  point  d'être 
mis  à  mort  par  Hérode ,  envoie  ses  disciples  à  Jésus-Clirist,  pour  qu'ils 
aient  occasion  de  voir  ses  miracles  et  ses  prodiges,  et  qu'ils  puLssent 
croire  en  lui,  et  s'instruire  eux-mêmes  en  l'interrogeant  au  nom  de 
leur  maître.  Que  les  disciples  de  Jean  nient  nourri  quelijue  sentiment 
d'envie  contre  le  Christ,  la  question  qu'ils  lui  ont  faite  précédemment 
le  démontre  suffisamment,  u  Pourquoi  les  Pharisiens  et  nous  jeùnons- 
nous  souvent,  tandis  que  vos  disciples  ne  jeûnent  pas?  »  {Matt/i.  ix.) 
—  S.  CiiRYS.  (ho))i.  37.)  Tant  que  Jean-lJaptiste  était  avec  eux,  il  leur 
parlait  sans  cesse  du  Christ,  c'est-à-dire  qu'il  leur  recommandait  de 
croire  en  lui;  mais  sentant  sa  mort  prochaine,  il  redouble  de  zèle,  car 
il  craint  de  laisser  dans  ses  disciples  un  levain  de  dangereuse  erreur, 
et  il  redoute  qu'ils  ne  demeurent  éloignés  de  Jésus- Christ,  à  l'école 
duquel  il  a  voulu  les  renvoyer  tous  dès  le  commencement.  S'il  leur 
avait  dit  :  Allez  à  lui,  parce  qu'il  est  bien  au-dessus  de  moi,  il  ne 
les  aurait  pas  persuadés;  ils  auraient  cru  qu'il  parlait  ainsi  par  un 
profond  sentiment  d'humilité,  et  ils  lui  seraient  restés  plus  attachés 
([u'auparavant.  Que  fait-il  donc?  Il  attend  que  ses  disciples  viennent 
lui  rapporter  eux-mêmes  que  le  Christ  fait  des  miracles  ;  et  parmi  eux 
tous  il  n'en  envoie  que  deux  qu'il  regardait  peut-être  comme  plus 
faciles  à  être  convaincus.  Il  les  envoie  afin  que  sa  demande  ne  prête 
à  aucun  soupçon  et  qu'ils  apprennent  par  les  faits  eux-mêmes  la  dis- 
tance qui  les  sépare  de  Jésus-Christ. 

S.  HiL.  {ca7î.  41  sur  S.  Matth.)  Jean-Baptiste  n'agit  donc  pas  ici 
pour  éclairer  son  ignorance,  mais  pour  dissiper  celle  de  ses  disciples  ; 
il  les  envoie  considérer  les  œuvres  de  Jésus  afin  de  leur  apprendre 


rarentur  ad  fidem,  et  videront  mortuum 
rosurgentem  :  sic  et  Joannes  interficieu- 
dus  aïj  flerode  discipulos  suos  mittit  ad 
Ghristum,  ut  per  liane  occasionem  vi- 
dentes  signa  atqne  virtutes,  crederent  in 
eum,  et  magistro  interrogante  sibi  dis- 
cerent.  Quod  autem  liaberent  discipuli 
Joannis  aliquid  mordacltatis  ex  invidia 
adversus  Dominum,  superior  quoque  in- 
terrogatio  demoustravit,  eum  dixoruut 
[Motth.  9)  :  «  Quare  nos  etpharisœi  je- 
jiinamus  fréquenter,  discipuli  auteiu  tui 
non  jejunant?  »  Chrys.  [in  liomil.  37 
■itt  Slip.)  Donec  igitur  J^aïuies  erat  cum 
ipsis,  suadebat  eis  continue  de  Clirislo  : 
id  est,  eis  tideni  iuCliriskun  coumu^nda- 
bat.  Quiaautem  jauj  erat  obiturus,  amplius 
studiuni  facit  :    eleuiui   formidabat,   ne 


reliuquat  in  discipulis  suis  perniciosi 
dogmafis  conditionem,  et  niaueant  ab- 
jecli  aCbristo,  oui  et  a  principio  omnes 
suos  alferre  studuit.  Si  autem  dixisset 
eis  :  «  Abite  ad  ipsum,  quia  melior  me 
est,  »  non  utique  persuasisset  ;  sed  aesti- 
maretur  humilia  de  se  sentiens  hoc  di- 
cere,  et  sic  magis  essent  ei  aflixi.  Quid 
igitur  facit  ?  Exspectat  ab  eis  audire  quod 
Christus  miracula  facit  :  ueque  omnes 
mittit,  sed  duos  quosdam,  quos  noverat 
fortassis  aliis  persuasibiliures  existentes, 
ut  insuspicabilis  interrogatio  fleret,  et  ex 
rébus  ipsis  discerent  distantlam  inter 
eum  et  Jesum. 

IliLAR.  [Caii.  il  ut  stip.)  Joannes  igi- 
tur, non  suae,  sed  discipulorum  igno- 
ranlise  consulit  :  ut  cnim  scirent  non 


124 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


qu'il  n'eu  a  poiut  aunoncé  un  autre  que  lui,  que  ses  prodiges  donnent 
une  nouvelle  autorité  à  ses  paroles ,  et  qu'ils  n'attendent  pas  un  autre 
Christ  que  celui  qui  avait  pour  lui  le  témoignage  des  œuvres.  — 
S.  Chrys.  {hom.  37.)  Notre-Seigneur  Jésus- Christ,  qui  connaissait  la 
pensée  de  Jean,  ne  dit  pas  .  «  C'est  moi  ;  »  car  cette  réponse  aurait 
indisposé  ceux  (]ui  l'entendaient  ;  ils  auraient  pu  penser,  quand  ils  ne 
l'auraient  pas  dit,  ce  (]ue  les  Juifs  lui  objectèrent  plus  tard  :  «  Vous 
vous  rendez  donc  témoignage  à  vous-même?  »  Il  veut  donc  les  instruire 
à  l'école  de  ses  miracles,  pour  donner  ainsi  à  sa  doctrine  une  autorité 
plus  éclatante  et  plus  irrécusable  ;  car  le  témoignage  des  omvres  est 
plus  digne  de  foi  que  le  témoignage  des  paroles.  Il  guérit  donc  sous 
leurs  yeux  des  aveugles,  des  boiteux ,  et  beaucoup  d'autres  malades, 
non  pour  l'enseignement  de  Jean-Baptiste,  qui  n'en  avait  pas  besoin, 
mais  pour  l'instruction  de  ses  disciples  qui  étaient  dans  le  doute.  «  Et 
Jésus  leur  répondit  :  Allez,  rapportez  à  Jean  ce  que  vous  avez  entendu, 
et  ce  que  vous  avez  vu.  Les  aveugles  voient,  les  boiteux  marchent,  les 
lépreux  sont  guéris,  les  sourds  entendent,  les  morts  ressuscitent,  les 
pauvres  sont  évangéhsés.  »  —  S.  Jér.  Ce  dernier  trait  n'est  pas  infé- 
rieur à  ceux  qui  précèdent  ;  les  pauvres  évangélisés  sont  ou  les  pauvres 
d'esprit,  ou  ceux  qui  sont  pauvres  des  biens  de  la  terre  ;  ainsi  la  pré- 
dication ne  met  aucune  difteience  entre  la  noblesse  et  l'obscurité  de  la 
condition,  entre  les  riches  et  les  pauvres  ;  et  c'est  là  une  preuve  de  la 
rigoureuse  justice  du  maître,  et  de  la  vérité  de  ce  divin  précepteur  : 
tous  ceux  qui  peuvent  être  sauvés  sont  égaux  à  ses  yeux. 

S.  Chrys.  [hom.  37.)  Ce  qu'il  ajoute  :  «  Et  heureux  est  celui  qui 
ne  prendra  pas  de  moi  un  sujet  de  scandale,  »  tombe  sur  les  envoyés 
qui   étaient  scandalisés  à  son  sujet;  Notre-Seigneur  ne  dévoile  pas 


alium  a  se  praedicatum,  ad  opéra  ejus 
intuenda  dLscipulos  suos  misit;  ut  avxc- 
torilatem  dictis  suis  illius  opéra  confer- 
reat  ;  nec  Christus  alius  exspectaretur, 
quam  cui  lestimouium  opéra  prsestitis- 
sent.  Chrys.  (in  hom.  37  nt  siip.)  Chris- 
tus autem  uieuteui  uosceus  Joauuis,  non 
dixit  :  «  Ouoniam  oiio  sum  ;  »  qm-à  per 
boc  rursus  obsisteret  hoc  audientibns  : 
excoiîitassent  eniui  etsi  non  dixissent, 
quod  Juda-i  ad  Ipsum  dixerunt  :  «  Tu  de 
teipsotestinitinium  perhibes;  »  et\iropter 
hoc  a  niiraculis  feciteos  discere,  insuspi- 
cabilenj  doetrinani  faeiens,  et  nismifes- 
liorem  :  testimouium  euim  quod  est  a 
rébus,  credibiliusest  testimonioquod  est 
a  verbis;  unde  coulestiiu  euravit  cœcos, 
et  claudos,  et  alios  multos,  non  ut  doce- 
ret  Joaunem  scientem,  sed  hos  qui  du- 


bitabaut  :  et  ideo  sequitur  :  «  Et  res- 
pondens  Jésus,  ait  illis  :  Euntes  renun- 
tiate  Joanui  quae  audistis  et  vidistis  : 
cxci  vident,  claudi  ambulant,  leprosi 
mundantur,  surdi  audiunt,  morlui  resur- 
ijuut,  pauperes  evangelizantur.  »  HiF.n. 
Quod  pntmissis  non  minus  est.  Pauperes 
autem  evanjrelizatos  intellige,  vel  pau- 
peres spiritu,  vel  certe  opibus  pauperes  : 
ut  nulla  inter  uobiles  et  ignobiles,  inter 
divites  et  egeuos  in  praedicatione  dis- 
tautia  sit  :  ha^c  magislri  rigorem,  baec 
pr^eceptoris  comprobaut  veritatem  ; 
quando  omuis  apud  eum  qui  salvari  po- 
test,  aequalis  est. 

CnRVS.  {in  hom.  37  ut  su  p.)  Quod  au- 
tem ait  :  «  El  beatus  est  qui  non  fuerit 
siandalizatus  in  me,  inlerinuitios  percu- 
tit  :  quia  enim  scandalizabantur  in  ipso. 


I)K   SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XI.  125 

leurs  doutes  intérieurs,  il  les  abandonne  au  jugement  de  leur  con- 
science, et  leur  adresse  ce  reproche  indirect.  —  S.  Un,,  {can.  11  sw 
S.  Matth.)  En  disant  :  Bienheureux  celui  qui  ne  prendra  point  de  lui 
un  sujet  de  scandale,  il  montre  l'écueil  contre  lequel  Jean  a  voulu  les 
prémunir,  car  il  n'a  envoyé  ses  disciples  vers  le  Christ  que  dans  la 
crainte  qu'ils  ne  fussent  scandalisés  à  son  sujet.  —  S.  Grég.  {hom.  (J 
sur  les  Evang.)  Jésus-Christ  a  été  pour  les  infidèles  un  grand  sujet  de 
scandale  lorsqu'après  tant  de  miracles,  ils  le  virent  expirer  sur  la 
croix  ;  c'est  ce  que  saint  Paul  exprime  lorsqu'il  dit  :  «  Nous  prêchons 
Jésus-Christ  crucifié,  qui  est  un  scandale  pour  les  Juifs.  »  (I  Cor.  i.) 
Que  signifient  donc  ces  paroles  :  Heureux  est  celui  qui  n'aura  pas  été 
scandalisé  à  mon  sujet,  si  elles  ne  sont  une  déclaration  manifeste  de 
l'ignominie  et  des  humiliations  de  sa  mort?  N'est-ce  pas  comme  s'il 
disait  clairement  à  Jean-Baptiste  :  Je  fais  des  choses  admirables,  mais 
je  ne  rougis  pas  d'en  souffrir  d'ignominieuses,  et  puisque  ma  mort 
doit  suivre  la  vôtre,  il  faut  que  les  hommes  se  gardent  de  la  mépriser, 
après  avoir  admiré  les  prodiges  que  j'ai  opérés? 

S.  HiL.  Le  sens  mystique  nous  offre  encore  une  intelligence  plus 
large  de  ce  fait  de  la  vie  de  Jean-Baptiste.  C'est  que  comme  prophète, 
et  par  la  nature  même  de  sa  mission  prophétique,  il  annonce  que  la 
loi  est  pour  ainsi  dire  ensevelie  (1)  dans  sa  personne.  La  loi,  en  effet, 
avait  annoncé  Jésus-Christ,  prêché  la  rémission  des  péchés,  promis  le 
royaume  des  cieux,  et  Jean  avait  accompli  toute  cette  œuvre  de  la  loi. 
Au  moment  donc  où  cesse  la  loi  qui,  retenue  captive  par  les  péchés  du 
peuple,  était  comme  chargée  de  chaînes,  renfermée  dans  un  cachot, 
et  ne  pouvait  par  conséquent  reconnaître  le  Christ,  elle  envoie  consi- 

(1)  Le  mot  elata  signifie  ici  enlevée,  mise  nu  tombeau,  comme  dans  ce  passage  de  saint  Luc  : 
Ecce  defunctus  efferebatur,  etc. 


(Iiibitationeiii  eorum  non  divulgans,  et 
soli  eorum  conscientiae  derelinqiiens, 
redargutionem  eorum  latenter  induxit. 
HiLAR.  {Can.  11,  in  Matth.)  Itaque  cui 
rei  Joaunes  cavisset  ostendit ,  dicens 
bcatos  eos  in  quibus  aliquid  in  se  scan- 
dali  non  fuisset  ;  quia  metu  ejus  (scili- 
l'et  ne  scandalizarentur)  discipulos  sues 
.Toannes  ut  Christum  audirent,  misit. 
(iREG.  {in  hom.  6  in  Evang.)  Infidelium 
mens  grave  in  Christo  scandalum  pertu- 
lit,  cum  eum  etiam  post  lot  miraoula 
morienlera  vidit  :  unde  Paulus  dicit 
(l  Cor.  1)  :  «  Nos  prapdicamus  Christum 
cruciiîxum,  Judœisquidem  scandalum  ;  » 
quid  ergo  est  dicere  :  «  Beatus  qui  non 
l'uerit  scandalizatus  in  me,  »  nisi  aperta 


voce  abjectionem  mortis  suœ  humilita- 
temque  signare  ?  Ac  si  patenter  dicat  : 
Mira  quidem  facio,  sed  abjecta  perpeti 
non  dedignor'  :  quia  ergo  morieudo  te 
subsequor,  cavendum  valde  est  homi- 
nibus,  ne  in  me  mortem  despiciant ,  qui 
signa  venerantur. 

HiLAR.  Prœbetur  etiam  mystice  in  hi.~ 
quœ  in  Joanue  gesta  sunt  intelligentia 
amplior  ;  ut  prophela  ipso  conditionis 
suae' génère  prophetaret,  quia  ineo  forma 
legis  elata  est  :  Christum  enim  lex  an- 
nuntiavit,  et  remissionem  peccatorum 
prgedicavit,  et  reguum  cœlorum  spopon- 
dit,  et  Joannes  tolum  hoc  opus  legis 
explevit.  Igiîur  cessante  jam  lege  (quaB 
peccatis  plebis  iuclusa,  ne  Christus  pos- 


120 


EXI'LICATIO.N   DK   L'ÉVANOILli 


(lfi(if  J(i  spuolacle  ([uc  présente  l'Evangile,  alin  que  l'incrfidulité  soit 
forcée  de  reconnaître  la  vérité  de  la  doctrine  dans  la  vérité  des  faits. 
—  S.  Amb.  On  peut  voir  aussi  dans  ces  deux  disciples  les  deux 
peuples,  les  Juifs  lidèles  et  les  (jentils. 

^.  7-10.  —  Lorsqu'ils  s'en  furent  allés,  Jésus  commença  à  parler  de  Jean  un 
peuple  en  celle  sorle  :  Qu'éles  vous  allés  voir  dans  le  désert  ?  Un  roseau  agile 
du  vent?  Qu'êtes-vous ,  dis-jc ,  allés  voir?  Un  homme  vêtu  avec  luxe  et  avec 
mollesse?  Vous  savez  que  ceux  qui  s'habillent  de  cette  sorte  sont  dans  les 
maisons  des  rois.  Qu'êtes-vous  donc  allés  voir?  Un  prophète^  Oui,  je  vous  le 
dis,  et  plus  qu'un  prophète.  Car  c'est  de  lui  qu'il  a  été  écrit  :  J'envoie  devant 
vous  mon  ange,  qui  vous  préparera  la  voie  où  vous  devez  marcher, 

S.  CiiRYs.  {hom.  37.)  C'en  était  assez  pour  les  disciples  de  Jean,  et 
ils  se  retirèrent  convaincus  par  les  miracles  opérés  sous  leurs  yeux  que 
Jésus  était  le  Christ  ;  mais  il  fallait  guérir  les  esprits  de  la  multitude 
qui  ne  connaissait  pas  l'intention  de  Jean-Baptiste ,  et  pour  qui  1^ 
question  de  ses  disciples  avait  soulevé  plus  d'une  difficulté.  Car  elle 
pouvait  dire  :  Celui  qui  a  rendu  un  si  glorieux  témoignage  au  Christ 
a-t-il  donc  changé  de  sentiment^  et  doute-t-il  aujourd'hui  (pi'il  soit  le 
Messie?  Est-ce  par  un  esprit  d'opposition  à  Jésus  qu'il  lui  fait  adresser 
cette  question?  La  prison  aurait-elle  affaibli  sa  grande  âme?  Est-ce 
que  les  premiers  témoignages  n'étaient  que  de  vaines  paroles?  — 
S.  HiL.  {ca)i.  11  sur  S.  Matth.)  Afin  donc  (ju'on  ne  pût  appliquer  à 
Jean-Baptiste  ce  qu'il  venait  de  dire,  comme  si  le  saint  précurseur  eût 
été  scandalisé  au sujetde  Jésus-Christ,  l'Evangéliste  ajoute  :  «Lorsqu'ils 
s'en  furent  allés,  Jésus  commença  à  parler  de  Jean  aux  peuples.  »  — 
S.  Chrys.  [hom.  37.)  Il  attend  que  les  disciples  de  Jean  soient  partis, 


set  iatellgi,  quasi  viuculis  et  quasi  carcere 
continebatur),  ad  Evaugelia  contueuda 
lex  millit  ;  ut  iutidelilas  lideui  dictorum 
cûutempletur  in  faclis.  Ambr.  {super 
Luc.  lib.  3.)  Et  fortasse  isti  discipuli 
quos  misit,  sunt  duo  populi  :  uuus  qui 
ex  Judaeis  credidit,  alter  qui  ex  Geu- 
tibus. 

Illis  autem.  nbeuntibus ,  cœpit  Jésus  dicere  ad 
turbas  de  Joanne  :  Quid  existis  in  desertum 
videre  ?  Arundinem  vento  agitatam  ?  Sed  quid 
existis  videre  ?  Ilominem  moUibus  veslitum  ? 
Ecce  )/ui  inollibus  vestiunlur,  i»  domibus  re- 
gum  sunt.  Scd  quid  existis  videre  ?  Prophc- 
tam'.'  Etiam  dico  vobis,  et  plusquam  prnphe- 
tam  :  hic  est  enim  de  quo  scripttun  est  :  Ecce 
ego  mitto  Angetum  meuin  ante  fticiem  luam, 
qui  prœparabil  ciam  tuam  ante  te. 

CuRYS.  {in  hom.  'il  in  Matth.)  Ouan- 


tum  ad  discipulos  Joannis  satis  actum 
erat;  cerlificati  enim  de  Christo  per 
signa  qu;c  vidoraut,  recesserunt  :  sed 
opoiicbat  etiam  turbas  sauari,  quce  ex 
iuterrogatione  discipulorum  Joaunis 
multa  incouveuientia  subintellexerint , 
iguoraules  mitlcnlis  cousiiium.  Poterant 
utiquc  dicere  •  Qui  tanta  teslatus  est  de 
Christo,  aliter  persuasus  est  uunc,  et 
dubilat  utrum  sit  ipse  :  nuuquid  ergo 
allercatus  ad  Jesuni  hoc  dicit  ;  nuuquid 
timidior  a  carcere  factu»?  nuuquid  vaue 
et  inauiterpriora  dixit?  Hil.vr.  [Can.  11 
ut  sup.)  Ac  ne  aliud  quod  immédiate 
pranuiserat;,  roferri  posset  ad  Joanncm 
tanquam  scandalizalus  essel  in  Christo, 
subditur  :  «  Illis  aulom  abeunlibus,  cœ- 
pit Jésus  dicere  ad  turbas  de  Joanne.  » 
CuHYs.  (in  homil  JT  nt  sup.)   Propler 


DE  SAINT   MArnilEU,   CHAI'.    XI.  127 

pour  «{u'oii  uc  l'accuse  pas  de  flatterie  à  son  égard  ;  il  redresse  les  idées 
de  la  rmiltitude  sans  dévoiler  leurs  souprons,  et  en  L'ur  .loini.iiit  sim- 
plement la  solution  de  leurs  difficultés^  et  il  fait  naître  des  doutes  dans 
leur  âme  en  leur  montrant  (ju'il  connaît  les  secrets  de  leur  cœur.  Ce- 
pendant il  ne  leur  dit  pas  comme  aux  Juifs  :  «  Pounjuoi  pensez-vous 
le  mal  dans  vos  cœurs?  »  Car  s'ils  pensaient  le  mal ,  c'était  par  igno- 
rance, et  non  par  méchanceté.  Aussi  ne  les  reprend-il  pas  avec  sévé- 
rité, il  se  contente  de  justifier  Jean  ,  eu  leur  montrant  (ju'il  n'a  [loint 
perdu  ses  droits  à  la  haute  opinion  qu'ils  avaient  de  lui.  C'est  ce  qu'il 
lait,  et  par  le  témoignage  qu'il  lui  rend ,  et  par  celui  de  la  multitude 
elle-même,  dont  il  invoque  non-seulement  le  témoignage  verbal, 
mais  le  témoignage  de  la  conduite  ;  c'est  pour  cela  qu'il  leur  dit  : 
«Qu'avez- vous  été  voir  dans  le  désert?»  c'est-à-dire  :  «  Pourquoi  avez- 
vous  abandonné  vos  cités  et  vous  êtes-vous  réunis  dans  le  désert?» 
Car  une  multitude  si  nombreuse  ne  se  serait  pas  rendue  dans  le  désert 
avec  un  si  grand  empressement ,  si  elle  n'avait  cru  y  rencontrer  un 
personnage  important,  extraordinaire,  et  plus  ferme  qu'un  rocher.  — 
La  Glose  (1).  Ce  n'est  pas  qu'ils  fussent  venus  alors  dans  le  désert 
pour  y  voir  Jean-Baptiste,  puisqu'il  était  en  prison  ;  mais  le  Sauveur 
leur  rappelle  ce  qu'ils  avaient  fait  autrefois ,  lorsqu'ils  allaient  fré- 
quemment dans  le  désert  pour  y  voir  Jean-Baptiste  qui  s'y  trouvait 
encore. 

S.  CiiRYs.  {ftom.  38.)  Et  voyez  comment,  sans  s'arrêter  à  justifier 
Jean-Baptiste  de  tout  autre  défaut,  il  éloigne  de  lui  le  reproche  de  lé- 
gèreté que  le  peuple  pouvait  lui  faire  intérieurement  en  leur  disant  : 
«  Est-ce  un  roseau  agité  par  le  vent?  »  —  S.  Grég.  {hom.  6  sur  les 

(1)  Cette  citation  n'est  pas  dans  la  Glose,  mais  dans  l'Ouvrage  incomplet  sur  saint  Matthieu, 
qui  se  trouve  dans  les  œuvres  de  saint  Chrysostome,  homél.  27,  un  peu  avant  le  milieu. 


hoc  auleni  abeimtibuseis  ut  uon  videatiir 
homini  adulari  :  corripteas  auteni  et  ple- 
bem,  non  ducit  iu  médium  suspieionem 
eorum ,  sed  solutiouem  cogitationnm 
eorum  inducit  ;  quiaeos  in  dubitationem 
mittebat,  demoustrans  se  nosse  occulta  : 
neque  euim  dixit  sicut  .Judsis  :  «  Qaid 
cogitatis  mala?  »  Etenim  si  mala  cogita- 
verint,  non  tameu  ex  malitia,  sed  ex 
ignorantia  :  uude  non  loquitur  eis  dure, 
sed  respoudet  pro  Jeanne,  osteudens 
quod  uon  excidit  a  priori  opinioue.  Hoc 
autem  docet,  non  soluui  proprio  verbo, 
sed  eorum  testimonio  ;  non  tautum  per 
ea  quœ  dixerunt,  sed  per  ea  qua;  ege- 
runt.  Ideoque  ait  :  «  Qn'id  existis  in  de- 
sertum  videre  ?  »  Ac  si  diceret  :  Propter 


quid  civitates  dimilleutes.  convenislis  in 
desertum  ?  Non  enim  plebs  tanta  cum 
tanto  desiderio  in  erenium  venisset.  nisi 
magnum  quemdam,  et  mirabilem,  et 
petra  solidiorem  se  videre  cxistimans. 
Glossa.  Non  autem  tune  exierant  in  de- 
sertum ad  hoc  ut  vidèrent  Joannem 
(nec  enim  erat  tune  in  deserto,  sed  iu 
carcere),  sed  praeteritum  refert;  quia 
fréquenter  exierat  populus  in  desertum 
videre  Joannem,  cum  adhuc  esset  in  de- 
serto. 

Chrys.  (in  homil.  38  vt  siip.)  Et  vide 
quia  omnem  aUam  maliliam  prœter- 
mittens  removet  a  Joanne  levitatcm,  de 
qua  turba;  dubitabant,  dicens  :  «  Arun- 
dinem  vento  agitalam?  Greg.  (in  hom. 


i28 


EXPLICATION    DE   L  EVANGILE 


Evanr/.)  Ce  n'est  point  ici  une  affirmation ,  mais  une  interrogation  ; 
le  roseau,  aussitôt  qu'il  est  effleuré  par  le  moindre  vent,  plie  de  l'autre 
côté,  image  de  l'àme  charnelle  qui  plie  tour  à  tour  sous  le  vent  de  la 
faveur  ou  de  la  contradiction  des  langues.  Jean  n'était  donc  pas  un 
roseau  agité  par  le  vent,  car  aucune  vicissitude  des  choses  humaines 
ne  pouvait  faire  fléchir  la  droiture  de  sa  conduite.  Voici  donc  le  sens 
de  ces  paroles  du  Seigneur  :  —  S.  Jér.  Avez-vous  été  dans  le  désert 
pour  voir  un  homme  semblable  à  un  roseau  tour  à  tour  agité  par  tous 
les  vents  ,  et  dont  l'esprit  léger  douterait  maintenant  de  celui  auquel 
il  a  rendu  un  éclatant  témoignage  ?  Est-ce  que  peut-être  l'aiguillon  de 
l'envie  l'exciterait  contre  moi,  est-ce  qu'il  poursuivrait  la  vaine  gloire 
dans  ses  prédications?  Chercherait-il  à  en  tirer  profit?  Pourquoi 
désirerait-il  les  richesses?  pour  s'asseoir  à  des  tables  splendidement 
servies?  Mais  il  se  nourrit  de  sauterelles  et  de  miel  sauvage;  Est-ce 
pour  se  vêtir  avec  mollesse?  son  vêtement  est  fait  avec  des  poils  de 
chameau  (1);  et  c'est  pour  cela  que  le  Sauveur  ajoute  :  «  Mais  qu'êtes- 
vous  allés  voir?  un  homme  vêtu  mollement?  »  —  S.  Chrys.  Ou  bien 
dans  un  autre  sens,  en  allant  dans  le  désert ,  vous  avez  prouvé  par 
votre  empressement  que  Jean  n'était  pas  semblable  à  un  roseau  mo- 
bile. Et  on  ne  peut  dire  que  Jean,  ferme  et  inébranlable  de  sa  nature, 
est  devenu  inconstant  en  s'abandonnant  à  une  vie  de  plaisirs  ;  car  de 
même  qu'un  homme  est  naturellement  colère  ,  et  qu'un  autre  le  de- 
vient par  suite  de  longues  souffrances,  ainsi  il  en  est  qui  sont  incons- 
tants par  nature ,  et  d'autres  qui  le  deviennent  en  se  livrant  à  leurs 
passions.  Or,  Jean-Baptiste  n'était  pas  inconstant  par  nature,  et  c'est 
pour  cela  que  le  Sauveur  leur  fait  cette  question  :  «  Etes-vous  allés 

(1)  Il  indique  ici  deux  raisons  pour  lesquelles  les  hommes  désirent  les  richesses  :  pour  se  pro- 
curer une  table  plus  délicate  ou  se  vêtir  d'habits  riches  et  somptueux. 


6,  in  Evung.)  Quod  videlicet,  non  asse- 
rendo,  sed  ne^audo  iululit  :  arundinem 
<Iiiippe  mox  ut  aura  eonlinfiit,  in  partem 
alteraui  tleotit  :  per  quaui  carnalis  ani- 
inus  deîianatur,  qui  uiox  ut  favore  vel 
detractioue  taujj;itur,  in  partem  quam- 
libet  incliuatur.  Arundo  ergo  vento  agi- 
tata  Joannes  non  erat.  «jueni  a  status 
sui  rectitudine  nuUa  rerum  varieta>  iu- 
flectebat  :  ac  si  Doniinus  dieeiet  :Hier. 
Nunquid  ob  boc  existis  in  desertuni.  ut 
videretià  bominem  talauio  similem,  qui 
omui  vento  cin'innfertur,  et  levitate 
mentis  de  eo  ambigerel  quem  antea  pra;- 
dicarel?  An  forsilau  stinudis  invidiœ 
contra  me  cogitur,  et  pr;edicatio  ejus 
vanam  sectatur  gloriam,  ut  ex  ea  qna^- 
rat  lucra  ?  Curdivitias  cupiat?  Ut  affluât 


dapibus?  Locustis  vescitur  et  melle  syl- 
vestri  ;  an  ut  moUibus  vestiatur  ?  Pili 
camelorum  sunt  tegmen  ejus  :  et  ideo 
subjungit  :  «  Sed  quid  existis  videra  ? 
Homiuem  moUibus  vestilum  ?  »  Chrys. 
[in  hom.  38  ut  sup.)  Vel  aliter  :  quod 
non  sit  Joaunes  similis  calamo  mobili , 
per  vestrum  sludium  signifioastis.  scili- 
cet  iu  deserfum  euntes.  Non  lamen  po- 
test  aliquisdicere  quod  Joannes  quidem 
constans  erat.  sed  postea  lasciviae  ser- 
viens  factus  et  mobilis;  siout  enim  ali- 
quis  est  iracundus  natura.  aliu?  per  in- 
tirmitatem  longam  ;  ita  aliqui  sunt  nio- 
Itiles  per  naturam  .  alii  vero  lascivia; 
servieudo  mobiles  fiunt.  Joannes  autem 
neqnc  natura  mobilis  erat  ;  propter  quod 
dixerat  :  «  Num  existis    videre  arundi- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.   XI.  129 

voir  un  roseau  agité  par  le  veut?  Ce  n'est  pas  non  plus  en  devenant 
l'esclave  de  la  volupté  qu'il  a  perdu  cette  élévation  de  caractère  :  le 
désert  qu'il  habitait ,  la  prison  où  il  est  renfermé  prouvent  le  con- 
traire. S'il  avait  voulu  se  vêtir  avec  mollesse  ,  il  n'eût  pas  choisi  pour 
habitation  le  désert,  mais  les  palais  des  rois  ,  car  :  «  Ceux  qui  sont 
vêtus  mollement,  sont  dans  la  maison  des  rois.  »  —  S.  Jér.  Appre- 
nons ici  que  la  vie  austère  et  la  sévérité  de  la  prédication  doivent  fuir 
les  cours  des  rois  et  éviter  les  palais  des  hommes  livrés  à  la  mollesse. 
S.  Grég.  {hom.  6  sur  les  Evang.)  Que  personne  ne  s'imagine  que 
la  recherche  des  vêtements  riches  et  précieux  puisse  être  exempte  de 
péché  ;  car  s'il  en  était  ainsi,  Notre-Seigneur  n'aurait  point  loué  Jean- 
Baptiste  de  porter  un  vêtement  grossier  ,  et  saint  Pierre  n'aurait  pas 
combattu  dans  les  femmes  l'amour  des  vêtements  somptueux  par  ces 
paroles  :  «  Ne  recherchez  pas  les  habits  précieux.  »  —  S.  Aug.  (1). 
{Doct.  chrét.,  liv.  m,  chap.  12.)  Cependant,  ce  n'est  pas  dans  l'usage 
<ju'on  fait  de  toutes  ces  choses ,  mais  dans  l'excès  et  l'attachement 
immodéré  de  celui  qui  en  use  que  se  trouve  le  péché.  Par  conséquent, 
si  l'on  se  conduit  à  cet  égard  avec  plus  de  parcimonie  que  ne  le  com- 
portent les  usages  des  personnes  au  milieu  desquelles  on  vit ,  c'est  re- 
tenue excessive  ou  crainte  superstitieuse  ;  mais  si  l'on  dépasse  en  cela 
les  limites  posées  par  la  coutume  des  personnes  vertueuses ,  c'est 
mauvais  signe,  c'est  dérèglement. 

S.  Chrys.  {hom.  38.)  Après  avoir  donné  comme  preuve  de  la  vertu 
du  saint  précurseur,  le  lieu  qu'il  habitait,  ses  vêtements,  et  le  concours 
du  peuple ,  il  le  leur  présente  comme  un  prophète  :  «  Qu'êtes- vous 

(1)  Le  texte  de  saint  Augiistin  est  différent  quanta  l'encliainement  et  aussi  quanta  l'expression. 


nemvento  agitatam  ?  »  Neque  lasciviae 
dans  seipsum,  perdidit  quam  liabebat  ex- 
cellentiam  :  quod  euim  non  servierit  las- 
civiae monstrat  sola  solitudo  et  carcer  : 
si  enim  vellet  moliibus  vestiri,  non  ere- 
mum  inhabitasset,  sed  regum  palatia  : 
imde  sequitur  :  Ei-cc  qui  moliibus  ves- 
tiuûtur,  iu  douiibus  rei;um  suot.  Hier. 
Ex  hoc  ostenditur  rigidam  vitam  et  aus- 
teram  praedicatiouem,  vilare  debere  au- 
las  regum,  et  moUium  hominum  palatia 
declinare. 

Greg.  {in  hom.  6,  in  Evang.)  Nemo 
autem  existimet  in  fluxu  atque  studio 
pretiosarura  vestium  peccata  déesse  : 
quia  si  hoc  culpa  non  esset,  nullo  modo 
Joannem  Domiuus  de  vestimenti  sui  as- 
peritate  laudasset  :  et  nequaquam  Pe- 

TOM.   II. 


trus  feminas  a  pretiosarum  vestium  ap- 
petitu  compesceret,  dicens  (I  Petr.  3)  : 
«  Non  in  veste  pretiosa.  »  Alg.  {de  Doc- 
trine! Christiaiui,  lib.  3,  cap.  12.)  Tamen 
iu  omnibus  talibus  non  ususrerum,  sed 
libido  uteutis  iu  culpa  est  :  quisquis 
enim  rébus  restrictius  utitur,  quam  se 
habeut  mores  eorum  cum  quibus  vivit, 
aut  intemperans,  aut  superstitiosus  est  : 
quisquis  vero  sic  utitur,  ut  metas  con- 
sueludinis  bonorum  iulm'  quos  versatur, 
excédât,  aut  alitiuid  significat,  aut  Uagi- 
tiosus  est. 

Chrys.  {in  hom.  38  ut  sup.)  A  loco  au- 
tem, et  vestimentis,  et  a  concursu  ho- 
minum ejus  moribus  designatis  inducit 
jara  et  prophetam  etiam  eum  esse,  di- 
cens :  «  Sed  quid  existis  videre?  Pro- 

9 


430 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


allés  voir  ?  uu  prophète  ?  Oui,  je  vous  le  dis  ,  et  plus  qu'un  prophète. 
—  S.  (iitÉCT.  {Iiom.  6  sur  les  Evamj.)  Le  ministère  du  prophète  c'est  de 
prédire  les  choses  à  venir,  et  non  de  les  montrer  ;  donc  Jean-Baptiste 
est  plus  qu'un  prophète,  car  il  annonçait  comme  présent,  celui  qu'il  avait 
prédit  en  sa  qualité  de  précurseur. — S.  Jér.  C'est  par  là  (}u'il  était  plus 
grand  (jue  les  autres  prophètes_,  et  aussi  parce  qu'aux  privilèges  de  la  di- 
gnité de  prophète  il  joignit  la  gloire  débaptiser  son  Seigneur, — S.Chrys. 
{hom.  38.)  Jésus  fait  voir  ensuite  en  quoi  il  est  supérieur  aux  autres, 
en  ajoutant  :  «  C'est  de  lui  qu'il  est  écrit  :  Voici  que  j'envoie  mon 
ange  devant  votre  face,  o  —  S.  Jér.  Pour  relever  le  mérite  de  Jean- 
liaptiste,  il  emprunte  le  témoignage  de  Malachie  qui  l'avait  annoncé 
comme  un  auge.  Or,  le  nom  d'ange  est  donné  ici  à  Jean-Baptiste, 
non  pas  qu'il  ait  eu  avec  eux  une  même  nature ,  mais  parce  qu'il  a 
rempli  le  même  ministère,  c'est-à-dire  celui  de  messager,  en  annon- 
çant le  Sauveur  qui  devait  venir.  —  S.  Grég.  En  grec ,  le  mot  ange 
correspond  au  mot  latin  messaf/er  :  c'est  donc  avec  raison  que  celui 
qui  venait  apporter  à  la  terre  un  message  des  cieux  reçoit  le  nom 
d'ange  et  qu'il  porte  ce  titre  glorieux  que  justifient  ses  œuvres.  — 
S.  Chrys.  {hom.  38.)  Il  montre  donc  eu  quoi  Jean-Baptiste  est  plus 
grand  que  les  prophètes ,  c'est  parce  qu'il  a  eu  l'honneur  d'être  près 
du  Christ.  Ces  paroles  :  «  Devant  votre  face,  »  signifient  auprès  de  vous. 
Car  de  même  que  ceux  qui  marchent  auprès  du  char  du  roi  sont  les 
seigneurs  les  plus  distingués  de  sa  cour,  ainsi  Jean  reçut  un  nouvel 
éclat  de  la  présence  du  Christ.  —  La  Glose  (1).  Ajoutons  enfin  que 
les  autres  prophètes  ont  eu  pour  mission  d'annoncer  l'avènement  du 

(1)  La  deuxième  partie  de  cette  citation  se  trouve  dans  la  Glose  interlinéaire,  et  la  première 
dans  l'ouvrage  que  nous  avons  déjà  indiqué  sous  le  titre  d'Ouvrage  incomplet  sur  saint  Matthieu. 


plietam?  Dico  vobis,  et  plusquain  Pro- 
photain.  »  Greg.  (in  hom.  G  in  Evang.) 
Pro[)hetne  enim  miuisterinm  est  veutura 
prtedicerc,  nou  eliaiu  demonslrare  : 
.foanne-;  erjïo  plusquain  propheta  est, 
quia  euui  quem  praicurreiido  i)ropheta- 
verat,  cliaiu  osteudendoiiuntiabat.  Hier. 
In  quo  etiaui  cteteris  pmplietis  majur 
est  :  et  quia  ad  privilei!iuui  pruplietale 
etiam  Baptist*  acxessil  pra'niiuui ,  ni 
suum  Dominuni  bapti'zarcl.  CURYS.  [in 
homil.  38  nt  sup.)  l)t  iude  mouslrat  se- 
(uudum  quid  est  major,  dicens  :  «  Uic 
est  eniui  de  quo  scriptum  est  :  Ecce 
millo  Augeluni  nieuui  au  te  fuciem  tuam.» 
lliKn.  Ut  euim  nieritoruni  .loanuis  aui,'- 
meuluni  faceret,  de  Malachia  tesliuio- 
uium  iufert,  in  quo  cliaui  Angeliia  pra'- 
dicalur.   [Malach.  3.)    Angelum  aulem 


hic  dici  Joanuem,  uon  putemus  uaturœ 
societate,  sed  officii  dignitate,  id  est, 
nuntium,  qui  venturum  Domiuum  nun- 
tiavif.  ("iREG.  (in  Jiom.  6,  in  Evang.) 
Quod  enim  graece  angélus,  hoc  latiue 
nuntius  dieitiu-.  Recte  ergo  qui  nuutiare 
supernum  nuntium  venerat,  angélus 
Yocatur,  ut  dignitatem  servet  in  uomine. 
quam  e.xplct  in  operalioue.  Chrys.  [iv 
hom.  uf  sup.)  Moustrat  igitur  secuuduni 
quid  e.-t  major  Joanues  prophetis  ;  se- 
cundum  id  sciUcet ,  quod  est  prope 
Chrislum  :  et  ideo  dicit  :  «  Mitto  anfe 
faciem  tuam,  »  hoc  est,  prope  te  ;  sicut 
enim  qui  prope  currum  régis  iucedunt, 
ahis  sunt  (dariorcs;  ita  et  .loannes  prope 
Christi  pra>sentiam.  Glossa.  Deinde  alii 
l)rophcl»  missi  suut,utadventuni  Christ! 
auuuutiareul  ;  iste  aulem  ut  pra^pararet 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XI.  431 

Christ,  et  Jean-Baptiste  de  lui  préparer  les  voies  ,  et  c'est  pour  cela 
(ju'il  est  écrit  :  «  Il  vous  préparera  la  voie  où  vous  devez  marcher,  » 
c'est-à-dire  qu'il  vous  rendra  les  cœurs  accessibles  en  leur  prêchant  la 
pénitence  et  en  leur  donnant  le  baptême. 

S.  HiL.  {can.  41  sur  S.  Matih.)  Dans  le  sens  mystique ,  le  désert 
c'est  le  lieu  qui  est  privé  de  la  présence  de  l'Esprit  saint,  et  que  Dieu 
n'habite  en  aucune  façon.  Le  roseau  c'est  l'homme  tout  resplendissant 
de  la  gloire  du  monde  ,  c'est-à-dire  par  la  futilité  de  sa  vie  ,  mais  qui 
ne  porte  en  lui-même  aucun  fruit  de  vérité;  ses  dehors  sont  agréables, 
mais  il  est  nul  à  l'intérieur  ;  le  moindre  vent,  c'est-à-dire  le  moindre 
souffle  des  esprits  immondes  l'agite,  il  n'a  aucune  consistance,  aucune 
fermeté,  aucune  force  intérieure.  Le  vêtement  représente  le  corps 
dont  l'âme  est  revêtue,  que  le  luxe  et  la  volupté  amollissent  ;  les  rois 
sont  l'image  des  anges  prévaricateurs  ,  car  ils  sont  les  puissants  du 
siècle  et  les  maîtres  du  monde  (1).  Ceux  donc  qui  sont  vêtus  avec  mol- 
lesse habitent  dans  la  maison  des  rois  ,  c'est-à-dire  que  ceux  dont  le 
corps  est  amolli  et  a  perdu  sa  force  au  sein  des  voluptés  deviennent 
l'habitation  des  démons.  —  S.  Grég.  {hom.  6  sur  les  Evcmg.)  On  peut 
dire  encore  que  Jean  ne  fut  pas  vêtu  avec  mollesse  ,  parce  qu'il  n'a 
point  encouragé  par  un  langage  flatteur  les  vices  des  pécheurs , 
mais  qu'il  les  a  pressés  de  ses  réprimandes  énergiques  et  de  ses  re- 
proches les  plus  sévères,  jusqu'à  les  appeler  :  «  Race  de  vipères.  » 
{Matth.,  m.) 

V.  11.  —  Je  vous  le  dis  en  vérité,  entre  ceux  qui  sont  nés  des  femmes,  il  n'y  en 

(1)  Ce  n'est  pas  qu'ils  aient  un  pouvoir  souverain  sur  le  ciel,  sur  la  terre  et  sur  les  éléments, 
mais  ils  sont  ainsi  appelés  parce  qu'ils  exercent  ce  pouvoir  sur  les  hommes  remplis  de  l'esprit  du 
monde.  Ou  peut  voir  dans  le  traité  52  de  saint  Augustin  sur  saint  Jean,  l'explication  qu'il  donne 
des  paroles  de  Jésus-Christ  :   a  Voici  que  le  prince  de  ce  monde  va  être  chassé  dehors.  » 


viam  ipsiu?  :  imde  soquitur  :  «  Qui  prae- 
parabit  viam  tuam  aute  te ,  »  id  est, 
pervia  reddet  tibi  corda  auditorum,  pœ- 
niteiiliam  prsedicando  et  baptizando. 

HiLAR.  {('an.  11,  ni  Matth.)  Mystice 
auteiii,  desertum,  Spiritu  Saiicto  vacuum 
est  sentiendunijiii  quobabitatioDei  milla 
sit.  In  aruudine,  liomo  talis  osteuditur, 
de  gloria  seculi(vitaB  suœ  inauitate)spe- 
ciosuS;  in  se  autem  fructu  veritatis  ca~ 
vus,  exterior  placens,  etnullus  interior; 
ad  omnem  ventorum  motum  (id  est  im- 
mundorum  spirituuin  llatiim)  moven- 
dus,  neque  ad  consistendi  firmitatcm  va- 
lens,  et  auimi  meduUis  inauis  :  veste 
autem,  corpus  quo  iuduitur  anima,  si- 


gnatui-,  quod  luxu  aclasciviismollescat: 
in  regibus  transgressorum  angelorum 
nuncupatio  est  :  hi  enim  seculi  sunt  po- 
tentes,  mundique  dominantes  :  ergo  ves- 
titi  mollibus  in  domibus  regum  sunt  ;  id 
est,  illos  quibus  per  luxuni  fluida  et 
dissohita  sunt  corpora,  patet  esse  daemo- 
num  habilationem.  Greg.  {in  hom.  6, 
in  Evanfj.)  Joannes  etiam  mollibus 
vestitus  non  fuit,  quia  vitam  peccan- 
tium  non  blandimentis  fovit,  sed  ri- 
gore  asperae  invectionis  increpavit,  di- 
cens  {Matth.  3)  :  »  Geuimina  vipera- 
l'um,  »  etc. 

Amen  dico  vobis,  non  surrexit  inter  natos  mulie- 


132 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


a  point  eu  de  plus  f/rand  que  Jean-Baptiste  ;  mais  celui  qui  est  le  plus  petit 
dans  le  royaume  des  cieux  est  plus  (jrand,  que  lui. 

S.  CiiRYS.  {ho}7i.  38.)  Notre-Seigneur  ne  se  contente  pas  de  faire  l'é- 
loge de  Jean-Baptiste ,  en  rappelant  le  témoignage  que  lui  rend  le 
prophète,  il  fait  connaître  la  haute  opinion  qu'il  a  personnellement  de 
lui  en  disant  :  «  Je  vous  le  dis  en  vérité ,  il  n'y  en  a  point  eu  de  plus 
grand,  »  etc.  —  Rab.  Pourquoi  semblc-t-il  dire,  faire  un  éloge  dé- 
taillé de  Jean-Baptiste  :  «  Je  vous  le  dis  en  vérité,  entre  ceux  qui  sont 
nés  des  femmes,  »  etc.  Il  dit  :  Entre  les  enfants  des  femmes  ,  et  non 
des  vierges.  Le  mot  femmes  exprime  dans  le  sens  propre  celles  qui 
n'ont  plus  leur  virginité.  Si  Marie  est  quelquefois  appelée  femme  dans 
l'Evangile,  il  faut  se  rappeler  que  cette  expression  n'est  employée  que 
pour  désigner  son  sexe  (4),  comme  dans  ce  passage  :  «  Femme,  voici 
votre  fils.  »  —  S.  Jér.  Notre-Seigneur  élève  donc  Jean-Baptiste  au- 
dessus  des  hommes  qui  sont  nés  des  femmes  et  de  leur  union  avec 
l'homme  ,  mais  non  pas  au-dessus  de  celui  qui  est  né  de  la  Vierge  et 
de  l'Esprit  saint.  D'ailleurs ,  en  disant  :  «  Nul  d'entre  les  enfants  des 
femmes  n'a  été  plus  grand  que  Jean-Baptiste,  »  il  ne  le  place  pas  pré- 
cisément au-dessus  des  patriarches ,  des  prophètes  ,  et  des  autres 
hommes,  mais  il  les  met  simplement  sur  le  même  rang;  car  de  ce  que 
les  autres  ne  sont  pas  plus  grands  que  lui^  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  soit 
plus  grand  qu'eux.  —  S.  Chrys.  {su?"  S.  Matth.)  Mais  comme  la  jus- 
tice est  si  élevée^  qu'il  n'y  a  que  Dieu  seul  qui  puisse  en  atteindre  la 
perfection,  je  pense  que  les  saints,  aux  yeux  si  pénétrants  du  souverain 

(1)  Saint  Jérôme  a  composé  un  Traité  contre  Helvidius,  qui  s'appuyait  sur  ce  mot  femme  pour 
nier  la  virginité  de  Marie,  et  a  prouvé  contre  lui  que  le  mot  femme  appliqué  à  la  sainte  Vierge 
exprimait  le  sexe  et  non  la  perte  de  la  virginité. 


rum  major  Joanne.  Baptista  :  qui  auleni  minor 
est  in  regno  cœlorum,  major  est  illo. 

Chuys.  {in  hom.  38  u(  sup .)  Praivaism 
commendatione  Joaimis  ex  prophetae 
testimouio  non  hic  stetit,  sed  jam  sen- 
leutiam  propriam  de  ipso  iuducit,  di- 
•  ens  :  «  Amen  dico  vobis,  non  surrexit 
major,  '  »  etc.  Raba.  Ac  si  diceret  : 
<(  Quid  dicerem  persiugula  de  commen- 
datione Joanuis  ?  Amen  dico  vobis,  inter 
natos  mulierum,  »  etc.  Inter  nato?,  iu- 
<{uit,  nmlioruni,  non  virginum  :  mnlic- 
res  enim  proprie  corrupUe  vocanlur  : 
si  aulcui  Maria  ali([naii(lo  mulier  in 
l'IvanjTi'lio  nniicuiialnr,  scicmhmi  est  in- 
terprclcm,  luulii'reniprofemiuaposuisse. 


sicut  ibi  [Joan.  19)  :  «  Mulier,  ecce  fi- 
lins tuus.  »  Hier.  His  ergo  prœfertur  ho- 
minibus  qui  de  mulieribus  nati  sunt,  et 
de  concnbitu  viri,  et  non  ei  qui  natus 
est  ex  Virgiue  et  Spirilu  Sancto  :  quam- 
vis  in  eo  quod  dixit  :  «  Non  surrexit  inter 
natos  mulierum  major  Joanne  Baptista,  » 
non  cœteris  prophetis,  et  patriarchis, 
cunctisque  bominibus  Joannem  praHulit, 
sed  Joanui  caUeros  exœquavit  :  non  enim 
statim  soquitur,  ut  si  alii  majores  eo 
non  sunt,  ille  major  aliorum  sit.  CnBV^. 
[svp.  Matth.  in  opère  impcrf.  liomil. 
27.)  Sed  tanta  cum  sit  justiliiP  allitiulo 
ut  in  illa  nemo  possit  es>e  perfcctus  nisi 
soins  Deus.  piilo  <piod  omnes  sancti, 
quantum  ad  sublililalem  divini  judicii. 


DE  SAINT  MATTHIEU,  CHAP.  XI.  133 

juge,  sont  dans  un  degré  plus  ou  moins  élevé  les  uns  que  les  autres, 
et  nous  devons  en  conclure  que  celui  au-dessus  duquel  il  n'y  en  a 
point  de  plus  grand  est  lui-même  plus  grand  que  tous  les  autres. 

S.Chrys.  {hom.  38.)Mais  de  peur  que  cette  surabondance  de  louanges 
n'entraînât  quelque  inconvénient  (I)  pour  les  Juifs,  qui  avaient  de 
Jean-Baptiste  une  plus  haute  estime  que  de  Jésus-Christ,  le  Sauveur 
prévient  toute  impression  fâcheuse  en  ajoutant  :  «  Mais  celui  qui  est 
le  plus  petit  dans  le  royaume  des  cieux  est  plus  grand  que  lui.  »  — 
S.  AuG.  {cont.  l'adoers.  de  la  loi  et  des  prophètes ,  hv.  iv,  chap,  5.) 
Les  hérétiques,  en  raisonnant  sur  ce  texte,  veulent  en  conclure 
que  Jean-Baptiste  n'appartient  pas  au  royaume  des  cieux  ,  et  encore 
moins  les  prophètes  de  ce  peuple,  auxquels  Jean-Baptiste  est  supérieur. 
Or,  ces  paroles  de  Notre-Seigneur  peuvent  s'entendre  de  deux  ma- 
nières :  ou  bien  ce  royaume  des  cieux,  c'est  celui  dont  nous  ne  sommes 
pas  encore  en  possession,  et  dont  Notre-Seigneur  doit  dire  â  la  fm  du 
monde  :  «  Venez,  les  bénis  de  mon  Père,  possédez  le  royaume,  »  etc., 
et  comme  les  auges  sont  les  habitants  de  ce  royaume ,  le  moindre 
d'entre  eux  est  plus  grand  que  le  juste,  qui,  sur  cette  terre,  porte  un 
corps  sujet  à  la  corruption.  Ou  bien,  si  par  le  royaume  des  cieux  il  a 
voulu  signifier  l'Eglise  ,  dont  tous  les  justes  qui  ont  existé  depuis  la 
naissance  du  genre  humain  sont  les  enfants,  c'est  de  lui-même  qu'il  a 
voulu  parler ,  car  il  était  au-dessous  de  Jean  par  son  âge ,  et  il  lui 
était  supérieur  par  son  éternité  divine  et  par  sa  puissance  souveraine. 
Dans  le  premier  sens,  il  faut  donc  diviser  ainsi  la  phrase  :  «  Celui  qui 
est  le  plus  petit  dans  le  royaume  des  cieux  ,  »  et  ensuite  :  «  Est  plus 

(1)  Ou  quelque  absurdité,  àxoTTiav  Ttvà.  Le  sens  n'est  pas  que  ces  louanges  auraient  produit 
cet  inconvénient  pour  les  Juifs,  car  ce  qui  suit  doit  être  pris  à  l'ablatif  absolu  d'après  le  grec  itpo- 
Tt(/.(0VTà)V,  etc.,  c'est-à-dire  comme,  ou  attendu  que  les  Juifs,  etc. 


invicem  sibi  inferiores  sunt  aiit  priores  : 
ex  quo  lutelligimus,  quoniam  qui  majo- 
reni  se  non  liabet,  major  omnibus  est. 
Chrvs.  {in  hom.  38  ut  sup.)  Ne  autem 
rursus  superabuudantia  laudum  pariât 
aliqiiod  inconveuieus,  Judseis  Joannein 
prœferentibus  Christo,  convenienter  lioc, 
removet,  dicens  :  «  Qui  autem  miuor 
est  in  regno  cœlorum,  hic  major  est  illo.  » 
AuG.  {con.  adccrscrriuui  legiset  prophe- 
tarum,  lib.  ii,  oap.  5.)  Argumentatur 
autem  ex  hoc  htereticus  ita  velut  ratio- 
cinando,  tanquam  Joannes  nou  pertineat 
ad  regaum  cœlorum  ,  et  ob  hoc  multo 
minus  caeteri  prophétie  ilhus  popuh, 
quibus  major  est  Joannes.  Ilœc  autem 
verba  Domini  duobus  modis  possunt  in- 


teUigi  :  aut  enim  regnum  cœloi~um  ap- 
pellavit  hoc  quod  nondum  accepimus, 
de  quo  influe  dicturus  est  {Mattli.2z>)  : 
i<  Venite,  benedicti  Patris  mei,  percipite 
regnum;  »  et  quia  ibi  sunt  angeli,  qui- 
libet  in  eis  minor^  major  est  quolibet 
justo  portante  corpus  quod  corrumpi- 
tur  :  aut  si  regnum  cœloruvi  iutelligi 
vohxit  Ecclesiam,  cujus  filii  sunt  ab  ins- 
titutione  generis  himiani  usque  nunc 
omnes  justi,  Dominus  seipsum  signifi- 
lavit^  qui  nascendi  lempore  minor  erat 
Joanne,  major  autem  Divinitatis  aeterni- 
tate,  et  doniinica  potestate.  Proinde  se- 
cundum  priorum  expositionem  ita  dis- 
tinguitur  :  «  Qui  minor  est  in  regno 
cœlorum  ;  »   ac   deinde    subinfertur  : 


d34 


lîXPLICATION   DE   L  liVANGlLE 


grand  que  lui  ;  »  et  dans  le  second  sens  :  «  Celui  qui  est  le  plus  petit,  » 
et  puis  :  «  Eçt  plus  grand  que  lui  dans  le  royaume  des  cieux.  »  — 
S.  Chrys.  {hom.  '38.)  «  Dans  le  royaume  des  cieux,  »  c'est-à-dire  dans 
toutes  les  choses  spirituelles  et  célestes.  Il  en  est  qui  pensent  que  Jésus- 
Christ  a  voulu  parler  ici  de  ses  Apôtres.  —  S.  Jér.  Pour  nous ,  nous 
entendons  tout  simplement  ces  paroles,  en  ce  sens  ,  que  tout  homme 
juste  qui  est  déjà  réuni  au  Seigneur,  est  plus  grand  que  celui  qui  se 
trouve  encore  au  milieu  des  combats  ;  car  il  y  a  une  grande  différence 
entre  celui  qui  a  déjà  reçu  la  couronne  de  la  victoire,  et  celui  qui  sou- 
tient encore  sur  le  champ  de  bataille  tous  les  efforts  de  ses  ennemis  (i). 

y.  12-13.  —  Or,  depuis  le  temps  de  Jean-Baptiste  jusqu'à  présent,  le  royaume 
des  cieux  souffre  violence,  et  ce  sont  les  violents  qui  l'emportent.  Car  jusqu'à 
Jean,  tous  les  prophètes,  aussi  bien  que  la  loi,  ont  prophétisé  ;  et  si  vous 
voulez  le  comprendre,  c'est  lui-même  qui  est  cet  Elie  qui  doit  venir.  Que 
celui-là  entende  qui  a  des  oreilles  pour  entendre. 

La  Glose  (2).  Les  paroles  qui  précèdent  :  «  Celui  qui  est  le  plus  petit 

(1)  Il  en  est  qui  expliquent  ces  paroles  dans  ce  sens  que  le  Précurseur,  dans  ses  idées  sur  le 
Messie,  s'est  montré  inférieur  au  dernier  disciple  de  Jésus.  Or  il  n'y  a  ici  aucun  rapprochement 
entre  la  croyance  du  Précurseur  et  celle  d'un  disciple  de  Jésus,  mais  une  double  comparaison  :  la 
première,  de  Jean-Baptiste  avec  ceux  qui  l'avaient  précédé,  qui  appartenaient  avec  lui  à  une  ca- 
tégorie particulière,  tandis  que  les  disciples  du  Messie  formaient  une  nouvelle  classe.  Car  ainsi 
que  le  fait  observer  de  Gerlach,  les  disciples,  tels  qu'ils  étaient  alors,  n'avaient  pas  sur  la  dignité 
du  Sauveur  des  idées  aussi  claires  que  Jean.  Dans  la  seconde  comparaison  le  Sauveur  caractérise 
Jean-Baptiste  au  point  de  vue  de  l'opposition  qui  existe  entre  l'ancienne  alliance  et  la  nouvelle. 
Or  l'économie  évangélique  est  infiniment  élevée  au  dessus  de  tout  l'Ancien  Testament,  parce 
qu'elle  est  l'accomplissement  et  le  développement  des  figures  et  des  prophéties.  Le  Précurseur, 
étant  considéré  comme  le  dernier  représentant  du  prophétisme  et  de  la  loi,  était  inférieur  à  tout 
membre  de  l'Eglise  chrétienne,  régénéré  par  le  Saint-Esprit  et  placé  dans  l'ordre  de  la  grâce. 
C'est  ce  que  Maldonat  a  parfaitement  compris  :  c'est  ainsi,  dit  ce  savant  interprète,  que  dans  l'an- 
tithèse que  Notre-Seigneur  fait  entre  l'Evangile  et  la  Loi,  et  entre  les  personnages  de  l'Evangile 
et  de  la  Loi,  il  est  parfaitement  convenable  que  celui  qui  est  le  plus  petit  dans  l'Evangile  soit  dit 
plus  grand  que  celui  qui  est  le  plus  grand  dans  la  Loi.  On  connaît  cet  axiome  des  philosophes  : 
la  plus  petite  chose  de  la  plus  grande,  est  plus  grande  que  la  plus  grande  de  la  plus  petite  :  Mi- 
nimum maximi  majus  est  maximo  minimi.  11  ne  s'agit  donc  pas  ici  de  la  sainteté  intérieure ,  ni 
de  la  prééminence  dans  le  séjour  de  l'éternelle  félicité,  et  Jésus-Christ  ne  veut  pas  dire  assuré- 
ment que  le  dernier  des  chrétiens  soit  plus  saint  que  Jean-Baptiste,  et  plus  élevé  que  lui  dans 
le  ciel,  mais  que  telle  était  la  supériorité  de  la  nouvelle  alliance  sur  l'ancienne,  que  le  premier  de 
l'une  dans  l'ordre  du  ministère  est  au-dessous  du  dernier  de  l'autre.  Cette  explication,  qui  est  celle 
de  Maldouat,  de  saint  Cyrille,  etc.,  nous  parait  préférable  à  quelques-unes  de  celles  que  donnent 
les  Pères  cités  par  saint  Thomas. 

(2)  Ce  passage  ne  se  trouve  ni  dans  la  Glose,  ni  dans  saint  Anselme,  ni  dans  aucun  autre  auteur. 


«  Major  est  illo.  »  Secundiim  hanc  an- 
teni  poslerioreni,  ita  :  «Qui  autemininor 
est;  »  ac  deindc  snljinlerlur  :  «  In  rejino 
eœlorum  major  est  illo.  »  CnuYS.  [in 
hom.  38  lit  svp.)  Dicit  aiiteni  -.In  reejno 
eœlorum,  id  est,  in  siiiritualibiis  et  nni- 
versis  ijiiu;  sunt  seciuuiuni  oœliuu.  Qui- 
dam aiilcm  dicimt  (|uuniaui  de  apostolis 
iiûf  di.xil  Chrisliis.  HiKR.  .Nos  aiilcm  sim- 
\tli(iler  inleilifj;amiis,  (jnod  omnis  banc,- 
lus  (jui  jam  eiim  Domino  est,  sit  major 


illo  qui  adhuc  consistit  in  prœlio  :  aliud 

est   euim  victoriœ    loronam  possidere,      f' 

aliud  adhuc  in  acie  dimicare. 

A  diehus  autem  Joaiinis  Baptislœ  uscfue  niinc, 
regnum  eœlorum  vim  patitur,  et  violenli  ra- 
inant illud:  omnes  eiiiin  prophelœet  lex,  usque 
ad  Juaniiem  prophetarunt  ;  et  si  vultis  reci- 
jiere,  ipse  est  Klias  ijui  venliirns  est  :  '/ni 
liabet  tiures  audieiidi,  niidiat. 

Glossa.  Qma.  dixerat  superius  :  «  (Jui 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XI. 


i3ri 


dans  le  royaume  des  deux  est  plus  grand  que  Jean-Baptiste,»  pouvaient 
faire  penser  que  Jean-Baptiste  était  étranger  au  royaume  des  cieux, 
Notre- Seigneur  éloigne  donc  cette  idée  en  ajoutant  :  «  Depuis  les 
jours,  »  etc.  —  S.  Grég.  {hom.  20  sur  S.  Matth.)  Le  royaume  des 
cieux  signifie  le  trône  qui  nous  est  préparé  dans- le  ciel,  et  lorsque  des 
pécheurs  souillés  de  quelques  crimes  reviennent  à  Dieu  par  la  péni- 
tence et  réforment  leur  conduite,  ils  entrent  comme  pécheurs  dans  un 
lieu  qui  leur  est  étranger^  et  ils  ravissent  avec  violence  le  royaume  des 
cieux. 

S.  Jér.  Si  Jean-Baptiste  a  le  premier  prêché  la  pénitence  au  peuple 
en  ces  termes  :  «  Faites  pénitence ,  car  le  royaume  des  cieux 
approche,  »  il  est  juste  que  depuis  ce  temps  le  royaume  des  cieux 
-ouffre  violence,  et  que  les  violents  seuls  le  ravissent.  Il  faut  en  effet 
que  nous  nous  fassions  une  grande  violence,  nous  dont  la  naissance 
est  toute  terrestre,  pour  chercher  à  mériter  la  gloire  des  cieux  et  con- 
quérir par  notre  vertu  ce  que  nous  ne  pouvons  tenir  de  notre  nature. 
—  S.  HiL.  {can.  11.)  Ou  hien  dans  un  autre  sens,  Notre-Seigneur  avait 
ordonné  à  ses  Apôtres  d'aller  vers  les  brebis  perdues  d'Israël  (3i«^/A.  xi;, 
mais  leur  prédication  tournait  au  profit  des  publicains  et  des  pécheurs. 
C'est  ainsi  que  le  royaume  des  cieux  souffre  violence,  et  que  les  vio- 
lents le  ravissent,  parce  que  la  gloire  qui  était  due  aux  patriarches 
d'Israël  (I),  que  les  prophètes  avaient  annoncée,  et  que  Jésus-Christ 
est  venu  offrir,  a  été  enlevée  et  ravie  par  la  foi  des  nations.  — 
S.  Chrys.  {hom.  38.)  Ou  bien  encore,  ceux  qui  s'empressent  de  se 
convertir  sont  ceux  qui  ravissent  le  royaume  de  Dieu  par  la  foi  en 
Jésus-Christ;  voilà  pourquoi  il  dit  :  «  Depuis  les  jours  de  Jean-Baptiste 

(1)  n  ne  faut  pas  entendre  que  cette  gloire  était  due  aux  Patriarches  en  vertu  de  leur  dignité; 
ils  n'y  avaient  droit  que  par  suite  des  promesses  divines,  et  c'est  toujours  un  don  gratuit  de  la 
part  de  Dieu. 


minor  est  in  re£»no  cœlorum,  est  major 
.loanne  ;  »  ne  videretur  Joannes  a  regno 
cœlorum  esse  aliénas,  hoc  removet  sub- 
dens  :  «  A  diebus  autem,  »  etc.  Greg. 
(in  hom.  20,  in  Evang.)  Per  regnum 
C(elonim  superniun  solium  designatiir, 
i\W)  (îimi  peccatores  quolibet  facinore 
polluti  per  pœniteiitiani  redeant,  et  se- 
metipsos  corrigunl,  quasi  peccatores  iu 
locuui  aliennai  intrant,  et  violenter 
regnum  cœlorum  rapiunt. 

lliKR.  Si  autem  primus  Joannes  Bap- 
lista  pœniteutiam  populis  nunliavit,  di- 
cens  :  «  Pœnilentiam  agite,  appropin- 
qnavit  enini  n^giiurncœliiruiii  ;  «coiive- 
uienler  adiclins  illiiis  rognuui  cti'loruui 
vim  palilur,    ut  violent!  rapiunt   illud. 


Grandis  est  enim  violentia  in  terra  nos 
esse  generatos,  et  cœlorum  sedem  quoe- 
rere,  et  possidere  per  virtutem  quae  non 
tenuimus  per  naturam.  Hflar.  {Can.  11 
nt  sup.)  Vel  aliter  :  Dominus  apostolos 
ire  ad  oves  perditas  Israël  jusserat 
(Matih.  10),  sed  omnis  ha-c  prasdicalio 
proleclum  publicanis  el  peccatoribus 
afferebat  :  itaque  vim  regnum  patitur, 
et  violenti  diripiunt,  quia  gloria  Israël 
patribus  débita,  a  propbelis  nuntiata,  a 
Christo  oblala,  iide  gentiuui  occupatur 
el  rapitur.  CuRYs.fù*  /lomil.  38  ut  sup.) 
Vol  rapiunt  regnum  Di'i  per  fidem 
Cliristi  onines  (pii  luui  l'estinalione  ve- 
niiuil.  Unde  diiit  :  «  A  diebus  autem 
Joaunis  usque  uunc.  »  Kl  ila  impellil  el 


136 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


jusqu'à  présent.  »  C'est  ainsi  (ju'il  les  excite  et  les  presse  de  croire  en 
lui  ;  en  même  temps  il  confirme  lui-même  tout  ce  que  Jean-Baptiste 
avait  dit  précédemment.  Car  si  toutes  choses  ont  été  accomplies  jus- 
qu'à Jean-Baptiste,  il  est  donc  celui  qui  doit  venir,  et  c'est  pour  cela 
qu'il  ajoute  :  «  Tous  les  prophètes  ont  prophétisé  jusqu'à  Jean.  »  — 
S.  JÉR.  Ce  n'est  pas  qu'il  veuille  dire  qu'après  Jean  il  n'y  a  plus  eu  de 
prophète,  car  nous  lisons  dans  les  Actes  des  Apôt?'es  (xi  et  xxi),  qu'A- 
gabus  et  les  quatre  vierges,  filles  do  Philippe,  prophétisèrent;  mais  ces 
paroles  signifient  que  toutes  les  prophéties  de  la  loi  et  des  prophètes 
ont  eu  Jésus-Christ  pour  objet.  Ces  paroles  donc  :  «  Us  ont  prophétisé 
jusqu'à  Jean,  »  indiquent  le  temps  où  devait  venir  le  Christ,  et  où 
Jean-Baptiste  a  signalé  la  présence  de  Celui  dont  ils  avaient  prédit  la 
venue. 

S.  Chrys.  {hom.  38.)  Il  donne  ensuite  une  autre  explication  de  son 
avènement  :  «  Et  si  vous  voulez  le  comprendre ,  lui-même  est  cet  Elle 
qui  doit  venir.  »  Dieu  dit  en  eflet  par  la  bouche  du  prophète  Malachie 
(chap.  IV.)  Je  vous  enverrai  Elie  de  Thesba  (1),  et  il  dit  de  Jean-Bap- 
tiste :  «  J'enverrai  mon  ange  devant  vous.  »  —  S.  Jér.  Jean  est  donc 
appelé  Elie,  non  pas  dans  le  sens  de  quelques  philosophes  insensés  (2), 
et  de  certains  hérétiques  qui  enseignent  le  retour  des  âmes  dans  de 
nouveaux  corps ,  mais  parce  qu'au  témoignage  de  l'Evangile  lui- 
même,  il  est  venu  dans  la  vertu  et  dans  l'esprit  d'Elie,  et  qu'il  a  reçu 
la  même  grâce  ou  la  même  mesure  de  l'Esprit  saint.  Ajoutez  que  l'aus- 
térité de  la  vie  et  la  sévérité  des  principes  sont  les  mêmes  dans  Elie 
et  dans  Jean-Baptiste  :  ils  habitaient  tous  les  deux  le  désert,  tous  les 

(1)  Selon  la  traduction  des  Septante,  la  Vulgate  traduit  :  «  Elie  le  prophète.» 

(2)  Ces  philosophes  sont  les  Pythagoriciens,  qui  croyaient  à  la  métempsycose  ;  mais  on  ne  sait 
pas  quels  sont  les  hérétiques  qui  partageaient  leur  sentiment. 


feslinare  facit  ad  fidem  suam  ;  simul  au- 
tem  et  hi^  quiB  antea  dicta  suut  a  Joaniie 
opitulatur  :  si  piiim  usquc  ad  .loaimem 
oinnia  compléta  sunt,  ipse  est  qui  vcii- 
I  unis  est  :  uudesubdit  :  «  Omnes  enimpro- 
plietae  usque  ad  .loaimem,  »  etc.  HiKU. 
Non  quod  post  Joaimein  excludat  pro- 
{dietas  ;  legimus  euim  lu  Actibiis  apos- 
tolorum,  et  Açrabum  proplielasse  {Act. 
■H),  et  quatuor  virijines  iilias  Pliilippi 
{Act.  2\) ,  sed  quod  lex  et  propheta> 
quos  scriptes  legimus,  quicquid  j)njplic- 
laverunl,  de  Domino  vaticinati  suut. 
Quaudo  erpo  dicitur  :  «  l'sque  ad  .loau- 
nem  prophetaverunt,  »  Cliristi  tempus 
oslendilur;  ut  quem  illi  dixeruut  esse 
venlurum,  .loanues  veuisse  osleuderet. 


Chrys.  (in  /lom.  38  vt  sup.)  Deinde 
aliam  conjecturam  sui  adventus  ponil, 
dicens  :  «  Et  si  vultis  recipere.  ipse  est 
Elias  qui  veuturus  est.  .>  Dicit  Dominus 
in  Malacliia  (cap.  4)  :  «  Mittam  vobis 
Eliam  Tbesbitem  ;  »  et  de  isto  dicit  : 
«  Ecce  efio  mitto  .\nfîelum  meum  aute 
faciem  tuam.  »  Hier.  AV/os  eriio  Joannes 
dicitur  ;  non  secundum  stultos  pbiloso- 
plios  et  quosdam  liœreticos,  qui  rever- 
sionem  animarum  introducuut  ;  sed  qûod 
juxta  aliud  testimonium  Evaugelii  veue- 
rit  in  spiritu  et  virtute  Eliœ  {Ltic.  i),  et 
eamdem  SpiritusSancti  vel  ijratiam  ba- 
luient  vei  mensuram.  Sed  et  vitœ  auste- 
ritas  ri;:orque  mentis  El'iiv.  et  Joaunis. 
pares  sunl  :  uterque  in  eremo,  uterque 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XI.  137 

deux  ils  portaient  une  ceinture  de  poils  de  chameau;  le  premier 
fut  obligé  de  fuir,  parce  qu'il  avait  reproché  à  Achab  et  à  Jésabel  leur 
impiété,  le  second  eut  la  tète  tranchée  parce  qu'il  avait  condamné 
l'union  criminelle  d'Hérode  et  d'Hérodiade.  —  S.  Chrys.  [hom.  38.) 
Le  Sauveur  dit  avec  raison  :  «  Et  si  vous  voulez  le  comprendre,  »  leur 
montrant  ainsi  qu'ils  sont  libres  et  qu'il  exige  une  adhésion  volon- 
taire :  or  Jean  est  Elle,  et  à  son  tour  Elle  est  Jean,  parce  que  tous  deux 
sont  précurseurs. —  S.  Jér.  Ces  paroles  :  «  Lui-même  est  Elle,  »  sont 
mystérieuses  et  ont  besoin  d'une  intelligence  particulière,  comme  le 
prouve  ce  qu'il  ajoute  :  «  Que  celui  qui  a  des  oreilles  pour  entendre, 
entende.  »  —  Rémi.  C'est-à-dire  :  Que  celui  qui  a  les  oreilles  du 
cœur  pour  entendre  ou  pour  comprendre,  qu'il  entende,  qu'il  com- 
prenne, parce  qu'en  effet  il  a  dit  non  pas  que  Jean-Baptiste  ait  été  Elie 
en  personne,  mais  seulement  par  l'esprit. 

y.  16-19.  —  Mais  à  qui  dirai-je  que  ce  peuple-ci  est  semblable?  Il  est  semblable 
à  ces  enfants  qui  sont  assis  daiis  la  place,  et  qui  crient  à  leurs  compagnons, 
et  leur  disent  :  Nous  avons  chanté  pour  vous  réjouir,  et  vous  n'avez  point 
dansé;  nous  avons  chanté  des  airs  lugubres,  et  vous  n'avez  point  témoigné  de 
tristesse.  Car  Jean  est  venu  ne  mangeant  ni  ne  buvant,  et  ils  disent  :  Il  est 
possédé  du  démon.  Le  Fils  de  l'homme  est  venu,  mangeant  et  buvant ,  et  ils 
disent  :  Voilà  un  homme  qui  aime  à  faire  bonne  chère  et  à  boire  du  vin;  il 
l'st  ami  des  publicains  et  des  gens  de  mauvaise  vie.  Mais  la  sagesse  a  été 
justifiée  par  ses  enfants. 

S.  HiL.  {can.  11.)  Tout  ce  discours  est  à  la  honte  de  l'incrédulité  ; 
c'est  l'expression  d'un  profond  sentiment  de  mécontentement  de  ce 
que  ce  peuple  arrogant  avait  résisté  aux  divers  genres  d'instructions 
qui  lui  avaient  été  faites.  —  S.  Chrys.  (hom.  38.)  Le  Sauveur  procède 


zona  pellicea  dngebatur  :  ille,  quoniam 
regem  Achab  et  Jezabel  impietatis  arguit, 
l'ugere  compulsus  est  (III  Reg.  19)  :  iste 
quia  Ilerodià  etHerodiadis  illicitas  arguit 
nuptias,  capite  truncatur.  {Marc  G.) 
Chrys.  {in  hom.  38  ut  stip.)  Et  bene 
dixit  :  Si  vultis  recipere,  libertatem  os- 
tendeus,  et  voluntariam  expeteus  men- 
tem  :  est  enim  ille  hic,  et  hic  ille ,  quia 
prwcursores.  facti  sunt  utrique.  Hier. 
Ho(^  auleni  quod  dictum  est  :  «  Ipse  est 
Klias,  »  mysticuni  esse  et  egere  iutelli- 
gentia,  sequeus  Domiui  sermo  demons- 
trat.  dicens  :  «  Oui  habet  auras  audiendi 
audiat.  ))  Remkî.  Ac  si  diceret  :  «  Qui 
habet  aures  cordis  audiendi  (id  est,  iutel- 
Ugeudi)  audiat  (id  est  intelligat),  »  quia 


non  dixit  Joannem  Eliam  esse  in  per- 
-ona,  sed  in  spiritu. 

Oui  autem  similem  œstimaho  generatioiiem  is- 
tam  '.>  Similis  est  pueris  sedentibus  in  foro, 
qui  clamantes  coœqualibus  dicunt  :  Cecinimus 
vobis,  et  non  saltastis  ;  lamentavimus,  et  non 
planxistis  :  uenit  enim  Joannes,  neque  mandu- 
cans,  neque  bibens  ;  et  dicunt  :  Dœmonium  ha- 
bet :  venit  Filius  hominis  manducans  et  bibens, 
et  dicunt  :  Ecce  homo  vorax  et  potator  vini, 
publicanorum  et  peecatorum  amicus.  Etjusti- 
ftcata  est  sapientia  a  filiis  suis. 

HiLAR.  {Can.  11  iit  Slip.)  Totus  hic 
sermo  infidelitalis  opprobrium  est.  et  de 
affectusuperioris  querimoni*  descendit: 
quia  iusolens  plebs  per  diversa  seriuo- 
uum  gênera  docta   non  fuerit.  Chrys. 


138 


EXPLICATION   DE   I.  EVANGILE 


avec  raison  par  interrogation ,  pour  montrer  que  rien  n'a  été  oublié 
de  ce  qui  devait  contribuer  à  leur  salut  :  a  A  qui  comparerai-je  cette 
génération?  »  —  La  Glose  (1).  Comme  s'il  disait  :  Jean  était  un  grand 
prophète,  mais  vous  n'avez  voulu  croire  ni  à  sa  parole  ni  à  la  mienne; 
à  qui  donc  vous  comparerai-je  ?  Dans  ce  mot  de  génération  il  com- 
prend les  Juifs,  Jean-I?aptiste  lui-même, 

llE^ri.  Il  se  lait  aussitôt  cette  réponse  :  «  Elle  est  semblable  à  des 
enfants  assis  sur  la  place  publique  qui  crient  à  leurs  compagnons  : 
Nous  avons  chanté  pour  vous,  et  vous  n'avez  pas  dansé  ;  nous  avons 
chanté  des  airs  lugubres ,  et  vous  n'avez  point  témoigné  de  tristesse. 
—  S.  HiL.  {Can.  ii.)  Par  ces  enfants,  Notre-Seigneur  entend  les  pro- 
phètes qui  ont  prêché  comme  des  enfants  dans  la  simplicité  de  leur 
âme,  et  qui,  au  milieu  des  synagogues  comme  au  milieu  d'une  place 
publique,  ont  reproché  aux  Juifs  de  n'avoir  pas  conformé  leurs  œuvres 
extérieures  aux  chants  qu'ils  leur  adressaient ,  et  de  n'avoir  pas  obéi 
à  leurs  paroles  ;  car  le  mouvement  de  la  danse  doit  se  conformer  à  la 
mesure  du  chant.  Or,  les  prophètes  ont  appelé  le  peuple  à  louer  Dieu 
dans  leurs  chants,  comme  nous  le  voyons  dans  les  cantiques  de  Moïse, 
d'Isaie  et  de  David  ('â),  etc.  —  S.  Jér.  Voici  donc  ce  qu'ils  reprochent 
aux  Juifs  •  «  Nous  avons  chanté  pour  vous,  et  vous  n'avez  pas  dansé,  » 
c'est-à-dire  nous  vous  avons  excités  par  nos  chants  à  la  pratique  des 
bonnes  œuvres ,  et  vous  n'en  avez  rien  fait  ;  nous  avons  pleuré  pour 
vous  appeler  à  la  pénitence,  et  vous  n'avez  pas  été  plus  dociles,  vous 
avez  méprisé  toute  espèce  de  prédication ,  et  celle  qui  vous  exhortait 
à  la  vertu ,  et  celle  qui  vous  appelait  à  faire  pénitence  de  vos  péchés. 

(1)  Ce  passage  est  plus  explicite  dans  saint  Anselme  que  dans  la  Glose. 

(2)  Pour  Moïse,  Exûd.,  xv  ;  Deut.,  xxxii;  pourlsaie,  xii,  xxvi  et  II  Bois,  xxvi;  pour  David, 
Ps.  XVII,  etc. 


{in  hom.  .18  in  Mat.th.)  IJnde  et  bene 
interrojialioiie  iititiir;  monstraiis  qiio- 
iiium  iiiliilquod  deberct  tieri  ad  salutem 
eorum,  derelictum  est,  dicens  :  «  Oui 
autem  similem  œstimabo  generatiouem 
ist.<ini,  »  etc.  Glos.s.\.  Quasi  dicerol  : 
«  Tantus  est  Joanues,  sed  vos  net;  illi 
iioc-  mihi  vohiistis  credere  ;  et  ideo  cui 
vos  siiiiile?  ;estimabo  ?  »  Pei*  geiierafio- 
nem  accipit  coinmiinitor  et  .liubeos,  et 
se,  ciiin  .Joaiimie. 

rîKMic.  Mox  autem  sibi  ipsi  respou- 
di'l,  sulijunLfi'Us  :  «  Similis  est  puoris 
sedeiitibiis  in  l'oro,  <pii  damanles  coa'- 
quabbiis  dicniit  :  Ceciiiinuis  vidiis,  et  non 
saltastis  ;  lamtMitavimus,  et  iiuii  planxis- 
lis.  HiLAit.  [C(in.  Il,  /'«  Matlli.)\n  pneris 
proplietai  siguautur,  qui  in   simplicitalo 


sensus  (ut  pueri)  prsedicaverunt,  et  in 
medio  synagogœ  tinquam  in  publico 
fori  conventu  coarguunt,  quod  cantan- 
tibussibi  officio  corporis  non  obseeunda- 
verint,  et  quod  dictis  suis  non  paruerint  ; 
ad  eantautium  enim  modum  saltauliuni 
motus  aptatur.  Prophetae  enim  ad  con 
fessionem  i)sallendi  Ueo  provoravernut, 
ut  eantico  .Moysi  continetur,  ut  lsai;e,  ut 
David,  etc.  IIikh.  Dictait  ergo  :  «  Ceci- 
ninuis  vobis,  et  non  saltastis  ;  id  est,  pro- 
vocavimus  vos,  ut  ad  uoslrum  cauticum 
bona  ofierafaceretis,  etnoluislis  ;  lunii'ii- 
fa/t  siiniiis,  el  \os  ad  pœmlrnliani  pro- 
vocavinuis  ;  et  uec  hor  qnidem  facere 
Vdlnistis.  spernentes  uli'aniqiie  priedi- 
calioneni.  lani  exlmrtalionis  ad  virtutes, 
((uam  pœiiitenliaî  post  peccata.    HEMKi. 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XI.  139 

—  Hemi.  Comment  peut-il  dire  :  «  A  leurs  compagnons?  »  Est-ce  que 
les  Juifs  infidèles  étaient  les  égaux  et  les  compagnons  des  saints  pro- 
phètes? Non,  mais  il  parle  ainsi  parce  qu'ils  étaient  tous  sortis  d'une 
souche  commune.  —  S.  Jér.  Les  enfants  sont  encore  ceux  dont  Isaïe 
a  dit  :  «  Me  voici ,  moi  et  mes  enfants ,  ceux  que  le  Seigneur  m'a 
donnés  ;  »  ces  enfants  s'arrêtent  sur  la  place  publique  où  l'on  fait  trafic 
de  tout,  et  ils  disent  :  «  Nous  avons  chanté  pour  vous ,  et  vous  n'avez 
pas  dansé.  »  —  S.  Chrys.  [hom.  38.)  Je  vous  ai  donné  l'exemple  d'une 
vie  plus  douce  que  sévère ,  et  vous  n'avez  pas  été  persuadés  ;  Jean 
s'est  soumis  à  une  vie  austère,  et  vous  n'y  avez  pas  fait  plus  d'atten- 
tion; il  ne  dit  pas  :  Jean  a  suivi  cette  ligne  de  conduite,  et  moi  cette 
autre  ;  mais  il  ne  sépare  pas  leur  cause,  parce  que  leur  intention  était 
la  même,  et  il  ajoute  :  «  Jean  est  venu,  ne  mangeant,  ni  ne  buvant, 
et  vous  avez  dit  :  Il  est  possédé.  Le  Fils  de  l'homme  est  venu,  man- 
geant et  buvant,  «  etc.  —  S.  Aug.  [cont.  Faust,  liv,  xvi,  chap.  31.)  Je 
voudrais  bien  que  les  Manichéens  me  disent  ce  que  mangeait  et  ce  que 
buvait  Jésus-Christ,  lui  qui  se  disait  mangeant  et  buvant ,  en  compa- 
raison de  Jean- Baptiste  qui  ne  mangeait  ni  ne  buvait.  Car  il  n'est 
pas  dit  que  Jean  ne  buvait  pas  du  tout,  mais  qu'il  ne  buvait  ni'  vin  ni 
rien  de  ce  qui  pouvait  enivrer,  il  ne  buvait  donc  que  de  l'eau  ;  on  ne 
peut  pas  dire  non  plus  qu'il  ne  mangeait  rien  absolument ,  mais  il 
ne  mangeait  que  du  miel  sauvage  et  des  sauterelles.  Pourquoi  donc 
Notre-Scigueur  dit-il  qu'il  ne  mangeait  ni  ne  buvait,  si  ce  n'est  parce 
qu'il  n'usait  pas  des  aliments  ordinaires  des  Juifs?  Et  si  le  Seigneur 
n'en  avait  pas  lui-même  fait  usage,  il  n'aurait  pu  dire  par  comparaison 
avec  Jean-Baptiste  qu'il  mangeait  et  buvait.  Or,  n'est-il  pas  étonnant 
qu'on  dise  de  celui  qui  mangeait  des  sauterelles  et  du  miel,  qu'il  ne 


Qiiid  est  auteiu  quod  dicit  coœqualibus  : 
nunquid  infidèles  Judaiicoifiqualeseraut 
sanctis  proplietis?  Sed  hoc  dicit^  quo- 
niain  de  una  slirpe  orti  fuerimt.  Hier. 
l'ueri  etiam  sunt  de  quibusisaias  loqui- 
Uir  (cap.  3)  :  «  Ecce  ego  et  pueri  inei, 
quos  dédit  mihi  Dominas  ;  »  isti  ergo 
pueri  sedent  ia  foro,  ubi  multa  venalia 
suiit,  et  dicunt  :  «  Geciuiuuis  vobis,  et 
lion  saltastis.  »  Chrys.  (ï«  liom.  38  nt 
sup.)  lloc  est,  reinissam  vitam  osteudi, 
et  non  persuasi  estis.  «  Lamentavimus, 
et  non  planxistis;»  hoc  est,  Joannes  dn- 
rani  sustinuit  vitam,  et  non  attendistis  : 
non  auteni  dicit  :  «  Ille  ilhid,  et  ego 
hoc,  »  sed  connuuniter  :  ipiia  una  inteu- 
lio  utriusi[ue  erut  :  unde  scipiitnr  : 
«  Veuit  euim  Joauues  neque  manducans 


neque  bibens,  et  dicitis  :  Daemonium 
habet  ;  venit  Fiiiushominis  manducans,» 
etc.  Aug.  {cont.  Faust,  in  Hb.  xvi,  cap. 
31.)  Vellom  antem  ut  mihi  Manichaei  di- 
cerent,  quid  manducabat  et  quid  bibe- 
bat  Christus,  qui  in  comparatione  .loan- 
nis  non  manducantis  neque  bibeulis,  hic 
se  dicit  mandncantemac  bibenleni?  Non 
enim  dictum  est  quod  Joannes  omnino 
non  biberet,  sed  quod  viuuui  et  siceraui 
non  biberet.  Bibebat  ergo  aquam  :  cibus 
etiam  ejus  non  omnino  uUus  erat,  sed 
kicusta  et  mel  sylvestre  :  unde  ergo  dic- 
lus  est  non  manducans  neque  bibens,  nisi 
quia  illo  victu  quo  Jiuhei  utebantur  non 
utebatm"?  Hoc  ergo  Domiuus  nisi  uterelur, 
non  in  ejus  comparatione  manducans 
bibeusque  diceretur.Mirum  auleui  si  non 


140 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


mangeait  pas,  et  qu'on  présente  comme  mangeant  celui  qui  se  con- 
tentait de  pain  et  de  légumes? 

S.  Chrys.  {hom.  38.)  «  Le  Fils  de  l'homme  est  venu,  »  etc.,  c'est-à- 
dire  nous  avons  suivi ,  Jean  et  moi ,  des  routes  différentes,  mais  qui 
aboutissaient  au  même  but ,  comme  deux  chasseurs  qui  poursuivent 
un  animal  par  deux  chemins  différents  pour  le  faire  arriver  sur  l'un 
des  deux.  Les  hommes  sont  généralement  portés  à  admirer  le  jeûne  et 
l'austérité  de  la  vie  ;  c'est  pour  cela  que  Dieu  voulut  (|ue  dès  son  en- 
fance Jean  pratiquât  ce  genre  de  vie  ,  pour  donner  ainsi  par  la  suite 
plus  d'autorité  à  ses  paroles.  Notre  Seigneur  marcha  lui-même  dans 
cette  voie  lorsqu'il  jeima  pendant  quarante  jours  ;  mais  cependant  il 
prit  d'autres  moyens  pour  persuader  aux  Juifs  de  croire  en  lui ,  car 
il  était  bien  plus  important  que  Jean-Baptiste  lui  rendît  témoignage 
en  marchant  dans  cette  voie,  qu'il  ne  l'était  pour  lui-même  de  suivre 
ce  genre  de  vie.  En  eflet,  Jean  ne  fit  éclater  en  lui  que  l'austérité  de 
sa  vie  et  l'amour  de  la  justice,  tandis  que  Jésus-Christ  avait  encore  le 
témoignage  des  miracles.  Il  laissa  donc  Jean-Bapliste  briller  par  le 
jeune,  et  il  suivit  une  voie  différente  en  ne  refusant  pas  de  s'asseoir  à 
la  taltle  des  publicaius  pour  manger  et  boire  avec  eux.  —  S.  Jér.  Si 
le  jeûne  vous  est  agréable,  pourquoi  Jean-Baptiste  ne  vous  plait-il  pas? 
Si  la  vie  ordinaire  a  pour  vous  plus  d'attrait ,  pourquoi  le  Kils  de 
l'homme  ne  peut-il  vous  plaire?  Pourquoi  avez-vous  traité  l'un  de 
possédé,  et  l'autre  d'ivrogne  et  d'intempérant? 

S.  Chrys.  Quelle  sera  donc  désormais  leur  excuse  ?  c'est  pour  cela 
qu'il  ajoute  :  «  La  sagesse  a  été  justifiée  par  ses  enfants,  »  c'est-à-dire  : 
si  vous  n'êtes  pas  persuadés,  vous  n'avez  pas,  du  moins,  de  raison  de 


manducans  dicitur,  (jui  locustas  et  mel 
comedit  :  et  manduuaus  dicitur,  qui  pane 
et  olere  contentus  est. 

Chrys.  {in  hom.  38  vt  sup.)  Venit  Jé- 
sus, ac  si  dicat  :  Per  coutrariam  viam  ve- 
iiimus  ego  et  .loaniies,  et  idem  fecimus  ; 
sicut  si  venatores  per  duas  contrarias 
viiis  aliquod  animal  inse(piantnr,  ut  in 
alteruni  int-idat.  Univnrsun»  aiitcni  lio- 
uiinuni  genns  jejunium  et  duram  vitam 
admiratur,  et  propter  lioc  dispensatum 
est  a  prima  aîtale  ita  nutriri  joannem, 
ut  per  hoc  digna  fide  essont  qua;  dice- 
rentur  ab  ipso  :  incessit  siquidem  Domi- 
nus  per  liane  viam,  (juando  qiiadraginta 
diebus  jejunavit  ;  sed  tanien  et  aliter  do- 
cuit  ([uod  sibi  esset  credendum  :  nuiUo 
euim  majus  erat  quod  testaratur  pro  eo 


Joannes  ,  qui  per  hauc  viam  incesserat, 
quam  quod  ipse  per  banc  viam  incede- 
ret  :  aliter  Joannes  nihil  plus  ostendit, 
pra?ter  vitam  etjustitiaui  :  Chrlstus  au- 
tem  etniiraculis  Icstimonium  liabebat  : 
dimittens  ergo  Joannem  jejunio  fulgere, 
ipse  contrariam  iucessit  viam.  ad  meu- 
sam  intrans  publicanorum,  et  mandu- 
<-ans,  et  bibens.  Hier.  Si  ergo  jejunium 
vobis  placet,  cur  Joannes  displicuit  ?  Si 
saturitas,  cur  Filins  bominis"?  Quorum  al- 
teruni (la))ionium  /labentein,  alterum 
voracem  et  ebriuin  nuncupaslis. 

Chrys.  {in  hom.  38  vt  siip.)  Qualem 
igilur  jam  excusationeniaccipienl?  Prop- 
ter hoc  subdit  :  «  Kt  jastiticata  est  sa- 
pientia  a  filiis  suis,  »  bocest  :  «  Et  si  vos 
persuasi  non  estis,  sed  me  jam  iûcusare 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAH.    XT,  141 

m'accuser.  C'est  ce  que  le  Prophète-Roi  dit  de  Dieu  le  Père  :  «  Afin 
que  vous  soyez  justifié  daus  vos  paroles.»  {Ps.  l.)  Quoique  vous  n'ayez 
tiré  aucun  profit  de  l'économie  de  la  divine  providence  à  votre  égard, 
de  son  côté  elle  a  fait  tout  ce  qu'elle  devait,  de  manière  à  ne  laisser 
pas  même  l'ombre  d'un  doute  à  l'impudence  et  à  l'ingratitude.  — 
S.  JÉR.  La  sagesse  a  été  justifiée  par  ses  enfants  ,  c'est-à-dire  la  doc- 
trine et  la  conduite  de  Dieu.  Ou  bien  la  conduite  du  Christ  qui  est  la 
vertu  et  la  sagesse  de  Dieu  a  été  justifiée  par  les  Apôtres  qui  sont  ses 
enfants.  —  S.  Hil.  Or,  il  est  lui-même  la  sagesse  ,  non  par  les  efifets 
merveilleux  qu'elle  a  produits  en  lui,  mais  par  nature.  Il  en  est  plusieurs 
(]ui  cherchent  à  éluder  la  force  de  ces  paroles  de  l'Apôtre  qui  pro- 
clament le  Christ  la  puissance  et  la  sagesse  de  Dieu  (I  Corlnth.  i),  en 
disant  que  la  vertu  de  cette  sagesse  et  de  cette  puissance  divine  s'est 
montrée  dans  l'œuvre  de  son  incarnation  et  de  sa  naissance  d'une 
Vierge  ;  mais  pour  détruire  par  avance  cette  interprétation ,  il  a  dé- 
claré qu'il  était  lui-même  la  sagesse ,  montrant  ainsi  que  ce  n'étaient 
pas  seulement  les  œuvres  de  la  sagesse^  mais  la  sagesse  elle-même  qui 
résidait  en  lui  ;  car  l'œuvre  de  la  vertu  n'est  pas  la  vertu  elle-même  , 
et  l'effet  demeure  distinct  de  celui  qui  le  produit.  —  S.  Aug.  {Quest. 
évang.,  liv.  ii,  chap.  11.)  «La  sagesse  a  été  justifiée  par  ses  enfants,  » 
en  ce  sens  que  les  saints  Apôtres  comprirent  que  le  royaume  des  cieux 
n'était  point  dans  le  boire  et  dans  le  manger  ,  mais  dans  la  patience 
à  supporter  les  épreuves  ;  aussi  l'abondance  ne  leur  inspirait  aucun 
orgueil,  et  la  pauvreté  ne  pouvait  les  abattre.  C'est  ce  qui  faisait  dire 
à  saint  Paul  :  «  Je  sais  être  dans  l'abondance ,  et  je  sais  supporter 
la  pauvreté.  »  —  S.  Hil.  On  lit  dans  quelques  exemplaires  :  «  La  sa- 
gesse a  été  justifiée  par  ses  œuvres.  »  La  sagesse ,  en  effet,  ne  cherche 
pas  le  témoignage  des  paroles,   mais  celui  des  œuvres.  S.  Chrys. 


lion  habetis  ;  »  quod  et  de  Pâtre  ait  Pro- 
pheta  {Psal.  rjO)  :  «  Ut  justificerisin  ser- 
nionibus  tuis  ;  »  etsi  enim  nihil  in  vobis 
expleatur  a  procuratione  Dei  quse  est 
circa  nos,  omnia  qiiae  sunt  ex  parte  sua 
complet;  ut  iuverecundis  neque  umbram 
relinquat  iugratiE  dubitationis.  Hier. 
Justiiicata  est  ergo  sapientia  afiliis  suis, 
id  est,  Dei  dispensatio  atque  doctrina  : 
vel  ipse  Christus  (qui  est  Dei  virtus,  et 
Dei  sapientia)  juste  fecisse  ab  apc'Stolis, 
suis  filiis,  comprobatus  est.  Hilar.  Est 
autem  ipse  sapientia,  non  ex  efîectu, 
sed  ex  natura  :  plures  enim  dictum 
apostolicuin,  quod  ait  Christum  Dei  sa- 
pieutiam  et  Dei  virtuteui  (I  Corinth.  1), 
bis  modis  soient  eludere,  (juod  in  eo  ex 
Yirgine  creando  efficax  Dei  sapientia  et 


virtus  exstiterit  :  sed  ne  taie  quid  posset 
intelligi,  Ipsum  se  sapient/am  nuncu- 
pavit,  eam  in  se^  non  quse  sunt  ejus,  os- 
tendens  :  non  enim  idem  opus  virtutis, 
et  virtus;  et  efficiens  discernitur  ab 
effectu.  Aug.  {de  question.  Evang.  lib. 
II,  cap.  2.)  Vel  justificata  est  sapientia  a 
flliis  suis,  quia  sancti  apostoli  intellexe- 
ruut  reguum  Dei  non  esse  in  esca  et 
potu,  {Boni.  14),  sed  in  œquanimitate 
tolerandi  ;  quos  nec  copia  sublevat,  nec 
deprimit  egestas  :  unde  et  Paulus  dice- 
Ijat  {Philip.  4)  :  «  Scio  abundare,  scio 
et  peiiuriam  pati.  »  Hilar.  In  quibusdam 
libris  legitnr  :  «  Justificata  est  sapientia 
ab  operibus  suis;  »  sapientia  namque 
non  quœi'it  vocis  testimouium,  sed  ope- 
rum.  Chrys.  {in  homil.  38  ut  sup.)  Si 


142 


EXPLICATION  DE  L  EVANGILE 


{hom..  38.)  Si  cette  comparaison  empruntée  aux  enfants  vous  paraît 
vulgaire,  n'en  soyez  pas  surpris,  car  Jésus  s'adressait  ù  des  auditeurs 
grossiers  ;  c'est  ainsi  qu'Ezéchiel  se  sert  de  plusieurs  comparaisons 
en  rapport  avec  rintolligcnce  des  Juifs,  mais  qui  ne  convenaient  nul- 
lement à  la  grandeur  de  Dieu,  si  toutefois  l'on  peut  dire  qu'une  chose 
qui  est  utile  aux  hommes  n'est  pas  digne  de  Dieu. 

S.  HiL.  {can.  ii.)  Dans  le  sens  mystique ,  la  prédication  elle-même 
de  Jean-Baptiste  fut  impuissante  pour  convertir  les  Juifs^  parce  que 
la  loi  leur  avait  paru  pénible,  difficile  et  gênante  à  cause  de  ses  pres- 
criptions sur  les  aliments  et  sur  les  boissons.  Elle  renfermait  pour 
ainsi  dire  en  elle-même  le  péché  auquel  il  donne  le  nom  de  démon, 
parce  que  la  difficulté  que  présentait  son  observation  en  rendait 
pres(]ue  inévitable  la  transgression.  A  son  tour ,  la  prédication  de 
l'Evangile  de  Jésus-Christ  ne  leur  fut  pas  agréable^  malgré  la  liberté 
(ju'elle  leur  rendait ,  en  allégeant  tout  ce  que  la  loi  avait  de  difficile 
et  d'accablant.  Les  publicains  et  les  pécheurs  embrassèrent  la  foi,  mais 
pour  les  Juifs,  après  tant  et  de  si  grands  avertissements ,  ils  ne  furent 
pas  justifiés  par  la  grâce,  et  ils  furent  abandonnés  par  la  loi.  C'est 
alors  que  la  sagesse  fut  justifiée  par  ses  enfants ,  c'est-à-dire  par  ceux 
qui  ravissent  le  royaume  des  cieux  par  la  justification  qui  vient  de  la 
foi,  et  en  proclamant  la  justice  des  opérations  de  la  sagesse  de  Dieu 
qui  prive  de  ses  grâces  les  esprits  rebelles  pour  en  faire  part  aux 
cœurs  fidèles. 


^.  20-24.  —  Alors  il  commença  à  faire  des  reproches  aux  villes  dans  lesquelles 
il  avait  fait  beaucoup  de  miracles  de  ce  qu'elles  n'avaient  j^oint  fait  pénitence. 
Malheur  à  toi,  Corozaîn!  malheur  à  toi,  Bethsaîde!  parce  que  si  les  miracles 
qui  ont  été  faits  au  milieu  de  vous  avaient  été  faits  dans  Tyr  et  dans  Sidon, 


.111  tem  exerapla  vilia  sunt  de  pueris,  non 
luireris  :  ad  imbecillitatem  euim  au- 
dientiuni  :  loquebatur  ;  sicut  Ezechiel 
(cap.  4  et  5)  luiilta  exempla dixit  Judjpis 
convenientia,  Dei  iiia2uitudine  indiaua 
(id  est,  quœ  Jiidœorum  quideiu  coudi- 
tioni  accoiumodala  essent,  sed  indigna 
qiia;  de  divina  niagnitudine  dicerentnr)  : 
uirii  et  lioc  maxime  Doo  ditruiim ,  qiiod 
ad  liominum  utililatem  spectat,  etc. 

lliLAR.  [Can.  [[ut Slip. )^\yiiiL-e  aiiteni, 
.luda'os  nec  Joaunis  prœdicatio  intlexit, 
•  juiljus  etlcx  gravis  visa  est,  potus  ci- 
vique pra'scriptis,  et  diflicilis,  et  mo- 
lesta; poccatiun  in  se  quod  dcemonimn 
imiiciipat,  babens  ;  quia  per  observautiie 
diflicuUateni    necesse  eis  esset  in  lege 


peccare  :  rursu8que  in  Christo  Evangelii 
prtedicatio  vitœ  libertate  non  plaçait, 
perquamdiffioultateslefiisetoneralaxata 
sunt,  et  jam  publicaui  peccatoresque 
crediderunt;  atque  ita  tôt  et  tantis  ad- 
monitiouum  generibus  frustra  babitis 
nec  per  sratiam  justificantur,  et  a  lege 
sunt  abdicati,  et  justificata  est  sapientia 
a  filiis  suis  ;  ab  bis  scilicet  qui  regnum 
cu'lorum  fidei  justiticatione  diripiuut; 
coniîiontcsjitstum  sapientiœ  opus,  quod 
munus  suui  ad  fidèles  a  contumacibus 
transtulerit. 

Tuiw  cœpit  pxprobrare  civitatibus  in  quitus 
fnrtœ  sunt  plnriniœ  virtules  rjus ,  quia  non 
cqissent  pivnitentiam.  Xœ  tibi,  Corozaim,  tœ 
tibi,    Bethsiiidii .   quin  xi   in    Ti/m   ft   Sidone 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    XI. 


U3 


il.  y  a  longtemps  qu'elles  miraient  fait  pénitence  dans  le  sac  et  dans  la  cendre. 
C'est  pourquoi  je  vous  déclare  qu'au  jour  du  jufjement  Tyr  et  Sidon  seront 
traitées  moins  rigoureusement  que  vous.  El  toi,  Capharnaûm ,  t'élèveras- tu 
jusqu'au  cieH  Tu  seras  abaissée  jusqu'au  fond  de  l'enfer;  parce  que  si  les 
miracles  qui  ont  été  faits  au  milieu  de  toi  avaient  été  faits  dans  Sodome,  elle 
subsisterait  peut-être  encore  aujourd'hui.  C'est  pourquoi  je  vous  déclare  qu'au 
jour  du  jugement  le  pays  de  Sodome  sera  traité  moins  rigoureusement  que  toi. 

La  Glose  (1).  Jusqu'ici  les  reproches  du  Sauveur  s'étaient  adressés 
indistinctement  à  tous  les  Juifs ,  maintenant  il  les  fait  tomber  en  par- 
ticulier sur  quelques  villes  qu'il  avait  évangélisées  d'une  manière 
plus  spéciale ,  et  qui ,  cependant ,  n'avaient  pas  voulu  se  convertir. 
«  Alors ,  dit  l'Evangéliste ,  il  commença  à  faire  des  reproches  aux 
villes,  »  etc.  —  S.  Jér.  Ce  chapitre  s'ouvre  par  les  reproches  qu'il  fait 
aux  villes  de  Bethsaide  et  de  Capharnaûm,  de  ce  qu'après  tant  de  pro- 
diges et  de  miracles  opérés  au  milieu  d'elles,  elles  n'ont  pas  fait  pé- 
nitence. «  Malheur  à  vous,  Corozaim  !  malheur  à  vous  ,  Bethsaide!  » 
—  S.  CuRYs.  {hom.  38.)  C'est  pour  vous  apprendre  que  les  habitants 
de  ces  villes  n'étaient  pas  mauvais  par  leur  nature  qu'il  nomme  la 
ville  de  Bethsaide,  qui  avait  donné  le  jour  à  plusieurs  d'entre  les 
Apôtres.  En  effet,  Philippe,  et  les  deux  principaux  couples  du  collège 
apostolique,  Pierre  et  André,  Jacques  et  Jean,  étaient  de  Bethsaide. — 
S.  Jér.  Cette  expression,  «malheur,  »  nous  montre  que  le  Sauveur  dé- 
plore le  triste  sort  de  ces  villes,  de  ce  qu'après  tant  de  miracles  et  de 
prodiges  opérés  sous  leurs  yeux,  elles  n'ont  pas  fait  pénitence.  — 
Rab.  Corozaim  qui  veut  dire  moji  mystère^  et  Bethsaide ,  la  tnaisou 

(1)  Celte  citation  est  un  peu  différente  dans  la  Glose  ;  on  la  retrouve  à  peu  près  dans  les  mêmes 
termes  dans  saint  Ambroise. 


fttctœ  essent  virtutes  quœ  factœ  sunt  in  vobis, 
olim  in.  cilicio  et  cinere  pœnitentiam  egissent  ! 
Verumtamen  dico  vobis,  Tyro  et  Sidotii  rc- 
missius  erit  in  die  judicii  quam  vobis.  Et  tu, 
Capharnaûm,  nunquid  usque  in  cœtnm  exnl- 
tnberi.i  ?  usque  in  infernum  descendes,  quia  si 
in  Sodomis  faelœ  fuissent  virtutes  quœ  factœ 
sunt  in  te,  forte  mansissent  usque  in  hanc 
diem.  Verumtamen  dico  vobis  quia  terrœ 
Sodornorum  remissius  erit' in  die  judicii,  quam 
tibi. 

Glossa.  Hucusque  Judaeos  comniuiii- 
terincrepaverat  ;  uiinc  autem  quasi  no- 
minatim  quasdam  civilates  increpat, 
quibus  specialiter  praedicaverat,  nec  ta- 
men  converti  volebant  :  unde  dicitur  : 
«  Tune  cœpit  exprobrare  (ùvitatiiius,  in 
quibus,  »  etc.  Hier.  Exprobratio  euim 
civitatum  Corozaim,   et  Bethsaïdae,  et 


Capharnaum,  capituli  bujus  titulo  pau- 
ditur  ;  quod  ideo  exprobraverit  eis,  qui 
post  factas  virtutes  et  signa  quam  plu- 
rima  non  egerint  pœnitentiam  :  unde 
subditur  :  «  Vse  tibi,  Corozaim,  vm  tibi, 
Betbsaida.  »  Chrys.  {in  ftom.  38  utsup.) 
Ut  autem  discas  non  a  natura  ipsos  esse 
malos,  ponit  nomeu  civitatis,  scilicet 
Betlisaida,  ex  qua  quaiidoque  processe- 
ruut  apostoli  :  etenim  Pliilippus  et  duo 
binarii  principalium  apostolorum  bine 
fuerimt,  scilicet  Pelrus  et  Andréas,  Ja- 
cobus  et  Joannes.  Hier.  Sed  per  boc 
quod  dicit  :  Vœ ,  ba)  urbes  GaUlaeae  a 
Salvatore  planguntur,  quod  post  tanta 
signa  atque  virtutes  non  egerint  pœni- 
tentiam. I^ARA.  Corozaim  autem,  qu* 
interpretatur /«ys^ermw  meum,  et  Beth- 


444 


EXPLICATION   ItE    l'ÉVANGILE 


^e.s  frnila  ou  la  maison  des  chasseurs^  sont  des  villes  de  Galilée 
assises  sur  les  bords  de  la  mer  de  dalilée.  Le  Seigneur  déplore  le 
triste  sort  de  ces  villes,  à  qui  le  mystère  de  Dieu  a  été  révélé  ,  qui 
auraient  dû  produire  des  fruits  de  vertu,  et  dans  lesquelles  il  avait 
envoyé  des  chasseurs  spirituels.  —  S.  Jér.  Le  Sauveur  leur  préfère 
Tyr  et  Sidon  ,  villes  adonnées  à  l'idolâtrie  et  à  tous  les  vices.  «  Car, 
ajoute-t-il,  si  les  merveilles  qui  ont  été  opérées  au  milieu  de  vous 
avaient  été  faites  au  milieu  de  Tyr  et  de  Sidon,  il  y  a  longtemps 
(lu'elles  auraient  fait  pénitence  dans  la  cendre  et  le  cilice.»  —  S.  Grég. 
{Moral. ^  XXXV,  2.)  Le  cilice  signifie  la  componction  et  l'austérité  de 
la  pénitence  ;  la  cendre,  la  poussière  des  morts.  Tous  deux  sont  mis 
en  usage  dans  la  pénitence,  afin  que  les  pointes  du  cilice  nous  rap- 
l)ellent  ce  que  nous  avons  fait  en  péchant,  et  que  la  cendre  nous  fasse 
réfléchir  sur  ce  que  nous  sommes  devenus  par  le  jugement  de  Dieu. 
—  Rab.  Tyr  et  Sidon  sont  des  villes  de  Phénicie.  Tyr  veut  dire  an- 
f/oisse^  et  Sidon,  chasse;  elles  représentent  les  nations  que  le  démon 
a  prises  comme  un  chasseur  dans  les  détroits  resserrés  du  péché,  mais 
que  le  Sauveur  Jfsus  a  délivrées  par  son  Evangile. 

S.  Jér.  Où  donc  voyons-nous  que  le  Sauveur  ait  fait  des  miracles 
dans  Corozaïm  et  dans  Bethsaïde  ?  Nous  lisons  dans  un  des  chapitres 
précédents  :  «  Il  parcourait  toutes  les  villes  et  les  villages  ,  guérissant 
toutes  les  maladies,  »  etc.  Il  est  donc  à  croire  que  Corozaim  et  Bethsaïde 
étaient  du  nombre  de  ces  villes  et  bourgades  dans  lesquelles  le  Sau- 
veur avait  opéré  des  miracles.  —  S.  Aug.  {de  la  persév.,  chap.  9.)  Il 
n'est  donc  pas  vrai  de  dire  que  l'Evangile  n'ait  pas  été  prêché  dans  les 
temps  et  dans  les  lieux  où  le  Seigneur  prévoyait  l'inutilité  de  ses  pré- 


saida,  quae  donius  fructuum,  vel  domus 
renu/oriim  dicilur,  civitates  sunt  Gali- 
lieœ,  sitae  inlitlore  maris  Galilseae.  Plan- 
cit  ergo  Domiiius  civitates,  qu*  quou- 
dam  mysterium  Dei  teiuionint,  et  virtu- 
taiii  jaui  i'ructniii  gignere  debuerunt,  et 
in  (juas  sjjirituales  veuatores  simt  missi. 
IliKR.  VA  pra^ieniiitiir  eis  Tyriis  et  Sidon, 
mbes  idololalriiK  et  viliis  dedit;e:  etideo 
seqiiitur  :  «  Quia  si  in  Tyro  et  Sidone 
l'actaî  esseut  virtules  quse  faeta;  sunt  iu 
vobis,  oliin  in  ciuere  et  cilicio  pœuiten- 
tiam  émissent.  »  Greg.  (xxxv  Moral. 
cap.  2.)  In  cilicio  quidem  asperitas  et 
compunctio  peccatoruni,  in  cinere  au- 
tem  pulvis  osteuditur  niortuoruni  :  et 
idcirco  utrumque  hoc  adhiheri  ad  pœ- 
uitentiaiu  solet,  ut  iu  punctioiu>  ciVwAi 
coguoscanius  quid  per  culpaui  fecimus. 


et  in  favilla  cineris  perpendamus  quid  per 
judiciuni  facti  sumus.  Raba.  Tyrus  au- 
tem  et  Sidon  >sunt  urbes  Phœniciae  :  iu- 
terpretatur  autem  Tjtus  ongustia,  et 
Sidon  venatio  ;et  significaut  gentes,  quas 
venator  diabolus  in  angustia  peccatorum 
comprehendit ,  sed  Salvator  Jésus  per 
Evangeliuin  absolvit. 

Hii-.ii.  Qua^rinnis  autem  ubi  S('riptuni 
sit  quod  in  Corozaïm  et  Betbsaïda  Domi- 
uus  sigua  fecerit  :  supra  legimus  :  «  Et 
circuibat  civitates  omnes  et  vices,  cu- 
rans  oranem  infirmitatem,  »  etc.  :  inter 
ca'teras  ergo  urbes  et  viculos,  aestiman- 
dum  est  in  Corozaïm  et  Betbsaïda  Do- 
minum  signa  fecisse.  Auo.  {de  Perserer. 
cap.  9.)  Non  ergo  verum  est  quod  bis 
temporibus  et  bis  iocis  Evau^elium  ejus 
pnrdii-alum  non  est,  in  quibus  taies  om- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XI.  iib 

dieations  pour  tous  ceux  qui  l'entendraient ,  aussi  bien  que  pour  un 
grand  nombre  de  ceux  qui  n'ont  pas  voulu  croire  en  lui ,  même  après 
qu'ils  l'eurent  vu  ressusciter  des  morts  ;  car  voici  le  Seigneur  qui  nous 
assure  que  les  habitants  de  Tyr  et  de  Sidon  eussent  fait  une  pénitence 
pleine  d'humilité ,  s'ils  avaient  été  témoins  des  miracles  de  la  puis- 
sance divine.  Or,  si  les  morts  sont  jugés  sur  ce  qu'ils  auraient  fait 
s'ils  avaient  vécu,  comme  les  habitants  de  ces  villes  se  seraient  con- 
vertis à  la  foi  si  l'Evangile  leur  eût  été  annoncé  et  confirmé  par  tant 
de  miracles  éclatants,  il  faudrait  en  conclure  qu'ils  seront  exempts  de 
tout  châtiment  ;  et  cependant  ils  seront  punis  au  jour  du  jugement, 
d'après  les  paroles  qui  suivent  :  «  Néanmoins  je  vous  le  dis  ,  Tyr  et 
Sidon  seront  traitées  moins  rigoureusement  que  vous.  »  La  peine  des 
derniers  sera  donc  plus  légère ,  et  le  châtiment  des  autres  plus  rigou- 
reux. —  S.  Jér.  Et  la  raison,  c'est  que  Tyr  et  Sidon  ont  foulé  aux 
pieds  la  loi  naturelle  seule,  tandis  que  ces  villes,  à  la  transgression  de 
la  loi  écrite,  ont  joint  le  mépris  des  miracles  qui  ont  été  faits  au  milieu 
d'elles.  —  Rab.  Nous  sommes  aujourd'hui  témoins  de  l'accomplisse- 
ment des  paroles  du  Sauveur  :  Corozaim  et  Bethsaïde  ne  voulurent 
pas  croire  en  lui  lorsqu'il  les  honorait  de  sa  présence ,  tandis  que  Tyr 
et  Sidon  crurent  plus  tard  à  la  prédication  des  Apôtres.  —  Rémi.  Ca- 
pharnaùm  était  la  métropole  de  la  Galilée  ,  et  la  ville  la  plus  célèbre 
de  cette  province  ;  c'est  pour  cela  que  le  Seigneur  en  fait  une  mention 
spéciale  :  «  Et  toi  Capharnaûm,  t'élèveras-tu  jusqu'au  ciel?  tu  seras 
abaissée  jusqu'aux  enfers.  »  —  S.  Jér.  On  peut  entendre  ces  paroles 
de  deux  manières  :  ou  bien  tu  descendras  jusqu'aux  enfers,  parce  que 
tu  as  résisté  avec  orgueil  à  mes  prédications  ;  ou  bien ,  parce  que 


nés  futures  esse  praesciebat,  quales  multi 
ia  ejus  corporali  preesentia  fuerunt,  qui 
in  euin,  nec  suscitatis  ab  eo  mortuis 
credere  voluerunt  :  ecce  eniin  Dominas 
attestalur  quod  Tyrii  et  Sydonii  acturi 
essent  magua;  humilitatis  pœnitentiam, 
si  in  eis  facta  essent  divinarum  signa 
virtutum.  Porrosietiam  secundum  facta 
quae  facluri  essent  si  vivereut,  mortui 
judicantur,  profecto  quia  fidèles  futur! 
erant  isti,  si  eis  cum  tantis  miraculis 
Evangelium  fuisset  prœdicatum ,  non 
sunt  utique  punieudi;  et  tauien  in  die 
judlcii  punientur  :  sequitur  euim  :  «Ve- 
rumtamen  dico  vobis  :  Tyro  et  Sidoni 
remissius  erit,  »  etc.  Severius  ergo  pu- 
nientur illi,  isti  remissius.  Hier.  Quod 
ideo  est,  quia  Tyrus  et  Sidon  naturalem 
tantum  legem  calcaverant;  istae  vero  ci- 
vitates  post  transgressionem   naturalis 

TOM.   II. 


legis  et  scriptae,  etiam  signa  quae  apud 
eas  facta  sunt,  parvi  duxerunt.  Raba. 
Impletum  autem  hodie  videmus  dictum 
Salvatoris  ;  quia  scilicet  Corozaïm  et 
Betbsaïda  praesente  Domino  credere  no- 
lueruut,  Tyrus  autem  et  Sidon  postea 
evangelizantibus  discipulis  credidenmt. 
Remig.  Capharnaûm  autem  metropolis 
erat  Galilaeae,  et  insiguis  civitas  iliius 
proviuciae  :  et  ideo  Dominus  specialiter 
mentioiiem  iliius  facit,  dicens  :  «  Et  tu, 
Capharnaûm,  nunquid  usque  in  cœlum 
exaltaberis  ?  usque  ad  infernum  des- 
cendes. »  Hier.  In  altero  exemplari  re- 
perimus  :  «  Et  tu,  Capharnaûm,  quae 
usque  ad  cœlum  exaltata  es,  usque  ad 
inferna  descendes.  »  Et  est  duplex  in- 
telligeutia  :  vel  ideo  ad  inferna  descen- 
des, quia  contra  praedicationem  meam 
superbissime  restitisti  :  vel  idée,  quia 

10 


146 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGÏLE 


élevée  jusqu'au  ciel  (i)  par  le  séjour  que  j'ai  daigné  faire  au  milieu  de 
toi,  aussi  bien  que  par  les  prodiges  et  par  les  merveilles  que  j'ai 
opérés  dans  ton  sein ,  tu  seras  condamnée  à  de  plus  grands  supplices 
pour  avoir  abusé  de  grâces  si  privilégiées,  en  refusant  de  croire 
en  moi.  —  Rémi.  Ce  ne  sont  pas  seulement  les  pécliés  de  Tyr  et  de 
Sidon,  mais  les  crimes  de  Sodome  et  do  (jomorrhe  qui  sont  légers  en 
comparaison.  Car,  ajoute-t-il,  si  les  merveilles  qui  ont  été  opérées  au 
milieu  de  toi  eussent  été  faites  dans  Sodome ,  peut-être  cette  ville 
existerait  encore.  —  S.  Chrys.  {hom.  39.)  C'est  ce  qui  rend  leur  accu- 
sation plus  rigoureuse,  car  la  plus  forte  preuve  de  mécbanceté  ,  c'est 
d'être  plus  mauvais  non-seulement  que  les  méchants  qui  existent, 
mais  que  ceux  qui  ont  jamais  existé. 

S.JÉR.  Dans  la  ville  de  Capharnaûm,  qui  veut  àvc^  très-belle  maison 
de  plaisance,  se  trouve  condamnée  Jérusalem  ,  à  qui  Ezéchiel  a  dit  : 
Sodome  a  été  trouvée  juste  auprès  de  toi.  —  Rémi.  Le  Seigneur  qui 
connaît  toutes  choses,  s'est  servi  ici  du  mot  dubitatif  peut-être^  pour 
montrer  que  les  hommes  ont  reçu  de  lui  le  don  du  libre  arbitre.  \\ 
ajoute  :  «  C'est  pourquoi  je  vous  déclare  qu'au  jour  du  jugement  le 
pays.de  Sodome  sera  traité  moins  rigoureusement  que  vous.»  Il  faut  se 
rappeler  que  sous  le  nom  d'une  ville  ou  d'une  contrée  ,  les  reproches 
du  Seigneur  s'adressent  non  pas  aux  édifices  ou  aux  murailles  des 
maisons,  mais  aux  hommes  qui  les  habitent,  d'après  la  figure  appelée 
métonymie,  qui  exprime  le  contenu  pour  le  contenant.  Les  paroles  sui- 
vantes :  «  La  peine  sera  plus  légère  au  jour  du  jugement,  »  démon- 
trent jusqu'à  l'évidence  qu'il  y  a  dans  l'enfer  divers  degrés  de  peines, 

(1)  C'est  ainsi  que  porte  le  texte  grec  que  nous  avons  entre  les  mains  :  "J)  Swç  TOÛ  oùpavoû 
{jil/wÔsTffa,  n'as-tu  pas  été  élevée  jusqu'au  ciel;  tandis  que  la  Vulgate  traduit  :  Numquid  usque  ad 
rœlum  exaltaberis,  etc.,  t'élèveras-tu  jusqu'au  ciel? 


exaltata  usque  in  cœlum,  meo  liospilio  et 
ineis  signis  atque  virtutibus,  tantum  ha- 
liens  privilegiiiiu,  niajoribus  plecteris 
suppliciis,  quod  liis  ([uoqiie  credere  no- 
liiisti.  Remig.  Non  solum  autem  Tyri  et 
Sidonis,  sed  ipsa  Sodoniorum  et  Go- 
morrhaeorum  feceruut  levia  peccata,  per 
comparationem :  et  ideo  sequitiir:  «Quia 
si  in  Sodoniis  factre  essent  virhites  quae 
t'actœ  sunt  in  te,  forte  niansissent  usque 
in  hune  diem.  »  Chkys,  (m/  sup.)  la 
quo  augetur  eoruni  accusatio  :  eteniui 
niaxiiiia  malitia^  demonstratio  est,  cum, 
non  solum  liis  qui  tum;  erunl,  sed  lus 
«pii  unquam  fueraat  mali,  apparent  dé- 
tériores. 

HiKU.  In  Capharnaûm  autem,  qute  in- 
lerpretatur  villa  jndcherrima,  condeni- 


natur  Hierusalem,  oui  dicitur  per  Eze- 
cliielem  (cap,  16)  :  <(  Justiiieata  est  So- 
dûuia  ex  te.  »  IIemig.  Ideo  autem  Domi- 
nus  qui  oiimia  uovit,  in  hoc  loco  ver- 
buni  (lubitativum  posuit  (scilicet  forte], 
nt  demonstraret  quia  liberum  arbitriuui 
concessum  est  hominibus.  Sequitur  ; 
«  Verumtamen  dico  vobis,  quia  ferra; 
Sodomorum  remissius  erit  in  die  judi- 
cii  quam  tibi.  »  Et  sciendum  est  quod 
noniinc  civitatis  vel  terrœ,  non  aedilicia 
vei  domorum  parietes  Dominas  increpat, 
sed  liomines  in  eis  commorantes  ;  se- 
cundum  speciem  tropi,  quœ  est  inetony- 
miu,  in  qua  per  hoc  quod  oontinet,  id 
quod  conlinetur,  ostendilur.  Per  hoc  au- 
tem quod  dicit  :  «  Remissius  erit  iu  die 
judicii,  »  aperte  demoustratquiadiversa 


DE   SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    XI. 


147 


de  même  qu'il  y  a  divers  degrés  de  gloire  dans  le  royaume  des  deux. 
—  S.  Jér.  Un  lecteur  attentif  me  dira  peut-être  :  Si  les  villes  de  Tyr, 
de  Sidou  et  de  Sodome  auraient  pu  faire  pénitence  en  entendant  les 
prédications  du  Seigneur  et  devant  l'éclat  de  ses  miracles ,  elles  ne 
sont  pas  coupables  de  n'avoir  pas  cru,  mais  la  faute  doit  être  imputée 
au  silence  de  celui  qui  n'a  pas  voulu  leur  prêcher  dans  le  temps  où  elles 
étaient  disposées  à  faire  pénitence.  La  réponse  à  cette  difficulté  est  fa- 
cile et  claire  :  c'est  que  nous  ignorons  les  jugements  de  Dieu,  et  les 
mystérieuses  dispositions  de  sa  providence.  Notre-Seigneur  s'était  pro- 
pose de  ne  point  sortir  des  frontières  de  la  Judée,  ne  voulant  pas  four- 
nir aux  pharisiens  et  aux  prêtres  un  motif  ou  un  prétexte  pour  le 
persécuter.  C'est  pour  cela  qu'il  fait  cette  recommandation  aux  Apôtres  : 
a  Vous  n'irez   pas  dans  le  chemin   des  nations.  »  Or,  Corozaim  et 
Bethsaïde  sont  condamnées,  parce  qu'elles  ont  refusé  de  croire  à  la  pa- 
role du  Seigneur  lui-même  présent  au  milieu  d'elles  ;  Tyr  et  Sidou 
sont  justifiées  pour  avoir  cru  à  la  parole  de  ses  Apôtres.  Pourquoi 
faire  ici  une  question  de  temps  alors  que  vous  voyez  que  ceux  qui 
croient  sont  sauvés?  —  Rémi.  Voici  une  autre  solution  de  cette  diffi- 
culté :  dans  Corozaim,  il  y  en  avait  probablement  plusieurs  qui   de- 
vaient croire,  de  même  que  dans  Tyr  et  dans  Sidon  il  en  était  plu- 
sieurs qui  devaient  rester  dans  l'incrédulité ,  et  qui ,  par  conséquent, 
n'étaient  pas  dignes  de  l'Evangile.  Notre-Seigneur  a  donc  évangélisé 
les  habitants  de  Corozaim  et  de  Bethsaïde,  afin  que  ceux  qui  devaient 
croire  pussent  embrasser  la  foi  ;  et  il  ne  voulut  point  porter  la  pré- 
dication de  l'Evangile  aux  habitants  de  Tyr  et  de  Sidon,  dans  la 
crainte  que  ceux  qui  refuseraient  de  croire ,  devenus  plus  coupables 
par  le  mépris  de  l'Evangile,  ne  fussent  aussi  plus  rigoureusement 
punis. 


suut  supplicia  la  inferno,  sicut  et  diver- 
886  siint  mansiones  in  regno  cœlorum. 
Hier.  Quairat  autern  prudens  lector^  et 
dicat  :  «  Si  Tyrus,  et  Sidon,  et  Sodoma, 
potueruut  agere  pœniteutiam  ad  praedi- 
cationem  Salvatorls,  signorumque  mira  ■ 
eula,  non  suut  in  culpa,  quod  non  cre- 
dideruut,  sed  vitii  sileutiuni  in  eo  est, 
qui  acturis  pœniteutiam  notait  praedi- 
care.  »  Ad  quod  facilis  et  aperta  estres- 
ponsio,  ignorare  nos  judicia  Dei,  et  sin- 
gularumejus  dispensatiouum  sacramenta 
nescire.  Propositum  fiierat  Domiuo,  Ju- 
daeœ  fines  non  excedere,  ne  justam  plia- 
risaeiâ  et  sacerdotibus  occasionem  perse- 
cutionis  daret  :  unde  et  apostolis  prae- 
cepit  (sup.)   :    «    In   viam  gentium  ne 


abieritis  ;  »  Corozaim  igitur  et  Bethsaida 
damnantur ,  quod  praesente  Domino 
credere  noluerunt  :  Tyrus  et  Sidon  ju9- 
tificantur,  quod  apostolis  illius  credide- 
runt  :  non  quseras  tempora,  cum  creden- 
tium  iutuearis  salutem.  Remig.  Solvitur 
aulem  et  aliter  :  fortassis  erant  plurimi 
in  Corozaim  et  Bethsaida,  qui  credituri 
erant;  et  erant  multi  in  Tyro  et  Sidone, 
qui  non  erant  credituri;  et  ideo  non 
erant  digni  Evangelio.  Dominus  ergo 
ideo  habitatoribus  Corozaim  et  Beth- 
saidge  prœdicavit,  ut  illi  qui  credituri 
erant,  crederent,  et  habitatoribus  Tyri 
et  Sidonis  prœdicare  noluit,  ne  forte  illi 
qui  non  erant  credituri,  contemptu  Evan- 
gelii  détériore»  facti  atrocius  punirentur. 


148 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


S.  AuG.  {de  la  persévér.,  chap.  40.)  Un  controversiste  catholique  (1) 
qui  n'est  pas  à  dédaigner  explique  ce  passage  de  l'Evangile  en  disant 
que  le  Seigneur  avait  prévu  que  les  Tyriens  et  les  Sidonieus  devaient 
plus  tard  abandonner  la  foi  qu'ils  auraient  embrassée  sur  l'autorité  des 
miracles  opérés  sous  leurs  yeux  ;  et  c'est  par  miséricorde  qu'il  n'a 
point  voulu  faire  de  miracles  au  milieu  d'eux  ,  parce  que  en  aban- 
donnant la  foi  qu'ils  avaient  professée,  ils  se  seraient  rendus  dignes 
de  châtiments  plus  rigoureux  que  s'ils  ne  l'avaient  jamais  reçue. 
{Evang.,  chap.  l^.)  On  peut  dire  encore  que  le  Seigneur  prévoit  avec 
certitude  les  grâces  auxquelles  il  a  daigné  attacher  notre  délivrance  : 
c'est  la  prédestination  dos  saints ,  c'est-à-dire  la  prescience  et  la  pré- 
paration des  grâces  qui  doivent  infailliljlement  sauver  ceux  qui 
doivent  l'être;  les  autres,  par  un  juste  jugement  de  Dieu,  sont  laissés 
dans  la  masse  de  perdition,  comme  les  habitants  de  Tyr  et  de  Sidon 
(jui  auraient  pu  croire  également  s'ils  avaient  été  témoins  des  nom- 
breux miracles  de  Jésus-Christ;  mais  comme  le  don  de  la  foi  ne 
leur  a  pas  été  accordé ,  les  moyens  de  croire  leur  ont  été  refusés. 
On  peut  conclure  de  là  qu'il  y  a  des  hommes  qui  ont  naturellement 
dans  leur  esprit  un  don  particulier  d'intelligence  qui  les  porterait 
vers  la  foi ,  s'ils  voyaient  des  miracles  ou  s'ils  entendaient  des 
paroles  conformes  aux  dispositions  de  leur  âme  ;  et  cependant  si , 
par  un  profond  jugement  de  Dieu,  ils  ne  sont  pas  séparés  de 
la  masse  de  perdition  par  la  grâce  de  la  prédestination ,  ils  n'en- 
tendront jamais  ces  paroles  divines,  ils  ne  verront  jamais  ces  faits 
miraculeux  qui  deviendraient  pour  eux,  s'ils  en  étaient  témoins ,  des 
moyens  assurés  de  parvenir  à  la  foi.  C'est  dans  cette  masse  de  perdi- 

(1)  Quel  est  ce  controversiste?  Saint  Augustin  ne  nous  le  dit  pas,  et  nous  ne  pouvons  le  savoir, 
bien  qu'il  paraisse  l'auteur  de  la  citation  précédente,  donnée  sous  le  nom  de  Rémi. 


AUG.  [de  Persev.  cap.  10.)  Quidam 
autem  disputator  catliolicus  uon  iguobi- 
lis,  hune  Evangelii  locum  sic  exposuit, 
ut  diceret  praescisse  Domiuum  Tyrios  et 
Sidonios  a  fide  fuisse  postea  recessuros, 
cum  factis  apud  se  miraculis  credidis- 
sent;  et  iiiisericordia  polius  non  eum 
illic  ista  fecisso,  qiioniani  graviorl  {Kmx 
obuoxii  fièrent,  si  fidom  quaiu  tenue- 
rant  reliquissent,  quam  si  cam  nuilo 
tempure  tennissent.  (Et  cap.  12.)  Vel  ali- 
ter :  prœsctvit  profecto  Deus  bénéficia 
sua,  quibus  nos  liberare  dignatur  :  hau' 
autem  est  praedestinatio  sanctoruni 
(prœscientia  scilicet  et  pra;paratio  l)cno- 
ficiorum  Dei,  quibus  certissime  liberan- 
tur,  quicunque   liberautur)  ;  cœteri  au- 


tem nonnisi  in  massa  perditionis,  justo 
divino  judicio  reliuquuutur,  ubi  Tyrii 
relicti  suut  et  Sidonii,  qui  etiam  credere 
poterant.  si  multa  Cln-isti  signa  vidis- 
sent  ;  sod  qiioniam  ut  crederent  non  eis 
erat  datuni.  otiam  unde  crederent  est 
negatum  :  ex  quo  apparet  liabcre  quos- 
dam  in  ipso  iugenio  divinumnaturaliter 
munus  intelligeutiiï  cpio  uioveautur  ad 
fidcni.  si  congrua  suis  mentibus,  vel  an- 
diant  verba,  vel  signa  conspiciant  ;  et 
tanien  si  Dei  altiore  judicio.  a  perditionis 
massa  non  sunt  gratiae  prœdestinatione 
discreli,  nec  ipsa  eis  adhibentur  vel 
dicta  divina,  vel  facta,  per  quae  possenf 
credere.  si  andirent  utique  talia  vel  vi- 
dèrent. In  eadem  perditionis  massa  re- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.  XI.  149 

tion  que  furent  laissés  les  Juifs  eux-mêmes  qui  ne  purent  croire  aux 
miracles  si  éclatants  qui  furent  opérés  sous  leurs  yeux,  et  l'Evangile 
ne  nous  a  pas  caché  la  raison  pour  laquelle  ils  n'ont  pu  croire  : 
«  Bien  que  le  Sauveur  eût  opéré  sous  leurs  yeux  d'aussi  grands  mi- 
racles ,  ils  no  pouvaient  pas  croire  ,  selon  ce  qu'Isaïe  a  dit  :  «  Il  a 
aveuglé  leurs  yeux  (1),  et  il  a  endurci  leurs  cœurs.  »  {Jean,  xii.)  Les 
yeux  des  Tyriens  et  des  Sidoniens  n'étaient  donc  pas  aveuglés  de  ma- 
nière à  ne  pouvoir  croire,  s'ils  avaient  vu  de  semblables  miracles;  mais 
comme  ils  n'étaient  pas  prédestinés  ,  il  ne  leur  servit  de  rien  d'avoir 
pu  croire,  de  même  que  ce  n'eût  pas  été  pour  eux  un  obstacle  de  ne 
pouvoir  croire  si  Dieu  les  eût  prédestinés  à  recevoir  la  lumière  de  la 
foi  malgré  leur  aveuglement ,  et  s'il  avait  voulu  leur  ôter  leur  cœur 
de  pierre,  cause  de  leur  endurcissement. 

S.  AuG.  {de  V accord  des  Evang.,  liv.  ii ,  chap.  32.)  Saint  Luc  rap- 
porte ces  mêmes  paroles,  en  les  donnant  comme  la  suite  d'un  discours 
du  Seigneur.  Cet  Evangéliste  paraît  avoir  suivi  dans  sa  narration 
l'ordre  dans  lequel  ces  paroles  ont  été  dites,  tandis  que  saint  Matthieu 
ne  suit  d'autre  ordre  que  celui  de  ses  souvenirs.  Ou  bien,  la  manière 
dont  saint  Matthieu  s'exprime  :  «  Alors  il  commença  à  faire  des  re- 
proches, »  etc.,  devrait  être  entendue  en  ce  sens  que  le  mot  «  alors  » 
indiquerait  le  moment  précis  du  temps  où  ces  paroles  ont  été  pro- 
noncées, et  non  l'espace  de  temps  plus  long  dans  lequel  on  pourrait 
placer  un  grand  nombre  d'autres  actions ,  ou  d'autres  discours  du 
Sauveur.  En  admettant  cette  opinion,  il  faut  admettre  que  ces  paroles 

(1)  Isaïe  (chap.  vi,  v.  9)  s'exprime  ainsi  :  a  Aveuglez  le  cœur  de  ce  peuple,  appesantissez  ses 
oreilles.  »  Les  Septante  ont  traduit  :  «  Le  cœur  de  ce  peuple  s'est  appesanti  et  ses  oreilles  ont 
entendu  difflcilement,  et  ils  ont  fermé  les  yeux  pour  ne  point  voir,  n  C'est  cette  traduction  qui 
est  citée  dans  les  Actes  des  Apôtres,  xxviii,  26. 


licti  sunt  etiam  JudcEi  qui  non  potue- 
runt  credere  factis  iu  conspectu  suo  tam 
maguis  clarisque  virtutibus  :  car  enim 
non  poterant  credere,  non  taeuit  Evan- 
gelium  dicens  [Joan.  12)  :  «  Cum  antem 
taaLa  signa  fecisset  coram  eis,  non  pote- 
rant credere,  quiadixit  Isaias  »  (cap.  6)  : 
«  Excaecavit  oculos  illorum,  et  indura- 
vit  cor  eorum.  »  Non  erant  ergo  sic  ex- 
caecati  oculi,  nec  sic  induratnm  cor 
Tj'riorum  et  Sidoniorum,  quin  credidis- 
sent,  si  qualia  viderunt  isti  signa  vidis- 
sent  :  sed  nec  illis  profuit  quod  poterant 
credere  quia  praedestinati  non  erant; 
nec  istis  obfiiisset  quod  non  poterant 
credere,  si  ita  prapdestinati  essent,  ut 
eos  cificos  Dominus  iliuminaret,  et  in 


duratis  cor  lapideum  vellet  auferre. 
AuG.  {deCons.  Evang.  lib.ii,  cap.  .32.) 
Hoc  autem  quod  hic  dicitur,  etiam  Lu- 
cas commémorât  (cap.  10),  continuatim 
cuidam  sermoni  Domini  etiam  lioc  ex 
ipsius  ore  conjuugens  :  unde  magis  vi- 
detur  ipse  hoc  ordine  illa  commemorare, 
quœ  a  Domino  dicta  sunt  ;  Matthaeus  au- 
tem suœ  recordationis  ordinèm  tenuisse  : 
aut  illud  quod  Matthseus  ait  :  «  Tune  cœ- 
pit  exprobrare  civitatibus,  »  sicaccipien- 
dum  putant,  ut  punctum  ipsum  tempo- 
ris  vokiisse  credatur  exprimere  in  hoc 
quod  est,  tune;  non  autem  ipsum  tem- 
pus  ahquanto  latins  quo  hic  multa  gere- 
bantur  et  dicebantur.  Quisquis  hoc  cré- 
dit, credat  hoc  esse  bis  dictum.Cum  enim 


150 


EXPLICATION  DE  L'ÉVANGILE 


ont  été  dites  deux  fois  ;  car,  puisque  dans  un  seul  et  même  Evangile 
on  trouve  répétées  comme  dites  dans  deux  circonstances  différentes 
les  mêmes  paroles  du  Seigneur,  par  exemple,  la  recommandation 
qu'il  fait  de  ne  pas  porter  de  sac  en  voyage  {Luc  ,  ix  et  x),  qu'y  a-t-il 
d'étonnant  que  des  paroles  dites  deux  fois  par  le  Sauveur  soient  rap- 
portées par  deux  Evangélistes  dans  l'ordre  où  elles  ont  été  prononcées? 
Et  la  raison  pour  laquelle  cet  ordre  est  différent ,  c'est  justement 
parce  que  chacun  d'eux  rattache  ces  paroles  au  temps  où  elles  ont  été 
dites. 

y.  25,  26.  —  Alors  Jésus  dit  ces  paroles  :  Je  vous  rends  gloire,  'mon  Père, 
Seigneur  du  ciel  et  de  la  terre,  de  ce  que  vous  avez  caché  ces  choses  aux  sages 
et  aux  prudents ,  et  que  vous  les  avez  révélées  aux  petits.  Oui,  mon  Père, 
parce  qu'il  vous  a  plu  ainsi. 

La  Glose  (1).  Le  Seigneur  savait  qu'un  grand  nombre  douteraient 
de  la  vérité  qu'il  venait  de  leur  révéler,  c'est-à-dire  que  les  Juifs  ont 
rejeté  le  Christ,  tandis  que  les  Gentils  l'ont  reçu  avec  empressement; 
il  répond  donc  à  ces  doutes  intérieurs  :  «  Et  Jésus,  répondant,  dit  ces 
paroles  :  Je  vous  rends  gloire  ,  mon  Père,  »  etc.  C'est-à-dire  vous  qui 
faites  les  cieux ,  et  qui  laissez  dans  l'attachement  aux  choses  de  la 
terre  ceux  que  vous  voulez.  Ou  bien  dans  le  sens  littéral  :  —  S.  AuG. 
(serm.  9  sur  les  paroles  du  Seig.)  Puisque  Jésus-Christ  dit  :  «  Je  vous 
confesse,  »  lui  si  éloigné  de  tout  péché,  la  confession  n'est  donc  pas 
toujours  l'aveu  des  péchés  ,  mais  quelquefois  aussi  l'expression  de  la 
louange.  Nous  confessons  donc  soit  en  louant  Dieu ,  soit  en  nous  ac- 
cusant nous-mêmes  ;  et  ces  mots  :  Je  vous  confesse,  signifient  non  pas  : 
je  m'accuse,  mais  :  je  vous  loue,  je  vous  rends  gloire. 

(1)  La  deuxième  partie  seule  de  cette  citation  vient  de  la  Glose  ;  la  première  partie  se  trouve 
dans  saint  Anselme,  presque  dans  les  mêmes  termes. 


et  apud  iinum  Evangelistam  inveuiantur 
quaedam  quae  bis  dixerat  Dominus  (sicut 
apud  Lucam  de  nontollendapera  in  via) 
[Luc.  9  et  10),  quid  miruin,  si  aliquid 
aliud  bis  diclum,  sigillatim  a  singulis 
dicitur  eodem  ordine  quo  dictuin  est?  Et 
ideo  diversus  ordo  apparet  in  singulis, 
quia  et  tune  quando  ille,  et  tuncquando 
iste  commémorât,  dictum  est. 

Jn  illo  tempore,  respondens  Jésus,  dixit  :  Con- 
fileof  tibi,  Pater,  Domine  cocli  et  terrœ,  quia 
abscondisti  hœc  a  sapifntibus  et  prudentibus, 
et  revetasti  ea  paruulis  :  ita,  Pater,  quoniam 
sic  fuit  placitum  ante  te. 

Glossa.  Quia  sciebat  Dominus  multos 


de  superiori  quaestione  dubitaturos  (sci- 
licet  quod  Judaei  Christum  non  recepe- 
runt,  quem  gentilitas  tam  proua  susce- 
pit),  respondet  hic  cogitationibus  eorum  : 
et  ideo  dicit  :  «  Respondens  Jésus  dixit  : 
Coufiteor  tibi,  Pater,  »  etc.  Id  est  qui 
lacis  cœlos,  et  reliuquis  in  terrenitate 
quos  vis.  Vel  ad  litterani.  AuG.  [de  Ver. 
Dont.  serm.  9.)  Si  Christus  dixit  :  Con- 
/iteor,  a  quo  longe  est  omne  peccatum, 
confessio  non  est  solius  peceatoris,  sed 
aliijuando  otiam  laudatoris.  Coufileuiur 
ergo  sive  laudautes  Deum,  sive  accu- 
santes nosmetipsos  :  dixit  ergo  :  Con- 
fiteor  tibi,  id  est,  laudo  te,  non  accuso 
me. 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XI.  151 

S.  Jér.  Que  ceux  qui  osent  calomnier  le  Sauveur  en  niant  sa  nais- 
sance éternelle  et  en  soutenant  qu'il  a  (dé  créé  dans  le  temps  _,  en- 
tendent et  méditent  ces  paroles.  Ils  appuient  leur  opinion  sur  ce  qu'il 
appelle  ici  son  Père  le  Seigneur  du  ciel  et  de  la  terre.  Mais  s'il  n'est 
qu'une  simple  créature,  et  qu'une  créature  puisse  donner  le  nom  de 
Père  à  son  Créateur,  il  a  fait  une  chose  déraisonnable  en  ne  l'appelant 
pas  sou  Maitre  ou  son  Père  comme  il  l'appelle  le  Maitre  et  le  Père  du 
ciel  et  de  la  terre.  Or  il  rend  grâces  à  Dieu  de  ce  qu'il  révèle  le  mystère 
de  son  avènement  aux  Apôtres ,  mystère  qu'il  a  laissé  ignorer  aux 
scribes  et  aux  pharisiens  qui  étaient  sages  et  prudents  à  leurs  propres 
yeux.  C'est  le  sens  de  ces  paroles  :  «  Di  ce  que  vous  avez  caché  aux 
sages,  »  etc.  —  S.  Aug.  {serm.  9  sur  les  paroles  du  Seig.)  Sous  le 
nom  de  ces  sages  et  de  ces  prudents  on  peut  entendre  les  orgueilleux, 
comme  Notre-Seigneur  l'explique  lui-même,  en  ajoutant:  «  Et  que 
vous  les  avez  révélés  aux  petits.  »  En  eflfet,  que  veut  dire  «  aux  petits,  » 
si  ce  n'est  aux  humbles?  —  S.  Grég.  {Moral,  xxvir,  7.)  Il  n'ajoute  pas  : 
Vous  les  avez  révélés  aux  insensés,  mais  aux  petits,  pour  nous  mon- 
trer qu'il  ne  condamne  pas  la  pénétration  ,  mais  seulement  l'enflure 
de  l'esprit.  S.  Chrys.  {hom.  39.)  Ou  bien  encore ,  en  nommant  ici  des 
sages,  il  n'a  point  voulu  parler  de  la  véritable  sagesse ,  mais  de  celle 
que  les  scribes  et  les  pharisiens  ne  tenaient  que  de  leur  éloquence  ; 
c'est  pour  cela  qu'il  ne  dit  pas  :  «  Vous  les  avez  révélés  aux  insensés,  » 
mais  :  «  aux  petits ,  »  c'est-à-dire  aux  gens  sans  instruction  et  sans 
éducation.  C'est  ainsi  qu'il  nous  ap[)rend  à  fuir  en  tout  l'orgueil,  et  à 
rechercher  la  pratique  de  l'humilité.  —  S.  Hil.  {can.  11.)  Les  secrets 
et  la  vertu  des  paroles  célestes  demeurent  cachés  pour  les  sages, 
c'est-à-dire  pour  ceux  qui  sont  pleins  d'une  folle  présomption,  et  dont 
la  sagesse  n'est  pas  le  fruit  de  la  prudence  ;  et  ces  mêmes  secrets  sont 


Hier.  Audiant  ergo  qui  Salvatorem 
non  natum,  sed  creatum  calumniantur  ; 
quod  Patrem  sinon  vocet  cœli  et  terr* 
dominum  :  si  enim  et  ipse  creatura  est, 
et  creatura  Conditorem  suuui  putrem 
appellare  potest,  stultura  fuit  uou  et  sui, 
et  cœli  ac  terrée  dominum  vel  patrem  si- 
militer  appellare.  Gratias  autem  agit, 
quod  apostolis  adventus  sui  aperuerit 
sacramenta,  quae  ignoraveruut  scribae  et 
pharisaei,  qui  sibi  sapieutes  videntur,  et 
in  conspectu  suo  prudentes.  Et  ideo  se- 
quitur  :  «  Quia  abscoudisti  sapientibus,  » 
etc.  AuG.  (de  Verb.  Z;o?h.  serm.  8.)  No- 
mine  sapientum  et  prudentum  superbos 
intelligi  posse,  ipse  exposuit,  cum  ait  : 
«  Revelasti  ea  parvalis.  »  Quid  enim  est 


«  parvulis,  nisi  humilibus  ?  »  Greg.  (xxvii 
Moral,  cap.  7.)  Quod  enim  non  subjun- 
xit  :  «  Revelasti  ea  stultis,  sed,  parv^ulis,» 
tumorem  se  damnasse  innuit,  non  acu- 
men.  Chrys.  (in  hom.  39,  in  Mutth.) 
Vel  dicens,  sapientes,  non  veramsapien- 
tiam  dicit,  sed  eam  quam  videbantur 
scribae  et  pharissei  ab  eloquentia  habere. 
Propter  hoc  neque  dixit  :  «  Revelasti  ea 
stultis,  sed,  parvulis  »  (id  est,  informi- 
bus  aut  rusticis),  in  quo  erudit  nos  per 
omnia  ab  elatione  erui,  bumilitatem  au- 
tem zelare.  Hilar.  (Can.  11  m  Matth.) 
Cœlestium  ergo  verborum  arcana  atque 
virtutes  sapientibus  absconduQtur,  et 
parvulis  revelantur;  parvulis  mabtia, 
non  sensu  ;  sapientibus  vero    stultitiae 


152  EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 

révélés  aux  petits,  c'est-à-dire  à  ceux  qui  sont  petits  en  malice,  et  non 
en  intelligence.  —  S.  Chrys.  {hom.  30.)  Que  ces  mystères  aient  été  ré- 
vélés aux  uns,  c'est  un  légitime  sujet  de  joie,  mais  qu'ils  restent  ca- 
chés pour  les  autres,  c'est  un  trop  juste  sujet  de  larmes.  Aussi  la  joie  du 
Sauveur  vient- elle  exclusivement  de  ce  que  les  petits  ont  connu  ce 
que  les  sages  ont  ignoré. 

S.  HiL.  {can.  11.)  Il  confirme  l'équité  de  cette  conduite  par  le  ju- 
gement de  la  volonté  de  son  Père  ;  suivant  ce  jugement,  ceux  qui  re- 
fusent d'être  petits  devant  Dieu  deviennent  insensés  dans  leur  propre 
sagesse;  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  :  «  Oui,  je  vous  bénis,  ô  mon 
Père,  parce  qu'il  vous  a  plu  ainsi,  m  —  S.  Grég.  {Moral.,  liv.  xxv, 
chap.  43.)  Ces  paroles  renferment  pour  nous  une  leçon  d'humilité,  et 
nous  apprennent  à  ne  pas  discuter  témérairement  les  jugements  de 
Dieu  sur  la  vocation  des  uns ,  et  sur  la  réprobation  des  autres ,  en 
nous  montrant  qu'il  ne  peut  y  avoir  d'injustice  dans  ce  qui  a  plu  à 
celui  qui  est  souverainement  juste.  —  S.  Jér.  Notre- Seigneur  tient 
encore  ce  langage  affectueux  à  son  Père, pour  l'engagera  consommer 
l'œuvre  qu'il  a  commencée  dans  ses  Apôtres.  —  S.  Chrys.  {hom.  39.) 
Ces  paroles  de  Jésus- Christ  à  ses  Apôtres  leur  inspirèrent  une  plus 
grande  vigilance  ;  le  pouvoir  qu'ils  avaient  reçu  de  chasser  les  dé- 
mons était  de  nature  à  leur  donner  une  haute  idée  d'eux-mêmes ,  il 
réprime  donc  cette  idée  en  leur  apprenant  que  les  faveurs  qui  leur 
ont  été  accordées  ne  sont  pas  le  fruit  de  leurs  efforts,  mais  l'effet  d'une 
révélation  divine.  Aussi  les  scribes  et  les  pharisiens ,  infatués  de  leui- 
sagesse  et  de  leur  prudence,  sont-ils  tombés  victimes  de  leur  orgueil. 
Si  donc  ils  ont  mérité  pour  cela  que  les  mystères  de  Dieu  demeurent 
cachés  pour  eux,  craignez  vous  aussi,  et  appliquez- vous  à  rester  pe- 
tits, car  c'est  ce  qui  vous  a  donné  droit  à  la  révélation  de  ces  mystère?. 


suoe  prœsumptione,  non  prudenticB  cau- 
sis.  Chrys.  [hom.  39.)  Revelatum  autem 
esse  his,  dignumest  Isetitia  ;  occultari  au- 
tem his  non  laetitia,  sed  lacrymis  dignum 
est.  Non  ergo  propter  lioc  lœtatiir,  sed 
quoniam  quœ  sapientes  non  cognove- 
runt,  cognoverunt  lii. 

FliLAU.  {nt  svp.)   Facii  autem    luijus 
yi|uitatem,  Dominus  paternge  voluntatis 


repulsione ,  praesumamus  ;  ostendens 
quod  injustum  esse  non  potest  quod  pla- 
cuil  justo.  IliKii.  In  his  etiani  verbis 
blaudientis  atTectu  loquitur  ad  Patreni, 
ut  L'(e|)tum  in  apostolisoompleaturbene- 
fîcium.  Chrys.  [in  hom.  '39utsiip.)  Hœo 
autem  quœ  Dominus  discipulis  dixit,  stu- 
diosiores  eos  fecerunt  :  quia  enim  con- 
sequens  erat  eos  de  se  magna  sapere  qui 


judioio  confirmât,  ut  qui  dedignantur  i  da-mones  abigebant,  ideo  bine  eos  re- 
parvuli  in  Deo  fieri,  slulti  deinceps  in  1  primit  :  revelatio  enim  erat  quod  eis  fac- 
sapienlia  sua  fiant  :  et  ideo  subibiitur  :  tum  est,  non  illorum  sludium:  ideoque 
«  lia,  Pater,  quoniam  sic  placitum  fuit  scriba»,  sapientes  et  jtrudenles  a^sliman- 
aiite  te.  »  Greg.  (xxv  Moral,  cap.  13.)  tes  se  esse,  exciderunt  propter  proprium 
Quibus  verbis  exenqila  humilitatis  acci-  tumorem.  Unde  si  propter  lioc  ab  eis abs- 
pimus,  ne  temere  discutere  supornacon-  i  condila  sunt  Dei  mysteria.  «  Timete  (di- 
silia  de  aliorum  vocatione,  alioruui  vcro  ,  cit)  et  vos  et  manete  parvuii  :  hoc  enim 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XI.  153 

Ces  paroles  :  «  Vous  avez  caché  ces  choses  aux  sages ,  »  doivent  être 
entendues  dans  le  sens  de  ces  autres  de  saint  Paul  :  «  Dieu  les  a  livrés 
au  sens  réprouvé.  »  L'intention  de  l'Apôtre  n'est  pas  d'attribuer  à 
Dieu  immédiatement  cet  effet,  mais  à  ceux  qui  en  ont  posé  la  cause. 
C'est  dans  le  même  sens  qu'il  faut  entendre  ces  paroles  du  Sauveur  : 
«  Vous  avez  caché  ces  choses  aux  sages  et  aux  prudents.  »  Et  pour- 
quoi ces  vérités  sont-elles  demeurées  cachées  pour  eux  ?  Ecoutez  saint 
Paul  qui  vous  répond  :  «  Parce  que,  s'efforçant  d'établir  leur  propre 
justice,  ils  ne  se  sont  pas  soumis  à  la  justice  de  Dieu.  » 

y.  27.  —  Mon  Père  m'a  mis  toutes  choses  entre  les  mains ,  et  nul  ne  connaît  le 
Fils  que  le  Père,  comme  nul  ne  connaît  le  Père  que  le  Fils,  et  celui  à  qui  le 
Fils  aura  voulu  le  révéler. 

S.  Ghrys.  (hom.  39.)  Ce  que  le  Sauveur  vient  de  dire  :  «  Je  vous 
rends  gloire ,  mon  Père ,  de  ce  que  vous  avez  caché  ces  choses  aux 
sages,  »  pouvait  laisser  penser  qu'il  rendait  grâces  à  son  Père,  comme 
s'il  était  lui-même  privé  de  cette  puissance  ;  il  ajoute  donc  pour  pré- 
venir cette  idée  :  «  Mon  Père  m'a  mis  toutes  choses  entre  les  mains.» 
Que  ces  paroles  :  «  Toutes  choses  m'ont  été  données  par  mon  Père,  » 
ne  vous  fassent  soupçonner  rien  de  naturel  et  d'humain  ;  Notre-Sei- 
gneur  ne  s'en  est  servi  que  pour  détruire  la  pensée  qu'il  existe  d^ux 
dieux  non  engendrés  ;  car  c'est  en  même  temps  qu'il  a  été  engendré 
qu'il  est  devenu  le  Maître  de  toutes  choses.  —  S.  Jér.  Si  nous  en- 
tendions ces  paroles  d'après  nos  faibles  idées,  il  faudrait  admettre 
que  celui  qui  donne  cesse  d'avoir  au  moment  où  celui  qui  reçoit 
commence  à  posséder.  Ou  bien  par  les  choses  qui  lui  sont  remises 
entre  les  mains,  il  faut  entendre  non  pas  le  ciel,  la  terre,  les  éléments, 
et  toutes  les  autres  choses  qu'il  a  faites  et  créées,  mais  ceux  qui  par 


fecit  vos  revelatione  potiri.  »  Sicut  aii- 
lem  cum  Paulus  dicit  {Rom.  5)  :  «  Tra- 
didit  illos  Deus  iii  reprobum  sensum ,  » 
non  hoc  dicit  iuduceiis  Denm  lioc  ageu- 
tem,  sed  illos  qui  causamtribuerunt  ;  ita 
et  hic  :  «  Abscoiidisti  lisec  a  sapientibus 
et  prudeutibus.  »  El  propter  quid  abs- 
condita  sunt  ab  illis  ?  Audi  Paulum  di- 
centem  {Rom.  10)  :  «  Quoniam  quaereu- 
tes  propriam  justitiam  statuera,  justitiœ 
Dei  non  sunt  subjecti.  » 

Omnia  mihi  tradlta  sunt  a  Pâtre  meo  :  et  nemo 
novit  Filium  nisi  Pater,  neque  Patrem  qiiis 
novit  nisi  Filins,  et  nui  voluerit  Filins  rei>e- 
lare. 

Chrys.  {in  homil.  39.)  Quia  dixerat  : 


«  Confiteor  tibi,  Pater,  quoniam  abscon- 
disti  hsec  a  sapientibus,  »  ut  non  aestimes 
quoniam  ita  gratias  agit  Patri,  sicut  si 
ipse  sit  liac  virtute  privatus,  consequen- 
ter  adjuugit  :  «  Omnia  mihi  tradlta  sunt 
a  Pâtre  meo.  »  Cum  autem  audieris  quo- 
niam tradita  sunt,  nihil  humanum  suspi- 
ceris  :  ut  enim  non  duos  deos  ingertitos 
esse  existimes,  banc  ponit  dictionem  ; 
simul  enim  cum  genitus  est,  omnium  do- 
minafor  fuit.  Hier.  Alioquin  si  juxta 
nostram  fragiUtatem  sentire  volumus , 
cum  cœperit  habere  qui  accepit,  incipiel 
non  habere  qui  dédit.  Vel  tradita  slbi 
omnia,  non  cœlum,  et  terra,  et  elementa 
intelligenda  sunt,  et  caetera  quse  ipse  fe- 
cit et  condidit,  sed  hi  qui  per  Filium  ac- 


154 


EXPLICATION   DE   l/ÉVANGILE 


le  Fils  ont  accès  auprès  du  Père.  —  S.  Hil.  {can.  11.)  Ou  bien  encore, 
il  s'exprime  de  la  sorte,  pour  prévenir  toute  pensée  »]u'il  soit  en  rien 
inférieur  à  son  Père.  —  S.  Aug.  {cont.  Maximin.)  S'il  était  en  quelque 
chose  moins  puissant  que  son  Père ,  il  n'aurait  pas  à  lui  tout  ce  qu'à 
son  Père;  mais  le  Père,  en  engendrant  son  Fils  ,  lui  a  donné  la  puis- 
sance, comme  aussi  par  le  même  acte  il  a  donné  tout  ce  qui  fait  partie 
de  sa  substance  à  celui  qu'il  a  engendré  de  sa  propre  substance. 

S.  Hil.  {can.  \\.)  Ensuite,  dans  cette  mutuelle  connaissance  du 
Père  et  du  Fils  ,  il  nous  donne  à  comprendre  qu'il  n'y  a  pas  autre 
chose  dans  le  Fils  que  dans  le  Père  qui  soit  resté  inconnu.  «  Et  per- 
sonne ne  connaît  le  Fils  si  ce  n'est  le  Père ,  comme  nul  ne  connaît  le 
Père  si  ce  n'est  le  Fils.  »  —  S.  Chrys.  {Jiom.  39.)  En  disant  que  seul 
il  connaît  le  Père ,  il  nous  démontre  indirectement  qu'il  lui  est  con- 
substantiel,  comme  s'il  disait  :  «  Qu'y  a-t-il  d^étonnant  que  je  sois  le 
.Maître  de  toutes  choses,  alors  que  j'ai  en  moi  quelque  chose  de  plus 
grand  encore,  c'est-à-dire  que  je  connais  mon  Père,  et  que  j'ai  avec 
lui  une  seule  et  même  substance?  —  S.  Hil.  11  nous  enseigne  que 
l'identité  de  nature  ,  dans  l'un  et  dans  l'autre ,  est  renfermée  dans 
cette  mutuelle  connaissance  de  l'un  et  de  l'autre,  de  manière  que  celui 
qui  connaît  le  Fils  connaîtra  le  Père  dans  le  Fils  ;  car  toutes  choses 
lui  ont  été  données  par  le  Père.  —  S.  Chrys.  {sw  S.  Matth.)  Ces  pa- 
roles :  «  Personne  ne  connaît  le  Père  si  ce  n'fst  le  Fils,  »  signifient 
non  pas  que  tous  ignorent  le  Père  absolument,  mais  que  personne  ne 
le  connaît  de  la  même  manière  qu'il  le  connaît  lui-même  ,  ce  que  l'on 
doit  dire  du  Fils  également  ;  car  il  n'est  pas  question  ici  d'un  Dieu  in- 
connu, comme  le  prétend  Marcion. 

S.  AuG.  {de  la  Trinité.,  liv.  i,  chap.  8.)  Enfin,  comme  la  nature  di- 


cessum  habent  ad  Patrem.  Hilar.  (Can. 
ii  ut  sup.)  Vel  lioc  dicit,  ne  quid  in  illo 
minus  quam  quod  iu  Deo  est,  aeslimare- 
tur.  AcG.  {Contra  Maximinum.)  Nam  si 
minus  liabet  in  poteslate  aliquid  quam 
Pater,  non  sunt  ejus  oninia  quae  liabet 
Pater  :  gignendo  enim  dédit  Pater  po- 
lenliam  Filio,  sicut  onmia  quai  liabet  in 
substantia  siîa,  gignendo  dédit  ei  quem 
genuit  de  substantia  sua. 

Hilar.  {Can.  1 1  xit  sup.)  Deiude  in  mu- 
tua  cognitione  Patris  et  FUii,  dat  intel- 
ligere  non  aliud  in  Filio,  quam  quod  in 
l^atre  ignorabile  sit  extitisse.  Sequitur 
enim  :  «  Et  nemo  uovit  Filium'uisi  Pater; 
neque  Patrem  quis  novit,  nisi  Filius.  » 
CuRYs.  {in  homil.  vt  sup.)  Ex  eo  enim 
quud  Soins  Patrem  uovit,  latenter  osten- 
dit  ejusdem  se  esse  substantia:'  :  ac  si  di- 


ceret  :  «  Quid  mirum  est  si  omnium  suni 
dominator,  cum  aliqiiid  aliud  majus 
habeam  ?  scilicet  scire  Patrem,  et  ejus- 
dem esse  substantiae.  »  Hilar.  Eamdeni 
enim  utriusque  in  mutua  cognitione  do- 
cet  esse  substantiam  ;  cum  qui  Filium 
cognosceret,  patrem  quoque  cognituni< 
esset  iu  Filio  ;  quia  omnia  ei  a  Pain- 
sunt  tradita.  Chrys.  {in  opère  imperf. 
/loin.  28.)  Cum  autem  dicit  :  «  Neque 
Patrem  aliquis  cognoscit,  nisi  Filius;  » 
non  boc  ait  quoniam  eum  omnes  omnino 
ignorent,  sed  quoniam  cognitione  (jua 
ipse  eum  novit,  nuUus  eum  sit  :  quod  et 
de  Filio  dicendum  est  :  neque  etiaui  de 
iguoto  quodam  Deo  boc  dixit,  sicut  Mar- 
cion  ait. 

AuG.  {primo  de  Trin.  cap.  8.)  Deniquf 
propter  substauti;e  inseparabilitatem  sut- 


DE  iSAlNT  MATTHIEU,    CHAP.    XI.  155 

vine  est  inséparable,  il  suffît  quelquefois  de  nommer  le  Père  seul,  ou 
le  Fils  seul,  sans  qu'on  sépare  pour  cela  l'Esprit  de  l'un  et  de  l'autre, 
Esprit  qu'on  appelle  proprement  Esprit  de  vérité  (1).  —  S.  Jék.  Que 
l'hérétique  Eunomius  rougisse  donc  de  son  orgueilleuse  prétention, 
qu'il  a  lui-même  du  Père  et  du  Fils  une  connaissance  aussi  étendue 
que  le  Père  et  le  Fils  l'ont  eux-mêmes  l'un  de  l'autre  ;  qu'il  cherche  à 
soutenir  et  à  consoler  sa  folle  prétention  ,  en  s'appuyant  sur  les  pa- 
roles suivantes  ;  «  Et  celui  à  qui  le  Fils  aura  voulu  le  révéler,  »  tou- 
jours est-il  ^Tai  qu'autre  chose  est  de  connaître  par  égalité  de  nature, 
autre  chose  de  ne  connaître  que  par  la  grâce  d'une  révélation.  — 
S.  AcG.  [de  la  Trinité^  liv.  vu,  chap.  3.)  Or,  le  Père  se  révèle  par  son 
Fils,  c'est-à-dire  par  son  Verbe  ;  car  si  ce  verbe  que  nous  proférons, 
tout  passager  et  transitoire  qu'il  est,  se  révèle  lui-même  et  révèle  notre 
propre  pensée,  à  combien  plus  forte  raison  le  Verbe  de  Dieu  par  qui 
toutes  choses  ont  été  faites  !  Il  fait  donc  connaître  le  Père  tel  qu'il  est, 
parce  qu'il  est  lui-même  ce  qu'est  le  Père.  —  S.  Aug.  {Quest.  évang., 
liv.  II,  chap.  1.)  Eu  prononçant  ces  paroles  :  «  Personne  ne  connaît  le 
Fils,  si  ce  n'est  le  Père,  »  il  n'a  pas  dit  :  Et  celui  à  qui  le  Père  aura 
voulu  le  révéler;  mais  après  avoir  dit  :  «  Personne  ne  connaît  le 
Père,  si  ce  n'est  le  Fils,  »  il  ajoute  :  a  Et  celui  à  qui  le  Fils  aura  voulu 
le  révéler  ;  »  paroles  qu'il  ne  faut  pas  entendre  dans  le  sens  que  le 
Fils  ne  puisse  être  connu  autrement  que  par  le  Père.  Quant  au  Père, 
il  peut  être  connu  non-seulement  par  le  Fils,  mais  encore  par  ceux  à 
qui  le  Fils  l'aura  révélé.  S'il  a  choisi  de  préférence  cette  manière  de 
s'exprimer,  c'est  pour  nous  faire  comjjrendre  que  le  Père  et  le  Fils 
nous  sont  connus  par  la  révélation  du  Fils,  parce  qu'il  est  lui-même 
la  lumière  de  notre  intelligence.  Les  paroles  suivantes  :  Et  celui  à  qui 

(1)  C'est  ainsi  que  Jésus-Ciirist  rappelle  lui-même.  (Jean,  xiv,  17;  xv,  26;  xvi,  13.) 


ficienter  aliquando  nominatur  vel  solus 
Pater,  vel  solus  Filius  ;  nec  inde  separa- 
tur  utriusque  spiritus,  qui  proprie  dicitur 
spiritus  leritatis.  Hier.  Erubescat  ergo 
Eunomius  hœreticus  tantamsibi  notitiam 
Patris  et  Filii,  quantaui  ad  alterutrum 
inter  se  habent,  vendicans  :  quod  si  inde 
contendit,  et  suam  consolatur  insaniam, 
quia  sequitur  :  «  Et  oui  voluerit  Filius 
revelare;  aliud  est  naturae  aequalitate 
noîse  quod  noveris,  aliud  revelantis  di- 
gnatione.  Aug.  (vu  de  Trinit.  cap.  3.) 
Revelatur  autem  Pater  per  Filium,  id  est, 
per  Verbum  suum  :  si  enira  hoc  verbum 
quod  nos  proferimus  temporale  et  tran- 
sitorium,  et  seipsum  ostendit,  et  illud  de 
<îtoo  loquimur,    quacto   magis  Verbum 


Dei  ,  per  quod  facta  sunt  omnia  ? 
Quod  ita  ostendit  Patrem,  sicuti  est  Pater, 
quia  et  ipsum  ita  est  et  hoc  est  quod 
Pater.  Aug.  {de  quœst.  Evang.  lib.  ii^ 
cap.  1.)  Cum  autem  diceret  :  «  Nemo 
uovit  Filium  nisi  Pater,»  non  dixit  :  «Et 
eui  voluerit  Pater  revelare  :  »  sed  cum 
diceret  :  «  Nemo  novit  Patrem  nisi  Fi- 
lius, »  addidit  :  «  Et  cui  voluerit  Filius 
revelare  :  »  quod  non  ita  intelligendum 
est,  quasi  Filius  a  nuUo  possit  cognosci 
nisi  a  Pâtre  solo.  Pater  autem,  non  so- 
lum  a  Filio,  sed  etiam  ab  eis  quibus  re- 
velaverit  Fihus  :  sic  enim  potius  dictum 
est,  ut  intelligamus  Patrem  et  ipsum  Fi- 
lium per  Filium  revelari,  quia  ipse  est 
mentis  nostrœ  lumen  ;   et  quod  postea 


456 


EXPLICATION  DE   L'ÉVANGILE 


le  Fils  aura  voulu  le  révéler ,  doivent  s'entendre  non-seulement  du 
Père,  mais  encore  du  Fils  ;  car  elles  se  rapportent  à  tout  ce  qui  pré- 
cède. C'est  par  son  Verbe ,  en  effet ,  que  le  Père  se  fait  connaître  ; 
mais  le  Verbe  ne  révèle  pas  seulement  ce  qu'il  est  chargé  de  faire 
connaître,  il  se  révèle  encore  lui-même.  —  S.  CnuYs.  {hom.  39.'»  Si 
donc  il  fait  connaître  le  Père ,  il  se  fait  connaître  en  même  temps 
lui-même,  mais  il  passe  sous  silence  comme  assez  claire  cette  der- 
nière vérité,  et  il  s'attache  à  la  première  sur  laquelle  il  pouvait  y  avoir 
des  doutes.  Il  nous  enseigne  eu  même  temps  qu'il  est  tellement  d'ac- 
cord avec  son  Père,  qu'il  n'est  pas  possible  d'arriver  au  Père  si  ce 
n'est  par  le  Fils  ;  car  ce  qui  scandalisait  surtout  les  Juifs  ,  c'est  qu'il 
leur  paraissait  en  opposition  avec  Dieu,  et  il  s'applique  de  toute  ma- 
nière à  détruire  cette  erreur. 

y.  28-30.  —  Vene:^  à  moi  vous  tous  fjui  êtes  fatigués  et  qui  êtes  chargés ,  et  je 
vous  soulagerai.  Prenez  mon  joug  sur  vous,  et  apprenez  de  moi  que  je  suis 
doux  et  humble  de  cœur,  et  vous  trouverez  le  repos  de  vos  âmes  ;]  car  mon 
joug  est  doux  et  mon  fardeau  est  léger. 

S.  Chrys.  [ho7n.  39.)  Le  discours  qui  précède,  et  qui  est  plein  de  j 
l'ineffable  puissance  du  Sauveur,  avait  excité  dans  le  cœur  de  ses  dis- 
ciples un  vif  désir  de  s'unir  à  lui  ;  il  les  appelle  maintenant  lui-même 
en  leur  disant  :  «  Venez  à  moi,  vous  tous  qui  êtes  fatigués  et  qui  êtes 
chargés.  »  —  S.  AuG.  [serm.  10  sur  les  paroles  du  Seig.)  Pourquoi 
tous,  tant  que  nous  sommes ,  nous  fatiguons-nous  ?  C'est  parce  que 
nous  sommes  des  hommes  mortels,  portant  des  vases  de  boue  (1), 
cause  pour  nous  de  mille  anxiétés.  Mais  si  ces  vases  de  chair  nous 

(1)  Allusion  à  ces  paroles  de  l'Apôtre  :  Nous  portons  ce  trésor  dans  des  vases  fragiles,  c'est-à- 
dire  dans  des  corps  pétris  de  limon.  (II  Cor.,  iv,  7.) 


intulit  :  «Etcui  voluerit  Fiiiiis  revelare,  » 
non  tantum  Patrem,  sed  etiani  Filium 
accipiaiuus  :  ad  tolum  eniin  quod  dixit, 
illatum  est;  Verbo  enitu  suo  ipse  Pater 
declaralur.  Verbum  autein  uoii  solnm 
id  quod  per  ^'erlJum  declarafur,  sed 
etiam  seipsum déclarât.  Chrys.  {inhomil. 
.'j9  ut  snp.)  Si  ergo  Patrcni  révélât,  et 
seipsum  révélât  :  sed  hoc  quidem  ut  ma 
nitestum  dimisit,  illud  autem  posuil; 
•juia  scilicet  poferat  esse  dubium  :  per 
lioc  etiam  instruit,  quod  adeo  concordat 
Patri,  quod  non  est  possibile  aliqueui 
venire  ad  Patrem,  nisi  per  Filium;  hoc 
enim  maxime  scandaUzabat,  quod  vide- 
batur  Deo  contrarius  :  et  ideo  per  omnia 
hoc  destruere  studuit. 


Venite  ad  me  omnes  qui  laboratis  et  onern: 
estis  ,  et  ego  reficiam  vos.  Tollite  jugin 
meum  super  vos  ;  discite  a  me  guia  mitis  si/" 
et  humilis  corde  ;  et  invenietis  requiem  animi- 
bus  vesiris  :  jugum  enim  meum  suave  est,  ■' 
omis  meum  levé. 

Chrys.  {in  homil.  39  ut  sup.)  Per  i  ■ 
quœ  dicta  sunt  m  desiderium  sui  disci- 
pulos  constituerai,  ostendeus  ineCfabileiu 
suam  virtutem  :  nunc  autem  eos  ad  ^l■ 
vocat  diceus  :  «  Venite  ad  me  omue- 
qui  lal)orati6  et  ouerati  estis.  »  Afo.  {de 
Vcrb.  Domin.  serm.  10.)  Quare  euiin 
I  mines  laboramus,  nisi  quia  sumus  bo- 
mines  mortales,  lutea  vasa  portantes, 
qu.-p  l'acnvuit  invicem  angnstias  ?  Sed  si 
angustienturvasacarnis,  dilatenturspatia 


DE   SAINT  MATTHIEU.   CHAP.    XI. 


157 


tiennent  à  l'étroit,  dilatons  du  moins  en  nous  les  espaces  de  la  cha- 
rit»''.  Car  pourquoi  vous  dit-il  :  «  Venez  à  moi ,  vous  tous  qui  êtes  fa- 
tigués, »  si  ce  n'est  pour  que  vous  cessiez  de  l'être.  —  S.  Hil.  {can.  11.) 
Il  appelle  aussi  à  lui  ceux  qui  soufifraient  des  difficultés  de  la  loi,  et 
•jui  étaient  accablés  sous  les  lourds  fardeaux  du  péché.  —  S.  Jér.  Que 
le  péché  soit  un  fardeau  accablant,  le  prophète  Zacharie  l'atteste 
lorsqu'il  nous  représente  l'iniquité  assise  sur  une  masse  de  plomb 
(chap,  v);  et  le  Psalmiste  le  confirme  par  son  exemple  {Ps.  xxvii), 
quand  il  dit  :  «  Mes  iniquités  se  sont  appesanties  sur  moi.  » 

S.  Grég.  {Moral,  xxx,  12.)  C'est  un  joug  bien  rude ,  c'est  un  bien 
dur  esclavage  que  de  se  soumettre  volontairement  aux  choses  du 
temps,  de  rechercher  avec  empressement  les  biens  de  la  terre,  de 
s'efi'orcer  de  retenir  ce  qui  nous  échappe ,  de  vouloir  se  fixer  sur  un 
terrain  sans  consistance,  de  désirer  les  choses  passagères,  et  de  nepas 
vouloir  passer  avec  elles.  Car,  tandis  qu'elles  fuient  toutes  contre 
notre  volonté,  nous  sommes  profondément  affectés  et  accablés  de  leur 
perte,  après  avoir  été  tourmentés  du  désir  de  les  posséder. 

S.  Chrys.  {hom.  39.)  Une  dit  pas  :  Que  celui-ci  ou  celui-là  vienne  à 
moi,  mais  :  Venez,  vous  tous  qui  vivez  dans  l'anxiété,  dans  la  tristesse, 
dans  le  péché;  venez  ,  non  pour  recevoir  le  châtiment  de  vos  péchés, 
mais  pour  en  être  délivrés  ;  venez,  non  pas  que  j'aie  besoin  de  la  gloire 
que  vous  pouvez  me  procurer',  mais  parce  que  je  veux  votre  salut; 
c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  ;  «  Et  je  vous  rétablirai.  »  Il  ne  dit  pas 
simplement  :  Je  vous  sauverai,  mais  ce  qui  est  beaucoup  plus  je 
vous  rétablirai,  c'est-à-dire  je  vous  ferai  jouir  d'un  repos  complet.  — 
Rab.  Non-seulement  je  vous  déchargerai,  mais  je  vous  rassasierai  de 
mes  consolations  intérieures.  —  Rémi.  «  Venez,  »  nous  dit-il,  non  en 


charitatis  :  ad  quid  ergo  dicit:  «  Venitead 
me,  omiies  qui  laboratis,  »  nisi  ut  nou 
laboretis,  Hil,\r.  (C'en.  11  utsup.)  Legis 
etiam  difficultatibus  laborantes,  et  pec- 
catis  seculi  oneratos,  ad  sevocat.  Hier. 
Gravia  enim  esse  ouera  peccati  et  Zaclia- 
rias  propheta  testatur  (cap.  5)  iniqui- 
tatem  dicens  sedere  super  taleutnm 
pkinibi  :  et  Psalmista  compte  vit  {Psol. 
37)  :  «  Iniquitates  mese  aggravatee  sunt 
super  me.  » 

Greo.  (xxx  Moral,  cap.  12.)  Asperum 
etiam  jugum  et  durum  servitutis  pondus 
est  subesse  temporalibus,  ambire  ter- 
rena,  retinere  labeatia,  vel  stare  in  non 
stantibus  ;  appetere  quidem  trauseim- 
tia,  sed  eu  m  transeuntibus  uolle  trans- 


ira. Dum  enim  contra  votum  cuucta  fu- 
giunt,  quae  prius  mentem  ex  desiderio 
adeptionis  afflixerant,  post  ex  pavore 
amissionis  premunt. 

Chrys.  (m  hoinil.  39  utsup.)  Non  au  • 
tem  dicit  :  «  Venite  ille  et  ille^  sed,  om- 
iies  ;  »  qui  in  sollicitudinibus,  qui  in  tris- 
titiis,  qui  in  peccatis  estis  ;  non  ut  ex- 
petam,  noxas  sed  ut  solvam  peccata  :  ce- 
nite,  non  quoniam  indigeo  vestra  glo- 
ria,  sed  quia  volo  vestram  salutem  :  unde 
dicit  :  «  Et  ego  reficiam  vos  :  »  nou  dixit  : 
Salvabo  solum,  sed  (quod  multoamplius 
crat),  reficiam  vos,  id  est,  in  omni 
quiète  constituam.  JLkb.  Non  solum  exone- 
rabo,  sed  interna  refectione  saturabo. 
Remig.  Venite  dicit^   non  pedibus,  sed 


458 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


dirigeant  vos  pas  vers  moi,  mais  toute  votre  vie_,  par  le  mouvement  de 
la  foi  et  non  par  celui  du  corps;  car  l'accès  que  Dieu  nous  donne  près 
(le  lui  est  tout  spirituel.  Il  ajoute  :  «  Prenez  mon  joug  sur  vous.  »  — 
Hab.  Le  joug  du  Christ,  c'est  son  Evangile  qui  unit  et  associe  les  Juife 
et  les  Gentils.  11  nous  ordonne  de  prendre  ce  joug  sur  nous,  c'est-à- 
dire  de  le  traiter  avec  honneur,  de  peur  qu'en  le  mettant  au-dessous 
de  nous,  c'est-à-dire  en  n'ayant  que  du  mépris  pour  lui ,  nous  ne  ve- 
nions à  le  fouler  sous  les  pieds  fangeux  des  vices  ;  c'est  pour  cela  qu'il 
ajoute  :  «  Apprenez  de  moi.  »  S.  Aug.  {serm.  10  sur  les  paroles  du 
Seig.)  Apprenez  de  moi ,  non  pas  à  créer  l'univers,  à  faire  des  mi- 
racles dans  ce  inonde,  mais  apprenez  que  je  suis  doux  et  humble  de 
cœur.  Voulez-vous  devenir  grand?  commencez  par  les  plus  petites 
choses.  Vous  proposez-vous  de  construire  un  édifice  d'une  hauteur 
prodigieuse  ?  occupez-vous  tout  d'abord  d'asseoir  les  fondements  à 
une  grande  profondeur  ;  plus  l'édifice  doit  être  élevé,  plus  les  fon- 
fements  que  l'on  creuse  doivent  être  profonds.  Or,  jusqu'où  doit  s^é- 
lever  le  sommet  de  l'édifice  que  nous  voulons  construire  ?  Jusque  sous 
les  regards  de  Dieu. 

Rab.  Il  nous  faut  donc  apprendre  de  notre  Sauveur  à  avoir  des 
mœurs  douces  et  des  sentiments  humbles,  à  ne  blesser  personne,  à  ne 
mépriser  personne  et  à  posséder  dans  le  fond  de  notre  cœur  les  vertus 
dont  nous  pratiquons  les  œuvres  au  dehors. — S.  Chrys.  [hom.  39.)  C'est 
pour  cela  que  Notre- Seigneur  a  commencé  l'exposition  de  ses  lois  di- 
vines (1*)  par  l'humilité,  et  qu'il  lui  promet  une  magnifique  récompense 

(1*)  Le  texte  de  saint  Chrysostome  éclaircit  ce  que  l'extrait  qu'en  donne  ici  saint  Thomas  laissr 
dans  l'obscurité.  En  effet  Notre-Seigneur  ne  commence  pas  ici  à  donner  ses  lois  divines  ;  il  l'a 
lait  précédeniment  :  aussi  saint  Chrysostome  dit-il  :  Aie  xal  àp/6(J.£voç  Ttov  Ôct'cov  èxîivcov 
vôfJLWv  ivTCùOev  YJp^aTO.  Kaî  èvTaûÔa  TvdÀiv  tô  aùxô  toOto  Ttotsî.  C'est  pourquoi  Notre-Sei- 
gneur  a  commencé  par  là  l'exposition  de  ses  divines  lois  ;  c'est  ce  qu'il  fait  encore  ici. 


moribus  ;  non  corporc,  sed  fide  :  iste 
iiamque  est  spiritnalis  accessus,  qiio  quis 
Deo  appropiuqnat  :  et  ideo  sequitiir  : 
«  ToUite  juguui  iiieuni  super  vos.  »  Rab. 
Jugum  Cbristi  est  Evaugelimu  Cliristi.. 
quodJiidœoset  geutes  iu  unilate  conjuu- 
git  et  sociat.  Ilocaulem  super  nos  jube- 
mur  sumere  (id  est,  iu  bouore  babere), 
ne  forte  subtus  ponentes  (id  est,  iUud 
prave  coutemuenles),  lutnlentis  pedibus 
vitiorum  couculceuuis  :  uude  subditur  : 
«  Discite  a  me.  »Ai'G.  [de  Ver.  JJoin. 
serm.  10.)  non  nuuidum  fabricare,  non 
in  ipso  muuiio  uiiracula  facere,  sed  quia 
mitis  sum  et  bumilis  corde.  ."Slaguuscsse 
vis  ?  A  minime  iucipe.  Cogitas  maguam 


fabricara  construere  celsitudinis  ?  De 
fundamento  prius  cogita  bumilitatis  :  o\ 
quanto  quisque  vultsuperimponere  maju- 
;edilicium,  tauto  altius  fodiat  fuudamen- 
lum.  Quo  autem  perveuturum  est  cacu- 
men  nostri  œditicii  ?  Usque  ad  conspec- 
tum  Dei. 

Rab.  Disceudum  ergo  nobis  est  a  Sal- 
vatore  uostro,  ut  simus  mites  moribu? 
et  bumiles  mèntibus  ;  neminem  laeda- 
mus,  neminem  coutemnamus  ;  et  virtute- 
quas  foris  osleudimus  in  opère,  intus 
teneamus  iu  corde.  Chrys.  (in  homil. 
30  lit  sup.)  Et  ideo  iuoipiens,  diviuas 
leges  ab  bumilitate  iucipit,  et  maximum 
praemium  pouit,  diceus  :  «  Et  invenietia 


DE  SAINT  MATTHIEU,    Cil  A  P.    XI.  159 

en  ajoutant  :  a  Et  vous  trouverez  le  repos  de  vos  âmes.  »  C'est  là,  en 
effet,  la  plus  grande  récompense  ;  car  c'est  ainsi  que  non-seulement 
vous  deviendrez  utiles  aux  autres  ,  mais  que  vous  vous  procurerez  à 
vous-mêmes  le  repos  intérieur.  Il  vous  donne  dès  maintenant  cette  ré- 
compense, en  attendant  le  repos  éternel  qu'il  vous  réserve  dans  l'a- 
venir. —  S.  Chrys.  {hom.  39.)  Pour  bannir  tout  sentiment  de  crainte 
que  pourrait  inspirer  l'idée  seule  de  joug  et  de  fardeau,  il  s'empresse 
d'ajouter  :  «  Mon  joug  est  doux,  et  mon  fardeau  léger.  »  —  S.  Hil. 
{canAi.)  Il  nous  propose  l'image  souriante  d'un  joug  suave  et  d'un 
fardeau  léger,  pour  donner  à  ceux  qui  croiront  en  lui  comme  un  pres- 
sentiment du  bonheur  que  lui  seul  a  vu  dans  le  sein  de  son  Père.  — 
S.  Grég.  {Moral,  iv.)  Quel  fardeau  si  lourd  impose-t-il  donc  à.  nos 
âmes  en  nous  commandant  de  fuir  tout  désir  qui  porte  le  trouble  dans 
notre  cœur,  et  en  nous  avertissant  d'éviter  les  sentiers  si  difficiles  de 
ce  monde?  —  S.  Hil.  Qu'y  a-t-il,  au  contraire,  de  plus  doux  que  ce 
joug  ,  de  plus  léger  que  ce  fardeau  :  s'abstenir  de  tout  crime  ,  vouloir 
le  bien,  repousser  le  mal ,  aimer  tous  les  bommes,  n'avoir  de  haine 
pour  personne,  chercher  à  mériter  les  biens  éternels,  ne  pas  se  laisser 
séduire  par  les  choses  présentes,  et  ne  jamais  faire  à  un  autre  ce  qu'on 
ne  voudrait  pas  souffrir  soi-même  ? 

Rab.  Mais  comment  le  joug  du  Christ  peut- il  être  plein  de  douceur, 
alors  que  lui-même  nous  dit  plus  haut  {Matth.  vii)  :  «  La  voie  qui 
conduit  à  la  vie  est  étroite  ?  »  C'est  que  ce  sentier  étroit  dans  le  com- 
mencement, s'élargit  avec  le  temps  par  les  ineffables  délices  de  la  cha- 
rité. —  S.  AuG.  [serm.  sur  les  paroles  du  Seig.)  Disons  encore  que 
ceux  qui  ont  pris  sur  eux  avec  courage  le  joug  du  Seigneur,  ont  à 
courir  des  dangers  si  considérables,  qu'on  peut  dire  avec  vérité  qu'ils 
ne  passent  jamais  du  travail  au  repos,  mais  toujours  du  repos  autra- 


requiem  auimabus  veslris  :  »  hoc  maxi- 
mum est  praemium  :  uou  enim  alteri  effi- 
ceris  utilis  solum,  sed  teipàum  requies- 
oere  facis;  et  aule  futura,  hauc  tibi  dat 
retributiouem  ;  iu  futuroantem  perpétua 
gaudebis  requie.  Chrys.  {utsup.)  Et  ue 
formidarent,  quia  dixeraf,  onvseijagnm^ 
subdit  :  «.  Jugum  euim  meum,  »  etc. 
HiLAR.  {Cant.  Il  iitsup.)  Jugi  autem 
suavis  et  levis  oueris  blandimenta  pro- 
ponit,  ut  credentibus  ejus  boui  s<Mentiam 
praistet  quod  ipse  solus  iiovit  ia  Pâtre. 
Greg.  (iv  Moral.)  Quid  grave  meutis 
nostrae  cervicibuâ  imponit,  qui  vitare 
omne  desiderium  quod  perturbât,  prge- 
cipit?  qui  declinare  laboriosa  mundi 
hujus  iûnera  monet?  Hilar.    Et    quid 


jugo  isto  suavius,  quid  hoc  onere  levius 
probatur  ?  scelere  abstiaere ,  bouuui 
velle,  mahim  nolle,  amare  omnes,  odisse 
uulluui,  seterna  consequi,  prseseutibus 
non  capi,  uolle  inferre  alteri  quod  sibi 
perpeti  sit  molestum"? 

Rab.  Sed  quomodo  jugum  Christi 
suave,  cum  supra  dicatur  {Motth.  7.)  : 
«  Arcta  est  via  quae  ducit  ad  vitam  ?»  Sed 
quod  angusto  initio  incipitur,  processu 
temporis  iueffabili  diieotionis  dulcedine 
dilatatur.  Aug.  [de  Ver.  Vom.  serm.  9.) 
Item  qui  jugum  Domini  intrepida  cer- 
vice  subierunt,  tam  difficilia  pericula  pa- 
tiuntur,  ut  non  a  laboribus  ad  quietem , 
sed  a  quiète  ad  iaborem  vocari  videan- 
tur,  sicut  et  Apostolus  de  se  dicit.  (Il  ad 


460 


EXPLICATION    DE  l'ÉVANGILE 


vail,  ainsi  que  rApôtrejle  dit  de  lui-même.  (Il  Cor.  vi.)  Cependant  l'Esprit 
saint  était  avec  lui  pour  renouveler  dejour  en  jour  l'homme  intérieur, 
au  milieu  des  ruines  toujours  croissantes  de  l'homme  extérieur ,  et 
grâce  au  repos  spirituel  qu'il  fait  goûter  à  l'âme  ,  à  l'abondance  des 
délices  toutes  divines  qu'il  rc-pand  dans  les  cœurs ,  à  l'espérance  du 
bonheur  éternel  qu'il  ntms  donne  ,  il  adoucissait  pour  lui  toutes  les 
rigueurs,  et  allégeait  tous  les  fardeaux  accablants  de  la  vie  présente. 
Les  hommes  consentent  à  être  déchirés  ou  brûlés  pour  racheter,  au 
prix  de  douleurs  aiguës  ,  non-seulement  les  douleurs  éternelles,  mais 
les  souffrances  prolongées  de  cette  vie.  Quelles  tempêtes,  quelles  tour- 
mentes n'ont  pas  aflrontées  les  marchands  pour  acquérir  des  richesses 
grosses  elles-mêmes  d'orages?  D'ailleurs  ceux  qui  ne  les  aiment  pas 
ont  à  supporter  les  mêmes  peines,  et  ceux  qui  les  aiment ,  tout  en  les 
supportant,  ne  s'en  trouvent  pas  accablés.  îl  en  est  ainsi  de  toutes  les 
autres  épreuves  ;  car  l'amour  rend  facile  et  réduit  presque  à  rien  ce 
qu'il  y  a  de  plus  terrible  et  de  plus  aflreux.  Combien  plus  sera-t-il  donc 
vrai  de  dire  que  la  charité  rend  facile  le  chemin  qui  conduit  au  vrai 
bonheur,  lorsque  la  cupidité  rend  facile  autant  qu'elle  le  peut  celui 
qui  n'aboutit  qu'à  la  misère?  —  S.  Jér.  Comment  peut-on  dire  que 
l'Evangile  est  un  joug  plus  léger  que  la  loi ,  alors  qu'il  punit  la  co- 
lère et  la  simple  convoitise,  taudis  que  la  loi  n'atteint  que  l'homicide 
et  l'adultère  ?  C'est  que  la  loi  renferme  un  grand  nombre  de  pré- 
ceptes dont  l'Apôtre  déclare  ouvertement  l'accomplissement  impos- 
sible. La  loi  exige  les  œuvres;  l'Evangile  demande  surtout  la  volonté, 
et,  n'eût-elle  pas  son  effet,  elle  ne  perd  pas  sa  récompense.  L'Evangile 
nous  commande  ce  qui  nous  est  possible,  c'est-à-dire  de  ne  pas 
nourrir  de  mauvais  désirs,  ce  qui  dépend  de  notre  volonté  ;  la  loi,  qui 
n'atteint  pas  la  volonté,  punit  seulement  le  fait  pour  vous  détourner 


Corinth.  6.)  Sed  profecto  aderat  Spiritus 
Sauctus,  qui  in  fixterioris  homhiis  cor- 
riiptione  iuleriorein  renovaret  de  die  iu 
dicm  ;  et  gustata  requie  spirituali,  iu 
al'llueutia  deliciarum  Dei,  in  spe  futurie 
beatiludiiiis,  oninia  prœsentia  deliuiret 
aspera,  et  orauia  gravia  relevaret.  Secari 
et  uri  se  liouiines  patiuntur,  ut  dolores 
non  œlerni,  sed  aliquanto  diuturnioris 
idceris,  acriorum  dolorum  pretio  redi- 
inautur.  Quibus  tempeslatibus  vel  pro- 
(■ellis  impleti  sunt  mercatore:^,  ut  divi- 
tias  ventosasacqiiirant?  Sed  «pii  bas  uou 
amant,  cadcm  gravia  patiuntur  ;  qui  vero 
amant,  eadeui  quidem,  sed  non  gravia 
patiuntur  :  et  sic  de  aliis  eliani  dii-i  po- 
test  ;  omuia  eniin   saeva  et    imuiauia; 


prorsus  faciba  et  prope  nuba  efficit 
amor  :  quanto  ergo  facibus  ad  veram 
l)eatitudinem  cbaritas  facit,  quod  aduii- 
seriaiu  (quantum  potuit)  cupidilas  fecit  ? 
lIiKR.  Quomodo  etiam  levius  est  lege 
Kvangebum,  cum  in  lege  bomicidium 
et  adulterium,  in  Evangebo  ira  con- 
cupiscentiaque  puniatur  ?  [Matth.  5.) 
In  lege  multa  praecepta  sunt,  quae  Apo- 
stolus  non  posse  compleri,  plenissime 
docet.  (Act.  15.)  In  lege  opéra  requi- 
runtur,  iu  Evangebo  volunlas  qua^ri- 
tur  ;  qua;  etsi  eirectum  non  babuerit, 
lamou  prœmiuui  non  amiltit.  Kvange- 
lium  ea  pra'cipit,  qu;v  possumus,  ne 
scibcet  coucupiscamus  :  boc  iu  uoslro 
arbitrio  est  :  lex  cum  voluntatem  non 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XI.  i61 

de  l'adultère.  Supposez  qu'une  vierge  soit  outragée  dans  une  persé- 
cution, l'Evangile  la  recevra  comme  vierge  ,  parce  que  sa  volonté  n'a 
pas  consenti  au  péché ,  tandis  que  la  loi  la  rejettera  comme  ayant 
perdu  son  honneur. 


puniat,  punit  effectum,  ne  adulterium 
lacias.  Finge  in  persecutione  aliquatn 
virgiaem  prostitutam  :  hsec  apud  Evan- 


geliuin,  quia  voluntate  non  peccat,  virgo 
suscipitur  :  in  lege,  quasi  corrupta  re- 
pudiatur. 


TOM.    11. 


i\ 


CHAPITRÉ  XII. 

SOMMAIRE    ANALYTIQUE. 

y.  1-8.  —  Liaison  des  faits  racontés  dans  ce  chapitre  avec  ce  qui  précède.  — 
Dans  quelle  intention  Notre-Seigneur  conduit-il  ses  disciples  le  long  des  tilés? 

—  Austérité  de  -vie  des  Apôtres,  leur  zèle  pour  suivre  Jésus-Christ.  —  Pour- 
quoi les  IMiarisicns  attaquent  plutôt  les  disciples  sur  l'observation  du  sabbat 
que  sur  les  épis  qu'ils  prenaient.  —  Réponse  de  Notre-Seigneur  ;  argument 
ad  hominem  tiré  de  l'exemple  de  David,  qu'ils  sont  obligés  d'excuser.  —  Pour- 
quoi choisit-il  cet  exemple  ?  —  Condition  exigée  de  David  et  des  gens  de  sa 
suite  pour  manger  les  pains  de  proposition.  —  Comment  cet  exemple  justi- 
fie-t-il  ses  disciples  du  reproche  qui  leur  était  fait  de  violer  le  sabbat?  — 
Autre  raison  tirée  de  l'exemple  des  prêtres  ;  nouvel  argument  ad  hominem. 

—  Comment  ces  exemples  justifient  pleinement  les  Apôtres.  —  Pourquoi 
Notre-Seigneur  emprunte  ces  deux  exemples,  l'un  à  la  puissance  royale, 
l'autre  au  ministère  sacerdotal.  —  Il  ramène  de  nouveau  les  Pharisiens  à  la 
pensée  de  la  miséricorde.  —  Autre  raison  qui  justifie  ses  disciples,  tirée  de 
ce  que  le  Fils  de  l'homme  est  le  maître  du  sabbat.  —  hiterprétation  mystique 
de  ce  fait  évangélique.  —  Toute  l'œuvre  du  salut  renfermée  dans  la  miséri- 
corde. 

y.  9-13.  Les  Pharisiens  s'attachent  à  calomnier  le  Sauveur  lui-même  à  l'occa- 
sion de  la  guérison  du  paralytique.  —  Cette  guérison  eut-elle  lieu  le  même 
jour  du  sabbat  que  le  précédent  ?  —  Piège  que  lui  tendent  les  Pharisiens  dans 
la  question  qu'ils  lui  adressent.  —  Conmient  concilier  saint  Matthieu  avec 
saint  Marc  et  saint  Luc,  d'après  lesquels  c'est  Notre-Seigneur  lui-même  qui  in- 
terroge les  Pharisiens  ?  —  Notre-Seigneur  répond  à  cette  question,  et  confond 
en  même  temps  leur  avarice.  —  Pourquoi  choisit-il  le  jour  du  sabbat  pour 
opérer  cette  guérison?  —  Explication  mystique  île  cette  guérison.  —  Pour- 
quoi cette  guérison  après  que  les  Apôtres  avaient  traversé  les  moissons.  — 
Que  signifie  cette  main  desséchée^  etc. 

y.  14-21.  —  Comment  les  Pharisiens  reconnaissent  ce  miracle.  —  Pourquoi 
Notre-Seigneur  se  dérobe  à  la  haine  de  ses  ennemis.  —  Pourquoi  recom- 
mande-t-il  le  silence  à  ceux  qu'il  guérit?  —  Dans  quel  dessein  l'Evangéliste 
cite  la  prophétie  d'Isaïe  —  Voici  mon  serviteur,  etc.  —  Explication  des  dif- 
férentes parties  de  cette  prophétie?  —  Quel  est  ce  roseau  cassé  et  cette  mèche 
fumante  ?  —  Que  signifient  ces  paroles  :  «  Jusqu'à  ce  qu'il  fasse  triompher  la 
justice  de  sa  cause?»  —  Ce  passage  du  prophète  en  confirme  une  multitude 
d'autres. 

y.  22-24.  —  Miracle  tpii  fut  pour  les  Pharisiens  l'occasion  du  blasphème  contre 
le  Saint-Esprit.  —  Malice  surprenante  du  démon  qui  avait  fermé  les  deux 
passages  par  oii  la  foi  aurait  pu  entrer  dans  cet  homme.  —  Trois  prodiges 
opérés  dans  un  seul  homme.  —  Ils  se  renouvellent  tous  les  jours  dans  la  con- 
version de  ceux  qui  embrassent  la  foi.  —  Dessein  particulier  de  Dieu  dans  la 
guérison  de  ce  possédé.  —  Il  est  la  figure  des  Gentils.  —  Celui  qui  ne  croit 
pas  est  tout  à  la  fois  possédé,  aveugle  et  nniet. —  Cette  guérison  est  la  même 
que  celle  qui  est  racontée  par  saint  Luc.  —  Impression  diflerente  que  produit 
ce  miracle  sur  la  multitude  et  sur  les  Pharisiens.  —  A  qui  attribuent-ils  la 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE  DE   S.    MATTHIEU,    CHAP.    XII.         d63 

puissance  qu'avait  Jésus-Christ  de  chasser  les  démons?  —  Ce  que  c'est  que 
Beelzébub. 

.  25,  26.  —  Notre-Seigneur  répond  à  leurs  pensées  les  plus  secrètes.  —  Il  leur 
répond  avec  douceur. —  Il  ne  relève  pas  la  volonté  mauvaise  qu'ils  avaient  de 
l'accuser.  —  11  tire  sa  réponse  et  emprunte  ses  exemples  des  choses  les  plus 
connues.  —  Comparaison  du  royaume,  de  la  cité ,  de  la  maison  ou  règne  la 
division.  —  Richesse  et  fécondité  de  la  parole  de  Dieu.  —  Sens  intime  et  si- 
gnification mystérieuse  de  ce  passage. —  Dilemne  dans  lequel  Notre-Seigneur 
renferme  ses  accusateurs. 

.  27,  28.  —  Seconde  réponse  plus  évidente.  —  Que  faut-il  entendre  par  les  en- 
fants dont  parle  ici  Notre-Seigneur? —  Comment  il  conduit  ses  accusateurs 
à  la  connaissance  de  Dieu  et  de  lui-même.  —  Quel  est  ce  royaume  de  Dieu  qui 
est  parvenu  jusqu'à  eux? 

.  29.  —  Troisième  réponse.  —  On  ne  peut  chasser  le  démon  sans  l'avoir  vaincu. 

—  Puissance  de  Notre-Seigneur  sur  le  démon.  —  Qu'est-ce  que  la  maison  du 
démon?  —  Pourquoi  cependant,  malgré  cette  victoire  du  Sauveur  sur  le  dé- 
mon, nous  ne  devons  pas  être  sans  crainte.  —  Comment  a-t-il  pillé  la  maison 
du  fort? 

.  .30.  —  Quatrième  réponse.  —  Dans  quel  sens  n'être  pas  avec  Jésus-Christ, 
c'est  être  contre  lui?  —  A  qui  faut-il  appliquer  ces  paroles? 
.  31,  32.  —  Jugement  sévère  que  prononcé  le  Sauveur  contre  l'interprétation 
calomnieuse  des  Pharisiens.  —  Le  pardon  offert  à  tous  les  pécheurs  repen- 
tants. —  Quel  est  ce  blasphème  qui  ne  sera  remis  ni  dans  ce  siècle  ni  dans 
l'autre?  —  Explications  diverses  des  saints  docteurs. 

.  33,  35.  —  Comment  Notre-Seigneur  confond  de  nouveau  l'impudence  de 
ses  ennemis.  —  Dilemme  dans  lequel  il  les  enfei^me.  —  On  doit  juger  l'arbre 
par  ses  fruits,  les  Pharisiens  font  le  contraire.  —  Quels  sont  ceux  que  le  Sau- 
veur condamne  par  ces  paroles  ?  —  Que  faut-il  entendre  par  ce  bon  arbre  ?  — 
Obligation  pour  nous  de  produire  de  bons  fruits,  si  nous  voulons  être  de  bons 
arbres.  —  Quels  sont  ceux  qu'il  désigne  sous  la  figure  d'arbres  mauvais?  — 
Pourquoi  les  appelle-t-il  race  de  vipères?  —  Quand  un  homme  parle-t-il  de 
l'abondance  du  cœur  ?  —  Quel  est  le  trésor  du  cœur  ?  —  Non-seulement  les 
paroles  coupables ,  mais  les  mauvaises  pensées  recevront  leur  châtiment.  — 
Les  mauvais  discours  indiquent  un  fond  bien  plus  mauvais  encore. 
.  36,  37.  —  Quelle  est  cette  parole  oiseuse  dont  les  hommes  rendront  compte  ? 

—  Différentes  explications  des  saints  docteurs.  —  Sera-t-on  justifié  par  les 
bonnes  paroles  comme  on  sera  condamné  pour  les  mauvaises  ?  —  Nous  serons 
jugés  non  sur  ce  qu'on  aura  dit  de  nous,  mais  sur  ce  que  nous  aurons  dit 
nous-mêmes. 

.  38-40.  —  Malice  persévérante  des  Pharisiens.  —  Quelle  espèce  de  prodige 
demandaient-ils  à  Notre-Seigneur?  —  Inutilité  de  ce  prodige  pour  eux.  — 
Après  avilir  outragé  le  Sauveur,  ils  cherchent  à  le  flatter.  —  Sévérité  avec 
laquelle  Notre-Seigneur  les  reprend.  —  Quel  est  ce  signe  du  prophète  Jonas 
qui  leur  sera  donné  ?  —  Comment  doit-on  compter  les  trois  jours  et  les  trois 
nuits  pendant  lesquels  Notre-Seigneur  est  resté  dans  le  tombeau  ? 
.  41-42.  —  Les  Juifs  n'eurent  pas  le  même  sort  que  les  Ninivites.  —  Equité 
de  leur  condamnation.  —  Il  n'y  aura  qu'une  seule  résurrection  pour  les  bons 
et  les  méchants.  —  Comment  les  Ninivites  et  la  reine  de  Saba  condamneront 
cette  génération  ?  -^  De  quoi  les  Ninivites  et  cette  reine  sont-ils  la  figure  "^ 


164 


EXPLICATION   DE   L  ÉVANGILE 


.  43-4b.  —  Châtiraents  sévères  que  les  Juifs  auront  à  souffrir  non-seulement 
dans  l'autre  vie,  mais  dans  celle-ci.  —  Cet  exemple  du  démon  qui  revient 
avec  sept  esprits  plus  mauvais  que  lui  doit  s'entendre  des  Juifs.  —  Quels  sont 
les  lieux  arides.—  Que  figurent  ces  sept  esprits  plus  mauvais  que  le  démon  ? 
—  Comment  le  dernier  état  est  pire  que  le  premier.  —  Explication  morale  de 
ce  passage. 

.  46-50.  —  A  quel  moment  les  parents  du  Sauveur  viennent-ils  demander  à 
lui  parler"/  —  Quels  sont  (;es  frères  du  Seigneur  dont  parle  l'Evangéliste  ?  — 
Vanité  et  prétention  des  parents  du  Sauveur.—  Ce  qu'ils  auraient  dû  faire.— 
Dans  quelle  intention  vient-on  annoncer  à  Notre-Seigneur  que  ses  parents 
demandent  à  lui  parler  ?  —  Réponse  qu'il  fait. —  Peut-on  l'accuser  de  dédain 
ou  d'indifférence  pour  sa  mère  ?  —  Peut-on  dire  qu'il  l'a  reniée?  —  Ce  qu'il 
nous  apprend  par  cette  conduite.  —  Comment  peut-on  devenir  le  frère,  la 
mère  du  Sauveur  ?  —  La  confiance  que  nous  inspire  notre  parenté  ne  doit 
pas  nous  faire  négliger  la  pratique  de  la  vertu.  —  Comment  nous  pouvons  as- 
pirer légitimement  à  l'honneur  de  la  maternité  divine.  —  Explication  allégo- 
rique de  ce  fait  historique. 


^T^  1_8^  —  £,i  ce  temps-là,  Jésus  passait  le  long  des  blés  un  jour  de  sabbat,  et 
ses  disciples  ayant  faim,  se  mirent  à  rompre  des  épis  et  à  en  manger.  Ce  que 
les  pharisiens  voyant,  ils  lui  dirent  :  Voilà  vos  disciples  qui  font  ce  qu'il 
7i' est  point  permis  de  faire  aux  jours  du  sabbat.  Mais  il  leur  dit  :  N'avez- 
vous  point  lu  ce  que  fit  David,  lorsque  lui  et  ceux  qui  l'accompagnaient  furent 
pressés  de  la  faim?  Comme  il  entra  dans  la  maison  de  Dieu  et  mangea  des 
pains  de  proposition ,  dojit  il  n'était  permis  de  manger  ni  à  lui  ni  à  ceux  qui 
étaient  avec  lui,  mais  aux  prêtres  seuls?  (i)  Ou  n'avez-vous  poirit  lu  dans  la 
loi  que  les  prêtres,  aux  jours  du  sabbat,  violent  le  sabbat  dans  le  temple  et 
ne  sont  pas  néanmoins  coupables?  Or,  je  vous  déclare  que  celui  qui  est  ici  est 

■  plus  grand  que  le  temple.  Que  si  vous  saviez  bien  ce  que  veut  dire  cette 
parole  :  J'aime  mieux  la  miséricorde  que  le  sacrifice,  vous  yi'auriez  jamais 
condamné  des  innocents.  Car  le  Fils  de  l'homme  est  maître  même  du  sabbat. 

La  Glose.  Après  avoir  raconté  les  prédications  et  les  miracles  qui 

(1)  La  phrase  serait  plus  claire  dans  le  texte  de  la  Vulgate,  si  au  lieu  de  nisi,  il  y  avait  serf  solis 
sacerdotibus,  et  elle  ne  donnerait  pas  à  entendre  qu'il  pouvait  y  avoir  des  prêtres  parmi  ceux  qui 
étaient  avec  David. 


CAPUT   XII. 


Jn  i!!o  Icmporc  :  abiil  Jésus  per  sata  sabbato; 
(liscipuli  autem  ejiis  esurientes  cœperunt  vel- 
Ifire  xpiras  et  manducare.  Pliarisœi  autem  vi- 
ih'iites,  dixerunt  ei  :  Ecce  discipuli  tui  facUtnt 
quod  non  licet  eis  facerc'sabbatis.  At  iUe  dixit 
pis  :  Non  legistis  quid  fecit  David  quando  esu- 
riit  ipse,  et  qui  cum  eo  erant  ;  quomodo  intraiit 
in  domum  Dei,  et  panes  propositionis  comedil. 


quos  non  licebat  ei  edere;  neque  his  qui  cum 
eo  erant,  nisi  solis  sacerdotibus  ?  Aut  non  le- 
gistis in  leye  quia  sabbatis  sacerdotes  in  tem- 
plo  sahbatutn  dotant,  et  sine  crimine  sunt  '.' 
Dico  autem  vobis  quia  templo  major  est  hic. 
Si  autem  sciretis  quid  est,  inisericordiam  volo, 
et  non  sacrificium ,  nunquam  condemnassetis 
innocentes  :  Dominus  enim  est  Filius  fiominis 
etiatn  sabbati. 

Glossa.    Narrata   prœdicatioue    cum 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XII.  165 

eurent  lieu  l'année  qui  précéda  le  supplice  de  Jean-Baptiste  ,  l'Evan- 
géliste  passe  aux  événements  de  l'année  qui  suivit  la  mort  du  saint 
précurseur,  alors  que  Jésus-Christ  commence  à  être  en  butte  à  toutes 
sortes  de  contradictions,  et  il  ouvre'son  récit  par  ces  paroles  :  «  Dans 
ce  temps-là,  »  etc. 

S.  AuG.  {de  l'accord  des  Evang.,  liv.  ii,  cliap.  34.)  Ce  qui  suit  est 
raconté  par  saint  Marc  (chap.  ii)  et  par  saint  Luc  (chap.  yi)  sans 
l'ombre  même  de  contradiction  ;  mais  ils  ne  disent  pas  :  a  En  ce  temps 
là  ;  »  d'où  l'on  peut  conclure  que  saint  Matthieu  suit  dans  sa  narra- 
tion l'ordre  des  faits,  et  les  autres  l'ordre  de  leurs  souvenirs,  à  moins 
qu'on  ne  donne  un  sens  plus  large  à  ces  paroles  :  «  En  ce  temps  là,  » 
c'est-à-dire  dans  le  temps  où  toutes  ces  choses  et  une  foule  d'autres  faits 
avaient  lieu.  Toutes  ces  choses  se  seraient  donc  passées  après  la  mort 
de  Jean  (l);  car  on  croit  qu'il  fut  décapité  peu  de  temps  après  qu'il 
eut  envoyé  ses  disciples  consulter  Jésus-Christ.  Cette  locution  :  «  Dans 
ce  temps-là,  »  exprimerait  alors  un  temps  indéterminé. 

S.  Chrys,  [hom.  40.)  Mais  pourquoi  le  Sauveur,  dont  la  prescience 
s'étendait  à  tout,  conduisait-il  ses  Apôtres  le  long  des  blés  un  jour  de 
sabbat  si  son  intention  n'était  pas  que  le  sabbat  fût  violé  ?  Il  le  vou- 
lait en  effet,  mais  non  pas  absolument,  c'est-à-dire  sans  raison  ,  et  il 
choisissait  une  occasion  légitime  de  mettre  fin  à  la  loi ,  sans  paraître 
la  violer.  Aussi  pour  adoucir  les  esprits  des  Juifs  prévenus  contre  lui, 
il  met  en  avant  la  nécessité  :  «  Ses  disciples  ayant  faim.  »  Ce  n'est 
pas,  sans  doute,  qu'il  puisse  y  avoir  jamais  d'excuse  pour  ce  qui  est 
évidemment  péché  ;  ainsi  ni  l'homicide  ne  peut  s'excuser  par  l'excès 

(1)  La  seconde  partie  de  cette  citation  ne  se  trouve  pas  en  termes  exprès  dans  saint  Aue:ustin, 
mais  on  la  trouve  en  termes  équivalents  dans  le  chapitre  43  et  dans  les  suivants. 


miraculis  unius  auui  ante  quaestionem 
Joannis  factis,  transit  ad  ea  quae  facta 
sunt  in  alio  anno,  scilicet  post  morteui 
Joannis,  quando  jam  in  omnibus  Christo 
contradieitur  :  unde  dicit  :  «  In  illo  tem- 
pore,  »  etc. 

AuG.  [de  Cons.  Ecang,  lib.  ii,  cap.  34.) 
Hoc  autem  qiiod  hic  sequitur,  sine  ulla 
repugnantise  quaestione  commemoratur 
a  Marco  (cap.  2)  et  a  Luca  (cap.  6),  sed 
illi  non  dicunt  :  «  In  illo  tempore  ;  » 
unde  fortassis  Matthaeus  rei  gestae  hic 
ordiuem  tenuit,  illi  autem  recordationis 
suae  ;  nisi  latins  accipiatur  quod  dictum 
est  :  «  In  illo  tempore,  »  id  est  quchrec 
multa  et  diversa  gerebanlur.  Unde  con- 
cipitur  ista  omnia  post  mortem  Joannis 
compléta  esse.  Cum  enim  Joannes  disci- 


pulos  suos  ad  Christum  misisset,  creditur 
post  paululum  decollatus  fuisse  :  unde 
cum  dicitur  :  «  In  illo  tempore,  »  inter- 
minatum  tempus  ponere  videtur. 

Chrys.  (in  liomil.  40  in  Molih.)  (in&ve 
autem  per  sata  sabbato  eos  ducebat  qui 
omnia  prascivit,  nisi  quia  volebat  sol- 
veresabbatum  ?  Yolebat  quidem,  sed  non 
simpUciter  :  ideoque  non  sine  causa  id 
solvit,  sed  dans  occasionem  rationabilem, 
ut  et  legem  cessare  faciat  et  legem  non 
offeudat  ;  et  ideo  hic  ut  Judaeos  mitiget, 
naturœ  necessitatem  prîemittit  :  et  hoc 
est  quod  dicitur  :  «  Discipuli  autem  ejus 
esurientes,  »  etc.  Quamvis  in  peccatis 
quae  manifesta  sunt,  nuUa  sit  excusatio 
(neque  enim  occidens,  ad  sui  excusa- 
tionem  potest  furorem  prœtendere  ;  neque 


16(1 


EXPLICATION   DE    L  ÉVANGILE 


de  la  colère^  ni  l'adultère  par  la  violence  de  ses  désirs  ou  par  toute 
autre  cause  ;  ici  néanmoins  ,  en  alléguant  la  nécessite  de  la  faim,  il 
délivre  ses  disciples  de  toute  culpabilité. 

S.  Jér.  Nous  lisons  dans  un  autre  Evangéliste,  que  les  disciples, 
importunés  par  la  foule,  n'avaient  même  pas  le  temps  de  manger  :  ils 
avaient  donc  naturellement  faim.  Ils  apaisent  cette  faim  en  broyant 
entre  leurs  mains  des  épis  de  blé ,  preuve  de  l'austérité  de  leur  vie  ; 
ils  n'ont  pas  besoin  d'aliments  recherchés ,  la  plus  simple  nourriture 
leur  suffit.  —  S.  Ciirys.  {hojn.  -40.)  Admirez  ces  disciples,  qui  dans 
une  aussi  dure  nécessité,  n'ont  aucun  souci  de  leur  corps,  oublient  la 
nourriture  qu'il  réclame,  et  qui,  bien  que  pressés  par  la  faim,  ne  se 
séparent  pas  de  Jésus-Christ;  car  ils  n'auraient  pas  eu  recours  à  ce 
moyen  s'ils  n'y  avaient  été  poussés  par  une  faim  violente.  Que  trou- 
vèrent donc  à  reprendre  les  pharisiens  dans  cette  action  ?  L'Evangé- 
liste  nous  l'apprend  :  «  Ce  que  les  pharisiens  voyant ,  ils  lui  dirent  : 
Voilà  que  vos  disciples  font  ce  qu'il  n'est  pas  permis  de  faire  le  jour 
du  sabbat.  »  —  S.  Aug.  {du  trav.  des  inoines,  chap.  xxiii.)  L'accusa- 
tion des  Juifs  contre  les  disciples  du  Seigneur  porte  plutôt  sur  la  vio- 
lation du  sabbat  que  sur  le  vol  qu'ils  auraient  commis  ;  car  la  loi  dé- 
fendait aux  enfants  d'Israël ,  de  ne  saisir  comme  voleur  dans  leurs 
champs,  que  celui  qui  voulait  emporter  quelque  chose  avec  lui,  et  ils 
devaient  laisser  aller  en  liberté,  et  sans  lui  infliger  aucune  peine,  celui 
qui  n'y  avait  pris  que  ce  qu'il  voulait  manger  (I). 

S.  Jér.  Remarquez  que  les  premiers  Apôtres  du  Sauveur,  en  dé- 
truisant l'observation  littérale  du  sabbat ,  condamnent  les  Ebionites, 

(1)  Cette  défense  n'est  pas  mentionnée  en  termes  exprès  dans  le  Deutéronome,  chap.  xxiii,  mais 
elle  est  une  conséquence  naturelle  du  verset  25. 


qui  adultérât,  concnpiscenliam  ;  sed  nec 
ullam  aliam  causaiu),  hic  tamen  fameni 
inducens,  discipulos  ab  omui  accusalioue 
libérât. 

Hier.  Ut  autem  iii  alio  Evaugelista  le- 
gimus  [Marc.  6),  propterniiuiamimpor- 
tunitatem  nec  vescendi  quideui  habeliant 
lociini,  et  ideo  quasi  homiues  esuriebaut. 
Quod  autem  spicas  segetuui  mauibus 
confricaut  et  inediam  consolantur,  vit* 
austerioris  indicium  est,  non  pr;eparatas 
epulas,  sed  simpliceni  cibuni  qufpren- 
tiuui.  CiinYS.  [in  liomil.  'lO  nf  xnp.)  ïu 
autem  admirare  discipulos  qui  ita  eranl 
oppressi,  et  millaiu  corporaliuui  liabe- 
bant  curam,  sed  et  contemnebnnt  car- 
nalem  mensam,  et  famo  oppujiuabanlur, 
uec  tameu  desislebanl  a  Cluislo  :  uisi 


eniui  eos  cogeret  vehementer  esuries, 
nequaquam  hoc  fecissent.  Quid  autem 
pharissei  ad  hoc  dicerent,  subditur  : 
«  Pharissei  autem  videntes,  dixeruntei: 
Ecce  discipuli  tui  faciuut  quod  non  licet 
sabbato.  »  AuG.  [de  Opère  monacho- 
riiiu,  cap.  23.)  De  sabbato  autem  potius 
quam  de  furto  discipulos  Domiui  Judaei 
i-alumniati  suut ,  quia  populo  Israël  per 
lepem  prseceptum  est  [Denteron.  23)  ut 
in  agris  suis  furem  nuUum  teuereut,  nisi 
qui  secuni  aliipiid  vellet  auferre  :  nam 
qui  nihil  aliud  attigisset  quam  id  quod 
i-omedisset,  liberum  impuuitumqueabire 
siiicreut. 

HiEH.  Nota  vero  quod  primi  apostoli 
Salvatoris  litteram  sabbali  destruuntad- 
versus  Eblouitas,  qui  cum  cœteros  reci- 


DE  SAINT  MATTHIEU,  CHAP.  XII.  167 

qui  reçoivent  tous  les  Apôtres  à  l'exception  de  saint  Paul,  qu'ils  re- 
jettent comme  transgresseur  de  la  loi.  Or,  quelle  excuse  le  Sauveur 
donne-t-il  de  leur  conduite  :  «  N'avez-vous  pas  lu  ce  que  fit  David 
lorsqu'il  avait  faim  ?  »  Pour  détruire  l'accusation  calomuieuse  des 
pharisiens,  il  leur  rappelle  ce  fait  de  l'histoire  ancienne ,  alors  que 
David,  fuyant  la  colère  de  Said ,  vint  à  Nobé  ,  où  il  fut  reçu  par  le 
grand-prètre  Achimélech  ,  et  lui  demanda  de  lui  donner  à  manger. 
(I  Rois,  XXI.)  Achimélech,  n'ayant  pas  de  pain  ordinaire  ,  lui  donna 
les  pains  sauctiliés ,  qu'il  n'était  permis  de  manger  qu'aux  prêtres 
seuls  et  aux  lévites  {LéviL  xxiv);  il  jugea  qu'il  valait  mieux  arracher 
des  hommes  au  danger  de  la  faim  que  d'offrir  un  sacrifice  à  Dieu, 
car  sauver  les  hommes,  c'est  une  hostie  (jui  lui  est  on  ne  peut  plus 
agréable.  C'est  cette  raison  que  le  Seigneur  leur  oppose  par  ce  raison- 
nement :  si  vous  regardez  David  comme  un  saint,  si  vous  n'osez  in- 
iriminer  la  conduite  du  grand  prêtre  Achimélech,,  alors  que  tous  deux 
ont  transgressé  la  loi  pour  une  raison  plausible,  tirée  de  la  faim  qu'il 
(éprouvait,  pourquoi  ne  pas  accepter  en  faveur  de  mes  disciples  le 
motif  d'excuse  que  vous  approuvez  dans  les  autres?  11  y  avait  d'ailleurs 
une  grande  différence  entre  ces  deux  faits  :  les  uns  ne  faisaient  que 
broyer  quelques  épis  entre  leurs  mains  le  jour  du  sabbat ,  tandis 
que  les  autres  avaient  mangé  des  pains  destinés  aux  seuls  lévites 
dans  un  jour  où  les  fêtes  des  Néoménies  (l*)  venaient  s'ajouter  à 
la  solennité  du  sabbat.  C'était,  en  effet,  à  l'occasion  de  ces  fêtes 

(1')  La  néoméuie,  du  grec  néoménia,  vcO|J.r|Vta,  est  la  nouvelle  lune,  le  nouveau  mois,  et  le  pre- 
mier jour  du  mois  lunaire.  L'auteur  de  la  Vulgate,  accommodant  son  langage  à  la  coutume  des 
Homains,  donne  le  nom  de  calendes  au  premier  jour  de  chaque  mois  des  Hébreux,  ou  à  la  néo- 
ménie  (1  Rois,  xx,  3t);  mais  les  néoménies  se  comptaient  non  des  conjonctions  do  la  lune  et  du 
soleil,  mais  des  premières  phases  de  la  lune.  Moïse  avait  ordonné  que  ce  jour  fût  célébré  avec 
une  dévotion  particulière,  regardant  le  renouvellement  des  phases  de  la  lune  comme  une  des 
marques  les  plus  sensibles  et  les  plus  éclatantes  du  soin  avec  lequel  la  Providence  divine  gou- 
verne l'univers;  mais  pour  écarter  de  cette  solennité  toutes  les  superstitions  des  Gentils,  il 
avait  eu  la  précaution  d'en  régler  le  cérémonial  de  la  manière  la  plus  précise  et  la  plus  détail- 
lée. (Nomb,,  xxvni,  H,  15;  x,  10.) 


piant  apostolos,  Paiilum  taïKpiam  traus- 
sressorem  legis  répudiant.  Deiude  ad 
e.Kcusationem  eorum  subditur  :  «  Al  ille 
dixit  eis  :  Non  legistis  quid  feceril  David 
quando  esuriit  ?  »  Ad  cout'utaudam  ^iqui- 
dem  caliiinniam  pharisiEorum,  veteri.- 
recordatur  historiuî,  quaudo  David  fu- 
giens  Saulem  veuit  Nobbaui,  et  ab  A<;iii- 
melecb  sauerdote  susceptus  postulavit 
cibos  (I  Beç/.  21)  ;  qui  cum  panes  laicos 
non  haberet,  dédit  ei  consecrato^  panes, 
quibns  non  licebat  vesci,  nisi  solis  saeer- 
dotibus  et  levitis  {Levit.  24);  melius  ar- 
bitratus  de  famis  periculo  bomines  libe- 


rare  ,  quam  Dec  sacriticium  offerre  : 
bostia  enim  Dec  placabilis  est  boiuiuuni 
sakis.  Opponit  erpo  Dominus,  et  dicit  : 
«  Si  et  David  sanetus  est,  et  Acbimelecb 
pontifex  a  vobis  non  reprehenditur,  el 
uterque  legis  mandatum  probabili  excu- 
satioue  transgressisnnt,  et  faines  in  causa 
est  ;  cur  eamdem  finieui  non  probatis 
in  apostolis,  quam  prubalis  in  cœteris?  » 
Quanqnam  et  in  hoc  niulta  distantia  sit: 
isti  spicas  in  sabbato  manu  confricant, 
illi  panes  comederunt  leviticos  ;  et  ad 
sabbati  solemnitatem  accedebant  ueo- 
meuiarum    dies,    quibus    requisitus    in 


168  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGÏLE 

que  David,  qui  devait  s'asseoir  à  la  table  du  roi,  s'était  enfui  de  la 


cour. 


S.  Chrys.  {hom.  40.)  Notre-Seigneur  cite  l'exemple  de  David  pour 
excuser  ses  disciples,  car  l'autorité  du  Roi-Prophète  était  grande  parmi 
les  Juifs.  Et  ils  ne  pouvaient  lui  objecter  que  David  était  prophète, 
car  ce  titre  ne  lui  donnait  aucun  droit  de  manger  des  pains  réservés 
aux  prêtres  seuls.  Or,  plus  l'exemple  qu'il  choisit  est  grand,  plus 
le  motif  d'excuse  qu'il  invoque  en  faveur  de  ses  disciples  est  pé- 
reraptoire.  D'ailleurs  si  David  était  prophète,  les  gens  de  sa  suite  ne 
l'étaient  pas.  —  S.  Jér.  Remarquez  cependant  que  ni  David  ni  les 
gens  de  sa  suite  ne  mangèrent  des  pains  de  proposition  qu'après  avoir 
affirmé  qu'ils  étaient  purs  de  tout  contact  avec  les  femmes.  —  S.  Chrys. 
{hom.  M.)  Mais  on  me  dira  :  Que  fait  cet  exemple  à  la  question  qui 
nous  occupe?  car  David  n'a  pas  transgressé  le  sabbat.  Notre-Seigneur 
nous  montre  ici  son  admirable  sagesse,  en  choisissant  l'exemple  d'une 
transgression  plus  grande  que  la  violation  du  sabbat ,  car  on  est 
beaucoup  moins  coupable  de  transgresser  le  sabbat ,  ce  qui  est  bien 
souvent  arrivé,  que  de  toucher  à  cette  table  sainte,  ce  qui  n'était  per- 
mis à  personne.  Il  donne  ensuite  une  solution  différente  et  plus  di- 
recte en  ajoutant  :  «  Est-ce  que  vous  n'avez  pas  lu  dans  la  loi  que  les 
prêtres  violent  le  sabbat  dans  le  temple  ,  et  ne  sont  pas  néanmoins 
coupables  ?»  —  S.  Jér.  Comme  s'il  disait  :  Vous  accusez  mes  dis- 
ciples de  ce  qu'étant  pressés  par  la  faim  ils  ont  broyé  quelques  épis 
le  jour  du  sabbat,  lorsque  vous-mêmes  vous  violez  le  sabbat  dans  le 
temple  en  immolant  des  victimes,  en  égorgeant  des  taureaux,  en  brû- 
lant des  holocaustes  sur  des  bûchers  enflammés;  et  d'après  le  texte 
d'un  autre  Evangéliste  {Jean^  vu),  vous  donnez  la  circoncision  à  vo^ 


convivio  fu^t  ex  aula  regia.  (I  Reg.  20.) 
Chrys.  [in  homil.  40  ut  sup.)  Excu- 
sans  autem  disdpulos,  David  in  médium 
addiicit  :  etenim  imilta  propheta?  hujus 
•■rat  gloria  apud  Judaîos.  Nec  potest 
responderi,  quod  David  propheta  erat; 
<[uia  nec  propter  hoc  ei  licebat,  sed  sa- 
cerdotibus  solis  ;  tanto  autem  magis  dis- 
cipulos  ab  accusatione  libérât,  qnanto 
major  invenitur  ijui  foc  fecit  :  sed  efsi 
David  proplieta  erat,  non  tamenquicum 
ipso  erant.  IIikr.  Observa  tamen  quod 
panes  prnpositionis,  nec  David,  necpueri 
ejus  acceperunt,  antequam  inmidos  se  a 
mulieribus  esse  responderiut.  Ciiuys. 
{ut  Slip.)  Sed  dicef  aliquis  :  «  O'ii'l  ''■'^t 
exeniplum  hoc  ad  quod  (jua'riUn"' »  Non 
enim  David  sabbalum  transgressus  est  : 


sed  in  hoc  ostenditur  Christi  sapientia. 
quod  ahud  exemplum  affert  sabbato 
majus  :  neque  enim  est  sequale  transgredi 
sabbali  diem  (  quod  multoties  factuni 
est),  et  sacram  iliam  tangere  mensam, 
qnod  nuUi  fas  erat.  Deinde  rursus  et  ali- 
ter solvit,  principaliorem  iuduceus  solu- 
tionem,  cum  dicit  :  «  Autnon  legistis  in 
lege,  quia  sabbatis  saeerdotes  in  lemplti 
sabbatum  violant,  et  sine  crimine  sunt  ?» 
HiKR.  Ac  sidiceret:  «  Calumniamini  dis- 
«•ipulos  meos,  cur  sabbato  spicas  trive- 
rint,  famis  necessitate  cogeute  ;  cum  ipsi 
saldiatum  vinletis  in  templo  immolantes 
victimas.  ca'dentes  tauros.  holocausia 
super  lignorum  struem  incendio  coucre- 
manles  :  »  et  juxta  altcrius  Evangelii 
iidem  {Joan.  7)  :  •<  Circuuiciditis  parvu- 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XII. 


169 


enfants  le  jour  du  sabbat,  violant  ainsi  la  loi  du  sabbat  pour  en 
observer  une  autre.  Lt's  lois  de  Dieu  ne  se  détruisent  pas  récipro- 
quement, et  c'est  avec  une  sagesse  vraiment  admirable  que  pour  jus- 
tifier ses  Apôtres  de  les  avoir  transgressées,  il  montre  (pi'ils  n'ont  fait 
que  suivre  les  exemples  d'Achimélecli  "  et  de  David.  Il  fait  voir  en 
même  temps  que  les  auteurs  de  cette  calomnie  sont  eux-mêmes  cou- 
pables d'une  transgression  du  sabbat  bien  plus  réelle,  sans  avoir  pour 
eux  l'excuse  de  la  nécessité. 

S.  Chrys.  {hom.  iO.)  Et  ne  me  dites  pas  que  ce  n'est  pas  se  justifier 
que  de  s'appuyer  sur  l'exemple  d'au  autre  qui  est  également  cou- 
pable ;  car  lorsque  l'auteur  d'un  fait  n'est  pas  accusé  ,  ce  fait  peut 
être  invoqué  comme  moyen  de  justification  (1*).  Mais  Notre-Seigneur 
ne  se  contente  pas  de"  cette  raison ,  et  il  en  apporte  une  bien  plus 
forte  en  ajoutant  que  ceux  qu'il  a  choisis  pour  exemples  ne  sont  point 
coupables.  Et  voyez  que  de  circonstances  réunies  :  le  lieu ,  c'est  dans 
le  temple  ;  le  temps,  c'est  le  jour  du  sabbat;  le  fait  lui-même,  ce  n'est 
pas  une  simple  infraction,  c'est  une  violation  de  la  loi^  et  cependant 
non-seulement  ils  ne  sont  soumis  à  aucune  peine  ,  mais  ils  sont 
exempts  de  toute  faute  ;  ce  qu'il  exprime  en  ces  termes  :  «  Et  ils  ne 
sont  pas  coupables.  »  Or,  ce  second  exemple  n'est  cependant  point 
semblable  au  premier.  Le  premier  n'a  eu  lieu  qu'une  fois ,  il  a  été 
donné  par  David  qui  n'était  pas  prêtre ,  et  qui  avait  pour  lui  l'excuse 
de  la  nécessité  ;  le  second ,  au  contraire,  se  reproduit  tous  les  jours 
du  sabbat  dans  la  personne  des  prêtres^  et  il  est  selon  la  loi,  et  ainsi 
ce  n'est  plus  seulement  par  indulgence,  mais  en  suivant  la  rigueur  de 
la  loi,  que  la  conduite  de  ses  disciples  est  justifiée.  Mais  est-ce  que  les 

(l*j  Le  texte  grec  ici  comme  en  beaucoup  d'autres  circonstances  précise  bien  plus  clairement  \r- 
seus  que  la  traduction  latine.  "Orav  yàp  [xr;  ÈYxa),î^Tai  ô  itîTrcityixôj;,  vôfxoç  à7:o),OY£aç  yîvî- 
Tai  TÔ  To),(j.r;6£v. 


los  in  sabbatû  :  ut  dum  aliam  legem  ser- 
vare  cupitis,  sabbatum  destruatis.  »  Nun- 
rjuam  autem  leges  Dei  sibi  coiitrarise 
sunt,  pt  prudeuter  ubi  discipiilL  sui  ar- 
gui  poterant  trausgressioniS;  et  Acbime- 
lech,  et  David,  dixit  exeiupla  sectatos; 
veram  autem  et  absijue  necessitatis  ob- 
tentu  sabbati  pr.-Bvaricationem  in  ipsos 
refert  qui  calumniam  fecerant. 

Chrys.  [in  /lomil.  iO  nt  siip.)  Ne  autem 
mibi  dicas  quoniaui  afTerre  iu  médium 
aiium  peccantem,  non  est  erui  ab  aceu- 
satione  :  cimi  enim  non  accusatur  qui 
fecit,  excasatio  fit  circa  id  i[uod  i'actum 
est.  Verum  hoc  non  Inc  sufticit;  sed  quod 
niajus    est  dixit,    quod  «  sine   crimiae 


simt.)'  Vide  autem  quanta posuit.Locum 
ubi  dicit,  in  templo  :  tempu?,  cum  dicit, 
siibbatis  ,rem  ipsam,  cum  dicit,  riolant, 
et  non  solum,  solvunt.  Et  quod  non 
solum  liberantur  a  pœna,  sed  a  culpa 
Hberati  sunt.  Uude  dicit  :  <<  Sine  crimine 
sunt.»  Neque  autem  hoc  secimdura  si- 
mile  est  priori,  quod  dixerat  de  David. 
Illud  enim  et  semel  factum  est,  et  ;i 
David  non  sacerdote ,  et  necessitatis 
causa  :  hoc  autem  secundum  singub) 
sabbato,  et  a  sacerdotibus,  et  secundum 
legem  :  et  ideo  non  secundum  veuiam, 
ut  in  primo  exemplo,  sed  secimdum  le- 
gem (discipuli)  ab  accusatione  sunt  li- 
berati.  Sed  nunquid  discipuh  sunt  sacer- 


170 


EXPLICATION   DE   I,  EVANdILE 


disciples  sont  prêtres  ?  Ils  sont  plus  que  prêtres  ,  car  ils  avaient  avec 
eux  le  Seigneur  du  temple,  qui  n'est  plus  une  figure,  mais  bien  la  vé- 
rité; c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  :  «  Je  vous  dis  qu'il  y  a  ici  quelqu'un 
plus  grand  que  le  temple.  »  —  S.  Jér.  Le  mot  hic  doit  être  pris  ici  non 
pas  comme  prouom,  mais  comme  adverbe  de  lieu  (1*),  c'est-à-diie  (jue 
le  lieu  où  se  trouvait  lo  maître  du  temple  était  plus  grand  que  le 
temple  lui-mèuie. 

S.  AuG.  [Qucst.  évang.^  liv.  ii,  cbap.  10.)  Il  faut  remarquer  que 
Notre-Seigneur  emprunte  le  premier  exem[>le  à  la  puissance  royale 
dans  la  personne  de  David,  et  le  second  au  ministère  sacerdotal  dans 
la  personne  des  .prêtres  (jui  violent  le  sabbat  pour  le  service  du 
temple.  L'accusation  tirée  des  épis  froissés  le  jour  du  sabbat  ne  pouvait 
donc  en  aucune  manière  peser  sur  lui,  qui  était  vrai  roi  et  le  prêtre 
véritable.  —  S.  Ghrys.  {hom.  40.)  Ce  qu'il  venait  de  dire  pouvait  pa- 
raître dur  à  ceux  qui  l'entendaient;  il  les  ramène  de  nouveau  à  la 
pensée  de  la  miséricorde,  et  en  parle  avec  une  certaine  force  de  lan- 
gage en  leur  disant  :  «  Si  vous  saviez  bien  ce  que  signifie  cette  pa- 
role :  Je  veux  la  miséricorde  et  non  le  sacrifice,  vous  n'auriez  jamais 
condamné  des  innocents.  »  —  S.  Jér.  Nous  avons  déjà  expliqué  plus 
haut  (2)  ce  que  signifient  ces  paroles  :  «  J'aime  mieux  la  miséricorde 
que  le  sacrifice.  »  Quant  à  celles  qui  suivent  :  «  Jamais  vous  n'auriez 
condamné  des  innocents,  »  elles  doivent  s'entendre  des  Apôtres  dans 
ce  sens;  «si  vous  approuvez  la  commisération  d'Acbimélech  qui  donne 
du  pain  à  David  pressé  par  la  faim  ,  pourquoi  condamnez-vous  mes 

(1*)  11  y  a  en  efiet  dans  le  texte  grec  wÔ£,  et  non  pas  oùxo;.  L'interprétation  de  saint  Jérùme 
n'est  cependant  pas  la  plus  généralement  admise,  car  mémo  en  admettant  que  le  mot  liic  soit 
adverbe  de  lien  et  non  pas  un  pronom,  il  est  plus  naturel  de  traduire  :  n  Or  je  vous  déclare  que 
celui  qui  est  ici  est  plus  grand  que  le  temple.  « 

(2)  Matth.,  IX,  13. 


dotes"?  Imo  siml  tfacenlotibiis  majores  : 
ipse  enim  adeiat  qui  terapli  est  doniinus, 
(|iii  Veritas  est  et  iiou  typus  :  et  ideo 
subditur  :  «  Dico  autcin  vobis  ({uia  tem- 
plo  major  est  hic.  » 

Hii'.R.  Iliv.  non  pronomeii,  sed  adver- 
bium  \on  lejiendiim  est.  qiiod  major  tem- 
plosit  iocus,  qui  Doniinnm  templi  teueat. 

AuG.  {(h'.  Quœst.  l'irnn/.  iib.  n,  cap. 
10.)  Nolandum  antcin  unum  exomplum 
datum  esse  roftia'  potestalis  de  David  ; 
alteruin  sacerdotalis  de  bis  qui  propter 
minislcriuiu  teuipli  sabbata  violant  ;  ut 
nudto  uiiiius  atl  ipsuni  evulsaniui  sab- 
bato  spicarum  crinien  perliueat .  tpii 
verus  rex  et  verus  sacerdos  est.  Curys. 


(in  Iiomil.  40  ut  sup.)  Deiiide,  quia  grave 
audientibus  videbatur  essequod  dixerat, 
vursus  convolât  ad  misericordiam.  ser- 
luouem  cuiu  quadam  veheiuentia  indu- 
ceus,  cum  dicit  :  «  Si  autem  sciretis 
quid  est.  misericordiam  volo  et  non  sa- 
criticium ,  uunquam  condemnassetis  in- 
nocentes. »  IhER.  Quid  autem  est,  «mi- 
sericordiam volo  et  non  sacriticiimi ,  » 
supra  diximus.  Qnodanlem  dixit  :  «  Nnn- 
quam  condemnassetis  innocentes,  »  de 
apostolis  intelliiieudum  est  :  et  est  sen- 
sus  :  «  Si  misericordiaiu  comprobaslis 
Acliimelech.  eo  qnod  periclitantem  Tame 
David  refocillavit.  quare  meosdiscipnlos 
coudemuatis  ?  » 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAl^    XH.  171 

disciples?  »  —  S.  Ciirys.  {hom.  40.)  Voyez  comment  il  revient  de 
nouveau  sur  la  nécessité  de  la  miséricorde,  et  comment  il  prouve  que 
ses  disciples  sont  au-dessus  du  pardon,  en  déclarant  qu'ils  sont  inno- 
cents, comme  il  l'avait  dit  plus  haut  des  prêtres.  Il  donne  ensuite  une 
nouvelle  raison  de  leur  innocence,  en  ajoutant  :  «  Le  Fils  de  l'homme 
est  maître  même  du  sabbat.  »  —  Rémi.  Or,  le  Fils  de  l'homme,  c'est 
lui-même,  et  voici  le  sens  de  ces  paroles  :  Celui  que  vous  regardez 
comme  un  simple  mortcd  est  Dieu,  le  Seigneur  de  toutes  les  créatures, 
et  le  maître  du  sabbat  ;  il  peut  donc  changer  la  loi  à  son  gré,  puisque 
c'est  lui  qui  l'a  faite.  —  S.  Aug.  {cont.  Faust,  xvi,  28.)  Il  ne  défend 
pas  à  SOS  disciples  de  broyer  des  épis  le  jour  du  sabbat,  pour  con- 
damner les  Juifs  d'alors  et  les  Manichéens  qui  devaient  venir  plus 
tard,  et  qui  n'osent  arracher  l'herbe,  de  peur  de  commettre  un  ho- 
micide. 

S.  HiL.  {can.  12  su?'  S.  Matth.)  Dans  le  sens  mystique,  remarquons 
tout  d'abord  que  ce  discours  commence  par  ces  paroles  :  «  Dans  ce 
temps-là,  »  c'est-a-dire  dans  le  temps  où  il  rendit  grâces  à  Dieu  son 
Père  du  salut  auquel  il  appelait  les  Gentils.  Ce  champ  que  traversent 
les  disciples,  c'est  lejnonde;  le  sabbat,  c'est  le  repos;  la  moisson, 
le  progrès  de  ceux  qui  doivent  embrasser  la  foi  et  s'avancer  vers  la 
maturité  (1).  Donc  cette  entrée  dans  le  champ  le  jour  du  sabbat,  c'est 
l'ayénement  du  Seigneur  dans  le  monde ,  lorsque  la  loi  était  comme 
frappée  d'inactivité  ;  cette  faim,  c'est  le  désir  qu'il  avait  du  salut  des 
hommes.  —  Rab.  Ils  cueillent  des  épis,  lorsqu'ils  attachent  les  hommes 

(1)  Le  mot  XaXixi  profectus  a  successivement  deux  sens  dans  cette  phrase;  il  s'gnifie  d'abord 
progrès,  et  vient  du  verbe  proficio ;  appliqué  ensuite  à  Jésus-Christ,  il  signifie  entrée  et  vient  du 
verbe  proficiscor,  et  voici  le  sens  de  cette  phrase  :  L'entrée  dans  ce  champ  le  jour  du  sabbat,  qui 
est  le  jonr  du  repos,  signifie  l'avènement  de  Jésus-Christ,  ou  son  entrée  dans  le  monde ,  alors 
que  la  loi  de  Moïse  a  dû  demeurer  inactive  et  toucher  à  sa  fin. 


Chrys.  {ht  homil.  40  vt  sup.)  Vide 
aiitem  rursus  qualiter  ad  veuiaiu  dueeus 
sermouem,  discipulos  riirsus  venia  supe- 
riores  ostendit,  in  lioc  quod  dicit  eos 
innocentes  ;  quod  quidem  supra  et  de 
sacerdotibus  dixerat  :  deiude  et  aliam 
causam  dicit,  quare  sint  innocentes,  di- 
cens  :  «  Dominas  euim  est  Filius  liomi- 
nis  etiam  sabbati.  »  Hemig.  Filiuui  au- 
teniboniinis  seipsum  appellat;  et  est  sen- 
sus  :  «  Ille  (jucm  vos  purum  liomineni 
putatis,  Deiis  est,  oniniiiui  creaturarum 
Dominus,et  etiam  sabbati  ;  et  ideo  potest 
legem  mulare  pro  sua  voluutate,  (piia 
feciteam.  »  Aug.  {contra FausLUb.  wi, 
cap.  28.)  Discipulos  autem  suos  vellere 


spicas  sabbato  non  prohibuit  ;  ut  iude 
couvinceret,  et  preeseutes  Judaeos ,  et 
futuros  ManiclicBos,  qui  lierbam  non 
evellunt,  ne  homicidium  perpètrent. 

HiLAR.  (Can.  12,,  in  Matth.)  Mystice 
autem,  iu  principio  est  contuendum,ser- 
monem  hune  ita  cœptum  esse  in  illo 
tempore,  quo  scilicet  Deo  Patri  irratiani 
de  data  gentibus  sainte coufessus  est.  Arjer 
autem  mundus  est  ;  sabbatnm  otium  est; 
seges,  crediturorum  profecUisin  messem  : 
ergo  sabbato  in  agrumprofectus,  in  legis 
otio  Domini  progressus  in  hune  mundum 
est  ;  esuries  lames  est  salulis  humanae. 
Rab.  {et expressins  Glossa.)  Spicas  vel- 
luut,   dum  singulos  homiues  a  terrena 


172 


KXPUCATION   DE    L  EVANGILE 


aux  désirs  de  la  terre;  ils  broient  ces  épis  lorsqu'ils  dépouillent  les 
âmes  de  la  concupiscence  delà  chair  ;  ils  mangent  les  grains,  lorsqu'ils 
incorporent  à  l'Eglise  les  âmes  qu'ils  viennent  de  purifier,  —  S.  AuG. 
[Quest.  évanr/.^  ii,  2.)  Personne  ne  peut  faire  partiedu  corps  de  Jésus- 
Christ,  s'il  ne  s'est  dépouillé  de  ses  vêtements  charnels,  selon  cette 
recommandation  de  l'Apôtre  :  or  Dépouillez-vous  du  vieil  homme.  » 
{Coloss.  III.)  —  La  Glose.  Les  Apôtres  font  cette  action  le  jour  du 
sabbat,  c'est-à-dire  dans  l'espérance  du  repos  éternel  auquel  ils  in- 
vitent tous  les  hommes.  —  Rab.  On  peut  dire  aussi  que  ceux  qui 
trouvent  leurs  délices  dans  la  méditation  des  Ecritures,  marchent  le 
long  des  blés  avec  le  Seigneur;  ils  ont  faim,  parce  qu'ils  ont  le  désir 
d'y  trouver  le  pain  de  vie,  c'est-à-dire  l'amour  de  Dieu  ;  ils  arrachent 
les  épis  et  ils  les  broient  lorsqu'ils  discutent  les  témoignages  de  l'Ecri- 
ture pour  y  trouver  ce  qui  est  caché  sous  la  lettre ,  et  ils  font  cela  le 
jour  du  sabbat_,  alors  qu'ils  sont  plus  libres  des  pensées  tumultueuses 
(lu  monde. 

S.  HiL.  Les  pharisiens,  qui  croyaient  avoir  entre  leurs  mains  la  clef 
des  cieux,  reprochent  aux  disciples  d'avoir  fait  ce  que  la  loi  leur  dé- 
fendait. Le  Seigneur  leur  répond  en  leur  donnant  un  avertissement 
qui  contient  une  espèce  de  prophétie  ;  et  pour  montrer  que  ce  genre 
d'actions  renfermait  une  souveraine  efficacité,  il  ajoute  :  «  Si  vous 
saviez  ce  que  signifient  ces  paroles  :  Je  préfère  la  miséricorde  au 
sacrifice.  »  Eu  effet,  l'œuvre  de  notre  salut  ne  dépend  pas  du  sacri- 
fice, mais  de  la  miséricorde  ;  et,  la  loi  cessant  d'exister,  nous  sommes 
sauvés  par  la  bonté  de  Dieu.  Or,  s'ils  avaient  compris  la  grandeur  de 
ce  don,  jamais  ils  n'auraient  condamné  des  innocents,  c'est-à-dire  les 
Apôtres,   qu'ils  accusaient  par  jalousie  d'avoir   transgressé   la  loi. 


intentioue  retrahunt  ;  fricant,  dum  a 
concupiscentia  carnis  mentes  exuuut  ; 
irrana  comedunt  dum  emundatos  in  cor- 
pus Ecclesiae  trajioiunt.  Ari;.  (de  Qu(Est. 
Kvang.  lib.  n,  cap.  2.)  Nulius  autem 
transit  in  corpus  Chrisli,  nisi  carnalibus 
spoliatus  fuerit  indumentis  ;  secundum 
illud  Apostoli  {ad  Coloss.  3)  :  «  Exuite 
vos  veterem  hominem.»  GLOss.\.Sal)l>ato 
lioc  aj^unt,  scilicet  spe  qnielis  a»tc'rna\, 
ad  ([uam  et  alios  invitant.  ]{.vu.  Itom  am- 
bulant per  sofa  l'um  Domino,  <jni  in 
Siriptnrarum  meilitalione  deleclaiitur  ; 
rsiniiiiit  dum  panem  vita?  !id  est,  l)ei 
amorein  )  in  eis  invenire  desiderant  ; 
reliant  spicas  et  tenint ,  dum  tes- 
timonia  discutiunt  donecinveuiant  quod 


latebat  in  littera  :  et  hoc  sahbato,  dum 
a  turbidis  cogitatiouibus  vacant. 

HiLAR.  Pharisœi  qui  pênes  se  claveui 
cddorum  esse  existiuiabant,  illicita  agere 
disi'ipulos  arguurît,  (juos  Dominus  (in 
quibus  sub  rerum  argumente  propheti.-e 
ratio  continetur;  admonuit;  atque  ulos- 
tenderet  omueni  rerum  efticientiam  liane 
specim  futuri  operis  oontlnere,  adjecit  : 
«  Si  aulem  sciretis  quid  est.  misericor- 
diam  volo ,  et  non  sacrificimn.  »  Opus 
enim  sahitis  nostrœ,  non  in  sacriticio, 
sed  in  misiM'icordia  est;  et  loge  cessante, 
in  Dei  bonitate  salvanuir.  l'ujus  rei  do- 
nuni  si  intellexissent.  nunquam  condeai- 
uasseut  innocentes  (id  est  apostolos), 
({uos  iusimulaturi  erant  traugressœ  legis 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAI'.    XII.  173 

Car  les  anciens  sacrifices  étant  abrogés  ,  la  loi  nouvelle  ,  loi  de  misé- 
ricorde, venait  au  secours  de  tous  les  hommes  par  le  moyen  des 
Apôtres. 

\.  9-1  iJ.  —  Etiint  parti  de  là,  il  vint  en  leur  synagogue,  où  il  trouva  un 
homme  ijui  avait  une  main  séchée.  Ils  lui  demandèrent ,  pour  avoir  un  sujet 
de  l'accuser,  s'il  était  permis  de  guérir  aux  jours  du  sabbat.  Mais  il  leur 
répondit  :  Qui  sera  l'homme  d'entre  vous  qui,  ayant  une  brebis  qui  vienne  à. 
tomber  dmis  une  fosse  le  jour  du  sabbat,  ne  la  prendra  pas  pour  l'en  retirer  J 
Or,  combien  un  homme  est-il  plus  excellent  qu'une  brebis  !  Il  est  donc  permis 
de  faire  du  bien  le  jour  du  sabbat.  Alors  il  dit  à  cet  homme  :  Etendez  votre 
main.  Il  l'étcndit,  et  elle  devint  saine  comme  l'atitre. 

S.  JÉit.  Comme  NotrQ-Seigneur  avait  victorieusement  justifié  sas 
disciples  du  reproche  qu'on  leur  faisait  d'avoir  violé  le  jour  du  sabbat, 
les  pharisiens  s'attachent  à  le  calomnier  lui-même.  «  Etant  parti  de 
là,  dit  l'écrivain  sacré,  il  vint  dans  leur  synagogue.» — S.  Hil.  {can.  12.) 
Ce  qui  précède  s'était  passé  au  milieu  des  champs,  et  ce  n'est  qu'après 
qu'il  entre  dans  la  synagogue.  —  S.  Aug.  [de  l'accoî^d  des  Evang.,  ii, 
35.)  On  pourrait  croire  que  le  fait  des  épis  et  la  guérison  que  saint 
Matthieu  raconte  à  la  suite  ont  eu  lieu  le  même  jour  ,  puisque  dans 
ce  dernier  cas  il  fait  encore  mention  du  jour  du  sabbat,  si  d'ailleurs 
saint  Luc  ne  nous  apprenait  qu'il  opéra  cette  guérison  un  autre  jour 
de  sabbat.  Cette  manière  de  s'exprimer  de  saint  Matthieu  :  «  Et  par- 
tant de  là ,  il  vint  dans  leur  synagogue ,  »  signifie  donc  seulement 
qu'il  ne  vint  dans  la  synagogue  qu'après  avoir  quitté  le  champ ,  sans 
indiquer  si  c'est  immédiatement  ou  plusieurs  jours  après;  et  cela  suffit 
pour  donner  raison  au  récit  de  saint  Luc,  qui  rattache  cette  guérison 
à  un  autre  jour  de  sabbat. 


invidia  ;  curu  sacrificiorum  vetustate 
cessante  universis  per  eos  misericordiee 
uovitas  subveniret. 

Fa  eum  inde  transisset,  venit  in  synagogam  eo- 
rum  :  et  ecce  hotiw  manum  habens  aridam.  Et 
iitterrogahaiit  eum,  dicentes  :  Si  licet  sabbatis 
curare  '.'  ut  accusareiit  eum.  Jpse  autem  dixit 
eis  :  Quis  erit  ex  vobis  horno  qui  fiabeat  ovein 
unam;et  si  ceciderit  hœc  sabbatis  in  foveam, 
nonne  tenebit  et  levabit?  Quanto  magis  melior 
est  homo  ooe  !  llaque  licet  sabbatis  benefacere. 
Tune  ait  honiini  :  Extende  manum  tuam.  Et 
extendit,  et  restituta  est  sanitati,  sicut  altéra. 

Hier.  Quia  deslructiouem  sabbalL  qua 
discipulos  arguebant,  probabili  exemple 
excusaverat,  ipsum  caluiuDiari  volunl. 
Uude  dicitur  :  «  Et  eum  iiide  transisset, 
venit  lu  synagogam,  »  etc.  Hilar.  {Can. 


12  ut  sup.)  Hsec  enim  qua;  prœmissa 
sunt^  in  campo  dicta  gestaque  sont;  et 
post  bœc  synagogam  iugreditur.  Aug. 
[de  Concor.  seu  Cous.  Evang.  lib.  ii, 
cap.  35.)  Posset  autem  putari  eodem 
die  factum,  et  de  spicis,  et  de  isto  saua- 
to,  ([uouiam  et  sabbatum  hic  comme- 
moratur  :  uisi  Lucas  aperuisset  (cap.  6.) 
alio  sabbato  factum  fuisse.  Proinde  quod 
dicit  Mattliaius  :  «  Et  eum  inde  transis- 
set,  venit  in  synagogam  eorum  :  »  non 
quidem  venit,  nisi  eum  inde  transisset  : 
sed  post  quot  dies  in  synagogam  eoruni 
venerit,  posteaquam  a  segete  illa  trau- 
siit,  au  recte  continuoque  illuc  ierit,  non 
expressum  est  :  ac  per  hoc  locus  datur 
narrationi  Lucœ  qui  dicit  alio  sabbato 
hujusmodi  manum  fuisse  sanatam. 


174  EXPLICATION  DE   l/ÉVANGlLE 

S.  HiL.  {can.  12.)  A  peine  est-il  entré  dans  la  synagogue  ,  qu'ils  lui 
présentent  un  homme  dont  la  main  est  desséchée,  et  lui  demandent 
s'il  est  permis  de  guérir  le  jour  du  sabhat ,  pour  trouver  dans  sa  ré- 
ponse une  occasion  de  le  condamner.  «  Et  il  se  trouva  là  un  homme 
qui  avait  une  main  desséchée,  et  ils  l'interrogeaient,  »  etc. 

S.  CiiRYS.  {Iiom.  41.)  Ils  interrogent  non  pour  s'instruire,  mais  pour 
trouver  occasion  de  l'accuser,  comme  l'Evangéliste  le  dit  clairement  : 
«  Afin  de  pouvoir  l'accuser.  »  Le  fait  seul  suffisait  à  leurs  mauvais 
desseins,  mais  ils  veulent  le  prendre  dans  ses  paroles  pour  se  ménager 
contre  lui  un  plus  grand  nombre  de  sujets  d'accusation.  —  S.  Jèr.  Ils 
lui  demandent  s'il  est  permis  de  guérir  le  jour  du  sabbat,  afin  do  l'ac- 
cuser de  cruauté,  d'impuissance  s'il  s'en  abstient ,  et  de  transgression 
de  la  loi  s'il  guérit  cet  homme. 

S.  AuG.  {de  l'accord  des  Evang.,  ii,  33.1  On  peut  être  surpris  de  ce 
que  saint  INlatthieu  dit  que  ce  sont  les  pharisiens  eux-mêmes  qui  de- 
mandent au  Seigneur  s'il  est  permis  de  guérir  le  jour  du  sabbat_, 
tandis  que  saint  Marc  et  saint  Luc  racontent  que  c'est  le  Seigneur  lui- 
même  qui  leur  fait  cette  question  :  «  Est-il  permis  de  faire  du  bien  le 
jour  du  sabbat  ou  de  faire  du  mal?  »  11  faut  donc  comprendre  qu'ils 
l'interrogèrent  les  premiers ,  en  lui  demandant  :  «  Est-il  permis  de 
guérir  le  jour  du  sabbat?  »  Le  Seigneur ,  voyant  dans  leur  pensée 
qu'ils  cherchaient  une  occasion  de  l'accuser ,  place  au  milieu  d'eux 
celui  qu'il  devait  guérir .  et  leur  adresse  la  question  rapportée  par 
saint  Marc  et  saint  Luc  ;  et  comme  ils  gardent  le  silence,  il  leur  pro- 

(1)  Marc,  III,  4  ;  Luc,  vi,  'J.  Saint  Marc  omet  ces  paroles  :  «  Je  vous  le  demande,  u  que  rapporte 
saint  Luc. 


lliLAR.  (r«».  12«^  sup.)  lufïresso  axv- 
li'iii  syiiajiopam,  bomiuem  aridfP  maoïis 
offenint,  interrogantes  an  curare  sabba- 
tis  liceret,  occasionem  arguendi  eum  ex 
respousione  quœrentes  :  unde  sequitur: 
<(  Ecce  bomo  maniim  habens  aridam  : 
et  iuterrogabaut,  »  etc. 

Chkys.  [in  homil.  41,  in  Matth.)  Nou 
auteiu  interrogaut  ut  addiscant,  sed  ut 
accusent  eum  :  unde  sequitur  :  «  Ut  ac- 
cusarenl  eum  :  »  quamvis  et  ipsum  opus 
sufficeret,  si  accusare  volebant  :  sed  et 
per  verba  volebant  captionem  invcnire, 
majoreni  cupiani  argutionum  sibi  pra?- 
parantes.  Hikr.  Et  interrogaut  utruni 
liceal  curaro  sabbalis,  ut  si  non  cura- 
verit,  erudelitatis  aut  imbecillitatis  ;  si 


curaverit,  Irausgressiouis  vilin  eum  ac- 
cusent. 

AuG.  {de  Cous.  Evancj.  lib.  ii,  cap. 
35.)  Sed  potest  movere,  quoniodo  Mat- 
tbœus  dixerit,  ([uod  ipsi  iuterrogaveruut 
Dominum,  si  licet  sabbato  curare  ?  cuni 
Marcus  et  Lucas  illos  polius  a  Domiuo 
intcrrogatos  esse  perbibeant  :  «  Licet 
sabbato  henefacere,  an  maie  ?  Itaque 
iuteiligendum  quod  illi  prius  interroga- 
verunt  Uoininum  :  «  Si  licet  sabbato 
curare  ?  »  Deinde  intelligens  cogitatioues 
eorum,  adilum  accusaudi  quaerentium, 
constituit  in  niedio  ilhuu  queni  erat  sa- 
natunis.  et  interrogavit  quiv  Marcus  et 
Lucas  eum  interrogasse  conmiemoraut  ; 
cl  lune  iliis  taceutibus  proposuit  simili- 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XII.  175 

pose  la  comparaison  de  la  brebis,  et  il  conclut  en  leur  disant  :  «  Il  est 
donc  permis  de  faire  du  bien  les  jours  du  sabbat.  »  Il  leur  répond 
donc  en  ces  termes  :  «  Quel  est  celui  qui,  parmi  vous,  ayant  une  bre- 
bis, »  etc.  —  S.  JÉii.  La  réponse  qu'il  fait  à  cette  question  est  une 
condamnation  de  leur  avarice.  Gomment,  leur  dit-il,  vous  vous  hâtez, 
le  jour  du  sabbat,  de  retirer  une  l)rebis  ou  un  autre  animal  de  la  fosse 
où  ils  sont  tombés,  et  cela  non  point  par  compassion  pour  cet  animal, 
mais  par  un  sentiment  de  vil  intérêt,  et  moi  je  ne  devrais  pas  délivrer 
un  homme  qui  vaut  mille  fois  plus  qu'une  brebis  ! —  Rab.  Cet  exemple 
est  parfaitement  choisi  pour  rt'pondie  à  leur  question  et  pour  leur 
prouver  qu'ils  violent  continuellement  le  sabbat  par  esprit  de  cupi- 
dité, eux  qui  lui  reprochent  de  le  violer  pour  une  œuvre  de  charité, 
et  qui ,  par  une  fausse  interprétation  de  la  loi ,  prétendent  que  les 
bonnes  œuvres  sont  interdites  le  jour  du  sabbat,  tandis  qu'on  ne  doit 
s'abstenir  que  des  mauvaises  ;  c'est  pour  cela  qu'il  est  dit  :  «  Vous  ne 
ferez  pas  ces  jours-là  d'œuvres  serviles  ,  »  c'est-à-dire  de  péchés.  C'est 
ainsi  que  dans  le  repos  éternel  il  y  aura  cessation  du  mal  et  non  pas 
du  bien.  —  S.  Aug.  [de  l'accord  des  Evanç/.,  ii,  35.)  La  conclusion  de 
cette  comparaison,  c'est  qu'il  est  permis  de  faire  de  bonnes  o:!uvres  le 
jour  du  sabbat.  «  Donc,  leur  dit-il ,  il  est  permis  de  faire  du  Inen  les 
jours  du  sabbat.  » 

S.  CiiRYs.  {hom.  -41.)  Remarquez  que  d'excuses  différentes  il  apporte 
pour  justifier  la  violation  du  sabbat;  mais  comme  la  maladie  de  cet 
homme  était  incurable  ,  il  en  vient  à  sa  guérison.  Alors  il  dit  à  cet 
homme  :  «  Etendez  votre  main.  »  —  S.  Jér.  Dans  l'Evangile  dont  se 
servent  les  Nazaréens  et  les  Ebionites ,  et  que  plusieurs  regardent 
comme  l'Evangile  authentique  de  saint  Matthieu,  il  est  dit  que  cet 


iiiiliiioin  (le  ove,  et  conclusit  quod  licet 
sahbato  beuefacere  :  unde  sequilur  : 
«  Ipse  autem  dixit  illis  :  Quis  erit  ex 
vobis  hoiwo  qui  liabeat  ovem,  »  etc. 
Hier.  Ubi  sic  solviL  propositam  quaestio- 
iiem,  ut,  interrofiantes  avariti;e  coudem- 
uaret  :  «  :ii  vos  (inqiiit)  in  sab])ato  ovem, 
et  aliud  (|uodlibet  animal  in  foveam  de- 
cidens  oriperc  festinatis,  non  animali, 
sed  veslrtE,  avaritia'  consulentes,  quanlo 
magis  cpo  boniineni,  qui  nuilto  melior 
est  ovo,  debeo  lil)crari>  ?  wRau.  {imo  po- 
tius  Glossa.)  Conipetenti  ergo  exeniplo 
solvii  qiuestionem  eorum,  ut  eos  osten- 
dattabbatum  violare  in  opère  cupidita- 
tis,  qui  eum  violare  arguunt  in  opère 
charilalis,  et  qui  iegem  raale  interpré- 
tantes, dicunt  in  saldiato  a  bonis  ferian- 


dum,  in  quo  a  malis  tantum  ferianduni 
est.  Unde  {Levit.  23)  :  «  Opus  scrvile 
non  faciclis  in  eis,  »  hoc  est  peccutuin  : 
sic  in  aeterna  requie  a  malis  tanluni  fe- 
riabitur,  non  a  bonis.  Aug.  {de  Cou. 
Evaiifj.  lib.  n,  cap.  33.)  Proposita  autem 
siniilitudine  de  ove,  concludit  quod  liceat 
sabbato  benefacere,  dicens  :  «  Itaque  li- 
cet sabbatis  beuefacere.  » 

CiîRYS.  (Jn  hom.  41  ut  sup.)  Intende 
autem  qualiter  varias  excusationes  do 
solutione  sabbati  inducit  :  sed  cpiia  jani 
iusanabiliter  œgrotabat.  ad  opus  pro- 
cessit  :  unde  sequitur  :  «  Tune  ait  liumini  : 
Extende  manum,  »  etc.  Hier.  In  Evan- 
gelio  quo  utuutur  Nazarâei  et  Ebionita; 
(quod  vocatur  a  plerisque  Matthcei  au- 
thenlmnn),  houio  iste  qui   aridam   ha- 


176 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


homme,  dout  la  maiii  était  desséchée,  i-tait  maçon,  et  qu'il  pria  Jésus 
en  ces  termes  :  «J'étais  maçon,  demandant  ma  nourriture  au  tra- 
vail de  mes  mains  ;  je  vous  eu  prie,  ô  Jésus,  rendez-moi  la  santé ,  alin 
([ue  je  ne  sois  pas  réduit  à  mendier  honteusement  mon  pain.  »  — 
Rab.  Jésus  choisit  le  jour  du  sabbat  de  préférence  pour  enseigner  et 
pour  guérir,  non-seulement  en  vue  du  sabbat  spirituel ,  mais  aussi  à 
cause  du  grand  concours  de  peuple  qui  était  plus  favorable  au  salut  de 
tous,  unique  objet  de  ses  désirs. 

S.  HiL.  Dans  le  sens  mystique,  après  le  retour  des  champs  où  les 
Apôtres  avaient  cueilli  les  fruits  de  la  moisson,  Jésus  vient  dans  la 
synagogue  pour  y  préparer  l'œuvre  d'une  nouvelle  moisson  ;  car 
plusieurs  de  ceux  qui  furent  guéris  se  joignirent  plus  tard  aux 
Apôtres.  —  S.  Jér.  Jusqu'à  l'avènement  du  Dieu  Sauveur,  la  main 
dans  la  synagogue  des  Juifs  demeura  desséchée  et  incapable  des  œuvres 
de  Dieu  ;  mais  lorsqu'il  fut  venu  sur  la  terre,  les  Apôtres  rendirent 
l'usage  de  cette  main  droite  à  ceux  qui  embrassèrent  la  foi,  et  elle  re- 
couvra la  même  force  d'action  qu'auparavant.  —  S.  Hil.  Toute  gué- 
risou  se  fait  par  la  parole ,  et  la  main  redevient  semblable  à  l'autre, 
c'est-à-dire  qu'elle  devient  propre  au  ministère  du  salut  comme  celle 
des  Apôtres.  Aussi  le  Sauveur  apprend-il  aux  pharisiens  à  ne  pas 
voir  avec  peine  l'œuvre  du  salut  des  hommes  confiée  aux  Apôtres, 
puisqu'eux-mèmes,  s'ils  veulent  croire,  deviendront  dignes  du  même 
ministère.  —  Rab.  Ou  bien  cet  homme,  dout  la  main  est  desséchée, 
c'est  le  genre  humain  qui  est  devenu  complètement  stérile  en  bonnes 
œuvres  pour  avoir  étendu  vers  le  fruit  défendu  cette  main  qu'a  guérie 
une  autre  main  innocente  étendue  sur  la  croix.  C'est  dans  la  syna- 


bet  mauum,  cemeutarius  scribitur,  is- 
tiusmodi  vocibus  auxilium  precans  : 
((  Cemeutarius  eram,  mauibus  victum 
quaritaus  ;  precor  te,  Jesu,  ut  uiihi  res- 
tituas sanitatem  ,  ne  turpiter  mendicem 
cibos.  I)  Rab.  Sabbatis  autem  pra?cipue 
docet  etoperatur.lesiis,  uou  soluniprop- 
ter  spirituale sablnitum,  sed  etiaiii  propter 
celebrioreiii  populi  couveiitum,  ipuerens 
saluleui  (iiiiniuin. 

HlL-Viî.  (C'««.  12  ut  Slip.)  Mystiee  autem, 
post  reditumde  seijete,  ex  qua  jam  apos- 
toli  fruclus  sationis  aeceperant.  ad  syna- 
gogam  venit,  jam  illic  messis  suœ  opu» 
paraturus,  quia  plures  poslmodum  una 
«•uni  aposlolis  exstiteruut,  qui  curabau- 
tur.  IIœu.  Usque  autem  ad  adventum 
Dumiui  Salvatoris  arida  manus  iu  syua- 


goga  Judseorum  fuit,  et  Dei  opéra  nou 
fiebaut  in  ea.  Postquam  autem  ille  venit 
iu  terras,  reddita  est  iu  apostolls  cre- 
dentibus  dextera,  et  operi  pristiuo  resti- 
tuta.  HiLAR.  {(an.  12  ut  siip.)  Curatio 
autem  oumis  in  vei"bo  est  ;  et  manus 
sicut  altéra  redditur;  id  est  similis  mi- 
nisterio  aposlolorum  in  ofticium  dandae 
salutis  efticitur  ;  docetquepharissosaegre 
ferre  non  oportere  operationoni  huma- 
iiiË  salutis  in  apostolis,  cumipsisad  ofli- 
l'ii  ejusdem  ministerium  manus  sit  refor- 
manda,  si  credant.  Rae.  Vel  aliter  : 
liomo  qui  liabebatmanumaridam,  buma- 
luun  iienus  indicat,  sterilitate  boni  ope- 
ris  arefactum  per  mauum  ad  pomum 
cxtensam  quam  sanavit  manus  inuocens 
in  cruce  exteusa  :  et  beue  manus  iu  svna- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XII. 


177 


gogue  que  se  trouve  cette  main  desséchée ,  parce  que  la  science, 
lorsqu'elle  est  départie  avec  abondance,  expose  à  des  fautes  plus  graves 
et  sans  excuse.  Jésus  commande  d'étendre  cette  main  desséchée  qu'il 
veut  guérir  ;  car  l'infirmité  d'une  àme  ne  peut  être  guérie  par  un  remède 
plus  efficace  que  par  d'abondantes  aumônes.  Cet  homme  avait  la  main 
droite  desséchée,  parce  qu'elle  était  comme  engourdie  pour  les  œuvres 
de  charité  ;  sa  main  gauche  était  saine ,  parce  qu'elle  servait  ses  in- 
térêts. A  l'arrivée  du  Seigneur,  la  main  droite  devient  saine  comme 
la  gauche,  parce  qu'elle  distribue  par  un  sentiment  de  charité  ce 
qu'elle  avait  amassé  par  esprit  d'avarice. 

f.  i4-21.  —  Mais  les  pharisiens,  étant  sortis,  tinrent  conseil  ensemble  contre 
lui  sur  les  moyens  de  le  perdre.  Or,  Jésus  le  sachant,  se  retira  de  ce  lieu-là; 
et  beaucoup  de  personnes  l'ayant  suivi,  il  les  guérit  tous.  Et  il  leur  com- 
manda de  ne  le  point  découvrir,  afin  que  cette  parole  du  prophète  Isaîe  fût 
accomplie  :  Voici  mon  serviteur  que  j'ai  élu,  mon  bien-aimé  dans  lequel  j'ai 
mis  toute  mon  affection.  Je  ferai  reposer  sur  lui  mon  esprit,  et  il  annoncera 
la  justice  aux  nations.  Il  ne  disputera  point,  il  ne  criera  point ,  et  personne 
n'entendra  sa  voix  da7is  les  places  publiques,  il  ne  brisera  point  le  roseau 
cassé,  et  il  n'achèvera  point  d'éteindre  la  mèche  qui  fume  encore,  jusqu'à  ce 
qu'il  fasse  triompher  la  justice  de  sa  cause  ;  et  les  nations  espéreront  en  son 
nom. 

S.  HiL.  {can.  12.)  L'envie  soulève  contre  Jésus  l'esprit  des  pharisiens, 
parce  qu'ils  ne  voyaient  en  lui  que  l'homme,  et  qu'ils  ne  voulaient 
pas  y  découvrir  Dieu  dans  les  œuvres  qu'il  opérait.  L'Evangéliste 
ajoute  donc  :  «  Mais  les  pharisiens,  étant  sortis,  »  etc.  —  Rab.  Ils 
sortent ,  parce  que  leur  àme  s'est  détournée  de  Dieu  ;  ils  tinrent 
conseil  pour  prendre  les  moyens  de  perdre  la  vie  et  non  de  la  trouver 


goga  erat  arida,  quia  ubi  majus  donum 
scientiae,  ibi  gravius  est  inexcusabilis 
noxœ  periculum.  Sauauda  autem  manus 
arida  jubetur  extendi,  quia  iufructuosa 
débilitas  aniuiae  mdlo  melius  ordine 
quam  eleemosynarum  largitate  curatur  ; 
habebat  autem  homo  dexteram  mauum 
laiiiïuidam,,  quiaabeleemosynistorpebat; 
sinistramsanaai,  quia  suœ  utilitati  iuleu- 
debat  ;  sed  venieutt-  Domiuo  dextera 
sanatur  ut  sinistra,  '[uia  quod  congrega- 
verat  avide,  modo  distribuit  cliaritative. 

Eiintei  autem  phariseei  consilium  faciebant  ad- 
versus  eum  ,  </uomodo  perderent  eum.  Jésus 
autem  scieiis,  secessit  inde;  et  secuti  sunt  eum 
multi;  et  curavit  eos  omnes.  Et  prœcepit  eis 
ne  manifestum  eum  facerenl.  Ut  adimpleretur 

TOM.    II. 


quod  dictum  est  per  Isaiam  prophetam,  di- 
centem  :  Ecce  puer  meus ,  quem  ego  elegi,  di- 
lectus  meus  in  quo  beiie  complacuit  animce 
meœ  ;  ponam  Spiritum  meuin  super  eum,  et  ju- 
dicium  gentibus  nuntiabit.  Non  contendet,  ne- 
que  r/amabit,  neque  audiet  aliquis  in  plateis 
rijcem  ejus.  Arundinem  quassatam  non  con- 
fringet,  et  llnum  furnigans  non  exlinguet,  do- 
nec  ejiciat  ad  l'icloriam  judicium,  et  in  no- 
mine  ejus  gentes  spcrabunt. 

•  HiLAR.  (Can.  12  ut  sup.)  Invidia  au- 
tem facit  pliarisaeos  commovere,  quia 
contuentes  hominem  in  corpore,  Deum 
in  operibus  non  intelligebant  :  unde  di- 
citur  :  «  Exeuntes  autem  pbarisaei,  »  etc. 
R.\B.  «  Exeuntes  dicit,  quia  eorum  mens 
a  Domino  aversa  fuit  :  consilium  fece- 
runt,  quomodo   vitam   perderent,  non 

12 


478 


EXPLICATlOiN   DE   L  EVANGILE 


pour  eux-mêmes. — S.  Hil.  {can.  12.)  Jésus,  connaissant  leurs  desseins, 
se  retire  pour  s'éloigner  de  ce  conseil  d'iniquité.   «  Or,  Jésus  ,  le  sa- 
chant, »  etc.  —  S.  Jér.  Il  se  retire ,  parce  qu'il  connaît  les  pièges 
qu'ils  veulent  lui  tendre  ,  et  qu'il  veut  leur  ôter  l'occasion  d'exercer 
contre  lui  leurs  projets  impies.  —  Rémi.  Ou  bien  il  se  retire  comme 
homme  pour  se  dérober  à  leurs  embûches,  ou  bien  encore  parce  que 
ce  n'était  ni  le  temps  ni  le  lieu  où  il  devait  soufTrir;  car  il  ne  conve- 
nait pas  (ju'un  prophète  fût  rais  à  mort  hors  de  Jérusalem  ,  comme  il 
le  dit  lui-même.  {Luc,  xiii.)  Tl  s'éloigne  encore  de  ceux  qui  le  haïssent 
et  le  persécutent ,  pour  aller   où  il  trouvera   un  grand  nombre  de 
cœurs  qui  l'aiment  et  qui  lui  sont  dévoués.  C'est  ce  que  l'Evangéliste 
nous  indique  en  disant  :  «  Et  beaucoup  de  personnes  le  suivirent.  » 
Ainsi,  tandis  que  les  pharisiens  réunissent  tous  leurs  efforts  pour  le 
perdre,  une  multitude  sans  instruction  le  suit,  en  professant  pour  lui 
un  attachement  unanime.  Aussi  ne  tarde-t-il  pas  à  récompenser  leurs 
désirs;  il  est  dit,  en  effet  :  «  Et  il  les  guérit  tous.  »  — S.  Hil.  Il  com- 
mande à  ceux  qu'il  guérit  de  garder  le  silence  sur  leur  guérison.  «  Et 
il  leur  commanda  de  ne  point  le  faire  connaître.  »  La  santé  qu'il  avait 
rendue  à  chacun  d'eux  était  un  témoignage  en  sa  faveur;   mais  eu 
commandant  le  silence,  ou  en  faisant  une  obligation  du  secret,  il  évite 
loute  occasion  de  vaine  gloire  ;   et  cependant  il  se  fait  connaître  par 
cela  seul  qu'il  commande  le  secret,  puisqu'on  ne  garde  le  silence  qu'à 
l'égard  d'une  chose  dont  on  ne  doit  point  parler.  —  Rab.   Il  nous 
apprend  aussi,  lorsque  nous  avons  fait  ijuelque  action  importante,  à 
ne  point  rechercher  les  louanges  des  hommes. 

(1)  Le  sens  du  mot  latin  non  capit  est  déterminé  par  le   texte  grec  oyx  £VÔ£/_£-ai,  non  con- 
tingit,  non  convenit,  il  n'est  pas  convenable. 


i.|uoraodo  ipsi  vitani  inveuirent.  Hilar. 
{Can.  \2ufsvp.)  Sciensque  eorum  con- 
silia,  secessit,  ut  a  consiliis  iiialiiniaii- 
tium  proful  abessot,  undi»  sequitiir  : 
«  Jésus  autem scieiis,  »  etc.  Hier.  Sciens 
(iu(|uam)  eorum  insiilias,  secessit,  ut 
pharisaeorum  contra  se  occasionein  im- 
pietatis  auferret.  Remig.  Sive  secessit 
iude  quasiliomo,  fugiens  insidiassuorum 
lierse(iueiitium  ;  sive  quia  non  erat  leni- 
piis,  ueque  locus  patieudi  :  non  eniiu 
'•apit  perire  Prophelam  extra  Hieriisa- 
leni,  sicut  ipsedicit.  [Ltic.  13.)  Declinavit 
etiaui  Duminus  odio  se  perseipientes , 
et  perveiiit  illiic  ubi  invenit  pliirinios 
per  se  aniorcin  dili;ienles.  Inde  sequi- 
lur  :  «  Ktseculisuut  eum  multi.  »  Qiieiu 


pbarisœi  unanimi  consilio  perdere  qu»- 
ruut  turba  indocta  unanimi  dileclione 
sequitur  :  unde  mo\  sui  desiderii  couse- 
qiiuatur  eirectimi  :  uam  sequitur  :  «  Kf 
curavit  eos  omnes.  »  HrLAR.  Mis  auteni 
quos  curavit.  silentium  imperavit  :  unde 
sequitur  :  «  Et  praecepit  eis  ne  mauifes- 
tum  eum  lacèrent,  »  etc.  Naui  sains  uui- 
cuique  reddita  erat  sibi  ipsi  testis  :  sed 
jubendo  silentium  teueri  (seu  jubendo 
secrelum),  et  gloriandi  de  se  jactantiam 
déclinât,  et  nibilomiuus  co^nitiunem  sui 
invTslat  in  eo  ipso,  cuni  admonel  de  se 
laceri,  quia  observatio  sileulii  ex  re  quœ 
sit  silenda ,  proliciscitur.  Hab.  In  hoc 
etiani  nos  instruit,  ne  eum  aliquid  ma- 
iini  l'ecerimus,  laudem  foris  quœramu». 


XII. 


179 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAI' 

Kemi.  Un  autre  motif  pour  lequel  il  leur  commande  de  ne  point  le 
découvrir,  c'est  afin  de  ne  point  rendre  ses  persécuteurs  plus  cou- 
pables. —  S.  Chrys.  [hom.  41.)  De  peur  que  ces  actes  de  folie,  in- 
croyables dans  les  pharisiens,  ne  vous  jettent  dans  le  trouble,  Jésus 
apporte  le  témoignage  du  Prophète.  Car  l'exactitude  des  prophètes 
est  si  grande  en  ce  qui  concerne  le  Christ ,  qu'ils  ont  rapporté  les 
moindres  détails  de  sa  vie,  ses  voyages,  ses  marches,  et  jusqu'aux  in- 
tentions qui  le  faisaient  agir,  pour  vous  montrer  que  toutes  ces 
choses  leur  étaient  dictées  par  l'Esprit  saint.  11  est  impossible,  en  effet, 
de  connaître  les  pensées  d'un  homme ,  à  plus  forte  raison  les  inten- 
tions du  Christ,  à  moins  que  l'Esprit  saint  ne  les  révèle.  L'Evangéliste 
ajoute  donc  :  «  Afin  que  cette  parole  du  prophète  Isaïe  fût  accomplie  : 
Voici  mon  serviteur,  »  etc.  —  Rejii.  Notre- Seigneur  est  appelé  le  ser- 
viteur du  Dieu  tout-puissant,  non  pas  comme  Dieu,  mais  suivant  l'é- 
conomie de  son  incarnation  ;  car  par  la  coopération  du  Saint-Esprit 
il  a  pris  dans  le  sein  de  la  Vierge  une  chair  exempte  de  la  tache  du 
péché.  Quelques  exemplaires  portent  :  «  L'élu  que  j'ai  choisi  ;  »  car  il 
a  été  choisi ,  c'est-à-dire  prédestiné  par  Dieu  le  Père,  pour  être  non 
pas  son  fils  adoptif ,  mais  son  propre  fils.  —  Rab.  Il  dit  :  «  Je  l'ai 
choisi  »  pour  une  œuvre  que  nul  autre  n'a  faite ,  pour  racheter  le 
genre  humain,  et  rétablir  la  paix  entre  le  monde  et  Dieu. 

Suite.  «Mon  bien-aimé,  en  qui  j'ai  mis  mon  aflection  ,  »  car  lui 
seul  est  cet  Agneau  sans  tache  dont  le  Père  a  dit  :  «  Voici  mon  Fils 
bien-aimé  en  qui  mon  âme  a  mis  ses  complaisances.  »  —  Rémi.  Ces 
paroles  :  «  JNIon  àme,  »  ne  doivent  pas  être  entendues  en  ce  sens  que 
Dieu  le  Père  ait  une  âme  comme  la  nôtre  ;  c'est  par  métaphore  que  le 


Remig.  Ideb  etiam  prœcepit  ut  nou 
inanifestarent  euai  ne  persequentes  ip- 
suiii  détériores  fièrent. 

Chrys.  {in  homil.  41  ut  svp.)  Deinde 
ut  non  turberis  ia  his  quaj  fiuut  iusania 
iuopinabili  phariri.Teoruui ,  iuduxit  Pro- 
phetaiii  lioc  prœdicentem.  Tanta  enim 
eratproplietarum  dili^entia^  utuequehaec 
doreliquerint,  sed  et  vias  ejus  et  transi- 
tas prophelizarint  et  iutentionem  cum 
«jua  hoc  faciebat  ;  ut  discas  quôniaui  om- 
uia  aSpiritu  Saucto  loquebantur.Si  enim 
fogitatioues  honiiuuui  impossibile  est 
scire,  multo  luaijis  Cbristi  intentiouem, 
uisi  Spiritus  Sanctus  revelaret.  Sequitur 
ergo  :  «  Ut  implerctur  quod  dictum  » 
est  per  Isaiam  (cap.  42)  :  «  Ecce  puer 
meus,  p)  elc.  Remig.  Du;iiiuus  quidem 
.lesus  Christus  pner  omnipotentis  Del 


dictus  est,  non  secunduni  Divinitatem, 
sed  secunduni  assumpta?  carnis  dispen- 
sationem  ;  quia  coopérante  SpirituSancto 
carneiu  suscepit  ex  Virgine,  absque  ma- 
cula  peccati.  Quidam  libri  babeut  : 
«  Electus  quem  elegi  :  »  electus  enim 
fuit  a  Deo  Pâtre  (id  est  prajdestiuatus) 
ut  esset  Filius  Dei  proprius,  non  adopti- 
vus.  Rab.  Quem  eligi  dicit  ad  opus  quod 
nemo  alius  fecit,  ut  redimeret  genus 
bumauum,  et  pacifi caret  muudum  cum 
Deo.  Sequitur  :  «Dilectus  meus  in  quo 
bene  complaeuit  animœ  meœ  :  »  quia 
ipse  solus  est  Agnus  sine  macula  pec- 
cati, de  quo  Pater  dicit  :.«  Hic  est  Filius 
meus  dilectuj,  in  quo  mibi  bene  com- 
placui.  »  Remig.  Quod  autem  dicit  : 
«  Animœ  laeœ,  »  nou  ita  intelligendum 
est,   quod  De  us   Pater  animara  habeat, 


180 


EXPLICATION    DE   L  EVANGILE 


prophète  lui  attribue  une  àme  pour  exprimer  son  affection.  Et  en  cela 
rien  d'étonnant,  puisque  nous  lui  attribuons  de  la  même  manière 
les  différents  membres  de  notre  corps.  —  S.  Chrys.  {hom.  -41.)  Le 
Prophète  a  commencé  par  l'énumération  de  ces  deux  caractères  (1*), 
pour  vous  indiquer  que  tout  ce  qui  suit  s'est  fait  selon  le  bon  plaisir 
du  Père  ;  car  celui  qui  est  aimé  agit  conformément  à  la  volonté  de 
celui  qui  l'aime.  De  même  celui  qui  est  élu  ne  détruit  pas  la  loi  par 
opposition  à  celui  qui  l'a  choisi,  il  ne  se  présente  pas  comme  l'ennemi 
du  législateur,  mais  comme  en  parfaite  harmonie  avec  lui.  Or,  c'est 
parce  qu'il  est  mon  bieu-aimé  que  «  je  ferai  reposer  mon  esprit  sur 
lui.  »  —  Rlmi.  Dieu  le  Père  fit  reposer  son  esprit  sur  lui ,  lorsque  par 
l'opération  du  Saint-Esprit  il  prit  un  corps  dans  le  sein  de  la  Vierge 
Marie,  et  lorsqu'étant  fait  homme,  il  fut  inondé  de  la  plénitude  de 
l'Esprit  saint. 

S.  Jér.  L'Esprit  saint  repose  non  pas  sur  le  Verbe  de  Dieu  ,  sur  ce 
Fils  unique  qui  sort  du  sein  du  Père  (;2),  mais  sur  celui  dont  il  a  été 
dit:  c(  Voici  mon  serviteur.  »  Que  doit-il  opérer  par  son  ministère? 
Ecoutez  la  suite  :  «  Il  annoncera  la  justice  aux  nations,  »  —  S.  Acg. 
{Cité  de  Dieu,  xxi,  30.)  C'est  qu'en  effet,  il  est  venu  annoncer  le  ju  • 
gement  à  venir  à  ceux  qui  l'iguoraieut.  —  S.  Chrys.  {ho??î.  il.)  Il  fait 
ensuite  connaître  son  humilité,  en  ajoutant  :  «  Il  ne  disputera  point,  » 
car  il  s'est  offert  selon  le  bon  plaisir  de  son  Père ,  et  il  s'est  livré  de 
lui-même  entre  les  mains  de  ses  persécuteurs.  «  Il  ne  criera  point,  » 

'l*j  La  première  phrase  de  cette  citation  de  saint  Chrysostome  ne  se  trouve  dans  le  texte  grec 
qu'après  l'explication  de  tout  le  passage  du  prophète,  et  le  sens  assez  obscur  de  cette  phrase 
devient  clair  en  la  replaçant  dans  sou  ordre  naturel.  Après  cette  dernière  partie  de  la  prophétie  : 
«1  Et  les  natioQS  espéreront  en  son  nom,  »  le  saint  docteur  ajoute  :  Ec  pour  vous  apprendre  que 
tout  cela  se  fait  selon  la  volonté  de  Dieu,  le  prophète  a  eu  soin  de  dire  en  premier  lieu  :  Mon  servi- 
teur bien-aiiné,  etc. 

(2)  Jean,  i,  18  ;  viii,  42. 


sed  translative  anima  iu  Deum  adscri- 
bitur,  ut  per  eam  demoustraretur  Dei 
affectus.  Nec  uiiruni,  si  anima  transla- 
tive in  deo  dicitur,  cum  etiam  cfetera 
fiorporis  niembra  ei  ascribautur.  Chrys. 
{in  liom.  41  ut  sup.)  Hoc  autem  iu  priu- 
l'ipio  Propliela  pouit,  ut  diseas  quia  hoc 
quod  hic  dicitur,  fuit  secuudum  consi- 
lium  Patris  :  dilectiis  cuim  secundum 
idusihum  ejus  qui  diliirit,  facit.  Sed  ite- 
ruui  elei-tus,  iiuu  ut  adversarius  suivit 
leiîem,  neque  ut  iuiiuicus  existeus  lej^is- 
latori,  sed  ci  concordans;  quia  ergu  di- 
lectus  est,  «  ponaui  Spiritum  nieuui  su- 
per euui.  »  Remig.  ïunc  etiam  Deus 
Pater  posuit  spiritum  suum  super  eum, 
cum   opérante  Spirilu  Sancto    suscepit 


carnem  ex  Virgine;  et  mox  ut  homo 
factus  est,  pleuitudinem  Spiritus  Sancti 
suscepit. 

Hier.  Ponitur  autem  Spiritus  Sanctus. 
non  super  Dei  Verbum,  et  super  Unige- 
uituni  (jui  e  sinu  Patris  processit,  sed 
super  eum  de  quo  dictum  est  :  «  Ecce 
puer  meus  :  »  quid  autem  peripsum  fac- 
turus  sit  subditur  :  «  Et  judicium  gen- 
tibus  nuntiabil.»  AUG.  (sx  de  Cirit.  Dei, 
cap.  30.)  Quia  scihcet  judiciuiu  prœnuu- 
liavil  futurum,  quod  gentibus  erat  oc- 
cultum.  Chrys;.  {in  hom  il  nt  sup.) 
Deiude  humililatem  ejus  manifestaus 
dicit  :  «  Non  conteudet;  quia  sicut  illi 
phiiuit.  oblatus  est,  et  niauibus  per- 
sequentium  se  ultro  obtulit  :  «    Neque 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XII.  181 

car  il  s'est  tu  comme  un  agneau  devant  celui  qui  le  tond.  «  Personne 
n'entendra  sa  voix  sur  les  places  publiques.  »  —  S.  Jér.  La  voie  qui 
conduit  à  la  perdition  est  large  et  spacieuse,  et  il  en  est  beaucoup  qui 
la  prennent;  or  il  en  est  beaucoup  qui  n'entendent  pas  la  voix  du 
Sauveur,  parce  qu'ils  sont  non  dans  la  voie  étroite,  mais  dans  la  voie 
large  (i).  —  Rémi.  Le  mot  grec  zXaxsla,  correspondant  au  mot.  latin 
platea^  place  publique,  veut  dire  étendue  ;  personne  donc  n'a  entendu 
sa  voix  dans  les  lieux  spacieux ,  parce  qu'il  a  promis  à  ceux  (jui 
l'aiment,  non  pas  les  jouissances  de  la  vie  ,  mais  de  rigoureuses  pri- 
vations. 

S.  Chrys.  {hom.  41.)  Le  Sauveur  voulait,  par  cette  douceur,  guérir 
l'esprit  des  Juifs  ;  mais  bien  qu'ils  aient  rejeté  les  avances  de  sa  bonté, 
il  ne  voulut  pas  leur  résister  en  les  détruisant.  Aussi  le  Prophète  nous 
tait-il  connaître  à  la  fois  sa  puissance  et  leur  faiblessse  dans  les  pa- 
loles  suivantes  :  «  Il  ne  brisera  pas  le  roseau  cassé,  et  il  n'éteindra 
pas  la  mèche  qui  fume  encore.  »  —  S.  Jér.  Celui  qui  ne  tend  pas  la 
main  au  pécheur ,  et  qui  ne  porte  point  le  fardeau  dont  son  frère  est 
chargé,  achève  de  briser  le  roseau  cassé  ;  et  celui  qui  méprise  la  plus 
petite  étincelle  de  foi  dans  le  dernier  des  croyants  ,  éteint  la  mèche 
qui  fume  encore.  S.  Are.  {Cité  de  Dieu,  xx,  30.)  Il  ne  voulut  donc  ni 
briser  ni  éteindre  les  Juifs  ses  persécuteurs,  comparés  ici  au  roseau 
brisé,  parce  qu'ils  n'avaient  plus  leur  intégrité ,  et  à  la  mèche  qui 
fume,  parce  qu'ils  avaient  perdu  la  lumière  ;  cependant  il  leur  par- 
donne, car  il  n'était  pas  encore  venu  pour  les  juger  ,  mais  p'our  être 
jugé  par  eux.  —  S.  Aug.  {Quest.  évanrj.,  ii,  3.)  A  l'occasion  de  cette 
mèche  qui  fume,  remarquez  qu'en  perdant  sa  lumière,  elle  exhale  une 
mauvaise  odeur. 

(1)  Matth.,  vu,  13. 


clainabit,  »  quia  sicut  aquus  coram  ton- 
dente  se  obmutnit  :  «  Neque  audiet  ali- 
quis  in  plateis  Tocemejus.  »  HjERO.Lata 
enim  est  et  spatiosa  via  qiifp  ducit  ad 
perditioneui,  et  multi  ingrediuntur  per 
eam  :  qui  multi  non  audiunt  vocem  Sal- 
vatoris,  quia  non  sunt  in  arcta  via,  sed 
in  spatiosa.  Remig.  f/o /'('(/  namque  gra;ce 
7r),aTcîa,  latine  latitudo  dicitur  :  in  pla- 
teis eriîo  vocem  ejus  nemo  audivit,  quia 
suis  dilectoribus  non  delectabilia  in  hoc 
mundo  promisit,  sed  aspera. 

Chrys.  (in  homil.  41  »^  5w/).)  Volebat 
autem  Dominusper  ejusmodi  mansuetu- 
dineni  curare  .ludaîos  ;  sed  licet  isti  re 
uuerenl,  non  tamen  eis  restitit  eos  des- 
truendo  :  unde  et  ejus  virtutem  et  illo- 


rum  imbecillitatem  Propheta  ostendens 
dicit  :  «  Arundinem  quassatam  non  con- 
fringet  et  linum  fumigaos  non  extin- 
guet.  »  Hier.  Qui  peccatori  non  porrigit 
manum,  nec  portai  onus  fratris  sui,  isle 
quassatuni  caîamum  confringit  ;  et  qui 
modicam  scintillam  fîdei  contemnit  in 
parvulis,  hic  linum  extiuguit  fumigans. 
Aug.  (XX  de  Civit.  Dei,  30.)  Unde  persecu- 
tores  Judaeos,  qui  calamo  quassato  (per- 
dita  integritate)  et  lino  fumanti  (amisso 
lumine)  comparati  sunt,  non  contrivit, 
nec  extinxit  ;  quia  pepercit  eis,  qui  non- 
dum  venerat  eos  judicare,  sed  judicari 
ab  eis.  Aug.  [de  qnœst.  Evang.  lib.  ii, 
cap.  3.)  In  lino  etiam  fumigante  notandum 
est,  quia  desertum  lumine  facit  putorem. 


182 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 


S.  Ghrys.  {hom.  41.)  Ou  bien  par  ces  paroles  :  «  [1  n'achèvera  pas 
(le  briser  le  roseau  cassé  ,  il  leur  fait  voir  qu'il  lui  était  facile  de  les 
briser  tous,  comme  on  brise  un  roseau,  et  non  pas  un  roseau  quel- 
conque, mais  un  roseau  déjà  cassé.  Ce  qui  suit  :  «  11  n'éteindra  pas 
la  mèche  qui  fume  encore,  »  nous  montre  leur  fureur  allumée  contre 
lui,  et  la  toute-puissance  de  Jésus-Christ  pour  éteindre  cette  fureur 
avec  la  plus  grande  facilité,  et  c'est  en  cela  qu'il  fait  paraître  l'excès 
de  sa  douceur.  —  S.  Hil.  [con.  i^.)  Ou  bien  par  ce  roseau  qu'il 
n'achève  pas  de  briser,  il  nous  apprend  que  les  nations  fragiles  et  déjà 
brisées,  n'ont  pas  été  broyées  entièrement ,  mais  qu'elles  ont  été  ré- 
servées pour  le  salut  ;  et  en  ajoutant  :  «  Il  n'éteindra  pas  la  mèche 
qui  fume  encore ,  »  il  nous  montre  que  la  dernière  étincelle  de  feu 
n'est  pas  éteinte  dans  cette  mèche  qui  fume  encore ,  c'est-à-dire  que 
l'esprit  de  la  grâce  ancienne  n'a  pas  entièrement  disparu  du  milieu 
des  restes  d'Israël,  parce  qu'elles  ont  conservé,  avec  la  faculté  de  faire 
pénitence,  le  pouvoir  de  recouvrer  la  lumière  dans  tout  son  éclat.  — 
Rab.  (1).  Ou  bien,  au  contraire,  ce  roseau  brisé,  ce  sont  les  Juifs  agités 
par  le  vent ,  et  dispersés  bien  loin  les  uns  des  autres.  Cependant  le 
Seigneur  ne  les  condamne  pas  immédiatement ,  mais  il  les  supporte 
avec  patience.  Cette  mèche  qui  fume  encore  serait  alors  le  peuple, 
formé  des  nations,  qui,  après  avoir  éteint  dans  son  cœur  la  chaleur 
de  la  loi  naturelle ,  était  enveloppé  de  toutes  parts  d'erreurs  téné- 
breuses, semblables  à  une  épaisse  fumée  qui  blesse  les  yeux.  Or,  non- 
seulement  le  Seigneur  n'éteignit  pas.  cette  mèche  fumante  ,  et  ne  la 
réduisit  pas  en  cendres,  mais  au  contraire  il  lit  jaillir  de  cette  étin- 
celle la  flamme  la  plus  vive  et  le  feu  le  plus  ardent. 

(1)  Raban  a  emprunté  cette  citation  à  saint  Jérôme,  lettre  151  à  Algasie. 


Chrys.  {homil.  41  ut  stip.)  Vel  in  hoc 
quod  dicit  :  «  Arundinem  quassatam  non 
confringet,  »  osteudit  quod  ita  facile  eral 
ei  omnes  eos  fran^ere^  siciit  aruudiuem; 
et  non  simpliciter  arundiuem,  sed  jaui 
contritaïu.  In  hoc  autem  quod  dicit  : 
<(  Linuui  funiigans  non  extinguet,  »  de- 
nionslrat  et  illorum  furorem  accensuui, 
et  viiiutem  Chrisli  poleutem  ad  extin- 
guendum  ejusmodi  furorem  cuin  omni 
facihtate  :  uude  in  hoc  uuilta  luansuetudo 
Christi  oslenditur.  Hilar.  {Vont.  12  v/ 
sup.)  Vel  per  lioc  qnod  dicit  :  «  Arundi- 
nem qu;e  quassata  est  non  esse  coufrac- 
tam  ,  »  oslendit  caduca  et  quassata  gen- 
tium  corpora  non  fuisse  contritaj  sed  in 
salutem  potius  reservata;  per  hoc  aulem 
quod  dicit  :  «  Liaum  fumigaus  non  extiu- 


guet,  »  ostendit  exiguitatem  igais  jam  tan- 
tum  fumigantis  in  lino  non  extinclam,  id 
est,  Israël  ex  reliquiis  veteris  gratiae  spiri- 
tum  non  ablatum,  quiaresumendi  totiu? 
luminis  in  tempore  pœnileuti*  sit  facul- 
tas.  Raba.  Vel  e  converso,  «  aruudiuem 
quassatam  »  vocat  Judaîos,  quos  a  veato 
agitâtes,  et  quasi  ab  invicem  dissipâtes, 
non  statim  Domiuus  coudemnavit,  sed 
patienter  supportavit.  Liniim  autem  fu- 
migans  vocat  populum  de  gentibus  cen- 
grcgatum,  qui  extincte  naturalis  legisar- 
dore,  fumi  auiarissiuii  et  oculis  nexii 
teuehrosa?quc  calignis  involvebatur  er- 
roribus,  quem  non  solum  non  extiuxitet 
rodegit  in  cinerem,  sed  e  coutrarie  de 
parva  scintilla  et  pêne  merieute  maxima 
suscitavit  incendia. 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CIIAP.    XII. 


183 


S.  CiiRYS.  {hom.  4-1.)  On  pourra  peut-être  objecter  :  Quoi  donc,  eu 
sera-t-ii  toujours  ainsi?  supportei"a-t-il  jusqu'à  la  fin  ceux  qui  se 
laissent  emporter  à  cet  excès  de  malignité  et  de  folie?  Non;  mais 
lorsque  sa  mission  sera  terminée,  il  passera  à  uu  autre  ordre  de 
choses,  et  c'est  ce  qu'il  nous  déclare  par  ces  mots  :  «  Jusqu'à  ce  qu'il 
lusse  triompher  la  justice  de  sa  cause  (1).  »  Gomme  s'il  disait  :  Lors- 
qu'il aura  accompli  l'objet  de  sa  mission,  ce  sera  le  tour  de  la  ven- 
geance absolue  ;  car  alors  ses  ennemis  seront  sévèrement  châtiés , 
lorsqu'il  aura  rendu  son  triomphe  si  éclatant  qu'il  n'y  aura  plus  de 
[ilace  pour  leurs  insolentes  contradictions.  —  S.  Hil.  {can.  1*2.)  Ou 
bien  jusqu'à  ce  qu'il  fasse  triompher  le  jugement  en  dépouillant  la 
mort  de  toute  sa  puissance  et  en  faisant  revenir  avec  lui  la  justice 
dans  son  retour  triomphant.  —  Rab.  Ou  bien  encore  jusqu'à  ce  que 
le  jugement  dont  il  était  l'objet  aboutisse  à  une  victoire  éclatante,  car 
après  avoir  triomphé  de  la  mort  par  sa  résurrection ,  après  avoir 
chassé  le  prince  de  ce  monde,  il  est  rentré  triomphant  dans  le  royaume 
des  cieux  et  s'est  assis  à  la  droite  de  son  Père ,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  ré- 
duit tous  ses  ennemis  sous  ses  pieds  (I  Cor.  1, 15.) — (S.  CnRYS.(/iom.4;l.) 
Mais  sa  puissance  ne  se  bornera  pas  à  punir  ceux  qui  auront  refusé 
de  croire  en  lui,  il  entraînera  encore  après  lui  tout  l'univers  :  «  Et  les 
nations  espéreront  en  son  nom.  »  —  S.  Aug.  {Cité  de  Dieu,  xx,  30.) 
Nous  voyons  déjà  l'accomplissement  de  cette  dernière  partie  de  la 
prophétie ,  et  cet  accomplissement  qui  est  incontestable  nous  garantit 

(1)  Dans  la  langue  chaldaïque,  le  mot  zàchut,  traduit  par  celui  de  victoire  dans  ce  passage 
d'Isaïe,  signifie  également  vérité.  Le  texte  hébreu  porte  emeth,  qui  veut  dire  vérité;  comme  le 
remarque  Maldonat,  saint  Matthieu  s'est  servi  du  texte  chaldéen  et  a  mis  victoire  pour  vérité.  Le 
même  mot  hébreu  avec  un  léger  changement,  au  lieu  de  vérité,  pourrait  signifier  terre.  Voilà 
pourquoi  on  lit  dans  quelques  exemplaires  :  Jusqu'à  ce  qu'il  fasse  le  jugement  sur  la  terre.  Du 
reste,  le  jugement  qui  aboutit  à  la  vérité  et  le  jugement  qui  aboutit  à  la  victoire  sont  une  seule 
et  même  chose. 


Chrys.  {in  homih  41  ut  sup.)  Sed 
posset  aliqiiis  dicere  :  «  Quid  igitur  ? 
seraper  liaec  erunt?  et  feret  usqiie  in  fi- 
uem  eo3  qui  sic  iusidiantur  et  insa- 
iiiunt  ?  »  Al)sit  :  sed  cum  sua  omnia 
facta  eruut,  tuuc  et  ilia  operabitur  :  et 
iioc  oipiiavit,  diceuà  :  «  Donec  ejiciatia 
victoriam  judicium.  »  Ac  si  dicat  :  «  Cuiii 
ea  quïe  ex  se  siint,  omnia  compleverit, 
lune  perfectaui  ultionem  inducet  ;  « 
tune  cuiui  punientur,  cum  claram  fece- 
rit  suam  victoriam,  ut  non  reliuquatur 
eis  inverecunda  eoutradictionis  occasio. 
HiLAR.  {Can.  12  ut  sup.)  Vel  «  douée 
ejiciat  ad  victoriam  judicium,  »  sublata 
scilicet  mortià  potestate,  judicium  clari- 


tatis  suse  reditu  introducat.  Rab.  Vel 
donec  illud  judicium  quod  in  eo  ageba- 
tur  ad  victoriam  perveniret;  quia  post- 
quam  mortem  resurgeudo  superavit , 
expulse  principe  hujus  mundi,victor  ad 
regnum  rediit,  in  Patris  dextera  sedens, 
donec  ponat  sub  pedibus  omues  inimicos 
suos  (I  ad  Corinth.  15.)  Chrys.  {in 
homil.  41  ut  sup.)  Sed  non  in  hoc  sta- 
bunt  ea  quœ  sunt  dispensatiouis,  ut  so- 
lum  puuiantur  qui  non  crediderunt  ;  sed 
et  orbem  terrarum  ad  se  trahet  :  unde  se- 
quitur  :  «  Et  iu  nomine  ejus  gentesspe- 
rabuut.  »  Al'G.  (xx  de  Civit.  cap.  30.) 
Hoc  autem  ultimum  jam  videmus  im- 
pletum  ;  et  super  hoc  quod  negari  non 


484  EXPLICATION   DE   l/ÉVANGlLE 

l'accomplissement  du  jugement  dernier,  que  quelques-uns  ont  la 
témérité  de  nier ,  jugement  qui  aura  lieu  sur  la  terre  parce  que  le 
Christ  descendra  lui-même  du  haut  des  cieux.  En  effet,  qui  aurait 
jamais  cru  que  les  nations  espéreraient  dans  le  nom  du  Christ,  alors 
qu'il  était  au  pouvoir  de  ses  ennemis ,  chargé  de  chaînes ,  frappé  de 
verges,  bafoué  et  attaché  sur  une  croix,  et  quand  ses  disciples  eux- 
mêmes  avaient  perdu  le  peu  d'espérance  qu'ils  avaient  placée  en  lui. 
Ce  qu'alors  un  voleur  seul  avait  à  peine  espéré  sur  la  croix,  est  devenu 
l'objet  de  l'espérance  de  toutes  les  nations  répandues  sur  la  face  de  la 
terre,  et  tous  les  hommes  recourent  au  signe  de  cette  croix  sur 
laquelle  il  est  mort  pour  se  garantir  eux-même  de  la  mort  éternelle. 
Que  personne  donc  ne  doute  que  Jésus-Christ  n'accomplisse  un  jour 
ce  dernier  jugement  tel  qu'il  a  (Ué  prédit. 

Rémi,  Remarquons  que  ce  témoignage  du  prophète  ne  vient  pas 
confirmer  seulement  la  vérité  de  ce  passage,  mais  la  vérité  d'une 
multitude  d'autres.  Ainsi  ces  paroles  :  «  Voici  mon  serviteur,  »  se  rap- 
portent à  cet  endroit  où  le  Père  dit  :  «  Celui-ci  est  mon  Fils ,  » 
{Matth.,  m);  et  ces  autres  :  «Je  placerai  mon  esprit  en  lui,  »  au 
miracle  de  l'Esprit  saint  descendant  sur  le  Seigneur  au  moment  de 
son  baptême.  {Luc,  m.)  Ce  qu'il  ajoute  :  «  Il  annoncera  la  justice  aux 
nations ,  »  se  rapporte  à  ce  que  saint  Matthieu  dit  ailleurs  :  «  Lorsque 
le  Fils  de  l'homme  s'assiéra  sur  le  trône  de  sa  gloire.  »  [Matth.,  xxv.'i 
Ces  autres  paroles  :  «  Il  ne  disputera  ni  ne  criera  »  se  sont  vérifiées 
lorsque  le  Seigneur  ne  répondit  presque  rien  au  prince  des  prêtres  et 
à  Pilate  {Matth.^  xxvi,  xxvii),  et  qu'il  garda  un  silence  absolu  devant 
Hérode  {Luc.  xxiii).  Ce  qui  suit  :  «  Il  n'achèvera  pas  de  briser  le  roseau 
cassé  »  se  rapporte  à  ce  trait  de  la  vie  du  Sauveur  où  il  se  dérobe  à  la 


potest,  creditur  et  illud  quod  impruden- 
ter  a  quibusdaru  negatur,  novissiimim 
judicium  ;  quod  ponet  iu  terra,  cum  ve- 
nerit  ipse  de  cœlo  :  quis  enira  speraret 
gentes  in  Christi  iiomine  speraturas, 
quando  tenebatur,  ligabatur,  cœdebatnr, 
illudebatiir  et  crucitigebatur  ,  quando 
et  ipsi  discipuli  spen»  perdiderant  quani 
inillo  habero  jani  cœperaut?  Quod  tune 
vix  unus  latro  speravit  in  cruce,  nunc; 
sperant  gentos  longe  lateque  diffusai 


runi  aliorum  hoc  testimonio  confirma- 
tur  :  nani  quod  dicit  :  «  Ei-ce  puer 
meus .  »  ad  illuni  locum  refertur,  ubi 
dixeral  Pater  [Matdi.  3)  •  «Hic  est  Filius 
meus  ;  »  qnod  vero  ait  :  «  Ponam  Spi- 
ritum  meum  super  eum,  »  ad  hoc  refer- 
tur quod  Spiritus  Sanctus  descendit  su- 
per Dominum  baptizatum.(/.Mr.  3.)  Quod 
auteui  subjungit  :  «  Judicium  gentil>ii.~ 
nuntiabit,  »  refertur  ad  id  ipiod  infra  di- 
citur   [Matth.  25)  :  «  Cum  seJerit  Filius 


et  ne  in  tfiternum  moriantur,  ipsa  in  qua  |  hominis  in  sede  majestatis  suae  ;  »  quod 
ille  morluus  est  cruce  signantur.  Xullus  ■  aiitem  subdit  :  «  Non  contondet  neque 
igitur  dnl)itet  per  Jesum  Chrislinn  taie  j  clamabit,  »  ad  hoc  refertur,  quod  Do- 
quale  pr;i'nuntiatur  novissiunuu  fiitnnuii  millu^^  i)au('a  respondi't  priucipi  sa^er- 
esse  judiLiuui.  dolumcL  i'ilato  [Mu (th.  lu  et  27);  Herodi 

Remig.  Sciondum  est  autem  (piia,  n(Ui  \  vero  nulla  il.nc.  23)  ;  quod  vero  dicit  : 
solum  istius  loci  sensus,   sed  et  niulto-  |  "Arundinoniquassatamnonconfringel,» 


DE   SATNT   MATTHTETT.    CIIAP,    XII, 


185 


fureur  de  ses  ennemis  pour  leur  éviter  un  plus  grand  crime  {Jean ,  tu 
et  viii)  ;  enfin  ces  paroles  :  «  Les  nations  espéreront  en  son  nom  » 
peuvent  se  rapporter  à  ce  passage  de  saint  Maltliieu  :  «  Allez,  ensei- 
gnez toutes  les  nations.  »  (Matth.,  xxviii.) 

y.  23-24.  —  Alors  on  lui  présenta  un  possédé  aveugle  et  muet,  et  il  le  guérit, 
en  sorte  qu'il  commença  à  parler  et  à  voir.  Tout  le  peuple  en  fui  rempli 
(l'admiration;  et  ils  disaient  :  N'est-ce  point  là  le  Fils  de  David?  Mais  les 
pharisiens  entendant  cela,  dirent  :  Cet  homme  ne  chasse  les  démons  que  par 
Béelzéhuh ,  prince  des  démons. 

La  Glose.  —  Le  Seigneur  venait  de  réfuter  les  calomnies  des  phari- 
siens qui  lui  reprochaient  de  faire  des  miracles  le  jour  du  sabbat; 
mais  comme,  par  une  méchanceté  plus  noire  encore,  ils  dénaturaient 
les  miracles  eux-mêmes  qu'il  opérait  par  une  vertu  toute  divine  en  les 
attribuant  à  l'esprit  impur ,  l'Evangéliste  raconte  le  prodige  qui  fut 
pour  eux  l'occasion  de  ce  blasphème  :  «  Alors  on  lui  présenta  un 
possédé.  » 

Rémi.  Ce  mot  alors  se  rapporte  au  moment  où  il  sortait  de  la  syna- 
gogue après  avoir  guéri  cet  homme  dont  la  main  était  desséchée.  Ou 
bien  cette  expression  alors  signifie  un  espace  de  temps  plus  étendu  et 
voudrait  dire  :  alors  qu'il  prononçait  tous  les  discours,  ou  qu'il  faisait 
les  œuvres  qui  sont  ici  racontés.  —  S.  Chrys.  {hom.  41.  )  Quelle  ma- 
lice surprenante  dans  le  démon  !  il  avait  fermé  les  deux  passages  par 
lesquels  la  foi  aurait  pu  entrer  dans  cet  homme ,  c'est-à-dire  la  vue  et 
l'ouïe  ;  mais  le  Seigneur  va  ouvrir  l'un  et  l'autre  :  «  Et  il  le  guérit,  » 

(1)  Cette  citation  ne  se  trouve  ni  dans  la  Glose,  ni  dans  saint  Anselme,  ni  dans  aucun  autre 
auteur. 


ad  hoc  pertinet  quod  Dominus  siios  per- 
secuturos  decliaavit,  ne  fièrent  détério- 
res (Jean.  7  et  8)  ;  quod  vero  dicit  :  «In 
Domine  ejus  pentes  sperabunt.»  ad  hoc 
refertur  quod  ipse  dixit  :  [Malth.  28)  : 
«  Euntes  docete  oinnes  gentes.  » 

Tune  (ihlatus  est  ei  dœmonium  hnbens ,  cwcus  et 
mutus,  et  ciiravit  ewn,  ita  ut  loqueretur  et  vi- 
deret.  Et  stupebnnt  omues  turhœ,  et  dicehant  : 
Nutu/uid  hic  est  filius  David  ?  Pharisœi  au- 
tem  audientes  dixeritnt  :  Hic  non  pjicil  dirmo- 
7ie.i,  nisi  in  Beelzebuh,  principe  dcemoniorum. 

Glossa.  Confutaverat  superius  Domi- 
nus pharisaeos  Christi  uiiracula  caium- 
niantes  ex  lioc  quod  sabbaliun  solvere 
videbatur  :  sed  quiamajori  neijuitiaipsa 
Christi  miracula  divina  virtute  fada  per- 


vertebant,  attribuentes  ea  immundo  spi- 
ritui ,  ideo  Evangelista  praemittit  mira- 
culum  ex  quo  blasphemandi  occasio- 
nein  sumpserunt,  dicens  :  «  Tune  obla- 
tus  est  ei  dœmonium  habeus.  » 

Remig.  Ouod  autem dicit,  tu7ic.  ad  su- 
periora  refertur.  quando  sauato  honiine 
qui  habebat  manum  aridam,  exivit  de 
synagoga.  Sive  quod  dicit,  tune,  potest 
referri  ad  latius  alque  prolixius  lempus, 
ut  sit  seusus  :  «  Tune  quando  hi«c  vel 
ilia  dicebanturvel  gerebautur.  »  Chrys. 
{in  liumil.  41  v(  siip.)  .Miranda  est  au- 
tem uequitia  dremonis  :  utrumque  in- 
gressum  oppilavit,  per  quem  ille  erat 
crediturus,  scilicet,  et  auditum,  et  visum  ; 
sed  Christus  utrumque  aperuit  :  unde 
sequitur  :  «  Et  curavit  eum,  »  etc.  Hier. 


IS('> 


KXPUCAIION    DI-:    L  EVAN<iILi: 


ajoute  l'Evangéliste.  —  S.  Jér.  Nous  voyons  ici  trois  prodiges  opérés 
dans  un  seul  homme  :  l'aveugle  voit,  le  muet  parle,  le  possédé  est 
délivré  du  démon,  et  ce  miracle  extérieur  et  sensible  se  renouvelle 
tous  les  jours  dans  la  conversion  de  ceux  qui  embrassent  la  foi;  après 
que  le  démon  est  chassé  de  leur  àme  ils  voient  la  lumière  de  la  foi ,  et 
leur  bouche,  jusqu'alors  muette  ,  s'ouvre  pour  proclamer  les  louanges 
de  Dieu.  —  S.  Hil.  (  can.  12  sw  S.  Matth.)  Ce  n'est  pas  sans  un  des- 
sein particulier  de  Dieu  qu'après  avoir  parlé  d'une  multitude  de  per- 
sonnes guéries  en  commun ,  l'Evangéliste  nous  raconte  la  guérison 
particulière  d'un  homme  (jui  était  tout  à  la  fois  possédé,  aveugle  et 
muet.  Il  convenaiL  en  etlet  qu'après  la  guérison  dans  la  synagogue  de 
l'homme  dont  la  main  était  desséchée,  celui  dont  il  est  ici  question 
devint  la  ligure  de  la  guérison  spirituelle  des  nations ,  et  qu'après 
avoir  été  possédé  du  démon ,  aveugle  et  muet,  il  devint  l'habitation 
de  Dieu ,  vit  et  reconnut  le  vrai  Dieu  dans  la  personne  du  Christ  et 
rendît  gloire  à  Dieu  pour  les  œuvres  qu'il  opérait.  —  S.  Aug.  {Quest. 
Evam/.,  II,  4.)  Celui  qui  ne  croit  point  et  qui  est  l'esclave  du  démon 
est  tout  à  la  fois  possédé,  aveugle  et  maet;  il  ne  comprend  pas,  il  ne 
confesse  pas  la  foi  ou  il  ne  rend  pas  gloire  à  Dieu.  —  S.  AuG.  [De 
l'accord  des  Evang.,  n,  37.)  Ce  n'est  pas  dans  le  même  ordre  que 
saint  Luc  raconte  ce  fait  (xi);  il  parle  d'un  muet  seulement,  sans  ajou- 
ter qu'il  fût  aveugle  ;  mais  de  ce  qu'il  omet  une  circonstance  de  ce 
genre ,  on  ne  peut  conclure  qu'il  veut  raconter  une  guérison  diflFé- 
reute,  car  la  suite  de  son  récit  revient  à  celui  de  saint  Matthieu. 

S.  Hil.  [can.  12.)  A  la  vue  de  ce  miracle,  la  foule  est  dans  l'éton- 
nement,  mais  l'envie  des  pharisiens  ne  fait  que  s'accroître  :  «  Et  tout 
le  peuple  étonné  disait  :  N'est-ce  point  là  le  fils  de  David?  »  —  La 


Tria  autem  signa  simul  in  uno  homine 
perpetrata  sunt  :  ciEcus  vidot,  mutus  lo- 
quitiir,  posspssus  a  dieniouo  liberatiir  : 
quod  et  timc  quideni  cariialitei'  faolum 
est,  sed  quotidie  cuinpletur  in  oonver- 
sioue  credentiuiu,  ut  expiilso  dœmoue 
piiinuni  fidei  lumen  aspiciaut,  deiude 
et  laudes  Dei  tacentiaprius  ora  laxeutur. 
IliLAU.  (C'OH.  12' »<  sup.)  Non  auteui 
sine  ratione  cuni  turbas  omnes  curalas 
in  comuiuui  dixissel,  nuuc  scorsuui  daf- 
mouium  habens,  cœcus  et  uiulus,  offer- 
tur  :  oportebat  oniui  ul  poslquaiu  lua- 
nus  arida;  iiomo  oblalusest,  qui  insyua- 
gorra  (nirabalur,  in  uuius  luijusiuodi  iiu- 
ininis  loruia  geutiuni  saius  liei-et  ;  ut  qui 
••rat  baliitalio  daenionii,  et  cœouset  niu- 
lus,  Deo  capax  pararetur;  et  Ucum  con- 


tueretur  in  Christo,  et  Christi  opéra  Dei 
confession»  laudaret.  Aug.  {de  quœst. 
Lvang.  lib,  u,  qutest.  4.)  Daemonium 
enim  babeus,  cfecus  et  uiutus  est,  qui 
non  crédit  et  subditus  est  diabolo  ;  qui 
non  intelligit  et  non  contitetur  ipsaui  fi- 
deiu,  vel  qui  non  dat  laudem  Deo.  AlG. 
[de  con.  Evang.  lib.  ii,  cap.  37.)  Hoc 
autem  non  isto  ordiue,  sed  post  mulla 
alia  Lucas  commémorât  (cap.  11),  et /«"- 
^««tdicit  tantum,  et  non  cœcum  :  sed 
non  ex  eu  quod  aliquid  tacet,  de  alio 
dicere  pulaudus  est;  oa  enim  sequentia 
et  ipse  contexit  qu;e  Mattbteus. 

IliLAR.  {Can.  12  ut  «•//).)  Stupuerunt 
facli  istius  opus  turbiv,  sed  pliarisa'oruui 
ingravescit  invidia  :  unde  sequitur  :  «  Kl 
stupebantomuesturbae  etdicebaut:  Nuu- 


nr<;  saint  Matthieu,  chai-,  xii.  487 

fji.osE.  Ils  l'appellent  le  Fils  de  David  à  cause  de  sa  bonté  et  de  ses 
bienfaits.  —  Rab.  Tandis  que  le  peuple  moins  instruit  ne  cessait  d'ad- 
mirer les  prodiges  du  Sauveur,  ceux-ci  s'appliquaient  toujours  à  les 
nier,  ou,  lorsqu'ils  ne  le  pouvaient,  à  les  révoquer  du  moins  en  doute, 
à  les  dénaturer  par  des  interprétations  malveillantes,  comme  s'ils 
étaient  l'œuvre  non  pas  de  la  divinité,  mais  de  l'esprit  immonde,  de 
lieelzébub  qui  passait  pour  le  dieu  d'Accaron.  C'est  ce  qu'ils  firent 
dans  cette  circonstance.  «  Les  pharisiens  entendant  cela  dirent  :  Cet 
homme  ne  chasse  les  dém  ons  que  par  Beelzébub,  prince  des  démons.  » 

Rémi.  Beelzébub  n'est  autre  chose  que  Beel  ou  Baal,  ou  Reelphé- 
gor.  Beel  fut  le  père  de  Ninus,  roi  des  Assyriens;  il  fut  appelé  Baal 
parce  qu'on  l'adorait  sur  les  hauteurs ,  et  Beelphégor  à  cause  de  la 
montagne  de  r*héga,  où  son  idole  était  placée,  Zébul  fut  un  serviteur 
d'Abimélech,  fils  de  Gédéon.  C'est  cet  Abimélech  qui,  après  le  meurtre 
de  ses  soixante-dix  frères ,  éleva  un  temple  à  Baal  et  y  établit  prêtre 
Zébub  pour  chasser  les  mouches  qui  s'y  rassemblaient  en  grand 
nombre  à  cause  de  la  grande  (Quantité  de  sang  des  victimes  immo- 
lées (1);  car  Zébub  signifie  mouche  et  Beelzébub  veut  dire  l'homme 
des  mouches.  Ils  l'appelaient  prince  des  démons  à  cause  des  impuretés 
qui  déshonoraient  sou  culte.  Ne  trouvant  donc  rien  de  plus  infâme  à 
objecter  contre  le  Sauveur,  ils  disaient  que  c'était  par  Beelzébub  qu'il 
chassait  les  démons.  Il  faut  remarquer  que  ce  nom  doit  être  écrit  avec 
un  ô  à  la  fin  et  non  avec  un  t  ou  avec  un  rf,  comme  on  le  voit  dans 
quelques  exemplaires  fautifs. 

(1)  Ce  n'est  pas  Zébub,  mais  Zébul,  comme  on  le  voit  au  livre  des  Juges,  chap.  ix,  v.  28.  On  n'y 
voit  pas  non  plus  qu'il  ait  été  établi  prêtre  ou  chargé  de  chasser  les  mouches,  mais  simplement 
qu'Abimélech  l'établit  prince  sur  la  maison  d'Hémor,  père  de  Sichem.  D'où  peut  donc  venir  cette 
fausse  interprétation  de  Rémi?  Probablement  il  aura  confondu  zébul  qui  signifie  habitation,  avec 
zébub  qui  veut  dire  mouche.  (Voyez  la  note  sur  le  vers.  25  du  chap.  x.) 


quid  hic  est  filins  David"?  »  Glossa.  Ob 
misericordiaiu  et  Ijeûeficia  ^/^HW^  David 
prœdicant.  Rab.  Turbis  autem  quse  mi- 
nus eruditac  videbantur,  Doaiini  semper 
facta  mirantibus,  illi  contra  vel  negare 
baec,  vel  quœ  negare  uequiveraut  siiiis- 
tra  interpretatioue  pervertere  labora- 
bant  ;  quasi  baîc  uou  Divinitatis,  sed 
immundi  spiritus  opéra  fuissent,  id  est, 
Beelzébub,  qui  Deus  erat  Accaron.  (iv 
Reg.  1.)  Unde  sequitur  :  «  Pharisa-i  auteui 
audientes  dixeruut  :  Hic  non  ejicit  dœ- 
mones,  nisi  in  Beelzébub,  principe  dae- 
monioruni.  » 

Remig.  Beelzébub  autem  ipse  est  Beel, 
Baal  et  Beelphégor.  Beel  fuitpater  Nini, 
régis  Assyriorum  ;  Baal  dictus  est,  quia 


in  excelso  colebatur  ;  Beelphégor  aloco, 
id  est,  a  monte  Phega  ;  Zebub  servus 
fuit  Abimélech,  filii  Gedeonis.  qui  occisis 
septuaginta  fratribus ,  aHlificavit  tem- 
plum  Baal,  et  constiluit  eum  sacerdo- 
tem  in  ipso  ad  abigeudas  muscas ,  qua^ 
ibi  congregabantur  propter  nimium 
cruoreni  victiniarum  :  Zebub  namque 
;h«5C0 dicitur  :  Beelzébub  ergo  vir  mus- 
carum  interpretatur.  Unde  propter  spur- 
cissimum  ritum  culeudi,  dicebaut  eum 
esse  priucipem  da-moniorum.Nihil  ergo 
sordidius  inveuientesquod  Domino  obji- 
cerent,  dicebaut  eum  in  Beelzébub  ejicere 
dœmonia.  Et  scicudum  quod  non  est  le- 
gendum  per  d,  vel  t,  ia  fine,  ut  quaedam 
mendosa  exemplaria  habent,  sed  per  b. 


188 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


5'.  25,  26,  —  Or  Jésus  connaissant  leurs  pensées  leur  dit  :  Tout  royaume  divisé 
contre  lui-même  sera  ruiné,  et  toute  ville  ou  maison  qui  est  divisée  contre 
elle-même  ne  pourra  subsister.  Que  si  Satan  chasse  Satan  il  est  divisé  contre 
lui-même!  Comment  donc  son  royinane  suhsistera-t-il? 

S.  Jér.  Les  pharisiens  attribuaient  au  prince  des  démons  les  œuvres 
de  Dieu  ;  Notre-Seigncur  répond  non  à  ce  ce  qu'ils  disaient  mais  à  ce 
(ju'ils  pensaient  au-dedans  d'eux-mêmes  (1),  pour  les  forcer  de  croire 
à  la  puissance  de  Celui  qui  voyait  le  fond  des  cœurs.  «  Or  Jésus  con- 
naissant leurs  pensées,  »  etc.  —  S.  Ghrys.  {hom.  42  sur  S.  Matth.)  Ils 
avaient  déjà  accusé  plus  haut  le  Seigneur  de  chasser  les  démous  par 
Beelzébub,  sans  qu'il  les  en  eût  repris  ;  il  voulait  laisser  à  la  multitude 
de  ses  miracles  de  leur  faire  connaître  sa  puissance  ,  et  à  sa  doctrine 
de  révéler  sa  grandeur  ;  mais  comme  ils  persévéraient  dans  cette  inter- 
prétation calomnieuse ,  il  leur  en  fait  des  reproches  sévères ,  bien  que 
cette  accusation  n'eût  pas  le  moindre  fondement,  car  l'envie  n'examine 
pas  la  nature  de  ses  accusations^  pourvu  qu'elle  accuse.  Cependant  Jésus 
ne  leur  répond  point  avec  mépris ,  mais  ses  paroles  sont  pleines  de 
douceur  et  de  dignité  pour  nous  apprendre  à  être  doux  envers  nos  enne- 
emis,  à  ne  point  nous  troubler  alors  même  qu'ils  nous  accuseraient  de 
choses  que  nous  ne  reconnaissons  pas  en  nous  et  qui  n'ont  aucun  fon- 
dement. Cette  conduite  fait  même  ressortir  l'odieux  de  leurs  calomnies, 
car  un  possédé  du  démon  n'aurait  pu  faire  ni  paraître  une  aussi  grande 
douceur,  ni  connaître  les  pensées  des  cœurs.  C'est  du  reste  parce  que  leurs 

fl)  Parce  qu'il  appartient  à  Dieu  seul  de  connaître  les  secrets  des  cœurs  :  c'est  pour  cela  qu'au 
psaume  vu,  vers.  9,  il  est  dit  de  Dieu  qu'il  sonde  les  cœurs  et  les  reins;  et  dans  Jérémie, 
L-hap.  XVII,  vers.  10,  Dieu  dit  de  lui-même  ■  «  Je  suis  le  Seigneur  qui  sonde  les  cœurs,  et  qui 
éprouve  les  reins.  » 


Jésus  autem  sdetis  cogitationes  eoi-um,  dixit  eis: 
Ontne  regnum  contra  se  dicisum  desolahitur, 
et  omnïs  civitas  vel  diimus  dicisa  contra  se, 
non  stabit.  Et  si  Sathanas  Sathanam  ejicit, 
adversus  se  dicisus  est  :  quomodo  ergo  stabit 
regmim  ejus  ? 

Hier.  Pharisapi  opéra  Dei  priiicipi  dic- 
nioniorum  deputabant  :  (piiljus  Domi- 
ims,  non  ad  dicta,  sed  ad  cOLMlata  res- 
pondit  ;  ut  vel  sic  compellerentur  cre- 
dere  potentire  ejus,  qui  cordi.s  videbat 
occulta  :  unde  dicitur  :  «  Jésus  autem 
scieus  copitalioiies  eorum,  »  etc.CHiivs. 
{in  liomit.  42  in  Matth.)  Superlut^  ipii- 
dem  et  de  hoc  Christuni  accusaveraut. 
t}uin  in  Beelzébub  ejiceret  da>mouia;sed 
tune  quidem  eos  non  inerepavit.  conse- 


dens  eis  et  a  pluribus  signis  cognoscere 
ejus  virlutem,  et  a  doctrina  discere  eju» 
uiaguitudiueui  :  sed  quia  peruianebant 
eadem  dicentes.jam  increpateos  ;  quani- 
vis  eorum  accusatio  valde  irrationabilis 
esset:  iuvidia  autom  non  quœrit  quiddi- 
cat,  sed  solum  ut  dicat  :  neque  tamen 
Clirislus  eos  contempsit,  sed  respondet 
cnm  decenti  mansuetudine,  docens  nos 
mites  esse  inimicis,  et  non  turbari, 
etiamsi  talia  dicant  qnœ  nos  in  nobis  non 
recognoscimus,  neque  habet  aliquam 
rationem.  In  quo  etiani  ostendit  meuda- 
cia  esse  qua>  ah  ipsis  suiit  dicta  :  uenue 
enim  est  dœmonium  liabontis  lantamos- 
tendere  mansueludiuem,  et  cogitationes 
scire.  Et  quia   valde   irraliouabiiis  eral 


DE  SAINT  MATEHIEU,    CHAI".    XIl,  189 

accusations  étaient  dépourvues  de  toute  raison ,  qu'ils  redoutaient  la 
multitude,  et  qu'ils  n'osaient  rendre  publique  cette  accusation  contre 
le  Christ;  ils  se  contentaient  de  l'agiter  au  fond  de  leur  cœur.  C'est 
pour  cela  que  l'Evangéliste  dit  :  «  Or,  Jésus  connaissant  leurs  pen- 
sées.» Le  Sauveur,  dans  sa  ré[»onse,  ne  relève  point  cette  volonté  qu'ils 
avaient  de  l'accuser;  il  ne  divulgue  pas  leur  méchanceté,  il  se  con- 
tente de  leur  répondre,  car  son  désir  était  d'être  utile  aux  pécheurs 
et  non  pas  de  dévoiler  leurs  crimes.  Il  ne  se  justifie  point  non 
plus  à  l'aide  de  témoignages  de  l'Ecriture,  car  ils  n'y  auraient  fait 
aucune  attention  et  les  auraient  expliqués  dans  un  autre  sens ,  mais 
il  tire  sa  réponse  des  choses  qui  arrivent  ordinairement  ^V).  Les 
guerres  qui  viennent  de  l'extérieur  sont  bien  moins  funestes  que  les 
guerres  civiles  :  c'est  ce  qui  se  vérifie  également  pour  tous  les  corps 
comme  pour  tous  les  êtres.  Mais  le  Seigneur  emprunte  ses  exemples 
aux  choses  qui  sont  plus  connues  :  «  Tout  royaume  divisé  contre  lui- 
même  sera  ruiné,  »  etc.  Kien  n'est  plus  puissant  sur  la  terre  qu'un 
royaume ,  cependant  la  division  est  pour  lui  un  principe  certain  de 
ruine  ;  que  dire  après  cela  d'une  ville ,  d'une  maison ,  divisées  contre 
elles-mêmes.  Grand  ou  petit,  tout  ce  qui  combat  contre  soi-même  se 
détruit  nécessairement.  —  S.  Hil.  [can.  12.)  Le  sort  d'une  maison  ou 
d'une  cité  est  ici  le  même  que  celui  d'un  royaume;  c'est  pour  cela 
qu'il  ajoute  :  «  Toute  ville  ou  toute  maison  divisée  contre  elle-même 
ne  pourra  subsister.  »  —  S.  Jér.  De  même  que  la  concorde  fait 
croître  les  plus  petites  choses ,  ainsi  la  division  fait  tomber  les  plus 
grandes  (2). 

(1*)  Le  grec  porte  àitô  xiiv  xoivîr)  cujAeaivovcwv,  ce  que  la  traduction  latine  dont  saint  Thomas 
a  fait  usage  rend  assez  mal,  par  a  communibus  opinionibus. 

(2)  Saint  Jérôme  a  emprunté  cette  maxime  de  Salluste,  Guerre  contre  Juyurtha,  sans  citer  la 
source  où  il  l'a  prise. 


eorum  suspicio^  et  multitudinem  time- 
bant;  non  audel)ant  publicare  Christiac- 
cusatiouein,  sed  in  mente  volvebant  : 
propterqnod  dicit  :  «Scieus  cD^itationes 
eorum  :  »  ijise  auteni  acousatiouem  qui- 
dem  in  respondendo  non  pouit,  neque 
divul^rat  eorum  nequitiam;  solutioneni 
auleni  inducit  :  studium  enim  ejus  erat 
prodesse  peccantibus,  non  publicare. 
Non  auteni  .respondel  eis  a  Scripturis, 
quia  non  attendereut,  aliter  exponentes, 
sed  a  ('ouimunibus  opinionibus  :  non  enim 
ita  exteriora  prœlia  eorrumpuut,  sicut 
ea  quœ  sunt  contribulium  :  hoc  enim  fit 
in  corporibuâ  et  in  omnibus  rébus  :  sed 


intérim  a  magis  cognitis  exempla  ducit, 
dicens  :  «  Omne  regnuni  contra  se  divi- 
sum  desolabitur,  »  etc.  Niliii  enim  est 
in  terra  regno  potentius  ;sedtamenper 
altercationem  périt  :  quid  auteni  dicen- 
dum  est  de  civitat€_.  vel  de  domo?  Ita 
sive  magumu  sive  parvum  fuerit  quod 
contra  seipsum  pugnat,  périt.  Hilar. 
[Can.  12  %d  svp.)  Unde  domus  et  civi- 
tatis  eadem  est  hic  ratio  quse  et  regni  : 
propter  quod  sequitur  :  «  Et  omnis  civi- 
tas  vel  domus  divisa  contra  se,  non  sta- 
bit.  »  Hier.  Quomodo  enim  concordia 
parvse  res  crescunt,,  sic  discordia  maxi- 
raie  dilabuntur. 


190 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


S.  HiL.  [caii.  I^.)  La  parole  de  Dieu  est  riche  et  féconde,  et  soit 
•[u'on  l'entende  dans  le  sens  le  plus  simple,  soit  qu'on  pénètre  dans 
ses  profondeurs,  elle  est  indis[)ensal)le  à  tout  progrès  de  l'àme.  Lais- 
sons doue  de  côté  l'interprétation  commune  assez  claire  d'elle-même, 
et  arrêtons-nous  au  sens  intime  de  ces  paroles.  Le  Seigneur ,  ayant  à 
repousser  l'accusation  de  faire  des  miracles  par  Béelzébub,  fait  retom- 
ber cette  accusation  sur  ses  auteurs.  En  efïet,  la  loi  vient  de  Dieu  et  la 
promesse  du  royaume  d'Israël  découle  de  la  loi  :  si  le  royaume  de  la  loi 
est  divisé  contre  lui-même,  il  faut  nécessairement  qu'il  se  détruise,  et 
c'est  ainsi  (jue  le  royaume  d'Israël  a  perdu  la  loi ,  alors  que  le  peuple 
de  la  loi  attaquait  dans  le  Christ  l'accomplissement  de  la  loi.  C'est  la 
ville  de  Jérusalem  qui  est  ici  désignée ,  elle  qui ,  après  avoir  dirigé 
contre  le  Christ  tous  les  flots  de  la  fureur  populaire  et  rais  en  fuite  les 
Apôtres  avec  la  multitude  des  croyants ,  ne  tiendra  pas  contre  cette 
division ,  et  le  Sauveur  prédit  ici  la  ruine  de  cette  ville ,  qui  suivit  de 
près  cette  division.  Il  ajoute  ensuite  :  Et  si  Satan  chasse  Satan  ,  com- 
ment son  royaume  subsistera-t-il  ? —  S.  Jér.  C'est-à-dire  :  Si  Satan 
combat  contre  lui-même  et  si  le  démon  se  déclare  l'ennemi  du  démon, 
la  fin  du  monde  devrait  être  proche ,  car  il  n'y  aurait  plus  de  place 
pour  ces  puissances  ennemies  dont  les  divisions  assurent  la  paix  aux 
hommes.  —  La  Glose.  Le  Seigneur  les  renferme  donc  dans  un 
dilemme  dont  ils  ne  peuvent  sortir  :  ou  bien  le  Christ  chasse  le 
démon  par  la  puissance  de  Dieu ,  ou  bien  par  la  vertu  du  prince  des 
démons.  Si  c'est  par  la  puissance  de  Dieu ,  vos  calomnies  tombent  à 
faux  ;  si  c'est  par  le  prince  des  démons,  le  royaume  des  démons  est  donc 
divisé  contre  lui-même,  et  il  ne  peut  subsister.  C'est  pour  cela  que  les 
pharisiens  se  retirent  de  son  royaume,  et  le  Sauvem-  insinue  que  c'est 


HiLAR.  [Can.  12  ut  sup.)  Sermo 
autein  Uei  dives  est,  et  vel  simpliciter 
intellei.'tus,  vel  inspectiis  iuterius,  ad 
omuem  profectum  ('st  necessariiis.  Relic- 
tis  ergo  liis  qufe  ad  oommuiiem  iutelli- 
gentiam  patent,  causis  interioribus  im- 
inoreinur.  Respouàunis  euim  Domiuus 
ad  id  quod  de  Beelzebul)  dictum  erat,  in 
ipsos  quibus  respoudebat  responsionis 
(•onditioneui  retorsit:  lex  euim  a  Deo  est, 
et  regui  Israël  poUieitatio  ex  lege  est  :  si 
regnum  legis  coutra  se  dividiliir,  dissul- 
vatur  necesse  est  :  et  sic  Israël  reguuin 
amisit  legeru,  quuiido  impletioueui  legis 
iuCbristu  plebs  legis  iuipugiial.  Sed  ci- 
vilashii'  Hierusalein  indicatur,  (juai  post- 
t[iiain  in  Doniiniun  suuni  furt>re  pb^bis 
exarsit,  et  aposlolos   ejus  cum  creden- 


tium  turbià  fugavit,  post  divisionem  non 
stabit  :  atque  ita  quod  per  banc  divi- 
sionem mox  secutuin  est,  civitalis  illius 
deuuntiatur  excidium.  Deinde  assumit  : 
«  Et  si  Sathauas  Sathanam  ejicil,  quo- 
modo  stabit  regnum  ejus?  »  Hier.  Ac  si 
diceret  ;  Si  Satbauas  puguat  contra  se, 
et  dœmon  iuimicus  est  dœmoni,  deberet 
jaui  muudi  venire  consummatio  :  nec 
habeut  iu  eo  locum  adversariai  potes- 
tates,  quarum  intér  se  bellum,  pax  ho- 
minuni  est.  Glossa.  Necessaria  ergo 
complexioue  eos  arguit.  Vel  enini  Cbris- 
tus  in  virtule  Dei  daMUones  ejicit,  velin 
principe  da-monioruni;  si  in  virtuteDei, 
frustra  calumuiantur;  si  in  priucipedsE- 
mouiorum,  regnum  ejus  divisum  est, 
nec  stabit  :  et  ideo  a  reguo  ejus  rece- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XU. 


491 


de  leur  propre  choix,  parce  qu'ils  out  refusé  «le  croire  en  lui.  — 
S.  Chrys.  {hom.  42.)  Ou  bien  si  ce  royaume  est  divisé,  11  s'est  atl'aibli 
par  cette  division  et  il  est  perdu  ;  et,  s'il  est  perdu,  comment  peut-il 
en  renverser  un  autre?  —  S.  Hil.  [can.  12.)  Ou  bien  encore  si  le 
démon  est  forcément  l'auteur  de  cette  division  intestine,  et  qu'il  porte 
le  trouble  parmi  les  démons  eux-mêmes ,  il  faut  en  conclure  que  celui 
qui  est  parvenu  à  les  diviser  a  plus  de  puissance  que  ceux  qu'il  a  divi- 
sés; donc  le  royaume  du  démon,  devenu  le  théâtre  d'une  telle  division, 
est  détruit.  —  S.  Jér.  Si  vous  pensez,  scribes  et  pharisiens,  que  les 
démons  se  retirent  pour  obéir  à  leurs  chefs ,  pour  tromper  par  cette 
démarche  simulée  les  hommes  ignorants,  que  pouvez-vous  dire  de  ces 
guérisons  miraculeuses  dont  le  Sauveur  est  l'auteur?  A  moins  que 
vous  ne  reconnaissiez  aussi  dans  le  démon  la  puissance  de  guérir  les 
infirmités  du  corps  et  le  pouvoir  d'opérer  des  prodiges  spirituels. 

y.  27,  28.  —  Et  si  c'est  par  Béehéhuh  que  je  chasse  les  démons ,  par  qui  vos 
enfants  les  chassent-ils?  C'est  pourquoi  ils  seront  eux-mêmes  vos  juges.  Que 
si  c'est  par  l'Esprit  de  Dieu  que  je  citasse  les  démons,  le  royaume  de  Dieu  est 
donc  parvenu  jusqu'à  vous. 

S.  CiiRYS.  {hom.  42.)  A  cette  première  réponse.  Notre- Seigneur 
en  ajoute  ime  seconde  beaucoup  plus  évidente  encore  :  «  Et  si  c'est 
par  Béelzébub  que  je  chasse  les  démons,  par  qui  vos  enfants  les  chasse- 
ront-ils ?  »  Par  les  enfants  des  Juifs  ,  il  entend  les  exorcistes  établis 
par  la  loi  ou  les  Apôtres  sortis  de  la  nation  juive.  S'il  veut  parler  des 
exorcistes  qui  chassaient  les  démons  en  invoquant  le  nom  de  Dieu,  il 
force  les  pharisiens  par  cette  question  adroite  de  reconnaître  en  eux 


dunt  ;  quod  iuuiiit  sibi  eos  elegisse,  dum 
iu  se  uon  credimt.  Chrys.  {in  fiomil.  42 
ut  Slip.)  Vel  sic  :  «  Si  divisas  est,  imbe- 
i-illi  ir  factus  est  et  périt  ;  si  aulem  périt, 
qudUter  potest  aliuui  projicere  ?  »  Hilau. 
{C(int.  12  ut  svp.)  Vel  aliter  :  «  Si  ad 
divisiiiiem  suani  coactus  est  dEemon,  iit 
dcemones  perturbaret,  bine  quoque  ais- 
liiuaudum  est  plus  iu  eo  qui  divisent, 
qiiam  in  bis  ([ui  divisi  suut  inesse  virtu- 
tis  :  ergo  roi^num  diaboli  divisione  tali 
l'acta  est  dissolulum.  »  Hier.  Si  auteiu 
putatis^o  scribœ  etpbarisîlei,  quod  reces- 
sio  dfemonum  obedientia  sit  iu  priuci- 
peui  suuni,  ut  bomiues  ignorantes  frau- 
duleuta  simulatione  deludaut,  quid  po- 
testis  dicere  de  corpormn  sanitatibus 
quas  Dominus  perpetravit  ?    Aliud   est, 


si  membrorum  quoque  débilitâtes  et  spi- 
ritualium  virtutum  iusiguia  dtemouibus 
assignatis. 

Et  si  ego  in  Beelzi'biib  ejicin  dœmones,  fitii  ri's  ■ 
tri  in  quo  ejiciunl  ?  ideo  ipsi  judices  vestri 
orunt  :  si  uutem  ego  in  Spirilii  Dei  ejicio  dœ- 
mones, igitur  peroenit  in  vos  regnurn  Dei. 

Chrys.  [in  hom.  42  nt  sup.)  Post  pri- 
mani  soluliouem  venit  ad  secundam  qua> 
prima  inauifestior  est,  diceus  :  «  Kt  si 
ego  iu  Beelzebub  ejicio  dœuiones,  filii 
vestri  iu  quo  ejiciuut?  »  Hier.  Filios 
Jiidœorum  vel  exorcistas  legis  gentis  il- 
lius  ex  more  signât,  vel  apostolos  ex 
eorum  stirpe  generatos.  Si  exorcistas, 
qui  ad  iuvocationem  Dei  ejiciebant  dro- 
moues,  coarctat  pliarisœos  interrogatione 


19:2  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

l'œuvre  de  l'Esprit  saint  ?  Si  le  pouvoir  de  chasser  les  démons,  leur 
dit-il,  est  dans  vos  enfants  l'œuvre  de  l)ieu  ,  et  non  pas  des  démons, 
pourquoi  cette  puissance  aurait-elle  en  moi  un  autre  principe  ?  Ils  se- 
ront donc  eux-mêmes  vos  juges,  non  par  la  puissance  qu'ils  exerceront 
sur  vous,  mais  par  l'opposition  de  leur  conduite  avec  la  vôtre,  puisque 
c'est  à  Dieu  qu'ils  font  remonter  le  pouvoir  de  chasser  les  démons, 
tandis  que  vous  l'attribuez  au  prince  des  démons.  Si  au  contraire  ces 
paroles  doivent  s'entendre  des  Apôtres ,  ce  qui  est  plus  probable,  ils 
seront  leurs  juges,  parce  qu'ils  siégeront  sur  douze  sièges  pour  juger 
les  douze  tribus  d'Israël.  {Matth.  xix.)  —  S.  Hil.  {can.  d2.)  Or,  c'est  à 
juste  titre  que  les  Apôtres  seront  établis  leurs  juges,  eux  qui  ont  été 
revêtus  du  pouvoir  de  chasser  les  démons ,  pouvoir  que  les  pharisiens 
ont  refusé  de  reconnaître  dans  le  Christ  lui-même.  —  Rab.  Ou  bien 
encore,  c'est  parce  que  les  Apôtres  avaient  la  conscience  que  le  Christ 
ne  les  avait  initiés  à  aucune  science  funeste. 

S.  Chrys.  {hom.  -42.)  Le  Sauveur  ne  dit  pas  ici  :  Mes  disciples,  ni 
mes  Apôtres,  mais  «  vos  enfants,  »  afin  de  leur  donner  toute  facilité  de 
reprendre  leur  dignité,  ou,  s'ils  persévéraient  dans  leur  ingratitude, 
d'ôter  toute  excuse  à  leur  impudence.  Or,  les  Apôtres  chassaient  les 
démons  en  vertu  du  pouvoir  que  le  Sauveur  lui-même  leur  avait  donné; 
cependant  les  pharisiens  ne  songeaient  pas  à  les  accuser,  car  ce  n'était 
pas  le  fait  lui-même  qu'ils  attaquaient,  mais  la  personne  du  Christ. 
Il  prend  les  Apôtres  pour  exemple,  afin  de  leur  prouver  que  c'était 
sous  l'inspiration  de  l'envie  qu'ils  parlaient  ainsi  de  lui.  Il  les  con- 
duit ensuite  de  nouveau  à  la  connaissance  de  lui-même,  en  leur  dé- 
montrant qu'ils  sont  les  ennemis  déclarés  de  leur  propre  bonheur,  et 

(1)  Matth.,  X,  1;  Marc,  m,  a;  Luc,  ix,  I. 


prudenti,  ut  confiteautur  Spiritus  Saacti 
esse  opus  eorum  :  si  expulsio,  inquit, 
daemoiminin  filiis  ve.stris  DeououdîKino- 
nibus  depiilatur,  (juare  iu  me  idem  opus 
non  eamdem  liabeat  et  causam  ?  Erjîo 
ipsi  vestri  judices  erunt;  non  potestate, 
sed  comparatione  ;  dum  illi  expulsiouem 
daemonum  Deo  assijjriiaut,  vos  principi 
daenionionim  :  sin  aiitemelde  apostolis 


toli  bene  sibi  conscii  erant,  nihd  malae 
artis  se  ab  eo  didicisse. 

Chrys.  {in  hom.  42  ut  sup.)  Non  au- 
lem  dixit  :  Discipuli  mei,  ueque  upos- 
fvli,  sed  /ilii  restri  :  ut  si  quideni  vo- 
luerint  reverti  ad  illorum  di;ïuitatem, 
multam  bine  accipiant  occusiouem:  si 
autem  ingrat!  fueiint,  neque  inverecun- 
dam   babeaut  extusaliouem.  Ejiciebanl 


dictum  est  fquod  et  magis  iuleliigere  de-  i  autem  apostoli  dœmones,  quia  accepe- 
bemus)  :  ipsi  eruntjudices  eorum  ,  quia  |  rant  potestatera  ab  ipso  ;  et  tamen  nihil 
sedeb  mt  in  duodecim  soUis,  judicantes  '  eos  inc-usabaut  :  non  enim  rébus,  sed 
duodecim  tribus  Israël.  {Matlli.  19.)  Hi-  j  personae  Cbrisli  adversabantur  :  volens 
LAR.  {Can.  12  ut  sup.)  Idcirco  autem  \  igitur  monstrare  quoniam  invidiae'erant 
digne  judices  sunt  iu  eos  l'onstituti,  qui- i  quae  dicebanlur  de  ipso,  apostolos  in 
bus  id  dédisse  Cbristus  adversus  duîmo- j  médium  ducit.  Rursus  autem  ad  sui 
nés  potestatis  reperitur,  quod  ipse  est  j  cognitionem  inducit  eos,  demonslrans 
negatus  liabuisse.   Rau.  Vel  quia   apos    I  quoniam  propriis  adversautur  bonis,   et 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XII.  ^93 

qu'ils  s'opposent  à  leur  salut,  tandis  qu'ils  devraient  se  réjouir  de  ce 
qu'il  était  venu  pour  leur  communiquer  des  biens  ineffables.  «  Or, 
poursuit-il,  si  c'est  par  l'Esprit  de  Dieu  que  je  chasse  les  démons,  le 
royaume  de  Dieu  est  donc  parvenu  jusqu'à  vous.  »  Il  leur  montre  par 
là  que  chasser  les  démons  n'est  pas  l'effet  d'une  grâce  ordinaire,  mais 
un  acte  de  puissance  (i)  extraordinaire  ,  et  c'est  pour  étabhr  cette  vé- 
rité qu'il  tire  cette  conclusion  :  «  Donc  le  royaume  de  Dieu  est  par- 
venu jusqu'à  vous.  »  Comme  s'il  disait:  S'il  en  est  ainsi,  vous  ne  pouvez 
douter  de  la  venue  du  Fils  de  Dieu  sur  la  terre.  Mais  il  laisse  cette 
conséquence  dans  l'obscurité,  pour  ne  pas  leur  être  insupportable.  Au 
contraire,  comme  il  veut  les  attirer  à  lui ,  il  ne  se  contente  pas  de 
dire  :  Le  royaume  de  Dieu  est  arrivé,  mais  «  il  est  arrivé  jusqu'à 
vous.  »  Il  semble  leur  dire  :  Les  biens  vous  arrivent  et  se  répandent 
sur  vous  ;  pourquoi  donc  vous  déclarer  contre  ce  qui  doit  être  votre 
salut  ?  Ces  œuvres  si  grandes  de  la  puissance  divine  ont  été  prédites 
par  tous  les  prophètes  comme  le  signe  de  la  présence  du  Fils  de  Dieu 
sur  la  terre.  —  S.  Jér.  Il  se  désigne  lui-même  comme  ce  royaume  de 
Dieu,  dont  il  est  dit  ailleurs  :  «  Le  royaume  de  Dieu  est  au  milieu  de 
vous.  0  {Luc,  xvii.)  Et  encore  :  «  Il  y  en  a  un  au  milieu  de  vous  que 
vous  ne  connaissez  pas.  »  [Jean,  i.)  Ou  bien  encore,  c'est  ce  royaume 
que  Jean-Baptiste  et  le  Seigneur  lui-même  ont  annoncé  en  ces  termes  : 
«  Faites  pénitence,,  car  le  royaume  descieux  est  proche.»  iMatlh.  m.) 
Il  est  un  troisième  royaume  de  la  sainte  Ecriture  qui  est  enlevé  aux 
Juifs  pour  être  donné  à  une  nation  qui  lui  fera  porter  des  fruits. 
{Matth.  XXI.)  —  S.  HiL.  [can.  12.)  Si  donc  les  disciples  agissent  parla 
vertu  du  Christ ,  et  que  le  Christ  agisse  lui  -même  par  la  vertu  de 

(1)  Le  mot  virtus  doit  être  entendu  ici  dans  le  sens  de  puissance,  comme  l'indique  le  texte  grec 
(XEYiffTirii;  8v)và(i.ew;. 


contrariantur  suaî  saluti;  ciim  deceret 
eos  laitari,  quod  magna  boua  illis  adve- 
nerat  donaturus  :  uude  seqiiitur  :  «  Si 
auteui  ego  in  Spirilu  Dei  ejicio  daemo- 
nia,  pervenit  in  vos  regnum  Dei.  »  Per 
lioc  auteni  demonstrat  quod  magnœ 
virtutis  opus  est  dœnionesejicere,  et  non 
cujusiibct  gratia  :  et  ob  hoc  quidem 
syllogizat,  diceus  :  «  Ergo  pervenit  in 
vos  regnum  Dei.  »  Ac  si  dicat  :  si  hoc 
est,  profecto  Filius  Dei  advenit  :  hoc 
autem  obumbrale  dicit,  ut  non  illis  sit 
grave  :  deinde  ut  illos  alUciat,  non  dixit 
simpliciter  :  «  Pervenit  regnum,  sed,  «in 
vos:  »  quasi  dicat  :  Vobis  veniunt  bona; 
propter  quid  vestram  impuguatis  salu- 

TOM.   II. 


tem  ?  Hoc  euim  est  signum  a  prophetis 
traditum  prœsentiae  Filii  Dei,  tantafieri, 
potestate  divina.  Hier.  Regnum  enim 
Dei  seipsum  signât;  de  quo  in  alio  loco 
scriptum  est  {Luc.  17)  :  «  Regnum  Dei 
intra  vos  est;  »  (et  Joan.  1):»  Médius 
slat  inter  vos  quem  nescitis  :  »  vel  certe 
illud  regnum  quod  et  Joannes  et  ipse 
Dominus  prœdicaveruut  {Matt/i.  1,  3  et 
4)  :  «  Pœnitentiam  agite,  appropinqua- 
vit  enim  regnum  cœlorum  :  »  est  et  ter- 
tium  regnum  Soripturae  sanctae,  quod 
aufertur  a  Judseis,  et  traditur  genti  fa- 
cienti  fructus  ejus.  {Mutth.  21.)  Hilar. 
[Cant.  12  ut  sup.)  Si  ergo  discipuli  ope- 
ranturper  Christum,  et  ex  Spiritu  Dei 

43 


I9i 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


l'Esprit  saint,  le  royaume  de  Dieu  arrive,  puisqu'il  a  été  communiqué 
aux  Apôtres  par  le  ministère  du  médiateur  lui-même  (l).  —  La  Glose. 
On  peut  dire  aussi  que  l'affaiblissement  du  pouvoir  du  démon  est  une 
augmentation  du  royaume  de  Dieu.  —  S.  Aug.  [Quest.  évang.,  i,  5.) 
On  peut  donc  donner  aussi  cette  explication  :  Si  je  chasse  les  démons 
par  Béelzébub,  même  dans  votre  pensée,  le  royaume  de  Dieu  est  par- 
venu jusqu'à  vous;  car  ce  royaume  du  démon  qui,  de  votre  aveu,  est 
divisé  contre  lui-même ,  ne  peut  subsister.  Ce  royaume  de  Dieu  dont 
il  parle ,  c'est  celui  où  les  impies  subissent  leur  condamnation ,  et  où 
ils  sont  séparés  des  fidèles  qui  font  maintenant  pénitence  de  leurs  pé- 
chés ('2). 

f.  29.  —  Mais  comment  quelqu'un  peut-il  entrer  dans  la  maison  du  fort  et 

enlever  ses  meubles,  si  auparavant  il  ne  lie  le  fort  pour  pouvoir  piller  ensuite 
sa  maison  ? 

S.  Chrys.  {hom.  42.)  A  cette  seconde  réponse,  Notre-Seigneur  en 
ajoute  encore  une  troisième  :  «  Comment  quelqu'un  peut-il  entrer 
dans  la  maison  du  fort?  »  etc.  Que  Satan  ne  puisse  chasser  Satan, 
c'est  chose  évidente  d'après  ce  qui  précède,  et  il  est  également  hors 
de  doute  que  personne  ne  peut  le  chasser  sans  l'avoir  tout  d'abord 
vaincu.  Notre-Seigneur  reproduit  donc,  mais  avec  une  nouvelle  force, 
la  raison  qu'il  a  donnée  précédemment  :  Je  suis  si  loin  de  demander  au 
démon  son  appui,  que  je  suis  en  guerre  avec  lui  et  que  je  le  tiens  cap- 
tif, et  la  preuve,  c'est  que  j'enlève  tout  ce  qu'il  possède.  C'est  ainsi 
qu'il  établit  le  contraire  de  ce  que  ses  ennemis  cherchaient  à  lui  re- 

(1)  Cette  citation  vient  plutôt  de  saint  Anselme. 

(2)  Saint  Augustin  veut  dire  ici  que  le  démon  ne  peut  prêter  appui  à  un  royaume  qui  est  la 
condamnation  des  impies  et  la  séparation  des  bons  d'avec  les  mauvais. 


Christus  operatur ,  adest  regnuni  Dei 
jam  iii  apostolosmediatoris  offlcio  traus- 
fusum.  Glos.  Dimiuulio  etiam  regnidia- 
boli,  ostaugmeutatio  regniDei.  Alg.  {de 
qucest.  Evang.  lib.  i,  quaest.  5.)  Unde 
potest  etiam  hic  esse  sensiis  :  «  Si  ego 
in  BeelzeLub  ejirio  d;f  niones,  etiam  se- 
cunduia  vt'slram  seiitcntiam  pm-veiiit  in 
vos  regnum  Dei  ;  (piia  regnum  diaboli 
stare  non  potest,  qiicm  adversum  se  di- 
visum  fatemini  :  »  regnum  enim  Dei 
nunc  dixit  qiio  damnanliir  inipii,  et  a 
lîdelibus  de  peccatis  suis  pœuitentiam 
nunc  agentibus  secemuntiir. 

A'it  fjuitmodo  potest  quisquam  intrare  in  domum 
fortis,  et  vn.ia  ejiis  diripeie,  nisi  prinx  alli- 


ijaverit  fortem,  et  tune  domum  illius  diripiet  '.' 

Chrys.  (/«  homil.  42  ut  snp.)  Posita 
secunda  solutione,  iuducit  et  terliam  di- 
cens  :  «  Aut  quomodo  potest  quisquani 
intrare  in  domum  fortis,  »  etc.  Quod 
enim  non  potest  Satbanas  Satbanani 
ejicere,  manifestum  ex  dictis  est  :  sed 
quoniam  neque  alins  potest  eum  ejicere, 
nisi  prias  eum  superaverit,  omnibus  est 
manit'estum  :  constiluitur  ergo  quod  et 
antea  eum  niajori  abundantia  :  dicit 
enim  :  Tantum  absisto  ab  hoc  quod  utar 
diabolo  coadjutore,  quod  praelior  eum 
eo  et  hgo  eum,  et  hujus  conjectura  est, 
quod  vasa  ejus  diripio  :  et  sic  contra- 
rium  ejus  quod  iUi  teutabaut  dicere  de- 


DE   SAÎNT   MATTHIEU,    CHAP.    XII. 


195 


procher.  Que  voulaient-ils  en  efiet?  Persuader  que  ce  n'était  point  par 
sa  propre  puissance  qu'il  chassait  les  démons.  Or,  il  leur  démontre 
qu'il  a  fait  captifs,  non-seulement  les  démons,  mais  leur  chef  lui-même. 
Ce  qu'il  a  fait  le  prouve  suffisamment.  Car  comment,  sans  l'avoir 
réduit  le  premier  ,  aurait-il  pu  se  rendre  maitrc  des  démons  qui  sont 
sous  ses  ordres?  Ces  paroles  contiennent,  à  mon  avis  ,  une  prophétie; 
car  non- seulement  il  chasse  actuellement  les  démons,  mais  il  fera  dis- 
paraître l'erreur  de  toute  la  face  de  la  terre,  et  détruira  tous  les  arti- 
fices du  démon.  Il  ne  dit  pas  :  11  enlèvera  ,  mais  :  «  Tl  arrachera,  » 
pour  montrer  la  puissance  avec  laquelle  il  agit.  —  S.  Jér.  La  maison 
du  démon,  c'est  le  monde  qui  est  soumis  à  l'empire  du  malin  esprit, 
non  par  la  volonté  de  son  Créateur,  mais  par  la  grandeur  de  sa  faute. 
Le  fort  a  été  chargé  de  chaînes ,  relégué  dans  l'enfer  et  brisé  sous  les 
pieds  du  Seigneur.  Toutefois  nous  n3  devons  pas  être  sans  crainte  (1); 
car  notre  adversaire  est  proclamé  «  le  fort  »  par  la  bouche  même  de 
sou  vainqueur.  —  S.  Chrys.  {hom.  42.)  Il  l'appelle  le  fort,  pour  expri- 
mer son  antique  tyrannie,  due  tout  entière  à  notre  lâcheté.  —  S.  AuG. 
{Quest.  évang.,  \,  5.  )  Satan  tenait  les  hommes  captifs ,  et  ils  ne  pou- 
vaient s'arracher  de  ses  mains  par  leurs  propres  forces ,  si  la  grâce  de 
Dieu  n'était  venu  les  délivrer.  Ce  qu'il  appelle  ses  armes,  ce  sont  les  infi- 
dèles. Il  a  lié  le  fort  en  lui  enlevant  le  pouvoir  qu'il  avait  de  s'opposer 
à  la  volonté  des  fidèles  qui  veulent  suivre  le  Christ ,  et  conquérir  le 
royaume  de  Dieu.  —  Rab.  Il  a  pillé  sa  maison,  parce  qu'il  a  délivré 
des  pièges  du  démon,  pour  les  réunir  à  son  Eglise  ,  ceux  qu'il  avait 
prévus  devoir  être  à  lui ,  ou  bien  lorsqu'il  a  donné  le  monde  entier  à 

1^1;  Dans  saint  Jérôme  cette  seconde  partie  de  la  citation  se  trouve  avant  ce  qui  précède. 


monstrat  :  illi  enim  volebant  ostendere 
quod  non  propria  virtute  ejicit  daemo- 
nes  :  ipse  auteui  osteudit,  quod  non  so- 
lum  dtemones,  sed  et  eorum  principem 
ligavit  :  quod  luanifestum  est  ab  his  quse 
facta  suut  :  qualiter  enim  principe  non 
victo,  hi  qui  subjacent  dœniones  direpti 
sunt.  Hoc  antem  mihi  prophetia  videlur 
esse  quod  dicitur  :  non  enim  solum  dae- 
mones  ejieit,  sed  et  errorcu^  universi 
orbis  terrarum  abiget,  et  niacbinatio- 
nem  diaboli  dissolvet  :  et  non  dixit,  ra- 
piet,  sed,  diriplet,  osteudens  quod  boc 
cum  potestate  liât.  Hier.  Domus  illius 
mundus  est  qui  in  maliguo  positus 
(I  Jonn.  5) ,  non  creatoris  dignitate ,  sed 
magnitudine  delinquentis.  Alligatus  est 
fortis,  et  religatus  in  tarlaruiu,  et  Domini 


pede  contritus.  Non  autem  debemus  esse 
securi  ;  adversarius  noster  fortis  victo- 
ris  quoque  vocibus  coiuprobatur.  Chuys. 
[in  homil.  42  ut  sup.)  Fortem  autem 
eum  vocat,  antiquam  ejus  ostendens 
tyrannideni,  quai  ex  nostra  desidia  orta 
est.  AuG.  {de  Quœst.  Evang.  lib.  i, 
quaîst.  3.)  Quos  scilicet  ipse  tenebat,  ne 
possent  viribus  suis  ab  illo  se  bomines 
eruere,  sed  per  gratiam  Dei  :  rasa  ejiis 
dicit  omnes  infidèles.  Alligavit  autem 
fortem,  quia  potestatem  illi  ademit  im- 
pediendi  voluntatem  fidelium  asequeudo 
Cbristum ,  et  obtinendo  regnum  Dei. 
Rab.  Domum  ergo  ejus  diripuit,  quia 
ereptos  a  diaboli  laqueis  eos  quos  suos 
esse  prsevidit,  Ecclesiae  adunavit;  vel 
quia  omnes  mundi  partes  apostolis   et 


196  EXPLICATION    DE    l'ÉVANGILE 

convertir  à  ses  Apôtres  et  à  leurs  successeurs.  Par  cette  comparaison 
si  claire,  il  leur  montre  donc  qu'il  n'est  point  associé  aux  opérations 
mensongères  du  démon,  comme  ils  l'en  accusaient  faussement,  mais 
que  c'est  par  la  puissance  divine  qu'il  a  délivré  les  hommes  de  la 
tyrannie  des  démons. 

y.  30.  —  Celui  qui  n'est  point  avec  moi  est  contre  moi,  et  celui  qui  n'amasse 

point  dissipe. 

S.  Chrys.  [hom.  42.)  A  cette  troisième  raison  en  succède  une 
quatrième  :  «  Celui  qui  n'est  pas  avec  moi  est  contre  moi.  »  — 
S.  HiL.  {can.  12.)  Jésus  fait  connaître  combien  il  s'en  faut  qu'il  ait 
emprunté  la  moindre  puissance  au  démon ,  et  il  nous  laisse  entrevoir 
combien  il  est  dangereux  de  se  faire  une  mauvaise  idée  de  lui,  puisque 
ne  pas  être  avec  lui  c'est  être  contre  lui.  —  S.  Jér.  Il  ne  faut  pas 
croire  cependant  que  ces  paroles  se  rapportent  aux  hérétiques  et  aux 
schismatiques ,  quoiqu'on  puisse  les  leur  appliquer  par  extension  ; 
far  le  contexte  et  la  suite  du  récit  nous  forcent  de  les  entendre  du  dé- 
mon, en  ce  sens  qu'on  ne  peut  comparer  les  œuvres  du  Seigneur  aux 
œuvres  de  Béelzébub.  Le  désir  du  démon,  c'est  de  tenir  les  âmes  cap- 
tives; le  désir  du  Seigneur,  c'est  de  les  délivrer;  l'un  prêche  le  culte 
des  idoles,  l'autre  la  connaissance  du  vrai  Dieu;  le  démon  entraîne  au 
mal ,  le  Sauveur  rappelle  à  la  pratique  des  vertus.  Or,  quel  accord  est 
possible  entre  ceux  dont  les  œuvres  sont  si  contraires? 

S.  Chrys.  {ho?n.  42.)  Comment  donc  celui  qui  n'amasse  pas  avec 
moi  et  qui  n'est  pas  avec  moi ,  peut-il  être  d'accord  (I)  avec  moi  pour 

(1)  Le  texte  grec  Ttpoc  i\xé  ôfjiôvotav  liteSstÇaTO  détermine  beaucoup  plus  clairement  le  sens 
que  le  mot  latin  comparandus. 


eorum  successoribus  couverteudas  dis- 
tribuit.  Ostendit  igilur  manifestam  para- 
bolam,  dicens,  quod  non  concordat  iu 
t'aliaci  operalioue  cum  dœmonibus,  ut 
calumniabanliir  ;  sed  virtute  Diviiiitatis 
bomines  a  da^moiiibus  lLl)eravit. 

(Jui  non  est  me.cnm  contra  me  eut  ;  et  qui  non  con- 
gregat  mecum,  spargit. 

CiiiiYS.  {in  homil.  42  ut  sup.)  Posita 
lertia  solutione,  bic  pouit  quarlaiu  di- 
cens  :  «  Qui  non  est  niecnni,  centra  me 
est.  n  HiLAR.  (Can.  12  u/  sup.)  In  quo 
ostendit  longe  a  se  esse  ut  aliquid  a  dia- 
bolo mutuatus  sit  polestatis  :  et  ex  boc 
ingenti:^  pericnli  ros  inlolliçritur.  maie 
de  eo  opiuari,  cinn  quo   non  csso  idip- 


sum  est  quod  contra  esse.  Hier.  Non 
tamen  putet  boc  quisquam  de  baereticis 
dictum  et  scbismaticis  (quamquam  et  ita 
ex  superfluo  possit  intelligi).  sed  ex  con- 
sequentibuS;,  textuque  sermonis,  ad  dia- 
bobnn  refertur.  eo  quod  non  possint 
opéra  Salvatoris  Beelzebub  operibus 
coniparari.  111e  cupit  animas  bominuui 
tenere  captivas^  Dominus  liberare  ;  illc 
prœdicat  idola,  lue  unius  Dei  notitiam  ; 
ille  Irabit  ad  vitia,  bic  revocat  ad  virtu- 
tes  :  quomodo  ergo  possuut  inler  se  ba- 
bere  concordiam,  quorum  opéra  sunt 
diversa"' 

Chrys.  {homil.  42  ut  sup.)  Qui  ergu 
non  mecum  congregat,  ncque  mecum 
est.  non  erit  milii  comparandus,  ul  me- 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XII.  497 

chasser  les  démons?  il  désire  bien  plutôt  disperser  et  détruire  ce  qui 
m'appartient.  Mais  dites  moi,  si  vous  aviez  un  combat  à  livrer  (l*), 
celui  qui  ne  voudrait  pas  venir  à  votre  secours  ne  serait  point  par  là 
même  contre  vous.  Car  le  Seigneur  lui-même  a  dit  dans  un  autre 
endroit  :  «  Celui  qui  n'est  pas  contre  vous  est  pour  vous.  »  Il  n'y  a 
point  ici  de  contradiction  entre  ces  deux  passages  :  d'un  côté  le  Sei- 
gneur veut  parler  du  démon  qui  est  en  guerre  ouverte  avec  lui;  de 
l'autre,  d'un  homme  qui  était  en  partie  avec  les  disciples,  et  dont  ils 
disaient  :  «  Nous  avons  vu  un  homme  chasser  les  démons  en  votre 
nom.  »  Ce  sont  les  Juifs  qu'il  paraît  surtout  avoir  ici  en  vue  ,  et  qu'il 
range  dans  le  parti  du  démon;  ils  étaient  en  effet  contre  lui ,  et  ils 
dispersaient  ce  qu'il  cherchait  à  réunir.  On  peut  admettre  aussi  qu'il 
veut  parler  de  lui-même,  car  il  était  l'ennemi  déclaré  du  démon,  et 
s'efforçait  de  détruire  ses  œuvres. 

y.  31,  32.  —  C'est  pourquoi  je  vous  déclare  que  tout  péché  et  tout  blasphème 
sera  remis  aux  hommes;  mais  le  blaspjhème  contre  le  Saint-Esprit  ne  leur 
sera  jjoint  remis.  Et  quiconque  aura  parlé  contre  le  Fils  de  l'homme,  il  lui 
sera  remis;  mais  si  quelqu'un  a  parlé  contre  le  Saint-Esprit ,  il  ne  lui  sera 
réunis  ni  en  ce  siècle  ni  dans  le  siècle  à  venir. 

S.  Chrys.  [hom.  42.)  Le  Seigneur  a  répondu  aux  pharisiens  en  jus- 
tifiant sa  conduite;  il  leur  inspire  maintenant  une  salutaire  frayeur. 
Car  une  partie  importante  de  la  correction ,  c'est  non-seulement  de 
justifier  sa  manière  d'agir  (2*),  mais  aussi  d'y  ajouter  les  menaces.  — 


(1*)  Le  texte  grec  £1  oio'.  Tivi  r:ole\J.rin(X'.,  ô  ixi)  pou),ô(XcVOç  dOt  (7U!J.[J.ay^^aai,  etc..  fait  dis- 
paraître l'espèce  d'amphibologie  de   la  traduction  latine...  cum   aliqnu...   qui...  Il  faudrait  ille 


qui 


(V)  Ici  encore  le  texte  grec  fixe  le  sens  et  1  application  du  mot  excusando...  xè  \ii\  [xôvov  àirO' 
).OYsT<T0ai  v.où  7r£Î6£iv... 


cum  dœmones  ejiciat,  sed  magis  deside- 
rat  qu£e  mea  sunt  spargere.  Sed  die 
•mihi  :  si  oportuerit  cum  aliquo  prœliari, 
qui  noa  vuH  tibi  auxiliari,  hoc  ipso  non 
est  adversum  te  :  ipse  etiam  Domiuus 
alio  loco  dixit  {Marc.  9,  vers.  38,  et  Zhc. 
0,  vers.  .50)  :  «  Qui  non  est  adversum 
vos,  pro  vobis  est.  »  Sed  non  est  con- 
trarium  hoc  quod  hic  dicitur  :  hic  enim 
loquitur  de  diabolo  adversario  existente, 
ibi  autem  de  homine  qui  in  parte  erat 
cum  eis  de  quo  dictum  erat  [lit  sup.)  : 
«  Vidimus  quemdam  in  nomine  tuo  eji- 
cientem  daemonia.  »  Videtur  autem 
.ludaeos  hic  occulte  iusinuare,  cum  dia- 
bolo statuens  eos  :  ipsi  enim  adversus 
eum  erant,  et  spargebant  quœ  ipse  con- 


gregabat  :  sed  et  deceus  est  credere,  hoc 
de  seipso  dixisse,  quia  adversus  diabo- 
lum  erat.  et  quse  illius  sunt,  disper- 
gebat . 

Ideo  dico  vobis  :  Omne  peccatum  et  blasphemia 
remittetur  hominibus,  spiritus  autem  blasphe- 
mia non  remittetur.  Et  qnicunque  dixerit 
verbum  contra  Filium  hominis,  remittetur  ei: 
qui  autem  dixerit  contra  Spiritum  Sanctum, 
non  remittetur  ei,  neque  in  hoc  seculo,  neque 
in  futuro. 

Chrys.  {in  homil.  42  ut  sup.)  Quia 
Dominus  phariseeis  excusando  respon- 
derat,  jam  eos  terret.  Est  enim  hoc  cor- 
rectionis  non  parvapars,  non  solum  ex- 
cusando respondere.  sed  et  comrainari. 


498 


EXPLICATION   DE   L  ÉVANGILE 


S.  HiL.  {can.  12.)  Il  prononce  un  jugement  sévère  contre  l'opinion  in- 
juste des  pharisiens  et  contre  la  perversité  de  ceux  qui  la  partagent, 
en  promettant  le  pardon  do  tous  les  péchés ,  mais  en  le  refusant  au 
blasphème  contre  l'Esprit.  «  C'est  pourquoi  je  vous  déclare  que  tout 
péché  et  tout  blasphème  sera  remis.  »  —  Rémi.  Remarquons,  toutefois, 
que  le  pardon  n'est  pas  accordé  indistinctement  à  tout  le  monde, 
mais  à  ceux  qui  auront  fait  une  pénitence  proportionnée  à  leurs  pé- 
chés. Ces  paroles  sont  la  condamnation  de  l'erreur  de  Novatien_,  qui 
prétendait  que  les  fidèles  ne  pouvaient  se  relever  de  leurs  chutes  par 
la  pénitence,  ni  mériter  (I)  le  pardon  de  leurs  péchés,  surtout  ceux 
qui  avaient  renoncé  la  foi  dans  les  persécutions. 

«  Mais  le  blasphème  contre  le  Saint-Esprit  ne  leur  sera  point  re- 
mis. »  —  S.  AuG.  {serm.  sur  les  paroles  du  Seif).)  Quelle  différence 
entre  cette  locution  :  «  Le  blasphème  contre  l'Esprit  ne  sera  pas  par- 
donné, »  et  cette  autre  que  nous  Hsons  dans  saint  Luc  :  «  Si  quelqu'un 
blasphème  contre  l'Esprit  saint,  il  ne  lui  sera  pas  remis  »  (chap.  xi), 
si  ce  n'est  que  la  pensée  est  rendue  plus  clairement  d'une  fa^on  que 
de  l'autre,  et  que  le  second  Evangéliste  explique  le  premier  sans  le 
contredire?  En  effet,  cette  expression  :  le  blasphème  de  l'Esprit,  a 
quelque  obscurité,  parce  qu'on  ne  dit  pas  de  quel  esprit  il  s'agit,  et 
c'est  pour  la  faire  disparaître  que  Notre -Seigneur  ajoute  :  «  Et  qui- 
conque aura  dit  une  parole  contre  le  Fils  de  l'homme.  »  Après  avoir 
parlé  eu  général  de  toute  espèce  de  blasphème ,  il  veut  spécifier  en 
particulier  le  blasphème  contre  le  Fils  de  l'homme ,  blasphème  qui 
nous  est  représenté  comme  un  péché  très-grave  dans  l'Evangile  de 

(1)  Le  mot  promereri  doit  être  pris  ici  dans  le   sens  d'obtenir,   car  personne  ne  peut   mériter 

proprement  le  pardon  de  ses  péchés. 


HiLAR.  {Can.  12  ut  svp.)  PharisBeorum 
eaim  sententiam.  et  eorum  qui  ita  oum 
his  sentiunt  perversitalem  severissinia 
diffiaitioue  condemiiat  ;  peccatoriim  om- 
nium veuiam  promiltens,  et  blasphemiœ 
spiritus  iudulsentiam  abuepaus.  «  Ideo 
dico  vobis  :  Omne  peccatum  et  blasphe- 
mia  remittetur.  »  RiiMiG.  Sciendum  est 
tamen  quod  non  passim  quibuscunque 
dimittitur,  sed  illis  qui  pro  suis  reatibus 
di^nam  pœnitentiam  eperlnt.  Destruitur 
autem  his  verbis  error  Novatiani,  qui 
dicebaf,  quod  fidèles  post  lapsum  per 
pœnitentiam  non  possunt  surpere,  neque 
peccatorum  ~uorum  veniam  promereri, 
maxime  illi  qui  in  perseeutioue  positi 
nepabant. 

Sequitur  :  «  Spiritus  autem  blasphemia 
non  remittetur.  »  AuG.  {de  Verb.  Dom. 


serm.  ii,  cap.  8.)  Quid  enim  interest  ad 
rem,  utrum  dieatur  :  «  Spiritus  blasphe- 
mia non  remittetur;  »  an  dieatur  :  «  Qui 
blasphemaverit  in  Spiritum  Sanctum, 
non  ei  remittetur,  »  ut  Lucas  dicit  ?  (cap. 
1  i .)  Nisi  forte  quod  eadem  sentenlia  aper- 
tius  isto  modo  quam  illo  dicitur,  et  alium 
Evangelistam  non  destruit  alius,  sed 
exponit  ?  Spiritiis  enim  blasphemia 
clause  dictum  est,  quia  non  est  expres- 
sum  cujus  spiritus:  et  ideo  ad  hujusmodi 
expositioni'm  subditur  :  «  Et  quicunque 
dixerit  verbum  contra  Filium  liominis,  » 
etc.  Ideo  post  universalem  commemo- 
rationem  nmnis  blasphemiœ  eminentius 
voluit  exprimere  blasphemiam  qune  dici- 
tur contra  Filium  homiuis,  ipiam  Evan- 
gelio  secuudum  Joannem  valde  grave 
ostendit  esse  peccatum  .  ubi  ait  de  Spi- 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XII.  199 

saint  Jean,  où  nous  lisons  :  «  [l  convaincra  le  monde  de  péché,  de  jus- 
tice et  déjugeaient  ;  de  péché  ,  parce  qu'ils  n'ont  pas  cru  en  moi.  » 
[Jean,  xvi.)  —  Le  Sauveur  ajoute  :  «  Mais  celui  qui  aura  blasphémé 
contre  le  Saint-Esprit,  il  ne  lui  sera  point  pardonné.  »  Ges  paroles  ne 
signifient  donc  pas  que  dans  la  Trinité  l'Esprit  saint  est  supérieur  au 
Fils ,  erreur  que  n'a  jamais  soutenue  personne  ,  pas  même  les  héré- 
tiques. 

S.  HiL.  {can.  12.)  Qu'y  a-t-il  de  plus  impardonnable  que  de  nier  la 
nature  divine  dans  le  Christ  {\),  que  de  le  dépouiller  de  la  substance 
de  l'Esprit  du  Père  qui  demeure  en  lui_,  alors  qu'il  opère  toutes  ses 
œuvres  par  l'Esprit  de  Dieu,  et  que  Dieu  est  en  lui  pour  se  réconcilier 
le  monde  ?  —  S.  Jér.  Ou  bien  ce  passage  doit  être  entendu  ainsi  ;  Si 
quelqu'un  dit  une  parole  contre  le  Fils  de  l'homme  ,  scandalisé  qu'il 
est  par  la  chair  dont  je  suis  revêtu,  et  ne  voyant  en  moi  qu'un  homme, 
cette  opinion,  bien  qu'elle  soit  un  blasphème  et  une  erreur  coupable, 
sera  cependant  digne  de  pardon ,  à  cause  de  la  faiblesse  de  la  nature 
humaine  qui  parait  en  moi  ;  mais  celui  qui,  eu  présence  d'œuvres  in- 
contestablement divines  dont  il  ne  peut  nier  la  puissance ,  osera 
cependant  me  calomnier  sous  l'inspiration  de  l'envie  ,  et  dire  que  le 
Christ,  le  Verbe  de  Dieu,  et  les  œuvres  de  l'Esprit  saint  doivent  être 
attribuées  à  Béelzébub,  ne  peut  espérer  de  pardon  ni  dans  ce  monde 
ni  dans  l'autre.  —  S.  Aug.  {serm.  ii  sur  les  paroles  du  Seig.)  Si  tel 
était  le  sens  de  ces  paroles  ,  il  ne  serait  question  d'aucun  autre  blas- 
phème, et  le  seul  qui  serait  irrémissible  serait  le  blasphème  contre  le 
Fils  de  l'homme,  c'est-à-dire  celui  qui  ne  veut  voir  en  lui  qu'un 

;i;  C'est-à-dire  nier  la  divinité  du  Christ,  ou  ce  qui  se  trouve  en  lui  de  divin  comme  dans  le 
Fils  de  Dieu.  Saint  Hilaire  s'exprime  de  la  même  manière  au  can.  16,  où  il  fait  l'éloge  de  saint 
Pierre  comme  ayant  été  jugé  digne  de  reconnaître  le  premier  ce  qu'il  y  avait  de  divin  dans  le 
Christ,  qui  quod  in  Christo  Dei  esset,  primus  agnosceret. 


ritu  Sancto  (Joan.  16)  :  «  Ille  arguet 
mundum  de  peccato,  de  justitia  et  de 
judicio  :  de  peccato  quidem ,  quia  non 
credunt  in  me.»  Sequitur  :  «  Q\\\  autem 
dixerit  contra  Spiritnm  Sanctum .  non 
remittetiir  ei  :  »  non  ergo  hoc  dicitur 
propterea,  quia  in  Trinitate  major  est 
Filio  Spiritus  Sanctus,  quod  uullus  un- 
quam  vel  haereticus  dixit. 

HiL-VR.  (Cant.  12  ut  sup.)  Quid  autem 
tam  extra  veniam  est,  quam  in  Cliristo 
negare  quod  Dei  est,  et  consistenteni  in 
eo  paterni  spiritus  substantiamadimere; 
cum  in  Spiritu  Dei  omne  opus  consum- 
met,  et  in  eo  Deus  sit  uiundum  recon- 
cilians  sibi?  Hier.  Vel  ita  locus  iste  est 
intelligendus  :  Qui  verbum  di.xerit  con- 


tra Filium  hominis,  scandalizatus  carne 
mea,  et  me  hominem  tantum  arbitrans, 
talis  opinio  atque  blasphemia,  quam- 
quam  culpa  non  careat  erroris,  tamen 
habet  veniam  propter  corporis  vilitatem  ; 
qui  autem  manifesta  inteiligens  opéra 
Dei  virtutem  negare  non  possit,  eadem 
calumniatur  stimulatus  invidia,  et  Chris- 
tum  Dei  Verbum ,  et  opéra  Spiritus 
Sancti  dicit  esse  Beelzebub,  isti  non  re- 
mittetur,  ueque  in  hoc  seculo,  ueque  in 
future.  Aug.  (de  Yerb.  Dom.  serm.  ix  ut 
sup.)  Sed  si  hoc  propterea  dictum  esset, 
profecto  de  omni  blasphemia  taceretur, 
et  hœc  sola  remissibilis  videretur  quae 
contra  Filium  hominis  dicitur,  quasi  cum 
homo  solum  putatur;    cum  vero  prae- 


200 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


homme.  Mais  comme  il  a  commencé  par  dire  .  «  Tout  péché  et  tout 
blasphème  sera  remis  aux  hommes,  »  il  est  hors  de  doute  que  le 
blasphème  contre  le  Père  lui-même  est  compris  dans  cette  proposition 
générale;  et  le  seul  blasphème  qu'il  déclare  irrémissible  est  celui  qui 
attaque  l'Esprit  saint.  Est-ce  que  le  Père  lui-même  a  pris  la  forme 
d'un  esclave,  de  manière  que  sous  ce  rapport  l'Esprit  saint  lui  soit  su- 
périeur ?  Et  quel  est  celui  qu'on  ne  pourrait  convaincre  d'avoir  parlé 
contre  l'Esprit  saint  avant  qu'il  devînt  chrétien  et  catholique?  Est-ce 
que  d'al)ord  les  païens,  lorsqu'ils  osent  attribuer  les  miracles  de  Jésus- 
Christ  à  des  opérations  magiques,  ne  sont  pas  semblables  à  ceux  qui 
lui  reprochaient  de  chasser  les  démons  au  nom  du  prince  des  dé- 
mons? Et  les  Juifs  eux-mêmes,  et  tous  les  hérétiques  qui  confessent 
l'Esprit  saint,  mais  qui  nient  sa  présence  perpétuelle  dans  le  corps  du 
Christ,  qui  est  l'Eglise  catholique  ,  ressemblent  aux  pharisiens  qui 
niaient  que  l'Esprit  saint  fût  en  Jésus-Christ.  D'ailleurs  ,  il  y  a  eu  des 
hérétiques,  comme  les  Ariens,  les  Eunomiens  et  les  Macédoniens,  qui 
ont  osé  soutenir  que  l'Esprit  saint  n'était  qu'une  créature  ,  ou  qui  ont 
nié  son  existence,  jusqu'à  prétendre  que  le  Père  seul  était  Dieu,  et 
qu'on  lui  donnait  tantôt  le  nom  de  Fils,  tantôt  le  nom  de  l'Esprit  saint  ; 
ce  sont  les  Sabelliens  (l).  Les  Photiniens  soutiennent  aussi  que  le  Père 
seul  est  Dieu,  que  le  Fils  n'estqu'un  homme,  et  ils  nient  complètement 
l'existence  de  la  troisième  personne ,  de  l'Esprit  saint.  11  est  donc  évi- 
dent que  les  païens ,  les  hérétiques  et  les  Juifs  blasphèment  contre 
l'Esprit  saint.  Faut-il  donc  les  abandonner  ou  les  considérer  comme 
n'ayant  plus  d'espérance?  Si  le  blasphème  qu'ils  ont  proféré  contre 

(1)  On  les  appelait  aussi  Patripassiens,  et  saint  Augustin  lui-même  les  appelle  ainsi  dans  ce 
passage,  parce  qu'ils  enseignaient  que  Dieu  le  Père  s'était  incarné  et  avait  souffert  la  mort. 


missum  sit  :  «  Omne  peccatum  et  blas- 
pbemia  reoiittetur  houiiuibiis,  »  procul- 
(iubio  et  illa  blaspheinia  quœ  contra  Pa- 
treui  dicilnr  istageueralitate  concluditur; 
et  tanien  ha'C  sola  irremissibilis  diffiui- 
tur,  quai  dieitur  contra  Spiritum  Sanc- 
tum.  Nuuquid  nam  et  Pater  formam 
servi  accepit,  quasi  sit  major  f^pirilus 
Sauctus?  El  jam  autea  (cap.  .'!)  :  Ouis 
etiaiii  non  convincitur  dixisse  verbum 
contra  Spiritum  Sanctum  anteqnam 
r.hristianus  catbolicus  lieref?  Primo  ipsi 
pagani,  cum  dicunt  Clu-i.-tum  magicis  ar- 
libus  fecisse  miracula.  nonne  similes 
sunt  liis  qui  dixerunt  eum  in  principe 
diEmonioruin  ejecisse  dapmonia?  Judœi 
etiam  et  quicunque  baeretici,  qui  Spiri- 
tum Sanctum  coufitentur,  sed  negant 
piiin  esse  iii  corpore  Cbrisli    'quod    e#l 


Ecclesia  catholica),  similes  sunt  phari- 
saeis,  qui  negabant  Spiritum  Sanctum 
esse  in  Christo.  Quidam  etiam  baeretici 
ipsum  Spiritum  Sanctum  vel  creaturam 
esse  contendunt,  sicut  Ariani,  Euno- 
miani  et  l\Iacedoniani  ;  vel  eum  prorsus 
ita  negant  ut  Deum  uegent  esse  Trinita- 
teni,  sed  solum  Patrem  esse  Deum  asse- 
verant,  et  ipsum  aliquando  vocari  Fi- 
lium,  ali([uaudo  Spirittnn  Sanctum, 
sicut  Sabelliani  ;  Photiniaui  quoque  Pa- 
trem solum  esse  diceutes  Deum,  Filium 
vero  non  uisi  hominem,  negant  omnino 
tertiam  esse  personam  Spiritum  Sanc- 
tum ;  manifestum  est  igitur  a  pagauis, 
Judaeis  et  ba^reticis,  blaspbemari  Spiri- 
tum Sanctum.  Nunquid  ergo  desereudi 
sunt,  et  sine  ulla  spe  deputandi  ?  Quibus 
si  non  est  dimissum  verbum  quod  ài\e- 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XII.  201 

l'Esprit  saint,  ne  doit  pas  leur  être  remis,  c'est  donc  inutilement  qu'on 
leur  promet  qu'ils  recevront  la  rémission  de  leurs  péchés  dans  le 
baptême,  ou  par  leur  entrée  dans  l'Eglise  ?  Car  Notre-Seigneur  ne  dit 
pas  :  Ce  péché  ne  lui  sera  remis  que  dans  le  baptême  (1*),  mais  :  «  Il 
ne  lui  sera  remis  ni  dans  ce  monde  ni  dans  l'autre,  »  et  ainsi  il  n'y 
aurait  pour  être  exempts  de  ce  crime  énorme  que  ceux  qui  sont  ca- 
tholiques dès  leur  enfance.  —  Et  au  chap.  xv  :  Il  en  est  quehiues-uns 
qui  prétendent  que  le  blasphème  contre  l'Esprit  saint  est  le  péché 
exclusif  de  ceux  qui,  après  avoir  été  purifiés  dans  l'Eglise  par  l'eau 
régénératrice,  et  après  avoir  reçu  l'Esprit  saint ,  répondent  par  l'in- 
gratitude, à  ce  bienfait  inestimable  du  Sauveur,  et  se  plongent  de  nou- 
veau dans  l'abîme  du  péché  mortel ,  tels  que  les  adultères  ,  les  homl- 
cides_,  ou  les  apostats  du  nom  chrétien  ou  de  l'Eglise  catholique.  Mais 
je  ne  sais  quelle  preuve  on  peut  apporter  à  l'appui  d'un  pareil  sen- 
timent ,  alors  que  l'Eglise  ne  ferme  à  aucun  crime  les  portes  de  la  pé- 
nitence, et  que  l'Apôtre  nous  avertit  de  reprendre  les  hérétiques  eux- 
mêmes  (II  Timoth.  Il),  dans  l'espérance  que  Dieu  les  amènera  par  la 
pénitence  à  la  connaissance  de  la  vérité.  Enfin  le  Seigneur  n'a  pas 
dit  :  «  Le  fidèle  catholique  qui  aura  proféré  une  parole  contre  l'Esprit 
saint,  mais  :  «  Celui  qui  aura  dit,  n  c'est-à-dire  :  Quiconque  aura  dit, 
il  ne  lui  sera  pardonné  ni  dans  ce  siècle  ni  dans  l'autre. 

S.  AuG.  {serm.surlamont.,  i,  43.)  Nous  lisons  dans  l'apôtre  saint 
Jean  (I  Jean,  \)  :  «  Il  est  un  péché  qui  conduit  à  la  mort;  je  ne  dis 
pas  que  quelqu'un  doive  prier  pour  ce  péché.  »  Or,  je  dis  que  ce  péché 
du  frère  qui  engendre  la  mort,  est  le  péché  de  celui  qui ,  après  avoir 

(i*)  Nous  avons  dû  rétablir  le  vrai  sens  de  cette  phrase  en  y  remettant,  d'après  le  texte  même 
de  saint  Augustin,  De  verbis  Matth.,  Jérém.  71,  cap.  vr,  la  particule  nisi.  omise  dans  les  diffé- 
rentes éditions  latines  de  la  Chaîne  d'or. 


runt  coutra  Spiritum  Sauctum,  iuauiter 
eis  promittitur  quod  in  baptismo  sive  iu 
Ecclesia  reinissiouem  accipiant  peocato- 
rum.  Non  enim  dicliim  est  :  «  Non  re- 
mittetur  ei,  nisi  in  baptismo,  sed,  neque 
ia  hoc  seculo  neque  iu  futuro  :  »  et  sic 
illi  soli  testiiuandi  suut  ab  hujusmodi 
gravissimi  peocati  reatu  Hljeri,  qui  ab 
infantia  sunt  catholici.  Et  (cap.  15)  :  Nou- 
nullis  autem  videtur  eos  tantummodo 
peccare  in  Spiritum  Sanctum,  qui  lava- 
cro  regenerationis  abluti  in  Ecclesia,  et 
accepte  Spiritu  Saucto,  velut  tauto  postea 
dono  Saivatoris  ingrati,  mortifère  aliquo 
peccato  se  immerserunt  ;  qualia  sunt, 
vel  adulteria,  vel  homicidia,  vel  ipsa 
discessio  a  nomine  christiano.  sive  a 
catholica  Ecclesia  :  sed  iste  sensus  unde 


probari  possit  ignore  ;  cum  et  pœniteu- 
tiœ  quorumcunque  criminum  locus  iu 
Ecclesia  non  negetur,  et  ipsos  htereticos 
ad  hoc  utique  corripiendos  dicat  Apos- 
tolus  ([I  ad  Timoth.  2)  ne  forte  det  illis 
Deus  pœuitentiam  ad  cognosceudam  ve- 
ritatem.  Postremo  non  ait  Dominus  : 
«  Qui  fidelis  catholicus  dixerit  verbum 
contra  Spiritum  Sanctum,  »  sed,  «  qui 
dixerit  (hoc  est,  quicunque  dixerit),  non 
remittetur  ei,  neque  in  lioc  seculo,  neque 
in  futuro.  » 

AuG.  (de  Sermone  Domini  in  monte, 
lib.  I,  cap.  43.)  Dicit  Joaunes  apostolus 
(I  Joan.  o)  :  «Est  peccatum  admortem; 
non  pro  eo  dico  ut  roget  quis  ;  »  pecca- 
tum autem  fratris  ad  mortem  dico  esse, 
cum  post  Dei    agnitionem  per  gratiam 


202 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


connu  Dieu  par  la  grâce  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  attaque  la 
sainte  fraternité,  ou  qui,  poussé  par  une  ardente  jalousie,  se  déclare 
contre  la  grâce  elle-même  à  laquelle  il  doit  sa  réconciliation  avec 
Dieu.  L'énorraitéde  ce  crime  est  telle,  qu'elle  ne  laisse  plus  de  place 
à  l'humilité  de  la  prière,  alors  même  que  les  remords  de  la  conscience 
forcent  le  pécheur  de  reconnaître  et  d'avouer  son  crime.  Il  faut  croire 
que  cette  disposition  de  l'âme,  à  cause  de  la  grandeur  du  péché,  pro- 
duit déjà  quelque  chose  de  l'impénitence  finale  et  de  la  damnation,  et 
c'est  peut-être  là  ce  qu'on  peut  appeler  pécher  contre  l'Esprit  saint, 
c'est-à-dire  par  malice  et  par  envie ,  attaquer  la  charité  fraternelle 
après  avoir  reçu  la  grâce  de  l'Esprit  saint.  C'est  ce  péché  qui,  selon  la 
déclaration  du  Seigneur ,  ne  sera  remis  ni  dans  ce  monde  ni  dans 
l'autre.  Cette  explication  nous  amène  ù  examiner  si  les  Juifs  com- 
mirent ce  péché  contre  l'Esprit  saint  lorsqu'ils  accusèrent  Notre- 
Seigneur  de  chasser  les  démons  au  nom  de  Béelzébuh,  prince  des  dé- 
mons, c'est-à-dire  si  nous  devons  regarder  cette  accusation  comme  di- 
rigée personnellement  contre  le  Seigneur,,  parce  qu'il  dit  de  lui-même 
dans  un  autre  endroit  :  «  S'ils  ont  appelé  le  père  de  famille  Béelzébuh, 
à  combien  plus  forte  raison  ses  serviteurs,  o  Ou  bien,  comme  ils  ne  par- 
laient de  la  sorte  que  par  un  excès  de  jalousie,  et  qu'ils  n'avaient  que 
de  l'ingratitude  pour  de  si  grands  bienfaits ,  ne  peut-on  pas  croire 
que  par  l'excès  même  de  leur  jalousie  ils  ont  péché  contre  l'Esprit 
saint,  quoiqu'ils  ne  fussent  pas  encore  chrétiens?  Cette  explication  ne 
ressort  pas  des  paroles  du  Seigneur ,  mais  on  peut  dire  cependant 
qu'il  les  avertit  de  recevoir  la  grâce  qui  leur  est  offerte,  et  après  l'avoir 
reçue,  de  ne  plus  retomber  dans  le  péché  qu'ils  avaient  déjà  commis. 
Ils  avaient  proféré  contre  le  Fils  de  l'homme  une  parole  pleine  de  mé 


Domiui  nostri  .lesu  Christi,  quisque  op- 
pufXiiat  tVateruitateai  ;  aut  adversiis  ip- 
sani  aratiain  qua  reooiiciliatus  est  Deo, 
invidentire  facibiis  aiiilaliir.  Hiijus  pec- 
cati  tanta  labes  est,  ut  (lepret-aiidi  humi- 
litateiii  siihire  non  possit;  etiamsi  pec- 
fatnni  siumi  niala  conscienlia.  et  aguos- 
cere,  et  aununtiare  cogafiir.  Qiiani  uien- 
fis  alfeclionem  propter  peccati  niagnitu- 
dinemjam  do  damnationealiquos  habere 
credenihnn  est  :  et  boc  fortasse  est  pee- 
care  in  Spirituni  Sanctuni  ;  id  est  Cper 
malitiam  et  invidiani),  fraternam  inqiu- 
{ïuare  cbaritatein  post  acceptam  gratiani 
Spiritus  Sancti  :  <iiiod  peccatum  Dunii- 
niis  neque  bic,  ne(iiie  in  fiitnro  seonhi 
dimitti  dirit.  Unde  qneeri  potest,  utrnm 
in  Spiritum  Sanctum  Juda3i  peccaveriut, 


quandû  dixeruut  qnod  in  Beelzebub, 
principe  dceniouiorum,  Dominas  daemo- 
nia  expellebaf  ;  utrnm  enim  boc  in  ip- 
sum  Dominnm  dictum  accipiamus?  quia 
de  se  dicit  alio  in  loco  :  «  Si  patrem 
familias  Beelzebub  vocaverunt,  quanto 
magis  domesticos  ejus?  »  An  quoniam 
de  magna  invidentia  dixerant,  ingrati 
tam  pra^sentibusbeneficiis,  quamvisnou- 
dum  cliristiani  fuerint,  tamen  propter 
ipsam  invidentiœ  magnitudinem  in  Spiri- 
tum  Sanctum  peccasse  credendi  sunt  : 
non  enim  boc  colbgitur  de  verbis  Do- 
nnni  :  videri  tamen  potest  adbuc  eos 
niouuisse,  ut  accédant  ad  gratiam,  et 
post  acceptam  gratiam  non  ita  peccent, 
ut  tune  peccaverunt.  Nunc  enim  in  Fi- 
lium  hominis  dixerunt  verbum  uequam. 


DE  SAINT   MATIHIEU,    CHAP.    XII.  203 

chancelé  ;  elle  aurait  pu  leur  être  pardonnée  s'ils  avaient  voulu  se 
convertir  et  croire  en  lui  ;  mais  si  après  avoir  reçu  l'Esprit  saint  ils 
avaient  continué  à  porter  envie  à  leurs  frères  ,  et  à  se  déclarer  contre 
la  grâce  (ju'ils  avaient  reçue,  ce  péché  ne  leur  sera  pardonné  ni  dans 
ce  monde  ni  dans  l'autre.  Et  en  ettet,  si  le  Sauveur  les  avait  consi- 
dérés comme  déjà  condamnés,  sans  nulle  espérance  de  retour,  il 
n'aurait  pas  continué  de  leur  donner  des  conseils  en  ajoutant  immé- 
diatement :  «  Ou  faites  un  arhre  bon,  »  etc. —  S.  Aug.  {Réti^act.^  i,  19.) 
Je  n'ai  pas  appuyé  cette  interprétation,  parce  que  j'ai  dit  que  toi  était 
mon  sentiment,  en  ajoutant,  toutefois,  pourvu  que  l'on  arrive  à  la 
fin  de  cette  vie  dans  cette  disposition  d'esprit  si  criminelle.  Il  ne  faut, 
en  effet,  désespérer  pendant  cette  vie  d'aucun  pécheur ,  quelque  dé- 
pravé qu'il  soit,  et  ce  ne  sera  jamais  témérité  de  prier  pour  celui  dont 
il  est  permis  encore  d'espérer  le  salut. 

S.  Aug.  {se?'m.  11  su?'  les  paroles  du  Seig.,  chap.  1  et  5.)  Ce  passage 
renferme  un  grand  mystère,  et  il  faut  demander  à  Dieu  la  lumière  né- 
cessaire pour  bien  l'exposer.  Je  vous  le  déclare,  mes  très-clicrs  frères, 
peut-être  dans  toutes  les  saintes  Ecritures  ne  trouve-t-on  pas  une 
question  plus  importante  et  plus  difficile.  Remarquez  d'abord  que 
Notre-Seigneur  n'a  pas  dit  :  Aucun  blasphème  contre  l'Esprit  saint  ne 
sera  remis ,  ni  :  Celui  qui  aura  dit  une  parole  quelconque  contre 
l'Esprit  saint,  mais  :  «  Celui  qui  aura  dit  la  parole.  »  —  Et  au  chap.  vi  : 
11  n'est  donc  point  nécessaire  de  regarder  comme  irrémissible  tout 
blasphème,  toute  parole  contre  l'Esprit  saint,  il  faut  seulement  recon- 
naître qu'il  y  aune  parole  qui,  dite  contre  l'Esprit  saint,  ne  peut  ob- 
tenir de  pardon.  Les  saintes  Ecritures  ont,  en  eiïet,  l'habitude  des'ex- 


et  potest  eis  dimitti,  si  conversi  fiierint 
et  ei  crediderint.  Si  autem  postquam 
Spiritum  Sanctum  acceperint ,  fraterni- 
tati  invidere,  et  irratiam  quam  accepe- 
runt  oppugnare  voluerint,  non  eis  di- 
mitti potest,  neque  in  hoc  seculo,  ueqiie 
in  fnturo.  Nam  si  eos  sic  haberet  con- 
demnatos,  nt  uulla  spes  illis  reliqua  es- 
set,  non  adliuc  monendo  indicaret,  cum 
addidit,  dicens  :  «  Aiit  faeite  arborera 
bonam,  »  etc.  Arc.  (inlib.  retract. \ih. 
I,  cap.  19.)  Hoc  autem  non  confirmavi, 
quia  hoc  putare  me  dixi  ;  sed  tamen 
addendum  fuit  :  «  Si  in  bac  tam  seele- 
rata  mentis  perversitate  tinierit  banc 
vitam  ;  »  quoniam  de  quocimque  pes- 
simo  in  bac  vita  constituto  non  est  uti- 
que  desperandum  ;  nec  pro  illo  im- 
prudenter  oratur.  de  qno  non  despe- 
ratur. 


Aug.  {de  Verb.  Dom.  serm.  ii,  cap.  4 
et  S.)  Est  autem  magnum  secretum  hujus 
qucestionis.  Lumen  ergo  expositionis  a 
Domino  quseratur.  Dico  autem  cbaritati 
vestr»,  forte  in  omnibus  Scripturis  sanc- 
tis  nulla  major  quaestio,  nuUa  difticilior 
iuvenitur,  etc.  Prius  ergo  ut  advertalis 
admoneo,  non  dixisse  Domiuum  :  «  Om- 
uis  blasphemia  Spiritus  non  remittetur;» 
neque  dixisse  :  «  Qui  dixerit  quodcun- 
(jue  verbum  contra  Spiritum  Sanctum,  » 
sed,  «  qui  dixerit  verbum.  »  (Et  cap.  6.) 
Quapropter  non  est  necesse  ut  omnem 
biasphemiam ,  et  omne  verbum  quod 
dicitur  contra  Spiritum  Sanctum,  remis- 
sionem  quisquam  existimet  non  babere  ; 
sed  necesse  est  plane  ut  sit  aliquod  ver- 
bum, quod  si  dicatur  contra  Spiritum 
Sanctum,  uullam  remissionem  mereatur, 
etc.  Soient  enim  Scripturœ  ita  loqui,  ut 


204 


EXPLICATION    DE    L  EVANGILE 


primer  de  manière  que  lorsqu'une  chose  n*a  été  dite  ni  du  tout  ni  de 
la  pai-tie,  il  n'est  pas  nécessaire  qu'elle  puisse  s'appliquer  à  la  totalité 
pour  nous  défondre  de  l'entendre  de  la  partie  (l*).  Ainsi  le  Seigneur 
dit  aux  Juifs  {Jean,  xv)  •  «  Si  je  n'étais  pas  venu,  et  si  je  ne  leur  avais 
point  parlé,  ils  ne  seraient  pas  coupables  ;  »  Notre-Seigneur  n'a  pas 
voulu  uous  dire  que  les  Juifs  eussent  été  absolument  sans  péché,  mais 
qu'il  y  avait  un  péché  que  les  Juifs  n'auraient  pas  eu  si  le  Christ  n'é- 
tait pas  venu.  —  Et  au  chap.  xvui  :  L'ordre  que  nous  uous  sommes 
]>rescrit  nous  fait  un  devoir  d'expliquer  quelle  est  donc  cette  espèce 
de  blasphème  contre  l'Esprit  saint.  Le  caractère  particulier  sous  lequel 
nous  est  rc[)réseuté  le  Père,  c'est  l'autorité  ;  pour  le  Fils,  c'est  la  nais- 
sance; pour  le  Saint-Esprit,  c'est  l'union  du  Père  et  du  Fils.  Or  le  lien 
qui  unit  le  Père  et  le  Fils  est  aussi  dans  leurs  desseins ,  celui  qui  doit 
nous  unir  tous  ensemble  entre  nous  et  avec  eux  :  «  Car  sa  charité  a  été 
répandue  en  nos  cœurs  par  l'Esprit  saiut  qui  nous  a  été  donné.  »  Nos 
péchés  nous  ayant  privés  de  la  possession  des  biens  véritables,  la  cha- 
rité couvre  la  multitude  des  péchés.  (I  Pierre,  i.)  Que  ce  soit,  en  effet, 
dans  l'Esprit  saint  que  Jésus-Christ  nous  remette  les  péchés,  nous 
pouvons  le  conclure  de  ce  qu'après  avoir  dit  à  ses  Apôtres  :  «  Recevez 
l'Esprit  saint,  »  il  ajoute  aussitôt  :  «  Les  péchés  seront  remis  à  ceux 
à  qui  vous  les  remettrez.  »  La  première  grâce  que  reçoivent  ceux  qui 
croient,  c'est  donc  la  rémission  des  péchés  dans  l'Esprit  saint  ;  c'est 

(1*)  Nous  croyons  devoir,  pour  l'iiitelligeûce  de  cette  phrase  assez  obscure,  citer  le  contexte 
entier  de  S.  Augustin,  n  Cette  proposition  serait  donc  prise  dans  son  sens  général  et  universel,  si 
l'on  disait  :  Tout  blasphème  contre  l'Esprit  saint  est  irrémissible,  ou  bien  .  Celui  qui  aura  dit 
contre  l'Esprit  saint  une  parole  quelconque  ,  etc.  Elle  serait  prise  au  contraire  dans  un  sens 
restreint  ou  particulier  si  l'on  disait  :  Certain  blasphème  contre  l'Esprit  saint  sera  irrémissible. 
Or,  comme  cette  proposition  n'est  énoncée  ni  en  termes  généraux  ni  en  termes  particuliers... 
mais  qu'elle  présente  seulement  un  sens  indéfini,  il  n'est  pas  nécessaire  d'entendre  ici  toute 
espèce  de  blasphèmes  ou  de  paroles  injurieuses,  mais  il  faut  bien  plutôt  admettre  que  Notre- 
Seigneur  a  voulu  parler  ici  de  certain  blasphème,  de  certaine  parole  injurieuse...  " 


quaudi»  aliqiiid  sic  dicitur  ut  ueque  ex 
toto,  ueque  ex  parte,  dicluni  sit  ;  uon 
sit  uecesue  ut  ex  toto  fieri  possit,  ut  ex 
parte  non  intelligatur,  etc.  Sicut  cum 
Dominus  dixit  .ludteis  (Joan.^)  :  «  Si  non 
venissem  et  locutus  cis  luissem,  pecca- 
tum  non  liabereut  :  »  non  enim  ita  dic- 
tum  est,  ut  siue  uUo  oiunino  peccato 
vellet  intelligi  fuluros  fuisse  Juda.'os, 
sed  esse  aliquod  iieocatum  quod  non 
liaberent,  nisiChristus  venisset.  (Et  cap. 
12.)  Quis  auteni  sit  iste  niodus  blasplie- 
uiandi  eontra  Spiritum  Sanctuni,  ordo 
postulat  ut  dicamus,  etc.  lusinuatur  si- 
quidem  nobis  in  Pâtre  auctoritas,  in 
Filio  uativitas.  in  Spiritu  Sancto  Patris 


Filiique  comuiunitas.  Quod  ergo  com- 
mune est  Patri  et  Filio,  per  hoc  nos  vo- 
luerunt  habere  commuuionem,  et  iuter 
nos,  et  secum  :  «  charitas  enim  diffusa 
est  in  cordibus  nostris  per  Spiritum 
Sanctuni,  qui  datus  est  nobis.  »  (Ad  Rom. 
3.)  Et  quia  peecalis  alieuabamur  a  pos- 
sessioue  Itoiiorum  verorum ,  charitas 
operitmultitudinem  peccatorum.  (I  Pctr. 
1.)  Oi'odenini  Christus  in  Spiritu  Sancto 
peccata  diniittat,  hinc  intelligi  potest, 
quod  cum  dixisset  discipulis  (7ofl».  201  : 
«  Accipite  Spiritum  Sanctuni,  »  contiuuo 
subjecit  :  «  Si  cui  dimiseritis  peccata,  di- 
mittentur  ilH,  »  etc.  Primum  itaque 
credentium    beneficium  est    in  Spiritu 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XII.  205 

contre  ce  don  gratuit  que  s'élève  le  cœur  impénitent.  Donc  l'impéni- 
tence  est  ce  blasphème  contre  l'Esprit  saint  qui  ne  sera  remis  ni  dans 
ce  monde  ni  dans  l'autre.  Car  celui  qui,  «  par  sa  dureté  et  par  l'impé- 
nitence  de  son  cœur,  amasse  un  trésor  de  colère  pour  le  jour  de  la 
colère,  »  {Rom.  ii,)  celui-là,  soit  dans  sa  pensée,  soit  verbalement, 
prononce  une  parole  criminelle  contre  l'Esprit  saint  par  lequel  les  pé- 
chés sont  remis.  Or,  cette  impénitence  ne  peut  espérer  aucun  pardon, 
ni  dans  ce  monde  ni  dans  l'autre,  parce  que  la  pénitence  obtient  dans 
ce  monde  le  pardon  qui  nous  ouvre  les  portes  de  l'autre  vie.  —  Et  au 
chap.  XIII  :  Or,  cette  impériitence  ne  peut  être  définitivement  jugée 
pendant  cette  vie^  car  on  ne  doit  désespérer  de  personne  tant  que  la 
patience  de  Dieu  peut  l'amener  à  se  repentir.  {Rom.  ii.)  Car  enfin 
qu'arrivera-t-il  si  ceux  que  vous  voyez  livrés  ù  toute  sorte  d'erreurs, 
et  que  vous  condamnez  comme  ayant  perdu  tout  espoir  ,  font  péni- 
tence avant  le  moment  de  leur  mort?  Quoique  ce  blasphème  se  com- 
pose de  plusieurs  paroles  et  qu'il  puisse  être  très-étendu  ,  l'Ecriture, 
suivant  sa  coutume,  en  parle  comme  si  ce  n'était  qu'une  seule  parole. 
Ainsi,  bien  que  Dieu  ait  adressé  plusieurs  paroles  aux  prophètes, 
on  lit  cependant  :  «  Parole  qui  fut  adressée  à  tel  ou  à  tel  prophète.  » 
—  Et  au  chap.  xv  :  Si  l'on  nous  fait  ici  cette  question  :  Est-ce  l'Esprit 
saint  qui  seul  remet  les  péchés,  ou  est-ce  le  Père  etleFils?  nousrépon- 
drons  que  c'est  également  le  Père  et  le  Fils,  carie  Fils  dit  du  Père;  «Votre 
Père  vous  remettra  vos  péchés  »  {Matth.  vi,)  et  il  dit  de  lui-même  : 
«  Le  Fils  a  sur  la  terre  le  pouvoir  de  remettre  les  péchés.  »  Pourquoi 
donc  cette  impéniteuce  qui  demeure  sans  pardon  n'a- 1- elle  pour 


Sancto  remissio  peccatoriim  :  contra  hoc 
donum  gratuitum  loquitur  cor  impœni- 
tens  :  ipsaergo  impœniteutia  est  «  Spiritus 
blasphemia  quse  non  remittetur,  ueque 
in  hoc  seculO;  nequo  in  future  :  »  con- 
tra enini  Spirituni  Sauctum,  quopeccata 
dimittuntur,  verbum  valde  mahim  (sive 
cogitatione,  sive  iingua  sua)  dicit,  qui 
«  secunduni  duritiam  cordis  sui  et  cor 
inipœnitens  tliesaurisat  sibi  iraui  in  die 
irœ.  »  [Rom.  2.)  H;ec  omnino  impœniteu- 
tia non  habet  roniissionc-ni.  neque  in 
hoc  seculo,  neque  in  futuro  ;  quia  pœ- 
nitentia  irapetrat  reniissionem  in  hoc 
seculo,  quae  valeat  in  futuro.  (Et  cap. 
13.)  Sed  ista  iinpœuitentia  quandiu  quis- 
que  in  hac  carne  vivit,  non  polest  judi- 
cari  :  de  nullo  eniui  desperandum  est 
quandiu  patientia  Dei  ad  pœnitentiam 
adducit  [Rom.  2,  etc.)  :  quid  enim  si  isti 
quos  in  quocunque  génère  erroris  notas, 


et  tanquam  desperatissimos  damnas,  an- 
tequam  istam  vitam  fmiant,  agant  pœ- 
nitentiam, et  inveniant  veram  vitam  in 
futuro?  etc.  Hœc  autem  blasphemia, 
quamvis  prolixa  et  pluribus  verbis  con- 
texta  sit,  solet  tamen  Scriptura  etiani 
multa  verba  verbum  appellare  :  ueque 
enim  unum  verbum  locutus  est  Domi- 
nus  cuicunque  prophetœ  :  et  tamen  le- 
gitur  :  «  Verbum  (juod  factum  est  ad 
illum,  vel  ad  illum  propbetam.  »  (Et 
cap.lo.)  Hic  autem  fortassisaliquisquœ- 
rat,  utruni  tautummodo  Spiritus  Sanctus 
peccata  diraittat,  an,  et  Pater,  etFilius: 
responde-mus  quod  et  Pater  et  Filius  : 
ipse  enim  Filius  de  Pâtre  dicit  [Matth. 
6)  :  «  Dimittetvobis  Pater  vester  peccata 
vestra  ;  »  et  de  se  ait  :  «  Filius  hominis 
potestatem  habet  in  terra  dimittendi 
peccata.  »  [Malth.  9.*  Cur  ergo  illa  im- 
pœniteutia qu<e  nunquam  diraittitur,  so- 


206 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


cause  que  le  blasphème  contre  l'Esprit  saint ,  comme  si  celui  qui  se 
trouve  11»';  par  ce  péché  d'impéuitcuce  résistait  au  don  de  l'Esprit  saint, 
don  qui  nous  confère  la  rémission  des  péchés?  —  Et  au  chap.  xvii  : 
C'est  que  les  péchés  qui  ne  peuvent  être  remis  en  dehors  de  l'Eglise 
ne  doivent  être  remis  que  par  la  vertu  de  cet  Esprit  qui  est  le  prin- 
cipe de  l'unité  de  l'Eglise,  etc.  Donc  la  rémission  des  péchés,  qui  est 
l'reuvre  de  la  Trinité  tout  entière^  est  attribuée  spécialement  à  l'Esprit 
saint  ;  car  il  est  cet  Esprit  d'adoption  des  enfants  dans  lequel  nous 
crions  :  Mon  Père,  mon  Père  {Rom.  viu),  afin  que  nous  puissions  lui 
dire  :  «  Pardonnez-nous  nos  offenses.  »  Et  comme  le  dit  saint  Jean, 
c'est  en  cela  que  nous  connaissons  que  le  Christ  demeure  en  nous, 
parce  qu'il  nous  a  rendus  participants  de  son  Esprit  (l  Jean,  lY^  13.) 
C'est  ce  même  Esprit  qui  est  l'auteur  de  cette  société  qui  ne  fait  de 
nous  qu'un  seul  corps,  le  corps  du  Fils  unique  de  Dieu.  —  Et  au 
chap.  XX  :  Car  l'Esprit  saint  est  lui-même  en  quelque  sorte  la  société 
du  Père  et  du  Fils,  etc.  Et  au  chap.  xxii  :  Celui  donc  qui  se  rendra 
coupable  d'impénitence  contre  l'Esprit  saint,  qui  réunit  toute  l'Eglise 
dans  les  liens  d'une  même  communion  et  d'une  seule  unité,  il  ne  lui 
sera  jamais  pardonné  (l*). 

S.  Chrys.  {ho?n.  A3.)  On  peut  encore  dire,  suivant  la  première  inter- 
prétation, (|ue  les  Juifs  ne  connaissaient  pas  la  personne  du  Christ,  mais 
ils  avaient  de  l'Esprit  saint  une  connaissance  suffisante,  car  c'estlui  qui 
avait  inspiré  les  prophètes.  Voici  donc  le  sens  des  paroles  du  Sauveur  : 
J'admets  que  la  chair  dont  je  suis  revêtu  soit  pour  vous  une  cause  de 
scandale  (2*);  mais  quant  à  l'Esprit  saint,  pouvez-vous  dire  :  Nous  ne  le 

(1*)  Tous  ces  divers  passages  de  saint  Augustin  ne  sont  que  de  courts  extraits  de  son  serm.  7t, 
De  vérbis  Matthœi,  où  toute  cette  doctrine  se  trouve  largement  exposée. 
(2*)  'E[Aol  TTpoîTCTatETc,  in  me  offenditis. 


lum  ad  Spiritus  Sancti  blasphemiam  di- 
citnr  pertinere  ?  tanquani  ille  qui  in  hoc 
impœnitentiae  peecato  fiierit  obligatus. 
dono  Spiritus  Sancti  resistere  videatur, 
quod  eo  dono  fiât  remissio  peccatorum. 
(  F>t  cap.  n.  )  Scilicet  peccata ,  quia 
praeter  l-^-clesiani  non  dimittuntur,  in  eo 
spiritu  diniitli  oportebal,  quo  in  unum 
Ecclesia  conjiregatur,  etc.  Ueuiissio  ergo 
peccatorum,  quani  tota  Trinitas  facit, 
propric  ad  Spirituin  Sanctum  dicitur  per- 
tinere :  ipse  euim  est  «  Spiritu^  adi  iplionis 
fdioruui,  imiuo  clauiaunis  :  Abbapater» 
[RoiH.  8),  ut  ci  puâsinuu  dicere  :  «  Di- 
niitte  nobis  débita  noitra  ;  et  in  hoc  co- 
gnoscimuà(sicut  dicit  Joannes)  quoniam 
Cliristui  nianet  in  nobis  de  Spiritu  suo 
rjtiemdodit  nobis  :»  ad  ipsunietianiperti- 


net  societasquaefficimur  utrum  corpus 
unici  Filii  Dei,  etc.  (Et  cap.  20.)  Quia  quo- 
dauimodo  societas  Patris  et  Fihi  est  ipse 
Spiritus  Sanctus.  (Et  cap.  22.)  Quisquis 
ergo  reus  fucrit  impœnitentiai  contra 
Spirituni  Sanctum,  in  quo  unitas  et  so- 
cietas conununionis  congregatur  Eccle- 
siae,  uunquam  illi  reniittetur. 

CnRYs.  {in  /loiitil.  43  itt  sup.  31.)  Vel 
ahter  :  secundum  primam  expositiouem. 
Judad  quidcm  ignorabant  Christum  quis 
esset  ;  Spiritus  autem  Sancti  sufticiens 
acceperaut  experimentum  ;  etenim  pro- 
plietœ  per  euni  locuti  sunt  :  quod  ergo 
dicit,  hoc  est  :  Esto  quod  me  olTenditis 
propter  carnem  circumpositam,  unnquid 
et  de  Spiritu  Sancto  h;ibetis  dicere,  quo- 
niam ignoramus  cum  ?  Propter  hoc  non 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XII.  207 

connaissons  pas?  Et  vous  en  subirez  le  châtiment  dans  cette  vie  et  dans 
l'autre  ;  car  chasser  les  démons  et  guérir  les  maladies  est  une  œuvre 
de  l'Esprit  saint;  ce  n'est  donc  pas  à  moi  seul  que  vous  faites  outrage, 
mais  à  l'Esprit  saint:  c'est  pourquoi  votre  condamnation  est  inévitable 
dans  ce  monde  et  dans  l'autre.  Il  en  est  qui  ne  sont  punis  que  dans 
cette  vie,  comme  ceux  qui  ont  participé  indignement  aux  saints 
mystères  chez  les  Corinthiens  (1);  il  en  est  qui  ne  reçoivent  leur  châti- 
ment que  dans  l'autre  monde,  comme  le  mauvais  riche  dans  l'enfer. 
11  en  est  enfin  qui  sont  punis  dans  ce  monde  et  dans  l'autre  ,  comme 
les  Juifs  qui  furent  cruellement  châtiés  lors  de  la  prise  de  Jérusalem, 
et  qui  auront  encore  à  endurer  d'affreux  supplices  dans  l'enfer. 

Rab.  L'autorité  divine  de  ces  paroles  condamne  l'erreur  d'Origène, 
qui  assure  qu'après  bien  des  siècles  ,  tous  les  pécheurs  obtiendront 
leur  pardon  ;  et  Notre-Seigncur  l'a  détruite  par  ces  seuls  mots  :  «  11  ne 
lui  sera  pardonné  ni  dans  cette  vie  ni  dans  l'autre.  »  —  S.  Grég. 
{Dialof/.  IV,  34.)  Ce  passage  nous  donne  à  entendre  que  certaines 
fautes  sont  pardonnées  en  ce  monde  ,  taudis  que  d'autres  ne  sont  re- 
mises que  dans  l'autre  ;  car  ce  qui  n'est  nié  (jue  pour  une  seule  chose 
est  affirmé  pour  quelques  autres.  Et  cependant  on  ne  peut  espérer  ce 
pardon  que  pour  les  fautes  les  plus  légères,  comme  des  paroles  oiseuses, 
des  rires  immodérés ,  ou  les  fautes  que  l'on  commet  dans  la  gestion 
de  ses  affaires,  fautes  que  peuvent  à  peine  éviter,  ceux  même  qui 
savent  comment  on  doit  se  garder  de  tout  péché  ;  ou  bien  enfin  l'igno- 
rance en  matière  légère.  Il  est  encore  d'autres  fautes  dont  nous  demeu- 

(1)  L'Apôtre  s'exprime  en  ces  termes  :  «  Celui  qui  maoge  indignement  le  corps  du  Seigneur, 
mange  sa  propre  condamnation  i>  (l  Cor.,  xi,  29)  ;  et  il  ajoute  (vers  30)  :  «  C'est  pourquoi  il  y  en 
a  beaucoup  parmi  vous  qui  sont  malades  et  languissants,  et  plusieurs  sont  morts;  »  ce  à  quoi 
saint  Chrvsostome  fait  ici  allusion. 


ignoscibilis  est  vobis  htec  blasphemia  ; 
et  hic  et  illic  dabitis  viûdictam  :  quia 
euim  dœraones  ejicere  et  sanitates  per- 
ticpre,  Spiritus  Sancti  est  ;  non  ergo  milii 
contumelias  infertis  soluni,  sed  Spiritui 
Saucto  ;  ideoque  vobis  inevitabilis  erit 
condemnalio,  et  hic  et  illic.  Ktenim  ho- 
minuui  hi  quidfni  hic  soluuipuuiiuitur, 
sicut  qui  iiidi^rne  parlicipavcruut  myste- 
riis  apud  Corinthios  (1  ad  Cor.  il);  hi 
autem  illic  soluui,  sicut  dives  in  inferno 
{Lvc.  IG),  hi  autem  hic  et  illic,  sicut  et 
ipsi  Judœi,  qui  et  hic  iutolerabili.i  passi 
sunt  Hierusaleni  capta,  et  ibi  difficilli- 
mam  suslinent  pœnam. 

Raua.  In  hac  autem  auctoritate  extin- 
guitur  baeresis  Origenis,  qui  asserit  po.-l 


muUa  secula  omues  peccatores  veniaui 
cousecuturos ,  quae  refellitur  per  hoc 
quod  dicitur,  quod  :  «  Non  remittetur, 
uequein  hoc  seculo,  neque  infuturo.  » 
Greo.  (jn.Dialorj.  lib.  iv,  cap.  34.)  Datur 
etiam  iiitelligi,  quasdam  culpas  in  hoc 
seculo,  quasdam  vero  in  futuro  relaxari  : 
quod  enim  de  uuo  negatur,  de  quibus- 
dam  conceditur  :  sed  tameu  hoc  de  par- 
vis minimisque  peccatis  fieri  posse  cre- 
dendum  est  ;  sicut  est  assidue  otiosus 
sermo,  inmioderatus  risus,  vel  peccatum 
curtP  rei  famiharis  quae  vix  sine  culpa 
vel  ah  ipsis  agitur  qui  culpam  qualiter 
debeant  declinare  sciunt,  aut  innongra- 
vilius  culpis  error  ignorantia?  :  quœdani 
etiam  post  raortem  gravant,  si  nobis  in 


208 


EXPLICATION    DE   L  EVANGILE 


rous  chargés  après  la  mort,  si  elles  ue  nous  ont  pas  été  remises  pen- 
dant cette  vie,  etc.  Mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  personne  n'obtien- 
dra le  pardon  de  ses  fautes  légères  après  la  mort,  à  moins  d'avoir  mé- 
rité dans  cette  vie  par  ses  bonnes  œuvres  ([ue  ce  pardon  lui  soit  ac- 
cordé. 

%  33-35.  —  Ou  dites  que  l'arbre  est  bon  et  que  le  fruit  en  est  bon  aussi  ;  ou 
dites  que  l'arbre  étant  mauvais,  le  fruit  aussi  en  est  mauvais;  car  c'est  par  le 
fruit  qu'on  connaît  l'arbre.  Race  de  vipères,  comment  pouvez  vous  dire  de 
bonnes  choses,  vous  qui  êtes  méchants?  car  c'est  de  l'abondance  du  cœur  que 
la  bouche  parle.  L'homme  qui  est  bon  tire  de  bonnes  choses  de  son  bon  trésor; 
et  l'homme  qui  est  méchant  tire  de  mauvaises  choses  de  son  mauvais  trésor. 

S.  Chrys.  {hom.  43.)  Notre-Seigneur  ne  se  contente  pas  de  cette 
première  réfutation,  il  veut  les  confondre  par  de  nouvelles  raisons.  Ce 
n'est  pas  sans  doute  pour  se  justifier  à  leurs  yeux,  il  l'avait  fait  suffi- 
samment, mais  pour  changer  les  dispositions  de  leur  cœur.  11  leur  dit 
donc  :  «Ou  dites  qu'un  arbre  est  bon,  »  etc.,  paroles  qui  veulent 
dire  :  Personne  d'entre  vous  n'a  osé  dire  qu'il  était  mal  de  délivrer 
les  hommes  du  démon.  Toutefois,  comme  ils  n'attaquaient  pas  les 
œuvres  elles-mêmes,  mais  qu'ils  prétendaient  que  le  démon  en  était 
l'auteur,  il  leur  démontre  que  celte  accusation  est  contraire  à  toutes 
les  règles  du  raisonnement  ainsi  qu'à  toutes  les  idées  reçues ,  et  que 
de  pareilles  inventions  sont  le  comble  de  l'impudence.  —  S.  Jér.  Il 
les  tient  resserrés  dans  un  raisonnement  que  les  Grecs  appellent  àfj/.iov 
et  que  nous  pouvons  appeler  raisonnement  qu'on  ne  peut  éluder.  Il  les 
renferme  comme  dans  un  cercle  d'où  ils  ne  peuvent  sortir  et  les 
presse  par  les  deux  faces  de  cet  argument:  Si  le  démon  est  mauvais, 
leur  dit-il,  il  ne  peut  faire  des  actions  qui  soient  bonnes;  et  si  les 


hac  vita  adhuc  positU  minime  fueriiitre- 
laxata,  etc.  Hoc  tamea  scieudum  est, 
quia  illic  sallein  de  miuimié  nii  quisque 
purgationis  obtiueljit,  uisi  qui  hoc  bonis 
actibus  in  liac  vita  positus  ut  oblineat, 
promeretur. 

Âut  facile  arborent  hotinm,  et  fructum  ejus  io- 
num;  aiif  facile  arhorcm  malam ,  et  fructum 
ejus  malum  :  si  guident  ex  fructu  arhor  aynos- 
cilur.  Proijenies  viperarum  ,  qtwmodo  potestis 
bona  lûqui  cum  sitis  mali?  Ex  abundaiilia 
enim  cordis  os  toi/uilur.  Bonus  homo  de  buno 
thesauro  profert  bona,  et  malus  homo  de  malo 
thesauro  profert  mala. 

Chuys.  (/»  homil.  43  in  Muttli.)  Post 
priores  redarfiutiones,  rursus  eos  aliter 
coulundit.  Hue  autem  l'acit,  non  ut  seip- 


sum  accusatioue  liberet  (ad  hoc  enim 
sufliciebant  priora),  sed  eos  corrigere 
volens  :  unde  dicit  :  «  Aut  facile  arbo- 
rcm  bouam,  »  etc.  Ac  si  dicat  :  Nulius 
vestruni  dixit,  quod  malum  est  aliquos 
a  doenione  liberare  :  sed  quia  operibus 
non  maledicebant,  sed  diabolum  dice- 
bant  boc  operantem,  demonstrat  quod 
luBc  accusatio  est  pr;eter  consequentiam 
rerum,  et  pra-ter  communes  couceplior 
nés  ;  talia  autem  contigere  est  innnensae 
verecundia'.  HiKU.  Constringit  ergo  eos 
syllogismo.  quem  Graci  vocant  apliijc- 
Iniii  ;  nos  inevitobilem  possumus  appel- 
lare;  qui  interrugatos  bine  inde  couclu- 
dit,  et  in  utroque  cornu  premit  :  «  Si,, 
inquit,  diabolus  malus  est.  bona  opéra 
lacère  non  polest  ;  si  autem   bona   siml 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAP.   XII.  209 

actions  dont  VOUS  avez  été  témoins  sont  bonnes,  le  démon  ne  peut 
en  être  l'auteur,  car  il  n'est  pas  possible  que  le  bien  puisse  naître  du 
mal  ouïe  mal  venir  du  bien.  —  S.  Chrys.  {hom.  43.)  En  effet,  on 
juge  l'arbre  à  son  fruit ,  et  non  pas  le  fruit  par  l'arbre,  comme  le  dit 
Notre- Seigneur  lui-même  :  «  Car  c'est  par  le  fruit  que  l'on  connaît 
l'arbre.  »  —  Bien  que  ce  soit  l'arbre  qui  produise  le  fruit,  c'est  cepen- 
dant le  fruit  qui  détermine  l'espèce  de  l'arbre.  Mais  pour  vous,  vous 
faites  le  contraire.  Vous  ne  trouvez  rien  à  reprendre  dans  les  œuvres, 
et  vous  condamnez  l'arbre  en  m'appelant  possédé  du  démon. 

S.  HiL.  {can.  12.)  Il  réfute  donc  les  calomnies  des  Juifs  qui,  tout  en 
comprenant  que  les  œuvres  du  Christ  exigeaient  une  puissance  divine, 
ne  voulurent  pas  cependant  reconnaître  sa  divinité  ;  mais  en  même 
temps  il  condamne  tous  ceux  dont  la  foi  pervertie  devait  dans  la  suite 
embrasser  avec  ardeur  les  différentes  hérésies  qui  ont  nié  sa  divinité 
et  son  unité  de  nature  avec  le  Père,  malheureux  qui  ne  pouvaient, 
comme  les  Gentils,  s'excuser  sur  leur  ignorance,  et  qui  cependant 
n'avaient  pas  la  connaissance  de  la  vérité.  Cet  arbre,  c'est  le  Sauveur 
lui-même  revêtu  de  la  nature  humaine,  parce  qu'en  effet  la  fécondité 
intérieure  de  sa  puissance  se  répand  au  dehors  en  fruits  abondants  et 
variés.  Il  faut  donc  faire  un  bon  arbre  avec  de  bons  fruits,  ou  un 
arbre  mauvais  avec  de  mauvais  fruits ,  non  pas  qu'un  bon  arbre 
puisse  être  mauvais  ou  qu'un  mauvais  arbre  puisse  être  bon,  mais  par 
cette  comparaison  le  Sauveur  veut  nous  faire  comprendre  qu'il  faut 
abandonner  le  Christ  comme  étant  inutile  ,  ou  s'attacher  à  lui  comme 
étant  la  source  féconde  de  tout  bon  fruit.  Vouloir  prendre  un  moyen 
terme,  attribuer  quelques  privilèges  au  Christ  et  nier  ses  qualités 


qu£E  facta  cernitis,  sequitur  ut  non  sit 
diabolus  qui  illa  fecit  ;  »  neque  enim 
fieri  potest  ut  ex  malo  bonum  ,  aut  ex 
bono  oriatur  malum.  Chrys.  {in  hom. 
43  ut  sup.)  Etenim  arboris  dijudicatio 
a  fructu  apparet,  non  fructus  ab  arbore  : 
unde  sequitur  :  «  Si  quidem  ex  fructu 
arbor  agnoscilur,  »  etc.  Etsi  enim  arbor 
fructu?  est  causa,  sed  tanien  fructus  ar- 
boris est  demonstrativus  ;  vos  autemcon- 
trariura  facitis  :  in  operibus  enim  nihil 
accusare  babentes  contrariam  de  arbore 
ferlis  sententiam,  me  dœmoniacum  ap- 
pellantes. 

IIiLAU.  [Can.  12  ut  sup.)  Sic  ergo  in 
prœsens  Judajos  refellit,  qui  cum  intelli- 
gerent  Christ)  opéra  ultra  humanam 
esse  virtutem,  noluerunt  tamen  ea  quœ 
Dei  sunt  confiteri  :  futuram  vero  om- 

TOM.   II. 


nem  fidei  perversitatem  coarguit;  eorum 
scilicet  quiDivinitatem  et  communionem 
paternae  substantiœ  Domino  detralientes 
in  diversa  haeresum  studia  efferbuerunt; 
neutrum  facientes;  uec  inter  geutes  sub 
venia  ignorationis  habitantes,  nec  inve- 
:  ritatis    cognitione    versantes.   Arborem 
,  se  in  corporepositumsignificat;  quiaper 
I  interiorem    virtutis    suœ    fecunditatem 
I  exeat  ubertas  omnis  in  fructus  :  igilur 
arbor  bona  facienda  cum  fructibus  bo- 
nis est,  aut  mala  constituenda  cum  ma- 
!  lis  fructibus  :  non  quod  arbor  mala  pos- 
sit  constitui  quœ  bona  est,  nec  e  contra; 
sed  ut  per  hancsignificationem  intellige- 
remus  Cbristum  aut  tanquam  inutilem 
rehnquendum  ;  aut  tanquam  bonum  bo- 
norurn  fructuum  utilitate   retinendum. 
Cceterum  médium  se  agere,  et  Christo 
14 


210 


EXPLICATION    DE    l'ÉVANGU.E 


essentielles ,  le  vénérer  comme  Dieu ,  et  le  dépouiller  de  son  union 
substantielle  avec  Dieu,  c'est  un  blasphème  contre  l'Esprit  saint.  Saisi 
d'admiration  à  la  vue  de  la  grandeur  de  ses  œuvres ,  vous  n'osez  pas 
lui  refuser  le  nom  de  Dieu ,  et  par  je  ne  sais  quelle  mauvaise  disposi- 
tion de  votre  esprit  vous  lui  contestez  la  noblesse  de  son  origine  en 
niant  son  unité  de  nature  avec  le  Père.  —  S.  Aug.  {serm.  12  sur  les 
paroles  (lu  Seirjneur.)  Ou  bien  encore  le  Seigneur  nous  rappelle  ici 
l'obligation  d'être  de  bons  arbres  si  nous  voulons  produire  de  bons 
fruits ,  car  ces  paroles  :  «  Faites  un  bon  arbre  et  que  ses  fruits  soient 
bons  »  renferment  un  précepte  salutaire  auquel  nous  devons  obéir , 
tandis  que  les  paroles  suivantes  :  «  Faites  un  arbre  mauvais  et  que 
ses  fruits  soient  mauvais  »  ne  nous  imposent  pas  l'obligation  d'agir 
de  la  sorte,  mais  nous  avertissent  d'éviter  une  pareille  conduite. 
Notre-Seigneur  avait  ici  eu  vue  des  hommes  qui ,  tout  mauvais  qu'ils 
étaient,  prétendaient  pouvoir  dire  de  bonnes  choses  ou  faire  de  bonnes 
actions;  il  leur  déclare  que  cela  est  impossible,  car  il  faut  changer 
l'homme  si  l'on  veut  changer  ses  œuvres  ;  si  l'homme  persiste  dans  ce 
qui  le  rend  mauvais,  il  ne  peut  faire  de  bonnes  œuvres;  s'il  persévère 
dans  ce  qui  le  rend  bon^  il  ne  peut  en  faire  de  mauvaises.  Or,  le  Christ 
a  trouvé  tous  les  arbres  (1)  mauvais,  mais  il  a  donné  le  pouvoir  de 
devenir  enfants  de  Dieu  à  tous  ceux  qui  croyaient  en  lui. 

S.  Ghrys.  {hom.  43.)  Comme  il  défendait  ici  non  pas  ses  intérêts, 
mais  les  œuvres  de  l'Esprit  saint,  il  leur  adresse  ces  reproches  juste- 
ment mérités  :  «  Race  de  vipères ,  comment  pouvez-vous  dire  de 
bonnes  choses,  vous  qui  êtes  mauvais?  »  En  leur  parlant  de  la  sorte, 
il  accuse  leur  conduite  et  tout  à  la  fois  il  la  fait  servir  de  preuve  de 

(1)  C'est-à-dire  tous  les  hommes  mauvais,  à  cause  de  la  corruption  de  leur  cœur. 


aliqua  déferre,  negare  quœ  maxima  sunt, 
venerari  tanquam  Deum,  Dei  commu- 
nione  spoliare ,  blasphemia  spiritus  est  ; 
ut  cuûi  per  admirationem  tantorum  ope- 
riini  Uei  nomen  detrabere  non  audeas, 
permalevolentiam  mentis  generositatem 
ejus  (abnegata  pateruœsubstantia;  com- 
raunione  )  decerpas.  Aug.  {de  Verb. 
/)om.  serm.  12.)  Vcl  in  hoc  admonuit 
nos  Domiuus,  ut  bonœ  arbores  simus, 
ut  bonos  fructus  producere  possimus  : 
ubienimait:  «  Faeite  arborcm  bonam, 
et  fructum  ejus  bonum,  »  est  prœeep- 
tum  sahibre,  cui  obedientia  est  necessa- 
ria.  Quod  autein  dicit  :  «  Facile  arborem 
malam,  et  fructum  ejus  nialum,  »  non 
prœceptum  est  ut  faciatis,  sed  monitio  ut 
cavealis  :  contra  hos  enim  dixit,  qui  pu- 


tabant  se  cum  mail  essent,  bona  loqui 
posse,  vel  bona  opéra  habere  :  hoc  Do- 
minus  dicit  esse  non  posse  :  prius  enim 
est  mutandus  homo,  ut  opéra  mutentur  : 
si  enim  mauet  homo  in  eo  quod  malus 
est,  bona  opéra  habere  non  potest  ;  si 
manet  in  eo  quod  bonus  est,  mala  opéra 
habere  non  potest  :  omnes  ergo  malus 
arbores  Christus  invenit,  sed  «  dédit  po- 
testatem  filios  Dei  fîeri  credentibus  in 
uomine  ejus.  »  [Joan.  1.) 

CiiRYS.  (in  fiomil.i3  in  Maith.)  Quia 
vero,  non  pro  seipso,  sed  pro  Spiritu 
Sancto,  facit  sermonem,  eos  convenien- 
ter  increpat,  diceus  :  «  Progenies  vipe- 
rarum,  quomodo  potestis  bona  loqui , 
cum  sitis  mali  ?  »  Hoc  autem  dixit,  et 
eos  incusaus,  et  eorum  quee   dicta  suut 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XII.  5H 

ce  qu'il  vient  de  dire.  Vous  qui  êtes  de  mauvais  arbres,  semble-t-il 
leur  dire,  vous  ne  pouvez  pas  porter  de  bons  fruits  :  je  ne  suis  donc 
pas  étonné  que  vous  parliez  de  la  sorte,  car  vos  pères  étaient  vicieux, 
votre  éducation  a  été  mauvaise,  et  vous  avez  une  âme  portée  au  mal. 
Remarquez  qu'il  ne  dit  pas  :  «  Gomment  pouvez-vous  dire  de  bonnes 
choses  alors  que  vous  êtes  une  race  de  vipères?  »  car  voici  la  cons- 
truction naturelle  de  la  phrase  .  «  Gomment  pouvez-vous  dire  de 
bonnes  choses,  étant  mauvais  comme  vous  l'êtes?  »  [1  les  appelle  race 
de  vipères  parce  qu'ils  se  glorifiaient  de  leurs  ancêtres  (1)  et,  pour 
pour  anéantir  leur  orgueil,  il  les  sépare  de  la  race  d'Abraham  et  leur 
déclare  que  leurs  aïeux  leur  ressemblaient.  —  Rab.  Ou  bien  en  les 
appelant  race  de  vipères  il  veut  dire  qu'ils  sont  les  enfants  et  les  imi- 
tateurs du  démon,  eux  qui  interprètent  ses  actions  en  mauvaise  part, 
ce  qui  est  le  propre  du  démon. 

«  La  bouche  parle  de  l'abondance  du  cœur.  »  Un  homme  parle  de 
l'abondance  du  cœur  quand  il  connaît  l'intention  qui  le  fait  parler, 
vérité  que  le  Sauveur  développe  plus  clairement  en  ajoutant  : 
«  L'homme  qui  est  bon  tire  de  bonnes  choses  de  son  bon  trésor,  et 
celui  qui  est  mauvais  tire  de  mauvaises  choses  d'un  trésor  mauvais.  » 
Le  trésor  du  cœur  c'est  l'intention  que  l'àme  se  propose  et  d'après 
laquelle  le  juge  intérieur  détermine  le  mérite  de  l'action  ;  c'est  elle 
qui  fait  que  des  actions  éclatantes  ne  reçoivent  quelquefois  qu'une 
légère  récompense,  et  que,  par  suite  de  la  négligence  d'uu  cœur  que 
la  tiédeur  domine,  des  actes  de  vertus  héroïques  sont  faiblement 
récompensés  par  le  Seigneur.  —  S.  Ghrys.  {hom.  4-3.)  11  donne  encore 

(1)  C'est  le  renroche  que  Jean-Baptiste  leur  adressait  :  «  Race  de  vipères,  etc.  ne  dites  pas  en 
vous-mêmes  :  nous  sommes  les  enfants  d'Abraham,  «  etc. 


demoustralionem  ex  ipsis  praebens  : 
quasi  dicat  :  Ecce  vos  cum  sitis  arbores 
malce,  uon  potestis  portare  fructum  bo- 
num  :  non  ergo  mirer  quod  bœc  loqui- 
mini  :  et  eniiu  maie  uutriti  eslis  a  malis 
progenitoribus,  et  luentem  malam  ha- 
betis.  Et  vide  quod  non  dixit  :  «  Quali- 
ter  potestis  boua  loqui,  cum  sitis  pro- 
genies  viperarum  ?  »  Nihil  enim  hoc  ad 
illud  pertiuet,  sed  «  Qualiter  potestis 
bona  loqui,  cum  sitis  mali?))  Progenies 
autem  viperarum  eos  dixit,  quia  in  pro- 
genitoribus  gloriabantur  :  ut  ergo  exclu- 
deret  corum  superbiam,  separavit  eos  a 
cognatioue  Abraham,  attribueus  eis  pro- 
genitores  similium  morum.  Rab.  Vel 
progenies  viperanim  (id  est,  filios  et 


imitatores  'diaboh)  eos  appellat;  quia 
scienter  bonis  operibus  detrahunt  (quod 
diabolicum  est).  Unde  sequitur  :  «  Ex 
abundautia  euim  cordis  os  loquitur.  » 
nie  homo  ex  abundaotia  cordis  loqui- 
tur, qui  non  ignorât  ex  qua  intentione 
verba  promantur  ;  quod  apertius  osten- 
dere  volens,  subjungit  :  «  Bonus  homo 
de  bono  thesauro  profert  bona,  et  ma- 
lus homo  de  malo  thesauro  profert 
mala.  »  Thésaurus  cordis  intentio  est  co- 
gitationis,  et  qua  interius  arbiter  judi- 
cat  proventum  operis  ;  ut  aliquando  ma- 
jora minorem  babeaut  mercedem  ;  ah- 
quando  ob  incuriam  cordis  tepidi,  majo- 
rum  virtutum  opéra  ostentantes,  minora 
a  Domino   preemia  sortiantur,  Chrvs. 


212  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

ici  une  preuve  de  sa  divinité  qui  pénètre  le  fond  des  cœurs ,  et  il  nous 
appiend  que  non-seulement  les  paroles  coupables,  mais  les  mauvaises 
pensées,  recevront  leur  châtiment.  Du  reste,  c'est  une  conséquence 
naturelle  que  l'excès  de  la  malice  du  cœur  se  répande  au  dehors  par 
les  paroles  qui  sortent  de  la  bouche.  Aussi ,  lorsque  vous  entendez  un 
homme  proférer  de  mauvais  discours,  tenez  pour  certain  que  la  malice 
de  son  âme  est  bien  plus  grande  que  ne  l'indiquent  ses  paroles ,  car 
elles  ne  sont  que  l'exubérance  de  la  corruption  de  son  cœur;  c'est  en 
cela  que  ce  reproche  est  plus  sévère  et  plus  sensible  pour  les  Juifs,  car 
si  leurs  paroles  sont  si  mauvaises,  jugez  (l*)  combien  la  source  d'où 
elles  découlent  doit  être  corrompue.  Voici  en  effet  ce  qui  arrive  ordi- 
nairement :  c'est  que  la  langue,  retenue  par  la  honte  (•2),  ne  répand 
pas  immédiatement  tout  son  venin,  tandis  que  le  cœur,  qui  n'a  aucun 
homme  pour  témoin  de  ses  actes,  se  livre  sans  crainte  à  tout  le  mal 
(jui  se  présente  à  la  volonté,  car  Dieu  est  son  moindre  souci,  et 
lorsque  le  mal  déborde  à  l'intérieur ,  il  se  répand  à  l'extérieur  par  les 
paroles,  ce  qui  fait  dire  au  Seigneur  :  «  C'est  de  l'abondance  du  cœur 
(jue  la  bouche  parle  ;  »  et  encore  :  «  L'homme  tire  ses  paroles  du  tré- 
sor de  son  cœur.  » 

S.  Jér.  En  disant  :  «  L'homme  qui  est  bon  tire  de  bonnes  choses 
d'un  bon  trésor,  »  le  Sauveur  fait  voir  aux  Juifs  coupables  de  blas- 
phème à  l'égard  de  Dieu  dans  quel  trésor  ils  ont  puisé  ces  blasphèmes  ; 
ou  bien  cette  pensée  se  rapporte  à  ce  qui  précède  et  leur  montre  que 

(1*)  Toutes  les  éditions  de  la  Chaine  d'or  portent  excogitata  radix.  C'est  évidemment  une  faute, 
et  le  texte  grec  nous  aide  ici  à  rendre  à  cette  phrase  son  sens  véritable  :  èvvôridov  i?)  pîÇa  xaî 
i\  TtïiYr),   "  Jugez  combien  la  racine  et  la  source,  »  etc. 

(2)  Le  mot  grec  càayyto\i.bft\,  précise  le  sens  du  mot  latin  confusa,  que  nous  traduisons  «  re- 
tenue par  la  honte.  » 


[inhomil.  43  ut  sup.)  Ex  liis  etiam  de- 1  non  repente  etfundtt  nequitiam  :  cor  au- 


inonstrat  suara  Deitatem  scientem  cordis 
ucculta  :  :  quouiam  non  verborum  so- 
luui,  sed  eliam  malanim  cogitationum 
exsolvent  vindictam.  Est  anteni  naturae 
eonseqiientia;  supereniinentis  intus  ue- 
quitiœ  verba  poros  extra  etfuiidi  :  quare 
cuni  audierishominem  niale  loquentem, 
multo  ampliorem  œstinies  nequiliani 
quani  verba  demonstrant  :  quod  euim 
exterius  dicitur,  est  supcrfluentia  ejus 
(juod  intus  est.  In  qiio  eus  vehemeuter 
teliait  :  si  enim  quod  dictum  est  ab  eis, 
ita  est  nialuni,  excogita  radix  verborum 
quani  maligna  est?  Contiugil  autem  hoc 
decenter  :  liimua  enim  confusa  niultoties 


tem  nullum  bominum  babens  lestem, 
sine  timoré  quœcunque  vult  parturit 
mala  :  Dei  enim  non  multa  cura  est  ei, 
sed  cum  augetur  multitudo  malorum 
quae  inlus  sunt,  quœ  intérim  occullabau- 
tur,  extra  per  verba  proveniunt  :  etideo 
dicit  :  «  Ex  abuudantia  cordis  os  loqui- 
tur  :  »  et,  quod  liomo  de  thesauris  cor- 
dis ioquitur. 

HiRR.  In  hoc  autem  quod  dicit  :  «  Bo- 
nus honio  de  l)ono  Ibesauro  profert 
bona,  »  etc.,  vel  ipsos  Judteos  Deum  blas- 
phémantes ostendit,  de  quali  thesauro 
blasplieniiam  proférant  :  vel  cum  supe- 
riori  quœstione  haeret  sententia,  quod 


DE   SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    XII.  213 

de  même  qu'un  homme  qui  est  bon  ne  peut  dire  de  mauvaises  choses , 
de  même  celui  qui  est  mauvais  ne  peut  en  dire  de  bonnes  ;  ainsi 
le  Christ  ne  peut  faire  de  mauvaises  œuvres  et  le  démon  ne  peut  en 
faire  de  bonnes. 

y.  36,  37.  —  Or,  je  vous  déclare  que  les  hommes  rendront  compte  au  jour  du 
jugement  de  toute  parole  inutile  qu'ils  auront  dite.  Car  vous  serez  justifié 
par  vos  paroles  et  vous  serez  condamné  par  vos  paroles  (1). 

S.  Chrys.  {hom.  43.)  A  la  suite  de  ces  reproches,  le  Seigneur 
cherche  à  inspirer  aux  Juifs  une  grande  crainte  en  leur  apprenant  que 
ceux  qui  se  seront  rendus  coupables  de  crimos  semblables  seront 
punis  du  dernier  supplice  :  «  Or,  je  vous  déclare  que  les  hommes  ren- 
dront compte  au  jour  du  jugement  de  toute  parole  inutile  qu'ils 
auront  dite.  »  —  S.  Jér.  Voici  le  sens  de  ces  paroles  :  Si  une  parole 
oiseuse  qui  n'édifie  en  rien  ceux  qui  l'entendent  n'est  point  sans  dan- 
ger pour  celui  qui  la  dit ,  et  si  au  jour  du  jugement  chacun  doit 
rendre  compte  de  ses  discours,  à  combien  plus  forte  raison  vous  qui 
calomniez  les  œuvres  de  l'Esprit  saint,  et  qui  dites  que  je  chasse  les 
démons  par  Beelzébub,  rendrez-vous  compte  de  semblables  calomnies. 
—  S.  Chrys.  (hom.  43.)  Il  ne  dit  pas  ;  «  La  parole  inutile  que  vous 
aurez  dite ,  »  car  son  dessein  est  d'enseigner  tout  le  genre  humain  et 
de  rendre  son  discours  moins  dur  pour  les  Juifs.  Or,  la  parole  oiseuse 
est  celle  qui  contient  un  mensonge  ou  une  calomnie  ;  quelques-uns 
rétendent  à  la  parole  vaine ,  à  celle  par  exemple  qui  excite  un  rire 
immodéré  ou  qui  est  contraire  à  la  décence  et  à  la  pudeur. —  S.  Grég. 

(1)  Théophylacte  pense  que  ces  dernières  paroles  sont  un  proverbe  tiré  de  l'Ecritnre,  mais  on 
ne  sait  de  que!  endroit.  Etre  justifié  par  ses  paroles,  ne  veut  pas  dire  qu'on  est  rendu  juste,  mais 
qu'on  est  reconnu  et  déclaré  juste  et  innocent,  parce  que  les  paroles  sont  les  indices  de  la  justice 
de  l'âme,  et  que  celui  qui  ne  pèche  pas  en  paroles  est  un  homme  parfait.  Jacques,  m,  2. 


quomodo  non  possit  bonus  homo  pro- 
ferre mala,  nec  malus  bona,  sic  non 
possit  Christus  mala,  nec  diabolus  bona 
opéra  facere. 

IHco  autem  vohis,  qiioniam  omne  verbum  otiomm 
quod  locuti  fuerint  homines,  reddent  rationem 
de  eo  in  diejudicii  :  ex  uerbis  enim  tuis  justi- 
ficaberis,  et  ex  verbis  tuis  condemnaberis. 

Chrys.  {in  hom.  43  itt  sup.)  Postprse- 
missa  eis  Dominus  multura  timoreui  in- 
cutit  :  ostendeiH  quod  ullimam  dabunt 
vindictam,  qui  talia  deliquerunt  :  unde 
dicil  :  «  Dico  auteui  vobis,  quoniam 
omne  verbum  otiosum  quod  locuti  fue- 
rint homines,  reddent  rationem,  »  etc. 
Hier.  Et  est  sensus  :  Si  otiosum  verbum 


quod  ncquaquam  jedificat  audientes, 
non  est  absque  periculo  ejus  qui  loqui- 
tur,  et  in  die  judicii  reddet  unusquisque 
rationem  sermonum  suorum  ;  quanto 
magis  vos,  qui  opéra  Spiritus  Sancti  ca- 
lumuiamini,  et  dicitis  me  in  Beelzébub 
ejicere  dfcmonia,  reddituri  estis  ratio- 
nem calumniee  vestrœ  ?  Chrys.  (  in 
homil.  43  ut  sup.)  Non  auteni  dixit  : 
«  Quod  locuti  estis  vos  ;  »  simul  quidem 
omne  hominum  erudiens  genus,  simul 
autem  minus  ouerosum  facicns  suum 
sermonem.  Otiosum  autem  verbum  est 
quod  mendax  est,  quod  calumniam  ha- 
bet.  Quidam  autem  dicunt  quoniam  et 
vanum  ;  quale  e>t  quod  risum  movet 
inordiuatum.  vol  turpe,  vel  inverecuu- 


214 


EXPLICATION  DE   L  EVANGILE 


(hom.  0,  sur  les  Evang.)  Ou  bien  la  parole  oiseuse  est  celle  qui  n'est 
raotivôe  ni  par  une  véritable  utilité,  ni  par  une  juste  nécessité. — 
S.  Jér.  C'est  une  parole  qui  est  sans  utilité  pour  celui  qui  parle 
comme  pour  celui  qui  écoute  ;  par  exemple,  lorsqu'au  lieu  d'entretiens 
sérieux  nous  nous  entretenons  de  clioses  frivoles  ou  que  nous  racontons 
les  récits  fabuleux  de  l'antiquité.  Quanta  celui  qui  se  livre  aux  bouf- 
fonneries, rit  à  gorge  déployée  et  blesse  la  pudeur  dans  ses  discours,  il 
n'est  pas  seulement  coupable  d'une  parole  oiseuse,  mais  de  discours 
criminels.  —  Rémi.  A  cette  vérité  se  rattacbe  la  maxime  suivante  : 
«  C'est  d'après  vos  paroles  que  vous  serez  condamnés  ;  c'est  d'après  vos 
paroles  que  vous  serez  justifiés.  »  Nul  doute  qu'on  ne  soit  condamné 
pour  les  mauvaises  paroles  qu'on  aura  dites  ;  mais  quant  aux  bonnes 
paroles,  elles  ne  pourront  justifier  que  celui  qui  les  aura  dites  avec 
une  conviction  intime  et  une  intention  vertueuse. —  S.  Chrys.  (Jiom.  43.) 
Remarquez  qne  ce  jugement  n'a  rien  de  trop  sévère  :  vous  serez  jugés 
non  point  sur  ce  qu'on  aura  dit  de  vous ,  mais  sur  ce  que  vous  aurez 
dit  vous-même  ;  ce  ne  sont  donc  pas  ceux  qui  sont  accusés  qui  doivent 
craindre^  mais  ceux  qui  accusent  les  autres,  car  personne  ne  sera  forcé 
de  s'accuser  du  mal  qu'il  aura  entendu  et  dont  il  aura  été  l'objet,  il 
ne  sera  responsable  que  du  mal  qu'il  aura  dit  lui-même. 

y.  38-40.  Alors  quelques-uns  des  scribes  et  des  pharisiens  lui  dirent  :  Maître, 
nous  voudrions  bien  que  twus  nous  fissiez  voir  quelque  prodige.  Mais  il  leur 
répondit  :  Cette  race  méchante  et  adultère  demande  un  prodige,  et  on  ne  lui 
en  donnera  point  d'autre  que  celui  du  prophète  Jonas.  Car  comme  Jonas  fut 
trois  jours  et  trois  nuits  dans  le  ventre  de  la  baleine,  ainsi  le  Fils  de  l'homme 
sera  trois  jours  et  trois  ?iuits  dans  le  conir  de  la  terre. 

S.  Chrys.  {hom.  44.)  Le  Seigneur  avait  bien  des  fois  réduit  les 


dum.  Greg.  [in  homil.  9,  in  Evang.) 
Yel  otiosum  verbuui  est,  quod  aut  utilitate 
rectitudinis,  aul  ratione  juslœ  necessita- 
tis  caret.  Hier.  Quod  scilicet  sine  utilitate 
et  loqueûtis  dioitur  et  audieuti?;  si  omis- 
sis  seriis,  de  l'ebus  fiivolis  Irxiuamur,  et 
fabulas  uarreuuis  aulirjuas.  Citterum  qui 
scurrilia  replicat,  et  cacliiuuis  ora  dis- 
solvit,  et  aliijuid  proferl  hirpitudiuis  hic 
uou  otiosi  v^erbi,  sed  criuiinosi  teaebitur 
reus.  Remig.  Ex  superioribus  autem  ver- 
bis  adliuc  sequens  dependet  seuteutia, 
cuiu  dicitur  :  «  Ex  verbis  enini  tuis  justi- 
iîcaberis,  et  ex  verbis  tuis  condemnabe- 
ris  :  »  non  est  dubiuni  quia  unusipiisque 
de  verbis  suis  malis  qua;  loquitur.  l'on- 
dcinnabilnr  :  verumlameu  ex  bonis  ver- 
bis non  justilicatur  (juis,  nisi   ex  intimo 


corde  et  devota  intentione  ea  proférât. 
Chrys.  [in  hom.  43  «^5?^/).)  Vide  autem 
quia  non  est  ouerosum  hoc  judicium. 
i\on  ex  quibus  alius  dixit  de  te,  sed  ex 
quibus  ipse  locutus  es,  sententias  judex 
feret.  Non  igitur  accusatos  tiniere  opor- 
tet,  sed  accusantes  :non  enim  illicoiiun- 
tur  accusare  se  pro  his  malis  qua?  audie- 
runt,  sed  hi  pro  hisquœ  maie  dixerunt. 

Tune  responderunt  ei  quidam  de  scribis  et  pha- 
risœis  dicentes  :  Magisler,  volumus  a  te  sig- 
iwm  l'iderr.  Qui  respondens  ait  illis  :  Gênera- 
tio  mala  et  adultéra  signum  quœrit,  et  signum 
non  dabitur  ei,  nisi  signum  Jonœ  prophetœ  : 
sicut  enim  fuit  Jonas  in  ventre  celi  tribus  die- 
bus  et  tribus  noctibus,  sic  erit  Filius  hominis 
in  corde  terrœ  tribus  diebus  et  tribus  noctibus. 

CuRYS.    {in    homil.  k'i,    in    Mutth.) 


DE   SAIXT   MATTHIEU,    CHAP.    XII. 


215 


pharisiens  au  silence  et  mis  un  frein  à  leur  impudence  ;  ils  se  rejettent 
donc  de  nouveau  sur  ses  œuvres,  ce  que  l'Evangéliste  étonné 
nous  raconte  en  ces  termes  :  «  Alors  quelques-uns  des  scribes  lui 
dirent,»  etc.  Alors,  c'est-à-dire  quand  ils  auraient  di'i  se  rendre,  pleins 
d'admiration  et  d'étonnement  ;  mais  ils  persévèrent  dans  leur  malice 
et  ils  lui  disent  pour  le  surprendre  :  «  Nous  voudrions  que  vous  nous 
fassiez  voir  un  prodige.  » 

S.  JÉR.  Ils  demandent  des  prodiges ,  comme  si  les  faits  qu'ils  ont 
vus  jusqu'ici  n'étaient  pas  des  prodiges.  Saint  Luc  explique  plus  clai- 
rement quelle  espèce  de  miracle  ils  lui  demandent  :  Nous  voudrions 
que  vous  nous  fassiez  voir  un  prodige  dans  le  ciel  (1).  Peut-être  vou- 
laient-ils que  comme  Elle  il  fit  descendre  le  feu  du  ciel,  ou  qu'à 
l'exemple  de  Samuel  (IV  Rois,  i),  il  fît  en  plein  été  et  contrairement  à 
ce  qui  arrive  dans  ces  contrées,  il  fit  gronder  le  tonnerre,  briller  les 
éclairs  et  tomber  la  pluie  (l  Rois,  vu  et  xii).  Mais  n'auraient-ils  pas 
trouvé  le  moyen  de  calomnier  ces  prodiges  eu  disant  qu'ils  étaient 
le  résultat  de  causes  secrètes  et  variées  qui  agissent  sur  l'atmosphère? 
Car,  puisque  vous  calomniez  ce  que  vous  voyez  de  vos  yeux ,  ce  que 
vous  touchez  de  la  main,  ce  dont  vous  ressentez  l'utilité,  que  ne  diriez- 
vous  pas  d'un  miracle  qui  viendrait  du  ciel  ?  Vous  répondriez  sans 
doute  que  les  magiciens  en  Egypte  ont  fait  eux-mêmes  beaucoup  de 
prodiges  dans  les  airs. 

S.  Chrys.  {hom.  43.)  Leurs  paroles  sont  pleines  à  la  fois  d'adulation 
et  d'ironie.  Ils  avaient  commencé  par  outrager  le  Sauveur  en  le 
traitant  de  possédé  du  démon  ;  ils  cherchent  à  le  flatter  maintenant 
en  l'appelant  Maître.  Aussi  leur  répond-il  avec  sévérité  :  «  Cette  géné- 

(1)  Saint  Luc  dit  simplement  :  a  Et  d'autres,  pour  le  tenter,  lui  demandaient  un  prodige  dans 
le  ciel;  »  mais  on  suppose  qu'ils  lui  ont  dit  :  «  Nous  voudrions,  n  etc.  [Luc,  xi). 


Quia  Dominus  siiperius  multoties  verbis 
inverecundam  pbarisfEoriim  obstruxerat 
linguam,  rursus  ad  opéra  veniuut  :  quod 
admirans  Evanjielista,  dicit  :  «  Timc  res- 
ponderunt  ei  quidam  de  scribis,  »  etc. 
Tune  scilicet  cum  flecti  oportebat,  cum 
admirari,  cum  obstupescere  ;  sed  tune  a 
malitia  non  desistunt  :  dicuut  enim  : 
«  Volumus  a  te  signumvidere,  »  ut  eum 
capiant. 

Hier.  Sic  signa  postulant,  quasi  quœ 
viderant,  signa  non  fuerint  :  sed  in  alio 
Evangelista  quid  pétant  pleuius  explica- 
tur  {Lnc.  11)  :  «  Volumus  a  te  signum 
videre  de  cœlo,  »  Vel  in  morem  Elise, 
ignem  de  sublimi  venire  cupiebaal 
(IV  i?ej/.  1)  ;  vel  in  similitudinem  Samue- 


lis  tempore  aestivo  (contra  naturam 
loci),  mugire  tonitrua,  coruscare  ful- 
gura,  imbres  ruere.  (I  Reg.  7  et  12.) 
Quasi  non  possiut  et  illa  calumniari,  et 
dicere  ex  oceultis  et  variis  aeris  passio- 
nibus  accidisse  :  nam  qui  calumniaris  ea 
quae  oculis  vides,  manu  teues,  utilitate 
sentis,  quid  facturus  es  de  bis  quae  de 
cœlo  venerint?  Utique  respondebis  et 
Magos  in  .ïgypto  multa  signa  fecisse  de 
cœlo.  [Exod.  7  et  8.) 

Chrys.  [ta  homil.  43  ut  snp.)  Verba 
autem  eorum  adulatione  et  ironia  sunt 
pleua  :  et  prius  quidem  convitiabantur, 
dœmoniocvm  eum  dicentes,  nunc  autem 
adulantur,  voeantes  eum  inagistrum  : 
propter  hoc  et  Dominus  eos  vehementer 


216 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


ration  méchante,  »  etc.  Lorsqu'ils  le  chargeaient  d'injures,  il  leur 
répondait  avec  douceur  ;  mais  lorsiju'ils  veulent  le  prendre  par  la  flat- 
terie il  leur  fait  les  plus  vifs  reproches;  il  prouve  ainsi  qu'il  était  supé- 
rieur à  toute  faiblesse,  incapable  de  s'irriter  des  outrages  ou  de  faiblir 
devant  la  flatterie.  Or,  voici  le  sens  de  ces  paroles  :  «  Qu'y  a-t-il  d'é- 
tonnant que  vous  agissiez  ainsi  contre  moi  qui  suis  pour  vous  un 
inconnu,  quand  vous  vous  êtes  conduit  de  la  même  manière  à  l'égard 
de  mon  Père  dont  vous  aviez  éprouvé  tant  de  fois  la  puissance  et  que 
vous  avez  abandonné  pour  courir  aux  autels  du  démon?  »  Il  les 
appelle  «  génération  méchante  »  parce  qu'ils  n'ont  jamais  eu  que  de 
l'ingratitude  pour  leurs  bienfaiteurs.  Les  bienfaits  ne  font  que  les 
rendre  plus  mauvais,  ce  qui  est  le  comble  de  la  perversité.  —  S.  Jér. 
Le  mot  «  adultère  »  qu'il  ajoute  est  parfaitement  choisi,  parce  que 
cette  génération  avait  abandonné  son  mari  et  que,  suivant  Ezéchiel, 
elle  s'était  livrée  à  plusieurs  amants  (1).  —  S.  Ciirys.  (Jiom.  43.)  Il  se 
déclare  ainsi  l'égal  de  Dieu  son  Père,  puisque  c'est  pour  n'avoir  pas 
voulu  croire  en  lui  que  cette  génération  est  devenue  adultère. 

Rab.  Il  va  maintenant  leur  répondre  non  pas  en  leur  faisant  voir 
un  prodige  dans  le  ciel,  mais  en  le  tirant  des  profondeurs  de  la  terre.. 
Il  a  donné  ce  signe  dans  le  ciel,  mais  à  ses  disciples,  en  leur  dévoilant 
la  gloire  de  l'éternelle  félicité ,  d'abord  en  figure  sur  la  montagne 
{Matih.,  xviii),  et  puis  en  réalité  lorsqu'il  s'éleva  dans  les  cieux. 
{Marc  XVI.)  Rajoute  :  «  On  ne  lui  donnera  pas  d'autre  signe.  »  — 
S.  Chrys.  {hom.  A3.)  Il  parle  ainsi,  parce  que  ce  n'était  pas  pour  les 

(1]  Ezech.,  XVI,  Ib  :  u  Tu  t'es  abandonnée  à  la  prostitution,  et  tu  t'es  livrée  à  tous  les  passants,  » 
et  au  vers.  2-i  :  «  Tu  as  préparé  pour  toi  une  maison  de  débauche  sur  toutes  les  places  publiques;  « 
vers.  25  :  a  A  l'entrée  de  toutes  les  voies,  tu  as  établi  des  signes  de  prostitution,  u  Et  il  conti- 
nue les  mêmes  reproches  dans  tout  le  reste  du  chapitre,  surtout  au  verset  33,  où  il  dit  :  «  Tu  as 
donné  un  salaire  à  tous  tes  amants,  o 


arguit:imde  seqiiitur:  «  Qtii  respoudeus 
ait  illis  :  Mala  geueratio,  »  etc.  Et  quidem 
cum  ei  couvitiabantur,  mausuete  eis 
respoudebat;  cum  autem  adulabantnr, 
convitiose;  demonstrans  qiiod  utra- 
qiie  passione  erat  siiperior;  et  neque 
loiiviliis  in  iram  deducilur,  neque  ab 
adulatione  moUilur.  Ouod  autem  dicit, 
taie  est  :  Ouid  mirum  si  hoc  in  me  faci- 
tis,  qui  icrnotus  sum  vobis,  cum  in  pa- 
trem  cujus  tantam  accepistis  e.xperien- 
tiaui,  hoc  idem  fecistis,  derelicto  eo  ad 
daemones  currentes  ?  Propter  hoc  autem 
eos  dicit  generationem  mulam,  quia  in- 
grat! semper  facti  sunt  circa  benefacto- 
res  ;  et  heneficiis  détériores  fiunt,  quod 
est  ultimai  malitite.  Hier.  E^regic  autem 


dixit  :  Et  adultéra,  quia  dimiserat  vi- 
rum,  et  juxta  Ezechietem  (cap.  16),  mul- 
tis  se  amatoribus  copulavit.  Chrys.  [in 
Jiom.  l.'i  lit  sup.)  Uude  et  monstrat  se 
Pat  ri  a^quelam,  si  ei  non  credere  gene- 
rationem adnltcram  facit. 

Raba.  Deinde  respondere  iucipit,  non 
eis  signum  de  cœlo  (quod  indigni  erant 
viderc),  sed  de  profundo  inferi  tribueus. 
Discipulis  autem  suis  signum  de  cœlo 
dédit,  quibus  apternam  beatitudinis  glo- 
l'iam,  et  prius  in  monte  figuraliter  (Matth . 
17),  et  post  veraciter  in  cœlum  superele- 
vatus  ostendit.  {Marc.  16.)  Unde  sequi- 
tur  :  «  Et  signum  non  dabitur,  »  etc. 
Chrys.  («'»  fiom.  43  ut  sup.)  Quia  non  ut 
eos    induceret,    signa  faciebat  (sciebat 


DE   SAINT    MATTHIEU,    C.HAP,   XII,  247 

amener  à  lui  qu'il  faisait  des  miracles ,  car  il  savait  qu'ils  étaient  plus 
durs  que  la  pierre ,  mais  c'était  pour  en  convertir  d'autres.  Ou  bien 
c'est  parce  qu'ils  ne  devaient  pas  être  témoins  d'un  signe  tel  qu'ils  le 
demandaient.  En  effet,  il  leur  donna  plus  tard  un  signe,  alors  qu'ils 
apprirent  à  connaître  sa  puissance  par  leur  propre  châtiment,  et  c'est 
ce  qu'il  leur  fait  entendre  à  mots  couverts  en  leur  disant  :  «  On  ne  lui 
donnera  pas  de  signe,  »  paroles  dont  voici  le  sens  ;  J'ai  répandu  sur 
vous  mes  bienfaits  à  profusion,  aucun  d'eux  ne  vous  a  portés  à  rendre 
hommage  à  ma  puissance;  vous  la  connaîtrez  donc  par  le  châtiment 
qui  vous  attend,  lorsque  vous  verrez  la  destruction  de  votre  cité.  Il 
entremêle  ici  une  prédiction  de  sa  résurrection ,  qu'ils  devaient  aussi 
connaître  un  jour  par  leur  supplice,  «  si  ce  n'est  le  signe  du  prophète 
Jonas.  »  La  croix  n'aurait  jamais  été  l'objet  de  la  foi  si  elle  n'avait 
eu  pour  elle  le  témoignage  des  miracles,  et  si  elle  n'avait  pas  été  crue, 
la  résurrection  ne  l'aurait  pas  été  davantage;  c'est  pour  cela  qu'il 
l'appelle  un  signe,  et  que  pour  en  faire  reconnaître  la  vérité  il  en 
rappelle  une  figure  prophétique  :  «  Car,  de  même  que  Jonas  fut  dans 
le  ventre  de  la  baleine,  »  etc.  —  Rab.  Il  fait  voir  aux  Juifs  qu'ils  sont 
aussi  coupables  que  les  Ninivites,  et  que  leur  ruine  est  imminente  s'ils 
ne  font  pénitence;  mais  de  même  que  Jonas,  en  annonçant  le  châti- 
ment, indique  les  moyens  de  l'éviter,  ainsi  les  Juifs  ne  doivent  pas 
désespérer  de  leur  pardon ,  si  du  moins ,  après  la  résurrection  de 
Jésus-Christ,  ils  fout  pénitence.  Jonas,  dont  le  nom  signifie  colombe 
et  celui  ciui  rjémit^  figure  celui  sur  lequel  l'Esprit  saint  descendit  en 
forme  de  colombe  {Luc,  m) ,  et  qui  s'est  chargé  de  nos  souffrances. 
{haïe y  LUI.)  La  baleine  qui  engloutit  Jonas  au  milieu  de  la  mer 
{Jon.^  Il)  signifie  la  mort  que  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  a  endurée 


enim  eos  lapideos  esse),  sed  ut  alios 
emendaret  :  aiit  quoniam  non  acciperent 
signum  quale  est  illud  quod  pelebant  : 
signum  enim  eis  factmu  est,  quando  per 
propriam  pœnani  cognoverunt  ejus  vir- 
tntem  :  hoc  igitiir  occulte  insinuans,  di- 
cit  :  «  Siguuui  non  dabitur  ei  :  »  ac  si 
diceret  :  Mulla  bénéficia  demonstravi  ; 
nihil  liorum  vos  allexit  ad  venerauduni 
meam  virtutem,  quam  cognoscetis  per 
pœnam,    quando  civitatem  vestram  in 


et  resurrectio  utique  crédita  non  esset  : 
propter  hoc  et  signum  hoc  vocat,  et  fi- 
guram  in  médium  fert,  ut  veritas  creda- 
tur  :  unde  sequilur  :  «  Sicut  fuit  Jonas 
in  ventre  ceti,  »  etc.  Rab.  Ostendit  Ju- 
daeos  ad  instar  Ninivitarum  criminosos, 
et  nisi  pœniterent  subversion!  proximos  : 
sed  sicut  illis  denuutiatur  supplicium,  et 
demonstratur  remedium  [Jonœ,  3):  ita 
Judœi  non  debent,  desperare  veniam,  si 
saltem  post  Christi  resurreclionem  ege- 


terram  projectam  videbitis.  Intérim  au-  rint  pœnitentiam.  Jonas  enim  (id  est, 
tem  sermonem  de  resurrectione  inter-  ,  cohimba  vel  dolens)  signum  est  ejus  su- 
ponit,  quem  cognituri  erant  per  ea  quae  i  per  quem  descendit  Spiritus  Sauctus  in 
postea  erant  passuri,  dicens  :  «  Nisi  si-  '  speeie  columbae  {Lnc.  3),  et  qui  dolores 
gnum  Jonee  prophetœ  :  crux  enim  pro-  I  nostros  portavit.  {Isai.  33.)  Piscis  qui 
fecto  crédita  non  esset,  nisi  signa  tes-  Jonam  devoravit  in  pelago  {Joan.  2)  si- 
tantia  habuisset  :  bac  autera  non  crédita  I  gnificat   mortem  quam  Christus  passus 


218 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


sur  la  croix.  Jonas  fut  trois  jours  et  trois  nuits  dans  le  ventre  de  la 
baleine,  le  Christ  demeura  le  même  temps  dans  le  tombeau.  Jonas  fut 
jeté  sur  le  rivage  ,  le  Christ  a  ressuscité  dans  sa  gloire. 

S.  AcG.  {De  l'ace,  des  Evang.,  m,  2i.)  Quelques  auteurs  qui 
paraissent  ignorer  la  manière  de  s'exprimer  de  l'Ecriture,  ont  voulu 
compter  pour  une  nuit  les  trois  heures  qui  s'écoulèrent  de  la  sixième 
à  la  neuvième  et  pendant  lesquelles  le  soleil  fut  obscurci,  et  pour  un 
jour  les  trois  autres  heures,  depuis  la  neuvième  jusqu'au  coucher  du 
soleil,  pendant  lesciuelles  il  éclaira  de  nouveau  la  terre.  Vint  ensuite  la 
nuit  (lu  sabbat,  et  en  la  comptant  avec  le  jour  qui  suivit  on  a  deux 
nuits  et  deux  jours.  Après  le  jour  du  sabbat  vient  la  nuit  du  premier 
jour  de  la  semaine  (1)  (c'est-à-dire  la  nuit  qui  précède  le  dimanche) 
dans  laquelle  le  Seigneur  est  ressuscité.  Nous  avons  donc  deux  nuits 
et  deux  jours  et  de  plus  une  nuit ,  alors  même  qu'on  devrait  la  com- 
prendre tout  entière ,  et  que  nous  ne  prouverions  pas  que  le  point  du 
jour  était  la  partie  extrême  de  cette  nuit.  C'est  ainsi  que  sans  compter 
ces  six  heures  (dont  trois  heures  de  nuit  et  trois  heures  de  jour),  nous 
avons  réellement  trois  jours  et  trois  nuits,  et  il  ne  nous  reste  plus  qu'à 
démontrer  que  cette  explication  est  conforme  à  l'usage  de  l'Ecriture, 
qui  prend  souvent  la  partie  pour  le  tout.  —  S.  Jér.  Ce  n'est  pas  que 
Jésus-Christ  ait  été  les  trois  jours  entiers  et  les  trois  nuits  dans  les 
enfers,  mais  on  entend  que  ces  trois  jours  et  ces  trois  nuits  sont  for- 
més d'une  partie  du  jour  de  la  Pâque ,  d'une  partie  du  dimanche  et 
du  jour  du  sabbat  tout  entier.  —  S.  Aug.  [De  la  Trinité,  iv,  9.) 
L'Ecriture  elle-même  nous  témoigne  que  ces  trois  jours  ne  furent  pas 

(1)  C'est-à-dire  le  premier  jour  de  la  semaine  qui  se  termine  par  le  sabbat,  et  que  l'on  appello 
pour  cela  le  jour  du  sabbat. 


est  in  mundo  :  tribus  diebus  et  noctibus 
fuit  ille  in  ventre  ceti,  et  iste  in  sepul- 
cro  ;  ille  éjectas  est  in  aridam,  iste  re- 
surrexit  in  gloriam. 

Al'g.  {de  Con.  Evang.  lib.  3,  cap.  24.) 
Quidam  autem  niodiuu  locutionis  Scrip- 
turae  nescieutes,  noctem  voliierunt  an- 
numerare  très  illas  lioras  a  sexta  usque 
ad  nonam,  quibus  sol  obscuratus  est,  et 
diem  très  boras  alias,  quibus  iteruni 
terris  est  redditus,  id  est,  a  nona  uscpie 
ad  ejus  occasum  :  sequitur  enim  nox  fu- 
tura  sabbali,  qua  cum  suo  die  conipu- 
tata  erunt  jam  duae  nocles  et  duo  dies. 
Porro  autem  post  sabbatum  sequitur  nox 
primae  sabbati  (id  est,  illucescentis  diei 
dominicae)  in  qna  tune  Dominus  resur- 


rexit  :  erimt  ergo  duae  noctes  et  duo 
dies,  et  una  nox,  etiamsi  tota  posset  in- 
telligi  ;  nec  ostenderemus  quod  illud  di- 
luculum  pars  ejus  extrema  sit  :  qua- 
propter  nec  annumeratis  illis  sex  horis 
(quarum  tribus  tenebratus  est,  et  tribus 
illuxitjcoustabit  ratio  trium  dierum  et 
trium  noctium  :  restât  ergo  ut  lioc  inve- 
uiatur  illo  Scripturarum  usitato  loquendi 
modo,  quo  a  parte  tolum  intelligitur. 
Hier.  Non  quod  omnes  très  dies  et  très 
noctes  in  inferno  fuerit,  sed  quod  in 
parte  parasceves  et  dominicae,  et  tota 
die  sabbati  très  dies  et  très  noctes  intel- 
ligantur.  AcG.  (IV  de  Trin.  cap.  9.) 
Ipsum  enim  triduimi  non  plénum  et  to- 
tum  fuisse  Scriptura  testis  est  ;  sed  pri- 


DE   SAINT   MATTHIEU.    CHAP.    XU. 


219 


complets;  mais  la  seconde  partie  du  premier  jour  et  la  première  partie 
du  troisième  jour  sont  comptées  pour  des  jours  entiers;  quant  au  jour 
intermédiaire,  c'est-à-dire  le  deuxième  jour,  il  est  complet  et  a  ses 
vingt-quatre  heures,  douze  de  nuit  et  douze  de  jour.  La  nuit  qui  pré- 
céda la  première  aurore  où  la  résurrection  du  Seigneur  eut  lieu 
appartient  au  troisième  jour.  Car  de  même  que  les  premiers  jours  de 
l'homme  sur  la  terre  se  comptent  du  jour  à  la  nuit  comme  symbole 
de  sa  chute  future ,  de  même  les  jours  se  comptent  ici  de  la  nuit  au 
jour  comme  figure  de  la  réparation  de  l'homme.  —  S.  Chrts. 
{hom.  44.)  Une  leur  dit  pas  clairement  qu'il  ressusciterait,  car  ils  se 
seraient  moqués  de  lui;  mais  il  le  leur  donne  à  entendre  pour  qu'ils 
pussent  croire  par  la  suite  ce  qu'il  avait  prédit  par  avance.  Il  ne  dit 
pas  simplement  :  «  Dans  la  terre ,  »  mais  «  dans  les  entrailles  de  la 
terre  »  pour  exprimer  une  véritable  sépulture ,  et  afin  que  personne 
ne  pût  soup(^onner  que  sa  mort  n'était  qu'apparente.  Il  dit  clairement 
qu'il  y  restera  trois  jours ,  afin  que  l'on  ne  put  douter  de  la  réalité  de 
sa  mort.  D'ailleurs  la  figure  de  la  résurrection  est  une  preuve  de  sa 
réalité,  car  Jonas  ne  fut  pas  seulement  en  apparence,  mais  bien  réel- 
lement dans  le  ventre  de  la  baleine.  Or  la  vérité  n'aurait-elle  existé 
qu'en  apparence,  tandis  qne  la  figure  a  existé  en  réalité?  Les  disciples 
de  Marcion  sont  donc  de  véritables  enfants  du  démon ,  en  affirmant 
avec  leur  maître  que  la  passion  du  Christ  n'a  été  qu'imaginaire;  ajou- 
tons que  le  signe  du  prophète  Jonas ,  qui  devait  être  donné  à  cette 
génération  est  une  preuve  que  le  Sauveur  devait  souÛrir  la  mort  pour 
les  Juifs,  quoiqu'ils  n'en  dussent  tirer  aucun  profit  (l). 

^.  41,  42.  —  Les  Ninivites  s'élèveront  au  jour  du  jugement  contre  cette  race  et 

(1)  Le  contraire  est  arrivé  pour  Jonas,  figure  de  Jésus-Cbrist,  car  il  a  sauvé  ceux  pour  lesquels 
il  s'est  jeté  à  la  mer.  (Jon,,  i,  5.) 


mus  dies  a  parte  extrema  totus  anmime- 
ratus  est,  dies  vero  tertius  a  parte  prima 
et  ipse  totus  ;  médius  autem  inter  eos 
(id  estj  secundus  diesj  absolute  totus 
24  horis  suis,  12  nocturnis,  12  diurnis  : 
nox  enim  iisque  ad  diluculum  quo  Do- 
miui  resurrectiû  declai'ata  est,  ad  ter- 
tium  perlinet  dieui  :  sicuteniaiprimidies 
propter  fiiturum  liominis  lapsum  a  luce  in 
noctem,  ita  isti  propler  liominis  repara- 
tionem  a  tenebris  inlucem  computantur. 
Chrys.  [in  Iiomil.'ii  vt  si/js.)  Non  autem 
manifeste  dixit  quod  resurgeret,  quia 
eum  derisissent  ;  sed  occulte  insinuai, 
ut  et  illi  credereut  quod  prœscivit  :  non 
autem  dixit  :  In  terra,  sed,  in  corde 
terrx,  ut   et   sepulcrum  ostenderet,  et 


nuUus  solam  mortis  apparentiam  suspi- 
cetur  :  et  très  dies  propter  hoc  posait  ut 
credatur  quod  mortuus  est.  Sed  ipsa  fi- 
gura veritatem  demonstrat  :  non  enim 
fuit  Jonas  in  ventre  ceti  in  phantasia, 
sed  in  veritate  :  neque  figura  fuit  in  ve- 
ritate,  et  voritas  in  imaginatioue  :  prop- 
ter quod  manifestum  est  quod  filii  sunt 
diaholi  Marcionem  sequentes,  qui  Christi 
passionem  pliantasticam  esse  asseruit  : 
et  quod  pro  eis  esset  passurus  (licet  eis 
non  proficeret),  per  hoc  iumiit  quod  illi 
generationi  signum  daretur  Jonœ  pro- 
phetae. 

Viri  Ninivitce  surgent  injiidicio  cum  generatione 
is(a,  et  condeinimbunt  eam,  quia  pœnitentiam 


220 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 


la  condamneront,  parce  qu'ils  ont  fait  pénitence  à  la  prédication  de  Jonas  ;  et 
cependant  il  y  a  ici  plus  que  Jonas.  La  reine  du  Midi  s'élèvera  au  jour  du 
jugement  contre  cette  race  et  la  condamnera,  parce  qu'elle  est  venue  des  extré- 
mités de  la  terre  pour  entendre  la  sogesse  de  Salomon  ;  et  cependant  il  y  a  ici 
plus  que  Salomon. 

S.  Chrys.  {hom.  4-4.)  On  aurait  pu  croire  que  les  Juifs  auraient  un 
jour  le  même  sort  que  les  Ninivites,  et  qu'ils  se  convertiraient  après  la 
résurrection  du  Sauveur,  comme  les  Ninivites  s'étaient  convertis  à  la 
voix  de  Jonas  et  avaient  ainsi  sauvé  leur  ville  de  la  destruction  qui 
la  menaçait.  Notre- Seigneur  déclare  ici  qu'un  sort  tout  différent  leur 
est  réservé  ;  et  loin  que  le  bienfait  de  sa  mort  leur  soit  utile ,  elle  ne 
fera  qu'aggraver  leur  supplice,  comme  il  le  prouvera  plus  bas  par 
l'exemple  du  démon.  Il  montre  d'abord  ici  l'équité  de  leur  condamna- 
tion :  «  Les  habitants  de  Ninive  se  lèveront,  dit-il,  au  jour  du  ju- 
gement contre  cette  génération.  »  —  Rémi.  Le  Seigneur  ,  en  s'expri- 
raant  de  la  sorte,  établit  clairement  qu'il  n'y  aura  qu'une  seule  résur- 
rection pour  les  bons  et  pour  les  méchants,  contre  quelques  hérétiques 
qui  ont  prétendu  qu'il  y  aurait  une  résurrection  pour  les  bons  et  une 
pour  les  méchants.  Il  détruit  en  même  temps  cette  opinion  fabuleuse 
des  Juifs  qui  disent  que  la  résurrection  aura  lieu  mille  ans  avant  le 
jugement,  et  il  déclare  ouvertement,  au  contraire,  que  le  jugement  sui- 
vra immédiatement  la  résurrection  ;  «  Et  ils  condamneront  cette  géné- 
ration.»— S.  JÉR.  Ce  ne  sera  pas  en  prononçant  contre  elle  le  jugement 
souverain,  mais  par  la  simple  opposition  de  leur  conduite  ;  c'est  pour 
cela  qu'il  ajoute  :  «  Parce  qu'ils  ont  fait  pénitence  à  la  voix  de  Jo- 
nas, et  voilà  plus  que  Jonas  ici.  »  Le  mot  htc  doit  être  pris  comme 
adverbe  de  lieu,  et  non  pas  comme  pronom.  Jonas  (selon  la  version 


pgerunt  in  prœdicatione  Jonœ  :  et  ecce  plus- 
quam  Jonas  hic.  Regina  Austri  surget  injudi- 
cio  cum  generatione  ista,  Pt  condemnahit  eam, 
quia  venit  a  finihus  terrœ  audire  sapientiam 
Salomonis  :  et  ecce plusquam  Salomon  hic. 

Chrys.  (in  hom.  44  m<  s«j3.)Nealiqui3 
existimaret  quod  talia  deinoeps  futnra 
essent  in  .ludœii^  quulia  Ninivilis  conti- 
gerant;  ut  sicut  .louas  illos  convertit,  et 
civitas  fuit  a  periculo  lilierata.  ita  isti 
postresurrectiouem  oonverterenlur  ;  Do- 
minus  nunc  totuni  conlrariuiu  ostendit, 
quoniam  scilicet  ex  benetieio  passionis 
nuUum  fructum  pcrceperunt,  sed  et  gra- 
via  palientur ,  ut  iufra  ostendit  per 
excmplum  daenionis.  Intérim  autem  os- 
tendit quod  juste  patientur,  dicens  : 
«  Viri  Ninivites  surgent  in  judicio  cum 


generatione  ista.  »  Remig.  Ostendit  au- 
tem Dominus  liis  verbis  unam  esse  ma- 
lorum  et  bouorum  resurrectionem  futu- 
ram,  contra  quosdam  hœreticos.  qui  di- 
xerunt  unam  esse  resurrectionem  bouo- 
rum, et  alteram  malorum.  Destruitur 
etiam  bis  verbis  fabula  Jud:rorum,  qui 
soliMit  dicere  quod  ante  judicium  mille 
annis  celebretiir  resurrectio;  aperte  bis 
verbis  ostendeus,  quia  mox  ut  celebrabi- 
tur  resurrectio,  celebrabitur  et  judicium. 
«  Kt  condemnabunt  eam.  »  Hier.  Non 
seutenlias  potestate,  sed  comparationis 
exemple  :  unde  subdit  :  «  Quia  pœni- 
tentiam  egerunt  in  prredicatione  Jonse. 
Et  ecce  plusquam  Jonas  hic,  »  etc.  Hic, 
adverbium  loci,  non  pronomen  intelli- 
gas  :  «  Jonas  (secundum  "0  interprètes) 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XII.  221 

des  Septante)  ne  prêcha  que  pendant  trois  jours  (1);  j'ai  prêché  pen- 
dant un  temps  beaucoup  plus  long  ;  il  s'adressait  aux  Assyriens,  nation 
infidèle  ;  je  m'adresse  aux  Juifs,  peuple  de  Dieu;  il  ne  fit  que  prêcher 
sans  opérer  de  miracles  ,  et  moi,  après  tant  et  de  si  grands  prodiges, 
je  suis  accusé  calomnieusement  de  connivence  avec  Béelzébub. 

S.  CiiRYS.  {Jiom.  4i.)  Le  Seigneur,  non  content  de  cet  exemple,  en 
ajoute  un  autre  :  «  La  reine  du  Midi,  »  etc.  Cet  exemple  est  plus  frap- 
pant encore  que  le  premier.  Jonas  alla  trouver  les  Ninivites  ;  la  reine 
du  Midi  n'attendit  pas  que  Salomon  se  rendit  près  d'elle ,  mais  elle 
alla  le  trouver  elle-même,  et  c'était  une  femme,  une  barbare,  habi- 
tant des  contrées  éloignées  ;  elle  n'était  pas  dominée  par  la  crainte  de 
la  mort,  mais  par  le  seul  désir  d'entendre  les  paroles  de  la  sagesse  (2*). 
Cette  femme  s'est  donc  rendue  ici ,  moi  j'y  suis  venu  ;  elle  est  arrivée 
des  extrémités  de  la  terre ,  et  moi  je  parcours  les  villes  et  les  cam- 
pagnes; elle  discuta  sur  les  arbres  et  sur  les  plantes,  et  moi  j'enseigne 
d'iuelTables  mystères.  —  S.  Jér.  Cette  reine  du  Midi  condamnera  le 
peuple  juif,  de  la  même  manière  que  les  Ninivites  condamneront  les 
Israélites  incrédules.  Cette  reine  est  la  reine  de  Saba  dont  il  est 
question  au  livre  III  des  Rois,  et  au  II  des  Paralipomènes.  Elle  aban- 
donna son  peuple  et  son  royaume ,  et  à  travers  mille  difficultés  elle 
vint  dans  la  Judée  pour  entendre  la  sagesse  de  Salomon  ,  et  lui  offrit 
une  multitude  de  présents  (3).  Les  Ninivites  et  la  reine  de  Saba  sont 
la  figure  des  nations  qui  ont  embrassé  la  foi  et  qui  ont  été  préfé- 

(1)  Ce  n'est  pas  seulement  parce  qu'il  fallait  trois  jours  pour  parcourir  la  ville  de  Ninive,  mais 
aussi  parce  que  Jonas  avait  dit  dans  sa  prédication  :  «  Dans  trois  jours,  Ninive  sera  détruite.  » 
La  Vulgate,  d'après  l'hébreu,  a  mis  quarante  jours  au  lieu  de  trois  jours. 

(2'*)  Dans  le  texte  grec  saint  Chrysostome  ajoute  :  «  Mais  il  y  a  ici  plus  que  Salomon,  d  ce  qui 
répand  plus  de  clarté  sur  le  contraste  qu'il  établit  entre  la  reine  du  Midi  et  le  Sauveur. 

(3)  C'est-à-dire  cent  vingt  talents  d'or  et  une  grande  quantité  de  pierres  précieuses  et  de  par- 
fums, (III  Rois,  X  et  II;  Paralip.,  ix.)  La  Vulgate  traduit  :  une  grande  quantité  de  pierres  pré- 
cieuses et  de  parfums,  là  où  le  grec  dit  seulement,  des  pierres  précieuses,  XîÔov  Tifxiov,  mais 
avec  un  adjectif  numérique. 


Iriduo  prœdicavit  ;  ego  tanto  tempore  : 
ille  Assyriis  geuti  incredulœ,  ego  Judaeis 
populo  Dei  ;  ille  voce  locutus  est  sim- 
plici,  nihil  sigaorum  faciens  ;  ego  lauta 
faciens,  Beelzebub  caluuiuiam  suslineo.» 
Chrvs.  {in  f/om.  44  vt  sup.)  Non  au- 
tem  hic  stat  Doiiiiiius,  sed  et  aliam  an- 
nuntialionem  adjungit,  dicens:  «  Regiua 
Austri,  n  etc.  Istud  plus  fuit  quam  prius. 
Jonas  euim  ad  illos  abiit  ;  regina  autem 
Austri  non  exspectavit  Salomonem  ad 
ipsam  ire,  sed  ipsa  ad  eum  accessit;  et 
niulier,  et  Ijarbara,  et  remota  ;  non  raor- 
tem  formidans,  illecta  sola  cupidine  ver- 
borum  sapientum.  Ibiergo  mulier  adve- 


nit,  hue  ego  veni  ;  et  ipsa  quidem  a  fini- 
bus  terrée  surrexit,  ego  autem  civitates 
et  castra  circumeo  ;  et  illa  quidem  de 
arboribus  et  lignis  disputavit,  ego  autem 
de  iueffabilibus  niysteriis.  Hier.  Eodem 
ergo  modo  coudemuabit  regiua  Auslri 
populum  Judaeorum,  quo  contemuabunt 
viri  Ninivitae  Israëlem  iucredulum.  Ista 
est  Regiua  Saba,  de  qua  in  Regum  volu- 
miue  (lib..  m  Bec/,  cap.  10)  et  in  Parali- 
pomenon  (lib.  ir,  cap.  9)  legimus,  quaj 
per  taulas  difûcullates  gente  sua  et  im- 
perio  derelictis,  venitin  Judaeam^sapien- 
tiam  audire  Salomonis,  et  ei  multa  mu- 
nera  obtulit  :  in  Ninive  autem,  et  in  Re- 


222 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


rées  au  peuple  d'Israël.  —  Rab.  Les  Ninivites  représentent  ceux  qui 
renoncent  au  péché  ;  la  reine  de  Saba,  ceux  qui  ne  connaissent  pas 
le  péché;  car  la  pénitence  efface  le  péché,  mais  la  sagesse  apprend  à 
l'éviter. 

Remi.  Le  nom  de  reim;  convient  admirablement  à  l'Eglise,  parce 
qu'elle  sait  diriger  sa  conduite  ;  c'est  d'elle  que  le  Psalmiste  a  dit  : 
«  La  reine  s'est  tenue  debout  à  votre  droite.  »  {Ps.  xliv.)  C'est  la  reine 
du  Midi,  parce  qu'elle  est  pleine  du  fou  de  l'Esprit  saint.  Le  vent  brû- 
lant du  Midi  est  une  figure  de  l'Esprit  saint.  Saiomon  ,  dont  le  nom 
signifie  le  pacifique ,  représente  celui  dont  il  est  dit  :  «  C'est  lui  qui 
est  notre  paix.  »  {Ephés.  ii.) 

f.  43-45.  —  Lorsque  l'esprit  impur  est  sorti  d'un  homme,  il  vu  dans  des  lieux 
arides,  cherchant  du  repos,  et  il  n'en  trouve  point.  Alors  il  dit  :  Je  retournerai 
dans  ma  maison  d'où  je  suis  sorti;  et  revenant  il  la  trouve  vide,  nettoyée  et 
parée.  En  même  temps,  il  va  prendre  avec  lui  sept  autres  esprits  plus  mé- 
chants que  lui;  et  entrant  dans  cette  maison,  ils  y  demeurent,  et  le  dernier 
état  de  cet  homme  devient  pire  que  le  premier.  C'est  ce  qui  arrivera  à  cette 
race  criminelle. 

S.  Chrys.  {ho?n.  44.)  Le  Seigneur  avait  dit  aux  Juifs  :  «  Les  habi- 
tants de  Ninive  s'élèveront  au  jour  du  jugement  et  condamneront 
cette  génération.  »  Mais  dans  la  crainte  que  le  temps  si  éloigné  de 
cette  condamnation  ne  la  leur  fit  mépriser  et  n'encourageât  leur  négli- 
gence ,  il  leur  apprend  qu'ils  auront  à  souffrir  des  châtiments  très- 
sévères  non-seulement  dans  l'autre  vie ,  mais  dans  celle-ci ,  et  il  leur 
fait  connaître  sous  le  voile  d'une  parabole  le  supplice  qui  leur  est  ré- 
servé :  «  Lorsque  l'esprit  impur  ,  »  etc.  —  S.  Jér.  Il  en  est  quelques- 


gina  Saba,  occulte  fides  nationum  prœ- 
fertur  Israëli.  Raba.  Ninivitœ  significant 
eos  qui  peccare  desisliuit,  Regiua  vero 
eos  qui  peccare  nesciunt  :  pœuiteutia 
enim  peccatum  abolet,  sapientia  cavel. 
Remig.  Pulclire  autem  EcclesiadeGen- 
tibus  coDgregala  reyina  dicitur,  quia 
mores  suos  regere  novit  :  de  qua  Psal- 
mista  [Psal.  44)  :  «  Astitit  Regiua  adextris 
tuis.  »  Austri  autem  regina  est,  (juia  ar- 
dore  Spirilus  Sancti  superabuudal  :  aus- 
ter  enim  veutus  calidiis  signilicat  Spiri- 
tum  Sanctum.  Salomou  autem,  (jui  in- 
terpretatur /;«c//i(i/5,  siguilicat  ipsum  de 
quo  dictum  est  [Lplt.  2)  :  Ipse  est  pax 
nos  Ira. 


Cum  autem  iinmtuulus  spiiitus  exierit  ah  humiiu; 


ambulat  per  loca  arida  guœrens  requiem,  et  non 
invenit.  Tune  dicit  :  Revertar  in  domum  tneam 
unde  exii'i.  Et  veniens ,  invenit  eam  vacantem, 
scopis  mundatam  et  ornatam  :  tune  vadit ,  et 
assumit  seplem  alius  spiritus  secuni  nequiores 
se  :  et  intrantea  habitant  ibi  :  et  fiunt  novissima 
hominis  illius  pejora  prioribus.  Sic  erit  gène- 
rationi  huic  pessiinœ. 

Chrys.  {in  hom.  44  lit sup.)(^mvi  Do- 
miuus  dixerat  Judœis  :  «  Viri  Niuivitae 
surgent  iii  judicio,  et  coiidemuabuut 
gijiieratioiiem  islam,  »  ne  propter  tem- 
poris  tardationem  coutemuereut  et  tie- 
reut  pigriores,  osteudit  quod,  iion  solum 
in  futnro  seculo,  sed  et  liic  gravissima 
patienlur,  futuram  in  cis  pœnam  sub 
quodam  amigmale  subdens.  L'ude  dicit  : 
«  Cum  autem  immuudus  spiritus,  »  etc. 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XII. 


223 


uns  (1)  qui  prétendent  que  ce  passage  s'applique  aux  hérétiques. 
L'esprit  immonde  qui  habitait  d'abord  en  eux  ,  lorsqu'ils  étaient  en- 
core infidèles,  disent-ils,  a  été  chassé  par  la  confession  de  la  vraie  foi; 
mais  lorsqu'ils  ont  embrassé  le  parti  de  l'hérésie  ,  et  qu'ils  ont  orné 
de  fausses  vertus  la  maison  intérieure  de  leur  âme  ,  le  diable  revient 
les  trouver  après  avoir  pris  avec  lui  sept  autres  esprits ,  il  fixe  en  eux 
son  séjour,  et  rend  leur  dernier  état  pire  que  le  premier.  Le  sort  des 
hérétiques  est ,  en  efTet ,  plus  déplorable  que  celui  des  infidèles  ;  car 
dans  les  infidèles  vous  pouvez  rencontrer  l'espérance  de  la  vraie 
foi,  mais  dans  les  hérétiques  vous  ne  trouverez  que  les  luttes  et  les 
déchirements  de  la  discorde.  Cette  explication  a  pour  elle  quelque 
probabilité  et  quelque  apparence  de  science,  cependant  je  ne  sais  si 
elle  est  fondée  sur  la  vérité.  En  effet^  la  conclusion  de  cette  parabole  : 
«  C'est  ce  qui  arrivera  à  cette  génération  criminelle,)»  nous  force  de 
l'appliquer,  non  aux  hérétiques,  ou  à  n'importe  quels  autres  hommes, 
mais  au  peuple  juif,  si  nous  voulons  que  l'ensemble  de  ce  passage  ne 
reste  pas  vague,  indéterminé,  susceptible  de  sens  divers,  et  ne  perde 
de  sa  clarté  par  des  interprétations  sans  fondement,  mais  qu'il  forme 
un  tout  parfaitement  en  rapport  avec  les  antécédents  et  les  consé- 
quences. L'esprit  impur  est  donc  sorti  des  Juifs  lorsque  la  loi  leur  fût 
donnée  et  lorsqu'ils  l'eurent  chassé,  il  a  erré  dans  les  solitudes  des  na- 
tions, comme  l'indiquent  les  paroles  suivantes  :  «  Il  va  par  des  lieux 
arides.  »  —  Rémi.  Les  lieux  arides,  ce  sont  les  cœurs  des  Gentils  que 
n'ont  jamais  arrosés  les  eaux  salutaires,  c'est-à-dire  les  saintes  Ecri- 
tures. —  Rab.  Ou  bien,  ces  lieux  arides,  ce  sont  les  cœurs  des  fidèles 

(1)  On  ne  voit  pas  parmi  les  Pères  qui  précédèrent  saint  Jérôme,  quel  est  celui  qui  aurait 
donné  cette  explication.  Saint  Ambroise  dans  son  commentaire  sur  saint  Luc,  saint  Chrysostome, 
saint  Hilaire  sur  saint  Matthieu,  appliquent  ce  passage  aux  Juifs. 


Hier.  Quidam  isUim  locuin  de  haereticis 
dictum  putaut,  quod  immundus  spiritus 
qui  in  eis  ante  habitaverat,  quaudo  geu- 
tiles  eraut,  ad  coufessioneui  ver£e  fidei 
ejiciatur;  postea  vero  cum  se  ad  hsere- 
sim  transtulerint^  et  simulatis  virtutibus 
oruaveriut  domuni  suam  ;  tune  aliis 
septem  nequam  spiritibua  adjunctis,  re- 
vertatur  ad  eos  diabolus,  et  babitet  in 
illis,  fiantque  novissima  eorum  pejora 
prioribus.  IMulto  quidem  pejori  condi- 
tione  suut  hoerelici,  quam  geutiles  ;  quia 
in  illis  spes  iidei,  in  istis  est  pugna  dis- 
cordiaî.  Cum  hiec  iutelligentia  plausum 
quemdam  et  colorem  doctrinœ  prasferatj 
nescio  an  babeat  veritatem  :  ex  eo  enim 
quod  finita  vel  parabola  vel  exemplo  se- 


quitur  :  «  Sic  erit  generationi  buic  pes- 
simœ,  »  compellimur,  non  ad  haeretico3 
et  quoslibet  bomines,  sed  ad  Judœorum 
populura  referre  parabolam  ;  ut  contex- 
tus  lûci  non  passim  et  vagus  in  diversum 
fluctuet,  atque  insipientium  more  turbe- 
tur;  sed  bœrens  sibi,  vel  ad  priora,  vel 
ad  posteriora  respondeat.  Unde  immun- 
dus spiritus  exiit  a  Judaeis,  quaudo  acce- 
peruut  legem  ;  expulsus  autem  a  Judaeis, 
ambulavit  per  genlium  solitudines  :  unde 
sequitur  :  «  Ambulat  perioca  arida,»  etc. 
Remig.  Loca  vrkia  appellat  corda  gen- 
tium,  ab  omni  bumore  salularium  aqua- 
rum  (boc  est  sanctarum  Scripturarum, 
spiritualium  donorum,  et  ab  infusione 
Sancti  Spiritus),  aliéna.  Raba.  Vel  loca 


224 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


qui,  après  avoir  été  purifiés  de  la  mollesse  des  pensées  dissolues ,  sont 
explorés  par  l'ennemi  perfide  de  notre  salut  qui  cherche  à  y  fixer  son 
séjour;  mais  il  s'éloigne  des  âmes  chastes  ,  et  ne  peut  trouver  que 
dans  le  cœur  des  méchants  un  repos  qui  lui  soit  agréable.  C'est  pour 
cela  que  le  Seigneur  ajoute  :  a  Et  il  ne  le  trouve  pas.  » 

Rémi.  Le  démon  pensait  avoir  trouvé  dans  le  cœur  des  Gentils  un 
repos  éternel,  mais  Notre- Seigneur  ajoute  :  «  Et  il  ne  le  trouve  pas,  » 
parce  que  les  Gentils  ont  embrassé  la  foi,  lorsque  le  Fils  de  Dieu  se 
fut  rendu  visible  par  le  mystère  de  l'Incarnation.  —  S.  Jér.  Après  la 
conversion  des  Gentils,  le  démon,  ne  trouvant  plus  en  eux  de  repos, 
dit  :  «  Je  reviendrai  dans  la  maison  d'où  j'étais  sorti,  chez  les  Juifs 
que  j'avais  quittés  en  premier  lieu^  et,  en  y  revenant ,  il  trouve  cette 
maison  vide,  nettoyée  et  parée.  »  En  effet,  ce  temple  des  Juifs  était 
vide,  et  le  Christ  n'y  demeurait  plus  ,  lui  qui  avait  dit  :  «  Levez-vous, 
sortons  d'ici.  »  {Jean^  xiv.)  Les  Juifs  n'étant  plus  sous  la  garde  de 
Dieu  et  de  ses  anges,  et  n'ayant  pour  ornement  que  les  observances 
superflues  de  la  loi,  et  les  traditions  des  pharisiens ,  le  démon  revient 
dans  sa  première  demeure ,  il  en  prend  possession  avec  sept  autres 
esprits,  et  le  dernier  état  de  ce  peuple  devient  pire  que  le  premier. 
En  effet,  les  Juifs  qui  blasphèment  contre  Jésus- Christ  dans  les  syna- 
gogues sont  les  esclaves  d'un  bien  plus  grand  nombre  de  démons  que 
ue  Tétaient  leurs  ancêtres  dans  l'Egypte  avant  d'avoir  reçu  la  loi  ;  car 
on  n'était  pas  aussi  coupable  de  ne  pas  croire  en  celui  qui  devait  ve- 
nir, que  de  ne  pas  le  recevoir  lorsqu'il  était  venu.  Ce  nombre  de  sept 

(1)  Cette  interprétation  n'est  pas  littérale  ;  ces  paroles  sont  celles  que  Jésus  prononça  lorsqu'il 
sortit  du  Cénacle  lui  et  ses  apôtres  pour  se  rendre  au  jardin  des  Olives,  où  devait  commencer  sa 
passion. 


arida  sunt  corda  fidelium,  quae  a  molli - 
tie  fluxœ  cogitationis  expurgata  callidus 
insidiator  explorai,  si  quos  gressus  ibi 
figere  possit;  sed  caslas  mentes  effiigiens 
diabolus,  in  solo  corde  pravorum  gra- 
tam  sibi  potest  invenire  quieteni  :  unde 
sequitur  :  «  Et  non  invenit.  » 

RiiMiG.  Putabat  auteni  diabolus  se  per- 
petuam  quietem  posse  babere  in  genlili 
populo  ;  sed  subditur  :  «  Kl  non  inve- 
nit, »  quia  apparente  Dei  Filio  per  mjs- 
terium  incarnatiouis  suœ  gentilitas  cre- 
didit.  IliEn.  Quie  cum  Domino  credi- 
disset,  ille  non  iuvento  loco  in  nalioni- 
bus,  dixil  :  «  Reverlar  in  domum  meani 
unde  exivi,  »  babeo  Judœos  quos  anle 
dimiseram."  Et  venions  invenit  vacantom 
scopis  mundatam  et  oruatam;»  vacabat 


enim  templum  Judseorum  ,  et  Cbristum 
hospilem  non  babebat  dicentem  [Joan. 
14)  :  «  Surgite  et  abeamus  bine.  »  Quia  igi- 
lur,  et  Dei,  et  angelorum  praesidia  non 
babebant,  et  oruati  erant  superfluis  ob- 
servationibuslegis,  et  traditionibusPba- 
risœorum,  reverlitur  diabolus  ad  sedem 
suam  pristinam;  et  septenario  numéro 
sibi  addilo  daernonum,  babitat  pristinam 
domum  :  et  fiunt  novissima  illius  populi 
pejora  prioribus  :  multo  enim  nunc  ma- 
jore dœmonum  numéro  possidentur 
blaspbemantes  in  synagogis  suis  Cbris- 
tum Jesum  quam  in  .-Egypto  possessi 
fuerant  anle  legis  notitiam,  quia  aliud 
est  venturum  non  credere,  aliud  non 
suscepisse  qui  venerit.  Septenarium  au- 
tem  uumerum  adjunclum  diabolo,  vel 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XII.  22j 

autres  esprits  que  le  démon  prend  avec  lui  est  mis  ici  ou  à  cause  des 
jours  de  la  semaine,  ou  à  cause  du  nombre  des  dons  de  l'Esprit  saint. 
Ainsi  de  même  que  dans  Isaie  sept  esprits  de  vertus  différentes  viennent 
se  reposer  sur  la  fleur  de  la  tige  de  Jessé,  de  même,  à  l'opposé ,  nous 
voyons  un  nombre  égal  de  vices  consacre  dans  la  personne  du  dé- 
mon. C'est  donc  avec  dessein  que  Jésus  dit  du  démon  qu'il  prend  sept 
esprits  avec  lui,  ou  à  cause  de  la  violation  du  sabbat ,  ou  à  cause  des 
péchés  mortels  qui  sont  contraires  aux  sept  dons  du  Saint-Esprit  (1). 

S.  CnRïs.  {hom.  44.)  Ou  bien  le  Sauveur  veut  faire  comprendre  aux 
Juifs  la  grandeur  du  châtiment  qui  les  attend.  Voyez,  leur  dit-il, 
ceux  qui,  étant  possédés  du  démon,  sont  délivrés  de  cette  tyrannie  ; 
s'ils  tombent  ensuite  dans  le  relâchement,  ils  s'attirent  de  plus  ter- 
ribles épreuves  ;  ainsi  en  sera-t-il  de  vous-mêmes.  Vous  étiez  autrefois 
les  esclaves  du  démon ,  lorsque  vous  adoriez  les  idoles  ,  et  que  vous 
immoliez  vos  enfants  aux  démons;  cependant  je  ne  vous  ai  pas  aban- 
donnés, j'ai  chassé  le  démon  par  les  prophètes,  et  je  suis  venu  moi- 
même  en  personne  pour  vous  délivrer  d'une  manière  plus  complète. 
Mais  loin  de  répondre  à  de  si  grands  bienfaits,  vous  n'en  êtes  devenus 
que  plus  mauvais  (car  c'est  un  plus  grand  crime  de  mettre  à  mort  le 
Christ  qu'un  prophète),  c'est  pourquoi  de  plus  terribles  châtiments 
vous  sont  réservés.  Et  en  effet,  ce  qu'ils  eurent  à  souffrir  sous  Vespa- 
sien  et  Titus  fut  mille  fois  plus  affreux  que  ce  qu'ils  avaient  enduré  en 
Egypte,  à  Babylone,  et  sous  Antiochus  (2).  Il  va  plus  loin  encore,  et 
leur  fait  voir  le  triste  état  de  leur  âme  dépouillée  de  toutes  vertus,  et 
devenue  pour  le  démon  une  proie  bien  plus  facile  qu'auparavant.  Or, 

(1^  On  ne  trouve  cette  phrase  ni  dans  saint  Jérôme,  ni  dans  aucun  autre  auteur;  la  Glose  n'en 
cite  que  la  dernière  partie. 
(2'^  C'est  cet  Antiochus  dont  les  cruautés  sont  rapportées  1  Machah.,  i,  et  ii  Machab.,  v,  vi,  vu. 


propter  sabbatum  intellige,  vel  propter 
numerum  Spiritus  Sancti,  ut  quomodo 
in  Isaia  (cap.  11),  super  florem  qui  de 
radiée  Jesse  desceadit,  septem  spiritus 
virtutum  descendisse  narrantur,  ita  e 
contrario,  vitiorum  numerus  in  diabolo 
consecratus  sit.  Pulchre  «  ergo  septem 
spiritus  assurai  dicuntur,  vel  propter  » 
violationem  sabbati,  vel  propter  crimi- 
nalia  peccata,  qnœ  contraria  sunt  sep- 
tem donis  Spiritus  Sancti. 

Chrys.  (in  Jiomil.  i't  ut  svp.)  Vel  hic 
pœnam  eorum  demonstrat  :  dicit  enim 
quod  cum  dsemouiaci  liberati  fuerint  ab 
infirniitale ,  si  desidiores  efficiantur , 
graviorem  attrahunt  adversus  se  phan- 
lasiam  :  ita  et   in  vobis  fiet   :   etenim 

TOM.   II. 


ante  detinebamini  a  dfemoue,  quando 
idola  adorabatis,  et  filios  vestros  daemo- 
nibus  occidebatis  ;  sed  tamen  non  dere- 
liqui  vos,  sed  expuli  daemonem  illum 
per  prophetas,  et  per  memetipsum  rur- 
sus  veni,  auiplius  expurgare  vos  volens  : 
quia  igitur  non  vultis  atteudere,  sed  in 
majorera  ineidistis  uequitiara  (gravius 
enim  est  occidere  Christuni  quam  pro- 
phetam),  propter  hoc  difficiliora  patie- 
raini.  Quae  enim  sub  Vespasiano  et  Tito 
contigerunt,  eis  multo  graviora  fuerunt 
bis  quœ  passi  simt  in  .Egypto,  et  in  Ba- 
bj-lone,  et  sub  Antiocho  :  nec  hoc  solum 
ostendit,  sed  quoniam  ab  omni  virtute 
erant  desolati  (seu  destituti)  et  daemo- 
num    actibus  occupabilns    magis  quam 

15 


226 


EXPLICATION    DR   l'ÉVANGILE 


ce  n'est  pas  seulement  dans  les  Juifs,  mais  dans  nous-mêmes  que  cette 
parabole  trouve  son  application.  Si  après  avoir  reçu  la  lumière  de  la 
foi  et  la  rémission  de  nos  premières  fautes,  nous  y  retombons  de  nou- 
veau, la  peine  des  fautes  suivantes  sera  beaucoup  plus  sévère;  c'est 
pour  cela  que  Notre-Seigneur  dit  au  paralytique  :  «  Vous  voilà  guéri, 
ne  péchez  plus,  de  peur  qu'il  ne  vous  arrive  quelque  chose  de  pis.  »  — 
Rab.  Lorsqu'un  homme  se  convertit  à  la  foi,  le  démon, chassé  de  son 
âme  par  le  baptême,  parcourt  les  lieux  arides,  c'est-à-dire  les  cœurs 
des  fidèles.  —  S.  Grég.  {Moral,  xxxiii ,  3.)  Les  lieux  arides  et  sans 
eau  sont  les  cœurs  des  justes;  la  règle  forte  et  sévère  qu'ils  s'imposent 
dessèche  dans  leur  àme  les  eaux  des  concupiscences  charnelles.  Les 
lieux  humides,  au  contraire,  sont  les  âmes  des  hommes  attachés  à  la 
terre  ;  la  concupiscence  de  la  chair,  en  les  pénétrant  de  ses  eaux  cor- 
rompues, les  rend  molles  et  sans  cohésion ,  et  le  démon  y  imprime 
d'autant  plus  profondément  les  traces  de  son  iniquité,  qu'il  marche 
dans  ces  âmes  comme  sur  une  terre  détrempée  et  sans  consistance. 

Rab.  Or,  en  rentrant  dans  sa  maison  d'où  il  était  sorti,  il  la  trouve 
vide  de  bonnes  actions  par  suite  de  sa  négligence ,  purifiée  de  toutes 
souillures,  c'est-à-dire  de  ses  anciens  vices,  par  le  baptême;  ornée  de 
fausses  vertus  par  l'hypocrisie.  —  S.  Aug.  {Quest.  évang.^  i,  8.)  Le 
Seigneur  nous  apprend  encore  par  ces  paroles  qu'il  en  est  dont  la  foi 
sera  si  faible,  qu'ils  retourneront  au  monde,  incapables  qu'ils  seront 
des  travaux  de  la  mortification.  Eu  nous  faisant  remarquer  que  le  dé- 
mon prend  avec  lui  sept  autres  esprits,  il  veut  nous  faire  comprendre 
que  celui  qui  tombe  des  hauteurs  de  la  justice  devient  en  même  temps 
hypocrite.  En  eflet,  lorsque  la  concupiscence  de  la  chair,  chassée  par 


ante.  Hœc  autem,  non  solum  ad  illos, 
sed  ad  nos  eliUui  dicta  esse,  ration em 
liabet  ;  si  illumiuati  et  a  prioribus  eruti 
malis,  nirsus  ab  eadenv  possideamur 
nequitia:  etenim  difficilior  jam  eritpœna 
posteriorum  peccatorum  :  propter  quod 
paralylico  Cliristus  dixit  {Joan.  5)  : 
«  Ecce  sanns  factus  es,  noli  peccare,  ne 
deterius  libi  aliquid  continuât.  »  Raba. 
Homo  enim  quilibct  ad  fidem  convorsus 
est,  a  quo  diabolns  per  baptisnuini  oji- 
citur  ;  qui  ejeclus  inde  loca  arida  por- 
agrat,  id  est  corda  ildelinm.  Greg. 
(XXXIII  Moral,  cap.  3.)  Loca  onini  arcii- 
lia  atipie  ina(iuosa  sunt  corda  Jusloruni; 
qaœ  per  disciplinai  l'ortiludinoni  abonini 
carnalis  concupisceuliie  hiiniore  sic- 
canUir;  loca  voro  bumentia  siint  ti'rre- 
noruni  boaiinuin  meutes  ;  qua-   humor 


carnalis  concupiscentiee  ,  quia  replet 
lluidas  facit  ;  in  quibus  diabolns  inii[ui- 
tatis  suœ  vestigia  tanto  altius  imprimit, 
(juanlo  in  eisdem  mentibus  pertransitus 
illius  quasi  in  fluxA  terra  descendit. 

Raba.  Rediens  autem  ad  domumsuani, 
unde  exiverat,  invenit  eam  vacanteni  a 
bonis  actibus  per  negligentiam  ;  scopis 
mundatam  (scilicel  a  viliis  pristinis)  per 
bapUsnium  ;  ornalamsimulalis  virtulibus 
per  bypocrisim.  Arc.  (dcQiuisl.  Evunrj. 
lib.  1,  quœst.  8.)  Unde  per  bœc  verba 
significat  Dominus  quosdam  lia  creditu- 
ros,  ni  non  possint  ferre  laborem  con- 
tinentirt!,  et  ad  seculum  redituri  siut. 
Quod  dioit  :  «  Assinnit  socum  alios  sep- 
tem,  »  intelligitur  ijuia  cum  quis  cecide- 
rit  de  justitia,  etiam  simulationem  habo 
bit  :  cupiditas  enim  caruis   expulsa   per 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XII.  227 

les  œuvres  ordinaires  de  la  pénitence ,  ne  trouve  pas  un  lieu  d'a- 
gréal)lê  repos,  elle  revient  avec  plus  d'empressement,  et  s'empare  de 
nouveau  du  cœur  de  l'homme,  pour  peu  qu'il  se  soit  laissé  aller  à  la 
négligence.  Alors  la  parole  de  Dieu  ne  peut  plus  avoir  d'accès  par  la 
saine  doctrine  pour  habiter  cette  maison  une  fois  nettoyée  de  ses 
souillures;  et  comme  cette  concupiscence  de  la  chair  ne  prend  pas 
seulement  avec  elle  les  sept  vices  qui  sont  opposés  aux  sept  dons  de 
l'Esprit  saint,  mais  qu'elle  affectera  par  hypocrisie  d'avoir  ces  mêmes 
vertus,  on  peut  dire  qu'elle  revient  avec  sept  démons  plus  méchants, 
c'est-à-dire  avec  les  sept  démons  de  rhypocri>ie ,  de  manière  que 
l'état  de  cet  homme  devienne  pire  que  le  premier.  —  S.  Grég. 
{Moral.  VII,  7.)  Il  arrive  souvent  aussi  que,  lorsque  l'àme  vient  à 
s'enorgueillir  de  ses  premiers  pas  dans  la  perfection ,  et  veut  en  être 
louée  comme  de  véritables  vertus,  elle  donne  entrée  à  son  ennemi  fu- 
rieux contre  elle,  et  qui  s'acharne  avec  d'autant  plus  de  violence  à  sa 
ruine,  qu'il  a  éprouvé  de  douleur  d'en  avoir  été  chassé,  ne  fût-ce  que 
pour  quelque  temps. 

^.  46-50.  —  Lorsqu'il  parlait  encore  au  peuple,  sa  mère  et  ses  frères  se  tenaient 
nu  dehors  et  demandaient  à  lui  parler.  Et  quelqu'un  lui  dit  :  \oilà  votre 
mère  et  vos  frères  qui  sont  dehors  et  qui  vous  demandent?  Mais  s' adressant  à 
celui  qui  lui  jmrlait,  il  dit  :  Qui  est  ma  mère  et  qui  sont  mes  frères  f  Et 
étendant  sa  main  vers  ses  disciples  :  Voici,  dit-il,  ma  mère  et  mes  frères. 
Car  quiconque  fait  la  volonté  de  mon  Père  qui  est  dans  les  deux,  celui-là  est 
mon  frère ,  ma  sœur  et  ma  mère. 

S.  HiL.  {can.  12  sur  S.  Matth.)  Comme  il  avait  dit  tout  ce  qui  pré- 
cède au  nom  de  la  puissance  et  de  la  majesté  de  son  Père ,  l'Evan- 


pœnitentiam  consuetis  operibus,  cum 
uon  invenerit  iu  quibus  delectationibus 
couquiescat,  avidius  redit,  et  rursus  oc- 
cupât mentem  hominis,  si  negligentia 
subsecutâ  est  ;  ut  uoa  introduceretur 
tauquam  habitator  mundatœ  domui 
sermo  Uei  per  sauam  doctrinam  :  et  quo- 
niam  non  solum  babebit  illa  septem  vitia 
quae  septem  virtutibus  sunt  contraria 
spiritualibui,  sed  etiam  per  bypocrisini 
se  ipsas  babere  virtutes  simiilabit,  prop- 
terea  assiimptis  secum  septem  aUis  ne- 
quioribus  (boc  est  ipsa  septenaria  simu- 
latione)  redit  ipsa  cocupiscentia,  ut  sint 
novissima  hominis  ilUuspejoraprioribus. 
Greg.  (VII  Moral,  cap.  7.)  Plerumque 
eliam  flt  ut  cum  mens  ex  ipso  exordio 
sui  profectus  extollitur,  cumque  se  jam 


quasi  de  virtutibus  erigit,  ssevienti  con- 
tra se  adversarioaditumpandat;  tantoque 
se  vebementius  in  ejus  contractione  exhi- 
bet,  quanto  et  gravius,  quia  vel  ad  mo- 
dicum  fuerat  projectus,  dolet. 

Adhuc  eo  loquenie  ad  turbas,  ecce  mater  ejus  et 
fratres  stabant  foris,  quœrentes  loqui  ei.  Dixit 
aulem  ci  quidam  :  Ecce  mater  tua,  et  fratres 
tui,  foris  stant,  qiiœre.ntcs  te  alloqui.  Al  ipse 
respnndens  dicenti  sibi  ait  :  Quœ  est  mater  mea, 
et  qui  sunt  fratres  met?  Et  extendeus  manum 
in  discipulos  suos,  dixit  :  Ecce  mater  mea  et 
fratres  mci  :  quicunque  enim  fecerit  voluniatem 
Patris  mei,  qui  in  cœlis  est,  ipse  meus  frater, 
et  soror,  et  mater  est. 

HiLAR.  [Cant.  12  ut  sup.)  Quia  prae- 
dicta  omnia  in  paternae  majeslatis  virtute 
loqnebatur,   nuntianti  sibi  quod  foris  a 


228 


EXPLICATION  DE   l/ÉVANGlLE 


géliste  nous  apprend  ce  qu'il  répondit  lorsqu'on  vint  lui  annoncer 
que  ses  frères  et  sa  mère  l'attendaient  au  dehors  (1).  «  Pendant  qu'il 
parlait  encore  au  peuple,  »  etc.  —  S.  Aug.  {de  l'accord  des  évang., 
u,  40.)  Nous  devons  penser  que  Notre-Seigneur  fit  cette  réponse  dans 
des  circonstances  qui  la  motivaient  ;  car  avant  de  la  rapporter  l'Evan- 
géliste  fait  cette  remarque  «  :  Lorsqu'il  parlait  encore  au  peuple.  » 
Que  veut  dire  ce  mot  «  encore  »  si  ce  n'est  au  moment  même  où  il 
tenait  ce  discours?  Saint  Marc  (m)  place  égalemr-nt  ce  fait  après  avoir 
rapporte  ce  qui  concerne  le  blasphème  sur  le  Saint-Esprit,  et  il  ajoute  : 
«  Et  ses  frères  et  sa  mère  étant  venus.  »  Saint  Luc  n'a  pas  gardé  ici 
l'ordre  historique;  mais  il  a  raconte  ce  fait  par  anticipation  ,  d'après 
l'ordre  de  ses  souvenirs.  —  S.  Jér.  {contre  Helvid.)  Helvidius  (5)  veut 
appuyer  une  de  ses  erreurs  sur  ce  que  nous  voyons  dans  l'Evangile 
des  frères  do  Notre-Seigneur.  Pourquoi ,  demande-t-il ,  les  aurait-on 
appelés  les  frères  du  Seigneur  s'ils  n'avaient  pas  été  réellement  ses 
frères?  Or,  il  faut  savoir  que  dans  l'Ecriture  le  nom  de  frères  est  en- 
tendu de  quatre  manières  différentes.  Il  y  a  les  frères  de  nature,  les 
frères  de  nation ,  les  frères  de  parenté ,  et  les  frères  d'affection  :  les 
frères  de  nature,  comme  Esaii  et  Jacob  ,  les  frères  de  nation ,  tous  les 
Juifs,  par  exemple,  qui  se  donnent  entre  eux  le  nom  de  frères,  comme 
nous  le  voyons  dans  le  Deutcronome  :  «  Vous  ne  pourrez  placer  à 
votre  tête  un  étranger  qui  ne  soit  point  votre  frère  (xvii)  ;  les  frères  de 
parenté,  c'est-à-dire  ceux  qui  sont  d'une  même  famille;  c'est  dans  ce 
sens  qu'Abraham  dit  à  Loth  dans  la  Genèse  (xiii)  :  «  Qu'il  n'y  ait  point 
de  débat  entre  vous  et  moi,  car  nous  sommes  frères.  »  Enfin  il  y  a  les 

(1)  La  deuxième  partie  de  la  citation  diflère  un  peu  quant  à  l'expression. 

(2)  C'était  un  homme  grossier,  sans  éducation,  ayant  à  peine  reçu  les  premiers  éléments  des 
connaissances  humaines,  indigne  d'être  vaincu,  dit  saint  Jérôme  et  qui  cependant  porta  la  folie 
jusqu'à  oser  écrire  contre  la  perpétuelle  virginité  de  la  très-sainte  Vierge. 


raatre  atviue  fratribus  exspectaretur , 
quid  respoaderit  Evangelista  demons- 
trat,  subdens  :  «  Adbuc  eo  loqueute  ad 
lurbas,  »  etc.  Aug.  [de  Von.  Evang. 
lib.  II,  cap.  40.)  Hoc  sine  dubio  conve- 
uientor  geslum  intelligere  debemus  : 
prœmisit  enim  cum  ad  hoc  narrauduni 
transiret  :  «  Adhoc  eo  loqueate  ad  tur- 
bas.  »  Quid  est  aulffin,  ciiJhuc,  nisi 
quando  illud  loqucbatiir  ?  Nam  et  Mar- 
cus  post  illud  quod  de  blasphoniia  Spi- 
ritus  Sancti  retulerat,  dixit  (cap.  3)  : 
«  Et  veuiunt  mater  ejus  et  fratres  ;  » 
Lucas  autera  non  bujus  rel  gcstœ  ordi- 
nem  lenuit,  sed  praeoccupavit  lioc,  et 
recordalum  ante  narravit.  (cap. 8.)  Hier. 
{contra  llelvidhnn.)  Hinc  Helvidii  uua 


propositio  sumitur,  ex  hoc  quod  fratres 
/>ow«nnuEvangeliononiiuantur  :  «Unde 
(inquit)  fratres  Douiiui  dicli  sunt,  qui 
non  erant  fratres  ?  Sed  jani  uunc  scien- 
dum  est  quatuor  niodis  in  Scripluris  di- 
vinis  fratres  dici  :  natura,  gente,  cogna- 
tione  et  affectu.  Natura,  ut  Esau  et  Ja- 
cob {Cènes.  25,  etc.)  ;  gente,  ut  ouines 
.ludœi  fratres  inter  se  vocantur;  ut  in 
Deuteronomio  (cap.  17)  :  «  Non  poteris 
constituere  super  te  hominem  abenum, 
qui  non  est  frater  tuus  :  »  porro  cogna- 
lione  fratres  vocantur,  qui  sunt  de  una 
familia,  sicul  in  Gene?i(cap.  13):  «Dixit 
auteni  Abraham  ad  Loth  :  Non  sit  rixa 
inter  te  et  me,  quouiam  fratres  sumus;  » 
affeclu  autem  fratres  dicuntur,  quod  in 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XII. 


229 


frères  d'aflfection,  qui  le  sont  d'une  manière  ou  particulière,  ou  géné- 
rale :  particulière,  comme  le  sont  tous  les  chrétiens  d'après  ces  pa- 
roles du  Sauveur  :  «  Allez,  dites  à  mes  frères»  {Jean,  xx);  générale, 
comme  tous  les  hommes  nés  d'un  même  père  sont  unis  entre  eux  par 
les  liens  d'une  même  fraternité,  et  c'est  dans  ce  sens  qu'il  est  dit  dans 
Isaïe  :  «  Dites  à  ceux  qui  vous  haïssent  :  Vous  êtes  nos  frères  (l).»  Or, 
je  vous  le  demande,  dans  quel  sens  l'Evangile  prend-il  les  frères  du 
Seigneur?  Est-ce  selon  la  nature?  Mais  l'Ecriture  ne  les  appelle  ni  les 
enfants  de  Marie  ni  ceux  de  Joseph.  Est-ce  comme  ayant  une  même 
nationalité?  Mais  il  serait  absurde  de  donner  ce  nom  à  un  petit 
nombre  de  Juifs,  alors  que  tous  les  Juifs  qui  étaient  présents  y  avaient 
droit.  Est-ce  d'après  l'affection  qu'inspire  la  nature  ou  la  grâce?  Mais 
à  ce  titre ,  qui  méritait  mieux  ce  nom  de  frères  que  les  Apôtres ,  qui 
recevaient  les  instructions  les  plus  secrètes  du  Seigneur?  Ou  bien  si 
tous  les  hommes  sont  ses  frères  par  cela  qu'ils  sont  hommes,  c'était 
une  absurdité  de  donner  ici  ce  nom  comme  propre  et  personnel  en 
disant  :  «  Voici  que  vos  frères  vous  cherclient-  »  Il  ne  reste  donc  plus 
de  possible  que  la  dernière  interprétation ,  qui  explique  ce  nom  de 
frères  dans  le  sens  de  la  parenté  et  non  point  dans  le  sens  de  l'affec- 
tion, de  la  nationalité  ou  de  la  nature.  —  S.  Jér.  (sw  S.  Matth.)  Il 
en  est  qui  ont  supposé  que  ces  frères  du  Seigneur  étaient  des  enfants 
que  Joseph  avait  eus  d'une  première  épouse  ;  ils  suivent  en  cela  les 
extravagances  des  Evangiles  apocryphes  et  imaginent  l'existence  de 
je  ne  sais  quelle  femme  qu'ils  appellent  Escha.  Pour  nous,  nous 
voyons  dans  ces  frères  du  Seigneur,  non  pas  les  enfants  de  Joseph, 
mais  les  cousins  du  Seigneur 3  enfants  de  la  sœur  de  Marie,  tante  du 

(1)  Selou  la  "ersioa  des  Septante  siTraTc,  àôsXcpoi  ïi|Aà)v,  toîç  [Aiaoùff'.v  û[Aa;;  tandis  que  la 
Vulgate  a  traduit  :  Dixerunt  fratres  vestri  odientes  vos  Ifsaïe,  lxvi,  5)  :  «Vos  frères  vous  haïssent, 
et  ils  ont  dit.  n 


duo  dividitur,  iii  spéciale  et  commime  : 
in  spéciale,  quia  omnes  christiani  fratres 
dicuntur,  ut  Salvator  dicit  (Joan.  20)  : 
«  Vade,  die  fratribus  meis;  »  porro  in 
commune,  quia  omnes  homines  ex  uno 
pâtre  nati,  pari  inter  nos  germanitate 
conjungimur:  sicut  ibi  {fsai.  66)  :  «  Di- 
cite  bis  qui  oderunt  vos  :  Fratres  nostri 
vos  estis.  »  Interrogo  ergo  juxta  quem 
modum  fratres  Do  mini  in  Evangelio 
appellentur  :  juxta  uaturam  ?  sed  Scrip- 
tura  non  dicit,  nec  Mariae  eos  vocat  fi- 
lios,  nec  Joseph  ;  juxta  gentem  ?  sed  ab- 
surdum  est  ut  pauci  ex  Judseis  vocati 
sint  fratres  ;  cum  omnes  qui  ibi  fuerant 
Judaii,  fratres  potueriut  appellari,  juxta 


affectum  humani  juriset  spiritus.  Verum 
si  sic,  qui  magis  erant  fratres  quam  apos- 
toli,  quos  Dominus  docebat  intrinsecus  ? 
Aut  si  omnes  (quia  homines)  sunt  fra- 
tres, stultum  fuit  ûuntiare  quasi  pro- 
prium  :  «  ecce  fratres  tui  quserunt  te  :  » 
restât  igitur  ut  fratres  eos  iutelligas  ap- 
pellatos,  cognatione,  non  affeetu,  non 
gentis  privilegio,  non  natura.  Hier.  {sup. 
Matth.)  Quidam  vero  fratres  Domini 
de  alla  uxore  Joseph  filios  suspicantm", 
sequentes  dehramenta  apocryphorum, 
et  quamdam  Escham  mulierculam  con- 
fingentes  :  nos  autem  fratres  Domini, 
non  filios  Joseph,  sed  consobrinos  Sal- 
vatoris,  sororis    Mariae  materteree  Do- 


230 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


Seigneur,  qui  est  appelée  mère  de  Jacques  le  Mineur,  de  Joseph  et  de 
Jude,  auxquels  l'Evangile,  dans  un  autre  endroit,  donne  le  nom  de 
frères  du  Seigneur.  Or,  toute  l'Ecriture  atteste  qu'on  étend  ce  nom  de 
frères  jusqu'aux  cousins. 

S.  Chrys.  {homélie  45.)  Or,  voyez  quel  est  l'orgueil  des  frères  du 
Seigneur  1  Leur  devoir  était  d'entrer  et  de  se  mêler  à  la  foule  pour 
écouter  ses  enseignements ,  ou ,  si  telle  n'était  pas  leur  intention , 
d'attendre  qu'il  eût  terminé  son  instruction  pour  venir  le  trouver  (l). 
Mais  non,  ils  l'appellent  au  dehors,  et  ils  l'appellent  en  présence  de 
tous,  faisant  ainsi  preuve  d'une  excessive  vanité,  et  voulant  montrer 
qu'ils  commandaient  au  Glirist  avec  autorité.  C'est  ce  que  l'Evaugé- 
liste  somhle  vouloir  nous  indiquer  indirectement  par  ces  mots  :  «Lors- 
qu'il parlait  encore,  »  comme  s'il  voulait  dire  :  Est-ce  qu'ils  n'auraient 
pu  choisir  un  autre  moment?  Mais  que  voulaient-ils  lui  dire?  Si  c'é- 
tait une  question  de  doctrine  qu'ils  voulaient  lui  proposer,  ils  devaient 
le  faire  devant  le  peuple  pour  que  tous  pussent  en  profiter;  et  s'ils  n'a- 
vaient à  l'entretenir  que  de  leurs  affaires  particulières ,  ils  devaient 
attendre  :  il  est  donc  évident  qu'ils  agissaient  ainsi  par  un  motif  de 
vaine  gloire. 

S.  AuG.  [De  la  nat.  et  de  la  grâce,  xxxvi.)  Mais  quoi  que  l'on  puisse 
dire  des  frères  du  Seigneur,  lorsqu'on  parle  de  péché,  pour  l'honneur 
du  Christ ,  je  ne  veux  pas  qu'il  soit  question  en  aucune  manière  de  la 
Vierge  Marie ,  car  nous  savons  qu'elle  a  reçu  une  grâce  plus  abon- 
dante pour  triompher  en  tout  du  péché ,  parce  qu'elle  devait  conce- 

(I)  On  ne  peut  se  dissimuler  que  saint  Chrysostome  a  été  un  peu  loin  dans  ce  passage  en 
étendant  presque  à  la  mère  du  Sauveur  ce  reproche  de  vanité,  àTTÔvO'.av,  qu'un  interprète  a  traduit 
par  importunité.  Saint  Thomas  a  omis  cette  partie  des  reproches  de  saint  Chrysostome  que  saint 
Augustin  corrige  dans  le  passage  suivant. 


iniui  fiUos  intelligimus  ;  quse  esse  dicitur 
mater  Jacobi  miiioris,  et  Joseph,  et  Judœ, 
({uos  in  alio  Evanpelii  loco  fratres  Do- 
viini  legimiis  appellatos  [Marc.  6,  et  ud 
Culat.i);  fratres  aulem  consobrinos 
dici  omnis  Scriptura  demonstrat. 

Chrys.  {in  liom.  45,  in  Malth.)  Vide 
autem  et  fratrum  cjus  elationem  :  cuni 
eiiiin  deceret  eos  ingredi,  et  audire  cuai 
turba  ;  vel,  si  hoc  non  vellent,  exspec- 
tare  finem  sermonis,  et  tiiuc  eum  adiré  ; 
hi  extra  eumvocant,  et  coram  omnibus 
hocfacimit,  et  superfluum  honoris  amo- 
rcm  ostendentes,  el  monstrare  volentes 
quod  cum  omni  potestate  Christo  aliquid 
injuiigunt  :  quod  et  Evangelista  ostendit, 
hoi.'ip6um  ûbscui'ciuàiuuaus,  cum  dicit  : 


«  Adhuceo  loquente  :  »  ac  si  diceret  : 
«  Nunquid  non  erat  tempus  aliud  ?  » 
quid  autem,  et  loqui  volebant?  Si  pro 
veritatis  dogmatibus,  communiler  hoc 
proponore  oportebat,  ut  alios  kicrareu- 
tur  ;  si  autem  de  aliis  ad  seipsos  perti- 
nentibus,  non  oportebat  ita  festinanter 
vocare  :  unde  manifestiim  est,  quoniam 
solum  ex  vana  gloria  hoc  faciebanf. 

AuG.  {dp.  y'alura  et  gratia,  cap.  36.) 
Sed  quicquid  dicatur  de  fratribus,  de 
sancta  Virgiue  Maria  (propter  honorem 
Christ!)  nuUam  prorsus  cum  de  peccatis 
agitur,  habere  voie  qua?sliouem  :  inde 
enim  scimus  quod  ei  phis  gratis  colla 
tuin  fuerit  ad  vincendum  omni  ex  parte 
peccatum,  quod  concipere  et  parère  me- 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAI'.    XII.  231 

voir  et  enfanter  celui  qui,  bien  certainement,  ne  fat  jamais  souillé 
d'aucuu  péché. 

«  Et  quelqu'un  lui  dit  :  Voici  que  votre  mère  et  vos  frères  sont 
dehors  et  veulent  vous  parler.  »  —  S.  Jér.  Celui  qui  vient  lui  annon- 
cer cette  nouvelle  ne  me  parait  pas  l'avoir  fait  avec  simplicité  et  natu- 
rellement, mais  pour  lui  tendre  un  piège  et  voir  s'il  sacrifierait  aux 
affections  de  la  nature  une  œuvre  toute  spirituelle.  Le  Sauveur  refuse 
donc  de  sortir,  non  qu'il  méconnaisse  sa  mère  et  ses  frères,  mais  parce 
qu'il  veut  répondre  à  ceux  qui  cherchent  à  le  prendre  en  défaut.  — 
S.  Chrys.  {hom.  -45.)  Il  ne  dit  pas  :  Allez ,  et  dites-lui  qu'elle  n'est 
pas  ma  mère ,  il  adresse  la  parole  à  celui  qui  vient  de  lui  porter 
cette  nouvelle  :  «  Mais  s'adressant  à  celui  qui  lui  parlait ,  il  lui  dit  : 
Quelle  est  ma  mère,  quels  sont  mes  frères?»  —  S.  Hil.  {can.  12.) 
N'allons  pas  croire  qu'il  ait  éprouvé  un  sentiment  de  dédain  pour  sa 
mère ,  lui  qui  du  haut  de  la  croix  lui  témoigna  tant  d'affection  et  une 
si  tendre  sollicitude.  {Jean,  xix.)  —  S.  Chrys.  {hom.  45.)  S'il  avait 
voulu  renier  sa  mère ,  il  l'aurait  fait  lorsque  les  Juifs  lui  faisaient  un 
reproche  de  la  condition  de  sa  mère.  —  S.  Jér.  Il  n'a  donc  pas  renié 
sa  mère,  comme  le  prétendent  Marcion  et  les  Manichéens,  pour  nous 
faire  croire  que  sa  naissance  n'était  qu'imaginaire,  mais  il  a  voulu 
montrer  qu'il  préférait  les  Apôtres  à  ses  parents,  pour  nous  apprendre 
à  préférer  nous-mêmes  les  affections  de  l'esprit  aux  affections  de  la 
chair.  —  S.  Amb.  {sur  S.  Liic.^  liv.  vi.)  Il  ne  condamne  pas  les  devoirs 
de  piété  filiale  qu'un  fils  doit  à  sa  mère,  mais  il  veut  nous  apprendre 
qu'il  se  doit  bien  plus  aux  devoirs  mystérieux  qui  l'attachent  à  son 
père ,  et  à  l'amour  qu'il  a  pour  lui ,  qu'à  son  affection  pour  sa  mère  ; 


ruit  eum  quem  constat  niillum  habuisse 
peccatum. 

Sequitur  :  «  Dixit  ei  quidam  :  Ecce 
mater  tua  et  fratres  lui  foris  stant  quœ- 
rentes  te.  »  Hier.  Videtur  mihi  iste  qui 
nuutiat,  non  fortuito  et  simpliciter  nun- 
tiare,  sed  insidias  teudere  :  utrum  spi- 
rituali  operi  carnem  et  sanguiuem  prae- 
forat  :  unde  et  Dominus,  uou  quod  ma- 
trem  negaret  et  fratres,  exire  contempsit, 
sed  quod  responderet  insidianti.  Chrys. 
[in  hom.  43  ut  sup.)  Neque  aulem  dixit: 
«  Vade,  die  ei,  quouiam  non  est  ma- 
ter mea;  »  sed  ad  eum  qui  nuntiaverat 
extendit  sermonem  :  sequitur  enim  : 
«  At  ipse  respondens  dicenti  silji  ail  : 
Quee  est  mater  mea,  et  qui  sunt  fratres 
mei?  »  HiLAR.  [Can.  12  ut  sup.)  Nonau- 


tem  fastidiose  de  maire  sua  sensisse  exis- 
limandus  est,  cui  in  passione  positus  ma- 
ximoe  sollicitudinis  Iribuit  affectum. 
(Joan.  19.)  Chrys.  {ut sup.)  Quod  sine- 
gare  vellet  matrem,  lune  utique  negas- 
sel,  quando  Judaei  exprobrabant  ei  de 
maire.  [Marc.  G.)  Hier.  Non  ergo  (juxta 
Marcionem  et  Manicbccum)  matrem  ne- 
gavit,  ut  nalus  de  pbautasmate  putare- 
tur  ;  sed  apostolos  cognalioni  prœtulit , 
ut  et  nos  in  comparatione  dilectionis 
carui  spirilum  prteferamus.  Ambr.  (in 
Lucam,  lib.  6.)Nec  maternse  réfutât  ob- 
sequium  pielatis,  cujus  prœceptum  est 
(Exod.  20)  :  «  Honora  patrem  tuum  et 
matrem  luam  ;  »  sed  paierais  se  mys- 
teriis  vel  affectibus  amplius  quam  ma- 
teruis  debere  demonstrat  :  unde   sequi- 


232  EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 

aussi  l'Evangéliste  ajoute  :  «  Et,  étendant  la  main  vers  ses  disciples, 
il  dit  :  Voici  ma  mère,  et  voici  mes  frères.»  —  S.  Grég.  {homé- 
lie 31  sur  les  Evaurj.)  Notre-Seigneur  a  daigné  appeler  les  fidèles  ses 
frères  lorsqu'il  a  dit  :  «  Allez,  annoncez  à  mes  frères,  »  (Matth.  xxviii.) 
On  peut  donc  se  demander  comment  celui  qui  est  devenu  le  frère  du 
Seigneur  en  embrassant  la  foi,  peut  devenir  aussi  sa  mère.  C'est  que 
celui  qui  est  devenu  le  frère  et  la  sœur  de  Jésus-Christ  par  la  foi, 
mérite  de  devenir  sa  mère  par  la  prédication,  car  il  enfante  le 
Seigneur  eu  le  produisant  dans  le  cœur  de  ses  auditeurs,  et  il  devient 
sa  mère  s'il  fait  naître  par  ses  paroles  l'amour  du  Sauveur  dans  l'àme 
du  prochain. 

S.  Chrys.  {hoîn.  45.)  Aux  leçons  qui  précèdent,  il  en  ajoute  encore 
une  autre,  c'est  que  la  confiance  que  peut  nous  inspirer  notre  parenté 
ne  doit  pas  nous  faire  négliger  la  pratique  de  la  vertu,  car  s'il  ne  ser- 
vait de  rien  à  la  mère  de  Jésus  d'être  sa  mère ,  sans  l'éminente  vertu 
qui  la  distinguait,  qui  peut  se  flatter  d'être  sauvé  grâce  à  sa  parenté? 
Il  n'y  a  qu'une  seule  noblesse,  c'est  de  faire  la  volonté  de  Dieu,  comme 
il  nous  l'apprend  dans  les  paroles  suivantes  :  «  Quiconque  fera  la 
volonté  de  mon  Père  qui  est  au  ciel,  celui-là  est  mon  frère,  ma  mère  et 
ma  sœur.  »  Bien  des  mères  ont  proclamé  le  bonheur  de  la  sainte 
Vierge  et  de  son  chaste  sein  ;  elles  ont  désiré  pour  elles  une  maternité 
semblable.  Qui  les  empêche  d'obtenir  ce  bonheur?  Le  Sauveur  vous  a 
ouvert  une  large  voie,  et  il  est  permis  non-seulement  aux  femmes, 
mais  encore  aux  hommes  de  devenir  mère  de  Dieu  (1). 

S.  JÉR.  Nous  pouvons  encore  donner  une  autre    explication.  Le 

(1)  C'est  ainsi  que  l'Apùtre  écrivant  aux  Galates  leur  dit  :  o  Mes  petits  enfants,  que  j'enfante 
de  nouveau,  jusqu'à  ce  que  Jésus-Clirist  soit  formé  en  vous,  n  {Gai.,  iv,  19.) 


tur  :  «  Et  extendens  manum  ia  discipu-    his  autem  quae  dicta  sunt,  et  aliud  nos 


los  suos,  dixit  :  Ecce  mater  mea  et 
fratres  raei.  »  Greg.  {in  homil.  31^ 
in  Erang.)  Fidèles  quidem  discipu- 
lo3  /'ro^res  nominare  dignatus  estDomi- 
nus,  dicens  (Matth.  28)  :  «  Ite,  nuntiate 
fratribus  meis.  »  Qui  ergo  frater  Doiuini 
lieri  ad  fidem  veniendo  potuit,  quœren- 
dum  est  quomodo  eliam  possit  c*se  ma- 
ter. Sed  .sciendum  nobis  est,  quia  qui 
Christi  frater  vel  soror  est  credendo ,  ma- 
ter efficitur  praedicando  :  quasi  enim  pa- 


docuit,  videlicet  in  nuUa  cognatione 
confidentes  virtutem  negligere  :  si  enim 
matri  nihil  prodest  matrem  esse,  uisi 
virtus  adesset ,  quis  utique  alius  per  co- 
gnationem  salvabitur?  Una  enim  nobi- 
litas  sola  est,  Dei  facere  voluntatem  :  et 
ideo  sequitnr  :  «  Quicunque  enim  fecent 
voluntatem  Patris  mei,  qui  in  cœlis  est, 
ipse  meus  frater,  et  soror,  et  mater 
est  :  »  multœ  mulieres  beatificaverunt 
sanctam  Yirginem  illam,  et  ejus  uterum. 


rit  Dominum,  quem  cordi  audientis  in-  ,  et  opiaverunt  taies  fieri  maires  :  quidest 
fundit;  et  mater  ejus  efficitur,  si  per  '  igitur  quod  probibeat  ?  Ecce  latam  vobis 
ejus  vocem  amor  Domini  in  proximi  j  coustituit  viam  ;  et  licet  non  mulieribus 
mente  generatur.  solum,  sed  et  viris,  fieri  matrem  Dei. 

Cbrys.  {in  homil.  45  ^tt  sup.)    Cum  1      Hier.  Dicamus  autem  et  aliter  :   Sal- 


DE   SAINT   MATTHIEr,    CHAP.    XII. 


233 


Seigneur  parle  à  la  foule  et  enseigne  les  nations  dans  l'intérieur  de  la 
maison;  sa  mère  et  ses  frères,  c'est-à-dire  la  synagogue  et  le  peuple 
juif,  so  tiennent  dehors.  —  S.  Hil.  {cnn.  12.)  Ils  avaient  cependant 
comme  les  autres  la  faculté  d'arriver  jusqu'à  lui;  mais  comme  il  est 
venu  parmi  les  siens,  et  que  les  siens  ne  l'ont  pas  reçu  [Jean  ,  xii) ,  ils 
refusent  d'entrer  et  d'approcher  de  lui. 

S.  Grég.  [hom.  31.)  Pouri[uoi  la  mère  du  Sauveur  reste-t-elle  dehors, 
comme  s'il  ne  la  connaissait  pas?  Parce  que  la  synagogue  n'est  plus 
reconnue  par  celui  qui  l'a  établie ,  car  en  s'attachant  exclusivement  à 
l'observation  de  la  loi,  elle  a  perdu  l'intelligence  spirituelle  et  s'est 
condamnée  elle-même  à  être  au  dehors  la  gardienne  de  la  lettre. — 
S.  Jér.  Après  qu'ils  auront  demandé,  prié  et  envoyé  un  messager,  il 
leur  sera  répondu  qu'ils  sont  1  ibres  d'entrer  et  de  croire  eux-mêmes , 
s'ils  le  veulent. 


valor  loquitur  ad  turbas ,  intrinsecus 
erudit  uationes;  mater  ejus  et  fratres 
(hoc  est  synagoga  et  populus  Judaeo- 
rum  )  foris  stant.  Hilar.  [Can.  12  ut 
svp.)  Cum  itaque  iugrediendi  ad  euni 
haberent  ut  cœteri  potestatem,  quia  ta- 
men  in  sua  venit,  et  sui  eum  non  rece- 
perunt  [Joan.  1),  ingressu  atque  aditu 
abstinent. 
Greg.  {in  hom.  3,  utjam  sup.)  Unde 


et  mater  ejus  cum  quasi  non  agnoscitur, 
foris  stare  perhibetur  ;  quia  videlicet  sy- 
nagoga idcirco  ab  auctore  suo  non  re- 
cognoscilur,  quia  legis  observationem 
tenens,  spiritualem  intellectum  perdidit, 
et  se  ad  custodiam  litterte  foi'is  fixit. 
Hier.  Cumque  rogaverint,  et  quœsie- 
rint,  et  nuntium  miserint,  responsum 
accipieut  :  liberi  eos  esse  arbitrii  intrare 
posse,  si  velint  et  ipsicredere. 


CHAPITRE  XIII. 

SOMMAIRE     ANALYTIQUE. 

f.  1-0.  —  Non-seulement  les  paroles  et  les  actions  du  Seigneur,  mais  ses 
courses  et  les  lieux  témoins  de  sa  prédication  sont  pleins  d'enseignements 
mystérieux.  —  Il  abandonne  la  Judce  pour  la  punir  de  sa  perfidie.  —  Pour- 
quoi Notre-Seigneur  sort  de  la  maison  et  s'assied  dans  une  barque  au  bord 
de  la  raer.  —  Pourquoi  parle-t-il  ici  en  paraboles  ?  —  Tous  ses  enseigne- 
ments ne  sont  pas  en  paraboles.  —  Il  commence  par  la  parabole  qui  devait 
les  rendre  plus  attenlils.  —  Quel  est  ce  semeur  qui  sort  pour  répandre  sa  se- 
mence ? —  D'où  a  pu  sortir,  et  comment  est  sorti  celui  qui  est  présent  en  tous 
lieux?  —  Ces  deux  expressions  ;  «Le  semeur  sortit  pour  semer,»  ne  sont 
pas  identiques;  ce  qu'elles  signifient. —  Erreur  de  Valentin  qui  veut  appuyer 
son  système  des  trois  natures  sur  cette  parabole.  —  Cijmment  expliquer  la 
conduite  du  semeur  qui  répand  sa  semence  sur  le  cbemin,  sur  la  pierre,  au 
milieu  des  épines.  —  Nécessité  de  recourir  ici  au  sens  spirituel  pour  com- 
prendre toutes  les  parties  de  cette  parabole.  —  Leçon  que  Notre-Seigneur 
donne  ici  à  ses  disciples  et  à  tous  les  prédicateurs  de  l'Evangile.  —  Interpré- 
tation morale  du  chemin,  de  la  pierre,  de  la  terre,  etc. 

y.  10-17. —  Sagesse  de  la  conduite  des  apôtres.  —  Comment  peut-on  dire 
qu'ils  s'approchèrent  du  Sauveur,  puisqu'ils  étaient  avec  lui  dans  la  barque? 
—  Sollicitude  des  apôtres  pour  les  intérêts  du  prochain.  —  Notre-Seigneur  en 
déclarant  qu'il  a  été  donné  à  ses  apôtres  de  connaître  les  mystères  du  royaume 
des  cieux,  n'établit  pas  le  système  de  la  nécessité  ou  de  la  fatalité.  —  Le 
libre  arbitre  n'est  pas  ici  détruit. —  Que  devons-nous  faire  quand  nous  Toyons 
un  de  nos  frères  recevoir  la  parole  de  Dieu  avec  négligence  ?  —  Dans  quel 
sens  faut-il  entendre  ces  paroles  :  «  Celui  qui  a  déjà,  on  lui  donnera  en- 
core, »  etc?  —  Aveuglement  volontaire  des  Juifs. —  Comment,  tout  en  voyant, 
ne  voyaient-ils  pas  ?  —  Pourquoi  et  comment  la  foi  leur  est-elle  devenue  im- 
possible ?  —  Quels  sont  ces  yeux  et  ces  oreilles  que  le  Sauveur  proclame  heu- 
reux de  voir,  etc.?  —  Comment  concilier  ces  paroles  avec  ces  autres  : 
Abraham  a  désiré  voir  mon  jour,  il  Va  vu?  etc.  —  Comment  ce  saint  pa- 
triarche a  vu  le  jour  du  Seigneur.  —  Ce  que  les  apôtres  voient  et  entendent. 

f.  18-23.  —  Dans  une  parabole,  est-il  nécessaire  que  toutes  les  circonstances 
aient  leur  application  littérale^  —  D'où  vient  le  défaut  d'intelligence  dans 
celui  qui  entend  la  parole  et  ne  la  comprend  pas.  —  Ce  que  c'est  que  la  se- 
mence. —  Quels  sont  ceux  qui  sont  figurés  par  le  terrain  pierreux? —  Par 
les  épines?  —  Séduction  des  richesses.  —  Que  représente  la  bonne  terre?  — 
Il  y  a  aussi  trois  espèces  de  bonne  terre.  —  Ce  qui  fait  cette  difTérence.  — 
Comment  doit-on  entendre  ces  différents  produits  de  la  bonne  terre  et  quels 
sont  ceux  qui  rendent  cent,  soixante,  trente  pour  un?  —  Diverses  explica- 
tions des  saints  ddcteurs. 

f.  24-30.  —  Objet  que  se  propose  le  Sauveur  dans  la  parabole  de  l'ivraie.  — 
Que  faut-il  entendre  ici  par  le  royaume  des  cieux?  —  De  quelle  manière  le 
démon  tend  ses  embûches. —  L'erreur  ne  vient  qu'après  la  vérité  et  prend  au- 
tant qu'elle  peut  sa  couleur  et  sa  ressemblance.  —  C'est  pendant  que  les  pre- 
miers pasteurs  sommeillent  que  le  démon  répand  ses  erreurs.  —  L'ivraie  dé- 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE   DE   S.    MATTHIEU,    CHAP.   XIII.        235 

signe-t-elle  les  hérétiques ,  ou  les  mauvais  catholiques  ?  —  Portrait  des  héré- 
tiques. —  L'homme  spirituel  ne  découvre  les  erreurs  que  lorsqu'il  commence 
à  juger  toutes  choses.  —  Quels  sont  ces  serviteurs  qui  viennent  proposer  au 
père  de  famille  d'arracher  l'ivraie. —  Comment  s'approche-t-on  de  Dieu  ? —  Quel 
est  cet  homme  ennemi  et  pourquoi  est-il  ainsi  appelé  ?  —  Nécessité  de  la  vi- 
gilance dans  les  pasteurs  de  l'Eglise.  —  11  faut  subordonner  à  la  justice  de 
Dieu  le  désir  de  voir  disparaître  les  méchants  du  milieu  de  leurs  frères.  — 
Zèle  et  charité  de  ces  serviteurs,  ce  qu'ils  se  proposent.  —  Dieu  veut  laisser 
aux  méchants  le  temps  de  se  repentir.  —  Les  bons  ont  besoin  d'être  mêlés 
aux  méchants.  —  lien  est  beaucoup  qui  ne  sont  d'abord  que  de  l'ivraie,  et  qui 
deviennent  ensuite  du  froment.  —  Cette  recommandation  :  Lahsez  les  croître 
l'un  et  l'autre  jusqu'à  la  moisson,  est-elle  contraire  à  cette  autre  de  saint 
Paul  :  «  Faites  disparaître  le  mal  du  milieu  de  vous?  »  —  Quand  doit-on  re- 
jetter  un  fidèle  de  laconnnunion  de  l'Eglise?  —  Quand  au  contraire  doit-on 
user  de  patience?  —  Défense  que  fait  ici  Notre-Seigneur  de  mettre  à  mort 
les  hérétiques.  —  Cette  défense  emporte-t-elle  celle  de  les  mettre  en  prison, 
de  s'opposer  à  leurs  réunions?  etc.—  Doit-on  user  de  contrainte  pour  forcer 
les  dissidents  à  revenir  à  l'unité  ?  —  Utilité  des  moyens  coercitifs  dans  cer- 
taines circonstances.  —  Exemple  d'Absalon.  —  Exemple  de  saint  Paul.  —  A 
quoi  sont  destinés  les  hérétiques  au  jour  du  jugement  ?  —  Pounjuoi  le  père 
de  famille  coramande-t-il  d'arracher  d'abord  l'ivraie  ?  —  Pourquoi  com- 
mande-t-il  de  faire  plusieurs  bottes  ?  —  Pourquoi  Dieu  attend-t-il  jusqu'à  la 
fin  des  temps  pour  punir  les  hérétiques  ?  —  Différentes  leçons  qui  ressortent 
pour  nous  de  cette  parabole. 
y,  31,  32.  —  Liaison  de  la  parabole  du  grain  de  sénevé  avec  les  deux  paraboles 
de  la  semence  et  de  l'ivraie.  —  Que  faut-il  entendre  ici  par  le  royaume  des 
cieux,  par  le  grain  de  sénevé,  et  par  l'homme  qui  le  sème  dans  son  champ? 

—  Dans  quel  sens  la  prédication  de  l'Evangile  est  la  plus  humble  de  toutes  les 
doctrines.  —  Différence  de  la  prédication  évangélique  avec  la  doctrine  des 
philosophes.  —  Que  figurent  les  branches  sur  lesquelles  les  oiseaux  du  ciel 
viennent  se  reposer  ?  —  Le  grain  de  sénevé  peut  encore  figurer  Notre-Sei- 
gneur lui-même.  —  Quelles  sont  les  branches  de  l'arbre  dans  cette  interpré- 
tation ? 

y.  33.  —  La  prédication  figurée  par  le  levain  doit  changer  le  monde  entier.  — 
Le  levain  figure  encore  la  charité.  —  Que  signifient  les  trois  mesures?  —  La 
charité  cachée  dans  le  cœur  doit  s'y  développer  comme  le  levain  dans  la  pâte. 

—  Le  levain  représente  encore  l'Eglise.  —  Les  trois  mesures  de  farine  repré- 
sentent les  trois  parlies  de  l'càme.  —  Peut-on  y  voir  figurée  la  croyance  aux 
trois  personnes  de  la  sainte  Trinité  ?  —  Le  levain  peut  aussi  figurer  Notre- 
Seigneur  lui-même. 

f.  34,  3o.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  parlait  au  peuple  en  paraboles.  —  Il  lui 
a  parlé  quelquefois  sans  paraboles.  —  Comment  un  témoignage  emprunté  aux 
Psaumes,  se  trouve-t-il  attribué  au  prophète  Isaie  ? 

y.  3t)-42.  —  Pourquoi  le  Sauveur  renvoie  le  peuple  et  rentre  avec  ses  disciples 
dans  la  maison.  —  Explication  mystique  de  cette  circonstance.  —  Pourquoi 
les  apôtres  l'interrogent-ils  en  secret  et  sur  la  parabole  de  l'ivraie  en  particu- 
lier? —  Pourquoi  Notre-Seigneur  se  donne-t-il  le  nom  de  Fils  do  l'homme? 

—  Que  figurent  le  champ,  la  bonne  semence,  l'ivraie,  l'homme  ennemi,  la 
moisson  ?  —  Notre-Seigneur  dit  ailleurs  que  le  temps  de  la  moisson  est  arrivé  ,* 


236  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

pourquoi  déclarc-t-il  ici  qu'elle  n'aura  lieu  que  plus  tard  ?  —  Quel  est  ce 
royaume  d'où  les  anges  feront  disparaître  tous  les  scandales  ?  —  A  quel  mo- 
noent  les  bons  seront  séparés  dos  méchants.  —  Par  ce  royaume  on  peut  aussi 
entendre  le  royaume  du  ciel.  —  Que  faut-il  entendre  par  les  scandales  et  par 
ceux  qui  commettent  l'iniquité. —  Amour  ineffable  de  Dieu  pour  les  hommes  ; 
il  est  toujours  prêt  à  répandre  sur  nous  ses  bienfaits ,  et  il  ne  punit  qu'à  la 
dernière  extrémité.  —  Les  pleurs  et  les  grincements  de  dents,  preuve  de  la 
résurrection  future  et  de  la  double  peine  de  l'enfer.  —  Eclat  dont  brilleront 
les  élus  dans  le  ciel. 
y.  44.  Prix  et  magnificence  de  la  doctrine  évangélique.  —  Le  trésor  caché  c'est 
la  prédication  de  l'Evangile.  —  11  faut  acheter  le  droit  de  posséder  ce  trésor 
et  d'en  jouir.  —  Pourquoi  l'homme  cache-t-il  ce  trésor?  —  Ce  trésor  caché 
figure  encore  le  désir  du  ciel.  —  Quel  est  ce  champ  dans  lequel  il  est  caché  ? 

—  ^'écessité  de  le  dérober  aux  attaques  des  louanges  des  hommes. —  A  quel 
prix  peut-on  en  acquérir  ce  trésor  ?  —  On  peut  encore  voir  dans  ce  trésor  le 
Verbe  de  Dieu  ou  les  saintes  Ecritures. 

y.  43,  46.  —  Pourquoi  la  parabole  de  la  perle  précieuse  après  celle  du  trésor. — 
Deux  choses  nécessaire  pour  la  prédication  de  l'Evangile. —  La  vérité,  qui  est 
une,  figurée  par  cette  perle  précieuse. —  Il  n'y  a  que  ceux  qui  la  possèdent  qui 
en  connaissent  le  prix.  —  Les  bonnes  perles  figurent  la  loi  et  les  prophètes. 

—  La  perle  précieuse  c'est  la  science  du  Sauveur.  —  Que  fait  l'homme  qui 
l'a  trouvée  ?  —  Cette  perle  précieuse  peut  encore  s'entendre  de  la  douceur  de 
la  vie  céleste,  ou  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  ou  du  précepte  do  la  charité  qui 
renferme  tous  les  autres,  ou  du  Verbe  divin.  —  Quelle  que  soit  la  chose  signi- 
fiée par  cette  perle  précieuse,  nous  ne  pouvons  l'acquérir  qu'en  méprisant  tout 
ce  que  nous  possédons  sur  la  terre. 

y.  47-30. —  La  parabole  du  filet  jeté  dans  la  mer  nous  appi'end  à  ne  pas  mettre 
notre  confiance  dans  la  prédication  seule,  et  dans  la  foi  qui  en  est  la  suite. — 
Ce  sont  les  apùtrcs  qui  ont  jeté  ce  filet  dans  la  mer  du  monde.  —  Ou  bien  ce 
filet  est  la  figure  de  la  sainte  Eglise.  —  Le  rivage  de  la  mer  représente  la  fin 
du  monde.  —  C'est  alors  qu'aura  lieu  la  séparation  des  bons  avec  les  mau- 
vais. —  Quelle  diflërence  entre  cette  parabole  et  celle  de  l'ivraie?  —  Supplice 
rigoureux  réservé  aux  mauvais.  —  Le  dogme  des  supplices  éternels  claire- 
ment enseigné. 

y,  51,  52.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  continue-t-il  de  parler  à  ses  disciples  en 
paraboles?  —  Science  toute  particulière  qu'il  exige  d'eux.  —  Que  signifie  la 
comparaison  du  docteur  qui  tire  de  son  trésor  des  choses  anciennes  et  nou- 
velles ?  —  Que  ûgurentces  choses  anciennes  et  nouvelles  ?  —  Ce  docteur  instruit 
représente  les  apntres. 

f.  53-58.  —  Ordre  chronologique  des  faits  non  suivi  ici  par  saint  Matthieu.  — 
Pourquoi  Notre-Seigneur  enseigne-t-il  dans  la  synagogue  ?  —  Aveuglement  et 
folie  des  iNazaréens.  —  Conmient  ils  cherchent  à  rabaisser  le  Sauveur  ?  — 
Dans  quel  sens  sublime  il  est  vraiment  le  fils  du  charpentier. —  Les  Nazaréens 
se  trompent  sur  ses  frèies  comme  ils  s'étaient  trompés  sur  son  père. —  Pour- 
quoi leur  était-il  un  sujet  de  scandale?  —  Pourquoi  se  donne-t-il  le  nom  de 
prophète  ?  —  Pourquoi  un  prophète  est-il  sans  honneur  dans  sou  pays  ?  — 
Application  à  Notrc-Seigneur.  —  Comment  et  pourquoi  l'incrédulité  des  Na- 
zaréens fut-elle  ca'ise  que  le  Sauveur  fit  peu  de  miracles  parmi  eux?  —  Pour- 
quoi en  fit-il  quelques-uns  ? 


DE    SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XIII. 


237 


f.  i-9.  —  Ce  jour-là,  Jésus  étant  sorti  de  la  maison,  s'assit  au  bord  de  la  mer. 
Et  il  s'assembla  autour  de  lui  une  si  grande  foule  de  peuple  qu'il  monta  dans 
une  barque  où  il  s'assit,  tout  le  peuple  se  tenant  sur  le  rivage.  Et  il  leur  dit 
beaucoup  de  choses  en  paraboles,  leur  parlant  de  cette  sorte  :  Celui  qui  sème 
sortit  pour  semer,  et,  pendant  qu'il  semait,  une  partie  de  la  semence  tomba  le 
long  du  chemin;  et  les  oiseaux  du  ciel,  étant  venus,  la  mangèrent.  Une  autre 
tomba  dans  des  lieux  pierreux,  où  elle  n'avait  pas  beaucoup  de  terre,  et  elle 
leva  aussitôt,  parce  que  la  terre  où  elle  était  n'avait  pas  beaucoup  de  profon- 
deur. Mais  le  soleil  s'étard  levé,  elle  en  fut  brûlée,  et,  comme  elle  n'avait 
point  de  racine,  elle  sécha.  Une  autre  tomba  dans  les  épines,  et  les  épines 
venant  à  croître  V étouffèrent.  Une  autre  enfin  tomba  dans  la  bonne  terre  et 
elle  porta  du  fruit,  quelques  grains  rendant  cent, pour  un,  d'autres  soixante 
et  d'autres  trente.  Que  celui-là  entende  qui  a  des  oreilles  pour  entendre. 

S.  Chrys.  [hom.  45.)  Après  avoir  donné  cette  leçon  à  celui  qui  lui 
avait  annoncé  la  présence  de  sa  mère  et  de  ses  frères,  Jésus  se  rend 
cependaut  à  leurs  désirs  et  il  sort  de  la  maison.  C'est  ainsi  qu'après 
avoir  guéri  d'abord  dans  ses  frères  le  mal  de  la  vaine  gloire ,  il  rend 
ensuite  à  sa  mère  l'honneur  qui  lui  était  dû.  «  Ce  jour-là  même,  Jésus 
étant  sorti,  »  etc. —  S.  AuG.  [De  l'ace,  des  Evang.,  ii,  .41 .)  Cette  expres- 
sion :  «  Ce  jour-là  »  indique  suffisamment  que  ce  fait  eut  lieu  immé- 
diatement après  ce  qui  précède  ou  peu  de  temps  après,  à  moins  que 
l'on  ne  donne  ici  au  mot  jour  le  sens  qu'il  a  quelquefois  dans  l'Ecri- 
ture, c'est-à-dire  qu'on  le  prenne  pour  un  temps  indéfini  (1). 

Rab.  Non-seulement  les  paroles  et  les  actions  du  Seigneur,  mais 
encore  ses  courses  et  les  lieux  témoins  de  ses  prédications  et  de  ses 

(1)  C'est  ainsi  qu'on  doit  l'entendre  dans  les  paroles  suivantes  :  «Dans  ce  jour,  vous  connaîtrez,  i. 
Jean,  xiv  ;  «  Dans  ce  jour,  vous  ne  me  demanderez  rien  ,  n  Jean,  \vi,  23  ;  «Et  en  ce  jour,  vous 
demanderez  en  mon  nom,  »  etc.,  xvi,  25. 


CAPUT  xni. 


In  illo  die  exiens  Jésus  de  domo ,  sedebat  sectts 
mare.  Et  congregatœ  sunt  ad  eum  turbœ  mul- 
(œ,  ita  ut  in  naviculnm  ascendens  sederet  ;  et 
omnis  turba  stabat  in  litiore  ;  et  locuttis  est  eis 
multa  in  parabolis,  diceiis  :  Ecce,  exiit  gui  se- 
minât,  seminare  semen  suum.  Et  duni  seminat, 
quœdam  ceciderunt  secus  viam,  et  venerunt  vo- 
lucres  cœli,  et  comederunt  ea.  Alia  autem  ce- 
ciderunt in  pelrosa,  tibi  non  habebant  terram 
mullam;  et  continua  exorta  sunt,  quia  non  ha- 
bebant altitudinem  lerrœ  :  sole  autem  orto 
œstuaverunt  ;  et  quia  non  habebant  radicem, 
aruerunt,  Alia  autem  ceciderunt  in  spinas ,  et 
creverunt  spinœ,  et  suffocaverunt  ea,  Alia  au- 
tetn  ceciderunt  in  terram  bonam,  et  dabant 
fructum;  aliud  centesimum,  aliud  sexagesi- 


mum,  aliud  trigesimum.  Qui  habel  aures  au- 
diendi,  audiat. 

Chrys.  (in  hoin.  45  ut  sup.)  Poslquam 
increpaverat  eum  qui  matris  et  fratrum 
praîsentiam  nuntiavit,  dehinc  fecit  quod 
illi  cupiebant  :  exiit  scilicet  de  domo  ; 
primo  sanans  tegritudinem  vaiise  gloriœ 
fratrum  ;  secundo  decentem  honorem 
exliibeus  malri  :  unde  dicitur  :  «  In  illo 
die  e.xieus  Jésus,  »  etc.  AuG.  [de  cons. 
Evang.  lib.  ii,  cap.  41.)  Cum  dicit,  in 
illo  die,  salis  indicat,  aut  hoc  conse  ■ 
queuter  geslum  post  praemissa,  aut  non 
multa  interponi  poluisse;  nisi  forte  dies, 
more  Scripturarum,  lempus  significet. 

Rab.  Non  solum  autem  verba  et  facta 
Domini,  verum  etiam  itinera  ac  loca  in 


238 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


miracles  sont  pleins  d'enseiguemeiils  mystérieux.  Après  le  discours 
qu'il  avait  prononcé  dans  cette  maison  où  d'horribles  blasphémateurs 
l'avaient  appelé  possédé  du  démon ,  il  sort  pour  enseigner  sur  le  bord 
de  la  mer;  il  montre  ainsi  qu'il  abandonne  la  Judée  pour  la  punir  de 
sa  perfidie  et  qu'il  va  porter  h;  salut  aux  nations.  En  effet,  les  cœurs 
des  infidèles,  longtemps  dominés  par  l'orgueil  et  l'incrédulité ,  sont 
comparés  aux  flots  amers  et  soulevés  de  l'Océan.  Quant  à  la  maison 
du  Seigneur,  qui  ne  sait  que  c'était  la  Judée  qui  l'était  devenue  pour 
la  foi? 

S.  Jér.  Remarquons  encore  que  le  peuple  ne  pouvait  entrer  dans  la 
maison  de  Jésus,  ni  s'y  joindre  aux  Apôtres  pour  y  entendre  ses  mys- 
térieuses leçons.  C'est  pour  cela  que  le  Seigneur,  plein  de  miséricorde, 
sort  de  la  maison  et  s'assied  sur  le  rivage  de  la  mer  de  ce  siècle  pour 
réunir  autour  de  lui  la  foule,  pour  lui  adresser  sur  le  rivage  les  ensei- 
gnements qu'elle  n'était  pas  digne  d'entendre  dans  l'intérieur  de  la 
maison.  «  Et  il  s'assembla  autour  de  lui  une  grande  foule  de  peuple.» 
—  S.  Chrys.  {hom.  45.)  Ce  n'est  pas  sans  raison  que  l'Evangéliste 
rapporte  cette  circonstance;  il  veut  nous  faire  remarquer  l'intention 
expresse  du  Sauveur,  qui  voulait  réunir  une  grande  multitude  et 
l'avoir  tout  entière  devant  les  yeux ,  sans  laisser  une  seule  personne 
derrière  lui.  —  S.  Hil.  [can.  13.)  La  suite  du  récit  nous  expli(iue 
pourquoi  Notre-Seigneur  s'assied  dans  la  barque,  tandis  que  le  peuple 
reste  sur  le  rivage.  Il  allait  parler  en  paraboles,  et,  en  agissant  de  la 
sorte,  il  nous  apprend  d'une  manière  figurée  que  ceux  qui  sont  hors 
de  l'Eglise  ne  peuvent  avoir  aucune  intelligence  de  la  parole  divine. 
Cette  barque  représente  l'Eglise ,  la  parole  de  la  vie  qu'elle  renferme 
dans  son  sein  estprèchée  à  ceux  qui  sont  au  dehors;  mais,  semblables 


quibus  virtutes  operatur  et  praedicat, 
cœlestibus  simt  pleua  sacramentis.  Post 
sermoneni  quippo  in  domo  habitum, 
ubi  nefanda  blasplieniia  (kKinouium  ha- 
bere  dictus  est,  egredious  docebat  ad 
mare  ;  ut  osLeiideret  se  rclicta  ob  cul- 
pam  perfidiae  Judam,  ad  gcntes  salvaii- 
das  esse  transiturum  :  geiitilium  enim 
corda  diu  suporba  et  incredula,  iiierito 
luiiiidis  aniarisque  Ihictibus  maris  assi- 
iiiilauliir  :  domum  vero  Domiiii  per  fi- 
dfiu  fuisse  .ludfoam  quis  nesciaf? 

HiKiî.  ConsideraiKhim  etiaiii  quod  po- 
puliis  domuui  Jesu  non  poterat  inlrare, 
nec  esse  ibi  ubi  apostoli  audiobant  mys- 
teria  :  ideirco  miseralor  Duminus  egre- 
ditur  de  domo  sua,  etscdct  juxta  bujiis 
seculi  mare,  ul  rongregenlnr  ad  enin 
iiHilta'  lurlia',  cl  audiaut  iii  lilturi'.  c|iia> 


in  tus  non  merebantur  audire  :  unde  se- 
quitur  :  «  et  congregalœ  suut  ad  eum  tur- 
bœ  multœ.  »  CuRVs.  {in  homil.  iow/  sup.) 
Hoc  autem  non  simpliciter  Evangelista 
posuit,  sed  ut  moustraret  quod  Dominus 
hoc  feccrit  ;  volens  cuni  diligentia  hoc 
spi'ctaculum  statuere,  ut  nulium  dimit- 
tat  pust  dorsum,  sed  omnes  corani  facie 
liaboat.  HiLAR.  {Can.  13,  in  Matlli.)  Se- 
dissc  autem  Dominum  in  navi,  et  turbas 
foris  stetisse,  ex  subjectis  rébus  est  ra- 
tio. In  parabolis  enim  erat  loculurus  ;  et 
facli  ipsius  gencre  signiticat ,  eos  qui 
extra  Ecclesiam  positi  suut,  nullam  di- 
vini  sermouis  posse  capere  intelligen- 
liam  :  navis  enim  Ecclesio;  typum  prav 
fert,  iutra  quam  verbum  vitœ  positum 
cl  pra^dicatum  lii  qui  extra  sunt,  ef  arc- 
iKi"  modo  stériles.   inlcUigere   non  pos- 


DE   SAINT    MATTHIEU,    CHAP.    XIII.  239 

au  sable  stérile,  ils  ne  peuvent  la  comprendre.  —  S.  Jér.  Jésus  est  au 
milieu  des  flots ,  la  mer  vient  battre  tout  autour  de  lui  ;  tranquille 
dans  sa  majesté ,  il  fait  approcher  la  barque  du  rivage,  afin  que  le 
peuple,  libre  de  toute  crainte  et  afl"ranclii  des  épreuves  qui  eussent  été 
au-dessus  de  ses  forces ,  se  tienne  ferme  sur  le  rivage  pour  entendre 
de  là  ses  paroles.  —  Rab.  Ou  bien  il  monte  dans  cette  barque  et  s'y 
assied  au  milieu  de  la  mer  pour  figurer  que  le  Christ  devait  monter  par 
la  foi  dans  les  âmes  des  Gentils  et  rassembler  son  Eglise  au  milieu  de 
la  mer,  c'est-à-dire  au  milieu  des  peuples  qui  devaient  le  contredire. 
Cette  foule  qui  se  tient  sur  le  rivage  et  qui  n'est  ni  sur  la  mer  ni 
dans  la  l)arque,  nous  représente  ceux  qui  reçoivent  la  parole  de 
Dieu  et  qui  sont  séparés  par  la  foi  des  flots  de  la  mer,  c'est-à-dire  des 
réprouvés ,  sans  être  encore  pénétrés  des  mystères  du  royaume  des 
cieux. 

«  Et  il  leur  dit  beaucoup  de  choses  en  paraboles.  »  —  S.  Chrys. 
{hom.  45.)  Il  n'avait  pas  suivi  cette  méthode  dans  son  discours  sur  la 
montagne,  qui  n'était  point  ainsi  composé  de  paraboles ,  car  il  ne  s'a- 
dressait alors  qu'à  la  multitude  seule  et  à  'des  esprits  simples  et  sans 
déguisement  (1),  tandis  qu'il  comptait  ici  parmi  ses  auditeurs  des 
scribes  et  des  pharisiens.  Mais  ce  n'est  pas  le  seul  motif  pour  lequel  il 
parle  en  paraboles ,  il  veut  encore  donner  plus  de  clarté  à  ses  ensei- 
gueracnts,  les  graver  plus  profondément  dans  la  mémoire  en  les  pla- 
çant pour  ainsi  dire  sous  les  regards.  —  S.  Jér.  Remarquez  que  tous 
ses  enseignements  ne  sont  pas  en  paraboles ,  mais  une  grande  partie 
seulement ,  car  s'il  n'avait  parlé  qu'en  paraboles ,  le  peuple  n'en  eût 
retiré  aucun  fruit;  mais  en  mêlant  des  choses  claires  à  des  choses 

(1)  Le  mot  grec  ànloLCioç,  quoiqu'il  signifie  aussi  grossier  ,  sans  éducation,  sans  forme,  doit 
être  pris  ici  dans  le  second  sens  que  nous  lui  avons  donné ,  sans  fard,  sans  déguisement. 


sunt.  Hier.  Jésus  etiam  in  mediis  flucti- 
bus  est  ;  hinc  inde  inari  tunditur  ;  et  in 
suamajestale  securus  appropiuquare  fa- 
cit  terrae  naviculam  suam  ;  ut  populus 
nequaquam  periculum  sustinens,  non 
tentationibus  circuindatus  quas  ferre  non 
polerat,  stet  iu  littore  (fixo  gradu)  ut  au- 
diat  quœ  dicuutur.  Rab.  Vel  quod  ascen- 
dens  navem  sedebat  in  mari,  siguificat 
quod  Cbristus  per  fidem  ascensurus  erat 
in  mentes  geutilium,  et  Ecclesiam  col- 
lecturus  in  mari,  id  est,  in  medio  natio- 
num  eoutradicoulium.  Turba  vero  quae 
stabat  in  littore,  quœ  neque  in  navi,  ne- 
que  in  mari  erat,  gerit  figuram  recipien- 
tium  verbum  Dei,  et  jam  fide  a  mari  (id 


est,  a  reprobis)  separatorum,  sed  nec- 
dum  mysteriis  cœlestibus  imbutorum. 
Sequitur  :  «  Et  locutus  est  eis  multa 
in  parabolis.  »  Chrys.  {in  hom.  43  nt 
Slip.)  Quamvis  in  monte  ita  non  fecerit  : 
non  enim  per  parabolas  sermonem  con- 
texit  :  tune  enim  turbae  solee  erant  et 
plebs  incomposita  ;  bic  autem  et  scribce 
etpliarisfei.  Non  propterboc autem solum 
in  parabobs  loquitur,  sed  ut  manifestio- 
rem  sermonem  faciat,  et  ampliorem  me- 
moriam  imponat,  et  sub  visum  res  redu- 
cat. Hier.  Et  notandum  quod  non  om- 
nia  locutus  sit  eis  in  parabolis,  sed  multa  : 
si  enim  dixisset  cuncta  in  parabolis,  abs- 
que  emolumento  populi  recessissent  ;  sed 


240  EXPLICATION    DE   l'ÉVANGILE 

moins  évidentes ,  l'intelligence  des  unes  excite  à  pénétrer  l'obscurité 
des  autres.  La  foule,  d'ailleurs,  n'est  pas  animée  des  mêmes  senti- 
ments, mais  elle  est  composée  de  volonté  diverses  :  il  lui  adresse  donc 
un  grand  nombre  de  paraboles  pour  satisfaire  par  la  diversité  de  l'en- 
seignement à  la  diversité  des  désirs  et  des  besoins. 

S.  CuRYS.  {hom.  45.)  11  commence  par  la  parabole  qui  devait  rendre 
ses  auditeurs  plus  attentifs;  car,  comme  il  devait  leur  parler  en 
figures,  il  éveille  tout  d'abord  leur  attention  par  ces  paroles  :  «  Celui 
qui  sème  sortit  pour  semer.  »  —  S.  JÉii.  Or,  ce  semeur  qui  répand 
sa  semence,  c'est  le  Fils  de  Dieu  qui  est  venu  semer  parmi  les  peuples 
la  parole  de  son  Père.  —  S.  Chkys.  {hom.  45.)  Mais  d'où  a  pu  sortir 
celui  qui  est  présent  en  tous  lieux,  et  comment  est-il  sorti?  Il  n'est 
pas  sorti  comme  on  sort  d'un  endroit  que  l'on  quitte,  mais  il  s'est  rap- 
proché de  nous  par  son  incarnation  (1)  et  par  la  nature  humaine  dont 
il  s'était  revêtu.  Nous  ne  pouvions  arriver  jusqu'à  lui,  nos  péchés 
étaient  pour  nous  un  obstacle  insurmontable  ;  il  est  venu  jusqu'à 
nous.  —  Rab.  Ou  bien  il  est  sorti  lorsque  dans  la  personne  de  ses 
Apôtres,  il  a  abandonné  la  Judée  pour  aller  évangéliser  les  Gentils. — 
S.  JÉR.  Ou  bien  encore  il  était  au  dedans,  lorsque,  dans  l'intérieur  de 
la  maison  il  dévoilait  à  ses  disciples  les  mystères  du  royaume  des 
cieux.  Il  sort  donc  de  cette  maison  pour  répandre  la  semence  au 
milieu  de  la  foule.  —  S.  Chrys.  {hom.  -45.)  Lorsque  vous  entendez 
Notre- Seigneur  vous  dire  :  «  Celui  qui  sème  sortit  pour  semer,  »  ne 
regardez  pas  ces  deux  expressions  comme  identiques.  Le  semeur  sort 
bien  souvent,  et  pour  d'autres  motifs;  par  exemple,  pour  labourer  la 

(1)  Dans  le  texte  grec,  on  lit  :  ttj  cr/éau  xat  oixovo[j.ta  xî)  irpô;  r,u.a;  2ià  Tf,;  xara  Tr,v 
aàpxa  ircOiêoXyi; ,  manière  dont  les  Pères  grecs  expriment  souvent  le  mystère  de  l'incarnation, 
comme  étant  l'i^conomie  principale  de  notre  saint. 


perspicua  miscet  obscuris,  ul  per  ea  quœ 
intelligunt,  provoceutur  ad  eoriim  noti- 
tiam  quœ  nou  intelligunt.  Turba  etiam 
non  uniuà  senlenlia;  est,  seddiversarum 
in  singulis  volautatum  :  unde  loqiiitur 
ad  eam  in  niuUis  parabolis,  ut  juxta  va- 
rias vùluntates,  diversas  recipereut  dis- 
ciplinas. 

CORYS.  (/n  fiomil.  'ilintsnp.)  Primam 
auteui  parabolam  ponit  eam  qu*  facie- 
bat  auditorem  attentioreui  :  quia  enim 
sub  œnigmate  eral  traclalurus,  erigit 
mentes  audientium  per  primam  parabo- 
lam, dicens  :  «  Ecce  exiit  qui  scminat 
seminare  semen  suum,  »  etc.  HiKR.  Si- 
gnificatur  autem  sator  iste  qui  seminat,. 
esse  Filius  Dei.  et  Patris  in  populis  so- 
minaresermonem.  Chrys.  {in  }wmil.'tv> 


ut  sup.)  Unde  autem  exiit  qui  ubique 
praesens  est,  vel  qualiter  exiit  ?  Non  loco, 
sed  iucarnatione,  propinquior  factus  uo- 
bis  per  liabitum  carnis  :  quia  enim  nos 
inlrare  non  poteramus  ad  eum,  peccatis 
nostris  proliibentibus  nobis  ingressum, 
ipse  ad  nos  egreditur.  Raba.  Vel  exiit, 
cum  relicta  Judœa  per  apostolos  ad 
gentes  transivit.  Hier.  Vel  iutus  erat, 
dum  domi  versabatur,  et  loquebatur  dis- 
cipulis  sacramenta  (seu  mysleria.)  Exiit 
ergo  de  domo  sua,  ut  seminaret  in  turlus. 
CiiRYïi.  [in  liomil.  io  vt  sup.)  Cum  au- 
tem audieris,  quouiam  exiit  qui  seminat 
ut  seminet,  nou  .Tstimesesse  identitatem 
sermouis.  Egreditur  enim  multoties  qui 
seminat  et  ad  aliam  rem  :  vel  ut  scindât 
lerram.  vel  ut  malas  incidat  lierlias.  vel 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAP.   XIII.  241 

terre,  pour  couper  les  mauvaises  herbes ,  pour  arracher  les  épioes  ou 
pour  d'autres  travaux  semblal)les.  Mais  ici  il  sort  pour  semer.  Et  que  de- 
viendra cette  semence?  Trois  parties  sont  perdues,  une  seule  est  conser- 
vée, non  pas  d'une  manière  égale,  mais  avec  quelque  différence  :  «  Et 
pendant  qu'il  sème,  une  partie  de  la  semence  tomba  sur  le  chemin.  » 
—  S.  Jér.  Valentin  se  sert  de  cette  parabole  pour  établir  son  hérésie 
et  appuyer  son  système  des  trois  natures  :  la  nature  spirituelle ,  la 
nature  naturelle  ou  animale,  et  la  nature  terrestre.  Or  nous  voyons 
ici  quatre  espèces  différentes  de  terre  :  l'une  qui  est  le  long  du  che- 
min ,  l'autre  qui  est  un  terrain  pierreux ,  la  troisième  couverte  d'é- 
pines, et  la  quatrième  qui  est  une  bonne  terre.  —  S.  Chrys.  {hom.  4-5.) 
Mais  quelle  apparence  de  raison  dans  la  conduite  de  celui  qui  sème- 
rait au  milieu  des  épines ,  sur  les  pierres  ou  le  long  du  chemin?  Si 
l'on  prend  la  semence  et  la  terre  dans  leur  sens  matériel  et  ordinaire, 
ce  serait  folie  d'agir  de  la  sorte ,  car  il  n'est  au  pouvoir  ni  de  la  pierre 
de  devenir  terre ,  ni  du  chemin  de  ne  pas  être  un  chemin ,  ni  des 
épines  de  ne  pas  être  des  épines.  Mais  lorsqu'on  entend  la  terre  et  la 
semence  de  la  terre  des  âmes  et  de  la  semence  de  la  parole  de  Dieu, 
cette  conduite  est  on  ne  peut  plus  louable ,  car  dans  ce  sens  il  est  pos- 
sible à  la  pierre  de  devenir  une  terre  fertile  ,  au  chemin  de  ne  plus 
être  foulé  aux  pieds,  et  aux  épines  d'être  arrachées.  Quant  au  surplus 
de  la  semence  qui  est  perdu ,  la  faute  n'en  est  pas  à  celui  qui  sème , 
mais  à  la  terre  qui  reçoit  la  semence^  c'est-à-dire  à  l'àme,   car  le 
semeur  ne  fait  aucune  distinction  entre  le  pauvre  et  le  riche ,  entre  le 
sage  et  l'ignorant;  il  s'adresse  à  tous,  faisant  de  son  côté  tout  ce  qui 
dépend  de  lui ,  tout  eu  prévoyant  ce  qui  doit  arriver  et  motiver  ce 
reproche  :  «  Qu'ai-je  dû  faire  que  je  n'aie  pas  fait?  »  Or,  s'il  ne  dit 


ut  spinas  evellat,  vel  ut  aliam  quamdam 
talem  diligentiam  exhibeat  :  hic  autem 
ad  semiuaudum  exivit  :  quid  igilur  fit  de 
semine.isto  ■?  Très  depereuut  partes,  et 
unasalvatur;  et  hoc  non  a?quahter,  sed 
cum  ditfereutia  (juadam  :  unde  sequitur  : 
«  Et  dum  semniat,  qufcdam  ceciderunt 
secus  viam,  »  etc.  Hier.  Haac  parabo- 
lam  ad  probandam  liœresim  suaui  Va- 
lentinus  assumit,  très  introducens  natu- 
ras  :  spiritualeni,  naturalem  (vel  auiuia- 
lem)  atque  terrenam,  cuui  hœc  quatuor 
sint;  una  juxta  viaui,  aliapetrosa,  terlia 
plenaspiuis,  quarta  terra  bona.  Chrys. 
(in  homil.  45  ut  sup.)  Sed  secundura 
hoc  quaUter  haberet  rationem  iuter 
spinas  seniinare,  et  super  petram ,  et 
in  via?  In  semiuibus  quidem  et  in  terra 

TOM.    II. 


(materiahbus  )  non  haberet  utique  ra- 
tionem :  non  enim  est  in  postestate 
petrœ  fieri  terrain,  ueque  viae  non  esse 
viam,  neque  spinœ  non  esse  spinam  ; 
in  animabus  auteiu  et  doctrinis  multam 
liabet  hoc  laudeiu  :  possibile  enim  est 
petram  fieri  terram  pinguem^  et  viam 
non  ultra  conculcari,  et  spinas  destrui. 
Quod  igitur  plus  seminis  periit,  non  est 
ab  eo  qui  seminat,  sed  a  suscipiente 
terra,  id  est,  ab  anima  :  ipse  enim  qui 
seminat,  non  divitem,  non  pauperem 
discernit,  non  sapientem,  neque  insi- 
pientem,  sed  omnibus  loquebatur.  quae 
a  seipso  erant,  complens  ;  praevidens  ta- 
men  quae  futura  erant,  ut  liceat  ei  di- 
cere  :  «  Quid  me  oportuit  facere,  et  non 
feci  {[sai,  o.)  Ideo  autem  non  dicit  ma- 

16 


242 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


pas  clairement  qu'une  partie  de  la  semence  est  tombée  sur  les  âmes 
ni'gligentes  qui  l'ont  laissé  enlever,  une  autre  sur  les  riches  qui  l'ont 
étouffée,  une  autre  sur  les  àmos  molles  qui  l'ont  perdue,  c'est  qu'il  ne 
veut  pas  blesser  trop  vivement  les  Juifs  et  les  jeter  dans  le  décourage- 
ment (1).  Cette  parabole  apprend  encore  à  ses  disciples  à  ne  point 
négliger  le  ministère  de  la  prédication,  bien  qu'un  grand  nombre  de 
leurs  auditeurs  ne  laissent  pas  de  se  perdre,  puisque  ce  triste  résultat 
n'a  pas  empêché  le  Seigneur  qui  prévoyait  toutes  choses,  de  répandre 
la  semence  de  sa  parole  dans  les  cœurs. 

S.  Jér.  Remarquez  encore  que  c'est  ici  la  première  parabole  que 
Notre-Scigneur  fait  suivre  de  son  explication,  et  toutes  les  fois  qu'il 
explique  lui-même  ses  paroles,  gardez-vous  de  les  entendre  autrement 
ou  de  leur  donner  un  sens  plus  ou  moins  étendu  que  l'explication 
donnée  par  le  Seigneur  lui-même.  —  Kab.  Disons  quelques  mots  de 
ce  que  le  Sauveur  nous  laisse  libres  d'interpréter.  Le  chemin  c'est  l'âme 
pleine  de  zèle  foulée  et  desséchée  sous  les  pas  des  mauvaises  pensées  ; 
la  pierre,  c'est  la  dureté  d'une  âme  audacieuse;  la  terre,  c'est  la  dou- 
ceur d'une  âme  obéissante  ;  le  soleil ,  c'est  l'ardeur  de  la  persécution 
qui  sévit.  La  profondeur  de  la  terre,  c'est  la  droiture  de  l'âme  formée 
par  les  célestes  enseignements.  Nous  avons  déjà  fait  observer  que  les 
choses  n'ont  pas  toujours  un  seul  et  même  sens  dans  l'interprétation 
allégorique.  —  S.  Jér.  Toutes  les  fois  que  Notre-Seigneur  nous  donne 
cet  avertissement  :  «  Que  celui  qui  a  des  oreilles  pour  entendre,  qu'il 
entende ,  »  nous  sommes  prévenus  de  donner  toute  notre  attention 
pour  comprendre  ses  divines  paroles.  —  Rémi.  Les  oreilles  pour 
entendre ,  ce  sont  les  oreilles  de  l'âme  qui  doivent  servir  à  l'intelli- 
gence et  à  l'accomplissement  des  commandements  de  Dieu. 

(1)  Le  grec  àTToyvwffiv  signifie  plutôt  désespoir. 


nifeste  (juouium  haec  susceperunt  desi- 
des et  perdiderunt;  liœc  autem  divites, 
et  suffocaverunt;  lia'c  autem  molles,  et 
perdiderunt  ;  quia  noluit  eos  vehemen- 
ter  taugere,  ut  nou  in  diftidentiam  mit- 
tat.  Per  liane  etiam  parabolam  discipulos 
erudit,  et  si  plures  audienlium  eos  fue- 
rint  qui  perçant,  ut  non  propter  hoc  de- 
sides sint,  quia  uec  propter  hocDoniinus 
qui  omniapra3vidit,  destititaserainando. 
Hier.  Observa  autem  liane  esse  pri- 
mam  parabolam,  quaj  cum  interpreta- 
lione  sua  posita  est  ;  et  cavendum  est 
ubicunque  Dominus  cxponit  sermunes 
suos,  ne  vel  aliud,  vel  qiiid  pins  vel  mi- 
nus prœsumas  intelligere,  quam  ab  eo 
expositum  est.  Raba.  Quœ  vero  nostrœ 


intelligentiœ  dereliquit,  perstringeuda 
sunt  breviter.  Via  est  mens  sedula,  ma- 
larum cogilationum  meatu  Irita  atque 
arefacta;  petravi ,  duritiani  prolervae 
mentis;  terrain,  levitatem  animœ  obc- 
dientis  ;  solem,  dicit  fervorem  persecu- 
lionis  saîvientis.  Alliludo  terrx  mi  pro- 
bitas  aninuB  disciplinis  eœlestibus  insti- 
tut.e  :  iu  qua  expositions  diximus,  quia 
nequaquam  ipsae  res  in  uua  eademque 
significatione  semper  allegorice  ponun- 
tur.  Hier.  Provoeamur  autem  ad  dicto- 
rnm  iulelligentiam,  quolies  bis  sermoni- 
bus  conimonemur  qni  sequunlur  :  «  Qui 
babet  anres  audicndi  audiat.  »  Remig. 
Aures  audieudi  sunt  aures  mentis,  scilicet 
iutelligeudi  et  facieadi  quae  jussa  sunt. 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CIIAP.    XIII. 


243 


y.  10-17.  —  Ses  disciples,  s' approchant,  lui  dirent  :  Pourquoi  leur  parlez-vous 
en  paraboles?  C'est,  leur  répondit-il,  (pie  pour  vous  autres  il  vous  a  été  donné 
de  connaître  les  mystères  du  royaume  des  deux,  mais  pour  eux  il  ne  leur  a 
pas  été  donné.  Car  quiconque  a  déjà,  on  lui  donnera  encore,  et  il  sera  dans 
l'abondance;  mais  pour  celui  qui  n'a  point,  on  lui  ôtera  même  ce  qu'il  a. 
C'est  pourquoi  je  leur  parle  en  paraboles ,  parce  qu'en  voyant  ils  ne  voient 
point,  et  qu'en  écoutant  ils  n'entendent  ni  ne  comprennent  point.  Et  la  pro- 
phétie d'isaïe  s'accomplit  en  eux,  lorsqu'il  dit  :  Vous  écouterez  de  vos  oreilles 
et  vous  7i' entendrez  point,  vous  regarderez  de  vos  yeux  et  vous  ne  verrez  point. 
Car  le  cœur  de  ce  peuple  s'est  appesanti,  et  leurs  oreilles  sont  devenues 
sourdes,  et  ils  ont  fermé  leurs  yeux,  de  peur  que  leurs  yeux  ne  voient,  que 
leurs  oreilles  n'entendent,  que  leur  cœur  ne  comprenne,  et  que,  s'étant  con- 
vertis, je  ne  les  guérisse.  Mais  pour  vous,  vos  yeux  sont  heureux  de  ce  qu'ils 
voient  et  vos  oreilles  de  ce  qu'elles  entendent.  Car  je  vous  dis  en  vérité  que 
beaucoup  de  prophètes  et  de  justes  ont  souhaité  de  voir  ce  que  vous  voyez  et  ne 
l'on/  pas  vu,  et  d'entendre  ce  que  vous  entendez  et  ne  l'ont  pas  entendu. 

La  Glose  (1).  Les  disciples,  remarquant  qu'il  y  avait  de  l'obscurité 
dans  le  discours  que  le  Seigneur  adressait  au  peuple,  voulurent  lui 
conseiller  de  ne  plus  parler  en  paraboles  :  «  Et  ses  disciples,  s'appro- 
ebant  de  lui,  lui  dirent,  »  etc.  —  S.  Chrts.  {ho}n.  46.)  La  conduite  des 
Apôtres  est  vraiment  digne  d'admiration  ;  malgré  le  désir  qu'ils  ont 
de  s'instruire,  ils  cboisissent  le  moment  pour  interroger  ,  et  ils  ne  le 
font  pas  publiquement ,  ce  ({ue  saint  Mattliieu  nous  indique  par  ces 
paroles  :  «  Alors  ses  disciples  s'approcbant,  »  etc.  Saint  Marc  est 
encore  plus  explicite,  et  dit  clairement  qu'ils  vinrent  le  trouver  en  par- 
ticuHer.  —  S.  Jér.  On  peut  se  demander  comment  ils  purent  s'ap- 

(1)  Dans  saint  Anselme. 


Et  accedentes  discipuli  dixerunt  ci:  Quarein  pa- 
rabolis  loqueris  eis  ?  Qui  respondens  ait  illis  : 
Quia  vobis  datum  est  jiosse  mysteria  regni  cae- 
lorum,  illis  aulem  non  est  datum  :  qui  enim 
habet,  dabilur  ei,  et  abundabit ;  qui  aulem 
non  habet,  et  quod  Itabet  auferetur  ab  eo.  Ideo 
in  parabolis  loquor  eis,  quia  videntes  non  vi- 
dent, et  audientes  non  audiunt  neque  intclli- 
gunt,  ut  adimpleatur  in  eis  propfieiia  Isaiœ 
dicentis  :  Auditu  audietis,  et  non  intelliyetis ; 
et  videntes  videbitis,  et  non  videbitis.  Lieras  ■ 
satum  est  enim  cor  populi  hujus,  et  auribus 
graviter  audierunt,  et  oculos  suos  clauserunt, 
nequando  vidcant  oculis,  et  auribus  audianf, 
et  corde  intelligant,  et  convertantur,  et  sanem 
eos.  Vestri  autein  beati  ocuU,  quia  vident  et 
aures  vestrœ,  quia  audiunt  :  amen  quippe  dico 
vobis,  quia  multi  propheiœ  et  justi  ciipierunt 


videre  quœ  vidrtis,  et  non  viderunt,  et  audire 
quœ  auditis,  et  non  audierunt. 

Glossa,  Intelligentes  discipuli  esse 
obscura  quœ  a  Domino  populo  diceban- 
tur,  voluerunt  Domino  intimare  ne  pa- 
rabolice  loqueretur  :  unde  dicitur  :  «  Et 
accédantes  discipuli  dixerunt  ei,  »  etc. 
Chrys.  (<k  Jwm.  46,  in  Matth.)  Ubi 
dignum  est  admirari  discipulos,  quare 
discere  cupientes,  sciunt  quando  iuter- 
rogare  oporteat  :  non  enim  coram  om- 
nibus hoc  faciunt  :  et  hoc  ostendit  Mat- 
tha?us,  cum  dicit  :  «  Et  accedentes  :  » 
Marcus  autem  manifestius  demoustrat, 
dicens  (cap.  4.)  quod  «  siuguiariter  ac- 
cesserunt.  »  Hier.  Quœrendum  est  autem 


Ui 


EXPLICATION  DE   L  EVANGILE 


proclier  du  Seigneur,  puisqu'il  se  trouvait  alors  dans  la  barque.  Il 
faut  l'entendre  dans  ce  sens  qu'ils  étaient  montés  avec  lui  dans  cette 
barque,  et  que  c'est  là  qu'ils  lui  demandèrent  l'explication  de  la  pa- 
rabole. —  Rémi.  L'Evangéliste  dit  qu'ils  s'approchèrent  pour  marquer 
qu'ils  l'interrogèrent;  ou  bien  ils  ont  pu  s'approcher  réellement  de  lui, 
bien  qu'il  n'y  eût  qu'une  légère  distance  qui  les  en  séparât. 

S.  Chrys.  {hom.  46.)  Remarquez  aussi  avec  quelle  vive  affection  (1*) 
ils  se  préoccupent  du  soin  et  des  intérêts  du  prochain_,  avant  de  penser 
à  ce  qui  les  concerne,  car  ils  ne  lui  disent  pas  :  «  Pourquoi  nous  par- 
lez-vous en  paraboles,  »  mais  :  «  Pourquoi  leur  parlez-vous  en  para- 
boles ?  »  «  C'est,  leur  répond-il ,  que  pour  vous  autres ,  il  vous  a  été 
donné  de  connaître  les  mystères  du  royaume  des  cieux.  »  —  Rémi. 
Pour  vous,  dis-je,  qui  me  suivez,  et  qui  croyez  en  moi.  Les  mystères 
du  royaume  des  cieux,  c'est  la  doctrine  évangélique  ;  mais  pour  eux, 
c'est-à-dire  pour  ceux  qui  sont  au  dehors  et  ne  veulent  pas  croire  en 
lui  (les  scribes,  les  pharisiens  et  tous  les  autres  qui  persévèrent  dans 
leur  infidélité),  il  ne  leur  a  pas  été  donné  de  les  comprendre.  Joignons- 
nous  donc  aux  disciples  pour  approcher  du  Seigneur  avec  un  cœur 
pur,  afin  qu'il  daigne  nous  expliquer  la  doctrine  de  l'Evangile ,  selon 
cette  parole  du  Deutéronome  (xxxiu)  :  «  Ceux  qui  se  tiennent  à  ses 
pieds  recevront  sa  doctrine  (2).»  —  S.  Chrys.  {hom.  46.)  En  parlant 
de  la  sorte,  Notre-Seigneur  n'établit  pas  le  système  de  la  nécessité  ou 

(1*)  Nous  avons  préféré  suivre  ici  !e  texte  grec,  qui  porte  :  Triv  Ziù.O(jZOpyia.y ,  et  signifie  non 
Tp&s  droiture ,  reciilude  comme  porte  la  traduction  latine,  mais,  tendresse,  affection,  telle  que 
celle  que  les  parents  ont  pour  leurs  enfants  et  réciproquement.  Ce  sens  est  d'ailleurs  plus  en 
rapport  avec  l'ensemble  du  contexte. 

[ï]  C'est  Moïse  qui  parle  ainsi  de  Dieu,  lorsqu'il  dit  :  a  Le  Seigneur  est  venu  de  Sinaï  (lorsqu'il 
a  donné  la  loi  ,  il  s'est  levé  pour  nous  de  Seir  {lorsqu'il  commanda  d'ériger  le  serpent  d'airain), 
il  a  apparu  du  haut  des  montagnes  de  Pharan  (pour  remplir  de  son  esprit  les  soixante-dix  juges 
que  Moïse  avait  établis.)  »  Mais  on  peut  aussi  appliquer  ces  paroles  au  Christ  dans  le  sens  allé- 
gorique, comme  le  fait  saint  Augustin,  quest.  56  sur  le  Deutéronome. 


quomodo  accedaul  tune  ad  eum,  cuu: 
.lesus  in  ua\a  sedeal  "?  Nisi  forte  inlelli- 
gatur,  quod  duduiu  cum  ipso  uavem 
conscenderiut,  et  ibi  stautes  super  inter- 
pretatioûe  parabolœ  sciscitati  siut.  Re- 
MIG.  Dicit  ergo  Evangelista,  accedentes, 
ut  ostenderet  quod  sciscitati  sunt  :  sive 
poterant  accedere  corpore,  quamvis  es- 
set  alii]uid  vel  brève  spaliuni  inter  eos. 
Chuys.  {in  liom.  4U  ut  syp.)  Conside- 
randa  est  autem  et  eoruui  recliludo^ 
qualiter  inultam  pro  aliishabent  curaiii  ; 
et  prius  quae  aliorum  sunt  qua?runt  ;  et 
tune  quœ  sunt  ipsorura  :  non  cnim  di- 
zeruDt  :  «  In  parabolis  loqueris  nobis,  » 
BCd,  «  in  parabolis  loqueris  illis  :  »  qui 


respoudeus  ait  illis  quia  «  vobis  datum 
est  nosse  mysteriuni  regni  cœlorum.  » 
Remig.  Vobis,  iuquam,  qui  niibi  adhae- 
retis  et  in  me  creditis.  Mysteria  enim 
regni  cœlorum  appellat  Evangelicam 
doctrinam  :  illis  autem,  scilicet  qui  foris 
sunt ,  et  in  eum  credere  noluut  (scri- 
bis  scilicet ,  pliarisœis  ,  et  cœleris  in 
iulîdelitàte  perseverantibus)  non  est  da- 
tum. Accedamus  ergo  cum  diseipulis  ad 
Dominum  puro  corde,  ut  nobis  evange- 
licam doctrinam  interprelari  dignetur  : 
juxta  illud  {Deut.  33)  :  «  Qui  appropin- 
quant  pedibus  ejus,  accipiunt  de  doc- 
triua  ejus.  »  Chrys.  {in  liomil.  46  ut 
sxip.)  Hoc  autem  dLxit,  non  necessitatem 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XIII.  245 

de  la  fatalité  ;  il  veut  simplement  montrer  que  ceux  qui  n'ont  pas 
reçu  cette  faveur  sont  eux-mêmes  la  cause  de  tous  leurs  maux,  et  que 
la  connaissance  des  mystères  divins  est  un  don  de  Dieu  et  une  grâce 
qui  descend  du  ciel.  Cependant  le  libre  arbitre  n'est  pas  pour  cela  dé- 
truit, ces  paroles  et  celles  qui  suivent  le  prouvent  évidemment.  En 
effet,  pour  ne  pas  jeter  dans  le  désespoir  ceux  qui  n'ont  pas  reçu 
cette  grâce ,  ou  dans  la  négligence  ceux  à  qui  elle  a  été  donnée ,  il 
nous  dit  clairement  que  la  raison  première  de  ces  dons  vient  de  nous  : 
«Celui  qui  a  déjà,  on  lui  donnera  encore,  »  etc.,  paroles  dont  voici 
le  sens  :  Celui  qui  est  plein  d'ardeur  et  de  zèle  recevra  en  abondance 
tous  les  dons  de  Dieu,  mais  s'il  en  est  dépourvu  et  qu'il  ne  prête  en 
aucune  manière  son  concours ,  il  ne  recevra  pas  les  dons  de  Dieu,  et 
il  perdra  même  ce  qu'il  a;  non  pas  que  Dieu  le  lui  enlève,  mais 
parce  qu'il  se  rend  indigne  de  conserver  ce  qu'il  possède.  Si  donc 
nous  voyons  un  de  nos  frères  entendre  la  parole  de  Dieu  avec  négli- 
gence, et  que  nos  efforts  soient  impuissants  pour  réveiller  son  atten- 
tion, gardons  le  silence  ;  car  en  insistant  davantage,  nous  ne  ferions 
qu'accroitre  sa  négligence  (1).  Mais  pour  celui  qui  a  le  désir  de  s'ins- 
truire, nous  l'attirons  facilement,  et  nous  ne  craignons  pas  de  pro- 
longer nos  discours.  Notre- Seigneur  a  bien  raison  de  dire  ;  «  Ce  qu'il 
paraît  avoir;  »  car  il  ne  possède  pas  même  ce  qu'il  a. 

Remi.  Celui  qui  a  le  désir  de  la  lecture  recevra  le  don  de  l'intelli- 
gence, et  celui  qui  n'a  pas  ce  désir,  se  verra  enlever  jusqu'aux  dons 
qu'il  tenait  de  la  nature.  Ou  bien,  celui  qui  a  la  charité  recevra 
toutes  les  autres  vertus  ;  mais  celui  qui  n'a  pas  la  charité  en  sera  dé- 

(I)  Le  sens  du  mot  latin  intendetur  est  déterminé  d'une  manière  plus  précise  par  le  mot  grec 
È7iiT£ÎVcTat  qui  signifie  accroître,  augmenter. 


inducens  neque  fatum  ;  sed  monstraus  ;  quod  habet  auferetur  ab  eo  ;  non  Deo 
quoniam  illi  quibus  non  est  datum,  auferente,  sed  se  indi^num  faciente  his 
causa  sibi  suntuniversoFammalorum  ;  et  quœ  habet  :  unde  et  nos  si  viderimus 
ostendere  volens  quoniam  cosnoscere  !  aliquem  desidiose  audientcm  verbum 
divina  mysteria  donum  Dei  est,  et  gra-  j  Dei,  et  exhortanles  quod  attcndat,  non 
lia  desuper  data.  Non  tamen  propter  i  ei  persuaserimus,  sileamus  :  quia  si  ma- 
hoc  liberum  arbitrium  destruitur  :  ex  i  gis  immorati  fuerimus ,  intendetur  ei 
hoc  et  his  quœ  sequuntur  raanifestum  j  desidia  :  studentem  autem  discere  alli- 
est  :  ut  euini  neque  isti  desperent,  neque  j  ciraus,  et  multa  effundinius.  Et  bene  di- 
illi  pigritentur  audientes  quoniam  eis  ]  xit  secundum  Evangelistam  :  «  Quod 
datum  est,  demonstrat  a  nobis  princi-  videtur  habere  :  »  neque  enim  habet 
pium  horum  esse,  cum  sitbdit  :  «  Qui  ipsum  quod  habet. 
enim  habet,  dabitur  ei,  »  etc.  Ac  si  di-  j  Remig.  Qui  etiam  habet  studium  le- 
ceret  :  Cum  aUquis  desiderium  habuerit  i  gendi  dabitur  ei  et  facultas  intelligendi  ; 


et  studium,  dabuntur  ei  universa  qua; 
a  Deo  sunt  :  cum  autem  his  vacuus  fue- 
rit,  et  qute  ad  se  pertinent  non  inférât, 
neque  quse  a  Deo  sunt  ei  dantur  ;  sed  et 


et  qui  non  habet  legendi  studium,  hoc 
quod  per  naturse  bonum  videtur  habere, 
auferetur  ab  eo  :  vel  qui  habet  charita- 
tem.  dabuntur  ei  caeterœ  virtutes  ;  et  qui 


246 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


pouillé^  parce  qu'il  n'y  a  pas  de  bien  possible  sans  la  charité.  — 
S.  Jér.  Ou  bien  encore,  les  Apôtres  qui  ont  cru  en  Jésus-Christ, 
n'eussent-ils  qu'une  vertu  médiocre  ,  en  recevront  l'accroissement  ; 
mais  les  Juifs,  qui  n'ont  pas  voulu  croire  en  lui,  bien  qu'il  fût  le  Fils 
de  Dieu,  se  verront  enlever  même  les  biens  naturels  qu'ils  paraissent 
avoir;  car  ils  ne  peuvent  rien  comprendre  avec  sagesse  ,  parce  qu'ils 
n'ont  pas  en  eux  le  principe  de  la  sagesse.  —  S.  Hil.  {can.  13.)  Ajou- 
tons que  les  Juifs,  n'ayant  pas  la  foi,  ont  perdu  la  loi  qu'ils  avaient 
reçue;  car  la  foi  chrétienne  renferme  tout  don  parfait;  dès  qu'on  l'a 
reçue,  elle  s'enrichit  de  nouveaux  fruits;  mais  si  on  la  rejette,  elle  en- 
lève jusqu'aux  dons  qu'on  avait  reçus  précédemment. 

S.  CnRYs.  {hom.  46.)  Notre-Seigneur  veut  rendre  encore  plus  claire 
cette  vérité,  et  il  ajoute  :  «  Je  leur  parle  en  paraboles,  parce  qu'en 
voyant  ils  ne  voient  point.  »  Si  cet  aveuglement  venait  de  la  nature, 
le  Sauveur  aurait  dû  leur  ouvrir  les  yeux  ;  mais  comme  il  était  volon- 
taire, il  ne  dit  pas  simplement  :  Ils  ne  voient  pas,  mais  «  en  voyant, 
ils  ne  voient  pas.  »  Ils  l'ont  vu,  en  elTet,  chasser  les  démons ,  et  ils  ont 
dit  :  «  C'est  par  Béelzébub  qu'il  chasse  les  démons.  »  {Matth.  xii.)  Ils 
entendaient  dire  qu'il  attirait  tout  le  monde  à  Dieu  ,  et  ils  disaient  : 
a  Cet  homme  ne  vient  pas  de  Dieu.  »  [Jean,  ix.)  Mais  comme  ils  affir- 
maient le  contraire  de  ce  qu'ils  voyaient  et  de  ce  qu'ils  entendaient, 
ils  perdent  la  faculté  de  voir  et  d'entendre.  En  effet,  cette  faculté, 
ne  leur  a  servi  de  rien  qu'à  rendre  leur  condamnation  plus  terrible. 
Aussi  dans  le  commencement  il  ne  leur  parlait  pas  en  paraboles, 
mais  en  termes  clairs  et  sans  énigme,  et  il  ne  se  sert  de  paraboles  que 
parce  qu'ils  dénaturent  tout  ce  qu'ils  voient  et  tout  ce  qu'ils  entendent. 


non  habet,  auferetur  ab  eo  :  quia  absque 
charitate  nulUun  bonum  esse  potest. 
Hier.  Vel  apostolis  in  Christo  credenti- 
bus  etiaiu  si  quid  minus  virtutis  habeut 
conceditur  :  Judicis  voro  qui  non  credi- 
derunt  in  Filiiun  Dei,  etiam  si  quid  per 
nalurae  bonum  possident,  toUitur  :  neque 
enim  possunl  aliquid  sapienter  iutel- 
ligerfî,  ([uia  sapientire  non  liahent  caput. 
FIiLAR.  {Cant.  13,  in  Matth.)  Fidem 
etiam  Juda?i  non  habontes,  lofiem  quoque 
quam  habuorant  perdiderunt  ;  et  ideo 
perfectum  bdes  evangelica  babet  do- 
num  :  quia  suscepta,  novis  fructibus 
ditat,  repudiala  vero  etiam  veteris  sub- 
slantiae  opes  detraliit. 

Chuys.  {in  hoviil.  46  vtsup.)  Ut  au- 
tem  manifeslius  quod  dixerat  fiât,  sub- 
dit  :  «  Ideo  in  parabolis  loquor  eis  quia 


videntes  non  vident,  »  etc.  Et  siquidem 
naturae  haec  excsecatio  esset,  aperire 
eorum  oculos  oportebat  :  quia  vero  vo- 
luntaria  est  bœc  excaecatio,  propter  hoc 
non  dixit  simpliciter  :  «  Non  vident,  » 
sed,  «  videntes  non  vident  :  »  videruut 
enim  d.Tmones  exeuntes,  et  dixeruut 
[Mutth.  12)  :  «  In  Beelzebub  ejicit  da^mo- 
nia  :  »  audiebant  quod  ad  Deum  omues 
attrahebat  et  dicunt  {Joon.  9)  :  «  Non 
est  hic  homo  a  Deo.  »  Quia  erjïo  con- 
traria liis  ([UcB  videbant  et  audiebant, 
enuntiabant,  propter  hoc  ipsum  videre 
et  audire  eis  aufertur  :  nibil  enim  bine 
proficiuut,  sed  in  judicium  majus  iuci- 
dunt  :  unde  et  a  principio,  non  eis  pa- 
rabolice  loquebatur,  sed  cum  multa  cer- 
titudine  :  quia  autem  audila  et  visa  per- 
vertuut,  jam  in  parabolis  loquitur.  Re- 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAH.   XIII. 


247 


—  Remi.  Et  remarquez  que  non-seulement  ses  paroles  ,  mais  encore 
ses  actions  elles-mêmes,  étaient  autant  de  paraboles  ,  c'est-à-dire  des 
symboles  des  choses  spirituelles,  ce  que  prouvent  évidemment  les  paroles 
suivantes  :  «  Parce  qu'en  voyant  ils  ne  voient  point  ;  »  car  on  ne  peut 
voir  les  paroles,  mais  seulement  les  entendre.  —  S.  Jér.  Notre-Sei- 
gneur  parle  ainsi  de  ceux  qui  sont  sur  le  rivage,  et  qui  ,  autant  par 
suite  delà  distance  (]ui  les  sépare  de  Jésus,  que  du  bruit  des  Ilots,  n'en- 
tendaient pas  clairement  ce  qu'il  disait.     , 

S.  Ghrys.  {hom.  46.)  Afin  qu'ils  ne  pussent  dire  :  C'est  notre  ennemi 
qui  nous  accuse ,  il  leur  cite  le  Prophète  qui  rend  pleinement  té- 
moignage à  ce  qu'il  vient  de  dire  ;  «  Et  la  prophétie  d'Isaïe  s'accom- 
plit en  eux  :  vous  entendrez  de  vos  oreilles ,  et  vous  ne  comprendrez 
pas,  et  en  voyant,  vous  ne  verrez  pas  »  (I),  c'est-à-dire  vous  enten- 
drez de  vos  oreilles  des  paroles ,  mais  vous  n'en  comprendrez  pas  le 
sens  ;  vous  verrez  de  vos  yeux  mon  humanité  ,  et  vous  ne  verrez  pas, 
c'est-à-dire  vous  ne  comprendrez  pas  ma  divinité. — S.  Ciirys.  {hom.  46.) 
Il  leur  parle  de  la  sorte ,  parce  qu'ils  se  sont  privés  eux-mêmes  de  la 
faculté  de  voir  et  d'entendre  en  fermant  leurs  oreilles  et  leurs  yeux, 
et  en  laissant  leur  cœur  s'appesantir;  car  leur  crime  n'était  pas  seu- 
lement de  ne  pas  entendre ,  mais  d'être  contrariés  d'entendre  ;  c'est 
pour  cela  qu'il  ajoute  :  «  Leur  cœur  s'est  appesanti.  »  —  Rab.  Le 
cœur  des  Juifs  s'est  appesanti  sous  le  poids  de  leur  malice,  et  c'est  la 
multitude  de  leurs  péchés  qui  leur  a  fait  entendre  avec  peine  les  pa- 
roles du  Seigneur  qu'ils  recevaient  avec  une  superbe  ingratitude.  — 
S.  JÉR.  De  peur  que  nous  ne  pensions  que  cet  appesantissement  du 
cœur  et  cette  surdité  de  l'ouïe  étaient  uu  vice  de  la  nature  et  non  de 


(l)  Selon  la  version  des  Septante.  La  Vulgate  traduit  l'hébreu  un  peu  différemment 
en  écoutant,  et  ne  comprenez  pas  ;  voyez  ce  qui  est  visible,  et  ne  comprenez  pas.  « 


1  Ecoutez 


siiG.  Et  uotandum  est  quia  non  soluiii 
quaî  loquebatur,  verum  etiam  quœ  fa- 
ciebat  parabokB  faeruut  (id  est,  signa 
spirilualium  rerum),  quod  liquide  os- 
teudit,  cuui  dicit  :  «  Ut  videnles  non 
videant  :  »  verba  namque  videri  non  po- 
teraut,  sed  audiri.  Hier.  Hœe  de  bis  lo- 
quitur  qui  stant  in  Ullore,  et  dividuntur 
a  Jesu,  et  souitu  tluetaum  perstrepeute 
non  aiidiunl  ad  liquidum  qutc  dicuntur. 
Chrvs.  (/)i  Itomil.  40  m/  Slip.)  Déinde 
ut  non  dicereut  quouiani  ut  inimieus 
nosler  nobis  detrabit,  proplielam  indu- 
cit  eadem  sentientem.  Uude  sequitur  : 
«  Ut  impleatur  in  eis  propbetia  Isaiœ 
dicentis  »  (cap.  6)  :  «  Audilu  audietis, 
et  non    iatelligetis  ;    et  vidantes    vide- 


bitis,«  id  est,  »  audilu  audielis  (verba) ,  » 
sed  «  non  inteUigetis  (verboruui  arcana)  ; 
videutes  videbitis  (carnem  scilicet),  et 
non  videbitis  ;  »  hoc  est,  non  intelligelis 
Divinitalem.  Chrys.  {In  homil.  46  ut 
svp.)  Hoc  aulem  dixit,  quia  sibi  ipsis 
aljslulerunt  videre  et  aiidire,  aures  et 
oculos  sibi  claudenles,  et  cor  incras- 
santes  :  non  enira  solumniodo  non 
audiebant  ,  sed  graviter  audiebant  : 
unde  sequitur  :  «  lucrassatum  est  cor 
populi  bujus.  »  Rara.  Incrassatum 
est  enim  cor  Jud;Eoruni  crassitudine 
malitise  ;  et  abundautia  peccatoruni  gra- 
viter verba  Domini  audierunt,  quia  in- 
grati  susceperunt.  Hier.  Ac  ne  forte  ar- 
bitremur  urassitudinem  cordis  et  gravi- 


248 


EXPLICATION   DE    L  EVANGILE 


la  volonté,  il  prouve  que  c'était  la  suite  du  mauvais  usage  de  leur  li- 
berté en  ajoutant  :  «  Et  ils  ont  fermé  les  yeux.  » 

S.  CiiKYS.  {hom.  46.)  Jusqu'ici  il  a  fait  voir  l'étendue  de  leur  ma- 
lice et  leur  cloignement  aiiecté  à  l'égard  de  Dieu  ;  mais  comme  son 
désir  est  de  les  attirer  à  lui ,  il  ajoute  :  «  Et  que  s'étant  convertis,  je 
ne  les  guérisse,  »  paroles  qui  prouvent  que  s'ils  voulaient  se  conver- 
tir, il  les  guérirait.  Ainsi  lorsqu'on  dit  d'une  personne  quelconque  : 
S'il  m'en  avait  prié  ,  je  lui  aurais  immédiatement  pardonné  ,  on  dé- 
clare à  quelles  conditions  le  pardon  est  offert  ;  de  même  en  disant  : 
«  De  peur  que  s'étant  convertis  je  ne  les  guérisse ,  »  Notre- Seigneur 
montre  et  qu'il  leur  est  possible  de  se  convertir ,  et  qu'en  faisant  pé- 
nitence ils  seront  sauvés. 

S.  AuG.  {Qiiest.  évang.)  (l).  Ou  bien  encore  ,  ils  ont  fermé  les  yeux 
afin  de  ne  pas  voir  de  leurs  yeux  ,  c'est-à-dire  qu'eux-mêmes  ont  été 
cause  que  Dieu  leur  a  fermé  les  yeux  ,  comme  le  dit  un  autre  Evan- 
géliste  [Jean,  xii)  :  «  Il  a  aveuglé  leurs  yeux.  »  Est-ce  de  telle  sorte 
qu'ils  ne  voient  jamais,  ou  bien  est-ce  afin  qu'ils  ne  voient  point  en 
regrettant  et  eu  déplorant  leur  aveuglement,  de  manière  qu'étant  pro- 
fondément burailiés  de  cet  état,  ils  soient  amenés  à  confesser  leurs  pé- 
cbés  et  à  cbercber  Dieu  avec  amour?  C'est  ainsi  que  saint  Marc  l'en- 
tend :  «  De  peur  qu'ils  ne  viennent  à  se  convertir,  et  que  leurs  pécbés 
ne  leur  soient  pardonnes.  »  {Marc,  iv.)  Nous  voyons  donc  clairement 
que  par  leurs  pécbés  ils  se  sont  rendus  indignes  de  comprendre,  et 
que  cependant,  par  un  effet  de  la  miséricorde  de  Dieu,  ils  ont  pu  con- 
naître leurs  pécbés,  et  en  obtenir  le  pardon  par  leur  conversion.  Mais 
la  manière  dont  saint  Jean  rapporte  ce  passage  :  «  Ils  ne  pouvaient 

(1)  Question  14  sur  saint  Matthieu,  après  les  autres  questions  sur  les  Evangiles. 


tiilein  aurium  iiatnrre,  nou  voluntatis, 
siibjungit  ciilpani  arl)itrii,  et  dicit  :  «  Et 
oculos  snos  clauserunt.  » 

Chrys.  [in  hom.  l(j  nt  svp.)  lu  lioc 
autem  inleusam  eoruin  noquitiam  oston- 
dit,  et  aversioneim-umsUulio  ;  ut  autem 
attraliat  eos,  subdit  :  «  Et  convertantur, 
et  sanem  eos  :  »  in  quodenionstratquia 
?i  converterentur,  sanarentur  :  sicut 
(uim  aliquis  dieit  :  «  Si  rogatus  essem, 
confestim  doiiatunis  erani,  »  ostendit 
qualiter  aliquis  sibi  reconcilietur  ;  ita  et 
bit;  cum  dicit  :  «Nequando  convertantur 
fit  sanem  eos,  »  demonstrat  quoniam  et 
f.ouverti  possibile  est,  et  pœnitentiam 
ageiites  salvari. 

AuG.  (de  Qu.isL  Evang.)  Vel  aliter  : 
oculos  suos  clauserunt,  nequando  oculis 


videaut;  id  est,  ipsi  causa  fuerunt  ut 
Deus  eis  oculos  clauderet  :  alius  euim 
Evangi'lista dicit  {Joan.  12)  :  «  Excfpcavit 
oculos  eorum  :  »  sed  utrum  ut  nunquam 
vidcant"?  an  vero  ne  vel  sic  aliquando 
videant,  caecitate  sua  sibi  displiceutes,  et 
se  dolentes,  et  ex  lioc  bumiliali  atque 
connnoti  ad  confitendum  peccata  sua,  et 
pie  quferendum  Deum  "?  Sic  eiiim  Mar- 
cus  boc  dicit  (cap.  4)  :  «  Nequando  con- 
vertantur,  et  dimittantur  eis  peccata.  » 
Ubi  intelliguntur  peccatis  suis  meruisse, 
ut  non  intelligerent,  et  tamenboc  ipsum 
misericorditer  eis  l'actum,  ut  peccata  sua 
cognoscerent,  et  conversi  veniam  me- 
rerenlur.  Quod  autem  Joannes  bunc  lo- 
cum  ita  dicit  (cap.  12)  :  «  Propterea  non 
poteraul    credere  ,   quia    iterum    dixit 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.   Xlll.  249 

croire,  parce  que,  Isaïe  a  dit  encore  :  Il  a  aveuglé  leurs  yeux ,  et  il  a 
endurci  leur  cœur,  de  peur  qu'ils  ne  voient  de  leurs  yeux,  et  ne  com- 
prennent du  cœur,  et  qu'ils  se  convertissent,  et  que  je  les  guérisse,  » 
paraît  contredire  cette  explication ,  et  nous  force  d'entendre  ces  pa- 
roles :  a  De  peur  qu'ils  ne  voient  de  leurs  yeux,  »  non  pas  d'un  aveu- 
glement qui  leur  permettra  de  voir  un  jour,  mais  dans  ce  sens  que 
cet  aveuglement  sera  perpétuel.  En  effet,  saint  Jean  dit  clairement  : 
a  Afin  qu'ils  ne  voient  pas  de  leurs  yeux ,  »  et  en  ajoutant  :  «  C'est 
pour  cela  qu'ils  ne  pouvaient  pas  croire ,  »  il  montre  assez  que  cet 
aveuglement  n'a  pas  eu  lieu  ,  afin  que,  vivement  touchés  de  cet  état 
et  regrettant  de  ne  pas  comprendre,  ils  se  convertissent  en  faisant  pé- 
nitence (car  c'est  ce  qu'ils  ne  pourraient  faire  sans  croire  tout  d'abord, 
puisque  la  foi  est  ce  principe  de  leur  conversion,  comme  la  conversion 
est  le  principe  de  leur  guérison ,  et  leur  guérison  la  condition  néces- 
saire pour  comprendre)  ;  mais  cet  Evangéliste  nous  déclare,  au  con- 
traire, qu'ils  ont  été  aveuglés ,  de  manière  que  la  foi  leur  fût  impos- 
sible, puisqu'il  dit  ouvertement  :  «  C'est  pour  cela  qu'ils  ne  pouvaient 
croire.  »  Or,  s'il  en  est  ainsi,  qui  ne  prendrait  la  défense  des  Juifs  et  ne 
proclamerait  qu'ils  ne  sont  nullement  coupables  de  n'avoir  pas  cru? 
Car  s'ils  n'ont  pas  cru,  c'est  que  Dieu  a  aveuglé  leurs  yeux.  Mais  comme 
nous  ne  devons  point  supposer  l'ombre  de  faute  en  Dieu,  il  nous  faut 
reconnaître  que  certains  autres  péchés  ont  été  causes  de  cet  aveu- 
glement qui  leur  a  rendu  la  foi  impossible.  Car  voici  comme  s'exprime 
saint  Jean  r  «  Ils  ne  pouvaient  croire  ,  parce  qu'Isaïe  a  dit  encore  : 
Il  a  aveuglé  leurs  yeux.  »  C'est  donc  en  vain  que  nous  nous  efforçons 
de  comprendre  qu'ils  ont  été  aveuglés  à  cette  fin  qu'ils  pussent  se  con- 
vertir ,  puisqu'au  contraire  ils  ne  pouvaient  pas  se  convertir  parce 


Isaias  :  Excaecavit  oculos  eorum,  et  in- 
duravit  cor  eorum,  ut  non  videant  ocu- 
lis,  et  non  iutelligant  corde  et  conver- 
tantur,  et  sanem  eos;  »  adversari  vide- 
tur  huic  sententiœ  et  omnino  cogère  ut 
quod  hic  dictiim  est  :  «  Nequando  oeu- 
lis  videant,  »  non  accipiaturne  vel  sicali- 
quandooculis  videant,  sed  prorsus  ut  non 
videant;  quandoquidem  aperte  ita  dicit  : 
«  Ut  oculis  non  videant;  »  et  quod  ait  : 
«  Propterea  non  poterant  credere,  » 
satis  ostendit,  non  ideo  factam  excae- 
cationem,  ut  ea  commoti  et  dolentes  se 
nonintelligere,  converterentur  aliquando 
per  pœnitentiam  (non  enim  possent  hoc 
faoere  nisi  prius  crederent,  ut  credendo 
converterentur,  et  conversione  sanaren- 
tur,   et  sanati  intelUgerent),    sed  ideo 


potius  excaecatos,  ut  non  crederent  : 
dicit  enim  apertissime  :  «  Propterea  non 
poterant  credere  :  »  quod  si  ita  est,  quis 
non  exriurgat  indefensionem  Judaeorum, 
ut  eos  extra  culpam  fuisse  proclamet, 
quod  non  crediderunt?  Propterea  enim 
non  poterant  credere,  quia  excsecavit 
oculos  eorum  ;  sed  quoniam  potius  Deus 
extra  oulpam  débet  intelligi,  cogimur 
fateri  aliis  quibusdam  peccatis  ita  eos 
excaecari  meruisse,  qua  tamen  excœca- 
tione  non  poterant  credere  :  verba  enim 
Joannis  ista  suut  :  «  Nou  poterant  cre- 
dere quia  iterum  dixit  Isaias  :  Excaeca- 
vit  oculos  eorum.  »  Frustra  itaque  cona- 
mur  intelligere  ideo  fuisse  excaecatos, 
ut  convertentur  ;  cum  ideo  converti  non 
poterant,  quia  non  credebant  ;  et  ideo 


250 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


qu'ils  ne  croyaient  pas,  et  qu'ils  ne  pouvaient  croire  parce  qu'ils  étaient 
aveugles.  Toutefois  ou  peut  dire,  avec  quelque  apparence  de  raison, 
qu'un  certain  nombre  de  Juifs  auraient  pu  être  guéiis ,  mais  que 
cependant  l'excès  de  leur  orgueil  était  monté  à  un  tel  point,  qu'il  leur 
était  avantageux  de  ne  pas  croire  tout  d'abord.  Ils  ont  donc  été  aveuglés 
pour  ne  pas  comprendre  les  paraboles  du  Seigneur  ;  ne  les  compre- 
nant pas,  ils  ne  crurent  pas  en  lui,  et  ne  croyant  pas  en  lui,  ils  le  cru- 
cifièrent avec  les  autres  Juifs  qui  étaient  perdus  sans  espoir.  Mais 
après  la  résurrection  ils  se  convertirent,  alors  que  profondément  hu- 
miliés du  crime  du  déicide  qu'ils  avaient  commis ,  ils  aimèrent  avec 
plus  d'ardeur  celui  qu'ils  reconnaissaient  avec  joie  leur  avoir  par- 
donné un  si  grand  crime  ;  car  il  fallait  que  la  grandeur  de  leur  or- 
gueil fût  abattue  par  cet  excès  d'humiliation.  Cette  explication  pour- 
rait paraître  singulière  si  les  faits  ne  lui  donnaient  raison  ,  comme 
nous  le  lisons  expressément  au  livre  des  Actes  (i).  La  manière  dont 
saint  Jean  s'exprime  :  «  C'est  pour  cela  qu'ils  ne  pouvaient  croire, 
parce  qu'il  a  aveuglé  leurs  yeux  ,  afin  qu'ils  ne  voient  point,  »  ne  lui 
est  pas  contraire;  nous  disons,  en  effet,  qu'ils  ont  été  aveuglés,  afin 
qu'ils  pussent  se  convertir ,  c'est-à-dire  que  les  paroles  du  Seigneur 
leur  furent  d'abord  cachées  sous  le  voile  des  paraboles  ,  afin  qu'après 
sa  résurrection,  ils  fussent  ramenés  à  lui  par  une  pénitence  salutaire. 
Aveuglés  d'abord  par  l'obscurité  de  ce  langage,  ils  ne  comprirent  pas 
les  paroles  du  Seigneur  ;  ne  les  comprenant  pas,  ils  ne  crurent  pas  en 
lui,  et  ne  croyant  pas  en  lui ,  ils  le  crucifièrent.  Mais  après  sa  résur- 
rection, saisis  d'épouvante  à  la  vue  des  miracles  qui  se  faisaient  en 
son  nom,  ils  furent  touchés  jusqu'au  fond  ducœur  del'éuormité  d'un 

(I)  «  Après  que  Pierre  eut  parlé  ,  ils  furent   touckés  jusqu'au  fond  du  cœur,  et  dirent  à  Pierre 
et  aux  Apôtres  :  Que  ferons-nous?  »  etc.  [Actes,  ii,  37.) 


credere  non  poteraut,  quia  excœcati 
eraiit.  Au  forte  nou  absurde  dicimus, 
quosdam  Judoeorum  fuisse  sanabiles,  sed 
tanto  lamen  tuiuore  superbiœ  pericli- 
tatos,  ut  eis  expedierit  priuio  non  cre- 
dere; et  ad  hoc  fuisse  ca'catos,  ut  nou 
intelligerent  Dominum  loqueuleni  para- 
bolas  ;  quibus  non  intellectis  nou  in 
eum  crederent  :  non  credentes  autem 
cum  cœteris  desperatis  crucifigereut 
eum  ;  atque  ita  post  ejus  resurrectioneui 
converterentur,  quaudo  jam  de  reatu 
mortis  Domiui  amplius  humiliati  ddige- 
rent  vehementius  eum  a  quo  sibi  tau- 
tum  scelus  dimissum  esse  gauderent  ; 
quoniam  tanta  erat  eorum  superbia  ul 
tali  Imrailiatione  esset  dejicienda  :  quod 


incongrue  dictum  esse  quilibet  arbitre- 
tur,  si  non  ita  contigisse  in  Actibus 
apostoioruui  manifeste  legerit.  (cap.  2.) 
Non  ergo  abhorret  quod  ait  Joaunes 
{Propterea  non  poteront  credere;  quia 
exccecavil  oculos eorum  ut  non  videant) 
ab  ea  senteulia  qua  iutelligimus,  ideo 
excaecatos  ul  converterentur  ;  boc  est, 
ideo  eis  per  obscuritates  parabolarmn 
occultatas  scnteutias  Domiui,  ut  post 
ejus  resurrectionem  salubriori  pœni- 
tenlia  resipiscerent  ;  quia  per  obscurita- 
tem  sermonis  excecati,  dicta  Domini 
non  intellexerunt,  et  ea  non  intelligendo 
non  in  eum  crediderunt;  non  credeudo 
eum  crucitixerunt  ;  atque  ita  post  resur- 
rectionem miraculis  qua;  in  ejus  nomine 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XIII,  251 

si  grand  crime  ,  et  donnèrent  les  preuves  du  plus  humble  repentir,  et 
lorsqu'ils  eurent  reçu  le  pardon  de  leurs  péchés ,  leur  obéissance  fut 
d'autant  plus  grande  que  leur  amour  était  plus  ardent  ;  mais  cet  aveu- 
glement ne  fut  pas  ainsi  pour  tous  le  principe  de  leur  conversion.  — 
Rémi.  Cette  phrase  peut  être  entendue  en  ce  sens  qu'à  chaque  membre 
on  sous-entende  la  particule  négative;  afin  qu'ils  ne  voient  pas  de 
leurs  yeux ,  qu'ils  n'entendent  pas  de  leurs  oreilles ,  qu'ils  ne  com- 
prennent pas  de  leur  cœur,  et  qu'ils  ne  se  convertissent,  et  que  je  ne 
les  guérisse. 

La  Glose  {i).  Les  yeux  de  ceux  qui  voient  et  ne  veulent  pas  croire 
sont  donc  bien  malheureux.  Mais  pour  vous  ,  vos  yeux  sont  heureux, 
parce  qu'ils  voient,  et  vos  oreilles,  parce  qu'elles  entendent.»  — 
S.  Jér.  Si  nous  n'avions  pas  lu  plus  haut  que,  pour  exciter  l'attention 
de  ceux  qui  l'écoutaient,  le  Sauveur  avait  dit  :  «  Que  celui-là  entende 
qui  a  des  oreilles  pour  entendre,  »  nous  aurions  pu  croire  que  ce  sont 
les  yeux  et  les  oreilles  du  corps  qu'il  proclame  bienheureux.  Mais  pour 
moi ,  ces  yeux  sont  heureux  qui  peuvent  connaître  les  mystères  de 
Jésus-Christ,  et  heureuses  ces  oreilles  dont  Isaie  a  dit  :  «  Le  Seigneur 
m'a  donné  une  oreille  pour  l'écouler  (2).  »La  Glose.  En  effet,  l'âme  est 
véritablement  un  œil,  parce  qu'elle  s'applique  par  son  énergie  naturelle 
à  l'intelligence  des  choses  ;  l'àme  est  aussi  l'oreille ,  parce  qu'elle  peut 
recevoir  les  enseignements  des  autres.  —  S.  Hil.  {caii.  13.)  Ou  bien  il 
veut  parler  ici  du  bonheur  des  Apôtres ,  à  qui  il  fut  donné  de  vair  de 
leurs  yeux  et  d'entendre  de  leurs  oreilles  le  salut  de  Dieu,  que  les  pro- 
phètes et  les  justes  avaient  désiré  voir  et  entendre  ,  et  qui  ne  devait 

(1)  Saint  Anselme. 

(2)  La  Vulgate  porte  :  «  Le  Seigneur  m'a  ouvert  l'oreille.  »  Saint  Jérôme  traduit  ici  d'après  la 
version  des  Septante  irpocréOYine,  apposuit,  le  sens  est  le  même. 


fiebant  exterriti,  majoris  crimiûis  reatu 
compuncti  suut  et  prostrati  ad  pœuiteu- 
tiam  ;  deiade  (accepta  iuduigentia)  ad 
obedieiitiam  flagraatissima  dileclione 
conversi  :  quibusdam  autem  non  pro- 
fuit illaccecitas  ad  couversionem.  Remig. 
Et  quautiim  ad  hoc  potest  hœc  senten- 
tia  sic  inlelligi,  ut  in  omnibus  subaudia- 
tur,  non  ;  hoc  modo  :  «  Nequando  ocu- 
lis  videaut,  et  nequando  auribus  audiant, 
et  nequando  corde  intelligaiit  ,  et  ne- 
quando convertautur,  et  sauem  eos.  » 

Glossa.  Sic  ergo  oculi  eorum  qui  vi- 
dent et  nolunt  credere,  sunt  miseri; 
vestri  autem  :  «  Beati  oculi  quia  vident, 
et  aures  vestrae  quia  audiunt.  »  Hier. 
Nisi  autem  sufgi'a  legissemus  auditores 


ad  intelligentiam  provocatos,  Salvatore 
dicente  :  «  Qui  habet  aures  audieudi  au- 
diat  ;  »  putaremus  nunc  oculos  et  aures, 
quae  beatitudinem  accipiunt,  corporales 
inlelligi.  Sed  mihi  videutur  oculi  illi 
beati  qui  Christi  possunt  agnoscere  sa- 
cramenta  ;  et  illœ  beatse  aures,  de  qui- 
bus  Isaias  kxjuitur  (cap.  50)  :  «  Dominus 
apposuit  mihi  aurem.  »  Glossa.  Mens 
enim  est  oculits,  quia  naturali  vigore  ad 
inteliigendum  aliquid  dirigitur;  auris , 
quia  alio  docente  discit.  HiLAR.  {(an.  13 
vtsiij).)  Vel  aposlolici  temporis  beatitu- 
dinem docet,  quorum  oculis  atque  auri- 
bus contigit  Dei  salutare  videre  et  au- 
dire,  prophetis  atque  justis  cupientibus 
videre  et  audire  in  pleiiitudinem  tempo- 


252 


EXPLICATION  DE   L  EVANGILE 


être  révélé  que  dans  la  plénitude  des  temps,  comme  Notre-Seigneur 
le  dit  en  termes  exprès  :  «  Car  je  vous  dis  en  vérité,  que  beaucoup  de 
prophètes  et  de  justes  ont  désiré  voir  ce  que  vous  voyez,  et  ne  l'ont 
pas  vu,  entendre  ce  que  vous  entendez,  et  ne  l'ont  point  entendu. 

S.  JÉR.  Ce  que  le  Sauveur  dit  ici  paraît  contraire  à  ce  qu'il  dit  ail- 
leurs :  «  Abraham  a  désiré  voir  mon  jour,  et  il  l'a  vu,  et  il  en  a 
été  réjoui.  »  —  Rab.  Isaïe  lui-même ,  Michée  et  d'autres  prophètes 
ont  vu  la  gloire  du  Seigneur ,  et  c'est  pour  cela  qu'ils  ont  été  appelés 
voyants.  —  S.  Jér.  Aussi  ne  dit-il  pas  :  Tous  les  prophètes  et  tous  les 
justes,  mais  plusieurs,  car  dans  ce  nombre,  les  uns  ont  pu  voir,  et  les 
autres  être  privés  de  cette  faveur.  Toutefois  cette  interprétation  n'est 
pas  sans  danger,  car  elle  paraît  établir  entre  les  saints  différents  de- 
grés de  mérite  (quant  à  la  foi  qu'ils  avaient  en  Jésus- Christ)  (l). 
Abraham  vit  sous  des  emblèmes  (2),  sous  des  nuages  obscurs  ;  mais 
vous  avez  sous  vos  yeux  et  vous  possédez  votre  Seigneur  ,  vous  l'in- 
terrogez comme  vous  voulez  ,  et  vous  vivez  avec  lui.  —  S.  Chrys. 
{hom.  46.)  Ce  que  les  Apôtres  voient  et  entendent,  c'est  sa  présence, 
ses  miracles,  sa  voix,  sa  doctrine,  et  en  cela  il  proclame  leur  sort  pré- 
férable non-seulement  à  celui  des  méchants,  mais  encore  à  celui  des 
bons  qui  les  ont  précédés,  et  il  les  déclare  plus  heureux  que  les  an- 
ciens justes,  parce  qu'ils  voient  non-seulement  ce  que  les  Juifs  ne 
voient  point,  mais  encore  ce  que  les  prophètes  et  les  justes  ont  désiré 
voir  et  n'ont  pas  vu.  En  effet,  les  anciens  justes  n'ont  vu  le  Christ  que 

(1)  Cette  parenthèse  ne  se  trouve  pas  dans  saint  Jérôme,  mais  elle  a  été  mise  ici  pour  plus  de 
clarté. 

(2)  C'est  là  évidemment  le  sens  de  ces  paroles  :  Abraham  vidif  in  œnùjmate ,  vidit  in  specie,  et 
l'interprète  qui  a  cru.  pouvoir  ajouter  la  particule  non  :  non  vidit  in  specie,  n'a  nullement  compris 
le  sens  de  cette  phrase.  Il  n'avait  pour  aller  jusqu'au  bout  qu'à  ajouter  :  Non  vidit  in  individuo. 


rum  destinatum,  etc.  Unde  sequitur  : 
«  Amen  quippe  dico  vobis,  quia  multi 
proplietae  et  justi  cupieruut  videre  quse 
vos  videtis,  et  non  videruut,  et  audire 
qufE  vos  auditis,  et  non  audierunt.  » 

Hier.  Videtur  autem  huic  loco  ilhid 
esse  contrarium ,  quod  alibi  dicitur 
(Joan.  8)  :  «  Abraham  cupivit  videre 
diem  meum  ;  vidit ,  et  pavisus  est.  » 
Rab.  Isaias  quoque  (cap.  6),  et  Michaeas 
(cap.. 7),  et  multi  alii  proplietae  videruut 
gloriam  Doniini,  qui  etiaui  propterea 
viden'es  appellati  sunt.  (1  Reg.  9.)  Hier. 
Non  autem  dixit  :  «  Omnes  prophètes  et 
justi,  »  sed,  multi  :  inter  inultos  enim 
potest  fieri  ut  alii  viderint,  alii  non  vi- 
dèrent :  lioet  et  in  hoc  periculosa  sit  iu- 


terpreiatio,  ut  inter  sanctorum  mérita 
discretionem  quamlibet  facere  videamur 
(scilicet  quantum  ad  tidem  de  Christo 
habitam).  Ergo  Abraham  vidit  in  œnig- 
mate,  vidit  m  specie  :  vos  autem  im- 
praesentiarum  tenetis  et  habetis  Domi- 
num  vestrum,  et  ad  voluntatem  inter- 
rogatis,  et  convescimini  ei.  Chrys.  {in 
homil.  46  xU  sup.)  Hsec  ergo  quae  apos- 
toli  videruut  et  audierunt,  pra'sentiani 
s>iam  dicit,  miracula.  voce  m  et  doctri- 
nam  ;  in  hoc  autem,  non  solum  malis, 
sed  his  qui  boni  fuerant,  eos  praeponit  : 
etenim  antiquis  justis  beatiores  eos  di- 
cit :  quoniaui,  non  solum  quf«.Iudifii  non 
viderant  hi  vident,  sed  et  quae  justi  et 
prophetœ  cupierimt  videre ,  et  non  vi- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XIII.  253 

par  la  foi,  tandis  que  les  Apôtres  le  voient  de  leurs  yeux  et  sans  obscu- 
rité. Admirez  le  parfait  accord  de  l'Ancien  Testament avecle  Nouveau. 
Si  les  prophètes  avaient  été  les  serviteurs  d'un  dieu  étranger  ou 
opposé  au  vrai  Dieu,  jamais  ils  n'auraient  désiré  voir  le  Christ. 

f.  18-23.  —  Ecoulez  donc,  pour  vous,  la  parole  de  celui  qui  sème.  Quiconque 
écoute  la  parole  du  royaume  et  n'y  fait  point  d'attention,  l'esprit  malin  vient 
et  enlève  ce  qui  avait  été  semé  dans  son  cœur  :  c'est  là  celui  qui  a  reçu  la  se- 
mence le  long  du  chemin.  Celui  qui  reçoit  la  semence  au  milieu  des  pierres, 
c'est  celui  qui  écoute  la  parole  et  qui  la  reçoit  à  l'heure  même  avec  joie;  mais 
il  n'a  point  en  soi  de  racine  et  il  n'est  que  pour  un  temps,  et  lorsqu'il  survient 
des  traverses  et  des  persécutions  à  cause  de  la  parole,  il  en  prend  aussitôt  un 
sujet  de  scandale.  Celui  qui  reçoit  la  semence  parmi  les  épines,  c'est  celui  qui 
entend  la  parole,  mais  ensuite  les  sollicitudes  de  ce  siècle  et  l'illusioii  des 
richesses  étouffent  en  lui  cette  parole  et  la  rendent  infructueuse.  Enfin  celui 
qui  reçoit  la  semence  dans  une  bonne  terre ,  c'est  celui  qui  écoute  la  parole, 
qui  la  comprend,  qui  porte  du  fruit,  et  rend  cent,  ou  soixante,  ou  trente 
pour  un. 

La  Glose  (1).  Notre-Seigneur  avait  déclaré  plus  haut  qu'il  n'a  pas  été 
donné  aux  Juifs,  mais  seulement  aux  Apôtres,  de  connaître  le  royaume 
de  Dieu.  Comme  conséquence  de  ces  paroles,  il  leur  dit  :  «  Pour  vous 
écoutez  donc  la  parabole  de  celui  qui  sème ,  »  vous  à  qui  sont  com- 
muniqués les  mystères  du  ciel. 

S.  AuG.  (5^^r  la  Genèse,  viii.  A.)  Ce  que  l'Evangéliste  raconte,  c'est- 
à-dire  que  le  Seigneur  a  parlé  de  la  sorte,  a  véritablement  eu  lieu; 
mais  le  récit  du  Seigneur  n'a  été  qu'une  parabole ,  et  dans  ce  genre 
de  récit  on  n'exige  pas  que  toutes  les  circonstances  qui  le  composent 

(I)  Dans  saint  Anselme  avec  quelques  variantes. 


deruut  :  illi  enim  fide  solum  considera- 
verunt,  lii  autem  visu  et  multo  mani- 
festius.  Vides  aulem  qualiter  velus  Tes- 
tamentum  copulat  novo  :  nou  enim  si 
proplielQ}  alieui  cujiisdam  et  contrarii 
Dei  servi  fuisseul^  Cliristum  cupivissent. 

Vos  ergo  audite  parabolam  seminantis  :  omnis 
qui  audit  verbum  regni,  et  non  intelligit,  venit 
malus,  et  rapit  quod  setninalum  est  in  corde 
ejus  ;  hic  est  qui  secus  viani  seminatus  est  : 
qui  autem  supra  petrosa  seminatus  est,  hic  est 
qui  verbum  audit  ,  et.  continua  cum  gaudio 
accipit  illud,  non  habet  autem  in  se  radicem, 

'  sed  est  temporalis  :  facta  autem  tribulatione 
et  persecutione  prnpter  verbum,  continua  scan- 
dalizatur.  Qui  autem  seminatus  est  in  spinis, 
hic  est  qui  verbum  Dei  audit;  et  sollicitudo 
seculi  istius,  et  fallacia  divitiarum  suffocat 


verbum,  et  sine  fructu  e/ficitur.  Qui  vero  in 
terram  bonam  seminatus  est,  hic  est  qui  audit 
verbum,  et  intelligit,  et  fructum  affert  ;  et  fa- 
cil  aliud  quidem  centesimitm ,  aliud  aulem 
sexagesimum,  aliud  vero  trigesimum. 

Glossa.  Dixerat  superius  quia  Judœis 
non  est  datum  nosse  reguum  Dei,  sed 
apostolis  :  et  ideo  concludit  dicens  : 
«  Vos  ergo  audite  parabolam  seminan- 
tis, »  quibus  scilicet  committuntur  cœli 
mysteria. 

AuG.  {super  Genesim  ad  Utteram, 
lib.  8,  cap.  4.)  Quod  narravit  Evangelista 
factum  est  :  Dominum  scilicet  talia  lo- 
cutum  fuisse  :  ipsius  autem  Domini  nar- 
ratio,  parabola  fuit  :  de  qua  nunquam 
exigitur  ut  etiam  ad  lilteram  facta 
monslrentur  quae  sermone  proferuntur. 


2o4 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


aient  leur  application  littérale.  —  La  Glose.  Notre-Seigneur  explique 
ensuite  cette  parabole  :  «  Celui  qui  écoute  la  parole  du  royaume  et  ne 
la  comprend  pas ,  »  phrase  qu'il  faut  entendre  ainsi  :  «  Tout  homme 
qui  entend  la  parole,  »  c'est-à-dire  ma  prédication,  laquelle  donne  les 
moyens  de  mériter  le  royaume  des  cieux  ,  et  qui  ne  comprend  pas. 
Or,  d'où  vient  ce  défaut  d'intelligence?  Le  voici  :  «L'esprit  mahn, 
c'est-à-dire  le  démon ,  vient ,  et  il  enlève  ce  qui  avait  été  semé  dans 
son  cœur.  Or,  tout  homme  à  qui  ce  malheur  arrive ,  c'est  celui  qui  a 
été  semé  le  long  du  chemin.  Remarquez  aussi  que  le  mot  semer  s'en- 
tend de  différentes  manières  :  on  dit  d'une  semence  qu'elle  a  été 
semée,  et  aussi  d'un  champ  qu'il  a  été  semé ,  et  nous  voyons  ici  cette 
double  signification.  Dans  cette  phrase  :  «  Il  enlève  ce  qui  a  été 
semé ,  »  c'est  de  la  semence  qu'il  est  «juestion  ;  dans  cette  autre  : 
«  Celui  qui  a  été  semé  le  long  du  chemin,  »  ce  n'est  pas  de  la 
semence,  mais  du  lieu  où  elle  été  répandue,  c'est-à-dire  de  l'homme, 
qui  est  le  champ  ensemencé  par  la  parole  de  Dieu. 

Rémi.  Dans  ces  paroles ,  Notre-Seigneur  nous  explique  ce  que  c'est 
que  la  semence,  c'est-à-dire  la  parole  du  royaume  ou  delà  doctrine 
évangélique.  Il  en  est  qui  reçoivent  la  parole  de  Dieu  sans  aucune 
affection  ;  aussi  les  démons  enlèvent  aussitôt  la  semence  de  la  parole 
divine  répandue  dans  leur  cœur,  comme  une  semence  tombée  sur  un 
chemin  battu.  «  Celui  qui  est  semé  sur  la  pierre  (I)  écoute  la  parole, 
mais  il  n'a  pas  de  racines.  »  En  etfet,  la  semence  ou  la  parole  de  Dieu 
qui  tombe  sur  la  pierre,  c'est-à-dire  sur  un  cœur  dur  et  indompté,  ne 
peut  fructifier;  sa  dureté  est  trop  grande,  son  désir  du  ciel  trop  faible, 

(l)  Le  grec  TrexpcôSy)  signifie  un  endroit  pierreux,  en  latin  petrosa,  comme  nous  lisons  dans 
saint  Matthieu. 


Glossa.  Unde  parabolam  exponens, 
subdit  :  «  Omnis  qui  audit  verbum  re- 
gni,  et  non  intelligit.  »  sic  construenduin 
esl  :  «  Omuis  qui  audit  verbum  (  id 
est,  prfEdicationeui  mcam,  quœ  ad  reg- 
num  cœloruni  adipisceudum  valet),  et 
non  intelligil  ;  >>  ijno  modo  autem  non 
intelligat,  subjungit  :  «  Yeuit  enim  ma- 
lus (id  est,  diaboius),  et  rapit  quod  se- 
minatum  est  in  corde  ejus  :  »  omuis 
(inquam)  qui  talis  est,  liic  est  qui  setus 
viam  seminatus  est.  Notandum  est  au- 
tem quod  seminaiitm  diversismodis  ac- 
cipitur  :  dicitur  cnim,  et  semen  scmi- 
nutum  ,  et  agcr  seminatus  :  quod 
utrumque  bic  invenitur.  Ubi  enim  ait  : 
«  Uapil  quod  seminatum  est,  »  de  se- 
niine  inlelligendum  est  ;  ubi  autem  se- 
quitur  :  «  Secus  viam  seminatus  est,  » 


non  de  semiue,  sed  de  loco  seminis  in- 
telligendura  est,  id  est,  homine  qui  est 
quasi  ager,  divini  verbi  semiue  semi- 
natus. 

Remig.  HIs  autem  verbis  exponit  Do- 
minus  quid  sit  semen,  verbum  scilicet 
regni  (id  est,  evangelicoe  doctrinœ  )  : 
suul  enim  nonnuili  ({ui  verbum  Dei  nulla 
cordis  devotione  susi-ipiunt,  et  ideo  se- 
men verbi  Dei,  quod  in  eorum  cordi- 
bus  seminatur,  da;mones  quasi  semen 
viae  tritae  subito  auferunt.  Sequitur  : 
«  Qui  autem  esl  seminatus  supra  petram, 
bic  verbum  audit,  non  habet  autem  ra- 
diccm,  »  etc.  Semen  enim  seu  verbum 
Dei  ([uod  in  petra  (id  est,  corde  dure 
et  iudomito)  seminatur,  fructificare  non 
pulest  :  «juia  mulla  est  ejus  duritia,  et 
parvum  cœlcsle  desiderium  ;  unde  prop- 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAP.  XIII.  255 

et  cette  excessive  dureté  ne  lui  permet  pas  d'avoir  de  racines.  — 
S.  JÉR.  Faites  attention  à  cette  parole  :  «  11  est  aussitôt  scandalisé.  » 
Il  y  a  donc  une  différence  entre  celui  que  l'excès  des  tribulations  et 
de  la  douleur  force  pour  ainsi  dire  de  renier  Jésus-Christ,  et  celui  que 
le  premier  vent  de  la  persécution  scandalise  et  fait  tomber. — «Celui  qui 
est  semé  au  milieu  des  épines,  »  etc.  Ce  qui  a  été  dit  autrefois  à  Adam 
dans  un  sens  littéral  :  «  Tu  mangeras  ton  pain  au  milieu  des  ronces  et 
des  épines  (1*)  »  s'entend  ici  dans  le  sens  allégorique  de  tout  homme  qui 
se  livre  aux  voluptés  du  siècle  et  aux  soins  de  ce  monde  et  qui  par  là 
mange  le  pain  céleste  et  l'aliment  de  la  vérité  au  milieu  des  épines. 
—  Rab.  C'est  avec  raison  que  Notre-Seigneur  appelle  ces  plaisirs  des 
épines ,  parce  qu'ils  déchirent  l'àme  avec  les  pointes  aiguëes  de  leurs 
pensées,  étouffent  dans  leur  germe  les  fruits  spirituels  des  vertus  et  ne 
leur  permettent  pas  de  se  développer.  —  S.  Jér.  Cette  expression  : 
«  La  séduction  des  richesses  étouffe  la  parole  »  est  aussi  élégante  que 
vraie ,  car  les  richesses  sont  séduisantes ,  et  elles  ne  tiennent  pas  ce 
qu'elles  ont  promis.  Rien  de  plus  fragile  que  leur  possession  ;  elles 
portent  tantôt  d'un  côté,  tantôt  de  l'autre  leur  faveur  inconstante,  ou 
bien  elles  abandonnent  celui  qui  les  possédait,  ou  bien  elles  viennent 
enrichir  ceux  qui  eu  étaient  dépourvus  :  aussi  le  Seigneur  affirme-t-il 
qu'il  est  difficile  aux  riches  d'entrer  dans  le  royaume  des  cieux  (2), 
parce  que  les  richesses  étouffent  la  parole  de  Dieu  et  amollissent  la 
vigueur  des  vertus.  —  Rémi.  Ces  trois  natures  de  terre  différentes 
représentent  tous  ceux  qui  peuvent  entendre  la  parole  de  Dieu ,  mais 

(1*)  Le  texte  de  la  Genèse  porte  :  n  La  terre  sera  maudite  à  cause  de  ce  que  tu  as  fait,  et  tu 
n'en  tireras  de  quoi  te  nourrir  pendant  toute  ta  vie  qu'avec  beaucoup  de  travail.  Elle  te  produira 
des  ronces  et  des  épines,  et  tu  te  nourriras  de  l'herbe  de  la  terre.  »  [Gen.  ii.) 

(2)  C'est  à  l'occasion  de  ce  jeune  homme  qui  s'en  alla  triste  après  avoir  entendu  ces  paroles  : 
'1  Allez,  vendez  ce  que  vous  possédez.  »  [Marc,  x,  23  ;  Luc,  xv,  34.) 


(er  nimiam  duritiain  uou  babet  in  se  ra- 
dicem.  Hier.  Attende  autem  quod  dic- 
tiim  sit  :  «  ConUnuo  scandabzatur.  »  Est 
crgo  aliqua  distantia  inter  eum  quimul- 
tis  tribulationibus  pœnisque  compellitur 
Cbristiim  negare,  et  euni  (iui  ad  primam 
persecutioncm  statini  scandalizatur  et 
corruit,  de  quo  bic  loquitur.  Sequitur  : 
«Qui  autem  seminatus  est  in  spinis,  »  etc. 
uiibi  videtur  et  ilhul  quod  juxta  lilte- 
ram  ad  Adam  dicitur  {(Jen.  3)  :  «  Inter 
spinas  et  tribulos  panem  tuura  mandu- 
cabis,  »  bic  significare  uiystice  quod 
quicunque  secidi  se  dederit  voiuptalibus, 
curisque  istius  mundi,  panem  cœlestem 
et  cibum  verum  inter  spinas  comedit. 
Raba.  Uecle  aulem  spinœ  vocautur,  quia 


cogitationum  suarum  punctionibus  men- 
tem  lacérant  :  et  quasi  strangulando 
spirituales  virtutum  fructus  gignere  non 
permittunt.  Hier.  Et  eleganter  adjunxit  : 
"  Fallacia  divitiarum  suffocat  verbum  :  » 
blandœ  euim  sunt  divitiae,  aiiud  agen- 
tcs,  aliud  poUicenles.  Lubrica  est  illarum 
possessio,  duui  bue  illucque  circumfe- 
runtur,  et  instabili  gradu,  vel  babentes 
deserunt,  vel  non  babentes  refioiunt  : 
unde  et  Dominus  divites  asserit  difficul- 
ter  intrare  in  regnum  cœ\ovnm  {Mo ti h. 
19),  suffocantibus  divitiis  verbum  Dei, 
et  vigorem  virtutum  eniollientibus.  Re- 
siiG.  Et  sciendum  quod  bis  tribus  gene- 
ribus  terrée  nequam  comprebeuduntur 
omnes  qui  verbum  Dei  audire  possunt. 


256 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


qui  ne  peuvent  lui  faire  produire  des  fruits  de  salut,  à  l'exception  des 
Gentils,  qui  n'ont  pas  même  mérité  de  l'entendre.  «  Enfin  celui  qui 
reçoit  la  semence  dans  la  bonne  terre.  »  La  bonne  terre ,  c'est  la  con- 
science pure  des  élus,  l'âme  des  saints  qui  reçoit  la  parole  de  Dieu 
avec  joie,  avec  désir,  avec  amour,  qui  la  conserve  courageusement 
dans  la  prospérité  comme  dans  l'adversité ,  et  lui  fait  produire  des 
fruits.  «  Et  il  porte  du  fruit,  et  rend  cent,  ou  soixante,  ou  trente 
pour  un.  » 

S.  Jér.  Remarquez  que  comme  il  y  a  trois  sortes  de  mauvaises 
terres,  le  chemin,  la  pierre  et  le  champ  couvert  d'épines,  il  y  a  de 
même  trois  espèces  différentes  de  bonnes  terres  :  celle  qui  rend  cent 
pour  un,  celle  qui  rend  soixante,  celle  qui  rend  trente.  Et  ce  qui  fait 
cette  différence,  ce  n'est  pas  la  nature  de  la  terre,  qui  est  la  même 
d'un  côté  comme  de  l'autre,  mais  la  volonté.  Or,  dans  les  incrédules 
comme  dans  ceux  qui  croient,  c'est  le  cœur  qui  reçoit  la  semence; 
c'est  pour  cela  qite  Notre-Seigneur  a  dit  de  la  première  espèce  de 
terre  :  «  L'esprit  malin  vient  et  enlève  ce  qui  a  été  semé  dans  son 
cœur,  »  et  des  deux  autres  :  «  C'est  celui  qui  reçoit  la  parole.  »  Lors- 
qu'il envient  à  la  bonne  terre,  il  dit  également  :  «  C'est  celui  qui 
reçoit  la  parole.  »  Nous  devons  donc  d'abord  entendre ,  puis  com- 
prendre, et,  après  avoir  compris,  produire  les  fruits  des  enseignements 
que  nous  avons  reçus ,  et  rendre  ou  cent ,  ou  soixante ,  ou  trente  pour 
un.  —  S.  AuG.  {Cité  de  Dieu ,  ii ,  chap.  dern.)  Il  en  est  qui  entendent 
ce  passage  dans  ce  sens  que  les  saints ,  suivant  la  diversité  de  leurs 
mérites ,  pourront  délivrer,  les  uns  trente  âmes ,  les  autres  soixante , 
d'autres  enfin  cent,  au  jour  du  jugement,  et  non  dans  les  temps  qui 
suivront.  Or,  un  sage ,  voyant  que  les  hommes  abusaient  pour  faire  le 


sed  tameu  ail  salutem  perducere  non 
valent^  Excipiimtur  Geutiles,  qui  nec 
etiam  audire  menieruut.  Sequitur:  «  Qui 
vero  iu  terram  bonaiu,  »  etc.  Terra  bona 
est  fidelis  oonscientia  electorum,  sivo 
meus  saiictorum  •  (ju;e  verbum  Dei  cum 
gaudio,  et  desiderio,  et  curdis  devotione, 
suàcipit,  et  iuter  prospéra  et  adversa 
virililer  conservât,  et  usque  ad  fruetum 
perducit  :  uude  sequitur  :  «  Et  facit 
t'ructum,  aliud  centesinumi,  aliud  sexa- 
gesimum,  aliud  vero  trigesiniuni.  » 

Hier.  Et  notanduni  ipiodsicut  in  terra 
mala  très  fuere  diversitates  (scilicet,  se- 
cus  viani,  et  petrosa,  et  spinosa  loca), 
sic  iu  terra  bona,  triua  diversilas  est  : 
centesiiui,  sexagesimi  et  trigesinii  l'ruc- 
tus.  El  iu  illa  autem,  et  iu  ista ,  non 
niulalur  substautia,  sedvoluntas,  et  lani 


incredulorum  quam  credentium  corda 
sunt,  qui  semen  recipiunt  :  unde  primo 
dixit  :  «  Venit  malus,  et  rapit  quod  se- 
niinatum  est  iu  corde  ejus,  »  et  secundo, 
et  tertio  ait  :  «  Hic  est  qui  verbum  au- 
dit. »  In  expositione  quoque  terrai  bo- 
nae,  «  iste  est  qui  audit  verbum.  »  Pri- 
muni  ergo  debemus  audire,  deinde  in- 
telligere,  ac  post  intelligentiam,  fructus 
reddere  doctrinarum,  et  facere,  vel  ceu- 
lesimum  fruclum,  vel  sexagesimum,  vel 
trigesijnum.  Aug.  (ii  de  Civif.  T^e/,  cap. 
ult.)  Quidam  putant  hoc  sic  esse  iulel- 
ligenduui,  quod  sancli  pro  suorum  di- 
versilale  nieritoruui,  alii  tricenos  homi- 
nes  libèrent,  alii  sexagenos,  alii  ceute- 
uos  (quod  in  die  judiiii  futurum  suspi- 
cari  soient,  non  post  judicium).  Qua  opi- 
uione  quidam  cumvideret  homines  im- 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP,    XIII.  257 

mal  de  cette  opinion  et  se  promettaient  l'impunité  au  jour  du  juge- 
ment, parce  que  tous  pourraient  être  sauvés  par  cette  voie,  leur 
répondit  qu'il  était  bien  plus  prudent  de  vivre  de  manière  à  se  trouver 
parmi  ceux  dont  l'intercession  devait  délivrer  les  autres.  En  effet,  ils 
pourraient  être  si  peu  nombreux  que ,  lorsque  chacun  d'eux  aurait 
délivré  le  nombre  qui  lui  est  assigné,  il  en  restât  un  plus  grand 
nombre  qui  ne  pourraient  être  sauvés  par  leur  intercession ,  et  parmi 
ces  derniers  se  trouveraient  tous  ceux  qui,  par  une  témérité  sans  fon- 
dement, avaient  mis  toute  leur  confiance  dans  les  mérites  des  autres. 

Rémi.  Celui  qui  prêche  la  foi  en  la  sainte  Trinité  rend  trente  pour 
un;  soixante  pour  un^  celui  qui  recommande  la  perfection  dans  les 
bonnes  œuvres,  car  c'est  en  six  jours  que  l'œuvre  de  la  création  fut 
achevée  {Genèse^  ii);  et  cent  pour  un,  celui  qui  promet  la  vie  éternelle, 
car  le  nombre  cent  pas'se  de  la  gauche  à  la  droite.  Ur,  par  la  gauche  , 
il  faut  entendre  la  vie  présente,  et  par  la  droite  la  vie  future.  Dans  un 
autre  sens,  la  parole  de  Dieu  rend  trente  pour  un  lorsqu'elle  fait  ger- 
mer les  bonnes  pensées  ;  soixante,  lorsqu'elle  produit  les  bonnes  pa- 
roles; cent,  lorsqu'elle  fait  arriver  jusqu'aux  fruits  des  bonnes  œuvres. 

S.  AuG.  (Quest.  évang.^  i,  10.)  Ou  bien  le  nombre  cent,  c'est  le 
fruit  que  produisent  les  martyrs  ou  par  la  sainteté  de  leur  vie  ou  par 
le  mépris  qu'ils  font  de  la  mort  ;  le  nombre  soixante,  c'est  le  fruit  que 
rendent  les  vierges  qui,  goûtant  les  douceurs  du  repos  intérieur,  n'ont 
plus  à  soutenir  les  combats  de  la  chair  ;  en  effet ,  on  donne  la  retraite 
après  l'âge  de  soixante  ans  aux  soldats  ou  aux  fonctionnaires  publics; 
le  nombre  trente  est  celui  des  époux,  car  c'est  l'âge  de  ceux  qui 
sont  appelés  à  combattre ,  et  ils  ont  en  effet  les  plus  rudes  assauts  à 


punitatem  sibi  perversissime  poUicentes, 
eo  quod  omnes  isto  modo  ad  liberatio- 
nem  pertiaere  posse  videantur,  respon- 
dit  bene  potius  esse  vivenduin,  ut  inter 
eos  quisque  reperiatur,  qui  pro  aliis  in- 
tercessuri  simt  liberaudis;  ne  tam  pauci 
sint  ut  uuoquoque  illorum  cito  ad  nu- 
merum  suum  perveniente  multi  rema- 
neant  qui  erui  jam  de  poeuis  illorum 
iiitercessione  uon  possint  ;  el  in  cis  in- 
veniatur  quisquis  sibi  spem  fructus 
alieni  temeritate  vanissima  pollicetur. 

Remig.  Triccsimum  ergo  fruclum  fa- 
cit,  qui  fidem  sanctas  Trinitatis  docet  ; 
sexogesimum  vero  qui  perfectionem  bo- 
nof  um  operum  commeudat  ;  senario 
enim  numéro  omnis  muudi  ornatus 
eompletus  est  {Gen.  2)  ;  centcsinmm  au- 
tem  fruclum  facit,  qui  vitam  aeternam 

TOM.  H. 


promittit  ;  centenarius  enim  de  laeva 
transit  ad  dexteram  ;  per  lœvam  autem 
vita  praesens  designatur,  per  dexteram 
futura.  Ahter  semeu  verbi  Dei  ti  icesi- 
mum  fruclum  facit,  quando  bonam  co- 
gitatiouem  gignit;  sexagcsimum,  quando 
bonam locutionem;  centesimum,(\\x3.nào 
ad  fructum  boni  operisperducit. 

AuG.  {de  Quest.  Evang.  lib.  i,  qu.  10.) 
Vel  aliter  :  cenlesinnis  fructus  est  mar- 
tyrum,  propter  sanctilalem  vitae,  vel 
coutemptum  mortis  ;  sexagesimvs,  virgi- 
num,  propter  otium  interius,  quia  non 
pugnant  contra  consuetudiuem  carnis; 
solet  enim  otium  concedi  sexagenariis 
post  militiam,  vel  post  actiones  publi- 
cas;  tricesimus  vero,  conjugatorum, 
quia  liœc  est  jetas  prœliantium,  et  ipsi 
habeut  acriorem  conflictum,  ne  libidi- 

17 


258  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

soutenir  pour  ne  pas  être  vaincus  par  leurs  passions.  Ou  bien  il  faut 
lutter  contre  l'amour  des  biens  temporels  pour  lui  disputer  la  vic- 
toire; ou  bien  il  faut  le  tenir  dompté  et  soumis  pour  réprimer  avec 
facilité  ses  moindres  mouvements,  lorsqu'il  veut  se  soulever;  ou  enfin, 
il  faut  l'éteiudre  entièrement  de  manière  à  ce  qu'il  ne  puisse  plus 
exciter  la  moindre  émotion  dans  notre  âme.  Voilà  pourquoi  nous 
voyons  les  uns  affronter  la  mort  avec  courage  pour  la  défense  de  la 
vérité,  les  autres  sans  s'émouvoir,  d'autres  enfin  avec  joie.  Ces  trois 
degrés  de  vertu  correspondent  aux  fruits  que  peuvent  donner  les  trois 
espèces  de  terre  :  l'une  trente,  l'autre  soixante,  l'autre  cent  pour  un, 
et  il  faut  au  moment  de  la  mort  faire  partie  d'une  de  ces  trois  espèces 
de  terre  si  l'on  veut  sortir  de  cette  vie  dans  les  conditions  qui  assurent 
la  récompense. 

S.  Jér.  —  Ou  bien  encore  la  terre  qui  rend  cent  pour  un,  signifie 
les  vierges  ;  celle  qui  rend  soixante  ,  les  veuves  ;  celle  qui  rend  trente 
ceux  qui  mènent  une  vie  chaste  dans  l'état  du  mariage  (i).  Ou  bien 
enfin  le  nombre  trente  est  une  figure  du  mariage,  parce  que  ce 
nombre,  qui  s'exprime  par  le  rapprochement  des  doigts  qui  s'unissent 
par  un  doux  embrassement,  représente  l'union  de  l'homme  et  de  la 
femme.  Le  nombre  soixante  représente  les  veuves  qui  vivent  dans  les 
larmes  et  dans  la  tribulation  (aussi  le  nombre  soixante  s'exprime  en 
abaissant  le  doigt  inférieur),  car  leur  récompense  est  d'autant  plus 
grande  qu'il  leur  est  plus  difficile  de  résister  aux  séductions  de  la 
volupté  dont  elles  ont  déjà  fait  l'épreuve.  Enfin,  le  nombre  cent,  pour 
lequel  la  main  droite  remplace  la  main  gauche  et  qui  s'exprime  par 
le  cercle  que  forment  les  mêmes  doigts  de  cette  main  ,  représente  la 
couronne  de  la  virginité  (2). 

(1)  n  s'agit  ici  de  la  chasteté  conjugale. 

(2)  Cette  interprétation  figurée   fait  allusion   à  la  manière   dont  les  anciens  exprimaient  les 


nibu3  superentur.  Vel  aliter  :  confligen- 
duni  est  cum  auiore  teinporalium  bo- 
norum,  ut  non  vincat;  aut  etiani  edo- 


bus,  scj:afjesh)nts  viduis  et  continenti- 
bus,  tricesimus  casto  matrimonio  depu- 
tatur.  Sive  aliter  :   triginla  refertur  ad 


mitus  subditusque  esse  débet ,  ut  cum  i  nuptias  :  nam  ipsa  digitorum  conjunc- 
surgere  cœperit,  facile  reprituatur;  aut  tio,  quasi  molli  se  osculo  complectens  et 
ita  extinctus,  ut  se  omnino  nulla  ex  fœderans,  maritum  pingit  et  conjugem  ; 
parte  commoveat  :  ex  quo  fit  ut  ipsam  sexaginla  vero  ad  viduas,  eo  quod  in 
etiam  mortem  propter  veritatem,  alii  '  angustia  et  tribulatione  siut  positœ  (unde 
fortiter  subeant,  alii  œquauimiter,  alii  |  et  inferiori  digito  deprimuntur) ,  quia 
libenter  :  quae  tria  gênera  friictus  sunt  I  quanto  major  est  difficultas  experlœ 
terrae  tricesimi ,  et  secragesimi ,  et  cen-  j  quondam  voluptatis  illecebris  abstinere. 


tesimi  :  in  boruni  aliquo  in  geuere 
inveniendus  est  tempore  morlis  suae, 
si  quis  de  hac  vita  recle  cogitât  emi- 
grare. 


tanto  niajus  et  prœniiiun.  Porro  cente- 
.v/?HW5numeru3a  sinistra  transit  ad  dexte- 
ram,  et  iisdem  quidem  digitis  non  ea- 
dem  manu  circulum  facieus,   exprioiit 


IJitii.  \  ul  cen/esiiitiis  l'ruulus  viririni-  ,  virfiuilatis  corouam. 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP,    XIII. 


259 


f,  24-30,  —  Il  leur  proposa  une  autre  parabole,  en  disant  :  Le  royaume  des 
cieux  est  semblable  à  im  homme  qui  avait  semé  de  bon  grain  dans  son  champ. 
Mais  pendant  que  les  hommes  dormaient,  son  ennemi  vint  et  sema  de  l'ivraie 
au  milieu  du  blé,  et  s'en  alla.  L'herbe  ayant  donc  poussé  et  étant  montée 
en  épi,  l'ivraie  aussi  parut.  Alors  les  serviteurs  du  père  de  famille  vinrent  le 
trouver  et  lui  dire  :  Seigneur,  n'avez-vous  pas  semé  du  bon  grain  dans  votre 
cluimp?  d'où  vie7it  donc  qu'il  y  a  de  l'ivraie?  Il  leur  répondit  :  C'est  mon 
ennemi  qui  l'y  a  semée.  Et  ses  serviteurs  lui  dirent  :  Voulez-vous  que  7ious 
allions  l'arracher?  Non,  leur  répondit-il ,  de  peur  qu'en  arrachant  l'ivraie 
vous  ne  déraciniez  en  même  temps  le  bon  grain.  Laissez  croître  l'un  et  Vautre 
jusqu'à  la  moisson ,  et  au  temps  de  la  moisson ,  je  dirai  aux  moissonneurs  : 
Arrachez  premièrement  l'ivraie  et  liez- la  en  bottes  pour  la  brûler,  mais 
amassez  le  blé  dans  mon  grenier. 

S.  Chrys,  {hom.  47  5m;*  S.  Matth.)  Dans  la  parabole  précédente,  le 
Seigneur  s'est  proposé  ceux  qui  ne  reçoivent  pas  la  parole  de  Dieu  ; 
ici  il  veut  parler  de  ceux  qui  reçoivent  une  parole  de  corruption ,  car 
c'est  un  des  artifices  du  démon  de  mêler  toujours  l'erreur  à  la  vérité  : 
a  II  leur  proposa  une  autre  parabole,  »  etc.  —  S.  Jér.  Notre-Seigneur 
agit  comme  un  homme  riche  qui  sert  à  ses  convives  une  table  cou- 
verte de  mets  variés,  où  chacun  peut  choisir  dans  cette  variété  ce  qui 
convient  à  son  estomac,  L'Evangéliste  ne  dit  pas  «  l'autre  parabole,  » 
mais  «  une  autre  parabole ,  »  car  s'il  avait  dit  «  l'autre ,  »  nous  n'au- 
rions pu  en  espérer  une  troisième,  tandis  qu'en  disant  «  une  autre,  » 
il  nous  fait  entendre  que  d'autres  paraboles  doivent  la  suivre.  Il  nous 
explique  ensuite  le  sujet  de  cette  parabole  en  disant  :  «  Le  royaume 
des  cieux  est  semblable  à  un  homme  qui  sème  de  bon  grain,  »  etc. — 

nombres  par  les  signes  des  doigts,  et  qu'il  serait  trop  long  de  développer  ici.  Ce  passage  est  tiré 
de  l'apologie  que  fait  saint  Jérôme  de  ses  écrits  contre  Jovinien,  lettre  50  à  Pammachius. 


Aliamparabolam  proposuit  illù,  dicens  :  Simile 
factum  est  regnum  cœlorum  homini  qui  serai- 
navit  bonum  semen  in  agro  auo  :  cum  autem 
dormirent  humines,  veiiit  inirt.icus  ejus,  et 
superseminavit  zizania  in  medio  t  rit  ici ,  et 
ahiit.  Cum  autem  crcvisset  herba  et  fructum 
fecisset,  tune  apparuerunt  et  zizania.  Acce- 
denies  autem  servi  patrisfamilias ,  dixerunt 
ei  :  Domine,  nonne  bonum  sentcn  seminasti  in 
agro  tuo  ?  Unde  ergo  habet  zizania  ?  Jit  ait 
iilis  :  Inimicus  homo  hoc  fecit.  Servi  autem 
dixerunt  ei  :  Vis  igitur  imus  et  colligimus  ea? 
Et  ait  :  Non,  ne  forte  colligentes  zizania, 
eradicetis  simul  cum  eis  et  triticum  :  sinile 
utraque  crescere  usque  ad  messem,  et  in  tem- 
pore  messis,  dicam  messoribus  :  Colligile  pri- 
mum  zizania,  alligate  ea  in  fasciculos  ad  com- 
burendum,  triticum  autem  congregate  in  hor- 
reum  meum, 

Chrys.  {in  homil.   il,  in    Matth.) 


In  praecedenti  parabola,  locutus  est  Do- 
miuus  de  his  qui  verbum  Dei  non  sus- 
cipiunt;  hic  autem  de  liis  qui  suscipiunt 
corruptivum  sermonem  :  etenim  hoc  est 
diabolicae  machinatiouis,  veritati  semper 
errorem  inserere  :  unde  sequitur  : 
«  Aliam  parabolam  proposuit,  »  etc. 
Hier.  Proposuit  autem  aliam  parabolam, 
quasi  dives  paterfamiliasiuvitatos  diver- 
sis  reficiens  cibis_,  ut  unusquisque  se- 
cundum  naturam  sui  stomaciù  varia  ali- 
menta susciperet  :  non  autem  dixit^ 
a  Itéra  m,  sed  aliam.  Si  enim  prae- 
misisset  alteram,  expectare  tertiamnon 
poteramus  :  praemisit  aliam,  ut  pluies 
sequantur.  Quae  autem  sit  parabola  os- 
tenditur  cum  subditur:  «  Simile  factum 
est  reguum  cœlorum  bomini  qui  semi- 


260 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


Remi.  Le  royaume  des  deux,  c'est  le  Fils  même  de  Dieu,  et  ce 
royaume  est  semblable  à  un  homme  qui  a  semé  de  bon  grain  dans 
son  champ,  —  S.  Ciirys.  {hom.  M.)  Il  nous  apprend  ensuite  de  quelle 
manière  le  démon  tend  ses  embûches  :  «  Pendant  que  les  hommes 
dormaient,  son  ennemi  vint  et  sema  de  l'ivraie  au  milieu  du  blé,  et  il 
s'en  alla.  »  Notrc-Seigneur  nous  enseigne  par  là  que  l'erreur  ne  vient 
qu'après  la  vérité,  ce  que  l'expérience  ne  prouve  que  trop.  En  eflfet, 
ce  n'est  qu'après  les  prophètes  que  sont  venus  les  faux  prophètes; 
après  les  Apôtres,  les  faux  apôtres;  après  le  Christ,  l'Antéchrist.  Si  le 
démon  ne  voit  rien  qu'il  puisse  imiter,  s'il  ne  voit  personne  qu'il 
puisse  faire  tomber  dans  le  piège,  il  s'abstient  de  tenter;  mais  comme 
il  voit  ici  que  l'un  rend  cent  pour  un,  l'autre  soixante,  l'autre  trente, 
et  qu'il  n'a  pu  enlever  ou  étouffer  ce  qui  a  pris  racine ,  il  a  recours  à 
d'autres  artifices ,  il  mêle  les  erreurs  à  la  vérité  ;  il  leur  en  donne 
autant  qu'il  peut  la  couleur  et  la  ressemblance  pour  tromper  plus 
facilement  ceux  sur  qui  la  séduction  exerce  depuis  longtemps  son 
empire.  C'est  pour  cela  que  Notre- Seigneur  ne  dit  pas  qu'il  y  sème 
une  autre  semence ,  mais  de  l'ivraie ,  parce  qu'elle  a  quelque  ressem- 
blance pour  la  forme  avec  le  grain  de  froment.  Le  démon  fait  éclater 
encore  sa  malignité  en  ne  répandant  l'ivraie  que  lorsque  les 
semailles  étaient  terminées ,  afin  de  nuire  davantage  aux  travaux  du 
laboureur. 

S.  AuG.  {Quest.  évang.)  (1)  Il  ajoute  :  «  Lorsque  les  hommes  dor- 
maient. »  C'est  en  effet  lorsque  les  premiers  pasteurs  de  l'Eglise  se 
laissèrent  aller  à  la  négligence ,  ou  bien  lorsque  les  Apôtres  se  sont 
endormis  du  sommeil  de  la  mort,  que  le  démon  est  venu  et  qu'il  a 

(I)  Question  11  sur  saint  Matthieu. 


navit  bonum  semen,  »  etc.  Remig. 
Rcgmmi  cœlonnn  appellal  ipsum  Filium 
Dei;  quod  regûiim  siiiiile  dicitur  esse 
homini  qui  semiuavit  boiium  semen  ia 
agro  3U0.  CnRYS.  {in  homil.  il  vt  sup.) 
Deinde  moduiu  insidianim  diaboli  os- 
tendit,  dicens  :  «  Cum  auLem  dormirent 
homines,  venit  inimicus  ejus,  et  super- 
seminavit  zizania  iu  medio  tritici,  et 
abiit.  »  Demonstrat  bic  quod  error  post 
veritatem  existit  ;  quod  et  rerum  exitus 
testatur.  Eteuim  post  propbetas  fueruut 
pseudopropbetœ  ,  et  post  apostolos , 
pseudoapostob,  et  post  Cbristum ,  auti- 
cbristiis  :  nisi  enimdiabolus  videritquid 
imitetur,  vei  quibus  iusidietur,  nou  ten- 
tât :  quia  igitur  vidit  quod  bie  reddit  iu 
fructu  centesimum,   iile  sexugesimuiii. 


alius  trigesimum,  et  nou  poterat  rapere 
ueque  suffocare  quod  radicatum  erat, 
per  abam  deceptionem  insidiatur,  inter- 
serens  sua,  et  multis  ea  simibtudinibus 
coloraus,  ut  facile  surripiat  bos  qui  ha- 
bituales  suut  ad  deceptionem  :  propter 
boc  non  dicit  quod  semiuet  aliquod  aiiud 
semeu  sed  zizania,  quœ  secundum  visum 
assiuiilantur  quodam  modo  frumento. 
Hinc  eliam  apparet  diaboU  maliguitas  : 
tune  enim  seminavit  quando  uuiversa 
erant  compléta,  ut  magis  noceret  agri- 
coke  studio. 

AuG.  [de  Quxst.  Evang.)  Dicit  autem  : 
«  Cum  dormirent  homines  :  »  quia  cum 
negligeutius  agerent  prœpositi  Êcclesiœ, 
aut  dormitionem  mortis  acciperent  apos- 
luli,  veuil  tliiibobis,  et  superseminavit  eos 


DE   SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XIII.  261 

semé  par-dessus  la  bonne  semence  ceux  que  le  Seigneur  appelle  les 
mauvais  enfants.  On  peut  demander  avec  raison  s'il  a  voulu  désigner 
par  là  les  hérétiques,  ou  bien  lés  catholiques  dont  la  vie  n'est  pas  con- 
forme à  leur  foi.  Il  nous  dit  qu'ils  ont  été  semés  au  milieu  du  fro- 
ment, il  semble  donc  qu'il  a  voulu  désigner  ceux  qui  appartiennent 
à  une  même  communion.  Cependant,  comme  lui-même  nous  déclare 
que  ce  champ  est  non-seulement  l'Eglise ,  mais  le  monde  entier,  on 
peut  très-bien  voir  dans  cette  ivraie  les  hérétiques  qui  dans  ce  monde 
se  trouvent  mêlés  aux  justes.  Ceux  qui  conservent  la  vraie  foi  tout  eu 
la  déshonorant  par  leur  vie  sont  plutôt  semblables  à  la  paille  qu'à 
l'ivraie,  parce  que  la  paille  a  la  même  origine  et  la  même  racine  que 
le  froment.  Quant  aux  schismatiques,  ils  ressemblent  bien  plus  aux 
pailles  brisées  ou  coupées  que  l'on  sépare  de  la  moisson.  Il  ne  faut 
pas  en  conclure  cependant  que  tout  hérétique  et  tout  schismatique 
soient  extérieurement  séparés  de  l'Eglise;  l'Eglise  en  renferme  un 
grand  nombre  dans  son  sein  qui  n'attirent  pas  l'attention  de  la  multi- 
tude en  défendant  leurs  erreurs  d'une  manière  éclatante.  S'ils  le  fai- 
saient, l'Eglise  les  retrancherait  de  la  communion.  —  Et  plus  bas  : 
Lors  donc  que  le  démon  en  répandant  ses  détestables  erreurs  et  ses 
fausses  doctrines  eut  semé  de  l'ivraie  au  milieu  du  blé ,  c'est-à-dire 
eut  jeté  les  hérésies  sur  la  vérité  en  se  couvrant  du  nom  du  Christ,  il 
se  cacha  avec  plus  de  soin  et  se  rendit  invisible  ;  c'est  ce  que  Notre- 
Seigneur  veut  exprimer  par  ce  mot  :  «  Et  il  s'en  alla.  »  Il  faut  cepen- 
dant admettre,  comme  il  l'explique  lui-même,  que  sous  le  nom  d'ivraie 
il  a  voulu  comprendre  non  pas  seulement  quelques  scandales,  mais 
tous  les  scandales  et  tous  ceux  qui  opèrent  l'iniquité. 

S.  Chrys.  {hom.  47.)  Notre-Seigneur,  dans  ce  qui  suit,  nous  trace 


quos  vialos  filios  Dominus  interpretatur. 
Sed  recte  quaeritur  utrum  fiœretici  sunt, 
aut  maie  viventes  catholici.  Sed  qiiod 
dicit  eos  in  medio  tritici  serainatos, 
quasi  videntur  illi  sigaiticari  qui  unius 
communionis  suut.  Verumtauien  qu3- 
niam  agrum  ipsuni,  non  Ecclesiam,  sed 
hune  mundum  inlerpretatus  est,  bene 
intelliguutur  haeretici  qui  in  hoc  mundo 
perniiscentur  bonis  :  at  illi  qui  in  eadem 
fide  mali  sunt  palea  potius  quam  zizania 
deputantur;  quia  palea  etiaui  fuudaïuen- 
tum  habet  cum  t'rumento,  radicenique 
communem  :  schismatici  autem  viden- 
tur spicis  corruptis  etiam  siiuiliores,  vel 
paleis  aristaruni  fractis  vel  scissis,  et  de 
segete  abjectis  :  nec  tamen  consequens 
est  ut  omnis  haereticus  vel  schismaticus 


ab  Ecclesia  corporaliter  saperetur:  mul- 
tos  enim  portât  Ecclesia,  quia  non  ita 
defendunt  falsitatem  sententise  suse,  ut 
intentain  multitudinem  faciant  ;  quod  si 
fecerint,  tune  expelluntur.  Et  inferius  : 
luim  ergo  diabolus  aspersis  pravis  erro- 
ribus  falsisque  opinionibus  supersemi- 
nasset  zizania  (hoc  est,  prsecedente  no- 
mine  Chrlsti  haereses  superjecisset),  ma- 
gis  ipse  laluit,  atque  occultissimus  factus 
est  :  hoc  est  enim  quod  dicit,  et  abiit  : 
quanquam  iu  hac  parabola  Dominus 
(sicut  iu  expositione  conclusit),  nonqua^- 
dam,  sed  omnia  scandala,  et  eos  qui  fa- 
ciunt  iniquitatem,  zizaniorum  nomine 
signiflcasse  intelligitur. 

Chrys.  {in  honul.  47  ut  sup.)  Ex  pos- 
terioribus  autem  diligenterhœreticorum 


262 


EXPLICATION   DE   L  ÉVANGILE 


avec  soin  le  portrait  des  hérétiques  :  «  Lorsque  l'herbe  eut  poussé  et 
qu'elle  fut  montée  en  épis,  alors  l'ivraie  parut  elle-même.  »  Les  héré- 
tiques dissiuiuleut  d'abord  leur  présence,  mais  lorsque  leur  confiance 
s'est  accrue  (1*),  qu'ils  sont  parvenus  à  se  faire  écouter,  et  qu'ils  ont 
fait  quelques  prosélytes,  ils  répandent  leur  venin.  —  S.  AuG.  {Quest. 
évang.)  {'2).  On  hien  dans  un  autre  sens,  lorsque  l'homme  spirituel 
commence  à  juger  toutes  choses,  alors  les  erreurs  se  dessinent  à  ses 
yeux,  il  voit  clairement  que  ce  qu'il  a  entendu ,  ce  qui  a  fait  l'objet 
de  ses  lectures  s'éloignait  de  la  règle  de  la  vérité  ;  mais  tant  qn'û  n'a 
pas  atteint  la  perfection  spirituelle,  la  vue  de  tant  d'erreurs ,  de  tant 
d'hérétiques  qui  se  sont  couverts  du  nom  du  Christ ,  peut  faire  im- 
pression sur  lui,  comme  nous  le  voyons  dans  la  suite  de  la  parabole  : 
«  Alors  les  serviteurs  du  père  de  famille  vinrent  le  trouver ,  et  lui 
dirent  :  Seigneur ,  n'avez- vous  pas  semé  de  bon  grain  dans  votre 
champ  ?  D'où  vient  donc  qu'il  y  a  de  l'ivraie  ?  »  Ces  serviteurs  sont-ils 
les  moissonneurs  dont  il  sera  bientôt  question?  Notre-Seigneur  lui- 
même,  dans  l'explication  de  la  parabole,  nous  dit  que  les  moisson- 
neurs sont  les  anges ,  et  comme  on  ne  peut  dire  que  les  anges  igno- 
raient quel  était  celui  qui  avait  semé  l'ivraie  au  milieu  du  blé,  il 
faut  entendre  par  ces  serviteurs  les  fidèles  eux-mêmes;  et  il  n'y  a  rien 
d'étonnant  s'il  les  désigne  en  même  temps  comme  étant  la  bonne  se- 
mence, car  une  même  chose  peut  être  représentée  sous  différentes 
figures,  suivant  le  rapport  sous  lequel  on  la  considère;  c'est  ainsi  que 
le  Sauveur  a  dit  de  lui-même  qu'il  était  la  porte ,  et  aussi  qu'il  était 
le  pasteur. 

Rémi.  Ils  s'approchent  de  Dieu ,  non  par  le  mouvement  du  corps, 

(1*)  riappriTiav  signifie  plutôt  confiance  que  liberté. 

(î)  Question  H  sur  saint  Matthieu;  saint  Augustin  y  fait  allusion  à  ces  paroles  de  l'Apôtre  : 
«  L'homme  spirituel  juge  toutes  choses.  »  (I  Cor.  u,  15.) 


formam  describit,  diceus  :  «  Ciim  autem 
crevisset  herba,  et  friictum  fecisset,  tiinc 
apparuerunt  et  zizania.  »  In  principio 
enim  hseretici  obumbrant  seipsos  ;  cum 
autem  nmltarn  acceperinl  libertatem,  et 
sermoue  aliijuis  c-uui  eis  paiiicipaverit, 
tune  venenunt  etrundcnt.  Al'G.  {de 
Quœst.  Evung.)  Yel  aliter  :  euni  bomo 
spiritnaUs  esse  cœperit  dijudicans  oni- 
nia,  tune  ei  errores  ineipunit  apparere  : 
discernit  enim  quicquid  audierit  aut  le- 
gerit  al)boiTere  a  régula  verilatis  ;  sed 
donccin  eisdem  perficiatur  apiritualibus, 
potest  eum  niovere,  quare  sub  nomine 
cbristiano  tam  miiltae  haereticorum  exti- 
tere  faloitates  :  unde  sequitnr  :  «  Acce- 
dentes  autem  servi  patrisfaniilias  dixc- 


runt  ei  :  Domine,  nonne  bonum  semen 
seminasti  in  agro  tuo  ?  Unde  ergo  babet 
zizania,  »  etc.  :  utrum  autem  ipsi  sint 
servi,  quos  postea  messores  appellat  ;  an 
quia  in  expositione  parabolae  messores 
dicit  esse  angelos;  nec  quisquam  dicere 
facile  ausus  fuerit  angelos  nescisse  qui 
zizania  sup(;i'seminaverit  ;  magis  opor- 
tet  intelligi  homines  ipsos  tîdeles  servo- 
rum  nomine  hoc  loco  signiiicatos  :  nec 
mirum  si  et  bonum  semen  ipsi  dican- 
tur  :  ex  diversis  enim  siguiticationibus 
una  res  diversas  similitudines  recipit; 
sicut  et  de  se  ait  [Joan.  10),  quod  ipse 
s,\{  janua,  et  quod  ipse  sit  pastor. 

Remig.  Accedunt  autem  ad  Deum,  non 
corpore,  sed  corde  et  mentis  desiderio  ; 


DE  SAINT  JIATTHIEU,    CHAP.    XIII.  263 

mais  par  le  cœur  et  par  le  désir  de  l'âme ,  et  Notre- Seigneur  leur  ap- 
prend que  cela  est  arrivé  par  la  malice  du  démon  :  «  C'est  l'homme 
ennemi  qui  a  fait  cela.  »  —  S.  Jér.  Le  démon  est  appelé  l'homme 
ennemi,  parce  qu'il  a  cessé  d'être  Dieu  ;  et  c'est  de  lui  qu'il  est  écrit 
au  psaume  neuvième  :  «  Levez-vous,  Seigneur  ,  que  l'homme  ne  s'af- 
fermisse pas  dans  sa  puissance.  »  Aussi  celui  qui  est  placé  à  la  tète 
de  l'Eglise  ne  doit  pas  se  laisser  aller  au  sommeil,  de  peur  que 
l'homme  ennemi  ne  profite  de  sa  négligence  pour  semer  par  dessus  le 
bon  grain  l'ivraie,  c'est-à-dire  les  erreurs  des  hérétiques.  —  S.  Chrys. 
{hom.  47.)  Notre-Seigneur  l'appelle  l'homme  ennemi,  à  cause  du  mal 
qu'il  fait  aux  hommes.  C'est  sur  nous  que  tombent  les  eflfets  de  sa 
haine,  quoique  la  cause  du  mal  qu'il  nous  fait  soit  non  pas  son  ini- 
mitié contre  nous,  mais  son  opposition  contre  Dieu.  — S.  Aug.  {Quest. 
évang.)  Lorsque  le  serviteur  de  Dieu  aura  compris  que  le  démon  n'a- 
vait recours  à  cette  manœuvre  frauduleuse  que  parce  qu'il  sentait 
qu'il  ne  pouvait  rien  contre  la  puissance  d'un  nom  si  grand ,  et  qu'il 
était  obligé  de  couvrir  ses  fourberies  du  prestige  de  ce  nom,  il  peut 
sentir  en  lui  le  désir  de  faire  disparaître  de  tels  hommes  du  commerce 
des  choses  humaines,  s'il  en  avait  le  temps  ;  mais  il  consulte  la  justice 
de  Dieu,  pour  savoir  s'il  doit  le  faire.  «  Les  serviteurs  lui  dirent  : 
Voulez-vous  que  nous  allions  l'arracher?  »  —  S.  Chrys.  {hom.  47.) 
Nous  pouvons  admirer  ici  le  zèle  et  la  charité  de  ces  serviteurs  :  ils 
ont  hâte  d'aller  arracher  l'ivraie ,  preuve  de  leur  sollicitude  pour  la 
semence  ;  ils  n'ont  en  vue  qu'une  chose  ,  ce  n'est  pas  de  faire  punir 
qui  que  ce  soit,  mais  que  les  semences  ne  soient  pas  perdues. 

Quelle  fut  la  réponse  du  Seigneur  ?  «  Et  il  leur  répondit  :  Non.  » 
—  S.  JÉR.  Dieu  veut  laisser  le  temps  au  repentir,  et  il  nous  enseigne 


quo  docente  intelligunt  diaboli  caUiditate 
hoc  esse  factutn  :  uade  sequitur  :  «  Et 
ait  illis  :  Inimicus  homo  hoc  fecit.  » 
Hier.  Diabolus  propterea  inimicus  homo 
appellatur,  quia  Deus  esse  desiit  :  et  iu 
nono  psalmo  scriptum  est  de  eo  : 
«  Exsurge,  Domine,  non  confortetur 
homo.  »  Quamobrem  non  dormiat  qui 
Ecclesiœ  praepositus  est,  neperillius  ne- 
gligentiam  inimicus  homo  supersemiuet 
zizania,  hoc  est,  hœreticorum  dogmata. 
Chrys.  («(  Iiomil.  47  vt  sup.)  Inimicus 
autem  vocatur  propter  jacturam  quam 
infert  hominibus  :  vexatio  enim  diaboU 
adversus  uos  est  ;  principium  autem 
vexatiouis  factum  est,  non  ab  inimicitia 
quae  est  ad  nos,  sed  quae  est  ad  Deum. 
Aug.  (de  Quœst.  Evang.  ut  sup.)  Cum 
autem  (servus  Uei)  cognoverit  diabolum 


hanc  excogitasse  fraudem,  cum  contra 
tanti  nominis  auctorem  nihil  se  valere 
sentiret,  ut  fallacias  suas  eodem  nomine 
obtegeret,  potest  ei  suboriri  voluntas  ut 
taies  homines  de  rébus  humanis  auferat, 
si  aliquam  temporis  hal)eat  facultatem  ; 
sed  utrum  facere  debeat,  justitiam  Dei 
i-onsuiit  :  unde  sequitur  :  «  Servi  autem 
dixerunt  ei  :  Vis  imus  et  colligimus  ea  ?  » 
Chrys.  {in  Iiomil.  «^5)/;j.)  Ubiintuenda 
est  servorum  diligentia  et  dilectio  :  etenim 
festinant  zizauia  evellere,  quod  mons- 
trat  eorum  de  semine  sollicitudinem  : 
ad  hoc  enim  solum  respiciunt,  non  ut 
aliquis  puniatur,  sed  ut  seminata  non 
pereant. 

Quid  autem  Dominus  responderit  sub- 
ditur  :  «  Et  ait  :  Non.  »  Hier.  Datur 
enim  locus  poenitentiae,  et  monemur  ne 


264  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

à  ne  pas  nous  hâter  de  retrancher  un  de  nos  frères  de  la  communion 
des  fidèles,  car  il  peut  arriver  (|ue  celui-là  même,  dont  l'esprit  est  per- 
verti par  une  erreur  dangereuse ,  se  convertisse  et  devienne  un  zélé 
défenseur  de  la  vérité  ;  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  :  «  De  crainte  qu'en 
arrachant  l'ivraie ,  vous  ne  déraciniez  en  môme  temps  le  froment.  » 
S.  AuG.  {Quest.  évang.)  Cette  réponse  est  des  plus  propres  aies  calmer 
et  à  leur  inspirer  une  grande  patience.  Le  père  de  famille  répond  de 
la  sorte,  parce  que  les  hons  qui  sont  encore  faibles  ont  besoin  dans 
certaines  circonstances  d'être  mêlés  aux  méchants  ,  soit  afin  que  ce 
mélange  serve  d'épreuve  à  leur  vertu,  ou  afin  que  ce  rapprochement 
soit  pour  les  méchants  une  exhortation  puissante  à  devenir  meilleurs. 
Ou  bien  peut-être  le  blé  est  déraciné  lorsqu'on  arrache  l'ivraie,  parce 
qu'il  en  est  beaucoup  qui  ne  sont  d'abord  que  de  l'ivraie  et  qui  de- 
viennent ensuite  froment.  Or,  si  on  ne  les  supportait  avec  patience 
lorsqu'ils  sont  mauvais,  on  ne  verrait  jamais  en  eux  ce  changement 
admirable;  si  donc  on  les  arrache,  on  déracine  en  même  temps  le 
froment,  puisqu'ils  devaient  devenir  froment  si  on  les  eût  épargnés. 
Dieu  veut  donc  qu'on  ne  les  arrache  pas  de  cette  vie ,  car  en  s'efi'or- 
çant  de  faire  périr  les  méchants  on  s'exposerait  à  faire  périr  les  bons, 
puisqu'ils  deviendront  peut-être  bons;  ou  à  nuire  aux  bons  eux-mêmes 
puisque  les  méchants  sont  pour  eux  une  occasion  involontaire  de 
vertu.  Ce  retranchement  se  fera  donc  bien  plus  à  propos  lorsqu'à  la 
fin  ils  n'auront  plus  le  temps  de  changer  de  vie ,  et  que  le  spectacle 
de  leurs  erreurs  ne  pourra  plus  être  pour  les  bons  une  occasion 
de  progrès  dans  la  vérité  ;  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  :  «  Laissez 
croître  l'un  et  l'autre  jusqu'à  la  moisson,  »  c'est-à-dire  jusqu'au  juge- 
ment. 

S.  Jér.  Cette  recommandation  parait  en  opposition  avec  ce  pré- 


cito  amputemus  fratrem  :  quia  fieri  po- 
test  ut  ille  qui  hodie  noxio  depravatus 
est  dogmate,  cras  resipiscat  et  defendere 
incipiat  veritatem  :  uude  subditur  :  «  Ne 
forte  coUigentes  zizaiiia,  eradicelis  simul 
et  triticum.  Aco.  [de  Qitœst.  Erang.  ut 
sup.)  lu  quo  eos  patientissimos  et  trau- 
quillissinios  reddit  :  hoc  enim  dicitur, 
quia  boui,  dum  adliuciufirmi  sunt,  opus 
babent  in  quibusdam  malorum  com- 
mixtione;  sive  ut  per  eos  exerceantur, 
sive  ut  eorum  comparatione  magua  illis 
exhorlatio  fiât  ut  nitantur  ad  melius. 
Aut  forte  simul  eradicatur  triticum  cum 
auferuntur  zizania,  quia  luulti  j^rimo 
zizatiia  suut,  et  postea  (ritkuni  fiunt  : 
qui  niai  pationlur  cum   mali   suut   li>lc- 


rentur,  ad  laudabilem  mutationem  non 
perveuiuut  ;  itaque  si  evulsi  fuerint,  si- 
mul eradicatur  et  triticum  quod  futuri 
essent,  si  eis  parceretur.  Ideo  dicit  taies 
uou  esse  auferendos  de  hac  vita,  ne 
cum  aliquis  malos  conatur  interficere, 
l)onos  intertîciat,  quod  forte  futuri  sunt; 
aut  bonis  obsit,  quibus  et  inviti  utiles 
sunt.  Sed  timc  opportune  hoc  tiet,  cum 
jam  in  fine  non  restât,  vel  tempus  com- 
mutaudae  vitae,  vel  proficieudi  ad  veri- 
tatem ex  occasione  atque  comparatione 
alieni  erroris  :  et  ideo  subdit  :  «  Sinite 
utraque  crescere  usque  ad  messem,  »  id 
est  usque  ad  judicium. 

Hier.  Videtur  autem  hoc  esse  contra- 
rinm   illi   prœcepto   (I    Corinth.    5)    : 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    XIII.  265 

cepte  :  «  Faites  disparaître  le  mal  du  milieu  de  vous.  »  (I  Cor.  v.) 
Car  s'il  nous  est  défendu  d'arracher ,  et  si  nous  devons  attendre  avec 
patience  la  moisson  ,  comment  pouvons-nous  en  retrancher  quelques- 
uns  du  milieu  de  nous  ?  Le  froment  et  l'ivraie  (en  latin  lolium)  se 
ressemhlent  beaucoup  tant  qu'ils  sont  en  herbe  et  que  leur  tige  n'est 
pas  encore  couionnée  d'épis ,  et  il  est  très-difficile ,  pour  ne  pas  dire 
impossible,  de  les  distinguer.  Le  Seigneur  nous  recommande  donc  de 
ne  pas  nous  hâter  de  prononcer  la  sentence  sur  ce  qui  est  douteux, 
et  de  laisser  le  jugement  à  Dieu,  qui ,  au  jour  du  jugement,  rejettera 
de  l'assemblée  des  saints,  non  pas  sur  de  simples  conjectures,  mais 
pour  des  crimes  évidents.  —  S.  AuG.  {contre  la  lettre  de  Parmen., 
III,  2.)  Lorsqu'un  chrétien ,  dans  le  sein  de  l'Eglise,  est  reconnu  cou- 
pable d'un  crime  qui  mérite  anathème,  et  qu'on  n'a  pas  à  craindre  le 
schisme,  qu'il  soit  soumis  à  l'anathème,  avec  un  sentiment  de  charité 
qui  se  propose  ,  non  pas  de  le  déraciner ,  mais  de  le  corriger.  S'il  ne 
reconnaît  pas  sa  faute,  s'il  n'en  fait  pas  pénitence,  il  sera  mis  hors  de 
l'Eglise,  et  séparé  par  sa  propre  volonté  de  la  communion  des  fidèles. 
C'est  pour  cela  que  le  Seigneur ,  après  avoir  dit  :  «  Laissez  croître 
l'un  et  l'autre  jusqu'à  la  moisson ,  »  en  donne  cette  raison  :  «  De 
crainte  qu'en  arrachant  l'ivraie ,  vous  ne  déraciniez  en  même  temps 
le  froment.  »  Il  est  donc  évident  que,  lorsqu'on  n'a  pas  à  craindre 
cet  inconvénient,  et  qu'on  est  tout-à-fait  certain  que  le  bon  grain  ne 
court  aucun  danger ,  c'est-à-dire  lorsque  le  crime  est  connu  de  tous, 
et  qu'il  inspire  une  telle  horreur  qu'il  ne  trouve  point  de  défenseur, 
ou  au  moins  de  défenseur  qui  puisse  devenir  l'auteur  d'un  schisme, 
on  ne  doit  pas  laisser  dormir  la  sévérité  delà  discipline.  La  répression 


«  Auferte  malum  de  medio  vestrum  :  » 
si  eniui  prohibetur  eradicatio,  et  usque 
ad  messem  tenenda  est  patientia,  quo- 
modo  ejiciendi  sunt  quidam  de  medio 
uostrum  ?  Sed  inter  triticum  et  zizania 
(quod  nos  appellamus  lolium)  quandiu 
herba  est,  et  necdurn  calamus  venit  ad 
spicam,  grandis  similitudoest,  et  in  dis- 


themate  dignus  habeatur,  fiât  hoc  ibi 
ubi  periculum  schismatis  non  timetur, 
cum  dilectione  non  ad  eradicandum, 
sed  corrigendum  :  quod  si  se  non  agno- 
verit,  neque  pœnitendo  correxerit,  ipse 
foris  exiet,  et  per  propriam  voluntatem 
ab  Ecclesiffi  communione  dirimetur  : 
uude  Dominus  oum   dixisset  :    «   Sinite 


cernendo  aut  uulla,  aut  difficilis  distan-  utraque  crescere  usque  ad  messem,  » 
tia  :  prœmonet  ergo  Dominus  ne  ubi  subjunxit  causam  dicens  :  «  Ne  forte 
quid  ambiguum  est,  cito  sentenliampro-  "cum  vultis  colligere  zizania,  eradicetis 
feramus,  sed  Deojudici  reservemus  ;  ut  i  simul  et  triticum.  »  Ubi  salis  ostendit 
cum  dies  judicii  venerit,  ille  non  suspi-  cum  uietus  iste  non  subest,  sed  omnino 
cionem  criminis,  sed  manifestura  rea-  !  de  frumeutorum  stabilitate  certa  secu- 
tum  de  sanctorum  cœtu  ejiciat.  AuG.  ritas  manet  (id  est,  quando  ita  cuj usque 
(contra  t'pist.  Parmeniani.  lib.  3,  cap.  I  crimen  notum  est,  et  omnibus  execrabile 
2.)  Cum  enim  quisque  christianorum  !  apparet,  ut  vel  nulles  prorsus  vel  non 
iutus  in  Ecclesia  constitutorum  in  aliquo  taies  habeat  defensores,  per  quos  possit 
tali  peccato  fuerit  deprehensus,  ut  ana- 1  schisma  contingere),  non  dormiat  sève- 


266 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


du  crime  sera  d'autant  plus  efficace,  que  les  lois  de  la  charité  auront 
été  plus  respectées  ;  mais  si  le  mal  a  gagné  la  multitude,  la  seule 
chose  utile  à  faire ,  c'est  de  s'affliger  et  de  gémir.  11  faut  donc  re- 
pi'endre  avec  miséricorde  ce  qu'on  peut  corriger;  et  ce  qui  est  incor- 
rigible, il  faut  le  sup[iorter  avec  [tatleuce .  pleurer  et  gémir  par  un 
sentiment  de  charité  juscpi'à  ce  que  Dieu  lui-même  se  charge  de  re- 
prendre et  de  corriger,  et  attendre  jusqu'à  la  moisson  pour  arracher 
l'ivraie  et  pour  jeter  la  paille  au  vent.  Mais  lorsqu'on  peut  élever  la 
voix  au  milieu  du  peuple,  il  faut  atteindre  la  multitude  des  coupables 
par  des  reproches  généraux ,  surtout  si  un  fléau  envoyé  du  Ciel  nous 
oflre  l'occasion  favorable  de  leur  rappeler  qu'ils  ont  reçu  le  châtiment 
qu'ils  méritaient.  Alors  le  malheur  qui  les  frappe  leur  fait  écouter 
avec  humilité  la  parole  (jui  leur  démontre  la  nécessité  de  changer  de 
vie,  et  cette  parole  inspire  à  leurs  cœurs  affligés  les  gémissements 
d'une  confession  pleine  de  repentir  plutôt  que  les  murmures  de  la 
résistance.  Mais  alors  même  qu'aucune  calamité  ne  serait  venu  frap- 
per les  coupables,  on  peut,  toutes  les  fois  que  l'occasion  s'en  présente, 
reprendre  les  vices  de  la  multitude  en  s'adressant  à  elle  directement  ; 
car  de  même  que  les  hommes  s'irritent  de  ce  qui  leur  est  reproché  en 
particulier,  les  reproches  qui  sont  adressés  à  la  multitude  dont  ils  font 
partie  excitent  en  eux  des  gémissements  salutaires. 

S.  Chrts.  [hom.  i7.)  Le  Seigneur  fait  cette  recommandation  pour 
défendre  les  meurtres  ;  car  mettre  à  mort  les  hérétiques  ,  ce  serait 
donner  naissance  à  une  guerre  implacable  dans  l'univers.  Et  c'est 
pour  cela  qu'il  a  dit  :  «  De  peur  que  vous  n'arrachiez  le  blé,  »  c'est-à- 
dire  si  vous  recourez  aux  armes,  si  vous  mettez  à  mort  les  hérétiques, 
vos  coups  atteindront  nécessairement  un  grand  nombre  de  saints.  Ce 


ritas  disciplina  :  iu  qua  tanto  est  efû- 
cacior  emendatio  pravitatis,  qiiauto  dili- 
oreatior  fiierit  observatio  charitatis  : 
cum  vero  idem  mor'ius  plurimos  occu- 
pant, nihil  aliud  boni  restât  quam  dolor 
et  gemitus.  Sic  igitur  misericorditer 
corripiat  hoiuo  quod  potest  ;  quod  auteiii 
lion  potest,  patienter  ferat;  et  ex  dilec- 
tioue  gemat  atqiie  lugeat,  donec  iile 
desuper  emendet  ac  corrigat  ;  atqne 
usquc  ad  messem  différât  eradicare  zi- 
zania  et  paleam  ventilare.  Turba  auteni 
iniquorum  cum  facultas  est  in  populis 
promendi  sermonem,  generali  objurga- 
tione  ferienda  est  ;  et  maxime  si  occa- 
sionem  atque  opportuuitatem  pradiuerit 
aliquod  Doinini  desuper  tlagelium,  quo 
eos  appareat  pro  suis  merilis  vapulare  : 


tune  enim  aures  bumiles  prfebet  emen- 
dantis  sermoui  calamitas  auditorum  ;  et 
facilius  in  gemitum  coufitendi  quam  in 
murmura  resistendi  afflicta  corda  com- 
pellit  :  quauquam  etsi  nulla  calamitas 
ti-ibulatiouis  premat,  cum  facultas  datur, 
utiliter  corripitur  in  multitudine  mul- 
titudo  :  nam  sicut  separata  saevire , 
sic  in  ipsa  cougregatioue  objurgala  ge- 
mere  consuevit. 

Chuys.  {in  /loin.  47  ut  sup.)  Hoc  au- 
tem  dixit  Dominus  probibens  occisiones 
fieri  :  neque  enim  opurtet  interficere 
haereticum,  quia  prœlium  intxpiabile  in 
orbem  tei'rarum  induceretur  :  et  ideo 
dicit  :  «  Ne  eradicetis  simul  cum  eis  fru- 
mentum  ;  »  id  est,  si  raoverilis  arma, 
et  occlderitis  luvreticos,  uecesse  est  mul- 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CIIAP.    XIII.  267 

qu'il  défend,  ce  n'est  donc  point  de  jeter  en  prison  les  hérétiques,  et 
de  s'opposer  à  la  licence  de  leurs  prédications ,  à  la  réunion  de  leurs 
synodes,  et  de  rendre  inutiles  leurs  efforts,  mais  de  les  mettre  à  mort. 
—  S.  AuG.  [Lettre  dS  à  Vinc.)  C'était  d'abord  mou  sentiment  qu'il  ne 
fallait  forcer  personne  d'embrasser  l'unité  du  Christ,  mais  agir  sim- 
plement par  la  parole,  combattre  par  la  discussion,  vaincre  parla 
raison,  afin  d'éviter  d'avoir  pour  catlioliques  hypocrites  ceux  que 
nous  avions  pour  hérétiques  déterminés.  Cependant  mon  opinion  était 
combattue ,  si  non  par  des  raisons,  du  moins  par  des  exemples  con- 
traires. En  effet_,  la  frayeur  qu'inspirent  ces  lois  promulguées  par  des 
rois  qui  servent  le  Seigneur  avec  crainte ,  produit  les  plus  heureux 
effets  (1).  Ainsi  les  uns  disent  :  C'était  depuis  longtemps  notre  volonté, 
mais  grâces  soient  rendues  à  Dieu  qui  nous  a  fourni  l'occasion  favo- 
rable, et  ôté  tout  prétexte  de  différer;  d'autres  :  Nous  savions  que  c'é- 
tait la  vérité,  mais  nous  étions  retenus  par  je  ne  sais  quelles  habi- 
tudes; grâces  à  Dieu  qui  a  brisé  nos  liens;  d'autres  :  Nous  ne  savions 
pas  que  telle  était  la  vérité  et  nous  n'avions  aucun  désir  de  l'ap- 
prendre, mais  la  crainte  nous  a  forcés  d'y  être  attentifs  et  de  prendre 
les  moyens  de  la  connaitre  ;  grâces  au  Seigneur  qui  a  secoué  notre 
négligence  avec  l'aiguillon  de  la  terreur;  d'autres  encore  :  Nous  crai- 
gnions d'entrer  dans  l'Eglise ,  retenus  par  de  faux  bruits  dont  nous 
n'aurions  pas  reconnu  la  fausseté  si  nous  n'y  étions  pas  entrés ,  et 
nous  n'y  serions  pas  entrés  si  une  contrainte  salutaire  ne  nous  eût 
forcés;  grâces  à  Dieu  qui  par  cette  sévérité  a  fait  cesser  nos  hésitations 
et  nous  a  fait  connaître  par  expérience  la  futilité  et  la  fausseté  des 
bruits  que  des  voix  trompeuses  répandaient  sur  son  Eglise  ;  d'autres 

(1)  Saint  Augustin  fait  ici  allusion  à  ce  passage  du  psaume  ii,  vers.  10  et  11  :  o  Et  maintenant, 
rnis,  comprenez,  instruisez-vous ,  vous  qui  jugez  la  terre!  Servez  le  Seigneur  dans  la  crainte.  » 


to6  sanctorum  siinul  submitti  :  non  ergo 
detinere  haereticos,  et  abscindere  libe- 
ram  eorum  propalationem,  et  syuodos, 
et  studia  dissolvere  probibet,  sed  inler- 
ficere  et  occidere.  Auc.  {ad  Vincent. 
epist.  48.)  Hfec  autem  primiliis  mea  sen- 
tentiaerat,  iifiminem  ad  unitatem  Cbristi 
esse  cogeiidum  ;  vei'bo  enim  agendum, 
disputatione  pugiiandum,  ratione  viii- 
l'euduin  ;  ue  fictos  catliobcos  babere- 
uius,  quos  apertos  ba^reticos  uoveramus: 
sed  lifec  opinio  mea  non  contradieeii- 
tium  verbis,  sed  demonstrantium  supe- 
rabatur  exemplis  :  barimi  enim  legum 
terror  qiiibus  promulirandis  reges  ser- 
viunt  Domino  in  timoré,  ita  profuit,  ut 
nuuc  alii  dicant  :  «  Jam  bocvolebamus, 


sed  Deo  gratias  qui  uobis  occasionem 
praebuit,  et  dilationum  morulas  ampu- 
tavit  ;  »  alii  dicant  :  «  Hoc  esse  veruni 
jam  sciebamus,  sed  nescio  qua  consuetu- 
dine  teuebamur  :  Gratias  Deo,  qui  vin- 
cula  nostra  dirupit  ;  alii  dicant  :  «  Nes- 
ciebamus  boc  esse  veritatein,  nec  eam 
discere  volebamus  ;  sed  ad  eam  cognos- 
cendam  metus  fecit  intentos  :  gratias 
Domino,  qui  negligenliam  nostram  sti- 
mulo  terroris  excussit  ;  »  alii  dicant  : 
«  Nos  falsis  rumoribus  terrebamur  in- 
trare,  quos  falsos  esse  nesciremus  nisi 
intraremus,  nec  intraremus  nisi  cogere- 
mur  :  gratias  Deo,  qui  trepidationem 
nostram  flagello  abstuiit,  expertos  do- 
cuit,  quam  vana  et   inania  de    Ecclesia 


268 


EXPLICATION    DE   L  EVANGILE 


enfin  :  Nous  pensions  qu'il  importait  peu  de  croire  en  Jésus  Christ 
dans  une  religion  ou  dans  une  autre;  mais  grâces  au  Seigneur  qui  a 
mis  un  terme  à  notre  séparation  et  nous  a  enseigné  que  le  seul  culte 
agréable  à  Dieu  est  celui  qui  lui  est  rendu  dans  l'unité.  Que  les  rois 
de  la  terre  se  montrent  donc  les  serviteurs  du  Christ  en  publiant 
des  lois  en  faveur  de  la  religion  du  Christ.  —  S.  AuG.  {Lettre  50  au 
comte  Bonif.)  Quel  est  celui  d'entre  vous  qui  voudrait,  je  ne  dis  pas 
qu'un  hérétique  périsse,  mais  qu'il  éprouvât  même  la  moindre  perte? 
Cependant  la  maison  de  David  ne  put  recouvrer  la  paix  tju'après  que 
son  lils  Absalon  eut  été  enseveli  dans  la  guerre  impie  qu'il  faisait 
contre  son  père  (II  Rois  ,18);  quoique  David  eût  recommandé  avec  le 
plus  grand  soin  aux  chefs  de  son  armée  de  prendre  tous  les  moyens 
pour  conserver  la  vie  à  son  fils  et  que  son  cœur  de  père  n'attendit  que 
son  repentir  pour  lui  pardonner.  Mais  lorsqu'il  fat  tombé  victime  de 
sa  rébellion ,  que  resta-t-il  à  son  père  que  de  pleurer  sa  mort  et  de  se 
consoler  par  la  pensée  que  son  royaume  avait  recouvré  la  paix  ?  C'est 
ainsi  que  notre  mère,  la  sainte  Eglise  catholique,  lorsqu'elle  rassemble 
dans  son  sein  un  grand  nombre  de  ses  enfants  au  prix  de  la  perte  de 
quelques-uns,  adoucit  et  calme  la  douleur  de  son  cœur  maternel  par 
le  spectacle  de  tant  de  peuples  afi'ranchis  et  délivrés  de  l'erreur.  Que 
veut  donc  dire  ce  qu'ils  ne  cessent  de  crier  (1)  :  N'est-on  pas  libre  de 
croire  ou  de  ne  pas  croire?  A  qui  donc  le  Christ  a-t-il  fait  violence? 
Quel  est  celui  qu'il  a  contraint  d'embrasser  la  vérité  ?  Nous  leur 
répondons  par  l'exemple  de  l'apôtre  saint  Paul,  qui  les  force  de 
reconnaître  que  Jésus-Christ  a  usé  de  violence  à  son  égard  avant  de 
l'enseigner,  qu'il  l'a  frappé  avant  de  le  consoler.  Et  il  est  remarquable 

(1)  Saint  Augustin  veut  parler  ici  des  Donatistes,  au  sujet  desquels  il  écrit  au  comte  Bonifaoe, 
pour  l'engager  à  réprimer  leurs  entreprises. 


sua  mendax  fama  jactaverit  ;  »  alii  di- 
sant :  «  Putabamus  quidem  nihil  inte- 
resse ubi  fidem  Ghristi  teneremus  ;  sed 
gratias  Domiuo,  qui  nos  a  divisione  col- 
legit,  et  hoc  uni  Deo  congruere,  ut  in 
nnitate  colatur,  ostendil  :  »  serviant  ergo 
reges  terrae  Christo,  leges  edendo  pro 
Christo.  A\JG.  {ad  Boni  fa  du  m  Comifem, 
epist.  50.)  Quis  autem  vestrum  velit,  non 
solum  aliquem  h.preticornin  perire,  ve- 
ruui  etiam  aliquid  perdere  ?  Sed  aliter 
non  meruit  hahere  pacem  domus  David, 
nisi  Absalom  tilius  cjus  in  bello  quod 
contra  patrem  gerebat,  fuisset  extinctus. 
(Il  Heg.  18.)  Quamvis  luagna  cura  man- 
davorit   suis   ut    eum    quinituni  possent 


vivuni  salvumque  servarent,  et  esset 
cui  pœnitenti  paternus  affectus  ignosce- 
ret.  Quid  autem  ei  restitit ,  nisi  perdi- 
tuui  flere ,  et  sui  regni  pace  acquisita 
suam  mœstitiam  cousolari  ?  Sic  ergo  ca- 
tliolica  mater  Ecclesia,  sialiquorum  per- 
ditione  tam  multos  cceteros  coUigit,  do- 
lorem  materni  cordis  lenit  et  sauat  tan- 
torum  liberatione  populorum.  Ubi  est 
autem  qnod  isti  cjaniare  consuevernnt  : 
«  Liberum  est  credere  vel  non  credere? 
Cui  vim  Cbristus  intulit  ?  quem  coegit  ?  » 
Kcce  habent  apostoium  Paulum  :  agnos- 
caut  in  eo  prius«cogentem  Christum,  et 
postea  docentem  ;  prius  ferienteni,  et 
postea  consolantem.  (Act.  0.)  Mirum  au- 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XIII,  269 

que  celui  que  Dieu  a  forcé  par  un  cliâtiment  extérieur  de  se  soumettre 
à  l'Evangile  a  travaillé  à  la  propagation  de  l'Evangile  plus  que  ceux 
dont  la  vocation  n'avait  été  déterminée  que  par  une  seule  parole. 
Pourquoi  donc  l'Eglise  ne  forcerait-elle  pas  ses  enfants  égarés  de 
revenir  dans  son  sein ,  alors  que  ces  mêmes  enfants  en  ont  forcé  tant 
d'autres  à  périr? 

«Et  au  temps  de  la  moisson,  je  dirai  aux  moissonneurs  :  Ramassez 
d'abord  l'ivraie  et  liez-la  en  bottes  pour  la  brûler.  »  —  Rémi.  La  mois- 
son c'est  le  temps  oii  l'on  recueille,  c'est-à-dire  le  jour  du  jugement 
où  les  bons  seront  séparés  d'avec  les  mauvais.  —  S.  Chrys.  {hom.  47.) 
Mais  pourquoi  dit-il  :  «  Arrachez  d'abord  l'ivraie?  »  C'est  pour  ôter 
aux  bons  toute  crainte  que  le  blé  ne  partage  le  sort  de  l'ivraie.  — 
S.  JÉR.  Or,  en  commandant  d'arracher  l'ivraie  pour  la  jeter  au  feu,  et 
d'amasser  le  blé  dans  les  greniers,  il  déclare  ouvertement  que  les 
hérétiques  et  les  hypocrites  sont  destinés  à  brûler  dans  les  feux  de 
l'enfer,  et  que  les  saints  qu'il  appelle  le  blé  ou  le  bon  grain  seront 
recueillis  dans  les  greniers,  c'est-à-dire  dans  les  demeures  éternelles. 
—  S.  AuG.  {Quest.  évang.)  On  peut  demander  pourquoi  il  ne  com- 
mande pas  de  faire  une  seule  botte  ou  un  seul  tas  de  toute  l'ivraie; 
c'est  peut-être  à  cause  des  différentes  sortes  d'hérétiques  qui  non-seu- 
lement sont  séparés  du  bon  grain,  mais  qui  sont  encore  séparés  entre 
eux.  Il  a  donc  voulu  exprimer  par  ces  bottes  d'ivraie  les  conventicules 
de  chaque  hérésie,  dont  tous  les  membres  sont  unis  entre  eux  par  des 
liens  communs.  Or,  ils  sont  liés  ensemble  et  destinés  au  feu  du  mo- 
ment qu'ils  se  séparent  de  la  communion-  catholique  et  qu'ils  com- 
mencent à  former  des  Eglises  particulières.  Mais  ils  ne  seront  jetés  au 


tem  est  quomodo  ille  qui  pœna  corporis 
ad  Evangelium  coactus  intravit,  plus  illis 
omnibus  qui  solo  veri)0  vocati  sunt,  iu 
Evangelio  laboravit.  (I  ad  ( orinth.Vo.) 
Cur  ergo  non  cogeret  Ecclesia  perditos 
filios  ut  redirent,  si  perditi  filii  coege- 
runt  alios  ut  périrent? 

Sequitur  :  «  Et  in  temi)ore  messis,  di- 
cam  messoribus  :  Colligite  primuni  ziza- 
nia,  et  alligale  ea  in  fasciculos  ad  com- 
burendum.  »  Remig.  Messis  autem  ap- 
pellatur  tenipus  meteudi  :  per  messem 
vero  desiguatur  dies  judicii,  in  quo 
separandi  sunt  boni  a  nialis.  Chrys.  {in 
homil.  47  ut  sup.)  Sed  propter  quid  di- 
eit  :  «  Colligite  pciinum  zizania?  »  Ut  non 
timeant  boni,  quasi  siniul  cum  zizaniis 
tollatur  frumentum.  Hier.  Quod  autem 
dicit   zizanioruni   fasciculos  igni   tradi. 


et  triticum  congregari  in  horrea,  mani- 
festum  est  bœreticos  quosque  et  bypo- 
critas  gelienuse  iguibiis  concreniandos  : 
Sanctos  vero  (qui  appellantur  triticum) 
borreis,  id  est,  cœleslibus  uiansiouibus, 
recipi.  Al'G.  {de  Quœst.  Evang.  ex 
Mutth.  ut  sup.)  Quœri  autem  potest  cur 
non  unum  fascem,  aut  unum  acervum 
zizaniorum  fieri  dixerit;  nisi  forte 
propter  varielatem  bœreticoruni,  non 
solum  a  tritico,  sed  etiam  a  seipsis  dis- 
crepantium,  ipse  uniuscujusque  baere- 
seos  conventicula,  in  quibus  sigillatim 
sua  conimunione  devincli  sunt,  nomine 
fasciculornm  designavit;  ut  etiam  tune 
incipiant  alligari  ad  comburendum,  cum 
a  catbolica  communione  segregati,  suas 
proprias  quasi  ecclesias  babere  cœpe- 
rint  ;    ut   combustio   eorum  sit  in  fine 


270 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


feu  qu'à  la  fin  des  temps,  bien  que  depuis  longtemps  ils  soient  réunis 
en  bottes.  Cependant  s'il  en  était  ainsi,  il  n'y  en  aurait  pas  un  si 
grand  nombre  qui  regretteraient  leurs  erreurs  et  les  abjureraient 
pour  rentrer  dans  l'Eglise  catbolique.  Ce  n'est  donc  qu'à  la  fin  que 
les  bottes  seront  liées ,  afin  que  leur  opiniâtreté  ne  soit  point  punie 
sans  discernement,  mais  que  chacun  d'eux  soit  puni  d'une  manière 
proportionnée  à  sa  perversité. 

Rac.  (I).  Remarquez  qu'en  disant  :  «  Il  a  semé  du  bon  grain,  »  il 
nous  fait  connaître  la  bonne  volonté  dont  les  élus  sont  l'objet  et  qui 
est  eu  eux,  en  ajoutant  :  «  L'ennemi  vient,  »  etc.,  il  nous  avertit  d'a- 
voir à  nous  tenir  sur  nos  gardes;  lorsque  l'ivraie  ayant  crû,  il  dit  : 
«  C'est  l'homme  ennemi  qui  a  fait  cela ,  »  il  nous  recommande  la 
patience;  et  en  ajoutant  plus  bas  :  o  De  peur  qu'en  arrachant  l'ivraie,» 
il  nous  donne  l'exemple  du  discernement  dont  nous  devons  faire 
usage.  Les  paroles  suivantes  :  «  Laissez-les  croître  l'un  et  l'autre  jus- 
qu'à la  moisson ,  »  nous  font  un  devoir  de  la  longanimité  ,  et  il  nous 
recommande  la  justice  par  celles  qui  terminent  :  «  Liez-la  en  bottes 
pour  la  brûler.  » 

f.  31,  32.  —  //  leur  proposa  une  autre  parabole,  en  leur  disant  :  Le  royaume 
des  deux  est  semblable  à  un  grain  de  sénevé  qu'un  homme  prend  et  sème  en 
son  champ.  Ce  grain  est  la  plus  petite  de  toutes  les  semences;  mais  lorsqu'il  a 
crû,  il  est  plus  grand  que  tous  les  autres  légumes,  et  il  devient  un  arbre;  de 
sorte  que  les  oiseaux  du  ciel  viennent  se  reposer  sur  ses  branches. 

S.  Chrys.  {hotn.  47.)  Notre-Seigneur  venait  de  dire  que  trois  parties 

(()  Cette  citation  ne  se  trouve  pas  tout  entière  dans  Rabau  telle  qu'elle  est  ici;  elle  est  com- 
posée de  différentes  phrases  de  ses  écrits  sur  celte  matière. 


seculi,  non  alligatio  fascicule ruin.  Sed 
si  ita  esset,  non  tam  niulli  resipiscendo 
et  in  catliolicam  Ecclesiam  remeando  ab 
errore  discerent.  Qiiaproptei'  alligatio 
fasciculoruni  in  fine  profutura  est,  ut 
non  confuse,  sed  pro  modo  pervei'sitatis 
suœ ,  uniuscujusque  erroris  perlinacia 
puniatur. 

Rab.  Et  notandum  quod  ubi  dicit  : 
«  Semiuavit  bonum  senien,  »  notât 
bonani  voluutatem  quai  in  electis  est  : 
ubi  vero  dicit  :«  Inimicus  venit,  »  etc., 
cautelam  liabendam  intiuiare  voluit  : 
quaudo  auteni  crescentibus  zizaniis  quasi 
patienter  ferens  ait  :  «  Inimicus  homo 
hoc  fecit,  »  patientiam  nobis  connucn- 
davit  ;  ubi  vero  ait  :    «    Ne    forte    colli- 


geutes  zizania,  »  donavit  nobis  discre- 
tionis  exemplum.  Quando  autem  sub- 
jungil  :  «  Sinite  utraque  crescere  usque 
ad  messem ,  »  commendavit  longanimi- 
taleni  ;  ad  ultimum ,  justitiam  ,  cum 
dixit  :  «  Alligate  ea  in  fascicules  ad 
comburenilum,  »  etc. 

Aliam  paraholam  proposuit  eis,  diceyis  :  Simile 
est  reynum  cœlorum  grano  sinapis,  quod  acci- 
piens  liûnio  semiuavit  in  agro  suo,  quod  mini- 
muni  quidem  est  omnibus  seminibus  :  cum  au- 
tem creoerit,  majus  est  omnibus  oleribus,  et  fit 
arbor  ;  ita  ut  volucres  cœli  veniattt,  et  habitent 
in  ramis  ejus. 

CnRvs.    {in  hom.    '»"    ut  sup.)   Quia 
Duminus  dixeral  (juod  de    semiue    très 


DE   SAINT    MATTHIEU,    CIIAP.    XIII.  271 

de  la  semence  étaient  perdues  et  qu'une  seule  produisait  du  fruit  et 
que  dans  cette  dernière  la  perte  est  encore  considérable  à  cause  de 
l'ivraie  qu'on  a  semée  par  dessus.  Ses  disciples  pouvaient  lui  dire  : 
Mais  quels  seront  donc  les  fidèles,  et  quel  sera  leur  nombre?  Il  va  au- 
devant  de  cette  crainte  en  leur  proposant  la  parabole  du  grain  de 
sénevé  :  «  Il  leur  dit  encore  cette  autre  parabole  :  Le  royaume  des 
cieux  est  semblable  à  un  grain  de  sénevé,  »  etc. —  S.  Jér.  Le  royaume 
des  cieux ,  c'est  la  prédication  de  l'Evangile  et  la  connaissance  des 
Ecritures ,  qui  conduisent  à  la  vie  et  dont  Notre^Seigneur  dit  aux 
Juifs  :  «  Le  royaume  de  Dieu  vous  sera  enlevé.  »  Or,  ce  royaume  du 
ciel  est  semblable  à  un  grain  de  sénevé.  —  S.  Aug.  {Quest.  Evang.^ 
liv.  I,  quest.  2.)  Le  grain  de  sénevé  figure  la  ferveur  de  la  foi,  à  cause 
de  la  vertu  qu'on  lui  attribue  d'expulser  le  poison,  c'est-à-dire  tous  les 
dogmes  pervers  des  hérétiques. 

«  Qu'un  homme  prend  et  sème  dans  son  champ.  »  —  S.  Jér.  Cet 
homme  qui  sème  dans  son  champ,  c'est,  d'après  le  sentiment  le  plus 
commun ,  le  Sauveur  qui  sème  la  vérité  dans  l'àme  des  fidèles.  Selon 
quelques  autres,  c'est  l'homme  lui-même  qui  sème  dans  son  champ, 
c'est-à-dire  dans  son  cœur.  Or,  quel  est  celui  qui  sème  en  nous  si  ce 
n'est  notre  intelligence  et  notre  sentiment?  Ils  reçoivent  le  grain  de  la 
prédication,  et  le  nourissant  avec  le  suc  de  la  foi,  ils  lui  donnent  la 
force  de  se  développer  dans  le  champ  de  notre  cœur. 

a  Ce  grain  est  la  plus  petite  de  toutes  les  semences.  »  La  prédica- 
tion de  l'Evangile  est  la  plus  humble  de  toutes  les  doctrines,  car  au 
premier  coup  d'œil  elle  n'obtient  pas  la  croyance  due  à  la  vérité, 
en  prêchant  un  homme-Dieu ,  un  Dieu  mort ,  et  le  scandale  de  la 


partes  pereunt^  et  salvatur  una  ;  et  in 
ipsa  rursus  quae  salvatur,  multa  efficitur 
jactura,  propler  zizania  quœ  super  semi- 
nanUir;  ne  dicerent  :  «  Qui  ergo  erunt, 
et  quauli  fidèles?  »  consequenter  liuuc 
timorem  aufert  per  parabolam  siuapi-^  : 
et  ideo  dicitur  :  «  Aliam  parabolam  pro- 
posuit  eis,  dicens  :  Siuiile  est  reguum 
cœloruni  grano  siuapis,  »  etc.  Hier. 
Regnum  cœlorum  praedicatio  Evangelii 
est  et  nolitia  Scripturarum,  quœ  ducit 
ad  vitam  ;  de  qua  dicitur  ad  Judœos 
{Mattli.  21)  :  «  Auferetura  vobis  reguum 
Dei  :  »  luijusmodi  ergo  reguum  cœlo- 
rum est  simile  grano  sinapis.  Aug.  {de 
Quxst.  Evang.  lib.  i,  quœst.  11.)  Gra- 
num  namque  sinapis  ad  fervorem  fidei 
pertinet,   quod   dicatur  venena  expel- 


lere,  id  est,  omnia  dogmata  pravitatis. 

Sequitur:  «Quodaccipiensbomo  semi- 
navit  in  agro  suo.  »  Hier.  Homo  qui 
seniinat  iu  agro  suo  a  plerisque  Salva- 
tor  iulelligitur.  qui  in  auimis  credentium 
seraiuat  :  ab  aliis,  ipse  homo  seminans 
iu  agro  suo,  id  est,  in  corde  suo.  Quis 
autem  est  iste  qui  seminat,  nisi  sensus 
noster  et  animus  ?  qui  suscipiens  gra- 
num  preedicationis,  et  fovens  sementem 
bumore  fidei,  facit  in  agro  sui  pectoris 
pullulare. 

Sequitur:  «Quod  miuimum  quidemest 
on:nibus  seminibus.  »  Praedicatio  Evan- 
gelii minima  est  omnibus  disciplinis  : 
ad  primam  quippe  doclrinam  fidem  non 
habet  veritatis,  «  bominem  Deum,  Deum 
mortuum,  »  et  scandalnm  crucis  praedi- 


272  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

croix.  Rapprochez-la  des  doctrines  et  des  écrits  des  philosophes,  de  l'é- 
clat de  leur  éloiiuence,  de  leurs  discours  étudiés,  et  vous  reconnaîtrez 
combien  la  semence  de  l'Evangile  est  inférieure  aux  autres  semences. 
S.  Chrys.  {hom.  47.)  Ou  bien  la  semence  de  l'Evangile  est  la  plus 
petite,  parce  que  les  disciples  étaient  les  plus  faibles  des  hommes; 
mais  comme  ils  avaient  en  eux  une  grande  vertu ,  leur  prédication 
s'est  répandue  par  toute  la  terre,  comme  l'indique  la  suite  de  la  para- 
bole :  «  Mais  lorsipi'il  a  crû,  il  est  le  plus  grand  de  tous  les  légumes,» 
c'est-à-dire  de  tous  les  dogmes.  —  S.  Aug.  {Quest.  évang.)  Les 
dogmes  des  sectes  sont  leurs  propres  sentiments,  c'est-à-dire  les  opi- 
nions dont  elles  sont  convenues.  —  S.  Jér.  La  doctrine  des  philo- 
sophes, lorsqu'elle  se  développe,  ne  présente  rien  de  piquant  et  n'a 
aucune  apparence  de  vie,  et  sa  nature  molle  et  languissante  ne  produit 
que  des  plantes  et  des  herbes  que  l'on  voit  bientôt  se  dessécher  et 
périr.  Au  contraire,  la  prédication  évangéUque,  qui  paraissait  peu  de 
chose  dans  ses  commencements  lorsqu'elle  fut  semée  ,  soit  dans  l'àme 
des  fidèles,  soit  dans  tout  l'univers ,  n'a  point  produit  de  simples 
plantes,  mais  s'est  élevée  jusqu'à  la  hauteur  d'un  arbre,  et  sur  les 
branches  sont  venus  habiter  les  oiseaux  du  ciel,  c'est-à-dire  les  âmes 
des  fidèles  ou  les  vertus  qui  sont  consacrées  au  service  de  Dieu.  «  Et 
il  devient  un  arbre,  de  sorte  que  les  oiseaux  du  ciel  viennent  se  repo- 
ser sur  ses  branches.  »  Je  suis  porté  à  croire  que  ces  branches  de 
l'arbre  évangélique,  qui  sont  sorties  du  grain  de  sénevé,  figurent  la 
variété  des  dogmes,  sur  lesquels  chacun  des  oiseaux  dont  nous  avons 
parlé  vient  se  reposer.  Prenons  donc  aussi  nous-mêmes  les  ailes  de 
la  colombe  (1)  et  élevons- nous  bien  haut,  afin  de  pouvoir  habiter  sur 

(1;  Allusion  à  ces  paroles  du  psaume  liv^  vers.  7  :  a  Qui  me  donnera  les  ailes  de  la  colombe, 
et  je  volerai,  et  je  me  reposerai?  » 


cans  :  confer  hujusmodi  doctriuam  dog-  1  marcidumque  ebuUit  in  olera  et  in  her- 


matibus  pliilosophorum  et  libris  eoruni, 
et  spleudori  eloqueuti;u,  compositionique 
sermouum  ;  etvidebis  quauto  luinuà  sit 
cœlerisseuiiulbiis  semeu  Evaugelii. 
Chrys.  {in  //omit.  47  vfsiip.)  Vel  mi- 


bas,  qute   cito   arescunt   et   corruuut 
praedicatiû  autem  evangelica  (qiise  parva 
videbatur    in    principio),    cum    vel    in 
anima  credentis,  vel  in  toto  mundo  sala 
fuerit,  non  exsurgit  in  olera,  sed  crescit 


nimiun  est  semeu  Evangelii,  quia  disci-  j  in  arborem  ita  ut  volucres  cœli  (quas 
puli  universis  eraut  imbecilliores,  sed  vel  animas  credenlium,  vel  fortitudines 
tamen  quia  magna  erat   virtus  in  eis,    Deiservitio  mancipatas  sentire  debemus) 


expansa  est  eorum  prœdicatio  ubique 
terrarum  :  et  ideo  sequitur  :  «  Cum  au- 
tem creverit,  majus  est  omnibus  oleri- 
bus,  »  id  est,  dogmatibus.  Aug.  {de 
Quœst.  Evang.  nt  sup.)  Dogmata  autem 
sunt  placita  sectarum,  id  est,  ut  placuit 
sectis.  lliEU.  Philosophorum  enim  doj 


veuiant  et  babiteut  in  ramis  ejus  :  unde 
se(]uitur  :  «  Et  lit  arbor,  iia  ut  volucres 
creli  veniant,  et  habitent  in  ramis  ejus.» 
Ramos  puto  evangelic;c  arboris,  qui  de 
grano  siuapis  creverint,  dogmatum  esse 
diversltates,  in  quibus  supra  diclarum 
voluorum  unaquœque  requiescit.   Assu- 


mata  cum  creverint,  niliil  mordax.nibil  ;  niamus  et  nos  penuas   columbaj  ut  ad 
vitale  demonstraut,  sed  lotum  llaccidum  |  aUiora  volitantes,  possiuius  babitart  in 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XIII.  273 

les  branches  de  cet  arbre,  nous  construire  un  nid  au  milieu  des 
vérités  divines,  et  nous  bâter  de  fuir  la  terre  et  de  gagner  le  ciel. 

S.  HiL.  {ccm.  13.)  Ou  bien  encore  le  Seigneur  se  compare  lui- 
même  à  ce  grain  de  sénevé  qui  est  d'un  goût  très-piquant,  la  plus 
petite  de  toutes  les  semences ,  et  dont  la  force  augmente  lorsqu'il  est 
broyé. 

S.  Grég.  {Moral. ^  xix,  \.)  Il  est  en  effet  ce  grain  de  sénevé  qui, 
après  avoir  été  semé  dans  le  jardin  de  sa  sépulture,  s'est  élevé  comme 
un  grand  arbre;  c'était  un  grain  lorsqu'il  mourut,  ce  fat  im  arbre 
lorsqu'il  ressuscita;  c'était  un  grain  par  l'humilité  de  la  chair,  il 
devint  un  arbre  par  la  puissance  de  sa  majesté.  —  S.  Hil.  {can.  43.) 
Lorsque  ce  grain  eut  été  semé  dans  la  terre,  c'est-à-dire  lorsque  le 
Sauveur  fut  tombé  au  pouvoir  de  la  multitude,  qu'il  eut  été  livré  par 
elle  à  la  mort  et  que  son  corps  eut  été  enseveli  dans  le  tombeau  comme 
un  grain  qu'on  sème  dans  un  champ ,  il  devint  plus  grand  que  tous 
les  légumes  et  surpassa  de  beaucoup  la  gloire  des  prophètes.  La  pré- 
dication des  prophètes  fut  donnée  comme  une  herbe  salutaire  au 
peuple  d'Israël  encore  faible  et  infirme ,  mais  aujourd'hui  les  oiseaux 
du  ciel  se  reposent  sur  les  branches  de  l'arbre.  Ces  branches  de  l'arbre, 
ce  sont  les  Apôtres  qui  par  la  puissance  du  Christ  se  sont  étendus  sur 
toute  la  surface  du  monde  pour  lui  donner  un  doux  ombrage.  C'est 
sur  ces  branches  que  toutes  les  nations  de  la  terre  viendront  dans 
l'espérance  d'y  trouver  la  vie  et  un  lieu  de  repos  comme  sur  les 
branches  d'un  arbre ,  contre  la  violence  des  vents ,  c'est-à-dire  contre 
les  orages  que  soulève  le  souffle  du  démon.  —  S.  Grég.  {Moral.,  xix,  1 .) 
Sur  ces  branches  se  reposent  les  oiseaux  du  ciel  ;  en  effet ,  les  saintes 
âmes  qui  s'élèvent  au-dessus  des  pensées  de  la  terre  sur  les  ailes  des 


ramis  hujus  arboris,  et  nidos  nobis 
facere  doctrinarum,  terrenaque  fugientes 
ad  cœlestia  festinare. 

HiLAR.  (cap.  i'i,  in  Matth.)  Vel  grano 
sinapis  seipsum  Dominus  comparavit, 
acri  seiuiui  et  omnium  semimim  mi- 
nimo,  cujus  virtus  pressuris  accenditur. 

Greg.  (XIX  Moral,  cap.  1.)  Ipse  quidem 
estgranum  siuapis,  qui  'n  horto  sepultu- 
rte  plantatus  arbor  magna  surrexit  :  gra- 
num  uamque  fuitcummoreretur  ;  arbor 
cum  resurgeret  ;  granum])eT  liumilita- 
tem  carnis  ;  arbor  per  potentiam  majes- 
tatis.  niLAR.(-i<^sui>.)  Graumu  igitur  hoc 
postqnam  in  agro  seminatum  fuit  (id 
est  ubi  a  populo  comprobensus  et  trudi- 
tu3  morti,  tauquam  iu  agro  luit  satione 

TOM.  II. 


quadam  corporis  cousepultus  ) ,  ultra 
mensuram  omnium  olerum  excrevit,  et 
uuiversam  prophetarum  gloriam  exce- 
dit.  Oleris  enim  vice  tanq.iam  aegroto 
Israe'i  data  est  praedicatio  prophetarum  : 
sed  jam  in  ramis  arboris  cœli  volucres 
iuhabitaut  :  apostolos  scilicet  ex  Christi 
virtuLe  protensos,  et  muudum  iuum- 
brantes,  in  ramis  intelligimus  ;  in  quos 
gentes  in  spem  vitae  advolabunt;  et 
aurarum  turbine  (id  est,  diaboli  spi- 
ritu  natuque)  vexatœ,  tanquam  iu  ramis 
arboris  conquiescent.  Greg.  (xix  Moral. 
cap.  1.)  In  istis  etiam  volucres  requies- 
cuut  ;  quia  sanclœ  anima?,  quœ  quibus- 
dam  virtutum  penuis  a  terrena  cogila- 
lioue    se    sublevaut,    ia  eorum    dictis 

18 


274 


EXPLICATION  DE   l/ÉVANGILE 


vertus ,  se  reposent  des  fatigues  do  la  vie  dans  leurs  saintes  conversa- 
tions et  dans  les  consolations  dont  elles  sont  la  source. 

f.  33.  —  Il  leur  dit  encore  cette  autre  parabole  :  Le  royaume  des  deux  est 
semblable  au  levam  qu'une  femme  prend  et  qu'elle  mêle  dans  trois  mesures 
de  farine,  jusqu'à  ce  que  la  pâte  soit  toute  levée. 

S.  Ghrys.  {hom.  47.)  C'est  pour  établir  la  même  vérité  que  Notre- 
Seigneur  propose  la  parabole  du  levain  :  «  Il  leur  dit  encore  cette 
autre  parabole  :  Le  royaume  des  cieux  est  semblable  au  levain,  »  etc., 
c'est-à-dire  :  de  même  que  le  levain  change  et  modifie  une  grande 
quantité  de  farine,  en  lui  communiquant  sa  saveur;  ainsi  vous  chan- 
gerez le  monde  entier.  Et  remarquez  ici  la  sagesse  du  Sauveur  ;  il 
emprunte  ses  comparaisons  à  des  faits  naturels  et  il  montre  ainsi  que 
de  môme  qu'il  est  impossible  que  ces  faits  ne  se  produisent  pas  suivant 
leur  nature ,  ainsi  en  est-il  du  royaume  des  cieux.  Or,  il  ne  dit  pas  sim- 
plement :  Le  levain  qu'elle  place,  mais  «  qu'elle  cache,  qu'elle  mêle,  » 
paroles  dont  voici  le  sens  :  C'est  ainsi  que  vous-mêmes  vous  triom- 
pherez de  vos  persécuteurs  après  vous  être  mêlés  et  confondus  avec 
eux.  Car  de  môme  que  le  levain,  bien  qu'il  soit  comme  perdu  dans  la 
masse ,  n'est  point  détruit ,  mais  communique  insensiblement  sa  force 
à  toute  la  pâte ,  ainsi  en  sera-t-il  de  votre  prédication.  Ne  craignez 
donc  pas  les  persécutions  que  je  vous  ai  prédites,  car  elles  ne  servi- 
ront qu'à  vous  rendre  plus  éclatants  et  à  vous  faire  triompher  de  tous 
vos  ennemis.  Notre-Seigneur  prend  ici  les  trois  mesures  de  farine  pour 
une  grande  quantité,  et  il  donne  au  nombre  trois  la  signification  d'un 
nombre  considérable  et  indéterminé.  —  S.  Jér.  La  mesure  dont  il  est 
ici  question  est  une  mesure  en  usage  dans  la  Palestine  et  qui  représente 


atque  consolationibus  ab  hujnsmodi  fati- 
gationc  vitœ  respirant. 

Aliam  paraholam  lor.uliis  est  eis,  dicetis  :  Simile 
est  reynum  cœlorum  fermenta,  qiiod  acceptum 
muîier  ahscondit  in  farinœ  satis  tribus,  donee 
fermentatnm  est  toliim. 

CiiRYS.  [inhomil.  hliilsup.)  Ad  idem 
ostendendum  Domiims  apponit  paraho- 
lam de  fennento  :  uiide  ditiUur  :  «  Aliam 
paraholam  loculus  est  eis  :  Simile  est 
regnum  cœlorum  fermeiito  :  »  (piasi  di- 
ceret  :  Sicul  fermcntum  mullam  i'ariuam 
transmutât  in  suani  virtutem,  ila  et  vos 
tolnm  mundum  transmulahitis.  Kt  vide 
Cinisli  iiruili'utiiiui  :  ea  euim  (pi;e  sunt 
nalurtc  iuducit,  demnnstraiis    ipiouiaui 


sicut  illa  impossibile  est  non  fîeri,  ita  et 
hoc.  Non  autem  dixit  quod  posuit  sim- 
pliciter,  sed  ubscondit  :  ac  si  diceret  : 
ita  et  vos  cum  subjecti  fuoritis  impu- 
gnatoribus  vestris,  tune  eos  superabitis  : 
et  sicut  fermentum  sutTodilur  quidem, 
non  autem  destruitur,  sed  paulatim  ad 
su  uni  habitum  omnia  transmutât,  sic  et 
in  priedicatione  vestra  continget  :  non 
itaque  quia  multas  dixi  superventuras 
vobis  vexaliones,  limoatis  :  ita  enim 
fulgebitis,  et  omnes  superabitis.  Tria 
autem  sata  hic  pro  multis  posuit  :  hune 
enim  numerum  detenninalum  pro  mul- 
titudine  indeterminata  accepit.  Hier. 
Salum  autem  est  genus  mensura^,  juxta 
morcm  pnivincia'  l'alestiiia',.  umnn  mo- 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XIII.  275 

unboisseauetdemi. — S.  A\:G.{Qucst.  écanr/.,  i,  12.)  Ou  bien  le  levain 
c'est  la  charité ,  parce  qu'elle  excite  et  qu  elle  échauffe  :  la  femme 
représente  la  sagesse.  Ces  trois  mesures  de  farine  sont  ces  trois  choses 
qui  se  trouvent  dans  l'homme  et  qui  sont  exprimées  par  ces  paroles  : 
a  Ue  tout  votre  cœur,  de  toute  votre  âme  et  de  tout  votre  esprit.  » 
[Mattli.  XXII.)  Ou  bien  elles  représentent  les  trois  récoltes  qui 
donnent  :  l'une  cent,  l'autre  soixante  et  l'autre  trente  ;  ou  bien  les  trois 
espèces  d'hommes  dont  il  est  parlé  dans  Ezéchiel  :  Noé,  Daniel  et 
Job  (1). 

Rab.  Il  dit  :  «  Jusqu'à  ce  que  toute  la  pâte  soit  levée,  »  parce  que 
la  charité  cachée  dans  notre  âme  doit  s'y  développer  jusqu'à  ce 
qu'elle  ait  communiqué  sa  perfection  à  l'àme  tout  entière ,  ce  qui  se 
commence  dans  cette  vie  et  s'achève  dans  l'autre.  —  S.  Jér.  Ou 
bien  encore  cette  femme  qui  prend  du  levain  et  le  met  dans  trois 
mesures  de  farine,  c'est  la  prédication  des  Apôtres,  ou  l'Eglise 
formée  de  différentes  nations.  Elle  prend  le  levain,  c'est-à-dire 
l'intelligence  des  Ecritures,  et  elle  le  cache  dans  trois  mesures  de 
farine  :  l'esprit,  l'àme  et  le  corps,  afin  de  les  ramener  à  l'unité, 
et  qu'il  n'y  ait  entre  eux  aucun  désaccord.  Ou  bien  encore,  nous 
lisons  dans  Platon  qu'il  y  a  trois  parties  dans  l'àme  :  la  partie 
raisonnable ,  la  partie  irascible  et  la  partie  concupiscible  ;  si  donc 
nous  avons  reçu  le  levain  évangélique  des  saintes  Ecritures,  nous 
devons  posséder  la  prudence  dans  la  partie  raisonnable,  la  haine 
contre  le  mal  dans  la  partie  irascible,  le  désir  des  vertus  dans  la  partie 
concupiscible ,  et  tout  cela  doit  être  le  fruit  de  la  doctrine  évangélique 

(I)  Ezécli.  XIV,  14.  0  Si  trois  hommes  justes,  Noé,  Daniel  et  Job,  sont  au  milieu  d'elle,  par  leur 
propre  justice,  ils  ne  délivreront  que  leurs  âmes;»  et  au  verset  16:  «  Je  jure  par  moi-même, 
dit  le  Seigneur,  que  si  ces  trois  hommes  sont  en  ce  lieu-là,  ils  ne  délivreront  ni  leurs  fils  ni  leurs 
filles,  mais  eux  seuls  seront  délivrés.  » 


dium  et  dimiiliuin  accipiens.  Aug.  [de 
Quœst.  Evang.  lib.  i,  quœst.  12.)  Vel 
fermentam  dicit  dilecliouem,  eo  quod 
fervescere  facit  et  excitât  ;  muliercm,  sa- 
pientiam  dicit  :  in  farinœ  autem  satis 
tribus  iutelliguntur,  vel  tria  in  homine  : 
«  ex  toto  corde,  ex  tota  anima,  et  ex 
tota  mente  ;  »  [Muith.  22)  vel  tria  illa 
fructifera  :  «  centesinium,  sexagesimum 
et  tricesimum;  »  {ut  sxip.)  vel  tria  illa 
gênera  liominum  :  «  Noe,  Daniel  et 
Jûb.  »  (Ezech.  14.) 

Rab.  Dicit  autem,  donec  fennentatiim 
est  tolum,  quia  charitas  in  nostra  mente 
recondita  eo  usque  crescere  débet,  donec 
totam  mentem  in  sui  perfectionem  com- 
mutet,  quod  hic  quidem  inchoatur,  in 


futuro  vero  perficitur.  Hier.  Vel  aliter: 
mulier  ista  quae  fermentum  accipit  et 
abscondit,  praedicatio  milii  videtur  apos- 
tolica,  vel  Ecclesia  de  diversis  gentibus 
congregata  :  haec  toUit  fermentum  (in- 
telligentiam  scilicet  Scripturarum) ,  et 
abscondit  illud  in  fariuse  salis  tribus;  ut 
spiritus,  anima  et  corpus,  in  unum  re- 
dacta  non  discrepent  inter  se.  Vel  aliter  : 
legimus  in  Platone  tria  esse  in  anima  : 
rationale,  irascibile  et  concupiscibile  : 
et  nos  ergo  si  acceperimus  fermentum 
evangelicum  sacrarum  Scripturarum,  in 
ratione  possideamus  prudentiam  ;  in  ira, 
odium  contra  vitia  ;  in  desiderio,  cupi- 
ditatem  virtutum,  et  hoc  totum  fiet  per 
evangeUcam   doctriuam,    quam    uobis 


276  EXPLICATION   DE    l'ÉVaNGILE 

que  notre  mère  la  sainte  Eglise  nous  a  communiquée.  Je  crois  devoir 
rapporter  également  l'interprétation  de  quelques  auteurs,  d'après 
laquelle  cette  femme  est  aussi  l'Eglise,  qui  a  mêlé  la  foi  à  trois 
mesures  de  farine ,  c'est-à-dire  à  la  croyance  dans  le  Père ,  dans  le 
Fils  et  dans  le  Saint-Esprit,  et  lorsque  ce  précieux  levain  de  la  foi  a 
fait  fermenter  toute  la  masse,  elle  nous  conduit  à  la  connaissance  non 
pas  de  trois  Dieux,  mais  d'un  seul  et  même  Dieu.  C'est  une  pieuse 
interprétation;  mais  ui  les  paraboles,  ni  l'explication  douteuse  d'un 
discours  énigmatique  ne  peuvent  servir  d'appui  et  de  preuve  aux 
dogmes  de  la  foi. 

S.  HiL.  {can.  13.)  Ou  bien  encore  le  Seigneur  se  compare  lui-même 
au  levain  ;  le  levain  est  fait  avec  de  la  farine  et  il  rend  à  la  masse  d'où 
il  est  sorti  la  vertu  qu'il  en  a  reçue.  Or,  c'est  ce  levain  qu'une  femme, 
la  synagogue,  a  pris  et  a  caclié  par  la  condamnation  à  mort  qu'elle  a 
prononcée  contre  le  Seigneur.  Ce  levain ,  mélangé  avec  trois  mesures 
de  farine,  c'est-à-dire  mêlé  dans  des  proportions  égales  à  la  loi,  aux 
propbètes,  à  l'Evangile ,  ne  fait  qu'une  seule  cbose  de  ces  trois  élé- 
ments ,  parce  que  la  propagation  de  l'Evangile  vient  accomplir  les 
prescriptions  de  la  loi  et  les  prédictions  des  propbètes.  Je  me  rappelle 
cependant  en  avoir  entendu  plusieurs  qui  interprétaient  ces  trois 
mesures  de  farine  de  la  vocation  des  nations  sorties  de  Sem ,  de 
Cbam  et  de  Japliet.  Mais  je  ne  sais  si  cette  interprétation  est  fondée 
en  raison ,  car  quoique  toutes  les  nations  aient  été  appelées  à  l'Evan- 
gile, on  ne  peut  dire  que  Jésus-Cbrist  y  ait  été  cacbé;  puisqu'au  con- 
traire il  s'y  est  manifesté  avec  éclat  ;  et  d'ailleurs  ce  céleste  levain  n'a 
point  communiqué  sa  vertu  à  toute  la  masse  des  infidèles. 

5".  34,  35.  —  Jésus  dit  toutes  ces  choses  au  peuple  en  pa7-aboles,  et  il  ne  leur 


mater  Ecclesia  prœstitit.  Dicam  et  quo-  i  mortis  abscondit  :  hoc  in  farina?  luen- 
rumdaui  intelligeutiam  :  mulierem  istam  suris  tribus  (id  est,  legis,  proplietarum, 
et  ipsi  Eeclesiam  interpretautur,  qu*  ti-  Evaugeliorum  œqualitate  )  coopertum , 
dem  homiiiis  farinœ  satis  tribus  com-  omuia  uoum  facit  ;  ut  quod  lex  cousti- 
miscuit  :  sciiicet  credulitati  Patris,  et  i  tuit ,  propbetœ  nuutiaverunt ,  idipsum 
Filii,  et  Spiritus  Saucti,  et  cuui  in  unuui  Evaugeliorum  profectibus  expleatur  : 
fuerit  termentata,  non  nos  ad  triplicem  '  quanquam  ad  trium  gentium  vocationem 
Deum,  sed  ad  uuius  Diviuitatis  perdu-  (ex  Sem,  Cham  et  Japhelb)  très  men- 
cit  nolitiaui.  Pius  quideui  sensus,  sed  {  suras  fariuœ  esse  rel'erendas  sensisse 
nunquam  parabobv  et  dubia  senigmatum  !  multos  memiui  :  sed  nescio  an  hoc  ita 


intelligenlia    possuut    ad    auctoritatem 
dogmatum  proticere. 

liiL^vR.  (cap.  13  ut  stip.)  Vel  aliter  : 
fermeuto  se  Dominus  euuiparavit  :  fer- 
nientum  enim  de  farina  est,  quod  vir- 
tulem  acceptam  acervo  sui  generis 
reddit  :  hoc  ;.utem  fermentum  acccptum 


opmari  ratio  permittat;  cum  etsi  om- 
nium gentium  voeatio  sit,  in  his  tameu 
Christus  nouabscousussit,  sed  osteusus; 
et  in  tanta  iulidehum  multitudine  non 
fermentatum  sit  tôt  uni. 

Ilœc  omnia  loculus  est  Jésus   in  partiLolis  ad 


mulicr   (syuagoga  sciiicet)  per  judicilim   |      turbas,  et  sine  ptiraUuUs  non  to(^uebatur  eis 


DE  SAINT    MATTHIEU,   CHAP.    XIII. 


277 


parlait  point  sans  paraboles,  afin  que  cette  parole  du  Prophète  fût  accomplie  : 
J'ouvrirai  ma  bouche  pour  parler  en  paraboles;  je  publierai  des  choses  qui  ont 
été  cachées  depuis  la  créatio?i  du  inonde. 

S.  CnRYS.  {hom.  48.)  Après  avoir  rapporté  ces  paraboles,  l'Evangé- 
liste,  voulant  prouver  que  Notre-Seigneur  n'introduisait  pas  en  cela 
de  nouveautés ,  cite  le  prophète  qui  avait  prédit  ce  mode  d'enseigne- 
ment. «Or  Jésus  dit  toutes  ces  choses,  j»  etc.  Saint  Marc  dit  qu'il  parlait 
en  paraboles  pour  se  mettre  à  la  portée  de  leur  intelligence  {Marc^  iv). 
Ne  soyez  donc  pas  surpris  si ,  en  parlant  du  royaume  des  cieux ,  il 
emprunte  les  comparaisons  de  la  semence  et  du  levain;  il  s'adressait  à 
des  hommes  ignorants  et  qui  avaient  besoin  de  cette  méthode  simple 
pour  être  amenés  à  la  vérité.  —  Rémi.  Le  mot  parabole,  en  grec 
comme  en  latin,  signifie  comparaison  qui  sert  à  démontrer  la  vérité, 
car  elle  nous  découvre  dans  les  différentes  parties  de  la  comparaison 
des  expressions  figurées  et  des  images  de  la  vérité. 

S.  Jér.  Ce  n'est  pas  aux  disciples,  mais  au  peuple  qu'il  parlait  en 
paraboles,  et  encore  aujourd'hui  c'est  le  langage  que  le  peuple  entend 
volontiers;  aussi  l'Evangéliste  ajoute-t-il  :  «Et  il  ne  leur  parlait  point 
sans  paraboles.  »  — S.  Chrys.  {hom.  48.)  Cependant  il  a  parlé  souvent 
au  peuple  sans  paraboles,  mais  dans  cette  circonstance  il  ne  leur 
parla  qu'en  paraboles.  —  S.  Aug.  {Quest.  év.)  Ou  bien  l'Evangéliste 
s'exprime  ainsi,  non  que  le  Seigneur  n'ait  jamais  parlé  dans  le  sens 
littéral,  mais  parce  qu'il  n'a  presque  jamais  fait  de  discours  où  il  n'ait 
enseigné  quelque  vérité  sous  le  voile  de  la  parabole,  bien  qu'il  y  ait 
parlé  en  même  temps  dans  le  sens  littéral;  c'est- à  dire  que  souvent 
son  discours  est  tout  entier  composé  de  paraboles ,  tandis  qu'on  n'en 


ut  impleretur  qiiod  dictum  erat  per  prophe- 
tam  ,  dicentem  :  Aperiam  in  paraboUs  os 
meum  ;  eructabo  abscondita  a  constitutione 
mundi 

Chrys.  {in  homil.  48,  in  Matth.)  Post 
praemissas  parabolas  ne  aliquis  opiaare 
lur  quod  Christus  nova  indiiceret,  iu- 
duxit  Evangeliita  Prophelaui,  etiam  hune 
praedicentem  doctrinse  niodum  :  et  ideo 
dicit  :  «  Hsec  omnia  locutus  est,  »  etc. 
Marcus  aiitem  ait  (cap.  4)  :  «  Quoniam 
sicut  poterant  audire,  loquebatur  eis  ser- 
moneui  in  parabolis  :  «  unde  non  mire- 
ris  si  de  règne  disputans,  grani  et  fer- 
menti  meminit  :  liomiuibus  enira  loque- 
batur idiotis  et  indigentibus  ab  his  in- 
duci.  Remig.  Parabola  graece  latine 
dicitur   similitudo,    per  quam   veritas 


demonstratur.  Ostendit  quippe  in  ipsa 
siniilitudine  quasdam  figuras  verborum 
et  imagines  veritatis. 

Hier.  Non  autem  discipulis,  sed  turbis 
parabolas  loquebatur  ;  et  usque  hodie 
turbse  in  parabolis  audiunt  :  et  ideo  di- 
citur :  «  Et  sine  parabolis  non  loqueba- 
tur eis.  »  Chrys.  (in  homil.  48.  Quam- 
vis  enim  et  multa  sine  parabolis  turbis 
dixerit,  sed  tameu  tune  uiliil.  Aug.  [de 
Quœst.  Evang.  vt  Malth.  quœst.  14.) 
Yel  hoc  dicitur,  non  quia  nihil  proprie 
locutus  est,  sed  quia  nuUum  fere  ser- 
monem  explicavit,  ubi  non  per  para- 
bolam  aliquid  significaverit ,  quamvis 
in  eo  aliqua  et  proprie  dixerit ,  ita  ut 
sœpe  inveniatur  totus  sermo  ejus  para- 
bolis explicatus,   lotus    autem   proprie 


278 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


trouve  aucun  qui  soit  tout  entier  dans  le  sens  littéral.  Par  discours 
entiers  et  complets,  j'entends  ceux  (^uc  le  Seigneur  faisait  suivant  que 
l'occasion  se  présentait,  jusqu'à  ce  que  la  matière  qu'il  traitait,  étant 
terminée,  il  passait  à  un  autre  sujet.  On  ne  peut  nier  du  reste  que 
souvent  un  évangéliste  présente  en  un  seul  discours  ce  qu'un  autre 
évaugéliste  rapporte  comme  ayant  été  dit  en  plusieurs  circonstances 
différentes,  parce  qu'il  s'attache  dans  sa  narration  ,  non  pas  à  l'ordre 
historique  des  faits,  mais  à  l'ordre  dans  lequel  ils  se  présentent  à  son 
souvenir. 

Or,  l'auteur  sacré  nous  apprend  pourquoi  il  parlait  en  paraboles  : 
a  C'est  afin  que  cette  parole  du  Prophète  fût  accomplie.» —  S.  Jér.  Ce 
témoignage  est  emprunté  au  psaume  lxxvii.  Dans  quelques  manus- 
crits, au  lieu  de  la  traduction  de  la  Yulgate  que  nous  avons  rapportée  : 
«  Afin  que  cette  parole  du  prophète  fut  accomplie ,  »  on  lit  :  «  Cette 
parole  du  prophète  Isaïe.  »  —  Rémi.  Porphyre  prend  occasion  de  là 
pour  faire  cette  objection  aux  chrétiens  :  Votre  Evangéliste  a  poussé 
la  sottise  jusqu'à  attribuer  à  Isaïe  ce  qui  se  trouve  dans  les  psaumes 
et  à  citer  ce  témoignage  comme  venant  du  prophète  Isaïe.  —  S.  Jér. 
Comme  cette  citation  ne  se  trouvait  nullement  dans  Isaïe,  j'avais  d'a- 
bord pensé  que  des  hommes  instruits  avaient  fait  disparaître  le  nom 
du  prophète.  Mais  je  crois  maintenant  que  le  texte  portait  primitive- 
ment :  «  Ce  qui  a  été  écrit  par  le  prophète  Asaph.  »  En  effet,  le 
psaume  ixxii ,  auquel  est  emprunté  ce  •  témoignage ,  a  pour  titre  : 
«  Au  prophète  Asaph.  »  (I)  Les  premiers  copistes  n'auront  pas 
compris  ce  nom  d'Asaph  et,  croyant  que  c'était  une  faute  d'écriture, 

(1)  Ou  plutôt,  d'après  le  grec  •.  Intelligence  d'Asap/i. 


dictus  nuUus  inveniatur.  Explicatos  au- 
tem  sermones  dico,  quando  ex  aliqua 
occasione  rerum  iucipit  loqui  quousqiie 
terminel  quicqnid  ad  ipsam  rem  perti- 
net,  et  transeat  ad  aliud.  Nomiunquam 
sane  alius  evanp;eli#ta  contexit.  qiiod 
aliud  divcrsis  teniporibus  dictum  indi- 
cat  :  non  enim  oninino  secuuduni  reruni 
gestarum  ordineni,  sed  secimdum  siuT, 
quisque  recordatiouis  faoultateui,  uarra- 
tionem  quam  exorsus  est  ordinavit. 

Quare  aiitcm  in  parabolis  loquebatur 
manifestai  Evanfçelista,  cum subdit  :  «Ut 
adlmpleretur  quod  dictum  crat  pt>r  Pro- 
pbetam,  »  etc.  Hier.  Hoc  testimonium 
de  77  psalm.  sumptum  est.  Legi  iu  non- 
nullis  codicibus  oo  loco,  ubi  nos  posui- 
mus,  et  vulgata  editiohabet  :  «  Ut  adlm- 


pleretur quod  dictum  est  per  Prophetam 
dicentem,  »  ibi  scriptum  :  «  Per  Isaiam 
propbetam  dicentem.  »  Rkmig.  Uude 
Porpliyrius  objecit  fidelibus  :  «  Evange- 
lista  vester  tautae  insipieutia?  fuit,  ut 
(piod  l'operitur  in  psalmis,  ipsc  deputa- 
voril  Isaite  »  fid  est,  velut  ex  Isaice  pro- 
plietia  desumptum  retulerit.)  HiEU. 
Qiiia  ergo  minime  invcniebatur  in  Isaia, 
arljitror  postea  a  prudentibus  viris  esse 
sublatum  :  sed  milii  videtur  in  prlncipio 
ita  editnm  :  «  Quod  scriptum  est  per 
Asaph  proplietam  dicentem  ;  septuage- 
simus  enim  septimus  psalmus  (de  quo 
sumptum  est  boc  tçstimonium  )  Asaph 
Prophetœ  inscribitur ,  et  primum  scrip- 
torem  non  intellexisse  Asupfi  ,  et  pu- 
tasse    scriptoris    vitium,    atque    emea- 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XllI.  279 

ils  auront  remplacé  ce  nom  par  le  nom  plus  connu  d'Isaïe;  car  il  faut 
se  rappeler  que  non-seulement  David,  mais  tous  les  autres  dont  les 
noms  se  trouvent  en  tête  des  psaumes,  des  hymnes  et  des  divins  can- 
tiques, tels  qu'Asaph,  Tditliuu,  Eman  Ezarite  et  d'autres  dont  l'Ecri- 
ture fait  mention,  méritent  le  nom  de  prophète.  Quant  à  ce  qui  est  dit 
de  la  personne  du  Christ:  «J'ouvrirai  ma  bouche  en  paraboles,»  etc., 
si  nous  considérons  attentivement  ces  paroles ,  nous  y  verrons  la  des- 
cription de  la  sortie  d'Israël  de  la  terre  d'Egypte ,  et  le  récit  de  tous 
les  miracles  qui  sont  contenus  dans  l'Exode;  d'où  nous  devons  con- 
clure que  tout  ce  qui  se  trouve  écrit  dans  ce  livre  doit  être  pris  dans 
un  sens  allégorique  et  nous  révèle  des  mystères  cachés.  Ce  sont  ces 
vérités  mystérieuses  que  le  Seigneur  promet  de  dévoiler,  lorsqu'il  dit  : 
«  J'ouvrirai  ma  bouche  en  paraboles.  »  —  La  Glose  (1).  Ces  paroles 
veulent  dire  :  J'ai  parlé  autrefois  par  les  prophètes;  je  parlerai  main- 
tenant moi-même  en  paraboles ,  et  je  ferai  sortir  du  trésor  de  mes 
secrets  des  mystères  qui  s'y  trouvaient  cachés  depuis  la  création  du 
monde. 

y.  36-43.  —  Alors  Jésus,  ayant  renvoyé  le  peuple,  revint  dans  la  maison,  et 
ses  disciples,  s' approchant  de  lui,  lui  dirent  :  Expliquez-nous  la  parabole  de 
l'ivraie  semée  dans  le  champ.  Et  leur  répondant,  il  leur  dit  :  Celui  qui  sème 
le  bon  grain,  c'est  le  Fils  de  l'homme.  Le  champ,  c'est  le  monde.  Le  bon 
grain,  ce  sont  les  enfants  du  royaume.  Et  l'ivraie,  ce  sont  les  enfants  d'ini- 
quité. L'ennemi  qui  l'a  semée,  c'est  le  diable.  Le  temps  de  la  moisson  est  la 
fin  du  monde.  Les  moissonneurs  sont  les  anges.  Comme  donc  on  cueille 
l'ivraie  et  qu'on  la  brûle  dans  le  feu,  il  en  arrivera  de  même  à  la  fin  du 

(I)  La  Glose  iaterlinéaire,  avec  quelques  changements.  On  retrouve  plus  littéralement  ce  pas- 
sage dans  saint  Anselme. 


dasse  uonieu  Isaiœ ,  cujus  vocabu- 
lum  nianifestius  erat.  Sciendum  est  ita- 
que  quod  ,  non  solum  David,  sed  etiam 
cœteri  (quorum  in  psalmis,  et  byninis, 
et  canticis  Dei  prœscripta  sunt  nomina) 
prophetœ  sunt  appellandi,  Asaph  vide- 
licet,  et  Idithum,  et  Kuiani  Ezarites,  et 
reliqui  quos  Scriptura  commémorât  : 
quodque  in  periona  Domini  dicitur  : 
«  Aperiam  in  parabolis  os  meum,  »  etc. 
considerandum  atteutius,  et  inveniemus 
describi  egressum  Israëlis  ex  ^Egypto  ; 
et  omnia  signa  narrari  quse  in  Exodi 
continentur  liistoria  :  ex  que  intelligi- 
gimus  universa  iUa  quae  ibi  scripta  sunt 
parabolice  sentienda  et  manifestare  abs- 
coridita  sacramenta  :  hoc  enim  se  Sal- 
vator  dicturum  esse  promittit,  dicens  : 


«  Aperiam  in  parabolis  os  meum.  » 
Glossa.  Quasi  diceret  :  Qui  prius  locu- 
tus  sum  per  propbetas,  modo  in  propria 
persoua  aperiam  os  meum  in  parabolis  ; 
et  eructabo  de  thesauro  meisecreti  (sive 
emittam)  mysteria,  quse  absconditaerant 
a  constitutione  mundi.  » 


Tune  dimissis  turhis,  venit  in  domiini ,  et  acces- 
serunt  ad  eitm  diseipuli  ejiis  dicentes  :  Edis- 
sere  nobis  parabolam  ziznniorum  agri.  Qui 
respondens  ait  illis  :  Qui  seminat  bonum  se- 
men,  est  Filius  hominis  ;  ager  autem  est  mun- 
dus;  bonum  vero  semen,  hi  sunt  filii  regni; 
zizania  autem  filii  sunt  neguam;  inimicus  au- 
tem qui  seminavit  ea ,  est  diabolus;  messis 
vero  consummatio  sec/U  est;  tnessores  autem 
angeli  sunt.  Sicut  ergo  colliguntur  zizania,  et 
igni  comburuntur ,  sic  erit  in  consummatione 


280 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


monde.  Le  Fils  de  l'homme  enverra  ses  anges,  qui  ramasseront  et  enlèveront 
hors  de  son  royaume  tous  les  scandales  et  ceux  qui  commettent  l'iniquité;  et 
ils  les  précipiteront  dans  la  fournaise  du  feu.  C'est  là  qu'il  y  aura  des  pleurs 
et  des  grincements  de  dents.  Alors  les  justes  brilleront  comme  le  soleil  dans 
le  royaume  de  mon  Père.  Que  celui-là  entende  qui  a  des  oreilles  pour  en- 
tendre. 

S.  Chrys.  {hotn.  48.)  Le  Seigneur  avait  parlé  au  peuple  en  para- 
boles pour  lui  douncr  l'occasion  de  l'interroger;  mais  quoiqu'il  leur 
eût  dit  beaucoup  de  choses  en  paraboles,  personne  cependant  ne  lui 
adressait  la  parole.  Il  renvoya  donc  la  multitude,  comme  le  remarque 
l'Evangéliste  :  «  Alors,  ayant  renvoyé  le  peuple,  il  revint  dans  la  mai- 
son. »  Aucun  des  scribes  ne  l'y  suit,  ce  qui  prouve  clairement  qu'ils 
ne  le  suivaient  auparavant  que  pour  le  surprendre  dans  ses  dis- 
cours (1).  —  S.  JÉR.  Or,  Jésus  renvoie  le  peuple  et  rentre  dans  la 
la  maison  pour  donner  à  ses  disciples  la  facilité  de  s'approcher  de  lui, 
et  de  lui  faire  en  secret  des  questions  sur  ce  que  le  peuple  ne  méritait 
ni  n'était  capable  d'entendre. 

RiVB.  Dans  le  sens  mystique ,  c'est  après  avoir  congédié  la  foule 
tumultueuse  des  Juifs  qu'il  entre  dans  FEghse  formée  des  nations,  et 
c'est  là  qu'il  expose  aux  fidèles  les  mystères  du  royaume  des  cieux  : 
«  Et  alors  ses  disciples  s'approchèrent,  »  etc.  —  S.  Chrys.  {hom.  48.) 
Autrefois,  pleins  du  désir  d'apprendre,  ils  craignaient  de  l'interroger; 
maintenant  ils  le  font  librement  et  avec  confiance ,  parce  qu'il  leur  a 
dit  :  «  11  vous  a  été  donné  de  connaître  les  mystères  du  royaume  des 
cieux.  »  C'est  pour  cela  qu'ils  l'interrogent  en  particulier,  c'est-à-dire 
en  secret  et  non  point  par  un  sentiment  de  jalousie  contre  la  multi- 

(1)  Comme  on  le  verra  plus  tard  des  pharisiens,  des  hérodiens,  et  dessadducéens,  chap.  xxii. 


seculi  :  mittel  Filius  hominh  anrjelos  suos  :  et 
colligent  de  regno  ejus  omnia  scandala,  et  eos 
qui  faciunt  iniquitalem;  et  mittent  eos  in  ca- 
mimtm  ignis  :  Un  erit  fletus  et  stridor  den- 
tiuin  ;  tune  justi  fulgebunt  nicut  sol  in  regno 
Patris  eorum.  Qui  habet  aures  audiendi,  ati- 
diat. 

Chrys.  [in  hom.  48  ut  sup.)  Locutus 
fuerat  Dominns  turbis  in  parabolis  ut  eos 
ad  iuLerroganduin  induceret;  et  qiiam- 
vis  mulla  in  i)arabolls  dixisset,  nullus 
tamen  euui  interrofiavit  :  et  ideo  eos 
dimiriit  :  uude  sequitur  :  «  Tune  dimissis 
turbis,  venit  in  domuui.  »  Nullus  aulem 
scribarum  eura  sequitur  :  unde  uiani- 
festun)  est  quod  propter  nibil  aliud  prius 
sequebautur  quam  ut  eum  caperent  in 


sermone.  Hier.  Diiuittit  autem  turbas 
Jésus,  et  domuni  reverlitur,  ut  accédant 
ad  eum  discipuli ,  et  secreto  interrogent 
quœ  populus  nec  merebatur  audire  nec 
poterat. 

ILvB.  Mystice  autem  dimissa  turba 
tumulluanlium  Judaeorum  ,  iugreditur 
Ecclesiam  gentium,  et  ibi  tidelibus  expo- 
nit  sacramcnta  cœlestia  :  unde  sequitur  : 
«  Et  accesseruut  ad  eum  discipuli,  »  etc. 
CiiRYS.  (in  hom.  48  itt  sup.)  Cum  ali- 
quando  volentes  discere  formidaverint 
interrogare,  nunc  libère  interrogant, 
et  confisi  sunt  ,  quoniam  audieraut  : 
«  Vobis  datum  est  nosse  mystcrium 
regni  Dei  :  »  ideoque  siugulariter  (sive 
seorsim)   interrogant,    non    multitudi- 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XIII. 


281 


tude  qui  n'avait  pas  reçu  la  même  faveur.  Ils  laissent  de  côté  la  para- 
bole du  levain  et  celle  du  sénevé  comme  plus  claire,  et  ils  l'interrogent 
sur  la  parabole  de  l'ivraie ,  parce  qu'elle  a  de  l'analogie  avec  la  para- 
bole de  la  semence  et  qu'elle  contient  quelques  particularités  de  plus. 
Le  Seigneur  leur  explique  donc  cette  parabole  :  «  Et  leur  répondant, 
il  leur  dit  :  Celui  qui  sème  le  bon  grain,  c'est  le  Fils  de  l'homme.  »  — 
Rémi.  Notre-Seigneur  s'est  appelé  le  Fils  de  l'homme  pour  nous  laisser 
un  exemple  d'humilité,  ou  bien  parce  qu'il  devait  se  rencontrer  des 
hérétiques  qui  nieraient  son  humanité.  Ou  bien  encore,  c'est  afin  que 
par  la  foi  à  son  humanité,  nous  puissions  nous  élever  jusqu'à  la  con- 
naissance de  sa  divinité. 

a  Le  champ,  c'est  le  monde,  »  etc.  —  S.  Chrys.  {hom.  48.)  Gomme 
c'est  lui-même  qui  sème  son  champ,  il  faut  en  conclure  que  le  monde 
actuel  lui  appartient.  «  La  bonne  semence,  ce  sont  les  enfants  du 
royaume.  »  —  Rémi.  C'est-à-dire  les  saints  et  les  élus  qui  sont  mis  au 
nombre  des  enfants  de  Dieu.  —  S.  Aug.  {Contre  Fauste,  xviii,  7.) 
L'ivraie,  d'après  l'explication  du  Sauveur,  ce  ne  sont  pas  quelques 
erreurs  mêlées  à  la  vérité  des  saintes  Ecritures  (suivant  l'interpréta- 
tion des  Manichéens),  mais  ce  sont  tous  les  enfants  de  l'esprit  mauvais, 
c'est-à-dire  les  imitateurs  des  mensonges  du  démon.  «L'ivraie,  dit 
Notre-Seigneur,  ce  sont  les  enfants  d'iniquité,  »  dénomination  qui 
comprend  tous  les  impies  et  tous  les  méchants.  —  S.  Aug.  {Quest. 
évang.^  liv.  vi,  quest.  2.)  Toutes  les  mauvaises  herbes  qui  se  trouvent 
dans  les  moissons  reçoivent  le  nom  d'ivraie.  L'ennemi  qui  la  sème, 
c'est  le  démon.  —  S.  Chrys.  {hom.  48.)  C'est  en  effet  une  des  ruses 
du  démon  de  mêler  toujours  l'erreur  à  la  vérité.  «  La  moisson,  c'est 


nem  aBmulantes  quibus  non  erat  datum. 
Dimittunt  autem  parabolam  fermenti  et 
sinapis ,  ut  manifestiores  ;  interrogant 
autem  de  parabola  zizaniorum ,  quia  ha- 
bet  convenientiam  ad  prœmissam  para- 
bolam de  semine,  et  aliquid  amplius 
ostendit.  Dominus  autem  quse  esset  para- 
bola exponit  :  uude  sequitur  :  «  Qui  res- 
pondens  ait  eis  :  qui  seminat  bonum  se- 
men  est  Filius  hominis.  »  Remig.  Ideo 
autem  Domiuus  se  Filhini  hominis  ap- 
pellavit,  ut  hoc  indioio  nobis  exeuiplum 
humilitatis  relinqueret  ;  sive  quia  futu- 
rum  erat  ut  liBeretici  negarent  eum  ve- 
rum  liominem  esse;  sive  ut  per  huma- 
nitatis  fidem  possimus  conscendere  ad 
Divinitatis  cognitionem. 

Sequitur  :    «  Ager  autem   est  mun- 
dus, »  etc.  Chrys.  [inhomil.  48  ut  sup.) 


Cum  autem  ipse  sit  qui  seminat  agrum 
suum,  manifestum  est  quod  prœsens 
mundus  est  ejus.  Sequitur  :  «  Bonum 
vero  semen  hi  sunt  filii  regni.  »  Remig. 
Id  est,  sancti  et  electi  viri,  qui  iuter  filios 
computautur.  Acg.  [contra  Fcmstum, 
lib.  18,  cap.  1.)  Zizania  autem  exponit 
Dominus  non  aliqua  falsa  veris  Scriptu- 
ris  immissa  (sicut  Manichaeus  iuterpre- 
tatur),  sed  omnes  filios  maligni,  id  est, 
imitatores  diabolicae  falsitalis,  uude  se- 
quitur :  «  Zizania  autem  sunt  filii  ne- 
quam,  »  per  quos  omnes  impios  et  mali- 
gnos  vult  intelligi.  Aug.  [de  Quœst. 
Èvang.  lib  i,  qusest.  11.)  Omnis  autem 
immunditia  in  segete  zizania  dicuntur, 
Sequitur  :  «  Inimicus  qui  seminavit  ea, 
est  diabolus.  »  Chrys.  {in  homil.  48  ut 
sup.)  Etenim  hoc  diabolicae  est  machina- 


282 


EXPLICATION   DE    l'ÉVANGILE 


la  fin  du  monde.  »  Notre-Seigneur  dit  dans  un  autre  endroit,  mais  en 
parlant  des  Samaritains  :  «  Levez  vos  yeux  et  regardez  les  campagnes 
comme  elles  blanchissent  déjà  pour  la  moisson.  »  [Jean,  iv.)  Et 
ailleurs  :  «  La  moisson  est  grande ,  mais  il  y  a  peu  d'ouvriers ,  » 
paroles  qui  signifient  que  le  temps  de  la  moisson  est  arrivé.  Pourquoi 
donc  déclare-t-il  qu'elle  n'aura  lieu  que  plus  tard?  C'est  qu'il  l'entend 
ici  dans  un  autre  sens.  Aussi,  tandis  que  dans  les  paroles  qui  pré- 
cèdent il  dit  que  l'un  sème  et  que  l'autre  moissonne ,  il  déclare  ici 
que  c'est  le  même  qui  sème  et  qui  moissonne  ;  car  lorsqu'il  dit  que 
celui  qui  sème  n'est  pas  celui  ijui  moissonne ,  ce  n'est  pas  entre  lui  et 
les  prophètes,  mais  entre  les  prophètes  et  les  Apôtres  qu'il  veut  établir 
une  distinction ,  puisque  c'est  le  Christ  qui  a  semé  lui-même  par  les 
prophètes  dans  la  Judée  et  dans  la  Samarie.  C'est  donc  sous  deux 
sens  différents  qu'il  prend  dans  ces  deux  circonstances  les  mots  de 
semence  et  de  moisson.  Lorsqu'il  parle  d'obéissance  et  de  soumission 
à  la  foi,  il  se  sert  du  nom  de  moisson,  parce  qu'elle  est  le  principe 
et  la  cause  de  toute  perfection  ;  mais  lorsqu'il  est  question  du  fruit 
qu'on  doit  retirer  de  la  parole  de  Dieu,  comme  dans  cet  endroit,  il 
appelle  la  moisson  la  consommation  de  toutes  choses.  —  Rémi.  La 
moisson  désigne  le  jour  du  jugement  où  les  bons  seront  séparés  des 
méchants  par  le  ministère  des  Anges,  ainsi  qu'il  le  dira  plus  bas  : 
«  Le  Fils  de  l'homme  viendra  juger  le  monde  avec  ses  anges  ;  »  et 
c'est  pour  cela  qu'il  dit  :  «  Les  moissonneurs  sont  les  anges.  » 

«  De  même  que  les  moissonneurs  ramassent  l'ivraie,  ainsi  les  anges 
feront  disparaître  de  son  royaume  tous  les  scandales.  »  —  S.  Aug. 
(Cité  de  Dieu.,  ix.)  Est-ce  donc  de  ce  royaume  où  il  n'y  a  plus  de  scan- 


tiouis  veritati  semper  iuserere  errorem 
sequitur  :  «  Messis  vero  consummatio 
est  seculi.  »  Alio  autem  loco  ait,  sed  de 
Saïuaritauis  loqueus  [Joan.  4)  :  «  Levate 
oculos  vestro?,  et  cousideratc  regiones, 
qnouiam  jam  albœ  suut  ad  messem.  » 
Et  nirsus  {Matth.  9,  et  Luc.  10)  :  «Jles- 
sis  quidem  milita,  operarii autem  paiici:)) 
in  quibusverbis  messem  dioit  jamadesse. 
Qualiter  ergo  hic  eam  dicit  esse  fntu- 
ram  ?  Sed  soienùum  quod  iu  alia  sigui- 
ficatione  messem  dicit  :  iinde  et  ihi 
dicit  (/of7»i.  4)  quod  «  alius  est  qui  semi- 
nat,  et  alius  qui  metit  ;  »  hic  autem 
eumdeiii  dicit  esse  qui  seniiuat,  et  qui 
metit  ;  quouiam  ibi  non  ad  sui  differeu- 
tiam,  sed  apostolorum  prophetas  iuduxit  : 
et  euim  ipse  Christus  per  propiietas  se- 
minavlt  in  Judœis  et  Samarilanis.  Idem 


ergo  nominal  semen  et  messem  secun- 
dum  aliud  et  aliud.  Cum  enim  de  obe- 
dientia  loquitur,  et  persuasione  ad  fidem, 
tune  vocat  messem,  sicul  in  quo  totum 
perfîcitur  ;  sed  cum  inquirit  de  fruclu 
auditionis  verbi  Dei,  tune  consumma- 
tioncm  dicit  messcvi;  sicut  hic.  Remig. 
Per  messem  enim  designatur  dies  judi- 
cii,  in  quo  separandi  suut  boni  a  malis, 
quod  fiet  miuisterio  augelorum  :  uude 
infra  dicitur  (cap.  23)  quod  veniet  FiUus 
hominis  cum  angelis  suis  judicare  :  » 
propter  quod  sequitur  :  «  Messores  au- 
tem augeli  sunt.  » 

Sequitiu?  :  «  Sicut  ergo  coUiguntur  ziza- 
nia,  etc.,  sic  angeli  colligent  de  regno 
ejus  omnia  scandala,  »  etc.  Auc  (xx  de 
Civit.  Dei.  cap.  9.)  ^'unquid  de  regno 
illo,  ubi  nuUa  sunt  scandala?  De  regno 


DE  SAINT   MATTHIEU^    CHAP.    XIII.  283 

dales?  Non,  c'est  de  ce  royaume  qui  est  sur  la  terre,  c'est-à-dire  de 
l'Eglise,  qu'ils  les  feront  disparaître.  — S.  AuG.  {Quest.  évmir/.,  i,  10.) 
L'ivraie  qu'on  met  d'abord  de  côté  signifie  que  c'est  après  que  les 
persécutions  auront  exercé  leur  empire  que  les  bons  seront  séparés 
des  mécbants;  ce  sont  les  bons  anges  qui  feront  cette  séparation  ,  car 
ils  peuvent  s'acquitter  de  cette  œuvre  de  justice  avec  une  intention 
droite  et  pure,  tandis  que  les  méchants  sont  incapables  d'accomplir 
le  ministère  de  la  miséricorde.  —  S.  Chrys.  {hom.  4.8.)  Ou  bien  on 
peut  entendre  par  ce  royaume  l'Eglise  du  ciel,  et  Notre-Seigueur  nous 
révèle  ici  la  double  peine  des  réprouvés,  la  privation  de  la  gloire, 
par  ces  paroles  :  a  Et  ils  enlèveront  tous  les  scandales  de  son  royaume,» 
pour  les  en  bannir  à  tout  jamais,  et  le  supplice  du  feu  par  ces 
autres  :  «  Et  ils  les  précipiteront  dans  la  fournaise  du  feu.  »  — 
S.  JÉR.  (1).  Tous  les  scandales  sont  figurés  ici  par  l'ivraie;  mais  en 
disant  :  «  Ils  enlèveront  de  son  royaume  tous  les  scandales ,  et  tous 
ceux  qui  font  l'iniquité,  »  Notre-Scigneur  veut  distinguer  entre  les 
hérétiques  et  les  schismatiques.  Ceux  qui  sont  une  cause  de  scandale 
sont  les  hérétiques ,  ceux  qui  commettent  l'iniquité  représentent  les 
schismatiques.  — La  Glose  (2).  Ou  bien  dans  un  autre  sens,  il  faut 
entendre  par  les  scandales  tous  ceux  qui  sont  pour  le  prochain  une 
occasion  de  chute  ou  de  ruine ,  et  par  ceux  qui  commettent  l'ini- 
quité, les  pécheurs  quels  qu'ils  soient.  —  Rab.  Remarquez  que 
Notre-Seigneur  dit  ;  «  Ceux  qui  font,  »  et  non  pas  ceux  qui  ont  fait 
l'iniquité  ;  car  ce  ne  sont  pas  ceux  qui  font  pénitence  ,  mais  ceux  qui 
persévèrent  dans  leurs  péchés  qui  seront  livrés  aux  supplices  éternels. 

f()  On  ne  trouve  rien  de  semblable,  ni  dans  saint  Jérôme,  ni  dans  Raban,   ni  dans  Bède,  ni 
dans  aucun  autre  auteur. 
(2)  On  ne  trouve  cotte  citation  ni  dans  la  Glose  actuelle,  ni  dans  saint  Anselme. 


ergo  islo  ejus  quod  est  hic  (scilicel  Ec- 
clesia)  coUigeutur.  Alg.  {de  Quœst. 
EviuKj.  lib.  I,  cap.  10  etH.)  Quod  autem 
primo  separautur  zizania,  hoc  est,  quia 
tribulatioue  praecedente  separabuutur 
impii  a  piis;  quod  per  honos  angelos  in- 
felligitur  iieri,  quia  officia  vindicta;  pos- 
suul  iuiplere  bono  animo,  quoniodo  lex, 
quouiodo  judex  ;  officia  vcro  uiisericor- 
dio",  niali  iinplere  non  possunl.  Chrys. 
{in  homil.  48  ut  sup.)  Vel  potest  intel- 
ligi  de  regno  cœleslis  Iv'clesife  et  tune 
ostenditur  liic  duplex  pœna  :  videlicet 
quod  excidunt  a  gloria,  in  hoc  quod 
dicit  :  «  El  coUigent  de  regno  ejus  om- 
nia  scandala  »  (scilicet  ne  scaudala  in 
regnum  ejus  intrent),  et  quod  combu- 
ruulur,  in  hoc  quod  subdit  :  «  Et  niit- 


teut  eos  in  camimim  ignis.  Hier.  Omnia 
autem  scandala  referuntur  ad  zizania  : 
in  hoc  autem  quod  dicit  :  «  Et  colligent 
de  regno,))  etc.  inter  hœrelicosetschis- 
niaticos  volait  distinguere,  ut  per  eos 
qui  faciunt  scandala,  intelligantur  hœre- 
tici;  per  eos  vero  qui  faciunt  iuiquitates, 
intelligantur  scbismatici.  Glossa.  VelaU- 
ter  :  Per  scandala  possunt  intelligi  illi 
qui  prœbent  proximo  occasionem  offen- 
siouis  aut  ruinrc  ;  per  fucientes  iniqiii- 
latem,  quicuuque  peccantes.  Rab.  Ob- 
serva quod  dicit  :  «  Et  eos  qui  faciunt 
iniquitatem,  ))  non  «  qui  fecerunt  ;  »  quia 
non  qui  conversi  sunt  ad  pœniten- 
tiam ,  sed  solum  qui  permanent  ia  pec- 
catis ,  seternis  crucialibus  mancipandi 
erunt. 


28i 


EXPLICATION  DE  L  EVANGILE 


S.  Chrys.  {hom.  48.)  Considérez  ici  l'amour  ineffable  de  Dieu  pour 
les  hommes,  il  est  toujours  prêt  à  répandre  sur  nous  ses  bienfaits  et  il 
ne  punit  qu'à  la  dernière  extrémité.  Lorsqu'il  s'agit  de  semer,  c'est 
lui-même  qui  sème ,  et  lorsqu'il  faut  qu'il  punisse ,  il  se  décharge  de 
ce  soin  sur  les  anges. 

«  C'est  là  qu'il  y  aura  des  pleurs  et  des  grincements  de  dents.  »  — 
Rémi.  Ces  paroles  sont  une  preuve  de  la  résurrection  véritable  des 
corps  (1)  et  nous  y  voyons  annoncés  la  double  peine  de  l'enfer,  une 
excessive  chaleur  et  un  froid  des  plus  rigoureux.  Or,  de  même  que 
l'ivraie  représente  tous  les  scandales,  ainsi  tous  ceux  dont  Notre-Sei- 
gneur  dit  ici  :  «  Alors  les  justes  brilleront  comme  le  soleil  dans  le 
royaume  de  leur  Père ,  »  seront  mis  au  nombre  des  enfants  du 
royaume.  Dans  ce  monde  ^  la  lumière  que  répandent  les  saints  brille 
aux  yeux  des  hommes;  après  la  consommation  des  siècles ,  les  justes 
brilleront  eux-mêmes  comme  le  soleil  dans  le  royaume  de  leur  Père. 
—  S.  Chrys.  {hojn.  48.)  Notre- Seigneur  ne  veut  pas  dire  que  leur 
éclat  sera  tout  juste  égal  à  l'éclat  du  soleil,  mais  il  se  sert  de  cette 
comparaison  parce  que  parmi  les  astres  qui  nous  éclairent,  il  n'en  est 
point  qui  brille  d'un  plus  vif  éclat  que  le  soleil.  —  Rémi.  Ces  paroles  : 
a  Alors  ils  brilleront,  »  signifient  que  les  saints  brillent  sur  cette  terre 
par  leurs  exemples,  mais  qu'ils  brilleront  alors  comme  le  soleil  pour 
la  plus  grande  gloire  de  Dieu. 

cr  Que  celui-là  entende  qui  a  des  oreilles  pour  entendre.  »  — 
Raban.  C'est-à-dire  que  celui  qui  a  de  l'intelligence  comprenne, 
parce  que  toutes  ces  paroles  doivent  être  entendues  dans  un  sens  mys- 
térieux, 

(1)  Comme  elle  est  indiquée  dans  le  livre  de  Job  (xxiv,  19). 


Chrys.  {in  homil.  48  ut  sup.)  Vide  au- 
tem  ineffabilein  Dei  amorera  ad  homi- 
nes.  Est  enim  ad  bénéficia  promplus  et 
ad  pœuam  tardas.  Cum  enim  semiuat, 
per  seipsum  seiuiuat  ;  cum  autem  punit, 
per  alios;  miltit  enim  ad  hoc  angelos 
suos. 

Sequitur  :  «  Ibi  erit  fletus  et  stridor 
dentium.  »  Rfmig.  His  verbis  denions- 
tratur  vera  corporum  resurrectio  :  nihil- 
ominus  ostenditur  per  hoc  duplex  pœna 
iuferi  :  scilicet  nimii  caloris,  et  niniii 
frij^oris;  sicut  autem  scandala  referuntur 
ad  zizania,  ita  isti  reputantur  in  filios 
regni  de  quibus  sequitur  :  «  Tune  justi 
fulf^ebunt  sicut  sol  in  regno  Patris  eo- 


rum  :  »  in  praesenti  enim  seculo  fulget 
lux  sauctorum  coram  hominibus;  post 
coDsuuimationem  autem  muudi ,  ipsi 
justi  fulgebunt  sicut  sol  in  regno  Patris 
sui.  Chrys.  {ut  snp.)  Non  quia  ita  solum 
sicut  sol,  sed  quia  hoc  sidère  aliud  ma- 
gis  luculentum  non  noscimus,  coguilis 
nobis  utitur  exemplis.  Remig.  Quod  au- 
tem dicit  :  «  Tune  fulgebunt,  »  intelli- 
geudum  est  quia  et  nunc  fulgent  in  exem- 
pliuu  aliorum,  sed  tune  fulgebunt  sicut 
sol  ad  laudandum  Deum. 

Sequitur  :  «  Qui  habet  aures  audiendi 
audiat.  »  Rab.  Id  est,  qui  habet  iuteUec- 
tum,  intelligat,  quia  mj'stice  haec  om- 
nia  intelligenda  sunt. 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XIII. 


28i 


f.  44.  —  Le  royaume  des  cieux  est  semblable  à  un  trésor  caché  dans  un  champ, 
qu'un  homme  trouve  et  qu'il  cache;  et,  dans  la  joie  qu'il  ressent,  il  va  vendre 
tout  ce  qu'il  a  et  achète  ce  champ. 

S.  CiiRïs.  {ho}n.  48.)  Les  paraboles  précédentes  du  levain  et  du 
grain  de  sénevé  avaient  pour  objet  de  faire  ressortir  la  puissance  delà 
prédication  évangélique  qui  a  triomphé  (1)  du  monde  entier;  Notre- 
Seigneur  veut  faire  connaître  maintenant  tout  le  prix  et  la  magnifi- 
cence de  cette  sublime  doctrine,  et  il  se  sert  pour  cela  de  la  parabole 
du  trésor  et  de  la  pierre  précieuse  :  «  Le  royaume  des  cieux  est  sem- 
blable à  un  trésor  caché  dans  un  champ.  »  La  prédication  de  l'Evan- 
gile est  cachée  dans  le  monde ,  et  si  vous  ne  vendez  pas  tout  ce  que 
vous  possédez,  vous  ne  pourrez  l'acheter.  Il  faut  de  plus  faire  ce  sacri- 
fice avec  joie.  «  Lorsqu'un  homme  le  trouve,  il  le  cache.  »  —  S.  Hil. 
Ce  trésor  se  trouve  sans  qu'il  en  coûte  rien,  car  la  prédication  de 
l'Evangile  est  sans  conditi(»n  ;  mais  il  faut  nécessairement  acheter  le 
droit  d'user  de  ce  trésor  et  d'en  devenir  le  possesseur  ainsi  que  du 
champ  qui  le  renferme ,  car  on  ne  peut  posséder  les  richesses  du  ciel 
sans  être  disposé  à  leur  sacrifier  les  biens  de  la  terre.  —  S.  Jér.  FI 
cache  ce  trésor ,  ce  n'est  point  par  un  sentiment  d'envie ,  mais  il  le 
cache  dans  son  cœur  par  le  désir  de  conserver  et  par  la  crainte  de 
perdre  ce  trésor  qu'il  a  su  préférer  aux  richesses  qu'il  possédait. 

S.  GftÉG.  {hom.  12  sur  les  Evang.)0\i  bien  ce  trésor  caché  dans  un 
champ,  c'est  le  désir  du  ciel  :  le  champ  dans  lequel  il  est  caché,  c'est 
la  perfection  et  la  sainteté  de  la  vie  qui  conduit  au  ciel.  Lorsqu'un 
homme  a  trouvé  ce  trésor,  il  le  cache  pour  le  conserver,  car  le  goût  et 

(1)  Ou  qui  triomphera,  d'après  le  texte  grec,  où  le  verbe  TiepiÉaiat  est  au  futur. 


Simile  est  regnum  cœlorum  thcsauro  abscondito 
inagro,  quem  qui  invenit  /tomo ,  abscondit, 
et  prœ  gaudio  illius  vadit ,  et  vendit  universa 
quœ  habet,  et  émit  agrum  illum. 

Chrys.  (in  homil.  48  ut  sup.)  Para- 
bolte  quas  supra  Dominiis  posuerat  de 
fermento  et  sinapi,  ad  virtulem  evange- 
licae  prœdicatiouis  referimlur,  quouiam 
superavit  orbem  terrarum  :  nuuc  autem 
ut  pretiositatem  et  maguificenliam  ejus- 
dem  osteuderet,  propouit  parabolam  de 
Ihesauro  et  margarita,  dicens  :  «  Simile 
est  regûum  cœlorum  Ihesauro  abscou- 
dito  in  agro  :  »  prœdicatio  enim  Evan- 
gelii  occulta  est  iu  muiido  ;  et,  si  nou 
vendiderisonmia,  uon  emes  eam;  etcum 
gaudio  hoc  oportet  facere  :  unde  sequi- 


tur  :  «  Quam  qui  invenit  homo  abscon- 
dit. »  HiLAR.  Hic  quidem  thésaurus  gra- 
tis iuveuitur  :  evangeliorum  enim  prœ- 
dicatio  in  absoluto  est  :  sed  utendi  et 
possidendi  hujusmodi  thesauri  cum  agro 
potestas  non  potest  esse  sine  pretio  ; 
quia  cœlesles  divitiœ  non  sine  damno 
seculi  possideutiir.  Hier.  Quod  autem 
abscondit,  non  de  invidia  facit  ;  sed  ti- 
moré servantis  et  noleutis  perdere,  abs- 
condit in  corde,  quem  prislinis  pra;tulit 
facultatibus. 

Greg.  {in  homil.  12,  in  Evang.)  Vel 
aliter  :  thésaurus  iu  agro  absconditus, 
est  cœleste  desiderium:  ager  vero  in  qiio 
thésaurus  absconditur,  est  disciplina  stu- 
dii  cœlestis  ;  quem   scilicet  thesaurum 


286  •  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILR 

le  désir  ardent  des  biens  célestes  ne  suffisent  pas  pour  défendre  ce  tré- 
sor contre  les  esprits  mauvais ,  si  celui  qui  le  possède  ne  s'efforce  pas 
de  le  dérober  aux  attaques  des  louanges  des  hommes.  Eu  effet;,  la  vie 
présente  est  semblable  à  une  route  que  nous  parcourons  pour  arriver 
à  la  patrie;  mais  cette  route  se  trouve  assiégée  par  les  esprits  mauvais 
comme  par  autant  de  voleurs  de  grand  chemin.  Ceux  donc  qui  portent 
ce  ti'ésor  à  découvert  semljlent  vouloir  devenir  la  proie  des  voleurs.  Je 
ne  veux  pas  dire  que  notre  prochain  ne  doive  pas  être  témoin  de  nos 
bonnes  œuvres,  mais  simplement  qu'il  ne  faut  pas  dans  nos  actions 
nous  proposer  les  louanges  des  hommes.  Or,  le  royaume  des  cieux  est 
comparé  aux  choses  de  la  terre,  pour  que  notre  esprit  puisse  s'élever 
de  ce  qu'il  connaît  à  ce  qu'il  ne  connaît  pas  encore,  et  que  de  l'amour 
qu'il  donne  aux  choses  dont  il  a  la  connaissance ,  il  apprenne  à  aimer 
ce  qu'il  ne  connaît  pas.  «  Et  dans  la  joie  qu'il  en  ressent,  »  etc.  On 
achète  le  champ  avec  le  prix  de  tous  les  biens  qu'on  a  vendus ,  lors- 
qu'on renonce  aux  voluptés  charnelles  et  qu'on  foule  aux  pieds  tous 
les  désirs  terrestres  par  une  obéissance  entière  aux  lois  qui  conduisent 
au  ciel. 

S.  Jér.  Ou  bien  encore  ce  trésor  dans  lequel  sont  cachés  tous  les 
trésors  de  la  sagesse  et  de  la  science  (1),  c'est  ou  le  Verbe  Dieu  qui  est 
comme  caché  dans  la  nature  humaine  de  Jésus-Christ,  ou  bien  les 
saintes  Ecritures  dans  lesquelles  est  renfermée  la  connaissance  du 
Sauveur.  —  S.  AuG.  {Quest.  Evang.,  liv.  i,  chap.  13.)  Ce  trésor 
caché  dans  le  champ,  ce  sont  les  deux  Testaments  qui  se  trouvent 
dans  l'Eglise  ;  lorsqu'un  homme  parvient  à  les  atteindre  par  une  partie 
seulement  de  son  intelligence,  il  comprend  que  ce  champ  renferme 
de  grandes  richesses ,  il  s'en  va ,  il  vend  tout  ce  qu'il  possède  et  il 

(1)  Allusion  à  ce  que  l'Apùtre  dit  de  Jésus-Christ.   Coloss.  il,  3. 


cum  invenit  homo,  abscondit  (scilicet  ut 
servetur),  quia  studium  cœlestis  deside- 
rii  a  malignis  spiritibui  custodife  nou 
sufficit  qui  lioc  ab  liumauis  laudibus  uou 
abseondil  :  iu  prajsenti  elenini  vita  quasi 
lu  via  sumus  qua  ad  palriam  pergimus  ; 
maligni  autem  spiritus  iter  uostruui, 
quasi  quidam  latruucub,  ubsident.  De- 
praidari  ergo  desideranl  qui  thesaurum 
pubbce  porlaul  in  via.  iloc  autem  dico, 
non  ut  proximi  uostri  opéra  uostra  boua 
non  videant,  sed  ut  per  boc  quod  agi- 
nius, laudes  exlcrius  nou  qua^ramus.Cœ- 
lorum  autem  regnum  idcirco  terrenis 
rébus  similo  dicitur,  ut  ex  bis  qute  aui- 
nuis  uovil,  surgatad  iucognita  qu;c  nou 
novil;  ut  per  boc  quod  seiL  noliun  dili- 


gere,  discat  et  ignotum  amare  :  sequi- 
tur  :  «  Et  pr.e  gaudio,  »  etc.  agrum  pro- 
fecto  venditis  omuibus  comparai,  (jui 
vokiptatibus  caruis  renuntians,  cuncla 
sua  terrena  desideria  per  discipliaœ  cœ- 
lestis custodiaiu  calcat. 

Hier.  Vel  tbesaurus  iste  in  quo  suut 
omnes  tbesauri  sapientiae  et  scientite 
absconditi,  aut  Deus  Verbum  est, qui  iu 
carne  Cbristi  videtur  absconditus  ;  aut 
sancta;  Scripturae,  iu  quibus  reposita  est 
notitia  Salvatoris.  AcG.  ((/e  Quœst.  Lvung. 
lib.  \,  cap.  13.)  Hune  autem  Ibesaurum 
dixit  in  agro  absconditum,  scilicet  duo 
Test  ameuta  iu  Ecclesia  ;  qu;e  cum  quis 
ox  parte  inlolleclus  attigcrit,  sentit  illic 
magna  latere  ;  et  vadit  et  vendit  omnia 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XIII.  287 

rachète,  c'est-à-dire  que  par  le  mépris  des  choses  temporelles  il 
achète  le  repos ,  afin  de  s'enrichir  ainsi  du  trésor  de  la  connaissance 
de  Dieu. 

y.  4b,  46.  —  Le  royaume  des  deux  est  semblable  à  un  marchand  rjui  est  dans 
le  commerce  et  qui  cherche  de  belles  perles,  et  qui  en  ayant  trouvé  une  de 
grand  prix  va  vendre  tout  ce  qu'il  avait  et  l'achète. 

S.  CiiRVs.  {hom.  48.)  La  prédication  de  l'Evangile  n'est  pas  seule- 
ment une  source  de  richesses  multipliées,  comme  l'est  un  trésor,  mais 
elle  est  précieuse  encore  comme  une  perle ,  et  c'est  pour  cela  qu'après 
la  parabole  du  trésor,  Notre-Seigneur  propose  la  parabole  de  la  pierre 
précieuse.  «  Le  royaume  des  cieux  est  encore  semblable  à  un  mar- 
chand qui  cherche  de  bonnes  perles.  »  Pour  la  prédication  de  l'Evan- 
gile, deux  choses  sont  nécessaires  :  la  séparation  des  affaires  de  la 
terre,  et  la  vigilance,  deux  conditions  qui  se  trouvent  exprimées  dans 
cette  comparaison  du  commerce.  Or,  la  vérité  est  une  et  ne  peut  être 
divisée  en  plusieurs  parties  (1)  ;  c'est  pour  cela  qu'il  n'est  question  que 
d'une  seule  pierre  précieuse ,  et  de  même  que  celui  possède  une  perle 
d'un  grand  prix  connaît  bien  sa  richesse,  tandis  que  tous  les  autres 
l'ignorent,  car  cette  perle  est  si  petite  qu'elle  tient  tout  entière  dans 
sa  main;  de  même  dans  la  prédication  de  l'Evangile,  ceux  qui  ont  le 
bonheur  de  la  recevoir  savent  quelles  richesses  spirituelles  ils  ont 
acquises,  richesses  complètement  ignorées  de  ceux  qui  ne  connaissent 
pas  la  valeur  de  ce  trésor. 

S.  JÉR.  Dans  les  bonnes  perles,  on  peut  voir  figurés  la  loi  et  les  pro- 
phètes. Comprenez  donc,  Marcion,  et  vous  autres  Manichéens  que  la 

(1)  Ce  n'est  pas  que  matériellemeat  il  n'y  ait  plusieurs  vérités,  selon  le  langage  de  l'école ,  et 
celui  de  saint  Augustin.  Confess.  liv.  i,  chap.  20.  Mais  il  n'y  a  qu'une  vérité  formelle  que  l'on 
retrouve  dans  tout  ce  qui  est  vrai,  etc. 


sua,  et  émit  illum  ;  id  est,  contemptu 
temporaliiim  comparât  sibi  otium,  utsit 
dives  coguitione  Dei. 

Itevum  simile  est  regnum  cœlorum  homini  ncgo- 
tiatori  quœrenti  bonus  margaritas  :  inuenta 
auteni  una  pretiosa  margarita,  abiit  et  ven- 
didit  omnia  quœ  liabuit,  et  émit  eam. 

Chrys.  [in  homil.  48  ut  sup.)  Evan- 
gelica  prtcdicatio,  non  solum  lucrum 
multiplex  prœbet  ut  thésaurus,  sed  et 
pretiosa  est  ut  margarita  :  unde  post  pa- 
rabolam  de  thesauro,  ponit  parabolam 
de  margarita,  dicens  :  «  Iterum  simile 
est  regnum  cœlorum  quœrenli  bonas 
margaritas,  »  etc.  la  proîdicatione  enim 


duo  oportet  adesse,  scilicet  ab  hujusvi- 
tae  negotiis  separari,  et  vigilantem  esse, 
quod  uegotialio  désignât  :  una  autem 
est  Veritas,  et  non  partita,  et  propter 
lioc  una  margarita  dicitur  inventa  ;  et 
sicut  quimargaritam  habet,  ipse  quidem 
novit  quod  dives  est,  aliis  vero  non  est 
cognitus,  multoties  eam  manu  detinens 
propter  ejus  parvitatem,  ila  est  in  prœ- 
dicatione  Evangelii  :  qui  enim  eam  deti- 
nent,  sciunt  se  divites  esse  :  infidèles 
autem  bunc  tbesaurum  nescientes,  divi- 
tias  nostras  ignorant. 

Hier.  Bonae  autem  margaritae  possunt 
intelligi  lex  et  propbelœ.  Audi  crgo, 
Marcion  et  Mauiclisee,  quod  bonaï  mar- 


288 


EXPLICATION    DE   l'ÉVANGILE 


loi  et  ces  prophètes  sont  de  bonnes  perles.  La  perle  qui  est  d'un  très- 
grand  prix,  c'est  la  science  du  Sauveur,  le  mystère  de  sa  passion  et  de 
sa  résurrection.  Lorsque  l'homme  qui  est  dans  le  commerce  a  trouvé 
cette  perle,  à  l'exemple  de  l'Apôtre  saint  Paul  il  méprise  comme  de  la 
boue,  pour  gagner  Jésus-Christ  {Philip.,  m),  tous  les  mystères  de  la 
loi  et  des  prophètes,  et  ces  observances  anciennes  au  milieu  desquelles 
il  avait  vécu  d'une  manière  irréprochable.  Ce  n'est  pas  que  la  décou- 
verte de  cette  perle  précieuse  détruise  le  prix  et  la  valeur  de  celles 
qu'il  possédait  auparavant  ;  mais  auprès  d'elles  toutes  les  autres  sont 
d'un  prix  inféi"ieur. 

S.  Grég.  (Jiom.  12  sur  les  Evang.)  Ou  bien  encore  cette  pierre  pré- 
cieuse c'est  la  douceur  de  la  vie  céleste ,  celui  qui  l'a  trouvée  vend 
pour  l'acheter  tout  ce  qu'il  possède.  Celui  qui  a  pu  goûter  parfaite- 
ment^ autant  qu'on  le  peut,  la  suavité  de  cette  vie  céleste  a])andonne 
bien  volontiers  pour  elle  tout  ce  qu'il  avait  aimé  sur  la  terre.  Il  trouve 
désormais  sans  beauté  tous  les  objets  créés  qui  l'avaient  séduit  par 
leur  apparence ,  parce  que  l'éclat  seul  de  cette  perle  précieuse  brille 
maintenant  aux  yeux  de  son  âme. 

S.  AuG.  {Quest.  évang.  sur  S.  Matfh..,  chap.  13.)  Ou  bien  enfin  cet 
homme  qui  cherche  de  belles  perles  et  qui  en  trouve  une  de  grand  prix, 
est  celui  qui  recherche  la  compagnie  des  hommes  vertueux  pour  mener 
avec  eux  une  vie  sainte,  et  trouve  le  seul  homme  qui  soit  sans  péché , 
Notre- Seigneur  Jésus-Christ.  Ou  bien  celui  qui,  cherchant  à  connaître 
les  préceptes  dont  l'observation  le  fera  vivre  saintement  au  milieu  des 
hommes,  trouve  le  précepte  de  la  charité  fraternelle  qui  renferme  tous 
les  autres  au  témoignage  de  l'Apôtre.  Ou  bien  celui  qui  cherche  de 
bonnes  pensées  et  trouve  cette  parole  qui  renferme  toutes  choses. 


garitœ  sunt  lex  et  prophetee.  Una  ergo 
pretiosissima  margarita  est  scientia  Sal- 
vatoris,  et  sacrameutum  passiouis  et  re- 
surrectiouis  illius  :  quod  cum  iuvenerit 
liomo  negotiator,  similiâ  Pauli  apostoli, 
omuia  legis  proplietariiuique  mysleria 
et  observationes  pristiuas,  iu  quibus  iu- 
culpate  vixerat,  quasi  purganicuta  cou- 
temuit,  ut  Clirislum  lucril'aciat  (of/  P/ii- 
lip.  3),  uon  quod  iuveutiu  borne  uiarga- 
ritae  condeuuialio  sit  veterum  luargari- 
tarum,  sed  quod  coiuparalione  ejusom- 
uis  alla  gemma  sit  vilior. 

Greg. {in/iotnil.  11,  in  ]::  van  g.)  Y  c\}^cr 
margaritam  preliosam  iutelligilur  cœies- 
tis  vitœ  dulcedo,  quum  iuveutam  oumia 
vendeus  omit  ;  (juia  qui  cœleslis  vita- 
dulcediuem,  iu  quantum  possibilitas  ad- 


mittit  perfecte  coguoverit^  ea  quae  iu 
terreuis  amaverat,  libenter  cuneta  dere- 
liuquit  ;  déforme  couspicitur  quicquid  de 
terreuœ  rei  placebat  specle,  quia  sola 
pretiosaî  margaritai  claritas  fulget  iu 
mente. 

Auo.  {de  Quœst.  Evang.  exMatth.ca-p. 
13.)  Vel  liomo  cum  quœrit  bonas  marga- 
rilas,  iuvenit  unaui  preliosam;  quia 
quccreus  homines  bouos^  cum  quibus 
uliliter  vivat,  iuveuit  uuum  siue  peecalo, 
Jesum  Cliristum  ;  aut  priecepta  quœreus 
quibus  servatis  cum  bomiuibus  recle 
conversetur,  iuveuit  dilectiouem  proxi- 
mi,  iu  quo  uuo  dicit  Apostolus  omuia 
coutineri  :  aut  bouos  iiilellectus  quaî- 
lens,  invenit  iilud  vcrlnim  quo  cuncla 
cuutinculur  :   «  lu  priucipio   crat   Ver- 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XIII.  289 

0  Au  commencement  était  le  Verbe ,  »  {Jean ,  i) ,  Verbe  qui  brille  de 
tout  l'éclat  de  la  v('rité,  qui  est  ferme  de  toute  la  force  de  l'éternité,  et 
qui,  semblable  de  toutes  parts  à  lui-même,  resplendit  de  la  beauté 
même  de  la  divinité;  Verbe  dans  lequel  il  faut  reconnaître  un  Dieu 
sous  l'enveloppe  de  cliair  dont  il  est  revêtu.  Quelle  que  soit  parmi  ces 
trois  choses  ou  parmi  d'autres  celle  qui  est  signifiée  par  celte  perle 
précieuse,  c'est  nous  qui  en  sommes  le  prix,  et  nous  ne  sommes 
libres  de  l'acquérir  qu'en  méprisant  pour  obtenir  cette  heureuse  déli- 
vrance tout  ce  que  nous  possédons  sur  la  terre.  Car ,  après  avoir  tout 
vendu ,  nous  n'avons  pas  de  biens  d'un  plus  grand  prix  que  nous- 
mêmes  (puisque  nous  n'étions  pas  à  nous  lorsque  ces  biens  nous  enla- 
çaient comme  autant  de  chaînes),  et  c'est  nous-mêmes  qu'il  faut 
donner  pour  acquérir  cette  perle  précieuse ,  non  pas  que  nous  soyons 
d'une  valeur  égale,  mais  parce  que  nous  ne  pouvons  donner  davantage. 

j^.  47-30.  —  Le  royaume  des  deux  est  semblable  encore  à  un  filet  jeté  dans  la 
mer,  qui  prend  toutes  sortes  de  poissons  ;  et  lorsqu'il  est  plein,  les  pêcheurs  le 
tirent  sur  le  bord,  où,  s'étant  assis,  ils  mettent  ensemble  tous  les  bons  dans 
les  vaisseaux  et  ils  jettent  dehors  les  mauvais.  Il  en  sera  de  même  d  la  fin  du 
monde  ;  les  anges  viendront  et  sépareront  les  méchants  du  milieu  des  justes, 
et  ils  les  jetteront  dans  la  fournaise  du  feu.  C'est  là  qu'il  y  aura  des  pleurs 
et  des  grincements  de  dents. 

S.  Chrys.  (hom.  48.)  Notre-Seigneur,  craignant  que  nous  ne  met- 
tions toute  notre  confiance  dans  la  prédication  seule ,  et  que  nous  ne 
croyions  que  la  foi  seule  suffit  pour  le  salut^  après  avoir  relevé  le 
prix  de  la  prédication  évangélique  dans  les  paraboles  qui  précédent, 
en  ajoute  une  autre  qui  est  effrayante  :  «  Le  royaume  des  cieux  est 
encore  semblable  à  un  filet.  »  —  S.  Jér.  Après  que  cette  prophétie  de 


bum  »  {Joan.  1),  quod  est  lacidum  can- 
dore  veritatis,  et  solidum  firmitate  seler- 
nitatis,  et  uudiquesibi  simile  pulcliritu- 
dine  Divinitatis  ;  qui  Deus  peuetrata 
carnis  testudiue  intelligeudus  est.  Quod- 
libet  vero  illorum  trium  sit,  vel  aliud 
occurrere  potuerit ,  quod  margaritae 
unius  pretiosae  nomiue  significetur,  pre- 
tium  ejus  est  nos  ipsi,  qui  ad  eam  pos - 
sidendam  non  sumus  liberi,  nisi  omni- 
bus pro  nostra  liberatioue  contemptis 
quse  temporaliter  possidentur.  Vendilis 
enim  rébus  nostris,  nuUum  aliud  pre- 
tium  majus  accipimus  quam  uosipsos 
(quia  talibus  implicati,  noslri  non  era- 
mus),  ut  rursus  nos  pro  illa  margarita 
demus  ;  non  quia  tantum  valemus,  sed 
quia  plus  dare  non  possumus. 

TOM.    11. 


Iterum  simile  est  regnum  cœlorum  sagenœ  missœ 
in  mare ,  et  ex  omni  génère  piscium  congre- 
ganti.  Quam  cum  impleta  esset ,  educentes, 
et  secus  littus  sedentes,  elegerunt  bonos  in 
vasa  malos  autem  foras  miserunt.  Sic  erit  in 
consummatione  seculi.  Exibunt  angeli,  et  se- 
parabunt  malos  de  medio  justorum,  et  mitlent 
eos  in  caminum  ignis  ;  ibi  erit  fletus  et  stridor 
dentium. 

Chrys.  (in  hoinil.  48  ut  sitp.)  Post- 
quam  per  dictas  parabolas  evangeli- 
cam  praedicationem  commendaverat,  ut 
non  confidamus  in  prfedicatione  solum, 
neque  fidem  nobis  œstimemus  sufficere 
ad  salutem ,  aliam  parabolam  terribiiem 
subdit,  dicens  :  «  Iterum  simile  est  reg- 
num cœlorum  sagense.  »  Hier.  Impleto 
enim  Hieremi*  vaticinio  dicentis  (cap. 

19 


290 


EXPLICATION    DE   l'ÉVANGILE 


Jf-réraio  fut  accomplie  :  «  Jo  vous  envenai  un  grand  nombre  de  pé- 
cheurs» {Jé?'éni.,x\'i);  après  que  Pierre,  André,  Jacques  et  Jean  eurent 
entendu  ces  paroles  :  a  Suivez-moi  et  je  ferai  de  vous  des  pêcheurs 
d'hommes,  »  {MatiJi.,  iv,)  ils  se  firent  à  l'aide  de  l'Ancien  et  du  Nou- 
veau Testament  un  filet  entrelacé  des  vérités  de  l'Evangile  ;  ils  le 
jetèrent  dans  la  mer  de  ce  monde,  et  il  est  resté  tendu  jusqu'à  présent 
au  milieu  des  flots  pour  prendre  dans  ces  gouffres  amers  et  trompeurs 
tout  ce  qui  se  présente ,  c'est-à-dire  les  hommes  bous  et  mauvais  : 
«  Et  qui  prend  toute  sorte  de  poissons.  » 

S.  CiRÉG.  (Jioin.  10  sur  les  Evamj.)  Ou  bien  la  sainte  Eglise  est  com- 
parée à  un  filet  parce  qu'elle  est  confiée  à  des  pêcheurs ,  et  c'est  par 
elle  (|ue  chacun  de  nous  est  tiré  des  flots  de  ce  monde  sur  le  rivage 
du  royaume  des  cieux  et  arraché  aux  abiuies  de  la  mort  éternelle.  Ce 
filet  recueille  des  poissons  de  toute  espèce,  car  l'Eglise  appelle  à  la 
rémission  des  péchés  les  sages  et  les  ignorants,  les  hommes  libres  et 
les  esclaves,  les  riches  et  les  pauvres,  les  forts  et  les  faibles.  Ce  filet, 
c'est-à-dire  la  sainte  Eglise,  sera  tout  à  fait  rempli  lorsqu'à  la  fin  des 
temps  (1)  la  destinée  du  genre  humain  sera  consommée.  C'est  pour 
cela  qu'ilest  dit  :  «  Lorsqu'il  fut  plein,  »  etc.  —  De  même  que  la  mer 
figure  le  monde,  ainsi  le  rivage  de  la  mer  représente  la  fin  du  monde. 
C'est  alors  que  les  bons  poissons  seront  recueillis  dans  des  vaisseaux 
et  les  mauvais  jetés  au  loin,  c'est-à-dire  que  les  élus  seront  reçus  dans 
les  tabernacles  éternels ,  tandis  que  les  méchants,  privés  de  la  lumière 
qui  éclaire  le  royaume  intérieur,  seront  traînés  dans  les  ténèbres 
extérieures.  Pendant  cette  vie ,  les  filets  de  la  foi  contiennent  indif- 

(1)  Tous  les  exemplaires  que  j'ai  pu  vérifier  portent  in  fine  siio.  Ne  serait-il  pas  mieux  de  lire  in 
sinu  suo  ? 


16)  :  «  Ecce  ego  mittam  ad  vos  pisca- 
tores  multos,  »  postquam  audierunt  Pe- 
trus  et  Andréas,  Jacobus  et  Joaunes 
{Mattli.k)  :  «  Sequimini  me,  faciam  vos 
tieri  piscatores  hoiuioum ,  »  coiilexue- 
runt  sibi  ex  veteri  et  ex  novo  Testa- 
mento  sageuam  evangelicorum  dogina- 
tum,  et  misenint  eani  in  mare  bujiis  se- 
culi,  qua;  usqiie  liodio  in  mediis  flucti- 
bus  tendiluf,  capiens  de  falsis  et  ama- 
ris  gurgilibiis  quicquid  iuciderit,  id  est, 
bonos  homiues  et  malos  :  et  boc  est 
quod  siibdit  :  «  Et  ex  omni  génère,  »  etc. 
Greg.  [in  homil.  11,  in  Evang.)  Yel 
aliter  :  sancta  Ecclesia  sageuœ  tionipa- 
ratur,  quia  et  piscatoribus  est  commissa, 
et  per  eam  quisque  ad  seternum  regnum 


a  praesentis  seculi  fluctibus  trabitur,  ne 
œternœ  mortisprofundo  mergatur  :  quae 
ex  omni  génère  piscium  congregat, 
quia  ad  peccatorum  veniam  sapientes  et 
faUioê,  liberos  et  servos,  divites  et  pau- 
peres,  fortes  et  infirmos,  vocat.  Quae  sa- 
geiia  (scilicet  sancta  Ecclesia)  tune  per- 
lecte  impletur,  cum  in  fine  suo  humani 
generis  sumuia  concluditur  :  unde  sequi- 
tur  :  <i  Quam  cum  impleta  esset,  »  etc. 
Sicut  enini  mare  seculum,  ita  secuH  fi- 
nem  significal  bltus  maris  :  in  quo  sciH- 
cet  tine,  boni  pisces  in  vasis  eliguntur, 
mali  projiciuntur  foras  ;  quia  et  electus 
quisque  in  tabernacula  a-teiua  recipitur, 
et  iuterui  regni  luce  perdila,  ad  exte- 
riores   tenebras    reprobi    pertrabuntur. 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAI'.    XIII.  291 

féremment  les  bons  et  les  mauvais ,  comme  des  poissons  mêlés  en- 
semble; mais  le  rivage  fera  reconnaître  ceux  que  contenait  le  filet  de 
l'Eglise.  —  S.  JÉR.  Eu  effet,  lors(iue  ce  filet  sera  tiré  sur  le  rivage, 
alors  on  verra  comment  doit  s'opérer  la  séparation  des  bons  avec  les 
mauvais. 

S.  Ghrys.  {hom.  48.)  Quelle  différence  y  a-t-il  entre  cette  parabole 
et  celle  de  l'ivraie?  De  part  et  d'autre,  les  uns  sont  sauvés  et  les  autres 
périssent;  mais  dans  la  parabole  de  l'ivraie,  c'est  la  perversité  des 
dogmes  liérctiques  qui  est  la  cause  de  leur  perte;  dans  la  parabole  de 
la  semence,  c'est  le  défaut  d'attention  à  la  parole  de  Dieu,  et  dans 
celle-ci  c'est  la  vie  criminelle  des  liommes  qui  sera  pour  eux  un 
obstacle  à  leur  salut,  bien  qu'ils  aient  été  pris  dans  le  filet,  c'est-à-dire 
bien  qu'ils  aient  reçu  la  connaissance  de  Dieu.  Et  ne  soyez  pas  tenté 
de  regarder  comme  un  supplice  peu  rigoureux  pour  les  mauvais 
d'être  jetés  dehors,  car  écoutez  Notre-Seigneur  qui  vous  fait  connaître 
dans  l'explication  de  cette  parabole  combien  ce  supplice  sera  terrible  : 
«  Il  en  sera  de  môme  à  la  fin  des  temps.  Les  Anges  viendront  et  sépa- 
reront les  mauvais ,  »  etc.  Il  dit  ailleurs  que  c'est  lui-même  qui  les 
séparera  comme  un  pasteur  sépare  les  brebis  d'avec  les  boucs.  Ici  ce 
sont  les  Anges  qui  font  cette  séparation,  comme  dans  la  parabole  de 
l'ivraie. 

S.  Grég.  {hom.  10.)  Il  faut  bien  plutôt  trembler  en  entendant  ces 
paroles,  que  chercher  à  les  expliquer,  car  les  tourments  des  pécheurs 
y  sont  prédits  ouvertement  et  personne  ne  peut  s'excuser  ici  sur  sou 
ignorance  en  prétextant  l'obscurité  du  dogme  des  supplices  éternels. 
—  Rab.  Lorsque  la  fin  du  monde  sera  venue  ,  on  connaîtra  les  véri- 
tables signes  qui  doivent  servir  à  séparer  les  poissons  entre  eux ,  et  là 


Nunc  enini  malos  bouosque  communiter 
(quasi  permixtos  pisces)  tidei  sageua  coii- 
tinet;  sed  littus  indicat  sagena  Ecclesiœ 
quid  traliebat.  Hier.  Duiii  enim  sagena 
extrahetur  ad  littus,  tuue  verum  secer- 
iieodorum  ptseium  iudicium  demonstra- 
bitiir. 

Chuys.  {in  Iiom.  48  nt  svp.)  Qui  au- 
Lem  distat  h.cc  parabola  a  parabola  ziza- 
nioruni  ?  Eteuiui  illic  hi  quidem  salvau- 
tur,  lii  autem  pereuiit,  sicut  et  hic  :  sed 
illic  ([uidem,  propler  pravorum  dogma- 
luin  luBresim  :  in  anteriori  autem  para- 
bola de  semine,  quia  uoii  attendebant 
quae  dicebantur  :  liic  autem  propter  vitae 
nequitiam,  propter  quam,  quamvis  et 
piscatione  capti  (id  est,  cognitione  Dei 
frueutes),  non  possuut  salvari.   Ne  au- 


tem audiens  quoniam  malos  foras  mise- 
runt,  œstimes  banc  pœnam  non  esse 
periculosam  ,  per  expositionem  ejus 
gravitatem  ostendit,  dicens  :  «  Sic  erit 
in  consummatione  seculi.  Exibunt  an- 
geli  et  separabunt  malos,  »  etc.  quamvis 
alibi  dicat  {Matth.  23)  quod  ipse  segre- 
gabit  eos,  sicut  séparât  pastor  oves  ab 
htedis  ;  hic  angelos  hoc  facere  dicit,  si- 
cut et  in  parabola  zizaniorum. 

Greg.  (in  homil.  11  ut  sup.)  Timen- 
dum  est  autem  hoc  potins  quam  expo- 
nendum  :  aperta  enim  voce  tormenta 
peccautium  dicta  sunt,  ne  quis  ad  iguo- 
rantiœ  suae  excusationem  recurreret,  si 
quid  de  œlerno  supplicio  obscure  dice- 
retur.  Rab.  Cum  enim  veuerit  finis  muu- 
di,  tiuic  verum  secernendorum  piscium 


292 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


comme  daus  un  port ,  à  l'abri  de  toute  agitation ,  les  bons  seront  pla- 
cés dans  les  vaisseaux  des  célestes  demeures,  et  les  mauvais  jetés  dans 
les  flammes  de  l'enfer  qui  doivent  les  brûler  et  les  tourmenter  pendant 
l'éternité. 

^i'.  51,  52.  —  Avez-vous  bien  compris  tout  ceci?  Oui,  Seigneur,  répondirent-ils. 
Et  il  ajouta  :  C'est  pourquoi  tout  docteur  instruit  de  ce  qui  regarde  le 
royaume  des  deux  est  semblable  à  un  père  de  famille  qui  tire  de  son  trésor 
des  choses  nouvelles  et  des  choses  anciennes. 

S.  CmiYs.  {hom.  48.)  Après  que  le  peuple  s'est  retiré,  le  Seigneur 
continue  de  parler  à  ses  disciples  en  paraboles  ,  parce  que  cette  mé- 
thode d'enseignement  a  ouvert  leur  intelligence  et  leur  a  fait  com- 
prendre les  paroles  du  Sauveur.  Il  leur  demande  donc  :  «  Avez-vous 
compris  toutes  ces  choses?  Ils  lui  répondent  :  Oui.  »  —  S.  Jér.  Il 
s'adresse  particulièrement  aux  Apôtres  ,  car  il  ne  veut  pas  seulement 
qu'ils  entendent  comme  le  peuple,  mais  comme  des  hommes  qui 
doivent  un  jour  enseigner  les  autres. 

S.  CiiRYS.  Il  les  félicite  de  nouveau  de  ce  qu'ils  ont  compris  par  les 
paroles  suivantes  :  «  C'est  pourquoi  tout  docteur  tire  de  son  trésor 
des  choses  nouvelles  et  des  choses  anciennes.  » 

S.  AuG.  {Cité  de  Dieu,  xx,  A.)  Il  ne  dit  pas  des  choses  anciennes  et 
des  choses  nouvelles,  ce  qu'il  n'eût  pas  manqué  de  faire,  s'il  n'avait 
préféré  suivre  l'ordre  que  prescrivait  le  mérite  de  ces  choses  plutôt 
que  l'ordre  des  temps.  Les  Manichéens  (I)  qui  prétendent  n'être  en 
possession  que  des  promesses  nouvelles  de  Dieu,  restent  ensevelis  dans 
la  vétusté  de  la  chair  et  introduisent  en  même  temps  la  nouveauté  de 

(1)  Cette  citation  ne  se  trouve  pas  dans  saint  Augustin  à  l'endroit  marqué,  et  il  est  difficile 
d'en  indiquer  la  source. 


indicium  demonstrabitur  ;  et  quasi  in 
quodam  quietissiuio  porta,  boni  mitten- 
tur  in  vasa  cœlestium  mansionuui  ;  mâ- 
les autem  torrendos  et  exsiccandos  ge- 
hennse  flauima  suscipiet. 

Intellexistis  hœc  omnia?  Dicunt  ei  :  Eliarn,  Do- 
mine. Ait  illis  :  Jdeo  omnis  scriba  dodus  iti 
régna  cœlorum ,  similis  est  homini  patrisfa- 
milias,  gui  profert  de  thesauro  suo  nova  et 
vetera. 

Chrys.  {in  homil.  48  ut  sup.)  Rece- 
dentibus  turbis,  Douiinus  discipulis  in 
parabolis  loquitur,  ex  quibus  sapientio- 
res  sunl  facti,  ita  quod  inlelligunt  quœ 
dicuulur  :  quocirca  dicit  eis  :   «   Intel- 


lexistis haec  omnia  ?  Dicunt  ei  :  Etiam.  » 
Hier.  Ad  apostolos  enim  proprie  sermo 
est,  quos  non  vult  audire  tantum  ut  po- 
pulum,  sed  etiam  intelligere  ut  magis- 
tros  futures. 

Chrys.  {ut  iup.)  Deinde  quia  intel- 
lexerunt,  rursus  eos  laudat  :  unde  se- 
quitur  :  «  Ait  illis  :  Ideo  omnis  scriba 
intus  profert  nova  et  vetera,  »  etc. 

Auo.  (XX  de  Civit.  Dei,  cap.  4.)  Non 
dixit  :  «  Vetera  et  nova  ;  »  quod  utique 
dixisset,  nisi  maluisset  meritorum  ordi- 
nem  servare  quam  temporum.Manichaei 
etiam  dum  sola  Dei  promissa  nova  te- 
nere  se  arbilrantur,  rémanent  in  vetus- 
tate  carais,  et  uovitatem  inducunt  erro- 


DE   SAINT    MATTHIEU,    CHAP.    XIII. 


203 


l'erreur.  —  S.  Aug.  {Quest.  évang.)  Notre-Seigneur  a-t-il  voulu  expli- 
quer ici  quel  est  ce  trésor  caché  dans  le  champ  et  que  l'on  peut 
entendre  des  saintes  Ecritures  composées  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
Testament;  ou  hien  son  dessein  est-il  de  nous  apprendre  qu'on  doit 
regarder  comme  un  homme  docte  dans  l'Eglise  celui  qui  comprend 
les  anciennes  Ecritures,  même  sous  la  forme  de  paraboles,  en  puisant 
dans  les  nouvelles  les  principes  d'une  bonne  interprétation  (puisque 
le  Sauveur  lui-même  a  parlé  en  paraboles  dans  le  Nouveau  Testament)? 
Car  s'il  est  celui  en  qui  toutes  les  Ecritures  reçoivent  leur  accomplis- 
sement et  leur  manifestation,  et  que  cependant  il  parle  encore  en 
paraboles  jusqu'à  ce  que  sa  passion  ait  déchiré  le  voile  et  qu'il  n'y 
ait  rien  de  caché  qui  ne  soit  révélé,  nous  devons  en  conclure  que  ce 
qui  avait  été  prédit  de  lui  si  longtemps  avant  sa  venue  sur  la  terre 
était  plus  que  tout  le  reste  caché  sous  le  voile  des  paraboles.  Et  en 
voulant  entendre  ces  prédictions  à  la  lettre,  les  Juifs  ont  refusé  (1*) 
de  devenir  instruits  en  ce  qui  concerne  le  royaume  des  cieux. 

S.  Grég.  {hom.  13.)  Si  par  ces  choses  nouvelles  et  anciennes  nous 
entendons  les  deux  Testaments,  nous  serons  forcés  de  ne  point  regar- 
der Abraham  comme  docte  et  instruit,  lui  qui  connaissait  sans  doute 
les  faits  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament,  mais  qui  n'en  a  point 
parlé.  Nous  ne  pourrons  pas  non  plus  comparer  Moïse  à  ce  docte  père 
de  famille,  car  s'il  a  enseigné  les  préceptes  de  l'Ancien  Testament,  il 
n'a  point  promulgué  les  vérités  de  la  loi  nouvelle.  Nous  devons  donc 
entendre  que  Notre-Seigneur  ne  parlait  que  de  ceux  qui  existaient 
autrefois,  mais  de  ceux  qui  pouvaient  faire  partie  de  l'Eglise.  Ce  sont  ces 
derniers  qui  tirent  de  leur  trésor  des  choses  nouvelles  et  des  choses 

(1*)  Plusieurs  exemplaires  portent  vobierunt  au  lieu  de  nolueruni,  mais  outre  que  le  sens  en  est 
visiblement  altéré,  le  contexte  de  saint  Augustin  nous  force  de  mettre  noluerunt  esse  docti,  etc., 
neque  transire  ad  Christum. 


ris.  Aug.  [Je  Qiisest.  Evang.  er  Matth. 
16.)  Utrum  aulem  ista  conclusione  expo- 
nere  voliiit,  quem  dixerit  «  tbesaurum 
in  agro  abscondilum  »  (quoniam  sanctae 
Scripturae  iutelliguntur,  quse  nomine 
duorum  testamentorum,  novi  et  veteris 
concluduutur) ,  an  ostendere  voluil  eum 
doctuui  liabendum  in  Ecclesia,  qui  etiam 
Scripturas  veleres  parabolis  explicatas 
intellexerit,  ab  istis  novis  accipiens  ré- 
gulas (quia  et  ista  Dominus  per  parabo- 
las  enuntiavit),  ut  si  ipse  iu  quo  illa 
coiuplentur  et  manifestantur,  per  para- 
bolas  adbuc  loquitur,  donec  passio  ejus 
vélum  discindat  (ut  nihil  sit  occultum 
quodnon  reveletur),  multo  magis  illa  quae 


tam  longe  de  illo  scripta  sunt,  parabolis 
operta  esse  noverimus;  quae  cum  Judœi 
ad  litteram  accipiant,  noluerunt  esse 
docti  in  regno  cœlorum. 

Greg.  {in  Iiomil.  13  idsup.)  Sed  siper 
novum  et  i^ehis  (quod  dicitur)  utrumque 
Testamentum  accipimus,  Abraham  doc- 
tum  fuisse  denegamus,  qui  novi  et  ve- 
teris Testanienti,  etsi  factanovit,  minime 
verba  nuntiavit  :  Moysen  quoque  docto 
patrifamilias  comparare  non  possumus; 
quia  etsi  Testamentum  edocuit  vêtus, 
novi  tamen  dicta  non  protulit  :  sed  in 
eo  quod  hic  dicitur,  intelligi  valet,  quia 
non  de  his  qui  fuerant,  sed  de  his  qui 
esse  in  Ecclesia  poterant,  loquebatur; 


294 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


anciennes  lorsque  par  leur  vie  comme  par  leurs  paroles,  ils  annoncent 
les  vérités  renfermées  dans  les  deux  Testaments.  —  S.  Hil.  {can.  14.) 
Jésus  parle  ici  à  ses  disciples  et  il  les  appelle  scribes  ou  docteurs  à 
cause  de  leur  science,  parce  qu'ils  ont  compris  ce  (ju'il  leur  a  enseigné 
de  nouveau  et  d'ancien,  c'est-à-dire  son  Evangile,  et  ce  qu'il  leur  a 
expliqué  de  la  loi.  La  loi  et  l'Evangile  ont  tous  les  deux  pour  auteur 
le  même  père  de  famille  et  sortent  tous  les  deux  du  même  trésor.  Sous 
ce  nom  de  père  de  famille,  il  établit  aussi  une  comparaison  entre 
ses  disciples  et  lui-même,  parce  qu'ils  ont  puisé  la  doctrine  des 
vérités  anciennes  et  des  vérités  nouvelles  dans  le  trésor  de  l'Esprit 
saint. 

S.  JÉR.  Ou  bien  il  donne  aux  Apôtres  le  nom  de  scribes  doctes  et 
instruits,  parce  qu'ils  étaient  comme  les  secrétaires  du  Sauveur,  et 
qu'ils  écrivaient  ses  paroles  et  ses  préceptes  sur  les  tables  de  chair  du 
cœur  humain.  (II  Cor,,  m.)  Riches  des  mystères  du  royaume  des 
cieux  et  des  richesses  du  père  de  famille ,  ils  tiraient  du  trésor  de  leur 
doctrine  des  choses  nouvelles  et  des  choses  anciennes,  c'est-à-dire 
qu'ils  appuyaient  toutes  les  vérités  de  l'Evangile  sur  des  témoignages 
de  la  loi  et  des  prophètes.  C'est  pour  cela  que  l'épouse  dit  dans  le 
Cantique  des  cantiques  (cliap.  vu)  :  «  Mon  bien-aimé,  je  vous  ai 
réservé  les  choses  nouvelles  avec  les  choses  anciennes.  »  —  S.  Grég. 
{hom.  12.)  Ou  bien  encore,  la  chose  ancienne,  c'est  que  le  genre 
humain,  par  suite  de  ses  crimes,  devait  périr  victime  d'un  supplice 
éternel ,  et  la  chose  nouvelle ,  c'est  qu'il  se  convertisse  et  qu'il  vive 
d'une  vie  immortelle  dans  le  royaume  des  cieux.  Il  nous  a  donné 
d'abord  comme  figure  du  royaume  le  trésor  trouvé  et  la  pierre  pré- 
cieuse ;  il  nous  a  fait  connaître  ensuite  les  peines  de  l'enfer  où  les 
méchants  brûleront  éternellement,  et  il  conclut  par  ces  paroles  : 


qui  tune  nova  et  vetera  profenmt,  cuiu 
utriusque  Testamenti  praedicamenta  vo- 
cibus  et  moribus  loquuntur.  Hilar. 
{Can.  14,  in  Matth.)  Discipulis  enim 
est  locutus,  quos  scribis  propter  scien- 
tiam  nuncupat  ;  eo  quod  intellexerint  ea 
([uae  ille  uova  et  vetera  (idest,  iu  evan- 
jieliis  et  in  lege)  protnlerit  ;  quœ  sunt  et 
ejusdeui  patrisfauiilias,  et  unius  utraque 
thesauri  :  ipsos  etiam  sub  patrisfamiiias 
noiuine  sibi  comparât,  eo  quod  doclri- 
nam  de  thesauro  suo  novorum  Spiritus 
Sancti  ac  veterum  sunt  adepli. 

Hier.  Vel  apostoli  instructi  svrilxf  di- 
•  unlur,  quasi  notaiil  Salratoris ;  qui 
vcrba  illius  et  praîcepta  signabant  iu  ta- 
l)ulis  (urdis  earnalibus  (II  for.  3)   reg- 


norum  cœlestium  sacrameatis,  et  polle- 
bant  opibus  patrisfamiiias,  ejicienles  de 
tbesauro  doctriuarum  suarum  iiova  et 
vetera  ;  ut  quicquid  in  Evangelio  prîB- 
dicabaut,  legis  et  propbelarum  vocibus 
comprobarent.  Uude  et  spousa  dicit  in 
Canlico  canticorum  (cap.  7)  :  «  Nova 
oum  veteril)U5,  dilecte  mi,  reservavi 
libi.  »  Greg.  [in  homil.  11  ut  sup.)  Vel 
aliter  :  vêtus  est,  ut  pro  culpa  bumauuni 
genus  in  aeterua  pœna  intereat  ;  et  no- 
vitm,  ut  couversus  iu  reguo  vivat.  Prius 
autem  de  regni  similitudine  tliesauruin 
invenlum  ac  margaritam  honam  pro- 
tulit  ;  postmodnm  inferui  pœnas  de  ma- 
iorum  combustione  narravit,  atque  iu 
couclusioue  subjungit    :   «   Fdeo  doctus 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XIII, 


29.H 


«  C'est  pourquoi  tout  scribe  instruit  tire  de  son  trésor  des  choses  nou- 
velles et  anciennes  (l),  paroles  dont  voici  le  sens  :  Celui-là  doit  être 
regardé  dans  l'Eglise  comme  un  prédicateur  instruit  qui  sait  dire  des 
choses  nouvelles  sur  les  douceurs  ineffables  du  royaume  des  cieux,  et 
des  choses  anciennes  sur  la  rigueur  effrayante  des  supplices  éternels, 
afin  que  les  châtiments  épouvantent  ceux  qui  demeurent  insensibles  à 
l'attrait  des  récompenses. 

t.  33-58.  —  Lorsque  Jésus  eut  achevé  ces  paraboles,  il  partit  de  là;  et  étant 
venu  en  son  paijs ,  il  les  instruisait  dans  leurs  synagogues  ;  de  sorte  qu'étant 
saisis  d'étofinement,  ils  disaient  :  D'où  est  venue  à  celui-ci  cette  sagesse  et 
cette  puissance?  N'est-ce  pas  là  le  fils  de  ce  charpentier?  Sa  mère  ne  s'ap- 
pelle-t-elle  pas  Marie,  et  ses  frères,  Jacques,  Joseph,  Simon  et  Jude?  Et  ses 
sœurs  ne  sont-elles  pas  toutes  parmi  nous?  D'où  lai  viennent  donc  toutes  ces 
choses  ?  Et  il  leur  était  un  sujet  de  scandale.  Mais  Jésus  leur  dit  :  Un  pro- 
phète n'est  sans  honneur  que  dans  son  pays  ou  dans  sa  maison.  Et  il  ne  fil 
pas  là  beaucoup  de  miracles,  à  cause  de  leur  incrédulité. 

S.  Jér.  Après  ces  paraboles  que  Notre- Seigneur  avait  proposées  au 
peuple  et  que  les  apôtres  seuls  avaient  comprises,  il  vint  dans  sa 
patrie  pour  y  enseigner  plus  ouvertement.  C'est  ce  que  l'Evangéliste 
rapporte  en  ces  termes  :  «  Lorsque  Jésus  eut  achevé  ces  para- 
boles, »  etc.  —  S.  AuG.  [de  l'accord  des  Evang..,  ii,  45.)  Saint  Mat- 
thieu passe  de  ces  discours  en  paraboles  à  un  autre  sujet  sans  indi- 
quer qu'il  suit  un  ordre  rigoureux  d'autant  plus  que  saint  iMarc 
(chap.  iv)et  saint  Luc  (chap.  viii),  en  cela  différents  de  saint  Matthieu, 
paraissent  avoir  disposé  leur  narration  d'une  manière  plus  conforme 

(1)  La  pensée  de  saint  Grégoire,  dans  ce  passage,  c'est  que  la  promesse  des  récompenses  ap- 
partient plus  particulièrement  au  Nouveau  Testament,  et  la  menace  des  châtiments  à  l'Ancien 
Testament. 


scriba  profert  de  thesauro  suo  uova  et 
vetera,  »  etc.  Ac  si  dicat  :  111e  in  saucta 
Ecclesia  doctiis  prœdicator  est ,  qui  et 
nova  scit  proferre  de  suavitate  regni,  et 
vetusta  dicere  de  terrore  supplicii  ;  ut 
vel  pœnae  terreant ,  quos  prsemia  non 
invitant. 

Et  faction  est,  cum  consummasset  Jésus  pura- 
bolas  istas ,  transiit  inde.  Et  veniens  in  pa- 
triam  suam,  docebat  eos  in  synayogis  enrum , 
ita  ut  mirarentur,  et  dicerent  :  Unde  liuic  sa- 
pientia  hœc  et  virtutes  ?  Nonne  hic  est  fabri 
filius  ?  Nonne  mater  ejus  dinitur  A/aria ,  et 
fratres  ejus  Jacobus,  et  Joseph  ,  et  Simon ,  et 
Judas  ?  et  sorores  ejus  ,  nonne  omnes  apud 
nos  sunt?  Unde  ergo  huic  omnia  ista?  Et 
■srandalizabantur  in   o.  Jésus  autem  dixit  eis  : 


Non  est  propheta  sine  honore ,  nisi  in  patria 
sua  et  in  dumo  sua.  Et  non  fecit  ibi  virtutes 
multas,  propter  increduUtatem  illorum. 

Hier.  Post  parabolas  quas  Domiuus 
ad  populum  est  locutus,  et  quas  soli 
apostoli  iutelligunt^  transiit  in  patriam 
suam,  ut  ibi  aperlius  doceat  :  et  hoc  est 
quod  dicitur  :  «  Et  factum  est  cum  con- 
summasset Jésus  parabolas,  »  etc.  AuG. 
{de  Cons.  Erang.  lib.  ii,  cap.  42.)  A  su- 
periori  sermoae  parabolarum  istarum 
sic  transit  ut  non  oslendat  consequentis 
ordinis  necessitatem  ;  praesertim  quia 
Marcus  (cap.  4)  ab  istis  parabolis,  non 
in  quod  Matthaeus,  sedin  aliijdinteudens, 
in  quod  et  Lucas  (cap.  8)  ita  coutexuit 
narrationeui  nt    credibilius    ostendatur 


296 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


à  l'ordre  chronologique  des  faits ,  en  plaçant  après  ces  paraboles  les 
deux  miracles  du  sommeil  de  Jésus  dans  la  barque  pendant  la  tempête 
et  des  démons  chassés,  miracles  que  saint  Matthieu  a  entremêlés  pré- 
cédemmcQt  dans  son  récit. 

S.  Chrys.  {hom.  49.)  L'Evangéliste  appelle  ici  Nazareth  sa  patrie; 
il  n'y  fit  pas  beaucoup  de  miracles,  ainsi  qu'il  le  dit  plus  bas ,  mais  il 
les  multiplia  dans  Capharnaûm ,  où  il  développa  en  même  temps  sa 
doctrine  qui  ne  devait  pas  moins  les  frapper  d'admiration  que  ses 
miracles.  —  Rémi.  Il  enseignait  dans  les  synagogues  où  les  Juifs  se 
rassemblaient  en  foule,  parce  qu'il  était  descendu  du  ciel  sur  la  terre 
pour  le  salut  d'uu  grand  nombre.  —  «  De  sorte  qu'étant  saisis  d'éton- 
nement,  ils  disaient  :  D'où  lui  est  venue  cette  sagesse  et  cette  puis- 
sance? »  La  sagesse  se  rapporte  à  sa  doctrine,  la  puissance  aux  mi- 
racles qu'il  opérait. 

S.  Jér.  Aveuglement  inconcevable  des  Nazaréens,  ils  s'étonnent  que 
la  sagesse  possède  la  sagesse,  et  que  la  puissance  fasse  éclater  la  puis- 
sauce  (1).  La  cause  de  leur  erreur  est  évidente;  ils  ne  voient  dans 
Jésus  que  le  fils  d'un  charpentier.  —  S.  Chrys.  {hom.  49.)  Leur  aveu- 
glement et  leur  folie  s'étendent  à  tout,  ils  cherchent  à  le  rabaisser  par 
celui  qu'ils  regardent  comme  son  père;  cependant  l'histoire  des  temps 
anciens  leur  offrait  un  grand  nombre  d'exemples  d'enfants  illustres 
nés  de  parents  sans  distinction  :  David  était  fils  de  Jessé,  simple  labou- 
reur; Amos  était  fils  de  bergers  et  berger  lui-même.  C'était  au  con- 
traire une  raison  de  lui  témoigner  plus  d'honneur,  puisque,  malgré 
sa  naissance  si  humble,  il  prêchait  une  doctrine  si  relevée,  car  il  était 

(1)  Allusion  à  ces  paroles  de  l'Apôtre  :  «  Le  Christ  est  la  sagesse  et  la  puissance  de  Dieu.  » 
(i  Cor.  \,  24.) 


hoc  esse  polius  consequenter  orestum 
quod  ipsi  duo  consequeuter  adjungimt  : 
de  navi  scilicet  iu  que  dormiebat  .Jesus, 
et  de  miraculo  expulsorum  dtemouio- 
rum,  quœ  Matthaeus  superius  recolens 
iulerposuit. 

Chrys.  [in  hom.  49  in  Matth.)  Pa- 
triain  autem  ejus  hic  Auzareth  vocal  : 
11011  eniiii  fecit  ibi  virlutes  militas  (ul 
iufra  dicitur) ,  sed  iu  Caplianiaum  feoit 
multa  signa  :  sed  doctriiiaiii  eis  osteudit, 
non  minorem  admirationein  habentem, 
quam  signa.  Remig.  In  syuagogis  auteiu 
docebat,  vibi  plurimi  couveuiebant,  quia 
propter  multorum  salutem  de  cœlis  des- 
cendit ad  terras.  Sequitur  :  «Ita  ut  uiira- 
rentur,  et  di.-erent  :  Undehuic  sapientia 
tauta  et  virtutes.  »  Sapienlia  refertur  ad 


doctrinam,  virtutes  vero  ad  miraculorum 
operationem. 

Hier.  Mira  stultitia  Nazarenorum.  Mi- 
rantur  undo  habeat  sapieutiam  Sapientia, 
et  virtutes  Yirtus  :  sed  error  in  promptu 
est,  quia  fabri  filium  suspicautur  :  unde 
et  dicuul:  «  Nonne  bic  est  fabri  tilius?  » 
Chrys.  {in  /lomil.  49  ut  sup  )  Per  om- 
nia  ergo  enint  insensati,  vilipeudenles 
euiu  ab  eo  qui  œstiiuabatur  esse  pater  ; 
quaiuvis  multa  horum  exempta  haben- 
tes  iu  antiquis  temporibus;  et  patnnn 
ignobilium  uobilesvidentos  tilios;  eleniiu 
David  cujusdam  agricolie  Jesse  fuit  ti- 
lius ;  et  Amos  cujusdam  pastoris,  et  ipsc 
pastor  :  oportebat  enim  propter  lioc 
maxime  ipsiim  honorare,  quoniam  a  ta- 
libus  exislens,  talia  loquebatur  :  ex  lioc 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XIII.  297 

évident  quelle  n'était  pas  le  résultat  d'une  éducation  tout  humaine , 
mais  un  effet  de  la  grâce  divine.  —  S.  Aug.  {serm.  pour  la  Naiiv. 
de  Notre-Seign.)  (1).  Le  Père  du  Christ  est  en  effet  ce  divin  charpen- 
tier qui  a  fait  l'univers  avec  tout  ce  qu'il  renferme ,  qui  a  donné  le 
plan  de  l'arche  de  Noé  et  fait  connaître  à  Moïse  l'ordonnance  du 
tabernacle,  établi  l'arche  d'alliance;  divin  charpentier,  dis-je  ijui  apla- 
nit les  intelligences  raboteuses  et  retranche  toutes  les  pensées  orgueil- 
leuses. —  S.  HiL.  {can.  14.)  Il  était  aussi  le  Fils  de  cet  ouvrier  qui 
dompte  le  fer  par  le  feu,  qui  dissout  toute  la  puissance  du  monde  dans 
les  ardeurs  de  son  jugement,  qui  plie  la  matière  aux  usages  de 
l'homme  et  qui  donne  à  nos  corps  leur  forme  pour  que  les  membres 
puissent  remplir  leurs  divers  offices  et  concourir  aux  œuvres  de  le  vie 
éternelle. 

S.  Jér.  Après  s'être  trompés  sur  le  père  de  Jésus,  il  n'est  point  sur- 
prenant qu'ils  se  trompent  également  sur  ses  frères  :  «  Est-ce  que 
sa  mère  ne  s'appelle  pas  Marie  et  ses  frères  Jacques  et  Joseph?  »  — 
S.  JÉR.  [contre  Helvid.)  Ceux  qu'ils  appellent  les  frères  du  Seigneur 
sont  les  enfants  de  sa  tante,  Marie  de  Cléophas',  femme  d'Alphée  et 
mère  de  Jacques  et  de  Joseph  :  Cette  Marie  était  aussi  la  mère  de 
Jacques  le  Mineur.  —  S.  Aug.  {Quest.  évcmg.^  quest.  17  sur  S.  Matth.) 
Il  n'est  pas  étonnant  qu'on  ait  appelé  frères  du  Seigneur  tous  ses 
parents  du  côté  maternel ,  puisque  les  Juifs ,  qui  pensaient  que  Joseph 
étaient  son  père,  appellent  également  ses  frères  tous  ceux  qui  étaient 
parents  de  Joseph.  —  S.  Hil.  Le  Seigneur  se  voit  donc  méprisé  à 
cause  de  ses  parents,  et  quoique  la  sagesse  de  son  enseignement  et 

(1)  On  ne  trouve  point  ce  passage  dans  les  sermons  de  saint  Augustin  sur  la  Nativité,  mais 
plutôt,  avec  quelque  différence  et  en  d'autres  termes,  dans  le  sermon  pour  l'octave  de  l'Epi- 
phanie. 


eniin  erat  manifestum  quoniam  non  ex 
hiiinana  diligentia  erat,  sed  ex  divina 
gralia.  Aug.  [in  Serm.  de  A"at.)  Est  au- 
tem  pater  Christi  faber  Deus,  qui  totius 
mundi  opéra  faliricalus  est,  arcam  Noe 
disposuit,  Moysi  labernaculiun  ordiua- 
vit,  arcam  testaiiienti  instituit  :  fabrum 
dixerim,  qui  menteni  rigidam  explanat, 
ae  cogitationes  superbas  excidit.  Hilar. 
{(.'071.  14,  in  Matth.)  Fabri  etiaiu  bic 
erat  tilius,  ferrum  igiie  vinceulis,  om- 
nem  seculi  virtuteiu  judicio  decoquen- 
tis  ;  massamque  formanlis  in  omne  opus 
ntilitatis  Immaua^  :  formaiu  scilicet  cor- 
porum  uostronim  in  diversa  membro- 
runi  ministeria,  et  ad  omnia  aîternse  vi- 
tae  opéra,  fingentis. 
Hier.  Cum  autem  errent  in  pâtre,  non 


est  mirandum  si  errent  in  fratribus  : 
unde  subditur  :  «  Nonne  ejus  mater  di- 
citiir  Maria  ?  et  fratres  ejus  Jaeobus  et 
Joseph ,  »  etc.  Hier,  [contra  Helvid.) 
Fratres  Domi ni  hic  appellantur  fihi  ma- 
terter^L'  ejus  Mariœ  ;  et  bœc  est  mater 
Jacobi  et  Joseph,  id  est,  Maria  Cieophe, 
uxor  Alpbaei;  et  hœc  dicta  est  Maria 
mater  Jacobi  minoris.  Aug.  [de  Quœst. 
Evang.  ex  Matth.  quœst.  17.)  Non 
ergo  mirum  est  dictos  est  fratres  Do- 
mini  ex  materno  génère  quoscunque 
cognalos  cum  etiam  ex  cognatione  Jo- 
seph dici  potuerint  fratres  ejus  ab  illis 
qui  eum  patrem  Domini  esse  arbitrabau- 
tur.  Hilar.  [ut  sitp.)  Inhonoratur  ergo 
Dominus  a  suis  ;  et  quanquam  docendi 
prudentia  et  operandi  virtus  admiratio- 


298 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


l'éclat  de  ses  miracles  dussent  exciter  leur  admiration ,  ils  ne  peuvent 
croire  (jue  c'est  Dieu  qui  agit  ici  dans  l'homme,  parce  qu'ils  cherchent 
à  l'outrager  en  lui  rappelant  le  métier  de  son  père.  Au  milieu  donc 
de  tant  de  merveilles  qu'il  opérait  sous  leurs  yeux,  sou  humanité  seule 
fait  impression  sur  eux ,  et  ils  disent  :  a  D'où  lui  viennent  touAes 
ces  choses  ?  » 

«  Et  il  leur  était  un  sujet  de  scandale.  »  —  S.  Jér.  Cette  erreur  des 
Juifs  est  la  cause  de  notre  salut  et  en  même  temps  la  condamnation 
des  hérétiques;  ils  s'obstinaient  tellement  à  ne  voir  qu'un  homme  en 
Jésus-Christ,  qu'ils  le  regardaient  comme  le  fds  d'un  charpentier.  — 
S.  Chrys.  {hom.  49.)  Mais  admirez  ici  la  douceur  de  Jésus-Christ  :  il 
ne  leur  dit  aucune  injure,  mais  leur  répond  avec  la  plus  grande  mo- 
dér.ition  :  «  Et  Jésus  leur  dit  :  Un  prophète  n'est  sans  honneur  que 
dans  son  pays  et  dans  sa  maison.»  —  Rémi.  Il  se  donne  le  nom  de  pro- 
phète et  c'est  le  nom  que  Moïse  lui  avait  donné,  lorsqu'il  disait  : 
«  Dieu  vous  suscitera  un  prophète  du  milieu  de  vos  frères.  »  [Deu- 
tér.^  xviii.)  Remarquons  ici  que  ce  n'est  pas  seulement  Jésus-Christ, 
le  chef  de  tous  les  prophètes ,  mais  encore  Jérémie  et  Daniel ,  et  les 
autres  prophètes  qui  ont  reçu  plus  d'honnenr  et  de  gloire  parmi  les 
étrangers  qu'au  milieu  de  leurs  concitoyens.  —  S.  Jér.  En  effet,  il 
est  presque  dans  la  nature  que  les  habitants  d'un  même  pays  se 
jalousent  mutuellement  ;  ils  ne  considèrent  pas  les  œuvres  actuelles 
de  l'homme  fait,  ils  ne  se  rappellent  que  les  faiblesses  de  son  enfance, 
comme  s'ils  n'avaient  point  eux-mêmes  passé  par  les  mêmes  degrés 
pour  arriver  à  la  maturité  de  l'âge. 

S.  HiL.  {can.  14.)  Il  déclare  qu'un  prophète  est  sans  honneur  dans 
sa  patrie,  parce  qu'il  ne  devait  recevoir  que  des  mépris  dans  la  Judée 


uem  commoveret,  non  tamen  credunt 
hsec  in  homine  Deiim  agere  ;  quia  et 
eum  paternœ  artis  quodam  opprobrio 
lacessunt.  luter  tôt  ergo  uiaguitica  qufe 
gerebat,  corporis  ejus  contemplatione 
commovebantur,  et  ideodicuut:  «  Uude 
ergo  huic  omnia  ista  ?  » 

Sequitur  :  «  Kt  sic  scandalizabantur  iu 
eo.  »  Hier.  Error  Jiidaiornm  sains  nos- 
tra  est,  et  ha;reticonim  condeuuiatio  : 
in  tant  uni  enini  l'eriiebant  iiomineni  Je- 
siim  Cliristiun  ut  putareiit  filiuni  l'abri. 
CuRYs.  (//(  lioniil.  iît  ut  stip.)  lutuere 
auteui  Chrisli  mansuetudinem  :  non 
convitiatus  est,  sed  cum  multa  niausue- 
liidine  respondit  :  unde  sequitur  :  «  Jé- 
sus autem  dixit  eis  :  Non  est  propheta 
sine  lionore,   nisi    in   patria   sua   et   in 


domo  sua.  »  Remig.  Prophetam  s,ei]i?,\x\n 
appellat  ;  «juod  et  Moyses  manifestât, 
cum  dicit  [Deuteron.  18)  :  «  Prophetam 
suscitabit  Deus  de  fratribus  vestris  vo- 
bis.  »  Et  lioc  scieudum  quia,  non  solum 
Christus  (qui  estcaputprophetarum  om- 
nium), sed  etiam  Hieremias  et  Daniel,  et 
cœteri  minores  propheta?,  majoris  hono- 
ris et  dignitatis  fuerunt  apud  exteros, 
quam  apud  suos.  HiEU.  Propemodum 
enim  naturale  est,  cives  semper  civibus 
iuvidere  :  non  enim  cousideraul  prae- 
sentia  vin  opéra,  sed  fragilis  recordautur 
infautiae,  (juasi  non  et  ipsi,  per  eosdem 
fetatum  gradus  ad  maturam  aetatem  ve- 
nerint. 

HiLAR.  Inhonorabilem  etiam  prophe- 
tam in  patria  sua  esse  respondit,  quia  in 


DE   SAINT   MAITHIEU,   CHAP.    XIII. 


299 


jusqu'au  jour  où  il  devait  être  condamné  à  la  mort  de  la  croix,  et  que 
ce  n'est  qu'au  milieu  des  fidèles  qu'il  a  étô  reconnu  comme  la  vertu 
de  Dieu.  Il  ne  voulut  point  faire  de  miracles  par  suite  de  leur  incré- 
dulité, comme  le  remarque  l'Evangéliste  :  «  Et  il  ne  fit  pas  là  beau- 
coup de  miracles ,  à  cause  de  leur  incrédulité.  »  —  S.  Jér.  Ce  n'est 
pas  que  leur  incrédulité  rendît  ces  miracles  impossibles,  mais  il  ne 
voulait  pas  que  ces  nombreux  miracles  fussent  une  cause  de  condam- 
nation pour  ses  concitoyens.  —  S.  Ciirys.  {hom.  •49.)  Mais  puisqu'ils 
ne  pouvaient  s'empêcher  d'admirer  les  prodiges  qu'il  opérait,  pour- 
quoi ne  pas  les  multiplier  parmi  eux?  C'est  que  le  Sauveur  n'agissait 
point  par  ostentation  et  ne  recherchait  que  l'utilité  des  autres  ;  or,  il 
ne  voyait  pas  ici  cette  utilité,  il  néglige  donc  ce  qui  lui  est  personnel 
pour  ne  pas  augmenter  leur  culpabilité  et  leur  châtiment.  Mais  pour- 
quoi donc  en  fit-il  quelques-uns?  Afin  de  leur  ôter  tout  prétexte  de 
dire  :  «  Si  vous  aviez  fait  des  miracles,  nous  aurions  cru.» — S.  Jér.  On 
peut  encore  entiîndre  ces  paroles  dans  un  autre  sens ,  c'est-à-dire  que 
Jésus  a  été  méprisé  dans  sa  maison  et  dans  sa  patrie  (par  le  peuple 
juif),  et  qu'il  n'y  a  fait  que  peu  de  miracles,  afin  qu'ils  ne  fussent  pas 
entièrement  inexcusables.  Tous  les  jours,  au  contraire,  il  opère  par 
ses  Apôtres  de  plus  grands  prodiges  au  milieu  des  nations,  moins 
pour  la  guérison  des  corps  que  pour  le  salut  des  âmes. 


Judaea  esset  usqiie  ad  crucis  sententiam 
conteiiinendus,  et  quia  pênes  solos  fidè- 
les Dei  virlus  est  :  et  propter  eoruiu  in- 
credulitatem  operibus  divinœ  virtutis 
abstiiiuit  :  unde  sequitur  :  «  Et  non  fecit 
ibi  virtules  multas  propter  incredulita- 
tem  illorum.  »  Hier.  Non  qiiod  etiam 
incredulis  illis  facere  non  potuerit  virtu- 
les multas  :  sed  quod  ne  multas  faciens 
virtutes  cives  incrédules  condemnaret. 
Chrys.  {in  Iiomil.  49  vt  siip.)  Si  autem 
adniiratio  ei  conveniebat  ex  uiiraculis, 
quare  non  multa  fecit  ?  Quia  non  ad  os- 
tentationem  suain  inspiciebat,  sed  ad  ea 


quœ  aliiâ  erant  utilia  :  hoc  igitur  non 
proveniente  despexit  quod  erat  sui  ip- 
sius,  ut  non  pœnam  eis  augeat.  Cur  igi- 
tur  et  pauca  fecit  signa  ?  Ut  non  di- 
cant  :  «  Si  utique  facta  essent  signa 
non  credidissemus.  Hier.  »  Potest  etiam 
aliter  intelligi,  quod  Jésus  despiciatur 
in  domo  et  in  patria  sua  (hoc  est  in 
populo  Judaeorum),  et  ideo  ibi  pauca 
signa  fecerit,  ne  penitus  inexcusabiles 
fiereut  :  majora  autem  signa  quotidie 
in  gentibus  per  apostolos  facit,  non  tam 
in  sanatione  corporum  quam  in  anima- 
rum  salute. 


CHAPITRE  XIV. 

SOMMAIRE    ANALYTIQUE. 

f.  1-5. —  Opinion  qu'Hérode  avait  conçue  de  Jésus-Christ,  au  récit  des  prodiges 
qu'il  opérait  —  Orgueil  et  indifférence  de  ce  prince.  —  A  quelle  époque  faut- 
il  rattacher  ce  fait? —  Puissance  de  la  vertu  sur  les  méchants  eux-mêmes. — 
Jalousie  des  Juifs.  —  Croyance  d'Hérode  à  la  résurrection  des  fnorts.  —  Ce 
prince  était-il  dans  le  doute,  ou  avait-il  une  véritable  conviction  que  Jean  était 
ressuscité?  — Quel  est  cet  Hérode  dont  il  est  ici  question?  —  A  quelle  époque 
se  rattache  la  mort  de  Jean-Baptiste  que  l'Evangeliste  raconte  ici  ?  —  Cause 
pour  laquelle  le  saint  précurseur  fut  jeté  en  prison.  —  Liberté  courageuse  de 
Jean-Baptiste.  —  Différence  entre  la  crainte  de  Dieu  etla  crainte  des  hommes 
quant  à  leurs  effets. 

f,-  6-12.  —  Quels  sont  les  princes  que  nous  voyons  dans  l'Ecriture  célébrer 
l'anniversaire  de  leur  naissance  '^  —  Sentiments  de  pudeur  dans  lesquels  les 
mères,  quelles  qu'elles  soient,  élèvent  généralement  leurs  filles,  —  Comment 
Hérodiade  éleva  la  sienne.  —  Hérode  est-il  excusable  d'avoir  commis  cet 
homicide  malgré  lui  et  contre  sa  volonté  et  par  respect  pour  son  serment?  — 
La  promesse  ou  le  serment  qui  ne  peuvent  s'accomplir  que  par  un  crime  sont- 
ils  obligatoires?  —  Double  crime  de  la  fille  d'Hérodaide.  —  La  tristesse  que 
fait  paraître  Hérode  à  la  demande  qui  lui  est  faite  est-elle  véritable  ?  —  Il 
rend  complices  de  son  crime  tous  ceux  qu'il  craignait  d'avoir  pour  témoins  de 
son  parjure.  —  Comment  un  premier  crime  l'a  entraîné  dans  un  autre.  — 
Pourquoi  Dieu  permet-il  que  Jean -Baptiste  soit  décapité  pour  récompense  'et 
comme  prix  d'une  danse  lascive  ?  —  C'est  pour  le  Christ  qu'il  est  mort.  — 
Quels  sont  ces  disciples  qui  l'ensevelissent  et  viennent  apprendre  sa  mort 
à  Jésus.  —  Explication  mystique  des  circonstances  de  la  mort  de  Jean- 
Baptiste. 

j^.  13,  14.  —  Ordre  des  événements.  —  Différentes  raisons  pour  lesquelles  Jésus 
se  retire  dans  un  lieu  désert.  —  Désir  qu'avait  le  peuple  de  s'attachera  lui. — 
Comment  Jésus  récompense  cette  sainte  ardeur.  —  Explication  mystique  de 
la  retraite  de  Jésus. 

y.  15-21.  —  Foi  de  ce  peuple  qui  persévère  avec  le  Sauveur  malgré  la  faim 
qu'il  éprouve.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  attend-il  pour  donner  à  manger  au 
peuple  qu'on  lui  en  fasse  la  demande  ''  —  Pourquoi  a-t-il  permis  que  le  peuple  le 
suivît  dans  le  désert  ?  —  Imperfection  de  la  foi  des  Apôtres.  —  Pourquoi  Notre- 
Seigneur  n' a-t-il  pas  immédiatement  opéré  ce  miracle  et  presse-t-il  ses  disci- 
ples de  donner  à  manger  à  ce  peuple? — Comment  concilier  ici  le  récit  de  saint 
Jean  avec  celui  de  saiut  .Matthieu  ? — Tempérance  des  Apôtres,  leur  détachement 
des  besoins  du  corps.  —  l'ouniuoi  le  Sauveur  n'a-t-il  pas  tiré  du  néant  les 
pains  destinés  à  nourrir  celte  nmltitude  ?  —  Le  miracle  de  la  multiplication 
des  pains  aussi  grand  que  le  miracle  de  la  création  des  plantes,  etc. —  Pourquoi 
Jésus  Icve-t-il  les  yeux  au  ciel  avant  d'opérer  ce  miracle  ?  —  Sa  conduite  dans 
les  miracles  du  premier  oi-dre.  —  Pourquoi  les  pains  sont-ils  partagés  avant 
d'être  multipliés? —  Pourquoi  est-ce  par  l'intermédiaire  des  apôtres  qu'ils 
sont  distribués?  —  Nouveau  miracle  qui  suit  la  multiplication.  —  Pourquoi 
Notre-Seigneur  voulut-il  qu'il  restât  douze  corbeilles  pleines  ? — A  quelle  époque 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE   DE   S.    MATTHIEU,    CHAP.    XIV.        301 

du  Sauveur  faut-il  placer  ce  miracle  ?  —  Explication  mystique  des  différentes 
circonstances  de  ce  prodige. 
f.  22.  33.  —  Pourquoi  Notre- Seigneur  ordonne-t-il  de  se  séparer  de  lui  ceux  qui 
ont  été  les  témoins  de  ce  miracle  ?  —  AfTection  des  disciples  pour  leur  divin 
Maître.  —  Leçon  d'humilité  qu'il  nous  donne.  —  Avantages  de  la  solitude. — 
Ces  paroles  :  Il  monta  seul  pour  prier,  ne  se  rapportent  pas  à  la  nature  divine; 
— Comment  concilier  la  contradiction  qui  paraît  exister  entre  saint  Matthieu, 
d'après  lequel  Notre- Seigneur,  après  avoir  renvoyé  le  peuple,  monta  seul  sur 
la  montagne  pour  y  prier,  et  saint  Jean  qui  rapporte  qu'il  était  sur  la  mon- 
tagne lorsqu'il  nourrit  la  multitude  ?  —  Les  disciples  avaient  raison  de  ne  se 
séparer  du  Sauveur  que  malgré  eux.  —  Jésus  conduit  ses  disciples  par  degrés 
à  de  plus  grandes  épreuves.  —  C'est  en  son  absence  que  la  tempête  s'élève. 

—  Pourquoi  les  lai?se-t-il  toute  la  nuit  ballottés  par  les  flots?  —  Ne  pas  chercher 
avec  trop  d'empressement  la  dcHvrance  de  nos  maux.  —  Pourquoi  Jésus  per- 
met-il que  leur  crainte  augmente  au  moment  où  ils  espéraient  être  délivrés  ? 

—  Preuve  de  la  vérité  du  corps  de  Notre-Seigneur  contre  les  Manichéens.  — 
Ce  n'est  qu'après  qu'ils  ont  jeté  des  cris  confus  que  Notre-Seigneur  se  révèle 
à  eux.  —  Comment  se  fait-il  connaître  ?  —  Foi  de  saint  Pierre  dans  la  de- 
mande qu'il  fait  à  Jésus.  —  Par  quel  motif  désire-t-il  aller  rejoindre  son  divin 
Maître?  —  Jésus  fait  ici  un  plus  grand  miracle  que  celui  d'apaiser  la  fureur 
des  vents.  —  Que  nous  enseigne  la  faiblesse  de  Pierre  qui  se  laisse  troubler 
par  un  obstacle  beaucoup  moins  grand  que  celui  qu'il  vient  de  surmonter.  — 
Pourquoi  le  Sauveur  permet  ce  doute  et  cette  crainte  dans  son  apôtre.  — 
Pourquoi  Dieu  laisse  un  peu  d'action  à  la  tentation.  —  Pourquoi  Jésus  ne 
commande  pas  aux  vents  de  s'apaiser,  mais  se  contente  de  soutenir  Pierre  par 
la  main.  —  Son  défaut  de  foi  seul  fut  cause  qu'il  enfonça.  —  Puissance  de 
Jésus-Christ  dans  ce  nouveau  miracle.  —  Explication  allégorique  de  toutes  les 
circonstances  de  ce  fait  miraculeux.  —  Que  signifie  Jésus  seul  sur  la  montagne, 
vers  le  soir,  la  barque  agitée  pendant  qu'il  prie,  le  commandement  qu'il  fait 
à  ses  Apôtres  de  monter  dans  la  barque,  la  mer  courroucée  ^  Notre-Seigneur 
revenant  trouver  ses  disciples  à  la  quatrième  veille,  la  crainte  et  la  défiance 
qu'ils  éprouvent  à  son  aspect,  Pierre  qui  veut  aller  à  sa  rencontre,  la  crainte 
qui  s'empare  de  lui,  Notre-Seigneur  le  soutenant  par  la  main,  etc  ? 

y.  34-36.  —  Retour  de  Notre-Seigneur  dans  la  contrée  de  Génézareth.  —  Foi 
des  habitants  de  cette  contrée.  —  La  barque  qui  aborde  au  rivage  avec  les 
Apôtres,  figure  de  l'Eglise  qui  arrive  au  port  de  l'éternité.  —  Explication 
allégorique  de  la  puissance  contenue  dans  la  frange  du  vêtement  de  Jésus. 


302 


EXPLICATION    DE    L'ÉVANGILE 


y.  1-5.  —  En  ce  temps-là  Rérode  le  tétrnrque  apprit  ce  qui  se  publiait  de  Jésus; 
et  il  dit  à  ses  officiers  :  C'est  Jean- Baptiste,  c'est  lui-même  qui  est  ressuscité 
d'entre  les  morts  ;  et  c'est  pour  cela  qu'il  se  fait  par  lui  tant  de  miracles.  Car 
Hérode  ayant  fait  arrêter  Jean,  l'avait  fait  lier  et  mettre  en  prison,  à  cause 
d'Hérodiade,  femme  de  son  frère,  parce  que  Jean  lui  disait  :  Il  ne  vous  est 
point  permis  d'avoir  cette  femme.  Hérode  voulait  donc  le  faire  mourir;  mais 
il  appréhendait  le  peujde,  parce  que  Jean  était  regardé  comme  un  prophète. 

La  Glose  (1).  L'Evangéliste,  après  nous  avoir  raconté  l'intcrpréta- 
tion  calomnieuse  que  les  pharisiens  donnaient  des  miracles  de  Jésus- 
Christ  et  comment  ses  concitoyens,  tout  en  les  admirant,  n'avaient 
cependant  que  du  mépris  pour  lui,  rapporte  l'opinion  qu'Hérode  avait 
conçue  du  Christ  au  récit  des  prodiges  qu'il  opérait  :  «  En  ce  temps-là, 
Hérode  apprit^  »  etc.  —  S.  Chrys.  {hom.  49.)  Ce  n'est  pas  sans  raison 
que  l'Evangéliste  désigne  ici  le  temps  d'une  manière  précise  ;  il  veut 
vous  apprendre  tout  à  la  fois  l'orgueil  du  tyran  et  son  indifïereuce. 
En  effet,  ce  n'est  point  tout  d'abord  et  un  des  premiers,  mais  beaucoup 
plus  tard ,  qu'il  apprend  les  prodiges  opérés  par  le  Cbrist;  c'est  ainsi 
que  la  plupart  des  puissants  du  monde ,  séduits  par  le  faste  qui  les 
environne,  négligent  de  s'instruire  des  vérités  du  salut,  parce  qu'ils 
n'y  attachent  pas  grande  importance. 

S.  AuG.  [de  l'accord  des  Evang.,  ii,  -43.)  Saint  Matthieu  dit  ;  «  En 
ce  temps-là,  »  et  non  pas  :  «  Dans  ce  jour-là,  »  ou  «  A  cette  heure  ;  » 
c'est  qu'en  effet  saint  Marc,  qui  raconte  le  même  fait  de  la  même  ma- 
nière (cliap.  vi),  ne  suit  pas  le  même  ordre.  Il  le  place  après  que 

(1)  Cette  citation  ne  se  trouve  ni  dans  la  Glose  actuelle,  ni  dans  saint  Anselme,  ni  dans  au- 
cun autre  auteur. 


CAPUT   XIV. 

Jn  illo  tempore,  audivit  Herodf.s  tetrarcha  fa- 
mam  Jesu,  cl  ait  pueris  suis  :  Hic  est  Joan- 
nes  Baptista;  ipse  surrexit  a  mortuis ,  et  ideo 
virtutes  operantur  in  eo.  Herodes  enim  tenuit 
Joanncm ,  et  alliyavit  eum  ,  et  posuit  in  carce- 
rem  propter  Herodiadem,  uxorem  fratris  sui. 
Dicebat  enim  illi  Joannes  :  î\'un  Ucet  tibi  ha  ■ 
bere  eani.  Et  volens  illum  occidere,  timnit 
populum,  tjuia  sicut  prophetam  eum  habebant. 

Glossa.  Quia  supra  Evangelista  oslen- 
deral  (luoinodo  pharisan  Christi  luira- 
cula  caluniniabantur,  concives  auleiii 
ejus  hoc  admirantes,  Clirisluin  tamen 
couteiunebaiit,  refert  nunc  quam  opi- 
uiouem  ex    auditis    niiraculis    Ilerode» 


de  Cliristo  couceperat  :  unde  dicitur  : 
«  In  illo  tempore,  audivit  Herodes,  »  etc. 
CiiRYS.  (in  honiil.  i9  ut  svp.)  Non  abs- 
que  causa  liic  tempus  Evaugelista  dési- 
gnât, sed  ut  discas  tj^ranni  superbiani 
et  negligentiam  :  ueque  euim  a  prin- 
cipio  didieit  ea  qute  erant  de  Cbristo, 
sed  post  plurimum  tempus  :  sic  etiam 
niulti  qui  in  polestalibus  sunt,  multa  ela- 
tione  circiimdati  hujusmodi  tarde  addis- 
cuiit  ;  quia  non  nniltam  borum  faciunt 
curant. 

AuG.  {de  Cens.  Lvany.  lib.  ii,  cap. 
43.)  Dicit  autem  Mattbœus  :  «  In  illo 
tempore,»  non  «  in  illo  die,  »  vel  «  illa 
liora  :  »  nam  et  Marcus  quidem  hoc 
codoni  modo  dicit  (cap.  G),  sed  non  eo- 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAP.   XIV.  303 

Notre-Seigneur  a  envoyé  ses  disciples  prêcher  l'Evangile  et  sans  faire 
supposer  qu'il  y  ait  une  liaison  rigoureuses  entre  ces  deux  faits.  Saint 
Luc  (chap.  ix)  suit  le  môme  ordre  que  saint  Marc,  mais  sans  nous 
forcer  d'admettre  que  c'est  l'ordre  dans  lequel  les  faits  se  sont  passés. 

S.  CiiRYS.  {hom.  40.)  Voyez  quelle  est  la  puissance  de  la  vertu  : 
Hérode  redoute  Jean-Baptiste ,  bien  qu'il  soit  mort ,  et  s'entretient  de 
sa  résurrection  :  «  Et  il  dit  à  ses  courtisans  :  C'est  Jean-Baptiste.  » 
—  Rab.  Nous  pouvons  juger  ici  combien  grande  était  la  jalousie  des 
Juifs.  Hérode,  qui  n'est  qu'un  étranger,  déclare  que  Jean-Baptiste  est 
peut-être  ressuscité  d'entre  les  morts,  et  cela  sans  que  personne  le  lui 
ait  attesté  ,  et  les  Juifs  ont  mieux  aimé  croire  que  le  Christ,  dont  les 
prophètes  avaient  annoncé  la  résurrection,  avait  été  enlevé  frauduleu- 
sement de  son  tombeau,  plutôt  que  d'admettre  sa  résurrection,  preuve 
que  les  Gentils  étaient  bien  mieux  disposés  à  embrasser  la  foi  que  les 
Juifs.  —  S.  Jér.  Un  interprète  ecclésiastique  demande  ici  comment 
Hérode  a  pu  soupçonner  que  Jean  était  ressuscité  d'entre  les  morts. 
Ce  n'est  point  à  nous  de  rendre  raison  d'une  erreur  qui  nous  est  étran- 
gère, et  l'hérésie  de  la  métempsycose  (1)  ne  peut  s'appuyer  sur  ce 
passage  pour  soutenir  qu'après  bien  des  années  révolues  les  âmes 
viennent  animer  des  corps  différents,  puisque  Notre-Seigneur  avait 
trente  ans  lorsque  Jean  fut  décapité. 

Rab.  Tous  ceux  qui  croient  à  la  résurrection  des  morts  ont  admis 
en  même  temps  avec  raison  que  les  saints  jouiront  alors  d'une  puis- 
sance plus  grande  que  celle  qu'ils  avaient  lorsqu'ils  étaient  appesantis 

(1)  C'est-à-dire  de  la  transmigration  des  âmes  d'un  corps  dans  un  autre  j  erreur  qui  eut  pour 
auteur  Pythagore. 


dem  ordLne;  quia  postquam  discipulos 
ad  prsedicandum  Domiims  misit,  hoc 
subjecit,  nulla  timien  facla  necessitate 
qua  hoc  cousequ enter  gestiim  esse  intel- 
ligere  cogère  mur  :  Lucas  etiam  (cap.  9) 
narrandi  eum  ordinem  tenet,  quem  et 
Marcus  ;  riec  ipse  tamen  rerum  gestarum 
ordinem  fuisse  eumdem  credi  cogit. 

CuRYS.  {m  lioni.  49  lit  sup.)  Videergo 
quam  magnum  quid  est  virtus  :  nam  et 
defunctum  Joanuem  Herodes  formida- 
vit,  et  de  rcsurrectione  philosophatur  : 
et  ideo  sequitur  :  «  Et  ait  pueris  suis  : 
Hic  est  Joanues,  »  etc.  Raba.  Sed  quanta 
est  invidia  Jadœorum  ex  islo  loco  doce- 
mur.  Joannem  eniui  a  mortuis  potuisse 
resurgere  (nulio  attestante)  Herodes  ahe- 
nigena  pronuntiavit  :  Judaei  vero  Chris- 
tum,  quem  prophetœ  pruidixerant,  non 


resurrexisse,  sed  furtim  ablatum  esse 
credere  maluerunt;  in  quo  insinuatur 
quod  promptior  est  animus  geutium  ad 
creduiitatem ,  quam  Judœorum.  Hieh. 
Quidam  autem  ecclesiasticorum  inter- 
pretum  quaerit  quare  Herodes  ista  sit  sus- 
picatus,  ut  putet  Joanuem  a  mortuis 
resurrexisse  :  quasi  alieni  erroris  nobis 
reddeuda  sit  ratio  ;  aut  ex  his  verbis 
habeat  occasionem  hœresis  metcmpsy- 
c/ioseos,  quœ  post  multos  anuorum  cir- 
culos  in  diversa  corpora  dicit  animas 
iusiuuari  ;  cum  eo  teuipore  quo  Joannes 
decolialus  est,  Dominus  triginta  anno- 
rum  esset. 

Raba.  René  autem  de  resurrectionis 
virtute  omnes  senserunt,  quod  majoris 
potentiae  sunt  Sancti  futuri  cum  a  mor- 
tuis resurrexerint,  quam  fuere  dum  ad- 


304 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


par  rinfirmité  de  la  chair.  C'est  pour  cela  qu'Hérode  dit  :  «  Et  il  se 
fait  des  miracles  par  lui.  »  —  S.  Aug.  {de  l'accord  des  Evang.)  Dans 
saint  Luc,  au  contraire,  nous  lisons  :  a  Et  Hérode  dit  :  J'ai  fait 
mourir  Jean;  quel  est  donc  celui-ci  dont  j'apprends  de  telles  choses?» 
Puisque  saint  Luc  nous  représente  Hérodiî  étant  encore  dans  le  doute, 
il  faut  admettre  que  ce  doute  fit  place  à  la  conviction  dans  son  esprit 
sur  ce  qu'on  lui  avait  rapporté,  lorsqu'il  dit  à  ses  courtisans,  d'après 
saint  Matthieu  :  «  Celui-ci  est  Jean-Baptiste  ;  »  ou  bien  il  faut  voir 
dans  ces  paroles  l'expression  d'un  esprit  qui  doute  encore ,  car  elles 
sont  susceptibles  de  ces  deux  sens  et  peuvent  signifier  ou  bien  qu'Hé- 
rode était  convaincu  par  le  rapport  des  autres^  ou  qu'il  doutait  encore, 
comme  saint  Luc  parait  l'iudiqui'r. —  Rémi.  Peut-être  nous  demandera- 
t-on  ici  pourquoi  saint  Matthieu  s'exprime  de  la  sorte  :  «  En  ce  temps- 
là  Hérode  apprit,  »  etc.,  tandis  qu'il  raconte  bien  auparavant  que  ce 
n'est  qu'après  la  mortd'Hérode  que  le  Sauveur  revint  d'Egypte.  Cette 
difficulté  n'existe  plus  dés  qu'on  admet  qu'il  y  eut  deux  Hérodes.  Le 
premier  Hérode  étant  mort,  eut  pour  successeur  Archélaïis,  son  fils, 
qui  dix  ans  après  fut  exilé  à  Vienne,  dans  les  Gaules.  César-Auguste 
divisa  alors  ce  royaume  eu  quatre  principautés  ou  tétrarchies,  et  en 
donna  trois  parties  aux  enfants  d'Hérode.  Cet  Hérode  qui  fit  décapiter 
Jean-Baptiste  est  donc  le  fils  du  grand  Hérode  sous  le  règne  duquel 
naquit  Notre-Seigneur^  et  c'est  pour  bien  marquer  cette  différeuce  que 
l'Evangéliste  lui  donne  le  nom  de  tétrarque. 

La  Glose.  L'Evangéliste  ayant  rapporté  ce  que  pensait  Hérode  de 
la  résurrection  de  Jean,  sans  rien  dire  de  sa  mort,  revient  sur  ses  pas 
pour  raconter  la  manière  dont  mourut  le  saint  précurseur.  —  S.  Chrys. 


hue  carnis  infirmitate  gravarentur  : 
propterea  dicit  :  «  Et  ideo  virtutes  ope- 
rantur  in  eo.  »  Aug.  [de  Cons.  Evang. 
ut  Slip.)  Lucas  autem  dicit  (cap.  19)  : 
«Et  ailHerodes:  Joannem  ego  decollavi; 
quis  est  iste  de  quo  audio  talia  ego  ?  » 
Quia  ergo  hfesitautem  Lucas  commemo- 
ravit  Herodem,  iutelligendum  est  aut 
post  hanc  luTsitationem  confirmasse  in 
animo  :^uo  quod  ab  aliis  dicebalur.  cuui 
dixit  pueris  suis  (sicut  hic  Matthaeus 
narrât)  :  «  [lie  est  Joannes  Baptista,  »etc. 
aut  ita  prouuntianda  sunt  haec  verba, 
ut  haesitantem  adhuc  indicent  :  utroque 
enim  modo  pronuntiari  potest,  ut  aut 
confirmatum  eum  ex  aliorum  verbis  ac- 
cipiamus  ;  aut  adhuc  eum  hœsitantem, 
ut  Lucas  commémorât.  Remig.  Forte 
autem  quaeret  aUquis  quare  dicat  Mat- 


thœus  :  «  In  illo  tempore,  audivit  Héro- 
des, »  etc.,  eum  longe  superius  dicat, 
quod  mortuo  Herode,  reversus  est  Do- 
minus  ex  .ïgypto.  Sed  hœc  qusestio 
solvitur,  si  intelligatur  duos  fuisse  Héro- 
des :  mortuo  namque  priore  Herode, 
successit  ei  Archeiaus,  filius  ejus,  qui 
post  deeem  annos  relegatus  est  exiUo 
apud  Yiennam,  urbem  Galhae  ;  deinde 
Ccesar  Augustus  jussit  dividi  illud  reg- 
num  in  tetrarchias  ;  et  très  partes  dédit 
tîliis  Herodis.  Iste  ergo  Herodes,  qui 
Joannem  decollavit ,  est  filins  majoris 
Herodis,  sub  quo  Dominus  natus  est  :  et 
ut  hoc  ostenderet  Evangelista,  addidit, 
t  et  ra  relia. 

Glossa.  Quia  vero  dixerat  de  opinione 
resurrectionis  Joannis,  eum  nihil  de 
morte  dixisset,  ideo  revertitur,  et  narrât 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XIV.  305 

{hom.  49.)  Il  n'a  point  donné  à  ce  récit  une  très-gi-ande  impor- 
tance (1*),  car  tout  son  dessein  était  de  nous  transmettre  ce  qui  avait 
rapport  à  Jésas-Clirist  et  rien  autre  chose,  si  ce  n'est  ce  qui  pouvait 
concourir  au  même  but.  Il  le  commence  donc  en  ces  termes  :  o  Hérode 
ayant  fait  arrêter  Jean,  l'avait  fait  charger  de  chaînes.»  —  S.  AuG.  {de 
raccord  des  Evang.,  ii,  44.)  Saint  Luc  ne  rapporte  pas  ce  fait  dans  le 
même  ordre,  mais  il  le  joint  au  récit  qu'il  fait  du  baptême  de  Notre- 
Seigneur.  C'est  donc  la  narration  anticipée  d'un  événement  qui  n'ar- 
riva que  longtemps  après,  puisqu'il  le  place  immédiatement  après  les 
paroles  de  Jean-Baptiste  qui  nous  montrent  le  Seigneur  le  van  à  la 
main.  Or,  d'après  l'Evangéliste  saint  Jean,  cet  événement  n'arriva 
pas  aussitôt  le  baptême  de  Jésus ,  puisqu'il  nous  raconte  qu'aussitôt 
son  baptême,  Jésus  alla  dans  la  Galilée,  puis  revint  dans  la  Judée,  y 
baptisa  sur  les  bords  du  Jourdain ,  et  tout  cela  avant  que  Jean  fût  mis 
en  prison.  Ni  saint  Matthieu,  ni  saint  Marc  n'ont  raconté  dans  cet  ordre 
la  captivité  de  Jean-Baptiste,  comme  le  prouvent  leurs  écrits,  car  ils 
rapportent  que  lorsque  le  saint  précurseur  fut  arrêté,  le  Seigneur  se 
trouvait  dans  la  Galilée,  et  après  avoir  raconté  les  nombreux  miracles 
qu'il  y  opéra,  à  l'occasion  de  la  renommée  du  Clixist  qui  parvint  jus- 
qu'aux oreilles  d'Hérode,  ils  racontent  tout  ce  qui  a  rapport  à  la  prison 
et  à  la  mort  de  Jean-Baptiste  :  Quant  à  la  cause  pour  laquelle  il  fut 
jeté  en  prison ,  saint  Matthieu  nous  la  fait  connaître,  par  ce  qu'il 
ajoute  :  «  A  cause  d'Hérodiade ,  épouse  de  son  frère  ;  car  Jean  lui 
disait  :  Il  ne  vous  est  pas  permis  d'avoir  cette  femme. 

S.  Jér.  Une  ancienne  histoire  nous  apprend  que  Philippe ,  fils  du 

(1*)  Le  texte  grec  porte  :  Kai  tt  ôviuoTS  où  7rpor,YOW[j.£vwi;  aùxYiv  îi(îr,YaYcV.  Et  pourquoi 
n'a-t-il  pas  raconté  précédemment  cette  histoire? 


qualiter  obierit.  Chrys.  (m  homil,  49  ut 
siip.)  Et  hanc  historiam  nobis  Evangelista 
non  principaliter  inducit,  quia  totumstu- 
dium  fuit  ei  dicere  de  Chrislo,  et  nihil 
aliud,  nisi  quod  forte  ad  hoc  conferre 
deberet.  Dicit  ergo  :  «  Herodes  tenait 
Joauneiu,  et  alligavit  eum.  »  AuG.  {de 
Cons.  Evaiig.  lib.  ii,  cap,  44.)  Lucas 
quideni  non  eodem  ordine  id  recorda- 
lur,  sed  circa  baptisnmra  quo  Uoniinus 
baptizatus  est.  (Cap.  3.)  Unde  hoc  praeoc- 
cupasse  intelligitur,nt  narret  quod  multo 
posl  factum  est  :  cum  enini  commemo- 
rasset  Joannes  verba  de  Domino,  quod 
ventilabrura  in  manu  ejus  sit,  continuo 
hoc  subjecit,  quod  non  continuo  factum 
esse  Joannes  Evangehsta  exponit  ;  cum 
commemoret,  posteaquam  Ijaptizatus  est 

TOM.  U. 


Jésus  iisse  eum  in  Galilaeam,  et  post  re- 
diisse  in  Judaeam,  et  ibi  baptizasse  circa 
Jordanem,  antequam  Joannes  in  carce- 
rem  missus  esset.  Sed  uec  Matthaeus, 
nec  Mareus,  eo  ordine  de  Joanne  in  car- 
cerem  misso  in  sua  narratione  posue- 
runt,  quod  factum  apparet  in  eorum 
scriptis  :  nam  et  ipsi  dixerunt,  tradito 
Joanne  Dominum  esse  in  Galiiœam,  et 
post  niultaquae  fecit  ibi,  ex  occasione  fa- 
mce  venientis  ad  Herodem  de  Christo, 
narrant  omnia  quse  de  Joanne  fuerunt 
incluso  et  occiso  patrata.  Causani  autem 
quare  positus  sit  in  carcerem ,  ostendit 
cum  dicit  :  «  Propler  Herodiadem , 
uxorem  fratris  sui  :  dicebat  enim  isti 
Joannes  :  Non  Hcettibi  habere  eam.  » 
Hier.  Vêtus  narrât  historia  Philippum 

20 


306 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


premier  Hérode,  et  frère  de  celui-ci,  épousa  Hérodiade,  tille  d'Aretas, 
roi  d'Arabie.  Plus  tard  son  beau-père,  par  suite  de  certains  débats 
qu'il  eut  avec  son  gendre,  reprit  sa  fille ,  et  pour  punir  son  premier 
mari  la  donna  pour  femme  à  Hérode ,  ennemi  de  Philippe  (1*).  Or, 
Jean-Baptiste  qui  était  venu  dans  l'esprit  et  la  vertu  d'Elie,  reprit 
Hérode  et  Hérodiade  de  cette  union  criminelle  avec  la  même  autorité 
dont  Elie  avait  fait  preuve  à  l'égard  d'Achab  et  de  Jézabel  (2).  Il  lui 
déclara  que  du  vivant  de  son  frère ,  il  ne  pouvait  épouser  sa  femme  ; 
et  il  aima  mieux  encourir  la  haine  implacable  du  roi  que  de  sacrifier 
par  une  basse  flatterie  les  commandements  de  Dieu.  —  S.  Chrys. 
[hom.  49.)  Cependant  ce  n'est  pas  à  cette  femme  qu'il  s'adresse^  mais 
à  celui  qui  l'a  épousée,  parce  qu'il  était  le  chef  et  le  maitre  ;  d'ailleurs 
il  professait  probablement  la  loi  judaïque ,  et  c'est  au  nom  de  celte 
loi  que  Jean  lui  défend  l'adultère. 

«  Et  il  voulait  le  faire  mourir ,  mais  il  craignait  le  peuple.  »  — 

(1*)  Nous  trouvons  dans  les  différents  interprètes  tant  de  divergences  sui-  ce  point  que  nous 
croyons  utile  d'exposer  ici  le  plus  clairement  possible  quel  était  cet  Hérode,  cette  Hérodiade,  et 
ce  frère  d'Hérode  dont  elle  était  la  femme.  Le  roi  Hérode,  dont  il  est  ici  question,  est  celui  qui 
est  appelé  Antipas,  tétrarque  de  Galilée  et  de  Pérée.  l\  était  fils  d'Hérode  le  Grand  et  de 
Malthace  de  Samarie.  Il  était  marié  à  une  fille  d'Aretas  ,  roi  d'Arabie.  Durant  un  séjour  qu'il  tit 
à  Rome,  il  s'éprit  d'Hérodiade,  femme  de  son  demi-frère  Hérode-Philippe,  l'enleva  et  contracta 
avec  elle  un  mariage  secret,  en  s'engageant  à  renvoyer  sa  première  femme,  qui,  informée  des 
projets  de  son  mari,  prévint  l'outrage  et  se  réfugia  chez  son  père.  C'est  cet  Hérode  Antipas  qui, 
d'après  Josèphe,  était  souverain  de  Galilée  au  temps  de  Notre-Seigneur. 

Hérodiade  était  fille  d'Aristobule,  et  par  conséquent  petite-fille  d'Hérode  le  Grand;  elle  épousa, 
d'après  la  volonté  de  son  aïeul,  Hérode,  fils  d'Hérode  le  Grand  et  de  Mariamne.  C'est  cet  Hérode 
que  Josèphe  désigne  ainsi  par  son  nom  de  famille  [Antip.  xviii,  5,  1-4),  tandis  que  saint  Marc 
l'appelle  de  sou  nom  propre  :  Philippe.  [Marc,  vi,  17.)  Ce  Philippe,  fils  d'Hérode  le  Grand  et  de 
Mariamne,  qui  vivait  on  simple  particulier  à  Rome  ,  ne  doit  pas  être  confondu  avec  un  autre 
Philippe,  également  frère  d'Antipas,  qui  était  tétrarque  de  la  Gaulonitide,  de  la  Trachonitide,  de 
de  la  Batanée  et  de  la  Judée.  —  Le  docteur  Sepp  nous  parait  avoir  ici  confondu  Hérodiade  avec 
Salomé,  sa  fille,  lorsqu'il  dit  :  Antipas,  laissant  sa  légitime  épouse,  la  fille  d'Aretas,  roi  des 
Arabes,  avait  connu  pour  la  première  fois  Salomé,  sa  nièce,  fille  d'Aristobule  ,  chez  Hérode.  Il 
en  était  devenu  épris,  l'avait  enlevée  à  son  frère  et  l'avait  prise  pour  femme.  (  Vie  de  N.  S.  J.-C, 
tome  1,  page  437.)  Salomé,  fille  d'Hérodiade,  épousa  d'abord  le  tétrarque  Philippe,  beau-fils  de 
son  père,  qui  portait  aussi  le  nom  de  Philippe  [Marc,  vi.)  —  Après  la  mort  de  ce  prince,  qui 
ne  lui  laissa  pas  d'enfants,  elle  épousa  Aristobule ,  fils  d'Hérode ,  le  frère  d'Agrippa. 

(2)  A  la  suite  du  meurtre  commis  sur  la  personne  de  Naboth  ,  que  Jézabel,  épouse  d'Achab, 
avait  fait  mettre  à  mort,  après  qu'elle  avait  suscité  contre  lui  de  faux  témoins  pour  l'accuser  de 
blasphème  et  le  faire  lapider,  et  cela  pour  que  le  roi  Achab  devint  possesseur  d'une  vigne  qu'il 
désirait  vivement  et  que  Naboth  n'avait  pas  voulu  lui  céder.  (III  Rois,  xxi,  14,  15,  16,  19.) 


Herodis  majoris  filium,  fratrem  luijus 
Herodis  duxisse  lixorem  Herodiadem, 
filiam  Arethœ,  régis  Arabum  ;  postea 
vero  soceruin  ejus,  exorlis  quibusdain 
conlra  geuerum  simullatiljus,  lulisse  li- 
liam  suam,  el  in  doloreiu  priori»  inariti, 
Herodis,  iuiraici  ejus  nupliis  copulassc. 
Ergo  Joanues  Baptista,  qui  veueral  iu 
spiritu  et  virlule  Elia;  [Luc.  i),  eadem 
auctoritate  qua  ille  Achab  corripuerat  et 
Jézabel  (111  Heg.  xxi),  arguilHerudcincl 


Herodiadem,  quod  illicitas  nuptias  fece- 
riiit  ;  el  uon  liceat  fratre  viveute  ger- 
inano  uxorem  ejus  ducere;  rnalens  pe- 
riclilari  apud  regeiu,  quam  propteradu- 
lalioiiem  esse  immeinor  preeceptorum 
Dei.  CURYS.  (in  hom.  49  ut  sup.)  Non 
lameu  uxori  loquitur ,  sed  vire  ejus  ; 
quouiam  priucipalior  erat  hic  :  forsitau 
euim  legeiu  Judaîorum  teuebat  ;  et  ideo 
Joanues  euni  ah  aduUerio  prohibuit. 
Se(iuilur  :  «  Kl  voleus  eum  oecidere 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XIV.  307 

S.  Jér.  Il  craignait  que  la  réputation  de  Jean  qui  avait  baptisé  un 
grand  nombre  de  juifs  n'excitât  une  sédition  populaire  ;  mais  il  était 
esclave  de  sa  passion  pour  cette  femme ,  et  cette  passion  lui  faisait 
perdre  de  vue  les  préceptes  de  la  loi  divine  (1*). — La  Glose.  La  crainte 
de  Dieu  réforme  la  volonté  coupable  ;  la  crainte  des  bommes  l'arrête 
pour  un  instant,  mais  ne  la  cbange  pas  ;  elle  rend  plus  ardents  pour 
le  crime  ceux  dont  elle  a  enebaîné  quelque  temps  les  violents  désirs. 

^.  0-12.  —  0/'  le  jour  de  ta  naissance  d'Hérode,  la  fille  d'Hérodiade  dansa  au 
milieu  de  l'assemblée,  et  elle  plut  de  telle  sorte  à  Hérode,  qu'il  lui  promit 
avec  serment  de  lui  donner  tout  ce  qu'elle  lui  demanderait.  Cette  fille  ayant 
été  instruite  auparavant  par  sa  mère,  lui  dit  :  Donnez-moi  présentement  dans 
un  bassin  la  tête  de  Jean-Baptiste.  Le  roi  ressentit  de  la  tristesse  de  cette 
demande;  néanmoins,  à  cause  du  serment  qu'il  avait  fait,  et  de  cetix  qui 
étaient  à  table  avec  lui,  il  commanda  qu'on  la  lui  donnât.  Il  envoya  en 
même  temps  couper  la  tête  à  Jean  dans  la  prison.  Et  sa  tête  fut  apportée 
dans  un  bassin  et  donnée  à  cette  fille,  qui  la  porta  à  su  mère.  Ses  disciples 
vinrent  prendre  son  corps  et  l'ensevelirent ,  et  ils  l'altèrent  dire  à  Jésus. 

La  Glose  (2) .  Après  avoir  raconté  l'emprisonnement  de  Jean-Bap- 
tiste ,  l'Evangéliste  nous  fait  le  récit  de  sa  mort  :  «  Or  ,  le  jour  de  la 
naissance  d'Hérode ,  »  etc.  —  S.  Jér.  Nous  ne  voyons  dans  l'Ecriture 
que  Pbaraon  et  Hérode  qui  aient  célébré  l'anniversaire  de  leur  nais- 
sance; il  était  juste  qu'ils  fussent  unis  pour  la  célébration  de  cette 
fête  comme  ils  l'étaient  par  leur  impiété  (3*). 

(r)  Josèphe,  qui  est  d'accord  avec  les  Evangélistes  dans  son  récit  de  l'apostolat  de  saint  Jean, 
et  qui  désigne  la  forteresse  de  Machaire  comme  le  lieu  de  la  détention  du  précurseur,  s'écarte 
de  l'Evangéliste  dans  le  récit  de  l'arrestation  et  de  l'exécution  de  Jean-Baptiste.  Mais  les  deux 
récits  peuvent  s'accorder  en  se  complétant.  Taudis  que  Josèphe  ajoute  le  motif  politique  de  l'ar- 
restation de  Jean-Baptiste,  les  Evangélistes  expliquent  son  récit  en  racontant  l'intrigue  d'Hé- 
rodiade. 

(2)  Cette  citation  ne  se  trouve  ni  dans  la  Glose,  ni  dans  saint  Anselme. 

(3')  Au  temps  d'Auguste,  la  coutume  depuis  longtemps  en  usage  chez  les  Grecs  de  terminer 


limebat  populuni.  »  Hier.  Seditiouem 
quideui  populi  verebatur  propter  Joan- 
neiii  ;  a  quo  sciebat  turbas  in  Jordaue 
pluriinas  baptizatas  ;  sed  amore  vince- 
batur  u.xoris,  ob  cujus  ardorem  etiam 
Dei  prœcepta  neglexerat.  Glossa.  Timor 
eniui  Dei  corrigit  ;  timur  hominum  dif- 
ferl,  sed  voluntatem  non  aufert  :  unde 
et  avidiores  reddit  ad  crimen,  quos  ali- 
quando  suspendit  a  crimine. 


Die  autetn  natalis  Herodis,  saltavit  filia  ffero- 
diadis  in  medio,  et  plaçait  Berodi  :  unde  cum 
juramento  pollicitus  est  ei  dure  quodcunque 
postulasset  ab  eo.  At  Ma  prœtuonita  a  matre 
sua  :  Da  mihi,  inquit,  hic  in  disco  caput  Joan- 


nis  Baptistœ.  Et  contristatus  estrex  :  propter 
jusjurandum  autem  et  eos  qui  pariter  recum- 
bebant,  jussit  dari.  Misitque,  et  decollavit 
Joannem  in  carcere.  Et  allatum  est  caput  ejus 
in  disco,  et  datum  est  puellœ ,  et  illa  attulit 
matri  suœ.  Et  acccdentes  discipuli  ejus,  tule- 
runt  corpus  ejus,  et  sepelierunt  illud,  et  ve- 
nientes  nuntiaverunt  Jesu. 

Glossa.  Postquam  enarravit  Evange- 
lista  incarcerationem  Joannis,  prosequi- 
tur  de  occisione  ipsius,  dicens  :  «  Die 
autem  natalis,  »  etc.  Hier.  Nullum  in- 
venimus  alium  observasse  diem  natalis 
sui,  uisi  Herodem  et  Pharaonem  [Exod. 
40),  ut  quorum  erat  par  impietas,  esset 
una  solemuitas. 


308 


EXPLICATION   DE   l' ÉVANGILE 


Remi.  Il  faut  se  rappeler  que  non-seulement  les  femmes  riches, 
mais  encore  les  plus  pauvres  ont  coutume  d'élever  leurs  filles  dans  de 
si  grands  sentiments  de  pudeur ,  «qu'elles  demeurent  presque  invi- 
sibles pour  les  étrangers.  Mais  cette  femme  impudique  apprit  à  sa 
fille  à  braver  toute  pudeur,  et  loin  de  lui  douner  des  leçons  de  mo- 
destie, lui  enseigna  des  danses  lascives.  Hérode  ne  fut  pas  moins  cou- 
pable d'avoir  oublié  que  sa  maison  était  une  maison  royale  et  d'avoir 
permis  à  cette  femme  d'eu  faire  une  salle  de  spectacle.  «  Et  elle  plut 
à  Hérode,  »  etc. 

S.  Jér.  Je  ne  puis  excuser  Hérode ,  d'avoir  commis  cet  homi- 
cide malgré  lui  et  contre  sa  volonté ,  et  par  respect  pour  son  ser- 
ment ;  car  peut-être  ne  i'avait-il  fait  que  pour  préparer  les  voies 
à  ce  meurtre  atFx*eux.  Mais  puisqu'il  veut  se  justifier  en  alléguant  son 
serment,  l'aurait-il  exécuté  si  on  lui  eût  demandé  la  mort  de  son  père 
ou  de  sa  mère?  Il  n'aurait  fait  aucun  cas  de  ce  serment  s'il  se  fût  agi 
de  personnes  qui  le  touchassent  de  si  près  ;  ne  devait-il  pas  le  respecter 
davantage  quand  on  lui  demandait  la  tète  d'un  prophète? —  IsiD.  (I). 
Lorsque  vos  promesses  sont  mauvaises,  gardez-vous  de  les  mettre  à 
exécution  ;  la  promesse  qui  ne  peut  s'accomplir  que  par  un  crime  est 
une  impiété ,  et  on  ne  doit  pas  observer  un  serment  par  lequel  on  s'est 
imprudemment  engagé  à  commettre  le  mal. 

«  Celle-ci  ayant  été  instruite  auparavant  par  sa  mère  dit  :  Donnez- 

les  festins  d'apparat  par  des  danses  mimiques  et  par  des  scènes  tirées  des  poètes  dramatiques, 
s'était  introduite  à  la  cour  des  grands  dans  tout  l'empire  romain...  L'historien  Josèphe  {An- 
tiq.,  XII,  4,  4)  nous  parle  d'une  célèbre  danseuse  qui,  déjà  du  temps  de  Ptolémée  Evergète,  avait 
paru  dans  la  salle  pendant  un  festin  que  donnait  ce  prince  et  avait  séduit  tous  les  convives  par 
la  manière  dont  elle  exerçait  son  art.  Cet  usage,  d'origine  grecque,  avait  passé,  avec  celui  du 
théâtre,  dans  les  cours  des  princes  juifs,  et  Hérode  l'Ancien  avait,  au  grand  scandale  du  peuple, 
fait  construire  un  magnifique  théâtre  dans  son  palais  et  fait  venir  les  acteurs  et  les  danseurs  les 
plus  célèbres ,  connus  sous  le  nom  de  Thymelici.  Saloraé  parut  donc  devant  toute  la  cour  d'Hé- 
rode  comme  reine  de  la  fête  et  comme  danseuse  à  la  fois. 

(1)  Livre  des  Synonymes,  cbap.  x.  Cette  citation  est  rapportée  dans  les  Décrets,  cause  xxii, 
quest.  IV,  chap.  5,  qui  commence  par  ces  mots  :  In  malis. 


Remig.  Et  scienduni  qiiod  consuetudo 
est,  non  soUun  divitum,  sed  etiam  pau- 
perum  niulierum,  ita  pudice  filias  suas 
nutrire,  ut  vix  ah  extraueis  videanlur  : 
bœc  autem  inipudiea  inulier  inipudiie 
filiam  suaui  uutrivit,  quam  non  docuil 
pudorem,  sed  sallatioueiu.  Nec  minus 
reprehendeudus  est  Herodes,  qui  oblilus 
est,  domuni  suam  esse  aulam  rofiiam, 
quam  pra.'dicta  mulier  feoerat  Iheatruin  : 
unde  sequitur  :  «  Et  placuit  Elerodi,  »  etc. 

Hier.  Kgo  autem  non  excuso  Hero- 
dem  quod  invitus  et  nolens  propter  ju- 


ramentum  liomicidium  fecerit,  qui  ad 
hoc  forte  jura  vit  ut  futurae  occisioni  ma- 
chinas prœpararet;  aHoquin  (si  ob  jus- 
jurandum  fecisse  se  dicit)  si  uiatris  vel  si 
patris  postulasset  interitum,  facturusfue- 
ral,  an  non  ?  Quod  in  se  evso  repudiatu- 
rus  fuit,  contemnere  debuitin  propheta. 
Isii).  In  malis  erao  promissis  rescinde 
fidem  :  impia  est  promissio  qua»  scelere 
adimpletur  :  illud  non  est  observandum 
sacramentum,  que  malum  incaute  pro- 
mittitur. 
Sequitur  :  «  At  illa  prœmonita  a  ma- 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XIV.  309 

moi  présentement  dans  un  bassin  la  tête  de  Jean-Baptiste.  »  —  S.  Jér. 
Hérodiade,  craignant  qu'Hérode  ne  vînt  à  se  repentir  ou  ne  se  ré- 
conciliât avec  son  frère  Pliilippe,  et  que  les  liens  criminels  qui  l'unis- 
saient à  Hérode  ne  fussent  rompus  par  une  répudiation  ,  commande 
à  sa  fille  de  demander  immédiatement  et  au  milieu  du  repas  la  tète 
de  Jean.  Le  sang  était  le  digne  prix  des  pas  d'une  infâme  danseuse. 
S.  Chrys.  [hom.  49).  Cette  fille  est  doublement  coupable ,  par  sa 
danse  lascive ,  et  pour  avoir  séduit  Hérode  à  ce  point  qu'elle  pût 
demander  un  meurtre  pour  récompense.  Voyez  quelle  cruauté  dans 
cette  danseuse  impudique,  et  quelle  faiblesse  dans  Hérode  :  il  se 
lie  par  un  serment ,  et  il  la  rend  maîtresse  de  la  demande  qu'elle 
voudra  lui  faire.  Lors(|u'il  vit  le  crime  qui  allait  résulter  de  cette 
demande,  il  s'attriste,  dit  l'Evangéliste ;  k  Et  le  roi  fut  contristé.  » 
Car  la  vertu  force  les  méchants  eux-mêmes  à  lui  payer  le  tribut  de 
leur  admiration  et  de  leurs  louanges.  —  S.  Jér.  Ou  bien  dans  un  autre 
sens,  c'est  la  coutume  des  Ecritures  que  l'écrivain  sacré  rapporte 
comme  la  vérité  l'opinion  la  plus  commune  parmi  les  contemporains. 
Ainsi,  de  même  que  Marie  elle-même  appelle  Joseph  le  père  de  Jé- 
sus (1),  ainsi  l'Evangéliste  nous  dit  qu'Hérode  fut  contristé,  parce  que 
telle  fut  l'opinion  des  convives.  Car  ce  fourbe,  habile  à  dissimuler  les 
sentiments  de  son  âme,  cet  artisan  d'homicide  affectait  un  air  triste 
pendant  que  son  cœur  était  dans  la  joie.  «  A  cause  du  serment,  »  etc. 
[1  fait  servir  son  serment  d'excuse  à  son  crime  et  devient  impie  en  se 
couvrant  du  manteau  de  la  religion.  L'Evangéliste  ajoute  :  «  Et  à 
cause  de  ceux  qui  étaient  à  table  avec  lui.»  C'est-à-dire  qu'Hérode 


(I)  Lorsqu'elle  dit 
(Luc,  II,  48.) 


Voici   que  votre  père  et  moi  nous   vous  cherchions  fort  affligés. 


tre  sua  :  Da  mihi  (inquit)  capiit  Joan- 
nis,  »  etc.  Hier.  Herodias  enim  limeus  ne 
Herodes  aliquando  resipisceret,  vel  Plii- 
lippo  fratri  amicus  fieret,  at([ue  illicitœ 
uuptiee  repudio  solvereutur,  monet  fi- 
liam  lit  in  ipso  statim  convivio  Joannis 
caput  postulet;  digno  operi  isaltationis 
dignum  sanguinis  praernium. 

CuRYS.  [in  homil.  49  ut  sup.)  Duplex 
est  antcin  hic  puellse  accusatio  :  et  quo- 
niam  saltavit,  et  quoniam  ita  ei  placuit 
ut  occisionem  expeteret  ut  mercedem. 
Vide  autem  qualiter  crudelis  est  obscœna 
saltatrix,  et  qualités  mollis  est  Herodes  : 
seipsum  enim  obnoxium  juramento  fa- 
cit ,  illam  autem  dominam  petitionis 
constituit  ;  quia  ergo  scivit  quod  ex  ejus 
petitione  malum  eveniebat,  tristatus  est  : 


unde  sequitur  :  «  Et  contristatus  est 
rex  :  »  virtus  enim  etiam  apud  malos  ad- 
miratione  et  laudibus  digna  est.  Hier. 
Vel  aliter  consuetudinis  Scripturarum 
est,  ut  opinionem  multorum  sic  narret 
historicus,  quomodo  eo  tempore  ab  lio- 
niinibns  credebatur  :  sicut  igitur  Joseph 
ab  ipsa  quoque  Maria  appellabatur  j9fl<er 
Jesti  {Luc.  2),  ita  et  nunc  Herodes  dici- 
tur  contristatus ,  quia  hoc  discumbentes 
putabant  :  dissimulator  enim  mentis 
suœ,  et  artifex  homicidii,  tristitiam  prse- 
ferebat  in  facie.  cum  Iselitiam  haberetiû 
mente.  Sequitur  :  «  Propter  jusjuran- 
dum,  »  etc.  Scelus  excusât  juramento, 
ut  sub  occasione  pietatis  impius  fieret. 
Quod  autem  subjecit  :  «  Et  propter  eos 
qui  parit«r  diseumbebant ,  w  vult  omnes 


310 


EXPLICATION   DE  L  EVANGILE 


veut  les  rendre  tous  complices  de  son  crime,  et,  dans  un  festin  oii 
préside  l'impureté,  leur  servir  des  mets  ensanglantés. 

S.  Chrys.  {hom.  i9.)  Mais  s'il  craignait  d'avoir  des  témoins  de  son 
parjure  ,  ne  devait-il  pas  craindre  beaucoup  plus  d'avoir  tant  de  té- 
moins de  ce  meurtre  impie?  —  Rémi.  C'est  ainsi  qu'un  premier  crime 
l'a  entraîné  dans  an  crime  plus  grand  encore,  il  n'a  point  étouffé  un 
désir  impudique  ,  il  est  tombé  dans  la-debauche,  et  pour  n'avoir  pas 
mis  de  frein  à  sa  passion  voluptueuse  ,  il  s'est  précipité  dans  le  crime 
affreux  de  l'homicide.  «  Et  il  envoya  couper  la  tète  à  Jean  ,  »  etc.  — 
S.  Jér.  Nous  lisons  dans  l'histoire  romaine  que  Flaminius ,  général 
romain,  ayant  près  de  lui,  dans  un  festin,  une  courtisane  qui  lui 
disait  qu'elle  n'avait  jamais  vu  d'homme  décapité,  commanda  qu'un 
criminel  condamné  à  mort  fût  exécuté  sous  ses  yeux ,  au  milieu 
même  du  banquet.  Les  censeurs  le  chassèrent  du  sénat  pour  avoir  osé 
associer  l'horreur  du  sang  répandu  aux  joies  d'un  festin ,  et  donné 
comme  un  spectacle  agréable  la  mort  d'un  homme,  bien  que  coupable, 
joignant  ainsi  le  hbertinage  à  l'homicide.  Mais  combien  plus  grand 
fut  le  crime  d'Hérode,  d'Hérodiade  et  de  cette  jeune  fille  qui,  comme 
prix  d'une  danse  lascive,  demande  la  tète  d'un  prophète  ,  pour  avoir 
en  sa  puissance  cette  langue  qui  avait  condamné  un  commerce  cri- 
minel. 

«  Et  la  tète  de  Jean  fut  donnée  à  cette  fille  (I*).  »  —  S.   Grég. 

(1')  Nous  n'avons  pas  traduit  ici  une  courte  citation  de  la  Glose  qui  n'est  que  la  répétition 
littérale  de  la  dernière  phrase  de  saint  Jérôme  :  «  Ut  haberet  in  potestate  linguam  quae  illicitas 
nuptias  arguebat.  » 

La  nouvelle  Jézabel  avait  enfin  obtenu  ce  qu'elle  demandait  depuis  si  longtemps  à  ce  prince 
incestueux.  —  Nousjisons  dans  l'histoire  que  Marc-Antoine  se  faisait  aussi  apporter  pendant  le 
repas  les  tètes  des  proscrits,  et  que  Fulvia,  sa  femme,  prit  sur  ses  genoux  la  tète  de  Cicéron  et 
perça  sa  langue  avec  des  aiguilles.  Dion  Cassius  nous  raconte  la  même  chose  d'Agrippine  ,  après 
qu'elle  eut  fait  périr  Paulina  LoUia.  Ce  genre  de  cruauté  était  du  reste  tout  à  fait  dans  les  mœurs 
de  l'époque;  et  en  se  faisant  présenter  la  tête  de  ceux  qu'on  voulait  frapper,  on  s'assurait  par 


sceleris  sui  esse  cousorles,  ut  in  luxu- 
rioso  coûvivlo  eriientae  épuise  defer- 
rentur. 

Chrys.  [in  homJl.  iO  ut  sup.)  Si  au- 
tem  testes  liabere  perjuralioiiis  formida- 
vil,  quanto  uiagis  linuiisse  oporteliat  tam 
iuiquae  occisiouis  tantos  testes  habere  ! 
Remig.  Sed  iu  eo  luiiuis  peccatum,  fac- 
tuiu  est  causa  majorispcccuti  :  naui  (juia 
libidinosam  voluntalcm  non  exliuxit, 
idcii'co  ad  iuxuriam  usi[ue  pervenit  ; 
et  quia  Iuxuriam  non  coercuit,  idée 
ad  reatuni  liomicidii  descendit  :  unde 
sequitnr  :  «  Misil(]ue,  et  decoliavil.Iuan- 
neui,  n  etc.  Hier.  Leginius  in  roraana 
Historia  Flaminium,  ducem  romauuni, 


quod  accubanti  juxta  se  meretriculae, 
quBB  nunquam  vidisse  se  diceret  homi- 
neni  decoUalum,  assensus  sit,  ut  reus 
qnidam  capitalis  criuiiuis  in  convivio 
Irnuearetur,  a  censoribus  pulsuui  curia, 
quod  ppulas  sangnini  commiscueril;  et 
niortem,  ([namvis  noxii  liominis",  in  alte- 
rius  delicias  prœstilerit,  ut  libido  et  hq- 
niicidiujn  piiriter  niiscerentur.  Quanto 
scelcratior  Ilorodes  et  Ilerodias,  ac  puella 
quae  sallavit;  in  pretium  sanguinis  petiit 
caput  propbt'la^,  ut  liaberct  in  potestate 
linguam,  quaj  illii-itiis  nuptias  arguebat. 
Seqiiilur  :  «  Kt  daliini  csl  puelUï,  »  etc. 
Glossa.  (inierlin.)  VI  habeat  in  potes- 
tate liuguam.  qu<e  illicitas  nuptias  argue- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.   XIV.  311 

{Moral,  m,  5)  (1).  Ce  n'est  pas  sans  un  étonneraent  profond  que 
je  considère  cet  homme ,  rempli  de  l'esprit  de  prophétie  dès  le 
sein  de  sa  mère(£i<c,  i),  et  qui  n'en  eut  point  de  plus  grand  que  lui 
parmi  ceux  qui  sont  nés  des  femmes,  jeté  eu  prison  parles  méchants, 
décapité  pour  récompenser  la  danse  lascive  d'une  jeune  fille ,  et 
mourant,  lui  d'une  sainteté  si  éminente  ,  pour  l'amusement  de  gens 
infâmes  I  Pourrions-nous  penser,  eu  efifet,  que  cette  mort  ignominieuse 
a  été  la  peine  de  quelques  fautes  de  sa  vie?  Non  ,  Dieu  n'abaisse  et 
n'humilie  ainsi  ses  élus  sur  la  terre,  que  parce  qu'il  sait  comment  il 
les  récompensera  dans  les  cieux  ;  concluons  de  là  ce  que  souffriront 
un  jour  ceux  qu'il  réprouve ,  s'il  tourmente  ainsi  ceux  qu'il  aime.  — 
S.  Grég.  {Moral,  xxix,  16)  (2).  Jean-Baptiste  n'a  pas  été  mis  à  mort 
pour  avoir  confessé  le  nom  du  Christ,  mais  comme  victime  de  la  vé- 
rité et  de  la  justice.  Or,  comme  le  Christ  est  la  vérité,  c'est  pour  le 
Christ  qu'il  a  combattu  jusqu'à  la  mort. 

«  Ses  disciples  vinrent  ensuite,  »  etc.  —  S.  Jér.  Nous  pouvons  en- 
tendre ici  les  disciples  de  Jean  aussi  bien  que  ceux  du  Sauveur.  — 
Rab.  Josèphe  raconte  que  Jean  fut  amené  chargé  de  chaînes  au  châ- 
teau de  Machéronte  (3*),  et  que  ce  fut  là  qu'il  fut  décapité.  L'histoire 

là  de  l'exécution  des  ordres  qu'on  avait  donnés.  Nous  ne  devons  donc  pas  nous  étonner  si  la 
tradition  historique,  après  saint  Jérôme  et  Nicéphore,  raconte  qu'Hérodiade,  lorsqu'on  lui  pré- 
senta la  tête  de  Jean,  perça  sa  langue  avec  une  aiguille,  comme  si  elle  avait  encore  craint  ses 
reproches,  puis  qu'ayant  fait  envelopper  sa  tète  dans  des  chiffons,  elle  la  fit  ensevelir  dans  nn 
lieu  secret,  tandis  qu'on  jata  son  corps  à  la  voirie.  (Voyez  Sepp,  Yie  de  N.  S.  J-C,  tome  I, 
page  445,  et  Dict.  enajclop.  de  la  Théolog.  cathoL,  art.  Hérodiade.) 

(1)  Dans  les  anciennes  éditions,  chap.  4,  sur  ces  paroles  du  chap.  2  du  livre  de  Job  :  a  Qui 
nettoyait  sa  plaie  avec  les  débris  d'un  vase.  » 

(2)  Dans  les  anciennes  éditions,  chap.  4,  sur  ces  paroles  du  chap.  38  de  Job  :  a  La  lumière  sera 
enlevée  aux  impies.  » 

(3*)  La  forteresse  de  Machaire  était  située  sur  l'extrême  limite  des  Etats  d'Hérode.  Les  rabbins 
la  nommaient  Fort  noir  ou  encore  Fournaise,  à  cause  de  la  terre  noire  d'asphalte  et  des  sources 
chaudes  qui  se  trouvaient  eu  cette  contrée.  Elle  était  située  au  delà  de  la  mer  Morte,  dans  le 
voisinage  du  mont  Nébo.  C'était  le  lieu  le  mieux  fortifié  après  Jérusalem.  Le  roi  Hérode  l'avait 
fait  bâtir  pour  en  faire  une  place  d'armes  contre  les  Arabes.  Ceux-ci  s'en  étaient  emparés  plus 
tard,  mais  elle  avait  été  probablement  reconquise  dans  la  guerre  actuelle.  La  nature  l'avait  mu- 


bat.  Greg.  (III  Moral,  cap.  5.)  Sed  non 
admiratione  gravissima  perpendo  quod 
ille  qui  proplietiai  spiritu  intra  matris 
uterum  impletus  est  [Luc.  1),  qiio  iuter 
natos  luulierum  neuio  major  siirrexit 
[Mattli.  12)  ab  iniquis  in  carcereui  mit- 
titur,  et  pro  puellse  saltu  capite  truuca- 
tur,  et  vir  tautaî  sanctitatis  pro  risu  tur- 
pium  moritur.  Niinquid  nam  credimus 
aliquid  fuisse  quod  in  ejus  vita  illa  sic 
despecta  mors  lergeret?  Sed  idcirco  Deus 
suùs  sic  primit  in  infimis,  quia  videt  quo- 
modo  eos  rémunérât  in  summis.  Hinc 
ergo  unusquisque  colligat  t[uid  ilii  sint 


passuri  quos  reprobat,  si  sic  cruciat  quos 
amat.  Greg.  (xxix  Moral,  cap.  16.)  Ne- 
que  enim  Joannes  de  confessione  Christi, 
sed  de  justitiœ  veritate  requisitus  occu- 
buit  :  sed  quia  Cliristus  est  veritas,  usque 
ad  mortem  pro  Christo  certavit,  qui  ad 
illum  quasi  pro  veritate  pervenit. 

Sequitur  :  «  Et  accedentes  disci- 
puli,  »  etc.  Hier.  In  quo  ipsius  Joannis 
et  Salvatoris  discipulos  intelligerepossu- 
mus.  Raba.  Narrât  autem  Josepbus  vinc- 
tum  Joannem  in  castellum  Macheronta 
adductum,  ibique  truncatum  :  ecciesias- 
tica  vero  Historia  narrai  sepultum  eum 


312 


EXPLICATION    DE   L'ÉVANGILE 


nous  apprend  d'aillours  qu'il  fut  enseveli  dans  Sébaste  ,  ville  de  Pa- 
lestine, appelée  autrefois  Saraarie  (1*). 

S.  Chrys.  {hom.  50.)  Remarquez  comment  les  disciples  de  Jean  sont 
entrés  dans  une  plus  grande  intimité  avec  Jésus  ;  ce  sont  eux  qui 
viennent  le  trouver  pour  lui  annoncer  la  mort  du  saint  précurseur  : 
«  Et  ils  vinrent  l'annoncer  à  Jésus.  »  Ils  abandonnent  tous  les  autres 
pour  se  réfugier  auprès  de  Jésus-Cbrist^  après  avoir  été  amenés  à  lui 
peu  à  peu  ,  et  par  la  réponse  qu'il  leur  avait  faite,  et  par  le  malheur 
qu'ils  venaient  d'éprouver. 

S.  HiL.  [can.  12.)  Dans  le  sens  mystique,  Jean  est  la  figure  de  la 
loi,  parce  que  c'est  la  loi  qui  a  prédit  le  Christ,  et  c'est  en  prenant  son 
point  de  départ  dans  la  loi  qu'il  annonçait  lui-même  le  Christ,  Hérode 
est  le  roi  du  peuple,  et  en  cette  qualité,  il  représente  seul  la  personne 
et  la  cause  de  tout  le  peuple  qui  lui  est  soumis.  Jean-Baptiste  rappe- 
lait à  Hérode  qu'il  lui  était  défendu  d'épouser  la  femme  de  son  frère  ; 
car  le  peuple  de  la  circoncision  et  les  Gentils  forment  deux  peui»les 
distincts.  Ces  peuples  sont  frères  et  descendent  de  la  souche  commune 
du  genre  humain.  Mais  la  loi  défendait  au  peuple  d'Israël  de  se 

nie  de  fossés  profonds  de  cent  coudées  ;  à  ses  pieds  était  bâtie  la  ville  basse,  mais  elle  étalait  en 
haut  ses  rochers  avançant  en  saillies  au-dessus  de  l'abîme  et  entourés  de  murs.  Aux  angles 
étaient  placées  des  tours  hautes  de  soixante  coudées,  et  c'est  dans  l'une  de  ces  tours  que  Jean- 
Baptiste  était  enfermé  (Voyez  Josèphe,  Aniiq.,  xviii,  5,  2,  et  Sopp.,  Vie  de  N.  S.  Jésus-Christ , 
page  437.) 

Ce  récit  soulève  une  petite  difficulté.  Josèphe  nous  apprend  que  Jean-Baptiste  éta't  prisonnier 
à  Machaire,  place  forte  située  sur  la  frontière  méridionale  de  la  Pérée,  tandis  que  la  résidence 
d'Hérode  était  à  Tibériade,  ville  éloignée  de  Machaire  d'une  journée  de  marche.  De  Machaire  à 
Tibériade,  la  tète  de  Jean-Baptiste  ne  pouvait  être  apportée  qu'au  bout  de  deux  jours;  elle  ne 
put  donc  être  présentée  à  table.  Mais  un  renseignement  fourni  par  Josèphe  offre  une  conciliation 
possible  {Antiq.,  wux ,  5,  1.)  11  n'est  pas,  en  effet,  défendu  de  supposer  qu'à  ce  moment  le 
tétrarque  était  en  guerre  avec  le  roi  arabe  Arétas,  son  beau-père,  et  qu'il  avait  choisi  pour  rési- 
dence la  place  forte  de  Machaire,  située  sur  la  limite,  entre  son  territoire  et  celui  des  ennemis. 
Cette  explication  est  d'autant  plus  probable  que  sur  la  place  au  milieu  de  la  citadelle  s'élevait 
un  magnifique  château  où  le  tétrarque  se  tenait  avec  son  état-major  pendant  que  la  guerre  le 
forçait  à  rester  dans  ces  contrées. 

{!*)  C'est  Hérode  qui,  après  avoir  rendu  à  Samarie  son  ancienne  splendeur,  lui  donna,  pour 
flatter  Auguste,  le  nom  à'Augusta,  en  grec  Sébaste.  —  Il  y  a  une  autre  ville  du  nom  de  Sébastr 
dans  l'Asie  Mineure  et  qui  fut  le  chef-lieu  de  la  première  Arménie,  formée  aux  dépens  de  la  Cap- 
padoce. 


iu  Sebastia,  urbe  Palmstinoriim ,  quœ 
quonilam  Samaris  dicta  est.  Chrys.  (in 
hom. '60  in  Malth.)  Intende  aulem  qua- 
liter  discipnli  .loannid  jam  magis  fami- 
liares  facti  sont  .lesii  :  ipsi  enim  sunl  qui 
annuntiaverunt  ci  quod  factum  est  de 
.loanne  :  unde  sequitur  :  «  Et  venientes 
nuntiaverunt  Jesii.  »  Etenim  universos 
dimitleutes  ad  ipsum  confugiunt,  et  ita 
paulalim  post  calamitatem  et  responsio- 
nem  a  Christo  datam  directi  suut. 
HiLAR.  {Can.  12  ut  svp.)  .MystiLC  au- 


tem  Joannes  praetnlit  formam  lepis,  quia 
lex  Christum  prœdicavit  ;  et  Joannes 
profectus  ex  lèpre  est,  Christum  ex  lege 
prœuuntians  :  Herodes  vero  princeps  est 
populi  ;  et  populi  princeps  subjectae  sibi 
universitatis  nomen  causanique  complec- 
titur.  .loanues  erpo  Herodem  monebat. 
ne  fratris  sui  uxoreni  sibi  jungeret  :  suut 
enim  atque  eraut  duo  populi  (cireumci- 
sionis  et  gentium.)  Hi  igitur  fratres  ex 
eodem  sunt  humani  generis  parente  ; 
sed  Israclem  lex  admonebat,  ne  opéra 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   XTV.  343 

mêler  aux  œuvres  des  Gentils  et  d'imiter  leurincrédulilé,  qui  leur  était 
étroitement  unie  comme  par  les  liens  intimes  du  mariage.  Or,  le  jour 
de  sa  naissance,  c'est-à-dire  au  milieu  des  joies  profanes  de  la  terre,  la 
fille  d'Hérodiade  dansa  ;  car  la  volupté  qui  est  comme  la  fille  de  l'in- 
fidélité ,  se  mêlait  à  toutes  les  joies  d'Israël  avec  tous  les  mouvements 
désordonnés  de  ses  charmes  séducteurs,  et  le  peuple  lui  était  vendu 
comme  par  un  serment.  En  efifet,  les  Israélites  vendirent  honteusement 
les  biens  ineffables  de  la  vie  éternelle  en  se  livrant  aux  péchés  et  aux 
voluptés  du  siècle.  Cette  volupté ,  sous  l'inspiration  de  sa  mère, 
c'est-à-dire  de  l'incrédulité  ,  a  demandé  qu'on  lui  apportât  la  tête  de 
Jean-Baptiste,  c'est-à-dire  la  gloire  de  la  loi;  mais  le  peuple,  con- 
vaincu du  bien  que  renfermait  la  loi ,  ne  consent  pas  aux  exigences 
de  la  volupté  sans  ressentir  une  vive  douleur  du  danger  auquel  il 
s'expose  ;  il  sait  qu'il  n'aurait  pas  dû  sacrifier  la  gloire  des  comman- 
dements qui  lui  ont  été  donnés,  mais  enchaîné  par  ses  péchés  comme 
par  un  serment,  dépravé  et  vaincu  par  la  crainte  et  par  l'exemple  des 
princes  qui  l'entourent,  il  obéit  avec  tristesse  aux  séductions  de  la  vo- 
lupté. La  tète  de  Jean  est  donc  apportée  dans  un  plat  à  la  fin  des 
joies  dissolues  de  ce  peuple  impudique.  C'est  toujours  au  détriment 
de  la  loi  qu'on  voit  se  développer  et  s'accroître  la  volupté  des  sens  et 
le  luxe  des  mondains.  Cette  tête  passe  des  mains  de  la  mère  dans 
celles  de  la  fille;  c'est  ainsi  que  le  peuple  d'Israël,  par  un  trait  de 
honteuse  lâcheté ,  livre  la  gloire  de  la  loi  à  la  débauche  et  à  l'incré- 
dulité. Les  temps  que  devait  durer  la  loi  étant  expirés  et  ensevelis 
avec  Jean-Baptiste,  ses  disciples  viennent  annoncer  au  Sauveur  ce 
qui  vient  d'avoir  lieu,  et  passent  ainsi  de  la  loi  à  l'Evangile. 

S.  Jér.  Ou  bien  encore,  nous  voyons  jusqu'à  ce  jour  dans  cette  tète 
de  Jean-Baptiste  qui  était  prophète ,  les  Juifs  qui  ont  perdu  Jésus- 


gentium  et  intiilelitatem  sibi  jungeret, 
quse  ipsis  tanquam  vinculo  coujugalis 
amoris  annexa  est.  Die  autem  natalis  (id 
est,  rerum  corporalium  gaudiis),  Hero- 
diadis  tilia  saltavit  :  vûluptas  enim  tan- 
quam ex  iufîdelitate  orta,  per  omnia  Is- 
raël gaudia  totis  illecebrte  suae  cursibus 
efferebatur,  cui  se  etiam  sacramento  ve- 
nalem  populus  addidit  :  sub  peccatis 
enira  et  seculi  voluptatibus  Israelitae  vitœ 
ar-ternae  mimera  vendiderunt.  Haec  ma- 
tris  suce  (id  est,  intidelitatis)  instinctu, 
oravit  deferri  sibi  caput  Joannis  (id  est, 
gloriam  legis),  sed  populus  boni  ejus 
quod  in  lege  erat  conscius,  voluptatis  con- 
ditionibus  non  sine  periculi  sui  dolore 
concedit  ;  scitque  se  talem  praeceptorum 


gloriam  non  oportuisse  concedere,  sed 
peccatis  tanquam  sacramento  coactus^ 
et  principum  adjacentium  metu  atque 
exemplo  depravatus  et  victus,  illecebris 
voluptatis  mœstus  obtempérât.  Igitur  in- 
ter  reliqua  dissoluti  populi  gaudia  in 
disco  Joannis  caput  affertur;  damnosci- 
licet  legis,  voluptas  corporum  et  secu- 
laris  luxus  augetur.  Ita  per  puellam  ad 
matrem  defertur;  ac  sic  probrosus  Israël 
etiam  voluptati  et  infidelitati  suae  gloriam 
legis  addixit.  Finitis  igitur  legis  tempo- 
ribus  et  cum  Joanne  sepultis,  discipuli 
ejus  res  gestas  Domino  annuntiant,  ad 
evangelia  scilicet  ex  lege  venientes. 

Hier.  Vel  aliter  :  nos  usque  hodie  cer- 
nimus  in  capite  Joannis  prophetae,  Ju 


314 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 


Christ,  la  tête  et  le  chef  des  prophètes.  —  Rab.  C'est  parmi  eux  que  le 
prophète  a  perdu  la  langue  et  la  voix.  —  Rémi.  Ou  bien  la  décolla- 
tion de  Jean-Baptiste  signifie  la  diminution,  l'amoindrissement  que 
subit  sa  réputation  dans  l'opinion  des  Juifs ,  qui  s'étaient  imaginés 
qu'il  était  le  Christ  (1)  ;  de  même  que  l'élévation  du  Seigneur  sur  la 
croix  représente  le  progrès  de  la  foi,  et  c'est  dans  ce  sens  que  Jean 
avait  dit  [Jean,  i)  :  «  11  faut  (ju'il  croisse,  et  moi  que  je  diminue.  » 

y.  13,  14.  —  Jésus  l'ayant  appris,  partit  de  là  dans  une  barque,  pour  se  retirer 
à  l'écart  dans  un  lieu  désert;  et  le  peuple  l'ayant  su,  le  suivit  à  pied  de 
diverses  villes.  Lorsqu'il  sortait,  ayant  vu  une  grande  multitude,  it  en  eut 
compassion,  et  il  guérit  leurs  malades. 

La  Glose  (^).  Le  Sauveur  ayant  appris  la  mort  de  celui  qui  l'avait 
baptisé,  se  retira  dans  la  solitude  :  a  Jésus  l'ayant  appris,  il  monta 
dans  une  barque  et  se  retira  dans  un  lieu  désert.  »  S.  Aug.  (de  raccord 
des  Evang.,  ii,  45.)  L'Evangéliste  place  cette  retraite  du  Sauveur 
immédiatement  après  le  martyre  de  Jean-Baptiste  :  donc  ce  n'est 
qu'après  la  mort  du  précurseur  qu'est  arrivé  ce  fait  qu'il  a  raconté 
d'abord  :  «  Hérode,  troublé  de  ce  qu'on  lui  apprenait  de  Jésus,  dit  : 
C'est  Jean-Baptiste  !  On  doit  donc  regarder  comme  arrivas  postérieu- 
rement les  faits  racontés  par  saint  Luc ,  que  le  bruit  public  porte  jus- 
qu'aux oreilles  d'Hérode,  et  qui  lui  font  demander  avec  inquiétude 
quel  est  celui  dont  il  apprend  de  telles  choses  ,  après  qu'il  a  fait  lui- 
même  mourir  Jean-Baptiste.  —  S.  Jér.  S'il  se  retire  dans  un  lieu 
désert ,  ce  n'est  point  par  crainte  de  la  mort ,  comme  se  l'imaginent 

(1)  'I  Cependant  le  peuple  s'imaginant,  et  chacun  ayant  dans  l'esprit  que  Jean  pourrait  bien 
être  le  Christ.  »  {Luc,  lu,  15.) 

(2)  Ou  plutôt  saint  Anselme  ;  cette  citation  paraît  extraite  de  saint  Jérôme  avec  quelques  légers 
changements. 


daeos  Christum  (qui  caput  prophetarura 
est)  perdidisse.  Rab.  Sed,  et  linguam,  et 
vocera  apud  eos  perdidit  propheta.  Re- 
MIG.  Vel  aliter  :  decollatio  Joaunis  siprnat 
minorationem  famte  illius  qua  restiuiaba- 
tur  a  populo  Christus  [Luc.  3),  sicut  e.xal- 
tatio  Domini  in  cruce  signal  profoctum 
fidei:  iinde  Joaunesdixerat  (JoanA;  :  «11- 
liini  oporfet  crescere,  me  aulem  uiiniii.)) 

Quod  cum  nudisset  Jésus ,  secessit  indc  in  iwti- 
cula  in  locum  descrtum  seorsuin.  Et  cum  au- 
dissent  turbœ ,  secutce  sunt  eum  pédestres  de 
civilalibus.  Et  exiens  l'idit  turbam  mullam,  et 
misertus  est  eis,  et  curavit  languidos  eorum. 

Glossa.  Salvator  aiidita  uece  sui  Bap- 


tistae,  secessit  in  locum  desertum  :  unde 
sequitur  :  «  Quod  cum  audisset  Jésus, 
secessit  iude  iu  navicula  in  locum  deser- 
tum seorsum^  »  Aug.  (de  Cois.  Evang. 
lib.  II,  cap.  43.)  Hoc  autem  continue 
po>t  Joannis  passionem  Evangelista  fac- 
Umi  esse  commémorât  :  unde  post  hœc 
facta  smil  illa  qua>  primo  narrala  simt, 
(juibus  motus  Herodesdixit  :  «  Hic  est 
.loanues  :  »  illa  enim  posteriora  debent 
intelligi  qua^  ad  Herodem  pertulit  fama 
(quae  Lucas  refeit)  ut  moveretur  et  haesi- 
taret,  quisnam  iste  esse  posset,  de  que 
audiret  talia  cum  Joannem  ipse  occi- 
disset.  Hier.  Non  autem  secedit  in  locum 
desertum  timoré  mortis  (ut  (juidara  ar- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CIIAP.    XIV. 


315 


quelques-uns,  mais  pour  épargner  à  ses  ennemis  d'ajouter  un  second 
homicide  au  premier.  Peut-être  aussi  voulait-il  différer  sa  mort  jus- 
qu'à la  fête  de  Pâques,  jour  où  l'agneau  figuratif  devait  être  immolé, 
et  où  les  portes  des  croyants  devaient  être  marquées  de  son  sang. 
Peut-être  encore  se  retira-t-il  pour  nous  donner  l'exemple  de  ne  point 
nous  exposer  avec  témérité  à  la  persécution  ;  car  tous  ne  supportent 
pas  les  tourments  avec  la  même  constance  qu'ils  mettent  à  les  affron- 
ter. C'est  pour  cela  qu'il  nous  dit  dans  un  autre  endroit  :  «  Lorsqu'ils 
vous  persécuteront  dans  une  ville,  fuyez  dans  une  autre.  »  (Matth.x.) 
L'expression  dont  se  sert  l'Evangéliste  est  d'ailleurs  parfaitement 
choisie;  car  il  ne  dit  pas  :  Il  s'enfuit  dans  un  lieu  désert,  mais  :  Il  se 
retira,  de  manière  qu'il  se  dérobe  plutôt  à  ses  persécuteurs  qu'il  ne 
les  craint.  Il  a  pu  aussi,  en  apprenant  la  mort  de  Jean-Baptiste,  se 
retirer  dans  le  désert  pour  un  autre  motif,  c'est-à-dire  pour  éprouver 
la  foi  de  ceux  qui  croyaient  en  lui.  —  S.  Ghrys.  {ho7n.  50.)  Ou  bien 
encore  ,  c'est  qu'il  voulait  agir  comme  homme  dans  beaucoup  de 
choses,  le  temps  n'étant  pas  encore  arrivé  de  dévoiler  sa  divinité; 
c'est  pour  cela  qu'il  défend  ailleurs  à  ses  disciples  de  dire  à  personne 
qu'il  est  le  Christ  (i) ,  taudis  qu'après  sa  résurrection  il  veut  qu'on  le 
publie  hautement.  C'est  pour  le  même  motif  qu'il  ne  voulut  pas  se 
retirer  avant  qu'on  lui  eût  appris  ce  qui  venait  d'arriver ,  bien  qu'il  le 
sût  parfaitement  de  lui-même  ,  pour  établir  en  toute  circonstance  la 
vérité  de  son  incarnation  ,  et  la  faire  croire  non-seulement  par  le  té- 
moignage des  yeux  ,  mais  par  celui  des  œuvres.  Or,  il  se  retire,  non 
pas  dans  une  ville ,  mais  dans  le  désert ,  et  en  montant  dans  une 
barque,  afin  que  personne  ne  put  le  suivre.  Mais  le  peuple  ne  l'aban- 

(1)  Notre-Seigneur  fit  cette  recommandation  à  ses  Apôtres  après  l'admirable  confession  de  saint 
Pierre  :  «  Vous  êtes  le  Christ,  le  Fils  du  Dieu  vivant.  « 


bitrantur),  sed  parcens  inimicis  suis,  ne 
homicidium  homicidio  jungerent;  vel  iu 
diem  Paschae  suum  iuteritum  differens, 
in  quo  propter  sacramentum  immolan- 
dus  est  agnus,  et  postes  credentium  san- 
guine respergendi.  Sive  ideo  recessit,  ut 
nobis  praeberet  exeuiplum  temeritatis 
ultro  se  tradenlium  viland*,  quia  non 
omnes  eadem  constautia  persévérant  iu 
tormeutis,  qua  se  torqueudos  offerunt. 
Ob  hanc  causaui  iu  alio  l(jeo  preecipit 
(Mallh.  10)  :  «  Ciiui  persecuti  vosfuerint 
in  una  civitate,  fugite  iu  aliam  :  »  unde 
eleganter  quoque  F'vaugelisla  non  dicit  : 
«  Fugit  in  locuui  desertum,  »  sed,  «  se- 
cessit,  »  ut  persecutores  vilaverit  magis 
quam  timueril.  Potest  etiam  aliam  ob 
causaui  audito  Joannis   interitu  seces- 


sisse  in  desertum  locum,  ut  credentium 
probaret  fidem.  Chrys.  [in  homil.  50  ut 
sup.)  Vel  ideo  boc  fecit,  quia  plura  bu- 
manitus  vult  dispensare,  nondum  tem- 
pore  existente  denudaudi  suam  manifeste 
Deitatem  :  propter  quod  et  discipulis 
dixit  [Mail h.  16)  quod  nulb  dicerent 
quod  ipse  esset  Cbristus  ;  post  resurrec- 
tionem  autem  volebat  boc  tieri  manifes- 
tum.  Ideo  autem,  quamvis  per  se  uoverit 
quod  factum  est,  tamen  antequam  nun- 
tiaretur  ei,  non  secessit,  ut  demoustraret 
per  omnia  incarualionis  veritatem  :  non 
enim  solo  visu,  sed  operibus,  boc  credi 
volebat.  Recedens  vero  non  abiit  in  civi- 
tatem,  sed  in  desertum  ,  et  navigio,  ut 
nuUus  sequeretur.  Turbae  autem  neque 
lia  désistant,  sed  sequuutur;  et  neque 


316 


EXPLICATION  DE   L'ÉVANGILE 


donne  pas,  et  ne  laisse  pas  de  le  suivre  ,  sans  être  effrayé  de  ce  qui 
est  arrivé  à  Jean-Baptiste.  «  Et  le  peuple  l'ayant  su  ,  le  suivit  à 
pied,  »  etc. 

S.  JÉR.  Le  peuple  suit  le  Sauveur  non  sur  des  chars  ou  sur  des 
bêtes  de  somme ,  mais  en  se  soumettant  aux  fatigues  d'un  long 
voyage  à  pied  (1*),  pour  montrer  le  désir  qu'il  avait  de  s'attacher  à 
Jésus.  —  S.  Chrys.  {hom.  50.)  Cette  sainte  ardeur  fut  aussitôt  récom- 
pensée. «  Lorsqu'il  sortait,  dit  l'Evangéliste,  il  vit  une  grande  multi- 
tude et  il  en  eut  compassion,  et  il  guérit  leurs  malades.  »  L'affection 
de  ce  peuple,  qui  abandonnait  ses  demeures  pour  le  chercher  avec 
tant  d'empressement,  était  bien  grande;  mais  ce  qu'il  faisait  en  leur 
faveur  était  bien  supérieur  aux  efforts  de  leur  zèle  :  aussi  l'Evangé- 
liste donne-t-il  comme  cause  de  ces  guérisons  la  miséricorde.  Quelle 
plus  grande  miséricorde ,  en  effet ,  que  celle  qui  guérit  tous  les  ma- 
lades qu'on  lui  présente,  sans  exiger  d'eux  la  foi  ! 

S.  HiL.  {can.  14.)  Dans  le  sens  mystique,  le  Verbe  de  Dieu  ,  lorsque 
la  loi  a  cessé  d'exister ,  monte  dans  une  barque  pour  se  réunir  à  l'E- 
glise et  se  dirige  vers  le  désert  ;  il  rompt  tout  commerce  avec  le 
peuple  d'Israël  et  passe  dans  les  cœurs  qui  étaient  vides  de  la  connais- 
sance de  Dieu.  Le  peuple,  l'ayant  appris,  sort  de  la  ville  pour  le 
suivre  au  désert,  et  quitte  ainsi  la  synagogue  pour  entrer  dans  l'E- 
glise. A  cette  vue,  le  Sauveur  a  pitié  d'eux  et  guérit  toutes  leurs  lan- 
gueurs et  toutes  leurs  infirmités ,  c'est-à-dire  qu'il  purifie  les  âmes  et 
les  corps  plongés  dans  la  léthargie  de  l'incrédulité ,  pour  les  rendre 
capables  de  comprendre  la  doctrine   de   la   loi    nouvelle.  —  Rab. 

(1*)  On  se  demande  naturellement  comment  le  peuple  suit  à  pied  Notre-Seigneur  qni  se  relire 
dans  le  désert  en  traversant  la  mer  de  Tibériade.  La  réponse  est  facile  :  c'est  qu'il  y  avait  une 
autre  voie  qui  côtoyait  le  lac  de  Génésareth  et  traversait  le  Jourdain  au  moyen  d'un  pont  (Adri- 
chome,  Description  de  la  tribu  de  Nephtali),  et  c'est  celle  que  le  peuple  suivit  pour  rejoindre 
Jésus-Christ. 


quod  gestum  est  de  Joanne  eos  terruit. 
Unde  sequitur  :  «  Et  cuic  audissent  turbae, 
secutae  sunt,  »  etc. 

HiER.Seculae  sunt  autem  eum  pédes- 
tres; non  in  jiuuentis,  non  in  vehicnlis, 
sed  proprio  labore  peduni.  ut  ardorem 
mentis  ostenderent.  Chrys.  [in  homil. 
.'50  nt  sup.)  Et  propter  hoc  statim  retri- 
butionem  acceperunt  :  unde  sequitur  : 
«  Et  exiens  vidit  turbam  niultani,  et  mi- 
sertus  est  eis,  et  curavit  languidos  eo- 
rum  :  »  etsi  eniiii  uiulta  erat  afTectio  eo 
rum  qui  civitates  dimittebant,  et  dili- 
jçeuter  eum  quaerebanl  ;  sed  lameu  qua? 
ab  ipso  fiebaut,  omnis  studii  superexce- 
dunl  retributioueni    :   ideoque    causam 


talis  curationis  misericordiam  ponit  :  est 
autem  maiïna  misericordia,  quod  omnes 
curât;  et  tidem  non  expetil. 

HiLAU.  (ToH.  14  ^it  sup.)  Mysliceautem 
Dei  Verbum  lege  finita,  navem  conscen- 
dens  Ecclesiam  adiit,  et  in  desertum  ten- 
dit :  relictaquippe  conversatione  Israël, 
in  vacua  divina;  cognitionis  pectora  tran- 
sit. Turba  autem  hoc  audiens,  Dominum 
de  civitate  sequitur  in  desertum  ;  de 
synagoga  videlicet  ad  Ecclesiam  ten- 
dens  ;  quam  videns  misertus  est  et  om- 
nem  languorem  infirmilatemque  curât  ; 
obsessas  scilicet  mentes  et  corpora  infi- 
delitatis  veteruo  ad  intelligentiam  novae 
prœdicationis  emundat.  Raba.  Illud  quo- 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    XIV.  347 

Remarquons  encore  que  c'est  après  qu'il  s'est  retiré  dans  le  désert 
que  la  foule  le  suit ,  car  il  n'était  adoré  que  par  un  seul  peuple  avant 
qu'il  se  rendît  dans  la  solitude  des  nations.  —  S.  Jér.  Ils  abandonnent 
leurs  villes ,  c'est-à-dire  leurs  anciennes  habitudes  et  leurs  diverses 
croyances.  Jésus  va  à  leur  rencontre  et  nous  apprend  par  là  que  si  ce 
peuple  avait  la  volonté  de  venir  le  trouver  il  n'en  avait  pas  la  force , 
et  c'est  pour  cela  qu'il  sort  lui-même  et  le  prévient. 

^.  15-21.  —  Le  soir  étant  venu,  ses  disciples  s'approchèrent  de  lui  et  lui  dirent  : 
Ce  lieu-ci  est  désert  et  il  est  déjà  bien  tard;  renvoyez  le  peuple,  afin  qu'ils 
s'en  aillent  acheter  de  quoi  manger.  Mais  Jésus  leur  dit  :  Il  n'est  pas  néces- 
saire qu'ils  y  aillent  :  donnez-leur  vous-même  à  maiiger.  Ils  lui  répondirent  : 
Nous  n'avons  ici  que  cinq  pains  et  deux  poissons.  Apportez-les-moi  ici,  leur 
dit-il.  Et,  après  avoir  commandé  au  peuple  de  s'asseoir  sur  l'herbe,  il  prit  les 
citq  pains  et  les  deux  poissons ,  et,  levant  les  yeux  au  ciel,  il  les  bénit;  puis, 
rompant  les  pains,  il  les  donna  à  ses  disciples ,  et  les  disciples  au  peuple.  Ils 
en  mangèrent  tous,  et  furent  rassasiés;  et  on  emporta  douze  paniers  pleins 
des  morceaux  qui  étaient  restés.  Or  ceux  qui  ma^igèrent  étaient  au  nombre  de 
cinq  mille  hommes,  sans  compter  les  femmes  et  les  petits  enfants. 

S.  Chrys.  {hom.  50.)  Ce  qui  montre  la  foi  de  ce  peuple ,  c'est  que 
malgré  la  faim  qu'il  éprouve,  il  persévère  avec  le  Sauveur  jusqu'au 
soir.  «  Le  soir  étant  venu,  ses  disciples  s'approchèrent  de  lui  et  lui 
dirent  :  Ce  lieu-ci  est  désert.  »  Notre-Seigneur ,  qui  a  le  dessein  de 
donner  à  manger  à  cette  multitude,  attend  cependant  qu'il  en  soit 
prié.  C'est  ainsi  que  jamais  il  ne  s'empresse  de  faire  des  miracles, 
mais  qu'il  attend  toujours  qu'on  lui  en  fasse  la  demande.  Mais  pour- 
quoi donc  n'en  est-il  pas  un  seul  dans  toute  cette  multitude  pour  s'ap- 


que  notandum  quod  postquam  Dominus 
in  desertum  venit,  secutœ  sunt  eum 
turbae  multae  :  nam  antequam  veniret  in 
solitudinem  genlium,  ab  uno  lantum 
populo  colebatur.  Hier.  Relinquunt  au- 
lem  civitates  suas,  hoc  est,  pristiuas  con- 
versationes  et  varietates  dogmatum  : 
egressus  aulem  Jésus  significat  quod 
turbse  quidem  habebant  eundi  volun- 
tatem,  sed  perveniendi  vires  non  habue- 
runt  :  ideo  Salvator  egreditur  de  loco 
suo,  et  obviani  pergit. 

Vespere  aulera  facto,  accesserunt  ad  eum  disci- 
puli  ejus,  dicentes  :  Desertus  est  locus,  et  hora 
jam  prœleriil  :  dimitle  turbas ,  %it  ewites 
in  castella .  eviant  sil/i  escas.  Jésus  autem 
dieit  eis  :  Non  habent  necesse  ire;  date  illis 
vos  mandticare.  Besponderunt  ei  :  Non  habe- 
mus  hic  msi  quinque  panes  et  duos  pisces. 


Qui  ait  eis  :  Afferte  mihi  illos  hue  :  et  eum 
jussisset  turbam  discumbere  super  fœnum , 
acceptis  quinque  panibus  et  duobus  piscibus, 
aspiciens  in  cœlum  benedixit,  et  fregit,  et  dédit 
diseipulis  panes;  discipuli  autem  turbis.  Et 
maniiucanerunt  omnes ,  et  saturati  sicnt.  Et 
tulerunt  reliquias  duodecim  cophinos  fragmen- 
torum  plenos.  Mandacantium  autem  fuit  nu- 
merus  quinque  millia  virorum,  exceptis  mulie- 
ribus  et  parmdis. 

Chrys.  {in  hom.liO  vtsup.)TaThSiTnia 
fideni  ostendit,  quod  Doininum  etiam 
famem  patientes  expectabant  usque  ad 
vesperam  :  Ideo  sequitur  :  «  Vespere  au- 
tem facto,  accesserunt  ad  eum  discipuli 
ejus  dicentes  :  Desertus  est  locus.  »  Ciba- 
turus  quidem  eos  Dominus  expectat  ro- 
gari;  quasi  ubique  non  insisteus  prior  ad 
miracula,  sed  vocatus.  Ideo  autem  nuUus 


318 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


procher  de  lai?  C'est  par  un  profond  sentiment  de  respect,  et  le  dfîsir 
ardent  d'être  toujours  avec  lui  leur  fait  oublier  le  besoin  de  la  faim. 
Les  disciples  eux-mêmes  ne  viennent  pas  lui  dire  :  Donnez-leur  à  man- 
ger, car  leurs  dispositions  étaient  encore  trop  imparfaites  ;  mais  ils 
lui  représentent  que  le  lieu  est  désert.  Ce  que  les  Juifs  avaient  regardé 
comme  un  miracle  impossible  dans  le  désert,  lorsqu'ils  disaient  :  «  Est-ce 
qu'il  pourra  nous  dresser  une  table  dans  le  désert?  (Ps.  lxxvii)  c'est 
ce  que  Jésus  se  propose  de  faire.  Il  conduit  ce  peuple  dans  le  désert, 
afin  que  te  miracle  ne  laisse  aucune  place  au  doute  et  que  personne 
ne  puisse  penser  que  c'est  un  des  bourgs  voisins  qui  a  fouini  le  pain 
qu'il  distribue  à  ce  peuple.  Ce  lieu  est  désert,  il  est  vrai ,  mais  celui 
qui  nourrit  tout  ce  qui  respire  le  remplit  de  sa  présence ,  et  quoique 
l'beure  soit  passée,  comme  le  font  remarquer  les  Apôtres,  celui  qui 
parle  ici  n'est  pas  soumis  aux  heures  dont  se  composent  nos  journées. 
Bien  que  pour  préparer  ses  disciples  à  ce  miracle  il  eût  commencé  par 
guérir  un  grand  nombre  de  malades,  ils  étaient  encore  si  imparfaits 
qu'ils  ne  pouvaient  soupçonner  le  miracle  qu'il  devait  opérer  en  mul- 
tipliant les  pains,  et  c'est  pour  cela  qu'ils  lui  disent  :  «  Renvoyez  le 
peuple ,  »  etc.  Remarquez  la  sagesse  du  divin  Maître  :  il  ne  leur  dit 
pas  immédiatement  :  «  Je  les  nourrirai ,  »  car  ils  ne  l'auraient  pas 
cru  facilement ,  mais  il  leur  répond  :  «  Il  n'est  pas  nécessaire  qu'ils 
s'en  aillent,  donnez-leur  vous-mêmes  à  manger.  »  —  S.  Jér.  Il  les 
presse  ainsi  de  distribuer  du  pain  à  la  multitude,  pour  que  la  gran- 
deur du  miracle  devînt  plus  éclatante  par  l'aveu  qu'ils  feraient  eux- 
mêmes  qu'ils  n'avaient  pas  de  pain  à  lui  donner. 

S.  AuG.  {De  V accord  des  Evang.,u,  AQ.)  On  peut  être  embarrassé  pour 
concilier  la  narration  de  saint  Jean ,  d'après  laquelle  Notre-Seigneur, 


de  turba  accedit  :  venerabantur  eniin 
eum  abundanter,  et  neque  famis  sensum 
accipiebant  amore  iustaotiae.  Sed  ueque 
discipuli  aceedentes  dicuut  :  Ciba  eos 
(adhuc  eniin  imperfectius  erant  discipuli 
dispositi),  sed  dicunt  :  «  Desertus  est 
locus  :  »  quod  enim  videl)atur  Judeeis 
iu  eremo  esse  uiiraculum,  cum  dicereut 
{Psal.  77)  :  «  Nunquid  potest  parare 
niensam  in  deserto  ?  »  boc  et  per  opéra 
ostendit.  Propter  hoc  aiitem  etiudeser- 
tum  eos  ducit,  ut  siue  omni  suspicione 
sit  hoc  miracuUiiii  ;  et  miUus  œstimet 
ex  castello  aliquo  prope  existenli  inferri 
aliquid  ad  mensam.  Sed  quamvis  deser- 
tus sit  locus,  tamen  qui  nutril  orbem  ter- 
rarum  adest;  et  si  borani  jaui  pra*teriit 
(ul  dicuut),  tameu  qui  uou  erat    borœ 


suppositus,  loquebatur.  Et  quamvis  prae- 
veniens  discipulos  Dominus  raultos  in- 
firmos  curaverit,  tamen  intérim  ila  im- 
perfecti  erant,  quod  neque  quid  de  pa- 
uibus  facturus  erat,  poteraut  aestimare  : 
unde  subdunt  :  «  Dimitte  turbas,  »  etc. 
Vide  autem  Magistri  sapientiam  :  non 
enim  statim  dixiteis  :  »  Ego  cibabo  eos» 
(neque  euim  hoc  facile  suscepissent),  sed 
subditur  :  «  Jésus  autem  dixit  eis  :  Non 
habent  uecesse  ire  ;  date  illis  vos  man- 
ducare.  »  Hier,  lu  quo  provocat  apos- 
tolos  ad  fractiouem  panis,  ut  illis  se  non 
habere  testantibus  magnitudo  miraculi 
notior  fjeret. 

AcG.  {(le  Cons.  Evang.  lib.ii,  cap.  46.) 
Potesl  autem  movere,  si  Dominus  secun- 
dum  narratiouem  Joannis  {cap.  6.)  pros- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XIV. 


319 


à  la  vue  de  toute  cette  multitude ,  demande  à  Philippe  comment  on 
pourrait  donner  à  manger  à  tout  ce  peuple ,  avec  ce  que  raconte  ici 
saint  Matthieu ,  que  les  disciples  prièrent  Notre-Seigneur  de  renvoyer 
le  peuple  pour  qu'il  put  acheter  des  aliments  dans  les  villages  voisins. 
Pour  résoudre  cette  difficulté,  il  suffit  de  dire  que  c'est  après  ces 
paroles  que  le  Seigneur ,  ayant  vu  cette  grande  multitude ,  adresse  à 
Philippe  les  paroles  que  saint  Jean  rapporte  et  qu'ont  omises  saint 
Matthieu  et  les  autres  évangélistes.  Et  en  général ,  disons  qu'un  évan- 
géliste  peut  raconter  ce  qu'un  autre  a  passé  sous  silence ,  sans  qu'on 
doive  se  laisser  arrêter  par  de  semblables  difficultés. 

S.  CiiRYs.  {hom.  50.)  Cette  réponse  du  Sauveur  ne  suffit  pas  pour 
donner  aux  disciples  de  plus  hautes  idées;  ils  continuent  de  lui  parler 
comme  s'il  n'était  qu'un  homme  :  «  Et  ils  lui  répondirent  :  Nous  n'a- 
vons ici  que  cinq  pains,  »  etc.  Cependant  les  disciples  nous  donnent 
ici  une  preuve  de  leur  sagesse  dans  le  peu  de  souci  qu'ils  prennent 
de  la  nourriture.  Ils  étaient  douze  et  n'avaient  que  cinq  pains  et  deux 
poissons.  Ils  méprisaient  les  besoins  du  corps,  et  ils  étaient  tout 
entiers  aux  choses  spirituelles.  Mais  comme  leurs  pensées  se  traînaient 
encore  sur  la  terre ,  le  Sauveur  les  amène  insensiblement  au  miracle 
qu'il  veut  opérer  :  «  Et  il  leur  dit  :  Apportez-moi  ces  pains.  »  Pour- 
quoi donc  n'a-t-il  pas  tiré  du  néant  ces  pains  avec  lesquels  il  doit 
nourrir  la  foule?  C'est  pour  fermer  la  bouche  à  Marcion  et  aux  Mani- 
chéens, qui  soutiennent  que  les  créatures  sont  complètement  étrangères 
à  Dieu ,  et  pour  montrer  par  ses  œuvres  que  toutes  les  choses  visibles 
sont  sorties  de  sa  main  et  ont  été  créées  par  lui.  C'est  ainsi  qu'il  prouve 
quel  est  celui  qui  produisit  les  fruits  et  qui  a  dit  au  commencement  : 
«  Que  la  terre  produise  les  plantes  verdoyantes.  »  {Genèse^  i.)  Le 


pectis  turbis  queesivit  a  Philippe  unde 
illis  escee  dari  possent ,  quomodo  sit  ve- 
rum  quod  MattbEeus  hic  narrât,  priu^ 
dixisse  Domino  discipulos  ut  diniitleret 
turbas,  quô  possent  alimenta  emere  de 
proximis  locis  :  inteiligitur  ergo  post  haec 
verba  Dominum  inspexisse  multitudi  ■ 
nem,  et  dixisse  Philippe  quod  Joannes 
commémorât,  Jlatthœus  autem  et  alii 
praetermiserunt,  et  omnino  talibus  quaes- 
tionibus  neminem  raoveri  oportet,  cum 
ab  aliquo  evangelistarum  dicitur  quod 
ab  alio  praetermiltitur. 

Chrys.  {in  liomil.  ."iO  ut  sup.)  Disci- 
puli  vero  neque  per  prœmissa  verba  di- 
rect! suut,  scd  adhuc  ut  homini  loquuu- 
tur  :  unde  sequitur  ;  «  Responderunt  ei  : 
non  habemus  hic  nisi  quinque  panes^  »  etc . 


Addiscimus  autem  in  hoc  discipulorum 
sapientiam  quaUter  contempserunt  es- 
cam  :  duodecim  enim  existentes,  quin- 
que panes  habebant  et  duos  pisces  ;  con- 
temptibilia  enim  illis  erant  corporaha, 
et  a  spiritualibus  possidebantur.  Quia 
igitur  discipuli  adhuc  ad  terram  trahe- 
bautur,  jam  Dominus  inducere  incipit 
quœab  ipso  erant  :  unde  sequitur  :  «  Qui 
ait  eis  :  Afferte  illos  mihi  hue  :  »  Prop- 
ter  quid  autem  non  facit  panes  ex  ni- 
hilo.  quibus  turbam  pascat?  Ut  scilicet 
obstruât  Marcionis  et  Manichœi  os,  qui 
creaturas  aliénant  a  Deo  :  et  per  opéra 
doceat  quoniam  omnia  quîe  videntur, 
ejus  opéra  et  creationessuut;  et  ut  osten- 
dat  quoniam  ipse  est  qui  fruclus  tradidit 
et  qui  dixit  a  principio  {Gènes.  1)  :  «  Terra 


320  EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 

miracle  qu'il  va  faire  n'est  pas  raoiiis  grand ,  car  il  ne  faut  pas  une 
moindre  puissance  pour  nourrir  une  grande  multitude  avec  cinq 
pains  et  quelques  poissons  que  pour  faire  sortir  les  fruits  de  la  terre, 
et  du  sein  des  eaux  les  reptiles  et  les  animaux  qui  ont  la  vie  et  le 
mouvement,  double  création  qui  le  proclame  le  Seigneur  de  la  terre 
et  de  la  mer.  L'exemple  des  disciples  nous  apprend  que  le  peu  même 
que  nous  possédons  nous  devons  aimer  à  le  verser  dans  le  sein  des 
pauvres.  En  effet,  aussitôt  que  le  Seigneur  leur  ordonne  d'apporter 
leurs  cinq  pains ,  ils  obéissent  sans  songer  à  répondre  :  «  Comment 
pourrons-nous  apaiser  notre  faim?  Et  après  avoir  commandé  au 
peuple  de  s'asseoir  sur  l'herbe,  il  prit  les  cinq  pains  et,  levant  les 
yeux  au  ciel,  il  les  bénit,  »  etc.  Pourquoi  lever  les  yeux  au  ciel  et 
bénir  ces  pains  ?  C'était  pour  déclarer  qu'il  venait  du  Père  et  qu'il 
était  son  égal.  Il  prouvait  qu'il  était  égal  à  son  Père  en  agissant  en 
tout  avec  puissance,  et  il  montrait  qu'il  venait  du  Père  en  lui  rappor- 
tant tout  ce  qu'il  faisait  et  en  l'invoquant  avant  toutes  ses  œuvres. 
C'est  comme  preuve  de  cette  double  vérité  que  tantôt  il  opérait  ses 
miracles  avec  puissance ,  tantôt  il  priait  avant  de  les  faire.  Tl  faut  de 
plus  remarquer  que  pour  les  miracles  moins  importants  il  lève  les 
yeux  vers  le  ciel ,  et  que  pour  les  plus  éclatants,  il  agit  avec  une  puis- 
sance absolue.  Ainsi ,  lorsqu'il  ressuscite  les  morts,  quand  il  met  un 
freina  la  fureur  des  flots,  quand  il  juge  les  pensées  secrètes  des 
cœurs,  quand  il  ouvre  les  yeux  de  l'aveugle-né,  œuvres  qui  ne  peuvent 
avoir  que  Dieu  pour  auteur ,  nous  ne  le  voyons  pas  recourir  à  la 
prière;  mais  lorsqu'il  multiplie  les  pains  (miracle  inférieur  à  ceux  qui 
précèdent),  il  lève  les  yeux  au  ciel  pour  vous  apprendre  que  même 
dans  les  prodiges  moins  importants  il  n'agit  point  par  une  puissance 


germinetherbamvireulem;  »  ueque  enim  |  cequalis  est  :  aequalitatem  demonstrabat, 
hoc  minus  illo  est  :  non  enim  minus  est  cum  omnia  potestate  faceret  :  a  Pâtre 
de  quinque  panibus  pascere  tantos,  et  de  1  autem  se  esse  monstrabat,  per  hoc  quod 
piscibussimiliter,  quam  de  terra  educere  ad  ipsum  omnia  referens  faciebat  ;  invo- 
fructum,  et  ab  aquis  reptilia  et  alia  ani-    cans  eum  ad  ea  quœ  fiebant  :  et  ideo  ut 


mata  ;  quod  demonstrat  eum  esse  Domi- 
num  terrœ  et  maris.  Oportet  autem 
erudiri  discipulorum  exemple,  quoniam 
etsi  pauca  babuerimus,  oportet  ea  tri- 
buere  indigentibus  :  jussi  namque  disci- 
puli  afferre  quinque  panes,  non  dieunt  : 
«  Unde  mitigabimus  l'amem  nostram  ?  » 
Sed  obediuut  confêslim  :  unde  sequitur  : 
«  Et  cum  jussisset  turl)am  discumbere 
super  fœnum,  acceptis  quinque  panibus, 
aspiciens,  in  cœlum  benedixit ,  n  etc. 
Quare  autem  aspexit  in  cœlum  et  bene- 
dixit? Oportebat  namque  credi  de  eo 
quoniam  a  Paire  est,   et  quoniam  ei 


utrumque  ostendat,  uunc  quidem  potes- 
tate, nunc  autem  orans  miraoula  facit. 
Deiude  considerandum  quod  in  mino- 
ribus  quidem  respicit  in  cœlum,  in  ma- 
joribus  autem  potestate  omnia  facit  : 
quando  enim  peccata  dimisit,  mortuos 
suscitavit,  mare  refraeuavit,  occulta  cor- 
dium  redarguit,  oculos  condidit  cœci 
nati  (quœ  solius  Dei  sunf),  nequaquam 
videtur  orans  ;  (juaudo  autem  panes 
multiplicari  fecit  (quod  bis  omnibus  mi- 
nus est),  tune  respexit  in  cœlum,  ut 
discas  quoniam  et  in  miuoribus  non 
aliunde  virtutem  habet  quam  a  Paire. 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.  XIV.  321 

difiercnte  de  celle  de  son  Père.  Il  nous  apprend  en  même  temps  à  ne 
jamais  prendre  nos  repas  avant  d'avoir  rendu  grâces  à  Celui  qui  nous 
donne  la  nourriture.  Notre-Seigneur  veut  en  outre  opérer  un  miracle 
avec  ces  cincj  pains  pour  amener  ses  disciples  à  croire  en  lui,  car  ils 
étaient  encore  bien  faibles  dans  la  foi.  C'est  pourquoi  il  lève  les  yeux 
vers  le  ciel.  Car  s'ils  avaient  déjà  été  témoins  d'un  grand  nombre  de 
miracles,  ils  n'en  avaient  pas  encore  vu  de  semblable  (l*). 

S.  JÉR.  Le  Sauveur  rompt  le  pain,  et  le  pain  se  multiplie.  Si  ces 
pains  étaient  restés  entiers  et  qu'ils  n'eussent  pas  été  partagés  par 
morceaux,  ni  multipliés  en  si  grande  quantité,  jamais  ils  n'auraient 
pu  rassasier  une  si  grande  multitude.  Or,  remarquons  que  c'est  par 
l'intermédiaire  des  Apôtres  que  le  peuple  reçoit  du  Seigneur  cette 
nourriture.  «  Et  il  les  donne  à  ses  disciples.  »  —  S.  Chrys.  [hom.  .'SO.) 
Il  veut  en  cela  non-seulement  leur  faire  lionneur,  mais  rendre  impos- 
sible et  l'incrédulité ,  et  l'oubli  à  l'égard  d'un  miracle  auquel  leurs 
mains  elles-mêmes  rendaient  témoignage.  Il  permet  que  la  multitude 
éprouve  d'abord  le  besoin  de  la  faim,  que  les  disciples  s'approcbent  de 
lui,  l'interrogent  et  lui  remettent  les  pains  entre  les  mains  pour  multi- 
plier les  preuves  de  ce  miracle  et  les  circonstances  qui  devaient  en 
conserver  le  souvenir.  En  ne  donnant  aux  peuples  que  des  pains  et 
des  poissons ,  et  en  les  leur  distribuant  d'une  manière  égale,  il  leur 
enseigne  l'humilité ,  la  tempérance  (2*)  et  la  charité  qui  devait  leuj' 
faire  regarder  toutes  les  choses  comme  communes  entre  eux.  Le  lieu 
même  où  il  les  nourrit ,  l'herbe  sur  laquelle  il  les  fait  asseoir,  con- 
tiennent un  enseignement ,  car  il  ne  veut  pas  seulement  apaiser  leur 

(1*)  Nous  avons  dû  recourir  ici  au  texte  même  de  saint  Chrysostome  pour  donner  à  l'ensemble 
de  la  pensée  plus  de  clarté  en  ajoutant  quelques  phrases  omises  par  saint  Thomas  qui  souvent 
abrège  les  citations  et  intervertit  l'ordre  du  texte  original, 

(2*)  Le  mot  grec  ey/tpatstav  signifie  littéralement  tempérance ,  et  non  point  économie  ou  par- 
cimonie, comme  semblerait  l'indiquer  la  traduction  latine parcimoniam. 


Simul  autem  erudit  uos  non  prius  tan- 
gere  mensani,  donec  gratias  egerimus  ei 
qui  cibum  dal  nobis  :  propter  hocetiam 
et  in  cœlum  respicil  :  aliorum  enim  si- 
gnorum  multorum  exempla  habebaat 
discipuli,  hujuâ  uullum. 

Hier.  Frangente  autem  Domino  semi- 
uarium  fil  ciborum  :  si  enim  fuissent 
integri,  et  non  in  frusta  discerpti,  nec 
divisi  in  mulliplicem  segetem,  tantam 
multitudiuem  alere  non  poterant.  Turbae 
autem  a  Domino  per  apostolos  alimenta 
suscipiunt  :  unde  sequitur  :  «  Et  dédit 
discipulis,  »  etc.  Chrys.  {in  homil.  50  ut 
sup.)  In  quo  quidem,  non  solum  eos 
honoravit,  sed  voluit  ut  hoc  miraeulo 

TOM,   II. 


facto  non  incréduli  fiant,  neque  oblivis- 
cantur  ejus  cum  praeterierit,  manibus 
ipsis  testantibus.  Ideoque  turbas  dimittit 
prius  famis  sensum  accipere,  et  disci- 
pulos  accedere,  etinterrogare,  etabipsis 
accepit  panes  ;  ut  multa  essent  testi- 
monia  ejus  quod  fiebat,  et  multas  reme- 
morationes  babereut  miraculi  :  ex  hoc 
autem  quod  nihil  amplius  quam  panes 
et  pisces  eis  dédit,  et  ex  boc  quod  omni- 
bus communiter  ea  apposait ,  humili- 
tatem,  parcimoniam,  et  charitatem,  qua 
omnia  aîstimarent  communia,  eos  eru- 
divit  :  quod  et  a  loco  docuit,  cum  super 
fœnum  eos  discumbere  fecit  :  non  enim 
nutrirc  solum  corpora  volebat,  sed    el 

2i 


322 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 


faim ,  mais  aussi  nourrir  leur  àme.  Or,  les  pains  et  les  poissons  se 
multipliaient  entre  les  mains  des  disciples  ,  comme  l'indique  la  suite 
du  récit  :  a  Et  tous  en  mangèrent,  »  etc.  Le  miracle  ne  s'arrêta  pas 
là  et  la  multiplication  s'étendit  au  delà  du  nécessaire,  de  manière 
qu'après  avoir  multiplié  les  pains  entiers ,  il  permit  qu'il  restât  une 
grande  quantité  de  morceaux  (1*).  Le  Seigneur  veut  prouver  ainsi  que 
ce  sont  vraiment  les  restes  des  pains  qu'il  a  multipliés,  convaincre  les 
absents  de  la  vérité  du  miracle  et  montrer  à  tous  que  ce  n'est  pas 
un  prodige  imaginaire  :  «  Et  ils  emportèrent  douze  paniers  (2*)  pleins 
des  morceaux  qui  étaient  restés.  »  —  S.  Jér.  Chacun  des  apôtres 
remplit  son  panier  avec  les  restes  des  pains  multipliés  miraculeuse- 
ment par  le  Sauveur,  et  ces  restes  prouvent  que  ce  sont  de  vrais  pains 
qu'il  a  multipliés.  —  S.  Ghrys.  {hom.  50.)  11  voulut  qu'il  restât  douze 
corbeilles  pleines ,  afin  que  Judas  put  aussi  porter  la  sienne.  Il  fait 
aussi  emporter  ces  restes  par  ses  disciples,  et  non  par  la  foule,  dont  les 
dispositions  étaient  moins  parfaites.  —  S.  Jér.  Le  nombre  de  ceux 
qui  furent  rassasiés  était  de  cinq  mille  et  correspondait  aux  cinq 
pains  qui  furent  distribués  :  «  Or,  le  nombre  de  ceux  qui  mangèrent 
était  de  cin(i  mille  hommes.  »  —  S.  Chrys.  {hom.  50.)  Un  trait  à  la 
louange  de  ce  peuple,  c'est  que  les  femmes  comme  les  hommes  sui- 
vaient Jésus-Christ  quand  le  miracle  fut  opéré  (3*).  —  S.   Hil.  Les 

(1*)  Nous  avons  traduit  ici  d'après  le  texte  grec  qui  offre  un  sens  différent  de  la  traduction  latine 
dont  s'est  servi  saint  Thomas  :  xaî  T:£pt(j(j£ù(7at  oO/i  àptov;  (iovov,  «/).à  xxi  x)â(7jiaTa. 

(2*)  Ces  paniers  étaient  des  corbeilles  de  voyage  comme  les  Juifs  avaient  coutume  d'en  porter 
avec  eux  lorsqu'ils  allaient  aux  fêtes  ou  en  campagne.  Ils  se  servaient  de  corbeilles  et  de  paniers 
pour  que  leurs  pains  qui  étaient  minces  et  déliés  comme  nos  galettes  ne  se  rompissent  pas.  Or , 
dans  une  si  grande  multitude,  on  peut  supposer  qu'il  y  en  eut  au  moins  douze  qui  prirent  avec 
eux  quelques  provisions.  Cette  corbeille  servait  encore  à  un  autre  usage.  Les  Juifs  la  remplis- 
saient de  foin  pour  s'en  servir  comme  d'oreiller  la  nuit,  et  c'était  là  tout  le  mobilier  de  campagne 
des  Hébreux  pauvres,  ce  qui  a  fait  dire  à  Juvénal  :  Quorum  cophinus  fœnumque  supellex,  que 
tout  leur  mobilier  consistait  en  une  corbeille  et  du  foin. 

(3*)  Le  texte  grec  est  encore  ici  contraire  à  la  traduction  latine  dont  s'est  servi  saint  Thomas  : 
0   (i.£Yi(7X0v  r^v   Toù   ôïijJ.o\j    èyy.(îy[j.io-^   oti   xal   yuvaïxE;  xaî  àvôpE?   îrpocrrjôpEuov.  Alors 


auimam  erudire.  Panes  aulem  et  pisces 
ia  discipulorimi  manibus  augebantur  : 
unde  sequitur  :  «  Kt  manducaverunt 
omnes,  »  etc.  Nec  usque  ad  hoc  stetit 
lairaculutn,  sed  et  superaljuudare  fecit, 
non  panes  integros,  sed  fragmenta  ;  ut 
ostendat  quoniani  illoruin  panumbaîre- 
liquiït  eranl,  et  ut  absentes  discant  quod 
lactum  est;  et  ne  ullus  quod  factuuj  est 
lesliniet  esse  phanlasiani  :  unde  sequi- 
tur :  «  Et  tuleru'nt  reliquias  duodeciui 
cophinos  pleuos  fragmentoruui.  Hier. 
Unusquisque  enim  apostoloruui  de  reli- 
quiis  Salviiluris  iuq>let  cophiuuui  suuui, 
ut  ex  reliquiis  doceat  veros  fuisse  paues 


qui  multiplicati  sunt.  Chrys.  {in  homil. 
50  ut  sup.)  Propter  hoc  euim  et  duo- 
decim  copliinos  superabundare  fecit,  ut 
et  Judas  suum  cophinum  portaret.  Acci- 
piens  autem  fragmenta  dédit  discipulis, 
et  non  turbis,  quœ  adliuc  imperfeutius 
dispositae  erant,  quam  discipuU.  Hier. 
Juxta  numerum  quinque  panum,  et  co- 
medeutiuiu  virorum  quiuque  milliuui 
multiludo  est  :  unde  sequitur  :  «  Maudu- 
cantium  aulem  fuit  numerus  quiuque 
millia  virorum,  »  etc.  Chrys.  [vt  sup.) 
Hoc  enim  erat  plebis  niaxiuia  iaus,  quo- 
uiani  mulieres  et  viri  astabaut,  quaudo 
bœc   reli(|uiu;  factae  sunt.  Hilar.  {Can. 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XIV.  323 

pains  ne  se  multiplient  pas  en  d'autres  pains  entiers,  mais  aux 
premiers  morceaux  en  succèdent  d'autres ,  et  le  pain  se  multiplie  soit 
dans  l'endroit  qui  sert  de  table,  soit  dans  les  mains  de  ceux  qui  s'en 
nourrissent. 

Rab.  Saint  Jean,  avant  de  raconter  ce  miracle  (chap.  vi) ,  nous  fait 
observer  que  la  Pâque  était  proche.  Saint  Matthieu  et  saint  Marc  le 
placent  immédiatement  après  le  martyre  de  Jean-Baptiste ,  d'où  nous 
devons  conclure  que  le  saint  Précurseur  fut  décapité  aux  approches 
de  la  fête  de  Pâques  et  que  c'est  l'année  suivante ,  au  retour  de  la 
même  fête,  que  s'accomplit  le  mystère  de  la  passion  du  Sauveur. 

S.  Jér.  Toutes  les  circonstances  de  ce  miracle  sont  pleines  de  mys- 
tères (1).  Notre-Seigneur  l'opère  non  le  matin,  ni  au  milieu  de  la 
journée,  mais  le  soir,  lorsque  le  soleil  de  justice  est  couché.  —  Rémi. 
Le  soir  signifie  la  mort  du  Sauveur ,  car  c'est  lorsque  le  soleil  de  vé- 
rité se  coucha  sur  l'autel  de  la  croix  qu'il  rassasia  ceux  qui  étaient 
tourmentés  par  la  faim.  Ou  bien  le  soir  est  la  figure  du  dernier  âge 
du  monde ,  cet  âge  où  le  Fils  de  Dieu  vint  nourrir  la  multitude  de 
ceux  qui  croyaient  en  lui.  —  Rab.  Les  disciples  prient  le  Sauveur  de 
renvoyer  le  peuple  pour  qu'il  achète  de  quoi  manger  dans  les  villages 
voisins  ;  c'est  le  dégoût  que  les  Juifs  ont  pour  les  Gentils ,  qu'ils 
regardent  comme  plus  propres  à  chercher  leur  nourriture  dans  les 
écoles  de  philosophes  que  dans  les  divins  pâturages  des  livres  sacrés. 
—  S.  HiL.  {can.  14.)  Mais  le  Seigneur  répond  :  «  Il  n'est  point  néces- 

commence  une  autre  phrase  :  IIwi;  Ta  )xt4'ava  yÉYOvE ,  comment  put-il  y  avoir  des  restes? 
Dans  la  traduction  latine ,  au  contraire ,  on  lit  :  u  Hoc  enim  erat  plebis  maxima  laus  quoniani 
mulieres  et  viri  astabant  quando  hai  reliquia;  factœ  sunt,  »  ce  qui  n'offre  pas  un  sens  bien  satis- 
faisant. 

(1)  Saint  Jérôme  embrasse  ici  dans  cette  explication  mystique  tous  les  détails  qui  précèdent 
la  retraite  du  Sauveur  dans  le  désert,  la  compassion  qu'il  témoigne  pour  le  peuple  qui  le  suit  et 
dont  il  guérit  les  malades,  etc. 


14  in  Muttfi.)  Non  autem  quinque  panes 
multii)licanlur  in  plures  (panes),  sed 
t'ragmentis  fragmenta  succédant.  Crescit 
deinde  materies,  nescio  utrum  in  men- 
saruni  loco,  aut  in  sinnentium  mauibus. 

Raba.  Hoc  autem  niiraculum  scrip- 
lurus  Joannes  (cap.  6)  prsemisit  quia 
proximum  esset  Pascha;  Malthaeus  vero 
et  Marcus  hoc  (interfecto  Joanne)  con- 
tinue faclum  esse  commémorant;  unde 
colligitur,  imminente  paschali  festivitate 
fuisse  decollatum  ;  et  anno  post  sequente 
cum  pascliale  tempus  rediret,  mysterium 
dominicaî  passionis  esse  completum. 

Hier.  Omnia  auleni  haec  plena  mys- 
leriis  sunt  :  hoc  enim  facit  Dominus, 


non  mane,  non  meridie,  sed  vespere; 
quando  sol  justitiœ  occubuit.  REMio.Per 
vesperam  enim  mors  Domini  designa- 
tur  ;  quia  postquam  ille  verus  sol  in  ara 
crucis  occubuit,  famelicos  satiavit.  Vel 
vesperum  ultinia  aelas  secnli  designatur, 
in  qua  Filius  Dei  veniens,  turbas  in  se 
credentium  ret'ecit.  Raba.  Quod  autem 
discipuli  rogant  Dominum  ut  dimittat 
turbas,  ut  emant  sibi  cibos  per  castella, 
signât  fastidium  Judœorum  contra  turbas 
gentium,  quas  judicabant  magis  aptas  ut 
quœrerent  sibi  cibum  in  conveuticulis 
philosophorum,  quam  divinorum  libro- 
rum  uterentur  pastu.  HiLAR.  {Can.  14 
ut  sup.)  Sed  Dominas  respondit  :  «Non 


324 


EXPLICATION   DE    l/ÉVANGILE 


saire  qu'ils  y  aillent  ;  »  il  nous  apprend  ainsi  que  ceux  qu'il  a  guéris 
n'ont  pas  besoin  de  se  nourrir  d'une  doctrine  vénale  et  qu'il  n'est  pas 
nécessaire  de  retourner  dans  la  Judée  pour  s'y  procurer  des  aliments. 
Il  commande  donc  à  ses  disciples  de  leur  donner  eux-mêmes  à  man- 
ger. Est-ce  donc  qu'il  ignorait  qu'ils  n'avaient  rien  à  leur  donner? 
Mais  toutes  les  circonstances  de  ce  miracle  demandent  à  être  expli- 
quées dans  un  pens  figuré.  Les  Apôtres  n'avaient  pas  encore  reçu  le 
pouvoir  de  consacrer  et  de  distribuer  le  pain  du  ciel  qui  devait  être 
la  nourriture  de  la  vie  éternelle.  Leur  réponse  doit  être  entendue  dans 
le  sens  spirituel  ;  ils  étaient  réduits  à  n'avoir  que  cinq  pains,  c'est-à- 
dire  les  cinq  livres  de  la  loi,  et  deux  poissons,  c'est-à-dire  qu'ils  n'a- 
vaient d'autre  nourriture  que  la  prédication  de  Jean-Baptiste  et  des 
prophètes.  —  Rab.  Ou  bien  par  ces  deux  poissons  il  faut  entendre 
les  psaumes  et  les  prophéties  ;  car  l'Ancien  Testament  comprend  ces 
trois  choses  :  la  loi,  les  prophètes  et  les  psaumes. 

S.  HiL.  [can.  14.)  Les  Apôtres  ne  purent  d'abord  donner  au  peuple 
que  ces  trois  choses  qui  étaient  en  leur  possession;  mais  la  prédica- 
tion de  l'Evangile,  en  venant  s'y  ajouter ,  y  puisa  le  principe  de  cette 
force  divine  dont  les  développements  vont  toujours  croissants.  Le 
Sauveur  fait  ensuite  asseoir  le  peuple  sur  le  gazon  ,  ce  n'est  plus  sur 
la  terre  qu'il  se  repose,  mais  sur  le  lit  que  lui  présente  la  loi,  et  comme 
l'herbe  repose  sur  la  terre,  chacun  s'assied  et  se  repose  sur  les  fruits 
de  ses  œuvres.  —  S.  Jér.  Ou  bien  il  les  fait  asseoir  sur  le  gazon,  et 
i'après  un  autre  Evangéiiste  {Ma?x,  vi) ,  par  groupe  de  cinquante  et 
de  cent,  afin  qu'après  avoir  foulé  aux  pieds  les  inclinations  de  la 
chair ,  et  placé  au-dessous  d'eux  les  voluptés  du  siècle  comme  un 
gazon  desséché,  ils  s'élèvent  par  la  pénitence,  représentée  par  le 


habent  necesse  ire  ;  »  ostendens  eos 
i^uibus  medetur  venalis  doctrinse  cibo 
non  egere,  nequo  ueces^iilatem  habere 
regredi  ad  Judaeam  cibosque  mercari  ; 
jubetque  apostolis  utescam  dareut.Nuu- 
quid  autem  iguorabat  non  esse  quod 
dari  posset?  Sed  erat  omnis  typica  ratio 
explicanda  :  nondum  enim  concessuui 
apostolis  erat  ad  vitre  feternae  cibumcœ- 
lesteui  paneni  periicere  ac  raiuistrare  : 
quorum  responsio  ad  spirilualis  intelli- 
gentiœ  ordinem  tendit  ;  quia  atlhuc  sub 
quinque  panibus  (id  est,  (juinque  libris 
legis)  continebantur  ;  et  piscium  duo- 
rum  (id  est,  proi>betaruni  et  Joannis) 
praedicationibns  alebantur.  Hah.  Vol  per 
duos  pisces,  elprupbelias,  etpsalmoslia- 
bemus  :  lotum  enim  vêtus Testamentum 


in  bis  tribus  couipletur  :  lege,  propbetis 
et  psalmis. 

IIiLAR.  [Can.  14  ut  sup.)  Hase  igilur 
primum,  quia  in  bis  adhuc  erant  apos- 
toli  obtulerunt  :  sed  ex  bis  evangeliorum 
pr.'pdicatio  in  majorera  suœ  virtutis 
abundantiam  crescit.  Accumbere  post 
boc  supra  fœnum  populus  jubetur,  non 
jam  in  terra  jacens,  sed  lege  suffultus  : 
et  tanquam  (terra  fœno)  fructibus  operis 
sui  inlimus  unusquisque  substernitur. 
Hier.  Vel  discumbere  jubentur  super 
fœnum,  et  secundum  aliura  Evangelistam 
(Marc.  6),  per  quinqua2e^o^  et  centenos, 
ut  postquam  calcaveriut  carnem  suam 
et  secnli  volnptates  quasi  arens  fœnum 
sibi  subjecerint,  tune  per  quinquage- 
narii  numeri  pœnitentiam  ad  perfeclum 


DE   SAINT   MATTHIEU,    f.HAP.   XIV.  325 

nombre  cinquante,  à  la  perfection  du  nombre  cent,  fl  lève  les  yeux 
vers  le  ciel ,  pour  leur  apprendre  à  diriger  leurs  regards  de  ce  côté  ; 
il  leur  rompt  le  pain  de  la  loi  avec  celui  des  prophètes  ,  et  leur  en 
expose  les  mystères ,  afin  que  ce  qui  ne  pouvait  servir  de  nourriture 
en  demeurant  dans  son  entier,  pût  rassasier  la  multitude  des  nations, 
lorsqu'il  serait  divisé  en  plusieurs  parties. 

S,  HiL.  {can.  1  i.)  Les  pains  sont  remis  entre  les  mains  des  Apôtres, 
car  c'était  par  eux  que  les  dons  de  la  grâce  divine  devaient  être  dis- 
tribués. Le  nombre  de  ceux  qui  mangèrent  fut  le  même  que  le  nombre 
(le  ceux  qui  devaient  embrasser  la  foi  ;  car  nous  lisons  dans  le  livre 
des  Actes  (chap.  iv),  que  sur  la  multitude  presque  innombrable  du 
peuple  juif,  cinq  mille  se  convertirent  à  la  foi.  —  S.  Jér.  Parmi  ceux 
qui  mangèrent  de  ces  pains  ,  il  y  eut  cin(i  mille  hommes  parvenus  à 
la  plénitude  de  l'âge;  les  femmes  et  les  enfants  ,  (c'est-à-dire  la  fai- 
blesse du  sexe  et  celle  de  l'âge),  ne  sont  pas  dignes  d'être  compris  dans 
ce  nombre.  Aussi  dans  le  livre  des  Nombi^es  (chap.  i),  les  esclaves, 
les  femmes,  les  enfants  et  le  bas  peuple  ne  sont  pas  compris  dans  le 
dénombrement.  —  Rab.  Pour  nourrir  cette  multitude  affamée,  le  Sau- 
veur ne  créé  pas  de  nouveaux  aliments,  mais  il  prend  ceux  qui  étaient 
entre  les  mains  de  ses  disciples ,  et  il  les  bénit  ;  il  nous  apprenait 
ainsi  qu'en  venant  dans  une  chair  mortelle,  il  n'annonçait  pas  d'autres 
vérités  que  celles  qui  avaient  été  prédites ,  et  il  montrait  que  la  loi  et 
les  prophètes  renfermaient  dans  leur  sein  les  plus  grands  mystères. 
Les  disciples  emportent  les  morceaux  qui  restent  ;  ce  sont  les  mys- 
tères les  plus  secrets,  qui  ne  peuvent  être  compris  des  esprits  grossiers; 
ils  ne  doivent  pas  être  reçus  avec  négligence,  mais  devenir  l'objet  de 
l'étude  la  plus  sérieuse  de  la  part  des  douze  Apôtres  et  de  leurs  suc- 
('esscurs,  figurés  ici  par  les  douze  paniers.  Les  paniers  ou  corbeilles 


centesimi  numeri  culmen  ascendant. 
Aspicit  autem  ad  cœlum,  ut  ad  illud  di- 
rigendos  oculos  doceat.  Fraugitur  autem 
lex  cum  prophetis,  et  ejus  iu  médium 
proferuutur  mysteria,  ut  quod  integriun 
non  alebat,  divisura  par  partes  alat  gen- 
tium  multitudinem. 

HiLAR.  (Can.  14  ntsup.)  Dantur  autem 
apostolis  panes,  quia  per  cos  eraut  divi- 
na3  gratiœ  doua  reddenda.  Idem  autem 
edentium  numerus  invenitur,  qui  futu- 
rus  fuerat  erediturorum  :  nam  sicut  in 
iibro  Actuum  continetur  (cap.  4)  ex  is- 
raëlitici  populi  intinitale,  virorum  quiu- 
que  millia  crediderunt.  Hier.  Comede- 
runt autem  quinque  millia  virorum,  qui 
in  perfectum  virum  creverant  ;  mulieres 


autem  et  parvuli  (sexus  fragilis  et  aetas 
minor)  numéro  indigni  sunt  :  unde  et  in 
Numerorum  Iibro  (cap.  1),  servi,  mu- 
lieres  et  parvuli,  et  vulgus  ignobile,  abs- 
que  numéro  praetermittitur.  Rab.  Turbis 
autem  esurientibus  non  nova  créât  ci- 
baria,  sed  acceptis  eis  quse  habebant  dis- 
cipuli,  benedixit,  quia  veniens  in  carne, 
non  alia  qiuim  quae  praedicta  sunt  prae- 
dicabat,  sedlegis  et  prophetarum  scripta 
mysteriis  gravida  esse  demonstrat.  Quod 
autem  superest  turbis,  a  discipulis  tolli- 
tur  ;  quia  secretiora  mysteria  ([use  a  ru- 
dibus  capi  uequeunt,  non  sunt  negligen- 
ter  habenda,  sed  a  duodecim  apostolis 
(qui  per  duodecim  cophinos  signantur), 
et  ab  eorum  successoribus  diligenter  ia- 


326 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


servent  à  des  usages  communs,  et  Dieu  a  choisi  ce  qui  est  vil  et  bas 
aux  yeux  du  monde,  pour  confondre  ce  qui  est  fort  (l  Cor.  i).  On 
peut  voir  dans  ces  cinq  mille  hommes  les  cinq  sens  du  corps  humain, 
et  une  figure  de  ceux  qui,  sous  la  livrée  du  monde,  font  un  bon  usage 
des  choses  extérieures. 


^.  22-33.  —  Aussitôt  Jésus  obligea  ses  disciples  de  monter  dans  la  barque,  et 
de  passer  avant  lui  à  l'autre  bord  pendant  qu'il  renverrait  le  peuple.  Après 
l'avoir  renvoyé ,  il  monta  seul  sur  une  montafjne  pour  prier  ;  et  le  soir  étant 
venu,  il  se  trouva  seul  en  ce  lieu-là.  Cependant  la  barque  était  fort  battue 
des  flots  au  milieu  de  la  mer  {!*),  parce  que  le  vent  était  contraire.  Mais  à  là 
quatrième  veille  de  la  nuit,  Jésus  vint  à  eux,  marchant  sur  la  mer.  Lorsqu'ils 
te  virent  marcher  ainsi  sur  la  mer,  ils  furent  troublés ,  et  ils  disaient  :  C'est 
11)1  fantôme,  et  ils  s'écrièrent  de  frayeur.  Aussitôt  Jésus  leur  parla  et  leur 
dit  :  Rassurez-vous  ;  c'est  moi,  ne  craiynez  point.  Pierre  lui  répondit  :  Sei- 
gneur, si  c'est  vous,  commandez  que  j'aille  à  vous  sur  les  eaux.  Jésus  lui  dit  : 
\enez.  Et  Pierre,  descendant  de  la  barque,  marchait  sur  l'eau  pour  aller 
trouver  Jésus.  Mais,  voyant  un  grand  vent,  il  eut  peur,  et  il  commençait  à 
s'enfoncer  lorsqu'il  s'écria  :  Seigneur,  sauvez-moi.  Aussitôt  Jésus,  lui  tendant 
la  main,  le  prit  et  lui  dit  :  Homme  de  peu  de  foi,  pourquoi  avez-vous  douté? 
Et  étant  monté  dans  la  barque,  le  vent  cessa.  Alors  ceux  qui  étaient  dans 
cette  barque,  s' approchant  de  lui,  l'adorèrent  en  lui  disant  :  Vous  êtes  vrai- 
ment le  Fils  de  Dieu. 

S.  CHRi's.  {hom.  50.)  Notre-Seigneur ,  voulant  livrer  à  un  examen 

(1*)  On  peut  trouver  extraordinaire  qu'il  puisse  s'élever  une  tempête  aussi  violente  sur  une 
étendue  d'eau  aussi  peu  considérable ,  ce  lac  ayant  à  peine  six  lieues  de  long  et  trois  de  .arge 
(Robinson  et  Smith,  Palestine,  m,  573),  quoique  Josophe  lui  donne  une  longueur  de  cent  qua- 
rante stades,  sur  une  largeur  de  quarante.  Mais  les  voyageurs  modernes  ont  constaté  qu'il  s'élève 
souvent  de  dangereuses  tempêtes  sur  ce  lac  (Wincr,  Lexiq.,  i,  478),  et  on  pourrait  apporter  à 
l'appui  les  lacs  de  Genève  et  de  Lucerne,  qui  eux  mêmes  ont  souvent  été  le  théâtre  de  violents 
orages. 


qiiirenda.  Cophiuis  eiiim  servilia  opéra 
aguntiir  :  et  Deus  inlirnia  niundi  elegit^ 
ut  confundat  fortia.  (I  (ormlh.  i.) 
Ouinque  autem  niillia  pro  ([iiiiiqiie  seii- 
sibus  corporis  accipi  pnssnnt  :  lii  sunt 
qui  in  seculari  habita  exterioribus  recle 
iiti  novenint. 

Et  stutiiii  compiilit  di.iripulos  axcenilfire  in  nat'i- 
culam,  et  prœcrdrrr  non  traits  frctum,  lUmcr 
dimilteret  turbas.  Et  dimissa  liirija,  ascendit 
in  montem  solus  orare.  Vesperc  autem  facto, 
solus  erat  ibi.  Navicula  autem  in  medio  mari 
/actabatur  fluctibus  :  erat  enim  coiitrarius  ven- 
ins. Quarta  nutem  vir/ilia  noctis,  venit  nd  eos 
ambuinns  super  mare  :  et  videntes  eum  super 
mare  ambulanlem,  lurbati  sunt  dicentes  quia 


phnntasma  est  :  et  prœ  timoré  clamaverwit. 
Slaliirif/ue  Jésus  locutus  est  eis,  dicens  :  Ba- 
hete  fiducTam,  ego  sum,  noiite  timere.  Respon  - 
liens  autem  Petrus,  dixit  illi  :  Domine,  si  tu 
es,  jubé  me  neuire  ad  te  super  aquas.  Al  ipse 
ait  :  Veni.  Et  descendens  Petrus  de  navicula, 
ambulabat  super  aquas  ut  veniret  ad  Jesum. 
Videns  vero  vcnlum  validum  timuit  :  et  eum 
eœpisset  mergi,  clamavil,  dicens  :  Domine, 
salvum  me  fac.  Et  continua  Jésus  extendens 
manum,  apprehendit  eum,  et  ait  illi  :  Àfodicœ 
fidei,  quare  dubitasti  ?  Et  eum  ascendisset  in 
naviculam,  cessavit  ventus.  Qui  autem  in  na- 
vicula erant,  venerunt,  et  adoraveruni  eum, 
direntes  :  Vere  Eilius  Dei  es. 

Chrys.  {in  hom.  50  ut  sup.)  Pilim^i- 
lein  examinalioneiu  eonmi   qu;".'    faota 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAl>.   XIV.  327 

sérioux  le  miracle  qu'il  vient  d'opérer,  ordonne  à  ceux  qui  en  ont  été 
les  témoins  de  se  séparer  de  lui  ;  car  en  supposant  que  lui  présent,  on 
pût  croire  qu'il  n'avait  fait  ce  miracle  qu'en  apparence ,  on  ne  pou- 
vait en  porter  le  même  jugement  lorsqu'il  aurait  disparu  (1*).  C'est 
pour  cela  que  l'Evangéliste  ajoute  ;  «  Et  aussitôt  Jésus  obligea  ses 
disciples  d'entrer  dans  une  barque  et  de  le  précéder.  »  —  S.  Jér.  Nous 
avons  ici  une  preuve  que  c'était  malgré  eux  que  les  disciples  se  sépa- 
raient du  Sauveur,  et  que  dans  l'affection  qu'ils  avaient  pour  ce  divin 
Maître,  ils  ne  voulaient  même  pas  le  quitter  un  seul  instant. 

S.  Chrys.  {hom,  50  et  51).  Remarquons  que  toutes  les  fois  que  le 
Seigneur  a  opéré  de  grandes  choses,  il  renvoie  le  peuple,  et  nous  en- 
seigne ainsi  à  ne  pas  rechercher  la  gloire  qui  vient  des  hommes,  et 
à  ne  pas  attirer  le  peuple  après  nous.  Il  nous  apprend  aussi  à  ne  pas 
nous  mêler  continuellement  à  la  multitude  et  à  ne  pas  la  fuir  non 
plus  toujours ,  mais  à  fréquenter  tour  à  tour  le  monde  et  la  soli- 
tude. «  Après  avoir  renvoyé  la  foule ,  il  monta  seul  sur  la  mon- 
tagne, »  etc.  Il  nous  enseigne  ici  les  avantages  de  la  solitude,  lorsque 
nous  voulons  nous  entretenir  avec  Dieu.  Jésus  se  rend  dans  le  désert, 
et  il  y  passe  la  nuit  en  prières ,  pour  uous  apprendre  à  choisir  les 
temps  et  les  lieux  où  nous  pourrons  nous  livrer  dans  le  calme  à  la 
prière.  —  S.  Jér.  Ces  paroles  :  «  Il  monta  seul  pour  prier,  »  ne  doivent 
pas  être  rapportées  à  la  nature  divine  qui  vient  de  rassasier  cinq  mille 
hommes  avec  cinq  pains ,  mais  à  la  nature  humaine  qui  se  retire 
dans  la  solitude  en  apprenant  la  mort  de  Jean-Baptiste.  Ce  n'est  pas 

(1  ')  Le  texte  grec  oflre  ici  un  sens  tout  diflérent  de  celui  que  présente  la  traduction  latine  dont 
saint  Thomas  a  fait  usage,  et  nous  avons  préféré  ici  comme  plus  clair  et  plus  rationnel  le  sens  du 
texte  original  Ei  yàp  xal  Tiapwv  èSôxEi  çavrâl^Eiv ,  à),X'  oùx  àX/iÔetav  TtSTioiYixÉvat  •  où 
o^qirou  xal  àutov.  Nam  si  pncsens  videretur  id  per  phantasiam  fecisse,  non  secundum  rei  verita- 
tem  ahsens  certè  non  item. 


erant  tradere  volens,  eos  qui  praemissum 
sigauin  viderant,  jussit  a  se  separari, 
quia  etsi  prajseiis  visus  fuissel,  phautas- 
tice,  et  non  in  veritate  fecisse  miracii- 
lum  diceretur;  non  lamen  ut  absens  : 
et  ideo  dicitur  :  «  Et  statim  compulit  Jé- 
sus discipulos  asceudere  naviculam  et 
praîcedere  eum,  »  etc.  Hier.  Quo  ser- 
mone  osteaditur  invitos  eos  a  Domino 
recessisse,  dum  amore  praeceptoris  ue 
ad  punctum  quideui  temporis  ab  eo  vo- 
lunt  separari. 

Chrys.  {homil.  50  et  51.)  Cousiderau- 
duui  autem  quod  cuni  Dominus  magna 
operatur,  dimittit  lurbas,  docens  nos 
nusquam  gloriam  multitudinis  prosequi, 


neque  attraheremultitudinem.  Et  iterum 
docct  non  debere  turbis  nos  commiscere 
continue,  neque  fugere  multitudinem 
semper,  sed  alterutrum  vicissim  facere  : 
uude  sequitur  :  «  Et  dimissa  turba,  as- 
ceudit  in  moutem  solus,  »  etc.  In  quo 
nos  docet  quia  solitudo  bona  est,  eum 
nos  Deum  interpellare  oporteat  :  propter 
hoc  etiam  ad  desei'tum  vadit,  et  ibi  per- 
noctat  dum  orat,  erudiens  nos  in  ora- 
tione  trauquillitatem  quœrere,  et  a 
tempore,  et  a  loco.  Hier.  Quia  autem 
ascendit  solus  orare,  uou  ad  eum  referas 
quidem  qui  quiuque  panibus  quinque 
raillia  hominuni  satiavit,  sed  ad  eum 
qui,  audita  morte   Joaunis,  secessit  in 


328 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


que  nous  divisions  la  personne  du  Seigneur,  mais  il  faut  admettre 
une  distinction  entre  les  œuvres  qui  viennent  de  Dieu,  et  celles  qui  ne 
viennent  que  de  l'homme. 

S.  AuG.  [De  l'ace,  des  Evang.,  liv.  ii,cliap.  47.)  Il  semble  qu'il  y  ait 
ici  contradiction  entre  saint  Matthieu,  d'après  lequel  J(-sus,  après 
avoir  renvoyé  le  peuple^  monte  seul  sur  la  montagne  pour  y  prier,  et 
saint  Jean,  qui  rapporte  qu'il  était  sur  la  montagne  lorsqu'il  nourrit  la 
multitude.  Mais  comme  saint  Jean  raconte  qu'après  c<î  miracle  il  s'en- 
fuit sur  la  montagne  pour  ne  pas  être  retenu  par  le  peuple  qui  vou- 
lait le  faire  roi ,  il  est  évident  qu'il  était  descendu  de  la  montagne 
dans  la  plaine  lorsqu'il  fit  distribuer  les  pains  à  la  foule.  Ce  que  dit 
saint  Matthieu  :  «  11  monta  sur  la  montagne  pour  prier,  »  n'est  pas 
contraire  à  ce  que  dit  saint  Jean  :  «  Lorsqu'il  sut  qu'ils  allaient  venir 
pour  le  faire  roi,  il  s'enfuit  tout  seul  sur  la  montagne.  »  Le  désir  de 
prier  n'exclut  pas  l'intention  qu'il  avait  de  fuir  ;  au  contraire,  le  Sei- 
gneur nous  apprend  ici  que  nous  avons  une  raison  pressante  de  prier 
lorsque  nous  sommes  obligés  de  fuir.  Il  n'y  a  pas  plus  de  contradic- 
tion entre  le  récit  de  saint  Matthieu ,  où  Notre-Seigneur  ordonne 
d'abord  à  ses  disciples  de  monter  dans  la  barque,  et  congédie  ensuite 
le  peuple  avant  de  monter  seul  sur  la  montagne  pour  y  prier,  et  le 
récit  de  saint  Jean,  où  nous  lisons  :  «  Il  s'enfuit  seul  sur  la  montagne. 
Et  lorsque  le  soir  fut  venu  ,  ses  disciples  descendirent  au  l»ord  de  la 
mer,  et  lorsqu'ils  furent  montés  dans  la  barque,  »  etc.  Car  qui  ne  voit 
que  saint  Matthieu  raconte  sommairement  et  par  récapitulation,  tan- 
dis que  saint  Jean  ne  rapporte  qu'ensuite  ce  que  firent  les  disciples, 
c'est-à-dire  ce  que  Notre-Seigneur  leur  avait  ordonné  avant  de  s'enfuir 
sur  la  montagne. 


soliludiuem  ;  non  quod  personam  Do- 
miûi  separemus,  sed  quod  opéra  ejus 
inter  Deum  homineraque  divisa  siut. 

AUG.  (de  Con.  Evang.  lih.  ii,  cap.  H.) 
Potcst  autem  hoc  videri  contrariura . 
quod  Malthanis  dimissis  turljis  enm  di- 
cit  ascendere  iii  montein,  ut  illic  solus 
oraret  ;  Joaniies  autem  in  monte  fuisse, 
cum  easdem  turbas  pavit  :  sed  cnni  et 
ipse  Joaunes  dicat  post  illud  miracuhun 
fuisse  eum  in  monte  ne  a  lurbis  tcne- 
retur,  qute  eum  volebaut  facere  regem, 
iitique  manifeslum  est  (piod  de  monte  in 
pianiora  desccnderat,  quando  illi  panes 
ministrati  sunt  :  née  illud  reitiignal(inod 
Matthaeus  dixit  :  «  Ascendit  in  nionleni 
solus  orare  ;  »  Joamies  autem  :  «  Cum 
cognovisset,  inquil,  quod  voiduri  essent 


ut  facerent  eum  regem ,  fugit  iterum  in 
montcm  ipse  solus  :  »  neque  enim  causa 
orandi  contraria  est  causiB  fugiendi, 
quandoquidem  et  hinc  Dominus  docet 
banc  esse  nobis  niagnam  causam  orandi, 
quando  est  causa  fugiendi.  Nec  illud  con- 
trarium  est  quod  IMatthiîeus  prius  dixit 
eum  jussisse  ascendere  discipulos  in  na- 
viculam,  ac  deinde  dimissis  turbis  ascen- 
disse  in  montem  solus  orare;  Joannes 
vero  prius  eum  fugisse  commémorât  so- 
lum  in  niontem,  ac  deinde  :  «  Ut  autem 
sero  factum  est,  inquit,  descenderuut  dis- 
cipuli  ejus  ad  mare,  etcum  ascendissetna- 
vim,))elc.  Ouis  enim  non  videat  hoc  Mat- 
IhiEum  recapilulando,  Joannem  posteadi- 
xisse  faclum  a  discipulis,  quod  j.im  Jésus 
Jusserat  autequam  fugisset  in  nionlem  ! 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAP.   XIV.  329 

S.  JÉR.  C'est  avec  bien  de  la  raison  que  les  disciples  ne  se  séparent 
du  Seigneur  que  malgn";  eux,  et  contre  leur  volonté  ,  dans  la  crainte 
d'être  exposés  à  un  naufrage  en  son  absence,  car,  ajoute  l'Evangé- 
liste  :  «  Le  soir  étant  venu ,  la  barque  était  battue  par  les  flots.  »  — 
S.  Chrys.  [hom,  51.)  Les  disciples  essuient  de  nouveau  une  tempête, 
mais  la  première  fois  ils  avaient  le  Sauveur  avec  eux  dans  leur  barque  ; 
et  maintenant  ils  sont  seuls  ;  c'est  ainsi  qu'il  les  conduit  par  degrés  à 
de  plus  grandes  épreuves,  et  qu'il  leur  apprend  à  tout  supporter  avec 
courage.  —  S,  Jér.  Pendant  que  le  Seigneur  est  sur  le  sommet  de  la 
montagne,  soudain  un  vent  contraire  s'élève ,  agite  la  profondeur  de 
la  mer,  et  met  les  disciples  en  danger ,  et  ils  sont  menacés  du  nau- 
frage jusqu'au  moment  où  Jésus  arrive. 

S.  Chrys.  {hom.  51.)  Pendant  toute  la  nuit  il  les  laisse  ballotéspar 
les  flots,  il  veut,  par  là,  relever  leur  àmc  abattue  par  la  crainte,  leur 
inspirer  un  vif  désir  de  sa  personne  qui  le  rende  continuellement 
présent  à  leur  souvenir.  C'est  pour  cela  qu'il  ne  vient  pas  immédia- 
tement à  leur  secours;  car  l'Evangéliste  ajoute  t  «  Or,  à  la  quatrième 
veille  de  la  nuit.  »  —  S.  Jér.  Les  heures  de  la  nuit  sont  divisées  en  trois 
parties  d'après  les  veilles  oxi  l'on  relevait  les  postes  militaires  établis 
pour  la  nuit,  et  en  rapportant  que  le  Seigneur  ne  vint  à  eux  qu'à  la 
quatrième  veille,  c'est  nous  indiquer  qu'ils  furent  en  danger  toute  la 
nuit.  — S.  Chrys.  (hom.  51.)  Il  leur  apprend  ainsi  à  ne  pas  chercher 
avec  trop  d'empressement  à  échapper  aux  maux  qui  les  menacent,  mais 
à  supporter  avec  courage  les  épreuves  qui  leur  arrivaient.  Or,  c'est  jus- 
tement au  moment  où  ils  espéraient  être  délivrés ,  que  leur  crainte 
est  à  son  comble.  «  Et  lorsqu'ils  le  virent  marcher  sur  les  flots ,  ils 
furent  troublés,  »  etc.  Telle  est  la  conduite  du  Seigneur  lorsqu'il  est 


Hier.  Recte  autem  quasi  inviti  et  de- 
trectautes  apostoli  a  Domino  recesseranl, 
ne  illo  absente,  naufragia  sustinerent. 
Sequitur  enim  :  «  Vespere  autem  facto, 
navicula  jactabatur.  »  etc.  Chrts.  (m 
hom.  5!  ut  snp.)  Rursus  autem  discipuli 
terapestatem  sustiueut  sicut  cl  prius  ;  sed 
Kinc  quidem  habeutc:;  eum  in  navigio 
hoc  passi  sunt,  nunc  autem  soli  exis- 
Icutes  :  paulatim  enim  ad  majora  eo»  du- 
cit,  et  ad  ferendura  omuia  viriliter  ins- 
truit. Hier.  Domino  quidem  in  moutis 
cacumiue  commoranto.  statim  ventus 
contrarius  oritur.  et  turbat  mare  et  peri- 
ditantur  apostoli  :  et  tandiu  iraniiuens 
naufragium  persévérât,  quamdiu  Jésus 
veniat. 


Chrys.  [ut  snp.)  Tota  autem  nocle 
dimittit  eos  lluctuari  ;  erigens  eorum  cor 
post  timorcm,  in  majus  sui  desiderium 
immittens  eos,  et  in  memoriam  conti- 
nuam  :  propter  hoc  non  coufestim  eis 
astitit  :  unde  sequitur  :  «  Quarta  autem 
rigilianoctis.  »  etc.  Hier.  Stationes  enim 
et  vigiliœ  militares  in  terna  horarum  spa- 
tia  dividuntur  :  quando  ergo  dicit  quarta 
vigilia  noctis  venisse  ad  eos  Dominum, 
ostendit  tota  nocte  pericUtatos.  Chrys. 
(ut  sitp.)  Erudiens  eos  non  cito  solutio- 
nem  inquirere  adveuientium  œalorum, 
sed  ferre  viriliter  ea  quae  continguat  : 
quando  autem  putaverunt  erui.  tune  in- 
teusus  est  timor  :  unde  sequitur  :  «  Et 
videntes  eum  turbati  sunt,  »  etc.  Sem- 


330 


l'XPLICATION   DR   L  EVANGILE 


sur  1(3  point  de  mettre  fin  à  une  épreuve.  C'est  alors  qu'il  fait  naître 
de  nouveaux  dangers,  et  inspire  de  plus  grandes  appréhensions;  car 
1<;  temps  de  l'épreuve  ne  devant  pas  être  bien  long ,  lorsque  les  com- 
bats des  justes  touchent  à  leur  fin ,  il  augmente  leurs  dangers  pour 
augmenter  leurs  mérites;  c'est  ce  qu'il  fit  pour  Abraham_,  dont  la 
dernière  épreuve  fut  l'immolation  de  son  fils. 

S.  JÉR.  Ces  cris  confus,  ces  voix  sans  expression  sont  l'indice  d'une 
crainte  excessive.  Or,  s'il  est  vrai,  comme  le  prétendent  Marcion  et  les 
Manichéens,  que  le  Seigneur  ne  soit  pas  né  d'une  vierge,  et  qu'il  n'ait 
qu'une  apparence  fantastique ,  comment  les  Apôtres  craignent-ils  de 
voir  un  fantôme.  —  S.  Chrys.  {hom.  51.)  Ce  n'est  qu'après  qu'ils  ont 
jeté  ces  cris  que  le  Seigneur  se  révèle  à  ses  disciples  ;  car  plus  leur 
frayeur  avait  été  grande,  plus  aussi  leur  joie  fut  vive  eu  le  voyant  au 
milieu  d'eux.  Aussitôt  Jésus  leur  parla  et  leur  dit  :  a  Rassurez-vous, 
c'est  moi;  ne  craignez  pas.  »  Cette  parole  dissipe  leurs  craintes,  et 
ouvre  leur  âme  à  la  confiance.  —  S.  Jér.  Il  dit  :  «  C'est  moi,  »  et  il 
n'explique  pas  qui  il  est  ;  mais  comme  sa  voix  leur  était  connue,  ils 
pouvaient  le  reconnaître  malgré  la  profonde  obscurité  de  la  nuit.  Ou 
bien  encore,  ils  reconnurent  eu  lui  celui  qu'ils  savaient  avoir  ainsi 
parlé  à  Moïse  {Exod.  m)  :  «  Voilà  ce  que  vous  direz  aux  enfants 
d'Israël  :  Celui  qui  est  m'a  envoyé  vers  vous.  »  Partout  on  retrouve 
la  foi  vive  de  Pierre  ;  c'est  cette  foi  vive ,  qui  dans  cette  circonstance 
comme  dans  toutes  les  autres,  lui  fait  espérer,  alors  que  tous  les 
autres  gardent  le  silence,  qu'il  pourra  faire  par  la  puissance  du  Maître 
ce  qui  lui  était  naturellement  impossible.  «  Or ,  Pierre ,  prenant  la 
parole,  lui  dit  :  «  Seigneur .  si  c'est  vous  ,  commandez-moi  d'aller  à 


per  enim  hoc  Dominuâ  facit,  cvim  solu- 
tiirus  sil  niala  aliqua,  difficilia  et  terri- 
bilia  inducit  :  quia  enim  non  est  longo 
tempore'  tenlari,  cuni  fiiiieiuli  suut  atones 
justorimi,  voleiis  amplius  oos  lucrari,  aii- 
f^et  eoruui  certainiiia,  (piod  et  iu  Abra- 
ham fecit,  ultimuin  certainen  teiitationem 
lilii  poneiis. 

Hier.  Confusus  autem  clamor  et  in- 
cerla  vox,  magui  clamoris  indiciuni  est. 
Si  autem  juxta  Ahircionem  et  Maui 
chcBum,  Domiuus  nosler  uou  est  natus 
ex  Virfïine,  scd  visiis  in  phantas- 
mate,  quomodo  nunc  apostoli  timent  ne 
phantasmu  videaut.  Curys.  {ut  sxip.) 
Christus  ergo  non  prinsse  reveUivil  dis- 
cipuhs  donec  clamaverant  :  qnanto 
enim  musis  iutendebatiu-  limor.  tanto 
niafçis   hi-tati   sunt  in  fjus   prie>eiilia    : 


unde  sequitur  :  «  Statimque  Jésus  locu- 
tus  est  eis,  dicens  :  Habete  fiduciam; 
ego  sum,  noUte  timere;  »  hoc  autem 
verbum,  et  timorem  solvit,  et  fiduciam 
praîparavit.  HiEii.  Quod  autem  dicit  : 
«  Ego  sum,  »  uec  subjuugit  quis  sit  ; 
vel  ex  voce  sibi  notapoterautinteUigere 
eum  qui  per  obscurae  noctis  lenebras  lo- 
qucbatur;  vel  ipsum  esse  scire  pote- 
rant,  quem  locutuui  ad  Moyseu  nove- 
rant  {Exod.  3)  :  «  Hœc  dices  fihis  Is- 
raël :Qui  est,  rnisit  me  ad  vos.  »  In  om- 
nibus aiitem  locis  ardentissimoi  fidei  in- 
venitur  Petrus  :  eodem  igilur  tidei  ar- 
dore  quo  semper,  nunc  quoque  (tacen- 
tibus  cfpleris)  crédit  se  posse  facere  per 
voluntatem  Magistri.  quod  non  poterat 
per  naturam  :  unde  sequitur  :  «Respon- 
dc'iis  -udiMii  l't'lnis  di.xit  :  nomin<\  situ 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   XIV.  331 

VOUS,  »  etc.  Commandez-moi ,  et  soudain  les  flots  s'affermiront,  et 
mon  corps  pesant  par  sa  naturtï,  deviendra  léger.  — S.  Aug.  {serm.  13 
sur  les  par.  du  Seig.)  Je  ne  le  puis  de  moi-même ,  mais  par  votre 
puissance.  Pierre  reconnut  ainsi  ce  qu'il  avait  de  lui-même,  et  la  puis- 
sance supérieure  à  toute  faiblesse  humaine  que  le  Sauveur  pouvait  lui 
communiquer  et  dont  il  lui  donnait  l'assurance.  —  S.  Chrys.  {hom.  M .) 
Voyez  combien  grande  est  sa  ferveur,  combien  grande  est  sa  foi,  il  ne 
dit  pas  :  Demandez^  priez,  mais  :  «  Ordonnez.  »  Il  ne  s'est  pas  borné 
à  croire  que  le  Christ  pouvait  marcher  sur  les  flots,  mais  il  a  cru  qu'il 
pouvait  communiquer  cette  puissance  aux  autres,  et  il  désire  vive- 
ment aller  le  rejoindre,  non  point  par  ostentation,  mais  par  amour 
pour  son  divin  Maître.  En  effet ,  il  ne  dit  pas  :  Commandez  que  je 
marche  sur  les  eaux  ,  mais  :  «  Commandez  que  je  vienne  à  vous.  »  Il 
est  évident  qu'après  avoir  montré  par  le  premier  miracle  qu'il  vient 
d'opérer  que  la  mer  lui  est  soumise,  il  en  fait  maintenant  un  plus  grand 
et  plus  admirable  encore  :  «  Et  Jésus  lui  dit  :  Venez.  »  Et  Pierre, 
descendant  de  la  barque  ,  marchait  sur  l'eau  pour  aller  à  Jésus.  — 
Que  ceux  qui  prétendent  que  le  corps  du  Seigneur  n'est  pas  véritable, 
parce  qu'il  a  marché  comme  une  substance  aérienne  et  légère  sur  les 
eaux  qui  cèdent  si  facilement,  expliquent  comment  Pierre  a  pu  mar- 
cher sur  ces  mêmes  eaux,  bien  qu'ils  soient  obligés  de  reconnaître  en 
lui  un  homme  véritable.  —  Rab.  Théodore  a  soutenu  aussi  que  le 
corps  du  Seigneur  était  sans  pesanteur,  et  qu'il  avait  marché  sur  la 
mer  sans  peser  sur  elle  ;  mais  cette  opinion  est  contraire  à  la  foi  ca- 
tholique, car  saint  Denis  a  écrit  que  Notre-Seigneur  marchait  sur 
l'eau  sans  que  ses  pieds  fussent  mouillés ,  bien  qu'ils  fussent  pesants 
et  matériels  comme  tous  les  corps  (liv.  des  No?7is  divins,  chap.  1 .) 


es,  jubé  me  veaire  ad  te,  »  etc.  Tuprœ- 
cipe,  et  illico  solidabuntur  undœ  ;  et 
levé  fiet  corpus,  quod  per  se  grave  est. 
Aug.  [de  Verb.  Uom.  serm.  13.)  Nou 
enim  possum  hoc  in  me,  sed  ia  te. 
Agnovit  Petrus  quid  sibi  esset  a  se,  quid 
ab  illo  cujus  yoluntate  se  credidit  posse 
quod  nulla  humana  iufirmilas  posset. 
Chrys.  {utsup.)  Vide  autem  quantus  est 
fervor,  quanta  fides  ;  non  dixit  :  «  Ora, 
etdeprecare,  sed  jubé  :  »  non  enim  so- 
lum  credidit  quoniam  potest  Christus 
ambulare  super  mare,  sed  quoniam  po- 
test et  aliosiuducere  ;  et  concupiscit  vo- 
lociter  ad  eu  m  ire  :  hoc  enim  tam  mag- 
num quœsivit  propter  amorcm  solum, 
non  propter  ostentationem  :  nou  enim 
dixit  :  «  Jubé  me  ire  super  aquas,  sed, 
jubé  me  venire  ad    le.   »  Patet   autem 


quod  cum  in  miraculo  supraposito  os- 
tenderit  quod  dominatur  mari,  nunc  ad- 
mirabilius  signum  inducit  :  unde  sequi- 
tur  :  «  At  ille  ait  :  Veni.Et  descendens 
Petrus  ambulabat  super  aquam.  »  Hier. 
Qui  putaut  Domini  corpus  ideo  non  esse 
verum  quia  super  molles  aquas  quasi 
molle  et  aereum  incesserit,  respoudeant 
quomodo  ambulaverit  Petrus ,  quem 
utique  verum  hominem  non  negabunt. 
Raba.  Denique  Theodorus  scripsit  cor- 
porale  pondus  non  habuisse  Dominum 
secundum  carnem,  sed  absque  pondère 
super  mare  ambulasse  :  sed  coutrarium 
fides  catliolica  prœdicat  :  nam  Dionysius 
dicit  [lib.  de  Div.  Nom.  cap.  1)  quod 
non  infusis  (sive  non  madefactis)  pedibus 
corporale  pondus  habenlibus  et  mate- 
riale  onus,  deambulabat  super  undam. 


332  EXPLICATION  DE   L  ÉVANGILE 

S.  Chrys.  {hom.  51.)  Pierre,  qui  vient  de  triompher  de  la  plus 
grande  difficulté  en  marchant  sur  les  eaux  de  la  mer ,  se  laisse  trou- 
bler par  un  obstacle  beaucoup  moindre,  par  le  souffle  du  vent.  «  Mais, 
voyant  la  violence  du  vent,  »  etc.  Telle  est  la  nature  humaine,  elle 
déploie  souvent  un  courage  admirable  au  miheu  des  grandes  épreuves, 
et  elle  faiblit  dans  les  circonstances  ordinaires.  Cette  crainte  qu'é- 
prouve Pierre,  montre  la  dififérence  qui  séparait  le  maître  du  disciple, 
et  en  même  temps  elle  calmait  la  jalousie  des  autres  Apôtres.  Car  s'ils 
furent  contrariés  de  la  demande  faite  par  les  deux  frères  de  s'asseoir 
à  la  droite  du  Sauveur  {Matth.  xx),  ils  l'eussent  été  bien  davantage  de 
la  fermeté  avec  laquelle  saint  Pierre  eût  marché  sur  les  eaux.  Ils  n'é- 
taient pas  encore  remplis  de  l'Esprit  saint,  ce  n'est  que  plus  tard  que 
devenus  tout  spirituels ,  ils  accordent  en  toute  circonstance  la  pri- 
mauté à  Pierre  ,  et  lui  donnent  la  première  place  dans  toutes  leurs 
assemblées  (1).  —  S.  Jér.  Dieu  laisse  un  peu  d'action  à  la  tentation, 
pour  augmenter  la  foi  de  Pierre,  et  lui  faire  comprendre  que  ce  qui 
l'a  sauvé  du  danger  ,  ce  n'est  point  la  prière  qu'il  lui  adresse  si  faci- 
lement, mais  la  puissance  divine.  Sa  foi  était  vive,  mais  la  fragilité 
humaine  l'entraînait  dans  l'abîme. 

S.  AuG.  {serm.  13  sur  les  paroles  du  Seig.)  Pierre  mit  donc  sa  con- 
fiance dans  le  Seigneur,  et  le  Seigneur  lui  rendit  le  pouvoir  qu'il  lui 
avait  accordé,  il  chancela  par  suite  de  la  faiblesse  de  l'homme  ,  mais 
il  revint  aussitôt  au  Seigneur.  «  Et  lorsqu'il  commençait  à  enfoncer, 
il  s'écria,  »  etc.  Est-ce  que  le  Seigneur  laisserait  chanceler  celui  dont 
il  a  entendu  la  prière  ?  «  Et  aussitôt  Jésus  étendant  la  main,  »  etc. 

(1)  Il  ne  faut  pas  entendre  ces  paroles  dans  le  sens  que  Pierre  ne  tenait  cette  primauté  que 
de  la  simple  concession  des  Apôtres.  Elles  signifient  que  les  Apôtres  reconnaissaient  en  lui  cette 
primauté  qu'il  tenait  de  Jésus-Clirist  lui-même  et  qu'ils  s'y  soumettaient  volontiers,  comme  l'in- 
dique le  texte  grec  :  7rpw-£twv  irapaxiopoÙCTi  IléTpw. 


Chuys.  {ut  sup.)  Petrus  autem,  quod  1  euin  praernittunt.  Hier.  Paululuoi  etiam 
majus  est  superans  (scilicet  undas  ma-  reliuquilnr  tentation!,  ut  augeaturfides; 
ris)  a  minori  tiirbatur  (scilicet  a  venti  I  et  iutelligat  se,  non  facilitate  postula- 
impulsii),  unde  sequitur  :  «  Videns  au-  j  tionis,  sedpotentiaDominicouservatum: 
tem  ventum  validiim,  »  etc.  Talis  est  ardebat  euim  in  animo  ejus  fides,  sed 
enim  ualura  humana,  ut  uiultoties  in  1  humaua  fragilitas  in  profundum  tra- 
inagnis  rectesc  liahens,  in  ininoribus  re-  1  hebat. 
prehendatur  :  liic  autem  (juod  Petrus  ti-       AuG.  {de  Ver.  Dom.  serm.   13.)  PrîE- 


rauit,  ditîereutiam  demouslrabat  magis 
tri  et  discipuli,  sed  alios  discipulos  mili- 
gabat  :  si  enim  in  dunbns  fratribus  ses- 
suris  ad  dexteram  moleslati  sunt  {Mot f II. 
20),  raulto  magis  hic  moleslati  fuissent  : 
nondum  eniin  erant  Spiritu  pleni,  postea 
vero  spiriluales  pffncti  nhique  Pclropri- 


sumpsit  ergo  Petrus  de  Domino,  potuit 
de  Domino  ;  titubavit  ut  homo  sed  redi- 
vit  ad  Dominum  :  unde  sequitur  :  «  Et 
cum  cœpisset  mergi  clamavit,  »  etc. 
Nunquid  autem  Dominus  desereret  titu- 
bautem ,  quem  audierat  invocantem? 
Unde    S(>quitiir   :    «   Et  continuo   Jésus 


matum   concedunt,    et    in   com-ionibur:    extendens  manum,  »  etc 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP,    XIV.  333 

S,  Chrys.  {hom.  51.)  Jésus  ne  commande  pas  aux  vents  de  s'a- 
paiser, mais  il  étend  la  main  pour  le  soutenir,  parce  qu'il  fallait  que 
Pierre  fit  preuve  de  foi.  Lorsque  tous  nos  moyens  humains  font  dé- 
faut, c'est  alors  que  Dieu  fait  paraître  sa  puissance.  Et  pour  le  con- 
vaincre que  ce  n'est  pas  la  violence  du  vent ,  mais  son  peu  de  foi  qui 
l'a  mis  en  danger,  il  lui  dit  :  «  Homme  de  peu  de  foi ,  pourquoi  avez- 
vous  douté?  »  Preuve  que  le  vent  n'aurait  pu  rien  contre  lui,  si  sa  foi 
avait  été  plus  ferme.  Notre-Seigneur  Jésus- Christ  fait  ici  ce  que  fait 
la  mère  qui  voit  le  petit  oiseau  sortir  du  nid  avant  d'être  assez  fort,  et 
sur  le  point  de  tomber,  elle  le  prend  sur  ses  ailes ,  et  le  reporte  dans 
son  nid.  «  Et  lorsqu'il  fut  monté  dans  la  barque  ,  ceux  qui  étaient  là 
se  jetèrent  à  ses  pieds,  en  disant  :  Vous  êtes  vraiment  le  Fils  de  Dieu.  » 

—  Rab.  Paroles  qu'on  peut  entendre  des  matelots  ou  des  Apôtres.  — 

—  S.  Chrys.  (liom.  51.)  Voyez  comme  il  les  conduisait  tous  par  de- 
grés vers  ce  qui  est  plus  élevé.  Il  a  commandé  précédemment  à  la 
mort,  mais  sa  puissance  paraît  bien  plus  grande  lorsqu'il  marche  sur 
la  mer,  qu'il  commande  à  un  autre  d'en  faire  autant,  et  qu'il  le  sauve 
du  danger  qui  le  menace.  Aussi  s'empressent-ils  de  reconnaître  sa  di- 
vinité :  «  Vous  êtes  vraiment  le  Fils  de  Dieu,  »  ce  qu'ils  n'avaient  pas 
fait  auparavant.  —  S.  Jér.  En  voyant  Jésus  rendre  à  la  mer  par  un 
seul  signe  le  calme  qu'elle  ne  recouvre  ordinairement  qu'après  de  vio- 
lentes secousses,  les  matelots  et  les  passagers  le  proclament  le  vrai 
Fils  de  Dieu.  Pourquoi  donc  Arius  ose-t-il  enseigner  dans  l'Eglise  qu'il 
n'est  qu'une  créature? 

S.  AuG.  {serm.  \h:sur  les  par.  du  Seig.)  Dans  le  sens  mystique,  la 
montagne ,  c'est  l'élévation  ;  mais  qu'y  a-t-il  dans  l'univers  de  plus 
élevé  que  le  ciel?  Or,  notre  foi  connaît  celui  qui  monte  au  ciel.  Mais 


Chrys.  {;ut  sup.)  Ideo  autem  uou  in- 
juQxit  ventis  quiescere,  sed  extendens 
manum  apprehendit  eum,  quaniam  illius 
fide  opus  erat  :  cum  enim  quse  a  nobis 
sunt  defecerint,  tune  ea  quae  a  Deo  sunt, 
stanl.  Ut  idtur  monstraret  quia  non 
venti  immisnio,  sed  illius  modlL-a  credn- 
litas  periculum  uperatur,  subditur  :  Et 
ait  illi  :  «  Modicae  fidei,  quare  dubi- 
tasti  ?  »  In  quo  manifestât  quia  neque 
veutus  nocere  potuisset,  si  fides  firnia 
fuisset.  Sicut  autem  puUura  ante  tempus 
ex  nido  exeuntem  et  casurum  mater 
alis  portans,  rursus  ad  nidum  reducit, 
ita  et  Christus  fecit  :  unde  sequitur  : 
«  Et  cum  ascendisset  in  naviculam,  ado- 
raverunt  eum  dicentes  :  Vere  Filius  Dei 
es.  Rab.  Quod  quidem  de  nantis  inteili- 


gùndum  est,  sive  de  apostolis.  Curvs. 
{îit  sup.)  Vide  autem  qualiter  paulatim 
ad  id  quod  est  excelsius  universos  doce- 
bat  :  supra  enim  increpavit  mare  ;  nunc 
autem  magis  virtutem  suam  demonstral 
super  mare  ambulando,  et  alii  hoc  idem 
facere  jubeudo ,  et  periclitautem  sal- 
vando,  ideoque  dicebant  ei  :  «  Vere  Fi- 
lius Dei  es;  »  quod  supra  non  dixerunt. 
Hier.  Si  ergo  ad  unum  signum  tran- 
quillitate  maris  reddita  (quœ  post  ni- 
mias  procellas  interdum  et  casu  fieri  so- 
let),  nautae  atque  vectores  vere  Filium 
Dei  confitentur,  cur  Arius  ipsum  in 
Ecclesia  prœdicat  creaturam  ? 

AuG.  (de  Ver.  Do  m.  serm.  14.)  Mys- 
tice  autem  mons  altitude  est  :  quid  au- 
tem altius  cœlo   in  hoc  mundo  ?  Quis 


334 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


pourquoi  y  moute-t-il  seul?  Parce  que  personue  ne  monte  au  ciel  que 
celui  qui  est  descendu  du  ciel  {Jean,  m).  Lors  même  qu'à  la  fin  des 
temps  il  viendra  pour  nous  faire  monter  avec  lui  jusqu'au  ciel,  il  y 
montera  seul  encore,  car  la  tète  avec  le  corps  ne  forment  qu'un  seul 
Christ.  Maintenant  le  clief  seul  y  est  monté,  et  pour  prier,  parce  qu'il 
y  est  monté  afin  d'intercéder  pour  nous.  —  S.  Hil.  {ca7i.  14.)  Il  est 
seul  vers  le  soir,  figure  de  l'abandon  où  il  doit  être  au  temps  de  sa 
passion  lorsque  la  crainte  aura  dispersé  tous  ses  disciples.  —  S.  Jér. 
Il  monta  encore  seul  sur  la  montagne,  parce  que  la  foule  ne  peut  s'é- 
lever avec  lui  vers  les  choses  sublimes  ,  avant  qu'il  ne  l'ait  enseigné 
près  de  la  mer,  sur  le  rivage.  —  S,  Aug.  {ser?n.  \\  su?'  les  par.  du 
Seig.)  Cependant  dans  le  temps  où  le  Christ  prie  sur  la  montagne, 
la  barque  est  agitée  sur  la  mer  par  une  violente  tempête,  et  les  vagues 
qui  la  couvrent  peuvent  la  submerger.  Dans  celte  barque,  vous  devez 
voir  l'Eglise,  et  dans  cette  mer  agitée,  le  monde  présent. —  S.  Hil. 
[can.  14.)  Il  ordonne  à  ses  Apôtres  de  monter  dans  la  barque^  et  de 
traverser  le  détroit  pendant  qu'il  congédie  la  foule,  et,  après  l'avoir 
renvoyée,  il  monte  sur  la  montagne;  c'est-à-dire  au  sens  figuré,  ({u'il 
nous  commande  de  rester  dans  le  sein  de  l'Eglise  et  de  voguer  sur  la 
mer  du  monde  jusqu'au  temps  où  il  reviendra  dans  la  gloire  pour 
sauver  les  restes  d'Israël  et  leur  pardonner  leurs  péchés.  Après  avoir 
renvoyé  le  peuple  d'Israël ,  ou  plutôt  après  l'avoir  admis  dans  le 
royaume  céleste,  il  s'assiéra  dans  sa  gloire  et  dans  sa  majesté  en  ren- 
dant à  Dieu  le  Père  d'éternelles  actions  de  grâces.  Mais  en  attendant, 
les  disciples  sont  le  jouet  des  vents  et  de  la  mer,  et  livrés  à  ces  agita- 
tions du  monde  que  soulève  contre  eux  l'esprit  du  mal.  —  S.  Aug. 
{serm.  14  sur  les  par.  du  Seig.)  Lorsqu'un  homme  qui  joint  à  une 


vero  in  cœluiii  asccudit,  uovil  fides 
nostra  :  cur  autem  solus  ?  Quia  nemo  as- 
cendit  in  cœlum  uisi  qui  descendit. 
[Joan.  3.)  Quamvis  et  cum  in  iîne  vene- 
rit,  et  nos  jn  cœlum  levaverit,  etiaiu 
tune  solus  asceudet,  quia  caput  cum 
corpore  suo  uuus  est  Cliristus  :  nunc 
autem  solum  caput  asceudit  :  ascendit 
autem  orare,  quia  ascendit  ad  Patrem 
pro  nobis  intnrpellare.  IIilar.  [Can.  14 
ut  s%ip.)  Vel  quod  vespore  solus  est,  so- 
litudinem  suam  in  temporo  passionis  os- 
tendit,  caUnris  Irepidalioue  dilapsis. 
Hier.  Ascendit  etiam  in  niontem  solus, 
quia  lurba  ad  sublimiaseipii  nnn]iotest, 
uisi  dùcuerit  eani  juxla  mare  in  litlore. 
Adg.  [de  Ver.  JJom.  serni.  li.)  Voriiui- 
tamen  dum  Christus  orat  in  execlso, 
uavicula    lurbatur  mat^uis   fluclibus    in 


profundo ,  et  quia  insurgunt  Uuctus, 
potest  mergi.  Naviculam  quippe  istam, 
Ecclesiam  cogitare,  turbulentum  mare, 
hoc  seculum.  Hilar.  [Can.  14  ut  sup.) 
Quod  autem  conscendere  discipuios  ju- 
bet  et  ire  trans  fretum,  dum  turbas  ipse 
dimiLlit,  et  dimissis  turbis  asceudit  in 
montem  orare  ;  esse  intra  Ecclesiam  ju- 
bet,  et  per  seculum  ferri  usqne  in  id 
tempus  quo  revertens  in  claritatis  ad- 
venlu  populo  omni  qui  ex  Israël  erit  re- 
liquus,  salutem  reddat,  ejusque  peccata 
dimittat;  dimissoque  eo  (vel  in  cœlesle 
regnuni  potins  admisso),  agens  Deo  Pa- 
tri  gratias  in  gloria  ejus  et  majestate 
consistât.  Sed  inter  ha'c  discipuji  veuto 
ac  mari  deforunlur,  et  totius  seculi  mo- 
tibus  (immundo  spiritu  adversante)  jac- 
taulur.  Aug.  [de  Ver.  Loin.  serm.  14  ut 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAI».    XIV.  335 

volonté  impie  une  grande  puissance ,  cherche  à  persécuter  l'Eglise, 
c'est  la  mer  en  furie  qui  se  soulève  contre  la  barque  du  Christ.  — 
Rab.  Aussi  est-ce  avec  raison  que  l'Evangéliste  nous  représente  la 
barque  au  milieu  de  la  mer ,  taudis  que  Jésus  est  seul  sur  la  terre  , 
car  souvent  l'Eglise  gémit  sous  le  poids  de  telles  afflictions ,  que  le 
Seigneur  parait  l'avoir  abandonnée  pour  un  moment. 

S.  AuG.  {serm.  14  sur  les  paroles  du  Seigneur.)  Le  Seigneur  vint 
trouver  ses  disciples  battus  par  les  flots,  à  la  quatrième  veille  (1*), 
c'est-à-dire  vers  la  fin  de  la  nuit,  car  la  veille  est  de  trois  heures  et  la 
nuit  est  divisée  en  quatre  veilles. —  S.  Hil.  La  première  veille  fut 
celle  de  la  loi;  la  seconde,  celle  des  prophètes;  la  troisième,  celle  de 
l'avènement  corporel  du  Sauveur  ;  la  quatrième  sera  celle  de  son 
retour  dans  la  gloire.  —  S.  Aug.  [serm.  14  sur  les  paroles  du  Sei- 
gneur.) Il  vient  à  la  quatrième  veille  de  la  nuit,  lorsque  la  nuit  touche 
à  sa  fin,  et  c'est  aussi  à  la  fin  du  monde,  lorsque  la  nuit  de  l'ini- 
quité aura  disparu ,  qu'il  viendra  juger  les  vivants  et  les  morts.  Il 
vient  les  trouver  d'une  manière  merveilleuse  ;  les.  flots  se  soulevaient, 
mais  il  les  foulait  aux  pieds  ;  ainsi ,  quel  que  soit  le  soulèvement  des 
puissances  de  ce  monde,  leur  tète  orgueilleuse  se  trouve  foulée  aux 
pieds  de  celui  qui  est  notre  tète.  —  S.  Hil.  {can.  14.)  Lorsque  le  Christ 
reviendra  à  la  fin  des  temps ,  il  trouvera  l'Eglise  fatiguée  et  comme 
assiégée  de  tous  côtés,  et  par  l'esprit  de  l'Antéchrist,  et  par  les  agita- 
tions du  monde  entier.  Et  comme  les  fourberies  de  l'Antéchrist  inspi- 
reront aux  fidèles  une  juste  défiance  contre  toute  nouveauté  ,  ils 
seront  effrayés  même  de  l'avènement  du  Seigneur,  craignant  d'être 

(1*)  Ce  mot  est  emprunté  au  langage  militaire.  On  relevait  les  sentinelles  quatre  fois  la  nuit.  La 
quatrième  veille  s'étendait  de  trois  heures  à  si^f  heures  du  matin. 


sup.)  Quando  enioi  aliquis  impiœvolun- 
tatis,  maxiinfe  potestatis,  persecutionem 
inducit  Ecclesiœ,  super  iiaviculamChristi 
grandis  unda  cousurg;it.  Rab.  Unde  bene 
dicitur  quia  navis  in  medio  mari,  el  ipse 
solus  in  terra,  quia  nounuuquam  Ec- 
clesia  tantis  pressuris  est  aftlicta ,  ut 
eam  Domiuus  deseruisse  videretur  ad 
tempus. 

Alg.  [de  Ver.  Dom.  sèrm  14  ut  sup.) 
Venit  autem  Dominus  ad  visitandos  dis- 
cipulossuosqui  turbanturin  mari,quarla 
vigilia  noctis,  id  est,  exlrema  parte 
noclis  :  vigilia  cniuj  uua  très  boras  ha- 
bet,  ac  per  boc  nox  quatuor  vigilias  ba- 
bet.  HiLAR.  Prima  igitur  vigiUa  fuit  ie- 
gis  ;  secuuda,  propbetarum  ;  tertia,  cor- 


poralis  adventus  ;  quarta,  in  reditu  cla- 
ritatis.  Aug.  (de  ]'er.  Dom.  serm.  14  ut 
sup.)  Quartaigitur  vigilia  uoetis  (hoc  est 
pêne  jam  nocte  tînita),  sic,  veniet  in  fine 
seculi  (iniquitatis  nocte  transacla),  ad 
judicaudum  vivos  et  mortuos.  Venit  au- 
tem mirabiliter  :  surgebant  enim  lluc- 
tus,  sed  calcabantur  :  quantumlibet  euiui 
polestates  seculi  consurgant,  premit 
earum  caput ,  nostrum  caput.  Hilar. 
[Can.  14  ut  sup.)  Veuieus  autem  Cbris- 
tus  in  fine  inveniet  Ecclesiam  fessam ,  et 
Autichristi  spiritu,  et  totius  seculi  moti- 
bus  circumactum.  Et  quia  de  Anticbristi 
consuetudine  ad  omnem  tentationum 
novitatem  solliciti  erunt,  etiam  ad  Do- 
mini  adventum  expavesceut,  falsas  re- 


336 


EXPLICATION    DE  l'ÉVANGILE 


le  jouet  de  fausses  représontations  ot  de  fantômes  destinas  à  tromper 
les  yeux.  Mais  le  bon  Maître  dissipera  toutes  leurs  craintes  en  leur 
disant  :  «  C'est  moi ,  »  et  par  la  foi  qu'ils  auront  en  son  avènement , 
il  les  délivrera  du  naufrage  qui  les  menace.  —  S.  AuG.  {Quest. 
évang.,  liv.  i,  quest.  14.)  Ou  bien  les  disciples,  en  croyant  que  c'est 
un  fantôme ,  sont  la  figure  de  ceux  qui  se  sont  laissé  vaincre  par  le 
démon  et  qui  douteront  de  l'avènement  du  Cbrist.  Pierre ,  au  con- 
traire, qui  implore  le  secours  du  Seigneur  pour  ne  pas  être  submergé, 
représente  l'Eglise  qui ,  après  la  dernière  persécution,  aura  encore 
besoin  d'être  purifiée  par  quelques  tribulations,  vérité  qu'exprime 
l'apôtre  saint  Paul ,  lorsqu'il  dit  :  a  II  ne  laissera  pas  d'être  sauvé , 
mais  comme  par  le  feu.  »  (I  Corinth.,  m.)  —  S.  Hil.  Ou  bien  encore 
Pierre  qui,  de  tous  ceux  qui  sont  dans  la  barque,  est  le  seul  pour 
oser  adresser  la  parole  au  Seigneur  et  lui  demander  l'ordre  d'aller  à 
lui  sur  les  eaux,  semble  prédire  les  dispositions  de  son  âme  au  temps 
de  la  passion ,  alors  que  s'attachant  aux  pas  du  Sauveur ,  il  voulut  le 
suivre  jusqu'à  la  morfr.  Mais  la  crainte  qui  s'empare  de  lui  annonce 
aussi  la  faiblesse  qu'il  a  montrée  dans  cette  épreuve,  lors(iue  la  crainte 
de  la  mort  le  porta  jusqu'à  renier  son  divin  Maître.  Le  cri  qu'il  jette 
exprime  les  gémissements  de  sa  pénitence.  —  Rab.  Le  Seigneur  jeta 
sur  lui  un  regard  et  le  convertit  ;  il  étendit  la  main  et  lui  accorda  le 
pardon  de  sa  faute;  et  c'est  ainsi  que  ce  disciple  trouva  le  salut  qui 
ne  dépend  ni  de  celui  qui  veut ,  ni  de  celui  qui  court ,  mais  de  Dieu 
qui  fait  miséricorde.  —  S.  Hil.  Jésus  n'accorda  pas  à  Pierre  le  pou- 
voir de  venir  jusqu'à  lui  ;  il  se  contenta  de  le  soutenir  en  lui  ten- 
dant la  main ,  et  en  voici  la  raison  :  c'est  que  lui  seul  devait  soutfrir 
pour  tous  les  hommes  et  pouvait  les  délivrer  de  leurs  péchés ,  et  il  ne 


rum  imagines  (el  subrepeutia  oculis  tig- 
menta)  metueules  :  sed  bonus  Dominas 
timorem  depellet,  dicens  :  «  Ego  sum  ;  » 
et  adventus  sui  fide  metum  naufragii 
imminentis  repellet.  AuG.  {de  QitœsL 
Evang.  lib.  1,  qua'st  14.)  Vel  quod  di- 
xerunt  discipuli  phantasma  esse,  signifi- 
cat  quia  quidam  qui  cesserint  diabolo, 
de  Chrisli  adventu  dubilabunt.  Quod  au- 
tem  Petrus  implorât  auxilium  a  Domino 
ne  mergatur,  signilicat  quibusdam  Iribu- 
lalionibus  etiaui  post  ultimam  persecu- 
lionem  purgandam  esse  et  Kcc:lesiam  : 
quod  elPaulus signât,  dicens  (i  Corintli. 
3)  :  «  Salvus  erit,  sic  tamen  quasi  per 
ignem.  »  Hilau.  {ut  svp.)  Vel  (juod  Pe- 
trus ex  omni  consisteulium  in  navi  nu- 
méro respondere  audet,  et  juberi  sibi  ut 
supra  aquEis  ad  Uomiuum  venial  jireca- 


tur  passionis  tempure  voluntalis  su*  dé- 
signât affectum,  dum  vestigiis  Domini 
inbaerens  ad  contemnendam  mortem 
comitatus  est  :  sed  infirmitatem  futur* 
tentalionis  timiditas  ejus  ostendit  :  per 
metum  euim  mortis  usque  ad  negandi 
uecessitatem  coactus  est  :  clamor  autem 
ejus  pœuiteulia;  ipsius  gemitus  est.  Rab. 
Respexit  Dominus,  et  ad  pœuiteutiam 
convertit  ;  mauum  extendit,  et  iudul- 
gentiam  tribuit,  et  sic  discipulus  sahi- 
tem  invenit ,  quia  non  est  volentis 
ueipie  currentis,  sed  miserentis  Dei. 
HiLAR.  Quod  autem  trépidante  Petro 
virtuteni  perveniendi  ad  se  Domiuus 
non  induisit,  sed  manu  appreheusum 
sustinuit,  iia^c  est  ratio  :  solus  enim  pas- 
surus  pro  omnibus  omnium  peccata  sol- 
vebal  ;   nec  socium    admittit   quicquid 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.   XÏV.  337 

veut  partager  avec  personne  l'œuvre  du  salut  qu'il  accomplit  seul 
pour  l'universalité  du  genre  humain.  —  S.  Au(i.  {serm.  43  e^  14  sur 
les  paroles  du  Seigneur.)  Dans  ce  seul  apôtre  (c'est-à-dire  dans 
Pierre,  le  premier,  le  chef  du  collège  apostolique  et  qui  figure  l'E- 
glise), nous  sont  représentées  les  deux  classes  d'hommes  :  les  forts, 
lorsqu'il  marche  sur  les  eaux  ;  les  faibles,  lorsque  le  doute  s'empare  de 
son  âme.  La  tempête,  c'est  la  passion  qui  domine  chacun  de  nous. 
Vous  aimez  Dieu?  Vous  marchez  sur  la  mer  et  vous  foulez  aux  pieds 
la  crainte  du  monde.  Vous  aimez  le  monde?  Il  vous  submerge.  Mais 
lorsque  votre  cœur  est  agité  par  les  flots  des  passions ,  si  vous  voulez 
en  triompher,  invoquez  la  divinité  du  Sauveur. 

Rémi.  Le  Seigneur  viendra  certainement  à  votre  secours ,  lorsqu'a- 
près  avoir  apaisé  les  flots  des  tentations,  il  vous  donnera  l'espoir  d'é- 
chapper au  danger  par  la  protection  dont  il  vous  couvre  ;  c'est  ce 
qu'il  fera  aux  approches  de  l'aurore,  car,  lorsque  la  fragihté  hu- 
maine ,  comme  assiégée  par  les  épreuves ,  considère  son  peu  de  force, 
elle  ne  voit  que  ténèbres  autour  d'elle,  mais  si  alors  elle  élève  sa  pen- 
sée vers  le  secours  qui  vient  d'en  haut ,  elle  aperçoit  aussitôt  le  lever 
du  jour  qui  éclaire  toute  la  veille  du  matin.  —  Rab.  Il  n'est  point 
(tonnant  que  le  vent  cesse  au  moment  où  le  Seigneur  monte  dans  la 
barque ,  car  toutes  les  guerres  s'apaisent  bientôt  dans  tout  cœur  où  le 
Seigneur  est  présent  par  sa  grâce.  —  S.  Hil.  {can.  14.)  Le  calme  que 
Jésus  rend  aux  vents  et  à  la  mer  est  une  figure  de  cette  paix  et  de 
cette  tranquillité  éternelles  qu'il  doit  rendre  à  l'Eglise  en  revenant 
dans  sa  gloire.  Et  comme. cet  avènement  sera  beaucoup  plus  éclatant 
que  le  premier ,  tous  s'écrient  pleins  d'admiration  :  «  Vous  êtes  vrai- 
ment le  Fils  de  Dieu ,  »  car  tous  proclameront  alors  d'une  manière 


universitati  praeslatur  ab  uno.  AuG.  {de 
Ver.Dom.  serm.  13  et  14.)  Inunoetiam 
aposlolo  (id  est,  Petro  in  ordine  aposto- 
lorum  primo  et  prœcipuo  in  quo  figura- 
batur  Ëcdesia),  utrumijue  genus  signi- 
licandum  fuit,  id  est,  flrmi  in  hoc  quod 
super  aquas  ambulavit,  et  infirmi  in  hoc 
quod  dubilavit  :  nam  et  uuicuique  sua 
cupiditas  tempestas  est.  Amas  Deimi  ? 
ambulas  supra  mare  ;  sub  pedibus  tuis 
est  seculitimor.  Amasseculum?absorbet 
te  :  sed  cum  fluctuât  cupiditate  cor  tuum, 
ut  vincas  cupiditatem,  iuvoca  Christi  di- 
vin! tatem. 

Remig.  Aderit  autem  Domiuus  si  sopitis 
leulationum  periculis  protectionis  sua; 
fiduciam  tribuat;  et  hoc  diluculo  appro- 
pinquaute  :  cum  euim  humanu  Iragilitas 

TOM.    H. 


pressuris  obsita,  suarum  virium  parvi- 
tatem  considérât,  erga  se  tenebras  cer- 
nit  ;  cum  autem  mentem  ad  supernum 
praesidium  erexerit,  repente  exortum 
luciferi  conspicit,  qui  totam  vigiliam 
matutinam  iUuminat.  Rab.  Nec  mirau- 
dum  si  ascendenteinnaviculam  Domino, 
ventus  cessavit  :  in  quocunque  enim 
corde  Domiuus  per  gratiam  adest,  mox 
universa  bella  quiescunt.  Hilar.  [Can. 
14  ut  sup.)  Ascensu  etiam  Christi  in  ua- 
vim  ventum  et  mare  esse  sedatum,  post 
clarilatis  suae  reditum  œterua  Ecclesiae 
pax  et  tranquillitas  iudicatur  :  et  quia 
tune  manifestius  adveniet ,  recte  admi- 
rantes universi  locuti  sunt  :  «  Vere  Fi- 
lius  Uei  es  :  »  confessio  enim  universo- 
rum  tune  et  absoluta  et  publiée  erit,  Dei 


338 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILK 


absolue  et  publique  que  le  Fils  de  iJieu  desceudu  sur  la  terre  non  plus 
dans  l'humilité  de  la  chair ,  mais  au  milieu  de  la  gloire  dont  il  est 
environné  dans  les  cieux ,  a  rendu  la  paix  à  son  Eglise.  —  S.  Ava. 
{Qiiest.  évang.,  ii,  \A.)  Nous  voyons  encore  ici  une  figure  de  la  mani- 
festation éclatante  qu'il  fera  de  lui-même  à  ceux  qui  marchent  ici- 
bas  dans  la  foi  et  qui  le  verront  alors  tel  qu'il  est. 

f.  34-36.  —  Et  ayant  passé  l'eau,  ils  vinrent  en  la  terre  de  Génésar.  Et  les 
habitants  de  ce  lieu  l'ayant  connu,  ils  envoyèrent  dans  tout  le  pays  et  lui  pré- 
sentèrent tous  les  malades,  le  priant  qu'il  leur  permît  seulement  de  toucher  la 
frange  de  son  vêtement,  et  tous  ceux  qui  la  touchèrent  furent  guéris. 

Remi.  L'Evangéliste  nous  a  fait  connaître  précédemment  l'ordre 
donné  par  le  Seigneur  à  ses  disciples  de  monter  dans  la  barque  et  de 
le  devancer  au  delà  du  détroit.  11  continue  son  récit  et  nous  apprend 
où  ils  abordèrent  après  cette  traversée  :  «  Et  ayant  traversé  le  lac ,  ils 
vinrent  dans  la  terre  de  Génézareth. 

Rab.  La  terre  de  Genezar,  qui  s'étend  sur  les  bords  du  lac  de  Géné- 
zareth ,  tire  son  nom  de  la  nature  même  du  lieu.  Ce  nom  vient  d'un 
mot  grec  qui  signifie  s'engenclrant  à  elle-même  le  vent,  parce  que  la 
surface  du  lac,  toujours  ridée,  produit  une  brise  continuelle  (1). 

S.  Chrys.  L'Evangéliste  nous  apprend  que  ce  fut  après  une  longue 
absence  que  Jésus  vint  dans  ce  pays ,  en  ajoutant  :  «  Et  lorsqu'ils  le 
connurent,  »  etc.  Ils  apprirent  son  arrivée  par  la  renommée  et  non 
en  le  voyant  de  leurs  yeux,  quoique  certainement  par  suite  des  grands 
miracles  qu'il  opérait  dans  ces  contrées,  un  grand  nombre  de  per- 

(t)  Genesar  est  un  mot  hébreu  qui  signifie,  d'après  saint  Jérôme  et  Bède,  \e  principe  ou  le  com- 
mencement de  la  naissance,  et  ce  n'est  que  par  une  interprétation  forcée  qu'on  prétend  tirer  l'éty- 
mologie  de  ce  mot  de  yevéffiç,  génération,  et  de  àrip,  air. 


Filium  non  jam  ia  humilitate  corporea , 
sed  in  gloria  cœlesli ,  pacem  EcclesiLe 
reddidisse.  (Aug.  de  Quast.  Evang.  lib. 
n,  quœst.  14.)  Signiflcatur  enim  clarita- 
tem  ejus  tune  manifestam  futurara,  per 
speciem  jam  videntibus  qui  per  fidem 
au  ne  ambulaut. 

Et  cum  transfrclassenl,  venerunl  in  lerram  Gé- 
nézareth. Et  cum  cognovissent  eum  viri  loci 
ilKus,  miserunt  in  universam  rcgionem  itlam, 
et  obtulerunt  ei  omnes  maie  /labentes;  et  roya- 
Itant  eum  ut  vel  fimbriam  vestimenti  ejus  lan- 
gèrent. Et  quicumque  tetigerunt,  salvi  facti 
Sun  t. 

Remig.  Narraverat  superius  Evange- 
lista  Dominuni  jussisse  discipulos  suos 
acendere   lu   naviculaui  ,    ol   piœcederc 


eum  trans  fretum.  Nuuc  incœpta  iuteu- 
tioue  perrieverans  dicit  quo  iu  trausfre- 
tando  porveneriul,  diceus  :  «  Et  cum 
trausfrelassent,  venerunt  in  terram  Gé- 
nézareth. » 

Rab.  Terra  Genezar  (juxta  staguuui 
Genezareth)  a  loci  ipsius  uatura  uumeu 
traheus  qua  crisi)antiburi  aquis  de  seipso 
sitii  excitare  auram  perhibetur  :  grœco 
enim  vocabulo  <juasi  yeiierans  sibi  au- 
ra m  dicitur. 

CuRVS.  Moustrat  autem  Evangelista 
quod  post  multum  lempus  ad  partes 
illas  Chriitus  venerat  :  et  ideo  sequitur  : 
«  El  cum  cognovissent,  »  etc.  Hier.  Co- 
gnoverunt  autem  eum  rumore ,  non 
facie  :  vel  certe  pro  signorum  magnilu- 
dine  quai  perpelrabat  in  pujiulis,    vultu 


DE   SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    XIV.  339 

sonnes  le  connaissaient  de  vue.  Et  voyez  quelle  est  la  foi  de  ces  habi- 
tants de  la  terre  de  Gcnézareth  :  ils  ne  se  contentent  pas  de  la  guéri- 
son  de  ceux  qui  vivent  au  milieu  d'eux  ;  mais  ils  envoient  aux  villes 
d'alentour  pour  les  presser  d'accourir  toutes  au  souverain  médecin. — 
S.  GiiRYs.  Ils  ne  l'entraînent  plus  dans  leurs  maisons  comme  aupara- 
vant et  ne  lui  demandent  plus  d'imposer  les  mains ,  mais  ils  méritent 
ses  faveurs  par  une  foi  plus  grande  :  «  Et  ils  lui  présentèrent  tous  les 
malades ,  le  priant  qu'il  leur  permit  seulement  de  toucher  le  bord  de 
son  vêtement.  »  Cette  femme  qui  souffrait  d'une  perte  de  sang  leur 
avait   enseigné   cette   haute  sagesse,  qu'en  touchant  seulement  la 
frange  des  vêtements  du  Christ  ils  seraient  sauvés.  On  voit  d'après 
cela  que  l'absence  du  Sauveur  non-seulement  ne  leur  fit  point  perdre 
la  foi ,  mais  au  contraire  la  rendit  plus  vive ,  et  c'est  par  la  vertu  de 
cette  foi  qu'ils  furent  tous  sauvés  :  a  Et  tous  ceux  qui  le  touchaient 
étaient  guéris.  »  —  S.  Jér.  Si  nous  connaissions  la  signification  du 
mot  Génézareth  dans  notre  langue ,  nous  comprendrions  comment , 
sous  cette  figure  des  Apôtres  et  de  leur  barque,  Jésus  veut  nous  repré- 
senter l'Eglise  qu'il  fait  aborder  au  rivage  après  l'avoir  sauvée  du 
naufrage  et  qu'il  fait  reposer  dans  le  port,  à  l'abri  de  toute  agitation. 
—  Rab.  Genezar  signifie  le  principe  de  la  naissance;  or,  nous  joui- 
rons d'une  tranquillité  entière  et  parfaite  quand  Jésus-Christ  nous 
rendra  l'héritage  du  ciel  et  le  vêtement  de  joie  que  nous  avions  porté 
autrefois.  —  S.  Hil.  Ou  bien,  dans  un  autre  sens,  les  temps  de  la  loi 
étant  expirés  et  cinq  mille  hommes  d'Israël  entrés  dans  l'Eglise,  le 
peuple  des  croyants  sauvé  par  la  foi,  quoique  sorti  de  la  loi ,  présente 
au  Seigneur  ce  qui  lui  reste  d'infirmes  et  de  malades ,  qui  tous  dé- 


plurimis  notus  erat  :  Et  vide  quanta  fi- 
des  sit  hominum  terrîB  Genezareth  !  ut 
non  prfesentium  tantum  salute  contenti 
sint,  sed  mittant  ad  alias  per  circuitum 
civitates,  quo  omnes  curranl  ad  medi- 
cum.  Chrys.  {utsup.)  Neqixeenim  simi- 
liter  ut  prius.ad  domos  trahebant,  et  tac- 
tum  mauus  inquirebant,  sed  cum  majori 
fide  eum  aliiciebant  :  unde  sequitur  : 
«  Et  obtulerunt  ei  omnes  maie  habentes, 
et  rogabant  eum  ut  val  fimbriam  vesti- 
menti  tangerent.  »  Mulier  enim  quae 
fluxum  sanguinis  patiebatur,  universos 
hanc  sapientiam  edocuit,  ut  scilicet  tan- 
gendo  fimbriam  vestimenti  Cliristi  salva- 
rentur.  Patet  etiam  quod  tempus  quo 
Christus  absens  fuit,  non  solum  fidem 
eorum  non  dissolvit,  sed  et  majorem 
reddidit,  cujus    virtute    omnes  salvati 


sunt  :  et  ideo  sequitur  :  «  Et  quicunque 
tetigerunt,  salvi  facti  sunt.  »  Hier.  Si  au- 
tem  sciremus  quid  in  uostra  lingua  re- 
sonat  Genezareth,  intelligeremus  quo- 
modo  Jésus  per  typum  apostolorum  et 
navis  Ecclesiam  de  persecutionis  nau- 
fragioliberalam  transducat  ad  littus,'etin 
tranquillissimo  portu  faciat  requiescere. 
Rab.  Genezar  enim  interpretatur  ortus 
principium  :  tune  autem  plena  nobis 
tribuetur  tranquillitas,  quando  Paradisi 
per  Cbristum  nobis  restituetur  bœreditas, 
ac  primae  stola;  jucunditas.  Hilar.  {ut 
Slip.)  Vel  aliter  :  finitis  legis  temporibus, 
et  ex  Israël  quinque  millibus  virorum 
intra  Ecclesiam  collocatis,  jam  creden- 
tium  populis  occurrit,  jam  ipse  ex  lege 
per  fidem  salvus,  reliquos  ex  suis  infir- 
mes aegrotosque  offereus  Domino  ;  obla- 


340        EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE   DE   S.   MATTHIEU,   CHAP.   XIV. 

siient  toucher  les  frauges  de  ses  vêtements,  et  doivent  être  sauvés  par 
la  foi.  Mais  de  même  que  les  franges  pendent  du  vêtement  tout  en- 
tier, ainsi  la  vertu  de  l'Esprit  saint  sortait  de  Jésus-Glirist,  et  cette 
vertu  communiquée  aux  Apôtres,  comme  sortis  eux-mêmes  du  même 
corps,  guérit  tous  ceux  qui  désirent  s'en  approcher.  —  S.  Jér.  Ou 
bien  encore  ,  par  cette  frange  do  la  robe  ,  vous  pouvez  entendre  les 
plus  petits  commandements  ;  celui  qui  les  transgresse  sera  appelé  le 
plus  petit  dans  le  royaume  des  deux  ;  ou  bien  encore  le  corps  qu'il  a 
revêtu  pour  nous  faire  parvenir  jusqu'au  Verbe  de  Dieu.  —  S.  Chrys. 
Pour  nous,  non-seulement  nous  pouvons  toucher  le  vêtement  ou  la 
frange  de  Jésus-Christ,  mais  même  son  corps  qu'il  nous  donne  à 
manger.  Or,  si  ceux  qui  touchèrent  seulement  la  frange  de  son  vête- 
ment en  ressentirent  une  influence  si  salutaire,  que  n'éprouverons- 
nous  pas_,  nous  qui  le  recevons  tout  entier  ? 


tique  fimbrias  vestimentorum  contin- 
gere  optabant,  salvi  per  fideni  futuri  ;  sed 
ut  ex  veste  tota  fimlariae,  ita  ex  Domino 
nostro  Jesu  Cbristo  Sancti  Spiritus  vir- 
tus  exiit  :  quœ  apostolis  data  ipsis  quo- 
que  tanquam  ex  eodem  corpore  exeun- 
tibus,  saluteui  his  qui  continjïere  cu- 
piunt,  subuiinistrat.  Hier.  Vel  fimbriam 
vestivienti  ejus,  minimum  mandatum 
inteliige,  quod  qui  traiisgressus    l'ueril. 


miniraus  vocabitur  in  regno  cœlorum 
[Mattli.  5)j  vel  assumptionem  corporis, 
per  quam  veaimus  ad  verbum  Dei. 
Chrys.  [ut  stip.)  Nos  autem,  non  solum 
fimbriam  aut  vestimentum  Christi  ha- 
bemus,  sed  etiam  corpus  ejus  ut  come- 
damus  :  si  ergo  qui  fimbriam  veslimenti 
ejus  tetigeruut,  tantam  aeceperuut  vir- 
tutem,  multu  magis  qui  totum  ipsum 
sument. 


CHAPITRE  XV. 


SOMMAIRE    ANALYTIQUE. 


f'  1-6,  — Conduite  des  habitants  de  Génézareth  différente  de  celle  des  Scribes  et 
des  Pharisiens.  —  Pourquoi  l'Evangélistc  précise  ici  le  temps. —  D'où  viennent 
ces  Scribes  et  ces  Pharisiens?  — Ce  qui  les  rend  doublement  coupables.  —Leur 
surprenante  folie.  —  Quelles  étaient  ces  traditions  des  anciens ,  et  comment 
les  Pharisiens  les  entendaient?  —  Pourquoi  et  comment  les  disciples  de  Jésus 
ne  se  lavaient  pas  les  mains  avant  de  manger.  —  Comment  Jésus  répond  aux 
Scribes  et  aux  Pharisiens. —  Il  prend  le  rôle  d'accusateur.  —  Contradiction  de 
la  conduite  des  Scribes  et  des  Pharisiens.  —  Comment  doit-on  entendre  l'hon- 
neur qui  est  dû  aux  parents?  —  Châtiment  réservé  à  ceux  qui  leur  refusent 
cet  honneur.  —  Comment  les  Pharisiens  méritent- ils  doublement  ce  châti- 
ment? —  Comment  couvraient-il  leur  impiété  et  leur  dureté  sous  l'apparence 
de  la  religion  ?  —  Diverses  explications  de  ces  paroles  :  Ce  que  j'offre  de  mon 
bien  tournera  à  votre  profit. 

f.  7-11.  —  Le  Sauveur  établit  par  l'autorité  d'isaïe  que  des  Scribes  et  les  Pha- 
risiens n'avaient  pas  droit  d'accuser  ceux  qui  transgressaient  la  tradition  des 
anciens.  —  Comment  ils  méritent  le  reproche  d'hypocrisie.  —  Pourquoi  Notre- 
Seigneur  s'adresse  ensuite  au  peuple  ?  —  Comment  il  prépare  les  esprits  à  ce 
qu'il  va  leur  dire.  —  Dans  quel  sens  les  Juifs  entendaient  le  nom  de  commun 
ou  d'impur  et  à  quoi  l'appliquaient-ils  ?  —  L'Ancien  Testament  qui  défend 
certains  aliments,  est-il  en  opposition  avec  ce  que  le  Seigneur  dit  ici  et  avec 
l'apôtre  saint  Paul  ?  —  Distinction  entre  ce  que  les  choses  sont  de  leur  nature, 
et  ce  qu'elles  sont  sous  leur  rapport  figuratif. 

f.  12-14.  —  Scandale  des  Pharisiens  en  entendant  ces  paroles.  —  Ce  que  c'est 
que  le  scandale.  —  Notre-Seigneur  ne  cherche  pas  à  dissiper  ce  scandale,  et 
donne  un  nouveau  cours  à  ses  reproches.  —  Doit-on  entendre  de  la  loi  ces 
paroles  :  Toute  plainte  que  mon  Père,  etc.  ?  —  A  quoi  faut-il  les  appliquer?  — 
Comment  et  à  quelle  condition  les  plantations  faites  et  de  la  main  de  Dieu  ne 
peuvent  être  déracinées.  —  Raison  pour  laquelle  les  docteurs  de  la  loi  et 
leurs  vaines  observances  seront  déracinées.  —  Commandement  que  Jésus  fait 
de  les  laisser  et  de  les  abandonner. 

f.  15-20.  —  Erreur  et  ignorance  de  Pierre  en  entendant  ces  paroles.  —  Pour- 
quoi Notre-Seigneur  lui  fait  un  reproche  de  son  peu  d'intelligence.  —  Peut-on 
reprocher  à  Notre-Seigneur  d'avoir  ignoré  les  lois  physiques  de  la  digestion  ?  — 
Comment  Notre-Seigneur  se  conforme  aux  idées  imparfaites  des  Juifs. —  Deux 
sortes  de  bouche  :  celle  du  corps ,  celle  du  cœur.  —  La  faculté  principale  de 
l'âme  est-elle  dans  le  cerveau  ou  dans  le  cœur  ?  —  Le  cœur  source  et  prin- 
cipe des  mauvaises  pensées. 

f.  22-28.  —  Pourquoi  Jésus  se  rend  dans  le  pays  de  Tyr  et  de  Sydon.  —  A 
quel  moment  ouvre-t-il  aux  Gentils  la  porte  de  l'Evangile? —  Pourquoi  le  Sei- 
gneur qui  avait  défendu  à  ses  apôtres  d'aller  vers  les  nations  y  va  lui-même. 
—  Sagesse  dont  les  Chananéens  font  ici  preuve.  —  Grande  foi  de  la  Chana- 
néenne.  —  Comment  cherche-t-elle  à  toucher  le  cœur  du  Sauveur?  —  Com- 
ment Jésus  accueille  sa  prière.  —  Raisons  pour  lesquelles  il  diffère  d'exaucer 
cette  femme.  —  Motifs  qui  portent  les  apôtres  à  intercéder  pour  elle.  —  Com- 


342  EXPLICATION   PE   l'ÉVANGILE 

ment  concilier  la  contradiction  a])parente  qui  existe  ici  entre  le  récit  de  saint 
Matthieu  et  celui  de  saint  Marc. —  Sens  de  la  réponse  que  Jésus  fait  à  ses  apô- 
tres.—  Sainte  hardiesse  de  la  Chananéenne.  —  Sa  foi  en  la  divinité  de  Jésus- 
Christ.  —  Nouveau  refus  du  Sauveur.  —  Explication  de  ses  paroles.  —  Pru- 
dence de  cette  femme ,  sa  foi ,  sa  patience ,  son  humilité.  —  Motif  principal 
pour  lequel  le  Sauveur  tardait  à  l'exaucer.  —  Part  considérable  qui  revient  à 
cette  femme  dans  laguérison  de  sa  fille  au  témoignage  même  du  Sauveur.  — 
Différentes  leçons  que  nous  pouvons  tirer  de  cet  exemple.  —  Explication 
allégorique  des  difTérentes  circonstances  de  ce  faitévangélique. 

y.  29-31.  —  Tantôt  Notre-Seigneur  parcourt  le  pays  pour  guérir  les  malades, 
tantôt  il  les  attend.  —  Comment  ces  pauvres  infirmes  manifestent  leur  foi. — 
Promptitude  avec  laquelle  il  les  guérit.  —  Explication  allégorique  du  retour 
de  Notre-Seigneur  dans  la  Judée,  et  de  la  guérison  de  tous  ces  malades. 

•f.  32-38.  Pourquoi  Notre-Seigneur  appelle  près  de  lui  ses  disciples  avant  de 
faire  un  miracle  pour  nourrir  cette  multitude.  —  Jésus  prévient  la  demande 
de  ce  peuple.  —  Preuves  de  la  vérité  du  miracle.  —  Pourquoi  Jésus  en  diffère 
l'exécution.  —  Dispositions  encore  imparfaites  de  ses  disciples.^ —  Leur  amour 
pour  la  vérité  malgré  leurs  défauts.  —  Leur  sagesse  et  leur  sobriété.  —  Pour- 
quoi les  restes  furent- ils  ici  moins  considérables  que  dans  le  premier  miracle, 
alors  que  ceux  qui  furent  nourris  étaient  en  plus  petit  nombre  ?  —  Double 
opération  de  la  divinité  et  de  l'humanité  dans  Jésus-Christ  que  ce  miracle  fait 
ressortir.  —  Comment  la  vérité  des  deux  miracles  de  la  multiplication  des 
pains  se  trouve-t-elle  solidement  étabjie?  — Pourquoi  Notre-Seigneur  a-t-il 
commencé  par  guérir  les  infirmités  de  ce  peuple  avant  de  le  nourrir?  —  Ex- 
plication allégorique  des  différentes  circonstances  de  ce  miracle.  —  Que  repré- 
sente ce  peuple,  le  nombre  de  quatre  mille ,  les  trois  jours  qu'ils  passent  près 
du  Sauveur,  les  sept  pains,  les  quelques  poissons,  la  multitude  qui  s'asseoit  sur 
la  terre,  les  corbeilles,  etc. 

f .  39.  —  Leçon  que  Notre-Seigneur  donne  aux  prédicateurs  en  se  séparant  de 
la  foule  après  le  miracle  de  la  multiplication  des  pains. 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XV. 


343 


f.  1-6. — Alors  des  scribes  el  des  pharisiem  ,  qui  étaient  venus  de  Jérusalem, 
s'approchèrent  de  Jésus  et  lui  dirent  :  Pourquoi  vos  disciples  violent-ils  la 
tradition  des  anciens;  car  ils  ne  lavent  point  leurs  mains  lorsqu'ils  prennent 
leurs  repas?  Il  leur  répondit  :  Pourquoi  vous-mêmes  violez-vous  le  comman- 
dement de  Dieu  pour  suivre  votre  tradition  ?  Car  Dieu  a  fait  ce  comman- 
dement :  Honorez  votre  père  et  votre  mère  ;  et  cet  autre  :  Que  celui  qui  aura 
outragé  de  paroles  son  père  ou  sa  mère  soit  puni  de  mort.  Mais  vous  autres 
vous  dites  :  Quiconque  aura  dit  à  son  père  ou  à  sa  mère  :  Tout  don  que  j'offre 
de  mon  bien  tournera  à  votre  profit ,  quoiqu'après  cela  il  n'honore  point  son 
père  ou  sa  mère  ;  et  ainsi  vous  avez  rendu  inutile  le  commandement  de  Dieu 
par  votre  tradition. 

Rab.  Les  habitants  de  Génézareth  et  les  esprits  les  plus  simples 
croient  en  Jésus-Christ ,  tandis  que  ceux  qui  paraissent  sages  à  leurs 
propres  yeux  viennent  pour  lui  livrer  combat,  selon  ces  paroles  : 
Vous  avez  caché  ces  choses  aux  sages  et  aux  prudents ,  et  vous  les 
avez  révélées  aux  petits.  »  C'est  ce  que  l'Evangéliste  veut  exprimer 
lorsqu'il  dit:  «Alors  des  scribes  et  des  pharisiens,  qui  étaient  venus  de 
Jérusalem  s'approchèrent  de  Jésus.  » —  S.  Arc.  {De  l'accord  des 
Evang.,  ii,  49.)  Saint  Matthieu  a  disposé  l'ordre  de  son  récit  de  ma- 
nière que  ces  paroles  :  «  Alors  des  scribes  et  des  pharisiens  s'appro- 
chèrent, »  etc.,  servent  à  la  fois  de  transition  et  indiquent  la  suite 
chronologique  des  événements. 

S.  Chrys.  {hom.  52.)  L'Evangéliste  nous  marque  ici  le  temps  pour 
dévoiler  l'excès  de  leur  méchanceté  sans  égale  (1*),  car  ils  choisissent 
pour  l'attaquer  le  moment  où  il  vient  de  faire  une  multitude  de  mi- 
racles et  de  guérir  les  malades  par  le  seul  contact  de  la  frange  de  sa 

(1*)  L'expression  grecque  oùôsvi  EÏxoudav,  du  verbe  eïxw,  ressembler,  est  rendue  d'une 
manière  inexacte  par  l'expression  latine  nulli  cedentem. 


CAPUT    XV. 

Tune  accesserunt  ad  eum  ab  Hierosohjmis  scribœ 
et  pharisœi,  dicentes :  Quare  discipuli  lui trans- 
yrediuntur  traditionem  seniorum?  IVon  enim 
lavant  manus  suas  cum  panem  manducant. 
Ipse  autem  respondens,  ait  illis  :  Quare  et  vos 
transgredimini  mandatum  Dei  propter  tradi- 
tionem vestram  ?Nam  Deus  dixit  :  Honora  pa- 
trem  et  matrem  ;  et,  qui  maledixerit  patri  vel 
matri,  morte  moriatur  :  vos  autem  dicitis  : 
Quicumque  dixerit  patri  vel  matri  :  Mutins 
quodcumque  est  ex  me,  tibi  proderit;  et  non 
honorificabit  patrem  suum  aut  matrem  suam; 
et  irritum  fecistis  mandatum  Dei  propter  tra- 
ditionem vestram. 

Rab.  Homines  Genezareth,  et  minus 
docli  creduut  ;  sed  qui  sapientes  viden- 


tur,  ad  pugnam  veniunt;  juxta  illud 
[Matth.  11)  :  «  Abscondisti  haec  a  sapien- 
tibus  et  prudentibus,  et  revelasti  ea  par- 
vulis  :  »  unde  dicitur  :  «  Tune  accesse- 
runt,  »  etc.  Aug.  [de  Cous.  Evang. 
lib.  II,  cap.  49.)  Ita  autem  consent 
Evangelista  narrationis  suae  ordinem,  di- 
cens  :  «  Tune  accesserunt,  »  ut  quantum 
ipse  transitus  indicat,  rerum  etiam  con- 
sequentium  ordo  servetur. 

Chrys.  {in  homil.  52,  in  Matth.) 
Propter  hoc  autem  Evangelista  hic  tem- 
pus  désignât,  ut  osteudat  ineffabilem 
illorum  nequitiam  nulli  cedentem  :  tune 
enim  venerunt,  quando  plurima  signa 
operatus  est,  quando  infirmes  ex  tactu 
fimbriae  curaverat.  Quod  autem  ab  Hie- 


344 


RXPLICATION  DE   L  EVANGILE 


rohc.  Ces  scribes ,  ces  pharisiens  viennent  de  Jérusalem  ;  ce  n'est  pas 
qu'ils  ne  fussent  disscminfis  dans  toutes  les  tribus,  mais  ceux  qui 
habitaient  la  métropole  étaient  pires  (jue  les  autres  à  cause  des  grands 
honneurs  qui  leur  étaient  rendus  et  de  l'orgueil  excessif  qui  en  était 
la  suite. —  Rémi.  Ils  sont  doublement  coupables,  parce  qu'ils  venaient 
de  Jérusalem ,  la  ville  sainte ,  et  parce  qu'ils  étaient  les  anciens  du 
peuple  et  les  docteurs  de  la  loi  et  que  leur  intention  n'était  pas  de 
consulter  le  Sauveur ,  mais  de  trouver  à  le  reprendre  :  «  Et  ils  lui 
dirent:  Pourquoi  vos  disciples  violent-ils  la  tradition  des  anciens?»  — 
S.  Jér.  Etonnante  folie  des  pharisiens  et  des  scribes!  Ils  reprochent 
au  Fils  de  Dieu  de  ne  point  garder  les  traditions  et  les  préceptes  des 
hommes.  —  S.  Chrys.  {liom.  M.)  Voyez  comme  ils  sont  pris  dans 
leurs  propres  paroles  :  ils  ne  demandent  point  pourquoi  transgressent- 
ils  la  loi  de  Moïse,  mais  pourquoi  violent-ils  les  traditions  des 
anciens?  preuve  évidente  que  les  prêtres  introduisaient  un  grand 
nombre  de  nouveautés ,  malgré  cette  défense  de  Moïse  :  «  Vous  n'a- 
jouterez rien  aux  paroles  que  je  vous  dis  aujourd'hui  et  vous  n'en 
retrancherez  rien.  »  C'est  alors  qu'ils  devaient  s'affranchir  de  ces  pra- 
tiques, qu'ils  se  liaient  par  un  plus  grand  nombre  de  vaines  obser- 
vances ,  parce  qu'ils  craignaient  qu'on  ne  vînt  leur  enlever  l'autorité 
souveraine,  et  qu'ils  voulaient  se  rendre  redoutables  en  leur  qualité 
de  législateurs  (-2*). 

(1)  C'est  ainsi  que  nous  lisons  dans  les  Bibles  corrigées,  comme  on  lisait  autrefois  d'après  le 
texte  grec  Trapàooaiv,  la  tradition.  D'anciens  exemplaires,  et  entre  autres  celui  de  saint  Jérôme, 
portaient  les  traditions  ;  mais  pourquoi  les  traditions,  lorsqu'il  s'agit  d'une  tradition  en  particulier? 

(2*)  La  loi  donnée  par  Dieu  à  Moïse  prescrivait  un  grand  nombre  de  pratiques  extérieures,  au 
fond  pleines  de  sagesse,  eu  égard  aux  temps,  et  les  vrais  fils  d'Israël  les  observaient  avec  zèle  et 
ponctualité  :  Jésus  lui-même,  durant  sa  vie  mortelle ,  en  donna  l'exemple.  Mais  aux  ordonnances 
divines  les  Pharisiens  avaient  ajouté  des  traditions  purement  humaines ,  faisant  consister  la  piété 
dans  une  fidélité  superstitieuse  à  ces  inventions  de  leur  orgueil.  C'est  à  ce  joug  arbitraire  que  le 
Sauveur  avait  soustrait  ses  disciples  (D.  Guéranger). 

On  doit  bien  se  garder  aussi  de  comparer  les  traditions  et  les  additions  des  pharisiens  avec 


rosolymis  venisse  dicuntur  scribœ  et 
pliarissei,  sciendum  est  quod  per  omnes 
tribus  erant  disseininati  ;  sed  qui  in  me- 
tropoli  habitabant,  pejores  aliis  erant  ; 
velut  ampliori  l'ruentes  honore,  et  lua- 
jorem  superbiam  possideutes.  Remig. 
Duabus  aiitem  de  causis  reprelienduntur  ; 
et  quia  ab  Hierosolyniis  vénérant  (id 
est,  a  loeo  sancto  descenderant),  et  quia 
seniores  populi  et  legis  doctores  erant  ; 
et  non  ad  discendum,  seil  ad  reprelien- 
dendum  Doniinum  vénérant  :  suliditur 
enini  :  «  Dicentes  :  Qnare  discipuli  lui 
transgrediuntur  Iraditionem,  »  etc.  HiKU. 
Mira  pharisiEorum  scribarumque  slul- 
tilia  !   Dei  Filium  arguant  quare  Iradi- 


tiones  hominum  et  prœcepta  non  servet. 
CuRYS.  [ut  svp.)  Vide  autem  qualiter  et 
a  sua  interrogatione  capiuntur.  Non 
enim  dicunt  :  «  Quare  transgrediuntur 
legem  Moysi?  »  sed,  traditionem  senio- 
ruin  :  unde  manifestum  est  quod  luulta 
nova  inducebant  sacerdotes  ;  quamvis 
Moyses  dixerit  (De^/eron.  4)  :  «  Non 
adjicietis  ad  verbuiu  cpiod  ego  propono 
vobis  liûdie,  et  non  auferetis  ab  eo  »  et 
qiiando  oportcbat  eos  al)  observationiluis 
libcrari,  tniii-  anipliorihus  observatio- 
nibus  se  alligabant,  liiuenles  ne  aliquis 
oorum  principatum  aul'erret;  terribilio- 
res  esse  voleutes,  quasi  et  ipsi  essent 
lecislatores. 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    XV.  345 

Remi.  —  Quelles  étaient  ces  traditions?  Saint  Marc  nous  l'apprend  : 
a  Les  pharisiens  et  tous  les  Juifs  ne  mangent  point  qu'ils  ne  se  lavent 
fréquemment  les  mains.  »  {Marc,  vu.)  Voilà  pourquoi  ils  adressent 
ce  reproche  aux  disciples  de  Jésus  :  «  Ils  ne  lavent  pas  leurs  mains.  » 
—  BEDE  {sur  S.  Matth.)  Comme  ils  entendaient  les  paroles  des  pro- 
phètes dans  un  sens  charnel ,  ils  n'observaient  ce  précepte  que  Dieu 
donne  par  Isaïe  :  «  Lavez-vous  et  soyez  purs  »  qu'en  lavant  leurs 
corps ,  et  ils  avaient  donc  établi  qu'on  ne  pouvait  manger  qu'après 
s'èlre  lavé  les  mains.  —  S.  Jér.  On  doit  se  laver  les  mains,  c'est-à- 
dire  purifier  les  œuvres  non  du  corps ,  mais  de  l'âme ,  pour  qu'elles 
puissent  accomplir  la  parole  de  Dieu.  —  S.  Giirys.  {hom.  52.)  Les  dis- 
(dples  mangeaient  sans  s'être  lavé  les  mains,  parce  qu'ils  rejetaient 
les  observances  superflues  pour  ne  s'attacher  qu'au  nécessaire  ;  ils  ne 
se  croyaient  obligés  ni  à  se  laver ,  ni  à  ne  se  pas  laver  les  mains ,  et 
ils  pratiquaient  l'un  et  l'autre  suivant  les  occasions.  Car,  comment 
auraient-ils  pu  attacher  de  l'importance  à  une  semblable  tradition, 
eux  qui  n'avaient  même  aucun  souci  de  la  nourriture  qui  leur  était 
nécessaire?  —  Remi.  Ou  bien  ce  que  les  pharisiens  reprochent  aux 
disciples  du  Seigneur  n'est  pas  de  manquer  à  l'usage  reçu  de  se  laver 
les  mains  lorsqu'il  eu  est  besoin ,  mais  de  ne  pas  observer  ici  les  cou- 
tumes  inutiles,   introduites  par   les  traditions  des  anciens  (1.)  — 

les  traditions  de  l'Eglise  catholique  et  qui  sont  ou  divines  ou  apostoliques,  ou  ecclésiastiques ,  et 
avec  les  commandements  de  l'Eglise.  Les  traditions  pharisaïques  étaient  du  moins  en  partie  sans 
authenticité  et  des  inventions  purement  humaines  ;  les  traditions  de  l'Eglise  catholique  sont  des 
révélations  divines  quand  l'Eglise  les  a  déclarées  telles.  Elles  confirment  ce  qui  est  écrit  dans  les 
Livres  saints  ou  elles  complètent  ce  qui  n'y  est  qu'indiqué  ou  n'y  est  pas  écrit;  ou  bien  encore 
elles  cclaircissent  ce  qui  n'y  est  écrit  que  d'une  manière  obscure.  Les  préceptes  des  pharisiens, 
comme  le  leur  reproche  Notre-Seigneur,  étaient  le  plus  souvent  en  opposition  avec  les  comman- 
dements de  Dieu;  les  commandements  de  l'Eglise  non-seulement  procèdent  de  l'autorité  spiri- 
tuelle établie  par  Jésus-Christ  lui-même,  mais  ils  n'ont  qu'un  seul  but,  qui  est  de  procurer  plus 
sûrement  et  d'une  manière  plus  déterminée  et  plus  parfaite  l'accomplissement  des  commande- 
ments de  Dieu. 
(1)  Cette  pensée  se  trouve  développée  plus  au  long  dans  le  chap.  vu  de  saint  Marc. 


Remig.  Qubo  antem  fuerint  traditiones, 
manifestât  Marcus  cum  ait  [cap.  1)  : 
«  Pharisœi  et  omnes  Judœi  nisi  crebro 
lavent  manus  suas,  non  raanducant  pa- 
nem  :  »  unde  et  hic  discipulos  reprehen- 
dunt,  dicentes  :  «  Non  enim  lavant,  »  etc. 
Beda.  {super  Matth.)  Yerba  enim  pro- 
phetarum  carualiter  accipientes,  quod 
dictum  erat  {Isaiœ  1)  :  «  Lavamini,  et 
mundi  estote,  »  de  corpore  solum  la- 
vande servabaut  ;  et  ideo  statuerant  non 
nisi  lotis  manibus  manducandum  esse. 
Hier.  Manus  autem  (id  est,  opéra,  non 
corporis,  sed  animée)  lavandae  sunt,   ut 


fiât  in  illis  verbumDei.  Chrys.  {ittsvp.) 
Ideo  autem  discipuli  non  lotis  manibus 
mauducabant,  quia  jam  superilua  despi- 
ciebant,  ea  solum  quae  sunt  necessaria 
attendantes  ;  et  ueque  lavari  uec  non  la- 
vari  pro  lege  habeutes,  sed  ut  contingebat 
alterutrum  facieutes  :  qui  enim  et  ipsum 
necessarium  cibum  contemnebant,  qua- 
liter  circa  hoc,  studium  haberenf?  Re- 
mig. Vel  reprehendebaut  pharisaei  disci- 
pulos Domini,  non  de  ista  lavatione  quae 
consueto  more  congruis  et  uecessariis 
temporibus  agitur  ;  sed  de  illa  superflua 
quae  de  superstitiosa  traditione  seniorum 


3i6 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


S.  CnRYS.  {hom.  52.)  JésQS-Christ  n'excuse  pas  directement  ses  dis- 
ciples; mais,  prenant  le  rôle  d'accusateur,  il  fait  voir  aux  scribes  et 
aux  pharisiens  que  ce  n'est  pas  à  ceux  qui  se  rendent  coupables  de 
fautes  énormes  qu'il  appartient  de  reprendre  les  fautes  légères  que 
peuvent  commettre  les  autres.  «  Mais  il  leur  répondit  :  Pourquoi 
vous-mêmes  violez-vous  le  commandement  de  Dieu?  »  etc.  Il  ne  dit 
pas  que  ses  disciples  font  bien  pour  ne  pas  donner  aux  Juifs  occasion 
de  les  calomnier;  mais  il  ne  les  blâme  pas  non  plus,  pour  ne  point 
paraître  approuver  leurs  traditions.  Il  n'accuse  pas  non  plus  les  an- 
ciens, ce  qu'ils  auraient  repoussé  comme  un  outrage,  mais  il  reprend 
ceux  qui  sont  venus  le  trouver ,  tout  eu  blâmant  indirectement  les 
anciens  qui  avaient  établi  cette  tradition.  «  Et  vous,  pourquoi  violez- 
vous  les  commandements  de  Dieu  pour  votre  tradition?  »  —  S.  Jér. 
C'est-à-dire  :  Gomment,  vous  violez  les  commandements  de  Dieu  pour 
une  tradition  tout  humaine,  et  vous  reprochez  à  mes  disciples  d'atta- 
cher peu  d'importance  aux  prescriptions  des  anciens  pour  observer 
les  commandements  de  Dieu?  car  Dieu  a  fait  ce  commandement  : 
«  Honore  ton  père  et  ta  mère.»  Cet  honneur  dont  parle  l'Ecriture  con- 
siste moins  en  marques  de  déférence,  de  respect,  que  dans  l'assistance 
et  dans  les  secours  effectifs  qu'on  leur  donne  :  «  Honorez  les  veuves 
qui  sont  vraiment  veuves ,»  dit  saint  Paul  (I  Timoth.,  v),  honneur 
qu'il  faut  entendre  des  secours  qui  leur  sont  donnés.  Dieu,  en  faisant 
ce  commandement,  avait  eu  en  vue  les  infirmités,  l'âge  ou  l'indigence 
des  parents,  et  voulait  que  les  enfants  honorassent  leurs  parents  en  leur 
leur  procurant  les  choses  nécessaires  à  la  vie  (i).  —  S.  Chrys.  {hom.  52.) 

(1)  Cette  inlerprétatioa  n'est  pas  exprimée  d'une  manière  explicite,  mais  elle  est  comme  sous- 
entendue  dans  V  Exode,  xx,  dans  le  Deutéronome,  y,  dans  \' Ecclésiastique,  m. 


fueratreperta.  Chrys.  {ut  sup.)  Christus 
auteni  non  excusavit ,  sed  confestim 
reaccusavitj  demonstrans  quoniam  eum 
qui  magna  peccat ,  pro  parvis  peccatis 
aliorum  soUiciUmi  esse  non  oportet  : 
unde  sequitur  :  «  Ipse  autem  respon- 
dens,  ait  illis  :  Quare  et  vos  transgredi- 
mini,  »  etc.  Non  autem  dicit  quod  bene 
faciunt  transgredientes,  ut  non  det  eis 
occasionem  caliimnise,  neque  tamen  vi- 
tupérât quod  ab  apostolis  factum  est,  ne 
approbet  eorum  traditiones  :  netjiie  rur- 
sus  accusât  seniores,  quia  tanquam  inju- 
riatorem  eum  repulissent  ;  sed  incropat 
eos  qui  advenerant  tangens  etlam  seuio 
res  qui  talem  Iraditionem  statuerant,  di- 
cens  :  «  Quare  et  vos  transgredimini 
raandatum  Del  propter  iraditionem  ves- 


tram?  :>  Quasi  dicat  :  Hier.  Cum  vos 
propter  traditionem  hominum  praecepta 
Dei  uegligalis,  quare  discipulos  meos  ar- 
guendos  creditis,  quod  seuiorum  jussa 
parvipendant,  ut  Dei  praecepta  custo- 
diant  ?  Nam  Deus  dixit  :  Honora  pa- 
trem  et  matrem.  »  Honor  in  Scripturis 
non  tantum  in  salutationibus  et  officiis 
deferendis,  quantum  in  eleemosynis  ac 
munerum  oblatione  sentitur.  «  Honora, 
inquit  Apostolus  (l  Timoth.  5),  viduas 
qua^  vere  viduae  sunt  :  »  hic  enim  honor 
(lonum  intelligitur.  Praeceperat  ergo  Do- 
minus  vel  imbecillitales,  vel  aetates,  vel 
penurias  parentum  consideraus,  ut  filii 
iionorareut  (etiam  in  vita?  necessariis 
ministrandis)  parentes  suos.  Chrvs.  {ut 
sup.)  Voluit  autem  monstrare  quod  pa- 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XV.  347 

Dieu  a  voulu  montrer  combien  les  parents  devaient  èli^e  honorés  par 
leurs  enfants,  en  sanctionnant  ce  précepte  par  la  récompense  et  par  le 
châtiment.  iMais  Notre-Seigneur ,  passant  sous  silence  la  récompense 
promise  à  ceux  qui  honorent  leurs  parents ,  c'est-à-dire  une  longue 
vie  sur  la  terre ,  s'arrête  de  préférence  à  ce  qui  est  de  nature  à  les 
effrayer ,  c'est-à-dire  au  châtiment ,  pour  inspirer  une  vive  crainte 
aux  uns  et  convertir  les  autres.  C'est  pour  cela  qu'il  ajoute  :  «  Que 
celui  qui  aura  outragé  son  père  ou  sa  mère  soit  puni  de  mort.  »  Il 
leur  prouve  par  là  qu'ils  sont  vraiment  dignes  de  mort  ;  car  si  celui 
qui  outrage  de  paroles  son  père  ou  sa  mère  est  puni  de  mort,  com- 
bien plus  méritez-vous  ce  châtiment,  vous  qui  les  outragez  par  vos 
actions.  Et  non-seulement  vous  manquez  à  l'honneur  qui  est  dû  à 
vos  parents,  mais  encore  vous  enseignez  aux  autres  à  le  leur  refuser. 
Comment  donc  osez-vous  accuser  mes  disciples ,  vous  qui  ne  méritez 
pas  même  de  vivre? 

Notre-Seigneur  leur  fait  connaître  la  manière  dont  ils  violent  ce 
commandement  de  Dieu,  en  ajoutant  :  «  Mais  vous,  vous  dites  :  Qui- 
conque aura  dit  à  son  père  ou  à  sa  mère  :  Tout  don  que  j'offre  de 
mon  bien,  tourne  à  votre  profit.  »  —  S.  Jér.  Les  scribes  et  les  pha- 
risiens, voulant  détruire  cette  loi  divine  et  providentielle ,  pour  cou- 
vrir leur  impiété  sous  l'apparence  de  la  religion ,  enseignèrent  aux 
enfants  dénaturés  que  s'ils  avaient  l'intention  de  consacrer  à  Dieu,  qui 
est  le  Père  véritable,  ce  qui  était  destiné  à  leurs  parents ,  ils  devaient 
préférer  ce  sacrifice  aux  secours  que  leur  père  et  leur  mère  avaient 
droit  d'attendre  d'eux.  —  La  Glose  (l).  Voici  donc  le  sens  de  ces  pa- 
roles :  Ce  que  j'offre  à  Dieu  vous  servira  aussi  bien  qu'à  moi  ;  vous  ne 
devez  donc  pas  prendre  pour  votre  usage  ce  qui  m'appartient ,  mais 

(1)  Ce  passage  est  tiré  de  saint  Anselme  et  non  de  la  Glose,  telle  que  nous  l'avons. 


rentes  essent  valde  honorandi,  par  hoc 
quod  adjuQxit  et  preemium  et  pœnam  : 
sed  Dominus  hicpreemiumpraetermiltens 
quod  honorantibus  repromittitur  (scili- 
cet  esse  longaevum  super  terram),  ponit 
quod  terribilius  est  (scilicet  pœnam) ,  ut 
et  ipsos  slupefaceret,  et  alios  attraliaret  : 
unde  addit  :  «  Et  qui  maledixerit  patri 
vel  matri,  morte  moriatur  :  »  in  quo  de- 
monstrat  eos  morte  dignos  esse  ;  si  enim 
qui  verbo  dehonorat  parentem,  morte 
punitur,  multo  magis  vos  qui  opère;  et 
non  solum  dehouoratis  parentes ,  sed  et 
alios  hoc  docetis  :  qui  igitur  neque  vi- 
vere  debetis,  quaUter  meos  discipulos 
incusatis  ? 


Quomodo  autem  Dei  mandatum  trans- 
grediantur,  manifestât  cum  subdit  : 
«  Vos  autem  dicitis  :  Quicuuque  dixerit 
patri  vel  matri  :  Munus  quodcunque  ex 
me  tibi  proderit,  »  etc.  HiER.Prœmissam 
enim  providentissimam  Dei  legem  vo- 
lentes  scribœ  pharisœique  subverlere, 
ut  impietatem  sub  nomine  pietatis  indu- 
cerent,  docuerunt  pessimos  filios,  ut  si 
quis  ea  quae  parentibus  offerenda  sunt, 
Dec  vohierit  vovere,  qui  vt?rus  est  Pater, 
oblatio  Domini  praeponatur  parentum 
muneribus.  Glossa.  Ut  sitsensus  :  quod 
ego  offero  Dec,  et  mihi  et  tibi  proderit  : 
et  ideo  non  debes  sumere  (scilicet  res 
meas  in  tuos  usus)  sed  pati  ut  Deo  offe- 


3-48 


EXPLICATION  DE  L  EVANGILE 


permettre  que  je  l'offre  à  Dieu.  —  S,  Jér.  Ou  bien  il  est  probable  que 
les  parents^  dans  la  crainte  d'encourir  le  crime  de  sacrilège,  n'osaient 
prendre  ce  qu'ils  voyaient  consacré  à  Dieu  ,  et  qu'ils  étaient  réduits  à 
la  dernière  pauvreté;  il  arrivait  ainsi  que  l'offrande  faite  par  les 
enfants,  sous  le  prétexte  du  temple  et  de  Dieu ,  tournait  au  profit  des 
prêtres.  —  La  Glose.  Le  sens  serait  donc  celui-ci:  Quiconque,  c'est-à- 
dire  celui  d'entre  vous,  jeunes  gens ,  qui  aura  dit  (ou  qui  aura  pu 
dire,  ou  qui  dira)  à  son  père  ou  à  sa  mère  :  Mon  père,  le  don 
que  j'offre  à  Dieu  de  mon  bien,  tournera  à  votre  profit,  servira 
à  votre  usage  ;  c'est-à-dire  vous  ne  devez  pas  le  prendre ,  pour 
ne  pas  vous  rendre  coupable  de  sacrilège.  Ou  bien  encore,  on  peut 
dire,  en  suppléant  à  ce  qui  manque  :  Quiconque  dira  à  son  père,  etc., 
sous-entendez ,  accomplira  le  commandement  de  Dieu,  ou  accom- 
plira la  loi,  ou  sera  digne  de  la  vie  éternelle.  —  S.  Jér.  On  peut 
encore  donner  cette  explication  abrégée  :  Vous  forcez  les  enfants 
de  dire  à  leurs  parents  :  Le  don  que  j'allais  offrir  à  Dieu,  je  l'emploie 
par  là  même  à  votre  entretien,  et  il  tourne  à  votre  profit ,  mon  père  et 
ma  mère;  mais  non,  il  n'en  est  pas  ainsi.  —  La  Glose.  Et  c'est  ainsi 
que  par  suite  des  conseils  que  lui  aura  donnés  votre  avarice  ,  ce  fils 
n'aura  aucun  respect  pour  son  père  et  sa  mère  ,  comme  il  le  dit  en 
propres  termes  :  Et  il  n'honorera  ni  son  père  ni  sa  mère,  »  comme 
s'il  disait  :  Voilà  les  mauvais  conseils  que  vous  donnez  aux  enfants,  et 
vous  êtes  cause  que  ce  fils,  plus  tard,  ne  rendra  ni  à  son  père  ni  à  sa 
mère  l'honneur  qu'il  leur  doit.  C'est  ainsi  que  ce  commandement  de 
Dieu  qui  fait  un  devoir  aux  enfants  d'assister  leurs  parents  ,  vous 
l'avez  rendu  inutile  à  cause  de  votre  tradition  en  servant  les  in- 
térêts de  votre  avarice.  —  S.  Aud.  {contre  l'ennemi  de  la  loi  et  des 
prophètes^  ii,  1.)  Jésus-Christ  nous  montre  ainsi  avec  évidence,  que 


ram.  Hier.  Vel  certe  ipsi  parentes  quae 
Deo  consecrata  cernebant,  ne  sacrilegii 
crimeu  incurrerent,  déclinantes,  eges- 
tate  couficiebantur  ;  atque  ita  fiebat  ut 
oblatio  liberoriim,  sub  occasione  templi 
et  Dei,  iu  lucra  cederet  sacerdotum. 
Glossa.  Ut  sitsensus  :  «  Quicunque  (id 
est,  quisquis  vestrum,  o  juveues),  dixe- 
rit  (id  est,  dicere  poterit,  vel  dicet)  patri 
vel  matri  :  »  0  pater,  «  muuus  quod  est 
ex  me  »  Deo  jaiii  devotuin,  «  proderit 
tibi  ;  admirandû  :  »  quasi  diceret  «  :  Cedet 
iu  tuos  usas  :  »  id  est  :  «  Certe  non  de- 
bes  sumere,  ne  sis  reus  sacrilegii.  »  Vel 
polest  logi  per  defectum,  boc  modo  : 
«  Quicunque  dixerit  patri,  »  etc.  subaudi, 
«  faciet  Dei  mandatum,  vel  complebit 
legem,  vel  erit  diguus  vita  œterna.  »  Hier. 


Potest  autem  et  hune  breviter  habere 
sensum.  Compellitis,  inquit,  filios,  ut 
dicant  parentibus  suis  :  «  Quodcunque 
donum  oblaturus  eram  Deo,  in  tuos  con- 
sumo  cibos  ;  tibique  prodest,  o  pater  et 
mater  :  »  quasi  diceret  :  ISon.  Glossa. 
Et  sic  propter  istas  persuasiones  avaritiœ 
vestrœ,  ille  juvenis  non  honorificabit 
patrem  et  malrem  :  unde  sequitur  :  «Et 
non  honorificabit  patrem  et  matrem  :  » 
quasi  diceret  :  Vos  filiis  ista  pessima 
suasistis  ;  et  propter  hoc  filins  postea 
patrem  et  matrem  non  honorificabit  ;  et 
ita  mandatum  Dei  de  sustentandis  paren- 
tibus fecistis  irritum  propter  traditiouem 
vestram,  scilicet  avaritia^  vestrœ  ser- 
vientes.  Ai'G.  {contra  adversarium  le- 
gis  et  prophetarum,  iib.  ii,  cap.l.)  Evi- 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XV.  349 

c'est  la  loi  de  Dieu  même  dont  l'hérétique  fait  l'objet  de  ses  blas- 
phèmes, et  que  les  Juifs  ont  des  traditions  étrangères  aux  livres  pro- 
phétiques, et  que  l'Apôtre  appelle  des  fables  profanes  et  des  contes  de 
vieilles  femmes  (I  Tim.^  iv.)  —  S.  Aug.  {cont.  Faust.,  xvi,  24.)  Notre- 
Seigneur  nous  enseigne  ici  plusieurs  choses  ,  d'abord  (pi'il  ne  détour- 
nait pas  les  Juifs  du  Dieu  qu'ils  adoraient  ;  et  que  bien  loin  de  violer 
lui-même  ses  commandements,  il  condamnait  ceux  qui  se  rendaient 
coupables  de  cette  transgression ,  et  qu'enfin  ce  n'était  que  par  Moïse 
qu'il  avait  donné  ces  préceptes.  —  S.  Aug.  {Quest.  évang.,  i,  15.)  Ou 
bien  dans  un  autre  sens  :  «  Le  présent  que  j'otfre  de  mon  bien  tour- 
nera à  votre  profit ,  »  c'est-à-dire  :  Le  présent  que  vous  offrez  pour 
moi,  vous  appartiendra  désormais;  paroles  qui  signifient  que  les  en- 
fants n'avaient  plus  besoin  des  sacrifices  que  leurs  parents  offraient 
pour  eux,  lorsqu'ils  étaient  arrivés  à  l'âge  où  ils  pouvaient  les  offrir 
eux-mêmes.  Parvenus  à  cet  âge,  où  ils  pouvaient  tenir  ce  langage  à 
leurs  parents,  les  pharisiens  niaient  qu'ils  fussent  coupables  de  man- 
quer à  l'honneur  qu'ils  leur  devaient. 

j»'.  7-11.  —  Hypocrites,  Isaïe  a  bien  prophétisé  de  vous,  quand  il  a  dit  :  Ce 
peuple  m'honore  des  lèvres;  mais  son  cœur  est  loin  de  moi.  Et  c'est  en  vain 
qu'ils  m'honorent,  enseigna?it  des  maximes  et  des  ordonnances  humaines.  Puis, 
ayant  appelé  le  peuple,  il  leur  dit  :  Ecoutez,  et  comprenez  bien  ceci  :  Ce  n'est 
pus  ce  qui  entre  dans  lu  bouche  qui  souille  l'homme;  mais  ce  qui  sort  de  lu 
bouche  de  l'homme,  c'est  là  ce  qui  le  souille. 

S.  Chrys.  [hom.  52.)  Le  Seigneur  vient  de  prouver  aux  pharisiens 
qu'ils  n'avaient  pas  droit  d'accuser  ceux  qui  transgressaient  la  tradi- 
tion des  anciens,  alors  qu'ils  violaient  eux-mêmes  la  loi  de  Dieu.  Il 


denter  autem  hic  Christus  ostendit,  et 
illam  esse  Dei  leffeiu  quam  haereticus 
blaspheinat,  et  Judaios  habere  suas  tra- 
ditiones  a  libris  propbeticis  et  legitimis 
aliénas,  quas  Apostolus  appellat  (I  Ti- 
moth.  4)  «  prolauas  fabulas  et  aniles.  » 
Aug.  {contra  Fatistum,  bb.  xvi,  cap.  24.) 
Multa  etiam  nos  bic  Dominus  docet,  et 
Judœos  a Deo  suo  se  non  avertere,  et  ejus 
mandata  non  tautum  se  non  infringere, 
verum  etiam  illos  a  quibus  iufringeren- 
tur  arguere,  et  uou  nisi  per  Moysen  ista 
mandasse.  Auo.  (de  Quœst.  Evung. 
lib.  1,  quaest.  15.)  Vel  aliter  :  «  IMunus 
quodcuaque  est  ex  me,  tibi  proderit,  » 
id  est,  «  munus  quod  offers  causa  mei, 
ad  te  jam  pertiuebit  :  »  quibus  verbi s  si- 
gnificant  filii,  jam  sibi  non  necesse  esse 
parentum  pro  se  oblationem,  quod  ad 


eam  aetatem  pervenissent,  ut  possent  jam 
offerre  pro  se.  In  bac  ergo  œtate  consti- 
tutos  ut  possent  parentibus  suis  lioc  di- 
cere,  cum  hoc  dixisseut,  u&gabaiit  pba- 
risaei  reos  esse,  si  parentibus  non  praes- . 
tarent  honorem. 

Hypocritœ,  bene  prophetavit  de  vobis  Isaias 
dicens  :  Populus  hic  labiis  me  honorât,  cor 
autem  eorum  longe  est  a  me.  Sine  causa  autem 
colunt  me,  docentes  doctrinas  et  mandata  ho- 
minum.  Et  convucatis  ad  se  turbis,  dixit  eis  : 
Audite  et  intulligite  :  non  quod  intrat  in  ns 
coinquinat  hominem,  sed  quod  procedit  ex  ore, 
hoc  coinquinat  hominem. 

Chrys.  {ut  sup.)  Monstraverat  Domi- 
nus quod  pbarisœi  non  erantdigni  accu- 
sare  transgredientes  mandata  seniorum, 
cum  Dei  legem  destruerent  :  rursus  au- 


3Sd 


EXPLICATION   DE   l/ÉVANGILE 


établit  encore  la  même  vérité  par  le  témoignage  du  prophète  :  «  Hypo- 
crites, leur  dit-il,  Isaïe  a  bien  prophétisé  de  vous.  »  — Rem.  Un  hypo- 
crite est  un  homme  qui  feint,  qui  simule,  et  qui  afifecte  de  paraître  au 
dehors  tout  autre  qu'il  n'est  au  fond  du  co^ur.  C'est  avec  raison  qu'il 
les  appelle  hypocrites,  eux,  qui  sous  prétexte  d'honorer  Dieu,  ne  cher- 
chaient qu'à  amasser  les  biens  de  la  terre.  —  Rab.  Isaïe  a  prévu  cette 
hypocrisie  des  Juifs  qui  les  porterait  à  combattre  artificieusement 
l'Evangile;  et  c'est  pour  cela  qu'il  a  dit  au  nom  du  Seigneur:  «Ce 
peuple  m'honore  des  lèvres,  »  etc.  —  Rémi.  Le  peuple  juif  paraissait 
s'approcher  de  Dieu,  et  l'honorer  des  lèvres  et  de  la  bouche  ;  car  il 
se  faisait  gloire  de  n'adorer  qu'un  seul  Dieu  ;  mais  son  cœur  s'éloigna 
de  lui,  parce  qu'après  avoir  vu  tant  de  prodiges  et  de  miracles,  il  ne 
voulut  ni  reconnaître  sa  divinité  ,  ni  le  recevoir.  —  Rab.  Us  l'hono- 
raient des  lèvres,  lorsqu'ils  disaient  :  «  Maître  ,  nous  savons  que  vous 
êtes  vrai;  »  mais  leur  cœur  était  bien  loin  de  lui,  lorsqu'ils  envoyèrent 
des  hommes  pour  lui  tendre  des  pièges  et  le  surprendre  dans  ses  dis- 
cours. —  La  Glose  (2).  Ou  bien  ils  l'honoraient  en  recommandant  les 
purihcations  extérieures  et  légales ,  mais  comme  ils  n'avaient  point 
la  pureté  intérieure,  leur  cœur  était  loin  de  Dieu ,  et  l'honneur  qu'ils 
lui  rendaient  était  sans  fruit  pour  eux,  comme  l'ajoute  le  Sauveur  : 
«  Et  c'est  en  vain  qu'ils  ni'honorent ,  enseignant  des  maximes  et  des 
ordonnances  humaines.  »  —  Rab.  Ils  n'auront  point  de  part  à  la  ré- 
compense des  vrais  adorateurs  ,  eux  qui  enseignent  des  doctrines  et 
des  préceptes  purement  humains,  au  mépris  des  commandements  qui 
viennent  de  Dieu. 

(1)  Isdie ,  XXIX,  13.  On  lit  dans  la  version  des  Septante  :  Tt[iw(7i,  ils  m'honorent;  la  Vulgate  a 
traduit  un  peu  différemment  :  «  Ce  peuple  me  glorifie  des  lèvres,  n  etc. 

(2)  Ce  passage  se  trouve  plus  explicitement  dans  saint  Anselme. 


tem  demonstrat  hoc  ipsuni  et  a  pro- 
pheta.  Unde  dicil  :  «  Hypocrilaî,  bene 
prophetavit  de  vobis  Isaias,  »  etc.  Re- 
mk;.  Hypocrita  dicitur  Simulator,  quia 
aliud  opère  simulât,  et  aliud  corde  ges- 
tat.  Isli  ergo  bene  hypocritœ  dicuntur 
quia  sub  honore  Dei,  terrena  sibi  lucra 
accuuiulare  cupiebant.  R.\Fi.  Pra-vidit  au- 
tem  Isaias  simulationes  .ludœorum,  quod 
in  dolo  pugnarent  contra  Evangeliuni. 
Et  ideo  dixit  ex  persona  Doniini  :  «  Popu- 
lus  hic  labiià  me  honorât,  »  etc.  Remig. 
Judœorum  namque  popvdus  labiis  etore 
Deo  appropinquare  et  lionorarc  eum  vi- 
debalur,  quia  unius  Dei  cultum  se  habere 
gloriabatur;  sed  corde  longe  a  Deo  reccs- 
sit,  (piia  visis  signis  atque  miraculis  nec 


Divinitatem  ejus  cognoscere,  nec  eum  sus- 
cipere  voluorunt.  Raua.  item  labiis  eimi 
honorabaut,  quando  dicebant  {MaKfi. 
22)  :  «  Magisler,  scinms  quia  verax  es  ;  » 
sed  cor  eorum  longe  ab  eo  fuit,  quando 
miserunt  insidiatores  ut  eum  capereul 
in  sermone.  Glos&a.  Vel  commendaudo 
exteriorem  munditiam  eum  honorabant; 
sed  dum  inleriori  (qiiœ  vera  est)  care- 
bant,  cor  eorum  longe  erat  a  Deo  ;  et 
illis  talis  honor  inulilis  erat  :  unde  se- 
quitur  :  «  Sine  causa  autem  coiunt  me, 
docentes  doctrinas  et  mandata  homi- 
num.  »  Rab.  Non  enira  habebunt  merce- 
dem  eum  veris  cultorilnis ,  docentes 
doctrinas  et  mandata  liomiuum  con- 
temptis  divinis. 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    XV.  351 

S.  Chrys.  {hom.  52.)  Après  avoir  donné  un  nouveau  poids  à  l'ac- 
cusation dirigée  contre  les  pharisiens ,  en  l'appuyant  de  l'autorité  du 
prophète ,  sans  qu'il  ait  pu  les  amener  à  de  meilleurs  sentiments,  il 
cesse  de  leur  parler,  et  il  s'adresse  au  peuple  :  «  Puis,  ayant  appelé  le 
peuple,  il  leur  dit  :  Ecoutez,  et  comprenez  bien  ceci.  »  Gomme  il  doit 
exposer  à  la  foule  une  vérité  élevée  et  pleine  de  sagesse ,  avant  de  l'é- 
noncer, il  prépare  les  esprits  à  la  recevoir,  en  témoignant  d'abord  des 
égards  et  de  la  sollicitude  pour  ce  peuple  ;  ce  que  l'Evangéliste  nous  in- 
dique par  ces  paroles  :  «  Puis,  ayant  appelé  le  peuple.  »  Les  circonstances 
sont  d'ailleurs  on  ne  peut  plus  favorables  pour  ce  qu'il  va  leur  dire  ;  car 
ce  n'est  qu'après  avoir  ressuscité  des  morts  et  triomphé  des  pharisiens 
qu'il  propose  sa  loi  pour  la  faire  plus  facilement  accepter.  Il  ne  se 
contente  pas  d'appeler  la  foule,  mais  il  la  rend  plus  attentive  par  ces 
paroles  :  «  Entendez,  et  comprenez,  »  c'est-à-dire  prêtez  votre  atten- 
tion, et  élevez  votre  esprit  pour  comprendre  mes  paroles.  ïl  ne  leur 
dit  pas  :  Il  ne  faut  pas  faire  de  distinction  entre  les  aliments ,  ou  c'est 
à  tort  que  Moïse  a  prescrit  cette  distinction  ;  mais,  puisant  ses  preuves 
dans  la  nature  même  des  choses ,  il  parle  sous  forme  d'avertissement 
et  de  conseil,  et  il  dit  ;  «  Ce  n'est  pas  ce  qui  entre  dans  la  bouche  qui 
souille  l'homme,  »  etc.  La  traduction  de  saint  Jérôme  porte  :  Qui  rend 
commun  (l).  —  S.  Jeu.  Le  mot  communicat  est  une  expresion  par- 
particulière  aux  Ecritures,  et  qui  n'est  point  employé  dans  le  langage 
ordinaire.  Le  peuple  juif  qui  se  vantait  d'être  l'héritage  de  Dieu, 
donnait  le  nom  de  nourriture  commune  ou  impure  aux  viandes  dont 
se  nourrissent  tous  les  hommes,  comme  la  viande  de  porc,  de  lièvre, 

(1)  Saint  Marc,  chap.  vu,  vers,  la,  emploie  la  même  expression,  et  c'est  d'ailleurs  la  traduction 
littérale  du  grec  xoivoùvxa;  le  sens  est  du  reste  le  même  en  traduisant  :  qui  souille,  car  on 
regarde  comme  impures  et  souillées  les  choses  qui  servent  à  des  usages  communs. 


Chrys.  {ut  sup.)  Augmentata  ergo  ac- 
cusatione  pharisœorum  a  teâtimonio 
Prophctae,  et  illis  non  emendatis,  jam  eis 
non  loquitur,  sed  turbis  :  unde  dicit  : 
«  Et  convocatis  ad  se  turbis,  dixit  eis  : 
Audite  etintelligite.  ))  Quia  turbis  dogma 
excelsum  et  multa  pbilosophia  plénum 
propositurus  erat,  non  sinipliciter  boc 
enuntial,  sed  susceptibilum  facit  sermo- 
nem  :  primo  quidem  bonore  et  soUici- 
tudine  exbibita  circa  turbas  ;  quod  os- 
tendit  Evangelista,  dicens  :  «  Et  convo- 
catis ad  se  turbis  :  »  deinde  etiam  sus- 
ceptibilem  facit  sermouem  ex  tempore, 
quia  post  mortuos  suscitatos,  post  victo- 
riam  contra  pbarisœos  babitam,  tune 
legem  proponit,  ut  facilius  suscipiatur. 


Et  non  solum  simpHciter  turbas  advo- 
cavit,  sed  etiam  eas  altentiores  fecit  in 
boc  quod  dixit  :  «  Audite  et  intelligite,  » 
id  est,  attendite  et  erigimini  mente  ad 
hoc  audiendum.  Non  autem  dixit  eis  : 
«  Nibil  est  observatio  escarum;  »  neque 
quod  Moyses  maie  injunxerat;  sed  per 
modum  admonilionis  et  consilii,  a  rerum 
ipsarum  natura  testimonium  accipiens, 
ait  :  «  Non  quod  intrat  in  os,  coinquinat 
bominem,  »  etc.  Hieronymus  babet  , 
communicat.  Hier.  Verbum  commu- 
nicat proprie  Scripturarum  est,  et  pu- 
biico  sermone  non  teritur  ;  populus  au- 
tem Judaeorum  partem  Dei  se  esse  jac- 
tans,  communes  cibos  vocai,  quibus  om- 
nes  utuntur  homines  ;  verbi  gratia  suil- 


352 


EXPLICATION   DE  L  EVANGILE 


et  d'autres  animaux  qui  n'ont  pas  le  sabot  fendu  ,  qui  ne  ruminent 
pas,  et  parmi  les  poissons ,  ceux  qui  n'ont  point  d'écaillés.  C'est  dans 
ce  sens  que  nous  lisons  dans  les  Actes  des  Apôtres  (chap.  10)  :  «Ne  re- 
gardez pas  comme  commun  ce  que  Dieu  a  sanctifié.  »  Ainsi  le  mot 
commun,  qui  exprime  ce  qui  est  permis  aux  autres  hommes,  comme 
ne  faisant  point  partie  de  l'héritage  de  Dieu  ,  est  pris  ici  dans  le  sens 
d'impur. 

S.  AuG.  {cont.  Faust.,  vi,  7.)  L'Ancien  Testament,  qui  défend  cer- 
tains aliments,  n'est  nullement  en  opposition  avec  ce  que  le  Seigneur 
dit  ici  :  «  Ce  n'est  pas  ce  qui  entre  dans  la  bouche  qui  souille,  »  ni 
avec  ces  autres  paroles  de  l'Apôtre  :  «  Tout  est  pur  pour  ceux  qui  sont 
purs  »  {Tit.  i),  et  encore  :  «  Toute  créature  de  Dieu  est  bonne.  » 
(I  Timoth.  IV.)  (1*)  Que  les  Manichéens,  s'ils  le  peuvent,  comprennent 
que  l'Apôtre  a  voulu  parler  ici  des  substances  considérées  en  elles- 
mêmes  ,  tandis  que  la  sainte  Ecriture ,  pour  établir  certaines  fi- 
gures qui  étaient  en  rapport  avec  le  temps  ,  considère  certains  ani- 
maux comme  impurs,  non  pas  de  leur  nature ,  mais  par  la  significa- 
tion qui  s'y  trouve  attachée.  Ainsi ,  par  exemple ,  que  l'on  demande 

(1*)  L'Eglise,  d'accord  avec  ces  paroles  du  Seigneur  et  avec  celles  de  saint  Paul,  ne  connaît  ni 
mets  impurs  ni  jours  néfastes,  et  elle  défend  et  punit  toute  superstition  à  cet  égard.  Mais  on 
aurait  tort  d'en  conclure  qu'on  peut  manger  et  boire  ce  qu'on  veut,  et  qu'on  n'offense  pas  Dieu 
en  le  faisant,  caria  loi  de  Dieu  prescrivait  de  s'abstenir  de  certaines  viandes,  et  ie  Sauveur  ne 
voulait  pas  annuler  la  loi  de  Dieu,  mais  l'accomplir.  Jésus-Christ  veut  dire  seulement,  selon  la 
juste  remarque  de  d'AUioli:  Ce  ne  sont  point  les  viandes  (impures,  souillées  par  des  mains  impures 
ou  bien  défendues  en  effet)  qui  en  elles-mêmes  et  par  elles-mêmes  souillent  l'homme,  mais  ce  sont  les 
mauvais  sentiments  du  coeur  qui  se  manifestent  au  dehors  par  des  œuvres  mauvaises,  qui  rendent 
l'honmie  impur  et  criminel.  Jésus-Christ,  dans  ce  passage,  ainsi  qu'il  a  coutume  de  faire,  rappelle 
les  pharisiens  aux  dispositions  intérieures ,  comme  étant  le  point  essentiel ,  sans  pour  cela  repré- 
senter comme  superflues  les  pratiques  extérieures ,  quand  elles  sont  prescrites  par  Dieu  ou  par 
la  puissance  établie  de  Dieu.  Ces  paroles,  que  les  hérétiques  et  les  mauvais  chrétiens  détournent 
à  leur  sens  pour  violer  sans  scrupule  les  préceptes  du  jeune  et  de  l'abstinence,  renferment  donc 
leur  condamnation.  Ce  qui  les  rend  coupables  et  les  damne ,  ce  n'est  pas  la  nourriture ,  la  viande 
en  elle-même  et  par  elle-même ,  c'est  la  désobéissance  qui  fait  prendre  la  nourriture  et  manger  la 
viande  contre  la  loi  positive  d'une  autorité  établie  de  Dieu. 

Cette  explication  ressort  de  la  réponse  qne  Notre-Seigneur  fait  aux  pharisiens.  Us  se  lavaient 
les  mains  avant  de  manger,  de  peur  que  la  souillure  des  mains ,  contractée  suivant  eux  par  le 
contact  de  mille  choses  non  mentionnées  dans  la  loi,  ne  se  communiquât  aux  aliments  et  que  par 
suite  la  souillure,  ainsi  contractée,  n'infectât  le  corps  tout  entier.  Jésus  répond  :  Rien  de  ce  qui 
entre  dans  l'homme  à  son  insu  ne  peut  le  souiller  :  ce  qui  le  souille,  c'est  ce  qui  est  voulu  par  lui, 
c'est  ce  qui  vient  de  lui. 


lam  carnem,  lepores,  et  istiusmodi  ani- 
mantia,  quae  ungulam  non  findunt,  nec 
ruminant,  nec  squanimosa  in  piscibus 
sunt  :  unde  et  in  Actibus  apostolorum 
scriptumest  Icap.  10)  :  «  Quod  Deus 
sanctificavit,  tu  ne  commune  dixeris  ;  » 
commune  ergo  quod  cœteris  hominibus 
patet,  quasi  non  de  parte  Dei,  pro  im- 
mundo  appellatur. 

AuG.  {Contra  Faustum,  lib.  6,  cap.  7.) 
Testameuto  autem   veteri  ubi  carnales 


quidam  cibi  prohibenlur,  non  est  con- 
traria ista  sententia,  qua  Dominusdixit  : 
«Non  quod  intrat  in  os  coinquinat,))etc., 
et  qua  Apostolus  dicit  {ad  Tit.  l)  :  «Om- 
nia  munda  mundis  ;  »  et  (I  Timoth.  4)  : 
«  Omnis  creatura  Dei  bona  est.  »  Si 
possunt,  Apostolum  de  ipsis  dixisse  na- 
turis  intelligaut  Manichaei  ;  illas  autem 
litteras  propter  quasdam  prœligurationes 
tempori  conprruentes,  auimalia  quaedaui 
(non  natura,  sed  significatione)iuimuijda 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XV. 


353 


si  le  porc  et  l'agneau  sont  purs  de  leur  nature,  il  faudra  répondre 
affirmativement,  parce  que  «  toute  créature  de  Dieu  est  bonne.  »  Mais 
si  on  les  considère  sous  un  certain  rapport  significatif,  l'agneau  est 
pur,  le  porc  ne  l'est  pas.  Tl  en  est  de  même  pour  les  mois  fou  et  sage  : 
l'un  et  l'autre  sont  purs,  si  on  les  considère  daus  le  son  de  la  voix  qui 
les  prononce ,  aussi  bien  que  dans  les  lettres  et  les  syllabes  qui  les 
composent;  mais  considérés  dans  leur  signification,  le  nom  de  fou, 
peut  recevoir  la  qualification  d'impur ,  non  pas  dans  sa  nature,  mais 
parce  qu'il  signifie  quelque  chose  d'impur.  Peut-être  aussi  que  le  fou 
est  dans  l'ordre  des  réalités  ce  que  le  porc  est  dans  l'ordre  des  figures. 
Ainsi  cet  animal  et  ce  mot  latin  de  deux  syllabes  (stultus) ,  que  nous 
traduisons  par  fou,  auraient  une  seule  et  même  signification  ;  car  la 
loi  répute  le  porc  immonde,  parce  qu'il  ne  rumine  pas  ,  ce  qui  tient  à 
sa  nature,  et  n'est  point  un  vice  en  lui.  Il  est  des  hommes  qui  sont 
figurés  par  cet  animal ,  et  qui  sont  impurs  par  leur  propre  faute  et 
non  par  nature,  parce  qu'après  avoir  écouté  volontiers  les  leçons  de 
la  sagesse,  ils  n'y  pensent  plus  en  aucune  façon.  Car  si  après  avoir 
reçu  des  enseignements  utiles,  vous  les  rappelez  comme  des  entrailles 
de  votre  mémoire ,  et  que  vous  reportiez  la  douceur  de  ce  souvenir 
comme  dans  la  bouche  de  la  pensée ,  que  faites-vous  en  cela,  que  ru- 
miner spirituellement  ?  Ceux  qui  agissent  difî'éremment  sont  figurés 
par  les  animaux  impurs.  Or,  cette  multitude  de  choses  qui  nous  sont 
proposées  ou  dans  des  expressions  allégoriques  ,  ou  dans  des  obser- 
vances figuratives ,  font  sur  les  esprits  raisonnables  une  douce  et  sa- 
lutaii'e  impression.  Mais  un  grand  nombre  de  ces  choses  étaient  pour 
le  peuple  juif  autant  de  préceptes  qu'il  devait  non-seulement  écouter, 
mais  encore  mettre  en  pratique.  C'était  le  temps  où  les  mystères,  dont 


dixisse.  Itaque  verbi  gratia,  si  de  porco 
et  agno  requiratur,  utrumque  natura 
muuduiu  est,  quia  «  omnis  creatura  Dei 
bona  est;  »  quadam  vero  sigaificatione 
agnus  munâus,  porcus  iintnundus  est; 
tanqnam  si  stultum  et  sapieutem  dice- 
res,  utrumque  lioc  verbum  natura  vocis, 
et  litterarum  ,  et  syllabarum ,  quibus 
constat,  utique  mundam  est;  signitica- 
tione  autem  unuui  horuni  verborum 
(quod  dieitur  stultus)  immundum  dici 
potest  ;  non  natura  sui,  sed  quoniam 
quoddam  inununduui  significat.  Et  for- 
tasse  quod  est  in  rerum  tiguris  poreus, 
hoc  est  in  reniai  génère  stultus  ;  et  tam 
illud  animal  quani  istff"  duce  syllabœ 
(quod  dieitur  stultus)  quoddam  unum 
idemque  siguiticant  :  immundum  quippe 

TOM.    II. 


illud  animal  in  lege  positum  est,  eo  quod 
non  ruminet;  non  autem  hoc  ejus  vi- 
tium,  sed  natura  est.  Sunt  autem  homi- 
nes  qui  per  hoc  animal  signiticantur  im- 
mundi  proprio  vitio,  non  natura ,  qui 
cum  libenler  audiaut  verba  sapientiee, 
postea  de  bis  omnino  non  cogitant. 
Quod  enim  utile  audieris,  velut  ab  in- 
testino  mémorise  tanquam  ad  os  cogita- 
tionis  recordandi  dulcedine  revocare, 
quid  aliud  est  quam  spiritualiter  rumi- 
nare  ■?  Quod  qui  non  faciuut,  illorum 
auimaliiim  génère  figurantur  :  hae  au- 
tem multitudines  rerum  in  locutionibus 
vel  observatlonibus  iîguratis  rationales 
mentes  utiliter  et  suaviter  movent  :  sed 
priori  populo  multa  talia,  non  tantum 
audieuda,  vcrum  etiamobservanda  prai- 

23 


354 


RXI'LICATIOiN   DR    L  EVANGILE 


Dieu  réservait  la  révélation  aux  siècles  qui  suivirent ,  devaient  être 
prophétisés  non-seulement  par  des  paroles,  mais  encore  par  des  faits. 
Lorsque  plus  tard  ces  mystères  ont  été  révélés  par  le  Christ,  et  dans 
le  Christ,  ces  observances  n'ont  pas  été  imposées  comme  un  joug  aux 
nations  qui  embrassèrent  la  foi,  mais  l'autorité  de  la  prophétie  qu'elles 
contenaient  a  conservé  toute  sa  force.  Or,  je  demanderai  aux  Mani- 
chéens si  cette  maxime  du  Seigneur  ;  «  Ce  qui  entre  dans  la  bouche  ne 
souille  pas,  »  est  vraie  ou  fausse  ;  s'ils  prétendent  qu'elle  est  fausse  , 
pourquoi  leur  docteur  Adimantus,  qui  reconnaît  qu'elle  vient  de  Jésus- 
Christ  ,  s'en  fait  une  arme  pour  battre  eu  brèche  l'Ancien  Testament  ? 
Si  elle  est  vraie,  comment  peuvent-ils  admettre  contre  sa  déclara- 
tion que  la  nourriture  souille  l'homme? 

S.  Jér.  Un  lecteur  attentif  pourra  nous  faire  cette  difficulté  :  «  Si 
ce  qui  entre  dans  la  bouche  de  l'homme  ne  le  souille  pas,  pourquoi  ne 
pas  manger  des  viandes  offertes  aux  idoles  ?  Nous  répondons  que  les 
aliments  et  toute  créature  de  Dieu  sont  purs  par  eux-mêmes  ;  mais 
que  l'invocation  des  idoles  et  des  démons  rend  impures  ces  viandes 
immolées  aux  idoles  pour  ceux  qui  les  mangent  avec  la  conviction 
qu'ils  font  un  acte  idolâtrique  ,  et  ainsi  leur  conscience  qui  est  faible, 
en  est  souillée,  suivant  la  parole  de  l'Apôtre  (I  Co?i)ith.  ^Yiu). —  Rémi. 
Mais  celui  qui  est  doué  d'une  foi  assez  grande  pour  comprendre  que 
ce  que  Dieu  a  créé  ne  peut  être  souillé  en  aucune  manière  ,  sanctifie 
sa  nourriture  par  la  prière  et  par  la  parole  de  Dieu,  et  il  peut  manger 
ce  qu'il  voudra,  à  moins,  toutefois,  que  cette  liberté  ne  devienne  un 
scandale  pour  les  personnes  faibles,  comme  le  fait  remarquer  le  même 
Apôtre. 

%  12-14.  —  Alors  ses  disciples  s'approcJunit,  lui  dirent:  Savez-vous  bien  que 


cepta  siint.  Tempus  eniin  erat  quo,  non 
tantum  dictis,  sed  etiam  fattis  prophe- 
tari  oportcbat  ea  qu:E  posteriore  tem- 
pore  fueraut  revelauda  ;  quibus  per 
Christum  atque  in  Cliristo  revelatis,  iî- 
dei  gentium  onera  observaliouiiui  non 
sunt  imposita  ;  prophetia;  tameu  est  auc- 
toritas  comiuendaUi.  Requiro  autem  a 
Manichaeis  utruni  ista  Douiiui  senleutia 
(qua  dixit  non  iuqninavi  his  honiinem 
quai  in  os  ejus  inlraut)  vera  aut  falsa 
sit  :  si  falsam  dicunt,  cur  eoriun  doclor 
Adimantus  a  Christo  prolalam  dicens, 
ad  e.\pu*;nanduni  vêtus  Teslamoiituni 
ubjecit  ?  Si  auteni  vera  est,  cur  adversus 
eani  creduut  se  coinquinari  ? 

Hier.  Opponat  autom  pnidens  Untoi-, 
et  dical  :  «    Si  ([uod    intral  in    os   non 


coinquinat  hominem ,  quare  idolotliytis 
non  vescimur  '?  »  Sciendnm  igitur  quod 
ipsi  quidem  cibi  et  oiunis  Dei  creatura 
per  se  munda  sit,  sed  idolorum  et  dae- 
moniorum  iuvocatio  ea  facit  immunda  ; 
apud  eos  scilicet  t(ui  «  cum  conscientia 
idoli  idolotbytuiu  mandneaut  et  con- 
scienlia  eorum  cum  sit  infirma,  pollui- 
tur  ;  »  ut  Apostolus  (iicit  (I  Timoi/i.8.) 
Remig.  Quicunque  autem  tautae  fidei  est 
ut  iateliigat  creaturam  Dei  nullo  modo 
inquinari  posse  ,  sauctiticetur  cibus  per 
verbum  Dei  et  orationem,  et  comedat 
quicquid  vull  ;  ita  tameu  quod  «  biec  b'- 
centia  offendiculum  non  fiât  infirmis,  >< 
ut  Apostolus  diiîil.  (uOi  Slip.) 

Tune  uccedfitles  discipuli  ejus  dixenml  ci  .■  Sois 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XV. 


355 


les plmrisiens,  ayant  entendu  ce  que  vous  venez  de  dire,  s'en  sont  scandalisés? 
Mais  il  répondit  :  Toute  plante  que  mon  père  céleste  n'a  point  plantée  sera 
arrachée.  Laissez-les  ;  ce  sont  des  aveugles  qui  conduisent  des  aveugles  :  que 
si  un  aveugle  conduit  un  autre  aveugle,  ils  tombent  tous  deux  dans  la  fosse. 

S.  JÉR.  Une  seitle  parole  du  Sauveur  vient  de  détruire  toute  cette 
superstition  des  observances  légales  auxquelles  tenaient  tant  les  Juifs, 
persuadés  que  toute  leur  religion  consistait  à  prendre  telle  nourriture 
ou  à  rejeter  telle  autre.  —  S.  Ghrys.  {ho)7î.  52.)  Les  pharisiens,  ayant 
entendu  la  doctrine  que  Jésus  vient  d'enseigner,  n'osent  plus  le  con- 
tredire, car  il  les  avait  fortement  convaincus  non-seulement  en 
repoussant  leurs  accusations ,  mais  encore  en  dévoilant  leurs  fourbe- 
ries, mais  ils  furent  scandalisés  (les  pharisiens  et  non  le  peuple). 
«  Alors  les  disciples  s'approchant  lui  dirent  :  Savez-vous  bien  que 
les  pharisiens ,  ayant  entendu  ce  que  vous  venez  de  dire ,  s'en  sont 
scandalisés?  —  S.  Jér.  Gomme  le  mot  scandale  est  souvent  employé 
dans  la  sainte  Ecriture ,  il  nous  faut  expliquer  en  peu  de  mots  ce  qu'il 
signifie.  Nous  croyons  pouvoir  le  définir ,  une  pierre  d'achoppement , 
une  cause  de  chute  ou  un  choc  des  pieds.  Lors  donc  que  nous  lisons  : 
«  Quiconque  aura  scandalisé,  »  nous  devons  l'entendre  dans  ce  sens  : 
Celui  qui  en  paroles  ou  en  action  aura  été  pour  son  frère  une  occa- 
sion de  chute  ou  de  ruine. 

S.  Chrys.  {hom.  .52.)  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  ne  cherche  pas  à 
faire  disparaître  le  scandale  des  pharisiens  ;  au  contraire,  il  donne  un 
nouveau  cours  à  ses  reproches  :  «  Toute  plante  que  n'a  pas  plantée 
mon  Père  céleste  sera  arrachée.  »  Les  Manichéens  prétendent  qu'il 
veut  parler  ici  de  la  Loi ,  mais  cette  opinion  se  trouve  réfutée  par  ce 
qu'il  a  dit  plus  haut;  car,  s'il  avait  ici  la  Loi  en  vue,  comment  aurait- 


quia  pharisœi,  audito  hor.verho,  scandalizati 
sunt  ?  At  ille  respondens  ait  :  Omnis  plantatio 
quam  non  plantavit  Pater  meus  cœlestis,  era- 
dicabitiir;  sinite  illos,  cœci  sunt,  et  duces  cœ- 
corum;  ccecus  mitera  si  cœco  ducal  uni  prœstet, 
ambo  in  foveam  cadunt. 

Hier.  Ex  uno  sermone  Domiai  omnis 
superstitio  observationum  judaicarum 
fuerat  elisa,  qui  in  cibis  sumeudis  abo- 
minandisque  religionem  suam  sitam  ar- 
bitrantur.  CnRYS.  {ut  sup.)  Prœmissa 
itaqiie  cum  audissent  pbarissei ,  nihil 
contradixerunt  ilii  (quia  vehementer  eos 
convicerat  ;  non  redarguendo  solum,  sed 
et  dolum  illorum  propalaudo),  sed  scan- 
dalizati sunt  (pharisœi  scilicet,  non  au- 
tem  turbœ)  :  unde  dicitur  :  «  Tune  ac- 
cedenles  discipuli    ejus    dixerunt   ei    : 


Sois  quia  pharisaei,  audito  hoc  verbo, 
scandalizati  sunt  ?  »  Hier.  Quia  crebro 
teritur  in  ecclesiasticis  Scripturis  scan- 
dalum,  breviter  diceudum  est  quid  si- 
guificat  scandaluni  ;  nos  «  offendiculum 
vel  ruinam  et  impactioneiupedis  )>possu- 
mus  dicere.  Quando  ergolegimus  :  «  Qui- 
cunque  scandaHzaverit,  »  hoc  intelU- 
gimus  :  «  Qui  dicto  vel  facto  occasionem 
ruinse  dederit.  » 

Chrys.  {%it  sup.)  Christus  autem  non 
solvit  pharisseorum  scaudalum,  sed  ma- 
gis  eos  increpavit  :  unde  sequitur  :  «  At 
ille  respondens  ait  :  Omnis  plantatio 
quam  non  plantavit  Pater  meus  cœlestis, 
eradicabitur  :  »  hoc  autem  Manichaei  de 
lege  dictum  esse  dicunt  :  sed  confutant 
eos  quœ  antea  dicta  sunt;  si  enim  de 


356 


EXPLICATION    DE   l'ÉVANGILE 


il  pris  plus  haut  la  drUt^nse  de  la  Loi  en  leur  disant  :  «  Pourquoi 
transgressez-vous  la  loi  de  Dieu,  à  cause  de  votre  tradition?  Comment 
aurait-il  pu  citer  à  l'appui  l'autorité  du  prophète?  Si  c'est  Dieu  qui  a 
fait  ce  commandement  :  «  Honorez  votre  père  et  votre  mère,  »  com- 
ment ce  précepte,  qui  fait  partie  de  la  Loi^  ne  serait-il  pas  la  planta- 
tion de  Dieu?  —  S.  Hil.  {ca7i.  14.)  Donc  ces  paroles  :  «Toute  plante 
qui  n'a  pas  été  plantée  par  mon  Père  céleste  sera  arrachée,  »  signifient 
que  toute  tradition  humaine  qui  sert  de  prétexte  à  la  violation  de  la 
loi  doit  être  arrachée  et  rejetée.  —  Rémi.  Toute  fausse  doctrine,  toute 
observance  superstitieuse  ne  peuvent  avoir  de  durée  non  plus  que 
leurs  auteurs ,  et  comme  elles  ne  viennent  pas  du  Père ,  elles  seront 
déracinées  avec  eux;  celle-là  seule  demeurera  qui  a  été  plantée  par 
Dieu  le  Père.  —  S.  Jér.  Est-ce  que  cette  plantation  dont  l'Apôtre  a 
dit  :  «  J'ai  planté,  Apollon  a  arrosé  »  serait  aussi  déracinée?  La 
réponse  à  cette  question  se  trouve  dans  les  paroles  suivantes  :  a  C'est 
Dieu  qui  a  donné  l'accroissement.  »  L'Apôtre  ajoute  encore  :  «Vous 
êtes  le  champ  que  Dieu  cultive ,  vous  êtes  l'édifice  que  Dieu  bâtit ,  » 
et  dans  le  même  verset  :  «  Nous  sommes  les  coopérateurs  de  Dieu  ;  » 
or,  si  nous  sommes  ses  coopérateurs,  donc  lorsque  Paul  plante  et 
qu'Apollon  arrose,  c'est  Dieu  qui  plante  et  arrose  avec  ses  coopé- 
rateurs. Ceux  qui  soutiennent  le  système  de  plusieurs  natures  dif- 
férentes abusent  de  ce  passage  en  disant  :  «  Si  la  plantation  que 
n'a  pas  faite  le  Père  doit  être  arrachée ,  donc  celle  qu'il  a  faite 
ne  sera  jamais  déracinée.  »  Jérémie  leur  répond  :  «  Je  vous  ai  planté 
comme  une  vigne  choisie,  comment  êtes-vous  devenus  pour  moi 
une  vigne  étrangère  et  pleine  d'amertume  ?  »  Dieu  a  planté ,  il 
est  vrai ,  et  personne  ne  peut  déraciner  ce  qu'il  a  plante  ;  mais , 


lege  dixisset,  qualiter  superius  pro  lege 
pugnasset,  dicens  :  Quare  transgredimiui 
mandatuiu  Dei  propter  traditionem  ves- 
tram  ?  »  Qualiter  etiam  proplietam  indu- 
xisset  in  médium  ?  Si  etiam  Deus  dixit  : 
«  Honora  patrem  et  matrem ,  »  qualiter 
hoc  quod  in  lege  dictum  est,  non  est 
Dei  plantatio  ?  Hilar.  {('an.  14  ut  sup.) 
Dicens  ergo  :  «  Omnem  plantationem  » 
quaj  non  a  Pâtre  sit,  eradicandani  docet 
traditionem  hominuni  et  eruendam,  cu- 
jusfavorelegispraeceptalrausgressisuut, 
Reiiig.  Omnis  etiam  falsa  doUrina  et 
superstiliosa  observatio  cum  aucloribus 
penuanere  non  potest;  et  quia  a  Deo 
Pâtre  non  est,  cum  eisdem  eradicabitur  : 
illa  ergo  sola  permanebit  qua;  a  Deo 
Pâtre  est.  Hikr.  Nunquid  ergo  eradica- 
bitur et  illa  plantatio  de  (|ua  Aposlolus 


ait  (I  Corinth.)  3  :  «  Ego  plantavi,  Apollo 
rigavit  ?  »  Sed  solvitur  quaestio  ex  eo 
quod  sequitur  :  «  Deus  autem  incremeu- 
tum  dédit.  »  Dicit  et  ipse  {%ibi  svp.)  :  «  Dei 
agricultura ,  Dei  sedificatio  estis  ;  et  in 
oodem  loco  :  «  Cooperatores  Dei  su- 
mus  :  »  si  autem  cooperatores,  igitur  plan- 
tante Paulo  et  rigaute  Apollo,  Deus  cum 
cooperatoribus  suis  plantât  et  rigat.  Abu- 
tuntur  autem  hoc  loco  qui  diversas  natu- 
ras  iutroducunt,  dicentes  :  «  Si  plantatio 
quam  non  plautavil  Pater  eradicabitur, 
ergo  quam  ille  plantavit  non  potest 
eradicari.  »  Sed  audiant  ilîud  Hieremiaî 
(cap.  2)  :  «  Ego  vos  plautavi  vineam  ve- 
ram  ;  quomodo  versi  estis  in  amaritu- 
diuem  vitis  alienœ  ?  »  Plantavit  quidem 
Deus,  et  nemo  potest  eradicare  planta- 
tionem ejus.  Sed  qiioiiiani  isla  plantatio 


DE  SAINT  MATTHTEU^    C.HAP.    XV.  357 

comme  cette  plantation  a  ses  racines  dans  le  libre  arbitre,  aucun 
autre  ne  pourra  la  déraciner  si  elle  ne  donne  son  consentement.  — 
La  Glose.  Ou  bien  cette  plantation  signifie  les  docteurs  de  la  loi  et 
leurs  disciples,  qui  n'avaient  pas  Jésus-Christ  pour  fondement.  Le 
Sauveur  donne  la  raison  pour  laquelle  ils  seront  déracinés  :  «  Lais- 
sez-le ;  ce  sont  des  aveugles  qui  conduisent  des  aveugles.  »  —  Rab. 
Ils  sont  aveugles,  c'est-à-dire  privés  de  la  lumière  des  commande- 
ments de  Dieu,  et  ils  sont  conducteurs  d'aveugles  parce  qu'ils  en- 
traînent les  autres  dans  le  précipice  ;  ils  suivent  eux-mêmes  les  sen- 
tiers de  l'erreur  et  ils  y  égarent  les  autres.  (I  Timoth.^  m.)  C'est  pour 
cela  qu'il  ajoute  :  «  Si  un  aveugle  conduit  un  autre  aveugle,  ils 
tombent  tous  deux  dans  la  fosse.  »  —  S.  Jér.  C'est  le  commandement 
que  l'Apôtre  avait  fait  à  son  disciple  :  «  Fuyez  celui  qui  est  hérétique 
après  le  premier  ou  le  second  avertissement ,  en  vous  rappelant  qu'un 
tel  homme  est  perverti.  »  {Tit.  in.)  C'est  dans  le  même  sens  que  le 
Sauveur  nous  ordonne  d'abandonner  les  docteurs  de  mensonge  à  leur 
volonté  dépravée,  convaincu  qu'il  était  iju'on  ne  pouvait  que  diffici- 
lement les  ramener  à  la  vérité. 

^.  15-20.  —  Pierre,  prenant  la  parole,  lui  dit  ;  Expliquez-nous  cette  parabole. 
Et  Jésus  lui  répondit  ;  Quoi  !  êtes-vous  encore  vous-mêmes  sans  intelligence  ? 
Ne  comprenez-vous  pas  que  tout  ce  qui  entre  dans  la  bouche  descend  dans  le 
ventre  et  est  jeté  ensuite  au  lieu  secret?  Mais  ce  qui  sort  de  la  bouche  part  du 
cœur,  et  c'est  ce  qui  souille  l'homme.  Car  c'est  du  cœur  que  partent  les  mau- 
vaises pensées,  les  meurtres ,  les  adultères,  les  fornications,  les  larcins,  les 
faux  témoignages  et  les  blasphèmes.  Ce  sont  là  les  choses  qui  souillent  l'homme 
impur.  Mais  manger  sans  avoir  lavé  ses  mains  ne  souille  point  l'homme. 

Remi.   Notre- Seigneur  avait  l'habitude   de  parler   en  paraboles. 


in  voluntate  proprii  arbitrii  est,  nullus 
alius  eam  eradicare  poterit,  nisi  ipsa  tri- 
buerit  asseusum.  Glossa.  {InterUn.) 
Vel  plantàtio  ista  doclores  legis  significat 
cum  sequacibus  suis  qui  Christum  non 
habebant  fuudamentiim. 

Quare  auteiii  sunt  eradicandi  subdihir  : 
«  Sinite  illos  :  caeci  sunt,  et  duces  cœ- 
corum.  »  Rab.  Cœci  quidem  sunt,  id  est, 
luce  mandatorum  Dei  privati  :  et  sunt 
duces  cxcorum.  quia  alios  in  praecipi- 
tium  trahunt;  errantes,  et  in  errorem 
niittentes  (il  Timoth.  3)  ;  unde  subditur  : 
«  Ca;cus  autem  si  cau'O  ducatuni  prce- 
stet,  anibo  in  foveam  cadunt.  »  Hier. 
Hoc  etiaiu  est  quod  Apostolus  praecepe- 
rat  [adTilum  3j  :  «Hfereticumhomineni, 
post  primam  et  alteram  correctionem 


dovita;  sciens  quod  sit  perversus  hujus- 
modi.  »  In  hune  sensum  et  Salvator 
praecipit  doctores  pessimos  dimittendos 
arbitrio  suo,  sciens  eos  difficulter  ad  veri- 
tatem  posse  retrabi. 


Jiespondens  autem  Petrus,  dixit  n  :  Edissere 
nohis  parabolnm  istam.  At  ille  dixit  :  Adhuc 
et  vos  sine  intellectu  estis  ?  Non  i7itelligilis  quia 
omne  quod  in  os  intrat,  in  ventrem  vadit,  et 
in  secessu7n  emittitur?  Quœ  autem  procedunt 
de  ore,  de  corde  exeunt,  et  ea  coinquinant  ho- 
tninem.  De  corde  enim  exeunt  cogitationes  ma- 
Ice,  homicidia,  aduUeria,  fornicaliones,  furta, 
falsa  testimonia,  blaspkemiœ.  Hœc  sunt  quœ 
coinquinant  hominem.  Non  lotis  autem  mani- 
bus  manducare,  non  coinquinat  hominem. 

Remig.  Consueverat  Dominus  parabo- 


358 


EXI'I-ICATION   DK   L  EVANGILE 


Pierre ,  ayant  donc  entendu  ces  paroles  :  «  Ce  n'est  pas  ce  qui  entre 
dans  la  bouche  qui  souille  l'homme,»  crut  que  c'était  une  expression 
parabolique  ou  figurée,  et  il  lit  au  Sauveur  la  »iuestiou  suivante  : 
«Expliquez-nous  cette  parabole.  »  Il  parlait  ainsi  au  nom  de  tous; 
aussi  le  Seigneur  fait  tomber  le  reproche  à  la  fois  sur  lui  et  sur  les 
autres  :  «  Et  vous  aussi,  vous  êtes  encore  sans  intelligence?  —  S.  Jér. 
Le  Sauveur  fait  un  reproche  à  Pierre  de  regarder  comme  une  para- 
bole une  vérité  exprimée  clairement ,  sans  la  moindre  figure.  Appre- 
nons de  là  qu'on  n'est  pas  un  bon  disciple  lorsqu'on  veut  entendre 
avec  clarté  ce  qui  est  obscur,  ou  regarder  comme  obscur  ce  qui  est 
d'une  clarté  évidente.  —  S.  Curys.  {hom.  52.)  Ou  bien  le  Seigneur 
le  reprend ,  parce  que  ce  n'était  pas  pour  dissiper  ses  doutes  que 
Pierre  l'interrogeait,  mais  parce  qu'il  se  scandalisait  comme  les  pha- 
risiens. Le  peuple,  en  effet,  n'avait  pas  compris  ce  qu'avait  dit  le 
Sauveur;  mais  pour  les  disciples,  ils  en  avaient  été  scandalisés.  Aussi 
avaient-ils  voulu  d'abord  l'interroger  comme  au  nom  des  pharisiens  ; 
mais  ils  eu  furent  empêchés  par  cette  grande  vérité  qu'ils  entendent 
sortir  de  la  bouche  de  Jésus  :  «  Toute  plante  que  mon  Père  n'a  pas 
plantée  sera  arrachée,  »  etc.  Mais  Pierre,  dont  l'ardeur  éclate  partout, 
ne  peut  garder  le  silence.  Aussi  Jésus  le  reprend  vivement  et  motive 
ainsi  ses  reproches  :  a  Vous  ne  comprenez  donc  pas  que  ce  qui  entre 
dans  la  bouche  descend  dans  le  ventre  et  est  jeté  ensuite  au  lieu 
secret?  » 

S.  JÉR.  Il  en  est  qui  ont  pris  occasion  de  ces  paroles  pour  reprocher 
au  Seigneur  d'avoir  ignoré  les  lois  physiques  de  la  nutrition  en  pen- 
sant que  tous  les  aliments  descendent  dans  le  ventre  et  sont  jetés 
ensuite  dans  un  lieu  secret ,  tandis  que  la  nourriture ,  soumise  immé- 


lice  loqui,  et  ideo  Petrus  cum  audisset  : 
«  Quod  iutrat  in  os,  non  (;oinqumat  bo- 
minem,  »  putavit  illum  parabolice  fuisse 
locutum  :  et  ideo  iuterroiiavit,  ut  sub- 
ditur  :  «  llespoudens  aulem  Pelrus,  dixit 
ei  :  Edissere  nobis  parabolani  ;  »  et  quia 
ex  persoua  caderorum  (bxerat,  id(;irco 
simul  cuni  abis  a  Domino  reprchensus 
est  :  unde  sequitur  :  «  At  ille  dixit  : 
Adbuc  et  vos  sine  intebectu  estis.  »  Hikr. 
Corripitur  autcm  a  Domino  quare  para- 
boUce  (bctum  pntet,  quod  perspicue  lo- 
cutus  est.  Ex  quo  animadvertimus  vitio- 
sum  esse  auditorem  (jui  obscura  mani- 
feste, aut  manifeste  dicta,  obscure  veHt 
inteliii;ere.  Chrys.  [in  homil.  52  ut  sup.) 
Vel  ideo  Dominus  increpat  eum,  quia 
non  erat  ex  iucertitudine  quod  qu;esieral. 


sed  ex  scandalo  quo  scandalizatus  erat. 
Turbae  enim  non  iutellexerunt  quod  dic- 
tum  erat  ;  discipuli  autem  scaudabzati 
fuerant  :  unde  a  principio  quasi  pro  pba- 
risœis  interrogare  volebant,  sed  quia  au- 
diorant  eum  magna  diceutem  :  «  Omnis 
planlatio  quam  non  plautavit  Pater  meus, 
eradical)itur,  »  etc.,  rcpressi  fueruut. 
Sed  Petrus,  qui  ubique  fervens  erat, 
neque  ita  silet;  quem  Dominus  increpat 
et  iucrepatioui  ratiouem  addidit,  diceus  : 
«  Non  iutelligitis  quia  omne  quod  in  os 
intrat,  in  ventrem  vadit,  et  in  secessum 
emittitur?  » 

lliKR.  Ex  bacsententia  quidam  caium- 
niantur  quod  Dominus  pbysiciB  disputa- 
tionis  ignarus,  putet  omnes  cibos  in 
ventrem  ire  et  lu  secessum  digeri.  cum 


DE   SAINT    MATTHIEU.    CHAP.    XV. 


359 


diatement  à  une  espèce  de  dissolution ,  est  distribuée  dans  les 
membres,  dans  les  veines,  dans  les  nerfs  et  jusque  dans  la  moelle  des 
os.  Mais  ils  doivent  savoir  aussi  que  lorsque  les  aliments  ont  subi, 
sous  l'action  d'un  fluide  délié ,  une  opération  qui  les  rend  liquides 
et  qu'ils  ont  été  comme  cuits  et  digérés  dans  les  membres ,  ils  des- 
cendent vers  les  parties  inférieures  du  corps ,  que  les  Grecs  appellent 
pores,  et  sont  jetés  ensuite  dans  un  lieu  secret  (V)  —  S.  Aug.  {De  la 
vraie  relig.,  chap.  40.)  Les  aliments,  après  qu'ils  ont  été  soumis  à  la 
dissolution  et  qu'ils  ont  perdu  leur  forme ,  sont  distribués  dans  toutes 
les  parties  du  corps  et  y  deviennent  des  éléments  réparateurs.  Le 
mouvement  vital  les  sépare  en  deux  parties  distinctes  :  l'une ,  parfai- 
tement préparée ,  sert  à  développer  l'admirable  organisation  de  notre 
corps;  l'autre,  dépouillée  de  tout  principe  nutritif,  est  rejetée  par  les 
canaux  destinés  à  cet  usage.  Ainsi  une  partie,  la  plus  grossière,  est 
rendue  à  la  terre  pour  y  prendre  de  nouvelles  formes  ;  une  autre  se 
sécrète  et  s'exhale  par  tous  les  pores  du  corps  ;  une  autre  enfin  se 
répand  dans  toute  l'économie  intérieure  du  corps  humain  (2)  et 
devient  un  des  principes  de  la  génération. 

S.  Chrys.  En  parlant  de  la  sorte  à  ses  disciples ,  Notre-Seigneur  se 
conforme  encore  aux  idées  imparfaites  du  judaïsme,  il  dit  :  La  nour- 
riture ne  reste  pas,  mais  elle  s'en  va,  bien  qu'elle  ne  pût  souiller, 
même  en  restant  dans  le  corps.  Mais  ils  ne  pouvaient  encore  com- 
prendre cette  doctrine ,  car  Moïse  leur  avait  ordonné  de  se  considérer 
comme  impurs  tant  que  la  nourriture  était  dans  leurs  entrailles ,  et 
de  se  laver  et  de  se  purifier  le  soir ,  qui  est  comme  le  temps  où  la 

(l"j  L'acte  de  la  digestion,  dit  en  physiologie  chymifîcalion  et  cbylification ,  se  trouve  ici  indi- 
qué, quoique  d'une  manière  confuse,  par  saint  Jérôme,  et  d'une  manière  plus  claire  par  saint 
Augustin. 

(2)  Latentes  numéros  veut  dire  ici,  selon  la  remarque  du  P.  Nicolaï,  membrorum  proporiiones  et 
juncturas. 


statiiïi  infusae  escae  per  artus,  et  venas, 
ac  meduUas,  nervosque  fundantur.  Sed 
sciendum  quod  leauis  liiimor  et  liqueus 
esca,  cum  in  venis  et  artubus  concocta 
fuerit  etdigesta,  per  occultes  meatus 
corporis  (quos  Grœci  poi-os  vocaut)  ad 
inferiora  dilabilur,  et  iu  secessum  vadit. 
Al'g.  {(le  vera  Relig.  cap.,  40.^  Alimenta 
carnis  corrupta  (id  est,  amittentia  for- 
mam  suam)  in  membrorum  fabricam 
migrant  ;  et  corrupta  reficiuut,  in  aliam 
formam  per  convenieutiam  transeuntia; 
et  per  vitalem  motum  dijudicantur  quo- 
dam  modo,  ut  ex  eis  iu  structuram  liujus 
pulchri  visibilis  quee  apta  suut,  assuman- 
tur;  non  apta  vero,  per  congruos  mea- 


tus abjiciantur;  quorum  aliud  fœculen- 
tissimum  redditur  terrae  ad  alias  formas 
assumendas  ;  aliud  per  totum  corpus 
exhalât  ;  aliud  totius  animalis  latentes 
numéros  accipit,  etinchoatur  inprolem. 
Chrys.  {ut  sitp.)  Cum  autem  hoc  Do- 
minas dicit,  adhuc  discipulis  secundum 
judaicam  iufirmitatem  respoudet  :  dicit 
enim  quoniam  cibus  non  mauet,  sed 
egreditur;  quamvis  etsi  maneret,  non 
faceret  immundum,  sed  nondum  hœc 
audirc  poterant  :  propter  hoc  autem 
Moyses  tautum  tempus  dicit  esse  im- 
muudos,  quantum  cibus  intus  manet  :  in 
vespere  enim  jubet  lavari  et  munduni 
esse,  quasi  tempus  digestionis  et  eges- 


360 


EXPLICATION   DE  L  EVANGILE 


digestion  est  faite  et  où  le  corps  se  débarrasse  du  reste  des  aliments. 
—  S.  AuG.  (De  la  Trinité,  xv,  18.)  Le  Seigneur,  sous  une  même 
dénomination ,  a  compris  deux  sortes  de  bouches  dans  l'homme  :  la 
bouche  du  corps  et  la  bouche  de  l'àme.  Dans  ces  paroles  ;  o  Tout  ce 
qui  entre  dans  la  bouche,  »  etc.,  il  ne  peut  être  question  que  de  la 
bouche  du  corps,  tandis  que  c'est  de  la  bouche  du  cœur  que  Notre- 
Seigneur  veut  parler  dans  le  passage  suivant  :  «  Ce  qui  sort  de  la 
bouche  part  du  cœur ,  et  c'est  ce  qui  souille  l'homme.  »  —  S.  Chrys. 
{hom.  52.)  Les  choses  (|ui  sont  au  fond  du  cœur  restent  dans  l'homme 
et  le  souillent  non-seulement  lorsqu'elles  y  restent,  mais  surtout  lors- 
qu'elles en  sortent;  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  :  «  C'est  du  cœur  que 
sortent  les  mauvaises  pensées.  »  Il  met  les  mauvaises  pensées  en  pre- 
mière ligne ,  parce  que  c'était  le  vice  particulier  des  Juifs  qui  lui  ten- 
daient des  embûches.  —  S.  Jér.  La  faculté  principale  de  l'âme  n'est 
donc  pas,  comme  le  veut  Platon,  dans  le  cerveau,  mais  dans  le  cœur, 
d'après  Jésus-Christ,  et  cette  doctrine  condamne  l'opinion  de  ceux 
qui  prétendent  que  les  pensées  nous  sont  suggérées  par  le  démon  et 
ne  sont  pas  le  fruit  de  notre  propre  volonté.  Le  démon  peut  devenir 
l'auxiliaire  et  le  fauteur  des  mauvaises  pensées,  mais  non  pas  en  être 
l'auteur.  Car  bien  que  cet  ennemi,  qui  se  tient  toujours  en  embus- 
cade ,  puisse  développer  par  son  souffle  l'étincelle  de  nos  pensées  et 
en  produire  un  grand  incendie,  nous  devons  en  conclure  non  pas 
qu'il  scrute  les  secrets  cachés  de  notre  cœur ,  mais  que  sur  l'appa- 
rence extérieure  et  d'après  nos  actions,  il  conjecture  ce  qui  se  passe 
au  fond  de  notre  âme.  Ainsi,  par  exemple,  s'il  nous  voit  jeter  sou- 
vent les  yeux  sur  une  femme  d'un  extérieur  agréable ,  il  comprend 
que  notre  cœur  a  été  blessé  par  ces  regards  de  la  flèche  d'un  amour 
coupable. 


ionis  dimetiens.  Adg.  (xv  de  Trin. 
cap.  48.)  Duo  autem  quaîdam  hooiinis 
ora  Dominus  complexus  est,  unum  cor- 
poris,  aliud  cordis  :  iiam  cum  dicit  : 
«  Omne  quod  ia  os  intrat,  »  etc.; 
apertissime  demonslravit  os  corporis  ; 
at  in  eo  quod  sequitur,  os  cordis  osten- 
dit,  dicens  :  Quae  autem  procedunt  de 
ore,  de  corde  exeunl,  et  ea  coiuqiiiuaut 
hominem.  Chrys.  {ut  sup.)  Qiuu  eiiiiii 
cordis  sunt  iutus,  in  liominc  nianenl,  et 
ftxeunlia  iuquiuant  non  uianeutia  soluni , 
imo  tune  niagis,  cum  exierinl  :  unde 
subjungit  :  «  De  corde  enim  oxeunt  co- 
gitatioues  malae  :  »  quas  primo  ponit, 
quod  hoc  erat  judaicum  vilium ,  ipii 
scilicetjnsidiabautur.    IliEU.   Principale 


igitur  animae ,  non  secundum  Platonem 
in  cerebro  est,  sed  juxta  Christum  in 
corde;  et  arguendi  sunt  ex  bac  senten- 
tia,  qui  cogitationes  a  diabolo  immitti 
putant,  et  non  ex  propria  uasci  volun- 
tate.  Diabolus  adjutor  esse  et  inceusor 
(sive  incentor)  malarum  cogitatiouum 
potest,  auctor  esse  non  potest;  si  au- 
tem semper  in  insidiis  positus,  lèvera 
cogitationum  nostrarum  scintiJlam  suis 
fomitibus  inilainmaverit,  non  debemus 
opiuari  eum  qua'ijue  occulta  cordis  ri- 
mari,  scd  ex  corporis  habitu  et  gestibus 
;cslimare  quid  versemusintrinsecus.  Ver- 
bi  gratia  :  si  pulchram  uudierem  nos  cre- 
bro  viderit  inspicere,  inlelligit  cor  ab 
oculis  amorisjacnlo  vulueratum. 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   XV. 


361 


La  Glose.  (1).  Les  pensôes  mauvaises  produisent  aussi  les  mauvaises 
actions  et  les  paroles  coupables  défendues  par  la  loi.  C'est  pour  cela 
que  Notre-Soigneur  ajoute  les  homicides  que  la  loi  proscrit  par  ce 
commandement  :  «  Vous  ne  tuerez  pas  ;  »  les  adultères  et  les  fornica- 
teurs  par  cet  autre  ;  «  Vous  ne  commettrez  pas  d'adultère  ;  »  les  vols, 
par  celui-ci  :  «  Vous  ne  déroberez  pas  ;  »  les  faux  témoignages ,  par 
cet  autre  :  «  Vous  ne  ferez  pas  de  faux  témoignage  contre  votre  pro- 
chain ;  »  les  blasphèmes  enfin ,  par  ce  précepte  :  «  Vous  ne  prendrez 
pas  le  nom  de  Dieu  en  vain.  » 

Rémi.  Après  avoir  énuméré  les  vices  que  défend  la  loi  divine ,  le 
Seigneur  ajoute  avec  raison  :  «  Voilà  ce  qui  souille  l'homme,  »  c'est- 
à-dire  qui  le  rend  immonde  et  impur.  —  La  Glose.  Et,  comme  pour 
développer  cette  doctrine,  il  a  pris  occasion  de  la  méchanceté  des  pha- 
risiens qui  préféraient  leurs  traditions  aux  préceptes  divins,  il  conclut 
en  insistant  sur  le  peu  de  raison  de  cette  tradition  :  «  Mais  manger 
sans  avoir  lavé  ses  mains  ne  souille  pas  l'homme.  »  —  S.  Chrys.  {ho- 
mélie 52.)  Il  ne  dit  pas  :  Manger  les  viandes  défendues  par  la  loi  ne 
souille  pas  l'homme,  pour  ne  point  soulever  de  nouvelles  contradic- 
tions; il  ne  comprend  dans  sa  conclusion  que  ce  qui  avait  été  l'objet 
de  la  discussion. 

^'.  22-28.  —  Et  Jésus  étant  parti  de  là,  se  retira  du  côté  de  Tyr  et  de  Sidon; 
et  une  femme  chunanéenne,  qui  était  sortie  de  ce  pays-là,  s'écria  en  lui  disant  : 
Seigneur,  fils  de  David,  ayez  pitié  de  moi  ;  ma  fille  est  misérablement  tour- 
mentée par  le  démon.  Mais  il  ne  lui  répondit  pas  un  seul  mot.  Et  ses  disciples, 

(!)  Cette  citation  et  celle  qui  se  trouve  plus  bas  sous  le  nom  de  la  Glose  ne  se  trouvent  ni  dans 
la  Glose  actuelle,  ni  dans  saint  Anselme,  ni  dans  aucun  autre  interprète. 


Glossa.  Ex  cogitationibus  autem  ma- 
lis  proveuiunt  et  mala  facta,  et  mala 
verba,  qiuB  lege  proliibentur  :  unde 
subdit  :  bomicidia  ;  ijuse  probibentur 
illo  legis  prsecepto  :  «  Non  occides  ;  » 
adulleria  et  foruicationes ,  quaî  iutelli- 
guntiir  probiberi  illo  pra^ceplo  :  «  Non 
mœcbaberis  ;  »  liirta,  qufc  probibentur 
illo  prtecepto  :  «  Non  furlum  faciès  ;  » 
falsa  testimouia  contra  illud  prœceptuin  : 
«  Non  dices  adversus  proximuni  tiuun 
falsum  teslimonium  ;  »  blasphemiœ,  con- 
tra illud  praecepLuni  :  «  Non  assumes 
nomen  Dei  tui  in  vanuui.  n 

Ri:Mir,.  Nominatis  aiilem  vitiis  (jute  di- 
vina  legc  probibentur,  pulclire  Doniinus 
subjuuiiit  :  «  Haec  sunl  qua-  coinquinant 
bomiuein,  »  id  est,  immundum  et  im- 


purum  redduut.  GLOSsa.  Et  quia  hujus- 
modi  verba  Doniini  ex  pbarisœorum 
nequitia  occasionem  sumpserant,  qui 
Iraditiones  suas  divinis  prfeceptis  praefe- 
rebant,  cousequenter  concludit  incoave- 
nieutiam,  traditionis  prEemissae  dicens  : 
«  Non  lotis  autera  manilnis  manducare  , 
non  coinquinat  liomiueni.  »  Chrys.  («^ 
svp.)  Non  autem  dixit  :  «  Escas  in  lege 
probibitas  manducare,  non  coinquinat 
bominem,  »  ut  non  posscnt  illi  contra- 
dicere  ;  sed  concludit  de  illo  de  quo  dis- 
putatio  ei"at. 

Et  egressus  inde  Jésus,  seeessil  in  partes  Tyri 
et  Sidonis.  Et  ecce  mulier  Chananœa  a  finibus 
illis  egressa  rlamnvit,  dicens  ei  :  Miserere 
mei.  Domine,  fili  Daoid;  filia  mea  niale  a  dœ- 
monio  vexatur.  Qui  non  respondit  ei  verbum. 


362 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


x'iipprodianl  de  lui,  le  pliaient  en  lui  disant  :  Accordez-lui  ce  qu'elle  demande, 
afin  qu'elle  s'en  aille,  parce  quelle  crie  après  nous.  Il  leur  répondit  :  Je  n'ai 
été  envoyé  qu'aux  hiebis  perdues  de  la  maison  d'Israël.  Mais  elle  s'approcha 
de  lui  et  l'adora  en  lui  disant  :  Seigneur,  secourez-moi.  Il  lui  répondit  :  Il 
n'est  pas  juste  de  prendre  le  pain  des  enfants  et  de  le  donner  aux  chiens.  Elle 
répliqua:  Il  est  vrai.  Seigneur;  mais  les  petits  chiens  mangent  au  moins  les 
miettes  qui  tombent  de  la  table  de  leurs  maîtres.  Alors  Jésus,  lui  répondant, 
lui  dit  :  0  femme,  votre  foi  est  grande  :  qu'il  vous  soit  fait  comme  vous  le 
désirez.  Et  sa  fille  fut  guérie  à  l'heure  même. 

S.  Jér.  Notre-Seigneur  laisse  là  les  Juifs,  les  pharisiens  et  les  calom- 
niateurs et  il  se  rend  dans  le  pays  de  Tyr  et  dans  celui  de  Sidon  pour 
étendre  ses  bienfaits  jusqu'aux  habitants  de  cette  contrée  :  «  Et  Jésus, 
étant  parti  de  là,  se  retira  dans  le  pays  de  Tyr  et  de  Sidon.  » 

Rémi.  Tyr  et  Sidon  étaient  des  villes  habitées  par  des  Gentils  ;  Tyr 
était  la  métropole  (1)  des  Chananéens,  Sidon  était  situé  sur  les  fron- 
tières de  leur  pays,  du  côté  du  nord.  —  S.  Ghrys.  {hom.  53.)  Remar- 
quons que  c'est  au  moment  qu'il  affranchit  les  Juifs  des  observances 
qui  leur  interdisaient  certaines  nourritures^  qu'il  ouvre  aux  Gentils  la 
porte  de  l'Evangile.  C'est  ainsi  que  Pierre  reçut  dans  une  vision 
l'ordre  de  s'affranchir  de  cette  loi,  et  qu'il  fut  envoyé  immédiatement 
vers  le  centurion  Corneille  {Actes ,  x.)  Si  l'on  demande  pourquoi  le 
Sauveur,  qui  avait  dit  à  ses  disciples  ;  «  Vous  n'irez  pas  vers  les 
nations,  »y  a  été  lui-même,  nous  répondrons  d'abord  qu'il  n'était  pas 
soumis  aux  préceptes  qu'il  donnait  à  ses  disciples,  et,  en  second  lieu, 
qu'il  n'y  alla  point  pour  prêcher  l'Evangile ,  mais  pour  y  chercher 

(1)  Le  mot  ?«e7ro/)o/e  vient  de  deux  mots  :  [iSTpov,  mesure,  et  7t6).tç,  ville;  ce  nom  était  donné 
aux  villes  qui  étaient  comme  la  mesure,  la  règle  des  autres,  c'est-à-dire  aux  villes  capitales.  Ce 
nom  fut  donné  depuis,  dans  le  langage  ecclésiastique,  aux  villes  où  résident  les  grands  dignitaires 
de  l'Eglise. 


lit  uccedentps  discipuli  ejus,  rogahant  eum 
diccntes  :  Dimitte  eam,  quia  clamât  post  nos. 
Ipse  autem  respondens  ait  :  Non  sum  missus 
nisi  ad  oves  quœ  perierunt  domus  Israël.  At 
illa  venit  et  adoravit  eum  dicens  :  Domine, 
ndjuva  me.  Qui  respondens  ait  :  Non  est  ho- 
num  sumere  panem  filiornm,  et  mittere  cani- 
biis.  At  illa  dixil  :  Etiam,  Domine;  nani  et 
catelli  edunt  de  7nicis  quœ  cadunt  de  mensa 
dominorum  suorum.  Tune  respondens  Jésus, 
ait  illi  :  0  mulier,  magna  est  fides  tua  ;  fiât 
tibi  sicut  vis.  Et  sanata  est  filia  ejus  ex  illa 
horn. 

IliKU.  Scrihis,  el  pharisœis,  et  cahim- 
niatoribiis  derelictis,  transgreditur  ia 
parles  Tyri  et  Sidonis,  ut  Tyrios  Sido- 
niosque  curaret  ;  et  ideo  dicitur  :  «  Et 
egresâus  inde  Jésus  secessit   in    partes 


Tyri  et  Sidonis.  »  REMiG.Tyruset  Sidon 
civitates  fuere  Gentiliuui  :  nam  Tyrus 
nietropolis  fiierat  Ciiananœorum;  Sidon, 
terminus  Clianauœorum,  respiciens  ad 
Aquilouem.  CuRVS  (in  /lomil.  53,  in 
Matth.  )  Considerauduui  autem  quod 
quando  abcscarum  observatione  Judaeos 
eripuit,  tune  et  gentibus  januam  ape- 
ruit  :  sicut  et  Petrus  prius  in  visions 
jussus  est  hanc  legem  solvere,  et  post 
ad  Coruelium  mittitur  (cap.  10)  :  si  tjiiis 
autem  quferat  :  «  Cum  discipiilis  suis 
di.xerit  :  In  viam  gentium  ne  abieritis, 
(jualiter  hanc  ambulat  viam  ?  »  Primuui 
quidem  ilUid  dicemus,  (iiiia  non  erat 
obuoxius  prtecepto  quod  discipulis  de- 
derat  ;  secundo  autem,  quia  neque  ut 


DE   SAINT    MATrHIEU,    CHAP.    XV. 


3G3 


une  retraite,  puisque  saint  Marc  nous  apprend  (cliap.  vu)  (ju'il  dési- 
rait que  personne  ne  le  sût. 

Rémi.  Il  y  alla  aussi  pour  faire  sentir  les  effets  de  sa  bonté  aux 
habitants  de  Tyr  et  de  Sidon,  c'est-à-dire  pour  délivrer  du  démon  la 
fille  de  cette  pauvre  femme  et  confondre,  par  l'exemple  de  sa  foi,  la 
méchanceté  des  scribes  et  des  pharisiens.  C'est  cette  femme,  dont  l'E- 
vangéliste  dit  :  «  Voici  qu'une  femme  chananéennc ,  qui  était  sortie 
de  ce  pays,  »  etc.  — S.  Chrys.  {hom.  53.)  Il  nous  fait  remarquer 
qu'elle  était  Chananéenne  pour  nous  faire  voir  l'efficacité  de  la  pré- 
sence de  Jésus-Christ  dans  cette  contrée.  Les  Chananéens ,  en  effet, 
qui  avaient  été  chassés  de  la  Judée  dans  la  crainte  qu'ils  ne  vinssent 
à  pervertir  les  Juifs,  font  ici  preuve  d'une  plus  grande  sagesse  en  sor- 
tant de  leur  pays  et  en  venant  trouver  Jésus-Christ.  Or,  cette  femme, 
en  s'approchant  de  Jésus ,  n'implore  que  sa  miséricorde.  Elle  se 
met  à  crier  à  haute  voix  :  «  Ayez  pitié  de  moi ,  Seigneur ,  fils  de 
David.  » 

La  Glose  (1).  Nous  voyons  ici  la  grande  foi  de  la  Chananéenne  ; 
elle  reconnaît  un  Dieu  dans  celui  qu'elle  appelle  son  Seigneur ,  elle 
confesse  en  même  temps  son  humanité  en  l'appelant  fils  de  David. 
Elle  avoue  qu'elle  n'a  aucun  droit,  aucun  mérite  ,  c'est  la  seule  misé- 
ricorde de  Dieu  qu'elle  implore  en  disant  :  «  Ayez  pitié  de  moi ,  »  car 
la  douleur  de  la  fille  est  la  douleur  de  la  mère.  Pour  toucher  davan- 
tage le  cœur  du  Seigneur,  elle  lui  fait  le  tableau  du  malheur  qui  l'af- 
flige ;  c(  Ma  fille  est  misérablement  tourmentée  par  le  démon  ;  » 
paroles  qui  découvrent  au  médecin  les  plaies  qu'il  doit  guérir  et  qui 
lui  font  connaître  la  grandeur  et  la  nature  du  mal  :  sa  grandeur, 

(1)  On  ne  trouve  cette  citation,  ni  dans  la  Glose,  ni  dans  saint  Anselme. 


praedicaturus  abiit,  uude  et  Marciis  dieit 
capite  7,  quoniara  occultavit  seipsum. 

Remig.  Ivit  autem  ut  Tyrios  Sidonios- 
que  curarot  sive  ut  liujus  mulieris  filiam 
liberaret  a  daîmonio;  quatenus  per  ejus 
fideni ,  scribarum  et  pbarisaeorum  ue- 
quitiam  condeiunaret  :  de  qua  quideni 
muliere  subditur  :  «  Ecce  mulier  Cha- 
nanaea  a  fîuibus  illis  egressa ,  »  etc. 
Chrys.  (h^  sup.)  Dicit  autem  Evangelista 
esse  Chanana>aiu  ,  ut  ostendat  virtutem 
praiseutia;  Cliristi  :  Chananaei  enim,  ([ui 
expulsi  fui^raut  ut  non  perverterent  Jii- 
daeos,  bi  Jada:'is  apparuerunt  pruden- 
tiores  ;  ut  exireut  a  terminis  siiis,  et  ac- 
cédèrent ad  Cbristum.  Cum  autem  hœe 


mulier  accessisset,  uibil  aliuil  quam  mi- 
sericordiam  poposcit  :  unde  sequitur  : 
«  Clamavit  dicens  ei  :  Miserere  raei,  Do- 
mine, iili  David.  »  Glossa.  Magna  fides 
Cbananaese  bic  notatur  :  Deum  crédit  ubi 
Dominum  vocat;  bominem,  ubi  dicit 
filium  David.  Nihil  ex  merito  postulat, 
sed  solam  misericordiam  Dei  efflagitat, 
dicens  :  Miserere.  Nec  dicit  :  «  Miserere 
filise,  sed,  miserere  mei  :  »  quia  dolor 
tilise  dolor  est  matris  :  et  ut  magis  eum 
ad  compassionem  moveat,  totum  ei  do- 
lorem  enarrat  :  unde  seqnitur  :  «  Filia 
mea  maie  a  daemonio  vexatur  :  »  iu  que 
vulnera  medico  detegit ,  et  magnitu- 
dinem,  et   qualitatem  morbi  ;  maguitu- 


364 


EXPLICATION  DE  L  EVANGILE 


lorsqu'elle  dit  :  «  Elle  est  tourmentée  misérablement  ;  »  sa  nature , 
lorsqu'elle  ajoute  :  «  Par  le  démon.  » 

S,  Chrys.  [hom.  il  su?'  divers  textes  de  S.  Matth.)  Voyez  la  sagesse 
de  cette  femme  :  elle  n'a  pas  été  trouver  les  hommes  qui  auraient 
pu  la  tromper;  elle  n'a  point  eu  recours  à  de  vaines  amulettes;  mais, 
abjurant  toutes  les  pratiques  du  culte  des  démons,  elle  vient  trouver 
le  Seigneur.  Elle  ne  s'adresse  pas  à  Jacques,  elle  ne  choisit  pas 
Jean  pour  médiateur ,  elle  ne  vient  pas  trouver  Pierre  ;  elle  se  couvre 
de  la  protection  du  repentir  et  accourt  seule  se  jeter  aux  pieds  du 
Sauveur.  Mais  quel  résultat  inattendu!  elle  prie,  elle  fait  retentir 
l'air  de  ses  lamentations  et  de  ses  cris,  et  ce  Dieu  si  bon,  si  tendre 
pour  les  hommes ,  ne  lui  répond  pas  un  mot ,  comme  le  rapporte  l'E- 
vangéliste  :  «  Et  il  ne  lui  répondit  pas  un  mot.  »  —  S.  Jér.  Ce  n'est 
point  sans  doute  par  orgueil,  comme  les  pharisiens;  ce  n'est  point  par 
arrogance,  comme  les  scribes,  mais  pour  ne  point  paraitre  contredire 
cet  ordre  qu'il  avait  donné  :  «  Vous  n'irez  point  vers  les  nations.  »  Il 
ne  voulait  pas  donner  lieu  à  la  calomnie  et  il  réservait  aux  temps  qui 
devaient  suivre  sa  passion  et  sa  résurrection  la  parfaite  conversion 
des  Gentils.  —  La  Glose  (1).  S'il  diffère  de  l'exaucer,  s'il  ne  lui  répond 
pas,  c'est  pour  faire  éclater  la  patience  et  la  persévérance  de  cette 
femme.  Disons  encore  que  c'est  pour  donner  lieu  à  la  médiation  des 
Apôtres  et  nous  apprendre  ainsi  la  nécessité  de  l'intercession  des 
saints  pour  obtenir  les  grâces  que  nous  demandons  :  «  Et  ses  dis- 
ciples s'approchant  de  lui,  le  priaient,  »  etc.  —  S.  Jér.  Les  dis- 
ciples, qui  ne  connaissaient  pas  encore  la  conduite  mystérieuse  du 
Sauveur ,  le  priaient  pour  cette  Chananéenne ,  soit  par  un  senti- 

(1)  Cette  citation  n'est  ni  dans  la  Glose,  ni  dans  saint  Anselme. 


dinem,  cum  dicit  :   «  Maie  vexatur  ;   » 
qualitatem,  cuin  dicit  :  «  A  dœmonio.  » 

CuRYS.  (i)i  homil.  17,  in  varias  Mut- 
theci  locos)  :  Vide  autem  prudenliam 
feminae  :  nou  ivit  ad  homines  seduc 
tores,  uon  qnaesivit  iuaues  ligaturas,  sed 
oiïincs  relinqueas  diaholi  culliis,  veuit 
ad  Doniinum.  Non  pelivit.laeohum.  iiou 
roixavit  Joannem ,  uon  accessit  ad  Pe- 
tnini,  sed  suscepit  in  se  pœnitentia;  pa- 
trocinium,  et  sola  cucnrrit  ad  Dmui- 
niuu.  Sed  vide  inexperlum  nogdtiuni  : 
petit,  et  lamentuiu  suuiu  prodiicit  in  da- 
moreni,  et  amator  liominum  Deus  uon 
respondet  verbuni  :  uude  seijuitur  : 
«  Qui  non  respondit  ci  verbuui.  »  Hier. 
Non  autem  de  superbia  piiarisaica,  uec 


de  scribarum  supercilio  ;  sed  ne  ipse 
sententiîB  suœ  coutrarius  videretur,  per 
quam  jusserat  :  «  lu  viam  gentium  ne 
abieritis;  »  nolebat  enim  occasionemca- 
lumniantibus  dare,  perfectamque  salu- 
tcni  gentium  passionis  et  resurrectiouis 
tempori  rcservabat.  Glossa.  Differendo 
etiani  et  uon  respondeudo,  patientiam 
mulieris  et  perseverautiam  nobis  osten- 
dit.  Ideo  etiaui  non  respondit,  ut  disci- 
pidi  pro  ea  rogarent  ;  osteudcus  per  hoc 
nece^arias  esse  preces  sanitorum  ad  ali- 
(juid  iiupetranduni  :  uudc  scquilur  : 
«  Et  accedentes  discipuli  ejus,  rogabanl 
euuj ,  »  etc.  Hier.  Discipuli  adhuc  illo 
tenipore  uiysteria  Doniini  nescientes, 
vel  misericordia  moli,  rogabaut  pro  Cha- 


DE   SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XV.  363 

ment  de  compassion ,  soit  par  le  désir  de  se  débarrasser  de  ses  im- 
portunités. 

S.  Auci.  {De  Vacc.  de^  Evang.,  il,  49.)  Il  semblerait  qu'il  y  a  ici 
une  certaine  contradiction  entre  le  récit  de  saint  Matthieu  et  celui  de 
saint  Marc,  qui  raconte  que  cette  femme  vint  trouver  Notre- Seigneur 
dans  une  maison  où  il  se  trouvait  alors.  Or,  on  peut  dire  que  saint 
Matthieu  n'a  point  parlé  de  cette  circonstance ,  tout  en  racontant  le 
même  fait  ;  mais  comme  il  rapporte  que  les  Apôtres  ont  dit  au  Sei- 
gneur :  «  Renvoyez-la,  parce  qu'elle  crie  après  nous,  »  il  paraît  indi- 
quer clairement  que  cette  femme  adressait  ses  supplications  au  Sei- 
gneur en  marchant  à  sa  suite.  Saint  Marc,  de  son  côté,  raconte  que 
cette  femme  entra  dans  la  maison  où  était  Jésus  ,  parce  qu'il  avait  dit 
précédemment  que  le  Sauveur  était  dans  cette  maison,  tandis  que 
saint  Matthieu,  en  disant  :  a  II  ne  lui  répondit  pas,  »  donne  à 
entendre  ce  que  ni  l'un  ni  l'autre  n'ont  rapporté^  que  Jésus  sortit  de 
la  maison  en  gardant  le  silence ,  et  ainsi  tout  le  reste  se  lie  parfaite- 
ment sans  l'ombre  même  de  contradiction. 

S.  CnRYS.  {hom.  53.)  Je  présume  que  les  disciples  furent  attristés 
du  malheur  de  cette  femme,  cependant  ils  n'osèrent  dire  au  Seigneur  : 
«  Accordez-lui  cette  grâce ,  »  ils  se  contentent  de  lui  dire  :  «  Ren- 
voyez-la. »  C'est  ainsi  que  souvent^  lorsque  nous  voulons  amener 
quelqu'un  à  notre  sentiment,  nous  lui  disons  le  contraire  de  ce  que 
nous  désirons.  «  Jésus  leur  répondit  :  Je  ne  suis  envoyé  qu'aux  bre- 
bis de  la  maison  d'Israël.  »  —  S.  Jér.  Il  ne  dit  pas  d'une  manière 
absolue  qu'il  n'est  pas  envoyé  aux  Gentils ,  mais  il  déclare  qu'il  a  été 
envoyé  premièrement  au  peuple  d'Israël,  et,  ce  peuple  rejetant  l'Evan- 
gile qui  lui  était  ofifert,  c'était  avec  justice  que  Dieu  en  faisait  part 


nansea  muliere  ;  vel  importunitate  ejus 
carere  cupieates. 

AcG.  {de  cons.  Evanrj.  lib.  ii,  cap. 
49.)  Affert  autem  aliquam  repugnantife 
quœstioneui,  quod  Marcus  in  domo  dicit 
fuisse  Doininuin  ,  cum  ad  illum  venit 
mulier  pro  filia  sua  rogaiis  ;  Jlatthœus 
autem  potest  intelligi  de  domo  tacuisse, 
eamdem  tamen  rem  commémorasse  ; 
sed  quoniam  dicit  discipulos  Domino  ita 
suggessisse  :  «  Dimitte  iilam,  quoniam 
clamai  post  nos,  niliil  videtur  aliud  si- 
gaificare  quam  post  ambulantem  Domi- 
num  mulierem  islam  deprecatorias  vo- 
ces  emisisse.  Intelligendum  est  ergo 
dixisse  quidem  Marcum  quod  intraverit 
ubi  eral  Jésus,  cum  eum  praedixisset, 
fuisse  ia  domo  :  sed  quia  Matthœus  ait  : 


«  Non  respondit  verbum;  »  dédit  agnos- 
cere  (quod  tacueruut  ambo)  in  eo  si- 
lentio  egressum  fuisse  Jesum  de  domo 
illa  :  atque  ita  caetera  coutexuntur,  quae 
jam  in  nullo  discordent. 

Chrys.  (m  homil.  53  ut  sup.)  ^ïstimo 
autem  et  discipulos  ad  calamitatem  mu- 
lieris  esse  trislatos  :  sed  tamen  non  sunt 
ausi  dicere  :  «  Da  ei  banc  gratiam,  sed, 
dimitte  eam  :  »  sicut  et  nos,  cum  volue- 
rimus  alicui  persuadere,  multoties  con- 
traria dicimus.  «  Ipse  autem  respondens 
ait  :  Non  sum  missus  nisi  ad  oves  do- 
mus  Israël,  »  etc.  HiKti.  Non  autem  hoc 
dicit,  quin  ad  gentes  non  missus  sit,  sed 
quod  primum  ad  Israël  missus  est  :  ut 
illis  non  recipientibus  EvangeUum,  justa 
fieret  ad  gentes  transmigratio.   Hemig. 


306 


EXPLICATION   DE    L  EVANGIF.E 


aux  Gentils.  —  Rémi.  Il  est  aussi  envoyé  particulièrement  pour  le  sa- 
lut des  Juifs,  en  ce  sens  qu'il  devait  les  enseigner  lui-même  visi- 
blement et  en  personne.  —  S.  Jér.  C'est  avec  intention  qu'il  dit  : 
«  Aux  brebis  perdues  de  la  maison  d'Israël ,  »  pour  nous  faire  com- 
prendre qu'il  est  ici  question  de  cette  brebis  égarée  dont  il  parle 
dans  une  autre  parabole.  [Luc,  xv.)  —  S.  Chrys.  {hom.  53.)  Mais 
lorsque  cette  femme  vit  que  les  Apôtres  ne  pouvaient  rien  pour  elle, 
elle  devint  impudente  de  la  bonne  sorte  et  saintement  hardie;  car 
elle  n'avait  osé  d'abord  se  présenter  devant  lui ,  comme  l'indiquent 
ces  paroles  des  disciples  :  «  Elle  crie  après  nous,  »  et  c'est  au  moment 
où  il  semble  qu'elle  va  se  retirer  dans  de  mortelles  angoisses,  qu'elle 
s'approche  de  plus  près  :  «  Mais  elle  s'approcha  de  lui  et  l'adora.  » 
—  S.  Jér.  Remari|uez  que  cette  Chauanéenne  commence  par  appeler 
à  plusieurs  reprises  le  Sauveur,  Fils  de  David,  puis  ensuite.  Seigneur, 
et  qu'elle  finit  par  l'adorer  comme  Dieu.  —  S.  Ciîrys.  {hom.  53.) 
Aussi  ne  lui  dit-elle  pas  :  «  Priez  ouiuterc(idez  auprès  de  Dieu,  »  mais  : 
«  Seigneur,  secourez-moi.  »  Mais  plus  cette  femme  multiplie  ses  sup- 
plications, plus  aussi  Jésus  multiplie  ses  refus.  Ce  n'est  plus  le  nom 
de  brebis,  mais  celui  d'enfants,  qu'il  donne  aux  Juifs;  tandis  qu'il  ne 
donne  à  cette  femme  que  le  nom  de  chienne.  «  Et  il  lui  répondit  : 
Il  n'est  pas  bon,  »  etc.  —  La  Glose  (1).  Les  enfants,  ce  sont  les  Juifs 
engendrés  et  nourris  par  la  loi  dans  le  culte  d'un  seul  Dieu  ;  le  pain, 
c'est  l'Evangile,  les  miracles,  et  tout  ce  qui  concourt  à  notre  salut.  Or, 
il  n'est  pas  convenable  que  toutes  ces  grâces  soient  enlevées  aux  en- 
fants et  données  aux  Gentils  qui  sont  ici  désignés  par  les  chiens,  jus- 
qu'à ce  que  les  Juifs  aient  rejeté  les  biens  qui  leur  sont  offerts.  — 
Rab.  Les  Gentils  sont  appelés  chiens  à  cause  de  leur  idolâtrie,  parce 

(1)  Cette  citation  n'est  ni  dans  la  Glose,  ni  dans  saint  Anselme. 


Specialiter  eliam  missus  est  ad  saiutem 
Judœorum,  ut  etiam  corporali  prœsen- 
tia  eos  doceret.  Hier.  Signauter  autem 
dixit  :  «Ad  oves  perdita»  domus  Israiil,  » 
ut  etiam  ex  hoc  loco  uuuc  erroueam 
ovem  de  alla  parabola  iutelligamus.  [Luc. 
jo.)  Chrys.  {in  homil.h^  nt  snp.)  Sed 
quia  mulier  vidil  uibii  pusse  apostulos, 
iuverecuuda  eiîecta  est,  bona  iuvere- 
(juudia  :  antea  enim  ueque  lu  couspec- 
lum  veuire  audebat  :  uude  dictum  est  : 
«  Clamât  post  uos  :  »  quaudo  autem  vi- 
debatur  ut  auguëtiata  recederet,  tuuc 
propius  veuit  :  uudc  sequitur  :  «  At  illa 
venil,  et  adoravit  eum.  »  Hikr.  Nota 
quod  isla  Ciiananœa  perseveranler  pri- 
mum   /iliuiii  Duvhl ,  deiiide   iJouùuum 


vocat  ;  et  ad  extremum  Deum  adoravit. 
CuRYS.  {ut  sup.)  Ideoque  non  dixit  : 
«  Koga,  vel  deprecare  Deum,  sed.  Do- 
mine, adjuva  me.  »  Quanto  ergo  magis 
mulier  multiplieabat  supplicationem , 
tauto  et  ipse  multiplieabat  negatiouem  ; 
et  uon  adhuc  Judaeos  oves  vocat,  sed 
/ilios  :  illam  autem  canem  :  uude  se- 
quitur :  «  Qui  respoudens  ait  :  Non  est 
bonum,  »  etc.  Glossa.  Filii  suutJudaei 
generati  et  nutriti  sub  cultu  uuius  Dei 
per  legem  :  panis  est  EvaugeUum  ;  mi- 
racula,  et  alia  quee  ad  saiutem  uostram 
perfiueut  :  non  est  ergo  conveniens  ut  a 
tîliis  auferautur,  et  deutur  geutilibus 
(qui  suut  canes),  donec  Judœi  repudii-nl. 
Uau.  Canes  autem  geutiles  propter  ido- 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CIIAP.   XV.  367 

que  semblables  aux  chiens  qui  se  nourrissent  de  sang  et  qui  dévorent 
les  cadavres,  ils  sont  atteints  d'une  espèce  de  rage  (1). 

S.  Chrys.  {hom.  53.)  Admirez  ici  la  prudence  de  cette  femme  :  ni 
elle  n'ose  contredire  le  Sauveur,  ni  elle  ne  s'attriste  des  louanges  qu'il 
donne  aux  autres,  ni  elle  ne  se  laisse  abattre  par  cette  parole  outra- 
geante. Mais  elle  répliqua  :  «  11  est  vrai,  Seigneur;  mais  les  petits 
chiens  mangent  au  moins  des  miettes  qui  tombent  de  la  table  de  leur 
maître.  »  Jésus  lui  avait  dit  :  «  Il  n'est  pas  juste  ;  »  elle  répond  :  «  Il 
est  vrai,  Seigneur.  »  Il  appelle  les  Juifs  les  enfants  _,  elle  enchérit  et 
les  appelle  maîtres.  Il  lui  a  donné  le  nom  de  chienne,  elle  ajoute  à  cette 
qualification  en  rappelant  ce  que  font  les  chiens ,  et  semble  dire  au 
Sauveur  ;  Si  je  suis  un  chien,  je  ne  suis  point  étrangère.  Vous  me 
donnez  le  nom  de  chien ,  nourrissez-moi  donc  comme  un  chien,  je  ne 
puis  m'éloigner  de  la  table  de  mon  Maître.  —  S.  Jér.  Quel  exemple 
de  foi,  de  patience,  d'humilité  dans  cette  femme;  de  foi,  elle  croit 
fermement  que  sa  fille  peut  obtenir  sa  guérison  ;  de  patience,  si  sou- 
vent rebutée,  elle  continue  de  prier;  d'humilité,  elle  se  compare,  non 
pas  aux  chiens,  mais  aux  petits  des  chiens  :  «  Je  sais  ,  dit-elle,  que  je 
ne  suis  pas  digne  de  manger  le  pain  des  enfants  ,  ni  de  recevoir  une 
portion  entière,  ni  de  m'asseoir  à  table  avec  le  père  de  famille;  mais 
je  me  contente  des  restes  que  l'on  donne  aux  petits  chiens  ,  afin  de 
m'élever  par  l'humilité  de  ces  miettes  jusqu'à  l'honneur  de  m'asseoir 
à  la  table  où  on  sert  le  pain  tout  entier.  —  S.  Chrys.  {hom.  53.)  Voici 
la  raison  du  retard  que  Jésus  mettait  à  l'exaucer  (2*)  :  il  savait  qu'elle 
lui  tiendrait  ce  langage,  et  il  ne  voulait  pas  qu'une  si  grande  vertu 

(1)  Raban  a  emprunté  cette  pensée  à  saint  Jérôme. 

(2')  Le  mot  grec  àvyaai,  à  la  place  duquel  le  traducteur  latin  aura  lu  àxouffat,  signifie  obtenir, 
gagner,  etc.,  et  nous  lui  avons  donné  ce  sens  comme  plus  en  rapport  avec  le  contexte. 


lulatriam  dicuntur  ;  qui  esui  sanguinis 
dediti  et  cadaveribus  mortuorum  ver- 
tuntur  in  rabiem. 

CuRYS.  {ut  Slip.)  Vide  autem  mulieris 
prudentiam  !  qualiter  neque  contradicere 
ausa  est,  neque  tristata  in  aliorum  lau- 
dibus,  neque  molesta  in  proprio  convi- 
cio  :  uude  sequitur  :  «  At  illa  dixlt  : 
Etiam,  Domine  ;  nam  et  catelli  eduut  de 
micis,  »  etc.  Ule  dixerat  :  «  Non  est  bo- 
num  ;  »  haec  autem  dixit  :  «  Utique,  Do- 
mine; »  ipse  Judœos  filios  vocat,  hase 
autem  dominos  ;  ipse  canem  eam  uomi- 
navit,  haec  autem  et  opus  cauis  adjecit  : 
ac  si  dicat  :  «  Si  canis  sum,  non  sum 
aliéna  :  cauem  me  dicis,  ergo  uutri  me  ut 


canem  :  non  possum  relinquere  meu- 
^am  Domini  mei.  »  Hier.  Mira  autem 
hujuà  mulieris  fides,  patientia,  et  humi- 
litas  prœdicatur  :  fides,  qua  credebat  sa- 
nari  posse  filiam  suam  ;  patientia ,  qua 
loties  contempta  in  precibus  persévérât  ; 
humilitus,  quod  se  non  canibus,  sed 
catulis  comparai.  «  Scio  me,  inquit,  fi- 
liorum  panem  non  mereri,  nec  integros 
capere  posse  cibos,  nec  sedere  ad  men  - 
sam  cum  paire  ;  sed  contenta  sum  reli- 
quiis  calulorum,  ut  per  humilitatem 
mearum  ad  panis  integri  veniam  magni- 
tudiuem.  »  Chrys.  Propter  hoc  autem 
Chrislus  lardabal:  prajsciebat  enim  eam 
hoc  dicluram,  uec  occultari  volebat  tau  - 


368 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


demeurât  cachée.  «  Alors  Jésus ,  lui  répondant ,  lui  dit  :  0  femme, 
votre  foi  est  grande,  qu'il  vous  soit  fait  comme  vous  le  désirez.  »  Ne 
semble-t-il  pas  lui  dire  :  «  Votre  foi  mériterait  d'obtenir  bien  davan- 
tage, mais  en  attendant,  qu'il  vous  soit  fait  comme  vous  le  désirez,  » 
Remarquez  ici  la  part  considi^able  qui  revient  à  cette  femme  dans  la 
gnérison  de  sa  fille.  Aussi  Jésus  ne  lui  dit  pas  :  «  Que  votre  fille  soit 
guérie,  »  mais  :  «  Votre  foi  est  grande ,  qu'il  vous  soit  fait  comme 
vous  le  désirez,  »  pour  vous  apprendre  qu'elle  parlait  avec  simplicité, 
sans  flatterie,  et  que  sa  prière  était  animée  par  la  foi  la  plus  vive.  Or, 
cette  parole  du  Sauveur  est  semblable  à  cette  autre  que  Dieu  pro- 
nonça au  commencement  du  monde  :  «  Que  le  firmament  soit  fait ,  et 
il  fut  fait;  »  carl'Evaugéliste  ajoute  :  «  Et  sa  fille  fut  guérie.  »  Remar- 
quez encore  qu'elle  obtient  elle-même  ce  que  les  Apôtres  n'ont  pu  ob- 
tenir, tant  la  prière  persévérante  a  de  puissance  !  Dieu,  en  effet,  aime 
mieux  que  nous  le  prions  beaucoup  nous-mêmes  pour  nos  péchés, 
que  d'avoir  recours  aux  prières  des  autres. 

Rémi.  Nous  avons  encore  ici  un  exemple  de  la  nécessité  d'instruire 
et  de  baptiser  les  enfants.  Cette  femme ,  en  effet ,  ne  dit  pas  :  «  Sau- 
vez ma  fille,  ou  secourez-là,  »  mais  :  «  Ayez  pitié  de  moi,  et  secou- 
rez-moi. »  De  là  est  venue,  dans  l'Eglise,  la  coutume  que  les  fidèles 
engagent  leur  foi  pour  leurs  enfants  ,  alors  que  ceux-ci  n'ont  ni  Fàge 
ni  la  raison  pour  l'engager  eux-mêmes  à  Dieu  ;  et  de  même  que  c'est 
par  la  foi  de  cette  femme  que  sa  fille  fut  guérie ,  de  même  aussi  c'est 
par  la  foi  des  parents  catholiques  que  les  péchés  sont  remis  à  leurs 
enfants. 

Dans  le  sens  allégorique ,  cette  femme  est  la  figure  de  la  sainte 
Eglise,  formée  et  rassemblée  de  toutes  les  nations.  Le  Seigneur,  en 


tam  mulieris  virtutem  :  unde  sequitur  : 
«Tune  respoadens  Jésus,  ait  illi  :0  mil- 
lier, magna  est  fi  des  tua;  fiât  tibi  sicul 
vis.  »  Ac  si  dicat  :  «  Fides  tua  majora  his 
audire  potest  ;  verum  intérim  fiât  tibi  si- 
cut  vis  :  »  vide  autemqualiter  non  parum 
ethœc  mulieriululit  infiliœ  mediciuam  : 
propter  hoc  enim  neque  Chrislus  dixit  : 
«  Sana  sit  filia  tua 5  sed,  magna  est  iides 
tua ,  fiât  tibi  sicut  vis ,  »  ut  discas  quo- 
niam  siuipliciter  loquebatur,  et  non  adu- 
lationis,  sed  multae  tidei  erant  verba  ip- 
sius.  Hœc  autein  Cliristi  vox  similis  est 
ilii  voci  qua  dixit  :  «  Fiat  firmamentum.  » 
et  factum  est:  unde  sequitur  :  «Et  sana- 
ta  est  filia  ejus,»  etc.  Intende  auteni 
qualiler  aposlolis  non  impetrantibus  im- 
petrat  ipsa  :  tam  magnum  quid  est  ins- 


tantia  orationis  !  Etenim  pro  nostris  uo- 
xis  a  nobis  vult  magis  rogari  quam  ab 
aliis  pro  nobis. 

Remig.  His  etiam  verbis  datur  nobis 
exempluni  catechizandi  et  baptizandi 
pueros  ;  quoniam  hic  mulier  non  ait  : 
«  Salva  filiam  meam,  aut  adjuva  eam  ; 
sed,  miserere  mei,  et,  adjuva  me  ;  »  hinc 
etenim  descendit  consuetudo  in  Eccle- 
sia  ut  fidèles  pro  suis  parvulis  fidem 
Deo  promittant,  quando  ipsi  non  sunt 
tanlœ  aitatis  et  rationis,  ut  per  se  fidem 
Deo  promittere  valeant  ;  quatenus  sicut 
fide  istius  mulieris  sanata  est  filia  ejus, 
ita  et  fide  virorum  catholicorum  pecca- 
ta  parvulis  relaxentur. 

Allegorice  autem  hœc  mulier  sanclam 
Ecciesiam  signilîeat,  de  gentibus  congre- 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XV. 


369 


abandonnant  les  scribes  et  les  pharisiens  pour  venir  dans  le  pays  de 
Tyr  et  de  Sidon,  figurait  l'abandon  où  il  devait  laisser  les  Juifs  pour 
porter  l'Evangile  aux  Gentils.  Cette  femme  a  passé  les  frontières  de 
son  pays,  de  même  la  sainte  Eglise  a  quitté  ses  anciennes  erreurs  et 
ses  vices  d'autrefois.  —  S.  Jék.  Cette  fille  de  la  Chananéenne,  ce  sont 
les  âmes  des  fidèles  cruellement  tourmentées  par  le  démon ,  alors 
qu'elles  étaient  privées  de  la  connaissance  de  leur  Créateur  et  qu'elles 
adoraient  des  idoles  de  pierre.  —  Hemi.  Les  enfants,  ce  sont  les  pa- 
triarches et  les  prophètes  de  ce  temps-là  ;  la  table  figure  la  sainte 
Ecriture;  les  miettes,  les  préceptes  secondaires  ,  ou  les  mystères  inté- 
rieurs dont  se  nourrit  la  sainte  Eglise;  les  croûtes  de  pain,  les  pré- 
ceptes extérieurs  et  charnels  qu'observaient  les  Juifs.  Les  miettes  sont 
mangées  sous  la  table,  parce  que  l'Eglise  se  soumet  avec  humilité  à 
l'accomplissement  des  préceptes  divins.  —  Rab.  Les  petits  chiens  ne 
mangent  pas  les  croûtes  (1),  mais  les  miettes  du  pain  des  enfants. 
Ainsi  lorsque  ceux  qui  étaient  l'objet  du  mépris  parmi  les  nations  se 
convertissent  à  la  foi,  ils  ne  cherchent  pas  l'écorce  de  la  lettre  dans 
les  saintes  Ecritures,  mais  le  sens  spirituel  qui  peut  hâter  leur  progrès 
dans  les  bonnes  œuvres. 

S.  Jér.  Quel  étonnant  changement  s'est  opéré  !  Autrefois  les  Israélites 
étaient  les  enfants  et  nous  étions  les  chiens  ;  mais  la  foi  si  différente 
dans  les  uns  et  dans  les  autres  a  changé  cette  dénomination.  Plus  tard, 
alors  que  s'accomplissait  re  mystère  au  temps  de  la  passion,  il  est  dit 
des  Juifs  :  a  Un  grand  nombre  de  chiens  dévorants  m'ont  entouré.  » 
Pour  nous,  au  contraire,  nous  avons  entendu  avec  la  Chananéenne 

(1)  Cette  explication  est  peut-être  trop  textuelle ,  parce  qu'elle  ne  l'est  pas  assez,  car  les  miettes 
ne  doivent  pas  s'entendre  ici  dans  un  sens  différent  des  petits  morceaux,  des  débris  ou  fragments 
de  pain  qui  peuvent  être  aussi  bien  des  croûtes  que  de  la  mie.  Le  mot  grec  i^f/itcoôwv  vient  de  4"?  ; 
qui  signifie  petite  parcelle  d'or. 


gatam  :  per  hoc  enim  quod  Dominus  re- 
lictis  scribis  et  pliarisœis  venit  in  partes 
Tyri  et  Sidonis,  praefigurabatur  quia  re- 
licturus  erat  Judfeos ,  et  trausiturus  ad 
gentes.  Est  autem  liaec  mulier  egressa 
a  finibus  suis,  quoniain  Ecclesia  sancta 
recessit  a  pristinis  erroribus  et  vitiis. 
Hier.  Filiam  autem  Cliauanaeae  puto 
animas  esse  credentium  ,  qu:je  maie  a 
daemonio  vexabantur,  ignorantes  Créa  - 
torem  ,  et  adorantes  lapideni.  Remig. 
Filios  autem  Dominus  appellat  patriar- 
chas  et  prophetas  illius  temporis;  per 
mensam  designatur  sacra  Scriptura;  per 
micas  vero  minimapraîcepla  vel  interna 
mysteria,  quibus  sancta  Ecclesia  pasci- 
citur;  per  cnistas  ,yevo  ,  carualia  prai- 

TOM.  II. 


cepta,  quae  Judaei  observant  ;  micae  autem 
sub  mensa  comedi  dicuntur,  quia  Eccle- 
sia humiiiter  se  submiltit  ad  impleuda 
divina  prcecepta.  Rab.  Non  autem  crus- 
tas,  sed  micas  de  pane  puerorum  edunl 
catelli;  quia  conversi  ad  fidem  qui 
erant  despecti  iu  gentibus  ,  non  iitterae 
superficiem  in  Scripturis,  sed  spiritualem 
sensum  (quo  in  bonis  actibus  proficere 
valent)  inquirunt. 

Hier.  Mira  autem  rerum  conversio, 
Israël  quondam  filiits,  nos  canes  :  pro 
diversitate  lidei,  ordo  norainum  com- 
mutatur  :  de  illis  postea  dicitur  (quoad 
impletiouem  mysterii  tempore  passio- 
nis)  :  «  Circumdederunt  me  canes  mul- 
ti  :  »  nos  audivimus  cum  muliere  :  «  Fides 

24 


370  EXPLICATION   DR   L  ÉVANGILE 

cette  parole  :  «  Votre  foi  vous  a  sauvée.  »  —  Rab.  C'est  à  juste  titre 
que  le  Sauveur  déclare  que  cette  foi  est  grande  ;  car  sans  avoir  été  ni 
pénétrés  des  enseignements  de  la  loi ,  ni  instruits  par  les  oracles  des 
prophètes,  les  Gentils  ont  obéi  à  la  prédication  des  Apôtres  aussitôt 
qu'ils  ont  entendu  leur  voix ,  et  ont  ainsi  mérité  la  grâce  du  salut. 
Mais  si  le  Seigneur  diffère  d'accorder  le  salut  d'une  âme  aux  pre- 
mières larmes  de  l'Eglise  suppliante,  il  ne  faut  ni  désespérer,  ni  cesser 
de  demander,  mais  redoubler  de  persévérance  dans  la  prière. 

S.  AuG.  {Quest.  évang.,  i,  16  ou  17.)  Le  serviteur  du  centurion  et 
la  lille  de  la  Chananéenne  ont  été  guéris  sans  que  le  Seigneur  soit 
entré  dans  leurs  maisons,  et  figurent  les  nations,  qui,  sans  être  visitées 
extérieurement  par  Jésus-Christ _,  seront  sauvées  par  sa  parole.  C'est 
à  la  prière  du  centurion  et  de  la  Chananéenne  que  leurs  enfants  (1) 
sont  guéris,  et  ils  sont  en  cela  la  figure  de  l'Eglise ,  qui  est  tout  à  la 
fois  pour  elle-même  et  la  mère,  et  les  enfants;  car  la  réunion  de  tous 
ceux  qui  composent  l'Eglise  ,  porte  le  nom  de  mère  ,  et  chacun  des 
membres  reçoit  le  nom  d'enfant.  —  S.  Hil.  Ou  bien  encore ,  cette 
femme,  qui  franchit  les  frontières  de  son  pays,  est  la  figure  des  pro- 
sélytes; elle  sort  du  milieu  des  nations,  pour  venir  au  milieu  d'un 
peuple  qui  lui  est  étranger;  elle  prie  pour  sa  fille,  c'est-à-dire  pour  le 
peuple  des  Gentils,  soumis  à  la  domination  des  esprits  immondes,  et 
comme  la  loi  lui  a  fait  connaître  le  Seigneur ,  elle  l'appelle  fils  de 
David.  —  Rab.  Disons  encore  que  celui  dont  la  conscience  est  souillée 
de  la  tache  du  péché  a  sa  fille  tourmentée  cruellement  par  le  démon  ; 
de  même  celui  qui  empoisonne  ses  bonnes  œuvres  par  le  venin  du 

(1)  Ce  ne  fut  point  le  fils  du  centurion,  mais  son  serviteur,  qui  fut  guéri,  et  cette  expression 
d'enfant  ne  s'explique  ici  que  parce  que  dans  le  grec  le  mot  uaîç  signifie  à  la  fois  enfant  et  ser- 
viteur. 


tua  te  salvum  fecit.  »  Rab.  Quae  merilo 
magna  dicitur,  quia  ciiiri  gentes  nec 
lege  fuerint  itubutae,  nec  vocibus  proplie- 
tarum  inslructiE,  ad  prcedicationem  mox 
apostolorum  iu  audilu  auris  obedieruut  ; 
ideoque  salutem  impetrare  uieruerunt  ; 
veruiu  si  ad  primas  EcclesijE  rogantis 
lacrymas  Domiuus  salutem  aulm*  dilTort 
dare,  non  est  desperandum,  vel  a  peteu- 
do  cessaudum,  sed  magis  precibus  iusis- 
tendum. 

Alg.  {de  Quœst.  Evang.  lib.  i,  cap.  IG 
vel  17.)  Quod  et  puerum  Ceiituriouis,  et 
tiliam  Chananae*  mulieris ,  uou  veuiens 
ad  domos  eorum  sanat,  sigiiiticat  gen- 
tes ad  quas  non  venit,  salvas  fore  per 
verbum  suum  :  quod  ipsis  rogantibus 


filii  sanantur,  intelligenda  est  persona 
Ecclesi*,  quae  sibi  est  et  mater  et  filii  : 
nam  simul  omnes  quibus  constat Eecle- 
sia,  mater  dicitur,  singuli  autem  iidem 
ipsi  filii  appellanlur.  HiuvR.  {Can.  i  in 
Mutth.)  Vel  bœc  mulier  proselytorum 
formam  prœfert,  fines  sucs  egressa  ;  ex 
gentibus  scilicet  iu  populi  alterius  no- 
nieu  excedens  :  quae  pro  fi  lia  (videlicet 
gentium  plèbe  dominatu  immundorum 
spirituum  occupata)  orat;  et  quia  Do- 
minum  toguovit  ex  lege,  David  filium 
nuucupat.  Uab.  Item  si  quis  conscien- 
tiam  habet  alicu^us  vitii  sorde  poliu- 
tam,  filiam  iiabet  maie  a  daemonio  ve- 
xatam  :  item  si  quis  bona  qua^  gessit, 
peccatorum  peste  fœdavit,  filiam  babel 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XV.  371 

péché,  a  également  sa  fille  agitée  par  les  fureurs  de  l'esprit  impur, 
et  ils  doivent  tous  deux  avoir  recours  aux  prières  et  aux  larmes ,  et 
réclamer  le  recours  et  l'intercession  des  saints. 

^.  29-31.  —  Jésus,  étant  parti  de  là,  vint  le  long  de  la  mer  de  Galilée;  et,  étant 
monté  aur  une  montagne,  il  s'y  assit.  Alors  de  grandes  troupes  de  peuple  le 
vinrent  trouver,  ayant  avec  eux  des  muets,  des  aveugles,  des  boiteux,  des  estro- 
piés et  beaucoup  d'autres  malades  qu'ils  mirent  à  ses  pieds;  et  il  les  gué- 
rit; de  sorte  que  ces  peuples  étaient  dans  l'admiration ,  voyant  que  les  muets 
parbiieut ,  (pie  les  axeugies  voyaient,  et  ils  rendaient  gloire  au  Dieu  d'Is- 
raël. 

La  Glose.  Après  avoir  guéri  la  fille  de  la  Cliananéenne ,  Notre- 
Seigucur  retourne  dans  la  Judée  :  «Jésus,  étant  sorti  de  là,  vint  le 
long  delà  mer  de  Galilée.  »  —  Rémi.  Cette  mer  porte  différents  noms; 
elle  s'appelle  mer  de  Galilée,  parce  qu'elle  est  proche  de  la  Galilée,  et 
mer  de  Tibériade ,  parce  que  la  ville  de  Tibériade  est  bâtie  sur  ses 
bords. 

«  Et,  étant  monté  sur  la  montagne,  il  s'y  assit.  »  —  S.  Gurys. 
{hom.  53.)  Remarquons  que  tantôt  le  Sauveur  parcourt  le  pays  pour 
guérir  les  malades,  tantôt  il  s'assied  pour  les  attendre.  C'est  donc 
avec  raison  que  l'Evangéliste  ajoute  :  «  Et  de  grandes  troupes  de 
peuple  vinrent  le  trouver.  »  —  S.  Jér.  Le  mot  grec  xuXXoùç,  que  le 
traducteur  latin  a  rendu  par  infirmes,  ne  signifie  pas  infirmité  en  gé- 
néral, mais  une  infirmité  particulière;  et  de  même  qu'on  appelle 
boiteux  celui  qui  boite  d'un  pied,  ainsi  on  appelle  -/.uXXbç  ou  manchot 
celui  qui  est  privé  de  l'usage  d'une  main.  —  S.  Ghrys.  Or,  ces  infirmes 
manifestaient  leur  foi  de  deux  manières  et  en  gravissant  la  montagne. 


iiunmudi  spiritus  furiis  agitatam  :  ideo- 
que  necesse  est  ut  ad  preces  lacrymasijue 
confugiat,  sanctoruuique  iuLercessioues 
et  auxilia  quaerat. 

Et  cum  transisset  inde  Jésus,  venit  secus  mare 
Galilœœ,  et  ascendens  in  ntontem  sedebat  ibi. 
Et  accesserunt  ad  eutn  turbœ  multœ,  habentes 
se.cum  mutos,  cœcos,  ctaudos,  débiles,  et  alios 
miiltos.  Et  prnjecerunt  eos  ad  pedes  ejus,  et 
curavit  eos  ;  ita  ut  turbœ  mirareatur,  videntes 
mutos  loquentes,  claudos  ambulantes,  cœcos 
videntes,  et  magnificabant  Deum  Israèl. 

Glossa.  Sanata  Chanantese  filia,  rever- 
titur  Domiiius  ad  Judfeain  :  unde  dici- 
tur  :  «  Et  cum  transisset  inde  Jésus  ve- 
nit secus  mare.»  Remig.Hoc  mare  diver- 
sis  vocabulis  appellatur  :  dicitur  enim 


mare  Galilœx,  propter  Galilseam  ad- 
jacentem  ;  mare  Tiberiadis,  propter 
Tiberiadem  civitatem. 

Sequitur  :  «  Et  ascendens  in  montem 
sedebat  ibi.  »  CuRYs.  (  in  liomil.  53  ut 
sup.)  Considerandum  autem  quod  ali- 
quaudo  Domiuus  circuit  ut  sanet  infir- 
mes ;  aliquaado  autem  sedet,  expectans 
eos  :  et  ideo  couvenienter  bicsubditur  : 
«  Et  accesserunt  ad  eum ,  »  etc.  Hier. 
In  eo  ioco  ubi  latiuus  iuterpres  transtu- 
Wi  débiles,  in  grœcoscriplum  eàlcyllous 
(xuXXoy;)  quod  non  debilitatis  générale^ 
sed  unius  infirmitalis  nomen  est  ;  ut 
quomodo  claudus  dicitur  qui  pede  clau- 
dicat  uno,  sic  cyllos  (/.•j),)>à:)  appelletur, 
qui  unam  manuui  debiiem  habet.  Ghrys. 
I  {ut  sup.)  Hi  autem  iu  duobus  fidem  suam 


372  EXPLICATION  DR   l'ÉVANGILE 

et  en  étant  convaincus  qu'il  leur  suffisait  pour  être  guéris  d'être  jetés 
aux  pieds  de  Jésus.  Ils  ne  cherchent  pas  encore  à  toucher  la  frange 
de  ses  vêtements,  mais  ils  font  preuve  d'une  foi  plus  grande,  comme 
le  remarque  l'Evangéliste  :  «  Et  ils  les  mirent  à  ses  pieds.  »  Il  a  guéri 
la  fille  de  la  Chananéenne  après  l'avoir  fait  longtemps  attendre,  pour 
faire  éclater  la  vertu  de  cette  femme ,  tandis  qu'il  guérit  immédia- 
tement tous  ces  infirmes,  non  pas  qu'ils  fussent  meilleurs,  mais  afin 
de  fermer  la  bouche  aux  Juifs  incrédules  :  «  Et  il  les  guérit  tous.  » 
Le  grand  nombre  de  ceux  qui  étaient  guéris  ,  et  la  promptitude  avec 
laquelle  il  les  guérissait  les  jetaient  dans  l'étonnement ,  «  de  telle 
sorte,  »  dit  le  texte  sacré,  «  que  ces  peuples  étaient  dans  l'admiration 
en  voyant  les  muets  qui  parlaient,  »  etc. 

S.  Jér.  Il  ne  dit  rien  de  ceux  qui  étaient  estropiés ,  parce  qu'il  ne 
pouvait  exprimer  leur  guérison  en  un  seul  mot  (l*). 

Rab.  Dans  le  sens  mystique,  Notre- Seigneur,  après  avoir  donné  une 
figure  de  la  conversion  des  Gentils  dans  la  guérison  de  la  fille  de  la 
Chananéenne,  vient  dans  la  Judée,  parce  qu'en  effet,  après  que  la 
plénitude  des  nations  sera  entrée  dans  l'Eglise,  tout  Israël  sera  sauvé.  » 
{Rom,  XI.) — La  Glose.  La  mer,  sur  les  bords  de  laquelle  arrive  Jésus, 
est  la  figure  du  trouble  et  de  l'agitation  de  cette  vie  ;  c'est  la  mer  de 
Galilée  (2*),  parce  que  les  hommes  passent  de  la  pratique  des  vices  à 
celle  des  vertus.  —  S.  Jér.  Il  monte  sur  le  sommet  de  la  montagne 
comme  l'oiseau  qui  provoque  ses  petits  encore  faibles  à  prendre  leur 
essor.  —  Rab.  C'est  afin  d'élever  l'esprit  de  ses  auditeurs  jusqu'à  la 

(T)  Cette  explication  n'est  pas  très-naturelle.  Saint  Jérùme,  au  lieu  de  debilibus ,   met  le  mot 

grec  v.v'yiobç. 

(2*)  Pour  comprendre  cette  interprétation  mystique,  il  faut  se  rappeler  l'étymologie  du  mot  Gali- 
lée, en  hébreu    /' /3  volubilis,  versatilis. 


demonstrabant  j  et  in  ascendendo  mon- 
tem  el  ia  hoc  quia  existimabant  se  uullo 
alio  indigere,  nisi  ut  projicerentur  ad 
pedes  Jesu  :  neque  etiam  adbuc  tangunt 
fimbriam  vestimenti,  sed  et  ad  altiorem 
fideui  ascenduut  :  unde  dicitur  :  «  Et 
projeceruut  eos  ad  pedes  ejus.  »  Et  mu- 
lieris  quidera  filiam  cum  uuilta  tardit.ite 
curavit,  ut  ejus  virtulem  ostenderet  :  liis 
auteiu,  uon  (juia  meliores  erant,  sed  ut 
infidelium  Judteorum  ora  obslrueret, 
coufestim  sauatioueui  pra'bet  :  unde  si>- 
quitur  :  «  El  curavit  omnes.  »  IMultitudo 
autem  eorum  qui  curabantur,  et  facilitas 
sanalionis  eos  in  stuporem  itiittebat  : 
uude   sequitur   :    «   Ma    ut    turbœ    mi- 


rarentur,  videntes  mutos  loqueutes.  » 
Hier.  De  debilibus  tacuit  ;  quia  quid 
e  contrario  diceret  uno  verbo,  uon  ha- 
bebat. 

Rab.  Mystice  autem  cura  in  filia  Cha- 
nanteae  praefigurasset  salutera  gentium  , 
venit  in  Judseam,  quia  cum  plenitudo 
geulium  intraverit,  tune  omnis  Israël 
salvus  erit.  [Rom.  ii.)  Glossa.  Mare  au- 
tem juxta  quod  venit  Jésus,  turbida  hu- 
jus  seculi  volumina  significat  ;  quod  est 
Galilaa,  cum  homiues  a  vitiis  ad  virtu- 
les  transmigrant.  Hier.  Ascendit  autem 
in  montera,  ut  quasi  avis  teneros  provo- 
cel  ad  volandum.  Rab.  Ut  scilicet  audito- 
res  suos  erigat  ad  superna  et  caeleslia 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAF.    XV. 


373 


méditation  des  vérités  suhlimes  et  célestes.  Il  s'assied  sur  le  sommet, 
pour  nous  montrer  qu'on  ne  doit  chercher  le  repos  que  dans  les  choses 
du  ciel.  Pendant  qu'il  est  assis  sur  la  montagne,  c'est-à-dire  dans  la 
cité  des  cieux  ,  une  multitudi'  de  fidèles  s'approchent  de  lui  avec  un 
saint  empressement,  conduisant  avec  eux  les  muets  et  les  aveugles,  »  etc., 
et  ils  les  mettent  aux  pieds  de  Jésus  ,  parce  que  c'est  à  lui  seul  qu'ils 
présentent  pour  être  guéris  ceux  qui  confessent  leurs  péchés.  La  ma- 
nière dont  il  les  guérit  excite  l'admiration  de  la  foule  ,  et  ils  rendent 
gloire  au  Dieu  d'Israël;  c'est  ainsi  que  les  fidèles  chantent  les  louanges 
de  Dieu,  lorsqu'ils  voient  ceux  dont  l'âme  était  languissante  et  ma- 
lade, s'enrichir  des  œuvres  des  vertus  chrétiennes.  —  La  Glose  (1). 
Les  muets  sont  ceux  qui  ne  louent  jamais  Dieu  ;  les  aveugles,  ceux 
qui  ne  comprennent  pas  les  voies  de  la  véritable  vie;  les  sourds,  ceux 
qui  n'obéissent  pas  à  sa  parole  ;  les  boiteux,  ceux  qui  ne  marchent  pas 
droit  dans  le  chemin  du  devoir  ;  les  infirmes  et  les  estropiés,  ceux  qui 
sont  comme  frappés  d'impuissance  par  les  bonnes  œuvres. 

j.  32-38.  —  Or  Jésus  ,  ayant  appelé  ses  disciples,  leur  dit  :  J'ai  compassion  de 
ce  peuple,  parce  qu'il  y  a  déjà  trois  jours  qu'ils  demeurent  continuellement  avec 
moi,  et  ils  n'ont  rien  à  manger  ;  et  je  ne  veux  pas  les  renvoyer  qu'ils  n'aient 
mangé,  de  peur  qu'ils  ne  tombent  en  défaillance  dans  le  chemin.  Ses  disciples  lui 
répondirent  :  Comment  pourrons-nous  trouver  en  ce  lieu  désert  assez  de  pain 
pour  rassasier  une  si  grande  multitude  de  personnes  ?  Et  Jésus  leur  répondit  : 
Combien  avez-vous  de  pains?  Sept,  lui  répondirent-ils,  et  quelques  petits  pois- 
sons. Alors  il  commanda  au  peuple  de  s'asseoir  sur  la  terre;  et  prenant  les  sept 
pains  et  les  poissons,  après  avoir  rendu  grâces,  il  les  rompit  et  les  donna  à  ses 
disciples,  et  ses  disciples  les  donnèrent  au  peuple.  Tous  en  mangèrent  et  furent 
rassasiés  ;  et  on  emporta  sept  corbeilles  pleines  des  morceaux  qui  étaient  restés. 

(1)  Ou  plutôt  saint  Anselme  comme  plus  haut. 


meditanda  :  sedebatque  ibi,  ut  demons- 
trarel  non  nisi  iu  cœlestibus  requiem 
esse  quœrendani.  Eo  autem  sedeute  in 
monte  (id  est,  in  cœlorum  arce),  accé- 
dant turbte  fidelium  devota  mente  iili 
appropinquantes  ;  ducentes  secum  mutos 
et  csecos,  etc,  eosque  ad  pedes  Jesu  pro- 
jiciunt  ;  quia  peccata  confitentes  ipsi 
soli  curandos  subjiciunt  :  quos  ita  curât, 
ut  turbœ  mirentur  et  magnificent  Deum 
Israël  :  quia  fidèles  quando  viderint  eos 
qui  spirtualiter  œgrotaverimt,  diversis 
operibus  virtutum  ditatos,  laudem  Deo 
décantant.  Glossa.  Mvti  autem  sunt  qui 
non  laudant  Deum  ;  cœci,  (fui  non  intel- 
liîïunt  viani  vitœ  ;  svrdi,  qui  non  obtem- 


pérant ;  claudi  per  dévia  boni  operis 
non  recte  euntes;  débiles  sunt  qui  infirmi 
sunt  in  bonis  operibus. 

Jésus  autem  coiiuocatis  discipulis  suis,  dixit  : 
Misereor  turbce,  quia  triduo  jam  persévérant 
mecum,  et  non  habent  quod  manducent ;  et  di- 
mittere  eos  jejunos  nolo,  ne  deficiant  in  via. 
Et  dicunt  ei  discipuli  :  Unde  ergo  nobis  in  de- 
serto  panes  tantos,  ut  saturemus  turbam  tan- 
tam  ?  Et  ait  illis  Jésus  :  Quot  panes  habetis  ? 
At  illi  dixerunt:  Septem,  et paucns  pisciculos. 
Et  prœcepit  tiirbœ  ut  discumberent  super  ter- 
rant. Et  aecipiens  septem  panes  et  pisces,  et 
gratias  agens  fregit  et  dédit  discipulis,  et  dis- 
cipuli dederunt  populo.  Et  comederunt  omnes, 
etsalurati  sunt.  Et  quod  superfuit  de  fragmen- 
tis  tulerunt  septem  sportas  plenas.  Erant  au- 


37i 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


Or  ceux  qui  en  mangèrent  étaient  au  nombre  de  quatre  mille  hommes ,  sans 
compter  les  petits  enfants  et  les  femmes. 

S.  Jér.  Notre-Seigneur  .](';sus-Christ  a  commencé  par  rendre  la 
santé  aux  infirmes;  il  nourrit  maintenant  ceux  qu'il  vient  de  guérir. 
Il-  réunit  ses  disciples  et  leur  apprend  ce  qu'il  va  faire  :  «  Et 
Jésus,  »  etc.  Il  agit  ainsi  pour  enseigner  aux  maîtres,  par  son 
exemple ,  à  communitiuer  leurs  desseins  à  leurs  inférieurs  et  à  leurs 
disciples ,  et  aussi  pour  que  cet  entretien  rende  plus  éclatant  le  mi- 
racle qu'il  va  faire.  —  S.  Chrys.  {Jiom.  54.)  Cette  multitude,  qui  n'é- 
tait venue  que  pour  obtenir  sa  guérisou ,  n'osait  demander  du  pain  ; 
mais  Jésus ,  qui  est  l'ami  des  hommes  et  qui  prend  soin  de  tous ,  leur 
en  donne  sans  attendre  qu'ils  en  demandent  :  «  J'ai  compassion  de  ce 
peuple,  leur  dit-il.  Et  pour  qu'on  ne  puisse  pas  dire  qu'ils  avaient 
apporté  leur  nourriture  avec  eux,  il  ajoute  :  «  Car  voilà  trois  jours 
qu'ils  demeurent  continuellement  avec  moi  et  ils  n'ont  rien  à  man- 
ger. B  Quand  même  ils  auraient  eu  des  vivres  avec  eux  lorsqu'ils  arri- 
vèrent, ils  étaient  déjà  consommés;  aussi  ne  fait-il  pas  ce  miracle 
le  premier  ou  le  second  jour,  mais  le  troisième,  alors  que  toutes  les 
provisions  étaient  épuisées ,  afin  que  le  sentiment  du  besoin  leur  fit 
recevoir  avec  un  désir  plus  ardent  le  prodige  qu'il  allait  opérer.  Il 
fait  voir  «qu'ils  étaient  venus  de  loin  et  qu'il  ne  leur  restait  plus  rien 
en  disant  :  «  Je  ne  veux  pas  les  renvoyer  qu'ils  n'aient  mangé,  o  Son 
intention  est  bien  de  les  nourrir  par  un  nouveau  miracle  ;  cependant 
il  en  difiere  l'exécution,  car  il  veut,  par  cette  question  et  parla 
réponse  qui  doit  la  suivre ,  rendre  ses  disciples  plus  attentifs  et  les 
forcer  à  manifester  leur  foi ,  en  lui  demandant  de  faire  une  nouvelle 
multiplication  des  pains.  Mais  quoique  Jésus-Christ  eût  réuni  dans  le 


tem  qui  manducaverant,  quatuor  millia  hotni- 
num  pxtrn  parvulos  et  muUeres. 

Hier.  Prias  Clirislus  iulirmcniui  dc- 
bilitales  abstulerat  :  puslea  vero  sauatis 
offert  cibos.  Couvocat  (jiioque  discipulos 
suos  ,  et  quod  facturas  est ,  loqaitur  : 
unde  dicitur  :  «  Jesas  auleiii,  »  etc.  Hoc 
auteai  facit  at  maulstris  excuiplaiu  tri- 
huat,  cnin  iniaoribus  alquo  discipalis 
«•oiamauicandi  cuiisilia,  vel  ut  ex  confa- 
bulatioue  iutellijiit  si;jrni  aia^nitadineiu. 
Chrys.  (in  hom.  ai,  in  Molth.)  Tur- 
bae  euiiii  caui  ad  saaatiuueni  veaissent, 
non  aud(!l)ant  pelere  paues;  unde  iiise 
arnator  lioniinum,  et  oniniuui  curam 
îierens,eliam  uon  petenlibus  dat  :  prop- 
tpf  quod  dicit  :  «Misereor  turb.T.  »  Ne 
aulcin  dicalur ,  qiioniam  veuieiiti's  via- 


ticum  portaverant,  dicit  :  «  Quia  tri- 
duo  jam  persévérant  mecum,  et  non 
liabent  quod  manducent.  »  Ktsi  enim 
quaiido  venerunt  cibos  habuerant,tamen 
consumpti  jam  eraut  ;  et  propter  hoc, 
non  in  prima  aut  secunda  die  hoc  fecit, 
sedintertia,  quando  jam  omnia  erant 
consmupta  :  ut  prius  ipsi  in  necessitate 
constituti  cuni  auqdiori  desiderio  susci- 
perent  quod  iiebat.  Monstrat  autem  et 
quod  de  iouçre  vénérant,  et  nihil  eis  re- 
Hquimi  fuerat,  in  hoc  quod  dicit  :  «  Et  di- 
mittere  eos  jejuuos  nolo.  »  etc.  Cuui  au- 
tem nolit  eos  jejunos  dimiltere ,  ideo 
tamen  non  statiin  signum  facit.  ut  ex 
bac  iuterrogalione  et  responsione  atleu- 
liores  discipulos  faciat ,  et  fidem  suam 
osteiidenles  dicaut  :  «  Fac  panes.  »  Kt 
quanivis  Christus  phirima  fecerit  ut  mi- 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XV. 


375 


premier  miracle  les  circonstances  <iui  devaient  en  rendre  toujours 
présent  le  souvenir  à  leur  esprit,  comme  de  distribuer  eux-mêmes  le 
pain ,  de  recueillir  les  restes  dans  les  corbeilles ,  cependant  leurs  dis- 
positions étaient  encore  bien  imparfaites ,  ainsi  ([ue  le  prouve  la 
réponse  qu'ils  font  à  Jésus  :  «  Comment  pourrons-nous  trouver,  »  etc. 
Cette  réponse ,  qui  indique  une  foi  faible ,  met  cependant  à  l'abri  de 
tout  soupçon  le  miracle  qui  va  s'opérer.  Car ,  afin  qu'on  ne  puisse 
supposer  que  les  provisions  ont  été  apportées  de  quelque  bourg 
voisin,  le  miracle  se  fait  dans  la  solitude,  à  une  grande  distance  de 
tout  endroit  habité.  Cependant,  le  Sauveur,  pour  élever  leur  âme, 
leur  adresse  une  question  dont  la  nature  seule  doit  leur  rappeler  le 
premier  miracle  :  «  Et  Jésus  leur  dit  :  Combien  avez- vous  de  pains? 
—  Sept,  lui  dirent-ils.  »  Mais  ils  n'ajoutent  pas  comme  la  première 
fois  :  «  Qu'est-ce  que  cela  pour  un  si  grand  nombre?  »  Ils  avaient  fait 
quelques  progrès ,  quoiqu'il  y  eût  encore  bien  des  choses  qu'ils  ne 
pussent  comprendre.  Admirez  toutefois  leur  amour  pour  la  vérité  : 
ils  ne  songent  pas ,  dans  un  récit  dont  ils  sont  les  auteurs ,  à  cacher 
leurs  plus  grands  défauts  ;  car  ce  n'est  pas  une  accusation  ordinaire , 
ce  n'est  pas  une  faute  légère  que  l'oubli  si  rapide  d'un  aussi  grand 
prodige.  Admirez  encore  un  autre  trait  de  leur  sagesse  :  comme  ils 
savent  dompter  le  besoin  de  la  faim ,  et  ne  se  préoccupent  guère  des 
soins  de  la  nourriture.  Ils  sont  dans  le  désert  et  ils  y  restent  trois 
jours,  n'ayant  seulement  avec  eux  que  sept  pains.  Notre-Seigneur  suit 
la  même  marche  que  pour  le  premier  miracle  (l*)  :  il  fait  asseoir  la 

(1*)  On  est  vraiment  surpris  de  voir  quelques  hommes  éminents  qui  par  leurs  savants  tra- 
vaux excgétiques  ont  vengé  victorieusemeut  nos  saints  Evangiles,  et  la  personne  de  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ,  de  toutes  les  attaques  du  rationalisme  et  du  panthéisme  moderne,  le 
docteur  Sepp  en  particulier  se  joindre  ici  aux  détracteurs  de  l'Evangile  et  prétendre  qu'il  s'agit 
ici  du  même  fait  que  la  première  multiplication  des  pains,  avec  quelques  variantes  seulement. 
Mais  il  ne  faut  qu'examiner  un  instant  les  deux  récits  pour  se  convaincre  qu'il  y  a  eu  deux  mi- 


raculi  prius  facti  rec.ordarentur,  quia  fe- 
cit  eos  ministros,  partili  suut  cophinos, 
adhuc  tameu  imperfectiusdispositierant  : 
quod  patet  per  hoc  quod  sequitur  :  «  Et 
discipuli  dicunt  :  «  Undeergo  uobis  pa- 
nes,» etc.  Ipsi  quidem  infirma  cogitatione 
hoc  dixerunt,  per  hoc  tamen  miraculum 
futuruni  iususpicabile  facientes  :  ne  ali- 
quis  enim  suspicaretur,  quod  ah  ahquo 
propinqno  castello  accepti  sint  cibi, 
propter  hoc,  miraculum  istud  in  solitu- 
dine  fit,  mullum  a  castelHs  distante. 
Ipse  autem  Christus  ut  diïcipulorum 
erigat  mentem,  eos  interrogat,  ut  ex 
modo  interrogationis  eos  commemoret 
(sive  commonefaciat)  illorum  quae  prias 
t'acta  sunt  :   unde  sequitur  :   «  Et   ait 


iUis  Jésus  :  Quot  panes  hahetis  ?  At 
illi  dixerunt  :  Septem,  »  etc.  Non  autem 
addunt  :  «  Sed  liœc  quid  suut  inter  tan- 
tos'?  »  sicut  autea  dixerant  :  jam  enim 
paulatim  profecerant,  Ucet  non  totum 
apprehendatur  ah  eis.  Admirare  autem 
in  apostohs  veritatis  amoreni  ;  qualiter 
ipsi  scribentes  non  occultant  suos  etiam 
magnos  defectus  :  non  enim  est  quanta- 
libet  accusatio  (seu  qiialislibet  noxa)  pa- 
rum  ante  tali  signo  facto,  confeslim  obli- 
visci  :  admirare  autem  et  aliam  sapieu- 
tiam  eorum  ;  qualiter  veutrem  supera- 
bant,  non  multam  mensa;  curam  fa- 
cientes :  in  eremo  enim  existentes,  et 
per  très  dies  ibi  morantes,solum  septem 
panes  ibi  habebant.  Alla  vero  similiter 


376 


EXPLICATION  DE   L  EVANGILE 


foule  sur  la  terre  et  multiplie  les  pains  dans  les  mains  de  ses  dis- 
ciples :  «  Et  il  ordonna  à  la  foule  de  s'asseoir,  »  etc.  —  S.  Jér.  Il  est 
inutile  de  rappeler  ici  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut;  arrêtons-nous 
seulement  aux  circonstances  qui  nous  offrent  quelque  différence. 

S.  Chrys.  {hom.  54.)  Ces  deux  miracles  ne  se  terminent  pas  de  la 
même  manière.  Ils  emportent  ici  sept  corbeilles  pleines  des  morceaux 
qui  étaient  restés.  Or,  ceux  qui  en  mangèrent  étaient  au  nombre  de 
quatre  mille  hommes,  »  etc.  Pourquoi  les  restes  furent-ils  moins  con- 
sidérables dans  ce  miracle  que  dans  le  prender,  alors  que  ceux  qui 
mangèrent  étaient  en  plus  petit  nombre?  C'est  peut-être  que  les  cor- 
beilles étaient  plus  grandes  que  les  paniers ,  ou  bien  le  Sauveur  vou- 
lut-il que  la  différence  de  ces  deux  miracles  en  rendit  le  souvenir  plus 
facile.  Voilà  pourquoi  dans  le  premier  il  y  avait  autant  de  paniers 
que  de  disciples,  tandis  que  dans  celui-ci  il  y  a  autant  de  corbeilles 
qu'il  y  avait  de  pains. 

Rémi.  Dans  ce  récit  de  l'Evangile,  nous  devons  considérer  la  double 
opération  de  la  divinité  et  de  l'humanité  dans  Jésus- Christ.  La  com- 
passion qu'il  ressent  pour  ce  peuple  est  une  preuve  qu'il  a  pris  les 
sentiments  de  notre  faible  nature ,  et  le  miracle  qu'il  fait  en  multi- 
pliant les  pains  et  en  nourrissant  cette  multitude  fait  éclater  en  lui 
la  toute-puissance  divine.  Ainsi  se  trouve  renversée  l'erreur  d'Euty- 
chès  ,  qui  ne  voulait  reconnaître  en  Jésus- Christ  qu'une  seule  nature. 

racles  de  ce  genre.  1°  Les  deux  miracles  sont  rapportés  par  les  mêmes  évangélistes.  —  2«  Us 
sont  opérés  dans  des  lieux  différents  :  la  première  fois  le  miracle  eut  lieu  près  de  Bethsaïde 
Julias,  et  la  seconde  fois  sur  les  confins  de  la  Décapolie.  —  3"  Les  circonstances  du  récit  ne 
sont  nullement  les  mêmes  ;  cinq  mille  personnes  d'un  côté,  quatre  raille  de  l'autre ,  cinq  pains 
et  deux  poissons  la  première  fois,  sept  pains  et  quelques  poissons  la  seconde  fois,  douze  cor- 
beilles pleines  des  restes  dans  la  première  multiplication,  sept  dans  la  seconde.  —  4"  Lorsque  la 
première  multiplication  eut  lieu,  la  foule  suivait  Jésus-Christ  depuis  un  jour  seulement;  au 
moment  de  la  seconde,  elle  fut  à  sa  suite  pendant  trois  jours.  —  5°  Enfin  Jésus-Christ  lui-même 
aussi  bien  que  ses  Apôtres  parlent  de  ces  deux  miracles,  en  les  distinguant  de  la  manière  la 
plus  expresse.  (S.  Matth,,  xvi,  5,  10.) 


prioribus  fecit  :  etenim  recuuibere  eos 
fecit  in  terra,  et  iu  niauibusciiscipulorum 
i;rescere  panes  :  unde  serjuitur  :  «  Et 
prœcepit  tiirba3  nt  discumberent,  »  etc. 
Hier.  De  lioc  auteni  supra  diximus.  et 
eadem  repetere  otiosi  est;  tantuni  in  bi.-; 
quae  discrepant,  inimoreuiur. 

Chrys.  {ut  svp.)  Finis  autem  utriusque 
niiracidi  non  similis  est  :  sequilurenini  : 
«Ktfiuod  snperfuit  tulerunt  septem  spor- 
las.  Erant  auteui  qui  nianducaverunt  qua- 
tuor niiliia,  »  etc.  Qiiare  auteni  minores 
bierunt  reliijuia^  in  lioc  miraculo  quam 
m  primo,  etsi  non  tôt  l'ueriut  cpii  «ome- 
derunt  ?  Aut  igitur  boc  est,  quia  sporta' 


copbinis  majores  erant:  aut  ut  ex  diver- 
sitate  rememorentur  et  iliius  et  bujus 
miraculi;  ot  propter  boc  tune  quidem 
fecit  copliiiiosreliquiarum  numéro  aequa- 
ies  discipulis  :  nuuc  autem  sportas  pani- 
bus  tequales. 

Remig.  In  bac  autem  evanpelica  lec- 
tione  consideranda  est  in  Cbristo  ope- 
ratio  Diviuitatis  et  bumanitatis  :  per  lioc 
enim  quod  turbis  miseretur,  ostendit  se 
bumauae  frapibtatis  affectionem  babere  : 
in  eo  vero  quod  panes  nmltiplicavit  et 
turbas  pavit.  ostenditur  Divinitalis  ope- 
ratio.  Destrnilur  erpo  bic  error  Eulycbe- 
lis,  qui  in  Cliristo  dicebat  uuam  ualuram. 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.  XV.  377 

S.  AuG.  {De  Vacc.  des  Evang.,u,  50.)  Il  n'est  pas  inutile  de  remar- 
quer ici  que  si  l'un  des  Evaugélistcs  avait  raconté  ce  miracle  sans 
avoir  rapporté  celui  de  la  multiplication  dos  cinq  pains,  on  pourrait 
le  supposer  en  contradiction  avec  les  autres.  Mais  comme  ce  sont  les 
mêmes  qui  ont  raconté  à  la  fois  le  miracle  des  cinq  et  celui  des  sept 
pains,  il  n'y  a  plus  de  difficulté  et  il  faut  admettre  la  vérité  de  ces 
deux  miracles.  Nous  faisons  cette  remarque  afin  que  lorsque  l'on 
trouve  dans  un  Evangéliste  un  fait  de  la  vie  de  Notre-Seigneur  qui 
parait  contredire  dans  une  de  ses  circonstances  un  fait  semblable 
raconté  par  un  autre  Evangéliste ,  sans  qu'on  puisse  les  concilier ,  on 
en  conclue  que  ces  deux  faits  distincts  ont  eu  lieu  et  que  l'un  a  été 
raconté  par  un  Evangéliste  et  l'autre  par  un  autre. 

La  Glose  (1).  Remarquons  encore  que  Notre-Seigneur  commence 
par  guérir  les  infirmités  et  qu'il  donne  ensuite  à  manger  à  ceux  qu'il 
a  guéris ,  parce  qu'en  effet  il  faut  d'abord  faire  disparaître  les  péchés 
de  l'àme  avant  de  la  nourrir  de  la  parole  de  vie.  —  S.  Hil.  [can.  13.) 
Ce  peuple  qu'il  a  nourri  en  premier  lieu  représentait  les  Juifs  qui  em- 
brassèrent la  foi  ;  ainsi  cette  nouvelle  multitude  est  une  figure  du 
peuple  des  Gentils ,  et  dans  ces  quatre  mille  personnes  rassemblées 
nous  voyons  représentée  cette  multitude  innombrable  réunie  des 
quatre  parties  du  monde.  —  S.  Jér.  Nous  ne  comptons  pas  ici  cinq 
mille  personnes,  mais  quatre  mille  seulement.  Le  nombre  quatre  a 
toujours  une  signification  heureuse  :  la  pierre  qui  est  carrée  ne  vacille 
pas,  elle  n'est  point  sujette  à  chanceler,  et  c'est  pourquoi  les  Evan- 
giles se  trouvent  consacrés  par  ce  nombre  quatre.  Dans  le  miracle 
précédent,  comme  le  chiffre  de  la  multitude  se  rapproche  du  nombre 

(I)  Saint  Anselme. 


AuG.  {(le  Cons.  Evang.,  lib.  ii,  cap. 
50.)  Sane  non  abs  re  est,  adinonere  in 
lioc  miraculo,  quod  si  aliquis  Evanfïe- 
listarum  lioc  dixisset,  qui  de  quinqiie 
panibus  non  dixisset,  coutrarius  caeteris 
putaretur  :  sed  quia  illi  qui  miraculum 
de  seplem  panibus  narraveruut,  uec  illud 
de  ({uinque  tacuerunt,  uemineni  luo- 
vere  débet,  et  utruuique  factuui  bo- 
miues  iutelligunt.  IIoc  ideo  diximus,  ut 
sicubi  simile  reperitur  factum  a  Domino, 
quod  in  aliquo  alteri  evaniielistîe  ita  re- 
pugnare  videatur,  ut  omnino  solvi  non 
possil  ,  nibil  aliud  intcliigatur,  quam 
utrunKjue  factum  esse,  et  aliud  ab  abo 
connnemoratum. 

Glossa.  Notaudum  aulcm  quod  prius 


Dominas  aufert  débilitâtes,  posteacibat: 
quia  prius  sunt  removenda  peccata,  et 
postea  anima  verbis  Dei  nutrienda.  Hi- 
LAR.  {Can.  13  ut  sup.)  Sicut  autem  illa 
turba  quam  prius  pavit,  judaicae  creden- 
tiuni  convenit  plebi,  ita  liœc  populo  Pen- 
tium comparatur  :  quod  vero  quatuor 
millia  viroruiii  coiigrejiantur,  multitudo 
innumerabiliuni  ex  quatuor  orbis  par- 
tibus  iotelligilur.  Hikk.  Isti  etiam  non 
smit  quinque  millia,  sed  quatuor  millia, 
qui  numerus  semper  in  laude  ponitur, 
et  quadrangulus  lapis  non  iUictual,  non 
est  iustabilis,  et  ob  banc  causam  eliam 
Evangelia  iu  hoc  numéro  consecrata 
sunt.  In  superiori  ergo  signe  quia  pro- 
pinqui  erant  et  vicini  quinque  sensuum, 


378 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


des  cinq  sens,  ce  n'est  pas  le  Seigneur  qui  paraît  y  faire  attention,  mais 
ses  disciples;  ici ,  au  contraire,  c'est  le  Sauveur  lui-même  qui  déclare 
qu'il  a  compassion  de  ce  peuple  qui  depuis  trois  jours  persévère  avec 
lui,  parce  qu'en  effet  ils  croyaient  au  Père,  au  Fils  et  au  Saint-Esprit. — 
S.  HiL.  [can.  3.)  Ou  bien  ils  passent  avec  le  Seigneur  un  temps  égal  à  celui 
de  sa  passion  ;  ou  bien  encore ,  avant  de  recevoir  le  baptême ,  ils  con- 
fessent qu'ils  croient  à  sa  passion  et  à  sa  résurrection;  ou  bien  enfin, 
par  un  mouvement  de  sympathique  compassion ,  ils  veulent  jeûner 
tout  le  temps  qu'a  duré  la  passion  du  Seigneur.  —  Rab.  Ou  bien , 
dans  un  autre  sens ,  cette  circonstance  nous  rappelle  les  trois  époques 
où,  pendant  toute  la  durée  des  siècles ,  la  grâce  nous  est  donnée  ;  la 
première  avant  la  loi,  la  seconde  sous  la  loi,  la  troisième  sous  la 
grâce,  la  quatrième  s'accomplira  dans  le  ciel  dont  la  perspective 
ranime  celui  qui  en  fait  le  terme  de  tous  ses  efforts.  —  Rémi.  Ou  bien 
enfin,  c'est  qu'en  faisant  pénitence  des  péchés  qu'on  a  commis,  on  se 
convertit  au  Seigneur  dans  les  pensées ,  dans  les  paroles  et  dans  les 
actions.  Le  Seigneur  ne  voulut  pas  renvoyer  ce  peuple  sans  qu'il  eût 
mangé,  de  peur  qu'il  ne  tombât  en  défaillance  dans  le  chemin  ,  car 
c'est  ainsi  que  les  pécheurs  convertis  par  la  pénitence  sont  exposés  à 
périr  dans  le  cours  de  cette  vie  qui  passe ,  si  on  les  renvoie  privés  de 
la  nourriture  de  la  sainte  doctrine. 

La  Glose.  Les  sept  pains  sont  les  écrits  du  Nouveau  Testament  qui 
nous  révèle  et  nous  donne  à  la  fois  la  grâce  de  l'Esprit  saint  (1).  Ce 
ne  sont  point  des  pains  d'orge ,  comme  précédemment ,  parce  que , 
dans  le  Nouveau  Testament ,  l'alimeut  qui  donne  la  vie  n'est  pas  de 
même  que  sous  la  loi ,  enveloppé  de  figures ,  comme  d'une  paille  qui 
adhère  fortement.  Nous  n'avons  point  ici  deux  poissons,  figure  des 

(1)  Allusion  au  nom  que  l'Eglise  donne  à  l'Esprit  saint  dans  ses  hymnes  :  L'Esprit  aux  sept 
dons. 


non  ipse  Dominiis  eoriim  recordatur, 
sed  discipiilL  :  liic  antem  ipse  Domiuiis 
misereri  se  dicit  eoriim,  quia  tridiio  jam 
persévérant  cuni  eo  :  quia  scilicet  Patri, 
Filio,  Spirituique  Sancto  oredebant.  Hi- 
LAR.  {ut  sup.)  Vel  quia  oiniie  passionis 
doininiciE  tempus  cuni  Doaiino  afiunt, 
sive  quia  venturi  ad  baplisaium  confi- 
tentur  se  credere  iu  passione  ac  resur- 
rertione  ejus;  sive  quia  tolo  passionis 
Dominica;  tempore  jejuniis  Domino  qua- 
dam  compassionis  socielate  junguulur. 
Rab.  Vel  ï\oc  dicilur,  quia  in  loto  seculo 
triplex  tempus  est  que  gratia  datur  : 
primum  aiite  legera  ;  seonndnni  sub  lege  ; 
tertiuni    sub    gratia  ;    quartum    est    in 


ciplo,  ad  quod  teudens  reficitur  in  via. 
Remit..  Vel  quia  peccata  commi.-sa  per 
pnpnitentiaiu  corrigeâtes ,  cogitatione  , 
locutione  et  opère  convertuntur  ad  Do- 
minum.  Has  turbas  noluit  Doiuinus  di- 
niittere  jejunas,  ne  delicerent  in  via; 
quia  peccatores  per  pœnitentiam  con- 
versi  in  cursu  labentis  seculi  pereunl,  si 
absque  sacrae  doctriniB  pabulo  diinit- 
tantur. 

Glossa.  Septeni  panes  sunt  Srriptura 
Novi  Testainenti,  in  quo  gratia  Spiritus 
sancti  et  revelatur  et  dalur  :  ueque  sunt 
bordeacei,  ut  supra;  quia  non  hic  ut  in 
lege  vitale  alimentum  lîguris  (quasi  te- 
nacissima  palea)   tegitur;  hic  non  duo 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XV.  379 

deux  seules  personnes  qui,  sous  la  loi,  recevaient  l'onction  sainte  ,  le 
grand-prêtre  et  le  roi,  mais  quelques  poissons,  figure  des  saints  du 
Nouveau  Testament,  qui,  arrachés  aux  flots  du  siècle ,  supportent  les 
agitations  de  la  mer  et,  nous  ranimant  par  leur  exemple,  nous  em- 
pêchent de  défaillir  dans  le  chemin. 

S.  HiL.  Or,  la  multitude  s'asseoit  sur  la  terre ,  car  elle  n'avait  pu 
se  reposer  sur  aucune  des  œuvres  de  la  loi,  et  elle  tenait  encore  forte- 
ment à  l'origine  de  son  corps  et  à  la  source  de  ses  péchés.  —  La 
Glose.  Ou  bien  on  peut  dire  que  dans  le  premier  miracle  elle  s'asseoit 
sur  le  gazon  pour  comprimer  les  désirs  de  la  chair  :  ici  elle  est  assise 
sur  la  terre,  car  il  lui  est  ordonné  d'abandonner  le  monde.  La  mon- 
tagne sur  laquelle  le  Seigneur  nourrit  ce  peuple^  c'est  la  hauteur  du 
Christ,  D'un  côté,  la  terre  est  recouverte  de  gazon ,  parce  que  la  hau- 
teur du  Christ  s'y  trouve  recouverte,  pour  les  hommes  charnels,  d'es- 
pérance et  de  désirs  terrestres;  ici,  au  contraire,  tout  désir  charnel 
est  éloigné ,  et  la  fermeté  d'une  espérance  permanente  soutient  les 
convives  du  Nouveau  Testament.  Là  il  y  a  cinq  mille  hommes , 
parce  que  les  hommes  charnels  sont  esclaves  de  leurs  sens  ;  ici, 
quatre  mille  ,  figure  des  quatre  vertus  qui  donnent  à  l'âme  la  vie 
spirituelle,  c'est-à-dire  la  tempérance,  la  prudence,  la  force,  la 
justice.  De  ces  quatres  vertus,  la  première  donne  la  connaissance  de 
ce  qu'il  faut  rechercher  et  de  ce  qu'il  faut  éviter;  la  deuxième  met  un 
frein  à  la  cupidité  des  plaisirs  des  sens  ;  la  troisième  nous  donne  la 
fermeté  pour  supporter  toutes  les  épreuves  de  la  vie;  la  quatrième, 
qui  se  répand  dans  toutes  les  autres ,  est  l'amour  de  Dieu  et  du  pro- 
chain. De  part  et  d'autre,  les  femmes  et  les  enfants  ne  sont  point  comp- 
téSj  car,  dans  l'Ancien  comme  dans  le  Nouveau  Testament,  ceux  qui 


pisces,  ut  in  lege  duo  uiifiebantur  fscili- 
cet  rex  et  sacerdos),  sed  pauci,  id  est, 
sancti  Novi  Testaraenti,  qui  de  fluctibus 
seculi  ercpti,  et  sustineut  turbulentum 
mare,  et  exemple  suo  nos  reficiuut,  ue 
in  via  doficiamus. 

HiLAR.  {vtsvp.)  Turbse  autem  in  lerram 
recumbuut  •  nuUis  enim  legis  operibus 
fuerant  ante  substrata;,  sed  peccatorum 
et  corporum  suonim  origini  inbaerebaut. 
Glossa.  Vel  ibi  super  fœnum,  ut  desi- 
deria  oarnis  comprimanlur;  bic  super 
terram ,  ubi  et  ipse  mundus  relinqui 
pr*cipitur  :  vel  mous  in  quo  Dominus 
reficit,  est  allitudo  Christi  :  ibi  ergo  fœ- 
num super  terram,  quia  ibi  celsitudo 
Christi  (propter  rarnales)  i-arnali  spe  et 


desiderio  tegitur  :  hic  remotaomni  cupi- 
ditate  carnali  convivas  Novi  Testamenti 
spei  permanentis  soliditas  continet  :  ibi 
quinque  niillia,  quia  caruales  quinque 
sensibus  subditi  :  bic  quatuor,  propter 
quatuor  virtutes  (juibus  spiritualiter  vi- 
vitur  :  temperantiam,  prudentiam,  for- 
titudinem  et  justitiam  :  quariun  prima 
est  coguitio  rerum  appetendarum  et  vi- 
tandarum  ;  seeunda  refrœnatio  eupidita- 
tis  ab  bis  quae  temporaliter  délectant; 
tertia  firmitas  contra  molesta  seculi; 
quarta  qufe  per  omnes  diffunditur,  dilec- 
tio  Dei  et  proximi  :  et  ibi,  et  hic,  mulie- 
res  et  parvuli  excepti  sunt  ;  quia  in  Ve- 
teri  etiNovo  Testamento  non  admittuntur 
ad  Dominuni  qui  non  perdurant  occur- 


380 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


ne  peuvent  atteindre  l'état  de  l'homme  parfait,  soit  par  faiblesse,  soit 
par  légèreté  d'esprit,  ne  peuvent  être  admis  près  du  Seigneur.  Ces 
deux  collations  ont  eu  lieu  sur  la  montagne,  car  les  livres  de  l'Ancien 
et  du  Nouveau  Testament  nous  rappellent  à  la  fois  la  sublimité  des 
préceptes  divins  et  des  récompenses  célestes  et  proclament  la  grandeur 
et  l'élévation  du  Christ.  Quant  aux  mystères  plus  sublimes  que  la- 
multitude  ne  peut  comprendre,  les  Apôtres  les  soulèvent  et  les  accom- 
plissent, et  ils  sont  en  cela  la  figure  des  cœurs  parfaits  que  la  grâce 
de  l'Esprit  aux  sept  dons  a  remplis  d'intelligence.  Les  corbeilles  sont 
ordinairement  faites  avec  des  joncs  et  des  feuilles  de  palmier;  elles  re- 
présentent les  saints  qui  enfoncent  la  racine  de  leur  cœur  dans  la 
source  même  de  la  vie  ;  semblables  au  jonc  dans  l'eau,  ils  ne  sont  point 
exposés  à  se  dessécher  et  ils  portent  dans  leur  cœur  la  palme  de  la 
récompense  éternelle. 

y.  39.  —  Jésus  ayant  ensuite  renvoyé  le  peuple,  il  monta  sur  une  barque 
et  passa  au  pays  de  Magedan  (1*), 

S.  Chrys.  {hom.  54.)  Le  Seigneur  renvoie  maintenant  le  peuple, 
comme  il  a  fait  après  le  miracle  des  cinq  pains  ,  et  il  ne  prend  pas 
pour  se  retirer  le  chemin  de  terre ,  mais  il  monte  dans  une  barque 
pour  que  la  foule  ne  puisse  le  suivre.  «  Après  cela ,  Jésus  ayant  ren- 
voyé la  foule ,  monta  dans  une  barque  et  vint  sur  les  confins  de  Ma- 
geddan.  — S.  Aug.  [De  Vacc.  desEvang.,  ii,  51.)  Saint  Marc  (ch.  viii) 
dit  :  «  dans  le  pays  de  Dalmanutha;  «mais  il  est  évident  qu'il  s'agit  du 
même  lieu,  car,  même  dans  plusieurs  exemplaires  de  saint  Marc  ,  on 
ne  trouve  que  le  mot  Mageddan  (2*).  —  Rab.  Mageddan  est  un  pays 

(1*)  Nous  avons  rétabli  l'ordre  suivi  dans  toutes  les  Bibles  actuelles,  et  dans  lesquelles  le  cha- 
pitre XVI  commence  non  à  ce  verset  39  du  chapitre  xv,  mais  à  ces  paroles  :  «  Alors  des  Phari- 
siens et  des  Sadducéens  vinrent  à  lui,  »  etc. 

(î*)  Tous  les  exemplaires  de  saint  Marc  portent  maintenant  Dalmanutha ,  ou  Dalmanoutha, 


rere  iu  viruin  perfectum,  vel  iufirmitate 
virium,  vel  levitate  mentis  :  utraque  re- 
fectio  iu  monte  celebrata  est ,  nuia  utrius- 
que  Testamenli  Scriptvira  et  altitudinem 
l'n'lestium  pneceptorum  mandat  et  pivc- 
niiorum  :  utraque  altitudinem  Cliri»li 
pnedicat.  Altiora  mysteria  quae  non 
<:apit  communis  turba,  apostoli  sustol- 
lunt  et  implent  ;  scilioet  perfectorum 
corda  septiformis  Spiritus  «^ratia  ad  in- 
lelli)ïenduin  ilhistrata.  Sportaj  junco  et 
foliis  palmarum  soient  coutexi  ;  et  si- 
ffuificant  sauctos  qui  radicem  cordis  in 
ipso  fonte  vitae  coUocant  (ne  arescant. 
lit  jimous  in  aqua),  et  palmam  aeternae 
lelribuliouis  in  corde  retiueut. 


Et  dimissa  turba,  ascendit  in  naviculam; 
et  venit  in  fines  Magedan. 

Chrvs.  (in  homil.  34^  in  Matth.)  Si- 
eut  post  miraculum  quinque  panum  Do- 
niinus  turbas  dimisit,  ita  et  nuuc  :  uec 
autem  pedes  recedit,  sed  navigio  ;  ne 
turba  eum  sequatur  :  unde  dicitur  :  «Et 
dimissa  turba,  ascendit  in  naviculam,  et 
venit  in  fines  Magedan.  »  AcG.  [de  Cons. 
Evang.  lib.  il,  cap.  51.)  Marcus  autem 
dicit  (cap.  8.)  quod  in  Dalmanutha  : 
nec  est  dubitandum  eumdem  locum 
esse  sub  utro(jue  nomiue  :  nam  plerique 
codices  non  habent,  etiam  secimdum 
Marcum,  uisi  Magedan.  Rab.  Est  autem 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XV. 


381 


situé  en  face  de  Gerasam  ;  il  signifie  fruits  ou  nouvelles  et  il  est  une 
figure  de  ce  jardin  dont  il  est  dit  :  «Jardin  fermé,  fontaine  scellée,  » 
{Canl.  IV.)  jardin  qui  produit  les  fruits  des  vertus  et  où  le  nom  du 
Seigneur  est  annonce.  Cette  interprétation  apprend  aux  prédicateurs 
qu'après  avoir  distribué  au  peuple  le  pain  de  la  parole  sainte,  ils 
doivent,  dans  le  secret  de  leurs  cœurs,  reprendre  de  nouvelles  forces 
en  se  nourrissant  des  fruits  des  vertus. 

selon  la  traduction  latine  du  syriaque.  Le  texte  grée  porte  Aa).(jLavou6à,  bien  que  les  Scolies 
font  remarquer  que  l'exemplaire  royal  porte  MaSsyaSà,  qui  se  rapproche  de  Mageddan. 

Suivant  un  historien  récent  de  la  vie  de  Jésus-Christ,  la  leçon  de  Magdala  doit  être  seule  con- 
servée. Les  copistes  étrangers  à  toute  notion  de  la  topographie  de  la  Galilée  ont  estropie  ces 
noms  comme  on  le  voit  ;  Madegada,  Magadan,  Magedan  ,  lesquels  tous  cependant  sont  des  cor- 
ruptions de  Magdala.  Quant  à  Dalmanoutha,  il  pourrait  se  faire  qu'une  petite  anse  de  ce  nom 
fût  dans  le  voisinage  de  Magdala,  les  deux  textes  concorderaient  alors.  Ce  serait  à  Dalmanou- 
tha, aux  confins  de  Magdala  que  Jésus  aurait  abordé.  (  Vie  de  Jésus  suivie  des  Evangiles  paral- 
lèles, par  l'abbé  Michon,  Tom.  II,  pag.  1-20.) 


Msigedan  regio  contra  Gerasam  ;  elinler- 
pretatur  poma  vel  mintia,  et  significat 
hortura  de  quo  dicitur  [Cant.  4)  :«  HorLus 
conclusus,  fous  signatus,  »  ubi  crescunt 


poma  virtutum,  et  ubi  nuntiatur  uomeu 
Domini  :  docet  autem  quod  praedicatores 
ministrato  verbo  turbœ,  ipsi  iotra  cubicu- 
lum  cordis  virtutum  pomis  debent  refici. 


\ 


CHAPITRE  XVI. 

SOMMAIRE    ANALYTIQUE. 

^.  1-4.  Aveuglement  des  Pharisiens  et  des  Sadducéens. —  Dans  quel  sens  deman- 
dent-ils un  prodige  dans  le  ciel  ?  —  Réponse  de  Notre-Seigneur,  explication 
littérale  et  allégorique.  —  Pourquoi  les  appelie-t-il  génération  perverse  et  adul- 
tère? Pourquoi  les  laisse-t-il  là  et  les  aliandonne-t-il  à  eux-mêmes? 

f.  5-11.  —  Combien  les  disciples  de  Jésus  étaient  peu  préoccupés  des  nécessités 
de  la  vie.  —  Pourquoi  le  Sauveur  les  avertit  de  n'avoir  aucun  commerce  avec 
la  doctrine  des  Pharisiens.  —  Pourquoi  la  compare-t-il  au  levain,  et  ne  dit-il 
pas  ouvertement  à  ses  disciples  de  se  garder  de  la  doctrine  des  Pharisiens?  — 
Comment  les  apùtres  étaient-t-ils  sans  pain,  eux  qui  avaient  rempli  sept  cor- 
beilles des  morceaux  qui  restaient  ?  —  Dessein  de  ^otre-Seigneur  dans  les  re- 
proches qu'il  leur  adresse.  —  Efficacité  de  ces  reproches  sur  l'esprit  des  dis- 
ciples. 

f.  13-li).  —  Notre-Seigneur  voulant  confirmer  ses  disciples  dans  la  foi ,  com- 
mence par  éloigner  de  leur  esprit  toutes  les  erreurs  ou  fausses  opinions  qui 
pouvaient  s'y  trouver.  —  Comment  devons-nous  nous  conduire  vis-à-vis  de 
l'opinion  que  les  hommes  peuvent  avoir  de  nous? — Que  signifient  ces  pa- 
roles :  Que  disent  les  hommes?  Pourquoi  ISotre-Seigneur  cherche  de  préfé- 
rence à  connaître  l'opinion  qui  le  peuple  avait  de  lui.  —  11  fait  comprendre 
à  ses  disciples  par  cette  question  qu'on  doit  voir  en  lui  autre  chose  que  le  Fils 
de  l'homme.  —  Diverses  opinions  des  hommes  sur  sa  personne,  à  quoi  se  rat- 
tachent-elles ?  —  Pourquoi  le  Sauveur  s'informe-t-il  de  ce  que  les  hommes 
pensent  de  lui  avant  de  demander  à  ses  disciples  quelle  est  leur  opinion  person- 
nelle? —  Pourquoi  Pierre  répond  au  nom  de  tous.  Sens  profond  de  ces  paroles: 
Vous  êtes  le  Christ  le  fils  du  Dieu  vivant.  —  Pourquoi  le  Sauveur  laisse  à  son 
disciple  de  proclamer  les  grandeurs  de  son  éternelle  divinité.  —  Récompense 
que  mérite  la  confession  de  Pierre.  —  Rapprochement  entre  ces  paroles  : 
Simon  fils  de  Jean,  et  ces  autres:  Vous  êtes  le  Christ,  le  fils  du  Dieu  vivant. — 
Le  bonheur  de  Pierre  est  d'avoir  étendu  ses  regards  au  delà  de  ce  qui  est 
humain,  et  de  ne  pas  s'être  arrêté  à  ce  qui  venait  de  la  chair  et  du  sang.  — 
Les  disciples  savaient-t-ils  déjà  que  Jésus  était  le  Christ ,  lorsqu'il  les  envoya 
prêcher  l'Evangile?  —  Peut-on  dire  que  les  paroles  de  Pierre  signifient  sim- 
plement que  Jésus  est  un  des  nombreux  enfants  adoptifs  de  Dieu  ?  —  Les  disci- 
ples de  Jésus  ont-ils  connu  tout  d'abord  sa  consubstantialité  avec  Dieu  le  Père? 
—  A  qui  est  due  cette  révélation  ?  —  Notre-Seigneur  enseigne  à  ses  disciples 
que  plusieurs  croiront  un  jour  ce  que  Pierre  vient  de  confesser.  —  Pourquoi 
donae-t-il  à  son  apôtre  le  nom  de  Pierre? — Est-ce  en  cette  circonstance  qu'il 
reçut  ce  nom  ?  —  Qui.'l  est  le  vrai  sens  de  ces  paroles  :  Vous  êtes  Pierre,  et  sur 
cette  pierre  je  bâtirai  mon  Eglise.  —  Présage  de  la  solidité  des  fondements  de 
l'Eglise  dans  ce  nouveau  nom  donné  au  prince  des  apôtres.  —  Que  faut-il 
entendre  par  les  portes  de  f  enfer?  —  Est-ce  contre  la  pierre  sur  laquelle 
l'Eglise  est  bâtie,  ou  contre  l'Eglise  elle-même  que  les  portes  de  l'enfer  ne 
prévaudront  point  ?  —  Privilège  unique  de  l'Eglise  catholique.  —  Ces  paroles 
signifient-elles  que  les  apôtres  n'ont  pas  été  soumis  à  la  mort?  — Comment 
pourrons-nous  participer  aux  prérogatives  du  prince  des  apôtres  ?  —  Que  laut- 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE   DE  S.    MATTHIEU,    CHAP.    XVI.         383 

il  entendre  par  les  clefs  du  royaume  des  cieux  données  à  Pierre  ?  —  Grandeur 
de  la  puissance  qui  lui  est  communiquée.  —  Haute  idée  que  Notre-Seigneur 
donne  à  Pierre  de  sa  personne  divine.  —  Différence  du  pouvoir  accordé  à 
Pierre  et  du  pouvoir  accoi'dé  aux  autres  apôtres  et  plus  tard  aux  évoques  et  aux 
prêtres.  — Pourquoi  ce  pouvoir  est  donné  d'une  manière  particulière  à  Pierre. 
—  Ce  pouvoir  ne  lui  est-il  donné  que  sur  les  vivants  ?  —  De  quelle  ma- 
nière doit-on  exercer  ce  pouvoir,  erreur  de  ceux  qui  condamnent  les  innocents, 
et  s'imaginent  qu'ils  peuvent  absoudre  les  coupables.  —  Explication  tropolo- 
gique  de  ces  paroles. 

f.  20-21.  —  Comment  concilier  l'ordre  que  Notre-Seigneur  donne  ici  à  ces  dis- 
disciples de  ne  dire  à  personne  qu'il  est  le  Christ,  avec  celui  où  il  leur  a  com- 
mandé d'annoncer  son  avènement.  —  Différence  entre  prêcher  le  Christ,  et 
prêcher  Jésus-Christ.  —  Comment,  dans  quelle  mesure  et  dans  quel  tem.ps  les 
apôtres  devaient-ils  annoncer  cette  vérité?  —  Raisons  de  cette  défense  dans 
les  paroles  suivantes  où  le  Sauveur  prédit  et  annonce  ses  souffrances.  — 
Pourquoi  s'étend-t-il  longuement  sur  ce  triste  sujet. 

f.  22-23.  —  Pierre  ose  reprendre  le  Sauveur  de  ce  qu'il  vient  de  dire.  —  Sen- 
timent qu'inspirent  à  Pierre  ces  paroles.  —  Reproche  que  lui  fait  Jésus  ?  — 
Que  signifient  ces  paroles  :  Retirez-vous  derrière  moi  ?  —  Doit-on  rapporter  à 
Pierre  le  nom  de  satan?  —  L'erreur  de  l'Apôtre  vient-elle  d'une  suggestion 
du  démon  ?  —  Preuve  que  la  profession  de  foi  qu'il  vient  de  faire  n'est  pas  le 
fruit  de  ses  propres  pensées.  —  En  supposant  que  le  Sauveur  donne  à  Pierre 
le  nom  de  satan,  le  frappe-t-il  de  la  même  condamnation  ?  —  Heureux  effets 
des  reproches  de  Jésus-Christ.  —  Comment  Pierre  pouvait  être  pour  Jésus  un 
sujet  de  scandale. 

jt.  24-25.  —  Nécessité  du  renoncement  pour  celui  qui  veut  être  le  disciple  de 
Jésus-Christ.  —  Le  Sauveur  n'impose  pas  ici  de  nécessité.  —  Est-ce  à  ses 
disciples  seuls  qu'il  propose  ces  conditions.  —  Nécessité  de  nous  détacher 
de  nous-mêmes,  si  nous  voulons  nous  approcher  de  Dieu.  —  En  quoi  consiste 
ce  renoncement,  jusqu'où  il  faut  le  porter,  jusqu'à  la  croix.  —  Cause  et  molîf 
pour  lesquels  on  doit  souffrir  ,  nécessité  de  suivre  Jésus-Christ.  —  Comment 
devons-nous  le  suivre?  —  Récompenses  que  le  Sauveur  promet  à  ceux  qui 
endureront  ces  peines  pour  son  nom.  —  Que  signifient  ces  paroles  :  Celui  qui 
voudra  sauver  sa  vie,  la  perdra  ? 

f.  26-28.  —  Comment  Notre-Seigneur  nous  apprend  que  le  salut  et  la  perle  de 
l'àme  ne  sont  pas  les  mêmes  dans  les  deux  cas.  —  La  perte  de  l'àme ,  perte 
irréparable,  l'homme  ne  peut  rien  donner  en  échange.  —  Préceptes  différents 
que  Notro-Seigneur  donne  à  ses  disciples  dans  les  temps  de  paix  et  dans  les 
temps  de  persécution.  — A  cette  doctrine  sévère  il  fait  succéder  des  prédictions 
moins  tristes.  —  Quelle  sera  la  gloire  de  celui  qui  sera  victorieux.  —  Quand 
le  Sauveur  doit-il  venir  dans  sa  gloire  ? —  Prédiction  du  jugement  universel. — 
Perspective  d'une  récompense  prochaine  pour  les  apôtres,  avaut-goùt  de  la 
gloire  des  cieux.  —  Dans  quel  sens  faut-il  entendre  ces  paroles  :  Avant  qu'ils 
voient  le  Fils  de  l'homme  venant  dans  son  ré(jne  ?  —  Explication  morale  de 
ces  paroles. 


384 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


f.  -1-4.  —  Alors  les  pharisiens  et  les  sadducéens  vinrent  trouver  Jésus  pour  le 
tenter,  et  le  prièrent  de  leur  faire  voir  quelque  prodige  dans  le  ciel.  Mais  il 
leur  répondit  :  Le  soir  vous  dites  :  il  fera  beau ,  parce  que  le  ciel  est  rouge  ;  et 
le  matin  vous  dites  ;  Il  y  aura  aujourd'hui  de  l'orage ,  parce  que  le  ciel  est 
sombre  et  rougcâtrc.  Vous  savez  donc  reconnaître  ce  que  présagent  les  divei'ses 
apparences  du  ciel  ;  et  vous  ne  savez  point  discerner  les  signes  des  temps  que 
Dieu  a  marqués?  Cette  génération  corrompue  et  adultère  demande  un  prodige, 
et  il  ne  lui  sera  point  donné  d'autre  prodige  que  celui  du  prophète  Jonas.  Et. 
les  laissant,  il  s'en  alla. 

Remi.  «  Les  pharisiens  et  les  sadducéens  s'approchèrent  de  lui,  »  etc. 
Etonnant  aveuglement  des  pharisiens  et  des  sadducéens  !  Ils  de- 
mandent un  prodige  dans  le  ciel ,  comme  si  les  fait?  dont  ils  étaient 
témoins  n'étaient  pas  de  véritables  prodiges.  Saint  Jean  nous  apprend 
(chap.  vi)  quelle  espèce  de  miracle  ils  lui  demandaient,  en  rappor- 
tant qu'après  que  Jésus  eut  nourri  le  peuple  avec  cinq  pains,  le  peuple 
s'approcha  de  lui,  et  lui  dit  :  «  Quel  miracle  faites-vous,  afin  que 
nous  le  voyions  et  que  nous  croyions  en  vous?  »  Nos  pères  ont  mangé 
la  manne  dans  le  désert,  ainsi  qu'il  est  écrit  :  Il  leur  a  donné  à  man- 
ger le  pain  du  ciel.  {Ps.  lxxvii.) C'est  dans  ce  même  sens  que  les  pha- 
risiens lui  disent  ici  :  «  Faites-nous  voir  un  prodige  dans  le  ciel,  » 
c'est-à-dire  faites  tomber  la  manne  un  ou  deux  jours  de  suite  ,  afin 
que  tout  le  peuple  soit  rassasié  ,  comme  cela  s'est  fait  si  longtemps 
dans  le  désert.  Mais  le  Sauveur  qui,  comme  Dieu,  pénétrait  leurs 
pensées ,  et  savait  bien  qu'alors  même  qu'il  ferait  paraître  à  leurs 
yeux  un  prodige  dans  le  ciel,  ils  ne  croiraient  pas  davantage^  ne  vou- 
lut pas  leur  donner  le  signe  qu'ils  demandaient.  «  Il  leur  répondit  : 
Le  soir  vous  dites  :  Il  fera  beau,  »  etc.  —  S.  Jér.  Cette  phrase  manque 


CAPUT  XVI. 

Et  accessenint  ad  eum  pharisœi  et  sadducœi 
tentantes;  et  rogaverunt  eum  ut  signum  de 
cœlo  ostenderet  eis.  Ai  illr  respondens  ait 
illis  :  Facto  vespere  dicitis  :  Serenum  erit, 
rubicundum  est  enim  cœlum  :  et  mane:  Hodie 
tempestas,  rutilât  enim  triste  cœlum  :  faciem 
ergo  cœli  dijudicare  noslis ,  signa  autem  tem- 
porum  non  potestis  scire.  Generatio  mala  et 
adultéra  signum  qiiœrit,  et  signum  non  dabitur 
ei  nisi  signuyn  Jonœ  prophetœ.  Et  relictis  illis, 
abiit. 

Sequilur  :  «  Et  accesseraut  ad  eum 
pharisœi  el  sadducœi,  »  etc.  Remig.  Ad- 
miranda  quippe  est  cœcitas  pharisœorum 
et  sadducœorum  :  sic  enim  postulabaiit 
signum  de  cœlo,  quasi  ea  non  essent  si- 
gua  quœ  f'acere  videbatur.  Quod  autem 


signum  postularent,  Joannes  manifestât  : 
referi  enim  (cap.  6.)  post  refectionem 
de  quinque  pauibus  turbam  accessisse  ad 
Dominum,  et  dixisse  :  «  Quod  signum 
facis,  ut  videamus  et  credamus  tibi. 
Patres  nostri  mauna  in  deserto  comede- 
runt,  sicut  scriptum  est  {Psalm.  77)  : 
Panem  de  cœlo  dédit  eis  manducare.  » 
Ideoque  et  hi  dicunt  :  «  Ostende  nobis 
signum  de  cœlo,  »  id  est,  «  fac  ut  uuo 
vel  duobus  diebus  mauna  pluat,  ut 
totus  populus  pascatur,  sicut  mulio  tem- 
pore  tactum  est  in  deserto.  »  Ipse  vero 
inspiciens  cogitationes  eorum  ut  Deus, 
et  sciens  quod  si  etiam  signum  de  cœlo 
fis  ostenderet  non  crederent,  noluit  eis 
dare  signum  quod  postulabant  :  unde 
sequitur  :  «  Al  ille  respondens  ait  illis  : 
Facto  vespere  dicitis  :  Serenum  erit,  »  etc. 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAP.   XVI. 


38t 


dans  plusieurs  des  exemplaires  grecs.  Le  sens ,  d'ailleurs,  en  est  clair, 
c'est-à-dire  que  d'après  les  phénomènes  réguliers  des  éléments ,  on 
peut  prédire  d'avance  le  beau  temps  et  les  jours  de  pluie.  Mais  les 
scribes  et  les  pharisiens  qui  paraissaient  être  les  docteurs  de  la  loi,  ne 
pouvaient  reconnaître  dans  les  oracles  des  prophètes  le  temps  de  la 
venue  du  Christ.  — S.  Aug.  {Quest.  évanc/.,  i,  20.)  Ces  paroles  du 
Seigneur  :  «  Le  soir  vous  dites  :  Il  fera  beau,  car  le  ciel  est  rougi-,  » 
peuvent  signifier  ({ue  la  rémission  des  péchés  est  accordée  dans  le 
premier  avènement  par  le  sang  que  Jésus-Christ  a  versé  dans  sa  pas- 
sion ;  et  les  autres  :  «  Le  matin  vous  dites  :  11  y  aura  de  l'orage  au- 
jourd'hui ,  car  le  ciel  est  d'un  rouge  sombre,  »  que  dans  le  second 
avènement  le  Christ  sera  précédé  par  le  feu.  —  La  Glose.  Ou  bien 
dans  un  autre  sens ,  le  ciel  est  sombre  et  rougeàtre ,  c'est-à-dire  les 
Apôtres  auront  à  souffrir  après  ma  résurrection,  et  vous  pouvez  savoir 
qu'après  eux,  je  dois  exercer  mon  jugement  ;  car  si  je  n'épargne  pas 
les  souffrances  à  mes  serviteurs ,  à  plus  forte  raison  ne  les  épar- 
gnerai-je  pas  aux  autres  un  jour  à  venir. 

«  Vous  savez  donc  discerner  les  différentes  apparences  du  ciel ,  et 
vous  ne  savez  pas  reconnaître  les  signes  des  temps?  »  —  Rab.  Ces 
signes  des  temps  sont  dans  la  pensée  du  Seigneur,  son  avènement  ou 
sa  passion  qui  nous  sont  représentés  par  un  ciel  qui  est  rouge  le  soir; 
et  la  tril)ulation  qui  précédera  son  second  avènement,  figurée  par  un 
ciel  qui,  le  matin,  est  sombre  et  rougeàtre. 

S.  GuRYS.  {hom.  54.)  De  même  que  dans  le  ciel  les  signes  qui  an- 
noncent le  beau  temps  sont  différents  de  ceux  qui  présagent  la  pluie, 
ainsi  en  est-il  de  ce  qui  me  concerne.  Maintenant,  dans  mon  premier 
avènement,  il  est  nécessaire  que  j'opère  ces  prodiges  qui  éclatent  sur 


Hier.  Hoc  apud  Grœcos  in  plerisque  co- 
dicibus  non  liabetur.  Seusus  autem 
manifestus  est,  quod  ex  elemeatorum 
ordine  et  consonantia,  possunt  et  sereni 
et  pluviosi  dies  prainosci  ;  scribœ  autem 
et  pharisœi,  qui  videbantur  legis  esse 
doctores,  ex  prophetarum  vaticiuio  non 
poterant  cognoscere  Salvatoris  adven- 
tum.  Aug.  [de  Quœst.  Evuny.  lib.  i, 
cap.  20.)  Potest  eliani  intelliiji  quod  dixit 
Dominas  :  «  Facto  vespere,  dicitis  :  Sere- 
num  erit  :  etenim  rubicuudum  est 
cœlum,  »  id  est,  sanguine  passionis 
Christi  primo  adventu  indulgentia  pec- 
catorum  datur;  «  et  mane  :  llodie  tem- 
pestas,rubet  enim  cum  tristitia  cœlum  :» 
illud  est,  quod  secundo  adventu  igné 
prsecedeute  veuturus  est.   Glossa.  Vel 

TOM,    11. 


aliter  :  «  Rutilât  triste  cœlum,  id  est, 
patiuntur  apostoli  post  resurrectionem, 
post  quos  me  judicare  in  future  scire 
potestis  ;  quia  cum  non  parco  meis  bonis 
quin  patiautur,  non  parcam  aliis  in 
future. 

Scqnilur  :  «  Faciein  ergocœli  judicare 
nostis,  signa  autem  temporum  non  potes- 
tis. »  Rab.  Signa  temporum  dixit  de  ad- 
ventu suo  vel  passione,  cui  simile  est 
roseum  cœlum  vespere  ;  et  idem  de  tri- 
bulationc  an  te  adventum  suum  futura, 
cui  simile  est  mane  roseum  cum  tristitia 
cœlum. 

CuRYS.  {ut  sxip.)  Sicut  ergo  in  cœlo 
aliudquidem  estsignum  serenitatis,  aliud 
pluviîe,  ita  et  in  me  putare  oportet:  nunc 
enim  :  (scilicet  in  primo  adventu)  his  si- 

25 


386 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


la  terre ,  ceux  qui  auront  le  ciel  i)Our  théâtre  sont  réservés  pour  mon 
second  avènement.  Je  suis  venu  actuellement  comme  un  médecin, 
alors  je  viendrai  comme  un  juge.  C'est  pour  cela  qu'aujourd'hui  je 
suis  venu  en  voilant  ma  divinité  ;  alors  je  viendrai  avec  un  grand 
éclat,  et  toutes  les  puissances  <lu  ciel  seront  ébranlées.  Mais  le  temps 
de  ces  prodiges  n'est  pas  encore  arrivé;  car  je  suis  venu  pour  mou- 
rir, et  souffi'ir  auparavant  toutes  les  ignominies.  Cette  génération 
corrompue  et  adultère  demande  un  prodige,  et  il  ne  lui  sera  pas 
donné.  —  S.  Aug.  {de  l'accord  des  Evang.)  Saint  Matthieu  a  déjà  rap- 
porté ces  mêmes  paroles  (chap.  12),  ce  qui  doit  nous  convaincre  que 
le  Seigneur  a  souvent  dit  plusieurs  fois  la  même  chose  ;  et  lorsque 
nous  ne  pouvons  faire  disparaître  la  contradiction  qui  existe  entre  deux 
récits,  nous  devons  eu  conclure  que  ces  paroles  ont  été  dites  dans 
deux  circonstances  différentes.  —  La  Glose.  Il  les  appelle  génération 
corrompue  et  adultère,  c'est-à-dire,  n'ayant  ([u'une  intelligence  char- 
nelle ,  incapable  de  comprendre  les  choses  spirituelles.  —  Kab.  Le 
Seigneur  ne  donnera  donc  point  à  cette  génération  qui  le  tente  de 
prodige  dans  le  ciel,  comme  ils  le  demandent,  eux  qu'il  a  rendus  té- 
moins de  tant  de  prodiges  sur  la  terre  ;  mais  il  réserve  ces  prodiges 
pour  la  génération  de  ceux  qui  cherchent  le  Seigneur  (1),  c'est-à-dire 
pour  les  Apôtres  qui  le  virent  monter  au  ciel,  et  auxquels  il  envoya 
l'Esprit  saint. 

S.  Jér.  Nous  avons  dit  plus  haut  ce  que  signifie  ce  prodige  de  Jo- 
nas  {Matth.  xii.)  —  S.  Ghrys.  {hom.  54.)  Or ,  les  pharisiens  qui  en- 
tendaient cette  réponse  pour  la  seconde  fois  auraient  dû  interroger  le 
Sauveur,  et  lui  demander  quel  était  le  sens  de  ces  paroles  ?  Mais  ils  se 

(1)  Allusion  à  ces  paroles  du  Ps.  xxiii,  vers.  6  :  «  C'est  la  génération  de  ceux  qui  cherchent 
le  Seigneur,!)  de  même  que  ce  qui  précède  rappelle  ces  deux  autres  passages  :  ails  m'ont  tenté» 
[Ps.  xcix,  9,)  et  au  vers.  10  :  «  J'ai  été  irrité  contre  cette  génération.  » 


gais  quae  in  terra  sunt,  opus  est  ;  quae 
autem  in  cœlo  sunt,  conservantur  tem- 
pori  secundi  adventus  :  nunc  enim  sicut 
medicus  veni,  tune  sicut  judex  adero  : 
propter  hoc  nunc  occullus  veni,  tune 
autem  cum  luulla  divul.ualioue,  quaudo 
virtutes  cœlorum  movebunlur  :  sed  non 
est  nunc  tempus  horum  siiinorum,  quia 
veni  mori,  et  quae  abjecla  sunt  puti.  El 
ideo  sequitur  :  «  Geueralio  lualaet  adul- 
téra signum  quœrit  et  non  dabitur.  » 
Aug.  {de  Cons.  Evang.  \\h.  u,  ubi  sitp.) 
Hoc  autem  et  alibi  jani  dixit  Matthœus 
(cap.  12),  unde  relineudum  ent  eadem 
Dominum  sœpe  dixisse  ;  ut  quod  (exis- 
tente  contrario)  solvi  non  poluerit,  bis 


dictum  intelligatur.  Gloss.a.  {interlin.) 
Dicit  autem  :  «  Generatio  mala  et  adul- 
téra, »  id  est  incredula  pro  spirituali 
carneum  liabens  iutellectuni.  Rab.  Non 
ergo  génération!  illi  tentantium  Dominum 
signum  cœleste  dalur,  quale  quEerebant, 
quibus  multa  signa  dédit  in  terra  gene- 
ralioni  quœrentium  Dominum,  id  est, 
apostulis,  quibus  cernenlibusascendit  in 
cœlum,  et  Spiritum  sanctum  misit. 

Hier.  Çjxxxà  autem  sibi  velit  signum 
Jona;  jam  supra  dictum  est.  {Matth.  12.) 
Ghrys.  (M<5(//).)Ciim  autem  hoc  secundo 
pharlsœi  audissent,oporlebat  interrogare 
et  dicere  :  «  Quid  est  quod  dicitur  ?  » 
Sed  ipsi  non  desiderio   disceudi  hoc  a 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XVI.  387 

sont  gardés  de  faire  cette  demande  au  Seigneur  dans  le  désir  de  s'ins- 
truire. C'est  pourquoi  Nolie-Seigneur  se  sépare  d'eux.  «Et,  les  laissant 
là,  il  s'en  alla.  »  —  Rab.  C'est-à-dire  ayant  quitté  cette  mauvaise  gé- 
nération des  Juifs,  il  passa  au  delà  du  lac ,  et  le  peuple  des  Gentils  le 
suivit.  Et  remarquez  qu'il  n'est  point  dit  qu'il  se  retira  après  avoir 
renvoyé  le  peuple  comme  dans  les  autres  circonstances,  mais  qu'il  les 
abandonna,  parce  que  l'erreur  de  l'incrédulité  s'était  emparée  de  leurs 
esprits  orgueilleux. 

y.  5-11. —  Or  ses  disciples,  étant  passés  au  delà  de  l'eau,  avaient  oublié  de 
prendre  des  pains.  Jésus  leur  dit  :  Ayez  soin  de  vous  garder  du  levain  des 
pliarisiens  et  des  sadducéens.  Mais  ils  pensaient  et  disaient  entre  eux  :  nous 
n'avons  point  pris  de  pains.  Ce  que  Jésus  connaissant,  il  leur  dit  :  Hommes 
de  peu  de  foi,  pourquoi  vous  entretenez-vous  ensemble  de  ce  que  vous  n'avez 
j>oint  pris  de  pains?  Ne  comprenez-vous  point  encore  et  ne  vous  souvient-il 
point  que  cinq  pains  ont  suffi  pour  cinq  mille  hommes,  et  combien  vous  en 
avez  remporté  de  paniers  ?  et  que  sept  pains  ont  suffi  pour  quatre  mille 
hommes,  et  combien  vous  en  avez  remporté  de  corbeilles  ?  Comment  ne  com- 
prenez-vous point  que  ce  n'est  pas  du  pain  que  je  vous  parlais,  lorsque  je  vous 
ai  dit  de  vous  garder  du  levain  des  pharisiens  et  des  sadducéens?  Alors  ils 
comprirent  qu'il  ne  leur  avait  pas  dit  de  se  garder  du  levain  qu'on  met  dans 
le  pain,  mais  de  la  doctrine  des  pharisiens  et  des  sadducéens. 

La  Glose  (1).  Notre- Seigneur  avait  abandonné  les  pharisiens  en 
punition  de  leur  incrédulité  ;  par  une  conséquence  naturelle  ,  il  en- 
seigne à  ses  disciples  qu'ils  doivent  éviter  leur  doctrine.  «  Or ,  ses 
disciples  étant  passés  au  delà  du  lac,  avaient  oublié  de  prendre  des 
pains.  —  Rémi.  Ils  étaient  si  étroitement  attachés  à  leur  Maître,  qu'ils 

(1)  On  ne  trouve  cette  citation  ni  dans  la  Glose  actuelle,  ni  dans  saint  Anselme,  ni  dans  aucun 
autre  auteur. 


Domino  quaesierunt  :  et  ideo  Dominas 
eos  reliquil  :  imde  sequitur.  «  Et  relictis 
illis,  abiit, »  etc.  Rab.  Id  est  reliclagene- 
ratioue  mala  .ludœorum,  abiit  trans  fre- 
tum;  et  gentium  secutus  est  populus. 
Nota  quod  non  sicutin  aliis  legitur  locis, 
dimissis  turbis,  abiit,  sed  quia  infideli- 
tatis  error  iusolentium  animos  obtine- 
bat,  dicitur  quod  eos  reliquit. 

Et  cum  venissent  discipuli  ejus  trans  fretum, 
obliti  sunt  panes  accipere.  Qui  dixit  illis  :  In- 
tuemini  et  cuvp.te  a  fermenta  pharisœorum  et 
sadducœorum.  At  illi  cogitabant  inler  se,  di- 
centes,  quia  panes  non  accepimus.  Sciens  autem 
Jésus  dixit  illis  :  Quid  cogitatis  inter  vos  mo- 
dicœ  fidei,  quia  panes  non  hahelis  ?  Nondum 


intelligitis,  neque  recordamini  quinque  panunt, 
et  quinque  millium  hominum,  et  quot  cophinos 
sumpsistis  ?  Neque  septem  panum  et  quatuor 
millium  hominum,  et  quot  sportas  sumpsistis? 
Quare  non  intelligitis,  quia  non  de  pane  dixi 
vobis:  Cavete  a  fermenta  pharisœorum  et  sad- 
ducœorum ?  Tune  intellexcrunt  quia  non  dixe- 
rit  cavendum  a  fermento  panum,  sed  a  doc- 
trina pharisœorum  et  sadducœorum. 

Glossa.  Sicut  Dominas  pharisaeos  reli- 
querat  propter  eorum  iufidelitatem ,  ita 
consequeuter  et  doclrinam  eorum  a  dis- 
cipulis  cavendani  esse  docet:  unde  sequi- 
tur :  «  I<^t  cum  venissent  discipuli  ejus 
trans  fretum,  obliti  sunt  panes  accipere.» 
Remig.  Tauto  enim  amore  magistri  deti- 


388 


EXPLICATION  DE   L  EVANGILE 


ne  pouvaient  s'en  séparer ,  môme  un  instant.  Remarquons  encore 
combien  les  disciples  de  Jésus  étaient  loin  de  rechercher  les  délices  de 
la  vie,  eux  qui  se  préoccupaieut  si  peu  du  nécessaire,  qu'ils  oubliaient 
même  de  prendre  du  pain,  nourriture  indispensable  de  notre  faible 
nature. 

«  Il  leur  dit  :  Ayez  soin  de  vous  garder  du  levain  des  phari- 
siens, »  etc.  —  S.  HiL.  Le  Sauveur  avertit  ici  les  Apôtres  de  n'avoh" 
aucun  commerce  avec  la  doctrine  des  Juifs  ;  car  les  œuvres  de  la  loi 
n'avaient  été  ordonnées  que  pour  recevoir  leur  accomplissement  par 
la  foi,  et  comme  tigure  de  ce  qui  devait  se  réaliser  dans  l'avenir.  Ceux 
donc  qui  avaient  le  bonheur  de  vivre  dans  le  temps  où  la  vérité  se 
manifestait  sur  la  terre,  devaient  regarder  comme  désormais  inutiles 
les  figures  de  la  vérité,  de  peur  que  la  doctrine  des  pharisiens,  qui  ne 
connaissaient  pas  le  Christ,  ne  vînt  à  corrompre  les  effets  de  la  vérité 
de  l'Evangile. —  S.  Jér.  Celui  qui  se  garde  du  levain  des  pharisiens  et 
des  sadducéens,  ne  s'attache  pas  aux  préceptes  de  la  loi  et  de  la  lettre, 
et  ne  se  met  pas  en  peine  des  traditions  humaines;  son  unique  souci 
c'est  d'accomplir  les  commandements  de  Dieu.  C'est  là  ce  levain  dont 
l'Apôtre  a  dit  :  «  Un  peu  de  levain  corrompt  toute  la  masse.»  (I  Cor.^y; 
et  Gai.,  V.)  Il  faut  à  tout  prix  se  gai'der  d'un  tel  levain,  qui  est  celui 
de  Marcion,  de  Valentin ,  et  de  tous  les  hérétiques.  ,Le  levain  a  une 
force  telle,  que  si  on  le  mêle  à  la  farine  en  petite  quantité ,  il  se  dé- 
veloppe bientôt,  et  communique  la  saveur  qui  lui  est  propre  à  toute 
la  pâte  à  laquelle  il  se  trouve  mêlé  ;  il  en  est  de  même  de  la  doctrine 
des  hérétiques  :  quelque  faible  que  soit  l'étincelle  qu'elle  aura  jetée 
dans  votre  cœur,  vous  la  verrez  bientôt  produire  un  grand  incendie 
qui  envahit  l'homme  tout  entier.  —  S.  Chrys.  {hom.  54.)  Mais  pour- 


nebantur^  ut  nec  etiam  ad  puoctum 
vellent  ab  eo  recedere.  Auimadverten- 
dum  est  ergo  quantum  alieui  essent  ab 
appetitu  deliciarum,  cum  tam  parvam 
habereut  de  necessariis  curam  ut  etiam 
obliti  sint  panes  accipere,  sine  quibus 
bumana  fragilitas  subsistere  non  potest. 
Sequitur  :  «  Qui  dixil  iliis  :  lutuemiui 
et  cavete a fermento  pbarisœoruni,  «etc. 
HiLAR.  In  quo  monentiir  apostoli  non 
admisceri  Judaîorum  doctrina>  ;  qnia 
legis  opéra  in  effectum  lidei  et  pru^ligu- 
rationem  rerum  consequontium  consti- 
tuta  suut  ;  et  in  quorum  tempora  atque 
aetatem  verilas  contigisset^  uibil  ultra 
in  veritatis  similitudine  posituui  arbi- 
trarcntur  ;  ne  doctrina  pharisa;onun 
Clu'istuni  uescions,  efl'ei'tuni  veritatis 
evangelicai  corrumperet.  Hieu.  Qui  euim 


caveta  fermento  pbaristeorum  etsaddu- 
caeorum,  legis,  ac  iittene  praecepta  non 
servat,  traditioûes  bominum  negligit, 
ut  faciat  Dei  mandata  ;  hoc  est  fermen- 
tum,  de  quo  ApostoUis  ait  (I  Corinth.b, 
et  tid  Galat.  5)  :  «  Modieum  fermen- 
tum  totam  massam  corrumpit  :  »  istius- 
modi  fermeutum  etiam  omni  ratione 
vitandum  est  ;  quod  habuit  Marcion  .  et 
Valeutinus,  et  omues  bferetici  :  fermen- 
tuni  euim  banc  babet  vim.  ut  si  farinae 
mixtum  fuerit,  quod  parum  videbatur, 
crescat  in  majus,  et  ad  saporem  suum 
universam  conspersiouem  t rabat  :  ita  et 
doctrina  ba^retiea,  si  vel  modieam  sciu- 
tillam  jccerit  iu  luum  pectus,  in  brevi 
ingens  tlanmia  concrescit,  et  totam  bo- 
miuis  possessionem  ad  se  trabit.  Chrys. 
[ut    Slip,   /lomil.  'o'i.)   Scd  quare    uoo 


I 


I 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XVI.  389 

quoi  le  Sauveur  De  leur  dit-il  pas  ouvertement  :  «  Gardez-vous  de  la 
doctrine  des  pharisiens?  »  parce  qu'il  veut  leur  rappeler  le  miracle  de 
la  multiplication  des  pains  qui  vient  d'avoir  lieu.  Il  savait  qu'ils  l'a- 
vaient oublié,  et  comme  il  ne  jugeait  pas  à  propos  de  leur  reprocher 
directement  cet  oubli,  il  profite  de  l'occasion  qu'ils  lui  présentent  pour 
leur  rendre  ce  reproche  plus  supportable.  C'est  pour  cela  que  l'Evan- 
géliste  nous  dévoile  ce  qui  se  passait  dans  leur  àme  :  «  Et  ils  pensaient 
entre  eux ,  et  disaient  :  Nous  n'avons  pas  pris  de  pains.  »  —  S.  Jér. 
Comment  se  fait-il  qu'ils  étaient  sans  pain  ,  eux  qui,  après  en  avoir 
rempli  sept  corbeilles,  montent  dans  la  barque,  viennent  sur  les  fron- 
tières de  Magedan  et  entendent  Jésus  leur  dire  pendant  la  traversée, 
qu'ils  doivent  se  garder  du  levain  des  pharisiens  et  des  sadducéens? 
Nous  répondons  à  cette  question  que  l'Ecriture  affirme  qu'ils  avaient 
oublié  de  prendre  des  pains  avec  eux. 

S.  Chrys.  {Iiom.  54.)  Gomme  les  Apôtres  se  traînaient  encore  dans 
l'attachement  aux  observances  judaïques,  Notre-Seigneur  leur  en  fait 
un  vif  reproche  dans  la  pensée  d'être  utile  à  tous  les  autres.  «  Ce  que 
Jésus  connaissant,  il  leur  dit  :  Pourquoi  vous  entretenez-vous  ensemble 
que  vous  n'avez  point  de  pain,  »  hommes  de  peu  de  foi  ?  — La  Glose. 
C'est-à-dire  pourquoi  pensez-vous  que  j'ai  voulu  parler  de  ces  pains 
matériels,  au  sujet  desquels  vous  ne  devez  avoir  aucun  doute  après 
qu'un  si  petit  nombre  de  pains  a  produit  des  restes  si  considérables  ? 
—  S.  Chrys.  [hom.  54..)  Son  dessein,  ici,  est  de  les  affranchir  de  toute 
inquiétude  pour  la  nourriture.  Mais  pourquoi  ne  leur  a-t-il  pas  adressé 
ce  reproche  lorsqu'ils  lui  exprimèrent  cette  pensée  de  défiance  : 
«  Comment  pourrons-nous  trouver  un  si  grand  nombre  de  pains  dans  le 
désert  ?  »  Il  semble  qu'il  eût  été  mieux  placé  dans  cette  circonstance. 


dixit  :  «  Attendite  a  doctrina  phari- 
sfeonim,  »  manifeste?  Quia  vult  comme- 
morare  ea  quaî  facta  sunt,  scilicet  de 
midliplicatione  panuin  :  eteniui  iioverat 
eos  esse  oblitos  :  simpliciter  autem  de 
hoc  eos  incusare,  non  videtur  rationem 
habere  ,  occasione  autem  ab  eisrecepta, 
eos  increpare  susceplibileui  faciebat  in- 
cusationem  :  et  ideo  qua;  copitabant  dis- 
cipuli,  Evangelista  in  médium  iutroducit, 
diceus  :  al  illi  cogitabant  intra  fe,  di- 
centes,  quia  panes  non  accepimus.  » 
Hier.  Quomodo  autem  panes  non  habe- 
bant,  qui  stalim  impletis  septem  sportis, 
ascenderunt  in  naviculam,  et  veuerunt 


Scriptura  testatur  quod  obliti  sunt  eos 
secum  toUere. 

Chrys.  {%tt  svp.)  Quia  vero  discipuli 
circa  observationes  judaicas  adhuc  repe- 
bant,  ideo  Dominus  vehementer  eos  in- 
crepat  ad  utilitatem  omnium  :  imde 
sequilur  :  «  Sciens  autem  Jésus  dLxit  eis  : 
Quid  cogilatis  inter  vos  modicae  fidei, 
quia  panes  non  habetis  ?  »  Glossa. 
Quasi  diceret  :  Quid  cogitatis  me  dixisse 
de  terrenis  panibus,  de  quibus  non  est 
vobis  dubitandum,  cum  de  tam  paucis 
tantas  feci  abundare  reliquias?  Chrys. 
(ut  sitp.)  Hoc  autem  facit  ut  sollicitu- 
dinem    escarum    ab    eis    adjiciat.   Sed 


L 


in  fines  Magedan;  ibique  audiunt  navi-  quare  non  arguit  eos.  cum  dixerunt  : 
gantes  quod  cavere  debeant  a  fermento  j  «  Unde  nobis  in  solitudine  panes  tanti  ?  » 
pharisaeorum    et    sadducaeorum  ?     sed  ,  Etenim  oppurtuuius  videbatur  hof  dici. 


390 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


Cependant  Notre-Seignear  ne  les  reprend  pas  alors  ,  pour  ne  point 
paraître  prendre  l'initiative  des  miracles  qu'il  opère,  et  aussi  pour  que 
le  peuple  ne  fût  pas  témoin  des  reproches  qu'il  leur  adressait.  Ces  re- 
proches, d'ailleurs ,  furent  bien  plus  motivés  lorsqu'a[)rès  le  double 
miracle  de  la  multiplication  dos  paius  ,  il  les  voit  encore  inquiets  de 
leur  nourriture.  Mais  voyez  quelle  douceur  dans  ce  reproche.  Il  ré- 
pond lui -môme  comme  pour  excuser  ceux  qu'il  vient  de  reprendre, 
en  ajoutant:  «Ne  comprenez-vous  point  encore,  et  ne  vous  souvient-il 
point  que  cinq  pains  ont  suffi  pour  cinq  mille  hommes,  et  combien 
vous  avez  remporté  de  paniers  ?  et  que  sept  pains  ont  suffi  pour  quatre 
mille  hommes?  »  etc.  —  La  Glose.  C'est-à-dire  :  «  Est-ce  que  vous 
ne  comprenez  pas  ce  mystère  ?  Est-ce  que  vous  n'avez  pas  conservé 
le  souvenir  de  ma  puissance  ?»  —  S.  Chrys.  11  leur  remet  ainsi  en 
mémoire  les  miracles  qui  avaient  eu  lieu  ,  et  les  rend  plus  attentifs 
à  ceux  (jui  doivent  suivre. 

S.  JÉR.  En  leur  adressant  ce  reproche  :  «  Pourquoi  ne  comprenez - 
vous  pas  ?  »  il  veut  leur  apprendre  en  même  temps  ce  que  signifient 
les  cinq  pains ,  et  ensuite  les  sept  autres  qui  furent  multipliés  ;  et 
encore  les  cinq  mille  hommes ,  et  après  les  quatre  mille  qu'il  nourrit 
dans  le  désert.  Car  si  le  levain  des  pharisiens  et  des  sadducéens  ne  si- 
gnifie pas  le  pain  matériel ,  mais  les  traditions  corrompues  et  les 
dogmes  des  hérétiques,  pourquoi  les  pains  qui  servirent  à  nourrir  le 
peuple  de  Dieu  ne  figureraient-ils  pas  la  doctrine  pure  et  véritable  ? 
—  S.  CiiRYS.  [hom.  54.)  Si  vous  voulez  connaître  l'efficacité  du  re- 
proche de  Jésus  sur  ses  disciples,  et  comment  il  réveilla  leur  âme  en- 
dormie, écoutez  ce  que  dit  l'Evangéliste  :  «  Ils  comprirent  alors  qu'il 
ne  leur  avait  pas  dit  de  se  garder  du  levain  qu'on  met  dans  le  pain, 


Sed  ideo  tune  non  repreheudit  eos,  ne 
videretur  se  ingerere  ad  signa  facienda; 
et  nolebat  ante  torbas  eos  increpare. 
Tiinc  etiam  ralionabilior  heec  accusatio 
fuit,  quando  jani  duplici  miraculo  de 
panibus  facto  taies  eraut  ut  adhuc  de 
escis  dubitareut.  Vide  autem  et  increpa- 
tionem  cuni  mansuetndine;  velut  enim 
excusaudo  respoudet  pro  bis  quos  in- 
crepaverat,  dicens  :  «  Noudum  intelli- 
gitis,  neque  recordamini  (juinquo  pa- 
uum,  et  quinque  niillium  bouiinuni,  et 
quot  cophinos  sumpsistis?  Neque  sep- 
teni  panum ,  et  quatuor  milliuui  lio- 
luinum  ?))  etc  Glossa.  {interl in. )()\iA&i 
diceret  :  «  Neque  uiysterium  inteib- 
gitis,  neque  virtutem  in  nienioria  ha- 
betis?  »  Chrvs.  [ut  svp.)  Per  quod 
in  memoriam  eis  reducit  ea  qua?  prai- 


terierunt,  et  ad  futura  attentiores  facit. 
Hier.  Per  boc  autem  quod  dieit  : 
«  Quare  non  inteUigitis,  »  etc.,  ecce  per 
occasionem  docet  eos  quid  significent 
qiunque  panes  et  septem  ;  quinque  millia 
lioiuiuunij  el  quatuor  milba,  quae  pasta 
saut  in  eremo  :  si  enim  fermentum  pba- 
risœorum  et  sadducaeorum  non  corpo- 
ralom  paneni,  sed  traditiones  perversas 
et  biEretica  significat  dogmata  , quare 
cibi  quibus  uutritus  est  popuUis  Dei, 
non  verani  doctrinam  integramque  si- 
gnificent ■'  Chrys.  {ut  sup.)  Ut  autem 
discas  quantum  in  discipubs  potuit  in- 
«•repalio  Cbrisli,  et  quabter  eorum  men- 
tem  erexerit  dorùiientem,  audi  quid 
l-lvangeHsta  dicat  :  «  Tune  inteilexerunt 
quod  non  dixit  cavendum  a  fermento 
panum,  sed  a  doctrina  pharisaeorum  et 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XVI. 


394 


mais  de  la  doctrine  des  pharisiens  et  des  sadducéens,  »  bien  que  Jésus 
ne  leur  ait  pas  donné  cette  explication .  Le  reproche  du  Seigneur  les 
sépare  des  observances  judaïques  ,  leur  fait  secouer  leur  indifférence, 
les  rend  plus  attentifs ,  et  fortifie  leur  foi  encore  si  faible.  Et  s'il  leur 
arrive  maintenant  d'être  presque  sans  pain ,  ils  seront  sans  crainte, 
et  apprendront  à  mépriser  jusqu'aux  nécessités  de  la  vie. 

jf.  13-i9.  —  Jésus,  étant  venu  aux  environs  de  Césarée  de  Philippe,  interrogea 
ses  disciples  et  leur  dit  :  Qui  dit-on  que  soit  le  Fils  de  l'homme?  Ils  lui 
répondirent  :  Les  uns  disent  que  c'est  Jean-Baptiste ,  les  autres  Elie,  les 
autres  Jérémie,  ou  quelqu'un  des  prophètes.  Et  vous  autres,  qui  dites-vous 
que  je  suis?  Simon  Pierre ,  prenant  la  parole,  lui  dit  :  Vous  êtes  le  Christ, 
Fils  du  Dieu  vivant.  Jésus  lui  répondit  ;  Vous  êtes  bienheureux,  Simoii,  fils 
de  Jean,  parce  que  ce  n'est  point  la  chair  et  le  sang  qui  vous  ont  révélé  ceci, 
mais  mon  Père  qui  est  dans  les  deux.  Et  moi  aussi  je  vous  dis  que  vous  êtes 
Pierre,  et  que  sur  cette  pierre  je  bâtirai  mon  Eglise;  et  les  portes  de  l'enfer 
ne  prévaudront  point  contre  elle.  Et  je  vous  donnerai  les  clefs  du  royaume 
des  deux  ;  et  tout  ce  que  vous  lierez  sur  la  terre  sera  aussi  lié  dans  les 
deux,  et  tout  ce  que  vous  délierez  sur  la  terre  sera  aussi  délié  dans  les 
deux. 

La  Glose  {\).  Après  avoir  inspiré  à  ses  disciples  un  profond  éloi- 
gnement  pour  la  doctrine  des  pharisiens,  Notre-Seigneur  choisit  ce 
moment  favorable  pour  jeter  dans  leurs  âmes  les  fondements  profonds 
de  la  doctrine  évangélique  ,  et  pour  donner  à  son  enseignement  plus 
de  solennité  ,  l'Evangéliste  nous  désigne  l'endroit  où  elle  se  passa  : 
«  Or,  Jésus  vint  dans  les  environs  de  Césarée  de  Philippe.  »  Il  ne  dit 
pas  simplement  Césarée  ,  mais  Césarée  de  Philippe  ;  car  il  y  a  une 

(1)  On  ne  trouve  ce  passage  ni  dans  la  Glose,  ni  dans  saint  Anselme,  ni  dans  aucun  autre  in- 
terprête. 


sadducseorum  :  quainvis  eo  hoc  non  in- 
terpretaute.  Incrcpatio  ergo  Domiai  eos 
a  judaicis  observationibus  abdiixit;  desi- 
des existantes  attentiores  fecit,  et  a  par- 
va  fide  eos  eripuit  ;  ut  non  timeant  si 
quando  paucos  panes  habere  videantur, 
neque  pro  pane  solliciti  sint,  sed  bapc 
despiciaut  universa. 

Venit  autern  Jésus  in  partes  Cœsareœ  Philippi, 
et  interrogabat  discipulos  suos,  dicens  :  Quem 
dicunt  hommes  esse  Filium  hominis?  At  illi 
dixerunt  :  Alii  Joannem  Baptistam,  aliiautem 
Eliam  ;  alii  vero  Hieremiam,  aut  unum  ex 
propheiis.  Dixit  illis  Jésus  :  Vos  autem  quem 
me  esse  dicitis  ?  Respondens  Simon  Petrus  di- 
xit :  Tues  Christus  Filius  Dei  vivi.  Respon- 
dens autem  Jésus  dixit  ei  :  Beatus  es,  Simon 
Barjona,  quia  caro  et  sanguis  non  revelavit 


tibi,  sed  Pater  meus  qui  in  cœlis  est.  Et  ego 
dico  tibi,  quia  tu  es  Petrus,  et  super  hancpe- 
tram  œdificabo  Ecdesiam  meam,  et  portée  in- 
feri  non  prœvalebunt  adversus  eam.  Et  tibi 
dabo  claves  regni  cœlorum.  Et  quodcumque  li- 
gaveris  super  terram,  erit  ligatum  et  in  cœlis; 
et  quodcumque  solveris  super  terram,  eri  iso- 
lutum  et  in  cœlis. 

Glossa.  Postquam  discipulos  a  phari- 
saeorum  doctrina  removerat  Dominus, 
convenienter  evangelicse  doctrinae  alti- 
ludinem  in  eis  fundat  :  et  ut  major  so- 
lemuitas  designelur,  locus  describitur, 
cum  dicitur  :  «  Venit  autem  Jésus  in 
partes  Caesareae  Pbilippi.  »  Chrys.  (m 
homil.  53.  in  Matth.)  Ideo  autem  non 
simpliciter  Cœsaream  nominat,  sed  Cas- 
saream  Philippi  ;  quia  est  alia  Caesarea, 


392 


RXPLICATION   DE    l'ÉVANGILE 


autre  ville  de  Césarée  ,  celle  de  Straton.  Ce  n'est  point  dans  celle-là, 
mais  dans  la  première  ,  que  Jésus  fait  cette  question  à  ses  disciples; 
il  les  emmène  loin  des  Juifs,  afin  que,  sans  crainte  aucune,  ils  disent 
librement  ce  qu'ils  ont  dans  le  cœur.  —  Rab.  Ce  Pliilipjje  était  frère 
d'Hérode  ,  il  était  tétrar([uc  de  l'Iturée  et  de  la  Tracliouitide.  Il  avait 
appelé  Césarée  ,  en  l'honneur  de  Tibère  ,  la  ville  qui  est  maintenant 
connue  sous  le  nom  de  Pauéas  (l*). 

La  Glose.  Le  Sauveur  veut  confirmer  ses  disciples  dans  la  foi,  il 
commence  donc  par  éloigner  de  leur  esprit  les  opinions  et  les  erreurs 
que  d'autres  pouvaient  y  avoir  jetées.  «Et  il  interrogea  ses  disciples 
eu  leur  demandant  :  Que  disent  les  hommes  qu'est  le  Fils  de  l'homme  ?  » 
—  OiUG.  C^).  Eu  interrogeant  ainsi  ses  disciples,  il  veut  nous  ap- 
prendre par  leurs  réponses  qu'il  y  avait  alors  sur  le  Christ  diverses 
opinions  parmi  les  Juifs,  et  aussi  nous  faire  rechercher  nous-mêmes 
l'opinion  que  les  hommes  peuvent  avoir  de  nous.  S'ils  en  disent  du 
mal,  nous  devons  cesser  d'y  donner  occasion ,  et  s'ils  en  disent  du 
bien,  nous  devons  redoubler  nos  eflorts  pour  mériter  leur  approba- 
tion. Les  disciples  des  évèques  doivent  apprendre  aussi ,  à  l'exemple 
des  Apôtres,  à  informer  leurs  supérieurs  de  ce  qu'ils  entendent  dire  au 
dehors  sur  leur  personne. 

S.  Jér.  L'expression  dont  il  se  sert  :  «  Que  disent  les  hommes  qu'est 
le  Fils  de  l'homme,  »  est  parfaitement  choisie,  car  ceux  qui  parlent 

(1*)  Il  y  avait  en  effet  deux  villes  de  Césarée  :  l'une  appelée  Césarée  en  Palestine,  située  sur  le 
bord  de  la  mer  et  qu'Hérode  le  Grand  nomma  ainsi  en  l'honneur  d'Auguste.  11  y  avait  eu  autrefois, 
à  la  place  de  Césarée  la  tour  dite  de  Straton.  Josèphe  raconte  qu'Hérode  mit  dix  ans  à  la  bâtir, 
qu'il  l'orna  d'un  port,  de  temples,  et  d'autres  éditices  publics.  L'autre  était  nommée  Césarée  de 
Philippe,  elle  se  nommait  auparavant  Banéas  ou  Panéas  ;  mais  elle  fut  agrandie,  ornée  d'édifices 
nouveaux  par  Philippe,  fils  d'Hérode  le  Grand  et  appelée  Césarée  de  Philippe  en  l'honneur  de 
Tibère  et  de  Philippe.  Cette  ville  était  située  près  d'une  source  du  Jourdain,  qui  sort  d'une  grotte 
nommée  Panéum,  au  pied  d'une  montagne. 

(2)  On  ne  trouve  pas  ce  passage  dans  les  écrits  qui  nous  sont  restés  d'Origène. 


quse  est  Str.itonis  :  non  autein  In  illa, 
sed  in  hac  discipulos  interrogavil  ;  longe 
eos  a  Judœis  abduceus,  ut  ab  omni  ti- 
moré eruti  libère  dicant  quœ  babebant 
in  mente.  Rab.  Pbilippus  autem  iste 
frater  fuit  FIerodi.s,  ïetrarcba  Iturece  et 
Tliraconitidis  regionis,  qui  in  lionorom 
Tiberii  Cœsaris,  Ceesaream  Pbilippi,  quas 
uunc  Paneas  dicitur,  appellavit. 

Glossa.  Contîrmalurus  autem  in  fide 
discipulo.s,  prius  opiniones  et  errores 
aliorum  a  mentibus  eorum  voluit  renio- 
vere  :  unde  sequitur  :  «  Et  inlerrogabat 
discipulos  suos  dicens  :  Quem  di(  uni  bu- 
mines    esse  Filium  hominis?  »   Orig. 


{Tract.  I,  in  Mattk.  16.)  Interrogat 
Cbristus  discipulos,  ut  ex  apostolorum 
responsionibus  nos  discamus  diversas 
opiniones  fuisse  tune  apud  Judaeos  de 
Cbristo,  et  ut  nos  semper  scrutenuir 
qualis  opinio  sit  apud  honiines  de  uobis  ; 
ut  si  quid  maie  dicitur  de  nobis,  occa- 
sioues  illius  praecidamus,  si  quid  autem 
boni,  ejus  occasiones  augeamus.  Sed  et 
discipuli  episcoporum  apostolorum  ins- 
truuntiir  exemplo,  ut  qualescumque  opi- 
niones audierint  forîs  de  episcopis  suis, 
référant  eis. 

HiKR.    Pulchre    autem     interrogat    : 
«  (tuem    dicnnt  homines    esse  Filium 


DR  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XVI.  393 

du  Fils  de  l'homme  sont  des  hommes;  mais  ceux  qui  comprennent  sa 
divinité  sont  appelés ,  non  pas  des  hommes ,  mais  des  dieux.  — 
S.  Chrys.  {ho7n.  54.)  Il  ne  leur  demande  pas  :  Que  disent  de  moi  les 
pharisiens  et  les  scribes?  mais:  «  Que  disent  les  hommes?  »  Car  il 
cherche  à  connaître  la  pensée  du  peuple,  qui  n'était  pas  tourné  au 
mal.  L'idée  que  le  peuple  avait  du  Christ  était  sans  doute  bien  au- 
dessous  de  la  réalité ,  mais  au  moins  elle  était  pure  de  toute  malice, 
tandis  que  l'opinion  que  les  pharisiens  se  formaient  de  sa  personne 
était  pleine  de  méchanceté. 

S.  HiL.  {can.  \^siir  S.  Matth.)  «  Que  disent  les  hommes  qu'est  le 
Fils  de  l'homme  ?  »  Il  nous  apprend  par  ces  paroles  que  l'on  doit 
voir  en  lui  autre  chose  que  ce  qui  paraît  au  dehors ,  car  il  était  vrai- 
ment le  Fils  de  l'homme.  Quelle  idée  voulait-il  donc  qu'on  eût  de  lui? 
Non  pas,  sans  doute,  celle  qu'il  avait  fait  connaître  lui-même  ;  la  vé- 
rité qui  faisait  l'objet  de  cet  examen  était  cachée,  et  c^est  cette  vérité 
que  la  foi  des  chrétiens  doit  embrasser.  Or ,  telle  doit  être  notre  pro- 
fession de  foi  :  nous  devons  croire  qu'il  est  le  Fils  de  Dieu  comme  il 
est  le  Fils  de  l'homme;  car  l'une  de  ces  deux  croyances,  sans  l'autre, 
ne  peut  en  rien  nous  donner  l'espérance  du  salut  ;  aussi  est-ce  avec 
intention  qu'il  dit  :  «  Que  disent  les  hommes  du  Fils  de  l'homme  ?  » 
—  S.  Jér.  Il  ne  dit  pas  :  Que  disent-ils  que  je  suis,  mais  :  «  Que 
disent-ils  qu'est  le  Fils  de  l'homme?  »  pour  éviter  dans  cette  question 
toute  apparence  de  recherche  personnelle.  Remarquons  encore  que 
partout  où  nous  lisons  dans  l'Ancien  Testament  :  Fils  de  l'homme,  le 
texte  hébreu  porte  :  Fils  d'Adam. 

Orig.  Les  disciples  rapportent  les  difiérentes  opinions  qu'on  se  for- 


homiuis  :  »  quia  qui  de  Filio  hominis 
loquuntur,  homines  sunt  ;  qui  vero  Di- 
vinitatem  ejus  intelligunt,  non  homines, 
sed  dii  appellantur.  Chrys.  {ut  sup.) 
Non  autein  dicit  :  «  Quem  me  dicunt 
scribœ  et  pbarisaei  esse,  sed  quem  me 
dicunt  homines  esse  ?  »  plebis  mentem, 
qua;  ad  maliim  proua  inflexa  non  erat, 
investifjans.  Etsi  euim  multo  humilier 
quam  oportebat  eorum  erat  de  Christo 
opinio,  sed  tamen  a  nequitia  libéra  erat  : 
pharisa'orum  antem  opinio  de  Christo 
erat  pleua  multa  malitia. 

HiLAR.  (Can.  16,  in  Matth.)  Dicendo 
ergo  :  «  Quem  dicunt  homine»  esse  Fi- 
lium  hominis  ?  »  etc.,  signiticavit  prœter 
id  quod  in  se  videbatur  esSe,  aliud  seu- 
tiendum  :  erat  enim  hominis  Filius. 
Quod  igitur  de  se  opinandi  judicium  de- 


siderabat  ?  Non  illud  arbitramur  quod 
de  se  ipse  confessus  est,  sed  occultum 
erat  de  quo  quaerebatur,  in  quod  se 
credentium  fides  debeat  exteudere.  Est 
autem  hœc  confessionis  tenenda  ratio, 
ut  sicut  Dei  filium,  ita  et  Filium  homi- 
nis meminerimus;  quia  alterum  sine 
altero  uihil  spei  tribuit  ad  salutem  :  et 
ideo  signanterdixit  :  i(  Quem  dicunt  ho- 
mines esse  Filium  hominis  ?  » 

Hier.  Non  enim  dixit  :  «  Quem  me 
esse  dicunt  homines,  sed,  quem  dicunt 
esse  Filium  hominis?  »  ne  jactanler  de 
se  quœrere  videretur  :  et  nota  quod 
ubicumque  in  Veteri  Testamento  scri- 
ptum  est  :  «  Filius  hominis,  »  in  Hebraeo 
positum  est,  «  Filius  Adam.  » 

Orig.  {ut  sup.)  Diversas  autem  Judaeo- 
rum  opiniones  de  Christo  discipuli  refe- 


394 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


mait  du  Christ.  «  Et  ils  lui  répondirent  :  Les  uns  disent  Jean-Baptiste, 
c'est-à-dire  ceux  qui  partafi^eaient  l'opinion  d'Hérode  ;  les  autres,  Elle, 
et  ceux-là  pensaient  ou  bien  qu'Elie  avait  reçu  une  seconde  naissance, 
ou  que  n'ayant  point  été  autrefois  soumis  à  la  mort  du  corps,  il  se 
manifestait  dans  le  temps  présent;  les  autres,  Jérémie  ,  que  le  Sei- 
gneur avait  établi  prophète  parmi  les  nations,  et  ils  ne  comprenaient 
pas  que  Jérémie  était  la  figure  du  Christ;  ou  l'un  des  prophètes,  pour 
une  raison  semblable,  à  cause  des  choses  que  Dieu  avait  révélées  aux 
prophètes,  bien  qu'elles  n'aient  pas  reçu  leur  accomplissement  en  eux. 
mais  seulement  dans  Jésus-Christ.  —  S.  Jér.  Cependant  le  peuple  a 
bien  pu  se  tromper  en  prenant  le  Christ  pour  Elle  et  pour  Jérémie,  de 
même  qu'Hérode  qui  le  prenait  pour  Jean-Baptiste  ;  aussi  suis-je 
étonné  de  voir  quebjues  interprètes  rechercher  les  causes  de  toutes  ces 
erreurs. 

S.  Chrys.  {hojn.  5i.)  Après  que  les  disciples  lui  ont  fait  connaître 
l'opinion  du  peuple,  il  les  presse  par  une  seconde  question  de  se 
former  une  plus  haute  idée  de  lui  ;  «  Et  Jésus  leur  dit  :  Et  vous ,  qui 
dites- vous  que  je  suis?»  Vous,  dis-je,  quiètes  toujours  avec  moi, 
qui  avez  été  témoins  de  plus  grands  miracles  que  le  peuple  ,  vous  ne 
devez  point  partager  sa  manière  de  voir.  Aussi  ne  leur  fit-il  pas  cette 
question  au  début  de  sa  prédication ,  mais  après  avoir  fait  un  grand 
nombre  de  miracles ,  et  leur  avoir  souvent  parlé  de  sa  divinité.  — 
S.  Jér.  Remarquez  que  d'après  ce  langage  du  Sauveur ,  les  Apôtres 
ne  sont  pas  appelés  des  hommes,  mais  des  dieux ,  car  après  avoir  dit  : 
«  Les  hommes,  que  disent-ils  qu'est  le  Fils  de  l'homme?  »  il  ajoute  : 
«  Et  vous,  que  dites-vous  que  je  suis?  »  c'est-à-dire  les  hommes  qui 


runt  :  unde  dicitur  :  «  At  illi  dtxerunt  : 
Alii  Joanaein  Baptistam  (aestimatiouem 
scilicet  secuti  Herodi»)  ;  alii  autem  Eliam 
(videlicet  aestimantes  ,  quod  aut  secun- 
dam  nalivitatem  susceperit  Elias,  aut  ex 
eo  tempore  in  corpore  vivens  in  tempore 
apparuit  illo)  ;  alii  vero  Hiereniiam,  » 
queni  Dominus  in  pentibus  propbelaui 
constitnit  (non  intelliîïenles  qiioniam 
Hieremias  typus  fuerat  Christi),  «  aut 
unum  ex  prophetis,  «  ratione  simili,  pro- 
pter  illa  quaî  Deus  ad  ipsos  loeutus 
est  prophetas,  non  tanien  iu  ipsis,  sed  in 
Christo  sunt  impleta.  Hier.  Sod  tamen 
turbse  sic  errare  potneruut,  et  iu  Elia, 
et  in  Hieremia,  quoiuodo  Herodes  erra- 
vitin  .loanue  :  unde  miror  quosdani  in- 
terprètes causas  errorum  sinctulorum 
inquirere. 


Chrys.  {ut  sup.)  Quia  vero  discipuli 
opinionemturbae  reoitaverant,  evocat  eos 
per  secundam  interrogationem  ad  opi- 
uaoduni  aliquid  rnajus  de  ipso  :  et  ideo 
sequitur  :  «  Dicit  illis  Jésus  :  Vos  autem 
quem  me  esse  dicitis?  »  Vos,  inquam, 
qui  simul  mecum  estis  semper,  quia  ma- 
jora signa  vidistis,  quam  turb»,  non 
oportet  vos  iu  opinione  convenire  cum 
turbis  :  et  propter  boc,  non  a  principio 
prœdicationis  cos  de  boc  interrogavit, 
sed  postquam  multa  signa  fecit,  et  multa 
loeutus  est  cis  de  sua  Deitate.  Hier. 
Attende  autem  quod  ex  boc  textu  ser- 
mouis  apostoli  nequaquam  fiomines , 
sed  du  appellantur  :  cum  enim  dixisset  : 
«  Quem  dicunt  bomines  esse  Filium  ho- 
minis?  subjecit  :  «  Vos  autem  quem 
me  esse  dicitis  ?  »  Ac  si  dicat  :  «  lUis, 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAP.   XVI.  395 

ne  sont  que  des  hommes  ont  de  moi  une  opinion  tout  humaine  ; 
mais  vous  qui  êtes  des  dieux,  que  pensez-vous  que  je  suis? 

Rab.  Ce  n'est  point  sans  doute  par  ignorance  que  le  Sauveur  s'in- 
forme de  l'opinion  que  ses  disciples  et  le  peuple  peuvent  avoir  de  sa 
personne;  s'il  demande  à  ses  disciples  ce  qu'ils  pensent  de  lui,  c'est 
pour  récompenser  dignement  leur  confession  de  foi,  conforme  à  la  vé- 
rité. A.ussi  s'informe-t-il  d'abord  de  l'opinion  du  peuple,  afin  qu'après 
avoir  rapporté  les  jugements  de  ceux  qui  se  trompent ,  on  soit  obligé 
de  reconnaître  que  les  disciples  ont  puisé  la  vérité  de  leur  profession 
de  foi ,  non  pas  dans  les  idées  du  peuple ,  mais  dans  une  révélation 
particulière  du  Sauveur. 

S.  Chrys.  [hom.  54.)  Lorsque  Notre- Seigneur  demande  quelle  opi- 
nion le  peuple  a  de  lui,  tous  répondent;  mais  lorsqu'il  demande  à  ses 
disciples  quelle  est  leur  opinion  personnelle ,  Pierre  répond  au  nom 
de  tous  comme  étant  la  bouche  et  la  tête  du  collège  apostolique  : 
«  Simon  Pierre,  prenant  la  parole,  lui  dit  :  Vous  êtes  le  Christ  Fils  du 
Dieu  vivant.  »  —  Orig.  Pierre  rejette  toutes  les  fausses  idées  que  les 
Juifs  se  faisaient  de  Jésus,  et  il  confesse  hautement  cette  vérité  qu'igno- 
raient les  Juifs  :  «  Vous  êtes  le  Christ,  »  et  ce  qui  est  bien  plus 
grand  :  «  Le  Fils  du  Dieu  vivant,  »  qui  avait  dit  par  les  prophètes  : 
«  Moi  je  vis  ,  dit  le  Seigneur  (1).  »  On  l'appelait  vivant ,  mais  d'une 
manière  éminente,  parce  qu'il  est  supérieur  à  tous  les  êtres  qui  ont  la 
vie;  car  seul  il  possède  l'immortalité,  et  il  est  la  source  de  la  vie. 
C'est  lui  que  nous  appelons  dans  un  sens  véritable  Dieu  le  Père.  Or, 
celui  qui  dit  :  «  Je  suis  la  vie  »  {Jean,  xi),  est  lui-même  la  vie  qui  sort 

(I)  Isaie,  XLix,  18  ;  Jerem.,  xxii,  24;  Ezéchiel,  v,    11  ;   xiv,  16,  18  et  20;  xvii,  19     xvni,  3  ; 
xxxiii,  il  et  27  ;  xxxiv,  8. 


qiiiii  homines  siint,  humana  opiuantibus, 
V03  qui  dii  estis,  quem  me  esse  existi- 
matis  '?  » 

Rab.  Non  aulem  quasi  nesciens  de  se 
seutentiam  disfnpulorum  vel  extra- 
neoruni  inquirit  ;  sed  ideo  discipulos 
quid  de  se  seuliantiuterrosat,  ut  confes- 
sionem  rectae  fidei  digna  mercede  remu- 
neret.  Idoo  quid  alii  de  se  sentiant 
iuquirit  ;  ut,  oxposilis  primo  seutentiis 
enantium,  discipuli  probareutur  veri- 
latem  suae  coufessiouis,  uou  de  opiuioue 
vulgata,  sed  de  ipso  percepisse  doininicae 
revelatiouis  arcauo. 

Chrys.  {ut  sup.)  (Juaudo  vero  Domi- 
nus  de  plebis  opinione  interrogat,  omnes 
respondent  ;  sed  omnibus  discipulis  in- 


terrogatis,  Petrus  tanquam  os  aposto- 
lorum  et  caput  pro  omuibus  respondet  : 
unde  sequitur  :  «Respondens  Simon  Pe- 
trus, dixit  :  Tu  es  Christus  Filius  Del 
vivi.  »  Orig.  {ut  sup.)  Denegavit  quidem 
Petrus  aliquid  eorum  esse  Jesum  quae 
arbitrabautur  Judaei  ;  confessus  est  au- 
teui  :  «  Tu  es  Christus,  »  quod  nescie- 
bant  Juda?i  :  sed  et  quod  majus  est, 
«  Filius  Dei  vivi,  »  qui  et  per  prophètes 
dixerat  :  «  Vivo  ego,  dicit  Dominus  :  » 
et  ideo  dicebatnr  rivus,  sed  secuudum 
superemiueutiam;  quia  supereminet  om- 
nibus habeutibus  vitam  ,  quoniam  so- 
his  habet  immortalitatem  ,  et  est  fons 
vit8e,quod  proprie  dicitur  Deus  Pater; 
vita  autera  est  quasi  de  fonte  procedens. 


396 


EXPLICATIOX  DE   l'ÉVANTîILE 


comme  de  la  source.  —  S.  Jér.  Pierre  dit  :  «  Du  Dieu  vivant,  »  par 
opposition  avec  ces  dieux  qu'on  regarde  comme  des  dieux ,  et  qui  ne 
sont  que  des  morts  :  je  veux  parler  de  Saturne,  de  Jupiter,  de  Vénus, 
d'Hercule,  et  des  autres  divinités.  —  S.  Hil.  Au  contraire,  la  foi  vraie 
et  inviolable,  c'est  que  le  Fils  est  sorti  Dieu  de  Dieu,  et  que  de  toute 
éternité  il  a  possédé  l'éternité  du  l'ère.  Croire  et  confesser  (pi'il  a  pris 
un  corps  semblable  au  nôtre  ,  et  ([u'il  s'est  fait  homme,  c'est  la  per- 
fection de  la  foi.  Aussi  la  déclaration  de  l'Apôtre  embrasse  tout_,  en 
formulant  aussi  clairement  la  nature  et  le  nom  du  Christ,  et  résume 
toutes  les  vertus.  —  Rab.  Par  un  admirable  contraste,  c'est  Notre- 
Seigneur  lui-même  qui  confesse  les  humiliations  de  la  nature  humaine 
dont  il  s'est  revêtu ,  tandis  que  le  disciple  proclame  les  grandeurs  de 
son  éternelle  divinité. 

S.  Hil.  La  confession  de  Pierre  mérita  une  récompense  digne  d'elle, 
parce  qu'il  avait  reconnu  le  Fils  de  Dieu  sous  les  dehors  de  l'homme  (1)  : 
«  Jésus  lui  répondit  •  Vous  êtes  heureux ,  Simon ,  fils  de  Jean , 
parce  que  ce  n'est  ni  le  sang  ni  la  chair  qui  vous  ont  révélé  ceci.  »  — 
S.  JÉR.  Le  Sauveur  paie  d'un  juste  retour  le  témoignage  que  lui  a 
rendu  son  apôtre.  Pierre  lui  avait  dit  :  «  Vous  êtes  le  Christ,  le  Fils  du 
Dieu  vivant;  »  Jésus- Christ  lui  répond  :  «  Vous  êtes  heureux  (2*), 
Simon,  fils  de  Jean.  »  Pourquoi?  parce  que  ce  n'est  ni  la  chair  ni  le 
sang,  mais  mon  Père  qui  vous  a  révélé  cette  vérité.  Ce  que  la  chair 
ni  le  sang  n'ont  pu  révéler,  l'a  été  par  la  grâce  de  l'Esprit  saint.  Cette 
confession  lui  a  donc  mérité  le  nom  qui  lui  est  donné  de  fils  de 

(t)  L'homme  est  ici  pris  pour  la  nature  humaine,  car  on  ne  pourrait  dire  dans  le  sens  rigou- 
reux que  le  Fils  de  Dieu  était  dans  l'homme,  puisqu'il  est  homme  et  Dieu. 

(2*)  C'est  de  cette  parole  du  Sauveur  que  vient  l'usage  reçu  parmi  les  chrétiens  catholiques, 
de  nommer  le  successeur  de  saint  Pierre,  le  chef  de  l'Eglise,  Bienheureux  Père  (Beatissim» 
Pater),  d'où  s'est  formée  la  dénomination  de  <i  saint  Père.  » 


qui  dixit  {Joan.  11)  :  «  Ego  sum  vita.  » 
Hier.  Deum  etiam  vivum  appellat,  ad 
comparationem  eonim  deorum  qui  pu- 
tantur  dii,  sed  niortui  sunt  :  Saturnum 
dico,  JoveiB,  Veuereui  et  Herculem  etcœ- 
tera  idolorum  porlenta.  IIilar.  {ut  sup.) 
Est  auteni  veraet  inviolabilis  lides  ex  Deo 
Deuui  Filium  profcctum  esse,  cui  sit  ex 
aeteruitate  Patris  ccteruitas.  Hune  igitur 
assuiupsisse  corpus,  et  homiueni  factum 
esse,  perfecta  confessio  est.  Complexus 
est  itaqueomnia  qui  etuaturaiii  ei  nomen 
expressit,  in  quo  sunnua  virlutuni  est. 
Raiî.  Mira  autoni  distinctidne  facliuii  est, 
ut  Doniinus  ipse  humililateni  assumptfo 
humauilatisproiiteatur;  discipulus  excel- 
Jentiam  diviiiae  œternitatis  ostendat. 


HiLAR.  {ut  sup.)  Diguum  autem  con- 
fessio Pétri  praeujium  consecuta  est,  quia 
Dei  Filium  in  liomine  vidisset  :  unde  se- 
quitur  :  «  Respondens  autem  Jésus  dixit 
ei  :  Beatus  es,  Simon  Barjoua,  quiacaro 
et  sanguis  non  revelavit  tibi.  »  Hier. 
Reddit  euim  Christus  Apostolo  vicem 
pro  testimonio  quod  de  se  dédit  Petrus: 
dixerat  :  «  Tu  es  Christus  Filins  Dei 
vivi  :  »  Dominus  autem  dixit  ei  : 
«  Beatus  es,  Simon  Barjona  :  »  qnare? 
quia  «  non  revelavit  tibi  cai'o  et  sanguis, 
sed  revelavit  Pater.  »  Quod  caro  et  san- 
guis revelare  non  poluit,  Spirilus  saucti 
gratia  revelatum  est.  Ergo  ex  confessione 
sorlitur  vocabulum,  quod  revelationem 
ex  Spirilu  sancto  liabeat,  cujus  et  filius 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAI».    XVI. 


397 


l'Esprit  saint,  à  qui  il  devait  cette  révélation  ;  car  dans  notre  langue, 
Barjona  veut  dire  fils  de  la  colombe.  Quebiues-uns  l'entendent 
simplement  en  ce  sens  que  Simon  (c'est-à-dire  Pierre),  était  fils 
de  Jean,  d'après  cette  question  que  le  Sauveur  lui  adressa  dans  un 
autre  endroit  :  «  Simon,  fils  de  Jean,  m'aimez-vous?  »  lis  pré- 
tendent que  c'est  par  une  erreur  des  copistes  qu'au  lieu  de  Bar- 
joanna,  c'est-à-dire  :  fils  de  Jean,  nous  lisons  Barjona,  avec  une  syl- 
labe de  moins.  Or,  Joanna  signifie  grâce  de  Dieu ,  et  ces  deux  noms 
peuvent  recevoir  une  interprétation  spirituelle,  c'est-à-dire  que  la 
colombe  représente  le  Saint-Esprit,  et  la  grâce  de  Dieu,  les  dons  spi- 
rituels. 

S.  Chrys.  {hom.  54.)  Il  eût  été  inutile  de  dire  :  Vous  êtes  le  fils  de 
Jona,  ou  de  Joanna ,  si  le  Sauveur  n'avait  eu  l'intention  de  montrer 
que  le  Christ  est  aussi  naturellement  le  Fils  de  Dieu  que  Pierre  est  fils 
de  Jona,  c'est-à-dire  de  la  même  substance  que  celui  qui  l'a  en- 
gendré. 

S.  JÉR.  Comparez  ces  paroles  :  «  Ce  n'est  point  la  chair  ni  le  sang 
qui  vous  l'ont  révélé,  »  à  ces  autres  de  l'Apôtre  :  «  Aussitôt  j'ai  cessé 
de  prendre  conseil  de  la  chair  et  du  sang  {Gai.,  i);  ce  sont  les  Juifs 
qu'il  veut  désigner  sous  le  nom  de  la  chair  et  du  sang ,  et  nous  y 
trouvons  une  preuve  que  dans  cet  endroit ,  ce  n'est  point  par  la  doc- 
trine des  pharisiens,  mais  par  la  grâce  de  Dieu,  que  le  Christ,  Fils  de 
Dieu,  a  été  révélé  à  Pierre.  —  S.  Hil.  Ou  bien  dans  un  autre  sens, 
Pierre  est  heureux  parce  qu'il  a  eu  le  mérite  d'étendre  ses  regards  au 
delà  de  ce  qui  est  humain,  et  que  sans  s'arrêter  à  ce  qui  venait  de  la 
chair  et  du  sang,  il  a  contemplé  le  Fils  de  Dieu  par  un  efl"et  de  la  ré- 


appellandus  sit  :  siquidem  Barjona  in 
liugua  nostra  sonat  Films  coiumbx. 
Hier.  Alii  simpliciter  accipiunt ,  (piod 
Simon  (scilicet  Petrus)  filins  sitJoannis, 
jnxta  alterins  loci  interrogalionem  : 
«  Simon  Joannis,  diligis  me  »  {.[oan.2\), 
et  volunt  scriptornm  vitio  depravatum, 
ut  pro  Barjoanna  (id  est,  filius  Joannis) 
Barjono  scriptum  sit,  uua  detracta  f^yl- 
laba  :  Joanna  vero  iutei'pretatur  Del 
grutia  :  utrumque  autem  nomen  niys- 
tice  intclligi  polest  ;  quod  ,  et  colu.mbu 
Spiritum  sanctum,  et  gratta  Dei  douum 
significet  spirituale. 

Chrys.  [ut  sup.)  Vanum  autem  esset 
dicere  :  «  Tues  filius  Jonfp,vel  Joamia;  » 
nisi  ut  osteudat  quoniam  ita  naturaliter 
est  Christus  Filius  Dei,  sicut  Petrus  ti- 


lius  Jonfe,  ejusdem  substantiœ  cum  eo 
qui  genuit. 

Hier.  Hlud  autem  quod  ait  :  «  Quia 
caro  et  sanguis  non  revelavit  »  tibi, 
apostolicse  nai-rationi  compara,  in  qua 
ait  {ad  Galat.  \)  :  a  Continuo  non  ac- 
quievi  carni  et  sauguiui  ;  »  carnem  ibi  et 
sanguinem  Judœos  siguificans  :  ut  hic 
quoque  sub  alio  sensu  dcmonstretur, 
quod  ei,  non  per  doctriuam  phari- 
sa^orum,  sed  per  Dei  gratiam  Christus 
Dei  Filius  revelatus  sit.  Hilar.  [ut  svp.) 
Vel  aliter  :  beatus  hic  quia  ultra  huma- 
num  oculos  intendisse  et  vidisse  lauda- 
tus  est,  non  id  quod  ex  carne  et  san- 
guine est  contuens,  sed  Dei  Filium  cœ- 
lestis  Pafris  revelatione  conspiciens, 
diguusque  judicatus,  ut  primas  aguos- 


398  EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 

vélatioii  divine,  et  a  été  jugé  digne  de  reconnaître  le  premier  que  la 
divinité  était  dans  le  Christ. 

Orig.  {traité  1  sur  S.  Matth.^  46.)  C'est  ici  le  lieu  de  demander  si, 
lorsque  le  Sauveur  envoya  ses  disciples  prêcher  l'Evangile,  ils  savaient 
déjà  qu'il  était  le  Christ,  car  d'après  ce  passage  ,  Pierre  confesse  ici 
pour  la  première  fois  que  le  Sauveur  était  le  Christ ,  le  Fils  du  Dieu 
vivant.  Comprenez  donc ,  si  vous  le  pouvez ,  que  c'est  une  grâce  bien 
moindre  de  croire  «pie  de  connaître  que  Jésus  est  le  Christ ,  et  nous 
dirons  alors  que  lorsqu'il  envoyait  ses  disciples  prêcher  l'Evangile,  ils 
croyaient  qu'il  était  le  Christ,  mais  qu'ensuite  ils  arrivèrent  jusqu'à  le 
connaître.  Ou  bien  nous  répondrons  que  les  Apôtres  n'avaient  alors 
que  le  commencement  de  la  connaissance  du  Christ  et  que  cette  con- 
naissance était  très-restreinte,  mais  qu'ensuite  ils  firent  tant  de  progrès 
dans  cette  connaissance,,  qu'ils  comprirent  ce  que  le  Père  avait  révélé 
du  Christ,  comme  Pierre,  que  Jésus  proclame  bienheureux,  non- 
seulement  pour  avoir  dit  :  «  Vous  êtes  le  Christ,  »  mais  surtout  pour 
avoir  ajouté  :  «  Le  Fils  du  Dieu  vivant.  » 

S.  CiiRYS.  {hom.  54.)  Or,  si  Pierre  n'avait  pas  confessé  que  le  Christ 
est  réellement  né  du  Père,  il  n'aurait  pas  eu  besoin  de  révélation ,  et 
il  n'aurait  pas  été  proclamé  bienheureux  pour  avoir  cru  que  le  Christ 
était  un  des  nombreux  enfants  adoptifs  de  Dieu.  En  effet,  bien  aupa- 
ravant, ceux  qui  étaient  dans  la  barque  lui  avaient  dit  .  «  Vous  êtes 
vraiment  le  Fils  de  Dieu  »  {Matth.^  xiv);  Nathanaël  lui-même  lui  avait 
dit  :  «  Maître,  vous  êtes  le  Fils  de  Dieu.  »  {Jean,  i.)  Cependant  ils  n'ont 
pas  été  déclarés  bienheureux,  parce  qu'ils  n'ont  pas  confessé  la  même 
filiation  que  Pierre.  Ils  croyaient  que  le  Christ  était  semblable  à  beau- 


ceret  quod  Divinitas  esset  in  Christo. 
Orig.  [Tract.  1  in.  Matth.  16,  utsvp.) 
Est  autem  iu  hoc  loco  quocreudum , 
utrum  cuin  prius  iiiitterentur,  jam  co- 
guoscebaul  discipuli  quouiam  ipse  crat 
Chrislus  :  hic  cuiui  sermo  dcmonstrat, 
quoniam  tune  prinnun  confessus  fuerit 
eumPelms  «Christum  Fihum  Dei  vivi  :» 
et  vide  si  potes  quoniam  credere  Jesuni 
esse  Ghrislum  minus  est,  quam  cognos- 
cere  ;  ut  dicamus  quod  quando  mitte- 
bantur  ad  prœdicandum,  credebaut  qul- 
dem  Jesum  esse  Chrislum  ;  poslea  au- 
tem proticientes  eliam  cognoveruul.  Aut 
ita  est  respondendum,  ut  dicamus  quo- 
niam tune  (juidem  apostoU  initia  cogni  • 
tionis  habebant  Ghrisli,  et  exigua  co- 
gnoscebant  de  iilo,  postea  autem  prole- 


cerunt  in  agnitionem  ipsius,  ut  possent 
capere  sententiam  Christi  revelatam  a 
Paire,  sicut  et  Petrus,  qui  beatificatur, 
non  sohim  in  eo  quod  dicit  :  «  Tu  es 
Ghristu?,  »  sed  in  eo  magis  quod  addi- 
dit,  «  Filius  Dei  vivi.  » 

Chrys.  {lit  Slip.)  Nimirum  autem  si 
non  confessus  esset  Petrus,  Christum 
proprie  ex  Pâtre  natum,  non  esset  hic 
revehitione  opus,  neque  aestimare  Chris- 
tum uuum  ex  multis  filiis  adoptivis  beati- 
tudiue  dignum  esse  :  nam  et  ante  hoc 
ilU  qui  erant  in  navi,  dixerunt  [Matth. 
14)  :  «  Vere  Filius  Dei  es  :  »  sed  et  Na- 
liianael  dixit  {.loan.  1)  :  «  Rabbi,  tu  es 
Filins  Dei  :  »  non  tamen  beuti  dicti  sunt, 
quia  non  talem  confessi  sunt  filiationem , 
qualem  Petrus  :   sed  uuum  ex    multis 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.  XVI.  399 

coup  d'autres,  mais  non  pas  qu'il  fût  le  Fils  de  Dieu  ;  ou  bien  s'ils  lui 
reconnaissaient  une  supériorité  réelle  sur  tous  les  autres ,  ils  ne  le  re- 
gardaient cependant  pas  comme  étant  né  de  la  substance  même  du 
Père.  Vous  voyez  donc  comme  le  Pcre  révèle  le  Fils ,  et  comment  le 
Fils  révèle  le  Père  ;  car  on  ne  peut  connaître  le  Fils  que  par  le  Père, 
comme  on  ne  peut  connaître  le  Père  que  par  le  Fils ,  ce  qui  établit 
clairement  que  le  Fils  est  consubstantiel  au  Père  ,  et  doit  recevoir  les 
mêmes  adorations.  Or,  Jésus  prend  occasion  de  cela  pour  enseigner  à 
ses  Apôtres  que  plusieurs  croiront  un  jour  ce  que  Pierre  vient  de 
confesser  :  a  Et  moi,  je  vous  dis  que  vous  êtes  Pierre,  et  que  sur  cette 
pierre  je  bâtirai  mon  Eglise.  »  —  S.  Jér.  C'est-à-dire  parce  que  vous 
avez  fait  cette  confession  de  foi  :  «  Vous  êtes  le  Christ,  Fils  du  Dieu 
vivant,  »  moi  je  vous  dis  non  point  par  un  discours  vain  et  sans  objet, 
mais  je  vous  dis  (car  pour  moi,  dire  c'est  faire)  :  «  Vous  êtes  Pierre.  » 
De  même  que  précédemment  lui  qui  est  la  véritable  lumière  avait 
donné  à  ses  Apôtres  le  nom  de  lumière  du  monde  et  d'autres  noms 
figuratifs;  ainsi  il  a  donné  le  nom  de  Pierre  à  Simon,  qui  croyait  que 
Jésus-Christ  était  la  pierre  par  excellence.  —  S.  Aug.  {de  l'accord 
des  Evanr/.,  ii,  53.)  Il  ne  faut  pas  croire  cependant  que  ce  fut  dans 
cette  circonstance  que  Pierre  reçut  son  nom  ;  ce  nom  lui  fut  donné 
dans  une  autre  circonstance  rapportée  par  saint  Jean,  alors  que  Jésus- 
Christ  lui  dit  :  «  Vous  vous  appellerez  Géphas ,  »  te  qui  veut  dire 
Pierre. 

S.  Jér.  C'est  en  suivant  cette  métaphore  de  la  pierre  que  le  Sau- 
veur lui  dit  :  C'est  sur  vous  que  je  bâtirai  mon  Eglise ,  comme  il  l'a- 
joute en  effet  :  «  Sur  celte  pierre,  je  bâtirai  mon  Eglise.  »  —  S.  Chrys. 
{hom.  54.)  C'est-à-dire,  sur  cette  foi  et  sur  cette  confession,  je  bâtirai 


k 


eum  aestimabant,  uoa  vere  Filium  ;  vel 
et  si  praecipuum  quidem  prae  multis, 
non  autem  ex  substantia  Patris.  Vides 
autem  qualiter  et  Filium  révélât  Pater, 
et  Patrem  Filius  :  non  enim  ab  alio  est 
discere  Filium  quaiu  a  Pâtre,  nec  ab 
alio  Patrem  quam  a  Filio  :  quare  et  hic 
manifestum  est  quod  Filius  est  con- 
substautialis  et  coadorandus  Patri.  Os- 
tendit  autem  Christus  exbinc  jam  mul- 
tos  illud  credituros  quod  fuerat  Petrus 
confessus  :  unrje  subdit  :  «  Et  ego  dico 
tibi  quia  tu  es  Petrus,  et  super  banc  pe- 
tram  a'dilicabo  Ecclesiam ,  »  etc.  Hier. 
Ac  si  dicat  :  «  Quia  tu  mihi  dixisti  :  Tu 
es  Christus  Filius  Dei  vivi ,  et  ego  dico 
tibi,  non  sermone  casso,  et  nullum  opus 
babeute ,    sed   dico    tibi   (  quia    meum 


dixisse,  fecisse  est).  Quia  tues  Petrus;  » 
sicut  enim  ipse  lumen  apostolis  donavit 
ut  lumen  mundi  appellentur,  et  cœtera 
qu.Te  a  Domiai  sortiti  vocabula  sunt  :  ita 
et  Simoni  qui  credebat  io  petram  Gbris- 
tum,  Pétri  largitus  est  nomeu.  AuG.  [de 
Con.  Evang.  bb.  ii,  cap.  53.)  Nullus  ta- 
men  arbitretur  quod  bie  Petrus  nomen 
acceperit  :  non  enim  accepit  hoc  no- 
men, nisi  ubi  Joannes  commémorât  ei 
diclum  esse  (cap.  1)  :  «  Tu  vocaberis  Ce- 
pbas,  quodiûterpretatur  Petrus.  » 

Hier.  Secundum  autem  metapboram 
petra?,  recte  dicitur  ei  :  «  /Edificabo 
Ecclesiam  mearn  super  te  :  »  et  hoc  est 
quod  sequitur  :  «  Et  super  banc  petram 
œdifieabo  Ecclesiam  meam.  »  Chrys. 
{%U  sup.)  Id  est,  «  in  bac  fide  et  confes- 


400 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


mon  Eglise.  Nous  apprenons  de  là  (ju'un  grand  nombre  croiront  ce 
que  Pierre  vient  de  confesser,  oA  il  élève  en  même  temps  son  intelli- 
gence et  lui  donne  la  charge  de  suprême  pasteur.  —  S.  Adg.  {Liv.  de 
Retract.,  \,  21.)  J'ai  dit  dans  un  certain  endroit  (1),  de  l'apôtre  saint 
Pierre,  que  l'Eglise  avait  été  bàlie  sur  lui  comme  sur  la  pierre;  mais 
je  me  rappelle  avoir  plus  tard  expliqué  cette  parole  :  «  Vous  êtes 
Pierre,  et  sur  cette  pierre  je  bâtirai,  »  etc.,  en  ce  sens  que  d'après 
ces  paroles  du  Sauveur,  l'Eglise  est  bâtie  sur  celui  que  Pierre  a 
confessé  en  ces  termes  :  «  Vous  êtes  le  Christ,  Fils  du  Dieu  vivant.  » 
De  cette  manière,  l'Apôtre  aurait  reçu  son  nom  de  cette  pierre  et  il 
représenterait  l'Eglise  qui  est  bâtie  sur  cette  pierre.  En  effet,  le  Sau- 
veur ne  lui  dit  pas  :  Vous  êtes  la  pierre  (petra),  mais  «  Vous  êtes 
Pierre  »  (Petrus)  ;  la  pierre,  c'était  le  Christ  (I  Corinth.,  x)  dont 
Simon  a  confessé  la  divinité,  comme  toute  l'Eglise  le  confesse,  et  c'est 
pour  cela  qu'il  a  reçu  le  nom  de  Pierre.  Le  lecteur  peut  choisir  entre 
ces  deux  opinions  celle  qui  lui  paraîtra  la  plus  probable. 

S.  HiL.  Dans  ce  nouveau  nom  donné  au  prince  des  Apôtres,  nous 
trouvons  un  présage  heureux  de  la  solidité  des  fondements  de  l'Eglise 
et  une  pierre  digne  de  cet  édifice  qui  devait  briser  et  réduire  en 
poudre  les  lois  et  les  portes  de  l'enfer  et  tous  les  cachots  de  la  mort , 
et  c'est  pour  montrer  la  force  de  l'Eglise  bâtie  sur  cette  pierre  que 
Jésus  ajoute  :  «  Et  les  portes  de  l'enfer  ne  prévaudront  point  contre 
elle.  »  —  S.  Jér.  Les  portes  de  l'enfer  sont,  à  mon  avis  ,  les  vices  et 
les  péchés  des  hommes,  ou  du  moins  les  doctrines  des  hérétiques  qui 
séduisent  les  hommes  et  les  entraînent  dans  l'abime. 

(1)  C'était  dans  la  lettre  contre  Donat,  comme  saint  Augustin  l'indique  lui-même;  mais  noua 
n'avons  plus  acluellement  cette  lettre. 


sione  œdifieabo  Ecclesiam  meam.  »  Hinc 
ostenditmultosjam  credituros  illudquod 
Petrus  coiiferisus  fiierat;  et  erigit  ejus 
sensum,  el  Pastoreni  ipsuiu  facil.  AuG. 
[in  Lib.  Retruct.  lib.  i,  cap.  21.)  Dixi  iu 
quodain  loco  do  apostolo  PeLro,  quod  in 
illo  (tauquam  iu  petra)  aidificata  est  Ec- 
clesia  ;  sed  scio  me  postea  ;  a'pissiine  sic 
exposuisse  quod  a  Ûouiino  diclum  est  : 
«  Tu  es  Petrus,  et  super  luiuc  petram 
aediticabo,  »  etc.,ut  sui)er  iiaiic  iiUellige- 
retur  quem  coiifessus  est  Petrus,  diceiis  : 
«  Tu  es  Chri-,tus  Filius  Dei  vivi,  »  ac  si 
Petrus  ab  bac  p(>tra  appeliatus,  persuuaui 
Ecclesia;  tiguraret,  qua;  super  banc  pe- 
tram aidilicatur  :  non  euim  dictum  est 
iili  :  «  Tu  es  petra,  sed,  tu  es  Peirus  :  » 
petra   autem   erat  Cbristus   (I    Cor.    1(1) 


quem  coufessus  Simon,  sicut  eum  tota 
Ecclesia  confîtetur,  dictas  est  Petrus  : 
barum  autem  duarumsententiarum,qua3 
sit  probabibor  eligat  lector. 

IliLAR.  {tU  sup.)  Est  autem  iu  nuu- 
cupatione  novi  nominis  felix  Ecclesiœ 
fundameutum ,  dignaque  aediticatione 
illius  petra,  qua^  infernales  leges  etTar- 
tari  portas  et  omuia  mortis  claustra  dis- 
solveret  :  uude  ad  osteudeud.im  tirmila- 
tem  Ecclesite  supra  petram  fuudata-,  ^ub- 
ditur  :  «  Et  portai  inferi  nou  pra»vale- 
bunt  adversus  eam.  »  Glossa.  [interlin.) 
M  Id  est,  non  separabunt  eam  a  cbaritate 
luea  et  tide.  »  Hier.  Ego  portas  iiifcri 
vitii  reor  atque  peccata  :  vel  cerle  bic- 
reticorum  doctrinas  per  quas  illecli  bo- 
ulines ducuulur  ad  Tarlarum. 


I)K  SAINT   MATTHIEU,    CHAI».    XVI. 


401 


Orig.  Tous  les  esprits  de  malice  répandus  dans  les  airs  sont  aussi 
les  portes  de  l'enfer  auxquelles  sont  opposées  les  portes  de  la  jus- 
tice (1).  —  Rah.  Les  portes  do  l'enfer  sont  encore  les  tourments  et  les 
séductions  que  mettent  en  usage  les  persécuteurs.  Ce  sont  aussi  les 
œuvres  mauvaises  des  incrédules ,  et  leurs  discours  absurdes ,  parce 
qu'ils  l'ont  connaître  le  chemin  de  la  perdition.  —  Orig.  Notre-Sei- 
gneur  ne  précise  pas  si  c'est  contre  la  pierre  sur  laquelle  le  Christ  a 
bâti  son  Eglise  ou  si  c'est  c'est  contre  l'Eglise  elle-même,  bâtie  sur 
la  pierre,  que  ces  portes  de  l'enfer  ne  prévaudront  pas.  Mais  il  est  évi- 
dent qu'elles  ne  prévaudront  ni  contre  la  pierre,  ni  contre  l'Eglise. 
—  S.  GïR.  D'après  cette  promesse  du  Seigueur,  l'Eglise  apostolique, 
placée  au-dessus  de  tous  les  évoques,  de  tous  les  pasteurs  ,  de  tous  les 
chefs  des  EgHses  et  des  fidèles,  demeure  pure  de  toutes  les  séductions 
et  de  tous  les  artifices  des  hérétiques  dans  ses  pontifes ,  dans  sa  foi 
toujours  entière  et  dans  l'autorité  de  Pierre,  Tandis  que  les  autres 
Eglises  sont  déshonorées  par  les  erreurs  de  certains  hérétiques,  seule 
elle  règne,  appuyée  sur  des  fondements  inébranlables,  imposant 
silence  et  fermant  la  bouche  à  tous  les  hérétiques  ;  et  nous,  si  nous  ne 
sommes  ni  égarés  par  une  téméraire  présomption  de  notre  salut,  ni 
enivrés  du  vin  de  l'orgueil,  nous  confessons  et  nous  prêchons  en  union 
avec  elle  la  règle  de  la  vt-rité  et  de  la  sainte  tradition  apostolique.  — 
S.  Jér.  Qu'on  ne  s'imagine  pas  que  ces  paroles  doivent  s'entendre  en 
ce  sens  que  les  Apôtres  n'ont  pas  été  soumis  à  la  mort,  quand  on  sait 
la  gloire  éclatante  de  leur  martyre.  —  Orig.  Et  à  nous  aussi  il  sera 
dit  :  «  Vous  êtes  Pierre.  »  Aussitôt  que  nous  aurons  confessé  que 

(l)  Allusion  à  ce  que  saint  Paul  dit  des  esprits  de  malice  au  chapitre  vi  de  son  épitre  aux 
Ephésiens,  et  à  ces  paroles  du  Psalmiste  :  «  Ou-vrez-nioi  les  portes  de  la  justice.  »  (Ps,  cxvii,  19.) 


Orig.  {ut  sup.)  Sed  et  sinirulœ  spiri- 
luales  nequitife  in  cœlestibus  portse  siint 
iuferoruin,  ([uibus  contrariantur  portae 
justitifc.  Wah, Porlœ  quoque/H/erJ.  eliara 
toruienta  et  blandiiuriiita  sunt  persecu- 
toruin;  scd  et  prava  infidelium  opéra 
ineptaque  colloquia  poriœ  sont  inferi, 
quia  iter  perdilioiiisosteudnn  .  Orig.  {ut 
sup.)  Non  auteni  expriniit  ut  -uni  petrae 
non  praivalebuutj  in  qiia  tcdi  ical  Cbris- 
tus  Ecclcsiam,  aut  Ecclesiae  quani  œdi- 
ficat  supra  petram  :  tamen  laanifestuiu 
est,  quia  uec  adversus  pelrain,  nec  ad- 
versus  Ecclesiam,  portée  prtEvaleut  iufe- 
rorum.  Cyril,  (in  iib.  Thesavri.)  Secun- 
dum  autem  banc  Domini  promissionem 
Ecclesia  apostoUca  Pelri  ab  omni  seduc- 
tione  beereticaque  (ùrcumveutione  mauet 

TOM.   U. 


inimaculata  super  omnes  praeposiitos  et 
episcopos,  et  super  omnes  primates  Ec- 
clesiaruni  et  populorum  in  suis  pontifi- 
cibus,  in  fide  plenissima  et  auctoritate 
Pétri.  Et  cum  alise  Ecclesiae  quorumdam 
errore  sint  verecuudatœ,  stabilita  In- 
quassabiliter  ipsa  sola  régnât,  silentium 
imponens,  et  omnium  obturans  ora  bae- 
reticorum;  et  nos  uecessario  salutis  non 
decepti  superbia,  neque  vino  superbiae 
inebriati,  lypum  veritatis  et  sanctœ  apos- 
tolicse  traditionis  una  cum  ipsa  coufi- 
temur  et  praedicamus.  Hier.  Neuio  au- 
tem putet  boc  de  morte  dici,  quod  apos- 
toli  conditioni  mortis  subjecti  non  fue- 
rint,  quorum  martyria  videat  coruscare. 
Orig.  (utsiq).)  Si  ergo  et  nos  (Pâtre  no- 
bis  révélante,  qui  est  in  ccelis,  quaudo 

26 


402 


EXPLICATION'   DE   L  ÉVANGILE 


Jésus-Christ  est  le  Fils  du  Dieu  vivant  par  un  effet  de  la  révélation  du 
Père  qui  est  dans  les  cieux,  c'est-à-dire  lorsque  nous-mêmes  nous 
vivrons  déjà  pour  ainsi  dire  dans  le  ciel.  Car  la  pierre,  c'est  tout 
fidèle  imitateur  du  Christ  ;  mais  celui  contre  lequel  prévalent  les 
portes  de  l'enfer  n'est  ni  la  pierre  sur  laquelle  le  Christ  bâtit  son 
Eglise ,  ni  cette  Eglise ,  ni  aucune  partie  de  cette  Eglise ,  dont  le  Sei- 
gneur asseoit  les  fondements  sur  la  pierre. 

S.  Chrys.  {hom.  5i.)  Le  Sauveur  donne  ensuite  une  autre  préroga- 
tive à  Pierre,  en  ajoutant  :  «  Et  je  vous  donnerai  les  clefs  du  royaume 
des  cieux.  »  C'est-à-dire  :  De  même  que  mon  Père  vous  a  fait  la  grâce 
de  me  connaître _,  je  vous  accorderai  aussi  une  faveur  particulière, 
c'est-à-dire  les  clefs  du  royaume  des  cieux.  —  Bab.  Celui  qui  a  reconnu 
et  confessé  le  roi  des  cieux  avec  plus  d'ardeur  que  tous  les  autres 
reçoit  aussi  d'une  manière  jîlus  particulière  que  tous  les  autres  les 
clefs  du  royaume  des  cieux ,  afin  qu'il  fût  bien  démontré  pour  tous 
que  sans  cette  confession  et  sans  cette  foi ,  personne  ne  peut  entrer 
dans  le  royaume  des  cieux.  Les  clefs  du  royaume  des  cieux  sont  la 
puissance  et  le  droit  de  juger  :  la  puissance,  pour  lier  et  délier,  le 
pouvoir  de  juger,  de  discerner  ceux  qui  sont  dignes  et  ceux  qui  ne  le 
pas.  —  La  Glose.  «  Et  ce  que  vous  lierez,  »  c'est-à-dire  celui  que  vous 
aurez  jugé  indigne  d'absolution  pendant  sa  vie,  en  sera  jugé  indigne 
devant  Dieu  lui-même.  «  Et  ce  que  vous  aurez  délié ,  »  c'est-à-dire 
celui  que  vous  aurez  jugé  digne  d'être  absous  ici-bas,  recevra  de  Dieu 
la  rémission  de  ses  péchés.  —  Orig.  Voyez  quelle  grande  puissance 
a  été  donnée  à  cette  pierre  sur  laquelle  l'Eglise  est  bâtie  ;  ses  juge- 
ments, sont  irrévocables,  comme  si  Dieu  lui-même  les  avait  prononcés 


scilicet  conversatio  noslra  in  cœlis  est 
(Philip.,  3),  confessi  fuerimus  Jesum 
Chrislum  esse  Filiuin  Dei  vivi,  et  nobis 
dicetur  :  «  Tu  es  Petrus,  »  etc.  Petra 
enim  est  oninis  qui  imitator  est  Christi  ; 
adversus  quem  autem  porlœ  prœvaleut 
inferorum,  ille  neque  pelra  dicendus  est 
supra  quam  œdificat  Cliristus  Ecclesiam; 
neque  Ecclesia,  neque  pars  EcclesiSj 
quam  Christus  œdificat  supra  petram. 

Chrys.  (:ut  s«/).)Deinde  et  alium  Pétri 
dicit  honorem,  cum  subditur  :  «  El  tibi 
dabo  claves  reiiui  cœlorum  :  >>  quasi  di- 
ceret  :  Sicut  Pater  dédit  tibi  me  cofïuos- 
cere,  ita  et  ego  aliquid  dabo,  scilicei 
claves  regni  cœlorum.  Rab.  Qui  enim 
Rçgem  cœlorum  majori  prœ  caeteris  de- 
votioae  confessus  est,  merito  prœ  cœle- 
ris  ipse  coUatis  clavibus  regai  cœlestis 


donatus  est  ;  ut  constaret  omnibus  quia 
absque  ea  confessione  ac  fide  regnum 
cœlorum  nuUus  posset  intrare.  Claves 
autem  regni  cœlorum  ipsam  discretio- 
nem  et  potentiam  nominat;  potcnticnn 
qua  ligat  et  solvat  ;  discrelioncm  qua 
dignos  vel  indignos  discernât.  GLOSSJi. 
[intérim.)  Unde  sequilur  :  «  Et  quod- 
cumque  ligaveris ,  »  id  est,  quemcum- 
que  indignum  remissione  judicaveris  dum 
vivit,  iudiguus  apud  Deum  judicabitur. 
«  Etquodcumque  solveris,  »  id  est,  quem- 
cumque  solveudum  judicaveris  dum  vi- 
vit, remissionem  peccatorum  conseque- 
tur  a  Deo.  Orig.  {ut  nup.)  Vide  autem 
quautam  polestatem  liabet  petra  super 
quam  œdilicabitur  Ecclesia,  ut  ejus  etiam 
judicia  maueaut  firma,  quasi  Dec  judi- 
cante  per  eam.  Chrys.  («^  sup.)    Vide 


DR   SAINT   MATTHIEU,    THAÏ'.    XVI.  403 

par  sa  bouche. — S.  Ghrys.  {hom.  M.)  Voyez  aussi  comme  Jésus-Christ 
inspire  à  Pierre  une  haute  idée  de  sa  personne  :  il  promet  de  lui  don- 
ner ce  qui  n'appartient  qu'à  Dieu  seul,  c'est-à-dire  le  pouvoir  de  re- 
mettre les  péchés  et  de  rendre  l'Eglise  immuable  au  milieu  de  toutes 
les  tempêtes,  des  persécutions  et  des  souÛrances. 

Rab.  Quoique  le  Seigneur  paraisse  donner  exclusivement  à  Pierre 
ce  pouvoir  de  lier  et  de  délier,  il  l'accorde  également  aux  autres 
Apôtres  (1)  et  maintenant  encore  à  toute  l'Eglise  dans  la  personne  des 
évêques  et  des  prêtres  ;  mais  Pierre  a  reçu  d'une  manière  pkis  parti- 
culière les  clefs  du  royaume  des  cieux  et  la  primauté  du  pouvoir  judi- 
ciaire, afin  que  tous  les  fidèles  répandus  dans  l'univers  comprennent 
que  du  moment  où,  de  quelque  manière  que  ce  soit,  on  se  sépare  de 
l'unité  de  la  foi  ou  de  la  société  de  Pierre,  on  ne  peut  être  délivré  des 
liens  du  péché,  ni  voir  ouvrir  devant  soi  les  portes  du  royaume  du 
ciel. 

La  Glose  (1).  Notre-Seigneur  a  donné  d'une  manière  particulière 
ce  pouvoir  à  Pierre  pour  nous  inviter  à  l'unité;  il  l'a  établi  prince  des 
Apôtres  afin  que  l'Eglise  eût  au-dessus  de  tous  les  autres  un  seul 
vicaire  de  Jésus-Christ ,  auquel  tous  les  membres  de  l'Eglise  pussent 
recourir  si  la  division  venait  à  s'introduire  parmi  eux  ;  s'il  y  avait 
plusieurs  chefs  dans  l'Eglise ,  le  lien  de  l'unité  serait  rompu.  Quel- 
ques-uns prétendent  qu(i  celte  expression  :  «  Sur  la  terre  »  signifie 
que  ce  pouvoir  de  lier  et  de  déher  ne  lui  a  été  donné  que  sur  les 
vivants  et  non  sur  les  morts ,  car  celui  qui  exercerait  ce  pouvoir  sur 
les  morts  ne  l'exercerait  pas  sur  la  terre. 

(1)  Voyez  Matth.,  xviii,  18. 

(2)  Ce  passage  se  trouve  dans  saint  Anselme,  mais  les  deux  parties  de  la  citation  y  sont  inter- 
verties. 


autemqualilerChrislusredncitPetriuii  in 
excclsam  de  ipso  iiiteiligentiaiu.  Hœc 
enim  ei  se  proiniltit  datuiniin,  quœ  sunt 
prnpria  Dei  solius  ,  scilicet  peccata  sol- 
vere ,  et  Ecclesiani  iiumutabilem  fa- 
cere  inter  tôt  persecutionum  et  tenta- 
liouum  procellas. 

Rab.  Hiec  aulem  liiiandi  atque  solven- 
di  potestas  quamvis  soli  Petro  data  vi- 
deatur  a  Domino,  tamen  et  ca-teris 
apostolis  datur  ;  necuou  eliani  mine  in 
episcopis  ac  presbyteris,  omni  Ecclesiae  : 
sed  idée  Pefrus  specialiter  claves  regni 
cœlorum  et  principatum  judiciarise  po- 
testatis  accepit,  ut  omues  per  orbem 
credentes  intelligant,  quia  quicumquc 
ab  unitate  fidei  vel  societatis  illius  quo- 


libet modo  semetipsos  sepiregant,  taies 
née  vinclis  peccatorum  absolvi,  nec  ja- 
nuam  possunt  ve^sm  cœlestis  ingredi. 
Glossa.  Specialiter  etiam  eam  Petro 
coûcesiit,  ut  ad  unitateni  uos  invitaret  .• 
ideo  enim  eum  principem  apostolorum 
eonstituit,  ut  Ecclesia  uuum  principalem 
Chriàti  haberet  vicarium,  ad  quem  di- 
versa  membra  Ecclesite  recurrerent,  si 
forte  inter  se  dissentireut.  Quod  si  di- 
versa  capita  essent  in  Ecclesia,  unitatis 
vinculum  rumperetur.  Quidam  autem 
dicunt  quod  ideo  dicit,  'super  terrain  ; 
non  enim  data  est  potestas  hominibus 
ligaudi  vel  solvendi  mortuos,  sed  vivos. 
Qui  autem  mortuos  solveret  vel  ligaret 
non  super  terram  hoc  faceret. 


404 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


CoNC.  DE  Constant.  (1).  Comment  s'en  trouve-t-il  qui  osent  dire  que 
ce  pouvoir  ne  doit  s'exercer  que  sur  les  vivants?  Ignorent-ils  donc 
que  la  sentence  d'anathème  n'est  autre  chose  qu'une  sentence  de  sépa- 
ration? On  doit  toujours  éviter  tout  commerce  avec  ceux  qui  sont 
esclaves  de  crimes  énormes,  qu'ils  soient  du  nombre  des  vivants  ou 
parmi  les  morts,  car  on  doit  toujours  se  séparer  de  ce  qui  est  coupable 
et  nuisible.  D'ailleurs  nous  avons  d'Augustin,  de  pieuse  mémoire,  et 
qui  jeta  un  si  vif  éclat  parmi  les  évoques  d'Afrique _,  plusieurs  lettres 
où  il  enseigne  qu'il  faut  anathématiser  les  héréti(iues  même  après 
leur  mort.  Les  autres  évoques  d'Afrique  ont  conservé  cette  tradition 
ecclésiastique ,  et  la  sainte  Eglise  romaine  elle-même  a  anathématisé 
aussi  quelques  évèques  après  leur  mort,  quoique  leur  foi  n'eût  pas  été 
incriminée  pendant  leur  vie. 

S.  Jér.  Quelques  évèques  et  quelques  prêtres  qui  n'ont  pas  l'intelli- 
gence de  ce  passage,  affectent  en  quelque  sorte  d'imiter  la  conduite 
orgueilleuse  des  pharisiens  en  condamnant  les  innocents  et  en  s'ima- 
ginant  qu'ils  peuvent  absoudre  les  cou])ables,  lorsqu'ils  devraient 
savoir  que  Dieu  tient  compte  non  tant  de  la  sentence  des  prêtres  que 
des  dispositions  des  coupables.  Nous  lisons ,  dans  le  passage  du  Lévi- 
tique  qui  ordonne  aux  lépreux  de  se  présenter  devant  les  prêtres 
(chap.  13  et  14),  que,  s'ils  sont  atteints  de  la  lèpre,  ils  soient  alors 
déclarés  impurs  par  le  prêtre ,  non  pas  que  ce  soient  les  prêtres  qui 
les  rendent  lépreux  et  impurs,  mais  parce  qu'ils  connaissent  les  carac- 
tères qui  distinguent  le  lépreux  de  celui  qui  ne  l'est  pas,  celui  qui  est 
pur  de  celui  qui  est  impur.  De  même  donc  que  dans  l'ancienne  loi  le 

(1)  C'est  le  deuxième  concile  de  Conslantinople  et  le  cinquième  œcuménique,  session  viii.  On 
trouve  quelques  parties  de  cette  citation  dans  les  Décrets,  caus.  24,  quest.  2,  chap.  Sane  pro- 
fertur,  etc. 


Ex  SENTENT.  CONSTANTINOPOL.  CONCILII. 

Quomodo  autem  praesumunt  quidam  di- 
cere  de  vivis  tantummodo  haec  dicta 
esse  '^  An  ignorant,  quia  judicium  ana- 
thematis  nihil  est  aliud  quam  separatio  ? 
Evitandi  sunt  autem  illi  qui  a  pessimis 
culpis  detinentur,  sive  iu  vivis  sint,  sive 
non  :  a  nocecte  enim  semper  resurgere 
uecessarium  est.  Scd  et  Augustin!  reli- 
giosaj  memoriae,  qui  inter  Africanos 
episcopos  splenduit,  diversai  epistolœ  re  - 
citata;  sunt,  significantes  quod  oporteret 
hœreticos  et  post  mortem  anatheuuitiza- 
re.  Talem  autem  ecclesiasticam  tradi- 
iionem  et  alii  Africaui  episcopi  servave- 
runt.  Sed  et  saneta  Romana  Ecolesia 
quosdam  episcopos  post  mortem  anallio- 


matizavit,  licet  pro  fide  iu  vita  sua  uoii 
essent  accusati. 

Hier.  Islum  locum  episcopi  et  presb}- 
teri  non  intelligentes  aliquid  sibi  de  pha- 
risœorum  assumunt  supercUio  ;  ut  vel 
damnent  innocentes,  vel  solvere  se  no- 
xios  arbitrentur  :  cum  apud  Dominum 
non  sententia  sacerdotum ,  sed  reorum 
vita  quaeratur.  Legimus  iu  Levitico 
(cap.  13  et  14)  de  leprosis ,  ubi  juben- 
tur  ostendere  se  sacerdotibus  ;  ut  (si  le- 
pram  habuerint)  tune  a  sacerdole  im- 
numdi  liant  :  non  quod  sacerdotes  lepro- 
sos  faciant  et  immundos,  sed  quod 
liabeant  uotitiam  leprosi'et  non  leprosi; 
et  posseut  discernere  qui  muudus,  quive 
immundiis  sit.  Quomodo  ergo  ibi  lepro- 


I 


liK   SAINT   MArrHIKU,    CHAI'.    XVI.  405 

prêtre  déclarait  le  lépreux  impur ,  ainsi  l'évêque  ou  le  prêtre  exercent 
le  pouvoir  de  lier  et  de  délier ,  non  pas  à  l'égard  de  ceux  qui  sont 
innocents  et  purs,  mais  dans  ce  sens  qu'après  avoir  entendu  la  con- 
fession des  diverses  espèces  de  péchés,  ils  savent  quels  sont  ceux  qu'ils 
doivent  lier  et  ceux  qui  méritent  d'être  déliés. 

Orig.  Celui  donc  qui  exerce  le  pouvoir  de  lier  et  de  délier  de  ma- 
nière à  être  jugé  vraiment  digue  d'exercer  ce  pouvoir  dans  le  ciel  est 
irrépréhensible.  Or,  les  clefs  du  royaume  des  cieux  sont  données  aussi 
comme  récompense  à  celui  qui  par  ses  vertus  peut  fermer  les  portes 
de  l'enfer.  »  En  effet,  lorsqu'un  homme  commence  à  pratiquer  toutes 
les  vertus  chrétiennes ,  il  s'ouvre  à  lui-même  la  porte  du  royaume  des 
cieux ,  c'est-à-dire  que  le  Seigneur  la  lui  ouvre  par  sa  grâce ,  de 
manière  que  la  même  vertu  est  tout  à  la  fois  la  porte  et  la  clef  de  la 
porte.  Peut-être  même  pourrait-on  dire  que  chacune  des  vertus  est  le 
royaume  des  cieux. 


i'.  20,  21.  —  Eti  même  temps  il  défendit  à  ses  disciples  de  dire  à  personne  qu'il 
fût  Jésus  le  Christ.  Dès  lors  Jésus  commença  à  découvrir  à  ses  disciples  qu'il 
fallait  qu'il  allât  à  Jérusalem,  qu'il  y  souffrît  beaucoup  de  la  part  des  séna- 
teurs, des  scribes  et  des  princes  des  prêtres ,  qu'il  y  fût  mis  à  mort  et  qu'il 
ressuscitât  le  troisième  jour. 

La  Glose.  Après  que  Pierre  a  confessé  que  Jésus  était  le  Christ,  Fils 
du  Dieu  vivant ,  le  Sauveur ,  ne  voulant  pas  que  ses  disciples  publient 
pour  le  moment  cette  vérité ,  leur  commande  de  ne  dire  à  personne 
qu'il  était  le  Christ.  —  S.  Jér.  Lorsqu'il  a  envoyé  précédemment  ses 
disciples  prêcher  l'Evangile,  il  leur  a  commandé  d'annoncer  son  avè- 
nement. Comment  concilier  cet  ordre  avec  celui  qu'il  leur  donne  ici 


sum  sacerdos  immunduiu  facit,  sic  et 
hic  alligat  vel  solvit  episcopus,  vel  pres- 
byler,  uon  eos  qui  iusontes  suut  vel  in- 
noxii,  sed  pro  officio  suo  cum  pecca- 
torum  audierit  varietates,  scit  qui  ligan- 
dus  sit,  qui  solvendus. 

Orig.  (m<  sup.)  Sit  ergo  irreprehensi- 
bilis  qui  alterum  ligat  vel  solvit,  ut  iu- 
veniatur  dignus  ligare  vel  solvere  in 
cœlo.  Sed  et  ei  qui  potuerit  virtutibus 
portam  obstrnore  inferoruin,  quasi  prfe- 
mium  dantur  claves  regni  cœlorum. 
Omues  euiui  species  virlutuiu  cum  quis 
cœperit  operari,  quasi  ipse  sibi  aperit 
portas  regni  cœlorum  :  Domino  videli- 
cet  aperiente  eam  per  gratiam  suam, 
ut  inveniatur  eadem  virtus  et  porta  esse, 


et  clavis  portae.  Forsitau  autem  et  uua- 
quaeque    virtus    est   regnum  cœlorum. 

Tune  prœcepit  discipulis  suis,  ut  nemini  dicerent 
quia  ipse  esset  Jésus  Christus  :  exinde  ccepit 
Jésus  ostendere  discipulis  suis,  quia  oportet 
eum  ire  Hierosolymani,  et  multa  pati  a  senio- 
ribus  et  scribis,  et  principibus  sacerdotum,  et 
occidi,  et  tertia  die  resurgere. 

Glossa.  Postquam  Petrus  confessus 
est  Christum  Filinm  Bel  vivi,  quia  uoluil 
hoc  eos  intérim  prsedicare,  subdit  : 
«  Tune  prœcepit  discipulis  nt  nemini 
dicerent,  »  etc.  Hier.  Sed  cum  supra 
mittens  discipulos  suos  ad  praedicandum, 
jusserit  eis  ut  annuntiarent  adventum 
suum,  videtur  esse  coutrarium  quod  hic 


406  EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 

de  ne  pas  publier  qu'il  est  le  Christ.  Je  crois  donc  qu'il  y  a  une  diffé- 
rence entre  prêcher  le  Christ  et  prêcher  Jésus-Christ;  le  nom  de  Christ 
exprime  en  général  la  dignité ,  celui  de  Jésus  est  le  nom  propre  du 
Sauveur,  —  Orig.  Ou  bien  on  peut  dire  que  les  Apôtres  parlaient 
très-peu  de  Jésus  et  seulement  comme  d'un  homme  étonnant  et 
extraordinaire ,  mais  sans  annoncer  qu'il  était  le  Christ.  Si  l'on 
prétend  que  les  Apôtres  aient  publié  dès  lors  cette  vérité ,  il  faudra 
dire  que  le  dessein  du  Sauveur  était  que  les  Apôtres  ne  donnassent 
d'abord  de  temps  à  autre  (ju'une  légère  idée  de  ce  qu'il  était^  afin 
que  dans  l'intervalle  ces  premières  notions  du  Christ  eussent  le 
temps  de  pénétrer  dans  l'esprit  de  leurs  auditeurs.  Ou  bien  il  faut 
résoudre  cette  difficulté  en  disant  que  l'onlre  qu'ils  avaient  reçu 
d'annoncer  le  Christ  ne  devait  être  accompli  que  dans  les  temps  qui 
suivirent  sa  résurrection.  La  défense  ,  au  contraire  ,  qu'il  fait  ici 
aux  Apôtres  est  pour  le  temps  actuel,  car  il  était  inutile  de  prêcher  le 
Christ  sans  parLn'  de  sa  croix.  Il  leur  défend  donc  de  dire  à  personne 
qu'il  fut  le  Christ,  et  cependant  il  les  préparaît  à  prêcher  plus  tard 
qu'il  était  le  Christ  qui  a  été  crucifié  et  qui  est  ressuscité  d'entre  les 
morts. 

S.  Jér.  Que  personne  ne  suppose  que  cette  explication  n'est  que 
le  fruit  de  notre  invention ,  car  le  Sauveur  lui-même  nous  indique 
dans  ce  qui  suit  les  raisons  de  cette  défense  :  «  Dès  lors  Jésus  com- 
mença à  découvrir  à  ses  disciples  qu'il  fallait  qu'il  souffrît,  »  etc. 
Voici  le  sens  de  ces  paroles  :  Vous  prêcherez  mon  nom  lorsque  j'aurai 
souflert  ces  tourments ,  car  il  ne  servirait  de  rien  d'annoncer  publi- 
quement le  Christ  et  de  faire  connaître  sa  majesté  au  milieu  des 


praecepit,  ne  se  dicaut  esse /esMWi  C//77S- 1  resurrectionem,   sed    ad  tempora  post 
tum  :  mihi  videlur  aliud  esse  Christian  \  futura  :  liic  autem  quae  mandat  ut  ne- 


prsidicare,  aliud  Jesum  Chl'istum  :  et 
Cliristus  commune  dignitatis  est  nomen; 
Jésus  proprium  vocabulum  Salvatoris. 
OuiG.  [ut  sup.)  Vel  tune  leviter  quidem 


mini  dicant,  tune  apostolis  eonvenire  : 
inutile  autem  est  ipsum  quidem  praedi- 
cari,  crucem  autem  ejustaceri.  Propterea 
prœcipit  eis  ut  nemini  dicereut  quia  ipse 


de  eo  annuntiabant  quasi  de  niagno  et  est  Cliristus  ;  et  prœparabat  eos,  ut  post- 
mirabili  viro,  Christum  autem  esse  eum  modum  dicant  quouiam  ipse  est  Chris- 
nondum  annuntiabant  ;  qui  autem  vult  i  tus  qui  cruciiixus  est  et  resurrexit  a  mor- 
etiam  Christum  eum  prœdicatum  prius    tuis. 

ab  apostolis,  dicet  quoniam  leviter  pnts-  Hier.  Quod  ne  quis  putet  nostrœ  tan- 
mitterc  voluit  eos  meulionem  noniinis  tum  esse  intelligentiae,  quod  sequitur 
sui,  ut  intérim  facto  silentio  prtedicatio-  causas  turic  prohibilœ  praedicationiâ 
nis  hujus,  lioc  ipsum  quod  leviter  de  exponit.  Sequitur  enim  :«  Exinde  cœpit 
Christo  auditum  fuerat,  digeratur  in  seu-  Jésus  ostendere  discipulis  quia  oportet 
sibus  auditorum.  Aut  ita  est  solvenda  eum  pati,  »  etc.  Estantem  sensus  :  tune 
quœstio  ut  videantur  ea  quae  superius  de  |  me  prapdicate  ,  eum  ista  passus  fuero, 
annuntiando  Christo  sunt  dicta,  non  ad  \  quia  non  prodest  Christum  publice  pra>- 
tempus  perlinere  quod  fuit  ante  Christi  I  dicare,  et  ejus  vuigare  in  populis  majes- 


DR   SAINT   MATTHIEU.    CHAP.    XVI. 


407 


peuples  qui  seraient  témoins  quelque  temps  après  de  sa  flagellation  et 
de  sa  mort  sur  la  croix. 

S.  CnRYS.  {hom.  5i.)  Si  on  arrache  ce  qui  a  déjà  poussé  des  racines 
et  qu'on  veuille  le  planter  de  nouveau,  il  tiendra  difficilement  dans 
l'esprit  d'un  grand  nombre;  mais,  au  contraire,  si  une  vérité  qui  a 
jeté  une  fois  ses  racines  n'est  ébranlée,  on  lui  voit  prendre  bientôt  de 
grands  accroissements.  Or,  le  Sauveur  s'étend  longuement  sur  ces 
tristes  prédictions  pour  ouvrir  l'intelligence  de  ses  disciples. 

Orig.  Remarquez  que  l'Evangéliste  ne  dit  pas  :  Il  commença  à 
leur  dire  ou  à  leur  enseigner,  mais  «  Il  commença  à  leur  découvrir,  » 
car  de  même  qu'on  découvre  et  qu'on  montre  les  choses  extérieures, 
ainsi  Notre-Seigneur  rend  sensibles  les  choses  dont  il  parle.  Or,  je  suis 
persuadé  que  le  mystère  de  sa  passion  ne  fut  pas  découvert  aussi  clai- 
rement à  ceux  qui  virent  de  leurs  yeux  ses  innombrables  souffrances, 
qu'il  le  fut  aux  disciples  dans  le  discours  que  Jésus  leur  adresse  sur 
le  mystère  de  sa  passion  et  de  sa  résurrection.  Et  cependant  il  ne  fît 
alors  que  commencer  à  leur  découvrir  ce  mystère .  et  ce  ne  fut  que 
plus  tard ,  lorsqu'ils  furent  devenus  capables,  qu'il  le  leur  développa 
dans  sa  plénitude,  car  tout  ce  que  Jésus  commence  il  le  perfec- 
tionne. Il  fallait  qu'il  allât  à  Jérusalem  pour  être  immolé  dans  la  Jéru- 
salem d'ici-bas  (dans  la  Jérusalem  terrestre),  mais  il  devait  régner 
par  sa  résurrection  dans  la  Jérusalem  d'en  haut ,  c'est-à-dire  dans  la 
Jérusalem  céleste  {GaL,  iv);  car,  après  que  Jésus-Christ  fut  res- 
suscité et  beaucoup  d'autres  avec  lui,  ce  n'est  plus  sur  la  terre ,  mais 
dans  le  ciel  qu'il  faut  chercher  Jérusalem  ,  c'est-à-dire  la  maison  de 
la  prière.  Il  a  beaucoup  à  souffrir  de  la  part  des  anciens  de  la  Jéru- 
salem terrestre  avant  d'être  glorifié  par  ceux  qui  jouissent  de  ses 


tatem,  queni  post  paululum  flagellatum 
visuri  sunt  et  cruciiîxum. 

Chrys.  {ut  Slip.)  Quod  enim  semelra- 
dicatum  est,  etpostea  evulsum,  si  iterutu 
plantelur  difficile  retinehitur  apud  mul- 
tos  :  quod  autem  iufixum  seinel  est,  et 
mansit  poslea  immobile,  facile  prove- 
hitur  ad  augmenlum  :  propter  hoc  au- 
tem immoratur  tristibus  preedicendis,  et 
sermonem  multiplicat,  ut  aperiat  disci- 
pulorum  mentes. 

Orig.  (iil  sitp.)  Et  vide  quia  non  dixit: 
«  Cœpit  dicere  vel  docere,  sed  osten- 
dere;  »  quoniam  sicut  corporalia  os- 
tendi  dicuntur,  sic  ostendi  dicuntur  a 
Christo  ea  (]u;e  loquebatur.  Non  autem 
sic  puto  eis  qui  corporaliter  eum  multa 
patientem  viderunt,  ostensa  fuisse  ea  quae 


videbantur,  quomodo  discipulis  ostensus 
est  rationabilis  sermo  de  mysterio  pas- 
sionis  et  resurrectionis  Christi  ;  et  tune 
quidem  cœpit  ostendere  :  consequenter 
autem  postea  capaeioribus  factis  plenius 
demonstravit,  quia  omne  quod  cœpit  Jé- 
sus, boc  perfecit.  Oportebat  autem  eum 
ire  in  Hieiusalem,  ut  occidatur  quidem 
in  Hierosolymis  quae  sunt  deorsum  (vel 
in  terrena  Hierusalem)  ;  regnet  autem 
resurgens  cœlesti  in  Hierusalem  (quae 
sursum  est  {ad  Cal.  4.)  Postquam  enim 
resurrexit  Christus,  et  alii  consurrexe- 
runt  ei,  j.im  non  deorsum  quaeritur  Hie- 
rusalem, vel  domus  oralionis  in  ea,  sed 
sursum.  Patitur  autem  multa  a  seniori- 
bus  Hierusalem  terren;c  ut  glorificetur 
ab  his  qui  capiunt  bénéficia  ejus  cœles- 


408  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

bienfaits,  c'est-à-Jiiu  les  anciens  de  la  Jérusalem  céleste  (1).  Le  troi- 
sième jour,  il  ressuscite  d'entre  les  morts  et  obtient  à  ceux  qu'il  a 
délivrés  du  démon  la  grâce  d'être  baptisés  dans  leur  esprit,  dans  leur 
àme  et  dans  leur  corps ,  au  nom  du  Père ,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit, 
de  manière  que  ces  trois  jours  soient  perpétuellement  présents  à  la 
mémoire  de  ceux  qu'ils  ont  rendu  enfants  de  lumière. 

V.  22,  23.  — Et  Pierre,  le  prenant  à  part,  commença  à  le  reprendre,  en  lui 
disant  :  A  Dieu  ne  plaise,  Seigneur,  cela  ne  vous  arrivera  point.  Mais  Jésus, 
se  retournant,  dit  à  Pierre  ;  Retirez-vous  de  moi,  Satan,  vous  m'êtes  un  sujet 
de  scandale,  parce  que  vous  ne  goûtez  point  les  choses  de  Dieu,  mais  les  clioses 
de  la  terre. 

Orig.  Jésus  ne  faisait  encore  que  découvrir  à  ses  Apôtres  le  com- 
mencement de  ces  mystères,  que  déjà  Pierre  les  regardait  comme  in- 
dignes du  Fils  du  Dieu  vivant,  et  comme  s'il  oubliait  que  le  Fils  du 
Dieu  vivant  ne  peut  faire  aucune  action  qui  mérite  le  blâme,  il  ose 
le  reprendre  de  ce  qu'il  vient  de  dire  :  «  li^t  Pierre ,  le  prenant  à 
part,  »  etc.  —  S.  Jér.  Nous  avons  souvent  rappelé  que  Pierre  fait 
preuve  d'une  ardeur  excessive  et  d'un  amour  extraordinaire  pour  le 
Sauveur.  Or,  comme  il  ne  veut  pas  voir  détruit  l'effet  de  sa  confession 
et  de  la  récompense  qu'il  en  a  reçue  du  Sauveur,  et  qu'il  ne  croit  point 
que  le  Fils  de  Dieu  puisse  être  mis  à  mort ,  il  le  prend  dans  son  affec- 
tion et  le  conduit  à  l'écart  pour  ne  point  paraître  blâmer  son  Maître 
en  présence  des  autres  disciples.  Il  commence  donc  à  le  reprendre  par 
un  sentiment  d'amour,  et  à  le  contredire  en  lui  disant  :  «  A  Dieu  ne 
plaise,  Seigneur.  »  Ou  suivant  le  texte  grec  qid  est  préférable  :  «Soyez- 

(1)  Allusion  aux  vingt-quatre  vieillards  dont  il  est  parlé  dans  l'Apocalypse,  et  qui  entourent  le 
trône  de  l'Agneau  (Apoc,  iv,  10  ;  v,  8,  19  et  14  ;  xai,  16;  xix,  4.)  Ces  vieillards  sont  lar  figure 
des  dou;e  tribus  de  l'ancienne  loi ,  et  des  douze  apôtres  de  la  loi  nouvelle. 


tibus  senioribus.  Tertia  autem  die  re- 
surrexit  a  mortiiis,  ut  eripieûs  amaligno 
acquirat  eis  qui  liberati  fuerint  hoc  do- 
num  ut  baptizentur  spiritu,  et  anima,  et 
corpore,  iu  uomine  Patris,  et  Filii,  et 
Spiritus  Saucti,  qui  sunt  Ires  dies  simul 
perpétue  instauteii  eis  qui  per  eus  facli 
fuerint  filii  lucis. 

Et  assumens  eum  Petrus,  cœpit  increpare  illum, 
dicens  •  Ahsit  a  te,  Domine;  non  erit  tibi  hoc. 
Qui  converxus  dMt  Peiro  :  Vade  posi  me, 
Sathana  :  scandalum  es  mihi;  quia  non  sapis 
ea  quœ  Dei  sunt,  sed  ea  quœ  hominum. 

Orig.  (ut  svp.)  Adhur  initia  eorum 
quae  ostendebaiitur  doceusClirislus,  Pe- 
trus indigna  hfec  Filio  Dei  vivi  arbitra- 


batur;  et  quasi  oblitus  quoniam  Filiu? 
Dei  vivi  nihil  dignum  increpatione  facit, 
aut  agit,  cciipit  iu(_'repare  :  et  hoc  est 
quod  dicitur  :  «  Et  assumens  eum  Pe- 
trus,» etc.  Hier.  Sœpe  diximusnimiiar- 
dorio  amorisque  quammaximi  fuisse  Pe- 
trum  in  Doaiinum  Salvatorem.  Qui  ergo 
post  confe^siûnem  suam  et  prœmium 
Salvatoris  quod  audierat,  non  vult  des- 
trui  confesslonem  suam,  nec  putat  posse 
fieri  ut  Doi  Filius  occidatur,  assurait 
eum  in  aiîectum  suum,  vel  soparatim 
ducit,  ne  prœseutibus  caeteris  coudisci- 
pulis  videatur  magistrum  arguere  :  et 
coîpit  illum  increpare  amantis  afTectu, 
et  obstans  dicere  :  «  Absil  a  te,  Domine.» 
Vel  ut  melius  habetur  iu  graeco  :  «  Pro- 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    XVI.  409 

VOUS  favorable,  cela  ne  vous  arrivera  pas  (1).  »  — Orig.  (2).  Comme 
si  le  Sauveur  avait  besoin  de  cette  disposition  favorable  à  son  égard. 
Jésus,  tout  en  acceptant  ce  témoignage  d'affection,  lui  reproche  son 
ignorance.  «  Mais  Jésus  ,  se  retournant ,  dit  à  Pierre  :  Retirez-vous 
derrière  moi ,  Satan.  »  —  S.  Hil.  Le  Seigneur,  qui  connaît  la  nature 
des  artifices  du  démon  ,  dit  à  Pierre  :  «  Retirez-vous  derrière  moi,  » 
c'est-à-dire  suivez  l'exemple  de  ma  passion.  Il  se  retourne  vers  celui 
(jui  avait  suggéré  à  Pierre  les  paroles  qu'il  venait  de  prononcer,  et  il 
ajoute  ;  «  Satan,  vous  m'êtes  un  sujet  de  scandale,  »  car  il  u'est  pas 
convenable  de  rapporter  à  Pierre  ce  nom  de  Satan,  et  de  faire  tomber 
sur  lui  ce  reproche  de  scandale  après  les  promesses  magnifiques  de 
bonheur  et  de  puissance  qui  lui  ont  été  faites.  —  S.  Jér.  Pour  moi, 
je  ne  verrai  jamais  une  suggestion  du  démon  dans  l'erreur  de  l'Apôtre, 
erreur  qui  a  pour  cause  un  sentiment  d'affection.  Que  le  lecteur  pru- 
dent veuille  bien  remarquer  que  cette  béatitude  et  cette  puissance  ne 
lui  sont  pas  données  en  ce  moment,  mais  seulement  promises  pour 
l'avenir;  car  si  Jésus  lui  eût  accordé  immédiatement  cette  faveur, 
jamais  cette  grossière  erreur  n'eût  trouvé  accès  dans  son  esprit, 

S.  Ghrys.  (Jiom.  54.)  Qu'y  a-t-il  de  surprenant  que  Pierre  soit  dans 
ces  dispositions ,  puisque  ce  mystère  ne  lui  avait  pas  été  révélé.  Vou- 
lez-vous être  convaincu  que  la  profession  de  foi  qu'il  vient  de  faire  à 
l'égard  du  Christ  n'est  pas  le  fruit  de  ses  propres  pensées?  Voyez  quel 
trouble  lui  inspire  la  perspective  des  choses  qui  ne  lui  ont  pas  été  ré- 
vélées. Il  ne  considère  tout  ce  qui  a  rapport  au  Christ  qu'à  un  point 
de  vue  tout  terrestre  et  tout  humain ,  et  il  lui  semble  que  c'est  une 

(1)  "IXewç  (TOt,  xu(>i£,  où  \}.-f\  îa-zm  doi  toOto. 

(2)  Cette  citation  portait  auparavant  le  nom  de  saint  Jérôme.  Ce  saint  docteur  ajoute  aux  pa- 
roles qui  précèdent,  en  faisant  parler  saint  Pierre  :  «  Mes  oreilles  ne  peuvent  entendre  que  le 
Fils  de  Dieu  puisse  être  mis  à  mort.  » 


pitius  sis  tibi.  Domine,  non  erit  tibi  hoc.  » 
Origenes.  {iU  s^tp.)  Quasi  necessariam 
haboret  propitiationem.  Cujus  affectiim 
quidem  suscipiens  Christus,  ignorantiam 
exprobrat.  Uùde  sequilur  :  «  Qui  con- 
versas dixit  Petro  :  Vade  post  me,  Sa- 
taua,  ))  etc.  IIilar.  {ut  siip.)  Scions  enim 
Dominus  diabolica;  ai'tis  iusliuctum,  Pe- 
tro ait  :  «  Vade  rétro  post  me ,  »  id  est, 
ut  exemplum  suaî  passionis  sequatur.  In 
eum  vero  per  quem  opinio  haec  sugge- 
rebatur  conversus,  adjecit  :  «  Satana, 
scandahini  es  mihi  :  »  non  enim  convenit 
existimare  Petro  Satanœ  nomeu  et  offeii- 
sionem  scandali  deputari,  post  iudulta 
illa  beatitudinis  et  potestatis  tanta  prs- 
ronia.  Hier.  Sed  mihi  error  apostolicus 


de  pietatis  affectu  veuiens,  nunquam  in- 
ceutivum  videbitur  diaboli.  Prudens  ergo 
lector  consideret  Petro  iliam  beatitu- 
diuem  ac  potestatatem  in  futuro  pro- 
missam ,  non  in  prœsenti  datam  ;  quam 
si  statim  dedisset  ei,  nuuquam  in  eo 
pravai  confessionis  eiTor  invenissel  lo- 
cum. 

Chrys.  [tit  snp.)  Quid  otiam  mirabile 
est  haec  pati  Petrum  qui  de  his  revela- 
tionem  non  suscepit  ?  Ut  enim  discas 
quod  neque  illa  qua^  de  Christo  con- 
fessus  fuerat^  ex  se  locutus  est,  vide  qua- 
liter  in  his  quje  non  rcvelata  sunt  ei, 
turbationem  patiatur  :  humana  enim  et 
terrestri  cogitatione  quœ  sunt  Christi 
consideraus,  œslimabat  turpe  et  iudi- 


i\0 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


honte  et  une  indignité  pour  le  Sauveur  d'être  soumis  aux  souffrances 
et  à  la  mort ,  et  c'est  pour  cela  que  le  Sauveur  ajoute  :  «  Vous  ne 
goûtez  pas  les  choses  de  Dieu,  mais  celles  des  hommes.  »  —  S.  Jér. 
C'est-à-dire  c'est  la  volonté  do  mou  Père  et  la  mienne  ,  que  je  meure 
pour  le  salut  des  hommes.  Pour  vous ,  vous  ne  considérez  que  votre 
volonté,  vous  ne  voulez  pas  que  le  grain  de  froment  tombe  dans  la 
terre  pour  produire  ])eaucoup  de  fruits  (1),  et  puisque  votre  langage 
est  opposé  à  ma  volonté,  vous  méritez  d'être  appelé  mon  ennemi.  En 
effet,  le  mot  Satan  signifie  adversaire  ou  ennemi.  Ce  n'est  pas  cepen- 
dant, comme  plusieurs  le  pensent,  que  Pierre  soit  frappé  de  la  même 
condamnation  que  Satan.  Jésus  dit  à  Pierre  :  «  Retirez-vous  derrière 
moi,  Satan,  »  c'est-à-dire  :  Suivez-moi,  vous  quiètes  opposé  à  ma  vo- 
lonté. Il  dit  au  contraire  à  Satan  :  «  Retire-toi ,  Satan ,  »  sans  qu'il 
ajoute  :  derrière,  de  manière  que  l'on  puisse  sous-entendre  :  va  dans 
le  feu  éternel.  —  Orig.  {traité  1  su?'  S.  Matth.)  Jésus  dit  donc  à  Pierre  : 
«  Retirez-vous  derrière  moi,  »  parce  qu'il  avait  cessé,  par  son  igno- 
rance, de  marcher  à  la  suite  du  Christ.  Il  l'appelle  Satan  à  cause  de 
cette  même  ignorance  qui  l'a  mis  en  opposition  avec  Dieu.  Cependant, 
heureux  celui  vers  lequel  se  tourne  le  Christ,  quand  même  ce  serait 
pour  le  réprimander  !  Mais  pourquoi  dit-il  à  Pierre  ;  «  Vous  m'êtes 
un  sujet  de  scandale,  »  alors  que  nous  lisons  dans  le  Psaume  cxviii  : 
«  Une  paix  abondante  est  le  partage  de  ceux  qui  aiment  votre  loi,  et 
il  n'y  a  point  de  scandale  pour  eux.  »  Nous  répondons  que  Jésus  n'est 
pas  le  seul  qui  ne  puisse  être  scandalisé,  mais  encore  tout  homme  qui 
a  dans  le  cœur  la  charité  parfaite;  et  cependant  on  peut  être  par  ses 

(I)  «si  le  grain  de  froment  ne  meurt  pas,  après.qu'oa  l'a  jeté  dans  la  terre^  il  reste  seul;  mais 
quand  il  est  mort,  il  porte  beaucoup  de  fruit.  »  [Jean,  xii,  24.) 


puiim  esse  ei.  quod  pateretur  :  et  ideo 
Dominus  subjecit  :  «  Quia  non  sapis  ea 
([Ufe  Dei  siml,  sed  ea  qure  honîiuum.  » 
Hier.  Quasi  diceret  :  Aleœ  voluutatis  est 
et  Patris,  ut  pro  bominuin  salute  mo- 
riar;  tu  tuam  tautuin  consideransvolun- 
tatem,  non  vis  granum  tritici  cadere  in 
terram ,  ut  multos  afferat  fructus  ;  et 
ideo  quia  contraria  loqueris  voluntali 
meœ,  debes  adversarius  appellari  :  Sa- 
tanas  enini  interpretatur  adversarius 
(sive  contrarius)  ;  non  tanien  (ut  pleri- 
que  putant)  eadem  Satauas  et  Petrus 
sententia  condeuuiatur  :  «  Petro  enim 
dicilur  :  «  Vade  rétro  me,  Satana,  »  id 
est,  «  sequere  me,  qui  contrarius  es  vo- 
luutati  mea;;  »  ille  audit  :  «  Vade,  Sa- 


taua,  »  et  non  ei  dicitur,  rétro,  ut  sub- 
audiatur  :  «Vade  in  ignem  aeternum.  » 
Orig.  [Tractalu  1,  in  Matth.)  Dixit 
ergo  Petro  :  «  Vade  post  me  ;  »  quasi 
desistenti  per  ignorautiam  ire  post  Chris- 
tum  ;  Satana  autem  dixit  ei,  quasi  per 
ignorantiam  aliquid  habenti  contrarium 
Deo  :  beatus  autem  ad  quem  conver- 
titnr  Cbristus,  etiam  si  corripiendi  causa 
convertitur.  Sed  quare  dicit  ad  Pntrum  : 
«  Scandalum  mihi  es,  »  cum  in  psalnio 
dicatur  {Psalm.  118)  :  «  Pax  multa  di- 
ligentibus  legem  tuam,  et  non  est  illis 
sfandahim?  »  Sed  respoudendum  est 
quoniam,  non  soluni  Jésus  non  scanda- 
lizatur,  sed  nec  omnis  bomo  qui  in  di- 
lectione  Dei  perfectus  est,  sed  quantum 


DE   SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XVI.  411 

actions  ou  par  ses  paroles  un  sujet  de  scandale  pour  cet  homme,  bien 
qu'il  ne  puisse  en  être  victime. 

Ou  bien  on  peut  dire  qu'il  appelle  un  sujet  de  scandale  pour  lui, 
tout  fulùlc  qui  pèche;  dans  le  sens  Je  saint  Paul  ,  qui  disait  (II  Co- 
rinth.,  xi)  :  «  Qui  est  scandalisé  sans  que  je  sois  brûlé  de  douleurs?  » 

y.  24,  25.  —  Alors  Jésus  dit  à  ses  disciples  :  Si  quelqu'un  veut  venir  après  moi, 
qu'il  renonce  à  soi-même,  et  qu'il  se  charge  de  sa  croix,  et  me  suive.  Car  celui 
qui  voudra  sauver  sa  vie  la  perdra;  et  celui  qui  perdra  sa  vie  pour  l'amour  de 
moi  la  retrouvera. 

S.  Chrys.  {hom.  56.)  Après  que  Pierre  eut  dit  au  Sauveur  ;  «  Soyez- 
vous  favorable ,  cela  ne  vous  arrivera  pas,  »  et  qu'il  en  a  reçu  cette 
réponse  *.  «  Retirez-vous  derrière  moi,  Satan,  »  Notre- Seigneur,  non 
content  de  lui  avoir  fait  ce  reproche  ,  veut  lui  démontrer  pleinement 
toute  l'inconvenance  de  son  langage  et  les  fruits  de  sa  passion  :  «  Alors 
Jésus  dit  à  ses  disciples  •  «  Si  quelqu'un  veut  venir  après  moi,  »  pa- 
roles dont  voici  le  sens  :  Vous  me  dites  :  Epargnez-vous,  Seigneur, 
et  moi  je  vous  dis  que  non-seulement  c'est  une  chose  funeste  pour 
vous  de  me  dissuader  de  souffrir ,  mais  que  vous-mêmes  vous  ne 
pourrez  être  sauvés  sans  souffrir  et  mourir ,  et  sans  un  renoncement 
continuel  à  votre  vie.  Remarquez ,  du  reste  ,  qu'il  n'impose  pas  ici  de 
nécessité.  Il  ne  dit  pas  :  Quand  même  vous  ne  voudriez  pas,  il  vous 
faut  souffrir,  mais  :  «  Si  quelqu'im  veut,  »  paroles  qui  étaient  pour 
ses  disciples  un  attrait  bien  plus  puissant,  car  en  laissant  toute  liberté 
à  celui  qui  vous  écoute,  vous  l'attirez  plus  sûrement,  tandis  que  vous 
l'éloignez  davantage  si  vous  lui  faites  violence.  Ce  n'est  pas,  du  reste, 


ad  se  qui  taie  aliquid  vel  agit,  vel  loqui- 
tur,  scandalum  est  alteri,  licet  ille  scaa- 
ilalizabilis  non  sit. 

Aut  certe  omuem  discipulum  peccan- 
tera  scandalum  sibi  appellat,  sicut  et 
Paulus  dicebat  (II  Corinlli.  2)  :  «  Quis 
scandalizatur,  et  ego  non  uror  ?  » 

Tune  Jésus  dixit  discipulis  suis  :  Si  quis  vult  post 
me  venire,  abneget  semetipsum,  et  tollat  cru- 
cem  suam,  et  sequalur  me  :  qui  enim  rotuerit 
animam  suatn  salvam  facere,  perdet  eam  ;  qui 
autem  perdiderit  animam  suam  propter  me, 
inveniet  eam. 

Chrys.  (in  homil.  56,  in  Malth.) 
Postquam  Petru»  dixerat  :  «  Propitius 
esto  tihi,  nequaquam  erit  tibi  hoc;  »  et 
audivit  :  «  Vade  rétro  me,  Satana,  »  non 


fuit  Dominus  hac  solum  increpatione 
contentus,  sed  ex  superabundautia  voiuit 
ostendere  inconvenientiam  dictorum  a 
Petro,  et  fructum  suae  passiouis  :  unde 
subditur  :  «  Tune  Jésus  dixit  discipulis 
suis  :  Si  quis  vult  post  me  venire  :  » 
quasi  diceret  :  Tu  dicis  uiihi  :  «  Propi- 
tius esto  tibi.  »  Ego  autem  dico  tibi,  quo- 
niam,  non  solum  meprohibere  a  passione 
nocivum  tibi  est,  sed  neque  salvari  po- 
teris,  nisi  patiaris,  et  moriaris,  et  vilaj 
abrenuntie»  semper  :  et  vide  quod  non 
coactivum  facit  scrmonem  ;  non  enim 
dixit  :  «  Si  nolueritis,  oportet  vos  base 
pâli  ;  sed  si  quis  vult  :  »  hoc  autem  di- 
cens  magis  altrahebat  :  qui  enim  liber- 
tati  auditorem  dimittit,  magis  attrahit  ; 
qui    vero    violeutiam    iufert,  multoties 


412 


EXPLICATION    DK   L  EVANGILE 


à  ses  disciples  seuls  qu'il  propose  ces  conditions ,  c'est  en  général  à 
tout  l'univers  :  «  Si  quelf^u'un  veut,  »  c'est-ù-dire  si  une  femme ,  si 
un  homme,  si  un  roi,  si  un  esclave,  etc.  Or,  ces  conditions  sont  au 
nombre  de  trois  :  Qu'il  se  renonce  lui-même,  qu'il  porte  sa  croix,  et 
qu'il  me  suive. 

S.  Grég.  {hom.  32  sur  les  Evang.)  Si  nous  ne  commençons,  en 
effet,  par  nous  détacher  de  nous-mêmes ,  nous  ne  pouvons  nous  ap- 
procher de  celui  qui  est  au-dessus  de  nous  ;  mais  si  nous  nous  laissons 
nous-mêmes,  où  pourrons-nous  aller  en  dehors  de  nous?  Ou  bien, 
que  devient  celui  qui  s'en  va,  s'il  s'abandonne  lui-même  ?  Happelons- 
uous  ici  que  le  péché  nous  a  fait  déchoir  de  l'état  où  Dieu  nous  avait 
créés  dans  l'origine;  nous  nous  laissons  donc  nous-mêmes,  nous  nous 
renonçons  nous-mêmes  lorsque  nous  évitons  ce  que  nous  suggérait  le 
vieil  homme,  et  que  nous  tendons  vers  cette  sainte  nouveauté  à  laquelle 
Dieu  nous  appelle.  —  S.  Grég.  {hom.  10  sur  Ezéch.)  On  se  renonce 
encore  soi-même  quand  on  réforme  sa  conduite ,  et  que  l'on  com- 
mence d'être  ce  qu'on  n'était  pas  en  cessant  d'être  ce  qu'on  était.  — 
S.  Grég.  {Mo)'aL,  xxxiii,  6.)  C'est  encore  se  renoncer  soi-même  que 
de  fouler  aux  pieds  l'enflure  de  l'orgueil  et  de  se  montrer  aux  yeux 
de  Dieu  tout  à  fait  dépouillé  de  soi-même. 

Orig.  {ù'aité  11  sur  S.  Matth.)Ma.[s  quand  même  nous  nous  abstien- 
drions de  tout  péché,  si  nous  n'embrassons  par  la  foi  la  croix  de  Jésus- 
Christ,  on  ne  peut  pas  dire  que  nous  sommes  crucifiés  avec  lui.  — 
S.  Chrys.  {hom.  55.)  Ou  bien  encore,  celui  qui  renonce  son  frère,  ou 
son  serviteur,  ou  n'importe  quel  autre  homme ,  c'est  celui  qui  ne  lui 
porte  aucun  secours  lorsqu'il  le  voit  déchiré  sous  les  coups  de  fouets, 
ou  soumis  à  d'autres  tourments.  Ainsi  le  Sauveur  veut-il  que  nous  ne 


impedit.  Non  solis  discipulis  suis,  sed  et 
communiter  hoc  dogma  orbi  terrarum 
proponit,  dicens  :  «  Si  quis  vult,  »  id 
est,  si  millier,  si  vir,  si  rex,  si  liber, 
siservus,»  etc.  Tria  autem  sunt  quee 
dicuntur  :  «  Abueget  semetipsum,  et 
tollat  crucem  suaiu,  et  sequatur  me.  » 

(!reg.  {in.  honiil.  32,  in.  Evanrj.)  Quia 
nisi  quis  a  semetipso  deficiat,  ad  eum 
qui  super  ipsum  est,  non  appropinquat. 
Sed  si  nos  ipsos  reliuquimus,  (pxo  ibi- 
mus  extra  nos"?  vol  quis  est  quivadit,  si 
se  desernil  ?  Sed  aliud  sumus  per  pec- 
catnm  lapsi,  aliud  per  naluram  conditi  : 
timc  ergo  nosmetipsos  reliuquimus  et 
al)negamiis,  fum  vitamus  quod  per  vp- 
tuslatem  fuimus,  et  ad  hoc  nitimur 
quod  per  uovitatem    vocamur.    Gueg. 


(super  Ezechielem  hom.  10.)  Semetipsum 
etiam  abuegat,  quicunque  mutatur  ad 
meliora,  et  incipit  esse  quod  non  erat, 
et  desinit  esse  quod  erat.  Greg.  {in  Mo- 
ral, lib.  xxxiii,  cap.  6.)  Semetipsiun 
etiam  abuegat,  qui  calcato  typho  super- 
biai,  ante  Dei  oculos  se  esse  a  se  alienum 
demoustrat. 

Orig.  (Tract. 2  in  MattJi.,i6.)  Quam- 
vis  autem  videatur  aliquis  a  peccato 
abstinere,  tamen  nisi  crucem  Christi 
crediderit,  non  potest  dici  Christo  con- 
fîxus  sive  cruci  :  unde  sequitur  :  «  Et 
tollat  crucem  suau).  »  Chrys.  (iit  sup.) 
Vel  ahter  :  quinegat  alium,  vel  fratrem, 
vel  lamulum,  vel  quemcuuque,  et  si  fla- 
gellatum  viderit,  et  quodcunque  alind 
patieutem  non  assistit,  uou  adjuval  :  ita 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XVI. 


413 


mf'magions  pas  davantago  uotre  corps  ,  soit  qu'cm  nous  trappe  de 
verges,  soit  qu'on  nous  accable  d'autres  mauvais  traitements;  car 
c'est  l'épargner  en  réalité,  de  même  que  les  pères  épargnent  vérita- 
blement leurs  enfants,  lorsque  les  confiant  aux  soins  de  leurs  maîtres, 
ils  leur  recommandent  de  n'avoir  pour  eux  aucun  ménagement.  Et  ne 
croyez  pas  que  ce  renoncement  à  soi-même  ne  doive  s'étendre  qu'aux 
paroles  injurieuses  et  aux  outrages.  Notre-Seigneur  nous  découvre 
clairement  jusqu'où  il  faut  porter  ce  renoncement ,  jusqu'à  la  mort  la 
plus  honteuse,  jusqu'à  la  mort  de  la  croix,  comme  il  nous  l'exprime 
par  ces  paroles  :  «  Qu'il  porte  sa  croix,  et  qu'il  me  suive.  »  — 
S.  Jér.  Il  faut  suivre  le  Seigneur  en  prenant  sur  nous  la  croix  de  sa 
passion,  et  l'accompagner,  sinon  en  réalité ,  du  moins  par  l'intention 
et  le  désir  du  cœur. 

S.  Ghrys.  {hom.  55.)  Mais  comme  les  voleurs  eux-mêmes  sont 
exposés  à  de  nombreuses  et  à  de  rudes  épreuves,  Notre-Seigneur,  ne 
voulant  pas  vous  laisssr  croire  qu'il  suffit  de  souffrir  en  général,  vous 
fait  connaître  la  cause  pour  laquelle  vous  devez  souffrir,  en  ajoutant  : 
«  Et  qu'il  me  suive.  »  C'est-à-dire  qu'il  vous  faut  tout  supporter  pour 
l'amour  de  lui ,  et  pratiquer  à  son  exemple  toutes  les  vertus  ;  car  la 
seule  manière  légitime  de  suivre  Jésus-Christ,  c'est  d'être  plein  de 
zèle  pour  les  vertus ,  et  de  tout  supporter  pour  l'amour  de  lui.  — 
S.  Grég.  (hom.  32.)  Il  y  a  aussi  deux  manières  de  porter  sa  croix, 
lorsqu'on  mortifie  son  corps  par  l'abstinence,  ou  lorsqu'on  afflige  son 
âme  en  compatissant  aux  misères  du  prochain.  Mais  comme  les  ver- 
tus sont  toujours  entremêlées  de  quelques  vices,  il  faut  nous  avouer 
à  nous-mêmes  que  la  vaine  gloire  vient  quelquefois  attaquer  la  mor- 
tification de  la  chair;  car  la  maigreur  extérieure  du  corps,  la  pâleur 


vult  corpori  noslro  nos  non  ignoscere, 
iitsLflagellaverint,  vel  quodciinque  aliud 
feceriut,  corpori  non  parcamus  :  hoc 
enim  est  parcere ,  sicut  patres  tune 
ignoscunt  filiis,  ciun  magistris  eos  tra- 
dentés  jusseriut  ut  non  parcant.  Ne  au- 
tem  sestimes  quod  usque  ad  verba  tan- 
tuin  et  contuinelias  oportet  abnegare 
seipsum,  ostendit  usque  ad  quantum 
abnegare  seipsum  oporteat  ;  quia  usque 
ad  mortem,  etiam  turpissimam  (scilicet 
crucis)  quod  significat  in  hoc  quod  di- 
cit  :  «  Et  toUat  crucem  suam,  et  sequa- 
tur  me.  »  Hif.r.  {vt  svp.)  Sequendus 
enim  est  Dominus  (Tuce  assumpla  pas- 
sionis  sufe;  et  si  non  sorte,  tamen  vo- 
luntate  comitandus  est. 


Chrys.  (ut  sup.)  Quia  etiam  lalrones 
multa  gravia  patiuntur,  ut  non  œstimes 
quod  passio  malorum  sufficiat,  adjungit 
causam  patiendi,  cum  dicit  :  «  Et  se- 
quatur  me  ;  »  ut  propter  eum  omnia  sus- 
lineas,  et  alias  ejus  virtutes  addiscas  : 
hoc  est  enim  sequi  Christum  ut  opor- 
tet, diligeutem  esse  circa  virtutes,  et  pati 
omnia  propter  Ipsum.  Greg.  {in  ho- 
mil.  32,  ut  sup.  )  Duobus  eliani  mo- 
dis  cru\  toUilur;  cum  autper  abstinen- 
tiam  afiligitiir  corpus,  aut  per  compas- 
sionem  proximi  aflligitur  animus.  Sed 
quia  ipsis  virtutibus  quaedam  vitia 
juncta  sunt,  dicendum  nobis  est  quod 
abstinentiam  carnis  uonnunquam  vana 
gloria  obsidot,  quia  dum  lenuitas  in  cor- 


4U 


EXPLICATION   DE    I.'ÉVANGILK 


du  visage,  découvrent  la  vertu  et  l'exposent  aux  louanges  des  hommes. 
D'un  autre  côté,  la  compassiou  dé^éuère  presque  toujours  secrètement 
en  une  fausse  tendresse,  qui  l'entraîne  quelquefois  jusqu'à  la  condes- 
cendance pour  les  vices  ;  et  c'est  pour  nous  faire  éviter  ce  danger 
qu'il  ajoute  :  «  Et  qu'il  me  suive.  »  —  S.  Jér.  Ou  hion  encore,  celui 
qui  est  crucifié  au  monde  porte  sa  croix,  et  celui  pour  lequel  le  monde 
est  crucifié  marche  à  la  suite  du  Seigneur  attaché  sur  la  croix. 

S.  Chrys.  {ho7n.  55.)  Notre-Seigneur  adoucit  par  les  paroles  qui 
suivent  ce  que  ce  langage  pouvait  avoir  de  trop  sévère  pour  ceux  qui 
l'entendaient;  il  promet  des  récompenses  supérieures  aux  peines  en- 
durées pour  sou  nom,  en  même  temps  qu'il  prédit  les  châtiments  ré- 
servés à  la  méchanceté  et  à  la  négligence.  «  Celui  qui  voudra  sauver 
sa  vie  la  perdra.  » 

Orig.  Ces  paroles  peuvent  s'entendre  de  deux  manières  :  pre- 
mièrement, si  quelqu'un,  par  affection  pour  la  vie  présente ,  épargne 
son  âme  dans  la  eraiute  de  la  mort,  et  parce  qu'il  croit  que  cette  mort 
est  la  perte  de  son  àme,  en  voulant  sauver  son  àme  de  cette  manière, 
il  la  perdra,  et  lui  fera  perdre  tous  ses  droits  à  la  vie  éternelle.  Mais 
celui,  au  contraire ,  qui  méprise  la  vie  présente  et  qui  aura  combattu 
jusqu'à  la  mort  pour  la  vérité  (I),  celui-là  perdra  son  âme  pour  cette 
vie,  mais  comme  il  la  perd  pour  Jésus-Christ,  il  la  sauve  infailli- 
blement pour  la  vie  éternelle.  Ou  bien  encore ,  dans  un  autre  sens  : 
Si  quelqu'un  comprend  en  quoi  consiste  le  salut  véritable ,  et  veut 
procurer  ce  salut  à  son  âme,  eu  se  renonçant  lui-même,  il  perd  son 
âme  pour  Jésus-Christ,  quant  à  la  jouissance  des  plaisirs  charnels;  et 

(1)  «Combattez  pour  la  vérité  jusqu'à  la  mort,  »  Eccli. ,  iv,  23,  suivant  la  version  grecque;  la 
Volgate  porte  :  <i  Combattez  pour  la  justice.  « 


pore,  dum  pallor  in  vultu  respiciLur, 
virtus  patefacla  laudatur.  Coinpassionem 
vero  animi  pleruunine  lalentor  obsidet 
pietas  falsa,  ut  liane  nonuunquam  us- 
que  ad  condesceudeuduiu  vitiis  pertra- 
hat  :  uude  ad  hœc  excludenda  subdit.  : 
«  Et  sequatur  me.  »  Hier.  Vel  aliter  : 
tollit  cruccm  suaui,  qui  muudo  cruciG- 
gitur  :  cui  autoni  niundiis  crucilîxus  est, 
sequitur  Doiuiimm  crucitixiiin. 

Chrys.  (ut  suj).)  Deiude  quia  yrave 
videbalur  quod  dieluni  est  per  ea  (juoe 
sequuulur  id  uiitiLrat,  pnemia  pouens 
superemiuentia  laboribus  ,  et  lualiliai , 
pœaas  :  unde  sequitur:  «  Qui  eniui  vo- 
luerit  animam  suam  salvaui  lacère,  per- 
det  eain.  » 

Orig.  (m<  snp.)  Quod  dupliciter  potesl 


intelligi.  Primum  sic  :  si  qiiis  amator 
vilœ  pra^seutis  parcit  auimai  sua?  li- 
mens  uiori,  et  putans  auiuiaiu  suam  per 
hauc  uiorlem  perire;  isle  voleus  boc 
modo  salvare  auimam  suam,  perdet 
eaiu  ;  alienam  illam  faciens  a  vita  œter- 
na.  Si  quis  contemueus  vitam  prœseu- 
tem  usque  ad  morlem  pro  veritate  cer- 
taverit,  perdet  quidem  animam  suam 
quantum  ad  vitam  praesentein;  sed  quo- 
niaui  propter  Christum  perdet  eam,  ma- 
gis  eam  salvam  faciet  in  vitam  aelernam. 
Alio  modo  sic  :  si  quis  iulelligit  qua?  est 
vera  salus,  et  acquirere  vult  eam  ad  sa- 
lutem  auiuuesuœ;  iste  abnegans  semet- 
ipsum  perdit  quantum  ad  voluplates 
carnales  auimam  suam  propter  Chris- 
tum, etperdeus  auimam  suam  hoc  modo 


DE  SAINT   MATTHIEU;,    CHAP.    XVI.  4i5 

en  perdant  son  âme  de  cette  manière,  il  la  sauve  par  les  œuvres  de 
piété.  Ct'tte  expression  :  «  Celui  (jui  voudra,  »  indi(jue  que  cette  pro- 
position et  celle  qui  précède  n'ont  qu'un  seul  et  même  sens.  Si  donc 
ce  que  Jésus  a  dit  plus  haut  :  «  Qu'il  se  renonce  lui-même,  »  doit  s'en- 
tendre de  la  mort  du  corps ,  nous  devons  conclure  que  tout  doit  s'en- 
tendre de  cette  mort  seule.  Si,  au  contraire,  se  renoncer  soi-même  c'est 
se  dépouiller  de  toute  habitude  de  vie  sensuelle  ,  perdre  son  âme,  c'est 
vivre  entièrement  séparé  des  plaisirs  de  la  chair. 

y.  26-28.  —  Et  que  servirait-il  à  un  homme  de  gagner  tout  le  monde  et  de 
perdre  son  âme?  ou  par  quel  échange  l'homme  pourra-t-il  racheter  son  âme? 
Car  le  Fils  de  l'homme  doit  venir  dans  la  gloire  de  son  Père  avec  ses  anges; 
et  alors  il  rendra  à  chacun  selon  ses  œuvres.  Je  vous  dis  en  vérité  qu'il  y  en 
a  ici  quelques-uns  qui  n'éprouveront  point  la  mort,  qu'ils  n'aient  vu  le  Fils 
de  l'homme  venir  en  son  règne. 

S.  Chrts.  {hom.  55.)  Notre-Seigneur  avait  dit  :  a  Celui  qui  veut 
sauver,  perdra;  et  celui  qui  perdra,  sauvera,  »  mettant  ainsi  des  deux 
côtés  le  salut  et  la  perdition  ;  mais  afin  qu'on  ne  puisse  supposer  que 
le  salut  et  la  perdition  sont  les  mêmes  dans  les  deux  cas,  il  ajoute  : 
«  Et  que  servirait-il  à  l'homme  de  gagner  le  monde  entier ,  et  de 
perdre  son  âme.  »  C'est-à-dire  :  Ne  m'alléguez  pas  que  celui  qui  a 
échappé  aux  dangers  qui  le  menacent  pour  la  cause  du  Christ,  sauve 
son  âme,  mettez  même  avec  son  âme  l'univers  tout  entier,  que  lui  en 
reviendra-t-il  si  son  âme  vient  à  périr  pour  l'éternité?  Si  vos  servi- 
teurs étaient  dans  la  joie,  sous  vos  yeux,  tandis  que  vous,  au  contraire, 
vous  seriez  plongé  dans  des  maux  extrêmes ,  quel  avantage  vous  re- 
viendrait-il d'être  leur  maître  ?  Appliquez  cette  considération  à  votre 


salvat  eam  per  opéra  pietatis  :  dicendo 
euim  :  «  Qui  voluerit,  »  praecedentem 
et  sequentem  unum  sensum  esse  osten- 
(lit.  Si  ergp  quod  superius  dixit  :  «  Ab- 
negel  semeptisum,  »  de  morte  corporali 
dixit,  consequentur  hoc  de  sola  morte 
intelligere  debemus  dictum  esse.  Si  au- 
tem  abnegare  seipsum  est  carnalem  con- 
versationem  rejicere,  et  perdere  ani- 
mam ,  est  depouere  voluptates  carna- 
les. 

Quid  enim  prodest  homini  si  universum  mundum 
lucretUT,  animœ  vero  suœ  detrimentum  patia- 
tur?  Aut  quam  dabit  homo  commutationem 
pro  anima  sua?  Filius  enim  hominis  venturus 
est  in  gloria  Patris  sui  cum  angelis  suis,  et 
tune  reddet  unicuique  secundum  opéra  ejus. 
Amen  dico  vobis,  svnt  rjuidam  de  hie  stanti- 
bus,  qui  non   gustabuut  mortem,  donec  vi- 


deant    Filium   hominis    venientem    in    regno 
suo. 

Chrys.  {nt  Slip.)  Quia  dixerat  :  «  Qui 
vult  salvare,  perdet,  et  qui  perdet,  sal- 
vabit  »  (utrobique  salutem  et  perditio- 
nem  ponens),  ne  aliquis  œstimet  aequa- 
lem  esse  hinc  inde  perditioneui  et 
salutem,  subjungit  :  «  Quid  enim  prodest 
homini  si  universum  mundum  iucretur, 
animae  vero  suae  detrimentum  patia- 
tur?  »  Quasi  diceret  :  Ne  dicas  quod  qui 
pericula  qufe  propter  Christum  immi- 
nent, effugerit,  salvet  animam  suam; 
sed  pone  etiam  cum  anima  totum  orbem 
terrarum;  quid  ex  his  erit  amplius  ho- 
mini pereunte  anima  in  perpetuum?  Si 
enim  famulos  fuos  videas  in  lœtitia,  le 
autem  in  malis  ultimis  constitutum, 
quid  lucrareris  ex  eorum  dominio?  Hoc 


416 


EXPLICATION   DK   I,  EVANGILE 


âme,  puisqu'elle  est  destinée  avec  la  chair  coupable  à  une  perte 
éternelle. 

Orig.  Je  pense  que  c'est  gagner  le  monde  que  de  ne  pas  se  renoncer 
soi-même,  et  de  ne  pas  perdre  son  âme  eu  la  privant  des  plaisirs  delà 
chair,  et  on  perd  alors  véritablement  son  âme.  Aussi  entre  ces  deux 
partis  qui  nous  sont  proposcîs,  ne  devons-nous  pas  hésiter  à  perdre 
plutôt  le  monde  entier  pour  gagner  nos  âmes. 

S.  GnRYS.  {hom.  55.)  Mais  quand  bien  même  vous  régneriez  sur 
l'univers  entier,  vous  ne  pourriez  pas  racheter  votre  âme,  et  c'est  pour 
cela  que  le  Sauveur  ajoute  :  «  Et  qu'est-ce  que  l'homme  donnera  en 
échange  de  son  âme?»  c'est-à-dire  si  vous  perdiez  vos  richesses,  vous 
pourriez  donner  d'autres  richesses  pour  rentrer  en  possession  des 
premières  ;  mais  si  vous  perdez  votre  âme ,  vous  ne  pouvez  donner  ni 
une  autre  âme,  ni  quoi  que  ce  soit  pour  la  racheter.  Qu'y  a-t-il  d'é- 
tonnant qu'il  en  soit  ainsi  pour  votre  âme  ?  Est-ce  qu'il  n'en  est  pas 
de  même  pour  votre  corps  ?  Car  vous  auriez  beau  placer  dix  mille 
diadèmes  sur  un  corps  atteint  d'une  maladie  incurable ,  ils  seraient 
impuissants  pour  le  guérir.  —  Orig.  Au  premier  abord,  il  semble  que 
l'homme  pourrait  donner,  en  échange  de  son  âme ,  ses  richesses  en 
les  distribuant  aux  pauvres  pour  la  sauver;  mais  l'homme  n'a  rien 
qu'il  puisse  donner  en  échange  pour  délivrer  son  âme  de  la  mort. 
Dieu,  au  contraire,  a  donné  comme  prix  d'échange  pour  les  âmes  des 
hommes  ,  le  sang  précieux  de  sou  Fils.  —  S.  Grég.  {hom.  32  sur  les 
Evang.)  Ou  bien  encore,  on  peut  établir  de  la  sorte  la  liaison  dans  le 
discours  du  Sauveur.  La  sainte  Eglise  traverse  des  temps  de  paix  et 
des  temps  de  persécution,  et  pour  ces  temps  si  divers,  le  Rédempteur 


etiam  in  anima  tua  reputa;  cum  carne 
lasciviente  ipsa  fuliiram  perditionem  ex- 
pectat. 

Orig.  {nt  sup.)  Puto etiam  quod  mun- 
dum  lucratur.  qui  non  abnegat  semetip- 
sum,  nec  perdit  animam  suam  quantmu 
ad  voluptates  carnales,  et  ipse  facil  ani- 
mœ  suae  detrimentum;  ideo  duobus  no- 
bis  propositis,  magis  est  eligeudum  lit 
mundum  perdamus,  et  lucremur  animas 
nostras. 

Chrys.  {ut  sup.)  Sed  si  regnaveris 
super  universum  orbem  terrarum,  non 
poteris  animam  tuam  eniere  :  unde  se- 
quitur  :  «  A  ut  quam  dabit  liomo  com- 
mutationem  pro  anima  sua?  »  Ac  si  di- 
cat  :  «  Divitias  si  perdideris,  poteris  dare 
divilias  alias  ail  eas  redimendas  :  ani- 
mam aulem  perdeus ,  non  poteris  ani- 


mam aliquam  dare ,  sed  ueque  aliquid 
aliud.  »  Quid  autem  mirabile  est,  si  ani- 
mas hoc  contingif?  Etenim  hoc  in  cor- 
pore  videtur  contiugere  :  etsi  enim  decem 
millia  diademata  corpori  iusanabiliter 
œgroto  circunqiosueris,  non  curatur. 
Oric;.  {ut  sup.)  VA  prima  qnidem  facie 
commutatio  anima;  est  in  substantia,  ut 
dei  substanliam  suam  homo  pauperibus, 
et  salvot  animam  suam  :  sed  puto  quod 
non  babet  aliquid  homo,  quod  dans 
(quasi  commulationem  animœ  suae)  li- 
beret  eam  de  morte  :  Deus  aulem  pro 
aniuiabus  hominum  dédit  in  commuta- 
tiouem  preliosum  sanguinem  Filii  sui. 
tiiîF.i;.  {in  /loin.  32.  in  J:vang.)  Vel  ali- 
ter potest  conlinuari  :  quia  sancla  Ec- 
clesia  aliud  habel  tempus  persecutio- 
nis,  et  aliud  pacis,  Redemptor  nosler  se 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XVI. 


417 


nous  donne  des  préceptes  différeuts.  Dans  les  temps  de  persécution, 
nous  devons  sacrifier  notre  vie,  et  dans  les  temps  de  paix,  dompter  et 
réduire  les  désirs  terrestres  qui  peuvent  nous  tyranniser  davantage; 
c'est  pour  cela  qu'il  dit  :  «  Que  sert  à  l'homme  ?  »  etc.  —  S,  Jér. 
L'exhortation  qu'il  vient  de  faire  à  ses  disciples  de  se  renoncer  eux- 
mêmes,  et  de  porter  leur  croix,  les  a  remplis  d'efifroi.  A  cette  doctrine 
sévère  il  fait  donc  succéder  des  prédictions  plus  agréables  :  «  Le  Fils 
de  l'homme  viendra,  dit-il,  dans  la  gloire  de  son  Père  avec  ses 
anges,  »  etc.  Vous  craignez  la  mort?  écoutez  quelle  sera  la  gloire  du 
triomphateur  ;  vous  redoutez  la  croix  ?  entendez  quel  sera  le  ministère 
des  anges.  —  Orig.  C'est-à-dire  :  Maintenant  le  Fils  de  l'homme  est 
venu  sur  la  terre,  mais  ce  n'est  pas  daus  la  gloire;  car  il  ne  convenait 
pas  qu'il  se  chargeât  de  nos  péchés,  étant  environné  d'honneur  et  d»; 
gloire.  iMais  alors  il  viendra  dans  toute  sa  gloire,  lorsqu'il  aura  pré- 
paré ses  disciples  ,  et  après  qu'il  s'est  fait  semblable  à  eux  ,  pour  les 
rendre  semblables  à  lui,  c'est-à-dire  participants  de  sa  propre  gloire. 
—  S.  Ghrys.  Il  ne  dit  pas  :  Le  Fils  de  l'homme  viendra  daus  une 
gloire  semblable  à  celle  de  son  Père,  pour  ne  pas  laisser  supposer  que 
ce  sont  deux  gloires  différentes ,  mais  :  «  Dans  la  gloire  du  Père,  » 
montrant  ainsi  qu'il  s'agit  absolument  de  la  même  gloire.  Or,  si  la 
gloire  est  une,  il  est  évident  qu'il  n'y  a  également  qu'une  substance. 
Que  craignez-vous  donc,  Pierre,  en  entendant  parler  de  mort?  Vous 
me  verrez  alors  dans  la  gloire;  et  si  je  suis  dans  la  gloire,  vous  y  se- 
rez aussi  vous-même.  Mais  cependant  à  ces  prédictions  de  gloire  il 
entremêle  une  pensée  effrayante  ,  c'est  celle  du  jugement.  «  Et  alors 
il  rendra  à  chacun  selon  ses  œuvres.  »  —  S.  Jér.  Il  n'y  a  point  de 
distinction  entre  les  Juifs  et  les  Gentils,  entre  les  hommes  et  les 
femmes ,  entre  les  pauvres  et  les  riches,  là  où  l'on  tient  compte  non 


ejus  tempore  distinguit  iu  prœceptis  : 
nam  persecutionis  lempore,  pouenda  est 
anima  :  pacis  *dutem  tempore  ea  qua; 
amplius  dominari  possurit,  frangenda 
suiit  desideria  terrena  :  mide  dicitur  : 
«  Quid  euim  prodest  liomini,  si,  »  etc. 
Hier.  Pruvocali;;  aulem  discipulis  ut  ab- 
negareut  se,  et  toUerent  crucem  suam, 
grandis  fit  terror  audientium  :  idcirco 
tristibus  lœta  succedunt,,  et  dicit  :  «  Fi 
lius  enim  homiuis  venturus  est  iu  gloria 
Patris  sui  ciun  augelis,  »  etc.  Times 
mortem"?  audi  gloriain  triumphautis  : 
vereris  cru(;enr?  ausculta  augelorum  mi- 
nisteria.  Ork;.  {^it  sup.)  Quasi  diceret  : 
Nunc  quidem  Filiu,-  hominis  veuit,  sed 
non  in  gloria  :  non  enim  decebat  eum 
iu  gloria  constitutum  peccata  Dostra  por- 

TOM.  II. 


tare  :  sed  tune  véniel  in  gloria,  cum 
ante  praeparaverit  discipulos  sues  :  fac- 
tus  sicut  illi,  ut  illos  faceret  (sicut  est 
ipse)  conformes  gloriœ  suae.  Chrys.  Non 
autem  dixit  :  lu  tali  gloria  in  quali  est 
Pater,  ne  alterilatem  gloriœ  suspiceris , 
sed,  in  (jloria  Patris,  ut  eadem  gloria 
ostendatur.  Si  autem  gloria  una  est,  ma- 
nifestum  quod  et  substantia  una  est. 
Quid  ergo  times,  Petre,  mortem  au- 
diens?  Tune  me  videbis  in  gloria;  si  au- 
tem ego  in  gloria,  et  vos  :  sed  tamen 
dicens  (/Zor/V/?«.  terribilia  immiscuit,  ju- 
dicium  in  médium  introduceus  :  unde 
sequitur  :  «  Et  tune  reddel  unicuique 
secundum  opéra  ejus.  »  Hier.  Non  est 
enim  distinctio  Judwi  et  Gentilis,  viri  et 
muUeris,  pauperum  et  divitum,  ubi  non 

27 


418 


EXPLICATION   DE   j/ÉVANGILK 


des  persomies ,  mais  des  œuvres.  —  S.  Chrys.  {hom.  55.)  Notre- 
Seigueur  s'exprime  de  la  sorte,  pour  rappeler  aux  pécheurs  les  sup- 
plices qui  les  attendent,  et  aussi  aux  justes  les  récompenses  et  les  cou- 
ronnes qui  leur  sont  réservées. 

S.  JÉR.  Les  Apôtres  pouvaient  se  scandaliser  intérieurement  de  ces 
paroles  et  se  dire  en  eux-mêmes  :  Vous  nous  annoncez  une  mort  éter- 
nelle dans  un  avenir  prochain,  mais  la  promesse  que  vous  nous  faites 
de  venir  daus  votre  gloire ,  ne  doit  s'accomplir  que  dans  des  temps 
bien  éloignés.  Celui  qui  pénètre  les  secrets  des  cœurs,  prévoyant  cette 
objection,  oppose  à  la  crainte  des  maux  présents  la  perspective  d'une 
récompense  prochaine  :  «  Je  vous  le  dis  eu  vérité  ,  il  y  en  a  de  ceux 
qui  sont  ici  présents,  qui  n'éprouveront  pas  la  mort  avant  qu'ils  aient 
vu  le  Fils  de  l'homme  venant  en  son  règne.  »  —  S.  Chrys.  [hom.  55.) 
Il  veut  leur  apprendre  quelle  était  cette  gloire  dans  laquelle  il  doit 
venir  plus  tard,  et  il  la  leur  révèle  en  cette  vie,  autant  qu'ils  en  étaient 
capables,  afin  que  la  pensée  de  sa  mort  ne  fût  pas  pour  eux  un  sujet 
de  tristesse.  —  Remi.  Cette  prédiction  du  Sauveur  eut  son  accomplis- 
sement pour  les  trois  disciples ,  devant  lesquels  il  fut  transfiguré  sur 
la  montagne  où  il  leur  découvrit  les  joies  des  récompenses  éternelles. 
Ils  le  virent  venant  dans  son  règne  ,  c'est-à-dire  resplendissant  de 
cette  gloire  dans  laquelle ,  après  le  jugement ,  il  apparaîtra  aux  yeux 
de  tous  les  saints  (1).  —  S.  Chrys.  {hom.  55.)  Il  ne  leur  fait  pas  con- 
naître les  noms  de  ceux  qui  doivent  le  suivre  sur  la  montagne,  car  les 
autres  auraient  vivement  désiré  l'accompagner  pour  être  témoins  de 
cette  manifestation  de  sa  gloire,  et  auraient  soufiert  de  la  préférence 
donnée  sur  eux  aux  autres  disciples.  —  S.  Grég.  {hom.  32.)  Ou  bien 

(1)  Tous  les  saints  sont  pris  ici  dans  le  sens  collectif.  Car  même  avant  le  jugement  dernier, 
chacun  de  ceux  qui  ont  conservé  ou  recouvré  la  pureté  de  l'âme  voient  le  Fils  de  Dieu  par  anti- 
cipation. 


persoucf;,  sed,  opéra  considerantur. 
Chrys.  {ut  sup.  )  Hoc  aulem  dixit,  nou 
soluni  peccatoribus  pœuas  commemo- 
rans,  sedjustis  bravia  et  coroûas. 

Hier.  Poterat  autem  apostolorum  ta- 
cita  cogitatio  isliusmodi  scaudaluni  sus- 
tinere  :  «  Occisionem  et  inortera  nune 
dicis  esse  futuram;  qiiod  autem  promit- 
tis  te  affuturum  in  ploria,  in  tenipora 
longa  differtur.  »  Prrevidens  ergo  occul- 
torum  cognitor  quid  possent  objicore, 
praesentem  timorem  prœsenti  eouipeu- 
sat  prsemio,  dicens  :  «Aaieu  dieu  vobis, 
sunt  de  liic  stautibus  qui  nou  gustabunt 
morteai  donei-,  videaut  Fiiiuui  bouiiuis 
venienteiu  in  regno  suo,  »  etc..  Chrys. 
{ut  sup.)   Volens  ergo  uioustrare    (|uid 


est  illa  gloria  in  qua  postea  venturus 
est,  eis  in  praesenti  \'ita  revelavit  (sicut 
possibile  erat  eos  discere),  ut  neque  in 
Domini  morte  jam  doleant.  Remig.  Quod 
ergo  bic  dicitur  inipletum  est  in  tribus 
discipulis,  quibus  Dominus  transfigura- 
tus  in  monte  gaudia  œlernse  repromis- 
sionis  ostendit;  qui  viderunt  eum  in  re- 
gno  suo  venieutem,  id  est,  in  ea  claritate 
l'ulgeutem,  in  qua,  peracto  judicio,  vide- 
bitnr  ab  omnibus  sanctis.  Chrys.  (uf 
sup.)  Propter  boc  autem  non  praedicil 
nomiua  eorum  qui  ascensuri  erant  in 
montem  ;  quia  rebqui  valde  coueupis- 
cerent  sequi,  exemplum  ilUus  gloriie  vi- 
suri,  et  graviter  tulissent  velut  despeoli. 
(iKKG.  {in  hom.  32  ut  sup.)  Vel  regnum 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.   XVI.  419  . 

bien  encore,  il  appelle  le  royaume  de  Dieu  l'Eglise  actuelle  ;  et  comme 
plusieurs  de  ses  disciples  devaient  vivre  assez  longtemps  pour  voir 
établie  cette  Eglise  que  Dieu  opposait  à  la  gloire  du  monde ,  il  leur 
fait  cette  promesse  consolante  :  «  Plusieurs  de  ceux  qui  sont  ici  pré- 
sents, »  etc. 

Orig.  Dans  le  sens  moral ,  on  peut  dire  que  le  Verbe  de  Dieu  (1)  a 
pour  ceux  (]ui  sont  nouveaux  dans  la  foi  l'apparence  d'un  esclave, 
taudis  ([ue  pour  ceux  qui  sont  parfaits,  il  paraît  dans  la  gloire  de  son 
Père.  Les  anges  sont  les  discours  des  prophètes  qu'il  est  impossible  de 
comprendre  dans  le  sens  spirituel  avant  d'avoir  l'intelligence  spiri- 
tuelle du  Verbe  du  Christ,  de  mauière  qu'on  les  voit  apparaître  en 
même  temps  dans  la  majesté.  C'est  alors  qu'il  donnera  de  la  gloire  à 
chacun  suivant  ses  actes,  car  plus  on  est  vertueux ,  plus  aussi  on  a 
l'intelligence  spirituelle  de  Jésus- Christ  et  de  ses  prophètes.  Ceux  qui 
se  tiennent  où  est  Jésus  sont  ceux  qui  ont  jeté  près  de  lui  les  fonde- 
ments de  leur  âme  et  de  leurs  affections.  Ceux  qui  sont  plus  solidement 
assis  ne  goûtent  pas  la  mort  avant  qu'ils  aient  vu  le  Verbe  de  Dieu 
dans  sou  règne.  Ils  verront  la  grandeur  sublime  de  Dieu  qui  reste  in- 
visible pour  ceux  qui  sont  enveloppés, dans  les  épais  nuages  de  leurs 
péchés,  ce  sont  ces  derniers  qui  goûtent  la  mort  ;  car  l'âme  pécheresse 
est  frappée  de  mort  ('2).  De  même,  en  effet ,  que  le  Christ  est  la  vie  et 
le  pain  vivant  qui  est  descendu  du  ciel,  ainsi  son  ennemi,  c'est-à-dire 
la  mort,  est  le  pain  de  mort.  Il  en  est  qui  mangent  très-peu  de  ces 
pains,  qui  ne  font  que  les  goûter;  d'autres  ,  au  contraire,  s'en  nour- 
rissent abondamment.  Ceux  qui  ne  commettent  que  des  fautes  rares 

(1)  Le  Verbe  de  Dieu  efet  pris  ici  pour  le  Verbe  consubstantiei  de  Dieu,  bien  que  ue  qui  suit 
puisse  se  rapporter  dans  un  sens  figuré  à  la  parole  du  Christ. 

(2)  Il  est  question  ici  de  la  mort  spirituelle  de  l'âme,  comme  l'explique  le  contexte. 


Dei  praesens  Ecclesi.a  vocatur;  et  quia 
uonnulU  ex  discipulis  ejus  usque  adeo 
iii  corpore  victuri  erant^  ut  Ecclesiam 
Dei  coustructani  conspicereut,  et  contra 
liujus  uuiûdi  gloriam  eroctam,  consola- 
tt>ria  promissioiie  nunc;  dicitur  :  «  Sunt 
quidam  de  hic  stantibus.  » 

Orig.  (ut  sxip.)  Moraliter  aulem  Ver- 
Inim  Dei  liis  qui  uoviter  iuducuutur  ad 
tidem,  l'ormam  habet  servi,  perfectis 
autem  venit  in  Rloria  Patris  sui.  Angeli 
autem  illius  sunt  prophetarum  scruio- 
nes,  quos  non  est  possibile  ante  spiri- 
lualiter  inlelliiïere,  uisi  cum  spiritualiter 
intellectuni  fuerit  Vorbuni  Christi;  ut 
videantur  simul  apparere  in  majestate. 
Tune  auteui  dabit  unicuique  de  gloria  sua 
secundum  actum  ejus;  quia  quanto  quis 


melior  fuerit  in  actibus  suis,  tanto  spiri- 
tualius  iutelligit  Christum  vel  prophetas 
ipsius.  [Et  Tr.  3.)  Stantes  autem  ubi  stat 
Jésus  sunt  qui  fundatas  habeut  apud 
Jesum  animœ  bases  :  ex  quibus  qui  me- 
lius  stant,  dicuntur  non  gustare  mortem, 
donec  videant  Verbum  Dei,  quod  venit 
in  regno  suo;  videntes  eminentiam  Dei, 
quam  videre  non  possunt  (jui  diversis 
involuti  sunt  peccatis,  quod  est  mor- 
tem gustare.  quia  peccans  anima  mori- 
tur  :  sicut  euim  ipse  vita  est  et  panis 
vivusqui  de  cœlo  descendit  (Joan.  6), 
sic  et  inimica  ejus  mors  panis  est  mor- 
tuus.  Ex  istis  autem  pauibus  quidam 
modicum  manducant,  tantura  gustantes; 
quidam  autem  abundantius  :  qui  enim 
rare  et  modicum  peccant,  lantummodo 


420        EXPLICATION   DE   l'ÉVANGU.E   DE   S.    MATTHIEU,   CHAP.   XVI. 

et  peu  nombreuses,  ne  font  que  goûter  la  mort;  ceux ,  au  contraire, 
qui  pratiquent  dans  leur  perfection  les  vertus  spirituelles ,  ne  goûtent 
pas  la  mort,  mais  se  nourrissent  continuellement  du  pain  de  vie.  Ces 
paroles  :  «  Jusqu'à  ce  qu'ils  voient,  ne  précisent  pas  l'époque  après 
laquelle  doit  arriver  ce  qui  n'avait  pas  encore  reçu  son  accomplisse- 
ment ;  elles  expriment  simplement  une  chose  qui  se  fera  nécessai- 
rement. Celui,  en  effet,  qui  aura  une  fois  vu  Jésus  dans  sa  gloire,  ne 
goûtera  jamais  la  mort. 

Rab.  Au  témoignage  du  Sauveur  ,  les  saints  ne  font  que  goûter  et 
comme  etfleurer  la  mort  du  corps  ;  mais  la  vie  de  l'âme  demeure  tou- 
jours en  leur  possession. 


gustanl  moiicni;  qui  autem  perfectius 
susceperunt  spirilualem  virtutem,  non 
gustaut  eani  (seilicel  morteui),  sed  vivo 
pane  semper  vescuntur.  Ouod  aulem  di- 
cit,  donec  videant,  non  définit  tempus; 
ut  postquam  transierit  illud,  donec,  fiât 
quod  ante  non  fuerat  factum  ;  sed  rem 


quce  necessaria  est,  exponit  :  qui  euiui 
seiuel  videt  eum  in  gloria  ejus,  jam  ne- 
quaquani  gustabit  morlem. 

FL\.B.  Sanctos  aulem  mortem  gustare 
testatur,  a  quibus  mors  corporis  quasi 
libando  guslatur;  vita  vero  animœ  pos- 
sidendo  teuetur. 


CHAPITRE  XVII. 

SOMMAIRE    ANALYTIQUE. 

f.  1-4.  —  Comment  concilier  saint  Matthieu,  d'après  lequel  la  Iransfi'^uration 
eut  lieu  six  jours  après  la  promesse,  avec  saint  Luc  qui  compte  huit  jours 
d'intervalle?  —  Pourquoi  ce  retard  de  six  jours? —  Pourquoi  le  Sauveur 

prend-il  de  préférence  Pierre,  Jacques  et  Jean?  — De  qui  sont- ils  la  figure? 

Pourquoi  les  conduit-il  sur  une  haute  montagne  et  à  l'écart?  —  A-t-il  perdu 
dans  la  transfiguration  sa  forme  et  sa  figure  ordinaires?  —  Preuve  qu'il  a 
conservé  le  corps  dont  il  s'était  revêtu.  —  La  gloire  des  saints  doit-elle  avoir 
le  même  éclat  que  le  gloire  du  Seigneur  ?  —  Explication  tropologique  de  la 
transfiguration.  —  Diverses  raisons  de  l'apparition  de  Moïse  et  d'Elie.  — 
Pourquoi  Notre-Seigneur  opère  devant  les  apôtres  ce  prodige  dans  le  ciel  qu'il 
avait  refusé  aux  Scribes  et  aux  Pharisiens?  —  Sous  quelle  impression  Pierre 
propose-t-il  au  Sauveur  de  fixer  son  séjour  sur  cette  montagne? — Quelle  était 
en  cela  son  erreur  ? 

y.  5-9.  — Que  figure  cette  nuée  lumineuse  qui  couvre  et  enveloppe  les  Apôtres? 
Pourquoi  n'est  ce  point  Moïse  ou  Elie  qui  prennent  la  parole,  mais  Dieu  le 

Père?  —  Pourquoi  fait-il  entendre  sa  voix?  — Amour  qu'il  a  pour  son  Fils. 

Que  signifient  ces  paroles:  Ecoutez-le?  —  Rapport  admirable  entre  la  pre- 
mière régénération  par  le  baptême,  et  la  seconde  par  la  résurrection.  —  Mani- 
festation de  la  Trinité.  —  Raisons  pour  lesquelles  les  apôtres  sont  saisis  de 
crainte.  — Ils  tombent  la  face  contre  terre. —  Que  signifie  cette  circonstance  ? 

—  Pourquoi  ce  sentiment  de  crainte  et  d'effroi  que  personne  n'éprouva  au 
baptême  de  Jésus  ?  —  Comment  il  rassure  ses  Apôtres.  —  Pourquoi  il  leur 
recommande  le  silence  sur  ce  qui  vient  de  se  passer? 

f.  I0-L3.  —  Tradition  des  Juifs  sur  l'avènement  d'Elie.  —  Sur  quoi  reposait- 
elle? —  Comment  concilier  ces  paroles  du  Sauveur  qu'Elie  doit  venir,  et 
qu'il  est  déjà  venu  ?  —  Dans  quel  sens  rétablira-t-il  toutes  choses  ?  —  Pour- 
quoi Dieu  ne  l'a  pas  envoyé  lors  du  premier  avènement  du  Sauveur?  —  Dans 
quel  sens  Elie  est  déjà  venu.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  appelle  Jean- 
Baptiste  Elie  ?  —  Comment  prend-il  occasion  de  la  mort  de  Jean-Baptiste  pour 
parler  de  sa  passion  à  ses  Apôtres  ?  —  Quels  furent  les  auteurs  de  la  mort  de 
Jean-Baptiste  et  de  Jésus-Christ? 

y.  14-17.  —  Dans  quelle  intention  Jésus  descend  de  la  montagne  vers  le  peuple. 

—  Différents  préliminaires  des  guérisons  opérées  par  le  Sauveur.  —  Quelle 
était  la  cause  de  la  maladie  dont  ce  lunatique  était  atteint  ?  —  C'est  le  démon 
qui  en  était  l'auteur.  —  Preuve  du  peu  de  foi  qu'avait  le  père  de  cet  homme. 

—  Reproche  que  lui  en  fait  Jésus  et  à  tous  les  Juifs.  —  Quel  sentiment  dicte 
à  Notre-Seigneur  ces  paroles  :  0  génération  incrédule,  etc.  —  Espérance  qu'il 
donne  au  père  de  cet  enfant.  — Exemple  et  leçon  qu'il  donne  aux  prédicateurs. 

—  Explication  figurée  de  ce  fait  évangéliquc. 

y.  18-20  —  Pourquoi  les  Apôtres  interrogent-ils  le  Sauveur  sur  l'impossibilité 
pour  eux  de  chasser  ce  démon  ?  —  Imperfection  de  la  foi  des  Apôtres.  —  Les 
miracles  sont  opérés  souvent  pour  récompenser  la  foi  de  ceux  qui  les  deman- 
dent, souvent  aussi  la  puissance  de  celui  qui  les  opère,  suffit.  —  Pourquoi  la 
foi  est-elle  comparée  ic  i  au  grain  de  sénevé  ?  —  Puissance  de  la  foi .  —  Le  s 


422 


EXPLICATION  DE  L  EVANGILE 


Apôtres  ont-ils  transporté  des  montagnespar  la  vertu  de  leur  foi?  —  Dans  quel 
sens  peut-on  entendre  cette  montagne  ?  —  Moyen  que  le  Sauveur  nous  donne 
pour  surmonter  les  \)\us  fortes  tentations. —  Nécessité  de  la  prière  et  du  jeûne. 

—  Dans  quel  sens  plus  étendu  peut-on  entendre  ici  le  jeûne  ? 

,  21-22.  —  l»ourquoi  Notre-Seigneur  prédit-il  souvent  à  ses  disciples  les  mys- 
tères de  sa  passion  ?  —  La  prédiction  qu'il  en  fait  ici  a  quelque  chose  de  plus 
particulier.  —  Pourquoi  entremèle-t-il  des  pensées  consolantes  aux  souvenirs  les 
plus  affligeants  ?  —  Pourquoi  cependant  cette  prédiction  jettc-t-elle  les  Apôtres 
dans  une  profonde  tristesse  ?  —  Quelle  en  est  la  cause  ? 

.  23-25.  —  Comment  Notre-Seigneur  prouve  à  la  fois  sa  tristesse  et  son  hu- 
milité? —  Quel  était  cet  impôt  qu'on  vient  lui  demander  de  payer?  —  Pour- 
quoi le  demande-ton  à  Jésus  dans  la  ville  de  Capharnaum?  —  Pourquoi  s'a- 
dressenl-t-il  à  Pierre  plutôt  qu'à  Jésus?  —  Dans  quel  esprit  l'interrogent-ils' 

—  Réponse  de  Pierre.  —  Deux  manières  d'entendre  les  paroles  de  Notre- 
Seigneur  :  Les  enfants  sont  exempts.  —  Sous  quel  rapport  le  Sauveur  était 
exempt  de  l'impôt. —  Il  est  le  vrai  et  le  propre  fils  de  Dieu  le  Père. —  Pourquoi 
cependant  se  soumet- il  au  paiement  de  l'impôt? —  Conséquence  pratique  que 
nous  devons  tirer  de  la  conduite  de  Notre-Seigneur.  —  Prescience  et  puis- 
sance du  Sauveur.  —  Sa  pauvreté  volontaire.  —  Diverses  raisons  pour  les- 
quelles il  n'a  pas  voulu  payer  cet  impôt  avec  l'argent  qui  était  en  réserve 
pour  sa  subsistance.  —  Circonstances  où  nous  devons  éviter  le  scandale  qui 
résulte  de  nos  actions,  circonstances  où  nous  ne  devons  en  tenir  aucun  compte. 

—  Foi  et  obéissance  de  Pierre.  —  Explication  figurée  de  celte  pièce  de 
monnaie  trouvée  dans  la  bouche  d'un  poisson. 


f,  1-4.  —  Six  jours  après,  Jésus  ayant  jms  avec  lui  Pierre,  Jacques  et  Jean 
son  frère,  les  mena  à  l'écart  sur  une  haute  montagne;  et  il  fut  transfiguré 
devant  eux.  Son  visage  devint  brillant  comme  le  soleil,  et  ses  vêtements 
blancs  comme  la  neige.  En  même  temps  ils  virent  paraître  Moïse  et  Elie  qui 
s'entretenaient  avec  lui.  Alors  Pierre,  prenant  la  parole,  dit  à  Jésus  :  Sei' 
gneur,  nous  sommes  bien  ici;  faisons-y,  s'il  vous  plaît,  trois  tentes  :  une  pour 
vous,  une  x>our  Moïse,  et  une  pour  Elie. 

Remi.  Six  jours  après  cette  prédiction ,  Notre-Seigneur  accomplit 
dans  sa  transfiguration  sur  la  montagne,  la  promesse  de  cette  appa- 
rition glorieuse  qu'il  avait  faite  à  ses  disciples.  «  Et  six  jours  après, 
dit  l'Evangéliste  ,  Jésus  prit  Pierre,  Jacques  et  Jean,  »  etc.  —  S.  Jér. 


CAPUT  XVII. 

Kl  posl  dies  sex,  assumpsit  Jésus  Pelrum  ri  Ja- 
cobum,  cl  Jnannptn,  fratrem  cjus  :  et  duxit  illos 
in  monleni  excp.isum  SPorsum;  cl  Ininsfiguratus 
pst  ante  eos.  Et  resplonduit  fartes  rjus  sirui 
sot;  vestimenta  atilein  ejus  facta  suiit  alba  sicut 
nix.  Et  ecce  apparuerunt  illis  Moyses  et  Elias 
rum  eo  loquentes.  Respondens  autem  Petrus 
ilixit  ad  Jesum  :  llomine,  bonmn  est  nos  hic 


esse  :  si  vis,  fnciamus  liic  tria  labernaculn 
libi  iinum,  Moysi  unum,  et  Eliœ  unutn. 

Remig.  Claritatem  suae  visioais  quam 
prouliserat  Domiuus  discipulis  sui»,  in 
hac  trausfiguratioue  habita  in  monte 
post  sex  dies  complevlt  :  unde  dicitur  : 
«  Et  post  sex  dies  assumpsit  Jésus  Pe- 
lrum, et  Jacobum,  et  Joannem,  »  etc. 


DE   SAINT    MArrHIEF,    CHAP.    XVII.  123 

On  se  demande  comment,  d'après  saint  Matthieu,  ce  fut  six  jours  après 
que  Jésus  prit  avec  lui  ses  disciples,  tandis  (jne  saint  Luc  compte  huit 
jours  d'intervalle.  La  réponse  est  facile  :  saint  Matthieu  ne  compte  que 
les  jours  pleins  qui  séparent  ces  deux  événements,  tandis  que  S.  Luc 
compte  de  plus  le  premier  et  le  dernier  jour.  —  S.  Chrys.  {hom.  .^7 
sur  S.  Matth.,  dans  les  nouvelles  éditions_,  06.)  Ce  n'est  point  immé- 
diatement après  cette  promesse,  mais  six  jours  après,  qu'il  les  conduit 
sur  la  montagne  ;  il  reut,  par  ce  retard  de  quelques  jours  ,  étouffer 
tout  sentiment  humain  d'envie  dans  les  autres  disciples ,  et  exciter 
dans  l'àme  de  ceux  qu'il  doit  prendre  avec  lui  un  plus  vif  désir  et  le 
soin  d'une  préparation  plus  parfaite.  —  Rab.  Le  nombre  six  n'est 
point  mis  ici  sans  raison  ;  c'est  après  six  jours  écoulés  que  le  Sauveur 
manifeste  sa  gloire  ,  figure  de  la  résurrection  (j[ui  doit  avoir  lieu  à  la 
fin  des  six  âges  de  l'homme,  —  Orig.  Ou  bien  encore ,  comme  ce 
monde  visible  a  été  créé  après  le  nombre  complet  de  six  jours,  celui 
qui  s'élève  au-dessus  de  toutes  les  choses  du  monde,  peut  monter  sur 
cette  montagne  élevée  pour  y  contempler  la  gloire  du  Verbe  de 
Dieu. 

S.  Chrys.  Notre- Seigneur  prend  avec  lui  ces  trois  disciples,  parce 
qu'ils  étaient  supérieurs  aux  autres  Apôtres,  Remarquez  ici  que  saint 
Matthieu  ne  cherche  point  à  taire  le  nom  de  ceux  qui  lui  furent  pré- 
férés ;  c'est  ce  que  fait  également  saint  Jean ,  en  rapportant  les  ma- 
gnifiques prérogatives  accordées  à  saint  Pierre ,  car  le  collège  des 
Apôtres  était  pur  de  tout  sentiment  d'envie  et  de  vaine  gloire.  — 
S.  HiL.  {ccm.  17.)  Ces  trois  disciples  que  Jésus  prend  avec  lui  figurent 
l'élection  future  de  tous  les  peuples  qui  descendent  de  la  triple  souche 
de  Sem,  de  Cham  et  de  Japbet.  —  Rab.  Ou  bien,  il  ne  prend  avec  lui 
que  trois  disciples,  parce  qu'il  y  en  a  beaucoup  d'appelés  ,  mais  peu 


Hier.  QufEritur  autem  quomodo  post 
sex  (lies  assunipsit  eos,  cum  Lucas  oc- 
tonarium  nuinerum  ponat.  Sed  facilis 
est  responsio  :  quia  hic  medii  pouuutur 
dies,  ibl  primus  additur  et  extremus. 
Chrys.  (m  hom.  57,  in  Matth.)  Ideo 
autem,  non  confestim  facta  promissione 
eos  sursum  ducit,  sed  post  sex  dies,  ut 
reliqui  discipuli  nihil  patiantur  huma- 
uum  (id  est,  aliquem  invidiae  motuni), 
vel  ut  horum  dierum  spatio  vehenien- 
tiori  concupisceutia  repleti  qui  assu- 
mendi  erant,  sollicita  mente  accédèrent. 
Raba.  Mérite  autem  post  sex  dies  glo- 
riam  illam  ostendit,  quia  post  sex  aetates 
futiira  est  resurrectio.  Orig.  [ut  sup-.) 
Vel  (quia  in  sex  diebus    totus  perfecti 


numeri  factus  est  visibilis  muudus)  qui 
transcendit  omnes  res  mundi,  potest  as- 
ceudere  super  moulem  excelsum,  et  glo- 
riam  aspicere  Verbi  Dei. 

Chrys.  [tit  sup.)  Ideo  autem  hos  très 
assunipsit,  quoniam  aliis  potiores  erant. 
Inteude  autem  qualiter  Matthseus  non 
occultât  eos  qui  sibi  praepositi  sunt  :  hoc 
enim  et  Joannes  facit,  prsecipuas  Pétri 
laudes  commemorans  •  ab  œmulatione 
enim  et  vaua  gloria  muudus  fuit  apos- 
tolorum  chorus.  Hilah.  [can.  17,  in 
Matth.)  lu  tribus  autem  assumptis  de 
trium  origine  (Sem,  Cham  et  Japhet) 
futura  electio  populi  ostenditur.  Raba. 
Vel  très  solummodo  discipulos  secum 
ducit,  qui  multi  sunt  vocati,  pauci  vero 


AU 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


d'élus.  Ou  bien  encore ,  parce  que  ceux-là  seuls  qui  conservent  dans 
une  âme  pure  la  foi  en  la  sainte  Trinité  ,  jouiront  alors  de  l'éternelle 
vision  des  cieux. 

Rémi.  Notre-Seigneur ,  sur  le  point  de  découvrir  à  ses  disciples  la 
splendeur  de  sa  gloire,  les  conduit  sur  une  montagne  :  «  Et  il  les  con- 
duisit sur  une  haute  montagne  (1).  »  Ainsi  enseigne-t-il  à  tous  ceux 
qui  désirent  arriver  à  la  contemplation  de  Dieu,  qu'ils  ne  doivent  point 
rester  plongés  dans  les  vils  plaisirs  des  sens,  mais  s'élever  toujours 
par  les  affections  de  leur  cœur  jusqu'aux  biens  invisibles  des  cieux.  Il 
veut  apprendre  aussi  à  ses  disciples  à  ne  point  chercher  la  gloire  de 
la  divine  clarté  dans  les  basses  régions  de  ce  monde  ,  mais  dans  le 
royaume  de  la  félicité  céleste.  Il  les  conduit  à  l'écart ,  parce  que  les 
saints  sont  ici-bas  séparés  des  méchants  par  les  dispositions  de  leur 
âme  et  l'intention  de  leur  foi,  et  qu'ils  en  seront  complètement  sé- 
parés dans  le  siècle  futur.  Ou  bien  encore,  parce  qu'il  y  en  a  beau- 
coup d'appelés  et  peu  d'élus.  {Matth.,  xx.) 

«  Et  il  fut  transfiguré ,  »  etc.  Il  apparut  aux  yeux  des  Apôtres  tel 

(1*)  L'Evangéliste  ne  désigne  point  celte  montagne  par  son  nom  ;  la  tradition  a  suppléé  à  ce 
silence.  Saint  Cyrille,  évêque  de  Jérusalem  en  350,  Euscbe  de  Césarée  vers  la  même  époque, 
Procope  de  Gaza  et  saint  Jérôme  affirment  que  c'est  le  mont  Thabor,  au  sud  de  la  Galilée, 
ÏJtabirion  des  Grecs,  le  Djebel-Nour  (montagne  de  lumière)  des  Arabes  modernes.  Cette  suppo- 
sition n'est  pas  contredite  par  ce  qui  est  marqué,  que  Jésus-Christ  était  auparavant  à  Césarée  de 
Philippe  ;  car  durant  l'espace  de  six  jours,  il  eut  bien  le  temps  de  se  rendre  au  mont  Thabor. 
Reland  (Palœst.  334,  336)  présume  toutefois  que  Ta  montagne  de  la  Transfiguration  était  plus 
près  de  Césarée  de  Philippe;  mais  «i  le  Thabor,  dit  le  docteur  Sepp,  servait  au  nord  de  limite  à  la 
tribu  d'Issachar;  il  était  à  une  demie  journée  de  marche  au  sud-ouest  de  Capharnaiim.  Il  s'élève 
de  la  plaine  dans  la  forme  d'un  cône  coupé  jusqu'à  une  hauteur  de  1,760  pieds  au-dessus  du 

niveau  de  la  mer;  tandis  que  du  côté  du  nord,  il  est  inaccessible,   tant  il  est  escarpé Cette 

montagne  est  là  comme  la  montagne  de  Dieu,  dominant  toutes  les  autres,  placée  au  milieu  de  la 
contrée,  et  offrant  au  spectateur  un  magnifique  horizon  d'où  il  embrasse  la  mer  Méditerranée, 
les  hauteurs  du  Carmel,  la  mer  de  Galilée,  le  fleuve  sacré  du  Jourdain,  les  montagnes  d'Hauran, 
le  mont  Liban  au  nord  avec  son  sommet  couvert  de   neige ,  et  au  midi  les  montagnes  de  la 

Samarie Le  Thabor  était  pour  la  Galilée  la  sainte  montagne,  comme  le  mont  Garizim  pour 

la  Samarie,  comme  le  Moria  pour  la  Judée  ;  et  c'est  pour  cela  que  saint  Pierre,  dans  sa  seconde 
épitre,  l'appelle  la  Montagne  sainte.  Ainsi  toute  la  contrée  put  être  témoin  de  la  merveille  qui  s'y 
opéra  :  tous  purent  voir  le  nuage  léger  qui  enveloppa  le  sommet  du  Thabor,  et  la  gloire  de  Dieu 
descendre  sur  le  mont  Horeb,  non  au  milieu  de  la  tempête  et  de  la  foudre,  mais  dans  un  éclat 
doux  et  tempéré.  »  Vie  de  N.  S.  J-C,  tome  I,  page  443.  Voyez  aussi  Histoire  de  l'Eglise,  par 
l'abbé  Darras,  tom.  IV,  page  595,  etZ.es  Lieux  saints,  par  Mgr  Mislin,  tome  III,  page  406-410. 
—  Schegg.,  Dici.  encydop.  de  la  Théolog.  cathol.,  art.  Thabor. 


elecli.  Vel  quia  qui  nunc  fidem  sanctae 
Trinitalis  iucorrnptci  meute  servaul,  lune 
œterna  ejus  visione  Itetautur. 

Remig.  Ostcnsurus  autein  Dominus 
ploriam  suaî  elaritatis  iliseipulis,  ducit 
eos  in  montom  :  uude  sequilur  :  «  l^l 
duxit  illos  in  monlem,  »  etc.  In  quo  do- 
cet  quia  necesse  est  omnibus  qui  Deuui 
conteuiplari  desiderant ,  ul  non  in  inli- 
niis  voluptalibus  jaceant.  sed  amore  su- 


pernorum  seniper  ad  cœlestiaerifianlur; 
et  ut  oslendal  discipulis  qualenus  f;lo- 
riam  divinœ  claritatis,  non  iu  hujus  se- 
culi  prol'undo  quaerant,  sed  iu  cœleslis 
l)eatilndinis  re^uo.  Ducuntur  auteni  seor- 
suni,  quia  sancii  viri  toto  animo  et  fidei 
intenlioue  separati  suut  a  malis,  fuudi- 
tusque  separabuutur  in  fuluro  :  vel 
quia  multi  vocali,  pauei  vero  electi.  » 
Sequitur  :  «  Et    traustiguratus  est,  » 


DE   SAINT   MATTHIEU,   CHAP.   XVII.  42,S 

qu'il  apparaîtra  au  jour  du  jugement.  Ne  nous  imaginons  pas,  toutefois, 
qu'il  ait  quitté  sa  première  forme  et  sa  figure  ordinaire,  et  qu'il  ait 
laissé  le  corps  véritable  dont  il  était  revêtu ,  pour  prendre  un  corps 
spirituel  ou  aérien.  L'Evangéliste  nous  apprend  la  manière  dont  s'o- 
péra cette  transfiguration  :  «  Son  visage  devint  brillant  comme  le  so- 
leil, et  ses  vêtements  blancs  comme  la  neige.  »  Puisque  l'Evangé- 
liste  nous  décrit  l'éclat  de  son  visage  et  la  blancheur  de  ses  vêtements, 
la  substance  n'en  fut  donc  pas  détruite,  l'éclat  seul  en  fut  changé. 
Sans  doute  le  Seigneur  fut  transformé  en  cette  gloire  dont  il  sera  re- 
vêtu lorsqu'il  viendra  pour  établir  son  règne  ;  mais  cette  transforma- 
tion lui  donna  un  nouvel  éclat,  sans  changer  ni  les  traits  ni  la  na- 
ture de  son  visage.  Supposons  que  son  corps  soit  devenu  un  corps 
spirituel,  est-ce  que  la  nature  de  ses  vêtements  fut  également  changée? 
Ils  devinrent  si  blancs,  dit  un  autre  Evangéliste  {Marc,  ix),  que  nul 
foulon  sur  la  terre  ne  pourrait  leur  donner  une  pareille  blancheur.  Or 
des  objets  de  ce  genre  ont  une  forme  corporelle ,  on  peut  les  toucher, 
et  ce  n'est  pas  quelque  chose  de  spirituel  et  d'aérien  qui  fait  illusion 
aux  regards  et  n'a  qu'une  apparence  fantastique.  —  Rémi.  Sile  visage 
du  Sauveur  est  devenu  brillant  comme  le  soleil ,  et  que  le  visage  des 
saints  doive  aussi  briller  un  jour  comme  cet  astre,  faut-il  en  conclure 
que  la  gloire  du  Seigneur  et  celle  des  serviteurs  auront  le  même  éclat? 
Non,  sans  doute,  mais  comme  rien  dans  la  création  n'approche  de 
l'éclat  du  soleil,  les  saintes  Ecritures,  pour  nous  donner  uue  idée  de  la 
résurrection  future,  nous  disent  que  le  visage  du  Seigneur  resplendit 
comme  le  soleil,  et  que  les  ju-tes  brilleront  eux-mêmes  un  jour  comme 
cet  astre. 

Orig.  Dans  le  sens  mystique,  celui  qui,  comme  nous  l'avons  dit. 


etc.  HiKR.  Qualis  enim  futurus  est  tem- 
pnrc  judicaudi,  talis  apostolis  apparaît. 
Nemo  autem  putet  pristiuam  eiim  for- 
mam  et  faciem  perdidisse,  vel  ainisisse 
corporis  veritatem,  et  assumpsisse  cor- 
pus spiritale  vel  aereum  :  sed  quomodo 
transfiguratus  sit  Evaugelista  dcuions- 
traus  dicit  :  «  Resplenduit  faciès  ejus 
sicut  sol,  vestimenta  autem  ejus  facta 
sunt  alba  sicut  nix.  »  Ubi  spleudor  fa- 
ciei  osteuditur.  et  caudor  describitur 
vestium,  non  substautia  tollitur,  sed  glo- 
ria  commutatur.  Certe  trausibrmatus 
est  Doiiiiaus  iu  eaiu  gloriam,  qua  veii- 
turus  est  postea  iu  repuum  suum.  Trans- 
formatio  spleudorem  addidit,  faciem 
noQ  subtraxit.  Esto  corpus  spiritale  fue- 


rit;  num  et  vestimenta  mulata  sunt? 
quœ  in  tantum  fuere  candida,  ut  alius 
Evangelista  dixerit  (  Marc.  9)  :  «  Qualia 
fullo  super  terram  non  posset  facere  :  » 
bujusmodi  autem  corporale  est  et  tactui 
subjacet;  non  spiritale  et  aereum  quod 
illudat  oculis,  et  tantum  iu  phantasmate 
aspiciatur.  Remig.  Si  autem  faciès  Do- 
mini  resplenduit  sicut  sol,  et  sancti  si- 
cut sol  fulgebunt,  nunquid  erit  œqualis 
claritas  Domini  et  servorum?  Nequa- 
quam  :  sed  quia  uihil  lucidius  iuveuitur 
sole,  idcirco  ad  manifestandum  exem- 
plum  futurfe  resurrectionis ,  et  faciès 
Domini  resplendere,  et  jusli  fulgere  di- 
cuntur  sicut  sol. 
Orig.  {ut  siij).)  Mystice  autem   cum 


426 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILK 


s'est  élevé  au-dessus  des  six  jours ,  voit  Jésus  transfiguré  devant  les 
yeux  de  son  cœur;  car  le  Verbe  de  Dieu  a  diverses  formes,  et  il  se 
découvi-e  à  chacun  de  la  manière  qu'il  sait  lui  être  la  plus  utile,  sans 
jamais  se  dévoiler  au  delà  des  dispositions  de  son  âme.  Aussi  l'Evan- 
géliste  ne  dit-il  pas  simplement  :  «  Il  fut  transfiguré,  mais  il  fut  trans- 
figuré devant  eux.  »  En  effet,  dans  l'Evangile,  Jésus  est  compris  d'une 
manière  simple  et  ordinaire  par  ceux  qui  ne  peuvent  monter  sur  la 
montagne  élevée  de  la  sagesse  par  les  saints  exercices  des  entretiens 
spirituels.  Ceux,  au  contraire ,  qui  sont  assez  heureux  pour  gravir 
cette  montagne ,  ne  le  connaissent  plus  selon  la  chair,  mais  voient  en 
lui  le  Verbe  de  Dieu.  C'est  devant  eux  que  Jésus  se  transfigure  et  non 
pas  devant  ceux  qui  vivent  ici-bas  d'une  vie  toute  terrestre.  Ceux  de- 
vant lesquels  Jésus  se  transfigure,  deviennent  les  enfants  de  Dieu  ;  il  se 
découvre  à  leurs  yeux  comme  le  soleil  de  justice,  et  ses  vêtements  de- 
viennent brillants  comme  la  lumière.  Ces  vêtements  sont  les  discours 
et  les  récits  de  l'Evangile,  dont  Jésus  est  comme  revêtu,  et  que  les 
Apôtres  nous  ont  conservés  dans  leurs  écrits.  —  La  Glose.  Ou  bien 
les  vêtements  du  Christ  figurent  les  saints  dont  Isaïe  a  dit  :  «  Ils  se- 
ront pour  vous  comme  un  habillement  d'honneur  dont  vous  serez  re- 
vêtu. »  (Chap.  XLix.)  Ils  sontcomparés  à  la  neige,  parce  qu'ils  auront 
l'éclat  pur  de  la  vertu ,  et  que  le  feu  des  passions  ne  pourra  plus  les 
atteindre. 

S.  Chrys.  {hom.  56.)  En  même  temps,  ils  virent  paraître  Moïse,»  etc. 
On  peut  donner  plusieurs  raisons  de  cette  apparition  :  premièrement, 
comme  le  peuple  disait  que  Jésus  était  Elle  ou  Jérémie,  ou  un  des 
prophètes,  il  parait  entouré  des  premiers  des  prophètes,  pour  montrer 


aliquis  transcendent  sex  dies  (secun- 
dum  quod  diximus)^  videt  transfigura- 
tum  Jesum  ante  oculos  cordis  sui  :  di- 
versas  enim  habet  Verbum  Dei  formas, 
apparens  uuicuique  sccundiim  quod  vi- 
flenti  expedire  cognoverit;  et  nemini 
supra  quod  capit,  senictipsum  ostendit  : 
unde  non  dixit  simplicitor  :  «  Transfigu- 
ratus  est,  sed,  coram  eis;  »  in  Evangeliis 
Jésus  enim  simpliciter  intelligitur  ab  eis 
qui  non  asceudunt  per  exercitationem 
verborum  spiritualium  super  excelsuin 
sapientiae  montera;  eis  autem  qui  as- 
cendant, jam  non  secundum  carnem 
cognoscitur,  sed  Deus  Verbum  intelligi- 
tur. Coram  his  ergo  transtiguratur  Jé- 
sus, et  non  coram  illis,  qui  sunt  deor- 
sum.  in  conversatione  terrena  vivnntcs. 
Hi  autem  coram  quibus  transliguratur, 


facti  sunt  filii  Dei;  et  ostenditm*  eis  sol 
esse  justitiœ;  et  vestimenta  ipsius  fiunt 
candida  sicut  lumen  ;  quse  sunt  serraones 
et  litterae  evangeliorum ,  quibus  Jésus 
estindutus,  secundum  illa  quœ  ab  apos- 
tolis  dicuutur  de  eo.  Glossa.  Yel  vesti- 
menta Christi  sanctos  signiticant.  de 
quibus  Isaias  (cap.  49)  :  «Omnibus  bis 
velut  vcstimento  vestieris;  »  et  nivi  com- 
parantur,  quia  candidi  erunt  virtutibus; 
et  omnis  vitiorum  cestus  ab  eis  remotus 
erit. 

Sequitur  :  ((  VA.  upparuerunt  illis 
Moyses,  »  ett-.  Chrys.  {ut  sup.)  Hoc  au- 
tem mullas  liabet  ratiunes  :  et  prima 
quidem  est  heec  :  quia  enim  turbae  dice- 
bant  eum  esse  Eliam  vel  Hieremiam ,  aut 
unum  ex  propbetis,  capita  prophefariun 
secum   ducit,  ut  sallcm   bine    videalur 


DE   SAINT    MATTHIEU,    CHAP.    XVII. 


i27 


la  difFérence  qui  existe  entre  le  maître  et  les  serviteurs.  Deuxièmement, 
les  Juifs  accusèrent  continuellement  Jésus  d'être  un  blasphémateur, 
un  transgrcsseur  de  la  loi,  un  usurpateur  de  la  gloire  de  son  Père; 
pour  établir  son  innocence  sur  ces  deux  points  ,  il  fait  paraître  deux 
hommes  qui  ont  brillé  surtout  par  leur  zèle  pour  la  loi ,  comme  pour 
la  gloire  de  Dieu  ;  car  c'est  Moïse  qui  donna  la  loi,  et  Elle  fut  un  des 
plus  zélés  défenseurs  de  la  gloire  de  Dieu.  Troisièmement,  il  veut  leur 
apprendre  qu'il  est  le  maître  de  la  vie  et  de  la  mort ,  et  c'est  dans  ce 
dessein  qu'il  fait  paraître  Moïse,  qui  avait  payé  le  tribut  à  la  mort,  et 
Elle,  qui  n'y  avait  pas  encore  été  soumis.  Une  quatrième  raison  que 
nous  fait  connaître  l'Evangéliste ,  c'était  pour  dévoiler  la  gloire  de  la 
croix  et  calmer  les  inquiétudes  et  les  craintes  de  Pierre  et  des  autres 
disciples  à  l'égard  de  la  passion  ;  car,  comme  le  remarque  un  autre 
Evangéliste  :  «  Ils  s'entretenaient  avec  lui  de  sa  mort  (1)  qui  devait 
s'accomplir  dans  Jérusalem  {Luc,  ix).  Il  se  montre  donc  au  milieu  de 
ceux  qui  se  sont  exposés  à  la  mort  pour  être  agréables  à  Dieu,  et  pour 
le  peuple  fidèle  ;  car  tous  deux  se  présentèrent  avec  fermeté  devant 
deux  tyrans.  Moïse  devant  Pharaon  {Exode,  v),  et  Elie  devant  Achab 
(HT  Rois,  x).  Il  les  fait  encore  paraître  dans  cette  circonstance ,  pour 
exciter  ses  disciples  à  imiter  leurs  vertus  ,  c'est-à-dire  la  douceur  de 
Moïse  et  le  zèle  d'Elie.  —  S.  Hil.  Moïse  et  Elie  sont  choisis  de  pré- 
férence parmi  tous  les  saints ,  pour  nous  montrer  le  règne  de  Jésus- 
Christ  établi  au  milieu  de  la  loi  et  des  prophètes  ;  car  il  doit  juger 
Israël,  assisté  des  mêmes  témoins  qui  ont  annoncé  sa  venue.  —  Orig. 

(1)  11  s'agit  ici  de  la  fin  de  la  vie  d'après  le  texte  grec  e^ooov,  et  non  pas  de  l'excès  de  la  dou- 
leur qu'il  devait  souffrir  au  moment  de  sa  mort.  A  plus  forte  raison  ne  peut-on  [l'entendre  avec 
quelques  interprètes  dans  le  sens  littéral  de  l'excès  de  l'amour  qui  lui  a  fait  souffrir  la  mort  pour 
nous. 


differentia  servorum  et  Domiiii.  Alla  ra- 
tio est  :  quia  enim  contiuiie  Jesum  accu- 
sabaat  Judœi ,  tanquam  transgressorem 
legis  et  blasphemum,  Patris  sibi  glo- 
riam  usurpante  ni  ;  ut  ostendatur  ab 
utraque  accusatione  innoxius,  eos  qui  in 
utroque  fulserunt,  in  médium  ducit  : 
eteuim  lAIoyses  legem  dédit,  et  Elias 
pro  gloria  Dei  œmulator  fuit.  Alia  ratio 
est,  ut  discant  quoniam  mortis  et  vi- 
tae  potestatem  habet  :  propterea  et 
Moysen  qui  morte  defecerat,  et  liliam 
qui  noudum  morteni  passus  fuerat ,  in 
médium  ducit.  Aliani  causam  et  ipse 
Evangelista  révélât,  scilicet  monstrare 
crucis  gloriam ,  et  mitigare  Potrum,  et 
alios  discipulos  passionem  timeutes  ;  lo- 
québantur  enim,  ut  alius  Evangelista  di- 


cit  {Luc.  9),  «  de  excesssu  quem  com- 
pleturus  erat  in  Hierusalem  :  »  unde  eos 
in  médium  ducit  qui  se  morti  exposue- 
runt  pro  bis  quse  Deo  placebant,  et  pro 
plèbe  credentium  :  eteuim  tyrannis  uter- 
que  se  libère  prsesentavit  ;  Moyses  qui- 
dem  Pbaraoni  (Exod.  5)  ;  Elias  autem 
Achab.  (III  Recj.  10.)  Ducit  autem  etprop- 
ter  hoc  eos  in  médium  :  volebat  enim 
quod  discipuli  illorum  privilégia  zela- 
rent,  ut  scilicet  fièrent  mausueti  sicut 
Moyses,  et  zelantes  sicut  Elias.  Hilau. 
{lit  sup.)  Quod  etiam  IMoyses  et  Elias  ex 
omni  sanctorum  numéro  assistunt,  mé- 
dius inter  legem  etprophetas  Christus  in 
regno  est  :  cum  his  euim  Israelem  (qui- 
bus  testibus  prœdicatus  est)  judicabit. 
Orig.  (ui  sup.)  Si  quis  etiam   intelligit 


428 


EXPLICATION  DE  L  EVANGILE 


Celui  qui  comprc-nrl  le  ra[»port  qui  existe  entre  l'esprit  de  la  loi  et  les 
paroles  de  Jésus,  et  qui  sait  trouver  dans  les  prophéties  la  sagesse 
cachée  du  Christ,  celui-là  voit  Moïse  et  Elle  dans  la  même  gloire  que 
Jésus.  —  S.  Jér.  Remarquons  encore  que  tandis  qu'il  refusa  de  faire 
voir  aux  scribes  et  aux  pharisiens  un  prodige  dans  le  ciel ,  il  en  fait 
éclater  un  de  cette  nature  devant  les  Apôtres ,  pour  augmenter  leur 
foi,  puisqu'il  fait  descendre  Elie  du  ciel  où  il  était  monté,  et  ressusciter 
Moïse  des  enfers.  C'est  ce  double  prodige  qu'Isaïe  conseillait  à  Acliab 
de  demander  au  plus  profond  de  l'abîme  ou  au  plus  haut  des 
deux.  (Chap.  vu). 

Orig.  Mais  que  dit  ici  Pierre,  toujours  plein  d'ardeur?  a  Or, 
Pierre,  prenant  la  parole,  dit  à  Jésus  :  Seigneur,  nous  sommes  bien 
ici ,  »  etc.  Comme  il  avait  appris  de  Jésus  lui-même  qu'il  lui  fallait 
aller  à  Jérusalem,  il  craint  encore  pour  son  Maître  ;  mais  après  le  re- 
proche qu'il  en  a  reçu ,  il  n'ose  plus  lui  dire  :  «  Gardez-vous-en  bien, 
Seigneur  ;  »  mais  il  exprime  la  même  pensée  sous  une  autre  forme.  II 
voyait  sur  la  montagne  un  grand  calme  et  une  solitude  profonde ,  et 
d'après  la  disposition  des  lieux,  il  pense  y  pouvoir  trouver  une  demeure 
convenable,  comme  il  le  dit  au  Sauveur  ;  «  Nous  sommes  bien  ici,  » 
Il  voudrait  même  y  rester  toujours ,  et  il  parle  d'y  élever  des  tentes  : 
«  Faisons ,  s'il  vous  plaît,  trois  tentes.  »  Il  espérait  que  s'il  pouvait 
s'établir  sur  la  montagne,  Jésus  n'irait  pas  à  Jérusalem,  et  qu'en  évi- 
tant d'aller  dans  cette  ville,  il  éviterait  en  même  temps  la  mort;  car 
il  savait  que  les  scribes  tramaient  sa  perte.  Il  se  confiait  encore  sur 
la  présence  d'Elie,  qui  avait  fait  descendre  le  feu  sur  la  montagne 
(IV  Rois,  i),  et  sur  celle  de  Moïse  {Exode,  xxiv,  23),  qui  était  entré 
dans  la  nuée  pour  parler  à  Dieu.  Ils  auraient  pu  ainsi  se  dérober  à 


spiritalem  legem  convenieatem  sermo- 
nibus  Jesu,  et  in  prophetis  absconditam 
Cliristi  sapieutiam ,  ille  vidit  Moysen 
et,  Eliam  in  gloria  una  cum  Jesu.  Hier. 
Cousiderauduui  est  etiaui  quod  Scribis 
et  Pliarisaeis,  de  cœlo  signa  poscentibus 
dare  uoluit  ;  hic  vero  ut  apostolorum 
augeat  fidem,  dat  signuni  de  eœlo  ;  Elia 
inde  descendente  quo  conscenderat,  et 
Moyse  ab  inferis  résurgente  :  quod  et 
Achaz  per  Isaiaiu  praecipitur  (cap.  7),  ut 
petat  sibi  signuni  de  inferno  vel  de 
excelso. 

Orig.  {ut  siq).)  Quid  autem  fervidns 
Petrus  dixerit,  subditur  :  m  Respondeus 
auteni  Petrus  dixit  ad  Jesuui  :  Bonum 
est  nos  hic  esse,  »  etc.  Quia  enina  audi- 
vil  quod  oportet  euiu  Ilierosolyniani  ire. 


adhue  timet  pro  Christo,  sed  post  incre- 
pationem  non  audet  dicere  rursus  : 
«  Propitius  esto  tibi  ;  n  sed  idem  occulte 
per  alla  signa  insinuât  :  quia  enim  vi- 
debat  uuiltam  quieteni  et  solitudinem, 
cogitavit  convenientem  ibi  stationem 
esse  ex  loci  dispositione  :  quod  signi- 
licat,  diceus  :  «  Bonum  est  nos  hic  esse.  » 
Vult  etiam  ibi  semper  esse,  ideo  taber- 
naculorum  meniinit,  dicens  :  «  Si  visfa- 
ciamus  hic  tria  tabernacula  :  »  cogitavit 
enim  quod  si  hoc  fieret,  non  ascenderet 
Hiorosolymam,  et  si  non  ascenderet 
Christus,  non  moreretur  :  ibi  enim  scie- 
l>at  scribas  insidiari  ei.  Cogitabat  etiam 
quod  Elias  aderat,  qui  in  moutem  ignem 
descendere  fecit  (IV  Reg.  1),  et  Moyses, 
qiii  intravit  uebulam.  et  Dco  loculus  est. 


DE  SAINT   MATTHIEU^   CHAP.   XVII.  429 

tous  les  regards  et  à  toutes  les  recherches  des  persécuteurs.  Rémi.  Ou 
bien,  dans  un  autre  sens,  à  la  vue  de  la  gloire  du  Seigneur  et  de  ses 
deux  fidèles  serviteurs,  Pierre  fut  tellement  ravi  de  joie,  qu'il  oublie 
toutes  les  choses  de  la  terre,  et  qu'il  voudrait  rester  toujours  dans  cet 
endroit.  Or,  si  tel  fut  l'enivrement  et  le  transport  de  cet  Apôtre,  quelle 
douceur  et  quelle  suavité  de  voir  un  jour  le  Roi  de  gloire  dans  toute 
sa  beauté  {{),  et  de  se  trouver  mêlé  aux  chœurs  des  anges  et  de  tous 
les  saints  ?  Cette  parole  de  Pierre  :  «  Seigneur,  si  vous  le  voulez,  »  est 
une  preuve  tout  à  la  fois  de  son  dévouement  et  de  son  obéissance. 

S.  Jér.  Vous  êtes  cependant  dans  l'erreur,  Pierre ,  et  comme  le  re- 
marque un  autre  Evangéliste  {Luc ,  ix)  :  «  Vous  ne  savez  ce  que 
vous  dites.  »  Ne  cherchez  pas  à  élever  trois  tentes  ,  lorsqu'il  ne  doit  y 
avoir  qu'une  seule  tente,  celle  de  l'Evangile  ,  qui  contient  le  mysté- 
rieux abrégé  de  la  loi  et  des  prophètes.  Si  cependant  vous  voulez 
trois  tentes,  n'égalez  pas  les  serviteurs  au  maître,  mais  établissez  trois 
tentes  (ou  plutôt  une  seule) ,  pour  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit. 
Que  ces  trois  personnes  qui  n'ont  qu'une  seule  et  même  divinité, 
n'aient  aussi  dans  votre  cœur  qu'une  seule  et  même  demeure.  —  Rémi. 
L'erreur  de  Pierre  fut  encore  de  vouloir  étabhr  sur  la  terre  le  royaume 
des  élus,  que  Jésus  avait  promis  d'établir  un  jour  dans  les  cieux;  il 
se  trompa  encore  en  oubliant  qu'il  était  mortel,  lui  et  les  deux  autres 
disciples_,  et  en  voulant  entrer  dans  l'éternelle  félicité  sans  avoir  passé 
par  la  mort.  —  Rab.  Il  se  trompa  enfin,  en  croyant  qu'il  fallait  des 
tentes  pour  la  vie  du  ciel,  où  il  n'est  nul  besoin  d'habitation  ,  alors 
qu'il  est  écrit  :  «  Je  n'ai  pas  vu  de  temple  dans  la  céleste  Jéru- 
salem. »  (Apoc,  XXI.) 

(1)  Allusion  à  ce  passage  où  Isaïe  (xxxiii,  17) ,  en  parlant  des  justes,  dit  :  «  Ils  verront  le  roi 
dans  sa  beauté  ou  dans  sa  gloire,  »  d'après  le  texte  grec  :  \Lfzà  Ô6|r);. 


{Exod.  24  et  33.)  Unde  occultari  poterant, 
ut  uullus  persecutorum  sciret  ubi  essent. 
Remig.  Vèl  aliter  :  visa  Domini  raajestate 
et  duorum  servorum,  Petrus  adeo  delec- 
tatus  est,  ut  cuncta  lemporalia  oblivioui 
traderet,  et  ibi  in  perpetuum  vellet  ina- 
nere  ;  si  autera  tune  Petrus  sic  accensus 
est,  quanta  erit  suavilas  et  dulcedo  vi- 
dere  Regem  in  décore  suo  ;  et  interesse 
choris  angelorum  et  omnium  sanctorum? 
in  eo  sane  quod  ait  Petrus  :  «  Domine, 
si  vis,  »  devotioneni  subditi  et  obedieu- 
lis  servi  osleudit. 

Hier.  Erras  tamen,  Petre;  et  sicutalius 
Evangelista  testatur  {Luc.  9),  nescis  quid 
dicas:  noli  tria  tabernaculaquaerere,  cum 
UDum  sit  tabernaculum  Evangelii,  in  que 


lex  et  prophetae  recapitulanda  sunl;  si 
autem  quseris  tria  labernacula,  nequa- 
quam  serves  cum  Domino  conféras  ;  sed 
fac  tria  tabernacula  (imo  unum)  Patri, 
et  Filio,  et  Spiritui  Sancto  ;  ut  quorum 
est  una  Divinitas,  unum  sit  et  in  pectore 
tuo  tabernaculum.  Remig.  Erravit  etiam 
quia  voluit  ut  regnum  electorum  consti- 
tueretur  iu  terra,  quod  Dominus  promi- 
serat  dare  in  cœlis.  Erravit  etiam  quia 
oblitus  est  se  et  socios  suos  esse  mor- 
tales,  et  absque  gustu  mortis  voluit  su- 
bire  aeternam  felicitateni.  Raba.  Et  ineo 
quod  cœlesti  (;onversationi  tabernacula 
facieuda  putavit,  in  qua  domus  necessa- 
ria  non  erat,  cum  scriptum  sit  [Apocal. 
21)  :  «  Templum  non  vidi  in  ea.» 


430 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


^.  5-9.  —  Lorsqu'il  parlait  encore,  une  nuée  lumineuse  les  couvrit;  et  il  sortit 
une  voix  de  cette  nuée,  qui  fit  entendre  ces  paroles  :  Celui-ci  est  mon  Fils 
bien-aimé,  dans  lequel  j'ai  mis  toute  mon  affection  :  écoutez-le.  Les  disciples, 
les  ayant  entendues,  tomberait  le  visage  contre  terre  et  furent  saisis  d'une 
grande  crainte.  Mais  Jésus,  s' approchant,  les  toucha  et  leur  dit  :  Levez-vous 
et  ne  craignez  point.  Alors,  levant  les  yeux,  ils  ne  virent  plus  que  Jésus  seul. 
Lorsqu'ils  descendaient  de  la  montagne,  Jésus  leur  fit  ce  commandement  et 
leur  dit  :  Ne  parlez  à  personne  de  ce  que  vous  avez  vu ,  jusqu'à  ce  que  le  Fils 
de  l'homme  soit  ressuscité  d'entre  les  morts. 

S.  JÉR.  Ceux  qui  désiraient  une  tente  matérielle  faite  avec  des 
branches  ou  des  tentures,  sont  enveloppés  et  couverts  d'un  nuage 
brillant.  «  Lorsqu'il  parlait  encore ,  une  nuée  lumineuse  les  cou- 
vrit, »  etc.  —  S.  Chrys.  {hom.  56.)  Quand  le  Seigneur  menace,  il  fait 
apparaitr(^  une  nuée  ténébreuse  ,  comme  sur  le  mont  Sinaï  ;  mais  ici 
il  fait  briller  une  nuée  lumineuse,  parce  qu'il  veut,  non  pas  épouvan- 
ter, mais  instruire.  —  Orig.  Cette  nuée  (]ui  couvre  et  protège  les 
saints,  c'est  la  vertu  du  Père ,  ou  bien  l'Esprit  saint  ;  je  dirai  même 
que  notre  Sauveur  est  la  nuée  lumineuse  qui  couvre  l'Evangile,  la  loi 
et  les  prophètes,  comme  le  comprennent  bien  ceux  qui  peuvent  y  con- 
templer sa  lumière.  —  S.  Jér.  La  demande  de  Pierre  était  impru- 
dente :  aussi  le  Seigneur  ne  lui  fait  pas  de  réponse,  mais  c'est  le  Père 
lui-même  qui  répond  pour  le  Fils,  afin  d'accomplir  cette  parole  du 
Seigneur  :  «  Celui  qui  m'a  envoyé  ,  c'est  lui-même  qui  me  rend  té- 
moignage. »  {Jea?î,  VIII.) 

S.  Chrys.  {ho)n.  56.)  Ce  n'est  ni  Moïse  ni  Elie  qui  prennent  la  pa- 
role, mais  c'est  le  Père,  qui  est  au-dessus  d'eux  tous,  qui  fait  entendre 
sa  voix  du  sein  de  la  nuée ,  afin  que  les  disciples  ne  puissent  douter 


Adhuc  eo  loquente,  ecce  nubes  lueida  obumbravit 
eos.  Et  ecce  vox  de  nube,  dicens  :  Hic  est  Filius 
meus  dilectus,  in  quo  mihi  hene  complacui ;  ip- 
sum  audite.  Et  audicntes  discipuli,  ceciderunt 
in  faciem  suam,  et  timuerunt  val  de.  Et  acces- 
sit Jésus,  et  tetigit  eos,  diadique  eis  :  Surgite, 
nolite  timere.  Levantes  autem  oculos  suos,  ne- 
minem  viderunt,  nisi  solum  Jesum.  Et  descen- 
dentibus  illis  de  monte  prœcepit  illis  Jésus,  di- 
cens :  Nemini  dixeritis  visionem,  donec  Filiiis 
hominis  a  mortuis  resiirgat. 

Hier.  Qui  carnale  ex  froudibus  aut 
tentoriis  qiuerebant  tabernaculiuu,  uubis 
lucidiu  operiuntur  uiubraculo  :  unde  di- 
citur  :  ;<  Adhuc  eo  loquente^  ecce  nubes 
luc-ida,  ))  etc.  Chrys.  {nt  sup.)  Cum  Do- 
luiiius  coimuiualur,  nubeiii  tenebrosam 
ostendit,  sicul  iu  Sina.  {Exod.  19.)  Hic 
auteuij  quia  \mii  lerrero  volebal,  sed  do- 


cere,  nubes  apparuit  lueida.  Orig.  (ut 
sup.)  Lueida  autem  nube  obumbrans 
sanctos,  est  virlus  paterna,  vel  forte 
Spiritus  Sanctus  :  dicam  etiam  Salvato- 
rem  nostrum  esse  lucidam  nubem  qua? 
obumbrat  Evangelium,  et  legeui,  etpro- 
phetas;  sicut  intelligunt,  qui  possunt 
aspicere  lumen  ipsius  in  praemissis .  H  i  er  . 
Quia  vero  imprudenter  interrogaverat 
Petrus,  propterea  Domini  responsionem 
non  merelur  ;  sed  Pater  respoudet  pro 
Filio,  ut  verbum  Domini  compleretur 
(Joan.  8)  :  «  Qui  me  misit,  ipse  de  me 
teslimonium  perliibet.  » 

Chrys.  (iit  sup.)  Neque  autem  Moyses 
loquitur,  neque  Elias  ;  sed  Pater  omni- 
bus major  vocem  emitlit  ex  nube,  ul 
discipuli  credaul  quod  a   Deo  liajc  vox 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XVII. 


-431 


que  cette  voix  vient  de  Dieu,  car  Dieu  apparaît  ordinairement  dans 
une  nuée,  comme  il  est  écrit  dans  le  livre  des  Psaumes  {Ps.  xcvii)  : 
«  Une  nuée  est  autour  de  lui,  et  l'obscurité  l'environne,  »  c'est  ce  que 
nous  voyons  ici  :  «  Et  une  voix  vint  de  la  nuée,  »  etc." —  S.  Jér.  Le 
Père  fait  entendre  sa  voix  du  haut  du  ciel,  pour  rendre  témoignage  à 
son  Fils,  pour  dissiper  l'erreur  de  Pierre,  et  lui  enseigner  la  vérité, 
ainsi  qu'aux  autres  Apôtres  par  son  intermédiaire  ;  c'est  pour  cela 
qu'il  dit  :  «  Celui-ci  est  mon  Fils  bien-aimé.  »  C'est  pour  lui  qu'il  faut 
dresser  une  tente,  c'est  ù  lui  qu'il  faut  obéir ,  'c'est  lui  qui  est  le  Fils, 
les  autres  ne  sont  «jue  les  serviteurs  ;  ils  doivent,  à  votre  exemple,  pré- 
parer au  Seigneur  une  tente  dans  le  secret  de  leur  cœur.  —  S.  Chrys. 
(hom.  56.)  Soyez  donc  sans  crainte,  Pierre  :  si  Dieu  est  puissant,  il  est 
évident  que  son  Fils  a  une  puissance  égale  à  la  sienne  ;  s'il  en  est 
aimé,  n'ayez  aucune  crainte;  personne  ne  trahit  et  n'abandonne  celui 
qu'il  aime.  Or_,  vous  ne  l'aimez  pas  autant  que  l'aime  son  Père  ;  car 
il  n'aime  pas  seulement  son  Fils  parce  qu'il  l'a  engendré,  mais  parce 
qu'il  n'a  qu'une  seule  et  même  volonté  avec  lui.  «  Dans  lequel  j'ai 
mis  toute  mon  affection.  »  C'est-à-dire  dans  lequel  je  repose  et  que 
j'ai  pour  agréable,  parce  qu'il  remplit  avec  zèle  toutes  les  volontés  de 
son  Père.  Sa  volonté  est  la  même  que  celle  de  son  Père  ;  si  donc  il  veut 
souffrir  la  mort  de  la  croix,  ne  vous  y  opposez  pas. —  S.  HiL.Lavoix  qui 
sort  de  la  nuée  proclame  non-seulement  qu'il  est  le  Fils,  qu'il  est  le 
bien-aimé,  celui  eu  qui  le  Père  met  sou  affection  ,  mais  encore  celui 
qu'il  faut  écouter,  afin  qu'il  fût  regardé  comme  le  Maître  de  tels  doc- 
teurs, lui  qui,  après  sa  mort;,  devait  confirmer  par  un  exemple  écla- 
tant la  gloire  du  royaume  céleste.  —  Rémi.  Il  dit  donc  :  «  Ecoutez-le,  » 
c'est-à-dire  en  d'autres  termes  :  Que  les  ombres  de  la  loi  disparaissent, 


erat  :  seinper  enim  apparere  solet  Deus 
iu  nube,  sicut  scriptum  est  (Psal.  17)  : 
«  Nubes  et  caligo  in  circuitu  ejus  :  »  et 
hoc  est  quod  dicitur  :  «  Et  ecce  vox  de 
nube.  »  Hier.  Vox  quidern  Patris  de  cœlo 
loquentis  auditur,  quœ  testimonium  per- 
hibeat  Filio,  et  Petrum  errorc  sublato 
doceat  veritatein  ;  imo  per  Petrum  cœ- 
teros  apostolos  :  uude  subdit,  dicens  : 
«  Hic  est  Filius  meus  dilectus.  »  Huic 
est  faciendum  taberuaculum,  huic  ob- 
temperaudum  :  hic  est  FiUus,  illi  servi 
suut  ;  debeii-t  et  ipsi  vobiscum  iu  peue- 
tralibus  cordis  sui  Domiuo  tabernaculum 
prteparare.  Chrys.  ((/^  «wp.)  Ne  igitur  ti- 
ineas,  Petre  :  si  enim  poteus  est  Deus^ 
manifestum  ([uia  et  Filius  similiter  po- 
teus est  ;  si  autem  diligitur,  ne  timeas  : 
nuUus  enim  euui  quem  diligit  prodit  ; 


nec  tu  œqualiter  eum  diligis  genitori  : 
ueque  autera  solum  diligit  eum  quia  ge- 
nuit,  sed  et  quia  unius  est  voluntalis 
eum  ipso.  Sequitur  enim  :  «  In  quo 
uiihi  bene  complacui  ;  »  ac  si  diceret  : 
«  In  quo  requiesco,  quem  accepte;  » 
quia  omnia  quse  sunt  Patris  cura  dili- 
gentia  exsequitur,  et  estvoluntas  una  ip- 
sius  et  Patris  :  quare  etsi  crucifigi  vult, 
non  contradicas.  Hilar.  Hune  esse  /i- 
lium,  hune  dilectum,  hune  complaci- 
tum,  sed  et  hune  oudiendinn ,  vox  de 
nube  significat  dicens  :  «  Ipsum  audite,  » 
ut  scilieet  idoneus  ipse  prœceptorum  ta- 
lium  auctor  esset,  qui  post  obitum  cor- 
poris,  regni  cœlestis  gloriam,  facti  con- 
lirmasset  exemple.  Remic.  Dicit  ergo, 
«  ipsum  audite,  »  ac  si  aUis  verbis  dice- 
retur  :  Recédant  umbrae  légales,  et  typi 


432 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


ainsi  que  les  figures  des  prophètes  ,  et  ne  suivez  plus  que  la  lumière 
brillante  del'Evaugile.  — Ou  bien  encore,  ces  paroles  :  «  Ecoutez-le,  » 
signifient  qu'il  est  celui  que  Moïse  avait  prédit  en  ces  termes  :  «  Dieu 
vous  suscitera  un  prophète  du  milieu  de  vos  frères  :  vous  l'écouterez 
comme  moi.  »  [Deut.  xviii.)  C'est  ainsi  que  le  Seigneur  se  procure 
des  témoins  de  tous  côtés,  la  voix  du  Père  du  haut  du  ciel ,  Elle  qui 
vient  du  paradis ,  Moïse  sortant  des  limbes ,  les  Apôtres  choisis  parmi 
les  hommes  :  «  Afin  qu'au  nom  de  Jésus,  tout  genou  fléchisse,  sur  la 
terre ,  dans  le  ciel  et  dans  les  enfers.  »  {Philip.,  ii.)  —  Orig.  La  voix 
qui  sort  de  la  nuée  s'adressait  à  Moïse  et  à  Elie  qui  désiraient  voir  et 
entendre  le  Fils  de  Dieu ,  ou  bien  aux  Apôtres  pour  les  instruire. 

La  Glose.  Remarquons  le  rapport  admirable  qui  existe  entre  le 
mystère  de  cette  seconde  régénération,  qui  doit  avoir  lieu  à  la  résur- 
rection, lorsque  notre  corps  ressuscitera,  et  le  mystère  de  la  première 
qui  a  lieu  dans  le  baptême,  où  l'âme  renaît  à  une  vie  nouvelle.  Dans 
le  baptême  de  Jésus-Christ,  nous  voyons  concourir  les  trois  personnes 
de  la  Trinité  :  le  Fils  s'y  montre  revêtu  d'une  chair  comme  la  nôtre, 
l'Esprit  saint  y  apparaît  sous  la  forme  d'une  colombe ,  et  le  Père  s'y 
déclare  dans  la  voix  qui  se  fait  entendre.  De  même  dans  la  transfigu- 
ration, qui  est  un  symbole  mystérieux  de  la  seconde  régénérati(jn,  toute 
la  Trinité  apparaît ,  le  Père  dans  la  voix ,  le  Fils  sous  la  forme  de 
l'homme,  l'Esprit  saint  dans  la  nuée.  On  se  demande  pourquoi  l'Esprit 
saint  apparut  d'un  côté  dans  une  nuée ,  et  de  l'autre  sous  la  forme 
d'une  colombe  ;  la  raison  eu  est  que  l'Esprit  saint  manifeste  ses  dons 
sous  des  formes  sensibles  ;  c'est  ainsi  que  dans  le  baptême  il  donne 
l'innocence  figurée  par  l'oiseau,  symbole  de  la  simplicité  ,  dans  la  ré- 
surrection, il  nous  donnera  l'éclat  et  le  rafraîchissement;  le  rafraîchis- 


prophelarum,  et  solum  coruscum  lumen 
Evangelii  dequamini  :  sive  ideoait:  «  Ip- 
sum audite  ;  »  ut  illum  esse  ostenderet, 
quem  Moyses  praedixerat,  dicens  {Dexit. 
18)  :  «  Proplietam  suscitabit  vobis  Deus 
de  fratribus  vestris;  tauquam  me,  au- 
dietis  ipsum.  »  Sic  eigo  Domiaus  uadi- 
que  habuit  testes,  ex  cœlo  vocem  Pa- 
tris,  ex  paradiso  Eliam,  ex  inferis 
Moyseu,  ex  hominibus  apostolos  :  «  ut 
in  nomine  Jesu.  omue  genu  llectatur, 
cœlestium,  terreslrium  et  inferuorum.  » 
{Philip.  2.)  Orig.  {ut  sup.)  Vox  autem 
de  nube  aul  ad  Moysen  et  Eliam  lo- 
quitur,  qui  desiderabant  videre  Filium 
Dei  et  audire  eum,  aut  discipulos  do- 
cebat. 

(Jlossa.  Notandum  autem  quud  beue 
couvenit  myslerium  secundœ  regonora- 


tionis  (quœ  scilicet  erit  in  resurrectiuue, 
ubi  caro  resuscitabitur)  cum  mysterio 
primae,  quae  est  in  baptismate,  ubi  anima 
resuscitatur  :  in  baptismate  enim  Christ! 
operatio  totius  Triuitatis  ostensa  est  : 
fuit  enim  ibi  Filius  incarnatus  ;  appa- 
ruit  in  columbaî  specie  Spiritus  Sanctus  ; 
et  Pater  fuit  ibi  in  voce  declaratus.  Et 
similiter  in  transtiguratione  (quae  est  sa- 
cramentum  secundae  regeneratiouis)  tota 
Trinitas  apparuit  :  Pater  in  voce,  Filius 
in  homine,  Spiritus  Sanctus  in  nube. 
Quœritur  autem  quare  Spiritus  Sanctus 
ibi  in  columba,  hic  in  nube  declaratus 
est  :  dona  siquidem  sua  per  species  de- 
clarare  solet  :  inuocentiam  autem  in 
baptismate  donat;  quee  per  avem  sim- 
plicitatis  designatur  :  daturus  est  aulem 
claritalem   et  refrigerium  iu    resurrec- 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XVII.  433 

sèment,  figuré  par  la  nuée;  l'éclat  des  corps  ressuscites,  figuré  par  ce 
nuage  de  lumière. 

«  Et  ses  disciples,  entendant  ces  paroles_,  tombèrent  le  visage  contre 
terre,  et  furent  saisis  de  crainte.  »  —  S.  Jér.  Ils  sont  saisis  d'effroi 
pour  trois  raisons  :  ou  bien  parce  (ju'ils  ont  reconnu  leur  erreur,  ou 
bien  parce  que  cette  nuée  lumineuse  les  avait  enveloppés,  ou  bien  enfin 
parce  qu'ils  avaient  entendu  la  voix  de  Dieu  le  Père  ;  car  la  fragilité 
humaine  ne  peut  supporter  la  vue  d'une  gloire  bien  au-dessus  d'elle  ; 
l'épouvante  s'empare  de  tout  son  être  ,  et  elle  tombe  la  face  contre 
terre  ;  en  eff'et  plus  l'homme  veut  étendre  et  agrandir  ses  recherches, 
plus  il  fait  de  lourdes  chutes,  quand  il  méconnaît  ses  forces.  —  Rémi. 
Les  saints  Apôtres  tombent  la  face  contre  terre  (1),  circonstance  qui 
est  une  preuve  de  leur  sainteté  ;  car  dans  les  saintes  Ecritures,  nous 
voyons  les  saints  tomber  le  visage  contre  terre  ,  taudis  que  les  impies 
sont  renversés  en  arrière.  —  S.  Chrys.  {hom.  56.)  Mais  comment  se 
fait-il  que  les  disciples  tombent  ainsi  sur  la  montagne ,  alors  qu'au 
baptême  de  Jésus-Christ ,  quand  une  voix  semblable  se  fit  entendre, 
personne,  dans  la  multitude  qui  était  présente,  n'éprouva  cette  impres- 
sion extraordinaire  de  crainte  ?  C'est  que  la  solitude,  l'élévation  de  la 
montagne,  le  silence  profond  qui  s'étendait  au  loin,  la  transfiguration 
elle-même,  si  propre  à  saisir  l'imagination,  et  cette  lumière  si  pure,  et 
cette  nuée  lumineuse ,  toutes  ces  circonstances  réunies  impression- 
naient vivement  les  disciples. 

S.  JÉR.  Comme  ils  étaient  étendus  à  terre  et  ne  pouvaient  se  relever, 

(1)  C'est  ce  que  nous  lisons  d'Abraham  {Gènes.,  xvir,  3  et  17);  de  Moïse  {Nombr,,  xvi,  4); 
d'Aaron  (xvi,  22)  ;  de  Tobie,  de  Sara  et  de  leurs  fils  [Tob.,  xii,  16).  Cependant  cette  manière  de 
tomber  n'est  pas  exclusivement  particulière  aux  justes.  Quant  aux  impies  qui  sont  renversés  en 
arrière,  on  peut  voir  Gènes.,  xlix,  17  ;  Isaïe,  .xxviii,  13  ;  Jean,  xviii,  26.  On  le  remarque  aussi  de 
quelques  autres,  et  en  particulier  d'Héli,  à  qui  on  ne  pouvait  reprocher  qu'une  trop  grande  in- 
dulgence pour  ses  tils  coupables. 


tione  ;  ideo  in  nube  refrigerium,  in  fui- 
gore  nubis  claritas  resurgentium  cor- 
porum  designatur. 

Sequitur  :  «  Et  audientes  discipuli  ce- 
ciderunt  in  facieni  suam,  et  timuerunt.  » 
Hier.  Triplicem  autem  ob  causam  pa- 
vore  terrentur  :  vel  quia  se  errasse  co- 
gnoverant;  vel  quia  nubes  lucida  ope- 
ruerat  eos;  aut  quia  Dei  Patris  vocem 
loquentis  audierant.  Humana  enim  fra- 
gilitas  conspectum  majoris  glorite  ferre 
non  sustinet,  ac  toto  animo  et  corpore 
contremiscens  ad  terram  cadit  :  quanto 
enim  quis  ampliora  quaesierit.  tanto  ma- 
gis  ad  inferiora  coUabitur,  si  ignorave- 

TOM.    II. 


rit  mensuram  suam.  Remig.  In  eo  vero 
quod  sancti  apostoli  in  faciem  cecide- 
runt,  fuit  indicium  sanctitatis  :  quia 
sancti  in  faciem  cadere  dicuntur,  impii 
vero  retrorsum.  Chrys.  {ut  siip.)  Sed 
cum  aute  in  Christi  baptismo,  quando  talis 
etiam  vox  de  cœlo  delata  est,  nullus  ex 
turba  qufe  aderat  taie  aliquid  passus  est, 
quomodo  discipuli  in  monte  ceciderunt? 
Quia  scilicet  solitudo,  altitudo  et  silen- 
tium  erat  multum,  et  transtiguratio  stu- 
pore  plena ,  et  lumen  purum ,  et  nubes 
extensa;  ex  quibus  omnibus  stupor  in 
eis  congregabatur. 
Hier.  Quia  vero  illi  jacebant  et  surgere 


434 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 


il  s'approcha  avec  bonté  et  les  toucha,  pour  dissiper  ainsi  leur  crainte, 

et  fortifier  leurs  membres  affaiblis  :  «  Mais  Jésus  s'étant  approché,  les 
toucha.  »  Il  les  avait  guéris  en  les  touchant,  il  complète  leur  guérison 
par  cette  parole  de  commandement  :  «  Levez-vous,  et  ne  craignez 
point.  »  Il  chasse  d'abord  la  crainte,  afin  de  pouvoir  ensuite  les  ins- 
truire. «Alors,  levant  les  yeux,  ils  ne  virentplus  que  Jésus  seul.  »  Effet 
d'une  conduite  pleine  de  sagesse  ;  car  si  Moïse  etElie  étaient  restés  avec 
le  Seigneur,  on  n'aurait  pas  su  d'une  manière  certaine  à  qui  la  voix 
du  Père  rendait  témoignage.  Ils  voient  Jésus  debout,  alors  que  la  nuée 
est  dissipée,  et  que  Moïse  et  Elle  ont  disparu  ;  car  après  que  l'ombre 
de  la  loi  et  des  prophètes  s'est  retirée ,  on  les  retrouve  tous  deux  dans 
l'Evangile.  —  Suite.  «  Et  lorsqu'ils  descendaient  de  la  montagne, 
Jésus  leur  fît  ce  commandement  et  leur  dit  :  Vous  ne  direz  à  per- 
sonne ce  que  vous  avez  vu.  »  Il  ne  veut  pas  que  cet  événemeut  soit 
prêché  au  peuple,  dans  la  crainte  que  la  grandeur  même  du  prodige 
ne  le  rendît  incroyable  ,  et  que  la  croix  qui  devait  suivre  la  manifes- 
tation d'une  si  grande  gloire  ne  fût  un  scandale  pour  les  esprits  gros- 
siers. —  Remi.  Ou  bien  encore,  si  ce  mystère  de  sa  gloire  avait  été 
publié  parmi  le  peuple,  il  se  serait  opposé  à  l'économie  de  sa  passion, 
et  la  rédemption  du  genre  humain  aurait  pu  être  ainsi  retardée.  — 
S.  HiL.  Il  leur  ordonne  encore  de  garder  le  silence  sur  les  choses  qui 
viennent  de  s'accomplir,  il  veut  qu'ils  soient  remplis  de  l'Esprit  saint 
avant  de  rendre  témoignage  aux  faits  spirituels  qui  se  sont  passés 
sous  leurs  yeux. 

%  10-13.  —  Ses  disciples  V interrogèrent  alors  et  lui  dirent  :  Pourquoi  donc 
les  scribes  disent-ils  qu'il  faut  qu'Elie  vienne  auparavant?  Mais  Jésus  leur 


non  poterant,  ipse  clenienter  accedit,  et 
tangit  eos^  ut  tactu  fuget  timurem,  et  de- 
bilitata  membra  soUdentur  :  et  hoc  est 
quod  dicitur  :  «  Et  accessit  Jésus,  et  te- 
tigit  eos.  »  »  Quos  autem  manu  sanave- 
rat,  etiam  sanavit  iniperio  :  unde  sequi- 
lur  :  «  Dixitque  eis  :  Surgite,  et  nolite 
timere.  »  Primum  tinior  expellitur,  ut 
postea  dûctrina  trihuatur.  Sequitur  : 
<(  Levantes  aulciu  uculos  suos,  neniinera 
viderunt  nisi  Jesum  :  »  quod  ratiouabi- 
liter  factuui  est,  ne  si  Moysos  et  Elias 
persévérassent  cuni  Domino.  Palris  vox 
videretur  incerta,  oui  potissinnun  daret 
testimonium.  Vident  etiam  Jesum  stan- 
tem  ablala  nubc,  et  Moysen  et  Eliam 
evanuisse;  quia  postquam  legis  et  pro- 
phelarnm  umbra  discesserat,  utrumque 
in  Evangelio  reperitur.  Se((uitur  :  <(  El 


descendentibus  illis  de  monte,  praecepit 
eis  Jésus,  dicens  :  Nemini  dixeritis  visio- 
neni,  »  etc.  Non  vult  ergo  in  populos 
praîdicari,  ne  incredibile  esset  pro  rei 
magnitudine,  et  post  tantam  gloriam 
apud  rudes  animos  sequens  crux  scan- 
dalum  faceret.  Remig.  Sive  quia  si  ma- 
jestas  illius  divulgaretur  in  populo,  po- 
puli  inipedirent  dispensationem  passio- 
nis  ejus,  resistendo  principibus  sacerdo- 
tum;  et  sic  redeniptio  humani  generis 
retardaretur.  Hilar.  {ut  siip.)  Silentium 
etiam  rerum  gestai'um  quas  viderant 
imperat,  ut  cum  essent  Spiritu  sancto 
repleti,  tune  gestorum  spiritualiuni  tes- 
tes essent. 

Et  iiiterrogaverunt  eum  discipuli  ejus  dicentet  : 
(Jiiiil  prijii  scrihfF  dietnit  quod  Etiam  opnrieat 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.   XVII.  435 

répondit  :  Il  est  vrai  qu'Elie  doit  venir  et  qu'il  rétablira  toutes  choses.  Mais 
je  vous  déclare  qu'Elie  est  déjà  venu ,  et  ils  tie  l'ont  point  connu  ;  mais  ils 
l'ont  traité  comme  il  leur  a  plu.  C'est  ainsi  qu'ils  feront  souffrir  le  Fils  de 
l'homme.  Alors  ses  disciples  comprirent  que  c'était  de  Jean-Baptiste  qu'il  leur 
avait  parlé. 

S.  Jér.  Suivant  une  tradition  des  pharisiens,  fondée  sur  un  passage 
du  prophète  Malachie  (chap.  iv,  5),  la  venue  d'Ehe  doit  précéder  l'a- 
vénement  du  Sauveur  (1)  pour  ramener  le  cœur  des  pères  à  leurs  en- 
fants^ et  le  cœur  des  enfants  à  leurs  pères ,  et  pour  tout  rétablir  dans 
le  premier  état.  Les  disciples  pensèrent  donc  que  cette  transformation 
glorieuse  était  celle  dont  ils  venaient  d'être  témoins  sur  la  montagne  ; 
comme  nous  le  voyons  par  la  question  qu'ils  lui  adressent  :  «  Les 
disciples  l'interrogèrent  alors  et  lui  dirent  :  Pourquoi  donc  les  scribes 
disent-ils  qu'il  faut  qu'Elie  vienne  auparavant?  »  C'est-à-dire  :  Vous 
êtes  d(''jà  venu  dans  votre  gloire,  pourquoi  votre  précurseur  ne  pa- 
rait-il point?  Et  ce  qui  les  porte  à  parler  ainsi,  c'est  la  disparition 
d'Ehe. 

S.  Chrys.  [hom.  57.)  Ce  n'est  point  d'après  les  Ecritures  que  les 
disciples  savaient  qu'Elie  devait  venir,  mais  parce  que  les  scribes  le 
leur  avaient  appris,  et  cette  opinion  sur  Elle  et  sur  le  Christ  était  ré- 
pandue dans  la  classe  ignorante  du  peuple.  Or,  les  scribes  n'expli- 
quaient point  d'une  manière  conforme  à  la  vérité  l'avènement  du 
Christ  et  d'Elie.  En  effet ,  les  saintes  Ecritures  annoncent  deux  avè- 
nements du  Christ,  celui  qui  a  déjà  eu  lieu  et  celui  qui  doit  s'accom- 
plir plus  tard.  Mais  les  scribes  ,  pour  tromper  le  peuple  ,  ne  lui  par- 
laient que  d'un  seul  avènement ,  et  lui  disaient  que  si  Jésus  était  le 

(1)  Le  passage  du  prophète  Malachie  parait  regarder  surtout  le  dernier  avènement  :  o  Je  vous 
enverrai  le  prophète  Elle,  avant  que  soit  venu  le  grand,  l'épouvantable  jour  du  Seigneur.  » 


primo  venire ?  Atille respondens  ait  eis :  Elias 
quidem  venturus  fst,  et  restituet  omnia.  Dico 
ttutem  vohisquia  Elias  jam  venit,  et  non  cogno- 
verunt  eunt,  sed  fecerunt  in  eo  quœcunque  vo- 
luerunt.  Sic  et  Filius  hominis  passurus  est  ab 
eis.  Tune  intellexerunt  discipuli  quia  de  Joanne 
Baptista  dixisset  eis. 

Hier.  Traditio  pharisteorum  est  juxta 
Malachiam  proplietam  {cap.  4.)  quod 
Elias  veuiat  aute  Salvatoris  adventum. 
et  reducat  cor  patrum  ad  filios,  et  filio- 
rum  ad  patres,  et  restituât  omuia  in  an- 
tiquum  statuni.  estimant  ergo  discipuli 
transformationem  gloriœ  banc  esse, 
quam  in  monte  videiaul  :  et  ideo  dici- 
tur  :  «  Et  interrogaverunt  eum  dicen- 
tes  :    Quid    ergo    scribtje   dicuut    cjuod 


Eliam  oportet  venire,  »  etc.  Ac  si  dice- 
rent  :  Si  jam  venisti  in  gloriam,  quo- 
modo  praîcursor  tuu»  non  apparet?  ma- 
xime autem  hoc  dicunt,  quia  Eliam 
viderant  recessisse. 

CuRYS.  (in  hom.  38,  in  Motth.)  Non 
autem  adventum  EliiE  discipuli  Je  Scrip- 
turis  sciebant,  sed  scribae  eis  manifesta- 
bant;  et  ferebatur  hic  sermo  in  plèbe 
indocta,  sicut  et  de  Cbristo.  Non  autem, 
ut  oportebat,  adveutus  Christi  et  Eliœ  a 
scribis  interprctabatur;  Scripturae  euim 
duos  dant  Christi  adveutus  :  eum  scili  ■ 
cet  qui  factus  est,  et  eum  qui  futurus 
est  :  sed  scribae  plebem  evertentes ,  se- 
cundum  adventum  solum  commemora- 
bant  plebi,  et  dicebaut  quoniam  si  hic 


436 


EXPLICATION   DE   LEVANGILE 


Christ  promis,  il  devait  être  précédé  par  Elie.  Le  Sauveur  donne  ici  à 

ses  disciples  la  solution  de  cette  difficulté  :  «  Mais  Jésus  leur  répon- 
dit :  Il  est  vrai  qu'Elie  doit  venir  et  rétablir  toutes  choses.  Or,  je  vous 
déclare  qu'Elie  est  déjà  venu,  »  etc.  Ne  croyez  pas  que  Notre-Seigneur 
commette  une  erreur  en  disant  d'une  part  qu'Elie  doit  venir ,  et  de 
l'autre  qu'il  est  déjà  venu.  En  efTet,  lorsqu'il  prédit  qu'Elie  doit  venir 
et  rétablir  toutes  choses ,  il  parle  d'Elie  lui-même  en  personne.  Elie 
rétablira  toutes  choses  en  guérissant  l'infidélité  des  Juifs  qui  existe- 
ront alors,  c'est-à-dire,  suivant  l'Ecriture,  en  réunissant  les  cœurs  des 
pères  avec  leurs  enfants,  ce  qui  doit  s'entendre  du  cœur  des  Juifs  avec 
les  Apôtres.  —  S.  Aug.  {Quest.  évang.^  i,  21.)  Ou  bien,  il  rétablira 
toutes  choses,  c'est-à-dire  ceux  que  la  persécution  de  l'Antéchrist  aura 
ébraulés  ;  ou  bien,  il  rétablira  toutes  choses,  c'est-à-dire  il  acquittera 
sa  dette  en  mourant.  —  S.  Ciirys.  {hom.  57.)  Si  la  présence  d'Elie 
doit  produire  de  si  grands  biens,  pourquoi  Dieu  ne  l'a-t-il  pas  envoyé 
alors  ?  Nous  répondons  que  les  Juifs  ont  pris  le  Christ  pour  Elie  et 
qu'ils  n'ont  pas  cru  en  lui.  Mais  alors  ils  croiront  en  lui,  car  lorsqu'après 
une  si  longue  attente ,  il  viendra  leur  annoncer  Jésus ,  ils  seront  plus 
disposés  à  recevoir  sa  parole.  Mais  lorsque  le  Sauveur  dit  qu'Elie  est 
déjà  venu,  il  donne  le  nom  d'Elie  à  Jean-Baptiste  à  cause  du  ministère 
qui  lui  était  confié  ;  car  de  même  qu'Elie  sera  le  précurseur  du  second 
avènement,  Jean-Baptiste  a  été  le  précurseur  du  premier.  Il  appelle 
Jean-Baptiste  Elie,  pour  montrer  le  rapport  de  son  premier  avènement 
avec  l'Ancien  Testament  et  avec  les  prophéties. 

S.  Jér.  Celui  donc  qui  doit  venir  en  personne  lors  du  second  avè- 
nement du  Sauveur  est  déjà  venu  en  esprit  et  en  vertu  dans  la  per- 


est  Ghristus,  uportebat  Eliam  praevenire. 
Est  igitur  solutio  quam  Ghristus  inducit. 
Sequitur  :  «  At  ille  respoudens  ait  : 
Elias  quidem  venlurus  est  et  restituet 
omnia  :  dico  autein  vobis  quia  jam  ve- 
nit,  »  etc.  Ne  auteni  uistimes  euui  iu  ser- 
mone  errasse,  si  quaudoque  dicit  Eliam 
venturuui;  et  quandoque  venisse  :  cum 
enim  dicit  quod  Elias  vouturus  est,  et 
restaurabit  omuia ,  de  ipso  Elia  in  pro- 
pria persoua  luquitur;  qui  quideui  res- 
taurabit omnia,  dum  corriget  intidelita- 
tem  .ludœorum,  qui  tuuc  inveuientur, 
quod  est  couvertere  corda  palrum  ad  li- 
lios,  id  est,  .luda-orum  ad  apostolos.  Aug. 
{de  Qiiœst.  Evantj.  lib.  i,  cap.  21.)  Vel 
restituet  oimiicu  id  est,  eos  quos  Anti- 
christi  persecutiu  perturbaveril,  vel  ut 
ipse    restitiKil    moriondo,    qucP   débet. 


Chrys.  {ut  sup.)  Si  autem  lot  bona  erunt 
ex  Elise  praeseutia,  quare  tune  non  euni 
misit?  Dicamus  quia  et  tune  Christum 
Deslimantes  Eliam,  non  crediderunt  ei. 
Tune  autem  Elise  credent,  quia  cum 
post  lantam  expectationem  venerit  an- 
nuutians  Jesum,  facilius  suscipient  quae 
ab  eodcm  diceutur.  Cum  vero  dicit  quod 
«  Elias  jam  veuit,  »  .loannem  Eliam 
vûcat,  propter  miuisterii  modum  ;  sicut 
enim  Elias  secundi  adventns  praecursor 
erit,  ita  Joannes  prsecursor  factus  est 
primi  :  propter  hoc  autem  Joaunem 
Eliam  nominal,  ut  osteudat  primum 
suum  adventum  Veteri  Testamento  et 
prophetiœ  convenire. 

Hier.  Ipse  ergo  qui  venturus  est  inse- 
cnndo  Salvatoris  adventu  jnxta  corporis 
lidem,  nunc  per  Joaunem  veuit  in  vir- 


DE  SAINT   MATTHIEU,    flHAP,    XVII. 


i37 


sonne  de  Jean-Baptiste.  «  Et  ils  ne  l'ont  pas  connu,  »  etc.  C'est-à-dire 
qu'ils  l'ont  méprisé  et^mis  à  mort.  —  S.  Hil.  Ainsi,  celui  qui  était  le 
précurseur  de  l'avènement  du  Sauveur  le  fut  aussi  de  sa  passion,  dans 
les  outrages  et  les  persécutions  qu'il  endura,  ce  que  Notre -Seigneur 
indique  par  les  paroles  suivantes  :  «  C'est  ainsi  qu'ils  feront  souflVir 
le  Fils  de  l'homme.  »  —  S.  Chrys.  {hom.  57.)  Le  Sauveur  choisit  l'oc- 
casion favorable  pour  leur  parler  de  sa  passion,  en  leur  faisant  trouver 
une  puissante  consolation  dans  le  rapprochement  qu'il  en  fait  avec 
celle  de  Jean-Baptiste.  —  S.  Jér.  Comment  peut-on  dire  qu'Hérode  et 
Hérodias  qui  ont  fait  décapiter  Jean-Baptiste,  ont  aussi  crucifié  Jésus- 
Christ,  alors  que  nous  lisons  dans  l'Evangile  que  ce  furent  les  scribes 
et  les  pharisiens  qui  le  mirent  à  mort  ?  Nous  répondrons  en  peu  de 
mots  que  la  faction  des  pharisiens  fut  complice  de  la  mort  de  Jean,  et 
qu'Hérode  joignit  sa  volonté  à  celle  des  Juifs  qui  crucifièrent  le  Sau- 
veur en  le  renvoyant  à  Pilate  pour  qu'il  fût  crucifié  ,  après  s'en  être 
moqué  et  l'avoir  couvert  de  son  mépris  (1). 

Rab.  En  rapprochant  la  pensée  de  la  passion  du  Seigneur,  qu'il  leur 
avait  souvent  prédite ,  de  la  mort  du  précurseur,  qui  était  un  fait  ac- 
compli, les  disciples  comprirent  que  c'était  de  Jean-Baptiste  qu'il  leur 
avait  parlé  sous  le  nom  d'Elie.  «  Alors  les  disciples  comprirent,  »  etc. 
—  Orig.  Quant  à  ce  que  Notre-Seigneur  dit  de  Jean  :  «  Elle  est  déjà 
venu,  »  etc.,  il  ne  faut  pas  l'entendre  de  l'àme  d'Elie,  pour  ne  pas 
tomber  dans  la  croyance  à  la  métempsycose,  qui  est  contraire  à  la  doc- 
trine de  l'Eglise,  mais  comme  l'ange  l'a  expliqué  à  Zacharie ,  c'est-à- 
dire  qu'il  est  venu  dans  l'esprit  et  la  vertu  d'Elie. 

(1)  On  ne  voit  pas  expressément  dans  saint  Luc,  où  il  est  question  d'Hérode  (chap.  xxv),  qu'il 
ait  renvoyé  Jésus  à  Pilate  pour  qu'il  fût  crucifié  ;  nous  voyons  au  contraire  que  Pilate  conclut  de 
ce  renvoi  qu'Hérode  n'a  trouvé  en  lui  aucune  cause  de  mort,  mais  on  peut  déduire  cependant  cette 
conséquence  de  l'ensemble  des  procédés  d'Hérode  à  l'égard  de  Jésus. 


hute  et  spiritu.  Sequitur  :  «  Et  non  co- 
gnoverunt  eum,  »  etc.,  hoc  est  spreve- 
runt  et  decollaveruut  eum.  Hilar.  Ut 
Domini  adventum  praenuutians ,  pas- 
sionem  quoque  praecurreret,  et  injuriœ 
et  vexationis  exemplo  :  unde  sequitur  : 
«  Sic  et  Filius  hominis  passurus  est  ab 
eis.  »  Chrys.  {utsup.)  Inquo  opportune 
suam  passionem  commémorât,  ex  pas- 
sione  Joanuis  multam  eis  preebens  con- 
solationem.  Hier.  Quaeritnrergo  eum  He- 
rodes  et  Hérodias  Joauneminterfecerint, 
quomodo  ipsi  quoque  Jesum  crucifixisse 
dicantur,  eum  legauuis  eum  a  scrihis  et 
pharisaeis  interfectum  :  et  breviter  res- 
poudendum,  quod  in  J oannis  necem  pha- 
risa&orum  factio  consenserit  ;  et  in  occi- 


slone  Domini  Herodes  junxerit  voiunta- 
tem  suam;  qui  iilusum  atque  despectum 
remisit  ad  Pilatum,  ut  eum  crucifigeret. 
Raba.  Ex  indicio  autem  passionis  suae 
(quam  Dominus  ei  sœpius  praedLxit),  et 
praecursoris  sui  (quam  jam  completam 
cernebant)  discipuli  cognoscebant  Joau- 
nem  sibi  in  Eliae  vocabulo  demonstra- 
tum  esse  :  unde  sequitur  :  «  Tune  intel- 
lexerunt  discipuli,  »  etc.  Orig.  [ut  sup.) 
Quod  autem  dixit  propter  Joannem, 
«  Elias  jam  venit,  »  non  anima  Eliae  est 
intelligenda ,  ne  incidamus  in  dogma 
transcorporationis,  quod  alienum  est  ab 
ecclesiastica  veritate  ;  sed  sicut  Angélus 
praedixit  {Luc.  1)  :  «  Venit  in  spiritu  et 
virtute  Eliae.  » 


138 


EXPLICATION  I»F   L  EVANGILE 


t.  14-17.  —  Lorsqu'il  fut  venu  vers  le  peuple,  un  homme  s'approcha  de  lui,  qui 
se  jeta  à  genoux,  à  ses  pieds,  et  lui  dit  :  Seigneur ,  ayez  pitié  de  mon  fils  qui 
est  lunatique  et  qui  souffre  beaucoup,  car  il  tombe  souvent  dans  le  feu  et  sou- 
vent dans  l'eau.  Je  l'ai  présenté  à  vos  disciples,  mais  ils  ne  l'ont  pu  guérir.  Et 
Jésus  répondit  en  disant  :  0  race  incrédule  et  dépravée  !  jusqu'à  quand  serai-je 
avec  vous?  jusqu'à  quand  vous  souffrirai-je?  Amenez-moi  ici  cet  enfant.  Et 
Jésus,  ayant  menacé  le  démon,  il  sortit  de  l'enfant,  qui  fut  guéri  au  même 
instant. 

Orig.  Pierre,  qui  désirait  cette  vie  glorieuse  qui  venait  de  lui  être 
révélée,  et  préférait  ses  intérêts  aux  intérêts  du  grand  nombre,  disait  : 
a  Nous  sommes  bien  ici.  »  Mais  la  charité  ne  cherche  pas  ses  intérêts 
personnels  (I  Co?inth.,  xiu);  aussi  Jésus  n'accéda  point  au  désir  de 
son  disciple,  il  descendit  vers  le  peuple  comme  de  la  montagne  élevée 
de  sa  divinité,  afin  de  secourir  ceux  qui  ne  pouvaient  monter  jusqu'à 
lui,  par  suite  des  infirmités  de  leur  âme.  C'est  ce  que'signifient  ces  pa- 
roles :  «  Et  lorsqu'il  fut  venu  vers  le  peuple.  »  Car  s'il  n'était  pas 
venu  le  premier  vers  ce  peuple  avec  les  disciples  qu'il  avait  choisis, 
il  n'eût  pas  vu  s'approcher  de  lui  cet  homme  dont  il  est  dit  :  a  Un 
homme  s'approcha  de  lui,  et  se  jetant  à  ses  pieds,  il  lui  dit  :  Seigneur, 
ayez  pitié  de  mon  fils.  »  Remarquons  ici  que  tantôt  ce  sont  les  ma- 
lades eux-mêmes  dont  la  foi  sollicite  la  guérison;  tantôt  ce  sont 
d'autres  personnes  qui  la  demandent  pour  eux  ,  comme  cet  homme 
prosterné  aux  genoux  de  Jésus  le  prie  pour  son  fils  ;  tantôt ,  enfin, 
le  Sauveur  guérit  de  lui-même  sans  eu  avoir  été  prié.  Or,  examinons 
d'abord  ce  que  signifient  ces  paroles  :  «  Il  est  lunatique,  et  il  souffre 
beaucoup  (1*).  »  Les  médecins  interprètent  cette  maladie  à  leur  ma- 

(1*)  Cet  homme  était  atteint  d'épilepsie.  En  effet,  les  caractères  principaux  de  cette  maladie  se 


Et  cum  venisset  ad  turbam,  accessit  ad  eum  homo 
genibus  provolulus  ante  eum,  dicens  :  Domine, 
miserere  filio  meo,  quia  lunalicus  est,  et  maie 
patitur  :  nam  sœpe  cadit  in  ignem,  et  crebro 
in  aquam  ;  et  obtuli  etim  discipulis  tuis,  et  non 
potuerunt  curare  eum.  Respondens  autem  Jé- 
sus, ait  :  O  generalio  incrcdula  et  perversa, 
quousque  ero  vobiscum? usquequo  patiar  vos? 
Afffrte  hue  illum  ad  me.  Et  increpauit  illum 
Jésus,  et  exiit  ab  eo  dœmonium  ;  et  curatus  est 
puer  ex  illa  hora. 

Orig.  [Tract.  W.  m/ 5«/).)  Concupiscens 
Petrus  spectabilem  illam  vitani  et  prœ- 
ponons  utililateni  siiaiii  uUlitatibu?  plu- 
rimoriini,  dicebal  :  «  Bouum  est  nos  hic 
esse  :  »  #ed  quoniam  charilas  non  ipuerit 
qiue  sua  snut  (I  Cor.  13),  hoo  quoil  vi- 
debatnr  honum  Peiro,  uon  fecit  .Itsus  ; 
sed  (juasi  de  moule  excelso  Divinitalis 


descendit  ad  turbam,  ut  qui  uon  pote- 
rant  ascendere  sursum  propter  infirmi- 
tatem  animarum  suarum,  illis  proficiat  : 
unde  dicitur  :  «  Et  cum  venisset  ad 
turbam  ;  »  nisi  enim  cum  discipulis  suis 
electis  venisset  ad  turbam  ,  non  acces- 
sisset  ad  eum  ille  de  quo  subditur  : 
«  Accessit  ad  eum  homo  genibus  provo- 
iutus  ante  eum,  dicens  :  Domine,  mise- 
rere filio  meo.  »  Ubi  considerandum  est 
quod  quandiique  qui  patiuntur,  creduul 
et  deprecantur  pro  sua  salute  ;  quando- 
que  autem  pro  eis  alii  faciunt,  sicut  nuuc 
qui  prenibus  volvitur,  pro  filio  rogat  ; 
quaudoque  vero  a  semelipso  Saivator 
etiam  a  uuUo  rogaius,  sauat.  Primo  au- 
tem quipramus  quid  est  quod  sequitur  : 
«  Onia  lunaticus  est,  et  maie  patitur.  » 


DE  SAINT   MATTPrTF.U,    CHAP.    XVII.  i39 

uière,  ils  ne  veulent  point  y  voir  l'action  de  l'esprit  impur,  maisl'efifet 
d'une  douleur  matérielle  ;  ils  prétendent  que  les  humeurs  sont  mises 
en  mouvement  dans  la  tête  d'après  certain  rapport  d'influence  exercé 
par  la  lune.  Pour  nous,  qui  croyons  à  l'Evangile,  nous  disons  que 
c'est  l'esprit  impur  qui  est  l'auteur  de  cette  maladie  dans  les  hommes, 
îl  observe  certaines  phases  de  la  lune ,  et  il  agit  de  manière  à  faire 
adopter  aux  hommes  cette  erreur  que  leurs  maladies  sont  la  suite  des 
influences  lunaires ,  et  à  leur  faire  conclure  que  les  créatures  de  Dieu 
sont  mauvaises.  C'est  ainsi  que  d'autres  démons  observent  d'autres 
signes  dans  les  étoiles  pour  tendre  des  pièges  aux  hommes,  et  profé- 
rer contre  le  ciel  des  paroles  d'iniquité  ,  c'est-à-dire  qu'il  existe  des 
étoiles  malfaisantes,  et  d'autres  douées  de  qualités  contraires,  quand 
il  est  vrai  de  dire  que  Dieu  n'a  créé  aucune  étoile  qui  puisse  faire  du 
mal  aux  hommes. 

«Car souvent  il  tombe  dans  le  feu,  »  etc.  —  S.  Chrys.  {hom.  57.) 
Remarquons  que  si  cet  homme  n'avait  pas  été  protégé  par  la  Provi- 
dence, il  fût  mort  depuis  longtemps  ;  car  le  démon  qui  le  précipitait 
dans  le  feu  et  dans  l'eau  l'aurait  fait  périr ,  si  Dieu  n'eût  mis  frein  à 
sa  fureur.  —  S.  Jér.  «  Je  l'ai  présenté  à  vos  disciples,  et  ils  n'ont  pu 
le  guérir.  »  Il  accuse  indirectement  les  Apôtres ,  bien  que  cependant 
le  défaut  de  guérison  ne  vienne  pas  toujours  de  l'impuissance  de  ceux 
qui  essaient  de  guérir ,  mais  du  peu  de  foi  de  ceux  qui  veulent  être 
guéris. —  S.  Chrys.  [hom.  57.)  Voyez  ,  d'ailleurs,  comme  cet  homme 

retrouvent  dans  la  description  qu'a  faite  le  père  de  l'état  de  son  enfant.  L'épilepsie  se  manifeste 
d'ordinaire  au  changement  de  la  lune  et  c'est  la  raison  pour  laquelle  le  père  dit  qu'il  était  luna- 
tique. Quoi  qu'il  en  soit,  cette  affection  du  système  nerveux,  cette  épilepsie  était  chez  ce  jeune 
homme  produite  par  le  démon,  comme  nous  le  voyons  par  la  question  que  les  apôtres  font  à 
Notre-Seigneur  :   «  Pourquoi  n'avons-nous  pu,  nous  autres,  chasser  ce  démon?  n 


Medici  ergo  Iqquuntur  quse  volunt  ;  quia 
nec  immundum  spirilum  arbitranlur,  sed 
corporalem  aliquam  passiouem,  et  dicunt 
huraida  moveri  in  capite  secundum  ^i- 
quam  compassiouem  ad  lumen  lunare, 
quod  humidam  habet  naluram  ;  nos  au- 
tem,  qui  Evanctelio  credimus,  dicimus 
hanc  passionem  immundum  spiritum  in 
horainibus  operari.  Observât  enim  quifi- 
dam  scbemata  lunœ,  et  sic  operatur,  ut 
ab  observatione  lunae  pati  homines  men- 
tiatur,  et  per  hoc  culpabilem  Dei  crea- 
turam  ostendat  :  sic  et  alii  daemones  se- 
cundum aliqua  stellarum  schemata  in- 
sidiantur  hominibus,  ut  iniquitatem  qui- 
dam in  excelso  loquantur  [Psal.  72), 
quasdcim  stellas  dicentes  maleficas,  quas- 


dam  beneficas  :  cum  nuUa  steila  a  Deo 
sit  facta  ut  maie  faciat. 

lu  hoc  autem  quod  subditur  :  «  Nam 
sœpe  cadit  in  ignem,  »  etc.  Chrys.  {ttt 
sup.)  Considerandum  est  quod  nisi  pro- 
videntia  hic  liomo  esset  munitus,  dudum 
periisset  :  dœmon  enim  qui  ipsum  in 
ignem  et  in  aquam  mittebat,  interfecis- 
sel  eum  omuino.  nisi  Deus  eum  refrae- 
nasset.  Hier.  Quod  autem  dicit  :  «  Et 
obtuli  eum  discipulis  tuis,  et  non  po- 
tuerunl  eum  curare,  »  latenter  accusât 
apostolos;  cum  impossibihtas  curandi 
interdum,  non  ad  irabecillitatem  curan- 
tium,  sed  ad  eorum  qui  curandi  sunt  fi- 
dem  referatur.  Chrys.  {ut  sup.)  Inspice 
autem  et  aliunde  ejus  insipientiam  ;  qua- 


4iO 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


est  imprudent;  c'est  en  présence  de  la  foule  qu'il  cherche  à  indisposer 
Jésus  contre  ses  disciples;  mais  Jésus  les  justifie  aussitôt  en  rejetant 
sur  lui  seul  le  défaut  de  guérison.  Nous  avons ,  en  efi'et ,  plusieurs 
preuves  de  son  peu  de  foi.  Cependant  le  Sauveur  ,  pour  ne  pas  le  dé- 
courager, ne  fait  pas  tomber  sur  lui  seul  ses  reproches,  mais  sur  tous 
les  Juifs  ;  car  il  est  probable  que  plusieurs  d'entre  eux  avaient  mau- 
vaise opinion  de  ses  disciples.  Or,  Jésus  répondit:  «  Jusquesà  quand 
serai-je  avec  vous?  »  etc.,  paroles  qui  nous  montrent  le  désir  qu'il 
avait  de  sortir  de  la  vie  et  de  souffrir  la  mort. 

Rémi.  Il  faut  se  rappeler  que  ce  n'est  pas  seulement  de  ce  jour,  mais 
de  longtemps  auparavant ,  que  le  Seigneur  avait  à  souffrir  de  la  mé- 
chanceté des  Juifs;  c'est  pour  cela  qu'il  dit:  «Jusquesà  quand  serai-je 
avec  vous  ?  »  C'est-à-dire  j'ai  souffert  depuis  trop  longtemps  de  vos 
injustices,  et  vous  êtes  indignes  de  ma  présence.  —  OniG.  Ou  bien, 
ses  disciples  n'ayant  pu  guérir  cet  homme  par  suite  de  leur  peu  de  foi, 
c'est  à  eux  qu'il  adresse  ce  reproche  :  a  0  génération  incrédule  !  »  Il 
ajoute  :  «  Et  dépravée ,  »  pour  nous  apprendre  que  le  mal  a  pour 
cause  sur  la  terre  la  perversité  des  hommes,  et  non  leur  nature,  et 
c'est,  je  pense ,  cette  perversité  de  tout  le  genre  humain  qui  le  fait  s'é- 
crier comme  accablé  sous  le  poids  de  tant  de  malice  :  «  Jusques  à  quand 
serai-je  avec  vous?  »  —  S.  Jér.  N'allons  pas  croire  que  le  Sauveur  se 
soit  laissé  abattre  par  l'ennui,  et  que  lui,  si  doux  et  si  pacifique,  ait 
éclaté  en  paroles  de  colère  ;  non  ,  il  agit  ici  comme  un  médecin  qui, 
voyant  un  malade  aller  contre  ses  ordonnances,  dirait  :  Jusques  à  quand 
viendrai-je  ici?  jusques  à  quand  perdrai-je  mes  soins  et  mes  peines, 
puisque  vous  faites  le  contraire  de  ce  que  je  vous  ordonne  ?  Une  preuve 


liter  coram  turba  interpellai  Jesum  ad- 
versus  discipulos  :  sed  ipse  eos  libérât 
ab  accusatioue,  defectum  curationis  im- 
piitaus  illi.  Ex  multis  enim  monstratur 
eum  in/inniitii  m  fide  fuisse  :  non  ta- 
men  tautuni  in  ejus  persouam  invehitur, 
ne  ipsuni  contnrbaret,  sed  in  omnes  Ju- 
dœos  :  probabilo  est  enim  nmllos  prœ- 
seutiunide  discipulis  inconvenientia  co- 
gitasse :  et  ideo  sequitur  :  «  Respondens 
autem  Jésus  dixit  :  Quousqae,  »  etc. 
Per  lioc  autem  quod  dicit  :  «  Quousque 
ero  vobiscum,  »  oslendit  desideratam  ah 
eo  esse  mortem,  ot  coucupisciljilem  re- 
cessum. 

Remig.  Siiendum  (luoque  quin  Domi- 
nas, non  tanlum  tune  ra-peral  pati  im- 
probitatem  .luda'orum,sed  alongoprius 
tempore  :  et  ideo  hic  dicit  :  «  Usquequo 
patiar  vos?  »  Ac  si  dicat  :  «  Quia  longo 


tempore  cœpi  pati  vestras  improbitales, 
ideo  indigni  estis  mea  prsesentia.  »  OniG. 
{ut  svp.)  Vol  quoniam  non  potuerant 
eum  sanare  discipuli,  quasi  adhuc  mo- 
dicse  tîdei  constituti,  propterea  dixit  : 
«  0  generatio  inoredula  !  »  Et  quod  ait, 
pcrversa,  ostendit  quoniam  ex  perver- 
sitate  malitia  est  introducta  extra  natu- 
ram  :  puto  autem  quod  propter  perver- 
silatem  totins  humani  generis  quasi  gra- 
vatus  malitia  eorum,  dixit  :  «  Usquequo 
ero  vobiscum?  »  Hier.  Non  autem  cre- 
doudum  est  quod  ttedio  superatus  sit,  et 
mansuetus  ac  mitis  in  verba  furoris  eru- 
perit  :  sed  quod  in  similitudinem  medici 
si  t-egrotum  videat  contra  sua  prœcepta 
se  gerere,  dicat  :  Usquequo  accedani  in 
domum  tuam  ?  usquequo  artis  perdam 
industriam,  me  aliud  jubente,  et  le  aliud 
perpétrante?  Quod  autem  non  sit  iratus 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XVII.  441 

qu'il  n'est  pas  irrité  contre  cet  homme,  mais  seulement  contre  sa 
mauvaise  disposition,  et  que  dans  sa  personne  il  veut  reprendre  l'in- 
crédulité de  tous  les  Juifs,  c'est  qu'il  ajoute  :  «  Amenez-moi  ici  cet  en- 
fant. »  —  S.  Chrys.  {hom.  57.)  Après  avoir  excusé  ses  disciples ,  il 
inspire  au  père  de  cet  enfant  l'espérance  douce  et  certaine  de  la  gué- 
rison  de  sou  fils  ,  et  pour  amener  le  père  à  croire  à  ce  miracle,  il  me- 
nace le  démon  qu'il  voit  s'agiter  et  trembler  au  seul  son  de  sa  voix. 
«  Et  Jésus  le  menaça,  »  non  pas  celui  qui  soufirait,  mais  le  démon, — 
Rémi.  Il  laisse  en  cela  un  exemple  aux  prédicateurs,  c'est  de  reprendre 
et  de  poursuivre  les  vices,  mais  de  soulager  les  hommes.  —  S.  Jér. 
Ou  bien  il  réprimande  cet  enfant ,  parce  que  ses  péchés  étaient  cause 
qu'il  était  tourmenté  par  le  démon. 

«  Et  le  démon  sortit  de  lui.  »  —  Rab.  Car  aucune  infirmité  ne  ré- 
siste à  l'action  du  Tout-Puissant  qui  donne  la  guérison. 

S.  Jér.  Pour  moi,  je  crois  que  dans  le  sens  figuré  le  lunatique  est 
celui  qui,  par  moment,  retourne  au  vice,  et  qui  tantôt  se  précipite 
dans  le  feu,  parce  que  le  cœur  des  adultères  est  comme  une  fournaise 
embrasée  (1);  tantôt  se  jette  dans  les  eaux  des  voluptés  et  des  désirs 
charnels  qui  ne  peuvent  éteindre  la  charité.  —  S.  Aug.  [Quest. 
évang.,  i,  22.)  Ou  bien,  le  feu  signifie  la  colère,  parce  qu'il  tend  à 
s'élever  en  haut;  et  l'eau  les  voluptés  de  la  chair.  —  Orig.  L'Esprit 
saint,  parlant  de  l'inconstance  du  pécheur,  dit  :  «  L'insensé  est  chan- 
geant comme  la  lune.  »  {Ecdésiast.,  xxvii.)  On  voit,  en  effet,  ces 
hommes  se  livrer  avec  une  espèce  d'impétuosité  à  la  pratique  des 

n)  u  Tous  les  adultères  sont  comme  le  four  où  ou  a  mis  le  feu.  »  (Osée,  vu,  4).  «  Ils  lui  ont 
exposé  leur  cœur  comme  un  four,  »  (vu,  6,)  ce  que  les  Septante  ont  traduit  ainsi  :  a  Leurs  cœurs 
ont  été  allumés  comme  un  four,  o 


homini,  sed  vitio,  ac  per  unum  homi- 
nem  Judœos  arguât  infidelitatis,  patet  ex 
hoc  quod  infert  :  «  Afferte  hue  ilhim  ad 
me.  »  Chuvs.  {xit  sup.)  Postquam  enim 
discipulos  excusaverat,  ducit  patrem 
pueri  ad  spem  benignam  credendi  quod 
ab  lioc  uialo  eripietur  ;  et  ut  iuducatur 
pater  ad  fideni  futuri  miraculi,  videns 
dsemonem  turuultunj  pati  ex  hoc  solum 
quod  vocabatur,  increpavit  eum  :  unde 
sequitur  :  «  Et  iucrepavit  eum  Jésus  :  » 
non  ille  qui  patiebatur,  sed  da;mon  in- 
crepatur.  Remig.  In  quo  facto  reliquit 
exemphim  pi\Tdicatoribus.  ut  vitia  per- 
sequantur  ,  homines  vero  sublevent. 
Hier.  Sive  increpavit  puerum,  quiaprop- 
ter  peccata  sua  a  daemone  fuerat  op- 
pressus. 


Sequitur:  «Et  exiit  ab  eo  daemouium.  » 
Rab.  Quia  nuUa  remauet  ihi  infirniitas, 
ubi  omnipotens  salutem  prasstat. 

Hier.  Mihi  autem  videtur  juxta  tro- 
pologiam  lunaticus  esse,  qui  per  hora- 
runi  momenta  mutatur  ad  vitia;  et  nunc 
quidem  in  i^^uem  fertur,  quod  adulte- 
rantium  corda  succensa  sunt;  nunc  in 
aquas,  scilicet  vokiplatum,  vel  cupidi- 
tatum,  quœ  non  valent  extinguere  cha- 
ritatem.  Aug.  (de  Qu.tsf.  Evong.  lib.  i, 
cap.  22.)  Vel  ignis  ad  irani  pertinet,  eo 
quod  alta  petat  ;  aqua  vero  ad  volup- 
tates  carnis.  Orig.  [ut  snp.)  De  incons- 
tantia  autem  peccatoris  dicitur  (Ecdé- 
siast. 27)  :  «  Stultus  ut  luna  mutatur.  » 
Et  est  videre  in  tahbus  impetus  quos- 
dain  quasi  operum  bonorum  subrepere  ; 


442  EXPLICATION   DE   l/ftVANGILE 

bonnes  œuvres,  et  puis  soudain ,  comme  emportés  par  un  mauvais 
esprit,  devenir  les  esclaves  de  leurs  passions,  et  déchoir  du  haut  de- 
gré de  vertu  où  on  les  croyait  inébranlables.  Peut-être  est-ce  l'ange  à 
qui  Dieu  a  confié  la  garde  de  ce  lunatique ,  qui  est  appelé  ici  son 
père,  et  c'est  lui  qui  prie  le  médecin  des  âmes  comme  pour  son  fils,  et 
lui  demande  de  délivrer  celui  que  n'a  pu  guérir  la  parole  impuissante 
des  disciples  du  Christ,  parole  qu'il  n'a  point  voulu  entendre,  comme 
s'il  était  atteint  de  surdit<;  ;  il  faut  la  parolu  du  Christ  pour  qu'il  agisse 
désormais  suivant  les  inspirations  de  la  raison. 

y,  18-20.  —  Alors  les  disciples  vinrent  trouver  Jésus  en  particulier  et  lui  dirent  : 
Pourquoi  n' avons-nous  pu,  nous  autres,  cfuisser  ce  démon?  Jésus  leur  répon- 
dit :  A  cause  de  votre  incrédulité.  Car  je  vous  le  dis  en  vérité,  si  vou-i  aviez 
de  la  foi  comme  un  grain  de  sénevé ,  vous  diriez  à  cette  montagne  :  Trans- 
porte-toi d'ici  là,  et  elle  s'y  transporterait;  et  rien  ne  vous  serait  impos- 
sible. Mais  cette  sorte  de  démons  ne  se  cho.sse  que  par  la  prière  et  par  le 
■jeîme. 

S.  CiiRYS.  {hom.  o7.)  Les  Apôtres  avaient  reçu  le  pouvoir  de  chasser 
les  esprits  immondes  ,  et  comme  cependant  ils  n'avaient  pu  délivrer 
le  démoniaque  qui  leur  avait  été  présenté ,  on  peut  supposer  qu'ils 
doutaient  s'ils  avaient  encore  le  pouvoir  qui  leur  avait  été  donné.  C'est 
ce  que  i'Evangéliste  nous  exprime  en  disant  :  «  Alors  les  disciples 
vinrent  trouver  Jésus,  »  etc.  Ils  l'interrogent  en  particulier,  non  par 
un  sentiment  de  crainte  ou  de  Vionte,  mais  parce  qu'ils  avaient  à  lui 
demander  rexplicatiou  d'une  chose  extraordinaire  et  mystérieuse. 

a  .Jésus  leur  répondit  :  A  cause  de  votre  incréduUté.  » —  S.  Hil.  Les 
Apôtres  avaient  la  foi,  sans  doute  ;  mais  elle  était  loin  d'être  parfaite  ; 


aliquando  autem  quasi  qoadam  abrep-  1  monlihuic  :  Transi  kinc  Uluc,  ut  tramibù ;  et 
tiorie  spiriliis  a  passionibus  comprehen-  nihil  impossibile  erii  vobi».  Hor.  autem  yenus 
.lunliir,  (ït  cariant  a  stalu  horio,  in  quo  i  """  'J^^"'''  ""'  P'^  orationem  etjejunium. 
starc  putabariliir.  ForsiUiri  nnio  ari^^elus  j  Crhys.  {nt  sup.)  Ai;ceperant  discipulia 
qui  sortitus  est  hujus  bjriatici  ciiBlodiarii,  I  Domiuo  potestalem  spiriluurn  iminun- 
pater  bnjii-H  appellatur,  dfîprccaris  quasi  !  dorum,  et  quia  oblatuin  dieinoniacum 
pro  filio  medicurn  aniinarum,  ut  iiberet  \  curare  non  potuerant,  videtur  quod  in 
eurn  qui  non  potest  .«anari  a  passioiHi  per  I  dubitationem  deveuerint,  ne  forte  gra- 
vf;rbum  buniiie  discipuioruui  Ciiristi  ;  |  tiam  quai  erat  eis  tradita,  perdidissenl  : 
quia  non  recepit  eoruni  adruonitioneni,  i  et  ideo  dicit  :  «Tune  accesserunt,  »  eU.-. 
veluti  surdus  :  et  ideoopus  est  ei  Christi  Interrogant  quidcm  singulariler ,  non 
sermo,  ut  jani  de  cîctero  sine  ratione  j  propter  verecundiam,  sed  quia  de  inef- 
non  agat.  {  fabili  et  magna  re  erant  eum  inlerroga- 

turi. 


Tune  accesserunt  discipuli  ad  Jesum  secreto,  et 
dixerunl  :  Quare  nos  non  potuimus  ejicere  il- 
lum  ?  Dixit  mis  Ji-mn  :  Propter  ineredulita- 
Ipm  veslram  :  nmen  r/uippe  dieo  "obis  :  Si  hn- 
hueritis  fidnm  sicut  f/ranum   f inapis ,   dicetis 


Sequitur  :  «  Dixit  illis  Jésus  :  Propter 
incredulitatem  veslram.  »  Hilar.  [ut 
Slip.)  Crediderant  quiiiem  apostoli  ;  iion- 
dum  tamen  erant  perfeclœ  fidei  :  nam 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XVII.  443 

car  pendant  le  séjour  du  Seigneur  sur  la  montagne  ,  elle  s'était  bien 
affaiblie  au  contact  de  la  foule,  au  milieu  de  laquelle  ils  étaient  restés. 
—  S.  Ghrys.  {hom.  57.)  Il  est  donc  évident,  d'après  ces  paroles,  que 
quelques-uns  des  disciples,  mais  non  pas  tous,  avaient  faibli  dans  la 
foi;  car  ceux  qui  étaient  comme  les  colonnes  (I),  c'est-à-dire  Pierre, 
Jacques  et  Jean,  n'étaient  pas  alors  avec  eux.  —  S.  Jér.  C'est  cette 
vérité  que  le  Seigneur  leur  rappelle  dans  un  autre  endroit  {Jean,  xv)  : 
«  Tout  ce  que  vous  demanderez  en  mon  nom  ,  vous  le  recevrez  ,  si 
vous  avez  la  foi.  »  Donc  toutes  les  fois  que  nous  ne  recevons  pas ,  ce 
n'est  pas  l'impuissance  de  celui  <jui  accorde ,  mais  la  faute  de  ceux 
qui  demandent  qui  en  est  cause. 

S.  Chrys.  {hom.  57.)  Il  faut  cependant  se  rappeler  que  souvent  la 
foi  de  celui  qui  prie  suffît  pour  obtenir  le  miracle  qu'il  demande  ,  que 
bien  des  fois  aussi  la  puissance  de  celui  qui  opère  le  miracle  suffit 
également,  lors  même  que  ceux  qui  demandent  ce  miracle  n'ont  pas 
la  foi.  Car  si  d'un  côte  ceux  qui  vinrent  trouver  Pierre  en  faveur  du 
centurion  Corneille  attirèrent  sur  lui  la  grâce  de  l'Esprit  saint  par 
la  foi  personnelle;  d'un  autre  côté  ,  le  mort  qui  fut  jeté  dans  le  tom- 
beau d'Elisée  ressuscita  par  la  vertu  seule  du  corps  du  saint  pro- 
phète. (IV  Rois,  xui.)  Or_,  il  arriva  que  les  disciples  faiblirent  ici  dans  la 
foi,  parce  que  leurs  dispositions  étaient  imparfaites  avant  la  passion 
du  Sauveur.  C'est  pour  cela  qu'il  donne  ici  la  foi  comme  la  cause  des 
miracles  :  «  Je  vous  le  dis  en  vérité,  si  vous  aviez  de  la  foi,  »  etc.  — 
S.  JÉR.  Il  en  est  qui  pensent  que  la  foi  qui  est  ici  comparée  au  grain  de 
sénevé ,  est  petite  et  faible  ;  mais  qu'ils  écoutent  le  grand  Apôtre 
s'écriant  :  «  Quand  j'aurais  une  foi  si  grande,  que  je  pourrais  trans- 

(1)  C'est  ainsi  que  les  appelle  l'apôtre  saint  Paul  :  u  Jacques,  Céphas  et  Jean,  qui  paraissaient 
être  les  colonnes.  i>  {Galat.,  n,  9.) 


Domino  in  monte  demorante,  el  ipsis 
cum  turba  residentibus,  quidam  tepor 
eorum  fidem  relaxaverat.  Chrys.  {iit 
Siip.)  Unde  manifestum  est  hinc  quo- 
niam  et  discipuli  in  fide  infirmati  sunt, 
sed  non  omnes  :  columna;  enim  illœ  non 
aderant,  scilicet  Petrus,  Jacobus  et  .loan- 
nes.  Hier.  Hoc  est  autem  quod  in  alio 
loco  Dominus  dioit  {Joan.  15)  :  «  Quse- 
cunque  in  nomine  meo  petieritis,  acci- 
pietis  credentes.  »  Ergo  quoties  non  ac- 
cipimus,  non  prsestantis  est  impossibi- 
litas,  sed  poscentium  culpa. 

Chrys.  {ut  sup.  )  Sciendum  tamen 
quod  sicut  multoties  accedentis  tides  ac- 
cipère  sufficit  effectum  miraculi   ,    ita 


multoties  facientium  miracula  sufficit 
virtus,  eliam  non  credenlibus  illis  qu 
expeticriut  miracula  operari.  Etenim  qui 
circaCornelium  ex  propria  tidcallexerimt 
gratiani  Spiritus  sancti  :  ille  autem  mor- 
tuus(iui  projectusestiu  sepulcrum  Elisaei, 
sola  virtuto  corporis  sancti  resuscitatus 
est.  (IV  Iteg.  dS.)  Coutigit  autem  et  tune 
discipulos  infirmari  in  fide  :  imperfectiiis 
enim  dispositi  erant  ante  crucem  ;  et 
ideo  fidem  dicit  hic  esse  causam  signo- 
rum  :  unde  subditur  :  «  Amen  quippe 
dico  vobis  :  Si  habuerilis  fidem ,  »  etc. 
Hier.  Putant  aliqui  fidem  grano  sinapis 
comparatam  parvenu  dici,  cum  Aposto- 
lus  dicat  (1  Corinth.  13)  :  «  Et  sihabuero 


444 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILK 


porter  les  montagnes.  »  (I  Cor.,  xiii.)  C'est  donc  une  grande  chose  que 
la  foi  que  le  Sauveur  compare  ici  à  un  grain  de  sénevé. 

S.  Grég.  {Moral,  i,  2  ou  4,  Pref.)  Si  le  grain  de  sénevé  n'est  broyé, 
il  ne  fait  point  sentir  sa  vertu;  ainsi,  c'est  lorsque  la  persécution 
accable  et  broie  pour  ainsi  dire  l'homme  juste,  que  tout  ce  qui  parais- 
sait en  lui  de  méprisable  et  d'informe  se  change  en  vertu  pleine  de 
ferveur.  —  Orig.  [Traité  iv  sur  S.  Matth.)  Ou  bien  encore,  la  foi  est 
comparée  au  grain  de  sénevé,  parce  que  les  hommes  n'ont  pour  elle 
que  du  dédain  et  la  regardent  comme  une  chose  de  peu  d'importance 
et  sans  aucune  valeur.  Mais  lorsque  cette  semence  trouve  une  âme 
bonne,  comme  une  terre  bien  disposée,  elle  devient  un  grand  arbre. 
Or,  la  maladie  de  ce  lunatique  est  si  forte  et  si  difficile  à  guérir  parmi 
toutes  les  autres,  qu'elle  est  comparée  ici  à  une  montagne  et  qu'elle 
ne  peut  être  guérie  que  par  toute  la  foi  de  celui  qui  entreprend  cette 
guérison.  —  S.  Chrys.  {hom.  57.)  C'est  pour  cela  que  le  Sauveur  la 
compare  indirectement  au  transport  d'une  montagne,  et  qu'il  va 
même  au  delà  en  ajoutant  :  «  Et  rien  ne  vous  sera  impossible.  »  — 
Rab.  Ainsi  la  foi  rend  notre  âme  capable  de  recevoir  tous  les  dons  du 
Ciel  et  d'obtenir  avec  la  plus  grande  facilité  tout  ce  que  nous  pouvons 
demander  au  Seigneur,  fidèle  dans  ses  promesses. 

S.  Chrys.  {hom.  57.)  Si  vous  me  demandez  :  Quand  donc  les 
Apôtres  ont-ils  transporté  des  montagnes?  je  vous  répondrai  qu'ils 
ont  opéré  des  prodiges  bien  plus  grands  en  ressuscitant  plusieurs  fois 
des  morts.  Mais  l'histoire  nous  apprend  qu'après  les  Apôtres,  des  saints 
qui  leur  étaient  inférieurs  ont  réellement  transporté  des  montagnes 
dans  des  nécessités  pressantes  (l*).  Si  les  Apôtres  eux-mêmes  n'ont 

(1*)  Saint  Grégoire  le  Grand  rapporte  un  miracle  semblable  de  saint  Grégoire  de  Néo-Césarée, 


tantam  fidem  ita  ut  montes  transferam  :  » 
magna  est  ergo  fides  quce  grano  sinapis 
comparatur. 

Greg.  (I  Moral,  in  jncefat.  cap.  4vel 
2.)  Graniim  qiiippe  sinapis  nisi  teratiir, 
nequaqnam  virtus  ejiis  aguoscitur  :  sic 
si  viruni  sanctinn  tritura  persecutionis 
opprimai,  mox  in  fervorem  virtutis  ver- 
titnr  quic({uid  iii  illo  autea  despicabile 
infirnnunque  videbatur.  Orig.  {Tract. 
4,  m  Matth.)  Vol  ideo  omnis  tides  grano 
sinapis  coniparatur,  quoniam  conteni- 
nitur  quidem  tides  ab  lioinlnibus,  et 
niodicuni  aliiiuid  et  vile  apparet.  Cuin 
vero  conseciitinn  fueritliujusniodisemen 
bonam  aniniani  quas  terram.  fit  arbur 
magna.  Sic  autem  magna  est  pra'dicta 
liiuatici  infirmitas,  et  fortis  ad  rurandiun 


inter  omnia  mala,  ut  menti  assimiletur, 
nec  expellatur,  nisi  per  omnem  fidem 
ejus  qui  passiones  liujusmodi  sanare  vo- 
luerit.  Chrys.  [ut  sup.)\jnàe  etdetrans- 
latione  montium  mentionem  facit  :  et 
ultra  procedit,  diceus  :  «  Et  nihil  im- 
posslbile  erit  vobis.  »  Rab.  Sic  enim  fides 
meutem  nostram  capacem  douis  cœles- 
tibus  facit,  ut  quaîcunque  voiumus  fa- 
cillime  a  fideli  Domino  impetrare  pos- 
simus. 

Chrys.  {ut  svp.)  Si  autem  dixeris  : 
Ubi  apostoli  montem  traustulerint,  illud 
dicam ,  qnia  mulla  majora  l'ecerunt , 
mortuos  pluriuios  suscitantes.  Dicuntur 
autem  post  apostolos,  sancti  quidam 
apostolis  minores,  montes  necessitate 
imminente  transtulisse.  Si  autem  apos- 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XVII.  445 

pas  fait  de  miracles  de  ce  genre,  ce  n'est  point  impuissance  de  leur 
part,  mais  parce  qu'ils  ne  l'ont  pas  voulu,  n'y  voyant  aucune  néces- 
sité. Le  Seigneur  ne  dit  pas  d'ailleurs  (ju'ils  feraient  ce  miracle,  mais 
qu'ils  pourraient  le  faire.  Il  est  probable  cependant  qu'ils  ont  opéré 
ce  prodige ,  mais  les  Evangélistes  ne  nous  en  ont  point  conservé  le 
souvenir,  car  ils  n'ont  pas  rapporté  tous  \vs  miracles  faits  par  les 
Apôtres.  —  S.  Jér.  Ou  bien  encore ,  la  montagne  qu'il  s'agit  ici  de 
transporter  n'est  point  une  de  ces  montagnes  qui  peut  être  aperçue 
des  yeux  du  corps ,  mais  cette  montagne  qui  fut  enlevée  de  l'àme  du 
lunatique  et  dont  Jérémie  a  dit  qu'elle  corrompait  toute  la  terre. 
{Jéj'émie^  li,  25.) 

La  Glose.  Voici  donc  le  sens  de  ces  paroles  :  Vous  direz  à  cette 
montagne,  c'est-à-dire  au  démon  plein  d'orgueil  :  Transporte-toi  d'ici, 
c'est-à-dire  de  ce  corps  que  tu  obsèdes,  dans  les  profondeurs  de  la 
mer,  c'est-à-dire  dans  les  abîmes  de  l'enfer;  et  il  s'y  transportera  ,  et 
rien  ne  vous  sera  impossible,  c'est-à-dire  qu'il  n'y  aura  point  de  ma- 
ladie que  vous  ne  puissiez  guérir.  —  S.  Aug.  [De  Vacc.  des  Ev.,  i,  22.) 
Ou  bien ,  dans  un  autre  sens ,  de  peur  que  les  Apôtres  ne  vinssent  à 
s'enorgueillir  des  miracles  qu'ils  opéraient,  Notre-Seigneur  les  avertit 
de  chercher  plutôt  à  remplacer  la  vanité  naturelle  à  l'homme,  figurée 
ici  par  une  montagne  élevée ,  par  l'humilité  de  la  foi ,  qu'il  compare 
à  un  grain  de  sénevé. 

appelé  le  Thaumaturge  [Dialog.,  S,  7.)  Comme  une  montagne  l'empêchait  de  bâtir  une  église,  il 
pria  Dieu  avec  une  foi  vive  de  la  faire  changer  de  place  et  la  montagne  changea  de  place.  Cepen- 
dant saint  Grégoire  de  Nysse,  dans  la  vie  de  ce  saint,  ne  parle  que  d"un  grand  rocher,  qui  fut 
déplacé  ;  mais  il  avertit  plusieurs  fois  qu'il  n'a  pas  tout  raconté. 

Transporter  les  montagnes,  c'était  au  temps  de  Notre-Seigneur  un  proverbe  commun  chez  les 
Juifs  pour  exprimer  une  force  et  une  puissance  considérables.  En  prononçant  ces  paroles  il  mon- 
trait sans  doute  à  ses  disciples  le  Thabor  et  la  mer  de  Galilée.  Le  Thabor,  en  effet  est  de  200  pieds 
plus  haut  que  les  montagnes  environnantes.  Il  s'élève  à  1,300  pieds  au-dessus  de  la  vallée ,  à 
1,748  pieds  au-dessus  du  niveau  de  la  Méditerranée,  et  à  2,300  pieds  au-dessus  du  lac  de  Géné- 
sareth;  de  sorte  que  l'image  dont  il  se  sert  en  cette  circonstance,  quand  il  dit  que  la  montagne 
se  jetterait  dans  la  mer,  n'avait  rien  que  de  très-naturel. 


tolorum  tempore  montes  uon  siint  traus- 
lati,  hoc  uou  fuit  quia  non  potuerunt, 
sed  quia  noluerunt,  utilitate  non  immi- 
nente. Nec  Dominus  dixit  quod  hoc  es- 
sent  facturi,  sed  quod  lioc  facere  pos- 
sent  :  probabile  tamen  est  factum  esse, 
sed  scriptum  non  esse  :  neque  enimom- 
nia  miracula  qua;  fecerunt,  scripta  sunt. 
Hier.  Vel  monlis  translalio  non  ejus  si- 
gnificatur  quem  oculis  carnis  aspicimus, 
sed  illius  qui  a  Domino  translatus  fuerat 
ex  lunatico  ;  qui  per  prophetam  corrum- 
pere  dicitur  omnem  terram.  [Hierem. 
51.) 


Glossa.  (interlin.)  Ut  sit  sensus  : 
«  Dicetis  monti  huic  (id  est,  superbo 
diabolo)  :  Transi  hinc  (id  est  ab  obsesso 
corpore)  in  altum  maris  (id  est,  in  pro- 
fundum  iuferui),  et  transibit  ;  et  nihll 
impossibile  erit  vobis;  id  est,  nulla  in- 
commoditas  insanabilis.  Aug.  (de  Cons. 
Evang.  lib.  i,  cap.  22.)  Vel  aliter  :  ne 
discipuli  in  miraculis  faciendis  extoUe- 
rentur  in  superbiam,  admoniti  sunt  po- 
tins per  humihtatem  lidei,  quasi  per  sina- 
pis  granum,  elationem  terrenam  (quae 
montis  nomine  significala  est)  curare 
transferre. 


446 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


Rab.  Eu  enseignant  aux  Apôtres  ce  qu'ils  doivent  faire  pour  chasser 
les  démous,  il  nous  apprend  à  tous  les  règles  de  la  vie  spirituelle^  c'est- 
à-dire  que  nous  pouvons  surmonter  les  plus  fortes  tentations,  qu'elles 
viennent  des  esprits  impurs  ou  des  hommes,  par  la  prière  et  par  le 
jeûne,  et  que  c'est  encore  un  des  moyens  les  plus  efficaces  d'apaiser  la 
colère  de  Dieu  ;  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  :  «  Cette  sorte  de  démon 
ne  se  chasse  que  par  la  prière  et  par  le  jeûne.  »  —  S.  Chrys.  (Aome- 
/?e  57.)  Le  Sauveur  ne  parle  pas  ici  seulement  de  l'espèce  des  luna- 
tiques, mais  de  tous  les  démons,  quels  qu'ils  soient  ;  car  le  jeûne  est 
une  source  abondante  de  sagesse  ;  il  rend  l'homme  semblable  à  un 
ange  descendu  du  ciel  et  le  revêt  d'une  force  toute  divine  pour  com- 
battre les  puissances  invisibles.  Mais  la  prière  lui  est  encore  plus 
nécessaire,  car  celui  qui  joint  le  jeûne  à  une  prière  bien  faite  est 
affranchi  de  bien  des  nécessités  ;  il  n'est  plus  esclave  de  l'avarice  ;  au 
contraire ,  sa  main  se  répand  facilement  en  aumônes.  De  même  celui 
qui  jeûne  est  beaucoup  plus  dégagé,  sa  prière  est  plus  attentive  et 
plus  recueillie  ;  il  éteint  dans  son  cœur  les  mauvais  désirs ,  se  rend 
Dieu  propice  et  humilie  l'orgueil  de  son  âme.  Celui  donc  qui  sait  unir 
la  prière  au  jeûne  a,  pour  ainsi  dire  deux  ailes  plus  rapides  que  les 
vents  ;  il  ne  se  laisse  atteindre  dans  la  prière  ni  par  l'ennui ,  ni  par  la 
tiédeur,  défauts  si  communs  dans  un  grand  nombre;  mais  il  est  plus 
ardent  que  le  feu  et  plus  élevé  que  la  terre ,  et  un  tel  homme  est  par- 
dessus tout  redoutable  au  démon.  Rien  n'est  plus  fort  que  l'homme 
qui  sait  bien  prier.  Si  la  faiblesse  de  votre  tempérament  ne  vous  permet 
pas  de  jeûner  continuellement,  au  moins  vous  permet-elle  de  prier, 
et  si  vous  ne  pouvez  jeûner,  vous  pouvez  au  moins  ne  pas  vous  Uvrer 
à  la  volupté.  Or,  c'est  là  un  acte  de  haute  importance  et  qui  égale 
presque  le  mérite  du  jeûne.  —  Orig.  Si  donc  nous  devons  un  jour 


Rab.  Dum  auteui  docet  apostolos  quo- 
modo  dœmou  debeat  expelli,  omues 
instituit  ad  vitam  ;  ut  scilicet  uoverimus 
graviora  quœque  vel  immundorum  spi- 
rituum  vel  lioniiuum  tentameuta,  jeju- 
niis  et  oralionibus  esse  superanda  :  iram 
quoque  Domiiii  hoc  reuiedio  singulari 
posse  placari  :  uiide  t^ubdit  :  «  Hoc  au- 
tem  geuus  nou  ejicitur  nisi  per  jejunium 
et  orationem.  »  Chrys.  {ut  sup.)  Ouod 
dicit  non  solum  de  génère  lunalicoruiu, 
sed  et  universo  génère  dtenionum  :  jeju- 
nium eaim  nuiltam  sapientiani  iniponit, 
et  liomincui  quasi  angelum  de  cœlo 
consliluit,  et  incorporeas  polestates  ini- 
puguat,  sed  et  oratioue  opus  est  (juasi 
principaliori  :  qui  enim  orat  ut  oporlet, 
et  jejunat,  non  imdtis  indiget  ;  et  ita  non 


fit  avarus,  sed  ad  eleemosynam  promp- 
tus  est;  qui  etiam  jejunat,  levis  est,  et 
vigilanter  orat,  et  concupiscenlias  per- 
niciosas  extinguit,  et  propitium  Deuni 
facit,  et  animam  superbam  humiliât.  Qui 
ergo  orat  cum  jejuuio,  dupUoes  babel 
alas,  etiam  ipsis  ventis  leviores  :  neque 
enim  oscilat  et  torpet  oraus  (quod  et 
mulli  paliuntur),  sed  est  igné  vehemen- 
tior  et  terra  subliaiior  :  ideoque  talis 
maxime  dtemoniis  adversalur.  Nihil  est 
homines  decenter  orante  potentius  :  si 
auteni  iufîrmum  est  tibi  corpus  ad  cou- 
liiuie  jejunandum,  non  tamen  ad  oran- 
ilum  ;  et  si  jejunai'e  nou  potes,  tamen 
non  lascivire  :  non  parvum  autem  est 
hoc.  neque  multum  a  jejunio  distans. 
Orig.  {ut  sup.)  Si  ergo  aliquando  opor- 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAI'.    XVII. 


447 


entreprendre  et  poursuivre  la  guérison  d'un  mal  semblable,  n'adju- 
rons pas  l'esprit  impur,  ne  l'interrogeons  pas  comme  s'il  nous  enten- 
dait; mais  chassons  ces  esprits  malins  par  nos  jeûnes  et  par  nos 
prières.  —  La  Glose.  Ou  bien  encore  ou  ne  peut  vaincre  cette  espèce 
de  démon,  c'est-à-dire  cette  inconstance  des  voluptés  charnelles, 
qu'en  fortifiant  son  esprit  par  la  prière  et  en  macérant  son  corps  par 
les  jeûnes.  —  Rémi.  Ou  bien  enfin,  le  jeûne  doit  s'entendre  ici  dans 
dans  un  sens  plus  étendu,  non-seulement  de  l'abstinence  des  aliments, 
mais  du  renoncement  à  toute  volupté  charnelle  et  à  toutes  les  passions 
qui  portent  au  péché  ;  il  faut  entendre  également  la  prière  dans  un 
sens  général  en  tant  qu'elle  comprend  les  œuvres  de  la  piété  et  de  la 
charité,  prière  que  l'A-pôtre  recommande  quand  il  dit  :  «  Ne  cessez 
point  de  prier.  » 

f.  21-22.  —  Comme  ils  étaient  en  Galilée,  Jésm  leur  dit  :  Le  Fils  de  l'homme 
doit  être  livré  entre  les  mains  des  hommes  ;  ils  le  feront  mourir  et  il  ressusci- 
tera le  troisième  jour  ;  ce  qui  les  affligea  extrêmement. 

Kemi.  Notre- Seigneur  prédit  souvent  à  ses  disciples  les  mystères  de 
sa  passion,  afin  que  la  connaissance  plus  grande  qu'il  leur  en 
donne  par  avance  les  aide  à  supporter  plus  facilement  cette  épreuve 
lorsqu'elle  sera  arrivée  ;  c'est  pour  cela  que  nous  lisons  ici  :  «  Comme 
ils  étaient  en  Galilée,  Jésus  leur  dit  :  Le  Fils  de  l'homme  doit  être 
livré ,  »  etc.  —  Orig.  Au  premier  abord ,  ces  paroles  paraissent  être 
les  mêmes  que  celles  qui  ont  été  rapportées  plus  haut,  et  on  pourrait 
dire  qu'elles  n'en  sont  qu'une  répétition,  mais  il  n'en  est  pas  ainsi  ;  eu 
effet,  dans  les  paroles  qui  précèdent,  il  n'est  pas  dit  que  le  Fils  de 
l'homme  sera  livré;  ici,  au  contraire,  nous  voyous  que  non-seulement 
il  sera  livré ,  mais  qu'il  sera  livré  entre  les  mains  des  hommes.  L'A- 


tuerit  nos  circa  curationem  taie  aliquid 
patientium  permauere,  uon  adjuremus, 
neque  interrogemus,  neque  loquamur 
quasi  audienti  spiritui  iminimdo  ;  sed 
abigamus  jejuniis  et  orationibus  nostris 
spiritus  nialignos.  Glossa.  Vel  hoc  ge- 
nus  dœmoriii  (id  est,  ista  carnaliuiu  vo- 
luptatum  mutabilitas)  non  viucitur  nisi 
spiritus  oratione  confirmetur,  et  caro 
perjejunium  maeeretur.  Remig.  Vel  je- 
junium  hic  intelligitur  générale,  quo 
non  solum  abstiiieiuiis  a  cibis,  sed  ad 
omnibus  illecebris  carualibus  et  pecca- 
torum  passionibus  :  similiter  oratio  in- 
telligenda  est  generalis,  quse  in  piis  et 
bonis  operibus  consistit  :  de  qua  dicit 
Apostolus  (I  Thessal.  5)  :  «  Sine  inter- 
missione  o;  ate.  » 


Conversantibus  antem  eis  in  Galilœa,  dixit  illis 
Jésus  :  Filius  hominis  tradendus  est  in  manus 
hominum,  et  occident  eum,  et  tertia  die  resur- 
get.  Et  contristati  sunt  vehementer. 

Remig.  Sœpe  Dominus  mysteria  suœ 
passionis  discipulis  prœdixit,  ut  quando 
acciderent,  tantolevius  ea  ferrent,  quanto 
praîcognitahabereul  :  et  ideo  hic  dicitur  : 
«  Conversantibus  autem  eis  dixit  :  Filius 
hominis  tradendus  est,  »  etc.  Orig.  (m^ 
sup.)  Videutur  quidem  haee  illis  quai 
supra  dixerat  similia  esse,  ut  facile  quis 
dicat  Dominum  eadem  ipsa  repetere  : 
quod  non  est  ila:  tradendum  enimsupe- 
rius  non  est  dictuni  ;  hic  autem,  non  so- 
lum iradenchtm,  sed  eliam  in  manns 
hominum  tradendum  audivimus.  Tra- 
ditum  igitur  Apostolus  Filium   narrât  a 


i48 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


pôtre  déclare  que  le  Fils  a  été  livré  par  Dieu  le  Père  {Rom..,  viii)  ;  mais 
il  est  également  vrai  (ju'il  fut  livré  entre  les  mains  des  hommes  par 
les  puissances  ennemies. 

S.  Jér.  Notre-Seigneur  entremêle  toujours  des  pensées  consolantes 
aux  souvenirs  affligeants  ;  en  effet ,  si  la  prédiction  de  sa  mort  est  de 
nature  à  les  contrister ,  la  pens('e  de  sa  résurrection  doit  les  combler 
de  joie.  —  S.  Ghrys.  {himî.  57.)  Il  leur  prédit  qu'il  ne  restera  pas 
longtemps  dans  le  sein  de  la  mort,  mais  qu'il  ressuscitera  le  troisième 
jour.  —  O-RiG.  Cependant  cette  prédiction  du  Seigneur  les  jette  dans 
la  tristesse,  comme  le  remarciuc  l'Evangélisto  :  «  Et  ils  furent  profon- 
dément affligés.  »  Ils  ne  firent  point  attention  aux  paroles  suivantes  : 
«  Et  il  ressuscitera  le  troisième  jour,  »  et  ne  réfléchirent  point  quel 
était  celui  qui  n'avait  besoiu  que  de  trois  jours  pour  triompher  de  la 
mort.  —  S.  Jér.  Or,  cette  tristesse  profonde  qu'ils  éprouvent  ne  vient 
pas  de  l'incrédulité,  mais  de  l'amour  qu'ils  avaient  pour  leur  Maître 
et  qui  ne  leur  permettait  d'entendre  rien  qui  lui  fût  contraire  ou  qui 
parût  indigne  de  lui. 

f.  23-26.  Et  étant  venus  à  Caphurnaûm ,  ceux  qui  recevaient  le  tribut  de  deux 
drachmes  vinrent  trouver  Pierre  et  lui  dirent  :  Votre  maître  )ie  paie-t-il  pas 
le  tribut  ?  Il  leur  répondit  :  Oui,  il  le  paie.  Et  étant  entré  dans  le  logis,  Jésus 
le  prévint  et  lui  dit  :  Simon,  que  vous  en  semble?  De  qui  est-ce  que  les  rois 
de  la  terre  reçoivent  les  tributs  et  les  impôts"!  Est-ce  de  leurs  propres  enfants, 
ou  des  étrangers  (1)?  Des  étrangers,  répondit  Pierre..  Jésus  lui  dit  :  Les 
enfants  en  sont  donc  exempts?  Mais  afin  que  7ious  ne  les  scandalisions  point, 
allez-vous-en  à  la  mer  et  jetez  votre  ligne;  et  le  premier  poisson  que  vous 
tirerez  de  l'eau,  prenez-le  et  lui  ouvrez  la  bouche  :  vous  y  trouverez  une  pièce 

(1)  Le  mot  étrangers  est  pris  ici  par  opposition  non  pas  à  ceux  qui  font  partie  du  royaume, 
mais  à  ceux  qui  font  partie  de  la  maison  ou  de  la  famille  du  roi. 


Deo  Pâtre  {ad  Boni.  8),  sed  etiam  con- 
trariœ  potestates  eum  iii  manus  hoiiii- 
num  tradiderunt. 

Hier.  Semper  autem  prosperis  miscet 
tristia  :  si  enim  contristat  eos  quod  oc- 
cidendusest,  débet  lœtificare,  quod  sub- 
ditur  :  «  Et  die  tertiaresuriiet.  «CiiRYS. 
[ut  sup.)  Neque  enim  multum  lempus 
dixit  quo  in  morte  manerel,  sed  lertia 
die  se  dixit  resurrecliirum.  Orig.  {vlstip.) 
Praedicente  autem  hiec  Domino,  trislati 
sunt  discipuli  :  unde  sequilur  :  «  Et 
conlristati  sunt  veiiemeuter,  »  non  at- 
tendentes  ad  illud  quod  dixerat  ;  «  Et 
tertia  die  resurget,  »  nec  considérantes 
quis  esset  cui  ad  destruendam  mortem 


trium  dierum  tempus  sufficeret.  Hier. 
Porro  quod  contristabantur  vehemen- 
ter,  non  de  infidelitate  venit,verum  quia 
pro  dilectione  Magistri,  niliil  de  eo  si- 
nistrum  et  humile  patiuntur  audire. 

Et  cum  venissent  Capharnaum,  accesserunt  qui 
didrachma  accipiebant  ad  Petrum,  et  dixerunt 
ei:  Magisl-er  vesler  non  soleil  didrachma  ?  Ait  : 
Etiam.  Et  cum  intras^et  in  domum,  prœvenit 
eum  Jésus,  dicens  :  Quid  libi  videtur,  Simon  ? 
Reges  terrœ  a  quibus  accipiunl  tributum  vel 
censum,  a  filiis  suis,  an  ab  alienis?  Et  ille  di- 
xit :  Ab  alienis.  Dixit  iili  Jésus  :  Ergo  Uberi 
sunt  filii.  Ut  autem  non  scandalizemus  eos, 
rade  ad  mare,  et  mitte  hamum  ;  et  eum  piscein 
qui  primo  ascenderit,  toile  :  et  aperto  ore  ejus 


I»E   SAINT  MATTHIEU,    CHAI'.    XVII.  440 

d'argent  de  quatre  drachmes  que  vous  prendrez  et  que  vous  leur  donnerez  pour 
moi  et  pour  vous. 

La  Glose  (I).  Comme  les  disciples  avaient  été  attristés  en  entendant 
parler  des  souffrances  du  Sauveur ,  ufiu  que  personne  n'attribuât  sa 
passion  à  la  nécessité  plutôt  qu'à  i^on  humilité ,  l'Evangéliste  rapporte 
un  fait  ([ui  démontre  à  la  fois  la  liberté  et  l'humilité  de  Jésus-Christ  : 
«  Et  étant  venu  à  Capharnaûm ,  ceux  (|ui  recevaient  le  tribut  de  deux 
drachmes  s'approchèrent,  »  etc.  S.  Hil.  On  vient  demander  au  Sei- 
gneur de  payer  l'impôt  de  deux  drachmes,  c'est-à-dire  de  deux 
deniers.  La  loi  commandait  à  tous  les  Israélites,  pour  le  rachat  de 
leur  corps  et  de  leur  âme,  cet  impôt  destiné  à  l'entretien  des  ministres 
du  temple.  —  S.  Chrys.  {hom.  58.)  Lorsque  le  Seigneur  immola  les 
premiers-nés  des  Egyptiens,  il  prit  la  tribu  de  Lévi  en  souvenir  de  cet 
événement  (2*).  Mais  comme  le  nombre  des  premiers-nés  des  Juifs  était 

(1)  On  ne  trouve  rien  de  semblable  dans  la  Glose  actuelle,  ni  dans  saint  Anselme. 

(2*)  Le  texte  de  saint  Chrysoslorae  ne  laisse  pas  d'avoir  une  certaine  obscurité;  car  on  ne  voit 
point  dans  les  livres  de  Moïse  que  la  tribu  de  Lévi  ait  été  prise  pour  les  premiers  nés  des  Egyp- 
tiens qui  furent  mis  à  mort;  mais  nous  lisons  dans  le  chap.  m  des  Nombres,  »  que  les  Lévites 
furent  pris  pour  les  premiers  nés  des  enfants  d'Israël,  et  que  pour  le  pr'x  des  deux  cent  soixante - 
treize  aines  des  enfants  d'Israël  qui  passaient  le  nombre  des  Lévites  il  fallait  payer  cinq  sicles  pour 
chaque  tète,  »  etc.,  vers.  45,  46,  47,  48.  C'est  d'après  cette  citation  que  nous  avons  traduit  le 
texte  de  saint  Chrysostome  t6t£  xriv  Aeyl  çuXriV  àvr'  aOtàiv  ëXaêev. 

Toutefois  nous  croyons  devoir  ajouter  que  ce  tribut  dont  Jésus  fonde  l'exemption  sur  sa  filia- 
tion divine  n'est  point  le  tribut  que  les  premiers  nés  des  Israélites  payaient  à  Dieu  comme  leur 
rançon  pour  avoir  échappé  au  glaive  de  l'ange  exterminateur,  car  malgré  l'autorité  de  saint  Chry- 
sostome, ce  sentiment  a  d'autant  moins  de  probabilité,  que  cette  rançon  ne  se  payait  qu'une  fois 
dans  la  vie,  un  mois  après  la  naissance,  ou  au  plus  tard  le  jour  de  la  présentation,  et  qu'elle  était 
de  cinq  sicles  ou  de  dix  drachmes. 

Ce  ne  peut  être  non  plus,  ainsi  que  le  pensent  certains  interprètes  après  saint  Jérôme,  le  tri- 
but imposé  aux  Juifs  par  Pompée  ou  par  Auguste,  lors  du  dénombrement  de  Cyrinus,  1"  parce  que 
le  mot  census  sur  lequel  se  fondent  les  partisans  de  cette  opinion  ne  signifie  pas  précisément  la 
taxe,  l'estimation  de  ce  que  valent  les  biens  d'un  chacun,  mais  en  général  tout  ce  que  les  rois 
lèvent  sur  leurs  sujets,  tributs,  taxes,  impôts.  D'ailleurs  la  taxe  basée  sur  la  valeur  des  biens 
aurait  dû  être  inégale  selon  la  quantité  différente  des  biens  que  chacun  aurait  possédés,  et  non 
pas  de  deux  drachmes  par  tête.  2"  Parce  que  si  on  applique  à  ce  tribut  le  raisonnement  de  Jésus- 
Christ,  ou  il  ne  conclura  point  pour  son  exemption,  ou  la  conclusion  sera  fort  indirecte,  et  suppo- 
sera un  autre  principe  qui  n'est  pas  dans  le  raisonnement.  Les  rois  de  la  terre  reçoivent  le  tribut 
des  étrangers,  et  non  de  leurs  propres  enfants.  Or,  je  suis  le  Fils  du  roi  des  rois;  donc,  je  suis 
exempt  du  tribut  qu'on  paie  aux  )'ois  de  la  terre.  Ce  raisonnement  serait  d'autant  plus  faible  que 
le  Fils  de  Dieu  en  se  faisant  homme  et  naissant  volontairement  sujet  d'un  roi  de  la  terre,  s'est 
dès  lors  engagé  à  subir  toutes  les  conditions  des  autres  hommes,  lorsqu'elles  n'emportent  ni  pé- 
ché, ni  ignorance.  3"  Parce  que  les  partisans  de  ce  sentiment  ne  peuvent  assigner  d'autre  auteur 
de  ce  tribut  que  Pompée  ou  Auguste,  qui  auraient  imposé  à  tous  les  Juifs  l'obligation  de  payer 
au  peuple  romain  la  même  somme  qu'ils  payaient  pour  leur  temple;  or  Pompée  ne  rendit  point  la 


invenies  staterem  :  illum  sumens,  da  eis  pro 

me  et  te. 

Glossa,  Quia  tliscipuli  audita  Domini 
passione  contristati  erunt,  ne  aliquis 
passionem  Cliristinecessitati  adscriberet 
non  humilitati.  sul)jun2it  factum  in  quo 
Christi  libertas  et  Iniinilitas  demonstra- 
tur.  Unde  dicilur  :  «  Et  cum  venissenl 
Capharnaûm,  aecesserunt  qui  didrachnia 


accipiebant,  »  etc.  Hilar.  {ut  sup.)  Do- 
minus  didrachma  solvere  postulatur,  id 
est,  denariûs  duos  :  hoc  enim  omni  Is- 
raeli  lex  pro  redeuiptione  corporis  et 
auimœ  constituerat  in  ministerio  templi 
servientium.  Chrys.  {in  homil.  58,  in 
Mattli.)  Cum  enim  primogenita  ^îlgyp- 
tiorum  interfecit  Deus,  tune  tributîuu 
Levi  pro  eis  accepit  ;  deinde   quia   pri- 


TOM,    II.  29 


Ai)() 


EXPLICATION    DE   L  EVANGILE 


plus  considérable  que  le  nombre  des  membres  de  la  tribu  de  Lévi ,  il 
ordonna  de  payer  un  sicle  pour  le  prix  de  ceux  <iui  dépassaient  ce 
nombre;  et  de  là  vint  la  coutume  de  payer  cet  impôt  pour  les  pre- 
miers-nés. Or,  comme  Jésus-Christ  était  premier-né  et  que  Pierre 
paraissait  être  le  premier  des  disciples,  ils  s'adressent  à  lui.  Je  ne 
crois  pas  du  reste  qu'ils  demandaient  ce  tribut  dans  toutes  les  villes, 
et  s'ils  viennent  trouver  Jésus  à  Gapharnaiim ,  c'est  qu'ils  pensaient 
que  c'était  sa  patrie. 

S.  Jér.  Ou  bien  encore  on  peut  dire  qu'après  César-Auguste ,  la 
Judée,  étant  devenue  tributaire,  l'impôt  personnel  atteignait  tous  les 
individus;  c'est  pour  cela  que  Joseph  et  Marie,  qui  étaient  de  la 
même  tribu,  partirent  pour  Bethléem ,  afin  de  s'y  faire  inscrire.  Mais 
comme  Notre- Seigneur  avait  été  élevé  à  Nazareth,  qui  est  un  bourg 
de  la  Galilée,  voisin  de  Capharnaûm ,  on  lui  demande  de  payer  le  tri- 
but dans  cet  endroit;  ceux  qui  percevaient  cet  impôt,  n'osant  pas 
le  demander  à  Jésus-Christ  lui-même,  intimidés  qu'ils  étaient  par  la 
grandeur  de  ses  miracles,  ils  s'adressent  à  son  disciple.  —  S.  Chrys. 

Galilée  tributaire  des  Romains,  mais  seulement  Jérusalem  et  la  Judée,  et  Auguste  conservant  à 
la  Judée  la  forme  de  royaume  allié  des  Romains  n'a  pu  lui  imposer  de  tribut. 

Ce  tribut  est  donc  celui  que  chaque  Israélite  était  tenu  de  payer  annuellement  pour  l'entretien 
du  temple  d'après  la  loi  de  YExode  (xxx,  12,  14;)  et  qui  dura  jusqu'à  la  destruction  du  second 
temple.  Cet  impôt  était  dû  à  partir  de  vingt  ans.  Il  ne  fut  d'abord  exigé  que  lorsque  les  besoins 
du  temple  le  demandaient  ;  mais  probablement  après  le  schisme  des  dix  tribus,  qui  diminua  les 
offrandes  et  les  revenus,  il  devint  annuellement  exigible.  Cette  redevance  nationale  était  acquittée 
par  tous  les  Juifs,  qui  l'envoyaient  de  tous  les  points  du  monde,  à  l'époque  de  la  solennité  pas- 
chale,  quand  ils  ne  pouvaient  l'apporter  eu.x-mêmes  (Josèphe,  De  la  guerre  des  Juifs,  vu,  26  ; 
Antig.  Jud.,  xviti,  12.)  Le  Sauveur  n'était  point  allé  cette  année  à  Jérusalem,  et  n'y  avait  pas 
acquitté  personnellement  cette  dette  sacrée  ;  voilà  pourquoi  les  collecteurs  de  l'impôt  s'adressent 
à  Pierre,  chef  des  apôtres,  pour  le  lui  réclamer.  On'réclame  au  Sauveur,  suivant  la  remarque  judi- 
cieuse de  M.  l'abbé  Darras  [Histoire  de  l'Eglise,  tom.  I,  pag.  601)  le  didrachme  officiel.  Car  bien 
que  les  évaluations  en  monnaie  romaine  fussent  d'usage  pour  les  affaires,  le  commerce,  le  sa- 
laire, et  les  transactions  de  tout  genre  ,  par  une  distinction  où  le  caractère  hébreu  se  peint  tout 
entier,  dès  qu'il  s'agissait  de  l'impôt  national  pour  le  Temple,  et  des  dîmes  sacrées  établies  par 
Moïse,  le  langage  romain  était  répudié,  on  n'employait  que  les  évaluations  de  l'ancien  système 
monétaire  de  la  Grèce,  établi  en  Judée  par  Alexandre  le  Grand.  Il  est  aisé  maintenant  de  com- 
prendre le  raisonnement  de  Jésus-Christ.  Dieu  lève  tous  les  ans  un  tribut  pour  les  dépenses  ordi- 
naires de  sa  maison  ;  or,  il  ne  prétend  pas  comprendre  dans  cette  capitation  son  propre  fils,  mais 
seulement  ses  sujets;  preuve,  Yexemple  des  rois  de  la  terre.  La  conséquence  est  claire  pour 
Jésus-Christ  qui  parlait  à  un  Apôtre  persuadé  qu'il  était  vraiment  le  Fils  de  Dieu. 


mogenitis  (jui  erant  apiid  Judœos  niinor 
hiijus  tribus  iniuierus  erat,  pro  deficieii- 
libus  in  uuuioruni  siolnm  jussit  inforri  ; 
et  ex  tuuc  touuil  eousuetudo,  ut  priiuo- 
ixenita  vecUiral  lioc  iul'errenl;  quia  igitur 
priiuuifenilus  erat  Cliristus,  videbalur 
autem  discipulorum  primus  esse  Potrus, 
ad  eum  accedunt  :  et  ut  inilii  videtur, 
non  iu  unaquaque  civitate  hoc  expete- 
bant  :  ideoque  in  Capharnaûm  adeunt 
Christuui,  quia  ejus  patriaexistiuiabalur. 


HiKR.  Vel  aliter  :  posl  Auaustum  Civ- 
sareui,  Judœa  facta  est  tributaria  :  om- 
nes  l'eusi  capite  ferebanlur  :  unde  et 
Juseph  (uui  Maria,  coiiuata  sua,  prol'ec- 
tusest  in  Bethléem.  Rursus  quouiani 
Domiuus  nutrilus  erat  in  Nazareth  (quod 
est  oppidum  GalilrPie  subjacens  Caphar- 
naûm urbi),  ibi  depusiilur  tributum  ;  et 
pro  signorum  maiiniludine  hi  qui  exige- 
bant,  non  audobaut  ipsum  repetere^  sed 
discipulum  conveniunl.  Curys.  {nf  sup.) 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP,   XVII. 


;t 


{hom.  ri8.)  Ils  l'interrogent  sans  arrogance,  mais  avec  douceur  et  sans 
formuler  d'accusation.  C'est  une  simple  fiuestion  qu'ils  lui  posçnt  : 
(T  Votre  maître  ne  paie-t-il  pas  le  tribut  des  deux  drachmes?  »  — 
S.  Jér.  Ou  bien  ils  l'interrogent  avec  malice  pour  savoir  s'il  paie  les 
impôts  et  s'il  n'est  pas  en  opposition  avec  les  ordres  de  César. 

S.  Cmrys.  {hom  58.)  Or,  quelle  est  la  réponse  de  Pierre?  «  Et  il 
leur  répondit  :  Oui.  »  C'est  à  eux  que  s'adresse  sa  réponse  et  non  pas 
à  Jésus-Christ,  car  il  rougissait  d'avoir  à  lui  parler  de  choses  sem- 
blables. —  La  Glose.  Ou  bien  dans  un  autre  sens,  Pierre  répond  oui^ 
c'est-à-dire  :  il  est  vrai  qu'il  ne  le  paie  pas.  Pierre  voulait  faire  con- 
naître indirectement  au  Sauveur  que  les  hérodiens  exigeaient  cet  im- 
pôt ;  mais  le  Seigneur  va  au  devant  :  «  Et  lorsqu'il  fut  entré  dans  la 
maison,  il  le  prévint.  »  —  S.  Jér.  Avant  même  que  Pierre  lui  ait 
fait  part  de  cette  question,  iNotre- Seigneur  l'interroge,  afin  que  ses 
disciples  ne  soient  pas  scandalisés  de  ce  qu'on  lui  deman<le  de  payer 
l'impôt,  en  voyant  qu'il  sait  parfaitement  ce  qui  s'est  passé  en  son 
absence. 

«  Et  il  répondit  :  Des  étrangers;  Jésus  lui  dit  :  Donc  les  enfants  en 
sont  exempts.  »  —  Orig.  Cette  réponse  peut  s'entendre  de  deux  ma- 
nières différentes.  Dans  le  premier  sens ,  les  fils  des  rois  de  la  terre 
sont  libres  et  exempts  chez  les  rois  de  la  terre  ;  les  étrangers  qui 
habitent  au  delà  des  frontières  sont  libres  aussi  ;  mais  ceux  qui  les 
oppriment  comme  les  Egyptiens  opprimaient  les  enfants  d'Israël ,  les 
rendent  esclaves.  Dans  le  second  sens,  bien  que  quelques-uns  soient 
étrangers  aux  fils  des  rois  de  la  terre  ,  par  cela  même  qu'ils  sont  les 
enfants  de  Dieu ,  ils  sont  libres  ;  ce  sont  ceux  qui  persévèrent  dans  les 
enseignements  de  Jésus ,  qui  ont  connu  la  vérité  et  que  la  vérité  a 


Et  neque  liuDc  cum  muUa  vehementia, 
sed  mansuetius  :  neque  euim  incusantes, 
sed  interroiïantes  dixorimt  :  «  Mastister 
vester  non  suivit  didraclima?  »  Hier. 
Sive  malitiose  iuterrogant  utrum  reddat 
tribula  ;  an  coulradicat  Cœsaris  volun- 
tali. 

Chrys.  {ut  sup.)  Qnid  igitur  Petriis? 
Ait  :  Ktiam  :  et  his  quideui  dixit,  quo- 
niam  solvit  ;  Cliristo  autem  non  dixit, 
erubescens  fortassis  pro  liis  ei  loqui. 
Glossa.  Vel  aliter  Petrus  respondit  : 
Ella  m,  id  est,  ita  est  quod  non  solvit. 
Voluit  autem  Petrus  Domino  intimare, 
quod  Herodiani  peterent  ceusum  ;  sed 
Dorainus  prœvenit  eum  :  unde  sequitur  : 
«  Et  cum  intrasset  domum,  praevenit 
eum,  »  etc.  Hier.  Aute  quidem   quam 


Petrus  suggérât,  Dominus  interrogat,  ne 
scaiidalizeiitur  discipuli  adpostulationem 
tributi  ;  cum  videaut  euranosse  quœ  ab- 
sente se  gesta  suut. 

Sequitur  :  «  At  ille  dixit  :  Ab  alienis  : 
dixit  illi  Jésus  :  Ergo  liberi  sunt  filii.  » 
Oric.  {ut  sitp.)  Sermo  iste  duplicem  ba- 
bet  sensum  :  secundnm  unum  enim, 
filii  regum  terra^  liberi  sunt  apud  reges 
terrai  ;  extranei  autem  extra  terram  qui- 
dem bberi  sunt;  propter  eos  autem  qui 
deprimunt  eos  (sicut  /l-lgyptii  tilios  Is- 
raël) servi  ;  secumluui  allerum  autem, 
propter  lioc  ipsum  quod  aliqui  sunt 
alieui  a  iiliis  regum  terrte,  sed  sunt  filii 
Dei,  liberi  sunt,  qui  manent  in  verbis 
Jesu,  et  cognoverunt  veritatem,  et  Veri- 
tas liberavit  eos  a  servitute  peccati  :  filii 


Am 


EXPLICATION    DR   l'ÉVANGILE 


délivrés  de  la  servitude  du  péché.  Au  contraire  ,  dans  ce  sens,  les  fils 
des  rois  de  la  terre  ne  sont  pas  libres,  car  quicomjue  commet  le  péché 
est  esclave  du  péché.  {Jean,  viii.)  —  S.  Jér.  Quant  à  Notre-Seigneur, 
il  était  fils  de  roi  et  selon  la  chair  et  selon  res[trit ,  étant  tout  à  la  fois 
sorti  de  la  souche  de  David,  et  le  Verbe  du  Père  tout-puissant  ;  donc, 
comme  fils  de  roi,  il  ne  devait  pas  les  imjxHs.  —  S.  Aug.  [Quest. 
évang.,  i,  23.)  Le  Sauveur  dit  que  dans  tout  royaume  les  enfants  sont 
libres,  c'est-à-dire  qu'ils  ne  sont  pas  soumis  à  Timpôt  ;  donc  à  plus 
juste  titre,  les  fils  de  ce  roi  de  qui  relèvent  tous  les  royaumes 
doivent  être  libres  de  l'impôt  dans  tous  les  royaumes  de  la  terre,  — 
S.  Chrys.  {hor/2.  58.)  Or,  s'il  n'était  pas  le  fils,  ce  langage  serait  sans 
raison.  On  me  dira  peut-être  :  11  est  le  fils,  mais  non  pas  le  propre 
fils;  il  est  donc  étranger,  et  ainsi  cet  exemple  n'a  aucune  force.  Je 
réponds  que  le  Sauveur  parle  ici  des  fils  proprement  dits,  par  oppo 
sitiou  aux  étrangers  qui  ne  sont  pas  nés  de  la  substance  môme  des 
parents.  Or,  voyez  comme  Jésus-Christ  confirme  ici  la  vérité  que  le 
Père  céleste  avait  révélée  à  Pierre  et  qui  lui  avait  dicté  ces  paroles  : 
«  Vous  êtes  le  Christ _,  le  Fils  du  Dieu  vivant.  » 

S.  Jér.  Cependant,  quoiqu'il  fût  libre,  comme  il  avait  pris  toutes 
les  humiliations  de  notre  nature,  il  dut  accomplir  toute  justice.  Il 
ajoute  donc  :  «  Mais,  afin  que  nous  ne  les  scandalisions  pas,  »  etc. 
—  Orig.  Comme  conséquence  naturelle  de  ces  paroles,  nous  devons 
comprendre  que  toutes  les  fois  que  des  hommes  se  présentent  pour 
nous  prendre  les  biens  de  la  terre  au  nom  de  la  justice,  ce  sont  les 
rois  de  la  terre  qui  leur  transmstteut  l'ordre  d'exiger  de  nous  ce  qui 
leur  appartient,  et  le  Seigneur  nous  défend  par  son  exemple  de  don- 
ner aucun  scandale  à  ceux  qui  sont  chargés  de  cette  mission,  ou  pour 


autem  regum  terrée  liberi  non  siint, 
quoniam  «  omnis  qui  facit  peccatum, 
servus  est  peccati.  »  (Joan.  8.)  Hier.  Do- 
minus  autem  noster,  et  secundum  car- 
uem,  et  secundum  spiritum  lilius  eral 
régis,  vel  ex  David  slirpe  geueratus,  vel 
omnipotentis  Patris  Yerbura  :  ergo  tri- 
buta,  quasi  tilius  régis,  non  debebat. 
Aug.  {de  Quœst.  Evany.  lib.  i,  cap.  23.) 
Dicit  enim  iu  onmi  regno  liberos  esse 
liiios,  id  est,  non  esse  vectigabiles.  Mullo 
ergo  magis  liberi  esse  debeiit  in  quoli- 
bet regno  terreno  filii  regni  ipsius,  sub 
quo  suiit  onmia  régna  lerrena.  Chuys. 
ut  sup.)  Si  autem  non  erat  tilius.  inani- 
ter  hoc  exeniplum  induxit.  Sed  dicetali- 
quis  :  «  Filius  est,  sed  non  proprius.  est 
ergo  alienus  :  »  et  sic  hoc  exeniplum 
non  habet  virtutem  :  ipse  enim  de  pro- 


priis  filiis  disputât,  ad  quorum  differen- 
tiam  a  lie  nos  vocat  qui  non  ex  pareutibus 
substantialiter  nati  sunt.  lutende  autem 
qualiter  et  bine  Cbristus  certiflcat  eam 
cognitiouem  quœ  Fetro  revelata  est  de 
eo,  pcr  quam  dixit  :  «  Tu  es  Christus 
Filius  Dei  vivi.  » 

Hier.  Quanivis  ergo  liber  essel,  (juia 
tamen  buniililatem  carnis  assumpsei'al, 
debuit  omneni  juc^titiam  adimpiere.  Unde 
sequitur  :  «  Ut  autem  non  scandalizenms 
eos,  »  etc.  Orig.  {nt  sup.)  Consequeus 
qnoque  est  intelligere  quoniam  quolies 
exsurgunt  ipiidam,  qui  per  justitiani 
toilant  nostra  terrena,  reges  Inijus  ferra' 
eos  transmittnnt,  utexiganl  a  nobisijiia' 
sunt  ipsorum  :  et  idco  suo  exeniplo  jiro- 
iiibet  Donùuus  aliquod  scamlalum  tieri 
etiam    bujusmodi    liominibus;    sive    ne 


DE  SAINT   MATTIIIKU,    CHAP.    XVII. 


i:i3 


ne  pas  les  exposer  à  de  plus  grandes  fautes ,  ou  pour  les  amener  au 
salut.  C'est  ainsi  que  le  Fils  de  Dieu ,  qui  ne  fit  jamais  aucune  œuvre 
servile,  paya  cependant  l'impôt  et  la  capitation,  parce  qu'il  avait 
revêtu  la  forme  d'esclave  par  amour  pour  les  hommes.  —  S.  Jér  (1). 
Je  ne  sais  ce  que  je  dois  en  premier  lieu  admirer  ici_,  ou  la  prescience 
ou  la  puissance  du  Sauveur  :  la  prescience,  qui  lui  fit  connaître  qu'un 
poisson  avait  une  pièce  de  monnaie  dans  la  bouche  et  que  ce  poisson 
devait  être  le  premier  pris  ;  sa  puissance,  si  une  seule  parole  a  suffi 
pour  créer  cette  pièce  de  monnaie  dans  la  bouche  d'un  poisson  et  s'il 
a  été  ainsi  l'auteur  de  ce  (|ui  devait  arriver.  Jésus-Christ,  dans  sou 
excessive  charité ,  a  donc  souffert  la  mort  de  la  croix  et  payé  les  im- 
pôts, et  nous,  malheureux  que  uous  sommes,  qui  portons  le  nom  du 
Christ  et  qui  n'avons  jamais  rien  fait  de  digue  d'une  si  grande  ma- 
jesté, nous  sommes  affranchis  du  tribut  par  honneur  pour  lui,  et 
exempts  d'impôts  comme  les  fils  des  rois.  Ces  paroles,  comprises  dans 
leur  sens  le  plus  simple  ,  sont  encore  un  sujet  d'édification  pour  ceux 
qui  les  entendent  et  qui  apprennent  ainsi  que  Notre-Seigneur  fut  si 
pauvre ,  qu'il  n'avait  pas  de  quoi  payer  l'impôt  pour  lui  et  pour  son 
disciple.  On  nous  objectera  peut-être  :  Mais  alors  comment  Judas 
pouvait-il  porter  de  l'argent  dans  une  bourse?  Nous  répondons  que 
Jésus  regarda  comme  un  crime  d'appliquer  à  son  usage  l'argent  des- 
tiné aux  pauvres  et  qu'il  nous  a  donné  cet  exemple  à  imiter.  — 
S.  Cïmrs.  Ou  bien  il  ne  veut  pas  qu'on  prenne  de  l'argent  qui  est  en 
réserve  pour  montrer  que  son  empire  s'étend  sur  la  mer  et  sur  les 
poissons  qui  l'habitent.  —  Orig.  Ou  bien,  comme  Jésus  ne  portait  pas 
de  pièce  de  monnaie  à  l'effigie  de  César ,  parce  que  le  prince  de  ce 

(I)  Dans  le  commentaire  de  saint  Jérôme,  les  différentes  parties  de  cette  citation  ne  sont  pas 
disposées  dans  le  même  ordre. 


amplius  peccent,  sive  ut  salventur  :  Fi- 
lius  enim  Dei  qui  niillum  opus  fecit 
servile,  quasi  habens  formain  servi, 
quam  propter  liominem  suscepit.  tribu- 
tum  et ceusum dédit.  Hier.  Qiiidprimura 
in  hoc  loco  mirer  uesoio,  utrum  prae- 
seientiaui,  an  nia^nitudinem  Salvatoris  : 
prafcscientiam,  quod  noverat  habere  pis- 
cem  in  ore  staterem,  et  quod  priuius  ipse 
capiendus  esset  ;  magiiitudiuem  atque 
virtuteiïi,  si  ad  ejus  verbum  stater  in 
ore  piscis  creatus  est ,  et  quod  i'uturum 
erat,  ipse  loquendo  fecerit.  Ipso  era;o 
Christus  (propter  eximiara  charilalem) 
et  crucem  sustiutiit,  et  tributa  reddidit  : 
nos  infelices ,  qui  Chrisli  censemur  no- 
mine,  et   nihil   tanta  dignum    facimus 


majestate,  pro  illius  honore  tributa  non 
reddimus,  et  quasi  iilii  régis  a  vectigaU- 
bus  immunes  sunius.  Hoc  etiam  simpli- 
citer  intellectum  œdificat  auditorem  ; 
dum  audit  Dominum  tantiB  fuisse  pau- 
pertatis,  ut  tiude  tributa  pro  se  et  Apos- 
tolo  redderet,  non  habuerit.  Quod  si 
quis  objicere  voluerit  :  «  Quomodo  Ju- 
das in  loculis  portabat  pecuniam?  » 
respondebimus  :  Rem  pauperum  in  usus 
suos  convertere  nefas  putavit,  nobisque 
idem  tribiiit  exempUuu.  (^hrys.  (ut  sup.] 
Vel  ideo  non  ex  repositis  jubet  dare,  ut 
ostendat  quod  maris  et  piscium  domine- 
tur.  Orig.  (ut  sup.)  Vel  quoniam  Jésus 
non  habuit  imaginem  Ca>saris  :  priuceps 
enim  hujus  seculi  nihil  habebat  in  eo  : 


io4 


EXPLICATION   Dl::    L  KVANGILE 


monde  n'avait  aucun  droit  sur  lui ,  il  prit  une  pièce  de  monnaie  à  l'i- 
mage de  César  non  dans  ce  qui  pouvait  lui  appartenir,  mais  dans  le 
sein  de  la  mer;  et  encore  il  n'alla  pas  la  chercher  lui-même  et  n'en 
fit  pas  sa  propriété,  afin  qu'on  ne  put  trouver  l'effigie  de  César  auprès 
de  l'image  du  Dieu  invisible.  Voyez  quelle  prudence  dans  la  con- 
duite de  Jésus- Christ  :  il  ne  refuse  pas  le  tribut,  il  ne  veut  pas  non 
plus  qu'on  le  paie  de  la  manière  ordinaire  :  mais  il  fait  d'abord 
remarquer  qu'il  n'y  est  pas  soumis,  et  c'est  alors  seulement  qu'il  le 
paie.  Ainsi ,  d'un  côté  il  commande  de  payer  l'impôt  pour  ne  pas 
scandaliser  ceux  qui  sont  chargés  de  le  percevoir ,  et  il  montre ,  de 
l'autre,  qu'il  n'y  est  pas  soumis  pour  ne  pas  scandaliser  ses  disciples. 
Dans  une  autre  circonstance,  nous  le  voyons  mépriser  le  scandale  que 
pouvaient  prendre  les  pharisiens  de  sa  doctrine  sur  les  aliments,  et  il 
nous  enseigne  par  là  à  discerner  les  circonstances  où  il  faut  ne  faire 
aucune  attention  à  ceux  qui  se  scandalisent  et  celles  où  il  faut  eu 
tenir  compte.  —  S.  Grég.  [hom.  7  sur  Ezech.)  Remarquons,  en  effet, 
que  nous  devons,   autant  que  nous  le  pouvons  sans  péché,  éviter  de 
scandahser  le  prochain;  mais  si  c'est  la  vérité  même  qui  donne  lieu 
au  scandale ,  il  vaut  mieux  le  permettre  que  de  sacrifier  la  vérité.  — 
S.  Chrys.  {ho7n.  58.)  La  puissance  du  Christ  vous  parait  ici  admirable; 
mais  admirez  également  la  foi  de  Pierre ,  qui  obéit  dans  une  chose 
aussi  difficile.  Aussi  Notre- Seigneur ,  voulant  récompenser  sa  foi, 
daigne  se  l'associer  dans  le  paiement  de  l'impôt,  ce  qui  fut  pour 
Pierre  un  témoignage  insigne  d'honneur.  «  Ouvrez  la  bouche  de  ce 
poisson,  lui  dit-il;  vous  y  trouverez  une  pièce  d'argent  de  quatre 
drachmes;  donnez-la  pour  vous  et  pour  moi.  »  —  La  Glose  {\).  C'é- 

(1)  Dans  saint  Anselme. 


proplerea  non  ex  proprio,  sed  ex  mari, 
imaginem  Cœsaris  aocepit  ;  non  autem 
suscepit  ipse  staterem,  ueque  fecit  eum 
sibi  possessionem ,  ne  sil  aliquaudû 
imago  Caesaris  apud  imaginem  invisibilis 
Dei.  Vide  eliam  CliristiprudeuUam,  (jua- 
liter  née  reuuit  trihuUim.  uec  simplici- 
ter  jubet  dari  ;  sed  prius  osteudit  se  non 
esse  obnoxium,  et  tune  dat  :  ([uormn 
unum  fecit  (scilicet  dare  tribulum)  ut 
illi  (scilicet  exactores)  non  scandalizen- 
liir;  hoi-  autem  (scilicet,  quod  nsleudit 
se  liberum)  ut  non  scaudalizentur  disci- 
puli.  Alio  vero  loco  coutemnit  phari- 
sceorum  scandalum ,  quando  de  escis 
disputabat  [Malth.  15),  docens  nos  scire 
tempera  secundum  quee  oportet  non  con- 


temnere  eus  qui  scandalizantur,  et  secun- 
dum f{\v<R  oportet  coutemnere.  Greg. 
f super  Ezecfiielem,  liomil.  1.)  Couside- 
randum  euim  est  quia  in  quantum  sine 
peccato  po.-sumus,  vitare  proximorum 
scandalum  debemus  ;  si  autem  de  veri- 
late  scandalum  sumitur,  utilius  permitti- 
tiir  nasci  scandalum  quam  veritas  relin- 
quatur.  CuRYS.  («/  svp.)  Sicut  autem 
stupescis  de  Christi  virtute,  itii  adu  1- 
rare  Pétri  tîdem,  quoniam  rei  tam  difii- 
cili  obedivit.  Ideoque  dp  tide  eum  renui- 
nerans  copulavit  eum  sibi  iu  tribut! 
datione  ;  quod  fuit  abuudaidis  honoris  : 
et  hoc  est  quod  dicitur  :  «  Et  aperlo  ore 
ejus,  inventes  staterem  :  da  pro  me  et 
te.  »  Glossa.  Gonsuetudo  eniui  erat  ut 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XVII.  4.S5 

tait  la  coutume  que  chacun  payât  pour  soi  un  didraclime,  et  le  stalère 
valait  deux  drachmes. 

Ori«.  Dans  le  sens  figuré  ,  Notre- Seigneur ,  dans  le  champ  de  la 
consolation  (car  c'est  ce  que  signifie  le  mot  Capharnaiun) ,  console 
tous  ses  disciples ,  les  déclare  des  enfants  libres  et  leur  donne  le  pou- 
voir de  pêcher  ce  premier  poisson  dans  lequel  Pierre  trouve  sa  con- 
solation, comme  dans  le  fruit  de  sa  pèche.  —  S.  Hil.  En  commandant 
à  Pierre  d'aller  pêcher  le  premier  poisson ,  le  Seigneur  nous  déclare 
que  d'autres  viendront  à  la  suite.  Le  bienheureux  Etienne,  le  premier 
des  martyrs ,  est  le  premier  tiré  de  l'eau ,  et  il  a  dans  la  bouche  le 
didrachme  de  la  prédication  nouvelle ,  de  la  valeur  de  deux  deniers , 
car  il  prêchait  eu  contemplant  dans  son  martyre  (1)  la  gloire  de  Dieu 
et  Notre- Seigneur  Jésus-Christ.  —  S.  Jér.  Ou  bien  le  premier  poisson 
qui  est  tiré  de  l'eau ,  c'est  le  premier  Adam  qui  est  délivré  par  le 
second  Adam  ;  et  ce  qui  est  trouvé  dans  sa  bouche,  c'est-à-dire  dans 
sa  confession ,  est  donné  à  la  fois  pour  Pierre  et  pour  le  Seigneur.  — 
Orig.  Lorsque  vous  verrez  un  avare  corrigé  par  quelque  nouveau 
Pierre  qui  lui  aura  retiré  de  la  bouche  le  langage  des  intérêts  de  la 
terre  ;  vous  pourrez  dire  qu'il  a  été  tiré  à  l'aide  du  hameçon  de  la  raison 
du  sein  de  la  mer,  c'est-à-dire  des  flots  des  sollicitudes  de  l'avarice,  et 
qu'il  a  été  pris  et  sauvé  par  ce  nouvel  Apôtre  qui  lui  a  enseigné  la 
vérité ,  et  lui  a  donné  à  la  place  des  deux  drachmes  l'image  de  Dieu  , 
c'est-à-dire  sa  parole.  —  S.  Jér.  Il  est  à  remarquer  que  c'est  la  même 
somme  qui  est  payée  ,  mais  dans  un  sens  différent  ;  car  pour  Pierre 
elle  est  payée  comme  pour  un  pécheur.  Notre-Seigneur ,  au  contraire , 

(1)  Cette  expression  inpassioiie  doit  s'entendre  non  point  de  la  passion  de  Jésus- Christ,  mais 
du  martyre  de  saint  Etienne. 


unusquisque  pro  se  didrachma  redderet  : 
stater  vero  est  pondus  diiorum  di- 
drachmatum. 

Orig.  {nt  sup.)  Mystice  autem  in  agro 
consolationis  (sic  enim  interpreUtur 
Capharnauni  (consolatiir  omnem  disci- 
puïum,  et  liberum  filium  esse  pronuutial. 
et  dat  ei  virtutem  piscaudi  primum  pis- 
ceni,  ut  ascendente  eo,  consolationem  ac- 
cipiat  Petrus  super  eum  queui  piscatus 
est.  HiLAR.  (ut  sup.)'  Cum  autem  primum 
piscem  admouetur  Petrus  inquirere , 
ascensuri  ualeuduutur  et  plures.  Beatus 
ille  primus  martyr  Stephanus,  primus 
ascendit,  et  staterem  in  ore  continuit  : 
in  quo  didrachma  novae  praedicationis 
(tanquam  duo  deuarii)  habebatur  :  Dei 
enim  sioriam  et  Dominum  Christum  in 


passione  contuens  praedicabat.  Hier. 
Vel  iste  piscis  primus  captus  est  primus 
Adam,  qui  per  secundum  Adam  libera- 
lur;  et  id  quod  in  ore  ejus  (hoc  est  in 
confessione)  fuit  inventum,  pro  Petro  et 
Domino  redditur.  Orig.  (ni  sup.)  Cum 
etiam  videris  avarum  liominem  ab  ali- 
quo  Petro  correctum,  (juod  abstulit  de 
ore  ejus  verbum  pecuniœ,  dices  eum 
asceudisse  de  mari  (id  est  de  lluctibus  sol- 
licitudiuum  avaritiee)  ad  hamum  ratio- 
uabilem  ;  et  comprehensum  atque  sal- 
vatum  ab  aUquo  Petro,  qui  eum  docuit 
veritatem,  ut  pro  statere  habeat  imagi- 
nem  Dei,  id  est,  eloquium  ejus.  Hier. 
Et  pulchre  illud  ipsum  quidem  datur 
pretium,  sed  divisum  est;  quia  pro 
Petro,  quasi  pro  peccatore,  pretium  red- 


i.%       EXPMCATIO.V   )IK    l'ÉVANGILE   DE   S.    MA  ITHIEU,    r.HAP.    XVII. 

n'a  commis  aucun  péché.  Cependant,  comme  preuve  qu'il  avait  une 
chair  semblable  à  la  nôtre ,  la  même  somme  est  payée  pour  le  Sei- 
gneur et  pour  le  serviteur. 


(iebatur  :  Dominus   autem  noster  pec-  l  niilitudo  carnis,  duin  eodem  c-l  Doniinus 

fatum  uon  fecil  :  ostenditur  autem  si- 1  et  servus  prelio  liberaritur,  ■ 


CHAPITRE  XVIII. 

SOMMAIRE     ANALYTIQIIK. 

f.  l-().  —  Sous  l'impression  de  quel  sentiment  les  Apôtres  demandent  à  Notre- 
Seigneur  quel  est  le  plus  grand  dans  le  royaume  des  cieux?  —  Ce  que  nous 
devons  imiter  dans  la  conduite  des  Apôtres.  —  Quel  est  ce  petit  enfant  qu'il 
place  au  milieu  d'eux?  —  Dans  quel  sens  il  veut  qu'ils  deviennent  semblables 
à  des  petits  enfants.  —  Nécessité  non-seulement  de  devenir  semblables  à  de 
petits  enfants,  mais  d'honorer  ceux  qui  leur  ressemblent.  —  Châtiments 
réservés  à  ceux  qui  les  mé|)risent.  —  Quels  sont  ceux  qu'atteint  cette  con- 
damnation dans  l'intention  du  Sauveur?  —  Comment  celui  qui  s'est  converti 
et  qui  est  devenu  semblable  à  un  petit  enfant  peut-il  être  encore  scandalisé? 
—  Quelle  était  la  peine  infligée  chez  les  Juifs  aux  plus  grands  crimes?  — 
Quel  est  dans  le  sens  figuré  ce  supplice  de  la  meule,  la  mer,  etc.? 

f.  7-9.  —  Quel  est  ce  monde  à  (jui  Noire-Seigneur  dit  anathème  à  cause  de 
ses  scandales.  —  Dans  quel  sens  faut-il  entendre  qu(î  les  scandales  sont 
nécessaires?  Pourquoi  sont-ils  nécessaires  ou  utiles?  —  L'humilité  de  la  pas- 
sion du  Sauveur  a  été  un  scandale  pour  le  monde.  —  Peut-on  entendre  ces 
scandales  des  anges  de  Satan  ?  —  Que  faut-il  entendre  sous  cette  dénomina- 
tion générale  :  Malheur  à  l'homme  par  qui  le  scandale  arrive?  —  Preuve 
que  les  scandales  ne  sont  pas  d'une  nécessité  absolue.  —  Nécessité  pour  nous 
de  retrancher  toutes  les  occasions  de  scandale.  —  Que  faut-il  entendre  par 
ce  bras,  ce  pied,  cet  œil,  cette  main  qui  scandalisent? 

f.  10-14.  —  Comment  Notre-Seigneur  adoucit  la  sévérité  du  précepte  qu'il 
vient  de  donner.  —  Non-seulement  nous  devons  rompre  tout  commerce  avec 
ceux  qui  nous  scandalisent,  mais  encore  rendre  à  ceux  qui  sont  saints  l'hon- 
neur qui  leur  est  dû.  —  Quels  sont  ces  petits  que  Jésus-Christ  nous  défend 
de  mépriser.  —  Raison  pour  laquelle  nous  devons  nous  garder  de  les  mépri- 
ser. —  Grande  dignité  des  âmes  à  qui  Dieu  donne  un  ange  pour  gardien  dès 
leur  entrée  dans  la  vie.  —  Dans  quels  rangs  des  hiérarchies  célestes  sont 
choisis  les  anges  qu'il  députe  vers  les  hommes.  —  Les  anges  députés  vers  les 
hommes  ne  cessent  pas  de  jouir  de  la  céleste  vision.  —  Danger  pour  nous 
de  mépriser  ceux  dont  les  anges  sont  les  gardiens.  —  Dans  quel  autre  sens 
les  anges  de  Dieu  sont-ils  nos  anges,  d'après  saint  Augustin?  —  Que  faut-il 
entendre. par  la  face  de  Dieu?  —  Autre  raison  pour  laquelle  nous  ne  devons 
pas  mépriser  les  petits.  —  Volonté  que  le  Père  céleste  a  de  sauver  tout  le 
genre  humain.  —  Quel  est  cet  homme  qui  laisse  les  quatre-vingt-dix-neuf 
brebis  pour  courir  après  celle  qui  s'est  égarée  ?  —  Que  représentent  la  brebis 
qui  s'égare  et  les  quatre-vingt-dix-neuf  autres? —  Pourquoi  ces  quatre-vingt- 
dix-neuf  autres  sont-elles  laissées  sur  la  montagne?  —  Pourquoi  la  joie  dans 
le  ciel  est-elle  plus  grande  pour  la  conversion  d'un  pécheur  que  pour  la  per- 
sévérance de  quatre-vingt-dix-neuf  justes  ?  —  A  quelle  fin  Notre-Seigneur  a 
proposé  cette  parabole. 

y.  15-17.  —  Devoir  de  la  correction.  — Nous  est-il  permis  de  rester  indifférents 
aux  péchés  les  uns  des  autres?  —  Motifs  qui  font  qu'on  néglige  le  devoir  de 
la  correction.  —  Nouveau  mode  de  réconciliation  que  Notre-Seigneur  pro- 
pose à  ses  disciples.  —  Commande- t-il  de  pardonner  indistinctement  à  tout 


i58  EXPLICATION   DE    l'ÉVANGILE 

homme  qui  pèche?  —  Commande-t-il  de  faire  de  vifs  reproches?  etc.  — Obli- 
gation où  nous  sommes  de  pardonner.  —  A  qui  Notre-Seigneur  impose-t-il 
le  devoir  de  la  correction?  —  Comment  doit-on  remplir  ce  devoir?  —  Cir- 
constances où  il  faut  reprendre  en  secret,  d'autres  où  il  faut  reprendre  publi- 
quement. —  Sous  quelle  inspiration  doit  se  faire  la  réprimande.  —  Que  faut- 
il  faire  si  la  première  correction  et  la  seconde  devant  témoins  ne  sont  pas 
bien  accueillies?  —  Que  veulent  dire  ces  paroles  :  Dites-le  à  toute  l'Eglise? 

—  Devons-nous  agir  de  même  à  l'égard  de  ceux  qui  ne  font  point  pai'tie  de 
l'Eglise?  —  Cette  conduite  que  nous  recommande  iNotre-Seigneur  s'applique-t- 
elle  à  toutes  sortes  de  péchés?  —  Est-ce  aller  contre  la  miséricorde  de  Jésus- 
Christ  que  de  restreindre  ces  paroles  aux  péchés  plus  légers?  —  Sage  tempé- 
rament qu'il  faut  savoir  garder  en  évitant  les  partis  extrêmes. 

f.  ■18-2(».  Pouvoir  extraordinaire  que  Notre-Seigneur  donne  ici  à  ses  Apùtres. — 

—  Pourquoi  déclare-t-il  irrévocable  le  jugement  prononcé  par  le  tribunal  des 
Apôtres?  —  11  laisse  à  leur  propre  volonté  le  soin  de  lier  et  de  délier,  suivant 
l'opportunité.  —  Peine  qu'il  inflige  au  pécheur  incorrigible.  —  Attention 
qu'il  faut  apporter  dans  l'exercice  de  ce  pouvoir.  —  Puissance,  efficacité  de 
la  prière  faite  de  concert  et  en  commun.  Les  faveurs  célestes  découlent  de 
de  Jésus-Christ  comme  du  Père  céleste.  —  Comment  Noire- Seigneur  nous 
engage  et  nous  presse  d'embrasser  promptement  la  paix  fraternelle.  —  Pour- 
quoi ajoute-t-il  :  Là  où  seront  réunis  en  mon  nom?  —  Comment  se  fait-il 
cependant  que  des  personnes  parfaitement  unies  n'obtiennent  pas  ce  qu'elles 
demandent?  —  Diflérentes  raisons  qui  détruisent  l'effet  de  nos  prières.  — 
Explication  de  ces  paroles  dans  le  sens  figuré. 

^.  21-2'2.  —  Le  pardon  que  nous  devons  accorder  à  nos  frères  quand  ils  nous 
ont  offensé  a-t-il  des  limites?  —  Que  signifie  le  nombre  de  septante  fois 
sept  fois  choisi  par  INotre-Seigneur?  — Explication  figurée  du  nombre  sept  et 
septante  fois  sept  fois. 

y.  23-33.  —  Parabole  qui  confirme  la  doctrine  précédente.  —  Usage  des  para- 
boles et  des  comparaisons  dans  la  Syrie  et  la  Palestine.  —  Qu'est-ce  que  ce 
royaume  des  cieux  qui  est  devenu  semblable  à  un  roi?  —  Que  représentent 
les  serviteurs  de  ce  roi  ?  —  Quand  devrons-nous  rendre  compte  à  ce  roi  de 
toute  notre  vie?  Rapidité  avec  laquelle  se  fera  ce  jugement.  —  Que  repré- 
sente cet  homme  qui  devait  dix  mille  talents?  —  Que  figurent  ces  dix  mille 
talents?  —  Impuissance  pour  le  pécheur  de  s'acquitter  par  lui-même  de  la 
dette  qu'il  contracte  vis-à-vis  de  Dieu.  —  Que  représentent  au  figuré  la 
femme  et  les  enfants  de  cet  homme  ?  —  Par  ({uel  motif  le  roi  donne-t-il  cet 
ordre  sévère?  —  Humiliation  et  satisfaction  du  pécheur.  —  Excès  de  l'amour 
de  Dieu  pour  les  pécheurs  repentants.  —  Que  figure  la  somme  de  cent 
deniers  que  lui  devait  son  compagnon?  —  Différence  entre  les  péchés  commis 
contre  Dieu  et  ceux  que  f  on  commet  contre  son  frère.  —  Caractère  de  gra- 
vité que  présentent  nos  péchés  contre  Dieu.  —  Que  représentent  ces  deux 
serviteurs?  —  Comment  pouvons- nous  facilement  obtenir  le  pardon  des 
fautes  commises  contre  Dieu  ?  —  Indignité  de  la  conduite  de  ce  serviteur  à 
qui  son  maître  vient  de  remettre  des  dettes  énormes.  —  Circonstances  qui 
rendent  plus  coupable  sa  conduiUî.  —  Que  représentent  les  compai^nons  de 
ce  serviteur?  —  Sévéï'ité  du  roi  son  maître  à  son  égard.  —  Sa  condamnation 
et  son  supplice.  —  Durée  éteiiulle  des  peines  de  l'enfer.  —  Nécessité  de 
pardonner  du  fond  du  cœur  les  plus  légères  offenses  comme  les  plus  graves. 
Explication  allégorique  de  cette  parabole. 


DE  SAINT   MATTHIEU.    CHAI'.    XVIII. 


459 


f.  1-6.  — En  ce  même  temps,  le.i  disciples  s'approchèrent  de  Jésus  et  lui  dirent: 
Qui  pensez-vous  qui  est  le  plus  grand  dans  le  royaume  des  deux?  Jésus , 
ayant  appelé  un  petit  enfant ,  le  mit  au  milieu  d'eux  et  leur  dit  :  Je  vous  dis 
en  vérité  que  si  vous  ne  vous  convertissez  et  si  vous  ne  devenez  comme  de 
petits  enfants,  vous  n'entrerez  point  dans  le  royaume  des  deux.  Quiconque 
donc  s'humiliera  comme  cet  enfant  sera  le  plus  grand  dans  le  royaume  des 
deux.  Et  quiconque  reçoit  en  mon  nom  un  enfant  tel  que  je  viens  de  dire, 
c'est  moi-même  qu'il  reçoit.  Que  si  quelqu'un  scandalise  un  de  ces  petits  qui 
croient  en  moi,  il  vaudrait  mieux  pour  lui  qu'on  lui  pendit  au  cou  une  de 
ces  meules  qu'un  âne  tourne,  et  qu'on  le  jetât  au  fond,  de  la  mer. 

S.  Jeu.  Los  disciples,  voyant  que  le  même  impôt  avait  été  payé 
également  pour  Pierre  et  pour  le  Sauveur ,  en  conclurent  que  Pierre 
était  placé  au-dessus  de  tous  les  autres  Apôtres.  —  S.  Chrys.  {homé- 
lie 58.)  Cette  pensée  leur  inspira  un  sentiment  tout  naturel  et  tout 
humain ,  que  l'Evangéliste  nous  exprime  en  ces  termes  :  «  En  ce 
même  temps,  les  disciples  s'approchèrent  de  Jésus  et  lui  dirent  :  Qui 
pensez-vous  qui  soit  le  plus  grand  dans  le  royaume  des  cieux?  »  Ils 
rougissent  d'avouer  le  sentiment  de  jalousie  qui  les  domine  ;  ils  ne 
demandent  pas  ouvertement  :  Pourquoi  avez-vous  honoré  Pierre  plus 
que  nous?  mais  ils  lui  font  cette  question  en  général  ;  «  Quel  est  le 
plus  grand  ?  »  Lorsqu'ils  avaient  vu  ces  marques  d'honneur  accordées 
H  trois  d'entre  eux  dans  la  transfiguration ,  ils  n'éprouvèrent  rien  de 
semblable  ;  mais  ils  furent  péniblement  affectés  quand  cet  honneur 
sembla  se  concentrer  sur  un  seul.  Remarquez  cependant  qu'ils  ne 
demandent  rien  des  choses  de  la  terre  et  (|u'ils  étouffèrent  ensuite  ce 
sentiment  de  jalousie,  tandis  que  pour  nous ,  nous  ne  pouvons  même 


CAPUT  XVIII. 

In  illa  hora,  aecesserunt  discipidi  ad  Jesum,  di- 
centes  :  Quis  putas  major  est  in  reyno  cœlo- 
rum?  et  advocans  Jésus  parvulum,  staluit  eum 
in  medio  eoriim,  et  dixit  :  Amen  dico  vobis,  nisi 
conversi  fiierilis  et  effieiamini  sicut  parmli, 
non  intrabitis  in  regnum  cœlorum.  Quicunque 
ergo  humiliaoerit  se  sicut  parvulus  iste,  hic  est 
major  in  régna  cœlorum;  et  qui  susceperit 
unum  parculum  talem  in  noînine  meo,  me  sus- 
cipit  ;  qui  auteni  scandalizaoerit  unum  de  pu- 
sillis  islis  qui  in  me  credunt,  expedit  et  ut  sus- 
pendatur  mola  asinaria  in  collo  ejus,  et  demer. 
gatur  inprofundum  maris. 

Hier.  Quia  disflpuli  videraiit  pru  Petro 
et  Domino  idem  tiiluitiuu  redilitum  ex 
aequalitate  pretiij  arbitrati  suut  omnibus 
apostolis  Petrum  esse  praelatum.  Chrys. 


[in  homil. '69  ttt  stip.)  Uude  passi  sunl 
aliquid  humanum;  quod  Evangelista  de- 
sifiiiat  dicens  :  «  in  illa  hora,  aecesserunt 
dis(ripuU  ad  Jesum,  dicentes  :  Quis  pHtas 
major  est  in  regno  cœlorum  ?  »  Vere- 
cundati  siquidem  passionem  confiteri 
quam  passi  sunt,  non  dicunt  manifeste  : 
«Petrum  cur  prœhonorasti  nobis?  sed 
indt'terminatc  interrogant  :  «  Quis  major 
est?  »  Quando  autem  très  prœbouoratos 
viderunl  (scilicet,  Petrum,  Jacobum  et 
Joaniiem  in  tninstiguratione),  nihil  taie 
passi  sunt;  quando  vero  in  unum  solum 
contulit  honorem,  lune  doluerunt.  Tu 
autem  considéra  primum  quidem  quod 
nihil  eorum,  quai  sunt  in  terris,  quae- 
runt;  deinde,  quod  postea  banc  pas- 
sioneni  deposueruut;  nos  autem  neque 
ad  defectus  eorum  contingere  possumus. 


.160 


KXIMJCATION    KK    L  EVANGILE 


nous  élever  jusqu'à  leurs  défauts  ,  car  nous  ne  cherchons  [las  à  savoir 
(juel  est  le  plus  grand  dans  le  royaume  des  cieux ,  mais  quel  est  le 
plus  grand  dans  les  royaumes  de  la  terre. 

Orig.  {Traité  v  sur  S.  Matth.)  Nous  devons  imiter  la  conduite  des 
disciples  toutes  les  fois  qu'il  s'élève  (!U  nous  (juelques  doutes  que  nous 
ne  pouvons  résoudre;.  Il  nous  faut  venir  d'un  commun  accord  trouver 
Jésus ,  qui  a  la  puissance  d'éclairer  le  cœur  des  hommes  et  de  leur 
faire  comprendre  la  solution  de  toutes  les  difficultés  ;  interrogeons 
aussi  un  des  docteurs  qui  sont  à  la  tète  des  églises.  Les  disciples,  en 
faisant  cette  question,  savaient  bien  que  les  saints  ne  sont  pas  égaux 
dans  le  royaume  du  ciel,  mais  ils  désiraient  savoir  par  quel  moyen 
on  parvenait  à  être  le  plus  grand  et  comment  on  arrivait  à  être  le 
plus  petit.  Ou  bien  encore  ,  d'après  ce  que  Notre-Seigneur  leur  avait 
dit  précédemment,  ils  savaient  quel  était  le  plus  petit  et  quel  était  le 
plus  grand  ;  mais  ils  ignoraient  quel  était  le  premier  dans  le  nombre 
de  ceux  qui  passaient  pour  grands. 

S.  Jér.  Jésus,  voyant  leurs  pensées,  voulut  guérir  ce  désir  de  vaine 
gloire  en  leur  proposant  un  combat  tout  d'humilité  :  «  Et  ayant  appelé 
un  petit  enfant.  »  —  S.  Chrys.  {hom.  58.)  Rien  de  plus  sage  que  la 
conduite  de  Notre-Seigneur  plaçant  au  milieu  d'eux  un  tout  petit 
enfant,  exempt  de  toute  passion. —  S.  Jér.  Il  veut  ainsi  montrer  réunis 
en  lui  l'âge  et  le  symbole  de  l'innocence.  Ou  bien  c'est  lui-même  qu'il 
place  au  milieu  d'eux  comme  un  petit  enfant ,  lui  qui  n'était  pas  venu 
pour  être  servie  afin  de  leur  donner  un  exemple  frappant  d'humilité. 
D'autres  entendent  par  ce  petit  enfant  l'Esprit  saint ,  que  Jésus  plaça 
dans  le  cœur  de  ses  disciples  pour  changer  leur  orgueil  en  humilité. 


neque  enim  quserimus  «  quis  major  est 
in  regno  cœlorum,  sed  quis  major  est  in 
reguo  terrœ.  » 

Orig.  {Tract.  '•>,  inMott/i.)  in  liis  au- 
lem  imitatores  discipulorum  esse  del)0- 
mus  (si  quaiido  aliepiid  in  nobis  dubimn 
quEeritur  et  non  invenitur),  ut  (;um  omni 
consensu  accedamus  ad  Jesum,  qui  po- 
tens  est  iliuminaro  corda  liominum  ad 
iutelligendamsolutionein  omnium  qu;cs- 
tionum  ;  iuterrogemus  ctiam  aliejuem 
dûctorum,  qui  pra'positi  iiabonlur  in 
ecclesiis.  Sciebant  autem  discipuli  hoc 
iûterrogautes  (juia  non  est  ic(iuaiitas 
sanctorum  in  regno  cœlesti  ;  sed  quo- 
modo  major,  et  qualiter  vivens  miuimus, 
hoc  discere  cupiebant.  Vel  sciebant  quis 
esset  minimus  et  quis  magnus,  ex  co 


quod  supra  Dominas  dixerat  ;  sed  ex 
multis  magnis  quis  esset  major,  hoc  eis 
non  erat  manifesluni. 

Hier.  Videns  autem  Jésus  cogitaliones 
eorum,  voluit  desiderium  gloria^  humi- 
litatiscontentiouesanare;  undesequitur: 
«  Et  advocaus  parvuhim  ,  »  etc.  Chrys. 
{ni  sup.)  Mihi  videtur  valde  bene  par- 
I  vuhnn  in  medio  statuere  omnibus  pas- 
I  sionibus  cxutum.  Hier.  Ut  in  eo,  et  aeta- 
tem  (piaereret,  et  simiHtudinem  iuno- 
centia^  demonstraret;  velcerto  parvulum 
statuit  in  medio  eorum  seip.-^um.  qui  non 
veuerat  ministrare,  ut  eis  humihtatis  tri- 
bueret  exemplum.  Alii  jxti  riiltini  iuter- 
prelantur  Spiritum  Sanctum,  quem  po- 
suerit  in  cordibus  discipulorum  ut  super- 
biam  in  humilitatcm  mutaret.  Sequitur  : 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XVIII.  461 

«  Et  il  leur  dit  :  Je  vous  dis  eu  vérité  que  si  vous  ue  vous  convertissez 
et  si  vous  ne  devenez  comme  de  petits  enfants,  »  etr.  Il  ne  fait  pas  un 
précepte  à  ses  disciples  de  reprendre  l'àcço  des  enfants  ,  mais  d'avoir 
leur  innocence  et  d'atteindre  par  leurs  eiJbrts  à  ce  (jue  les  enfants  pos- 
sèdent par  le  privilège  de  leur  âge,  c'est-à-dire  d'être  petits  en  malice 
et  non  en  sagesse  ([  Corinth.,  xiv).  Voici  le  sens  de  ces  paroles  :  Voyez 
cet  enfant  dont  je  vous  propose  l'exemple  :  il  ne  persévère  pas  dans 
sa  colère,  il  oublie  les  injures,  il  ne  met  pas  son  plaisir  dans  la  vue 
d'une  belle  femme,  il  ue  parle  pas  autrement  qu'il  ne  pense.  Or,  à 
moins  d'avoir  cette  innocence  et  cette  pureté  d'àme^  vous  ne  pourrez 
entrer  dans  le  royaume  des  cieux.  —  S.  Hil.  {can.  14  sur  S.  Matth.) 
Ces  enfants  sont  aussi  tous  les  fidèles ,  à  cause  de  leur  obéissance  à  la 
foi,  car  ils  se  font  gloire  de  suivre  leur  père,  d'aimer  leur  mère  ;  ils 
ignorent  ce  que  c'est  que  de  vouloir  le  mal  ;  ils  négligent  les  soucis 
des  affaires,  n'ont  ni  arrogance,  ni  baine,  ni  habitude  du  mensonge; 
ils  croient  à  ce  qu'on  leur  dit  et  tiennent  pour  vrai  ce  qu'ils  entendent. 
Tel  est  aussi  le  sens  littéral  de  ces  paroles. 

La  CiLose  {intei'lin.)  (i).  Si  vous  ue  dépouillez  ces  sentiments  d'or- 
gueil et  de  secrète  iri-itation  qui  vous  dominent  actuellement,  pour 
devenir  tous  innocents  et  humbles  par  vertu,  comme  L-s  enfants  le 
sont  par  leur  âge,  vous  n'entrerez  pas  dans  le  royaume  des  cii'ux,  car 
on  n'y  entre  pas  à  d'autres  conditions.  Quiconque  donc  s'humiliera 
comme  cet  enfant,  celui-là  sera  le  plus  grand  dans  le  royaume  des 
cieux;  car  plus  ou  s'humiliera,  plus  aussi  on  deviendra  grand  dans  le 
royaume  des  cieux.  —  Hemi.  C'est-à-dire  dans  la  connaissance  de  la 

(I)  La  première  partie  de  cette  citation  se  trouve  dans  la  Glose,  quoique  d'une  manière  non 
suivie  ;  la  seconde  partie  est  de  saint  Anselme. 


«  El  dixit  :  Amen  dicovobis,  niai  efficia- j  quuntur,   matrem  amaut;  velle  malum 
mini  sicut  parvuii,  »  etc.  Non  prœcipit    uesciunt   :    curam    operum    negligunt; 


apoâtolis  utaîtaleui  liabeant  parvuloruui, 
sed  ut  innotentiam;  et  quod  illi  per  an- 
nos  posàideut,  iii  possideant  per  indus- 
triani,  ut  malitia,  non  sapieuti.i,  parvuii 
sint.  (I  Cor.  14.)  Ac  si  dicat  :  Sicut  iste 
parvulus,  cujus  vobis  exeuipluui  tribuo. 


non  insûlescunt,  non  oderunt.nou  men- 
liuutur;  dictis  credunt,  et  quod  au- 
diunt  veruni  habeut  :  Uttera  ergo  sic  le- 
gitur. 

Glossa.  [interlin.)  Nisi  conversi  fue  • 
ritis   ab  bac  elatione  et  indignatione  in 


non  persévérât  in  iracundia,  bcsus  non  j  qua  modo  estis,  et  efficiamiiii  oiunes  ita 
meminit,    videns    pulcbraui   muliereni  j  innocentes  et  bumiles  per  virtutem,  si- 


non delectatur,  non  aliud  cogitât  et  aliud 
loquitur;  sic  et  vos,  nisitalem  iiabueritis 
innocentiaui  et  auinii  puritatem,  in 
regnum  cœlorum  non  poteritis  intrare. 
Hilar.  {('on.  14,  in  Muttli.)  Pueros 
etiam  credentes  omnes  per  audientiam 
tidei  nuncupavit  :  lii  enini   palreui   se- 


cut  parvidi  sunt  per  a.'tatem,  non  iutra- 
bitis  in  regmun  cœlorum;  quandoqui- 
dem  aliter  non  intratur  ;  quicunque 
ergo  bumiliaverit  se  sicut  parvulus  iste, 
bic  major  est  iuregno  cielorum  :quanto 
enim  quis  erit  bumilior,  tauto  major  ef- 
ficitur  in  regrio  cœlorinu.  Remig.  Id  est. 


462 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


grâce,  ou  bien  dans  la  hiérarchie  ecclésiastique,  ou  certainement 
dans  l'éternelle  félicité.  —  S.  .1er.  Ou  bien  encore,  quiconque  s'humi- 
liera comme  cet  enfant,  c'esl-à-dire  celui  qui  s'humiliera  à  mon 
exemple,  celui-là  entrera  dans  le  royaume  des  cieux. 

«  Et  quiconque  reçoit  en  mon  nom  un  enfant  tel  que  celui  que  je 
viens  de  dire,  c'est  moi  tju'il  reçoit.  »  Paroles  dont  voici  le  sens  :  Ce 
n'est  pas  seulement  en  devenant  semblables  à  cet  en  faut ,  mais  encore 
en  honorant  à  cause  de  moi  ceux  qui  leur  ressemblcsnt,  que  vous 
aurez  droit  à  la  récompense ,  et  je  vous  assigne  comme  récompense 
de  l'honneur  que  vous  leur  aurez  témoigné ,  le  royaume  des  cieux. 
Mais  une  récompense  bien  supérieure  encore,  c'est  ce  qui  suit  : 
«  C'est  moi  qu'il  reçoit.  »  —  S.  Jér.  Car  c'est  Jésus-Christ  que  l'on 
reçoit  en  recevant  celui  qui  reproduit  dans  toute  sa  vi(!  l'humilité  et 
riunoeence  du  Sauveur.  Mais  de  peur  que  les  Apôtres  ne  s'attribuent 
d'eux-mêmes  cet  honneur  qu'on  pourra  leur  rendre ,  le  Sauveur 
ajoute  avec  sagesse  que  ce  n'est  pas  à  cause  de  leur  mérite ,  mais  en 
considération  de  leur  Maître  qu'ils  recevront  cet  honneur. 

S.  Chrys.  {hom.  58.)  Pour  leur  faire  recevoir  et  pratiquer  plus  faci- 
lement ces  vérités ,  il  leur  donne  ensuite  la  sanction  des  châtiments  : 
«  Si  quelqu'un  scandalise.  »  etc.,  c'est-à-dire  :  de  même  que  ceux  qui 
honorent  ces  petits  à  cause  de  moi  seront  jugés  digues  de  récompense, 
ainsi ,  ceux  qui  les  méprisent  seront  punis  des  derniers  châtiments. 
Ne  soyez  pas  surpris  de  l'entendre  appeler  les  outrages  un  scandale , 
car  bien  souvent  les  caractères  faibles  sont  scandalisés  par  le  mépris 
qu'on  fait  d'eux.  —  S.  Jér.  Remarquez  que  ce  sont  les  petits  qui  sont 
scandalisés,  car  ceux  qui  sont  plus  forts  ne  se  scandalisent  pas  si  faci- 
lement. Or,  bien  t|ue  cette  condamnation ,  prononcée  par  le  Sauveur, 


I 


in  cognitione  gratiœ,  vel  ecclesiastica 
dignitate,  vel  certe  iu  aeterua  beatitu- 
dine.  Hier.  Vel  aliter  :  «  Quicunque  hu- 
miliaverit  se  sicut  parvulus  iste  (id  est^ 
qui  se  in  exempliun  mei  luiniiliaverit), 
hic  intrabit  in  regaiim  cû-loriuii.  » 

Seqiiitur  :  «  EL  qui  suscoperit  uuuiu 
parvuluui  taleni  iu  ncjuiine  nieo,  »  etc. 
CiiRys.  {ut  sitp.)  Ac  si  dicat  :  «  Non  so- 
luin  si  taies  efficiauiini,  niercedein  acci- 
pielis,  sed  et  si  alios  taies  propter  me 
houorabitis,  et  honoris  qui  est  ad  illos 
retributionem,  vobis  deterinino  reg- 
uum.  »  Magis  autem  quod  muito  niajus 
est  ponit,  dicens  :  «  Me  suscipit.  »  HiiiR. 
Qui  enini  lalis  l'uerit,  ut  Chrisli  imitPtur 
iiuuiilitatom  cl  inuoceutiam,  iu  eu  Chris- 


tus  suscipitur  :  et  prudeuter  (ne  cuni 
delatuui  fueril  apostolis,  se  pu  lent  hono- 
râtes) adjecit,  non  suo  illos  merito,  sed 
magistri  honore  suscipiendos. 

CuRYS.  (utsup.)  Deinde  facile  suscep- 
tibilem  hune  sermoneui  facit,  pœnani 
iuducens  :  unde  sequitur  :  «  Qui  autem 
scandalizat,  »  etc.  Ac  si  diceret  :  Sicut 
qui  hos  honorant  propter  me,  merce- 
dcm  liabeiit,  ita  et  (|ui  hos  deshouorant, 
ultimaui  sustiuebuut  viudictam.  Si  autem 
couvitium  ncandalum  vocat,  ne  mireris  : 
nmlti  enim  pusillanimes  ex  eo  quod  des- 
piciuntur  scaudalizati  sunt.  Hier.  Nota 
quod  qui  scandaiizatur  parvulus  est  ; 
majores  enim  scandala  non  recipiunt. 
Et  quuuquam  geucralis  possil  esse  seu- 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CIIAP.    XVIII. 


463 


atteigne  eu  général  tous  ceux  qui  sont  pour  les  autres  une  occasion 
de  scandale,  la  suite  du  discours  nous  permet  aussi  de  l'appliquer 
aux  Apôtres  eux-mêmes;  car  cette  question  :  Quel  est  le  plus  grand 
dans  le  royaume  des  cieux  ,  paraissait  être  entre  eux  une  question  de 
prééminence,  et  s'ils  avaient  persévéré  dans  cette  mauvaise  disposition, 
ils  auraient  pu  perdre ,  par  ce  scandale ,  ceux  qu'ils  appelaient  à  la 
foi  et  qui  les  auraient  vus  divisés  par  une  question  de  préséance.  — 
Orig.  Mais  comment  expliquer  que  celui  qui  s'est  converti  et  qui  est 
devenu  semblable  à  un  enfant  soit  donné  comme  petit  et  susceptible 
d'être  scandalisé?  Voici  comment  on  peut  résoudre  cette  difiicuhé. 
Celui  qui  croit  au  Fils  de  Dieu  et  vit  d'une  manière  conforme  à  l'E- 
vangile s'est  transformé  jusqu'à  devenir  semblable  à  un  enfant.  Celui 
au  contraire  qui  n'a  point  subi  cette  bienheureuse  transformation ,  ne 
peut  entrer  dans  le  royaume  des  cieux.  Or,  dans  la  multitude  innom- 
brable de  ceux  qui  ont  embrassé  la  foi,  il  en  est  qui  sont  nouvellement 
convertis  et  qui  travaillent  à  devenir  semblables  à  des  enfants,  mais 
qui  ne  le  sont  pas  encore  devenus  ;  ces  derniers  sont  faibles  en  Jésus- 
Christ  et  peuvent  être  facilement  scandalisés. 

S.  Jér.  En  ajoutant  :  «  Il  vaudrait  mieux  pour  lui  qu'on  lui  atta- 
chât une  meule  de  moulin  au  cou,  »  etc.,  Notre-Seigneur  parle  d'après 
l'usage  de  ces  contrées,  car  chez  les  anciens  Juifs  la  peine  infligée  aux 
plus  grands  crimes  était  d'être  précipité  dans  la  mer  après  avoir  été 
attaché  à  une  pierre  (1*).  Or,  il  lui  serait  avantageux  qu'il  en  fût  ainsi, 
car  il  vaut  beaucoup  mieux  subir  pour  sa  faute  une  peine  de  courte 

({*)  Ce  genre  de  mort  se  retrouve  chez  plusieurs  autres  peuples  de  l'antiquité.  C'est  de  cette  ma- 
nière que  chez  les  Germains  on  plongeait  dans  un  étang  les  femmes  adultères.  L'empereur  Au- 
guste lui-même  fit  périr  ainsi  le  précepteur  et  les  serviteurs  de  son  lils.  Ces  meules  de  pierre 
sont  trés-comraunes  en  Palestine,  elles  sont  de  toutes  grandeurs.  Chaque  maison  a  son  moulin  à 
bras,  sans  y  comprendre  les  moulins  ou  l'on  emploie  les  bêtes  de  somme.  Au  dire  des  voyageurs, 
les  fragments  de  ces  meules  usées  sont  si  communs  en  Palestine,  que  souvent,  dans  les  terrains 
explicitement  calcaires,  on  est  tenté  de  croire  qu'on  se  trouve  sur  un  terrain  volcanique. 


tentia  adversus  omnes  qui  aliquem  scau- 
dalizant,  tamea  juxta  consequentiam 
sermonis  eliain  contra  apostolos  dictum 
intelligi  potest;  qui  interrogando,  quis 
major  esset  iu  reguo  cœlorum,  »  vide- 
bautur  iuter  se  de  diguilale  contendere; 
et  (si  in  hoc  vilio  permausissenl)  poterant 
eos,  quos  ad  lidem  vocabant,  per  suuiu 
scandalum  perdere,  duin  apostolos  vidè- 
rent iuter  se  de  honore  pugnarc.  Orig. 
[utsup.)  Ouomodo  autem  qui  conversus 
est  et  factus  quasi  puer,  et  minitmis  est, 
et  potens  scaudalizari  '?  Hoc  sic  possu- 
mus  explauare  :  oiuuis  qui  Fiiio  Dei  cré- 
dit et  conversatur  secundum  evangehcos 


actus  conversus  ambulat  quasi  puer  :  qui 
autem  ii  jn  convertitur  ut  fiât  sicut  puer, 
imnc  impossibile  est  iulrare  in  reguum 
cœlorum.  In  omui  autem  credentium 
mullitudine,  sunt  quidam  nuper  con- 
versi,  ut  fiant  sicut  parvuli,  noiidum  au- 
tem sunt  facti  ;  lii  pusilli  habcutur  in 
Christo,  et  sunt  scandali  receptores. 

Hier.  Quod  aulem  dicitur  :  «  Expedit 
ei  ut  suspendatur  mula,  «  etc.,  secundum 
ritum  provinciai  loquitur,  quo  majorum 
crimiuum  ista  apud  veteres  Judœos  pœ- 
na  iuerat,  ut  in  profundum  ligato  saxo 
demergerentur.  Expedit  autem  ei,  quia 
multo  inelius  est  pro  culpa  brevem  reci- 


461 


EXPLICATION   DE  l/ÉVANGILE 


durée  que  d'être  réservé  à  des  châtiments  éternels.  —  S.  Ghrys.  [ho- 
mélie 58.)  Il  était  ce  semble  naturel  et  logique  que  le  Sauveur  termi- 
nât cette  seconde  partie  en  disant  :  «  C'est  moi  qu'il  ne  reçoit  pas,  » 
ce  qui  (Hait  de  tous  les  châtiments  le  }>lus  sensible;  mais  comme  les 
disciples  étaient  encore  peu  avancés  et  qu'une  peine  semblable  ne 
pouvait  les  impressioner ,  il  leur  fait  connaître ,  par  la  comparaison 
d'un  fait  qui  leur  est  connu,  le  supplice  qui  leur  est  préparé,  et  il  leur 
déclare  qu'il  vaudrait  mieux  pour  eux  subir  ce  châtiment  temporel, 
parce  qu'un  supplice  bien  plus  terrible  leur  est  réservé. 

S.  HiL.  Dans  le  sens  mystique ,  le  supplice  de  la  meule ,  c'est  la 
peine  de  l'aveuglement  spirituel;  car  c'est  après  qu'on  leur  a  couvert 
les  yeux  que  l'on  fait  tourner  la  meule  aux  animaux.  Nous  voyons 
aussi  souvent  les  Gentils  désignés  sous  le  symbole  de  l'âne,  parce 
qu'ils  sont  renfermés  dans  l'ignorance  d'un  travail  dont  ils  ne  peuvent 
voir  la  fin.  Pour  les  Juifs,  au  contraire,  la  loi  leur  a  tracé  le  chemin 
de  la  science,  et,  s'ils  viennent  à  scandaliser  les  Apôtres  du  Christ,  il 
aurait  mieux  valu  pour  eux  qu'on  leur  eût  attaché  une  meule  de 
moulin  au  cou  et  qu'on  les  eût  précipités  dans  la  mer;  c'est-â-dire  qu'il 
leur  eût  été  plus  avantageux  d'être  condamnés  aux  durs  travaux  des 
Gentils  et  de  rester  ensevelis  dans  les  ténèbres  du  siècle ,  car  c'eut 
été  pour  eux  un  moindre  crime  de  ne  pas  connaître  Jésus-Christ  que 
de  refuser  de  recevoir  le  Seigneur  et  le  Maître  des  prophètes. 

S.  Grég.  {Moral.,  vi,  17.)  Ou  bien,  dans  un  autre  sens,  que  doit-on 
entendre  par  la  mer,  si  ce  n'est  le  siècle,  et  par  cette  meule  de  moulin, 
si  ce  n'est  l'action  des  choses  de  la  terre  qui,  eu  étreignant  l'âme  et  en 
la  prenant  comme  au  cou  par  des  désirs  insensés,  la  condamne  à  tour- 
ner péniblement  dans  le  même  cercle  ?  Or,  il  en  est  plusieurs  qui ,  en 
se  séparant  des  actions  terrestres  et  en  voulant  s'élever  jusqu'à  l'exer- 
cice de  la  contemplation,  sans  prendre  conseil  de  l'humilité,  non-seu- 


pere  pœnam,  quam  aeteruis  servari  -jm- 
ciatibus.  Chrys.  [ut  sup.)  Consequeus 
aulem  erat  prioribus  dicere  :  «  Me  non 
suscipit  »  (quod  erat  onini  pœna  ama- 
rius),  sed  quia  crassi  eranl,  et  prœdicta 
pœna  eos  non  luovebat,  comparatione 
exenipli  cogniti  manifestât  pra^^paratani 
pœnam;  propter  boc  euini  dicit,  quod 
expedit  eis  hoc  sustinere,  quoniam  eos 
aba  gravior  pœna  expectat. 

HiLAR.  {nt  sup.)  Myslice  autem  moia> 
opns  labor  est  caicitatis  :  uaui  daiisisju- 
merdorum  ucubs  agunlur  in  gyrum  ;  et 
sub  asini  qnidem  nonnne  freiiueuter  gén- 
ies ciigiioniinatas  reperimus,  quaî  cœci 
laboris  ignoraulia  contiueiitur  ;   Juda;is 


autem  scieutiœ  iter  in  lege  praestitum 
est  ;  ([ui  si  Christi  apostolos  scaudabza- 
verint,  rectius  aliigatacollo  molaasinaria 
demersi  in  mare  fuissent  (id  est,  gentium 
labore  depressi,  in  iguorautia  secub  de- 
uiurareutur),  quia  iilis  tolerabilius  fuerat 
nescisse  Cbristum,  quam  prophetarum 
Dominuni  non  récépissé. 

(iREG.  {Moral.  VI  cap.  17.)  Vel  aUter  : 
ipiid  per  mare,  nisi  secuhmi?  quid  per 
moUxni  asinariam,  nisi  actio  terrena  si- 
gnitîcatur?  quae  cum  colla  mentis  per 
slulta  desideria  stringit,  banc  in  laboris 
circuitum  miltit.  Sont  ulique  uounuUi 
qui  dum  terreuas  aclioues  deserunt,  et 
ad   coulemplatiouis   studia     (humilitate 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XVIII.  /|G5 

leraent  se  précipitent  dans  l'erreur ,  mais  encore  détachent  les  faibles 
du  sein  de  la  vérité.  Ceiui-là  donc  qui  scandalise  un  de  ces  petits, 
il  vaudrait  mieux  qu'il  lût  précipité  dans  la  mer  avec  une  meule  au 
cou ,  c;ir  il  eut  été  plus  avantageux  à  cette  àme  dépravée  de  se  livrer 
aux  affaires  du  monde ,  (jue  de  faire  servir  les  saints  exercices  de  la 
contemplation  à  la  perte  d'un  grand  nombre.  —  S.  Alg.  {Quest. 
évang.,  i,  24.)  Ou  bien  encore,  celui  qui  scandalisera  un  de  ces  petits, 
c'est-à-dire  un  des  humbles,  tels  que  doivent  être  ses  disciples,  en 
refusant  d'obéir  ou  en  résistant  à  l'autorité ,  comme  l'Apôtre  le  dit 
d'Alexandre d'Ephèse(l)  (I  Timoth.,  iv)  :  «il  vaudrait  mieux  qu'on  lui 
attachât  une  meule  de  moulin  au  cou  et  qu'il  fût  précipité  dans  le 
fond  de  la  mer  ;  »  c'est-à-dire  qu'il  serait  préférable  pour  lui  que  la 
passion  pour  les  biens  de  la  terre ,  passion  qui  est  comme  le  poids 
auquel  sont  attachés  les  insensés  et  les  aveugles,  l'entraînât  à  la  mort. 

y.  7-9.  —  Malkmr  au  monde  à  cause  des  scandales.  Car  il  est  nécessaire  qu'il 
arrive  des  scandales  ;  mais  malheur  à  l'homme  par  qui  le  scandale  arrive. 
Que  si  voire  main  ou  votre  pied  est  un  sujet  de  scandale,  coupez-les  et  les 
jetez  loin  de  vous.  Il  vaut  bien  mieux  pour  vous  que  vous  entriez  dans  la  vie 
71  ayant  qu'un  pied  ou  qu'une  main,  que  d'en  avoir  deux  et  être  jeté  dans 
le  feu  éternel.  Et  si  votre  œil  vous  est  un  sujet  de  scandale ,  arrachez-le  et 
le  jetez  loin  de  vous.  Il  vaut  mieux  pour  vous  que  vous  entriez  dons  la  vie 
n'ayant  qu'un  œil,  que  d'en  avoir  deux  et  être  précipité  dans  le  feu  de 
l'enfer. 

La  Glose  (2).  Notre- Seigneur  venait  de  dire  qu'il  vaudrait  mieux 

(1)  11  Alexandre  l'ouvrier  en  airain  m'a  fait  beaucoup  de  mal.  Evitez-le,  il  a  résisté  de  toute  sa 
force  à  mes  paroles.  «  (  II  Timoth.,  iv,  14.  ) 

(2)  Ce  n'est  ni  dans  la  Glose  actuelle,  ni  dans  saint  Anselme,  ni  dans  aucun  autre  interprète. 


poslposita)  ultra  iiitelligenti;e  vires  sur- 
gunt,  lion  solum  se  iu  errorem  deji- 
ciunt,  sed  infirmos  quosque  de  greiiiio 
veritatis  dividunt.  Qui  ergo  unum  de 
minimis  scandalizat,  melius  ei  fuerat  li- 
gata  coUo  mola  asiuaria  iu  mare  pro- 
jici;  quianimiruniperversae  menti  expe- 
dientius  esse  potuisset ,  ut  occupata 
muudo  terrena  uegoLia  agert't,  quam  ut 
per  contemplationis  studiaad  multorum 
perniciem  vacaret.  .\ug.  (de  Quxst. 
Evamj. lih.  i,  cap.  24.)  Vel  aliter  :  «Qui 
scandalizaverit  unum  ex  pusillis  istis  » 
(id  est,  ex  humilibus  qualcri  vult  esse 
discipulos  suos),  non  obtemjierando,  vel 
etiam  coutradicendo,sicut  de  Alexandro 
Apostolus  dicit  {Timoth.  9)  :  «  Expedit 
illi  ut  mola  asinaria  suspendatur  coUo 

TOM.   II. 


ejus^  et  praecipitetur  in  profundum  ma- 
ris; »  id  est,  congruit  ei  ut  cupiditas  re- 
rum  temporalium  (cui  stulti  etcaeci  alli- 
gantur)  eum  devinclum  pondère  suo  de- 
ducat  ad  interitum. 


Vœ  mundo  a  scandalis  !  Necesse  est  enim  ut  ve- 
niant  scandala  :  verumtamen  vœ  homini  illi 
per  quem  seandalum  venit!  Si  autem  manus 
tua,  vel  pes  tuus  scandalizat  te,  abscide  eum, 
et  projice  abs  te  :  bonum  est  tibi  ad  vitam  in- 
gredi  debilem  vel  claudum,  quam  duas  manus 
vel  duos  pedes  habentem  mitti  in  ignem  œter- 
num.  Et  si  oculus  tuus  scandalizat  te,  erue 
eum  et  projice  abs  te  :  bonum  est  tibi  unum 
oculum  habentem  in  vitam  intrare,  quam  duos 
ocalos  habentem  mitti  in  gehennam  ignis. 

Glossa.  Dixerat  Dominus  quod  exfie- 
30 


466 


EXPLICATION   DR   l/ÉVANGILE 


pour  celui  qui  scandalise ,  qu'on  lui  attachât  une  meule  de  moulin  au 
cou  ;  il  en  donne  maintenant  la  raison.  «  Malheur  au  monde ,  à  cause 
de  ses  scandales!  »  —  Orig.  [Traité  m  sur  S.  Matth.)  Ce  que  Notre- 
Seigneur  appelle  ici  le  monde,  ce  ne  sont  pas  les  éléments  du  monde 
extérieur,  mais  les  hommes  qui  sont  dans  le  monde.  Or,  les  disciples 
de  Jésus-Christ  ne  sont  pas  du  monde;  par  conséquent,  cette  malé- 
diction ,  qui  tombe  sur  les  scandales ,  ne  les  atteint  pas ,  car  les  scan- 
dales ont  beau  être  multipliés ,  ils  ne  touchent  point  celui  qui  n'est 
pas  du  monde.  S'il  est  encore  du  monde ,  parce  qu'il  aime  le  monde 
et  les  choses  qui  sont  dans  le  monde,  les  scandales  n'auront  de  prise 
sur  lui  qu'en  proportion  de  ce  qu'il  serait  engagé  dans  les  liens  du 
monde. 

«  Il  est  nécessaire  que  les  scandales  arrivent.  »  —  S.  Ciirys,  {homé- 
lie 59.)  En  disant  :  Il  est  nécessaire,  le  Sauveur  ne  détruit  pas  le 
libre  arbitre  et  ne  le  soumet  à  aucune  fatalité  ;  il  ne  fait  que  prédire 
ce  qui  arrivera.  Les  scandales,  c'est  tout  ce  qui  fait  obstacle  dans  la 
voie  droite.  Or,  ce  n'est  point  la  prédiction  de  Jésus-Christ  qui  est  la 
cause  des  scandales,  ce  n'est  point  parce  qu'il  les  a  prédits  que  les  scan- 
dales arrivent,  mais  c'est  parce  qu'ils  devaient  certainement  arriver 
qu'ils  les  a  prédits.  On  me  dira  peut-être  :  Si  tous  viennent  à  se  cor- 
riger de  leurs  défauts  et  qu'il  n'y  ait  plus  personne  pour  donner  de 
scandale,  comment  établir  la  vérité  de  cette  parole  de  Jésus-Christ? 
Kien  de  plus  facile,  car  c'est  justement  parce  qu'il  a  prévu  qu'il  y 
aurait  des  hommes  qui  ne  se  corrigeraient  pas ,  qu'il  a  dit  :  «  Il  est 
nécessaire  qu'il  arrive  des  scandales,  »  c'est-à-dire  :  ils  arriveront 
nécessairement.  Or,  si  tous  les  hommes  avaient  dû  réformer  leur  con- 
duite, il  n'aurait  pas  tenu  ce  langage.  —  La  Glose.  Ou  bien  il  faut 


dit  ei  qui  scandalizat,  ut  suspendatur 
mola  asinaria  in  coUo  ejus  :  cujus  ratio- 
aem  assiguans  subdit  :  «  Vaî  muudo  a 
scaiidalis,  »  id  est,  propter  scandala. 
Orig.  {Tract.  3.  in  Matth.)  Hoc  non  de 
elemeutiâ  mundi  intelligamus,  sed  lio- 
mines  qui  suut  in  nmndo ,  dicuutur 
mundus.  Non  suntauteuidiscipuli  Cliristi 
de  lioc  mundo  ;  unde  non  potest  eis  esse 
a  scandalis  vae  :  nam  etsi  multa  sunt 
scandala,  non  tangunt  eum  qui  non  est 
de  lioc  mundo.  Si  autem  adliuc  est  de 
lioc  mundo,  propterea  quod  diligit  mun- 
dum  et  quce  sunt  in  muudo,  tuuta  scan- 
dala compreheudent  eum,  <iuantis  eo 
luerat  obligatus  in  mundo. 

Sequitur:  «Necesse  est  enim  nt  veniant 
scandala.  »  Chbys.   (m  homil.  (iO,   in 


Matth.)  Cum  autem  dicit  :  Necesse  est, 
non  destruit  libertatem  arbitrii,  neque 
necessitati  aliquarum  rerum  supponit; 
sed  quod  omniuo  futurum  est  prœdicit  : 
scandala  quidemsuut  probibitiones  rec- 
tœ  viifi  :  non  autem  prœdictio  Cbristi 
scandala  inducit  :  neque  enim  quia  pr*- 
dixit,  propter  hoc  tit,  sed  quia  oranino 
futurum  erat,  propter  hoc  praedixit.  Sed 
dicet  aliquis  :  «  Si  omnes  corrigantur,  et 
nullus  sit  qui  scandala  afferat,  nonne 
mendacii  arguetur  hic  sermo  ?  »  Nequa- 
quam  :  quia  euim  prœvidit  inemendatos 
futuros  homines  esse,  propter  hoc  dixit  : 
«  Necesse  est  ut  veniant  scandala,  »  id 
est,  omnino  venient  :  si  autem  corri- 
geudi  esseut,  non  dixisset.  Glossa.  [ut 
sup.)  Vel  «  necesse  est  ut  veniant  seau- 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XVIH.  467 

qu'il  arrive  des  scandales ,  parce  qu'ils  sout  nécessaires  ou  du  moins 
utiles  pour  faire  connaître  ceux  qui  sont  d'une  vertu  éprouvée  (1).  — 
S.  Chrys.  {hom.  59.)  En  effet,  les  scandales  réveillent  les  hommes,  les 
rendent  plus  attentifs  et  plus  sur  leurs  gardes  et  relèvent  aussitôt 
celui  qui  tombe,  en  lui  inspirant  pour  l'avenir  une  plus  grande  vigi- 
lance (2*). 

S.  HiL.  {can.  18  sur  S.  Matth.)  Ou  bien  encore ,  c'est  l'humilité  de 
la  passion  qui  a  été  un  scandale  pour  le  monde.  En  effet,  ce  qui 
retient  le  plus  les  hommes  dans  l'ignorance  des  mystères  du  salut, 
c'est  qu'ils  n'ont  pas  voulu  reconnaitre  le  Dieu  de  la  gloire  éternelle  sous 
les  dehors  ignominieux  de  la  croix.  Or,  qu'y  a-t-il  au  monde  de  plus 
dangereux  que  de  ne  pas  recevoir  Jésus-Christ?  Il  déclare  donc  qu'il 
est  nécessaire  qu'il  arrive  des  scandales,  parce  qu'il  fallait  qu'il  subît 
toutes  les  humiliations  de  sa  passion  pour  accomplir  le  mystère  qui  de- 
vait nous  rendre  la  bienheureuse  éternité. —  Orig.  Oubien  ces  scandales 
qui  arrivent  sont  les  auges  de  Satan.  Gardez-vous  de  croire  cependant 
que  ces  anges  soient  scandales  par  leur  nature  ou  par  leur  substance; 
c'est  leur  libre  arbitre  ijui  a  produit  le  scandale  dans  quelijues-uns 
qui  n'ont  pas  voulu  sup[>orter  l'épreuve  à  laquelle  Dieu  avait  soumis 
leur  vertu.  Il  n'y  a  de  bien  véritable  que  celui  qui  est  combattu  par  le 
mal.  Il  est  donc  nécessaire  que  les  scandales  arrivent,  comme  il  est  né- 
cessaire que  nous  ayons  à  souffrir  de  la  malice  des  esprits  célestes  dont 
la  haine  s'enflamme  d'autant  plus  que  le  Verbe  de  Dieu  le  Christ  établit 
plus  solidement  son  empire  parmi  les  hommes  et  chasse  loin  d'eux 
toutes  les  malignes  intluences.  Aussi  ces  mauvais  anges  cherchent-ils 

(I)  Saint  Paul  applique  cette  vérité  aux  Uérésies.  (I  Corintk.,  xi,  19.) 

(2*)  Nous  avons  cru  devoir  préciser  le  temps,  pour  l'avenir,  bien  que  la  traduction  latine  adoptée 
par  saint  Thomas  présente  cette  sollicitude  ou  cette  vigilatice  comme  étant  la  cause  qui  aide 
celui  qui  tombe  à  se  relever;  car  le  texte  grec  parait  indiquer  formellement  l'avenir  :  aa^a),£OT£- 
pov  yàp  aÙTOv  i^yâazxan,  xai  SjffàXwTOv  {i.âX>.ov  ttouï. 


dala,  »  quia  suiit  uecessaria,  id  est,  uti- 
lia,  ut  per  hoc  qui  probati  sunt,  rnani- 
festi  fiant.  Chrys.  {ut  sup.)  Scandala 
enim  erigunt  vel  excitant  homiues,  et 
acutiores  eos  faciunt;  et  cuui  qui  cadit, 
velociter  erigunt,  in  quantuiu  ingerunt 
soliicitudineiu. 

HiLAR.  {Can.  18,  in  Matth.)  Vel  hu- 
militas  passionis  scandalum  mundo  est. 
In  lioc  cnira  maxime  ignorautia  detine- 
tur  liumana  quod  sub  doformitate  crucis 
œternœ  gloriie  Domiuum  iioluit  acci- 
pere  :  et  quid  in  mundo  tain  periculo- 
sum,  quam  non  récépissé  Christum  ? 
Ideo  vero  uecesse  ait  venire  scandala, 
quia  ad  sacramfcntum  reddtudaî   uobis 


aeternitatis  omnis  in  eo  passionis  humi- 
litas  esset  complenda.  Orig.  (ut  sup.) 
Vel  veuientia  scandala  sunt  angeli  Sata- 
me  :  nec  lamen  putes  secundum  natu- 
ram  vel  substantiam  esse  bujusmodi 
scandala;  sed  libertas  arbitrii  in  quibus- 
daui  genuit  scandalum,  nolens  suscipere 
pro  virtute  laborem.  Non  potest  autem 
esse  verum  bonum  nisihabeatimpugna- 
lionemmali.  Sic  ergo  necesse  estvenire 
scandala,  sicut  uecesse  est  sustinere  ma- 
litiam  cœlestium,  qua  tauto  magis  irri- 
tautur,  quanto  magis  Verbum  Christi  in 
bominibns  invalescens,  expellit  ab  eis 
mali^nas  virtutes  :  quœrunt  autem  or- 
gana  per  quœ  scandala  operentur,  qui- 


468  EXPLICATION  DR   l/ftVANGILE 

des  instruments  pour  produire  des  scandales,  et  c'est  à  eux  surtout  que 
le  Sauveur  dit  :  Malheur,  car  le  jugement  sera  bien  plus  sévère  pour 
celui  qui  scandalise  que  pour  celui  qui  est  scandalisé  ;  c'est  pour  cela 
qu'il  ajoute  :  «  Malheur  à  l'homme  par  qui  arrive  le  scandale.  »  — 
S.  JÉR.  C'est-à-dire  :  Malheur  à  l'homme  qui,  par  sa  propre  faute, 
devient  cause  de  ce  qui  doit  arriver  nécessairement  dans  le  monde. 
Cette  sentence,  qui  est  générale,  atteint  eu  particulier  Judas,  qui  avait 
déjà  préparé  son  àme  à  la  trahison.  —  S.  Hil.  Ou  bien,  sous  cette 
dénomination  générale,  il  veut  désigner  le  peuple  juif,  auteur  de  ce 
scandale  qui  a  eu  pour  objet  la  passion  de  Jésus-Christ  et  qui  a  ex- 
posé le  monde  au  danger  de  renoncer,  à  cause  même  de  sa  passion, 
à  Jésus-Christ,  dont  la  loi  et  les  prophètes  avaient  annoncé  les  souf- 
frances. 

S.  Chrys.  {hom.  59.)  Pour  vous  faire  comprendre  que  les  scandales 
ne  sont  pas  d'une  absolue  nécessité ,  écoutez  ce  qui  suit  :  «  Si  votre 
pied  ou  votre  main  vous  scandahse ,  »  etc.  Il  ne  veut  point  parler  ici 
des  membres  du  corps ,  mais  des  amis  que  nous  regardons  comme 
nous  étant  aussi  nécessaires  que  nos  membres,  car  rien  n'est  plus  nui- 
sible que  de  mauvaises  fréquentations.  —  Rab.  Le  mot  scandale  est  un 
mot  grec  qu'on  peut  traduire  par  pierre  d'achoppement,  ou  par  chute 
ou  choc  des  pieds.  Celui-là  donc  scandalise  son  frère  qui,  par  une 
parole  ou  par  une  action  contraire  à  la  règle ,  devient  pour  lui  une 
occasion  de  chute.  —  S.  Jér.  Notre- Seigneur  retranche  donc  d'une 
manière  absolue  tout  prétexte  fondé  sur  les  Uens  du  sang  ou  de  l'ami- 
tié, pour  que  les  fidèles  ne  soient  pas  exposés  aux  scandales  par  suite 
d'un  sentiment  d'affection  quelconque.  Si  quelqu'un,  leur  dit-il,  vous  est 
aussi  étroitement  uni  que  votre  main ,  votre  pied ,  votre  œil ,  s'il  est 


bus  est  magis  vœ.  Nam  multo  pejus  erit    non  suât  absolutœ  necessitatis  scandala 


ei  qui  scaudalizat,  quam  ei  qui  scanda- 
lizatur  :  unde  sequitur  :  «  Verumtamea 
vte  homini  illi  per  quem  scandalum  ve- 
nit  !  ))  HrER.  Ac  si  dicat  :  «  Vaî  liomini 
illi  qui  vitio  suo  facil  ut  per  se  fiat,quod 
necesse  est  ut  in  mundo  fiai.  »  Simul<iue 


audi  quîH  sequuutur  :  «  Si  autein  manus 
tua  vel  pes  tuus  scaudalizat  te,  »  etc. 
Xou  autem  hoc  de  membris  corporalibus 
dicit,  sed  de  ainicis,  quos  in  ordine  ue- 
cessariorum  membrorum  habemus  :  ui- 
liil  est  euim  ita  nocivum  ut  couversatio 


per  generalem  sententiam  percutitur  Ju-  mala.  Raba.  Scandalum  qiiippe  seruio 
das,  qui  proditioni  aniuuim  prœpara-  arrecus  est  ;  quod  nos  «  offeudiculuni  vel 
verat.  Hilar.  [xit  svp.)  Vel  sub  bomiuis  j  ruiuam  et  impactionem  pedis  »  dicere 
nuncupatione,  auctorem  scandali  hujus  j  possumus  :  ille  ergo  scaudalizat  fra- 
(quod  est  circa  passionem  Christi)  ju-  trem,  qui  ei  dicto  factove  minus  reeto 
daicum  populuni  désignât,  per  quem  occasionem  ruinae  dederit.  Hier.  Igitur 
omne  huic  mundo  periculum  compa-  omnis  truncatur  affectus  et  uuiversa 
ratur,  ut  Cliristum  in  passione  abneget,  propinquitas  amputatur,  ne  per  occasio- 
queni  lex  et  prophetae  passibilem  prœ-  nem  pietatis  unusquisque  credentinui 
dicaverunt.  j  scandalis  pateat  :  si  (inquit)   ita  est  tibi 

CuHYs.  [ni  stij).)  Ul  autem  discasquod  |  conjuuctus  ut  manus,  pes,  ocuius,  et  est 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XVIII.  i69 

pour  vous  d'une  utilité  incontestable,  plein  de  vigilance  et  de  sollici- 
tude pour  vos  intérêts ,  mais  qu'il  vous  soit  une  cause  de  scandale  et 
vous  entraîne  dans  l'abime  par  le  contraste  de  ses  mœurs  déréglées,  il 
vous  est  beaucoup  plus  avantageux  de  rompre  toute  liaison  avec  lui 
et  de  renoncer  aux  avantages  temporels  que  vous  en  retiriez,  que  de 
conserver  près  de  vous  une  cause  certaine  de  ruine  en  tenant  aux 
avantages  que  vous  procurent  ces  parents  et  ces  amis.  Chaque  fidèle 
connaît  ce  qui  peut  lui  nuire ,  ce  qui  est  pour  son  àme  une  cause  de 
séduction  ou  de  tentation  fréquente.  Or,  il  vaut  mieux  qu'il  vive  dans 
la  solitude  que  de  perdre  la  vie  éternelle  pour  les  biens  si  fragiles  de 
la  vie  présente.  —  Orig.  Ou  bien,  dans  un  autre  sens  également  rai- 
sonnable, on  peut  entendre  par  l'œil  les  prêtres,  qui  sont  comme  l'œil 
de  l'Eglise ,  parce  qu'ils  en  sont  comme  les  sentinelles  ;  par  la  main , 
les  diacres  et  les  autres  ministres  par  qui  s'accomplissent  les  œuvres 
spirituelles.  Les  fidèles,  au  contraire,  sont  comme  les  pieds  du  corps 
de  l'Eglise.  Et  aucun  d'eux  ne  doit  être  épargné  s'il  devient  une  cause 
de  scandale  pour  l'Eglise.  Ou  bien  encore,  l'action  de  l'àme,  c'est  la 
main  qui  pèche;  la  marche  de  l'âme ,  c'est  le  pied;  la  vue  de  l'âme, 
c'est  l'œil  coupable  ;  il  faut  les  couper  et  les  arracher  s'ils  nous  sont 
un  sujet  de  scandale,  car  souvent  les  actions  des  membres  désignent 
dans  la  sainte  Ecriture  les  membres  eux-mêmes. 

y.  10-14.  —  Prenez  bien  garde  de  ne  mépriser  aucun  de  ces  petits  ;  car  je  vous 
déclare  que  dans  le  ciel  leurs  anges  voient  sans  cesse  la  face  de  mon  Père  qui 
est  dans  les  deux.  Car  le  Fils  de  l'homme  est  venu  sauver  ce  qui  était  perdu. 
Si  un  homme  a  cent  brebis  et  qu'une  seule  vienne  à  s'égarer,  que  pensez-vous 
qu'il  fasse  alors  ?  Ne  laisse-t-il  pas  les  quatre-vingt-dix-neuf  sur  les  mon- 
tagnes pour  aller  cheixlier  celle  qui  s'est  égarée?  Et  s'il  arrive  qu'il  la  trouve. 


utilis  atque  sollicilus  et  acutus  ad  pros- 
piciendum,  scandalum  autem  tibi  facit, 
et  propter  morum  dissonanliam  te  per- 
trahit  in  gehennam  ;  melius  est  ut  pro- 
pinquitate  ejus  careas  et  emolumentis 
carnalibus  quam  dura  vis  tibi  lucrifacere 
cognatos  et  necessarios,  causam  habeas 
ruinarum  :  novit  enim  unusquisque  cre- 
dentium  quid  sibi  noceat,  vel  in  quo  sol- 
licitetur  aninius,  ac  saepe  tentetur  ;  me- 
lius est  enim  vitam  solitariam  ducere, 
quam  ob  vitae  praeseutis  neeessaria  vi- 
tam œteruam  perdere.  Orig.  {ut  svp.)'Veï 
sacerdotes  rationabiliter  possunt  dici  Ec- 
clesiie  ocvlus.  quoiiiam  specnlatores  ha- 
bentur;  diacoui autem  cœterique,  manus, 
quia  par  eos  opéra  spiritualia  geruntur  : 
populus  autem,  sunt  pedes  corporis  Ec- 


clesiœ  ;  quibus  omnibus  parcere  non 
oportet,  si  scandalum  Ecclesiae  factifue- 
rint.  Vel  actus  animae  peccans  manus 
intelligitur,  et  incessus  animae,  peccans 
pes ;  et  visus  animae  pecccns  oculus  : 
quos  oportet  praescindere,  si  scandalum 
pracbent  :  fréquenter  enim  ipsa  opéra 
membrorum  pro  membris  in  Scriptura 
ponimtur. 

Videte  ne  contemnatis  umim  ex  hispusillis.  Dico 
enim  vobis  quia  angeli  eorum  in  cœlis  semper 
vident  faciem  Patris  mei  qui  in  cœlis  est  :  ve- 
nit  enim  Filius  hominis  salvare  quod perierat . 
Quid  vobis  videtur?  Si  fuerint  alicui  centum 
oves,  et  rrrarerit  nna  ex  eis,  nonne  relinquit 
nonaginta  novem  in  montibus,  et  vadit  quarere 
eam  qiiœ  erravit?  Et  si  contigerit  ut  inveniat 
eam,  amen  dico  vobis,  quiagaudebit  super  eam 


470 


KXPrJCATION    DE   L  EVANGILE 


je  VOUS  dis  en  vérité  quelle  lui  cause  plus  de  joie  que  les  quatre-vingt-dix- 
neuf  qui  ne  sont  point  égarées.  Ainsi  votre  Père ,  qui  est  dans  les  deux,  ne 
veut  jias  qu'un  seul  de  ces  petits  périsse. 

S.  JÉR.  Notre- Seigneur  venait  «le  déclarer  par  la  comparaison  de  la 
main,  du  pied  et  de  l'œil  qu'il  fallait  couper  tous  les  liens  du  sang  et 
de  l'amitié  qui  pouvaient  être  un  sujet  de  sc;indale;  il  adoucit  main- 
tenant ce  que  ce  précepte  pouvait  avoir  de  sévère  par  les  paroles  sui- 
vantes :  «  Prenez  garde  de  ne  mépriser  aucun  de  ces  petits,  »  c'est-à- 
dire  :  Gardez -vous  en  toute  occasion  de  les  mépriser,  et,  en  faisant 
votre  salut,  cherchez  à  les  sauver  eux-mêmes;  mais  s'ils  persévèrent 
dans  leurs  péchés ,  il  vaut  mieux  que  vous  vous  sauviez  seuls  ,  que  de 
périr  avec  la  multitude.  —  S.  Curys.  {hom.  59)  Ou  bien,  dans  un 
autre  sens,  il  est  souverainement  avantageux  et  de  fuir  les  méchants, 
et  d'honorer  les  bons.  Aussi,  après  nous  avoir  enseigné  à  rompre  tout 
commerce  avec  ceux  qui  nous  scandalisent,  il  nous  apprend  ici  à 
rendre  à  ceux  qui  sont  saints  l'honneur  et  les  devoirs  qui  leur  sont 
dus.  —  La  Glose.  Ou  bien  encore  ,  puisque  c'est  un  si  grand  mal  que 
le  scandale  donné  à  nos  frères,  prenez  garde  de  ne  mépriser  aucun 
de  ces  petits.  —  Orig.  G^s  petits  sont  ceux  qui  sont  nouvellement  nés 
en  Jésus-Christ  ou  ceux  qui  ne  font  aucun  progrès  et  qui  sont  toujours 
comme  des  enfants  qui  viennent  de  naître.  Mais  Jésus-Christ  n'a  pas 
cru  nécessaire  de  défendre  de  mépriser  les  fidèles  plus  parfaits;  il  ne 
parle  que  des  petits ,  comme  précédemment  :  «  Si  quelqu'un  scanda- 
lise un  de  ces  petits  ,  »  etc.  Peut-être  donne-t-il  ici  le  nom  de  petits  à 
ceux  qui  sont  parfaits ,  d'après  ce  qu'il  dit  dans  un  autre  endroit  : 
«  Celui  qui  aura  été  le  plus  petit  parmi  vous  sera  le  plus  grand.  » 
{Luc,  XXII.)  —  S.  Chrys.  Ou  bien  encore,  est-ce  parce  que  ceux  qui 


magis  quam  super  nonaginta  7wvem,  gitœ  non 
firraverunt.  Sic  non  est  voluntas  ante  Patretn 
vestrum,  qui  in  cœlis  est,  ut  pereat  uniis  de 
piisillis  istis. 

Hier.  Snpra  dixerat  Dominus  per  vw- 
oivni,  et  jyedein,  et  oculum,  omnespro- 
piuquitates  et  necessitudiues  qu.e  scan- 
dalum  facere  poterant,  amputandas  : 
austeritatera  itaque  sententiœ  suhjecto 
prîBcepto  lemperavit  dicens  :  «  Videte 
ne  contemnatis  iinum  ex  his  pusillis  :  » 
ac  si  dicat  :  Quanluni  iu  vobis  est,  iio- 
lite  contemnere,  sed  post  vestram  salu- 
tem,  eliaui  illoriini  quan-ite  sauitatem  : 
sin  aiitem  persévérantes  iu  peccatis  vide- 
rilis,  nielius  est  vos  salvos  tieri  quani  pe- 
rire  ciun  multis.  Chrvs.  {ut  snp.)  Vel 
aliter  :  sicut  fugere  malos,  ila  honorare 
bonos    magnum    habet  lucrum.   Supra 


ergo  docuil  scaudalizantium  absciudere 
amicitias;  Lie  autem  docet  exhibera 
sanctis  bonorem  et  procurationem .  Glos- 
SA.  {sive  Ansebmts.)  Vel  aliter  :  «  Quia 
tantum  malnm  provenit  ex  scandalizatis 
fratribus,  videte  ne  contemnatis  unum 
ex  bis  pusillis.  »  Orig.  [nt  sup.)  Pusilli 
autem  sunt  qui  nuper  in  Cbristo  sunt 
nati  ;  aul  Vales  qui  permanent  sine  pro- 
fectu,  quasi  nuper  nali.  Non  autem  habuit 
neeesse  mandare  Cbristus  de  perfectio- 
ribus  tidelibus  non  contemnendis,  sed  de 
pusillis  ;  sicul  et  supra  dixerat  :  «  Siquis 
scandalizaverit  unum  ex  pusillis  istis.  » 
Alius  autem  forte  d\dt  pusillum,  hic  di- 
cM  perfectum;  secnndum  quod  alibi  ait 
[Liic.  22)  :  «  Qui  miniums  fuerit  in  vo 
bis,  hic  erit  major.  »  Chrys.  (ut  sup.) 
Vel  quia  periecti  parrnli  apud  multos 


DE   SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XVIII.  47i 

sont  parfaits  sont  regardés  par  un  grand  nombre  comme  petits,  c'est- 
à-dire  comme  pauvres  et  méprisables.  —  Orig.  Cependant  cette  inter- 
prétation ne  s'accorde  pas  avec  ces  paroles  :  «  Si  quelqu'un  scandalise 
im  de  ces  petits,  »  etc.,  car  l'homme  parfait  ne  se  laisse  ni  scandaliser, 
ni  entraîner  à  sa  perte.  Toutefois  si  on  veut  admettre  cette  inter- 
pri'tation  comme  vraie ,  on  peut  dire  que  l'âme  du  juste  est  soumise  à 
la  mutabilité,  et  par  là  soumise,  bien  que  difficilement,  au  scandale. 

La  Glose  (1).  La  raison  pour  laquelle  il  ne  faut  pas  mépriser  ces 
petits,  c'est  qu'ils  sont  tellement  chers  à  Dieu,  qu'il  a  député  des  anges 
pour  veiller  sur  eux.  C'est  pour  cela  que  Notre-Seigneur  ajoute  : 
«Car  je  vous  déclare,  »  etc.  Quelques  auteurs  prétendent  que  Dieu 
donne  aux  hommes  im  ange  gardien  aussitôt  qu'ils  ont  reçu  dans  le 
bain  sacré  de  la  régénération  une  nouvelle  naissance  en  .Jésus- Christ; 
et  ils  ajoutent  qu'il  n'est  pas  croyable  qu'un  des  saints  anges  soit  pré- 
posé à  la  garde  des  incrédules  et  des  pécheurs  qui ,  dans  le  temps  de 
leur  infidélité  et  de  leurs  égarements,  sont  sous  la  puissance  des  anges 
de  Satan.  D'autres  veulent  que  Dieu  donne  un  ange  gardien,  aussitôt 
leur  naissance,  à  tous  ceux  qui  ont  été  l'objet  de  la  prescience  divine. 
—  S.  Jeu.  Qu'elle  est  grande  la  dignité  des  âmes,  puisqu'à  chacune 
d'elles,  aussitôt  son  entrée  dans  la  vie.  Dieu  donne  un  ange  pour  veiller 
à  sa  garde  ! 

S.  Chrys.  {hom.  59.)  Le  Sauveur  ne  parle  pas  ici  de  tous  les  anges 
indistinctement,  mais  de  ceux  qui  ont  la  prééminence  sur  les  autres. 
Ces  paroles  :  «  Ils  voient  la  face  de  Dieu ,  »  signifient  qu'ils  jouissent 
d'un  accès  plus  facile  près  de  Dieu  ,  et  de  plus  grands  honneurs  dans, 
la  cour  céleste.  —  S.  Grég.  {hom.  34  sur  les  Evang.)  On  dit  que  Denis 

(l)  Ou  plutôt  saint  Anselme. 


aestimantur,  scilicet  pauperes  et  cou- 
lemptibiles.  Or:g.  Sed  huic  exposilioni 
non  videtur  convenire  quod  dicitur  : 
«  Si  qnis  scandalizaverit  unum  de  pu- 
sillis,  »  etc.  Perfectus  enim  non  scanda- 
lizatur,  nec  périt.  Sed  qui  hanc  exposi- 
tioneni  œstimat  veram,  dicit  quod  justi 
I\oniinis  anima  vertibilis  est,  et  scanda- 
lizaturaliquando,  etsi  non  facile. 

Glossa.  Ideo  autem  non  sunt  conteni- 
uendi,  quia  adeo  chari  sunt  Deo,  quod 
augeli  sunt  eis  ad  custodiam  deputati  : 
unde  sequitur  :  «  Dico  enini  vobis 
quia,  »  etc.  Orig.  {vt  svp.)  Quidam  vo- 
lunt  ex  eo  dari  hominilnis  angelum  ad- 
jutorem  ex  que  per  lavacrum  regenera- 
tionis  nati  sunt  infantes  in  Christo  ;  di- 


ceutes  non  esse  credibile  increduiis  et 
errantibus  praesse  angelum  sanctum  ; 
sed  tempore  infidelitatis  et  peccatorum 
est  homo  sub  angelis  Satanœ.  Alii  autem 
volunt  mox  cum  quisfuerit  uatus  eorum 
qui  prœcoguiti  sunt  a  Deo,  accipere  sibi 
pr.ppositum  angelum.  HiK«.  Magua  enim 
dignitas  auimarum,  ut  unaquœque  ha- 
beat  ab  ortu  nativitatis  in  custodiam  sui 
angelum  delegatnm. 

Chrys.  {ut  svp.)  Hic  autem,  non  de 
quibuscuuque  angelis  loquitur,  sed  de 
superemiueutibus:  cum  enim  dicat  :  «Vi- 
dent faciem  Palris  mei,  »  nihil  aliud  os- 
tendit,  iinani  magis  liberam  i>rajsentiam 
et  majorem  eorum  honorem  apud  Deuni. 
Grec,  (in  hoinil.  34,  in  Evang. )Y<ivi\x\: 


i72  EXPLICATION   DE  l' ÉVANGILE 

l'Aréopagiste,  un  des  Pères  les  plus  anciens  et  les  plus  vénérables, 
prétend  (comme  il  l'enseigne  en  effet,  liv.  des  célestes  hier.  ^  chap.  xiii), 
que  Dieu  choisit  dans  les  rangs  inférieurs  des  anges  pour  les  missions 
extérieures  ou  intérieures  qu'il  leur  confie  ,  mais  qu'il  n'en  est  point 
dans  les  hiérarchies  supérieures  qui  soient  employés  dans  des  minis- 
tères extérieurs.  —  S.  Grég.  {Moral.,  ii,  2.)  Les  anges  ne  cessent 
jamais  de  voir  la  face  du  Père,  même  quand  ils  sont  envoyés  vers 
nous  ;  ils  descendent  jusqu'à  nous  pour  nous  protéger  de  leur  pré- 
sence toute  spirituelle,  et  cependant  ils  demeurent  par  la  contempla- 
tion intérieure  dans  le  lieu  qu'ils  viennent  de  quitter,  car  ils  con- 
servent, en  venant  à  nous,  le  don  de  la  vision  divine,  et  ne  sont  point 
privés,  par  conséquent,  des  joies  de  la  conte ;mplation  intérieure.  — 
S.  HiL.  Tous  les  jours  les  anges  offrent  à  Dieu  les  prières  de  ceux  qui 
doivent  être  sauvés  par  Jésus-Christ;  il  est  donc  souverainement  dan- 
gereux de  mépriser  celui  dont  les  désirs  et  les  prières  montent  jusqu'au 
trône  du  Dieu  éternel  et  invisible,  par  l'entremise  et  par  le  ministère 
des  anges.  —  S.  Aug.  [Cité  de  Dieu.,  xxii,  29.)  Ou  bien,  nous  appe- 
lons nos  anges  ceux  qui  sont  les  anges  de  Dieu  ;  ils  sont  les  anges  de 
Dieu,  parce  qu'ils  ne  quittent  pas  sa  présence,  ils  sont  nos  anges, 
parce  que  nous  sommes  déjà  leurs  concitoyens.  De  même  donc  qu'ils 
jouissent  maintenant  de  la  vue  de  Dieu,  ainsi  nous  le  verrons  nous- 
mêmes  un  jour  face  à  face,  selon  ces  paroles  de  saint  Jean  :  «  Nous 
le  verrons  tel  qu'il  est.  »  (I  Jean,  m.)  La  face  de  Dieu  c'est  la  manifes- 
tation de  son  être,  et  non  la  partie  du  corps  que  nous  appelons  de  ce 
nom. 

S.  Chrys.  [horyi.  59.)  Le  Sauveur  nous  donne  une  nouvelle  raison 
de  ne  pas  mépriser  les  petits,  et  cette  raison  est  plus  forte  que  celle 


autem  Dionysius  Areopagita  antiquus  et 
venerabilis  Pater  dicern  (sicut  rêvera  di- 
cit,  lib.  de  cœl.  Hier.  cap.  d3.)  quod  ex 
iniuoribvis  angelorum  ugmiuibiis  ad  ex- 
plendum  ininisteriuin  vel  visibiliter  vel 
iiivisibiliter  mittiinliir  :  uaiii  superiora 
illa  agmina  usum  exterioris  ministerii 
iieqiiaquam  habent.  Giœg.  (Il  Moral. 
cap.  2.)  Et  faciem  erijo  Patris  aiifieli 
semper  vident,  et  tauien  ad  uos  veniuut, 
quia  et  ad  nos  spiritali  prœsentia  foras 
exeuntj  et  tamen  ibi  se  mide  recesserant 
per  iuteruam  contemplatiouem  servant: 
neqiie  enim  sic  a  divina  visione  ionis 
exeuut,  ut  inteniae  conlemplationis  gau- 
dlis  privenlur.  IIilar.  (ut  sup.)  Salvan- 
ilnrum  ipitur  per  Chrislumorationesan- 
iieli  Deo  quotidie  otTerunl  :   erpo  peri- 


culose  ille  contemnitur  cujus  desideria 
ac  postulationes  ad  aeternum  et  invisibi- 
lem  Ueum  angelorum  famulatu  ac  minis- 
terio  pervebuntur,  Aug.  {de  Ci  vit.  })ei 
lib.  22,  cap.  29.)  Vel  angeli  nostri  dicuu- 
tur  qui  sunt  angeli  Dei  :  «  Dei  suut,  » 
quii  Deuni  non  reliquerunt;  «  nostri 
suut,  »  quia  suos  cives  nos  habere  cœ- 
perunt.  Sicut  ergo  mine  illi  vident 
Deuni,  ita  et  nos  sumus  visuri  facie 
ad  faciem  :  de  qua  visioue  dicil  Joaunes 
{in  epist.  1 ,  cap.  3)  :  «  Yidebiinus  euni 
sicuti  est  :  »  faciès  enim  Dei  manifes- 
tatio  ejus  intelligenda  est,  non  aliquod 
taie  membrum  quale  nos  babemus  in 
corpore  atque  isto  noniine  nuncupanius. 
Chrys.  {rit  snp.)  Rursus  aliam  ratio- 
ueui  ponit,  quare  pusilli  non  sint  cou» 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAI».   XVUI.  473 

qui  précède  :  «  Car  le  Fils  de  l'homme  est  venu ,  »  etc.  —  Rémi. 
C'est-à-dire  ne  méprisez  pas  les  petits,  car  j'ai  daigné  me  faire  homme 
pour  eux.  En  effet ,  après  ces  mots  :  «  Ce  qui  était  perdu  ,  »  nous  de- 
vons sous-enteiidre  le  genre  humain;  car  tous  les  éléments  gardent 
fidèlement  l'ordre  dans  lequel  ils  ont  été  placés ,  mais  l'homme  s'est 
égaré,  parce  qu'il  est  sorti  de  l'ordre  qui  lui  avait  été  tracé. —  S.  Chrys. 
{hom.  59.)  Il  ajoute  à  cette  raison  une  parabole  qui  met  dans  tout  sou 
jour  la  volonté  (ju'a  le  Père  céleste  de  sauver  le  genre  humain  :  «  Si 
un  homme  a  cent  brebis ,  et  qu'une  seule  vienne  à  s'égarer ,  que 
pensez-vous  qu'il  fasse  alors?  »  etc.  —  S.  Grég.  {hom.  24  sur  les 
Evang.)  Cet  homme  c'est  le  Créateur  des  hommes  ;  car  le  nombre 
cent  étant  un  nombre  parfait,  il  fut  le  pasteur  de  cent  brebis  lors(]u'il 
eut  créé  la  nature  des  anges  et  celle  des  hommes.  —  S.  Hil.  Dans 
cette  seule  brebis  qui  s'égare ,  il  faut  voir  l'homme ,  et  dans  ce  seul 
homme  se  trouve  compris  le  genre  humain  tout  entier  ;  car  tout  le 
genre  humain  a  péché  dans  la  faute  du  seul  Adam  (1).  Celui  qui  est  à 
la  recherche  de  cet  homme ,  c'est  Jésus-Christ ,  et  les  quatre-vingt- 
dix-neuf  brebis  qui  sont  laissées,  c'est  la  multitude  des  esprits  qui 
jouissent  de  la  gloire  des  cieux  (2). —  S.  Grég.  {hom.  34  sur  S.  Malth.) 
L'Evangéliste  dit  que  ces  quatre-vingt-dix-neuf  brebis  sont  laissées 
sur  les  montagnes,  c'est-à-dire  sur  les  lieux  élevés,  parce  que  les  bre- 
bis qui  ne  se  sont  point  égarées  se  tenaient  sur  les  hauteurs  spiri- 
tuelles de  la  foi.  —  Bède.  Le  Seigneur  a  donc  retrouvé  la  brebis 
perdue,  quand  il  eut  accompli  l'œuvre  de  la  réparation  de  l'homme, 
et  il  y  a  dans  le  ciel  une  joie  bien  plus  grande  pour  cette  seule  brebis 

(1)  Saint  Hilaire  ajoute  :  «  Donc  par  les  quatre-vingt  dix-neuf  brebis  qui  ne  se  sont  point  éga- 
rées ,  il  faut  entendre  la  multitude  des  anges  qui  se  réjouissent  dans  le  ciel,  et  qui  prennent  soin 
du  salut  des  hommes,  n 

(2)  Le  saint  docteur  ajoute  encore  :  <c  Auxquels  seront  réunis  avec  une  grande  joie,  pour  former 
le  corps  de  Jésus-Christ,  les  hommes  qui  se  sont  égarés.  » 


temnendi,  priore  majorem  dicens  : 
«  Venit  enlm.  »  Remig.  Quasi  diceret  : 
«  Non  couteuiuatis  pusillos,  quLa  ego  pro 
liominibus  liomo  fieri  dignatus  suui  ;  » 
cum  enim  dicit  :  «  quod  perierat,  )>  sub- 
intelligendum  est  geuiis  hiioianum.  Oui- 
nia  enim  elenienta  suum  ordinem  ser- 
vant; sed  liorao  erravit,  quia  suum  or- 
dinem perdidit.  Chrvs.  {%it  sup.)  Deinde 
ad  Iiauf  ralionem  parabolam  copulat  per 
([uam  et  Palrem  iiiducil  salutem  iiomi- 
num  volenlem,  dicens  :  «  Quidvobis  vi- 
detur?Si  fiierintalicui  ceutumoves,  «etc. 
tîUEG.  {in  homil.  24 ,  in  Evong.  in 
Matth.)  Hoc  ad  ipsum  auctorem  liomi- 
num  pertinet  :  quia  enim  ceuteuarius 


perfectus  est  numerus,  ipsecentumoves 
liabuit  cum  angeiorum  et  hominum  subs- 
tantiam  creavil,  Hilar.  [ut  sup.)  Ovis 
aulem  una  homo  intelligendus  est,  et  sub 
hominc  uno  universitas  sentienda  est.  In 
unius  enim  Adse  errore,  omne  hominum 
genus  aberravit  :  igitur  et  quaerens  lio- 
minem  Cliristus  est  :  et  nonaginta  no- 
vem  relictae,  cœlestis  gloriae  multitudo 
est.  Greo.  (ut  sup.)  Dicit  autem  Kvan- 
gelista  eas  reiictas  in  montibus  ut  sigui- 
ficet  in  excelsis,  ijuia  nimirum  ovesquap 
non  perierant,  in  sublimibus  stabant. 
Beda.  Ovem  ergo  Dominus  invenit, 
quando  homiuem  restauravit  :  et  su- 
per eam   iuventam   majus  gaudium  est 


474 


EXPLICATION  T)E   L  EVANGILE 


qui  est  retrouvée,  que  pour  les  quatre-vingt-dix-neuf  au  très.  En  efifet, 
la  réparation  du  genre  humain  donne  beaucoup  plus  de  gloire  à  Dieu 
que  la  création  des  anges  ;  car,  si  la  création  des  anges  est  une  œuvre 
admirable  de  la  puissance  de  Dieu,  la  rédemption  des  hommes  est 
bien  plus  admirable  encore.  —  Rab.  Remarquez  qu'il  manque  une 
unité  au  nombre  neuf  pour  atteindre  le  nombre  dix,  et  à  quatre-vingt- 
dix-neuf ,  pour  atteindre  le  nombre  cent.  Les  nombres  auxquels  il 
manque  une  unité  pour  arriver  à  un  nombre  parfait,  peuvent  varier 
par  leur  quantité  plus  ou  moins  grande,  mais  l'unité  invariable  en  elle- 
même  perfectionne  les  autres  nombres  en  venant  s'y  ajouter;  et  c'est 
pour  que  le  nombre  des  brebis  fût  complet  dans  le  ciel  que  le  Sauveur 
est  venu  chercher  sur  la  terre  l'homme  qui  s'était  égaré.  ^-  S.  Jér. 
D'autres  pensent  que  les  quatre-vingt-dix-neuf  brebis  représentent  le 
nombre  des  justes,  et  cette  brebis  qui  s'égare,  le  nombre  des  pécheurs, 
selon  ce  que  le  Sauveur  dit  ailleurs  :  «  Je  ne  suis  pas  venu  appeler  les 
justes,  mais  les  pécheurs.  »  {Matth.,  ix.) 

S.  Grég.  [hom.  34.)  Mais  poui'quoi  Notre- Seigneur  déclare-t-il  que 
la  conversion  des  pécheurs  cause  dans  le  ciel  une  plus  grande  joie 
que  la  persévérance  des  justes?  C'est  que  ceux  quiont  une  très-grande 
confiance  de  n'avoir  point  commis  de  fautes  graves  sont  presque  tou- 
jours pleins  de  tiédeur  pour  la  pratique  des  vertus  élevées.  Au  con- 
traire, il  arrive  souvent  que  ceux  qui  ont  la  conscience  d'avoir  commis 
quelque  grande  faute,  sous  l'impression  de  la  douleur  qu'ils  en  res- 
sentent, s'embrasent  du  feu  de  l'amour  divin.  Gomme  ils  ont  toujours 
leurs  égarements  devant  les  yeux ,  ils  réparent  les  pertes  précédentes 
par  les  gains  qu'ils  réalisent  ensuite.  C'est  ainsi  que,  dans  une  bataille, 
un  général  préfère  le  soldat  qui,  après  s'être  enfui ,  revient  presser 


in  cœlo  quam  super  nonaginta  no- 
vèm,  quia  major  materia  divinœ  lau- 
dis  est  in  restauratioue  hominum , 
quam  in  creatione  angelorum  :  mirabi- 
liter  enim  anj^elos  creavit,  sed  mirabi- 
lins  liominem  restauravit.  Raba.  Nota 
(juod  unum  deest  a  iioveui,  ut  decem 
siut;  pl  a  nonaiiinta  novem,  ut  centum 
fijnt.  Variari  erço  per  brevitatera  et 
maiinitudineni  numeri  possunt  ijuibus 
uMum  dciicit,  ut  perficiautur  ;  ipsnm 
vero  unum  sine  varietate  in  se  manens, 
cum  accesserit,  cseleros  perticit  :  et  qt 
perfecta  summa  ovium  inteîïraretur  in 
cœlo,  homo  perditus  quasrebatur  in 
terra.  Hier.  Alii  vero  nonaginta  novem 
nvibus  justorum  putant  numerum  in- 
telligi,  et  in  una  ovicula,  peccatorum, 


secundum  quod  in  alio  loco  dixerat 
[Matth.  9)  :  «  Non  veni  vocare  justes, 
sed  peccatores.  » 

Greg.  [in  hom.  34  nt  snp.)  Conside- 
randum  autem  nobis  est  cur  Dominus 
plus  de  conversis  peccatoribus  ([uam  de 
stantibus  justis  gaudium  esse  faleatur  : 
(piia  scilicet,  jilenimque  pigri  rémanent 
ad  cxercenda  bona  pra-cipua.  qui  valde 
sibi  securi  sunt  >piod  nuUa  commiserinf 
mala  graviora.  At  contra  nonmmqiiam 
bi  qui  se  aliquid  egisse  illicite  memine- 
runt,  ex  ipso  suo  dolore  compuncti 
inardescunt  in  auiorem  Dei.  Et  quia  se 
errasse  a  Deo  considérant,  damna  prœ- 
cedentia  lucris  subsequentibus  recom- 
pensant :  sic  et  dux  in  prslio  plus  eum 
militem  diligit  qui  post  fugam  convcrsus 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XVIII.  17?> 

vigoureusement  l'ennemi,  à  celui  qui  n'a  jamais  tourné  le  dos,  mais 
qui  aussi  n'a  jamais  fait  d'action  d'éclat  (I).  Mais  il  est  cependant  des 
justes  qui  donnent  à  Dieu  une  si  grande  joie,  qu'on  ne  pourrait  leur 
préférer  aucun  pécheur  repentant;  car  bien  qu'ils  n'aient  conscience 
d'aucune  faute,  on  les  voit  renoncer  à  toutes  les  jouissances  permises, 
et  s'humilier  en  toutes  choses.  Combien  grande  sera  donc  la  joie , 
lorsque  le  juste  gémira  dans  l'humiliation  ,  alors  qu'il  y  a  sujet  de  se 
réjouir,  de  ce  que  le  pécheur  condamne  hautement  le  mal  qu'il  a  com- 
mis. 

BEDE.  Ou  bien  encore,  les  quatre-vingt-dix-neuf  brebis  qui  sont 
laissées  sur  la  montagne,  sont  les  orgueilleux  auxquels  il  manque  l'u- 
nité pour  arriver  à  la  perfection  désignée  par  le  nombre  cent.  Lorsque 
le  Sauveur  aura  retrouvé  le  pécheur  qui  s'égarait,  il  se  réjouira 
donc  davantage,  c'est-à-dire  qu'il  fera  éprouver  aux  siens  plus  de  joie 
de  cette  conversion,  que  de  la  prétendue  persévérance  des  faux  justes. 

S.  JÉR.  Les  paroles  suivantes  :  «  Ainsi  votre  Père  qui  est  dans  les 
cieux,  ne  veut  pas  qu'un  seul  de  ces  petits  périsse ,  »  etc.,  se  rappor- 
tent à  ce  qu'il  a  dit  plus  haut  :  «  Prenez  garde  de  mépriser  un  seul 
de  ces  petits,  »  et  le  Sauveur  nous  enseigne  par  là  que  cette  parabole 
a  pour  but  de  nous  enseigner  à  ne  pas  mépriser  les  petits;  en  ajou- 
tant :  «  Votre  Père  ne  veut  pas,  »  il  nous  apprend  que  toutes  les  fois 
qu'il  périt  un  de  ces  petits,  ce  n'est  point  par  la  volonté  du  Père 
qu'il  périt. 

f.  lb-I7.  —  Que  si  votre  frère  a  péché  contre  vous ,  allez  lui  représenter  sa 
faute  en  particulier,  entre  vous  et  lui.  S'il  vous  écoute,  vous  aurez  gagné  votre 

(1)  Saint  Grégoire  ajoute  que  le  laboureur  préfère  de  beaucoup  la  terre  qui  après  avoir  produit 
des  épines  porte  d'abondantes  moissons,  à  celle  qui  n'a  jamais  produit  ni  épines  ni  moissons. 


hostem  fortiter  premit,  quam  illuni  qui 
nunquam  torfïvini  prfebuit,  et  nunqiiam 
aliquid  fortiter  ferit.  Sed  et  simt  quidam 
justi,  do  quibus  tantum  est  gaudium  ut 
eis  nullus  jjœnitens  prcepoui  possit  :  qui 
etsi  non  sint  sibi  malorum  conscii.tanien 
licita  respuunt,  et  in  omnibus  se  bumi- 
liant.  Quantum  ergo  gaudium  est,  si  hu- 
militer  plaugat  justus?  cum  gaudium 
sit,  si  quod  maie  gessit,  damnât  injus- 
lus. 

Beda.  Vel  par  nonaginta  novem  oves 
quas  in  montibus  reliquit,  superbes  si- 
gnificat  quibus  ad  perfectionem  (cente- 
nario  designatam)  unitas  deest  :  eum 
ergo  invenerit  peccatoremj  magis  super 


eum  gaudet  (id  est,  suos  gaudere  facit) 
quam  super  justes  falsos. 

HiKR.  Quod  autem  subditur  :  «  Sic  non 
est  vohmtas  ante  Patrem  vestrum  ut  pe- 
rçât unus,  »  etc.,  refertur  ad  superius 
propositum,  de  quo  dixerat  :  «  Videte 
ne  contemnatis  unum  de  pusillis  istis,  » 
et  docet  idcirco  parabolani  positam,  ut 
pusiUi  non  contemnantur.  In  eo  autem 
quod  dicit  :  «  Non  est  vohmtas  ante  Pa- 
trem,» etc.,  osteudit  quod  quotiescunque 
perierit  aliquis  ex  pusillis,  non  volun- 
tate  Patris  périt. 

Si  autem  peccaverit  in  te  frater  tuus,  vade  et 
corripe  eum  inter  te  et  ipsum  solnm.  Si  te  an- 
dierit,  lucratus  eris  fratrem  tuum;  si  autem 


476 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


frère.  Mais  s'il  ne  vous  écoute  point,  prenez  encore  avec  vous  une  ou  deux 
personnes,  afin  que  tout  soit  confirmé  par  l'autorité  de  deux  ou  trois  té- 
moins. Que  s'il  ne  les  écoute  pas  non  plus,  dites-le  à  l'Eglise;  et  s'il  n'é- 
coute pas  l'Eglise  même,  qu'il  soit  à  votre  égard  comme  un  païen  et  un  pu- 
blicain . 

S.  Chrys.  [hom.  60.)  Le  Sauveur  s'était  exprimé  avec  force  contre 
les  auteurs  du  scandale,  et  avait  rempli  leur  àme  d'une  vive  crainte  ; 
mais  il  veut  empêcher  aussi  ceux  à  qui  le  scandale  était  donné  ,  tout 
en  évitant  une  faute,  de  tomber  dans  une  autre  (!'),  c'est-à-dire  dans 
la  négligence  ;  car  en  s'imaginant  qu'on  doit  avoir  pour  eux  toute 
sorte  d'égards  ,  ils  pourraient  se  laisser  facilement  dominer  par  l'or- 
gueil ;  il  étouffe  donc  ces  sentiments  dans  leur  âme  ,  et  leur  fait  un 
devoir  de  reprendre  leur  frère  lorsqu'il  est  en  faute  :  «  Si  votre  frère 
péclie  contre  vous,  »  etc.  —  S.  Aug.  (serm.  16  sur  les  par.  du  Seig.) 
Notre-Seigneur  nous  recommande  de  ne  pas  rester  indifférents  aux 
péchés  les  uns  des  autres  _,  en  cherchant  non  pas  précisément  à  re- 
prendre, mais  à  corriger  ;  car  c'est  l'amour  qui  doit  inspirer  la  cor- 
rection, et  non  pas  le  désir  de  faire  de  la  peine.  Mais  si  vous  négligez 
ce  devoir,  vous  devenez  plus  coupable  que  celui  qui  avait  besoin  de 
correction  ;  il  vous  avait  offensé ,  et  il  s'était  par  là  même  profondé- 
ment blessé  ;  mais  vous  méprisez  cette  blessure  de  votre  frère,  et  vous 
êtes  plus  coupable  par  votre  silence  qu'il  ne  l'est  par  l'outrage  qu'il 
vous  a  fait,  —  S.  Aiig.  {Cité  de  Dieu,  i,  9.)  Souvent,  en  effet,  on  dis- 
simule d'une  manière  coupable  la  vérité,  en  négligeant  d'instruire  ou 
d'avertir,  quelquefois  de  reprendre  et  de  corriger  ceux  qui  font  mal, 

(r)  Le  texte  grec  de  saint  Chrysostome  est  un  peu  différent  de  la  traduction  latine  donnée  par 
saint  Thomas:  'Iva  [ù]  7ïâ).tv  Tay-Vî  fîvwvtat  viTT-ioi  ol  (jxavôa),isô[Aîvot,  [XïioÈ  lô  Tràv  vo- 

(xîÇovte;  èç'  STÉpouç  sppi96at,  ei;  ÉTÉpav  xaxtav  è|£),8w(Ti. _C'est-à-dire,  afin  que  ceux  à 

qui  le  scandale  est  donné  ne  se  laissent  pas  aller  à  la  négligence,  et  qu'en  pensant  que  toute  la 

sévérité  de  ce  discours  tombait  sur  les  autres,  etc. 


le  non  audierit,  adhibe  tecum  adhuc  tinum  ve.l 
duos,  ut  in  orr  duoruni  vel  trium  tnslium  strt 
omne  verbum  ;  quod  si  non  audierit  eos,  die 
Ecclesiœ;  si  autem  Ecdesiam  non  audierit,  sit 
tibi  sicut  ethnicus  et  piiblicanus. 

Chrys.  (m  homil.  61^  in  Matth.)  Quia 
siiperins  vehementem  sermoneiu  adver- 
siis  scandalizantes  proposait.,  uudique 
eos  lerreus,  ne  rursiis  lii  quihus  scau- 
dala  ioferuntiir  sic  Jïaul  resupini  ut 
iinuni  coutemneules  in  alind  viliuai  in- 
cidant  (scilicet  neatliijentiiB),  ac  per  oui- 
nia  sibi  parci  volentes  in  elalioueiu  inci- 
dant,  iiis  Dominiis  eos  comprimit,  et  re- 
darguliouem  lieri  jubel,   diceus  :   «   Si 


autem  peccaverit  in  te  frater  tuus,  »  etc. 
Aug.  (de  Ver.  ])om.  serm.  16.)  Admo- 
uet  nos  quidem  Dominus  noster  non  ne- 
gligere  inviceui  peccata  uostra;  non 
quœrendo  quid  reprebendas,  sed  videndo 
quod  corrigas  :  debemus  enim  amando 
L'orriperc,  non  nocendi  aviditate,  sed  stu- 
dio corrigendi;  si  neglexeris,  pejor  eo 
factus  es  :  iste  injuriani  fecit,  et  injuriam 
faciendo  gravi  seipsum  vulnere  per- 
cussit  :  tu  vulnus.  fratris  contemnis  : 
pejor  es  tacendo,  iiuani  ille  couvitiando. 
ACG.  (de  Civit.  Dei.  bb.  1,  cap.  9.)  Ple- 
rumque  enim  a  nialis  docendis  et  ad- 
monendis,  abcpiando  etiaui  objurgandis 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XVIII.  /1-77 

soit  qu'on  recule  devant  la  difficulté,  soit  qu'on  veuille  éviter  leur  ini- 
mitié ,  dans  la  crainte  qu'ils  ne  cherchent  à  nous  traverser  ou  à  nous 
nuire  dans  la  jouissance  de  ces  biens  temporels  que  notre  cupidité 
désire  encore  trop  vivement  acquérir,  ou  que  notre  faiblesse  redoute 
de  se  voir  enlever.  Mais  si  nous  nous  abstenons  du  devoir  de  la  répri- 
mande et  de  la  correction  à  l'égard  de  ceux  qui  font  mal ,  soit  parce 
que  nous  attendons  une  occasion  plus  favorable,  soit  parce  que  nous 
avons  obtenu  ainsi  qu'ils  ne  deviennent  plus  mauvais,  ou  qu'ils  ne  nous 
empêchent  de  former  les  autres  chrétiens  faibles  à  une  vie  vertueuse 
et  fervente,  et  ne  les  influencent  pour  les  détourner  de  la  foi ,  alors  ce 
n'est  plus  par  un  motif  de  cupidité ,  mais  par  un  principe  de  charité 
que  nous  agissons.  Or,  ceux  qui  sont  placés  à  la  tète  des  églises  pour 
les  diriger,  ont  une  obligation  bien  plus  rigoureuse  de  ne  point  né- 
gliger le  devoir  de  la  correction  ;  et,  toutefois  ,  lors  même  qu'on  ne 
serait  pas  à  la  tète  des  autres ,  dès  lors  qu'on  leur  est  uni  par  les  rela- 
tions ordinaires  de  la  vie,  et  que  l'on  remarque  en  eux  bien  des  choses 
qu'il  faut  reprendre  ou  corriger,  on  n'est  pas  entièrement  exempt  de 
faute  lorsqu'on  néglige  de  le  faire ,  parce  qu'on  veut  éviter  de  les 
offenser  dans  la  crainte  d'être  troublé  dans  la  jouissance  des  biens  de 
cette  vie  qu'on  possède  légitimement,  mais  pour  lesquels  on  éprouve 
un  attachement  beaucoup  trop  vif. 

S.  Chrys.  {hom.  60.)  Remarquons  que  quelquefois  Notre-Seigneur 
amène  celui  qui  a  été  l'auteur  de  l'offense  à  celui  qu'il  a  offensé,  par 
exemple,  lorsqu'il  dit  :  «  Si  vous  vous  rappelez  que  votre  frère  a  quelque 
chose  contre  vous ,  allez  vous  réconciher  avec  votre  frère ,  »  et  que 
d'autres  fois  il  ordonne  à  celui  qui  a  été  offensé  de  pardonner  à  son 
prochain ,  comme  dans  ces  paroles  :  «  Pardonnez-nous  nos  offenses. 


et  corripiendis,  maie  dissimulatur  ;  vel 
cum  laboris  piget,  vel  cum  eorum  iaimi- 
citias  devitauuij,  ne  impediant  et  no- 
ceant  in  istis  temporalibus  rébus,  sive 
quas  adipisci  adliuc  nostra  cupiditas 
appétit,  sive  quas  adViuc  amittere  formi- 
dat  infirmitas.  Si  auteni  propterea  quis- 
que  objurpandis  et  corripiendis  maie 
agentibus  pareil,  quia  opportunius  tem- 
pus  inquirit,  vel  eisdem  ipsis  meruit  ne 
détériores  ex  hoc  efficiantur,  vel  ad  bo- 
nam  vitam  et  piamerudieudos  impediant 
alios  iniîrmos,  aut  premant  atque  avor- 
tant a  lide  ;  non  videtur  esse'cupiditatis 
occasio,  sed  consilium  charitatis.  Longe 
autem  graviorem  habent  causam  eccle- 
siarum  prœpositi,  qui  in  ecclesiis  con- 
stituti  sunt,  ut  non  parcant  objnrgando 


peccata  :  nec  ideo  tamen  ob  bujusce- 
modi  culpam  penitus  alienus  est,  qui  li- 
cet  prœpositus  non  sit,  in  eis  tamen  qui- 
bus  vitae  bujus  necessitate  conjungitur, 
multa  monenda  vel  arguenda  novit,  et 
negligit  ;  devitans  eorum  offensiones  prop- 
ter  illa  quibus  in  bac  vita  non  indebitis 
utitur,  sed  plus  quam  debuit  delectatur. 
CuRYS.  [ut  sup.)  Considerandum  au- 
tem quod  quandoque  Dominus  eum  qui 
contristavit,  ad  eum  qui  contristatus  est 
ducit  ;  sicut  cum  dicit  [Malth.  5)  :  «  Si 
recordatus  fueris  quod  frater  tuus  habet 
aliquid  adversum  te,  vade  reconciliari 
fratri  tuo  :  «  quandoque  autem  eum  qui 
injusta  passus  est  jubet  dimittere  proxi- 
mo,  sicut  ibi  :  «  Dimitte  nobis  débita 
nostra,  sicut  et  nos  dimittimus,  »  etc. 


478 


EXPLICATION   DR   l'ÉVANGILE 


comme  nous  les  pardonnons,  »  etc.  Ici  il  nous  propose  un  nouveau 
mode  de  réconciliation ,  il  conduit  celui  qui  a  reçu  l'ofTense  à  celui 
qui  l'a  faite;  il  prévoit,  en  eflfet,  que  celui  qui  a  commis  l'injustice, 
ne  viendrait  pas  facilement  excuser  (I)  sa  conduite,  retenu  qu'il  serait 
par  la  honte;  il  lui  amène  donc  celui  qui  a  soullert  l'otfense,  et  ce  n'est 
pas  de  sa  part  une  simple  démarche  qu'il  veut  ici,  mais  il  de- 
mande la  réparation  du  mal  qui  a  été  fait  :  «  Allez  et  reprenez-le.  » — 
Uab.  U  ne  commande  pas  de  pardonner  indistinctement  à  tout  homme 
qui  pèche,  mais  à  celui  qui  est  disposé  à  écouter ,  c'est-à-dire  à  obéir 
et  à  faire  pénitence,  afm  que  le  pardon  ne  soit  pas  trop  difficile^  ou 
que  l'indulgence  ne  soit  excessive. —  S.  Gukys.  {hom.  00.)llueditpas: 
Accusez,  faites  de  vifs  reproches,  tirez  vengeance;  mais  :  «Repre- 
nez-le, »  c'est-à-dire  rappelez-lui  sa  faute  ,  dites-lui  ce  qu'il  vous  a 
fait  souffrir.  Pour  lui ,  il  est  plongé  dans  sa  colère  comme  dans  un 
profond  sommeil  causé  par  l'ivresse ,  il  faut  donc  que  vous  qui  êtes 
affranchi  de  cette  infirmité  ,  vous  alliez  trouver  celui  qui  est  malade. 

S.  Jér.  Il  faut  vous  rappeler  cependant ,  que  si  votre  frère  a  péché 
contre  vous,  et  vous  a  offensé  de  quelque  manière  que  ce  soit,  non- 
seulement  vous  avez  le  pouvoir ,  mais  vous  êtes  dans  l'obligation  de 
lui  pardonner  ;  car  il  nous  est  commandé  de  remettre  leurs  dettes  à 
ceux  qui  nous  doivent.  C'est  pourquoi  Noire-Seigneur  nous  dit  ici  ; 
«  Si  votre  frère  a  péché  contre  vous.  »  S'il  a  péché  contre  Dieu  (2),  il 
n'est  pas  en  notre  pouvoir  de  lui  pardonner  ;  mais  nous,  au  contraire_, 

(1)  Un  interprète  moderne  a  traduit  le  mot  grec  àiroXoyîav  par  sa/iA7ac/to«e?n,  c'est-à-dire 
pour  rendre  compte  de  sa  conduite,  ou  pour  se  justifier  aux  yeux  de  celui  qui  le  reprend,  ou 
bien  pour  lui  donner  satisfaction  de  quelque  manière  que  ce  soit  ;  car  le  mot  àTToXoytav  peut  re- 
cevoir tous  ces  sens, 

(2)  Saint  Jérôme  cite  ici  ce  passage  du  premier  livre  des  Rois  (ii,  25  )  :  «  Si  un  homme  a  pé- 
ché contre  un  homme,  le  prêtre  pourra  prier  pour  lui  ;  mais  s'il  a  péché  contre  Dieu,  qui  priera 
pour  lui?  u  La  Vulgate  traduit  :  n  Si  un  homme  pèche  contre  un  homme,  Dieu  peut  lui  être  pro- 
pice. I)  Les  Septante  ont  traduit  un  peu  différemment  :  «  Ils  prieront  pour  lui  le  Seigneur,  o 
npo(T£u|tovTat  TiJpi  a-jToû  Trpo;  KOpiov. 


Hic  aulem  alium  excogUat  uiodum  :  eum 
enim  qui  coiitrislatus  est,  ducit  ad  eum 
qui  contristavil;  et  ideo  dicit  :  «  Si  pec- 
caverit  in  te  frater  tuus  :  »  quia  eniui 
ille  qui  iujusta  fecit,  non  facile  veniret 
ad  excusationem  verecundalus,  hune  qui 
passas  est,  ad  illum  trahit;  d  non  siiu- 
pliciter^  sed  ut  corrigat  quod  factum  est  : 
unde  dicit  :  «  Yade  et  corripe  eum.  » 
Rab.  Non  passim  juhet  peccanti  dimit- 
tere,  sed  audienti  (id  est,  obedienti)  et 
pœnilentiam  agenti  ;  ne  vel  difficilis  sit 
venia,  vel  remissa  iudulgentia.  Chuys. 
{uf.  sup.)  Non  aulem  dicit,  avctisu,  ne- 
que,  increpa,  neque  vindictus  eapele, 


sed,  argue,  id  est,  «  remémora  illi  pec- 
catum;  die  ei  qu?e  ab  eo  passus  es  :  » 
ipse  enim  ira  et  verecundia  detinetur 
ebrius  factus  quasi  gravi  somno  :  unde 
oportet  te,  qui  sanus  es,  ad  illum  qui 
tegrotat  abire. 

Hier.  Sciendum  tamen  quod  si  pecca- 
verit  in  vos  frater  vester,  et  in  qualibet 
causa  vos  lœserit,  dimiltendi  habetis  po- 
testatem  imo  uecessitatem  ;  quia  praeci- 
pitur  ut  debiloribus  nostris  débita  di- 
mittamus,  propter  quod  et  hic  dicitur  : 
«  Si  peccaverit  in  te  frater  tuus  ;  »  si 
autem  in  Deum  quis  peccaverit,  non  est 
uostri  arbitrii  :  nos  e  contrario  in  Dei 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XVIII,  479 

nous  sommes  pleins  d'indulgence  pour  les  oti'enses  commises  contre 
Dieu,  et  remplis  d'animosité  pour  venger  celles  qui  s'adressent  à  nous. 
—  S.  Chrys.  {hom.  60.)  C'est  à  celui  qui  a  reçu  l'injure ,  et  non  pas  à 
un  autre  ,  que  Notre-Seigneur  impose  le  devoir  de  la  correction,  car 
celui  qui  a  commis  l'offense  est  disposé  à  recevoir  plus  facilement  de 
sa  part  la  réprimande,  surtout  lorsqu'elle  se  fait  sans  témoin  ;  et  rien 
n'est  plus  propre  à  l'apaiser  que  de  voir  celui  qui  avait  le  droit  d'exiger 
une  réparation  sévère,  montrer  tant  de  zèle  pour  son  salut.  —  S.  Aug. 
{serm.  16  sur  les  par.  du  Seig.)  Lors  donc  qu'un  de  nos  frères  pèche 
contre  nous,  montrons-nous  empressés,  non  pas  de  défendre  nos  droits 
(car  rien  n'est  plus  glorieux  que  d'oublier  une  offense),  mais  d'ou- 
blier l'injure  qui  nous  est  faite,  sans  oublier  la  blessure  qu'elle  a 
faite  à  notre  frère.  Reprenez-le  donc  entre  vous  et  lui,  en  ne  vous  ap- 
pliquant qu'à  le  corriger  et  en  ménageant  sa  honte.  Car  il  pourrait 
arriver  que  sous  l'impression  de  ce  sentiment,  il  entreprit  de  justifier 
la  faute  qu'il  a  commise ,  et  ainsi  en  voulant  le  corriger ,  vous  le 
rendriez  plus  coupable.  —  S.  Jér.  Il  faut  reprendre  votre  frère  en 
secret,  de  peur  que,  s'il  vient  à  perdre  tout  sentiment  de  honte  et  de 
crainte,  il  ne  persévère  dans  son  péché. 

S.  Aug.  {serm.  46),  etc.  L'Apôtre  nous  fait  cette  recommandation  : 
«  Reprenez  devant  tout  le  monde  le  pécheur  scandaleux ,  afin  que  les 
autres  aient  de  la  crainte.  »  Il  faut  doue  que  vous  sachiez  qu'il  est  des 
circonstances  où  il  faut  reprendre  votre  frère  seul  à  seul,  et  d'autres 
où  il  faut  le  reprendre  devant  tout  le  monde.  Mais  que  devons  nous 
faire  avant  d'en  arriver  là?  Ecoutez  et  retenez  :  «Si  votre  frère,  dit-il, 
a  péché  contre  vous,  reprenez-le  entre  vous  et  lui  seul.  »  Pourquoi? 
Parce  qu'il  a  péché  contre  vous.  Que  veulent  dire  ces  paroles  :  «  Il  a 


injuria  benigni  sumus;  in  nostris  contu- 
meliis  exercemus  odia.  Chrys.  (ut  iïip.) 
Ideo  autem  prœcepit  arguere  ei  qui 
passus  est  iajuriain,  et  non  aiii;  quiaille 
qui  fecit  injuriam,  ab  eo  man^iuelius 
sustinet,  et  maxime  cum  solus  eum  cor- 
ripiat  :  quum  enim  qui  vindictam  expe- 
tere  dehebat,  bic  salutis  videtur  dUigeu- 
tiam  babere,  maxime  boc  eum  potest 
propitium  facere.  Aug.  (de  Ver.  Boni. 
serm  16,  ut  sup.)  Quando  ergo  in  nos 
ahquis  peccat,  babeamus  ma^nan:  eu- 
ram,  non  pro  nobis  (uam  gloriosum  est 
injuriam  obUvisci),  sed  obbviscere  in- 
juriam luam,  non  vulnus  fratris  lui  : 
ergo  corripe  eum  inter  te  et  ipsum  so- 
luni,  studens  correctioni,  parcens  pudo- 


ri.  Forte  enim  prse  verecundia  incipit 
defeudere  peccatum  suum,  et  quem  vis 
facere  correctiorem,  faeit  pejorem.  Hier. 
Corripiendus  est  enim  seorsum  frater , 
ne  sisemel  pudorem  atque  verecundiam 
amiserit,  permaneal  in  peccato. 

Aug.  {fie  Ver.  Dom.  serm.  i^ntsup.) 
Apostolus  autem  (i  Tunoth.  5)  .•  «  Pec- 
cantem  coram  omnibus  argue ,  ut  et 
caeleri  timorem  babeant  :  »  aliquando 
ergo  scias  corripiendum  esse  fratrem 
solim,  aliquando  autem  corom  omnilnis. 
Quid  aulem  ante  facere  debeamus,  in- 
tendite  et  videte.  «  Si  peccaverit,  inquit, 
in  te  frater  tuus,  corripe  eum  inter  te 
et  ipsum  solum  :  »  Quare?  quia  in  te 
peccavit?   Quid    est,  in  te  peccavit  ?  Tu 


480 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


péché  contre  vous?  »  Vous  savez  qu'il  a  péché,  et  puisque  sonofifense 
contre  vous  a  été  secrète,  que  votre  correction  le  soit  également;  car 
si  vous  êtes  le  seul  pour  connaître  qu'il  a  péché  contre  vous,  et  que 
vous  vouliez  cependant  le  reprendre  jaihliquement ,  ce  n'est  plus  une 
correction,  mais  une  accusation  publique.  Votre  frère  a  donc  péché 
contre  vous,  mais  si  vous  êtes  le  seul  pour  le  savoir,  c'est  vraiment 
contre  vous  seul  qu'il  a  ]iéché  ;  s'il  vous  a  offensé  devant  un  grand 
nombre  de  personnes ,  il  a  péché  contre  tous  ceux  (ju'il  a  rendu  té- 
moins de  sa  faute.  Il  faut  donc  reprendre  publiquement  les  fautes  pu- 
bliques, et  en  secret  les  fautes  secrètes.  Apprenez  à  discerner  les  temps 
et  les  occasions ,  et  vous  concilierez  les  Ecritures.  Or ,  pourquoi  re- 
prenez-vous le  prochain?  Est-ce  parce  que  vous  éprouvez  de  la  peine 
d'en  avoir  été  offensé?  A  Dieu  ne  plaise ,  si  vous  le  faites  par  amour 
pour  vous,  vous  ne  faites  rien  ;  si,  au  contraire,  vous  le  reprenez  dans 
son  intérêt,  vous  agissez  dans  la  perfection.  Or,  apprenez  des  paroles 
elles-mêmes  de  Notre-Seigneur,  dans  qu'elle  intention  vous  devez 
faire  cette  réprimande ,  si  c'est  dans  votre  intérêt ,  ou  dans  celui  de 
votre  frère  :  «  S'il  vous  écoute ,  vous  aurez  gagné  votre  frère ,  »  etc. 
Faites-le  donc  pour  lui ,  afin  de  le  gagner.  Reconnaissez  qu'en  pé- 
chant contre  votre  frère,  vous  vous  êtes  perdu,  car,  autrement,  comment 
vous  aurait-il  gagné?  Que  personne  donc  ne  regarde  comme  in- 
différente l'ofïense  faite  à  un  de  ses  frères.  —  S.  Chrys.  {hoin.  60.) 
Ces  paroles  nous  prouvent  encore  que  l'inimitié  porte  dommage  aux 
deux  pai'ties,  aussi  ne  dit-il  pas  :  il  s'est  gagné  lui-même ,  mais  vous 
l'avez  gagné,  preuve  que  tous  deux ,  vous  et  lui  vous  avez  souffert  de 
ce  désaccord.  —  S.  Jér.  En  procurant  le  salut  d'un  autre ,  nous  assu- 
rons ainsi  notre  propre  salut. 


scis  quia  peccavit  :  (juia  enim  secretum 
fuit,  quando  ia  te  peccavit,  secretum 
([ugere  cum  corrigis  quae  peccavit  :  nam 
si  solus  uosti  quia  peccavit  iu  te,  et  eum 
vis  corani  omnibus  arguere,  non  es 
corrector,  sed  proditor.  Peccavit  ergo 
in  te  frater  tuus;  sed  si  tu  solus  nosti, 
tune  vere  in  te  solum  peccavit  :  nam  si 
multis  audientibus  tibi  fecit  injuriam  , 
et  in  illos  peccavit  quos  testes  sute  iui- 
({uitatis  eflecit  :  ergo  ipsa  corripienda 
sunt  coram  omnibus,  quae  peccautur  co- 
ram  omnibus  ;  ipsa  corripienda  sunt  se- 
cretius,  quai  peccautur  secrelius  :  distri- 
buite  teuipora,  et  concordate  Scripturas. 
Quare  auteni  proximum  corripis  "?  Quia 
tu  doles  quod  peccaverit  in  te  ?  Absit  : 
si  amore  tui  id  lacis,  nibil  facis  ;  si  amore 


illius  facis,  optime  facis.  Denique  in 
ipsis  verbis  attende  cujus  amore  id  fa- 
cere  debeas,  utrum  tui,  an  illius.  Sequi- 
tur  enim  :  «  Si  te  audierit,  lucratus  erit 
fratrem  tuum,  »  etc.  Ergo  propter  illum 
fac,  ut  lucreris  illum  ;  agnosce  quia  in 
liominem  peccando  peristi  :  nam  si  non 
perleras,  quomodo  te  lucratus  est  ?  Ne- 
mo  ergo  coutemnat  ({uando  peccat  in 
fratrem.  Chrvs.  {ut  sup.)  In  quo  eliam 
demonstralur  qnod  iuimicitia  damuum 
est  commune  :  et  propterea  boc  nou  di- 
xit,  quod  ille  lucratus  est  seipsum,  sed 
quod  tu  lucratus  es  eum  :  ex  quo  osten- 
dit  quoniam  et  tu  et  ille  damnum  passi 
eratis  ex  discordia.  Hier.  Per  salutem 
euim  alterius  nobis  quoque  acquirilur 
salus. 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XVIII.  481 

S.  Ghrys.  {hom.  60.)  Mais  que  devez-vous  faire  si  vous  ne  pouvez 
persuader  votre  frère  ?  Les  paroles  suivantes  vous  l'apprennent  :  a  S'il 
ne  vous  écoute  point,  prenez  encore  avec  vous  une  ou  deux  personnes  ;» 
car  plus  il  montrera  d'impudence  et  d'opiniâtreté ,  plus  il  faut  s'ap- 
pliquer à  le  guérir  sans  se  laisser  aller  à  la  colère  ou  à  la  haine.  Ainsi, 
lorsqu'un  médecin  voit  que  la  maladie  s'aggrave  ,  loin  d'abandonner 
son  malade,  il  redouble  d'efforts  pour  triompher  de  l'extrémité  du 
mal.  Hemarquez  aussi  que  cette  réprimande  ne  doit  point  se  faire 
sous  l'inspiration  de  la  vengeance ,  mais  dans  le  seul  but  de  corriger 
notre  frère.  C'est  pour  cela  que  le  Sauveur  ne  nous  commande  pas  de 
prendre  d'abord  deux  témoins,  mais  alors  seulement  que  notre  frère 
refuse  d'écouter  notre  réprimande  ;  et  encore  n'est-ce  pas  un  grand 
nombre  de  personnes,  mais  une  ou  deux  qu'il  faut  prendre  avec  soi  ; 
mesure  qu'il  appuie  du  témoignage  de  la  loi  :  «  Tout  sera  assuré  par 
la  déposition  de  deux  ou  de  trois  témoins  (1);»  comme  s'il  disait: 
Vous  pouvez  alors  vous  rendre  le  témoignage  que  vous  avez  fait  tout 
ce  qui  dépendait  de  vous.  —  S.  Jér.  Ou  bien  ,  on  peut  admettre  cette 
autre  interprétation  ;  S'il  ne  veut  pas  vous  écouter ,  prenez  d'abord 
avec  vous  un  seul  témoin  ;  s'il  refuse  encore  de  l'écouter,  prenez-en  un 
troisième,  afin  que  votre  admonition  ou  du  moins  la  honte,  le  force 
de  reconnaître  sa  faute,  ou  qu'alors  il  soit  convaincu  devant  témoins. 
—  La  Glose  (2).  Ou  bien  encore,  pour  lui  prouver  qu'il  a  péché  ,  s'il 
venait  à  le  nier. 

S.  JÉR.  Or,  s'il  refuse  encore  de  les  écouter,  il  faut  alors  déclarer  sa 
faute  à  un  plus  grand  nombre,  afin  de  leur  inspirer  pour  lui  une  vive 
horreur,  et  essayer  de  sauver  par  l'opprobre  celui  qui  n'a  pu  être 

(1)  Deutér.,  xix,  15. 

(2)  Ou  plutôt  saint  Anselme. 


Chrys.  {ut  sup.)  Quid  autem  facere 
debeas  consequeuter,  si  non  persuadea- 
tur,  subditur  :  «  Si  autem  te  non  audierit, 
adhibe  tecum  unum  vel  duos  :  >>  quaato 
enim  iuverecundior  fuerit  et  pertinacior, 
tanto  magis  nos  ad  niediciuam  studere 
oportet,  non  ad  iram  el  odiuui  ;  etenim 
medicus  cum  viderit  morbum  non  re- 
mitti,  non  desistit,  sed  tune  magis  prae- 
paratur  ad  curandum.  Vide  autem  qua- 
liter,  non  viudictai  gratia  hsec  correctio 
fit,  sed  emeudationis  :  et  propter  laoc , 
non  confestim  jubet  duos  accipere,  sed 
quando  ipse  corrigi  non  voluerit  :  neque 
tune  ad  eum  mitlit  multitudinem,  sed 
unum  vel  duos  :  et  ad  hoc  legis  testi- 

TOM.   II. 


moniuni  inducit,  diceus  :  «  Ul  in  ore 
duoruni  vel  trium  testium  stet  omne 
verbum,  »  etc.  Quasi  diceret  :  «  Habes  jam 
testimonium  quod  totum  fecisti  quod 
tuumerat.  »  Hier.  Vel  iutelligendum  est 
hoc  modo  ;  si  te  audire  noluerit,  adhi- 
beatur  uuus  frater  tantum  ;  quod  si  uec 
illum  audierit,  adhibeatur  et  tertius,  vel 
corrigendi  studio  (ut  scilicet  vel  admo- 
uitione  aut  pudore  corrigatur),  vel  con- 
veniendi  sub  testibus.  Glossa.  Vel  si  di- 
xerit  non  esse  peccatum,  ul  probent 
illud  esse  peccatum. 

Hier.  Porro  si  nec  illos  audire  volue- 
rit, tune  multis  dicendum  est,  ut  detes- 
lationi  eum  habeant,  ut  qui  non  potuit 

31 


482 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


sauvé  par  la  honto  :  «Que  s'il  ne  les  écoute  pas  non-plus,  dites-le  à 
l'Eglise.  »  —  S.  Ghrys.  {hom.  GO.)  C'est-à-dire  à  ceux  qui  sont  à  la 
tête  de  l'Eglise.  —  La  Glose.  Ou  bien,  dites-le  à  toute  l'Eglise,  pour 
lui  faire  essuyer  une  plus  grande  honte.  Tous  ces  moyens  épuisés,  il 
faut  en  venir  à  l'excommunication  qui  doit  être  prononcée  par  la 
bouche  de  l'Eglise,  c'est-à-dire  par  le  prêtre  qui  est  l'organe  de  toute 
l'Eglise ,  lorsqu'il  prononce  la  sentence  d'excommunication  :  «  S'il 
n'écoute  pas  l'Eglise,  »  etc.  —  S.  Aug.  [serm.  16  sur  les  par.  du  Seig.) 
Ne  le  comptez  plus  dès  lors  au  nombre  de  vos  frères  ;  cependant  ne 
négligez  pas  son  salut  ;  car  si  nous  ne  regardons  pas  comme  nos  frères 
les  étrangers,  c'est-à-dire  les  Gentils  et  les  païens,  nous  ne  laissons  pas 
de  chercher  à  les  sauver. —  S.  Ghrys.  {hom.  60.)  Toutefois  le  Seigneur, 
à  l'égard  de  ceux  qui  sont  hors  de  l'Eglise,  ne  nous  a  rien  commandé 
de  semblable  à  ce  que  nous  devons  faire  pour  reprendre  et  corriger 
nos  frères.  Voici  ce  qu'il  nous  ordonne  de  faire  à  l'égard  de  ceux  qui 
sont  en  dehors  de  l'Eglise  [Matth.,  v)  ;  «  Si  quelqu'un  vous  frappe 
sur  une  joue,  présentez-lui  l'autre  joue,  »  et  saint  Paul  :  «  Pourquoi 
voudrais-je  juger  ceux  qui  sont  hors  de  l'Eglise?»  Mais  pour  nos  frères, 
il  faut  les  reprendre  et  les  retirer  du  mal ,  et ,  s'ils  ne  veulent  point 
obéir,  les  séparer  de  l'Eglise  pour  les  couvrir  de  confusion  (1*).  — 
S.  Jér.  En  nous  disant  :  «  Qu'il  soit  à  votre  égard  comme  un  païen  et 
comme  un  publicain,  »  le  Sauveur  nous  apprend  à  concevoir  plus 
d'horreur  pour  celui  qui,  sous  le  nom  de  chrétien  ,  se  conduit  en  in- 
fidèle, que  pour  ceux  qui  sont  ouvertement  connus  pour  païens.  On 
appelait  publicains  ceux  qui  étaient  avides  d'argent,  et  qui  exigeaient 

(1*)  Nous  avons  complété  la  phrase  d'après  le  texte  même  de  saint  Chrysostome,  pour  ôter 
toute  amphibologie  au  mot  avertere,  àTTOaTpé^SffÔa'.,  qui,  dans  saint  Thomas  ,  doit  signifier  sé- 
parer de  l'Eglise,  et  qui,  dans  saint  Chrysostome,  signifie  retirer  du  mal. 


pudore  salvari ,  salvatur  opprobriis  : 
uade  sequitur  :  «  Quod  si  non  audierit 
eos,  die  Ecclesiœ.  »  Chrys.  {ut  sup.)  Id 
est,  his  qui  Ecclesiai  président.  Glossa. 
Vel  die  toti  Ecclesiœ,  ut  majorem  eru- 
besceutiam  patiatur.  Post  liaec  omnia 
sequatur  exeommunicatio,  qu*  iieri  dé- 
bet per  os  Ecclesiœ,  id  est,  per  sacer- 
dotem,  quo  excomaïunicaute  tota  Eccle- 
sia  cum  eo  operatur  :  uude  sequitur  : 
«  Si  autein  Ecclesiam  non  audierit,  » 
etc.  Aug.  {de  Yerb.  IJom.  serm.  16  ut 
sup.)  Noli  illuiu  jaui  dcputare  in  numéro 
fratrum  tuorum  :  ncc  sic  tamen  salus 
ejus  negligenda  est  :  nam  et  ipsos  etliui- 
cos  (id  est ,  gentiles  et  paganos)  in  nu- 
méro quideni  fratrum  non  deputaniiis, 


sed  tamen  eorum  salutem  semper  inqui- 
rimus.  Chrys.  {ut  sup.)  Nihil  tamen  taie 
praecipit  Dominus  observandum  in  his 
qui  extra  Ecclesiam  sunt,  quale  praecipit 
hic  de  fratribus  corripieudis  ;  sed  de 
exterioribus  dicit  (Mafth.  5  )  «  Si  quis 
percusserit  te  in  unam  maxillam,  pi'aebe 
eietaliam  :»  quod  et  Paulus  dicit  (1  Cor. 
15.)  «  Quid  milii  est  de  liis  qui  forissunt 
judicare"?  «Praires  autem  et  arguere  et 
avertere  jubet.  Hier.  Quod  autem  dicit  : 
«  Sicut  elhnicus  et  publicanus,  »  osten- 
ditur  majoris  esse  detestationis  qui  sub 
nouiine  lidelis  agit  opéra  infidelium, 
^quam  hi  qui  aperte  Gentiles  sunt.  Publi- 
cani  enim  vocantur,  qui  seculi  sectan- 
tur    luera ,    et    exigunt   vectigalia    per 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XVIIT. 


483 


les  impôts  en  recourant  au  trafic,  aux  fraudes,  au  vol  et  à  des  par- 
jures horribles. 

Orig.  {Traité  VI  sur  S.  Matth.)  II  faut  remarquer  ici  «jue  cette 
conduite  que  nous  recommande  le  Sauveur,  ne  doit  pas  être  appliquée 
à  toute  espèce  de  péché.  Car  si  un  de  nos  frères  vient  à  commettre  un 
de  ces  péchés  qui  conduisent  à  la  mort,  et  qu'il  soit,  par  exemple, 
abominable  et  infâme,  adultère ,  homicide  ou  efféminé ,  est-ce  qu'il 
serait  raisonnable  de  le  réprimander  seul  à  seul ,  et  s'il  se  montrait 
docile  à  vos  observations,  de  dire  aussitôt  :  Je  l'ai  gagné  ?  Ou  bien  s'il 
ne  voulait  pas  vous  écouter ,  serait-il  convenable  pour  le  chasser  du 
sein  de  l'Eglise  d'attendre  que,  malgré  la  réprimande  faite  devant  les 
témoins  et  devant  l'Eglise,  il  ait  persévéré  dans  son  crime  ?  Il  en  est 
qui,  considérant  l'immense  miséricorde  de  Jésus-Christ,  prétendent 
que  c'est  aller  contre  cette  miséricorde  que  de  restreindre  ces  paroles 
aux  seuls  péchés  plus  légers,  parce  que  Notre-Seigneur  ne  fait  aucune 
distinction  de  péchés.  D'autres ,  examinant  plus  attentivement  ces 
paroles,  soutiennent  qu'elles  ne  s'appliquent  pas  à  toute  sorte  de  pé- 
chés; car,  disent-ils,  celui  qui  se  rend  coupable  de  crimes  énormes 
n'est  plus  notre  frère,  il  n'en  a  plus  que  le  nom,  et  l'Apôtre  nous  dé- 
fend même  de  manger  avec  lui.  Or,  de  même  que  ceux  qui  n'appliquent 
pas  ce  passage  (1)  à  toute  espèce  de  péchés,  favorisent  la  négligence, 
et  l'invitent,  pour  ainsi  dire,  au  péché;  ainsi,  celui  qui  enseigne  que  le 
fidèle  qui  n'est  coupable  que  de  fautes  légères  et  vénielles,  doit  être 
regardé  comme  un  païen  et  un  publicaiu  après  avoir  subi  la  répri- 
mande devant  témoins  ou  devant  l'Eglise  ,  me  paraît  introduire  une 

(1)  La  particule  négative  ne  se  trouve  pas  dans  le  texte  d'Origène;  c'est  évidemment  par  erreur 
typographique  qu'elle  a  été  supprimée;  car  donnerait-on  à  ceux  qui  sont  négligents  une  nou- 
velle occasion  de  pécher,  si  on  appliquait  à  toute  sorte  de  péchés  une  discipline  aussi  sévère  ? 


negotiatioues,  et  fraudes,  et  lurta,  scele- 
rataque  perjuria. 

Orig.  {Tract,  (i,  in  Matth.)  Videanius 
autem  ne  forte  seutentia  hœc  non  de 
quocunque  peccato  posita  sit  :  quid  enim 
si  aliquis  peccaverit  aliquod  peccalorum 
quœ  sunt  ad  mortein  (puta  masculorum 
concubitor  factus,  adiilter,  homicida,  aut 
mollis),  nunquid  talem  rationis  est  ut 
arguât  solus  ad  solum;  et  (si  audierit) 
stalim  eum  dicere  lucrifaetum  ;  et  si  non 
audierit,  non  prius  expellat  eum  de  Ec- 
ciesia,  uisi  postipiani  corani  testiijus  ar- 
gutus  et  ab  Ecclesia,  perstiterit  in  actu 
priori  ?  Alius  auleui  respicieus  ad  im- 
mensani  misericordiani  Ghristi,  docet 
quoniam  (eum  verba  Ghristi  uullam  fa- 


ciaut  ditfereutiaui  peccatoriim)  contra 
Ghristi  niisericordiam  faciunt,  qui  hœc 
ad  minima  tantum  peccata  pertinere  dis- 
tinguunt.  Alius  contra  caute  ipsa  verba 
cousideraus,  non  de  omni  peccato  haec 
dicta  defendet;  quoniam  qui  grandiailla 
peccata  facit,  non  est  frater,  sed  nomi- 
natur  frater  ;  eum  quo  secundum  Apos- 
tolum  (1  Corinth.  o)  non  oportel  nec  ci- 
buni  sumere  :  sicut  autem  uegligentibus 
peccandi  occasionem  dant  qui  non  ad 
omnepeccatum  hoc  pertinere  exponunt; 
sic  e  contra,  qui  docet  in  uiinimis  et  non 
mortiferis  peccatis  peccautem  post  ar- 
gutionem  testium,  vel  Ecclesiui,  fieri 
oportere  sicut  ethnicum  et  publicanum, 
aliquid  cradelilatis  videlur  inducere    ; 


484  EXPLICATION    DK   F.'ÉVANGILE 

doctrine  par  trop  sévère.  Car  eiilin  nous  ne  pouvons  pas  prononcer 
que  cet  homme  est  tout  à  fait  perdu,  parce  que  d'abord,  s'il  a  résisté 
à  trois  réprimandes,  il  peut  se  rendre  à  la  quatrième;  en  second  lieu, 
parce  que  souvent  on  ne  lui  rend  pas  selon  ses  œuvres ,  mais  au  delà 
de  ce  que  méritent  ses  fautes ,  ce  qui  est  souvent  avantageux  en  ce 
monde;  eulin,  Jésus-Christ  n'a  point  dit  absolument  :  Qu'il  soit  comme 
un  païen  et  un  publicain,  mais  :  «  Qu'il  soit  pour  vous.  »  Si  donc 
après  l'avoir  repris  trois  fois  d'iiue  faute  légère ,  il  ne  s'en  cor- 
rige pas,  nous  devons  le  considérer  comme  un  païen  et  un  publicain, 
afin  de  le  couvrir  de  confusion  eu  nous  abstenant  de  le  voir  ;  mais  que 
Dieu  le  juge  aussi  comme  un  païen  et  un  publicain ,  ce  n'est  pas  à 
nous  de  l'affirmer  ;  c'est  au  jugement  de  Dieu  lui-même. 

y.  18-20.  —  Je  vous  dis  en  vérité  que  tout  ce  que  vous  lierez  sur  la  terre  sera 
lié  aussi  dans  le  ciel ,  et  que  tout  ce  que  vous  délierez  sur  la  terre  sera  aussi 
délié  dans  le  ciel.  Je  vous  dis  encore  que  si  deux  d'entre  vous  se  réunissent 
ensemble  sur  la  terre,  quelque  chose  qu'ils  demandent,  elle  leur  sera  accordéje 
par  mon  Père  qui  est  dans  les  deux.  Car  en  quelque  lieu  que  se  trouvent 
deux  ou  trois  personnes  assemblées  en  mon  nom,  je  m'y  trouve  au  milieu 
d'elles. 

S.  JÉR.  Notre-Seigneur  venait  de  dire  :  «  S'il  n'écoute  pas  l'Eglise, 
qu'il  soit  pour  vous  comme  un  païen  et  comme  un  publicain.  »  Celui 
qui  se  trouvait  ainsi  rejeté  ,  aurait  pu  répondre  ou  du  moins  penser  ; 
Vous  me  méprisez,  et.moi  aussi  je  vous  méprise  ;  vous  me  condamnez, 
je  vous  condamne  également  ;  il  donne  donc  ici  aux  Apôtres  un  pou- 
voir vraiment  extraordinaire ,  de  manière  à  faire  comprendre  à  ceux 
qui  sont  frappés  par  leur  condamnation ,  que  la  sentence  de  la  terre 
est  confirmée  par  le  jugement  de  Dieu  ;  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  : 


utrum  eoini  omuiuo  pereat,  pi'ouunliare 
non  possumus  :  primum,  quia  qui  ter 
argutus  non  obedivit,  potest  in  quarto 
obedire  :  deinde,  quia  aliquando,  non 
secundum  opéra  homiuis  redditur  ei, 
sed  amplius  quam  peccavit,  quod  expe- 
dit  iu  hoc  mundo  :  deuium,  quia  non 
dixit  solum  :  «  Sit  sicul  ellinicus  et  pu- 
blicauus,  »  sed,  «  sit  tlbi.  »  Qui  ergo  in 
peccato  levi  corrcctus  ter,  non  se  emen- 
dat,  nos  quiùem  debenms  cuiu  habere 
sicuL  etbuicuui  et  publicauuni,  ut  eum 
abstinemus  ab  eo  coufuudalur  ;  an  auleui, 
etiaui  a  Deo,  quasi  publicauus  et  etbui- 
cus  judicetur,  nou  est  noslrum  prouuu- 
tiare,  sed  est  in  judicio  Dei. 

Amen  dico  uubis,  ijuœcunque  alliyaveritis  super 


terram,  erunl  liyata  et  in  cœlo  ;  et  quœeunque 
solveritis  super  terram ,  erunt  soluta  et  in 
cœlo.  Iterum  dico  vobis,  quia  si  duo  ex  vobis 
consenserint  super  terram,  de  omni  re  quam- 
cunque  petierint,  fiet  illis  a  Paire  meo,  qui  in 
cœlis  est  :  vbi  enim  sunt  duovel  très  congregati 
in  noraine  meo,  ibi  sum  in  medio  eorum. 

Hier.  Quia  dixerat  :  «  Si  Ecclesiam 
non  audierit,  sit  tibi  sicut  ethnicus  et 
publicauus  ;  »  et  poterit  conlempti  fra- 
Iris  haec  esse  responsio  vel  tacita  coai- 
talio  :  «  Si  ijie  despicis,  et  ego  te  des- 
picio  ;  si  me  condemnas,  et  tu  mes  sen- 
tenlia  condemnaberis  ;  »  potestatein  tri- 
buil  aposlolis  ut  sciant  qui  talibus  con- 
demuantur,  bumanaui  sententiam  divina 
seutentia  corroborari  :  unde  dicitur  : 
«  Amen  dico  vobis  :  Quœeunque  alliga- 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XVIII. 


485 


et  Je  vous  le  dis  en  vérité,  tout  ce  que  vous  lierez,  »  etc.  —  Orig.  Il  ne 
dit  pas  :  «  dans  les  cieux,  »  comme  dans  le  pouvoir  qu'il  a  donné  à 
Pierre,  mais  «  dans  le  ciel  »  au  singulier;  car  les  Apôtres  n'étaient  pas 
aussi  parfaits  que  Pierre  (1).  —  S.  Hil.  L'intention  du  Sauveur  dans 
ces  paroles  est  d'inspirer  à  tous  les  hommes  la  crainte  la  plus  vive, 
pour  les  contenir  ici-bas  dans  le  devoir  ;  c'est  pour  cela  qu'il  déclarn 
irrévocable  le  jugement  prononcé  par  le  tribunal  sévère  des  Apôtres, 
jusque  là  que  tous  ceux  qu'ils  aurontliés  sur  la  terre,  c'est-à-dire  qu'ils 
auront  laissés  dans  les  liens  du  péché,  et  ceux  qu'ils  auront  déliés  en 
leur  donnant  dans  la  rémission  des  péchés  le  gage  du  salut,  seront 
liés  ou  déUés  dans  les  cieux.  —  S.  Chrys.  {hom.  60.)  Et  remarquez 
qu'il  ne  dit  pas  à  celui  qui  est  à  la  tète  de  l'Eglise  -Liez  un  tel,  mais  : 
«  Si  vous  liez,  les  liens  ne  pourront  être  rompus.  »  Il  laisse  ainsi  à  son 
propre  jugement  la  conduite  qu'il  doit  tenir.  Voyez  encore  comme  il 
a  chargé  d'une  double  chaîne  le  pécheur  incorrigible ,  d'abord  par 
une  peine  actuelle  ,  c'est-à-dire  sa  séparation  de  l'Eglise  ,  dont  il  a 
parlé  plus  haut  en  ces  termes  :  «  .Qu'il  soit  pour  vous  comme  un 
païen,  »  et  parle  supplice  de  l'autre  vie,  qui  est  d'être  lié  dans  le  ciel; 
et  c'est  par  cette  multitude  de  jugements  qu'il  veut  éteindre  l'indi- 
gnation du  frère  coupable.  —  S.  Aug.  {serm.  16  sur  les  par.  du  S  eig.) 
Ou  bien  dans  un  autre  sens  :  Vous  avez  commencé  à  regarder  votre 
frère  comme  un  publicain,  vous  le  liez  sur  la  terre,  mais  faites  atten- 
tion de  le  lier  pour  des  motifs  justes;  car  l'éternelle  justice  brise  les 
liens  qui  sont  imposés  injustement.  Lorsqu'au  contraire  vous  aurez 
corrigé  votre  frère ,  et  rétabli  l'accord  entre  vous  et  lui ,  vous  l'avez 
délié,  et  lorsque  vous  l'aurez  délié  sur  la  terre,  il  sera  également  délié 

(1)  Cette  explication  est  évidemment  une  subtilité,  car  dans  l'Ecriture,  les  cieux  et  le  ciel  sont 
pris  indistinctement,  et  signifient  la  même  chose.  Et  si  l'on  admettait  une  distinction  entre  ces 
deux  locutions,  nous  dirions,  au  contraire,  que  souvent  le  ciel  au  singulief  est  pris  pour  le  ciel 
principal,  comme  dans  ce  passage  :  "  Le  trône  du  Seigneur  est  dans  le  ciel.  »  {Ps.  x,  4.) 


veritis,  »  etc.  Orig.  {%it  sup.)  Non  dixit, 
in  cœlis,  sicut  Petro,  sed,  in  cœlo  uno , 
quia  non  sunt  tantae  perfecUoiiis  sicut 
Petrus.  HiLAR.  Per  hoc  tamea  ad  terro- 
rem  maximi  melus,  quo  ad  prœsens  om- 
nes  continentur,  immobile  severitatis 
aposlolicae  judicium  demonstravit  ;  ut 
quos  in  terris  ligaverint  (id  est,  peccato- 
rumnodisinnexo§  reliquerint)  etquossol- 
veriut  (concessiqne  scilicet  veniaerecepe- 
rint  in  salutem),  hi  in  cœlis  ligati  sint 
vel  soluti.  Chrys.  {tit  sup.)  Et  notandum 
quod  non  dixit  primati  Ecclesiae  :  «  Liga 
talem,  »  sed,  «  si  ligaveritis,  indissolu- 
bilia  erimt  ligamina  ;  »   quasi  hoc  ejus 


judicio  dimittens.  Vide  autem  qualiter 
incorrigibilem  duplicibus  colligavit  ue- 
cessitatibus  ;  scilicet  et  pœna  quae  est  hic 
(scilicet  projectione  ab  Ecclesia,  quam 
supra  posuit,  dicens  :  «  Sit  tibi  sicut 
ethnicus,  »  etc.)  et  supplicio  future , 
quod  est  ligatum  esse  in  cœlo,  ut  multi- 
tudiue  judiciorum  dissolvat  fratris  Lram. 
Aug.  (de  Ver.  Doin.  serm.  16  vt  sup.) 
Vel  aliter  :  «  Go^pisti  habere  fratrem 
tuum  tan(iuam  publicanuni  ;  ligas  eum 
in  terra;  sed  ut  juste  alliges,  vide  :  » 
nam  iujusta  vincula  disrumpit  justitia. 
Cum  autem  correxeris,  et  concordaveris 
cum  fratre  tuo,  solvisti  illuni  in  terra  ; 


486 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 


dans  le  ciel.  Or,  en  cela  ,  vous  rendez  un  service  signalé ,  non  pas  à 
vous,  mais  à  votre  frère,  parce  qu'il  s'est  fait  à  lui-même  un  tort  im- 
mense plutôt  qu'à  vous.  —  La  Glose  (1).  Ce  n'est  pas  seulement  l'effi- 
cacité de  l'excommunication,  mais  encore  la  puissance  de  toute  prière 
des  fidèles  priant  de  concert  dans  l'unité  de  l'Eglise,  que  Notre- 
Seigneur  confirme  en  ajoutant  :  «  Je  vous  dis  encore  que  si  deux 
d'entre  vous  s'unissent  ensemble  sur  la  terre  (soit  pour  recevoir  un 
pénitent,  soit  pour  rejeter  un  orgueilleux  ou  pour  toute  autre  chose 
qu'ils  demanderont  et  qui  ne  sera  pas  contraire  à  l'unité  de  l'Eglise), 
ce  qu'ils  demandent  leur  sera  accordé  par  mon  Père  qui  est  dans  les 
cieux.  »  Par  ces  paroles  :  «  Qui  est  dans  les  cieux  (!2),  »  il  nous  montre 
que  son  Père  est  au-dessus  de  toutes  choses,  et  qu'il  peut  ainsi  exaucer 
les  prières  qui  lui  sont  adressées.  Ou  bien  :  «  Il  est  dans  les  cieux,  » 
c'est-à-dire  dans  les  saints,  ce  qui  prouve  qu'il  leur  accordera  cer- 
tainement l'objet  de  leurs  prières  ,  si  toutefois  cet  objet  est  digne  de 
Dieu,  parce  qu'ils  ont  en  eux-mêmes  celui  à  qui  s'adressent  leurs 
demandes  ;  et  voilà  pourquoi  Dieu  exauce  et  ratifie  les  désirs  de  ceux 
qui  sont  unis  entre  eux ,  parce  qu'il  habite  au  milieu  d'eux  ,  suivant 
ces  paroles  :  «  Là  oii  deux  ou  trois  sont  réunis  en  mon  nom,  je  suis 
moi-même  au  milieu  d'eux.  »  —  S.  Cerys.  {hom.  GO.)  Comme  il  avait 
dit  ;  a  Ce  (ju'ils  demandent  leur  sera  accordé  par  mon  Père,  »  il  veut 
leur  apprendre  que  c'est  également  de  lui-même  comme  de  son  Père 
que  découlent  ces  faveurs,  et  il  ajoute  :  «  Là  où  sont  réunis  deux  ou 
trois,  je  suis  moi-même  au  milieu  d'eux.  »  —  Orig.  Une  dit  pas  :  «Je 
serai  au  milieu  d'eux,  »  mais  au  présent  :  «Je  suis;  »  car  aussitôt  que 

(1)  Dans  saint  Anselme. 

(2)  Parce  que  les  cieux  sont  considérés  comme  la  partie  de  l'univers  la  plus  élevée,  quoique 
dans  le  psaume  vni,  vers.  2,  il  est  dit  que  Dieu  est  au-dessus  des  cieux;  c'est  pour  cette  raison 
que  saint  Denis,  dans  son  livre  des  noms  divins,  l'appelle  sitpercœlestis,  au-dessus  des  cieux. 


cum  solveris  in  terra,  solutus  erit  et  in 
cœlo  :  multum  prœstas,  non  tibi,  sed  illi, 
quia  multum  uocuit,  non  tibi,  sed  sibi. 
Glossa.  Non  solum  auteni  de  exeommu- 
nicatione,  sed  etiam  de  omni  petitioiie 
quae  fit  a  cousentientibus  in  uuitate  Ec- 
clesiae,  dat  confirmationem,  cum  sub- 
dit  :  «  Iterum  dico  vobis,  ([uia  si  duo 
ex.  vobis  consenserint  super  lerram  (vel 
pœnilentem  recipiendo,  vel  superbum 
abjiciendo,  vel  de  alla  re  quam  petie- 
rinl,  quai  non  est  contraria  Ecclesiai  uui- 
lati),  fiet  illis  a  Pâtre  meo,  qui  in  cœlis 
est.  »  Per  hoc  auleui  quod  dicil  :  «  Qui 
in  cœlis  est,  »  euui  super  omnia  esse  os- 
leudit,  et  per  hoc  complerc  cum  possc 


quod  petitur  :  vel  «  in  cœlis  est,  »  id 
est,  in  sanctis  :  quod  valet  ad  proban- 
dum,  quod  llet  illis  quicquid  petierint, 
quod  dignuni  sil,  quia  illum  apud  se  ha- 
bent,  a  quo  pt;tunt  :  und(!  rata  est  sen- 
tentia  conseulientium,  quia  Deus  cum 
eis  habitat  :  et  ideo  sequitur  :  «  Ubi 
enim  sunt  duo  vel  très  congregati  in  no- 
mine  meo,  in  medioeorumsuni.))CHRYS. 
{lit  sup.)  Vel  quia  dixerat  :  «  Fiet  illis  a 
l'atre  meo,  »  ut  ostendat  se  etiam  esse 
datorem  simul  cum  Pâtre,  subdit  :  «  Ubi 
sunt  enim  duo  vel  très,  ipse  in  medio 
eorum  sum.  »  Orig.  {ut  sup.)  Non  au- 
tem  dixil  :  «  In  medio  eorum  ero.  »  sed, 
«  sum  :  »  mox  enim  ut  alicui  consense- 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XVIII. 


■487 


quelques  personnes  s'unissent  entre  elles ,  Jésus-Christ  se  trouve  au 
milieu  d'elles,  —  S.  Hil.  Il  est  lui-même  la  paix  et  la  charité ,  et  il 
établira  son  trône  et  son  habitation  dans  les  volontés  droites  et  paci- 
fiques. —  S.  JÉR.  Ou  bien  encore ,  tout  ce  qui  précède  était  une  invi- 
tation à  la  charité  et  à  la  concorde  ;  le  Sauveur  sanctionne  cet  appel 
par  la  récompense  qu'il  promet ,  et  pour  nous  faire  embrasser  plus 
promptement  la  paix  fraternelle,  il  nous  déclare  (ju'il  sera  au  milieu 
de  deux  ou  trois  personnes  dès  lors  qu'elles  seront  unies  entre 
elles. 

S.  GnRYS.  {hom.  60.)  Il  ne  dit  pas  simplement  :  «  Là  où  seront  réu- 
nis, »  mais  il  ajoute  :  «  En  mon  nom,  »  comme  s'il  disait  :  Si  je  suis 
le  motif  principal  de  l'affection  qu'un  chrétien  a  pour  son  frère ,  je 
serai  avec  lui,  pourvu  qu'il  ait  d'ailleurs  toutes  les  autres  vertus.  Mais 
comment  donc  se  fait-il  que  des  personnes  parfaitement  unies  entre 
elles  n'obtiennent  pas  ce  qu'elles  demandent  ?  Premièrement ,  parce 
qu'elles  demandent  des  choses  qu'il  ne  leur  est  pas  avantageux  d'ob- 
tenir ;  en  second  lieu ,  parce  qu'elles  sont  personnellement  indignes 
d'être  exaucées,  et  qu'elles  n'apportent  pas  à  la  prière  les  dispositions 
convenables  ;  aussi  Notre- Seigneur  prend-il  soin  de  dire  :  a  Si  deux 
d'entre  vous^  »  c'est-à-dire  de  ceux  dont  la  vie  est  conforme  à  l'Evan- 
gile ;  troisièmement ,  parce  qu'elles  prient  contre  ceux  qui  les  ont 
offensés,  ou  quatrièmement,  enfin  parce  qu'elles  implorent  la  miséri- 
corde divine  pour  des  pécheurs  sans  repentir.  —  Ortg.  Voici  encore 
une  autre  cause  qui  détruit  l'effet  de  nos  prières  ;  nous  ne  sommes 
parfaitement  unis  entre  nous,  ici-bas,  ni  par  la  foi,  ni  par  la  confor- 
mité de  la  vie.  Car  de  même  que  la  musique  ne  peut  charmer  les 
oreilles,  s'il  y  a  défaut  d'accord  dans  les  voix,  de  même  si  l'harmonie 
ne  règne  dans  l'Eglise  ,  Dieu  ne  peut  ni  s'y  complaire  ni  écouter  les 


rint,  Christus  invenitur  in  eis.  Hilar. 
(utsup.)  Ipse  enim  qui  pax  atque  chan- 
tas est,  sedem  atque  liabitationem  iu 
bouis  atque  paciticis  voluntatibus  collo- 
cabil.  Hier.  Vel  aliter  :  omnis  superior 
sermo  ad  concordiam  nos  provocaverat  : 
i^itur  et  prœmiuiu  pollicetur,  ut  sollici- 
tius  festinenius  ad  pacem,  cum  se  dicat 
inter  duos  vol  très  médium  fore. 

Chrys.  {in  liomil.  61  ut  sup.)  Nonau- 
tem  dixit  simpliciter  :  «  Ubi  congregati 
fueriut,  »  sedaddidit,  «  in  noniine  nieo:» 
quasi  dicat  :  Si  quis  me  principalem  cau- 
sam  amicitiaî  ad  proximum  habuerit, 
cum  eo  ero  (si  iu  aliis  virtuosus  erit)  ; 
quomodo  ergo  non  ibi  consentientes 
consequuntur  id  quod  petuat  ?  Primo 


quidem,  quia  non  expedientia  petunt; 
secundo,  quia  indigni  sunt  qui  petunt, 
et  ea  quoe  sunt  a  seipsis  non  inferunt  : 
unde  dicit  :  «  Si  duo  ex  vobis  »  (qui 
evangelicam  ostenditis  conversationem)  ; 
tertio,  quia  adversus  eos  qui  contrista- 
verunt,  oraut,  vindictam  quaerentes; 
quarto,  quia  petunt  misericordiam  pec- 
cantibus,  qui  non  pœnituerunt.  Orig. 
{ut  sup.)  Et  ista  est  etiani  causa  propter 
quam  non  exaudimur  orautes;  quia  non 
couscutimus  uobis  per  oninia  super 
terram,  neque  dogmate,  neque  conver- 
satioue.  Sicut  enim  iu  musicis  nisi  fuerit 
convenientia  vocum,  non  détectât  au- 
dientem,  sic  Ecciesia,  nisi  consensum 
habuerit,  non  delectatur  Deus  in  ea,  nec 


488 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


voix  de  ses  enfants.  —  S.  Jér.  Nous  pouvons  encore  entendre  ces  pa- 
roles dans  un  sens  spirituel ,  et  dire  que  là  où  l'esprit^  l'âme  et  le 
corps  sont  unis  entre  eux,  et  n'offrent  pas  le  spectacle  de  volontés  op- 
posées, ils  ol)tiendront  tout  ce  qu'ils  demanderont  au  Père  céleste; 
car  nul  ne  doute  que  là  ou  le  corps  a  la  même  volonté  que  l'esprit,  la 
prière  n'ait  pour  objet  des  choses  agréables  à  Dieu.  —  Orig.  Ou  bien 
encore ,  celui  on  qui  les  deux  Testaments  s'accordent  et  s'unissent 
entre  eux,  peut  être  certain  que  sa  prière,  quel  qu'en  soit  l'objet,  de- 
vient agréable  à  Dieu. 

f,  21-22.  —  Alors  Pierre,  s' approchant ,  lui  dit  :  Seigneur,  combien  de  fois 
pardonner  ai- je  à  mon  frère,  lorsqu'il  péchera  contre  moi?  jusqu'à  sept  fois? 
Jésus  lui  répondit  :  Je  ne  vous  dis  pas  jusqu'à  sept  fois,  mais  jusqu'à  septante 
fois  sept  feis. 

Notre-Seigneur  avait  fait  plus  haut  cette  recommandation  :  «  Pre- 
nez garde  de  mépriser  aucun  de  ces  petits;  »  il  avait  ajouté  :  «  Si 
votre  frère  pèche  contre  vous,  recevez-le ,  »  etc.,  et  il  avait  promis  de 
récompenser  cette  conduite  en  leur  disant  :  «  Si  d'eux  d'entre  vous 
sont  unis  entre  eux ,  tout  ce  qu'ils  demanderont  leur  sera  accordé.  » 
Pierre,  excité  par  ces  paroles,  interroge  le  Sauveur  comme  l'Evangé- 
liste  le  rapporte  :  «  Alors  Pierre  s'approchant ,  lui  dit  :  Seigneur, 
combien  de  fois  pardonnerai-je  à  mon  frère,  lorsqu'il  péchera  contre 
moi?  »  Et,  tout  eu  faisant  cette  question,  il  donne  son  avis  :  «  Est-ce 
jusqu'à  sept  fois?  »  —  S.  Ghrys.  {hom.  61.)  Pierre  croit  avoir  fait 
un  acte  héroïque  ;  mais  que  lui  répond  Jésus ,  le  tendre  ami  des 
hommes?  «  Jésus  lui  dit  :  Je  ne  vous  dis  pas  jusqu'à  sept  fois,  »  etc. 
—  S.  AuG.  {serm.  16  sur  les  paroles  du  Seigneur.)  J'ose  le  dire  : 


audit  voces  eorum.  Hier.  Possumus  au- 
tem  et  hoc  spiritualiter  intelligere,  quod 
ubi  spiritiis  et  anima  corpusque  consen- 
serint,  et  non  intra  se  bellum  diversa- 
rum  habuerint  voluiitatum,  de  omni  re 
quam  petierinl,  impetreut  a  Pâtre  :  nuUi 
enim  dubium  est  quin  bonarum  rerum 
postulatin  sit,  ubi  corpus  vult  babere  ea 
qua;  spirilus.  Oiuo.  (nt  sup.)  Vel  in  que 
duo  Testameuta  consentiunt  sibi ,  ejus 
invenitur  oratin  de  omni  re  acceptabilis 
Deo. 

Tune  accedms  Petrus  ad  eum,  dixit  :  Domine, 
quoties  peccabit  in  me  frater  meus,  et  dimiltnm 
ei  ?  Usque  septies  ?  Dicil  illi  Jésus  .  Xon  dico 
libi  usque  septies,  sed  usque  septuagies  septies. 

HiKR.  Supra  dixerat  Uoiuinus  :  «  Vi- 


dete  ne  contemnatis  unum  de  pusillis 
istis,  »  et  adjecerat  ;  «  Si  peccaverit  in 
te  frater  tuus,  accipe  illum,  »  etc.,  et 
prfpmium  repromiserat,  dicens  :  «  Si 
duo  ex  vobis  consenserint,  oume  quod 
pelicrint  fiet  ilUs,  »  etc.  Unde  provocatu? 
apostolus  Petrus  interrogal  :  et  hoc  est 
quod  dicitur  :  «  Tune  accedens  ad  eum 
Petrus,  dixit  :  Domine,  quoties  peccabit 
in  me  frater,  et  dimittam,  »  etc.  Rt  eum 
interrogatione  profert  sententiam,  di- 
cens :  «  Usque  septies  ?  »  Chrys.  (in 
homil.  62,  in  Mutth.)  Putavit  quidem 
aliquid  se  magnum  dicere  :  sed  quid 
amator  hominum  Cbristus  responderit, 
subditur  :  «  Dicil  illi  .Jésus  :  Non  dico 
tibi  usque  seplies,  »  etc.  Aur..  {de  Verb. 
Dom.  serm.  15.)  Audeo  dicere,  etsi  sep- 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.  XVIII.  489 

quand  même  il  aurait  péthv.  sop tante  fois  huit  fois ,  pardonnez-lui  ; 
eût-il  péché  cent  fois ,  pardonnez -lui  encore  ;  en  un  mot ,  toutes  les 
fois  qu'il  pèche _,  ne  cessez  de  lui  pardonner.  Car  si  Jésus-Christ,  hien 
qu'il  ait  trouvé  en  nous  des  millii^rs  de  péchés,  nous  les  a  tous  par- 
donnés,  ne  refusez  donc  pas  de  faire  vous-mêmes  miséricorde,  ainsi 
que  l'Apôtre  vous  le  recommande  en  ces  termes  {Coloss.,  m)  :  «  Vous 
pardonnant  entre  vous  les  sujets  de  plainte  que  vous  pourriez  avoir 
les  uns  contre  les  autres,  comme  Dieu  vous  a  pardonné  en  Jésus- 
Christ  (1).  »  —  S.  Chrys.  {hom.  61.)  En  disant  :  a  Jusqu'à  septante 
■fois  sept  fois,  le  Sauveur  ne  précise  pas  un  nombre  et  ne  circonscrit 
pas  le  pardon  dans  un  chiffre  quelconque ,  mais  il  veut  dire  qu'il  ne 
faut  mettre  aucune  restriction,  aucune  limite  à  ce  pardon.  —  S.  Aug. 
{serm.  16  sw  les  pai^oles  du  Seif/neur.)  Cependant  ce  n'est  point  au 
hasard  que  le  Sauveur  choisit  le  nombre  de  septante  fois  sept  fois  ; 
car  la  loi  a  été  donnée  en  dix  commandements.  Si  la  loi  est  représen- 
tée par  le  nombre  dix  ,  le  péché  l'est  par  le  nombre  onze ,  car  il  va 
au  delà  du  nombre  dix  (2*).  Le  nombre  sept  se  prend  ordinairement 
pour  un  tout  complet,  car  le  temps  fait  sa  révolution  en  sept  jours. 
Or,  onze  fois  sept  font  soixante-dix-sept;  le  Sauveur,  en  choisissant 
ce  nombre  soixante-dix-sept,  a  donc  voulu  que  tous  les  péchés  que 
nos  frères  pourraient  commettre  fussent  pardonnes.  — Orig.  {Traité 
VI  sur  S.  Matth.)  Ou  bien  encore,  comme  le  nombre  six  parait  dési- 
gner l'action  et  le  travail,  et  le  nombre  sept  le  repos  et  la  tranquillité^ 
on  peut  dire  que  celui  qui  aime  le  monde  et  qui  fait  les  œuvres  du 
monde,  pèche  sept  fois  en  se  livrant  à  ces  actions  toutes  mondaines. 

(l)  Le  texte  grec  porte  :  «  Comme  le  Christ  vous  a  remis,  »  et  la  traduction  latine  :  «  Comme 
le  Seigneur  vous  a  remis,  n  etc.  Saint  Augustin  fait  allusion  à  ces  autres  paroles  de  saint  Paul  : 
«  Dieu  était  en  Jésus-Christ,  se  réconciliant  le  monde.  »  (II  Corinth.,  v,  10.) 

(2*)  Saint  Augustin,  dans  cette  e.xplication  plus  ingénieuse  et  plus  subtile  que  solide  ,  joue  sur 
le  sens  de  ces  mots  :  Peccatum  per  undecim  significatur,  quia  transgressio  denarii  est. 


tuagies  octies  peccaverit ,  ignoscas  ;  etsi 
centies,  et  omnino  qiioties  peccaverit, 
ignosce  ;  si  enim  Chrislus  millia  pecca- 
torum  invenit,  et  tameii  omnia  donavit, 
noli  subducere  misericordiam  :  ait  enim 
Apostolus  {Coloss.  3)  :  «  Douantes  vobis- 
metipsis,  si  quis  adversus  aliquem  habet 
querelam  sicut  Deus  in  Christo  douavit 
vobis.  »  Chrys.  {vt  sup.)  Cum  ergo  di- 
cit  :  «  Usqiio  septuagies  seplies,  »  non 
numerum  delerminatum  ponit,  ut  nu- 
méro coucludat  remissioueni  ;  sed  quod 
continue  et  semper  est,  siguificavit.  Aur,. 
{de  Verb.  J)i>ni.  serm.  15  ut  sup.)  Non 
tamen  sine   causa  Dominas   septuagies 


septies  dixit  :  nam  lex  in  decem  prae- 
ceptis  commendatur  :  Lex  enim  per  de- 
cem, peccatum  per  undecim  significatur  : 
quia  transgressio  denarii  est  ;  septem  au- 
tem  solet  pro  toto  computari,  quia  .^ep- 
tem  diebus  volvitur  tempus  ;  duo  autcm' 
septies  undecim  t\nntsep(uogies  septtes  : 
omnia  ergo  peccata  dimitti  voluit,  quia 
ea  ex  septuagesimo  septimo  numéro 
prsesignavit.  Orig.  {Troct.^,  in  Mcilth.) 
Vel  quia  numenis  sex  videtur  e^se  ope- 
ris  et  laborij,  septimus  autem  repausa- 
tionis  vel  quietis,  propteroa  is  qui  diligit 
mundum  et  ea  quae  sunt  in  mundo  agit, 
sive  secularia  operatur  septies   peccat  : 


490 


EXPLICATION  DE  I.'ÉVANGILE 


Pierre  croyait  sans  doute  qu'il  était  question  de  ces  œuvres  ,  quand  il 
pensait  qu'il  fallait  pardonner  sept  fois  ;  mais  comme  Jésus-Christ 
savait  qu'il  en  est  dont  les  péchés  s'étendent  hicn  au  delà,  il  ajoute  le 
nombre  septante  au  nombre  sept  pour  nous  apprendre  que  nous 
devons  pardonner  à  nos  frères  qui  vivent  dans  le  monde  et  qui 
pèchent  dans  l'usage  qu'ils  font  des  choses  du  monde.  Mais  si  quel- 
qu'un multiplie  les  transgressions  au  delà  de  ce  nombre ,  il  n'a  point 
de  pardon  à  espérer.  —  S.  Jér.  Ou  bien  il  faut  entendre  ces  septante 
fois  sept  fois  dans  le  sens  de  quatre  cent  quatre-vingt-dix  fois  (1), 
c'est-à-dire  que  vous  devez  pardonner  à  votre  frère  autant  de  fois 
qu'il  pourra  pécher.  —  Rab.  Toutefois,  il  y  a  une  différence  entre 
le  pardon  que  nous  accordons  à  un  frère  qui  le  demande  et  avec 
lequel  nous  renouons  les  liens  étroits  qui  nous  unissaient  (comme 
Joseph  avec  ses  frères),  et  le  pardon  que  nous  accordons  à  un  ennemi 
qui  nous  persécute,  à  qui  nous  voulons _,  et  à  qui  même,  s'il  est  pos- 
sible ,  nous  faisons  du  bien ,  comme  David  lorsqu'il  fuyait  devant 
Saûl. 

f.  23-35.  —  C'est  pourquoi  le  royaume  des  deux  est  comparé  à  un  roi  qui  vou- 
lut faire  rendre  compte  à  ses  serviteurs  ;  et  ayant  commencé  à  le  faire,  on  lui 
en  présenta  un  qui  lui  devait  dix  mille  talents  (2*).  3fais  comme  il  n'avait 
■  pas  le  moyen  de  les  lui  rendre,  son  maître  commanda^  qu'on  le  vendit,  lui,  sa 
femme  et  ses  enfants,  et  tout  ce  qu'il  avait  pour  satisfaire  à  cette  dette  (3*).  Ce 
serviteur,  se  jetant  à  ses  pieds ,  le  conjurait  en  lui  disant  :  Seigneur,  ayez  un 
peu  de  patience  et  je  vous  rendrai  tout.  Alors  le  maître  de  ce  serviteur ,  étant 

(1)  Dans  ce  sens ,  septante  fois  sept  fois  ne  signifie  pas  soixante-dix-sept ,  mais  sept  fois 
soixante-dix-sept. 

(2*)  Environ  cinquante  millions  de  francs  de  notre  monnaie  actuelle  ;  somme  énorme  choisie 
par  Noire-Seigneur  pour  mieux  représenter  l'immensité  de  la  dette  du  pécheur  envers  Dieu. 

(3')  Tel  était  le  droit  commun  dans  le  monde  entier  avant  la  prédication  de  l'Evangile.  A  Rome, 
au  temps  de  la  législation  des  douze  tables,  le  créancier  pouvait  :  1"  mettre  aux  fers  son  débi- 
teur, 2"  le  mutiler,  3»  le  vendre  comme  esclave.  (Voyez  Pandectes ,  traduites  en  latin  moderne 
par  Pothier,  (t.  I,  p.  94.) 


Petrus  ergo  taie  aliquid  intellexit  quando 
pulavit  esse  t^epties  iudulircndam  :  sed 
quoniam  sciebat  Clirislus  extendere  ali- 
qnos  peccata  sua  eliam  uUoriiis  propte- 
rea  ultra  septeiiarium  uuiueruin  addidit 
adhuc,  70 ,  ut  dicat  remissioneni  fieri 
oportere  fralribus  in  lioc  muudo  degeii- 
tibus,  et  secuudum  res  luijus  niundipec- 
cantibus.  Si  aulem  aliquis  ultra  ea  pec- 
cata peccaverit,  jaui  non  babebil  re- 
missioneni. Hier.  Vel  iulelligenduni  est 
sepluagies  scpties,  id  est,  quadringentis 
nouaginla  vicibus  :  uttoties  peccanti  lia- 
tri  diniitteret.  ({uoties  ille  peecare  pos- 
set.  Uab.  Aliter  tameu  datur  veuia   pe- 


teuti  fratri,  ut  nobis  scilicet  socia  cha- 
rltate  coaiuiunicet  (sieut  Josepb  fratri- 
l)us),  aliter  inimico  persequenti,  ut  bo- 
uum  ei  velimus,  et  (si  licet)  faciamus,  ut 
David  fugiens  Saul. 

Ideo  assimilaiwn  est  regnum  cœlorum  /lomini  régi, 
qui  voluit  ratiotiPin  ponere  cum  set-vis  suis; 
et  cum  cœpisset  rationem  ponere,  oblatus  est 
ei  uinis  qui  debebat  ei  decem  millia  tatenta. 
Cum  aiitem  non  haberet  unde  reddrret,  ju.isit 
eum  dnminusejus  venUndari,  et  uxorem  ejus,  et 
/ilios ,  et  omnio  quœ  kabebnt  ;  et  rcddi.  Proci- 
dens  nutem  servus  ille  orabat  eum,  dicens  : 
Pntientiam  habe  in  me,  et  omnia  reddnm  tibi. 
Misertus  autem  Dominus  servi  iltius,  dimisit 


DE  SAINT    MATTHIEU,   CHAP.    XVIIT. 


/m 


touché  de  compassion ,  le  laissa  aller  et  lui  remit  sa  dette.  Mais  ce  serviteur 
ne  fut  pas  plus  tôt  sorti  que,  trouvant  un  de  ses  compagnons  qui  lui  de- 
vait cent  deniers ,  il  le  prit  à  la  gorge  et  /'étouffait  presque  en  lui  disant  : 
Rends-moi  ce  que  tu  me  dois.  Et  son  compagnon ,  se  jetant  à  ses  genoux ,  le 
conjurait  en.  lui  disant  :  Ayez  un  peu  de  patience  et  je  vous  rendrai  tout. 
Mais  il  ne  voulut  point  l'écouter  ;  il  s'en  alla  et  il  le  fit  mettre  en  prison  pour 
l'y  tenir  jusqu'à  ce  qu'il  lui  rendît  ce  qu'il  lui  devait.  Les  autres  serviteurs, 
ses  compagnons,  voyant  ce  qui  se  passait,  e)i  furent  extrêmement  affli- 
gés et  avertirent  leur  maître  de  tout  ce  qui  était  arrivé.  Alors  son  maître, 
l'ayant  fait  venir ,  lui  dit  :  Méchant  serviteur,  je  vous  avais  remis  tout  ce  que 
vous  me  deviez,  parce  que  vous  m'en  aviez  prié;  ne  fallait-il  donc  pas  que 
vous  eusmz  aussi  pitié  de  votre  compagnon,  comme  j'avais  eu  moi-même  pitié 
de  vous?  Et  son  maître,  tout  en  colère,  le  livra  entre  les  mains  des  bourreaux 
jusqu'à  ce  qu'il  payât  fout  ce  qu'il  lui  devait.  C'est  ainsi  que  mon  Père,  qui 
est  dans  le  ciel,  vous  traitera,  si  chacun  de  vous  ne  pardonne  à  son  frère  du 
fond  du  cœur. 

S.  Chrys.  {fiom.  61.)  Notre-Seigneur  ajoute  une  parabole  à  ce  qu'il 
vient  de  dire  pour  montrer  par  un  exemple  que  ce  n'était  point  une 
chose  héroïque  de  pardonner  septante  fois  sept  fois.  —  S.  Jér.  C'est 
l'usage  en  Syrie  et  en  Palestine  d'entremêler  à  tous  les  discours  des 
paraboles ,  afin  de  graver  plus  facilement  dans  l'esprit  des  auditeurs , 
à  l'aide  de  comparaisons  et  d'exemples,  le  précepte  qu'ils  ne  pour- 
raient retenir  s'il  était  présenté  dans  sa  simplicité.  C'est  pour 
cela  que  Notre-Seigneur  dit  ici  :  «  Le  royaume  des  cieux  est  sem- 
blable, »  etc.  —  Orig.  {Traité  vu  sur  S.  Mattfi.)  De  même  que  le 
Fils  de  Dieu  est  la  sagesse,  la  justice  (1)  et  la  vérité,  il  est  aussi  le 
royaume,  non  pas  de  ceux  dont  les  affections  rampent  sur  la  terre, 

(1)  «  Il  nous  a  été  donné  de  Dieu  pour  être  notre  sagesse,  notre  justice  (I  Corinlh.,  i,  30)  ; 
c'est  l'Ksprit  qui  témoigne  que  Jésus-Christ  est  vérité,  »  etc.  (1  Jean,  v,  6)  Voyez  encore  ce  que 
Jésus  dit  de  lui-même  :  Jean,  viii,  22  ;  xiv,  6. 


eum,  fit  debitum  dimisit  ei.  Egressus  autfim 
servus  ille,  invenit  unum  de  conservis  suis,  qui 
debebat  ei  centum  denarios;  et  tenens  suffoca- 
bat  eum  dicens  :  Redde  qiiod  debes.  Et  proci- 
dens  conservus  ejus  rogabat  eum  dicens  :  Pa- 
tientiam  habe  in  me,  etomnia  reddam  tibi.  Ille 
autem  noluit  ;  sed  abiit,  et  misit  eum  in  carce- 
rem,  donec  redderet  debitum.  Videntes  autem 
ronserui  ejus  quœ  fiebant ,  contristati  sunt 
imlde,  et  venenint,  et  narraverunt  Domino  suo 
omnia  quœ  facta  fuei-ant.  Tune  vocanit  illum 
Dominus  siius,  et  ait  illi  :  Serve  nequam,  omne 
debitum  dimisi  tibi,  quoniam  rogasti  me  : 
nonne  ergo  oportuit  et  te  misereri conservi tui, 
sirut  fit  ego  tui  misertus  sum  ?  Et  irafus  Do- 
minus ejus,  tradidit  eum  tortoribus,  quoad- 
usque  redderet  ei  universum  debitum.  Sic  et 
Pater  meus  cœlestis  faciet  vobis,  si  non  re- 


miseritis  unusqiiisque  fratri  suo  de  cordibus 
vesiris. 

Chrys,  (m  homil.  62,  in  Matth.)  Ne 
aliquis  festimaret  luagnum  quid  usque 
sepluagies  septies  adjecit  parabolam. 
Hier.  Familiare  enim  est  Syris,  et 
maxime  Palaestinis,  ad  omnem  sermo- 
nem  suum  parabolam  junijere;  uL  quod 
per  simplex  prceceptum  ab  auditoribus 
teneri  non  potest,  per  similitudiaeni 
exemplaque  teneatur  :  mule  dicilur  : 
«  Ideo  assimilalum  est  regnum  cœlo- 
rum,  »  etc.  Orig.  {Tract.  1,  in  Matth.) 
Filius  Dei,  sicut  est  sapientia,  justitia  et 
Veritas,  ita  ipse  est  regnum  ;  non  autem 
alicujus  eorum  qui  sunt  deorsum.  sed 


492 


EXPLICATION  DE  L  EVANGILE 


mais  de  tous  ceux  qui  tiennent  leur  cœur  en  haut ,  qui  font  rt'gner  la 
justice  et  les  autres  vertus  dans  leurs  âmes,  et  qui  deviennent  pour 
ainsi  dire  comme  les  cieux  en  portant  l'image  de  l'homme  céleste  (4). 
Ce  royaume  des  cieux,  c'est-à-dire  le  Fils  de  Dieu,  est  devenu  sem- 
blable à  un  homme  roi ,  lorsqu'il  s'est  uni  notre  humanité  et  qu'il  a 
été  fait  à  la  ressemblance  de  la  chair  du  péché.  —  Rémi.  Ou  bien 
encore,  ce  royaume  des  cieux,  c'est  la  sainte  Eglise  dans  laquelle 
Notre-Seigneur  Jésus- Christ  fait  lui-même  ce  qu'il  exprime  dans  cette 
parabole.  Sous  le  nom  d'un  homme,  c'est  quelquefois  le  Père  qui 
nous  est  désigné,  comme  dans  cette  parabole  :  «  Le  royaume  des 
cieux  est  semblable  à  un  homme  roi  qui  fit  les  noces  de  son  fils  ;  » 
quelquefois  c'est  le  Fils  :  ici  on  peut  l'entendre  de  l'un  et  de  l'autre , 
du  Père  et  du  Fils  qui  sont  un  seul  Dieu.  Or,  Dieu  est  appelé  roi, 
parce  qu'il  dirige  et  gouverne  tout  ce  qu'il  a  créé.  —  Orig.  Les  servi- 
teurs, dans  ces  paraboles,  sont  exclusivement  les  dispensateurs  de  la 
parole  et  ceux  à  qui  Dieu  a  confié  la  charge  de  négocier  et  de  faire 
produire  des  intérêts  pour  le  ciel.  —  Remi.  Ou  bien  les  serviteurs  de 
ce  roi  représentent  tous  les  hommes  qu'il  a  créés  pour  le  louer  et  à 
qui  il  a  donné  la  loi  naturelle.  Il  leur  fait  rendre  compte  à  chacun , 
lorsqu'il  examine  leur  vie ,  leurs  mœurs ,  leurs  actions ,  pour  rendre  à 
chacun  suivant  ses  œuvres.  {Rom.  ii.)  «  Et  ayant  commencé  à  faire 
rendre  compte,  »  etc.  —  Orig.  Nous  devrons  rendre  compte  au  roi  de 
toute  notre  vie,  lorsqu'il  nous  faudra  tous  comparaître  devant  le  tri- 
bunal de  Jésus- Christ.  (Il  Corhith.,  v).  Si  nous  nous  exprimons  de  la 
sorte,  qu'on  se  garde  de  croire  que  ce  jugement  demandera  beaucoup 

(1)  De  même  que  nous  avons  porté  l'image  de  l'homme  terrestre,  portons  aussi  l'image  de 
l'homme  céleste.  (I  Corinth.,  xv,  49.) 


omnium  (jui  snut  sursum,  iu  quorum 
seusibus,  et  juslitia,  et  cseterae  virtutes 
régnant;  qui  facti  sunt  cœli  per  hoc 
quod  portant  cœlestis  imaginem.  Hoc 
ergo  regnum  cœlorum  (id  est,  Filins 
Dei)  quando  factus  est  in  similitudinem 
carnis  peccati,  tune  similis  factus  estlio- 
mini  régi,  uniens  homincm  sibi.  Remig. 
Vel  refjnuni  cœlorum  congrue  sancta  Ec- 
clesia  intelligitur,  iu  quo  Dominus  ope- 
ratur  hoc  quod  iu  istaparabola  loquitur. 
Nouiine  autem  hominis  aliquando  desi- 
gnalur  Pater,  sicut  ibi  :  «  Siuiile  est  reg- 
num cœlorum  homiui  régi  qui  fecit  nup- 
tias  fiUo  suo,  »  et(;.  AUquando  vero  desi- 
gnatur  Filius  :  hic  autem  ulrumque 
iutelligi  potest,  et  Pater,  et  Filins,  ([ui 
sunt  unus  Deus  :  Deus  autem  rex  dicitur, 
cuncla  qute  creavit  regendo  et  guber- 


nando.  Orig.  {u(  siip.)  Servi  autem  hi 
soli  sunt  quantum  ad  istas  parabolas  qui 
dispensatores  verbi  habentur,  et  quibus 
hoc  est  commissum  ut  negotientur  et 
fœnerent.  Remig.  Vel  per  servos  hujus 
hominis  régis  designautur  omnes  homi- 
nes,  quos  ad  laudaudum  se  creavit,  et 
quibus  legem  uaturœ  dédit  :  cum  qui- 
bus rationem  ponit,  quando  vitam,  et 
mores,  et  actus  singulorum  discutit,  ut 
unicuique  secundum  quod  gessit  tribuat 
{Pom.  2)  :  unde  sequitur  :  «  Et  cum  cœ- 
pisset  rationem  ponere,  »  etc.  Orig.  {ut 
sup.)  Omuis  autem  vitre  nostrœ  ratio  po- 
nenda  est  a  rege,  quando  omnes  nos 
pra'sentari  oportuei-it  ante  tribunal 
Cliristi.  (II  ad  Corinth.  5.)  Nec  hoc  di- 
ciinus  ut  suspicio  sit,  ne  forte  res  ipsa 
necessarium  habeat  longum  teuipus    : 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAI».    XVIII. 


493 


do  temps,  car  lorsque  Dieu  voudra  passer  au  crible  les  âmes  de  tous 
les  hommes,  par  un  effet  admirable  de  sa  puissance,  il  fera  revivre  eu 
un  seul  instant  dans  le  souvenir  de  chacun  toutes  les  actions  qui  ont 
rempli  le  cours  de  sa  vie.  Notre-Seigneur  ajoute  :  «  Elt  lorsqu'il  eut 
commencé  à  faire  rendre  compte,  parce  que  le  jugement  doit  com- 
mencer par  la  maison  de  Dieu.  (I  Pierre ,  iv.)  Lors(|u'il  commençait 
donc  à  se  faire  rendre  compte ,  on  lui  pnisentu  un  homme  qui  lui 
devait  une  somme  incalculable  de  talents  ;  il  avait  fait  des  pertes 
énormes  et,  sous  le  poids  de  grandes  obligations,  il  n'avait  fait  aucun 
profit.  Peut-être  cet  homme  nous  est-il  représenté  comme  ayant 
perdu  autant  de  talents  qu'il  avait  perdu  d'hommes ,  et  il  est  ainsi 
devenu  débiteur  de  cette  somme  énorme  de  talents ,  parce  qu'il  avait 
suivi  cette  femme  assise  sur  un  talent  de  plomb  dont  le  nom  est  l'i- 
niquité (I). 

S.  JÉR.  Il  en  est,  je  le  sais,  qui  prétendent  que  cet  homme  qui 
devait  dix  mille  talents  est  la  figure  du  démon  ;  ils  entendent  par 
cette  femme  et  par  ses  enfants  qui  sont  vendus ,  parce  qu'il  persévère 
dans  sa  méchanceté ,  l'extravagance  de  sa  conduite  et  les  mauvaises 
pensées.  Car,  de  même  que  la  femme  de  l'homme  juste  est  l'image  de 
la  sagesse  ,  la  femme  de  l'homme  injuste  et  pécheur  est  la  figure  de 
la  folie.  Mais  comment  le  Seigneur  peut-il  remettre  au  démon  dix 
mille  talents ,  et  ne  nous  remet-il  pas  à  nous ,  ses  compagnons ,  cent 
deniers?  C'est  une  interprétation  contraire  à  celle  de  l'Eglise  et 
qu'aucun  homme  sage  n'admettra  jamais.  —  S.  Aug.  {serm.  IG 
sur  les  paroles  du  Seigneur.)  Il  faut  donc  dire  que  la  loi  ayant  été 
donnée  en  dix  préceptes ,  cette  homme  devait  dix  mille  talents  qui 

(1)  Ou  bien  l'impiété,  comme  on  lit  dans  la  Vulgate,  Zachar.,  v,  7,  quoique  les  Septante  portent 
avo(J,(a,  iniquité;  mais  ces  deux  expressions  reviennent  au  même,  car  il  n'y  a  point  de  plus 
grande  iniquité  que  l'impiété,  qui  méprise  et  foule  aux  pieds  toutes  les  lois  divines  et  humaines. 


volens  enim  Deus  ventilare  omnium 
mentes,  cito  omuia  ab  omnibus  omui 
tempore  gesta_,  singulis  quibusque  faciet 
in  mentem  venire  iuelîabili  quadamvir- 
tute.  Dicit  autem  :  «  Et  cum  cœpisset 
rationem  ponere,  »  quia  iiiitium  judicii 
est  ut  incipiat  a  domo  Dei  {Primœ  Pé- 
tri, 4.)  In  priucipio  ergo  ponendae  ra- 
tionis  oblatus  est  debitor  talentorum 
multorum,  qui  scilicet  raulta  fecerat 
damna,  et  maana  ei  erant  injuncta,  et 
nullum  atlulit  lucrum  :  qui  forsitan  tôt 
taleuta  pordidit,  quantos  perdidit  homi- 
nes;  et  ideo  talentorum  multorum  est 
factus  debitor,  quoniam  secutus  est  mu- 
lierem  super  talentum  plumbi  sedentem, 
cujus  nouieu  iniquitas. 


Hier.  Scio  quosdamistum  qui  debebal 
decem  millia  talenta,  diabolum  inter- 
prelari  ;  cujus  uxorem  et  filius  venun- 
dandos  (persévérante  illo  tu  malitia) , 
«  insipientiam  et  malas  cogitaliones  »  iu- 
telligi  volunt.  Sicut  enim  uxor  justi  dici- 
tur  sapientia,  sic  uxor  injusti  et  pecca- 
toris  appellatur  stultUia.  Sed  quomodo 
ei  dimittat  Domiuus  decem  millia  talen- 
ta, et  ille  nobis  couservis  suis  ceutum 
denarios  non  dimiserit,  nec  ecclesias- 
ticœ  interpretationis  est,  nec  a  pruden- 
tibus  viris  recipienda.  AuG.  {de  Verb, 
Dom.  serm.  15  ut  sup.)  Ideo  dicendum 
est  quod  quia  lex  in  decem  preeceptis 
commendatur,  ille  debebat  decem  millia 
talentorum  ;  per  quod  omuia  peccata  si- 


494 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


représentent  tous  les  péchés  que  l'on  peut  commettre    contre  la 
loi. 

Uemi.  L'homme  (]ui  peut  hien  pécher  de  lui-même  et  par  sa  propre 
volonté  ne  peut  en  aucune  manière  se  relever  par  ses  propres  forces , 
et  il  n'a  pas  de  quoi  rendre  ce  qu'il  doit,  parce  qu'il  ne  trouve  rien  en 
soi  qui  puisse  l'afiranchir  de  ses  péchés  ;  c'est  pour  cela  que  Notre- 
Seigneur  ajoute  :  «  Mais  comme  il  n'avait  pas  le  moyen  de  les  lui 
rendre,  »  etc.  Or,  la  femme  de  l'insensé  est  la  folie  et  la  volupté  ou  la 
convoitise.  —  S.  Aug.  {Quest.  Evang.^  i,  25.)  Cette  circonstance 
nous  apprend  que  celui  qui  transgresse  les  préceptes  du  décalogue 
doit  suliir  des  châtiments  sévères  pour  ses  passions  et  ses  mauvaises 
actions  représentées  ici  par  la  femme  et  par  les  enfants.  Or,  le  prix  de 
cet  homme  qui  est  vendu,  c'est  le  supplice  du  damné.  —  S.  Chrys. 
{hom.  61.)  Si  ce  roi  donne  cet  ordre  ,  ce  n'est  point  par  cruauté,  mais 
par  un  sentiment  d'ineffable  affection  ;  il  veut  simplement  l'effrayer 
par  ces  menaces  pour  le  porter  à  demander  en  grâce  de  ne  pas  être 
vendu;  c'est  en  effet  ce  qui  arrive  :  «  Ce  serviteur,  se  jetant  à  ses 
pieds,  le  conjurait,  »  etc.  —  Rémi.  Nous  voyous  dans  ces  paroles  l'hu- 
miliation et  la  satisfaction  du  pécheur  ;  ces  autres  :  «  Ayez  un  peu  de 
patience _,  »  sont  l'expression  de  la  prière  du  pécheur  qui  demande  à 
Dieu  de  le  laisser  vivre  et  de  lui  accorder  le  temps  de  faire  pénitence. 
Or,  la  bonté  et  la  clémence  de  Dieu  sont  sans  bornes  à  l'égard  des 
pécheurs  qui  se  convertissent,  car  il  est  toujours  prêt  à  pardonner  les 
péchés  par  le  baptême  ou  par  la  pénitence.  «  Alors  son  maître ,  tou- 
ché de  compassion,  »  etc.  —  S.  Chrys.  {hom.  61.)  Voyez  l'excès  de 
l'amour  de  Dieu  :  le  serviteur  demande  un  simple  délai  ;  son  maître 
lui  accorde  bien  plus  qu'il  ne  demande  :  il  lui  fait  remise  entière  et 


gnificat,  quae  scilicet  contra  legem  fiuot. 
Remig.  Homo  autem  sua  voluutate  et 
sponte  peccaus,  suc  coualu  nullo  modo 
surgere  valet,  etuon  hahet  mule  reddat, 
quia  uihil  in  ?e  invenit  per  quod  se  a 
peccatis  solvat  :  unde  sequitur  :  «  Cum 
autem  non  haberet,  »  etc.  Uxor  quidem 
stulti  est  stuUitia,  et  carnis  voluptas,  seu 
cupiditas.  Aur,.  {de  Qnast.  Evan(j.\\h.  \, 
cap.  25.)  Per  hoc  ergo  signiticatm  traus- 
gressorem  Decalogi  pro  cupiditate  et 
pravls  operibus  (tanquam  uxore  et  liliis) 
pœnas  solvere  debuisse,  quod  est  pre- 
tium  ejus  :  pretium  euim  venditi  est 
supplicium  damiiati.  Curys.  {ui  sup.) 
Hoc  autem  non  ex  crudelitate  jussit  sed 
ex  inelTabili  affcclione  :  vult  enim  eum 
terreie  per  lias  minas,  ut  snpplicet  et  non 


vendalur  :  quod  et  factum  ostenditur, 
cum  subditur  :  «  Procidens  autem  servus 
ille  orabat,  »  etc.  Remig.  His  autem  ver- 
bis  liumiliatio  et  satisfactio  peccatoris 
demoustratur,  dum  dicitur« Procidens;» 
in  hoc  vero  quod  dicitur  :  «  Patientiam 
habe  in  me,  »  vox  exprimitur  peccatoris 
poscentis  lempus  vivendi  et  spatium  cor- 
rigendi.  Est  autem  larga  Dei  beuignitas 
et  clemeutia  erga  peccatores  conversos; 
([uoniam  ipse  soniper  paratus  est  per 
baplismum  aut  per  pœnitontiam  peccata 
diniittere  :  unde  seipiitur  :  «  Misertus  au- 
tem Dominus,  »  etc.  CuuYS.  [ut  sup.) 
Vide  autem  divini  amoris  superabundan- 
tiam  :  petit  servus  solius  lemporis  dila- 
tionem,  ipse  autem  majus  eo  quod  petit 
dedil;  ei  dimissiouem,  et  coucessionem 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.   XVIII.  495 

absolue  de  tout  ce  qu'il  lui  devait.  C'était  co  qu'il  désirait  faire  dès  le 
commencemeut  ;  mais  il  uc  voulait  pas  que  tout  dans  ce  don  vînt  de 
lui  seul  ;  il  voulait  que  ce  serviteur  y  contribuât  par  sa  prière  pour  ne 
point  le  laisser  aller  sans  mérite.  Il  ne  lui  remit  pas  ce  qu'il  devait 
avant  de  lui  avoir  fait  rendre  compte,  pour  lui  faire  comprendre  l'é- 
normité  des  dettes  dont  il  le  déchargeait,  et  le  disposer  à  user  lui- 
même  de  douceur  à  l'égard  de  son  compagnon.  Jusque  là,  en  effet, 
sa  conduite  fut  digne  d'éloges,  car  il  avoua  sa  dette  et  promit  de  la 
payer;  il  se  jeta  à  genoux  pour  demander  du  temps  et  reconnut  la 
grandeur  des  sommes  qu'il  devait,  mais  ce  qu'il  fit  ensuite  fut  indigne 
d'un  si  beau  commencement  :  «  Or,  ce  serviteur  étant  sorti,  trouva 
un  de  ses  compagnons  qui  lui  devait  cent  deniers,  et,  le  prenant  à  la 
gorge,  il  l'étouûait,  »  etc. 

S.  AuG.  {serm.  iQ  sur  les  paroles  du  Seigneur.)  Cette  somme  de 
cent  deniers  qu'il  devait  à  son  compagnon  vient  du  même  nombre 
dix,  qui  est  le  nombre  des  préceptes  de  la  loi ,  car  cent  multiplié  par 
cent  fait  dix  mille  et  dix  fois  dix  font  cent  ;  ainsi  ces  dix  mille  talents 
et  ces  dix  deniers  ne  s'éloignent  pas  du  nombre  des  commandements 
qui  sont  la  matière  aux  transgressions  ;  ces  deux  serviteurs  sont  donc 
tous  deux  débiteurs ,  tous  deux  dans  la  nécessité  de  demander  par- 
don, car  tout  homme  est  débiteur  de  Dieu,  et  a  son  frère  pour  débi- 
teur. —  S.  Chrys.  Il  y  a  autant  de  différence  entre  les  péchés  commis 
contre  Dieu  et  ceux  que  l'on  commet  contre  son  frère ,  qu'il  y  en  a 
entre  dix  mille  talents  et  cent  deniers,  difféi'ence  que  rend  encore  plus 
sensible  (1*)  la  distance  qui  sépare  les  personnes  et  la  continuité  des 

(1*)  Nous  avons  cru  devoir  ici  corriger  la  traduction  latine  par  le  texte  grec  de  S.  Chrysostome, 
beaucoup  plus  clair,  et  remplacer  ex  differentiâ  peccatorum  et  paudtate  peccantium,  ce  qui  n'offre 


totius  mutui.  Volebat  autem  et  a  princi- 
pio  dare,  sed  nolebat  soliim  suum  esse 
donum,  sed  et  supplicaliouis  illius,  ut 
uon  iucoronatus  abscedat.  Ideo  autem 
autequam  ratiouem  poueret,  debitum 
uon  dimisit,  quia  docere  voliiit  a  quan- 
tis  debitis  eum  libérât,  ulsalteui  ita  crga 
conservum  mansuetior  ficrct.  Et  quidem 
usque  ad  bœc  qiia;  premissa  sunt  accep- 
tabilis  fuit  :  cteniui  coufessus  est,  et  pro- 
uiisit  se  reddere  debituiu  ,  et  procidens 
rogavit,  et  debiti  uiagiiitudiuem  coguo- 
vit  ;  sed  quaj  postea  fecit,  iudigiia  f uere 
prioribus.  Sequitur  euim  :  «  ICgressus 
autem  serviis  ilie  inveuit  unum  de  con- 
servis  qui  debebat  iili  ceutum  deuarios  : 
et  teneus  suffocabat  eum,  »  etc. 
AuG.   {de    Veib.  Dom.  serm.   15  %it 


sup.)  Quod  autem  dicitur,  quod  debebat 
et  centum  denarios ,  ab  eodem  numéro 
(scilicet  decem)  sumitur,  qui  est  uume- 
rus  legis  :  nam  et  centum  centies  sunt 
decem  millia  ;  et  decies  déni  sunt  ceu- 
tum ;  et  illa  decem  millia  talentorum,  et 
illi  decies  déni,  a  légitime  numéro  non 
recedunt,  in  quo  ulroque  invenies  pec- 
cata  :  uterque  est  ergo  debitor,  uterque 
veniae  deprecator  :  omuis  enim  liomo  et 
debitor  est  Dei,  et  debitorem  habet  fra- 
trem  suum.  Chrys.  {ut  sup.)  Tanta  au- 
tem differentiâ  est  peccatorum  quae 
commitluntur  in  hominem  et  quee  coni- 
mittuntur  in  Deum,  quanta  est  ditfe- 
rentia  decem  millium  talentorum  et  ceu- 
tum denariorum  :  magis  autem  et  multo 
plus  patel  ex  differentiâ  personarum  et 


•490 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


offenses.  En  effet ,  si  nous  avons  l'œil  de  l'homme  pour  témoin ,  nous 
nous  abstenons  et  nous  craignons  même  de  pécher  ;  mais ,  placés  que 
nous  sommes  sous  les  yeux  de  Dieu,  nous  ne  laissons  passer  aucun 
jour  sans  l'offenser ,  nous  parlons  et  nous  agissons  en  tout  contre  lui 
sans  la  moindre  crainte.  Et  ce  n'est  pas  le  seul  caractère  de  gravité 
que  présentent  nos  péchés  contre  Dieu,  ils  en  ont  un  autre  qui  vient 
des  bienfaits  dont  il  nous  a  comblés.  C'est  lui,  en  effet,  qui  nous  a 
donné  l'être  ,  et  qui  a  créé  pour  nous  tout  cet  univers  ;  il  a  répandu 
sur  nous  par  son  souffle  divin  une  âme  raisonnable  ;  il  a  envoyé  son 
Fils  sur  la  terre,  il  nous  a  ouvert  le  ciel  et  nous  a  fait  ses  eufants.  Et 
quand  même  nous  donnerions  tous  les  jours  notre  vie  pour  lui ,  pour- 
rions-nous reconnaître  dignement  ses  bienfaits?  Non,  sans  doute,  car 
ce  sacrifice  lui-même  tournerait  à  notre  avantage.  Mais  nous,  bien 
au  contraire,  nous  ne  cessons  de  transgresser  ses  lois.  —  Remi.  Ainsi 
donc  le  serviteur  qui  doit  dix  mille  talents  représente  ceux  qui 
tombent  dans  les  grands  crimes ,  et  celui  qui  doit  cent  deniers  ceux 
qui  commettent  des  fautes  moins  graves.  —  S.  Jér.  Rendons  cette 
vérité  plus  sensible  par  un  exemple  ;  si  quelqu'un  parmi  vous  a  com- 
mis un  adultère,  un  homicide,  un  sacrilège,  crimes  énormes ,  ces  dix 
mille  talents  lui  seront  remis  sur  sa  demande,  s'il  pardonne  lui-même 
les  légères  offenses  commises  contre  lui. 

S.  AuG.  {serm.  16  su?'  les  paroles  du  Seigneur.)  Mais  ce  serviteur 
méchant,  ingrat,  inique,  ne  voulut  pas  accorder  ce  qu'on  lui  avait 
remis  malgré  son  indignité  :  «  Et  le  saisissant  à  la  gorge ,  il  l'étouf- 
fait,  en  disant  :  Rends  ce  que  tu  dois.  »  —  Remi.  C'est-à-dire  qu'il 

aucuu  sens  raisonnable,  par  ex  differentiâ  personarum,  et peccatorum  frequentiâ,  ànoT^çSiaçopàî 
Twv  TTpoCTWTTwv^  xai  7.710  Tf];  (TJVîX^î*?   "ktiSv  âjxapTTiixdtwv. 


a  peccatorum  frequentiâ.  Homine  enim 
vidante,  et  desistimus  et  pigritamur 
peccare;  Deo  autem  viilonte  seciiudum 
ununiquemque  diem  non  absistimus,  sed 
agiinus  iiiforniidabiliter  omnia  cX  loqui- 
nmr.  Non  liinc  autem  sohim  m'aviora  pa- 
tent peccata  in  Deuni,  sed  etiam  a  bene- 
ticio  (juo  suums  potiti  ab  illo  :  fecit  ciiini 
nos  esse,  et  omnia  proplor  nos  o])eratus 
est.  Animam  ralionalcm  nobis  inspira- 
vit,  Filiuni  sumn  misit,  co'lum  nobis 
aperuit,  et  nos  filios  suos  fecit.  Nun(]uid 
ergo  si  unaquaque  die  morerennir  pro 
illo ,  retribueremus  ei  aliquid  dignuni  ? 
Nequaqiiam.  Sed  hoc  potius  ad  utiiitateni 
no.îlrnm  perlineret  :  nos  autem  e  coii- 
traricj  iu  lei^ibus  ejus  oll'eudimus.  IIEMIG. 


Sic  ergo  per  debitorem  decem  millium 
talenloium  signautur  illi,  qui  majora 
crimina  committunt  ;  per  debilorem  au- 
tem centum  deuariorum,  qui  minora 
eonmiittit.  Hier.  Ouod  ut  manifeslius 
tiat,  dicamus  sub  exemplo  :  ï^i  quis  ves- 
trum  commiserit  adulterium,  homici- 
dium  ,  sacrilegium  ,  majora  crimina  ; 
decem  millia  talentorum  roganti  dimit- 
tuutnr,  si  et  ipse  dimittat  minora  pee- 
cantibus. 

AuG.  [de  Yerb.  Dom.  serm.  15  tit 
sitp.)  Sed  ille  servus  malus,  iugratus, 
iniquus,  uoluit  pr*stare  quod  illi  indi- 
gno  praestitum  fuit  :  sequitur  enim  : 
«  Kt  lenens  sulTocabat,  dicens  :  Redde 
t[uud  debes.  »  Kkmic.  Id  est,  acriler  in- 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XVIII.  497 

le  pressait  avec  violence  pour  en  tirer  vengeance.  —  Orig.  Il  l'étouf- 
fait,  ce  qui  doit  faire  supposer  qu'il  était  sorti  de  chez  le  roi,  car  il 
n'aurait  pas  osé,  en  la  présence  du  roi,  se  porter  à  cette  extrémité 
sur  son  compagnon.  —  S.  Chrys.  {hom.  60.)  Ces  paroles  mêmes  : 
«  Il  ne  fut  pas  plus  tôt  sorti  »  nous  montrent  que  ce  ne  fut  pas  long- 
temps après,  mais  immédiatement,  alors  qu'il  entendait  encore  reten- 
tir à  son  oreille  le  pardon  bienfaisant  de  son  maitre,  qu'il  abuse  indi- 
gnement, pour  se  venger,  de  la  liberté  qui  vient  de  lui  être  rendue; 
or,  que  fit  alors  son  compagnon?  «Et  se  jetant  à  ses  pieds,  il  le  con- 
jurait en  disant  :  Prenez  patience,  »  etc.  —  Orig.  Remarquez  le 
choix  admirable  des  expressions  dans  l'Ecriture  :  le  serviteur,  qui 
devait  une  somme  énorme  de  talents,  se  jette  aux  pieds  du  roi  pour 
l'adorer ,  tandis  que  celui  qui  ne  devait  que  cent  deniers  s'était  bien 
jeté  aux  pieds  de  son  compagnon,  mais  sans  l'adorer,  il  le  conjurait 
seulement  en  lui  disant  :  «  Prenez  patience.  »  —  S.  Chrys.  [hom.  60.) 
Mais  cet  ingrat  serviteur  n'eut  même  pas  le  moindre  respect  pour 
ces  paroles  auxquelles  il  devait  son  salut,  comme  nous  l'indique  la 
suite  du  récit  :  «  Mais  il  ne  voulut  pas  l'écouter.  »  —  S.  AuG.  [Quest. 
évanç/.,  i,  35.)  C'est-à-dire  qu'il  persévéra  dans  la  volonté  de  le  livrer 
à  la  justice  et  au  châtiment  :  «  Et  il  s'en  alla.  »  —  Rémi.  Il  poursui- 
vit avec  une  colère  plus  violente  le  projet  qu'il  avait  de  se  venger,  et 
il  le  fit  jeter  en  prison  jusqu'à  ce  qu'il  eût  payé  sa  dette ,  c'est-à-dire 
que,  s'étant  saisi  de  son  frère,  il  en  tira  une  cruelle  vengeance. 

S.  Chrys.  {hom.  60.)  Voyez  la  charité  du  maitre  et  la  cruauté  de  ce 
serviteur.  Tl  a  le  premier  demandé  grâce  pour  dix  mille  talents ,  son 
compagnon  pour  cent  deniers;  l'un  priait  son  maître,  l'autre  son 
compagnon  ;  l'un  obtint  la  remise  totale  de  sa  dette,  l'autre  ne  demau- 


sislebat  ut  vindictam  ab  eo  exigeret. 
Orig.  (w^  sup.)  Ideo  (ut  arbitror)  suOo- 
cabat,  quûuiam  a  rege  exierat  :  nou 
enim  suffocaret  couservum  suum,  si  nou 
exisset  a  rege.  Chr\:?.  [ut  sup.)  Per  hoc 
etiam  quod  dicilur  egressus,  ostenditur 
quod,  uon  post  multum  tempus,  sed 
coufestim  adliuc  quasi  iu  auribus  habeus 
beneficium,  iu  uialitiam  abusus  est  libe- 
ratioue  a  proprio  Domiuosibi  data.Quid 
igitur  ille  fecerit  subditur  :  «  Et  proci- 
dens  cousei'vus  ejus,  rogabat  eum,  di- 
ceus  :  Patientiam  habe,  »  etc.  Orig.  {ul 
sup.)  Cousidera  subtilitatem  Scripturae, 
quouiam  servus  multorum  debitortaleu- 
torum  procidens  adoravit  regem;  qui 
autem  centum  debebat  denai'ios,  proci- 
dens non  adorabat,  sed  rogabat  conser- 

TOM.   II. 


vum,  dicens  :  «  Patientiam  habe.  » 
Chrys.  {ut  sup.)  Sed  iieque  iiœc  verba 
ingratus  servus  reveritus  est,  quibus  sal- 
vatus  est  :  sequitur  eniui  :  «  Ille  autem 
noluit.  »  AuG.  {(le  Quœst.  Evung.  lib.  i, 
cap.  25.)  Id  est,  tenuit  contra  eum  hune 
animum,  ut  supplicium  illi  vellet  «  sed 
abiit.  »)  Hemig.  Id  est,  magis  ira  exarsit, 
ut  ab  eo  vindictam  exigerai  :  «  et  misit 
eum  in  carcerem  douée  redderet  debi- 
tum  ;  »  id  est,  appreheuso  fratre  vindic- 
tam ab  eo  exegit, 

Chrys.  («<5w/?.)  Vide  Domini  charita- 
teui  et  servi  crudelitatem  :  hic  pro  de- 
cem  miliibus  talentis,  hic  autem  pro 
centum  denariis  ;  hic  conservum,  hic 
autem  Domiuum  rogabat,  et  hic  quidem 
totalem  absohitioaem  accepit  ;  ille  au- 

32 


498 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


dait  qu'un  délai  et  ne  put  l'obtenir.  Les  autres  serviteurs,  voyant  ce 
qui  se  passait,  en  furent  vivement  attristés,  selon  la  remarque  de 
l'auteur  sacré.  —  S.  Aug.  {Quest.  évang.)  Par  ces  compagnons,  il  faut 
entendre  l'Eglise  qui  exerce  le  pouvoir  de  lier  l'un  et  de  délier  l'autre. 
—  Rémi.  Ou  bien  les  compagnons  de  ce  serviteur  représentent  peut- 
être  les  anges  ou  les  prédicateurs  de  la  sainte  Eglise,  ou  tous  ceux  des 
fidèles  qui ,  en  voyant  un  de  leurs  frères  sans  compassion  pour  son 
frère  après  qu'il  a  obtenu  lui-même  le  pardon  de  ses  péchés,  s'affligent 
sensiblement  de  sa  perte  :  «  Et  ils  vinrent,  et  ils  avertirent  leur 
maître,  »  etc.  Ils  viennent  non  pas  d'une  manière  sensible,  mais  par  les 
sentiments  de  leur  cœur.  Raconter  au  Seigneur,  c'est  lui  exposer  par 
les  mouvements  de  l'âme  les  douleurs  et  la  tristesse  du  cœur.  —  Suite. 
«  Alors  son  maître  l'ayant  fait  venir.  »  —  11  le  lit  venir  en  prononçant 
la  sentence  de  mort  et  en  lui  ordonnant  de  sortir  de  ce  monde ,  et  il 
lui  dit  :  «  Méchant  serviteur,  je  vous  avais  remis  tout  ce  que  vous  me 
deviez,  parce  que  vous  m'en  aviez  prié.  »  —  S.  Chrys.  (hom.  61.) 
Lorsque  ce  serviteur  lui  devait  dix  mille  talents ,  il  ne  l'a  point  appelé 
de  la  sorte  ;  il  ne  lui  a  dit  aucune  parole  outrageante ,  mais  il  a  eu 
pitié  de  lui.  Lorsqu'au  contraire  il  voit  son  ingratitude  à  l'égard  de 
son  compagnon ,  il  l'appelle  :  a  Méchant  serviteur ,  »  et  lui  reproche 
l'indignité  de  sa  conduite  :  «  Ne  fallait-il  pas  avoir  pitié  vous- 
même,  »  etc.  —  Rémi.  Remarquons  qu'on  ne  voit  pas  que  ce  serviteur 
ait  osé  faire  aucune  réponse  à  son  maître,  ce  qui  nous  apprend,  qu'au 
joui  du  jugement  et  cette  vie  une  fois  terminée,  tout  moyen  de  justi- 
fication nous  sera  ôté. 

S.  Chrys.  {ho7n.  60.)  Le  bienfait  ne  l'a  pas  rendu  meilleur;  c'est 
donc  au  châtiment  de  le  corriger  :  «  Et  son  maître  irrité  le  livra 


tem  solam  dilationem  petebal,  nec  hoc 
dédit.  Condolueruut  qui  non  debebanl  : 
unde  sequitur  :  «  Videates  autem  con- 
servi  contristati  sunt,  »  etc.  Adg.  [de 
Quœst.  Evang.  lib.  i  ut  sup.)  Per  coq- 
servos  iotelligitur  Ecclesia,  quae  illum 
solvit  et  illum  ligat.  Reutg.  Vel  conservi 
forte  angeli  sunt  intelligeudi,  aut  prœdi- 
catores  sanctœ  Ecclesiœ,  sive  quicunque 
lideles,  qui  videntes  aliquem  fi-atremre- 
missionein  peccatorum  adeptum  non 
velle  misereri  conservi  sui,  contristantur 
de  ejus  perdilioue.  Sequitur  :  «Etveue- 
runt,  et  narraveruut  domino,  »  etc.  Ve- 
niunt  quidem,  non  corpore,  sed  corde. 
Domino  autem  narrare  est  dolores  et 
contristationes  cordis  in  suo  affectu  de- 
monstrare.  Sequitur  :  «  Tune  vocavit 
eum  dominus  suus  :  »  vocavit   quidem 


per  senteutiam  mortis,  et  ab  hoc  seculo 
migrare  jussit,  et  dixit  ei  :  «  Serve  ne- 
quam,  omne  debitum  dimisi  tibi,  quo- 
uiam  rogasti  me.  »  Chrys.  {ut  sup.)  Et 
quidem  quando  decem  millia  taleuta  de- 
bebat,  non  vocat  eum  nequam  ;  neque 
est  convitiatus,  sed  misertus;  quando 
autem  contra  servum  ingratus  est  eifec- 
tus  ;  tune  dicit  ei  :  «  Serve  uequam  ;  » 
et  hoc  est  quod  dicitur  :  «  Nonne  ergo 
oportuit  et  te  misereri,  »  etc.  Remig.  Et 
sciendum  quia  servus  ille  nuUum  res- 
ponsum  legitur  domino  dédisse,  in  quo 
demonstratur  quod  in  die  judicii  et  sta- 
tim  post  hanc  vitam  omne  argumentum 
excusationis  eessabit. 

Chrys.  (ut  sup.)  Quia  vero  beneficio 
non  est  factus  melior,  relinquitur  ut 
pœna  corrigatur  :  unde  sequitur  :  «   Et 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XVIII.  499 

entre  les  mains  des  bourreaux ,  »  etc.  Notre-Seigneur  ne  dit  pas  sim- 
plement :  Il  le  livra,  mais  :  «  11  le  livra  tout  en  colère,  »  remarque 
qu'il  n'a  point  faite  lorsque  le  maître  commanda  de  vendre  ce  servi- 
teur, car  il  n'agissait  pas  alors  par  colère,  mais  plutôt  par  amour,  et 
dans  le  dessein  de  le  rendre  meilleur.  Ici,  au  contraire,  c'est  une  sen- 
tence qui  emporte  condamnation  au  supplice  et  à  la  peine.  —  Kemi. 
Dans  le  langage  de  l'Ecriture,  Dieu  se  met  en  colère,  lorsqu'il  exerce 
sa  juste  vengeance  contre  les  pécheurs.  Les  bourreaux,  ce  sont  les 
démons ,  qui  sont  toujours  prêts  à  se  saisir  des  âmes  perdues  et  con- 
damnées, et  à  les  tourmenter  dans  les  supplices  de  l'enfer.  Mais  une 
fois  plongé  dans  cet  abîme  d'éternelle  damnation ,  le  pécheur  pourra- 
t-il  trouver  le  moyen  de  devenir  meilleur  et  d'échapper  à  ces  supplices? 
Non;  le  mot  «  jusqu'à  ce  que  »  exprime  ici  une  durée  infinie,  et  veut 
dire  qu'il  paiera  toujours  sans  pouvoir  jamais  s'acquitter  et  que  son 
supplice  sera  éternel.  —  S.  Chrys.  {hom.  60.)  Ces  paroles  sont  une 
preuve  qu'il  sera  toujours ,  c'est-à-dire  éternellement  puni ,  sans  qu'il 
puisse  jamais  acquitter  sa  dette.  Quoique  les  dons  et  la  vocation  de 
Dieu  soient  irrévocables  (1),  cependant  l'excès  de  la  malice  a  été  si 
loin  qu'elle  a  détruit  jusqu'à  cette  loi  de  miséricorde.  —  S.  AuG. 
{serm.  16  sw  les  paroles  du  Seignew.)  Dieu  nous  a  dit  :  «  Remettez, 
et  il  vous  sera  remis.  »  Or,  je  vous  ai  remis  le  premier,  remettez  du 
moins  à  mon  exemple,  car  si  vous  ne  remettez  pas,  je  vous  rappellerai 
devant  moi  et  je  reviendrai  sur  le  pardon  que  je  vous  ai  accordé.  En 
effet,  Jésus-Christ  ne  peut  ni  se  tromper,  ni  nous  tromper,  lorsqu'il 
ajoute  :  «  C'est  ainsi  que  mon  Père  céleste  vous  traitera,  si  vous  ne 
pardonnez  chacun  à  vos  frères  du  fond  de  vos  cœurs.  Il  vaut  mieux 

(I)  Les  dons  et  la  vocation  de  Dieu  sont  sans  repentance.  (Hom.,  xi,  29.) 


iratus  dominus  ejus  tradidit  eum  torto- 
ribus,  »  etc.  Non  autem  simpliciter  dixit  : 
«  Tradidit  eum.  »  sed,  «  iratus,  »  quod 
non  posuit  qunudo  jussit  eum  veudi; 
non  enim  hoc  erat  irte,  sed  magls  amo- 
ris  ad  correctionem  :  liic  autem  hœc 
seutentia  est  supplicii  et  pœnse.  Remig. 
Tune  enim  dicitur  Deus  irasci,  quando 
adversus  peccatores  vindicat.  Tortores 
autem  dicuntur  daemones,  quia  semper 
ad  hoc  parati  sunt,  ut  perditas  animas 
suscipiant,  et  in  pœna  aeternoe  damna- 
tionis  eas  torqueant.  Nunquid  autem 
postquam  aliquis  demersus  fuerit  in 
aeternam  damnationem,  poterit  invenire 
spatium  corrigendi,  aut  aditum  exeundi  ? 
Non  :  sed  quousque  ponitur  pro  inlinito  ; 


et  est  sensus  :  Semper  solvet;  sed  uun 
quam  persolvet.  et  semper  pœnam  luel. 
Chrys.  (ut  sup.)  Per  hoc  ergo  ostendi- 
tur  quod  continue  (id  est,  seternaliter) 
punietur,  nequereddel  aliquaudo.Quam- 
vis  autem  irrevocabilia  sint  charismata  et 
Dei  vocationes,  tamen  tantum  vaiuitma- 
litia,  ut  et  hanc  legem  solvere  videatur. 
AuG.  [de  Verb.  Dom.  serm.  i.j  ut 
sup.  )  Dicit  enim  Deus  :  «  Dimit- 
tite,  et  dimittetur  vobis  ;  sed  ego  prior 
dimisi,  dimitte  vel  postea  :  nam  si  non 
dimiseris,  revocabo  te  ;  et  quicquid  tibi 
dimiseram,  rephcabo  tibi  :  »  non  enim 
falUt  aut  faUitur  Christus,  qui  subjecit, 
dicens  :  «  Sic  et  Pater  meus  cœlestis  fa- 
ciet  vobis,  si  non  remiseritis  unusquis- 


500  EXPLICATION    DE    l'ÉVANGILE 

que  vous  soyiez  sévère  et  emporté  dans  vos  paroles ,  tout  en  pardon- 
nant du  fond  du  cœur ,  que  d'avoir  un  langage  caressant  avec  une 
âme  implacable.  C'est  pourquoi  Notre-Seigneur  ajoute  :  «  Du  fond  de 
vos  cœurs  ;  il  veut  que ,  si  la  charité  vous  fait  un  devoir  de  punir^ 
vous  conserviez  toujours  la  douceur  au  fond  de  votre  âme.  Qu'y  a-t-il 
de  plus  compatissant  que  le  médecin  (]ui  approche  du  malade  le  fer  à 
la  main?  Il  sévit  contre  la  plaie  pour  guérir  le  malade,  car,  s'il  use  de 
ménagements  à  l'égard  de  la  blessure,  l'homme  est  perdu.  —  S.  Jér. 
Le  Sauveur  ajoute  :  «  Du  fond  de  vos  cœurs  »  pour  prévenir  toute 
hypocrisie  et  tout  faux  semblant  de  réconciliation.  Par  cette  compa- 
raison du  roi  et  du  serviteur  qui  avait  demandé  et  obtenu  la  remise 
des  dix  mille  talents  qu'il  devait  à  son  maître,  le  Seigneur  fait 
une  obligation  à  Pierre  de  remettre  à  ses  frères  les  légères  offenses 
dont  ils  se  rendront  coupables  à  son  égard.  —  Orig.  Il  veut  aussi 
nous  enseigner  à  pardonner  facilement  à  ceux  qui  nous  ont  fait 
du  tort,  surtout  s'ils  réparent  leur  faute  et  viennent  implorer  leur 
pardon. 

Rab.  Dans  le  sens  allégorique,  ce  serviteur,  qui  devait  dix  mille 
talents ,  c'est  le  peuple  juif  soumis  au  décalogue  de  la  Loi ,  et  à  qui 
Dieu  a  souvent  remis  ses  dettes  lorsque,  réduit  aux  dernières  extré- 
mités, il  faisait  pénitence  et  implorait  miséricorde;  mais  une  fois 
délivré  de  ces  épreuves,  il  n'avait  aucune  commisération  et  exigeait 
avec  une  rigueur  implacable  tout  ce  qui  pouvait  lui  être  dû.  Il  ne  ces- 
sait de  tourmenter  les  Gentils,  comme  s'ils  lui  étaient  soumis;  il  exi- 
geait d'eux  l'observation  de  la  circoncision  et  des  prescriptions  légales 
et  massacrait  impitoyablement  les  prophètes  et  les  Apôtres  qui  lui 


que  fralri  suo  de  cordibus  vestris  :  »  me- 
lius  est  enim  ut  clames  ore,  et  dimittas 
in  corde,  quam  sis  blandus  ore,  et,  cni- 
delis  in  corde.  Ideo  enim  Dominas  sub- 
dit  :  «  De  cordibus  vestris.  »  ut  si  per 
cbarilatem  imponitis  discipliuam,  de 
corde  lenitas  non  recédât.  Quid  enim 
tam  pium  ([uain  medicus  fereus  ferra- 
mentum?  Saevit  in  vuluus,  ut  bomo  sa- 
netur  :  quia  si  vulnus  palpatur,  bomo 
perditur.  Hier.  Ideo  Domiuus  addidil  : 
«  De  cordibus  vestris,  »  ut  omnem  si- 
mulationem  ficlre  pacis  averleret  :  pra;- 
cipil  ergo  Dominus  Petro  sub  compara- 
lioue  régis  domini,  et  servi,  qui  debitor 
decem  millium  laleulorum  a  domino  ro- 
gans  veuiam  impelraverat ,  ut  ipse  quo- 
que  dimittat  conservis  suis  minora  pec- 


cantibus.  Orig.  (ut  siip.)  Vult  etiam  do- 
cere  faciles  nos  esse  ad  indulgendum 
eis  qui  nocuerunt  nobis  ;  maxime  si 
satisfaciant  et  deprecentur  sibi  veuiam 
dari. 

Rab.  Allegorice  aulem  servusliic,  qui 
decem  miilia  talentorum  debuit,  judaicus 
est  populus  Decalogo  legis  astrictus  ,  eui 
Domiuus  siepius  dimisil  débita  ,  quando 
in  augustiis  constitutus  et  poenitentiam 
agens  illius  misericordiamdeprecabatur; 
sed  liberatus  ab  angustiis,  nuUam  com- 
pasàionem  babebat,  imo  potius  omnes 
debitores  alrocitcr  repetebal  ;  et  genti- 
leni  populum,  quasi  sibi  obnoxium,  fati- 
gare  non  dilîerebat,  et  quasi  a  debitore 
suo  circumcisiouem  et  ceremonias  legis 
expetebat,  el  prophetas  et  aposlolos  ver- 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XVIII,  501 

apportaient  la  parole  de  réconciliation.  C'est  pour  cela  que  Dieu  les 
livra  aux  Romains  qui  détruisirent  leur  cité  du  fond  en  comble,  ou 
plutôt  aux  esprits  mauvais  pour  être  tourmentés  par  eux  dans  les 
supplices  éternels. 


bum  reconciliationis  afférentes  crudeli- 
ter  trucidabat  :  unde  tradidit  eosDomi- 
nus  in  manus  Romanorum,  qui  civita- 


tem  eorum  de  fundamento  everterent; 
vel  malignoruni  spirituum,  qui  aetemis 
cruciatibus  eos  punirent. 


CHAPITRE  XIX. 

SOMMAIRE    ANALYTIQUE. 

y.  1-8.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  revient  dans  la  Judée  dont  il  était  sorti 
précédemment.  —  Que  faut-il  entendre  par  la  Judée? —  Pourquoi  une  grande 
foule  de  peuple  accompagne  le  Sauveur.  —  Sa  bonté  à  l'égard  de  tout  ce 
peuple.  —  Piège  que  lui  tendent  les  pharisiens.  —  Leur  méchanceté  paraît 
jusque  dans  la  manière  dont  ils  l'interrogent.  —  La  c[uestion  qu'ils  lui  font 
est  un  indice  de  la  corruption  de  leur  cœur.  —  Leçon  que  Notre-Seigneur 
donne  à  ceux  qui  sont  chargés  d'enseigner  les  autres.  —  Sagesse  de  sa 
réponse  aux  pharisiens.  —  Dessein  de  Dieu  dans  la  création  de  l'homme  et  de 
la  ffmme.  —  Pourquoi  l'homme  et  la  femme  ne  naissent  pas  simultanément 
du  même  sein  comme  il  arrive  pour  certains  oiseaux?  —  Le  mariage  est  l'u- 
nion indissoluble  d'un  seul  avec  une  seule,  d'après  la  règle  suivie  dans  la 
création  et  d'après  la  loi  formelle  de  Dieu.  —  Pourquoi  l'affection  des  époux 
l'un  pour  l'autre  est-elle  plus  forte  que  l'affection  des  frères  entre  eux  et  que 
celle  des  enfants  pour  leurs  parents.  —  Comment  Notre-Seigneur  établit  l'in- 
divisibiUté  du  mariage.  —  Comment  l'union  de  l'homme  et  de  la  femme  est 
un  grand  mystère  en  Jésus-Christ  et  en  son  Eglise.  —  Comment  le  Sauveur 
interprète  les  paroles  et  les  faits  de  la  loi  ancienne.  —  Dans  quel  sens  l'homme 
et  la  femme  ne  font  qu'un.  —  Paroles  qui  démontrent  que  renvoyer  sa  femme 
c'est  agir  à  la  fois  contre  la  nature  et  contre  la  loi.  —  Pourquoi  l'homme 
n'a-t-il  pas  droit  de  séparer  l'homme  de  la  femme?  —  Les  pharisiens  sont 
convaincus  par  les  livres  de  Moïse.  —  Pourquoi  ne  se  rendent-ils  pas  à 
des  preuves  aussi  fortes  et  s'appuient- ils  de  l'autorité  de  Moïse  dans  la 
nouvelle  question  qu'ils  font  au  Sauveur?  —  Notre-Seigneur  n'est  pas  en 
opposition  avec  la  loi  de  Moïse.  —  Comment  il  se  justifie  de  l'accusation  que 
les  pharisiens  voulaient  lui  intenter.  —  Dureté  des  pharisiens  et  fourberie 
des  Manichéens.  —  Comment  concilier  la  permission  donnée  par  Moïse  avec 
la  loi  divine.  —  Différence  entre  la  permission  et  le  commandement. 
y.  9.  —  Comment  Notre-Seigneur  établit  la  loi  d'autorité.  —  Peut-on  dire  qu'il 
permet  au  mari  de  renvoyer  son  épouse,  aussi  bien  que  Moïse  l'avait  permis? 
—  Cause  unique  de  séparation  d'après  Notre-Seigneur.  —  Pourquoi  le  mari 
ne  doit-il  pas  garder  une  épouse  adultère?  —  Que  doit-il  faire  lorsque  le 
crime  d'adultère  a  été  réparé  et  expié  ?  —  Le  crime  d'adultère  ne  dissout  pas 
l'union  des  époux.  —  La  séparation  qu'autorise  l'adultère  n'entraîne  pas  la 
permission  de  prendre  une  autre  épouse.  —  La  défense  de  contracter  un 
second  mariage  existe  dans  ce  cas  pour  le  mari  comme  pour  la  femme. 
y.  iO-12.  —  Pourquoi  le  mariage  est  souvent  un  pesant  fardeau.   —  Quels 
sont  ceux  à  qui  Dieu  accorde  le  don  de  virginité  ?  —  Pourquoi  tous  ne  com- 
prennent pas  cette  parabole  :   Il  n'est  pas  avantageux  de  se  marier?  — 
Nécessité  de  la  grâce.  —  Quelle  est  la  chasteté  vraiment  glorieuse  et  méri- 
toire? —  Trois  genres  d'eunuques.  —  Quels  sont  ceux  à  qui  le  Sauveur  pro- 
met la  récompense?  —  Eunuques  de  nature,  de  nécessité,  de  volonté.  — 
Pourquoi  Dieu  permet  que  la  nature  des  choses  contrevienne  de  temps  en 
temps  aux  lois  naturelles  établies.  —  Conditions  que  demande  la  vertu  de 


EXPLICATION   DE  L'ÉVANGILE  DE   S.    MATTHIEl',   CHAP.     XIX.         503 

chasteté.  —  Dans  quel  sens  faut-il  entendre  ces  paroles  du  Sauveur  :  Il  en 
est  qui  se  sont  faits  eunuques? 

y.  13-15.  —  Pourquoi  ceux  qui  avaient  écouté  ces  derniers  enseignements  de 
Jésus  lui  présentent-ils  des  enfants?  —  Coutume  chez  les  anciens  de  présen- 
ter les  enfants  aux  \icillards.  —  Pourquoi  les  disciples  repoussaient  ces 
enfants.  —  Pourquoi  Notre-Soigneur,  au  contraire,  les  prend  dans  ses  bras, 
les  bénit,  etc.  —  Pourquoi  dit-il  ;  Le  royaume  des  cieux  appartient  à  ceux 
qui  leur  ressemblent.  —  Les  païens  doivent  présenter  aussi  leurs  enfants 
aux  prêtres.  —  Quels  sont  les  enfants  dans  le  sens  mystique'^  —  Pourquoi 
Notre-Seigneur  bénit  ces  enfants  et  leur  impose  les  mains.  —  De  qui  les 
enfants  sont-ils  la  figure? 

f.  17-22.  —  A  quelle  occasion  ce  jeune  homme  s'adresse-t-il  à  Notre-Seigneur? 
—  Motifs  qui  le  portent  à  faire  cette  question.  —  Ce  jeune  homme  était-il 
esclave  de  l'amour  des  richesses  ?  —  Peut-on  l'accuser  d'hypocrisie  et  d'être 
venu  pour  tenter  Jésus?  —  Comment  concilier  entre  eux  les  Evangélistes  sur 
la  réponse  que  lui  fait  le  Sauveur.  —  Comment  fait-il  entendre  à  ce  jeune 
homme,  par  cette  réponse,  qu'il  est  vraiment  Dieu?  —  Quelle  utilité  Jésus  se 
proposait  dans  cette  réponse.  —  Pourquoi  ajoute-t-il  :  Si  vous  voulez  entrer 
dans  la  vie?  —  Preuve  que  la  loi  promettait  à  ceux  qui  l'accomplissaient,  la 
vie  éternelle.  —  Comment  ce  jeune  homme  demande-t-il  au  Sauveur  quels 
étaient  les  commandements  qu'il  fallait  garder?  —  Pourquoi  Notre-Seigneur 
ne  rappelle  ici  que  les  préceptes  de  la  seconde  table.  —  Nouvelle  question 
de-  ce  jeune  homme.  —  Comment  peut-on  arriver  à  la  perfection?  —  Expli- 
cation détaillée  de  ces  paroles  :  Allez,  vendez  tout  ce  que  vous  avez,  etc.  — 
Le  Sauveur  propose  aux  hommes  deux  sortes  de  vie  :  la  vie  active  et  la  vie 
contemplative.  —  N'y  a-t-il  que  ceux  qui  pour  être  parfaits  vendent  leurs 
biens  et  en  distribuent  le  prix  aux  pauvres  qui  posséderont  le  royaume 
des  cieux?  —  Est-il  mieux  de  jouir  de  ses  biens  et  d'en  distribuer  successi- 
vement les  fruits  aux  pauvres?  —  Grandeur  de  la  récompense  promise  parle 
Sauveur.  —  Si  celui  qui  accomplit  tous  les  commandements  est  parfait,  com- 
ment Notre-Seigneur  peut-il  dire  à  ce  jeune  homme  qui  les  avait  observés 
tous  :  Si  vous  voulez  être  parfait?  —  Est-on  parfait  par  cela  seul  qu'on  a 
fait  ainsi  le  sacrifice  de  tous  ses  biens?  —  Interprétation  morale  de  ces 
paroles  du  Sauveur.  —  Nécessité  de  suivre  le  Seigneur  après  qu'on  a  renoncé 
aux  biens  de  la  terre.  —  Pourquoi  ce  jeune  homme,  entendant  ces  paroles, 
s'en  alla  tout  triste.  —  Servitude  des  grandes  richesses.  —  Pourquoi  les  biens 
qu'on  possède  enchaînent  plus  étroitement  que  ceux  qu'on  désire. 

f.  23-26.  —  Notre-Seigneur  n'accuse  pas  les  richesses,  mais  ceux  qui  les  pos- 
sèdent avec  trop  d'attachement.  Comment  faut-il  les  posséder  ?  —  La  diffi- 
culté pour  les  riches  d'entrer  dans  le  royaume  des  cieux  emporte-t-elle  l'im- 
possibilité ?  —  Dangers  que  court  celui  qui  veut  accroître  ses  richesses.  — 
Explication  figurée  de  ces  paroles  :  Il  est  plus  facile  à  un  chameau,  etc.  — 
D'où  vient  l'inquiétude  des  Apôtres  en  entendant  ces  paroles  ?  —  Nécessité 
d'une  grâce  toute  particulière  pour  faire  son  salut  au  milieu  des  richesses. — 
Est-il  possible  ;"i  Dieu  de  faire  entrer  dans  les  cieux  un  riche  cupide, 
avare?  etc.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  tient-il  un  langage  aussi  sévère? 

^.  27-30.  —  Pourquoi  Pierre  s'adresse-t-il  au  Sauveur  avec  tant  de  confiance? 
Est-ce  seulement  pour  son  frère  et  lui  qu'il  fait  cette  question  ?  —  La  récom- 
pense promise  n'est  accordée  qu'à  ceux  qui,  après  avoir  quitté  tous  leurs 


504 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


biens,  se  mettent  à  la  suite  du  Seigneur.  Comment  les  apôtres  ont-ils  suivi  leur 
divin  Maître?  —  Dans  quel  sens  faut-il  entendre  ces  paroles  :  Vous  serez  assis 
sur  douze  trônes?  —  Notrc-Seigneur  no  promet- il  ici  à  ses  disciples  que  la  ré- 
compense promise  à  la  reine  du  Midi  et  aux  Ninivitcs?  —  Suit-il  de  ces  paroles 
que  Judas  doive  siéger  avec  les  autres  Apôtres?  —  Notre-Seigneur  doit  juger, 
assisté  de  ses  disciples.  —  Seront-ils  les  seuls  pour  juger  avec  lui?  —  Peut-on 
rapporter  ces  paroles  aux  premiers  temps  du  christianisme?  —  Explication 
mystique  de  ces  paroles.  —  Récompense  promise  dès  cette  vie  ii  ceux  qui  ont 
tout  quitté  pour  suivre  Jésus-Christ.  —  Quel  est  le  centuple  qu'ils  recevront 
en  ce  monde?  —  Notie-Seigneur  veut-il,  par  ces  paroles,  dissoudre  le  lien  du 
mariage''  —  Nécessité  de  se  garantir  contre  la  tiédeur,  pour  ne  pas  perdre 
le  rang  qu'on  occupe  dans  le  service  de  Dieu.  —  Il  ne  suffit  pas  d'avoir  été 
élevé  dans  le  sein  de  la  religion  par  des  parents  chrétiens.  —  Ces  paroles  : 
Les  ipremiers  seront  les  derniers,  etc.,  peuvent  encore  être  rapportées  aux 
Juifs  et  aux  Gentils,  à  ce  jeune  homme  qui  s'en  alla  tout  triste  et  aux  Apôtres, 
aux  hommes  comparés  à  certains  anges. 


f.  1-8.  —  Jésus,  ayant  achevé  ses  discours,  partit  de  Galilée  et  vint  aux  confins 
de  la  Judée,  au  delà  du  Jourdain,  où  de  grandes  troupes  le  suivirent,  et  il  les 
guérit  au  même  lieu,  Les  pharisiens  vinrent  aussi  à  lui  pour  le  tenter,  et  ils 
lui  dirent  :  Est-il  permis  à  un  homme  de  quitter  sa  femme  pour  quelque 
cause  que  ce  soit?  Il  leur  répondit  :  N'avez-vous  point  lu  que  celui  qui  créa, 
l'homme  dès  le  commencement  le  créa  un  seul  homme  et  une  seule  femme,  et 
qu'il  dit  :  Pour  cette  raison,  l'homme  abandonnera  son  père  et  sa  mère,  et  il 
s'attachera  à  sa  femme,  et  ils  seront  deux  dans  une  seule  chair.  Ainsi  ils  ne 
sont  plus  deux,  mais  une  seule  chair.  Que  l'homme  donc  ne  sépare  pas  ce  que 
Dieu  a  joint.  Mais  pourquoi  donc,  lui  dirent-ils.  Moïse  a-t-il  ordonné  qu'on 
donne  à  sa  femme  un  écrit  de  séparation,  et  qu'o)i  la  renvoie?  Il  leur  répon- 
dit :  C'est  à  cause  de  la  dureté  de  votre  comr  que  Moisc  vous  a  permis  de  quit- 
ter vos  femmes  ;  mais  cela  n'a  pas  été  ainsi  dès  le  commencement. 

S.  Chrys.  {hom.  62.)  Notre-Seigneur  était  précédemment  sorti- de 
la  Judée  à  cause  de  la  jalousie  de  ses  ennemis;  il  y  revient  mainte- 
nant fixer  son  séjour,  parce  que  le  temps  de  sa  passion  n'était  plus 
éloigné.  Cependant  il  ne  s'avance  pas  au  cœur  de  la  Judée,  mais  il 


CAPUT   XIX. 

/it  factuni  r.sl,  cutn  consummasset  Jesns  sermo- 
iies  istos,  migravit  a  Galilœa,  et  renit  in  fines 
Judœœ  iratis  Jordanem  :  et  secutœ  sunt  eum 
turbœ  multœ;  et  curavit  eos  ibi.  Et  accesserunt 
ad  eum  pharisœi  tentantes  eum,  et  dkentes  : 
.5!  licel  homini  dimittere  itxorem  suam  qua- 
rumque  ex  causa  ?  Qui  respondens.  ait  eis  : 
Non  leqistis,  quia  qui  fecit  hnminem  ah  initio, 
mascuhim  et  feminam  fecit  eos  ?  et  dixil  : 
Propter  hoc,  dimittet  homo  patrem  et  matrem, 
et  adhœrcbit  uxori  suce  ;  et  eruiit  duo  in  carne 


una.  Itaque  jam  non  sunt  duo,  sed  una  caro. 
Qiiod  ergo  Deus  conjunxit,  homo  non  separet. 
Dicunt  illi  :  Quid  ergo  Moyses  mandavit  dare 
tibelluni  repudii,  et  dimittere?  Ait  illis  :  Quo- 
niam  Mol/ses  ad  duritiam  cordis  vestri  per- 
misit  vobis  dimittere  uxores  vestras  :  ab  initi'i 
autem  non  fuit  sic. 

Chrvs.  (m  /lonit:  63,  in  Matth.)  Do- 
niiims  prias  .hida'aiu  reliiupieus  propter 
illonun  ii'iiuilatioiieni,  nimc  ibidem  jam 
immoral ur,(iiiia  passio  iiiproxinio  fuliira 
eral  :  non  tanien    ad   Juda-am   iuleriiu 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    XVI.  505 

s'arrête  sur  ses  frontières.  «  Et  il  arriva,  dit  l'auteur  sacré,  que  lors- 
que Jésus  eut  achevé  tous  ces  discours,  »  etc.  —  Rab.  L'Evangéliste 
commence  donc  à  raconter  les  actions,  les  enseignements  de  Jésus 
et  aussi  oc  qu'il  eut  à  souffrir,  d'abord  au  delà  du  Jourdain,  à  l'Orient, 
ensuite  en  deçà  du  Jourdain,  lorsqu'il  vint  à  Jéricho ,  à  Hethphagé  et 
à  Jérusalem  ;  «  Et  il  vint  aux  confins  de  la  Judée.  »  —  S.  Chrys. 
{sur  S.  Matth.)  Il  agit  en  cela  avec  justice,  comme  le  Seigneur  de 
tous  les  hommes,  qui  aime  les  uns  sans  délaisser  les  autres.  —  Rémi. 
F!  faut  se  rappeler  que  tout  le  pays  habité  par  les  Israélites  portait  le 
nom  général  de  Judée ,  mais  que  ce  nom  était  donné  d'une  manière 
spéciale  à  la  partie  méridionale  habitée  par  la  tribu  de  Juda  et  par 
celle  de  Benjamin,  pour  la  distinguer  des  autres  pays  renfermés  dans 
la  même  province ,  comme  la  Samarie ,  la  Galilée ,  la  Décapoio  et 
d'autres  encore  (1*). 

«  Et  de  grandes  troupes  le  suivirent.  »  —  S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.) 
Ils  l'accompagnaient,  comme  déjeunes  enfants  conduisent  leur  père 
partant  pour  un  long  voyage.  Et  le  Sauveur,  comme  un  père,  qui  est 
sur  son  départ,  leur  laissa  pour  gages  de  sa  tendresse  la  guérison  de 
leurs  maladies ,  comme  l'indique  l'auteur  sacré  :  «  Et  il  les  guérit.  » 
—  S.  Chry's.  [hom.  63.)  Remarquons  ici  que  le  Seigneur  ne  s'ap- 
plique continuellement  ni  à  enseigner  le  peuple ,  ni  à  faire  des  mi- 
racles, mais  il  fait  alternativement  l'un  et  l'autre  pour  confirmer  par 

(1*)  La  version  faite  d'après  le  texte  éthiopien  de  saint  Matthieu  porte  que  Jésus  vint  ad  fines 
.fudœce,  ce  qui  est  plus  exact.  Il  se  retira  sur  la  rive  gauche  du  Jourdain,  pays  connu  dans  la 
langue  des  Grecs  sous  le  nom  de  Pérée.  Il  était  là  sur  une  terre  presque  galiléenne,  sous  la  do- 
mination d'Hérode  Antipas  ,  mais  fort  loin  de  lui,  car  le  tétrarque  tenait  sa  cour  dans  la  ville 
de  Séphoris,  à  deux  lieues  de  Nazareth.  Ce  pays,  d'ailleurs,  au  témoignage  de  Josèphe,  était 
plein  d'espaces  déserts  où  l'on  était  en  sûreté.  Jésus  se  tint  dans  cette  portion  de  la  Pérée  qui 
confinait  à  la  Judée  ;  il  n'était  séparé  de  ce  dernier  pays  que  par  le  fleuve,  aux  bords  duquel 
s'arrêtait  l'autorité  des  puissants  de  Jérusalem.  (Foisset,  Bist.  de  J.-C,  chap.  .vxxiv.) 


asceudit,  sed  iu  terminos  .kideete  :  unde 
dicitur  :  «  Et  factum  est,  eu  m  consuin- 
masset  Jésus  sermone.'^  istos,  »  Raba. 
Hic  ergo  incipit  narrare  quee  in  Judœa 
fecit,  et  dociiit,  sive  passus  est,  et  primo 
quidem  traus  .lordanem  ad  Orientem, 
deiude  etiani  cis  Jordauem,  quando  ve- 
nit  Hiericho,  et  Bethpliage,  et  Hierasa- 
lem;  unde  sequitur  :  «  Et  venit  iu  fines 
Judfeae.  »  Chrys.  {in  Matth.)  Quasi  jus- 
tus  Domiuus  omnium,  i[ui  sic  diligit 
alios  servos,  ut  alios  non  contemnat.  Re- 
MiG.  Scieudum  est  autem  quod  omuis  illa 
Israelitarum  provincia  generaliter  Judœa 
dicebatur  ad  comparationem  aliarura 
gentium,  verumtameu  meridiana  ejus 
plaga  in  qua  habitabat  tribus  Juda  et  tri- 


bus Benjamin,  specialiter  dicebatur  .Ju- 
dœa, ad  distinctionem  aliarum  regionum, 
quee  in  ipsa  provincia  continebantur,  id 
est,  Samaria,  Galilœa,  Decapolis,  et  reli  - 
qucB  aiiœ. 

Sequitur:  «  Et  secutae  sunteum  turbee 
multfe.  »  Chrys.  [sup.  Matth.  ut  sup.) 
Perducebant  eum  quasi  parvuli  filii  pa- 
trem  peregre  longe  proficisceutem  ;  ipse 
autem  tanquam  pater  proticiscens,  pl- 
gnora  charitatis  filiis  reliquit  remédia  sa- 
nitatum.  Unde  dicitur:  «  Et  curavit  eos.» 
Chrys.  {in  homil.  63  ut  s^ip.)  Conside- 
randum  etiam  quod  ueqne  doclrinae  ver- 
borum  continue  Dominus  insistit,  nec 
signorum  operatioui  ;  sed  nunc  quidem 
hoc,  nunc  autem  illud  i'acit,  ut  a  siguis 


806 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


les  miracles  l'autorité  de  ses  paroles ,  et  montrer,  par  la  nature  de  ses 
enseignements ,  l'utilité  des  miracles. 

Orig.  {traité  vu  sur  S.  Matth.)  Notre-Seigneur  guérissait  tout  ce 
peuple  au  delà  du  Jourdain  où  le  baptême  était  donné ,  car  c'est  vrai- 
ment dans  le  baptême  que  tous  les  hommes  sont  délivrés  de  leurs 
infirmitfis  spirituelles;  et  s'il  en  est  beaucoup  qui  suivent  Jésus-Christ 
comme  la  multitude ,  tous  cependant  n'imitent  pas  la  conduite  de 
saint  Matthieu,  qui  se  leva  aussitôt  et  quitta  tout  pour  suivre  le  Christ. 
—  Rab,  11  guérit  aussi  les  Caliléens  sur  les  confins  de  la  Judée,  pour 
montrer  qu'il  comprend  les  Gentils  dans  le  pardon  qu'il  [iréparait  à  la 
Judée. —  S.  Chrys.  {hom.  62.)  Jésus-Christ  guérissait  les  hommes  (1),  et 
les  bienfaits  dont  ils  étaient  l'objet  se  répandaient  par  eux  sur  une 
foule  d'autres ,  car  leur  guérison  était  pour  un  grand  nombre  une  occa- 
sion d'acquérir  la  connaissance  de  sa  divinité.  Ce  n'était  pas  toutefois 
pour  les  pharisiens ,  que  ses  miracles  ne  faisaient  qu'endurcir  comme 
l'indiquent  les  paroles  suivantes  :  «  Et  les  pharisiens  s'approchèrent 
de  lui  pour  le  tenter,  et  ils  lui  dirent  :  Est-il  permis  à  un  homme  de 
renvoyer  sa  femme,  »  etc.  —  S.  Jér.  Ils  veulent  le  prendre  dans  ce 
dilemme  sans  réplique,  et  le  faire  tomber  dans  le  piège,  quelle  que  soit 
sa  réponse  :  S'il  dit  qu'on  peut  renvoyer  sa  femme  pour  toute  sorte  de 
raisons  et  en  prendre  une  autre ,  il  se  trouvera  en  contradiction  avec 
sa  doctrine  sur  la  pureté  des  mœurs  ;  s'il  répond ,  au  contraire  _,  qu'il 
est  défendu  de  la  renvoyer  pour  toute  espèce  de  motifs ,  il  sera  con- 
vaincu de  sacrilège  et  d'opposition  va  la  doctrine  de  Moïse  et  de  Dieu 
lui-même  (2*). —  S.  Chrys.  {ho7n.  62.)  Voyez  comme  leur  méchanceté 

(1)  Le  mot  grec  èÔepàTreuffe  est  plus  clair,  et  précise  le  sens  du  mot  latin  curahat. 

(2*)  Par  cette  question  insidieuse,  les  pharisiens  espéraient  le  surprendre,  et  trouver  occasion 
de  l'accuser  auprès  d'Hérode  A  ntipas,  qui  avait  renvoyé  sa  femme  injustement.  Au  reste,  ce 
désordre  était  devenu  si  commun,  que  l'historien  Josèphe  raconte  de  lui-même  que  sa  première 


credibilis  apparerel  in  his  quse  dicebat  ; 
ex  sermoniim  autem  doctrina  utilitas 
quae  erat,  in  signis,  ostenderetur. 

Orig.  [Tract.  7,  in  Mattli.)  Sanabat 
autem  Dorainus  turbas  trans  Jordanem, 
ubi  baptismus  daljatur  :  vere  enim  om- 
nes  a  spiritualilnis  intiruiitatibus  salvan- 
tur  etiam  in  baptisnio  :  et  nuilti  quidem 
sequunliu"  Christiim  siciil  turbae,  tamen 
non  surgentes  ut  IMatlbœus,  qui  surgens 
secutus  est  Dominiim.  {Mati/i.^.)  Raiîa. 
Curat  etiam  GaliUcos  in  Judieœ  fiuibus, 
ut  peccata  genlium  in  eam  veniam,  ipue 
JudaefR  parabatur,  admitterct.  Chkys. 
(in  //omit.  63  nf  siip.)  Cnrabat  siqiii- 
dem  Ciirislus  homines  ;  et  illis  benefa- 


ciens,  et  per  eos  multis  aliis  :  horum 
enim  sanalio  aliis  erat  occasio  divinae 
cognitionis  ;  sed  non  pharisaîis,  qui  ex 
signis  duriores  fiebant  :  unde  sequitur  : 
«  Et  accesseruut  ad  eum  pharisrei  ten- 
tantes eum,  et  dicentes,  si  licet  bomiui 
dimillere  uxoreni,  »  etc.  Hier.  Ut  quasi 
cornulo  eum  tencant  syllogisme,  et 
quodcunque  responderit,  pateat  captioui  : 
si  dixerit  dimittendam  uxorem  qualibet 
ex  causa,  et  duceudam  aliam,  pudicitiae 
prœdicator  sibi  vidétur  dicen?  contraria; 
sin  autem  responderit,  non  omnem  ob 
causam  debere  diniitli.  quasi  sacrilegii 
reus  tenebitur,  et  adversus  doctrinam 
Moysi  el  Dei  facere.  Chrys.  (in  /lomil. 


I 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XVI. 


507 


paraît  jusque  dans  la  manière  dont  ils  l'interrogent.  Le  Sauveur  avait 
déjà  eu  occasion  d'expliquer  ce  commandement,  et  ils  viennent  le 
le  questionner  comme  s'ils  n'en  avaient  jamais  parlé ,  s'imaginant 
sans  doute  qu'il  avait  oublié  ce  qu'il  avait  pu  dire.  —  S.  Ciirys. 
(sur  S.  Matth.)  Lorsque  vous  voyez  un  homme  cultiver  avec  soin  l'a- 
mitié des  médecins ,  vous  en  concluez  qu'il  est  atteint  de  quelque 
infirmité;  de  même,  lorsque  vous  voyez  un  homme  et  une  femme  qui 
viennent  questionner  sur  les  moyens  de  renvoyer  sa  femme  ou  son 
mari,  concluez  sûrement  que  cet  homme,  que  cette  femme  mènent  une 
vie  dissolue;  car  la  chasteté  se  plaît  dans  les  liens  du  mariage,  mais 
le  libertinage  regarde  ces  liens  comme  un  esclavage  et  un  supplice. 
Les  pharisiens  savaient  bien  qu'ils  n'avaient  aucune  raison  valable 
pour  renvoyer  leurs  femmes ,  si  ce  n'est  des  motifs  honteux ,  et  ils  ne 
laissaient  pas  de  contracter  avec  l'une  et  avec  l'autre  de  nouveaux 
engagements.  Us  n'osèrent  pas  demander  à  Jésus  pour  quels  motifs 
il  était  permis  de  renvoyer  sa  femme ,  afin  de  ne  pas  se  trouver  res- 
serrés dans  les  limites  étroites  de  raisons  claires  et  précises  ;  mais  ils 
lui  demandent  s'il  est  permis  de  la  renvoyer  pour  toute  espèce  de  rai- 
femme  le  quitta,  puis  qu'il  renvoya  la  seconde  parce  qu'elle  lui  déplaisait,  pour  en  épouser  une 
troisième,  quoi  qu'elle  lui  eût  donné  trois  fils.  Si  le  mal  était  si  grand  chez  les  Juifs,  que  de- 
vait-ce  donc  être  chez  les  païens?  Nous  le  savons  en  partie,  par  ce  que  les  historiens  profanes 
nous  racontent  des  mœurs  de  la  Grèce  et  de  Rome,  et  de  la  dissolution  dont  leb  femmes  et  les 
filles  des  empereurs  eux-mêmes  n'étaient  pas  exemptes.  Il  suffit  de  se  rappeler  ici  les  noms 
d'Agrippine,  de  Poppée,  de  Julie,  fille  d'Auguste ,  de  Messaline,  de  Faustine,  etc.,  et  ce  que  dit 
Sénèque,  que  les  femmes  ne  comptaient  plus  leurs  années  par  les  consuls,  mais  par  le  nombre 
des  hommes  qu'elles  avaient  eues.  (Sepp,  Vie  de  Notre-Seigneur  Je'sus- Christ,  t.  I,  521.) 

Kistémaker  et  Stolberg  font  observer  avec  raison  que  dans  la  question  posée  par  les  phari- 
siens, il  ne  s'a<jit  pas  de  la  loi  chrétienne,  mais  de  la  loi  juive.  Jésus  est  mis  en  demeure  de  se 
prononcer  entre  Hillel,  qui  admettait  la  répudiation  pour  quelque  motif  que  ce  fut,  et  Schammaï, 
qui  ne  la  permettait  qu'en  cas  d'adultère  de  l'épouse.  Les  pharisiens  ne  lui  demandent  pas  autre 
chose.  Voilà  pourquoi  Jésus  en  appelle  immédiatement  au  texte  de  Moïse ,  et  se  prononce  pour 
la  doctrine  de  Schammaï. 

Tout  à  l'heure  ,  sur  l'interpellation  de  ses  disciples,  il  exposera,  au  contraire ,  sa  doctrine 
propre,  qui  est  l'indissolubilité  absolue  du  lien  conjugal.  La  législation  de  Moïse  n'était  qu'une 
législation  de  circonstance.  La  loi  primordiale  n'avait  point  admis  le  divorce.  A  plus  forte  raison, 
ne  sera-t-il  pas  admis  par  la  loi  chrétienne,  comme  Jésus  va  l'enseigner  à  ses  Apôtres  dans  un 
instant.  (Foisset,  Hist.  de  Jésus-Christ,  d'après  les  textes  contemporains,  chap.  xxxiv.) 


63  ut  svp.)  latuere  autem  ex  modo 
etiam  interrogalionis  eorum  malitiani  : 
Dominus  enim  supra  de  lege  liac  dispu- 
taveral.  Ipsi  autem  quasi  jam  nullo  dicto 
interrogant,  scilicel  opiuantes  quod  ob- 
litus  esset  eorum  quœ  dixerat.  Chrys. 
(super  Matth.  in  opère  hnperf.  homil. 
32  ut  sup.)  Sicut  autem,  sivideas  homi- 
uem  assidue  amicitias  medicorum  colen- 
tem,  intelligis  quia  infirmas  est,  sic  et 
cum  videas  virum  sive  mulierem  de  di- 
mittendis  uxoribus  aut  viris  interrogau- 


tes,  cognosce  quia  vir  ille  lascivus  est, 
mulier  iila  raeretrix  est  :  nam  in  matri- 
monio  castitas  delectatur,  libido  autem 
(juasi  vinculo  conjugii  colligata  torque- 
tur.  Sciebant  autem  quoniam  nuliam 
causam  idoneam  habebanl  cirea  dimit- 
tendas  uxores  prseter  solam  turpitudi- 
nem  ;  et  alias  atque  àlias  sibi  jungebaut. 
Timueruut  autem  iuterrogare  ex  quibus 
causis,  ne  seipsos  infra  angustias  certa- 
rum  causarum  astringerent  ;  sed  inter- 
rogaverunl  si  ex  omnibus  causis  licet  ; 


508 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


sons,  car  ils  savaient  bien  que  la  passion  ne  sait  ni  s'arrêter  ni  se  con- 
tenir dans  les  bornes  d'un  seul  mariage ,  mais  que  plus  on  la  satis- 
fait, plus  elle  s'enflamme. 

Orig.  {Traité  yu  sur  s .  Matth.)  En  voyant  que  Notre- Seigneur  a 
voulu  être  ainsi  tenté  ,  qu'aucun  de  ses  disciples  ,  chargé  d'enseigner 
les  autres,  ne  s'attriste  d'être  éprouvé  de  la  même  manière,  mais 
qu'il  considère  le  Sauveur,  faisant  à  ceux  qui  le  tentent,  une  réponse 
pleine  de  religion  et  de  piété.  —  S.  Jér.  Il  pèse  tous  les  termes  de  sa 
réponse,  de  manière  à  éviter  le  piège  qu'ils  lui  tendent,  et  il  produit 
tout  à  la  fois  le  témoignage  de  l'Ecriture  et  de  la  loi  naturelle ,  pour 
mettre  ainsi  en  comparaison  la  première  déclaration  de  Dieu  avec  la 
seconde  :  «  Et  il  leur  répondit  :  N'avez-vous  pas  lu  que  Celui  qui  a 
créé  l'homme  dès  le  commencement  créa  un  seul  homme  et  une  seule 
femme?  »  C'est  ce  qui  est  écrit  au  commencement  de  la  Genèse.  Or, 
ces  paroles  :  «  Un  seul  homme  et  une  seule  femme  ,  »  prouvent  qu'on 
doit  éviter  de  s'engager  dans  les  liens  d'un  second  mariage.  En  efifet , 
Notre-Seigneur  n'a  pas  dit  :  mâle  au  singuher  et  femelle  au  pluriel , 
ce  que  les  Juifs  avaient  en  vue  en  répudiant  leur  première  épouse , 
mais  mâle  et  femelle,  tous  deux  au  singulier  (1*),  afin  qu'on  ne  s'en- 
gageât dans  les  liens  que  d'un  seul  mariage.  —  Rab.  C'est  par  un 
dessein  salutaire  de  Dieu  qu'il  a  été  établi  que  l'homme  devrait  aimer 
dans  la  femme  une  partie  de  son  propre  corps  et  ne  pas  regarder  comme 
lui  étant  étrangère  une  chair  qu'il  reconnaîtrait  avoir  été  tirée  de  lui. 
—  S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.)  Or,  si  Dieu  a  créé  d'une  seule  et  même 
chose  l'homme  et  la  femme  pour  établir  entre  eux  une  parfaite  unité , 
pourquoi  l'homme  et  la  femme  ne  naissent- ils  pas  simultanément  du 

{!*)  Cette  explication  est  nécessaire  pour  bien  rendre  les  expressions  latines  masculuni  et  /e- 
minom.  etc. 


scientes  quia  modum  nescit ,  nec  infra 
terraiaos  unius  conjiigii  capit  libido  ;  sed 
quanto  niagis  exercetur.  niagis  accen- 
ditur. 

Orig.  {Tract.  7  ut  snp.)  Teutato  au- 
tera  Domino,  nullus  discipulornm  ejus 
qui  positus  est  ad  docenduui,  graviter 
ferat,  si  tentatus  fiicrit  a  quibusdam  : 
tainen  et  tentatoribus  respondet  dogmata 
pietatis.  Hier.  Sic  auteni  responsionem 
tempérât,  ut  decipulam  transeat,  Scrip- 
fiiram  adducens  iu  teslimouium,  et  na- 
turalem  legem  priniamque  Dei  senteu- 
tiam  cum  seeunda  opponens  :  unde  se- 
quitur  :  «  Qui  respondens  ait  eis  :  Non 
legistis  quia  qui  fecit  bominem  ab  iuitio. 


masculum  et  feminam  fecit  eos  "?  »  Hoc 
iu  exordio  Genesis  scriptum  est.  Dicendo 
autem  «  masculum  et  feminam,  »  os- 
tendit  seeunda  vitanda  conjugia;  non 
enim  ait  :  «  .Masculum  et  feminas,  » 
quod  ex  priorum  repudio  quœrebatur; 
sed  «  masculum  et  femiuam,  »  ut  unius 
conjugii  consortia  nectereutur.  Rab.  Sa- 
lubri  autem  consilio  Dei  factum  est.  ut 
sui  corporis  porlionem  vir  amplectere- 
tur  in  femina  ;  nec  a  se  putaret  esse  di- 
versum,  quod  de  se  cognosceret  fabrica- 
tum.  Chrys.  {sup.  Matth.  in  opère  im- 
perfecto,  homil.  32  ut  svp.)  Si  ergo  ad 
lioc  Deus  marem  et  feminam  ex  uuo 
creavit,  ut  sint  ununi.  quare  de  caetero 


DE   SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XVI.  509 

même  sein,  comme  il  arrive  pour  certains  oiseaux?  Parce  que,  bien 
que  Dieu  ait  créé  l'homme  et  lu  femme  en  vue  de  la  génération  des 
enfants,  cependant  il  est  toujours  l'ami  de  la  chasteté  et  l'auteur  de  la 
continence.  C'est  pourquoi  Dieu  n'a  pas  suivi  la  même  règle  dans  la 
génération  humaine.  D'après  cette  règle ,  si  l'homme  v  eut  se  marier 
selon  l'ordre  établi  dès  la  création,  il  doit  comprendre  parfaitement 
ce  qu'est  l'homme  et  la  femme,  et,  s'il  ne  veut  pas  se  marier,  il  n'y 
est  point  comme  forcé  par  une  union  qui  daterait  de  sa  naissance ,  et 
il  ne  devient  point  ainsi ,  en  gardant  la  continence ,  la  perte  d'un 
autre  qui  ne  s'y  croirait  pas  appelé.  C'est  ainsi  que  le  Seigneur,  le 
mariage  une  fois  contracté,  défend  aux  époux  de  se  séparer  l'un  de 
l'autre,  si  ce  n'est  d'un  consentement  mutuel.  —  S.  Chrys.  {]ioin.  60.) 
Ce  n'est  pas  seulement  d'après  la  règle  suivie  dans  la  création,  mais 
d'après  une  loi  formelle  qu'il  établit,  que  le  mariage  est  l'union  indis- 
soluble d'un  seule  avec  une  seule  ;  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  : 
0  L'homme  abandonnera  son  père  et  sa  mère  et  s'attachera  à  son 
épouse.  »  —  S.  Jér.  Il  dit  encore  ici  «  à  son  épouse ,  »  et  non  «  à  ses 
épouses,  »  et  il  ajoute  expressément  :  «  Ils  seront  deux  dans  une 
seule  chair;  »  car  un  des  principaux  avantages  de  l'union  conjugale, 
c'est  de  réunir  deux  corps  en  une  seule  chair.  —  La  Glose.  Ou  bien 
ces  paroles  :  «  dans  une  seule  chair  »  signifient  l'union  elle-même  des 
deux  sexes.  —  S.  Chrîs.  [sur  S.  Matth.)  Si  donc  parce  que  la  femme 
vient  de  l'homme  et  qu'ils  sont  tous  deux  d'une  même  chair,  l'homme 
doit  abandonner  son  père  et  sa  mère,  on  doit  voir  exister  une  plus 
grande  affection  entre  les  frères  et  sœurs  qui  sortent  des  mèuies 
parents,  tandis  que  les  époux  viennent  de  familles  différentes.  Cepen- 
dant l'affection  des  époux  est  de  beaucoup  supérieure,  parce  que  l'ins- 


vir  et  inulier  non  ex  uno  utero  nascuu- 
tur,  sicut  volatilia  qusedani  ?  quia  Deus 
masculum  quidem  creavit  et  feminam, 
propter  ueces:^itatem  filiorum  generau- 
dorum,  tamen  semper  fuit  caslitatis  ama- 
tor  et  continentiaj  auclor  :  ideo  illum 
typum  non  servavit  in  omnibus  ;  ut  si- 
quidem  vult  liomo  nubere  secuuduni 
primam  dispositionem  creatiouis  huma- 
nae,  intelliarat  quid  est  vir  et  uxor;  si  au- 
tera  noluerit  nubere,  non  Iiabebit  neces- 
sitatem  uubeudi  propter  conjuuctionem 
nativitatis,  ne  forte  videalur  per  suam 
coutinentiam  alterum  perdere,  qui  nole- 
bat  esse  coutinens  ;  sicut  Douiinus  post 
conjunctiim  matrimonium  jubet,  ne  al- 
ler altero  uoleute  se  separet.  Chrys. 
{homil.  63  ut  sup.)  Non  soluni  autem 
ex  modo  creationis,  sed  etiam  ex  modo 


legislationis  monstravit  quoniam  unum 
oportet  uni  conjungi,  et  nunquam  res- 
cindi;  unde  sequitur  :  «  £t  dixit  :  Prop- 
ter hoc  relinquet  homo  patrem  et  ma- 
trem,  et  adbserebit  uxori  su<e.  »  Hiek. 
Similiter  ait  uxori,  non  uxoribus  :  et 
expresse  subditur  :  «  Et  erunt  duo  in 
carne  una  :  »  préemium  enim  est  nuptia- 
rum,  ex  duobus  unam  caruem  fieri. 
Glossa.  [interlin.)  Vel  «  in  carne  una,  » 
id  est,  in  carnali  copula.  Chrys.  {sup. 
Matth.  in  opère  imper  f.  ut  sup.)  Siergo 
quia  ex  viro  est  uxor,  et  ex  una  carne 
sunt  amljo,  relinquet  bomo  patrem  suum 
et  matrem,  major  uunc  charitas  débet 
esse  iuter  fratres  et  sorores  ;  quia  bi  qui- 
dem ex  eisdem  parentibus  exeunt,  iUi 
autem  ex  diversis  :  sed  boc  magnum  est 
nimis,  quia  fortior  est  Dei   constitutio 


510 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


titution  divine  est  plus  forte  que  la  force  même  de  la  nature  ;  en  efifet, 
les  préceptes  divins  ne  sont  point  soumis  à  la  nature,  tandis  que  la 
nature  obéit  aux  commandements  de  Dieu.  D'ailleurs,  les  frères 
sortent  d'une  seule  et  même  union  pour  suivre  des  routes  différentes  ; 
l'homme  et  la  femme ,  au  contraire ,  naissent  de  parents  divers  pour 
accomplir  ensemble  la  même  destinée.  L'ordre  que  suit  la  nature 
vient  ici  confirmer  l'ordre  établi  de  Dieu  ;  car  ce  ({ue  la  sève  est  dans 
les  arbres,  l'amour  l'est  dans  les  hommes.  Or,  la  sève  monte  de  la 
racine  pour  former  le  corps  de  la  plante,  et  de  là  s'élève  encore  plus 
haut  pour  se  transformer  en  semence.  C'est  ainsi  que  les  parents 
aiment  leurs  enfants  et  n'en  sont  pas  également  aimés ,  car  l'homme 
applique  surtout  son  affection  non  pas  à  aimer  ceux  qui  lui  ont  donné 
le  jour,  mais  aux  enfants  qui  naissent  de  son  union,  comme  il  est 
écrit  :  «  L'homme  abandonnera  son  père  et  sa  mère  et  s'attachera  à 
son  épouse.  » 

S.  Chrys.  {hom.  02.)  Admirez  la  sagesse  de  ce  divin  Maître.  On  lui 
demande  :  «  Est-il  permis?  »  Il  ne  répond  pas  aussitôt  :  «  Il  n'est  pas 
permis ,  »  pour  ne  pas  les  troubler  et  les  déconcerter ,  mais  il  appuie 
cette  défense  sur  des  preuves.  Dieu,  en  effet,  dès  le  commencement, 
fit  l'homme  et  la  femme,  et  il  ne  les  unit  pas  d'une  manière  ordinaire, 
mais  il  leur  ordonna  d'abandonner  leur  père  et  leur  mère.  Il  ne  se  con- 
tente pas  non  plus  de  commander  à  l'homme  d'aller  trouver  la  femme,  il 
veut  qu'il  lui  soit  uni,  et,  par  la  manière  dont  il  s'exprime,  il  établit 
l'indivisibilité  du  mariage.  Mais  il  montre  encore  plus  fortement  com- 
bien cette  union  est  étroite  en  ajoutant  :  «  Et  ils  seront  deux  dans 
une  seule  chair.  »  —  S.  Aug.  [sur  la  Genèse  dans  le  sens  litter.^  ix.) 
Ces  paroles,  au  témoignage  de  l'Ecriture ,  ont  été  dites  par  le  premier 
homme;  le  Seigneur,  cependant,  les  attribue  à  Dieu  lui-même.  Nous 


quam  virtus  naturœ  :  non  enira  pra^cepta 
Uei  nalurœ  subjecta  sunt,  ;  sed  uatura 
Dei  prœceptis  obtempérât.  Deindefralres 
ex  une  nascuntnr,  ut  diversas  vias  pé- 
tant; vir  autem  et  uxor  ex  diversis  nas- 
cuntur,  ut  in  unum  conveniant.  Ordo 
etiam  naturte  Dei  ordioationem  loqui- 
tur:  quod  enim  est  iu  arboribns  hunior, 
hoc  est  in  hominibns  ainor  ;  humor  au- 
tem de  radicibus  asceiidil  in  herbam.  et 
sursum  traiismitlitur  in  semen  ;  ideo 
parentes  quidem  dili^unt,  sed  non  sic  di- 
liguntnr  a  iiliis  :  bonio  enim.  non  ad  pa- 
rentes, sed  ad  procrcandos  filios  trans- 
mittil  alTectum  :  et  hoc  est  quod  dicitur  : 
«  Propter  hoc  reUnquet  homo  patrem 
et  matretu,  et  adhœrebil  uxori  suui.  » 


Chrys.  [in  Iiomil.  63  ut  svp.)  Vide 
etiam  sapientiam  doctoris.  hiterrogatus 
enim  si  licet .  non  confestim  dixit,  non 
licef,  ut  non  turbarentur,  sed  per  pro- 
bationem  hoc  constituit  :  Ueus  enim  a 
principio  mascuhun  et  feminani  fecif,  et 
non  simpliciter  eos  conjunxit.  sed  ma- 
trem  jussit  dimittere  et  patrem  ;  et  non 
simpliciter  virum  muheri  dixit  advenire, 
sed  conjungi;  ex  ipso  modo  locutionis 
indivisibilitatem  oslendens  :  sed  et  ma- 
jorem  copulam  adjunxil,  cum  dixit  : 
«  Et  erunt  duo  iu  carne  una.  »  Arc. 
(IX  sup.  Gen.  ad  lit.  vf  svp.)  Haîc  ta- 
men  verba  cum  primi  homiuis  fuisse 
Scriptura  testetur,  Dominus  tamen  hic 
Deum  hoc  dixisse  déclarai^  ut  hiuc  iu- 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XVI.  511 

devons  donc  comprendre  qu'Adam ,  par  suite  de  l'extase  qui  avait 
précédé ,  a  pu  dire  ces  paroles  par  inspiration  et  comme  prophète.  — 
Rémi.  L'Apôtre  saint  Paul  nous  enseigne  que  c'est  là  un  grand  mys- 
tère en  Jésus-Christ  et  en  son  Eglise.  {Ephèse,  v.)  Eu  ofifet,  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ  abandonna  en  quelque  sorte  son  Père,  lorsqu'il 
descendit  des  cieux  sur  la  terre  ;  il  abandonna  sa  mère,  c'est-à-dire  la 
synagogue ,  en  punition  de  son  infidélité,  et  il  s'attacha  à  son  épouse, 
c'est-à-dire  à  la  sainte  Eglise,  et  ils  sont  deux  dans  une  chair,  c'est-à- 
dire  Jésus-Christ  et  l'Eglise  dans  un  seul  corps. 

S.  Chrys.  {hom.  62.)  Après  avoir  rapporté  les  paroles  et  les  faits  de 
la  loi  ancienne,  Jésus  les  interprète  lui-même  avec  autorité,  et  il  éta- 
blit la  loi  en  ces  termes  :  «  Ainsi  ils  ne  sont  plus  deux,  mais  une  seule 
chair.  »  De  même  qu'on  dit  de  ceux  qui  s'aiment  d'un  amour  spiri- 
tuel, qu'ils  ne  t'ont  qu'une  seule  âme,  comme  l'atteste  l'Ecriture  . 
«  Tous  les  croyants  n'avaient  qu'un  cœur  et  qu'une  âme  »  {Act.  iv)  ; 
ainsi  on^  dit  de  l'homme  et  de  la  femme  qui  s'aiment  d'un  amour 
selon  la  chair,  qu'ils  ne  sont  qu'une  même  chair;  or,  si  c'est  une 
chose  horrible  de  couper  ou  de  déchirer  sa  propre  chair ,  il  ne  l'est 
pas  moins  de  séparer  la  femme  de  son  mari.  —  S.  Aug.  {Cité  de 
Dieu,  XIV,  22.)  Notre- Seigneur  dit  qu'ils  ne  font  qu'un,  ou  bien  à 
cause  de  leur  union,  ou  à  cause  de  l'origine  de  la  femme,  qui  a  été 
tirée  du  côté  de  l'homme.  —  S.  Chrys.  {hom.  62.)  Enfin,  il  fait  inter- 
venir l'autorité  de  Dieu  lui-même  en  disant  :  «  Que  l'homme  donc 
ne  sépare  pas  ce  que  Dieu  a  uni;  paroles  qui  démontrent  que  ren- 
voyer sa  femme ,  c'est  agir  à  la  fois  contre  la  nature  et  contre  la 
loi  (1*)  :  contre  la  nature,  en  divisant  une  seule  et  même  chair; 

(1*)  Le  mot  grec  Ttapà  a  plutôt  ici  le  sens  de  contra  que  deprœler,  qui  se  trouve  dans  le  texte 
de  la  Chaîne  d'or. 


telUgeremus  propter  exstasim,  quœ  prae- 
cesserat  in  Adam,  hoc  divinitus  tanquam 
proplietam  dicere  potuisse.  RiLMiG.Mys- 
terium  enim  hoc  esse  Apostolus  dicit  iu 
Christo  et  Ecclesia  (Eph.  5),  Dominus 
enim  Jésus  Christus,  quasi  ^jo^rem  de- 
sei'v.it  cum  de  cœlis  ad  terram  descen- 
dit; et  matrem  deseruit  (id  est,  synago- 
gam)  propter  iutideUtatem  ;  et  adhœsit 
uxori  suce  (sancta;  scilicet  Ecclesiœ),  et 
suut  duo  in  carne  una,  id  est,  Christus 
et  Ecclesia  in  uno  corpore. 

Chrys.  {in  Jiomil.  63  ut  sup.)  Post- 
quani  vero  veteris  legis  et  verba  et  facta 
induxit,  cum  potestatejam  et  ipseinter- 
pretalur  et  iegem  indicit,  dicens  :  «  Ita- 
que  jam  non  sunt  duo,  sed  una  caro  :  » 


sicut  enim  qui  spiritualiter  se  diligunt, 
una  anima  esse  dicuntur  (dicente  Scrip- 
tura  {Àct.  4)  :  «  Omnium  credentium 
erat  cor  unum  et  anima  una,  »  sicviret 
uxor  qui  carnaliter  se  diligunt,  una  caro 
esse  dicuntur  :  quemadmodum  igitur 
carnem  iucidere  est  sordidum,  itaetmu- 
herem  dividere  est  iniquum.  Aug.  (xiv 
de  Civit.  Dei,  cap.  22.)  Unum  etiam  di- 
cuntur, vel  propter  conjunctionem,  vel 
propter  originem  feminse,  quae  de  mas- 
culi  latere  creata  est.  Chrys.  [in  homil. 
63  xit  sup.)  Ulterius  autem  et  Deus  in- 
duxit, dicens  :  «  Quod  ergo  Deus  con- 
junxit,  homo  non  separet,  »  demonstrans 
quod  etprœter  naturam,  et  praeter  Iegem 
est,  uxorem  dimittere  :  prxter  naturam 


542 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


contre  la  loi,  parce  que  renvoyer  sa  femme,  c'est  rompre  des  liens 
que  Dieu  lui-même  avait  assemblés  et  déclarés  indissolubles.  — 
S.  Jér.  Dieu  a  formé  cette  union  en  ne  faisant  qu'une  chair  de 
l'homme  et  de  la  femme  ;  ce  n'est  donc  pas  à  l'homme ,  mais  à  Dieu 
seul  de  la  séparer;  or,  l'homme  sépare,  lorsi[u'il  renvoie  sa  première 
femme  par  le  désir  d'eu  prendre  une  autre;  Dieu  sépare,  lui  qui  avait 
uni,  lorsque,  d'un  mutuel  consentement  et  en  vue  du  service  de  Dieu, 
nous  avons  une  femme;  mais  que  nous  sommes  comme  n'en  ayant  pas. 
([  Corijith.^  VII.)  —  S.  Aug.  {contre  Fauste,  xix,  29.)  Voilà  donc  les 
Juifs  convaincus  par  les  livres  de  Moïse  qu'on  ne  doit  pas  renvoyer 
son  épouse^  eux  ([ui  croyaient  agir  conformément  à  la  loi  de  Moise, 
lorsqu'ils  répudiaient  leurs  femmes.  Nous  apprenons  en  même  temps 
par  le  témoignage  de  Jésus-Christ  que  Dieu  a  fait  l'homme  et  la 
femme ,  et  les  a  unis  entre  eux ,  doctrine  qui  condamne  les  Mani- 
chéens qui  nient  cette  vérité  et  se  mettent  ainsi  en  opposition  avec 
l'Evangile  de  Jésus-Christ. 

S.  Ghrys.  {sur  S.  Matth.)  Une  déclaration  aussi  conforme  à  la  chas- 
teté est  accablante  pour  des  fornicateurs  ;  ils  ne  peuvent  rien  opposer 
à  la  raison ,  mais  ils  ne  se  rendent  pas  pour  cela  à  la  vérité.  Us  s'ap- 
puient donc  de  l'autorité  de  Moïse,  comme  des  hommes  qui  ayant  une 
mauvaise  cause  à  défendre  ont  recours  à  des  personnages  haut  placés, 
pour  remporter  par  leur  influence  un  triomphe  qu'ils  ne  peuvent 
espérer  de  la  justice  de  leur  cause.  «  Mais  pourquoi  donc,  lui  disent- 
ils,  Moïse  a-t-il  commandé,  »  etc.  —  S.  Jér.  Ils  découvrent  l'accusa- 
tion calomnieuse  qu'ils  avaient  préparée ,  bien  que  le  Sauveur  n'ait 
point  donné  son  propre  sentiment,  mais  qu'il  n'ait  fait  que  rappeler 
un  fait  de  l'histoire  ancienne  et  les  commandements  de   Dieu.  — 


quideiu,  quia  una  caro  dividitur;  prœ- 
ter  lecjem  aulem,  quoniaiu  Deo  copu- 
lante  et  jubeiite  uon  dividi,  uxor  diinil- 
titur.  Hier.  Ueus  euim  coiijunxit,  uiiain 
facieudo  carueui  viri  et  feuiinx-  :  liauc 
ergo  hoiiio  uou  polesl  separare,  sed  so- 
lus  Deus  :  honio  séparât,  quaudo  prop- 
ler  desideriuin  secuiidae  uxorio  prima  di- 
mittitur  :  Deus  séparât  (qui  et  conjuu- 
xerat),  quaudo  ex  eouseusu  propterser- 
vituteiu  Dei  sic  liabeuius  uxoroiii,  quasi 
uon  habeutes  (I  Cor.  7.)  Aug.  [Vont. 
Faust,  lib.  xix,  cap.  29.)  Ecce  Judaii  ex 
libris  Moysi  couvincuntur  non  esse  uxo- 
mm  diiuitteudaiu,  qui  seciuiduui  volun- 
lateui  legis  Moysi  arbitrabaulur  si;  fa- 
cere  cum  dimitterent.  Simul  et  iliud  iiic 
(ipso   Chrislo   alleslaute)    coguosciuuis 


Deuiu  fecisse  et  coujunxisse  uiasculum 
et  feminam  quod  Mauicbaei  netjando 
dauiuantur,  Christi  Evaugelio  resisteutes. 
Chrys.  (sup.  Matth.  hi  opère  imper f. 
ut  xup.)  Gravis  est  autem  foruicariis  in- 
terprelatio  castitatis  ;  sed  contra  ratio- 
nem  respondere  non  possuut,  verilati  ta- 
luen  credere  uon  acquiescuut.  Conferuul 
ergo  se  ad  patrociuium  Moysi  ;  sicut  ho- 
mines  nialam  causam  babentes  confu- 
giuut  ad  potentes  viros,  ut  si  ])er  justi- 
tiaui  uou  possuut,  viucaut  per  perso- 
nam.  Unde  sequitur  :  «  Dicuulilli  :  Quid 
ergo  Moyses  uiaudavit ,  »  etc.  Hier. 
Aperiuut  cahuiuiiaiu  (juaui  paraveraut  ; 
licet  Domiuus  non  propriaui  sententiam 
prolulerit,  sed  veteris  bistori*  et  iiianda- 
toruui  Uei  fuerit  recordatus.  Curys.  [in 


DE  SAINT.  MATTHIEU,   CHAP.   XIX.  f)13 

S.  Chrys.  {hom.  02.)  Si  Notre-Seignftur  eût  été  en  opposition  avec 
l'Ancien  Testament,  il  n'eût  point  pris  la  défense  de  Moïse;  il  n'aurait 
pas  non  plus  montré  le  rapport  des  faits  anciens  avec  ce  qui  le  con- 
cernait. Cependant  l'ineffable  sagesse  du  Sauveur  va  jusqu'à  justifier 
ses  accusateurs  dans  sa  réponse  :  «  Et  il  leur  répondit  :  C'est  à  cause 
de  la  dureté  de  votre  cœur  que  Moïse  vous  a  permis,  »  etc.  C'est  ainsi 
qu'il  justifie  Moïse  de  l'accusation  qu'ils  semi)laient  vouloir  lui  inten- 
ter_,  pour  la  faire  retomber  tout  entière  sur  leur  tète.  —  S.  A.ug.  {contre 
Fauste,  xix,  29.)  Quelle  n'était  pas  en  effet  leur  dureté;,  puisque  l'acte 
de  répudiation  qui  offrait  un  moyen  de  séparation  aux  hommes  justes 
et  prudents,  ne  pouvait  ni  les  fléchir,  ni  ramener  dans  leurs  cœurs 
l'affection  qui  doit  régner  entre  les  époux.  Mais  quelle  est  donc  la 
fourberie  des  Manichéens,  qui  reprochent  à  Moïse  d'avoir  détruit  le 
mariage  en  autorisant  le  billet  de  répudiation  et  qui  louent  Jésus- 
Christ  d'avoir  confirmé  l'indissolubilité  du  lien  conj  ugal  ?  Dans  leur 
opinion  sacrilège,  ils  devraient,  au  contraire,  louer  Moïse  d'avoir 
séparé  ce  que  le  démon  avait  uni ,  et  blâmer  Jésus-Christ  d'avoir  res- 
serré des  liens  formés  par  le  démon. 

S.  CiiRYs.  {hom.  62.)  Comme  cette  réponse  pouvait  produire  une  im- 
pression fâcheuse,  le  Sauveur  en  revient  aussitôt  à  la  loi  (1)  et  ajoute  : 
0  Mais  au  commencement,  il  n'en  a  pas  été  ainsi.  »  —  S.  Jér.  Paroles 
dont  voici  le  sens  :  Est-ce  que  Dieu  peut  être  en  contradiction  avec 
lui-même ,  â  ce  point  d'établir  une  loi  et  de  la  détruire  par  un  com- 
mandement contraire?  c'est  ce  qu'on  ne  peut  admettre.  Mais  Moïse, 
voyant  que  le  désir  d'épouser  d'autres  femmes,  ou  plus  riches  ou  plus 

(1)  Il  s'agit  ici  évidemment  de  la  loi  naturelle  donnée  ù  tous  les  hommes  dès  le  commencement 
du  monde,  et  non  de  la  loi  de  Moïse. 


homi.  63  ut  sup.)  Si  autem  Dominus  alie- 
nus  esset  a  Veteri  Testaaiento,  non  de- 
certasset  pro  Moyse;  neque  quae  sua 
sunt,  monstrasset  veteribus  convenire; 
sed  ineffabilià  Chrisli  sapientia  et  pro  liis 
excusaudo  respondit.  llnde  sequitur  : 
«  Et  ait  illis  :  Quoniam  Moysos  ad  duri- 
tiam  cordis  vestri  promisit,  »  etc.  In 
quo  libérât  Moysen  ab  accusatione,  et 
totuni  in  iilorum  caput  convertit.  AUG. 
{C'oitt.  Faust,  lib.  xix,  cap.  29.)  Quantum 
enini  erat  duriliœ,  qurc  nec  per  iibelli 
interpositiouem,  ul)i  dissuadendi  locus 
justis  et  prudentibus  tribuebatur,  solvi 
et  flecti  posset  ad  recipiendani  vel  revo- 
candam  conjugii  charitatem?  Porro  qua 
calliditate  reprehendunt  Mauicliaii  Moy- 
sen, tanquaiii  conjugia  dirimeutem  per 

TOM.   II. 


libellum  repudii  ;  et  laudant  Christum 
tanquam  ejusmodi  vinculum  confirman- 
tem  ?  cuni  secundum  suani  sacrilegam 
sententiam,  Moysen  laudare  debuerunt 
separauteni  quod  conjunxerat  diabolus, 
et  Christum  vituperare  diaboii  ligamenta 
solidantem. 

Chrys.  [In  liomil.  G^iutsup.)  Denique 
quia  grave  erat  quod  dictura  erat,  statim 
reducit  sermouem  ad  legem  ,  dicens  : 
«  Ab  initio  autem  non  fuit  sic.  »  Hier. 
Quod  dicit  hujusmodi  est  :  Nunquid  po- 
test  Deus  sibi  esse  contrarius,  ut  aliud 
ante  jusserit,  et  sententiam  suam  novo 
frangat  imperio  ?  Non  ita  sentiendum 
est  :  sed  Moyses  cum  videret  propter  de- 
siderium  conjugum  secundarum  (quœ 
illis    diliores  ,    vel   juniores,    vel    pul- 

33 


514 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


jeunes  ou  plus  belles ,  était  pour  les  premières  épouses  une  cause  de 
mauvais  traitements  et  de  mort,  ou  pour  les  maris  de  conduite  licen- 
cieuse, aima  mieux  permettre  le  divorce,  que  de  laisser  persister  les 
haines  et  les  homicides.  Remarquez  encore  qu'il  ne  dit  pas  :  A 
cause  de  la  dureté  de  votre  cœur,  Dieu  vous  a  permis ,  mais  :  «  Moïse 
vous  a  permis;  »  car,  selon  la  remarque  de  l'Apôtre  (1),  c'était  un 
conseil  de  l'homme  et  non  pas  un  commandement  de  Dieu.  — 
S.  Ghrys.  [sur  S.  Matth.)  Aussi  est-ce  avec  dessein  qu'il  dit  :  «  Moïse 
vous  a  permis,  »  et  non  :  Moïse  vous  a  commandé  ;  car  ce  que  nous 
commandons  est  l'expression  d'une  volonté  qui  persévère ,  tandis  que 
ce  que  nous  permettons ,  nous  l'accordons  malgré  nous ,  parce  que 
nous  ne  pouvons  pas  arrêter  entièrement  la  mauvaise  volonté  des 
hommes.  Moïse  vous  a  donc  permis  de  faire  mal,  pour  vous  empêcher 
de  faire  plus  mal  encore  ;  donc ,  en  nous  accordant  cette  permission , 
il  ne  vous  a  pas  fait  connaître  ce  qu'exige  la  justice  de  Dieu;  il  a  sim- 
plement déchargé  le  péché  de  culpabiUté ,  de  manière  qu'en  parais- 
sant agir  d'après  votre  loi,  ce  qui  était  péché  cessât  de  l'être  pour 
vous. 

jt".  9.  —  Aussi  je  vous  déclare  que  quiconque  renvoie  sa  femme,  si  ce  n'est  en  cas 
d'adultère,  et  en  épouse  une  autre,  commet  un  adultère,  et  que  celui  qui  épouse 
celle  qu'un  autre  a  renvoyée,  commet  aussi  un  adultère  . 

S.  Ghrys.  {hom.  62.)  Après  leur  avoir  ainsi  fermé  la  bouche,  Notre- 
Seigneur  établit  d'autorité  la  loi  en  ces  termes  :  a  Aussi  je  vous 
déclare  que  quiconque  aura  renvoyé  son  épouse ,  »  etc.  —  Orig.  On 

(1)  I  Corinth.,  VII,  12.  k  Quant  aux  autres,  ce  n'est  pas  le  Seigneur,  mais  c'est  moi  qui  leur 
dis  ;  Il  alors  que  l'Apôtre  permet  à  la  partie  fidèle  de  se  séparer  de  la  partie  infidèle,  après  avoir 
dit  au  vers.  10  :  'c  Pour  ceux  qui  sont  dans  le  mariage,  ce  n'est  pas  moi ,  mais  le  Seigneur  qui 
leur  fait  ce  commandement,  que  la  femme  ne  se  sépare  pas  de  son  mari.  » 


cliriores  essenl)  primas  uxores  interfici, 
aut  malain  vitaui  dncore,  maliiit  indul- 
gere  dissidiiim,  qiiaui  oïlia  ol  Immicidia 
perseverare.  Sinudque  considéra  (luod 
uon  dixil  :  a  Propler  duriliani  cordis 
vestri  peruiisiL  vobis  Deiis,  sed,  Moyscs,  » 
ut  juxla  Aposlolum  (I  Cor.  7.),  consilium 
esset  hominis  ,  non  imperium  Dei. 
Chrys.  (Super  Ma f th.  in  opère  imper f. 
ut  sup.)  Propterea  beue  dixit,  quod 
Moyses  hoc  permisit,  non  priEcepit. 
Quod  enim  pripcipimus,  semper  volu- 
mus;  quod  aulom  pcrniittimus,  nolen- 
tes  induljicmus  ;  (piia  malam  voluulalom 
honiinum  ad  plénum  proliibere  non  pos- 
sumus  (cl  jam  attic.)  Permisit  (  r^o  vobis 


facere  mala,  ne  faceretis  pejora  :  ergo 
lioc  vobis  permitleudo,  non  vobis  Dei 
Jiislitiam  demonstravit ,  sed  a  peccato 
altstidil  cidpam  (leccandi  ;  ut  quasi  se- 
cuuduui  legeni  agentibus  vobis  pecca- 
tum  vestrum  non  videatur  esse  pecca- 
tum. 

Dico  autem  vobis  quia  quicumque  dimiserit  uxo- 
rem  sitamnisi  ob  fornicationem,  et  aliam  duxe- 
rit,  mœchatur;  et  qui  dimissam  duxeril,  mœ- 
chatur. 

CHnvs.  {In  homil.  63  ut  snp.)  Quia  os 
illorum  oppilaveral,  jam  cum  anctoritate 
logcm  inducit,  dicens  :  «  Dico  autem  vo- 
bis, quia  (luicumque  dimiserit  uxoivm.» 


DE   SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    XIX.  515 

dira  peut-être  que  Jésus,  par  ces  paroles  :  «  Quiconque  aura  renvoyé 
sa  femme,  si  ce  n'est  en  cas  d'adultère,  »  a  donc  permis  au  mari  de 
renvoyer  son  épouse,  aussi  Ijieu  que  Moïse,  qui,  au  témoignage  du 
Sauveur ,  leur  a  donné  cette  permission  à  cause  de  la  dureté  de  leur 
cœur.  Nous  répondons  que  l'adultère,  crime  pour  lequel,  selon  la  loi, 
on  devait  être  lapidé  (1),  n'est  point  ce  défaut  honteux,  pour  lequel 
Moïse  permet  de  donner  l'acte  de  répudiation;  car,  dans  le  cas  d'adul- 
tère, cet  acte  de  répudiation  n'était  pas  nécessaire.  Peut-être  Moïse 
a-t-il  voulu  désigner ,  par  cette  chose  honteuse ,  toute  faute  commise 
par  la  femme  qui  autorise  le  mari  à  lui  donner  un  acte  de  répudiation. 
Mais  s'il  n'est  permis  de  renvoyer  sa  femme  que  pour  le  seul  crime 
d'adultère,  que  doit-on  faire  si  une  femme,  innocente  de  ce  crime,  est 
coupahle  d'un  crime  plus  énorme,  comme  d'avoir  empoisonné  ou 
mis  à  mort  ses  enfants?  Le  Seigneur  a  tranché  cette  difficulté  dans 
un  autre  endroit  en  ces  termes  {Malth.,  v)  :  «  Quiconque  renverra  sa 
femme,  si  ce  n'est  pour  cause  d'adultère,  la  fait  tomber  dans  l'adul- 
tère eu  l'exposant  à  contracter  un  second  mariage. 

S.  JÉR.  Il  n'y  a  donc  que  l'adultère  qui  puisse  triompher  de  l'affec- 
tion qu'on  doit  à  son  épouse  ;  en  effet ,  dès  lors  qu'elle  a  partagé  son 
corps  avec  un  autre,  et  que  par  le  crime  de  la  fornication  elle  s'est 
séparée  de  son  mari,  il  ne  doit  point  la  garder,  de  peur  de  tomber  lui- 
même  sous  cette  malédiction  de  l'Ecriture  :  «  Celui  qui  retient  une 
adultère  est  insensé  et  méchant.  »  {Prov.,  xviii,  22.)  —  S.  Ghrys. 
{sur  S.  Matth.)  De  même  qu'un  homme  se  rendrait  coupable  de 

(1)  Jean^  viii,  b;  Lev.,  xx,  20  ;  Deut.,  xxii,  22.  Dans  ces  deux  passages  de  l'ancienne  loi,  il  est 
simplement  dit  que  les  époux  coupables  d'adultère  seront  mis  à  mort,  il  n'est  point  question  de 
lapidation.  Nous  voyons  seulement  au  vers.  21  du  chap.  xxii  du  Deutérnnome  ,  que  ce  supplice 
était  infligé  à  la  flUc  qui  avait  commis  le  crime  de  fornication  dans  la  maison  de  son  père. 


etc.  Orig.  {7it  svp.)  Forte  auteni  dicet 
aliquis  quouiam  Jésus  dicens  :  «  Qui- 
cumque  dimiserit  uxorem  suarn  Disi  ob 
t'oruieatiouem_,  »  permisit  uxorem  dimit- 
lere,  quemaduiodum  Moyses,  quem  re- 
tulit  propter  duritiani  cordis  Judœorum 
boc  prœcepiose.  Sed  ad  boc  respondeu- 
duiu,  quoniuui  si  secuudum  leiïem  adul- 
téra lapidatur,  non  secnndum  boc  intel- 
ligitur  res  /urpis,  propter  quam  Moyses 
permittit  bbelhun  repudii.  {ex  Dnitc- 
ron,  2i.)  Nec  euim  in  causa  adulte rii 
oportebatlibellum  dare  repudii.  Sed  for- 
sitaa  Moyses  oumem  culpani  muUeris 
turpem  rem  appellavit;  quai  si  inventa 
fuerit  in  nxore,  scribitur  ei  libellus  repu- 
dii. Qua^reuduni  est  autem  si  propter 
solam    causam    fornicationis    dimittere 


jubet  uxorem ,  quid  est ,  si  mulier  non 
fuerit  fornicata,  sed  aUud  quid  gravius 
fecerit,  puta  veuefiica  inveniatur,  aut  in- 
terfectrix  fiiiorum?  Sed  Doniiuus  expo- 
nens  rem  abbi,  dixit  [Mutth.  5)  :  «  Qui 
dimiserit,  excepta  causa  fornicationis , 
facit  eam  mœcbari  ;  dans  ei  occasionem 
secuudarum  nuptiarura.  » 

Hier.  Sola  ergo  foruicatio  est  quae 
uxoris  vincit  afîectum  ;  imo  cum  illa 
unam  caruem  in  aliam  divisent ,  et  se 
fornicatione  separaverit  a  marito,  non 
débet  teueri  ;  ne  virum  quoque  sub  ma- 
ledictione  faciat,  dicente  Scriptura  (Prov. 
18  ,  vers  22.)  :  «  Qui  adulteram  tenet, 
stultus  et  impius  est.  »  Chrys.  {Super 
Matth.  in  opère  imperf.  ut  sup.)  Sicut 
enim  crudebs  est  et  iniquus  qui  castam 


olC 


EXPLICAIION    DE   l'ÉVANGILK 


cruauté  et  d'injustice  en  renvoyant  une  femme  chaste,  ainsi  serait-il 
insensé  et  inique  s'il  retenait  une  adultère,  car  c'est  patronor  l'infa- 
mie que  de  dissimuler  le  crime  d'une  épouse.  —  S.  Aug.  {Des  ma- 
riages adult.,  II,  9.)  Cependant,  après  que  le  crime  d'adultère  a  été 
commis  et  expié,  la  réconciliation  des  époux  ne  doit  être  ni  difficile, 
ni  regardée  comme  honteuse ,  alors  que  les  clefs  du  royaume  des 
cieux  donnent  la  certitude  de  la  rémission  des  péchés;  ce  n'est  pas 
sans  doute  que  le  mari  doive  rappeler  sa  femme  adultère  après  la 
séparation ,  mais  il  ne  doit  plus  la  traiter  d'adultère  après  qu'elle  a 
été  jugée  digne  de  l'union  de  Jésus-Christ. 

S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.)  Toute  chose  se  détruit  par  les  mêmes 
causes  qui  l'ont  fait  naître  ;  or,  ce  n'est  point  l'acte  du  mariage  ,  mais 
la  volonté  des  époux  qui  constitue  l'union  conjugale;  donc  ce  n'est 
pas  la  séparation  du  corps  qui  la  détruit,  mais  la  séparation  de 
volonté.  Celui  donc  qui  se  sépare  de  son  épouse,  sans  en  prendre  une 
autre,  reste  toujours  l'époux  de  la  première  ;  car,  bien  qu'il  en  soit 
séparé  de  corps ,  il  lui  reste  uni  par  la  volonté  ;  ce  n'est  que  lorsqu'il 
en  a  pris  une  autre  que  la  séparation  est  complète  et  absolue.  Aussi 
Notre- Sigueur  ne  dit  pas  :  Celui  qui  renvoie  son  épouse  est  adultère, 
mais  :  «  Celui  qui  en  prend  une  autre.  » —  Rémi.  Il  n'y  a  qu'une  seule 
raison  matérielle  qui  puisse  légitimer  le  renvoi  d'une  épouse  :  c'est  l'a- 
dultère ;  il  n'y  a  qu'une  seule  raison  spirituelle ,  et  c'est  la  crainte  de 
Dieu  {\);  mais  il  n'en  est  aucune  qui  permette  de  prendre  une  autre 
épouse  du  vivant  de  celle  qu'on  a  renvoyée.  —  S.  Jér.  Il  pouvait  faci- 
lement arriver  qu'un  homme  calomniât  une  épouse  innocente ,  et  lui 
imputât  un  crime  imaginaire ,  afin  de  pouvoir  contracter  un  second 

(1)  C'est  ainsi  qu'un  grand  nombre  de  fidèles  se  sont  séparés  de  leurs  femmes  d'un  commun 
accord  pour  se  livrer  tout  entiers  aux  œuvres  de  la  piété,  comme  le  remarquent  Raban  et 
Bède. 


diiuittit,  sic  fatuus  est  et  iniquus  qui  re- 
tiuet  meretricein  :  uam  patrouus  turpi- 
tudinis  est,  qui  crimeu  celât  uxoris.  Aug. 
[De  adnlterinis  conjugiis,  lib.ii,  cap.  9.) 
Nou  tarnen  erit  tiirpis  nec  difticilis  (etiaui 
post  patrata  et  purgata  adulteria)  recou- 
cilialio  coujugum  ;  ubi  per  claves  regni 
cœlorum  uon  dubitatur  fieri  remissio 
peccatorum  ;  non  ut  pust  viri  divorlium 
adultéra  revocelur,  sed  ut  post  Christi 
consortium  adultéra  non  vocetur. 

Chuys.  (  Super  Muttli.  in  opei-e  im- 
perf.  lit  svp.)  Omuis  autem  res  per  (juas 
causas  nascitur,  per  ipsas  solvitur  :  lua- 
trinioniuui  luteui  uon  facit  coilus,  sed 
voluulas  :  et  ideo  non  solvit  illud  sepa- 


ratio  corporis,  sed  separatio  voluntatis. 
Ideo  qui  diruittit  conjugeni  suam  et 
aiiam  non  accipit.  adhuc  maritus  est  : 
nam  et  si  corpore  jam  separatus  est,  ta- 
rnen adhuc  voluntate  coujunclus  est  ; 
cum  ergo  aliam  acceperit,  timc  plane 
diuiittit.  Et  ideo  Douiinus  uon  dicit  : 
«  Qui  dimittit,  mœchatur,  »  sed,  «  qui 
alteram  ducit.  »  Rab.  Una  ergo  solum- 
niodo  carnalis  est  causa  (id  est,  fomi- 
calio)  una  spirilualis  (et  haec  est  tinior 
Dei  )  ut  uxor  diniiltatur  ;  nulla  autem 
causa  est  ut  vivente  ea  quœ  relicla  est, 
alla  ducatiu'.  Hier.  Poterat  autem  acci- 
dere  ul  aliquis  calumniam  faceret  iuno- 
cenli   uxuri ,  et  ob   sccuudam  copulaui 


DE   SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   XIX.  517 

mariage.  En  permettant  donc  de  renvoyer  la  première  femme,  le 
Sauveur  défend  d'en  prendre  une  autre  du  vivant  de  la  première.  Et 
encore,  comme  il  pouvait  également  se  faire  qu'en  vertu  de  la  même 
loi,  une  femme  donnât  à  son  mari  un  acte  de  répudiation,  la  même 
défense  lui  est  faite  de  prendre  un  second  mari.  Notre-Seigneur  va 
plus  loin  :  une  femme  de  mauvaise  vie  et  qui  s'est  rendue  coupable 
d'adultère  ne  craint  pas  beaucoup  l'opprobre  ;  il  est  défendu  à  celui 
qui  voudrait  devenir  son  second  mari  de  la  prendre ,  sous  peine  du 
crime  d'adultère.  «  Et  celui  qui  épouse  celle  qu'un  autre  a  renvoyée 
commet  aussi  un  adultère.  »  —  La  Glose.  Notre-Seigneur  veut  effrayer 
celui  qui  prendrait  cette  femme ,  parce  qu'une  adultère  ne  redoute  ni 
la  honte,  ni  l'opprobre. 

f.  10-12.  —  Ses  disciples  lui  dirent  :  Si  la  condition  d'un  homme  est  telle  à 
l'égard  de  sa  femme,  il  n'est  pas  avantageux  de  se  marier.  Il  leur  dit  :  Tous 
ne  sont  pas  capables  de  cette  résolution,  mais  ceux  à  qui  il  a  été  donne.  Car  il 
y  a  des  eunuques  qui  sont  nés  tels  dès  le  ventre  de  leur  mère;  il  y  en  a  que  les 
hommes  ont  faits  eunuques ,  et  il  y  en  a  qui  se  sont  rendus  eunuques  eux- 
mêmes  ,  pour  gagner  le  royaume  des  deux.  Qui  peut  comprendre  ceci,  le  com- 
prenne. 

S.  JÉR.  C'est  un  lourd  fardeau  qu'une  épouse,  s'il  n'est  point  permis 
de  s'en  séparer  ,  sauf  le  cas  d'adultère.  Eh  quoi  !  si  elle  est  sujette  à 
l'ivrognerie,  à  la  colère,  si  elle  est  de  mœurs  licencieuses  ,  faudra-t-il 
donc  la  garder  ?  C'est  en  considérant  ce  joug  pesant  du  mariage,,  que 
les  Apôtres  expriment  leur  sentiment  :  Ses  disciples  lui  dirent  :.a  Si 
la  condition  d'un  homme  est  telle  à  l'égard  de  sa  femme ,  il  n'est  pas 
avantageux  de  se  marier.  »  —  S.  Chrts.  {hom.  62.)  Car  il  est  plus 
facile  de  lutter  contre  la  concupiscence  et  contre  soi-même  que  contre 


nuptiarum  veteri  crirnen  impingeret. 
I  deo  sic  priôrem  dimiltere  jubetur  uxo- 
rem,  ut  secundam  prima  vivente  non 
habeat.  Nec  non,  quia  poterat  evenire 
ut  juxta  eamdem  legem,  uxor  quoque 
marito  daret  repudium,  eadem  cautela 
prfecipitur  ue  secundum  accipiat  virum  : 
et  quia  nieretrix,  et  quse  semel  fuerat 
adultéra,  opprobrium  non  timebat ,  se- 
cundo praecipitur  vire  quod  si  lalem 
duxerit,  sub  adulterii  crimine  sit.  Uude 
sequitur  :  «  Et  qui  dimissam  duxerit, 
mœchatur.  »  Glossa.  Accipientem  terret, 
quia  adultéra  non  timet  opprobrium. 


No7i  omnes  capiunt  verbum  istud,  sed  quitus 
datum  est.  Sunt  enim  eunuchi  qui  de  matris 
utero  sic  nati  sunt  ;  et  surit  eunuchi  qui  facti 
sunt  ab  hominibus  ;  et  sunt  eunuchi  qui  seipsos 
caslraverunt  propter  regnumcœlorum.  Quipo- 
test  capere  capiat. 


Hier.  Grave  pondus  uxor  est  ,  si 
(excepta  causa  fornicationis)  eam  dimit- 
tere  non  licet.  Quid  enim  si  temulenta 
fuerit,  si  iracunda,  si  malis  moribus, 
tenenda  erit  ?  Videntes  ergo  Apostoli 
grave  uxorum  jugura,  proferunt  motum 
animi  sui  :  un  de  dicitur  :  «  Dicunt  ei  dis- 
cipuli  ejus  :  Si  ita  est  causa  hominis  cum 

Iuxore,  non  expedit  nubere,  »  etc.  Chrys. 
(In  homil.  63  \it  sup.)  Levius  enim  est 
contra  concupiscentiam  praliari,  et  con- 


518 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


une  mauvaise  femme.  —  S.  Chrys.  (sur  S.  Matth.)  Or,  le  Seigneur 
ne  répond  point  que  cela  est  avantageux ,  au  contraire  ,  il  convient 
avec  eux  que  ce  n'est  pas  avantageux;  mais  il  tient  compte  en  même 
temps  de  l'infirmité  de  la  chair,  et  il  ajoute  :  «  Tous  ne  comprennent 
pas  cette  parole,  »  c'est-à-dire  tous  ne  sont  pas  capables  de  cette  ré- 
solution. —  S.  JÉR.  Gardons-nous  de  penser  qu'en  disant  :  «  Ceux  à 
qui  il  a  été  donné,  »  le  Sauveur  ait  voulu  parler  du  destin  ou  du 
hasard,  en  ce  sens  que  ceux  qui  ont  reçu  le  don  de  la  virginité,  n'en 
soient  redevables  qu'au  hasard  ;  car  ce  don  est  accordé  à  ceux  qui  l'ont 
demandé  à  Dieu,  qui  l'ont  voulu,  et  qui  ont  fait  des  efforts  pour  l'ob- 
tenir. —  S.  Chrys."  (5wr  i5.  Matth.)  Si  donc  tous  ne  comprennent  pas 
cette  parole  ,  c'est  qu'ils  ne  veulent  pas  la  comprendre.  La  palme  est 
offerte  à  tous,  que  celui  qui  désire  la  gloire,  ne  pense  pas  à  la  fatigue, 
personne  ne  pourrait  remporter  la  victoire ,  si  tous  craignaient  le 
danger.  De  ce  qu'il  eu  est  qui  ne  tiennent  pas  la  résolution  qu'ils  ont 
prise  d'être  chastes,  nous  ne  devons  pas  en  être  plus  négligents  dans 
la  pratique  de  cette  vertu  ;  ainsi  ceux  qui  tombent  sur  le  champ  de 
bataille  n'amortissent  pas  le  courage  des  autres.  En  s'exprimant  de  la 
sorte  :  «  Ceux  à  qui  il  a  été  donné,  »  le  Sauveur  nous  apprend  que 
sans  le  secours  de  la  grâce  ,  tous  nos  efforts  seraient  inutiles.  Or,  ce 
secours  de  la  grâce  n'est  jamais  refusé  à  ceux  qui  le  demandent;  car 
le  Seigneur  a  dit  :  «  Demandez  et  vous  recevrez.  »  S.  Chrys.  {hom.  62.) 
Il  prouve  ensuite  la  possibilité  de  cette  vertu  ,  en  ajoutant  :  «  Il  y  a 
des  eunuques,  »  etc.,  paroles  dont  voici  le  sens  :  Pensez  à  ce  que 
vous  feriez  si  vous  étiez  devenu  eunuque  par  la  main  des  hommes. 
Vous  seriez  privé  et  de  la  volupté ,  et  de  la  récompense  delà  chasteté. 
—  S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.)  De  même  que  l'action  séparée  de  la  vo- 


ira seipsum,  quam  ad  muliei'em  malam. 
Chrys.  {Super  Matth.  in  opère  imper f. 
ut  Slip.)  Nou  autem  dixit  (juia  expedit, 
sed  luagis  consensit  quod  nou  expedit, 
sed  iuËrinitatem  carnis  consideravit  : 
undc  sequitur  :  «  Qui  dixit  eis  :  Nou 
omnes  capiuut  verbuni  istnd ,  »  id  est, 
uou  onmes  hoc  possuut.  HiKii.  Nomo 
autem  putet  sub  hoc  verbo  quod  addit  : 
«  Sed  (juibus  datum  est,  »  vel  fatum  vel 
l'ortunam  iutroduci  ;  quod  hi  sint  virgi- 
iies,  quos  ad  hoc  casus  adduxit  :  sed  1ns 
datum  est  a  Ueo  ipii  petierunt,  ([ui  vo- 
hiei'unt,  qui  ut  acciperent  laboraverunt. 
Chrys.  {Svper  Matth.  in  opère  imperf. 
ut  svp.)  hlco  erifo  non  omnes  capere 
pnssunt,  quia  nou  omnes  vohnit.  Palma 
proposita  est  :  qui  concupiscil  sloriani, 
nou  coi-'itcl  de  lahore  :  uemo  viucerct,  si 


omnes  periculum  timerent.  Ex  eo  ergo 
quod  quidam  a  proposito  continentise 
cadunt,  nou  debemus  circa  virtutem 
castitatis  fieri  pigriorcs  ;  sicut  et  qui  in 
pugua  cadunt,  nou  exauinaut  csiteros. 
Quod  ergo  (Hcit:  «  Quibus  datum  est,  » 
illud  ostendit,  quia  uisi  auxilium  gra- 
tiœ  acciperemus ,  uihil  nobis  valeret. 
Hoc  autem  auxilium  gratiœ  volentibus 
non  denegatur.  Dicit  enim  Dominus  : 
«  Petite,  et  accipietis.  »  Chrys.  {In 
homil.  63  nt  svp.)  Deinde  possibile  hoc 
esse  ostendcus,  ait:  «  Sunt  euim  euuu- 
chi  ;  »  quasi  dicat  :  Excogita  si  ab  aliis 
excisus  esses,  quid  utique  faceres.  Vo- 
luptate  quidem  privatus  esses ,  mer- 
cedem  autem  nou  haberes.  Chrys. 
{Super  Matth.  in  opère  imperf.  nf 
sup.)  Sicut  enim  peccatum  opus  siue  vo- 


DE  SAINT   MATTHIETI,    CHAP.    XIX.  519 

loiitc  ne  peut  constituer  le  péché,  ainsi  l'acte,  sans  la  volonté,  ne  peut 
être  imputé  à  justice.  La  chasteté,  vraiment  méritoire  et  glorieuse, 
n'est  donc  pas  celle  qui  vient  de  l'impuissance  d'un  corps  incapable 
d'enfreindre  cette  vertu,  mais  celle  qui  résulte  de  la  résolution  libre  et 
sainte  de  garder  la  continence. 

S.  Jér.  Il  établit  donc  trois  genres  d'eunuques ,  deux  dans  le  sens 
matériel,  et  le  troisième  dans  le  sens  spirituel  :  les  uns  sont  nés  ainsi 
dès  le  sein  de  leur  mère  ;  les  autres  sont  ceux  que  la  captivité  a  rendu 
tels,  ou  qui  ont  été  mutilés  pour  le  plaisir  des  personnes  de  qualité  ; 
les  troisièmes  sont  ceux  qui  se  sont  faits  eunuques  eux-mêmes  pour 
le  royaume  des  cieux,  et  qui,  pouvant  être  des  hommes  jouissant  de  la 
virilité,  se  sont  faits  eunuques  par  amour  pour  Jésus-Christ  ;  c'est  à  ces 
derniers  (^u'il  promet  la  récompense  ;  mais  les  autres ,  pour  qui  la 
chasteté  est  une  nécessité  et  non  pas  un  sacrifice  volontaire  ,  n'ont 
rien  à  espérer.  —  S.  Hil.  D'un  côté  nous  voyons  la  nature  dans  celui 
<iui  est  eunuque  de  naissance,  de  l'autre ,  la  nécessité  dans  celui  qui 
l'est  devenu  de  la  main  des  hommes,  de  l'autre,  enfin,  la  volonté  dans 
celui  qui  a  résolu  de  vivre  tel,  dans  l'espérance  du  royaume  des  cieux. 
—  S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.)  Qu'il  y  en  ait  qui  soit  eunuques  de  nais- 
sance, on  ne  peut  l'attribuer  qu'à  la  création  ,  de  même  que  ceux  qui 
naissent  avec  six  ou  quatre  doigts  ;  car  si  Dieu  laissait  la  nature  de 
chacun  des  êtres  créés  suivre  d'une  manière  immuable  l'ordre  qu'il  a 
établi  dès  le  commencement ,  les  homnaes  finiraient  par  oublier  l'o- 
pération de  la  toute-puissance  divine.  C'est  pourquoi  la  nature  des 
choses  contrevient  de  temps  en  temps  aux  lois  naturelles  établies,  pour 
rappeler  sans  cesse  au  souvenir  des  hommes ,  que  Dieu  est  l'artisan 
souverain  de  la  nature. 


luntate  non  facit,  ita  justitia  ex  opère 
uon  consummalur ,  uisi  et  voluatas  ad  - 
fuerit.  Illa  est  ergo  gloriosa  coutinen- 
tia,  non  illa  quam  transgredi  non  po- 
lest  nécessitas  debilitatis  corporis,  sed 
quam  complectitur  volimtas  sancti  pro- 
positi. 

Hier.  Triplex  ergo  genus  eunucho- 
rum  posait,  quorum  duo  suut  carnales, 
et  tertii  spirituales  :  alii  euim  sunt  qui 
de  utero  matris  sic  uascuntur;  alii,  quos 
vel  captivitas  facit,  vel  delicia;  matro- 
nales  ;  tertii  sunt  qui  seipsos  castrave- 
runt  propter  regnum  cœlorum,  et  qui 
(cum  possiut  esse  viri)  propter  Christum 
eunuclîi  fiuut  :  istis  promittitur  prai- 
niium  :  superioribus  autem  (quibus  né- 
cessitas castimouia  est,  non  voluntas) 


nibil  omniuo  debetur.  Hilar.  In  uno 
enim  eorum  posuit  uaturam  (scilicet  in 
eo  qui  nascitur,  in  allero  necessitam  (sci- 
licet in  eo  qui  factus  est),  in  tertio  vo- 
luutatem,  qui  scilicet  spe  regui  cœlestis 
lalis  esse  decrevit.  Chrys.  (Svper  Matth. 
in  opère  imperf.  ut  sxip.)  Quod  autem 
aliqui  sic  nascuntur,  a  creatioue  fit,  sicut 
et  nascuntur  sex  digitos  habentes,  aut 
quatuor  ;  si  enim  Deus  sicut  ab  initio 
constituit  unauiquamque  naturani  ,  sic 
dimitteret  illaui  immutabiliter  semper 
in  suo  ordine  permauere,  in  oblivionem 
deduceretur  coraui  bominibus  operatio 
Dei.  Ideo  ergo  interdum  natura  rerum 
convertitur  contra  suam  naturam  :  ut 
semper  Deus  naturse  opifex  in  memo- 
riam  rcducatur. 


520 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


S.  JÉR.  Nous  pouvons  donner  une  autre  explication  :  Ceux  qui  sont 
eunuques  dès  le  sein  de  leur  mère  sout  ceux  qui  sont  d'un  tempé- 
rament froid  et  sans  inclination  pour  le  plaisir  ;  ceux  qui  le  sont  par 
le  fait  des  hommes,  sont  ceux  que  les  médecins  ont  faits  eunuques  ou 
à  qui  on  fait  prendre  les  mœurs  cÛéminées  (1)  des  femmes  pour  servir 
au  culte  des  idoles;  ou  bien  ceux  qui,  à  la  persuasion  des  hérétiques, 
simulent  la  chasteté  pour  se  couvrir  des  dehors  trompeurs  de  la  vraie 
religion.  Or,  aucun  d'eux  n'obtiendra  le  royaume  des  cieux,  à  l'excep- 
tion de  ceux  qui  se  sont  rendus  eunuques  pour  Jésus-Christ.  C'est 
pour  cela  que  le  Sauveur  ajoute  :  «  Qui  peut  comprendre  ceci  le  com- 
prenne. »  C'est-à-dire  que  chacun  interroge  ses  forces  pour  voir  s'il 
peut  remplir  les  devoirs  qu'impose  la  virginité  et  la  pureté.  La  chas- 
teté a  des  charmes  naturels  ,  elle  attire  à  soi  tout  le  monde ,  mais  il 
faut  que  chacun  examine  ses  forces,  et  que  celui  qui  peut  comprendre 
comprenne.  »  C'est  la  parole  du  Seigneur  qui  exhorte  ses  soldats,  et 
les  appelle  à  conquérir  la  palme  de  la  chasteté  ,  et  il  leur  tient  ce  lan 
gage  :  «  Que  celui  qui  peut  combattre,  ne  refuse  pas  le  combat,  qu'il 
remporte  la  victoire  et  qu'il  triomphe.  » —  S.  Chrys.  {hom.  62.)  Lorsque 
le  Seigneur  dit  qu'il  eu  est  qui  se  sont  faits  eunuques ,  il  ne  veut 
point  parler  du  retranchement  d'aucun  membre,  mais  de  la  mortifica- 
tion des  pensées  mauvaises  ;  car  celui  qui  se  mutile  lui-même  est  sou- 
mis à  la  malédiction  ,  parce  qu'il  se  rend  coupable  du  crime  des  ho- 
micides, donne  occasion  aux  Manichéens  de  rabaisser  la  créature,  et 
qu'il  imite  la  conduite  des  païens  qui  se  mutilent  ainsi  eux-mêmes  ; 
la  pensée  de  se  retrancher  un  membre  ne  peut   venir  que  d'une 

(1)  Le  moi physici,  que  nous  traduisons  ici  par  médecins  dans  la  langue  ecclésiastique,  signifie 
ordinairement  médecins,  comme  on  peut  s'en  convaincre  en  lis.int  au  titre  L  des  Décrétâtes,  le 
chapitre  non  magnopere.  Ce  nom  était  donné  aux  médecins,  parce  qu'ils  étudiaient  les  lois  de  la 
nature. 


Hier.  Possiiruus  cl  aliter  dicere  :  Eu- 
nuchi  sunt  ex  matris  utero,  ([ui  frigidio- 
ris  uaturœ  sunt,  nec  libidiuem  appe- 
teutes;  et  alii  qui  ab  houiiuihus  tiunt, 
quos  aut  physici  faciuut,  aul  ijropter  ido- 
lorum  cultum  eiiioUiuntur  in  femiiias  ; 
vel  persuasioue  ha^retica  simulant  casti- 
tateu),  ut  lueuliautur  rclitiionis  verita- 
teni.  Sed  uuUus  eoriuu  cousequitur  re- 
guuiu  cœlorum  ,  iiisi  qui  se  pro|)ler 
Chrisfum  castraverit.  Uude  sequilur  : 
«  Qui  potest  capere,  capiat  »  :  ut  luuis- 
quisque  consideret  vires  suas ,  utrum 
possil  virginalia  et  pudicitite  iuiplere 
praîcepla  :  per  se  enini  rastilas  blauda 
eslj   et  quemlibet  ad  se  allicieus  :  sed 


considerandic  sunt  vires,  ut  qui  potest 
capere,  capiat.  Ou*  hortantis  Domini 
vox  est,  et  milites  suos  ad  pudicitia- 
praîmium  concitantis  :  ijuasi  dicat  :  «  Qui 
potest  puguare  ,  pugnet,  superet  ac 
triumphet.  »  Chrys.  [In  homil.  63  ut 
sup.)  Cum  aulem  dicit  :  «  Qui  se  castra- 
veruut,  »  non  membrorum  dicit  abscis- 
siouem,  sed  malaruni  cogitatiouum  in- 
teremplioueiu  :  maledictioni  est  euim 
oliuoxius  qui  niembrum  absciudit  ;  ete- 
uim  quae  homicidaruui  sunt,  talis  pne- 
sumit  ;  et  Manicha^is  (qui  delraluuit 
creaturis)  tribuit  oocasiouem  ;  et  eadem 
cum  gentibus.  membra  detruncantibus, 
inique  agit  :  absciudere  enim  membra, 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XXI.  521 

tentation  du  démon.  D'ailleurs,  en  agissant  ainsi ,  on  n'éteint  pas  les 
feux  de  la  concupiscence,  on  ne  fait  que  les  irriter,  puisque  le  sperme 
qui  est  en  nous  a  d'autres  sources,  et  surtout  dans  les  désirs  im- 
purs et  dans  la  négligence  de  rame.  Si  l'âme  est  mortifiée ,  elle  n'a 
rien  à  craindre  des  mouvements  naturels  de  la  concupiscence;  de 
même  que  cette  mutilation  d'un  membre  ne  suffit  pas  pour  réprimer 
les  tentations,  et  pour  donner  la  paix  à  i'àme,  en  mettant  comme  un 
frein  aux  pensées  mauvaises. 

f.  13-15.  —  On  lui  présenta  alors  des  petits  enfants ,  afin  qu'il  leur  imposât  les 

mains,  et  qu'il  priât  pour  eux;  et  comme  ses  disciples  les  repoussaient  avec  des 

paroles  rudes ,  Jésus  leur  dit  :  Laissez  ces  petits  enfants ,  et  ne  les  empêchez 

pas  de  venir  à  moi,  car  le  royaume  du  ciel  est  pour  ceux  qui  leur  ressemblent, 

■  Et  leur  ayant  imposé  les  mains,  il  partit  de  là. 

S.  Chrys.  {su?'  s.  Matth.)  Notre-Seigneur  venait  de  parler  de  la 
chasteté  ;  quelques-uns  de  ceux  qui  l'avaient  écouté  lui  présentèrent 
des  enfants  d'une  grande  pureté ,  car  ils  pensaient  que  le  Sauveur 
n'avait  relevé  le  mérite  que  de  la  pureté  du  corps  :  «  On  lui  présenta 
alors  des  enfants,  »  etc.  —  Orig.  Ils  savaient  par  l'expérience  de  ses 
miracles  que  l'imposition  seule  de  ses  mains,  jointe  à  la  prière,  suffi- 
sait pour  repousser  tout  accident  funeste  ;  ils  lui  présentent  donc  des 
enfants,  dans  la  pensée,  qu'après  que  le  Seigneur  leur  aurait  commu- 
niqué, en  les  touchant,  une  vertu  toute  divine,  ils  seraient  à  l'abri  de 
tout  malheur,  et  des  attaques  du  démon  (1).  —  Rémi.  C'était  une  cou- 
tume chez  les  anciens  de  présenter  les  petits  enfants  aux  vieillards, 
pour  que  ces  derniers  pussent  les  bénir  de  la  main  ou  par  leurs  pa- 

(1)  Allusion  au  Ps.  xc,  vers.  6  que   l'Eglise,   dans   l'office   du  premier  dimanche  de  carême, 
traduit  ainsi  :  u  De  la  ruine  du  démon  du  midi,  »  d'après  le  mot  grec  <jU|j.7tTM|i.aT0Ç. 


daemoniacae  tentationis  est.  Cum  his  au- 
tem  quee  dicta  sunt ,  neque  concupis- 
ceutia  maasuetior  ita  fit,  sed  molestior  : 
aliunde  enim  liabet  foutes  sperma  quod 
in  nobis  est  ;  et  praecipue  a  proposito 
inconliiienti,  et  mente  uegliiiente  :  et  si 
ipsa  sobria  fuerit ,  naturalium  motuum 
nullum  est  nocumentum,  nec  ista  abs- 
cissio  meuibri  comprimit  teutationes,  et 
trauquillitatem  facit,  ut  cogitationis  frœ- 
num. 

Tune  oblati  sunt  ei  parvuli,  ut  manus  eis  impo- 
neret  et  oraret  :  discipuU  autem  increpahant 
eos.  Jésus  vero  ait  eis  :  Sinite  parvulos,  et 
nolite  eos  prohibere  ad  me  venire  :  talium  est 
enim  regnutn  cœlorum.  Et  cum  imposuisset  eis 
manu/t,  abiit  inde. 

Chrys.  {sîiper  Matth.  in  opère   im- 


per f.  ut  sup.)  Dominus  de  castitate  ser- 
monem  fecerat  :  audientes  autem  qui- 
dam obtulerunt  ei  infantes  castitate  mun- 
dissimos  :  putabant  enim  quia  Dominus 
corpore  mundos  tantum  laudaret  :  et 
boc  est  quod  dicitur  :  «  Tune  oblati  sunt 
ei  parvuli,  »  etc.  Orig.  (ïit  sup.)  Jam 
euiui  ex  prœcedeutibus  virtutibus  ejus 
expert!  erant  quoniam  per  impositionem 
manuum  ejus,  et  orationem,  repelluntur 
mala  ;  offeruut  ergo  ei  pueros,  considé- 
rantes quoniam  impossibile  est  ut  post- 
quani  per  tactum  Dominus  dederit  eis 
divinam  virtutem,  ruina  aut  daemonium 
aliquod  taugere  eos  possit.  Remig.  Con- 
suetudo  etiam  fuit  apud  veteres  ut  par- 
vuli offerrentur  senioribus ,  quatenus 
eorum  manu  vel  ore  benedicerentur   : 


522 


EXPLICATION  DE   L  EVANGILE 


rôles,  et  c'est  en  vertu  de  cet  usage  que  ces  petits  enfants  sont  pré- 
sentés au  Seigneur. 

S.  Chrys.  (sur  S.  Matth.)  L'homme  charnel,  qui  ne  peut  se  réjouir 
dans  le  bien,  l'oublie  facilement ,  tandis  qu'il  ne  perd  jamais  le  sou- 
venir du  mal  qu'il  a  entendu.  Jésus  venait  à  peine  de  prendre  un  en- 
fant et  de  dire  :  «  Si  vous  ne  devenez  comme  cet  enfant ,  vous  n'en- 
trerez pas  dans  le  royaume  descicux,  »  et  voilà  qu'aussitôt  les  disciples, 
oubliant  l'innocence  de  cet  âge,  éloignaient  les  enfants  du  Sauveur 
comme  indignes  de  s'approcher  de  lui.  «Et  comme  ses  disciples  les  re- 
poussaient, »  etc.  — S.  Jér.  Ce  n'est  pas  qu'ils  voulussent  s'opposer  à  ce 
(jue  Jésus  les  bénît  de  la  main  et  de  la  voix  ,  mais  n'ayant  pas  encore 
une  foi  très-grande,  ils  s'imaginaient  qu'en  cela,  semblable  aux  autres 
hommes ,  le  Sauveur  était  fatigué  de  l'importunité  de  ceux  qui  lui 
présentaient  ces  enfants. —  S.  Chrys.  {hom.  62.)  Ou  bien  encore,  les 
disciples  repoussaient  les  enfants  par  égard  pour  la  dignité  de  Jésus- 
Christ  ;  mais  le  Seigneur,  voulant  les  former  à  l'humilité  et  leur  ap- 
prendre à  fouler  aux  pieds  les  prétentions  de  l'orgueil  humain,  prend 
ces  petits  enfants,  les  tient  dans  ses  bras  ,  et  promet  le  royaume  des 
cieux  à  ceux  qui  leur  ressemblent.  «  Et  Jésus  leur  dit  :  Laissez  les  en- 
fants, et  ne  les  empêchez  pas,  »  etc.  —  S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.)  Qui 
mériterait,  en  effet,  d'approcher  de  Jésus  si  ou  éloigne  de  lui  la  sim- 
plicité de  l'enfance?  Aussi  ajoute-t-il  :  «Et  ne  les  empêchez  pas,»  etc.; 
car,  s'ils  doivent  être  un  jour  des  saints  ,  pourquoi  défendre  aux  fils 
d'approcher  de  leur  père  ;  et  s'ils  doivent  devenir  pécheurs  ,  pourquoi 
prononcer  la  sentence  de  condamnation  avant  d'avoir  vu  leurs  fautes. 
—  S.  JÉR.  C'est  avec  dessein  qu'il  dit  :  «  C'est  à  ceux  qui  leur  res- 
semblent qu'appartient  le  royaume  des  cieux,  »  et  non  pas  «  à 


et  juxtahanc  consuetudinem  parvuli  ob- 
lati  sunt  Domino. 

Chrys.  {super  Matth.  in  opère  ini- 
perf.  ut  sup.)  Caro  aulem  quia  non  de- 
lectatur  in  boiio,  facile  obliviscitiir  bo- 
num;  malum  autem  quod  audierit,  reti* 
net  semper.  Aute  niodicum  autem  tem- 
pus  Cbrislus  accipiens  puerum,  dixit  : 
«  Nisi  factl  fueritis  sicut  parvulus  iste, 
non  intrabitis  in  refinum  cœlorum  :  » 
et  ecce  statiui  obliti  discipuli  puerilis  in- 
nocenti*,  vetabant  pueros  ad  Chrisluni 
quasi  indiiïuos  accedere.  llnde  sequitur  : 
«  Discipuli  autem  iucrepabant  eos.  » 
Hir.R.  Non  quia  nollont  eis  Salvatoris,  et 
manu,  et  voce  beuedici,  sed  quod  uon- 
(iiim  liabeute^  pleuissimam  fidem,  puta- 
rent  (!um  (in  similitudinem  aliorum  lio- 
luiuuui)    olfereutium  imporluuitato  las- 


sari.  Chrys.  (in  homil.  63  xit  sup.)  Vel 
discipuli  expellebant  pueros  causa  digni- 
tatis  Christi.  Dominus  autem  docens  eos 
moderata  sapere,  et  tumorem  concul- 
care  mundanum,  accepit  parvulos,  et  in 
ulnis  tenuit  eos;  et  talibus  reguimi  cœ- 
lorum promittit  :  unde  sequitur  :  «  Jésus 
autem  ait  eis*:  Sinite  parvulos,  et  nolite 
eos  probibere,  »  etc.  Chrys.  {super 
Matth.  in  opère  imperf.  ut  sup.)  Quis 
enim  mereatur  appropinquare  Christo, 
si  repellitur  ab  eo  simplex  infantia?  Ideo 
dixit  :  «  Et  nolite  probibere,  »  etc.  Nam 
si  sancti  futuri  sunt,  quid  vetatis  filios 
ad  patrem  venire  "?  Si  autem  peccatores 
futuri  sunt,  ut  quid  sententiam  coudem- 
natiouis  profertis  antequam  culpam  vi- 
dealis?  Hier.  Signanter  autem  dixit  : 
«  Talium  est  enim  reguum  cœlorum,  » 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XIX.  523 

ceux-ci  ;  »  il  veut  montrer  que  ce  n'est  pas  à  l'âge,  mais  à  la  pureté 
des  mœurs  qu'appartient  le  royaume  des  cieux ,  et  que  c'est  à  ceux 
qui  imitent  leur  innocence  ot  leur  simplicité  que  la  récompense  est 
promise. 

«  Et  lorsqu'il  leur  eut  imposé  les  mains,  »  etc.  —  S.  Chrys.  (sur 
S.  Matth.)  Ce  passage  de  l'Evangile  apprend  ù  tous  les  parents  qu'ils 
doivent  présenter  leurs  enfants  aux  prêtres  ;  car  ce  n'est  pas  le  prêtre 
qui  leur  impose  alors  les  mains,  c'est  Jésus-Christ,  au  nom  duquel  se 
fait  cette  imposition.  En  effet,  si  celui  qui  offre  à  Dieu  parla  prière  la 
nourriture  qu'il  va  prendre,  mange  cette  nourriture  ,  sanctifiée  par  la 
parole  de  Dieu  et  la  prière,  selon  la  doctrine  expresse  de  l'Apôtre  (l), 
coml)ien  plus  est-il  nécessaire  d'offrir  les  enfants  à  Dieu  pour  qu'il  les 
sanctifie.  La  raison  pour  laquelle  nous  bénissons  notre  nourriture 
avant  de  la  prendre,  c'est  que  le  monde  tout  entier  est  sous  l'empire 
de  l'esprit  malin  (l  Jean,  v,  49),  et  que,  par  conséquent,  toutes  les 
choses  corporelles  qui  forment  une  grande  partie  du  monde  créé  lui 
sont  soumises  ;  les  enfants  eux-mêmes,  lorsqu'ils  viennent  au  monde, 
sont  donc  également  sous  son  empire  quant  à  leur  corps. 

Orig.  Dans  le  sens  mystique ,  nous  appelons  enfants  ceux  qui  sont 
encore  charnels  en  Jésus-Christ ,  et  qui  ont  encore  besoin  de  lait, 
(l  Corinth. ,  m.)  Ceux  au  contraire ,  qui  professent  la  doctrine  du 
Verbe,  mais  qui  sont  encore  simples  et  nourris  d'un  enseignement 
approprié  à  la  faiblesse  du  jeune  âge,  sont  encore  novices,  ce  sont  eux 
qui  présentent  au  Sauveur  les  enfants  et  les  petits  ;  mais  ceux  qui  sont 
plus  parfaits,  c'est-à-dire  les  disciples  de  Jésus,  avant  de  connaître  les 

(l)  L'Apôtre  combat  ici  la  doctrine  de  ceux  qui  enseignaient  qu'il  fallait  s'abstenir  des  aliments 
que  Dieu  a  créés  pour  que  les  fidèles  s'en  nourrissent  avec  actions  de  grâces.  I  Tim.,  iv,  5. 


non  istorum,  ut  ostenderet,  non  aetatem 
regnare,  sed  mores,  et  his  qui  similem 
haberent  iunoceutiam  et  simplicitatem, 
praemium  repromitti. 

Sequitur  :  «  Et  cum  imposuisset  eis  ma- 
nus,  »  etc.  Chrys.  {sup.  Matth.  in  opère 
imper f.  ut  sxip.)  Praeseus  locus  instituit 
omnes  parentes,  ut  filios  sucs  sacerdoti- 
bus  ofl'eraut  :  non  enim  sacerdos  manus 
iniponit ,  sed  Christus,  in  cujus  uomine 
manas  imponilur  :  si  enim  quis  escas 
suas  per  orationem  offert  Deo,  sanctifi- 
catas  eas  manducat  (sanctifieatur  enim 
per  verbum  Dei ,  et  orationem ,  ut 
Apostolus  dicit),  quanto  magis  pueros 
offerri  Deo  et  sanctiiicari  necesse  est? 


Causa  autem  sanctificandarum  escarum 
haec  est,  quoniam  totus  mundus  in  ma- 
ligno  positus  est,  unde  res  corporales, 
quae  sunt  magna  pars  mundi,  in  maligno 
positae  sunt  :  consequenler  infantes , 
quando  nascuntur  et  ipsi  (quantum  ad 
carnem)  in  maligno  positi  sunt. 

Orig.  {ut  sup.)  Pueros  autem  mystice 
dicimus,  qui  iu  Christo  adhuc  carnales 
sunt,  et  lacté  opus  habentes.  (I  Cor.  3.) 
Qui  autem  profitentnr  verbi  doctrinam, 
simpliciores  quidem  et  quasi  puerilem 
sermonem  habentes  qui  uutriuntur,  ad- 
huc novitii  sunt,  qui  offeruut  Salvatori 
pueros  et  in  infantes  ;  qui  autem  viden- 
tur  esse  perfectiores,  et  ideo  sunt  disci- 


524 


EXPLICATION  DE   L  EVANGILE 


dispositions  de  la  justice  divine  à  l'égard  des  enfants,  s'élèvent  contre 
ceux  qui ,  à  l'aide  d'une  doctrine  élémentaire ,  présentent  à  Jésus- 
Christ  les  enfants  et  les  petits  ,  c'est-à-dire  les  moins  instruits.  Or,  le 
Seigneur  veut  apprendre  à  ses  disciples  parvenus  à  la  maturité  de 
l'âge,  à  condescendre  à  la  faiblesse  des  enfants  et  aux  exigences  de 
leur  âge,  et  à  devenir  comme  des  enfants  pour  les  enfants,  afin  de  les 
gagner  à  Jésus-Christ,  et  il  leur  dit  :  «  Le  royaume  des  cieux  est  pour 
ceux  qui  leur  ressemblent,  car  lui-même,  qui  avait  la  nature  de  Dieu, 
a  daigné  se  faire  enfant».  (I  Philip.,  ii.)  Voilà  donc  ce  qu'il  nous  faut 
considérer  attentivement  afin  que  le  désir  d'une  sagesse  plus  excel- 
lente et  ù'uu  progrès  spirituel  plus  avancé  ne  nous  porte  à  mépriser 
les  petits  enfants  comme  si  nous  étions  au-dessus  d'eux,  et  à  les  em- 
pêcher de  s'approcher  de  Jésus.  Et  comme  les  enfants  ne  sont  pas  ca- 
pables de  suivre  tous  les  enseignements  de  Jésus  ,  il  leur  impose  les 
mains,  et  après  leur  avoir  communiqué  une  vertu  particulière  parce  di- 
vin attouchement,  il  les  laisse  comme  étant  encore  incapables  de  le 
suivre,  à  l'exemple  des  autres  disciples  plus  parfaits.  —  Rémi.  Il  bénit 
les  enfants  en  leur  imposant  les  mains ,  pour  signifier  que  les  humbles 
d'esprit  sont  dignes  de  sa  grâce  et  de  sa  bénédiction.  —  La  Glose  (1). 
Il  leur  imposa  aussi  les  mains  pour  marquer  que  la  grâce  du  secours 
divin  serait  départie  à  ceux  dont  la  pureté  égale  l'humilité. —  S.  Hil. 
{can.  \^sur  S.  Matth.)  Les  enfants  sont  encore  la  figure  des  Gentils 
qui  ont  retrouvé  le  salut  par  la  foi  et  par  ce  qu'ils  ont  entendu.  Ce- 
pendant les  disciples,  dans  le  désir  qu'ils  ont  de  sauver  d'abord  le 
peuple  d'Israël,  les  empêchent  d'approcher.  Le  Seigneur,  alors  ,  leur 
défend  de  les  éloigner  ;  car  le  don  du  Saint-Esprit  devait  être  accordé 

(1)  Cette  pensée  est  plus  complète  dans  saint  Anselme. 


puli  Jesu,  priusquaru  discant  rationem 
justitiai  de  pueris,  reprehendunt  eos  qui 
por  siniplicem  doctrinain  pueros  et  in- 
faiites  (id  est,  minus  adluic  eruditos) 
offerunt  Cliristo  :  Dominas  aulem  lior- 
tans  discipulos  suos,  jam  viros  consti- 
tutos  condesceudere  ulilitatibus  puero- 
rum,  ut  fiant  pueris,  quasi  pueri,  ut 
pueros  lucrentur,  dicit  :  «  Taiium  est 
enim  regnum  cœlorum  :  »  nam  et  ipse 
cum  in  forma  Dei  esset  (Philipp.  2), 
faclus  est  puer.  Hœrc  ergo  debemus  al- 
teudere,  ne  œstimalione  sapientia?  excel- 
lentioris,  et  profectus  spiriiualioris,  con- 
temnamus  quasi  magui  pusillos  Eccle- 
sia;,  proliibentes  pueros  veuire  ad  .le- 
sum.  Quouiam  aulcm  pueri  uou  omuia 


quae  dicuntur  sequi  possunt,  imposait 
eis  manus  Jésus  ;  et  virtutem  relinquens 
in  eis  per  tactum ,  abiit  ab  eis  quasi  non 
potentilnis  sequi  Christum  ,  sicut  caeteri 
diseipuli  ejus  perfecti.  Remig.  Manibus 
eliam  impositis  benedixit  pueris,  siguifi- 
cans  quod  humiles  spiritu  sunt  digni 
ejus  gratia  et  benediclione.  Glossa.  Im- 
posait etiam  eis  manus,  ut  veris  conti- 
nentibus  et  veris  humilibus  gratiam  sui 
auxilii  conferendam  siguiticaret.  Hilar. 
(Can.  19,  in  Matth.)  Infantes  etiam  gen- 
tium  forma  sunt,  quibus  per  lidem  et 
audituni  salus  reddilur  :  verum  ex  affectu 
primum  salvandi  Israël  a  discipulis  inhi- 
bentur  accedere,  quos  Dominus  ait  non 
uporlere  prohiberi  :  muuus  euim  Spiri- 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XIX.  525 

aux  Gentils  par  l'imposition  îles  mains  et  par  la  prière ,  après  l'aboli- 
tion  des  prescriptions  légales. 

f.  16-22,  —  Alors  un  jeune  homme  s'approcha ,  et  lui  dit  :  Bon  maître ,  quel 
bien  faut-il  que  je  fasse  pour  acquérir  la  vie  éternelle?  Jésus  lui  répondit: 
Pourquoi  m'interrogez-vous  sur  ce  qui  est  bon?  (1*)  il  n'y  a  que  Dieu  seul 
qui  soit  bon.  Que  si  vous  voulez  entrer  en  la  vie,  gardez  les  commandements. 
Quels  commandements?  lui  dit-il.  Jésus  lui  dit  :  Vous  ne  tuerez  point  ;  vous 
ne  commettrez  point  d'adultère  ;  vous  ne  déroberez  point  ;  vous  ne  direz  point 
de  faux  témoignage  ;  honorez  votre  père  et  votre  mère,  et  aimez  votre  prochain 
comme  vous-même.  Ce  jeune  homme  lui  répondit  :  J'ai  gardé  tous  ces  com- 
mandements dès  ma  jeunesse;  que  me  manque-t-il  encore?  Jésus  lui  dit  :  Si 
vous  voulez  être  parfait,  allez,  voidez  ce  que  vous  avez  et  le  donnez  aux 
pauvres,  et  vous  aurez  un  trésor  dans  le  ciel;  puis  venez,  et  me  suivez.  Ce 
jeune  homme,  entendant  ces  paroles,  s'en  alla  tout  triste,  parce  qu'il  avait  de 
grands  biens. 

Hab.  Ce  jeune  homme  avait  peut-être  entendu  dire  à  Notre-Seigneur 
que  ceux-là  seuls  étaient  dignes  d'entrer  dans  le  royaume  des  cieux, 
qui  s'appliquent  à  devenir  semblables  aux  petits  enfants ,  mais  il  veut 
en  être  plus  certain,  il  demande  donc  qu'on  lui  explique ,  non  point 
en  paraboles^  mais  (>n  termes  clairs,  par  quels  moyens  on  peut  mériter 
la  vie  éternelle  :  «  Alors  un  jeune  homme  s'approcha,  et  lui  dit  :  Bon 
maître,  quel  bien  faut-il  que  je  fasse,  »  etc.  —  S.  Jér.  Celui  qui  fait 
cette  question  est  un  jeune  homme  riche  et  plein  de  lui-même,  il  in- 
terroge, non  par  le  désir  d'apprendre,  mais  pour  tenter  le  Seigneur, 

(!')  Le  texte  grec  porte  :  «  Pourquoi  m'appelez-vous  bon?»  Tî  jAS  XÉyîi;  àyaOov;  une  autre 
variante  suivie  parla  traduction  latine  :  «  Pourquoi  m'interrogez-vous  sur  le  bien  ?  i>  Tt  jxe  ÉpwTâ; 
7T£pl  àyaOoO.  Griesbach  et  Lachmaun  adoptent  la  première,  Auguste  Hahnn  suit  la  seconde 
saint  Augustin  donne  plus  bas  l'explication  de  ces  variantes  qui  se  trouvent  aussi  entre  saint 
Mattliicu,  saint  Marc  et  saint  Luc. 


tus  Sauc.ti  per  impositionem  manus  et 
precationem  (cessante  legis  opère)  erat 
geutibus  largiendum. 

El  ecce  unus  accédons,  ait  illi  :  Magister  boue, 
quid  boni  faciam,  ut  habeam  vitam  œternam? 
Qui  dixit  ei  :  Quid  me  interrogas  de  bono  ? 
Unus  est  bonus,  Deus.  Si  auiem  vis  ad  vitam 
inyredi,  serva  mandata.  Dicit  illi:  Quœ  ?  Jésus 
autem  dixit  :  Non  homicidium  faciès,  non 
adulterabis,  non  faciès  furtum,  non  falsum 
lestimonium  dices  ;  honora  patrem  tuum  et 
matrem  tuam;  et  diliges  proximum  tuum  sicut 
teipsum.  Dicit  illi  adolescens  :  Omnia  hœc  cus- 
todivi  njuventute  mea  ;  quid  adhuc  mihi  deest  ? 
Ait  illi  Jésus  :  Si  vis  perfectus  esse,  vade, 
et  vende  omnia  quœ  habes,  et  da  pauperibus  ; 
et  habebis  thesaurum  in  cœlo;  et  veni,  sequere 


me.  Cum  audisset  autem  adolescens  verbum, 
ahiit  tristis  :  erat  enim  habens  multas  posses- 
siones. 

Raba.  Audierat  forsau  liomo  iste  a  Do- 
mino, tantum  eos  qui  volant  parviilis  si- 
miles  esse,  dignos  introitu  regni  coeles- 
tis  :  et  ideo  certior  cupiens  esse,  non 
per  parabùlas,  sed  aperte  postulat  ex- 
poni,  quibus  meritis  vitam  aeternaui  con-  . 
sequi  possit  :  et  ideo  dicitur  :  «  Et 
ecce  unus  accedeus,  ait  illi  :  .Magister 
bone,  quid  boni  faciam,  »  etc.  Hier. 
Iste  qui  iuterrogat,  et  adolescens,  et  di- 
ves  erat,  et  superbus;  et  non  voto  dis- 
centis,  sed  teutautis,  iuterrogat  :  quod 
ex  eo  probare  possumus,  quod,  dicente 


5^6 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


et  la  preuve,  c'est  qu'après  que  Jésus  lui  eut  répondu  :  «  Si  vous  vou- 
lez entrer  dans  la  vie ,  gardez  les  commandements  ,  »  il  demande  de 
nouveau  artificieusement,  quels  sont  ces  commandements,  comme  s'il 
ne  les  avait  pas  lus  bien  des  fois,  ou  comme  si  le  Sauveur  pouvait  lui 
commander  des  choses  contraires  aux  préceptes  divins.  —  S.  Ciirys. 
(Jiom.  63.)  Je  n'hésite  pas  à  dire  (jue  ce  jeune  homme  était  esclave  de 
l'avarice  et  de  l'amour  des  richesses  ,  puisque  le  Seigneur  lui-même 
lui  a  reproché  ce  vice  ;  mais  je  ne  puis  le  regarder  en  aucune  façon 
comme  un  hypocrite,  parce  qu'il  est  dangereux  de  juger  en  matière 
incertaine,  surtout  lorsqu'il  s'agit  d'accuser.  En  effet ,  saint  Marc  dé- 
truit entièrement  ce  soupçon  ,  car  il  rapporte  que  cet  homme  accou- 
rut, et  se  mit  à  genoux  devant  Jésus  pour  lui  faire  cette  question, 
et  que  Jésus,  l'ayant  regardé,  conçut  pour  lui  de  l'afifection.  Or,  s'il 
était  venu  pour  le  tenter,  l'Evangéliste  nous  l'aurait  fait  remarquer, 
comme  il  le  fait  ordinairement  pour  les  autres ,  et  en  supposant  qu'il 
eût  gardé  le  silen(>e  sur  ce  point ,  le  Sauveur  n'aurait  pas  permis  que 
son  hypocrisie  demeurât  cachée ,  mais  il  lui  en  aurait  fait  des  re- 
proches publics,  ou  il  l'en  aurait  repris  en  secret ,  ce  qu'il  ne  fait  en 
aucune  façon,  car  voici  la  suite  du  récit  :  «  Et  il  lui  dit  :  Pourquoi 
m'appelez-vous  bon?  » 

S.  AuG.  [de  l'accord  des  évang.,  ii,  63.)  Il  y  a,  ce  semble,  une  diffé- 
rence assez  grande  entre  ce  que  dit  ici  saint  Matthieu  :  «  Pourquoi 
me  demandez -vous  le  bien  que  vous  devez  faire  ?»  et  celles  que  rap- 
portent saint  Marc  et  saint  Luc  :  «  Pourquoi  m'appclez-vous  bon  ?  » 
La  première  variante  :  «  Pourquoi  me  demandez-vous  le  bien  que  vous 
devez  faire  ?  »  se  rapporte  plus  directement  à  cette  question  :  «  Quel 
bien  faut-il  que  je  fasse  ?  »  Car  ce  jeune  homme  y  parle  expressément 
du  bien,  et  en  fait  l'objet  même  de  sa  question  ,  tandis  qu'en  disant  : 


sibi  Domino  :  «  Si  vis  ad  vilain  ingredi, 
serva  mandata,  »  rursum  fraudulenter 
interrogat,  qua;  sint  illa  mandata  :  quasi 
non  et  ipse  legerit,  aut  Doniinus  possil 
Deo  jubere  contraria.  Cuuys.  {in  Itumd. 
64,  in  Matth.)  Ego  autem  uvaruvi  qui- 
dom  eum,  et  pecvniarntn  umalorem, 
ne(iiiaquani  recnso  dicere  (quia  et  Ciiris- 
lus  talem  eum  esse  redarguit)  simiiUifo- 
rem  autem  nequa(iuam,  quia  non  est  se- 
curuni  de  incertis  judicare,  et  maxime 
accnsando.  Marcus  autem  banc  suspi- 
ciunem  destruit  :  dii^it  enim  (cap.  10) 
quod  accurrens  et  gcnutlectens  rogabat 
eum  ;  et  quouiam  iuspiciens  eum  Jésus 
amavit  eum  :  si  etiam  tentans  accessis- 
set,  demonstrasset   uobis  hoc  Evange- 


lista,  sicut  in  aliis  facit;  si  autem  et  ipse 
siluisset,  Cbristus  eum  non  pennisisset 
latere,  sed  redarguisset  manifeste,  aut 
occulte  iusinuasset  :  hoc  autem  non  fa- 
cit  :  sequitur  enim  :  «  Qui  dicit  ei  : 
Quid  me  interrogas  de  bono  ?  » 

Al:g.  {de  Con.  EcangAlh.  il,  cap.  63.) 
Potest  autem  vidcri  distare  aUquid  quod 
hic  secuudiuu  IMattba'um  dicitur  :  «  Quid 
me  interrogas  de  bouo  ?  »  secuudum 
abos  autem  :  «  Quid  me  dicis  bonum  ?  » 
{Marc.  10,  et  Luc.  18.)  Nam,  «  quid  me 
interrogas  de  bono  '?  »  ad  iUud  magis 
referri  potest,  ijuod  ait  ille  (luœrens  : 
«Quid  boni  faciam  ?  »  Ibi  enim  et  bo- 
ntim  nominavil,  et  interrogalio  est  :  Ma- 
gister  autem  bone,  uoudum  est  iuterro- 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   XIX. 


yil 


«  Bon  maître,  »  il  n'interroge  pas  encore.  On  peut  donc  admettre  par- 
faitement que  Notre-Seigueur  lui  a  rt^pondu  par  ces  deux  questions  : 
«  Pourquoi  m'appelez-vous  bon,  et  pourcjuoi  m'interrogez-vous  sur  le 
bien  que  vous  devez  faire  ?»  —  S.  Jér.  Gomme  ce  jeune  homme 
l'avait  appelé  bon  maitre,  mais  sans  reconnaître  qu'il  était  Dieu  ou  le 
Fils  de  Dieu,  Jésus  lui  répond  qu'aucun  homme ,  quelque  saint  qu'il 
soit,  n'est  bon  en  comparaison  de  Dieu ,  dont  il  est  dit  :  «  Louez  le 
Seigneur,  parce  qu'il  est  bon  (1).  »  Et  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  : 
«  Il  n'y  a  que  Dieu  seul  qui  soit  bon.  »  Mais  que  personne  ne  pense 
que  ces  paroles  :  «  Il  n'y  a  que  Dieu  seul  qui  soit  bon ,  »  ne  com  - 
prennent  pas  le  Fils  de  Dieu  dans  cette  bonté  qui  est  l'attribut  de  la 
divinité  ;  car  nous  lisons  dans  un  autre  passage  :  «  Le  bon  Pasteur 
donne  sa  vie  pour  ses  brebis.  »  —  S.  Aug.  {de  la  Trinit.,  i,  13.)  Ou 
bien  dans  un  autre  sens  ,  ce  jeune  homme  cherchait  la  vie  éternelle, 
qui  consiste  dans  la  contemplation  de  Dieu ,  dont  la  claire  vision  est 
une  cause  non  de  peine,  mais  de  joie  éternelle.  Or,  il  ne  comprenait  pas 
quel  était  celui  avec  lequel  il  parlait, et  le  regardaitseulement comme 
Fils  de  l'homme.  Le  Sauveur  lui  répond  donc  :  «  Pourquoi  me  de- 
mandez-vous le  bien  qu'il  faut  faire,  et  m'appelez-vous  bon  maître  en 
ne  consultant  que  ce  qui  frappe  vos  yeux?  »  Cette  forme  du  Fils  de 
l'homme  apparaîtra  au  jour  du  jugement ,  non-seulement  aux  yeux 
des  justes,  mais  des  impies ,  et  cette  vue  sera  pour  eux  un  supplice, 
parce  qu'elle  leur  sera  imposée  comme  châtiment.  Mais  il  est  une 
autre  vision  de  cette  nature  par  laquelle  je  suis  égal  à  Dieu,  et  c'est 
ce  Dieu  un  dans  sa  nature.  Père,  Fils  et  Saint-Esprit  qui  est  seul  bon, 
parce  que  sa  vue  n'est  pour  personne  un  sujet  de  deuil  et  de  gémis- 
sement, mais  une  source  de  salut  et  de  joie  véritable.  —  S.  Jér.  Le 

(1)  Ps.  cv,  I  ;  cvr,  1  ;  cxvii,  1  ;  cxxxv,  1  ;  l  Parai.,  xvi,  3-4;  v,  13  ;  Daniel,  m,  S9. 


gatio  :  commodissimc  ergo  intelligitur 
utrniiKinn  dictuni  :  «  Quid  me  dicis  bo- 
luiu),  et  iiiterrogas  me  de  bono?  »  Hier. 
Quia  vero  inagislrum  vocaverat  bonum, 
et  non  Dcum  vel  Dei  /ilium  coufessus 
erat,  dixit  qucmvis  sauctuDi  hominem 
comparationc  Dei  non  esse  bonum,  de 
quo  dicilur  :  «  Confitemini  Domino,  quo- 
niani  bonus  :  »  el  ideo  dicit  :  «  Unus  est 
bonus  Deus.  »  Ne  quis  autem  putet,  in 
eo  quod  bonvs  Deus  dicitur,  excludi  a 
bonitate  Filium  Dei,  legimus  in  alio  loco 
{Joan.  40)  :  «  Pastor  bonus  ponit  ani- 
mam  suampro  ovibus  suis.  »  Auc.  {\(le 
Trinit.  cap.  13.)  Vel  quia  ille  vilani  *ter- 
nam  qugerebat,  vita  aulem  Beterna  est  in 


illa  contemplalionc,  qua  non  ad  pnenam 
videtnr  Deus,  sed  ad  gaudium  sempiter- 
num;  et  non  iutelligebat  cum  quo  lo- 
quebalur  (quoniani  tanlummodo  euni 
Filium  Iioini nis  arhllriiiuv),  ideo  dicit  : 
«  Quid  me  intcrrogas  de  bono,  et  vocas 
me,  secundum  qiiod  vides  magistrum 
bonum  ?  Ihçc  forma  Filii  hominis  appa- 
rebit  in  jiidicio,  non  tantum  justis,  sed 
et  impiis  ;  et  ipsa  visio  malum  eis  eril  : 
quia  pœnalis  erit  :  est  autem  visio  for- 
mœ  meœ,  in  qua  œqualis  sum  Deo  :  ille 
ergo  uinis  Deus,  Pater,  Filius  et  Spiritus 
sanctns,  ipse  est  solus  bonus  ;  quia  nemo 
videt  cum  ad  luctum  et  planctum,  sed 
tantum  ad  salutem  et  Iteliliam  verani.  » 


538 


EXPLICATION   DE  L  EVANGILE 


Sauveur  ne  refuse  pas  de  recevoir  ce  témoignage  rendu  à  sa  bonté; 
il  repousse  simplement  l'erreur  qu'il  était  maître  sans  être  Dieu. — 
S.  Chrys.  {Iiom.  G3.)  Mais  quelle  utilité  à  lui  répoudre  de  la  sorte? 
C'était  pour  le  ramener  peu  à  peu  ,  lui  apprendre  à  se  dépouiller  de 
l'esprit  de  flatterie  et  de  l'amour  des  biens  de  la  terre,  et  lui  persuader 
de  s'attacher  à  Dieu^  de  chercher  les  biens  futurs ,  et  de  s'appliquer 
à  la  connaissance  de  celui  qui  est  véritablement  bon,  la  racine  et  la 
source  de  tous  les  biens. 

Orig.  {traité^wi  sur  S.  Matlh.)  Jésus-Christ,  en  s'cxprimaut  de  la 
sorte,  répond  encore  à  la  question  que  lui  faisait  ce  jeune  homme  : 
Quel  bien  faut-il  que  je  fasse,  »  etc.  En  effet,  lorsque  nous  nous  éloi- 
gnons du  mal,  et  que  nous  faisons  le  bien  ,  on  appelle  bien  ce  que 
nous  faisons  relativement  à  ce  que  font  les  autres  hommes,  mais  con- 
sidéré dans  la  vérité  et  d'après  ces  paroles  :  «  Il  n'y  a  que  Dieu  seul 
qui  soit  bon,  »  le  bien  que  nous  faisons  ne  peut  être  appelé  bien.  On 
peut  encore  dire  que  le  Seigneur,  sachant  que  l'intention  de  celui  qui 
l'interrogeait  n'était  pas  de  pratiquer  le  bien  même  tout  naturel,  lui 
répond  :  «  Pourquoi  me  demandez- vous  quel  bien  vous  devez  faire?  » 
c'est-à-dire  :  «  Pourquoi  me  questionner  sur  le  bien,  alors  que  vous 
n'êtes  pas  disposé  à  le  pratiquer  ?  »  11  ajoute  ensuite  :  «  Si  vous  vou- 
lez entrer  dans  la  vie,  »  etc.  Remarquez  (ju'il  parle  à  cejeune  homme 
comme  s'il  était  hors  de  la  vie  :  «  Si  vous  voulez  entrer  dans  la  vie,  » 
car  dans  un  sens  véritable  l'homme,  qui  vit  éloigné  de  celui  qui  a  dit  : 
«  Je  suis  la  vie  »  {Jean,  xi  et  xiv),  est  en  dehors  de  la  vie.  D'ailleurs 
tout  homme  sur  la  terre ,  est  seulement  dans  l'ombre  de  la  vie,  en- 
touré qu'il  est  d'un  corps  périssable  et  mortel.  Or  ,  il  entrera  dans  la 


Hier.  Salvator  eliam  nosler  bonitatis  tes- 
timonium  non  renuit,  sed  magistri  abs- 
que  Deo  exclusit  crrorem.  Chrys.  {in 
hom.  G2  ut  svp.)  Qnœ  autein  iililitas  est 
ut  ita  responderet  ■?  Reducit  coim  eum 
paulatiui,  et  erudit  liberari  ab  omni  adu- 
latit)ne,  et  ab  liis  quae  sunt  super  terram 
eum  abduceus,  Deo  adhœrere  suadet,  et 
fiilura  (jutcrere,  et  nosse  eum  qui  vere 
est  bonus,  et  radix  et  fous  universoruni 
bonorum. 

Orig.  {tract.  8  in  Matth.)  Respondet 
etiainsicChristuspropter  eum  qui  dixit: 
«  Oiiid  boni  faciam,  »  etc.  Quaudo  euim 
declinaïuus  a  malo  et  lacimus  bonum, 
(|u:uiliuu  ad  comparatiouem  cœterorum 
lioininum,  dicitur  bonvm  quod  laci- 
mus ;  (luanlum  aulem  ad  veritateui , 
secuudum  quod  hic  dicitur  :  «  Uuus  et 


bonus,  »  bonum  nostrum  non  est  bo- 
num. Dicere  autem  potest  quis,  quouiam 
scieus  Dominus  propositum  interrogan- 
tis  non  esse  ut  faciat  vel  humanum  bo- 
num, dixit  :  «  Quid  me  interrogas  de 
bono  ?  ))  Ac  si  dicat  :  «  Cum  sis  impa- 
ratus  ad  ea  qua3  dicuutur,  cur  me  iuter- 
rogas  de  bono  ?  »  Post  hoc  autem 
dixit  :  «  Si  vis  ad  vitam ,  »  etc.  Ubi 
considéra  (juoniam  adbuc  quasi  extra 
vitam  constituto  respondit  :  «  Si  vis  ad 
vitam  ingredi,  »  secuudum  enim  unum 
moduui  bomo  est  extra  vitam  ,  qui  est 
extra  eiim  (jui  dixit  {Joan.,  14  et  14)  : 
«  Ego  sum  vila  ;  »  alias  autem  oumis  qui 
super  terram  est  («juamvis  justissimiis) 
potest  quidem  in  umbra  esse  vilvc-,  cum 
sit  (orpore  morlis  circumdatus.  Introibil 
autem  quis  in  vitam ,  abstinens  se  ab 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.   XIX.  529 

vie  en  s'abstenant  des  œuvres  mortes,  et  en  désirant  les  œuvres  de  la 
vie.  Il  y  a  aussi  des  paroles  de  mort  et  des  paroles  de  vie,  des  pensées 
de  mort  et  des  pensées  de  vie,  etc.;  c'est  pour  cela  que  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ  dit  à  ce  jeune  homme  :  «  Si  vous  voulez  entrer  dans  la 
vie.  »  —  S.  AuG.  {se?'?n.  17  sur  les  par.  du  Seig.)  Il  ne  lui  dit  pas  :  si 
vous  voulez  arriver  à  la  vie  éternelle ,  mais  •  «  Si  vous  voulez  entrer 
dans  la  vie,  »  établissant  ainsi  que  la  seule  et  véritable  vie  est  la  vie 
éternelle.  Considérons  ici  combien  cette  vie  éternelle  est  digne  de  nos 
afifeclions,  alors  que  nous  aimons  tant  cette  misérable  vie  qui  doit 
sitôt  finir. 

Rémi.  Ces  paroles  sont  une  preuve  <|ue  la  loi  promettait  à  ceux  qui 
l'accomplissaient,  non-seulement  les  biens  temporels,  mais  encore  la 
vie  éternelle ,  et,  comme  ce  jeune  homme  l'avait  entendu  dire  ,  il  de- 
vient attentif  et  demande  :  «  Quels  sont  ces  commandements?  »  — 
S.  CiiRYS.  {hom.  63.)  Il  fait  cette  question  sans  intention  de  tenter  le 
Seigneur ,  mais  parce  qu'il  pensait  qu'en  dehors  des  préceptes  de  la 
loi,  il  en  était  d'autres  qui  seraient  pour  lui  un  principe  de  vie. 

Rémi.  Jésus  use  à  son  égard  d'une  grande  condescendance  comme 
avec  un  malade,  et  lui  expose  avec  douceur  les  préceptes  de  la  loi  : 
Jésus  lui  dit  :  «  Vous  ne  commettrez  pas  d'homicide,  »  etc.  L'exposi- 
tion abrégée  de  ces  préceptes  se  trouve  dans  la  proposition  suivante  : 
«  Et  vous  aimerez  votre  prochain  comme  vous-même  ,  »  ainsi  que  le 
dit  l'Apôtre  :  «  Celui  qui  aime  le  prochain  a  accompli  la  loi.  » 
(ï  Rom.,  XVI.)  Si  l'on  examine  pourquoi  Notre-Seigneur  ne  rappelle 
ici  que  les  préceptes  de  la  seconde  table,  on  reconnaîtra  que  c'est,  sans 
doute,  parce  que  ce  jeune  homme  s'appliquait  à  développer  en  lui 
l'amour  de  Dieu,  ou  bien,  parce  que  l'amour  du  prochain  est  un  de- 


operibus  mortuis  ;  appetens  autem  opéra 
viva.  Sunt  auteui  et  verba  viortiia,  et 
verba^'il;o  ;  et  cogitatioues  mortuœ,  et 
cogitationes  vivœ  :  et  ideo  dicit  :  «  Si  vis 
ad  vitam,  »  etc.  AuG.  {de  Verb.  J)om. 
serm.  17.)  Nec  etiam  dixit:  «  Si  vis  ve- 
uire  ad  vitam  cetemam^  »  sed  ,  «  si  vis 
ingredi  ad  vitam,  »  eam  diffiaiens  vitam, 
quîB  fuerit  œterna  vita.  Hic  ergo  cou- 
siderandum  est  quemadmodum  amaada 
sit  aeteraa  vita,  quaudo  sic  amatur  mi- 
sera ista,  et  quandoque  finienda  vita. 

Remig.  Demoustratur  autem  bis  verbis 
quia  lex  suis  impletoribus,  uou  solum 
bona  temporalia  dabat,  sed  et  vitam 
feternam  :  et  quia  Iioc  audierat,  sollici- 
tus  factus  iuterrogavit:  uade  sequitur  : 

TOM,  II. 


«  Dicit  illi:  Quae?  »  Curys.  {in  honiil. 
6i  H<s?<;j.) Hoc  autem  uou  tentans  dixit: 
sed  œstimaus  alia  quaedam  prœcepta  esse 
praeter  legalia,  quœ  vitœ  causa  fièrent  ei. 
Remig.  Jésus  vero  quasi  iutirmo  con- 
desceudeus,  clementissime  legis  prae- 
cepta  exposuit:  uude  sequitur:  «  Jésus 
autem  dixit  :  Non  bomicidium  faciès,  » 
etc.  Quorum  prœceptorum  expositio  est 
sequens  sententia,  qua  dicitur  :  «  Et  di- 
liges  proximum  tuum  sicut  teipsum.  » 
Eteuim  Apostoius  dicit  {Rom.  16)  :  «  Qui 
diligit  proximum,  legem  implevit.  » 
Quaerendum  est  autem  quare  Dominus 
tantum  secundo  tabulae  prœcepta  com- 
memoravit  ;  idcirco  scilicet,  quia  forte 
iste  studiosus  erat  in  dilectione  Dei  ;  sive 

34 


530 


EXPLICATION  DE  L  liVANGILK 


gré  pour  s'élever  à  l'amour  de  Dieu.  —  OiUG.  Ou  bien  peut-être,  ces 
préceptes  suffisent  pour  qu'on  puisse  entrer  dans  ce  que  j'appellerai 
le  commencement  de  la  vie,  mais  ils  ne  suffisent  pas ,  non  plus  que 
d'autres  semblables  pour  nous  introduire  dans  la  partie  la  plus  intime 
de  la  vie.  Or,  celui  qui  aura  transgressé  un  de  ces  commandements, 
n'entrera  même  pas  dans  le  commencement  de  la  vie. 

S.  Chrys.  {hom.  G3.)  Après  que  le  Sauveur  eut  rappelé  les  pré- 
ceptes qui  se  trouvent  dans  la  loi,  ce  jeune  homme  lui  dit  :  «J'ai 
observé  tous  ces  commandements  dès  ma  jeunesse;  »  et  il  ne  s'arrête 
pas  là,  mais  il  interroge  de  nouveau  le  Sauveur  :  «  Que  me  manque-t-il 
encore?  m  question  qui  est  une  preuve  du  vif  désir  dont  il  était  animé. 
—  Rémi.  Notre-Seigneur  enseigne  à  ceux  qui  veulent  devenir  par- 
faits dans  la  grâce ,  comment  ils  peuvent  arriver  à  la  perfection  : 
Jésus  lui  dit  :  Si  vous  voulez  être  parfait ,  allez  ,  vendez  tout  ce  que 
vous  avez.  »  Faites  attention  à  ces  paroles  ;  il  ne  dit  pas  :  «  Allez, 
mangez  tout  ce  que  vous  avez,  »  mais  :  «  Allez  et  vendez.  »  Et  il  ne 
dit  pas  seulement  :  «  Vendez  une  partie  de  vos  biens ,  »  comme  firent 
Ananie  et  Sapliire  (I),  mais  :  «  Vendez  tout,  »  et  il  ajoute  avec 
dessein  :  «  Tout  ce  que  vous  avez.  »  Or_,  nous  avons  les  choses  que 
nous  possédons  justement  ;  ce  sont  ces  choses  que  nous  devons  vendre, 
quant  à  celles  que  nous  possédons  injustement,  nous  devons  les  rendre 
à  ceux  à  qui  nous  les  avons  enlevées.  Il  ne  dit  pas  enfin  :  «  Donnez-en 
le  prix  à  vos  parents  ou  aux  riches  qui  pourraient  vous  rendre  en 
échange  des  biens  semblables,  »  mais  :  «  Donnez-en  le  prix  aux 
pauvres.  »  —  S.Aug.  {du  trav.  des  moines^  chap.  25.)  Il  ne  faut  pas, 

(1)  Anauie  el  Saphire  ue  sont  pas,  toutefois  ,  repris  par  saint  Pierre  pour  n'avoir  pas  vendu 
tous  leurs  biens,  mais  pour  n'en  avoir  pas  apporté  le  prix  tout  entier  aux  pieds  des  Apôtres,  et 
pour  en  avoir  réservé  une  partie. 


quia  dilectio  proximi  gradus  est  asceii- 
deiidi  ad  dilectionem  Dei.  Orig.  {tract. 
8,  in  Matth.)  Forsitau  avitem  ista  prai- 
cepta  sufiiciunt  ut  in  priucipiuiu  (ut  ita 
dicam)  vitte  iugrediatur  quis;  uou  autem 
suf'ficiunt  hoec  (vel  alia  siniilia  istis)  ad 
iuteriora  vita;  introducere  queniquain. 
Qui  auteui  pra;terievit  uuum  isloruui 
maudatoFum  nec  iu  principiuin  vita; 
iutrabit. 

Chrys.  (in  Iiomil.  Gi  ut  svp.)  Quia 
ergo  Domiuus  ea  prsecepta  cuuiinouio- 
raveral  (juai  eraut  in  loge,  ideo  soijui- 
tur:  «  DiciL  illi  adolescous  :  Hctc  omuia 
servavi  a  juventute  uiea  ;  »  ot  uoquo 
hic  sletit,  sed  rursus  iuterrogat  : 
«  Quid  adiuic.  niiiù  dt-osl?  wQuod  ipsuui 
siifuuiii  est  velieiucuLis  desiderii.  Remig. 


mis  autem  qui  iu  gratia  perfecti  esse 
voluut  ,  osteudit  qualiter  ad  perfec- 
tiouem  veuire  possunt  :  uude  sequi- 
tur  :  «  Ait  illi  Jésus  :  Si  vis  perfec- 
tus  esse,  vade,  et  vende  omuia  quai 
babes,  »  etc.  Notauda  sunt  ista  verba  : 
nou  ait  :  «  Vade,  et  mauduca  omnia  qua; 
babes ;  »  sed,  «  vade,  et  vende  ;  »  et 
non  ait  :  Aliqua,  sicut  Auanias  et  Sap- 
jibira  {Act.  5),  sed,  omnia  :  et  pulclire 
sul)jungit  :  «  Quœ  babes  :  »  illa  enitu 
babemus,  quœ  juste  possidemus  ;  illa 
ergo  quai  juste  possideutur,  vendeuda 
simt  :  qua>,  vero  injuste,  sunt  eroganda 
illis  quibus  fueraut  ablata  :  nec  ait  :  «  Da 
proxiuiis  aul  divitibus,  a  ({uibus  accipies 
siniilia,  »  sed,  «  da  pauperibus.  »  Ai:(;. 
(de  Opc}\  MitiHich.  f,i|t.  :2j,)  Nec  atlen- 


DE   SAINT   MATTllIELI,    CIIAI'.    XIX. 


)31 


d'ailleurs,  se  préoccuper  dans  quels  monastères ,  ou  dans  quel  endroit 
on  distribuera  ce  qu'on  possède  à  ses  frètes  indigents,  car  tous  les 
chrétiens  ne  forment  qu'une  seule  sociétc'-.  Toutes  les  fois  donc,  qu'un 
chrétien  distribue  aux  pauvres,  n'importe  dans  quel  endroit,  les  choses 
nécessaires  à  la  vie,  ou  bien  toutes  les  fois  qu'il  reçoit  n'im[»orte  de 
quelles  mains  ce  qui  lui  est  nécessaire,  il  reçoit  de  ce  qui  appartient 
à  Jésus-Christ. 

Rab.  Voici  deux  sortes  de  vies  que  le  Sauveur  propose  aux  hommes  : 
la  vie  active,  à  laquelle  se  rapporte  ce  précepte  :  «  Vous  ne  tuerez 
pas,  »  et  tous  les  autres  préceptes  de  la  loi  ;  et  la  vie  contemplative  que 
Notre-Seigneur  a  en  vue  dans  ces  paroles  :  «  Si  vous  voulez  être  par- 
fait, »  etc.  La  vie  active  appartient  à  la  loi  ancienne,  et  la  vie  con- 
templative à  l'Evangile;  car  de  même  que  l'Ancien  Testament  a  pré- 
cédé le  Nouveau,  ainsi  la  vie  pleine  de  bonnes  œuvres  doit  précéder 
la  contemplation.  —  S.  Aug.  {cont.  Faust,,  v,  9.)  Cependant,  il  n'y  a 
pas  que  ceux  qui,  pour  être  parfaits ,  vendent  ou  abandonnent  t(jus 
leurs  biens  qui  posséderont  le  royaume  des  cieux  ;  le  divin  commerce 
de  la  charité  unit  à  cette  partie  de  la  milice  chrétienne  uu  grand 
nombre  de  fidèles  qui  se  rendent  volontairement  tributaires  des  pauvres, 
et  à  qui  le  Sauveur  dira  au  dernier  jour  :  «  J'ai  eu  faim,  et  vous 
m'avez  donné  à  manger.  »  Loin  de  nous  la  pensée  qu'ils  doivent  un 
jour  être  privés  de  la  vie  éternelle  comme  étant  étrangers  aux  pré- 
ceptes de  l'Evangile. 

S.  Jér.  {cont.  Vigilance.)  Quant  à  ce  que  prétend  Vigilance,  qu'il 
est  mieux  de  jouir  de  ses  biens  et  d'en  distribuer  successivement  les 
fruits  aux  pauvres,  plutôt  que  de  vendre  ces  biens  et  de  leur  en  donner 
immédiatement  le  prix,  ce  n'est  pas  moi,  mais  Dieu  lui-même  qui  lui 


dendum  iu  quibus  monasteriisvel  iu  quo 
loco  iudigentibus  fratribus  hoc  quod  ha- 
Ijebal  aliquis  iiupenderit  :  omuium  enim 
Christianorum  una  respublica  est  :  et 
ideo  quisqujs  Christiauus  necessaria  ubi- 
libet  erogavit;  uudecuuque  etiam  ipse, 
quod  necessarium  est  sibi,  accipit,  de  eo 
quod  est  Christi,  accipit. 

Rab.  Ecce  duas  vitas  bouiindjus  pro- 
positas  :  «  activam,  »  ad  quam  pertinet  : 
«  Non  occides,  »  et  cœtera  legis  mandata; 
et  «  contemplativaui,  »  ad  quam  pertinet: 
«  Si  vis  perfectus  esse,  »  etc.  Activa  ad 
legem  pertinet,  coutemplativa  ad  Evau- 
gclium  ;  (pia  sicut  vêtus  novum  pra;- 
cessit  TL'stamentuui,  ila  boua  actio  prae- 
cedit    coutemplatiouem.    Alg.    (  cont. 


Faust,  lib.  5,  cap.  9.)  Nec  tanem  illi 
soli,  qui  (ut  sint  perfecti)  veudunt  val 
dimittunt  omuia  sua,  pertinent  ad  re- 
gnum  cœlorum  ;  sed  huic  miiiliae  chris- 
lianae  propter  quoddam  commercium 
charitatis  subjungitur  etiam  quîedam 
stipeudiaria  niultitudo,  cui  dicetur  iu 
fine  :  «  Esurivi,  et  dedistis  niihi  mandu- 
care  :  »  quos  absit  ut  (sicut  istos  a  man- 
datis  evangelicis  alienos)  a  vita  aeterna 
separandos  judicemus. 

Hier,  \contra  Vigilantium.)  Quod 
autem  Vigilantius  asserit  cos  melius  fa- 
cere  qui  utautur  rébus  suis,  et  paulatim 
fructus  possessionum  pauperibus  divi- 
dant,  quam  illos  qui  possessiouibus  ve- 
nundatis  semel  omnia  largianlur,  non  a 


532 


EXPLICATION  DE   L  EVANGILE 


répondra  :  a  Si  vous  voulez  être  parfait,  allez  et  vendez.  «[Cet  état  que 
vous  louez  n'est  que  le  deuxième  ou  le  troisième  degré,  nous  l'approu- 
vons nous  mêmes,  à  la  condition  de  ne  pas  oublier  que  le  premier  état 
est  préféraljle  au  second  et  au  troisième.  —  Genn.  [des  dogmes  de 
l'Eglise.^  chap.  71.)  (I).  C'est  une  chose  louable  de  distribuer  ses  biens 
aux  pauvres  avec  une  certaine  mesure,  mais  il  est  mieux  de  les  leur 
donner  tous  à  la  fois,  pour  accomplir  le  dessein  de  suivre  le  Sauveur,  et 
s'affranchir  de  tout  souci  en  partageant  la  pauvreté  de  Jésus-Christ. — 
S.  Chrys.  {hom.  63.)  Comme  il  était  ici  question  des  richesses  de  la 
terre,  et  que  Notre-Seigneur  exhortait  ce  jeune  homme  à  s'en  dé- 
pouiller, il  lui  montre  que  la  récompense  qu'il  accordera  sera  plus 
grande  que  ce  sacrilice,  et  le  surpassera  de  toute  la  distance  qui  sé- 
pare le  ciel  de  la  terre  :  «  Et  vous  aurez,  ajoute-t-il,  un  trésor  dans 
le  ciel;  »  car  un  trésor  annonce  la  richesse  et  la  durée  de  la  ré- 
compense. , 

Orig.  Si  tous  les  commandements  sont  renfermés  dans  cette  parole  : 
«  Vous  aimerez  le  prochain  comme  vous-même ,  »  et  si,  d'ailleurs, 
celui  qui  les  accomplit  tous  est  parfait,  comment  le  Seigneur,  enten- 
dant ce  jeune  homme  lui  dire  :  «  J'ai  gardé  tous  ces  commandements 
dès  ma  jeunesse,  »  lui  dit  comme  s'il  n'avait  pas  encore  atteint  la 
perfection:  «  Si  vous  voulez  être  parfait?  »  Peut-être  que  ces  pa- 
roles :  «  Vous  aimerez  le  prochain,  »  n'ont  pas  été  dites  par  le  Sei- 
gneur, mais  qu'elles  ont  été  ajoutées  par  quelque  copiste,  chose  d'au- 
tant plus  probable,  que  saint  Marc  et  saint  Luc ,  qui  rapportent  ce 
même  trait,  ne  font  aucune  mention  de  ces  paroles.  Voici  une  autre 
explication  :  Nous  lisons  dans  l'Evangile  selon  les  Hébreux,  qu'après 

(1)  Parmi  les  ouvrages  de  saint  Augustin,  t.  III. 

(2)  Voici  le  texte  même  d'Origène  :  »  Dans  un  certain  Evangile  intitulé  selon  les  Hébreux,  si 
toutefois  on  croit  pouvoir  le  recevoir,  non  comme  autorité,  mais  comme  éclaircissement.  " 


me  ei ,  sed  a  Deo  respoudebitur  :  «  Si 
vis  esse  perfectus,  vade  et  vende  :  »  iste 
quem  tu  laudas,  secundus  aut  tcrtius 
ijradus  est,  quem  et  nos  recipimus, 
dnmmodô  sciauius  prima  secundis  et 
terliis  prœferenda.  Gen.nad.  {de  Eccl. 
dofjm.  cap.  71.)  Bonum  est  enim  facul- 
tates  cum  dispeusatione  pauperibus  ero- 
gare  ;  melius  est  pro  intentioue  seqnendi 
Dominum  insimul  donare,  et  absobituni 
soUicitudiue  egere  cum  Christo.  Cunvs. 
(in  homil.  Gl  vt  sup.)  Et  quia  de  pecu- 
niis  erat  sermo  ,  a  quibus  denudari 
admouuit ,  ostendit  (piod  ampliora  liis 
retribuet,  quanto  terra  majus  cstcivluin: 
et  ideo  dicil  :  «  Kt  babebil  liie^auniin  iii 


in  cœlo  :  »  in  thesauro   enim  copia   et 
permanentia  retributionis  ostenditur. 

OiUG.  [ut  svp.)  Si  autem  omne  man- 
datum  in  hoc  verbo  impletur  :  «  Dibges 
proximumtuum  sicut  teipsum,  »  perfec- 
tus autem  est  qui  impleverit  omne  man- 
datum  ;  quomodo  Dominus  diceuti  ado- 
lescenti  :  «  Hsec  omnia  servavi  a  juveu- 
tute  mea,  »  quasi  noudum  perfecto  dicit  : 
«  Si  vis  perfectus  esse?  »  Forte  autem 
quod  ait  :  «  Diliges  proximum  tuum,  » 
non  a  Domino  positum  est,  sed  ab  ali- 
quo  additum  ;  qnia  nec  Marcus ,  nec 
Lucas  (luinc  locuni  exponeutes)  hoc  ad •■ 
(Udcrunt.  Vcl  aliter  :  scriptum  e.4  in 
Kvaiiixelio    secundum     llebra'os  .   (|uud 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XIX.  533 

que  le  Seigneur  eut  dit  ces  paroles  :  «  Allez  et  vendez  tout  ce  que  vous 
avez,  »  ce  jeune  homme  qui  ("tait  riche ,  se  gratta  la  tête  d'hésita- 
tion, et  ne  goûta  point  ce  langage.  Alors  le  Seigneur  lui  dit  : 
«  Comment  dites-vous  :  J'ai  accompli  tout  ce  qui  est  écrit  dans  la  loi 
et  dans  les  prophètes  ?  Il  est  écrit  dans  la  loi  :  Vous  aimerez  le  pro- 
chain comme  vous-même,  et  voilà  qu'un  grand  nombre  de  vos  frères 
sont  couverts  de  haillons  mal  propres,  mourants  de  faim ,  tandis  (jue 
votre  maison  regorge  de  richesses,  et  qu'il  n'en  sort  rien  absolument 
pour  subvenir  à  leur  détresse.  »  Le  Seigneur,  voulant  donc  convaincre 
et  éprouver  ce  riche,  lui  dit  :  «  Si  vous  voulez  être  parfait,  allez,  ven- 
dez tout  ce  que  vous  avez,  et  donnez-le  aux  pauvres,  c'est  alors  que 
l'on  verra  si  vous  aimez  le  prochain  comme  vous-même.  Mais  si  la 
perfection  consiste  dans  la  réunion  de  toutes  les  vertus,  comment 
suffit-il  pour  devenir  parfait  de  vendre  tout  ce  qu'on  possède,  et  de  le 
donner  aux  pauvres?  »  Supposons  un  homme  qui  ait  accompli  ce  gé- 
néreux sacrifice,  sera-t-il  aussitôt  sans  colère,  sans  concupiscence, 
orné  de  toutes  les  vertus ,  exempt  de  tous  les  vices  ?  Quelque  esprit 
sage  pourra  dire  que  celui  qui  a  donné  ses  biens  aux  pauvres  se  trouve 
aidé  de  leurs  prières,  et  qu'il  reçoit  de  leur  abondance  spirituelle  de 
quoi  subvenir  à  son  indigence  spirituelle,  et  que  c'est  ainsi  qu'il  de- 
vient parfait,  tout  en  conservant  quelques  passions  qui  tiennent  à  l'hu- 
manité. Ou  bien  encore,  celui  qui  a  pris  la  pauvreté  en  échange  de  la 
richesse  afin  de  devenir  parfait ,  en  vertu  de  sa  foi  aux  paroles  de  Jésus- 
Christ,  recevra  la  grâce  nécessaire  pour  devenir  sage  en  Jésus-Christ, 
juste,  chaste  et  sans  aucune  passion.  Ce  n'est  pas,  sans  doute^  qu'il  attein- 
dra le  comble  de  la  perfection  du  moment  où  il  aura  donné  ses  biens  aux 
pauvres,  mais,  dès  ce  jour,  la  méditation  des  choses  divines  lui  rendra 


cum  Dominus  dixisset  ei  :  «  Vade,  et 
vende  omnia  quai  habes,  »  cœpit  dives 
scalpere  cap  ut  suum,  et  non  placuit  ei. 
Et  dlxit  ad  eum  Dominus  :  «  Quomodo 
dicis:  Feci  legera  et  prophetas  ?  Quo- 
niam  scriptum  est  in  lege  :  Diliges 
proximum  tuuni  sicut  teipsum  :  et  ecce 
multi  fraires  tui  filii  Abrahte  amicti  sunt 
stercnrc,  morientes  praî  famé,  et  domus 
tua  plena  est  multis  bonis,  et  non  egre- 
(iitur  omnino  aliquid  ex  ea  ad  eos.  »  Vo- 
lens  ergo  Dominus  arguere  divitem  il- 
lum,  dicit:  «  Si  vis  perfectus  esse,  vado, 
vende  omnia,  da  fiauperibus  :  sic  enim 
apparebit  si  diligis  proximum  tuum  si- 
cnt  teipsum.  »  Sed  si  perfectus  est  qui 
babet  omnes  virlules,  quomodo  fit  per- 
fectus qui  vendit  omnia  sua,  et  paupe- 


ribus  dat  ?  Ponamus  enim  aliquem  boc 
fecisse,  quomodo  statim  erit  sine  ira, 
sine  concupiscentia,  et  suscipiens  omnes 
virtutes,  et  deponeus  malitiam  univer- 
sam?  Sapienti  ergo  videbitur  forsan  di- 
cere  ,  quoniam  qui  paupcribus  tradidit 
bona  sua,  ipsorum  oratiouil)us  adjuva- 
tur  ;  accipiens  ad  suam  spiritualem  iuo- 
piam,  illorum  spiritualem  abundantiam  ; 
et  fit  boc  modo  perfectus,  quauivis  ali- 
quas  bumaoas  babuerit  passiones.  Aut 
ita  :  iste  qui  mutavit  pro  divitiis  pauper- 
tatem,  ut  fiât  perfectus ,  credeus  sermo- 
nibus  Clirisli,  adjuvabitur  ut  sapiens  fiat 
iu  Cbristo,  justus  et  caslus,  et  absque 
omui  passione ,  non  tamen  sic,  ut  in 
ipso  tempore  quo  tradiderit  bona  sua 
paupcribus,  fiat  omnino  perfectus,  sed 


534 


EXPLICATION   DE  L  EVANGILE 


peu  à  peu  familières  toutes  les  vertus.  On  peut  encore  donner  une 
autre  interprétation  toute  morale,  en  disant  ({ue  les  biens  de  chaque 
fidèle  sont  ses  actes  (1).  Or,  dans  ce  sens,  Jésus-Christ  ordonne  de 
vendre  tous  les  biens  qui  sont  viciés  pour  quelque  cause  que  ce  soit, 
et  de  les  donner  à  ceux  qui  pourront  eu  tirer  profit,  et  qui  sont  pauvres 
de  tout  bien;  car  de  même  que  la  paix  que  souhaitent  les  Apôtres, 
revient  à  eux,  lorsqu'elle  ne  rencontre  pas  un  fils  de  la  paix  {Matth..,x.); 
ainsi  tous  les  péchés  reviennent  à  ceux  qui  les  ont  commis  lorsqu'il  ne 
se  trouve  personne  qui  puisse  en  l'aire  sortir  quelque  bien.  Dans  ce 
sens,  on  ne  peut  douter  que  celui  qui  a  vendu  de  la  sorte  tous  ses 
biens,  ne  soit  réellement  parfait.  Or,  il  est  évident  que  celui  qui  agit 
de  la  sorte,  a  un  trésor  dans  le  ciel ,  et  qu'il  est  devenu  lui-même  un 
homme  céleste.  Il  a,  en  effet,  dans  le  ciel  qui  lui  appartient,  le  trésor 
de  la  gloire  de  Dieu  et  les  richesses  inépuisables  de  la  sagesse  divine. 
Il  pourra  donc  suivre  Jésus-Christ,  puisqu'il  n'en  sera  détourné  par 
aucun  bien  possédé  injustement. 

S.  JÉR.  Il  en  est  beaucoup  qui  abandonnent  leurs  richesses  et  qui 
ne  suivent  pas  le  Seigneur.  Or,  cela  ne  suffit  pas  pour  parvenir  à  la 
perfection  ;  il  faut ,  après  avoir  professé  un  généreux  mépris  pour  les 
richesses,  se  mettre  à  la  suite  du  Sauveur;  en  d'autres  termes,  après 
qu'on  s'est  séparé  du  mal,  il  faut  encore  faire  le  bicn_,  pareequ'il  est  plus 
facile  de  faire  peu  de  cas  de  sa  bourse  que  de  sa  volonté.  C'est  pour- 
quoi Jésus  ajoute  :  «  Puis  venez,  et  suivez -moi  ;  »  car  c'est  suivre  le 
Seigneur  et  marcher  sur  ses  traces  que  de  l'imiter.  —  Suite.  «  Ce  jeune 
homme,  ayant  entendu  ces  paroles,  s'en  alla  tout  triste.  »  C'est  cette 

(1)  Origène  ne  dit  pas  d'une  manière  aussi  explicite  que  les  actes  de  l'âme  forment  ici-bas  sa 
richesse  ou  sa  propriété,  mais  seulement  après  la  mort^,  alors  qu'il  ne  reste  aux  bons  que  leurs 
bonnes  œuvres,  et  aux  mauvais  que  leurs  mauvaises  actions. 


ex  illo  die  incipiet  speculatio  Dci  fiJdu- 
ccre  eum  ad  omnes  virtules.  Aliter  au- 
tem  ad  expositioncm  moralem  transibit, 
dicens,  sulistautiam  esse  unius  cuju^quc 
animse  actus  ejus.  Imperat  er^o  Ghris- 
lus  vendere  ômnem  substautiam  malam, 
et  quasi  traderc  cam  virtulibus  operau- 
tibus  eam,  qum  ab  omiii  bono  pauperes 
sunt:  sicut  eiiim  pax  apostoloruiu  re- 
vertitur  ad  ipsos,  nisi  fuerit  lilius  pacis 
{Matth.  dO),  sic  universa  peccata  rcver- 
luntiir  ad  auctores  eoruui ,  cnui  non 
fuerit  quis  utens  malis  oornra  ;  et  sic 
neque  dubitatio  crit  quin  statiiu  erit  por- 
fectus  qui  sic  vendidit  omuos  proprias 
facultat.i;s.  i\Iauifostuni  est  autem  ijuod 
qui  talia  agit,  habet  lliesaunuu  in  cœlo. 


et  ipse  factus  cœlestis  :  iu  suo  eniui  cœlo 
habebit  thesaurum  ploriaî  Dei ,  et  divi- 
tias  iu  omni  sapieutia  Dci.  Talis  autem 
poterit  sequi  Christum,  quia  non  distra- 
liitur  ab  aliqua  niala  possessione ,  quo 
miuus  Christum  sequatur. 

Hier.  IMulli  etiam  divitias  reliuquentes, 
Dominum  non  sequuntur;  uec  hoc  ad 
perfectionem  sufficit,  uisi  post  contcm- 
ptas  divitias  Salvatorcm  sequanlur  ;  iil 
est  relictis  malis  faciant  bona  :  facilius 
enim  sacculus  coutemnitur,  quam  vo- 
luutas  :  et  ideo  sequitur  :  «  Et  veui,  se- 
ipiere  me.  »  Sequitur  enim  Don\inum 
qui  imitator  est  ejus.  et  per  vestiiiia  il- 
lius  iïraditur.  Sequitur  :  «  Cum  audisset 
autem  adolesccns  vorba  Iki'c  .  abiit  tris- 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAI'.    XIX.  o35 

tristosso  qui  conduit  à  la  mort,  et  l'Evangélistc  nous  en  fait  connaîtr(} 
la  cause  :  «  Car  il  avait  de  grands  biens,»  c'est-à-dire  des  épines  et  des 
ronces  qui  (Houflërent  la  semence  que  le  Seigneur  avait  jetée  dans 
son  cœur.  —  S.  Ciirys.  {lioni.  03.)  Ceux  qui  ont  peu  de  liieiis  et  ceux 
(|ui  en  possèdent  en  abondance  n'en  sont  pas  également  esclaves,  car 
l'accroissement  (l*)  des  richesses  ,  en  rend  le  désir  plus  ardent  et  la 
cupidité  plus  vive.  —  S.  Auf;.  {Lettre  à  Paulin  et  à  Thérèse^  34.) 
Je  ne  sais  pas  comment  il  arrive,  lorsqu'on  aime  les  biens  superflus 
de  la  terre ,  que  ceux  qu'on  possède  enchaînent  plus  étroitement  que 
ceux  qu'on  désire;  car,  pourquoi  ce  jeune  homme  s'en  alla-t-il  tout 
triste,  si  ce  n'est  parce  qu'il  avait  de  grands  biens?  Il  est  bien  diffé- 
rent ,  en  effet ,  de  vouloir  s'incorporer ,  pour  ainsi  dire ,  les  biens  que 
l'on  n'a  pas,  ou  de  se  séparer  de  ces  biens,  lorsqu'ils  font,  pour  ainsi 
dire,  partie  de  notre  corps;  car,  d'un  côté,  on  les  rejette  comme  quel- 
quelque  chose  d'étranger  ;  de  l'autre ,  on  ne  s'en  sépare  que  comme 
des  membres  qu'il  faut  retrancher.  —  Orig.  D'après  le  récit  évangé- 
lique ,  ce  jeune  homme  est  digne  d'éloges  pour  n'avoir  commis  ni 
meurtre,  ni  adultère,  mais  il  est  lilàmable  de  s'être  attristé  des  paroles 
de  Jésus-Christ,  qui  l'appelait  à  la  perfection.  Il  était  jeune  encore 
dans  son  âme^  et  c'est  pour  cela  qu'il  abandonna  le  Sauveur  et  s'en 
alla. 


y.  23-26.  —  Et  Jésus  dit  à  ses  disciples  :  Je  vous  dis  en  vérité  qii'wi  riche 
entrera  difficilement  dans  le  royaume  des  deux.  Je  vous  le  dis  encore  une 
fois  :  Il  est  plus  aisé  qu'un  chameau  passe  par  le  trou  d'une  aiguille,  qu'il  ne 
l'est  qu'un  riche  entre  dans  le  royaume  des  deux.  Ses  disciples,  entendant 
ces  paroles,   en  furent  fort  étonnés;  et  ils  disaient  :  Qui  pourra  donc  être 

(I*)  Dans  toutes  les  éditions  de  la  Chaîne  d'or  on  lit  abjectio  dimtiarum,  ce  qui  n'a  ici  aucun 
sens  pour  accessio  divitiarum  d'après  le  texte  grec  ■rrpoffô'ifixii  è7tEtî7tovTwv. 


tis.»  Hœc  est  tristitia  quae  ducit  ad  mor- 
lem  :  causaque  Iristitiœ  redditur  :  «  Erat 
enim  liabens  multas  possessiones,  »  id 
oii,  spinas  et  tribulos,  quae  sementem 
domiuicam  suffocaverimt.  Curys.  {in 
liom.  03  ulsup.)  Non  enim  simililer  de- 
liueutur  qui  pauca  liabent,  et  qui  multis 
aijuudaiit;  quoniam  accessio  divitiarum 
niajorem  acccudit  Hammam,  et  violen- 
tior  fit  cupido.  AuG.  {in  Epistola  ad 
Paulinutn  et  Theresiam,  Epist.  34.)  Nes- 
cio  auîeni  quomodo  cum  superllna  ter- 
rena  diliguntur,  arctius  adepta  quam 
concupita  constriuguut  :  uam  unde  ju- 
veuis  isle  tristis  discessit,  nisi  quia  mag- 
nas habel)al  divilias  ?  Alind  est  euim  nolle 
incoriiorarc  quai  desunt,  aliiul  jam  in- 


corporata  divellere  :  illa  enim  velut  ex- 
tranea  repudiantur,  ista  velut  membra 
prœcidunlur.  Orig.  {iit  sup.)  Secundum 
historiam  autem  iste  adolcscens  lauda- 
bilis  quidem  est,  quia  non  oecidit,  non 
adulteratus  est;  vituperabilis  autem, 
quia  contristatus  est  in  vcrbis  Christi  vo- 
cantibus  e\im  ad  perfectionem  :  adoles- 
cens  quippe  erat  secundum  animam,  et 
propterea  relinquens  Christum  abiit. 

Jésus  autem  dixit  discipulis  suis:  Amen  dico  vo- 
bis,  quia  diues  difficile  intrabit  in  regnum  cœ- 
lorum.  Et  itcrum  dico  vobis,  facilius  est  ca- 
melum  per  for  amen  acus  transire,  quam.  divi- 
tem  intrare  in  regnum  cœlorum.  Auditis  autem 
his,  discipuli  mirabantur  valdc  dicentes  :  Quis 
ergo  poterit  salvus   esse  ?  Aspiciens   autem 


536  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

sauvé?  Jésus,  les  regardant,  leur  dit  :  Cela  est  imposuble  aux  hommes,  mais 
tout  est  possible  à  Dieu. 

La  Glose  (1).  Notre-Seigneur  prend  occasion  de  cet  avare,  dont  il 
vient  d'être  question,  pour  parler  de  tous  ceux  qui  sont  esclaves  de 
l'avarice  :  a  Et  Jésus  dit  à  ses  disciples  :  Je  vous  le  dis  en  vérité,  »  etc. 
S.  CiiRYs.  {ho)n.  63.)  Ce  ne  sont  point  les  richesses  qu'il  accuse  ici, 
mais  ceux  qui  s'en  rendent  esclaves ,  et  il  enseigne  en  même  temps  à 
ses  disciples,  qui  étaient  pauvres,  à  ne  pas  rougir  de  leur  pauvreté. 

—  S.  HiL.  [can.  10.)  Ce  n'est  point  un  crime  d'avoir  des  richesses, 
mais  il  faut  les  posséder  avec  modération  ;  en  effet ,  comment  pourra- 
t-on  soulager  les  nécessités  des  saints  {Rom.,  xii),  si  l'on  ne  garde  pas 
de  quoi  venir  à  leur  secours?  —  Rab.  Mais  il  y  a  une  grande  diffé- 
rence entre  posséder  les  richesses  et  aimer  les  richesses  ;  or ,  le  plus 
sûr  est  de  ne  pas  les  avoir  et  de  ne  pas  les  aimer.  —  Rémi.  Aussi  le 
Seigneur,  expliquant  lui-même,  dans  saint  Marc,  le  sens  de  ce  pas- 
sage déclare  «  qu'il  est  difficile  à  ceux  qui  mettent  leur  confiance 
dans  les  richesses ,  d'entrer  dans  le  royaume  des  cieux.  »  Ils  mettent 
leur  confiance  dans  leurs  richesses  en  y  plaçant  toutes  leurs  espérances. 

—  S.  JÉR.  Gomme  il  est  difficile  de  mépriser  et  de  sacrifier  les  ri- 
chesses qu'on  possède,  Notre-Seigneur  ne  dit  pas  qu'il  est  impossible, 
mais  qu'il  est  difficile  à  un  riche  d'entrer  dans  le  royaume  des  cieux  , 
la  difficulté  n'emporte  pas  l'impossibilité ,  mais  indique  seulement  la 
rareté  du  fait.  —  S.  Hil.  {can.  19.)  C'est  une  chose  pleine  de  dangers 
que  de  vouloir  s'enrichir  ,  et  l'innocence  qui  cherche  à  accroître  ses 
richesses,  se  charge  d'un  lourd  fardeau.  Dans  le  service  de  Dieu  (2), 

(1)  Dans  saint  Anselme. 

f2)  Dans  presque  tous  les  exemplaires  de  saint  Hilairc,  on  lit  famulatus  Dei ,  le  service  de 
Dieu  ;  ne  serait-il  pas  plus  rationnel  de  lire  fmnulus  Dei,  le  serviteur  de  Dieu  ? 


Jésus,  dixit  illis  :  Apud  homines  hoc  impossi- 
bile  est;  apud  Deum  autem  omnia  possibilin 
sunt. 

Glossa.  Occasione  hujusavari,  de  quo 
prsedictum  est,  habuit  sermouem  Domi- 
nus  de  avaro  :  unde  sequitur  :  «  Jésus 
aulem  dixit  discipulis  suis  :  Amen 
dico,  »  etc.  Cfjrys.  {in  tiom.  04  ut  sup.) 
Quod  quidem  dixit,  non  pecuniisquidem 
detrahens,  sed  eis  qui  detineulur  ah  ip- 
sis  ;  et  discipulos  pauperes  existentes 
monens  non  verecundari  ob  inopiani. 
HiLAR.  {Can.  19  ut  sttp.)  Ilabere  enini  di- 
vilias  crimen  non  est,  sed  raodus  in  ha- 
hendo  relinendus  est  :  nam  quoniodo 
coninumicandumost  neccssilalibus  sanc- 
toruui,  si  connnunirandi  niateria  luin 
relinquitur  ?  Raua.  Sed  intcr  «  pecuuias 


habere,  et  pecunias  amare,  »  nonnulla 
distantia  est  :  tutius  autem  est  nec  ha- 
bere, nec  amare  divitias.  Remig.  Unde 
Dominus  in  Marco  exponens  hujus  loci 
sensum,  dixit  {Marc.  10)  :  «  Difticile  est 
conlidentihus  in  divitiis  iutrare  in  reg- 
num  cœlorum  :  »  illi  enim  in  divitiis 
coniiduut,  qui  omnem  suam  spem  in  di- 
vitiis collocant.  Hier.  Quia  vero  divitioe 
hahitœ  difticile  coutemuuntur,  non  dixit 
quod  «  impossihile  est  divitem  intrare 
in  repnum  cœlorum,  »  sed  difficile  ;  ulii 
difficile  ponitur,  non  impossihihtas  pra?- 
tenditur,  sed  raritas  demonslratur.  Hi- 
LAR.  {Can.  10  lit  Slip.)  Periculosa  enim 
cura  est  velle  ditescerc,  et  pravc  omis 
innocentia  subit  incrementis  opum  occu- 
pala  :  rem  enim  seculi  famulatus  Dei  non 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XIX.  537 

on  ne  peut  acquérir  les  biens  du  monde  ,  sans  s'exposer  à  contracter 
les  vices  du  monde,  et  c'est  ce  qui  rend  difficile  aux  riches  l'entrée  du 
royaume  des  cieux. 

S.  Chrys.  {hom.  63.)  Après  avoir  déclaré  qu'il  était  difficile  à  un 
riche  d'entrer  dans  le  royaume  des  cieux  ,  Notre-Seigncur  entreprend 
de  prouver  que  cette  difficulté  va  même  jusqu'à  l'impossibilité  :  «  Je 
vous  le  dis  encore  une  fois,  il  est  plus  aisé  à  un  chameau  de  passer 
par  le  trou  d'une  aiguille,  qu'à  un  riche  d'entrer  dans  le  royaume  des 
cieux  (1).  »  —  S.  Jér.  D'après  ces  paroles  ,  personne  ,  ce  semble,  ne 
pourra  être  sauvé.  Mais  si  nous  lisons  dans  le  prophète  [saïe(chap.  xxv), 
comment  les  chameaux  de  Madian  et  d'Epha  se  rendent  à  Jérusalem 
chargés  de  dons  et  de  présents,  et  comment  ceux  qui  étaient  courbés 
et  contournés  sous  le  poids  des  vices ,  entrent  par  la  porte  de  cette 
cité,  nous  comprendrons  comment  ces  chameaux  ,  qui  sont  la  figure 
des  riches,  pourront  entrer  par  la  voie  étroite  et  resserrée  qui  conduit 
à  la  vie,  après  s'être  déchargés  du  poids  si  lourd  de  leurs  péchés  et  de 
toute  la  dépravation  des  sens.  —  S.  Ciirys.  {sur  S.  Matth.)  Les  âmes 
des  païens  sont  comparées  ici  à  des  chameaux  mal  conformés  ,  et  qui 
sont  courbés  sous  la  bosse  de  l'idolâtrie ,  car  c'est  la  connaissance  de 
Dieu  qui  relève  les  âmes.  L'aiguille,  c'est  le  Fils  de  Dieu,  dont  la  pre^ 
mière  partie,  celle  qui  représente  sa  divinité,  est  d'une  finesse  extrême, 
tandis  que  l'autre  partie ,   qui  figure  son  humanité ,  est  beaucoup 

(1)  Faire  passer  un  éléphant  par  le  trou  d'une  aiguille  était  chez  les  Juifs  une  expression  pro- 
verbiale, pour  exprimer  une  chose  impossible.  Mais  cette  image  devait  d'ailleurs  se  présenter 
d'autant  plus  facilement  ici,  que  Jésus  et  ses  disciples  se  trouvaient  sur  la  grande  route  que  pre- 
naient les  caravanes  pour  aller  en  Arabie,    et  que  traversent  continuellement  des  chameaux 

chargés  de  marchandises —  Les  paroles  de  Notre-Seigneur  renferment  encore  un  autre  sens 

plus  large  et  plus  profond,  qui  nous  est  aussi  indiqué  par  la  tradition.  Nous  lisons  en  effet  dans 
les  livres  du  rabbin  :  a  Ouvrez-moi ,  dit  Dieu  le  Seigneur,  ouvrez-moi  la  porte  du  repentir  pas 
plus  large  seulement  que  le  trou  d'une  aiguille,  et  je  vous  ouvrirai  les  portes  de  la  miséricorde  si 
larges,  que  vous  pourrez  y  entrer  sur  un  char  attelé  de  quatre  chevaux."  (Midrasch  sehir  haschi' 
rim,  in  cap.  v  cantic.)  Mais  les  siens  ne  l'o  nt  pas  reçu ,  et  les  enfants  des  hommes  n'ont  point 
fait  pénitence  ;  c'est  pour  cela  que  la  porte  du  ciel  est  devenue  étroite  comme  le  chas  d'uno 
aiguille.  {Hist.  de  N.-S.  J.-C,  par  le  docteur  Sepp.) 


sine  seculi  vitiiâ  assequetur:hinc  difficile 
est  divitem  regaiim  cœloruui  adiré. 

Chrys.  (in  hom.  31  ut  sup.)  Quia  vero 
dixerat  difficile  divitem  intrare  in  res- 
nuui,  procedit'id  osteudendum  quod  est 
intpossibile:  unde  sequitur  :  «  Et  iteruni 
dico  vobis,  facilins  est  camelum  per  fora- 
inen  acns  transire  quam  divitem  intrare 
in  repniim  ccelorum.  »  Hier.  Seciiudum 
hoc  nuUus  divitum  salvus  erit.  Sed  si 
leganuis  Isaiam  (cap.  30),  quomodo  ca- 
meli  Madian  et  Epha  veniant  ad  lliero- 
solymam  cnm  donis  atque  muncribus,  et 
qui  quondam  curvi  eraut  et    vitiorum 


gravitate  distorti ,  ingrediantur  portas 
Hierusalem,  videbimus  quomodo  et  isti 
cameli,  quibus  divites  comparantur,  cum 
deposuerunt  gravent  sarciuam  peccato- 
rum  ettotius  cor[)oris  pravilatem,  intrare 
possunt  por  angustam  et  arcfam  viam 
([uo!  ducit  ad  vilam. Chrys.  [snp.  Maltli. 
in  opère  imper f.nt  sup.)  Gentium  etiam 
aniniin  assimilatœ  simt  tortuosis  camelis , 
in  quibus  eratgibbusidololatria^;quouiam 
cognitio  Dei  erectio  est  animaruni.  Acus 
autem  est  Filins  Dei,  cujus  prima  pars 
subtilis  est  secuudum  Divinilatem,  alia 
vero  groosior  secuudum  iucarualionem 


538 


EXPLICATION    DE  L  EVANGILE 


moins  aiguisée.  Or,  cette  aiguille,  dans  toute  sa  longueur,  est  droite, 
et  ne  présente  aucune  déviation,  et  c'est  par  la  blessure  qu'elle  a  faite 
dans  la  passion,  (|ue  les  Gentils  sont  entrés  dans  la  vie  éternelle.  C'est 
cette  aiguille  qui  a  cousu  la  tunique  de  l'immortalité  ;  c'est  cette 
aiguille  qui  a  cousu  et  uni  la  chair  à  l'esprit ,  c'est  elle  qui  a  uni  le 
peuple  juif  au  peuple  des  Gentils  ;  c'est  elle_,  enfm  ,  qui  a  établi  des 
liens  étroits  entre  les  anges  et  les  hommes.  Il  est  donc  plus  facile  aux 
Gentils  de  passer  par  le  trou  de  l'aiguille,  qu'aux  Juifs  qui  se  croient 
riches,  d'entrer  dans  le  royaume  des  cieux  ;  car  si  l'on  ne  peut  arra- 
cher les  Gentils  qu'avec  peine  au  culte  insensé  des  idoles ,  combien 
sera-t-il  plus  difficile  de  détacher  les  Juifs  des  cérémonies  du  culte 
du  vrai  Dieu,  cén'-imonies  si  conformes  à  la  raison.  —  La  Glose  (1).  On 
donne  encore  cette  autre  explication ,  qu'il  y  avait  à  Jérusalem  une 
porte  qu'on  appelait  le  trou  de  l'aiguille,  et  par  laquelle  un  chameau 
ne  pouvait  passer  qu'après  avoir  déposé  son  fardeau  et  plié  les  ge- 
noux. C'était  le  symbole  de  cette  vérité ,  que  les  riches  ne  peuvent 
entrer  dans  la  voie  étroite  qui  conduit  à  la  vie ,  qu'après  s'être  dé- 
chargés des  souillures  de  leurs  péchés  et  de  leurs  richesses,  en  cessant, 
du  moins,  de  les  aimer.  —  S.  Grég.  [Moral.,  xxxv,  11.)  Ou  bien,  sous 
le  nom  de  riches,  Notre-Seigneur  veut  que  nous  entendions  tout  homme 
orgueilleux ,  et  sous  celui  de  chameau,  ses  humiliations  personnelles. 
Le  chameau  passe  par  le  trou  de  l'aiguille  ,  lorque  notre  Rédempteur 
a  pénétré  jusqu'à  la  mort  par  la  porte  étroite  et  resserrée  de  ses  souf- 
frances, souffrances  qui  ont  été  pour  lui  comme  une  aiguille,  parce 
qu'elles  ont  transpercé  son  corps  de  douleur.  Or,  le  chameau  passe 
par  le  trou  d'une  aiguille,  plus  facilement  que  le  riche  n'entre  dans  le 
royaume  des  cieux ,  parce  que  si  Jésus  n'avait  commencé  par  nous 

(1)  Saint  Anselme. 


ejus  :  tota  autcm  recta  est,  et  nullam 
habct  dcflexionem,  per  cujus  vulnus  pas- 
sionis,  gentes  ingrcssa)  sunt  iu  vitam 
.■Btornam  :  hac  acu  consuta  est  inimorta- 
lilatis  tunica  :  ipsa  est  acus  quae  spiritui 
cniisuit  carnem  :  hrec  acus  judaicum 
populnm  junxit  et  gentium  :  liœc  acus 
amicitiaui  aûgelorum  et  hominum  copu- 
lavit.  Facilius  est  crfïo  Gcntiles  transire 
per  foramen  acus,  <iuain  divites  .Tad:fos 
intrare  iu  regnum  cœloruni  :  si  euini 
pentes  cum  tauto  labore  divellunlur  ab 
irralionabilibusidolorum  cultnris,  quanti  > 
niau;is  .ludaM  divellnntnr  a  rationabilibus 
l)ei  cnlturis?  Glossa.  Aliter  dicilur,  (piia 
IliorDsolyinis  quaHlam  porta  erat,  qna; 
foramen  (ini.s  dic^'lialiir,  pi^r  quani   ca- 


melus  (nisi  deposito  onere  et  flexis  ge- 
nihus)  transire  non  poterat,  per  quod 
siiinificatur  divites  non  posse  transire 
viam  arctam  (juœ  ducit  ad  vitani,  nisi 
surdibus  peccatorum  et  divitiis  depositis, 
salteni  non  amando.  Greg.  (XXXV  Mo- 
ral, cap.  11.)  Vel  nomine  divitis  queui- 
libet  elatum,  cameli  appellatione  pro- 
priam  condesceusionem  signiticat.  Ca- 
nielus  autem  per  foramen  acus  transit, 
cuui  Rcdeniptor  noster  usque  ad  susccp- 
tiouem  mortis  per  angustias  passionis 
iiilravit;  quœ  passiovelut  acus  extitit, 
quia  ilùlore  corpus  pupuiiit.  Facilius  au- 
t(Mn  cauiclus  foramen  acus  quani  divos 
regnum  cœlorum  iu;,'reilitur,  quia  nisi 
i[ise  lu'ius  ]ici'  passiouem  suam  formam 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.   XIX.  îî39 

donner  l'exemple  de  l'humilité  dans  sa  passion,  jamais  notre  or- 
gueilleuse raideur  n'aurait  voulu  s'abaisser  jusqu'à  son  humi- 
lité. 

S.  Chrys.  {hom.  G3.)  Ces  paroles  jettent  le  trouble  dans  l'àme  des 
Apôtres  (jui,  cependant,  menaient  une  vie  pauvre  ;  mais  ils  sont  in- 
quiets pour  le  salut  des  autres ,  et  ont  déjà  les  entrailles  paternelles 
qui  conviennent  aux  docteurs  et  aux  maîtres  des  nations.  îls  lui  disent 
donc  :  «  Qui  pourra  être  sauvé  ?»  —  S.  Aug.  [Qucst.  évayir/.,  i,  2G.) 
Comme  le  nombre  des  riches  est  peu  considérable  en  comparaison  de 
la  multitude  des  pauvres ,  nous  devons  comprendre  <iue  les  disciples 
mettaient  au  nombre  des  riches  tous  ceux  qui  désirent  les  richesses. 
—  S.  Chrys.  {hom.  63.)  Notre- Seigneur  montre  ensuite  que  c'est  là 
l'reuvre  de  Dieu,  et  qu'il  faut  à  l'homme  une  grâce  signalée  pour  se  bien 
diriger  au  milieu  des  richesses  (1).  Aussi  l'Evangéliste  ajoute  :  «  Or, 
Jésus,  les  regardant,  leur  dit  :  Cela  est  impossible  aux  hommes, 
mais  tout  est  possible  à  Dieu.  »  Il  nous  fait  remarquer  que  Jésus  re- 
garde ses  disciples  pour  signifier  que  par  ce  regard  plein  de  bonté,  il 
veut  enhardir  leur  timidité.  —  Rémi.  Il  ne  faut  pas,  toutefois;,  en- 
tendre les  paroles  du  Sauveur ,  en  ce  sens  qu'il  soit  possible  à  Dieu  de 
faire  entrer  dans  le  royaume  des  cieux  un  riche  cupide  ,  avare  et  su- 
perbe, mais  qu'il  le  convertira  d'abord  pour  qu'il  puisse  y  entrer.  — 
S.  Chrys.  {ho}?i.  64.)  Et  s'il  s'exprime  de  la  sorte,  ce  n'est  pas  pour 
que  vous  vous  découragiez  et  que  vous  vous  arrêtiez  comme  devant 
une  impossibilité  ;  mais  afin,  qu'étant  bien  convaincu  de  la  grandeur 
de  l'entreprise  ,  vous  franchissiez  cet  obstacle  (2)  en  recourant  à  Dieu 
par  la  prière. 

(1)  Le  grec  porte  tw  (xé/.XwvtU  toûto  y.aOopTOÙv  ,  pour  bien  diriger  cette  œuvre. 

(2)  àlV  tva...  sîTiTTrioriOTTiç  paoîwç,  afin  que  vous  sautiez  facilement  par-dessus. 


nobis  Inmiilitatis  ostenderet,  nequaquam 
se  ad  humilitatem  ipsius  superba  nostra 
rigiditas  incliuaret. 

CnuYs.  [in  liom.  64  ut  s«p.)Discipuli 
autem  inopes  existenles  turbantur  pro 
sainte  alioruui  dolentes,  et  doclorum 
jam  viscera  assumeutes  :  unde  sequitur  : 
«  Quis  crgo  poterit  salvus  esse?  »  Aug. 
(de  Quxst.  Evancj.  lib.  i,  cap.  2G.)  Cuui 
auteni  paucL  sint  divites  in  comparatione 
nniltitudiuis  pauperum  ,  intelligendiim 
est  quod  omnes  qui  divitias  cupiunt,  in 
diviliuii  numéro  haberi  discipuli  animad- 
vertcrunt.  Chrys.  {in  hom.  Gi  lit  snp.) 
Uei  autem  opus  lioc  esse  consequentor 
oslendit,  quoniam  multa  opus  est  gralia, 


ut  homo  in  divitiis  dirigatur  :  unde  se- 
quitur :  «  Aspiciens  autem  Jésus  dixit 
eis  :  Apud  homines  hoc  impossibile  est  ; 
apud  Deum  autem  omuia  possibilia 
suut.  »  Per  hoc  quod  dicit,  aspiciens, 
significat  Evangelista  quod  mansueto 
oculo  timidam  corum  mentem  mitigavit. 
Remig.  Non  autem  hoc  sic  intelligendum 
est,  quod  possibile  sit  apud  Deum,  quod 
dives,  cupidus,  avarus  et  superbus  intret 
in  regnum  cœlorum  ;  sed  ut  converta- 
lur,  et  sic  intret.  CiiRYS.  (in  homil.  G4  ut 
Aî//>.)Neque  etiam  hoc  ideo  dicitur,  ut 
resnpinus  jaceas,  et  sicut  ab  impossibi- 
libus  abstineas  ;  sed  magniludinem  jus- 
tilirc  considerans,  iusilias  Deum  rogaus. 


540 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


f.  27-30.  —  Alors  Pierre,  prenant  In  parole ,  lui  dit  :  Pour  nous  autres,  vous 
voyez  que  nous  avons  tout  quitté,  et  que  nous  vous  avons  suivi;  quelle  sera 
donc  notre  récompense  ?  Et  Jésus  leur  dit  :  Je  vous  dis  en  vérité  que  pour 
vous,  qui  m'avez  suivi,  lorsqu'au  temps  de  la  régénération  le  Fils  de  l'homme 
sera  assis  sur  le  trône  de  sa  gloire ,  vous  serez  aussi  assis  sur  douze  trônes ,  et 
vous  jugerez  les  douze  tribus  d'Israël.  Et  quiconque  aura  quitté  pour  mon 
nom  sa  maison  ou  ses  frères,  ou  ses  sœurs,  ou  son  père,  ou  sa  mère,  ou  sa 
femme,  ou  ses  enfants,  ou  ses  terres,  en  recevra  le  centuple,  et  aura  pour  héri- 
tage la  vie  éternelle.  Mais  plusieurs  qui  avaient  été  les  jrremiers  seront  les  der- 
niers; et  plusieurs  qui  avaient  été  les  derniers  seront  les  premiers. 

Orig.  {traité  9  sur  S.  Matth.)  Pierre  avait  entendu  ces  paroles  du 
Sauveur  :  «  Si  vous  voulez  être  parfait,  allez,  vendez  tout  ce  que  vous 
avez,  et  donnez-en  le  prix  aux  pauvres.»  Il  vit  ensuite  ce  jeune  homme 
s'en  aller  tout  triste,  et  combien  il  était  difficile  pour  un  riche  d'entrer 
dans  le  royaume  des  cieux.  Il  interroge  donc  le  Sauveur  avec  con- 
fiance, comme  un  homme  qui  a  consommé  une  œuvre  difficile  ;  car 
si  son  frère  et  lui  ont  quitté  des  choses  de  peu  d'importance,  Dieu  ne  les 
a  pas  estimées  de  la  sorte,  mais  il  a  considéré  la  perfection  de  l'amour 
qui  a  été  le  principe  de  leur  détachement ,  et  qui  leur  aurait  fait  sa- 
crifier les  plus  grandes  richesses ,  s'ils  les  avaient  possédées.  Aussi  je 
pense  que  c'est  en  se  fondant  plutôt  sur  les  sentiments  de  son  cœur 
que  sur  la  valeur  des  choses  qu'il  a  quittées ,  que  Pierre  s'adresse  au 
Sauveur  avec  tant  de  confiance  :  «  Alors  Pierre  ,  prenant  la  parole, 
lui  dit  :  Voilà  que  nous  avons  tout  quitté.  » 

S.  Ghrys.  {hom.  63.)  Quelles  sont  donc  toutes  ces  choses  ,  ô  bien- 
heureux Pierre!  une  ligne,  un  filet,  une  barque.  Il  dit  ;  «  Nous 
avons  tout  quitte,  »  en  parlant  de  ces  choses,  non  pas,  sans  doute, 


Tune  respondens  Petrus  dixit  ci  :  Ecce  nos  reli- 
quimus  omnia,  et  secuti  sumus  te.  Quid  erijo 
erit  nobis  ?  Jésus  autem  dixit  illis  :  Amen  dico 
vobis,  quod  nos  qui  secuti  estis  me,  in  regene- 
rationc  cum  sedcrit  Filius  hominis  in  sede  ma- 
jestatis  suœ,  sedehitis  et  vos  supei-  scdcs  duo- 
decimjudicantcs  duodecim  tribus  Israël.  El 
omnis  qui  reliquerit  domum,  vel  fratres,  aut 
sorores,  nul  patrem,  aut  niatrem,  aut  uxorem, 
nul  /ilios,  aut  ar/ros  propter  nomcn  meum, 
rcniupliini  arcipief,  et  vitam  œternam  pnssi- 
debit.  Multi  autcni  crunt  primi  novissimi,  cl 
nouissimi  primi. 

Orig.  [Tract.  î),  in  Matth.)  AnditM-at 
Petrus  vcrbnm  Uomini  dioenlis  :  «  Si 
vis  porfr^rlus  osse,  v;ul(\,  et  vnndo  oiiinia 
(|aii>  iiiihos.  »  Deiudo  coMsidnravil  ado- 
lesccutcm  ciuu  Irisliliaabeuulcni,  cl  dil- 


fieultulem  divilum  iugrediendi  in  rejp;- 
uiim  cœlonim  :  ideo  quasi  qui  nou  faci- 
lem  rem  coiisummaverat,  flducialiter 
quœsivit  :  et  si  euim  miniina  cum  fratre 
reliquil,  sed  non  minima  œstiniata  sunt 
apud  Deum,  considerantem  quouiam  ex 
taata  plouitudine  dilectionis  illa  minima 
rorKiueruut,  uletiam  simultas  habuisscnt 
possesioncs,  omnia  reliquissont.  Kt  piito 
quod  masis  Petrus  confidens  de  affecin 
suo,  (piam  de  ipsa  quantitate  rernm  re- 
lictaium,  liducialiler  inlerroiïavit  :  undi' 
dicitur  :  «  Tune  respondens  Petrus,  dixit 
ei  :  Ecce  nos  reiiquimus  omnia.  » 

CiiRYS.  {in  liomil.  (>j  in  Matth.)  Qua- 
lia  omnia,  o  béate  Pelre  !  aruudinem  , 
rclc,  uavigium.  Omuia  quidem  hsec  di- 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XIX.  541 

pour  en  rehausser  le  prix  (t),  mais  pour  inspirer  de  la  confiance  au 
pauvre  peuple  qui  l'entend.  Car  le  Seigneur  ayant  dit  :  «  Si  vous  vou- 
lez être  parfait,  vendez  tout  ce  que  vous  avez,  »  etc.,  les  pauvres  pou- 
vaient répondre  :  Mais  quoi ,  nous  ne  possédons  rien ,  nous  ne  pou- 
vons donc  être  parfaits  ?  Or,  Pierre  fait  cette  question ,  afin  que  vous 
qui  êtes  pauvre  vous  ne  vous  croyiez  ici  inférieur  en  rien  à  ceux  qui 
sont  riches  ;  car  celui  qui  avait  reçu  les  clefs  du  royaume  des  cieux, 
espère  avec  confiance  les  autres  biens  que  le  ciel  renferme,  et  c'est  au 
nom  de  l'univers  tout  entier  qu'il  interroge  son  divin  Maître.  Or,  con- 
sidérez comme  il  répond  avec  précision  aux  deux  conditions  exigées 
par  Jésus-Christ.  Le  Sauveur  a  demandé  deux  choses  à  ce  riche,  de 
donner  aux  pauvres  tout  ce  qu'il  avait,  et  de  le  suivre  ;  c'est  pourquoi 
Pierre  ajoute  :  «  Et  nous  vous  avons  suivi.  »  —  Orig,  C'est-à-dire, 
d'après  la  révélation  que  le  Père  a  faite  ù  Pierre ,  que  Jésus  était  son 
Fils,  nous  vous  avons  suivi ,  vous  qui  êtes  la  justice  ,  la  sanctification 
et  toute  vertu  semblable.  Il  demande  donc  comme  un  athlète  qui  est 
vainqueur,  quel  sera  le  prix  du  combat. 

S.  JÉR.  Comme  en  effet  il  ne  suffît  pas  de  tout  abandonner,  Pierre 
ajoute  ce  qui  est  le  caractère  propre  de  la  perfection  :  «  Et  nous  vous 
avons  suivi.  »  Nous  avons  fait  ce  que  vous  avez  ordonné  ;  quelle  sera 
donc  notre  récompense  ?  C'est  ce  que  signifient  ces  paroles  :  «  Que 
nous  sera-t-il  donc  donné  ?  »  Or,  Jésus  leur  dit  :  «  Je  vous  le  dis  en 
vérité^  que  pour  vous  qui  m'avez  suivi,  »  etc.  —  S.  Jér.  Il  ne  dit  pas  : 
«Pour  vous  qui  avez  quitté  toutes  choses,  »  car  c'est  ce  qu'a  fait  le  philo- 
sophe Cratès  (2),  et  beaucoup  d'autres  qui  ont  méprisé  les  richesses  ; 

(1)  Ou  bien,  par  un  spntiment  de  vanité,  d'après  le  sens  du  mot  grec  çt),OTi|xtav ,  qui  signifie 
amour  de  l'honneur. 

(2)  C'est  ce  philosophe  qui  a  prononcé  ces  belles  paroles ,  en  jetant  tout  son  or  dans  la  mer  : 
a  Allez,  mauvaises  passions,  je  vous  précipite  et  vous  submerge  au  fond  de  la  mer  pour  ne  pas 


cit,  non  propter  niagnificentiam ,  sed  ut 
per  interrogationem  banc  inopem  indu- 
cat plebem  :  quia  enim  Dominus  dixe- 
rat  :  «  Si  vis  perl'ectus  esse,  vende  om- 
nia,  »  etc.,  ne  dicat  aliquis  inopum  : 
«  Quid  igitur?  si  non  liabuero,  nonpos- 
sum  esse  perfeclus  ?  »  inlerrogat  Petrus 
ut  tu  inops  discas  quoniam  in  uullo  bic 
diminutus  es.  Oui  eniiu  claves  regni 
oœlorum  acceperat,  pro  bis  qua;  ibi  sunt 
jam  confidit,  et  pro  orbe  terrarum  uni- 
verso  inlerrogat.  lutuere  auteni  et  quo- 
modo  respondet  dibgenter  sicut  Christus 
inquisivit  :  etenim  Cbristus  duo  a  divite 
expetiit,  dare  pauperibus  quœ  babebat , 
et  sequi  se  :  propter  boc  ipse  addit  : 
«  Et  secuti  sumus  le.  »  Orig.  (m^   mp.) 


l'otest  dici  secundum  omnia  quae  Pater 
revelavit  Petro  esse  filium  suum  ;  secuti 
sumus  te  jnstitiam,  sunclificationem, 
et  bujusmodi  :  propter  boc  quasi  victor 
atbleta  inlerrogat  quae  sint  prœmia  cer- 
taminis. 

Hier.  Quia  ergo  non  sufficit  tantum 
relinquere,  jungit  quod  perfectum  est  : 
«  Et  secuti  sumus  le  ;  »  fecimus  quidem 
quod  jussisti  :  <juid  ergo  nobis  dabis 
prœmii?  Et  boc  est  quod  dicitur  :  «  Quid 
ergo  erit  nobis  ?»  Sequitur  :  «Jésus  autem 
dixit  illis  •:  Amen  dico  vobis  quod  vos 
qui  secuti  estis  me,  »  etc.  Hier.  Non 
dixit  :  Qui  reliquistis  omnia  (lioc  enim 
et  Crates  pbilosopbus  fecit,  et  multi  aUi 
divitias  contempserunt) ,  sed ,  «  qui  se- 


542 


EXPLICATION   DE  L  EVANGILE 


mais  :  «  Pour  vous  qui  m'avez  suivi,  »  ce  qui  est  le  caractère  propre  des 
Apôtres  et  des  vrais  fidèles.  —  S.  Hil.  {caîi.  20.)  Les  Apôtres  ont  suivi 
Jésus-Christ  dans  la  régénération,  c'est-à-dire  dans  les  eaux  du  bap- 
tême et  dans  la  sanctification  que  donne  la  foi;  c'est  cette  régénération 
que  les  Apôtres  ont  suivi  et  que  la  loi  n'avait  pu  leur  donner.  — 
—  S.  Jér.  Ces  paroles  du  Sauveur  peuvent  encore  recevoir  cet  autre 
sens  :  «  Vous  qui  m'avez  suivi ,  vous  serez  assis  au  jour  de  la  régé- 
nération, »  c'est-à-dire  lorsque  les  morts  ressusciteront  incorruptibles 
du  sein  de  la  corruption  (I  Corùith.,  xv),  vous  serez  assis  sur  les  trônes 
des  juges  pour  condamner  les  douze  tribus  d'Israël,  parce  que,  té- 
moins de  votre  foi,  elles  ont  refusé  d'en  être  les  imitateurs.  —  S.  Aug. 
(Cité  de  Dieu,  xx,  5.)  Car  votre  corps  sera  régénéré  par  le  don  de  l'in- 
corruptibilité, comme  votre  àme  rera  régénérée  par  la  foi.  —  S.  Chiiys. 
{sur  S.  Matth.)  Les  Juifs  auraient  pu  dire  au  jour  du  jugement  : 
«  Seigneur,  en  vous  voyant  revêtu  d'une  chair  mortelle,  nous  n'avons 
pu  vous  reconnaître  pour  le  Fils  de  Dieu.  Et  qui,  parmi  les  hommes, 
pouvait  voir  ce  trésor  caché  dans  la  terre_,  ce  soleil  couvert  de  nuages?  » 
Mais  les  disciples  répondront  :  «  Et  nous-mêmes ,  nous  étions  des 
hommes  du  peuple,  sans  instruction  ;  vous ,  au  contraire  ,  vous  étiez 
des  prêtres  et  des  scribes;  mais  notre  volonté  droite  a  été  comme  une 
lampe  qui  a  éclairé  notre  grossière  ignorance,  tandis  que  votre mahce 
a  été  comme  un  nuage  qui  a  couvert  de  ténèbres  toute  votre  science. 

S.  Chrys.  {hom.  64.)  Il  ne  dit  pas  :  Pour  juger  les  nations  de  l'uni- 
vers, mais  :  a  Pour  juger  les  tribus  d'Israël ,  »  parce  que  les  Juifs  et 
les  Apôtres  avaient  été  élevés  suivant  les  mêmes  lois  et  sous  les  mêmes 

être  submergé  par  vous.  i>  C'est  par  erreur  que  quelque  copiste  malhabile  avait  mis  le  nom  de 
Socrate  au  lieu  de  celui  de  Cratès,  qu'il  ne  connaissait  pas. 


cuti  estis  me  :  »  quod  proprie  apostolo- 
rum  estatque  credentium.  HiLAR.  {Can. 
20  in  Matth.)  Secuti  sunt  quidem  dis- 
cipuli  Christum  iu  regeneratione,  id  est, 
iu  lavacro  baptismi,  iu  fidei  sauctiiîca- 
tione  :  haec  enim  illa  regeiieratio  est, 
qiiam  apostoli  suut  secuti,  quaiu  lex  iu- 
dulgere  nou  potuit.  Hier.  Vel  aliter  dé- 
bet construi  :  «  Vos  qui  secuti  estis  me, 
sedebitis  in  regeueratione  ,  »  id  est , 
quaudo  mortui  ex  corruptioue  résurgent 
incorrupti  (1  Corintlt.,  15) ,  sedebitis  et 
vos  in  soliis  judicantium  coudemnaules 
duodecim  tribus  Israël  ;  quia  vobis  cre- 
deulibus  illi  credere  noluerunt.  Ace.  (XX 
de  C'iv.  Dei,  cap.  5.)  Sic  cnim  caro  ves- 
tra  regenerabitur  per  iucorruplionein, 
quemadmoduui   auiuia  vestra  regenera- 


bitur per  fidem.  Ciïrys.  [Sup.  Matth.  in 
opère  imperf.  hom.  33.)  Futurum  enim 
erat  ut  die  judicii  responderent  Juda-i  : 
«  Domine,  non  te  cognovimus  Filiuui 
Dei  in  corpore  constitutum  :  quis  homi- 
uum  videre  poterat  thcsaurum  in  terra 
abscouditum,  solem  uube  celalum?  Res- 
pondebunt  ergo  discipuli  :  «  Et  nos  bo- 
ulines fuimus  rusliciet  obscuriiu  plèbe; 
vos  sacerdotes  et  scribai  ;  sed  in  uobis 
bona  voluutas  facta  est  quasi  luceriia 
rusticitatis  nostraî  ;  in  vobis  autem  ma- 
litia  facta  est  quasi  caligo  scientiœ  ves- 
trœ.  » 

Chrys.  {In  homil.  G5  nt  sup.)  Propter 
lioc  autem  nou  dixit  :  «  Et  génies  in  orbe 
terrarum ,  sed  tribus  Israël  ;  »  quia  in 
cisdem  erant  educali,  et  legibus,  et  cou- 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CIIAP.   XIX,  543 

institutions.  Aussi  lorsque  les  Juifs  viendront  dire  :  Nous  avons  refusé 
de  croire  au  Christ ,  parce  que  la  loi  le  défendait,  on  leur  opposera 
les  disciples  de  Jésus,  qui  ont  reçu  et  observé  la  môme  loi.  Mais  on 
dira  peut-être  :  Quelle  si  grande  récompense  leur  a-t-il  promise,  s'ils 
ne  doivent  recevoir  que  ce  que  la  reine  du  Midi  et  les  Ninivites  rece- 
vront eux-mêmes  ?  Il  leur  a  déjà  promis  et  il  leur  promettra  encore 
d'autres  récompenses  hicn  plus  magnifiques,  mais  ici-môme  il  inditjue 
que  ce  qui  leur  est  destiné  est  bien  supérieur  à  ce  que  recevront  les 
Ninivites.  En  parlant  de  ces  derniers ,  il  dit  simplement  qu'ils  se 
lèveront  contre  cette  génération  pour  la  condamner,  mais  lorsqu'il 
s'agit  des  Apôtres,  il  s'exprime  en  ces  termes  :  «  Lorsque  le  Fils  de 
l'homme  siégera  sur  le  trône  de  sa  gloire,  vous  serez  assis  vous-mêmes 
sur  douze  trônes,  »  etc.  Il  est  donc  certain  qu'ils  partageront  et  sa 
royauté  et  sa  gloire.  C'est  cet  honneur  et  cette  gloire  qui  sont  figurés 
ici  par  les  trônes.  Or,  comment  s'est  accomplie  cette  promesse?  Est-ce 
que  Judas  siégera  aussi  avec  les  autres  Apôtres  ?  Non,  assurément, 
car  voici  la  loi  que  le  Seigneur  a  établie  par  le  prophète  Jérémio  : 
«  Je  me  déclarerai  en  faveur  d'une  nation  ou  d'un  royaume  pour  l'é- 
tablir et  pour  l'affermir ,  mais  si  ce  royaume  ou  cette  nation  pèche 
devant  mes  yeux,  je  me  repentirai  aussi  du  bien  que  j'avais  résolu  de 
lui  faire;  »  c'est-à-dire  :  S'ils  se  rendent  indignes  de  mes  promesses, 
je  me  garderai  bien  de  les  accomplir.  Or ,  Judas  s'est  rendu  indigne 
de  l'honneur  qui  lui  avait  été  promis.  Aussi  n'est-ce  pas  sans  condi- 
tions que  le  Sauveur  fait  cette  promesse  à  ses  disciples  ;  car  il  ne  dit 
pas  d'une  manière  absolue  :  «  Vous  serez  assis,  »  mais  il  fait  précéder 
ces  paroles  de  celles-ci  :  «  Vous  qui  m'avez  suivi,  »  paroles  qui 
excluaient  Judas,  et  qui  attiraient  à  lui  ceux  qui  devaient  plus  tard 
marcher  à  sa  suite  ;   car  ce  n'était  ni  aux  disciples  seuls ,  ni   à 


suetudinibus  Apostoli  et  Judœi.  Cum 
eri,'o  dixerint  Jiidaei  quoniam  «  propter 
lioc  non  pbtuimus  credere  Christo ,  quia 
lex  proliibuit,  »  discipuli  in  médium  iu- 
duceulur,  qui  eamdem  siisceperunt  le- 
gom.  Sed  dicet  aliquis  :  «  Quid  magnum 
promisit  cis,  si  id  quod  Ninivitce  habeut, 
et  regina  Austri,  hoc  et  ipsi  babebunt?» 
Maxima  (juideni  aliaprœmia  ante  et  post 
ois  promiUit;  sed  et  bic  occulte  iusiuuat 
ali(iuid  plus  illis  :  de  illis  euim  simpli- 
citer  dicit,  quod  «  surgent  et  condem- 
nabuut  geueratiouem  banc  ;  »  de  bis  au- 
tem  :  «  Cum  sederit  Filius  bomiuis,  se- 
debitis  et  vos.  »  Manilestum  est  ergo 
<[uod  coiiregnabuut  et  communicabunt 
in  gloria  illa  ;  bonorem  enim  et  gloriam 
inelTabllem  significavit  per  lliroiios.  Oua- 


liter  autem  liaec  promissio  compléta  est? 
Nunquid  euim  et  Judas  sedebit?  Nequa- 
quam  :  lex  enim  a  Domino  posila  est 
per  Hieremiam  propbetam  {cap.  18)  : 
«  Loquar  super  gentem  et  reguum,  ut 
œdificem  et  plantem  illud  ;  sed  si  fecerit 
malum  in  conspcctu  meo,  pœuitebo  et 
ego  de  bonis  quai  locutus  sum,  ut  face- 
rem  eis  ;  »  quasi  dicat  :  «  Si  indiguos 
seipsos  promissione  faciant,  non  adbuc 
faciam  quod  promisi  :  »  indignuni  autem 
seipsum  priucipatu  Judas  ostendit  :  et 
propter  boc  tune  loqueus  discipulis,  non 
simpliciter  eis  promisit  :  neque-  euim 
dixit  :  «  Vos  sedebitis  ;  d  sed  adjunxit, 
«  qui  secuti  estis  me;  »  ut  et  bine  Ju- 
dam  excludat,  et  cos  qui  postea  futiiri 
orant,  attraberet  ;  non  euim  ad  illos  su- 


544 


EXPLICATION   DE  L  EVANGILE 


Judas,  qui  s'en  était  déjà  rendu  indigne,  que  Noire-Seigneur  les 
adressait. 

S.  HiL.  [can.  20.)  Jésus-Christ,  en  plaçant  ses  Apôtres  sur  douze 
trônes  pour  juger  les  douze  tribus  d'Israël,  les  associe  à  la  gloire  des 
douze  patriarches  (1),  et  nous  devons  conclure  de  ce  passage  que  Jésus 
doit  juger  un  jour,  assisté  de  ses  disciples.  Aussi  dit-il  aux  Juifs  dans 
un  autre  endroit  :  «  C'est  pourquoi  ils  seront  vos  juges.  »  {Matth.,  xii  ; 
Luc,  XI.)  Nous  ne  devons  pas  croire,  toutefois,  que  ces  douze  hommes 
seront  les  seuls  qui  jugeront  avec  lui,  parce  qu'il  est  question  de  douze 
trônes  sur  lesquels  ils  seront  assis  ;  le  nombre  douze  représente  ici  la 
multitude  de  tous  ceux  qui  seront  associés  à  ce  jugement,  parce  qu'il 
est  composé  des  deux  parties  du  nombre  sept ,  qui  signifie  souvent 
l'universalité  des  choses;  en  effet,  ses  deux  parties,  trois  et  quatre, 
multipliées  l'une  par  l'autre ,  donnent  le  nombre  douze.  D'ailleurs, 
l'apôtre  saint  Mathias  ayant  été  élu  pour  remplacer  le  traître  Judas , 
il  s'ensuivrait  donc  que  l'apôtre  saint  Paul,  qui  a  travaillé  plus  que 
les  autres,  ne  trouverait  plus  de  siège  pour  juger,  lui  qui  nous  déclare 
qu'il  doit  un  jour  faire  partie  du  nombre  des  juges  avec  les  autres 
saints  :  «  Tgnorez-vous  que  nous  jugerons  les  anges?  »  —  S.  Aug. 
{de  la  pé?iit.)  (-2).  Tl  faut  donc  placer  au  nombre  de  ceux  qui  jugeront 
alors  avec  Jésus-Christ ,  tous  ceux  qui  ont  abandonné  leurs  biens  et 
suivi  le  Seigneur.  —  S.  Gré&.  {Moral.,  x,  37.)  Tout  homme,  en  effet, 
qui  pressé  par  l'aiguillon  de  l'amour  divin,  aura  sacrifié  tout  ce  qu'il 

(1)  Ils  deviennent  les  juges  des  douze  tribus  dont  les  patriarches  ont  été  les  pères. 

(2)  La  dernière  homélie  du  livre  des  cinquante  homélies,  qui  est  intitulée  :  De  la  nécessité  et 
de  l'utilité  de  la  pénitence ,  et  que  Bède  appelle  :  Le  Livre  de  la  Pénitence,  dans  son  explication 
de  la  le  Epître  aux  Corinthiens,  chap.  v  et  vi. 


los  dictum   est  ;  neque  ad  Judam  jam 
indignum  effectum. 

HiLAR.  {Can.  20  ut  sup.)  Sequela  ergo 
Cbristi  aposlolos  super  diiodecim  Ihro- 
uos  in  jiidicandis  diiodecim  tribubus 
Israël,  iu  diiodecim  patriarcliariim  glo- 
ria  copulavit.  Auu.  (XX  de  Civit.  Dei, 
cap.  j.)  Ex  lioc  eiiim  loco  discimus  cum 
suis  discipulis  judicaturum  Jesum  ;  uude 
et  alibi  Judœis  dicit  {Matth.  xii,  et  Jmc. 
Il)  :  «  Ideo  judices  vestri  eruut.  »  Nec 
quoniam  super  duodecim  sedes  sessuros 
esse  ait,  diiodecim  solos  homiues  euui 
ipso  judicaturos  putare  debemus  :  duô- 
deuario  quippe  numéro  universa  quie- 
dam  signilicata  est  judicaulium  muUi- 
ludo,  propler  duas  partes  niimeri  scp- 
leiiarii  quo  siguiticatur  plerumque  iini- 


versitas  :  quse  duae  partes  (id  est,  très  et 
quatuor)  altéra  per  alteram  niultipli- 
catœ,  duodecim  faciunt  :  alioquiu  quo- 
niam in  locura  Judœ  Iraditoris  aposto- 
lum  IMattbiam  legimus  ordinatuui,  apos- 
tûlus  Paulus  qui  plus  omnibus  illis  labo- 
ravit,  ubi  ad  judicandum  sedeat  nou  ba- 
bebit  :  qui  profecto  cum  aliis  sauctis  ad 
numerum  judicum  se  pertinere  demons- 
trat,  cum  dicit  (I  Cnrinih.,  G)  :  «  Nesci- 
tis  quia  angelos  judicabimus?»  Al'G.  {in 
lib.  de  pœnUentia.)  in  boc  ergo  numéro 
judicantium  omues  iutelliguntur,  qui 
propt^r  Evangeliuiii  sua  omuia  dimise- 
ruiil  ,\el  sccuti  sunt  Dominum.  GuEi;. 
(X  Moral.,  cap.  'M.)  Quis(iuis  euim  sti- 
mulo  diviui  amoris  excitatus  Jiic  jios- 
sessa   reliquerit,  illic   proculdubio  cul- 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XIX.  545 

possédait,  parviendra  au  faîte  de  la  puissance  judiciaire  ,  et  exercera 
les  fonctions  de  juge  avec  le  juge  souverain,  parce  qu'il  a  embrassé  ici- 
bas  les  rudes  privations  de  la  pauvreté  volontaii-c 

S.  AuG.  {Cité  de  Dieu,  xx,  5.)  Il  faut  entendre  de  la  même  manière 
le  nombre  douze,  appliqué  à  ceux  qui  doivent  être  jugés  ,  car  de  ce 
que  le  Sauveur  dit  :  «  Pour  juger  les  douze  tribus  d'israél,  »  il  ne 
s'ensuit  pas  que  la  tribu  de  Lévi  ne  sera  pas  soumise  à  ce  jugement, 
ou  que  le  peuple  juif  seul  sera  jugé  à  l'exclusion  des  autres  peuples. 
—  S.  CiiRYs.  [sur  S.  Matth.)  Ou  bien  encore ,  par  ces  paroles  :  «  Au 
temps  de  la  régénération,  »  Notre-Seigneur  a  voulu  exprimer  ces  pre- 
miers temps  du  christianisme  qui  suivirent  immédiatement  son  ascen- 
sion ;  car  les  hommes  furent  alors  régénérés  par  le  baptême,  et  c'était 
le  temps  où  lui-même  était  assis  sur  le  trône  de  sa  majesté.  Et  re- 
marquez que  ces  paroles  s'appliquent ,  non  pas  au  jour  du  jugement 
dernier,  mais  à  la  vocation  de  tous  les  peuples,  car  le  Sauveur  ne  dit 
pas  :  «  Lorsque  le  Fils  de  l'homme  viendra  ,  assis  sur  le  trône  de  sa 
majesté,  mais  au  temps  de  la  régénération  ,  lorsqu'il  s'assiéra  sur  le 
trône  de  sa  majesté.  C'est  ce  qui  arriva  lorsque  les  nations  commen- 
cèrent à  croire  en  J(îsus-Christ ,  selon  ces  paroles  du  Roi-Prophète  : 
«  Le  Seigneur  régnera  sur  les  nations ,  le  Seigneur  est  assis  sur  son 
trône  qui  est  saint.  »  {Ps.  xlyi.)  Alors  aussi  les  Apôtres  furent  assis 
sur  leurs  douze  trônes,  c'est-à-dire  dans  le  cœur  de  tous  les  chrétiens; 
car  tout  chrétien  qui  reçoit  la  parole  de  Pierre ,  devient  le  siège  de 
Pierre,  et  il  en  est  ainsi  de  tous  les  autres  Apôtres.  Or,  les  Apôtres  sont 
assis  sur  douze  trônes  distincts ,  suivant  la  différence  des  dispositions 
des  âmes  et  des  cœurs  que  Dieu  seul  connaît  (i).  Car  le  peuple  chrétien 

(1)  Tout  ce  passage  se  trouve,  dans  un  ordre  différent,  dans  saint  Chrysostome. 


men  judieiarite  polestatis  obtinebit  ;  ut 
simul  tune  judex  cum  judice  veniat,  qui 
nunc  consideratioue  judicii  sese  sponta- 
uea  paupertate  ca?tigal. 

AuG.  (XX  de  Clvit.,  cap.  5.)  De  ipsis 
quoque  judicandis  in  boc  numéro  duo- 
denario  similis  (^ausa  est  :  non  euim 
quia  dictum  est:  «  Judicantes  duodecim 
tribus  Isratïl,  »  tribus  Levi  (quaj  13  est) 
ab  eis  judicanda  non  erit  ;  aut  solum 
illum  populum,  non  eliam  gentes  cœte- 
ras,  judicabunl.  Chrys.  [Super  Matth. 
in  opère  imper f.  vt  sxip.)  Vel  per  boc 
quod  dicit,  «  in  regeneratione,  »  prœ- 
mittit  Christus  tempus  Christianitatis  fu- 
turum  post  ascensioncm  suani,  quia  sci- 
iicet  boulines  regeuerantur  per  baptis- 
muui,  et  iliud  est  tempus  quando  Cbris- 
lus  sedet  in  sede  majestatis  suœ.  Et  vide 

TOM.    II. 


quia,  non  de  tempore  futuri  judicii  di- 
cit, sed  de  vocatione  genlium  universa- 
rum  :  non  enim  dixit  :  «  Cum  venerit 
Filins  bominis  sedens  super  sedem  ma- 
jestatis  suce,  »  sed  in  regeneratione  cum 
sederit  in  sede  majestatis  su».  »  Quod 
ex  tune  fuit  ex  quo  gentes  credere  cœ- 
perunt  in  Cbristum,  secundum  illud 
[Psalm.  4G)  :  «  Regnabit  Dominus  su- 
per gentes ,  Deus  sedet  super  sedem 
sauctam  suam  :  »  et  ex  tune  apostoli 
soderunt  super  duodecim  tbronos,  id 
est  ,  in  omnibus  Christianis  :  omnis 
enim  Ghrislianus  qui  suscipit  ver- 
hum  Pétri,  tlironus  fit  Pétri,  et  sic  de 
aliis  apostolis.  Sedent  ergo  apostoli  in 
bis  tbronis,  in  duodecim  partes  distinc- 
tis,  secundum  differentias  animarum  et 
diversitates  cordium ,  quas  solus  Deus 

33 


546 


EXPLICATION   DE   L  iiVANGILE 


est  divisé  eu  douze  tribus  comme  le  peuple  juif,  de  manière  que  cer- 
taines âmes  appartiennent  à  la  tribu  de  Rubeu ,  d'autres  âmes  aux 
autres  tribus,  suivant  la  diflérence  de  leurs  vertus.  En  eiiet,  toutes  les 
vertus  ne  sont  pas  au  même  degré  dans  tous  les  hommes ,  mais  tel 
excelle  dans  celle-ci,  et  tel  autre  dans  celle-là.  Les  Apôtres  jugeront 
donc  les  douze  tribus  d'Israël,  c'est-à-dire  tout  le  peuple  juif,  sur  ce 
chef  que  leur  prédication  a  été  reçue  par  toutes  les  nations.  L'univer- 
salité des  chrétiens  forme  les  douze  trônes  des  Apôtres ,  mais  l'unique 
trône  de  Jésus-Christ.  En  effet ,  toutes  les  vertus  sont  comme  le  siège 
unique  de  Jésus-Christ;  car  il  est  le  seul  qui  soit  également  parfait 
dans  toutes  les  vertus.  Parmi  les  Apôtres,  chacun  d'eux  excelle  aussi 
dans  une  vertu  spéciale  :  Pierre  dans  la  foi,  Jean  dans  l'innocence. 
Pierre  se  repose  donc  dans  la  foi  comme  sur  un  trône ,  Jean  ,  dans 
l'innocence,  et  ainsi  des  autres  Apôtres.  Les  paroles  suivantes  montrent 
que  Jésus-Christ  voulait  aussi  parler  de  la  récompense  que  les  Apôtres 
devaient  recevoir  en  ce  monde  :  «  Et  quiconque  aura  quitté  pour  mon 
nom  sa  maison  ou  ses  frères,  »  etc.;  car  s'ils  reçoivent  le  centuple 
en  ce  monde,  il  est  certain  que  le  Sauveur  leur  promettait  une 
récompense  même  pour  cette  vie.  —  S.  Chrys.  (  hom.  64.  )  Ou 
bien ,  il  ne  promet  à  ses  disciples  que  les  biens  à  venir,  parce  qu'ils 
étaient  supérieurs  aux  promesses  terrestres,  et  ne  cherchaient  rien 
des  biens  de  la  vie  présente  que  le  Seigneur  promet  aux  autres 
hommes.  —  Orig.  Ou  bien  dans  un  autre  sens,  celui  qui  aura  aban- 
donné tous  ses  biens,  et  qui  aura  suivi  Jésus-Christ,  recevra,  lui 
aussi,  tout  ce  qui  a  été  promis  à  Pierre;  mais  si  son  sacrifice  n'a 
pas  été  entier,  et  qu'il  n'ait  abandonné  que  ce  qui  est  ici  men- 
tionné d'une  manière  spéciale,  il  recevra  dès  ici-bas  une  récompense 


cognoscit  :  sicut  enim  JudaBorum  popu- 
lus  in  duodecim  triltus  luit  divisas ,  sic 
et  univcrsus  populus  christiamis  dividi- 
lur  in  duodecim  triions,  ut  quaedaiu  ani- 
ma-, siut  do  tribu  Ruben,  et  sic  de  aliis, 
propter  diversas  virtutcs.  Non  enim  om- 
ues  in  omnibus  a^qualiter  sunt,  sed  uuus 
pivecedit  in  isla ,  alius  in  illa  :  et  sic 
apostoli  judical)uut  duodecim  triljus 
[sraël  (i<l  est^  omncs  Judœos)  pcr  Iioc 
quûd  verbum  apostolorum  est  a  ^^enti- 
bus  receptum.  Onmcs  aulem  Chrisliani 
sunt  quidem  duodecim  sedes  apostolo- 
rum,  sed  una  sedes  Cliristi  :  ClirisU  enim 
onmes  virtutes  sunt  quasi  una  sedes, 
quiainomni  virlute  œiiualiter  ipso  solus 
pert'ectus  est.  L'nusipiisque  etiam  apos- 
lolorum  in  aliquo  buuo  spécial!  lit  per- 


l'ectior,  ut  Pctrus  in  lide  :  et  ideo  Petrus 
requiescit  in  lide,  Joanues  in  iunoceutia, 
et  sic  de  aliis.  Et  quod  de  retributione 
apostolis  in  hoc  mundo  danda  Christus 
loquantur,  demonstrat  quod  scquitur  : 
«  Et  omuis  (jui  reliquent  domum  vel 
fratres  :  »  si  enim  in  hoc  seculo  centu- 
plum  recipiunt,  sine  dubio  et  apostolo- 
rnm  (etiam  in  hoc  seculo)  merccs  lulura 
promittebatur.  Curys.  {in  hom.  05  ut 
Slip.)  Vel  discipulis  promittit  fulura,  quia 
excelsiores  erant  jam,  et  uihil  prajsen- 
tium  quœrebant,  aliis  autem  qua;  sunt 
hic,  repromillit.  Orio.  {ut  siip.)  Vel  ali- 
ter :  si  quis  reliquerit  omnia,  et  secutus 
fuerit  Chi-istum ,  quaj  promissa  sunt 
Petro  et  ipse  recipiet  ;  si  aulem  uou 
omnia  reliquit ,  sed   qua'dam  qua'  spe- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.   XIX. 


547 


bien  supérieure  à  ce  qu'il  a  quitté  ,  et  aura  pour  liéritage  la  vie  éter- 
nelle. 

S.  JÉR.  Il  en  est  quelques-uns  qui  ont  pris  occasion  de  ces  paroles 
pour  avancer  qu'après  la  résurrection  il  y  aurait  une  durée  de  mille 
ans,  pendant  laquelle  nous  recevrons  le  centuple  de  tout  ce  que  nous 
avons  sacrilié  sur  la  terre,  centuple  qui  sera  suivi  de  la  vie  éternelle. 
Ils  ne  comprenaient  pas  qu'en  supposant  que  cette  promesse  fût  digne 
relativement  à  tout  le  reste  ,  elle  serait  une  honte  eu  ce  qui  concerne 
les  épouses,  car  celui  qui  en  aurait  sacrifié  une ,  devrait,  d'après  cette 
opinion,  en  recevoir  cent  daps  la  vie  future.  Voici  donc  le  sens  de 
ces  paroles  :  Celui  qui  aura  abandonné  pour  Jésus-Christ  les  biens 
temporels,  recevra  les  biens  spirituels,  qui  seront  aux  premiers,  en  va- 
leur et  en  mérite ,  ce  qu'est  le  nombre  cent  comparé  à  un  nombre  de 
beaucoup  inférieur.  —  ORia.  Même  dès  cette  vie  pour  les  frères  selon 
la  chair  qu'il  a  quittés,  il  trouvera  un  grand  nombre  de  frères  selon 
la  foi,  il  aura  pour  pères  tous  les  évêques  et  les  prêtres,  et  pour  en- 
fants tous  ceux  qui  sont  dans  l'âge  de  l'enfance.  Il  aura  encore  pour 
frères  les  anges,  et  pour  sœurs  toutes  les  vierges  qui  ont  consacré  leur 
virginité  au  Seigneur,  aussi  bien  celles  qui  vivent  encore  sur  la  terre, 
que  celles  qui  jouissent  déjà  dans  le  ciel  de  la  vie  éternelle.  Les  champs 
et  les  maisons ,  ce  sont  les  demeures  multipliées  qui  sont  préparées 
dans  le  repos  du  paradis  et  dans  la  cité  de  Dieu  ;  et  ce  qui  est  au- 
dessus  de  toutes  ces  récompenses,  ils  recevront  la  vie  éternelle. — S.  Aug, 
{Cité  de  Dieu,  xx,  8.)  L'Apôtre  saint  Paul,  expliquant  en  quelque  ma- 
nière ces  paroles  :  «  Il  recevra  le  centuple ,  »  dit  :  «  Nous  sommes 
comme  n'ayant  rien,  et  nous  possédons  toutes  choses;  »  car  le  nombre 
cent  est  employé  quelquefois  comme  nombre  universel  et  iudéter- 


cialiter  referuntur,  hic  multiplicia  reci- 
piet,  et  vitaui  possidebit  teteruam. 

IltER.  Ex  Occasioiie  auteiii  Imjus  seii- 
leiitia'  quidam  introducunt  mille  aunos 
post  resurrecliouem,  dicentes,  tune  no- 
biâ  ceulupium  omuium  rerum  quas  di- 
luisimus,  et  vitam  a^teruam  esse  redden- 
dam  ;  iiou  intelligeutes  quod  si  iu  cœte- 
ris  digna  sit  promissio,  iu  uxoribus  ap- 
I>areat  turpitudo,  ut  qui  uuam  pro  Do- 
miuo  dimiserit,  ceutum  recipiat  iu  fu- 
turo.  Seusus  igitur  iste  est  :  «  Qui  car- 
nalia  pro  Salvalore  dimiserit,  spiritualia 
recipiet,  quœ  comparatione  et  merito 
sui  ita  erunt  quasi  parvo  numéro  ceute- 
uarius  numerus  comparetur.  »  Orig.  [ut 
sup.)   Sed  iu  hoc  seculo   pro   t'ratribus 


carnalibus  multos  inveniet  fratres  se- 
cuudum  fidera,  sic  et  parentes  omnes 
episcopos  et  presbyteros  ;  et  fliios  omnes 
aetatem  filiorum  habeute-;.  Suut  autem 
et  angeli  fratres  ;  et  sorores  omnes 
quae  exhibucrunt  se  Christo  virgines 
castas,  tam  istse  quae  nunc  liabentur  in 
terris,  quam  illœ  quœ  jam  vivuut  in  cœ- 
lis.  Agros  autem  et  dovios  nmltipUces 
intellige  in  requie  paradisi,  et  civitate 
Dei  :  super  hœc  autem  omnia  posside- 
buut  vitam  œteruam.AuG.  (XX  de  Ci  vit. 
Dei,  cap.  8.)  Hoc  autem  quod  liic  dici- 
tur,  centuplum  accipiet,  exponensquo- 
dammodo  xVpostolus  ait  (11  Corinth.,  G)  : 
«  Quasi  nihil  habentes  et  omnia  possi- 
dentes.   »   Centum  enim  pro  ipsa   uni- 


548  KXI'LICATIO.N    DE    I.'ÈVANGILE 

rainé.  —  S.  Jér.  Ces  autres  paroles  :  «  Celui  qui  abandonnera,  »  etc. 
se  rapportent  à  ces  autres  :  «  Je  suis  venu  séparer  l'homme  d'avec 
son  père,  »  etc.  Ceux  donc  qui,  pour  la  foi  chrétieuue,  et  pour  la  pré- 
dication de  l'Evangile,  auront  méprisé  toutes  les  richesses  et  les 
voluptés  de  la  terre,  ceux-là  recevront  le  centuple  ,  et  posséderont  la 
vie  éternelle.  —  S.  Chrys.  {hoin.  63.)  Lorsque  Notre-Seigneur  dit  : 
a  (^elui  qui  aura  quitté  sa  femme ,  »  il  ne  veut  pas  dissoudre  d'une 
manière  absolue  le  lien  du  mnriage,  mais  il  veut  que  nous  sacrifiions 
toutes  les  affections  au  sentiment  de  la  foi.  Il  fait  ici ,  d'ailleurs,  une 
allusion  indirecte  aux  temps  de  persécution  ,  où  on  devait  voir  des 
pères  entraîner  leurs  enfants  dans  l'impiété.  Or_,  s'ils  en  viennent  à 
cet  excès,  il  ne  faut  plus  les  considérer  comme  des  pères  (1*). 

Rab.  Comme  il  en  est  beaucoup  qui  ne  poursuivent  pas  la  carrière 
de  la  vertu  avec  la  même  ferveur  qu'ils  avaient  en  y  entrant ,  mais 
qui  se  laissent  aller  à  la  tiédeur  ,  ou  qui  ne  sont  pas  longtemps  sans 
faire  de  lourdes  chutes,  le  Sauveur  ajoute  :  «  Plusieurs  qui  étaient  les 
premiers  seront  les  derniers,  et  plusieurs  qui  avaient  été  les  derniers 
seront  les  premiers.  »  —  Orig.  Il  exhorte  par  là  ceux  qui  ont  fait  tout 
récemment  profession  d'obéir  à  la  parole  de  Dieu ,  à  se  hâter  de  s'é- 
lever jusqu'à  la  perfection ,  en  n'imitant  point  ceux  qui  paraissent 
avoir  vieilli  et  s'être  affaiblis  dans  la  foi.  Ces  paroles  peuvent  aussi 
servir  à  humilier  ceux  qui  se  glorifient  uniquement  d'avoir  été  élevés 
dans  le  sein  de  la  religion  par  des  parents  chrétiens ,  et  à  inspirer  de 
la  confiance  à  ceux  qui  ont  été  tout  nouvellement  initiés  aux  vérités 
de  la  foi.  D'après  une  autre  signification,  les  premiers  sont  les  Israélites 

(1*)  Nous  avons  cru  devoir  traduire  ici  le  mot  latin  viris  par  pères,  d'après  le  texte  grec  |J.ilΣ 
îraTspsç  eiTWffav ,  qu'ils  ne  soient  plus  pour  vous  des  pitres ,  pour  rétablir  la  corrélation  qui 
existe  entre  la  phrase  précédente  et  celle-ci. 


versitate  pomintur  aliqiiando.  Hier. 
Quod  autem  dicit  :  <■  Kt  omnis  qui  reli- 
querit,  »  etc.  Congruit  illi  seuteiitia3  qua 
dixerat  [Mattli.  10)  :  «  Veui  separare 
liominem  a  pâtre  suo,  »  etc.  Qui  enini 
propter  iidem  Cliristi  et  prfedicationem 
Evangelii  omnes  affectiis  conteuipseriut 
alquc  divitias  et  seculi  voluplates,  isti 
centuplum  accipieul,  et  vitam  aUornam 
possidebunt.  Chuys.  (/■«//om.Go  vtsup.) 
Cum  autem  dicit  :  «  Qui  reliquerit  uxo- 
reiu.  »  iiou  lioc  ait  ut  simpliciter  nup- 
ti*  divelhmtur,  sed  ut  oiunii)US  pnrfe- 
ramus  lidei  pietatem.  Videtur  autem 
milii  et  persecutiouis  tempus  occulte  iu- 
sinuare  :  quia  enim  luulti  fiiluri  eraut, 
filios  ad  iuipielalem  Iraiieules,  cum  lioc 


acciderit ,  ueque  pro  viris  liabeantur. 
Rab.  Verum  quia  multi  virtutuni  stu- 
dia  non  eadem  rpia  iucipiuitl,  iuteutione 
pietatis  consummaut,  sed  vel  tepescuut, 
vel  accelerate  labuntur  ,  sequitur  : 
«  Multi  autem  erunt  primi,  uovissimi  ; 
et  uovissimi ,  primi.  »  Orig.  Per  boc 
exhortatur  eos  (jui  nuper  accedunt  ad 
verbum  diviuum,  ut  festiuent  ad  perl'ec- 
lum  ascendere  prœ  uuiltis  qui  videnlur 
seuuisse  in  fide.  Potest  etiam  bic  scnsus 
destruere  cos  qui  ploriautur.  eo  quod 
a  cliristianis  parentibus  sunt  ouulriti  in 
ipsa  Clirisliauitale  :  neipie  pu-illanimes 
iiant,  ipiod  Clirisliauitatis  doiimata  no- 
vissimo  receperuut.  Haliel  eliam  aliuui 
iutellecluni  ut  sint  primi  Israelila'.  qui 


DE  SAINT   MATTHIEU,    CHAI».   XIX. 


549 


qui  par  leur  incrédiiliti'!  sont  devenus  les  derniers ,  tandis  que  les 
Gentils  qui  (Uaieut  les  derniers  sont  devenus  les  premiers.  C'est  avec 
dessein  que  le  Sauveur  emploie  l'expression  «  plusieurs,  »  et  non  pas 
«  tous.  »  Car  tous  les  premiers  ne  seront  pas  les  derniers,  et  récipro- 
quement tous  les  derniers  ne  seront  pas  les  premiers.  Enfin,  il  est  un 
'grand  nombre  d'hommes  qui,  inférieurs  aux  anges,  et  comme  les  der- 
niers par  leur  nature,  sont  devenus  supérieurs  à  queltiues-uns  des 
anges  par  leur  vie  tout  angélique ,  tandis  que  bien  des  anges ,  qui 
étaient  les  premiers  par  leur  nature ,  sont  devenus  les  derniers  par 
leur  faute.  —  Rem[.  On  peut  encore  rapporter  d'une  manière  toute 
spéciale  ces  paroles  à  la  tristesse  qu'éprouva  ce  jeune  homme  riche  ; 
il  paraissait  être  le  premier  par  l'accomplissement  fidèle  des  préceptes 
de  la  loi,  mais  il  devint  le  dernier  en  préférant  à  Dieu  les  richesses  de 
la  terre.  Les  saints  Apôtres  paraissaient,  au  contraire,  être  les  derniers, 
mais  en  abandonnant  tout  par  l'effet  de  la  grâce  et  de  l'humilité ,  ils 
sont  devenus  les  premiers.  Enfin,  il  en  est  un  grand  nombre  qui, 
après  avoir  fait  preuve  d'un  grand  zèle  pour  les  bonnes  œuvres  ,  en 
abandonnent  tout  à  fait  la  pratique,  et  deviennent  les  derniers  après 
avoir  été  les  premiers. 


facli  sunt  novissimi  prppter  infidelita- 
tem  :  gentes  autein  novissimœ,  prima?. 
Caute  auteni  dicit,  mxiltl  :  uon  enim 
omnes  primi  eruul  novissimi^  nec  oin- 
nes  novissimi ,  primi.  Adhuc  autem 
multi  hominum  (jui  natnra  novissimi 
sunt ,  efticiuutur  per  vitam  angelicam 
quibusdam  angelis  superiores  ;  et  qui- 
dam aufieli  qui  fiierunt  i^rinti,  sunt  no- 
iiissiini  pi'opter  culpam.  Remig.   Potesl 


etiam  spncialiter  referri  ad  tristitiam  di- 
vitiS;,  qui  priinns  videbatur  legis  prae- 
cepta  implendo  ;  sed  quia  terrenam 
substantiam  prsE,tulit  Deo,  novissimus 
factus  est.  Saucti  vero  apostoli  novis- 
simi videbantur,  sed  relinquendo  omnia 
per  humilitatis  gratiam,  l'acti  iw\ij)rimi. 
Sunt  etiam  plurimi  ([ui  post  studia  bono- 
rum  operum  a  boni»  operibus  deticiunt, 
et  cura  hxenni  ji ri ini,  iiunt  novissimi. 


CHAPITRE  XX. 

SOMMAIRE    ANALYTIOIJK. 

y.  1-1(1.  —  Pourquoi  Notrc-Scigncur  propose  cette  parabole.  —  Que  re[)rc- 
senteul  les  princi[)aux  personnages  de  cette  parabole?  —  Dans  quel  dessein 
et  à  quelle  fin  Dieu  nous  a-t-il  appelés  à  son  service?  —  Nous  sommes  à  l'é- 
gard de  Dieu  comme  des  ouvriers  mercenaires.  —  La  vigne ,  ligure  de  l'E- 
glise. —  La  vie,  comparée  à  un  seul  jour.  —  Que  figure  ici  le  denier  promis? 

—  Que  signifient  les  différentes  heures  auxquelles  le  père  de  famille  envoie 
travailler  à  sa  vigne?  —  Quels  sont  ceux  qui  sont  figurés  par  ces  ouvriers 
oisifs? —  Pourquoi  le  père  de  famille  promet  à  tous  la  même  récompense?  — 
Pourquoi  la  sixième  et  la  neuvième  heure  sont  réunies  ensemble  par  Notrc- 
Seigneur.  —  Quels  sont  les  ouvriers  de  la  onzième  heure?  —  Quand  doit 
venir  l'heure  du  salaire.  —  Que  faut-il  entendre  par  l'intendant  du  père  de 
famille?  —  Que  figurent  les  ouvriers  de  la  dernière  heure,  recevant  leur 
récompense  avant  les  ouvriers  appelés  à  la  première  heurCj  et  pourquoi  les 
derniers  sont  récompensés  avant  les  premiers?  —  Pourquoi  et  dans  quel  sens 
recoivent-ils  tous  le  même  salaire?  —  Pourquoi  les  premiers  disent-ils  qu'ils 
ont  porté  tout  le  poids  du  jour  et  de  la  chaleur?  —  Comment  expliquer  les 
murmures  dans  ceux  qui  sont  appelés  à  entrer  dans  le  royaume  des  cieux  ? 

—  Comment  doit-on  expliquer  tous  les  détails  d'une  parabole?  —  De  quoi  se 
plaignent  les  ouvriers  de  la  première  heure?  —  Injustice  de  leurs  plaintes. 

—  Comment  concilier  cette  égalité  de  récompense  dans  les  élus,  avec  ces 
paroles  du  Sauveur  :  Il  y  a  plusieurs  demeures  dans  la  maison  de  mon  Père? 

—  Que  signifie  l'œil  mauvais.  —  Dans  quel  sens  les  derniers  seront  les  pre- 
miers, et  les  premiers  les  derniers.  —  Comment  expliquer  ces  paroles  :  Il  xj 
en  a  beaucoup  d'appelés,  mais  peu  sont  élus?  —  Pourquoi  les  uns  sont-ils 
appelés  à  la  première  heure,  les  autres  à  la  troisième?  etc. 

f.  17-19.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  parle-t-il  de  nouveau  de  sa  passion  à  ses 
Apôtres?  —  De  quelle  manière  en  parlait-il  à  la  foule?  —  Intention  formelle 
que  les  disciples  gardent  dans  leur  cœur  le  souvenir  de  cette  prédiction ,  et 
quel  est  en  cela  son  dessein  ?  —  Pourquoi  joint-il  à  la  prédiction  de  sa  pas- 
sion celle  de  sa  résurrection  ? 

f.  20-23.  —  Vertu  de  Salomé,  mère  des  deux  apôtres  Jacques  et  Jean.  —  Quel 
est  le  motif  qui  la  porte  à  faire  au  Sauveur  cette  demande?  —  Comment  con- 
cilier ici  saint  Matthieu,  qui  met  celte  demande  dans  la  bouche  de  Salomé, 
avec  saint  Marc,  d'après  lequel  cette  demande  a  été  faite  par  les  enfants  de 
Zébédéc  eux-mêmes?  — Comment  ces  deux  Apôtres  furent  amenés  à  faire 
cette  demande  prétentieuse.  —  Cette  demande  avait-elle  pour  objet  un 
royaume  spirituel?  —  Peut-on  admettre  que  cette  femme  demandait  pour  ses 
enfants  les  biens  du  ciel?  —  Que  doit-on  entendre  par  la  droite  et  la  gauche 
de  Jésus-Christ.  —  Pourquoi  ces  deux  disciples  se  servent-ils  de  l'intermé- 
diaire de  leur  mère  pour  faire  au  Sauveur  cette  demaudc?  —  Pourquoi 
Motre-Scigneur  répond-il  à  la  pensée  de  ces  deux  disciples,  plutôt  qu'à  la 
demande  de  leur  mère.  —  Pourquoi  permet-il  que  ses  disciples  aient  des  pen- 
sées et  tiennent  des  discours  réprébensibles  ?  —  Dans  quel  sens  les  deux  dis- 
ciples ne  comprennent  pas  ce  qu'ils  demandent?  —  Il  faut  mériter  la  gloire 


EXPLICATION   DE   l'^.VANGILE  DE   S.    MATTHIEU,    CHAP.    XX.  o5i 

ol  la  recompense  avant  do  les  obtenir.  —  Personne  ne  peut  rogner  avec 
Jésus-Christ  sans  avoir  souflcrt  avec  lui.  Dans  quel  sens  les  deux  disciples 
répondent-ils  (ju'ils  peuvent  lioire  son  calice,  et  comment  peut-on  dire  qu'ils 
l'ont  bu  tous  deux?  —  A  qui  est  réserve  l'honneur  d'être  assis  à  la  droite  et 
à  la  f^auche  du  Sauveur? 

y.  24-28.— Indignation  des  dix  autres  Apôtres  contre  les  deux  frères  .lacques  et 
Jean.  —  Le  sentiment  qui  les  anime  est  aussi  charnel  que  l'était  la  demande 
des  deux  disciples.  —  Que  fait  Notre-Seigneur  pour  calmer  et  consoler  les  uns 
et  les  autres.  —  Comment  les  chefs  de  l'Eglise  doivent  exercer  la  puissance 
spirituelle  qu'ils  ont  reçue.  —  Est-il  permis  de  désirer  l'honneur  attaché  aux 
premières  dignités?  —  Différence  entre  les  princes  du  monde  et  les  chefs  de 
l'Eglise. —  Notre-Seigneur  se  propose  lui-même  pour  exemple. — En  quoi  ceux 
qui  sont  revêtus  de  la  puissance  ecclésiastique  doivent  l'imiter. 

f.  29-34.  —  Une  nombreuse  assemblée  est  une  preuve  du  zèle  de  celui  qui 
enseigne.  —  Comment  concilier  ici  saint  Matthieu  avec  saint  Marc,  qui  ne 
parle  que  d'un  seul  aveugle.  —  Quel  était  ce  Bartimée  dont  parle  saint  Marc  ? 

—  Le  fait  semblable  que  raconte  saint  Luc  est  différent  de  celui-ci.  —  Par 
quel  motif  le  peuple  reprenait  ces  deux  aveugles  pour  les  faire  taire.  —  Par 
quel  sentiment  ces  deux  aveugles  redoublent  leurs  cris,  malgré  la  défense  qui 
leur  est  faite.  —  Pourquoi  le  Sauveur  permettait  qu'on  leur  imposât  silence. 

—  Pourquoi  s'arréta-t-il  pour  les  guérir? —  Pourquoi  leur  demande-t-il 
ce  qu'ils  veulent?  —  Il  veut  les  amener  à  confesser  sa  divinité.  —  Reconnais- 
sance de  ces  deux  aveugles  après  leur  guérison.  —  Explication  allégorique  de 
lagucrison  de  ces  deux  aveugles,  et  ce  qu'ils  représentent. 


552 


EXPLICATION  DE   L  ÉVANGILE 


.  1-lG.  —  Le  ruijauiiic  des  cieux  est  semblable  à  un  jjcrc  de  fandlle,  qui  surlil 
dès  le  grand  matin,  afin  de  louer  des  ouvriers  pour  travailler  à  sa  vicjne;  et, 
étant  convenu  avec  les  ouvriers  d'un  denier  pour^Heur  journée,  il  les  envoya  à 
sa  vigne  (!').  //  sortit  encore  sur  la  troisième  heure  du  jour,  et,  en  ayant  vu 
d'autres  qui  se  tenaient  dans  la  place  sans  rien  faire,  il  leur  dit  :  Allez-vous- 
en  aussi,  vous  autres,  «  ma  vigne,  et  je  vous  donnerai  ce  qui  sera  raison- 
nable ;  et  ils  s'y  en  allèrent.  Il  sortit  encore  sur  la  sixième  et  sur  la  neuvième 
heure  du  jour ,  et  il  fit  la  même  chose.  Enfin,  étant  sortit  sur  la  onzième 
heure ,  il  en  trouva  d'autres  qui  étaient  là  sans  rien  faire,  av^.quels  il  dit  : 
Pourquoi  demeurez-vous  là  tout  le  long  du  jour  sans  travailler?  Parce  que, 
lui  dirent-ils,  personiie  ne  nous  a  loués.  Et  il  leur  dit  :  Allez-vous-en  aussi, 
vous  autres ,  à  ma  vigne  (2).  Le  soir  étant  venu ,  le  maître  de  la  vigne  dit  à 
celui  qui  avait  le  soin  de  ses  affaires  :  Appelez  les  ouvriers ,  et  payez-les,  en 
commençant  depuis  les  derniers  jusqu'aux  premiers.  Ceux  donc  qui  n'étaient 
venus  à  lu  vigne  que  vers  la  onzième  heure,  s'étant  approchés,  reçurent  chacun 
un  denier.  Ceux  qui  avaient  été  loués  les  premiers  venant  à  leur  tour,  crurent 
qu'on  leur  donnerait  davantage  :  mais  ils  ne  reçurent  non  plus  qu'un  denier 
chacun;  et,  en  le  recevant,  ils  murmuraient  contre  le  père  de  famille,  en 
disant  :  Ces  derniers  n'ont  travaillé  qu'une  heure ,  et  vous  les  rendez  égaux  à 


(r)  Cette  parabole  prend  sur  le  fait,  remarque  justement  l'alihé  Darras  [flist.  de  N.-S.J.-C, 
tome  II,  363) ,  et  dessine  avec  une  admirable  netteté  les  habitudes  sociales  des  Juifs.  Gomme  au 
temps  du  vieux  Tobie,  les  ouvriers  inoccupés,  les  serviteurs  disponibles  se  tenaient  sur  la  place 
publique  ou  à  la  porte  de  la  cité,  offrant  leurs  bras  à  qui  en  avait  besoin,  attendant  que  le 
vigneron,  le  laboureur,  le  propriétaire  de  troupeaux  vint  les  employer  aux  travaux  de  la  vie  agri- 
cole ou  pastorale.  Le  prix  de  la  journée  entière  ou  de  la  fraction  du  jour  était  débattu  à  l'amiable 
et  fixé  d'avance.  Chaque  soir  le  salaire  était  lidèlement  distribué  à  ces  ouvriers  libres  ,  qu'il  était 
parfois  nécessaire  d'adjoindre,  comme  supplément,  aux  serviteurs  ou  aux  esclaves  à  poste  fixe, 
pour  les  travaux  d'urgence.  Le  précepte  mosaïque  était  formel  à  ce  sujet.  (Deutér.,  xxiv,  14-15, 
—  Léoit.,  XLx,  13,  —  Tob.,  iv,  15.)  Le  prix  d'une  journée  de  travail,  commençant  à  six  heures 
du  matin  et  finissant  à  six  heures  du  soir,  était,  à  l'époque  évangélique,  d'un  denier  ou  de  seize 
as  romains  ,  représentant  environ  SO  centimes  de  notre  monnaie  actuelle.  11  faut  tenir  compte  ici 
de  deux  élémeuts  qui  modifient  le  résultat  de  la  comparaison  qu'on  voudrait  établir  entre  l'exi- 
guité  d'une  telle  rémunération  et  le  prix  actuel  de  la  main-d'œuvre  parmi  nous;  d'une  part,  les 
denrées  do  première  nécessité,  qui  étaient  proportionnellement  moins  chères...;  d'un  autre  côté, 
il  s'agit  ici  d'un  travail  des  champs ,  partout  moins  rétribué  que  celui  d'une  industrie  propre- 
ment dite Il  n'y  a  pas  longtemps  encore  qu'en  France,  dans  nos  provinces  vinicoles,  les 

bandes  de  travailleurs  qui  couvrent  nos  coteaux,  à  l'époque  des  vendanges,  recevaient  pour  prix 
de  la  journée  un  salaire  inférieur  à  celui  des  vignerons  de  l'Evangile. 

(2)  Le  grec  ajoute  xal  ô  àv  -fl  Stxaiov  ).r)'|>sO£,  c'est-à-dire  vous  recevrez  ce  qui  sera  raison- 
nable. 


GAPUT    XX. 

Simile  est  regnum.  cœlorum  homini  patrifami- 
lias,  qui  exiil  primo  mane  conducere  opera- 
rios  in  vineam  siiam.  Coniientione  autem  facta 
cura  operariis  ex  denario  diurno,  misit  eos  in 
vineam  suam.  Et  pgressus  circa  horam  ter- 
tiam,  vidit  alios  stnnles  in  foro  otiosos,  et  dixit 
mis  :  Ile  et  vos  in  vinontn  menin,  et  quodjus- 
tnmfiierit,  dalio  vohix.  Illi  /inlem  ahierunt.  Tte- 
rum  autem  exiit  circa  .sexiam  et  nmmm  horam, 
et  fecit  similiter.  Circa  undecimam  vern  exiit, 
et  invenit  alios  stantes,  cl  dixit  illis  •  Quid  hic 


statis  tola  die  otiosi  ?  Dieunt  et,  quia  nemo  nos 
conduxit.  Dixit  illis  :  lie  et  vos  in  vineam 
meam.  Cum  sera  autem  factum  esset,  dicil 
Dominus  vineas  procuratori  suo  :  Voca  opera- 
rios,  et  redde  illis  mcrcedem  suam,  incipiens  a 
novissimis  itsque  ad  primos.  Cum  renissent 
err/o  qui  circa  undecimam  horam  vénérant,  ac- 
ceperunt  sinr/ulos  denarios;  venientes  autem  et 
primi  arhitrnti  siint  quod  plus  esscnt  accep- 
turi  :  acceperunt  autem  et  ipsi  singulos  dena- 
rios :  et  accipientes  nturmurabani  adversiis 
palremfamilias,  dieentes  :  Ni  novissimi  una 
/lora  fecerunt,  et  pares  illos  nobis  fecisii,  qui 


DE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.   XX. 


553 


nous,  qui  avons  parlé  le  poids  du  jour  et  de  la  chaleur.  Mais  il  répondit  à 
l'un  d'eux  :  Mon  ami,  je  ne  vous  fais  point  de  tort;  n'ètes-vous  pas  convenu 
avec  moi  d'un  denier  pour  votre  journée?  Prenez  ce  qui  vous  appartient ,  et 
vous  en  allez  ;  pour  moi,  je  veux  donner  à  ce  dernier  autant  qu'à  vous.  Ne 
m'est-il  donc  pas  permis  de  faire  ce  que  je  veux?  (1)  Et  votre  œil  est-il  mau- 
vais, parce  que  je  suis  bon?  Ainsi  les  derniers  seront  les  premiers  et  les  pre- 
miers seront  les  derniers ,  parce  qu'il  y  en  a  beaucoup  d'appelés ,  mais  peu 
d'élus. 

He.mi.  Notre- Seigneur  venait  de  dire  que  plusieurs  de  ceux  qui 
étaient  les  premiers  seraient  les  derniers,  et  que  plusieurs  de  ceux  qui 
étaient  les  derniers  deviendraient  les  premiers  ;  pour  confirmer  cette 
vérité,  il  propose  la  parabole  suivante  :  «  Le  royaume  des  cieux  est 
semblable,  »  etc.  —  S.  Ghrys.  (sur  S.  M«^^A.)  Le  père  de  famille  c'est 
Jésus-Christ,  le  ciel  et  la  terre  sont  comme  sa  maison  ;  sa  famille ,  ce 
sont  toutes  les  créatures  qui  habitent  le  ciel,  la  terre  et  les  enfers  (2*); 
la  vigne  c'est  la  justice  en  général  (|ui  renferme  toutes  les  différentes 
espèces  de  justices  comme  autant  de  plants  de  vigne  ,  la  douceur,  la 
patience,  et  les  autres  vertus  qui  sont  toutes  comprises  sous  le  nom 
général  de  justice  (3).  Les  ouvriers  de  cette  vigne  sont  les  hommes. 
Le  texte  ajoute  :  «  Il  sortit  le  matin  pour  louer  des  ouvriers,  »  etc. 
Dieu  a  comme  répandu  la  justice  dans  nos  facultés,  non  pas  pour  lui, 
mais  pour  notre  utilité.  Nous  sommes  donc,  ne  l'oublions  pas,  des 
mercenaires  qui  avons  été  loués.  Or,  personne  ne  loue  un  mercenaire 
uniquement  pour  qu'il  travaille  à  gagner  sa  nourriture  ;  ainsi  Jésus- 

(I)  C'est  ainsi  qu'il  faut  traduire  ,  d'après  le  vrai  texte  grec  y^  où/,  zifiil  [AOt ,  etc. 

(2*)  Nous  avons  traduit  le  mot  latin  infcriorum  jiar  créatures  qui  habitent  l'enfer,  jjarce  que  le 
contexte  exige  ce  scas.  Qui  quasi  triste/jam  domum  œdificavit,  id  est,  inferos ,  cœlum  et  terram: 
ut  super  terram  habitarent  certantes,  in  inferno  autem  victi,  in  cœlo  victores ,  etc. 

(3)  D'après  le  proverbe  grec  :  îlvi  5iy.a'.0C7UV7i  cu),)vyi6ôr)v  iraa'  àocTi^  ÈcttI.  Toute  vertu  est 
renfermée  dans  la  justice  seule. 


portavimus  pondus  diei  et  œslus.  At  ille  res- 
pondens  uni  eorum  dixit  :  Amice,  non  fado  tibi 
injuriant  :  nonne  ex  denario  comienistimocurn? 
Toile  quod  tuum  est,  et  vnde  :  voln  nutem 
huic  novissimo  dare  sicut  et  tibi.  Aut  non  licet 
mihi  quod  volo  facere  '.'An  oculus  tuus  nequam 
est,  quia  ego  bonus  sum?  Sic  erunt  novissimi 
primi,  et  primi  novissimi  :  multi  enim  sunt 
vocati,  pauci  vero  electi. 

Remig.  Quia  dixerat  Domiuns  :  «  Multi 
eruut  primi  novissimi,  et  novissimi  pri- 
n}i,  ))  ut  banc  seutentiam  coufiriiiaret, 
subjimxit  similitudiueui,  diccus  :  «  Si- 
mile  est  rcj^uum  cœlorum,  »  etc.  Chuys. 
[super  Mafth.  in  opère  imperf.  honi. 
64.)  Homo  paterfamilias  Christus  est; 
cui  cœli  et  terra  quasi  uua  est  domus  ; 


iamilia  autem,  cœlestium,  et  terreftrium, 
et  iuferiorum  creaturarum  :  vioea  au- 
tem ejus  justitia  est,  in  qua  diversaî 
species  justitiarum  positae  sunt ,  quasi 
vîtes  ;  puta  mausuetudo,  castitas,  patieu- 
tia,  C8etera;que  virtules  ;  cpioe  omnes  a.e- 
neraliter  justitia  appellautur  :  homines 
autem  vineiP,  cultores  ponuntur  ;  uude 
dicitur  :  «  Qui  e.xiit  primo  niaue  con- 
ducere  operarios,  »  etc.  Deus  euim  jus- 
titiam  suam  dédit  in  seusibus  uoslris, 
non  proptor  suam  utilitalem,  sed  prop- 
1er  nostram.  Scitotc  ergo  quia  merce- 
uarii  sumus  couducli,  Sicut  ergo  ue- 
mo  ideo  conducit  mercenarium  ut  boc 
solum  faciat  (juod  manducat,  sic  et  nos 
non  ideo  vocati  sumus  a  Gbi'isto,  ut  haec 


554 


EXPLICATION   DE  I.  EVANGILE 


Christ  no  nous  a  pas  appelés  à  son  service  pour  nous  occuper  seu- 
lement de  nos  intérêts,  mais  encore  pour  travailler  à  la  gloire  de  Dieu. 
Et  de  même  que  le  mercenaire  commence  par  remplir  sa  tâche  avant 
de  songer  à  la  nourriture  de  chaque  jour,  ainsi  nous  devons  d'ahord 
nous  appliquer  à  ce  qui  doit  procurer  la  gloire  de  Dieu ,  avant  de 
songer  à  nos  propres  intérêts.  Le  mercenaire  ,  encore ,  consacre  toute 
sa  journée  au  service  de  son  maître,  et  ne  réserve  qu'une  heure  seu- 
lement par  jour  pour  prendre  sa  nourriture;  ainsi  nous  devons  con- 
sacrer toute  notre  vie  à  la  gloire  de  Dieu,  et  n'en  donner  qu'une  faible 
partie  à  nos  besoins  temporels.  Enfin  si  le  mercenaire  passe  un  jour 
sans  travailler,  il  n'ose  paraître  devant  son  maître  pour  demander  son 
pain,  et  comment  ne  rougissez-vous  pas  d'entrer  dans  l'église  de  Dieu 
et  de  paraître  en  sa  présence  le  jour  où  vous  n'avez  fait  aucune  bonne 
action  sous  ses  yeux.  —  S.  Grég.  [liom.  do.)  Dans  un  autre  sens,  le 
père  de  famille,  c'est-à-dire  notre  Créateur,  aune  vigne,  qui  est  l'Eglise 
universelle,  et  qui_,  depuis  le  juste  Abel  jusqu'à  la  fin  du  monde,  a 
poussé  autant  de  ceps  qu'elle  a  produit  de  saints.  Or,  dans  aucun 
temps,  Dieu  n'a  cessé  d'envoyer  des  ouvriers  pour  instruire  son  peuple 
comme  pour  cultiver  sa  vigne;  car  il  l'a  cultivée  successivement, 
d'abord  par  les  patriarches ,  puis  par  les  docteurs  de  la  loi ,  ensuite 
par  les  prophètes_,  (!t  enfin  par  les  Apôtres  comme  par  autant  d'ou- 
vriers. On  peut  dire,  toutefois,  que  tout  homme  qui  fait  le  bien  avec 
une  intention  droite  est  en  quelque  manière  et  dans  une  certaine  me- 
sure un  des  ouvriers  de  cette  vigne. 

Orig.  {traité  iO  sur  S.  Matth.)  Nous  pouvons  bien  dire  que  toute 
cette  vie  n'est  qu'un  seul  jour,  jour  d'une  grande  étendue  par  rapport 


solum  operemur  quae  ad  nostrum  per- 
tinent usum,  serl  ad  gloriam  Dei  ;  et  si- 
cut  mercenarius  prius  aspicit  opus 
suiim,  deinde  qnotidianum  dbum ,  sic 
et  nos  primum  dcbemus  aspicerc  quœ 
ad  gloriam  Dei  pertinent  ,  deinde 
qnaî  ad  nostram  ntilitatem  ,  et  sicnt 
mercenarius  totam  diem  circa  domini 
opus  impendit  ,  unam  autem  horam 
circa  suum  cibum,  sic  et  nos  omue  tem- 
pns  vitai  nostrcB  debenius  impendere  cir- 
ca gloriam  Dei,  niodicam  autem  partem 
circa  usus  nostros  terrenos  ;  et  sicut 
mercenarius  ea  die  qna  opus  non  fece- 
rit,  erubescit  intrare  in  domum  et  pe- 
tere  panem  ,  quomodo  tu  non  confuu- 
dcris  intrare  in  Ecclesiam,  et  starc  anle 
conspectum  Dei,  quando  nibil  boni  in 
conspcciu  Dei  gessisti?  GnKc,.  {in  /mm. 
15,   m  Emng.)   Vel    patcrfamilias  (id 


est,  Conditor  noster)  habet  vineam,  uni- 
versam  scilicet  Ecclesiam,  qufe  ab  Abel 
justo  usque  ad  ultimum  electum  qui  in 
fide  mundi  nasciturns  est  quot  sanctos 
protulit,  quasi  tôt  palmitcs  luisit.  Ad 
erudiendam  autem  Dominus  plebem 
suam ,  quasi  ad  excoleudàm  vineam 
suani,  nullo  tempore  destitit  operarios 
miltere  ;  quia  et  prius  par  patres ,  cl 
postmodum  per  legis  doctores,  deinde 
per  proplietas,  ad  exlremum  vero  per 
apostolos  (quasi  per  operarios)  in  vi- 
neie  cuUura  laboravit  :  qnamvis  in  quo- 
libet modulo  vel  mensura  quisquis  cum 
lide  rectu  bona?.  aclionis  extitit,  bnjus 
vincna  operarius  fuit. 

Onin.  (Tract.  10,  in  Matth.)  Tolum 
aulnm  boc  seculum  prœsens,  vniuii 
diem  diccrc  possimuis  ;  magnum  qui- 
d'-m  quantum  ad  nos,  inodicnm  aulem 


DE   SAINT    MATTHIEU.    THAP.    XX. 


ri.^iS 


à  nous,  mais  d'une  courte  durée  si  on  le  compare  ;\  la  vie  de  Dieu.  — 
S.  riRÉo.  {hom.  19.)  Le  matin  de  ce  jour  du  monde  fut  l'époque  (]ui 
s'écoula  depuis  Adam  jusqu'à  Noé;  c'est  pour  cela  que  Notre-Seiyucur 
dit  :  «  Il  sortit  de  grand  matin  ,  afin  de  louer  des  ouvriers  pour  sa 
vigne,  »  et  il  ajoute  les  conditions'dont  il  est  convenu  avec  eux  :  «  Et 
étant  convenu  avec  eux  d'un  denier ,  o  etc.  —  Orig.  Je  pense  que  le 
denier  figure  ici  le  salut  éternel.  —  Rémi.  Le  denier  était  une  pièce 
de  monnaie  qui  valait  dix  as,  et  qui  portait  l'effigie  du  roi  :  le  denier 
désigne  donc  parfaitement  la  récompense  qui  est  accordée  à  l'obser- 
vation du  Décalogue.  C'est  aussi  avec  dessein  qu'il  est  dit  :  «  Etant 
convenu  avec  eux ,  »  etc.  ;  car  dans  le  champ  de  la  sainte  Eglise, 
chacun  travaille  dans  l'espoir  de  la  récompense  future.  —  S.  Grég. 
La  troisième  heure  est  le  temps  qui  s'écoula  de  Noé  à  Abraham,  et 
c'est  de  cette  époque  que  le  Sauveur  veut  parler,  quand  il  dit  :  «  Etant 
sorti  vers  la  troisième  heure  ,  il  vit  d'autres  ouvriers  qui  se  tenaient 
sans  rien  faire  sur  la  place  publique.  »  —  Orig.  La  place  publi(jue, 
c'est  tout  ce  qui  est  en  dehors  de  la  vigne,  c'est-à-dire  en  dehors  de 
l'Eglise  de  Jésus-Christ.  —  S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.)  Dans  ce  monde, 
les  hommes  vivent  d'un  échange  mutuel  d'achats  et  de  ventes^  et  pour- 
voient à  leur  subsistance  par  un  commerce  do  fraudes  réciproques. — 
S.  Grég.  C'est  avec  justice  que  l'on  peut  adresser  le  reproche  d'oisi- 
veté à  celui  qui  no  vit  que  pour  lui  et  se  nourrit  des  plaisirs  des  sens, 
parce  qu'il  ne  travaille  pas  à  produire  les  fruits  des  œuvres  de  Dieu. 
—  S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.)  Ces  ouvriers  oisifs  ne  sont  pas  les  pé- 
cheurs, qui  sont  bien  plutôt  morts,  mais  tous  ceux  qui  n'accomplissent 
pas  les  œuvres  de  Dieu.  Voulez-vous  donc  ne  pas  rester  oisif?  Ne  pre- 
nez pas  le  bien  d'autrui ,  et  donnez  de  vos  propres  biens  ;  vous  aurez 


quantum  ad  Dei  vitam.  Greg.  {in  hom. 
19  lit  sup.)  Maneautem  mundi  fuit  œtas 
ab  Adam  usque  ad  Noe  :  et  ideo  dicitur  : 
«  Qui  exiit  primo  mane  conducere  ope- 
rarios  in  vineam  suam  :  »  et  modum 
••onductionis  subjunxit,  dicens  :  «  Con- 
veutione  autem  facta,  »  etc.  Orig.  {îtt 
stip.)  Salutis  autem  arbitrer  nomen  esse 
flenariian.  Rkmig.  Ueuarius  enim  dici- 
tur qui  antiquitus  pro  deccm  nummis 
(ompulabatur,  et  figuram  régis  habet  : 
recte  crgo  per  denarium  designatur  ob- 
servât! decaloïi  prœmium  :  pulclire 
ergo  dicit  :  «  Convcntione  facta,  »  etc. 
Quia  nnusquisque  in  agro  sanctae  Eccle- 
sise  pro  spe  futur»  rcmuuerationis  la- 
borat.  Gri:<;.  {vt  sup.)  Tertla  vcro  liora 
a  Noe  fuit  usque  ad  Abraliam  ,  do  qua 


dicitur  :  «  Et  egressus  circa  horam  ter- 
tiam,  vidit  alios  in  foro  stantes  otiosos.» 
Orig.  {iit  sup.)  Forum  autem  est  quic- 
quid  est  extra  vineam,  id  est,  extra  Ec- 
cicsiam  Christ!.  Chrys.  {sitp  Mallli.  in 
opère  imperf.  hom.  34.)  In  hoc  enim 
mundo,  veudendo  et  emendo,  vivnnt 
homines  ;  et  invicem  sibi  fraudem  fa- 
cientes,  vitam  suam  sustentant.  Greg. 
{ut  sup.)  Qui  autem  sibi  vivit,  qui  caruis 
suai  volnptatibus  pascitur,  recte  otiosus 
arguitur  ;  qu!a  fructum  divin!  operis  non 
sectatur.  Chrys.  {super  Motlh.  in  opère 
imperf.  ut  sup.)  Vel  otios!  sunt  non 
peccatores  (illi  enim  mortui  dicuntur)  ; 
otiosus  autem  est  qui  opus  De!  non  ope- 
ratur.  Yis  ergo  non  esse  otiosus  ?  Non 
aliéna  tollas.  et  de  tuis  des  ;  et  operatus 


556 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


travaillé  dans  la  vigne  du  Seigneur,  en  cultivant  le  cep  de  la  miséri- 
corde, «  Et  il  leur  dit  :  Allez -vous  en  aussi  dans  ma  vigne.  »  Remar- 
(|ucz  quo  ce  n'est  i^u'avec  les  premiers  qu'il  s'engage  de  donner  un 
denier,  il  loue  les  autres  pour  un  prix  indéterminé  :  «  Je  vous  donne- 
rai ce  qui  sera  juste.  »  Le  Seigneur,  qui  prévoyait  la  prévarication 
d'Adam,  et  qu'après  lui  tous  les  hommes  devaient  périr  dans  les 
eaux  du  déluge ,  fit  avec  lui  un  traitt'î  bien  précis  ,  afin  qu'il  ne  put 
prétexter  qu'il  avait  abandonné  la  voie  de  la  justice,  parce  qu'il 
ignorait  quelle  en  serait  la  récompense;  mais  il  ne  s'est  point  en- 
gagé de  cette  manière  avec  les  derniers ,  parce  que  son  intention 
était  de  les  récompenser  bien  au  delà  de  ce  que  pouvaient  espérer 
des  mercenaires.  —  Orig.  Ou  bien  encore ,  comme  il  a  loué  les  ou- 
vriers de  la  troisième  heure  pour  faire  l'ouvrage  tout  entier ,  il  se 
réserve  d'apprécier  leur  travail  avant  de  leur  donner  une  juste  ré- 
compense ;  car  ils  pouvaient  travailler  autant  que  ceux  qui  avaient 
commencé  le  matin  en  s'apphquant  à  leur  travail  dans  un  court  espace 
de  temps  avec  une  laborieuse  activité  qui  compenserait  l'inaction  du 
matin.  —  S.  Grég.  La  sixième  heure  est  celle  qui  s'étend  d'Abraham 
à  Moïse,  et  la  neuvième,  celle  qui  s'est  écoulée  de  Moïse  jusqu'à  l'a- 
vénement  du  Seigneur.  «  Et  il  sortit  de  nouveau,  »  etc. 

S.  Chrys.  Notre-Seigneur  réunit  ensemble  la  sixième  et  la  neuvième 
heure,  parce  que  c'est  alors  qu'eut  lieu  la  vocation  du  peuple  jnif^  et 
que  Dieu  renouvela  fréquemment  ses  alliances  avec  les  hommes  , 
comme  pour  leur  annoncer  que  le  temps  marqué  pour  le  salut  du 
genre  humain  n'était  pas  éloigné.  —  S.  Grég.  La  onzième  heure  c'est 
le  temps  qui  s'écoulera  depuis  l'avènement  du  Seigneur  jusqu'à  la  fin 


es  ia  vinea  Domini,  misericordiae  vilein 
colens.  Sequitur  :  «  Et  dixit  illis  :  Ile  et 
vos  in  vinoam  ineam.  »  Nota  qnod  solis 
primis  couveail  spocialiler  dare  deiia- 
riimi  ;  alios  auteiu  sub  iacerto  pacte 
conduxit,  diceiis  :  «  Qiiod  justum  l'uerit 
dabo  vobis.  »  Sciens  enim  Dominas  <niia 
prfevaricatui'us  lïierat  Adam,  et  omiies 
postmodum  iu  diluvio  eraiit  perituri, 
certum  fecit  paclum  ad  eum  ;  neipiaudo 
dicat  ideo  se  ue^lcxisse  justiliam,  quia 
uesciebat  quai  praimia  fuerat  i'ei;oplu- 
riis  :  istis  autem  non  fecit  pactum,  (piia 
tantum  paratus  est  retribuere,  quantum 
incrceuarii  reeipere  non  sperabant. 
Onic.  (ut  Slip.)  Vel  quia  operarios  ler- 
tia?  Iiorae  invitavit  ad  lotum  upus  ;  (juic- 
«piid  antera  polerant  operari,  suo  urbi- 
trio  reservavit,  ut  juslam  eis  mercedom 


reddat  :  poterant  enim  œquale  opus  fa- 
cere  in  vinea  eis  qui  ex  maue  sunt  ope- 
rati,  quicunque  in  tempore  brevi  vole- 
bant  operantem  virtutem  ad  opus  ex- 
tendere,  quaj  ante  non  l'uerat  operala. 
(jREO.  [ut  aup.)  Sexta  quoquc  bora  est 
alj  Abraham  usque  ad  Moyseu  :  uona 
est  a  Moyse  usque  ad  adventum  Do- 
mini :  unde  sequitur  :  «  Itorum  autem 
exiit,  »  etc. 

CuRVs.  (svpcr  Matth.  in  opère  iin- 
perf.  iit  Slip.)  Ideo  autem  conjunxit 
sextam  et  nonam,  quia  in  sexta  et  noua 
ijimerationem  vocavit  Judœorum,  et  fre- 
«luentavit  i:um  hominibus  dispnucrc  tes- 
tamenla  quasi  diflinito  salutis  omnium 
lempore  jam  appropinquante.  Grki.. 
(vt  Slip.)  Undecima  vero  hora  est  ab 
adveulu  Domini  usque  ad  lincm  uunidi. 


DK  SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XX.  ?)57 

du  monde.  L'ouvrier  du  raatiu,  de  la  troisième,  de  la  sixième  et  de  la 
neuvième  heure,  c'est  donc  cet  ancien  peuple  hébreu  qui,  dans  la  per- 
sonne de  ses  élus,  n'a  point  cessé  de  travailler  à  la  vigne  du  Seigneur 
depuis  le  commencement  du  monde,  en  s'efforçant  d'adorer  Dieu  avec 
une  foi  droite  et  sincère.  A  la  onzième  heure  ,  ce  sont  les  Gentils  qui 
sont  appelés.  «  Vers  la  onzième  heure  ,  il  sortit,  »  etc.  Ils  avaient  né- 
gligé, dans  le  cours  de  tant  de  siècles ,  de  travailler  à  la  culture  de 
leur  âme,  et  ils  passaient  ainsi  tout  le  jour  sans  rien  faire.  Mais  re- 
marquez ce  qu'ils  répondent  à  la  question  qui  leur  est  faite  :  «  Per- 
sonne, lui  dirent-ils,  ne  nous  a  loués.  »  Aucun  patriarche  ,  en  efifet, 
aucun  prophète  n'était  venu  vers  eux  ,  et  que  signifient  ces  paroles  : 
«  Personne  ne  nous  a  loués  ,  »  si  ce  n'est  :  «  Personne  ne  nous  a  fait 
counaitre  le  chemin  de  la  vie.  »  —  S.  Chrys.  {suî'  S.  Matth.)  Quelle 
est  donc  la  nature  de  cette  convention,  et  quelle  récompense  y  est  pro- 
mise (I)?  C'est  la  promesse  de  la  vie  éternelle;  car  les  Gentils  étaient 
les  seuls  qui  ne  connaissaient  ni  Dieu  ni  les  promesses  éternelles  de 
Dieu.  —  S.  HiL.  {can.  20.)  Le  Seigneur  les  envoie  donc  à  sa  vigne. 
«Et  il  leur  dit  :  Allez,  vous  aussi,  à  ma  vigne.  » 

Rab.  Après  avoir  fait  connaître  les  conditions  du  travail  pour  la 
journée,  le  Sauveur,  continuant  son  récit,  arrive  à  l'heure  du  salaire, 
et  dit  :  «  Le  soir  étant  venu ,  »  etc. ,  c'est-à-dire  lorsque  le  jour,  qui 
comprend  toute  la  durée  du  monde  ,  était  sur  son  déclin,  et  appro- 
chait de  la  consommation  de  toutes  choses. —  S.CHRYS.(sM;'iS'.i¥ff///<.) 
Remarquez  que  c'est  le  soir  du  même  jour ,  et  non  le  matin  suivant, 
quelepère  de  famille  donne  à  chacun  ce  qui  lui  est  dû.  Ce  sera  donc 

(1)  Àllasioa  au  texte  grec  oùoîtç  "ôjxà;    £iji.t(ïfJwca-o  ,  personne  ne  nous  a  loués  pour  un  prix 
convenu. 


Operator  ertro  mane,  bora  tertia,  sexta 
et  nona,  antiquus  ille  et  hebraicus  po- 
pulus  desijinatur,  qui  in  electis  suis  ab 
ipso  mundi  exordio  dum  recta  fide 
Deiim  studuit  colère,  quasi  non  destitit 
in  vineae  cultura  laborare  ;  ad  undeci- 
luam  vero  Gentiles  vocantvir  :  unde  se- 
quitur  :  «  Circa  undeoimam  vero  exiit,» 
elc.  Qui  enini  transacto  lam  longo  mun- 
di tempore  pro  vita  sua  laborare  ne- 
glexerant,  quasi  tota  die  otiosi  stabant. 
Sed  animadverte  quid  inquisiti  respon- 
deant  :  sequitur  euini  :  «  Dicunt  ei  quia 
nemo  nos  conduxit  :  »  nullus  quippe  ad 
eos  patriarcba,  nullus  propheta  ad  eos 
venerat  :  et  quid  est  dicere  :  «  Nemo 
nos  conduxit,  »  nisi  «  vitaj  nobis  nemo 


viaui  prœdicavit  ?  Cnins.  {sup.  MutUt. 
ht  opère  imperf.  vt  sup.)  Quae  est  enim 
conductio  nostra  et  couductionis  mer- 
ces  ?  Promissio  vitœ  œteruœ  :  gentes 
enim  solae  neque  Deum  sciebant,  neque 
Dei  promissa.  Hilar.  {can.  20  ut  stip.) 
Hi  igitur  mittuntur  ad  vineam  :  unde 
sequitur:  «  Dixit  eis  :  Ite  et  vos,  »  etc. 
Rab.  Postquam  autem  operis  diurni 
ratio  reddita  est,  ad  remunerationis 
tempus  opportunum,  dicit  :  «  Cum  au- 
tem sero  factum  esset,  »  hoc  est,  cum 
dies  totius  niundi  ad  vesperam  consum- 
mationis  iucliuata  esset.  Chrys.  {super 
Mdtth.  in  opère  imperf.  xit  sup.)  Consi- 
déra quia  sero  (non  alio  mane)  merce- 
dem  reddit  :  erao  adhuc   stante  seculo 


558 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


pendant  lu  durée  du  siècle  présent  qu'aura  lieu  le  jugement  après 
lequel  chacun  recevra  sa  récompense  ;  et  cela  pour  deux  raisons  :  la 
première,  c'est  que  la  bicnlieureuso  éternité  doit  être  la  récompense 
de  la  justice,  et  qu'il  faut  par  conséquent  que  le  jugement  la  précède  ; 
la  seconde  raison  pour  laquelle  le  jugement  doit  précéder  le  jour  de 
Téternité,  c'est  afin  que  les  pécheurs  ne  soient  pas  témoins  du  bon- 
heur de  ce  jour  éternel. 

«  Et  le  maître  dit  à  son  intendant ,  »  c'est-à-dire  le  Fils  à  l'Esprit 
saint.  —  La  Glose.  Uu  bien,  si  vous  aimez  mieux,  le  Père  dit  au  Fils, 
car  le  Père  agit  par  le  Fils,  et  le  Fils  par  l'Esprit  saint,  sansc^u'il  y  ait 
entre  eux  aucune  différence  de  nature  ou  de  dignité.  —  Orig.  Ou 
bien  encore,  le  maître  dit  à  sou  intendant,  c'est-à-dire  à  l'ange  chargé 
de  la  distribution  des  récompenses,  ou  à  l'un  de  ces  nombreux  inten- 
dants dont  l'Apôtre  a  dit  :  «  L'héritier  est  sous  la  puissance  des 
tuteurs  et  des  curateurs  pendant  tout  le  temps  de  son  enfance.  » 
[Galat.,  I.)  —  Rémi.  Ou  bien  enfin,  c'est  Notre-Seigneur  Jésus-Christ 
lui-même,  qui  est  à  la  fois  le  père  de  famille  et  l'intendant  du  maître 
de  la  vigne,  comme  il  est  lui-môme  la  porte  et  le  portier  ;  car  c'est  lui 
qui  doit  venir  juger  les  hommes,  et  rendre  à  chacun  selon  ses  œuvres. 
C'est  donc  au  moment  où  les  hommes  seront  réunis  pour  le  jugement 
dernier,  après  lequel  chacun  recevra  selon  ses  œuvres,  qu'il  appellera 
les  ouvriers  pour  leur  donner  une  récompense. 

Orig.  Or,  les  premiers  ouvriers ,  que  leur  foi  avait  rendus  recom- 
mandables  ,  n'ont  pas  reçu  l'effet  des  promesses,  le  père  de  famille 
ayant  voulu,  par  une  faveur  particulière  pour  nous,  qu'ils  ne  reçoivent 
qu'avec  nous  l'accomphsseinent  de  leur  félicité,  (fîeôr.^xi.)  Et  comme 


islo  judicium  est  futurum,  et  unicuique 
luerces  sua  reddcnda;  et  hoc  propter 
dnas  rationes  :  prima  est,  «inia  ipsa  bea- 
liludo  futura  est  iiierces  jiislilia!,  ideo 
non  in  illo  seciilo  lit  judicium,  sed  aute 
illud  ;  deiude,  aute  adveulum  diei  illius 
praimittitur  judicium,  ne  videaut  pec- 
catores  diei  illius  beatitudinem. 

Sequitur  :  «  Dicit  Dominus  procura- 
tori  suo,  »  id  est,  Filius  Spiritui  saucto. 
Glossa.  Vel  si  volueris,  dicit  Pater  Fi- 
liu,  quia  scilicet  Pater  operatur  per  Fi- 
lium,  etFilius  per  Spiritum  sanctum  ,  non 
propter  aliquam  diiierentiam  substautite 
autdiiiuitatis.  Orig.  {xit  sup.)  Vel  «  dicit 
iJominus  procuratori  suo,  »  id  est,  ali- 
cui  auttelorum,  qui  super  mercedes  re- 
tribucndas  est  positus  ;  sive   alicui    ex 


multis  procuratoribus,  secundum  (piud 
scriptum  est  [ad  Galat.  4)  :  «  Sub  cura- 
toribus  et  tutoribus  esse  h»redem  iu 
tempore  (juo  parvulus  est.  »  Remig.  Vel 
Uoniinus  Jésus  Christns  ipse  est  paterfa- 
milias  et  vinea,'  procurator,  sicutet  ipse 
est  ustiuui  et  ustiarius  :  ipse  euim  est 
venturus  ad  judicium,  ut  unicuique  red- 
dat  secundum  quod  çtessit.  Vocat  crgo 
operarios ,  et  reddit  illis  mercedem , 
quando  cougregabuntur  iu  judicio,  ut 
unusquisque  accipiat  secundum  opéra 
sua. 

Orig.  (w^  sup.)  Primi  autem  operarii 
testimonium  babeutes  per  iidem,  non 
acceperunt  Deipromissionem,  pro  uobis 
aliquid  meliusprospiciente  patrefamilias, 
ut  non  sine  uobis  perliciantur.    Ft  ijuia 


DE   SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XX.  559 

nous  avons  été  l'objet  d'une  miséricorde  toute  spéciale,  nous  espérons 
recevoir  les  premiers  la  récom[)ense,  taudis  que  ceux  qui  ont  travaillé 
avant  nous  ne  la  recevront  qu'après  nous  :  «  Appelez  les  ouvriers,  et 
payez-les  en  commençant  par  les  derniers.  »  —  S.  Cukys.  (^m;*  S.  Matth.) 
En  eflet,  nous  donnons  toujours  plus  volontiers  à  ceux  qui  n'ont  au- 
cun droit  à  notre  libéralité  ;  car  nous  donnons  alors  en  vue  de  l'hon- 
neur qui  nous  en  revient.  Dieu  se  montre  donc  juste  en  donnant  aux 
saints  la  récompense  qu'il  leur  a  promise ,  et  miséricordieux ,  en  l'ac- 
cordant aux  Gentils  selon  ces  paroles  de  saint  Paul  :  «  Or,  les  Gentils 
doivent  glorifier  Dieu  de  la  miséricorde  qu'il  leur  a  faite;  »  voilà 
pourquoi  le  maître  ajoute  :  «  En  commençant  par  les  derniers  jus- 
qu'aux premiers.  »  C'est  aussi  pour  faire  éclater  son  ineflable  miséri- 
corde que  Dieu  récompense  ainsi  les  derniers  et  les  moins  dignes, 
avant  de  récompenser  les  premiers;  car  une  miséricorde  infinie  n'exa- 
mine pas  l'ordre  et  le  rang  des  personnes.  —  S.  Auti.  {de  l'espiit  et  de 
la  lettre,  cliap.  xxiv.)  Ou  bien  ,  les  moins  dignes  ou  les  derniers  se 
trouvent  les  premiers,  parce  qu'ils  ont  attendu  moins  longtemps  leur 
récompense  (1). 

«  Ceux  donc  qui  n'étaient  venus  qu'à  la  onzième  heure  s'étant  ap- 
prochés, »■  etc.  —  S.  Gkég.  Les  ouvriers  qui  n'avaient  travaillé  qu'à  la 
onzième  heure  reçurent  pour  salaire,  comme  ceux  qui  avaient  com- 
mencé à  la  première  heure,  le  même  denier  qu'ils  avaient  ardemment 
désiré  ;  parce  que,  en  effet,  ceux  qui  se  sont  convertis  à  Dieu  à  la  fin 
du  monde  ont  reçu  la  même  récompense ,  la  même  vie  éternelle  que 
ceux  qui  avaient  été  appelés  dès  le  commencement  du  monde. — 
S.  Chrys.  {mr  S.  Matth.)  Or,  il  n'y  a  en  cela  aucune  injustice,  car 

(1)  Dans  l'édition  de  Paris,  on  lit  :  Veliit  minores  reperiuntur  priores ,  avec  une  variante  à  la 
marge;  mais  la  construction  que  nous  avons  adoptée,  d'après  l'édition  de  Bàle,  rend  le  sens  plus 
clair  et  peut  seul  s'accorder  avec  le  contexte. 


inisericordiam  consecuti  sumus,  primi 
mercedem  speramus  accipere,  qui  su- 
imis  Chrjsti  :  post  nos  autem,  qui  ante 
nos  operati  sunt  ;  et  ideo  dicitur  :  «  Voca 
operarios,  etredde  illis  uiercedeui,  »  etc. 
CuRYS.  {sup.Malth.  in  opère  imper/',  ut 
Slip.)  Seniper  enim  libeiitius  aliquid  da- 
ums  illis  quibus  gratis  donamus,  quia 
pro  solo  nostro  honore  donamus.  Ergo 
omnibus  sanctis  Deus  reddens  merce- 
dem, jiistus  ostenditur  ;  gentibus  autem 
Anxii  misericors  ;  dicente  Apostolo  {ad 
Rom.  15)  :  «  Gentes  autem  super  mise- 
ricordia  houorare  Deum.  »  Et  ideo  di- 
citur :  «  lucipiens  a  novissimis  usque  ad 
primos.  »  Aut    certe  ut  osteudat  Deus 


iuœstimabilem  misericordiam  suam,  pri- 
mum  novissimis  et  indignioribus  reddit 
mercedem ,  postea  primis  :  nimia  enim 
misericordia  ordinem  non  aspexit.  AuG. 
[de  spiritu  et  littera,  cap.  24,  in  fine.) 
Vel  ideo  velut  priores  reperiuntur  mino- 
res, quia  minus  dilati  sunt. 

Sequitur  :  «  Cum  venisseut  ergo 
qui,  ))  etc.  Greg.  {ut  sup.)  Eumdem  de- 
narium  accipiuut  qui  laboraverunt  ad 
undecimam  quem  expeclaverunt  toto  de- 
siderio,  et  qui  laboraverunt  ad  primam, 
quia  œqualem  vilœ;  neternœ  retributionem 
sortiti  sunt  cum  his  qui  al)  initio  mundi 
vocati  fuerant,  hi  qui  in  fine  mundi  ad 
Deum  veueruut.  Curys.  {super  Matth. 


560 


EXPLTCATION  DE   L  ÉVANGILE 


que  fait  à  celui  qui  a  vécu  dès  les  premiers  jours  du  monde,  et  qui  n'a 
pas  dépassé  le  temps  qui  lui  était  marqué,  que  le  monde  ait  continué 
à  exister  après  lui?  El  quant  à  ceux  qui  naissent  à  la  fin  des  temps, 
ils  vivent  nécessairement  le  nombre  de  jours  qui  leur  a  été  assigné. 
En  quoi  donc  leur  travail  serait- il  allégé  ,  si  le  monde  venait  à  finir 
aussitôt,  puisqu'ils  doivent  achever  leur  tâche  avant  la  fin  du  monde  ? 
D'ailleurs,  il  ne  dépend  pas  de  l'homme,  mais  de  la  puissance  divine, 
de  naître  plus  tôt  ou  plus  tard  ;  celui  qui  est  né  en  premier  lieu  ne  doit 
pas  revendiquer  la  première  place  ou  l'honneur  d'être  le  premier,  et 
celui  qui  n'est  venu  qu'après  ne  doit  pas  être  considéré  comme  étant 
d'un  mérite  inférieur.  «  Et  en  recevant  ce  denier  ,  ils  murmuraient 
contre  le  père  de  famille,  et  disaient,  »  etc.  Mais  s'il  est  vrai,  comme 
nous  venons  de  le  dire ,  que  les  premiers  et  les  derniers  aient  vécu 
chacun  leur  temps,  ni  plus  ni  moins,  et  que  la  mort  ait  été  pour  les 
uns  comme  pour  les  autres  la  consommation  de  leur  destinée,  pour- 
quoi donc  les  premiers  disent-ils  :  «  Nous  avons  porté  le  poids  du  jour 
et  de  la  chaleur  ?  »  C'est  que  nous  avons  besoin  d'une  plus  grande 
force  pour  pratiquer  la  justice,  nous  qui  savons  que  la  fin  du  monde 
approche.  Aussi  est-ce  pour  nous  armer  d'un  nouveau  courage  que  le 
Christ  disait  :  «  Le  royaume  des  cieux  est  proche.  »  Au  feontraire, 
c'était  pour  ceux  qui  out  vécu  les  premiers  une  occasion  de  tiédeur, 
de  savoir  que  le  monde  devait  durer  longtemps  encore,  et  bien  que 
leur  vie  n'ait  pas  égalé  la  durée  du  monde ,  ils  paraissent  cependant 
en  avoir  supporté  toutes  les  incommodités.  Ou  bien ,  «  le  poids  du 
jour,  »  ce  sont  les  commandements  de  la  loi;  «  la  chaleur ,  »  c'est  la 
tentation  brûlante  de  l'erreur  qu'allumaient  en  eux  les  esprit  de  ma- 
lice en  les  excitant  à  la  jalousie  contre  les  Gentils.  Les  Gentils,  au 


in  opère  imperf.  ut  sup.)  Non  autein 
injuste  :  nam  et  qui  in  prima  parle  seculi 
natus  est  et  non  amplius  vixit  quam  sta- 
tutum  tempus  vilœ  suae,  quid  ilii  uocuit 
si  post  illius  exitum  muudus  t-tetit?  VA 
qui  circa  iinem  nascuutur,  non  minus 
vivnnt  quam  dies  qui  uumerati  sunt  eis. 
Quid  illis  ergo  prodest  ad  coiiipeudium 
laboris,  si  cito  mundus  tinilur,  cum 
pensum  vitae  suœ  compleant  anle  muu- 
dum  ?  Deinde  non  est  in  liomine,  quando 
uascatur  (prius  aut  postea),  sed  potesta- 
tis  divinœ.  Nec  ille  quidem  sibi  priorem 
del»et  lociim  (vel  priorem  honorem)  de- 
fendere,  qui  prius  natus  est;  uec  ille 
coutemplibilior  débet  esse,  qui  postea. 
Sequitiir  :  «  Et  accipientes  murmurabant 
adversus  patremfaniilias,  diceutes,  »  etc. 
Si  aulem  verumest  quod  diximus,  quia 


primi  et  posteriores  tempus  suum  vixe- 
runt,  et  non  amplius  neque  minus,  et 
unicuique  mors  sua  est  consummatio  ip- 
sius,  quid  est  quod  dicuut  :  «  Portavi- 
mus  pondus  diei  et  œstus  ?  »  Quia  seili- 
cet  magna  est  nobis  virtus  ad  faciendam 
juslitiam,  cognoscere  prope  esse  fi- 
nem  mundi.  Uude  et  Christus  nos  ar- 
maus  dioebat  {Matth.  i)  :  «  Appropin- 
quavit  reguum  cœlorum.  Illis  autem  inlir- 
matio  erat,  scire  mundi  spatia  esse  lou- 
giuqua  :  quamvis  ergo  non  per  omne 
seculum  vixeriut,  tamen  lolius  seculi 
gravamiua  pertulisse  videntur  :  aut 
«  pondus  totius  diei,  »  dicit  onerosa  le- 
gis  mandata;  astiim  aulem  urentem  er- 
roris  teulationem,  quam  conllabaut  spi- 
ritus  maligni  in  eos,  ad  a.'mulationem  gen- 
tium   eos  irritantes;  a  quibus  omnibus 


DE   SAINT   MATTHIEU,    ClfAP,   XX,  oGl 

contraire,  en  eml)rassant  la  foi  chrétienne,  n'ont  pas  été  soumis  à  ces 
difficultés,  et  ont  été  entièrement  sauvés  par  la  grùce  qui  résume  tout 
dans  son  mystérieux  travail.  —  S.  Grég.  Ou  bien  encore  :  «  Porter  le 
l,oids  du  jour  et  de  la  chaleur  ,  »  c'est  pendant  toute  la  durée  d'une 
longue  vie,  supporter  les  fatigues  d'une  lutte  continuelle  contre  les 
ardeurs  de  la  concupiscence.  Mais  comment  donc  expliquer  les  mur- 
mures dans  ceux  qui  sont  appelés  à  entrer  dans  le  royaume  des  ci  eux? 
Car  aucun  murmurateur  ne  peut  y  entrer,  comme  aucun  de  ceux  qui 
le  reçoivent  pour  récompense ,  ne  peut  se  laisser  aller  aux  murmures. 

S.  GuiiYS.  {hom.  (ri.)  On  ne  doit  point  chercher  à  concilier  exacte- 
ment tous  les  détails  d'une  parabole  avec  l'ensemble  du  récit  _,  mais 
bien  comprendre  la  fin  que  l'auteur  s'y  est  proposée,  et  ne  pas  aller  au 
delà.  L'intention  du  Sauveur  n'est  donc  pas  ici  de  nous  montrer  ceux 
qui  étaient  les  premiers  atteints  d'une  violente  jalousie,  mais  de  nous 
faire  voir  les  derniers  en  possession  d'une  gloire  si  grande  qu'elle 
était  capable  d'inspirer  aux  autres  de  l'envie.  —  S.  Grég.  Ou  bien 
encore,  les  anciens  patriarches,  quelle  que  fût  d'ailleurs  leur  justice, 
n'ayant  pu  entrer  dans  le  royaume  des  cieux  avant  l'avènement  du 
Sauveur,  se  laissent  en  quelque  sorte  aller  aux  murmures.  Nous,  au 
contraire,  qui  sommes  venus  à  la  onzième  heure,  nous  ne  murmurons 
pas  après  notre  travail,  parce  qu'étant  venus  dans  le  monde  après 
l'avènement  du  Médiateur ,  nous  entrons  dans  le  royaume  des  cieux 
aussitôt  que  nous  sommes  sortis  de  notre  corps.  —  S.  Jér.  Ou  bien 
tout  homme  qui  n'est  appelé  qu'après  les  Gentils  leur  porte  envie  et 
se  fait  comme  un  supplice  de  la  grâce  de  l'Evangile  qu'ils  ont  reçue 
avant  lui.  —  S.  Hil.  {cati.  20.)  Ce  murmure  des  ouvriers  avait  déjà 
éclaté  sous  Moïse  par  la  bouche  insolente  de  ce  peuple  opiniâtre. 

«  Mais  il  répondit  à  l'un  d'eux  :  Mon  ami,  je  ne  vous  fais  point  de 


(;entiles  liberi  extiterunt  Chrislo  creden- 
tes,  et  per  compendium  gratiae  ad  plé- 
num salvati.  Greg.  {ïU  sup.)  Vel  «  pon- 
dus diei  et  aestus  »  ferre  est  per  Ion- 
isions vitte  tempora  carnis  suse  calore 
latin;ari.  Sed  potest  quaRri  quomodo  mur- 
murare  dicti  sunt,  qui  ad  regnum  vocan- 
tur  cœlorum  ?  Eteuim  regnum  illud  nul- 
lus  qui  murmurât  accipit,  nuUus  qui 
accipit  murmurare  potest. 

Chrys.  (m  homil.  65  ut  sup.)  Non  au- 
tem  oportet  ea  quœ  in  parabolis  sunt, 
secuudura  totum  quod  dicitur  iuvesti- 
gare  ;  sed  inlentionem  propter  ipiam 
composita  est  iatelligere,  et  nihil  ultra 
scrutari.  Non  ergo  inducit  hoc,  utosteu- 
dat  aliquos  esse  invidia  morsos,  sed  ut 

TOM.   II. 


ostendat  hos  tanto  potitos  e«se  honore 
quod  et  invidiam  aliis  poterat  generare. 
Greg.  {ut  sup.)  Vel  quia  antiqui  patres 
usque  ad  adventum  Domini,  quantum- 
libet  juste  vixerint,  ducti  ad  regnum 
non  sunt,  eorum  hoc  ipsum  murmurasse 
est  ;  nos  autem,  qui  ad  undecimam  ve- 
uimus,  post  laborem  non  murmuramus  ; 
quia  post  Mediatoris  adventum  in  hoc 
mundo  venientes,  ad  regnum  ducimur 
mox  ut  de  corpore  eximus.  Hier.  Vel 
omnis  rétro  vocatio  gentilibus  invidet, 
et  in  Evangelii  torquetur  gralia.  Hilar. 
{Can.  20  ut  snp.)  Et  secundum  insolen- 
tiam  populi  jam  sub  Moyse  contumacis 
hoc  murmur  operantium  est. 
Sequitur  :  «  Al  ille   respondens   uni 

36 


562 


F.XPIJCATIOiN    I)F,   L  KVANGIΠ


tort.  »  —  Remi.  Dans  ce  seul  homme  auquel  il  s'adresse,  ou  peut  voir 
tous  ceux  d'entre  les  Juits  qui  ont  cru  en  Jésus-Christ  et  à  qui  le  Sau- 
veur donne  le  nom  d'amis  à  cause  de  la  foi  qu'ils  ont  embrassée.  — 
S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.)  Ils  se  plaignaient  non  pas  d'avoir  été  frus- 
trés du  salaire  qui  leur  était  dû,  mais  de  ce  que  les  autres  recevaient, 
à  leur  avis,  plus  qu'ils  ne  méritaient.  C'est  ainsi  que  les  envieux  s'at- 
tristent du  bien  que  l'on  fait  à  un  autre,  comme  si  l'on  diminuait  par 
là  celui  qu'ils  possèdent,  preuve  évidente  que  l'envie  vient  de  la  vaine 
gloire ,  car  on  ne  se  plaint  d'être  le  second  que  parce  qu'on  a  désiré 
être  le  premier,  et  c'est  ce  mouvement  d'envie  que  le  Seigneur  com- 
bat par  ces  paroles  :  «  Est-ce  que  vous  n'êtes  pas  convenu  d'un 
denier  avec  moi?  »  —  S.  Jér.  Le  denier  porte  l'effigie  du  roi;  vous 
avez  donc  reçu  le  salaire  que  je  vous  avais  promis  ,  c'est-à-dire  mon 
image  et  ma  ressemblance.  Que  demandez-vous  de  plus  ?  Ce  que  vous 
désirez,  ce  n'est  pas  de  recevoir  davantage,  c'est  que  l'autre  ne  reçoive 
rien  du  tout  :  «  Prenez  ce  qui  vous  appartient ,  et  vous  en  allez.  »  — 
Remi.  C'est-à-dire,  recevez  votre  récompense  et  entrez  dans  la  gloire  : 
«  Je  veux  donner  à  ce  dernier  venu,  »  au  peuple  gentil,  «  autant  qu'à 
vous,  »  comme  il  le  mérite.  —  Orig.  Peut-être  est-ce  au  premier 
homme  que  s'adressent  ces  paroles  :  «  Mon  ami,  je  ne  vous  fais  pas 
tort  :  est-ce  que  vous  n'êtes  pas  convenu  d'un  denier  avec  moi?  » 
Prenez  ce  qui  vous  appartient,  et  allez-vous-en  ;  le  denier,  c'est-à-dire 
le  salut,  vous  est  acquis.  «Pour  moi,  je  veux  donner  à  ce  dernier 
autant  qu'à  vous.  »  Ou  peut,  avec  assez  de  vraisemblance,  voir  dans 
cet  ouvrier,  venu  le  dernier,  l'apôtre  saint  Paul,  qui  n'a  travaillé 
qu'une  heure,  et  qui  cependant  a  travaillé  peut-être  plus  que  tous 
ceux  qui  ont  vécu  avant  lui  (1). 

(1)  Allusion  à  ces  paroles  .  «.  J'ai  travaillé  plus  que  tous  les  autres.  "  I  Corinth.,  xv,  91. 


eorum  dixit  :  Amice ,  noa  facio  tibi  in- 
juriam.  »  Remig.  Per  hune  unum  pos- 
sunt  intelligi  omnes  qui  ex  Judaeis  credi- 
deruut,  quos  amicos  propter  lidem  no- 
minal. Chuys.  {sup.  Matth.  in  opère 
imperf.  ut  sup.)  Non  autem  dolebant 
quasi  defraudati  mercede  sua,  sed  quia 
illi  amplius  quam  merebautur,  accepe- 
rant  :  sic  eniai  dolent  invidi  quaudo 
alteri  aliquid  additur,  quasi  eis  subtra- 
hatur  :  ex  quo  palet  quod  ex  vana  gloria 
«ascitur  invidia  :  ideo  enim  dolet  esse 
secuudus,  quia  desiderat  esse  prior;  et 
ideo  invidia;  luotum  removet  dieens  : 
«  Nonne  ex  denario  convenisli  mecum?  » 
liiEU.  Denarius  figuram  régis  lial)et  : 
ecepisli  ergo  mercedem,  quaiu  tibi  pro- 
uiiseraui  :  hoc  est,  imagineni   et  siniili- 


tudinem  meam  ;  quid  quœris  amplius  ? 
et  non  tam  ipse  plus  accipere  quam 
alium  nihil  accipere  desideras  :  «  Toile 
quodtuum  est,  et  vade.  »  Remig.  Id  est, 
recipe  mercedem  tuam,  et  vade  in  glo- 
riam.  «  Voie  autem  et  huic  uovissinio 
(id  est,  gentili  populo)  dare  (secuudimi 
meritum)  sicutettibi.  »  Orig.  {ut  sup.) 
Forsitan  autem Adœ  dicit  :  «Amice, uou 
facio  tibi  injuriam  :  nonne  ex  denario 
convenisti  mecum  ?  Toile  quod  tuum 
est,  et  vade  :  »  tuum  est  salus,  quod  est 
denarius  :  «  volo  autem  et  huic  novis- 
simo  dare  sicut  et  tibi  :  »  non  incredi- 
biliter  potest  quis  arbitrari  nunc  novis- 
siinum  esse  apostolum  Paulum,  qui  una 
iiora  operatus  est;  et  forte  super  onmes 
qui  auto  cum  fueruiil. 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.   XX.  f>63 

S.  AuG.  {De  la  Virgin.^  cliap.  26.)  La  vie  éternelle  sera  également 
accordée  à  tous  les  saints ,  ainsi  que  le  figure  ce  denier  donné  ù  tous 
comme  la  récompense  commune  de  leur  travail.  Mais  comme  dans  la 
vie  éternelle  les  mérites  des  saints  brilleront  d'un  éclat  différent, 
il  y  a  aussi  plusieurs  demeures  dans  la  maison  du  Père  céleste. 
Si  donc  le  denier,  qui  est  le  même  pour  tous ,  signifie  que  la  vie 
éternelle  sera  égale  en  durée  pour  tous  les  saints  dans  le  ciel,  le 
grand  nombre  de  demeures  différentes  prouve  que  la  gloire  sera  plus 
éclatante  pour  les  uns  que  pour  les  autres.  —  S.  (Irég.  Comme  nous 
n'entrons  dans  le  royaume  des  cieux  que  par  un  effet  du  bon  vouloir 
de  Dieu,  le  Sauveur  ajoute  avec  raison  :  «  Ne  m'est-il  donc  pas  per- 
mis de  faire  ce  que  je  veux?  »  C'est  un  acte  de  folie  de  la  part  de 
l'homme,  de  murmurer  contre  la  volonté  de  Dieu.  Il  aurait  lieu  de 
se  plaindre  si  Dieu  ne  donnait  point  ce  qu'il  doit  ;  mais  qui  peut  se 
plaindre  de  ce  qu'il  ne  donne  point  ce  qu'il  ne  doit  pas?  C'est  ce  que 
le  Maître  exprime  en  termes  clairs  :  «  Est-ce  que  votre  n^il  est  mauvais 
parce  que  je  suis  bon?  »  — Rémi.  L'œil  signifie  ici  l'intention;  les  Juifs 
avaient  un  œil  mauvais,  c'est-à-dire  une  intention  vicieuse,  parce 
qu'ils  s'attristaient  du  salut  des  Gentils. 

Les  paroles  qui  suivent  :  «  Ainsi  les  premiers  seront  les  derniers,  et 
les  derniers  seront  les  premiers  ,  »  nous  font  connaître  le  but  de  cette 
parabole,  qui  est 'de  nous  apprendre  que  les  Juifs  ont  passé  de  la  tête, 
où  ils  étaient,  à  l'extrémité  opposée,  tandis  que  nous,  placés  à  cette 
extrémité,  nous  sommes  devenus  la  tête.  —  S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.) 
Ou  bien  Notre-Seigneur  déclare  que  les  premiers  seront  les  derniers , 
et  les  derniers  les  premiers,  non  pour  donner  aux  derniers  la  préémi- 
nence sur  les  premiers,  mais  pour  nous  apprendre  que  l'époque  diffé- 
rente de  leur  vocation  n'a  établi  entre  eux  aucune  différence,  et  qu'ils 


AuG.  (de  Sancta  Virg,  cap.  26.)  Quia 
vero  ipsa  vita  aeterna  pariter  erit  omni- 
bus sanctis  aequalis,  denarius  omnibus 
est  attributus  (qui  est  omnium  merces.) 
Quia  vero  in  ipsa  vita  alterna  distincte 
fulgebunt  lumina  meritorum,  multœ 
mansiones  sunt  apud  Patrem  :  ac  in  de- 
nario  quidem  non  impari  non  vivet  al  ius 
alio  prolixius  ;  in  multis  autem  man- 
sionibus  honoratur  alius  alio  clarius. 
Greg.  {nt  sup.)  Et  quia  ipsa  regni  per- 
ceptio  ejus  est  bonitas  voluntatis,  recte 
subjungitur  :  «  Aut  uon  licet  mihi  quod 
volo-  facere  ?  »  Stulta  euim  est  questio 
bominis  contra  bonitatem  Dei  murmu- 
rare.  Conquerendum  quippe  esset,  uon 
si  non  dat  quod  non  débet,  sed  si  non 


daret  quod  deberet  :  uude  aperte  subdi- 
tur  :  «  An  oculus  tuus  nequam  est,  quia 
ego  bonus  sum  ?  »  Remig.  Per  oculum 
enim  vult  intentionem  intelligi  :  Judaei 
namque  nequam  habuerunt  oculum  (id 
est,  intentionem  malam),  quia  de  salute 
Gentium  dolebant. 

Ad  quid  autem  sensus  hujus  parabolae 
tendat,  manifestât  cum  subditur  :  Sic 
erunt  primi  uovissimi,  et  novissimi  pri- 
mi;  »  eo  scilicet  quod  Judœi  de  capite 
vertantur  in  caudam,  et  nos  de  cauda 
mutamur  in'caput.  Chrys.  {super Matth. 
in  opère  imper f.  ut  sxip.)  Autideo  pri- 
mas dicit  novissimos,  et  novissimos  pri- 
mos;  non  ut  novissimi  digniores  sint 
auam  primi,  sed  ut  cosequentur,  et  nulia 


501 


KXPLICATION   DE   L'ÉVANGILE 


sont,  sous  co  ra[»poit,  parlai temeut  égaux.  Quant  aux  paroles  qui  ter- 
minent :  «  Il  y  en  a  beaucoup  d'appelés,  mais  peu  d'élus,  »  elles  se 
rapportent,  non  pas  aux  saints  dont  il  vient  d'être  question,  mais  aux 
Gentils,  parmi  lesquels,  en  effet,  beaucoup  sont  appelés,  mais  peu 
sont  élus.  —  S.  Grég.  Il  en  est  beaucoup ,  en  effet ,  qui  embrassent  la 
foi,  mais  il  en  est  peu  qui  parviennent  jusqu'au  royaume  des  cieux , 
car  la  plupart  font  profession  de  suivre  Dieu  et  s'éloignent  de  lui  par 
leurs  mœurs.  Nous  devons  donc  faire  ici  deux  réflexions:  la  première, 
c'est  que  personne  ne  doit  se  laisser  aller  à  la  présomption,  car  bien 
qu'il  soit  appelé  à  la  foi ,  il  ne  sait  pas  s'il  sera  du  nombre  des  élus 
qui  entreront  en  possession  du  royaume  ;  la  seconde ,  c'est  qu'il  ne 
faut  jamais  désespérer  de  son  prochain  quand  on  le  voit  croupir  dans 
le  vice,  car  nous  ne  connaissons  pas  les  trésors  de  la  miséricorde 
divine.  —  Et  plus  haut  :  Ou  bien,  dans  un  autre  sens,  notre  matin  , 
c'est  notre  enfance  ;  la  troisième  heure ,  c'est  l'adolescence  ou  la  cha- 
leur de  l'âge  qui  se  développe  et  qui  est  comme  le  soleil  qui  s'élève 
dans  les  hauteurs  des  cieux.  La  sixième  heure,  c'est  la  jeunesse,  alors 
que  la  plénitude  de  la  force  s'établit  en  l'homme  ,  comme  le  soleil  qui 
semble  se  fixer  au  milieu  du  firmament.  La  neuvième  heure  est 
comme  la  vieillesse  dans  laquelle  l'âge  descend  tous  les  jours  des  hau- 
teurs brûlantes  de  la  jeunesse,  comme  le  soleil  qui  descend  des  points 
élevés  du  ciel.  La  onzième  heure ,  c'est  l'âge  de  la  caducité  et  de  la 
décrépitude. 

S.  Ghrys.  {hom.  64,)  Le  père  de  famille  n'a  pas  loué  tous  ses 
ouvriers  à  la  même  heure ,  mais  les  uns  le  matin,  les  autres  à  la  troi- 
sième heure  et  ainsi  de  tous  ceux  qui  suivent;  mais  la  cause  en  est 
dans  les  différentes  dispositions  de  leur  âme  ;  car  le  Seigneur  les 
appelle  lorsqu'ils  sont  prêts  à  lui  obéir  ;  c'est  ainsi  qu'il  appela  le  lar- 


sit  iuter  eos  di£ferentia,  temporis  causa. 
Quod  aiitem  dicit  :  «  Multi  suut  vocati, 
pauci  vero  electi,  »  non  ad  superiores 
sanctos  pertinet,  sed  ad  trentes  ;  ([uoniam 
ex  ipsis  gentibus  qui  multi  voi-ati  sunt, 
pauci  suut  eligendi.  Gueg.  (î(^  sup.)  Ad 
fidem  euiiu  pluies  veuiunl,  et  ad  crelcsto 
regnura  pauci  perducuntur  :  plerique 
enim  Deum  vocibus  sequuntur,  moribus 
fugiunt.  Ex  hoc  ergo  duo  pensare  debe- 
mus  :  primuni  est,  ut  de  se  quisque  mi- 
nime prœsumat  ;  quia  elsi  jam  ad  lidem 
vocalus  est,  utrum  ad  regnuni  eligendus 
sit,  nescit  :  sccuudum  vero  est,  ut  unus- 
quisque  proximum  suuni,  quem  jacere 
in  viliis  conspicit,  desperare  non  audeat  ; 
quia  diviiiii'  misci'icnrdiiv  divitias  Il'Iih- 


rat.  Et  jam  ante  :  vel  aliter  :  manenoi- 
trum,  pueritia  est  ;  hora  tertia,  adoles- 
centia  intelligi  potest;  quia  quasi  jam  sol 
in  altum  proticit,  dum  calor  œtatis  cres- 
cit  ;  sexta  autem  juventus  est  :  quia  ve- 
lut  in  centro  sol  tigitur,  dum  in  ea  ple- 
uiludo  roboris  solidatur  ;  nona  autem , 
senectus  intelligitur;  in  qua  velut  sol  ab 
alto  axe  descendit;  quia  aetas  a  colore 
juventutis  déficit  ;  undecima  vero  est  ea 
aetas  quandecrepita  vel  velerana  vocatur. 
Chrys.  {in  homil.  65  «^  snp.)  Quod 
autem  non  omnes  simul  conduxit,  sed 
alios  mane  ,  alios  hora  tertia,  et  sic  de 
aliis.  ex  dilTerentia  mentis  eorum  proces- 
sif :  tune  enim  eos  vocavit,  quando  erant 
obedituri  :    nam    el    iatroueuj    vocavit. 


DK  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XX. 


r)6r> 


ron  au  moment  où  il  prévoyait  (ju'il  répondrait  à  sa  vocation.  Il  est 
vrai  que  ces  ouvriers  disent  :  «  Personne  ne  nous  a  loués  ;  »  mais , 
comme  nous  l'avons  dit ,  il  ne  faut  pas  chercher  la  raison  de  toutes 
les  circonstances  des  paraboles.  D'ailleurs ,  ces  paroles  ne  viennent 
pas  du  père  de  famille ,  mais  des  ouvriers  ;  et  quant  à  Dieu ,  au  con- 
traire, il  appelle  tous  les  hommes  dès  le  premier  âge  de  la  vie,  comme 
le  prouvent  ces  paroles  :  «  Il  sortit  de  grand  matin  pour  louer  des 
ouvriers,  »  —  S.  Grég.  Ceux  donc  qui  ont  tardé  jusqu'au  dernier  âge 
à  vivre  pour  Dieu ,  sont  ceux  qui  se  tiennent  dans  l'oisiveté  jusqu'à 
la  onzième  heure ,  et  cependant  le  père  de  famille  ne  laisse  pas  de  les 
appeler,  et  souvent  il  les  récompense  les  premiers,  parce  qu'ils  sortent 
de  cette  vie  pour  entrer  dans  l'éternité  avant  ceux  qui  ont  été  appelés 
dès  leur  première  enfance.  —  Orig.  Or,  ces  paroles  :  «  Pourquoi 
demeurez -vous  ainsi  tout  le  jour  sans  travailler?  »  ne  s'adressent  pas 
à  ceux  qui,  après  avoir  commencé  par  l'esprit,  finissent  par  la  chair 
{Galat.,ni),  s'ils  veulent  revenir  plus  tard  à  la  vie  de  l'esprit.  En  par- 
lant ainsi ,  notre  intention  n'est  pas  de  détourner  ces  enfants  volup- 
tueux ,  qui  ont  dissipé  toute  la  richesse  de  la  doctrine  évangélique  en 
vivant  dans  la  débauche,  de  revenir  dans  la  maison  paternelle  ; 
nous  voulons  simplement  dire  qu'on  ne  peut  nullement  les  comparer 
à  ceux  qui  ont  péché  dans  leur  jeunesse  avant  d'avoir  reçu  les  ensei- 
gnements de  la  foi.  —  S.  Chrys.  {hom.  Oi.)  Jésus  termine  en  disant  : 
«  Les  derniers  seront  les  premiers  et  les  premiers  les  derniers,  »  et  il 
fait  ici  allusion  indirecte  tant  à  ceux  qui ,  après  avoir  brillé  d'abord 
d'un  vif  éclat,  ont  ensuite  méprisé  les  leçons  de  la  vertu,  qu'aux 
autres ,  qui ,  ramenés  des  sentiers  du  vice ,  se  sont  élevés  au-dessus 
d'un  grand  nombre  par  la  sainteté  de  leur  vie.  Cette  parabole  a  donc 
été  composée  pour  exciter  l'ardeur  de  ceux  qui  ne  se  sont  convertis 


quando  obediturus  erat.  Si  autern  dicant 
ijuia  «  nemo  uos  conduxit,  »  sicut  dic- 
timi  est,  non  oportet  oninia  scrulari  quae 
in  parabolis  sunt.  Item  hoc  non  dicit 
Dominus,  sed  operarii  :  quod  enim  ipse 
omnês  (quantum  ad  se  pertinet)  a  prima 
ietate  vocet,  signlficatur,  cuni  dicitur  : 
«  Exiit  primo  mane  operarios  condu- 
cere.  »  Greg.  {ut  svp.)  Qui  ergo  usque 
ad  ultimam  œtatem  Dec  vivere  neglexe- 
runt,  usque  ad  horam  undecimam  otiosi 
sleteiunt;  et  tamen  taies  paterfamilias 
vocat  :  et  plerumque  ante  remnnerantur, 
quia  prius  ad  regiinm  de  corpore  exeunt, 
quam  lii  qui  modo  in  puerilia  vocati  esse 
videbantur.  Ork;.  {u(  snp.)  Non  autem 
dicitur  :  «  Quid  hic  statis  tota  die  otio- 


si, »  his  qui  spiritu  incipientes  carne 
consumraantur ,  si  postea  regredi  vo- 
lunt.  ut  iterum  spiritu  vivant  :  quod 
non  dicimus  dissuadentes  ne  ad  domum 
paternam  revertantur  lascivi  iilii,  qui  vi- 
vendo  luxuriose  evangelicag  doctrina? 
substantiam  consumpserunt  ;  sed  quo- 
niam  non  similes  sunt  eis  qui  peccave- 
runt  in  juventute  sua,  dum  non  adhuc 
didicissent  quœ  fidei  erant.  Chrvs.  (in 
fioin.  lit  Slip.)  Quod  autom  dicit  :  «  Erunt 
primi  novissimi  et  novissimi  primi,  »  eos 
occulte  insinuât  qui  a  principio  clarue- 
runt,  et  postea  virtutem  conlempserunt; 
et  rursus  eos  qui  a  malitia  reducti  sunt, 
et  multos  superexccsserunt  :  composita 
est  ergo  hœc  parabola,  ut  eos  avidiores 


566 


EXPLlCATIOiN   DE  L  EVANGILE 


que  dans  leur  extrême  vieillesse,  et  les  délivrer  de  la  crainte  de  rece- 
voir une  récompense  moins  grande  que  les  autres. 

y.  17-19.  —  Or,  Jésus  s'en  allant  à  Jérusalem,  il  prit  d  part  ses  douze  disciples, 
et  leur  dit  :  Nous  allons  à  Jérusalem,  et  le  Fils  de  l'homme  sera  livré  aux 
princes  des  prêtres  et  aux  scribes,  qui  le  condamneront  à  la  mort  et  le  livre- 
ront aux  Gentils,  afin  qu'ils  le  traitent  avec  dérision  et  qu'ils  le  fouettent  et 
le  crucifient;  et  il  ressuscitera  le  troisième  jour. 

S.  Chrys.  {hom.  05.)  Notre-Seigneur ,  en  quittant  la  Galilée,  ne 
vint  pas  immédiatement  à  Jérusalem  ;  mais  il  opéra  d'abord  un  grand 
nombre  de  miracles ,  confondit  les  pharisiens ,  donna  à  ses  disciples 
les  leçons  de  la  perfection  chrétienne  et  leur  fit  connaître  la  récom- 
pense qui  lui  était  réservée.  Maintenant  qu'il  est  sur  le  point  de  se 
rendre  à  Jérusalem ,  il  leur  parle  de  nouveau  de  sa  passion  :  «  Et 
Jésus,  s'en  allant  à  Jérusalem,  prit  en  particulier  les  douze,  »  etc.  — 
Orig.  {Traité  XI  sur  S.  Matth.)  Judas  se  trouvait  encore  au  nombre 
des  douze  Apôtres,  car  il  était  peut-être  encore  digne  d'apprendre  en 
particulier  avec  les  autres  ce  que  son  maître  devait  soutfrir. —  S.  Chrys. 
{sur  S.  Matth.)  Le  salut  des  hommes  repose  tout  entier  dans  la  mort 
de  Jésus-Christ,  et  cette  mort  doit  être  le  premier  et  le  plus  digne 
sujet  de  nos  actions  de  grâces.  Le  Sauveur  annonce  en  secret  à  ses 
Apôtres  le  mystère  de  sa  passion ,  parce  que  c'est  dans  les  meilleurs 
vases  qu'on  renferme  les  plus  précieux  trésors.  Si  d'autres  avaient 
entendu  prédire  la  passion  du  Christ,  il  est  probable  que  cette  prédic- 
tion aurait  troublé  les  hommes  à  cause  de  l'imperfection  de  leur  foi, 
et  les  femmes  par  suite  de  la  faiblesse  naturelle  à  leur  sexe ,  faiblesse 
(|ui  leur  fait  verser  des  larmes  dans  de  semblables  circonstances. 


l'aceret,  iiui  in  ultima  senectulo  coiiver- 
liintur  ;  ne  existimarent  se  minus  ali- 
quid  habituros. 

Et  ascendens  Jésus  Hierosohjmam ,  assumpsit 
duodecim  discipulos  secreto,  et  ait  illis  :  Ecce 
ascendimus  Hierosohjmam,  et  Filius  hoininis 
tradetur  pvincipibus  sacerdotum  et  scribis  ;  et 
r.ondemnalmnt  eum  morte,  et  tradent  eumyen- 
tibus  ad  illudendum,  et  flagellandum,  et  ei-uci- 
pgendum;  et  tertia  die  resurgef. 

Chrys.  {in  hom.  KB  in  Matth.)  l")oiiii- 
nus  a  rialila\a  venions,  non  reponle  llie- 
rosolyniam  ascentlit,  sed  prius  niiracula 
l'ecit,  pharisœos  confulavit,  ot  disi'ipulos 
de  vitaî  perfectiono  et  reniuneratione 
instruxit;  nunc  jani  asccnsnrus  Iliern- 
salcm  rursus  eis  de  passione  loquilur  : 
undo  dicilur  :  «  Ht  asceudeus  Jésus  Hie- 


rosolymam,  assumpsit  duodecim.»  Orig. 
{Tract.  II,  in  Matth.)  In  duodecim 
adliuc  erat  et  Judas  ;  adhuc  enim  forsi- 
tan  dignus  erat  cum  aliis  seorsum  audire 
quai  passurus  erat  Magister.  Chrys. 
{sup.  Matth.  in  opère  imperf..  hom.  35.) 
Omnis  aulem  salus  homiuuni  in  Christi 
morte  posita  est  ;  nec  est  aliquid  propter 
quod  ra;igis  Deo  gratias  agere  debea- 
mus,  quam  propter  mortem  ipsius  :  ideo 
duodecim  apostolis  in  secreto  mortis 
su,T  annuntiavit  myslerium  ;  quia  sem- 
per  pretiosior  thésaurus  in  meiioribus 
vasis  includitnr.  Si  autem  alii  audissent 
passionem  Christi  futuram,  viri  forsitan 
turbarentur  propter  inlirmitatem  tidei, 
et  muUeres  pro])ler  inollitiem  suai  ua- 
tnra;  ;  ex  qua  in  lali  negotio  ad  hicry- 
mas  excitantur.  Chuys.  {in  homil.  (J6  ut 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CHAP.    XX. 


567 


—  S.  Chrvs.  {hom.  65.)  Ce  n'est  pas  que  le  Sauveur  n'ait  parle 
de  ce  mystère  à  la  foule;  mais  c'est  d'une  manière  voiliie,  comme 
dans  ces  paroles  :  a  Détruisez  ce  temple  »  {Jean ,  ii)  ;  et  dans  ces 
autres  :  «  Il  ne  leur  sera  pas  donné  d'autre  signe  que  celui  du  pro- 
phète Jonas.  »  [Matth.,  XII.)  Au  contraire,  il  en  parle  clairement  à 
ses  disciples  :  «  Voici  que  nous  allons  à  Jérusalem,  »  etc.  —  S.  Gurys. 
{sur  S.  Matth.)  Cette  expression  :  «  Voici  »  marque  l'intention  for- 
melle que  les  disciples  gardent  dans  leurs  cœurs  le  souvenir  de  cette 
prédiction.  «  Voici  que  nous  allons  à  Jérusalem,  »  c'est-à-dire  : 
Remarquez  que  c'est  volontairement  que  je  vais  à  la  mort,  et,  lorsque 
vous  me  verrez  suspendu  à  la  croix,  gardez-vous  de  croire  que  je  ne 
sois  qu'un  homme  ;  »  car,  s'il  est  dans  la  nature  de  l'homme  de  mou- 
rir, il  n'est  point  dans  sa  nature  de  vouloir  marcher  de  lui-même  à 
la  mort. 

Orig.  Cet  exemple  doit  nous  apprendre,  à  nous  qui  connaissons 
bien  souvent  les  épreuves  qui  nous  attendent ,  que  nous  devons  nous- 
mêmes  nous  offrir  au  danger;  mais,  comme  le  Sauveur  nous  dit 
ailleurs  ;  «  Lorsqu'on  vous  poursuivra  dans  une  ville ,  fuyez  dans  une 
autre ,  celui  qui  est  sage  en  Jésus-Christ  doit  discerner  le  temps  où  il 
doit  aller  au-devant  de  la  persécution  et  celui  où  il  peut  la  fuir. 

S.  Jér.  Bien  souvent  il  avait  parlé  à  ses  disciples  de  sa  passion;  mais 
comme  les  entretiens  nombreux  qu'il  avait  eus  avec  eux  sur  d'autres 
sujets  avaient  pu  leur  faire  oublier  ce  qu'il  leur  en  avait  dit ,  avant 
d'aller  à  Jérusalem  avec  eux ,  il  les  prépare  à  cette  grande  épreuve , 
pour  qu'il  ne  fussent  pas  scandalisés  lorsqu'ils  seraient  eu  présence 
de  la  persécution  et  de  l'ignominie  de  la  croix.  —  S.  Chrys.  {sur 


sup.)  Dictum  est  quidem  et  ad  multoSj 
lamen  occulte ,  sicut  ibi  {Joan.  ii  )  : 
«  Solvite  lemplum  hoc  ;  »  et  {Matth. 
12  )  :  «  Signum  non  dabitur  ei  nisi  si- 
gnum  Jonae  prophetae.  »  Discipulis  au- 
tem  manifeste  cxposuit,  dicens  :  «  Ecce 
ascendimus  Hierosolymam.  Chrys.  (sup. 
Matth.  in  opère  imperf.  ut  sup.)  Quod 
dicit,  ecce,  coutestantis  est  seruio,  ut 
memoriam  praescieutiae  hujusmodi  in 
cordibus  recondaut.  Dicit  autem,  ascen- 
ditmis,  ac  si  dicat  :  Videte  quia  voluu- 
tarie  vado  ad  mortem  ;  cum  ergo  vide- 
ritis  me  iu  cruce  pendentem,  ne  aesti- 
metis  me  liomiuem  esse  tantum  :  nam 
etsi  posse  mori  hominisest ,  velle  tamen 
mciri  hominis  non  est. 
Orig.  (r(t  sup.)  Hocigitur  cousideran- 


tes,  scire  debemus  quoniam  fréquenter 
etiam  cognoscentes  quoniam  et  tentatio- 
nes  aliquas  subituri  sumus,  nos  ipsos 
offerre  debemus  ;  sed  quoniam  supra- 
dictum  est  {cap.  10):  «  Si  quis  vos  per- 
secutus  fuerit  in  una  civitate,  fugite  in 
aliam,  »  sapientis  in  Christo  est,  ut  co- 
gnoscat  quale  tempus  exigit  declinatio- 
nem;  quale  autem  obviationem  pericu- 
lorum. 

Hier.  Crebro  autem  de  passione  sua 
discipulis  dixerat  ;  sed  quia  multis  in 
medio  disputatis  poterat  labi  de  memo- 
ria  quod  audierant,  iturus  Hierosoly- 
mam, et  secum  ducturus  apostolos,  ad 
tentationem  eos  parât  ;  ne  cum  veuerit 
persecutio  et  crucis  ignomiuia,  scanda- 
lizentur.  Chrys.  {sup.  Matth.  in  opère 


568 


EXPLICATION  DE   L  EVANGILE 


S.  Matth.)  En  oflot,  lorsque  la  tentation  nous  trouve  préparés,  elle 
nous  paraît  bien  plus  légère  que  si  elle  nous  avait  surpris  tout  d'un 
poup.  —  S.  CiiRYs.  {hom.  05.)  Il  leur  fait  encore  cette  prédiction  pour 
leur  apprendre  que  c'est  après  l'avoir  prévu,  après  l'avoir  voulu,  qu'il 
endurera  les  souffrances  de  sa  passion.  Mais  tandis  qu'au  commence- 
ment il  ne  leur  avait  prédit  que  sa  mort  seule,  lorsqu'il  les  trouve  bien 
préparés,  il  va  plus  loin  et  leur  annonce  qu'il  sera  livié  aux  fientils. 

—  Rab.  En  effet.  Judas  livra  Jésus  aux  Juifs,  et  ceux-ci  à  leur  tour  le 
livrèrent  à  Pilate ,  c'est-à-dire  au  pouvoir  des  Romains.  Or,  le  Sei- 
gneur ne  voulut  point  des  prospérités  de  ce  monde,  mais  il  leur  pré- 
féra les  souffrances ,  pour  nous  apprendre ,  à  nous  dont  la  chute  avait 
eu  pour  cause  l'attrait  du  plaisir ,  par  quelles  amertumes  nous  pour- 
rions nous  relever  ;  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  :  «  Afin  qu'ils  le 
traitent  avec  dérision,  qu'ils  le  fouettent  et  le  crucifient.  »  —  S.  Arc. 
{Cité  de  Dieu,  xviii,  49.)  Par  sa  passion,  il  nous  enseigne  ce  que  nous 
devons  souffrir  pour  la  vérité^  et  par  sa  résurrection  ce  que  nous 
devons  espérer  dans  l'éternité  :  «  Et  le  troisième  jour,  il  ressuscitera.» 

—  S.  Chrys.  [homélie  66.)  Il  s'exprime  de  la  sorte  pour  que  leur  âme, 
attristée  par  la  perspective  de  ses  souffrances ,  se  repose  dans  l'espé- 
rance de  la  résurrection  :  «  Il  ressuscitera  le  troisième  jour.  »  — 
S.  AuG.  {De  la  Trinité,  iv,  3,  4.)  Une  seule  mort ,  celle  du  Sauveur 
selon  le  corps  ,  nous  a  sauvés  de  deux  morts ,  et  sa  seule  résurrection 
a  été  pour  nous  le  principe  de  deux  résurrections  différentes.  Or, 
cette  relation  d'un  à  deux  vient  du  nombre  trois,  qui  se  compose  de 
ces  deux  premiers  nombres.  —  Orig.  Nous  ne  voyons  pas  que  les  dis- 
ciples aient  rien  dit  ou  rien  fait  en  entendant  cette  triste  révélation 


imperf.  ut  sup.)  Tribulatio  enim  cum 
superveaeril  expectautibus  nobis,  levior 
iavenitur  quam  esset  fntura,  si  repenlina 
venisset.  Chrys.  (in  hom.  GG  ut  sup.) 
Praedicit  etiam  eis,  ul  discaut  quoiiiam 
praesciens  ad  passionem  venit  el  volens; 
sed  a  principio  quidem  niortem  prœ- 
dixit  cis  solam  ;  qnando  aiilem  exerci- 
fali  sunt,  adduoit  alia  ;  sciUcel  quoniam 
Iradent  eum  ixontibus.  Rab.  Tradidit 
enim  Judas  Domiiuim  Judfpi.s,  et  ipsi 
tradidenmt  euui  goutibus  ;  id  est,  Pilato, 
et  polestali  Homanorum.  Ideo  autcni 
Domiiius  in  nuindo  noluit  prosperari. 
sed  gravia  pati,  ni  ostenderet  nobis  qui 
per  deloctalioneni  cecidinius,  cnni  qna 
aniariludine  redire  debeamus  :  undo  se- 
quilur  :  «  Ad  iliiidendnm,  et  lUifieliaii- 
dum,  et  (•rncififieudum.  »  AUG.  (xviii  de 


Civit.  Dei,  cap.  49.)  Passione  ostendit 
quid  sustinere  pro  veritate,  resurrec- 
tioue  (juid  sperare  in  fefernitate  debea- 
mus :  unde  dicit  :  «  Et  tertia  die  resur- 
get.  »  Chrys.  (in  hom.  66  ut  sïtp.)  Quœ 
quidem  liujus  gratia  dixit,  ut  cum  tris- 
tia  viderint ,  resurrectiouem  expecta- 
rent  ?  Uude  subdit  :  «  Et  tertia  die  resur- 
get.  »  AuG.  (iv  de  Trinit.,  cap.  a  et  4.1 
Una  enim  mors  (scilicet  Salvatoris.  se- 
cundum  corpus)  duabus  niortibus  nos- 
tris  saluti  fuit;  scilicet  animae  et  <;orpo- 
ris;  et  una  ejus  resurrectio,  duas  nobis 
resurrectiones  prœstitit.  Use  autem  ra- 
tio simpb  ad  duphlm,  oritur  quidem  a 
ternario  numéro  :  ununi  quippe  et  duo. 
tria  sunt.  URIg.  (ni  su  p.)  Hic  autem  non 
referuntur  discipuli  dixisse  aut  fecisse 
aliquid  .    cuin     audisseni     Iristia    baîc 


DE  SAINT  MATTHIEU,   CnAP.   XX.  560 

des  souffrances  de  Jésus-Christ  ;  ils  se  rappelaient  les  paroles  du  Sei- 
gneur ù  Pierre,  et  ils  craignaient  de  s'attirer  un  semblable  et  peut-être 
plus  sévère  reproche.  Et  maintenant,  voici  que  les  scribes,  qui  se 
flattent  de  connaître  les  saintes  Ecritures,  condamnent  Jésus  à  mort 
et  le  flagellent  par  leurs  accusations,  et  ils  le  crucifient  pour  faire 
disparaître  sa  doctrine;  mais  après  avoir  paru  succomber  un  instant, 
il  se  relève  et  apparaît  à  ceux  qui  ont  reçu  le  pouvoir  de  le  voir  et  de 
le  reconnaître. 

f.  22-33.  —  Alors  la  mère  des  enfants  de  Zébédée  s'approcha  de  lui  avec  ses 
fils,  et  l'adora  en  témoignant  qu'elle  voulait  lui  demander  quelque  chose.  Il 
lui  dit  :  Que  voulez-vous?  Ordonnez,  lui  dit-elle,  que  mes  deux  fils  que  voici 
soient  assis  dans  votre  royaume ,  l'un  à  votre  droite  et  l'autre  à  votre  gauche. 
Mais  Jésus  leur  répondit  :  Vous  ne  savez  ce  que  vous  demandez.  Pouvez-vous 
boire  le  calice  que  je  dois  boirel  Ils  lui  dirent  :  Nous  le  pouvons.  Il  leur 
repartit  :  Il  est  vrai  que  vous  boirez  le  calice  que  je  boirai  ;  inais  pour  ce  qui 
est  d'être  assis  à  ma  droite  ou  à  ma  gauche ,  il  ne  dépend  pas  de  moi  de  vous 
le  donner;  mais  ce  sera  le  partage  de  ceux  à  qui  mon  Père  l'a  préparé. 

S.  Jér.  Le  Seigneur  venait  de  terminer  son  discours  en  disant  :  «  Et 
il  ressuscitera  le  troisième  jour.  »  Cette  femme  s'imagine  donc  que 
son  règne  commencerait  aussitôt  après  sa  résurrection  (1),  et  avec  la 
vivacité  de  désirs  naturelle  à  son  sexe,  elle  veut  jouir  de  ce  qu'elle  voit 
déjà  comme  présent,  sans  penser  à  ce  qui  doit  arriver  dans  l'avenir  : 
0  Alors  la  mère  des  enfants  de  Zébédée  s'approcha,  »  etc.  —  S.  Chrys. 
(sur  S.  Matth.)  Cette  mère  des  enfants  de  Zébédée  est  Salomée,  dont 
un  autre  Evangéliste  (2)  nous  fait  connaître  le  nom  ,  femme  vraiment 

fl)  Le  texte  de  saint  Jérôme  est  un  peu  différent  et  porte  :  «  Elle  pensa  que  son  règne  allait 
commencer  immédiatement,  et  qu'il  accomplirait  dès  son  premier  avènement  ce  qui  n'est  promis 
que  pour  le  second.» 

(2)  Dans  une  autre  circonstance,  lorsqu'elle  se  tient  près  de  la  croix  et  qu'elle  se  rend  au 
sépulcre.  (Marc,  xv,  xvi.)  Saint  Chrysostome  donne  ici  l'explication  du  nom  hébreu  Salomé,  qui 
veut  dire  pacifique. 


Christo  futura,  recordantes  quae  Domi- 
nns  dixit  ad  Petriim;  ne  audiant  talia,  vel 
pejora  :  et  nuuc  quideiu  qui  divinas  lit- 
teras  scire  se  arbitrantur  scribse,  cou- 
demnant  .lesum  morte  ,  et  in  linguis 
suis  flaiïellant ,  et  crucifisuut  eum  per 
Loc  quod  tollere  volunt  doctrinam  ip- 
sius  :  ille  autem  paululum  deficiens  sur- 
git, apparens  liis  qui  acceperuut  posse 
videre. 

Tune  accessit  ad  eum  mater  filiorum  Zebedœi 
cum  filiis  suis,  adorons  etpelens  aliijuid  ab  eo  : 
qui  dixit  ei  :  Qiiid  vis  ?  Ait  illi  :  Die  ut  sedeant 
hi  duo  filii  mei,  unus  ad  dexteram  tuam,  et 
unus  ad  sinistram  in  regno  tua.  Respondens 


autem  Jésus,  dixit  :  Neseilis  ijuid  petatis  :po- 
teslis  bibere  calicem  quem  ego  bibiturus  sum  '.' 
Dieunt  ei  :  Possumus.  Ait  illis  :  Calicem  qui- 
dem  meum  bibctis  ;  sedere  autem  ad  dexteram 
meam,  vel  ad  sinistram,  non  est  meum  dure 
vobis,  sed  quibus  paratum  est  a  Pâtre  meo. 

Hier.  Quia  post  omnia  dixerat  Domi- 
nas :  «  Et  terlia  die  resurget  ,  »  puta- 
vit  mulier  post  re^urrectionem  eum  re- 
gnaturum,  et  aviditate  feminea  pra^sen- 
tia  cupit,  imuiemor  futurorum  :  unde 
dicitur:  «  Tune  accessit  ad  eum,  »  etc. 
CiiRYS.  [sup.  Matth.  in  opère  imper f. 
ut  sup.  )  llaec  mater  filiorum  Zebedœi 
est  Salome,  cujus  apud  alterum  evange- 


570 


EXPLICATION  DE  L  EVANGILE 


pacifique,  qui  a  enfanté  les  enfants  de  la  paix.  Nous  pouvons  juger  ici 
du  mérite  et  de  la  gloire  de  cette  femme  qui,  non  contente  de  voir  ses 
enfants  quitter  leur  père^,  abandonne  elle-même  son  mari  pour  suivre 
Jésus-Christ;  car  son  mari  pouvait  vivre  sans  elle,  mais  pour  elle, 
elle  ne  pouvait  obtenir  le  salut  sans  Jésus-Christ.  On  peut  admettre, 
d'ailleurs,  que  Zébédée  était  mort  dans  l'espace  de  tempsqui  s'écoula 
de  la  vocation  des  Apôtres  à  la  passion  [du  Sauveur.  C'est  donc  alors 
que  cette  femme  d'un  sexe  faible  et  accablée  par  l'âge,  marchait  à  la 
suite  de  Jésus-Christ;  car  la  foi  ne  vieillit  point,  et  la  piété  ne'connait 
point  la  fatigue.  L'affection  naturelle  pour  ses  enfants  (1*)  lui  donne 
la  hardiesse  de  faire  au  Sauveur  une  demande.  «  Elle  l'adora  en  lui 
témoignant  qu'elle  voulait  lui  demander  quelque  chose ,  »  c'est-à-dire 
elle  commence  par  lui  rendre  ses  hommages  pour  assurer  le  succès  de 
sa  demande.  «  Il  lui  dit  :  Que  voulez-vous  ?  »  S'il  lui  fait  cette  question, 
ce  n'est  point  qu'il  ignore  ce  qu'elle  désire ,  mais  il  veut  lui  montrer 
tout  ce  que  la  demande  qu'elle  allait  lui  adresser  avait  de  déraison- 
nable. «  Et  elle  lui  dit  :  Ordonnez  que  mes  deux  enfants  soient 
assis,  »  etc. 

S.  AuG.  {de  l'accord  des  Evang.,  ii,  64.)  Saint  Matthieu  met  dans 
la  bouche  de  la  mère  la  demande  qui,  d'après  saint  iNIarc,  a  été  faite 
parles  enfants  de  Zébédée  eux-mêmes,  parce  qu'elle  n'a  été  auprès  du 
Seigneur  que  l'interprète  de  leurs  désirs,  et  ainsi  saint  Marc,  pour 
abréger,  leur  attribue  cette  demande.  — S.  Chrys.  {hom.  65.)  Ces  deux 
disciples  se  voyaient  plus  honorés  que  les  autres ,  ils  avaient  entendu 
dire  au  Sauveur  :  «  Vous  serez  assis  sur  douze  trônes,  »  ils  demandent 
donc  d'occuper  les  premiers.  Ils  savaient  bien  qu'ils  étaient  plus  élevés 

(1')  On  lit  dans  le  texte  latin  de  l'Ouvrage  inachevé,  sur  saint  Matthieu,  natorum  affectus. 


listam  ponitur  nomea  ;  vere  paci/ica, 
qiife  vere  filios  {^eauit  pacis.  Magua  laus 
mulieris  ex  hoc  loco  coUigitur,  quia,  uou 
solum  filii  reliquerunt  patrem,  sed  ipsa 
reliquerat  virum  suum,  et  secuta  fuerat 
Christum  ;  quia  ille  sine  ista  vivere  po- 
terat,  ista  auteiu  siue  Christo  salva  esse 
nou  poterat  :  nisi  forte  quis  dirai,  quia 
infra  tempus  vocationis  apostolorum  et 
passionis  Christi  morluus  est  Zebedœus  ; 
et  sic  illa  sexu  fragilis ,  nUate  defecta 
Christi  vestigia  sequebatur  ;  quia  iides 
numquam  seuescit,  et  religio  taligatio- 
nem  non  sentit.  Audai-em  autem  fecerat 
eani  ad  pctendum  naturœ  alTectus  :  un(ie 
difitiir:  «  Adorans  et  petens  aliijuid  ah 
eo,  »  id  est,  reverenlia  oxhibita  petit,  ut 
quod    pclierit,   siiji    delur.    Sequilur   : 


«  Qui  dicit  ei  :  Quid  vis"'»  non  iuterro- 
gat  quasi  nesciens,  sed  ut  illa  exponeute 
manifestum  faceret  irrationabilem  esse 
petitionem  :  unde  subditur  :  «  Ait  illi  : 
Die  ut  sedeant  hi  duo  filii.  » 

AuG.  {(le  Con.  Evang.,  lib.  ii,  cap.  64.) 
Quod  autem  per  matrem  dictum  esse 
JMatthasus  expressif,  hoc  Jlarcus  ipsos 
filios  Zebedaji  perhibet  dixisse,  cuui  illa 
eorum  voluntatem  aftulisset  ad  Domi- 
num  :  unde  niagis  ipsos  quam  illam 
dixisse  quod  dictum  est  Marcus  breviter 
intimavit.  [cap.  10.)  Ciirys.  (in  hom.  66 
ni  sup.)  Yidebant  enim  seipsos  honora- 
tos  prœ  aliis,  et  audierant  quod  «  super 
duodecim  tlirmios  sedehitis  :  »  unde 
luiniatum  ipsius  calliodrai  petebant  ac- 
cipcrc  :   et  quod  quidcm   plus  aliis  ho- 


DE  SAINT  MATTHIEU,  CHAP.   XX.  571 

en  dignité  que  les  autres  auprès  de  Jésus-Christ;,  mais  ils  craignaient 
que  Pierre  n'obtint  la  primauté  sur  eux.  Aussi  un  autre  Evangélistc 
nous  rapporte  que,  comme  ils  approchaient  de  Jérusalem ,  ils  s'ima- 
ginaient que  le  royaume  de  Dieu  allait  s'ctabhr  (1),  c'est-à-dire  un 
royaume  visible,  preuve  évidente  qu'ils  ne  demandaient  rien  de  spi- 
rituel, et  qu'ils  n'avaient  aucune  idée  d'un  royaume  plus  élevé.  — 
Orig.  {traité  12  sur  S.  Matth.)  Dans  les  cours  des  rois  de  la  terre,  on 
regarde  comme  un  grand  honneur  d'être  assis  près  du  roi,  il  n'est 
donc  pas  étonnant  que  cette  femme ,  dans  la  simplicité  et  l'inexpé- 
rience de  son  sexe,  ait  cru  pouvoir  faire  au  Sauveur  une  semblable 
demande  (2*).  Ses  deux  enfants  eux-mêmes  ,  qui  étaient  encore  bien 
imparfaits,  et  n'avaient  pas  des  pensées  fort  élevées  du  règne  du  Christ, 
partagèrent  les  idées  de  leur  mère  sur  la  destinée  de  ceux  qui  seront 
assis  avec  Jésus.  —  S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.)  Ou  bien  dans  un  autre 
sens,  nous  ne  prétendons  pas  que  la  demande  de  cette  femme  soit  lé- 
gitime, mais  nous  disons  qu'elle  désirait  pour  ses  enfants,  non  pas  les 
biens  de  la  terre,  mais  les  biens  du  ciel.  Elle  ne  partageait  pas  les 
sentiments  des  autres  mères ,  qui  aiment  le  corps  de  leurs  enfants,  et 
ne  font  aucun  cas  de  leur  âme,  et  qui  désirent  les  voir  réussir  et  pros- 
pérer en  ce  monde,  sans  avoir  aucun  souci  de  ce  qu'ils  auront  à 
souffrir  dans  l'autre  ;  elles  montrent  ainsi  qu'elles  sont  les  mères 
des  corps,  mais  non  des  âmes  de  leurs  enfants.  Je  pense  donc  que  ces 
deux  frères  ayant  entendu  le  Seigneur  prédire  sa  passion  et  sa  résur- 

(1)  On  ne  trouve  rien  de  semblable  dans  aucun  évangcliste  ;  peut-être  saint  Chrysostome  fait-il, 
sans  s'enwdouter,  allusion  à  ces  paroles  de  Jésus-Christ,  dites  dans  une  autre  occasion  et  dans  un 
tout  autre  sens  :  «  Scitote  quia  propè  est  in  januis  regnum  Dci.  «  {Matth.,  xxiv,  23.) 

(2*)  Dans  le  grand  conseil  de  Jérusalem,  les  deux  principaux  membres  après  le  Nasi on  prince 
du  sanhédrin,  s'appelaient,  l'un  le  Père  ou  \' Ancien,  et  l'autre  le  Safje.  C'étaient  ces  deux  places 
que  Salomé  voulait  procurer  à  ses  fils  à  coté  du  Christ,  dans  le  royaume  qu'il  allait  bientôt  fon- 
der, ou  dans  le  sanhédrin  céleste.  (Vie  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  par  le  docteur  Sepp, 
tome  I,  page  532.  ) 


noris  apud  Christum  liabebaut.  nove- 
rant  ;  timebaiil  vero  Pclruui  sibi  prœ- 
ferri  :  iiiido  et  aliiis  Kvaiigelista  dicit, 
quod  (luia  eraiit  yrope  Hierusalem,  pu- 
tahaiil  quod  regnum  Dei  essetin  januis; 
id  est,  aliquid  sensibile  :  unde  manifes- 
tiim  est  quod  nihil  spirituale  petebant, 
nec  intelligentiam  superioris  regni  ha- 
bobant.  Ork;.  (Tract.  \u,  in  Matth.) 
Sicut  enim  in  regno  muudiali  in  bonore 
esse  videntur  qui  sedent  cum  rege,  non 
luit  mirum  si  mulier  muliebri  simplici- 
tate,  vel  imperilia,  talia  se  debere  pe- 
lerc  jpstimavit  ;  et  ipsi  Iratres  adbuc 
iiuperfecti ,  et  nihil  altius  cogilaules  de 


regno  Christi,  talia  arbitrati  sunt  de  bis 
qui  sedebunt  cum  Jesu.  Chryp.  {snp. 
Matth.  in  opère  imperf.  ut  sup.)  Yel 
aliter  :  non  dicimus  quod  recte  peteret 
baec  mulier  ;  sed  hoc  dicimus  quia,  non 
terrena,  sed  cœlestia  filiis  suis  optabat  : 
non  enim  sentit  sicut  caeterae  matres 
quiE  corpora  natorum  suorum  ahiant, 
animas  autem  contemnunt  ;  desiderant 
illos  valere  in  seculo  isto,  et  non  curant 
quid  sint  passuri  in  alio,  ut  osteudaut 
quia  (orporum  sunt  parentes,  non  ani- 
mariun.  .Kstimo  autem  quod  lu  fratres 
cum  iuidissent  Dominum  de  passioue  a<- 
resurrectione  sua  prophetantem,  cœpe- 


572  EXPLICATION   DE   L  ÉVANGILE 

rection,  se  dirent  en  eux-mêmes  dans  le  sentiment  de  foi  qui  les  ani- 
mait :  Voici  que  le  roi  du  ciel  va  descendre  dans  le  royaume  des  en- 
fers pour  détruire  l'empire  de  la  mort;  lorsque  sa  victoire  sera  con- 
sommée, que  lui  restera-t-il,  que  de  recevoir  les  honneurs  et  la  gloire 
de  la  royauté?  —  Orig.  C'est,  en  effet,  après  qu'il  a  détruit  le  péché 
(jui  régnait  dans  nos  corps  mortels  et  toute  la  puissance  des  esprits 
de  malice,  que  Jésus-Christ  reçoit  parmi  les  hommes  les  honneurs  de 
la  souveraineté,  ce  qui  est  pour  lui  s'asseoir  sur  le  trône  de  sa  gloire. 
Dieu  agit  en  toute  puissance  à  sa  droite  et  à  sa  gauche,  en  ne  souffrant 
aucun  mal  en  sa  présence.  Parmi  ceux  qui  s'approchent  de  Jésus- 
Christ,  ceux  qui  sont  les  plus  élevés ,  sont  à  sa  droite  ;  ceux  qui  sont 
au-dessous,  sont  à  sa  gauche.  Par  la  droite  du  Christ,  peut-être  peut-on 
comprendre  toute  créature  invisible;  et  par  la  gauche  toute  créature 
visible  et  corporelle.  Dans  le  nombre  de  ceux  qui  s'approchent  du 
Christ,  les  uns  prennent  la  droite,  c'est-à-dire  les  choses  intelligibles , 
les  autres  la  gauche,  c'est-à-dire  les  choses  sensibles. 

S.  CiiRYS.  {SU7'  S.  Matth.)  Comment  celui  qui  s'est  donné  lui-même 
aux  hommes  ,  pourrait- il  ne  pas  leur  donner  part  à  la  gloire  de  son 
royaume?  La  négligence  de  celui  qui  prie  est  donc  seule  coupable,  là 
où  la  miséricorde  de  celui  qui  donne  ne  peut  être  mise  en  doute.  Les 
deux  frères  se  dirent  probablement  à  eux-mêmes  :  Si  nous  nous 
adressons  directement  au  maître,  peut-être  notre  démarche  fera  mau- 
vaise impression  sur  l'âme  de  nos  frères;  car  bien  qu'ils  ne  puissent 
être  vaincus  par  une  jalousie  toute  charnelle  ,  régénérés  qu'ils  sont 
par  l'esprit,  cependant  ils  peuvent  encore  y  être  accessibles  dans  ce 
qui  reste  en  eux  de  charnel.  Envoyons  donc  notre  mère  à  notre  place, 
elle  priera  pour  nous  en  son  nom  ;  si  l'on  trouve  sa  démarche  répré- 


ruut  dicere  intra  se,  cuiu  esseat  fidèles  : 
«  Ecce  rex  cœlestis  descendet  .ad  régna 
lartarea,  ut  regnum  mortis  destruat  : 
iiim  autem  Victoria  fuerit  consummata, 
ijuid  aliud  restât,  uisi  ut  regni  gloria 
siibsequatur?  »  Orig.  (ntsup.)  Destructo 
enim  peccato  quod  regnabat  in  corpori- 
Ims  niortalihus  lioniiuum,  et  omni  prin- 
«•ipatu  iiialiguarum  virtutnm ,  erniiien- 
tiain  regni  in  honiinilius  Clirislus  reci- 
pit;  qnod  estipsum  sedere  in  sede  glorine 
sna>.  Quod  autem  oninia  Deus  facit  ad 
dexteram  et  sinistram,   hoc   est  ut  jani 


vide  si  potes  intelligere  invisibilem  crea- 
turam  ;  sinistram  autem,  visibilem  et 
corporaleni  :  appropinquantium  enim 
Cliristo  quidam  dexteram  sorliuntur,  ut 
intelligibilia  ;  alii  sinistram,  ut  senbi- 
bilia. 

Chrys.  {sup.  Matth.  in  opère  imprrf. 
itt  svp.)  Qui  autem  seipsum  donavit  ho- 
uiiuibus,  quomodo  regni  sui  socielatem 
non  douabif?  Retentis  negligeutia  repre- 
henditur,  ul)i  de  dantis  misericordia  non 
dubitatur.  Si  nos  rosamus  magistrum, 
lorsilan  cœterorum  fratrum  corda  concu- 


Mullum  niahmi  sit  aute  eum  ;  et  qui  tiemus  :  elsi  enim  vinci  a  carne  non 
'piidcin  prircoUunl  pra>  cœteris  appro-  j  possunt  quasi  jam  spirituales,  tamen 
piuqiiaiitibus  Clirislo  ,  sunt  a  dexlris  j  percuti  possiut  quasi  adlnu;  carnales  : 
ejus  ;  ipii  autem  inieriores  sunt,  a  sinis-  |  ergo  submiltanuis  matrem  nostrani,  u( 
tris  snnl  ejus.  Dexteram  autem  Christi,  ',  suo  nomine   dcprccctur  pro  nobis.  Si 


DE  SAINT  MATrHIEU,   CTIAP.   XX.  573 

liensible,  elle  en  obtiendra  facilement  le  pardon  ;  si  au  contraire,  elle 
est  accueillie,  elle  obtiendra  plus  facilement  ce  qu'elle  demande  pour 
ses  enfants  ;  car  le  Seigneur,  qui  a  rempli  le  cœur  des  mères  d'amour 
pour  leurs  enfants,  exaucera  plus  facilement  une  prière  inspirée  par 
ralièctiou  maternelle.  Voilà  pourquoi  le  Seigneur,  qui  connaît  le  se- 
cret des  cœurs,  ne  répond  pas  à  la  prière  que  cette  femme  lui  adresse, 
mais  à  la  pensée  de  ses  enfants  qui  la  lui  avaient  dictée.  Car  si  leur 
désir  était  bon,  leur  demande  était  inconsidérée.  Et,  toutefois ,  bien 
que  leur  prière  ne  dût  pas  être  exaucée ,  elle  ne  méritait  pas  d'être 
bumiliée,  parce  qu'elle  avait  pour  principe  un  grand  amour  du  Sei- 
gneur. Aussi  ne  les  réprimande-t-il  que  de  leur  ignorance  :  «  Mais 
Jésus  répondit  :  Vous  ne  savez  ce  que  vous  demandez.  »  —  S.  Jeu. 
Il  n'est  pas  étonnant  que  le  Sauveur  les  reprenne  de  leur  ignorance, 
puisqu'il  est  dit  de  Pierre  lui-même  :  «  Il  ne  savait  pas  ce  qu'il  disait.» 
{Luc,  IX.)  —  S.  GiiRYS.  {hojii.  sur  S.  Matth.)  Souvent,  enefifet,  le  Sei- 
gneur permet  que  ses  disciples  aient  des  pensées,  tiennent  des  dis- 
cours réprébensibles,  pour  y  trouver  l'occasion  d'expliquer  les  règles 
de  la  vie  chrétienne  ;  car  il  sait  que  leur  erreur  ne  peut  leur  nuire 
tant  que  leur  maître  est  avec  eux,  et  la  doctrine  qu'il  leur  expose  de- 
vient une  source  d'édification,  non-seulement  dans  le  présent,  mais 
pour  l'avenir.  —  S.  Ghrys.  {hom.  66.)  Or,  en  s'exprimant  de  la  sorte, 
il  leur  fait  comprendre  qu'ils  ne  demandent  rien  de  spirituel ,  et  que 
s'ils  avaient  su  ce  qu'ils  demandaient,  jamais  ils  u'auraicnt  songé  à  en 
faire  l'objet  d'une  prière  dont  l'accomplissement  surpasse  le  pouvoir 
des  puissances  célestes  (1*).  —  S.  Hil.  {can.  20.)  Ils  ne  savent  encore 

(!')  Le  texte  grec  xà;  âvw  2"Jvà|Ji£ii;  détermine  clairement  le  sens  que  nous  donnons  ici  au 
latin  superiores  virtutes. 


enim  reprehensibilis  inventa  fuerit,  fa- 
cile merebitur  veniam  :  ipse  enim  sexus 
excusât  errurem  :  si  auteni  non  fuerit 
importuna,  facilius  impetrabit  mater, 
pro  filiis  suis  rogaus  :  ipse  enim  Domi- 
nus,  qui  maternos  animes  Bliorum  mi- 
seratione  implevit^  facilius  audiet  ma- 
ternum  alîectum.  Tune  Dominus  occul- 
torum  cognitor.  non  ad  verba  interce- 
denlis  mulieris  respondit,sedad  consilia 
suggerentium  filiorum.  Bonum  quidem 
erat  eorum  desiderium,  sed  inconsido- 
rata  petitio  :  ideo  etsi  impetrare  non  de- 
bebant,  simplicitas  tameu  petitionis  eo- 
rum confundi  non  merebatur,  quia  de 
amore  Domiui  talis  petitio  nascebatur  : 
propterea  solam  ignorantiam  in  eis  Do- 
minus   ruprebemiit  :   uude    sequitur  : 


«  Respondens  autem  Jésus,  dixit  :  Nes- 
citis  quid  petatis.  »  Hier.  Nec  mirum  si 
ista  arguatur  imperitiue,  cum  et  de  Petro 
dicatur  (Luc.  9)  :  «  Nesciens  quid  dice- 
ret.  »  Chrys.  {svp.  Matth.  in  opère  Im- 
perf.  ut  sup.)  Nam  fréquenter  Dominus 
patitur  discipulos  suos  aliquid  non  recte, 
aut  dicere,  aut  cogitare  ;  ut  ex  illorum 
culpa  occasionem  inveniat  exponendi 
regulam  pietatis  ;  sciens  quia  error  eo- 
rum non  nocet  prœsente  magistro  ;  et 
non  solum  in  praesenti,  sed  etiam  in  fu- 
ture doctrina  ejus  œdificat.  Curys.  [in 
hom.  60  ut  sup.)  Hoc  autem  dicit,  osten- 
dens  quod  vel  uibil  spirituale  petebant, 
vel  si  novissent  quai  petebant,  non  ausi 
fuissent  tautum  quid  petere ,  quod  su- 
perexcedit   sui^eriores   virtutes.  Hilar. 


574 


EXPLICATION  DE  L  EVANGILE 


ce  qu'ils  demandent,  parce  que  la  gloire  réservée  aux  Apôtres  ne  pou- 
vait faire  l'objet  d'aucune  discussion,  après  qu'il  leur  avait  prédit  si 
clairement  qu'ils  devaient  juger  le  monde.  —  S.  Ciiia  s.  {sur  S.  Matth.) 
Uu  bien,  vous  ne  savez  ce  que  vous  demandez  ,  c'est-à-dire  :  Je  vous 
ai  appelés  à  ma  droite  de  la  gaucbe  où  vous  étiez  (1),  et  vous,  de 
votre  propre  choix ,  vous  vous  bâtez  de  repasser  ù  la  gauche.  Aussi 
est-ce  pour  cela ,  peut-être ,  que  cette  demande  se  négociait  par  le 
moyen  d'une  femme;  le  démon  recourut  à  ses  armes  habituelles,  à  la 
femme,  pour  séparer  ces  deux  frères  de  leur  maître  par  la  suggestion 
de  leur  mère,  comme  il  avait  dépouillé  Adam  par  le  moyen  de  sa 
femme.  Mais  la  ruine  ne  pouvait  plus  arriver  jusqu'aux  saints  par 
une  femme,  depuis  que  le  salut  de  tous  les  hommes  était  sorti  par  les 
mains  d'une  femme.  Ou  bien  encore,  ces  paroles  :  «  Vous  ne  savez  ce 
que  vous  demandez,  »  nous  apprennent  que  nous  devons  penser  non- 
seulement  à  la  gloire  que  nous  voulons  obtenir,  mais  à  éviter  la  ruine 
dont  le  péché  nous  menace.  Ainsi  dans  les  guerres  qui  ont  lieu  sur  la 
terre,  celui  qui  ne  pense  qu'aux  dépouilles  et  aux  richesses  de  la  vic- 
toire, triomphe  difficilement,  ils  auraient  donc  dû  faire  cette  prière  : 
«  Donnez -nous  le  secours  de  votre  grâce ,  afin  que  nous  puissions 
triompher  de  tout  mal.  » 

Rab.  Ils  ne  savaient  pas  encore  ce  qu'ils  demandaient,  eux  qui  vou- 
laient obtenir  du  Seigneur  le  trône  de  gloire  qu'ils  n'avaient  pas  en- 
core mérité.  La  perspective  d'une  si  grande  gloire  avait  pour  eux  de 
l'attrait,  mais  il  leur  fallait  auparavant  prendre  la  voie  du  travail  qui 
pouvait  seule  les  y  conduire;  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  :  «  Pouvez- 
vous  boire  le  calice?»  — S.  Jér.  Le  mot  calice,  dans  le  style  des 
Ecritures,  signifie  soufirance,  comme  dans  le  Psaume  cxv  :  «  Je  pren- 

(1)  Allusion  à  ce  qui  doit  arriver  au  jugement  dernier,  où  les  brebis  seront  à  la  droite,  etc. 
(Matth.,  XXV,  33.) 


(cap.  20  tit  Slip.)  Nesciunt  eliam  quid 
pétant,  quia  nihil  de  cloria  apostolorum 
ambigeudum  erat  :  judicaturos  euiiii  eus 
sermosuperior  exposait  (c«iJ.  19).Chbys. 
{sup.  Mallh.  in  opère  imperf.  vt  sup.) 
Vel  «  nescilis  quid  petatis  :  »  quasi  fli- 
cat  :  «  Ego  vos  vocavi  ad  parteui  dex- 
teram  de  siuistra;  et  vos  vestro  consilio 
curritis  ad  sinistram  :  »  ideo  forsitan 
et  per  mulierem  res  agebatur  :  eoululit 
enim  se  diabolus  ad  eousueta  arma , 
luulierem  ;  ut  sicut  Adam  per  muliorem 
spoliavit,  ita  et  istos  separaret  per  ma- 
trem  ;  sed  jam  uon  poterat  per  mulie- 
rem perditio  introire  in  sanctos,  ex  quo 
de  uiuliere  salus  cuuctorum  processit. 


Vel  ideo  dieit  :  «  Nescitis  quid  petatis.  » 
Non  enini  solum  debemus  cogitare  qua- 
lem  gloriam  cousequamur,  sed  quomodo 
evadamus  ruinam  peccati  ;  quia  et  in 
seculari  bello,  qui  semper  de  pra^da  vic- 
torise  cogitât ,  difficile  vincit  :  ideo  pe- 
tendum  erat  :  «  Da  nobis  auxilium  gra- 
tis tua?,  ut  omne  malum  vincamus.  » 

Rab.  Nesciebant  etiam  quid  petereut, 
qui  sedem  gloria?  a  Domino  (quara  non- 
dum  merebautur)  iuquirunt.  Delectabat 
eos  culmen  honoris,  sed  prius  babebaut 
exercere  viam  laboris  :  unde  subdit  : 
«  Potestis  bibere  calicem.  »  Hier.  Cali- 
cem  in  Scripturis  divinis  passiouem  in- 
telligiuius;  ut  in  [PsaiA'.'))  «  calicem  sa- 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XX.  575 

drai  le  calice  du  sabbat,  »  et  le  Roi-Propbète  expli(}ue  aussitôt  quel  est 
ce  calice  :  «  La  mort  de  ses  saints  est  précieuse  aux  yeux  de  Dieu.  » 
—  S.  Chrïs.  {su?'  s.  Mattli.)  Notre-Seigneur  savait  qu'ils  étaient  dis- 
posés aie  suivre  jusque  dans  ses  souffrances,  mais  il  leur  fait  cette 
question  pour  nous  apprendre  que  personne  ne  peut  régner  avec  lui 
sans  avoir  participé  à  sa  passion  ;  car  un  trésor  aussi  précieux  ne  peut 
s'acquérir  à  vil  prix  (1).  Or,  la  passion  du  Sauveur,  ce  n'est  pas  seu- 
lement la  persécution  des  Gentils,  mais  toute  violence  que  nous  souf- 
frons en  combattant  contre  le  péché.  —  S.  Chrys.  {hom,  66.)  Il  leur  dit 
donc  :  «  Pouvez-vous  boire?  »  etc.,  c'est-à-dire  :  «  Vous  me  parlez  de 
gloire  et  de  couronnes,  et  moi  je  vous  parle  de  combats  et  de  fatigues, 
car  le  temps  des  récompenses  n'est  pas  encore  venu.  »  Par  la  manière 
dont  il  leur  fait  cette  question,  il  les  encourage  et  les  attire;  il  ne  leur 
ditpas:Pourrez-vous répandre  votre  sang?  mais  :  «Pouvez-vous  boire 
le  calice  ?  »  et  il  ajoute  :  «  Que  je  dois  boire  ,  »  pour  enflammer  plus 
vivement  leurs  désirs  par  ce  rapprochement. —  S.  Hil,  {caii.  20.)  Or, 
les  deux  disciples  qui  avaient  déjà  la  liberté  et  la  constance  du 
martyre,  promettent  de  boire  ce  calice.  «  Ils  lui  dirent  :  Nous  le  pou- 
vons. »  —  S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.)  Ou  bien  ils  font  cette  réponse 
moins  par  confiance  dans  leur  propre  force  que  par  ignorance  de  leur 
fragihté  ;  car  la  tentation  de  la  souffrance  et  de  la  mort  paraît  légère 
à  ceux  qui  ne  l'ont  pas  éprouvée.  —  S.  Chrys.  {hom.  63.)  Ou  bien 
encore,  ils  promettent  de  boire  ce  calice  par  le  désir  qu'ils  en  ont  ; 
car  ils  n'auraient  jamais  parlé  de  la  sorte,  si  ce  qu'ils  demandaient 

(1)  Allusion  à  ces  paroles  de  saint  Paul  (II  Tint,  ii,  12)  :  n  Si  nous  souffrons,  nous  régnerons 
avec  lui;  »  et  dans  l'Epitre  aux  Romains,  viii,  17  :  «  Si  nous  souffrons  avec  lui,  nous  serons 
glorifiés,  »  etc.. 


lutaris  accipiam  ;  »  statimque  infert  quis 
iste  sil  calix  :  «  Pretiosa  ia  conspectu 
Domini  mors  sanctorum  ejus.  »  Chrys. 
{siip.  Mattli.  in  opère  imperf.  ut  sup.) 
Sciebat  aulem  Domiuus  qnia  passionem 
ipsius  poterant  imilari;  sedideo  interro- 
gal,  ut  omne?  audiamus  quia  uemo  po- 
lest  cum  Christo  regnare,  nisi  passionem 
Christi  fuerit  imitatus  :  res  enim  pre- 
tiosa, vili  pretio  uon  comparatur.  Passio- 
uem  autem  Domini  dicimus  non  solum 
persecutionem  (îenliliiim,  sed  omneni 
violentiam  quam  patimur  contra  peccala 
certantes.  Chrys.  {in  homil.  66  ut  sup.) 
Dicit  ergo:  «  Potestis  bibere,  »  etc.  Ac  si 
dicat  :  «  Vos  mihi  de  honore  et  coronis 
loquimini  ;  ego  autem  de  agonibus  vobis 
et  sudoribus  :  non  euim  hoc  est  prae- 


miorum  tempus.  »  Ex  modo  autem  in- 
terrogationis  eos  attrahit  :  uon  enim 
dixit  :  «  Potestis  sanguinem  vestrum 
effuudere  ?  sed,  potestis  bibere  calicem.  » 
Deinde  addit  :  «  Quem  ego  bibiturus 
sum  :  »  ut  ex  communione  ad  ipsum  avi- 
diores  fiant.  Hilar.  [Van.  20  ut  sup.)  At 
illi  qui  jani  marlyrii  hbertatem  constan- 
tiamque  retinebant,  bibituros  se  polii- 
centur.  Uude  sequitur  :  «  Dicunt  ei  : 
Possumus.  »  Chrys.  {siip.  Matth.  in 
opère  imperf.  ut  sup.)  Vel  dicunt  hoc 
non  tam  ex  fiducia  suœ  fortitudinis, 
quam  ex  ignorantia  suae  fragihtatis  : 
inexpertis  enim  levis  videtur  esse  ten- 
tatio  passionis  et  mortis.  Chrys.  (m  Jio- 
niil.  GQ  ut  sup.)  \e\  hoc  ex  desiderio 
promittunt  :  neque  enim  hoc  dixissenl. 


576 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


n'avait  été  l'objet  de  leur  attente.  Or ,  le  Seigneur  leur  prédit  des 
biens  du  plus  grand  prix,  c'est-à-dire  (Qu'ils  seront  rendus  dignes  de 
souffrir  le  martyre. 

«  Il  leur  répartit  :  Il  est  vrai  que  vous  boirez  le  calice  que  je  boirai.  » 
Orig.  Jésus-Christ  ne  leur  dit  pas  :  Vous  pouvez  boire  mon  calice, 
mais  les  yeux  fixés  sur  la  perfection  à  laquelle  ils  devaient  atteindre, 
il  leur  dit  :  «  Il  est  vrai  que  vous  boirez  mon  calice.  »  —  S.  Jér.  On 
se  demande  dans  quel  sens  les  deux  enfants  de  Zébédée  ,  Jacques  et 
Jean,  ont  bu  le  calice  du  martyre,  puisque  d'après  l'Ecriture,  Jacques 
seul  fut  décapité  par  Hérode  [Acies,  xii),  et  que  Jean  mourut  dé  mort 
naturelle.  Mais  puisque  nous  lisons  dans  l'histoire  ecclésiastique  que 
Jean  fut  plongé  dans  une  chaudière  d'huile  bouillante _,  et  qu'il  fut 
exilé  dans  l'ile  de  Pathmos,  nous  voyons  qu'il  eut  vraiment  l'esprit  du 
martyre,  et  qu'il  but  le  calice  du  confesseur  de  la  foi ,  calice  que 
burent  aussi  les  trois  enfants  dans  la  fournaise  ,  bien  que  leur  persé- 
cuteur n'ait  pas  répandu  leur  sang. 

S.  HiL.  {can.  20.)  Notre-Seigneur,  tout  en  louant  la  foi  qui  les 
anime,  leur  déclare  qu'ils  seront  associés  à  ses  souffrances ,  mais  que 
Dieu,  son  Père,  avait  disposé  en  faveur  d'autres  de  l'honneur  de  s'as- 
seoir à  sa  droite  et  à  sa  gauche  :  «  Mais  pour  ce  qui  est  d'être  assis  à 
ma  droite  et  à  ma  gauche  ,  »  etc.  Dans  notre  opinion  ,  cet  honneur 
n'est  pas  tellement  réservé  à  d'autres ,  que  les  Apôtres  n'y  aient  point 
départ,  eux  qui,  assis  sur  les  sièges  des  patriarches,  jugeront  les 
douze  tribus  d'Israël.  Autant  que  l'Evangile  nous  permet  de  le  con- 
clure, nous  verrons  assis  aux  côtés  du  Sauveur  Moïse  et  Elle ,  au  mi- 
lieu desquels  il  parut  sur  la  montagne  dans  tout  l'éclat  de  sa  gloire. 


uisi  expectassent  audire,  quod  petebant. 
Uominus  autem  eis  prophetat  magna  bo- 
ua,  id  est,  martyrio  diguos  efficieudos. 
Sequitur  :  «  Ait  illis  :  Calicem  quidem 
meum  bibelis.  »  OuiG.  {ut  sup.)  Non 
ita  respondit  Cliristus  :  «  Calicem  meum 
bibere  poteslis;»  sed  ad  futuram  eorum 
perfeclionem  respicieus,  dixit  :  «  Calicem 
(]uidem  meum  biboti.-^.  »  Hiiiu.  Onœritur 
.lutcm  quomodo  calicem  marlyrii  lilii 
Zebedœi  (Jacobu-;  videlicetet  Joannes)  bi- 
beriut  ;  cum  Scriptura  narret  Jacobum 
tanlum  apublolum  ab  Ilerode  capite  trun- 
catum  [Act.  12)  ;  Juaiines  autem  propria 
morte  vilam  finicril:sed  silegimusin  ec- 
desiasllca  historia,  ([uod  ipse  Joannes 
proptermartyrium  sil  missus  in  ferventis 
olei  dulium.  et  relegalus  iii  Patbmos  in- 
sulam  fi'û,  videbimus  marlyrio  animuni 


non  defuisse,  et  bibisse  Joannem  calicem 
confessionis  ;  quem  et  très  pueri  in  ca- 
mino  ignis  biberunt;  licet  persecutor 
non  fuderit  sanguinem. 

HiLAR.  {Can.  20  ut  sup.)  Dommus  er- 
go  collaudaus  eorum  fidem,  ait  martyrio 
quidem  eus  secum  compati  posse,  sed 
\x\x  eju»  ac  dextrœ  assidere,  aliis  a 
Deo  Paire  fuisse  dispositum  :  nnde  se- 
quitur  :  «  Sedere  autem  ad  dexteram 
meam  vel  ad  siuistram,  »  etc.  Kt  quidem 
quantum  arliitramur,  ita  bonor  iste  aliis 
est  reservatus  quod  tamen  uec  apostoli 
ab  eo  erunt  alieni,  qui  in  duodecim  pa- 
triarcharum  sede  considentes,  Israëlem 
judicabuut  ;  et  quantum  sentire  ex  ipsis 
evaugeliis  licet,  in  regno  cœlorum  Moy- 
S(V  el  Elias  assidebunt,  <piibus  concomi- 
lautibus  (um  uloriai  suœ  babituiii  moule 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHA1\    XX. 


57" 


{Matth.,  xviii;  Mafc,  ix;  Luc,  ix.)  —  S.  Jér.  Quant  à  moi,  telle  n'est 
pas  mon  opinion,  mais  je  pense  que  le  Sauveur  ne  nomme  pas  ceux 
qui  seront  assis  dans  le  royaume  des  cieux,  dans  la  crainte  que  cette 
désignation  spéciale  de  quelques-uns,  ne  parût  une  exclusion  pour 
les  autres.  En  eflet,  la  gloire  du  royaume  des  cieux  ne  dépend  pas 
seulement  de  celui  qui  la  donne,  mais  aussi  de  celui  qui  la  reçoit; 
car  Dieu  ne  fait  acception  de  personne ,  et  celui  qui  se  rendra  digne 
de  ce  royaume,  recevra  ce  que  Dieu  a  préparé,  non  pas  àla  personne, 
mais  à  la  vie  sainte  et  pure.  Si  donc  vous  vous  rendez  dignes  par  vos 
vertus  du  royaume  des  cieux,  vous  en  serez  mis  en  possession.  Ce- 
pendant il  ne  leur  dit  pas  :  Vous  ne  serez  pas  assis  à  ma  droite,  pour 
ne  pas  les  couvrir  de  confusion  ,  ni  :  Vous  y  serez  assis  ,  pour  ne  pas 
froisser  les  autres  disciples.  —  S.  Chrys.  {hom.  65.)  Ou  bien  dans  un 
autre  sens,  cette  place  est  inaccessible ,  non-seulement  aux  hommes, 
mais  encore  aux  anges  ;  car  saint  Paul  nous  déclare  en  ces  termes 
qu'elle  est  l'apanage  exclusif  du  Fils  unique  :  «  A  qui ,  parmi  les 
anges,  a-t-il  jamais  dit  :  Asseyez-vous  à  ma  droite?  »  C'est  donc  uni- 
quement par  condescendance  pour  ceux  qui  l'interrogent,  et  non  pour 
établir  que  quelques-uns  des  saints  seraient  assis  à  ses  côtés,  qu'il  ré- 
pond à  leur  question  ;  car  le  Seigneur  leur  répond  :  «  Vous  mourrez, 
en  effet,  pour  moi,  mais  cela  ne  suffit  pas  pour  que  vous  obteniez 
la  première  place  ;  car  s'il  s'en  trouve  un  autre  qui  joint  au  martyre 
une  vertu  plus  parfaite,  mon  amour  pour  vous  ne  peut  aller  jusqu'à 
lui  enlever  la  première  place  pour  vous  la  donner.  »  Mais  il  ne  veut  pas 
que  l'on  croie  que  c'est  impuissance  de  sa  part ,  aussi  ne  dit-il  pas 
simplement  :  Ce  n'est  point  à  moi  de  donner  ,  mais  :  «  Ce  n'est  point 
à  moi  de  vous  le  donner,  »  cela  est  réservé  à  ceux  à  qui  mon  Père 


apparuit.  Hier.  Sed  mihi  hoc  nequaquam 
videtur  ;  sed  ideo  sedentium  iu  regno 
cœlorum  vucabula  nou  dicuntur ,  ne 
paucis  nominatis  (.'ceteri  putarentur  ex- 
clusi  :  regnmn  enini  cœloruui  non  est 
tantum  dantis,  sed  accipientis  :  non  enim 
est  personarum  acceptio  apud  Deum, 
sed  quicuuque  talem  se  priebuerit,  ut 
regno  cœlorum  dignus  fiât,  hic  accipiet 
quod  non  personai,  sed  vitui  paratum 
est.  «  Si  itai|ue  taies  estis,  qui  consequa- 
niiui  regnuni  eœloruui  (quod  Pater  meus 
victoribus  prteparavit),  vos  quoque  acci- 
pietis  illud.  »  Ideo  tamen  ueque  dixit, 
non  sedebUis,  ne  duos  confuuderet, 
ueque  sedebitis,  ne  caeteros  irritaret. 
Chkys.  (//(  homil.  66  ut  sup.)  Yel  aliter  : 
videtur  invius  omnibus  esse  locus  ille, 
non  solum  bomiuibus,  sed  etiam  mige- 

TOM.  II. 


lis  :  sic  enim  praecipuum  unigeniti  po- 
nit  id  Paulus,  dicens  [Hebr.  1)  :  «  Ad 
quem  autem  angelorum  dixit  unquam  : 
Sede  a  dextris  meis?  »  Dominus  ergo, 
non  quasi  exislentibus  quibusdam  qui 
assessuri  sunt,  sed  condescendens  iuter- 
rogantium  suspicion!  respondit  :  hoc 
enim  imum  solum  quarebant,  prte  aliis 
slare  apud  ipsum.  Sed  Dominus  respon- 
det  :  Moriemiui  quidempiopter  me,  non 
tamen  hoc  sufticit  vos  facere  primum 
ordinem  obtinere  :  si  enim  aliquis  ahus 
veuerit,  cum  martyrio  ampUorem  virtu- 
tem  possideus,  non  quia  vos  anio,  illum 
expellam ,  et  vobis  dabu  primatum. 
Propter  lioc  autem,  ut  non  ipse  intir- 
mus  esse  ostendatur,  nou  dixit  simpUci- 
ter  :  «  Nou  est  meumdare,  »  sed,  «non 
est  meum  vobis  dare,  sed  quibus  para- 

37 


578 


EXPLICATION  DE  L  EVANGILE 


l'a  préparé,  c'est-à-dire  à  ceux  qui  peuvent  briller  par  l'éclat  de  leurs 
bonnes  œuvres.  —  Rémi.  Ou  bien  encore  :  «  Ce  n'est  point  à  moi  de 
vous  le  donner,  c'est-à-dire  de  le  donner  à  des  orgueilleux  comme 
vous,  mais  cela  est  réservé  aux  humbles  de  cœur  auxquels  mon  Père 
céleste  l'a  préparé.»  —  S.  Aug.  {de  la  Trinité^  i,  12.)  Ou  bien  enfin,  le 
Seigneur  répond  à  ses  disciples  comme  homme  revêtu  de  la  forme  de 
serviteur  :  «  Mais  pour  ce  qui  est  d'être  assis  à  ma  droite ,  ce  n'est 
point  à  moi  de  vous  le  donner,  »  etc.  Or,  ce  que  le  Père  a  préparé,  le 
Wls  l'a  également  préparé  ;  car  le  Fils  et  le  Père  ne  sont  qu'un. 

ji'.  24-28.  —  Les  dix  autres  ayant  entendu  cela,  en  conçurent  de  l'indignation 
contre  les  deux  frères.  Mais  Jésus,  les  ayant  appelés  à  lui,  leur  dit  :  Vous 
savez  que  les  princes  des  nations  dominent  sur  elles ,  et  que  ceux  qui  sont  les 
plus  puissants  parmi  eux  les  traitent  avec  empire.  Il  n'en  doit  pas  être  de 
même  parmi  vous  ;  mais  que  celui  qui  voudra  devenir  yrand  parmi  vous  soit 
votre  serviteur  ;  et  que  celui  qui  voudra  être  le  premier  d'entre  vous  soit  votre 
esclave;  comme  le  Fils  de  l'homme  n'est  pas  venu  pour  être  servi,  mais  pour 
servir,  et  donner  sa  vie  pour  la  rédemption  de  plusieurs. 

S.  Chrys.  {hom.  65.)  Tant  que  Jésus-Christ  n'a  fait  qu'exprimer  sa 
volonté  à  l'égard  des  deux  disciples  (1*),  les  autres  Apôtres  n'éprou- 
vèrent aucun  sentiment  de  peine  ;  ils  ne  s'indignent  que  lorsqu'il  les 
reprend  :  «  Et  les  dix  autres  ayant  entendu,  »  etc.  —  S.  Hil.  Ce  n'est 
pas  sur  la  mère  qu'ils  font  retomber  la  témérité  d'une  pareille 
demande,  mais  sur  les  enfants  qui,  paraissant  ignorer  ce  qu'ils 
étaient,  se  sont  laissé  dominer  par  une  ambition  aussi  démesurée.  — 

(1*)  L'obscurité  de  cette  phrase  tient  à  ce  qu'elle  est  séparée  de  ce  qui  lu  suit  immédiatement 
dans  saint  Clirysostome.  —  Cette  suite  se  trouve  au  moins  pour  le  sens  après  la  citation  de  saint 
Hilaire.  Il  s'agit  donc  ici  des  desseins  du  Sauveur,  relativement  aux  deux  frères  Jacques  et  Jean, 
qu'il  a  honorés  d'une  manière  toute  particulière  dans  la  transfiguration  ;  par  exemple  ,  etc.  oOx 
yjYavây.TO'jv  signifie    >  il?  ne  s'indignèrent  pas,  »  plutôt  que  "  ils  ne  .«'attristèrent  pas.  n 


tum  est  ;  «  his  scilicet  qui  ab  operibus 
possiint  fieri  clari.  Remig.  Vel  aliter  : 
«  Non  est  lueum  dare  vobis,  id  est,  su- 
perbis  talibus  quales  vos  eslis  ;  sed  humi- 
libus  corde,  (piibus  paratum  est  a  Pâtre 
uieo.  »  Aug.  (l  de  Trin.  cap.  12.)  Vel 
aliter  secuudum  forniam  servi  discipulis 
Dumiiius  respoudet  :  «  Sedere  autem  ad 
dexleraui,uoiiest  uieum  dare  vobis,  »  etc. 
(Jiiod  autem  paratum  est  a  Paire  ejus, 
L't  ab  ipso  filio  est  paratuui  ;  quia  et  ipse 
fl  Pater  unum  suiil. 


El  aitdieiites  ilecem,  indiynati  sunt  de  diiobus 
fralribus.  Jésus  autem  vocavil  eos  ad  sf ,  l't 
ait  :  Scilis  quia  principes  fietiliiim  domiiuinlnv 


eorum,  et  qui  majores  sunt,  potestatem  exer- 
cent in  eos.  Non  ita  erit  vos  :  sed  quicumque 
voluerit  inter  vos  major  fieri,  sit  vester  minis- 
ter  :  et  quicumque  voluerit  inter  vos  primus 
esse,  erit  vester  servus  :  sicut  Filius  hominis 
non  venit  ministrare,  et  dare  animam  snam  in 
redemptionem  pro  mullis. 

Chrys.  (»1  Jiomil.  60.)  Douée  Cbristi 
seutentia  erat,  uou  tristabantur  alii  dis- 
cipuli  ;  sed  tune  tristati  suut,  quando 
eos  iucrepavit.  Uude  dicitur  :  «  El  au- 
dieutes  decem,  »  etc.  Hilar.  Nou  ad  mu- 
lierem  audaciam  referuut  postulautis, 
sed  ad  iilios,  quod  ignorantes  mensuram 
suam,  non  uiodiea  cupidilate  exarseriut. 
CiiRYs.    (in  hum.  (Ki  iif  sup.)  Intelloxe- 


DE  SAINT  MATTHIEU,    CHAP.    XX.  579 

S.  CiiRYS.  {hom.  65.)  Ils  comprirent  que  cette  demande  venait  des 
deux  frères ,  quand  le  Sauveur  leur  adressa  ce  reproche.  Jusque-là , 
lorsqu'ils  avaient  vu  les  marques  particulières  d'iioiineur  (ju'il  leur 
donnait,  comme  dans  sa  transfiguration ,  quelleque  fût  la  peine  qu'ils 
en  ressentaient  intérieurement,  ils  n'osaient  pas  la  faire  paraître  au 
dehors,  par  respect  pour  leur  divin  Maître.  —  S.  Ciirys.  {sur 
S.  Matth.)  La  demande  des  deux  disciples  avait  «Hé  toute  charnelle, 
la  tristesse  des  dix  autres  fut  de  même  nature,  car  s'il  est  blâmable 
de  vouloir  s'élever  au-dessus  des  autres,  il  est  on  ne  peut  plus  glo- 
rieux d'accepter  que  d'autres  soient  élevés  au-dessus  de  nous  (1"). 

S.  Jeu.  Toutefois  le  divin  Maître  ne  reproche  ni  leur  ambition  aux 
deux  disciples ,  ni  leur  indignation  jalouse  aux  dix  autres  :  «  Mais 
Jésus  les  appela  à  lui,  »  etc.  —  S.  Ghrys.  {hom.  66.)  Gomme  il  les  voit 
dans  le  trouble ,  il  les  appelle  à  lui  pour  les  consoler  en  leur  adressant 
la  parole  de  plus  près ,  car  les  deux  frères  s'étaient  séparés  de  la 
société  des  dix  Apôtres  pour  se  rapprocher  du  Seigneur  et  lui  parler 
en  particulier.  Or,  il  apaise  les  sentiments  de  leur  âme,  non  plus 
comme  précédemment ,  en  plaçant  un  petit  enfant  au  milieu  d'eux , 
mais  par  un  exemple  tout  opposé  :  «  Vous  savez ,  leur  dit-il ,  que  les 
princes  des  nations  dominent  sur  elles.  »  —  Orig.  C'est-à-dire  :  Vous 
savez  que,  non  contents  de  gouverner  leurs  sujets,  ils  aspirent  à  une 
domination  tyrannique;  mais  pour  vous,  qui  êtes  mes  disciples,  il 
n'en  sera  pas  de  la  sorte ,  car ,  si  les  choses  matérielles  sont  soumises 
à  la  nécessité,  les  choses  spirituelles  dépendent  de  la  volonté.  Ceux 

(1')  Plusieurs  éditions  portent:  «  Minus  est  gloriosum  ;  «  il  est  facile  de  voir  que  c'est  une 
faute  qui  ûte  tout  sens  raisonnable  à  la  deuxième  partie  de  la  phrase.  Il  suffit  du  reste  de  voir  le 
contexte  dans  {'Ouvrage  inachnvt;  sur  saint  Matthieu ,  homélie  25,  pour  se  convaincre  qu'il  faut 
lire  :  Il  Nimis  est  gloriosum.  »  Après  le  premier  membre  de  cette  phrase,  on  lit  en  effet  :  n  Nam 
sicut  isti ,  si  spiritualiter  sapuissent,  non  fuerant  petituri  ut  essent  super  omnes,  sic  et  illi,  si  spi- 
ritualiter  intellexissent,  non  fuerant  contristatri  esse  aliquos  ante  se.  Nam  velle  quidem,ii   etc. 


ruut  euim  quia  bscc  petitio  discipulorum 
fuil,  quando  eos  Domiuus  increpavit. 
Quaudo  auteni  eo:5  a  Domiuo  prœbouo- 
ratos  videruut  (iu  trausfiguratione),  si 
secundum  meutein  dolebant,  in  médium 
eiierre  non  audebant,  venerautes  docto- 
rem.  Chrys.  {in  opère  imperf.)  Sicut 
autem  duo  carnaliler  petieruut,  ita  et 
decem  carnaUter  contristati  suât  :  nam 
velle  quidem  esse  super  omues,  vitupe- 
rabile  est,  susliuere  autem  alium  super 
se^  nimis  est  gloriosum. 

Hier.  Humilis  autem  magisteretmitis 
nec  cupiditatis  duos  arguit  postulantes, 
nec  decem  reliquos  iudignationisincrepat 
et  livoris  :  midesequitur  :  «Jésus autem 


vocavit  eos  ad  se.  »  Chrys.  {in  hom. 
GG  ut  sup.)  Quia  enim  turbati  erant,  vo- 
calione  eos  consolatur,  de  propiuquo  eis 
loquendo  :  etenim  duo  a  societate  decem 
seipsos  séparantes,  propius  stabant, 
seorsum  Domino  loquentes  :  non  tamen 
sicut  prius  pueros  in  médium  ducens, 
eos  consolatur,  sed  a  contrario  inseruit, 
dicens  :  «  Scitis  quia  principes  gentium 
dominantur  eorum.  »  OmG.  {Tract.  I2iit 
snp.)  Id  est,  non  conlenti  tantum  regere 
suos  subditos,  violenter  eis  dominari  ui- 
tuutur  ;  inter  vos  autem,  qui  estis  mei, 
non  eruut  baec  ;  quouiam  sicut  omnia 
carualia  in  necessitale  sunt  posita,  spi- 
ritualia  autem  in  voluntate,  sic  et  qui 


o8() 


EXPLICATION   DE   1.  EVANGILE 


donc  qui  sont  revêtus  d'une  puissance  toute  spirituelle  doivent  faire 
reposer  toute  leur  autorité  sur  l'afifection  de  ceux  qui  leur  sont  sou- 
mis, plutôt  que  sur  la  crainte  des  châtiments  extérieurs.  —  S.  Chrys. 
[hom.  (ifi.)  Il  leur  montre  en  même  temps  que  c'est  le  propre  des 
nations  idolâtres  d'ambitionner  la  primauté,  et  par  cette  comparaison 
il  apaise  l'agitation  de  leur  âme.  —  S.  Chrys.  [sw  S.  Matth.)  C'est 
une  chose  louable  de  désirer  le  travail  du  ministère ,  car  le  travail 
dépend  en  partie  de  notre  volonté ,  aussi  bien  que  la  récompense  qui 
la  suit  ;  mais  c'est  une  vanité  que  d'ambitionner  l'honneur  des  pre- 
mières dignités,  parce  qu'elles  dépendent  de  la  volonté  de  Dieu. 
Aussi,  quand  bien  même  nous  obtiendrions  cet  honneur,  nous  ne 
savons  pas  si  nous  méritons  la  couronne  de  justice.  En  effet,  l'Apôtre 
ne  sera  pas  trouvé  digne  d'éloges  aux  yeux  de  Dieu  pour  avoir  été 
apôtre,  mais  pour  avoir  bien  rempli  les  devoirs  de  l'apostolat;  de 
même  ce  n'est  pas  aux  mérites  qui  ont  précédé  sa  vocation  que  l'A- 
pôtre doit  l'honneur  de  l'apostolat;  mais  il  a  été  jugé  digne  de  ce  mi- 
nistère ,  d'après  les  dispcîfeitious  de  son  âme.  Disons  encore  que  les 
premières  dignités  vont  au  devant  de  ceux  qui  les  fuient ,  et  fuient 
ceux  qui  les  recherchent.  Ce  qu'il  faut  désirer,  ce  n'est  donc  point  un 
rang  plus  élevé ,  mais  une  vie  plus  vertueuse.  C'est  donc  pour  éteindre 
l'ambition  des  deux  frères  et  l'indignation  des  autres  Apôtres,  que  le 
Sauveur  établit  cette  différence  entre  les  princes  du  monde  et  les 
chefs  de  l'Eglise ,  et  il  montre  ainsi  que  le  pouvoir  ecclésiastique  ne 
doit  être  ni  recherché  par  celui  qui  ne  l'exerce  pas ,  ni  envié  à  celui 
qui  en  est  revêtu.  Les  princes  du  monde  semblent  n'être  établis  que 
pour  faire  peser  leur  domination  sur  leurs  inférieurs,  les  réduire  en 
servitude,  les  dépouiller  et  les  exploiter  jusqu'à  la  mort  au  prolit  de 


principes  sunt  spirituales,  priucipatus 
eoruiii  iu  dilectione  subditorum  débet 
esse  positus,  non  in  timoré  corporali. 
Chhys.  (?n  /loniil.  OG.)  Ostendit  autem  iu 
lioc,  (juod  Genliliuni  est  prinialns  cu- 
pere,  et  sie  f;eulium  coniparaliuue, 
eoruni  auimam  œstuautem  convertit. 
Chuys.  {sïip.  Mattli.  in  opère  imperf. 
utsvp.)  Kt  opus  tjuidem  desiderare  bo- 
nnu)  est  (quia  nostra;  voluntatis  est,  et 
nostra  estmerces),  primatum  aulem  Iio- 
iiuris  (;oncupiscere,  vauitas  est  :  hoc  enim 
«Kusequi,  judiciuui  Dei  est  :  propter 
•  piyd  ex  priuiatu  honoris  uescimus,  si 
niercedeni  justitia;  ujeremur  ;  neque 
•Miiiii  apostoius  laudeni  habebit  ;»pnd 
Deniii  (plia  aiioslcihis  luit  ;  setl  si  opus 
•lll|J^llli;ltl|s  sui  t»ca<' iiiiplevit  :  iiecapas- 


tolus  pro  merito  suo  autecedenti  houo- 
ratus  est,  ut  esset  apostoius  ;  sed  ad  hoc 
niiuisterium  aplus  est  judicatus  secun- 
dum  niotuiu  animœ  suœ.  PriiuatuscLiaiu 
i'ugienlem  se  desiderat,  et  desideran- 
teni  se  horret  :  conversatio  ergo  nie- 
Uor  desideranda  est ,  non  dignior  gra- 
dus.  Volens  ergo  Uoniiuus,  et  duonun 
fratruni  ambitiouem,  et  aliorum  iudi- 
gnationera  extingnere,  introducit  ditle- 
rentiani  inter  principes  ujundiaieset  ec- 
clesiaslicos;  osteudens  quia  primatus  iu 
Christo,  nec  ab  aliciuo  appeleudus  est 
non  habcnte,  nec  alteri  hivideudus  est 
bal)euti  ;  (juia  principes  nnnidi  ideo  sunt 
ut  doniinentur  niinoribus  suis,  et  eos 
servituli  sid)jiciaut  et  expoiieut,  et  usque 
niiirleni  cis  idaiitiir  ad  suani    utililateui 


DK  SAINT   MATTHIEU,   CHAI'.    XX.  581 

leur  propre  gloire  et  de  leur  utilité  personnelle.  Les  princes  de  l'E- 
glise ,  au  contraire ,  ne  sont  placés  à  sa  tête  que  pour  servir  leurs 
inférieurs,  leur  distribuer  tout  ce  qu'ils  ont  reçu  de  Jésus-Christ,  pour 
veiller  aux  intérêts  des  fidèles  au  détriment  de  leurs  intérêts  person- 
nels, et  ne  ])oint  reculer  devant  la  mort  même  pour  les  sauver.  Il  n'est 
donc  ni  juste,  ni  utile  de  désirer  la  puissance  et  les  honneurs  dans 
l'Eglise,  car  quel  est  l'homme  tant  soit  peu  sage  qui  voudrait  se  sou- 
mettre de  lui-même  à  une  si  grande  servitude  et  au  danger  effrayant 
de  rendre  compte  pour  toute  l'Eglise ,  à  moins  qu'il  n'ait  perdu  toute 
crainte  des  jugements  de  Dieu,  et  <iu'il  ne  veuille  faire  un  abus 
indigne  de  la  puissance  ecclésiastique  en  la  transformant  en  un  pou- 
voir tout  séculier  ? 

S.  Jér.  Jésus  termine  en  se  proposant  comme  exemple  pour  faire 
rougir  par  ses  actions  ceux  que  ses  paroles  laisseraient  insensibles  : 
«  Comme  le  Fils  de  l'homme  n'est  pas  venu  pour  être  servi.  »  —  Orig. 
Les  anges  et  Marthe  l'ont  servi,  il  est  vrai;  il  n'est  cependant  [)as 
venu  pour  être  servi,  mais  pour  servir,  et  il  poussa  si  loin  cette  servi- 
tude à  l'égard  des  autres ,  qu'il  accomplit  les  paroles  suivantes  :  «  Et 
pour  donner  sa  vie  en  mourant  pour  la  rédemption  de  plusieurs ,  » 
qui  ont  cru  en  lui.  Mais  comme  il  a  été  le  seul  qui  fût  libre  entre  les 
morts  {Ps.  Lxxxvii),  et  plus  fort  que  toute  la  puissance  de  la  mort,  il  a 
par  là  même  affranchi  de  la  mort  tous  ceux  qui  ont  voulu  le  suivre. 
Les  princes  de  l'Eglise  doivent  donc  imiter  Jésus-Christ  qui  se  rendait 
accessible,  ne  dédaignait  pas  de  parler  aux  femmes,  d'imposer  les 
mains  sur  les  petits  enfants ,  et  de  laver  les  pieds  à  ses  disciples  pour 
les  engager  à  en  faire  autant  à  leurs  frères.  Mais,  malgré  cet  exemple, 
nous  offrons  dans  notre  conduite  le  spectacle  d'un  orgueil  qui  va  au 
delà  de  l'orgueil  des  princes  du  monde  ;  car,  soit  que  nous  ne  voulions 


et  ploriam  ;  principes  auleni  Ecclesiae 
fiiiut,  ut  serviant  minoribus  suis,  et 
luinislrent  eis  quaecunque  acceperunt  a 
Christo  ;  ut  suas  utilitates  negligant,  et 
illoruni  procurent,  et  mori  non  récusent 
pro  saluLe  inferiorum.  Primatum  erpro 
Ecciesiœ  concupiscere^  neque  justuni 
est,  neque  utile  Nullus  sapiens  vuit  ul- 
tro  se  subjicere  servituti  etperieulo  tali, 
ut  det  rationeiu  pro  omni  Ecclesia;  nisi 
forte  qui  non  timet  Dei  judicium,  abu- 
tens  primatu  suo  ecclesiastico  seculari- 
ter,  ita  ut  convertat  illuni  in  seculareni. 
HiEK.  Denique  sui  propouit  exeuipluni  ; 
m  si  dicta  parvi  penderent,  erubesce- 
renl  ad  opéra  :  unde  subdit  :  «  Sicut 
Filius  bominis  non  venit  miaistrari.  » 


Orio.  {ut  sup.)  Nam  si  augeli  et  Martba 
ministraverunt  ei,  tainen  non  ideo  venit 
ut  ministretur,  sed  utministret;  et  tan- 
tum  crevit  ininistrans,  ut  impleretur 
quod  sequitur  :  «  Et  daret  aniniam  suam 
in  redeniptionem  pro  multis  »  qui  cre- 
diderunt  in  eum  ;  daret,  inquam,  in  mor- 
teui.  Sed  quoniam  solus  erat  inter  mor- 
tuos  liber  {Psal.  87)  et  fortior  omni  po- 
testate  mortis,  omnes  sequi  se  volentes 
liberavit  a  morte.  Ecclesiarum  ergo  prin- 
cipes imitari  debent  Cbristum  accessibi- 
lem,  et  mulieribus  loquenlera,  et  pueris 
manus  imponentem,  et  discipulis  pedes 
lavantem,  ut  ipsi  similiter  faciant  fratri  - 
bus.  Nos  autem  taies  sumus,  ut  etiam 
principum  mundi  excedere  videamursu- 


582 


EXPLICATION  DE  L  EVANGILE 


pas  comprendre,  soit  que  nous  méprisions  le  précepte  de  Jésus-Christ, 
nous  voulons ,  comme  les  rois  de  la  terre,  nous  faire  précéder  par  des 
gardes,  nous  cherchons  à  nous  rendre  redoutables  et  de  difficile 
accès ,  surtout  à  l'égard  des  pauvres  ;  nous  n'avons  pour  les  autres  et 
nous  ne  voulons  pour  nous-mêmes  aucune  marque  d'affabilité. 

S.  GiiiiYS.  (Iiom.  (H).)  Donc,  à  quelque  degré  que  vous  puissiez  vous 
humilier,  jamais  vous  ne  descendrez  aussi  bas  que  votre  Sauveur  et 
votre  Dieu. 

y.  29-34.  —  Lorsqu'ils  sortaient  de  Jéricho,  il  fut  suivi  d'une  grande  troupe  de 
peuple,  et  deux  aveugles ,  qui  étaient  assis  le  long  du  chemin,  ayant  ouï  dire 
que  Jésus  passait,  commencèrent  à  crier,  en  disant  :  Seigneur,  fils  de  David, 
ayez  pitié  de  nous.  Et  le  peuple  les  reprenait  pour  les  faire  taire  ;  mais  ils  se 
mirent  à  crier  encore  plus  linut  :  Seigneur,  fils  de  David,  ayez  pitié  de  nous. 
Alors  Jésus  s'arrêta,  et,  les  ayant  appelés,  il  leur  dit  :  Que  voulez-vous  que  je 
fasse?  Seigneur,  lui  dirent-ils,  que  nos  yeux  soient  ouverts.  Jésus,  étant  donc 
ému  de  compassion  à  leur  égard,  leur  toucha  les  yeux ,  et  au  même  moment 
ils  recouvrèrent  la  vue  et  le  suivirent. 

S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.)  De  même  qu'une  abondante  moisson 
témoigne  en  faveur  du  travail  du  laboureur,  ainsi  une  nombreuse 
assemblée  est  une  preuve  du  zèle  de  celui  qui  enseigne  :  «  Et  lors- 
qu'ils sortaient ,  une  foule  nombreuse  le  suivit.  »  Aucun  d'eux  ne  fut 
arrêté  par  les  difficultés  de  la  route,  car  l'amour  spirituel  n'est  point 
sujet  à  la  fatigue,  aucun  d'eux  ne  fut  retenu  par  la  pensée  de  ses  inté- 
rêts temporels,  car  ils  entraient  en  possession  du  royaume  des  cieux. 
Celui,  en  effet,  qui  a  ime  fois  goûté  en  vérité  le  bien  céleste,  ne  trouve 
plus  rien  sur  la  terre  qui  soit  digne  de  son  affection.  Or ,  ces  deux 


perbiam  ;  vel  non  intelUgeuteâ,  vel  cou- 
lemnentes  raandatuui  Cbristi  ;  et  quaeri- 
mus  (sicut  rcses)  acies  prœcedentes;  et 
lerribilesnos  et  aecessu  difficiles  (maxime 
pauperibus)  cxhibeams  ;  uullam  atTabi- 
îitatem  liabentes,  vel  habere  ad  nosper- 

mitloIlte^. 
CniiYS.  [ia  homil.  66,  ut  sup.)  Quaii- 

Uuncmuiiie  erpto  tu  Uumiliatus   l'ucris, 

nul)  poleris  tantum  descendere  quantum 

Dominus  tau^;. 

F/  /•(iffilioilibus  mis  (ib  Jliericho,  smilu  est 
rum  luvha  mulla.  Et  ccce  duo  cœci  aedentcs 
xrciis  l'iam ,  niidieriint  quia  Jésus  trnnsirrl, 
*"'  cinm'ivruiil ,  dicentrs  :  Domine,  miserere 
nostri ,  fili  David.  Turlia  auteiii  incrrpnhal 
rfis  vl  lucerrnt.  At  illi  magis  clamabnut , 
diceiUfs  :  J'omine,  miserere  noslri,  fili  Dnvid 


El  stetit  Jésus,  et  vocavit  eos,  et  ait  :  Quid 
vultis  ut  faciam  robis  ?  Dicunt  illi  :  Domine, 
ut  aperiantur  oculi  nostri.  Misertus  autem 
eormn  Jésus,  tetigit  oculos  eorum.  Et  con- 
festim  viderunt,  et  secuti  sunl  eum. 

Chrys.  (super  Matth.  in  opère  im- 
perf.  liomil.  36.)  Sicut  tcstimonium  stu- 
diosi  aijricola?  est  me^sis  fecimda,  ita  as- 
siilui  docloris  est  documentum,  eoclesia 
pleaa:  unde  etbicdicitur:  «  Et  egredicn- 
tii)us  mis  secuta  esteum  urba  multa,  etc. 
Neminem  labor  iliueris  irapedivit,  quia 
amor  spirilualis  fatigationem  non  sentit: 
neminem  possessionimi  suarum  recor- 
dalio  retraxit,  quia  ingrediebaulur  in 
posscssionem  regni  cœlestis  :  vere  eniu) 
non  habet  super  terrara  qnod  amet,  qui 
bonum   cœlcste  in   veritate    suslaverit. 


HE   SAINT   MATTHIEU,    CHAP.    XX. 


583 


aveugles  se  rencontrent  très-à  propos  sur  le  passage  de  Jésus-Christ, 
car,  après  avoir  recouvré  la  vue,  ils  le  suivront  à  Jérusalem  pour 
rendre  témoignage  à  sa  puissance  :  «  Et  voici  que  deux  aveugles,  »  etc. 
Ces  deux  aveugles  entendaient  les  pas  de  ceux  qui  marchaient,  mais 
ne  pouvaient  les  voir.  Ils  n'avaient  de  libre  dans  tout  leur  corps  que 
la  voix  ;  et  comme  ils  ne  pouvaient  se  mettre  à  la  suite  du  Sauveur , 
ils  l'accompagnent  de  leurs  cris  et  de  leurs  supplications  :  «  Et  ayant 
entendu  que  Jésus  passait,  ï>  etc. 

S.  AuG.  {De  Vacc.  des  Evang.,  ii,  56.)  Saint  Marc  raconte  ce  même 
fait,  mais  ne  parle  que  d'un  seul  aveugle,  difficulté  dont  voici  la 
solution.  Des  deux  aveugles  que  saint  Matthieu  comprend  dans  son 
récit,  l'un  était  très-connu  dans  la  ville ,  et  ce  qui  le  prouve ,  c'est 
que  saint  ûlarc  a  cru  devoir  nous  faire  connaître  son  nom  et  celui 
de  son  père.  Ce  Bartimée ,  fils  de  Timée ,  était  probablement  déchu 
d'une  grande  fortune  et  devait  à  cette  circonstance  d'être  très-connu. 
Il  était  non-seulement  aveugle ,  mais  encore  assis  près  du  chemin 
comme  un  mendiant.  C'est  donc  de  celui-là  seulement  que  saint  Marc 
a  voulu  parler ,  parce  que  sa  guérison  eut  autant  d'éclat  que  ses  mal- 
heurs avaient  eu  de  retentissement.  Quant  à  Saint  Luc ,  bien  qu'il 
raconte  un  fait  absolument  semblable ,  il  faut  admettre  qu'il  s'agit 
dans  son  récit  d'un  autre  aveugle ,  qui  fut  l'objet  d'un  semblable  mi- 
racle ,  car  il  place  sa  guérison  lorsque  Jésus  approchait  de  Jéricho , 
tandis  que ,  suivant  les  autres  Evangélistes ,  les  deux  aveugles  furent 
guéris  lorsque  Jésus  sortait  de  Jéricho. 

«  Et  le  peuple  les  reprenait  pour  les  faire  taire.  »  —  S.  Chrys. 
{sur  S.  Matth.)  Ils  voyaient  les  haillons  repoussants  dont  cet  homme 


Opportune  autem  oblati  suut  aiite  faciem 
Christi  duo  caeci^  ut  apertis  oculis,  quasi 
lestes  virtutis  ascenderent  cum  eo  in 
Hiorusalem.  Unde  sequitur  :  «  El  ecce 
duo  cfcci.  0  Hi  currentium  strepitum  au- 
diebant,  et  persouas  non  videbant,  nihil 
solum  habentes  de  toto  corpore ,  nisi 
voceni  :  et  ideo  quia  pedibus  eum  sequi 
non  poterant,  voce  sequebatur.  Unde 
dicitur  :  Audierunt  quia  Jésus  transi- 
ret,  »  etc. 

AuG.  {de  Con.  Erang.,  lib.  ii^  cap. 56.) 
FIoc  autem  factum  Marcus  commémo- 
rât (cap.  10),  sed  de  uno  caeco  factum  : 
quae  ita  solvilur  quaîstio;  nam  duorum 
csecoruni  (quos  Mattbœus  interposait) 
ununi  fuisse  in  illa  civilate  famosissi- 
mum  ex  hoc  satis  apparet,  quod  et  no- 


meu  ejus,  et  patris  ejus,  Marcus  com- 
memoravit  :  Barthimxns  enim  Timei 
filivs,  ex  aliqua  magna  felicitate  dejec- 
tus,  uolissimus  fuit  ;  ijui  non  solum  cae- 
fuis,  verum  etiam  mendicus  sedebat. 
Ilinc  est  ergo,  quod  ipsum  solum  voluit 
commemorare  Marcus,  cujus  illuminatio 
tam  claram  famam  huic  miraculo  com- 
paravit,  quam  erat  illius  nota  calamitas, 
Lucas  vero,  quamvis  omnino  eodem 
modo  factum,  tamen  in  alio  caeco  intel- 
ligendus  est  par  commemorare  miracu- 
lum  [cap.  18)  ;  ille  quippe  hoc  factum 
dicit  :  «  Cum  appropinquaret  Hiericho,» 
alii,  «  cum  egrederelur  ab  Hiericho.  » 

Sequitur  :  Turba  autem  increpabat  eos 
ut  tacerent,  »  etc..  Chrys.  {svp.  Matth. 
in  opère  imper f.  ut  sup.)  Videbant  cuim 


:>Si 


EXI'LH-ATION   DK   L  EVANGILE 


clnil  (;ouv(!rl,  et,  ne  considéraient  pas  l'éclatante  beauté  de  son  âme. 
\  nihi  l»irii  la  sagesse  insensée  des  hommes.  Ils  s'imaginaient  que  c'é- 
tait 1111  outrage  pour  les  grands  de  recevoir  les  hommages  des  pauvres, 
car,  quel  est  le  pauvre  qui  eut  osé  saluer  en  public  un  riche?  — 
S.  HiL.  Ou  bien  ce  n'est  point  par  honneur  pour  le  Sauveur  qu'ils 
font  taire  ces  deux  aveugles ,  mais  parce  qu'il  leur  faisait  peine  d'en- 
tendre affirmer  par  ces  aveugles  ce  qu'ils  niaient  eux-mêmes,  c'est-à- 
dire  que  Jésus  était  fils  de  David.  —  Orig.  {Traité  xiii  sur  S.  Matth.) 
Ou  bien  peut-être  c'étaient  ceux  qui  croyaient  en  Jésus-Christ  qui 
reprenaient  les  aveugles  de  ne  lui  donner  que  le  nom  trop  peu  digne 
de  fils  de  David,  au  lieu  de  dire  :  «  Fils  de  Dieu,  ayez  pitié  de  nous.  » 
—  S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.)  Mais  la  défense  qui  leur  était  faite ,  loin 
de  leur  fermer  la  bouche;  les  excitait  davantage.  C'est  ainsi  que  la  foi 
s'accroît  et  se  fortifie  par  la  contradiction;  aussi  est-elle  calme  ettran- 
(luille  parmi  les  dangers,  tandis  qu'elle  n'est  pas  sans  crainte  au  mi- 
lieu de  la  paix.  «  Et  ils  se  mirent  à  crier  encore  plus  haut  :  Ayez  pitié 
de  nous,  fils  de  David.  »  Ils  avaient  crié  d'abord  parce  qu'ils  étaient 
aveugles ,  ils  se  mettent  à  crier  plus  haut  encore  parce  qu'on  les  em- 
pêche d'approcher  de  la  lumière.  —  S.  Chrys.  {hom.  66.)  Le  Sauveur 
permettait  qu'on  leur  fît  cette  défense  pour  faire  éclater  la  vivacité  de 
leurs  désirs.  Apprenez  de  là  que,  quelque  soit  notre  misère  et  notre 
abjection,  nous  obtiendrons  par  nous-mêmes  tout  ce  que  nous  deman- 
derons, en  nous  approchant  de  Dieu  avec  ferveur. 

«  Alors  Jésus  s'arrêta,  et,  les  ayant  appelés,  »  etc.  —  S.  Jér.  Le  Sei- 
gneur s'arrêta ,  parce  que  les  aveugles  ne  savaient  de  quel  côté  ils 
devaient  se  diriger.  Il  y  avait  auprès  de  Jéricho  beaucoup  d'excava- 
tions, d'endroits  escarpés  pendant  en  précipices  ;  le  Seigneur  s'arrêta 


sordidas  vestes  ,  et  non  considerabant 
conscienti*  claritatem.  Ecce  fatua  sa- 
pienlia  homiiium  !  Kxistimabant  cnim 
iiijuriain  pati  mafjuos,  si  a  pauperibus 
honurenlnr;  (luisenim  pauper  ausus  est 
divilt'iii  public.e  salutaro  ?  IIilaiu  {in 
Mutlh.)  Vt'l  silenlium  non  causa  hono- 
ris exiguiit  ;  sed  quod  acerbe  a  cfecis 
aiidiebaot  quod  iiegabant  ;  scilicct  «  Do- 
niiuum  esse  David  Filium.  »  Orig. 
(ti-ucl.  13,  in  Matth.)  Vel  qui  credide- 
raut,  increpabant  eos ,  lit  non  appclla- 
rent  eum  contemplibili  noniine  «  Filium 
David,  »  sed  potius  dicerent:  «  Fili  Dei, 
miserere  nostri.  »  Chrys.  [snp.  Miilth. 
in  opère  imper/',  ut  sup.)  Invitabaulur 
aulem  magis  vetiti,  quain  compesceban- 
lur  :  lidcs  euini  ipiando  vetatur,  niairis 


accenditur  ;  et  ideo  in  periculis  secura 
est,  et  in  securitate  periclitatur  :  unde 
sequitur  :  «  At  illi  magis  clamabant,  di- 
ceutes  :  Miserere  nostri,  l'ili  David  ;  « 
primo  enim  clamabant,  quiacaîci  erant; 
secundo  magis  clamabant ,  quia  vela- 
bantur  ad  lumen  accedere.  Chrys.  lin- 
hom.  (i7,  in  Matth.)  Cbristus  autem 
penuittebat  eos  vetari,  ut  plus  eoruui 
desiderium  appareret.  Hinc  autem  disce 
quoniam  etsi  abjc(;ti  fuerimus  ,  cum 
studio  accedentes  ad  Deum  ,  per  nos 
ipsos  assequemur  quod  petimus. 

Sequitur  :  «  Et  stetit  .lesus,  et  vocavit 
eos.  »  IliKR.  hleo  autem  stetit  Jésus,  quia 
cœci,  ([uo  pcrgerent,  iguorabant.  Jlultaî 
foveie  erant  in  Hiericbo,  mullœ  rupes  et 
prtcriipta  in  profundum  vergcntia  :  id- 


DE  SAINT   MATTHIEU,   CHAP.    XX. 


>85 


donc  pour  (ju'ils  pussent  venir  jusqu'à  lui. — Onia.  Ou  bien  le  Seigneur 
ne  continue  pas  son  chemin ,  mais  s'arrête  pour  que  le  bienfait  qu'il 
va  leur  accorder  ne  se  répande  pas  au  delà  ;  mais  que  la  miséricorde 
coule  sur  eux  comme  d'une  source  permanente  et  durable.  —  S.  Jér. 
Il  les  fait  appeler  pour  ijue  la  foule  ne  les  empêche  pas  d'approcher, 
et  il  leur  demande  ce  qu'ils  veulent ,  afin  que  leur  réponse  rende  évi- 
dentes leur  infirmité  et  la  puissance  qui  doit  les  guérir.  —  S.  Cifiivs. 
{sur  S.  Matth.)  Ou  bien  il  leur  fait  cette  demande  pour  faire  connaître 
leur  foi,  et,  par  rcxemple  de  ces  aveugles  qui  confessent  qu'il  est  le 
Fils  de  Dieu,  confondre  ceux  qui  voient  et  ne  le  regardent  que  comme 
un  homme.  Ils  avaient  appelé  le  Christ  Seigneur,  et  en  cela  ils  disaient 
la  vérité;  mais  en  ajoutant  :  Fils  de  David,  ils  affaiblissaient  la  force 
de  leur  profession  de  foi.  En  efi'et,  on  donne  aux  hommes,  par  exten- 
sion et  par  abus,  le  nom  de  seigneur;  mais  il  n'y  a  de  véritable  sei- 
gneur que  Dieu.  Lors  donc  qu'ils  appellent  Jésus  «  Seigneur ,  fils  de 
David ,  »  ils  l'honorent  simplement  comme  homme  ;  s'ils  l'appelaient 
Seigneur,  sans  aucune  addition,  ils  confesseraient  par  là  même  sa  divi- 
nité. C'est  pourquoi  il  les  interroge  en  ces  termes  :  «  Que  voulez-vous 
que  je  vous  fasse?  »  Alors  ils  ne  l'appellent  plus  :  «  Seigneur,  Fils  de 
David,  »  mais  simplement  «  Seigneur  :  »  «  Et  ils  lui  dirent  :  Seigneur, 
que  nos  yeux  s'ouvrent.»  En  effet,  le  fils  de  David  ne  peut  ouvrir  les 
yeux  des  aveugles;  il  n'y  a  que  le  Fils  de  Dieu  qui  ait  cette  puissance. 
Tant  qu'ils  se  sont  contentés  de  dire  :  «  Seigneur,  Fils  de  David,»  leur 
guérison  a  été  comme  suspendue  ;  mais  aussitôt  qu'ils  eurent  dit  : 
«  Seigneur,  »  leurs  yeux  se  sont  ouverts.  En  effet,  l'Evangéliste 
ajoute  :  «  Et  Jésus,  ayant  pitié  d'eux,  toucha  leurs  yeux.  »  Il  les  tou- 
cha, comme  homme,  avec  la  main,  et  il  les  guérit  comme  Dieu.  — • 


(ùrco  Dominus  stat,  ut  venire  possint. 
Ork;.  [ut  Slip.)  Vel  Jésus  uon  pertran- 
sit,  sed  stat,  ut  stante  eo,  non  transflnat 
beneficium,  sed  quasi  de  fonte  stante  mi- 
serieordia  defluatiisque  ad  eos.  Hier.Vo- 
cari  auteni  jiibet,  ne  tiirbœ  prohibeant  ; 
et  interrogat  qiiid  velint,  ut  ex  res- 
ponsione  eonim  manifesta  débilitas  ap- 
pareat,  et  virtus  ex  remedio  cognosca- 
tur.  Chrys.  {sup.  Matth.  in  opère  im- 
perf.  %it  sup.)  Vel  interrojiabat  propter 
fidem,  ut  diim  caeci  Cliri^luni  Filinm 
Dei  confitentur,  confundautur  vidontes, 
qui  eum  tantuni  hominem  pulant.  Do- 
minnin  quidem  Cbristum  vocaverant,  et 
verum  dixerant  :  sed  dicentes  :  «  Filium 
David,  »  dissipabant  quod  bene  confessi 
sunt  :  nam  abusive  ethomines  dominici 


dicuntur  ;  vere  autem  nemo  JJominus, 
nisi  Deus.  Cum  ergo  dicunt  :  «  Domine, 
Fili  David,  »  abusive  Christnm  secun- 
dum  liominem  honorant;  si  autem  so- 
lummodo  Dominum  dicereut,  Deitatem 
confiterentnr  ;  ideo  interrogat  :  «  Quid 
vultis  ?  »  Tune  illi  jam  non  dixerunt  : 
«  Domine  Fili  David,  »  sed  tantum , 
«  Domine.  »  Sequitur  enini  :  «  Dicunt 
illi  :  Domine,  ut  aperiantur  oculi  nostri  :  » 
Filius  enim  David  caecos  illumiuarc  uon 
potest,  Filius  Dei  potest.  Quandiu  ergo 
dixerunt  :  «  Domine,  Fili  David,  »  sus- 
pensa  est  sanitas  ;  mox  autem  ut  dixe- 
runt, Domine,  infusa  est  sanitas.  Sequi- 
tur enim:  «  Misertus  autem  eorum  Jé- 
sus tetigit  oculos,  »  etc.  Tetigit  autem 
ut  homo  carualiter ,   sanavit  ut  Deus. 


f)86 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


S.  Jér.  Le  Créatour  leur  donne  ce  que  la  nature  leur  avait  refusé , 
ou  du  moins  la  miséricorde  leur  rend  ce  que  la  maladie  leur  avait 
ôté. 

S.  CiiRYS.  {hom.  rSfî.)  La  reconnaissance  de  ces  aveugles,  après  qu'ils 
eurent  reçu  cette  grâce,  égala  leur  persévérance  avant  de  l'avoir 
obtenue.  —  S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.)  Ils  offrirent  à  Jésus-Christ  un 
présent  qui  lui  fut  bien  agréable ,  car  l'auteur  sacrr';  nous  apprend 
qu'ils  le  suivirent  ;  c'est  là  ce  que  Dieu  demande  de  vous  par  le  pro- 
phète :  «Marchez  avec  crainte  en  présence  de  votre  Dieu.  »  {Mich.,  vi.) 
—  S.  Jér.  Ces  aveugles,  qui  étaient  assis  près  de  la  ville  de  Jéricho, 
retenus  par  leur  infirmité  et  qui  ne  pouvaient  que  gémir  et  crier, 
suivent  maintenant  Jésus,  moins  par  le  mouvement  des  pieds  que  par 
leurs  vertus.  —  Rab.  Jéricho ,  dont  le  nom  signifie  lune ,  est  une 
figure  de  l'inconstance  humaine.  —  Orig.  Dans  le  sens  mystique, 
Jéricho  signifie  le  monde,  au  milieu  duquel  Notre-Seigneur  est  des- 
cendu. Ceux  qui  habitent  Jéricho  ne  peuvent  sortir  de  la  sagesse  du 
monde  avant  d'avoir  vu  non-seulement  Jésus ,  mais  encore  ses  dis- 
riples  sortir  de  Jéricho.  Or,  une  foule  nombreuse,  à  la  vue  de  cette 
guérison  miraculeuse ,  les  suivit ,  pleine  de  mépris  pour  le  monde  et 
pour  les  choses  du  monde ,  afin  de  monter ,  sous  la  conduite  de  Jésus- 
Christ,  jusqu'à  la  Jérusalem  céleste.  Dans  ces  deux  aveugles,  nous 
pouvons  voir  les  deux  peuples  de  Juda  et  d'Israël  (i) ,  (jui  étaient 
aveugles  avant  l'avènement  du  Christ,  parce  qu'ils  ne  voyaient  pas  la 
parole  de  vérité  qui  était  renfermée  dans  la  loi  et  les  prophètes ,  et 
parce  qu'étant  assis  le  long  du  chemin  de  la  loi  et  des  prophètes ,  et 

(1*)  AllusioQ  à  la  division  des  dix  tribus  d'avec  les  tribus  de  Juda  et  de  Benjamin,  qui  s'opéra 
sous  Roboam.  III  Bois,  12. 


Hier.  Praestat  enini  arlit'ex  quod  natura 
non  dederat  ;  aut  certe  (juDd  débilitas 
tiilerat  misericordia  donat. 

CuRVS.  (in  humil.  G7  ut  sup.)  lli  auleni 
situt  aute  dationem  fueruiit  persévéran- 
tes, ita  et  post  donatioueni  non  fuerunt 
iu|Trati.  Chrys.  (super  Matth.  in  opère 
imperf.  ut  sup.)  Bonuni  enim  munus 
(ililideruut  Christo  sanati.  Serjuitur 
enim:  «  lît  seculi  suut  emn  :  »  hoc  enim 
Heiis  a  te  reiiuirit,  secundum  Proplie- 
lam  (Michivx  6)  :  «  Sollicilum  te  ainhn- 
lare  cum  Domino  Doo  tuo.  »  Hieuon. 
Qui  ertto  in  Hierieho  cuntracti  sedeliant, 
et  (dainare  tanluin  n(iverant,  postea  se- 
qiiinilur  .lesiini,  non  lani  pedibns,  (piam 
virtulilKis.  Hai!.    Ilieriilio   auleiu,  'iiia- 


interpretatur  luna ,  defectum  nostrae 
mutabilitatis  siguificat.  Orig.  (»^  sup.) 
Mystice  autein  Hierieho  iutelliizitnr 
mandas,  in  qnem  Cbristus  descendit. 
Qai  autem  <ant  in  Hiericbo,  exire  nes- 
ciaut  de  sapientia  mnndi,  nisi  viderint, 
non  soluni  Jesnm  exeuntemde  Hierieho, 
sed  etiam  discipnlos  ejus.  Hœc  ergo  vi- 
dentes  secntro  snnt  enm  turb*  lunlta:-, 
munduni  et  numdaua  omuia  contemnen- 
tes  ,  nt  Ciiristo  duce  tiscendant  in  Hie- 
rasalem  cœlesteni.  «Deus  ca^cos  »  pos- 
sunuis  dicere  Judam  et  Israël,  qui  ante 
Cbristi  adventuni  caeci  fuerunt;  quia 
non  videbant  verbum  veruni,  quod  erat 
in  Icge  et  prophctis;  sed  «  sedentes  se- 
«•us  viani  »   Icgis  et  prophelarum,  et  se- 


DE  SAI^^^  Matthieu,  chap.  xx.  riS? 

n'ayant  que  l'intelligence  chamelle  de  la  lettre,  ils  élevaient  la  voix 
seulement  vers  celui'  qui  est  né  de  la  race  de  David  selon  la  chair. 
I\om.^  I.)  —  S.  Jér.  Ou  hien  encore,  par  ces  deux  aveugles,  la  plu- 
part entendent  les  pharisiens  et  les  sadducéens.  —  S.  Aug.  {Qucst. 
évanr/.,  i,  20.)  Ou  bien,  dans  un  autre  sens,  ces  deux  aveugles  sont  la 
figure  de  ceux  qui,  dans  les  deux  peuples,  s'attachent  par  la  foi  à 
l'économie  de  la  vie  humaine  de  Jésus-Christ,  par  laquelle  il  est  notre 
voie,  et  qui  désirent  d'être  éclairés,  c'est-à-dire  de  comprendre  quel- 
que chose  de  l'éternité  du  Verbe.  Or,  c'est  ce  qu'ils  espèrent  obtenir 
lorsque  Jésus  vient  à  passer,  c'est-à-dire  par  le  mérite  de  la  foi,  qui 
reconnaît  que  le  Fils  de  Dieu  s'est  fait  homme,  est  né  et  a  souffert 
pour  nous.  En  effet,  d'après  cette  économie  de  l'incarnation,  Jésus  ne 
fait  pour  ainsi  dire  que  passer ,  parce  que  cette  action  ne  dure  qu'un 
temps.  Or,  il  leur  fallait  crier  assez  haut  pour  dominer  le  bruit  de  la 
foule,  qui  couvrait  leur  voix,  c'est-à-dire  il  leur  fallait  s'appliquer  avec 
persévérance  à  la  prière ,  aux  saints  désirs ,  pour  arriver  à  vaincre  par 
la  force  de  l'intention  l'habitude  des  désirs  charnels,  qui,  comme  une 
foule  tumultueuse,  empêche  l'âme  de  voir  la  lumière  do  l'éternelle 
vérité ,  ou  bien  la  foule  elle-même  des  hommes  charnels  qui  veulent 
nous  rendre  impossibles  les  exercices  spirituels  de  la  prière  et  de  la 
vertu.  —  S.  AuG.  {serm.  18  sur  les  par.  du  Seirj.)  Eu  effet,  les  mau- 
vais chrétiens  et  ceux  qui  vivent  dans  la  tiédeur  font  de  l'opposition 
aux  bons  chrétiens  qui  veulent  accomplir  les  préceptes  divins ,  mais 
que  ceux-ci  ne  cessent  pas  de  crier  sans  se  lasser  ;  car  tout  chrétien 
qui  commence  à  pratiquer  la  vertu  et  à  mépriser  le  monde  est  sur  de 
trouver  au  début  de  sa  conversion  des  censeurs  de  sa  conduite  dans 
les  chrétiens  dont  la  charité  s'est  refroidie  ;  mais  s'il  persévère ,  il  se 


oundum  carnem  tantura  intelligentes, 
••lamabant  tantum  ad  eiim  qui  factus  est 
ex  semine  David  secundum  carnem. 
{Rom.  1.)  IliEUOX.  Vel  duos  c;pcos  pleri- 
que  pharisaeos  et  sadducaeos  intelligunt. 
AuG.  [de  Quicsl  Evung.,  lib.  i,  cap.  28.) 
Vel  aliter  :  duo  cœci  sedentes  juxta 
viam  ,  significaut  de  utroque  populo 
quosdam  jaui  cohaerentes  per  fidem  dis- 
pensationi  temporal!,  secundum  quam 
Christus  via  est,  et  desiderantes  illumi- 
nari ,  id  est,  aliquid  de  Verbi  œternitate 
intelligere  :  quod  transeunte  Jesu  impe- 
trare  cupiebaut  ;  id  est,  per  meritum 
iîdei,  qua  crcditur  Filius  Dei  et  uatus 
homo  et  passus  propter  nos  :  per  banc 
piiim  dispensalionem  quasi  transit  Jésus, 
quia  aclio  temporalis  est.  Oportohat  au- 


tem  ut  tantimi  clamarent,  donec  resis- 
tentis  sibi  turbee  strepilum  vincerent  ;  id 
est,  tam  perseverauler  aninium  intende- 
rent,  orando,  atquc  pulsando,  quousque 
consuetudinem  desideriorum  carnalium 
(ijuœ  tanquam  turba  obstrepit  cogita- 
tioni  lucem  veritatis  teleruœ  videre  co- 
nanti) ,  vel  ipsam  liominum  carnalium 
lurbam  studia  spiritualia  impedieutem, 
fortissima  intentione  superarent.  Ait.. 
{(le  Verb.  l)om.,  serm.  18,  cap.  14.)  Bo- 
nus enim  Christianos  volentes  facere 
prœcepta  Dei ,  Cliristianl  mali  et  tepidi 
prohibent  :  clament  tamen  illi  non  défi- 
cientes {et  cap.  n;.  Cum  enim  qnisque 
Christianus  cœperit  bene  vivere,  mun- 
dumque  contenmere,  in  ipsa  sui  novitate 
patilur  reprehensores,  frigidos  Christia- 


o88 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


verra  bientôt  applaudi  et  appuyé  par  ceux-là  même  qui  voulaient 
d'abord  lui  créer  des  obstacles.  —  S*.  Aug.  (Quest.  évang.^  v.)  Jésus 
(jui  a  dit  :  «  On  ouvrira  à  celui  <\m  frappe»  [Matth.,  vu,  Lwc,  xi)  les 
ayaut  entendus,  s'arrête,  les  touche  et  ouvre  leurs  yeux  à  la  lumière. 
En  effet,  comme  c'est  la  toi  au  mystère  de  l'Incarnation  qui  s'est 
accompli  dans  le  temps,  qui  nous  prépare  à  l'intelligence  des  choses 
de  réternit('',  lorsque  Jésus  passe,  ils  sont  avertis  que  la  lumière  va 
leur  être  rendue,  et  il  s'arrête,  en  effet,  pour  leur  ouvrir  les  yeux,  car 
les  choses  du  temps  passent  et  celles  de  l'éternité  sont  immuables.  — 
S.  CiiRYS.  [sur  S.  Matth.)  Il  en  est  qui  voient  dans  les  deux  aveugles 
deux  sortes  de  Gentils,  issus,  les  uns  de  Cham,  les  autres  de  Japhet. 
«  Us  étaient  assis  le  long  du  chemin,  »  c'est-à-dire  qu'ils  étaient 
proches  de  la  vérité,  sans  pouvoir  la  trouver;  ou  bien  ils  confor- 
maient leur  vie  aux  préceptes  du  Verbe  ,  mais  sans  se  diriger 
d'après  les  principes  surnaturels  du  Verbe,  parce  qu'ils  n'avaient 
pas  encore  reçu  la  connaissance  du  Verbe  (1*).  —  Rab.  Mais 
aussitôt  qu'ils  apprirent  la  grande  réputation  de  Jésus-Christ ,  ils 
cherchèrent  à  s'attacher  à  lui,  et  c'est  alors  qu'ils  trouvèrent  de  nom- 
breux contradicteurs  ;  d'abord  dans  les  Juifs ,  comme  nous  le  lisons 
dans  les  Actes  ('2)  et  puis  dans  les  Gentils  qui  suscitèrent  contre  eux 
une  persécution  encore  plus  violente ,  sans  que  tous  leurs  efforts  aient 
pu  priver  du  salut  ceux  qui  étaient  prédestinés  à  la  vie.  —  S.  Chrys. 
{sur  S.  Matth.)  C'est  donc  les  yeux  du  cœur  que  le  Sauveur  toucha 

(r)  Pour  rendre  plus  intelligible  tout  ce  passage,  nous  avons  cru  devoir  compléter  cetle 
citation  tronquée  dans  toutes  les  éditions  et  traduire  ces  expressions  abstraites  secundum  ra- 
tionem  verbi  deyentes,  sed  non  in  ratione  verbi  ronsistentes,  d'après  l'explication  qu'en  donne 
l'auteur  de  l'Ouvrage  inachevé  sur  saint  Mattliicu  :  n  Quomodo  juxtà  veritatem  vel  rationem 
verbi  gentcs  conversabanlur  ■?  Legcs  rntionabiles  proponebant,  sincera  judicabant...  Ergo  quasi 
jusliliam  faciebant,  sed  justitiani  tenere  non  poterant,  non  intelligentes  quomodo  oporleat 
scire.  u 

(2)  Actes,  IV,  2,  18,  21  ;  v,  18,  33,  40  ;  vu,  54,  56,  57  ;  vin,  1  ;  ix,  23,  29  ;  xii,  2,  3  ;  xiil,  V'.  ;•»  ; 
XIV,  2,  5,  18  ;  XVII,  5,  S,  13  ;  xxi ,  27,  etc. 


nos  ;  sed  si  pcrseveiMVfirit,  ipsi  jam  ob- 
sc>([uenlar  qui  ante  prohibebaiiL.  Aug. 
[de  Quœst.  Kvaiuj.,  lib  v.)  Uuque  au- 
"lieiis  Jésus  qui  ait  :  «  Pulsauti  apcrie- 
lur,  »  stans  eos  taiiprit  et  ilhiniiiiat  :  (juia 
iMiini  filles  incarnatinnis  tcniporalis  ad 
ajlerua  inlelUgonda  un»  pneparal,  trans- 
t'unle  Jesu,  adnionlli  suiit  ut  illuuiina- 
reulur,  et  ab  eo  slautc  ilknniuali  siuit  : 
leniporalia  euiin  transeunt,  telerna  slaut. 
fliiRYS.  {super  Matth.  in  opère  imper f. 
lit  sttp.)  Quidam  iiitcrprelanlur  duoscœ- 
ros  fieiililes  :  uuum  ex  Cham,  aliuni  tw 
.lafdii't.  ((  Qui  sccus  viani  sedcl)aul.  »  id 


est,  juxta  veritatem  conversabantur,  sed 
veritatem  invenire  non  poterant  ;  vel 
secundum  rationem  verbi  degentes,  non 
aulem  in  ipsa  ralione  verbi  consistentes, 
quia  uûtitiam  verbi  nondum  acceperaut. 
llAB.  Aguitii  autem  fama  nomiuis  Chris- 
ti,  participes  ejus  tieri  quarebant  ;  con- 
tradicebant  multi  primo  Judoii  (ut  iu 
Actibus  Icgimus),  deindc  etiam  Gentiles 
acriori  persecutione  inslabaul  :  nec  ta- 
men  eus  qui  eraut  ad  vilam  praeordi- 
uali ,  salule  privare  valebaut.  Chrvs. 
(mper  Matth.  in  opère  imper  f.  ut  siip.) 
Conscquenlcr    autem    iiontiuni    oculos 


DF  SAINT   MATTHIEi:,    CHAP.    XX,  589 

on  donuant  aux  Gentils,  et  aussitôt  qu'ils  furent  éclairés  ils  ont  mar- 
ché à  sa  suite  par  la  pratique  des  bonnes  œuvres.  —  Orig.  Et  nous 
aussi ,  qui  sommes  assis  le  long  du  chemin  des  Ecritures  et  qui  com- 
prenons sous  quel  rapport  nous  sommes  aveugles ,  si  nous  prions  par 
amour  de  la  vérité ,  Jésus  touchera  les  yeux  de  notre  âme  et  les 
ténèbres  de  l'ignorance  se  retireront  de  notre  esprit  pour  nous  laisser 
voir  et  suivre  celui  qui  ne  nous  a  rendus  à  la  lumière  que  pour  nous 
permettre  de  marcher  à  sa  suite. 


mentis  teligil  Jésus,  dans  eis  gratiam 
Spiritus  Sancli;  quae  illuminata',  secutae 
simt  eum  operibus  bonis.  ORir..  (uf,  siip.) 
Et  nos  ergo  sedentes  juxla  Scriptura- 
rum  vidui,  et  intelligentes  in  qnibns  caBci 
sumus,  si    ex  affectu  petierinius,  tanget 


oculos  aniniaruni  noslraruiii  ;  ul  n.'ce- 
dent  a  sensibns  nostris  lenebra;  ignoran- 
tiœ,  et  eum  videanius  et  sequamur  (\\i\ 
dédit  nobis  posse  videre  propler  niliil 
aliud  nisi  ut  eum  sequamur. 


FIN    DU   TOME   DEUXIEME. 


iMI'l.niHiil     IKUTliKMN    (  UALANDRE    KIL- 


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THOMAS  AQUINAS,  St. 

Explication  suivie  des 
quatre  évangiles. 


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