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Full text of "Explication suivie des quatres évangiles...appelée à juste titre La chaîne d'or"

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University  of  Ottawa 


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EXPLICATION  SUIVIE 


DES 


QUATRE  ÉVANGILES 


SAINT  LUC 


BESANÇON.  —  IMPRIMERIE   D'OUTHENIN   CHALANDRE  FILS. 


EXPLICATION  SUIVIE 

DES 


OUATEE  ÉVANGILES 

PAR  LE  DOCTEOR  ANGÉLIQUE 

SAINT    THOMAS   D'AQUIN 

DE     l'ordre     des    frères    PRÊCHEURS 

COMPOSÉE  d'extraits  DES  INTERPRÈTES  GRECS  ET  LATINS,  ET  SURTOUT  DES  SS.  PÈRES 

ADMIRABLEMENT  COORDONNÉS  ET  ENCHAÎNÉS 

DE  MANIÈRE  A  NE  FORMER  QU'UN  SEUL  TEXTE  SUIVI  ET  APPELÉ  A  JUSTE  TITRE 


LA 


CHAINE  D'OR 

Bdilion  où  le  texte  corrigé  par  le  P.  Nicolaï  a  été  rêva  avec  le  plus  grand  soin  sur  les  '.exlcs  originaux 

grecs  et  latins 

TRADUCTION  NOUVELLE 

Avec   •ommaires   analytiques   et  note*  exégétîqnes   et    historique* 

PAR 

M.  L'ABBÉ  J.-M.  PÉRONNE 

Chanoine  titulaire  de  l'église  de  Soissons,  ancien  professeur  d'Ecriture  sainte  et  d'éloquence  «acrcf 


TOME  CINQUIEME 


PARIS 

LIBRAIRIE  DE  LOUIS     VIVES,  ÉDITEUR 

RUE    DELAMBRE,    13 

18vM 


■  JAN  -  2  1953 


«S 

C 


PRÉFACE  DU  R.  P.  NICOLAI 


C'est  surtout  dans  cette  partie,  sage  lecteur,  que  queltjues  observa- 
tions préliminaires  vous  sont  nécessaires,  pour  vous  faire  bien  com- 
prendre tout  ce  qui  a  rapport  et  aux  commentateurs  de  cet  Evangile,  et 
aux  titres  de  leurs  ouvrages,  car  ils  sont  moins  connus  de  tous  et 
moins  accessibles  pour  un  grand  nombre.  Nulle  part,  en  effet,  les 
auteurs  grecs  ne  sont  plus  souvent  cités,  parce  qu'à  l'exception  du 
vénérable  Bède  et  de  saint  Ambroise,  auxquels  on  peut  ajouter  quel- 
ques homélies  et  quelques  fragments  détachés ,  les  Pères  latins  n'ont 
presque  rien  écrit  sur  saint  Luc.  Jamais,  jusqu'ici,  les  auteurs  grecs 
n'ont  été  cités  sous  des  indications  plus  douteuses  ou  plus  obscures, 
parce  que,  dans  l'exemplaire  grec,  d'où  l'on  a  extrait  ces  citations,  les 
noms  de  ces  auteurs  et  les  titres  de  leurs  ouvrages  sont  écrits  en  carac- 
tères abrégés  et  inintelligibles  pour  la  plupart.  Jamais  encore,  textes 
n'ont  été  plus  profondément  altérés,  ni  interprétations  plus  détournées. 
La  raison  en  est  que  le  traducteur  auquel  saint  Thomas  fut  obligé  d'a- 
voir recours,  pour  comprendre  le  texte  grec,  n'a  point  su  lire  nettement 
les  manuscrits  rédigés  avec  peu  de  soin  qu'il  avait  sous  les  yeux,  ou  n'a 
point  été  assez  heureux  pour  en  comprendre  le  sens.  On  ne  peut  assez 
louer,  comme  le  fait  Possevin,  le  zèle  admirable  du  Docteur  angé- 


DD  W  AT  If'  I  prii's  ilubio  inagis  indicio  vel  iuvoluto 

r  tl/D  r  A  1  H  '  desipnati ,  quia  characteribus  iu  Exem- 

j  plari  Gr.-Bco  unde  sumpti  siint  breviatis 
auctores  non  omnibus  obvii  consignan- 
tur.  Nusquani  vitiosiusadulterati 'eoruin 
textus  vel  interpretationes  depravatae  ; 
quia  iulerpres  ille  quo  S.  Thomas  uti  ad 
ejusmodi  Gra-ca  intelligenda  coactus  est, 
vel  non  salis  distincte  quaedam  legit 
qiu'e  invenerat  in  codicibus  manuscriptis 


In  bac  maxime  parte  prainionendus 
es,  prudens  Lector,  quid  ad  illius  expo- 
sitores  referendos  ac  expositionum  anno- 
tandos  indices  pertineat;  quia  minus  in 
usa    apud   omnes,  minus   pervii    apud 

aliquos  esse  possunt.  Scilicet  nusquam  j  implicatius  exarata,  vel  eorumdem  sen 
frequentiores  quam  hic  scriploresGrri'ci  siun  non  auspicatosatis  intellexit.  Fuerit 
annotati,  quia  in  Lucam  prœter  Bedam  sumuia»  in  Angelioo  viro  charitatis ,  ut 
et  Ambrosium  et  homilias  vel  parliculas  Possevinus  recte  laudat,  quod  ad  pen- 
quasdamvixLatiniscripserunt; nusquam    sum  hocsuum  exsequendumexpositoreà 

TOM.    V.  a 


H  PRÉFACE 

lique,  qui,  pour  composer  cet  ouvrage,  a  fait  traduire  en  latin  ces 
commentateurs  grecs.  Il  n'avait  point  appris  lui-même  la  langue 
grecque,  peu  en  usage  de  son  temps,  et  plût  à  Dieu  qu'il  eût  pu  l'ap- 
prendre et  mettre  ainsi  le  comble  à  la  gloire  éclatante  qu'il  s'est  ac- 
quise par  tant  d'autres  qualités.  Mais  il  vivait  dans  un  siècle  ignorant 
et  grossier,  ou  qui,  du  moins,  était  peu  versé  et  très-jjeu  habile  dans 
ce  genre  d'études.  Aussi  la  traduction  de  l'interprète  assez  mal  inspiré 
manque-t-elle,  non-seulement  d'élégance  et  de  correction,  mais  d'exac- 
titude et  de  vérité,  et  présente  souvent  un  sens  obscur,  quand  il  n'est 
pas  contraire  au  texte  original.  Il  faut  dire  aussi  que  depuis,  d'igno- 
rants copistes  ont  pu  altérer  ce  qui  avait  été  bien  rendu  dans  la  tra- 
duction primitive. 

Ces  erreurs  déplorables  ne  se  rencontrent  pas  seulement  dans  la 
traduction  du  texte  de  ces  auteurs,  mais  dans  leurs  noms  et  dans  les 
titres  de  leurs  ouvrages.  Tantôt  un  nom  est  confondu  avec  un  autre, 
grâce  à  une  certaine  ressemblance  qui  vient  des  abréviations,  tantôt 
un  nom  érjuivoque  et  douteux  est  mis  pour  un  nom  propre  et  bien  dé- 
terminé. C'est  ainsi  que  le  nom  de  Théophile  est  toujours  presque 
mis  pour  celui  de  Théophylacte ,  même  dans  cette  édition,  la  première 
de  toutes  qui  fut  portée  à  Rome  par  Conrad,  et  qui  jouit  d'une  répu- 
tation si  grande  et  si  méritée.  Il  y  a  quelques  jours  seulement,  cette 
édition  m'est  tombée  entre  les  mains,  et  j'ai  découvert  au  premier 
coup  d'œil  cette  confusion  de  noms.  En  effet,  ces  passages  n'appar- 
tiennent pas  à  Théophile,  patriarche  d'Alexandrie,  dont  les  commen- 
taires abrégés  sur  les  quatre  Evangélistes,  se  trouvent  dans  la  biblio- 
thèque des  Pères,  ne   font  point  partie  de  ses  ouvrages,  mais  de 


illos  Grtecos  latine  reddi  procurant; 
quia  interpretari  per  se  non  didicerat 
iienus  iiUul  locutionis  minus  eo  tempore 
iisitatuui,  quod  utinam  ad  summœ  laudis 
tôt  aliis  dolibus  comparatae  plénum  cu- 
mulum  didicisset  !  Fuit  vero  seculi  ru- 
diorisetimpoliti,  velin  illo  saltem  génère 
non  exculti  admodum  nec  sagacis  ,  ut 
non  ineleganter  tantum  et  inornate  pas- 
sim  omuia  ?ed  corrupte  ac  vitiose  plura 
redderet  parum  auspicatus  Inlerpres, 
qiue  turbatum  ac  prteposterum  sensum 
exhibèrent  ;  nisi  et  posterius  qiiœdam 
per  imperitos  exscriptores  depravata 
sunt  quœ  recte  tamen  in  primltiva  tra- 
ditione  reddiderat. 
Nec  ipsis  duntaxat  referendis  aiiclo- 


rum  verbis  infelîciter  aberratum,  sed  in 
eorum  nominibus  vel  indicibus  expri- 
meudis;  dura  nomen  uuum  pro  altero 
propter  affinitatem  quamdam  ex  brevia- 
tis  cliaraeteribus  commutatur,  vel  pro 
certo  ac  singulari  nomen  indefinituni  et 
ambiguum  obtruditur.  Sic  enim  passim 
loco  Theopbylacti  Thcophilus  ponitur, 
in  ea  ipsa  editione  omnium  prima  quae 
a  Conrado  Romani  invecta  comuiendari 
tam  iusigniter  solet,  ut  aute  paucos  dies 
cum  exhibita  mihi  obiter  esset  primo 
statim  aspectu  deprehendi;  quasi  ad 
Thcopbilum  Patriarcham  Alexandrinum, 
cujus  brevia  in  quatuor  Evangelistas 
commentaria  tomi  BibliotheccC  Patrum 
extanf,  auctoritates  illae  perliuerent,  quce 


DU   R.    P.    NICOLAÏ.  III 

ceux  de  Théophylacte,  qui  lui  est  postérieur  de  plusieurs  siècles.  C'est 
lÉnsi  qu'on  nous  donne  le  n6m  moins  connu  à' Isidore,  a])bé,  pour  celui 
à'Isidore  de  Peluse,  comme  ou  l'appelle  plus  généralement.  Ainsi 
encore,  on  cite  toujours  le  Grec  ouïe  Commentateur  grec,  sous  cette 
dénomination  vague  et  générale,  et  sans  autre  nom  particulier,  pour 
Antipater  de  Bostre,  pour  Astérius,  pour  Alexandre,  pour  Amphiloche, 
pour  Apollinaire,  Evagre,  le  patriarche  Eutyclius,  Géométer,  Isaac, 
Irénée,  Maxime,  Macaire,  Métaphraste,  Pliotius,  Sévère  d'Antioclie, 
Théodoret,  Théopliane,  Théopiste,  Victor  d'Antioclie,  ou  quelqu'un 
de  ceux  dont  j'ai  mis  les  noms  dans  le  catalogue  ajouté  à  la  préface 
sur  saint  Matthieu,  bien  que  cette  dénomination  vague  de  grec  désigne 
plus  souvent  et  plus  spécialement  ceux  dont  je  viens  d'énumérer  les 
noms. 

J'avais  quelque  soupçon  que  ce  commentateur  grec  cité  sous  cette  dé- 
nomination vague,  cachait  quelque  auteur  particulier,  mais  anonyme, 
qui  (à  l'exemple  de  ([uclques  autres),  aurait  consenti  à  laisser  publier 
ses  écrits  pour  l'utilité  générale,  mais  en  restant  lui-même  inconnu  par 
un  sentiment  d'humilité.  Toutefois,  ce  n'était  qu'un  soupçon,  et  je  ne 
pouvais  me  former  d'autre  opinion,  n'ayant  en  main  aucun  ouvra o^e 
qui  pût  m'éclairer  et  me  donner  une  certitude  entière.  Mais  j'ai  été 
confirmé  dans  cette  opinion  par  un  commentaire  grec  sur  saint  Luc 
composé  comme  cette  Chaîne  d'Or,  et  avec  un  art  semblable  d'un 
grand  nombre  d'interprètes  divers,  et  écrit  en  caractères  très-anciens. 
Ce  manuscrit  appartient  à  la  magnifique  bibUothèque  de  l'éminentis- 
sime  cardinal  Jules  Mazarin,  il  a  été  mis  à  ma  disposition,  j'ai  pu  le 


non  iu  illo  lamen  ,  sed  ia  Theophylactu 
reperiuntur  multis  eum  seculis  consé- 
quente :  sic  Isidoras  Abl)as  minus  trito 
noinine  insicnitur  pro  Isidoro  Pelusiola, 
ut  communias  nunc  appellant  :  sic  sem- 
per  Graecus  vel  Kxpositor  (Irivcus  abs(jue 
alia  pecuiari  nonienclatur.i  vage  tantum 
ac  {]feneratim  indicalur  ;  qui  nunc  Anti- 
pater Bustrensis  ,  nunc  Astérius  ,  nuuc 
Alexander ,  Anipliilocliius,  Apolinaris, 
Evafrrius,  Eutychius  Palriarcha,  Geonie- 
ter,  Isaac,  Irenœus,  Maxinms,  Macarius, 
Melaplirasles,  Photius,  Sovcrus  Autio- 
chenus,  Tlieodoretns,  Tiieoplianes,  Tlieo- 
pistus,  Victor  Autiocheniis  ,  aut  aliquis 
l'orum  quos  Calalogus  piaefationi  meaî 
in  Matihaîum  subjnnctus  oxtiihuit; 
quamvis  hoc  vagum  Gra-ci  n»iiiieu  pra;- 


dictis   t'requenlius  ac  expressius  couve- 
niat. 

Et  quidem  Graicmn  illuni  qui  sic  inde- 
fniite  iiotabantur  ,  certum  auclorem 
quemdani  esse  sed  anouymum  suspica- 
bar,  (jui  (ut  aliis  contigisse  notum  est) 
sua  duntaxat  scripta  sciri  ad  pubiicam 
utilitatem  sed  se  nesciri  ad  privatam 
bumilitalcm  voluisset;  Id  vero  suspica- 
bar;  (juia  cum  ad  manum  non  essent 
uude  ista  certius  expiorarem  ac  nosse 
posscm,  divinare  aliud  non  licebat.  Sed 
certiorem  de  liis  Kxposilio  in  Lucam 
Gneca  fecit  ex  tam  variis  interpretibus 
Catenae  instar  ut  hic  non  dissimili  arti- 
ficio  texta,  et  vetustis  cliaracteribus  ma- 
nuscripta,  quam  ex  Eminentissimi  Car- 
dinalis   Julii    .Maz.irini    liihliollicca    tam 


IV  PRÉFACE 

garder  quelque  temps  et  l'étudier  avec  soin,  pour  combler,  à  me- 
sure que  l'occasion  se  présentait,  les  lacunes  nombreuses  et  regret- 
tables qui  seraient  restées  dans  cet  ouvrage  sans  un  secours  si  pré- 
cieux. Je  dois  cette  faveur  au  révérend  Père  François  Combefixe,  bien 
connu  de  tous  les  savants  par  ses  nombreux  travaux.  Ayant  appris 
l'objet  de  mes  recherches,  il  fut  le  premier  à  m'indiquer  cet  ouvrage 
dont  il  s'était  servi  avec  fruit  pour  l'édition  des  Homélies  des  Pè?'cs, 
qu'il  doit  bientôt  publier,  et  il  porta  l'obligeance  jusqu'à  le  demander 
pour  moi.  Je  dois  aussi  en  remercier  le  très-honorable  seigneur  de  la 
Poterie,  conservateur  de  cette  riche  bil.iliothèque,  qui,  sur  la  demande 
faite  en  mon  nom,  m'a  prêté  ce  manuscrit  avec  la  plus  grande  bienveil- 
lance, en  m'autorisant  à  le  garder  tant  qu'il  me  serait  nécessaire.  Je 
dirais  aussi  hautement  la  reconnaissance  que  je  dois  à  l'éminen- 
tissime  cardinal,  qui,  dans  son  inclination  généreuse  pour  le  bien 
public,  non  content  de  faire  rechercher  partout  les  ouvrages  les  plus 
rares,  veut  qu'en  faisant  l'ornement  de  sa  bibliothèque,  ils  soient  mis 
à  la  disposition  de  tous.  Mais  qu'est-ce  que  cette  faveur  particulière 
auprès  de  tant  d'autres  bienfaits,  dont  notre  maison  de  saint  Jacques 
et  moi  nous  sommes  redevables  à  sa  bienveillance,  auprès  de  la  pro- 
tection que  l'Eglise  trouve  dans  la  religion  de  ses  décrets,  de  l'appui 
que  le  siège  pontifical  doit  à  sa  piété,  de  la  paix  intérieure  qu'il  a 
rendue  à  toute  la  France,  par  sa  fortune  et  par  son  habileté  ?  Vous  lui 
devrez  aussi,  vous  qui  lirez  cet  ouvrage,  les  éclaircissements  et  les 
explications,  qu'il  m'eût  été  impossible  de  vous  donner  d'ailleurs,  et 
aussi  l'avantage  d'avoir  pu  rétablir  et  corriger  le  texte  avec  certitude 


speclabili  coaimodatam  aliquandiu  reti- 
nere  apud  me  ac  versare  licuit  ut  ex  ea 
supplerem  opportune  quod  absqne  sub- 
sidio  tam  auspicato  niaucum  et  imper- 
fectuin  remansisset.  Debeo  graliam  hanc 
Reverendo  admoduui  Patri  Francisco 
Combefixio  noslro  suis  hactenus  lucu- 
brationibus  apud  peritos  quosque  satis 
noto,  qui  eam  sollicite  quœrenli  primus 
omnium  indicavit,  qua  nempe  ipse  ad 
liomilias  Patrum  quas  apparere  pergit 
concinnandas ,  apprime  usus  erat;  imo 
et  eam  quoque  officiose  meo  noniiue 
posliilavit.  Debeo  illam  bonestissimo 
viro  Domino  de  la  Poterie,  Bibliotbecfe 
tam  insignis  Prœfecto,  qui  sic  meo  no- 
mine  postulatam  humanissime  coramo- 
davit,    et    lilieram     utendi     facultatem 


quandiu  opus  esset  indulcit.  Debere  me 
sentirem  ac  profiterer  Eminentissimi 
Cardiualis  in  publicam  utilitatem  pro- 
pensioni  qua  tam  raros  undique  libros 
conquirere  tam  studiose  non  contentas 
ita  Bibliothecœ  suœ  ad  ornatum  esse 
vult  ut  omnibus  ad  usum  esse  possint  ; 
nisi  paru  m  sit  ut  lioc  ei  debeam  specia- 
tim  ,  cujus  beuignitati  lot  alla  bénéficia 
mecum  nostra  S.  Jacobi  domus  ,  reli- 
gioni  Decretorum  suorum  defensionem 
Ecclesia,  pietati  patrocinium  sute  aucto- 
ritatis  Pontificia  Sedes,  felicitati  ac  so- 
lertiœ  intestinam  tranquiliitatem  siiam 
Gallia  débet  universa.  Debes  et  illi  quis- 
quis  hoc  opus  leges,  ut  ea  tibi  explora- 
tius  ac  expressius  exhibeam  quae  non 
aliter  licnisset  ;  ac  securius  ex  fontibus 


XU   R.    P.    NICOLAl.  V 

■m 
d'après  les  originaux,  ce  que  je  n'aurais  pu  faire  autrement  qu'à 

l'aide  de  vaines  conjectures  ou  de  suppositions  sans  fondement. 

Aidé  de  ce  puissant  secours  j'ai  rétabli  des  mots  latins  dénaturés  ; 
pour  les  auteurs,  dont  les  ouvrages  n'existent  pas  séparément,  j'ai  re- 
construit dans  leur  entier  des  phrases  qui  avaient  été  profondément 
altérées  ou  interverties  ;  j'ai  fait  le  même  travail  à  l'aide  des  textes 
originaux  pour  ceux  dont  nous  avons  conservé  les  écrits.  J'ai  dû  ex- 
pliquer encore  en  termes  plus  clairs  des  phrases  obscures  et  embarrassées 
par  suite  même  de  l'altération  des  mots;  non-seulement  j'ai  remplacé  les 
barbarismes  d(3  l'ancienne  version,  mais  aussi  les  expressions  qui  dé- 
truisaient la  vérité  du  sens  par  des  expressions  plus  exactes  et  plus 
correctes  que  la  connaissance  de  la  langue  grecque  m'a  aidé  à  trouver. 
J'ai  même  pris  la  liberté  de  corriger,  et  il  y  avait  nécessité^  le  travail 
plus  récent  d'Anianus,  ou  d'autres  auteurs,  qui  s'écartaient  souvent 
du  sujet  de  l'ouvrage  aussi  bien  que  du  sens  (comme  il  peut  arriver 
par  mégarde  aux  plus  savants)  ;  j'aurais  même  dans  bien  des  endroits 
donné  une  rédaction  toute  nouvelle,  si  la  crainte  d'exciter  des  plaintes 
aussi  pleines  d'exagération  que  dénuées  de  fondement,  ne  m'eût  ar- 
rêté. J'ai  pris  soin  encore  de  répéter  les  noms  des  auteurs  déjà  cités, 
et  qui  précédemment  n'étaient  indiqués  que  d'une  manière  fort 
vague;  quant  aux  autres  plus  connus,  dont  les  noms  étaient  plus  clai- 
rement indiijués,  mais  sans  l'indication  de  leurs  traités,  j'y  ai  suppléé 
en  citant  le  titre  de  leurs  ouvrages,  lorsque  ces  ouvrages  existent,  et 
en  donnant  d'ailleurs  autant  que  possible  les  titres  sous  lesquels  ils 
sont  ordinairement  désignés.  C'est  ce  que  j'ai  fait  eu  particulier  pour 


reponam  et  emendem  qiiod  alioqui 
coDJecturis  duntaxat  parum  certis  asse- 
qui  nec  nisi  otiose  diviuans  potuissem. 
Inde  nimirum  depravatas  latine  voces 
reformavi  ;  inde  adulteratas  vel  coufusas 
intégras  phrases  constructioui  suai  ac 
sui  textus  integritati  resUtui  quoad 
auctores  illos  qui  seorsim  non  extant; 
sicut  et  ex  fontibus  alioruin  qui  extant 
idem  quoque  praistiti  quoad  illos;  inde 
obscures  mulloties  involutosque  sensus 
quos  ipsa  vocuni  corruptcla  fecerat,  ver- 
bis  planioribus  explicavi;  inde  veteris 
versionis  non  barhariem  tantum  ali- 
quando  sed  prœposteram  significatio- 
nem  rectiori  loculione  ac  correctiori 
quam  nolione  vocabula  ipsa  greeca  sup- 


peditarunt,  commutavi ,  quin  et  recen- 
tioreni  Aniani  aut  aliorum  quorunilibet 
a  scopo  et  a  sensu  non  semel  aberran- 
lem  (ut  contingere  oculorum  excursu 
viris  etiam  doctissiuiis  potuit)  pari,  quia 
nécessitas  urgebat,  libertate  correxi; 
novaui  plane  datunis  in  plerisque,  nisi 
quorunidam  offensio,  (juanivis  iutempe- 
rata  et  insipieus,  obstitisset.  Jnde  no- 
inina  singulorum  auclorum  qui  jani  in- 
dicati  sunl ,  prius  vagc  notata  reposui  ; 
et  aiia  etiani  notiora  quœ  deiinite  (pioad 
personam,  sed  absque  certo  Tractatuuni 
indice  notabantur,  expressi,  velsi  quando 
expressa  non  sunt  (piia  Traclatus  illi 
non  occurrant.,  quali  titulo  tamen  ibidem 
indicentur  j  'quantum  licuit,^designavi. 


VI  PRÉFACE   DU   R.   P.    NICOLAÏ. 

Cyrille  et  Tite  de  Bostre,  puisque  nous  n'avons  plus  ni  les  commentaires 
de  Tite  sur  saint  Matthieu,  ni  ceux  de  Cyrille  sur  saint  Luc.  J'ai  donc 
souvent  cité  sous  leurs  noms,  des  passages  qui  leur  sont  attribués,  et 
dont  l'authenticité  nous  est  prouvée  par  des  témoignages  irrécusables. 
Cependant  je  n'ai  pu  faire  entièrement  et  avec  autant  de  soin  ce 
travail  de  recherches  consciencieuses  et  de  rectifications  que  sur  les 
douze  premiers  chapitres  de  saint  Luc,  parce  que  le  manuscrit  grec 
n'allait  pas  au  delà;  plût  à  Dieu  que  cette  précieuse  ressource  m'eût 
été  continuée  pour  les  douze  derniers  chapitres  !  J'aurais  puisé  avec 
la  même  confiance  dans  ce  riche  trésor,  qu'on  ne  saurait  rechercher 
avec  assez  d'empressement,  ni  conserver  avec  assez  de  soin,  les  élé- 
ments nécessaires  pour  combler  les  lacunes  qui  peuvent  exister  dans 
ce  travail.  J^ai  dû  suppléer,  d'après  Cordérius,  à  ce  que  je  ne 
pouvais  plus  tirer  de  ce  précieux  recueil,  et  puiser  dans  son  remar- 
quable travail  de  la  Chaîne  des  soixante-dix  Pères  grecs,  ce  que  je  ne 
pouvais  plus  rectifier  ou  annoter  d'après  l'original  grec.  Cet  auteur, 
toutefois,  omet  entièrement  quelques  indications  que  j'ai  pu  rétablir 
à  force  de  recherches,  lorsque  les  auteurs  étaient  connus;  quant  aux 
autres,  dont  le  titre  est  très-vague  et  très-incertain,  et  qu'il  attribue  à 
un  anonyme,  j'ai  dû  leur  laisser  cette  physionomie  anonyme  en  incer- 
taine. Je  ne  pouvais,  en  effet,  moi  qui  n'avais  pas  cette  Chaîne  grecque, 
savoir  ce  qu'avait  ignoré,  après  l'avoir  consultée,  un  homme  d'un  es- 
prit si  pénétrant  et  si  avide  de  science.  Profitez  toujours  de  ce  travail 
en  attendant  iiu'il  s'en  présente  un  autre  qui  puisse  vous  donner  une 
satisfaction  plus  grande  et  plus  parfaite. 


Quod  in  Cyrille  nomiuatim  ac  iu  Tito  ]  promptuario  illo  uon  potuit  integrum 
Bostrensi  feci;  quia  nec  Titus  iu  Mat-  !  derivari ,  et  ex  Catena  septuaginta  quin- 
thaeum  nec  Cyrillus  in  Lucam  extat,  |  que  Graecorum  Patrum  quam  iusigni 
saepe  contigit  sumi  quœ  utroque  uomine  labore  conciunavit,  liinc  inde  repe- 
referuntur ,  et  ab  utroque  scripta  esse  tendura  quod  ex  Originali  Graeco  expio- 
indubitato  testimonio  compertum  est.  1  ratius  petere  non  licuit,  vel  securius 
Haec  omnia  nihilominus  explorate  ia  aunotare  :  quamvis  et  qusedaui  indicare 
prima  tantuui  duodecim  capita  Lueai  omitlit  certo ,  quae  diligenter  inquisita 
perficere  tam  aecurato  studio  datum  ;  i  nbi  noti  aaiclores  erant,  indicavi;  quae- 
quia  nec  Manuscriptum  illud   Gr*cum  !  dam  quae  vaga  tantuni  inscriptione  velut 


ultra  terminuni  isluui  excurrebat  ;  quod 
utinam  integrum  in  alia  etiam  duode 
cim  posteriora  occurrisset  !  ut  ex  tbe 
sauro  tam  utili  qui  curiose  satis  quaeri 
uon  posait  nec  studiose  satis  asservari, 


ex  Anonymo  refert ,  relim^ere  sic 
anouyma  et  incerta  debui ,  quia  no- 
tiora  non  potuerunt  esse  Grcecam  ipsam 
Catenam  non  habènti  quse  tam  sagax 
et   curiosus   explorator    cui   eam  nan- 


caetera  quae  hic  manca  videri  possunt,  i  cisci  aliunde  eôutigit,  ignorassèt.  His 
pari  securilate  depromerem.  Sed  sup-  j  intérim  fruère,  dum  alia  contingant  qui- 
plendum    ex    Corderio    fuit     quod    ex  1  bus  ipse  plènius  ac  felicius  frui  possis. 


EXTRAIT  DE  SAINT  JÉRÔME 


SUR  LES  ÉCRIVAINS  ECCLÉSIASTIQUES 


Saint  Luc,  médecin  d'Antioclie,  possédait  parfaitement  la  langue 
grecque,  comme  l'attestent  ses  écrits;  il  fut  disciple  de  l'apôtre  saint 
Paul  et  le  compagnon  de  tous  ses  voyages.  C'est  de  son  Evangile  que 
saint  Paul  parle  en  ces  termes  :  «  Nous  avons  envoyé  avec  lui  un  de 
nos  frères,  dont  l'éloge  se  trouve^  à  cause  de  l'Evangile,  dans  toutes 
les  Eglises.  »  Et  encore  :  «  Luc,  le  médecin,  notre  cli(?r  frère,  vous 
salue.  »  Dans  sa  seconde  Epitre  à  Timothée  :  «  Luc  est  seul  avec  moi.  » 
Suivant  même  quelques  auteurs,  toutes  les  fois  que  saint  Paul  dit  dans 
ses  Epîtres  :  «  Selon  mon  Evangile,  »  il  fait  allusion  à  l'Evangile  selon 
saint  Luc,  et  saint  Luc  n'aurait  pas  recueilli  les  faits  évaugéliques  de 
la  bouche  de  saint  Paul  seul,  qui  n'avait  point  vécu  avec  le  Seigneur, 
mais  des  autres  Apôtres,  comme  il  le  déclare  en  commençant  son  ré- 
cit :  «  Ainsi  que  nous  l'ont  rapporté  ceux  qui  l'ont  vu  eux-mêmes  dès 
le  commencement  et  qui  furent  les  ministres  de  la  parole.  »  Il  a  donc 
écrit  son  Evangile  sur  les  documents  qui  lui  ont  été  transmis,  taudis 
que  dans  les  Actes  des  Apôtres,  il  a  été  témoin  oculaire  des  faits  qu'il 
raconte.  11  vécut  quatre-vingt-quatre  ans,  et  ne  fut  jamais  marié.  Sou 
corps  fut  enseveli  à  Constantinople,  où  ses  restes  furent  transportés 
de  l'Acliaie,  avec  ceux  de  l'Apôtre  saint  André,  la  vingtième  année 
du  règne  de  Constantin. 


EX  HIERONYMO 

DE   SCRIPTORIBUS   ECCLESIASTICIS 


Lucas,  medicus  Antiochensis  (ut  ejus 
scripta  indicant ,  Grœci  sermonis  non 
ignarus) ,  fuit  sectator  Apostoli  Pauli  et 
peregrinationum  ejus  omnium  comes. 
Scripsit  Evangelium  dorjno  idem  Paulus 
(II  ad  Corintli.,  8;  :  «Misimus,  imjuit, 
cum  illo  fratrem  «ujus  laus  est  iu  Kvan- 
gelio  per  omues  Ecclesias;  »  {et  ad 
Colos.,  4;  :  «Salutat  vos  Lucas,  medicus 
charissimus  ,  »  {et  II  ad  Timoth.,  4)  : 
«  Lucas  est  mecum  solus.  »  Quidam 
etiam    suspicaulur ,    (juotiescumque   in 


Epistolis  suis  Paulus  dicit  :  «  Juxta  Evan- 
gelium meum  ,  »  de  Lucae  significare 
volumine;  et  Lucamnon  solum  ab  Apos- 
tolo  Paulo  didicisse  Evangelium  (qui 
cum  Domino  in  carne  non  fuerat),  sed 
a  cœteris  Apostolis  ,  quod  ipse  quoque 
in  principio  sui  voluminis  déclarât  di- 
cens  :  «  Sicut  tradiderunt  nobis  qui  a 
principio  ipsividerunt  etministri  fueruut 
sermonis.»  Igitur  Flvangelium  sicut  au- 
dierat  scripsit  ;  Acta  vero  Aposlolorum 
sicut  viderat  ipse  composuit.  Vixit  oclo- 
ginta  et  quatuor  annos ,  uxorem  non 
habens.  Sepultus  est  Constantinopoli  ;  ail 
quam  urbem  vigesimo  Constantiui  anno 
ossa  ejus  cum  reliquiis  Andreœ  Apostoli 
translata  sunt  de  Achaia. 


PREFACE 

DE 

L'EXPLICATION  SUIVIE  DE  L'ÉVANGILE  DE  SAINT  LUC 

PAR    SAINT    THOMAS 


SOMMAIRE  ANALYTIQUE. 

Objet,  but  de  l'Evangile  selon  saint  Luc.  —  Pourquoi  lui  donne-t-on  un  bœuf 
pour  emblème"? — Comment  l'objet  de  l'Evangile  selon  saint  Luc  se  trouve 
indiqué  dans  les  paroles  d'Isaïe  citées  au  commencement  de  cet  article.  — 
Style  de  saint  Luc,  sa  supériorité  comme  écrivain.  — Saint  Luc,  médecin  des 
âmes. — A  quelle  école  fut  instruit  saint  Luc.  —  A-t-il  écrit  son  Evangile  sous 
la  dictée  de  saint  Paul? 

Le  prophète  Isaie  qui  prédit  avec  tant  d'exactitude  et  de  clarté  les 
divers  mystères  de  l'incarnation  de  Jésus-Christ,  dit  au  chapitre  l  : 
a  J'envelopperai  les  cieux  de  ténèbres,  et  je  les  couvrirai  comme  d'un 
sac.  Le  Seigneur  m'a  donné  une  langue  savante,  afin  que  je  puisse 
soutenir  par  la  parole  celui  qui  est  abattu  (1).  Il  m'éveille  et  me  touche 
l'oreille  tous  les  matins,  afin  que  je  l'écoute  comme  un  maître.  »  Ces 
paroles  peuvent  nous  faire  connaître  l'objet  et  le  genre  de  l'Evangile 
selon  saint  Luc,  le  but  que  cet  évangéliste  s'est  proposé  et  dans  quelles 
conditions  il  l'a  écrit.  —  S,  AuG.  {De  l'ac.  des  Ev.,Y\h.  F,  cap.  2 et 6). 
Saint  Luc  paraît  s'être  proposé  surtout  de  décrire  l'origine  sacerdo- 

(1)  C'est  ainsi  que  nous  lisons  dans  les  Bibles  corrigées,  et  cette  version  est  plus  conforme  à  la 
version  que  Pagninus  a  donné  du  texte  hébreu.  La  version  des  Septante  est  un  peu  différente, 
afin  que  je  sache  comment  je  dois  user  de  la  parole.  Mais  la  construction  delà  phrase  est  bien 
plus  naturelle  en  traduisant  :  afin  que  je  puisse  soutenir  par  la  parole  celui  qui  est  abattu.  Ce  qui 
snitj  et  qu'on  attribue. à  la  Glose  ne  se  trouve  point  dans  la  Glose  actuelle,  et  la  citation  qui  porte 
le  nom  de  saint  Jérôme  sans  autre  indication,  est  extraite  en  partie  de  son  Traité  des  écrivains 
ecclésiastiques  sur  suint  Luc,  en  partie  de  son  Commentaire  sur  Isaïe,  chap.  62. 


SUPER  EVANGELIUM 

SANCTI    LUC^    CONTINUUM 

eiVE    CONTINIJATAM    EXPOSITIONEM 

PROOBMUM  SAXCTl  THOM:« 


Inter  cœtera  incarnationis  Chrisli 
mysleria,  quae  Fsaias  propheta  diligenter 
et  aperte  praenuntiat,  dicit   'cap.  .^0)  : 


«  luduam  cœl03  tenebris,  et  saccum  po- 
nam  operimentum  eorum.  Dominus  de- 
dit  mihi  linn;uam  eruditam ,  ut  sciam 
sustentare  eum  qui  lassus  est  verbo.  Eri- 
git  tnane,  mane  erigil  mihi  aurem  ut 
audiam  quasi  raagistrum.  »  Ex  quibus 
verbis  accipere  possumus  Evangelii  se- 
cundum  Lucam  materiam,  modum  scri- 
bendi ,  finem  et  conditionem  scriptoris. 
AuGUST.  {de  Cons.  Evang.,  lib.  i,  cap. 
2  et  6.)  Lucas  enim  circa  sacerdotalem 


X  PRÉFACE   DE   l'eXPLICATION 

taie  du  Sauveur,  et  tout  ce  qui  a  rapport  à  sa  personne.  De  là  vient 
qu'on  lui  donne  pour  emblème  un  bœuf,  le  bœuf  étant  la  principale 
victime  que  les  prêtres  offraient  en  sacrifice.  —  S.  Ambr.  {Préf.  sur 
S.  Luc).  Le  bœuf  est  par  excellence  la  victime  sacerdotale;  cet  évan- 
géliste  est  donc  parfaitement  figure  par  un  bœuf,  puisqu'il  ouvre  son 
récit  par  l'histoire  d'une  famille  sacerdotale ,  et  le  termine  en  racon- 
tant beaucoup  plus  au  long  que  les  autres  l'immolation  de  cette  vic- 
time, figurée  par  les  taureaux  de  l'ancienne  loi,  et  qui  se  chargeant 
des  péchés  de  tous  les  hommes ,  a  été  immolée  pour  la  vie  du  monde 
entier.  —  Glos.  Saint  Luc  s'élant  proposé  principalement  de  racon- 
ter la  passion  de  Jésus -Christ,  cet  objet  se  trouve  comme  indiqué  dans 
ces  paroles  :  a  J'envelopperai  les  eieux  de  ténèbres,  et  je  les  couvrirai 
comme  d'un  sac.  »  Car,  dans  la  passion  du  Sauveur,  les  ténèbres  se 
répandirent  littéralement  sur  la  terre,  et  la  foi  ^des  disciples  fut 
couverte  de  nuages.  —  S.  Jér.  {sur  Is.,  chap.  lui).  Jésus-Christ  lui- 
même  sur  la  Croix  était  couvert  de  mépris  et  d'opprobres,  son  visage 
était  comme  voilé  par  les  ignominies ,  de  manière  que  sa  puissance 
toute  divine  était  cachée  sous  l'infirmité  d'un  corps  mortel. 

S.  JÉR.  Le  style  de  saint  Luc  est  plus  pur  et  plus  élégant  que  celui 
des  autres  évaugélistes ,  et  on  y  ressent  comme  un  parfum  de  l'élo- 
quence profane  ,  ce  que  semblent  figurer  ces  paroles  :  «  Le  Seigneur 
m'a  donné  une  langue  savante.  »  —  S.  Ambr.  {com.  préc.)  Car  bien  que 
les  divines  Ecritures  rejettent  ces  formes  étudiées,  qu'affecte  la  sagesse 
profane,  qui  s'appuie  bien  plus  sur  Téclat  prétentieux  des  paroles,  que 
sur  la  vérité  des  choses  ;  cependant  si  l'on  veut  chercher  dans  les 
saintes  Ecritures  elles-mêmes  des  modèles  que  l'éloquence  profane  ne 
dédaignerait  pas  d'imiter,  on  en  trouvera  facilement.  Saint  Luc,  en 


Domini  stirpem  atque  persouam  maoris 
occupatus  videtur.  Unde  per  vitulum  si- 
gnificatus  est,  propter  maximam  victi- 
mam  sacerdotis.  Ambr.  {prœfat.  in  Lu- 
cam.)  Yilulus  euim  sacerdotalis  est 
victima  :  imde  bene  congruit  vitulo  hic 
Evangelii  liber;  qui  a  sacerdotibus  iu- 
cboavit,  et  consumiuavit  in  vitulo;  qui 
omnium  peccata  suscipiens,  pro  totius 
mundi  vita  est  immolatus,  et  ipsam  vi- 
tuli  immolationem  Lucas  stylo  quodam 
pleniore  diffiiudit.  Glos.  Quia  igitur 
Passionem  Christi  principaliter  exponere 
Lucas  intendit,  liujus  Evaugelii  materia 
significari  potest  iu  eo  quod  dicitur  : 
<i  Induam  cœlos  tenebris,  et  saccum  po- 
nam  operimenlum  eorum  :  »  nam  ad 
jitteram  in  Passione  Christ!  tenebrœ  fac- 


tse  sunt,  et  in  discipulis  fîdes  obscurata 
est.  Hier,  [super  Isa.,  cap.  33.)  Et  Chris- 
tus  despectus  erat  et  ignobilis;  quando 
et  pendebat  in  cruce,  et  absconditus  est 
vultus  ejus  atque  despectus,  ut  humauo 
corpore  divina  potentia  celaretur. 

Hier.  Sermo  autem  Lucœ  tam  iu 
Evaugeliù  quam  in  Actibus  Apostolo- 
rum  comptior  est,  et  secularem  redolet 
eloquentiam  :  unde  subditur  :  «  Domi- 
nus  dédit  mihi  linguam  eruditam.  »  Amb. 
((Ut  sup.)  Nam  licet  Scriptura  divina 
mundanœ  evacuet  sapieutiae  discipliuam, 
quod  majore  fucata  verborum  ambitu  , 
quam  rerum  ratioue  subnixa  sit;  tamen 
si  quis  iu  Scripturis  etiam  divinis  illa 
quce  imilanda  illi  putanî,  quserat,  iuve- 
niet.  Sanotus  euim  Lucas  velut  quem- 


DE   L  EVANGILE    DE   SAINT   LUC, 


XI 


effet,  a  suivi  un  certain  ordre  historique,  il  raconte  en  plus  grand 
nombre  les  miracles  opérés  par  Notre-Seigneur,  et  en  même  temps 
son  évangile  renferme  des  leçons  de  toutes  les  vertus.  Ainsi  quoi  de 
plus  sublime  pour  la  sagesse  naturelle  que  ce  récit  où  saint  Luc  nous 
représente  l'Esprit  saint  comme  le  créateur  même  de  l'incarnation  du 
Seigneur?  Il  nous  enseigne  d'une  manière  non  moins  relevée  toutes 
les  vertus  morales,  comment  par  exemple,  je  dois  aimer  mon  ennemi 
(vr,  XXVII,  XXXII,  xxxv),  j'y  trouve  même  des  leçons  des  choses 
qu'on  pourrait  appeler  simplement  rationnelles,  par  exemple  :  «  Celui 
qui  est  fidèle  dans  les  petites  choses ,  l'est  aussi  dans  les  grandes,  o 
(XVI,  iO). 

EusÈBE.  [Eist.  ecclés.,  m,  4.)  Saint  Luc,  né  à  Antioche,  où  il  exer- 
çait la  profession  de  médecin ,  puisa  dans  la  société  ou  dans  la  tradi- 
tion des  Apôtres,  les  principes  d'une  médecine  bien  différente,  et 
composa  deux  livres  où  sont  expliquées  les  règles  de  cet  art  céleste^ 
qui  apprend  a  guérir  non  pas  les  corps  mais  les  âmes  :  «  Afin  que  je 
puisse  soutenir  par  la  parole  celui  qui  est  abattu.  »  —  S.  Jér.  Il  nous 
apprend  en  effet  lui-même  que  le  Seigneur  lui  a  confié  le  ministère 
de  la  parole  pour  soutenir  le  peuple  errant  et  fatigué  ,  et  le  ramener 
dans  les  voies  du  salut, 

GnEG.  Or,  saint  Luc  étant  doué  d'un  esprit  distingué  et  d'une  vaste 
intelligence,  se  rendit  habile  dans  les  sciences  des  Grecs.  Il  acquit  une 
connaissance  parfaite  de  la  grammaire  et  de  la  poésie,  et  s'instruisit  à 
fond  des  règles  de  la  rhétorique  et  de  l'art  de  persuader,  il  excella 
également  dans  la  philosophie  ,  et  enfin  dans  la  médecine.  Mais  lors- 
que grâce  à  cette  prodigieuse  activité,  il  eut  assez  goûté  les  fruits  de 
la  sagesse  humaine ,  il  sentit  le  désir  de  posséder  une  sagesse  plus 


dam  historicum  ordinem  tenuit,  et  plura 
nobis  gestorum  Doiuini  miracula  reve- 
lavit;  ita  tamen  ut  omnes  sapienliae  vir- 
tules  Evangelii  ipsius  complecteretur 
historia.  Quid  enim  praecellentius  ad  sa- 
pientiam  naturalem,  quam  quod  Spiri- 
tum  sanctum  crealoreiu  eliam  dominica» 
incarnationis  extitisse  reseravit?  Uocet 
moralia  in  eodem  libro  (cap.  C,  vers.  27, 
32,  35),  quemadinodum  scilicet  amare 
inimicum  debeam  ;  docet  etiam  ratio- 
nalia,  cum  lego  {Luc.  IG,  vers.  10)  :  Quo- 
niam  «  qui  fidelis  est  in  minimo,  et  in 
niagno  fidelis  est.  » 

Ei'SEB.  [in  Ecclesiost.  Historia.  lib. 
m,  cap.  4.)  Is  ergo  génère  quidem  Aii- 
tiochenus,  arte  medicus,  secundum  banc 
medicinam,  quam  ex  Apostolorum  vel 
societate  vel  traditions  susceperat,  duos 


nobis  médicinales  libros,  quibus  non 
corpora,  sed  animae  curentur,  explicuit  : 
unde  sequitur  :  «  Ut  sciam  sustentare 
eum  qui  lassus  est  verbo.  »  Hier,  (super 
Isaium,  cap.  50.)  Dicit  enim  se  a  Do- 
mino accepisse  sermonem,  quomodo  las- 
sum  errautemque  populum  sustentet  et 
revocet  ad  salutem. 

Grj:cus  exposit.  Cura  autem  Lucas 
bona;  indolis  esset  et  capacitatis  strenuae, 
Grsecorum  scientiam  consecutus  est  ; 
gramraaticam  siquidem  atque  poesim 
adeptus  perfecte,  rhetoricam  autem  et 
persuadendi  leporeui  assecutus  ad  pie 
num,  neque  philosoplii.t  muneribus  ca- 
ruit;  denique  et  medicinam  acquirit.  Et 
quouiam  naturœ  velocitate  satis  de  bu- 
mana  gustaverat  sapientia,  ad  altiorem 
convolât.  Accélérât  igitur  ad  Judaeam,  et 


XII  PRÉFACE   DE   l' EXPLICATION    DE   l' ÉVANGILE    DE  SAINT   LUC. 

élevée ,  il  se  rendit  donc  en  toute  hâte  dans  la  Judée ,  et  vint  trouver 
Jésus-Christ  pour  jouir  de  sa  présence  et  s'instruire  à  son  école.  La 
vérité  s'étant  fait  connaître  à  lui ,  il  devint  un  vrai  disciple  de  Jésus- 
Christ,  et  resta  longtemps  auprès  de  ce  divin  Maître.  —  Glose.  C'est 
ce  qu'indiquent  encore  ces  autres  paroles  :«  Il  m'éveille  dès  le  matin,  » 
(comme  on  forme  dès  la  jeunesse  à  la  science  profane  ;  il  m'é- 
veille dès  le  matin  et  me  touche  l'oreille  ,  pour  la  sagesse  divine) , 
pour  que  j'écoute  attentivement  les  leçons  du  maître,  c'est-à- 
dire  de  Jésus-Christ  lui-même.  (1)  —  Edsèbe.  [comme  précéd.)  On 
dit  qu'il  écrivit  son  évangile  sous  la  dictée  de  saint  Paul,  de  même 
que  saint  Marc  écrivit  l'évangile  qui  porte  son  nom  d'après  les  leçons 
de  saint  Pierre. —  S.  Chrts.  {sur  S.  Matth.^  hom.  41.  Ils  ont  tous  deux 
imité  leur  Maître,  l'un  à  l'exemple  de  saint  Paul  répand  ses  eaux  avec 
abondance,  comme  un  fleuve  majestueux,  l'autre  imite  saint  Pierre, 
qui  s'est  appliqué  à  être  concis. —  S.  Aug.  {De  lac.  des  Evang.,  iv,  8.) 
Les  évangélistes  ont  écrit  dans  un  temps  où  ils  ont  mérité  de  recevoir 
l'approbation  non-seulement  de  l'Eglise  de  Jésus-Christ  ,  mais  des 
apôtres  eux-mêmes  qui  vivaient  encore.  Ces  préliminaires  suffisent. 

(l)  Ce  passage  est  contraire  à  ce  que  saint  Luc  lui-même  dit  dans  sa  préface,  où  il  déclare 
qu'il  écrit  non  pas  ce  qu'il  a  vu  de  ses  yeux,  mais  ce  qu'il  a  entendu  raconter  aux  autres. 


visibiliter  et  verbo  tenus  Christum  adit. 
Cumque  reritatem  cognosceret ,  verus 
efficitur  Christi  discipulus,  pliirimum 
cum  masistro  commoratus.  Glos.  Unde 
subditur  :  «  Erigit  mane  (quasi  a  juven- 
tute  ad  secularem  sapientiam  y ,  mane 
erigit  mihi  aurem  (ad  divina)  ut  audiam 
quasi  magistrum.  »  scilicet  ipsum  Chris- 
tum. ErsEB.  [in  Ecclesiast.  Historia, 
■ut  supra.)  Tradunt  autem  quod  Evan- 
geiium  suum  ex  Pauli  ore  conscripserit; 
sicut  et  Marcus  quee  ex  Pétri  ore  fuerant 


praedicata,  conscripsit.  Chrys.  (super 
Matth.,  hom.  4.)  Uterque  autem  eorum 
magistrum  imitatus  est;  hic  quidem 
Paulum  super  flumiua  fluentem  ;  ille 
autem  Petrum  breviloquio  studentem. 
AuGCST.  [de  Cons.  Evang.,  Ub.  iv, 
cap.  8.  )  Eo  autem  tempore^  scripse- 
runt,  quo  non  solum  ab  Ecclesia  Chri- 
sti. verum  etiam  ab  ipsis  adhuc  in 
carne  mauentibus  apostolis  probari  me- 
ruerunt.  Et  hœc  proœmialiter  dicta  suf- 
fi ciant. 


PREFACE  DE  SAINT  LUC 


SOMMAIRE    ANALYTIQUE. 

Motifs  qui  ont  déterminé  saint  Luc  à  écrire  son  Evangile.  —  Evangiles  apo- 
cryphes.—  Dans  quel  sens  saint  Luc  dit  plusieurs.  —  Est-ce  dans  un  corps 
apparent  que  Jésus  est  venu  sur  la  terre.  — Sur  quels  témoignages  s'appuie 
saint  Luc.  —  But  de  la  parole  de  Dieu.  —  Comment  les  apôtres  ont  vu  Notre- 
Seigueur.  —  Saint  Luc  n'a  pas  été  un  des  premiers  disciples  du  Sauveur.  — 
Connaissance  qu'il  avait  acquise  des  faits  qu'il  raconte.  —  A  qui  adresse-t- 
ii  son  Evangile? —  A  qui  doivent  s'appliquer  ces  paroles  :  ils  se  sont  efforcés. 


Beaucoup  de  personnes  ayant  entrepris  d'écrire  l'histoire  des  choses  qui  ont  été 
accomplies  parmi  nous,  suivant  le  rapport  que  nous  en  ont  fait  ceux  qui  dès 
le  commencement  les  ont  vues  de  leurs  propres  yeux,  et  qui  ont  été  les  ministres 
de  la  parole,  j'ai  cru,  très-excellent  Théophile,  qu'après  avoir  été  très-exacte- 
ment informé  de  toutes  ces  choses  depuis  leur  premier  coinmencement,  je  devais 
aussi  par  écrit  vous  en  représenter  toute  la  suite,  afin  que  vous  reconnaissiez 
la  vérité  de  ce  qui  vous  a  été  annoncé. 

EusEB.  {Hist.  écclesiast.,  m,  i.)  Saint  Luc  commeuce  son  récit  en 
nous  faisant  connaître  la  raison  qui  l'a  déterminé  à  écrire  son  évangil  ii  ; 
c'est  que  plusieurs  avaient  eu  la  prétention  ténaéraire  de  raconter  les 
choses  dont  il  avait  une  connaissance  plus  parfaite  :  «  Plusieurs,  dit-il, 
s'étant  efforcé  de  mettre  par  ordre  l'histoire  des  choses.  »  —  S.  A.air. 
{Préf.  sur  S.  Luc.)  Car,  de  même  que  chez  le  peuple  juif,  un  grand 
nombre  de  prophètes  ont  prophétisé  sous  l'inspiration  de  l'Esprit 
saint;  tandis  que  d'autres  n'étaient  que  de  faux  prophètes  (1),  de 

l;  Faux  prophètes,  ou  faux  diseurs,  du  grec  'iiivoiii,  qui  signifie  faux,  menteur. 


PROŒMIIM  Ll!C/E 


Quoniam  t/uidem  muUi  conali  sinit  ordinare  aar- 
raliones  qnœ  in  nohis  complelœ  sunt  rcrum 
(sicut  tradiderunt  nobin  qui  ab  initia  ipsi  vi- 
derunt ,  et  ministri  fucrunt  sermonis),  visum 
est  mihi  assecuto  a  principio  omnia  diligenter 
ex  ordine  libi  snribere ,  opiime  Théophile ,  ut 
C'ignoscas  eorum  verborum  de  quihas  ermlilus 
es,  virlutem. 

EusEB.  (in  Ecclesiast.  Hist..  lib.  ni, 


cap.  4.)  Lucas  in  initio  Evangelii  sui 
causam  cur  scripserit,  indicavit;  vide- 
licet  quoniam  niuUi  alii  temere  prœ- 
suinpscrant  eiiarrare  res  quœ  ?ibi  magis 
eraiil  ad  liquiduin  compcrtœ.  Et  hoc  est 
qiiod  dicit  :  «  Oiioniaiu  quidem  niulli 
conali  snnt  ordinare  narraliones  reruni.» 
AiiBTi.  (in  Proœiniitm  J.ucœ.)  Nani  sicut 
multi  in  Jud.Eonun  pupiilo,  divino  in- 
fusi  Spiritu  prophelavornnt,  alii  aiiloni 
pseudoproplieUc-  erant  potius  ((uani  pro- 
phétie; sic  et  nuuc  in  .Novo  Teslameuto 


XIV  PRÉFACE 

même  aujourd'hui,  sous  la  nouvelle  loi,  plusieurs  ont  entrepris  d'écrire 
des  évangiles  qui  ne  sont  pas  de  bon  aloi;  c'est  ainsi  qu'on  nous 
donne  un  évangile,  écrit,  dit-on ,  par  les  douze  Apôtres,  un  évangile 
que  Basilide  a  eu  la  prétention  d'écrire,  un  troisième  même  qui  aurait 
pour  auteur  saint  Matliias. — BÈBi,.{Préf.  sur  S.  Luc.)  Lorsque  saint  Luc 
dit  plusieurs,  il  a  donc  moins  égard  à  leur  nombre  qu'à  la  diversité 
des  hérésies  que  professaient  ces  prétendus  évangélistes ,  qui  sans 
avoir  été  favorisés  des  dons  de  l'Esprit  saint  et  ne  s'appuyant  que  sur 
leurs  vains  efforts,  ont  cherché  bien  plutôt  à  composer  des  récits  par- 
ticuliers qu'à  reproduire  la  vérité  historique  des  faits.  S.  Amb.  [Ibid.) 
Celui  qui  s'est  efforcé  de  mettre  en  ordre,  n'a  dû  ses  efforts  qu'à  son 
travail  personnel,  et  n'en  peut  espérer  aucun  résultat;  au  contraire, 
les  dons  et  la  grâce  de  Dieu  n'exigent  point  d'efforts  (1),  et  quand  la 
grâce  se  répand  dans  une  âme,  elle  l'arrose  si  largement,  que  l'esprit 
de  l'écrivain  loin  d'être  stérile  ,  devient  d'une  inépuisable  fécondité. 
C'est  donc  avec  raison  que  saint  Luc  ajoute  :  «  Des  choses  qui  se  sont 
accomplies  parmi  nous,  »  ou  dont  nous  avons  une  connaissance  sura- 
bondante, car  ce  qui  est  abondant  ne  fait  défaut  à  personne,  comme 
aussi  personne  ne  doute  de  ce  qui  s'est  accompli,  puisque  la  foi  s'appuie 
alors  sur  des  faits  qui  en  sont  la  démonstration  la  plus  claire.  — Tite 
DE  BosTR.  [sur  la  Prcf.  de  S.  Luc.)  Il  ajoute  :  «  Des  choses,  »  car  ce 
n'est  pas  dans  un  corps  simplement  apparent,  comme  le  prétendent 
les  hérétiques  que  Jésus  a  fait  son  avènement  parmi  nous,  mais  comme 
il  était  la  vérité ,  c'est  réellement  dans  la  vérité  qu'il  a  accompli  son 
œuvre. —  Orig.  {Hom.  1,  swr  S.  Luc.)  (2)  Il  nous  fait  connaître  qu'elles 

(!'  C'est-à-dire  que  la  grâce  de  Dieu  ne  dépend  pas  des  ellorts  de  l'Iiomme. 

(2)  Cette  citation  et  celle  qui  précède  viennent  de  Tite^  comme  on  le  voit  dans  le  tome  II  de  la 
Bibliothèque  des  Pères  grecs.  Dans  les  autres  éditions  tout  était  réuni  sous  le  nom  d'Origène, 
et  on  y  avait  omis  l'appendice  sur  le  mot  grec  7i£Tr),y)poepopY)[A£v03V,  que  nous  avons  rétabli  parce 
qu'il  se  trouve  dans  l'édition  d'Anvers. 


multi  Evaugeliasciibereconatisunt,  qufe  natu  eniai  simt  et  clouatioues  et  gratia 
boni  numniulariinonprobarunt:  et  aliud  Dei;  quœ  ubi  se  infuderit.  rigare  con- 
quidem  fertur  Evangelium  quod  duode-  '  suevit,  iit  non  egeat  sed  redundet  scri- 
cim  Apostoli  scripsisse  dicuntur  :  ausus  ploris  ingeniuui.  Et  ideo  benedicit  :  «  Re- 
est  etiam  Basilide»  Evangelium  scri-  '  mm  quœ  in  nobis  completse  sunt  ;  »  vel 
bere  :  fertur  aliud  secundum  Matlhiani.    ({uce  in  nobis  reduudanî  :  quod  eniui  re- 


Beda.  {prœfat.  in  Luc.)  Multos  ergo  eos 
non  tam  numerositate  quam  hsereseos 
multifariœ  diversitate  connumerat;  qui 
non  Spiritus  sancti  numere  donati,  sed 
vacuo  labore  conati,  magis  ordinaverunt 
narrationem  quam  bistoriœ  texueruut 
veritatem.  Ambr.  [ut  sup.)  Qui  enim  co- 
natus  est  ordinare,  suo  labore  couatus 
est,  nec  implevit  suo  couatu  :  sine  co- 


dundat,  nulli  déficit;  et  de  complelo 
nerao  diibitat;  cum  tideni  efîectus  as- 
truat,  exilus  prodat.  Titus  Bostrensis. 
(/■){  Pioœin.  Luc.)  Dicit  autem  :  Jierum, 
quia  non  secundum  phantasiani  juxta 
baereticos  exercuit  Jésus  carnalem  sui 
ipsius  adveutum.  sed  cum  veritas  esset, 
rêvera  negotium  prosecutus  est.  Orig. 
{//owj.  1,  in  Luc.)  AtTectum  autem  suum 


DE  SAINT   LUC. 


*▼ 


ont  été  pour  lui  les  suites  de  cet  avènement ,  en  ajoutant  :  or  Qui  se 
sont  accomplies  parmi  nous,  »  c'est-à-dire  qui  nous  ont  été  dévoilées 
dans  toute  leur  clarté ,  (comme  le  signifie  le  mot  grec  Tre-Xr^poçopr,- 
ixévtov,  que  le  latin  ne  peut  rendre  par  un  seul  mot)  ,  car  la  connais- 
sance de  ces  mystères  était  chez  lui  le  résultat  d'une  foi  certaine,  rai- 
sonnée,  et  qui  excluait  jusqu'à  l'ombre  même  du  doute. 

S.  GflRYS.  {Ch.  des  Pèr  gr.)  L'Evangéliste  ne  s'en  rapporte  pas  seu- 
lement à  son  témoignage  personnel ,  mais  il  s'appuie  exclusivement 
sur  celui  des  Apôtres,  pour  donner  plus  de  poids  à  ses  paroles  :  «Ainsi 
que  nous  les  ont  rapportées  ceux  qui  les  ont  eux-mêmes  vues  dès  le 
commencement.»  —  Eusèbe.  [Hist.  ecclés.,  m,  4.)  Il  est  donc  certain, 
que  c'est  dans  les  enseignements  de  saint  Paul  ou  des  autres  Apôtres 
qui  ont  été  attachés  dès  le  commencement  à  la  personne  du  Sauveur^ 
que  saint  Luc  a  puisé  la  vérité  historique  de  son  récit.  —  S.  Ghrys. 
{Comme précéd.)  11  se  sert  du  mot,  «  ils  ont  vu,  »  parce  que  le  témoi- 
gnage de  témoins  oculaires  des  faits,  est  pour  nous  le  plus  ferme  motif 
de  crédibilité. 

Orig.  De  l'aveu  de  tous,  l'objet  final  de  certaines  sciences  e^t  dans 
ces  sciences  elles-mêmes,  comme  la  géométrie  ;  pour  d'autres,  comme 
la  médecine,  cet  objet  est  dans  l'application  ,  il  en  est  ainsi  de  la  pa- 
role de  Dieu  ;  aussi  après  nous  avoir  indiqué  la  source  de  la  science 
par  ces  paroles  :  «  Ils  ont  vu,  »  il  nous  en  fait  connaître  les  œuvres 
pratiques  en  ajoutant  :  «  Et  ils  ont  été  ministres  de  la  parole  (ou  du 
Verbe.)  »  —  S.  Ambr.  Cette  dernière  expression  ne  signilie  pas  quo  le 
ministère  de  la  parole  s'adressait  plutôt  à  la  vue  qu'à  l'ouïe;  mais 
comme  ici,  ce  Verbe  n'était  pas  un  Verbe  parlé,  mais  un  Verbe  substan- 
tiel, saint  Luc  veut  nous  faire  comprendre  que  ce  n'est  pas  d'une  pa- 


i^vel  etfecluin)  indicat  ex  hoc  quod  ait  : 
«  Quœ  ia  nobis  coinpletcp  sunt  ;  »  id  est, 
«  quœ  in  nobis  manifestissiuie  sunt  os- 
lensiE  (prout  fert  Graecum  7rï7:),r,poio- 
pr,[X£vwv,  qiiod  uno  verbo  latinus  sernio 
non  explicat),  »  certa  enini  fide  et  ra- 
tioue  cognoverat,  neque  in  aliqiio  fluc- 
tuabat. 

Chrysost.  [in  Cat.  Grœconim  l'a- 
trum.)  Evaugelista  auteni  non  solum 
testimonio  contentus  est  proprio,  sed  ad 
aposlolus  toluin  referl,  inde  robiir  ve- 
uatur  sermoni  :  et  ideo  subdit  :  «  Sicut 
Iradiderunt  nobis  qui  ab  initio  ipsi  vi- 
derunt.  »  Euseb.  [in  Eccles.  liistor., 
lib.  III,  cap.  4.)  Certus  est  quod  verila- 
teni,  vel  Paulo  exponente,  vel  aliis  Apos- 
tolis  qui  ab  initio  ipsi  viderant,  vel  sibi 


tradideraut,  cousecutus  sit.  Chrys.  [ubi 
Slip.)  Dicit  autem  :  Vlderunt,  quia  hoc 
maxime  robur  nanciscitur  credulitatis , 
quod  addiscitur  ab  bis  qui  prtcsentialiler 
videruuf. 

Orig.  [id  snp.)  Palani  est  autem  quod 
cujusdam  doctrince  finis,  est  in  ipsa 
doctriiia  sicut  Geonietricfi  ;  alterins  vero 
doetriurp,  finis  in  opère  computatur,  si- 
cut medicinœ  :  et  ita  est  in  senuone  Dei  : 
et  ideo  poslquaui  siiruificaverat  scien- 
tiam,  ex  lioc  quod  dixerat  :  «  Ipsi  vide- 
runt,  »  demourilrat  opéra,  ex  boc  quod 
sequilur  :  «  Et  niinislri  fueruut  sermo- 
nis  (vel  rurbi.)  »  Ambr.  Non  congruit 
ista  locutio,  ut  magis  niinisterium  verbi 
visuni  quani  audituni  esse  crodamus;  sed 
quia  non   prolativuni  verbuui,  sed  sub- 


XVI 


PRÉFACE 


rôle  ordinaire ,  mais  d'une  parole  toute  céleste,  que  les  Apôtres  furent 
les  ministres.  —  S.  Cyril.  ^I)  Saint  Jean  confirme  ce  que  dit  ici  saint 
Luc,  que  les  Apôtres  ont  vu  ce  Verbe  de  leurs  yeux  par  ces  paroles  : 
«  Le  Verbe  s'est  fait  chair,  et  il  a  habité  parmi  nous,  et  nous  avons  vu 
sa  gloire  ;  »  car  c'est  par  le  moyen  de  la  chair  que  le  Verbe  s'est  rendu 
visible.  —  S.  Ambr.  Mais  ce  n'est  pas  seulement  comme  homme  revêtu 
de  notre  chair  qu'ils  ont  vu  Notre-Seigneur,  ils  l'ont  vu  comme  Verbe, 
lorsqu'avec  Moïse  et  Elie  (2),  ils  ont  été  témoins  de  la  gloire  du  Verbe, 
qui  est  resté  invisible  pour  ceux  qui  n'ont  pu  voir  que  son  corps.  — 
Orig.  Il  est  écrit  dans  l'Exode  :  «  Le  peuple  voyait  la  voix  du  Seigneur.  » 
Cependant  la  voix  s'entend  plutôt  qu'elle  n'est  vue;  mais  l'écrivain 
sacré  s'exprime  de  la  sorte  pour  nous  faire  comprendre  que  la  voix  du 
Seigneur  est  visible  pour  d'autres  yeux,  que  Dieu  ouvre  à  ceux  qui  en 
sont  dignes.  Or,  dans  l'Evangile,  ce  n'est  pas  simplement  la  voix  qui 
est  vue,  mais  une  parole  qui  est  bien  supérieure  à  la  voix. 

Théophyl.  [préf.  sur  S.  Luc.)  Nous  pouvons  conclure  logiquement 
de  ces  paroles,  que  saint  Luc  n'a  pas  été  un  des  premiers  disciples  du 
Sauveur,  mais  qu'il  ne  l'est  devenu  que  dans  la  suite  (3).  D'autres  se 
sont  attachés  à  Jésus-Christ  dès  le  commencement ,  comme  Pierre  et 
Jes  fils  de  Zébédée.  —  Bède.  Et  cependant  saint  Matthieu  et  saint  Jean, 
pour  un  grand  nombre  de  faits  qu'ils  racontent,  ont  dû  nécessairement 
avoir  recours  à  ceux  qui  connaissaient  les  détails  de  l'enfance  de  Jésus, 
de  sa  jeunesse,  de  sa  généalogie,  et  qui  avaient  pu  être  témoins  de  ses 
actions. 

1)  Celte  citation  ne  se  trouve  que  dans  la  Chaîne  des  Pères  Grecs,  on  rencontre  quelque  chose 
de  semblable  au  livre  x,  contre  Julien.  Nous  n'avons  plus  également  le  Commentaire  de  saint 
Cyrille  sur  saint  Luc,  qui  est  cependant  cité  par  saint  Thomas  dans  la  2  2.   quest.   101,  art.  4. 

(2)  Allusion  aux  apôtres  qui  ont  vu  Jésus  transfiguré  sur  la  montagne  en  présence  de  Moïse  et 
d'Elie. 

(3)  Ou  dans  les  derniers  temps  d'après  le  grec  U(7T£p6xpôvî;, 


f^taotiale  siiruiûcaUir.  uun  vulgare  ver- 
biim  sed  cœleste  inlelUgamus,  cui  apos- 
toli  ministraruut.  Cyril.  Quod  aulem 
dicit  hujus  verbi  visores  fuisse  aposto- 
los,  concordat  curn  Joaune.  qui  dicit  : 
«  Yerbum  caro  factum  est,  et  habitavit 
in  nobis;  et  vidimus  gloriam  ejus  :  » 
Verbum  uamque  mediante  carne  visibile 
factum  est.  Ambr.  (h<  sup.)  Non  solum 
autem  secundum  corpus  viderunt  Domi- 
nuru,  sed  eliam  secundum  verbum  :  vi- 
derunt enim  Verbum ,  qui  cum  Moyse 
et  Ella  viderunt  gloriam  Verbi;  alii  non 
viderunt,  qui  corpus  tantum  videra  po- 
tuerunt.  Obig.  [vt  svp.)  Et  in  Exodo 
quideni  scriptum  est  (cap.  20,  vers.  18)  : 
«  Populus  videbat  vocem  Domini.  »  Vox 


autem  auditur  potius  quam  videtur  :  sed 
propterea  ita  scriptum  est,  ut  ostende- 
retur  nobis,  aliis  videri  oculis  vocem 
Domini,  quibus  illi  aspiciunt  qui  meren- 
lur.  Porro  in  Evangelio  non  vox  cer- 
nitur,  sed  sermo  qui  voce  praestantior 
est. 

Theophylact.  [prœfut.  in  Luc.)  Ex 
hoc  enim  manifeste  innuitur  quod  Lucas 
non  fuit  discipuius  ab  initio,  sed  pro- 
cessu  temporis.  Alii  autem  fuerunt  dis- 
cipuli  ab  initio,  scilicet  Petrus  et  fîlii 
Zebedœi.  Beda.  Et  tamen  Matthaeus 
quoque  et  Joannes  in  multis  quae  scri- 
Ijereut  ab  bis  qui  iufantiam ,  pueritiam 
genealogiamque  ejus  scire,  et  gestis  in- 
teresse potuerant,  audire  opus  babebant. 


DE  SAINT   LUC. 


XVII 


Orig.  Saint  Luc  établit  ensuite  le  droit  qu'il  avait  d'écrire  l'Evangile 
sur  la  connaissance  qu'il  en  avait  acquise,  non  par  des  rumeurs  incer- 
taines, mais  par  des  traditions  qui  remontaient  à  l'origine  des  faits  : 
«  Il  m'a  semblé  bon ,  après  avoir  tout  appris  dès  le  commencement, 
cher  Théophile,  d'en  écrire  l'histoire  avec  ordre.  »  —  S.  Ambr.  En 
disant  :  a  II  m'a  semblé  bon ,  »  il  n'exclut  pas  le  bon  plaisir  de  Dieu  ; 
car  c'est  Dieu  lui-même  qui  prédispose  la  volonté  de  l'homme  (I).  Or, 
personne  n'ignore  que  l'Evangile  de  saint  Luc  est  plus  étendu  que  les 
autres,  aussi  saint  Luc  prend-il  soin  d'établir  solidement  la  vérité  des 
faits  qu'il  raconte  :  «  C'est  après  avoir  été  très -exactement  informé, 
que  j'ai  cru  devoir  écrire  ,  »  non  tout  ce  qu'il  avait  appris,  mais  une 
partie  ;  car  si  toutes  les  choses  qu'a  faites  Jésus  étaient  rapportées  en 
détail,  je  ne  crois  pas,  dit  saint  Jean,  que  le  monde  put  contenir  les 
livres  où  elles  seraient  écrites.  Du  reste ,  c'est  à  dessein  qu'il  a  omis 
une  grande  partie  des  faits  racontés  par  les  autres  Evangélistes ,  afin 
que  chaque  Evangile  dût  son  caractère  particulier  à  la  nature  des 
mystères  et  des  miracles  qu'il  renferme. 

Théophyl.  Il  adressa  son  Evangile  à  Théophile  ,  c'était  un  person- 
nage distingué,  peut-être  même  un  prince;  car  l'épithète  à' excellent 
ne  se  donnait  qu'aux  princes  et  aux  gouverneurs,  comme  nous  voyons 
saint  Paul  appeler  le  gouverneur  Festus  :  «  Très-excellent  Festus.  » 
—  BEDE.  Théophile  signifie  qui  aime  Dieu  ou  qui  est  aimé  de  Dieu, 
qui  que  vous  soyez  donc,  si  vous  aimez  Dieu  ,  ou  si  vous  désirez  être 
aimé  de  Dieu,  regardez  cet  Evangile  comme  écrit  pour  vous ,  et  con- 
servez-le comme  un  présent  qui  vous  est  fait ,  comme  un  gage  qui 

(1)  Allusion  à  ce  passage  des  Proverbes  :  «  Le  Seigneur  prépare  la  volonté,  "  {Prov.,  viii,  35,) 
selon  la  version  des  Septante,  car  on  lit  dans  la  Vulgale  ces  paroles  de  la  Sagesse  :  «  Celui  qui  me 
trouve,  trouve  la  vie,  et  son  salut  viendra  du  Seigneur.  » 


Orig.  {ut  sup.)  Deinde  facultatem  scri- 
bendi  replicat,  quoniam  ea  quae  scripsit, 
non  rumore  cognovit,  sed  ab  initio  fue- 
rat  ipse  consecutus.  Unde  sequitnr  : 
«  Visum  est  et  mihi  assecuto  a  principio 
ODinia  diligenter  ex  ordine  tibi  scribere, 
optimo  Théophile.  »  Ambr.  {ut  svp.)  Cum 
dicit  :  «  Visum  est  niihi,  »  non  negal 
Deo  visum  :  a  Deo  enim  prteparatur  vo- 
luntas  honiinuni.  ProHxiorem  autcm 
liunc  Evangelii  libruni  quain  cœlcros 
esse  nemo  dubitaverit ,  et  ideo  non  ea 
quiB  falsa  sunt,  sed  quee  vera  sibi  ven- 
dicat.  Et  ideo  dicit  :  <<  Assecuto  quidem 
omnia  visum  est  scribere  ;  »  non  omnia, 
sed  ex  omnibus,  quia  qua;  fccit  Jésus  si 
scribantur  omnia,  nec  ipsum  mundum 

TOM.   V. 


capere  arbitrer.  {Joan.,  21.)  Consulto 
aulem  quœ  ab  aUis  sunt  scripta,  praete- 
riit,  ut  propriis  quibusdam  singuli  Evau- 
gelioriim  libri  mysteriorum  gestorum- 
que  miraculis  eminerent. 

TuKOPHYLACT.  Scribit  autem  ad  Theo- 
phihun  virum  iaclylum  fortassis  et  prin- 
cipeni,  quia  f[uod  dicit  :  Optime,  non 
dicebatur  nisi  principibus .  et  prœsidi- 
bus  ;  sicut  et  Paulus  Festo  Prœsidi  dixit 
{Act.,  26,  vers.  2o)  :  «  Optime  Feste.  » 
Beda.  Theophilus  autem  inlerpretatur 
«  amans  Deum ,  vel  amatus  a  Deo  :  » 
quisquis  crgo  amat  Deum  sive  a  Deo  se 
desiderat  amari,  ad  se  scriptum  pulet 
Evaugelium,  et  ut  sibi  dalum  unums , 
sibiquc  commendatum  pignus  conservet. 

ù 


XVIII 


PRÉFACE 


VOUS  est  confié.  Et  ce  ne  sont  pas  des  choses  nouvelles ,  ou  des  secrets 
inconnus  qu'il  doit  expliquer  à  ce  même  Théophile  ;  il  lui  promet  de 
lui  exposer  la  vérité  des  choses  dont  il  a  été  instruit ,  afin  ,  dit-il,  de 
vous  faire  connaître  la  vérité  des  choses  qu'on  vous  a  enseignées  (Ij, 
c'est-à-dire  pour  que  vous  puissiez  connaître  dans  leur  ordre  naturel,  les 
paroles  et  les  actions  du  Seigneur ,  dont  le  souvenir  nous  a  été  con- 
servé. —  S.  Chrys.  (2)  Ou  encore ,  afin  que  vous  ayez  une  certitude 
inébranlable  des  vérités  que  vous  avez  apprises  ,  en  les  voyant  consi- 
gnées dans  l'Ecriture.  —  Théophyl.  Souvent,  eu  efifet,  nous  regardons 
comme  faux  des  faits  qu'on  avance  dans  la  conversation ,  sans  qu'on 
les  mette  par  écrit;  si,  au  contraire,  on  prend  soin  de  les  écrire,  nous 
y  ajoutons  foi  plus  volontiers;  car,  pensons-nous,  s'il  n'était  sur  de 
la  vérité  de  ce  qu'il  dit,  il  ne  l'écrirait  point. —  S.  Chrys.  On  peut  dire 
encore  que  toute  cette  préface  de  saint  Luc  contient  deux  choses  : 
dans  quelles  conditions  ceux  qui  l'ont  précédé  (saint  ^Matthieu  et  saint 
Marc)  ont  écrit  l'Evangile,  et  pour  quel  motif  il  a  entrepris  lui-même 
de  l'écrire.  Cette  expression  :  «  Ils  se  sont  efforcés,  »  peut  donc  s'ap- 
pliquer, et  à  ceux  qui  n'ont  mis  la  main  à  cette  œuvre  que  par  pré- 
somption, et  à  ceux  qui  l'ont  entreprise  dans  les  conditions  de  respect 
et  d'honneur  qu'elle  réclame.  Or,  le  sens  douteux  de  cette  expression 
se  trouve  précisé  par  une  double  explication  que  saint  Luc  nous  donne. 
Premièrement^  lorsqu'il  dit  :  «  Des  choses  qui  se  sont  accomplies 
parmi  nous ,  »  secondement,  quand  il  ajoute  :  «  Ainsi  que  nous  les 

(1)  Ou  bien  d'après  le  grec  àCTçàÀîiav,  la  certitude  entière,  la  conviction  intime. 

(2)  Cette  citation  se  retrouve  à  peu  de  chose  près  dans  Tite  et  dans  Théophylacte.  Il  peut  se 
faire  que  saint  Chrysostome  ait  commenté  ce  passage  de  saint  Luc,  comme  les  paroles  suivantes 
mais  on  n'en  retrouve  aucune  trace.  Possevin  dans  son  Apparat  affirme  d'après  Euthymius  et 
Suidas,  que  ce  saint  docteur  avait  composé  d'excellents  commentaires  sur  saint  Luc,  mais  ils 
n'existent  plus.  Toutefois  ils  ont  dû  exister  au  temps  où  saint  Thomas  composait  cet  ouvrage. 
Nous  faisons  cette  remarque  qui  devra  servir  pour  toute  la  suite,  lorsque  nous  rencontrerons  une 
citation  qui  ne  se  trouve  pas  dans  saint  Chrysostome. 


Non  autem  novorum  quorumlibet  eidem 
Tlieopliilo  et  velut  igiiotorum  ratio  pan- 
denda,  sed  eorum  de  quibus  eruditus 
est  verborum  promittitur  veritas  expri- 
menda;  cum  subditur  :  «  Ut  cogDoscas 
eorum  verboram,  de  quibus  eruditus  es^ 
veritatem,  »  scilicet  ut  quo  quidque  or- 
dine  de  Domino  vel  a  Domino  dictum 
gestumve  sit,  agnoscere  queas.  Chrys. 
(ut  sup.)  Vel  aliter  :  certitudinem  ha- 
beas,  et  securus  existas  de  lis  quae  au- 
ditu  perceperas,  prospiciens  eadem  in 
Scriptura.  Theophylact.  Plerumque 
euim  cum  sine  scripto  aliquid  ab  aliquo 
dicitur,    caiumniamur    illud    quasi  fal- 


sum  ;  cum  vero  quse  dicit  scripserit, 
tune  magis  credimus,  quasi,  nisi  putaret 
vera,  non  scriberet.  Chrys.  Vel  aliter  : 
totum  Evangelistae  proœmium  duo  con- 
tinet  :  conditionem  eorum  qui  ante 
eum  Evangelium  scripserant  (puta  Mat- 
thaîi,  Marci),  et  rursum  cur  et  ipse  scri- 
bere  proposuit.  Cum  vero  dixisset  : 
«  Conati  sunt  »  vocabulum  potens  ap- 
plicari,  et  ad  prsesumptuose  aggredien- 
tes  materiam,  et  ad  honeste  pertractan- 
tes  illam,  duabus  additionibus  dubiam 
sentent! am  certificat.  Primo  quidem , 
quia  dixit  :  «  Quae  in  nobis  complétée 
sunt   rerum  :  »   secundo,  quia  dixit  : 


DE  SAINT   LUC. 


XIX 


ont  transmises  ceux  qui  les  ont  eux-mêmes  vues  dès  le  commen- 
cement. »  Ce  mot  a  ils  nous  ont  transmis  ,  »  me  parait  encore  ren- 
fermer un  avertissement  donné  à  ceux  qui  reçoivent  l'Evangile,  de 
travailler  eux-mêmes  à  sa  propagation  ;  car  de  même  que  les  Apôtres 
l'ont  transmis  ,  ceux  qui  l'ont  reçu  doivent  à  leur  tour  le  transmettre 
à  d'autres.  Lorsque  les  faits  évangéliques  n'étaient  pas  encore  consi- 
gnés par  écrits,  il  en  résultait  bien  des  inconvénients  à  mesure  qu'on 
s'éloignait  des  faits.  Aussi  ceux  qui  avaient  recueilli  ces  faits  de  la 
bouche  des  premiers  disciples  et  des  ministres  du  Verbe  ,  agirent-ils 
sagement  en  les  consignant  dans  des  écrits  qui  les  répandirent  dans 
tout  l'univers,  dissipèrent  les  calomnies,  prévinrent  un  fâcheux  oubli, 
et  constituèrent  ainsi  par  la  tradition  l'intégrité  des  saints  Evangiles. 


«  Sicut  tradiderimt,  »  nobis  qui  ab  ini- 
tio  ipsi  videruDt.  »  Simul  autem  hoc 
quod  dico  :  «  Tradidenint,  »  indicare 
mihi  videtur,  quod  et  ipsi  uioneantur 
propagare  :  velut  enim  illi  tradiderunt 
ipsos  quoque  oportebit  accipientes  -e- 
riatim  ad  invicem  promulgare.  Nondum 
autem   commendantes    scripturae    quae 


tradita  fuerant,  contingebat  inconvenien- 
tia  plurima  provenire  diuturnitate  tem- 
poris  :  unde  merito  qui  de  primi»  viso- 
ribus  verbi  et  ministris  verbi  acceperant, 
in  scriptis  universo  mundo  traditioneru 
praestiterunt,  et  calumnias  propellentes, 
et  oblivionem  destruentes,  et  ex  ipsa  tra- 
ditione  integritatem  accommodantes. 


EXPLICATION 

SUIVIE 

DES  QUATRE  ÉVANGILES 

PAR    SAINT    THOMAS 


LE 

SAINT  ÉVANGILE  DE  JÉSUS-CHRIST 

SELON    SAINT    LUC 


CHAPITRE    PREMIER. 

SOMMAIRE   ANALYTIQUE, 

f.  5-7.  — Pourqui  saint  Luc  commence  t-il  son  Evangile  par  le  récit  de  la  nais- 
sance de  saint  Jean-Baptiste?  —  Le  règne  d'Hérode  preuve  de  la  venue  du 
Messie. — Qualités  qui  rendent  vraiment  digne  de  louanges.  —  Pourquoi  saint 
Jean  est-il  né  d'une  famille  sacerdotale?  —  Pourquoi  de  parents  justes. — 
Pourquoi  justes  devant  Dieu.  —  Quelle  est  la  conduite  vraiment  irréprochable. — 
Pourquoi  Dieu  a-t-il  permis  qu'un  grand  nombre  d'épouses  vertueuses  fussent 
stériles?  —  Dieu  demande  beaucoup  plus  la  fécondité  spirituelle  que  la  fécon- 
dité charnelle. 

y.  8-10. —  Zacharie  était-il  grand- prêtre?  —  Que  figurait  le  prêtre  qui  offrait 
l'encens. 

f.  11-14.  —  Pourquoi  l'Ecriture  dit-elle  que  l'ange  apparut  à  Zacharie?  —  Cer- 
titude de  cette  vision.  — Pourquoi  a-t-elle  lieu  dans  le  temple?  —  Cause  du 
trouble  de  Zacharie.  —  A  quel  signe  peut-on  distinguer  les  bons  esprits  des 
mauvais?  —  Quel  était  l'objet  de  la  prière  de  Zacharie.  —  Objet  de  la  promesse 
de  l'ange. — Quels  sont  ceux  à  qui  Dieu  lui-même  impose  un  nom. — Que  signifie 
le  nom  de  Jean. 

f.  15-17.  —  Grandeur  de  la  sainteté  de  Jean-Baptiste. — Sa  vie  sobre  et  aus- 
tère.—  Ce  qu'il  a  reçu  avec  l'abondance  de  l'Esprit  saint. —  Œuvres  que 
Jean  accomplira  sous  la  conduite  de  l'Esprit  saint.  —  Preuve  de  la  divinité  de 
Jésus-Christ. — Dans  quel  sens  Jean-Baptiste  aura-t-il  l'esprit  et  la  vertu 
d'Elie?  —  Traits  d'analogie  entre  Elie  et  Jean-Baptiste.  —  Dans  quel  sens 
réunira-t-il  les  cœurs  des  pères  avec  leurs  enfants? 

y.  18-22.  —  Le  doute  de  Zacharie  est-il  excusable?  —  Comment  les  anges  sont- 
ils  tout  à  la  fois  devant  Dieu  et  envoyés  de  Dieu  vers  les  hommes? — Raison, 
justice  du  châtiment  infiigé  à  Zacharie.  —  Etonnement  du  peuple. 

^.  23-25.  —  Différence  entre  les  prêtres  de  l'ancienne  loi,  et  les  prêtres  de  la 

TOM.    V.  i 


2  EXPLICATION   nE   l'ÉVANGILE 

nouvelle  quant  à  la  succession.  —Epoque  de  la  conception  de  Jean-Baptiste.  — 
Pourquoi  Elisabeth  se  tenait-elle  cachée  pendant  cinq  mois?  —  Pourquoi  se 
réjouit-elle  d'être  délivrée  de  l'opprobre  de  la  stérilité? — Explication  mystique 
de  tout  ce  qui  prcccde. 

f.  26,  27.  —  Epo(pic  do  la  conception  du  Sauveur,  raison  mystique  de  cette 
époque.  —  Mission  des  anges;  pourquoi  est-ce  l'ange  Gabriel  qui  est  envoyé 
à  Marie.  —  Pourquoi  est-il  envoyé  à  Nazareth,  et  à  une  vierge?—  Pourquoi 
n'attend-il  pas  que  l'enfantement  ait  eu  lieu  pour  en  faire  connaître  le 
mystère  à  la  Vierge?  —  Raisons  pour  lesquelles  Dieu  voulut  que  Marie  fût 
mariée.  —  Comment  Joseph  et  Marie  sont-ils  de  la  maison  de  David? —  Signi- 
fication du  nom  de  Marie. 

f.  28, 29. — Discours  de  l'Ange  à  Marie. — Comment  Marie  est  pleine  de  grâces. — 
Comment  le  Seigneur  est  avec  elle.  —  Comment  est-elle  bénie  entre  toutes  les 
femmes? — Trouble  de  la  sainte  Vierge,  quelle  en  fut  la  cause.  —  Sa  prudence. 

ji".  30-33.  — Comment  l'Ange  dissipe  ces  sentiments  de  crainte.  — Comment  Marie 
a-t-elle  trouvé  grâce  devant  Dieu?  —  Nom  de  Jésus.  —  Dans  quel  sens  il  sera 
grand.  — Par  qui  sera-t-il  appelé  le  Fils  du  Très-Haut?  —  Est-il  inconvenant 
(ju'un  Dieu  habite  dans  un  corps  mortel?  —  Quel  est  le  trône  de  David  sur 
lequel  le  Sauveur  doit  s'asseoir.  —  Quelle  est  la  maison  de  Jacob  sur  laquelle 
il  vdoit  régner.  —  Nature  étendue  de  son  règne. 

>'•.  34,  35.  — Sagesse  de  la  question  que  Marie  fait  à  l'Ange.  —  Cette  question 
preuve  certaine  de  sa  virginité  dans  le  mariage.  —  Comment  l'Ange  lève  le 
doute  de  la  Vierge.  —  Dans  quel  sens  le  Saint-Esprit  est-il  l'auteur  de  la  con- 
ception du  Fils  de  Dieu?  —  Comment  le  corps  du  Sauveur  a  été  formé  dans 
le  sein  de  Marie.  —  Sainteté  de  Jésus  bien  supérieure  à  la  nôtre.  —  Toute  la 
Trinité  intervient  dans  le  mystère  de  l'Incarnation. 

y.  36-38.  —  Pom-quoi  l'Ange  au  lieu  d'exemples  anciens  cite  à  la  Vierge 
l'exemple  d'Elisabeth.  —  Comment  Marie  est-elle  à  la  fois  cousine  d'Elisabeth 
et  de  la  maison  de  David? — Toute-puissance  de  Dieu,  en  quoi  consiste-t- 
elle?  —Profonde  humilité  de  Marie. 

^.  39-46. Motif  qui  pousse  Marie  à  visiter  sa  cousine  Elisabeth.  — Exemple 

qu'elle  donne  aux  vierges  et  aux  femmes  chrétiennes.  —  Mystère  du  tressaU- 
lement  de  Jean  dans  le  sein  de  sa  mère.  —  Elisabeth  bénit  la  Vierge  Marie.— 
Pourquoi  le  fruit  de  ses  entrailles  est  béni.  —  Humilité  d'Elisabeth. — Cause 
du  tressaillement  de  Jean-Baptiste,  —Elisabeth  célèbre  la  foi  de  Marie,  et  la 
proclame  bienheureuse.  —  Part  que  nous  pouvons  avoir  à  son  bonheur. 

f,  47. C'est  par  les  femmes  que  la  rédemption  commence  à  s'opérer.  — 

Marie  rend  gloire  à  Dieu,  dans  quel  sens  elle  glorifie,  elle  exalte  le  Seigneur.— 
Le  premier  fruit  de  l'Esprit  saint  la  paix  et  la  joie.  — Comment  nous  pouvons 
participer  à  cette  paix  à  cette  joie. 

y.  48.  —  Cause  de  la  joie  et  des  divins  transports  de  Marie.  —Dieu  a  regardé 
son  humilité.  —  Combien  elle  a  été  profonde.  —  Dans  quel  sentiment  elle 
prédit  ses  destinées  futures. 

y.  49.  _  Véritable  cause  de  sa  grandeur.—  Grandes  choses  que  Dieu  a  opérées 
en  elle. — Dans  quel  sens  le  nom  de  Dieu  est  saitit. 

jir.  fio.  —  La  miséricorde  de  Dieu  s'étendant  à  tous  les  hommes.  — Sur  qui 
s'exerce-t-elle? 

f.  51-53.  — Châtiment  qui  attend  les  orgueilleux.  — Récompense  réservée  aux 
humbles.— Comment  Dieu  a  fait  éclater  la  puissance  de  son  bras.  — Quels 


DE   SAINT   LUC;    CHAP.    I.  3 

sont  les  orgueilleux  qu'il  a  dissipés ,  les  grands  qu'il  a  renversés ,  les  petits 
qu'il  a  élevés,  ceux  qu'il  a  rassasiés,  les  riches  qu'il  a  renvoyés  vides  de  tout 
biens. 

f.  54,  55.  —  Effets  particuliers  du  mystère  de  l'Incarnation. —  Quel  est  l'Israël 
que  Dieu  a  pris  en  sa  protection.  — Véritable  postérité  d'Abraham. 

f.  56. — Pourquoi  Marie  demeura-t-elle  trois  mois  chez  Elisabeth?  — Pourquoi  la 
quitta- t-elle  lorsqu'elle  est  sur  le  point  d'enfanter? 

i.  57,  58.  —  Pourquoi  les  parents  et  les  voisins  d'Elisabeth  viennent-ils  la 
visiter? — La  naissance  des  Saints  sujet  de  joie  publique. 

i\  59-64.  —  Pourquoi  la  loi  de  la  circoncision  fut-elle  donnée  à  Abraham?  — 
Pourquoi  avait-elle  lieu  huit  jours  après  la  naissance  de  l'enfant?  —  Le  nom 
de  Jean  donné  miraculeusement  à  l'enfant  d'Elisabeth.  —  Signification  mysté- 
rieuse de  ce  nom. —  Zacharie  recouvre  l'usage  de  la  parole.  —  Explication 
allégorique  de  la  naissance  de  Jean -Baptiste. 

f.  65,  66   —  Présages  de  la  grandeur  de  Jean-Baptiste. 

>'■.  67,  68. — Cantique  de  Zacharie  — Bonté  miséricordieuse  de  Dieu.  —  Dn;)ble 
objet  de  la  prophétie  de  Zacharie,  —  Comment  Dieu  a  visité  son  peuple. 

y.  69.  —  Comment  il  a  élevé  le  signe  de  salut  dans  la  maison  de  David. 

f.  70.  — Accomplissement  des  prophéties. 

y.  71.  —  Quels  sont  les  ennemis  dont  Dieu  vient  nous  sauver. 

f-  72,  73.  — Dans  quel  sens  Dieu  exerce-t-il  par  là  sa  miséricorde  envers  nos 
pères  ? 

f.  74.  — Dieu  nous  délivre  non-seulement  de  nos  ennemis,  mais  de  tout  senti- 
ment de  crainte. 

f.  75.  — Nous  devons  servir  Dieu  dans  la  sainteté  et  la  justice. 

y.  76. — Pourquoi  Zacharie  adresse-t-il  la  parole  à  son  petit  enfant? 

f.  77,  78. — Quel  doit  être  le  ministère  de  Jean-Baptiste,  et  l'objet  de  sa  mis- 
sion. —  A  quoi  devons-n(  us  la  rémission  de  nos  péchés. 

f.  79. — Ténèbres  que  Jésus-Christ  est  venu  dissiper. — Quelle  est  l'ombre  de 
la  mort  dans  laquelle  les  peuples  étaient  assis? — Quelle  est  la  voie  de  la  paix? 

f.  80.  —  Dans  quel  sens  Jean  croissait  et  se  fortifiait.  —  Pourquoi  se  retire -t-il 
et  reste-t-il  dans  le  désert  jusqu'au  jour  de  sa  manifestation  au  peuple 
d'Israël? 


A  EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 

f.  5-7.  —  Sous  le  règne  d'Hérode,  roi  de  Judée,  il  y  avait  un  prêtre  nommé 
Zacharie,  de  la  classe  d'Abia,  et  sa  femme  aussi,  de  la  race  d'Aaron,  s'appe- 
lait Elisabeth.  Ils  étaieiit  tous  deux  justes  devant  Dieu,  ils  observaient  tous 
les  commandements  et  les  ordonnances  du  Seigneur,  sans  qu'il  y  eut  rien  à 
reprendre  dans  leur  vie.  Ils  n'avaient  point  d'enfant,  parce  qu'Elisabeth  était 
stérile  et  que  tous  deux  étaient  avances  en  âge. 

S.  Chrys.  {Chaîne  des  Pèr.  gr.)  Saint  Luc  commence  son  récit  par 
l'histoire  de  Zacliarie  et  de  la  naissance  de  Jean-Baptiste  ;  préludant 
ainsi  par  le  récit  d'un  moindre  prodige  au  récit  d'un  prodige  plus 
étonnant.  Une  Vierge  devait  être  mère,  la  grâce  nous  prépare  à  ce 
mystère,  en  nous  montrant  une  femme  stérile  devenue  féconde.  Le 
temps  se  trouve  indiqué  par  ces  paroles  :  «  Dans  les  jours  d'Hérode,  » 
et  la  dignité  d'Hérode  par  ces  autres  :  «  Roi  de  Judée.  »  Cet  Hérode 
était  différent  de  celui  qui  mit  à  mort  Jean-Baptiste,  il  était  roi,  tandis 
que  ce  dernier  n'était  que  tétrarque.  —  Bède.  Ce  règne  d'Hérode_, 
qui  était  étranger,  est  une  preuve  de  la  venue  du  Messie.  Il  était 
prédit  en  effet  [Gen.,  xlix)  :  «  Le  sceptre  ne  sortira  point  de  Juda,  ni 
le  prince  de  sa  postérité,  jusqu'à  ce  que  vienne  celui  qui  doit  être 
envoyé.  »  Or,  depuis  la  sortie  d'Egypte,  les  Juifs  furent  gouvernés  par 
des  juges  de  leur  nation,  jusqu'au  prophète  Samuel,  et  ensuite  par 
des  rois  jusqu'à  la  captivité  de  Babylone.  Au  retour  de  la  captivité, 
ce  furent  les  grands-prètres  qui  exercèrent  le  pouvoir  souverain  jus- 
qu'à Hyrcan,  tout  à  la  fois  roi  et  pontife.  Hyrcan  ayant  été  mis  à 
mort  par  Hérode,  César-Auguste  donna  le  royaume  de  Judée  à  ce 


SANCTIM  JESl]  CimiSTl  EVANGEIIUH 


SECUNDUM   LUCAM. 


G  A  P  U  T    P  R I  M  U  M. 

Fuit  in  diebus  Herodis,  Régis  Judœœ ,  Sacerdos 
quidam  nomine  Zacharias,  de  vice  Abia,  et 
uxor  illius  de  filiabus  Aaron ,  et  nomen  ejus 
EHzabeth.  Erant  autem  justi  ambo  ante 
Deum,  incedentes  in  omnibus  mandatis  et  jus- 
tificalionibus  Dominisine  quereln.  El  non  erat 
mis  filins,  eo  quod  esset  EHzabeth  slerilis ,  et 
ambo  processissent  in  diebus  suis. 

CnRYS.  {i7i  Catena  Gro'corum  Patrum 
ex  liomiliis  in  Joan.)  Evangelicae  Dar- 
ralioni?  exordium  a  Zacharia  sumit  et  a 
nativilate  Joaunis  mirum  ante  mirum 
edisserens,  uiinus  aute  majus.  Nam 
quoiiiain  Virgo  paritura  erat,  prœpara- 
vit  gratia  ut  vêtus  prius  conciperet.  {et 


hom.  6,  in  l/c^^^.)  Déclarât  autem  tem- 
pus  cum  dicit  :  «  Fuit  in  diebus  Hero- 
dis, »  et  adjicit  dignitatem  cum  subdit  : 
«  Régis  Judaete.  »  Alius  autem  Herodes 
fuit  qui  Joannem  occidit;  sed  ille  te- 
trarcba  fuit,  liic  autem  rex.  Beda.  Tem- 
pus  autem  Herodis  (alienigente  scilicet 
régis  )  domiuico  attestatur  adventui. 
Preedictum  namque  fuerat  {Gen.,  49)  : 
V  Quia  non  defleiet  princeps  de  Juda, 
neque  dux  de  femore  ejus,  donec  veniat 
qui  mittendus  est.  »  Ex  quo  enim  Pa- 
tres ex  ^Egypto  exierunt,  gentis  suae 
Judicibus  usque  ad  Samuelem  propbe- 
tam,  ac  deinde  Regibus  usqae  ad  trans- 
migrationem  Babyloniœ  regebantur.  Post 
redilum  vero  Babylonice  per  Poutifîces 
rerum  summa  gerebatur  usque  ad  Hyr- 
canum  regem  simul  et  pontificem;  quo 
ab  Hérode  interempto  Judœœ  regnum 
ipsi  Herodi  alienigenae  jussu  Augusti 
Caesaris   traditur  gubernandum  :   cujus 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.   I.  ^ 

dernier  qui  était  étranger  (1);  et  ce  fut  la  trente-unième  année  de  son 
règne  qu'eut  lieu,  selon  la  prophétie  de  Jacob,  l'avènement  de  celui 
qui  devait  venir. 

S.  Ambr.  La  sainte  Ecriture  nous  apprend  que  pour  être  vraiment 
digne  de  louanges,  il  faut  se  rendre  recommandable,  non-seulement 
par  ses  qualités  personnelles,  mais  encore  par  le  mérite  de  ses  parents 
et  par  l'éclat  d'une  vertu  sans  tache  qu'on  a  reçue  d'eux  comme  un 
précieux  héritage.  Aussi  la  noblesse  de  saint  Jean-Baptiste  remonte- 
t-elle  au  delà  de  ses  parents  jusqu'à  ses  ancêtres,  et  tire  tout  son  éclat, 
non  des  dignités  profanes,  mais  d'une  longue  succession  de  piété  et 
de  vertu.  L'éloge  est  donc  complet,  puisqu'il  embrasse  la  race  d'où  il 
descendîtes  vertus  de  ses  parents,  leurs  fonctions,  leurs  actions,  leur 
justice. 

Les  fonctions,  c'étaient  les  fonctions  sacerdotales  :  «  U  y  avait  un 
prêtre  nommé  Zacharie.  »  —  Bède  (2).  Or  saint  Jean  naquit  d'une 
famille  sacerdotale,  afin  qu'il  pvit  annoncer  le  changement  du  sacer- 
doce ancien,  avec  d'autant  plus  de  force^  que  lui-même  était  connu 
pour  appartenir  à  la  race  sacerdotale.  —  S.  Ambr,  L'Evangéliste  dé- 
signe la  race  par  les  ancêtres  en  disant  :  «  De  la  famille  d'Abia,  » 
c'est-à-dire,  d'une  famille  distinguée  entre  les  premières  familles.  — 
BÈDE,  Car  les  princes  du  sanctuaire,  c'est-à-dire,  les  grands-prêtres 
étaient  choisis  parmi  les  enfants  d'Eléazar,  comme  parmi  les  enfants 
de  Thamar,  et  David  avait  partagé  au  sort  en  vingt-quatre  sections, 
les  fonctions  du  ministère  qu'ils  devaient  remplir  dans  la  maison  de 

'I)  Hérode  était  étranger,  malgré  l'opinion  contraire  de  quelques  faux  critiques  qui  s'écartent 
du  sentiment  commun  des  Pères,  et  contredisent  leur  vénérable  autorité  en  cherchant  à  prouver 
par  des  raisons  frivoles,  qu'Herode  était  Juif  d'origine.  J'ai  réfuté  cette  opinion  dans  une  disserta- 
tion spéciale. 

(2)  Cette  homélie  est  intitulée  :  Pour  la  vigile  de  saint  Jean-Baptiste,  et  se  trouve  parmi  les 
homélies  que  Bède  appelle  les  homélies  d'été. 


31  anno  juxta  prophetiam  supradictam, 
qui  miltendus  erat,  advenit. 

Ambr.  Docet  autem  nos  divina  Scri- 
ptura  non  solum  mores  in  his  qui  prfE- 
dicabiles  sunt,  sed  eliam  parentes  opor- 
tere  laudari  ;  ut  veluti  transmissa  ininia- 
culalae  puritatis  hœreditas  in  liis  quos 
volumus  laudnre,  praecellat.  Non  solum 
igitur  a  pàrentibus  sed  etiam  a  majori- 
bus  S.  Joannis  nobilitas  propa^atur  ;  non 
seculari  potestate  sublimis,  sed  relijiionis 
successione  venerabilis.  Pleua  est  igitur 
laudatio,  quae  fienus.  mores,  officium, 
fartum,  judicium  romprehendit. 

Officium  in  sacerdotio  :   unde  dicit  : 


«  Sacerdos  quidam  nomine  Zacharias.  » 
Bed.  [in  homit.)  De  sacerdotali  enim 
prosapia  Joannes  ortus  est,  ut  eo  poten- 
tius  immutationem  sacerdotii  praeconi- 
zaret  (sive  praeconaretur),  quo  Ipsum  ad 
sacerdotale  genus  pertinere  claresceret. 
Ambr.  Genus  autem  comprehendit  in 
majoribus  :  unde  sequilur  :  «  De  vice 
Abia,  »  id  est,  nobilis  inter  superiores 
faniilins.  Beda.  Erant  enim  Principes 
Sanctuarii  (id  est,  suuimi  Sacerdotes), 
lam  de  fîliis  Kleazar,  quant  de  liliis  Tha- 
mar; quorum  vices  secundnm  miuisle- 
ria  sua,  ut  ingrederentur  domum  Dei, 
24   sortibus  David  distinxit;  in  quibus 


6  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

Dieu.  Or,  le  huitième  sort  était  échu  à  la  famille  d'Abia,  de  laquelle 
Zacharie  était  sorti.  Ce  n'est  pas  sans  raison  que  le  premier  héraut  du 
Nouveau  Testament  nait  le  huitième  jour  du  sort,  car  le  nombre  huit 
désigne  quelquefois  le  Nouveau  Testament  à  cause  du  mystère  du 
dimanche  ou  de  notre  résurrection,  comme  le  nombre  sept  signifie 
souvent  l'Aneien  Testament,  à  cause  du  jour  du  sabbat,  —  Théophtl. 
L'Evaugéliste  veut  montrer  que  saint  Jean-Baptiste  descendait  léga- 
lement de  la  race  sacerdotale,  en  ajoutant  :  «  Sa  femme  était  de  la 
race  d'Aaron,  et  elle  avait  nom  Elisabeth ,  »  car  il  n'était  point  permis 
de  prendre  une  femme  dans  une  autre  tribu  que  la  sienne.  Or  Elisa- 
beth signifie  repos  (1),  et  Zacharie,  souvenir  du  Seigneur.  —  Bède. 
Saint  Jean  nait  de  parents  justes,  ainsi  pouvait-il  annoncer  les  pré- 
ceptes de  la  vraie  justice  avec  d'autant  plus  de  confiance  qu'il  ne  les 
avait  pas  appris  comme  une  chose  nouvelle  pour  lui ,  mais  qu'il  les 
avait  gardés  lui-même  comme  un  héritage  qu  il  avait  reçu  de  ses  an- 
cêtres. «  Tous  deux  étaient  justes  devant  Dieu,  »  dit  l'Evangéliste.  — 
S.  Ambr.  Il  comprend  ainsi  sous  le  nom  de  justice  la  sainteté  de  leur 
vie.  Il  ajoute  avec  beaucoup  de  sens  :  «  Devant  Dieu,  »  car  il  peut  ar- 
river que  par  un  vain  désir  de  popularité  on  paraisse  juste  aux  yeux 
des  hommes  sans  l'être  devant  Dieu,  si  par  exemple  cette  justice  ne 
vient  pas  d'une  intention  simple  et  droite,  mais  n'est  qu'un  mensonge 
inspiré  par  le  désir  de  plaire.  C'est  donc  faire  d'un  homme  un  éloge 
complet  que  de  dire  :  il  est  juste  devant  Dieu,  car  on  n'est  vraiment 
parfait  qu'au  témoignage  de  celui  qui  ne  peut  être  trompé.  Saint  Luc 
comprend  les  actes  de  la  vie  dans  l'accomplissement  des  commande- 

(1)  Cette  interprétation  peut  venir  de  celle  de  saint  Jérôme  et  de.  Bède,  d'après  lesquels  Elisabeth 
veut  dire,  septième  de  mon  Dieu  (jour  qui  est  le  jour  du  repos.  I  Ces  mêmes  interprètes  ajoutent 
que  ce  nom  signitie  encore  :  le  Dieu  de  mon  serment,  ou  encore  :  de  mon  abondance. 


faDûiliae  Abia  (de  qua  Zacharias  ortus  est) 
sors  contigit  octava  (I  Parai.,  24.)  Non 
autem  frustra  primus  Novi  Testamenti 
praeco  in  oclavaî  sortis  jure  nascitur  : 
quia  sicut  septenario  srepe  numéro  pro- 
pter  sabbatum  Vetns  Testamentum,  sic 
novum  aliquoties  per  octonarium  propter 
sacramentum  domiuicœ  vel  nostrae  re- 
surrectiouis  exprimitur.  Theoph.  Volens 
etiam  ostendere  quod  legaliter  ex  sacer- 
dotali  génère  erat,  subdit  :  «  Et  uxor 
illi  de  filiabus  Aaron,  et  nomen  ejus 
Elisabeth  :  »  non  enim  permittebatur 
de  alia  tribu  uxorem  accipere,  sed  de 
sua.  Elisabeth  interpretatur  requies.  Za 


Joannes  est  genitus,  ut  eo  confidentius 
justitiœ  prœcepta  populis  daret;  quo 
haec  ipsa  non  quasi  novitia  didicisset, 
sed  velut  baireditario  jure  a  progenito- 
ribus  accepta  servaret  :  unde  sequitur  : 
«  Erant  autem  ambo  justi  ante  Deum.  » 
AiiBR.  Et  sic  mores  in  aequitate  compre- 
bendit.  Bene  autem  dicit  :  «  Ante  Deum  :  » 
fieri  enim  potest,  ut  aliquis  afTectata 
bonitate  populari  justus  videatur  mihi, 
justus  autem  ante  Deum  non  sit  ;  si 
justitia  non  ex  mentis  simplicitate  for- 
metur,  sed  adulatione  simuletur.  Per- 
fecta  igitur  laus  est,  «  ante  Deum  »  jus- 
tum  esse  :  solus  enim  perfectior  est  qui 


charias  vero    memoria  Domini.  Beda.    ab  eo  probatur  qui  non  potest  falli.  Fa- 
[in  hom.  ut  sup.)  Justis  enimparentibu.s  I  ctum  autem  comprehendit  in  mandato, 


DE  SAINT  LUC,   CHAP.   I.  7 

ments,  et  la  justice  dans  l'observation  des  ordonnances.  «  Ils  mar- 
chaient, dit-il,  dans  les  commandements  et  les  ordonnances  du  Sei- 
gneur. 0  Nous  marchons  dans  les  commandements  du  Seigneur, 
lorsque  nous  obéissons  à  ses  divins  préceptes,  et  nous  gardons  ses 
ordonnances,  lorsque  toutes  nos  actions  sont  faites  avec  jugement. 
Or,  nous  devons  avoir  soin  de  faire  le  bien,  non-seulement  devant 
Dieu,  mais  devant  les  hommes  (I),  et  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  : 
«  d'une  manière  irréprochable.  »  La  conduite  est  irréprochable  lors- 
que la  doctrine  et  la  pureté  de  l'intention  viennent  se  joindre  à  la 
bonté  de  l'action,  et  souvent  encore  une  sainteté  trop  austère  devient 
l'objet  des  reproches  du  monde.  —  Orig.  {hom.  2.)  Une  action  juste 
peut  aussi  être  faite  par  des  motifs  qui  ne  le  sont  pas,  par  exemple, 
si  l'on  fait  des  libéralités  par  esprit  d'ostentation,  ce  qui  n'est  pas 
irréprochable. 

a  Et  ils  n'avaient  pas  de  fils,  parce  qu'Elisabeth  était  stérile,  »  etc. 
—  S.  Ghrts.  {Chaîne  des  Pèr.  gr.,  hom.  sur  la  Genèse.)  Elisabeth  ne 
fut  par  la  seule  stérile,  les  épouses  des  patriarches,  Sara,  Rebecca, 
Rachel  (ce  qui  était  un  sujet  de  honte  chez  les  anciens),  l'étaient 
aussi,  et  nous  ne  pouvons  pas  dire  que  leur  stérilité  fût  une  punition, 
puisque  toutes  étaient  justes  et  vertueuses.  Si  donc  Dieu  permit 
qu'elles  fussent  stériles,  c'était  pour  nous  préparer  à  croire  sans  diffi- 
culté le  mystère  d'une  Vierge  qui  enfante  le  Seigneur,  après  avoir 
cru  préalablement  à  la  fécondité  des  femmes  stériles.  —  Théopuyl. 
Dieu  veut  encore  vous  donner  une  autre  leçon,  c'est  que  la  loi  de 
Dieu  demande  beaucoup  plus  la  fécondité  spirituelle  des  enfants  que 
la  fécondité  charnelle;  aussi  voyez-vous  Zacharie  et  Elisabeth  avan- 

(1)  Citation  tirée  de  TEpître  de  saint  Paul  aux  Romains,  cbap.  xii,  17  ,  où  il  fait  cette  recom- 
mandation ;  et  de  la  deuxième  Epître  aux  Corinthiens,  viii,  21  ,  où  il  déclare  qu'il  la  met  en 
pratique. 


in  justificalione ']\iA\c\\ira  :  unde  sequi- 
tur:  «  Incedentes  in  œandalis  et  justifi- 
cationibus  Domini  :  »  cum  eniin  manda- 
tis  cœlestibus  obedimu»,  in  mandatis 
Domini  incediuius  ;  cum  confîi'ue  judi- 
camus,  tenere  Domini  juslilicaliones  vi- 
deuiur.  Providere  autem  oportet  bona 
non  solum  coram  Deo,  sed  etiam  coram 
bominibus  :  unde  seqiiitur:  «  Sine  que- 
rela  :  »  nulia  enim  quyrela  est,  nbi  et 
mentis  bonitas  concordat  et  facti  ;  et 
plerumque  justitiadurior  hominum  qne- 
relam  excitai.  Orig.  {liom.  2.)  Potest 
etiam  aliquid  justum  injuste  fieri,  ut  si 
jactantiae  causa  quis  elargiatur,  quod  non 
est  sine  querela. 


Sequitur:  «  Et  non  erat  illis  filius  eo 
quod  essetElisabellisteriliSjwetc.CHiiYS. 
(in  Col.  Gfacorum  Patrmn  ex  liomiliis 
in  Genesim.)  Non  solum  autem  Elisa- 
beth erat  sterilis,  sed  et  Patriarcliarum 
conjures,  Sara,  Rebecca,  Rachel  (quod 
dedecus  erat  anliquis.)  Non  enim  pos- 
sunius  dicere,  quod  peccali  effectus  es- 
set  sterilitas  ;  cuncti  jusli,  cuncti  vir- 
tuosi  :  hύ  autem  fuit  slerilitatis  causa, 
ut  cum  videris  virpinem  parientem  Do- 
minum,  non  sis  incredulus  exercitans 
menteni  tuam  in  alvo  steriUum.  Theoph. 
Et  ut  etiam  tu  addisceres  quod  lex  Dei 
raultiplicationem  filiorum  non  appétit 
corporalemj  sed  magis  spiritualem,  pro- 


8  EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 

ces  dans  la  vie,  beaucoup  moins  selon  le  corps  que  selon  l'esprit, 
disposant  des  degrés  dans  leur  cœur  (1),  regardant  leur  vie  comme 
un  jour  brillant  et  non  comme  une  nuit  ténébreuse,  et  marcbant  dans 
la  décence  comme  durant  le  jour. 

y.  8-10.  —  Or  il  arriva  que  Zacharie  s'acquittant  devant  Dieu  des  fonctions 
sacerdotales  dans  le  rang  de  sa  classe,  il  lui  échut  par  le  sort,  selon  la  cou- 
tume observée  entre  les  prêtres,  d'entrer  dans  le  temple  du  Seigneur  pour  y 
offrir  de  l'encens.  Et  toute  la  multitude  du  peuple  était  dehors  en  prière  à 
l'heure  de  l'encens. 

BEDE.  Dieu  avait  établi  par  Moïse  un  seul  graud-prètre  ;  à  sa  mort  un 
autre  devait  le  remplacer  par  ordre  de  succession.  Cette  loi  fut  observée 
jusqu'au  règne  de  David  qui,  par  l'inspiration  de  Dieu,  en  institua 
plusieurs.  Voilà  pourquoi  l'Evangéliste  nous  dit  que  Zacharie  rem- 
plissait en  son  rang  les  fonctions  du  sacerdoce  :  «  Or  Zacharie  remplis- 
saut  sa  fonction  de  prêtre  devant  Dieu  dans  L^  rang  de  sa  famille,  il 
arriva  par  le  sort,  selon  ce  qui  s'observait  entre  les  prêtres,  »  etc.  — 
S.  AiiBR.  Zacharie  nous  parait  ici  désigné  comme  grand-prêtre  (2*), 
car  le  grand-prètre  seul  pouvait  entrer  une  seule  fois  l'année  dans  le 
second  sanctuaire,  non  sans  y  porter  du  sang  qu'il  offrait  pour  ses 
propres  péchés  et  pour  ceux  du  peuple  (3).  —  Bède.  Ce  ne  fut  point 
une  nouvelle  élection  du  sort  qui  le  désigna  au  moment  où  il  fallait 

(1)  Allusion  au  Psaume  lxxxv,  6  :  «  II  a  disposé  des  degrés  dans  son  cœur,  o  et  à  ces  paroles 
de  saint  Paul,  Epitre  aux  Romains,  xiii,  12  :  «  La  nuit  a  précédé,  le  jour  s'approche,  «  d'où  il  con- 
clut :  "  Marchons  dans  la  décence  comme  dans  le  jour,  »  et  dans  la  première  Epitre  aux  Thessa- 
loniciens,  v,  25  :  n  Nous  ne  sommes  pas  enfants  de  la  nuit,  »  etc. 

(2*'  Le  sentiment  le  plus  communément  suivi,  le  plus  fondé  en  raison,  et  le  plus  conforme  aux 
données  du  texte  sacré,  c'est  que  Zacharie  n'était  point  grand-prètre,  mais  un  simple  prêtre  appelé 
par  le  sort  à  offrir  l'encens  sur  l'autel  des  parfums. 

(3)  Citation  tirée  de  l'Epître  aux  Hébreux,  ix,  8,  où  saint  Paul  rappelle  les  prescriptions  de  la 
loi  Exode,  xxx,  10;  Lev.,  xvi,  2.  Ce  que  Bède  ajoute  sur  l'offrande  des  parfums,  est  indiqué  au 
chap.  XVI,  du  Lévitique,  vers.  2,  12,  17,  19. 


cesserant  arnbo  non  solum  secundum 
corpus,  sed  secundum  spiritum  ;  ascen- 
siones  in  corde  ponentes,  et  vitam  suam 
ut  diem  non  ut  noctem  habentes,  et  quasi 
in  die  honeste  ambulantes. 

Factura  est  autem  cura  sacerdotio  funyeretur 
Zacharias  in  ordine  vtcis  suœ  ante  Deum,  se- 
cundum consuetudinem  sacei'dotii,  sorte  exiit 
ut  incensum  poneret ,  ingressus  in  templum 
Doraini.  El  omnis  raullitudo  popuU  erat  orans 
foris  hora  incensi. 

Beda.  Per  Moysen  Dominus  unum 
conélituit  summum  Sacerdotem  .  cui 
mortuo  alium   per  oïdinem   succedere 


jussit  ;  et  hoc  usque  ad  David  tempora 
servatum  es?  a  quo  plures  fieri  Domino 
aorente  decretum  est  :  unde  nunc  Zacha- 
rias in  ■  ordine  vicis  siise  sacerdotio 
functus  esse  asseritur ,  cum  dicitur  : 
«  Factum  est  autem  cum  sacerdotio 
fungeretur  Zacharias  in  ordine  vicis  suse 
ante  Deum,  secundum  consuetudinem 
sacerdotii,  sorte  exiit,  »  etc.  Ambr.  Vi- 
detur  autem  hic  Zacharias  summus  de- 
signari  sacerdos  ;  quia  semel  in  anno 
solus  summus  Sacerdos  in  secundum 
sanctuarium  intrabat,  non  sine  sanguine 
quem  offerret  pro  se  et  pro  populi  de- 
lictis.  Bed.  IS'on  autem  nunc  nova  sorte 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    I.  9 

offrir  les  parfums,  c'était  d'après  l'ordre  établi  anciennement,  qu'il 
remplissait  les  fonctions  du  sacerdoce  dans  le  rang  de  la  famille 
d'Abia.  «  Cependant  toute  la  multitude  du  peuple,  »  etc.  Aux  termes  de 
la  loi,  le  pontife  devait  présenter  l'encens  dans  le  saint  des  saints,  le 
dixième  jour  du  septième  mois,  pendant  que  tout  le  peuple  attendait 
hors  du  temple,  et  ce  jour  devait  être  appelé  le  jour  de  l'expiation 
ou  de  propitiation.  L'Apôtre  expliquant  aux  Hébreux  le  mystère  de  ce 
jour,  leur  montre  Jésus,  pontife  véritable,  pénétrant  avec  son  propre 
sang  dans  les  secrètes  profondeurs  des  cieux,  pour  nous  rendre  propice 
Dieu  son  Père,  et  intercéder  pour  les  péchés  de  ceux  qui  attendent 
encore  en  priant  à  la  porte  du  ciel. 

S.  Ambr.  Zacharie  est  ce  grand-prètre  désigné  par  le  sort,  parce 
que  le  véritable  grand-prètre  est  encore  inconnu,  car  celui  qui  est 
choisi  au  sort  ne  doit  point  son  élection  au  suffrage  des  hommes.  Le 
grand-prètre  était  donc  demandé  au  sort,  et  il  était  la  figure  d'un 
autre,  c'est-à-dire,  du  grand-prètre  véritable  et  éternel  qui  devait 
réconcilier  le  genre  humain  avec  Dieu  son  Père,  non  par  le  sang  des 
victimes,  mais  par  sou  propre  sang.  Alors  c'était  par  ordre  de  famille 
que  les  prêtres  se  succédaient,  maintenant  le  sacerdoce  est  éternel. 

f.  H-14.  —  Et  un  ange  du  Seigneur  lui  apparut,  debout  à  la  droite  de  l'autel 
de  l'encens.  Zacharie  en  le  voyant  fut  troublé,  et  la  crainte  le  saisit.  Mais 
l'nnge  lui  dit  :  Ne  craignez  point,  Zacharie,  parce  que  votre  prière  a  été 
exaucée;  Elisabeth,  votre  femme ,  vous  doyinera  un  fils  que  vous  appellerez 
Jean.  Il  sera  pour  vous  un  sujet  de  joie  et  d'allégresse,  et  beaucoup  se  réjoui- 
ront de  sa  naissance. 

S.  Ghrys.  {hom.  2  sur  l'incompréhens.  natur.  de  Dieu.)  Zacharie 


electus  est  cum  incensum  esset  adolen- 
dum,  sed  prisca  sorte  cum  ex  ordine 
sui  pontificatus  in  vicem  Abia  succede- 
ret.  Sequitur  :  «  Et  omnis  multitude 
populi,  »  etc.  Incensum  in  sancta  sancto- 
rum  a  Pontiûce  deferri^  expectante  foris 
templum  omni  populo,  decimo  die  se- 
ptinii  mensià  est  jussum,  et  hanc  diem 
expiationis  sive  propifiattonis  vocari; 
cujus  diei  mysterium  Aposlolus  ad  He- 
braeos  pandens  {cap.  9),  Jesuni  ostendit 
Poutiflcem  esse  veruni,  qui  in  sanguine 
proprio  crnii  secrela  subiit,  ut  propitiuni 
nobis  faceret  Patrem,  et  interpellaret 
pro  peccalis  eorinn  qui  adliuc  prae  fo- 
ribus  orantesexpectaut. 

Ambr.  Hii-  est  autem  ille  summus  Sa- 
cerdos  qui  adhuc  sorte  quaeritur,  quia 
verus  adhuc  ignoratur  :  qui  eniui  sorte 


eligitur,  humano  judicio  non  compre- 
henditur.  Ille  igitur  quaerebatur,  et  alius 
figurabatur  verus  in  seternum  sacerdos, 
qui  non  hostiarum  cruore  sed  proprio 
Patrem  Deum  generi  reconciliaret  hu- 
mano :  lune  quidem  vices  erant,  nunc 
autem  perpetuitas. 

Apparuit  autem  illi  Anyelus  Domini,  stans  a 
dextris  altaris  incensi.  Et  Zacharias  turbalus 
est,  videns  ;  et  timnr  irruit  super  eum.  Ait  au- 
tem ad  Ulum  Angélus  :  Ne  timeas,  Zacharia, 
i/uoniam  exaudùa  est  deprecalio  tua,  et  uxor 
tua  Elisabeth  pariet  tibi  filium  ;  et  vocabis 
nom'in  ejus  Joannem ;  et  erit  yaudium  tibi,  et 
exultatio;  et  multi  in  ejus  natiuitate  gaude- 
bunt. 

Chrys.  (hom.  2.  de  incomprehensibtli 
bei    nutura.)    Ingressus    Zacharias   in 


10 


EXPLICATION  DE   L  EVANGILE 


étant  entré  dans  le  temple  pour  offrir  à  Dieu  les  prières  de  tout  le 
peuple,  comme  médiateur  entre  Dieu  et  les  hommes,  vit  l'ange  de- 
bout dans  le  sanctuaire  :  «  Et  l'ange  du  Seigneur  lui  apparut.  »  L'ex- 
pression :  «  Il  lui  apparut,  »  est  très-juste,  puisque  Zacliarie  l'aperçut 
tout  à  coup,  et  c'est  ainsi  que  l'Ecriture  s'exprime  lorsqu'elle  parle  de 
Dieu  ou  des  anges  ;  les  choses  que  l'on  voit  sans  y  être  préparé ,  elle 
dit  qu'elles  apparaissent  (1).  En  effet,  on  ne  voit  pas  de  la  même  ma- 
nière les  choses  sensibles  et  celui  dont  la  nature  est  invisible,  et  qui  ne 
se  découvre  que  lorsqu'il  le  veut.  —  Orig.  {hom.  3.)  Cette  vérité  s'ap- 
plique, non-seulement  au  temps  présent,  mais  au  siècle  futur;  lorsque 
nous  sortirons  de  ce  monde,  Dieu  et  les' anges  n'apparaîtront  pas  à  tous 
les  hommes,  mais  seulement  à  ceux  qui  auront  le  cœur  pur.  Quant 
au  lieu,  il  ne  peut  être  ni  utile  ni  nuisible  à  personne.  —  S.  Chrys. 
{Chaîne  des  Pères  grecs.)  Cette  apparition  fut  sans  obscurité  et 
différente  de  celles  qui  ont  lieu  dans  le  sommeil;  il  s'agissait  d'un 
événement  extraordinaire,  il  fallait  donc  une  vision  évidente  et  cer- 
taine. —  S.  Jean  Damasg.  {de  la  foi  orthod.,  lib.  ii.)  Les  anges  cepen- 
dant n'apparaissent  pas  aux  hommes  dans  leur  propre  nature,  mais 
ils  revêtent  pour  se  rendre  visibles,  la  forme  que  Dieu  lui-même  a 
déterminée.  —  S.  Bas.  {Chaîne  des  Pèr.  gr.)  Il  dit  :  «  A  la  droite  de 
l'autel  de  l'encens,  »  parce  qu'il  y  avait  un  autre  autel  réservé  pour  les 
holocaustes.  —  S.  Amb.  C'est  par  une  raison  pleine  de  mystère  que 
l'ange  apparaît  dans  le  temple,  il  venait  annoncer  la  venue  du  véri- 
table grand-prêtre,  et  Dieu  préparait  déjà  le  sacrifice  céleste  dont  les 

(1)  C'est-à-dire  ce  que  l'on  aperçoit  tout  à  coup  sans  qu'on  ait  pu  le  prévoir  comme  l'ajoute 
saint  Ambroise,  c'est  dans  ce  sens  que  la  Genèse  dit  que  «  Dieu  apparut  à  Abraham  près  du  cbène 
de  Mambré,  »  parce  qu'il  se  manifesta  tout  à  coup  et  comme  à  l'improviite.  Ce  que  saint  Thomas 
donne  plus  bas  sous  le  nom  de  saint  Basile  vient  de  Théophylacte. 


templum,  ut  preces  ferret  pro  cunctis 
ad  Deum  quasi  Dei  et  hominum  media- 
tor,  vidit  Angelum  intus  stautem  :  unde 
dicitur  :  «  Apparuit  autem  illi  Angé- 
lus, »  etc.  Amer.  Bene  apparaisse  dicitur 
ei  qui  eum  repente  conspexit  ;  et  hoc 
specidliter  aul  de  angelis  aut  de  Deo 
Scriptura  divina  tenere  consuevit,  ut 
quod  non  potest  prcevideri,  apparere 
dicatur  :  non  enim  similiter  seusibilia 
videntur,  et  is  cujus  in  voluntale  situm 
est  videri,  et  cujus  naturae  est  non  vi- 
deri.  Orig.  {hom.  3)  Et  hoc  non  tantum 
in  prœsenti  seculo  dicinius,  sed  in  futuro  : 
cum  migraverimus  a  niundo,  non  om- 
nibus vel  Deus  vel  angeli  apparebunt, 
sed  ille  tantum   videbit,  qui  mundum 


habuit  cor.  Locus  autem  nec  nocere  po- 
terit  quemquam,  nec  juvare.  Chrys. 
{in  Cat.  Grœcorum  ubi  sitp.,  ex  hom. 
4,  in  Matlh.)  Manifeste  autem  apparuit 
non  in  soumis  :  eo  ([uod  nimis  arduum 
annuntiabatur  :  unde  manifestiori  et  mi- 
rabiliori  visioue  egebat.  Damasc.  {de 
Fide  orth.,  lib.  ii,  cap.  2.)  Tameuaugeli 
non  ut  suut,  bominibus  patefiunt  ;  sed 
transfigurati  (prout  possunt  visores  as- 
picerej  in  quodcunque  jusserit  Domi- 
nus.  Basil.  }in  Cat.  Grxcorum  ubi  sup.) 
Dicit  autem  :  «  Altaris  iucensi,  »  eo  quod 
alterum  erat  altare  deputatuni  ad  holo- 
causta.  Ambr.  Non  immerito  autem  An- 
gélus videlur  in  templo,  quia  veri  Sa- 
cerdotis    auuuntiabatur  jam  adventus; 


DE  SAINT   LUC,   CHAP.    I.  H 

anges  eux-mêmes  sont  les  ministres,  car  nous  ne  devons  pas  douter  de 
la  présence  des  anges  au  sacrifice  où  Jésus-Christ  est  immolé.  Il  ap- 
parut à  droite  de  l'autel  de  l'encens,  parce  qu'il  apportait  le  signe  de 
la  miséricorde  divine  :  «  Le  Seigneur  est  à  ma  droite,  afin  que  je  ne 
sois  pas  ébranlé.  »  {Ps.  xv). 

S.  Chrys.  {hom.  2,  sur  l'incompr.  nat.  de  Dieu.)  L'homme,  quelque 
juste  qu'il  soit,  ne  peut  voir  apparaître  un  ange  sans  éprouver  un  sen- 
timent de  crainte,  aussi  Zacharie  ne  pouvant  ni  supporter  l'aspect  de 
l'ange,  ni  soutenir  l'éclat  qui  l'environne,  se  trouble  :  «  Et  Zacharie 
fut  troublé.  »  Lorsque  le  conducteur  d'un  char  s'épouvante  et  aban- 
donne les  rênes,  les  coursiers  s'emportent,  et  le  char  se  renverse  ; 
ainsi  en  est-il  de  l'àme,  toutes  les  fois  qu'elle  est  sous  le  poids  de  la 
crainte  ou  de  l'inquiétude  :  «  Et  la  frayeur  le  saisit,  »  ajoute  l'Evan- 
géliste.  —  Orig,  {hom.  àt.)  Une  forme  nouvelle  vient-elle  à  s'offrir  aux 
regards  de  l'homme,  elle  jette  le  trouble  dans  son  esprit  et  l'effroi 
dans  son  âme;  aussi  Fange  qui  connaît  cette  disposition  de  la  nature 
humaine,  cherche  d'abord  à  calmer  cet  effroi  :  «  Mais  l'ange  lui  dit  : 
Ne  craignez  point,  »  etc.  —  S.  Athan.  {vie  de  S.  Ant.)  Voici  donc  un 
moyen  facile  de  distinguer  les  bons  esprits  des  nrauvais;  si  la  joie 
succède  à  la  crainte,  c'est  un  indice  certain  de  l'intervention  divine; 
car  la  paix  de  l'âme  est  un  signe  et  comme  un  fruit  de  la  présence  de 
la  majesté  divine,  mais  si  la  frayeur  qu'on  a  éprouvée  persévère,  c'est 
l'ennemi  du  salut  qui  en  est  la  cause. 

Orig.  Il  ne  se  contente  pas  de  calmer  son  effroi,  mais  il  lui  apprend 
une  nouvelle  qui  le  comble  de  joie  :  «  Votre  prière,  lui   dit-il,  a  été 


et  cœleste  sacriCcium  parabatur,  in  quo 
angeli  ministrarent  :  non  enim  dubites 
assistera  angelum  quando  Christus  im- 
molatur.  Apparuit  autera  a  dextris  altaris 
incensi,  quia  divin*  insigne  misericor- 
diae  deferebat  :  Dominus  enim  a  dextris 
est  raihi,  ne  commovear.  (Psal.  13.) 

Chuys.  (Iiom.  2,  de  incomprehensibili 
Dei  natura,  ubi  sup.)  Non  potest  autem 
homo,  quantunicunque  sit  justus,  abs- 
que  timoré  cernere  Angelum  :  unde  et 
tune  Zacliarias  aspectum  non  tolerans 
prœsenticE  Angeli,  nec  fulgorem  illum 
valens  sufferre ,  turbatur  :  et  boc  est 
quod  subditur  :  «  Et  Zacliarias  turbatus 
est,  ))  etc.  Sicut  autem  auriga  perter- 
rito,  loraque  dimittentc,  currunt  equi 
prœcipites,  totaque  quadrigapervertitur, 
sic  accidere  consuevit  animse,  quoties 
ab  aliquo  stupore   vel  solliciludiae  de- 


primitur  :  unde  et  hic  subditur  :  «  Et 
timor  irruit  super  eum.  »  Orig.  {hom. 
4.)  Novaquippe  faciès  humanis  se  obLu- 
tibus  praebens,  turbat  mentem  animum- 
que  consternât  :  unde  Angélus  sciens 
banc  luimanam  esse  naturam,  primum 
perturbalioni  medetur  :  nani  sequitur  : 
«  Ait  autem  ad  illum  Angélus  :  Ne  ti- 
meas,  »  etc.  Atuan.  (in  Yila  Antonii.) 
Unde  non  difficilis  est  bonorum  spiri- 
tuum  malorumque  discretio  :  si  enim 
post  timorem  successerit  gaudium,  a 
Domino  venisse  sc'iamus  auxilium  ;  quia 
securitas  animœ  praesentis  majestalis  in- 
dicium  est  :  sicut  autem  incussa  formido 
permanserit,  bostis  est  qui  videtur. 

Orig.  {ut  sup.)  Non  soUun  autem  tre- 
pidantem  refocillat,  sed  etiam  novo  Ise- 
tificat  nuntio,  subdens  :  «  Quoniam 
exaudita  est  deprecatio  tua  ;  et  uxor  tua 


42 


EXPLICATION    DR   L  EVANGILE 


exaucée,  et  Elisabeth,  votre  épouse,   enfantera,  »  etc.  —  S.  Aug. 
{Quest.  évang.,\iy.  n,  q.  1  .)Remar(]uons  ici  toutd'abord,  qu'il  n'est  point 
vraisembla])lc  qu'au  moment  où  il  offrait  le  sacrifice  pour  les  péchés  du 
peuple  ou  pour  son  salut  et  sa  rédemption;  Zacharie,  ce  vieillard, 
dont  la  femme  était  avancée  en  âge,  ait  prié  Dieu  de  lui  accorder  des 
enfants,  car  personne  ne  songe  à  demander  dans  ses  prières  ce  qu'il 
n'a  aucune  espérance  d'obtenir.  Or  Zacharie  avait  si  peu  l'espérance 
d'avoir  des  enfants  qu'il  refuse  de  croire  à  la  promesse  de  l'ange.  Ces 
paroles  donc  :  «  Votre  prière  a  été  exaucée,  doivent  s'entendre  de  la 
prière  qu'il  faisait  pour  le  peuple.  Mais  comme  le  salut,  la  rédemption 
de  ce  peuple  et  la  rémission  des  péchés  devaient  avoir  lieu  par  Jésus- 
Christ;  l'ange  annonce  de  plus  à  Zacharie  qu'il  lui  naîtrait  un  fils  des- 
tiné à  être  le  précurseur  du  Christ,  —  S.  Chrys.  {comme  jirécéd.)  Ou 
bien  pour  preuve  que  sa  prière  est  exaucée,  il  lui  prédit  la  naissance  d'un 
fils  qui  devait  un  jour  proclamer  :  «  Voici  l'Agneau  de  Dieu,  »  etc.  — 
Théophyl.  a  cette  question  secrète  de  Zacharie  :  comment  serai-je  as- 
suré de  cette  promesse?  l'ange  répond  :  En  voyant  Elisabeth  devenir 
mère  d'un  fils,  vous  ne  pourrez  douter  que  les  péchés  du  peuple  ne 
soient  remis.  —  S.  Ambr.  Ou  bien  encore,  la  plénitude  et  l'abondance 
sont  les  caractères  des  bienfaits  de  Dieu,  ils  ne  sont  point  renfermés 
dans  d'étroites  limites,  mais  ils  embrassent  dans  leur  abondance  tous 
les  biens  réunis;  ainsi  l'ange  annonce  d'abord  à  Zacharie  l'heureux 
effet  de  sa  prière,  puis  il  lui  prédit  que  sa  femme,  jusqu'alors  stérile, 
lui  donnerait  un  fils  dont  il  indique  le  nom  par  avance  :  «  Vous  lui 
donnerez  le  nom  de  Jean,  »  etc. 

BEDE.  C'est  toujours  une  preuve  de  mérite  extraordinaire  que  Dieu 
lui-même  impose  un  nom  aux  hommes,  ou  bieu  change  celui  qu'ils 


Elisabeth  pariet,  »  etc.  Aug.  (de  Quœst. 
Evanrj.,  lib.  ii,.  quœst.  1.)  Ubi  primo 
hoc  attendenduQi  est,  quia  non  est  veri- 
simile,  ut  cum  pro  peccatis  populi  vel 
salute,  vel  redemptione,  sacrificium  ille 
offerret,  potuerit  publicis  votis  relictis 
homo  senex  uxorem  habens  auum,  pro 
accipiendis  filiis  orare  ;  prjesertim  vero 
quia  nemo  orat  accipere,  quod  se  acce- 
pturum  esse  desperat.  Usque  adeo  autem 
ille  jam  se  habiturum  filios  desperabat, 
ut  hoc  Ancçelo  proinittenti  non  crederet. 
Eriïo  quod  ei  dicitur:  «  Exaudita  est  de- 
precalio  tua,  »  pro  populo  iutelligeudum 
est;  cujus  populi  quoniam  salus  et  re- 
demptio  et  peccatorum  abolitio  per 
Christum  futura  erat,  adhuc  nuntiatur 
Zachariœ  nasciturus  filius,  quia  Prsecur- 
sor  Christi  destinabatur,  Chrys.  {de  in- 


cornprehensihili  Dei  natura,  ubi  siip.) 
Vel  quod  exaudita  sit  ejus  deprecatio, 
probat  per  hoc  quod  gignendus  erat  ei 
filius,  clamans  :  «  Ecce  Agnus  Dei,  »  etc. 
Théophyl.  Quasi  ipso  dicente  :  «  Unde 
erit  mihi  hoc  manifestum  ?  »  ait  Angé- 
lus :  Ex  hoc  quod  Elisabeth  pariet,  credes 
quod  peccata  populo  sunt  remissa.  Ambr. 
Vel  aUter  :  Plena  semper  et  redimdan- 
tia  sunt  divina  bénéficia,  non  exiguo 
constricla  munere,  sed  uberi  bonorum 
coacervata  congestu  ;  ut  hic,  ubi  primum 
precationis  fructus  promittitur  deiade 
sterilis  partus  uxoris,  cujus  nomen  prae- 
nuntiat  subdens:  «  Et  vocabis  nomen 
ejus  Joannem,  »  etc. 

Bed.  Singularis  meriti  iudicium  datur, 
quoties  hominibus  a  Deo  vel  imponitur 
nomen,  vel  mutatur.  Chrys.  (,sup.  Joan., 


DE   SAINT   LUC,   CHAP.    I. 


13 


portaient.  —  S.  Chrys.  Remarquons  aussi  que  les  liommes  qui  de- 
vaient donner  dès  leur  plus  tendre  jeunesse  des  signes  d'une  vertu 
éclatante,  ont  reçu  dès  lors  leur  nom  du  ciel,  tandis  que  ceux  dont  la 
vertu  ne  devait  se  manifester  que  dans  le  cours  de  leur  vie,  n'ont  reçu 
ce  nom  que  plus  tard  (1).  —  Bède.  Or  Jean  signifie,  qui  a  la  grâce, 
ou  grâce  du  Seigneur.  Ce  nom  présage  la  grâce  que  Dieu  faisait  à  ses 
parents  en  leur  donnant  un  fils  dans  leur  extrême  vieillesse,  à  Jean 
lui-même  qui  devait  être  grand  devant  Dieu,  enfin  aux  enfants  d'Is- 
raël qu'il  devait  convertir  au  Seigneur;  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  : 
«  Vous  en  serez  dans  la  joie  et  dans  le  ravissement.  »  —  Orig.  En  effet, 
lorsqu'un  juste  vient  au  monde,  les  auteurs  de  sa  naissance  se  ré- 
jouissent, tandis  que  la  naissance  d'an  enfant  qui  semble  prédestiné  à 
la  prison  et  à  l'échafaud,  jette  ceux  qui  lui  ont  donné  le  jour  dans 
la  consternation  et  l'abattement'.  —  S.  Ambr.  Les  saints  ne  sont  pas 
seulement  la  joie  et  la  consolation  (2)  de  leurs  parents,  mais  encore  le 
salut  d'un  grand  nombre  :  «  Plusieurs,  ajoute  l'ange,  se  réjouiront  de 
sa  naissance.  »  Apprenons  ici  à  nous  réjouir  de  la  naissance  des  saints; 
que  les  parents  apprennent  à  en  rendre  grâces  à  Dieu,  car  c'est  une 
grâce  insigne  que  Dieu  leur  fait,  lorsqu'il  leur  donne  des  enfants  des- 
tinés à  perpétuer  leur  race  et  à  recueillir  l'héritage  de  leurs  biens. 

%  15-17.  —  Car  il  sera  grand-devant  le  Seigneur  ;  il  ne  boira  point  de  vin  ni 
rien  de  ce  qui  peut  enivrer,  et  il  sera  rempli  du  Saint-Esprit  dès  le  ventre  de 
sa  mère.  Il  convertira  plusieurs  des  enfants  d'Israël  au  Seigneur  leur  Dieu, 

(1)  C'est  ainsi  que  Jésus-Christ  donna  à  Pierre  un  nouveau  nom,  lorsqu'il  lui  dit  :  «  Tu  seras 
appelé  Céphas,  ce  qui  veut  dire  Pierre,  n 

(2)  Le  mot  grâce  veut  dire  ici  consolation,  joie,  bonheur,  quoi  qu'on  puisse  aussi  lui  donner  la 
signiTication  de  grâce  en  ce  sens  que  c'est  un  bienfait  insigne  de  Dieu  pour  des  parents  de  donner 
le  jour  à  un  saint. 


homil.  18.)  lUud  quoque  oportet  expri- 
mere,  quoniain  in  quibus  ab  ipsa  tene- 
ritate  infantia;  virtus  refulgerc  debebat, 
a  principio  divinilus  sumebant  nomina  : 
his  vero  qui  postea  dcbebant  excres- 
cere,  nomen  postea  imponebatitr.  Beda. 
Joannp.s  ergo  interprelatur  «in  quo  gra- 
lia,  »  vel  «  Domini  gratia,  »  quo  nouiine 
declaratur  primo  parentibus  ejus  gra- 
tiani,  quibus  decrepitis  nasccrelur  filins, 
esse  donalaui  ;  deinde  ipsi  Joanni  qui 
magnus  coram  Domino  erat  fulurus  ; 
postremo  eliam  iiliis  Israël  quos  ad  Do- 
niinum  erat  convcTsurus  :  uiule  seqiii- 
tur  :  «  Et  eritgaudium  libi  et  exullatio.» 
Ork;.  [homil.  4,  utsup.)  Quando  enim 
justus  oritnr  in  niiindo,  ministri  nativi- 


tatis  ejus  lœtantur  ;  quando  vero  ille 
nascitur,  qui  quasi  ad  pœnas  et  ergastu- 
luni  relegatur,  minister  consteruitur  et 
concidit.  Ambr.  Sanctus  autem  non  so- 
luiu  parentuni  gratia,  sed  etiam  salus 
est  plurimorum  :  unde  sequilur  :  «  Et 
multi  in  nalivitate  ejus  gaudebant.  » 
Admonemur  hoc  loco.sanctorum  gene- 
ralione  laHari ,  admoneulur  parentes 
gralias  agere  :  non  enim  médiocre  mu- 
nus  est  Dei,  dare  liberos  propagatores 
geuerjs,  successioqis  hœredes. 

Erit  enim  magnus  coram  Domino,  et  vinum  et 
siceram  non  bibet,  et  Spiritu  sancto  replebitur 
adhuc  ex  utero  matris  suce,  et  multos  filiorum 
Israël  convertet  ad  Dominum  Deum  ipsorum. 
Et  ipsp  prœceilet  ante  illum  in  spiritu  et  vir- 


u 


EXPLICATION   DR   l'ÉVANGTLE 


et  il  marchera  devant  lui  dans  l'esprit  et  dans  la  vertu  d'Elie,  pour  réunir 
les  cœurs  des  pères  avec  leurs  enfants  et  rappeler  les  désobéissants  à  la  pru- 
dence des  justes,  pour  préparer  au  Seigneur  un  peuple  parfait. 

S.  Amb.  Après  avoir  annoncé  que  la  naissance  de  Jean  serait  pour 
plusieurs  un  sujet  de  joie,  l'ange  prédit  la  grandeur  de  sa  vertu  :  «  Il 
sera  grand  devant  le  Seigneur,  »  etc.  Il  n'est  point  ici  question  de  la 
grandeur  du  corps,  mais  de  la  grandeur  de  l'âme.  Or,  devant  Dieu, 
la  grandeur  de  l'âme  n'est  autre  que  la  grandeur  de  la  vertu.  — 
Théophyl.  Il  en  est  beaucoup  â  qui  l'on  donne  le  nom  de  grands, 
mais  c'est  devant  les  hommes  ,  et  non  pas  devant  Dieu  ,  tels  sont  les 
hypocrites  (I).  Les  parents  de  Jean,  au  témoignage  de  l'Evangéliste, 
étaient  eux-mêmes  justes  devant  Dieu.  —  S.  Ambr.  Jean  n'a  point 
reculé  les  frontières  d'un  empire ,  il  n'a  point  moissonné  de  lauriers 
à  la  suite  d'une  glorieuse  victoire  ;  mais  il  a  fait  plus,  il  a  prêché  dans 
le  désert,  il  a  foulé  aux  pieds  les  délices  du  monde,  et  la  mollesse  des 
plaisirs  des  sens  par  l'étonnante  austérité  de  sa  vie.  «  Il  ne  boira,  dit 
l'ange,  ni  vin,  ni  aucune  liqueur  enivrante.  — Bède.  Le  mot  cervoise 
signifie  ivresse,  et  les  Hébreux  s'en  servent  pour  désigner  toute  boisson 
qui  peut  enivrer,  qu'elle  soit  extraite  de  pommes,  de  grains  ou  d'une 
autre  matière.  Or,  la  loi  (2)  prescrivait  aux  Nazaréens  de  s'abstenir 
de  vin  et  de  toute  liqueur  enivrante  pendant  tout  le  temps  de  leur 
consécration  ;  c'est  pourquoi  Jean  et  d'autres  ,  favorisés  d'une  sem- 
blable grâce,  se  sont  interdit  pour  toujours  ces  boissons,  afin  de  de- 
meurer toujours  nazaréens,  c'est-à-dire  saints.  Il  n'est  pas  convenable, 
en  effet,  de  s'enivrer  de  vin,  quand  on  désire  être  rempli  de  l'effusion 
de  l'Esprit  saint.  Aussi  celui  qui  renonce  â  cette  ivresse ,  mérite  que 

(1)  Le  texte  de  Théophylacte  est  plus  complet  :  De  même  que  les  parents  de  Jeayi  ont  été  justes 
devant  Dieu,  ainsi  fàt-il  grand  lui-même  devant  le  Seigneur. 

(2)  Cette  loi  se  trouve  au  livre  des  Nombres,  chap.  vi,  vers.  5  et  suiv. 


tute  Eliœ,  ut  convertat  corda  patrum  in  filios, 
et  incredulos  ad  prudentiamjustorum,  parare 
Domino  plebem  perfectam. 

Ambr.  Post  laetitiam  plurimorum  ma- 
gnitudo  virtulis  promittitur,  cum  dici- 
tur  :  «  Erit  enim  magnus  coram  Do- 
mino, »  etc.  Non  corporis  sed  animse 
magnitudinem  declaravit.  Est  coram 
Domino  magnitudo  animtp,  magnitude 
virtutis.  Theophylact.  Mulli  namque 
magni  dicunlur,  sed  coram  hominibus, 
non  coram  Deo,  sicut  hypocritee  :  ita 
autem  et  parentes  Joannis  «  justi  coram 
Domino  «  dicli  sunt.  Ambr.  Denique  non 
fines  alicujus  propagavit  imperii,  non 
triumplios  bellici  certaminis  reportavit  ; 
sed  (quod  est  amplius)  praedicans  in  de- 


serto ,  delicias  hominum  corporisque 
lasciviam  magna  animi  virtute  depres- 
sit  :  unde  sequitur  :  «  Et  vinum  et  sice- 
ram  non  bibet.  »  Bed.  Sicera  interpre- 
tatur  ebrietas  ;  quo  vocabulo  Hebraei 
omne  quod  inebriare  potest  poculentum 
(sive  de  pomis,  sive  de  frugibus,  sen  de 
qualibet  alia  materia  confectum)  signi- 
flcant.  Proprium  vero  in  lege  Nazarœo- 
rum  erat,  vino  et  sicera  tempore  conse- 
crationis  abstinere,  unde  Joannes  caete- 
rique  taies,  ut  semper  Nazarœi  (id  est, 
sancti)  manere  possint,  semper  bis  ab- 
stinere satagunt  ;  non  enim  decet  vino, 
in  quo  est  luxuria  {Eph.,  5),  inebriari 
eum  qui  musto  Spiritus  sancti  desiderat 
impleri  :   unde   recte  cui  vint   ebrietas 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    I.  15 

la  grâce  du  Saint-Esprit  se  répande  en  abondance  dans  son  âme.  a  II 
sera  rempli  de  l'Esprit  saint ,  »  ajoute  l'Evangéliste.  —  S.  Ambr.  Celui 
qui  reçoit  ainsi  l'abondance  de  l'Esprit  saint,  reçoit  en  même  temps 
la  plénitude  des  plus  éminentes  vertus.  Voyez  ,  en  effet ,  saint  Jean- 
Baptiste;  avant  de  naître,  étant  encore  dans  le  sein  de  sa  mère,  il 
fait  connaître  la  grâce  qu'il  a  reçue,  lorsqu'en  tressaillant  dans  le  sein 
qui  le  renferme ,  il  annonce  l'avènement  et  la  présence  du  Seigneur. 
Cette  vie  de  la  nature  est  toute  différente  de  la  vie  de  la  grâce ,  la 
première  commence  à  notre  naissance  pour  finir  à  notre  mort;  la  vie 
de  la  grâce,  au  contraire,  n'est  point  limitée  par  les  années,  elle  ne 
s'éteint  point  à  la  mort,  elle  n'est  pas  exclue  du  sein  qui  nous  porte. 

Grec.  (1).  Mais  quelles  seront  les  œuvres  que  Jean-Baptise  ac- 
complira sous  la  conduite  de  l'Esprit  saint ,  les  voici  :  Il  convertira 
plusieurs  des  enfants  d'Israël  au  Seigneur  leur  Dieu. —  Orig.  [hom.  -4.) 
Jean  devait  en  convertir  un  grand  nombre,  la  mission  du  Seigneur 
était  de  les  convertir  tous  à  Dieu  son  Père.  —  Bède.  En  disant  de 
Jean- Baptiste  qu'il  a  converti  un  grand  nombre  des  enfants  d'Israël 
au  Seigneur  leur  Dieu,  alors  qu'eu  rendant  témoignage  à  Jésus-Christ, 
il  baptisait  les  peuples  qui  croyaient  en  lui ,  l'Evangéliste  prouve  par 
là  même  que  le  Christ  était  le  Dieu  d'Israël.  Que  les  ariens  cessent 
donc  de  nier  que  Jésus-Christ  soit  le  Seigneur  Dieu,  que  les  photi- 
niens  rougissent  de  ne  faire  remonter  son  origine  qu'au  sein  de  la 
Yiiirge  Marie,  que  les  manichéens  ne  viennent  plus  dire  que  le  Dieu 
d'Israël  est  différent  du  Dieu  des  chrétiens.  —  S.  Amb.  Nous  n'avons 
d'ailleurs  nul  besoin  qu'on  nous  prouve  que  saint  Jean  a  converti  les 

(I)  Dans  la  Chaîne  des  Pères  grecs ,  le  nom  de  Siméon  se  trouve  en  tête  de  cette  citation,  ne 
serait-ce  pas  ce  Siméon  le  Théologien  à  qui  l'on  attribue  en  outre  quelques  autres  écrits  des  com- 
mentaires sur  l'Ecriture  sainte  ?  voyez  l'Apparat  de  Possevin. 


tollitur,  Spiritus  gratia  cumulatur.  Se- 
quilur  autem  :  «  Et  Spiritu  sauclo  reple- 
bitur,  »  etc.  Ambr.  Gui  Spiritus  sanctus 
infuudilur,  magnarum  est  pleniludo  vir- 
tutum.  Siquideiu  sanctus  Joannes  ante- 
quain  nascerelur,  matris  adliuc  in  ulero 
positiis,  Spiritus  accepli  gratiani  designa- 
vit,  cum  in  utero  parentis  exiiiens,  Do- 
mini  evangelizavit  adventuin.  Alius  est 
spiritus  vitaî  liiijus^  alius  gratiaî  :  iile 
nascendo  sumil  exordiuru,  moriendo 
defectuni  ;  iste  non  œtalibus  coercetur, 
non  obitu  exlinguilur,  non  alvo  ruatris 
exciuditur. 

Gr.ecl'S.  Quod  autem  erit  opus  Joan- 
nis,  quidve  per  Spiritum  sanctuni  pe- 
raget,   ostendit   subdens  :    «  Et  multos 


filiorum  Israël  convertet  ad  Dorainum 
Deum  ipsorum.  »  Orig.  {hom.  4.)  Joan- 
nes quidem  plurimos  convertit,  Domini 
autem  opus  est  ut  omnes  ad  Deum  Pa- 
trem  convertat.  Bed.  Cum  autem  Joan- 
nés  (qui  Cliristo  testimonium  pcrhibeus, 
in  ejus  fide  populos  baptizabat)  dicitur 
filios  Israël  ad  Dominum  Deum  ipsorum 
convertisse,  patet  Cliristum  Deum  esse 
Israël  :  unde  desinant  Ariani  Christum 
Donjinum  Dexun  esse,  negare,  Erubes- 
cant  Piiotiniani  Cbristo  ex  Virgine  prin- 
cipium  dare  :  cessent  Manicliœi,  alium 
[)0puli  Israël  atque  alium  Clirislianorum 
Deum  credere.  Amb.  Non  autem  egemus 
testimonio,  quod  plurimorum  sanctus 
J oannes  corda  convertit,  in  quo  nobis pro- 


46 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


cœurs  en  grand  nombre,  alors  que  les  écrits  des  prophètes  et  le  saint 
Evangile  nous  l'attestent.  La  voix  de  celui  qui  crie  dans  le  désert  : 
«Préparez  la  voie  du  Seigneur,  rendez  droits  ses  sentiers,  »  ce  baptême 
que  le  peuple  venait  recevoir  en  foule,  ne  sont-ils  pas  une  preuve  des 
conversions  qu'il  opérait  dans  la  multitude  ?  Car  ce  n'était  pas  lui- 
même,  mais  le  Seigneur  qui  était  l'objet  des  prédications  de  ce  pré- 
curseur du  Christ.  C'est  pourquoi  l'Evangéliste  ajoute  :  «  Et  il  mar- 
chera devant  lui,  »  etc.  11  a  marché,  en  effet,  devant  lui ,  puisqu'il  a 
été  son  précurseur  dans  sa  naissance  comme  dans  sa  mort  (i),  et  ces 
autres  paroles  :  «  Dans  l'esprit  et  la  vertu  d'Elie,  »  ne  sont  pas  moins 
justes.  —  Orig.  11  ne  dit  pas  :  Avec  l'âme  d'Elie,  mais  :  «Dans  l'esprit 
et  la  vertu  d'Elie  »  ;  car  l'esprit  qui  avait  animé  Elle  vint  remplir  Jean- 
Baptiste,  aussi  bien  que  sa  vertu.  —  S.  Amb.  L'esprit,  en  effet ,  est 
inséparable  de  la  vertu ,  comme  la  vertu  de  l'esprit,  voilà  pourquoi 
l'ange  joint  l'esprit  à  la  vertu.  Car  le  saint  prophète  Elle  eut  à  la  fois 
une  grande  vertu  et  une  grâce  surabondante  ,  une  grande  vertu  pour 
ramener  à  la  foi  le  cœur  des  peuples  infidèles ,  la  vertu  de  pénitence, 
la  vertu  de  patience,  et  l'esprit  de  prophétie.  Ces  deux  grands  hommes, 
eurent  d'autres  traits  d'analogie,  Elle  habitait  le  désert,  Jean  y  passa 
toute  sa  vie.  Elle  ne  rechercha  jamais  les  bonnes  grâces  d'Achab,  Jean 
dédaigna  la  faveur  d'Hérode;  l'un  divisa  les  eaux  du  Jourdain,  l'autre 
en  fit  un  baiu  salutaire  ;  Jean  fut  le  précurseur  du  premier  avènement 
du  Seigneur,  Elle  doit  l'être  du  second. 

BEBE.  Ce  que  le  prophète  Malachie  a  préditd'Elie,  l'ange  l'applique 
à  Jean-Baptiste,  lorsqu'il  ajoute  :  «  Pour  réunir  les  cœurs  des  pères 
avec  leurs  enfants  ,  »  en  leur  communiquant  par  ses  prédications  la 

(1)  Dans  sa  naissance,  il  a  précédé  la  naissance,  et  dans  sa  mort.,  la  mort  de  Jésus-Christ. 


pheticee  Scripturse  et  EvangeliciB  suffra- 
gantur.  Vox  enim  clamautis  in  deserto  : 
«  Parate  viam  Domini ,  rectas  facile 
semitas  ejus,  »  et  baptismata  populis 
freqiieritata  déclarant  eonversae  plebis 
non  mediocris  factos  esse  processus. 
Non  enim  de  se  .  sed  de  Domino 
prsedicabat  prsenuntius  Christi.  Et  ideo 
sequitur  :  «  Et  ipse  praecedet  ante 
illum,  »  etc.  Bene  prsecedet  ante  illum 
qui  jjrani/?i</HS  natus  et  prœnuntlus 
mortuus  est  :  bene  etiam  jungilur  ;  «  In 
spiritu  et  virlute  Elise.  »  Orig.  Non  di- 
cit  :  «  In  anima  Eliœ,  »  sed  «  in  spiritu 
et  virtute  :  »  spiritus  enim  qui  fuerat  in 
Elia,  venit  in  Joannem  ;  et  similiter  vir- 
tus  ejus.  Ambr.  Nuuquam  euim  sine  vir- 


tute spiritus,  vel  sine  spiritu  virtus  :  et 
ideo  in  «  spiritu  et  virtute  ;  »  quia  sau- 
ctus  Elias  virtutem  habuit  magnam  et 
gratiam  virtutem,  ut  ad  fidem  animos 
populorum  a  perfidia  retorqueret  :  vir- 
tutem abstinentise,  atque  patientite,  et 
spiritum  prophetandi  ;  in  deserto  Elias, 
in,  deserto  Joannes  ;  ille  Achab  Régis 
gratiam  non  quœsivit,  hic  sprevit  Hero- 
dis  ;  ille  Jordanem  divisit.  hic  ad  lava- 
crum  salutare  convertit  ;  hic  prioris,  ille 
sequentis  dominici  Prcecursor  adventus. 
Bed.  Quod  autem  de  Elia  per  Mala- 
chiam  praidictum  est  {cap.  4),  hoc  per 
Angelum  de  Joanne  dicitur,  cum  subdi- 
tur  :  «  Ut  convertat  corda  patrum  in 
filios  ;  »  spiritualem  autiquorum   sancto- 


DE   SAINT  LtJC,    CHAP.   t.  17 

science  spirituelle  de  leurs  saints  ancêtres  ;  «  et  rappeler  les  incré- 
dules à  la  prudence  des  justes,  »  prudence  qui  n'a  point  la  prétention 
de  trouver  la  justification  dans  les  œuvres  de  la  loi ,  mais  qui  ne  la 
cherche  que  dans  la  foi.  —  Grec.  Ou  bien  encore,  les  Juifs  étaient 
parents  de  Jean  et  des  Apôtres,  et  cependant  par  orgueil  autant  que 
par  incrédulité  ,  ils  se  déchaînaient  contre  l'Evangile.  Que  fit  alors 
Jean-Baptiste,  et  après  lui  les  Apôtres  ?  comme  des  enfants  pleins  de 
douceur,  ils  découvraient  la  vérité  à  leurs  pères  ,  et  cherchaient  ainsi 
à  les  rendre  participants  de  leur  propre  justice  et  de  leur  prudence. 
C'est  ainsi  qu'Elie  doit  convertir  les  restes  des  Hébreux  à  la  vérité 
prêcliée  par  les  Apôtres.  —  Bède.  L'ange  avait  dit  précédemment  que 
la  prière  de  Zacharie  pour  le  peuple  avait  été  exaucée ,  il  ajoute  : 
«  Pour  préparer  au  Seigneur  un  peuple  parfait,»  et  nous  apprend 
ainsi  commentée  même  peuple  sera  sauvé  et  rendu  parfait,  c'est-à- 
dire  par  la  pénitence  et  par  la  foi  en  Jésus-Christ,  que  doit  prêcher 
Jean-Baptiste.  —  Théophyl.  Ou  encore  :  Jean  a  préparé  un  peuple 
qui  n'était  pas  incrédule,  mais  parfait ,  c'est-à-dire  prêt  à  recevoir  le 
Christ.  —  Orig.  {hojn.  4.)  Le  mystère ,  figuré  par  la  prédication  de 
Jean -Baptiste,  s'accomplit  encore  dans  le  monde;  car  pour  que  nous 
puissions  croire  en  Jésus-Christ,  il  faut  que  l'esprit  et  la  vertu  de 
Jean  vienne  dans  notre  âme  pour  préparer  au  Seigneur  un  peuple 
parfait. 

■^,18-22.  —  Zacharie  répondit  à  l'ange  :  A  quoi  connaîtrai-je  la  vérité  de  ce 
que  vous  me  dites;  car  je  suis  vieux  et  ma  femme  est  déjà  avancée  en  âge? 
L'ange  lui  répondit  :  Je  suis  Gabriel,  qui  suis  toujours  présent  devant  Dieu; 
j'ai  été  envoyé  pour  vous  parler  et  pour  vous  porter  cette  heureuse  nouvelle;  et 
dans  ce  moment  vous  allez  devenir  muet,  et  vous  ne  pourrez  plus  parler 


ruin  scientiam  populis  prEedicando  in- 
fundens.  «  Et  incredulos  ad  prudentiam 
justorum,  »  quœ  est  non  de  legis  operi- 
bus  juslitiam  prœsumere,  sod  ex  fide 
salutem  quaerere.  {ad  Boni.,  10.)  Gr.fxus. 
Vel  aliter  :  parentes  Joannis  et  aposto- 
lorum  Jiidfei  fuerunt,  sed  tamen  contra 
Evangelium  ex  superbia  et  infidelitatc 
saeviebant.  Itaqiie  tamiuam  benigni  fi- 
lii  (Joaunes  prias,  et  apostoli  oonsequen- 
ter),  eis  veritatem  monstrabant  in  pro- 
priam  justitiam  et  prudentiam  eos  at- 
trahentes  :  sic  etiam  Elias  reliquias 
Hebraeorum  convertit  ad  apostolorura 
veritatem.  Bed.  Quia  vero  Zachariam 
pro  plèbe  supplicantem  dixerat  exaudi- 
lum,  subjungit:  «  Parare  Domino  plebem 
perfectam  :  »  in   quo  docet  quo   ordine 

TOM.   V. 


plebs  eadem  salvari  et  perfici  debeat  ; 
ad  prfedicationem  scilicet  Joannis  pœni- 
tendo  et  credendo  in  Christum.TnEOPH. 
Vel  aliter  :  Joannes  plebem  paravit,  non 
incredulam  sed  perfectam,  id  est,  prae- 
paratam  ad  suscipiendum  Christum. 
Oru;.  {hom.  4.)  Sacramentum  autem 
Joannis  usque  nunc  expletur  in  mundo  : 
quicunque  enim  crediturus  est  in  Jesum 
Cliristum,  autea  spiritus  cl  virtus  Joan- 
nis ad  aniniam  illius  venit,  et  prœparal 
Domino  populum  perfectum. 

Et  dixit  Zacharias  ad  Angelum  :  Unde  hoc 
sciam  ?  Ego  enim  sum  senex,  et  uxor  mea  pro- 
cessil  in  diebus  suis.  Et  respondens  Angélus, 
dixit  et  ;  Ego  sum  Gabriel  qui  asto  ante  Deum, 
et  missus  sum  loqui  ad  te,  et  hœc  tibi  evange- 
lizare.  Et  ecce  eris  tacens ,  et  non  poteris  lo- 

2 


18 


EXPLICATION    DE    l'ÉVANGILE 


jusqu'au  jour  que  ceci  arrivera,  parce  que  vous  n'avez  point  cru  à  mes  paroles, 
qui  s'accompliront  en  leur  temps.  Cependant  le  peuple  attendait  Zacharie,  et 
s'étonnait  de  ce  qu'il  demeurait  si  longtemps  dans  le  temple.  Mais  étant 
sorti,  il  ne  pouvait  leur  parler;  et  comme  il  leur  faisait  des  signes  pour  se 
faire  entendre,  ils  reconnurent  qu'il  avait  eu  une  vision  dans  le  temple,  et  il 
demeura  muet. 

S.  Chrts.  {sur  l'incompréh.  nat.  de  Dieu.)  Zacharie,  ne  considérant 
que  son  âge  et  la  stérilité  de  sa  femme ,  se  laisse  aller  au  doute  :  «  Et 
Zacharie  dit  à  l'ange  :  A  quoi  pourrai-je  connaître  la  vérité  de  ce  que 
vous  m'annoncez?  »  en  d'autres  termes  :  Gomment  cela  se  fera-t-il? 
et  il  donne  les  raisons  qu'il  a  de  douter  :  «  Car  je  suis  vieux  ,  »  etc. 
L'âge  est  contraire,  la  nature  impuissante,  je  suis  sans  force  pour  en- 
gendrer, et  de  son  côté,  la  terre  est  stérile.  Ces  raisons  ne  suffisent  pas 
au  jugement  de  quelques-uns,  pour  excuser  le  prêtre  Zacharie  d'avoir 
fait  toutes  ces  questions  ;  car  quand  Dieu  parle ,  on  doit  recevoir  sa 
parole  avec  foi  ;  vouloir  la  discuter,  c'est  faire  preuve  d'un  esprit  opi- 
niâtre. Aussi  voyez  la  suite  :  o  Et  l'ange  lui  répondit  :  Je  suis  Gabriel 
qui  suis  toujours  présent  devant  Dieu.  »  —  Bède.  Comme  s'il  disait  : 
Si  un  homme  vous  annonçait  un  semblable  prodige,  vous  auriez  droit 
de  lui  demander  une  preuve ,  un  signe  de  la  vérité  de  ses  paroles  ; 
mais  quand  c'est  un  ange  qui  promet,  le  doute  n'est  plus  permis  :  «  Et 
j'ai  été  envoyé  pour  vous  parler,  »  etc. 

S.  Chrys.  Dès  lors  donc  que  vous  savez  que  je  suis  envoyé  de  Dieu, 
ne  voyez  plus  rien  de  naturel  dans  ce  que  je  vous  dis  ;  car  je  ne  parle 
point  de  moi-même,  je  ne  fais  que  vous  transmettre  les  volontés  de 
celui  qui  m'a  envoyé.  En  effet,  la  vertu,  le  mérite  d'un  envoyé  ,  c'est 
de  ne  rien  dire  de  sa  propre  autorité.  —  Bède.  Remarquez  ici  qu'au 


qui  usque  in  diem  quo  hœc  fiant,  pro  co  quod 
non  credidisH  verbis  meis ,  quœ  implebuntur 
in  tempore  suo.  Et  erat  plebs  expectans  Za- 
chariam,  et  mirabantur  quod  tardaret  ipse  in 
templo.  Egressus  autera  non  polerat  loqui  ad 
illos  ;  et  cognouerunt  quod  visionem  vidisset  in 
templo  ;  et  ipse  erat  innuens  illis,  et  perman- 
sit  mutus. 

Chrys.  [de  incomprehensiMli  Dei 
natura,  ut  jam  sup.)  Habito  respectu 
Zacharias  ad  propriaiu  aetatem,  quin 
etiam  conjugis  sleiilitate  coDspecta  dif- 
fisus  est  :  unde  dicitur  :  «  El  dixit  Za- 
charias ad  Angelum:  Unde  hoc  sciam?  » 
Quasi  diceret:  «  Quomodo  hoc  flet  ?  » 
et  cansain  dubitatiouis  subdit  :  «  Ego 
eaim  sum  seiiex,  »  etc.  iEtas  intempes •■ 
tiva,  natura  inepla;  egogeneransdebihs, 
terra  steriUs.  Non  autem  censetur  a  qui- 


busdam  propter  hoc  dignus  esse  venia 
Sacerdos,  dum  seriem  rerum  expostulat  : 
quandocunque  enim  Deus  aUquid  indi- 
cat,  oportet  in  fide  suscipere  :  nam  super 
hujusmodi  disceptare,  contumacis  est 
anima;  :  unde  sequiUir  :  «  Et  respondens 
Angélus  dixit  ei  :  Ego  sum  Gabriel,  qui 
asto  ante  Deum.  »  Bed.  Quasi  dica'  :  Si 
homo  talia  signa  promitteret,  iuipune 
signum  flagitare  liceret.  A  tcum  Angélus 
promittat,  jam  dubitare  non  decet.  Se- 
quitur  :  «  Et  missus  sum  loqui  ad  te,  »  etc. 
Chrys.  {ut  svp.)  Ut  cum  audias  me  a 
Deo  missum  nihil  humanum  aestimes  ex 
bis  qufe  tibi  dicuntur  :  nequc  enim  ex 
me  loquor,  sed  mittentis  relata  denun- 
tio  :  haec  est  enim  nuntii  virtus  et  bo- 
nitas,  ut  nihil  ex  se  référât.  Bed.  Ubi 
notandum  est  quod  Angélus  se  et  ante 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    I.  49 

témoignage  de  l'ange,  il  est  tout  à  la  fois  devant  Dieu  et  envoyé  pour 
annoncer  à  Zacliarie  la  naissance  de  son  fils.  —  S.  Gkég.  ijiom.  34 
sur  les  Evang.)  En  effet,  lorsque  les  anges  viennent  nous  trouver,  ils 
remplissent  extérieurement  leur  ministère  sans  interrompre  intérieu- 
rement l'exercice  de  la  contemplation  ;  car  si  leur  esprit  est  limité, 
l'Esprit  souverain  qui  est  Dieu,  n'a  point  de  bornes.  Ainsi  les  anges 
sont  toujours  devant  lui,  même  quand  ils  sont  en  mission,  puisque 
c'est  dans  l'immensité  de  Dieu  qu'ils  accomplissent  leur  message. 

BEDE.  L'ange  donne  ensuite  le  signe  qui  lui  a  été  demandé.  Zacliarie 
n'a  fait  usage  de  la  parole  que  pour  exprimer  son  incrédulité ,  le 
silence  lui  enseignera  la  foi  :  «  Et  voici  que  vous  allez  devenir 
muet,  »  etc.  —  S.  Chrys.  Les  liens  qui  le  rendaient  impuissant,  sont 
transportés  à  l'organe  de  la  voix  ;  le  sacerdoce  dont  il  est  revêtu  n'est 
point  une  raison  pour  qu'il  soit  épargné  ,  au  contraire  ,  la  punition 
sera  plus  grande_,  parce  qu'il  devait  donner  aux  autres  l'exemple  d'une 
foi  plus  vive.  —  Théophyl.  Le  mot  grec  xwsbç  signifie  également 
sourd^  on  peut  donc  donner  ce  sens  aux  paroles  de  l'ange  :  Puisque 
vous  ne  croyez  point,  vous  deviendrez  sourd,  et  vous  ne  pourrez  plus 
parler.  Juste  châtiment  de  sa  double  faute,  la  désobéissance  est  punie 
parla  surdité,  et  la  contradiction  par  la  mutité.  —  S.  Chrys.  L'ange 
dit  :  Et  voici,  c'est-à-dire  à  l'instant  même.  Considérez  toutefois  la 
miséricorde  de  Dieu  dans  ce  qui  suit  ;  «  Jusqu'au  jour  où  ces  choses 
arriveront  ;  »  comme  s'il  lui  disait  :  Lorsque  l'accomplissement  de  ma 
prédiction  en  aura  démontré  la  vérité  ,  et  que  tu  auras  reconnu  la 
justice  de  ton  châtiment ,  alors  tu  en  seras  délivré.  Il  lui  en  fait  aussi 
connaître  clairement  la  cause  :  Parce  que  vous  n'avez  pas  cru  à  mes 
paroles,  qui  s'accompliront  en  leur  temps  ;  »  méconnaissant  ainsi  la 


Deum  stare,  et  ad  evaugelizandutii  Za- 
chariîE  missum  esse  testatur.  Greg.  [in 
/loin.  34^  in  Evang.)  Quia  et  cuui  ad 
nos  veniunt  augeli,  sic  exterius  implent 
uiinisterium  ;  ut  tamen  nunquani  inte- 
rius  desint  per  contemplationem  ;  quia 
etsi  circumscriptus  est  aiif^elicus  spiritus, 
summus  tauien  Spiritus  (qui  Deus  est) 
circumscriptus  non  est.  Angeli  itaque 
etiain  missi  ante  ipsum  sunt;  quia  quo- 
libet raissi  veniant,  intra  ipsum  currunt. 
Bed.  Dat  autem  ei  signum  quod  roga- 
tus,  ut  qui  diScredendo  locutus  est,  jam 
laceudo  credere  discat  :  unde  sequitur  : 
«  Et  ecce  eris  taccns,  »  etc.  Chrys.  (îU 
svp.)  Ut  a  vi  generaliva  ad  organavoca- 
lia  vincula  Iransl'erautur  :  nec  iutuitu 
sacerdotii  ei  parcitur,  sed  ob  hoc  plec- 
telmtur  umplius  quia  circa  fidem  cneter  s 


prœesse  debebat.  Théophyl.  Sed  quia 
verbum  quod  in  grœco  babenlur  xwçô; 
potest  etiam  surdum  significare,  bene 
ait  :  Quia  non  credis,  eris  surthis,  et  non 
poter/s  loqui.  Convcnienter  enim  hœc 
duo  passus  est  :  tauqiiam  enim  iuobe- 
diens  surditatem  incurrit,  et  tanquam 
contradiclor  taciturnitatem.  Chrys.  (ut 
st(p.)  Dicit  autem  :  «  Et  ecce,  »  quasi 
dicerct  :  «  In  hoc  instanti.  »  Sed  consi- 
déra miserationem  Domini  in  hoc  quod 
sequitur  :  «  Usque  in  diem  quo  hœc 
fiant  :  »  quasi  dicat  :  Cum  per  eventus 
rerum  quod  dico  ostendero,  et  noveris 
te  jure  punitum,  tune  te  de  pœna  eri- 
piam.  Et  causam  pœnse  ostendit,  cum 
subditur  :  «  Pro  eo  quod  non  credidisti 
verbis  meis,  quœ  implebuntur  in  tempore 
suo;  »  non  attendons  virtulem  ejus  qui 


20 


EXPLICATION   DE   L*ÉVANGILE 


puissance  de  celui  qui  m'a  envoyé,  et  devant  lequel  je  suis  toujours 
présent.  Or,  si  tel  fut  le  châtiment  de  Zacharie  pour  avoir  refusé  de 
croire  à  un  enfantement  naturel,  comment  ceux  qui  blasphèment  la 
naissance  ineffable  pourront-ils  échapper  à  la  vengeance  divine? 

Grec,  {ou  Antipat.  de  Bostr.,  Chaîne  des  Pères  grecs.)  Tandis  que 
ces  choses  se  passaient  dans  l'intérieur  du  temple ,  la  multitude  qui 
attendait  au  dehors  était  surprise  de  ce  que  Zacharie  tardait  à  reve- 
nir :  «  Cependant  le  peuple  attendait  Zacharie ,  et  s'étonnait  de  ce 
qu'il  demeurait  si  longtemps  dans  le  temple.  »  Chacun  se  livrait  à  ses 
conjectures  et  donnait  ses  suppositions  ;  Zacharie  étant  enfin  sorti, 
leur  apprit,  par  son  silence  forcé,  ce  qui  lui  était  arrivé  dans  l'inté- 
rieur du  temple.  «  Et  étant  sorti,  il  ne  pouvait  leur  parler. —  Théophyl. 
Zacharie  faisait  des  signes  au  peuple  qui  lui  demandait  probablement 

pourquoi  il  était  devenu  muet  :  «  Et  il  leur  faisait  des  signes et  il 

demeura  muet.  »  —  S.  Ambr.  Un  signe  est  un  mouvement  du  corps 
qui  n'est  point  accompagné  des  paroles ,  et  qui  cherche  à  faire  con- 
naître la  volonté,  sans  pouvoir  l'exprimer  complètement. 

f.  23-25.  —  Quand  les  jours  de  son  ministère  furent  accomplis,  il  s'en  alla  en 
sa  maison.  Quelque  temps  après,  Elisabeth,  sa  femme,  conçut  et  elle  se  tenait 
cachée  durant  cinq  mois  en  disant  :  C'est  la  grâce  que  le  Seigneur  m'a  faite 
en  ce  temps  où  il  m'a  regardée  pour  effacer  mon  opprobre  parmi  les  hommes. 

BÉDÉ.  Tant  que  duraient  leurs  fonctions ,  les  prêtres ,  tout  entiers 
aux  offices  de  leur  ministère,  s^abstenaient  de  tout  rapport  avec  leurs 
épouses,  et  s'interdisaient  même  l'entrée  de  leurs  maisons.  C'est 
pourquoi  l'Evangéliste  ajoute  :  «  Quand  les  jours  de  son  ministère  furent 


misit  me,  cui  ego  assiste.  Si  autem  is 
qui  erga  nativitatem  mortalem  incredu- 
lus  erat,  puuitur;  qualiter  qui  cœlestem 
et  ineffabilem  calumniatur,  vitabit  ultio- 
nem  ? 

Gr^cus.  {vel  Antipater  Bostrensis, 
in  Cat.  Grxcorum  Patrum.)  Dum  au- 
tem hœc  intrinsecus  agerentur,  dilatio 
temporis  admirari  cogebat  expectaotem 
forinsecus  multlludincm  :  unde  sequi- 
tur  :  «  Et  erat  plebs  expectans  Zacha- 
riam  ;  et  mirabantur  quod  tardaret)  » 
Cumque  per  diversa  vagaretur  suspicio, 
quilibet  dictabat  ad  libitum,  donec  Za- 
charias  egrediens  docuit  silendo  quod 
latendo  perpessus  est  :  unde  sequitur  : 
«  Egressus  auteui  non  poterat  loqui,  »  etc. 
Theophylact.  Inuuebat  autem  populo 
Zacharias  forte  causam  taciturnitatis  in- 


terroganti ,  quam  loqui  non  valens , 
per  nutum  declarabat  :  unde  sequitur  : 
«  Et  ipse  erat  innuens  illis,  et  perman- 
sit  mutus.  »  Ambr.  Est  autem  mutus 
quidam  sine  Yerbo  corporalis  actus , 
indicare  moliens  nec  exprimeus  volun- 
tatem. 

Et  factum  est  ut  impie ti  sunt  dies  officii  ejus , 
ahiit  in  domum  suani.  Post  hos  autem  dies 
eoncepit  Elisabeth  uxor  ejus ,  et  occultabat  se 
mensibus  quinque ,  dicens  :  Quia  sic  fecitmihi 
Dominus  in  diebus  guibus  respexit  auferre  op- 
probrium  meum  inter  homines. 

Beda.  Yicis  suse  tempore  pontifices 
templi  tantum  officiis  mancipati ,  non 
solum  a  complexu  uxorum  sed  ab  ipso 
quoque  domorum  suarum  abstinebant 
ingressu  :  unde  dicitur  :  «  Et  factum  est 


DE  SAINT   LUC^    CHAP.    1.  21 

accomplis,  »  etc.  Les  prêtres  qui  se  succédaient  alors,  devaient  être  de 
laraced'Aaron,  c'était  donc  un  devoir  aussi  légitime  que  nécessaire  de 
se  donner  une  postérité.  Maintenant ,  au  contraire ,  ce  ne  sont  plus 
les  lois  d'une  succession  charnelle  ,  mais  une  perfection  toute  spiri- 
tuelle qui  donne  droit  au  sacerdoce  ,  aussi  les  prêtres  sont-ils  obligés 
d'observer  une  continence  perpétuelle,  pour  être  dignes  d'offrir  le  sa- 
crifice de  l'autel.  «  Après  ces  jours-là ,  »  etc. ,  c'est-à-dire  après  les 
jours  où  Zacharie  avait  rempli  les  devoirs  de  son  ministère.  Ceci  se 
passait  au  mois  de  septembre  ,  le  huit  des  calendes  d'octobre  ,  alors 
que  les  Juifs  célébraient  le  jeune  de  la  fête  des  Tabernacles  ,  à  l'ap- 
proche de  l'équinoxe,  où  la  nuit  commence  à  être  plus  longue  que 
le  jour;  en  effet,  le  Christ  devait  croître  et  Jean  diminuer.  Et  ce 
n'est  pas  sans  raison  que  ces  jours  étaient  des  jours  de  jeune  ;  car 
Jean-Baptiste  devait  prêcher  aux  hommes  les  austérités  de  la  péni- 
tence, 

«  Et  elle  se  tenait  cachée,  »  etc.  —  S.  Ambr.  Pourquoi  se  tenait-elle 
cachée,  si  ce  n'est  par  un  sentiment  de  pudeur  ?  Il  est  en  effet  pour 
les  époux  un  temps  déterminé  par  la  nature,  où  c'est  chose  louable  de 
de  chercher  à  avoir  des  enfants  ;  lorsqu'on  est  dans  la  vigueur  de  l'âge, 
et  qu'on  peut  espérer  d'en  obtenir.  Mais  lorsqu'on  atteint  les  limites 
d'une  vieillesse  presque  épuisée  et  qu'on  arrive  à  cet  âge,  où  l'on  est 
plus  propre  à  élever  des  enfants  qu'à  les  engendrer ,  il  y  a  une  espèce 
de  honte  pour  une  femme  de  porter  les  signes  d'une  fécondité  bien 
que  légitime,  d'être  chargée  d'un  fardeau  qui  convient  à  un  autre 
âge,  et  d'une  grossesse  qui  n'est  plus  de  saison.  Elle  avait  donc  de  la 
honte  à  cause  de  son  âge  ;  nous  pouvons  comprendre  par  là  qu'Eli- 
sabeth et  Zacharie  n'avaient  plus  ensemble  les  rapports  qu'ont  entre 
eux  les  époux  ;  car  si  elle  n'avait  pas  eu  de  honte  de  rempUr  les  de- 


at  impleti  sunt  dies,  »  etc.  Quia  enim 
tune  sacerdotalis  ex  stirpe  Aaron  succes- 
sio  quaerebatur,  necessario  tempus-  sub- 
stituendae  soboli  procurabatur.  At  quia 
nunc  non  carnalis  successio  sed  perfectio 
spiritualis  inquiritur ,  sacerdotibus  (ut 
semper  altari  queant  assistere)  semper 
castitas  observanda  prsecipitur.  Sequi- 
tur  :  «  Post  bos  autem  dies,  »  etc.  post 
dies  scilicet  officii  Zachariœ  complètes. 
Gesta  sunt  autem  bœc  mense  Septembri, 
8  Kalend-  Octob.  quando  oportebat  Ju- 
dreos  jejuniiim  sconopegiœ  celel^rare , 
imminente  aequinoctio,  in  quo  incipit 
nox  esse  major  quam  dies;  quia  Chris- 
tum  oportet  crescere,  Joannem  autem 
minui.  Nec  frustra  tune  dies  jejuniorum 


erant,  quia  per  Joannem  erat  hominibus 
afflictio  pœnitentiae  prœdicanda. 

Sequitur  :  «  Et  occultabat  se,  »  etc. 
Ambr.  Quœ  causa  occultationis,  nisi  pu- 
dor?  Sunt  enim  qusedam  teiupora  prœs- 
cripta  conjugio,  quando  dare  operam 
procreandis  liberis  sit  décorum,  dum 
anni  virent,  dum  suscipiendorum  libe- 
rorum  spes  est.  At  ubi  et  malura  œvi 
senectus  successerit,  et  aetas  est  regen- 
dis  liberis  habilior  quam  creandis,  pudor 
est  (iegitimi  licel)  fœtus  gestare  indicia, 
et  gravari  alienaî  œtatis  onere,  et  tumes- 
cere  alvum  non  sui  temporis  fructu. 
Pudebat  ergo  eam  propter  retatem  : 
unde  intelligi  potest  causa,  quajamnon 
conveniebant  inter  se  concubitu  conju- 


22 


EXPLICATION   DE   l/ÉVANGlt-K 


voirs  du  mariage  jusque  dans  sa  vieillesse ,  elle  n'en  aurait  pas  eu 
davantage  dj3  devenir  mère.  Cependant  laissons-la  rougir  du  poids  de 
la  maternité  tant  qu'elle  ignore  ce  qu'elle  a  de  mystérieux.  Bientôt, 
celle  qui  se  dérobait  aux  regards  ,  parce  qu'elle  était  devenue  mère, 
commence  à  se  glorifier ,  parce  qu'elle  porte  un  prophète  dans  son 
sein.  —  Orig.  {Chaîne  des  Pères  çp^ecs.)  Aussi  l'Evangéliste  ajoute  : 
«  Elle  se  cachait  pendant  cinq  mois,  »  c'est-à-dire  jusqu'au  temps  où 
Marie  elle-même  conçut  son  divin  fils ,  et  que  l'enfant  d'Elisabeth, 
tressaillant  de  joie  dans  son  sein,  commença  de  remplir  les  fonctions 
de  prophète.  —  S.  Amb.  Elle  rougissait  d'être  mère  à  son  àge_,  mais 
en  même  temps  elle  se  réjouissait  d'être  délivrée  de  l'opprobre  de  la 
stérilité.  «C'est  là,  disait-elle,  la  grâce  que  le  Seigneur  m'a  faite,»  etc. 
—  S.  Chrys.  [ou  Orig.)  C'est-à-dire  il  a  fait  cesser  ma  stérilité,  en 
m'accordant  un  don  qui  dépasse  les  forces  de  la  nature ,  et  une  pierre 
inféconde  a  produit  des  épis  verdoyants ,  il  m'a  délivré  de  l'opprobre 
de  la  stérihté  en  me  rendant  mère,  «  dans  les  jours  où  il  ma  regardée 
pour  effacer  mou  opprobre  d'entre  les  hommes.  »  —  S.  Amb.  Car  c'est 
une  espèce  de  honte  pour  les  femmes  d'être  privées  du  fruit  de  l'u- 
nion des  époux,  puisqu'elles  n'ont  point  d'autre  raison  de  se  marier. 
S.  Ghrys.  C'est  donc  pour  Elisabeth  une  double  joie  d'être  affranchie 
de  l'opprobre  de  la  stérilité,  et  de  mettre  au  monde  un  enfant  illustre  ; 
car  ce  n'est  pas  ici  comme  pour  les  autres ,  l'union  des  époux  seule, 
mais  la  grâce  divine  qui  a  été  le  principe  de  cette  naissance. 

BEDE.  Dans  un  sens  mystique,  ou  peut  dire  que  Zacharie  représente 
le  sacerdoce  judaïque,  et  Elisabeth  la  loi,  qui  développée  par  les  ex- 
plications des  prêtres  devait  engendrer  à  Dieu  des  enfants  spirituels, 
mais  qui  restait  impuissante  et  stérile,  «  parce  que  la  loi  n'a  conduit 


gali  :  neque  enim  ea  quée  senilem  non 
erubesceret  coitum  ,  erubesceret  par- 
tum  :  et  tamen  erubescat  omis  parentis, 
qnamdiu  nescit  mysterium  religiouis. 
Sed  quse  occultabat  se  qnia  conceperat 
fiiium,  jactare  se  cœpit,  quia  gerebat 
prophetain.  Orig.  (in  Cat.  Grœcorum 
Potrum.)  Et  ideo  dicit  :  «  Mensibus 
quinque,  »  id  est,  donec  Maria  concipe- 
ret;,  et  fœtus  ejus  exultaus  cum  gaudio 
prophetaret.  Ambr.  Et  quauivis  partus 
soi  erubesceret  aetatem,  rursus  caruisse 
se  gaudebat  opproln-io,  diceus  :  «  Quia 
sic  fecit  milii  Domiuus,  »  etc.  Chrys. 
(vel  Orirj.,  ntsup.)  Scilicet  solvit  sterili- 
tatem,  donum  supra  naturam  concessit, 
et  petra  infructuosa  spicas  vireiites  pro- 
duxit  ;  abstulit  dedecus  dura  genitricem 


fecit  :  uude  sequitur  :  «  In  diebus  quibus 
respexit  auferre  opprobrium  meum  in- 
ter  bomines.  »  Ambr.  Pudor  enim  est 
feminis  nuptiarum  praemia  non  habere  ; 
quibus  bœc  sola  est  causa  nubendi. 
Chrys.  [liomil.  de  Anna  vel  in  Annam 
ex  Cateaa  Grxcorum  Patrum.)  Duplici- 
ter  igitur  gaudet,  dum  et  a  nota  sterili- 
tatis  ipsam  eripuit  Dominus  ;  et  quo- 
niam  illustrera  partum  enixa  est  :  non 
enim  ut  in  cœteris  gignentium  solus 
concubitus  intervenit,  sed  gratia  cœles- 
tishujus  ortus  fuit  exordium. 

Bed.  Mystice  autem  per  Zachariam 
sacerdotium  Judaeorum^  per  Elizabeth 
potest  lex  ipsa  designari  quse  sacerdotum 
doctrinis  exercitata  spirituales  Deo  fîlios 
gignere  debebat  ;    sed  non  valebat  quia 


DE   SAINT   LTJC,    CHAP.    T. 


ââ 


personne  à  la  perfection.  »  Tous  deux  étaient  avancés  en  âge  ,  parce 
qu'à  la  venue  du  Christ  les  hommes  étaient  pour  ainsi  dire  courbés 
sous  le  poids  des  ans.  Zacharie  entre  dans  le  temple,  parce  que  c'est 
aux  prêtres  qu'il  appartient  de  pénétrer  dans  le  sanctuaire  des  mys- 
tères célestes.  La  multitude  se  tenait  au  dehors  parce  qu'elle  ne  peut 
pénétrer  le  secret  des  choses  spirituelles.  Taudis  que  Zacharie  place 
l'encens  sur  l'autel,  la  naissance  de  Jean-Baptiste  lui  est  révélée;  c'est 
en  effet  lorsque  les  docteurs  sont  embrasés  du  feu  divin  que  ren- 
ferment les  saintes  lettres  qu'ils  découvrent  la  grâce  de  Dieu  qui  se  ré- 
pand par  Jésus-Christ;  c'est  par  un  ange  que  ses  mystères  sont  révélés, 
parce  que  «  la  loi  a  été  donnée  par  le  ministère  des  anges.  »  —  S.  Ambr. 
Le  peuple  tout  entier  devient  comme  muet  dans  la  personne  d'un  seul, 
parce  qu'il  parlait  à  Dieu  par  l'intermédiaire  d'un  seul  ;  la  parole  de 
Dieu  a  passé  aussi  jusqu'à  nous,  et  elle  n'est  point  muette  au  milieu 
de  nous  :  celui-là  est  muet  qui  ne  comprend  pas  la  loi.  Pourquoi,  en 
eflfet,  celui  qui  ne  peut  émettre  aucun  son  articulé  vous  paraîtrait-il 
plus  muet  que  celui  qui  n'a  aucune  connaissance  dr-s  saints  mystères  ? 
Le  peuple  juif  ressemble  à  un  homme  qui  fait  des  signes,  lui  qui  ne 
peut  rendre  raison  de  ce  qu'il  fait.  —  Bède.  Et  cependant  Elisabeth 
conçoit  Jean-Baptiste,  parce  que  les  secrètes  profondeurs  de  la  loi  sont 
pleines  des  mystères  de  Jésus-Christ.  Elle  cache  cette  conception  pen- 
dant cinq  mois,  parce  que  Moïse  a  renfermé  dans  ses  cinq  livres  les 
mystères  du  Christ,  ou  parce  quo  toute  l'économie  de  la  rédemption 
de  Jésus-Christ  a  été  figurée  dans  les  cinq  âges  du  monde  par  les  pa- 
roles et  les  actions  des  saints. 

y.  26,  27,  —  Or  au  sixième  mois,  l'ange  Gabriel  fut  envoyé  de  Dieu  dans  une 


«  neminem  ad  perfectum  adduxit  lex.  » 
IHebr.,  7)  Erant  ambo  justi,  quia  bona 
est  lex  (Timnth.,  1),  et  sacerdotium 
pro  illo  tempore  sanctuin,  Ambo  pro- 
cesserant  in  diebus  suis,  quia  adve- 
niente  Chrislo  jam  incurvaatur  ad  se- 
nium.  Ingreditur  Zacharias  tempUmi, 
quia  sacerdotum  est  intrare  in  san- 
ctuarium  mysteriorum  cœlestium.  Fo- 
ris  eat  muUitudo,  quia  myslica  pene- 
trare  nequit.  Duni  altari  Ihyniiama  im- 
ponit,  nasciturum  Joannem  agnoscit  , 
quia  dum  doctores  flaniiiia  divinœ  lec- 
tionis  ardent,  gratiam  Dei  per  Jesum 
prodituram  reperiunt  ;  et  hoc  per  An- 
gelum  quia  «  lex  per  angelos  ordinata 
est.  I)  (Gal.,i,  19)  Ambr.  In  uno  autem 
vox  plebis  obmutuit,  quia  in  uno  totus 


ad  Deum  loquebatur  populus  :  transivit 
enim  ad  nos  Dei  verbum,  et  in  nobis 
non  lacet.  Mutus  est  qui  non  intelligit 
legem.  Cur  enim  tibi  macris  videatur 
mutxis  esse  qui  sonum  quam  qui  mys- 
terium  nescit  ?  Innuenli  similis  est  po- 
pulus Jiidaeorum,  qui  acluum  suorum 
prœstare  non  potest  rationem.  Bed.  Et 
tamen  Elizabeth  concipit  Joannem,  quia 
interiora  legis  sacramenlis  Christi  abun- 
daut.  Conceplum  qninque  mensibus  oc- 
cultât, quia  Moyses  quinque  libris  mys- 
teria  Christi  désignât  ;  seu  quia  Christi 
dispensatio  in  quinque  mundi  eetatibus 
per  sanctorum  dicta  vel  facta  figuratur. 

/n  mense  autem  sexto ,  missu.^  est  A  njelus  Ga- 
briel  a  Deo  in  civitatem  Galilœœ ,  eut  nomen 


n 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


ville  de  Galilée ,  appelée  Nazareth,  à  une  vierge  qu'un  homme  de  la  maison 
de  David,  iiommc  Joseph,  avait  épousée;  et  cette  vierge  s'appelait  Marie. 

BEDE.  Comme  rincamation  du  Christ  devait  avoir  lieu  dans  le 
sixième  âge  du  monde,  ou  bien  devait  être  l'accomplissement  delà  loi, 
c'est  avec  raison  que  le  sixième  mois  de  la  conception  de  Jean -Baptiste, 
un  ange  est  envoyé  à  Marie  pour  lui  annoncer  la  naissance  du  Sauveur 
du  monde  :  «  Au  sixième  mois,  »  etc.,  dit  l'Evangéliste.  Par  ce  sixième 
mois,  il  faut  entendre  le  mois  de  mars,  et  c'est  le  vingt-cinq  de  ce 
mois  que,  selon  la  tradition,  Notre-Seigneur  a  été  conçu  et  a  souf- 
fert sa  passion ,  comme  aussi  c'est  le  vingt-cinq  du  mois  de  dé- 
cembre qu'il  est  né.  Si  nous  admettons  avec  quelques  auteurs  que 
Téquinoxe  du  printemps  a  lieu  le  vingt-cinq  mars ,  et  le  solstice 
d'hiver  le  vingt-cinq  décembre,  nous  pouvons  dire  qu'il  était  conve- 
nable que  l'accroissement  du  jour  coïncidât  avec  la  conception  et  la 
naissance  de  celui  qui  éclaire  tout  homme  venant  en  ce  monde.  Si 
l'on  prétend  au  contraire  que  même  avant  l'époque  de  la  naissance  et 
de  la  conception  du  Sauveur  les  jours  commencent  à  croître,  ou  qu'ils 
sont  plus  longs  que  les  nuits,  nous  dirons  alors  que  Jean-Baptiste  pré- 
cédait l'avènement  du  Seigneur,  et  qu'il  évangélisait  déjà  le  royaume 
des  cieux. 

S.  Bas.  {sur  Isaie.)  Les  esprits  célestes  ne  viennent  pas  à  nous  de 
leur  propre  mouvement,  c'est  Dieu  qui  les  envoie  lorsque  notre  utilité 
l'exige  ;  car  leur  occupation  est  de  contempler  l'éclat  de  la  divine 
sagesse.  «  L'ange  Gabriel  fut  envoyé,  »  etc.  —  S.  Grég.  {hom.  34  sur 
les  Evang.)  Ce  n'est  point  un  ange  quelconque,  mais  l'archange  Ga- 
briel qui  est  envoyé  à  la  Vierge  Marie.  Il  n'appartenait,  en  effet,  qu'au 
plus  grand  des  anges  de  venir  annoncer  le  plus  grand  des  événements. 


Nazareth,  ad  Virginem  desponsatam  viro  cui 
nomen  erat  Joseph,  de  domo  David;  et  nomen 
Virginis  Maria. 

Bed.  Quia  Christi  incarnatio  vel  sexta 
setate  seculi  futura,  vel  ad  impletionem 
legis  erat  profutura,  recte  sexto  mense 
concepti  Joannis  missus  ad  Mariam 
Angélus  nascilurum  nuntiat  Salvato- 
rem  :  unde  dicitur  :  «  In  mense  autem 
sexto,  »  etc.  Meusem  sextum  Martmm 
intellige,  cujus  23  die  Dominas  uoster 
et  conceptus  traditur  et  passus,  si  eut  et 
25  die  meusis  Decembris  natus  :  quod 
si  vel  hoc  die  ut  nonnulli  arbitrantur, 
sequinoctium  vernale,  vel  illo  solstitium 
brumale  fieri  credamus,  convenit  cum 
lucis  incremento  coucipi  vel  uasci  eum 
qui  «  illuminât  omnem  liominem  veuien- 


tem  in  huuc  mundum.  »  [Joun.,  1)  At 
si  quis  ante  dominicee  nativitatis  et  con- 
ceptionis  tempus  lucem  vel  crescere  vel 
teuebras  superare  convicerit,  dicimus  et 
quia  nos  Joaunes  ante  faciem  adventus 
ejus  regnum  cœlorum  evangelizabat. 

Basil.  {In  Isaiam,  c.  6,  seu  vi,  6.) 
Adeunt  autem  nos  cœlestes  spiritus,  non 
quasi  ex  seipsis,  sed  ex  occasione  pro- 
pter  utilitatem  nostram  ;  eo  quod  divinfe 
sapieutise  decorem  couspiciunt  :  unde 
sequitur  :  «  Missus  est  Angélus  Ga- 
briel, »  etc.  Greg.  {in  homil.  34.  in 
Evang.)  Ad  Mariam  enim  Virginem  nou 
quilibet  angélus,  sed  Gabriel  Arcbange- 
lus  mittitur  :  ad  hoc  quippe  ministerium 
summum  angelum  venire  dignum  fue- 
rat ,   (jui  summum  omnium  nuntiabat. 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.   I. 


25 


L'Ecriture  lui  donne  un  nom  spécial  et  significatif  ,  il  se  nomme  Ga- 
brielj  qui  veut  dire  force  de  Dieu.  C'était  donc  à  la  force  de  Dieu 
qu'il  était  réservé  d'annoncer  la  naissance  du  Dieu  des  armées,  du  fort 
dans  les  combats  qui  venait  triompher  des  puissances  de  l'air.  —  La 
Glose.  L'Evangéliste  désigne  également  le  lieu  où  il  est  envoyé.  «Dans 
la  ville  de  Nazareth  ;  »  car  c'est  le  Nazaréen,  c'est-à-dire  le  Saint  des 
Saints,  dont  la  naissance  est  annoncée.  —  Bède.  Dieu  commence 
admirablement  l'œuvre  de  notre  réparation ,  en  envoyant  un  ange  à 
une  vierge  qu'un  enfantement  divin  devait  consacrer  ,  parce  que  le 
démon  aussi  avait  commencé  l'œuvre  de  notre  perte  en  envoyant  le 
serpent  à  la  femme  pour  la  séduire  par  l'esprit  d'orgueil.  «  Il  fut 
envoyé  à  une  vierge.  »  —  S.  Aug.  {de  la  sainte  Vierg.,  chap.  xv.)  La 
virginité  seule  était  digne  d'enfanter  celui  qui,  dans  sa  naissance,  n'a 
pu  avoir  d'égal.  Notre  chef ,  par  un  miracle  éclatant ,  devait  naître 
d'une  vierge  selon  la  chair,  et  figurer  ainsi  que  l'Eglise  vierge  donne- 
rait à  ses  membres  une  naissance  toute  spirituelle.  —  S.  Jér.  {serm. 
sur  l'assomp.)  (1).  C'est  avec  raison  qu'un  ange  est  envoyé  à  une 
vierge;  car  la  virginité  a  toujours  été  unie  par  des  liens  étroits  avec 
les  anges.  En  effet,  vivre  dans  la  chair,  sans  obéir  aux  inspirations  de 
la  chair,  ce  n'est  pas  la  vie  de  la  terre ,  c'est  la  vie  du  ciel. 

S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.,  hom.  4.)  L'ange  n'attend  pas  que  l'en- 
fantement ait  eu  lieu  pour  en  faire  connaître  le  mystère  à  la  Vierge, 
cet  événement  l'eût  jetée  dans  le  plus  grand  trouble.  C'est  avant  la 
conception  qu'il  accomplit  son  message ,  et  ce  n'est  point  en  songe, 

(1)  Ce  sermon  qui  se  trouve  à  la  fin  des  œuvres  de  saint  Jérôme,  viendrait  plus  probablement  de 
Sophronius,  suivant  la  remarque  de  Possevin.  On  trouve  ce  même  passage  dans  saint  Pierre  Chry- 
sologue,  sermon  143,  qui  est  le  quatrième  sur  l'Annonciation. 


Qui  idcirco  privato  nomine  censetur,  ut 
signetur  [ler  vocabulum  in  operatione 
quid  valeat  :  Gabriel  euim  «  Dei  forti- 
tudo  »  nouiinatur.  Per  Dei  ergo  fortitu- 
dinem  nuneiaudus  erat,  qui  virtutum 
Domiuus  et  potens  in  praelio  ad  debel- 
landas  potestates  aereas  veniebat.  Glos. 
[interlin.)  Additur  autem  et  locus  quo 
mittilur,  cuni  subdilur  :  «  In  civitatem 
Nazarclli,  »  etc.  Nazarœus  enim,  id  est, 
«  sanctus  sanctorum,  »  nuntiabatur  ven- 
turus.  Bed.  (in  hom.)  Aptum  liumauae 
restaurationis  principiuni,  ut  Angélus  a 
Deo  mitteretur  ad  Virginem  partu  con- 
seerandam  divine  :  quia  prima  perditio- 
nis  huuianfe  fuit  causa,  cum  serpeus  a 
diabolo  mittebatur  ad  mulierem  spiritu 
superbicB  decipiendam.  Unde  sequitur  : 


«  Ad  Virginem.  «Aug.  {de  san.  Virgin., 
cap.  13.)  Illum  enim  solum  virginitas 
decenter  parère  potuit,  quia  in  sua  nati- 
vitateparcm  habere  non  potuit.  Oporte- 
bat  enim  caput  nostrum  (propler  insigne 
miraculdm)  secuudum  corpus  nasci  de 
Virgine,  quod  signiticaret  membra  sua 
de  virgine  Ecclesia  secunduui  spirilum 
nascilura.  Hier,  [in  sertn.  de  Assuiiip.) 
Et  bene  angélus  ad  Virginem  niiltitur, 
quia  semper  est  angelis  cognala  virgini- 
tas. Profecto  in  carne  prœter  carnem 
vivere  non  terrena  vita  est,  sed  cœlestis. 
CuRYi,.  [sup.  Mutth.,  homil.  4.)  Non 
autem  Angélus  post  partum  annunciat 
Virgini,  ne  nimium  exinde  turbaretur  : 
et  ideo  ante  conceptionem  alloquitur 
illaiu,  non  in  somnis,  imo  visibiliter  as- 


'56  EXPLICATION    DE   l'ÉVANGÏLE 

mais  dans  une  apparition  visible  et  solennelle,  telle  que  l'exigeait 
avant  raceomplissement,  l'importance  de  l'événement  qu'il  venait  lui 
annoncer. 

S.  Amd.  L'Ecriture  établit  clairement  ces  deux  choses  ,  qu'elle  était 
épouse  et  vierge.  «  Elle  était  mariée,  »  etc.  Vierge ,  ce  qui  la  sépare 
de  tout  commerce  avec  un  homme;  épouse ,  pour  que  sa  virginité  fût 
à  l'abri  de  tout  déshonneur ,  alors  que  sa  grossesse  aurait  été  pour 
tous  un  indice  de  corruption.  Le  Seigneur  aima  mieux  en  voir 
quelques-uns  douter  de  sa  naissance  immaculée ,  que  de  la  pureté  de 
sa  mère.  Il  savait  combien  l'honneur  d'une  vierge  est  délicat^  com- 
bien sa  réputation  fragile,  et  il  ne  voulut  pas  que  la  foi  à  sa  nais- 
sance miraculeuse  s'élevât  sur  le  déshonneur  de  sa  mère.  La  virgi- 
nité de  Marie  a  donc  été  inviolable  dans  l'opinion  des  hommes^  comme 
elle  l'était  en  elle-même.  11  ne  fallait  pas  lais-er  pour  excuse  aux 
vierges,  dont  la  réputation  est  malheureusement  douteuse,  que  la 
mère  du  Sauveur  elle-même  n'avait  pas  été  à  l'abri  du  soupçon  et  du 
déshonneur.  Que  pourrait-on  reprocher  aux  Juifs  aussi  bien  qu'à 
Hérode,  s'ils  n'avaient  persécuté  que  le  fruit  de  l'adultère  ?  Comment 
Jésus  lui-même  aurait-il  pu  dire  :  «  Je  ne  suis  point  venu  détruire  la 
loi,  mais  l'accomplir,  s'il  eût  commencé  par  une  violation  de  la  loi,  la 
loi  condamnant  l'enfantement  de  toute  personne  non  mariée.  Rien, 
d'ailleurs,  ne  donne  plus  de  créance  aux  paroles  de  Marie  que  ce  ma- 
riage, et  n'éloigne  davantage  tout  soupçon  de  mensonge.  Qu'elle  fût 
devenue  mère  sans  être  mariée,  elle  eût  paru  vouloir  couvrir  sa  faute 
sous  le  voile  du  mensonge  ;  étant  mariée ,  au  contraire ,  elle  n'avait 
aucune  raison  de  mentir ,  puisque  la  fécondité  des  épouses  est  tout  à 
la  fois  la  récompense  et  le  privilège  du  mariage.   Cne  raison  non 


sistens  :  nam  quasi  magnam  valde  rela- 
tionem  accipiens  egebat  aute  rei  even- 
tum  visione  solemni. 

Ambr.  Bene  autem  utrumqiie  posuit 
Scriptura,  ut  et  desponsata  esset  et 
virgo  :  sequilur  euim  :  «Desponsatam:  » 
virgo,  ut  expers  virilis  consorlii  videre- 
tur;  desponsata,  ne  temeratae  virginita- 
tis  adureretur  infamia,  cui  gravis  alvus 
corruptelœ  videretur  insigne  prœferre. 
Maluit  autem  Dominus  aliquos  de  suo 
ortu  quam  de  matris  pudore  dubitare  : 
sciebat  enini  teueram  esse  virginis  vere- 
cundiam,  et  lubricam  famam  pudoris; 
nec  putavit  ortus  sui  fîdem  matris  iuju- 
riis  astruendam.  Sequitur  itaque  sanctcD 
Mariœ  sicut  pudore  intégra,  ita  et  invio- 
labilis  opinione  virginitas  :    nec  decuit 


sinistra  virginibus  opinione  viventibus 
velamen  excusationis  relinqui,  quod  in- 
famata  mater  quoque  Domini  videretur. 
Quid  autem  Judaeis,  quid  Herodi  posset 
ascribi,  si  uatum  viderentur  ex  adulte- 
rio  persecuti  ?  Quemadmodum  autem 
ipse  diceret  {Matth.,  S)  :  «  Non  veni 
legem  solvere,  sed  adimplere,  »  si  vide- 
retur cœpisse  a  legis  injuria,  cum  partus 
innuptte  lege  damnetur  :  quid  quod 
etiam  lîdes  Mariae  verbis  magis  adcisci- 
tur  :  et  mendacii  causa  removetur '' Vi- 
deretur enim  culpam  obumbrarevoluisse 
mendacio  iunupta  prœgnans:  causam 
autem  mentiendi  desponsata  non  babuit, 
cum  conjugii  praemium  et  gratia  nup- 
tiarum  partus  sit  feminarum.  Non  me- 
diocris   quoque   causa   est,  ut  virginitas 


DE   SAINT   LUC.    CHAP.    I. 


27 


moins  importante,  c'est  que  la  virginité  de  Marie  mettait  en  défaut  le 
prince  du  monde  ;  en  la  voyant  engagée  dans  les  liens  du  mariage,  il 
ne  pouvait  avoir  aucun  soupçon  de  son  enfantement  virginal.  — 
Orig.  {hom.  6.)  Supposez-la,  au  contraire,  non  mariée,  aussitôt  cette 
pensée  secrète  fût  venue  au  démon  :  Comment  celle  qui  n'a  point  d'é- 
poux, est-elle  devenue  mère?  Cette  conception  doit  être  divine  ,  il  y  a 
ici  quelque  chose  de  supérieur  à  la  nature  humaine.  —  S.  Amb.  Mais 
ce  mariage  déjoua  bien  plus  encore  toutes  les  pensées  des  princes  de 
la  terre  ;  car  la  malice  des  démons  pénètre  facilement  dans  le  secret 
des  choses  cachées;  mais  ceux  qui  sont  plongés  dans  les  préoccupa- 
tions du  monde  sont  incapables  de  comprendre  les  choses  divines. 
Disons  encore  que  nous  avons  ainsi  un  témoin  plus  fidèle  et  plus  sur 
de  la  virginité  de  Marie  dans  la  personne  de  son  époux ,  qui  pouvait, 
et  se  plaindre  de  l'outrage  qui  lui  était  fait ,  et  en  poursuivre  le  châ- 
timent, s'il  n'eût  connu  le  mystère  de  cet  enfantement.  «  Il  s'appelait 
Joseph,  dit  l'Evangéliste,  et  il  était  de  la  maison  de  David.  »  —  Bède. 
Ces  paroles  sont  vraies  à  la  fois  et  de  Joseph  ,  et  de  Marie  ;  car  aux 
termes  de  la  loi,  chacun  devait  prendre  femme  dans  sa  tribu,  ou  dans 
sa  famille.  «  Et  cette  vierge  s'appelait  Marie.  »  Marie  ,  en  hébreu, 
signifie  étoile  de  la  mer  ,  et  en  syriaque,  maîtresse ,  noms  qui  con- 
viennent parfaitement  à  Marie  qui  a  enfanté  le  Maître  du  monde ,  et 
la  lumière  éternelle  des  siècles. 

y.  28,  29.  —  L'ange  étant  entré  où  elle  était,  lui  dit  :  Je  vous  salue,  ô  pleine 
de  grâce,  le  Seigneur  est  avec  vous  ;  vous  êtes  bénie  entre  toutes  les  femmes. 
Mais  elle,  l'ayant  entendu,  fut  troublée  de  ces  paroles,  et  elle  se  demandait 
quelle  pouvait  être  cette  salutation. 

S.  Ajib.  Reconnaissez  la  Vierge  à  ses  mœurs.  Elle  est  seule  dans 


MarifB  falleret  principem  mundi,  qui 
rum  despoiisatani  viro  cerneret,  partuin 
non  potuit  liabere  suspeclum.  Orig. 
{homil.  6.)  Si  euini  non  habuisset  spon- 
suiu,  stalim  cogitatio  tacita  diabolo  siir- 
repsisset,  quoinodo  qua;  non  accubuit 
cum  viro,  prœfïnans  esset  :  débet  iste 
conceptus  esse  divinus,  débet  aliqiiid 
humana  natura  esse  sublimius.  Ambiî. 
Sed  tamen  niagis  fefellil  principes  se- 
culi  :  Dseuionuni  enini  malilia  facile 
etiaui  occulla  deprehendit  :  At  vero  qui 
secularibus  vanitatibus  occupantur,  scire 
divina  non  possnnt  :  quiu  etiam  lociiple- 
tior  testis  pudoris  ruaritus  adhibolur, 
qui  posset  et  dolore  injuriaui,  et  vindi- 
care  opprobrium,  si  non  agnosceret  et 
sacramentu'ii,  de  quo  subditur  :  '"  Cui 


uomen  erat  Joseph  de  domo  David.  » 
Bed.  (in  /lomil.  de  Annunt.,  ut  sup.) 
Quod  non  tantum  ad  Joseph,  sed  etiam 
perlinet  ad  Mariam.  Legis  namque  erat 
prœceptum,  ut  de  sua  quisque  tribu  aut 
familia  acciperet  uxorem.  Sequitur  : 
«  Etnouien  Virginis  Maria.  »  Bed.  Ma- 
ria hebraice  slclki  maris,  syriace  vero 
(/oy^hia  vocatur  ;  et  merito,  quia  et  to- 
tius  mundi  Duniinuni  et  lucem  seculis 
meruit  generare  perennem. 

El  ingressus  Angélus  ad  eam,  dixit  :  Ave,  gra- 
tta plena  ,  Dominus  lenum  ;  benedicta  tu  in 
mulieribus  Quœ  cum  audisset ,  lurbata  est  in 
sermone  ejus,  et  cogitabat  i/ualis  esset  ista  sa- 
lutatio. 

Ambr.  Disce  virginem   moribus:  sola 


28  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

l'intérieur  de  sa  demeure ,  loin  de  tous  les  regards  des  hommes  ,  un 
ange  seul  peut  arriver  jusqu'à  elle  :  «  L'ange  étant  entré  où  elle 
était,  »  etc.  II  ne  faut  point  qu'elle  soit  déshonorée  par  une  conver- 
sation indigne  d'elle ,  c'est  un  ange  qui  est  chargé  de  la  saluer.  — 
S.  CiRÉG.  DE  Nysse.  {dise,  sur  la  Nativ.)  Le  discours  qu'il  lui  adresse 
est  opposé  à  celui  que  la  première  femme  entendit  autrefois.  Pour 
Eve  l'enfantement  dans  la  douleur  fut  la  juste  punition  de  son  péché  ; 
pour  Marie,  la  tristesse  fait  place  à  la  joie,  et  l'ange  lui  annonce  le  su- 
jet d'une  joie  bien  légitime ,  en  lui  disant  :  «  Je  vous  salue.  »  Il 
ajoute  :  «  Pleine  de  grâce,  »  et  il  proclame  ainsi  qu'elle  est  digne  de 
l'union  qu'il  vient  lui  annoncer.  Car  cette  plénitude  de  grâce  est 
comme  la  dot  destinée  à  son  époux  ;  en  effet ,  les  paroles  de  l'ange 
conviennent  tour  à  tour,  les  unes  à  l'épouse,  les  autres  à  l'époux.  — 
S.  JÉR.  {serm.  sw  rAssomp.)  Oui  elle  est  pleine  de  grâce ,  car  la 
grâce  n'est  donnée  aux  autres  créatures  que  partiellement  et  avec 
mesure;  Marie  l'a  reçue  toute  entière  et  dans  sa  plénitude.  Oui,  elle 
est  vraiment  pleine  de  grâce,  elle  par  qui  toute  créature  a  été  inondée 
des  eaux  abondantes  de  l'Esprit  saint.  Celui  qui  avait  envoyé  son 
ange  â  cette  divine  Vierge  était  déjà  avec  elle,  le  Seigneur  avait  pré- 
cédé son  ambassadeur  ;  et  le  Dieu  qui  remplit  tout  de  son  immensité, 
ne  pouvait  être  retenu  par  la  distance  des  lieux  :  «  Le  Seigneur  est 
avec  vous.  »  —  S.  Aug.  {serm.  14  sur  la  Nativ.  du  Seig.)  Il  est  avec 
vous  plus  qu'il  n'est  avec  moi  ;  car  il  est  lui-même  dans  votre  cœur, 
il  s'incarne  dans  vos  entrailles ,  il  remplit  votre  âme ,  il  remplit  votre 
sein.  —  Grec,  {ou  Géom.,  Chaîne  des  Pères  grecs.)  C'est  là  le  com- 
plément de  l'ambassade  céleste,  le  Verbe  de  Dieu  contracte  comme  un 


in  penetralibns,  quam  nemo  virorum 
videret,  solus  Angélus  reperiret  :  unde 
dicitur  :  «  Et  ingressus  Angélus  ad 
eam,  »  etc.  Et  ne  quo  quidem  degeueri 
depravaretiir  affatu  ab  Angelo  saUitatur. 
Greg.  (id  est,  Grejor.  Az/ss.,  orat.  in 
Christi  Nativitatem.  )  Contra  vocem 
prius  editam  mulieri,  dirigitur  nunc 
sermo  ad  Yirgiuem.  In  illa  doloribus 
partus  est  causa  peccati  punita  ;  in  liac 
per  gaudium  mœstitia  pellitur  :  unde 
jucunditatem  non  absurde  prœuunciat 
Angélus  Virgini,  dicens  :  Ave.  Item  alius 
{niminim  Geometer  in  Cat.  Grœcorum 
Pcitrum.)  Quod  autem  digna  cognosce- 
retur  sponsaliuiu,  attestatur,  cum  dicit  : 
«  Gratia  plena  :  »  quasi  enim  quaedam 
arrha  aut  dos  sponsi  ostenditur,  quod 
fecunda  sit  gratiis  :  horum   enim  quse 


dicit,  lieec  sunt  sponsse,  alla  sponsi. 
Hier,  {in  serin,  de  Assiunpt.)  Et  bene 
«  gratia  plena,  »  quia  caeteris  per  partes 
prgestatur;  Mariae  vero  simul  se  totam 
infudit  gratiae  plénitude.  Vere  «  gratia 
plena,  »  per  quam  largo  Spiritus  sancti 
imbre  superfusa  est  omnis  creatura. 
Jam  autem  erat  cum  Virgine,  qui  ad 
Virgineni  mittebat  Angelum,  et  praeces- 
sit  uuutium  suum  Dominus;  nec  teneri 
potuit  locis  qui  omnibus  habetur  in  lo- 
cis  :  unde  sequitur  :  «  Domiuus  tecum.  » 
Aug.  {in  serm.  de  Nat.  Domini,  serm. 
14.)  Magis  quam  mecum  :  ipse  enim  in 
tuo  est  corde,  in  tuo  fit  utero  ;  adimplet 
mentem,  adimplet  ventrem.  Gr.ec.  {vel 
Geometer  ut  sup.,  in  Cat.  Grxcorum 
Patrum.)  Hoc  autem  esttotius  legationis 
complementum.  Dei  enim    Verbum  ut 


DE   SAINT    LUC,    CHAP.    I.  29 

époux  une  union  incompréhensible  à  la  raison  ;  engendrant  tout  à  la 
fois  et  engendré,  il  s'associe  intimement  toute  la  nature  humaine.  Les 
dernières  paroles  de  l'ange  sont  le  couronnement  et  l'abrégé  de  tout 
ce  qui  précède  :  «Vous  êtes  bénie  entre  les  femmes,  »  c'est-à-dire  seule 
entre  toutes  les  femmes  ;  par  là  même  toutes  les  femmes  seront  bénies 
en  vous,  comme  tous  les  hommes  en  votre  Fils,  ou  plutôt  les  uns  et 
les  autres  seront  bénis  en  vous  deux.  En  effet,  c'est  par  une  femme  et 
un  homme  que  le  péché  et  la  douleur  sont  entrés  dans  le  monde  ; 
c'est  aussi  par  une  femme  et  par  un  homme  que  la  bénédiction,  que  la 
joie  sont  appelées  et  répandues  sur  toute  créature. 

S.  Amb.  Reconnaissez  encore  la  Vierge  à  sa  pudeur;  elle  fut  alarmée  : 
«  Ayant  entendu  ces  paroles,  elle  en  fut  troublée.  »  C'est  le  propre 
des  vierges  d'être  accessible  à  la  crainte,  de  trembler  à  l'approche  d'un 
homme,  de  redouter  tout  entretien  avec  lui.  Apprenez  de  là,  ô  vierges, 
à  éviter  toute  licence  dans  vos  paroles,  puisque  Marie  redoute  la  salu- 
tation d'un  ange,  —  Grec,  {pu  Géoni.)  Comme  ces  visions  du  ciel  lui 
étaient  familières,  ce  n'est  point  à  la  vision  elle-même ,  mais  aux  pa- 
roles de  l'ange  que  l'Evangéliste  attribue  son  trouble  :  «  Ayant  en- 
tendu ces  paroles,  elle  en  fut  troublée.  »  Remarquez  encore  tout  à  la 
fois  la  pudeur  et  la  prudence  de  cette  divine  Vierge^  les  sentiments  de 
son  âme  ,  les  paroles  qui  sortent  de  sa  bouche.  Elle  entend  parler  de 
joie,  de  bonheur,  elle  examine  ce  qu'on  lui  dit,  elle  ne  résiste  pas  ou- 
vertement par  incrédulité ,  elle  ne  croit  pas  aussitôt  à  la  légère ,  elle 
évite  à  la  fois  la  légèreté  d'Eve  ,  et  l'obstination  de  Zacharie  :  «  Et 
elle  se  demandait  ce  que  pouvait  être  cette  salutation.  »  Car  elle 
ignorait  encore  la  grandeur  du  mystère  qui  allait  s'accomplir  en  elle. 
Cette  salutation  est-elle  inspirée  par  la  passion ,  comme  serait  celle 


sponsus  supra  ralionem  unionem  efti- 
ciens,  tauquam  ipse  germinans,  idemque 
germinalus,  totaui  iiaturam  liumaiiam 
sibi  ipsi  conformavit.  Ulliuium  vero  po- 
nitur  taïKjuam  perfectiosinnini  et  coin- 
pendiosum  :  «  Beuedicla  tu  in  mulieri- 
bus  ;  »  una  scilicet  prae  cunclis  mulieri- 
busruteliain  benedicantur  intcniulieres, 
sicut  maros  in  lilio  ;  sed  raagis  utrique 
in  utrisque  :  veiut  euini  per  iinam  femi- 
nam  et  uuum  niarem  peccatura  sinuU 
ac  tristitia  intravit,  sic  et  nunc  per  iniam 
et  unum  benedicUo  revocala  est  et  lo;- 
litia,  et  ad  siugulos  est  profusa. 

Amiîr.  Disce  autem  virginem  a  vere- 
cundia,  quia  pavebat  :  nam  sequitur  : 
«  Quae  cum  audlsset  turbata  est,  »  etc. 
Trepidare  virginum  est,    et  ad    omues 


ingressus  viri  pavere,  omues  viri  affatus 
vereri.  Disce  virgo  verboruni  vitare  las- 
civiam  ;  Maria  etiam  salutalionem  An- 
geli  verebatur.  Gr.^f.cus.  [vel  Geometer 
lit  Slip.)  Cum  autem  assueta  foret  liis 
visionibus,  Evangelista  non  visioni  sed 
relatibus  turbationem  attribuit,  dicens  : 
«  Turbata  est  in  sernione  f;jus.  "Attende 
aulem  Virginis  et  pudicitiam,  et  pru- 
dentiani,  et  animani  siniul  et  vocem. 
Audila  kelitia  dictuni  examinavit,  et  ne- 
que  manifeste  obstilit  per  incredulitatem, 
nec  statim  paret  ex  levilale  ;  Evœ  levi- 
tatem  evitans  siiiml  et  duriliam  Zacha- 
riœ  :  unde  dicitur  :  «  Et  cogitabat  qua- 
lis  esset  ista  salutalio,  »  non  «  conce- 
ptio.  »  Naui  adhuc  ignorabat  immensita- 
tem    mysterii.     Sed    salutatiu    uunquid 


30  EXPUCATION    DE   l'ÉVANGILE 

d'im  homme  à  une  vi(M'ge  ?  Ou  bien  est-elle  divine,  puisqu'on  fait  in- 
tervenir le  nom  même  dii  Dieu  :  «  Le  Seigneur  est  avec  vous.  »  — 
S.  Amb.  Elle  s'étonne  aussi  de  cette  nouvelle  formule  de  bénédiction 
inusitée  jusque-là;  car  elle  était  réservée  à  Marie  seule.  —  Orig. 
{hom.  6.)  Si  par  la  connaissance  qu'elle  avait  de  la  loi ,  elle  eût  su 
qu'un  autre  avant  elle  eût  été  l'objet  d'un  semblable  discours,  elle 
n'eu  eût  point  été  effrayée,  comme  d'une  chose  extraordinaire. 

%  30-33.  —  L'ange  lui  dit  :  Ne  craignez  point,  Marie,  car  vous  avez  trouvé 
grâce  devant  Dieu.  Vous  concevrez  dans  voire  sein  et  vous  enfanterez  un  fils 
à  qui  vous  donnerez  le  nom  de  Jésus.  Il  sera  grand  et  sera  appelé  le  Fils  du 
Très-Haut  ;  le  Seigneur  Dieu  lui  donnera  le  trône  de  David  son  père;  il 
régnera  éternellement  sur  la  maison  de  Jacob,  et  son  règne  n'aura  point  de  fin. 

BEDE.  L'ange,  voyant  la  Vierge  troublée  par  cette  salutation  étrange 
pour  elle,  l'appelle  par  son  nom,  comme  s'il  la  connaissait  plus  fami- 
lièrement, et  l'engage  à  déposer  tout  sentiment  de  crainte.  «  Et  l'ange 
lui  dit  :  Ne  craignez  pas,  Marie,  »  etc.  —  Grec.  {Photius,  Chaîne  des 
Pères  grecs.)  Comme  s'il  disait  :  Je  ne  suis  point  venu  pour  vous 
tromper,  mais  pour  apporter  le  pardon  de  l'ancienne  déception,  je  ne 
viens  point  non  plus  porter  atteinte  à  votre  inviolable  virginité,  mais 
préparer  en  vous  une  demeure  à  l'auteur  ,  au  gardien  de  toute  pu- 
reté ;  je  ne  suis  pas  l'envoyé  du  serpent,  mais  l'ambassadeur  de  celui 
qui  détruit  son  empire,  je  viens  non  vous  tendre  un  piège,  mais  traiter 
de  l'union  mystérieuse  que  Dieu  veut  contracter  avec  vous.  Il  ne  veut 
pas  la  laisser  en  proie  à  des  pensées  in(]uiétantes ,  pour  sauver  l'hon- 
neur de  la  mission  divine  qu'il  vient  remplir.  —  S.  Chrys.  [Chaîne 
des  Pères  grecs.)  Celui  qui  mérite  de  trouver  grâce  aux  yeux  de  Dieu, 


libidinoàa,  ut  a  viro  ad  virginem?  an 
divina,  dum  Dei  faceret  meutionein, 
dicens  :  Dominus  tecnm  ?  Ambr.  Beue- 
dicticnis  etiaiu  novam  formulam  mira- 
batur,  quïE  uusquam  esl  aute  comperta  : 
soliMariœhœc  servabatur.  Orig.  {hom. 
6.)  Si  euim  scivisset  ^Maria  ad  alium 
quempiam  similem  factuiu  esse  seriuo- 
nem  (utpote  quœ  habebat  legis  scieu- 
tiam)  .  nunquain  eam  quasi  peregrina 
talis  salutatio  esterruisset. 

Et  ait  Angélus  et  ;  Ne  timeas ,  Maria,  invenisti 
enim  gratiam  apud  Deum.  Ecce  concipies  in 
utero  et  paries  filium ,  et  vocabis  nomen  ejus 
Jesum.  Hic  erit  magmis ,  et  Filius  Allissimi 
vocabitur.  Et  dabit  illi  Dominus  Deus  sedem 
David patris  ejus,  et  regnabit  in  domo  Jacob 
in  œternum,  et  regni  ejus  non  erit  finis. 

Beda.  Quia  salutatione  insolita  Virgi- 


nem tnrbatam  viderai^  quasi  fauiiliarius 
uotam  vocans  ex  nomine,  ne  timere 
debeat  jubet  :  unde  dicitur  :  «  Et  ait 
Angélus  :  Ne  timeas^  Maria,  »etc.  Gr^c. 
[nevipe  Pfiotivs  in  Cut.  Grœcorum  Pa- 
irum.)  Quasi  diceret  :  Non  accessi  decep- 
turus,  imo  deceptionis  absolutionem 
deprouiere  ;  non  veni  prœdaturus  in- 
vlolabileni  tuam  virginitatem,  sed  Con- 
ditori  puritalis  et  custodi  contubernia 
reserare  ;  non  sum  serpentis  minister, 
sed  perimentis  serpeutem  legatus.  spon- 
saliuni  tractator.  non  insidiarum  moli- 
lor.  Sic  ergo  uequaquam  distrahentibus 
ipsam  cousiderationibus  vexari  perrui- 
sit,  ne  dijudicaretur  infidus  miuister 
negotii.  Chrys.  [in  Cat.  Grœconnn  Pa- 
tnim.)  Qui  autem  apud  Deum  meretur 
gratiam,   non  liabet  quid  timeat  :  unde 


DK   SAINT   LUC.    CHAP.   1. 


31 


n'a  rien  à  craindre.  «  Vous  avez,  lui  dit-il,  trouvé  grâce  devant  Dieu.  » 
Comment  chacun  peut-il  à  son  tour  trouver  grâce  devant  Dieu  ?  par 
l'humilité  ;  car  c'est  aux  humbles  que  Dieu  donne  sa  grâce.  {Jacq.^  iv 
et  I  Pierre,  v.)  —  Grec,  [ou  Photius.)  Cette  Vierge  sainte  a  trouvé 
grâce  devant  Dieu,  parce  que  l'éclat  de  sa  chasteté  qui  était  le  plus 
bel  ornement  de  son  âme,  en  a  fait  une  demeure  agréable  à  Dieu;  et 
que  non-seulement  elle  a  gardé  une  virginité  perpétuelle,  mais  a  con- 
servé son  âme  pure  de  toute  tache.  —  Orîg.  {Chaîne  des  Pères  grecs.) 
Plusieurs  avant  elle,  avaient  trouvé  grâce  devant  Dieu  :  aussi  l'ange 
ajoute  ce  qui  lui  est  exclusivement  propre  :  «  Voilà  que.  vous  con- 
cevrez dans  votre  sein.  »  Cette  expression  voilà  indique  la  rapidité, 
l'actualité  de  l'opération  divine,  la  conception  a  lieu  au  moment 
même  où  il  parle.  —  Sév.  Am.  «  Vous  enfanterez  dans  votre  sein,  » 
paroles  qui  démontrent  que  Notre-Seigneur  a  pris  dans  le  sein  vir- 
ginal une  chair  semblable  à  notre  chair.  En  effet ,  le  Verbe  divin  ve- 
nait purifier  à  la  fois  la  nature  humaine  ,  notre  naissance,  l'origine 
de  notre  génération  ;  il  a  donc ,  à  l'exception  du  péché  et  du  cou- 
cours  de  l'homme,  été  conçu  comme  nous  dans  la  chair,  et  porté  neuf 
mois  dans  le  sein  de  sa  mère.  —  Greg.  Nyss.  {ou  Géom.,  Chaîne  des 
Pères  grecs.)  Mais  comme  il  en  est  qui  conçoivent  l'esprit  divin  et 
enfantent  l'esprit  du  salut^  selon  l'expression  du  prophète  ,  l'ange 
ajoute  :  «  Et  vous  enfanterez  un  Fils.  »  —  S,  Amb.  Il  en  est  peu  qui, 
comme  Marie,  enfantent  le  Verbe  qu'ils  ont  conçu  par  la  grâce  de 
l'Esprit  saint.  Il  en  est  qui  rejettent  au  dehors  le  Verbe  à  peine  conçu, 
et  qui  ne  l'enfantent  jamais;  il  en  est  qui  portent  Jésus-Christ  dans 
leur  sein,  mais  sans  que  jamais  il  arrive  à  être  formé  dans  leur  cœur. 


sequitur  :  «  Inveuislienim  gratiam  apud 
Deum,  »  etc.  Qnaliter  autein  illam  quis- 
que  reperiet,  nisl  liumililate  mediante  ? 
Humilibus  enim  dat  Dcus  gratiaiu.  (Ja- 
cob k,  et  I  Petr.  5)  GR.i-:r..  (vel  Photius 
vt  sup.)  Iiivenit  enim  gratiam  Virgo  co-  j 
rara  Deo,  quia  splendore  pudicitiœ  pro-  j 
priam  exo'iians  auiuiaui^  gralum  Deo 
habitaculuLii  prœparavit  ;  nec  solum 
cœlibatum  inviolabilera  servavit ,  sed 
eliam  immaculalani  couscientiam  cuslo- 
divit.  Orig.  luvenerauteuim  plures  gra- 
tiaiu ante  eam  :  et  ideo  subdit  quod 
propriuin  est,  dicens  :  «  Kcce  concipies 
in  utero.  »  Gr.eg.  {vel  Geometer  inCat. 
Grxcoi-um  Patruin.  )  Quod  dicitur  : 
«  Ecce,  »  conceleritatem  et  prœseutiam 
dénotât  ;  insinuans  cuni  ejus  verbo  ce- 
lebratam  esse  conceptionem.  (Et  Severus 
Aniiochenns    ubi  sup.)  <<  Concipies  in 


utero;  »  ut  demonstret  Dominum  ab 
ipso  utero  virginali  et  de  nostra  sub- 
stantia  carneni  suscipere  :  venit  enim 
diviuum  Verbuin  euiundaturuni  natu- 
rani  bumanani,  et  parlum,  et  nostraî 
generatiouis  primordia  :  et  ideo  sine 
peccato  et  huraano  scmine  por  singula 
sicut  nos  in  carne  concipitur,  et  novem 
mensiuui  spatio  gestaturin  utero.  Gr.eg. 
Nyss.  (vel  Geometer  in  Cat.  grœcarum 
Palrum.)  Sed  quouiaui  contingit  specia- 
liter  divinum  concipi  spirituui  et  spiritum 
parère  salularem,  secunduni  Prophetani, 
ideo  addidit  :  «  Et  paries  Filiuni.  »  Ambr. 
Non  autein  omnessuut  sicut  Maria,  ut  dum 
de  Spirilu  sancto  concipiunl  vorbum,  pa- 
riant: suiit  enim  qua-  abortiviun  exclu- 
dant  verbum,  antequam  pariant;  sunt 
qufe  in  utero  Cbristum  liabeant,  sed 
nondum  forraaverint.  (in  Luc.  20.) 


32  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

Greg.  Nyss.  {dise,  pour  la  Nativ.  du  Seig.)  L'attente  de  leur  déli- 
vrance inspire  ordinairement  aux  femmes  de  vives  craintes ,  aussi 
l'ange  calme  ces  appréhensions  par  les  charmes  de  1  enfantement 
qu'il  annonce  :  «  Et  vous  l'appellerez  Jésus.  »  L'avènement  d'un  Sauveur 
suffit  pour  dissiper  tout  sentiment  de  crainte.  —  Bède.  Le  nom  de 
Jésus  signifie  Sauveur  ou  salutaire.  —  Grec.  L'ange  dit  à  Marie  : 
«  C'est  vous  qui  lui  donnerez  ce  nom,  et  non  pas  son  père  ;  car  il  n'a 
point  de  père  dans  sa  génération  temporelle  ,  comme  il  n'a  point  de 
mère  dans  sa  génération  divine.  —  S.  Gyr.  Ce  nom  fut  un  nom  nou- 
veau donné  au  Verbe  de  Dieu  et  parfaitement  en  rapport  avec  sa  nais- 
sance selon  la  chair,  selon  cette  parole  du  prophète  :  «  On  vous  appel- 
lera d'un  nom  nouveau,  que  la  bouche  du  Seigneur  vous  donnera.  » 
—  Grec,  {ou  Geowz.)Mais  comme  ce  nom  lui  était  commun  avec  le 
successeur  de  Moïse,  l'ange  fait  ressortir  la  différence  qui  les  sépare 
en  ajoutant  :  «  Il  sera  grand.  »  —  S.  Ambr.  Il  a  été  dit  aussi  de  Jean- 
Baptiste  qu'il  serait  grand,  mais  d'une  grandeur  humaine,  tandis  que 
Jésus  sera  grand  d'une  grandeur  toute  divine  ;  car  la  puissance  de 
Dieu  se  répand  au  loiu,  et  la  grandeur  de  la  substance  divine  s'étend 
au  delà  de  tous  les  espaces  connus.  Elle  n'est  limitée  par  aucun  lieu_, 
elle  est  incompréhensible  à  l'esprit  humain  ,  supérieure  à  toutes  nos 
pensées  ,  inaccessible  aux  variations  des  temps.  —  Orig.  {hom.  6.) 
Admirez  donc  la  grandeur  du  Sauveur  Jésus,  comme  elle  est  répandue 
par  tout  l'univers  (I).  Montez  dans  les  cieux,  elle  y  remplit  tout  de  sa 
présence;  descendez  par  la  pensée  dans  les  abîmes,  vous  verrez  qu'elle 

(1)  Il  ne  s'agit  point  ici  de  la  présence  réelle  par  laquelle  le  Fils  de  Dieu  est  partout  eu  tant  que 
Dieu,  mais  de  sa  puissance  divine,  ou  de  la  profession  de  la  foi  chrétienne,  comme  l'insinue  Ori- 
gène ,  qui  explique  en  même  temps  comment  Jésus  a  rempli  les  cieux  en  apparaissant  aux 
anges,  etc.;  ce  qui  doit  s'entendre  de  son  humanité  élevée  dans  les  cieux" par  son  Ascension  glo- 
rieuse. 


Greg.  Nyss.  [orat,  in  diem  natalem 
C/iristi.)  Cum  auleiu  expectatio  partus 
mulieribus  timorem  incutiat,  sedat  ti- 
moris  melum  dvilcis  partus  relatio,  cum 
subditur  :  «  Et  vocabis  uomen  ejus  Je- 
sum.  »  {Ei  rursiis  in  Cat.  Grœvorum 
Patrum.)  Salvatoris  enim  adveutus  est 
cujuslibet  timoris  propulsio.  Bed.  Jésus 
autem  Salvator  sive  Salutaris  interpre- 
tatur.  Gr^c.  [vel  Geometer  ui  sup.) 
Dicit  autem  :  «  Tu  vocabis^  »  uou  pater  : 
pâtre  enim  caret  quantum  ad  iuferio- 
rem  generatiouem,  sicut  et  matre  res- 
pectu  superuee.  Cyril.  Hoc  autem  uo- 
men de  novo  fuit  Verbo  impositum, 
nativitati  congrueus  carnis  ;  secundum 
illud  propheticum  {Isai.,  62)  :  «  Voca- 
bitur  libi  nomen   novum,  quod  os  Do- 


mini  nominavit.  »  Gr^c.  {vel  rursus 
Geometer  ut  sup.)  Verum  quia  hoc  no- 
men commune  est  sibi  cum  successore 
Moysi  {Josue,  i),  idcirco  innuens  Angélus 
quod  non  erit  secundum  illius  similitu- 
dioem,  subjungit  :  «  Hic  erit  magnus.  » 
Ambr.  Dictum  est  quidem  etiam  de 
Joanne  quia  erit  magnus  ;  sed  ille  quasi 
«  liomo  magnuSj  »  hic  quasi  «  magnus 
Deus  :  »  late  enim  fanditur  Dei  virtus, 
late  cœlestis  substantiœ  magnitudo  por- 
rigitur.  Non  loco  clauditur,  non  opinione 
comprehenditur,  non  œstimatione  con- 
cUiditur,  non  œtate  variatur.  Orig.  {hom. 
6.)  Vide  ergo  magnitudiuem  Salvatoris, 
quomodo  in  toto  orbe  diffusa  sit  :  as- 
cende  in  cœlos,  quomodo  cœlestia  re- 
pleverit;  descende    cogitatione  ab  abys- 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    I.  33 

VOUS  y  a  précédé.  A  cette  vue,  reconnaissez  raccomplissement  de  cette 
prédiction  :  «  Il  sera  grand.  » 

Grec,  {ou  Phothis,  comme  précéd.)  Et  ne  croyez  pas  que  l'incarnation 
du  Fils  de  Dieu  porte  la  moindre  atteinte  à  la  majesté  divine,  au  con- 
traire, elle  élève  jusqu'aux  cieux  notre  pauvre  humanité  :  «  Et  il  sera 
appelé,  dit  l'ange,  le  Fils  du  Très-Haut.  »  Ce  n'est  pas  vous  qui  lui 
donnerez  ce  nom  :  «  Il  sera  appelé,  »  et  par  qui  donc,  si  ce  n'est  par 
son  Père  qui  lui  est  consubstantiel?  Celui-là  seul  qui  a  la  connaissance 
parfaite  de  son  fils,  peut  seul  aussi  lui  donner  le  nom  qui  lui  convient, 
ce  qu'il  fait  quand  il  dit  :  «  Celui-ci  est  mon  Fils  bien-aimé.  »  Il  l'est 
de  toute  éternité ,  bien  que  ce  nom  ne  nous  ait  été  révélé  que  dans  le 
temps  pour  notre  instruction  ;  aussi  l'ange  dit  :  «  Il  sera  appelé  ,  »  et 
non  pas,  il  deviendra,  ou  il  sera  engendré  ;  car  avant  tous  les  siècles  il 
était  consubstantiel  à  son  Père.  Celui  donc  que  l'immensité  des  cieux 
ne  peut  contenir,  c'est  lui  que  vous  concevrez  ,  c'est  lui  dont  vous  de- 
viendrez la  mère,  c'est  lui  ijue  votre  sein  virginal  va  renfermer.  — 
S.  Chrys.  {Chaîne  des  Pères  grecs.)  Il  en  est  qui  regardent  comme 
souverainement  étrange,  inconvenant  même  que  Dieu  fasse  son  habi- 
tation d'un  corps  mortel.  Mais  est-ce  que  le  soleil  qui  est  un  corps 
sensible,  et  qui  pénètre  tout  de  ses  rayons,  voit  pour  cela  s'obscurcir 
son  éclat?  A  plus  forte  raison  le  soleil  de  justice,  en  prenant  un  corps 
très-pur  dans  le  sein  d'une  vierge,  ne  perd  rien  de  sa  pureté;  bien  loin 
de  là,  il  ajoute  à  la  pureté,  à  la  sainteté  de  sa  mère. 

Grec,  {ou  Sév.  d'Ant.,  Ch.  des  Pères  grecs.)  L'ange  voulant  rappeler 
au  souvenir  de  Marie  les  oracles  des  prophètes  ,  ajoute  :  «  Et  Dieu  lui 
donnera  le  trône  de  David ,  »  etc.  ,  afin  qu'elle  sache  à  n'en  pouvoir 


SOS,  et  vide  eum  illuc  descendisse.  Si 
hoc  videris ,  pariler  iuliieberis  opère 
completuiu  :  «  Hic  erit  niagnus.  » 

Gr.ec.  {vel  Photiiis  ut  sup.)  Neque 
cariiis  assumpLio  Ueilatis  dero^'at  colsi- 
ludiiii,  imo  potius  humanitalisliumilitas 
sublimalur  :  unde  sequitur  :  «  Et  Filius 
Altissimi  vocabilur.  »  Nou  ulique  tu 
impones  vocabuluui,  sed  ipse  vocabitur  ; 
a  quo  nisi  a  consubstantiali  j^enilore  ? 
NuUus  euim  Kiliuiu  novit  nisi  Pater. 
{Mallh.,  H .)  Pênes  qucm  vero  infallibilis 
est  nolitia  geniti,  is  veriis  inturpres  est 
•Tga  impoiitionem  conirruam  nominis 
quu  dicit  :  «  Hic  est  Filius  meus  dilec- 
tus.  (Matth.,  17.)  Ab  œterno  siquidem 
est,  quamvis  nunc  ad  nostram  doctrinam 
nomen  ejus  païuerit;  et  ideo  ait  :  Voca- 
bitur, non  fiet   vel  generabititr  :   nam 

TOM.    V. 


et  ante  secula  fuerat  consubstantialis 
Patri.  Hune  ergo  concipies,  hujus  mater 
efficieris,  hune  virginalis  cella  concludet, 
cujus  cœleste  spatiuni  capax  non  extitit. 
Chrvs.  (-in  Cat.  Grœcorum  Patrum.) 
Cœterum  siquidem  énorme  (seu  inde 
cens)  quibusdam  videtur,  Deum  habi- 
tare  corpus.  Nonne  sol  cujus  est  corpus 
seusibde,  quocunque  radios  mittit,  non 
laeditur  in  propria  puritate  ?  Multo  ergo 
magis  justitife  Sol  ex  utero  virginali 
mundissiniuni  corpus  assumens ,  non 
tantum  contaniinatus  uon  est;  imo  etiam 
ipsam  Riatrem  sanctiorem  ostendit. 

Gr/kc.  {vel  Severus  Antlochenus  in 
Cat.  Grœcorum  Patriint.)  Et  ut  Virgiuem 
redderet  memorem  prophetarum,  sub- 
dit  :  «  Et  dabit  illi  Dominus  Deus  se- 
deni     David,  »   etc.   Ut    noscat  liquido 


34 


EXPLICATION    DE   l'ÉVANGILE 


douter,  que  celui  dont  elle  deviendra  la  mère,  c'est  le  Christ  qui, 
selon  les  prophètes ,  devait  naître  de  la  race  de  David.  —  S.  Cyr. 
{Chaîne  des  Pères  grecs.)  Toutefois  ,  gardons-nous  de  croire  que  le 
corps  très-pur  de  Jésus- Christ  soit  l'œuvre  de  Joseph;  mais  tous  deux 
descendaient  des  mêmes  ancêtres,  Joseph  et  Marie  ,  dans  le  sein  de 
laquelle  le  Fils  de  Dieu  s'est  revêtu  de  notre  humanité.  —  S.  Bas. 
{à  Amphiloch.)  Ce  n'est  point  sur  le  trône  temporel  de  David  que  le 
Seigneur  s'est  assis ,  puisque  le  gouvernement  du  peuple  juif  était 
passé  aux  mains  d'Hérode  ;  le  trône  de  David ,  dont  le  Seigneur  s'est 
mis  en  possession,  c'est  son  royaume  immortel.  Aussi  voyez  ce  qui 
suit  :  «  Et  il  régnera  sur  la  maison  de  Jacob  éternellement ,  »  etc. 
—  S.  Chrts.  [hom.  7  sur  S.  Matth.)  La  maison  de  Jacob  dont  il  est 
ici  question  sont  ceux  d'entre  les  Juifs  qui  ont  cru  en  lui.  Car  comme 
dit  saint  Paul  :  «  Tous  ceux  qui  descendent  d'Israël ,  ne  sont  pas  pour 
cela  Israélites...,  mais  ce  sont  les  enfants  de  la  promesse  qui  sont  ré- 
putés être  les  enfants  d'Abraham.  »  {Rom.,  xi.)  Ou  bien  encore,  la 
maison  de  Jacob,  c'est  toute  l'Eglise  ,  qui  est  sortie  d'une  bonne  ra- 
cine, ou  qui,  d'olivier  sauvage  qu'elle  était,  a  été  greffée  sur  l'olivier 
franc  par  le  mérite  de  sa  foi.  —  Grec,  {ou  Géom.)  A  Dieu  seul  il  ap- 
partient de  régner  éternellement;  aussi,  bien  que  l'ange  déclare 
qu'il  prendra  possession  du  trône  de  David  par  suite  de  son  incar- 
nation, en  tant  que  Dieu^  il  est  le  roi  éternel  des  siècles.  «  Et  son 
royaume  n'aura  point  de  foi.  »  Non-seulement  comme  Dieu,  mais 
aussi  eu  tant  qu'il  est  homme  ;  dans  le  temps  présent,  il  règne  sur  un 
grand  nombre,  à  la  fin  des  siècles,  son  empire  s'étendra  sur  tous  sans 
exception,  lorsque  toutes  choses  lui  seront  soumises.  —  Bède.  Que 


quoniam  qui  nasciturus  est  ab  ea,  ipse 
est  Christus,  quem  illi  promiserunt  Da- 
vid ex  semine  nascituriim.  Cyril,  [in 
Cat.  cjrœcorum  Patrum.)  Non  taineu  ex 
Joseph  est  editum  corpus  Christi  mun- 
dissimam  :  secuudum  enim  uuam  li- 
neam  coguationis  protluxerant  Joseph 
et  Yirgo,  ex  qua  formam  humanitatis 
unigenitus  sumpsit.  Basil,  [cd  Amphi- 
lochium.)  Non  autem  in  materiaU  sede 
David  sedit  Dominus  trauslato  judaico 
regno  ad  Ilerodem  ;  sed  scdem  appellat 
David  in  qua  resedit  Dominus  indisso- 
lubile  regnum.  Unde  sequitur  :  «  Et  re- 
gnabit  in  domo  Jacob,  »  etc.  Chrys. 
{hom.  1,  in  Matlh.)  DIcit  autem  ad 
praesens  domum  Jacob  eos  qui  de  nu- 
méro Judœorum  crediderunt  in  illum. 
Ut  enim  Paulus  dicit   (Rom.,  9j  :  «  Non 


omnes  qui  ex  Israël  sunt,  hi  sunt  Israe- 
htae  ;  sed  qui  sunt  fiiii  promissionis, 
computantur  in  semine.  »  Bed.  Vel  do- 
mum Jucob  totam  Ecclesiam  dicit;  quse 
vel  de  bona  radice  nata,  vel  cum  olèas- 
ter  e^set,  merito  tamen  fidei  in  bonam 
est  iuserta  olivani.  {Rom.,  11.)  Gr.ec. 
{vel  Geometer  in  Cat.  (jrœcorum  Pa- 
trum, ubi  Slip.)  NuUius  autem  est  in 
œlernum  regnare  nisi  Dei  solius  ;  quo 
fit  ut  etsi  propter  incarnationem  dicatur 
David  sedem  accipere,  tamen  idem  ipse 
in  quantum  Deus.  Rex  ceternus  agnosci- 
tur.  Sequitur:  «  Et  regni  ejus  non  erit 
finis.  )•-  Non  solum  in  quantum  Deus  est, 
sed  etiam  in  eo  quod  homo  :  et  in  prse- 
senti  quidem  habet  regnum  multorum, 
finaliter  vero  universorum,  cum  ei  onmia 
subjicientur.    (I  Cor.,    13)    Bed.  Omittat 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    I.  35 

Nestorius  cesse  donc  de  dire  que  l'homme  seul  est  né  de  la  Vierge  (1), 
et  qu'en  Jésus-Christ  l'homme  n'a  point  été  uni  au  Verbe  de  Dieu  en 
unité  de  personne;  car  l'ange  proclame  Fils  du  Très-Haut,  celui-là 
même  qu'il  déclare  être  le  Fils  de  David ,  et  démontre  ainsi  qu'en 
Jésus-Christ,  il  n'y  a  qu'une  seule  personne  en  deux  natures.  S'il  parle 
au  futur,  ce  n'est  pas,  comme  le  disent  les  hérétiques,  que  le  Christ 
n'ait  pas  existé  avant  Marie ,  mais  parce  qu'il  a  reçu  le  nom  de  Fils 
lorsque  l'homme,  uni  à  Dieu,  n'a  plus  formé  qu'une  seule  personne. 

f.  c!4,  3S.  —  Alors  Marie  dit  à  l'ange  :  Comment  cela  se  fera-t-il,  car  je  ne 
connais  point  d'homme  ?  L'ange  lui  répondit  :  Le  Saint-Esprit  surviendra  en 
vous ,  et  la  vertu  du  Très-Haut  vous  couvrira  de  son  ombre;  c'est  pourquoi  le 
Saint  qui  naîtra  de  vous  sera  appelé  le  Fils  de  Dieu. 

S.  Ambr.  Marie  ne  devait  pomt  refuser  de  croire  aux  paroles  de 
l'ange,  elle  ne  devait  point  non  plus  accepter  témérairement  les  pré- 
rogatives divines  qu'il  lui  annonçait.  Que  fait-elle?  «  Or,  Marie  dit  à 
l'ange  :  Comment  cela  se  fera-t-il  ?  »  question  bien  plus  mesurée  que 
celle  du  prêtre  Zacharie.  «  Comment  cela  se  fera-t-il;  »  demande 
Marie;  à  quoi  connaîtrai-je  la  vérité  de  ce  que  vous  m'annoncez,  »  dit 
Zacharie.  11  refuse  donc  de  croire  ce  qu'il  déclare  ne  pas  comprendre, 
et  il  demande  pour  appuyer  sa  foi  d'autres  motifs  de  crédibilité  (2). 
Marie,  au  contraire ,  se  rend  aux  paroles  de  l'ange ,  elle  ne  doute 
nullement  de  leur  accomplissement ,  elle  n'est  inquiète  que  de  la  ma- 
nière dont  elles  s'accompliront.  Elle  avait  lu  dans  les  prophètes  :  «  Voici 
qu'une  vierge  concevra  et  enfantera  un  fils,  »  elle  croit  donc  à  l'ac- 

(1)  Ou  plus  clairement,  que  celui  qui  est  né  de  la  Vierge  n'est  qu'un  homme,  et  non  pas  un 
Dieu,  ce  qui  est  l'hérésie  de  Nestorius. 

(2)  On  peut  cependant  entendre  la  question  de  Zacharie  du  signe  seul  qu'il  demandait  pour 
croire  en  toute  certitude. 


ergo  Nestorius  dicere  hominem  tantum 
ex  virnjine  natum,  et  hune  a  Verbo  Dei 
non  in  unitatem  personfeesse  receptum  : 
Angélus  enini  qui  ait  eumdem  ipsuui  pa- 
trem  habere  David  quemiV7m//j  AUissi- 
nii  vocari  pronuntiat,  in  duabas  naturis 
unam  Christi  personam  demonstrat.  Non 
autem  ideo  futuri  temporis  verbis  An- 
gélus utitur,  quia  secundum  hîereticos 
Cbristus  ante  Muriam  non  fuerit,  sed 
quia  secundum  eamdem  personam  homo 
cum  Dec  filii  aomen  sortilur. 

Dixil  autem  Maria  ad  Angelum  :  Quomodo 
fiPl  islud,  fjuoniam  virum  non  cognosco  ?  Kt 
respondens  Angélus ,  dixil  ei  :  Spiriius  sanc- 
tus  superveniet  in  le,  et  virtus  Altissimi  obum- 


brabit  tibi:  ideoque  et  quod  nascetur  ex  te 
sanclum,  vocabitur  Filius  Dei. 

AsiiiR.  Neque  non  credere  Angelo  Ma- 
ria debuit,  neque  tam  temere  usurpare 
divina  :  unde  dicitur  :  «  Dixit  autem 
Maria  ad  Angelum  :  Quomodo  fiet  is- 
tud?))  Temperatior  est  ista  respousio 
quam  verba  sacerdotis  :  hœcait  :  «  Quo- 
modo fiet  istud?  »  llle  respondit  :  «Unde 
hor;  sciam  ?  »  Negat  ille  se  credere  quod 
se  negabdt  scire,  et  quasi  fidei  adliuc 
alium  quœrit  auctorem  :  ista  se  facere 
profitetur,  nec  dubitat  esse  faciendum, 
quod  quomodo  fiât  inquirit.  Legerat 
Maria  :  «  Ecce  concipiet  in  utero  et  pa- 
riet  filium,  »  ideo  credidit  futurum;  sed 


36 


EXPLICATION   DE    l/ÉVANGILE 


complissement  de  cette  prophétie  ;  mais  elle  n'avait  pas  lu  comment 
elle  s'accomplirait ,  car  Dieu  ne  l'avait  pas  révélé  même  au  premier 
des  prophètes  ;  ce  n'était  pas  à  un  homme,  mais  à  un  ange,  qu'il  était 
réservé  de  faire  connaitre  un  si  grand  mystère. 

S.  Grég..  de  Nysse.  {dise,  sur  la  Nativ.  du  Seig.)  Considérez  encore 
les  paroles  de  cette  Vierge  si  pure.  L'ange  lui  prédit  qu'elle  enfantera, 
elle  s'attache  à  sa  virginité  ,  la  conservation  de  sa  chasteté  est  à  ses 
yeux  d'un  plus  grand  prix  que  l'apparition  miraculeuse  de  l'ange  (1). 
Aussi  entendez-la  dire  :  «  Je  ne  connais  point  d'homme.  »  —  S.  Bas. 
[Chaîne  des  Pères  grecs.)  Le  mot  connaître  est  susceptible  de  plusieurs 
sens.  On  appelle  connaissance,  la  science  de  Dieu  notre  créateur,  la 
notion  que  nous  avons  de  ses  perfections  et  des  voies  qui  mènent 
à  lui ,  l'observation  de  ses  commandements ,  et  aussi  les  rapports 
des  époux  entre  eux ,  et  c'est  dans  ce  dernier  sens  qu'il  faut  l'en- 
tendre ici.  —  S.  Grég.  de  Ntsse.  [comme  précéd.)  Ces  paroles  de 
Marie  nous  dévoilent  les  pensées  les  plus  intimes  de  son  âme  ;  car  si 
elle  eût  épousé  Joseph  pour  la  fin  qu'on  se  propose  dans  tout  mariage, 
pourquoi  cet  étonnement,  lorsqu'on  lui  parle  de  conception  ?  puisqu'elle 
pouvait  s'attendre  à  devenir  mère  un  jour  selon  les  lois  de  la  nature. 
Mais  il  fallait  conserver  dans  toute  sa  pureté  ce  chaste  corps  qui  avait 
été  offert  à  Dieu  comme  une  chose  sacrée  ,  aussi  dit-elle  à  l'ange  : 
«  Je  ne  connais  point  d'homme.  »  Comme  si  elle  lui  disait  :  Vous  êtes 
un  ange,  cependant  c'est  pour  vous  chose  naturellement  impossible  à 
savoir  que  je  ne  connais  point  d'homme  ;  comment  donc  deviendrai-je 

(1)  Il  ne  faut  pas  seulement  entendre  l'apparition  de  l'ange,  mais  le  message  dont  il  est  chargé 
et  qui  aiiprend  à  Marie  avec  certitude  qu'elle  sera  la  mère  du  Christ.  Ce  serait  peu  dire  en  effet 
que  Marie  mettait  sa  virginité  bien  au-dessus  de  cette  apparition,  elle  qui  la  préférait  certaine- 
ment de  beaucoup  à  l'accomplissement  du  mystère  de  l'Incarnation  que  l'ange  lui  annonçait. 


quomodo  fieret,  ante  non  legerat  :  non 
enim  quemadmodum  fieret  vel  Prophetae 
tanto  fiterat  revelatuiu  :  tantum  euim 
mystermm  non  hominis  fuit,  sed  Augeli 
ore  promendum. 

Greg.  Nysse.  {Orcit.  in  dlem  naialem 
Christi,  lU  jam  sup.)  Attende  eliaiu 
mundai  Virginis  vocem  :  Partum  aunun- 
tiat  Angélus,  ipsa  vero  virginitati  inni- 
titur;  praestanliorem  incorruptibilitalem 
angelica  visione  dijudicans  :  unde  dicit  : 
«  Quoniamviruninoncognosco.»  Basil. 
(in  Cat.  Grœcorum  Patruui  ubi, supra 
ex  epist.  401,  qiise  inscribitur  Amphilo- 
cJiio.j  Cûgnitio  multifarie  dicitur.  Dicitur 
enim  cognitio  nostri  conditoris  sapien- 
tia,  ac  magoaliuni  illius  notitia,  necnon 


mandatorum  custodia,  et  quae  sit  apud 
eum  appropinquatio,  et  copula  nuptialis, 
ut  hic  accipitur.  Greg.  Nysse.  (iit  snp.) 
Hsec  igitur  Marise  verba  indicium  suut 
eorum  quse  tractabat  in  mentis  arcano  : 
nam  si  causa  copules  conjugalis  Joseph 
despousari  voluisset,  cur  admiratione 
ducta  est  dum  sibi  uarratur  conceptio  ? 
cum  nimirimi  ipsa  prœstolaretur  ad 
tempus  mater  effici  juxta  legis  naturam. 
Verum  quia  oblatum  corpus  Deo  quasi 
quoddam  ex  sacris,  iuviolabile  reservari 
decebat  ;  ideo  dicit  :  «  Quoniam  virum 
non  cognosco  :  »  quasi  diceret  :  Etsi  sis 
Angélus,  tamen  quod  virum  non  co- 
gnoscam,  ex  impossibilibus  cernitur  : 
quahter  igitur  mater  ero  carens  conjuge  ? 


^    DE   SAINT   LUC,    CHAP.    I.  37 

mère  sans  avoir  d'époux,  puisque  je  reconnais  Joseph  pour  mon 
époux? 

Grec,  {ou  Géo?7i.,  Ch.  des  Pèr.  gr.)  Considérez  comment  l'ange 
lève  le  doute  de  la  Vierge,  et  lui  explique  la  chaste  union  et  l'enfan- 
tement ineffable  qui  doit  la  suivre  :  «  Et  l'ange  lui  répondit  :  L'Esprit 
saint  surviendra  en  vous,  »  etc.  —  S.  Chrys.  {hom.  4(9  sur  la  Genèse.) 
Ne  semble-t-il  pas  lui  dire  :  Ne  cherchez  pas  les  lois  de  la  nature,  là 
où  la  nature  est  dépassée  par  la  sublimité  des  choses  que  je  vous 
annonce  ?  Vous  dites  :  «  Comment  cela  se  fera-t-il ,  parce  que  je  ne 
connais  point  d'homme?  »  Et  c'est  justement  parce  que  vous  êtes  de- 
meurée vierge  vis-à-vis  de  votre  époux,  que  ce  mystère  doit  s'accom- 
plir en  vous  ;  car  si  vous  étiez  une  épouse  ordinaire,  vous  n'en  auriez 
pas  été  jugée  digne;  non  pas,  sans  doute,  que  le  mariage  soit  une 
chose  profane  aux  yeux  de  Dieu,  mais  parce  que  la  virginité  lui  est 
supérieure.  11  convenait,  en  effet,  que  le  Seigneur  de  tous  les  hommes 
eût  avec  nous,  dans  sa  naissance,  des  rapports  de  conformité,  comme 
aussi  des  traits  de  dissemblance.  Il  naît  du  sein  d'une  femme,  et  en 
cela  il  nous  est  semblable  ;  mais  il  naît  en  dehors  des  lois  des  con-^ 
ceptions  ordinaires  ,  et  par  là  il  nous  est  supérieur.  —  S.  Grég.  de 
Nysse.  [comme  précéd.)  Bienheureux  ce  corps  qui,  par  suite  de  l'in- 
comparable pureté  de  Marie,  a  mérité  d'être  intimement  uni  à  l'Esprit 
saint  ;  dans  les  autres,  à  peine  si  une  âme  pure  mérite  la  présence  de 
ce  divin  esprit;  ici  c'est  la  chair  elle-même  qui  devient  son  taber- 
nacle. [Et  dans  le  liv.  de  la  vie  de  Moïse  ou  de  la  vie  par  f.)  Ces  tables 
de  notre  nature  que  le  péché  avait  brisées,  le  vrai  législateur  les  taille 
et  les  façonne  de  nouveau  avec  notre  terre  ;  il  prend,  sans  union  char- 
nelle, un  corps  capable  d'être  uni  à  sa  divinité  ,   et  que  le  doigt  de 


Joseph  siquidem  in  sponsum  acjnovi. 
riR.F.c.  (idest,  Gcometer  inCat.  Grœ- 
coruvi  Putrum  nbi  sup.)  Sed  considéra 
qualiter  Virgin i  solvit  dubium  Angélus, 
ac  expianat  intemeratum  connubium 
et  ineffabilem  partum  :  sequitur  enim  : 
n  Et  respondens  Angélus,  dixit  ci  :  Spi- 
ritus  sanctus  superveniet  in  te,  »  etc. 
Chrys.  [hom.  49,  in  Gènes.)  Quasi  di- 
cat  :  Non  quœras  ordincm  naturalom, 
ubi  naturam  transcendunt  et  siiperant 
quae  tractantur.  Dicis  :  «  Quomodo  fiet 
istud,  quoiiiam  virum  non  cognosco  ?  » 
Ouinimo  eo  ipso  continget  quod  est  con- 
jugis  inexperta  ;  nam  si  virum  experta 
fuisses,  non  digna  censereris  hoc  myste- 
rio,  non  quia  profanuni  sit  conjugium, 
sed  quia  virginitas  potior  :  decebat  enim 
communem  omnium  Dominum,  et  in  na- 


tivitate  nobiscumparticipare,etab  eadis- 
crepare  :  quod  enim  ex  utero  nasceretur, 
habuit  commune  nobiscum  ;  quodauteai 
absque  concubitu  nasceretur,  plus  a  no- 
bis  obtinuit.  Greg.  Nysse.  [in  diem  na- 
foleni  Cliristi,  uhi  sup.)  Quam  bealuni 
corpus  illud,  quodob  exuberantem  niun- 
diliam  Virgiuis  Mari,!»,  ut  videtur^  do- 
raum  aniinaî  seipsum  allexit  :  in  singulis 
enim  cœteris  vix  utique  anima  sincera 
sancli  Spiritus  inipetrabit  pra'senliam, 
sed  nunc  caro  receptaculum  efficitur 
spiritus.  Et  in  lib.  de  vita  Mosis  vcl 
de  vita  ficrfecta  (quod  idem  est),  ta- 
bulas enim  nostraî  naturaî,  quas  culpa 
confregerat,  denuo  verus  legislator  de 
terra  uostra  slbi  dolavit;  absque  concu- 
bitu divinitatis  suœ  corpus  susceptihile 
creans,  quod  divinus  digitus    sculpsit  ; 


38 


EXPLICATION    DE    l'ÉVANGILE 


Dieu  lui-même  a  sculpté  ,  c'est-à-dire  l'Esprit  saint  qui  est  survenu 
dans  la  Vierge.  {Dans  le  dise,  su?'  la  nativ.  du  Christ.)  «  Et  la  vertu 
du  Très-Haut  vous  couvrira  de  son  ombre.  »  La  vertu  du  Très-Haut 
c'est  le  Christ  lui-même  qui  est  formé  dans  le  sein  de  Marie  par  la 
venue  de  l'Esprit  saint.  —  S.  Grég.  {Moral.,  xviii,  42.)  Ces  paroles  : 
«  Vous  couvrira  de  sou  ombre ,  »  signifient  les  deux  natures  du  Dieu 
incarné  ;  car  l'ombre  est  le  résultat  de  la  lumière  et  de  l'interposition 
d'un  corps.  Or,  le  Seigneur  est  lumière  par  sa  divinité,  et  comme  cette 
lumière  incorporelle  devait  se  revêtir  d'un  corps  dans  le  sein  de  Marie, 
l'ange  lui  dit  avec  raison  :  «  La  vertu  du  Très-Haut  vous  couvrira  de 
son  ombre,  »  c'est-à-dire  •  le  corps  de  l'humanité  qui  est  en  vous,  re- 
cevra la  lumière  incorporelle  de  la  divinité.  Ces  paroles  peuvent  aussi 
s'entendre  des  consolations  célestes  que  Dieu  devait  répandre  dans  son 
âme.  —  BEDE.  Ce  n'est  donc  point  par  le  concours  de  l'homme  que 
vous  n'avez  jamais  connu  ,  que  vous  concevrez  ,  mais  par  l'opéra' ion 
de  l'Esprit  saint  dont  vous  serez  toute  remplie  ^  et  vous  demeurerez 
inaccesssible  aux  ardeurs  de  la  concupiscence ,  parce  que  le  Saint- 
Esprit  vous  couvrira  de  son  ombre.  —  S.  Grég.  de  Nysse.  {eomme 
préeéd.)  «  La  vertu  du  Très-Haut  vous  couvrira  de  son  ombre.  » 
L'ombre  d'un  corps  est  produite  par  un  objet  préexistant ,  et  reçoit 
de  lui  sa  forme,  ainsi  les  preuves  de  la  divinité  de  son  Fils  éclateront 
dans  la  vertu  miraculeuse  de  sa  génération.  Car  de  même  que  la  ma- 
tière corporelle  qui  est  en  nous,  possède  une  vertu  vivifiante  qui  sert 
à  former  l'homme  ;  ainsi  la  vertu  du  Très-Haut ,  par  l'opération  de 
l'Esprit  vivificateur,  a  pris  dans  le  corps  virginal  de  Marie  la  partie  de 
matière  qui  devait  servir  à  former  l'homme  nouveau.  C'est  ce  qu'in- 
diquent les  paroles  suivantes  :  «  C'est  pourquoi  le  fruit  saint  qui  naîtra 
devons,  sera  appelé  le  Fils  de  Dieu.  »  —  S.  Athan.  {lettre  contre  les 


scilicet  Spiritus  superveniens  Virgini. 
(Et  iterum  in  dietn  natalem  Christi 
nbi  sup.)  Insuper  et  virtus  Altissimi 
obumbrabit  tibi  :  «  altissimi  Récris  vir- 
tus ))  Chrislus  est,  qui  per  adventum 
Spiritus  sancti  formatur  in  Virgine. 
Greg.  (XVIII  Moral.,  cap.  12.)"  Per 
obumbrationis  enini  vocabulum  incar- 
nandi  Dei  utraque  nalura  significatur  : 
umbra  enim  a  lumine  formatur  et  cor- 
pore.  Domiuus  autemper  Diviuitatem  lu- 
men est  :  quia  ergo  lumen  iucorporeum 
in  ejus  erat  utero  corporaudum,  recte 
ei  dicitur  :  «  Virtus  Altissimi  obumbra- 
bit tibi,  1)  id  est,  corpus  in  te  hunianitatis 
accipiet  iucorporeum  lumen  diviuitatis  : 
hoc  etiam  Mariœ  dicitur  propter  mentis 
reirigerium  cœlitus  datum.  Beda.  Non 


ergo  virili  quod  non  cognoscis  semine, 
sed  Spiritus  sancti  quo  impleris  opère 
concipies  ;  concupiscentiae  in  te  non  erit 
œstus  ubi  umbram  faciet  Spiritus  san- 
ctus.  Greg.  Nysse.  {in  diem  natalem 
Cliristi  1/Ô/SWJ9.)  Vel  dicit:  «Obumbrabit 
tibi  ;  »  quia  sicut  corporis  umbra  praece- 
dentium  charactere  couforniatur,  ita  in- 
dicia  Deitatis  Filii  ex  virtute  geuerandi 
patebunt  :  sieut  enim  in  nobis  quaedam 
vivifica  virtus  in  materia  corporali  cons- 
pieitur,  qua  bomo  formatur,  sic  in  Vir- 
gine altissimi  virtus  per  viviflcantem 
Spiritum  pariter  corpori  insitam  mate- 
riam  carnis  ex  virgineo  corpore  ad  for- 
mandum  novum  hominem  assumpsil. 
Unde  sequitur  :  «  Ideoque  et  quod  nas- 
cetur  ex  te,  »  etc.  Athax.  (Epist.  cou- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    I.  39 

hérétiq.  à  Epict.)  Nous  faisons  profession  de  croire  que  le  corps  du 
Sauveur,  formé  des  éléments  matériels  de  la  nature  humaine ,  a  été 
un  véritable  corps,  de  même  nature  que  le  nôtre  ;  car  Marie  est  notre 
sœur,  puisque  tous,  comme  elle,  nous  sommes  descendus  d'Adam.  — 
S.  Bas.  [de  VEspi^it  saint,  cliap.  v.)  Voilà  pourquoi  saint  Paul  dit  : 
Dieu  a  envoyé  son  Fils  né  d'une  femme,  il  ne  dit  point  par  le  moyeu 
d'une  femme_,  mais  d'une  femme;  car  cette  expression  -.par  une  femme 
aurait  pu  donner  l'idée  d'une  génération  qui  ne  serait  qu'un  passage, 
tandis  que  ces  paroles  :  né  d'une  femme  établissent  clairement  l'iden- 
tité de  nature  entre  le  fils  et  la  mère. 

S.  Grég.  {Mor.,  XVIII,  57.)  L'ange  déclare  que  Jésus  sera  saint  dès 
sa  naissance,  mais  d'une  sainteté  toute  différente  de  la  nôtre.  En  effet, 
nous  pouvons  acquérir  la  sainteté  ;  mais  nous  ne  la  possédons  pas  dès 
notre  naissance^  enchainés  que  nous  sommes  dans  les  liens  d'une  na- 
ture sujette  à  la  corruption ,  ce  qui  nous  fait  dire  avec  le  prophète 
{Psalm.  50)  :  «  Voilà  que  j'ai  été  conçu  dans  l'iniquité,  »  etc.  Celui-là 
seul  est  véritablement  saint  dont  la  conception  n'est  pas  la  suite  d'une 
union  charnelle  ;  qui  n'est  point  autre  daus  son  humanité,  autre  dans 
sa  divinité,  comme  le  rêvent  les  hérétiques  ,  qui  n'a  point  commencé 
par  être  simplement  un  homme  dans  sa  conception,  dans  sa  naissance, 
et  mérité  ensuite  de  devenir  Dieu  ;  mais  qui ,  aussitôt  que  l'ange  eut 
parlé,  et  que  l'Esprit  saint  fut  survenu,  fut  le  Verbe  descendu  dans  le 
sein  de  Marie,  et  immédiatement  le  Verbe  fait  chair  dans  ses  chastes 
entrailles.  C'est  ce  que  prouvent  les  paroles  suivantes  :  «  Tl  sera  appelé 
le  Fils  de  Dieu.  » 

Grec.  [Ch.  des  Pèi\  r/r.)  Considérez  comment  l'ange ,  parlant  à 


tra  hœreticos  ad  Epictetum.)  Profite- 
mur  euim  quoniani  naturœ  humanœ  as- 
sumptumex  materia  corpus  verissimum 
Hxtitil,  et  idem  secundum  uaturam  cor- 
pori  nostro  :  soror  uamque  nostra  llaria 
est,  cum  omnes  ab  Adam  descenderi- 
raus.  Basil,  [de  Spritu  suncto,csiç.  3.) 
Unde  et  Paulus  dicit  {Calât.,  4)  quo- 
niam  misit  Deus  Filium  suum  natum, 
non  pcr  mulierem,  sed  ex  muliere  :  nam 
lioc  quod  dico  per  mulierem,  transito- 
riam  poleral  iudicare  nativitatis  senten- 
tiam;  quod  aulcm  dicilur  ex  muliere, 
jnaaifestat  communioneui  naturœ  geniti 
respectu  parentis. 

Greo.  (XVIII  Mor.,  cap.  27.)  Ad  dis- 
tinctionem  autem  nostrse  saactitatis  Jé- 
sus singulariter  sanctus  nasciturus  asse- 


ritur  :  nos  quippe,  etsi  sancti  efficimur. 
non  lameu  nascimur,  quia  ipsa  natura^ 
corruptibilis  conditione  constringimur, 
ut  cum  Propheta  dicamus  {  Psul. , 
50)  :  «  Ecce  in  iniquitatibus  conceptus 
sum ,  »  etc.  nie  autem  solus  veraciter 
sanctus  est,  qui  ex  conjunctionecarnalis 
copulae  conceptus  non  est  ;  qui  non  (si- 
eut  haereticus  desipit)  alter  in  humani- 
tate,  alter  in  Deitate  est,  non  purus 
homo  conceptus  atque  editus  post  per 
meiilum  ut  Deus  esset  accepit;  sednun- 
tiantc  Angelo,  et  adveniente  Spiritu, 
mox  Verbum  in  utero,  mox  iutra  ute- 
rum  Verbum  caro.  Unde  sequitur  :  «  Vo- 
cabitur,  »  etc. 

Gr*x.    {id   est,    Victor  Presbyler  m 
Cat.  Grœcorum  Patrum.)    Tu    autem 


40 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


Marie,  fait  intervenir  toute  la  Trinité  _,  en  mentionnant  distinctement 
l'Esprit  saint,  le  Verbe  et  le  Très-Haut;  car  la  Trinité  est  indi- 
visible. 

f.  36-38.  —  Ei  voilà  qu'Elisabeth ,  votre  cousine,  a  conçu  aussi  elle-même  tm 
fils  dans  sa  vieillesse ,  et  c'est  ici  le  sixième  mois  de  la  grossesse  de  celle  qui 
est  appelée  stérile;  parce  qu'il  n'y  a  rien  d'impossible  à  Dieu.  Alors  Marie 
lui  dit  :  Voici  la  servante  du  Seigneur,  qu'il  me  soit  fait  selon  votre  parole. 
Et  l'ange  se  sépara  d'elle. 

S.  Chrts.  {hom.  49  sur  la  Genèse.)  Le  langage  que  l'ange  avait 
tenu  jusqu'alors  à  Marie  était  au-dessus  de  son  intelligence  ;  il  descend 
donc  à  des  choses  plus  accessibles,  et  clierclie  à  la  persuader  par  des 
faits  extérieurs  et  sensibles  :  «  Et  voici  qu'Elisabeth ,  votre  cousine.  » 
Remarquez  l'a  propos  et  la  convenance  de  ces  paroles.  Gabriel  ne  rap- 
pelle pas  à  Marie  les  exemples  de  Sara,  ou  de  Rébecca ,  ou  de  Rachel, 
ils  étaient  trop  anciens  ;  il  lui  cite  un  fait  tout  récent ,  pour  produire 
en  elle  une  conviction  assurée.  Dans  ce  même  dessein  il  fait  res- 
sortir et  l'âge  et  l'impuissance  de  la  nature  :  «  Elle  a  conçu  aussi 
elle-même  un  fils  dans  sa  vieillesse.  »  Il  ajoute  :  «  Et  c'est  ici  le 
sixième  mois,  »  etc.  Il  ne  lui  a  point  appris  dès  le  commencement  la 
conception  d'Elisabeth  ,  mais  après  six  mois  écoulés ,  afin  que  les 
signes  visibles  de  sa  grossesse  fussent  une  preuve  de  la  vérité  de  ses 
paroles.  —  S.  Grég.  de  Naz.  [Ch.  des  Pèr.  gr.,  de  ses  poésies.)  Vous 
me  demanderez  peut-être  :  Comment  le  Christ  descend-il  de  David  ? 
Marie  est  évidemment  de  la  famille  d'Aaron,  puisqu'au  dire  de  l'ange, 
elle  est  la  cousine  d'Elisabeth.  Il  faut  voir  ici  l'efi'et  d'un  dessein  pro- 
videntiel de  Dieu,  qui  voulait  unir  le  sang  royal  à  la  race  sacerdotale, 


attende  qiialiter  Yirgini  Angélus  totam 
Trinitatem  edidit,  dum  Spiritum  san- 
ction commémorât,  vh'tntem  et  Aliissi- 
mnm,  Trinitas  enim  indivisibilis  est. 

Et  ecce  Elisabeth  cogriata  tua,  et  ipsa  concepit 
filium  in  senectute  sua.  Et  hic  mensis  est  sex- 
tus  un,  quœ  vocaitir  sterilis;  quia  non  erit 
irnpossibile  apud  Deuia  omne  verbum.Lixit  au- 
tem  Maria  :  Ecce  ancilla  Domini,  fiât  mihi  se- 
cundum  verburn  tuum.  Et  discessit  ab  illa  An- 
gélus. 

Chrys.  [hom.  49.  in  Gen.)  Quoniam 
pra-cedens  dictum  superaVjat  Virginis 
mentem,  ad  liumiliora  decliu 
nem,  per  sensibilia  ipsi 
dicit  :  «  Et  ecce  Elisabeth, 
Animadverte  Gabrielis  i: 


memoravit  eam  Sara:-,  vel  Rebeccœ,  vel 
Rachelis,  quia  antiquiora  exempta,  sed 
immiuens  factum  inducit,  ut  ejus  men- 
tem corroboret.  Ob  hoc  et  fetatemcom- 
memoravit,  cum  dicit  :  «  Et  ipsa  conce- 
pit filium  in  senectute  sua,  »  et  defectum 
naturœ.  Sequitur  :  «  Et  hic  mensis  est 
sextus,  »  etc.  Non  enim  a  principio  con- 
ceptus  Elisabeth  statim  annuntiavit , 
sed  acto  sex  mensium  spatio,  ut  tumor 
ventris  perhibeat  argumentum.  Greg. 
Nazianzexus  [in  Cet.  Grœcorum  Pa- 
trum  ex  carm'mibus  ejus.)  Sed  quaerel 
ahquis  :  Qualiter  ad  David  Christus  re- 
fertur  ?  Siquidem  IMaria  de  sanguine 
anavit  Aaron,  cuj us  cognatam  Angélus 
isabet  asseruit  :  [sed  hoc  nutu  supernu 
tigit,  ut   regium   genus    saeerdotalt 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    I.  41 

afin  que  Jésus-Christ,  qui  est  à  la  fois  prêtre  et  roi ,  eût  aussi  pour 
ancêtres,  selon  la  chair,  les  prêtres  et  les  rois.  Nous  lisons  aussi  dans 
V Exode,  qu'Aaron  a  pris,  dans  la  tribu  de  Juda  ,  une  épouse  du  nom 
d'Elisabeth,  fille  d'Aminadab.  Et  voyez  combien  est  admirable  la  con- 
duite providentielle  de  l'Esprit  de  Dieu,  en  permettant  que  l'épouse  de 
Zacharie  s'appelât  aussi  Elisabeth  ,  pour  nous  rappeler  ainsi  l'épouse 
d'Aaron  qui  portait  également  ce  nom  d'Elisabeth. 

BEDE.  Pour  faire  disparaître  toute  défiance  dans  l'esprit  de  la  Vierge 
sur  la  vérité  de  son  enfantement ,  l'ange  lui  cite  l'exemple  d'une 
femme  stérile  qui  enfantera  dans  sa  vieillesse,  elle  apprendra  ainsi 
que  tout  est  possible  à  Dieu,  même  ce  qui  paraît  le  plus  contraire  aux 
lois  de  la  nature;  car,  ajoute-t-il  :  «  Rien  n'est  impossible  à  Dieu.  » 

—  S.  Chrys.  {Chaîne  des  Pêr.  g?\)  Il  est  le  souverain  Maître  de  la 
nature,  il  peut  donc  tout  ce  qu'il  veut,  lui  qui  fait  et  dispose  toutes 
choses,  et  qui  tient  dans  ses  mains  les  rênes  de  la  vie  et  de  la  mort. 

—  S.  AuG.  {contr.  Faust.,  xxvi,  5.)  Il  en  est  qui  tiennent  ce  langage  : 
Si  Dieu  est  tout-puissant,  qu'il  fasse  que  les  choses  qui  ont  existé 
n'aient  pas  existé.  Us  ne  voient  pas  que  ce  langage  revient  à  dire  : 
Qu'il  fasse  que  les  choses  qui  sont  vraies,  par  là  même  qu'elles  sont 
vraies  soient  fausses.  Dieu  sans  doute  peut  faire  que  ce  qui  existait 
n'existe  plus,  c'est  ainsi  que  par  un  acte  de  sa  puissance,  celui  qui  a 
reçu  l'existence  en  naissant,  la  perd  en  mourant.  Mais  qui  pourra 
dire  que  Dieu  ôte  l'existence  à  ce  qui  ne  l'a  déjà  plus?  Car  tout  ce  qui 
est  passé  a  cessé  d'exister  ;  si  dans  ce  qui  est  passé  il  y  a  encore  quel- 
ques éléments  d'existence ,  ces  éléments  existent  réellement,  et  s'ils 
existent,  comment  sont-ils  passés  ?  Quand  nous  affirmons  en  vérité 
(ju'une  chose  a  existé,  elle  n'existe  donc  plus,  elle  existe  dans  notre 


stirpi  jungeretur;  ut  Christus,  qui  Rex 
est  et  Sacerdos,  ab  utrisque  secnndam 
carnem  naseeretur.  Legilur  ctiam  ia 
Exodo  {cap.  6,  vers.  13)  quod  Aaroa 
primas  secundum  legem  Sacerdos,  duxit 
ex  tribu  Judœ  in  conjugem  Elisabetb, 
flliam  Aminadab.  Et  attende  sacratissi- 
niam  spiritus  adniiuistrationem,  dum  et 
banc  Zacliariae  conjugem  statuil  Elisa- 
beth vocari,  reducens  nos  ad  illam  Eli- 
sabetli  quam  duxerat  Aaron. 

Bed.  Sic  ergo  ne  Virgo  se  parère  posse 
diffîdat,  accepit  exemplum  sterilis  anus 
pariturie  ;  ut  discat  omuia  Dec  possibi- 
lia  esse  :  etiam  quaî  naturce  ordiue  vi- 
dentur  esse  contraria:  unde  sequitur  : 
«  Quia  non  eril  impossibile  apud  Deum 
omne  verbum.  »  Chrys.  {in  Cot.  Crœ- 
corum  Patrum,   ut  sup.)  Ipse  uamque 


cum  sit  uaturae  Dominus,  euncta  potest 
cum  velit,  qui  cnocta  peragit  et  dispo- 
nit,  vitae  mortisque  lora  gubernans. 
Ai:r,.  {Contra  Faust.,  lib.  xxvi,  cap.  o.) 
Quisquis  autem  -dicit  :  «  Si  omnipotens 
Deus  est,  faciat  ut  ea  quae  facta  sunt, 
facta  non  fuerint,  »  non  percipit  se  di- 
cere  :  «  Faciat  ut  ea  quae  vera  sunt  eo 
ipso  quod  vera  sunt  falsa  sint  :  »  potest 
enim  facere  quod  aliquid  non  sit  quod 
erat,  velut  cum  aliquis  qui  cœpit  esse 
nascendo ,  faciat  non  esse  morieudo. 
Quis  autem  dicatut  id  quod  jam  non  est 
faciat  non  esse?  Quicquid  enim  praete- 
ritum  est,  jam  non  est  ;  si  de  ipso  fieri 
aliquid  potest,  adhuc  est  de  qno  fiât  ; 
et  si  est,  quomodo  pnBteritum  est  ?  Non 
ergo  est  quod  vere  diximus  fuisse,  quia 
in  nostra  sententia  verum  est,  non  in  ea 


42  EXPLICATION   DE   l/ÉVANGILK 

pensée  et  non  dans  la  chose  elle-même  qui  a  cessé  d'être  ;  or  Dieu  ne 
peut  faire  que  cette  affirmation  soit  fausse.  Nous  disons  que  Dieu  est 
tout-puissant,  mais  non  pas  dans  ce  sens  que  nous  pensions  qu'il 
puisse  mourir.  Celui-là  seul  peut  être  appelé  sans  restriction  tout- 
puissant,  qui  existe  véritablement  (I)  et  de  qui  seul  tout  ce  qui  existe 
re<^oit  l'être  et  la  vie. 

S.  Ambr.  Voyez  l'humilité  de  la  Vierge,  voyez  sa  religion  :  «  Alors 
Marie  lui  dit  :  Voici  la  servante  du  Seigneur.  »  Elle  se  proclame  la 
servante  du  Seigneur,  elle  qui  est  choisie  pour  être  sa  mère;  elle  ne 
conçoit  aucun  orgueil  d'une  promesse  aussi  inespérée;  elle  devait 
enfanter  celui  qui  est  doux ,  humble  par  excellence,  elle  devait  elle- 
même  donner  l'exemple  de  l'humilité.  En  se  proclamant  d'ailleurs  la 
servante  du  Seigneur,  elle  ne  s'attribue  d'autre  part  dans  cette  grâce 
si  extraordinaire,  que  de  faire  ce  qui  lui  était  ordonné  ;  c'est  pour  cela 
qu'elle  ajoute  :  «  Qu'il  me  soit  fait  selon  votre  parole  ;  »  vous  avez  vu  son 
obéissance,  vous  voyez  la  disposition  de  son  cœur  :  «  A'oici  la  servante 
du  Seigneur;  »  c'est  la  préparation  à  remplir  son  devoir  :  «  Qu'il  me 
soit  fait  selon  votre  parole,  »  c'est  l'expression  de  son  désir.  —  Eusèbe. 
[ou  Géom.,  Ch.  des  Pèr.  g?\)  Chacun  célébrera  à  sa  manière  les  vertus 
qui  éclatent  dans  ces  paroles  de  la  Vierge;  l'un  admirera  son  assu- 
rance et  sa  fermeté,  l'autre  la  promptitude  avec  laquelle  elle  obéit,  un 
autre  qu'elle  n'ait  point  été  éblouie  par  les  promesses  magnifiques  et 
sublimes  du  premier  des  archanges,  un  autre  enfin  qu'elle  n'ait  point 
porté  trop  loin  la  résistance;  elle  s'est  tenue  également  en  garde  et 
contre  la  légèreté  d'Eve  et  contre  la  désobéissance  de  Zacharie.  Pour 
moi,  sa  profonde  humilité  ne  me  paraît  pas  moins  digne  d'admiration. 

(1)  C'est-à-dire  qui  a  vraiment  l'être  en  lui-même,  qui  existe  par  lui-même,  et  de  qui  tout  ce  qui 
existe,  à  quelque  degré  que  ce  soit,  reçoit  l'être  et  la  vie. 


re  quœ  jam  non  est  :  hanc  autem  sen- 
tentiam  Deus  falsam  facere  non  potest. 
0 ninipotentem  antem  Deiim  non  ita  di- 
cimus,  ac  si  eum  etiam  mori  posse  cre- 
damus.  Ille  plane  oinnipotens  vere  so- 
ins dicitur  qui  vere  est,  et  a  quo  solo 
est  quicquid  aliquo  modo  est. 

Ambr.  Vide  aulem  humilitalem  Virgi- 
nis,  vide  devotiouem  :  sequitur  enim  : 
"  Dixit  autem  Jlaria  :  Ecce  ancilla  Do- 
raini.  »  Ancillam  se  dicit,  quœ  mater 
eligitur,  nec  repentiuo  exaltala  pro- 
misso  est  :  mitem  enim  humilemque 
paritura  liumilitatem  debuit  eliam  ipsa 
prseferre  :  simul  etiam  ancillam  se  di- 
cendo,  nullam  sibi  praerogativam  tantse 
gratige  vendicavit,  quin  faceret  quod  ju- 


beretur  :  unde  sequitur  :  «  Fiat  mihi  se- 
cuadum  verbum  tuum.  »  Habes  obse- 
quium,  vides  votum  :  «  Ecce  ancilla 
Domini,  »  apparatus  officii  est;  «  Fiat 
mihi  secundum  verbum  tuum,  »  con- 
ceptus  est  voti.  Euseb.  [vel  Geometer 
in  Cat.  Grœconim  Putrum.)  Alius  aliud 
quiddam  in  praesenti  sermoue  Yirginis 
extoUet  apicibus  ;  hic  quidem  constan- 
tiani,  hic  obedientiae  promptitudinem  ; 
alius  quod  non  allecta  est  tam  splendidis 
et  arduis  per  magnum  Archangelum 
promissis,  alius  quod  non  excessit  mo- 
dum  in  dando  instaulias  ;  sed  œqualiter 
cavit  et  Evae  levitatem,  et  Zachariae  in- 
obedientiam.  Mihi  autem  humilitatis 
profuudita-  non  minus   couspicitur  ad- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    I. 


43 


—  S.  Grég.  Par  un  mystère  vraiment  ineflable,  la  même  Vierge  dut  à 
une  conception  sainte  et  à  un  enfantement  virginal  d'être  la  servante 
du  Seigneur,  et  sa  mère  selon  la  vérité  des  deux  natures. 

y.  39-40.  —  Or  en  ces  jour  s -là  Marie  partit  et  s'en  alla  en  diligence  vers  les 
montages  de  Judée,  en  une  ville  de  la  tribu  de  Juda.  Et  elle  entra  dans  la 
maison  de  Zacharie,  et  elle  salua  Elisabeth.  Aussitôt  qu' Elisabeth  eut  entendu 
la  voix  de  Marie  qui  la  saluait,  son  enfant  tressaillit  dans  son  sein,  et  elle 
fut  remplie  du  Saint-Esprit  ;  et  s' écriant  à  haute  voix,  elle  dit  :  Vous  êtes 
bénie  entre  toutes  les  femmes,  et  le  fruit  de  vos  entrailles  est  béni.  Et  d'où 
me  vient  ce  bonheur  que  la  mère  de  mon  Seigneur  vienne  vers  moi?  Car  votre 
voix  n'a  pas  plutôt  frappé  mon  oreille  lorsque  vous  m'avez  saluée ,  que  mon 
enfant  a  tressailli  de  joie  dans  mon  sein.  Et  vous  êtes  bienheureuse  d'avoir 
cru,  parce  que  ce  qui  vous  a  été  dit  de  la  part  du  Seigneur  sera  accompli. 

BEDE.  Aussitôt  que  l'ange  a  obtenu  le  consentement  de  la  Vierge, 
il  remonte  vers  les  cieux  :  «  Et  l'ange  s'éloigna  d'elle.  »  —  Eusèbe. 
{vel  Geometer,  ubi  sup.)  Il  la  quitte  non-seulement  satisfait  d'avoir 
obtenu  ce  qu'il  désirait,  mais  plein  d'admiration  pour  la  perfection  de 
cette  divine  Vierge  et  pour  la  sublimité  de  sa  vertu. 

S.  Ambr.  L'ange  qui  annonçait  à  Marie  des  choses  aussi  mysté- 
rieuses, lui  donne  pour  affermir  sa  foi,  l'exemple  d'une  femme  stérile 
qui  était  devenue  mère.  A  cette  nouvelle,  Marie  s'en  va  vers  les  mon- 
tagnes de  Judée.  Quoi  donc?  Est-ce  qu'elle  ne  croit  point  aux  paroles 
de  l'ange?  est-ce  qu'elle  n'est  point  certaine  de  la  divinité  de  son 
message?  Est-ce  qu'elle  doute  de  l'exemple  qu'il  lui  donne?  non,  c'est 
un  saint  désir  cpii  la  transporte,  c'est  un  sentiment  religieux  du  de- 
voir qui  la  pousse,  c'est  une  joie  divine  qui  lui  inspire  cet  empresse- 


miranda.  Greg.  Per  ineffabile  uamque 
sacramentuQi  conceptu  sancto  et  partu 
inviolabili  secundum  veritatem  utrius- 
(jue  naturo"  eadem  Virgo  ancilla  Domini 
fuit  et  Mater. 


Exsurf/ens  aulem  Maria  in  diebus  illis,  abiit  in 
montana  cum  festinatione  in  civitatem  Juda , 
et  intravil  in  domum  Zacharice ,  et  salutauit 
Elvsabelh.  Et  factum  est,  ut  audivit  salutatio- 
nem  Mariœ  Elisabeth,  exultavit  infans  in  utero 
ejus-  Et  replet  a  est  Spiritu  sancto  Elisabeth  : 
et  exclamavit  voce  magna  ,  et  dixit  :  Bene- 
dicta  tu  inter  mulieres  ,  et  benedictus  fructus 
venlris  tui.  Et  unde  hoc  mihi  ul  veniat  Mater 
Domini  mei  ad  me  ?  Ecce  enim  ut  facto  est 
vox  salutationis  tuœ  in  auribus  meis,  exulta- 
vit in  gaudiù  infans  in  utero  meo  ■■  et  beata 


quœ  credidisti,  quoniam  perficientur  ea  quœ 
dicta  sunt  tibi  a  Domino. 

Bed.  Accepte  autem  Virginis  con- 
sensu,  mox  Àngelus  cœlestia  repetit,, 
unde  sequilur  :  «  Et  discessit  ab  illa  An- 
gélus. »  El'seb.  {vel  Geometer  ubi  sup.) 
îs'on  solum  impetrans  quod  optabat,  sed 
stupens  in  virginea  forma  et  virtutis 
plenitiidine. 

Ambr.  Angélus  cum  abscoudita  nim- 
tiaret,  ut  fides  astrueretur  exemplo,  fe- 
minae  sterilis  conceptum  virgini  nuntia- 
vit.  Ubi  hoc  audivit  Maria,  non  quasi 
incredula  de  oraculo,  nec  quasi  incerfa 
de  nuntio,  nec  (juasi  dubitans  de  exem- 
plo, sed  quasi  laeta  pro  voto,  religiosa 
pro  officie,  festiua  prae  gaudio,  in  mon- 


u 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


mont  :  «  Marie  partit  et  s'en  alla  dans  les  montagnes,  »  etc.  Toute 
remplie  de  Dieu  qu'elle  est,  où  pourrait-elle  diriger  ses  pas,  si  ce 
n'est  vers  les  hauteurs.  —  Orig.  {hom.  7.)  Jésus  qu'elle  portait  dans 
son  sein,  avait  hâte  lui-même  d'aller  sanctifier  Jean-Baptiste,  qui  était 
encore  dans  le  sein  de  sa  mère  :  «  Elle  s'en  alla  en  toute  hâte,  »  etc. 
r-  S.  Ambr.  La  grâce  de  l'Esprit  saint  ne  connaît  ni  lenteurs  ni  dé- 
lais. Apprenez  de  la  Vierge  chrétienne  à  ne  point  vous  arrêter  sur 
les  places  publiques  et  à  ne  prendre  aucune  part  aux  conversations 
qui  s'y  tiennent.  —  Théophyl.  Elle  va  vers  les  montagnes,  parce  que 
c'est  là  qu'habitait  Zacharie  :  «  En  une  ville  de  Juda,  et  elle  entra 
dans  la  maison  de  Zacharie.  »  —  S.  Amer.  Apprenez  aussi,  femmes 
chrétiennes,  les  soins  empressés  que  vous  devez  à  vos  parentes, 
lorsqu'elles  sont  sur  le  point  d'être  mères.  Voyez  Marie,  elle  vivait 
seule  auparavant  dans  une  profonde  retraite,  aujourd'hui  ni  la  pu- 
deur naturelle  aux  vierges  ne  l'empêche  de  paraître  en  public,  ni  les 
montagnes  escarpées  n'arrêtent  son  zèle,  ni  la  longueur  du  chemin 
ne  lui  fait  retarder  le  bon  office  qu'elle  va  rendre  à  sa  cousine.  Vierges 
de  Jésus-Glirist,  apprenez  encore  quelle  fut  l'humilité  de  Marie.  Elle 
vient  vers  sa  parente,  elle  vient,  elle  la  plus  jeune,  visiter  celle  qui 
est  plus  âgée,  et  non-seulement  elle  la  prévient,  mais  elle  la  salue 
aussi  la  première  :  «  Et  elle  salue  Elisabeth.  »  En  effet,  plus  une 
vierge  est  chaste,  plus  aussi  son  humilité  doit  être  grande,  plus  elle 
doit  avoir  de  déférence  pour  les  personnes  plus  âgées  ;  celle  qui  fait 
profession  de  chasteté,  doit  aussi  être  maîtresse  en  humilité.  Il  y  a 
encore  ici  un  motif  de  charité,  le  supérieur  vient  trouver  son  inférieur 
pour  lui  venir  en  aide,  Marie  vient  visiter  Elisabeth,  Jésus-Christ, 
Jean-Baptiste.  —  S.  Ghrys.  {sur.  Matth.,  hom.    A.)  Disons  encore 


tana  perrexit  :  iiude  dicitur  :  «  Exsur- 
gens  autem  Maria  in  diebu?  illis,  abiit  iu 
montana,  »  etc.  Quo  eiiim  jam  Deo 
plena,  nisi  ad  superiora  cum  festinalione 
conscenderet  ?  Orig.  {hom.  1.)  Jésus 
enim  qui  in  utero  illius  erat,  festinabat 
adhuc  in  ventre  matris  Joannem  posi- 
tum  sanctiiicare  :  uude  sequitur:  «  Cum 
festinatione,  »  etc.  Ambr.  Nescit  tarda 
molimina  Spiritus  sancti  gratia.  Discite 
virgines  non  demorari  in  plateis.  non 
aliquos  in  publico  miscere  sermones. 
Theophylact.  Propter  hoc  abiit  in  mon- 
tana, quia  Zacharias  in  montanis  babi- 
tabat  :  unde  sequitur  :  «  In  civitatem 
Juda,  et  intravit  in  domum  Zachariœ.  » 
Ambr.  Discite  vos,  sauctae  mulieres , 
sedulitatem ,    quam   praegnaatibus    de  • 


beatis  exhibere  cognatis  :  Mariam  enim, 
quse  aute  sola  in  intimis  peuetralibus 
versabatur,  non  a  publico  virgiuitatis 
pudor,  non  a  studio  asperitas  montium, 
non  ab  officio  prolixitas  itineris  retarda- 
vit.  Discite  etiam,  virgines,  humibtatem 
Marite  :  venit  propinqua  ad  proximam, 
junior  ad  seniorem;  nec  solum  venit, 
sed  et  prior  salutavit  :  unde  sequitur  : 
«  Et  salutavit  Elisabetli.  »  Decet  enim  ut 
quanto  castior  virgo,  tanto  humilior  sit, 
noveritque  déferre  senioribus  :  sit  ma- 
gistra  humilitatis,  in  qua  est  professio 
castitatis.  Est  etiam  causa  pietatis,  quia 
superior  venit  ad  inferiorem,  ut  inferior 
adjuvetur;  Maria  ad  Elisabeth,  Christus 
ad  Joannem.  Chrys.  [svp.  Matth.,  hom. 
4.)  Vel  aliter  :  celabat   quae  supra  dicta 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    I.  45 

que  Marie  cachait  avec  soin  ce  que  l'ange  lui  avait  dit,  et  ne  le  dé- 
couvrait à  personne;  elle  savait  qu'on  n'ajouterait  point  foi  à  un  récit 
aussi  merveilleux,  et  elle  craignait  qu'il  ne  lui  attirât  des  outrages,  et 
qu'on  ne  l'accusât  de  vouloir  ainsi  pallier  son  crime  et  son  deshon- 
neur. —  Grec.  {Géom.,  comme  précéd.)  C'est  près  d'Elisabeth  seule 
qu'elle  va  se  réfugier;  elle  avait  coutume  d'en  agir  ainsi  à  cause  de 
sa  parenté  qui  les  unissait,  et  plus  encore  à  cause  de  la  conformité  de 
leurs  sentiments  et  de  leurs  mœurs. 

S.  Ambr.  Les  bienfaits  de  l'arrivée  de  Marie  et  de  la  présence  du 
Seigneur  se  font  immédiatement  sentir  :  «  Aussitôt  qu'Elisabeth  eut 
entendu  la  voix  de  Marie  qui  la  saluait,  son  enfant  tressaillit,  »  etc. 
Remarquez  ici  la  différence  et  la  propriété  de  chacune  des  paroles  de 
l'auteur  sacré.  Elisabetli  entendit  la  voix  la  première,  mais  Jean  res- 
sentit le  premier  l'effet  de  la  grâce;  elle  entendit  d'après  l'ordre  na- 
turel, mais  Jean  tressaillit  par  suite  d'une  action  toute  mystérieuse; 
l'arrivée  de  Marie  se  fait  sentir  à  Elisabeth,  la  venue  du  Seigneur  à 
Jean-Baptiste.  —  Grec,  {ou  Géom.,  comme  jwécéd.)  Le  prophète 
voit  et  entend  plus  clairement  que  sa  mère,  il  salue  le  prince  des 
prophètes ,  et  au  défaut  de  la  parole  qui  lui  manque,  il  tressaille 
dans  le  sein  de  sa  mère  (ce  qui  est  le  signe  le  plus  expressif  de  la 
joie);  mais  qui  jamais  a  ressenti  ces  tressaillements  de  la  joie  avant 
sa  naissance?  La  grâce  produit  des  effets  inconnus  à  la  nature  :  le 
soldat  renfermé  dans  les  entrailles  de  sa  mère  reconnaît  son  Seigneur 
et  son  roi  dont  la  naissance  approche,  l'enveloppe  du  sein  maternel 
n'est  point  un  obstacle  à  cette  vision  mystérieuse  ;  car  il  le  voit  non 
des  yeux  ou  du  corps,  mais  des  yeux  de  l'âme.  —  Orig.  {Cli.  des 
Pèi\  çjr.)  Il  ne  fut  pas  rempli  de  l'Esprit  saint  avant  l'arrivée  de 


sunt  in  se  virgo,  nec  cuiquani  liomiimm 
pandit  ;  non  enim  credebat.  ab  illis  posse 
fidem  adhiberi  mirandiâ  relatibus  ;  imo 
magis  putabat  se  pati  couvicia  si  dice- 
ret,  quasi  volens  scelus  proprium  pal- 
liare.  Gr.ïcus.  {ISimirum  Geometer  ut 
Slip.)  Ad  solain  autem  refugit  (sive  re- 
currit)  Elisabelli  :  sic  enim  consuevcrat 
propter  cognalioncm  el  propter  cœteraiu 
hujusmodi  (sive  moruui)  coujuiicliouem. 
Ambr.  Cilo  auleiu  advenlus  Maria;  et 
prajsentiœ  doniinica;  bénéficia  declaran- 
tur  :  naui  sequilur  :  «  Et  factuni  est  ut 
audivit  salutalionem  Marite  lilisabelh, 
cxullavit  infans,  »  etc.  Vide  distiuclio- 
iieui  singulorumque  verboruui  proprie- 
lalem:  voceni    prior    Elisabeth  audivit, 


sed  Joannes  prior  gratiam  sensit  :  illa 
naturaî  ordine  audivit,  iste  exuUavit 
ratione  mysterii  ;  illa  Manœ,  iste  Domini 
sensit  adventum.  Gr.f.cus.  {vel  Geome- 
ter,  uhi  sup.)  Propbcta  enim  parenic 
acutius  videt  et  audit,  salutatque  pro- 
phetarum  principem  ;  sed  quoniam  ver- 
bis  non  poterat,  saltat  in  utero  (quod 
maximum  existit  in  gaudio.)  Quis  un- 
quani  novit  tripudium  nativitate  anti- 
quius  ?  Insinuavit  gralia  quae  naturu? 
ignota  extiterant:  reclusus  ventre  miles 
aguovit  Domiuum  ac  regem  orilurum, 
venlris  tegmine  non  abstante  mystica; 
visioni  ;  inspexit  enim,  non  palpebris, 
.-^ed  spiritu.  Orig.  [In  Cut.  Gniconim 
Patruin.)    Non    aulem    antea    replelus 


46 


EXPLICATION   DE    l/ÉVANGILE 


celle  qui  portait  Jésus-Christ  dans  sou  soin,  et  c'est  au  même  instant 
qu'il  en  fut  rempli  et  ([ii'il  tressaillit  dans  les  entrailles  de  sa  mère  : 
«  Et  Elisabeth  tut  r<Huplio  de  l'Esprit  saint.  »  Nul  doute  qu'Eli- 
sabeth n'ait  dû  à  son  fils  d'avoir  été  elle-même  remplie  de  l'Esprit 
saint. 

S.  Amer.  Elisabeth  s'était  dérobée  aux  regards  du  monde  du  mo- 
ment qu'elle  avait  conçu  un  fils,  elle  commence  à  se  produire,  glo- 
rieuse qu'elle  est  de  porter  dans  son  sein  un  prophète;  elle  éprouvait 
alors  une  espèce  de  honte,  maintenant  elle  bénit  Dieu  :  «  Et  s'écriant 
à  haute  voix,  elle  dit  :  Vous  êtes  bénie  entre  toutes  les  femmes ,  »  elle 
s'écrie  à  haute  voix,  aussitôt  qu'elle  ressent  l'arrivée  du  Seigneur, 
parce  qu'elle  crut  à  la  divinité  de  l'enfantement  de  Marie.  —  Orig. 
{Ch.  des  Pèr.  gr.)  Elle  lui  dit  •  «  Vous  êtes  béuie  entre  toutes  les 
femmes;  elle  est  la  seule  qui  ait  reçu  et  qui  ait  pu  recevoir  une  si 
grande  abondance  de  grâce,  car  elle  seule  est  la  mère  d'un  enfant 
divin.  —  BEDE.  Elisabeth  la  bénit  dans  les  mêmes  termes  que  l'ange 
Gabriel,  pour  montrer  qu'elle  est  digue  de  la  vénération  des  anges  et 
des  hommes.  —  Théophyl.  Mais  les  siècles  précédents  avaient  vu 
d'autres  saintes  femmes  qui  ont  donné  le  jour  à  des  enfants  souillés 
par  le  péché;  elle  ajoute  donc  :  «  Et  le  fruit  de  vos  entrailles  est  béni.  » 
Ou  dans  un  autre  sens  elle  venait  de  dire  :  «  Vous  êtes  bénie  entre 
toutes  les  femmes;  »  elle  en  donne  maintenant  la  raison  comme  si 
quelqu'un  la  lui  demandait  :  «  Et  le  fruit  de  vos  entrailles  est 
béni,  »  etc.,  c'est  ainsi  que  nous  lisons  dans  le  psaume  117  :  «  Béni 
soit  celui  qui  vient  au  nom  du  Seigneur...  Le  Seigneur  est  le  vrai 
Dieu,  et  il  a  fait  paraître  sa  lumière  sur  nous,  »  car  suivant  l'usage 
de  l'Ecriture,  et  a  le  même  sens  que  parce  que. —  Orig.  Elle  appelle  le 


fuerat  spiritu  donec  assisterel ,  qufe 
Christum  gerebat  in  utero  :  tune  autem 
et  Spiritu  erat  plenus,  et  resultabat  in 
parente  :  unde  sequitur  :  «  Et  repleta 
est  Spiritu  sanclo  Elisabeth.  »  Non  autem 
dubium  est  quin  qu&e  tune  repleta  est 
Spiritu  sancto,  propter  fîlium  sit  re- 
pleta. 

Ambr.  111a  autem  quœ  se  occultaverat 
quia  conceperat  filium,  jactare  se  cœpit 
quia  gerebat  prophetam;et  quœ  eru- 
bescebat  ante,  benedicit:  unde  sequi- 
tur :  «  Et  exclamavit  voce  magna,  et 
dixit  :  Beuedicta  tu  inter  mulieres.  » 
Magna  voce  exclamavit,  ubi  Domini  sen- 
sit  adventum,  quia  religiosum  credidit 
partum.  Orig.  {ut  s^/p.  in  Cat.  Grœco- 
rum  Patruin.)  Dicit  autem  :  «Benedicta 


tu  inter  mulieres  :  »  nulla  enim  unquam 
tantae  fuit  gratiœ  particeps,  aut  esse  po- 
terat  :  unius  enim  divini  germinis  pa- 
rens  est  unica.  Bed.  Eadem  autem  voce 
ab  Elisabeth,  qua  a  Gabriele  benedicitur, 
quatenus  et  angelis  et  hominibus  vene- 
rauda  monstretur.  ïheophylact.  Quia 
vero  allai  sanctae  mulieres  faerunt,  quaî 
tamen  genuerunt  fdios  peccato  inquina- 
tos,  subjuugit  :  «  Et  benedictus  fructus 
ventris  tui.  »  Vel  aliter  intelligitur  :  di- 
xerat  :  «  Benedicta  tu  inter  mulieres  :  » 
deinde  quasi  interrogante  aliquo  quare, 
subjungit  causam.  «  Et  benedictus  fru- 
ctus, »  etc.,  sicut  diciturin  Psalm.  117: 
«  Benedictus  qui  venit  in  nomine  Domini 
Deus  Dominus,  et  illuxit  nobis.  »  Con- 
suevit  enim  sacra  Scriptura,  et  pro  quia 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    I.  47 

Seigneur  le  fruit  des  entrailles  de  la  mère  de  Dieu,  parce  qu'il  n'a 
point  un  homme  pour  père,  et  qu'il  est  né  de  Marie  seule,  car  ceux 
qui  sont  nés  d'un  père  mortel,  sont  considérés  comme  ses  fruits.  — 
Grec,  [ou  Géom.)  C'est  donc  ici  le  seul  fruit  vraiment  béni,  parce 
qu'il  a  été  produit  sans  le  concours  de  l'homme  et  l'influence  du 
péché.  —  BEDE.  C'est  ce  fruit  que  Dieu  promettait  à  David  en  ces 
termes  :  «  J'établirai  sur  votre  trône  le  fruit  de  vos  entrailles.  »  — 
EusÈBE.  Le  Christ  est  le  fruit  des  entrailles  de  Marie,  cette  vérité  suffit 
pour  détruire  l'hérésie  d'Eutychès  :  car  tout  fruit  est  de  même  nature 
que  la  plante  ;  par  une  conséquence  nécessaire,  la  Vierge  est  donc  de 
même  nature  que  le  nouvel  Adam  qui  vient  effacer  les  péchés  du 
monde.  Que  ceux  qui  se  forment  l'idée  d'une  chair  fantastique  en 
Jésus- Christ,  rougissent  de  leur  opinion  en  considérant  l'enfantement 
véritable  de  la  mère  de  Dieu,  car  le  fruit  provient  de  la  substance 
même  de  l'arbre.  Où  sont  encore  ceux  qui  osent  dire  que  le  Christ  n'a 
fait  que  passer  dans  la  Vierge  comme  par  un  canal.  Qu'ils  apprennent 
de  ces  paroles  d'Elisabeth  remplie  de  l'Esprit  saint,  que  le  Sauveur  est 
le  fruit  des  entrailles  de  Marie. 

«  D'où  me  vient  que  la  mère  de  mon  Seigneur  vienne  à  moi  ?»  — 
S.  Ambr.  Ce  n'est  point  par  ignorance  qu'elle  parle  ainsi,  elle  sait  que 
c'est  la  grâce  et  l'action  de  l'Esprit  saint  qui  ont  porté  la  mère  du 
Seigneur  à  venir  saluer  la  mère  du  prophète  pour  la  sanctification  de 
son  enfant,  mais  elle  reconnaît  hautement  qu'elle  n'a  pu  mériter  cette 
grâce,  et  que  c'est  un  don  purement  gratuit  de  la  miséricorde  divine  : 
«  D'où  me  vient  cet  honneur?  »  c'est-à-dire,  à  quelles  œuvres  de  jus- 
tice, à  quelles  actions,  à  quelles  vertus  en  suis-je  redevable?  —  ORia. 


recipere.  Orig.  {nt  svp.  in  Cat.  Grœco- 
ruvi  Patrvm.)  Fruclum  autera  ventris 
Dei  genitricis  Dominuni  dixit,  quia  iie- 
quaquam  ex  viro,  sed  ex  sola  Maria 
processit  :  nani  qui  semen  suuipserunt  a 
patribus,  fructiis  eorum  existunt.  Gr.e- 
CLS.  {ve.l  Gcomeler  ubi  sup.)  Solus  ergo 
hic  fructus  benediclus,  quia  absque  viro 
et  absque  peccato  producilur.  Bed.  Isle 
est  fructus  qui  David  promittitur  [Psal. 
131)  :  «  De  fruclu  ventris  lui  ponain 
super  sedem  tuam.  »  EusEb.  In  qua 
parte  emergit  Eulycbis  redargulio,  dum 
fructiis  ventris  Clirislus  asseritur  :  om- 
nis  enim  fructus  est  ejusdem  naluree 
cum  planta;  unde  et  virginem  relin- 
quilur  ejusdem  fuisse  naturœ  cum  se- 
cundo Adam,  qui  tollit  peccata  muudi. 
Sed  et  qui  phanlaslicani   opiniunem  de 


carne  Ghristi  confinguut,  in  vero  Dei 
genitricis  partu  erubescant  :  nara  ipse 
fructus  ex  ipsa  substantia  procedit  arbo- 
ris,  Ubi  sunt  etiam  dicentes  quasi  per 
aqu.Tductum  Chrislum  Iransisseper  Vir- 
ginem? Advertarit  ex  dictis  Elisabeth, 
quam  replevit  Spiritus,  Christum  fruc- 
tum  fuisse  ventris. 

Soquitur  :  «  Unde  hoc  niihi  ut  veniat 
Mater  Douiiui  mei  ad  me?  »  Ambr.  Non 
quasi  ignorans  dicit  :  scit  enim  esse 
sancti  Spiritus  graliam  et  operationem, 
ut  Mater  Domini  malrem  prophetae  ad 
profectumsuipignoris  salulet;  sed  quasi 
non  humani  hoc  meriti,  sed  divinœ 
gratia;  niunus  esse  cognoscat,  ita  dicit  : 
«  Unde  hoc  mihi?  »  hoc  est,  quajustitia, 
quibus  factis,  pro  quibus  meritis?  Orig. 
{in  Cat.  Cracoruin  Pulnim,   ubi  sup.) 


48  EXPLICATION   DE   l/ÉVANGILE 

{Ch.  des  Pèr.  gr.)  Elisabeth  partage  ici  les  sentiments  de  son  fils,  car 
Jean  lui-même  se  sentait  iutligue  que  Jésus-Christ  descendit  jusqu'à 
lui.  Eu  proclamaut  mère  du  Seigneur  Marie,  qui  était  vierge,  elle 
anticipe  sur  l'événement  par  une  inspiration  prophétique.  Reconnais- 
sons ici  une  disposition  toute  providentielle  qui  conduit  Marie  chez 
Elisabeth,  pour  que  Jean-Baptiste,  encore  dans  le  sein  de  sa  mère, 
rende  témoignage  au  Seigneur,  car  dès  lors  le  Sauveur  investit  Jean- 
Baptiste  du  titre  et  des  fonctions  de  prophète,  comme  l'expliquent  les 
paroles  suivantes  :  «  Aussitôt  que  la  voix  de  votre  salutation,  »  etc. 
—  S.  AuG.  {à  Dardanus^  letl.  57.)  Pour  parler  ainsi,  comme  l'Evan- 
géliirtele  déclare,  Elisabeth  a  été  remplie  de  l'Esprit  saint,  et  c'est  lui, 
sans  aucun  doute,  qui  lui  a  révélé  la  signification  de  ce  tressaillement 
mystérieux  de  son  enfant,  tressaillement  qui  lui  annonçait  la  venue 
de  la  mère  du  Sauveur,  dont  son  fils  devait  être  le  Précurseur  et  le 
héraut.  L'explication  d'un  si  grand  mystère  a  pu  être  connue  des  per- 
sonnes plus  âgées,  comme  Marie  et  Elisabeth,  sans  l'être  de  l'enfant 
lui-même;  car  Elisabeth  ne  dit  point  :  L'enfant  a  tressaili  dans  mon 
sein  par  un  mouvement  de  foi,  mais  «  a  tressailli  de  joie.  »  Nous 
voyons  tous  les  jours  tressaillir,  non-seulement  des  enfants,  mais  même 
des  animaux,  sans  que  ni  la  foi,  ni  la  religion,  ni  aucune  cause  intel- 
ligente y  aient  la  moindre  part;  mais  ici  le  tressaillement  est  extraor- 
dinaire et  d'un  genre  tout  nouveau,  parce  qu'il  se  produit  dans  le 
sein  d'Elisabeth,  et  à  l'arrivée  de  celle  qui  devait  enfanter  le  Sauveur 
de  tous  les  hommes.  Ce  tressaillement  donc,  qui  fut  comme  le  salut 
rendu  à  la  mère  du  Seigneur,  a  eu  pour  cause,  comme  tous  les  mi- 
racles, un  acte  de  la  puissance  divine  dans  cet  enfant,  et  non  un 
mouvement  naturel  de  l'enfant  lui-même.  Et  alors  même  qu'on  ad- 
mettrait dans  cet  enfant  un  usage  prématuré  de  la  raison  et  de  la  vo- 


Gouvenit  autem  hoc  dicens  cum  fllio  :  |  cursor  et  demonstrator  esset  futurus. 
nam  et  Joannes  indignum  se  seutiebat  >  Potuit  ergo  esse  ista  siguificatio  rei  tantœ 
adveulu  Christi  ad  ipsum.  Matrem  autem  î  a  majoribus  cognosceudae,  non  a  parvulo 


Domini  nuncupat  adhuc  Virginem  exis 
tentem,  prœoccupaus  eventum  ex  dicto 
prophetico.  Divina  autem  provisio  (sive 
provideutia)  duxerat  Mariam  ad  Elisa- 
beth, ut  Joanais  lestimonium  ab  utero 
perveniret  ad  Dominum  :  ex  tune  enim 
Joanuem  Dominus  in  prophetam  consti- 
tuit  :  unde  sequitur  :  «  Ecce  enim  ut 
facta  est  vox  salulationis,  »  etc.  AuG. 
(ad  Dardunum,  epist.  57.)  Hoc  autem 
ut  diceret  sicut  Evaugehsta  praelocutus 
est,  repleta  est  Spiritu  sancto  ;  quo  pro- 
cul  dubio  révélante  cognovit  quid  illa 
exultatio  significasset  iufantis  ,  id  est, 
illius  venisse  Matrem,  cujus  ipse  pree- 


coguitse  :  non  enim  dixit  :  «  Exultavit 
in  fide infans  in  utero  meo,  »  sed  «exul- 
tavit in  gaudio.  »  Videmus  autem  exul- 
tationem,  non  solum  parvulorum,  sed 
etiam  pecorum  ;  non  utique  de  aliqua 
fide,  vel  religione,  vel  quacunque  ra- 
tionali  cognitione  venientem,  sed  hsec 
inusitata  et  nova  extitit,  quia  in  utero, 
et  ad  ejus  adventum  quœ  omnium  Salva- 
toremfueratparitura.  Ideo  hgec  exultatio 
ettanquam  Matri  Domini  reddita  resalu- 
tatio  (sicut  soient  miracula  fieri),  facta 
est  divinitus  in  infaute,  non  humanitus 
ab  infante  :  quamquam  etiam  si  usque 
adeo  in  illo  puero   est  acceleratus  usus 


I>E   SAINT  LUC,    CHAP.    I. 


49 


lonté,  qui  aurait  pu  lui  permettre,  dès  le  sein  de  sa  mère,  un  sentiment 
de  connaissance,  de  foi,  de  sympathie,  on  devrait  l'attribuer  à  un 
miracle  de  la  puissance  divine,  et  non  à  une  simple  action  des  lois 
naturelles. 

Orig.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  La  mère  du  Sauveur  était  venu  visiter 
Elisabeth,  pour  voir  la  conception  miraculeuse  que  l'ange  lui  avait 
annoncée,  et  s'affermir  ainsi  dans  la  foi  au  miracle  bien  plus  suprenant 
dont  une  vierge  deyait  être  l'objet.  C'est  cette  foi  qu'Elisabeth  célèbre 
par  ces  paroles  :  «  Et  vous  êtes  bienheureuse  d'avoir  cru,  parce  que 
les  choses  qui  vous  ont  été  dites  de  la  part  du  Seigneur  s'accompliront 
en  vous.  »  — S.  Ambr.  Vous  le  voyez,  Marie  n'a  nullement  doute,  mais 
elle  a  cru,  et  a  recueilli  le  fruit  de  sa  foi.  —  Bède.  Rien  d'étonnant 
si  le  Seigneur,  Rédempteur  du  monde_,  commence  par  sa  mère  l'œuvre 
de  sa  rédemption  ;  c'est  par  elle  que  le  salut  devait  être  donné  à  tous 
les  hommes,  il  était  juste  qu'elle  reçût  la  première  le  fruit  du  salut 
de  l'enfant  qu'elle  portait  dans  son  sein.  —  S.  Ambr.  Bienheureux 
vous  aussi  qui  avez  entendu  et  qui  avez  cru  ;  car  toute  âme  qui  croit, 
conçoit  et  engendre  le  Fils  de  Dieu,  et  mérite  de  connaître  ses  œuvres. 
—  BÈDE.  Toute  àme  aussi  qui  a  conçu  le  Verbe  de  Dieu,  monte 
aussitôt  par  les  pas  de  l'amour  jusqu'aux  sommets  les  plus  élevés  des 
vertus,  pénètre  dans  la  ville  de  Juda,  c'est-à-dire,  dans  la  citadelle  de 
la  louange  et  de  la  joie,  et  y  demeure  comme  pendant  trois  mois  dans 
la  pratique  parfaite  de  la  foi ,  de  l'espérance  et  de  la  charité.  — 
S.  Grég.  {sur  Ezech.,  hom.  1.)  L'inspiration  prophétique  d'Elisabeth 
s'étendit  à  la  fois  au  passé,  au  présent  et  à  l'avenir.  Elle  connut  que 
Marie  avait  ajouté  foi  aux  promesses  de  l'ange;  en  la  proclamant 
mère  du  Seigneur,  elle  comprit  qu'elle  portait  dans  son  sein  le  Ré- 


rationis,  et  voluutalis,  ut  intra  viscera 
materna  jam  posset  agnoscere,  credere 
et  consentira,  etiam  hoc  in  miraculis 
habendum  divince  potentiœ,  non  ad  hu- 
manœ  trahendum  exempla  naturœ. 

Orig.  {utsup.,  inCat.  Grcecorum  Pa- 
trum.)  Venerat  autem  Mater  Domini 
visura  Elisabeth ,  ut  et  miraculosum 
conceptum,  quem  retulerat  AngeUis,  ut 
per  hoc  sequatur  creduUtas  potioris  ad 
Virginem  manaturi  :  et  ad  hanc  fideni 
facit  sermo  Elisabeth,  diccntis  :  «  Et  beata 
qutp.  credidisti,  quoniani  perficientur  ea 
quae  dicta  sunt  tibi  a  Domino.  »  Ambr. 
Vides  minime  dubitasse  Mariam ,  sed 
credidisse,  et  ideo  fruclum  fidei  conse- 
cutam.  Bed.  Nec  mirum.  si  Domiuus  re- 
demplurus  mundum  operationem  suam 
inchoavit  a  matre  ;  ut  per  quam  salus 

TOM.   V. 


omnibus  parabatur,  eadem  prima  truc- 
tum  salutis  hauriret  ex  pignore.  Ambr. 
Sed  et  vos  beali  qui  audivistis  et  credi- 
dislis:  quœcunqueenim  crediderit  anima, 
et  concipit  et  générât  Dei  verbum,  et 
opéra  ejus  agnoscit.  Bed.  Omnis  autem 
qua;  verbum  Dei  mente  concepit,  virlu- 
tum  statim  celsa  cacumina  gressu  cons- 
cendit  amoris;  quatenus  civitatem  Juda 
'id  est,  confessionis  et  laudis  arcem) 
penetrare,  et  usque  ad  perfectionem  fi- 
dei, spei  et  charitatis  (quasi  tribus  in  ea 
mensibus/  valeat  commorari.  GnEG.(sî<73. 
Ezpxh.,  hom.  1.)  .Simul  de  prœterito, 
et  de  pressenti,  et  de  futuro,  per  pro- 
phetiœ  spirituiii  tacta  est  ;  quai  et  eam 
promissionibus  Angeh  credidisse  cogno- 
vit,  et  matrem  nominaus,  quia  Redem- 
ptorem  humani  generis  in  utero   porta- 

4 


50 


EXPLICATION    DE    l'ÉVANGILE 


dempteur  du  genre  humain;  et  en  prophétisant  tout  ce  qui  devait 
s'accomplir  en  elle,  elle  plongea  son  regard  jusque  dans  les  profon- 
deurs de  l'avenir. 

f,  47.  —  Alors  Marie  dit  :  Mon  âme  glorifie  le  Seigneur. 

S.  Ambr.  C'est  par  les  femmes  que  le  péché  a  commencé,  c'est  aussi 
par  les  femmes  que  commence  la  réparation  du  mal;  aussi  n'est-ce 
pas  sans  dessein  qu'Elisabeth  prophétise  avant  Jean-Baptiste,  et  Marie 
avant  la  naissance  du  Seigneur;  mais  la  prophétie  de  Marie  est  d'au- 
tant plus  parfaite  qu'elle  est  elle-même  plus  élevée  en  dignité.  — 
S.  Bas.  {Ch.  des  Pèr.  gr.,  expUc.  du  Ps.  xxxm.)  Cette  Vierge  sainte 
guidée  par  une  inspiration  sublime  contemple  d'une  vue  profonde 
l'immense  étendue  de  ce  mystère,  et  pénétrant  plus  avant  dans  ses 
profondeurs,  elle  rend  gloire  à  Dieu  :  «  et  Alarie  dit  :  Mon  âme  glo- 
rifie le  Seigneur.  »  —  Grec.  {Athanas.,  Ch.  des  Pèr.  gr.)  —  Elle 
semble  dire  :  Le  mystère  étonnant  que  Dieu  a  prédit,  c'est  dans  mon 
corps  qu'il  doit  l'opérer,  mais  mon  âme  ne  peut  rester  stérile  devant 
lui.  Il  faut  que  je  lui  offre  le  fruit  de  ma  volonté,  car  plus  est  grand 
le  miracle  dont  je  suis  l'objet,  plus  aussi  je  dois  glorifier  l'auteur  de 
toutes  ces  merveilles.  —  Orig.  {hom.  8.)  —  Puisque  Dieu  ne  peut  ni 
recevoir  aucun  accroissement,  ni  soufinr  aucune  diminution,  que 
signifient  ces  paroles  de  Marie  :  a  Mon  âme  exalte  le  Seigneur?  »  Il 
nous  faut  considérer  que  le  Dieu  Sauveur  est  l'image  du  Dieu  invi- 
sible, que  notre  âme  a  été  faite  à  son  image,  et  qu'elle  est  ainsi  l'image 
de  l'image;  nous  reconnaîtrons  alors  qu'à  l'exemple  des  peintres  qui 
reproduisent  sur  la  toile  les  traits  d'un  visage ,   lorsque  nous  éle- 


ret,  intellexit  ;  et  cum  omnia  perficienda 
praediceret,  quidetiam  de  futuro  seque- 
retur  aspexit. 

Et  ait  Maria  :  Magnificat  anima  mea 
Dominum. 

Ambr.  Sicut  peccatum  a  mulieribus 
cœpit,  ita  et  bona  a  mulieribus  iucho- 
antur  :  unde  non  oliosum  videtur  quod 
et  ante  Joamiem  Elisabeth  prophetat,  et 
Maria  ante  Domini  generationem  :  se- 
quitur  autem  ut  Mariœ,  quo  persona 
melior,  eo  prophetia  sit  pleuior.  Basil. 
{In  Cal.  Grœcornm  ex  illius  exposit. 
in  Psal.  33.  )  Virgo  enim  intentioae 
sublimi,  ac  speculatione  profunda,  im- 
mensitatem  contemplans.mysterii,  quasi 
profuudius  gradiens  magnificat  Deum  : 
unde  dicitur:  «  Et  ait  Maria:   Magnifi- 


cat anima  mea  Dominum.  »  Gr^c. 
(nempe  Athanasius,  in  Cat.  Gracorum 
Patrum.)  Quasi  diceret  :  Mirabilia  qua 
Deus  pronuntiavit,  inmeo  corpore  exer- 
cebit,  sed  anima  mea  infructuosa  apud 
Deum  non  erit.  Convenit  autem  mihi  et 
voluntatis  fructum  afferre  :  nam  quan- 
tum amplo  deservio  miraculo,  tantum 
teneor  glorificare  in  me  mirabilia  ope- 
rantem.  Orig.  {hom.  8.)  Si  autem  Do- 
minus  nec  augmentum  nec  detrimen- 
tum  recipere  potest,  quid  est  quod  Ma- 
ria loquitur  :  «  Magnificat  anima  mea 
Dominum  ?  »  Sed  si  considerem  Domi- 
num Salvatorem  imaginem  esse  invisibi- 
lis  Dei,  et  animam  factam  ad  ejus  ima- 
ginem, ut  sit  imago  imaginis,  tune 
videbo  quoniam  in  exemplum  eorum 
qui  soient  imagines  pingerej  quando  ego 


DE  SAINT   LUC^    CHAP.    I. 


51 


vons  notre  âme  par  nos  œuvres ,  nos  paroles,  nos  pensées^  l'image  de 
Dieu  s'agrandit  en  nous,  et  le  Seigneur  lui-même,  dont  nous  portons 
l'image  dans  notre  âme,  en  reçoit  comme  une  espèce  d'agrandisse- 
ment. 

Et  mon  esprit  est  ravi  de  j'oie  en  Dieu  mon  Sauveur. 

S.  Bas.  {Sur  le  Ps.  xxxii.)  Le  premier  fruit  de  l'Esprit  c'est  la  pais 
et  la  joie.  La  Vierge  sainte  qui  avait  reçu  l'Esprit  saint  dans  toute  sa 
plénitude,  ajoute  avec  raison  :  «  Et  mon  esprit  est  ravi.  »  L'âme  et 
l'esprit  sont  ici  une  même  chose.  L'Ecriture  sainte  emploie  ordinaire- 
ment le  mot  de  ravissement,  de  transport,  pour  exprimer  dans  les  per- 
sonnes qui  en  sont  dignes,  un  état  de  Tâme  remplie  de  joie  et  d'allé- 
gresse. La  Vierge  est  donc  ravie  dans  le  Seigneur  par  un  tressaille- 
ment inefifable  de  son  cœur,  et  par  le  transport  d'une  affection  pure. 
«  En  Dieu  mon  Sauveur.  »  —  Bède.  L'esprit  de  la  sainte  Vierge  se 
réjouit  de  l'éternelle  divinité  de  ce  même  Jésus  (c'est-â-dire  Sauveur) 
dont  la  chair  est  engendrée  par  une  conception  temporelle.  — 
S.  Ambr.  L'âme  de  Marie  glorifie  donc  le  Seigneur,  et  son  esprit  est 
ravi  en  Dieu  son  Sauveur,  parce  que  toute  dévouée  par  son  âme  et 
son  esprit  au  Père  et  au  Fils,  elle  honore  d'un  culte  d'amour  le  Dieu 
unique,  auteur  de  tout  ce  qui  existe.  Ayez  donc  tous  l'âme  de  Marie 
pour  glorifier  le  Seigneur,  ayez  tous  sou  esprit  pour  être  ravis  de  joie 
en  Dieu  votre  Sauveur.  Si  selon  la  chair,  il  n'y  a  qu'une  mère  du 
Christ,  selon  la  foi,  Jésus  est  le  fruit  de  tous  les  cœurs.  Toute  âme  en 
effet  conçoit  le  Verbe  de  Dieu ,  à  la  condition  qu'elle  sera  pure , 
exempte  de  tout  vice  et  qu'elle  conservera  sa  chasteté  sous  la  garde 
d'une   pudeur  inviolable.  —  Théophyl.    Celui-là   glorifie  Dieu  qui 


maguificavero  animaui  meam  opère, 
cûgitatione,  sermoae,  tune  imago  Dei 
grandis  efficitur,  et  ipse  Dominus,  cujus 
imago  est  in  aaima  mea,  magai&catur . 

Et  exullavil  spirilus  meus  in  Deo  salu- 
tari  meo. 

Basil,  [in  Psal.  32.)  Primus  Spiritus 
fruclus  est  pax  et  gaudium.  Quia  ergo 
Virgo  sancta  totam  sibi  hauserat  Spiri- 
tus gratiam,  merito  subjungit:  «  Et 
exultavit  spiritus  meus.  »  Idem  animam 
dicit  et  spiritum.  Consueta  autem  in 
Scripturis  exultationis  prolalio  insinuât 
alacrera  quemdam  et  jucunduui  liabi- 
tum  animie  in  liis  qui  digiii  sunt.  l'ro- 
inde  Virgo  exultât  in  Domino  ineiïa- 
bili  cordis  tripudio  et  exultatione  in  slre- 
pitu  honesli  allectus.  Sequitur  :  «  In  Deo 


salutari  meo.  »  Beda.  Quia  ejusdem  Jesu 
(id  est,  Salvatoris)  Spiritus  Virginia 
œterna  Diviaitate  lœlalur,  cujus  caro 
temporali  conceptione  fœtatur.  AiiBR. 
Magnificat  ergo  anima  Mariœ  Dominum, 
et  exultavit  spirilus  ejus  in  Deo;  eo 
quod  anima  et  spiritu  Patri  Filioque 
devota  unum  Deum  ex  quo  omnia,  pio 
veneratur  affectu.  Sit  autem  in  singulis 
Mariae  anima,  ut  magnificet  Dominum; 
sit  in  singulis  spirilus  Mariœ,  ut  exultet 
in  Domino.  Si  secundum  carncm  una 
Maler  est  Chrisli,  secuuduui  fidcm  tamen 
omnium  fruclus  est  Cliristus  :  omnis 
cnim  anima  concipil  Dei  Verbum,  si 
tamen  immaculata  et  immunis  a  vitiis 
inlemerato  castimoniam  pudore  custo- 
diat.  TuEOPHYL.  Ille  autem  Deum  ma- 
1  guificat,  qui  digne  sequitur  Christum,  et 


52 


EXPLICATION    DE   l/ÉVÀNGILE 


marche  dignement  à  la  suite  de  Jésus-Christ,  qui  porte  le  nom  de 
chrétien  sans  laisser  amoindrir  en  lai  la  dignité  du  Christ  qu'il'  relève 
au  contraire  par  des  actions  grandes  et  vraiment  célestes  ;  l'esprit,  ou 
ce  qui  est  la  même  chose,  l'onction  spirituelle  est  comme  ravie  de  joie, 
c'est-à-dire  qu'elle  s'accroit  de  jour  en  jour  et  n'est  point  exposée  à 
s'affaihlir  ou  à  s'éteindre.  —  S.  Bas.  {comme  précéd.)  (1*)  Si  parfois 
je  ne  sais  quelle  lumière  venant  à  pénétrer  votre  âme  vous  donne  une 
connaissance  suhite  de  Dieu,  et  vous  éclaire  si  pleinement  qu'elle  vous 
porte  à  aimer  Dieu  et  à  mépriser  toutes  les  choses  de  la  terre  ;  que 
cette  image  si  obscure  encore  et  cette  impression  si  rapide  vous  aident 
à  comprendre  l'état  des  justes  qui  trouvent  en  Dieu  une  joie  toujours 
égale,  toujours  persévérante.  —  Orig.  L'âme  doit  commencer  par 
glorifier  le  Seigneur,  avant  d'être  ravie  en  lui  ;  car  la  foi  en  Dieu  est 
une  condition  nécessaire  de  ces  divins  transports. 

f.  48.  —  Parce  qu'il  a  regardé  l'humilité  de  sa  servante,  et  désormais 
toutes  les  générations  me  diront  bienheureuse. 

Grec,  {pu  IsicL,  Ch.  des  Pèr.  gr.)  Marie  fait  connaître  la  cause  de  la 
gloire  qu'elle  rend  à  Dieu,  et  de  ses  divins  transports  :  «  Parce  qu'il  a 
regardé  l'humilité  de  sa  servante,  »  c'est-à-dire  ;  c'est  lui  qui  le  premier 
a  jeté  les  yeux  sur  moi  contre  mon  espérance,  j'étais  contente  de  mon 
humble  condition,  et  maintenant  Dieu  me  choisit  pour  l'accomplisse- 
ment d'un  dessein  vraiment  ineffable,  et  m'élève  de  la  terre  aux  cieux. 
—  S.  AuG.  {Senn.  sur  VAssomp.)  0  véritable  humilité  qui  a  mérité 
d'enfanter  un  Dieu  à  la  terre,  de  rendre  la  vie  aux  pauvres  mortels, 
de  renouveler  les  cieux,  de  purifier  le  monde,  d'ouvrir  le  paradis,  et 

(1*)  Le  texte  de  saint  Thomas  est  si  peu  clair  et  si  différent  du  texte  original  de  saint  Basile,  que 
nous  avons  cru  devoir  recourir  à  ce  dernier. 


dum  Christianus  vocatur,  Christi  non 
minuit  dignitatem,  magna  et  cœlestia 
opérande  ;  et  tune  Spiritus  (id  est,  spiri- 
tuale  chrisma)  exultabit;  id  est,  profi- 
ciet,  et  non  mortificabitur.  Basil,  {ut 
sup.)  Si  quando  vero  lux  in  cor  tuum 
irrepserit,  et  ad  Deum  diligendum  et 
contemuenda  corporea  (per  illam  obscu- 
ram  et  brevem  imaginem)  perfectam 
perceperis  justorum  consistentiam,  abs- 
que  uUa  difficultate  consequeris  in  Do- 
mino gaudium.  Orig.  {ut  sup.,  homil. 
8.)  Prius  autem  anima  magnificat  Donii- 
num,  ut  postea  exultet  in  Deo  :  nisi  enim 
antea   crediderimus,   exultare  non  pos- 


Quia  respexit  humilitatem  ancillœ  suce  :  ecce 
enim  ex  hoc  beatam  me  dicent  omnes  genera- 
tiones. 

GR.ECUS  expositor  {vel  Isidorus,  in 
C'at.  Grœcorum  Patrum)  causam  ma- 
nifestât cur  se  magnificare  Deum  deceat, 
ac  exultare  in  illo^  dicens  :  «  Quia  res- 
pexit humilitatem  ancillse  suse  :  »  quasi 
diceret  :  Ipse  providit,  non  ego  expec- 
tavi  :  liumilibus  eram  contenta;  nunc 
autem  ad  ineffabile  consilium  eligor,  et 
exaltor  de  terra  ad  sidéra.  Aug.  {in 
sevm.  de  assump.)  0  vera  humilitas, 
qusB  Deum  hominibus  peperit ,  vitam 
mortalibus  edidit,  cœlosinnovavit,  mun- 
dum  purificavit,  paradisum  aperuit,  et 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    I.  53 

de  rendre  à  la  liberté  les  âmes  des  hommes  I  L'humilité  de  Marie  est 
devenue  comme  une  échelle  céleste  dont  Dieu  s'est  servi  pour  des- 
cendre sur  la  terre.  Car  que  signifient  ces  paroles  :  «  Il  a  regardé,  » 
c'est-à-dire  :  «  il  a  approuvé?  »  Il  en  est  beaucoup  qui  paraissent 
humbles  aux  yeux  des  hommes,  mais  Dieu  ne  daigne  pas  jeter  les 
regards  sur  leur  humilité  ;  car  s'ils  étaient  sincèrement  humbles,  leur 
unique  désir  serait  non  pas  d'être  loués  eux-mêmes,  mais  de  voir  Dieu 
loué  par  tous  les  hommes  ,  et  leur  esprit  chercherait  non  dans  ce 
monde,  mais  en  Dieu  ses  transports  et  sa  joie.  —  Ouig.  {hom,  8.) 
Mais  qu'y  avait-il  donc  de  si  humble  et  de  si  bas  dans  celle  qui  portait 
le  Fils  de  Dieu  dans  son  sein  ?  Il  faut  remarquer  ici  que  l'humlUté 
dans  la  sainte  Ecriture  est  la  vertu  à  laquelle  les  philosophes  donnent 
le  nom  de  modestie.  Nous  pouvons  nous-mêmes  la  définir  par  une 
périphrase  en  disant  qu'on  est  humble,  lorsqu'on  n'est  pas  enflé  d'or- 
gueil, et  qu'on  s'abaisse  volontairement.  — ■  Bède.  C'est  parce  que 
Dieu  a  daigné  jeter  les  yeux  sur  son  humilité,  que  tous  la  proclament 
bienheureuse  :  «  Et  désormais  toutes  les  générations  me  diront  bien- 
heureuse. »  —  S.  Athax.  {Ch.  des  Pè?\  gr.)  Et  en  efi'et,  si  au  dire  du 
prophète  {haie,  ch.  xxxi,  selon  les  70)  ceux-là  sont  bienheureux  qui 
ont  des  enfants  dans  Sion  et  leur  famille  dans  Jérusalem,  que  dirons- 
nous  du  bonheur  de  la  divine  et  très-sainte  Vierge,  qui  est  devenue 
la  mère  du  Verbe  fait  chair?  —  Grec,  {ou  Métaphraste,  Ch.  des 
Pèr.  g?\)  Si  elle  se  proclame  bienheureuse,  ce  n'est  point  par  un  sen- 
timent de  vaine  gloire;  et  comment  l'orgueil  aurait-il  pu  trouver 
accès  dans  celle  qui  s'est  appelée  la  servante  du  Seigneur?  C'est  donc 
par  une  inspiration  de  l'Esprit  saint,  qu'elle  prédit  ses  destinées 
futures.  —  BÈUE.  C'est  par  l'orgueil  de  notre  premier  père,  que  la 


hominum  animas  liberavit.  Facta  est 
Mariae  humililas  scala  cœlestis,  per 
quam  Deus  desceadit  ad  terras.  Quid 
enim  est  dicere  rcspexit,  nisi  approba- 
vit  ?  Multi  enim  videntur  in  conspectu 
hominum  humiles  esse,  sed  eorum  liu- 
militas  a  Domino  non  respicitur  :  si 
enim  veraciter  humiles  essent,  Deum  ab 
hominibus  non  seipsos  laudari  vellent  ; 
non  in  hoc  mundo,  sed  in  Deo  spiritns 
eorum  exultaret.  Orig.  [hom.  8.)  Sed 
quid  humile  atque  dejectum  habebat 
quae  Doi  Filium  gestabat  in  utero  ?  Sed 
considéra  quouiam  humilitas  in  Scriptu- 
ris  una  de  virtutibus  prœdicatur,  quaj  a 
phiiosophis  niodes/ia  dicitur.  Sed  et  nos 
eam  possumus  appellare  ijuodam  cir- 
cuitu,  cum  aliquis  non  est  inflatus,  sed 
ipse  se  dejicit.  Bed.  Cujus  autem  humiU- 


tas  respicitur,  reote  beata  ab  omnibus 
cognominatur  :  unde  sequitur  :  «  Ecce 
enim  ex  hoc.  beatam  me  dicent  om- 
nes,  »  etc.  Atha'Sas.  {in  Cal.  fJracorum 
Patrum.)  Si  enim  secundum  Prophetam 
{Isai.,Z\^  juxta  70)  beati  sunt  qui  ha- 
bent  semeu  in  Sion  et  proximos  in  Hie- 
rusalem  (sive  ôixÉtouç,  domesticos),  quan- 
tum débet  esse  prceconiam  divinaj  ac 
sacrosanctae  Virginis  Maria;  qui  secun- 
dum carnem  Verbi  genitrix  est  effecta  ? 
(Jr.ec.  (rel  Metaphrastes  in  Cal.  Grœ- 
cornm  Paù-ion. )  Non  autera  se  beatam 
appellat  inaui  vexata  gloria  :  unde  enim 
locus  in  ipsa  superbiœ,  quœ  se  ancillam 
Domini  nuncupavit  ?  sed  sacro  tacta 
Spiritu,  quae  futura  sunt,  prœcinit.  Bed. 
Decebat  enim  ut  sicut  per  superbiam 
prinii  parentis  mors  in  mundum  intra- 


54  EXPLICATION  DE  L  EVANGILE 

mort  était  entrée  dans  le  monde  ;  il  était  juste  que  les  voies  qui  con- 
duisent à  la  vie  nous  fussent  ouvertes  par  l'humilité  de  Marie.  — 
Théophyl.  Elle  dit  :  «  Toutes  les  générations ,  »  non-seulement 
Elisabeth,  mais  toutes  les  nations  qui  doivent  un  jour  embrasser  la  foi. 

^.  49.  —  Parce  que  celui  qui  est  tout-puissant  a  fait  en  moi  de  grandes  choses, 
et  son  nom  est  saint. 

Théophyl.  La  Vierge  déclare  que  ce  n'est  point  à  sa  vertu  qu'elle 
devra  d'être  proclamée  bienheureuse,  elle  en  donne  ici  la  véritable 
cause  :  «  Parce  que  Celui  qui  est  tout-puissant  a  fait  en  moi  de 
grandes  choses.  »  —  S.  Atjg.  [Serm.  sur  l'assomp.)  Quelles  sont  les 
grandes  choses  que  Dieu  a  faites  en  vous?  Vous  avez  mis  au  monde 
votre  Créateur,  vous  sa  créature,  vous  avez  enfanté  votre  Seigneur, 
vous  sa  servante,  et  c'est  par  vous  que  Dieu  a  racheté  le  monde,  par 
vous  qu'il  lui  a  rendu  la  vie.  —  Tite.  {de  Bostr.)  Comment  a-t-il 
opéré  en  moi  de  grandes  choses  ?  c'est  que  j'ai  conçu  sans  cesser  d'être 
vierge,  triomphant  ainsi  des  lois  de  la  nature.  J'ai  été  jugée  digne  de 
devenir^  sans  le  secours  d'un  homme,  non  pas  une  mère  quelconque, 
mais  la  Mère  du  Sauveur  unique  des  hommes.  —  Bède.  Ces  paroles 
se  rapportent  au  commencement  de  ce  cantique  où  il  est  dit  :  «  Mon 
âme  exalte  le  Seigneur.  »  Car  l'àme  en  qui  Dieu  a  daigné  opérer  de 
grandes  choses  peut  seule  célébrer  dignement  ses  grandeurs. —  Tite. 
[comme  précécl.)  Elle  dit  :  «  Celui  qui  est  tout  puissant ,  »  afin  que  si 
quelque  doute  vient  à  s'élever  sur  le  mystère  de  cette  conception  opérée 
dans  une  vierge  sans  qu'elle  perde  sa  virginité^  ce  miracle  trouve 
aussitôt  sou  explication  dans  la  puissance  de  Dieu.  Et  loin  de  nous  la 
pensée  que  le  Fils  unique  qu'elle  a  porté  dans  son  sein  ait  été  pour 
elle  la  cause  de  quelque  souillure ,  «  parce  que  son  nom  est  saint.  » 


vit,  ita  per  liumilitatem  Mariée,  vitœ  in- 
troitus  panderetur.  Théophyl.  Et  ideo 
dicit  :  «  Otunes  generationes  :  »  nou  so- 
lum  Elisabeth,  sed  etiam  omnes  cre- 
dentium  nationes. 

Quia  fecit  niihi  magna  gui  potens  est,  et  sunclum 
nomen  ejus. 

THEOPHYLACT.Oolendit  Viigo,  nou  per 
suam  virtutem  se  beatam  prfedieaudam, 
sed  causam  assignat  dicens  :  «  Quia  fe- 
cit milii  magna  qui  potens  est.»  AuG. 
(serm.    de   Assump.)    Quœ  tibi  magna 


nt  jam  siip.)  Quomodo  vero  magna, 
nisi  quod  manens  illibala  concipio,  su- 
perans  (uutu  Dei)  naturam?  Digua  repu- 
tata  sum  sine  viro,  non  quomodocunque 
genitrix  effici,  sed  unigeniti  Salvatoris. 
Beda.  Respicit  autem  boc  ad  initium 
carminis,  ubi  dictum  est  :  «  Magnificat 
anima  mea  Dominum.  »  Sola  enim 
anima  illa  cui  Domiuus  magna  facere 
dignatur,  dignis  eum  prseconiis  magui- 
lîcare  polest.  Titcs.  [ut  svp.)  Dicit  au- 
tem :  «  Qui  potens  est  ;  »  ut  si  quis  dif- 
fidat  in  conceptionis  negotio,  dura  virgo 


fecit  ?  Credo  ut  creatura  ederes  Creato-  manens  concepit,  retorqueat  miraculum 
rem,  famula  Dominum  generares  ;  ut  '  ad  potentiam  operantis.  Nec  quia  upi- 
per  te  mundum  Deus  redimeret.  per  te  1  genitus  accessit  ad  femiuam,  ex  boc  in- 
ad  vitam  revocaret.  Titus,  [Bostrensis,  \  quinatur  ;   «  quia  sanctum  est   nomen 


DE  SAINT   LUC^    CHAP.   I.  55 

—  S.  Bas.  [sur  le  Ps.  xxxii,  vers  la  fin)  (1*).  Le  nom  de  Dieu  est  appelé 
saint,  non  qu'il  y  ait  dans  les  syllabes  qui  le  composent  aucune  puissance 
sanctificatrice ,  mais  parce  que  toute  propriété;,  toute  perfection  de 
Dieu,  comme  toute  intelligence  des  merveilles  que  nous  contemplons 
en  lui  est  sainte  et  pure.  —  Bède.  Sa  puissance  est  tellement  élevée, 
qu'elle  surpasse  toute  créature  et  qu'elle  le  place  à  une  distance 
incommensurable  de  toutes  les  choses  qu'il  a  créées.  Cette  pensée 
ressort  beaucoup  mieux  dans  le  texte  grec  où  le  mot  «yiov  signifie  qui 
est  élevé  au-dessus  de  la  terre  (2). 

y.  50.  —  Et  sa  miséricorde  s'étend  d'âge  en  âge  sur  ceux  qui  le  craignent. 

BÈDE.  De  ces  dons  particuliers,  Marie  s'élève  jusqu'aux  jugements 
de  Dieu,  qui  embrassent  l'universalité  du  genre  humain  dont  elle  dé- 
crit l'état  :  a  Et  sa  miséricorde,  dit-elle,  s'étend  de  génération  en  gé- 
nération sur  ceux  qui  le  craignent.  »  Elle  semble  dire  •  Ce  n'est  point 
seulement  pour  moi  qu'il  a  fait  de  grandes  choses,  mais  dans  toute 
nation,  celui  qui  a  la  crainte  de  Dieu  est  sûr  d'obtenir  ses  faveurs.  — 
Orig.  {hom.  8.)  Car  la  miséricorde  de  Dieu  n'est  pas  restreinte  à  une 
seule  génération,  mais  elle  s'étend  à  perpétuité  de  génération  en 
génération.  —  Grec.  [Victor,  Chaîne  des  Pères  grecs.)  C'est  par 
cette  miséricorde  qu'il  existe  d'âge  en  âge,  que  j'ai  conçu  et  qu'il 
s'est  uni  lui-même  à  un  corps  vivant,  pour  traiter  l'alFaire  de  notre 
salut  par  un  sentiment  d'amour.  Toutefois,  sa  miséricorde  ne  s'exerce 
pas  indistinctement,  mais  sur  ceux  qui  dans  toute  nation  sont  soumis 
à  la  crainte  de  Dieu.  Voilà  pourquoi  Marie  ajoute  :  «  Sur  ceux  qui  le 

(1*)  Ici  encore  nous  avons  du  suivre  de  préférence,  comme  plus  clair  et  plus  satisfaisant,  le  texte 
original  de  saint  Basile. 

[ï]  Ce  serait  plutôt  par  allusion  que  par  étymologie  ;  car  le  mot  «Yiov  s'écrit  avec  un  accent  et 
un  esprit  que  n'a  point  l'a  privatif. 


ejus.  »  Basil,  [in  Psal.  32,  versus  fi- 
nevi.)  Sanctum  vero  dicitur  nomenDei, 
non  quia  in  syllabis  quamdam  sanctifi- 
cativam  virtutem  contineat,  sed  quia  quo- 
modolibet  Dei  speculatio  sancta  dignos- 
citur  et  sincera.  Bed.  Singularis  enim 
potentiœ  culmine  transcendit  omnem 
creaturam,  et  ab  universis  quae  fecit, 
longe  segregatnr  ;  quod  Gr*ca  locutione 
melius  intelligilur  :  in  quo  ipsuni  verbum 
quod  dicit  urjion,  quasi  extra  terram 
esse  significat. 

Et  misericordia  ejus  a  progenie  in  proyenies  li- 
mentihus  eum. 

Bed.  a  speoialibus   se  donis   ad  gene- 
ralia  Dei  judicia  oonvertens.  totins  hu- 


mani  generis  statum  describit,  subdens  : 
«  Et  misericordia  ejus  a  progenie  in 
progenies  timentibus  eum.  »  Quasi  dice- 
ret  :  Non  soliim  mihi  fecit  magna  qui 
poteus  est,  sed  in  omni  gente  qui  timet 
Deum,  acceptus  est  illi.  Orig.  (hom.  8.) 
Misericordia  enim  Dei,  non  in  una  ge- 
neratione,  sed  in  sempiternum  exlendi- 
tur  ageneratione  in  generationem.  Gr.kc. 
{nempe  Victor  Presbyter,  in  Cat.  Grœ. 
corum  Patrum,  ut  sup.)  Ex  misericordia 
ejus  quûm  habet  in  generaliones  genera- 
lionum  ego  concipio,  ac  ipse  corpori 
animato  conjungitur,  nostram  traclans 
salutem  solius  intuilu  pietatis.  Miseretur 
autem  non  qualitercunque,  sed  bis  quos 
timor  ejus  compescuit    in  (jualibet   na- 


56 


EXPLICATION   DE  L  EVANGILE 


craignent,  »  c'est-à-dire,  sur  ceux  que  le  repentir  amène  à  la  foi  et  à 
une  vraie  pénitence,  car  ceux  qui  résistent  avec  obstination  se  sont 
fermé,  par  leur  incrédulité  coupable,  la  porte  de  la  miséricorde. 
—  TiiÉOPiiYL.  Ou  bien  encore ,  ces  paroles  signifient  que  ceux  qui 
craignent  Dieu  o])tiendront  miséricorde,  et  dans  cette  génération, 
c'est-à-dire^  dans  le  siècle  présent,  et  dans  la  génération  future,  ou 
dans  le  siècle  à  venir,  et  qu'ils  recevront  le  centuple  en  ce  monde,  et 
dans  la  vie  future  une  récompense  beaucoup  plus  grande. 

f.  51.  —  //  a  déployé  la  force  de  son  bras,  il  a  dissipé  ceux  qui  s'élevaient 
d'orgueil  dans  les  pensées  de  leur  cœur. 

Bede.  En  décrivant  l'état  du  genre  bumain,  Marie  prédit  le  châti- 
ment qui  attend  les  orgueilleux,  et  la  récompense  réservée  à  ceux  qui 
sont  humbles  :  «  Il  a  déployé  la  force  de  son  bras,  »  etc.  C'est-à-dire, 
du  Fils  de  Dieu  lui-même;  car  de  même  que  c'est  par  votre  bras  que 
vous  agissez,  le  Verbe  par  qui  Dieu  a  créé  le  monde  s'appelle  le  bras 
de  Dieu.  —  Orig.  {hom.  8.)  C'est  pour  ceux  qui  le  craignent  qu'il  a 
déployé  la  force  de  son  bras,  car  quelle  que  soit  votre  infirmité,  lorsque 
vous  approchez  de  Dieu,  si  vous  le  craignez,  vous  obtiendrez  le  se- 
cours qu'il  vous  a  promis.  —  Théophyl.  Ce  bras  dont  il  a  fait  éclater 
la  puissance,  c'est  aussi  le  Fils  de  Dieu  incarné,  parce  que  la  nature 
a  été  vaincue  par  le  miracle  d'une  vierge  devenue  mère,  et  d'un  Dieu 
fait  homme,  — Grec.  {Photkts.)  Il  a  fait.,  ou  plutôt,  il  fera  éclater  sa 
puissance,  non  comme  auti-efois,  lorsqu'il  anéantit  par  Moïse  l'armée 
des  Egyptiens,  ou  qu'il  détruisit  par  un  ange,  au  nombre  de  plusieurs 
mille,  l'armée  des  Assyriens  rebelles.  Ici  c'est  par  sa  seule  puissance 
et  sans  le  concours  de  personne  qu'il  triomphe  des  intelligences  ré- 


tione.  IJnde  dicilur  :  «  Timeulibus  eum  ;  » 
qui  scilicet  pœnitentia  ducti,  ad  fldem 
et  ad  pœnitentiam  couvertuntur  :  nam 
qui  obsliuali  sunt,  incredulitatis  vitio 
clauserunt  sibi  jauuam  pielalis.  Theoph. 
Yei  per  hoc  inuuit,  quod  timeutes  mise- 
ricordiam  cousequentur  in  generatione 
ista  (id  est,  in  prsesenti  seculo),  et  fu- 
tura  (id  est,  in  seculo  futuro),  in  hoc 
seculo  centuplum  accipieutes  [Matth., 
19),  in  illo  vero  multo  majora. 

Fecit  poientiam  in  brachio  suo,  diapersit  super- 
bos  mente  cordis  sui. 

Bed.  Humani  generis  statum  descri- 
beus,  quid  superbi  et  quid  humiles  me- 
reantur,  ostendit  dicens  :  «  Fecit  poten- 
tiam  in  brachio  suo,  »  etc.   Id  est,  in 


ipso  Dei  Filio  :  sicut  enira  tuuni  bra- 
chium  est  quo  operaris,  sic  brochium 
Dei  dictum  est  ejus  Verbuni,  per  quod 
operatus  est  mundum.  Orig.  {liom.  8.) 
Timeulibus  autem  se,  fecit  potentiam  in 
brachio  suo;  quialicet  infirmusadDeum 
accesseris,  si  limueris  eum,  promissam 
virtutem  consequeris.  Theoph.  In  bra- 
chio eliam  suo  (scilicet  ejus  Fiho  incar- 
uato)  potentiam  fecit  quia  natura  devicta 
est  Virgine  pariente  et  Deo  liumanato, 
Gr.ec.  (Photius.)  Vel  Fecit  pro  faciet 
potentiam,  non  ut  dudum  per  Moysen 
contra  ^'Eg5'ptios,  uec  per  augelum  (puta 
quando  muUa  millium  rebellium  pros- 
travit  Assyriorum),  nec  quoquam  alio 
mediante  uisi  vi  propria  triumphum  do- 
cuit,  iutelligibiles  hostes   superaudo  : 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.   I.  57 

voltées  contre  lui  :  «  Il  a  dissipé  les  orgueilleux  dans  les  pensées  de 
leur  cœur,  »  c'est-à-dire,  il  a  dissipé  toute  âme  qui  a  refusé  de  croire 
à  sa  venue  ;  bien  plus,  il  a  dévoilé  et  mis  à  découvert  leurs  pensées 
superbes  et  criminelles.  —  Cyril.  Alex.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  Toutefois, 
c'est  principalement  des  cobortes  ennemies  des  démons  que  ces  paroles 
doivent  s'entendre,  car  la  venue  du  Seigneur  a  dissipé  ces  cruels 
ennemis  du  genre  bumain,  et  a  replacé  sous  l'obéissance  de  Dieu 
ceux  qu'ils  retenaient  dans  des  cbaînes  de  l'esclavage.  —  Théophyl. 
On  peut  encore  les  appliquer  aux  Juifs,  qu'il  a  dispersés  dans  toutes 
les  contrées  du  monde,  comme  ils  le  sont  encore  aujourd'hui. 

)-.  52.  —  Il  a  renversé  les  grands  de  leur  trône,  et  il  a  élevé  les  petits. 

BEDE.  Ces  dernières  paroles  :  «  Il  a  fait  éclater  la  puissance  de  son 
bras,  »  et  celles  qui  précèdent  :  «  Sa  miséricorde  s'exerce  d'âge  en 
âge,  »  doivent  être  rattachées  chacune  à  l'un  des  membres  de  ce 
verset,  parce  qu'il  est  vrai  de  dire  que  les  orgueilleux  ne  cessent 
d'être  abaissés  et  les  humbles  d'être  élevés  par  une  disposition  aussi 
juste  que  miséricordieuse  de  la  puissance  divine.  Ello  ajoute  donc  : 
«  Il  a  renversé  les  grands  de  leur  trône,  et  il  a  élevé  les  petits.  »  — > 
Cyr.  d'Alex.  Les  démons,  et  les  princes  des  démons,  les  sages  parmi 
les  gentils,  les  pharisiens  et  les  scribes  avaient  tous  de  hautes  et 
grandes  idées  d'eux-mêmes.  Dieu  cependant  les  a  tous  renversés,  et 
il  a  relevé  ceux  qui  s'humiliaient  sous  sa  main  puissante ,  en  leur 
donnant  le  pouvoir  de  fouler  aux  pieds  les  serpents  et  les  scorpions, 
et  toute  la  puissance  de  l'ennemi.  Les  Juifs  eux-mêmes  s'enorgueil- 
lirent autrefois  de  leur  puissance,  mais  leur  incrédulité  les  a  renversés 
à  terre,  tandis  que  parmi  les  gentils,  ceux  qui  étaient  humbles,  sans 


unde  sequitur  :  «  Dispersit,  »  etc.  Scili- 
cet  quamlibet  mentem  elatam  non  pa- 
rentem  ejus  advenlui;  quin  etiam  ape- 
ruit  et  vitiosas  ostendit  superbas  cogi- 
tationes  eoruni.  Cvril.  ^Iagis  autem 
proprie  de  dœmonum  hostili  caterva 
intelligenda  sunt  h?cc  :  hos  enim  sse- 
vientes  in  terra  dissipavit  adveniens  Do- 
minus,  et  compeditos  ab  eis  obedieutite 
suœ  restituit.  Theophylact.  Potest  hoc 
etiam  de  Judajis  iutelligi,  quos  in  oni- 
nem  dipersit  regionem  sicut  nnnc  did- 
persi  sunl. 

Deposuit  ■patentes  de  sede  et  exaltavit 
humiles. 

Befj.  Quod  dixit  :  «  Fecit  poteutiam  in 
brachio  suo,  »    et  quod    preemiserat  : 


«  Kt  misericordia  ejus  a  progenie  in  pro- 
genies,  »  his  versiculis  per  singula  com- 
mata  est  annectendum  ;  quia  scilicet  per 
omnes  seculi  generaliones,  et  perire  su- 
perbi,  et  iiumiies  exaltari  (piajustaque 
divinœ  potentiœ  dispensatioue)  non  ces- 
sant: unde  dicitur  :  «  Deposuit  potentes 
de  sede,  et  exaltavit  bumiies.  »  Cyril. 
Magna  sapiebant  dœmones  et  diabolu?, 
Gentilium  sapientes,  Pharisœi  et  Scribae. 
Hos  tamen  deposuit,  erexitque  iiumilian- 
tes  se  sub  potenti  manu  Dei  (ex  I  Pctr., 
îj),  dans  illis  virtutem  ealcandi  super 
serpentes,  et  scorpiones,  omnemque  po- 
testatem  inimici.  [Luc,  10)  Eraut  et 
quandoque  Judaei  potestate  superbi,  sed 
prostravit  hos  incredulitas  ;  ex  gentibus 
autem  ignobiles  et  humiles  per  fidem 


58 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


éclat  aux  yeux  des  hommes,  ont  été  élevés  par  la  foi  au  faîte  de  la 
véritable  grandeur.  —  Grec,  {ou  Macairc,  Ch.  des  Pèr.  gr.)  Nous 
savons  que  notre  esprit  doit  être  le  siège  de  la  divinité  ;  mais  aussitôt 
le  péché  de  notre  premier  père,  les  puissances  d'iniquité  ont  envahi 
l'intérieur  de  notre  âme,  pour  y  régner  comme  sur  leur  propre  trône. 
Or  Dieu  est  venu  justement  sur  la  terre  pour  chasser  ces  esprits  mau- 
vais du  siège  de  nos  volontés,  et  relever  ceux  que  les  démons  avaient 
terrassés ,  en  purifiant  leurs  consciences  et  en  établissant  son  trône 
dans  leur  cœur. 

y.  53.  —  Il  a  rempli  de  biens  ceux  qui  étaient  affamés,  et  il  a  renvoyé  vides 
ceux  qui  étaient  riches. 

La  Glose.  Comme  la  prospérité  humaine  consiste  surtout  dans  les 
honneurs  des  puissants  de  ce  monde  et  dans  l'abondance  des  ri- 
chesses, après  avoir  parlé  de  l'humiliation  des  grands  et  de"  l'élévation 
des  humbles,  elle  prédit  que  les  riches  seront  réduits  au  plus  entier 
dénûment,  et  les  pauvres  remplis  de  toutes  sortes  de  biens  :  «  Il  a 
rempli  de  biens  ceux  qui  étaient  affamés,  »  etc.  —  S.  Bas.  {su?'  les 
Psaum.)  Nous  pouvons  entendre  ces  paroles  mêmes  des  choses  sen- 
sibles, et  y  apprendre  l'incertitude  des  choses  de  ce  monde.  Elles  sont 
bien  fragiles,  en  effet,  comme  ces  flots  que  l'impétuosité  des  vents 
brise  et  disperse  de  tous  côtés.  Entendues  dans  le  sens  spirituel,  ces  pa- 
roles signifient  que  le  genre  humain  tout  entier  était  comme  aflfamé, 
à  l'exception  des  Juifs,  que  la  promulgation  de  la  loi  et  les  enseigne- 
ments des  saints  prophètes  avaient  enrichis.  Mais  ils  ont  refusé  de 
s'attacher  humblement  au  Verbe  incarné,  et  ils  ont  été  renvoyés  vides 
de  tous  biens  et  dans  le  plus  entier  dénûment,  privés  de  la  foi,  de  la 
science,  de  l'espérance  des  biens,  exclus  tout  ensemble  de  la  Jérusalem 


ad  apicem  cousceaderunt.  Grjec.  {vel 
Macarius,  in  Cat.  Grxcor^an  Patrnm.) 
Deitatis  enim  tribunal  noster  intellectus 
esse  coguoscitur,  sed  iniquôe  virtutes 
post  transgressionem  incubuerunt  prœ- 
cordiis  protoplasti,  tanquam  in  proprio 
solio.  Ob  hoc  ergo  venit  Domiuus,  et 
spiritus  iûiquos  ejecit  a  sedibus  volun- 
tatiim,  et  prostratos  a  daemoniis  exalla- 
vit:  eorum  conscientias  pnrgans,  et  eo- 
rum  mentem  statuens  propriam  sedem. 

Esurimtes  implevit  bonis,  et  diuites  dimisit 
inanes.  ' 

Glos.  Quia  humana  prosperitas  prœ- 
cipue  in  honoribus'  potentium,  et  in 
abundantia  divitiarum  consistere  vide- 


tur,  post  dejectionem  potentium  et  exal- 
fationem  humilium  de  divitum  exinani- 
tione  et  pauperum  repletione  mentio- 
nem  facit  dicens  :  «  Esurientes,  »  etc. 
Basil,  {sup.  Psal.)  Disponit  quidem  nos 
prsesens  verbum  etiam  quoad  sensibilia, 
edocens  rerum  mundanarum  incertitu- 
dinem:  caducasiquidem  sunt  haec,  sicut 
unda  quœ  ab  impetu  ventorum  liinc 
inde  diffuuditur  :  iutellectualiter  autem 
sumendo  esuriebat  genus  humanum , 
exceptis  Judœis  :  hos  namque  ditaverat 
legis  traditio  et  sanctorum  dogmatapro- 
phetarum  :  quia  vero  non  humiliter 
iiœserunt  Verbo  humanato  dimissi  sunt 
inanes,  nibil  déférentes,  non  fidem,  non 
scientiam  ;  et  spe  bonorum  privati  sunt. 


DE  SAINT  LUC,   CHAP.   I.  59 

terrestre  et  de  la  vie  future.  Ceux  au  contraire,  parmi  les  gentils,  que 
la  faim  et  la  soif  avaient  complètement  épuisés,  se  sont  attachés  au 
Seigneur  et  ont  été  remplis  de  tous  les  biens  spirituels.  —  La  Glose. 
Ceux  aussi  qui  ont  faim  des  biens  éternels,  qui  les  désirent  ardem- 
ment, seront  rassasiés,  lorsque  Jésus-Christ  apparaîtra  dans  sa  gloire, 
mais  pour  ceux  qui  placent  leur  joie  dans  les  choses  de  la  terre,  ils 
seront  à  la  fm  des  siècles  renvoyés  vides  de  tous  biens  et  de  toute 
félicité. 

y.  54,. 53.  —  Et  il  a  pris  en  sa  protection  Israël,  se  ressouvenant  de  sa  miséri- 
corde,  selon  la  promesse  qu'il  a  faite  à  nos  pères,  à  Abraham  et  à  sa  posté- 
rité pour  toujours. 

La  Glose.  Après  avoir  rappelé  en  général  les  effets  de  la  miséri- 
corde et  de  la  justice  divine,  Marie  en  vient  aux  effets  particuliers  du 
nouveau  mystère  de  l'Tncarnation  qui  vient  de  s'accomplir  :  «  Il  a  pris 
en  sa  protection  Israël,  son  serviteur,  »  etc.  Il  l'a  pris  comme  un  mé- 
decin prend  un  malade,  il  s'est  rendu  visible  parmi  les  hommes,  afin 
qu'Israël  (c'est-à-dire,  voyant  Dieu)  (I),  devint  son  serviteur.  —  Bède. 
Et  son  serviteur  obéissant,  humble  ;  car  celui  qui  refuse  de  s'humilier 
ne  peut  être  sauvé.  —  S.  Bas.  {ou  Cyril.)  Elle  ne  veut  point  parler 
d'Israël  selon  la  chair ,  qui  tirait  sa  noblesse  de  son  nom ,  mais 
d'Israël  selon  l'esprit,  qui  tenait  son  nom  de  sa  foi,  et  dont  les  yeux 
s'appliquaient  à  voir  Dieu  par  la  foi.  On  peut  aussi  appliquer  ces 
paroles  aux  Israélites  selon  la  chair,  puisqu'un  nombre  infini  d'entre 
eux  ont  embrassé  la  foi.  Dieu  agit  de  la  sorte  en  souvenir  de  sa  misé- 

(1)  Saint  Basile  fait  ici  allusion  à  la  signification  hébraïque  dans  la  Genèse  du  mot  Israël,  qui 
veut  dire  voyant  Dieu,  comme  saint  Jérôme  l'explique  dans  son  traité  des  noms  hébreux.  Cepen- 
dant dans  ses  questions  hébratf/ues,  il  reconnaît  que  cette  interprétation  est  plus  forcée  que  vraie 
et  il  donne  comme  plus  naturelle  celle  qui  résulte  des  paroles  de  l'ange  à  Jacob  (Gen.,  28)  :  fort 
contre  Dieu. 


fit  a  terrena  Hierusalem,  et  a  vitafuLura 
exclusi.  Quos  vero  de  gentibus  famés 
et  sitis  contriverat,  cum  hœsissent  Do- 
mino, repleti  simt  spiritualibns  bonis. 
Glossa.  Qui  etiam  teterna  tolo  studio 
ijuasi  esurientes  desiderant,  salurabun- 
tur,  cuni  Christus  apparuerit  in  fçloria  ; 
sed  qui  terrenis  gaudent,  in  fine  lolius 
beatitudinis  inanes  dimittenlur. 

Suscepit  Israël  puerum  suum,  recordatus  mise- 
ricordiœ  suce  :  sicut  locuius  est  ad  patres  nos- 
tros,  Abraham  et  semini  ejus  in  secula, 

Glos.  Post  generalem  divin*  pietatis 
et  justitife  commemorationem,  ad  sin- 
gularem   novee    incarnationis  dispensa- 


lionem  convertit  verba,  diceus  :  «  Sus- 
cepit Israël  puerum  suum,  »  etc.,  quasi 
medicus  legrum,  visibilis  iiiter  homines 
factus,  ut  faceret  Israël  (id  est,  viden- 
teiH  Deum)  puerum  suum.  Beda.  Obe- 
dienlem  scilicet  et  bumilem  :  nam  qui 
contemnit  huniiliari,  non  polest  salvari. 
Basil,  {vel  Cijril.,in  Cal.)  Israël  eaim 
dlcit  non  malerialem,  quem  sua  nobi- 
lilabat  appellatio  :  sed  spiritualem,  qui 
uomen  fidei  relinebat  ;  babens  oculos 
tendentes  ad  Deum  videndum  per  fidem, 
Potest  eliam  ad  Israël  carnalem  adaptari, 
cum  ex  eo  iuliniti  crediderint.  Hoc  au- 
tem  fecit  «  recordatus  misericordiae  :  » 
hoc  enim  implevit  quod  Abrahse  promi- 


60 


EXPLICATION  DE  L  ÉVANGILE 


ricorde,  car  il  accomplissait  la  promesse  faite  à  Abraham  {Gen.,  xxii)  : 
«  Tous  les  peuples  de  la  terre  seront  bénis  en  celui  qui  sortira  de 
vous.  »  C'est  cette  même  promesse  que  la  Mère  de  Dieu  célèbre  lors- 
qu'elle dit  :  «  Selon  la  promesse  qu'il  a  faite  à  nos  pères,  à  Abra- 
ham, »  etc.  Dieu  avait  dit  eu  effet  à  Abraham  {Gen.,  xvii)  :  «  J'affer- 
mirai mon  alliance  avec  vous,  et  après  vous  avec  votre  race  dans  la 
suite  de  leurs  générations,  par  un  pacte  éternel,  afin  que  je  sois  votre 
Dieu,  et  le  Dieu  de  votre  postérité  après  vous.  » 

Bède.  Cette  postérité  doit  s'entendre  beaucoup  moins  des  descen- 
dants d'Abraham  selon  la  chair,  que  des  imitateurs  de  sa  foi,  et  c'est 
à  eux  que  la  venue  du  Sauveur  a  été  promise  pour  des  siècles.  — 
La  Glose.  En  effet,  la  promesse  qui  a  pour  objet  cet  héritage  n'aura 
point  de  terme,  jusqu'à  la  fin  des  siècles  il  y  aura  des  croyants ,  et  la 
glorieuse  félicité  qui  leur  est  réservée  sera  éternelle. 

f.  56.  —  3Iarie  demeura  avec  Elisabeth  environ  trois  mois,  et  elle  s'en  retourna 

en  sa  maison. 

S.Ambr.  Marie  demeura  jusqu'au  temps  de  la  délivrance  d'Elisa- 
beth, selon  le  récit  de  l'Evangéliste  :  «  Marie  demeura,  »  etc.  — 
Théophyl.  C'est  le  sixième  mois  de  la  conception  du  Précurseur  que 
l'ange  est  venu  la  trouver,  elle  demeura  trois  mois  avec  Elisabeth,  ce 
qui  fait  les  neuf  mois  accomplis.  —  S.  Ambr.  Ce  n'est  pas  seulement 
l'intimité  de  Marie  avec  sa  cousine,  mais  le  désir  d'être  utile  à  un  si 
grand  prophète  qui  la  détermine  à  prolonger  son  séjour.  En  effet,  si 
dès  son  arrivée,  les  grâces  du  ciel  se  répandirent  avec  tant  d'abon- 
dance, qu'à  la  voix  de  Marie  l'enfant  tressaillit  dans  le  sein  de  sa 
mère,  et  que  la  mère  elle-même  fut  remplie  de  l'Esprit  saint,  que  ne 
dut  pas  ajouter  la  présence  de  Marie  pendant  un  si  long  espace  de 


sit,  dicens  {Gen.,  22)  :  Quoniam  «  bene- 
dicentur  in  semine  tuo  omnes  cognatio- 
nes  terrée.  »  Hujus  ergo  promissionis 
Dei  genitrix  recordata  dicebat  :  «  Sicut 
locutus  est  ad  Patres  Abraham,  »  etc. 
Nam  et  Abrahse  dictum  est  {Gen.,  17)  : 
«  Statuam  pactum  meum  inter  nie  et  te, 
et  inter  semen  tuum  post  te  in  geuera- 
tionibus  suis  fœdere  sempiterno,  utsim 
Deus  tuus  et  seminis  tui  post  te.  » 

Beda  .  Semen  auteiii  dicit  non  tam  carne 
progenitos,  quam  fldei  ejus  vestigia  secu- 
tos,  quibus  adventus  Salvatoris  in  secula 
promissus  est.  Glos.  Quia  ipsa  promissio 
hsereditatis  nullo  fine  claudetur,  et  usque 
in  finem  seculi  credentes  non  deerunt, 
et  beatitudinis  gloria  erit  perennis. 


Mansit  autem  Maria  cum  illa  quasi  mensibus 
tribus,  et  reversa  est  in  domum  suam. 

Ambr.  Tandiu  mansit  Maria  quandiu 
Elisabetli  pariendi  tempus  impleret  : 
unde  dicitur  :  «  Mansit  autem,  »  etc. 
Theophylact.  In  sexto  enim  mensecon- 
ceptionis  Praecursoris  venit  angélus  ad 
Mariam,  quae  mansit  cum  Elisabeth  men- 
sibus tribus,  et  sic  novem  menses  im- 
plentur.  Ambr.  Non  autem  sola  famiha- 
ritas  est  causa  quod  diu  mansit,  sed 
etiam  tanti  vatis  profectus  :  nam  si  primo 
ingressu  tantus  progressus  extitit,  ut  ad 
salutationem  Marite  exultaret  infans  in 
utero,  repleretur  Spiritu  sancto  mater 
infantis,  quantum  pulamus  usu  tanti 
temporis  sanctœ  Mariée  addidisse  pree- 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.    I.  61 

temps?  Nous  disons  donc  avec  raison,  que  Marie  remplit  ici  un  véri- 
table ministère,  et  qu'elle  a  observé  dans  son  séjour  un  nombre  mys- 
térieux. —  BEDE.  Car  i'àme  cbaste,  qui  conçoit  le  désir  du  Verbe 
spirituel,  doit  nécessairement  monter  au  sommet  élevé  des  célestes 
exercices,  y  demeurer  comme  pendant  trois  mois,  et  y  persévérer 
jusqu'à  ce  qu'elle  soit  éclairée  pleinement  de  la  lumière  rayonnante 
de  la  foi,  de  l'espérance  et  de  la  charité.  —  Théophyl.  Lorsqu'Elisa- 
beth  fut  sur  le  point  d'enfanter,  la  Vierge  la  quitta  :  a  Et  elle  s'en  re- 
tourna, »  etc.,  à  cause  du  grand  nombre  de  personnes  qui  devaient 
se  réunir  à  l'occasion  de  l'enfantement  :  Or  il  n'était  pas  convenable 
que  la  Vierge  fût  présente  dans  ces  circonstances.  —  Grec,  ou  Méta- 
phraste  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  Il  est  d'usage,  en  effet,  que  les  vierges  se 
retirent  lorsqu'une  femme  est  sur  le  point  d'enfanter.  Dès  qu'elle  fut 
rentrée  dans  sa  maison,  elle  n'en  sortit  plus,  elle  y  demeura  jusqu'au 
moment  où  elle  connut  que  l'heure  de  son  enfantement  était  proche, 
et  ce  fut  alors  qu'un  ange  fut  envoyé  pour  éclaircir  le  doute  de  Joseph. 

y,  S7-58.  —  Cependant  le  temps  où  Elisabeth  devait  accoucher  arriva  et  elle 
enfanta  un  fds.  Ses  voisins  et  ses  parents,  ayant  appris  que  le  Seigneur  avait 
signalé  sa  miséricorde  à  so)i  égard,  s'en  'réjouissaient  avec  elle. 

S.  Ambr.  Si  vous  voulez  y  faire  attention,  vous  ne  trouverez  jamais 
employé  le  mot  plénitude  que  pour  la  génération  des  justes  (1),  c'est 
pour  cela  que  l'Evangéliste  ajoute  :  «  Le  temps  d'Elisabeth  fut  accom- 
pli. »  Car  on  peut  dire  que  la  vie  des  justes  est  pleine,  tandis  que  les 
jours  des  impies  sont  vides.  —  S.  Ghrys.  {Ch.  des  Pè}\  gr.)  Dieu  re- 

(1)  C'est-à-dire  pour  la  naissance  des  justes  on  de  leurs  enfants.  Cependant  cette  locution  se 
trouve  quelquefois  employée  pour  des  personnes  qui  n'étaient  point  justes. 


sentiam?  Bene  ergo  iuduciturexhibuisse 
officium,  et  mysticum  numerum  custo- 
disse.  Bed.  Anima  enim  casta,  quae  spi- 
ritualis  verbi  desiderium  concipit,  ne- 
cesse  est  ut  alla  cœlestis  exercitii  juga 
subeat,  et  quasi  trium  meusium  dies 
ibidem  demorala,  quousque  lidei,  et 
spei,  et  cbaritatis  luce  radietur,  perse- 
verare  non  désistât.  Theopoïl.  Quando 
vero  Elisabeth  paritura  erat,  Virgo  re- 
cessit.  L'ndc  sequitur  :  «  Et  reversa 
est,  »  etc.,  scilicet  propter  multitudinem 
quae  ad  partum  congregari  debebat  : 
inconveniens  autem  erat  in  talibus  Vir- 
ginem  esse  prœsentem.  Gr.ecus.  [vel 
Metaplirastes,  in  Cat.  Grxcorum  Pa- 
trum.)  Mos  enim  est  virginibus  cedere 
quoties  praegnans  parit.  Ut  autem  pro- 


priam  applicavit  domum,  alio  quidem 
nuUateuus  abiit  ;  ibi  vero  manebat  ul- 
terius,  douée  adesse  partus  horam  co- 
gnovit  ;  ibique  Joseph  dubitans  ab  An- 
gelo  edocetur. 

Elisabeth  aulem  impletum  est  tempus  pariendi , 
et  peperit  filium.  Et  audierunt  vicini  et  co- 
gnali  ejus  quia  magnificaoit  Dominus  mise- 
ricordiam  suam  cum  illa  ,  et  congratulaban- 
tur  ei. 

Ambr.  Si  diUgenter  advertas,  plenitu- 
dinis  verbum  nusquam  inventes  positum 
nisi  in  generatione  justorum  :  uude  et 
nunc  dicitur  :  «  Elisabeth  autem  imple- 
tum est  tempus  :  «  plenitudinem  enim 
habet  justi  vita,  inanes  aulem  sunt  dies 
impiorum.    Chrys.   (in   Cat.   Gseconim 


62 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


tarda  l'eufantement  d'Elisabeth  pour  en  augmenter  la  joie,  et  rendre 
cette  femme  plus  célèbre ,  comme  l'indiquent  les  paroles  suivantes  : 
<x  Les  voisins  apprirent,  »  etc.  Ceux  qui  savaient  qu'elle  était  stérile, 
devinrent  ainsi  les  témoins  de  la  grâce  divine  ;  aucun  de  ceux  qui 
avaient  vu  l'enfant  ne  se  retirait  sans  exprimer  son  admiration ,  et 
louer  Dieu  qui  l'avait  accordé  contre  toute  espérance.  —  S.  Ambr.  La 
naissance  des  saints  est  un  sujet  de  joie  publique,  parce  qu'elle  est  un 
bien  général;  la  justice,  en  effet,  est  une  vertu  qui  a  pour  objet  l'in- 
térêt de  tous  (1),  c'est  pourquoi  dans  la  naissance  du  juste  on  voit  un 
présage  de  la  vie  qui  doit  suivre ,  et  de  la  grâce  qui  doit  en  enfanter 
les  vertus,  grâce  dont  la  joie  des  voisins  est  le  symbole. 

f.  59-64.  —  Et  il  arriva  qu'au  huitième  jour  ils  vinrent  circoncire  l'enfant,  et 
ils  le  nommaient  Zacharie,  du  nom  de  son  père.  Mais  sa  mère,  prenant  la 
parole,  dit  :  Non,  mais  il  sera  nommé  Jean.  Ils  lui  répondirent  :  Il  n'y  a 
personne  dans  votre  famille  qui  porte  ce  nom.  Et  en  même  temps  ils  deman- 
daient par  signe  au  père  de  l'enfant  comment  il  voulait  qu'on  le  nommât. 
Ayant  demandé  des  tablettes,  il  écrivit  dessus  :  Jean  est  son  nom.  Et  tous  en 
furent  étonnés.  Au  même  instant  sa  bouche  s'ouvrit,  sa  langue  se  délia  et  il 
parlait  en  bénissant  Dieu. 

S.  Chrys.  La  loi  de  la  circoncision  fut  donnée  surtout  à  Abraham 
comme  un  signe  distinctif;  Dieu  voulait  que  la  race  du  saint  patriarche 
se  conservât  pure  et  sans  mélange  d'autre  peuple,  afin  qu'elle  pût  ob- 
tenir les  biens  qu'il  lui  avait  promis.  Mais  dès  que  l'œuvre  de  l'al- 
liance est  consommée ,  le  signe  qui  l'annonçait  doit  être  supprimé. 
C'est  ainsi  que  le  baptême  succède  à  la  circoncision  qui  a  pris  fin  eu 

(1)  Non-seulement  dans  ce  sens  que  la  justice  renferme  collectivement  toutes  les  vertus,  comme 
dit  le  proverbe  grec,  ou  parce  que  la  justice  est  la  même  chose  que  la  doctrine  universelle;  mais 
parce  que  selon  le  sens  naturel  de  ce  passage  elle  tourne  au  bien  commun  d'un  grand  nombre. 


Patrum  ubi  sxtp.)  Idcirco  autem  Deus 
Elisabeth  partum  retardavit,  ut  gaudiiim 
augeretur,  et  famosiorem  faceret  mulie- 
rein  :  unde  sequitur  :  «  Et  audieruat 
vicini ,  »  etc.  Naui  qui  sterilitatem 
ejus  cognoverant,  testes  diviuœ  gratite 
suut  efTecti  :  nemo  autem  viso  infante 
cum  silentio  discedebat,  sed  Deum  qui 
illum  ex  inspirato  concesserat,  collau- 
dabat.  Ambr.  Habetenimsanctorumedi- 
tio  Itetitiam  plurimorum,  quoniam  com- 
mune est  bonum;  justitia  enim  com- 
munis  est  virtus,  et  ideo  in  ortu  justi 
futurse  vitae  insigne  prEeniittitur,  et  gra- 
tia  secuturae  virtutis  (exultatioue  viciuo- 
rum  praefigurante)  designatur. 

Et  factum  est  in  die  octavo,  venerunt  circumci- 


dere  puerum,  et  vocabant  eum  nomine  patris 
sui  Zachariam.  Et  respondens  mater  ejus, 
dixit  :  Nequaquam,  sed  vocabitur  Joannes.  Et 
dixerunt  ad  illam,  quia  nemo  est  in  cognatione 
tua,  qui  voceticr  hoc  nomine  :  innuebant  autem 
patri  ejus  quem  vellet  vocari  eum  .  et  postu- 
lans  pugillarem,  scripsit ,  dicens  :  Joannes  est 
nomen  ejus.  Et  mirati  sunt  universi.  Apertum 
est  autem  illico  os  ejus,  et  lingua  ejus,  et  lo- 
quebatur  benedicens  Deum. 

Chrys,  {in  Cut.  Graconim  Pah-vm, 
ubi  sup.)  Circumcisionis  norma  primo 
tradita  est  Abralise  in  siguum  distiuctio- 
nis  :  ut  genus  Patriarchœ-  inipermixtum 
conservetur,  et  sic  promissa  bona  con- 
sequi  valeant  :  ubi  autem  pacti  cousum- 
matur  negotium,  appositum  signum  de 
medio  toUitur.  Sic  igitur  et  per  Christuna 
circumcisione  cessante  baptismus  suc- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    I.  63 

Jésus-Christ;  mais  jusque-là  Jean  devait  être  circoncis  :  «  Et  il  arriva 
qu'au  huitième  jour,  ils  vinrent  circoncire  l'enfant,  »  etc.  Dieu  avait 
dit  :  L'enfant  mâle  de  huit  jours  sera  circoncis.  La  bonté  divine  avait 
fixé  ce  terme  de  huit  jours  pour  deux  raisons  _,  à  mon  avis  :  pre- 
mièrement, pour  que  dans  un  âge  aussi  tendre ,  la  douleur  produite 
par  l'incision  de  la  chair  fut  moins  vive  ;  secondement,  pour  nous  ap- 
prendre par  le  fait  lui-même ,  que  la  circoncision  était  un  signe  ;  car 
l'enfant,  à  cet  âge ,  ne  peut  comprendre  ce  que  signifient  les  actes 
dont  il  est  l'objet.  Après  la  circoncision,  on  donnait  le  nom  à  l'enfant. 
«  Et  ils  le  nommaient,  »  etc.  On  suivait  cet  ordre,  parce  qu'il  faut  tout 
d'abord  recevoir  le  signe  distinctif  du  Seigneur ,  avant  de  prendre  le 
nom  que  l'on  doit  porter  ;  ou  bien  encore  _,  parce  qu'il  faut  renoncer  à 
toutes  les  choses  charnelles  signifiées  par  la  circoncision ,  pour  être 
digne  de  voir  son  nom  écrit  dans  le  livre  de  vie. 

S.  Ambr.  Admirez  comment  l'Evangéliste  a  commencé  par  dire  que 
plusieurs  de  ceux  qui  étaient  présents  avaient  voulu  donner  à  l'enfant 
le  nom  de  Zacharie ,  son  père  ;  pour  vous  faire  comprendre  que  sa 
mère  n'avait  aucun  éloignement  pour  un  nom  quelconque  de  la  fa- 
mille (1),  mais  que  l'Esprit  saint  lui  avait  révélé  le  nom  que  l'ange 
avait  auparavant  annoncé  à  Zacharie.  Zacharie  étant  muet  ne  put 
faire  connaître  ce  nom  à  son  épouse,  Elisabeth  apprit  donc  par  révé- 
lation ce  qu'elle  ne  pouvait  savoir  de  son  mari  :  «  Et  prenant  la  pa- 
role, elle  dit,  »  etc.  Ne  soyez  pas  surpris ,  si  elle  indique  avec  tant 
d'assurance  un  nom  dont  personne  ne  lui  a  parlé  ;  car  l'Esprit  saint 
qui  avait  confié  ce  nom  à  l'ange  ,  le  lui  a  révélé.  En  efîet ,  celle  qui 

(1)  Le  texte  de  saint  Ambroise  porte  au  lieu  de  de  génère,  de  generis,  c'est-à-dire  d'un  parent 
indigne  que  son  nom  fût  donné  à  cet  enfant. 


cedit;  sed  antea  Joannem  circumcidi 
decebat.  Unde  dicitur  :  «  Et  factum  est 
in  die  octavo,  venerunt,  n  etc.  Dixerat 
enim  Doruinus  {Gen.,  17)  :  «  Infans  octo 
dierum  circuracidetur  in  vobis.  »  Hanc 
autem  temporis  mensuram  a  divina  cle- 
mentia  constitutam  autumo  duplici  de 
causa  :  primo  quidem  ut  in  tenerrima 
aetate  levius  patiatur  dolorem  sectionis 
carnls;  secundo  ut  ex  ipsis  operibus 
moneamur,  quoniam  lioc  agebatur  in 
signum  :  teuer  enim  puer  minime  dis- 
cernit  quae  circa  ipsum  fiunt.  Post  cir- 
cumcisionem  autem  nomen  impone- 
batur.  Unde  sequitur  :  «  Et  vocabant 
eum,  »  etc.  Hoc  autem  idée  fiebat,  quia 
priua  oportet  sumere  signaculumDomini, 
et  postea  nomen  humanum:   vel  quia 


uuUuSj  nisi  prius  abjiciat  carnalia  (quod 
significat  circumcisio),  dignus  est  quod 
in  libro  vitse  nomen  ejus  scribatur. 

Ambr.  Mire  autem  sanctus  Evangelista 
prjEmittendum  putavit,  quod  plurimi  in- 
fantem  patris  nomine  Zacliariam  ap- 
pellandum  putarunt  ;  ut  advcrtas  matri, 
non  nomen  alicujus  displicuisse  de  gé- 
nère, sed  id  Sancto  infusum  Spiritu,  quod 
ab  Augelo  ante  Zacbariae  fuc-rat  prœnun- 
tiatum.  Et  quidem  illc  mutas  inlimare 
vocabulum  iilii  nequivit  uxori,  sed  per 
prophetiam  Elisabeth  didicit,  quod  non 
didicerat  a  marito.  Unde  sequitur  :  «  Et 
respondens,  »  etc.  Ne  mireris  si  nomen 
mulier  quod  non  audivit,  asseruit; 
quando  Spiritus  ei  sanctus,  qui  Angelo 
mandaverat,  revelavit  :   neque  poterat 


64 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


avait  annoncé  prophétiquement  la  venue  du  Christ ,  ne  devait  pas 
ignorer  le  nom  de  son  précurseur.  Remarquez  les  paroles  qui  suivent  : 
«  Et  ils  lui  dirent,  »  etc.,  et  comprenez  que  ce  n'est  pas  ici  un  nom  de 
famille,  mais  le  nom  d'un  prophète.  On  interroge  aussi  Zacharie  par 
signes  :  «  Ils  faisaient  signe  au  père,  »  etc.  Mais  comme  son  incré- 
dulité lui  avait  fait  perdre  la  parole  et  l'ouïe ,  il  est  obligé  de  faire 
connaître  par  signes  et  en  écrivant ,  ce  qu'il  ne  pouvait  exprimer  par 
la  parole  :  «  Et  ayant  demandé  des  tablettes ,  il  écrivit  dessus  :  Jean 
est  son  nom,  »  etc.  C'est-à-dire,  nous  ne  donnons  pas  un  nom  à  celui 
qui  l'a  déjà  reçu  de  Dieu.  —  Orig.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  (1).  Zacharie 
signifie  qui  se  souvient  de  Dieu,  Jean ,  celui  qui  montre.  Or,  le  sou- 
venir a  pour  objet  celui  qui  est  absent,  et  on  ne  montre  que  celui  qui 
est  présent.  En  effet ,  Jean  devait  non  pas  rappeler  le  souvenir  de 
Dieu  comme  absent,  mais  le  montrer  du  doigt  présent  au  milieu  des 
hommes,  en  disant  :  «  Voici  l'Agneau  de  Dieu.  » —  S.  Chrys.  {comme 
précéd.)  Le  nom  de  Jean  signifie  aussi  grâce  de  Dieu  ,  c'est  par  une 
action  de  la  grâce  divine,  et  non  pas  un  effet  des  lois  naturelles 
qu'Elisabeth  est  devenue  mère ,  et  la  mémoire  d'un  si  grand  bienfait 
se  trouve  éternisée  dans  le  nom  de  son  enfant.  —  Théophyl.  Le  père 
se  trouve  d'accord  avec  sa  femme  sur  le  nom  de  l'enfant ,  ce  qui 
explique  les  paroles  suivantes  :  «  Et  tous  furent  remplis  d'étonne- 
meut,  »  etc.  Personne,  en  effet,  dans  leur  famille ,  ne  portait  ce  nom, 
on  ne  pouvait  donc  dire  qu'il  fût  venu  à  la  pensée  des  deux  époux. 

S.  Grég.  de  Nazianze.  {dise.  12.)  Jean,  dès  sa  naissance,  rend  à  son 
père  l'usage  de  la  parole  :  «  Sa  bouche  s'ouvrit,  »  etc.  11  eût  été  contre 

(1)  Ce  passage  ne  se  trouve  point  dans  Origène  ;  on  lit  bien  dans  une  de  ses  homélies  sur  saint 
Jean  (chap.  i)  que  Zacharie  signifie  qui  se  souvient,  et  Jean,  grâce  de  Dieu,  mais  on  ne  voit  nulle 
part  que  Jean  signifie  celui  qui  montre. 


Domiûi  ignorare  prœnuntium,  quia  pro- 
phetaverat  Christum:  et  bene  sequitur  : 
«  Et  dixerunt  ad  illanij  »  etc.  ut  intelli- 
gas  nomen  non  generis  esse,  sed  vatis  : 
Zacbarias  quoque  nutu  interrogatur  :  unde 
sequitur  :  «  Inuuebant  autem  patri,  »  etc. 
Sed  quia  incredulitas  ei  affatum  eripue- 
rat  et  auditum,  quod  voce  non  poterat, 
manu  et  litteris  est  locutus  :  unde  se- 
quitur :  «  Et  postulaus  pugillarem,  scri- 
psit  dicens  :  Joannes  est  nomen  ejus,  »  etc. 
Hoc  est,  non  ei  nos  nomen  imponimus, 
qui  jam  a  Deo  nomen  aecepit.  Orig. 
{in  Cat.  Crxcorm  Patnnn,  %ihi  sup.) 
Zacbarias  quidem  interpretatur  me- 
mor  Dei  ;  Joannes  autem  significat  de- 
monstrantem  :  cœterum  absentis  me- 
moria  ;  prsesentis,  demonstratio  est. 


Debebat  autem  Joannes,  non  memoriam 
Dei  ut  absentis  exprimere,  imo  digito 
demonstrare  pi'aesentem  dicens  :  «  Ecce 
Agnus  Dei.  »  Chrys.  [ut  sup.)  Quin 
etiam  boc  nomen  Joannes  gratta  Bel 
interpretatur.  Quod  ergo  gratia  divina 
favente  non  natura  Elisabetb  bunc  fi- 
lium  concepit;  beneficii  memoriam  in 
nomine  pueri  conscripserunt.  Theoph. 
Quia  vero  cum  muliere  circa  boc  nomen 
pueri,  pater  mutus  concordavit,  sequi- 
tur :  «  Et  niirati  sunt  universi,  »  etc. 
ÎS'emo  enim  bujus  nominis  erat  in  co- 
gnatione  eorum,  ut  aliquis  diceret  quod 
antea  boc  ambo  cogitassent. 

Greg.  i\azianzem(s  {Orat.,  12.)  Edi- 
tus  ergo  Joannes,  Zacbarise  solvit  silen- 
tium  :   unde  sequitur  :  «    Apertum  est 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.   1.  65 

la  raison  que  le  père  demeurât  muet ,  lorsque  la  voix  du  Verbe  s'était 
fait  entendre.  —  S.  Ajibr.  Il  était  convenable  que  sa  langue  fût 
aussitôt  déliée  ;  l'incrédulité  l'avait  comme  enchaînée,  la  foi  la  rend 
à  la  liberté.  Croyons  nous  aussi,  et  notre  langue  captive  dans  les  liens 
de  l'incrédulité  ,  verra  briser  ses  chaînes  ;  écrivons  les  mystères  dans 
notre  esprit,  si  nous  voulons  parler;  gravons  le  nom  du  Précurseur, 
non  sur  des  tables  de  pierre  ,  mais  sur  les  tables  de  chair  de  notre 
cœur  (1);  car  celui  qui  parle  de  Jean,  annonce  le  Christ;  en  effet 
l'Evangéliste  ajoute  :  «  Et  il  parlait  en  bénissant  Dieu.  » 

BEDE.  Dans  le  sens  allégorique,  la  solennité  de  la  naissance  de  Jean 
est  le  commencement  de  la  grâce  du  Nouveau  Testament.  Ses  voisins 
et  ses  parents  voulaient  lui  donner  le  nom  de  son  père ,  plutôt  que 
celui  de  Jean,  parce  que  les  Juifs  qui  lui  étaient  unis  par  l'observa- 
tion de  la  loi  comme  par  une  espèce  d'affinité  désiraient  bien  plus 
suivre  la  justice  qui  vient  de  la  loi,  que  de  recevoir  la  grâce  de  la  foi  ; 
mais  la  mère  et  le  père  de  Jean  font  tout,  l'une  de  vive  voix,  l'autre 
en  écrivant,  pour  faire  prévaloir  le  nom  de  Jean  (qui  veut  dire  grâce 
de  Dieu),  parce  que  la  loi  elle-même  ,  les  psaumes  et  les  prophètes 
proclament  ouvertement  la  grâce  de  Jésus -Christ;  et  le  sacerdoce  an- 
cien lui  rend  également  témoignage  par  les  ombres  figuratives  des 
cérémonies  et  des  sacrifices.  Par  un  rapprochement  mystérieux,  Za- 
charie  recouvre  la  parole  le  huitième  jour  de  la  naissance  de  son  fils, 
figure  de  la  résurrection  du  Seigneur ,  qui  eut  lieu  le  huitième  jour, 
c'est-à-dire  après  le  jour  du  sabbat  qui  était  le  septième,  et  dévoila  tous 
les  mystères  du  sacerdoce  de  l'ancienne  loi. 

(I)  Celte  pensée  est  empruntée  à  l'apôtre  saint  Paul,  Ile  Epitre  aux  Cor.,  chap.  3,  vers  3;  où  il 
dit  :  «  Vous  êtes  la  lettre  de  Jésus-Christ,  écrite  non  avec  de  l'encre,  mais  avec  l'Esprit  de  Uieu, 
non  sur  des  tables  de  pierre,^mais  sur  des  tables  de  chair  qui  sont  vos  cœurs.  »  Ce  que  l'auteur 


autem  os  ejus,  »  etc.  Absurdum  enini 
erat  ut  cum  vox  verbi  prof^ressa  fuisset, 
pater  maneret  elinguis.  Ambr.  Merito 
etiam  contimio  resoluta  est  liugua  ejus; 
quia  quam  vinxerat  iucredulitas,  solvit 
fides.  Credamus  igitur  et  nos,  ut  lingua 
nostra  (quœ  incredulitatis  vinculis  est 
ligata)  rationis  voce  solvalur:  scribainus 
spiritu  niysteria,  si  vuiumus  loqui;scri- 
bamus  prœnuntiuin  Christi,  sed  non 
in  tabulis  lapideis,  sed  in  tabulis  cordis 
carnalibus:  eteniua  qui  Joanuem  loqui- 
tur ,  Christum  prophelat  :  sequitur 
enim  :  «  Et  loquebatur  benedicens,  »  etc. 
Bed.  Ailegorice  autem  Joannis  cele- 
brala  nalivilas  gratia  Novi  Teslamenti 
est  inchoata,  cui  vicini  et  cognati  noiuen 

TOM.   V. 


patris  quaui  Joannis  imponere  malebant: 
quia  Judœi  qui  ei  legis  observatione 
quasi  affiuilate  juncti  eraut,  magis  justi- 
liam  quae  ex  lege  est,  sectari,  quam  fidei 
gratiam  suscipere  cupiebant;  sed  Joannis 
(iioc  est  (jratiœ  Dei)  vocabulum,  mater 
verbis,  pater  litteris  uuntiare  satagunt; 
quia  et  lex  ipsa  psalmique  et  prophetiai 
apertis  senteuliarum  vocibus  gratiam 
Ciirisli  prfedicant,  et  sacerdotium  illud 
vêtus  [iguratis  cœremoniarum  ac  sacri- 
ficiorum  umbris  eidem  testimonium  per- 
lubet.  Pulcbreque  Zacbarias  oclava  die 
probs  editœ  loquitur  ;  quia  per  Domini 
resurrectionem  qu»  octava  die  (boc  est, 
post  septimam  sabbati)  facta  est,  occulta 
legalis  sacerdotii  arcana  patuerunt. 


66 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


f.  65,  66.  —  Et  tous  ceux  qui  demeuraient  dans  le  voisinage  furent  remplis  de 
crainte ,  et  le  bruit  de  ces  merveilles  se  répandit  dans  tout  le  pays  des  mon- 
tagnes de  Judée.  Et  tous  ceux  qui  les  entendirent  les  conservèrent  dans  leurs 
cœurs,  et  ils  disaient  entre  eux  :  Que  pensez-vous  que  sera  cet  enfant?  Car  la 
main  du  Seigneur  était  avec  lui. 

Théophyl.  Le  peuple  avait  été  surpris  de  la  mutité  de  Zacharie  ,  il 
ne  le  fut  pas  moins  lorsqu'il  recouvra  l'usage  de  la  parole  :  «  Tous 
furent  saisis  de  crainte,  »  etc.,  c'est-à-dire  que  ces  deux  prodiges  leur 
donnèrent  une  haute  idée  des  destinées  de  cet  enfant.  Tous  ces 
événements  étaient  réglés  par  une  économie  divine,  afin  que  celui  qui 
devait  être  le  témoin  du  Christ,  fût  un  témoin  digne  de  foi.  Aussi 
voyez  ce  qu'ajoute  l'auteur  sacré  :  «  Tous  les  conservèrent  dans  leur 
cœur,  et  ils  disaient  :  Que  pensez-vous  que  sera  un  jour  cet  enfant?  » 

—  BEDE.  En  effet,  ces  signes  avant-coureurs  ouvrent  la  voie  au  pré- 
curseur de  la  vérité ,  et  le  futur  prophète  se  présente  sous  les  aus- 
pices les  plus  imposants  :  «  Car  la  main  du  Seigneur  était  avec  lui.  » 

—  Grec,  {ou  Métaphraste^  Ch.  des  Pèr.  gr.)  Eu  eJGfet,  Dieu  opérait 
en  lui  des  prodiges  dont  Jean  n'était  pas  l'auteur,  mais  la  main  (ou  la 
droite)  de  Dieu.  —  Glose.  Cette  crainte  est  au  sens  mystique  la  figure 
de  la  crainte  salutaire  que  produisit  la  prédication  de  la  grâce  de 
Jésus- Christ,  dans  les  temps  qui  suivirent  sa  résurrection ,  et  qui 
ébranla  les  cœurs  non-seulement  des  Juifs  (qui  étaient  proches,  soit 
par  la  contrée  qu'ils  habitaient ,  soit  par  la  connaissance  de  la  loi), 
mais  encore  des  nations  les  plus  éloignées.  Et  la  renommée  de  Jésus- 
Christ  ,  non-seulement  a  franchi  les  montagnes  de  la  Judée,  mais  a 

ajoute  de  ceux  qui  suivent  la  justice  légale,  se  trouve  équivalemment  au  chap.  9,  vers  30  et  31  de 
l'Epître  aiix  Romains. 


Et  factus  est  iimor  super  omnes  vicinos  eoriim, 
et  super  omnia  montana  Judœœ  divulgabanlur 
omnia  verba  hœc  :  et  posuerunt  omnes  qui  au- 
dierant  in  corde  suo ,  dicentes  :  Quis  ,  putas . 
puer  iste  erit  ?  Elenim  manus  Domini  erat  cuni 
illo. 

Theophylact.  Sicut  iu  tacituraitate 
Zacharise  niiratus  est  populus,  ita  et 
cum  locutus  est  :  unde  dicitur  :  «  Et 
factus  est  timor  super  omnes,  »  etc.,  ut 
propter  hœc  duo  magnum  aliquid  circa 
natum  puerum  univers!  existiment.  Hœc 
autem  omnia  dispensative  fiebant,  ut 
qui  testis  esse  Cbristi  debebat,  existeret 
et  fide  disnus  :  unde  sequitur  :  «  Et 
posuerunt  omnes  in  corde  suo  diceutes  : 


Quis  putas  erit,  »  etc.  Beda.  Prœcur- 
rentia  enim  signa  prœbent  iter  prœcur- 
sori  veritatis,  et  futurus  propheta  prae- 
missis  commendatur  auspiciis.  Unde 
sequitur  :  «  Etenim  manus  Domini  erat 
cum  illo.  »  Gr^c.  {vel  Metaphrastes,  in 
Cat.  Grœcoruvi  Patrum,  etc.)  Prodigia 
enim  Deus  iu  illo  peragebat,  quœ  non 
faciebat  Joannes,  sed  manus  (vel  dextera) 
divina.  Glossa.  Mystice  autem  tempore 
dominicœ  resurrectionis  prœdicata  gra- 
tia  Cbristi  sakibris  timor,  non  solum 
Judœorura  (qui  erant  vicini,  vel  situ 
loci,  vel  scientia  legis),  sed  etiam  exte- 
rarum  gentium  corda  concussit;  nec 
tantum    montana    Judœœ  ,    sed   omnia 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.   I.  67 

surpassé  les  sommets  les  plus  élevés  des  royaumes  du  monde  et  de  la 
sagesse  humaine. 

^.  67,  68.  —  Et  Zacharie,  son  père,  ayant  été  rempli  du  Saint-Esprit,  pro- 
phétisa en  disant  :  Béni  soit  le  Seigneur,  le  Dieu  d'Israël,  de  ce  qu'il  a  visité 
et  racheté  son  peuple. 

S.  Amb.  Dieu  est  bon  et  se  montre  facile  à  pardonner  les  fautes, 
non-seulement  il  rend  les  biens  que  le  péché  a  fait  perdre,  mais  il  ac- 
corde des  grâces  inespérées.  Que  personne  donc  ne  se  laisse  aller  à  la 
défiance,  que  personne,  au  souvenir  de  ses  fautes  passées,  ne  désespère 
de  la  grâce  de  Dieu.  Dieu  saura  bien  changer  ses  jugements  ,  si  vous 
savez  expier  vos  fautes.  Voyez  Zacharie,  il  était  muet  tout  à  l'heure, 
et  il  prophétise  :  «  Et  Zacharie  ayant  été  rempli  de  l'Esprit  saint.  » 
—  S.  Chrys.  {Ch.  des  Pê?\  gr.)  C'est-à-dire  qu'il  prophétise  sous  l'ins- 
piration de  l'Esprit  saint  qui  lui  donne  sa  grâce ,  non  dans  une  cer- 
taine mesure,  mais  dans  sa  plénitude,  et  fait  briller  en  lui  le  don  de 
prophétie  :  «  Et  il  prophétisa.  »  —  Orig.  (Jiom.  10.)  La  prophétie  de 
Zacharie,  inspirée  par  l'Esprit  saint,  a  deux  grands  objets,  le  premier, 
Jésus-Christ;  le  second,  Jean-Baptiste,  ce  qui  paraît  clairement  dans 
son  cautique,  où  il  parle  du  Sauveur,  comme  s'il  était  présent  et  vi- 
vant au  milieu  du  monde  :  «  Béni  soit  le  Dieu  d'Israël ,  de  ce  qu'il  a 
visité,  »  etc.  —  S.  Chrys.  En  bénissant  Dieu,  Zacharie  déclare  qu'il  a 
visité  son  peuple  ,  soit  qu'on  veuille  entendre  les  Israélites  selon  la 
chair  ;  car  il  est  venu  pour  sauver  les  brebis  perdues  de  la  maison 
d'Israël  {Matth.,  xv,  vers.  24),  soil  les  Israélites  spirituels  (c'est-à- 
dire  les  fidèles)  qui  s'étaient  rendus  dignes  de  cette  visite,  en  méritant 


mundani  regni  mundanaeque   sapientise 
culmina  Christi  fama  transccndit. 

El  Zacharias ,  pater  ejus ,  replelus  est  Spiritu 
sancto,  et  prophetavit  dicens  :  Benedictus  Do- 
minus  Deus  Israël,  quia  nisitanit  et  fecit  re- 
demptioni'm  plebis  suœ. 

Ambr.  Bonus  Deus  et  facilis  indulf^ere 
peccalis,  non  soluni  ablata  restituit,  sed 
etiam  insperata  concedit.  Nemo  ergo 
diffidat,  nemo  veterum  conscius  delic- 
torum  priciiiia  divina  desjteret.  Novit 
Deuri  mulare  senlenliam,  si  tu  noveris 
'iiiendare  delictuni.  111e  siquidem  duduni 
iiiutus  prophetat  :  unde  dicitur  :  «Et 
Zacharias  replelus  est  Spiritu  sancto.  » 
Chrys.  Un  C'af.  Grcecorum  Patrum.) 
Scilicet  operatione  sancti  Spiritus  ;  nec 
quocunque  modo  gratiam  Spiritus  sancti 


nactus,  sed  ad  plénum;  et  fulgebat  in 
eo  prophetiae  donum  :  unde  sequitur  : 
"  Kt  proplietavit.  »  Orig.  {Iiomil.  10.) 
Plenus  aulcm  Spiritu  sancto  Zacharias 
duas  prophetias  generaliter  nuulial,  pri- 
niam  de  Christo,  alterain  de  Joanue  : 
quod  manifeste  de  verbis  illius  probatur, 
in  quibus  quasi  de  prœsenti,  et  qua^i 
jam  versaretur  in  mundo,  loquitur  de 
Salvatore,  dicens  :  «  Benedictus  Domi- 
nus  Deus  Israël,  quia  visitavit,  »  etc. 
Chrys.  Dum  Doum  benediceret  Zacha- 
rias, visitationem  dicit  esse  factam  ab 
eo  erga  populum  suum  ;  sive  materiales 
Israelitas  quis  velit  accipere  (venit  enim 
ad  oves  quœ  perierant  domus  Israël) 
(Mat th.,  15,  vers.  24),  sive  spirituales 
(id  est,  fidèles)  qui  digni  fuerunl  bac 
visitatioue.   efficacem    erjta  se   divinam 


68  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

les  effets  sensibles  de  la  providence  de  Dieu  à  leur  égard.  —  Bède.  Le 
Seigneur  a  visité  son  peuple  défaillant  sous  le  poids  d'une  longue  in- 
firmité, et  il  a  racheté  du  sang  de  son  Fils  unique  ce  peuple  vendu  au 
péché.  Zacharie  savait  que  cette  rédemption  allait  s'opérer  ,  et  selon 
l'usage  des  prophètes,  il  l'annonce  comme  si  déjà  elle  était  accomplie. 
Il  dit  :  «  Son  peuple,  »  non  qu'il  le  fût  à  sa  venue,  mais  il  l'a  fait  son 
peuple  en  le  visitant. 

f.  69.  —  De  ce  qu'il  nous  a  suscité  un  puissant  Sauveur  dans  la  maison 
de  David ,  son  serviteur. 

Théophyl.  Dieu  paraissait  dormir  à  notre  égard  à  la  vue  de  nos 
fautes  sans  nombre  ,  mais  en  s'incarnant  dans  les  derniers  temps,  il 
s'est  comme  comme  éveillé  et  a  écrasé  les  démons,  nos  mortels  enne- 
mis :  «  Et  il  a  élevé  le  signe  du  salut  dans  la  maison  de  David  ,  son 
serviteur.  »  —  Orig.  En  effet,  c'est  de  la  race  de  David  que  le  Christ 
est  né  selon  la  chair,  c'est  pourquoi  l'Evangéliste  dit  :  «  La  corne  du 
salut  dans  la  maison  de  David,  »  comme  on  lit  ailleurs  {Isa.,  cap.  v.) 
«  Une  vigne  a  été  plantée  sur  un  lieu  élevé  »  (littéralement  sur  une 
corne),  c'est-à-dire  en  Jésus-Christ  (1). —  S.  Crrys. {Discows  sur  Anne, 
Ch.  des  Pèr.  gr.)  —  Le  mot  C07me  signifie  ici  la  puissance,  la  gloire, 
la  renommée ,  c'est  une  expression  métaphorique  prise  des  animaux 
à  qui  Dieu  a  donné  des  cornes  pour  leur  servir  à  la  fois  de  défense  et 
d'ornement.  —  Bède.  Le  règne  du  Sauveur  Jésus-Christ  est  aussi 
appelé  la  corne  du  salut  ;  en  effet,  tous  les  os  sont  recouverts  de  chair, 
mais  les  cornes  s'élèvent  au-dessus  du  reste  du  corps ,  le  règne  de 
Jésus-Christ  est  donc  appelé  coime  du  salut,  parce  qu'il  domine  le 

(1)  Saint  Jérôme  prétend  que  le  mot  cornu,  dans  cet  endroit  signifie  royaume. 


provisionem  (sive  providentiam)  facien- 
tes.  Bed.  Visitavit  autem  Doiuiaus  ple- 
bem  suam  quasi  loûga  infirmitale  tabes- 
centeai  ;  et  quasi  veudilain  sub  peccato, 
unici  Fiiii  sui  sanguine  redemit.  Quod 
quia  Zacharias  proxime  faciendum  co- 
gnoverat,  prophetico  more,  quasi  jam 
factum  narrât  :  dicit  autem  :  «  Plebem 
suam,  »  non  quia  veuiens  suam  invenit, 
sed  quia  visitando  suam  fecit. 

Et  erexit  cornu  salutis  nobis,  in  domo  David 
pueri  sui. 

Theophylact.  Videbatur  Deus  dor- 
mire,  peccata  multa  respiciens  ;  sed  in 
novissimis  incarnatus  temporibus  exci- 
tatuâ  est,  et  contrivit  daemones  qui  nos 
oderant  :  undedicitur  :  «  Et  erexit  cornu 


saUitis  nobis,  in  domo  David  pueri  sui.  » 
Orig.  {hom.  10.)  Quia  de  semine  David 
secunduni  caruem  natus  est  Cbristus  : 
unde  dicitur  :  «  Cornu  salutis  nobis  in 
domo  David;  »  sicutet  alibi  dictum  est 
[Isui,  S)  :  «  Vinea  facta  est  in  cornu,  » 
id  est,  in  Jesu  Cbristo.  Chrys.  {Orat. 
de  Annu  vel  in  Annam,  ex  Ccit.  Grœco- 
rum  Patnun.)  Cornu  autem  nominat 
potestatem,  gloriam  et  famam,  metapho- 
rice  a  brutis  animalibus  illud  accipiens, 
qiiibus  loco  muuiminis  et  gloriûe  cornua 
Deus  dédit.  Beda.  Cornu  etiam  salutis 
regnum  Salvatoris  Cbristi  vocatur  :  ossa 
siquidem  omnia  carne  involuta  sunt  ; 
cornu  excedit  carnem  :  et  ideo  cornu 
salutis  regnum  Cbristi  vocatur;  que 
mundus  et  carnis  gaudia   siiperantur  : 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.    I.  69 

monde  et  les  joies  de  la  chair,  et  c'est  en  figure  de  ce  règne  que  David 
et  Salomon  ont  été  consacrés  pour  la  gloire  de  leur  règne  avec  une 
corne  remplie  d'huile  (1). 

f.  70.  —  Seloii  ce  qu'il  avait  promis  par  la  bouche  de  ses  saints  prophètes , 
qui  ont  été  dès  le  commencement. 

Théophtl.  Michée  a  prédit  que  le  Christ  naîtrait  de  la  maison  de 
David  (chap.  v)  :  «  Et  toi  Bethléem,  terre  de  Juda,  tu  n'es  pas  la  plus 
petite,  car  c'est  de  toi  que  doit  sortir  celui  qui  gouvernera  mon  peuple 
d'Israël  ;  »  mais  tous  les  prophètes  ont  annoncé  le  mystère  de  l'incar- 
nation, aussi  Zacharie  ajoute  :  «  Comme  il  l'avait  promis  par  la 
bouche  de  ses  saints  prophètes,  »  etc.  —  Grec.  {Prêt.  Vict.  Ch.  des 
Pèr.  gr.)  C'est  donc  Dieu  qui  a  parlé  par  leur  bouche,  et  ce  qu'ils  ont 
annoncé  ne  vient  point  de  l'homme.  —  Bède.  Il  dit  :  «  Qui  ont  été 
dès  le  commencement  ;  »  parce  que  tous  les  écrits  de  l'ancien  Testa- 
ment ont  été  une  annonce  prophétique  de  Jésus-Christ  (2),  car  notre 
premier  père  Adam  et  les  autres  patriarches  ont  rendu  témoignage  par 
leurs  actions  à  la  divine  économie  de  la  rédemption. 

y.  71.  —  De  nous  sauver  de  nos  ennemis  et  des  mains  de  tous  ceux 
qui  nous  haïssent. 

BÈDE.  Zacliane  développe  ce  qu'il  n'a  fait  qu'indiquer  par  ces 
paroles  :  a  II  nous  a  suscité  un  puissant  Sauveur,  »  en  ajoutant  :  «  Pour 
nous  sauver  de  nos  ennemis,  »  comme  s'il  disait:  il  nous  a  élevé  le  signe 
du  salut,  c'est-à-dire,  il  nous  a  suscité  un  Sauveur  pour  nous  délivrer 

(1)  Ces  deux  consécrations  sont  rapportées,  celle  de  David  au  chap.  16,  vers.  13,  du  premier 
livre  des  Bois,  celle  de  Salomon  au  chap.  1,  vers.  39,  du  troisième  livre. 

(2)  Le  texte  de  Bède  porte  :  prophetia  de  Christo  processit,  ce  qui  est  plus  clair  que  :  prophetice 
de  Christo  procedit. 


in  cujus  figuram  David  et  Salomon 
cornu  olei  suât  in  regni  gloriani  conse- 
crati. 

Sicut  loculus  est  per  os  sanctorum ,  qui  a  seculo 
sunt,  prophelarum  ejus. 

Theophylact.  Quod  de  dorao  David 
Christus  nasceretur,  Michceas  mentio- 
uem  facit,  dicens  (cap.  5)  :  «  Et  tu  Be- 
thlehem,  terra  Juda,  nequaquani  minima 
es  :  ex  te  euim  oxict  dux  qui  régal  po- 
pulum  meum  Israël  :  »  sed  omnes  pro- 
phetae  de  incarnatione  dixerunt:  et  ideo 
dicitur  :  «  Sicut  locutus  est  per  os  san- 
rtorum,  I)  etc.  Grjec.  [id  est,  Victor 
Presbi/ter.  in  Cat.  Grxcorum  Patrum, 


ubi  sup.)  Per  quod  innuit  Deura  per 
illos  esse  iocutum,  et  non  esse  huma- 
num  quod  dixerunt.  Bed.  Dicit  autem  : 
«  Qui  a  seculo  sunt,  »  quia  tota  Vete- 
ris  Testamenli  scriptura  prophetice  de 
Cliristo  procedit  :  nam  et  ipse  pater 
Adam  et  cajteri  Patrum  factis  suis  ejus 
dispensationi  testimonium  reddunt. 

Salutem  ex  inimicis  iwslris,  et  de  manu  omnium 
qui  oderunt  nos. 

Bed.  Cum  primo  breviterprtemisisset: 
«  Erexil  cornu  salutis  nohis,  »  continue 
explanans  quid  dixerit,  subdit  :  «  Salu- 
tem ex  inimicis  nostris  :  »  quasi  dicat  : 
«  Erexit  nobis  cornu,  id  est,  erexit  nobis 


70 


EXPLICATION   DR   L'ÉVANGTLE 


de  nos  ennemis,  et  des  mains  de  tous  ceux  tiui  nous  haïssent. —  Orig. 
ifiom.  16).  Gardons-nous  de  croire  qu'il  veuille  parler  ici  des  ennemis 
corporels ,  il  s'agit  des  ennemis  spirituels  ;  le  Seigneur  Jésus,  le  fort 
dans  les  combats  est  venu  détruire  tous  nos  ennemis,  pour  nous  déli- 
vrer de  leurs  embûches  et  de  leurs  tentations. 

y.  72,  73.  —  Pour  exercer  sa  miséricorde  envers  )ios  pères  et  se  souvenir  de  son 
alliance  sainte,  selon  qu'il  a  juré  à  Abraham,  notre  père,  de  nous  accorder 
cette  grâce. 

BEDE.  Zacharie  venait  de  dire  que  le  Seigneur  devait  naître  dans  la 
maison  de  David _,  selon  les  oracles  des  prophètes;  il  ajoute  que  pour 
accomplir  l'alliance  qu'il  fit  avec  Abraham  il  sera  notre  libérateur, 
car  c'est  à  ces  deux  saints  patriarches  ,  c'est-à-dire  à  celui  qui  devait 
naître  d'eux  que  Dieu  a  promis  la  réunion  de  tous  les  peuples  de  la 
terre,  ou  l'Incarnation  du  Christ.  ïl  met  David  le  premier,  parce  que 
la  promesse  de  la  formation  de  l'Eglise  fut  faite  à  Abraham  ^  et  à 
David  la  prédiction  de  la  naissance  du  Christ.  Voilà  pourquoi  après 
David,  vient  Abraham  :  «  Pour  exercer  sa  miséricorde  envers  nos 
pères.  »  —  Orig.  {hom.  10).  Je  suis  convaincu  qu'à  la  venue  du  Sau- 
veur, Abraham,  Isaac  et  Jacob  ont  ressenti  les  effets  de  sa  miséricorde; 
pourrait-on  croire  en  effet  que  la  venue  du  Seigneur  ait  été  sans 
utilité  pour  ces  saints  patriarches  qui  avaient  vu  le  jour  du  Sauveur 
et  s'en  étaient  réjouis,  alors  qu'il  est  écrit  (Co/055.,  i):  «  Qu'il  a  pacifié 
par  le  sang  de  sa  croix  la  terre  et  les  cieux.  »  —  Théophyl.  La  grâce 
de  Jésus-Christ  s'est  étendue  à  ceux  mêmes  qui  éfaient  morts,  car 
nous  ne  sommes  pas  les  seuls  qui  ressusciteront  par  Jésus-Christ,  mais 


salutem  ex  inimicis  nostris,  et  de  manu 
omnium  qui  oderuntnos.  »  Orig.  [hom. 
i6.)  Non  autem  putemus  nuuc  de  cor- 
poralibus  inimicis  dici,  sed  de  spiritua- 
libus  :  venit  enim  Dominus  Jésus  fortis 
in  prselio  destruere  omues  inimicos  nos- 
tros,  ut  nos  de  eorum  insidiis  et  tenta- 
tionibus  liberos  faceret. 

Ad  faciendam  misericordiam  eum  patribus  nos- 
tris ,  et  memorari  testarnenti  sui  sancti  :  jus- 
jurandum  quod  juravit  ad  Abraham,  patrem 
nostrum,  daiurum  se  nobis. 

Bi:d.  Dixerat  Dominum  juxta  eloquia 
prophetarum  in  domo  David  nascitu- 
rum  :  dicit  eumdem  ad  explendum  tes- 
tameutum  quod  Abrahae  disposuit.  nos 
esse  liberaturum ,  quia  his  praecipue 
patriarchis  de  suo  semine,  vel  congre- 
gatio  gentium.  vel  Christi  est  incarnatio 


promissa  :  prsemittitur  autem  David , 
quiaAbrahœ  sanctus  Ecclesise  cœtus  est 
promissus  ;  David  autem  quod  ex  eo 
Christus  uasciturus  esset  audivit.  Et 
ideo  post  id  quod  dictum  est  de  David, 
snbdit  de  Abraham,  dicens  :  «  Ad  fa- 
ciendam misericordiam  cum  patribus 
nostris.  »  Orig.  {hom.  10.)  Ego  puto 
quod  in  advcntu  Domini  Salvatoris,  et 
Abraham,  et  Isaac,  et  Jacob,  fruili  sont 
misericordia  ejus  :  non  est  enim  credi- 
bile  ut  qui  piius  viderunt  diem  illius  et 
laetati  sunt ,  postea  in  adventu  ipsius 
niliil  utiUtatis  acciperent  :  cum  scriptum 
sit  (Coloss.,  1)  :  «Pacem  faciens  per  san- 
guinem  crucis  suse  ;  sive  super  terram, 
sive  in  cœlis.  »  Theophylact.  Christi 
etiam  gratia  se  usque  ad  illos  extendit 
qui  mortui  extiterunt  ;  quia  per  eum 
resurgemus,  non  solum  nos,  sed  et  qui 


DE   SAINT   LUC,   CHAP.    I. 


71 


encore  tous  ceux  qui  sont  morts  avant  sa  venue.  11  a  fait  miséricorde 
à  nos  pères,  en  comblant  leurs  espérances  et  leurs  désirs,  «  pour  se 
souvenir,  dit  Zacharie,  de  sou  alliance  sainte,  »  celle  dont  Dieu  a  dit  : 
«  Je  te  comblerai  de  bénédictions,  et  je  te  multiplierai  à  l'infini.  » 
(Hebr.,  vi).  Abrabam  s'est  en  effet  multiplié  dans  toutes  les  nations 
qui  sont  devenues  ses  enfants  adoptifs  par  l'imitation  de  sa  foi.  Disons 
encore  que  les  patriarches  en  voyant  leurs  enfants  comblés  de  si 
grands  bienfaits,  eu  ont  éprouvé  une  joie  sensible,  et  ressenti  eux- 
mêmes  les  effets  de  la  miséricorde  divine ,  c'est  ce  que  signifient  ces 
paroles  :  «  Voilà  le  serment  qu'il  a  fait  à  Abraham ,  notre  père ,  il  a 
juré  qu'il  nous  ferait  cette  grâce.  » —  S.  Bas.  (1)  [Ch.  des  Pèr.  gr.)  Que 
personne  ne  s'appuie  sur  ces  paroles  :  «  Dieu  a  fait  le  serment,  »  pour 
autoriser  l'habitude  qu'il  a  de  jurer  :  car  de  même  que  ce  que  nous 
appelons  la  fureur  du  Seigneur  ne  signifie  pas  une  passion  en  Dieu, 
mais  le  châtiment  des  coupables,  de  même  aussi  Dieu  ne  jure  pas  à  la 
manière  des  hommes,  mais  sa  parole  est  appelée  serment  pour  expri- 
mer plus  fortement  la  vérité;  et  parce  qu'elle  accomplit  avec  une  réso- 
lution immuable  tout  ce  qu'il  a  promis. 

^.  74.  —  A/î/i  qu'étant  délivrés  des  mains  de  nos  ennemis ,  nous  le  servions 

sans  crainte. 

S.  Chrys.  (Ch.  des  Pèr.  gr.  comme  prec.)  Après  avoir  prédit  qu'une 
corne  de  salut,  qu'un  puissant  Sauveur  sortirait  pour  nous  de  la  mai- 
son de  David  ,  Zacharie  déclare  que  par  lui  encore  nous  serons  cou- 
verts de  gloire,  et  nous  n'aurons  rien  à  craindre  de  nos  ennemis  : 

(1)  On  ne  trouve  rien  de  semblable  dans  saint  Basile,  mais  seulement  une  espèce  de  prohibition 
du  serment  dans  l'homélie  sur  le  Psaume  14.  Ce  qui  a  rapport  à  la  colère  de  Dieu  se  trouve  en 
partie  dans  l'explication  du  Psaume  29,  en  partie  dans  l'explication  du  Psaume  37  ;  et  aussi  dans 
le  commentaire  sur  le  chap.  5  d'Isaïe. 


fuerunt  ante  mortui.  Fecit  et  misericor- 
diam  cum  palribus  nostris  secundum 
quod  eorum  spem  et  desideriuru  iraple- 
vit  :  unde  sequitur  :  «  Et  meniorari  testa- 
nienti  suisancti;  »  illius  scilicet  de  quo 
dicitur  (ad  Hebr.,  6)  :  a  Benedicens  be- 
nedicam  tibi,  et  multiplicabo  te.  »  Mul 
tiplicatus  est  enirn  Abraham  in  omnibus 
gentibus ,  per  imitationem  fidei  ejus 
iidoptatis  in  filios:  sed  etiam  patres  vi- 
dentes  suos  filios  talia  bénéficia  récé- 
pissé, congaudent  etrecipiunt  misericor- 
diam  in  seipsis  :  unde  sequitur  :  «  Jus- 
jurandum  quod  juravit  ad  Abraham, 
patrem  nostrum,  daturum  se  nobis.  » 
Basil,  (in  Cot.  Gr.rcorvm  Patrvni, 
nbi  sup.)  Nemo  autem  audiens  quodju- 


rasset  Dominus  Abrahse  ,  ad  jurandum 
sit  promptus  :  sicut  enim  furor  de  Deo 
dictus  non  significat  passiouera ,  sed 
punitionem ,  sic  neque  Deus  jurât  ut 
homo,  sed  verbum  ejus  loco  juramenti 
nobis  ad  veritatem  exprimitur,  immuta- 
biU  sententia,  quod  promissum  est,  ap- 
probans. 

Ut  sine  timoré  de  manu  inimicorum  nostrorum 
liberati,  serviamus  illi. 

Chrys.  (in  Cat.  Grœcoruvi  Patrum, 
ubisup.)  Quia  exortum  nobis  cornu  sa- 
lutis  ex  domo  David  dixeral,  ostendit 
quod  per  ipsum  et  gloriam  participa- 
mus,  et  dispendia  inimici  vitamus  : 
unde  dicit  :   «  Ut  sine  timoré  de  manu 


72 


EXPLICATION   DE   L'ÉVANGILE 


«  Afin  qu'étant  délivrés  des  mains  de  nos  ennemis ,  nous  le  servions 
sans  crainte.  »  Ces  deux  choses  se  trouvent  difficilement  réunies  :  il 
en  est  beaucoup  en  effet  qui  échappent  aux  dangers,  mais  dont  la  vie 
reste  sans  gloire,  tels  sont  les  criminels  à  qui  la  clémence  du  souve- 
rain fait  grâce  de  la  prison.  D'autres,  au  contraire,  ont  la  gloire  en 
partage ,  mais  au  prix  de  quels  dangers  ils  sont  forcés  de  l'acquérir  ? 
Tels  sont  les  guerriers  qui  ont  embrassé  la  glorieuse  carrière  des 
armes,  mais  qui  vivent  toujours  au  milieu  des  hasards.  Ce  puissant 
Sauveur,  et  nous  délivre,  et  nous  couvre  de  gloire;  il  nous  délivre  en 
nous  arrachant  aux  mains  de  nos  ennemis,  non  pas  à  moitié,  mais 
d'une  manière  admirable,  et  sans  nous  laisser  aucun  sujet  de  crainte, 
comme  le  dit  Zacharie  :  «  Afin  qu'étant  délivrés  des  mains  de  nos 
ennemis,  etc.  » —  Orig.  [hom.  dO).  Ou  bien  encore,  on  en  voit  souvent 
qui  sont  délivrés  des  mains  de  leurs  ennemis ,  mais  ce  n'est  pas  sans 
crainte,  il  faut  au  contraire  passer  par  les  alarmes,  par  les  dangers, 
pour  être  délivré  de  leurs  mains,  au  contraire  on  leur  a  échappé 
sans  doute,  mais  ce  n'a  pas  été  sans  crainte.  Jésus-Christ,  par  sa  venue 
sur  la  terre,  nous  a  délivrés  des  mains  de  nos  ennemis,  sans  qu'il  nous 
en  ait  coûté  aucune  appréhension,  aucune  crainte  (1);  nous  ne  sommes 
pas  tombés  dans  les  embûches  de  nos  ennemis ,  il  nous  a  tout  d'un 
d'un  coup  arrachés  à  leur  puissance  pour  nous  faire  entrer  dans  l'hé- 
ritage qu'il  nous  avait  destiné. 

^.  75.  —  Dans  la  sainteté  et  dans  la  justice ,  en  sa  présence,  tous  les  jours 

de  notre  vie. 

S.  Chrys.  {comme  précéd.)  Zacharie  glorifie  Dieu  en  ce  qu'il  nous 
a  donné  de  le  servir  avec  une  pleine  confiance,  non  pas  d'une  manière 

(1)  La  construction  naturelle  de  la  phrase  demande  plutôt  ce  sens  :  «  Afin  qu'étant  délivrés  des 
mains  de  nos  ennemis,  nous  le  servions  sans  crainte.  » 


iuimicorum  uostrorum  liberati,  servia- 
mus  illi.  »  Duo  praedicta  uoa  facile  re- 
periet  aliquis  sese  comilanlia  :  plures 
enim  évitant  pericula,  sed  vita  gloriosa 
privanlur  ;  sicut  sceleris  patralores,  qui 
de  carcere  ex  indulgeutia  régla  absol- 
vuntur  :  e  contra  gaudent  alii  gloria, 
sed  ob  hanc  periclitari  coguntur  ;  sicut 
milites  bellicosi  vitaui  inclylam  ample- 
xantes  securitate  multoties  caruerunt  : 
sed  hoc  cornu,  et  salvat,  et  glorificat  : 
salvat  quidem  eripiens  a  manibus  hos- 
tium  ;  non  leviter,  sed  mirifice,  ut  non 
sit  ultra  timendum  ;  el  hoc  est  quod 
dicit  :  «  Ut  sine  liniore  de  niauu  iuimi- 
corum nostrorum  liberati,  »  etc.   Orig. 


[hom.  10.)  Vel  aliter,  crebro  de  hostium 
manu  aliqui  liberautur,  sed  non  absque 
timoré  :  cuin  enim  metus  et  discrimen 
aute  prsecesserint,  et  sic  de  inimicorum 
manuquiseruatur,  liberatus  est  quidem, 
sed  uon  sine  timoré  :  ideo  dixit  quod 
Christi  adventus  sine  timoré  nos  a  ma- 
nibus hostium  eripi  fecit  :  non  enim 
eorum  insidias  sensimus,  sed  repente 
ab  eis  nos  segregans,  eduxit  ad  sortis 
propriêe  mansionem. 

In  sanctitate  et  justilia  coram  ipso,  omnibus  die- 
bus  nostris. 

Chrys.  (m'   sup.)   Glorificat  Zacharias 
Dominum^   quia    fecit  nos    sibi  servira 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.   I.  73 

charnelle,  comme  les  Juifs,  par  le  sang  des  victimes,  mais  spirituelle- 
ment par  nos  bonnes  œuvres ,  c'est  ce  que  veulent  dire  ces  paroles  : 
«  Dans  la  sainteté  et  la  justice  ;  »  car  la  sainteté  consiste  dans  l'obser- 
vation exacte  des  devoirs  envers  Dieu  ,  la  justice  dans  l'accomplisse- 
ment fidèle  de  nos  devoirs  envers  les  hommes.  Tel  est  celui  qai  observe 
religieusement  les  préceptes  divins,  et  qui  s'acquitte  parfaitement  de 
tout  ce  qu'il  doit  aux  autres  hommes.  Il  dit  :  non  pas  devant  les 
hommes,  comme  font  les  hypocrites  qui  veulent  plaire  aux  hommes, 
mais  «  devant  Dieu,  »  comme  ceux  qui  recherchent  l'approbation  de 
Dieu  et  non  pas  celle  des  hommes  {Rom.,  chap.  ii,  vers.  29),  et  cela 
non  pas  une  seule  fois,  ou  pour  un  temps,  mais  chaque  jour  et  toute 
la  vie,  comme  il  ajoute  :  «  Tous  les  jours  de  notre  vie.  »  —  Bède. 
Car  ceux  qui  avant  leur  mort  abandonnent  le  service  de  Dieu,  ou  qui 
déshonorent  par  quelque  souillure  la  pureté  de  la  foi,  ou  l'innocence 
de  leur  conduite;  ou  bien  ceux  qui  veulent  être  justes  et  saints  devant 
les  hommes,  plutôt  que  devant  Dieu,  ne  servent  pas  Dieu  après  avoir 
été  pleinement  délivrés  des  mains  de  leurs  ennemis  spirituels  ;  mais  à 
l'exemple  des  anciens  Samaritains,  ils  veulent  servir  à  la  fois  le  Sei- 
gneur (1)  et  les  dieux  des  Gentils. 

^.  76.  —  Et  vous,  peti    enfant,  vous  serez  appelé  le  prophète  du  Très-Haut; 
car  vous  marcherez  devant  la  face  du  Seigneur  pour  lui  préparer  ses  voies. 

S.  AiiB.  Après  cette  magnifique  prophétie  qui  a  le  Sauveur  pour 
objet ,  Zacharie  ramène  son  discours  au  prophète  du  Seigneur,  et 
déclare  ainsi  que  sa  naissance  est  un  don  de  Dieu.  En  énumé- 
rant  les  bienfaits  de  Dieu  envers  tous  les  hommes,  il  ne  veut  point 

(l)  Le  mot  Dœmonio ,  qu'on  lisait  autrefois  au  lieu  de  Domino,  formait  un  non  sens  en  détrui- 
sant l'opposition  qui  existe  dans  ce  membre  de  phrase. 


cum  plena  fiducia,  non  carnaliter  (ut 
Judœa)  in  sanoruine  viclhnarum,  sed 
spiritualiter  in  bonis  operibus  :  et  boc 
est  quod  dicit  :  «  In  sanctitate  et  justi- 
tia  :  »  est  eniin  sanctita»  apta  circa 
Deum  œquitas  ;  justitia  vero  quai  circa 
homines.  Pula  quod  aliquis  reverentor 
exequatur  divina ,  et  quoad  iioniiiies 
laudabiliter  coriversetur.  Uicit  autein 
non  corum  hominihus  (ut  bypocrite  vo- 
lenles  hominibus  placere),  sed  coram 
Dco,  sicuthi  quorum  comiriendatio  non 
est  ab  bominibus,  sed  a  Deo  {Rom.,  2. 
vers.  29),  et  boc  non  semel  aut  ad  tem- 
pus,  sed  sinn;uli3  diebus  et  quandiu  vi- 
xerint  :  iinde  dicit  :  «  Omnibus  diebus 
nostris.  »  Bed.  Namqui  vêlante  mortem 


ab  ejns  servitio  discedit,  vel  immunditia 
qualibet  sive  justiliam  fidei  sive  since- 
ritatem  coiumaculat,  vel  coram  bomi- 
nibus lantum  et  non  coram  Deo  sanctus 
et  justus  esse  con tendit,  nondum  per- 
fecte  de  manu  spiritualium  inimicorum 
liberatus  Domino  servit;  sed  exemplo 
veterum  Samaritanorum  diis  gentium 
pariter  et  Domino  servire  couatur. 

Et  tu,  puer,  propheta  Altissimi  vocaberis  : 
prœibis  cnim  ante  faciem  Domini  parare  vias 
ejus. 

Amb.  Pulchre  cum  de  Domino  prophe- 
taret,  ad  Prophetam  sua  verba  conver- 
tit ;  ut  hoc  quoque  beneficium  esse  Do- 
mini  designaret  ;  ne    cum  publica  nu- 


74 


EXPLICATION  DE    l'ÉVANGILE 


paraître  envelopper  dans  un  silence  d'ingratitude  les  grâces  (jui  lui 
sont  particulières ,  aussi  écoutez-le  :  «  Et  vous ,  enfant ,  vous  serez 
appelé  le  prophète  du  Très-Haut,  »  etc.  —  Orig.  [hom.  10).  Zacharie, 
je  le  suppose,  s'est  hâté  d'adresser  la  parole  à  son  enfant,  parce  qu'il 
savait  qu'il  devait  bientôt  se  retirer  dans  le  désert,  et  qu'il  ne  jouirait 
pas  longtemps  de  sa  présence.  —  S.  Amb.  Il  en  est  peut-être  qui  regar- 
deront comme  un  écart  d'esprit  contraire  à  toute  raison  que  Zacharie 
s'adresse  à  un  enfant  de  huit  jours.  Mais  si  nous  nous  rappelons  ce  qui 
précède,  nous  comprendrons  que  celui  qui  a  entendu  la  voie  de  Marie 
avant  même  d'être  né,  a  pu,  aussitôt  sa  naissance  entendre  la  voix  de 
son  père.  En  vertu  de  son  esprit  prophétique,  il  savait  que  les  pro- 
phètes (mt  d'autres  oreilles  qui  s'ouvrent  sous  l'impression  de  l'Esprit 
saint,  et  non  par  le  progrès  de  l'âge;  comment  n'aurait-il  pas  eu  le 
don  d'intelligence,  lui  dont  le  cœur  avait  bien  pu  tressaillir?  —  Bède. 
On  peut  dire  aussi  que  Zacharie,  pour  l'instruction  de  ceux  qui  étaient 
présents ,  aussitôt  qu'il  put  parler  publia  les  fonctions  que  son  fils 
devait  un  jour  remplir,  et  que  l'ange  lui  avait  révélées.  Que  les  ariens 
entendent  qu'on  donne  ici  le  nom  de  Très-Haut  au  Christ  dont  Jean  a 
été  le  précurseur  et  le  prophète,  comme  il  est  écrit  dans  le  livre  des 
Psaumes  :  «  Un  homme  est  né  en  elle,  et  le  Très-Haut  lui-même  l'a 
fondée.  »  —  S.  Ghrys.  {Ch.  des  Pèr.  gr).  Ceux  qui  ont  avec  les  rois 
des  rapports  plus  étroits  deviennent  leurs  compagnons  d'armes,  ainsi 
Jean-Baptiste  qui  était  l'ami  de  l'époux  a  précédé  de  plus  près  son 
arrivée,  c'est  le  sens  de  ces  paroles  :  «  Vous  marcherez  devant  la  face 
du  Seigneur  pour  lui  préparer  les  voies.  »  Les  autres  prophètes,  en  effet, 
ont  annoncé  longtemps  auparavant  les  mystères  de  la  vie  du  Christ  ; 
Jean  l'a  prédit  de  plus  près ,  puisqu'il  a  vu  le  Christ  de  ses  yeux ,  et 


merarel,  sua  quasi  ingratus  tacuisse 
videretur  :  unde  dicitur  :  «  Et  tu,  puer, 
propheta  altissimi  vocaberis,  »  etc.  Orig. 
{hom.  10.)  Ideo  reor  Zachariani  festi- 
nasse  ut  loqueretur  ad  parvulum  ;  quia 
sciebat  eum  post  paululum  iu  eremo 
inoraturuni,  nec  se  ejus  posse  liabere 
praesentiam.  Amb.  Sed  fortasse  aliqui 
quasi  irratiouabilem  mentis  exuessum 
puteut,  quod  octo  dierum  iufantem  allo- 
quitur  :  verum  si  tenemus  superiora^ 
inlelligiuiiis  profecto  quod  potuitvocem 
patris  natus  audire,  qui  Marije  salutatio- 
nem,  antequam  nasceretur,  audivit  : 
sciebat  Propheta  alias  esse  aures  pro- 
phète ,  quae.  Spiritu  Dei  non  corporis 
aetate  reserantur  :  habebat  intelligendi 
sensum,  quiexultandi  habebat  aiîectum. 
Bed.  Nisi  forte  putandus  Zacharias  pro- 


pter  eos  qui  aderant  potius  instituendos, 
futura  sui  muuera  filii,  quee  dudum  per 
Angelum  didicerat,  raox  ut  loqui  potuit, 
prEedicare  voluisse.  Audiant  Ariani  quod 
Christum,  quem  Joannes  prophetando 
praeibat,  Altissiinum  vocat,  sicut  in  Ps. 
dicitur  [Ps.  86)  :  «  Homo  natus  est  in 
ea,  et  ipse  fimdavJt  eam  Altissimus.  » 
Chrys.  {in  Cat.  Crœcoruin  Patrum,  uhi 
sup.)  Sicut  autem  l'egibus  commilitones 
sunt  qui  eis  viciuiores  existunt,  sic  Joan- 
nes cum  esset  amicus  sponsi,  de  prope 
ejus  adventum  prsecessit  :  et  hoc  est 
quod  subdilur  :  «  Praeibis  enim  ante  fa- 
ciem  Domini  parare  vias  ejus  :  »  alii 
euim  proplietge  eminus  Christi  myste- 
rium  prsedicaverunt,  hic  vero  propius 
prœdicavit,  ut  et  Christum  videret,  et 
eum  caïteris  indicaret.  Greg.    (XIX  Mo- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    1.  75 

tout  à  la  fois  l'a  montré  aux  autres. —  S.  Greg.  {Moral.,  xix,  2.)  Tout 
prédicateur  qui  purifie  des  souillures  du  vice  les  âmes  de  ceux  qui 
l'écoutent,  prépare  les  voies  à  la  sagesse  qui  veut  prendre  possession 
du  cœur. 

y.  77.  —  Pour  donner  à  son  peuple  la  connaissance  du  salut,  afin  qu'il  obtienne 
la  rémission  de  ses  péchés. 

Théophïx.  Zacharie  explique  comment  le  Précurseur  doit  préparer 
la  voie  du  Seigneur,  en  ajoutant  :  «  Pour  donner  à  son  peuple  la 
science  du  salut.  »  Le  salut,  c'est  le  Seigneur  Jésus,  et  la  science  du 
salut,  c'est-à-dire  de  Jésus-Christ  ont  été  donnés  au  peuple  par  Jean- 
Baptiste  qui  rendait  témoignage  à  Jésus-Christ  (1). 

BEDE.  Il  désire  faire  connaître  le  nom  de  Jésus,  et  semble  répéter  à 
dessein  le  mot  de  salut,  mais  qu'on  ne  l'entende  point  d'un  salut 
purement  temporel,  les  paroles  qui  suivent  s'y  opposent  :  «  Pour  la 
rémission  de  leurs  péchés.  »  —  Théophyl.  Dieu,  en  effet,  n'eût  pas  été 
connu,  s'il  n'eut  pardonné  les  péchés  à  son  peuple,  car  c'est  le  propre 
de  Dieu  de  remettre  les  péchés.  —  Bédé.  Mais  les  Juifs  n'ont  pas 
voulu  recevoir  le  Christ;  ils  aiment  mieux  attendre  l'Antéchrist,  parce 
qu'ils  veulent  être  affranchis,  non  de  la  tyrannie  intérieure  du  péché^ 
mais  du  joug  extérieur  de  la  servitude  temporelle. 

y.  78.  —  Pur  les  entrailles  de  la  miséricorde  de  notre  Dieu,  qui  a  fait 
que  ce  Soleil  levant  nous  est  venu  visiter  d'en  haut. 

Théophyl.  Si  Dieu  nous  a  remis  nos  péchés,  ce  n'est  point  en  con- 
sidération de  nos  œuvres,  mais  par  un  effet  de  sa  miséricorde  ;  aussi 

(I)  Voyez  Evangile  selon  saint  Jean,  chap.  1,  vers.  7,  15,  16,  19,  32,  34;  chap.  3,  vers.  25- 
ehap.  5,  vers.  33,  etc. 


rai.,  cap.  2.)  Quisquis  autem  prsedi- 
cando  a  sordibus  vitioriini  corda  audieu- 
tium  luundat,  venienti  sapientife  ad  cor 
viam  praeparat. 

Ad  dandam  scienliam  salutis  plebi  ejus ,  in  re- 
missionem  peccalorum  eorum. 

Theophvl.  Oi'filiter  prœciirsor  viam 
Domini  prteparavit,  exponit,  subdens  : 
«  Ad  dandam  seientiam  salutis  plebi 
ejus.  »  Salus  Domimis  Jésus  est  :  data 
est  autem  plebi  srientia  salvtis  (id  est, 
Christi  a  Joauue,  qui  testimonimn  perbi- 
bebat  de  Cliristo. 

Bkd.  Ouasi  enim  Jc-u  fid  est,  Salvato- 
ris),  nomen  cxponere  desideraus,  salutis 


mentionem  fréquentât  ;  sed  ne  tempora- 
lem  salutem  promitti  putarent,  subdit  : 
«  In  remissionem  peccatorum  eorum.  « 
Theophylact.  Non  enim  aliter  cogni- 
tus  esset  Deus,  nisi  plebi  peccata  dimi- 
sisset  :  Dei  enim  est  peccata  dimittere. 
Beda.  Verum  Judaei  non  Christum  sus- 
cipere,  sed  Antichristum  malunt  expec- 
tare,  quia  non  intus  a  peccati  dominio, 
sed  foris  ab  hunianae  servitutis  jugo  cu- 
piunt  liberari. 

Pfi.r  viscera  misericordice  Dei  nostri,  in  quibvs 
visitavil  nos  Oriens  ex  alto. 

Théophyl.  Quia  Deus  peccata   nobis 
dimisit,  non  propter  opéra   nostra,  sed 


76 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


Zacharie  ajoute-t-il  :  «  Par  les  entrailles  de  la  miséricorde  de  notre 
Dieu.  »  —  S.  Chrys.  {hom.  44  sur  S.  Mat  th.)  Et  cette  miséricorde,  ce 
n'est  pas  nous  qui  l'avons  trouvée  comme  fruit  de  nos  propres  re- 
cherches, mais  c'est  Dieu  lui-même  qui  a  daigné  nous  apparaître  du 
haut  du  ciel  :  «  Par  lesquelles  (c'est-à-dire  par  ses  entrailles),  le  soleil 
se  levant  du  haut  des  cieux  (c'est-à-dire  Jésus- Christ),  nous  a  visités 
(en  se  revêtant  de  notre  chair).  »  —  Grec,  {c'est-à-dire  Sévère,  Ch. 
des  Pèr.  gr.)  Il  habite  le  plus  haut  des  cieux,  et  cependant  il  se  rend 
présent  sur  la  terre,  sans  être  assujetti  à  aucune  division,  à  aucune 
limite;  mystère  que  nulle  intelligence  ne  peut  comprendre,  que  nulle 
parole  ne  peut  exprimer. 

%  79.  —  Pour  éclairer  ceux  qui  sont  assis  dans  les  ténèbres  et  dans  l'ombre 
de  la  mort,  et  pour  conduire  nos  pieds  dans  le  chemin  de  la  paix. 

BEDE.  Le  nom  d'Orient  convient  parfaitement  au  Christ,  parce  qu'il 
nous  a  ouvert  l'entrée  de  la  vraie  lumière  :  «  Pour  éclairer  ceux  qui 
sont  assis  dans  les  ténèbres  et  dans  l'ombre  de  la  mort,  »  etc.  — 
S.  Chrys.  {hom.  14  sur  S.  Matth.)  Les  ténèbres  dont  il  parle  ici  ne 
sont  pas  les  ténèbres  matérielles,  mais  les  erreurs,  l'éloignement  de  la 
foi  (ou  l'impiété).  —  S.  Bas.  {sur  Isaïe,  ch.  2.)  Dans  quelles  ténèbres 
était  plongé  le  peuple  des  gentils,  appesanti  par  le  culte  des  idoles, 
jusqu'à  ce  que  la  lumière  soit  venu  dissiper  cette  profonde  obscurité 
et  répandre  partout  les  splendeurs  de  la  vérité  !  —  S.  Grég.  {Moral., 
IV,  17.)  L'ombre  de  la  mort,  c'est  l'oubli  de  l'esprit;  la  mort  fait  que 
ce  qu'elle  détruit  n'est  plus  dans  la  vie  ;  ainsi  l'oubli  fait  que  ce  qu'il 
atteint  n'est  plus  dans  la  mémoire;  voilà  pourquoi  il  dit  du  peuple 


propter  misericordiam  suam,  ideo  con- 
venienter  addidit  :  «  Per  viscera  miseri- 
cordiae  Dei  nostri.  »  Chrys.  {hom.  14, 
in  Matth.)  Quam  quidem  misericordiam 
non  ipsimet  inquirentes  iuvenimus,  sed 
desuper  nobis  Deus  apparuit.  Unde  se- 
quitur  :  «  la  quibus  (scilicet  niisericor- 
di£e  visceribus)  visitavit  nos  (assumpta 
carne)  Oriens  ex  alto  (idest,  Christus.)  » 
Gr^c.  {idest,Sevenis,  in  Cat.  Grœcorum 
Patriim.)  In  allis  permanens,  tameu  in 
terrenis  praesens;  non  divisionem  pa- 
tiens  neque  circumscriptionem  ;  quod 
intellectus  noster  comprehendere  non 
potest,  nec  ulla  série  verborum  expri- 
mere. 

Jlluminare  hù  qui  in  tenebris  et  in  umbra  mortis 


sedent,  ad  dirigendos  pedes  nostros  in  viam 
pacis. 

Bed.  Recte  Christus  Oriens  vocatur, 
quia  nobis  ortum  verae  lucis  aperuit  : 
unde  sequitur  :  «  lUumiaare  his  qui  in 
tenebris  et  in  umbra  mortis  sedent,  »  etc. 
Chrys.  {hom.  14,  in  Matth.,  nt  svp.) 
Tenebras  bic  appellat,  non  materiales, 
sed  errorem  et  a  fide  distantiam  (sive 
impietatem.)  Basil,  {in  Isai.,  cap.  2.) 
Tenebrosa  enim  erat  plebs  Gentilis,  quse 
idolorum  cultura  fjravabalur,  donec  lux 
orta  dispersit  caliginem,  et  splendorem 
veritatis  expandit.  Greg.  (iV  Moral., 
cap.  17.)  Umbra  vero  mortis,  oblivio 
mentis  accipitur  :  sicut  enim  mors  hoc 
quod  interficit,  agit  ut  non  sit  in  vita, 
ita  oblivio   hoc   quod  intercipit,  agit  ut 


DE  SAINT  LUC,   CHAP.  ï.  77 

juif  qui  avait  oublié  Dieu,  qu'il  était  assis  dans  l'ombre  de  la  mort. 
L'ombre  de  la  mort,  c'est  encore  la  mort  du  corps,  la  mort  véritable 
est  celle  qui  sépare  l'àme  d'avec  Dieu  ;  l'ombre  de  la  mort  est  celle 
qui  sépare  l'àme  d'avec  le  corps;  ce  qui  fait  dire  aux  martyrs  [Ps. 
XLiu)  :  «  L'ombre  de  la  mort  nous  a  couverts.  »  L'ombre  de  la  mort 
peut  encore  signifier  l'imitation  du  démon  qui  est  appelé  mort  dans 
l'Apocalypse  (chap.  6).  En  effet,  l'ombre  est  toujours  proportionnée  à 
la  forme  du  corps,  ainsi  les  actions  des  impies  sont  une  espèce  d'imi- 
tation du  démon.  —  S.  Chrts.  L'expression  :  «  Ils  sont  assis,  »  est  des 
plus  justes;  en  effet,  nous  ne  marchions  pas  dans  les  ténèbres,  mais 
nous  étions  assis  sans  aucun  espoir  de  délivrance.  —  Théophyl.  Le 
Seigneur,  en  se  levant  sur  notre  terre,  n'éclaire  pas  seulement  ceux 
qui  sont  assis  dans  les  ténèbres,  sa  mission  est  plus  étendue  :  «  Pour 
diriger  nos  pas  dans  la  voie  de  la  paix.  »  La  voix  de  la  paix  c'est  la 
voix  de  la  justice  (1),  dans  laquelle  il  a  dirigé  nos  pas,  c'est-à-dire  les 
affections  de  nos  âmes.  —  S.  Grég.  {hom.  32  swr  les  Evang.)  Nous 
dirigeons  nos  pas  dans  la  voie  de  la  paix,  lorsque  dans  nos  actions 
nous  suivons  le  chemin  qui  ne  s'écarte  jamais  de  la  grâce  de  notre 
Créateur.  —  S.  Ambr.  Remarquez  en  même  temps  que  la  prophétie 
d'Elisabeth  est  courte,  taudis  que  celle  de  Zacharie  est  beaucoup  plus 
étendue;  cependant  tout  deux  parlaient  sous  l'inspiration  de  l'Esprit 
saint  dont  ils  étaient  remplis,  mais  nous  voyons  ici  l'observation  de 
cette  règle  qui  veut  que  la  femme  s'applique  plus  à  connaître  les  choses 
divines  qu'à  les  enseigner  aux  autres. 

^.  80.  —  Cependant  l'enfant  croissait  et  se  fortifiait  en  esprit,  et  il  demeu- 

(1)  C'est  avec  raison  que  la  vie  sainte  et  juste  est  appelée  la  voie  de  la  paix,  à  cause  de  l'étroite 
union  de  la  justice  avec  la  paix. 


non  sit  in  tnemoria  :  unde  Judseorum 
populus,  qui  Dei  oblilus  fuerat,  dicitur 
in  umbra  luorlis  sedere.  Umbra  etiam 
mortis,  mors  carnis  accipiliir;  quia  si- 
cut  vera  mors  est  qua  anima  separatur 
a  Deo,  ita  umbra  mortis  est,  qua  caro 
separatur  ab  anima  :  unde  voce  niarly- 
rum  dicitur  [Ps.  43)  :  «  Operuit  nos 
umbra  mortis.  »  Per  umbram  etiam 
mortis,  imitalio  diaboli  qui  mors  in 
Apoc.  dicitur  [cap.  6)  designatur;  quia 
sicut  umbra  juxla  qualitatem  corporis 
ducitur,  ila  actiones  iniquorum  de  spe- 
cie  imitationis  ejus  exprimunlur.  Chhys. 
[ut  sup.)  Recte  aulem  dicil  sedcnl  ;  non 
enim  ambulabamus  in  tenebris,  sed  se- 
debamus  (quasi  spem  liberationis  non 
habentes.)  Theophylact.  Non  solum  au- 


tem  oriens  Dominus  his  qui  in  tenebris 
sedent,  illuminât  sed  aliquid  amplius  di- 
cit  :  unde  sequitur  :  «  Ad  dirigendos 
pedes  nostros  in  viam  pacis.  »  Via  pacis 
est  via  justitiae  ad  quani  direxit  pedes, 
id  est,  affectus  animarum  nostrarum. 
Grec,  {in  hom.  32,  in  Evang.)  Tune 
enim  gressus  nostros  in  viam  pacis  di- 
rigimus,  quando  per  illud  actionum  iter 
pergimus,  in  quo  ab  auctoris  nostri  gratia 
non  discordemus.  Ambr.  Simul  et  illud 
ad  verte,  quam  paucis  Elisabetb,  quam 
multis  Zacbarias  prophetet  ;  et  uterque 
Sancto  impletus  Spiritu  loquebatur  :  sed 
disciplina  servatur,  ut  raulier  discere  ma- 
gis  quce  divina  sunt  studeat  quam  docere. 

Puer  autem  crescebat  et  confortabatur  spiritu. 


78  EXPLICATION    DE   l'ÉVANGILE 

rait  dans   les  déserts  jusqu'au  jour  où  il  devait  paraître  devant  le  peuple 
d'Israël. 

BEDE.  Le  prédicateur  futur  de  la  pénitence  pour  prêcher  un  jour 
avec  plus  de  liberté  le  détachement  des  plaisirs  séducteurs  du  monde, 
passe  dans  le  désert  les  premières  années  de  sa  vie  :  «  L'enfant  crois- 
sait, »  dit  le  texte  sacré.  —  Théophyl.  Il  croissait  extérieurement  en 
suivant  les  progrès  de  l'âge  :  «  Et  il  se  fortifiait.  »  Les  dons  spiri- 
tuels se  développaient  en  même  temps  que  le  corps,  et  les  opérations 
de  l'esprit  se  manifestaient  avec  plus  d'éclat  de  jour  en  jour.  —  Orig. 
{hom.  2.)  Ou  bien  il  croissait  en  esprit  et  ne  s'arrêtait  pas  au  premier 
degré  de  perfection  ;  l'esprit  acquérait  toujours  en  lui  une  nouvelle 
force,  sa  volonté  tendant  toujours  vers  un  but  plus  parfait,  était  dans 
un  progrès  continuel,  et  son  âme  s'élevait  à  des  contemplations  de 
plus  en  plus  divines.  Sa  mémoire  s'exerçait  pour  amasser  dans  ses 
trésors  les  plus  pures  vérités.  L'Evangéliste  ajoute  :  «  Et  il  se  forti- 
fiait. »  La  nature  humaine  est  faible,  comme  nous  le  lisons  dans  le 
saint  Evangile  {Matlh.,  xxvi)  :  «  La  chair  est  faible,  »  il  faut  donc  que 
l'esprit  la  fortifie,  car  l'esprit  est  prompt.  Il  en  est  beaucoup  qui  ont 
en  partage  la  force  du  corps  ;  mais  l'athlète  de  Dieu  doit  rechercher 
la  force  de  l'esprit  pour  détruire  la  sagesse  de  la  chair.  Jean-Baptiste 
se  retira  donc  dans  le  désert  pour  fuir  le  tumulte  des  villes  et  leurs  as- 
semblées bruyantes  :  «  Et  il  était  dans  les  déserts  ;  »  là  où  l'air  est  plus 
pur,  le  ciel  plus  ouvert,  et  Dieu  plus  familier.  Jusqu'au  temps  où  de- 
vait commencer  son  baptême  et  sa  prédication,  il  s'appliquait  à  la 
prière,  il  conversait  avec  les  anges,  il  invoquait  le  Seigneur,  et  l'en- 
tendait lui  dire  :  «  Me  voici.  »  (1)  —  Théophyl.  Ou  bien  il  demeurait 

(1)  Allusion  à  ces  paroles  d'Isaïe  :  «  Vous  invoquerez  le  Seigneur,  et  il  vous  exaucera;  à  votre 
premier  cri,  le  Seigneur  répondra  :  Me  voici.  »  (lviii,  9.) 


et  erat  in  desertis  usque  ad  diem  ostensionis 

suœ  ad  Israël. 

Bed.  Praedicator  pœnitentise  futurus, 
ut  liberius  auditores  suos  a  niundi  ille- 
cebris  erudiendo  sustoUat,  primsevam 
in  desertis  transigit  vitam  :  imde  dicitur  : 
«  Puer  autem  crescebat.  »  Théophyl. 
Secundum  corporalem  œtatem  :  «  Et 
confortabatur.  »  Simul  eniiii  cum  cor- 
pore  spirituale  donum  crescebat ,  et 
spiritus  operationes  in  eo  magis  ac  magis 
ûstendebantur.  Orig.  {hom.  11.)  Vel 
crescebat  spiritu,  nec  in  eadem  perma- 
nebat  mensura  qua  cœperat  ;  sed  semper 
crescebat  spiritus  in  eo,  seinper  voluntas 
ejus  ad  meiiora  tendens  habebat  pro- 
fectus    SU03,  et   mens  divinius  aliquid 


contemplabatur.  Exercebat  se  memoria, 
ut  pura  in  tbesauro  suo  reconderet.  Ad- 
dit  autem  :  «  Et  confortabatur.  »  Infirma 
enim  est  bumana  natura  :  legimus  enim 
{Mut th. y  26)  :  «  Caro  autem  infirma  :  » 
confortanda  est  itaque  spiritu  :  spiritus 
enim  promptus  est.  Multi  confortantur 
carne  :  atbleta  Dei  Spiritu  roborandus 
est,  ut  sapientiam  carnis  elidat.  Unde 
récessif,  fugiens  tumultum  urbium,  po- 
puli  frequcntiam.  Sequitur  enim  :  «  Et 
erat  in  desertis;  »  ubi  purior  aer  et  cœ- 
lum  apertius,  et  familiarior  Deus  ut  quia 
nondum  baptismi  et  prsedicationis  tem- 
pus  advenerat,  vacaret  orationibus,  et 
cura  angelis  conversaretur ,  appellaret 
Dominum  et  illum  audiret   dicentem  : 


DE   SAINT   LUC,   CHAP.    I.  79 

dans  le  désert  pour  y  être  élevé  loin  de  la  malice  du  monde,  et  pour 
qu'un  jour  il  put  le  reprendre  de  ses  crimes  sans  aucune  crainte  ;  car 
s'il  avait  vécu  au  milieu  du  monde,  peut-être  l'amitié,  la  société  des 
hommes  l'eussent  amolli  et  dépravé,  c'était  aussi  pour  qu'il  fût  un 
témoin  digne  de  foi  lorsqu'il  annoncerait  le  Christ.  Il  vivait  donc 
caché  dans  le  désert  jusqu'à  ce  qu'il  plût  à  Dieu  de  le  montrer  au 
peuple  d'Israël  :  «  Jusqu'au  jour  de  sa  manifestation  dans  Israël.  »  — 
S.  Ambr.  Il  est  digne  de  remarque  que  l'Evangéliste  raconte  le  temps 
de  la  vie  du  prophète  dans  le  sein  de  sa  mère,  pour  ne  point  passer 
sous  silence  la  présence  de  Marie,  tandis  qu'au  contraire  il  ne  dit  rien 
de  son  enfance,  parce  que  la  force  que  la  présence  de  Marie  lui  a 
communiquée  dès  le  sein  de  sa  mère,  l'a  délivré  de  toutes  les  faiblesses 
de  l'enfance. 


«  Ecce  adsum.  »  Theophylact.  Vel 
«  erat  in  desertis  ;  »  ut  extra  multorum 
malitiain  nutriretur,  et  ut  neminem  ve- 
reretur  arguera  :  si  enim  fuisset  in 
mundo,  forte  fuisset  amicitia  et  conver- 
salione  lioniinum  depravatus  :  simul 
etiam  ut  e.-set  fide  dignus,  qui  prœdica- 
turus  erat  Christum.  Ûccultabatur  auteru 
in  desertis,    donec  plaçait  Deo    ipsum 


Israelitico  populo  demonstrare  :  unde 
sequitur  :  «  Usque  ad  dieni  ostensiouis 
suae  ad  Israël.  »  Ambr.  Pulchre  auteiu 
tempus,  que  fuit  in  utero  Proplieta  des- 
cribitur,  ne  Mariœ  prœsenlia  taceatur  ; 
sed  tempus  siletur  infantiae,  eo  quod 
praesentia  Matris  Domini  in  utero  ro- 
boratur,  qui  infantiae  impedimenta  ne- 
scivit. 


CHAPITRE  II. 

SOMMAIRE     ANALYTIQUE. 

y.  i_5.  —  Pourquoi  le  Fils  de  Dieu  a  \oulu  naître  dans  un  temps  de  paix  uni- 
verselle. —  Pourquoi  naît-il  lorsque  la  souveraineté  n'est  plus  entre  les  mains 
des  Juifs  ?  —  A  quelle  époque  se  fit  le  dénombrement.  —  Sous  quel  gouverneur 
eùt-il  lieu? — Pourquoi  est-il  fait  mention  du  nom  de  gouverneur?  —  Dispo- 
sition divine  dans  le  dénombrement,  accomplissement  des  prophéties. — Pour- 
quoi Bethléem  est-elle  appelée  ville  de  David?— Marie  était-elle  de  la  race  de 
David? — Etait-elle  mariée  ou  simplement  fiancée  au  momentdela  conception 
du  Fils  deDieu?  — Signification  mystique  du  dénombrement,  et  de  l'inscription 
du  Christ  sur  les  registres  du  recensement.  — Nous  sommes  nous-mêmes 
soumis  à  un  dénombrement  spirituel.  —  Comment  nous  devons  quitter  la 
Galilée  pour  aller  dans  la  ville  de  Juda. 

t.  6,  7.  —  Mode,  temps  et  heu  de  la  naissance  du  Sauveur.  —  Manière  admi- 
rable dont  il  vient  au  monde.  —  Pourquoi  naît-il  à  l'époque  de  ce  dénombre- 
ment général?  — Pourquoi  à  Bethléem.  —  Le  nom  de  premier-né  qui  lui  est 
donné  suppose-t-il  qu'il  a  eu  des  frères?  —  Signification  mystérieuse  des  cir- 
constances qui  accompagnent  sa  naissance. —  Pourquoi  il  naît  dans  l'humi- 
liation, la  pauvreté  et  dans  un  lieu  étranger. 

f.  8-12.  —  Soin  que  Dieu  prend  d'établir  la  foi.  —  Pourquoi  l'Ange  n'apparaît 
point  aux  bergers  comme  à  Joseph.  —  Pourquoi  apparaît-il  au  milieu  de  la 
lumière?  —  Comment  il  dissipe  leurs  frayeurs.  —  Signification  des  différents 
noms  qu'il  donne  à  l'enfant  qui  vient  de  naître. —  Signes  auxquels  ils  recon- 
naîtront le  Sauveur.  — Comment  il  faut  les  envisager.  — Signification  mys- 
tique de  l'apparition  de  l'Ange  aux  bergers. 

f,  13,  14. —  Pourquoi  cette  apparition  de  la  milice  céleste.— Mission  qui  leur  est 
donnée.  —  Pourquoi  chantent-ils  les  louanges  de  Dieu? — Pourquoi  souhaitent- 
ils  la  paix  aux  hommes? — A  quels  hommes.  —  Signification  mystique  de 
cette  apparition. 

f.  15-20.  — Les  pasteurs  se  rendent  à  Bethléem. — Récompense  de  leur  foi.  — 
Admiration  de  tous  ceux  qui  les  entendent.  — Pourquoi  Marie  garde-t-elle  le 
silence?  — Avec  quel  soin  elle  conserve  tout  dans  son  cœur.  —  Joie  universelle 
produite  par  la  naissance  du  Sauveur.  —  Les  pasteurs  louent  et  glorifient 
Dieu. —  Application  mystique  de  la  conduite  des  bergers  aux  pasteurs  spiri- 
tuels des  âmes,  et  aux  simples  fidèles. 

%  21.  — Circoncision  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ. — La  circoncision  de  Jésus 
entraîne-t-elle  pour  nous,  comme  le  veut  Ebion,  la  nécessité  de  la  circoncision 
charnelle?  —  Différentes  raisons  pour  lesquelles  le  Christ  s'est  soumis  à  la 
circoncision.  —  Signification  mystique  de  la  circoncision.  —  Raison  mystique 
pour  laquelle  la  circoncision  avait  lieu  le  huitième  jour.  —  Nom  de  Jésus.  — 
Les  élus  participent  eux-mêmes  à  la  gloire  de  ce  nom  dans  leur  circoncision. 

f.  22-24.  —  Marie  était  exempte  de  la  loi  de  la  purification.  —  Comment  le  Fils 
de  Dieu  avait-il  besoin  d'être  présenté  à  son  Père  dans  le  temple?  —  Pourquoi 
la  Présentation  eut-elle  lieu  le  trente-troisième  jour  après  la  Circoncision?  — 
Preuve  que  Dieu  est  l'auteur  de  la  loi  ancienne.  —  Le  Sauveur  se  soumet  à 
cette  prescription  de  la  loi  d'une  manière  toute  particulière.  —  Comment  le 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE   DE   S.    LUC^    CHAP.   II.  81 

nom  de  saint  ne  convient  en  vérité  qu'à  Jésus-Christ.  —  Mystère  profond  dans 
la  conduite  du  Sauveur  offrant  comme  homme  les  victimes  qui  lui  sont  offertes 
comme  Dieu.  — Pourquoi  offre-t-il  les  victimes  des  pauvres?  —  Signification 
mystérieuse  de  la  tourterelle  et  de  la  colombe. 

fr.  25-28.  — Universalité  des  témoignages  rendus  à  la  naissance  du  Sauveur.  — 
Pourquoi  l'Evangéliste  fait- il  remarquer  que  Siméon  était  juste  et  craignant 
Dieu?  —Pourquoi  il  était  véritablement  juste.  — Qu'attendait-il  pour  la  con- 
solation d'Israël?  —  Désirs  ardents  des  saints  du  peuple  de  Dieu  pour  voir  le 
mystère  de  l'incarnation. — Bonheur  de  celui  qui  meurt  après  avoir  vu  le 
Christ  du  Seigneur.  —  Comment  nous  pouvons  avoir  part  au  bonheur  de 
Siméon.  —  Etendue  de  son  bonheur. — Que  signifie  l'action  du  vieillard  Siméon 
prenant  l'enfant  Jésus  dans  ses  bras. 

f.  29-32. — Bonheur  et  joie  du  vieillard  Siméon.  —  Comment  reconnaît-il  la 
divinité  de  l'enfant  qu'il  tient  dans  ses  bras  ?  —  Sentiments  qui  animent  les 
justes  à  l'égard  de  la  vie  présente.  —  Que  doit  faire  celui  qui  désire  sa  déli- 
vrance.—  Quel  est  surtout  l'objet  des  bénédictions  de  Siméon.  —  Qui  procure 
aux  saints  de  mourir  en  paix.  —  Comment  Jésus  est-il  à  la  fois  la  consolation 
d'Israël  et  le  salut  préparé  devant  la  face  de  tous  les  peuples?  — Ce  qu'étaient 
les  nations  avant  la  venue  de  Jésus- Christ.  —  Pourquoi  Siméon  ne  dit-il  pas  : 
Pour  être  la  lumière,  mais  :  Pour  être  la  gloire  d'Israël ,  votre  peuple  ?  — 
Comment  Jésus  a  été  la  gloire  d'Israël. 

f.  33-35.  — Nouveau  sentiment  d'admiration  que  produit  toujours  la  connais- 
sance des  choses  surnaturelles. — Joseph  appelé  le  père  de  Jésus,  dans  quel 
sens.  —  Il  était  convenable  qu'il  portât  ce  nom.  — Prédiction  spéciale  de  Siméon 
à  la  mère  de  Jésus.  —  Dans  quel  sens  le  Sauveur  est-il  venu  pour  la  ruine  et 
pour  la  résurrection  de  plusieurs?  — A  qui  doit-on  attribuer  cette  ruine  d'un 
grand  nombre?  — Quels  sont  ceux  que  Siméon  a  surtout  en  vue  dans  cette  pré- 
diction.— Admirable  concordance  de  l'Aucienet  du  Nouveau  Testament  sur  les 
caractères  du  Sauveur.  —  Dans  quel  autre  sens  Notre-Seigneur  est-il  venu 
pour  la  ruine  et  pour  la  résurrection  de  plusieurs?— Que  faut-il  entendre 
par  ce  signe  que  l'on  contredira?  —  Double  caractère  de  la  Croix.  —  Ce  signe 
est  Jésus-Christ  lui-même.  — Comment  la  prédiction  de  Siméon  touchant  Jésus 
s'étend  aussi  à  sa  Mère. —  Dans  quel  sens  faut-il  entendre  ce  glaive  qui 
doit  transpercer  l'àmc  de  Marie?  —  Peut-on  l'entendre  dans  ce  sens  que  Marie 
au  temps  de  la  passion  de  son  divin  Fils  aurait  eu  un  moment  de  doute  et 
d'hésitation.  —  Comment  les  événements  prédits  par  Siméon  ont  mis  à  décou- 
vert les  pensées  d'un  grand  nombre. — Comment  l'àme  de  l'Eglise  est  tra- 
versée jusqu'à  la  fin  du  monde  par  le  glaive  des  plus  amères  tribulations.  — 
Comment  il  est  nécessaire  que  les  pensées  mauvaises  des  hommes  soient  de- 
couvertes  pour  qu'elles  soient  détruites. 

y.  36-38.  — Pourquoi  Dieu  niulliplic  ici  le  don  de  jjrophélie.  —  Pourquoi  l'Evangé- 
liste entre  dans  ces  détails  sur  la  prophétesse  Anne.  —  Vertus  qui  la  rendent 
digne  de  publier  les  louanges  du  Bédempteur.  —  Comment  peut-on  sans  être 
veuve,  avoir  part  au  mérite  de  la  viduitc? — Conformité  de  vertus  entre  cette 
sainte  veuve  et  Siméon.  —  Pourquoi  ne  parle-t-elle  du  Sauveur  qu'après 
Siméon? — Que  représente t-elle  dans  le  sens  allégorique? 

^.  39-41.  —  Pourquoi  saint  Luc  omet  ici  les  faits  intermédiaires  entre  la  Pré- 
sentation de  Jésus  au  temple  et  le  retour  à  Nazareth.  —Comment  concilier 
saint  Matthieu  avec  saint  Luc  sur  le  motif  qui  détermina  Marie  et  Joseph  à 
roM.  V.  6 


82  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

retourner  avec  l'Enfant  Jésus  en  Galilée.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  a  voulu 
se  soumettre  aux  développements  successifs  de  l'âge.  — Dans  quel  sens  est-il 
dit  qu'il  croissait  et  se  fortifiait?  —  Peut-on  dire  que  la  nature  humaine  a  été 
absorbée  par  la  nature  divine?  —  Dans  quel  sens  est-il  dit  qu'il  se  fortifiait 
en  esprit?  — Pourquoi  était-il  plein  de  sagesse  et  de  grâce? 

t.  42-50. —  Obligation  que  la  loi  imposait  aux  Juifs  pour  la  célébration  des 
grandes  solennités.  — Comment  les  parents  de  Jésus  pouvaient-ils  se  rendre 
chaque  année  à  Jérusalem ,  alors  que  la  crainte  d'Archelaûs  devait  les  en 
éloigner?  —  Dans  quelle  mesure  l'Enfant  Jésus  manifeste  la  sagesse  qui 
est  en  lui. — Pourquoi  parait-il  commencer  ses  enseignements  à  l'âge  de 
douze  ans?  —  Exemple  de  fidélité  aux  devoirs  religieux  que  Jésus  nous 
donne.  —  Pourquoi  reste-t-il  secrètement  à  Jérusalem  après  que  les  jours  de 
la  fête  sont  écoulés?  —  Pourquoi  Marie  et  Joseph  sont  appelés  ses  parents.  — 
Comment  ont-ils  pu  oublier  l'Enfant  Jésus  en  quittant  Jérusalem?— Où  doit- 
on  chercher  Jésus  pour  le  trouver.  —  Pourquoi  ses  parents  le  trouvent-ils  trois 
jours  après?  —  Pourquoi  le  trouve-t-on  au  milieu  des  Docteurs  les  écoutant  et 
les  interrogeant?  —  Nature  de  ses  questions  et  de  ses  réponses.— Mélange  de 
sublimité  et  de  faiblesse  qui  jette  les  Docteurs  dans  le  doute  et  dans  l'incer- 
titude. —  Comment  la  sainte  Vierge  lui  dépeint  les  anxiétés  de  son  âme  pen- 
dant ces  trois  jours. —Pourquoi  appelle-t-elle  Joseph  le  père  de  Jésus? — 
Dans  quelle  pensée  et  dans  quelle  intention  ses  parents  le  cherchaient-ils?  — 
Comment  Jésus  répond  à  la  question  que  lui  fait  sa  mère.  —  Blâme-t-il  ses 
parents  de  ce  qu'ils  le  cherchaient?  —  Les  deux  générations  en  Jésus-Christ. — 
Réfutation  des  erreurs  de  Valcntin  et  d'Ebion.  —  Quel  degré  de  croyance 
doit-on  accorder  à  ce  qu'on  raconte  des  actions  de  l'enfance  de  Jésus  ?  — 
Leçon  que  Jésus  nous  donne  dans  le  reproche  qu'il  semble  faire  à  Marie.  — 
Qu'est-ce  que  Marie  et  Joseph  ne  comprirent  pas  dans  la  réponse  de  Jésus? 

f.  51,  52.  — En  quoi  se  résume  la  vie  de-Jésus  depuis  ce  moment  jusqu'à  son 
baptême. — Dans  quel  sens  est-il  dit  qu'il  descendit  avec  ses  parents?  — 
Double  méthode  que  Jésus  à  suivi  tour  à  tour  dans  son  enseignement.  — 
Quels  sont  les  trois  principaux  devoirs  qu'il  nous  apprend  ici  par  son  exemple.— 
Comment  devons-nous  imiter  la  soumission  et  l'obéissance  de  Jésus  à  ses  pa- 
rents?—  Dans  quels  sentiments  à  l'exemple  de  Joseph  devons-nous  exercer 
l'autorité  sur  ceux  qui  nous  sont  soumis.  — Pourquoi  Jésus  nous  donne-t-il  cet 
exemple  d'obéissance  à  l'âge  de  douze  ans? — Comment  Jésus  se  soumet  en 
même  temps  aux  travaux  pénibles  de  la  condition  de  ses  parents.  —  Cette 
obéissance  est-elle  chez  lui  l'effet  de  la  faiblesse?  —  Comment  sa  sainte  Mère 
conservait  toutes  ces  choses  dans  son  cœur.  — Avec  quel  respect  elle  écoutait 
les  enseignements  de  son  Fils.  —  Comment  faut-il  entendre  ces  paroles  :  Jésus 
croissait  en  sagesse,  etc.? — Pourquoi  l'Evangéliste  ajoute  :  Et  en  âge.  —  Ce 
n'est  pas  comme  Verbe  qu'il  croissait.  —  Son  humanité  était-elle  soumise  à 
un  accroissement  progressif?  —  Pourquoi  est-il  dit  qu'il  croissait  devant  Dieu 
et  devant  les  hommes? —  Le  Verbe  ne  croît  pas  de  la  même  manière  dans 
tous  ceux  qui  le  reçoivent. 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    H. 


83 


f.  1-5.  —  Or,  il  arriva  en  ces  jours  qu'il  parut  un  édit  de  César  Auguste,  pour 
faire  le  dénombrement  de  toute  la  terre.  Ce  premier  dénombrement  se  fit  par 
Cyrinus  gouverneur  de  Syrie.  Et  tous  allaient  se  faire  enregistrer  chacun  dans 
sa  ville.  Alors  Joseph  partit  aussi  de  la  ville  de  Nazareth  qui  est  en  Galilée, 
et  vint  en  Judée  à  la  ville  de  David,  appelée  Bethléem,  parce  qu'il  était  de  la 
maison  et  de  la  famille  de  David,  pour  se  faire  enregistrer  avec  Marie  son 
épouse,  qui  était  grosse. 

BEDE.  Le  Fils  de  Dieu  ayant  résolu  de  paraître  au  monde  dans  une 
chair  mortelle,  voulut  naître  d'une  vierge  et  montrer  ainsi  combien 
la  gloire  de  la  virginité  lui  était  chère  ;  il  voulut  aussi  naître  dans  un 
temps  de  paix  générale,  parce  qu'il  devait  enseigner  aux  hommes  à 
chercher  la  paix ,  et  qu'il  daigne  visiter  ceux  qui  aiment  la  paix. 
Quelle  preuve  plus  évidente  de  cette  paix  universelle  que  ce  dénom- 
brement de  tout  l'univers  sous  l'empereur  Auguste,  qui,  vers  le  temps 
de  la  naissance  du  Sauveur,  après  avoir  terminé  les  guerres  par  toute 
la  terre,  régna  pendant  douze  ans  au  milieu  d'une  paix  si  profonde, 
qu'il  semble  avoir  accompli  à  la  lettre  la  prédiction  du  prophète  Isaïe  (1)  ? 
L'Evangéliste  commence  donc  en  ces  termes  :  «  Or,  il  arriva  en  ces 
jours,  qu'il  parut  un  édit,  o  etc.  —  Grec,  {ou  Métaphraste  et  le 
moine  Alexandre.^  Ch.  des  Par.  gr.)  Remarquez  encore  que  Jésus- 
Christ  vient  au  monde  lorsque  le  sceptre  de  la  souveraineté  n'est  plus 
entre  les  mains  des  Juifs ,  mais  entre  celles  des  empereurs  romains 
dont  ils  sont  devenus  tributaires.  Ainsi  se  trouve  accomplie  la  pro- 
phétie qui  annonçait  que  le  sceptre  ne  sortirait  point  de  Juda  ,  ni  le 
prince  de  sa  postérité ,  jusiju'à  ce  que  vint  celui  qui  devait  être  en- 

(1)  a  Us  changeront  leurs  épées  en  socs  de  charrues,  leurs  lances  en  faucilles,  les  nations  ne 
tireront  plus  le  glaive  contre  leô  nations  :  on  ne  les  verra  plus  s'exercer  au  combat.  »  (Isaïe,  ir,  4.) 


CAPUT    II. 

Faclum  est  autem  in  diebus  illis,  exiit  edictum  a 
Cœsare  Augusto  ut  describeretur  universus  or- 
bis.  Hcec  descriptio  prima  fada  est  a  prœside 
Syriœ  Cyrino.  Et  ihant  ornnes  ut  profilerenlur 
siiujuli  in  suam  civitalem.  Ascendit  autem  et 
Joseph  a  Galilœa  de  cioitate  Nazareth,  in  Ju- 
dceam  civitalem  David,  quœ  vocatur  Bethlehem 
[eo  quod  esset  de  domo  et  familia  David) ,  ut 
profiteretur  cum  Maria  desponsata  sibi  uxorn 
prœgnante. 

Beda.  Nasciturus  in  carne  Dei  FiliuSj 
sicut  de  Virgine  natus,  virginitalis  sibi 
deciis  ostendit  esse  gratissimuni  ;  ita 
pacali:^simo  tempore  seculi  procreatur, 
quia  pacem  quœrere  docuit,  el  pacis  sec- 
latores  invisere  dignatur.  Nullum  aulem 


potuit  majus  esse  pacis  indicium,  quam 
iinatotum  orbem  descriptione  concludi, 
cujus  moderator  Auguslus  tanta  duode- 
ciui  annis  eirca  lempus  doniinicœ  nati- 
vitatis  pace  regnavit,  ut  bellis  toto  orbe 
sopitis  Propbetae  praîsagium  ad  litteram 
videatur  iinplosse  :  unde  dicitur  :  «  Fac- 
tuni  est  autem  in  diebus  illis,  exiit  edic- 
tum, »  etc.  CiR.f.c.  (vrl  Metophrastes  et 
Alexander  Monachtis,in  Cat.  Grœcorum 
Patrum.)  Tune  etiam  nascitur  Christus, 
cum  principes  Judœoruui  defecerant,  et 
ad  Romanos  principes  translatum  er.it 
imperium,  quibus  Judaei  tributa  solve- 
baut;  et  sic  impletur  propbetia  praedi- 
cens,  non  deficere  ducem  de  Juda,  nec 
principeni  de  femoribus  ejus,  donec  ve- 
niat  qui  raitteudus   est.  {Ccn.,  49)  Jam 


84  EXPLICATION  DE    l'ÉVANGILE 

voyé.  {Gen.,  49.)  Ce  fut  la  quarante-deuxième  année  du  règne  de  Cé- 
sar-Auguste que  parut  cet  édit  qui  ordonnait  de  procéder  au  recen- 
sement de  tout  l'univers  pour  établir  le  paiement  des  impôts.  L'empereur 
Auguste  confia  le  soin  de  ce  dénombrement  à  Cyrinus ,  qu'il  avait 
nommé  gouverneur  de  la  Judée  et  de  la  Syrie.  «  Ce  premier  dénom- 
brement se  fit,  »  etc.  —  BEDE.  Ces  paroles  signifient  que  ce  dénom- 
brement fut  le  premier  de  ceux  qui  s'étendirent  à  tout  l'univers, 
puisque  plusieurs  parties  du  monde  avaient  déjà  été  soumises  à  ce 
dénombrement;  ou  bien  que  l'opération  du  recensement  commença 
lorsque  Cyrinus  fut  envoyé  en  Syrie  (1*).  S.  Amb.  L'Evangéliste  fait 
mention  du  nom  du  gouverneur ,  et  avec  raison ,  pour  bien  préciser 
l'époque  dont  il  parle  ;  si,  en  effet,  on  inscrit  en  tête  des  contrats  de 
vente  le  nom  des  consuls,  n'est-il  pas  bien  plus  juste  de  déterminer 
d'une  manière  certaine,  par  cette  inscription,  le  temps  de  la  rédemption 
du  monde  ? 

BEDE.  Ce  dénombrement,  par  une  disposition  divine,  ordonnait  à 
chacun  de  se  rendre  dans  son  pays  :  «  Et  tous  allaient  se  faire  enre- 
gistrer dans  sa  ville.  »  Dieu  le  voulut  ainsi,  afin  que  la  conception  et 
la  naissance  du  Seigneur  ayant  lieu  dans  deux  endroits  différents,  il 
pût  échapper  plus  facilement  à  la  fureur  du  perfide  Hérode  :  «  Alors 
Joseph  partit  aussi  de  Galilée ,  »  etc.  —  S.  Chrys.  {poiw  la  nativ.  de 
J.-C.)  En  publiant  cet  édit,  l'empereur  Auguste  ne  fût  que  l'instru- 
ment de  la  Providence  divine  ,  qui  voulait  qu'il  secondât  ainsi  la  pré- 
sence de  son  Fils  unique  à  Bethléem  ;  car  cet  édit  amenait  nécessai- 

(1*)  Théophylacte^  dont  tous  les  savants  dans  ces  trois  derniers  siècles  ont  vulgarisé  l'interpréta- 
tion, a  traduit  ainsi  ce  verset  en  reproduisant  la  tradition  antérieure  des  interprètes  hellénistes  : 
n  Ce  dénombrement  précéda  celui  de  Cyrinus,  gouverneur  de  Syrie.  »  On  peut  cependant  s'en 
tenir  au  sens  de  la  Vulgate  et  répondre  à  toutes  les  difficultés  en  disant  :  que  ce  dénombrement 
eut  lieu  en  deux  fois,  et  que  Quirinus  ayant  donné  à  cette  opération  en  deux  actes  sa  forme  com- 
plète et  absolue,  son  nom  prévalut  pour  désigner  l'œuvre  toute  entière.  Voyez  Tholuck,  Essai  sur 
la  ci'édibilité  de  l'histoire  évamjélique ;  Glaire,  Introduction  critique;  etc.  Darras,  Histoire  géné- 
rale de  l'Eglise,  tom.  IV. 


vero  Cœsare  Auguste  42  annum  imperii 
peragente,  exiit  ab  eo  edictum  totum 
orbem  conscribi,  ad  tributa  solveiida, 
quod  cuidam  Cyrino  Cœsar  commiserat, 
quein  Judseae  et  Syriœ  Praesidem  statuit  : 
uude  sequitur  :  «  Haec  descriptio  prima 
facta  est  sub,  »  etc.  Beda.  Signât  hauc 
descriptionem  vel  esse  earum  quœ  totum 
orbem  concluserint,  quia  plerœque  jam 
partes  terrarum  ssepe  leguntur  fuisse 
descriptËb  ;  vel  primo  tune  cœpisse, 
quando  Cyrinus  in  Syriam  missus  est. 
Ambr.  Pulchre  aulem  prœsidis  nomen 
addidit,  ut  seriem  temporis  designaret. 
Nam    si    consules    ascribuntur     tabulis 


emptionis,    quanto   magis  redemptioni 
omnium  debuit  tempus  ascribi  ? 

Beda.  Superna  autem  dispensatioue 
professio  census  ita  descripta  est,  ut  in 
suam  quisque  patriam  ire  juberetur  : 
secundum  quod  sequitur  :  «  Et  ibant 
omues,  ut  proflterentur  singuliin  civi- 
tatem  suam.  »  Quod  ideo  factum  est  ut 
Dominus  alibi  conceptus,  alibi  natus , 
insidiantis  Herodis  furorem  facilius  eva- 
deret  :  unde  sequitur  :  «  Ascendit  autem 
et  Joseph  a  Gabla;a,  »  etc.  Chrys.  (m 
die7n  natalem  Christi.)  Domino  autem 
dirigente  Augustus  hoc  edictum  ceusuit, 
ut  unigeniti  praesentiœ   famuletur  :  nam 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    II.  85 

rement  sa  mère  dans  cette  ville  prédite  par  les  prophètes,  c'est-à-dire 
à  Bethléem  de  Juda  :  «  Joseph  vint  en  Judée ,  à  la  ville  de  David, 
appelée  Bethléem.  » —  Grec,  {oulrénée^  cont.  les  hér.,  m,  2.)  L'Evan- 
géliste  désigne  cette  ville  sous  le  nom  de  ville  de  David  ,  pour  nous 
apprendre  que  la  promesse  que  Dieu  avait  faite  à  David  (que  le  Roi 
éternel  sortirait  de  sa  race)  (1),  se  trouvait  accomplie  ;  c'est  aussi  pour 
cela  qu'il  ajoute  :  «  Parce  qu'il  était  de  la  maison  et  de  la  famille  de 
David.  »  Par  là  même  que  Joseph  était  de  la  race  de  David  ,  l'Evan- 
géliste  prouvait  que  la  Vierge  en  descendait  également,  puisque  la  loi 
divine  ordonnait  que  les  mariages  fussent  contractés  dans  la  même 
famille,  il  se  contente  donc  d'ajouter  :  «  Avec  Marie  son  épouse,  »  etc. 
—  Cyril.  (CA.  des  Pèr.  cjr.  co?m)iepréc.)Va.nie\iT  sacré  dit  :  sa  fiancée, 
insinuant  que  Joseph  et  Marie  n'étaient  que  fiancés  au  moment  de  la 
conception  ;  car  cette  conception  s'est  faite  toute  entière  en  dehors  de 
l'action  de  l'homme  (2*). 

S.  Grég,  {ho)7i.  8  sur  les  Evang.)  Dans  le  sens  mystique ,  le  dé- 
nombrement du  monde  s'opère  lorsque  le  Seigneur  est  sur  le  point  de 
naître,  parce  qu'on  allait  voir  paraître  dans  une  chair  mortelle  celui 
qui  inscrivait  le  nom  de  ses  élus  sur  les  livres  de  l'éternité. — S.  Ambr. 
Il  ne  s'agit  extérieurement  que  d'un  dénombrement  profane  ;  mais 
nous  y  voyons  s'accomplir  le  recensement  spirituel  qui  se  fait,  non  pour 
le  roi  de  la  terre,  mais  pour  le  roi  des  cieux.  La  profession  de  la  foi  chré- 
tienne, c'est  le  recensement  des  âmes  ;  l'antique  recensement  de  la  syna- 
gogue n'existe  plus,  le  nouveau  recensement  de  l'Eglise  chrétienne  lui 
succède.  Enfin  ce  dénombrement  doit  s'étendre  à  tout  l'univers,  n'est-ce 

(1)  «  Je  susciterai  ta  race  après  toi,  le  fils  sorti  de  toi,  et  j'affermirai  son  trône  et  son  règne  pour 
toujours.  i>  11  Reg.,  vu,  12  ;  et^u  Psaume  cxxxi,  11  :  «Je  placerai  sur  votre  trône  un  fils  qui  naîtra 
de  vous.  » 

(2*)  Voyez  la  note  sur  les  paroles  de  saint  Matthieu  :  Joseph  virum  Mariœ. 


hoc  edictum  matrem  attrahebat  in  pa- 
triam,  quam  prophetai  prfedixerant  ; 
scilicet  in  Bethlehem  Judae  :  unde  di- 
f'it  :  «  Civitatem  David,  qufe  vocatiir 
Bethlehem.  »  Grjfx.  {vel  Irenscvs  contra 
hxr.,  lib.  m,  cap.  11.)  Ideo  autem  ad- 
didit  civitatem  David,  ut  promissionem 
factam  David  a  Deo  (quod  ex  frur-tii 
ventris  ejus  rex  perpétuas  adveniret) 
jam  esse  coitipletam  annuntiet  :  unde 
sequitur  :  «  Eo  quod  esset  de  domo  et 
familia  David.  »  Per  hoc  autem  quod 
Joseph  erat  de  cognatioue  David,  cou- 
lentus  fuit  Evangelista  ipsam  quoque 
Virginem  de  cognatione  David  promul- 
gare:  cum  lex  divina  prseciperet  conju- 
gales  copulas  ab  eadem  progenie  con- 


trahi  :  unde  sequitur  :  «  Cum  Maria 
desponsata,  »  etc.  Cyril,  {in  Cat.  Grœ- 
corum  Patvum,  vbi  siip.)  Dicit  autem 
eam  fuisse  desponsatam,  innuens  quod 
solis  sponsalibus  prœcedentibus  est  con- 
ceptio  subsecuta  ;  neque  enim  ex  virili 
semine  sancta  Virgo  concepit. 

Greg.  (in  fiomil.  8,  in  Evang.)  Mys- 
tice  autem  nascituro  Domino  mundus 
describitur  ;  quia  ille  apparebat  in  carne 
qui  electos  suos  ascriberetin  eeternitate, 
Ambr.  Et  diun  professio  secularis  osten- 
ditur,  spiritualis  implicatur  ,  non  terra- 
rum  régi  dicanda,  sed  cœli  :  professio 
ista  fidei,  census  animarum  est  :  abolito 
enim  Synagogse  sensu  vetuslo  ,  novus 
census  Ecclesiae  parabatur.  Denique  ut 


86  EXPLICATION    DE    l'ÉVANGILE 

pas  vous  dire  que  ce  n'est  pas  le  dénombrement  d'Auguste,  mais  celui 
de  Jésus-Christ?  car  qui  pouvait  décréter  le  recensement  du  monde 
entier,  si  ce  n'est  le  Maître  souverain  de  tout  l'univers.  La  terre,  en 
effet,  est  à  Dieu  [Ps.  xxiii),  et  non  pas  à  César.  —  Bède.  Il  remplit 
aussi  parfaitement  la  signification  du  nom  d'Auguste,  puisqu'il  a  tout 
à  la  fois  la  volonté  et  la  puissance  nécessaires  pour  augmenter  le 
nombre  des  siens  (1).  —  Théophyl.  Il  convenait  que  le  Christ  rem- 
plaçât la  religion  du  polythéisme  par  le  culte  d'un  seul  Dieu.  —  Orig. 
{hom.  11.)  Si  nous  voulons  y  faire  attention,  nous  découvrirons  la 
signification  mystérieuse  de  l'inscription  du  Christ  dans  le  dénom- 
brement de  l'univers.  Il  fut  inscrit  sur  le  registre  commun  à  tous, 
pour  les  sanctifier  tous  ;  il  fut  compris  dans  le  dénombrement  de  tout 
l'univers,  pour  entrer  ainsi  en  communion  avec  tous  les  hommes.  — 
BÈDE.  De  même  qu'alors  sous  l'empire  d'Auguste  et  le  gouvernement 
de  Cyriuus  ,  chacun  allait  dans  son  pays  pour  s'y  faire  enregistrer 
et  y  déclarer  ses  biens  ;  de  même  aussi  sous  l'empire  de  Jésus-Christ, 
qui  nous  gouverne  par  les  docteurs  (chefs  de  son  Eglise),  nous  devons 
nous  soumettre  au  recensement  qui  a  pour  objet  la  pratique  de  la 
justice.  —  S.  Ambr.  C'est  donc  ici  le  premier  recensement,  mais  le  re- 
censement des  âmes.  Tous  viennent  s'y  soumettre,  parce  que  nul  n'en 
est  excepté.  Ils  obéissent,  non  à  la  proclamation  des  officiers  publics, 
mais  à  la  prédiction  du  prophète  qui  _,  bien  des  siècles  à  l'avance, 
avait  dit  {Ps.  xlvi)  :  «  Nations,  applaudissez  toutes  des  mains,  chantez 
la  gloire  de  Dieu  par  des  cris  d'allégresse  ,  parce  que  le  Seigneur  est 
élevé  et  redoutable,  qu'il  est  le  roi  suprême  sur  toute  la  terre  (2*).  Et 
pour  qu'on  sache  bien  que  c'est  ici  le  recensement  spirituel  de  la  jus- 
tice, Marie  et  Joseph,  c'est-à-dire  un  juste  et  une  vierge  viennent  s'y 

(I)  Le  nom  d'Auguste  ne  dérive  du  mot  augere,  que  par  une  espèce  d'analogie  entre  les  deux 
mots. 

(2*)  Nous  avons  dû  recourir  ici  au  texte  original  de  saint  Ambroise  pour  compléter  la  phrase 
et  lui  donner  un  sens  satisfaisant. 


scias  sensum  non  Augusti  esse ,  sed 
Christi,  totus  orbis  profiter!  jubetur  : 
quis  autem  poterat  professionem  totius 
orbis  exigere,  nisi  qui  totius  orbis  habe- 
bat  imperium?  Non  enim  Augusti,  sed 
«  Domini  est  terra,  »  etc.  [Psal.  23.) 
Bed.  Qui  etiam  vocabulum  Augusti  per- 
fectissime  complevit,  utputasuos  et  au- 
gere desideraus,  et  augere  sufficiens. 
Theoph.  Convenieus  etiam  erat,  ut  per 
Christum  cultus  multorum  deorum  de- 
ficeret,  et  unus  Deus  coleretur.  Orig. 
(hom.  11.)  Diligentius  autem  intuenti 
sacramentum  quoddam  videtur  figurari  ; 
quod  in  totius  orbis  professione  describi 


oportuit Christum;  ut  cum  omnibus  scri- 
ptus  sanctificaret  omnes,  et  cum  orbe  re- 
latus  in  censum,  communionem  sui  prae- 
beret  orbi.  Beda.  Sicut  autem  tune  im- 
perante  Augusto,  et  prœsidente  Cyrino, 
ibant  singuli  in  suam  civitatem,  ut  profi- 
terentur  censum  ;  sic  modo  imperaute 
Christo  per  doctores  (Ecclesise  praesides) 
profiter!  debemus  censum  justitiae.  Amb. 
Heec  est  ergo  prima  professio  mentium 
Domino,  eu!  omnes  profitenLur;  non 
prseconis  evocalione,  sed  vatis  dicentis 
\Psal.  46y  :  «  Omnes  gentes,  plaudite 
manibus.  »  Denique  ut  sciant  censum 
esse  justitiae,  veuiunt  ad  eum  Joseph  et 


DE   SAINT   LUC,   CHAP.    II.  87 

soumettre,  l'un  qui  devait  être  le  gardien  du  Verbe ,  l'autre  qui  allait 
l'enfanter.  —  Bède.  Notre  ville  et  notre  patrie,  c'est  le  repos  bien- 
heureux vers  lequel  nous  devons  nous  avancer  chaque  jour  par  un 
progrès  continuel  dans  les  vertus.  Chaque  jour  la  sainte  Eglise,  à  la 
suite  de  ses  docteurs ,  se  dégage  du  cercle  toujours  agité  de  la  vie 
mondaine  (ce  que  signifie  le  mot  Galilée)  (1),  pour  venir  dans  la  ville 
de  Juda  (c'est-à-dire  de  la  confession  et  de  la  louange),  et  y  payer  au 
roi  éternelle  tribut  de  sa  piété.  A  l'exemple  de  la  bienheureuse  Vierge 
Marie,  elle  nous  a  conçus  par  l'opération  de  l'Esprit  saint  ;  épouse 
d'un  autre,  elle  est  fécondée  par  ce  divin  Esprit ,  elle  est  unie  visi- 
blement au  souverain  pontife,  qui  est  son  chef,  mais  elle  est  comblée 
des  dons  et  de  la  vertu  invisible  de  l'Esprit  saint  ;  son  nom  même  nous 
indique  que  le  zèle  du  Maître  qui  enseigne  ne  peut  rien,  si  l'assistance 
du  secours  divin  ne  vient  ouvrir  le  cœur  de  ceux  qui  sont  ensei- 
gnés. 

^.  &,  7.  —  Et  pendant  qu'ils  étaient  en  ce  lieu,  il  arriva  que  le  temps  où  elle 
devait  accoucher  s'accomplit.  Et  elle  enfanta  son  premier  né,  elle  l'enveloppa 
de  langes,  et  le  coucha  dans  une  Crèche,  parce  qu'il  n'y  avait  point  de  place 
pour  eux  dans  l'hôtellerie. 

S.  AwBR.  Saint  Luc  rapporte  en  très-peu  de  mots  la  manière  dont 
le  Christ  est  né  ,  le  temps  et  le  lieu  de  sa  naissance  selon  la  chair  : 
rt  Pendant  qu'ils  étaient  là,  il  arriva  que  le  temps  où  elle  devait  en- 
fanter s'accomplit,  »  etc.  Le  mode  de  sa  naissance,  c'est  qu'une  femme 
qui  était  mariée  l'a  conçu,  et  qu'elle  l'a  engendré  en  demeurant  vierge. 

(1)  Suivant  le  sens  du  mot  hébreu  que  nous  avons  déjà  indiqué,  bien  que  la  signification  la 
plus  communément  donnée  g,  ce  mot  soit  celle  de  transmigration.  Ce  que  l'auteur  ajoute  en  par- 
lant de  la  ville,  de  la  confession  et  de  la  louange  est  une  allusion  à  la  signification  du  mot  hébreu 
Juda,  qui  veut  dire  confessant  ou  louant. 


Maria;  hoc  est,  justus  et  virgo  :  ille,  qui 
verbum  servaret,  ista,  quee  pareret.BED. 
Civitas  nostra  etpatria,  eslrequies  beata, 
ad  quam  crescentibus  quotidie  virtuti- 
bu3  ire  debemus.  Quotidie  autem  sancta 
Ecclesia  suum  comitata  doctorem  de 
rota  mundanœ  conversationis  (quod 
Galileea  sonat)  in  civilatem  Juda  (sciiicet 
confessionis  et  iaudis)  ascendens,  cen- 
sura suae  devotioniô  régi  œterno  persol- 
vit;  quae  in  exemplo  beatfP  Virginia  Ma- 
riae  concipit  nos  Virgo  de  Spiritu  ;  quœ 
alii  quidem  desponsata  ab  illo  fecunda- 
tur,  dum  praeposito  sibi  Pontifici  visibi- 
liter  jungitur ,  sed  invisibiii  Spiritus 
virtute  cumulatur;  indicans  ipso  nomine, 


quod  instantia  loquentis  magistri  nil 
valet,  nisi  augmentum  superni  juvami- 
nis  (ut  audiatur)  acceperit. 

Faclum  est  autem  cum  essent  ibi,  impleti  sunt 
dies  ut  pareret.  Et  peperit  filium  suum  primo- 
genitum,  et  pannis  euni  involvit ,  et  reclinavit 
eum  in  prœsepio ,  quia  non  erat  ei  locus  in  di- 
versorio. 

Ambr.  Breviter  sanctus  Lucas,  et  que 
modo  et  quo  tempore,  et  quo  etiani  loco 
secundum  carnem  Chrislus  natus  sit, 
explicavit  dicens  :  «  Factum  est  autem^ 
cum  essent  ibi,  impleti  sunt  dies  ut  pa- 
reret, »  etc.  Quomodo  quidem;  quia 
nupta    concepit ,    sed   virgo  generavit. 


88 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


—  S.  Grég.  de  Nysse.  [Ch.  des  Pèr.  gr.)  En  effet ,  en  se  revêtant  de 
notre  humanité,  il  n'est  point  soumis  en  tout  aux  lois  de  la  nature 
humaine.  Il  naît  d'une  femme,  il  est  vrai,  et  c'est  la  part  de  l'huma- 
nité ;  mais  la  virginité  qui  lui  a  donné  naissance,  montre  qu'il  est  su- 
périeur à  l'homme.  Cette  divine  Vierge  l'a  porté  sans  souffrance ,  sa 
conception  est  sans  tache ,  son  enfantement  sans  difficulté  ,  sa  nais- 
sance sans  souillure  ,  sans  déchirement  et  sans  douleurs.  Celle  qui  a 
déposé  dans  notre  nature  le  germe  de  la  mort  par  sa  désobéissance,  a 
été  condamnée  à  enfanter  dans  la  douleur;  la  mère  de  celui  qui  est  la 
vie  devait  enfanter  dans  la  joie.  Il  entre  dans  cette  vie  mortelle  par  la 
pureté  incorruptible  d'une  vierge,  à  l'époque  de  l'année  où  les  ténèbres 
commencent  à  diminuer,  et  où  la  longueur  des  nuits  cède  néces- 
sairement devant  les  flots  de  lumière  que  répand  l'astre  du  jour.  En 
effet,  la  mort  du  péché  avait  atteint  le  terme  de  sa  gravité  ,  dès  lors 
elle  allait  disparaître  devant  la  clarté  de  la  vraie  lumière  qui  allait  ré- 
pandre sur  tout  l'univers  les  rayons  éclatants  de  la  prédication  évan- 
gélique. 

Bède.  Le  Christ  a  daigné  s'incarner  encore  à  cette  époque ,  afin 
qu'aussitôt  sa  naissance  ,  il  fût  compris  dans  le  dénombrement  com- 
mandé par  César  Auguste  ,  et  soumis  lui-même  à  la  servitude  pour 
nous  délivrer.  Il  naît  à  Bethléem,  non-seulement  pour  prouver  sa  des- 
cendance royale  ,  mais  à  cause  de  la  signification  mystérieuse  de  ce 
nom.  —  S.  Grég.  (Jiom.  8  sur  les  Evang.)  Car  Bethléem  veut  dire 
maison  du  pain;  c'est  lui,  en  effet,  qui  a  dit  :  «  Je  suis  le  pain  vivant 
descendu  du  ciel.  »  Le  lieu  donc  où  naquit  le  Sauveur  était  appelé 
maison  du  pain,  parce  qu'on  devait  y  voir  apparaître  dans  une  chair 
mortelle,  celui  qui  rassasie  intérieurement  les  âmes  des  élus.  —  Bède. 


Greg.  Nyss.  (in  Cat.  Grœcorum.)  Ap- 
parens  enira  ut  liomo,  non  per  omuia 
legibus  humaufe  naturte  subjicitur.  Nam 
quod  ex  muliere  nascitur,  Immanitatem 
redolet  :  virginitas  vero  quae  ortui  de- 
servivit ,  ostendit  quod  transcenderet 
hominem.  Hujus  ergojucunda  portatio 
ortu3  immaculatus,  partus  facilis,  absque 
corruptela  uativitas,  nec  ex  luxu  inci- 
pienSj  Dec  doloribus  editus  :  quia  nam- 
que  ea  quae  uaturse  uostrse  mortem  per 
culpam  inseruit,  damnata  est  ut  cum 
doloribus  pareret,  oportebat  parentem 
vitae  cum  gaudio  partum  perîicere.  Eo 
autem  tempore  per  incorruptionem  vir- 
gineam  ad  vitam  transmigrât mortalium, 
in  quo  diminui  incipiuût  tenebrae,  et 
nocturna  inimensitas  exuberantia  radii 
deficere  cogitur  :  mors  enim  peccati  fi- 


nem  gravitatis  attigerat,  sed  de  csetero 
tendit  ad  uihilum  propter  verfe  lucis 
prœsentiam.  quœ  radiis  evangelicis  to- 
tum  oi'bem  lustravit. 

Bed.  Eo  etiam  tempore  dignatus  est 
incarnari,  quo  mox  nalus  censui  Ca^sa- 
ris  ascriberetur,  atque  ob  nostri  libera- 
tionem  ipse  servitio  subderetur  :  bene 
etiam  non  solum  propter  indicium  regii 
stemmatis,  sed  etiam  propter  uominis 
sacramentum ,  Domiuus  in  Bethlehem 
nascitur.  Greg.  (hom.  8,.  in  Evang.) 
Betbiehem  quippe  doinus  punis  inter- 
pretatur  :  ipse  namque  est  qui  ait  : 
«  Ego  sum  panis  vivus  qui  de  cœlo  des- 
cendi.  »  Locus  ergo  in  quo  Domiuus 
nascitur,  domus  panis  antea  vocabatur, 
quia  futurum  erat  ut  ibi  ille  per  natu- 
ram   carnis   appareret^    qui   electorum 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    II.  89 

Jusqu'à  la  consommation  des  siècles,  le  Seigneur  ne  cesse  point  d'être 
conçu  à  Nazareth,  de  naître  à  Bethléem  ;  en  efifet ,  chacun  de  ses  dis- 
ciples qui  reçoit  en  lui  la  fleur  du  Verbe,  devient  la  maison  du  pain 
éternel  ;  chaque  jour  encore  ,  il  est  conçu  par  la  foi  dans  un  sein  vir- 
ginal, (c'est-à-dire  dans  l'àme  des  croyants),  et  il  est  engendré  par  le 
baptême. 

«  Et  elle  enfanta  son  premier  né.  »  —  S.  Jér.,  {cont.  Eelv.)  Helvi- 
dius  s'efiforce  de  prouver  par  ce  passage  qu'on  ne  peut  donner  le  nom 
de  premier  né  qu'à  celui  qui  a  des  frères  ;  de  môme  qu'on  appelle  fils 
unique  celui  qui  est  le  seul  enfant  de  ses  parents.  Pour  nous  ,  voici 
notre  explication  :  Tout  fils  unique  est  premier  né ,  mais  tout  premier 
né  n'est  pas  fils  unique.  Nous  appelons  premier  né ,  non  pas  celui 
après  lequel  naissent  d'autres  enfants,  mais  celui  qui  est  né  le  premier 
de  tous  (1).  En  effet,  si  on  n'est  le  premier  né,  qu'autant  qu'on  aura  des 
frères  après  soi,  les  prêtres  n'auront  aucun  droit  sur  les  premiers  nés, 
avant  la  naissance  d'autres  enfants  ;  car  alors  au  défaut  de  ces  autres 
enfants,  il  y  aurait  un  fils  unique,  il  n'y  aurait  point  de  premier  né. 
—  BEDE.  Jésus  est  aussi  fiJs  unique  dans  sa  nature  àWme  ^  premier 
né  dans  son  union  avec  l'humanité  ;  prem/erne  dans  la  grâce,  unique 
dans  sa  nature.  —  S.  Jér.  [cont.  Eelv.)  Personne  ne  reçut  l'enfant  à 
sa  naissance ,  aucune  femme  ne  donna  à  Marie  les  soins  ordinaires, 
elle  seule  enveloppa  son  enfant  de  langes,  elle  fut  à  la  fois  la  mère  et 
oelle  qui  reçut  l'enfant  :  «  Et  elle  l'enveloppa  de  langes.  »  —  Bède. 
Celui  qui  revêt  la  nature  de  sa  parure  si  variée ,  est  enveloppé  dans 

(1)  Allasion  à  la  loi  sur  les  premiers-nés  (Nomb.,  xviii,  15),  où  Dieu  dit  à  Aaron  et  à  ses  en- 
fants :  «  Tous  les  premiers-nés  seront  pour  toi,  à  condition  cependant  que  tu  recevras  le  prix  pour 
le  premier-né  de  l'homme.  » 


mentes  interna  satietate  reficeret.  Bed. 
Sed  et  usque  ad  consummationem  seculi 
Dominus  in  Nazareth  concipi,  in  Betiile- 
hem  nasci  non  desinil;  ciim  quilibet 
audientium  verbi  flore  suscepto  domum 
in  se  œterni  panis  efficit  ;  quotidie  in 
utero  virginali  (hoc  est,  in  animo  cre- 
dentium)  per  fidem  concipitur,  per  bap- 
tisnium  gignilur. 

Sequitur:  «  Et  peperit  primogenitum 
suum,  »  etc.  Hiek.  {contra  Ilelrid.)  Ex 
ho<;  Helvidius  nititur  apprubare  primo- 
genitum dici  non  posse,  nisi  eiuu  (jni 
habeat  et  fratres;  sicut  unigenitus  ilie 
vocatur,  qui  parentibus  sit  solus  filius. 
Nos  autem  ita  diffinimus:  linigenilus 
oninis  est  primogenitus,  non  oiniiis  pri- 
mogenilus  est  unigenitus.  Primogeni- 


tum non  esse  dicimus  euni  quem  ahi 
subsequuntur,  sed  ante  quem  nullus  ; 
alioquin  si  non  est  primogonitus,  nisi  is 
quem  sequantur  et  fratres,  tandiu  sa- 
cerdotibus  primogenita  non  debentur, 
quandiu  et  alii  non  fuerint  procreati  ; 
ne  forte  partu  postea  non  sequente, 
unigenitus  sit  et  non  primogenitus.  Bed. 
Est  ctiam  unigenitus  in  substantia  Divi- 
nitatis ,  primogenitus  in  susceptione 
Immauitatis  ;  j^rimogenitus  in  gratia, 
unigenitus  in  natura.  Hier.  {Contra 
Helvidium.)  Nulla  autem  ibi  obstetrix, 
nulia  muliercularum  soliicitudo  inter- 
cessit  :  ipsa  pannis  involvit  infanlem  , 
ipsa  mater  et  obstetrix  fuit  :  unde  se- 
quitur: «Et  pannis  eum  involvit.  «Bed. 
Qui  tolum  muudum  varie  vestit  ornatu, 


90 


EXPLICATION   DE    l'ÉVANGILE 


de  pauvres  langes,  afin  que  nous  puissions  recouvrir  la  robe  pre- 
mière de  notre  innocence  ;  celui  par  qui  tout  a  été  fait,  voit  ses  mains 
et  ses  pieds  comme  enchaînés,  afin  que  nos  mains  soient  libres  pour 
toute  sorte  de  bonnes  œuvres ,  et  que  nos  pieds  soient  dirigés  dans  la 
voie  de  la  paix. 

S.  Grec,  {ou  Métaphraste ^  Ch.  des  Pèr.  gr.)  A  quels  admirables 
abaissements  se  réduit,  à  quels  voyages  lointains  s'assujettit  celui  qui 
contient  le  monde  entier  dans  son  immensité  1  Dès  son  entrée  dans  le 
monde,  il  recherche  la  pauvreté  et  la  rend  honorable  dans  sa  per- 
sonne. —  S.  Chrys.  [hom.  pour  la  naiiv.  de  J.-C.)  Sans  doute,  s'il 
eût  voulu,  il  pouvait  venir  en  ébranlant  les  cieux,  en  faisant  trembler 
la  terre,  en  lançant  la  foudre  ;  il  a  rejeté  tout  cet  appareil ,  car  il  ve- 
nait, non  pour  perdre,  mais  pour  sauver  l'homme,  et,  dès  sa  naissance, 
fouler  aux  pieds  son  orgueil.  11  ne  lui  suffit  donc  pas  de  se  faire 
homme,  il  se  fait  homme  pauvre  ,  et  il  choisit  une  mère  pauvre,  qui 
n'a  point  même  de  berceau. pour  y  déposer  son  enfant  nouveau  né  : 
«  Et  elle  le  coucha  dans  une  crèche.  —  Bède.  Celui  qui  a  le  ciel  pour 
trône,  se  renferme  dans  une  crèche  étroite  et  dure  pour  dilater  nos 
cœurs  par  les  joies  du  royaume  des  cieux  ;  celui  qui  est  le  pain  des 
anges  est  déposé  dans  une  crèche,  pour  nous  nourrir  comme  un  trou- 
peau sanctifié  du  pur  froment  de  sa  chair  divine.  —  Cyril.  {Ch.  des 
Pèr.  gr.)ll  a  trouvé  l'homme  devenu  charnel  et  animal  jusque  dans 
son  âme,  et  il  se  place  dans  la  crèche  comme  nourriture ,  afin  qu-e 
nous  changions  cette  vie  tout  animale  pour  arriver  au  discernement 
et  à  l'intelligence  dignes  de  l'homme,  nourris  que  nous  sommes,  non 
de  l'herbe  des  champs,  mais  du  pain  céleste,  du  corps  de  vie.  —  Bède. 
Celui  qui  est  assis  à  la  droite  de  Dieu  le  Père  ,  manque  de  tout  dans 


pannis  vilibus  involvitur,  ut  nos  stolam 
primam  recipere  valeamus  ;  per  quem 
omnia  facta  suiit,  manus  pedesque  astrin- 
gitur,  ut  nostrai  manus  ad  opus  bonura 
exertse,  pedesque  siut  in  viam  pacis  di- 
rect!. 

Gu.EC.  {vel  Metaphrastes,  in  Catena. 
Grœcorian  Patrum.)  0  admirabilem  co- 
arctationem  et  peregrinationeui,  quam 
subiit  qui  continet  orbem  !  Ab  initio 
captât  penuriam,  et  eam  in  seipso  dé- 
corât (seu  honorât.)  Et  Chrys.  {hom. 
in  diem  Christi  notalem.)  Nimirum  si 
voluisset,  venire  poterat,  movendo  cœ- 
lum,  concutiendo  terram,  emittens  ful- 
mina :  non  autem  sic  processit  :  non 
enim  perdere,  sed  salvare  volebat  ;  et 
ab  ipsisprimordiishumanam  conculcare 


superbiam  ;  atque  idée  non  tantum 
homo  fit,  sed  etiam  homo  pauper;  et 
pauperem  matrem  eligit,  quee  caret  cu- 
nis,  quibus  natum  infantem  reclinet.  Se- 
quitur  enim  :  «  Et  reclinavit  eum  in 
praesepio.  »  Bed.  Duri  praesepis  angus- 
tia  conlinetur,  oui  cœlum  sedes  est,  ut 
nos  per  cœlestis  regni  gaudia  dilatet  ; 
qui  panis  est  angelorum,  in  prœsepio 
reclinatur,  ut  nos  quasi  sancta  auimalia 
carnis  suse  frumento  reficiat.  Cyril,  [in 
Cat.  Grœcormn  Patrum.)  Reperit  etiam 
liominem  factum  bestialem  in  anima, 
et  ideo  in  praesepio  loco  pabuli  ponitur, 
iit  vitam  bestialem  mutantes,  ad  conso- 
nam  homini  perducamur  scientiam  ; 
pertingentes  non  fœnum,  sed  panem 
cœlestem,  vitse  corpus.  Bed.  Qui  autem 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    II.  94 

une  pauvre  retraite  (1),  pour  nous  préparer  plusieurs  demeures  dans 
la  maison  de  son  Père  {Jean ,  xiv,  %  :  «  Car  il  n'y  avait  point  de 
place  pour  eux  dans  les  hôtelleries.  »  Il  naît,  non  dans  la  maison  de 
ses  parents,  mais  dans  un  lieu  étranger,  et  en  voyage,  parce  que  dans 
le  mystère  de  son  incarnation,  il  est  devenu  la  voie  qui  nous  conduit 
à  la  patrie  (où  nous  jouirons  pleinement  de  la  vérité  et  de  la  vie)  (2*). 
—  S.  Grég.  {hom.  8  su?'  les  Evang.)  C'est  aussi  pour  nous  en- 
seigner qu'en  prenant  notre  humanité ,  il  naissait  comme  dans  un 
lieu  étranger,  non  à  sa  puissance,  mais  à  la  nature  dont  il  se  re- 
vêtait. 

S.  Ambr.  C'est  pour  vous  qu'il  s'abaisse  à  cet  état  d'infirmité ,  lui 
qui  est  en  lui-même  toute  puissance  ;  pour  vous,  qu'il  se  réduit  à  cette 
pauvreté,  lui  qui  possède  toute  richesse.  Ne  vous  arrêtez  point  à  ce 
que  vous  voyez,  mais  considérez  que  c'est  parla  que  vous  êtes  racheté. 
Seigneur  Jésus ,  je  dois  plus  à  vos  humiliations  qui  m'ont  racheté, 
qu'aux  œuvres  de  votre  puissance  qui  m'ont  créé.  Que  m'eût-il  servi 
de  naître  sans  le  bienfait  inestimable  de  la  rédemption  ? 

y.  8-12.  —  Or,  il  y  avait  là  aux  environs  des  bergers  qui  passaient  la  nuit  dans  les 
champs,  veillant  tour  à  tour  à  la  garde  de  leurs  troupeaux.  Et  tout  d'un  coup, 
un  ange  du  Seigneur  parut  auprès  d'eux,  et  une  lumière  divine  les  environna, 
ce  qui  les  remplit  d'une  grande  frayeur.  Et  l'ange  leur  dit  :  Ne  craignez  poiiit , 
car  je  viens  vous  annoncer  une  nouvelle  qui  sera  pour  tout  le  peuple  le  sujet 
d'une  grande  joie  ;  c'est  qu'aujourd'hui,  dans  la  ville  de  David,  il  vous  est  né 
un  Sauveur]qui  est  le  Christ,  le  Seigneur.  Et  voici  ce  qui  vous  servira  de  signe 

(1)  Allusion  à  ces  paroles  de  Jésus-Christ  [Jean,  xiv)  :  «  Je  suis  la  voie,  la  vérité  et  la  vie.  » 
(2*)  11  y  avait  à  Bethléem  une  forteresse  construite  autrefois  par  David  et  qui  était  tombée  en 
ruine  après  l'émigration  des  Juif)}.  Elle  parait  avoir  servi  longtemps  encore  d'abri  aux  voyageurs, 
pour  eu\  et  pour  leurs  bêtes  de  somme,  comme  une  espèce  de  caravansérail.  Les  bergers  s'y  réfu- 
giaient avec  leurs  troupeaux,  cherchant  un  refuge  sous  ses  arcs  et  ses  voûtes,  contre  la  chaleur,  les 
vents  et  la  pluie,  et  un  lieu  de  repos  pour  la  nuit.  C'est  là,  suivant  une  ancienne  tradition  que 
Joseph  et  Marie  cherchèrent  un  abri  (Vie  de  Jésus-Christ,  par  le  docteur  Sepp,  II  partie,  chap.  vi.) 


ad  dexteram  Patris  sedet,  in  diversorio 
loco  eget,  ut  nobis  in  domo  Patris  sui 
multas  mansiones  prœparet.  [Jonn.,  14.) 
Unde  sequilur  :  «  Quia  non  erat  ei  locus 
in  diversorio.  »  Nascitur  non  in  pareu- 
tum  domo,  sed  in  diversorio  et  in  via  ; 
quia  per  incarnationis  mysterium  via 
factus  est,  qua  nos  ad  patriam  (ubi  ve- 
ritate  et  vita  fruemur)  adduceret.  Greg. 
[in  hom.  8,  in  Evang.)  Et  ut  ostenderet, 
quia  per  humanitalem  quam  assumpse- 
ral,  quasi  in  alieno  nascebalur  ;  non 
secunduni  potestatem,  sed  secunduni 
naturam. 
A.MUR.  Propter  te  ergo  iufirmitas,  in 


se  potentia  ;  propter  te  inopia,  in  se 
opulenlia  :  noli  hoc  œstimare  quod  cer- 
nis,  sed  quod  redinieris  agnosce.  Plus, 
Domine  Jesu,  injuriis  tuis  debeo  quod 
redemptus  sum,  quam  operibus  quod 
creatus  :  non  prodesset  nasci,  nisi  etiam 
redimi  profuisset. 

Et  paslore:  erant  in  regione  eadem  vigilantes , 
et  custodientes  vigilias  noctis  super  gregem 
suum.  Et  ecce,  angélus  Dnmini  sletit  juxta  il- 
los,  et  claritas  Dei  circumfulsitillos,  et  timue- 
runt  timoré  magno.  Et  dixit  illis  Angélus  : 
Nolite  timere  :  ecee  enim  evangelizo  vobis  gau- 
dium  magnum ,  quod  erit  omni  pnpulo  ;  quia 
natus  est  vobis  hodie  Salvator,  qui  est  Chris- 


92 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


pour  le  reconnaître  :  Vous  trouverez  un  enfant  enveloppé  de  langes  et  couché 
datis  une  crèche. 

S.  Ambr.  Voyez  comme  Dieu  prend  soin  d'établir  et  de  confirmer  la 
foi,  c'est  un  ange  qui  instruit  Marie,  un  ange  qui  instruit  Joseph,  un 
ange  encore  qui  instruit  les  bergers  dont  il  est  dit  :  «  Il  y  avait  aux 
environs  des  bergers  qui  passaient  la  nuit,  »  etc.  —  S.  Ghrys.  {Ch. 
des  Pèr.  gr.)  L'ange  apparut  à  Joseph  pendant  son  sommeil,  comme 
à  un  homme  qu'il  était  facile  d'amener  à  la  foi,  il  apparaît  visible- 
ment aux  bergers,  et  plus  ignorants,  et  plus  grossiers.  Cet  ange  ne  se 
rend  point  à  Jérusalem,  il  ne  s'adresse  pas  aux  scribes  et  aux  phari- 
siens, ils  étaient  trop  corrompus  et  victimes  de  leur  noire  envie.  Mais 
ces  bergers  étaient  simples  et  conservaient  les  habitudes  patriarchales 
et  les  traditions  de  Moïse.  Or  l'innocence  est  une  voie  sûre  qui  conduit 
à  la  sagesse.  —  Bède.  {hom.)  Dans  toute  l'histoire  de  l'Ancien  Testa- 
ment, où  les  apparitions  des  anges  aux  patriarches  avaient  des  carac- 
tères si  particuliers,  nous  ne  voyons  nulle  part  qu'ils  aient  apparu  en- 
vironnés de  lumière,  c'était  un  privilège  réservé  au  temps  où  au 
milieu  des  ténèbres,  la  lumière  s'est  levée  pour  les  cœurs  droits  :  «  Et 
une  clarté  divine  les  environna.  »  —  S.  Ambr.  Jésus  sort  du  sein  d'une 
mère  mortelle,  mais  il  brille  du  plus  haut  des  cieux,  il  est  couché  dans 
un  asile  terrestre,  mais  il  resplendit  d'une  lumière  céleste. 

Grec,  {ou  Géom.,  Ch.  des  Pèr.  gr.)  Ce  miracle  les  remplit  de 
frayeur  :  «  Et  ils  furent  saisis  de  crainte,  »  etc.  Mais  l'ange  dissipe 
bientôt  cette  frayeur  qui  les  trouble  :  «  Et  il  leur  dit,  »  etc.  Non  con- 
tent d'apaiser  leur  crainte,  il  leur  inspire  un  vif  sentiment  de  joie. 
Entendez  en  effet  la  suite  :  «  Voici  que  je  vous  annonce  le  sujet  d'une 


tus  Dominus  in  civitate  David  :  et  hoc  vobis  si- 
gnum  :  invenietis  infantem  pannis  involutum 
et  positum  in  prœsepio. 

Ambr.  Videte  quemadmodum  diviaa 
cura  fidem  astruat.  Angélus  Mariam , 
angélus  Joseph,  angélus  pastores  edocet  ; 
de  quibus  dicitur  :  «  Et  pastores  erant 
in  regione  eadem  vigilantes ,  »  etc. 
Chrys.  {in  Cat.  Grœcor%im  Patruvi.) 
Joseph  quidem  in  somnis  apparuit  angé- 
lus tanquani  homini  qui  facile  ad  cre- 
dendum  induci  posset  :  pastoribus  au- 
tem  visibiliter  quasi  rudioribus:  non 
autem  angélus  ivit  in  Hierosolymam, 
non  requisivit  scribas  etpharisseos  (erant 
enim  corrupti,  et  prœ  invidia  cruciaban- 
tur.)  Sed  hi  erant  sinceri  antiquam  con- 
versationem  patriarcharum  et  Moysi  co- 
leutes.  Est  autem  semila  ([uaedam  ad 
philosophiam  perducens  iuaoceutia.BED. 


[in  fiom.)  Nusquam  autem  in  tota  vete- 
ris  Testament!  série  reperimus  angelos 
qui  tam  sedulo  apparuere  patribus,  cum 
luce  apparaisse  :  sed  hoc  privilegium 
recte  huic  tempori  est  servatum,  quando 
exortum  est  in  tenebris  lumen  rectis 
corde  {Psal.  111)  ;  unde  sequitur  :  «  Et 
claritas  Dei  circurafulsit  illos.  »  Ambr. 
Ex  utero  funditur,  sed  coruscat  a  cœlo  ; 
terreno  in  diversorio  jacet,  sed  cœlesti 
lumine  viget. 

Gr.ec.  (vel  Geometer  in  Cat.  Grceco- 
rum  Patntm.)  Verum  pavidi  facti  sunt 
in  miraculo  :  unde  sequitur  :  «  Et  timue- 
runt,  »  etc.,  sed  angélus  cum  pavor  in- 
gruerit,  fugat  ipsum  :  unde  sequitur  ; 
«  Et  dixit  illis,  »  etc.  Non  solum  sedat 
terrorem,  sed  etiam  alacritatem  infuudit. 
Sequitur  enim  :  «  Ecce  enim  evangelizo 
vobis  gaudium  magnum,  »  etc.,  non  soli 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    II.  93 

grande  joie^  »  etc.,  non-seulement  pour  le  peuple  juif,  mais  pour 
tous  les  hommes.  Quelle  est  la  cause  de  cette  joie,  c'est  cet  enfantement 
nouveau  et  vraiment  admirable  d'après  les  noms  que  l'ange  donne  à 
cet  enfant.  Il  ajoute  :  «  Parce  qu'il  vous  est  né  aujourd'hui  un  Sau- 
veur, qui  est  le  Christ,  le  Seigneur.  Le  premier  de  ces  noms  (celui  de 
Sauveur),  exprime  l'action;  le  troisième  (celui  de  Seigneur),  la  ma- 
jesté. —  Cyril.  (  Chaîne  des  Pères  grecs.)  Le  nom  qui  est  au  mi- 
lieu (celui  de  Christ),  désigne  l'onction,  il  n'exprime  pas  la  nature, 
mais  l'union  hypostatique  des  deux  natures.  Nous  croyons  que  Jésus- 
Christ  notre  Sauveur,  a  reçu  une  onction  solennelle,  ce  n'est  pas  cette 
onction  figurative  (teUe  que  les  rois  la  recevaient  autrefois  avec  l'huile 
sainte),  et  qui  était  conférée  par  une  grâce  prophétique.  Ce  n'est  point 
non  plus  cette  onction  conférée  pour  l'accomplissement  d'un  grand 
dessein ,  comme  nous  le  voyons  dans  ce  passage  d'Isaïe  (ch.  xlv)  : 
«  Voici  ce  que  dit  le  Seigneur  à  Cyrus  qui  est  son  Christ.  »  Il  l'appelle 
son  Christ,  quoiqu'il  fût  idolâtre,  parce  qu'il  devait  exécuter  le  décret 
de  Dieu  en  s'emparant  de  toute  la  province  de  Babylone.  Mais  pour  le 
Sauveur,  il  a  reçu  l'onction  comme  homme  et  dans  la  forme  de  l'esclave 
qu'il  avait  prise,  et  il  donne,  en  tant  que  Dieu,  l'onction  de  l'Esprit 
saint  à  tous  ceux  qui  croient  eu  lui. 

Greg.  {ou  Géom.)  L'ange  leur  fait  connaître  ensuite  le  moment  de 
cette  naissance  :  «  Aujourd'hui;  »  le  lieu  :  «  Dans  la  ville  de  David  ;  »  et 
les  signes  pour  le  reconnaître  :  «  Et  voici  le  signe  que  je  vous  donne,  »  etc. 
C'est  ainsi  que  les  anges  annoncent  à  des  pasteurs  le  prince  des  pasteurs 
qui  naît  et  se  manifeste  comme  un  agneau  dans  une  étable.  —  Bède. 
Tout  ce  qui  a  rapport  à  l'enfance  du  Sauveur  nous  est  clairement  en- 
seigné, et  par  les  déclarations  fréquentes  des  anges,  et  par  les  nom- 


populo  Judceorum,  sed  eliam  omnibus. 
Causa  autem  gaudii  ostenditur,  novus  et 
admirabilis  partus,  qui  manifestatur  ex 
ipsis  nomiuibus  :  nam  sequitur:  «  Quia 
natus  est  vobis  hodie  Salvator,  qui  est 
Christus  Dominus,  »  quorum  primum 
(id  est,  Salvator)  est  actionis,  tertium 
autem  (sr;ilicet  Dominus)  est  majestatis. 
Cyril,  {in  Cat.  (irœcorum,  ubi  sup.) 
Sed  id  quod  iu  medio  pouitur  (scilicet 
Christus)  est  unctionis,  et  non  naturani 
signilicat,  sed  bypostasiui  coir.posilam. 
In  Christo  enim  Salvatore  uuctiouein 
fore  celebratani  falemur^  non  tainen  li- 
guralem  (sicut  olini  in  regiijus  ex  oleo) 
quasi  ex  propbetica  gratia,  nequo  ad 
perfectionem  alicujus  negotii,  juxta  illud 
Isai£E  {cap.  45)  :  «  Haec  dicit  Dominas 


Christo  meo  Cyro;  »  qui  quanquam  esset 
idololatra,  dictus  est  Christus,  ut  cœli 
censura  tolam  occuparet  Babyloniorum 
provinciam  :  fuit  autem  unclus  Salvator 
Spiritu  sanctohumanitus  in  forma  servi; 
ungcns  aulcm  ut  Deus  Spiritu  sancto 
credentes  in  eum. 

Gr^c.  [vel  Geometer ,  ubi  supra) 
Hujus  autem  nativitatis  et  tempus  os- 
tendit,  cum  dicit:  Jfodie;  et  locum, 
cuui  subdit  :  «  In  civitate  David;»  et 
sii,nia^  cum  subjungit  :  «  Et  hoc  vobis 
signuni,  »  etc.  Ecce  pastoribus  augeli 
pastorem  prœcipuum  pra^dicant,  tan- 
quam  agnum  in  antro  manifeslatum  et 
editum.  Beda.  Crebris  autem  iufantia 
Salvatoris  et  angelorum  pra^coniis,  et 
et  Evangelistarum    nobis    est   inculcala 


9i 


EXPLICATION    DE  l'ÉVANGILE 


breiix  témoignages  des  Evangélistes_,  pour  graver  plus  profondément 
dans  nos  cœurs  les  mystères  opérés  pour  notre  salut.  Et  remarquez 
le  signe  auquel  ils  rccounaitrout  le  Sauveur  qui  vient  de  naître.  Ce 
n'est  pas  un  enfant  enveloppé  dans  une  pourpre  éclatante,  mais  dans 
de  misérables  langes,  il  n'est  point  couché  sur  des  tapis  brochés  d'or, 
ils  le  trouveront  dans  une  crèche.  —  S.  Maxime,  {serm.  sur  la  Nativ.) 
Si  ces  langes  vous  semblent  misérables,  admirez  le  concert  de  louanges 
des  esprits  célestes.  Si  la  crèche  vous  inspire  du  mépris,  élevez  un 
peu  les  yeux,  et  contemplez  cette  nouvelle  étoile  qui  annonce  au 
monde  la  naissance  du  Seigneur.  Vous  croyez  à  ce  qui  est  abaissement 
dans  ce  mystère,  croyez  aussi  à  tout  ce  qu'il  a  de  merveilleux  ;  et  si 
les  humiliations  qu'il  renferme  sont  pour  vous  matière  à  discussion, 
que  le  caractère  de  grandeur  et  de  divinité  dont  il  est  empreint,  soit 
l'objet  de  votre  vénération. 

S.  Gkég.  {hom.  8  sur  les  Ev.)  Dans  le  sens  mystique,  l'apparition 
de  l'ange  aux  bergers  qui  veillaient  sur  leurs  troupeaux,  et  la  clarté 
divine  qui  les  environna  nous  apprennent  que  ceux  qui  gouvernent 
avec  sollicitude  les  brebis  fidèles  qui  leur  sont  confiées,  sont  admis  de 
préférence  à  tous  les  autres,  à  contempler  les  mystères  les  plus  su- 
blimes; et  tandis  qu'ils  veillent  religieusement  sur  leur  troupeau,  la 
grâce  divine  répand  sur  eux  des  flots  de  lumière.  —  Bède.  (hom.)  Ces 
pasteurs  de  troupeaux  représentent  en  effet  les  docteurs  et  les  direc- 
teurs des  âmes  fidèles  ;  la  nuit  pendant  laquelle  ils  veillaient  tour  à 
tour  sur  leur  troupeau,  figure  les  dangers  des  tentations  dont  ils  ne 
cessent  de  défendre,  s'en  préservant  eux-mêmes  et  les  âmes  qui  leur  sont 
soumises.  Ce  n'est  pas  d'ailleurs  sans  dessein  que  les  bergers  veillent 
sur  leur  troupeau  à  la  naissance  du  Seigneur  qui  dit  de  lui-même 
{Joan.,  x)  •  «  Je  suis  le  bon  pasteur,  »  car  aussi  bien  le  temps  approche 


testimoniis  ;  ut  nostris  altius  cordibus 
quid  pro  nobis  factum  sit,  infigatur.  Et 
notandum  quod  signum  nati  Salvatoris, 
datur  non  tyrio  exceptum  ostro,  sed 
pannis  squalentibus  involutuni  ;  non  in 
ornatis  auro  stralorii.s,  sed  in  prœsepi- 
bus  inveniendum.  Maximcs.  {in  sei'm. 
Nativ.,  serm.  4.)  Sed  si  tibi  panni  for- 
tassis  vilescunt,  angelos  collaudantes 
admirare.  Si  praesepe  despicis,  érige 
parumper  oculos ,  et  novam  in  cœlo 
stellam  protestantem  mundo  nativitatem 
dominicam  contuere  :  si  credis  vilia^ 
crede  mirifica  :  si  de  bis  quae  humiUta- 
tis  sunt  disputas,  quae  alta  sunt  et  cœ- 
lestia  venerare. 
Greg.  {in  hom.  S,  in  Evang.)  Mystice 


autem  quod  vigilantibus  pastoribus  an- 
gélus apparet,  eosque  claritas  Dei  cir- 
cumfulsit,  boc  est  quod  iUi  prae  caeteris 
videre  subUmia  luerentur,  qui  fidelibus 
gregibus  praeesse  soUicite  sciunt  ;  dum- 
que  ipsi  pie  super  gregem  vigilant,  di- 
vina  super  eos  latins  gratia  coruscat. 
Beda.  [in  /lom.  ulsvp.)  Significant  enim 
mystice  pastores  illi  gregum,  doctores 
quosque  acrectoresfidelium  animarum  : 
nox  cujus  vigilias  custodiebant  super 
gregem  suum,  pericula  tentationum  in- 
dicat,  a  quibus  se  siiosque  subjectos 
custodire  non  desistunt  :  et  bene  nato 
Domino  pastores  super  gregem  vigilant, 
quia  natus  est  qui  dicit  {Joan.,  10)  : 
«  Ego  sum  Pastor  bonus  ;  »  sed  et  tem- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    II.  95 

OÙ  ce  même  pasteur  doit  ramener  les  brebis  dispersées  dans  les  pâtu- 
rages de  la  vie  (1).  —  Orig.  {hom.  l'2.)  S'il  faut  nous  élever  à  un  sens 
plus  mystérieux,  je  dirai  que  les  anges  étaient  comme  des  pasteurs 
chargés  de  diriger  les  choses  humaines.  Alors  que  chacun  d'eux 
remplissait  cette  mission  de  vigilance,  un  ange  vint  annoncer  aux 
pasteurs  la  naissance  du  véritable  pasteur;  car  les  anges  avant  la  venue 
du  Sauveur,  ne  pouvaient  être  que  faiblement  utiles  à  ceux  qui  étaient 
commis  à  leur  garde,  à  peine,  en  effet,  trouvait-on  dans  chaque  na- 
tion un  homme  qui  crut  en  Dieu,  tandis  qu'aujourd'hui  tous  les 
peuples  à  l'envi  embrassent  la  foi  de  Jésus. 

y.  i3,  14.  — Au  même  instant,  il  se  joignit  à  l'ange  une  grande  troupe  de  l'armée 
céleste,  louant  Dieu  et  disant  :  Gloire  à  Dieu  au  plus  haut  des  cieux,  et  paix 
sur  la  terre  aux  hommes  de  bonne  volonté. 

BEDE.  Le  témoignage  d'un  seul  ange  pouvait  paraître  insuffisant; 
aussitôt  donc  que  cet  ange  est  venu  annoncer  le  mystère  de  la  nou- 
velle naissance,  on  voit  paraître  la  multitude  des  légions  célestes  : 
«  Au  même  instant  il  se  joignit  à  l'ange  une  grande  troupe  de  l'armée 
céleste.  »  Le  nom  de  milice  céleste  que  donne  l'Evangéliste  au  chœur 
des  anges  est  parfaitement  choisi,  car  elle  exécute  humblement  les 
ordres  et  seconde  dans  les  combats  les  efforts  du  chef  puissant  qui  est 
venu  triompher  des  puissances  de  l'air,  jeter  le  trouble  et  l'épou- 
vante parmi  les  légions  ennemies,  et  rendre  ainsi  inutiles  leurs  perni- 
cieux desseins  contre  les  hommes.  Celui  qui  vient  de  naître  est  tout  à 
la  fois  Dieu  et  homme,  c'est  donc  à  juste  titre  que  les  anges  annoncent 

(t)  Allusion  à  ces  paroles  de  Jésus-Christ  :  «  J'ai  d'autres  brebis  qui  ne  sont  pas  de  cette  berge- 
rie, il  faut  que  je  les  amène,  »  (Jean,  x,  10),  et  à  ces  autres  où  l'Evangéliste  dit  qu'il  doit  mourir 
'1  pour  réunir  les  enfants  de  Dieu  qui  étaient  dispersés,  n  [Jean,  xi,  52.) 


pus  imniincbat  quo  idem  pastor  oves 
suas  quœ  dispersae  erant  ad  vita3  pascua 
revocarct.  Orig.  {hom.  12.)  Ca-terum  si 
ad  secreliorem  oportet  ascendere  intel- 
lectuni,  dicarn  quosdam  fuisse  pastores 
angelos  qui  res  humanas  regerent  :  et 
cum  liorum  unusquisque  suaui  cuslo- 
diam  conservaret,  veuisse  angelum  nato 
Domino,  et  annutiasse  pastorihus  quod 
verus  essel  Pastor  exortus  :  angeli  enim 
anle  adventum  Salvatoris  parum  pote- 
rant  commissis  sibi  utililatis  afrerre  :  vix 
enim  aliquis  unus  ex  siugulis  geutibus 
credebat  in  Deum  :  nune  autem  populi 
accedunl  ad  fidem  Jesu. 

Et  subito  facta  eut  cum  Angelo  multitudo  militiœ 
caUstii ,    laudantium  JJeum,  et    dicentium  : 


Gloria  in  altissimis  Beo,  et  in  terra  pax  ho- 
minibus  bonœ  voluntatis. 

Bed.  Ne  parva  unius  angeli  videretur 
auctoritas,  postquam  unus  sacramentum 
Dovœ  nativitatis  edociiit,  statim  multi- 
tudo cœlestium  agminum  alfuit  :  unde 
dicitur:  «  Et  subito  facla  est  cum  Angelo 
multitudo  mililise  cœlestis.  »  Bene  cho- 
rus adveniens  angelorum  militix  cœ^ei- 
iis  vùcabulum  accepit  :  qui  et  duci  illi 
potcnti  iu  prœlio  qui  ad  debellandas 
aereas  potestates  apparuit,  humililer  ob- 
sei^undat  ;  et  ipse  potestates  easdem  con- 
trarias, ne  mortales  tantuni  tentare  va- 
leant  quantum  volunt,  fortiter  armis 
cœlestibus  perturbât  :  quia  vero  Deus  et 
homo  nascitur,  jure  hominibus  pax,  et 
Deo    gloria  canitur   :    unde    sequitur  : 


96 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


la  paix  aux  hommes,  et  chantent  gloire  à  Dieu  :  «  Ils  louaient  Dieu  et 
disaient  :  Gloire  à  Dieu  au  plus  haut  des  cieux.  »  Un  seul  ange,  un  seul 
envoyé  du  ciel,  vient  d'annoncer  qu'un  Dieu  vient  de  naître  dans  une 
chair  mortelle,  et  aussitôt  la  multitude  des  légions  célestes  proclame 
la  gloire  du  Créateur.  Elle  témoigne  ainsi  de  son  amour  pour  Jésus- 
Christ,  et  nous  instruit  par  son  exemple.  Toutes  les  fois,  en  effet,  que 
l'un  de  nos  frères  nous  fait  entendre  la  parole  de  la  science  sacrée, 
ou  lorsque  nous-mêmes  nous  repassons  dans  notice  âme  une  pensée 
pieuse,  notre  cœur,  notre  bouche,  nos  œuvres  doivent  aussitôt  rendre 
gloire  à  Dieu. 

S.  Chrys.  {Ch.  des  Pèr,  gr.)  Autrefois  les  anges  étaient  envoyés 
comme  exécuteurs  de  la  justice  de  Dieu,  aux  Israélites,  à  David,  aux 
habitants  de  Sodome,  à  la  vallée  des  gémissements;  maintenant  au 
contraire,  ils  chantent  à  Dieu  un  cantique  d'actions  de  grâces,  parce 
qu'il  leur  a  fait  connaître  sa  venue  parmi  les  hommes.  —  S.  Grég. 
{MotriL,  xxviii,  7.)  Ils  chantent  les  louanges  de  Dieu,  pour  mettre 
leurs  concerts  en  harmonie  avec  le  bienfait  de  la  rédemption  ;  heu- 
reux ainsi  de  voir  les  hommes  réconcihés  appelés  à  compléter  leur 
nombre  dans  les  cieux.  —  Bède.  Ils  souhaitent  la  paix  aux  hommes, 
en  ajoutant  :  «  Et  sur  la  terre  paix  aux  hommes,  »  etc.,  parce 
qu'ils  vénèrent  des  compagnons  et  des  frères  dans  ceux  qu'ils 
avaient  vus  en  proie  à  toute  sorte  d'infirmités  et  d'humiliations.  — 
Cyril.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  Cette  paix  est  l'œuvre  de  Jésus-Christ,  il 
nous  a  réconciliés  par  lui-même  à  Dieu  son  Père  (I),  en  effaçant  les 
fautes  qui  nous  rendaient  ses  ennemis.  Il  a  pacifié  les  deux  peuples 

(I)  C'est  la  doctrine  de  saint  Paul  (U  Cor.,  v,  18  et  19  ;  Ephes.,  n,  16  ;  Coloss.,  i,  20,  22) ,  où  il 
traite  de  notre  réconciliation  avec  Dieu  par  Jésus-Christ,  et  de  la  réconciliation  des  deux  peuples 
ennemis,  les  Juifs  et  les  Gentils. 


«  Laudantium  Deum  et  dicentiuai  : 
Gloria  in  altissimis  Deo  :  »  Uno  an- 
gelo,  uno  evangelizante  nuntio  natum 
in  carne  Deum,  mox  multitudo  militia? 
cœlestis  in  laudem  Creatoris  prorum- 
pit  ;  ut  et  Christo  devotionem  impen- 
dat,  et  nos  suo  instruat  exemplo,  ut 
quoties  aliquis  fratrum  sacrae  eruditio- 
nis  verbum  insonuerit,  vel  ipsi  quse  pie- 
tatis  sunt  ad  mentem  reduxerinms,  Deo 
statim  laudes  corde,  ore,  et  opère  red- 
damus. 

Chrys.  {in  Cat.  Grœcorum,  ubi  sup.) 
Et  oliiu  quidem  angeli  ad  punieudum 
mittebautur,  puta  ad  Israelitas,  ad  David, 
ad  Sodomitas ,  ad  gemitus  convallem 
(Jndicum,  2]  ;  nunc  e  contra  canunt  in 


terra  gratias  agentes  Deo,  eo  quod  suum 
descensum  ad  homines  eis  reseravit. 
Greg.  (XXYIII  Moral.,  cap.  7.)  Simul 
etiam  laudant,  quia  redeuiptioui  nostrae 
voces  suœ  exultalionis  accommodant  ; 
simul  etiam  quia  nos  dum  conspiciunt 
recipi,  suum  gaudent  numerum  impleri. 
Bed.  Optant  etiam  pacem  homiuibus, 
cum  subdunt:  «  Et  in  terra  pax  homi- 
uibus; »  quia  quos  infirmos  prins  ab- 
jectosque  despexerant,  nascente  in  carne 
Domino,  jam  socios  venerautur.  Cyril. 
{in  Cat.  Grœcoriim  Patrum,  ubi  sup.) 
Hœc  autem  pax  per  Christum  facta  est  : 
reconciliavit  euim  nos  per  se  Deo  et 
Patri,  culpam  bostilem  de  medio  aufe- 
rens,  duos  populos  in  unum  bominem 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    II.  97 

pour  n'eu  faire  qu'un  seul  homme,  et  a  formé  un  seul  troupeau  des 
habitants  du  ciel  et  de  ceux  qui  sont  sur  la  terre. 

BEDE.  Mais  à  quels  hommes  les  anges  souhaitent-ils  la  paix?  Ils 
l'expliquent  eux-mêmes  en  ajoutant  :  «  De  bonne  volonté,  »  c'est-à- 
dire,  à  ceux  qui  recevront  le  Christ  qui  vient  de  naître,  car  il  n'y  a 
point  de  paix  pour  les  impies  (/5«.,  lvii),  elle  est  le  partage  de  ceux 
qui  aiment  le  nom  de  Dieu  {Ps.  cxviii).  —  Orig.  Le  lecteur  attentif 
demandera  comment  le  Sauveur  a  pu  dire  {Luc,  xii)  :  a  Je  ne  suis  pas 
venu  apporter  la  paix  sur  la  terre,  »  tandis  que  les  anges  chantent  à 
sa  naissance  :  «  Paix  sur  la  terre  aux  hommes  de  bonne  volonté  ;  » 
mais  la  question  se  trouve  résolue  par  ces  paroles  mêmes  :  (f  Paix 
aux  hommes  de  bonne  volonté,  »  car  la  paix  dont  Dieu  n'est  pas  l'au- 
teur, n'est  pas  la  paix  de  bonne  volonté.  —  S.  Au&.  {de  la  Trm.,  xiii, 
1-3.)  La  justice  fait  partie  de  la  bonne  volonté.  —  S.  Chrys.  {Ch.  des 
Pèr.  gr.)  Voyez  la  marche  admirable  que  Dieu  a  suivie,  il  a  fait 
descendre  les  anges  jusqu'à  nous,  pour  faire  remonter  ensuite  l'homme 
jusqu'au  ciel;  le  ciel  s'est  fait  terre  pour  relever  les  choses  de  la 
terre. 

Orig.  {comme  précéd.)  Dans  le  sens  mystique,  les  anges  reconnais- 
saient qu'ils  ne  pouvaient  accomplir  la  mission  qui  leur  avait  été  con- 
fiée sans  le  secours  de  celui  qui  seul  avait  la  puissance  de  sauver,  et 
que  tous  leurs  remèdes  étaient  inefficaces  pour  guérir  les  hommes. 
Ainsi,  lorsqu'un  médecin  d'une  science  supérieure  arrive  près  d'un 
malade  que  d'autres  n'ont  pu  guérir,  dès  que  ceux-ci  voient  la  gan- 
grène des  plaies  les  plus  profondes  disparaître  au  simple  toucher  du 
savant  docteur;  loin  de  lui  porter  envie,  ils  célèbrent  les  louanges  du 
médecin  et  de  Dieu,  qui  leur  a  envoyé  ainsi  qu'aux  malades,  un 


pacificavit,   ac  cœlicolas  et  terrenos   in 
UDum  gregem  composuit. 

Beda.  Quibus  auleiii  liouiinibus  pacem 
poscant ,  exponunt  dicentes  :  «  Bonœ 
voluntatis;  «  eis  scilieet  qui  suscipiuut 
natuni  ChrisUim  :  non  euiiu  est  pax  im- 
piis  [Isai.,  '■)'),  sed  pax  limita  diligenti- 
bus  uonien  Dei.  [PsuL  118.)  Orig. 
[hom.  13.)  Sed  diligens  lector  iuquiret 
quomodo  Salvator  dicat  'Luc  ,  12)  : 
«  Non  veni  pacem  inittere  super  ter- 
ram,  »  et  nunc  angeli  de  ejus  nativitate 
cantant  :  «  In  terra  pax  honiinibus;  » 
sed  hoc  quod  pax  esse  dicitur  in  homi- 
uibus  bonœ  voluntalis,  solvit  quœstio- 
nem  :  pax  enini  quam  non  dat  Dominus 
super  terram,  non  est  pax  bonœ  volun- 
tatis.   AuG.    (Xill    de  Trin.,    cap.   13.) 

TOM.   V. 


Perlinet  enim  justitia  ad  bonani  volun- 
tateni.  Chrys.  {in  Cat.  Gracorum,  ubi 
Slip.)  Aspice  autem  mirauduiu  proces- 
sum  ;  augelos  ad  nos  deduxil  prius^  ac 
deinde  duxit  liominem  ad  superna  :  fac- 
tuni  est  cœlum  terra,  cum  terrena  de- 
beret  recipere. 

Orig.  {ut  sup.)  Mystice  autem  vide- 
banl  angeli  se  opus  quod  eis  creditum 
fuerat,  implere  non  posse  absque  eo 
qui  vere  salvare  poterat;  et  medicinam 
suam  inferiorem  esse  quam  hominum 
cura  poscebat.  Unde  sicut  si  veniat  ali- 
quis  qui  babeat  summam  in  niediciua 
notiliam,  et  illiquiprius  sanari  nequive- 
rant,  cémentes  ad  niagistri  nianus,  pu- 
tredines  cessare  vulnerum,  non  iuvi- 
deant,  sed  in  laudem  medici  erumpant, 

7 


98  EXPLICATION   DE   l/ÉVANGILE 

homme  d'une  science  si  éminente  ;  c'est  ainsi  que  la  multitude  des 
anges  loue  et  remercie  Dieu  d'avoir  envoyé  Jésus-Christ  sur  la  terre. 

f.  13-20. —  Après  que  les  anges  se  furent  retirés  dans  le  ciel,  les  bergers  se  dirent 
l'un  à  l'autre  :  Passons  jusqu'à  Bethléem,  et  voyons  ce  prodige  qui  est  arrivé, 
que  le  Seigneur  a  fait  et  qu'il  nous  a  fait  connaître.  S' étant  donc  hâtés  d'y  aller, 
ils  trouvèrent  Marie  et  Joseph,  et  l'enfant  couché  dans  une  crèche.  Et  l'ayanf 
vu,  ils  reconnurent  la  vérité  de  ce  qui  leur  avait  été  dit  de  cet  enfant.  Et  tous 
ceux  qui  l'entendirent,  admirèrent  ce  qui  leur  avait  été  rapporté  par  les  bergers. 
Or  Marie,  conservait  toutes  ces  choses  les  repassant  dans  son  cœur.  Et  les  bergers 
s'en  retournèrent  glorifiant  et  louant  Dieu  de  toutes  les  choses  qu'ils  avaient 
entendues  et  vues,  selon  ce  qu'il  leur  avait  été  dit. 

Grec.  {Géomét.)  L'apparition  de  l'ange,  son  récit,  jetèrent  les  ber- 
gers dans  un  grand  étonnement  ;  ils  laissèrent  donc  leurs  troupeaux 
et  partirent  cette  nuit-là  même  pour  Bethléem,  à  la  recherche  de  cette 
lumière  du  Sauveur  :  «  Et  ils  se  disaient  l'un  à  l'autre,  »  etc.  —  Bède. 
C'est  le  langage  d'hommes  qui  veillent  véritablement;  ils  ne  disent 
pas  :  voyons  cet  enfant,  mais  voyons  le  Verbe  qui  a  été  fait,  c'est-à- 
dire,  voyons  comment  ce  Verbe  qui  a  été  de  tout  temps  a  été  fait 
chair  pour  nous,  car  ce  Verbe  c'est  le  Seigneur,  comme  la  suite  l'in- 
dique :  «  Que  le  Seigneur  a  fait  et  nous  a  révélé,  »  c'est-à-dire, 
Yoyons  comment  le  Verbe  s'est  fait  lui-même,  et  nous  a  manifesté  sa 
chair.  —  S.  Ambr.  Voyez  avec  quel  soin  la  sainte  Ecriture  pèse  le 
sens  de  chacune  des  paroles  qu'elle  emploie  ;  en  effet,  celui  qui  voit  la 
chair  du  Seigneur,  voit  le  Verbe  qui  est  le  Fils  de  Dieu.  Gardez-vous 
de  faire  peu  de  cas  de  cet  exemple  de  foi,  parce  qu'il  vous  est  donné 


et  Dei,  qui  sibi  segrotantibusque  tantae 
scientiae  hominem  miserit,  sic  multitudo 
angelorum  pro  Cliristi  adventu  Deum 
laudat. 

Et  factum  est ,  ut  dicesserunt  ah  eis  angeli  in 
cœlum,  pastores    loquebantuv   ad  invicem 


relata  stuporem  ingesserunt  Ipastoribus , 
et  sic  ovilia  sua  omiseruut ,  et  profecti 
suut  nocte  Betlileliem,  lucem  indagantes 
Salvatoris  :  uude  dicitur  :  «  Et  loque- 
bautur  ad  invicem ,  »  etc.  Bed.  Vere 
quasi  vigilantes  non  dixerunt  :  «  Videa- 
mus  puerum,  »  scd  «  verbuui  quod  fac- 


transeamus  usque  Dethlehem,  et  videamus  hoc  \  ^^y^^  gg|-^  „  j^j  ggj^  Verbuiu  quod  semper 
Verbum  quod  factum  est  {l),  quod  fecitDominus  j  ^^^.  videamus  quomodo  pro  nobis  caro 
et  ostendit  mbis.  Et  venerunt  festmantes ,  et  siquidem  hoc  ipsum  Verbum 

invenerunt  Mariam  et  Joseph,  et  infantem  po-  !.  '^  .,         ^  .  r^l 

situminprœsepio.Videntesautemcognovevunt\^0^^'^^^^  est  :  sequitur  eumi  :  «  Quod 
de  Verbo  quod  dictum  erat  mis  de  puero  hoc.  '  iecit  Uominus  et  ostendit  nobis,  »  id 
Et  omnes  qui  audienmt,  mirati  sunt,et  de  his  î  est,  videamus  quomodo  Verbum  ipsum 
quœ  dicta  erant  a  pastoribus  ad  ipsos.  Maria  I  se  fecerit ,  et  ostenderit  nobis  carnem 
autem  consenabat  omnia  verba  hœc,  conferens  guam.  AmBR.  Vide  quam  singulariter 
in  corde  suo.  Et  recersisunt  pastores,  glorifi-  gcriptura  singulorum  libret  momenta 
cantesetlaudantesneumtjiormibusquœau-  ^^^^^^^^  ,  elenim  cum  videtur  caro 
dierant  et  mderant,  srcut  dœtu>n  est  ad  Mos.    ^^^^.  ^.^^^^^^  ^,^^^^^^^  ^^^^  ^^^  ^.^.^^^ 

Gr^c.    [Geomet.)   Quœ   visa   sunt   et    Non   médiocre    fidei   libi   hoc   videatur 

(1)  Nous  laissons  cette  variante  contraire  au  texte  des  Bibles  corrigées,  à  cause  de  l'explication 
de  Bède  ci-apros. 


DE   SAINT    LUC,    CHAP.    II.  99 

par  de  pauvres  bergers,  Dieu  recherche  la  simphcité  et  rejette  les 
prétentions  orgueilleuses  :  «  Et  ils  se  hâtèrent  de  venir,  »  etc.  Per- 
sonne ne  doit  chercher  Jésus-Christ  avec  négligence.  —  Orig.  {hom. 
13.)  Pour  récompense  de  leur  pieux  empressement,  «  ils  trouvèrent 
Marie  (qui  avait  enfanté  Jésus),  Joseph  (le  protecteur  de  la  naissance 
du  Seigneur),  et  l'enfant  couché  dans  une  crèche,  »  c'est-à-dire,  le 
Sauveur  lui-même.  —  Bède.  [1  est  dans  l'ordre  qu'après  avoir  rendu 
à  l'incarnation  du  Verbe  les  honneurs  qui  lui  sont  dus,  on  soit  admis 
à  contempler  la  gloire  elle-même  du  Verbe  :  «  Et  l'ayant  vu,  ils  re- 
connurent la  vérité  de  ce  qui  leur  avait  été  dit,  »  etc.  —  Grec,  {c'est- 
à-dire  Photms,  Ch.  des  Pèr.  gr.)  Ils  contemplent  avec  foi  dans  le 
secret  de  leurs  cœurs  l'accomplissement  de  l'heureuse  nouvelle  qui 
leur  a  été  annoncée,  et  non  contents  de  ce  sentiment  d'admiration,  ils 
racontaient  tout  ce  qu'ils  avaient  vu  et  entendu,  non-seulement  à 
Marie  et  à  Joseph,  mais  à  tous  ceux  qu'ils  rencontraient,  et  (ce  qui  est 
mieux  encore)  ils  le  gravaient  dans  les  cœurs  ;  «  Et  tous  ceux  qui 
l'entendirent  admirèrent,  »  etc.  Et  quel  plus  juste  sujet  d'admiration 
que  de  voir  celui  qui  habite  dans  les  cieux,  s'unissant  à  la  terre  pour 
la  réconcilier  avec  les  cieux^  et  cet  ineffable  petit  enfant,  unissant 
étroitement  ensemble  les  choses  célestes  par  sa  divinité ,  avec  les 
choses  terrestres  par  son  humanité,  offrant  ainsi  une  admirable  al- 
liance entre  ces  deux  natures  intimement  unies  en  lui-même.  —  La 
Glose.  L'objet  de  cette  admiration  n'est  pas  seulement  le  mystère  de 
l'Incarnation,  mais  le  témoignage  si  frappant  des  bergers,  iucapa])les 
d'imaginer  ce  qu'ils  n'auraient  pas  entendu,  et  qui  publiaient  la  vé- 
rité avec  une  éloquence  pleine  de  simplicité. 


exemplum  ,  quod  vilis  sit  persona  pas- 
torum  :  simplicitas  enim  quarilur,  non 
ambitio  desideralur  :  sequitur  :  «  Kt  ve- 
nerunt  festinantes  :  »  nemo  fnim  cum 
desidia  Cliristmn  reqnirit.  Onic.  (hom. 
43.)  Quia  vero  festinantos  venenint,  et 
non  pedelenlim,  ideo  sequitur  :  «  El  in- 
venenint  Mariam  (quae  scilicet  fudit 
Jesum  in  partu)  :  et  Josepli  (scilicet  dis- 
pensatorem  ortus  dominici)  ,  et  infan- 
teni  posilum  in  prœsepio ,  »  scilicet 
ipsum  Salvatorem.  Bkd.  Est  autem  ju^Li 
orùiuis,  ul  honore  di^'no  celebrata  Verbi 
incarnalione,  ad  ipsam  quandoque  Verbi 
gloriam  intuendani  peiiinfiraiar  :  unde 
sequitur  :  «  Videntes  autem ,  cognove- 
ruut  de  Verbe  quod  dictum  erat,  »  etc. 
Gr.ec.  {id  est ,  Phntius,  in  Cal.  Grœco- 
7-um  Pa/rum,  «6«  5»iJ.)0ccultata  scilicet 


fide  felicia  relata  contuentes,  nec  con- 
tenti  de  veritate  stupere,  quse  primitus 
videraut  et  perceperant  Angelo  nuu- 
tiante,  non  solum  Mariaj  et  Joseph  pro- 
mebant,  sed  etiam  caeteris,  et  (quod  est 
amplius)  eorum  mentibns  infigebant  : 
uude  sequitur  :  «  El  omnes  qui  audie- 
runt,  niirali  sunt,  »  etc.  Quoniodo  enim 
non  erat  miraudum,  videre  cœlicolam  in 
terrenis,  et  terrani  pace  conciliari  cœ- 
lestibus,  et  ineffabilem  illum  infantulura 
numine  quidem  cœlestia ,  humanilale 
vero  terrestria  couneclentem  ad  invi- 
ceni,  et  sui  compagine  fœdus  mirandum 
pra;stantem ?  Glos.  Nec  solum  mirantur 
de  incarnationis  niysterio,  sed  etiam  de 
tantapastorum  atlestatione,  qui  fingere 
inaudita  nescirent,  sed  simplici  facundia 
vera  prœdicarent. 


dOO 


EXPLICATION   DE    f/ÉVANGILE 


S.  Ambr.  Gardez-vous  de  mépriser  comme  de  peu  d'importance  les 
paroles  des  bergers,  car  Marie  recueille  ces  paroles  pour  confirmer 
sa  foi  :  «  Or  Marie  conservait  toutes  ces  choses  en  elle-même ,  les  re- 
passant dans  son  cœur.  Apprenons  quelle  était  en  toutes  choses  la 
chasteté  de  Marie  ;  non  moins  pure  dans  ses  paroles  que  dans  son 
corps,  elle  repassait  dans  son  cœur  les  preuves  de  la  foi,  —  Bède. 
{hom.)  Fidèle  observatrice  des  lois  de  la  pureté  virginale,  elle  ne  vou- 
lait révéler  à  personne  les  mystères  du  Christ  qu'elle  connaissait,  mais 
elle  rapprochait  les  prédictions  qu'elle  avait  lues,  de  leur  accomplis- 
sement qu'elle  avait  sous  les  yeux,  et  sans  en  rien  publier  elle  gardait 
tout  renfermé  dans  son  cœur. 

Grec,  [ou  Métaphraste,  Ch.  des  Pèr.  gr.)  Tout  ce  que  l'ange 
avait  dit  à  Marie,  t  mt  ce  qu'elle  avait  appris  de  Zacharie  et  d'Elisa- 
beth elle  le  conservait  dans  son  âme,  elle  en  faisait  le  rapprochement, 
et  cette  Mère  de  la  sagesse  en  admirait  la  parfaite  harmonie,  qui  lui 
faisait  reconnaître  un  Dieu  dans  celui  dont  elle  était  la  Mère. 

S.  Athan.  [Ch.  des  Pèr.  gr.)  La  naissance  de  Jésus -Christ  était  le 
sujet  d'une  joie  universelle,  non  pas  d'une  joie  toute  humaine  comme 
celle  qu'inspire  la  naissance  d'un  enfant  ordinaire ,  mais  d'une  joie 
céleste  produite  par  la  présence  du  Christ  et  par  l'éclat  de  la  lumière 
divine  :  «  Et  les  bergers  s'en  retournèrent  glorifiant  et  louant  Dieu  de 
tout  ce  qu'ils  avaient  entendu.  » —  Bède.  De  ce  qu'ils  avaient  entendu 
des  anges ,  et  de  ce  qu'ils  avaient  vu  à  Bethléem,  selon  ce  qui  leur 
avait  été  dit.  Ainsi  ils  glorifient  Dieu  de  ce  qu'ils  ont  trouvé  celui 
qu'on  leur  avait  annoncé  ;  ou  bien  encore  ils  glorifient,  ils  louent  Dieu, 
selon  ce  qui  leur  avait  été  dit  par  les  anges  qui  ne  leur  en  avaient 


Ambr.  Ne  contemnenda  putes  quasi 
vilia  verba  pastorum,  a  pasloribus  enim 
Maria  coUigit  fidem  :  undi3  sequitur  : 
((  Maria  autem  couservabat  onmia  verba 
haec,  eonfereiis  iii  corde  suo.  »  Discamus 
sauctœ  Virgiuis  in  omnibus  castitatem  ; 
quae  non  minus  ore  pudica  quam  cor- 
pore  ,  argumenta  fidei  conferebat  in 
corde.  Beda.  {in  hom.)  Virgiualis  enim 
pudicitiœjura  custodiens,  sécréta  Ghristi 
quaenoverat,  nemini  divulgare  volebat, 
sed  conferebat  ea  qu£e  facienda  legerat, 
cum  his  quse  jam  facta  cognovit,  non 
ore  promens ,  sed  clausa  in  corde  cus- 
todiens. 

Gr.^cus.  [vel  M etaph vastes,  in  Cat. 
Grœcorum  Patrum ,  ubi  sup.)  Quicquid 
etiam  ei  dixerat  Angélus,  quicquid  a  Za- 
charia  et  Elisabetb,  et  pastoribus  audie- 


rat ,  cuncta  congerebat  in  mente  ;  et  ad 
invicem  comparans ,  unam  in  omnibus 
Mater  sapientiae  cernebat  concordiam  : 
vere  Deus  erat  qui  natus  erat  ex  ea. 

ÂTHANAS.  {in  Cat.  Grœcorum  Patrum, 
ubi  sup.)  Siuguli  autem  in  Ghristi  nati- 
vitate  exultabant;  non  bumanitus  (sicut 
in  puero  nato  soliti  sunt  liomines  cou- 
gaudere) ,  sed  in  Ghristi  prsesentia  et 
lucis  divinte  fiilgore  :  unde  sequitur  : 
«Et  reversi  sunt  pastores,  glorificantes 
et  laudantes  Deuni  in  omnibus  qiiœ  au- 
dierant.  »  Beda.  Scilicetab  angebs;  «et 
viderant  (scilicet  in  Betbleliem)  sicut  dic- 
tumestad  illos;  »  id  est,  in  hoc  glorifl- 
canl,  quod  non  aliud  venientes  iuvene- 
rant  quam  dictum  est  ad  illos  ;  sive 
«  sicut  dictum  est  ad  illos,  n  gloriam  Deo 
laudesque  referuut  :  etenim  hoc  illis  fa- 


DE  SAINT  LUC,   CHAP.   II.  101 

point  fait  une  loi,  mais  leur  offraient  un  modèle  parfait  de  religion 
dans  l'hymne  de  gloire  qu'ils  avaient  chanté  à  Dieu  au  plus  haut 
des  deux. 

BEDE. (Aom.)  Dans  le  sens  mystique,  les  pasteurs  du  troupeaudes  âmes, 
disons  mieux,  tous  les  fidèles,  à  l'exemple  de  ces  bergers  doivent  aller 
par  la  pensée  jusqu'à  Bethléem,  et  célébrer  par  de  dignes  hommages 
l'incarnation  du  Christ.  Mais  commençons  par  rejeter  bien  loin  toutes 
les  basses  concupiscences  de  la  chair  avant  de  nous  élever  sur  l'aile 
des  plus  ardents  désirs  de  notre  cœur  jusqu'à  la  Bethléem  céleste 
(c'est-à-dire  la  maison  du  pain  vivant)  (4)^  où  nous  serons  rendus  dignes 
de  voir  régner  sur  le  trône  de  Dieu  le  Père,  celui  que  les  bergers  ont 
mérité  de  voir  pleurant  et  gémissant  dans  la  crèche.  Point  de  négli- 
gence_,  point  de  langueur  dans  la  recherche  d'un  si  grand  bonheur, 
c'est  avec  ardeur  qu'il  faut  suivre  les  pas  de  Jésus-Christ.  Après  qu'ils 
eurent  vu,  ils  connurent,  et  nous  aussi ,  hàtons-nous  de  recevoir  avec 
un  cœur  plein  d'amour  tout  ce  qui  nous  est  dit  sur  le  Sauveur  du 
monde,  afin  que  nous  puissions  arriver  à  le  connaître  parfaitement 
dans  les  splendeurs  de  la  vision  des  cieux.  —  Bède.  {sur  S.  Luc.)  Les 
pasteurs  du  troupeau  du  Seigneur  vont  aussi  contempler  la  vie  des 
Pères  qui  les  ont  précédés,  et  où  se  conserve  le  pain  de  vie,  comme 
s'ils  entraient  dans  la  ville  de  Bethléem;  et  ils  y  trouvent  la  beauté 
virginale  de  l'Eglise,  c'est-à-dire  Marie  ;  la  noble  cohorte  des  docteurs 
spirituels,  c'est-à-dire  Joseph,  et  l'humble  avènement  du  Christ  inscrit 
dans  les  pages  de  la  sainte  Ecriture ,  c'est-à-dire  ,  Jésus-Crist  enfant 
couché  dans  la  crèche.  —  Orig.  {hom.  13).  Ou  bien  cette  crèche  est 
celle  qu'Israël  n'a  point  connu,  d'après  ces  paroles  d'Isaïe  :  «  Le  bœuf 

(1)  AllnsioD  à  la  signification  hébraïque  du  mot  Bethléhem,  et  à  ces  paroles  de  Jésus-Christ 
«  Je  suis  le  pain  vivant,  o  etc. 

cere  dictum  est  al)  angelis;  non  quidem  I  vestigia.     Videntes      auteni      coguove 


verbo  imperantibus,  sed  formam  suoe 
devotionis  offerentibus  cum  Deo  in 
excelsis  gloriam  resonarent. 

Beda.  {in  homil.)  Mystice  autem  in- 
tellectualium  pastores  greguni  (inio 
cuncti  fidèles)  exemple  horum  pasto- 
rum ,  transeant  cogitatione  usque  in 
Betblehem,  et  incarnationem  Christi  di- 
gnis    célèbrent  honoribus.  Transeamus 


runt  :  et  nos  quse  dicta  sunt  de  Salva- 
tore  nostro  plena  dilectione  festineraus 
amplecti,  ut  hoc  in  futuro  perfectai  co- 
gnitionis  visu  comprehendere  valearaus. 
Bed.  (super  Luc.)  Dominici  eliain  gregis 
pastores  prœcedentium  Patrum  vitara 
(in  qua  panis  vitae  servatur)  quasi  Be- 
thléhem portas  contemplando  subeunt; 
nihilque  in  bac  aliud  reperiunt,  quam 


autem  abjectis  concupiscentiis  carnali-  virginalem  Ecclesiœ  pulchritudinem, 
bus  toto  mentis  desiderio  usque  in  Be- 1  quasi  Mariam  ;  virilem  spiritualium 
thlebem  supernam  (id  est,  domum  panis  I  doctorum  cœtum,  quasi  Joseph  ;  et  hu- 
vivi) ,  ut  quem  illi  in  prœsepio  videre  |  milem  Christi  adventum  Scriplune  pa- 
vagientem,  nos  in  Patris  solio  mereamur  j  ginis  sacrai  iusertuui:  «  quasi  in  prœsepio 
videre  regnantem.  Non  e?t  autem  tanta  !  positumCbristum  infantem.»ORiG.(^o;«. 
beatitudo  cum  desidia  ac  torpore  quje- 1  13.)  Vel  prsesepe  illud  erat  quod  Israël 
rends,  sed  alacriter  sunt  Christi  sequenda  !  non    cognovit ,    seeundum    illud    Isaiae 


102 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


a  connu  celui  à  qui  il  appartient ,  et  l'âne  l'étable  de  son  maître  ; 
—  Bède.  (m  hom.)  Les  bergers  n'ont  point  enseveli  dans  le  silence  les 
mystères  qui  leur  avaient  été  manifestés ,  parce  que  les  pasteurs  de 
l'Eglise  sont  établis  pour  enseigner  aux  fidèles  les  vérités  qu'ils  ont 
puisées  dans  les  saintes  Ecritures.  —  Bède.  {sur  S.  Luc.)  Ajoutons 
encore  que  les  pasteurs  du  troupeau  des  âmes,  tandis  que  tous  les 
autres  se  livrent  au  sommeil,  tantôt  s'adonnent  à  la  contemplation  des 
choses  célestes,  tantôt  parcourent  la  vie  des  saintspour  recueillir  leurs 
exemples ,  et  reprennent  ensuite  par  l'enseignement  l'exercice  du 
ministère  pastoral.  —  Bède.  {hom.)  Chaque  fidèle,  même  celui  qui 
semble  renfermé  dans  la  vie  privée ,  remplit  l'office  de  pasteur,  s'il 
prend  soin  de  recueillir  une  multitude  de  bonnes  œuvres  et  de  chastes 
pensées,  de  la  gouverner  dans  une  sage  mesure ,  de  la  nourrir  des 
pâturages  de  la  sainte  Ecriture,  et  de  la  préserver  des  embûches  du 
démon. 

^.21.  —  Le  huitième  jour  où  l'enfant  devait  être  circoncis  étant  arrivé,  il  fut 
nommé  Jésus  qui  était  le  nom  que  l'ange  avait  annoncé  avant  qu'il  fût  conçu 
dans  le  sein  de  sa  mère, 

BÈDE.  {hom.  sur  la  circoncis.)  Après  le  récit  de  la  naissance  du 
Sauveur ,  vient  celui  de  la  circoncision  :  «  Lorsque  les  huit  jours 
furent  accomplis  pour  circoncire  Tenfant.  »  —  S.  Amb.  Quel  est  cet 
enfant?  celui  dont  il  a  été  dit  {Isaïe,  ix)  :  «  Un  enfant  nous  est  né; 
un  fils  nous  a  été  donné  ;  »  car  il  s'est  assujetti  à  la  loi  pour  racheter 
ceux  qui  étaient  sous  la  loi.  —  S.  Epiph.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  (1).  Les 
sectateurs  d'Ebion  et  de   Cériuthe  nous  disent  :  Il  suffit  au  disciple 

(1)  Liv.  I  contre  les  Hérésies,  hérésie  30,  qui  est  celle  des  Ebionites,  ou  bien  suivaut  une  autre 
indication.  (Num.,  26  et  27.) 


(cap.  1)  :  «  Cognovit  bos  possessorem 
snum,  et  asiaus  prœsepe  domini  sui.  » 
Beda.  [in  homil.  iit  svp.)  Non  celavere 
autem  silentio  paslores  quee  agiioverant  : 
quia  Ecclesiœ  pastores  ia  hoc  ordinati 
sunl  ut  quae  in  Scripturis  didicerunt, 
auditoribus  ostendant.  Beda.  [super 
I.vc.)  Magistri  cliam  spiritualium  gre- 
gum  modo  cseteris  dormientibus  con- 
teuiplando  cœlestiasubeunt,  modo  fide- 
lium  exempla  quserendo  circumeuut, 
modo  ad  publicum  pastoralis  offlcii  do- 
cendo  revertuntur.  Beda.  {in  hom.  ut 
sup.)  Uijusquisqiie  etiani  qui  privatus 
vivere  creditur,  pastoris  officiam  tenet. 
si  bonorum  acluum  coqitationuuique 
mundarum  aggregans  multitudinem, 
hanc    juste     modpramine      subernare. 


Scripturarum  pastu   uutrire ,  et  contra 
dfemonum  iusidias  servare  conteudit. 

Et  postquam  consummati  sunt  dies  octo,  ut  rir- 
cwncideretur  puer ,  vocatum  est  nomen  ejus 
Jésus  :  quod  vocatum  est  ab  Angelo  priusquam 
in  utero  conciperetur. 

Bed.  {in  hom.  C'ircumcis.  I)om.) 
Exposita  nativitate  Dominica,  subjungit 
Evangelista ,  atquo  ait  :  «  Et  postquam 
consummati  sunt  dies  octo  ut  circumci- 
dereturpuer.  »  Ambr.  Quispuer,  nisi  ille 
de  quo  dictum  est  [Isai.,  9)  :  «  Puer  na- 
tus  est  nobis,  et  filius  datus  est  nobis?» 
Factus  est  enim  sub  legi',  ut  eos  qui  sub 
lege  erant ,  lucrifaceret.  [Galat.  4.) 
Epiph.  [in  Cat.  Crœcj.  Patrxim.)  Dicunt 
autem   Ebionis   et    Cerinthi   sequaces    : 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    II. 


103 


d'être  comme  son  maître  ;  le  Christ  a  été  circoncis  ,  vous  devez  donc, 
vous  aussi,  vous  soumettre  à  la  circoncision.  Ces  hérétiques  sont  dans 
l'erreur  et  détruisent  leurs  propres  principes.  En  elfet ,  si  Ebion  ad- 
mettait que  c'est  le  Christ  Dieu  descendu  des  cieux  qui  a  été  circoncis 
le  huitième  jour,  il  fournirait  une  preuve  eu  faveur  de  la  circon- 
cision; mais  il  affirme  que  le  Christ  n'est  qu'un  homme.  Or,  cet 
enfant  ne  peut  être  la  cause  déterminante  de  sa  circoncision,  pas  plus 
que  les  enfants  ne  sont  les  auteurs  de  leur  propre  circoncision.  Pour 
nous,  nous  professons  que  le  Christ  est  le  Dieu  descendu  du  ciel,,  qu'il 
a  séjourné  dans  le  sein  d'uue  vierge  le  temps  voulu  par  les  lois  de  la 
nature,  jusqu'au  moment  où  la  chair  de  son  humanité  a  été  entière- 
ment formée  de  ce  sein  virginal  ;  c'est  dans  cette  chair  qu'il  a  été  cir- 
concis le  huitième  jour  en  réalité,  et  non  en  apparence.  Or,  puisque 
les  figures  sont  parvenues  à  leur  accomplissement  spirituel ,  ni  lui ,  ni 
ses  disciples  ne  doivent  chercher  à  propager  ces  figures  ,  mais  la  vé- 
rité seule.  —  Orig.  {hom.  lA.)  Car  de  même  que  nous  sommes  morts 
avec  Jésus-Christ  daus  sa  mort,  et  que  nous  sommes  ressuscites  dans 
sa  résurrection  ;  nous  avons  été  circoncis  avec  lui .  et  nous  n'avons 
plus  besoin  de  la  circoncision  charnelle. 

S.  Epiph.  Le  Christ  s'est  soumis  à  la  circoncision  pour  plusieurs 
raisons  ;  premièrement,  il  a  voulu  prouver  ainsi  la  vérité  de  sa  chair 
contre  les  Manichéens  et  ceux  qui  prétendent  qu'il  n'est  venu  sur  la 
terre  qu'en  apparence;  secondement,  il  a  fait  voir  par  là  que  son  corps 
n'était  pas  consubstantiel  à  la  divinité ,  comme  le  soutient  Apolli- 
naire ,  et  qu'il  ne  l'avait  point  apporté  du  ciel  comme  l'affirme  Va- 
lentin;  troisièmement,  il  a  voulu  confirmer,  par  son  exemple,  la  loi 
de  la  circoncision  qu'il  avait  autrefois  instituée  comme  préparation  à 


«  Sufficit  discipulo ,  si  sit  sicut  magister 
ejus  :  circumcidil  autem  se  Cliristiis.  tu 
ergo  circumcidaris.  »  Fallunliir  autem 
deslruenfes  sua  principia  :  si  enim  fate- 
retur  Ebion  Christum  Deum  cœlitus 
desceiideutem  octavo  die  fuisse  circum- 
cisuin,  tune  praeberet  circumcisioni  ma- 
teriam  arpunienti  ;  sed  cuni  nudum 
hune  asserit  lioniinera  ,  non  puer  est 
causa  ut  circumcidatur,  sicut  nec  infan- 
tes sunt  suae  fircunicisionis  aucLores  : 
nos  autem  Deum  ipsum  fatemur  coililus 
descendisse,  et  in  claustri)  virgineo  mo- 
ram  debitam  fœlibus  protraxisse,  quoad- 
usque  sibi  ex  utero  virgineo  humanita- 
tis  carnem  perfecte  componeret;  in  qua 
circumcisus  est  veraciter,  non  apparen- 
ter, octavo  die  ;    quatenus  cum  ad  spi- 


ritualem  effectum  ficrurœ  pervenerint, 
tam  ab  ipso  quam  a  suis  discipulis  di- 
vulgentur  non  ultra  figurée,  sed  veritas. 
Orig.  {homil.  14.)  Sicut  enim  mortui 
sumus  cum  illo  moriente,  et  consurrexi- 
mus  resurgenti ,  sic  cum  eo  circumcisi 
suraus  :  unde  nequaquam  nunc  indige- 
mus  circumcisione  carnali. 

F'>ipn.  Pluribus  autem  ex  causis  cir- 
cumcisus est  Cbristus  :  et  primo  quidem, 
ut  oslendat  carnis  veritatem  contra  Ma- 
nicl);rum,  et  illos  qui  apparenter  eum 
di( mit  prodiisse  ;  deinde  ut  pateat  quod 
nequaquam  Deitati  consubstantiale  cor- 
pus exliterit,  ut  fatur  ApoUinaris;  neque 
cœlitus  detulit  illud  ,  ut  asserit  Valenti- 
'nus;  et  ut  confirmet  circumcisionem, 
quam    olim    instituerat    ejus    adventui 


104 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


sa  venue  ;  quatrièmement  enfin ,  il  a  voulu  ôter  ainsi  aux  Juifs  toute 
excuse,  car  s'il  n'avait  pas  reçu  la  circoncision,  ils  auraient  pu  ob- 
jecter qu'ils  ne  pouvaient  recevoir  un  Christ  incirconcis.  —  Bede. 
[hom.  comme  précécl.)  Il  voulait  encore  nous  recommander  fortement, 
par  son  exemple  ,  la  vertu  d'obéissance,  et  aussi  aider,  en  compatis- 
sant à  leurs  maux,  ceux  qui  succombaient  sous  le  joug  pesant  de  la 
loi.  Il  fallait  que  celui  qui  venait,  revêtu  de  la  chair  du  péché,  se  sou- 
mit au  remède  institué  pour  purifier  la  chair  ;  car  sous  la  loi ,  la  cir- 
concision avait  comme  remède  salutaire  contre  la  plaie  du  péché  ori- 
ginel la  même  efficacité  que  le  baptême  sous  le  régime  de  la  grâce. 
Disons  cependant  qu'on  ne  pouvait  encore  entrer  dans  le  royaume  cé- 
leste, on  était  admis  après  la  mort  dans  le  sein  d'Abraham  ,  pour  y 
jouir  d'un  doux  repos,  ety  attendre,  dans  une  bienheureuse  espérance, 
l'entrée  du  séjour  de  la  paix  éternelle.  —  S.  Athan.  La  circoucision 
qui  avait  lieu  sur  cette  partie  du  corps,  qui  est  la  cause  de  la  nais- 
sance corporelle,  ne  signifiait  autre  chose  que  le  dépouillement  de  la 
génération  charnelle.  On  la  pratiquait  alors  comme  signe  du  baptême 
que  le  Christ  devait  instituer.  Aujourd'hui  donc  que  nous  possédons 
l'objet  figuré ,  la  figure  a  cessé  d'exister  ;  puisque  la  chair  du  vieil 
homme  se  trouve  détruite  tout  entière  par  le  ])aptême,  l'incision  figu- 
rative d'une  partie  de  la  chair  est  maintenant  superflue. 

S.  Cyril.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  C'était  la  coutume  chez  les  Juifs  de  cé- 
lébrer la  circoncision  de  la  chair  le  huitième  jour ,  car  c'est  le  hui- 
tième jour  que  le  Christ  est  ressuscité,  et  qu'il  nous  a  donné  l'idée  de 
la  circoncision  spirituelle  par  ces  paroles  :  «  Allez  ,  enseignez  toutes 
les  nations,  les  baptisant,  »  etc.  —  Bède.  La  résurrection  de  Jésus- 


servientem  :  quin  etiam  ut  nuUa  sit 
Judœis  excusatio  :  nam  nisi  circumcisus 
fuisset,  objicere  poteraut  quod  uou  pos- 
sunt  incircumcisum  Christum  recipere. 
Bed.  [in  hom.  nt  sup.)  Ut  etiam  nobis 
obediendi  Airtutem  commeudaret  exem- 
plo ,  et  ut  eos  qui  sub  lege  positi,  legis 
onera  portare  nequierant,  sua  coinpas- 
sione  juvaret;  ut  qui  in  similitudioe 
carais  peccati  adveiiit ,  remedium  quo 
caro  peccati  cousueverat  mundari,  non 
respuat  :  idem  enim  salutiferae  curatio- 
nis  auxilium  circumcisio  in  lege  contra 
originalis  peccati  vulnus  agebat,  quod 
nuuc  baptismus  revelatse  gratiae  tem- 
poro  consuevit;  excepto  quod  regni 
cœlestis  januam  nondum  iutrare  pote- 
raut, sed  in  siuu  Abrahse  post  mortem 
beata  requie  cousolati  supernœ  pacis 
ingressum      spe      felici     exspectabant. 


Athan.  Nihil  enim  aliud  exprimebat 
circumcisio,  nisi  generationis  vetustae 
spoliationem,  per  hoc  quod  circumcide- 
batur  pars  corporis,  quse  corporalis  na- 
tivitatis  causa  existit.  Hoc  auteni  tune 
temporis  agebatur  in  signum  futuri  per 
Christum  baptismatis.  Idcirco  postquam 
venit  siguatum^  cessavit  figura  :  ubl 
uauKjue  tota  vetustas  tollitur  per  bap- 
tismum,  superfluum  est  quod  partis  sec- 
tio  praefigurat. 

Cyril,  (iii  Cat.  Grxcorum  Patrum, 
uhi  sup.)  Octavo  autem  die  cousuetum 
erat  carnalem  celebrari  circumcisionem  : 
octavo  enini  die  Christus  a  mortuis  re- 
surrexit,  et  insinuavit  nobis  spiritualem 
circumcisionem,  dtcens  [Matth-,  li)  : 
«  Euntes,  docete  omnes  geutes  bapti- 
zantes  eos.  «Beda.  In  ejus  autem  resur- 
rectione  prfefigurata  est  utraque  nostra 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    II.  105 

Christ  est  la  figure  de  notre  double  résurrection ,  de  celle  du  corps  et 
de  celle  de  l'âme.  En  effet,  par  sa  circoncision  ,  il  nous  enseigne  que 
c'est  par  lui  que  notre  nature  peut  dans  cette  vie  être  purifiée  de  la 
souillure  des  vices,  et  qu'au  dernier  jour  elle  doit  être  délivrée  de  la 
corruption  du  tombeau.  De  même  que  le  Seigneur  est  ressuscité  le 
huitième  jour,  c'est-à-dire  après  le  septième  jour  du  sabbat,  nous  aussi, 
après  les  six  âges  du  monde ,  après  le  septième  âge  du  repos  des 
âmes  qui,  en  attendant,  s'écoule  dans  l'autre  vie ,  nous  ressusciterons 
comme  au  huitième  âge.  —  S.  Cyril.  Pour  obéir  encore  aux  prescrip- 
tions de  la  loi ,  le  Seigneur  reçut  le  même  jour  le  nom  qui  lui  était 
destiné  :  «  On  lui  donna  le  nom  de  Jésus.  »  Ce  nom  signifie  Sauveur^ 
car  il  est  né  pour  le  salut  du  monde  entier  ,  salut  dont  sa  circoncision 
était  la  figure  selon  ce  que  l'Apôtre  dit  auxColossiens  (cliap.  ii)  :«Vous 
avez  été  circoncis  d'une  circoncision  qui  n'est  pas  faite  de  main 
d'homme,  mais  qui  consiste  dans  le  dépouillement  du  corps  charnel. 
—  BEDE.  C'est  le  jour  même  de  sa  circoncision  que  son  nom  lui  a  été 
donné,  conformément  à  la  coutume  ancienne.  En  effet,  Abraham,  qui 
reçut  le  sacrement  figuratif  de  la  circoncision,  mérita  cejour-là  même 
de  voir  son  nom  augmenté  par  une  bénédiction  spéciale  (1).  —  Orig. 
(hom.  14.)  Le  nom  glorieux  de  Jésus,  digne  de  tous  les  honneurs,  ce 
nom  qui  est  au-dessus  de  tous  les  noms,  ne  devait  être  ni  donné 
ni  choisi  par  les  hommes ,  aussi  l'Evangéliste  ajoute-t-il  d'une  ma- 
nière significative  :  «  Nom  que  l'ange  lui  avait  donné,  »  etc. —  Bède. 
Les  élus  eux-mêmes  se  réjouissent  d'être  rendus  participant  de  la 
gloire  de  ce  nom  dans  leur  circoncision  ;  car  de  même  que  les  chré- 

(1)  Son  nom  Abram,  fut  changé  en  celui  d'Abraham,  qui  signifie  père  d'un  grand  nombre  de 
nations. 


resurreclio,  et  carnis,  et  spiritus  ;  Chris- 1  uon  manufacta  in  expoliatione  corporis 
tus  enim  circumcisus  nostram  naturam  i  carnis,  »  scilicet  in  circumcisione  Chrisli. 
docuit,  et  nunc  per  ipsum  a  vitiorum  Beda.  Sed  et  hoc  quod  eodem  die  suae 
labe  purgandam,  et  in  novissimo  die  a  ,  circumcisionis  uomen  accepit,  ad  imita- 


mortis  peste  restaurandara;  et  sicut 
Dominas  octave  die,  hoc  est  post  septi- 
mam  sabbati,  resurrexit,  ita  et  ipsi  post 
sex  liujus  sBecuU  aetates ,  et  septimam 
sabbati  animarimi,  quae  nunc  intérim  in 


tiouera  prisca^  observationis  fecit.  Abra- 
liam  enim  qui  prirauni  circumcisionis 
sacramentum  accepit,  in  die  suuî  cir- 
cumcisionis ampUficatione  nominis  bene- 
dici  promeruit.  {Gen.  il.)  Orig.  {/lom. 


alia  vita  geritur ,  quasi  octavo  tempore  i  14.)  Nomen  autem  Jesu  gloriosum, 
surgemus.  Cyril,  {ubi  sup.)  Secundum  omniquc  cultii  dignissimum ,  nomen 
autem  legis  praeceptum  eodem  die  im-  quod  est  super  omne  nomen,  uon  decuit 
positionem  nominis  recepit.  Unde  se-  j  primum  ab  hominibus  appellari ,  neque 
quitur  :  «  Vocalum  est  nomen  ejus  Je-  al)  ois  afferri  in  mundum  :  unde  signan- 
sus.  »  Quod  interpretatur  Salrutor  .•  |  ter  Evaugehsla  subdit  :«  Quod  vocatum 
editus  enim  fuit  ad  totius  orbis  saiuteiii,  ;  est  ab  Angelo,  »  etc.  Bed.  Hujus  autem 
quam  sua  circumclsione  prœfiguravit  ;  j  nominis  etiam  electi  in  sua  spirituali 
secundnni  quod  Apostolus  dicit  [ad  \  circumcisione  participes  exislere  gau- 
folos,):  «  Circumcisi  estis  circumcisione  i  dent;  ut  sicut  a  Christo  cliristiani,  ita 


106 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


tiens  tirent  leur  nom  du  nom  de  Christ ,  ainsi  ils  sont  appelés  sauvés 
du  nom  de  Sauveur  ,  et  ce  nom  ,  Dieu  leur  a  donné  non-seulement 
avant  qu'ils  fussent  conçus  par  la  foi  dans  le  sein  de  l'Eglise ,  mais 
avant  tous  les  siècles. 

y.  22-24.  —  Et  le  temps  de  la  purification  de  Marie  étant  accompli,  selon  la  loi 
de  Moïse,  ils  le  portèrent  à  Jérusalem  pour  le  présenter  au  Seigneur,  selon 
qu'il  est  écrit  dans  la  loi  du  Seigneur  :  Tout  enfant  mâle  premier  né  sera 
consacré  au  Seigneur;  et  pour  donner  ce  qui  devait  être  offert  en  sacrifice, 
selon  la  loi  du  Seigneur,  deux  tourterelles  ou  deux  petits  de  colombes. 

S.  Cyr.  {comme  p?'écéd.)  Après  la  cérémonie  de  la  circoncision  ve- 
nait celle  de  la  purification  dont  l'EVangéliste  dit  :  «  Lorsque  le  temps 
de  la  purification  de  Marie  fut  accompli ,  selon  la  loi,  »  etc.  —  Bède. 
Si  vous  examinez  avec  attention  le  texte  de  cette  loi ,  vous  conclurez 
certainement  que  la  Mère  de  Dieu  était  affranchie  de  cette  prescrip- 
tion légale,  comme  elle  l'avait  été  de  toute  union  charnelle.  Car  ce 
n'est  point  toute  femme  qui  enfante  qui  est  déclarée  immonde  ,  mais 
celle  qui  enfante  par  les  voies  ordinaires,  pour  distinguer  de  toutes 
les  autres  femmes  celle  qui  conçut  et  enfanta  sans  cesser  d'être  vierge. 
Cependant  Marie ,  à  l'exemple  de  Jésus- Christ  son  fils ,  se  soumet 
d'elle-même  à  cette  loi,  pour  nous  déhvrer  du  joug  de  la  loi. —  Tite. 
Aussi  l'Evangéliste  se  sert-il  de  cette  expression  pleine  de  justesse  : 
a  Lorsque  les  jours  de  sa  purification  furent  accomplis  selon  la  loi.  » 
Et  en  réalité  la  Vierge  sainte  n'avait  nul  besoin  d'attendre  le  jour  de 
sa  purification,  elle  qui,  ayant  conçu  de  l'Esprit  saint ,  n'avait  con- 
tracté aucune  souillure. 

«  Ils  le  portèrent  à  Jérusalem  pour  le  présenter  au  Seigneur.  »  — 


etiama  Sa.\ya.tove salvati  vocentur;  quod 
iilis  a  Deo  vocabulum,  non  solum  prius- 
quam  in  utero  Ecclesiae  per  fidem  con- 
ciperentur,  sed  etiam  ante  tempora  se- 
cularia  vocatum  est. 

Et  postquam  inipleti  sunt  dies  purgationis  ejus 
secundum  legem  Moysi,  Merunt  illum  in  Hie- 
rusalem,  ut  sislerent  eum  Domino;  sicut  ncri- 
ptum  est  in  lege  Domini  quia  omne  masculinum 
adaperiens  vulvam,  sanctum  Domino  vocabi- 
tur  ;  et  ut  darent  hostiam ,  secuuduni  quod 
dictum  est  in  lege  Domini,  par  turturum  aut 
duos  pullos  columbarum. 

Cyril,  {ubi  sup.)  Post  eireumcisionem 
rursiis  exspectatur  purgationis  tempus  : 
unde  dicitur  :  «  Et  postquam  inipleti 
sunt  dies  purgationis  secundum  legem,  » 
etc.  Bed.  Si  legis  ipsius  verba  diligen- 


tius  inspexeris,  profecto  reperies,  quod 
ipsa  Dei  genitrix  sicut  a  commixtione 
vlrili,  sic  et  a  legali  fît  jure  immunis  : 
non  enim  omnis  mulier  pariens,  sed  sa 
quœ  suscepto  semine  pepererit,  desi- 
gnatur  immunda;  ad  distinctionem  sci- 
licet  illius  quae  virgo  concepit  et  pepe- 
rit.  Sed  ut  nos  a  legis  vinculo  solvere- 
mur,  sicut  Christus,  ita  et  Maria  legi  est 
sponte  subjecta.  Titus.  {Boslrensis.) 
Unde  eleganter  Evangelista  protulit, 
quod  «  complet!  sunt  dies  purgationis 
ejus  secundum  legem.  »  Nam  rêvera  non 
iucumbebat  nécessitas  Virgini  sacrœ,  ut 
dies  purgationis  ejus  exspectaretur  ;  quae 
cum  ex  Spiritu  sancto  concepisset,  ca- 
ruit  contagio. 

Sequitur  :  «  Tulerunt  illum  in  Hieru- 
salem ,    ut    sisterent    eum    Domino.  » 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    II.  107 

S.  Athax.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  Mais  quand  donc  le  Seigneur  cessa-t-il 
un  seul  instant  d'être  en  la  présence  de  son  Père,  de  manière  à  échap- 
per à  ses  regards?  et  quel  est  l'endroit  de  la  terre  qui  ne  soit  pas  sou- 
mis à  son  empire,  et  où  le  Fils  soit  séparé  de  son  Père,  à  moins 
qu'on  ne  l'apporte  à  Jérusalem  et  qu'on  le  présente  au  temple  ?  N'ou- 
blions pas  que  toutes  ces  circonstances  sont  écrites  à  cause  de  nous  ; 
car  de  même  que  ce  n'est  point  pour  lui  que  le  Sauveur  s'est  fait 
homme,  et  qu'il  a  été  circoncis,  mais  pour  faire  de  nous  comme  autant 
de  dieux  par  sa  grâce,  et  nous  donner  l'exemple  de  la  circoncision 
spirituelle  ;  de  même,  il  se  présente  à  son  Père,  pour  nous  apprendre 
à  nous  offrir  tout  entiers  au  Seigneur. —  Bède.  C'est  le  trente-troisième 
jour  après  la  circoncision  qu'il  est  présenté  au  temple,  pour  nous 
apprendre  dans  un  sens  mystique ,  que  pour  être  digne  des  regai;fls 
du  Seigneur,  il  faut  avoir  retranché  tous  les  vices  par  la  circoncision 
spirituelle,  et  qu'à  moins  d'être  affranchi  de  tous  les  biens  de  la  mor- 
talité, on  ne  peut  entrer  pleinement  dans  les  joies  de  la  cité  céleste. 

«  Comme  il  est  écrit  dans  la  loi  du  Seigneur.  »  —  Orig.  {hom,  14.) 
Où  sont  ceux  qui  nient  que  Jésus-Christ  ait  prêché  dans  l'Evangile  le 
Dieu  de  la  loi  ?  Admettra-t-on  que  le  Dieu  bon  ait  assujetti  son  Fils  à 
la  loi  de  son  ennemi,  que  lui-même  n'avait  point  donnée  ?  En  effet, 
il  est  écrit  dans  la  loi  de  Moïse  :  «  Tout  mâle  ouvrant  le  sein  de  sa 
mère  sera  appelé  la  chose  sainte  du  Seigneur.  »  —  Bède.  Ces  paroles  : 
«  Ouvrant  le  sein  de  sa  mère  ,  »  s'appliquent  également  au  premier 
né  de  l'homme  et  des  animaux,  l'uu  et  l'autre  ,  selon  la  loi ,  devaient 
être  offerts  au  Seigneur,  et  appartenir  au  prêtre,  avec  cette  différence 
que  pour  le  premier  né  de  l'homme ,  il  devait  en  recevoir  le  prix,  et 
qu'il  faisait  racheter  le  premier  né  de  tout  animal  immonde.  — 


Athan.  {in  Cat.  Grxcorum  Patrum, 
ubi  Slip.)  Sed  qaando  paLernis  aspecti- 
bus  latiiit  Dominus,  ut  ab  eo  videri  non 
posset?  aut  quis  locus  excipitur  ab  ejus 
imperio ,  ut  ibi  existendo  semotus  a 
Pâtre  sit ,  nisi  afferatur  Hieroâolymam 
et  introducatur  in  templum  ?  Sed  forte 
causa  nostri  hujusiiiodi  scripta  sunt  : 
sicut  enim  non  gratia  sui  homo  factus  et 
circumcisus  in  carne ,  sed  ut  nos  per 
gratiani  faceret  deos,  et  ut  spiritualiter 
circumcidamur  ,  sic  propter  nos  sistitui- 
Domino,  ut  discanuis  Deo  praesentare 
nos  ipsos.  Bed.  Post  tricesimuui  aulem 
et  tertium  circumcirionis  dieni  Domino 
sistitur ,  mystice  iusinuans  neminom, 
nisi  circumcisum  viljis,  dominicis  di- 
gnum  esse  conspectibus  ;  neminem,  nisi 


mortalitatis  nexibus  absolutum,  supernae 
civitatis  gaudia  posse  perfecte  subire. 

Sequitur  :  «  Sicut  scriptum  est  in  lege 
Domini.  n  Orna.  {hom.  14.)  Ubi  sunt 
qui  Deum  legis  negant  a  Christo  fuisse 
in  Evangelio  prtedicatum  ?  An  putandum 
est  quod  Filium  suum  bonus  Deus  sub 
lege  inimici  fecit,  quam  ipse  non  dede- 
rat?  In  lege  enim  Moysi  scriptum  est 
quod  sequitur  :  «  Quia  omne  masculi- 
num  adaperiens  vulvam ,  sanctum  Do- 
mino vocabilur.  »  Bed.  Quod  dicit  : 
«Adaperiens  vulvam,  »  ethominis,  et 
pecoris  primogenitum  significat;  quod 
utrumque  Domino  vocari,  atque  ideo  sa- 
cerdotis  esse  praeceptum  est  ;  ita  duntaxat 
utpro  hominis  primogenito  pretium  acci- 
peret,  et  omne  animal  immundum  redimi 


108 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


S.  Grég.  de  Nysse.  Cette  prescription  de  la  loi  paraît  s'accomplir 
dans  le  Dieu  incarné  d'une  manière  toute  particulière  et  toute 
exceptionnelle.  Il  est  le  seul,  en  effet,  dont  la  conception  ineffable  et 
la  naissance  incompréhensible  n'ait  point  ouvert  le  sein  virginal  que 
le  mariage  avait  respecté,  et  quia  conservé  miraculeusement  après  ce 
divin  enfantement  le  sceau  de  la  chasteté.  —  S.  Amb.  Car  ce  n'est 
point  l'union  conjugale  qui  a  ouvert  le  chaste  sein  de  la  Vierge,  mais 
l'Esprit  saint  qui  a  déposé  dans  ce  sanctuaire  inviolable  le  principe 
d'une  naissance  immaculée.  Celui  qui  avait  sanctifié  le  sein  d'une 
autre  femme  pour  la  rendre  mère  d'un  prophète,  ouvrit  lui-même  le 
sein  de  sa  mère  pour  en  sortir  sain  et  sans  aucune  souillure.  —  Bède. 
L'Evangéliste,  en  disant  :  «  Tout  mâle  qui  ouvre  le  sein  de  sa  mère,  » 
ne.  fait  que  s'accommoder  au  langage  en  usage  pour  les  naissances  or- 
dinaires ;  car  loin  de  nous  la  pensée  que  le  Seigneur  ait  fait  perdre  par 
sa  naissance  la  virginité  au  chaste  sein  qu'il  avait  sanctifié  en  y  ve- 
nant faire  sa  demeure,  — S.  Grég.  de  Nysse.  {comme  précéd.)  C'est  ici 
le  seul  enfant  mâle  qui,  dans  sa  naissance,  n'a  rien  contracté  de  la  faute 
de  la  première  femme.  Aussi  est-il  appelé  5««>iMans  la  force  duterme, 
et  l'ange  Gabriel  déclare  pour  ainsi  dire  que  cette  dénomination 
consacrée  par  la  loi  n'appartient  qu'à  lui  seul,  lorsqu'il  dit  :  «  Le  fruit 
saint  qui  naîtra  de  vous  sera  appelé  le  Fils  de  Dieu.  »  Pour  les  autres 
premiers  nés,  ils  sont  appelés  saints,  dans  le  style  des  Ecritures,  parce 
qu'ils  tiennent  ce  nom  de  leur  consécration  à  Dieu  ;  mais  quant  au 
premier  né  de  toute  créature,  l'ange  proclame  qu'il  naît  saint  d'une 
sainteté  qui  lui  appartient  en  propre.  —  S.  Amb.  Mais  entre  tous  les 
enfants  nés  de  la  femme  ,  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  est  le  seul  que 
le  miracle  inoui  jusqu'alors  de  sa  naissance  immaculée  ait  préservé 


faceret.GREG.  Nyss.  (inhomil.  deOccursu 
Domini.)  Hoc  autem  legis  decretum  in 
solo  incarnato  Deo  singulariter  ab  aliis 
differenter  impleri  videtur.  Ipse  uam- 
que  solus  ineffabiliter  conceptus,  ac  in- 
comprehensibiliter  editus ,  virginalem 
uteruiu  aperuit  non  ante  a  couuubio 
reseratum,  servans  et  post  partum  mira- 
biliter  signaculum  castitatis.  Ambiî.  Non 
enim  virilis  coitus  vulvae  virgiualis  sé- 
créta reseravit^  sed  immaculatum  semen 
inviolabili  utero  Spiritus  sanctus  infu- 
dit.  Qui  ergo  vulvam  sanctificavR  alie- 
nam,  ut  nasceretur  propheta,  bic  est 
qui  aperuit  matri  sure  vulvam,  ut  imma- 
culatus  exiret.  Bed.  Quod  ergo  ait  : 
«  Adaperiens  vulvam ,  »  cousuetœ  nati- 
vitatis  more  loquitur  ;  non  quod  Domi- 
nus  sacri  ventris  bospitium  quod  ingres- 


sus  sanctificaverat,  egressus  devirginasse 
credendus  sit.  Greg.  Nyss.  {ubi  supra.) 
Solus  autem  bic  partus  mascxiUnus  spi- 
rituabter  esse  conspicitur,  qui  nil  de 
femineitate  culpse  portavit.  Unde  rêvera 
sanctus  vocatus  est  :  unde  et  Gabriel 
(quasi  boc  decretum  ad  ipsum  solum 
pertinere  memorans)  dicebat  :  «  Quod 
ex  te  uascetur  sanctum,  vocabitur  Filius 
Dei.  »  Et  in  cceteris  quidem  primogenitis 
sunctos  illos  vocari  evangelica  solertia 
statuit,  tanquam  oblatione  divina  sorti- 
tos  bujusmodi  nomen  :  at  ia  totius  pri- 
mogenito  creaturae  «  quod  nascitur 
sanctum,  »  pronuntiat  augelus  quasi 
proprie  sanctum  existens.  Ambr.  Solus 
enim  per  omnia  in  uatis  de  femina  sanc- 
tus Dominus  Jésus;  qui  terrenae  conta- 
gia  corruptelae  immaculati  partus  novi- 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.    II.  109 

de  la  contagion  de  la  corruption  terrestre^  qu'il  a  écarlé  par  sa  puis- 
sance toute  divine.  Si  nous  prenions  les  choses  au  pied  de  la  lettre, 
comment  pourrait-on  dire  que  tout  enfant  mâle  est  saint,  alors  que 
nous  savons  qu'un  grand  nombre  d'entre  eux  ont  été  les  plus  scélé- 
rats des  hommes?  Mais  celui-là  seul  est  véritablement  saint ,  que  les 
préceptes  de  la  loi  divine  annonçaient  d'avance  en  figure  du  mystère 
qui  devait  s'accomplir,  parce  que  seul  il  devait  ouvrir  le  sein  mysté- 
rieux de  la  sainte  Eglise  vierge ,  pour  engendrer  tous  les  peuples  à 
Dieu. 

S.  Cyb.  {Ch.  des  Pèr.  gr.,  hom.  17.)  0  profondeur  des  conseils  de 
la  sagesse  et  de  la  science  de  Dieu  !  celui  qui  est  honoré  avec  son  Père 
dans  tous  les  sacrifices,  lui  ofi're  lui-même  des  victimes;  la  vérité  ob- 
serve les  cérémonies  figuratives  de  la  loi,  celui  qui  comme  Dieu  est 
l'auteur  de  la  loi,  se  soumet  comme  homme  aux  prescriptions  de  la  loi  : 
«  Et  pour  offrir  en  sacrifice,  ainsi  que  le  prescrit  la  loi  du  Seigneur, 
deux  tourterelles  ou  deux  petits  de  colombes  »  {Lev.,  xvi).  —  Bède. 
{hom.  sur  la  Purifie.)  C'était  l'ofirande  des  pauvres;  en  effets  d'après 
la  loi,  ceux  qui  en  avaient  le  moyen  devaient  offrir  pour  un  enfant 
mâle  ou  pour  une  fille,  un  agneau,  et  en  même  temps  une  tourterelle 
ou  une  colombe  :  s'ils  étaient  pauvres  et  n'avaient  pas  le  moyen  d'of- 
frir un  agneau,  ils  offraient  à  la  place  deux  tourterelles  ou  deux  petits 
de  colombe.  Ainsi  le  Seigneur,  de  riche  qu'il  était,  a  daigné  se  faire 
pauvre,  afin  de  nous  faire  entrer  par  sa  pauvreté  en  participation  de 
ses  richesses. 

S.  Cyr.  [comme  précéd.)  Examinons  quelle  est  la  signification  mys- 
térieuse de  ces  offrandes.  La  tourterelle  est  de  tous  les  oiseaux  celle 
dont  le  chant  est  le  plus  fréquent  et  le  plus  continu  ;  et  la  colombe  est 
un  animal  plein  dé  douceur.  Or,   c'est  sous  ces  deux  qualités  que 


tate  non  senserit ,  et  crplesti  majestate 
depnlerit.  Nain  si  litterani  sequimur, 
quomodo  sanctus  omnis  masculus,  cum 
mullos  sceleratissimos  fuisse  non  latcaf? 
Sed  ille  sanctus  queni  in  fiiiura  fiituri 
mysterii  pia  legis  divinre  prœicripta  si- 
gnabant;  eo  quod  solus  sanctaj  Ecclesia? 
virginis  ad  generandos  populos  aperiret 
génitale  secretum. 

Cyril,  [in  Cat.  Grœcorum  Patntm,  ex 
homil.  17.)  0  profunditas  scienliaruni 
sapientiiE  et  scientite  Dei  !  Offert  hoslias 
qui  per  singulas  hoslias  bonoratur  cum 
Paire;  figuras  legis  custodit  veritas;  qui 
legis  est  conditor  sicut  Deus,  legem  cus- 
todivit  ut  homo  :  unde  sequitur  :  «  Et 
ut  darent  bostiam  secundum  quod  dic- 


lum  erat  in  lege  Domini  [Lev.,  12,  vers. 
8.)  :  Par  turturum,  aut  duos  pullos  co- 
lumbaruiu.  »  Bed.  (/«  hom.  Purificat.) 
Hostia  autem  bœc  paupcruui  erat  :  prae- 
cepit  quippe  Doniinus  in  lege  [ubi 
supra)  ut  qui  possent  agnum  pro  filio 
aut  fiba,  simul  et  turlureui  sive  colum- 
bam  offerrentj  qui  vero  non  sufliciebant 
ad  offerendum  agnum,  duos  lurtures  vel 
duos  columbfe  pullos  offerrent.  Ergo 
Domiuus  cuui  dives  esset,  pan  per  lieri 
digualiis  est,  ut  nos  sua  paupertate  divi- 
tiarum  suarum  douaret  esse  participes. 
Cyril,  [ubi  supra.)  Videndum  autem 
quid  hœc  oblata  insinuant.  Nimirum 
loquacissima  est  turtur  in  avibus,  at 
columba  est  animal  mansuetum  :  talis 


HO 


EXPLICATION   DE    l'ÉVANGILE 


notre  Sauveur  s'est  présenté  à  nous,  toute  sa  vie  a  été  le  modèle  de  la 
plus  parfaite  douceur,  et  comme  la  tourterelle  il  a  attiré  à  lui  tout 
l'univers,  en  remplissant  sou  jardin  de  ses  célestes  mélodies  (1).  On 
immolait  donc  une  tourterelle  ou  une  colombe  en  figure  de  celui  qui 
devait  être  immolé  pour  la  vie  du  monde.  —  Bède.  {comme  précéd.) 
Ou  bien  la  colombe  est  le  symbole  de  la  simplicité,  et  la  tourterelle 
l'emblème  de  la  chasteté,  parce  que  la  colombe  aime  par  instinct  la 
simplicité,  et  la  tourterelle  la  chasteté.  En  effet,  si  la  tourterelle  vient  à 
perdre  sa  compagne,  elle  n'en  cherche  pas  une  autre.  C'est  donc  pour 
une  raison  mystérieuse  qu'on  offrait  à  Dieu  une  tourterelle  et  une  co- 
lombe pour  être  immolés,  parce  que  la  vie  simple  et  chaste  des  fidèles  est 
aux  yeux  de  Dieu  un  sacrifice  agréable  de  justice.  —  S.  Athax.  yCh. 
des  Pèr.  g?'.)  La  loi  ordonnait  d'offrir  deux  de  ces  oiseaux,  parce  que 
l'homme  étant  composé  d'un  corps  et  d'une  àme.  Dieu  demande  de 
nous  deux  choses,  la  chasteté  et  la  douceur,  non-seulement  du  corps, 
mais  aussi  de  l'àme;  autrement  l'homme  ne  serait  à  ses  yeux  qu'un 
hypocrite  cherchant  à  dissimuler  la  malice  secrète  de  son  cœur,  sous 
les  dehors  d'une  innocence  trompeuse.  —  Bède.  {comme  précéd.)  Ces 
deux  oiseaux,  par  l'habitude  qu'ils  ont  de  gémir,  sont  l'emblème  des 
pieux  gémissements  des  saints  pendant  la  vie  présente;  ils  diffèrent 
cependant  en  ce  que  la  tourterelle  recherche  la  solitude,  tandis  que 
la  colombe  aime  à  voler  par  compagnies.  Aussi  l'une  représente  plus 
particulièrement  les  larmes  secrètes  de  l'oraison,  et  l'autre  les  assem- 
blées publiques  de  l'Eglise.  —  Bède  [sur  S.  Luc.)  Ou  bien  encore  la 
colombe  qui  aime  à  voler  par  troupes,  signifie  le  grand  nombre  de 
ceux  qui  mènent  la  vie  active  ;  la  tourterelle  qui  recherche  la  solitude 

(1)  Allusion  à  ces  paroles  du  Cantique  des  Cantiques  :  «  La  voix  de  la  tourterelle  s'est  fait  en- 
tendre. »  (il,  1.) 


autein  factus  est  erga  nos  Salvator, 
mansuetudinem  perfecte  colens,  et  ut 
turtur  orbem  allexit,  replens  hortum 
suum  x^ropriis  melodiis.  Occidebatur. 
ergo  turtur  aut  columba,  ut  ipse  par 
figuras  nobis  pandatur  passurus  in  carne 
pro  vita  mundi.  Bed.  [in  hom.,  ut  svp.) 
Vel  columba  simplicilatem,  turtur  iudi- 
cat  castilatein  ;  quia  et  columba  simpli- 
citatis,  et  castitatis  amator  est  turtur;  ita 
ut  si  coDJugem  casu  perdiderit,  non 
ultra  aliaui  quœrere  curet  :  merito  ergo 
turtur  et  columba  Domino  offeruntur 
in  hostiam,  quia  simplex  etpudicafide- 
lium  conversatio  est  illi  justiticB  sacrifi- 
cium  gratum.  Athax.  {in  Cat.  Grœco- 
rum,  ubi   sup.)  Ideo   vero  bina  jussit 


offerri,  quia  homine  consistente  ex  ani- 
ma et  corpore ,  duplum  a  nobis  poscit 
Deus  :  castitatem  et  mansuetudinem, 
non  solum  corporis  ,  sed  eliam  animae  ; 
alioquia  erit  homo  fictor  liypocrita ,  ge- 
rens  in  tegumentum  occultœ  malitiae 
iûnocentiam  apparentem.  Beda.  [in 
hom.,  ut  sup.)  Cum  vero  utraque  avis 
propter  consuetudinem  gemendi  prae- 
sentes  sanctorum  luctus  desianet.  in  hoc 
tamen  differunt,  quod  turtur  solivagus, 
columba  autem  gregatim  volare  consue- 
vit;  et  ob  id  iste  sécrétas  orationum  la- 
crymas-,  illa  publicos  Ecclesise  conventus 
insinuât.  Bed.  [super  Luc.)  Vel  columba, 
quœ  gregatim  volât,  activée  vitse  fre- 
quentiam  demonsirat;  turtur,  qui  slngu- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    II.  ill 

représente  les  âmes  qui  gravissent  les  hauteurs  de  la  vie  contem- 
plative. Ces  deux  offrandes  sont  également  agréables  à  Dieu,  aussi 
est-ce  avec  dessein  que  saint  Luc  ne  précise  pas  si  on  a  offert  au  Sei- 
gneur des  tourterelles  ou  des  petits  de  colombes,  pour  ne  point  pa- 
raître donner  la  préférence  à  l'un  de  ces  deux  genres  de  vie,  mais  nous 
enseigner  que  nous  devions  suivre  l'un  et  l'autre. 

f.  25-28.  —  Or  il  y  avait  à  Jérusalem  un  homme  juste  et  craignant  Dieu 
nommé  Siméon  qui  attendait  la  consolation  d'Israël,  et  l'Esprit  saint  était 
en  lui.  L'Esprit  saint  lui  avait  révélé  qu'il  ne  mourrait  point,  qu'auparavant 
il  n'eût  vu  le  Christ  du  Seigneur.  Conduit  par  l'Esprit  il  vint  dans  le  temple. 
Et  comme  les  parents  de  l'enfant  Jésus  l'y  portaient,  afin  d'accomplir  pour 
lui  ce  que  la  loi  avait  ordonné,  il  le  prit  entre  ses  bras. 

S.  Ambr.  Ce  ne  sont  pas  seulement  les  anges  et  les  prophètes,  les 
bergers  et  les  parents  eux-mêmes  de  Jésus,  mais  les  vieillards  et  les 
justes  qui  viennent  rendre  témoignage  à  sa  naissance  :  «  Or  il  y  avait  à 
Jérusalem  un  homme  appelé  Siméon,  il  était  juste  et  craignant  Dieu.  » 
—  BEDE.  L'Evangéliste  nous  dit  (ju'il  était  juste  et  craignant  Dieu, 
parce  qu'il  est  difficile  de  conserver  la  justice  sans  la  crainte,  non  pas 
cette  crainte  qui  redoute  de  se  voir  enlever  les  biens  de  la  terre  (et 
que  la  charité  parfaite  chasse  dehors),  mais  cette  chaste  crainte  de 
Dieu  qui  demeure  éternellement,  et  qui  porte  le  juste  à  fuir  toute 
offense  de  Dieu,  d'autant  plus  soigneusement  qu'il  a  pour  lui  un 
amour  plus  ardent.  —  S.  Ambr.  Oui  il  était  véritablement  juste,  lui 
qui  cherchait,  non  pas  sa  consolation,  mais  celle  de  son  peuple  :  «  Et 
il  attendait  la  consolation  d'israél.  »  —  S.  Grég.  de  Nysse  {comme 
précéd.)  Ce  n'est  point  la  félicité  de  ce  monde  que  le  sage  Siméon  at- 


laritate  gaudet,  speculativaevitae  culmina 
(lenuntiat  :  et  quia  œque  utraque  Con- 
ditori  accepta  est  hoslia,  consulte  Lucas 
utrum  turtures  an  pulli  colunibarum 
pro  Domino  sint  oblati ,  non  dixit,  ne 
unuin  alteri  vivendi  ordinem  prœferret, 
sed  utrumque  sequendum  doceret. 

El  ecce  homo  erat  in  Hierusalem,  eut  nomen  Si- 
meoit.  Et  homo  iste  juslus  et  timoralus ,  ex- 
speclans  consolalionem  Israël,  et  Spirilus 
sari'jlus  erat  in  eo  ;  et  responsum  acceperal  a 
Spiritu  sancto,  non  visui'um  se  mortem,  nisi 
prias  videret  Chrislum  Domiui.  Et  venit  in 
Spirituin  templum.  El  cum  inducerent  puenim 
Jesum  parentes  ejus  ,  ut  facerent  secundum 
consueludinem  legis  pro  eo  et  ipse  accepit  eum 
in  ulnas  suas. 

AiiBR.  Non  soluni  ab  augelis  et   pro- 


phetis,  a  pastoribus  et  a  parentibus,  sed 
etiam  a  senioribus  et  justis  generatio 
Domini  accepit  testimouiuni  :  unde  dici- 
tur  :  «  Et  ecce  homo  erat  iu  Hierusa- 
lem ,  cui  nomen  Siméon  ;  et  Uomo  iste 
justus  et  timoratus.  »  BiiD.  Quia  difli- 
culter  justitia  sine  timoré  custoditur  : 
non  illum  dico  timorem  qui  temporalia 
sibi  bona  subtrahi  perhorrescit  (quem 
perfecta  dilectio  foras  mitlit),  sed  timo- 
rem Domiui  sanctum  qui  manet  in  se- 
cula  ;  ([uo  justus  Deum  quauto  ardentius 
diligil ,  tanto  solerlius  ofTendere  cavet. 
Amur.  Et  bene  justus,  qui  non  suam,  sed 
popLili  gratiam  requirebat  :  unde  sequi- 
lur  :  «  Exspectans  consolatiouem  Israël  ?  » 
Greg.  Nyss.  [oral,  de  occursu  Domini) 
Non    utique  mundanam  fehcitatera    iu 


il2 


EXPLICATION    DE   l'ÉVANGILE 


tendait  pour  la  consolation  d'Israël,  mais  le  vrai  passage  pour  son 
peuple  aux  splendeurs  de  la  vérité  qui  devaient  l'arracher  aux  ombres 
de  la  loi,  car  il  lui  avait  été  révélé  qu'il  verrait  le  Christ  du  Seigneur 
avant  de  quitter  la  terre  :  «  Et  l'Esprit  saint  était  en  lui  (comme  prin- 
cipe de  sa  justice),  et  il  lui  avait  été  révélé,  »  etc.  —  S.  Ambr.  Il  dé- 
sirait sans  doute  voir  se  briser  les  liens  qui  l'attachaient  à  ce  corps 
fragile  et  périssable,  mais  il  attendait  de  voir  celui  qui  était  promis, 
car  il  savait  qu'heureux  seraient  les  yeux  qui  mériteraient  de  le  voir. 
—  S.  Grég.  {Moral.  ^  vu,  4.)  Nous  pouvons  juger  de  là  combien  vifs 
et  ardents  étaient  les  désirs  des  saints  du  peuple  d'Israël,  pour  voir  le 
mystère  de  l'incarnation  du  Sauveur.  —  Bède.  Voir  la  mort,  c'est  en 
subir  les  atteintes^  mais  heureux  mille  fois  celui  qui,  avant  de  voir  la 
dissolution  de  son  corps  par  la  mort,  se  sera  efforcé  de  voir  aupara- 
vant des  yeux  du  cœur,  le  Christ  du  Seigneur,  en  transportant  par 
avance  sa  vie  dans  la  céleste  Jérusalem,  en  fréquentant  la  maison  de 
Dieu,  c'est-à-dire,  en  suivant  les  exemples  des  saints,  dans  lesquels 
Dieu  a  fixé  sa  demeure.  Or,  c'est  la  même  grâce  de  l'Esprit  saint, 
qui  lui  avait  annoncé  par  avance  l'avènement  du  Sauveur,  qui  lui 
fait  connaître  le  moment  de  sa  venue  :  «  Et  il  vint  au  temple  conduit 
par  l'Esprit.  » 

Orig.  {hom.  14-.)  Et  vous  aussi,  si  vous  voulez  tenir  Jésus  et  le  serrer 
entre  vos  bras,  faites  tous  vos  efforts  pour  que  l'Esprit  saint  lui-même 
vous  serve  de  guide  au  temple  de  Dieu  :  «  Et  comme  la  parenté  de 
l'enfant  Jésus  (Marie  sa  mère,  et  Joseph  qui  passait  pour  son  père), 
l'y  apportaient,  afin  d'accomplir  pour  lui  ce  qu'ordonnait  la  loi,  il  le 
prit  dans  ses  bras.  »  —  S.  Grég,  de  Nysse.  Quelle  est  heureuse  l'en- 


consolationem  Israël  prudens  Simeon 
exspectabat ,  sed  veram  translationem 
ad  veritatis  decorem  per  separaliouem 
a  legis  umbra  :  habuerat  namque  per 
oracula  quod  visurus  esset  Cbristuiii 
Domini,  priusquam  de  seculo  prœsenti 
trausrnigraret.  Uude  sequitur  :  «  Et 
Spiritus  sanctus  erat  m  eo  (a  quo  scili- 
cet  justificabatur) ,  responsum  accepit  a 
Spiritu  sanclo,  »  etc.  Ambr.  Cupiebat 
ipse  quideni  corporese  vineubs  fragibta- 
tis  absolvi ,  sed  exspectabat  videra  pro- 
missum  :  sciebat  enim  quia  beati  oculi 
qui  eum  vidèrent.  Greg.  (lib.  vu, 
Moi'al.,  cap.  4.)  In  quo  etiam  discinius 
quanlo  desiderio  ex  plèbe  Israelitica 
sancti  viri  incarnalionis  ejus  myslerium 
videre  cupierunt.  Beda.  Videre  autem 
mortem  ,  experiri  eam  significat;  niul- 
tumque   felix    mortem    videbit   carnis, 


quicunque  Cbristum  Domini  prius  ocu- 
lis  cordis  videre  sategerit  ;  conversatio- 
nem  habendo  in  cœlesti  Hierusalem, 
templi  Dei  limiua  frequentando  ;  hoc 
est,  sanctorum  (in  quibus  Deus  habitat) 
exempla  sectando.  Eadem  autem  Spiri- 
tus gratia,  qua  olim  venturum  praeco- 
gnoverat,  et  nunc  venientem  cognovit  : 
unde  sequitur  :  «  Et  venit  in  Spiritu  in 
templum.  » 

Orig.  [hom.  14.)  Et  tu  si  vis  tenere 
Jesum  et  amplexari  manibus,  omni  la- 
bore  nitere  ut  ducem  habeas  Spirilum 
veniasque  ad  templum  Dei  :  sequitur 
enim  :  «  Et  cmn  inducereut  puerum  Je- 
sum parentes  ejus  (scilicet  Maria  mater, 
et  Joseph,  qui  putabatur  pater),  ut  face- 
rent  secundum  con.-uetudinem  legis  pro 
eo,  et  ipse  accepit  eum  in  ulnas  suas.  » 
Greg.  Nyss.  (ubi  sup.)  Quam  beatus  ille 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    H.  H3 

trée  de  ce  saint  vieillard  dans  le  temple,  puisqu'elle  l'approche  du 
terme  désiré  de  sa  vie  !  Heureuses  ses  mains  qui  ont  mérité  de  toucher 
le  Verbe  de  vie;  heureux  ses  bras  qu'il  ouvrit  pour  recevoir  l'enfant 
divin.  —  BEDE.  Cet  homme  qui  était  juste  selon  la  loi,  prit  l'enfant 
Jésus  dans  ses  bras,  pour  signifier  que  la  justice  des  œuvres  légales 
figurées  par  les  mains  et  par  les  bras,,  devait  faire  place  à  la  grâce 
humble  mais  efficace  et  salutaire  de  la  foi  évangélique.  Ce  saint  vieil- 
lard prit  dans  ses  bras  Jésus  enfant,  pour  annoncer  que  ce  siècle  ac- 
cablé, décrépit  de  vieillesse,  allait  revenir  à  l'enfance  et  à  l'innocence 
de  la  vie  chrétienne. 


f.  29-32.  —  Et  il  bénit  Dieu  en  disant  :  C'est  maintenant.  Seigneur,  que  vous 
laisserez  aller  en  paix  votre  serviteur,  selon  votre  parole  ;  puisque  mes  yeux 
ont  vu  le  Sauveur  que  vous  nous  donnez,  et  que  vous  avez  établi  devant  tous 
les  peuples  pour  être  la  lumière  qui  éclairera  les  nations,  et  la  gloire  de  votre 
peuple  d'Israël. 

Orig.  {hom.  15.)  S'il  suffît  à  une  femme  malade  de  toucher  sim- 
plement le  bord  du  vêtement  de  Jésus  pour  être  guérie,  que  devons- 
nous  penser  de  Siméou,  qui  tint  ce  divin  enfant  dans  ses  bras? 
Quelle  dut  être  sa  joie  de  porter  dans  ses  bras  celui  qui  était  venu 
pour  briser  les  chaînes  des  captifs,  et  qui  seul,  il  le  savait,  pouvait 
le  tirer  de  la  prison  de  son  corps  avec  l'espérance  de  la  vie  fu- 
ture ?  «  Et  il  bénit  Dieu  en  disant  :  C'est  maintenant.  Seigneur,  que 
vous  laisserez  aller  en  paix  votre  serviteur.  »  —  TnÉopiiYL.  En  di- 
sant :  Seigneur,  il  reconnaît  qu'il  est  le  maître  de  la  mort  et  de  la 
vie,  et  il  proclame  la  divinité  de  l'enfant  qu'il  reçoit  dans  ses  bras. 
—  Orig.  ïl  semble  dire  :  Tant  que  je  ne  tenais  pas  le  Christ  dans  mes 


sacer  ad  sacra  introitus  ,  per  quem  ad]  pulorum  :  lumen  ad  revelationemgenlium,  et 
vitfe  terminum  inaturavil!  Beatae  manus  gloriam plebis  tua:  Israël. 
qua;  verbum  vitœ  palpavcrunt,  et  ulnae  Orig.  {hom.  15.)  Si  autem  ad  tactum 
quoque  quas  ad  susccplionem  paravil  !  fiinbriœ  vestimeuti  imilier  sanata  est, 
Beda.  Accepit  autem  justus  secunduni  j  quid  putanduni  est  de  Simeone,  (jui  in 
legem  pueruin  Jesum  in  ulnas  suas,  ut  suas  ulnas  aêcepit  infanteui,  et  gaudebat 
significet  justitiam  operum  quœ  ex  loge  videns  parvuiuui  a  se  gestari  qui  vene- 
erat  per  ujanus  et  bracbia  figuralorum,  rat  ad  viuctos  resolvendos  ?  sciens  ne- 
humili  quideui,  sed  salutari  fidei  evan-  j  ininem  eum  posse  de  claustro  corporis 
gelicœ  gratia  mutandani.  Accepit  senior  euiittere  cum  spe  futurfe  vitœ,  nisi  is 
infanteni  Christura ,  ut  iusinuet  hoc  se-  quem  in  brachiis  conlinebat  :  unde  di- 
culum  quasi  seuio  jam  defessum  ad  in-  citur  :  «  Et  benedi.xit  Deum,  et  dixit  : 
fanliam  et  innocentiani  christianœ  con-  'Nnnc  dimittis  servuni,  Domine.  »  TilKO- 
versaliouis  redilur^im.  ]  phyl.    Quod  dicit,   Domine,  conlilenûà 

Et  benedixit  Deum,  et  dixit  :  Nunc  dimittis  ser-  ^^^  'I""^'^  ^P''^  Ulortis  est  et  vilU3  donii- 
iMTO  tuum,  Domine,  secunduni  verbum  tuum^^^^^  >  ^^  sic  puerum  quem  SUScepit , 
in  pace.  Quia  viderunt  occuli  mei  salutare  \  Dcuin  confitetur.  Obig.  (ut  SUp.)  Quasi 
tuutn  :  quod  parasti  aute  faeiem  omnium  po-  [  dicerel:  Quandiu  Christumnon  tenebam, 

TOM.   V.  3 


ii4  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

bras,  j'étais  captif  et  je  ne  pouvais  briser  mes  liens.  —  S.  Bas.  {hom. 
sur  l'act.  de  gr.)  Si  vous  examinez  les  paroles  des  justes,  vous  trou- 
verez que  tous  gémissent  sur  les  misères  de  ce  monde,  et  sur  la  triste 
prolongation  de  cette  vie  :  «  Malbeur  à  moi,  dit  David,  parce  que 
mon  exil  s'est  prolongé.  »  {Ps.  cxix.)  —  S.  Ambr.  Considérez  ce  juste 
qui  désire  voir  tomber  les  murs  épais  de  la  prison  de  son  corps  pour 
commencer  à  être  avec  Jésus-Christ.  Mais  que  celui  qui  veut  sincère- 
ment sa  délivrance,  vienne  dans  le  temple,  qu'il  se  rende  à  Jérusalem, 
qu'il  attende  la  venue  du  Christ  du  Seigneur,  qu'il  reçoive  dans  ses 
mains  le  Verbe  de  Dieu,  et  qu'il  le  tienne  embrassé  pour  ainsi  dire 
dans  les  bras  de  sa  foi  ;  alors  les  liens  se  briseront,  et  il  ne  verra  point 
la  mort,  parce  qu'il  aura  vu  de  ses  yeux  celui  qui  est  la  vie. 

Ch.  des  Pèr.  CtR.  Siméon  bénit  Dieu  de  ce  que  surtout  les  promesses 
qui  lui  avaient  été  faites,  avaient  reçu  leur  plein  accomplissement, 
car  il  mérita  de  voir  de  ses  yeux  et  de  porter  dans  ses  bras  celui  qui 
était  la  consolation  d'Israël,  c'est  pour  cela  qu'il  dit  :  «  Selon  votre 
parole,  »  c'est-à-dire,  lorsque  j'aurai  vu  l'accomplissement  de  ce  qui 
m'a  été  promis.  Mais  maintenant  que  j'ai  contemplé  la  présence  vi- 
sible de  celui  qui  était  l'objet  de  mes  désirs,  vous  pouvez  délivrer 
votre  serviteur  qui  ne  sera  ni  effrayé  des  approches  de  la  mort,  ni 
troublé  par  aucune  pensée  de  défiance  ou  d'incertitude;  aussi  ajoute- 
t-il  :  «  En  paix.  »  —  S.  Grég.  de  Nysse.  Dès  que  Jésus-Christ  a  dé- 
truit le  péché  qui  nous  rendait  les  ennemis  de  Dieu  et  qu'il  nous  a 
réconciliés  avec  son  Père,  les  saints  quittent  cette  vie  dans  une  pro- 
fonde paix.  —  Orig.  Quel  est  celui,  en  effet,  qui  sort  de  ce  monde  en 
paix,  si  ce  n'est  celui  qui  a  compris  que  Dieu  était  en  Jésus-Christ,  se 
réconciliant  le  monde  (II  Corinth.,  v),  qui  n'a  rien  en  lui  de  contraire 


clausus  eram,  et  de  viuculis  exire  non 
poteram.  Basil,  [in  homil.  de  gratia- 
rum  actione.)  Si  autem  voces  justorum 
inquiras,  omnes  super  hoc  mundo  et 
ejus  flebili  luora  ingemiscunt  :  «  Heu 
lûilii,  dicit  David  {Pscil.  119),  quia  inco- 
latus  meus  prolongatus  est!  »  Ambr. 
Vide  ergo  juslum  velut  corporeœ  carcere 
molis  iuclusum  velle  dissolvi,  utincipiat 
esse  cum  Christo.  Sed  qui  vult  dimitti, 
veniat  iu  templuui,  veniat  in  Hierusa- 
lem,  exspectet  Christum  Domiui,  acci- 
piat  in  manibus  Verbum  Dei,  et  coin- 
plectatur  velut  quibusdam  fidei  suse 
brachiis  :  tune  dimittetur,  ut  non  videat 
mortem  qui  viderit  vitam. 

Grjlc.   [kl  est,  PJiotius,  in  Cat.  Grœ- 
conim  Pulrunij  ubi  sup.)  Simeon  autem 


benedicebat  Deuiu  inter  cretera,  quod 
promissa  sibi  facta  sortita  erant  effica- 
ciae  veritatem  :  nam  consolationem  Israël 
oculis  perspicere  meruit,  et  manibus  por- 
tare  :  et  ideo  dicit  :  «Secundum  verbum 
tuum  ;  »  id  est,  cum  finem  obtiuuerim 
promissorum  :  at  ubi  visibiliter  sensi 
quod  desiderabam,  uunc  solvis  tuum  ser- 
vum,  nec  gustu  mortis  attouitum,  née 
liaesitationis  cogitationibus  conturbatum. 
Et  ideo  subdilur  :  «  lu  pace.  »  Greg. 
Nyss.  {ubi  supra.)  Quiapostquam  Chris- 
tus  culpam  hostilem  deslruxit,  et  nos 
quoque  Patri  recouciliavit ,  facta  est 
translatio  sanctorum  in  pace.  Orig.  {ut 
sup.)  Quis  est  autem  qui  de  seculo  isto 
l'ectdit  in  pace.  nisi  is  qui  intelligit  quod 
Deus  erat  in  Christo  mundum  reconci- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    II. 


il5 


à  Dieu,  mais  qui,  par  ses  bonues  œuvres,  a  établi  dans  son  âme  une 
paix  parfaite?  —  Ch.  des  Pèr.  gr.  Il  lui  avait  été  promis  qu'il  ne 
mourrait  point  avant  d'avoir  vu  le  Christ  du  Seigneur,  et  il  montre 
l'accomplissement  de  cette  promesse  dans  les  paroles  suivantes  : 
«  Parce  que  mes  yeux  ont  vu  le  Sauveur  que  vous  nous  donnez.  » 
—  S.  Gré&.  de  Nysse.  Bienheureux  les  yeux  et  de  votre  âme  et  de 
votre  corps,  ceux-ci,  parce  qu'ils  ont  joui  de  la  présence  visible  de 
Dieu;  ceux-là,  parce  que  sans  s'arrêter  à  ce  spectacle  visible,  ils  ont 
été  éclairés  des  splendeurs  de  l'Esprit  et  ont  reconnu  le  Verbe  de  Dieu 
dans  une  chair  mortelle,  car  ce  Sauveur  que  vos  yeux  ont  vu,  c'est 
Jésus  lui-même,  dont  le  nom  seul  annonce  le  salut  à  la  terre.  — 
S.  Cyr.  Or  l'avènement  du  Christ  était  ce  mystère  qui  a  été  révélé 
dans  les  derniers  temps,  mais  qui  avait  été  préparé  dès  l'origine  du 
monde,  c'est  pour  cela  que  Siméon  ajoute  :  «  Que  vous  avez  préparé 
devant  la  face  de  tous  les  peuples,  »  etc.  —  S.  Athan.  Il  veut  parler 
ici  du  salut  que  Jésus-Christ  est  venu  apporter  à  l'univers  entier. 
Comment  donc  est-il  dit  plus  haut  que  Siméon  attendait  la  consola- 
tion d'Israël?  C'est  que  l'Esprit  saint  lui  avait  fait  connaître,  que 
le  peuple  d'Israël  recevrait  sa  consolation,  lorsque  le  salut  serait  ré- 
vélé à  tous  les  peuples  de  la  terre.  —  Gn.  des  Pèr.  gr.  Considérez  la 
pénétration  de  ce  saint  et  auguste  vieillard  :  avant  qu'il  fût  honoré 
de  cette  bienheureuse  vision,  il  attendait  la  consolation  d'Israël,  mais 
aussitôt  qu'il  a  contemplé  l'objet  de  ses  espérances,  il  s'écrie  qu'il  a 
vu  le  salut  de  tous  les  peuples,  car  les  splendeurs  qui  environnent  ce 
divin  enfant  l'inondent  d'une  si  vive  lumière,  que  les  événements 
qui  doivent  arriver  dans  la  suite  des  temps  lui  sont  pleinement  révé- 
lés. —  Théophyl.  C'est  d'une  manière  significative  que  Siméon  dit  : 


lians  sibi  (II  Cor.,  5),  nihilque  habet 
inimicum  Deo,  sed  omnem  pacem  bonis 
in  se  operibus  assumpsit  ?  Gr.ec.  (vel 
Photius,  v.t  SM/J.)  Fuerat  autem  sibi  re- 
promiasum  non  visurum  se  morteni , 
niai  prius  videret  Cbrislum  Domini  ;  et 
ideo  boc  impletum  ostendens  subdit  : 
«Quia  videront  oculinieisalulare  luuni.  » 
Greg.  Nï'SS.  {ut  srip.)  Beati  oculi  tui, 
tam  animae  quam  corporis  ;  bi  quidem 
visibiUler  Deum  suscipientes  ;  illi  vero, 
non  solum  qnae  visa  sunt  attendentes, 
imo  illuminali  fulgore  Spirilu  Domini 
verbiim  in  carne  cocnosconles  :  sahilare 
namque  quod  oculis  percppisti,  ipse 
Jesns  est  ;  quo  noniine  sahis  declaratnr. 
Cyril,  {ubi  supra.)  Fuerat  autem  Cbri.-- 
tu5  mysterium,  quod  patiiit  in  ultimis 
temporibus    seculi    prœparatum     ante 


mundi  originem  :  unde  sequitur:  «Quod 
parasti  ante  faciem  onniium,  »  etc.  Athan. 
(wV^/ai^;;.)  Scilicet  confectam  toti  mundo 
per  Cbristuni  salulem  :  qualiter  ergo 
supra  dictuni  est,  quod  exspectabat  Is- 
raël consolationem  ?  Eo  quod  scilicet 
tune  fuluram  esse  consolationem  Israël 
agnovit  in  spiritu,  cum  et  in  omnibus 
populis  paralum  est  salutaro.  Gr.iîc. 
[ccl  l'Itotius,  vl  sup.)  Altendo  eliani 
sagacilatem  digni  et  venerandi  senis  : 
anlequam  dignus  viderelur  beala;  visio- 
nis,  prœstolabatur  solamen  Israël;  ut 
autem  quod  sperabat,  obtiuuit.  exclamât 
se  vidisse  saluteni  umniuni  populorum  : 
adoo  enim  infantis  iiieli'abile  jubar  illus- 
travit  eum,  nt  proces-u  tcmporis  secu- 
tura,  mox  sibi  lièrent  nola.  TiiEOPnvL. 
Signanter  autem  dicil  :  «  Ante  faciem,  » 


116 


EXP7.ICATI0N   DE   l/ÉVANGlLE 


a  Devant  la  face  de  tous  les  peuples,  »  car  l'incarnation  du  Sauveur 
devait  apparaître  à  tous  les  hommes.  Il  ajoute  que  ce  salut  sera  la  lu- 
mière des  nations  et  la  gloire  d'Israël  :  «  Pour  être  la  lumière  qui 
éclairera  les  nations,  a  —  S.  Athan.  En  eJQTet,  avant  l'avènement  de 
Jésus-Christ,  les  nations  étaient  plongées  dans  les  plus  profondes  té- 
nèbres, privées  qu'elles  étaient  de  la  connaissance  du  vrai  Dieu.  — 
S.  Cyr.  Mais  Jésus-Christ,  par  son  incarnation,  est  devenu  la  lumière 
de  ceux  qui  étaient  ensevelis  dans  les  ténèbres  de  l'ignorance  et  de 
l'erreur,  et  sur  lesquels  la  main  du  démon  s'était  appesantie;  et  ils 
ont  été  appelés  par  Dieu  le  Père  à  la  connaissance  de  son  Fils,  qui  est 
la  vraie  lumière.  —  S.  Athan.  Le  peuple  d'Israël  était  éclairé,  quoi- 
que faiblement,  par  la  loi,  aussi  le  vieillard  Siméon  ne  dit  pas  que  le 
Sauveur  est  venu  leur  apporter  la  lumière,  mais  il  ajoute  :  «  Pour 
être  la  gloire  d'Israël,  votre  peuple.  »  Il  rappelle  le  souvenir  de  l'his- 
toire des  anciens  temps,  alors  que  Moïse  sortait  de  ses  entretiens  avec 
Dieu,  la  figure  toute  rayonnante  de  gloire  ;  ainsi  après  avoir  eux- 
mêmes  contemplé  la  divine  lumière  que  répand  l'humanité  du  Verbe, 
ils  devaient  rejeter  le  voile  ancien  pour  être  transformés  en  la  même 
image  de  clarté  en  clarté,  et  de  gloire  en  gloire.  —  S.  Cyr.  Car  bien 
qu'un  certain  nombre  d'entre  eux  se  soient  montrés  rebelles ,  cepen- 
dant ceux  que  Dieu  s'est  réservés  ont  été  sauvés,  et  sont  parvenus  à 
la  gloire  par  Jésus-Christ  notre  Seigneur.  Les  saints  Apôtres  qui  ont 
éclairé  tout  l'univers  de  la  lumière  de  leur  céleste  doctrine ,  ont  été 
les  prémices  de  ce  peuple.  Jésus-Christ  lui-même  a  été  personnelle- 
ment la  gloire  du  peuple  d'Israël,  parce  qu'il  a  daigné  sortir  de  ce 
peuple  selon  la  chair,  lui  qui  comme  Dieu  est  le  maître  de  tous  les 
hommes  et  béni  dans  tous  les  siècles.  —  S.  Grég.  de  Nysse.  Siméon 
dit  avec  dessein  :  «  De  votre  peuple,  »  parce  que  non-seulement  il  en 


ut  scilicet  omnibua  ejus  incarnatio  ap- 
pareret:  hoc  auteni  salutare  dicit  esse 
«  gentium  lumen  et  gloriam  Israël  :  » 
unde  sequilur  :  «  Lumen  ad  révélation  em 
gentium.»  Athan.  {uM  snpra.)  Gentes 
enim  ante  Cliristi  adventum  in  ultimis 
tenebris  erant  constitutœ ,  cognilione 
divina  privatse.  Cyril,  (ubi  supra.)  Sed 
Christus  adveniens  factus  est  lux  tene- 
brosis  et  erraticis,  quos  diabolica  ma- 
nus  pressil  :  vocati  sunt  autem  a  Deo 
Pâtre  ad  notitiam  Filii,  qui  est  lux  vera. 
Athan.  {ubi  siip.)  Israël  autem,  licet 
tenuiter,  lege  illuminabatur  :  et  ideo 
non  dicit  quod  lumen  illis  protulerit  : 
sed  subdit  :  «  Et  gloriam  plebis  tu£e  Is- 
raël, »  memorans   anliquam  historiam, 


quod  sicut  olim  Moyses  Dominum  allo- 
quendo,  gloriosam  retulit  faciem,  sic  et 
ipsi  divinam  humauitatis  lucem  pertin- 
gentes,  vêtus  adjicientes  velamen,  in 
eamdem  imaginem  transformarentur  de 
gloria  in  gloriam.  Cyril.  Nam  etsi  qui- 
dam eorum  inobedientes  fuerint,  tamen 
reliquiae  salvœ  factae  sunt,  et  per  Chris- 
tum  pervenerunt  ad  gloriam.  Harum 
primitiae  fuere  divini  apostoli,  quorum 
fulgores  universum  orbem  illuminant  : 
fuit  etiam  Christus  siugulariter  Israël 
gloria^  quia  secundum  carnem  ex  eis 
processit;  quamvis  cunctis  ut  Deusprse- 
esset  per  secula  benedictus.GREG.NYSS. 
Et  ideo  signanter  dixit  :  «  Plebis  tuse  ;  » 
quia  non  ab  eis  tantum  est  adoratus,  sed 


DE  SAINT  LUC;,   CHAP.   II.  117 

a  été  adoré,  mais  il  a  voulu  naître  de  ce  peuple  selon  la  chair.  — 
BEDE.  Il  dit  qu'il  sera  la  lumière  des  nations,  avant  d'ajouter  :  «  Et 
la  gloire  d'Israël,  »  parce  que  tout  Israël  ne  sera  sauvé  que  lorsque  la 
multitude  des  nations  sera  entrée  dans  l'Eglise  {Rom..,  xi). 

t.  33-33.  —  Le  père  et  la  mère  de  Jésus  étaient  dans  l'admiration  des  choses  que 
l'on  disait  de  lui.  Et  Siméon  les  bénit,  et  dit  à  Marie  sa  mère  :  Cet  enfant  a 
été  établi  pour  la  ruine  et  la  résurrection  d'un  grand  nombre  en  Israël,  et  pour 
être  en  but  à  la  contradiction.  Et  vous-même _vous  sentirez  le  glaive  traverser 
votre  âme,  et  ainsi  seront  révélées  les  pensées  cachées  dans  le  cœur  d'un  grand 
nombre. 

Ch.  des  Pèr.  gr.  Chaque  fois  que  la  connaissance  des  choses  surna- 
turelles revient  à  la  mémoire,  chaque  fois  aussi  elles  produisent  dans 
l'âme  un  nouveau  sentiment  d'admiration  et  d'étonnement  :  «  Et  le 
père  et  la  mère  de  Jésus  étaient  dans  l'admiration  des  choses  que  l'on 
disait  de  lui.  »  —  Orig.  {hom.  19.)  Des  choses  qui  avaient  été  an- 
noncées par  l'ange  et  publiées  par  la  multitude  de  l'armée  céleste, 
aussi  bien  que  par  les  bergers  et  par  Siméon  lui-même.  —  Bède. 
Joseph  est  appelé  le  père  du  Sauveur,  non  qu'il  soit  véritablement 
son  père  (comme  les  photiniens  l'ont  osé  blasphémer),  mais  parce  que 
Dieu  voulait  qu'il  passât  aux  yeux  de  tous  pour  son  père,  afin  de  sau- 
vegarder la  réputation  de  Marie.  —  S.  Aug.  (I)  Il  peut  être  appelé 
d'ailleurs  le  père  de  Jésus  dans  le  même  sens  qu'il  est  appelé  l'époux 
de  Marie,  sans  avoir  avec  elle  aucun  rapport  charnel,  et  par  le  seul 
fait  de  l'union  conjugale;  et  à  ce  titre  il  est  son  père  d'une  manière 
plus  étroite  que  s'il  l'avait  adopté  pour  son  enfant.  Car  pourquoi  re- 
fuser â  Joseph  le  nom  de  père  de  Jésus-Christ,  parce  qu'il  ne  l'avait 

(1)  De  l'ace,  des  Evang.,  liv.  ii,  chap.  1"^  mais  dans  un  ordre  différerit. 


iusuper  ex  eis  est  secundum  carnem  ua- 
lu?.  Bed.  Et  bene  revelatio  gentium 
Israelis  gloriee  praeferlur,  quia  cuni  ple- 
nitudo  Pentium  introierit,  tune  oninis 
Israël  salvus  erit.  (Boni.,  11.) 

El  erant  pater  fjus  et  tnaler  ejus  mirantes  su- 
per his  qtiœ  dicehantur  de  illo.  Et  benedixit 
illis  Siméon  ,  et  dixit  ad  Mariam ,  matrem 
ejus  :  Ecce  posilus  est  hic  in  ruinam  et  in  re- 
surrectionem  muUorurn  in  Israël,  et  in  signiim 
cui  coniradicetur.  Et  tuam  ipsius  aniinam per- 
Iransibit  gladius,  ut  reoelentur  ex  multis  cor- 
dibus  cogilaliones. 

Gr.sc.  (vel  Phothis,  ut  snp.)  Trans- 
cendentium  rerum  notitia,  quoties  in 
memoriam    venerit,    toties  rénovât    in 


mente  miraculum  :  unde  dicitur  :  «  Et 
erant  patef  ejus  et  mater  ejus  mirantes 
super  his  quae  dicebantur  de  illo.  »  Orig. 
{/ton.  17.)  Tarn  ab  angelo  quam  a  mul- 
titudine  cœlestis  exercitus,  necnon  et  a 
pastoribus  etipso  Simeone.BED.  Pairem 
Salvdtoris  appellat  Joseph,  non  quod 
verc  fjuxta  Photinianos)  pater  fnerit  ei, 
sed  quod  ad  famam  Mariae  conservan- 
dam  paler  sit  ab  omnibus  sestimatus. 
Aug.  Ouamvis  et  eo  modo  pater  illius 
valeat  dici  quo  et  vir  Mariœ  recte  intel- 
ligitur  sine  commixtione  carnis,  ipsa 
copulatione  conjugii  ;  multo  videlicet 
conjunclius  quam  si  esset  aliunde  adop- 
tatus.  Neque  enim  propterea  non  erat 
appellandus  Joseph  pater  Christ»,  quia 


H8 


EXPLICATION  DE  L  EVANGILE 


pas  engendré^  alors  qu'il  pourrait  être  appelé  très-bien  le  père  d'uu 
enfaut  qu'il  aurait  adopté,  sans  même  que  son  épouse  en  fût  la  mère?  — 
Orig.  Si  l'on  désire  une  raison  plus  élevée,  voici  ce  que  l'on  peut  ré- 
pondre :  La  suite  de  la  généalogie  descend  de  David  à  Joseph  ;  or,  on 
ne  verrait  pas  trop  pourquoi  le  nom  de  Joseph  s'y  trouve,  puisqu'il 
n'est  pas  le  père  du  Sauveur;  il  est  donc  appelé  le  père  du  Seigneur, 
pour  ne  point  déranger  l'ordre  delà  généalogie. 

Ch.  des  Pèr.  gr.  Après  avoir  offert  à  Dieu  un  juste  tribut  de 
louanges,  Siméon  bénit  à  leur  tour  ceux  qui  ont  apporté  l'enfant  au 
temple  :  «  Et  Siméon  les  bénit.  »  Cette  bénédiction  s'adresse  à  tous 
les  deux,  mais  il  réserve  pour  la  mère  de  Jésus  la  prédiction  des  se- 
crets divins.  La  bénédiction  commune  à  Joseph  et  à  Marie,  respecte 
les  droits  que  lui  donne  son  titre  de  père  ;  mais  la  prédiction  que 
Siméon  fait  à  Marie  seule  proclame  hautement  qu'elle  est  la  véritable 
mère  de  Jésus  ;  «  Et  il  dit  à  Marie,  sa  mère,  »  etc.  —  S.  AiiB.La  grâce 
de  Dieu  se  répand  sur  tous  avec  abondance  par  la  naissance  du  Sau- 
veur, et  si  le  don  de  prophétie  est  refusé  aux  incrédules,  il  est  accordé 
aux  justes;  Siméon  prophétise  que  Jésus  est  venu  pour  la  ruine  et  la 
résurrection  de  plusieurs.  — Orig.  [hom.  17.)  D'après  l'explication  la 
plus  simple,  on  peut  dire  que  Jésus-Christ  est  venu  pour  la  ruine  des 
infidèles  et  pour  le  salut  de  ceux  qui  croient.  —  S.  Chrys.  [Ch.  des 
Pèr.  gr.)  La  lumière,  bien  qu'elle  fatigue  et  trouble  les  yeux  débiles, 
ne  laisse  pas  d'être  toujours  la  lumière  ;  ainsi  le  Sauveur  ne  cesse 
point  d'être  Sauveur,  quoiqu'un  grand  nombre  d'hommes  se  perdent. 
Leur  ruine,  en  effet ,  n'est  point  son  œuvre  ,  elle  est  l'œuvre  de  leur 
folie.  Aussi  sa  puissance  éclate  à  la  fois  dans  le  salut  des  bons,  et  dans 


non  eum  coucumbendo  genuerat  ;  quan- 
doquidem  pater  esset  et  ei  quem  non  ex 
sua  conjiige  procreatum  aliunde  adop- 
tasset.  Orig.  {ut  sup.)  Qui  autem  altius 
aliquid  iuquirit,  potest  dicere  quod  quo- 
uiam  generatiouis  ordo  a  David  usque 
ad  Josepli  deducitur  ;  ne  videretur  frus- 
tra Joseph  nominari,  quia  pater  non 
fuerat  Salvatoris  ;  ut  generationis  ordo 
haberet  locum,  Pater  Domini  appellatus 
est. 

Gr.kc.  {vel  Photius,  ut  sup.)  Laudi- 
bus  autem  divinis  exhibitis,  verlit  se 
Simeen  ad  benedietionem  adducentium 
puerum  :  unde  sequitur  :  «  Et  benedixit 
mis  Siméon.  wBenedictione  igitur  utrum- 
que  donat  ;  occultorum  vero  prsesagia 
dirigit  tantum  ad  matrem,  quatenus  per 
comnmnem  benedietionem  non  privetur 
Jpseph  similitudine  patris;  per  ea  vero 


quœ  dicit  matri  seorsum  a  Joseph,  ve- 
ram  eam  prœdicet  genitricem  :  unde  se- 
quitur :  «  Et  dixit  ad  Mariam,  matrem 
ejus^  »  etc.  Amer.  Vide  uberem  in  om- 
nes  gratiam  Domini  in  generatione  dif- 
fusam,  et  prophetiam  incredulis  nega- 
tam  esse,  non  justis:  ecce  et  Simeou 
prophetat,  iu  ruiuam  et  resurrectionem 
multorum  venisse  Christum  Jesum.  Orig. 
{hom.  17.)  Qui  simpliciter  exponit,  po- 
test dicere  in  ruinam  eum  venisse  iufi- 
delium,  et  in  resurrectionem  credeutium. 
Chrys.  {in  Cat.  Grœconim  Potnnn,  xU 
sup.)  Sicut  enim  lux,  etsi  oculos  débiles 
turbet,  lux  est,  hoc  modo  Salvator  per- 
sévérât, etsi  corruant  plurimi;  neque 
enim  est  ejus  officium  destructio,  sed 
eorum  vesanise  :  quamobrem,  non  so- 
lum  ex  salute  bonorum,  sed  etiam  ex 
malorum  dissipatione  virtus  ejus  osten- 


DE   SAINT   LUC^    CHAP.    II.  119 

la  ruine  des  méchants  ;  car  plus  le  soleil  est  brillant ,  plus  il  éblouit  et 
trouble  les  yeux  affaiblis. 

S.  Grég.  de  Ntsse.  \Ch.  des  Pèr.  g7\)  Considérez  attentivement 
avec  quel  heureux  choix  d'expressions  il  fait  ressortir  cette  distinction; 
la  révélation  du  salut  doit  se  faire  devant  tout  le  peuple,  mais  la  ruine 
et  le  salut  ne  sont  le  partage  que  d'un  grand  nombre.  Dieu,  en  effet, 
se  propose  le  salut  de  tous  les  hommes,  et  leur  élévation  à  une  gloire 
toute  divine,  mais  le  salut  et  la  perte  dépendent  de  la  volonté  d'un 
grand  nombre,,  de  ceux  qui  embrassent  la  foi ,  et  de  ceux  qui  la  re- 
jettent. Or,  il  n'y  a  rien  d'absurde  à  croire  que  ceux  qui  sont  abattus, 
et  que  les  incrédules  soient  relevés.  —  Orig.  Un  interprète  trop  sub- 
til objectera  peut-être  que  nul  ne  peut  tomber  s'il  n'était  préalable- 
ment debout;  qu'il  me  dise  donc  quel  est  celui  que  le  Sauveur  a  trouvé 
debout^  et  pour  la  ruine  duquel  il  serait  venu.  —  S.  Grég.  de  Ntsse. 
Le  saint  vieillard  Siméon  veut  donc  ici  parler  d'une  ruine  entière  et 
profonde,  c'est-à-dire  que  le  châtiment  des  coupables  ne  devait  pas 
être,  après  l'accomplissement  du  mystère  de  l'incarnation  et  la  pré- 
dication de  l'Evangile^  le  même  qu'il  était  avant  la  venue  du  Sauveur. 
Et  il  a  surtout  en  vue  les  enfants  d'Israël  qui  devaient  perdre  tous  les 
biens  dont  ils  jouissaient,  et  encourir  des  châtiments  plus  terribles 
que  toutes  les  autres  nations,  parce  qu'ils  ont  refusé  de  recevoir  celui 
que  leurs  prophètes  avaient  annoncé,  celui  qui  a  été  adoré  parmi  eux, 
celui  qui  est  né  du  milieu  d'eux.  Ils  sont  donc  particulièrement  me- 
nacés de  ruine,  non-seulement  parce  qu'ils  n'ont  rien  à  espérer  pour 
le  salut  de  leurs  âmes,  mais  parce  qu'ils  verront  l'entière  destruction 
de  leur  ville  et  de  ses  habitants.  Au  contraire,  la  résurrection  est  pro- 
mise à  tous  ceux  qpi  croient ,  tant  à  ceux  qui  sont  comme  abattus 
sous  le  joug  de  la  loi  et  qui  seront  relevés  de  cette  servitude,  qu'à 


ditur  :  natn  sol,  qiioniam  multum  ra- 
diât, propterea  visus  débiles  praecipue 
perturbât. 

Greg.  Nvss.  {in  Cat.  Grœcorum  Pn- 
trum,  ubi  sup.)  Attende  autem  distin- 
ctionis  exquisilain  prolationem  :  praepa- 
ratio  quippe  salutis  dicitur  coram  ouini 
populo,  sed  casus  etsublevatio  plurium. 
Divinum  enim  propositum  est  salus  et 
deificatio  singulorum  :  casus  autem  et 
sublevalio  consistit  la  plurium  inlen- 
tione,  ciedentium  et  non  credentium. 
Quod  autem  jaceates  et  increduli  suble- 
veulur,  nou  est  absurdum.  Orig.  (ut 
sup.)  Qui  autem  curiosus  iuterpres  est, 
dii-it  nequaqnam  eum  cadere  qui  ante 
non  steterit  :  da  mihi  ipitur  quis    fuerit 


ille  qui  stetit,  in  cujus  ruiuam  Salvator 
advenerit.  Greg.  Nyss.  {ubi  supra.)  Sed 
per  hoc  désignât  ruinam  ad  infima  ; 
quasi  non  puniendos  aequaliter  ante  in- 
carnationis  mysterium,  et  post  datam 
dispensationem  et  praedicationem.  Et 
maxime  hi  sunt  ex  Israël  quos  necesse 
erat  et  pristinis  bonis  carere,  et  pœnas 
luere  graviores,  quam  omnes  aliaj  gén- 
ies ;  eo  quod  dudum  prophetatum  in 
eis,  et  adoratum,  et  ex  eis  productum 
minime  susceperunt.  Idcirco  specialiter 
eis  minatur  ruinam,  non  solum  a  spiri- 
tuali  salute,  sed  etiam  propter  destruc- 
tionem  urbis  et  habitantium  civilatem, 
Resurrectio  vero  promittitur  credenti- 
bus,  partim  quidem  velut    sub   lege  ,ja- 


120 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


ceux  qui  sont  ensevelis  avec  Jésus- Christ ,  et  qui  ressusciteront  avec 
lui.  —  Idem,  {sei^m.  sur  la  renc.  du  Seig.)  De  l'admirable  concor- 
dance de  ces  paroles  avec  les  oracles  prophétiques,  apprenez  que  c'est 
un  seul  et  même  Dieu,  un  seul  et  même  législateur  qui  a  parlé  dans 
les  prophètes  et  dans  le  Nouveau  Testament.  En  effet ,  les  prophètes 
ont  annoncé  que  le  Christ  serait  une  pierre  de  chute  ,  une  pierre  de 
scandale  (1),  afin  que  ceux  qui  croient  en  lui  ne  soient  pas  confondus. 
Il  est  donc  une  cause  de  ruine  pour  ceux  qui  sont  scandalisés  de  l'hu- 
milité de  sa  chair,  et  un  principe  de  résurrection  pour  ceux  qui  ont 
reconnu  la  certitude  de  l'accomplissement  des  conseils  divins. 

Orig.  Il  y  a  encore  ici  une  leçon  plus  élevée  à  l'adresse  de  ceux  qui 
se  récrient  contre  le  Dieu  créateur  en  disant  :  «  Voyez  quel  est  ce 
Dieu  de  la  loi  et  des  prophètes  :  C'est  moi,  dit-il,  qui  fais  mourir,  et 
c'est  moi  qui  rend  la  vie.  »  [Dent..,  xxxil.)  Or,  si  à  cause  de  ces  pa- 
roles vous  le  traitez  de  juge  cruel  et  de  créateur  barbare ,  il  est  on  ne 
peut  plus  évident  que  Jésus  est  son  fils  ;  car  l'Ecriture  ne  s'explique 
pas  autrement  à  son  égard,  en  disant  qu'il  est  venu  pour  la  ruine  et 
la  résurrection  de  plusieurs.  —  S.  Ambr.  C'est-à-dire  qu'il  est  venu 
pour  apprécier  et  juger  les  mérites  des  justes  et  des  pécheurs,  et  nous 
décerner,  en  juge  équitable  et  intègre,  des  châtiments  ou  des  récom- 
penses ,  selon  la  nature  de  nos  œuvres.  —  Orig.  {hom.  17.)  Il  n'est 
peut-être  pas  inutile  de  remarquer  que  le  Sauveur  n'est  pas  venu  à 
l'égard  de  tous  pour  la  ruine  et  pour  la  résurrection ,  entendues  dans 
le  même  sens.  En  efiet,  comme  je  me  tenais  debout  dans  le  péché,  il 
a  été  d'abord  dans  mon  intérêt  de  tomber,  et  de  mourir  au  péché  ;  et 

(1)  «  La  pierre  rejetée  par  ceux  qui  bâtissaient,  est  devenue  la  principale  pierre  de  l'angle,  » 
[Ps.  cxvn,  22)  ;  Jésus-Christ  s'applique  ces  paroles  dans  saint  Matthieu  (xxi,  42.)  :  o  II  sera  une 
pierre  de  chute  et  une  pierre  de  scandale.  »  [Isaïe,  viii,  14.)  Saint  Paul  explique  ces  paroles  dans 
le  même  sens.  [Rom.,  ix,  33.) 


cenlibus,  et  ab  ejus  servitute  sublevandis, 
partim  vero  velut  consepulUscum  Chri- 
sto,  et  ei  consurgeutibus.  [Et  in  Orat. 
de  occursu  Dommi.)  His  autem  verbis 
intellige  per  concordiam  intellectuum 
(ad  dicta  propbetica)  uniim  et  eiimdem 
Deiim  et  legislatorem,  et  in  prophetis, 
et  in  Novo  Testamento  locutum  esse  : 
lapidem  namque  ruinœ  et  petram  scan- 
dali  futurum,  ne  confundantur  credentes 
in  eum,  sermo  propbeticus  dcLdaravit. 
Buina  est  igitur  iis  qui  humilitate  Gar- 
nis illius  offenduntur,  resurrectio  iis  qui 
firmitalem  divines  dispositionis  agnove- 
rint. 

Orig.  (hom.  16.)  Est  autem   et  altius 
quid  iutelligendum    adversus    eos    qui 


contra  conditorem  latrant,  dicentes  ; 
«  Ecce  Deus  legisetprophetarum,  videte 
qualis  sit  :  Ego,  inquit  {Deiiteron.,  32) 
occidam,  et  ego  vivificabo  :  »  si  propte- 
rea  cruentus  est  judex  et  crudelis  con- 
ditor,  manifestissimum  est  et  Jesum  esse 
illius  filium  :  eadem  siquidem  de  eo  hic 
scripta  sunt,  quod  veniat  in  ruinam  et 
resurrectionenimultorum.  Ambr.  Utsci- 
iicet  justorum  iniquorumque  mérita  dis- 
cernât, et  pro  nostrorum  qualitate  fa- 
ctorum  judex  verus  et  juslus,  avit  suppli- 
cia décernât,  aut  praemia.  Orig.  [hom. 
17.)  Videndum  est  autem  ne  forte  Sal- 
vator  non  aeque  aliis  in  ruinam  venerit 
et  in  resurrectionem  :  quia  enim  in  pec- 
cato  stabam,  primo  milii  utilitas  fuit  ut 


DE  SAINT  LUC,   CHAP.   II.  121 

les  prophètes  eux-mêmes,  quand  une  vision  auguste  se  révélait  à  leurs 
yeux,  tombaient  la  face  contre  terre,  afin  de  se  purifier  davantage  de 
leurs  péchés  par  cette  chute  volontaire.  Le  Sauveur  vous  accorde 
d'abord  la  même  grâce.  Vous  étiez  pécheur;  que  le  pécheur  qui  est  en 
vous,  tombe  et  meure ,  pour  que  vous  puissiez  ressusciter  et  dire  : 
«  Si  nous  mourons  avec  lui ,  nous  vivrons  aussi  aveclui.  »  (II  Tim.,n.) 

—  S.  Chrys.  Or,  la  résurrection,  c'est  une  vie  toute  nouvelle; 
lorsqu'un  impudique  devient  chaste ,  un  avare  miséricordieux ,  un 
homme  violent,  plein  de  douceur,  c'est  une  véritable  résurrection,  où 
nous  voyons  le  péché  frappé  de  mort,  et  la  justice  ressuscitée. 

«  Et  en  signe  que  l'on  contredira.  »  —  S.  Bas.  La  croix  est  appelée 
par  l'Ecriture,  dans  un  sens  véritable,  un  signe  de  contradiction  ;  car 
il  est  dit  que  Moïse  fit  un  serpent  d'airain  ,  et  l'éleva  pour  être  un 
signe.  [Nomb.,  xxi.)  —  S.  Grég.  de  Nysse.  {Ch.  des  Pèr.  g?'.)  L'igno- 
minie se  trouve  ici  mêlée  à  la  gloire.  Ce  signe  nous  offre,  à  nous  chré- 
tiens, ce  double  caractère  de  contradiction  ,  lorsque  les  uns  n'y  voient 
qu'un  objet  de  dérision  et  d'horreur;  de  gloire,  lorsqu'il  est  pour  les 
autres  un  signe  auguste  et  vénérable.  Peut-être  aussi  est-ce  Jésus- 
Christ  lui-même  qui  est  ce  signe,  lui  qui  est  supérieur  à  toute  la  na- 
ture, et  l'auteur  de  tous  les  signes  miraculeux.  —  S.  Bas.  En  effet, 
un  signe  est  comme  un  indice  qui  nous  fait  connaître  une  chose 
mystérieuse  et  cachée;  les  plus  simples  voient  le  signe  extérieur, 
mais  il  n'est  compris  que  de  ceux  qui  ont  l'intelligence  exercée. 

—  Orig.  {hom.  17.  )  Or,  tout  ce  que  l'histoire  évangélique  nous 
raconte  de  Jésus-Christ  est  contredit,  non  pas ,  sans  doute ,  par  nous 
qui  croyons  en  lui ,  et  qui  savons  que  tout  ce  qui  est  écrit  de  lui 
est  la  vérité,  mais  par  les  incrédules,  pour  lesquels  tout  ce  que  l'Ecri- 


caderem,  et  peccato  morerer  :  denique 
et  sancti  et  prophetîE,  quando  augustius 
aliquid  contemplabuntur,  cadebant  in 
faciem  suam,  ul  peccata  per  ruiiiani  ple- 
niu3  purgarentur:  hoc  ipsum  et  Salvator 
tibi  primum  concedit  :  peccator  eras,  ca- 
ddt  in  te  peccator,  ut  possis  dehinc  resur- 
gere  et  dicere  :  «  Si  commortiii  sunms, 
et  convivemus.  »  (Il  Tiniot/i.,  2.)  Chrys. 
Resurreclio  quidem  est  conversalio  nova  : 
cum  enim  lascivus  castns  efficitur,  ava- 
rus  misericors,  alrox  monsiœscit,  resur- 
rectio  celebratur,  niortuo  qnideni  pco- 
cato,  résurgente  vero  justitia. 

Sequitur  :  «  Et  in  signnm  ciii  contra- 
dicetur.  »  Basil.  Signnm  contradiclio- 
nem  accipiens  proprie  crux  dicitur  a 
Scriptura  :  fecit  enim,  inquit  (Amw.,21), 
Moyses  serpentem  aioeum,  et  posuit  pro 


signo.  Greg.  Nyss.  {in  Cat.  Grœcorum 
Patrum,  ubi  sw/).)  Miscet  autem  dede- 
cns  gloriae.  Uujus  enim  rei  nobis  Cbri- 
sticolis  est  hoc  signum  indicium,  con- 
tradiction is  vero,  duui  ab  bis  quidem 
accipitur  ut  ridiculosum  et  liorribile, 
ab  bis  vero  admoduni  venerandum.  Vel 
forsan  ipsum  Cbrislnm  nommai  signum, 
fanipiam  supra  naturam  existentem,  et 
siguorum  auclorem.  Basil.  Est  enim  si- 
fjnum  aliciijus  roi  mirabilis  et  occultée 
indicativum;  visnm  quidem  asimpUcio- 
ribus,  intellf>ctum  vero  ab  habontibus 
exercilatuni  intelleclum.  Orig.  [liom.i1.) 
Omnibus  aiilem  qu;î;  de  Cbristo  narrât 
bistoria,  contradicilur  ;  non  quod  con- 
tradicant  hi  qui  credunt  in  eum  (nos 
qnippe  scimus  omnia  vera  esse  quae 
scripta  sunt),  sed  quia  apud  incrédules 


J22 


EXPLICATION   DE  L  EVANGILE 


ture  nous  rapporte  du  Sauveur  est  un  signe  et  un  objet  de  contra- 
diction. 

S.  Grég.  de  Nysse.  Cette  prédiction  concerne  le  Fils ,  mais  elle  s'a- 
dresse aussi  à  sa  mère  qui  partage  tous  ses  dangers  comme  toutes  ses 
gloires,  et  le  vieillard  Siméon  ne  lui  prédit  pas  seulement  des  joies, 
mais  des  afflictions  et  des  douleurs  :  «  Et  votre  àme  sera  percée  d'un 
glaive.  »  —  BEDE.  Nous  ne  voyons  dans  aucune  histoire  que  Marie  ait 
fini  ses  jours  par  le  glaive,  d'ailleurs  ce  n'est  pas  l'âme,  mais  le  corps 
qui  est  accessible  aux  coups  mortels  du  glaive.  Il  nous  faut  donc  en- 
tendre ici  ce  glaive  dont  le  Psalmiste  a  dit  :  «  Ils  ont  un  glaive  sur 
leurs  lèvres  {Ps.  LVin),  et  c'est  ce  glaive,  c'est-à-dire  la  douleur  que 
Marie  éprouva  de  la  passion  du  Sauveur,  qui  transperça  son  àme.  Car 
bien  qu'elle  sût  que  Jésus-Christ,  comme  Fils  de  Dieu,  mourait,  parce 
qu'il  le  voulait,  et  qu'elle  ne  doutât  nullement  qu'il  triompherait  de  la 
mort,  cependant  elle  ne  put  voir  crucifier  le  propre  fils  de  ses  en- 
trailles sans  un  vif  sentiment  de  douleur.  —  S.  Aitbr.  Ou  bien  peut- 
être  Siméon  veut-il  nous  apprendre  par  ces  paroles,  que  Marie  n'igno- 
rait point  le  secret  des  célestes  mystères  ;  car  le  Verbe  de  Dieu  est 
vivant  et  efficace ,  et  plus  pénétrant  que  le  glaive  le  plus  aigu  et  le 
plus  tranchant  [Eebr.^  iv.)  —  S.  Aug.  {Quest.  sur  l'Ane,  et  le  Nouv. 
Test.,  chap.  Lxxin).  Ou  bien  enfin,  peut-être  veut-il  signifier  que 
Marie  elle-même,  par  laquelle  s'est  accompli  le  mystère  de  l'incarna- 
tion, a  eu  à  la  mort  du  Seigneur  ,  et  sous  l'impression  de  la  douleur 
comme  un  moment  de  doute  et  d'hésitation,  en  voyant  le  Fils  de  Dieu 
réduit  à  ce  degré  d'humiliation  qui  le  faisait  mourir  sur  une  croix. 
Et  de  même  qu'un  glaive  qui  ne  fait  qu'effleurer  un  homme,  lui  donne 
un  vif  sentiment  de  crainte  ,  mais  sans  le  blesser  ;  ainsi  le  doute  lui 
inspira  un  vif  sentiment  de  tristesse,  mais  sans  donner  la  mort,  parce 


universa  quae  de  eo  scripta  sunt,  signum 
suût  cui  contradicitur. 

Greg.  Nyss.  {ubi  sup.)  Usée  siquidem 
de  Filiû  dicimtur,  spectant  tameu  ad 
ejus  genitricem,  dum  singula  sibi  assu- 
mit  simul  periclitata  et  glorificata  ;  nec 
tantuui  prospéra^  sed  illi  denuntiat  eliam 
dolorosa.  Nam  sequitur  :  «  Et  tuam  ip- 
sius  animam  pertransibit  gladios.  »  Bed. 
Nulla  docet  historia  beatam  Jlariam  ex 
hac  vita  gladii  occisione  migrasse  ;  pree- 
sertim  cum  non  anima,  sed  corpus  ferro 
soleat  interfici  :  uude  restât  intelligi 
gladium  illum,  de  que  dicitur  {Ps.  38)  : 
«  Et  eladius  in  labiis  eorum  »  (hoc  est 
dolorem  dominicœ  passion is)  animam 
ejus  pertransisse  ;  quœ  etsi  Christum 
futpote  Dei  Filium)  sponte  propria  mori 


videret,  mortemque  ipsam  non  dubitaret 
esse  devicturum  ex  sua  tamen  carne 
procreatum,  non  sine  doloris  affectu 
potuit  videre  crucifigi.  Ambr.  Vel  pru- 
dentiam  Marise  non  ignaram  mysterii 
cœlestis  ostendit  :  vivum  est  enim  Ver- 
bum  Dei  et  validum,  et  acutius  omni 
gladio  acutissimo.  (Hebr.,  4,  vers.  12.) 
AuG.  (de  Qudcst.  Novi  et  Veteris  Testa- 
menti,  cap.  73.)  Yel  per  hoc  siguificavit 
quod  etiam  Maria  (per  quam  gestum  est 
incarnationis  mysterium)  in  morte  Do- 
mini  stupore  quodam  dubitavit,  videns 
Filium  Uei  sic  humihatum  ut  usque  ad 
mortem  descenderet.  Et  sicut  gladius 
pertransiens  juxta  hominem,  timorem 
facit,  non  percutit;  ita  et  dubitatio  mœs- 
titiam  fecit  :   non  tamen    occidit.  quia 


DE  SAINT  LUC,   CHAP.   II.  123 

qu'il  ne  s'arrêta  pas  dans  son  âme,  mais  la  traversa  seulement  comme 
une  ombre  {[*). 

S.  Grég.  de  Nysse.  La  mère  de  Jésus  n'est  point  la  seule  dont  le 
vieillard  Siméon  nous  prédit  les  sentiments  au  temps  de  la  passion  du 
Sauveur  ;  il  ajoute  :  «  Afin  que  les  pensées  cachées  dans  le  cœur  de 
plusieurs  soient  découvertes.  »  Cette  manière  de  parler  indique  tout 
simplement  le  fait  qui  doit  arriver ,  et  nullement  la  cause  qui  le  pro- 
duit. En  effet,  à  la  suite  de  tous  ces  événements,  le  voile  qui  couvrait 
les  intentions  d'un  grand  nombre,  fut  découvert;  les  uns  reconnais- 
saient un  Dieu  dans  celui  qui  mourait  sur  la  croix,  les  autres,  malgré 
cet  affreux  supplice,  ne  cessaient  de  l'accabler  d'injures  et  d'outrages. 
Ou  bien  ces  paroles  signifient  qu'au  temps  de  la  passion,  on  vit  à  dé- 
couvert les  pensées  d'un  grand  nombre  de  cœurs,  à  qui  la  résurrec- 
tion inspira  ensuite  de  meilleurs  sentiments  ;  car  le  doute  de  quelques 
instants  fit  bientôt  place  à  une  certitude  inébranlable.  Peut-être  en- 
core le  mot  révélation  a  ici  le  sens  d'illumination,  comme  dans  beau- 
coup d'autres  endroits  de  l'Ecriture.  —  Bède.  Jusqu'à  la  fin  du  monde, 
l'àme  de  l'Eglise  est  toujours  traversée  par  le  glaive  de  la  plus  amère 
tribulation,  lorsqu'elle  voit,  en  gémissant,  que  le  signe  de  la  foi  est 
en  butte  aux  contradictions  des  méchants ,  lorsqu'à  la  prédication  de 
la  parole  de  Dieu,  elle  en  voit  un  grand  nombre  ressusciter  à  la  vie 
avec  Jésus-Christ,  mais  un  grand  nombre  aussi  tomber  des  hauteurs 
de  la  foi  dans  l'abîme  de  l'incrédulité  ;  lorsque,  pénétrant  les  pensées 
cachées  dans  le  cœur  d'une  multitude  de  chrétiens,  elle  s'aperçoit  que 
là  où  elle  avait  semé  la  bonne  semence  de  l'Evangile  ,  l'ivraie  des 
vices  l'emporte  sur  cette  bonne  semence,  et  quelque  fois  l'étouffé  et  la 

(1*)  Ce  passage  n'est  point  tiré  des  œuvres  de  saint  Augustin,  et  nons  n'avons  pas  besoin  de 
faire  remarquer  que  le  sentiment  qui  s'y  trouve  exposé  et  qui  a  été  soutenu  par  Origène,  Tite  et 
Théophylacte,  est  tout  à  fait  indigne  de  la  foi  et  de  la  sainteté  de  l'auguste  Marie,  et  contraire  à  la 
doctrine  de  l'Eglise  catholique. 


iinu  sedit  in  animo,  sed  pertransiit  quasi 
per  umbram. 

Greg.  Nyss.  (ubi  supra.)  Sed  nec 
ipsaai  solam  in  ea  passione  occupari 
signiûcat,  cum  subditur  :  «  Ut  revelen- 
fur  ex  multis  cordibus  cogitationes  ;  » 
quod  dicit,  ut,  evenlum  désignât,  non 
atitem  causaliter  ponitur  :  bis  enim 
DUinibus  evenieutibus,  secuta  est  erga 
luultos  intentionuni  dotectio  :  quidam 
'■nim  Deum  fatebantur  in  cruce,  alii  nec 
sic  ab  infamiis  et  crimiuationibus  de- 
>istebant.  Vel  boc  dictum  est  quatenus 
tempore  passiouis  pateant  ex  pluriuni 
cordibus  meditationes,  et    emendentur 


per  resurrectionem  :  velox  enim  illis 
post  ambiguitatem  certitude  superve- 
nit  ;  uisi  forte  revelalionem,  illuinina- 
tionem  quis  a;stimet,  ut  solitum  est 
Scripturae.  Bed.  Sed  et  usque  ad  con- 
summationeni  seculi  pra-sentis,  Ecclesice 
aniniam  gladius  durissimte  tribulaliouis 
pertransire  non  cessât,  cuin  sigiio  fidei 
ab  iinprobis  coulradici,  cum  audilo  Dei 
Verlio  niultos  cum  Cliristo  resurgere, 
sed  pbires  acredulitate  ruere  genielnuida 
pertractat  ;  cum  revelatis  mullonim 
cordium  cogitationibus,  ubi  optimum 
t>angelii  sévit  semeu,  ibi  zizania  vitio- 
riim  vel   plus  juslo  praevalere,  vel  sola 


124 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


remplace  entièrement.  —  Orig.  {hom.  17.)  Il  y  avait  dans  les  hommes 
bien  des  pensées  mauvaises  qui  ont  été  révélées,  pour  être  détruites 
par  celui  qui  a  voulu  mourir  pour  nous;  car  tant  qu'elles  demeuraient 
cachées,  il  était  impossible  de  les  détruire  entièrement.  Si  donc  nous 
avons  péché,  nous  devons  dire  avec  le  Roi-prophète  :  «  Je  n'ai  point 
caché  mon  iniquité  »  (1);  car  si  nous  découvrons  nos  péchés,  non- 
seulement  à  Dieu,  mais  à  ceux  qui  ont  le  pouvoir  de  guérir  les  bleS' 
sures  de  notre  âme,  nos  péchés  seront  complètement  effacés. 

%  36-38.  —  Il  ij  avait  aussi  une  jirophétesse  nommée  Anne,  fille  de  Phanuel, 
de  la  tribu  d'Aser,  elle  était  fort  avancée  en  âge,  et  n'avait  vécu  que  sept  ans 
avec  son  mari,  depuis  sa  virginité.  Resiée  veuve  et  âgée  alors  de  quatre-vingt- 
quatre  ans,  elle  ne  quittait  point  le  temple,  servant  Dieu  nuit  et  jour  dans  les 
jeûnes  et  dans  les  prières.  Elle  aussi,  survenant  à  cette  même  heure,  se  mit  à 
louer  le  Seigneur,  et  à  parler  de  l'enfant  à  tous  ceux  qui  attendaient  la 
Rédemption  d'Israël. 

S.  Ambr.  Siméon  avait  prophétisé ,  une  femme  mariée  avait  pro- 
phétisé, une  vierge  avait  prophétisé  ;  il  fallait  qu'une  veuve  aussi  eût 
part  à  ce  don  de  prophétie ,  pour  que  chaque  condition ,  comme 
chaque  sexe  fût  représenté  dans  cette  circonstance  :  «  Il  y  avait  aussi 
une  prophétesse  nommée  Aune,  fille  de  Phanuel,  »  etc.  —  Théophyl. 
L'Evangéliste  entre  dans  tous  les  détail;?  qui  peuvent  nous  faire  con- 
naître cette  sainte  prophétesse,  il  nous  dit  quel  était  son  père,  sa  tribu, 
et  semble  produire  de  nombreux  témoins  qui  connaissaient  son  père 
et  sa  tribu.  —  S.  Grég.  de  Nysse.  {serm.  sur  la  renc.  du  Seig.)  Ou 
bien  peut-être  alors ,  d'autres  personnes  portaient  le  même  nom.  Il 

(1)  Ps.  XXXI,  3.  Peut-être  aussi  l'auteur  fait-il  allusion  à  ce  passage  du  livre  de  Job  :  »  Ai-je 
tenu  mon  péché  secret^  à  la  manière  des  hommes?  ai-je  caché  dans  mon  sein  mon  iniquité? 
(xxxi,  33.)  B 


geruiinare  eonspicit.  Orig.  [hom.  17.) 
Cûgitationes  etiam  malae  in  homiiiibus 
erant  quse  propterea  revelatae  sunt,  ut 
occideret  eas  ille  qui  pro  nobis  mortuus 
est  :  quanidiu  enim  absconditse  erant, 
impossibile  erat  eas  penitus  interfici  : 
unde  et  nos  si  peccaverimus,  debemus 
dicere  :  «  Iniquitatem  meam  non  abs- 
condi.  »  Si  enim  revelaverimus  peccata 
nostra,  non  soluin  Deo,  sed  bis  qui  pos- 
suut  mederi  vulneribus  nostris,  dele- 
buntur  peccata  nostra. 

Et  erat  Annaprophelissa,  filia  Phanuel,  de  tribu 
Aser  ;  hœc  processerat  in  diebus  multis,  et  vi- 
xerat  cum  viro  suo  annis  septem  a  viryinitate 
sua.  Et  hœc  vidua  usque  ad  annos  octoginta 
quatuor,  quce  non  discedebat  de  templo  jeju- 


niis  et  obsecrationibus  serviens  nocte  ac  die. 
Et  hœc  ipsa  hora  superveniens  confitebatur 
Domino ,  et  loquebatur  de  illo  omnibus  qui 
exspectabanl  redemptionem  Israël. 

Ambr.  Propbetaverat  Slmeon,  prophe- 
taverat  copulata  conjugio,  propbetaverat 
Virgo  ;  debuit  et  vidua  prophetare  ne 
qua  professio  deesset  aut  sexus  :  et  ideo 
dicitur:  «Et  erat  Anna  prophetissa,  »  etc. 
Thkophyl.  Immoratur  Evangelista  circa 
Annœ  descriptionem  ,  et  patrem  et  tri- 
bum  enarraus,  et  testes  quasi  multos 
adducens,  qui  patrem  et  tribum  vide- 
runt.  Greg.  Nyss.  [Orot.  de  occursu  Do- 
mini.)  Vel  quia  tunctemporis,  cum  bac 
aliœ  quœdara  eodem  nomine  nuncupa- 
bantur.  Ut  igitur  ad  eam  manifesta  dis- 


DE  SAINT  LUC,   CHAP.   II.  125 

fallait  donc ,  pour  la  désigner  plus  clairement ,  dire  quel  était  son 
père,  sa  famille  et  sa  condition. 

S.  Ambr.  Anne,  par  le  mérite  d'une  longue  viduité  et  par  ses  ver- 
tus, se  présente  avec  tous  les  titres  qui  la  rendent  digne  d'annoncer 
le  Rédempteur  de  tous  les  hommes  :  «  Elle  était  avancée  en  âge,  elle 
n'avait  vécu  que  sept  ans  avec  son  mari,  »  etc.  —  Orig.  [hom.  17.)  Ce 
n'est  point  fortuitement  et  sans  mérite  de  sa  part  que  l'Esprit  saint 
avait  fixé  en  elle  sa  demeure.  La  première  et  la  plus  excellente  grâce, 
c'est  la  grâce  de  la  virginité  ;  mais  si  une  femme  n'a  pu  y  atteindre, 
et  qu'elle  vienne  à  perdre  son  mari,  qu'elle  reste  veuve,  et  qu'elle  soit 
dans  cette  disposition,  non-seulement  après  la  mort  de  son  mari,  mais 
lorsqu'il  vit  encore  ;  ainsi ,  en  supposant  même  qu'elle  ne  devienne 
pas  veuve^  Dieu  couronnera  sa  bonne  volonté  et  sa  généreuse  résolu- 
lion.  Voici  donc  le  langage  qu'elle  doit  tenir  :  Je  fais  vœu,  je  pro- 
mets, si  ce  malheur  m'arrive  (ce  que  je  suis  loin  de  désirer),  de  ne  plus 
songer  qu'à  rester  veuve  et  chaste  toute  ma  vie.  C'est  donc  à  juste  titre 
que  cette  sainte  femme  mérita  de  recevoir  l'esprit  de  prophétie  ,  parce 
que  tant  d'années  passées  dans  la  pratique  de  la  chasteté ,  dans  les 
jeûnes  et  dans  les  prières,  l'avaient  élevé  à  ce  haut  degré  de  sainteté  : 
«  Elle  ne  quittait  point  le  temple,  servant  Dieu  ,  »  etc.  —  S.  Grég.  de 
Nysse.  (1).  Nous  voyons  par  cette  énumération  qu'elle  possédait  toutes 
les  autres  vertus.  Et  voyez  quelle  conformité  de  vertus  avec  Siméon. 
Ils  étaient  ensemble  dans  le  temple  ,  ils  furent  tous  deux  ,  au  même 
moment,  jugés  dignes  du  don  de  prophétie  :  «  Et,  survenant  à  cette 
même  heure,  elle  louait  le  Seigneur,  »  c'est-à-dire  qu'elle  lui  rendait 

(1)  On  ne  trouve  pas  ce  passage  dans  le  discours  indiqué  par  saint  Tliomas,  bien  que  saint  Gré- 
goire de  Nysse  dans  son  discours  sur  la  rencontre  du  Seigneur  fasse  l'éloge  de  cette  sainte  veuve. 


crelio  lîeret,  patrem  ejus   commémorât, 
et  generis  qualitatem  describit. 

Ambr.  Anna  vero,  et  stipendiis  vidui- 
tatis,  et  moribus,  talis  inducitur,  ut  di- 
gna  fuisse  credalur  quai  Redeniptorem 
omnium  nuntiaret  :  unde  sequitur  : 
«  Haec  processerat  in  diebus  muitis,  et 
vixerat  cura  viro,  »  etc.  Orig.  {hom.  17.) 
Neque  enim  iSpiritus  sanclus  fortuitu 
habitavit  io  ea  :  bonum  enim  est  pri- 
muni,  si  qua  polest  virginilatis  gratiani 
possidere  ;  si  autem  hoc  non  poluerit, 
sed  evenerit  ei  ut  perdat  virum,  vidua 
perseveret,  quod  quideni ,  non  soluni 
post  mortem  viri,  sed  eliam  cum  ille 
vivit,  débet  habere  in  animo  :  ut  etiam 
si  non  evenerit,  voluntas  ipsius  et  pro- 
positum  a  Domino  coronetur,  et  dicat  : 


Hoc  voveo,  hoc  promitto,  si  mihi  hti- 
manum  aliquid  (quod  non  opto)  couti- 
gerit,  niliil  aliud  faciam,  quam  ut  in- 
contamiuata  et  vidua  persevereni.  Juste 
ergo  sancta  mulierspiritum  proplietandi 
meruit  accipere,  quia  longa  castitate, 
longis  etiam  jejuniis,  ad  hoc  cuhiien  as- 
cenderat.  Unde  sequitur  :  «  Quœ  non  dis- 
cedebat  de  templo,  jejuniis  et  obsecratio- 
nibus,  »  etc.  fiREG.  Nyss.  [in  Cett.  Grœco- 
rumPcitrum,ubisup.)  In  quo  liquetquod 
cœterarum  virtutum  inerat  ei  congeries. 
Etaspice  conformem  Simeoni  virtutibus: 
simul  enim  erant  in  templo,  simul  etiam 
digni  reputati  sunt  prophetica  gratia  : 
unde  sequitur  :  «  Et  haec  ipsa  hora  su- 
perveniens  confitebatur  Domino.  »  Hoc 
est,  regraliabatur  videudo  mundi  salu- 


426 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


grâce  en  voyant  le  salut  du  monde  au  milieu  du  peuple  d'Israël ,  et 
elle  proclamait  que  Jésus  était  à  la  fois  Rédempteur  et  le  Sauveur  de 
tous  les  hommes  :  «  Et  elle  parlait  de  lui  à  tous  ceux  qui  attendaient 
la  rédemption  d'Israël.  »  Mais  comme  la  propliétesse  Anne  parle  peu 
du  Christ,  et  en  termes  peu  précis  ,  l'Evangéliste  n'a  pas  cru  devoir 
rapporter  ses  propres  expressions.  Peut-être  pourrait-on  dire  que 
Siméon  a  parlé  le  premier,  parce  qu'il  représentait  la  loi  (car  son 
nom  veut  dire  obéissance)^  tandis  qu'Anne  (suivant  l'interprétation  de 
son  nom) ,  représentait  la  grâce.  Le  Christ  se  trouvait  entre  les  deux, 
il  laisse  donc  mourir  avec  la  loi  le  vieillard  Siméon,  tandis  qu'il 
prolonge  la  vie  de  cette  sainte  ^•euve  qui  représente  la  vie  de  la  grâce. 

BEDE.  Dans  le  sens  allégorique,  Anne  est  la  figure  de  l'Eglise  qui, 
dans  la  vie  présente,  est  comme  veuve  par  la  mort  de  sou  époux.  Le 
nombre  des  années  de  sa  viduité  représente  la  durée  du  pèlerinage  de 
l'Eglise  loin  du  Seigneur.  En  effet ,  sept  fois  douze  font  quatre-vingt- 
quatre.  Or,  le  nombre  sept  exprime  la  suite  des  siècles  (qui  sont  com- 
pris dans  l'espace  de  sept  jours),  et  le  nombre  douze  se  rapporte  à  la 
perfection  de  la  doctrine  apostolique.  On  peut  donc  dire ,  soit  de 
l'Eglise  universelle,  soit  de  toute  âme  fidèle  qui,  dans  tout  le  cours  de 
sa  vie,  demeure  fidèle  à  la  doctrine  des  Apôtres,  qu'elle  a  servi  le  Sei- 
gneur pendant  quatre-vingt-quatre  ans.  Les  sept  ans  qu'elle  avait 
passés  avec  son  mari  rentrent  aussi  dans  cette  interprétation  ;  car  c'est 
par  suite  d'un  privilège  particulier  à  la  majesté  du  Seigneur,  de  sa  vie 
mortelle,  que  le  nombre  de  sept  années  a  été  choisi  pour  exprimer  la 
perfection.  La  prophétesse  Anne  est  également  favorable  à  ces  signi- 
fications mystérieuses,  qui  ont  l'Eglise  pour  objet;  car  Anne  veut  dire 


tem  in  Israël,  et  confitebatur  de  Jesu 
quoniam  ipse  esset  Redemptor,  idemque 
Salvator  :  unde  sequitur  :  «  Et  loqueba- 
tur  de  illo  omnibus  qui,  »  etc.  Verum 
quia  Anna  prophetissa  modicum  aliquid 
et  non  nimis  clarum  de  Christo  disseruit, 
Evangelium  non  seriatim  induxit  quée 
ab  ea  sunt  dicta.  Forsan  autem  ob  hoc 
aliquis  Simeonem  praevenisse  fatebltur; 
60  quod  is  quideni  formam  legis  gerebat 
(uaui  et  ipsum  nomen  notât  obedien- 
tiam) ,  illa  vero  gratiœ  (quod  iuterprela- 
tio  nominis  manifestât)  inter  quos  Chri- 
stus  médius  erat:  idcirco  illum  quideni 
dimisit  cum  lege  morientem,  banc  vero 
fovet  ultra  viventem  per  gratiam. 

Beda.  Juxta  intellectum  etiam  mysti- 
cum  Anna  Ecclesiam  significat,  quse  in 
praesenti  sponsi  sui  est  morte  quasi  vi- 
-duata.  Numerus  etiam  annorum  viduita- 


tis  ejus  tempus  Ecclesise  désignât,  quo 
in  corpore  constituta  peregrinatur  a 
Domino  ;  septies  quippe  duodeni,  octo- 
ginta  quatuor  faciunt  ;  et  septem  quidem 
ad  bujus  seculi  cursum  (qui  diebus  sep- 
tem volvitur),  duodecim  vero  ad  perfec- 
tionem  doctrinoe  apostolicas  pertinent  : 
ideoque  sive  universalis  Ecclesia,  sive 
quaelibet  anima  fidelis  qua?  totum  vilte 
suce  tempus  apostolicis  curât  mancipare 
institutis,  octogiuta  quatuor  annis  Do- 
mino servire  laudatur  :  tempus  etiam 
septem  annorum,  quo  cum  viro  suo 
manserat,  congruit  :  nam  propter  do- 
minicae  privilegium  majestatis,  quo  in 
carne  versatus  docuit,  in  signum  per- 
fectionis  simplex  septem  annorum  est 
numerus  expressus  :  arrldet  etiam  Ec- 
clesiae  mysteriis  Anna,  et  gratta  cjns 
interpretatur,  et  filia  Phanuelis,  qui  fa- 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.    ÎI.  127 

sa  grâce,  elle  est  fille  de  Phanuel ,  qui  signifie  face  de  Dieu ,  elle  est 
de  la  tribu  d'Aser,  qui  veut  dire  bienheureux  (1). 


f.  39-41.  —  Après  qu'ils  eurent  accompli  tout  ce  qui  était  ordonné  par  la  loi 
du  Seigneur,  ils  s'en  retournèrent  en  Galilée,  à  Nazareth  leur  ville.  Cependant 
l'enfant  croissait  et  se  fortifiait,  plein  de  sagesse  ;  et  la  grâce  de  Dieu  était  en 
lui.  Or  ses  parents  allaient  tous  les  ans  à  Jérusalem,  à  la  fête  de  Pâques. 

BEDE.  Saint  Luc  omet  ici  ce  qu'il  savait  avoir  été  raconté  par  saint 
Matthieu,  c'est-à-dire,  la  fuite  en  Egypte,  où  les  parents  de  l'enfant 
Jésus  le  transportèrent  pour  le  dérober  aux  recherches  homicides  du 
roi  Hérode;  et  après  la  mort  de  ce  tyran,  le  retour  en  Galilée,  dans  la 
ville  de  Nazareth,  où  le  Sauveur  fixa  son  séjour.  Les  Evaugélistes  ont 
coutume  en  effet  d'omettre  certains  faits  qu'ils  savent  avoir  été  racon- 
tés, ou  qu'ils  prévoient,  en  vertu  de  l'inspiration,  devoir  l'être  par  les 
autres  Evaugélistes.  Ils  poursuivent  donc  la  suite  de  leur  récit  comme 
s'ils  n'avaient  omis  aucun  fait  intermédiaire.  Toutefois,  un  lecteur 
attentif,  en  comparant  avec  soin  le  récit  d'un  autre  Evangéliste,  voit 
immédiatement  où  les  faits  qui  ont  été  omis  doivent  trouver  place. 
Saint  Luc  donc,  passant  sous  silence  plusieurs  de  ces  faits  intermé- 
diaires, continue  ainsi  son  récit  :  «  Et  après  qu'ils  eurent  accom- 
plis, »  etc.  —  Théophtl.  Bethléem  était  leur  ville  comme  patrie,  et 
Nazareth  l'était  comme  lieu  de  leur  domicile. 

S.  AuG.  {de  l'ace,  des  Evang.,  ii,  9.)  On  peut  être  surpris  que  saint 

(1)  C'est  le  sens  que  ces  mots  ont  en  hébreu,  comme  saint  Jérôme  le  remarque  dans  son  Traité 
des  noms  hébreux.  Ces  noms  cependant  sont  diversement  interprétés  par  Bède  lui-même  dans  le 
Traité  qu'il  a  composé  sur  la  même  matière.  Il  ne  faut  pas  du  reste  attacher  autrement  d'impor- 
tance à  ces  interprétations  qui  reposent  sur  le  sens  des  mots,  lorsqu'elles  ne  sont  pas  autorisées 
par  la  sainte  Ecriture,  ou  par  la  doctrine  de  l'Eglise  et  l'interprétation  unanime  des  saints  doc- 
teurs. 


des  Dei   dicitur,  et  de  tribu  Aser  (id 
est,  beati)  descendit. 

Et  ut  perfecerunt  omnia  secundum  leyem  Domi- 
ni,  reversi  sunt  in  GaWœani  in  civitatem  siiam 
Nazareth.  Puer  autem  crescebat  et  conforta- 
balur,  ptenus  sapientia ,  et  (jratia  Dei  erat  in 
illo.  Et  ibant  parentes  ejns  per  omnes  annos 
in  Hierusalem,  in  die  solemni  Paschœ. 

Bed.  Praetermisit  hoc  loco  Lucas,  quœ 
aMatlhaeo  satis  exposita  noverat  ;  Do- 
minum  videlicel  post  hoc  (neajj  Herode 
necandus  inveniretur),  et  in  ^tryptum 
a  parentibus  esse  delatum,  et  defuncto 
Herode  sic  deninm  in  Galilaeam  rever- 
sum,  Nazareth  civitatem  suam  inhabi- 


tare  cœpisse.  Soient  enim  evangelistae 
singuli  sic  omittere  quœdam,  quae  vel 
ab  aliis  commemorata  viderunt,  vel  ab 
aliis  commeinoranda  in  spiritu  praevi- 
derunt,  ut  conlinuata  suœ  narralionis 
série,  quasi  nuUa  praitermisisse  videan- 
tur  ;  quai  tamen  alterius  evangelistae 
considerata  Scriptura  quo  loco  transita 
fuerint,  diligens  Icctor  inveniat.  Uude 
multis  prœlermissis,  Lucas  dicit  :  «  Et 
ut  perfecerunt  omnia,  »  etc.  Tiieophvl. 
Erut  qiiidem  eorum  civitas  Bcthieliem 
sicut  patria,  Nazareth  vero  tanquain  ha- 
bilaculum. 

AuG.    {de  Cens.  Evang.,  lib.  ii^  cap. 
9.)  Forte  autem  hoc   movet,   quomodo 


128 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 


Matthieu  donne  pour  motif  du  retour  des  parents  avec  l'enfant  dans 
la  Galilée,  la  crainte  qu'ils  avaient  d'Arcliélaiis,  et  qui  les  empêchait 
de  se  fixer  dans  la  Judée,  tandis  que  le  motif  déterminant  de  leur 
retour  en  Galilée^  c'est  que  Nazareth,  située  dans  la  Galilée,  était  leur 
ville,  comme  saint  Luc  le  remarque  en  cet  endroit.  Voici  l'explication 
de  cette  difficulté  :  Lorsque  l'ange  apparaît  en  Egypte  à  Joseph  pen- 
dant son  sommeil,  pour  lui  dire  :  cf  Levez-vous,  prenez  l'enfant  et  sa 
mère,  et  allez  dans  la  terre  d'Israël,  »  on  peut  très-bien  entendre  que 
Joseph  crut  que  l'ange  lui  donnait  Tordre  de  retourner  en  Judée,  qui 
put  se  présenter  la  première  à  son  esprit  sous  le  nom  de  terre  d'Israël. 
Mais  lorsqu'ensuite  il  eut  appris  qu'Archélaiis,  fils  d'Hérode,  régnait 
en  Judée,  il  ne  voulut  point  s'exposer  à  un  si  grand  danger^  d'autant 
plus  que  par  terre  d'Israël,  il  pouvait  aussi  bien  entendre  la  Galilée, 
puisque  le  peuple  d'Israël  l'habitait  également.  —  Ch.  des  Pèr.  gr. 
ou  Métaphr.  Ou  bien  encore,  ou  peut  dire  que  saint  Luc  parle  ici  du 
temps  qui  précède  la  fuite  en  Egypte,  car  Joseph  ne  fut  point  parti 
avant  le  temps  de  la  purification  de  Marie.  Or,  avant  de  fuir  en 
Egypte,  aucune  révélation  ne  les  avait  avertis  d'aller  à  Nazareth,  et 
ils  s'y  rendaient  naturellement  pour  habiter  de  préférence  dans  leur 
patrie.  En  effet,  ils  n'étaient  venus  à  Bethléem  que  pour  s'y  faire 
inscrire,  et  après  avoir  satisfait  à  la  loi  du  dénombrement  qui  avait 
déterminé  leur  voyage,  ils  retournent  à  Nazareth. 

Théophyl.  Le  Sauveur  aurait  pu  naître  et  sortir  du  sein  de  sa  mère 
dans  la  plénitude  de  l'âge,  mais  ce  développement  instantané  eut  paru 
dépourvu  de  réalité.  Il  veut  donc  croître  par  degrés  et  en  suivant  les 
progrès  de  l'âge  :  «  L'enfant  croissait  et  se  fortifiait.  »  —  Bède.  11 


dicat  Matthseus,  propterea  cum  puero 
parentes  ejus  iisse  in  Galilaeam,  quia 
metu  Archelai  in  Judaeam  ire  noluerunt  ; 
cnm  propterea  magis  iisse  iu  Galilseam 
videantur,  quia  civitas  eorum  erat  Na- 
zareth Galilœae,  sicut  Lucas  hic  non  ta- 
cet.  Sed  intelhgendum  est,  ubi  Angélus 
in  somnis  in  >ïgypto  dixit  ad  Joseph  : 
«  Surge,  et  accipe  puerum  et  uaatrem 
ejus,  et  vade  in  terram  Israël,  »  sic  in- 
tellectum  primo  esse  a  Joseph,  ut  puta- 
ret  jussum  se  esse  pergere  iu  Judœam 
(ipsa  enim  intelligi  primitus  potuit  terra 
Israël.)  Porro  autem  postea  quoniam 
comperit  ilUc  regnare  filium  Herodis 
Archelaum,  noluit  objicere  se  illi  peri- 
culo,  cum  posset  terra  Israël  etiam  sic 
intelligi,  ut  etiam  Galilœa  illi  deputare- 
tur,  quia  et  ipsam  populus  Israël   inco- 


lebat.  Gr.ec.  {vel  Metaphrastes,  in  Cat. 
Grœcorum  Patrum,ubisiip.)  Vel  aliter: 
enumerat  hic  Lucas  tempus  ante  des- 
censum  in  ^Egyptum  :  neque  enim  ante 
purgationem  eam  Joseph  deduxisset. 
Ante  vero  quam  in  .ïgyptum  descende- 
reut,  non  receperant  per  oracula  ut 
Nazareth  pergerent  ;  imo  quasi  libentius 
in  patria  conversantes,  illuc  ultro  perge- 
bant.  Cum  enim  ad  nihil  aliud  ascensus 
in  Bethlehem  evenisset,  nisi  causa  des- 
criptionis,  expedito  eo,  cujus  causa  as- 
ceuderant  descendunt  in  Nazareth. 

TuEOPHYLACT.  Poterat  autem  secun- 
dum  corpus  ex  ipso  ulero  in  mensuram 
maturse  œtatis  prodire;  sed  videretur 
hoc  secundum  phantasiam  ;  propterea 
paulatim  crescit  :  unde  sequitur  :  «  Puer 
autem  crescebat,  etconfortabatur.  »  Bed. 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.   II.  129 

faut  faire  attention  à  la  signification  bien  distincte  de  ces  paroles  ;  car 
Notre-Seigneur  n'avait  besoin  de  croitre  et  de  se  fortifier,  que  parce 
qu'il  s'était  fait  enfant,  et  qu'il  avait  revêtu  notre  nature  fragile  et 
mortelle.  —  S.  Athan.  {de  Vincarn.  de  J.-C)  Mais  si,  comme  quel- 
ques-uns le  prétendent,  la  chair  avait  été  changée  et  absorbée  par  la 
nature  divine,  comment  pouvait-elle  prendre  de  l'accroissement?  car 
on  ne  peut  sans  blasphème  attribuer  de  l'accroissement  à  celui  qui  est 
incréé.  —  S.  Cyr.  ou  plutôt  Théodor.  {Chaîne  des  Pèr.  gr.)  L'Evan- 
géliste  joint  l'accroissement  de  la  sagesse  aux  progrès  de  l'âge,  en  di- 
sant :  «  Et  il  se  fortifiait,  »  c'est-à-dire  en  esprit,  car  la  nature  divine 
se  déclarait  par  degrés  en  se  proportionnant  aux  prçgrès  de  l'âge.  — 
Théophyl.  S'il  eût  fait  éclater  toute  sa  sagesse  dès  sa  plus  tendre  en- 
fance, on  eût  vu  là  un  prodige  étonnant,  il  se  révéla  donc  en  suivant 
le  progrès  de  l'âge,  pour  parcourir  ainsi  toutes  les  phases  de  la  vie.  Si 
du  reste  il  est  dit  qu'il  se  fortifiait  en  esprit,  ce  n'est  point  dans  ce  sens 
qu'il  reçut  la  sagesse  comme  par  degrés,  car  comment  celui  qui,  dès 
le  commencement  avait  toute  perfection,  aurait-il  pu  devenir  plus 
parfait?  Aussi  l'Evangéliste  ajoute  :  «  Il  était  plein  de  sagesse,  et  la 
gloire  de  Dieu  était  en  lui.  »  —  Bède.  Plein  de  sagesse,  parce  que  la 
plénitude  de  la  divinité  habitait  en  lui  corporellement  (1);  plein  de 
grâce,  parce  que  Jésus-Christ  fait  homme  a  reçu  dès  le  premier  mo- 
ment de  son  incarnation  cette  grâce  extraordinaire  d'être  aussi  Dieu 
parfait.  A  plus  forte  raison,  en  tant  que  Yerbe  de  Dieu,  et  Dieu  lui- 

(1)  Coloss.,  II,  9.  Saint  Paul  dit  que  la  divinité  habite  corporellement  en  Jésus-Christ,  parce  que 
ce  n'est  point  une  présence  figurative  comme  sous  la  loi,  mais  une  présence  réelle.  Elle  réside 
non-seulement  dans  son  âme,  comme  dans  les  saints  par  la  foi  et  la  charité,  mais  dans  son  corps 
à  cause  des  doux  natures  réunies  en  une  seule  et  même  personne.  Ou  bien  encore,  la  divinité 
habite  corporellement  en  Jésus-Christ,  parce  que  Dieu  est  en  lui  dans  les  trois  sens  possibles,  par 
sa  présence  générale  et  universelle  dans  tout  ce  qui  est  créé,  par  sa  présence  particulière  dans 
les  justes  qu'il  sanctifie  par  sa  grâce,  et  enfin,  ce  qui  est  exclusivement  propre  à  Jésus-Christ,  par 
l'union  personnelle  de  la  divinité  avec  la  nature  humaine. 


Notanda  est  distinctio  verborum,  quia 
Dominus  Jésus  Christus  in  eo  quod  puer 
crat  (id  est;  habitum  humanatî  fragilitalis 
induerat),  crescere  et  coufortari  habe- 
bat.  Atiian.  {lib.  de  Incarnat.  Christi, 
contra  Appollinarium.)  Cœterum  si 
secundum  quosdam  caro  iii  divinam 
naturam  umlata  est,  quoniodo  capiebat 
augmenlum?  Increato  enim  augnientum 
attribuere,  nefarium  est.  Cyril.  (reZ 
-potins  T/ieodorelus,  in  Lut.  Grœcorum 
Patruni.)  Decenter  vero  œlalis  incrc- 
menlo  sapientiœ  conjunxit  augmenlum, 
cum  dicit  :  «  Et  conforlabatur,  »  scilicet 
spiritu  :  nam  juxta  mensuram  œlatis 
corporeœ,  natura  divina  sapientiam  pro- 

TOM.   V. 


priam  revelabat.  Theopu.  Si  enim  dum 
parvus  aetale  erat,  sapientiam  demons- 
trasset,  videretur  prodigium  ;  sed  per 
proi'ectum  retatis  seipsuni  ostendebat,  ut 
tolumimpleret  orbem.  Non  autem  quasi 
suscipiens  sapientiam,  spiritu  confortari 
dicilur  :  quod  enim  ab  initio  perfectis- 
simum  est,  quomodo  potest  deiude  per- 
fectius  fieri?  Unde  sequilur  :  «  Plenus 
sapieutia,  et  gratia  Uei  erat  in  iiio.  » 
Bed.  Sapientia  quidcin  ,  quia  in  ipso 
habitat  omnis  pleniludo  Diviuitalis  cor- 
poraliter;  gratia  autem  quiahomini  Jesu 
Christo  inagna  gratia  donatum  est  ut  ex 
quo  homo  fieri  cœpisset,  perfeclus  esset 
et  Deus  :  multo  autem  magis,  in  eo  quod 

9 


i30 


EXPLICATION   DE   l' ÉVANGILE 


même,  il  n'avait  besoin  ni  de  croître,  ni  de  se  fortifier.  On  peut  dire 
encore  que  la  grâce  de  Dieu  était  en  lui,  tout  petit  enfant  qu'il  était, 
afin  de  donner  ainsi  à  son  enfance  remplie  de  la  sagesse  de  Dieu  ce 
caractère  admirable  qui  est  empreint  sur  sa  vie  toute  entière. 

«  Or  ses  parents  allaient  tous  les  ans  à  Jérusalem  à  la  fête  de 
Pâques.  »  —  S.  Ghrys.  (Il  Disc,  contr.  les  Juifs.)  La  loi  obligeait  les 
Israélites  à  célébrer  les  grandes  solennités,  non-seulement  dans  le 
temps,  mais  dans  le  lieu  marqué,  aussi  les  parents  du  Seigneur  ne 
voulaient  point  célébrer  la  fête  de  Pâques  bors  de  Jérusalem.  — 
S.  AuG.  {de  l'accord  des  Evang.,  ii,  20.)  Mais  comment  Marie  et  Jo- 
sepb  pouvaient-ils  se  rendre  cbaque  année  à  Jérusalem  pendant  l'en- 
fance de  Jésus,  alors  que  la  crainte  d'Arcbélaûs  devait  les  en  éloigner? 
Cette  difficulté  serait  facile  à  résoudre,  alors  même  qu'un  des  Evan- 
gélistes  aurait  précisé  la  durée  du  règne  d'Arcbélaiis,  car  les  parents 
de  Jésus  pouvaient  très-bien  venir  à  Jérusalem  sans  être  remarqués 
parmi  cette  grande  multitude  qui  s'y  rendait  pour  la  fête  de  Pâques, 
d'autant  plus  qu'ils  s'en  retournaient  aussitôt.  Au  contraire  ils  pou- 
vaient craindre  d'y  fixer  leur  séjour  dans  un  autre  temps  de  l'année. 
Ils  satisfaisaient  ainsi  les  devoirs  de  religion  que  la  loi  leur  imposait, 
et  ils  ne  s'exposaient  point  à  être  remarqués  par  un  séjour  prolongé. 
Mais  comme  tous  les  Evangélistes  se  taisent  sur  la  durée  du  règne 
d'Arcbélaûs,  nous  sommes  autorisés  à  entendre  ce  passage  de  saint 
Luc  :  «  Ils  allaient  tous  les  ans  à  Jérusalem,  »  d'un  temps  où  Arcbé- 
laùs  n'était  plus  à  redouter. 

y.  41-50.  —  Et  lorsqu'il  eut  atteint  sa  douzième  année,  ils  allèrent  à  Jérusalem, 
selon  ce  qu'ils  avaient  accoutumé  au  temps  de  la  fête.  Après  que  les  jours  que 


Verbum  Dei  et  Deus  erat,  nec  confor- 
tari  indigebat,  nec  babebat  augeri. 
Adhuc  autem  cum  parvulus  esset,  ba- 
bebat gratiam  Dei^  ut  quomodo  in  illo 
omnia  mirabilia  fuerant,  ita  et  pueritia 
mirabilis  esset,  «  ut  Dei  sapientia  com- 
pleretur.  » 

Sequitur  :  «  Et  ibant  parentes  ejus 
per  omnes  annos  in  Hierusalem,  in  die 
solemni  Pascbae.  »  Chrys.  (Orat.  2, 
contra  Jtidœos.)  In  Hebrasorum  solemni- 
tatibus,  non  solum  tempus,  sed  etiam 
locum  observare  lex  jusserat;  et  ideo 
nec  Domini  parentes  extra  Hierosoly- 
mam  celebrare  Pascba  volebant.  AuG. 
{de  Cou.  Evang..  lib.  n,  cap.  20.)  Quo- 
modo autem  ibant  parentes  ejus  per 
omnes  annos  pueritise  Christi  in  Hieru- 
ealem,  si  Archelai  timoré  illuc  prohibe- 


bantur  accedere?  Hoc  mihi  dissolvere 
non  esset  difficile,  nec  si  aliquis  evange- 
listarum  expressisset,  quandiu  regnaret 
Arcbelaus  :  fieri  enim  poterat  ut  per 
diem  festum  iuter  tam  ingentem  turbam 
latenter  ascenderent,  mox  reversuri  ; 
ubi  tamen  aliis  diebus  habitare  metue- 
ruut^  ut  nec  solemnitate  prœtermissa 
Cisent  irreligiosi,  ne  continua  mansione 
conspicui  :  cum  vero  etiam  de  regno 
Archelai  omnes  qiiam  fuerit  diuturnum 
tacuerint,  iste  quoque  intellectus  patet 
ut  quod  Lucas  dicit:  «  Per  omnes  annos 
eos  ascendere  solitos  in  Hierusalem,  » 
tune  accipiamus  factum  cum  jam  non 
timeretur  Arcbelaus. 

Et  cum  factus  esset  annorum  duodecim  ,  asceti- 
dentibus  Mis  Hierosolymam ,  secundum  eon- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.   II. 


431 


dure  la  fête  furent  passés,  ils  s'en  retournèrent,  et  l'enfant  Jésus  demeura 
dans  Jérusalem,  et  ni  son  père  ni  sa  mère  ne  s'en  aperçurent.  Et  pensant  qu'il 
serait  avec  quelqu'un  de  ceux  de  leur  compagnie,  ils  marchèrent  durant  un  jour, 
et  ils  le  cherchaient  parmi  leurs  parents  et  ceux  de  leur  connaissance.  Mais  ne 
l'ayant  point  trouvé,  ils  retournèrent  à  Jérusalem  pour  l'y  chercher.  Trois  jours 
après  ils  le  trouvèrent  dans  le  temple,  assis  au  milieu  des  docteurs,  les  écoutant 
et  les  interrogeant.  Et  tous  ceux  qui  l'écoutaient  étaient  ravis  en  admiration 
de  sa  sagesse  et  de  ses  réponses.  Lors  donc  qu'ils  le  virent,  ils  furent  remplis 
d'étonnement,  et  sa  mère  lui  dit  :  Mon  fils,  pourquoi  avez-vous  agi  ainsi  avec 
nous  ?  Voilà  votre  père  et  moi  qui  vous  cherchions  étant  tout  affligés.  Il  leur 
répondit  :  Pourquoi  me  cherchiez-vous  ?  Ne  saviez-vous  pas  qu'il  faut  que  je 
sois  occupé  aux  choses  qui  regardent  le  service  de  mon  Père  ?  Mais  ils  ne 
comprirent  point  ce  qu'il  leur  disait. 

S.  Cyr.  {Chaîne  des  Pèr.  (jr.)  L'Evangéliste  vient  de  dire  que  l'en- 
faiit  croissait  et  se  fortifiait,  il  eu  douue  maiuteuaut  la  preuve  en 
nous  montrant  Jésus  se  rendant  à  Jérusalem  avec  la  sainte  Vierge  sa 
mère  :  «  Lorsqu'il  eut  atteint  sa  douzième  année.  »  —  Ch.  des  Pèr.  gr. 
ou  Géom.  La  manifestation  de  la  sagesse  ne  dépasse  pas  ici  la  portée 
de  l'âge,  c'est  à  l'époque  de  la  vie  où  nous  devenons  capables  de 
discernement  et  de  réflexions  (c'est-à-dire,  à  l'âge  de  douze  ans),  que 
la  sagesse  de  Jésus-Christ  se  révèle.  —  S.  Ambr.  Ou  bien  il  commence 
ses  divins  enseignements  à  l'âge  de  douze  ans,  pour  figurer  le  nombre 
des  premiers  prédicateurs  de  l'Evangile.  —  Bède.  {sur  S.  Luc.)  Nous 
pouvons  encore  dire  que,  comme  le  nombre  sept,  le  nombre  douze 
(formé  des  deux  parties  du  nombre  sept  multipliées  l'une  par  l'autre) 
figure  l'universalité  et  la  perfection  des  temps  et  des  choses  ;  c'est  donc 
pour  nous  apprendre  que  la  lumière  qu'il  apporte  au  monde,  doit 


suetudinem  diei  festi,  consummatisque  die- 
hus  cum  redirent,  remansit  puer  Jésus  in  Eie- 
rusalem,  et  non  cognoverunt  parentes  ejus. 
Existimanles  autem  illum  esse  in  comitalu, 
venerunt  iter  diei,  et  requirebant  eum  inter 
cognatos  et  notos.  Et  non  inuenientes  eum,  re- 
gressi  sunt  Hierusalem  requirentes  eum.  Et 
factum  est  post  triduum ,  inoenerwii  illum  in 
templo,  sedcntem  in  medio  doctorum,  audien- 
ten  illus  et  interrogantem  eos.  Slupehant  au- 
tem omnes  qui  eum  audiebant  super  prudentia 
et  responsis  ejus.  Et  videntes  admirali  sunt. 
Et  dixit  mater  ejus  ad  illum  :  Fili ,  qnid  fe- 
cisli  nobis  sic  ?  Ecce  pater  tuus  et  ego  dolen  - 
tes  quœrebamus  te.  Et  ait  ad  illos  :  Quid  est 
quod  me  quœrebatis  ?  Nesciebatis  quia  in  his 
quœ  Patris  mei  sunt,  oportet  me  esse  ?  El  ipsi 
non  intellexerunt  verbum  quod  locutus  est  ad 
eos. 

CvniL.  {in  C'at.  Grœcorum  Patruin, 
ubi  stip.)  Quia  dixerat  Evangelista  quod 
puer   crescebat  et   conforlabatur,  pro- 


prium  sermonera  verificat,  iudueeusJe- 
sum  una  cum  sacra  Virgine  in  Hierusa- 
lem ascendentem  :  unde  dicitiir  :  «  Et 
cum  factus  esset  annorum  duodociiii.  » 
Gr.ec.  {vel  Geometer,  ubi  sup.)  Non 
enim  indicium  sapienliœ  transcendit 
aitatis  raensuram,  sed  quo  lempore  pê- 
nes nos  discrelionis  ratio  pcrfici  con- 
suevit  (12  scilicet  auno)  Chrisli  sapieutia 
denionstratur.  Ambr.  Vel  a  duodcfimo 
anno  domiuica;  sumiLur  dispulaliouis 
exordium  ;  hic  euim  prœdlcandaî  fidei 
evangelizantium  numerus  debebatur. 
Bed.  [in  Lacam.)  Possumus  et  hoc  di- 
cere,  quia  sicut  septenario  numéro,  sic 
et  duodenario  (qui  multiplicatis  inter  se 
invicem  seplenarii  partibus  constat),  vel 
rerum ,  vel  temporum  universitas  ac 
perfectio  designatur  ;  atque  ideo  quo 
omnia   loca   vel    tempora  doceat  occu- 


432 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 


remplir  tous  les  temps  et  tous  les  lieux,  que  Jésus-Christ  commence  à 
en  répandre  les  premiers  rayons  à  l'âge  de  douze  ans. 

Bède.  (hom.)  Notre-Seigneur  venait  tous  les  ans  avec  ses  parents 
célébrer  la  l'été  de  Pâques  dans  le  temple  de  Jérusalem,  et  il  nous 
donne  en  cela  un  exemple  de  sa  profonde  humilité  comme  homme, 
car  c'e.-t  un  des  premiers  devoirs  de  l'homme  d'être  fidèle  à  offrir  à 
Dieu  des  sacrifices,  et  de  se  le  rendre  favorable  par  ses  prières.  Le  Sei- 
gneur fait  homme  a  donc  accompli  parmi  les  hommes  ce  que  Dieu 
avait  commandé  aux  hommes  par  ses  anges  :  «  Selon  la  coutume 
de  cette  fête,  »  dit  l'Evangéliste  ;  soyons  donc  fidèles  nous-mêmes  à 
suivre  les  pas  de  ce  Dieu  fait  homme,  si  nous  aspirons  au  bonheur 
de  contempler  un  jour  la  gloire  de  sa  divinité. 

Ch.  des  Pèr.  gr.  ou  Métaph.  Après  la  fête  tous  s'en  retournèrent, 
mais  Jésus  resta  secrètement  :  «  Les  jours  de  la  fête  étant  passés,  l'en- 
fant Jésus  resta  dans  la  ville  de  Jérusalem,  et  ses  parents  ne  s'en  aper- 
çurent pas.  »  L'Evangéliste  dit  :  «  Les  jours  de  la  fête  étant  passés,  ». 
parce  que  la  solennité  de  la  fête  de  Pâques  durait  sept  jours.  Le  Sau- 
veur reste  secrètement,  afin  que  ses  parents  ne  pussent  s'opposer  à  la 
discussion  qu'il  désirait  avoir  avec  les  docteurs  de  la  loi;  ou  bien 
peut-être  voulait-il  éviter  de  paraître  mépriser  l'autorité  de  ses  pa- 
rents, en  refusant  de  leur  obéir.  Il  reste  donc  secrètement,  pour  agir 
en  toute  liberté,  ou  pour  ne  pas  s'exposer  au  reproche  de  désobéis- 
sance. —  Orig.  {ho?7i.  19.)  Ne  soyons  pas  surpris  de  voir  l'Evangéliste 
donner  à  Marie  et  à  Joseph  le  nom  de  parents  de  Jésus,  alors  que 
Marie  par  son  enfantement,  et  Joseph  par  les  soins  dont  il  entourait 
ce  divin  enfant,  ont  mérité  d'être  appelés  son  père  et  sa  mère.  — 
BÈDE.  {si(7'  S.  Li(c.)On.  demandera  sans  doute  comment  les  parents  de 


pari,  recte  a  duodecimo  numéro  jubar 
Christi  sumit  exordium. 

Beda.  {i7i  hom.)  Quod  autem  Dominus 
per  omnes  annos  cum  parentibus  in 
Pascha  Hierosolymam  venit,  bumilitatis 
est  bumanae  indicium  :  bominis  nam- 
que  est  ad  offerenda  Deo  sacrificia  con- 
currere,  et  eum  orationibus  conciliare. 
Fecit  ergo  Dominus  inter  bomines  bomo 
natus  quod  faciendum  bominibus  per 
angelos  imperavit  Deus.  Unde  dicitur  : 
«  Secundum  consuetudinem  diei  festi  :  » 
sequamur  igitur  iter  bumanae  conversa- 
tionis  ejus,  si  Deitatis  gloriam  delecta- 
mur  intueri. 

Grj;c.  {vel  Metaphrastes  et  Geometer, 
ubi  sup.)  Celebrato  autem  festo,  aliis 
remeantibus,   Jésus  latenter  remansit  : 


unde  sequitur  :  «  Consummatisque  die- 
bus  cum  redirent,  remansit  puer  Jésus 
in  Hierusalem,  et  non  cognoverunt  pa- 
rentes ejus.  »  Dicit  autem  :  «  Consum- 
matis  diebus,  »  quia  septem  diebus  du- 
rabat  solemnitas.  Ideo  autem  latenter 
remanet,  ne  parentes  impedimeuto  es- 
sent  disputatiooi  peragendœ  cum  legis- 
peritis  :  vel  forsitan  boc  evitans,  ne  vi- 
deatur  parentes  coutemnere,  si  mandatis 
non  pareret.  Latenter  ergo  remanet,  ne 
aut  retrabatur,  aut  sit  inobediens.  Orig. 
[hom.  19.)  Non  autem  \a.\Tnn\\\v parentes 
vocatos,  quorum  aller  ob  partum,  alter 
ob  obsequium,  patris  et  matris  merue- 
runt  vocabula.  Beda.  (in  Lxœam.)  Sed 
quaeret  aliquis  quomodo  Dei  Filius  tanta 
parentum   cura  nutritus   potuerit  obli- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    II.  133 

Jésus,  qui  veillaient  avec  une  si  grande  sollicitude  sur  ce  divin  enfant 
ont  pu  le  laisser  par  oubli  dans  la  ville  de  Jérusalem.  Nous  répondons 
que  les  Juifs,  à  l'époque  des  grandes  fêtes  de  l'année,  soit  en  se  ren- 
dant à  Jérusalem,  soit  en  retournant  dans  leur  pays,  avaient  coutume 
de  marcher  par  troupes,  les  hommes  séparés  des  femmes,  et  les  en- 
fants pouvaient  aller  indififéremment  avec  les  uns  ou  avec  les  autres. 
Marie  et  Joseph  ont  donc  pu  croire  chacun  de  leur  côté  que  l'enfant 
Jésus,  qu'ils  ne  voyaient  point  avec  eux,  se  trouvait  soit  avec  son 
père,  soit  avec  sa  mère.  C'est  ce  qu'ajoute  l'Evangéliste  :  «  Mais  pen- 
sant qu'il  était  avec  quelqu'un  de  leur  compagnie,  »  etc. 

Orig.  L'enfant  Jésus  resta  dans  la  ville  de  Jérusalem,  en  laissant 
ignorer  à  ses  parents  qu'il  y  était  resté,  comme  plus  tard  il  s'échappa  et 
disparut  du  milieu  des  Juifs,  qui  lui  dressaient  des  embûches  :  «  Et 
ne  le  trouvant  pas,  ils  revinrent  à  Jérusalem  pour  le  chercher,  et  trois 
jours  après,  ils  le  trouvèrent  dans  le  temple,  »  etc.  —  Orig.  {hom.  d8.) 
On  ne  trouve  pas  Jésus  dès  les  premiers  pas  que  l'on  fait  pour  le  cher- 
cher; car  Jésus  ne  se  trouve  ni  parmi  ses  parents  ou  parmi  ceux  quilui 
sont  unis  par  les  liens  du  sang,  ni  parmi  ceux  qui  ne  s'attachent 
à  lui  qu'extérieurement;  on  ne  peut  espérer  non  plus  trouver  Jésus 
au  milieu  de  la  foule.  Apprenez  donc  où  ils  le  cherchent  et  où  ils  le 
trouvent,  ce  n'est  point  partout  indififéremment,  mais  dans  le  temple. 
Vous  donc  aussi,  cherchez  Jésus  dans  le  temple  de  Dieu,  cherchez-le 
dans  l'Eglise,  cherchez-le  auprès  des  docteurs  qui  enseignent  dans  le 
temple;  si  vous  le  cherchez  de  la  sorte,  vous  le  trouverez  infaillible- 
ment. {Et  hom.  19).  Ils  ne  le  trouvèrent  point  parmi  leurs  parents,  car 
une  parenté  toute  naturelle  ne  pouvait  avoir  au  milieu  d'elle  le   Fils 


viscendo  relinqui  :  cui  respondendum  : 
Quia  filiis  Israël  mos  fuit,  ut  temporibus 
festis,  vel  Hierosolymam  conflueutes,  vel 
ad  propria  redeuntes,  seorsum  viri,  seor- 
sum  feininae  incederent,  infantesque , 
vel  pueri  cuni  quolibet  parente  indilfe- 
renter  ire  potuerint;  ideoque  Mariani 
vel  Joseph  vicissim  putasse  puerum  Je- 
sum,  quem  secum  non  cernebat,  cum 
altero  parente  reversuui.  Unde  sequitur  : 
«  Existimantes  autem  ilium  esse  in  co- 
mitatu,  »  etc. 

Orig.  {ut  sup.)  Sicut  autena  quando' 
insidiabantur  ei  Judœi,  elapsus  est  de 
niedio  eorum,  et  non  apparuit;  sic  et 
nunc  puto  remansisse  puerum  Jesum,  et 
parentes  ejusubi  remanserit,  ignorasse  : 
sequitur  enim  :  «  Et  non  invenientes, 
regressi  sunt  in  Hierusalem  requirentes 


eum.  »  Glos.  Una  quidem  die  reversi 
sunt  a  Hierusalem  ;  secunda  quaerunt 
inter  cognatos  et  notos  ;  et  non  inve- 
nientes tertia  die,  regressi  sunt  in  Hie- 
rusalem, et  ibi  invenerunt.  Unde  sequi- 
tur :  «  Et  factum  est  post  triduuni,  inve- 
nerunt illum,  »  etc.  Orig.  (hom.  18.) 
.Non  stalim  ut  quœritur^  invenitur  :  non 
enim  inter  cognatos  et  carnis  propin- 
quos  invenitur  Jésus  ;  non  in  his  qui 
corporaliterei  juneti  sunt  :  in  multorum 
comitalu  Jésus  meus  non  potest  inve- 
niri  :  disce  ubi  eum  quœreutes  repe- 
riaui,  :  non  ubicunque,  sed  in  lempio. 
Et  tu  ergo  qucere  Jesum  in  teuiplo  Dei, 
quaere  in  Ecclesia,  ijuœre  apud  magistros 
qui  in  templo  sunt  ;  si  enim  ita  quœsie- 
ris,  invenies.  {Et  hom.  19.)  Non  inve- 
nerunt eum  inter  cognatos  ;  neque  enim 


134 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


de  Dieu,  qui  est  supérieur  à  toute  connaissance  et  à  toute  science 
humaine.  Où  donc  le  trouvent-ils?  Dans  le  temple.  Si  vous  voulez 
aussi  ehcrclier  le  Fils  de  Dieu,  cherclicz-lc  d'abord  dans  le  temple, 
liàtez-vous  d'y  entrer,  c'est  là  que  vous  trouverez  le  Christ,  la  parole 
et  la  sagesse  du  Père,  c'est-à-dire  le  Fils  de  Dieu. 

S.  Amb.  Ils  le  trouvent  dans  le  temple  après  trois  jours,  comme 
figure  que  trois  jours  après  sa  passion  triomphante,  alors  qu'on  le 
croyait  victime  delà  mort,  il  se  montrerait  plein  de  vie  à  notre  foi, 
assis  sur  son  trône  des  deux,  au  milieu  d'une  gloire  toute  divine.  — 
La  Glose.  Ou  bien  ces  trois  jours  de  recherche  signifiaient  que  les  pa- 
triarches avant  la  loi,  avaient  cherché  l'avènement  de  Jésus- Christ 
sans  le  trouver,  que  les  prophètes  et  les  justes  sous  la  loi  l'avaient 
également  cherché  sans  être  plus  heureux,  tandis  que  les  Gentils  qui 
l'ont  cherché  sous  la  loi  de  grâce  l'ont  trouvé. 

Orig.  {hom.  19.)  Comme  il  était  le  Fils  de  Dieu,  on  le  trouve  au 
milieu  des  docteurs,  leur  inspirant  la  sagesse  et  les  instruisant;  mais 
parce  qu'il  était  enfant  on  le  trouve  au  milieu  d'eux,  ne  leur  faisant 
point  de  leçons  expresses,  mais  se  contentant  de  les  interroger  :  «  Ils 
le  trouvèrent  assis  au  milieu  des  docteurs,  les  écoutant  et  les  interro- 
geant. »  Il  agit  ainsi  pour  donner  l'exemple  de  la  soumission  et  de  la 
déférence  qui  convient  aux  enfants,  et  leur  apprendre  la  conduite  qu'ils 
doivent  tenir,  fussent-ils  doués  d'une  sagesse  et  d'une  science  supé- 
rieures à  leur  âge.  Ils  doivent  écouter  leurs  maîtres  plutôt  que  de 
chercher  à  les  instruire  et  à  se  produire  par  un  sentiment  de  vaine 
ostentation.  Jésus  interroge  les  docteurs,  non  pas  sans  doute  pour 
s'instruire,  mais  bien  f)lutôt  pour  les  enseigner  en  les  interrogeant, 
car  c'est  de  la  même  source  d'intelligence  et  de  doctrine  que  viennent 


poterat  humana  coguatio  Dei  Filium 
continere  ;  non  inveuitur  inter  notos, 
quia  major  est  notitia  scientiaque  mor- 
tali  :  ubi  igitur  iuveniunt  eum  ?  In  tem- 
plo.  Si  quando  et  tu  qugesieris  Filium 
Dei,  quaereprimum  in  templo;  illuc  pro- 
pera  ;  ibi  utique  Christum  sermonem 
atque  sapientiam  (id  est,  Filium  Dei) 
reperies. 

Ambr.  Post  triduum  reperilur  in  tem- 
plo,  ut  esset  indicio  quia  post  triduum 
triumphalis  passionis  in  sede  cœlesli  et 
honore  divino  fidei  nostrœ  se  ostenderet 
resurgeus,  quimortuus  credebatur.GLOS. 
Vel  quia  quœsitus  adveutus  Christi  a 
patriarchis  ante  legem  non  estinventus, 
quœsitus  a  prophetis  et  justls  sub  lege 


non  est  inventus;  quœsitus  a  genlibus 
sub  gratia  invenitur. 

Orig.  {hom.  9.)  Quia  porro  Dei  Filius 
erat,  invenitur  in  medio  prœceptorum, 
sapientificaus  et  erudiens  eos;  quia  vero 
parvulus  erat,  invenitur  in  medio,  non 
eos  docens,  sed  interrogans:  unde  di- 
citur  :  «  Sedentem  in  medio  doctorura, 
audientem  illos,  et  interrogantem  eos.  » 
Et  hoc  pietatis  officio,  ut  nos  doceret 
quîd  pueris  (quamvis  sapientes  et  eru- 
diti  sint)  couveuiret,  ut  audiaut  potius 
magislros  quam  docere  desiderent,  et 
se  vana  ostentatione  non  jactent.  luter- 
rogabat  autem,  non  ut  addisceret,  sed 
ut  interrocans  erudiret  :  ex  uno  quippe 
doctrinœ  ^fonte   manat,  et  interrogare, 


DE  SAINT   LUC.    CHAP.    IL  135 

ses  questions  et  ses  réponses  pleines  de  sagesse  :  «  Et  tous  ceux  qui 
l'entendaient,  admiraient  la  sagesse  de  ses  réponses,  »  etc.  — Bède. 
Pour  montrer  qu'il  était  homme,  il  écoutait  modestement  des  doc- 
teurs qui  n'étaient  que  des  hommes;  mais  pour  prouver  qu'il  était 
Dieu,  il  répondait  à  leurs  questions  d'une  manière  sublime.  —  Cii. 
DES  Pér.  gr.  ou  Métaph.  Il  interroge  avec  iuteUigence,  il  écoute  avec 
sagesse,  et  répond  avec  plus  de  sagesse  encore,  ce  qui  ravissait  d'ad- 
miration ceux  qui  l'entendaient  :  «  Et  tous  ceux  qui  l'entendaient 
étaient  confondus  de  sa  sagesse  et  de  ses  réponses.  »  —  S.  Chris. 
ijiom.  20  sur  S.  Jean.)  Le  Sauveur  n'a  fait  aucun  miracle  dans  son 
enfance,  et  saint  Luc  ne  nous  en  raconte  que  ce  seul  fait,  qui  ravit 
d'admiration  et  d'étonnement  ceux  qui  en  furent  témoins.  —  Bède. 
Ses  paroles,  en  effet,  révélaient  une  sagesse  divine,  mais  son  âge  le 
couvrait  des  dehors  de  la  faiblesse  humaine  ;  aussi  les  Juifs,  partagés 
entre  les  choses  sublimes  qu'ils  entendaient  et  la  faiblesse  extérieure 
qui  paraissait  à  leurs  yeux  éprouvaient  un  sentiment  d'admiration 
mêlé  de  doute  et  d'incertitude.  xMais  pour  nous  rien  ici  de  surprenant, 
car  nous  savons  par  le  prophète  Isaïe,  que  s'il  a  voulu  naître  petit 
enfant  pour  nous^  il  n'en  reste  pas  moins  le  Dieu  fort  (I). 

Cn.  DES  PÈR.  GR.  {ou  Métapliv.  et  Géom.)  Admirons  ici  la  mère  de 
Dieu,  dont  les  entrailles  maternelles  sont  si  vivement  émues  ;  elle  lui 
dépeint ,  en  gémissant ,  ses  anxiétés  pendant  cette  douloureuse  re- 
cherche ,  et  exprime  tous  les  sentiments  qui  l'agitent  avec  la  con- 
fiance, la  douceur  et  la  tendresse  d'une  mère  :  a  Et  sa  mère  lui  dit  : 
Mon  fils,  pourquoi  avez-vous  agi  ainsi  avec  nous  ?»  —  Orig.  {Chaîne 
des  Pères  grecs.)  Cette  Vierge  sainte  savait  bien  qu'il  n'était  point  le 

(!)  Le  texte  sacré  unit  ce*  deux  mots  tant  dans  les  Bibles  grecques  que  dans  les  latines.  Saint 
Jérôme  veut  qu'on  les  sépare  en  ce  sens  :  «  Il  sera  appelé  Dieu,  le  Fort,  u  etc. 


et  respondere  sapienter  :  unde  sequi- 
tur  :  "  Stupebant  autem  omnes  qui  eum 
audiebant  super  prudenlia,  »  etc.  Bed. 
Ad  Oitendendum  enim  quia  homo  erat, 
homines  mafjistros  humilitcr  audiebat  ; 
ad  prùbandum  vero  quia  Deus  erat, 
eisdein  loquentibus  sublimiter  respon- 
debat.  GR.y.f:.  ! vnl  Metophrastes  et  Ceo- 
meter,  ubi  supra.)  QuEerit  enim  ratio- 
nabiliter,  audit  prudenter,  rc.-pondetqiie 
prudeutius ,  quod  stuporem  faciebat  ; 
unde  sequilur  :  «  Kt  videnles  admirati 
riunt.  »  CHRVri.  (svper  Joan  ,  bom.  20.) 
Nulluin  quippe  iniracuUim  esit  Uoirinus 
in  pueritia  ;  hoc  tamen  unum  prodit 
Lucas,  per  quod  admirabilis  videbatur. 
BErj.  Divinaui  siquidem   lingua   sapien- 


tiam  piodebat,  sed  infirmitatem  setas 
praeteudebat  liumauam  ;  unde  Judaei  in- 
ter  alta  quae  audiunt,  et  intima  quae  vi- 
dent, dubia  admiratione  turbantur  :  nos 
autem  nequaquam  miremur ,  scientes 
secundum  Prophetam  {Isai.,  9)  quod  sic 
parvulus  natus  est  nobis,  quod  permanet 
Deus  fortis. 

Grjcc.  {vel  Metaphrastes  et  Geome- 
1er,  ubi  svp.)  Miranda  vero  Dei  genilrix 
niaternis  affecta  visceribus,  quasi  cum 
lameulis  inquisitionem  dolorosam  osten- 
dit;  et  omuia  sicut  mater,  et  fiducialiter, 
et  humiiiter,  etaffectuoseexprimit  :  unde 
sequitur:«  Et  dixit  mater  ejus  ad  ilium: 
Fili,  quid  fecisti"?))etc.  Orig.  {in  Cat.Grœ- 
corum  Patruin.)  Noverat  Virgo  sacrata 


136 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 


fils  de  Joseph,  et  cependant  elle  appelle  son  chaste  époux  le  père  de 
Jésus,  pour  se  conformer  à  l'opinion  des  Juifs  qui  pensaient  que  son 
divin  Fils  avait  été  conçu  comme  les  autres  enfants,  (/iom.  17.)  L'expli- 
cation la  plus  simple  est  de  dire  que  l'Esprit  saint  a  honoré  Joseph  du 
nom  de  père  de  Jésus  ,  parce  qu'il  a  été  chargé  de  l'élever.  D'après 
une  interprétation  plus  recherchée  ,  on  peut  dire  que  l'Evaugéliste 
ayant  fait  descendre  la  généalogie  de  Jésus-Christ  de  David  à  Joseph, 
cette  généalogie  paraîtrait  donnée  sans  raison,  si  Joseph  n'était  pas 
appelé  le  père  de  Jésus,  {hom.  49.)  Mais  pourquoi  le  cherchaient-ils? 
craignaient-ils  qu'il  n'eût  péri  ou  qu'il  se  fût  égaré  ?  Loin  de  nous 
cette  pensée.  Comment  auraient-ils  pu  craindre  la  perte  de  cet  enfant 
dont  ils  connaissaient  la  divinité  ?  Lorsque  vous  lisez  les  saintes  Ecri- 
tures, vous  cherchez  avec  une  certaine  peine  à  en  découvrir  le  sens, 
ce  n'est  pas,  sans  doute,  que  vous  pensiez  que  la  divine  Ecriture  puisse 
renfermer  des  erreurs  ou  des  choses  dites  au  hasard  ;  mais  vous  dé- 
sirez trouver  la  vérité  qui  est  cachée  sous  l'écorce  de  la  lettre.  C'est 
ainsi  que  Marie  et  Joseph  cherchaient  l'enfant  Jésus,  en  craignant  que 
peut-être  il  ne  les  eût  quittés  et  ne  fût  remonté  dans  les  cieux ,  pour 
eu  descendre  de  nouveau  lorsqu'il  le  jugerait  à  propos.  Celui  donc 
qui  cherche  Jésus,  ne  doit  point  agir  avec  négligence  et  avec  mollesse, 
comme  font  plusieurs  qui  le  cherchent  et  ne  le  trouvent  point ,  mais 
il  doit  faire  de  grands  efforts,  et  se  donner  de  la  peine.  —  La  Glose. 
Peut-être  aussi  craignaient-ils  que  d'autres  ennemis  de  Jésus  ,  pro- 
fitant de  roccasion_,  ne  missent  à  exécution ,  contre  ce  divin  enfant, 
les  desseins  homicides  qu'Hérode  avait  formés  contre  lui  dès  son 
berceau. 

Ch.  des  Pèr.  gr.  {ou  Métaph.  et  Géom.)  Cependant  Notre-Seigneur 
répond  pleinement  à  la  question  de  sa  mère  ;  il  redresse  ,  pour  ainsi 


hune  uon  esse  filuim  Joseph  ,  et  tamen 
patrem  vocat  illius  sponsum  suum, 
propter  Judaeoruin  suspiciouem  œsti- 
mantium  ipsum  vulgo  esse  conceptum. 
Et  {hom.  17,  in  Luc.)  Dicetur  autem 
forte  sinipUcius,  quod  eum  houoravit 
Spiritus  patris  nomioe,  et  quod  puerum 
Jesum  educavit;  artificiosius  vero ,  eo 
quod  genealogiam  Joseph  ex  David  pro- 
duxit,  ne  superflua  censeretur.  Et  {hom. 
19.)  Cur  autem  eum  qusBrebaut?  au  ex 
60  quod  perierit,  aut  erraverif?  Absit  : 
nunquid  euim  fieri  poterat  ut  perditum 
formidarent  infautem  ,  quem  Dominum 
esse  cognoverant  ?  Sed  quomodo  tu  ,  si 
quando  Scripturas  legis  ,  quseris  in  eis 
sensum  eum  dolore,  non  quod  Scriptu- 


ras  errasse  arbitreris,  aut  perperam  ali- 
quid  continere,  sed  veritatem  quam  in- 
trinsecus  habent,  quœris  iuvenire;  ita 
illi  quairebant  Jesum  ,  ne  forte  relin- 
queus  eos  reversus  esset  ad  cœlos  ;  eum 
illi  placuisset  iterum  descensurus.  Opor- 
tet  ergo  eum  qui  quaerit  Jesum  ,  non 
uegligeuter  et  dissolute  transire,  sicut 
multi  quairuut  et  non  inveniuut ,  sed 
eum  labore  et  dolore.  Glos.  Vel  metue- 
bant  ne  ,  quod  Herodes  iu  infaulia  ejus 
patrasse  quaesierat^  tuncjam  in  puerilia 
positum  inventa  opportunitate  alii  inter- 
ficerent. 

Gb^c.  [vel  Metaphrastes  et  Gcome- 
ter ,  ubi  supra.)  Sed  ipse  Dominus  res- 
pondet  ad  omnia,  et  corrigeas  quodam- 


DE  SAINT  LUC,   CHAP.  II.  137 

parler,  ce  qu'elle  vient  de  dire  de  celui  qui  passait  pour  son  père ,  et 
déclare  quel  est  son  véritable  père,  enseignant  ainsi  à  sa  sainte  mère 
à  s'élever  dans  les  régions  supérieures  à  tout  ce  qui  est  terrestre  :  «Et 
il  leur  dit  :  Pourquoi  me  cherchez-vous?  »  —  Bède.  Il  ne  les  blâme 
pas  de  ce  qu'ils  le  cherchaient  comme  leur  fils  ,  mais  il  les  force  de 
lever  les  yeux  de  leur  âme  vers  les  devoirs  qu'il  doit  remplir  à  l'égard 
de  celui  dont  il  est  le  Fils  éternel  :  «  Ne  saviez- vous  pas  ,  »  etc.  — ■ 
S.  Ambr.  Il  y  a  en  Jésus-Christ  deux  générations ,  l'une  paternelle, 
l'autre  maternelle.  La  première  est  une  génération  divine  j  c'est  par 
la  seconde  qu'il  est  descendu  jusqu'à  notre  pauvre  nature  pour  la 
sauver.  —  S.  Ctr.  {Chaîne  des  Pères  grecs.)  En  parlant  de  la  sorte, 
il  montre  qu'il  s'élève  au-dessus  de  la  nature  humaine,  et  tout  en  re- 
connaissant que  la  sainte  Vierge  est  devenue  l'instrument  de  la  ré- 
demption en  devenant  sa  mère  selon  la  chair ,  il  proclame  en  même 
temps  qu'il  est  vraiment  Dieu ,  et  le  Fils  du  Très-Haut.  Que  les  par- 
tisans de  Valentin,  après  avoir  entendu  dire  que  Jésus  est  le  temple 
de  Dieu,  rougissent  d'affirmer  que  le  Créateur  et  le  Dieu  de  la  loi  et 
du  temple  n'est  point  le  Père  de  Jésus- Christ.  —  S.  Epiph.  {conl.  les 
hérés.,  II,  31.)  Qu'Ebion  lui-même  remarque  que  c'est  à  l'âge  de  douze 
ans,  et  non  point  après  sa  trentième  année,  que  Jésus-Christ  ravit  en 
admiration  par  la  sagesse  et  la  grâce  de  ses  discours  ;  on  ne  peut  donc 
avancer  qu'il  n'est  devenu  Christ,  en  recevant  l'onction  divine ,  qu'au 
jour  de  son  baptême,  lorsque  l'Esprit  saint  descendit  sur  lui;  mais 
dès  son  enfance  même,  il  faisait  profession  d'honorer  le  temple  et  de 
reconnaître  Dieu  pour  son  Père.  —  Ch.  des  Pèr.  gr.  Ce  fut  ici  la 
première  manifestation  de  la  sagesse  et  de  la  puissance  de  l'enfant 
Jésus  ;  car  ce  que  l'on  raconte  des  occupations  et  des  actions  de  son 


modo  dictum  ejus,  de  eo  qui  putabaLur 
pater,  verum  patrem  manifestât  ;  docens 
non  per  infima  gradi ,  sed  in  altuni  ex- 
tolli  :  unde  sequitur  :  «  Et  ait  ad  illos  : 
Qiiid  est  quod  me  qurBrebalis  ?  »  Bed. 
Non  quod  eum  quasi  filium  quœrunt 
vitupérât,  sed  quid  potius  deboat  ei,  cui 
est  œternus  Filius  ,  mentis  oculos  attol- 
lere  cogit  :  unde  sefjuitur  :  «  Nescieba- 
tis  quia,  »  etc.  Ambr.  Duœ  sunt  in 
Christo  generationes  :  una  est  paterna, 
altéra  materna;  paterna  divinior,  ma- 
terna vero  quae  in  nostrum  laborom 
usumque  descendit.  Cyril,  {in  Cut. 
Grœconnn  Patnim,  ubi  supra.)  Hoc 
igitur  dicit,  ostendens  se  mensuram  iiu- 
uianam  transcendere  ;  et  innuens  quod 
sacra  Virgo  effecta  sit  ministra  negotii, 


cum  peperit  carnem  ;  ipse  vero  natura- 
liter  et  vere  Deus  erat ,  et  Filius  Patris 
excelsi.  Hinc  autem  Valentiui  sequaces 
audieutes  quod  templum  erat  Dei ,  eru- 
bescantdicere  quod  Creator  etlegis  Deus 
ettempli  non  ipsePaterestCbristi.Ei'iPH. 
[contra  hœr.,  1.  ii,  baer.  31.)  Attendat 
et  Ebion  quod  post  annos  duodecim,  et 
non  post  trigesimum  annum  Christus 
reperitur  stupendus  iu  sermonibus  gra- 
tiœ  :  quamobrem  non  est  dicere  ,  quod 
postquam  venit  ad  eum  Spiritus  in  bap- 
lismo,  factus  fuit  Christus  ,  id  est,  une- 
(i(s  Divinitatc  ,  sed  ab  ipsa  puerilia  et 
templum  aguovit  et  Patrem.  Gr.ec.  [vel 
Ceomefer,  ubi  sup.)  Hœc  est  demons- 
tratio  prima  sapieutiae  et  virtutis  pueri 
Jesu  :  nam  quse  puerilia  ejus  vocantur, 


138 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


enfance,  ne  sont  pas  seulement  des  puérilités,  mais  des  inventions  dia- 
boliques qui,  dans  un  but  évidemment  mauvais ,  cherchent  à  déna- 
turer ce  qui  est  rapporté  dans  Ifis  Evangiles  et  dans  les  saintes  Ecri- 
tures. On  peut  seulement  admettre  que  ce  qui  est  généralement  cru  parmi 
les  fidèles,  et  qui  est  loin  d'être  contraire  à  nos  croyances ,  s'accorde 
plutôt  avec  les  oracles  prophétiques,  c'est-à-dire  que  Jésus  était  le  plus 
beau  des  enfants  des  hommes  ,  plein  d'obéissance  pour  sa  mère  ,  d'un 
caractère  aimable,,  d'un  aspect  tout  à  la  fois  majestueux  et  simple, 
d'une  éloquence  naturelle  ,  doux  et  obligeant,  d'une  activité  et  d'un 
courage  en  rapport  avec  la  sagesse  dont  il  était  rempli  ;  enfin,  d'une 
mesure  et  d'une  modération  parfaite  dans  toute  sa  vie  et  dans  ses  dis- 
cours, bien  qu'on  y  ressentait  quelque  chose  de  surhumain  ;  car  l'hu- 
milité et  la  modestie  forment  son  principal  caractère.  Aucune  main 
d'ailleurs  n'entreprit  de  le  diriger  dans  toute  sa  conduite,  excepté 
celle  de  sa  mère.  Jésus  nous  donne  ici  une  imposante  leçon.  Le  reproche 
qu'il  fait  à  Marie,  de  le  chercher  parmi  ses  proches ,  nous  suggère  le 
détachement  des  liens  du  sang,  et  nous  apprend  qu'il  est  impossible 
d'arriver  à  une  vertu  éminente  pour  celui  qui  aime  à  s'égarer  dans  les 
satisfactions  de  la  nature,  et  qii'on  s'éloigne  de  la  perfection  par  un 
trop  grand  amour  pour  ses  proches. 

«  Et  ils  ne  comprirent  pas,  »  etc.  —  Bède.  Ils  ne  comprirent  pas  ce 
qu'il  venait  de  leur  dire  de  sa  divinité.  —  Orig.  {hom.  20.)  Ou  bien 
ils  ignoraient  si  par  ces  paroles  :  «  Aux  choses  qui  regardent  le  ser- 
vice de  mon  Père,  »  il  voulait  parler  du  temple,  où  si  ces  paroles  ren- 
fermaient un  sens  plus  élevé,  d'une  utilité  plus  immédiate;  car  cha- 
cun de  nous,  s'il  est  bon  et  vertueux,  devient  la  demeure  et  comme  le 


non  puerilis  tantum.  sed  etiam  diabolicfe 
putamus  esse  mentis  ac  perversae  inten- 
tionis.  aggredientis  ea  calumniari  quae 
in  ETangeÛo  et  in  sacris  habentur  elo- 
giis;  nisi  quis  ea  sola  suscipere  velit  quai 
a  multis  creduntur,  nec  aliis  professio- 
nibus  nostris  contraria  sunt ,  sed  magis 
propheticis  dictis  consona;  quia  specio- 
sus  forma  prae  filiis  hominum  ,  et  matri 
obediens,  et  moribus  facetus,  et  visu  non 
modicum  venerandus  et  placidus,  ad 
loquendum  facundus,  dulcis  et  providus 
multum  strenuitate  cognitus ,  tanquam 
qui  repletus  sapientia  fuerat;  et  sicut  in 
aliis  j  sic  conversationis  bumanse  atque 
locutionis,  quamvis  supra  bominem, 
terminus  et  ratio  :  mansuetudo  enim  sLbi 
praecipuum  elegit  locum.  Super  baec 
autem  omnia  nihil  Eiscendit  super  verti- 


cem  ejuS;  nec  bumana  m  anus  ,  excepta 
materna.  Hinc  autem  possumus  utilita- 
tem  consequi.  Diun  enim  Mariam  incre- 
pat  Dominus  quéerentem  ipsum  inter 
propinquos ,  omissionem  viaculorum 
sanguinis  aptissime  suggerit,  ostendens 
quod  non  contingit  metam  perfectionis 
attingere  eum  qui  adbuc  vagatur  in  bis 
quae  corpori  conferunt;  et  quod  homo 
déficit  a  perfectione  per  affectum  cogna- 
torum. 

Sequitur  :  «  Et  ipsi  non  intellexerunt,  » 
etc.  Beda.  Ouia-scilicet  de  sua  Divinitate 
ad  eos  ioquebatur.  Orig.  [hom,  20.)  Vel 
ncsciebant  utrum  dicens  :  «  In  bis  quae 
Patris  mei  sunt  »  signiticaret  «  in  tem- 
plo  ;  »  an  aliquid  allius  et  quod  magis 
aedifieat  :  unusquisque  enim  nostrura  si 
bonus  fuerit,  potius   sessio   Dei   Patris 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    II. 


439 


siège  de  Dieu  le  Père  ;  et  si  nous  sommes  la  demeure  et  le  siège  de 
Dieu,  nous  avons  Jésus  au  milieu  de  nous. 

f.  31,  52.  —  Il  descendit  ensuite  avec  eux,  et  il  vint  à  Nazareth,  et  il  leur  était 
soumis.  Or,  sa  mère  conservait  toutes  ces  choses  en  son  cœur.  Et  Jésus  croissait 
en  sagesse,  en  âge  et  en  grâce,  devant  Dieu  et  devant  les  hommes. 

Ch.  des  Pèr.  gr.  {ou  Géom.)  Toute  la  vie  de  Jésus-Christ  qui  s'est 
écoulée  depuis  ce  moment  jusqu'au  temps  de  sa  manifestation  et  de 
son  baptême,  et  qui  n'a  été  signalée  ni  par  la  publicité  d'aucun  mi- 
racle, ni  par  l'éclat  de  sa  doctrine,  se  trouve  résumée  dans  ces  seules 
paroles  de  l'Evangéliste  :  «  Et  il  descendit  avec  eux,  et  il  vint  à  Naza- 
reth, et  il  leur  était  soumis.  »  —  Orig.  Nous  voyons  que  Jésus  des- 
cendait fréquemment  avec  ses  disciples,  et  qu'il  ne  restait  pas  toujours 
sur  la  montagne  ;  car  ceux  qui  étaient  travaillés  de  diverses  maladies 
ne  pouvaient  le  suivre  sur  la  montagne.  C'est  pour  le  même  motif 
qu'il  descend  aujourd'hui  vers  ceux  qui  habitent  une  région  inférieure 
à  la  sienne. 

«  Et  il  leur  était  soumis.  »  —  Ch.  des  Pèr.  gr.  Notre-Seigneur  suit 
tour  à  tour  ces  deux  méthodes  :  Tantôt  il  commence  par  étabUr  la 
loi,  et  puis  il  la  confirme  par  ses  œuvres,  comme  lorsqa'ayant  dit  :«Le 
bon  pasteur  donne  sa  vie  pour  ses  brebis,  »  lui-même,  quelque  temps 
après_,  sacrifia  sa  propre  vie  pour  notre  salut.  Quelquefois ,  au  con- 
traire, il  donne  tout  d'abord  l'exemple,  et  trace  ensuite  dans  ses  en- 
seignements la  règle  qu'il  faut  suivre.  C'est  ce  qu'il  fait  ici  en  nous 
apprenant ,  par  sa  conduite  ,  ces  trois  principaux  devoirs  :  Aimer 
Dieu,  honorer  ses  parents  ,  et  savoir  leur  préférer  Dieu  quand  il  le 
faut.  En  effet,  au  reproche  que  lui  font  ses  parents,  il  répond  en 


est;  si  quis  autem  nostrum  sessio  Dei 
Patris  est,  habet  iu  medio  sui  Jesum. 

Et  descendit  curn  eis,  et  venit  Nazareth,  et  erat 
suhdilus  illis.  Et  mater  ejus  conservabat  om- 
nia  verba  hœc  in  corde  suo.  Et  Jésus  proficie- 
bat  sapientia,  et  (Plate,  et  gratta,  apud  Deum 
et  liomines. 

(i\K.v.c.  (vel  Gcomcter  in  Cot.  Crœco- 
rum  Patrum,  ubi  sup.)  Tutam  interme- 
diani  Clirisli  vilain  qua?  est  iutcr  osteu- 
siouis  tempus  et  baptismatis ,  velut  im- 
muncm  alicujusfaïuosi  et  publiciiniraculi 
sive  doctrinœ,  Evangelista  sub  uno  verbo 
colligit,  diccns  :  «  Et  descendit  cuni 
eis,  »  etc.  Orig.  [ut  sui).)  Crebro  Jésus 
descendit  cuiu  discipulis  suis,  nec  sem- 
per  versadir  in   monte  ;  quia  non  vale- 


bant,  qui  variis  morbis  laborabant,  as- 
cendere  in  montem  :  idcirco  et  nunc 
descendit  ad  illos  qui  dcorsum  erant. 

Sequitur  :  «  Et  erat  subditus  illis,  » 
etc.  Gr.^c.  {vel  Geometer  ut  snp.) 
Quandoque  enim  verbo  prius  leges  ins- 
tituens,  ipse  secundario  opère  corapro- 
babat;  sicut  illud  {Joan.,  10):  «Bonus 
Pastor  animam  suain  ponil  pro  ovibus 
suis.  >'  Ipse  namque  paulo  post  (nos- 
tram  salutem  exquirens',  animam  expo- 
suit  propriam  :  aliquando  vero  prius 
Vivendi  proponebat  exeniplar,  et  postea 
])romebat  verbo  tenus  viveudi  sanctio- 
nem,  sicut  bic;  hœc  tria  prœ  ca^teris 
opère  monstrans,  diligere  Deum,  hono- 
rare  parentes,  Deum  vero  et  ipsis  pr*- 
ferre  parentibus.  Cum  enim  reprehen- 


140 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


mettant  au  premier  rang ,  et  avant  tout ,  le  service  de  Dieu  ;  puis  il 
rend  ensuite  à  ses  parents  l'ohéissance  qui  leur  est  due.  —  Bède. 
Comment,  en  effet,  celui  qui  venait  nous  enseigner  toute  vertu  aurait-il 
pu  ne  pas  remplir  ce  devoir  de  piété  filiale?  Que  pourrait-il  faire 
parmi  nous ,  que  ce  qu'il  veut  que  nous  fassions  nous-mêmes?  — 
Orig.  Apprenons  donc  nous  aussi  à  être  soumis  à  nos  parents;  si  nous 
avons  eu  le  malheur  de  les  perdre,  soyons  soumis  à  ceux  qui,  par  leur 
âge,  nous  tiennent  leur  place,  Jésus  ,  le  Fils  de  Dieu ,  se  soumet  à 
Joseph  et  à  Marie,  je  me  soumettrai  à  l'évêque  que  Dieu  m'a  donné 
pour  père.  Sans  doute,  Joseph  devait  comprendre  que  Jésus  était  au- 
dessus  de  lui,  et  n'exercer  qu'en  tremblant  son  autorité  sur  ce  divin 
enfant.  Que  chacun  donc  réfléchisse  aussi  que  souvent  il  est  bien  in- 
férieur à  celui  qui  lui  obéit;  cette  pensée  le  défendra  contre  tout  sen- 
timent d'orgueil ,  lorsqu'il  verra  que  celui  au-dessus  duquel  il  est 
placé  par  sa  dignité  lui  est  de  beaucoup  supérieur  en  vertu.  —  S.  Grég. 
DE  Ntsse.  Disons  encore  que  l'esprit  de  discernement  et  la  raison  sont 
très-imparfaits  dans  les  enfants,  et  qu'ils  ont  besoin  d'être  développés 
par  ceux  qui  sont  plus  âgés,  ou  si  l'on  veut ,  d'être  conduits  par  des 
mains  sages  et  expérimentées  à  un  degré  plus  éminent  de  vertu.  Or, 
c'est  pour  confirmer  cette  vérité  que  Jésus,  parvenu  à  l'âge  de  douze 
ans,  nous  donne  l'exemple  de  l'obéissance  à  ses  parents  ;  et  il  nous 
apprend  ainsi  que  tout  ce  qui  ne  peut  s'élever  à  la  perfection  que  par 
degrés  successifs,  pour  arriver  à  cette  fin  désirée  ,  doit  embrasser  la 
pratique  de  l'obéissance,  comme  une  des  voies  les  plus  sûres  qui  puisse 
l'y  conduire. 

S.  Bas.  {Cons.  monast.,  chap.  iv.)  Par  cette  obéissance  parfaite 
qu'il  professe  à  l'égard  de  ses  parents  dès  sa  première  enfance,  Jésus 


deretur  a  parenlibus ,  minoris  curœ 
caetera  reputat  quam  quse  sunt  Dei; 
deniqiie  ipsis  quoque  parentibus  obe- 
dientiam  praestat.  Bed.  Quid  enim  nia- 
gister  virtutis,  nisi  officium  pietatis  im- 
pleret  ?  Quid  inter  nos  aliud  quam  quod 
agi  a  nobis  vellet,  ageret  ?  Orig.  {utsyp.) 
Discaums  ergo  et  nos  filii  parentibus 
nostris  esse  subjecti  :  quod  si  patres  non 
fuerint ,  subjiciamur  bis  qui  patrum 
habent  fetateui.  Jésus,  Filius  Dei,  subji- 
citur  Joseph  et  Mariœ  :  ego  vero  subji- 
ciar  episcopo ,  qui  mihi  constitutus  est 
pater.  Puto  quod  intelligebat  Joseph, 
quia  major  se  erat  Jésus,  et  trepidus 
moderabatur  imperium.  Videat  ergo 
unusquisque  quod  saepe  qui  subjectus 
est,  major  sit  :  quod  si  intellexerit,  non 


elevabitur  superbia,  qui  est  sublimior 
dignitate,  sciens  sibi  meUorem  esse  sub- 
jectum.  Greg.  Nyss.  (in  Ccit.  Grœco- 
i-um  Patnim,  nbi  sup.)  Amplius;  quo- 
niam  impuberibus  adhuc  est  imperfecta 
discretio  (sive  mens) ,  egetque  per  pro- 
vectos  ad  statum  provehi  perfectiorem 
(seu  per  quosdam  perfectiores  ad  id 
quod  est  mehus  manuduci) ,  ideo  cum 
pertigisset  duodecimum  aunum  ,  paret 
parentibus,  ut  ostendat  quod  quicquid 
per  promotionem  (sive  profectum)  per- 
iicitur,  antequam  ad  iînem  (vel  ad  per- 
fectum)  perveniat,  obedientiam  (tan- 
quam  perducentem  ad  bonum)  utiliter 
amplexatur. 

Basil,  {in  lib.  relig.)  Ab  ipsa  autem 
primaeva    tetate    parentibus    obediens, 


DE  SAINT   LLX,    CHAP.    II.  141 

accepte  humblement ,  et  avec  respect ,  tous  les  pénibles  travaux  de 
leur  condition.  Car  bien  qu'ils  fassent  vertueux ,  honorés  ,  ils  étaient 
pauvres  cependant,  et  dans  la  gène  (comme  le  prouve  la  crèche  qui 
reçut  l'enfant  divin  à  sa  naissance),  et  ils  devaient  pourvoir  à  leur 
existence  par  un  travail  assidu  et  à  la  sueur  de  leur  front.  Or,  Jésus 
qui  leur  obéissait  (comme  le  déclare  l'Ecriture),  devait  partager  tous 
ces  travaux  avec  une  entière  soumission.  —  S.  Ambr.  Vous  êtes  sur- 
pris qu'il  puisse  être  soumis  à  son  Père  céleste,  tout  en  obéissant  à  sa 
mère  ?  Rappelez-vous  que  cette  obéissance  n'est  pas  chez  lui  la  suite 
de  la  faiblesse,  mais  un  acte  de  piété  filiale.  Les  hérétiques  ont  beau 
lever  ici  la  tète ,  et  prétendre  que  celui  qui  est  envoyé  par  son  Père 
a  besoin  d'un  secours  étranger.  Avait-il  besoin  du  secours  des  hommes, 
parce  qu'il  était  soumis  à  l'autorité  de  sa  mère?  Il  était  soumis  à 
l'humble  servante  de  Dieu,  il  était  soumis  à  celui  qui  n'était  son  père 
que  de  nom ,  et  vous  êtes  étonné  qu'il  soit  soumis  à  Dieu  ?  C'est  un 
devoir  de  piété  filiale  ,  que  d'obéir  à  l'homme ,  serait-ce  un  acte  de 
faiblesse  que  d'obéir  à  Dieu? 

BEDE.  Cependant  l'auguste  Vierge  renfermait  toutes  ces  choses  dans 
sou  cœur  pour  les  repasser,  pour  les  méditer  avec  soin,  soit  qu'elle  les 
comprît  dans  toute  leur  étendue  ,  soit  que  leur  sens  mystérieux  de- 
meurât encore  voilé  pour  elle  :  «  Et  sa  mère  conservait  toutes  ces 
choses  en  son  cœur.  »  —  Cn.  des  Pèr.  gr.  Considérez  l'admirable 
prudence  de  Marie,  cette  mère  de  la  vraie  sagesse,  comme  elle  se  rend 
le  disciple,  l'élève  de  son  divin  enfant.  Car  ses  leçons  n'étaient  point 
pour  elle  les  leçons  d'un  enfant,  ni  d'un  homme  ordinaire ,  mais  les 
leçons  d'un  Dieu.  Elle  repassait  ensuite  dans  son  âme  ses  paroles  et 
les  actions  dont  elle  était  témoin,  elle  n'en  laissait  perdre  aucune  ;  et 


quemlibet  laborem  corporeum  humili- 
ter  et  reverenter  sustinuit.  Cum  enim 
homines  essent  lionesti  et  justi,  egeni 
lamen  et  necessariorura  peiiuriam  pa- 
tientes (teste  prœsepi  partus  venerandi 
ministro),  manifeslum  est  quod  sudores 
corporeos  continuo  frequentabant,  ne- 
cessaria  vitœ  sibi  quajrentes.  Jésus 
autem  obediens  illis  (ut  Scriptura  testa- 
tur)  etiam  in  suslinendo  labores,  sub- 
jectionem  plenariam  sustinebat.  Amur. 
Et  niiraris  si  patri  defert  qui  subditur 
matri  ?  Non  ulique  infirmilatis,  sed  pie- 
tatis  est  ista  subjectio.  Attollatlicet  caput 
liaereticus,  ut  alienis  auxiliis  asserat  eum 
qui  miltitur  indigere  :  nunquid  et  hu- 
mana  cgebat  auxilio,  ut  materno  servi- 
ret  imperio  ?  Deferebat  ancillee ,  defere- 


bat  si niulato  patri,  etmiraris  si  Deo  detu- 
lif  An  honiini  déferre  pietatis  est,  dé- 
ferre Deo,  infirmilatis  ? 

Bed.  Yirgo  auteni,  sive  quae  intellexit, 
sive  quae  nondum  iuteliigere  poluit, 
omuia  suo  pariter  in  corde  quasi  rumi- 
nanda  et  diligentius  scrulanda  reconde- 
bat  :  unde  sequitur  :  «  Et  mater  ejus 
conservabat  omnia  verba  haec ,  »  etc. 
Grec,  {cel  Metophrasles  et  Geometer, 
vbi  sup.)  Considéra  prudenlissimam 
mulierem  Mariam ,  verae  sapieutiœ  ma- 
trem,  qualiter  scholaris  (vel  discipula) 
sit  pueri  :  nou  enim  ei  ut  puero  neque 
ut  viro,  sed  ut  Deo  vacabat;  ulterius  et 
illius  voces  divinas  et  opéra  reputabat  ; 
idcirco  nil  ex  dictis  aut  ab  eo  incassum 
illi  cadebat;    sed   sicut  ipsum  vcrbum 


442 


EXPLICATION    DE   L  EVANGILE 


de  même  qu'elle  avait  autrefois  conçu  le  Verbe  lui-même  dans  son 
chaste  sein,  ainsi  elle  concevait  pour  ainsi  dire  ses  paroles  et  ses  ac- 
tions, et  les  fécondait  dans  son  cœur  par  une  pieuse  méditation.  Elle 
contemplait  avec  bonheur  ce  qu'elle  pouvait  en  comprendre  ,  et  elle 
attendait  la  révélation  plus  claire  que  l'avenir  lui  en  réservait.  Telle 
fut  la  règle  dont  elle  se  fit  comme  une  loi  dans  tout  le  cours  de  sa 
vie. 

«  Et  Jésus  croissait  en  sagesse  et  en  âge  ,  »  etc.  —  Théoph.  Jésus 
n'est  pas  devenu  sage  progressivement,  mais  la  sagesse  qui  était  en 
lui  se  déclarait  successivement  et  par  degrés ,  comme  par  exemple, 
lorsque  discutant  avec  les  scribes  ,  la  prudence  et  la  haute  portée  de 
ses  questions  jetaient  dans  l'étonnement  tous  ceux  quU'entendaient.  Il 
croissait  donc  en  sagesse  ,  en  ce  sens  qu'il  se  révélait  en  présence 
d'un  plus  grand  nombre  et  les  ravissait  d'admiration  ;  la  manifesta- 
tion de  sa  sagesse  en  était  chez  lui  comme  le  progrès.  Considérez 
comment  l'Evangéliste,  expliquant  ce  qu'était  pour  Jésus  ce  progrès 
dans  la  sagesse ,  ajoute  aussitôt  :  «  Et  en  âge.  »  Il  veut  par  là  nous 
faire  entendre  que  l'accroissement  de  l'âge  était  la  mesure  de  l'accrois- 
sement extérieur  de  la  sagesse.  —  S.  Cyr.  {Très. ,  liv.  x,  chap.  7.) 
Mais ,  disent  les  Eunomiens ,  comment  pouvait-il  être  égal  et  con- 
substantiel  à  son  Père,  lui  que  nous  voyons  soumis  à  un  accroisse- 
ment successif  comme  une  créature  imparfaite?  Nous  répondons  que 
ce  n'est  pas  en  tant  que  Verbe,  mais  en  tant  qu'il  s'était  fait  homme, 
que  l'Evangéliste  dit  :  «  Il  croissait  en  sagesse,  »  etc.  Car  si  après  son 
incarnation,  il  a  véritablement  acquis  une  nouvelle  perfection  qu'il 
n'avait  pas  auparavant,  quelle  reconnaissance  lui  devrions-nous  de 
ce  qu'il  s'est  incarné  pour  nous  ?  D'ailleurs  s'il  est  la  véritable  sagesse, 
de  quel  accroissement  était-il  susceptible  ?  et  comment  celui  qui  est 


prius  in  visceribus,  ita  nunc  ejasdem  mo- 
dos  et  dicta  coucipiebat,  et  in  corde  suo 
quodammodo  fovebat;  et  boc  quidem 
jam  secum  in  prsesenli  contemplabalur, 
boc  autem  exspectabat  in  futurum  cla- 
rius  revelandum  :  et  bac  quidem  tauquam 
régula  et  lege  per  totam  vitam  utebatur. 
Sequitur  :  «  Et  Jésus  proficiebat  sa- 
pientia,»  etc.  Theophylact.  Non  quod 
sapiens  proficiendo  factus  fuerit,  sed 
quod  paulatim  sapientiam  suaiu  detexe- 
rit  :  sic  autem  fecit  quando  cum  scribis 
disseruit ,  eos  interrogans  de  lege  cum 
stupore  omnium  qui  eum  audiebant. 
Vides  quomodo  profecerit  sapientia  eo 
quod  nosceretur  a  multis  et  in  admira- 
tione  illis  esset  :  emicatio  enim  sapientiœ 


ejus  profectus  ipsius  est  :  vide  autem 
quomodo  Evangelista  iuterpretatus  quid 
sit  proficere  sapientia,  subdit  mox,  et 
Œtate  :  profectum  enim  vel  augmentum 
œtatis  profectum  ipsum  sapientife  dicit 
esse.  Cyrillus.  {in  Thesauro ,  lib.  x, 
c.  7.)  Sed  inquiunt  (Eunomiani  baeretici)  : 
«  Quomodo  potest  œqualis  Patri  esse  in 
substantia,  qui  quasi  imperfectus  cres- 
cere  dicitur  ?  »  Non  aniem  in  eo  quod 
est  Verbum,  dicitur  incrementum  susci- 
pere,  sed  in  eo  quod  factus  est  bomo.' 
Si  enim  vere  profecit ,  postquam  factus 
est  caro,  qui  ante  imperfectus  extiterat, 
quid  ergo  gralias  agimus  ei,  velut  incar- 
nate pro  nobis  ?  Qualiter  autem  si  ipse 
est  vera  sapientia,  potest  augeri  ?  vel 


DE  SAINT  LUC,   CHAP.    II. 


443 


le  principe  et  la  source  de  la  grâce  pour  tous  les  hommes,  aurait-il  pu 
croître  lui-même  en  grâce  ?  Disons  plus  ;  est-on  scandalisé  d'entendre 
dire  que  le  Verbe  s'est  humilié,  et  eu  conçoit-on  des  idées  peu  favorables 
à  la  divinité  ;  et  n'admire-t-on  pas  bien  plutôt  la  grandeur  de  sa  misé- 
ricorde ?  Pourquoi  donc  serait-on  scandalisé  de  ses  progrès  dans  la 
sagesse?  C'est  pour  nous  qu'il  a  daigné  s'humilier,  c'est  pour  nous 
aussi  qu'il  s'est  soumis  à  ce  progrès  successif ,  et  pour  nous  faire 
avancer  dans  sa  personne ,  nous  ,  que  le  péché  avait  fait  tomber 
si  bas  ;  car  il  s'est  soumis ,  en  réalité ,  à  toutes  les  conditions  de 
notre  nature ,  pour  les  réformer  et  leur  imprimer  un  nouveau  ca- 
ractère de  perfection.  Et  remarquez  encore  que  l'Evangéliste  ne  dit 
pas  :  Le  Verbe  croissait,  mais  :  «  Jésus  croissait,  »  il  veut  nous 
faire  comprendre  que  ce  n'est  point  le  Verbe  considéré  comme  Verbe, 
mais  le  Verbe  fait  chair  qui  s'est  soumis  à  cet  accroissement.  Bien 
que  la  chair  seule  ait  été  sujette  à  la  souffrance ,  nous  disons  que 
le  Verbe  a  souffert  dans  la  chair  dont  il  s'est  revêtu ,  parce  que 
c'était  la  chair  du  Verbe  qui  souffrait,  ainsi  disons-nous  que  le  Verbe 
croissait,  parce  que  l'humanité  qui  lui  était  unie  était  soumise  à  cet 
accroissement.  Et  encore,  nous  disons  qu'il  croissait  en  tant  qu'homme, 
non  pas  que  son  humanité,  qui  était  parfaite  dès  le  premier  moment 
de  l'incarnation ,  put  recevoir  quelque  nouvel  accroissement,  mais 
parce  qu'elle  se  développait  progressivement.  L'ordre  naturel  s'oppose 
à  ce  que  l'homme  fasse  paraître  une  intelligence  supérieure  à  son 
âge.  Le  Verbe  (fait  homme)  avait  donc  toute  perfection,  puisqu'il  est 
la  puissance  et  la  sagesse  du  Père  ;  mais  pour  se  conformer  aux  con- 
ditions de  notre  nature,  et  ne  point  donner  un  spectacle  extraordinaire 
à  ceux  qui  en  seraient  témoins ,  il  passait  par  tous  les  degrés  du  dé- 
veloppement naturel  d^  l'homme  aux  divers  âges  de  sa  vie  ,  et  ceux 


qualiter  qui  cœterià  largitur  ^iratiaiu, 
ipse  ia  gratia  promovetur?  Amplius,  si 
nemo  scandalizatur  cum  audit  quod  Ver- 
bum  seipsum  humiliaveril  (infirma  quœ- 
dam  de  Deo  vero  sentieus),  sed  potius 
niiralur  niisericordiani  ejus,  quomodo 
non  est  supervacaneuin  scandalizari  au- 
diendo  quod  proficit  ?  Nam  sicut  pro 
nobis  humilialus  est,  sic  pro  nobis  pro- 
fecit  uL  nos  iii  co  proficiamus,  qui  lapsi 
fuimus  per  peccatum  :  nam  quicquid 
spectat  ad  nos,  ipse  vere  pro  nobis  Cliris- 
tu3  suscepil ,  ut  cuncta  reformet  in  me- 
lius.  El  attende  quod  non  dicit  profi- 
cere  Verbum,  sed  Jesum;  ne  simplex 
Verbum  proficere  intelligas,  sed  Verbum 
caro  factum.  Et  sicut  Verbum  in  carne 


passum  fatemur.quamvis  sola  caro  fuit 
passa  (quia caro  Verbi  erat,  quœpalieba- 
tur),itaproficeredicilurexeo  quodhuma- 
nitas  proficiebat  in  ipso.  Dicitur  autem 
secundum  bumanitatcm  proficere;  non 
quod  ipsa  suscipiat  augraenlum,  quœ  ab 
initio  fuit  perfecta;  sed  ex  en  quod 
paulatim  mauifestabatur.  Naturalis  enim 
lex  respuit  hominem  sensu  niajori  uti 
quam  aetas  corporis  patialur  :  erat  ita- 
que  Verbum  (faclum  bomo)  perfectura, 
cum  sitviftus  et  sapienlia  Patris  :  verum 
quia  dandnm  erat  afiquid  nostrce  naturœ 
nioribus  (ue  aliquid  extraneum  a  videu- 
tibus  reputetur)  tanquam  bomo  paulatim 
crescente  corpore  manifestabat  seipsum, 
et  quotidie  sapientior  ab  audientibus  et 


144  EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE   DE  S.    LUC,   CHAP.   II. 

qui  le  voyaient,  qui  l'entendaient,  trouvaient  que  sa  sagesse  s'accrois- 
sait de  jour  eu  jour.  —  Ch.  des  Pèr.  gh.  {Amphil.)  Il  croissait  en 
âge,  parce  que  son  corps  atteignait  successivement  la  virilité  ;  il  crois- 
sait eu  sagesse  dans  les  divines  leçons  qu'il  donnait  à  ceux  qu'il  ins- 
truisait; il  croissait  dans  cette  grâce  qui  nous  fait  nous-mème  croître 
et  avancer  avec  joie  dans  l'espérance  d'obtenir  à  la  fin  les  biens  qui 
nous  sont  promis.  Il  croissait  devant  Dieu  ,  parce  qu'il  accomplissait 
l'œuvre  de  son  Père  dans  la  chair  qu'il  avait  prise;  il  croissait  devant 
les  hommes  en  les  retirant  du  culte  des  idoles  pour  les  élever  à  la  con- 
naissance de  la  divine  Trinité.  —  Théoph.  L'Evangéliste  dit  qu'il  crois- 
sait devant  Dieu  et  devant  les  hommes,  parce  qu'il  faut  plaire  à  Dieu, 
avant  de  plaire  aux  hommes.  —  S.  Grég.  de  Nysse.  {hom.  3  sw  le 
Cant.  des  Cant.)  Le  Verbe  ne  croit  point  de  la  même  manière  dans 
ceux  qui  le  reçoivent ,  mais  il  apparaît  daus  les  divers  degrés  par 
lesquels  il  a  passé  de  l'enfance,  de  l'âge  adulte  et  de  la  perfection. 


videntibus  ceusebatur.  Gr.ecus.  {nempe\  apiid  homines  vero,  per  conversionem 
Amphilochins  in  Cat.  Grœconim  Pa-  eorum  a  cultu  idolorum  ad  summae  Tri- 
trum,  ubi  sup.)  Proficiebat  atate  qui-  nitalis  notitiam.  Theophylact,  Dicit 
dem ,  corpore  in  virileai  statum  pro-  autetn  :  «  Apud  Deum  et  homines.  »  quia 
moto;  sapientia  autem,  per  eos  qui  ab  !  prius  decet  placere  Deo,  et  posteahouii- 
60  divina  docebantur;  gratia  vero,  qua  '  nibus.  Greg.  Nyss.  [homil.  3.  in  Cant.) 
cum  gaudio  promovemurj  credentes  in  !  Differenter  etiam  proficit  verbum  in  bis 
fine  obtinere  quae  ab  eo  promissa  sunt;  qui  ipsura  suscipiunt  :  secundum  enim 
et  hoc  quidem  apud  Deum,  ex  eo  quod  |  mensuram  illius  apparet  aut  infans ,  aut 
assumpta  carne  paternum  opus  peregit;  |  aduUus,  aut  perfectus. 


CHAPITRE  ni. 

SOMMAIRE     ANALYTIQUE. 

f.  1,2.  —  Pourquoi  l'époque  de  la  prédication  de  saint  Jean-Baptiste  se  trouve 
désignée  par  le  nom  de  l'empereur  romain  et  des  princes  qui  régnaient  sur  la 
Judée.  —  Pourquoi  les  oracles  prophétiques  ne  sont-ils  datés  que  du  règne 
des  rois  de  la  nation  juive?  —  Comment  la  Judée  se  trouvait  alors  divisée  et 
gouvernée.  —  Pourquoi  Jean-Baptiste  fait-il  aussi  mention  des  grands-prêtres 
actuels  des  Juifs  ?  —  Quels  étaient  ces  grands-prêtres,  comment  ils  se  succé- 
daient l'un  l'autre.  —  Comment  l'Evangéliste  déclare  que  Jean-Baptiste  est 
prophète. —  Quelle  est  cette  parole  de  Dieu  qui  se  fit  entendre  à  Jean-Baptiste, 
et  pourquoi  se  fait-elle  entendre  dans  le  désert. 

f.  3-6.  —  Pourquoi  la  voix  précède  le  Verbe.  —  Pourquoi  Jean-Baptiste 
parcourt  les  bords  du  Jourdain.  —  Le  baptême  de  Jean  remettait-il  les 
péchés?  —  Comment  Jean-Baptiste  était  la  figure  de  la  loi,  —  Nature  et 
caractère  des  différents  baptêmes.  —  Pourquoi  Jean-Baptiste  est-il  appelé  la 
voix? —  Pourquoi  cette  voix  crie  dans  le  désert. —  Comment  on  doit  préparer 
la  voix  au  Seigneur.  —  Quels  sont  les  sentiers  qu'il  faut  rendre  droits.  —  Que 
faut-il  entendre  par  les  vallées  qu'il  faut  combler,  par  les  montagnes  qu'il  faut 
abaisser?  —  Comment  le  saint  précurseur  motive  la  nécessité  de  tous  ces 
changements. 

f.  7-9.  —  Nécessité  de  sortir  de  sa  vie  ancienne,  pour  se  rendre  digne  de  la 
grâce  du  baptême.  —  Sainte  liberté  avec  laquelle  Jean-Baptiste  reproche 
leurs  crimes  à  ceux  qui  viennent  le  trouver.  —  Pourquoi  les  appelle-t-il  race 
de  vipères?  —  Comment  pouvait-il  leur  parler  de  la  sorte,  puisque  les  Juifs 
paraissaient  vouloir  se  convertir  ?  —  Quelle  est  cette  colère  à  venir  qu'il  les 
exhorte  à  fuir.  —  Comment  pourront-ils  se  dérober  aux  effets  de  la  colère 
de  Dieu  ?  —  Nécessité  de  faire  des  fruits  et  de  dignes  fruits  de  pénitence.  — 
Ces  fruits  ne  doivent  pas  être  les  mêmes  pour  tous.  —  En  quoi  consiste 
surtout  le  fruit  de  la^pcnitence.  —  Pourquoi  Jean-Baptiste  réprime  la  Herté 
des  Juifs  qui  se  glorifiaient  d'être  les  enfants  d'Abraham.  —  Quels  sont  les 
vrais  enfants  d'Abraham  ?  —  Comment  il  prédit  la  vocation  des  Gentils.  — 
Quels  sont  ceux  qu'il  compare  à  des  pierres.  —  A  qui  s'adresse  la  prédiction 
de  la  cognée  mise  à  la  racine  de  l'arbre.  —  Comment  peut-on  l'appliquer  au 
genre  humain  tout  entier?  —  Nécessité  pour  tous  les  hommes  de  i)roduiredes 
fruits  de  salut. 

f.  10-14.  —  Trouble  salutaire  que  les  paroles  de  Jean-Baptiste  avaient  fait 
naître  dans  l'âme  de  ses  auditeurs.  —  Trois  sortes  de  personnes  qui  viennent 
demander  à  Jean  les  conseils  du  salut.  --  Fruits  principaux  de  la  pénitence. — 
Obligation  de  donner  le  superflu  aux  indigents.  —  Quelle  est  la  preuve  qu'on 
aime  son  prochain  comme  soi-même.  —  Prix  des  œuvres  de  miséricorde.  — 
La  miséricorde  est  commune  à  tous  les  hommes  et  comprend  toutes  IcSl 
vertus.  —  A  quoi  elle  oblige.  —  Sens  allégorique  de  cette  recommandation. 
—  Puissance  de  la  vertu  de  Jean-Baptiste.  —  Ce  qu'il  recommande  aux  publi- 
cains  et  aux  soldats.  —  Quels  étaient  ces  publicains.  —  Jean-B  q)tiste  ne 
défend  pas  la  guerre  à  ceux  qui  ont  embrassé  la  carrière  des  armes.  —  Ce 
qui  est  permis  et  condamné  dans  la  guerre.  —  Pourquoi  Jean-Baptiste  cora- 
TOM.  V.  10 


146  EXPLICATION    DE    l'ÉVANGILE 

mence  par  tracer  des  règles  si  simples  de  conduite  aux  publicains  et  aux 
soldats. 
y.  lb-17.  —  Opinion  que  le  peuple  se  formait  de  Jean-Baptiste.  —  Combien  les 
Juifs  étaient  aveug-les  et  insensés. —  L'affection  doit  se  contenir  dans  de  justes 
bornes.  —  Sage  conduite  et  humilité  profonde  de  Jean -Baptiste.  —  Comment 
put-il  connaître  leurs  pensées  à  son  égard?  —  Comment  déclare-t-il  par  ses 
œuvres  qu'il  n'est  pas  le  Christ  ?  —  Etablit-il  une  comparaison  entre  Jésus-Christ 
et  lui? — Comment  concilier  saint  Matthieu  avec  saint  Luc  relativement  aux  pa- 
roles de  Jean.  —  Quel  est  le  sens  allégorique  de  ces  paroles  :  Je  ne  suis  pas 
digne  de  dénouer  la  courroie  de  sa  chaussure.  —  Comment  fait-il  ressortir 
l'excellence  du  baptême  de  Jésus-Christ?  —  Que  veut-il  exprimer  sous  l'image 
du  feu? —  Peut-on  distinguer  pour  le  temps  le  baptême  de  l'esprit  du  baptême 
de  feu? —  Peut-on  conclure  de  ces  paroles  que  la  seule  invocation  de  l'Esprit- 
Saint  rend  le  baptême  parfait.  —  Comment  Jean-Baptiste  fait  voir  que  Dieu 
ne  répand  pas  seulement  des  bienfaits,  mais  qu'il  peut  aussi  punir  les  rebelles, 

—  Que  figure  l'aire  que  Jésus-Christ  doit  nettoyer.  —  Que  signifie  le  van 
qu'il  tient  en  sa  main.  —  Discernement  des  bonnes  œuvres  d'avec  les  mau- 
vaises qui  doit  avoir  lieu  au  dernier  jour.  —  Quels  sont  ceux  qui  sont  figurés 
par  le  bon  grain  et  par  la  paille.  —  Comment  la  paille  est  utile  au  froment. 

—  Comment  le  blé  est  séparé  de  la  paille. —  Grandeur  des  châtiments  réservés 
aux  pécheurs.  —  JSature  et  durée  du  feu  de  l'enfer. 

f.  18-20.  —  Sujet  des  exhortations  de  saint  Jean- Baptiste.  —  Ce  qui  rend 
surtout  le  saint  précurseur  admirable.  —  Quel  était  cet  Hérode  que  Jean 
reprend  de  son  commerce  incestueux.  —  A  quelle  époque  eut  lieu  la  captivité 
de  Jean-Baptiste. 

f.  21,22.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  voulut  être  baptisé. —  Baptême  en  usage 
chez  les  Juifs.  —  En  quoi  il  différait  du  baptême  de  Jean.  —  Pourquoi  Notre- 
Seigneur  ne  voulut  recevoir  ni  le  baptême  des  Juifs,  ni  le  nôtre,  mais  celui 
de  Jean.  —  Pourquoi"  est-il  dit  que  Jésus  priait  après  avoir  été  baptisé?  — 
Ennemis  dont  il  nous  reste  à  triompher  après  le  baptême.  —  Pourquoi  le  ciel 
s'ouvre  au-dessus  de  la  tête  de  Jésus-Christ  —  Dans  quel  sens  l'Esprit  saint 
descendit  sur  lui.  —  Pourquoi  l'Esprit  saint  apparait-il  sous  la  forme  d'une 
colombe?  —  Dans  quel  sens  Jésus  est  proclamé  le  Fils  de  Dieu  par  la  voix  qui 
se  fait  entendre  du  haut  des  cieux.  —  Diverses  significations  du  nom  de  Fils. 

—  Comment  et  dans  quel  sens  Dieu  met  ses  complaisances  dans  son  Fils.  — 
Comment  concilier  saint  Matthieu  et  saint  Luc,  sur  la  voix  qui  se  fit  en- 
tendre. 

f.  23-38.  —  Pourquoi  saint  Luc  donne  la  généalogie  de  Jésus-Christ  après  son 
baptême.  —  Circonstances  du  baptême  de  Notre-Seigneur. —  Leçons  d'humi- 
lité qu'il  nous  y  donne.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  a  voulu  recevoir  le 
baptême  à  l'âge  de  trente  ans.  —  Doit-on  conclure  de  là  qu'on  ne  doit  pas 
baptiser  les  petits  enfants.  —  Pourquoi  donner  ici  la  généalogie  de  Joseph 
plutôt  que  celle  de  Marie. —  Commune  origine  de  Joseph  et  de  Marie. —  Comment 
Joseph  qui,  d'après  saint  Matthieu,  est  fils  de  Jacob,  peut-il  être,  comme  le  dit 
'  saint  Luc,  fils  d'Eli?  —  Conciliation  des  contradictions  apparentes  qui  existent 
entre  les  deux  généalogies.  —  Pourquoi  les  deux  Evangélistes  suivent-ils  un 
ordre  différent?  —  Double  paternité  chez  les  Juifs  :  paternité  naturelle,  pater- 
nité légale.  —  Quelle  généalogie  aurait  donné  saint  Luc  ?  —  Significations 
importantes  que  renferment  les  noms  dont  est  composée  cette  généalogie.  — 


DE   SAINT   LUC,   CHAP.    III. 


147 


Pourquoi  saint  Luc  a  fait  remonter  jusqu'à  Dieu  l'origine  de  Jésus-Christ.  — 
Quel  est  le  but  que  se  sont  proposé  les  deux  Evangélistes  dans  leur  généa- 
logie. —  Pourquoi  la  généalogie  de  saint  Luc  comprend-elle  un  plus  grand 
nombre  de  générations  que  celle  de  saint  Matthieu? 


y.  l,  2.  —  L'an  quinzième  de  l'empire  de  Tibère  César,  Ponce  Pilate  étant 
gouverneur  de  la  Judée,  Hérode  tctrarque  de  la  Galilée,  Philippe  son  frère  de 
l'Idumée  et  de  la  province  de  Trachonite,  et  Lysanias  d'Abilène,  sous  les  grands 
prêtres  Anne  et  Caïplie,  la  parole  du  Seigneur  se  fit  entendre  à  Jean,  fils  de 
Zacharie,  dans  le  désert. 

S.  Grég.  {hom.  20  sur  les  Evang.)  L'époque  où  le  Précurseur  du 
divin  Rédempteur  reçut  la  mission  de  prêcher  et  d'annoncer  la  parole 
de  Dieu,  est  solennellement  désignée  par  le  nom  de  l'empereur  romain 
et  des  princes  qui  régnaient  sur  la  Judée  :  «  L'an  quinzième  de  l'em- 
pire de  Tibère  César,  Ponce-Pilate  étant  gouverneur  de  la  Judée, 
Hérode,  tétrarque  de  la  Galilée,  »  etc.  Jean-Baptiste  venait  annoncer 
celui  qui  venait  racheter  une  partie  des  Juifs  et  un  grand  nombre 
d'entre  les  Gentils,  et  c'est  pour  cela  que  sa  prédication  se  trouve  datée 
du  règne  de  l'empereur  des  Gentils  et  des  rois  de  Judée;  et  comme  la 
gentilité  devait  être  réunie  en  un  seul  corps,  il  n'est  parlé  que  d'un 
seul  prince  qui  gouvernait  l'empire  romain  :  «  L'an  quinzième  de 
l'empire  de  Tibère  César,  »  etc.  —  Ch.  des  Pèr.  gr.  Après  la  mort  de 
l'empereur  Auguste,  de  qui  les  empereurs  romains  prirent  le  nom 
d'Auguste,  Tibère  lui  succéda,  et  il  était  alors  dans  la  quinzième  an- 
née de  son  règne. 

Orig.  {hom.  21.)  Les  oracles  prophétiques  qui   ne  s'adressaient 


CAPUT  III. 

Anno  autem  quintodecimo  imperii  Tiberii  Cœsa- 
ris,  procurante  PontioPilato  Judœam,  tetrar- 
cha  autem  Galilœœ  Hérode,  Philippo  autem, 
fratre  ejus ,  tetrarcha  Iturœm  et  Trachoniti- 
dis  regionis ,  et  Lysania  Abilinœ  tetrarcha, 
sub  principibus  sacerdotum  Anna  i;t  Caipha  , 
factum  est  Verbum  Domini  super  Joannem 
Zachariœ  filium  in  deserto'. 

Gr.cg.  (in  hom.  20,  in  Evang.)  Re- 
demptoris  prœcursor,  que  temporc  Ver- 
bum prœdicalionis  uccepit ,  niemorato 
Romanœ  reipublicae  principe,  et  JudaiOî 
regibus  desi^natur,  cum  dicitur  :  «  Anno 
autem  quintodecimo  imperii  Tiberii  Cae- 
saris,  procurante  Poutio  Pilato  Judaeam, 


tetrarcha  autem  Galilœae  Hérode,»  etc. 
Quia  enim  iilum  pr^dicare  veniebat, 
qui  ex  Judœa  quosdam  et  multos  ex 
gentibus  redempturus  erat,  per  regem 
Gentium  et  principes  Judaeorum  prœdi- 
cationis  ejus  tempora  designantur  :  quia 
autem  Gentilitas  coliigenda  erat,  in 
romana  republica  unus  prtefuisse  des- 
cribitur,  cum  dicitur:  «  Fmperii  Tiberii 
Caisaris.  »  Gn^c.  {vel  Metaphrastes  in 
C'a  t.  Grfscorian,  Paint  m.)  Mortuo  enim 
Augusto  monarcha,  a  quo  Romani  prin- 
cipes nomen  yl«(/wi/i  ddepti  sunt,  Tibe- 
rius  post  illum  ad  jura  monarchiae  suc- 
cedens,  quintum  decimum  annum  sus- 
cepti  principatus  agebat, 
Orig.  {hom.  21.)  Et  in  propbetico  qui- 


148 


EXPLICATION    DE   l/ÉVANGiLE 


qu'aux  Juifs  ne  font  mention  que  du  règne  des  princes  de  la  nation 
juive  :  a  Vision  d'Isaïe,  au  temps  d'Ozias,  de  Joatlian,  d'Achaz  et 
d'Ezécliias,  rois  de  Juda  {haie,  i).  Mais  la  prédication  de  l'Evangile 
qui  devait  retentir  dans  tout  l'univers  est  datée  de  l'empire  de  Tibère 
César,  qui  paraissait  être  le  maître  du  monde.  Si  les  Gentils  seuls 
avaient  dû  avoir  part  à  la  grâce  du  salut,  il  aurait  suffi  de  parler  de 
Tibère;  mais  comme  les  Juifs  devaient  aussi  embrasser  la  foi,  il  est 
également  fait  mention  des  principautés  et  des  tétrarcliies  de  la  Judée  : 
«  Ponce  Pilate  étant  gouverneur  de  la  Judée,  Hérode,  tétrarque  de  la 
Galilée,  »  etc.  — S.  Grég.  La  Judée  se  trouvait  alors  divisée  en  plusieurs 
petites  principautés,  comme  un  signe  de  la  division  et  de  la  ruine 
dont  Dieu  devait  punir  la  coupable  perfidie  des  Juifs;  selon  ces  pa- 
roles du  Sauveur  :  «  Tout  royaume  divisé  contre  lui-même  sera  dé- 
solé. »  {Luc^  XI.)  —  BEDE.  Pilate  fut  envoyé  comme  gouverneur  en 
Judée  la  douzième  année  du  règne  de  Tibère  César,  et  il  conserva  ce 
gouvernement  pendant  dix  années  consécutives,  presque  jusqu'à  la  fin 
de  la  vie  de  Tibère.  Hérode,  Philippe  et  Lysanias  sont  les  fils  du 
roi  Hérode,  sous  le  règne  duquel  naquit  le  Sauveur.  Tl  faut  ajouter 
à  ces  trois  frères,  Hérode  Arcliélaûs,  qui  régna  dix  ans,  et  qui  ayant 
été  accusé  auprès  d'Auguste  par  les  Juifs,  fat  exilé  à  Vienne  où  il 
mourut.  L'empereur  Auguste,  pour  afl'aiblir  le  royaume  de  Judée,  le 
partagea  alors  en  plusieurs  tétrarcliies. 

S.  Grég.  [hom.  20.)  Jean-Baptiste  venait  annoncer  celui  qui  était 
roi  et  prêtre  à  la  fois,  L'évangéliste  saint  Luc  précise  donc  l'époque 
de  sa  prédication,  non-seulement  par  ceux  qui  régnaient  alors  sur  la 
Judée,  mais  par  les  grands-prêtres  actuels  des  Juifs  :  «  Sous  les  grands- 


dem  sermone  solis  Judœis  praedicato, 
solum  Judaeorum  regnum  describitur  : 
«  Visio,  inquit,  Isaiae  in  diebus  Oziae, 
Joatliam ,  Acham  et  Ezechiœ  ,  regum 
Juda.  »  At  in  Evangelio  quod  erat  prae- 
dicandum  uuiverso  mundo ,  dominium 
describitur  Tiberii  Caesaris  qui  totius 
orbis  domiuus  videbatur.  Verum  si 
solum  hi  qui  sunt  de  Gentibus  essent 
salvandi ,  satis  erat  solius  Tiberii  facere 
mentionem;  sed  quia  oportebat  et  Ju- 
daeos  eredere,  ob  lioc  etiam  Judaeorum 
régna  describuntur,  seu  tetrarcliise,  cum 
subditur  :  «  Procurante  Ponlio  Pilalo 
Judœam ,  tetrarclia  autem,  »  etc.  Greg. 
{in  hom.)  Quia  enim  Judaea  erat  pro 
culpa  perfidiœ  dispergenda,  in  Judœse 
regno  per  partem  et  partem  plurimi 
principabantur ,  secundum  illud  [Luc, 
11)  :   «  Omne  regnum  in  seipsum  divi- 


sum  desolabilur.  »  Bed.  Pilatus  quidam 
duodecimo  anno  Tiberii  Csesaris  in 
Judaeam  missus  procurationem  gentis 
suscepit,  atque  ibi  per  decem  continuos 
annos  usque  ad  ipsuni  peue  tînem  Tiberii 
perdura  vit  ;  Herodes  autem  ,  et  Pliilip- 
pus,  et  Lysanias,  fîlii  sunt  Herodis  illius 
sub  quo  Uominus  natusest,  inter  quoset 
ipse  Herodes  Arclielaus  frater  eorum,  de- 
cem annisregnavit,  quiaJudaeis  apudAu- 
gnstum  criminatus  apud  Viennam  exilio 
periit.  Regnum  autem  Judaeae  quo  minus 
validum  fieret,  idem  Augustus  per 
tetrarchias  dividere  curavit. 

Greg.  [iii  hom.  20,  ut  sup.)  Et  quia 
Joannes  illum  prsedicavit  qui  simul  rex 
et  sacerdos  existeret,  Lucas  Evangelista 
praedicationis  ejus  tempora,  non  solum 
per  regnum,  sed  etiam  per  sacerdotium 
designavit  :  unde  subditur  :  «  Sub  prin- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.   III. 


149 


prêtres  Anne  et  Caïphe.  »  —  Bède.  Tous  deux  étaient  grands-prêtres 
lorsque  Jean  commença  sa  prédication,  mais  Anne  exerçait  le  sou- 
verain pontificat  cette  année-là  même,  Caïphe,   l'année  même  où 
Notre-Seigneur  Jésus-Christ  fut  crucifié.  Il  y  eut  bien  dans  l'inter- 
valle trois  autres  grands-prêtres,  mais  l'Evangéliste  ne  fait  mention 
que  de  ceux  qui  ont  pris  une  part  plus  active  à  la  passion  du  Sauveur. 
Les  préceptes  de  la  loi  étaient  obligés  de  céder  devant  la  violence  et 
l'ambition  ;  ce  n'était  ni  le  mérite  personnel,  ni  la  dignité  de  la  fa- 
mille qui  obtenait  le  souverain  pontificat,  la  puissance  romaine  en 
disposait  à  son  gré.  En  effet,  l'historien  Josèphe  nous  rapporte  qu'un 
des  premiers  actes  de  Valérius  Gratus,  avait  été  de  dépouiller  le  pon- 
tife Anne  de  la  souveraine  sacrificature,  pour  en  revêtir  Ismaël,  fils 
de  Baphi.  Quelque  temps  après,  Ismaël  en  était  dépouillé  à  son  tour, 
et  avait  pour  successeur  Eléazar,  fils  du  grand-prêtre  Ananias.  L'année 
suivante,  Valérius  ôtait  à  Ismaël  les  insignes  sacrés  du  pontificat  pour 
les  remettre  à  un  certain  Simon,  fils  de  Caïphe.  Un  an  après,  Simon 
avait  pour  successeur  Joseph,  qui  s'appelait  aussi  Caïphe.  Tout  le 
temps  de  la  prédication  de  Notre-Seigneur  se  trouve  ainsi  compris  dans 
un  espace  de  quatre  ans. 

S.  Ambr.  Le  Fils  de  Dieu  qui  devait  former  et  rassembler  son 
Eglise,  commence  à  opérer  par  sa  grâce  dans  son  serviteur  :  «  La 
parole  du  Seigneur  se  fit  entendre  à  Jean,  »  etc.  Ainsi  ce  n'est  pas  un 
homme,  mais  le  Verbe  de  Dieu  qui  préside  à  la  première  formation 
de  l'Eglise.  Saint  Luc  proclame  Jean  prophète  par  cette  formule  abré- 
gée :  «  La  parole  de  Dieu  se  fit  entendre  à  Jean.  »  En  effet,  celui  qui 
qui  est  rempli  de  la  parole  de  Dieu  a-t-il  besoin  d'une  autre  recom- 


cipibus  sacerdotum  Anna  et  Gaipha.  » 
Bed.  Ambo  quidem,  incipiente  praedica- 
tionem  Joanne  (id  est,  Annas  et  Caiphas), 
principes  fuere  sacerdotum,  sed  Annas 
illum  annum ,  Caiphas  vero  eum  quo 
cruceni  Dominus  ascendit,  administra- 
bat;  tril)us  aliis  in  medio  ponlificatu 
perfunctis,  verum  hi  maxime  qui  ad 
Domini  passionrun  pertinent,  ab  Evan- 
gebsta  commemorantnr.  Legalibus  nam- 
que  tune  prœceptis  vi  et  ambitione  ces- 
santibus,  nulli  pontifîcatus  honor  vitae 
vel  peneris  merito  reddebalur,  sed  Ro- 
mana  potest.\!e  sumnia  sacerdotii  praes- 
tabalur  :  Josepbus  enim  refert  quod  Va- 
lérius (Iratus  (Aima  a  saeerdotio  detur- 
bato)  Ismaelem  pontificem  desifrnavit 
filium  Baphi;  sed  etiam  hune  non  multo 
post  abjiciens,  Eleazarum.  Ananiae  pon- 


tificis  filium ,  subrogavit.  Post  annum 
vero  et  hune  arcet  officio ,  et  Simoni 
cuidam ,  Caiphse  fdio  ,  pontificatus  tra- 
didit  uiinisterium  ;  quo  non  amplius 
ipse  quant  unius  anni  spatio  perfuiictus, 
Josephum  (cui  et  Caiphas  nouien  fuit) 
acci'pit  successorem  :  ilaque  hoc  omne 
tempus  quo  Don^inus  noster  docuisse 
describitur,  intra  quadriennii  spatia 
coarctatur. 

Ambr.  Congregaturus  autein  Kcclesiam 
Dei  Filins  ante  operatur  in  servulo  :  et 
ideo  bene  dicitur  :  «  Factum  est  verbiim 
Domini  super  Joannem,»  etc.,  ut  i'^cclesia, 
non  ab  homine  cœperit,  sed  a  Verbo. 
Bene  autcm  Lucas  compendio  usus  est, 
ut  Joannem  declararet  prophetam  di- 
cens  :  «  Factum  est  super  eum  rerbum 
Dei;»  alia  non  adderet  :   nuUus  enim 


150 


EXPLICATION   DE   l/ÉVANGILE 


mandation,  et  l'Evangéliste  n'a-t-il  pas  tout  dit  dans  ces  seules  paroles? 
Saint  Matthieu  et  saint  Luc  ont  voulu  au  contraire  rehausser  en  Jean- 
Baptiste  le  titre  de  prophète  par  la  description  de  son  vêtement,  de  sa 
ceinture  et  de  sa  nourriture.  —  S.  Chrys.  [hom.  10  sur  S.  Matth.) 
La  parole  de  Dieu,  c^est  ici  le  commandement  de  Dieu,  parce  qu'en 
effet,  le  fils  de  Zacharie  n'est  point  venu  de  son  chef,  mais  par  l'im- 
pulsion de  Dieu  lui-même.  —  Théophyl.  Pendant  tout  le  temps  qui 
s'écoula  depuis  son  enfance  jusqu'au  jour  où  il  devait  paraître  en 
Israël,  il  demeura  caché  dans  le  désert,  et  l'Evangéliste  ajoute  ici  : 
«  Dans  le  désert;  »  pour  détourner  jusqu'à  l'ombre  du  soupçon  que 
les  liens  du  sang  ou  d'une  amitié  contractée  dés  l'enfance  portaient 
Jean -Baptiste  à  rendre  témoignage  à  Jésus.  Aussi  le  saint  Précurseur 
nous  assure-t-il  expressément  qu'il  ne  le  connaissait  pas  {Jean,  i).  — 
S.  Greg.  de  Ny'ss.  {de  la  Virgin.)  Celui  qui  était  venu  dans  l'esprit  et 
la  vertu  d'Elie,  devait  aussi  se  séparer  du  commerce  des  hommes,  et 
s'appliquer  à  la  contemplation  des  choses  invisibles,  de  peur  qu'ha- 
bitué aux  illusions,  que  produisent  les  sens,  il  ne  vint  à  perdre  ces 
clartés  intérieures  et  celles  qui  devaient  lui  faire  discerner  etreconnaître 
le  Sauveur.  Aussi  il  fut  rempli  d'une  telle  abondance  des  grâces  di- 
vines, qu'aucun  prophète  n'en  reçut  jamais  de  semblables,  parce  que 
durant  tout  le  cours  de  sa  vie,  il  ne  cessa  d'offrir  aux  regards  de  Dieu 
une  âme  pure  de  tout  désir  vicieux  et  de  toute  passion  naturelle.  — 
S.  Ambr.  L'Eglise  elle-même  est  comme  un  désert,  parce  que  celle 
qui  était  abandonnée  a  plus  d'enfants  que  celle  qui  avait  un  mari  (1). 
Le  Verbe  de  Dieu  s'est  donc  fait  entendre,  pour  que  la  terre  qui  était 
auparavant  déserte,  nous  produisit  des  fruits  de  salut. 

(1)  Isdie,  Liv,  1  ;  voyez  aussi  Galat,,  iv,  27. 


eget  judicio  sui,  qui  verbo  Dei  abundat  : 
unum  itaque  dicens ,  omnia  declara\al. 
Atvero  Matthfeus  et  Marcus,  et  vestitu, 
et  cinctu,  et  cibo ,  prophetam  declarare 
voluerunt.  Chrys.  {in  Matth.,  boni.  10.) 
Verbum  autem  Dei  bic  mandatum  esse 
dicitur,  quia  non  a  se  venit  Zacbariœ 
fibus,  sed  Deo  ipsum  movente.  Theoph. 
Per  totum  auteui  tempus  prseteritum 
usque  ad  sui  ostensionem  occullus  fuit 
in  deserto  :  et  boc  est  quod  subditur, 
hi  deserto,  ut  nulla  suspicio  iunascatur 
bominibus,  ut  gratia  affinitatis  ad  Cbris- 
tum  vel  conversatiouis  a  teneris  annis, 
taba  de  ipso  testaretur  :  unde  ipse  testi- 
ficans,  dicebat  [Joan.,  1)  :  «  Ego  nescie- 
bam  illum.  »  Greg.  Nyss.  {lib.  de  Virgi- 
nitate.)  Simul  etiam   qui  in  spiritu  et 


virtute  Ebee  banc  vitam  ingressus  est, 
amotus  a  conversatione  bumana  invisi- 
biUum  speculationi  vacans ,  ne  bujus- 
modi  fabaciis  qu*  per  sensus  ingerun- 
tur,  assuetus,  quamdam  confusionem 
ac  errorem  incurreret  erga  viri  boni 
discretioneni.  Et  ideo  ad  tantum  divina- 
rum  gratiarum  elevatus  est  apicem ,  ut 
pbis  quam  propbetis  sibi  gratia  infun- 
deretur;  quia  mundum  et  expers  cujus- 
libet  naturalis  passionis  desiderium 
suum  a  principio  usque  ad  finem  divinis 
aspectibus  obtubt.  Ambu.  Desertum  etiam 
est  ipsa  Ecclesia,  quia  plures  filii 
desertse  raagis  quam  ejus  quse  babet 
virum.  Factum  est  ergo  Verbum  Domini, 
ut  quee  erat  ante  déserta,  fructum  nobi? 
lerra  seneraret. 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    IIl. 


451 


^.  3_6,  —  Et  il  vint  dans  tout  le  pays  qui  est  aux  environs  du  Jourdain, 
prêchant  le  baptême  de  la  pénitence  pour  la  rémission  des  péchés,  ainsi  qu'il  est 
écrit  au  livre  des  paroles  du  prophète  Isaïe  :  Voix  de  celui  qui  crie  dans  le 
désert  :  Préparez  la  voie  du  Seigneur,  rendez  droits  ses  sentiers.  Toute  vallée 
sera  comblée,  et  toute  montagne  et  toute  colline  seront  abaissées,  les  chemins 
tortueux  deviendront  droits,  et  les  raboteux  unis.  Et  toute  chair  verra  le  salut 
de  Dieu. 

S.  Ambr.  Le  Verbe  s'est  fait  entendre^  la  voix  suivit  de  près,  car  le 
Verbe  agit  d'abord  à  l'intérieur,  et  la  voix  lui  sert  ensuite  d'instru- 
ment et  d'interprète  :  «  Et  il  vint  dans  toute  la  région  du  Jourdain.  » 
—  Orig.  {hom.  2.)  Le  mot  Jourdain  signifie  qui  descend,  parce  que 
le  fleuve  des  eaux  salutaires  descend  'des  hauteurs  de  Dieu.  Or  quels 
lieux  Jean-Baptiste  devait-il  parcourir  de  préférence,  si  ce  n'est  les 
bords  du  Jourdain  ;  ainsi  lorsque  le  repentir  touchait  un  cœur,  on 
pouvait  aussitôt  recevoir  le  baptême  de  la  pénitence  dans  les  eaux  du 
fleuve  :  «  Prêchant  le  baptême  de  pénitence  pour  la  rémission  des 
péchés.  »  — S.  GB.m.{hom.  20.)  Chacun  voit  par  ces  paroles  que  non- 
seulement  Jean  prêchait  le  baptême  de  la  pénitence^  mais  qu'il  le 
donnait  à  quelques-uns,  et  cependant  ce  baptême  ne  pouvait  en  réalité 
remettre  les  péchés.  —  S.  Chrys.  {hom.  10  sur  S.  Matth.)  Et  quelle 
rémission  des  péchés  était  possible,  alors  que  la  victime  pour  les  pé- 
chés du  monde  n'était  pas  encore  immolée,  et  que  l'Esprit  saint  n'était 
pas  encore  descendu  sur  la  terre  ?  Pourquoi  donc  ces  paroles  de  saint 
Luc  :  «  Pour  la  rémission  des  péchés  ?  »  Les  Juifs  étaient  profondé- 
ment ignorants_,  et  vivaient  dans  une  grande  indifférence  à  l'égard  de 
leurs  fautes,  c'était  Ip.  la  cause  de  tous  leurs  maux.  Ce  fut  donc  pour 


Et  venit  in  omnem  regionnm  Jordanis ,  prœdi- 
cans  baptismum  pœnitenliœ  in  remissionem 
peccatorum ,  sicut  scriptum  est  in  lihro  sernio- 
num  Isaiœ  prophetœ  :  Vox  clamantis  in  de- 
serlo ,  parole  viam  Domini ,  reclas  facile  se- 
milas  ejus  :  omnis  vallis  implebilur ,  et  omnis 
mons  et  collis  humiliabilur ;  et  erunt  prava  in 
directa ,  et  aspera  in  vias  planas  ;  et  videbit 
omnis  caro  salutare  Dei. 

Ambr.  Faclum  verbuni,  vox  secula  est. 
Verbum  enim  prius  iiitus  operatur ,  se- 
quitur  vocis  officium.  Unde  dicitur  : 
«  Et  venit  iu  omnem  regionem  Jorda- 
nis. »  Orig.  [hom.  2.)  Jordanis  idem  est 
quod  (lescendens  :  descendit  cnini  Dei 
fluvius  aquae  salubris.  Qn.ne  autcni  loca 
decebat  perambulare  Baptistam ,  nisi 
Jordanis  circumadjacenlia?  ut  si  queni 


pœnitere  contini^eret,  prolinus  occurre- 
ret  iluenti  humilitas  ad  recipiendum 
pœnitentiae  baptismum  ;  subditur  enim  : 
«  Prœdicans  baptismum  pœnilentiaî  in 
remissionem  peccatorum.  »  Greg.  (m 
hom.  20,  in  Evanrj.)  Cunclis  legentibus 
liquet ,  quia  Joannes  baptismum  pœni- 
tentiae, non  solum  prœdicavit ,  verum 
etiam  quibusdam  dédit;  tamen  baptis- 
mum suum  in  remissionem  peccatorum 
dare  non  potuit.  Chrys.  [sup.  Matth. 
liom.  10.)  Cum  enim  noudum  oblata 
esset  hostia,  née  descendisset  Spiritus, 
qualiter  erat  fienda  remissio?  Quid  est 
eva,o  quod  Lucas  dicit  :  «  In  remissio- 
nem peccatorum  ?  «  Erant  siquidem 
Judsei  ignari ,  nec  culpas  proprias  per- 
pendebant  ;    qiioniam    igitur   haar    erat 


152 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


les  obliger  à  reconnaître  leurs  péchés  et  à  chercher  le  Rédempteur, 
que  Jean  vint  les  exhorter  à  faire  pénitence,  afin  que  contrits  de  leurs 
fautes  et  revenus  à  de  meilleurs  sentiments,  ils  fissent  tous  leurs  efforts 
pour  obtenir  leur  pardon.  C'est  donc  avec  dessein  que  l'Evangéliste, 
après  avoir  dit  que  «  Jean  vint  prêchant  le  baptême  de  la  pénitence,  » 
ajoute  :  «  Pour  la  rémission  des  péchés,  »  comme  s'il  disait.  Il  les 
exhortait  à  se  repentir,  pour  les  disposer  à  obtenir  plus  facilement 
leur  pardon  par  la  foi  en  Jésus-Christ.  Si  en  effet  ils  n'avaient  pas  été 
conduits  par  la  pénitence,  ils  n'auraient  pas  songé  à  demander  la 
grâce  de  la  rémission  de  leurs  péchés.  Or  ce  baptême  les  préparait  à 
croire  en  Jésus-Christ  (1*).  —  S.  Grég.  {hom.  20.)  Ou  bien  l'Evangéliste 
dit  que  Jean  prêchait  le  baptême  de  la  pénitence  pour  la  rémission 
des  péchés,  parce  qu'il  avait  la  mission  de  prêcher  le  baptême  qui 
remet  les  péchés,  baptême  qu'il  ne  pouvait  donner.  Ainsi  de  même 
qu'il  était  par  le  Verbe  ou  la  parole  de  sa  prédication  le  Précurseur 
du  Verbe  incarné,  de  même  son  baptême  impuissant  pour  la  rémission 
des  péchés  précédait  le  baptême  de  la  pénitence  qui  les  remet  vérita- 
blement. —  S.  Ambr.  C'est  pour  cela  qu'il  eu  est  plusieurs  qui  virent 
dans  saint  Jean  la  figure  de  la  loi,  parce  que  la  loi  pouvait  bien  faire 
connaître  le  péché,  mais  ne  pouvait  le  remettre. 

S.  Grég.  de  Nazianze.  {Disc.  39.)  Disons  quelques  mots  de  la  nature 
et  du  caractère  des  différents  baptêmes.  Moïse  a  baptisé  dans  l'eau, 
dans  la  nuée  et  dans  la  mer  (mais  d'une  manière  figurative)  (2*).  Jean 

(1*)  Nous  avons  dû  recourir  au  texte  grec  de  saint  Chrysostome  pour  donner  plus  de  clarté  à  la 
dernière  phrase  de  cette  citation,  car  la  traduction  dont  s'est  servi  saint  Thomas,  en  abrégeant 
considérablement  le  texte,  laisse  une  assez  grande  obscurité. 

(2*)  II  faut  entendre  ici  un  baptême  tout  spirituel.  Ce  qu'il  y  avait  de  spirituel,  comme  le  re- 
marque d'AUioli,  consistait  en  ce  que  ces  objets,  outre  ce  qu'ils  étaient  en  eux-mêmes,  avaient  un 
rapport  à  Jésus-Christ,  et  que  même  avant  Jésus-Christ  ils  représentaient  d'une  manière  symbo- 
lique, et  par  conséquent  préfigurative,  ce  que  Jésus-Christ  était  et  ce  qu'il  a  donné  en  esprit  et  en 
vérité.  La  nuée  qui,  durant  le  jour  tempérait  la  chaleur  par  son  ombre,  et  qui  durant  la  nuit  éclai- 


causa  malorum,  ut  peccata  agnoscerent, 
ad  Redemptorem  quaerendum ,  venit 
Joanueshortans  illos  pœniteutiamagere, 
ut  per  pœniteutiam  effecti  meliores 
atque  contriti ,  ad  recipiendam  veniam 
satagant.  Apte  ergo  eu  m  dixisset  quod 
«  venit  prœdicans  baptismum  pœniteu- 
tiae,»  addit,  «  iu  remissionem  peccato- 
rum  :  »  quasi  dicat  :  «  Idcirco  suadebat 
illis  pœnitere ,  ut  subsequentem  veniam 
facilius  impetrarent^  credentes  in  Chris- 
tam  :  »  nam  nisi  pœnitentia  ducerentur, 
uequaquam  exposcerent  gratiara ,  nisi 
quod  prœparaloriuin  erat  ad  iîdera 
Cliristi.  Greg.  [in  hom.  20,  in  Evang.) 
Vel  Joaunes  dicitur  «prœdicaus  baptis- 


mum pœnitentiœ  in  remissionem  pecca- 
torum,  »  quoniam  baptismum  quod  pec- 
cata solveret ,  quia  dare  non  poterat, 
prœdicabat  ;  utsicut  incarnatum  Verbum 
Patris  praecurrebat  verbo  praîdicationis, 
ita  baptismum  pœnitentiœ  quo  peccata 
solvuntur  ,  pifecurreret  suo  baptismate, 
quo  peccata  solvi  non  possunt.  Ambr. 
Et  ideo  plerique  sancto  Joanni  typum 
legis  imponunt ,  eo  quod  lex  peccatum 
denuntiare  potuit,  donare  non  potuit. 

Greg.  Nazianz.  [orot.  39.)  Et  ut  ali- 
quatenus  de  baptismatum  differentia 
disseranius,  baptizavit  Moyses  ,  sed  in 
aqua,  nube  et  mari;  hoc  aiitem  figurali- 
ter  agebatur  :   baptizavit  quoque  Joan- 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    III.  153 

a  baptisé,  mais  non  pas  selon  le  rit  des  Juifs,  car  il  ne  baptisait  pas 
seulement  dans  l'eau,  mais  pour  la  rémission  des  péchés,  cependant 
son  baptême  n'était  pas  tout  à  fait  spirituel,  car  l'Evangéliste  n'a- 
joute point  :  Par  l'Esprit.  Jésus  baptise,  mais  par  l'Esprit,  et  c'est 
le  baptême  parfait.  Il  est  encore  un  quatrième  baptême,  le  baptême 
du  martyre  et  du  sang  que  Jésus-Christ  lui-même  a  voulu  recevoir, 
baptême  plus  auguste  et  plus  vénérable  que  les  autres,  parce  qu'il 
n'est  point  exposé  à  être  profané  par  les  rechutes  dans  le  péché.  On 
peut  encore  compter  un  cinquième  baptême,  baptême  des  larmes, 
baptême  laborieux,  dans  lequel  David  se  purifiait  en  arrosant  chaque 
nuit  de  ses  larmes  le  lit  où  il  prenait  son  repos. 

«  Gomme  il  est  écrit  dans  le  livre  du  prophète  Isaïe  (xl).  Voix  de 
celui  qui  crie  dans  le  désert.  »  —  S.  Ambr.  C'est  avec  raison  que  Jean- 
Baptiste,  le  Précurseur  du  Verbe  est  appelé  «  la  voix,  »  car  la  voix 
précède  le  Verbe  dont  elle  dépend,  tandis  que  le  Verbe  qui  vient  après 
lui  est  supérieur.  —  S.  Grég.  {hom.  7  e?20.)  Jean-Baptiste  crie  dans 
le  désert,  parce  qu'il  vient  annoncer  les  consolations  de  la  rédemp- 
tion aux  Juifs  abandonnés  et  plongés  dans  la  détresse.  Et  quel  était 
le  sens  de  ses  prédications  ?  a  Préparez  le  chemin  du  Seigneur,  »  etc. 
Tout  homme  qui  prêche  la  véritable  foi  et  la  nécessité  des  bonnes 
'œuvres,  que  fait-il  autre  chose  que  de  préparer  la  voie  du  Seigneur 
dans  les  cœurs  de  ceux  qui  l'écoutent,  et  de  rendre  droits  ses  sentiers 
en  faisant  naître  dans  les  âmes  des  pensées  pures  par  ses  saintes  pré- 
dications. —  Orig.  {hom.  21.)  Ou  bien  encore,  c'est  nous-mêmes 
qui  devons  préparer  la  voie  au  Seigneur  dans  notre  cœur.  Car  le  cœur 

rait  la  marche,  était  une  figure  de  la  grâce  du  baptême  qui  calme  les  ardeurs  de  la  concupiscence, 
et  illumine  l'esprit  de  l'homme;^ la  mer  était  une  figure  de  l'eau  baptismale,  d'où  le  chrétien  sort 
pur  de  toute  corruption ,  de  même  que  les  Israélites  traversèrent  autrefois  sains  et  saufs  la  mer 
Rouge  à  pied  sec... 


nés,  non  utique  ritu  Judaeorum  (non 
enini  solum  in  aqua) ,  sed  etiam  in  re- 
missionem  peccatorum  ;  non  tamen  om- 
nino  spiritualiter  (neque  enim  addit,  in 
spiritu)  baptizat  Jésus  ,  sed  spiritu ,  et 
haec  est  perfectio  :  est  quoque  quartum 
baptisma,  quod  fit  per  martyrium  el  san- 
fTuinem,  quo  etiam  ipse  Christus  est 
baptizatus;  quod  cœteris  est  venerabi- 
liiis  nimis,  eatenus,  quatenus  iteratis 
contagiis  non  ffrdatur.  Est  etiam  qiiin- 
tiim  ex  lacrymis ,  laboriosius  tamen, 
juxta  quod  David  singulis  noclibus 
suum  rigat  cubile  et  stratum  in  lacry- 
mis. 

Sequitur  :  «  Sicutscriptum  est  in  libro 
Isaiae  prophetae  »  (cap.  40):«Vox  claman- 


tis  in  deserto.  »  Ambr.  Bene  vox  dicitur 
Joannes  Verbi  prjenuntius;  quia  vox 
praecedit  inferior,  verbum  sequitur  quod 
prœcellit.  Gueg.  {hom.  7  et  20,  in 
Evang.)  Qui  etiam  in  deserto  clamât, 
quia  derelictfE  ac  destitut.p  Judeea?  sola- 
tium  redemptionis  annuntiat.  Quid  autem 
clamaret  aperitur,  cum  dicitur  :  «  Parate. 
viam  Domini,  »  etc.  Omnis  enim  qui 
fidem  rectam  et  bona  opéra  prsedicat, 
quid  alijd  quam  venienti  Domino  ad 
corda  audientium  viam  parât?  ut  rectas 
Deo  semitas  facial,  dum  mundas  in  ani- 
mo  cogitationes  per  sermonem  bonaî 
prœdicationis  format.  Orig.  {hom.  21.) 
Vel  in  corde  nostro  via  praeparanda  est 
Domino  :  magnum  enim  est  cor  homi- 


i54 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


de  rhomme  est  grand  et  spacieux,  si  toutefois  il  est  pur,  car  sa  gran- 
deur ne  consiste  pas  dans  les  dimensions  extérieures,  mais  dans  la 
force  de  son  intelligence  qui  le  rend  capable  de  contenir  la  vérité. 
Préparez  donc  par  une  vie  sainte  la  voie  au  Seigneur  dans  votre 
cœur,  redressez  le  sentier  de  votre  vie  par  l'excellence  et  la  perfection 
de  vos  œuvres,  afin  que  la  parole  de  Dieu  puisse  pénétrer  en  vous  sans 
obstacle.  —  S.  Bas.  (1)  [Ch.  des  Pèr.  gr.)  Ce  sentier,  c'est  la  voie 
qu'ont  parcourue  leurs  ancêtres,  et  que  les  premiers  hommes  ont 
faussée  et  corrompue;  la  parole  de  Dieu  commande  donc  à  ceux  qui 
sont  loin  d'imiter  le  zèle  de  leurs  pères,  de  redresser  de  nouveau  ce 
sentier.  —  S.  Chrys.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  Ce  n'était  point  à  lui  de 
crier  :  «  Préparez  la  voie  du  Seigneur,  »  c'était  l'office  du  Précurseur^ 
et  il  est  appelé  la  voix,  parce  qu'il  était  le  Précurseur  du  Verbe. 

S.  Cyr.  {Liv.  m,  sur  Isaïe,  ch.  40.)  Jean-Baptiste  prévient  cette 
question  qu'on  pouvait  lui  faire  :  Gomment  préparerons-nous  la  voie 
du  Seigneur?  Comment  encore  redresserons-nous  ses  sentiers?  Ceux 
qui  veulent  mener  une  vie  vertueuse  rencontrent  tant  d'obstacles  !  Il 
y  a,  en  effet,  des  chemins  et  des  sentiers  qui  ne  sont  nullement  pra- 
ticables, parce  que  tantôt  ils  s'élèvent  sur  les  collines  et  sur  des  en- 
droits abruptes,  tantôt  ils  descendent  brusquement  dans  les  vallées; 
c'est  pour  éloigner  cette  difficulté  que  le  saint  Précurseur  ajoute  : 
«  Toute  vallée  sera  comblée,  toute  montagne  et  toute  colline  seront 
abaissées.  »  C'est  ce  que  Notre-Seigneur  a  opéré  spirituellement  par 
sa  puissance.  Autrefois,  en  effet,  le  chemin  de  la  vertu  et  de  la  sainteté 

(1)  Cette  citation  ne  se  trouve  pas  dans  les  ouvrages  de  saint  Basile,  dont  nous  n'avons  les  com- 
mentaires que  sur  les  seize  premiers  chapitres  d'Isaïe. 


nis  et  spatiosum ,  si  tamen  fuerit  mun- 
dum  :  neque  in  corporis  quantitate,  sed 
in  virtute  sensuum,  magnitudinem  ejus 
intellige,  quae  tamen  scientiam  capiat 
veritatis.  Praepara  ergo  in  tuo  corde 
viam  Domino  per  conversationem  bo- 
nam ,  et  egregiis  vel  perfectis  operibus 
dirige  semitam  vitee,  ut  in  te  sermo  Dei 
absque  offensa  perambulet.  Basil,  {in 
Cat.  G7-iccorum  Patrum.)  Et  quia  se- 
mita  est  via  quam  praecedentes  calcave- 
rant,  et  quam  priores  liomines  corrupe- 
runt,  eam  iterato  dirigere  jubet  sermo 
iilis  qui  a  prsecedentium  zelo  recedunt. 
Chrys.  (/m  Cat.  Grœcornm  Patniin,  ubi 
Slip.)  Clamare  autem  :  «  Parate  viam 
Domiui,  »  non  régis  erat,  sed  prœcurso- 
ris  officium  :  et  ita  eum  vocaverat  vo- 
cem,  quia  verbi  erat  prsecursor, 
CraiL.  (lib.  III,  in  Isai.,i(}.)  Sed  quasi 


quis  responderet  et  diceret  :  «  Qualiter 
viam  prseparabimus  Domino  ?  »  vel, 
«  qualiter  ejus  semitas  rectas  faciemus,  » 
cum  plura  siut  impedimenta  honestam 
vitam  volentibus  ducere  ?  Ad  lioc  pro- 
pheticus  sermo  respondet.  Sunt  enim 
viae  quœdam  et  semitœ,  nequaquam  ad 
eundum  habiles  ;  adeo  ut  alicubi  ad  tu- 
mulos  et  juga  toliantur,  alicubi  déclives 
sint  :  etadhocremovendumdicit:<<Omnis 
vallis  implebitur,  et  omnis  mons  et  collis 
humiliabitur.  »  Quœdam  viarum  inae- 
qualiter  dispositse  sunt,  et  dum  nunc 
sursum  eriguut,  nunc  vergunt  deorsum, 
valde  sunt  ad  eimdum  difficiles  :  et 
quantum  ad  hoc  subdit  :  «  Et  erunt 
prava  in  directa,  et  aspera  in  vias  pla- 
nas. »  Hoc  autem  intelligibiliter  actum 
est  per  nostri  Salvatoris  potentiam  : 
quondam  enim  evangelicae  conversatio- 


DE   SAINT  LUC,   CHAP.    III.  i55 

évangélique  était  difficile  à  parcourir,  parce  que  les  âmes  étaient  comme 
appesanties  sous  le  poids  des  plaisirs  sensuels;  mais  aussitôt  qu'un 
Dieu  fait  homme  eut  expié  le  péché  dans  sa  chair  {Rom.,  viii),  toutes 
les  voies  furent  aplanies,  aucune  colline,  aucune  vallée  ne  fit  plus 
obstacle  à  ceux  qui  voulaient  avancer.  —  Orig.  {ho?72.  22.)  Lorsque 
Jésus  fut  venu  et  qu'il  eut  envoyé  son  Esprit,  toute  vallée  a  été  rem- 
plie de  bonnes  œuvres  et  des  fruits  de  l'Esprit  saint;  si  vous  possédez 
ces  fruits,  non-seulement  vous  cesserez  d'être  une  vallée,  mais  vous 
commencerez  à  devenir  la  montagne  de  Dieu.  —  S.  Grég.  de  Nysse. 
{Ch.  des  Pèr.  gr.)  Ou  bien  les  vallées  sont  ici  la  figure  de  la  pratique 
paisible  et  tranquille  des  vertus,  selon  cette  parole  du  Roi-prophète  : 
Les  vallées  seront  pleines  de  froment.  »  {Ps.  lxix.)  —  S.  Chrys.  (Ch. 
des  Pèr.  gr.)  Sous  le  nom  de  montagne,  Jean-Baptiste  désigne  les 
orgueilleux  et  les  superbes  que  Jésus-Christ  a  humiliés,  les  collines 
sont  ceux  qui  sont  désespérés,  non-seulement  à  cause  de  l'orgueil  de 
leur  esprit,  mais  par  suite  de  l'impuissance  et  de  la  stérilité  de  leur 
désespoir,  car  une  colline  ne  produit  aucun  fruit.  —  Orig.  {hom.  22.) 
Par  ces  collines  et  ces  montagnes,  vous  pourriez  encore  entendre  les 
puissances  ennemies  (1)  qui  ont  été  abaissées  par  la  venue  du  Christ. 
—  S.  Bas.  Comme  les  collines,  si  on  les  compare  aux  montagnes,  en 
diffèrent  par  la  grandeur,  mais  leur  sont  semblables  pour  le  reste  ; 
ainsi  les  puissances  ennemies  sont  toutes  égales  par  la  volonté  qu'elles 
ont  de  nous  nuire,  mais  diffèrent  entre  elles  par  l'énormité  du  mal 
qu'elles  causent.  —  S.  Grég.  {hom.  20.)  Ou  bien  cette  vallée  qui  croit 
en  se  comblant,  cette  montagne  qui  décroit  en  s' abaissant,  c'est  la 
gentilité  que  la  foi  en  Jésus-Christ  a  remplie  de  la  plénitude  de  la 

(1)  Les  puissances  diaboliques.  > 


nis  et  vitae  iter  erat  ad  euadum  difficile, 
eo  quod  et  mentes  siugulorum  mundanœ 
voluptates  oppresserant  :  ut  autem 
Deus  factus  horuo  peccatum  damnavit 
in  carne,  explanata  sunt  omnia ,  et  red- 
dita  sunt  ad  eunduni  facilia;  et  nec  col- 
lis  nec  vallià  proficere  volentibus  obviât. 
Orig.  {hom.  22.)  Quando  enim  venit 
Jésus ,  et  Spiritum  suum  misil ,  omuis 
vallis  replela  est  operibus  bonis,  et  fruc- 
libus  Spiritus  Sancti  ;  quos  si  babueris, 
non  solum  vallis  esse  désistes,  sed  eliam 
mons  Dei  esse  incipies.  Grkg.  Nyss.  (in 
Cat.  Grœcorum  Patrum.)  Vel  quictam 
in  virlutibus  conversationem  significat 
per  convalles,  secundum  illud  (Ps.  64)  : 
«Vallès  abundabunt  frumento.  »  Chrys. 
,  (in  Cat.  Grœcorum  Patrum ,  ubi  sup.) 


Elatos  aut  superbos  nomine  montis  de- 
nunliat,  quos  Christus  humiliavit  ;  colles 
autem  desperatos  appellat,  non  solum 
ob  superbiam  mentis  suse  ,  sed  propler 
desperationis  sterilitatem  :  coUis  enim 
nuUos  fructus  producit.  Orig.  (hom.  22.) 
Vel  intelligas  quoniam  montes  et  colles 
qui  sunt  adversarise  potestates ,  per 
adventum  Christi  prostrati  sunt.  Basil. 
{ut  sup.)  Sicut  autem  colles  respectu 
montium  magnitudine  differunt,  in  aliis 
sunt  idem ,  sic  et  adversœ  potestates 
proposito  quidem  conformes  suut ,  im- 
manitate  tamen  offensionum  secernun- 
tur.  Greg.  (in  hom.  20,  in  Evangelia.) 
Vel  vallis  impleta  crescit,  mons  autem 
et  collis  humiliatus  decrescit;  quia  in 
fide  Cbristi  et   Gentilita»  pleuitudinem 


iS6 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


grâce,  et  les  Juifs  qui,  par  leur  coupable  perfidie,  ont  perdu  cette 
hauteur  dont  ils  étaient  si  fiers,  car  les  humbles  reçoivent  les  grâces 
que  les  superbes  éloignent  de  leur  cœur  par  leur  orgueil.  —  S.  Chrys. 
{hom.  10  sur  S>  Matth.)  Ou  bien  par  cette  comparaison  il  nous  ap- 
prend qu'aux  difficultés  de  la  loi  va  succéder  la  facilité  de  la  foi, 
comme  s'il  disait  :  Vous  n'aurez  plus  à  craindre  ni  travaux  pénibles, 
ni  douleurs,  mais  la  grâce  et  la  rémission  des  péchés  vous  ouvriront 
une  voie  facile  pour  arriver  au  salut.  —  S.  Grég.  de  Nysse.  Ou  bien, 
il  ordonne  de  combler  les  vallées  et  d'abaisser  les  collines  et  les  mon- 
tagnes, pour  nous  apprendre  que  la  vertu  bien  réglée  ne  doit  ni  présen- 
ter de  vide  causé  par  le  défaut  des  bonnes  œuvres,  ni  offrir  d'inégalités 
par  l'excès  du  bien.  —  S.  Grég.  {hom.  20.)  Les  chemins  tortueux  de- 
viennent droits  lorsque  les  cœurs  des  méchants,  que  l'iniquité  avait 
rendus  tortueux,  rentrent  dans  la  droiture  de  la  justice,  et  les  chemins 
raboteux  deviennent  unis,  lorsque  les  âmes  irascibles  et  violentes 
reviennent  à  la  bénignité  de  la  douceur  par  l'infusion  de  la  grâce 
céleste. 

S.  Chrys.  Le  saint  Précurseur  motive  ensuite  la  nécessité  de  tous 
ces  changements  :  «  Et  toute  chair  verra  le  salut  de  Dieu.  »  Il  nous 
apprend  ainsi  que  la  vertu  et  la  connaissance  de  l'Evangile  se  répan- 
dront jusqu'aux  extrémités  de  la  terre  pour  changer  en  douceur  et 
en  bonté  les  mœurs  féroces  et  l'opiniâtre  volonté  du  genre  humain. 
Ce  ne  sont  pas  seulement  les  Juifs  appelés  prosélytes ,  mais  toute  la 
nature  humaine  qui  est  appelée  à  contempler  le  salut  de  Dieu.  — 
S.  Cyr.  {sur  lsaïe,_  m,  40.)  C'est-à-dire  le  salut  de  Dieu  le  Père  qui  a 
envoyé  son  Fils  pour  être  notre  Sauveur.  La  chair  est  prise  ici  pour 
l'homme  tout  entier.  —  S.  Grég.  {hom.  20.)  Ou  bien  dans  un  autre 


gratiœ  accepit,  et  Judaea  per  errorem 
perfidise  hoc  imde  tumebat ,  perdidit  : 
humiles  enim  donum  accipiuut ,  quod  a 
se  corda  superbieatiumrepellunt.  Chrys. 
(in  Matth.,  hom.  10.)  Vel  per  hoc  dé- 
clarât legis  difficultatem  in  fidei  facilita- 
tem  conversani  ;  ac  si  dicat  :  Nou  ulte- 
rius  sudores  et  dolores  imminent,  sed 
gratia  et  remissio  peccaloram  facilem 
viam  pariunt  ad  salutem.  Greg.  Nyss. 
[ubi  supra.)  Vel  jubet  valles  impleri, 
dejici  vero  colles  et  montes;  volens  os- 
tendere  quod  nec  ob  defectum  boni  vir- 
tutis  ordo  sit  concavus  nec  discrepet  ob 
excessum.  Greg.  (m  hovi.  20^  nlii supra.) 
Prava  autem  directa  fiunt,  cum  malorum 
corda  per  injustitiam  detorta  adjustitiae 
regulam   diriguntur;  aspera    autem    in 


vias  planas  immutantur ,  cum  immites 
atque  iracundae  mentes  per  infusionem 
supernse  gratiœ  ad  lenitatem  mansuetu- 
dinis  redeunt. 

Chrys.  (mï  5«/).)  Deinde  liorum  subji- 
cit  causam,  diceus  :  «  Et  videbit  omnis 
caro,  »  etc.  Ostendens  quoniam  usque 
ad  fines  mundi  diffuudetur  Evangelii 
virtus  atque  cognitio,  ex  more  ferino  et 
obstinata  voluntate,  ad  mansuetudinem 
et  lenitatem  humanum  genus  conver- 
tens.  Non  autem  solum  Judaei  proselyti, 
imo  tota  humana  natura  salutare  Dei 
videbit.  Cyril,  (lib.  m,  in  Isai.,  40.)  Id 
est,  Patris,  qui  Filium  misit  ut  nostrum 
Salvatorem.  Caro  autem  ad  prsesens 
accipitur  pro  toto  homine.  Greg.  (in 
hom.  20,  nt  sup.)  Vel  aliter^  ovmis  caro 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    III.  157 

sens,  toute  chair,  c'est-à-dire  tout  homme,  n'a  pu  voir  en  cette  vie  le 
salut  de  Dieu  qui  est  Jésus-Christ  ;  le  saint  prophète  porte  donc  ses 
regards  jusqu'au  jour  du  jugement  dernier,  où  tous  les  hommes,  les 
réprouvés  comme  les  élus,  verront  également  le  salut  de  Dieu. 

f.  7-9.  —  Il  disait  donc  à  ceux  qui  venaient  en  foule  pour  être  baptisés  par  lui  : 
Race  de  vipères,  qui  vous  a  montré  à  fuir  la  colère  qui  doit  tomber  sur  vous? 
Faites  donc  de  dignes  fruits  de  pénitence  ;  et  tie  vous  mettez  pas  à  dire  :  Nous 
avons  Abraham  pour  père,  car  je  vous  déclare  que  de  ces  pierres  mêmes  Dieu 
peut  susciter  des  enfaiits  à  Abraham.  Déjà  la  cognée  esta  la  racine  de  l'arbre, 
tout  arbre  donc  qui  ne  produira  point  de  bons  fruits  sera  coupé  et  jeté  au  feu. 

Orig.  {hom.  22.)  Celui  qui  persévère  dans  son  premier  état  de  vie, 
et  qui  ne  quitte  ni  ses  mœurs  ni  ses  habitudes  ,  n'est  pas  digne  de  se 
présenter  au  baptême.  S'il  veut  mériter  cette  grâce  ,  qu'il  sorte  tout 
d'abord  de  sa  vie  ancienne.  Aussi  l'Evangéliste  dit-il  en  termes  exprès  : 
«  Jean- Baptiste  s'adressait  à  la  foule  qui  sortait  pour  être  baptisée 
par  lui.  »  C'est  donc  à  la  foule  qui  sortait  pour  venir  à  son  baptême, 
qu'il  adresse  les  paroles  suivantes ,  car  si  elle  fût  entièrement  sortie, 
il  ne  l'eût  pas  appelée  race  de  vipères.  —  S.  Chrys.  {hom.  11  sur 
S.  Matth.)  Cet  habitant  du  désert,  à  la  vue  de  tous  les  habitants  de  la 
Palestine  qui  l'entourent ,  pleins  d'admiration  pour  sa  personne ,  ne 
se  laisse  pas  influencer  par  ces  témoignages  de  profonde  vénération, 
mais  il  s'élève  avec  force  contre  eux ,  et  ne  craint  pas  de  leur  repro- 
cher leurs  crimes.  {Et  hom.  12  sur  la  Gen.)  La  sainte  Ecriture  carac- 
térise ordinairement  les  hommes  en  leur  donnant  des  noms  d'ani- 
maux en  rapport  avec  les  passions  qui  les  dominent ,  elle  les  appelle 
des  chiens  à  cause  de  leur  insolence,  des  chevaux  à  cause  de  leur 


(id  est,  omnis  homo)  salutare  Dei  (vide- 
licet  Chriatum)  in  hac  vita  videre  non 
potuit  :  Propheta  ergo  oculum  ad  extre- 
mum  judicii  diera  tendit,  quando  hune 
omnes,  et  electi,  et  reprobi,  pariter  vi- 
debunt. 

Dicebat  ergo  ad  turbas,  quœ  exibant  ut  baptiza- 
renlur  ab  ipso  :  Cenimina  viperarum,  guis  os- 
tendit  voins  fugere  a  venlura  ira  ?  Facile  ergo 
fructus  dignos  pœnitenliœ ,  et  ne  cœperitis  di- 
cere  :  Palrem  habemus  Abraham  :  dico  enim 
vûbis ,  quia  païens  est  Deus  de  lapidibus  islis 
suscilare  filios  Abrahœ  :  jam  enim  semris  ad 
radicera  urboris  pnsita  est  :  omnis  ergo  arbor 
non  faciens  fruclum  bonum,  excidetur,  et  in 
ignem  miitetur. 

Orig.   {hoin.    22.)   Manens   aliquis   in 
pristiuo  statu,  et  mores  suos,  et  consue- 


tudinem  non  relinquens,  nequaquam  rite 
ad  baptismam  venit.  Si  quis  ergo  vult 
baplizari ,  cgrediatur  :  unde  siguanter 
dicitur  :  «  El  dicebat  ad  turbas  quae 
exibant  ut  baptizarenfur  ab  ipso  :  » 
egredientibus  itaque  ad  lavacruni  turbis 
loquitur  quae  sequuntur  :  si  enim  jam 
egressi  esseut,  nequaquam  ad  eos  dice- 
ret  :  «Geniniina  viperarum.  »  Chrys. 
(m  Matth. ,  hom.  H.)  Jlle  itaque  cultor 
deserti,  vidons  omnes  incolas  Paleslinae 
circuuistantes  ipsum  et  admirantes  non 
flectebatur  pro  tanta  reverentia,  sed  in- 
surgens  in  ipsos  arguebat  eos.  {Et  m 
Geu.,homl2.)  Sacra  autera  Scriptura 
secuadum  stimulantes  passiones  ple- 
rumque  ferarum  nomina  imponit  homi- 
nibus;  interdum    canes  eos    nominans 


158 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


penchant  à  la  luxure,  des  ânes  à  cause  de  leur  défaut  d'intelligence, 
des  lions  et  des  léopards  à  cause  de  leur  voracité  et  de  leur  caractère 
violent,  des  aspics  à  cause  de  leur  esprit  rusé  ,  des  serpents  et  des  vi- 
pères à  cause  de  leur  venin  et  de  leurs  démarches  tortueuses ,  et  c'est 
pour  cela  que  Jean-Baptiste  appelle  ouvertement  les  Juifs ,  «  race  de 
vipères.  » 

S.  Bas.  {cont.  Ewiom.,  ii.)  Les  noms  de  ;?/5  eid'engendî^ése  donnent 
aux  êtres  animés  ;  le  mot  race  peut  s'appliquer  au  germe  avant  sa 
formation ,  on  donne  aussi  quelquefois  ce  nom  aux  productions  des 
arbres;  mais  rarement  on  l'emploie  en  parlant  des  animaux,  et  tou- 
jours en  mauvaise  part.  —  S.  Chrys.  {sur  S.  Matth.)  (1).  On  dit  que 
la  vipère  tue  le  mâle  qui  la  féconde  ,  et  que  les  petits  ,  à  leur  tour, 
tuent  leur  mère  en  naissant,  et  viennent  au  monde  en  déchirant  son 
sein,  comme  pour  venger  la  mort  de  leur  père.  La  race  de  la  vipère 
est  donc  une  race  parricide.  Tels  étaient  les  Juifs  qui  mettaient  à  mort 
leurs  pères  spirituels  et  leurs  docteurs.  Mais  comment  expliquer  ce 
langage,  puisque  les  Juifs  ne  persévèrent  plus  dans  leurs  péchés, 
mais  qu'ils  commencent  à  se  convertir  ?  Au  lieu  de  les  outrager  ,  ne 
devait-il  pas  chercher  à  les  attirer?  Nous  répondons  que  Jean  ne 
s'arrêtait  pas  à  ces  démonstrations  extérieures  ,  Dieu  lui  avait  révélé 
le  secret  de  leurs  cœurs,  et  il  y  voyait  qu'ils  étaient  trop  fiers  de  leurs 
ancêtres.  C'est  pour  détruire  dans  sa  racine  cette,  vaine  présomption, 
qu'il  les  appelle  «  race  de  vipères ,  »  sans  faire  remonter  ce  reproche 
jusqu'aux  patriarches,  qu'il  se  garde  bien  de  traiter  de  la  sorte.  — 
S.  Grég.  {hom.  20.)  Il  se  sert  de  cette  expression,  parce  que  pleins 
d'envie  à  l'égard  des  justes  qu'ils  persécutaient,  ils  suivaient  en  cela 

(1)  Dans  le  teste  de  saint  Chrysostome  cette  citation  ne  se  trouve  pas  dans  le  même  ordre. 


causa  procacitatis,  equos  ob  lusum,  «5?- 
nos  propter  dementiam ,  et  leones  et 
pardos  causa  rapacitatis  et  petulantise^ 
aspides  causa  doli,  serpentes  et  riperas 
causa  veneni  et  calliditatis:  imde  etnunc 
Joannes  Judaeos  audacter  genimina  vi- 
perarian  vocat. 

Basil,  [contra  Eunoinhnn,  lib.  ii.) 
Oportet  autem-  scire  quod  htec  nomiua, 
no  tus  et  films,  de  animalibusdicuntur; 
genimen  Yero  potest  dici  fœtus  ante- 
quam  effingatur,  fructus  etiam  palma- 
rum  genimina  dicuntur;  raro  autem  in 
animalibus  accipiuntur,  et  semper  in 
malo.  Chrys.  (m  Matth.,  ut  svp.)  Ferunt 
autem  viperam  marem  coeundo  necare, 
cujus  fœtus  excrescens  perimit  matrem, 
et  sic  prodit   in  lucem  scisso  parentis 


utero  in  vindictam  quodammodo  pe- 
rempti  genitoris  ;  itaque  parricida  est 
proies  vipera.  Taies  erant  Judseij  qui 
patres  spirituales  eorum  atque  doctores 
occidebant.  Quid  autem  si  non  invenit 
eos  peccantes,  sed  incipientes  converti? 
Non  debebat  eis  convitiari,  sed  permul- 
cere.  Dicendum  quod  non  adhibebat 
mentem  bis  quse  fiebant  exterius  ;  men- 
tis euim  eorum  arcana  cognoverat  Do- 
mino révélante  :  nimis  enim  se  jacta- 
bant  in  progenitoribus.  Hanc  ergo  radi- 
cem  scindens  nominat  illos  genimina 
viperarum,  non  quidem  vituperans  pa- 
triarcbas,  aut  eos  riperas  nominans. 
Greg.  {hom.  20,  in  Erang.)  Sed  quia 
per  boc  quod  bonis  invident,  eosque 
persequuntur,    patnun  suorum    carna- 


DE   SAINT  LUC.    CHAP.    III. 


159 


les  voies  de  leurs  ancêtres  selon  la  chair,  semblables  à  des  enfants  in- 
fectés du  poison  que  leurs  pères,  remplis  eux-mêmes  de  venin ,  leur 
ont  communiqué  en  leur  donnant  le  jour.  Comme  les  paroles  qui 
précèdent,  se  rapportent  à  la  manifestation  de  Jésus-Christ  en  présence 
de  tous  les  hommes  au  jour  du  jugement  dernier ,  Jean- Baptiste  leur 
dit  :  «  Qui  vous  a  enseigné  à  fuir  la  colère  à  venir  ?  »  La  colère  à 
venir,  ce  sont  les  efifets  de  la  vengeance  du  dernier  jour.  —  S.  Amb. 
Nous  voyons  par  là  que  la  miséricorde  de  Dieu  leur  avait  inspiré  la 
prudence  qui  les  portait  à  se  repentir  de  leurs  péchés  ,  en  redoutant, 
par  une  religieuse  prévoyance,  les  terreurs  du  jugement  dernier.  Ou 
bien  peut-être,  le  saint  Précurseur  veut-il  dire  que,  conformément  à 
ces  paroles  du  Sauveur  :  «  Soyez  prudents  comme  des  serpents,  »  les 
Juifs  ont  cette  prudence  naturelle  qui  fait  voir  et  rechercher  ce  qui 
est  utile,  mais  qui  n'est  pas  assez  puissante  pour  éloigner  entièrement 
de  ce  qui  est  nuisible. 

S.  Grég.  [hom.  20.)  Comme  le  pécheur  qui  ne  recourt  pas  main- 
tenant aux  larmes  de  la  pénitence  ,  ne  pourra  se  dérober  alors  aux 
effets  de  la  colère  de  Dieu ,  Jean-Baptiste  ajoute  :  «  Faites  donc  de 
dignes  fruits  do  pénitence.  »  —  S.  Chrys.  [hom.  10  sur  S.  Matth.)  En 
effet,  il  ne  suffit  pas  aux  pécheurs  repentants  de  renoncer  à  leurs 
péchés,  il  faut  encore  qu'ils  produisent  des  fruits  de  pénitence ,  selon 
cette  parole  du  Psalmiste  :  «  Eloignez-vous  du  mal,  et  faites  le  bien  » 
[Ps.  xxx);  de  même  qu'il  ne  suffit  pas  pour  être  guéri,  d'arracher  le 
fer  de  la  plaie,  mais  il  faut  encore  appliquer  sur  la  blessure  les  mé- 
dicaments qui  doivent  hâter  sa  guérison.  Jean-Baptiste  ne  dit  pas  ici  • 
Faites  du  fruit,  mais  :  «  Faites  des  fruits ,  »  pour  indiquer  qu'elle  en 
doit  être  l'abondance.  — S.  Grég.  [hom.  20.)  Ce  ne  sont  pas  seulement 
des  fruits,  mais  de  dignes  fruits  de  pénitence  qu'ils  doivent  produire. 


lium  vias  sequentes,  quasi  venenati  filii 
de  venenatis  vel  de  veneQcis  parentibus 
nati  sunt.  Quia  vero  supradicta  senten- 
tia  intendit  quod  in  extremo  Clirislus 
examine  ab  oinni  carne  videbitur,  recte 
subdilur:  «  Quis  ostendit  vobis  fupere 
a  Ventura  ira?  »  Ventura  ira  est  ani- 
madversio  ultionis  extremœ.  Ambr.  Os- 
tenditur  aulem  his  Dei  miseratione  in- 
fusa prudentia,  ut  gérant  suorum  pœni- 
tentiam  delictorum,  futuri  terrorem  ju- 
dicii  provida  devolione  nietuenles  :  aut 
fortasse  juxta  quod  scriptum  est  [Mallli., 
10)  :  «  Estole  prudentes  sicut  serpentes,  » 
oslenduntur  iiabere  prudentiam  natura- 
lem^  qui  profutura  videant  et  sponte  de- 


poscant,  sed  adhuc  noxianon  relinquant. 
Greg.  {in  hom. 20,  ut  sa  p.)  Quia  vero 
tune  fugere  ab  ira  Dei  peccalor  non  va- 
let, qui  nunc  ad  lamenta  pœnitentiœ 
non  recurrit,  subditur  :  «  Facite  ergo 
fructus,  »  etc.  Chrys.  [hom.  10,  in 
Matth.)  Non  enim  satis  est  pœnilentibus 
peccata  dimittere,  sed  •  opus  est  ejus 
fructus  ferre,  secundum  illud  {Psal.  33)  : 
«  Déclina  a  malo,  et  fac  bonum,  »  sicut 
non  sufflcit  ad  sanationem  sagitam  evel- 
lere,  sed  oportet  ulceri  niedicamentum 
apponere.  Non  autem  dicit  fructum, 
sed  fructus,  copiam  designans.  Greg. 
[in  hom.  20,utsup.)  Nec  solum  fructus 
pœnitentiœ,  sed  dignos  pœnitenliœ  ad- 


160 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


Celui,  en  effet,  qui  n'a  commis  aucune  action  défendue ,  peut  se  per- 
mettre l'usage  des  choses  licites.  Mais  celui  qui  est  tombé  dans  des 
fautes  graves,  doit  s'interdire  d'autant  plus  rigoureusement  les  choses 
permises,  qu'il  se  souvient  d'en  avoir  commis.de  défendues.  Les  fruits 
des  bonnes  œuvres  ne  doivent  pas  être  les  mêmes  pour  celui  qui  s'est 
rendu  moins  coupable  et  pour  celui  qui  l'est  davantage ,  pour  celui 
qui  n'est  tombé  dans  aucun  crime ,  et  pour  celui  qui  en  a  plusieurs  à 
se  reprocher.  Le  saint  Précurseur  fait  donc  ici  un  appel  à  la  conscience 
de  chacun,  pour  l'engager  à  devenir  d'autant  plus  riche  en  bonnes 
œuvres,  qu'il  a  éprouvé  par  ses  fautes  des  pertes  plus  considérables. 
—  S.  Max.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  Le  fruit  de  la  pénitence ,  c'est  une 
espèce  d'impassibilité  de  l'âme  vis-à-vis  du  mal,  impassibilité  qui  ne 
nous  est  pleinement  acquise  que  lorsque  nous  sommes  insensibles  aux 
instigations  de  nos  passions;  jusque  là,  nous  n'avons  pas  fait  de 
dignes  fruits  de  pénitence.  Que  notre  repentir  soit  donc  sincère,  afin 
que,  délivrés  de  nos  passions  ,  nous  obtenions  le  pardon  de  nos  pé- 
chés. 

S.  Grég.  [hom.  22.)  Mais  les  Juifs ,  fiers  de  la  noblesse  de  leurs  an- 
cêtres, ne  voulaient  point  se  reconnaître  pécheurs ,  parce  qu'ils  des- 
cendaient de  la  race  d'Abraham.  Aussi  Jean-Baptiste  les  pousse  dans 
ce  dernier  retranchement  :  «  Et  ne  vous  mettez  point  à  dire  :  Abraham 
est  notre  père.  »  —  S.  Chrts.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  (1).  Il  ne  leur  con- 
teste pas  qu'ils  descendent  d'Abraham  par  une  filiation  naturelle, 
mais  il  veut  leur  faire  entendre  qu'il  ne  leur  sert  de  rien  de  descendre 
d'Abraham,  s'ils  ne  peuvent  montrer  en  même  temps  la  descendance 
qui  vient  de  la  vertu.  En  effet,  dans  le  style  de  l'Ecriture  ,  les  liens  de 

(1)  Cette  citation  est  tirée  des  homélies  11  et  12  sur  saint  Matthieu  et  de  l'homélie  12  sur  l'E- 
pître  aux  Romains. 


monet  esse  faciendos.  Quisquis  enim 
illicita  nulla  commisit  :  huic  conceditur 
ut  licilis  utatur.  At  si  quis  in  culpam 
lapsus  est,  tanto  a  se  licita  débet  abscin- 
dere,  quanto  œeminit  se  illicita  perpé- 
trasse. Neque  enim  par  fructusesse  boni 
operis  débet  ejus  qui  miuus,  et  ejus  qui 
ampli  us  deliquit  ;  aut  ejus  qui  in  nuUis, 
et  ejus  qui  in  quibusdam  facinoribus 
cecidit.  Per  boc  ergo  cujuslibet  cons- 
cientia  convenitur,  ut  tanto  majora  quae- 
rat  bonorum  operum  lucraper  pœniten- 
tiam,  quanto  graviora  sibi  intulit  damna 
per  culpam.  Maxim,  {in  Cat.  Grœcorum 
Patrum  ex  ascetids.)  Pœnitentiae  fru- 
ctus  est  impassibilitas  animas,  qua  ple- 
narie  non  fruimur,  dum  interdum  pas- 


sionibus  instigamur  :  nondum  enim 
fructus  pœnitentiae  dignos  peregimus, 
Pœniteamus  ergo  veraciter,  ut  a  passio- 
nibus  expediti  peccatorum  veniam  con- 
sequamur. 

Greg.  {in  hom.  22,  in  Evang.)  Sed 
Judœi  de  generis  nobilitate  gloriantes, 
idcirco  se  agnoscere  peccatores  nole- 
bant,  quia  ab  Abrahae  stirpe  descende- 
rant,  quibus  recte  dicitur  :  <<  Et  ne  cœ- 
peritis  dicere  :  Patrem  babemus  Abra- 
ham. »  Chrys.  {in  Cat.  Gi'xconnn.  ubi 
sup.)  Non  hoc  indicans  quod  ab  Abra- 
ham naturali  origine  non  desceuderant, 
sed  quia  eis  nihil  prode<t  ab  Abraham 
descendisse,  nisi  secundum'virtutem  co- 
gnationem  observent.  Cognationis  nam- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    III, 


161 


la  parenté  ne  sont  pas  ceux  qui  sont  formés  par  le  sang  ,  mais  ceux 
qui  viennent  de  la  ressemblance  des  vertus  ou  des  vices,  et  chacun  est 
appelé  le  fils  ou  le  frère  de  ceux  dont  il  reproduit  en  lui  la  ressem- 
blance.—  S.  Ctr.  Que  sert,  en  effet,  d'être  d'une  descendance  illustre, 
si  on  ne  cherche  à  l'appuyer,  à  la  maintenir  par  de  nobles  instincts. 
C'est  donc  une  vanité  que  de  se  glorifier  de  la  noblesse  et  des  vertus 
de  ses  ancêtres,  et  de  ne  prendre  aucun  souci  d'imiter  leurs  vertus.  — 
S.  Bas.  {Ch.  des  Pèr.  gi\)  (1).  Ce  n'est  point  l'agilité  de  son  père  qui 
rend  un  cheval  prompt  à  la  course.  Or,  de  même  que  ce  qui  fait  le 
mérite  de  tous  les  autres  animaux ,  ce  sont  les  qualités  personnelles  ; 
ainsi  ce  qui  rend  un  homme  digne  d'éloges,  ce  sont  les  bonnes  œuvres 
dont  il  peut  donner  la  preuve;  car  il  est  honteux  de  se  parer  de 
la  gloire  d'autrui  ,  quand  on  ne  peut  la  soutenir  par  ses  vertus  per- 
sonnelles. 

S.  Grég.  de  Nysse.  Après  avoir  prédit  l'exil  des  Juifs  et  prophétisé 
leur  réprobation,  il  prédit  comme  une  suite  nécessaire  la  vocation  des 
Gentils,  qu'il  appelle  des  pierres  :  «  Je  vous  déclare,»  etc. — S.Chrys. 
[sur  S.  Matth.)  Il  semble  leur  dire  :  Ne  croyez  pas  que  si  vous  venez 
à  périr,  le  patriarche  Abraham  cessera  d'avoir  des  enfants;  car  Dieu 
peut  susciter  des  hommes  de  ces  pierres  mêmes  ,  et  en  faire  de  véri- 
tables enfants  d'Abraham.  Et  c'est  ce  qu'il  a  fait  autrefois  ;  car  en 
faisant  naître  un  fils  du  sein  stérile  de  Sara,  n'a-t-il  pas  opéré  un  pro- 
dige semblable  à  celui  de  faire  sortir  des  hommes  des  pierres  elles- 
mêmes.  —  S.  Ambr.  Mais  quoique  Dieu  puisse  à  son  gré  changer  et 
transformer  les  natures  créées,  cependant  le  mystère  que  renferme  ces 

(1)  Cette  citation  de  saint  Basile  et  celle  qui  suit  de  saint  Grégoire  de  Nysse,  ne  se  trouvent  que 
dans  la  Chaîne  des  Pères  grecs. 


que  leges  consuevit  ScripUira  vocare, 
non  eas  quae  secundum  naturam  consis- 
tant, sed  quae  derivantur  a  virtute  vel 
vitio.  Quibus  namque  se  quisque  con- 
t'ormem  statuit,  liorum  ûliu-;  vel  fraler 
vûcatur.  Cyril,  (in  Cat.  Gracorum,ubi 
Slip.)  Quid  enim  confert  cariialis  pene- 
rositas,  nisi  consiniilibus  studiis  fulcia- 
tur  ?  Vauura  est  if^itur  extolli  de  bonis 
praecessoribus,  et  deficere  ab  eorum 
virtutibus.  Basil,  (in  Cat.  Grxcomm, 
ubi  sup.)  Neque  enim  equum  velocem 
esse  facit  patris  ergti  curàum  strenuitas  ; 
sed  veluti  caelerorum  aniiualium  probi- 
tas  consideratur  in  singulis,  sic  quoque 
laus  propria  viri  discernitur,  quam  prfe- 
sentiuni  l)onorum  esse  comprobat  ariru- 
meulum  :  lurpe  namque  est  alienis  or- 

TOM.   V. 


nari  decoribus,  quem  virtus  propria  non 
venustat. 

Greg  Nyss.  {in  Cat.  Grœcorum  Pa- 
trum,  ubi  sup.)  Sic  igitur  Judaeorum 
promulgato  exilio  (sive  rejectione  pro- 
pbetata)  consequenter  ingerit  convoca- 
tionem  Gentilium(|uos/fly;«/esappellat  : 
unde  sequitur:  «  Dico  enim  vobis, «etc. 
Chrys.  {hom.  11,  in  Malth.)  Quasi  di- 
cat  :  Ne  putetis  quod  si  vos  perieritis, 
filiis  privetur  patriarcha  :  potest  enim 
Deus  etiam  ex  lapidibus  homines  illi 
praibere,  et  ad  illum  perducere  sangui- 
nem  :  nam  ab  ipso  principio  sic  evenit  : 
ci  namque  quod  est  «  ex  lapidibus  ho- 
mines fieri,  »  aequipollet  exitus  filii  ab 
illo  emortuo  utero  Sarœ.  Ambr.  Sed  li- 
1  cet  Deus  possit  diversas   convertere  et 

11 


462 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


paroles  m'est  plus  avantageux  que  le  miracle  ;  car  qu'étaient-ils  autre 
chose  que  des  pierres  ceux  qui  adoraient  des  idoles  de  pierre ,  sem- 
blables à  ceux  qui  les  avaient  faites  ?  Jean-Baptiste  prophétise  donc 
que  la  foi  pénétrera  les  cœurs  de  pierre  des  Gentils  ,  et  prédit  qu'ils 
deviendront,  par  la  foi,  de  véritables  enfants  d'Abraham.  Pour  nous 
faire  mieux  comprendre  quels  hommes  il  a  comparés  à  des  pierres,  il 
les  compare  encore  à  des  arbres,  dans  les  paroles  suivantes  :  «  La 
cognée  est  déjà  à  la  racine  de  l'arbre.  »  Il  change  de  comparaison 
pour  vous  faire  comprendre  par  cette  allégorie  déjà  plus  relevée, 
qu'il  s'est  fait  dans  l'homme  un  certain  progrès  qui  les  approche  du 
bien. 

Okig.  (Jiom.  23.)  Si  la  consommation  de  toutes  choses  était  proche, 
si  nous  touchions  à  la  fin  des  temps ,  il  n'y  aurait  pour  moi  aucune 
difficulté,  et  je  dirais  tout  simplement  que  cette  prophétie  doit  rece- 
voir alors  son  accomplissement.  Mais  puisqu'il  s'est  écoulé  tant  de 
siècles  depuis  cette  prédiction  de  l'Esprit  saint;  je  pense  que  cette 
prophétie  s'adresse  au  peuple  juif,  à  qui  Jean-Baptiste  prédit  sa  des- 
truction prochaine;  car  c'est  à  ceux  qui  venaient  à  lui  pour  être 
baptisés  qu'il  tenait  ce  langage.  —  S.  Cyr.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  Cette 
cognée  qui  doit  les  frapper  dans  le  temps  présent ,  c'est  la  vengeance 
exterminatrice  qui  vint  fondre  sur  les  Juifs  du  haut  du  ciel,  pour  pu- 
nir l'attentat  impie  et  sacrilège  qu'ils  commirent  sur  la  personne  de 
Jésus-Christ.  Il  ne  dit  point  cependant  que  la  cognée  va  trancher  la 
racine,  mais  qu'elle  a  été  mise  "à  la  racine  de  l'arbre,  (c'est-à-dire 
auprès  de  la  racine),  car  les  branches  ont  été  retranchées  sans  que 
l'arbre  ait  été  détruit  jusque  dans  sa  racine,  parce  que  les  restes  du 
peuple  d'Israël  doivent  être  sauvés. 


mutare  naturas,  tamen  milii  plus  myste- 
rium  quam  miraculum  prodest  :  quid 
enim  aliud  quam  lapides  babebantur, 
qui  lapidibus  serviebanl  ?  similes  utique 
bis  qui  feceraut  eos.  Propbetatur  igitur 
saxosis  Gentilium  fides  infundenda  pec- 
toribus,  et  futures  per  fidem  Abrahae 
fibos  oraculo  poUicentur.  Ut  autem  scias 
qui  lapidibus  comparât!  suut  bomines, 
arboribus  quoc[ue  bomiues  comparavit, 
cum  subdit  :  «  Jam  enim  securis  posita 
est  ad  radicem  arboris.  »  Exempli  au- 
tem ideo  facta  est  mutatio,  ut  illo  com- 
parationis  processu  quidam  intelUgatur 
hominis  clementior  jam  profectus. 

Orig.  (/joî«.  23.)  Et  quidem  si  jam 
ingrueret  consummatio,  et  temporum 
finis  inslaret,  nuUa  mihi  quaestio  nasce- 


retur  :  dicerem  enim  propterea  hoc  pro- 
phetatum  esse,  quia  illo  tempore  com- 
plebitur.  Cum  autem  tanta  post  secula 
fluxerint  quo  Spiritus  sanctus  hoc  dixit, 
ego  puto  israelitico  populo  prophetari 
quod  prœcisio  ejus  viciua  sit.  His  enim 
qui  egrediebanlur  ad  eum,  ut  baptiza- 
rentur,  beec  inter  caetera  loquebatur. 
Cyril,  [in  Cat.  Grœconan  Patrum,  tibi 
Slip.)  Securim  ergo  in  prœsenti  nomi- 
nat  mortiferam  iram,  quae  divinitus  ir- 
ruit  in  Judseos  propter  exercitam  impie- 
tatem  in  Cbristum  ;  non  tamen  haesisse 
radici  securim  pronuntiat  ;  sed  ad  ra- 
dicem (id  est,  juxta  radicem)  positam  : 
decisi  namque  fuerunt  rami,  nec  radici- 
tus  extirpata  est  planta  ;  rebquiae  enim 
Israël  salvee  fient. 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    III.  163 

S.  Grég.  {hom.  20.)  Ou  bien  dans  un  autre  sens,  cet  arbre  c'est  le 
genre  humain  tout  entier.  La  cognée  ,  c'est  notre  Rédempteur,  que 
l'on  peut  tenir  par  l'humanité  dont  il  s'est  revêtu,  et  qui  est  comme  le 
manche  de  la  cognée,  mais  qui  tient  de  la  divinité  la  vertu  de  couper 
et  de  retrancher.  Cette  cognée  est  déjà  mise  à  la  racine  de  l'arbre;  car 
bien  qu'elle  attende  avec  longanimité ,  on  voit  cependant  le  coup 
qu'elle  s'apprête  à  frapper.  Et  remarquez  qu'il  ne  dit  point  :  La 
cognée  est  déjà  placée  sur  les  branches ,  mais  :  «  A  la  racine.  »  En 
effet,  lorsque  les  enfants  des  méchants  sont  détruits,  ce  sont  les  branches 
de  l'arbre  stérile  qui  sont  retranchées.  Mais  lorsque  toute  la  race  des 
méchants  est  exterminée  avec  son  père ,  c'est  l'arbre  infructueux  qui 
est  coupé  jusque  dans  sa  racine.  Or_,  tout  homme  vicieux  et  criminel 
doit  s'attendre  à  être  jeté  dans  le  feu  de  l'enfer  qui  lui  a  été  préparé 
pour  punir  sa  négligence  à  produire  le  fruit  des  bonnes  œuvres.  — 
S.  Chrys.  {Ch.  des  Pèr.  g7\)  (I).  Le  saint  Précurseur  dit  judicieuse- 
ment :  «  Qui  ne  fait  point  de  fruit,  et  même  de  bon  fruit  ;  »  car  Dieu 
a  créé  l'homme  pour  travailler  et  pour  produire,  et  l'application  per- 
sévérante au  travail  lui  est  naturelle  ,  tandis  que  l'oisiveté  est  contre 
sa  nature.  En  effet,  l'inaction  est  nuisible  à  tous  les  membres  de  son 
corps,  mais  bien  plus  encore  à  son  àme,  qui,  étant  essentiellement  ac- 
tive, ne  peut  rester  un  instant  dans  l'oisiveté.  Mais  de  même  que  l'oi- 
siveté est  funeste,  le  mouvement  et  le  travail  ont  aussi  leur  danger 
(lorsqu'ils  servent  au  mal.)  Après  avoir  exhorté  à  faire  pénitence  ,  il 
annonce  que  la  cognée  est  à  la  racine ,  non  encore  pour  couper  et 
pour  retrancher,  mais  pour  menacer  et  inspirer  une  salutaire  terreur. 

(1)  Cette  citation  de  saint  Chrysostome  est  empruntée  tout  à  la  fois  à  l'homélie  11  sur  saint  Mat- 
thieu et  à  l'homélie  3b  sur  les  Actes. 


Greg.  {in  homil.  20,  in  Evawj.)  Vel 
aliter  :  arborhujus  mundi  est  universum 
genus  humanuai.  Secnris  vero  est  Re- 
demptor  noster,  qui  velut  ex  manubrio 
et  ferro  tenetur  ex  huuianitate,  sed  in- 
cidit  ex  Uivinitate.  Quœ  viddicet  securis 
jamad  radicem  arboris  posita  est  :  quia 
etsi  per  patienliam  exspeclat,  videtur 
tamen  quid  factura  est.  El  iiotandumest 
quod,  nonjuxta  ramos  securiui  positam, 
scd  ad  radicem  dicit  :  cuni  cnini  malo- 
ruui  fîlii  tollunlur,  quid  aliud  quamrami 
infructuosa;  arboris  abscinduntur?  Cuin 
vero  tûla  simul  progenics  cum  parente 
toilitur,  infructuosa  arbor  a  radice  ab- 
scissa  est.  L'nusquisque  autem  perversus 
paratam  citius  gehennae  concrematio- 
ûem    inveuil,  quia  facere  fructum  boni 


operis  contemnit  :  unde  sequitur  :  «  Om- 
nis  ergo,  »  etc.  Chrys.  (in  Cat.  Grœco- 
rum  Patrum,  iibi  sup.)  Elegantur  dic- 
tum  est  :  «  Non  facieus  fructum,  »  et 
adjicitur^  bonum,  officiosum  eniin  hoc 
animal  Deus  creavit,  et  naturalis  est  ilU 
oxercitiorum  instantia;  (sive  naturale 
illi  est  operari),  olium  vero  innaturale  : 
obest  enim  inertia  eliam  ciinctis  corpo- 
ris  membris;  nulli  autem  ut  auimiB  :  ea 
namque  cum  continuo  sit  naluraliter 
mobilis,  otiari  non  patitur.  Sicut  autem 
otium  malum  est,  ita  indecens  exercllium 
(quandoscilicet  mala  fiunt),  ex  eo  autem 
quod  prœmisit  pœnitentiam,  pru;dicat 
quod  securis  adjacet  ;  non  quidem  inci- 
dens  (vel  exsecans)  ,  sed  solummodo 
terrorem    incutiens    (vel    comminans.) 


164 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 


—  S.  Ambr.  Que  celui  donc  qui  le  peut,  produise  des  fruits  de  grâce; 
que  celui  pour  qui  c'est  un  devoir  rigoureux ,  fasse  des  fruits  de  pé- 
nitence; voici  le  Seigneur  qui  vient  chercher  des  fruits,  et  donner  la 
vie  à  ceux  qui  produisent  des  fruits  abondants,  et  condamner  ceux  qui 
sont  stériles. 

f.  10-14.  Et  le  peuple  lui  demandait  :  Que  ferons-nous  donc?  Il  leur  répondit  : 
Que  celui  qui  a  deux  tuniques  en  donne  une  à  celui  qui  n'en  a  point,  et  que 
celui  qui  a  de  quoi  manger  fasse  de  même.  Des  puhlicains  vinrent  aussi  pour 
être  baptisés,  et  lui  demandèrent  :  Maître  que  ferons-nous.  Il  leur  répondit  : 
N'exigez  rien  au  delà  de  ce  qui  vous  a  été  ordonné.  Et  des  soldats  aussi  vinrent 
l'interroger,  disant  :  Et  nous  que  devons-nous  faire?  Il  leur  répondit  :  N'usez 
de  violence  ni  de  fraude  envers  personne,  et  contentez-vous  de  votre  p>aye. 

S.  Grég.  {ho7n.  20.)  Ces  paroles  de  Jean-Baptiste  prouvent  qu'il 
avait  fait  naître  un  trouble  salutaire  dans  l'âme  de  ses  auditeurs, 
puisqu'ils  viennent  lui  demander  ce  qu'ils  doivent  faire  :  «  Et  la  foule 
l'interrogeait,  »  etc.  —  Orig.  {hom.  23.)  Trois  sortes  d'hommes 
viennent  demander  à  Jean  ce  qu'ils  doivent  faire  pour  être  sauvés; 
les  uns  que  l'Ecriture  appelle  le  peuple  ou  la  foule,  les  autres  qui  sont 
les  puhlicains,  et  les  troisièmes  qu'elle  comprend  sous  le  nom  de  sol- 
dats. —  Théophyl.  Or,  il  recommande  aux  puhlicains  et  aux  soldats 
de  s'abstenir  de  tout  mal,  mais  quant  au  peuple,  qu'il  regarde  comme 
moins  enclin  au  mal,  il  prescrit  la  pratique  des  bonnes  œuvres  :  «  Il 
leur  répondit  :  Que  celui  qui  a  deux  tuniques  en  donne  une  à  celui 
qui  n'en  a  point,  »  etc.  —  S.  Grég.  {hom.  20.)  La  tunique  est  d'un 
usage  plus  nécessaire  que  le  manteau  ;  aussi  un  des  fruits  principaux 
de  la  pénitence  est  de  nous  faire  partager  avec  le  prochain  non-seule- 


Ambr.  Faciat  ergo  fructum  qui  potest 
gratiae  ;  qui  débet,  pœnitentise  :  adest 
Dominus  qui  fructum  requirat,  fecundos 
vivificet,  stériles  reprehendat. 

Et  interrogabant  eum  turbœ,  dicentes  :  Quid  ergo 
faciemus  ?  Respondens  autem  dicebat  illis  : 
Qui  habet  duas  tunicas,  det  non  habenti,  et  qui 
habet  escas ,  simililer  faciat.  Venerunt  autem 
et  publicani ,  ut  baptizarentur,  et  dixerunt  ad 
illum  :  Magister,  quid  faciemus  ?  At  ille  dixit 
ad  eos  :  Nihil  amplius  quam  qttnd  constitutum 
est  vobis  faciatis.  Interrogabant  autem  eum  et 
milites,  dicentes  :  Quid  faciemus  et  nos  ?  Et 
ait  illis  :  Neminem  concutialis ,  neque  calum- 
niam  faciatis,  et  contenti  estote  stipendiis  ves- 
tris. 

Greg.   {in   hom.    20,    in  Evang.)  In 
praemissis  verbis  Baptistae  Joannis  cons- 


tat, quod  audientium  corda  turbata  sunt, 
quse  consilium  quaerebant,  eum  subinfer- 
tur  :  «  Et  interrogabant  eum,  »  etc.  Orig. 
[hom.  23.)  Très  ordines  inducuntur 
sciscitantium  Joannem  super  sainte  sua: 
unus  quem  Scriptura  appellat  twbas  ; 
alius  quem  pnblicanos  nominat;  tertius 
qui  militum  appellatione  censetur.  Théo- 
phyl. Et  quidem  publicauis  et  militibus 
a  malo  absUnere  praecipit.  Turbis  autem 
quasi  non  malitiosis  existentibus  bonum 
aliquod  prœcipit  operari  :  unde  sequi- 
tur  :  «  Respondens  autem  dicebat  illis  : 
Qui  habet  duas  timicas,  det  unam,  »  etc. 
Greg.  [in  liomil.  20,  ut  svp.)  Propter 
hoc  quod  tunica  plus  est  necessariausui 
nostro  quam  pallium,  ad  fructum  di- 
guum  pœnitentiae  pertinet  ut  non  solnm 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    ÎII.  165 

ment  les  choses  extérieures  plus  ou  moins  utiles,  mais  celles  qui  nous 
sont  le  plus  nécessaires,  comme  la  tunique  dont  nous  sommes  vêtus, 
les  aliments  qui  soutiennent  notre  existence  :  «  Et  que  celui  qui  a  de 
quoi  manger  fasse  de  même,  »  —  S.  Bas.  {Ch.  des  Pèr.  fjr.)  (1)  Nous 
apprenons  de  là  l'obligation  où  nous  sommes  de  donner  pour  Dieu 
tout  notre  superflu  à  ceux  qui  sont  dans  l'indigence,  parce  que  c'est 
Dieu  qui  nous  a  donné  tout  ce  que  nous  possédons. 

S.  Grég.  [hom.  20.)  Il  est  écrit  dans  la  loi  :  «  Vous  aimerez  votre 
prochain  comme  vous-même.  »  Donc  on  n'aime  pas  son  prochain, 
quand  on  ne  partage  pas  même  son  nécessaire  avec  celui  qui  se  trouve 
dans  l'extrême  besoin.  Il  est  commandé  de  partager  avec  le  prochain 
une  des  deux  tuniques  que  l'on  possède,  car  si  on  n'en  avait  qu'une 
à  partager,  elle  ne  pourrait  servir  de  vêtement  à  aucun  des  deux. 
Nous  pouvons  juger  par  toutes  ces  recommandations,  de  quel  prix 
sont  les  œuvres  de  miséricorde,  puisqu'elles  tiennent  le  premier  rang 
parmi  les  dignes  fruits  de  pénitence.  —  S.Ambr.  Chaque  condition  a  ses 
devoirs  particuliers,  la  pratique  de  la  miséricorde  est  un  devoir  commun 
à  tous  les  hommes,  et  c'est  pour  tous  les  hommes  une  obligation  rigou- 
reuse de  donner  à  celui  qui  est  dans  l'indigence.  La  miséricorde  com- 
prend pour  ainsi  dire  toutes  les  vertus  ;  cependant  la  pratique  de  la 
miséricorde  a  ses  règles,  et  doit  se  mesurer  sur  les  moyens  et  les  res- 
sources de  chacun,  elle  n'oblige  pas  à  se  dépouiller  entièrement  de  ce 
qu'on  possède,  mais  à  le  partager  avec  celui  qui  n'a  rien. 

Orig.  (^om.  23.)  Ce  passage  renferme  un  sens  plus  profond  :  en  eflfet, 
de  même  que  nous  ne  pouvons  servir  deux  maîtres,  de  même  nous  ne 

(1)  Ce  passage  se  trouve  équivalemment  dans  les  homélies  sur  l'avarice  contre  ceux  qui  veulent 
s'enrichir,  et  dans  l'homélie^pour  un  temps  de  sécheresse  et  de  famine. 


exteriora  quaecunque,  sed  ipsa  nobis 
valde  necessaria  dividere  cum  proximis 
debeainus  ;  scilicet  vel  tunicam,  qua 
vestimur  ;  vel  escam,  quacarnaliter  vi- 
vimus  :  unde  sequitur  :  «  Et  qui  habet 
escas,  siiniliter  faciat.  »  Basil,  [in  Cat. 
Grœconim  Patrum,  ubi  sup.)  Hinc  au- 
tem  doceinur  quod  ex  onini  eo  quod 
affluit  supra  proprii  victus  neccssitatem, 
tenemur  erogare  illi  qui  non  habet,  pro- 
pler  Ueum,  quia  quœcunque  possidemus, 
largitus  est. 

Greg.  (in  hom.  20,  in  Evang.)  Quia 
enim  in  lepu  scriptum  est  :  «  Diliges 
proxiniuni  tum  sicut  te  ipsum,  »  minus 
proxiiuum  araare  convincitur,  qui  non 
cum  eo  in  nécessitât^  illius,  etiam  ea 
qucP  sunt  sibi  necessaria,  partitur  :  id- 


circo  de  dividendis  cum  proximo  dua- 
bus  tunicis  datur  praeceptum  ;  quoniam 
si  una  dividitur,  nemo  vestitur.  Inter 
hœc  aiitem  scienduin  est  quantum  mi- 
sericordice  opéra  valeant,  cum  ad  fructus 
dignos  pœnitentiœ  ipsa  pree  cœterisprae- 
cipiuritur.  Ambr.  Alla  enim  officiorum 
praîcepta  propria  sunt  singulorum,  mi- 
sericordia  communis  est  usus  :  ideo 
commune  preeceptum  est  omnibus,  ut 
conférant  non  habenti.  Misericordia  est 
pienitudo  virtutum  ;  raisericordiae  ta- 
men  ipsius  pro  possibilitate  conditionis 
liumanfp  mensura  servatur,  ut  non  sibi 
unusquisque  totum  eripiat,  sed  quod 
habet,  cum  paupere  partiatur. 

Orig.  (hom.  23.)  Profundiorem  autem 
locus  iste  recipit  intellectum  :  qunmodo 


166 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILR 


devons  pas  avoir  deux  tuniques,  dont  l'une  serait  le  vêtement  du  vieil 
homme,  et  l'autre  le  vêtement  de  l'homme  nouveau.  Nous  devons  au 
contraire  dépouiller  le  vieil  homme  et  revêtir  celui  qui  est  nu,  car  l'un 
a  Dieu  dans  son  cœur,  et  l'autre  en  est  privé.  Il  est  écrit  que  nous  de- 
vons précipiter  nos  péchés  au  fond  de  la  mer;  nous  devons  également 
repousser  loin  de  nous  nos  fautes  et  nos  vices,  et  les  rejeter  pour  ainsi 
dire  sur  celui  qui  en  a  été  pour  nous  la  cause.  —  Théophyl.  Il  en  est 
qui  voient  dans  ces  deux  tuniques  l'esprit  et  la  lettre  de  l'Ecriture. 
Jean  recommande  à  celui  qin  possède  l'un  et  l'autre,  d'instruire  les 
ignorants  et  de  leur  enseigner  au  moins  la  lettre  de  la  sainte  Ecriture. 

BEDE.  La  puissance  de  la  parole  de  Jean-Baptiste  était  si  grande, 
qu'elle  forçait  les  publicains  et  les  soldats  eux-mêmes  à  venir  lui  de- 
mander ce  qu'ils  devaient  faire  pour  être  sauvés  :  «  Des  publicains 
vinrent  aussi,  »  etc.  —  S.  Chrys.  {hom.  24  ou  25.)  Qu'elle  est  grande 
la  puissance  de  la  vertu,  puisqu'elle  amène  les  riches  du  monde  à 
venir  demander  à  celui. qui  n'a  rien  le  chemin  du  vrai  bonheur  ?  — 
BEDE.  Le  saint  Précurseur  leur  recommande  de  n'exiger  rien  au  delà 
de  ce  qui  leur  est  prescrit  :  «  Il  leur  dit  :  N'exigez  rien  de  plus  de  ce 
qui  vous  a  été  prescrit.  »  On  appelait  publicains  ceux  qui  levaient  les 
impôts,  qui  avaient  la  charge  de  collecteurs  des  contributions  ou  des 
revenus  publics,  et  on  donnait  ce  nom  par  extension  à  ceux  qui  cher- 
chaient à  augmenter  leurs  richesses  par  le  négoce  et  les  affaires. 
Jean-Baptiste  leur  fait  à  tous  un  précepte  de  s'abstenir  de  toute 
fraude,  et  en  réprimant  ainsi  tout  désir  de  s'emparer  du  bien  d'au- 
trui,  il  les  amène  à  partager  leurs  propres  biens  avec  le  prochain  : 
«  Et  des  soldats  vinrent  aussi  l'interroger,  »  etc.  Il  leur  donne  cette 


enim  non  debemus  duobus  servire  do- 
minis,  sic  nec  duas  habere  tiinicas  :  ne 
sit  unum  indumentum  veteris  bominis, 
et  alterum  novi  ;  sed  debemus  nos  exuere 
veterem  bominem,  et  ei  dare  qui  nudus 
est  :  alius  enim  babet  Deum,  alius  vero 
omnino  non  babet  :  et  quomodo  scri- 
ptum  estj  ut  in  profundum  maris  praeci- 
pitemus  nostra  delicta,  sic  projici  a  no- 
bis  oportet  vitia  atque  peccata,  et  jacere 
super  eum  quieorum  nobis  causa  extitit. 
Thophyl.  Quidam  autem  tunicas  duas 
esse  dixit,  spiritum  Scripturfe,  et  Utte- 
ram  ;  liabentem  vero  duo  liaic  monet 
Joaune-,  ut  instruat  ignorantem,  et  det 
ei  ad  minus  litteram. 

Beda.  Quautam  autem  BapHstse  sei'mo 
virlutem  habuerit,  liinc  probalur,  cum 
et  pubiicanos  et  milites  ad  consilium 
salutissuee  coegerit  inquireudum  :  unde 


sequitur  :  «  Venerunt  autem  et  publi- 
cani,  »  etc.  Chrys.  [hom.  24  vel  25.) 
Magna  est  virtutis  fortitudo,  dum  felici- 
tatis  viam  requirunt  ab  indigo  locuple- 
tes.  Bed.  Prcecipit  ergo  eis  ne  ultra  pree- 
scriptum  exigant.  Unde  sequitur  :  «  Et 
ille  dixit  ad  eos  :  Nibil  amplius  quam  quod 
vobis  constitutum  est,  faciatis,  »  Publicani 
vero  appellantur  hi  qui  vectigalia  publica 
exigunt,  qui  sive  conductores  sunt  vec- 
tigalium  fisci,  vel  rerum  publicarum, 
nec  non  et  bi  qui  seculi  bujus  lucra  per 
uegotia  sectantur,  eodem  vocabulo  cen- 
sentur  :  quos  omnes  pariter  in  suo 
quemque  gradu  ab  agenda  fraude  coer- 
cet,  ut  dum  primo  se  ab  aliorum  tem- 
perarent  appetitu,  tandem  ad  propria 
cum  proximis  communicanda  pertiuge- 
reut.  Sequitur  :  «  Interrogabant  autem 
eum  et  milites,  »  etc.  Justissimo  autem 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.    III. 


167 


règle  de  juste  et  sage  modération,  de  ne  dépouiller  jamais  injustement 
ceux  qu'ils  doivent  défendre  et  protéger  par  état  :  «  Et  il  leur  dit  : 
Abstenez-vous  de  toute  concussion  (ou  de  toute  violence),  ne  commet- 
tez aucune  injustice  (par  des  voies  frauduleuses),  et  contentez-vous  de 
votre  paie.  —  S.  Ambr.  Il  enseigne  par  là  que  la  milice  reçoit  une 
paie  légalement  établie,  de  peur  qu'en  laissant  aux  soldats  de  pour- 
voir à  leur  subsistance ,  on  n'ouvre  ainsi  la  porte  au  pillage.  — 
S.  Grég.  de  Naz.  [Disc.  9  contr.  Jul.)  Il  donne  ici  le  nom  de  paie  à 
la  solde  impériale  et  au  traitement  assigné  par  la  loi  à  ceux  qui  étaient 
en  place.  —  S.  Aug.-  {contr.  Faust.,  liv.  xxii ,  ch.  7.)  Jean-Bap- 
tiste savait  que  les  soldats,  lorsqu'ils  font  la  guerre,  ne  sont  pas  des 
homicides,  mais  les  exécuteurs  de  la  loi,  qu'ils  ne  sont  point  les  ven- 
geurs des  injures  particulières,  mais  les  défenseurs  du  salut  public. 
Autrement  il  leur  eût  répondu  :  Dépouillez-vous  de  vos  armes,  et 
quittez  le  service  militaire,  ne  frappez,  ne  blessez,  ne  tuez  personne. 
Qu'y  a-t-il  en  effet  de  coupable  dans  la  guerre?  Est-ce  de  donner  la 
mort  aux  uns  pour  laisser  les  autres  régner  en  paix  après  la  vic- 
toire? Condamner  la  guerre  à  ce  point  de  vue  n'est  point  un  acte  de 
religion,  mais  de  lâcheté.  Ce  qui  est  justement  condamné  dans  les 
guerres,  c'est  le  désir  de  nuire,  c'est  la  cruauté  dans  la  vengeance, 
c'est  d'avoir  une  âme  impitoyale,  implacable,  c'est  la  férocité  dans  le 
combat,  c'est  la  fureur  de  dominer  et  autres  excès  semblables.  Or  c'est 
pour  punir  ces  excès  ou  les  violences  de  ceux  qui  se  révoltent,  soit 
contre  Dieu,  soit  contre  le  commandement  d'une  autorité  légitime, 
que  les  bons  eux-mêmes  font  la  guerre,  lorsqu'ils  se  trouvent  dans 
des  circonstances  telles  que  l'ordre  et  la  justice  leur  font  un  devoir  ou 
de  commander  de  prendre  les  armes,  ou  d'obéir  à  ce  commandement. 


moderamiDe  praemonet,  ne  ab  ois  calum- 
niaudo  prœdam  requiraut,  quibus  ini- 
litando  prodesse  debuerant  :  unde  se- 
quilur  :  «  Et  ait  illis  :  Noiniuem  concu- 
lialis  (scilicet  per  violeiitiain),  neque 
cabimniam  faciatis  (scilicet  per  fraudu- 
lentam  malitiam),  et  contenti  estote  sti- 
pendiis  vestris.  »  Ambr.  Docens  idcireo 
stipendia  militiae  coustituta,  ne  dum 
sumptus  quœritur,  prfedo  grassetur. 
Greo.  Nazian.  [Orat.  9,  in  Julianum.) 
Stipendium  enim  appellat  imperialem 
provi3ionem,et  deputataper  legem  digni- 
lalibus  munern.  Aug.  (contra  Foustum, 
lib.  XXII,  cap.  7.)  Sciebat  enim  eos  curn 
militarent,  non  esse  honiicidas,  sed  nii- 
nistros  legis,  et  non  ultores  injuriarum, 
sed  salutis  publicae  defensores.  Alioquin 
responderet  :  «  Arma  abjicite,  militiam 


istain  deserite,  neminem  percutite,  vul- 
uerate,  prosternite.  »  Qnïd  enim  culpa- 
tur  in  bello  ?  an  qnia  moriuntur  quan- 
doque  morituri,  ut  doniinentur  in  pace 
victuri?  hoc  reprehendere  timidorum 
est,  non  religiosorum  :  nocendi  cupidi- 
tas,  ulciscendi  crudelilas ,  impiacatus 
atque  impiacabilis  animus,  feritas  re- 
bellandi,  libido  dominandi  (et  si  quae 
talia),  hœc  sunt  quœ  in  bellis  jure 
culpantur  :  quae  plerumque  ut  etiam 
inde  puniantur,  adversus  violentiam  re- 
sislenLium  (sive  Deo,  sive  aliquo  lé- 
gitime imperio  jubente);  gerenda  ipsa 
bella  suscipiuntur  a  bonis ,  cum  in 
eo  rcrum  humanarura  ordine  inveniun- 
tur,  ubi  eos  vel  jubere  taie  aliquid,  vel 
in  talibus  obedire  juste  ipse  ordo  con- 
stringit. 


168 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


S.  Chrys.  {hom.  25  sur  S.  Matth.)  En  traçant  ces  règles  si  simples 
de  conduite  aux  publicains  et  aux  soldats,  Jean-Baptiste  voulait  les 
élever  à  une  perfection  plus  grande,  mais  comme  ils  n'en  étaient  pas 
encore  capables,  il  leur  donne  des  préceptes  plus  faciles,  car  s'il  leur 
avait  proposé  tout  d'abord  les  obligations  d'une  vie  plus  parfaite,  ils 
n'y  auraient  donné  aucune  attention,  et  seraient  demeurés  privés  de 
la  connaissance  des  devoirs  plus  ordinaires  et  plus  faciles. 

y.  15-n.  —  Or,  comme  le  peuple  était  dans  une  grande  suspension  d'esprit,  et 
que  tout  pensaient  en  eux-mêmes  que  Jean  pourrait  bien  être  le  Christ,  Jean 
leur  dit  à  tous  :  Pour  moi,  je  vous  baptise  dans  l'eau,  mais  il  en  viendra  un 
autre  plus  puissant  que  moi,  et  dont  je  ne  suis  pas  digne  de  délier  les  courroies 
de  la  chaussure.  C'est  lui  qui  vous  baptisera  dans  le  Saint-Esprit  et  dans  le 
feu.  Son  van  est  en  sa  main,  et  il  nettoiera  son  aire,  puis  il  amassera  le  blé 
dans  son  grenier,  et  il  brûlera  la  paille  dans  un  feu  qui  ne  s'éteindra  jamais. 

Orig.  {hom.  23.)  Il  était  juste  que  Jean  fût  environné  de  plus  d'hon- 
neurs que  les  autres  hommes,  lui  dont  la  vie  était  plus  parfaite  que 
celle  de  tous  les  autres  mortels.  Aussi  les  Juifs  avaient-ils  pour  lui  une 
bien  légitime  prédilection,  mais  qui  cependant  était  par  trop  exagé- 
rée :  «  Or,  comme  tout  le  peuple  flottait  dans  ses  pensées,  et  que  tous 
se  demandaient  dans  leurs  cœurs  s'il  ne  serait  pas  le  Christ.  »  — 
—  S.  Ambr.  Quoi  de  plus  insensé  que  de  refuser  de  croire,  lorsqu'il 
vint  lui-même  en  personne,  celui  qu'ils  voulaient  reconnaître  dans  la 
personne  d'un  autre?  Ils  pensaient  que  le  Messie  devait  naître  d'une 
femme,  et  ils  ne  veulent  pas  croire  qu'il  ait  pu  naître  d'une  Vierge, 
et  cependant  le  signe  que  Dieu  avait  donné  de  l'avènement  du  Sau- 
veur, c'était  l'enfantement  d'une  Vierge  et  non  celui  d'une  femme. 

Orig.  {hom.  25.)  L'affection  a  ses  périls,  si  elle  franchit  les  justes 


Chrys.  [super  Matth.  ubi  sup.)  Vole- 
bat  autem  Joannes,  quando  publicauis  et 
militibus  loquebatur,  ad  aliain  majorem 
philosophiam  ipsos  traducere  ;  sed  quo- 
niam  nondiim  erant  ad  illam  idonei, 
minora  reserat  :  ne  si  potiora  proferreL 
nequaquam  illis  inteaderent,  et  bis  etiam 
privarentur. 

Existimnnte  autem  populo,  et  cogilantibus  om- 
nibus in  cordibus  suis  de  Joanne ,  ne  forte  ipse 
esset  Christus,  respondit  Joannes ,  dicens  om- 
nibus :  Ego  quidem  aqua  baptizo  vos  ;  venit 
autem  fortior  mepost  me,  cujus  non  sum  dig- 
nus  solvere  corrigiam  calceamentorum  ejus  ; 
ipse  vos  baptizabit  in  Spiritu  sancto  et  igni  : 
cujus  ventilabrum  in  manu  ejus,  et  purgabit 
aream  suant,  et  congregabit  triticum  in  hor- 


reum  suum  ;  paleas  autem  comburet  igni  inex- 
linguibili. 

Orig.  (hom.  23.)  Dignum  erat  ut  plus 
Joanni  quam  caeteris  bominibus  deferre- 
tur,  qui  aliter  quam  cuncti  mortales 
vixerat  :  quam  ob  causam  diligebaat 
quidem  eum  justissime  ;  sed  non  serva- 
bant  in  charitate  modum  :  unde  dicitur  : 
«  Existimante  autem  populo  ne  forte 
esset,  »  etc.  Ambr.  Quid  autem  ineptius 
quam  quod  is  qui  in  alio  œstimatur,  in 
seipso  esse  non  creditur?  Quem  per 
niulierem  venturum  putabant,  per  vir- 
ginem  venisse  non  credunt  ;  et  utique 
divini  adveutus  signumin  virginis  partu, 
non  in  raulieris  constitutum  est. 

Orig.  {hom.  25.)   Habet  autem  péri- 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.    III.  469 

bornes.  Quand  on  aime  quelqu'un,  on  doit  considérer  attentivement 
la  nature  et  les  motifs  de  son  affection,  et  la  proportionner  au  mérite 
de  celui  qu'on  aime,  car  si  Ton  dépasse  la  mesure  et  les  limites  de  la 
charité,  celui  qui  aime  comme  celui  qui  est  aimé  se  rendent  cou- 
pables. —  Ch.  des  Pèr.  gr.  Aussi  Jean  ne  pensa  pas  à  se  glorifier  de 
Topinicn  que  tous  avaient  de  lui,  et  ne  parut  jamais  désirer  d'être  le 
premier;  loin  de  là,  il  fit  toujours  profession  de  l'humilité  la  plus  pro- 
fonde :  «  Mais  Jean  répondit,  »  etc.  —  Bède.  Comment  put-il  ré- 
pondre à  ceux  qui  pensaient  dans  leurs  cœurs  qu'il  pouvait  être  le 
Christ?  C'est  que  non-seulement  telle  était  leur  pensée,  mais  qu'ils 
lui  avaient  député  des  prêtres  et  des  lévites  pour  lui  demander  s'il 
était  le  Christ,  comme  le  raconte  un  autre  Evangéliste. 

S.  Ajibr.  Ou  bien,  c'est  que  Jean  lisait  dans  le  secret  des  cœurs, 
mais  considérez  de  qui  lui  venait  cette  prérogative,  car  la  grâce  de 
Dieu  seule  peut  révéler  ce  qu'il  y  a  de  plus  caché  dans  le  fond  des 
cœurs^  et  non  la  puissance  de  l'homme  qui  reçoit  bien  plus  de  lumières 
du  secours  d'en  haut,  que  de  ses  facultés  naturelles.  Or,  il  répondit 
aussitôt  et  sans  hésiter  qu'il  n'était  pas  le  Christ,  lui  qui  n'exerçait 
qu'un  ministère  extérieur  et  visible.  L'homme,  en  effet,  est  un  com- 
posé de  deux  natures,  c'est-à-dire,  de  l'àme  et  du  corps;  la  partie 
visible  est  consacrée  par  une  action  visible,  la  partie  invisible  reçoit 
une  consécration  intérieure  et  invisible.  Ainsi  l'eau  lave  le  corps  et  le 
purifie,  mais  l'Esprit  purifie  l'àme  de  ses  fautes,  quoique  l'éau  elle- 
même  soit  comme  pénétrée  du  souffle  de  la  grâce  divine.  Le  baptême 
de  la  pénitence  est  donc  différent  du  baptême  de  la  grâce,  celui-ci 
opère  par  ces  deux  choses  réunies,  l'eau  et  l'Esprit;  celui-là  par  l'eau 
seulement  :  l'œuvre  de  l'homme  c'est  de  faire  pénitence  de  ses  fautes, 


culum  dilectio ,  si  modum  transeat  : 
débet  enim  qui  aliquem  diligit^  naturam 
et  causa»  coûsiderare  diligendi,  et  non 
plus  diligere  quam  meretur  :  naui  men- 
suram  charitatis  modumque  si  transcen- 
deril,  et  qui  diligit  et  qui  dili^itur;,  in 
peccato  erunt.  Greg.  {Ve/  Metaphrustes 
in  Cat.  GrœconimPatrnm.)\Lnàe.ioaxi- 
nes  non  fuit  gluriatus  in  iiabita  opinione 
de  ipso  ab  omnibus,  nec  aliquatenus 
visus  est  primatum  appetere,  sed  inB- 
niam  liumilitateni  amplexatus  est  :  unde 
sequilur  :  «  Respondit  Joannes,  »  etc. 
Beiu.  Quomodo  autem  respondit  eis, 
qui  in  secreto  cordis  quia  Christus  esset 
i;ofîitabant,  nisi  quia,  non  solum  cogita- 
bant,  sed  etiam  (sicut  alius  Evangelista 
déclarai)  missis  ad  eum  sacerdotibus  ac 


levitis,  an  esset  Christus  inquirebant? 
Ambr.  Vel  videbat  Joannes  cordis  oc- 
culta. Sed  consideremns  cujus  gratia; 
Dei  enim  munus  est  qui  révélât,  non 
virtus  liominis,  qui  divino  magis  adju- 
vatur  beneficio,  quam  naturali  cernit  of- 
ficio.  Cito  autem  respoudens  probavit 
non  esse  se  Christum,  qui  visibili  ope- 
ratur  officio.Nam  cum  ex  duabus  natu- 
ris  bomo,  id  est,  ex  anima  subsistât  et 
corpore,  visibile  per  visibile,  invisibile 
per  invisibile  mysterium  consecratur  : 
aquaenim  corpus  abluitur,  spiritu  animae 
delicta  mundantur:  licet  etiam  in  ipso 
fonte  sanctificatio  Divinitatis  aspiret  : 
et  ideo  aliud  fuit  baptisma  pœnitentiae, 
aliud  est  gratiae  :  istud  baptisma  ex  utro- 
que,  iilud  ex  uuo  :  opus  homiuis  est  ge- 


170 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


c'est  la  part  exclusive  de  Dieu  de  réaliser  la  grâce  du  mystère.  Aussi 
Jean-Baptiste  repoussant  tout  désir  ambitieux  de  grandeur,  déclare, 
non  par  ses  paroles,  mais  par  ses  œuvres,  qu'il  n'est  pas  le  Christ, 
c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  :  «  Un  autre  va  venir  plus  puissant  que 
moi,  »  etc.  En  disant  :  «  Plus  puissant  que  moi,  »  il  n'établit  point 
une  comparaison,  car  aucune  comparaison  n'est  possible  entre  le  Fils 
de  Dieu  et  un  homme,  mais  il  veut  simplement  dire  que  s'il  y  en  a 
beaucoup  parmi  les  anges  et  les  hommes  qui  aient  de  la  puissance,  le 
Christ  seul  est  plus  puissant  qu'eux  tous.  Enfin,  il  est  si  loin  de  vou- 
loir faire  une  comparaison,  qu'il  ajoute  :  »  Dont  je  ne  suis  pas  digne 
de  dénouer  la  courroie  de  la  chaussure.  »  —  S.  Aug.  {de  l'accord  des 
Evang.,  ii,  12.)  Saint  Matthieu  dit  au  contraire:  «  Dont  je  ne  suis  pas 
digue  de  porter  la  chaussure.  »  S'il  y  a  quelque  intérêt  à  donner  un 
sens  différent  à  ces  deux  locutions  :  «  Porter  la  chaussure,  »  ou  :  «  Dé- 
nouer les  cordons  de  la  chaussure,  »  de  manière  qu'un  Evangéliste  ait 
rapporté  la  première  de  ces  deux  locutions,  et  l'autre  la  seconde,  il 
faut  admettre  que  tous  deux  ont  dit  la  vérité.  Si  au  contraire,  en  par- 
lant de  la  chaussure  du  Seigneur,  Jean-Baptiste  ne  s'est  proposé  que 
de  faire  ressortir  la  supériorité  du  Christ  et  son  humble  dépendance, 
ces  deux  locutions  figurées,  rapportées  l'une  par  saint  Matthieu  et 
l'autre  par  saint  Luc,  expriment  la  même  vérité,  et  ont  pour  but  de 
faire  ressortir  la  profonde  humilité  du  saint  Précurseur. 

S.  AiiBR.  Ces  paroles  :  c<  Je  ne  suis  pas  digne  de  porter  sa  chaussure,  » 
signifient  encore  que  le  ministère  et  la  grâce  de  la  prédication  ont  été 
confiés  aux  Apôtres  qui  ont  aux  pieds  la  chaussure  de  l'Evangile  (1). 

(1)  «  Et  que  votre  chaussure  soit  préparée  pour  aller  prêcher  l'Evangile  de  la  paix.  »  (Ephes., 
VI,  15.) 


rere  pœnitentiam  delictorum,  Dei  munus 
est  gratiam  implere  mysterii.  Declinans 
ergo  majestatis  invidiam,  non  verbo, 
sed  opère  declaravit  non  esse  se  Chri- 
stum  :  unde  sequitur  :  «  Venit  autem 
fortior  me  post  me,  »  etc.  In  hoc  quod 
dicit,  «  fortior  me,  »  comparationem 
non  fecit,  neque  enim  inter  Dei  Filium 
ethominem  uïlapoterat  esse  comparatio, 
sed  quia  multi  fortes,  fortior  nemo  nisi 
Christus.  Denique  eo  usque  non  fecit 
comparationem,  ut  addiderit  :  «  Cujus 
non  su  m  dignus  solvere  corrigiam  cal- 
ceamenti,  »  etc.  Aug.  [de  Con.  Evang., 
lib.  Il,  cap.  12.)  Matthaeus  quidem  dicit  : 
«  Cujus  non  sum  dignus  calceamenta 
portare.  »  Itaque  si  ad  rem  pertinet  ali- 
quid  aliud  intelligere  in  eo  quod  dictum 


est  :  «  Calceamenta  portare,  et  corrigiam 
calceamentorum  solvere,  ut  unus  Evan- 
gelistarum  hoc,  alii  aliud  dicerent,  om- 
nes  verum  narraverunt  ;  si  autem  nihil 
intendit  Joannes  cum  de  calceamentis 
Domini  diceret,  nisi  excellentiam  ejus  et 
humilitatem  suam,  quodlibet  horum  di- 
xerit,  sive  de  solvenda  calceamentorum 
corrigia,  sive  de  portandis  calceamentis, 
eamdem  tamen  sententiam  tenuit,  quis- 
quis  etiam  verbis  suis  per  calceamento- 
rum commemorationem  eamdem  signi- 
ficaiionem  bumiUtatis  expressit. 

AiiBR.  Per  lioc  etiam  quod  dicit  : 
«  Cujus  non  sum  dignus  calceamenta 
portare,  »  evangelicae  praedicationis  os- 
tendit  apostolis  gratiam  essa  coUatam, 
qui  sunt  calceati  in  Evangelium  :  videtur 


DE   SAINT   LUC,   CHAP.    III.  171 

Cependant  on  peut  dire  que  Jean-Baptiste  s'exprime  de  la  sorte,  parce 
qu'il  représente  la  personne  du  peuple  juif. 

S.  Grég.  {hom.  7.)  Jean-Baptiste  se  déclare  indigne  de  dénouer  la 
courroie  de  sa  chaussure,  comme  s'il  disait  :  Je  ne  puis  découvrir  les 
pieds  du  Rédempteur  puisque  je  ne  puis  prendre  le  nom  d'époux  qui 
ne  m'appartient  pas.  C'était  la  coutume,  en  effet,  chez  les  anciens, 
que  lorsqu'un  homme  ne  voulait  point  prendre  la  femme  qu'il  devait 
épouser,  celui  qui  devenait  alors  son  époux  ôtait  la  chaussure  du  pre- 
mier qui  l'avait  refusée  (1*);  ou  bien  encore,  comme  les  chaussures 
sont  faites  avec  la  peau  des  animaux  qui  sont  morts,  Notre-Seigneur, 
par  son  incarnation,  est  venu  dans  le  monde  portant  aux  pieds  les 
dépouilles  mortelles  de  notre  nature  corruptible.  La  courroie  de  la 
chaussure  est  comme  le  nœud  du  mystère.  Jean-Baptiste  ne  peut  donc 
dénouer  la  courroie  de  la  chaussure  du  Sauveur,  parce  qu'il  est  inca- 
pable de  pénétrer  le  mystère  de  l'incarnation  que  l'esprit  prophétique 
seul  lui  a  fait  connaître. 

S.  Chrys.  [hom.  11.)  Il  venait  de  déclarer  que  son  baptême  n'était 
qu'un  baptême  d'eau,  il  montre  maintenant  l'excellence  du  baptême 
institué  par  le  Christ  :  «  Pour  lui,  il  vous  baptisera  dans  l'Esprit  saint 
et  le  feu,  exprimant  ainsi  par  cette  métaphore  l'abondance  de  la 
grâce,  car  il  ne  dit  pas  :  Il  vous  donnera  l'Esprit  saint,  mais  :  «  Il 
vous  baptisera  dans  l'Esprit  saint.  »  Il  ajoute  :  «  Et  dans  le  feu,  »  pour 
montrer  toute  la  puissance  de  la  grâce.  Et  de  même  que  Jésus-Christ 
exprime  sous  la  figure  de  l'eau  (2)  la  grâce  de  l'Esprit  saint,  c'est-à-dire, 

(1*)  La  loi  du  lévirat  chez  les  Hébreux  est  différemment  exposée  au  Deutéronome,  chap.  xxv. 
(2)  n  Celui  qui  boira  de  l'eau  que  je  lui  donnerai,  elle  sera  en  lui  une  source  d'eau  vive  qui  rejail- 
lira jusque  dans  la  vie  éterijelle;  »  [Jean,  iv,  14.)  «  Si  quelqu'un  croit  en  moi,  des  flots  d'eau  vive 


tamen  ideo  hoc  dicere,  quod  plerumque 
Joanncs  personam  accipit  populi  Ju- 
dœorum. 

Greg.  [Iwm.  1,  in  Etang.)  Sed  et 
Joannes  se  indigQum  esse  ad  solvendum 
corrijïiam  calceamenli  ejus  denuntiat  : 
ac  si  aperte  dicat  :  Ego  Redemptoris  ves- 
tigia  denudare  non  valeo,  qui  sponsi  no- 
men  mihi  immeritus  non  usurpo.  Mos 
enim  apud  veteres  fuit,  ut  si  quis  eum 
quîE  sibi  competeret,  accipere  noUet 
uxorem,  ille  ei  calceamentum  solveret, 
qui  ad  hanc  sponsus  jure  propinquitatis 
veuiret  :  vel  quia  calceamenta  ex  mor- 
luis  animalibus  fiunt,  incamatus  Domi- 
uus,  (jnasi  calceatus  apparuit,  qui  mor- 
licina  nostr.-p  corruplionis  assunipsit. 
Corrigia   ergo  calceamenli  est  ligatura 


niysterii.  Joannes  itaque  solvere  corri- 
giam  calceamenli  ejus  non  valet,  quia 
incarnationis  mysterium  nec  ip'sc  inves- 
tigare  suffi  cil,  qui  hanc  per  prophetiae 
spiritum  agnovit. 

Chrys.  (fiom.  11,  in  Matth.)  Et  quia 
dixerat  quod  suum  baplisma  nil  plus 
haberel  quam  aquam,  consequenter  os- 
leuditexcellenliam  exhibiliper  Chrislum 
baplismatis ,  cum  subdit  :  «  Ipse  vos 
baptizabit  in  Spirltu  saucto  et  igni  ;  » 
per  ipsam  dicti  metaphoram  ostendens 
abundantiam  graliae  :  non  enim  ait  : 
«  Dabit  vobis  Spiritum  sanclum,  sed 
baptizabit.  »  Ac  rursus  per  id  quod  de 
igné  aubjicit;  ostendil  virlutem  gratiœ  : 
et  sicul  Chrislus  aquam  vocal  Spiritus 
gratiam,  ostendens  per  vocabulum  aquœ 


172 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


la  pureté  qu'elle  produit  et  l'ineffable  consolation  dont  elle  inonde  les 
âmes  qui  en  sont  dignes;  ainsi  Jean-Baptiste,  sous  l'image  du  feu, 
veut  exprimer  la  ferveur  et  la  pureté  que  la  grâce  produit  dans  l'âme 
avec  la  destruction  complète  du  péché.  —  Bède.  Sous  la  figure  du  feu, 
on  peut  encore  entendre  l'Esprit  saint  qui  embrase  par  l'amour  et 
toufàla  fois  éclaire  par  la  sagesse  les  cœurs  qu'il  remplit  de  sa  pré- 
sence, et  c'est  pour  exprimer  cette  vérité  que  les  Apôtres  ont  reçu  le 
baptême  de  l'Esprit  sous  l'image  d'un  feu  visible.  Il  en  est  qui  ex- 
pliquent ce  passage  en  disant  que  le  baptême  de  l'Esprit  est  pour  le 
temps  présent,  et  le  baptême  du  feu  pour  la  vie  à  venir;  en  ce  sens 
que  de  même  que  nous  puisons  une  nouvelle  naissance  dans  l'eau  et 
l'Esprit  saint  pour  la  rémission  de  tous  nos  péchés,  de  même  nous  se- 
rons purifiés  de  nos  fautes  plus  légères  par  le  baptême  de  feu  du  pur- 
gatoire. —  Orig.  {hom.  24.)  De  même  encore  que  Jean-Baptiste  atten- 
dait sur  les  bords  du  fleuve  du  Jourdain  ceux  qui  venaient  demander 
son  baptême,  qu'il  repoussait  les  uns,  en  les  appelant  :  «  Race  de  vi- 
pères, »  et  recevait  les  autres  qui  faisaient  l'aveu  sincère  de  leurs 
péchés,  ainsi  le  Seigneur  Jésus  se  tiendra  sur  les  bords  du  fleuve  de 
feu  près  du  glaive  flamboyant.  Tout  homme  qui,  au  sortir  de  cette 
vie  voudra  entrer  dans  le  paradis  et  aura  besoin  d'être  purifié,  sera 
baptisé  dans  ce  bain  de  feu  avant  d'être  introduit  dans  le  paradis. 
Quant  à  celui  qui  ne  portera  point  le  signe  des  premiers  baptêmes,  il 
ne  pourra  être  baptisé  dans  ce  baptême  de  feu. 

S.  Bas.  {traité  de  l'Esprit  saint,  ch.  2.)  De  ces  paroles  de  Jean- 
Baptiste  :  «  Il  vous  baptisera  dans  l'Esprit  saint.  »  N'allez  pas  conclure 

sortiront  de  son  sein,  »  (vu,  38.)  L'Evangéliste  ajoute  :  «  Ce  qu'il  entendait  de  l'Esprit  que  de- 
vaient recevoir  ceux  qui  croiraient  en  lui.  d 


nitorem  qui  contingit  ex  ea,  et  consola- 
tionem  immensa'm  quse  meatibus  capa- 
cibus  illius  iugeritur  ;  sic  et  Joaunes  per 
ignis  vocabulum  exprimit  fervorem  et 
rectitudinem  gratiae^  nec  non  et  pecca- 
torum  consumptionem.  Beda.  Potest  et 
Spiritus  sanctus  nomine  ignis  significatiis 
intelligi,  quia  incendit  per  amorem,  et 
per  sapientiam  corda  quae  replet,  illu- 
minât :  unde  et  apostoli  baptisma  Spi- 
ritus in  ignis  visione  percipiuut.  Siint 
qui  ita  exponunt,  quod  in  prsesenti  in 
Spiritu,  et  in  futuro  baptizaremur  in 
igné,  ut  videlicet  sicut  in  remissionem 
omnium  peccatorum  ex  qua  et  Spiritu 
renascimur,  ita  et  tune  de  levibus  qui- 
busdam  peccatis  purgatorii  ignis  baptis- 


male mundaremur.  Obig.  {hom.  24.)  Et 
quomodo  Joannes  juxta  Jordanem  flu- 
vium  venientes  ad  baptismum  praestola- 
balur,  et  alios  abigebat  dicens  :  «  Gene- 
ratio  viperarum;  »  eos  vero  qui  confi- 
tebantur  peccata,  suscipiebat,  sic  stabit 
in  igneo  flumine  Dominus  Jésus  juxta 
flammeam  rhomphaeam;  ut  quicunque 
post  exitum  vitae  bujus  ad  paradisum 
transire  desiderat,  et  purgatione  indiget, 
boc  eum  lavamine  baptizet,  et  ad  para- 
disum transmittat  ;  eum  vero  qui  non 
babet  signum  priorum  baptismatum,  la- 
vacro  igneo  non  baptizet. 

Basil,  {lib.  de  Spiritv.  sancto,  cap. 
12.)  Non  autem  propter  boc  quod  dicit  : 
«  Baptizabit  vos  in  Spiritu  sancto,  »  in- 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.    III.  173 

que  la  seule  invocation  de  l'Esprit  saint  rend  le  baptême  parfait,  car 
pour  les  signes  sacrés  qui  nous  confèrent  la  grâce,  nous  devons  suivre 
dans  toute  leur  intégrité  les  règles  de  la  tradition.  Vouloir  y  ajouter 
ou  en  retrancher  quelque  chose,  c'est  se  retrancher  de  la  vie  éternelle, 
car  nous  baptisons  au  nom  du  Père,  et  du  Fils,  et  du  Saint-Esprit, 
pour  conformer  notre  baptême  à  notre  croyance.  —  Ch.  des  Pèr.  gr. 
Ces  paroles  :  «  Il  vous  baptisera  dans  l'Esprit  saint,  »  signifient  donc 
l'abondance  de  la  grâce  et  la  richesse  du  bienfait.  Mais  parce  qu'on 
pourrait  croire  que  c'est  le  propre  de  la  puissance  et  de  la  volonté  du 
Créateur  de  répandre  ses  bienfaits,  tandis  qu'il  n'entre  nullement 
dans  ses  attributs  de  punir  les  rebelles;  Jean-Baptiste  ajoute  :  «  Il  tient 
le  van  en  sa  main,  »  nous  enseignant  ainsi  qu'il  est  aussi  sévère  pour 
venger  les  prévaricateurs  qu'il  est  magnifique  pour  récompenser  la 
vertu.  Le  van  signifie  la  promptitude  dans  l'exécution  du  jugement, 
car  en  un  instant,  sans  aucun  débat,  sans  acun  délai,  il  séparera  les 
damnés  de  la  société  des  élus. 

S.  Cyr.  {Trés.^  n,  ^0  En  ajoutant  :  «  Et  il  nettoiera  son  aire,  » 
Jean-Baptiste  nous  apprend  que  Jésus-Christ  est  le  souverain  Maître 
de  l'EgUse.  —  Bede.  L'aire  est  en  effet  la  figure  de  l'Eglise  de  la  terre, 
où  il  y  a  beaucoup  d'appelés  et  peu  d'élus.  Cette  aire  se  nettoie  en 
partie  dans  la  vie  présente ,  lorsqu'un  mauvais  chrétien  est  retran- 
ché de  l'EgUse  par  le  jugement  sacerdotal,  en  punition  de  ses  fautes 
pubhques  et  scandaleuses  ;  ou  bien  lorsqu'après  sa  mort  il  est  con- 
damné au  tribunal  de  Dieu  pour  des  crimes  secrets;  et  elle  sera 
nettoyée  entièrement  à  la  fin  du  monde ,  quand  le  Fils  de  l'homme 
enverra  ses  anges  pour  faire  disparaître  de  son  royaume  tous  les 


tegrum  quis  esse  baptisma  fatebitur,  in 
quo  nonien  solius  Spiritus  invocatum 
est  ;  oportet  eniin  seinper  illibatam  ma- 
nere  assignatam  traditionem  iu  vivifi- 
cante  gralia.  Nain  addere  vel  niinuere 
quidquam  excludit  a  vita  perpétua  :  si- 
cut  enim  credimus,  sic  et  baptisma  sus- 
cipiinus  in  nomine  Patris,  et  Filii,  et 
Spiritus  sancti.  Gr.*:c.  Per  hoc  ergo 
quod  dicit  :  «  Baptizabit  in  Spiritu 
sancto,  »  ostendit  abundantiam  gratiœ  et 
beneficii  copiam.  Ne  auteni  aliqui  putent 
quod  dona  largiri,  et  poteslas,  et  voluu- 
tas  est  Creatoris,  (ninire  vero  inobe- 
dieutes  nullani  sibi  fore  causain,  ob  hoc 
subdit  :  «  Cujus  venlilabruin  in  manu 
ejus  ;  »  ostendens  quod  non  solum  mu- 
nificti?  est  dignis,  seil  etiam  pra^varica- 
tiouum  ultor.  Ventilabrum  autem  proni- 


ptitudinem  judicii  exprimit  :  non  enim 
cuin  judiciis,  sed  in  instanti  et  absque 
quolibet  iutervallo  séparât  damnandos  a 
collegio  salvandorum. 

Cyril,  {in  Thesauro,  lib.  ii,  cap.  4.) 
Per  hoc  autem  quod  subdit  :  «  Et  per- 
mundabit  aream  suam,  »  désignât  Ba- 
plista  Ecclesiam  pertiuere  ad  Cliristum 
quasi  ad  Dominum.  Beda.  Per  aream 
enim  praesens  Ecclesia  figuratur  in  qua 
inulti  sunt  vocati,  pauci  vero  electi  : 
cujus  arece  purgatio  et  nunc  virilim  ge- 
ritar,  cum  quisque  perversus  vel  ob 
manifesta  peccata  de  Ecclesia  (sacerdo- 
talicasligatione)  ejicitur;  vel  ob  occulta 
post  mortem  divina  districtione  damna- 
tur  ;  et  universahter  in  fine  perficietur, 
quando  mittet  Fihus  hominis  angelos 
suos,  et  coUigeut  de  reguo  ejus   omnia 


174 


EXPLICATION   DE    L  EVANGILE 


scandales. —  S.  Ambr.  Le  van,  quele  Seigneur  tient  en  sa  main,  signifie 
qu'à  lui  seul  appartient  le  droit  de  discerner  les  mérites  des  hommes, 
parce  qu'en  effet,  lorsqu'on  vanne  le  blé  dans  l'aire,  le  souffle  de  l'air 
fait  comme  une  espèce  de  discernement  du  bon  grain  d'avec  le  mau- 
vais :  «  Et  il  amassera  le  froment  dans  son  grenier,  »  etc.  Par  cette 
comparaison,  le  Seigneur  nous  enseigne  qu'au  jour  du  jugement,  il 
fera  le  discernement  des  mérites  solides  et  des  véritables  fruits  de 
vertu  d'avec  la  légèreté  stérile  de  toutes  ces  actions  vaines,  aussi  ché- 
tives  que  présomptueuses,  et  placera  dans  la  demeure  des  cieux  les 
hommes  d'une  vertu  parfaite.  Or,  les  hommes  qui  sont  des  fruits  par- 
faits sont  ceux  qui  ont  été  jugés  dignes  de  ressembler  à  celui  qui  a 
été  semé  comme  un  grain  de  blé  pour  produire  ensuite  des  fruits  plus 
abondants.  (/e«?i,  XII.)  —  S.  Cyr.  (1).  La  paille,  au  contraire,  est 
l'emblème  des  âmes  indolentes  et  vaines,  et  dont  la  mobilité  flotte  à 
tout  vent  de  péché.  —  S.  Bas.  Les  chrétiens  de  cette  espèce  ne 
laissent  pas  d'être  utiles  à  ceux  qui  sont  jugés  dignes  du  royaume  des 
cieux  ,  soit  en  leur  communiquant  les  dons  spirituels ,  soit  en  leur 
donnant  des  secours  extérieurs,  bien  qu'ils  ne  le  fassent  point  par  un 
motif  d'amour  de  Dieu  ou  de  charité  du  prochain. 

Orig.  {ho}7i.  26.)  Comme  le  blé  ne  peut  être  séparé  de  la  paille  que 
par  le  mouvement  de  l'air,  le  juste  juge  est  représenté  tenant  à  la 
main  un  van,  qui  fait  connaître  que  les  uns  sont  de  la  paille  et  les 
autres  du  froment.  En  effet,  lorsque  vous  n'étiez  qu'une  paille  légère 
(c'est-à-dire  incrédule),  la  tentation  vous  a  fait  voir  ce  que  vous  étiez 
sans  le  savoir,  mais  lorsque  vous  avez  supporté  courageusement  les 

(1)  On  ne  retrouve  ni  dans  saint  Cyrille,  ni  dans  saint  Basile,  ni  dans  saint  Grégoire,  ces  diffé- 
rents passages  qui  leur  sont  ici  attribués. 


scandala.  Ambr.  Ventilabri  ergo  iadicio, 
discriminandorum  Dominus  declaratur 
jus  habere  meritorumj  eo  quod  dum 
frumenta  ventilantur  in  area,  plena  a 
vacuis  velut  quodam  aurae  spirautis 
examine  separantur  :  unde  sequitur  : 
«  Et  congregabit  triticum  in  horreum 
suum,  »  etc.  Per  banc  comparationem 
Dominus  ostenditquod  judicii  die  solida 
mérita  fructusque  virtutis  ab  inanis  jac- 
tantiœ  exiliumque  factorum  infructuosa 
levitate  discernât  ;  perfectioris  meriti  vi- 
ros  locaturus  in  mausione  cœlesti  :  ipse 
enim  perfectior  fructus  est  qui  meruit 
ejus  esse  conformis,  qui  sicut  granum 
tritici  cecidit,  ut  plurimos  fructus  affer- 
ret.  {Joan.,  12.)  Cyril.  At  paleae  lentos 


et  inanes  signant ,  et  quolibet  vento 
peccati  ventilâtes  et  volubiles.  Basil. 
Conferunt  autem  bis  qui  digni  sunt 
regno  cœlorum  velut  palese  tritico  ; 
non  lamen  intuitu  divinse  cbaritatis  et 
proximorum  boc  faciunt  ;  sive  spiri- 
tualibus  donis,  sive  corporalibus  benefi- 
ciis. 

Orig.  {hom.2%.)  Vel  quia  absque  vento 
non  possunt  triticum  et  paleœ  separari, 
ideo  babet  ventilabrum  in  manu  sua  ; 
quod  alios  paleas,  alios  triticum  esse 
demonstrat;  cum  enim  esses  palea' levis 
(id  est,  incredulus),  ostendit  te  esse  ten- 
tatio  quod  latebas  ;  cum  autem  fortiter 
tentamenta  toleraveris,  non  te  faciet  fi- 
delem    tentatio    atque   patientem  ;    sed 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.    lU.  175 

épreuves,  la  tentation  ne  vous  rend  pas  fidèle   et  patient,  mais  elle 
fait  éclater  la  vertu  qui  était  au  dedans  de  votre  âme. 

S.  Grég.  de  Ntsse.  Il  est  utile  de  se  rappeler  que  les  biens  qui  nous 
sont  promis  et  que  Dieu  tient  en  réserve  pour  ceux  qui  vivent  sain- 
tement, dépassent  de  beaucoup  toutes  les  explications  que  nous  pou- 
vons en  donner  ;  car  ni  l'œil  de  l'homme  n'a  vu ,  ni  son  oreille  n'a 
entendu,  ni  son  cœur  n'a  compris  l'excellence  de  ces  biens.  Tl  en  est 
de  même  des  châtiments  réservés  aux  pécheurs,  ils  n'ont  aucune  pro- 
portion avec  les  peines  sensibles  de  cette  vie.  Nous  les  exprimons  sans 
doute  par  les  noms  dont  nous  faisons  usage  dans  notre  langue ,  mais 
quelle  distance  les  sépare  de  nos  peines  ordinaires  !  car  lorsque  vous 
entendez  parler  de  feu^  et  que  l'Evangéliste  ajoute  :  «  inextinguible,  » 
aussitôt  votre  attention  se  porte  sur  un  feu  tout  différent  du  nôtre, 
auquel  ne  convient  point  cette  expression. —  S.  G^ta.  {Moral.,  xv,  17.) 
Expression  merveilleuse  et  étonnante  pour  désigner  le  feu  de  l'enfer. 
En  effet,  notre  feu  matériel  ne  peut  être  entretenu  que  par  la  quan- 
tité de  bois  qu'on  y  jette,  et  il  ne  dure  qu'à  la  condition  d'être 
toujours  alimenté  ;  au  contraire ,  le  feu  de  l'enfer ,  quoiqu'il  soit 
matériel  et  qu'il  brûle  corporellement  les  réprouvés  qui  y  sont  préci- 
pités, n'est  point  alimenté  par  le  bois,  mais  une  fois  créé,  il  dure  tou- 
jours et  ne  s'éteint  jamais. 

y.  18-20.  —  C'est  pm-  ces  discours  et  beaucoup  d'autres  semblables,  que  Jean- 
Baptiste  évangélisait  le  peuple.  Mais  Hérode  le  Tétrarque  ayatit  été  repris  par 
lui  au  sujet  d'Hérodiade,  femme  de  son  frère,  et  de  tout  le  mal  qu'il  avait  fait, 
Hérode  ajouta  ce  crime  à  tous  les  autres,  et  fit  mettre  Jean  en  prison. 

Orig.  Jean-Baptiste  avait  annoncé  Jésus-Christ ,  il  avait  prêché  le 
baptême  de  l'Esprit  saint  et  les  autres  vérités  que  nous  rapporte  le 


virtutem  quœ  in  le  lateBat,   proferet  in 
médium. 

Greg.  Nyss.  Expedit  autem  scire  quod 
née  dona,  quse  per  repromissiones  re- 
posita  sunt  honeste  vivenlibus ,  talia 
sunt  ut  verbo  valeant  expUcari;  quia 
nec  oculus  vidit,  née  auris  audivit,  nec 
in  cor  liominis  ascenderunt  ;  nec  pec- 
catorom  pcp^na;  ad  aliquid  eoruni  quœ  in 
praesenli  sensum  afKciunt,  proporlionem 
liabent  ;  et  quamvis  aliqute  illarum  pœ, 
narum  per  noslra  nominentur  vocabula, 
diffcrt  lamen  non  modicum  :  cuin  eniin 
audis  ifjne,  aliud  quiddam  conjicere  do- 
cerié  ex  eo  quod  additur,  inextinguibili  ; 
quod  in  istum  ignem  non  cadit.  GutG. 
[in  XV    Moral.,    cap.  17.)   Miro    modo 


expressus  est  ignis  gehennte.  Iguis  nam- 
que  noster  corporeus  per  congesta  ligna 
nutritur,  nec  valet  nisi  fotus  subsistere  : 
at  contra  gehennœ  ignis  cum  sit  corpo- 
reus, et  in  se  niissos  reprobos  corpora- 
liter  exurat,  lignis  non  nutritur,  sed  crea- 
tus  semel  inextinguibilis  durât. 

Afulla  f/uidem  et  alia  exhortans  evangelizabat 
populo.  Berodes  autem  Tetrarcha  cum  corri- 
perelu  •  ad  illo  de  Herodiade  uxore  frairis 
sut,  ni  de  omnibus  malis  quœ  fecit  Herodes, 
adjecit  et  hoc  super  omnia ,  et  inclusit  Joan- 
nem  in  earcerem. 

Orig.  (fiom.  27.)  Annuntiaverat  Joau- 
nes  Chriàtura ,  baptismum  Spiritus 
sancti  praedicabat,  et  cœtera  quae  Evan- 


476 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


récit  évangélique.  Mais  il  en  prêchait  d'autres  encore  ,  comme  nous 
le  voyons  par  ces  paroles  :  «  U  disait  beaucoup  d'autres  choses  au 
peuple  dans  les  discours  qui  lui  faisait.  —  Théophyl.  Ses  exhortations 
contenaient  la  bonne  doctrine,  et  l'auteur  sacré  les  appelle  avec  raison 
l'Evangile  (1).  —  Orig.  De  même  que  nous  lisons  dans  l'Evangile 
selon  saint  Jean ,  qu'il  fit  encore  beaucoup  d'autres  discours ,  et 
beaucoup  d'autres  miracles  ;  ainsi  ces  paroles  de  saint  Luc  doivent 
nous  faire  comprendre  que  Jean- Baptiste  enseignait  encore  des  vé- 
rités d'une  trop  haute  portée  pour  pouvoir  être  rapportées  par  écrit. 
Nous  sommes  remplis  d'admiration  pour  Jean- Baptiste,  parce  qu'il 
est  le  plus  grand  de  tous  ceux  qui  sont  nés  de  la  femme ,  parce  que 
son  éminente  vertu  Fa  élevé  à  une  si  haute  renommée^  que  plusieurs 
ont  pensé  qu'il  était  le  Christ ,  mais  qu'il  parut  bien  plus  admirable 
encore  de  n'avoir  ni  craint  Hérode  ni  redouté  la  mort  :  «  Mais  Hérode 
le  Tétrarque  ayant  été  repris,  »  etc. 

EusÈBE.  [hist.  ecclés.,  i,  13.)  Cet  Hérode  est  appelé  Tétrarque  pour 
le  distinguer  de  l'autre  Hérode  qui  régnait  sur  la  Judée  lors  de  la 
naissance  du  Christ  :  ce  dernier  était  roi,  l'autre  n'était  que  tétrarque. 
Or,  il  avait  pour  femme  la  fille  d'Arétas ,  roi  d'Arabie,  avec  laquelle 
il  avait  contracté  une  union  sacrilège ,  puisqu'elle  était  la  femme  de 
son  frère  Philippe,  et  qu'elle  en  avait  eu  des  enfants  ;  car  ces  sortes 
d'unions  n'étaient  permises  qu'à  ceux  dont  les  frères  étaient  morts 
sans  postérité.  C'est  de  ce  crime  que  Jean-Baptiste  avait  repris  Hérode. 
D'abord  ce  prince  se  rendit  attentif  aux  paroles  du  saint  Précurseur, 
pleines  à  la  fois  de  sévérité  et  de  douceur,  mais  la  passion  qu'il  avait 

(1)  C'est-à-dire  la  bonne  nouvelle,  d'après  la  signification  du  mot  grec. 


gelii  tradidit  historia.  Exceptis  ergo  his 
alla  annuutiasse  monstratur  in  eo  quod 
dicitur  :  «  Multa  quidem  et  alia  exhor- 
tans  evangelizabat  populo.  »  Théophyl. 
Exhortatio  enim  ejus  erat  bona  doe- 
trina;  et  ideo  convenienter  Evangelium 
dicitur.  Orig.  Et  quomodo  in  Evangelio 
secundum  Joannem  de  Christo  refertur, 
quia  'multa  et  alia  locutus  est ,  sic  et  ia 
praeseuti  loco  intellige  quod  Lucas  hic 
dixit,  quoniam  majora  quœdam  a  Joanne 
annuntiantur  quam  ut  deberent  litteris 
credi.  Miramur  autem  Joannem ,  quod 
inter  uatos  mulierum  major  nemo  fue- 
rit ,  quod  in  tantam  opiniooem  meritis 
virtutis  ascenderit,  ut  a  plerisque  Cliris- 
tus  putaretur  :  sed  illud  multo  mirabilius 
quod  non  timuit  Herodem ,  non  formi- 


davit  interitum  :  unde  sequitur  :  «  He  - 
rodes  autem  Tetrarcha  cum  corriperetur 
ab  illo  »,  etc. 

Edseb.  (in  Ecoles.  Hist.,  lib.  i,  c.  13.) 
Dicitur  autem  Tetrarclia  ad  differen- 
tiam  alterius  Herodis,  quo  régnante  na- 
tus  est  Christus  :  erat  enim  ille  rex,  hic 
autem  tetrarcha.  Erat  autem  illi  conjux 
Aretae,  régis  Arabum  ,  filia,  quam  (cum 
conjux  esset  fratris  sui  Philippi)  more 
sacrilego  duxit,  quam  vis  prolem  habe- 
ret  a  fratre  :  his  euim  solum  licebat  hoc 
agere  ,  quorum  fratres  sine  proie  vitam 
compleveraut.  Super  ho<;  Herodem  re- 
prehenderat  Baptista.  Primo  quidem 
diligenter  ejus  audiebat  sermones,  cum 
sciret  eos  ponderosos  et  consolatione 
plenos;    sed  Herodiadis    concupiscentia 


DE   SAINT   TAIC,    CHAP.    III.  177 

pour  Hérodiade  le  portait  à  mépriser  les  reproches  de  Jean-Baptiste, 
c'est  pourquoi  il  le  fit  mettre  en  prison  :  «  Il  ajouta  ce  crime  à  tous 
les  autres,  dit  l'Evangéliste,  et  fit  mettre  Jean  en  prison.  » 

Bède.  Ce  ne  fut  point  à  l'époque  dont  il  est  ici  question  que  Jean- 
Baptiste  fut  fait  captif ,  mais  d'après  l'Evangile  selon  saint  Jean  ce 
fut  après  que  le  Sauveur  eut  opéré  quelques  miracles^  et  après  que  la 
renommée  de  son  baptême  se  fut  répandue  au  loin.  Cependant,  saint  Luc 
place  ici  la  captivité  du  saint  Précurseur,  pour  faire  ressortir  toute  la 
méchanceté  d'Hérode^  qui,  voyant  la  foule  accourir  à  la  prédication  de 
Jean,  les  soldats  croire  à  sa  parole,  les  publicains  se  convertir,  tout 
le  peuple  recevoir  le  baptême  ,  à  rencontre  de  tous  les  autres  ,  non- 
seulement  ne  fait  aucun  cas  des  paroles  de  Jean-Baptiste ,  mais  le 
charge  de  chaînes  et  le  jette  en  prison.  —  La  Glose.  C'est  avant  que 
saint  Luc  ait  commencé  le  récit  des  actions  de  Jésus ,  qu'il  raconte  la 
captivité  de  Jean  ,  pour  nous  montrer  qu'il  va  s'appliquer  unique- 
ment à  raconter  les  événements  qui  se  sont  passés  depuis  l'année  où 
Jean-Baptiste  fut  jeté  dans  les  fers  ou  mis  à  mort. 

f.  21-?.2.  —  Or,  dans  le  temps  que  tout  le  peuple  recevait  le  baptême,  et  que 
Jésus  ayant  été  aussi  baptisé,  faisait  sa  prière,  le  ciel  s'ouvrit,  et  l'Esprit  saint 
descendit  sur  lui  sous  la  forme  sensible  d'une  colombe,  et  on  entendit  cette  voix 
du  ciel  :  Vous  êtes  mon  fils  bien-aimé,  en  vous  j'ai  mis  mes  complaisances. 

S.  Ambr.  Saint  Luc  abrège  à  dessein  ce  qui  a  été  raconté  par  les 
autres  Evangélistes,  et  il  laisse  à  entendre  phitôt  qu'il  ne  raconte  lui- 
même,  le  baptême  du  Sauveur  par  Jean-Baptiste  ;  «  Or,  il  arriva  que 
comme  tout  le  peuple  recevait  le  baptême,  Jésus  ayant  été  au^si 
baptisé,  »  etc.  Notrç-Seigneur  voulut  être  baptisé ,  non  pour  se  puri- 


Joannem  ab  Ilerode  cipliim;  ut  osteu- 
dat  se  soliimraodo  ea  Domiai  facta  prœ- 
cipue  descripturum  ,  quai  ab  aiiiio  gesta 
suut  quo    Joaune^  captus   est   vel   pu- 

ûilUâ. 


co^ebat  onm  aspernari  verba  Joannis  : 
mide  et  eum  detrudit  in  carcerem.  Et 
hoc  est  quod  dicitur  :  «  Adjecit  et  hoc 
super  nuinia,  et  inclu=U  Joaiinem  in  car- 
ce  rem.  » 

Bed.  Non  aulem  bis  diebus  captus  est  ! 
Joanncs,  sed  juxta  Evaugebuui  Joanuia  j  Factum  est  autem  cum  bapHzaretur  omnis  po- 
post  aliqua  signa  gesta  a  Doiuino,  et  |  pulus ,  et  Jesu  baplizalo,  et  orante ,  apertum 
posl  ejus  baplisnium  diffamatum  ;  sed  a  j  <^«'  cœlum,  et  descendit  Spiritus  sanctus  cor- 
Luca  propter  exa-gerandain  malitiam  |  porah  speeie  sicui  columha  in  ipsum  ;  et  uox 
Merodis   prœoccupalum    est;    qui    cum:      f^fo  facta  est  :  Tues  Filius  meus  dilectus  ; 

.,       .      ',  ...  ,  .  ,    !      m  te  complacui  mi/n. 

vuleret  ad  pra^dicationem  Joannis  raul-  , 

tos  coufluere.  luiiiles  credeie  ,  publica- j  Ambr.  Pulchrc  in  his  quae  a  cœferls 
nos  pœnilere,  lotum  vulgus  baptisma  j  dicta  sunt,  Lucas  compendium  suinpsit, 
suscipf're,  ipso  e  converse,  non  soluni  |  el  intelligeudum  uiagis  quod  a  Joanne 
Joannoni  conteninit ,  sed  vinculat  et  Dominus  baptizatus  est  quam  exprossum 
occidif.  Glos.  Anto  etiam  quaui  Lucas  j  rcliquit  :  uude  dicitur  :  «  Factum  est 
aliquid  narret  de  actibus  Jesu,  dicit  I  autem  cum  baptizaretur,  »  etc.  Baptiza- 
TOM.    V.  4^ 


178 


EXPF.ICATION    DE   l'ÉVANGÎLK 


fier,  lui  qui  n'a  pas  connu  le  péché,  mais  pour  communiquer  aux 
eaux,  par  le  contact  de  sa  chair  immaculée,  la  vertu  de  purifier  les 
hommes  dans  le  baptême.  —  S.  Grég.  de  Nazianze.  Jésus-Christ  vou- 
lut encore  être  baptisé ,  peut-être  pour  sanctifier  Jean-Baptiste  lui- 
même,  mais  sans  aucun  doute  pour  submerger  et  détruire  dans  l'eau 
le  vieil  Adam  tout  entier.  —  S.  Ambr.  Notre- Seigneur  nous  apprend 
d'ailleurs  lui-même  pourquoi  il  voulut  recevoir  le  baptême,  quand  il 
dit  :  «  C'est  ainsi  qu'il  nous  faut  accomplir  toute  justice.  Or,  en  (]uoi 
consiste  la  justice?  à  commencer  par  faire  ce  que  vous  voulez  qu'on 
vous  fasse  à  vous-même,  et  à  donner  le  premier  l'exemple.  Que  per- 
sonne donc  ne  se  refuse  à  recevoir  le  baptême  de  la  grâce ,  quand 
Jésus-Christ  n'a  pas  dédaigné  de  recevoir  le  baptême  de  la  péni- 
tence. 

S.  Chrys.  (1)  Il  y  avait  un  baptême  chez  les  Juifs  qui  purifiait  le 
corps  de  ses  souillures,  mais  sans  purifier  la  conscience  de  ses  crimes  ; 
notre  baptême,  au  contraire,  efface  les  péchés  ,  purifie  l'âme  et  com- 
munique l'abondance  de  l'Esprit  saint.  Le  baptême  de  Jean  était  su- 
périeur au  baptême  des  Juifs  ;  car  il  ne  demandait  pas  comme  dispo- 
sition nécessaire  l'observance  des  purifications  extérieures  et  légales, 
mais  la  conversion  sincère  du  vice  à  la  vertu.  Cependant  il  était  beaucoup 
moins  efficace  que  le  nôtre,  parce  qu'il  ne  conférait  pas  l'Esprit  saint 
et  ne  donnait  pas  la  rémission  des  péchés  par  la  grâce  sanctifiante  ; 
c'était  comme  un  milieu  entre  ces  deux  baptêmes.  Or,  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ  ne  voulut  recevoir  ni  le  baptême  des  Juifs  ,  ni  le  nôtre, 
parce  qu'il  n'avait  aucun  besoin  de  la  rémission  des  péchés,  et  que  sa 

(  I  )  Cette  citation  ne  se  trouve  pas  dans  les  écrits  de  saint  Chrysostome,  on  trouve  seulement 
quelque  ciiose  d'analogue  dans  l'homélie  i  2  sur  saint  Matthieu,  et  dans  la  Catéchèse  d  ceux  qui 
doivent  être  baptisés. 


tus  est  autem  Dominus,  non  muudari 
volens,  sed  mundare  aqiia^;  ut  ablutae 
per  carnem  Christi  qui  peceatum  non 
cognovit  ,  baptisuialis  jus  habereut. 
Greg.  Naziaxz.  Accedit  etiam  Christus 
ad  baptismum,  forsitan  sanctificaturus 
Baptistam;  quod  autem  nulli  dubium 
est ,  ut  totum  veteranum  Adam  immer- 
gataquœ.  Ambr.  Quœ  etiam  sit  dominici 
causa  baptismatis^  Dominus  ipse  décla- 
rât diceiis  :  «  Sic  nos  decet  implere  om- 
nem  justitiam.  »  Quae  est  ergo  justitia, 
nisi  quia  quod  altemm  tibi  facere  velis, 
prier  ipse  iucipias ,  et  tuo  alios  horteris 
exemple  ?  Nemo  igitur  réfugiât  lava- 
crum  gratiœ,  quando  Christus  lavacrum 
pœnitentiœ  non  refugit. 


Chrys.  Fuerat  autem  baptisma  judai- 
cum,  quod  sordes  carnis  amovebat,  non 
conscientife  crimina;  nostrum  autem 
baptisma  séparât  a  peccatis  ,  lavât  ani- 
mam ,  et  Spiritus  copiam  elargitur  : 
baptisma  vero  Joannis  judaico  prsestan- 
tius  erat  :  neque  enim  ad  observantiam 
corporalium  mundificationum inducebat, 
sed  monebat  a  vitio  in  virtutem  con- 
verti: nostro  vero baptismate  minus,  eo 
quod  nec  Spiritum  sanctum  administra- 
bat,  nec  remissionem  quae  per  gratiam 
fit,  exhibebat;  cum  quasi  finis  quidam 
esset  utrorumque  baptismatum  :  sed 
neque  judaico  baptismate,  nec  nostro 
baptizaius  est  Christus  ;  quia  nec  indul- 
gentia  peccatorum  egebat.  nec  illa  caro 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    III.  179 

chair,  conçue  dès  le  commencement  par  l'opération  de  l'Esprit  saint, 
n'en  avait  jamais  été  séparée.  Mais  il  voulut  recevoir  le  baptême  de 
Jean,  pour  que  la  nature  même  de  ce  baptême  vous  fit  comprendre 
qu'il  n'était  baptisé  ni  pour  obtenir  la  rémission  des  péchés ,  ni  pour 
recevoir  les  dons  de  l'Esprit  saint.  L'Evangéliste  nous  dit  que  Jésus 
ayant  été  baptisé,  priait,  pour  vous  apprendre  qu'après  avoir  reçu  le 
baptême,  la  prière  continuelle  est  un  devoir  pour  tout  chrétien.  — 
Bède.  Tous  les  péchés,  sans  doute,  sont  effacés  dans  le  baptême,  mais 
la  fragilité  de  cette  chair  périssable  et  mortelle  est  loin  d'être  affermie; 
nous  nous  félicitons  d'avoir  traversé  la  mer  Rouge  où  les  Egyptiens 
ont  été  engloutis  (1),  mais  nou>  rencontrons  dans  le  désert  de  la  vie 
du  monde  d'autres  ennemis  dont  il  nous  faut  triompher  par  de  grands 
efforts,  sous  la  conduite  de  la  grâce  de  Jésus-Christ ,  jusqu'à  ce  que 
nous  parvenions  à  notre  patrie. —  S.  Chrys.  (2)  L'Evangéliste  ajoute  : 
«Le  ciel  s'ouvrit,  comme  s'il  était  demeuré  fermé  jusque-là;  »  mais  dé- 
sormais le  bercail  du  ciel  et  celui  de  la  terre  n'en  font  plus  qu'un,  il 
n'y  a  plus  qu'un  seul  pasteur  des  brebis,  le  ciel  est  ouvert,  et  l'homme, 
habitant  de  la  terre,  est  associé  aux  anges  qui  habitent  les  cieux.  — 
BÈDE.  Le  ciel  ne  s'ouvrit  pas  pour  Jésus ,  dont  les  yeux  pénétraient 
jusque  dans  les  profondeurs  des  cieux  ,  mais  ce  miracle  eut  lieu  pour 
nous  montrer  la  vertu  du  baptême  ;  la  porte  du  ciel  est  immédiate- 
ment ouverte  à  celui  qui  vient  de  le  recevoir ,  et  en  même  temps  que 
sa  chair  innocente  est  plongée  dans  les  eaux,  le  glaive  de  feu  qui  me- 
naçait autrefois  les  coupables  se  trouve  éteint. 

S.  Chrys.  L'Esprit  saint  descendit  aussi  sur  le  Sauveur  comme  sur 

(t)  Allusion  aux  Hébreux/jui  après  être  sortis  de  l'Egypte,  et  après  avoir  traversé  la  mer  Rouge, 
eurent  à  combattre  les  Amalécites.  {Exod.,  xiv,  xvii.) 

(2)  Cette  citation  et  les  suivantes  qui  portent  le  nom  de  saint  Chrysostome,  ne  se  trouvent  pas 
dans  les  écrits  du  saint  Docteur. 


expers  erat  Spiritu-  sancti ,  quae  per 
Spiritum  sanctum  ab  ip5t>  principio 
concepta  est  ;  sed  baptizatus  est  Joanuis 
baptismale,  ut  ex  ipsii  natura  baptisma- 
tis  scias  quia  neqiie  causa  pe(  cati,  neqne 
propter  indifientiaiii  don!  Spiritus  bapti- 
zatus est.  Dicit  autem  «  biptizato  cl, 
oranio,  »  ut  pcrpendas  quoi  suscepto 
baptisiuale  opportuna  sit  jngis  oralio. 
Bei).  Quia  etsi  peccata  sunf  ouinia  in 
baptismo  laxata,  non  adbuc  lerrenœ 
carnis  est  fraaililas  solidata  ;  nani  quasi 
transite  mari  Rubro  gratulamur  snbmer- 
sos  /Etiyptios ,  sed  in  deserto  mundanœ 
conversationis  Ijostes  occurrunt  alii,  qui 
duce  Christi  sratia  nostro  sudore  vin- 


cantur,  donec  perveniamus  ad  patriam. 
CuRYS.  Dicit  autem  :  «  Aperlum  est 
cœlum;  »  tanquam  hactenus  reclusum 
fuisset  :  jam  autem  ovili  superno  et 
infimo  in  unum  redacto,  et  uno  exis- 
tcnte  ovium  pastore  ,  cœlum  paluit,  et 
liomo  terricola  aggregalus  est  auffelis. 
Bed.  Non  enim  ei  cœlum  tune  apertum 
est,  c'ijus  oculi  cœlorum  intcriora  cer- 
neliant;  sedvirtusibi  baptismalis  osten- 
dilur,  de  quo  quisque  cum  egredilur, 
rcgni  cœlestis  ei  jauuaaperitur  ;  duuique 
caro  innoxia  frigentibus  tanqitur  aquis, 
opposita  quondam  noxiis  rompbœa  ex- 
tinsuitur  ignea. 
CiiRYS.  Descendit  etiam  Spiritus  sanc- 


180  EXPLICATION   DE    i/ÉVaNGILE 

le  principe  et  l'auteur  de  notre  race,  pour  être  premièrement  en  Jésus- 
Christ  qui  le  reçut,  non  pas  pour  lui ,   mais  bien  plutôt  pour  nous- 
même  :  «  Et  l'Esprit  saint  descendit  sur  lui,  »  etc.  Que  personne  donc 
ne  pense   qu'il   reçut  l'Esprit  saint ,  comme  s'il  ne  l'avait  pas  eu 
jusqu'alors;  car  c'est  lui-même  qui,  comme  Dieu,  l'envoyait  du  haut 
du  ciel,  et  lui-même  qui  le  recevait  comme  homme  sur  la  terre. 
L'Esprit  saint  descendait  de  lui,  c'est-à-dire  de  sa  divinité,  pour  venir 
se  reposer  sur  lui ,  c'est-à-dire  sur  son  humanité.  —  S.  Alis.  {de  la 
Trin.,  xv,  26.)  Ce  serait  une  énorme  absurdité  de  penser  que  Jésus 
reçut  l'Esprit  saint  à  l'âge  de  trente  ans  ;  il  vint  alors  pour  recevoir  le 
baptême  sans  avoir  de  péché,  mais  non  sans  avoir  l'Esprit  saint;  car 
s'il  est  dit  de  Jean-Baptiste  :  «  Il  sera  rempli  de  l'Esprit  saint  dès  le 
sein  de  sa  mère  »  {Luc^  i),  que  doit-on  penser  de  Jésus-Christ  l'Homme- 
Dieu,  dont  la  conception  ne  fut  pas  l'œuvre  de  la  chair ,  mais  l'opé- 
ration du  Saint-Esprit?  Aujourd'hui  donc  il  daigne  porter  la  figure 
de  sou  corps,  c'est-à-dire  de  son  Eglise ,  dans  laquelle  tous  ceux  qui 
sont  baptisés  reçoivent  l'Esprit  saint.  —  S.  Chrys.   Ce  baptême  pré- 
sentait un  mélange  tout  à  la  fois  d'ancienneté  et  de  nouveauté  ;  d'an- 
cienneté, parce  que  Jésus  recevait  le  baptême  des  mains  d'un  pro- 
phète ;  de  nouveauté,  parce  que  l'Esprit  saint  descendit  sur  lui. 

S.  Ambr.  Or,  le  Saint-Esprit  apparut  sous  la  forme  d'une  colombe, 
parce  qu'il  ne  peut  être  vu  dans  la  substance  de  sa  divinité.  Consi- 
dérons encore  les  autres  raisons  mystérieuses  pour  lesquelles  il  appa- 
rut sous  la  forme  d'une  colombe.  La  grâce  du  baptême  exige  la  sim- 
plicité ,  et  veut  que  nous  soyons  simples  comme  des  colombes  ;  la 
grâce  du  baptême  exige  aussi  la  paix  du  cœur ,  figurée  par  cette 
branche  d'olivier  qu'une  colombe  rapporta  autrefois  dans  l'arche,  qui 


tus  ad  Cliristum  tanquam  ad  generis  I  credendum  est .  cujus  carnis  ipsa  con- 
Dostii  priucipium  ,  ut  in  Christo  sit  |  ceptio  non  carnalis ,  sed  spiritualis fuit  ? 
primo,  qui  non  sibi,  sed  nobis  potius  Nunc  ergo  corpus  suum,  id  est ,  Eccle- 
ilium  suscepit  :  unde  sequitur  :  «  Et  siam  ,  prœfigurare  diguatus  est ,  in  qua 
descendit  Spiritus  sanctus ,  »  etc.  Non  j  baptizati  pra^cipue  accipiuut  Spirituni 
existimet  aliquis  quod  cuni  non  babuit  sauctum.  Chrys.  Redolebat  illud  bap- 
eum,  suscepit  ipsuin  :  ipse  namque  illum  ,  tisma  aliquid  veUistatis,  et  partim  sapie- 
desursum  tanquam  Deus  mitlebat;  at  1  bat  novitatem;  quod  enim  baptisma  sas- 
idem  ut  bomo  reclpiebat  inferius.  Igitur  ciperet  a  Proplieta,  ostendebat  aliquid 
ex    eo    devolavit    in    eum  ;    scilicet    ex  |  vêtus  ;  quod  autem  Spiritus  descendent, 


ipsius  Deitate  ad  ejus  bumauitalem. 
AuG.  (XV  de  Trinit.,  cap.  26.)  Absur- 
dissimum  autem  est  cimi  jam  triginta 
aunorum  esset,  accepisse  Spiritum  sauc- 
tum :  sed  venit  ad  baptisunim  sicut  sine 
peccato,  ita  non  sine  Spiritu  sancto  :  si 
enim  de  Joanne  scriptum  est  {Luc,  1)  : 
Spiritu    sancto    replebitur    ab    utero 


novum  aliquid  desiguabat. 

Ambr.  Merito  autem  Spiritu  se  in  cor- 
pore  demonstravil  columbae,  quoniam 
in  Diviuitatis  substantia  non  videtur. 
Advertamus  mysterium,  quare  sicut 
coluraba  :  simplicitatem  enim  lavacri 
requirit  gratia  ,  ut  sinuis  simplices  sicut 
columbœ  ;  pacem  lavacri  requirit  gi'atia. 


martis  suae;  »  quid  de  homine   Cbristo  I  quam  in  typo  olivae  columba  quoudam 


DE   SAINT  LDC,    CHAP.    III.  igl 

fui  seule  préservée  des  eaux  du  déluge.  —  S.  Chrys.  Ou  bien  encore, 
l'Esprit  saint  apparaît  sous  la  forme  d'une  colombe ,  comme  signe  de 
la  douceur  du  divin  Maître ,  tandis  que  le  jour  de  la  Pentecôte,  il 
descend  sous  l'image  du  feu,  pour  figurer  les  châtiments  réservés  aux 
coupables.  En  effet,  lorsqu'il  fallait  pardonner  les  péchés ,  la  douceur 
était  nécessaire,  mais  maintenant  que  nous  avons  reçu  la  grâce,  nous 
n'avons  plus  à  attendre,  si  nous  sommes  infidèles,  que  le  jugement  et 
la  condamnation.  —  S.  Cypr.  {de  l'unité  de  l'Eglise.)  La  colombe  est 
un  animal  aimable  et  simple,  qui  n'a  ni  fiel  ni  morsures  cruelles  ,  ni 
griffes  déchirantes  ;  elle  aime  l'habitation  de  l'homme  ,  elle  s'attache 
à  une  seule  maison.  Lorsque  les  colombes  ont  des  petits,  ni  le  père  ni 
la  mère  ne  les  quittent  ;  lorsqu'elles  prennent  leur  essor,  c'est  toujours 
ensemble  et  de  concert;  leurs  baisers  réciproques  sont  le  signe  et 
l'expression  de  l'affection  qui  les  unit  et  de  la  parfaite  concorde  qui 
ne  cesse  de  régner  entre  elles. 

S.  Chrys.  A  la  naissance  de  Jésus-Christ ,  bien  des  oracles  avaient 
manifesté  sa  divinité,  mais  les  hommes  n'y  prêtèrent  aucune  attention. 
Lors  donc  qu'il  eût  mené,  pour  un  temps  ,  une  vie  obscure  et  cachée, 
il  se  manifesta  de  nouveau  par  des  signes  plus  éclatants.  Une  étoile, 
du  haut  du  ciel ,  avait  révélé  sa  naissance  ,  mais  dans  les  eaux  du 
Jourdain,  c'est  l'Esprit  saint  qui  descend  sur  lui,  c'est  le  Père  qui  fait 
entendre  sa  voix  au-dessus  de  sa  tète  pendant  qu'on  le  baptise  :  «  Et, 
du  ciel,  une  voix  se  fit  entendre  :  Vous  êtes  mon  Fils  bien-aimé,  »  etc. 
—  S.  Ambr.  Nous  avons  vu  l'Esprit  saint,  mais  sous  une  forme  visible, 
écoutons  maintenant  la  voix  du  Père  que  nous  ne  pouvons  voir.  En 
effet,  le  Père  est  invisible  ,  le  Fils  l'est  également  dans  sa  divinité, 
mais  il  s'est  rendu  visible  dans  le  corps  dont  il  s'est  revêtu;  et  comme 


ad  illam  arcam,  quse  sola  fuit  diluvii 
immunis,  advexit.  Chrys.  Vel  nunc  ut 
mansuetudinem  maaistri  declaret,  in 
specie  columbina  apparet ,  in  Pente- 
coste  autem  quemadmodum  ignis,  ut 
ostendat  pœnani.  Cum  enim  oporte- 
bat  deiictis  ijinoscere  ,  inansuetudo  ne- 
cessaria  erat  ;  sed  ut  adepti  sumus  f^ra- 
tiam,  restai  examinis  et  judicii  tempus. 
Cypr.  [de  Unit.  Ecoles,  onte  médium.) 
Est  âutem  columba  simplex  et  Ifetnm 
animal,  non  felle  araarum,  non  raorsibus 
saevum,  non  iinirulse  laceratione  violen- 
tum;  hospitia  liuuiana  dilifiore  ,  unius 
domus  nosse  consortium  ;  cum  générant 
filios ,  simul  sedere  ;  cum  commeaut, 
volatu  invicem  cohaerere;  conversatione 
commnni  vitam  suam  degere  ;  oris  os- 
culo  concordiam  pacis  agnoscere  ;  legem 


circa  omnia  unanimitatis  implere  assue- 
tum. 

Chrys.  Et  quidem  Christus  in  ortu 
sue  per  plurima  se  manifestaveral  ora- 
cula  ;  verum  quia  noluerunt  advertere, 
cum  medio  latuerit  lempore,  rursuni  se 
ab  alio  clariorem  patefacit  prinf^ipio  : 
nam  Stella  desuper  indicabat,  sed  Pater 
in  undis  Jordanis,  etSpiritus  devolabat; 
protrahens  illam  vocem  super  verticem 
ejus  qui  baptizatur  :  unde  sequitur  :  «  Et 
vox  de  cœlo  facta  est  :  Tu  es  Filius 
meus  dilectus,  »  etc.  Ambr.  Vidimus 
Spiritum,  sed  in  specie  corporali;  et  Pa- 
trem  quera  videre  non  possumus ,  au- 
diamus  :  invisibilis  euim  est  Pater,  sed 
et  Filius  invisibilis  ,  secnndnra  Divinita- 
tem  ;  sed  demonstrare  se  voluit  in  cor- 
pore  ;  et  quia  Pater  corpus  non  gerebat. 


18^2 


EXPLICATION   DE    l.'ÉVANGH^E 


le  Père  n'avait  point  de  corps ,  il  a  voulu  nous  prouver  qu'il  était 
présent  dans  le  Fils  en  disant  :  «  Vous  êtes  mon  Fils  bien-aimé.  » 
—  S.  Athan.  (l)  La  sainte  Ecriture  donne  au  nom  de  Fils  deux  si- 
gnifications différentes ,  la  première  ,  comme  dans  ce  passage  de 
l'Evangile  :  «  Il  leur  a  donné  le  pouvoir  de  devenir  enfants  de  Dieu;  » 
la  seconde,  lorsque  par  exemple  elle  dit  qu'fsaac  est  fils  d'Abraham. 
Or,  Jésus-Christ  est  appelé  non  pas  simplement  Fils  de  Dieu ,  mais 
avec  l'addition  de  l'article  :  «  Vous  êtes  mou  Fils^  »  pour  nous  faire 
comprendre  qu'il  est  le  seul  qui  soit  véritablement  le  Fils  de  Dieu  par 
nature.  Aussi  est-il  appelé  encore  :  «  Fils  unique.  »  S'il  était  Fils  de 
Dieu  dans  le  sens  absurde  d'Arius,  comme  ceux  qui  n'obtiennent  ce 
nom  que  par  un  effet  de  la  grâce ,  il  ne  différerait  en  rien  de  nous 
autres.  Il  ne  nous  reste  donc  qu'à  dire,  dans  le  second  sens,  que  Jésus- 
Christ  est  vraiment  le  Fils  de  Dieu,  comme  ïsaac  est  vraiment  le  fils 
d'Abraham.  En  effet,  celui  qui  est  engendré  naturellement  par  un 
autre,  et  qui  ne  tire  point  son  origine  d'un  autre  principe  extérieur, 
est  regardé  comme  le  Fils  par  nature.  Mais  dira-t-on  peut-être  : 
Est-ce  que  la  naissance  du  Fils  a  été  accompagnée  de  souffrance 
comme  la  naissance  de  l'homme  ?  nullement.  Dieu  est  indivisible,  il  est 
donc  le  Père  impassible  de  son  Fils  ,  qui  est  appelé  Verbe  du  Père, 
parce  que  le  Verbe  de  l'homme  lui-même  est  produit  sans  aucune 
souffrance.  De  plus,  comme  la  nature  divine  est  simple.  Dieu  est  Père 
d'un  seul  Fils,  c'est  pourquoi  il  ajoute  :«  Bien-aimé.»  —  S.  Chrys.  Car 
celui  qui  n'a  qu'un  fils  concentre  dans  ce  fils  toute  son  affection,  si 
au  contraire  il  est  père  de  plusieurs  enfants  ,  son  affection  s'affaiblit 
en  se  répandant  sur  chacun  d'eux. 

(1)  Cette  citation  se  trouve  en  termes  équivalents  dans  le  livre  des  décrets  canoniques  du  concile 
de  Nicée  contre  Eusèbe  et  ses  sectateurs. 


ideo  probare  voluit  nobis  in  Filio  sese 
prsesentem,  diceus  :  «  Tu  es  Filius 
meus.  »  Athan.  Sacra  quideiu  Scriptura 
ex  nomine  Filii  duplicem  iatellectum 
osteudit  :  unum  quideni  ut  in  Evangelio 
dicitur  :  «  Dédit  eis  potestatem,  ut  fiant 
tilii  Dei  ;  »  alternai  aiitem  intellectum, 
juxta  quem  Isaac  est  tilius  Abrahae. 
Christus  ergo,  non  sinipliciter  dicitur 
Dei  Filius,  sed  cum  arliculi  additione, 
ut  compreliendamus  quoniani  solus  ipse 
est ,  qui  rêvera  et  seciniduiu  naturam 
est  filius ,  qnaniobrem  et  uni(jenilus 
dicitur  :  uani  si  secuudum  iu~aniam 
Arii  dicitur  filius.  sicut  qui  hoc  nomeu 
per  graliaiu  asseqiiuntur,  in  nuUo  a 
nobis  diiferre  videbitur.  Restât  ergo  se- 


cundum  alium  intellectum  l'ateudum 
esse  Gliristum  Filium  Dei,  secundum 
quem  Isaac  filius  Abrahse  esse  cognosci- 
tur.  Ouod  euim  ab  alio  naturaliter  gi- 
gnitur ,  non  autem  ab  extrinseco  sumit 
exordium ,  filium  natura  recenset.  Sed 
dicitur  :  «Nauquid  ut  bominis  est  passi- 
bilis  nativitas  filii  ?  »  Minime  ;  sed  Deus 
cum  sit  indivisibiliS;,  impassibiliter  Pater 
est  Filii  :  unde  Verbum  Patrie  dicitur  ; 
quia  nec  ipsum  verbum  liumanum  pas- 
sibiliter  producitur  ;  et  cum  siniplex  sit 
natura  divina,  unlus  solius  filii  pater  est, 
et  propter  hoc  additur,  dllectits.  Chrys. 
Cum  eniin  quis  unum  solum  possidet  fi- 
lium, maxime  diligit  ;  si  vero  pater  factus 
sitplurium,  dispertitus  atî'ectus  remittitur. 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    III.  183 

S.  AiHAiv.  Le  prophète  avait  été  autrefois  l'organe  des  promesses  de 
Dieu,  lorsqu'il  disait  par  sa  bouche  :  «  J'enverrai  le  Christ  mon 
Fils.  »  Aujourd'hui  que  cette  promesse  reçoit  son  accomplissement 
sur  les  bords  du  Jourdain,  Dieu  ajoute  :  «  J'ai  mis  en  vous  mes  com- 
plaisances. »  —  Bède.  Comme  s'il  disait  :  J'ai  mis  en  vous  mon 
bon  plaisir,  c'est-à-dire,  j'ai  résolu  d'exécuter. par  vous  toutes  mes 
volontés. —  S.  Grég.  {hom.  8  sur  Ezéch.)  Ou  bien  dans  un  autre  sens, 
tout  homme  qui  répare  en  se  repentant,  le  mal  qu'il  a  commis  ;  par  le 
fait  même  de  son  repentir,  indique  qu'il  se  déplaît  à  lui-même,  puis- 
qu'il corrige  le  mal  qu'il  a  fait.  Ainsi  le  Père  tout-puissant  a  parlé 
des  pécheurs  à  la  manière  des  hommes,  quand  il  a' dit  :  «  Je  me  re- 
pens  d'avoir  fait  l'homme,  »  et  pour  ainsi  parler,  il  s'est  déplu  dans  les 
pécheurs  qu'il  a  créés.  Mais  Jésus-Christ  est  le  seul  dans  lequel  il  s'est 
complu,  parce  qu'il  est  le  seul  dans  lequel  il  n'a  point  trouvé  de 
faute  qui  put  devenir  pour  lui  l'objet  d'un  blâme  ou  d'un  repentir. 

S.  AuG.  {de  Vacc.  des  Evang.,  ii,  44.)  D'après  saint  Matthieu,  Dieu 
aurait  dit  :  «  Celui-ci  est  mon  Fils  bien-aimé;  »  d'après  saint  Luc  : 
«  Vous  êtes  mon  Fils  bien-aimé;  »  mais  ces  deux  variantes  expriment 
la  même  pensée.  La  voix  céleste  ne  s'est  servi  que  de  l'une  des 
deux  (1),  mais  saint  Matthieu  a  voulu  montrer  que  ces  paroles  : 
«  Celui-ci  est  mon  Fils  bien-aimé,  »  avaient  surtout  pour  objet  de 
faire  connaître  à  ceux  qui  les  entendaient,  que  Jésus  était  le  Fils  de 
Dieu,  car  elles  ne  pouvaient  apprendre  à  Jésus-Christ  ce  qu'il  sa- 
vait, c'est  donc  pour  ceux  qui  étaient  présents  que  cette  voix  se  fit 
entendre. 

(I)  Pourquoi,  dit  le  P.  Nicolaï,  ne  pourrait-on  pas  admettre  que  la  voix  céleste  s'est  exprimée 
successivement  de  ces  deux  manières,  l'une  adressée  au  Fils  de  Dieu  lui-même  :  «  Vous  êtes  mon 
Fils  bien-aimé;  »  l'autre  qui  se  fait  entendre  surtout  pour  ceux  qui  étaient  présents  :  «  Celui-ci 
est  mon  Fils  bien-aimé?  o 


Atuan.  Cum  autem  antea  Propheta 
protulf  rit  Dei  promissa  dicentis  :  «  Mit- 
tam  Christum  Filiuui  meuiu  ;  »  mine  apud 
Jordaneii)  quasi  consiiiiimalc  prouiisso 
decenler  subjungit  :  «  lu  te  complacui 
inihi.  »  Beda.  Ac  si  dicat  :  «  In  te  placi- 
tum  uieuui  eonstitui ,  »  id  est ,  hoc  per 
te  gerere  quod  niihi  piacet.  Greg.  [super 
Ezech.,  hom.  8.)  V'el  aliter  :  omnis  qui 
pœnitendo  corrigit  ahqua  qufE  fecit,  eo 
ipso  quod  pœnilet ,  se  sibi  dispUcuisse 
indicat,  quia  eiuendat  quod  fecil  :  et 
quia  oranipotens  Pater  humauo  modo 
de  peccatoribus  loculus  est ,  dicens 
{Gen.,  6j  :  ><  Pœuitet  me  fecisse  homi- 
neni,  »  quasi  sibimetipsi  dispUcuit  in 
peccatoribus    quos    creavit  :    in    solo 


autem  Christo  sibi  complaeuit,  quia 
in  solo  60  non  invenit  culpam ,  in 
qua  se  reprehendat  quasi  per  pœaiten- 
tiani. 

AuG.  [de  Cons.  Evanrj.,  lib.  Il,  c.  14.) 
Quod  autem  Matlhaeus  dicit  :  «  Hic  est 
Filius  meus,  »  Lucas  autem  :  «  Tu  es 
Fihus  meus  dilectus,»  ad  eamdem  sen- 
tentiam  explicandam  valet  :  vox  euim 
cœlestis  unum  horum  dixit,  sed  iMat- 
Ihaïus  osteudere  voluit  ad  id  valere 
quod  dictum  est  :  «  Hic  est  Filius  meus;» 
ut  illis  potius  qui  audiebant,  iudioarelur 
quod  ipse  esset  Filius  Uei  :  non  enim 
Christo  indicabatur  quod  sciebat;  sed 
audiebant,  qui  aderant,  propter  quos 
etiam  ipsa  vox  facta  est. 


184 


EXPLICATION  DE    L  EVANGILE 


y.  23-38.  —  Jésus  avait  environ  trente  ans,  lorsqu'il  commença  à  exercer  son 
ministère,  étant,  comme  l'on  croyait,  fils  de  Joseph,  qui  fut  fils  d'Héli,  qui 
fut  fils  de  Mathat,  qui  fut  fils  de  Lévi,  qui  fut  fils  de  Melchi,  qui  fut  fils  de 
Janna,  qui  fut  fils  de  Joseph,  qui  fit  fils  de  MathalJdas,  qui  fut  fils  d'Amos, 
qui  fut  fils  de  Nahum,  qui  fut  fils  d'Hesli,  qui  fut  fils  de  Naggé,  qui  fut  fils 
de  Mathath,  qui  fut  fils  de  Mathathias,  qui  fut  fils  de  Sémêi,  qui  fut  fils  de 
Joseph,  qui  fut  fils  de  Juda,  qui  fut  fils  de  Joanna,  qui  fut  fils  de  Résa,  qui 
fat  fils  de  Zorobabel,  qui  fut  fils  de  Salathiel,  qui  fut  fils  de  Néri,  qui 
fut  fils  de  Melchi,  qui  fut  fils  d'Addi,  qui  fut  fils  de  Cosan,  qui  fut  fils  d'El- 
madan,  ([ui  fut  fils  d'Her,  qui  fut  fils  de  Jésus,  qui  fut  fils  d'Eliézer,  qui  fut 
fils  de  Jorim,  qui  fut  fils  de  Mathalh,  qui  fut  fils  de  Lévi,  qui  fut  fils  de 
Siméon,  qui  fut  fils  de  Juda,  qui  fut  fils  de  Joseph,  qui  fut  fils  de  Jona,  qui 
fut  fils  d'Eliakim,  qui  fut  fils  de  Méléa,  qui  fut  fils  de  Menna,  qui  fut  fils  de 
Mathatha,  qui  fut  fils  de  Nathan,  qui  fut  fils  de  David,  qui  fut  fils  de  Jessé, 
qui  fut  fils  d'Obed,  qui  fut  fils  de  Booz,  qui  fit  fils  de  Salmon,  qui  fut  fils 
de  Naasson,  qui  futfils  d'Aminadab,  qui  fut  fils  d'Aram,  qui  fut  fils  d'Esron, 
qui  fut  fils  de  Phares,  qui  fut  fils  de  Juda,  qui  fat  fils  de  Jacob,  qui  fut  fils 
d'Isaac,  qui  fut  fils  d'Abraham,  qui  fut  fils  de  Tharé,  qui  fut  fils  de  Nachor, 
qui  fut  fils  de  Sarug ,  qui  fut  fils  de  Ragaû,  qui  fut  fils  de  Phaleg,  qui  fut  fils 
d'Héber,  qui  fut  fils  de  Salé,  qui  fut  fils  de  Caïnan,  qui  fut  fils  d'Arphaxad, 
qui  fut  fils  de  Sem,  qui  fut  fils  de  Noé,  qui  fut  fils  de  Lamech,  qui  fut  fils 
de  Mathusalé,  qui  fut  fils  d'Enoch,  qui  fut  fils  de  Jared,  qui  fut  fils  de 
Malaléel,  qui  fut  fils  de  Caïnan,  qui  fut  fils  d'Enos,  qui  fut  fils  de  Seth,  qui 
fut  fils  d'Adam,  qui  fui  créé  de  Dieu. 

Orig.  {hom.  28.)  Après  avoir  raconté  le  baptême  du  Seigneur,  l'E- 
vangéliste  donne  sa  généalogie,  non  point  en  descendant  des  pères 
aux  enfants,  mais  en  remontant  de  Jésus-Christ  jusqu'à  Dieu  même. 
Or  Jésus  avait,  quand  il  commença  son  ministère,  environ  trente  ans. 
Saint  Luc  dit  qu'il  commença,  lorsqu'il  eut  reçu  dans  le  baptême, 
comme  une  seconde  et  mystérieuse  naissance,  pour  vous  enseigner  la 


£t  ipse  Jésus  erat  incipiens  quasi  annorum  tri- 
ginta,  uf  putabatur  filins  Joseph.  Qui  fuit  EH, 
qui  fuit  Mathat,  gui  fuit  Levi,  qui  fuit  Melchi, 
qui  fuit  Jaune ,  qui  fuit  Joseph,  qui  fuit  Ma- 
thatiœ,  qui  fuitAmos,  qui  fuit  Nahum,  qui  fuit 
Esli,  qui  fuit  Nayge  ,  qui  fuit  Mathath ,  qui 
fuit  Mathat hiœ ,  qui  fuit  Semei ,  qui  fuit  Jo- 
seph, qui  fuit  Juda,  qui  fuit  Johanna ,  qui  fuit 
liesa,  qui  fuit  Zorobabel,  qui  fuit  Salathiel, 
qui  fuit  Neri,  qui  fuit  Melclii,  qui  fuit  Abdi, 
qui  fuit  Cosan,  qu^  fuit  Elmadam,  qui  fuit 
/fer,  qui  fuit  Jesu  ,  qui  fuit  Eliezer ,  qui  fuit 
Jorim,  qui  fuit  Mathat,  qui  fuit  Levi ,  qui  fuit 
Simeou  ,  qui  fuit  Juda,  qui  fuit  Joseph,  qui 
fuit  Jona,  qui  fuit  Eliachim,  qui  fuit  Meleha, 
qui  fuit  Menna,  gui  fuit  Mathatha,  qui  fuit 
Natham ,  qui  fuit  David ,  qui  fuit  Jesse ,  qui 
'fuit  Obed ,  qui  fuit  Booz ,  qui  fuit  Salmon, 

'-■  qui  fuit  Naasson,  qui  fuit  Àminadab,  qui  fuit 
Aram  ,  qui  fuit  Esrom,  qui  fuit  Phares,  qui 


fuit  JudcB ,  qui  fuit  Jacob ,  qui  fuit  Isaac ,  qui 
fuit  Abrahœ ,  qui  fuit  Thare ,  qui  fuit  Na- 
chor, qui  fuit  Sarug,  qui  fuit  Ragau ,  qui  fuit 
Phaleg,  qui  fuit  Heher,  qui  fuit  Sale,  qui  fuit 
Cainan,  qui  fuit  Arphaxad ,  qui  fuit  Sem,  qui 
fuit  Noe,  qui  fuit  Lamech,  qui  fuit  Mathusa- 
leni ,  qui  fuit  Enoch ,  qui  fuit  Jared ,  qui  fuit 
Malalehel,  qui  fuit  Cainam ,  qui  fuit  Enos , 
qui  fuit  Seth,  qui  fuit  Adarn ,  qui  fuit  Dei. 

Orig.  (Itom.  28.)  Cuni  autem  baptiza- 
tum  Domimim  dixisset,  generationem 
Domini  expouit  ;  non  a  superioribus  ad 
inferiora  deducens.  sed  a  Cbristo  usque 
ad  ipsum  perveuit  Deum;  unde  dicit  : 
«  Et  ipse  Jésus  erat  incipiens.  »  etc. 
Quando  enim  baptizatus  est,  et  niyste- 
riuni  seciindfE  generationis  assumpsit, 
tune    dicitur  incepisse;    ut   1 1   quoque 


DE  SAINT   LDC,    CHAP.    III. 


185 


nécessité  de  détruire  la  première  naissance,  afin  de  renaître  mysté- 
rieusement une  seconde  fois.  —  S.  Greg.  {dise.  39.)  (l*)  Considérons 
quel  est  celui  qui  est  baptisé,  de  qui  il  reçoit  le  baptême  et  à  quel 
temps.  C'est  celui  qui  est  la  pureté  même,  qui  reçoit  le  baptême  des 
mains  de  Jean,  après  qu'il  a  déjà  commencé  à  opérer  des  miracles, 
apprenons  de  là  l'obligation  de  purifier  d'abord  notre  âme,  de  pra- 
tiquer l'humilité,  et  de  ne  point  nous  charger  du  ministère  de  la  pré- 
dication avant  d'avoir  atteint  l'âge  parfait  aussi  bien  pour  l'esprit  que 
pour  le  corps.  La  première  de  ces  leçons  s'adresse  à  ceux  qui  veulent 
recevoir  le  baptême  sans  aucune  disposition,  sans  y  être  aucunement 
préparés,  sans  y  apporter  cette  vertu  solide  qui  garantit  les  efi'ets  de 
la  justification  par  la  grâce,  car  le  baptême  remet  sans  doute  et 
efîace  les  péchés  passés,  mais  on  doit  toujours  craindre  de  retourner 
à  son  vomissement.  La  seconde  leçon  est  pour  ceux  qui  se  montrent 
dédaigneux  et  fiers  à  l'égard  des  dispensateurs  des  saints  mystères 
(|u'ils  voient  plus  élevés  en  dignité.  La  troisième  leçon  s'adresse  à 
ceux  qui,  pleins  de  confiance  dans  leur  jeunesse,  s'imaginent  qu'on 
peut  à  tout  âge  se  charger  de  l'enseignement  ou  des  fonctions  redou- 
tables de  l'épiscopat.  Eh  quoi!  Jésus  s'abaisse  jusqu'à  se  purifier,  et 
vous,  vous  dédaignez  fièrement  de  le  faire.  U  s'humilie  jusqu'à  rece- 
voir le  baptême  des  mains  de  Jean-Baptiste,  et  vous  affectez  vis-à-vis 
de  votre  Maître  un  esprit  d'indocilité  et  d'indépendance?  Jésus  a 
trente  ans  lorsqu'il  commence  à  enseigner,  et  vous  à  peine  sorti  de 
l'adolescence,  vous  croyez  pouvoir  enseigner  les  vieillards,  sans  avoir 
ni  l'autorité  de  l'âge  ni  celle  qui  vient  de  la  vertu?  M'alléguerez- vous 
l'exemple  de  Daniel  et  d'autres  semblables,  car  celui  qui  fait  mal  est 
toujours  prêt  à  justifier  sa  conduite.  Je  vous  répondrai,  moi,  que  ce 
qui  arriv.'  rarement,  ne  fait  pas  loi  dans  l'Eglise;  une  seule  hirondelle 

(l*j  Ce  discours  est  intitulé  Elî  Ta  àyta  çwtâ,  sur  les  saintes  lumières.  Nous  avons  dû  recou- 
rir au  texte  original,  pour  donner  plus  de  clarté  à  la  traduction  du  texte  latin  dont  saint  Thomas 
a  fait  usage. 


prioreui  iiativitalem  destruas ,  et  in 
secunda  p;eneratione  nascaris.  Greg. 
Nazianz.  {Orat.  '.i9 ,  ut  siip)  Est  erco 
consideranduiu  quis  esset  «jui  baptizalus 
est,  etaijuo,  et  quaudo.  Muiidus  siqui- 
deiii,  cl  a  Joanne,  et  jain  inceplis  iiiira- 
ciilis  ;  ut  ex  hinn  suscipianius  doctrinam 
nos  prannundandi,  et  liiunilitateiu  aiu- 
ple.xandi,  ipiin  et  in  perfectione  et  spiri- 
talis  et  r:arnalià  .-etatis  prœdicandi  :  quo- 
riiui  priiniira  dictum  est  baptisnia  susci- 
pientibiis ,  et  non  prîBniunientibus  se 
pei  habilnin  Itoniini  :  nain  etsi  relaxa- 
tioneni  peccatorum  faciat  donuin   bap- 


tismi,  verendum  tamen  est  neadeumdem 
voniituui  revertamur;  secundum  dictum 
estadversus  insurgentes  contra  dispensa- 
tores  niysterii  :  siquidem  ipsi  dignitale 
prfecellunt;  tertiurn  editum  est  illis,  qui 
de  juvenla  confid'unt,  et  quodlibet  teni- 
pus  arbitrantur  ad  pnelationeni  vel  doc- 
trinam speclare.  Purgatur  Jésus,  et  tu 
purirationem  contemnis.  A  Jeanne  ,  ac 
tu  in  tuum  raonitorem  insurgis  :  trice- 
narius,  tu  autem  docendo  seniores  lanu- 
ginem  prœvenis.  Sed  adsunt  Uanielis 
et  similiuni  exempla  in  ore  :  nam  (juili- 
bet  .noxius   ad  respoudendum  paratus 


486 


EXPLICATION    DE    I.  KVANGII.K 


ne  fait  pas  le  printemps  (  on  n'est  pas  géomètre  pour  avoir  tracé  une 
seule  ligue,  on  n'est  pas  bon  pilote  après  une  seule  navigation).  — 
S.  CiiRYS.  On  peut  dire  encore  que  Jésus  attend  pour  accomplir  toute 
la  loi,  l'âge  où  l'on  est  capable  de  tous  les  péchés,  afin  qu'on  ne  pût 
dire  qu'il  détruisait  la  loi  parce  qu'il  ne  pouvait  l'observer.  —  Ch. 
DES  PÈR.  GR.  {Séver.  d'Antioch.)  On  peut  dire  aussi  qu'il  reçoit  le 
baptême  à  trente  ans^  pour  montrer  que  la  régénération  spirituelle 
rend  les  hommes  parfaits  en  proportion  de  l'âge  spirituel.  —  Bède. 
Enfin  on  peut  dire  que  Notre-Seigneur  a  voulu  être  baptisé  à  l'âge  de 
trente  ans  comme  figure  du  mystère  de  notre  baptême,  où  nous  fai- 
sons profession  de  croire  à  la  sainte  Trinité  et  de  pratiquer  les  pré- 
ceptes du  Décalogue. —  S.  Grég.  de  Naz.  {Disc.  40.)  (l*)  Cependant  on 
doit  baptiser  les  petits  enfants  s'il  y  a  nécessité,  car  il  vaut  mieux  re- 
cevoir la  justification  sans  en  avoir  la  conscience,  que  de  sortir  de 
cette  vie  sans  être  marqué  du  signe  sacré  du  baptême.  Vous  me  direz 
peut-être  :  Quoi!  Jésus-Christ  qui  était  Dieu,  attend  l'âge  de  trente 
ans  pour  se  faire  baptiser,  et  vous  voulez  qu'on  se  hâte  de  recevoir  le 
baptême?  En  reconnaissant  que  Jésus-Christ  était  Dieu,  vous  avez 
répondu  à  cette  objection.  Il  n'avait  aucun  besoin  d'être  purifié,  il  ne 
courait  aucun  danger  eu  différant  de  recevoir  le  baplêine;  pour  vous, 
au  contraire,  vous  vous  exposez  au  plus  grand  des  malheurs,  si  vous 
quittez  cette  vie  avec  cette  seule  naissance  qui  vous  a  engendré  à  une 
vie  de  corruption,  et  sans  être  revêtu  du  vêtement  incorruptible  de  la 
grâce.  Sans  doute  il  est  bon  de  conserver  l'innocence  et  la  pureté  du 
baptême,  mais  il  vaut  mieux  s'exposer  à  quelques  légères  souillures 
que  d'être  entièrement  privé  de  la  grâce  qui  sanctifie. 

(1*)  Cette  citation  n'est  que  l'abrégé  du  magnifique  développement  qui  se  trouve  dans  le  texte 
de  saint  Grégoire. 


est.  Non  est  autem  lex  Ecclesiee ,  quod 
raro  contingit;  eo  quod  nec  uuica  lii- 
rundo  ver  statuLt.  Chbys.  (  in  cap. 
Grxcorum  Patruni.)  Vel  idcirco  usque 
ad  illam  fetatem  quee  cimcta  peccata 
recipit,  expectat  totam  legem  perilcieus, 
ue  quis  dicat  quod  ideo  legem  solvit, 
quod  eam  non  poterat  cousummare. 
Gr^c.  [îd  est ,  Severus  Antiochenus  in 
Cat.  Grxcoruin  Patruin.)  Ob  hoc  etiam 
tricenarius  accedit  ad  baptisma  ,  ut  os- 
teudat  quod  spiritalis  regeneralio  viros 
parit  perfectos  secundum  spiritalem 
œtatem.  Bed.  Polest  etiam  tricenalis 
baplizali  Salvaloris  aitas  nostri  etiam 
baptismatis  intimare  mysterium ,  prop- 
ter  fidem  scilicet  Trinitatis,  et  opei^atio- 


nem  Decalogi.GREG.  Nazianz.  iOrat.  40.) 
Baptizaudus  est  tamen  iufantulus,  si  né- 
cessitas urgeat  :  nam  utilius  est  insensi- 
biliter  sanctiiîcari ,  quam  non  siguatos 
Irausmigrare.  Sed  dices  :  «  Christus  tri- 
cenarius baptizatur,  cum  Deus  esset,  tu 
vero  jubés  accelerare  baptisma  :  »  cum 
dixisti,  Deus ,  id  objectum  solvisti.  Ipse 
non  indigebat  purgamine,  nec  aliquod 
imminebat  ei  periculum  dum  differret 
baptisma  :  at  tibi  in  parvum  non  reduu- 
dat  piaculum,  si  transmigres  iu  corrup- 
tione  natus,  non  autem  iucorruptionis 
veste  indutus.  Et  quidem  bonum  est 
baptismi  munditiam  custodire,sed  potius 
est  interdum  paulisper  maculari ,  quam 
gratia  carere  omniuo. 


DE   SAINT    LUC,    CHAP.    lîl.  187 

S.  Cyr.  Quoique  Jésus-Christ  n'eût  pas  de  père  selon  la  chair,  on 
croyait  assez  généralement  qu'il  en  avait  un,  c'est  cette  opinion  que 
l'Evangéliste  exprime  en  disant  :  «  Etant,  comme  l'on  croyait,  fils  de 
Joseph.  »  —  S.  Ambr.  Cette  expression,  «  comme  l'on  croyait,  »  est 
très-juste,  car  il  ne  l'était  pas  en  effet,  mais  il  passait  pour  l'être, 
parce  que  Marie  sa  mère  était  l'épouse  de  Joseph.  Mais  pourquoi  don- 
ner la  généalogie  de  Joseph  plutôt  que  celle  de  Marie,  alors  que 
Marie  a  enfanté  Jésus-Christ  par  l'opération  de  l'Esprit  saint,  et  que 
Joseph  est  tout  à  fait  étranger  à  cette  divine  naissance  ?  Nous  aurions 
lieu  d'en  être  surpris,  si  nous  ne  savions  que  c'est  la  coutume  de  l'E- 
criture, de  remonter  toujours  à  l'origine  du  mari  plutôt  que  de  la 
femme,  ce  qui  est  ici  d'autant  plus  naturel,  que  Marie  et  Joseph 
avaient  une  même  origine.  En  effet,  comme  Joseph  était  un  homme 
juste  (1),  il  dut  choisir  une  épouse  de  sa  tribu  et  de  sa  famille.  Aussi 
à  Tépoque  du  dénombrement,  nous  voyons  Joseph,  qui  était  de  la 
maison  et  de  la  famille  de  David,  se  rendre  à  Bethléem  pour  s'y  faire 
inscrire  avec  Marie  son  épouse,  qui  était  enceinte.  Puisqu'elle  se  fait 
inscrire  comme  étant  de  la  même  tribu  et  de  la  même  famille,  c'est 
qu'elle  en  était  en  effet;  voilà  donc  pourquoi  l'Evangéliste  nous  donne 
la  génération  de  Joseph  et  la  commence  ainsi  :  «  Qui  fut  fils  d'Héli.  » 
Mais  remarquons  que  d'après  saint  Matthieu,  Jacob,  qui  fut  père  de 
Joseph,  est  fils  de  Nathan,  tandis  que  d'après  saint  Luc,  Joseph, 
époux  de  Marie,  est  fils  d'Héli.  Or,  comment  un  seul  et  même  homme 
peut-il  avoir  deux  pères,  Héli  et  Jacob  ?  —  S.  Grég.  de  Naz.  (2)  Quel- 
ques-uns prétendent  qu'il  n'y  a  qu'une  seule  généalogie  de  David  à 

(1)  Parce  qu'un  homme  juste  n'aurait  pu  faire  une  chose  contraire  à  la  loi,  comme  l'ajoute  saint 
Ambroise. 

(2)  Dans  le  poëme  qui  est  intitulé  :  De  la  généalogie  de  Jésus-Christ. 


Ctril.  (m  Cat.  Grxcoruni  Patrum 
ex  Glaphyris.)  Licet  lanien  Christus  se- 
cundum  caniem  careat  paire,  suspica- 
bauUir  aliqiii  eiim  patrem  liabere  :  uude 
sequitur  :  «Ut  put  abatur  filins  Joseph.» 
AsiBR.  Bene,  ni  pittubidur,  qui  vere  non 
eral  ;  sed  ideo  putabalur,  quia  cuni  Ma- 
ria (quae  Josepli  erat  desponsata)  genue- 
rat.  Cur  antem  Joseph  maftis  quam 
Mariée  seneralio  describitur  (t;uin  Maria 
de  Spirilu  sancto  genuerit  Christum,  et 
Joseph  a  generatione  Uouiini  videatur 
îilienus)  :  dubitare  possemus,  nisi  con- 
siietudo  nos  instrueret  Scripturaruni , 
qn;c  seniper  viri  origiuem  quœril  ma- 
xime cum  in  Joseph  eliam  sit  origo  Ma- 
ria* :  nain  cuni  vir  juslus  fuerit,  Joseph 
utique  ex  tribu  sua  et  ex  patria  sua  ac- 


cepit  uxorem.  Itaque  et  census  tempore 
ascendit  Joseph  de  domo  et  de  patria 
David^  ut  protiteretur  cum  Maria  uxore 
sua.  Quœ  ex  eadem  domo  et  ex  eadem 
patria  professionem  defert,  utique  ejus- 
deni  tribus  et  ejusdem  patriœ  se  esse 
désignât:  unde  generationem  Joseph ex- 
plicans,  subdit  :  «  Qui  fuit  Eli.  »  lllud 
autem  advertamus  quod  sanctus  Mat- 
tliffius  Jacob  (qui  fuit  paler  Joseph) 
filium  Nathan  esse  commémorât  :  Lu- 
cas vero  Joseph  (oui  desponsata  fuit 
Maria)  /Uium  Eli  esse  descripsit  :  quo- 
modo  unius  duo  patres,  scilicet  Eli  et 
Jacob,  esse  potuerunf?  Greg.  Naziax. 
Dicunt  auLem  quidam  quod  unica  est 
successio  a  David  usque  ad  Joseph,  sed 
diversis  nominibus  ab  utroque  Evange- 


188  EXPLICATION   DE    l'ÉVANGILE 

Joseph ,  mais  reproduite  sous  des  noms  différents  par  les  deux  Evan- 
gélistes.  Mais  cette  opinion  est  tout  simplement  absurde,  puisque  en 
tête  de  cette  généalogie,  nous  voyons  deux  frères,  Nathan  et  Salomon, 
tous  deux  souches  de  deux  générations  tout  à  fait  distinctes. 

EusÈBE.  {Hisl.  eccl.^  i,  6.)  Entrons  plus  avant  dans  l'intelligence 
de  ces  paroles  •  si  tandis  que  saint  iNIatthieu  affirme  que  Joseph  est 
fils  de  Jacob,  saint  Luc,  de  son  côté,  affirmait  également  que  Joseph 
est  fils  d'Héli,  il  y  aurait  quelque  difficulté.  Mais  comme  en  face  de 
l'affirmation  de  saint  Matthieu,  saint  Luc  ne  fait  qu'exprimer  l'opinion 
d'un  certain  nombre  de  personnes,  et  non  pas  la  sienne,  en  disant  : 
«  Comme  l'on  croyait,  »  il  ne  peut  y  avoir  de  place  pour  le  doute.  En 
effet,  il  y  avait  parmi  les  Juifs  partage  d'opinions  sur  la  personne  du 
Christ  (I);  tous  le  faisaient  descendre  de  David  par  suite  des  pro- 
messes que  Dieu  lui  avait  faites  ;  mais  la  plupart  croyaient  qu'il  de- 
vait descendre  de  David  par  Salomon  et  par  les  autres  rois  ses  suc- 
cesseurs, tandis  que  d'autres  rejetaient  cette  opinion  à  cause  des 
crimes  énormes  dont  plusieurs  de  ces  rois  s'étaient  rendus  coupables^ 
et  aussi  parce  que  Jérémie  avait  prédit  de  Jéchonias,  qu'aucun  rejeton 
de  sa  race  ne  s'asseoirait  sur  le  trône  de  David  (./e>.,  xxi).  Or,  c'est 
cette  dernière  opinion  que  rapporte  saint  Luc,  bien  qu'il  sût  que  la 
généalogie  rapportée  par  saint  Matthieu,  fût  seule  la  vraie.  A  cette 
première  raison  nous  pouvons  en  ajouter  une  plus  profonde;  saint 
Matthieu  commence  son  Evangile  avant  le  lécit  de  la  conception  et  de 
la  naissance  temporelle  de  Jésus-Christ  ;  il  était  donc  naturel  qu'il  fit 
précéder  ce  récit,  comme  dans  toute  histoire,  de  la  généalogie  de  ses 
ancêtres  selon  la  chair.  Voilà  pourquoi  il  donne  cette  généalogie  en 

(1)  C'est-à-dire  sur  le  Messie  qu'ils  attendaient;  et  non  sur  la  personne  même  du  Sauveur  qu'ils 
ne  reconnaissaient  pas  comme  le  Christ. 


lista  narratur.  Sed  hoc  absurde  fatentur 
quoniaminitiumhujus  generationis  duos 
fratres  obtinuit,  Nathan  scilicet  et  Sa- 
lomonem ,  unde  generationes  diversi- 
ruodse  profluxerunt. 

EusEB.  {in  Hist.  Ecoles.,  \\h.  i,  cap. 
6.)  Ipsorum  ergo  verborum  sententiae 
intellectum  attentius  explicemus  :  si 
enim  approbanle  Matthaeo  Joseph  esse 
filinm  Jacob,  Lucas  similiter  approbas- 
set  Joseph  esse  filiuni  Eli,  esset  ahqua 
controversia.  Cfeterum  cum  approbante 
Matthaeo  Lucas  plurium  opinionem  de 


reducereat  ipsum  ad  David  propter  pro- 
missiones  ei  factas  ;  plurimi  autem  as- 
serereot  Christum  a  David  esse  futurum 
per  Salomonem  et  ahos  reges  ;  quidam 
banc  opinionem  vitabant  eo  quod  plu- 
rima  de  regibus  dicuntur  enormia;  et 
quia  de  Jechonia  Hieremias  dixit  {cap. 
22),  quod  non  oriretur  semen  ex  eo  col- 
locandum  in  sede  David  :  quorum 
opinionem  commémorât  Lucas  ,  sen- 
tiens  enarrare  Matthœum  quahs  esset 
Veritas  generationis  :  et  bsec  est  prima 
ratio.     Est     et    aha    profuudior.     Mat- 


clararet,  non  propriam.  dicens,  ut  pu-  I  thœus  enim  cum  inciperet  scribere  ante 
tohatnr,  non  arbitrer  aliquod  rehnqui  I  conceptiouera  Mariae,  et  carnalem  na- 
dubium  :  cum  enim  essent  inter  Judfeos  j  tivitatem  Jesu,  opportune  velut  in  his- 
diversœ  opiniones  de  Ghristo,  et  omnes  i  toria    prœmittit    carnalem   progeniem  ; 


DE  SAINT   LUC^    CHAP.    III.  189 

descendant  des  ancêtres  aux  enfants,  parce  qu'en  effet,  le  Verbe  divin 
est  descendu  en  se  revêtant  de  notre  chair.  Saint  Luc,  au  contraire, 
saute  comme  d'un  bond  jusqu'à  la  nouvelle  naissance  que  Jésus  semble 
prendre  dans  les  eaux  du  baptême,  et  il  dresse  une  autre  généalogie 
en  remontant  des  derniers  aux  premiers,  des  enfants  à  leurs  pères. 
De  plus,  il  passe  sous  silence  le  nom  des  rois  coupables  que  saint 
Matthieu  avait  inséré  dans  sa  généalogie,  parce  que  tout  homme  qui 
reçoit  de  Dieu  une  nouvelle  naissance,  devient  étranger  à  ses  parents 
coupables_,  en  qualité  d'enfant  de  Dieu,  et  il  ne  fait  mention  que  de 
ceux  qui  ont  mené  une  vie  vertueuse  aux  yeux  de  Dieu.  Car  ainsi 
qu'il  fut  dit  à  Abraham  :  a  Vous  irez  rejoindre  vos  pères,  »  {Gen.,  xv), 
non  pas  vos  pères  selon  la  chair,  mais  vos  pères  selon  Dieu,  à  cause 
de  la  conformité  de  votre  vie  avec  leurs  vertus.  Ainsi  saint  Luc  donne 
à  celui  qui  a  reçu  de  Dieu  une  nouvelle  naissance  des  ancêtres  selon 
Dieu,  à  cause  de  la  ressemblance  de  mœurs  qui  existe  entre  les  pères 
et  les  enfants. —  S.  Aug.  [quest.  sur  l'Ane,  et  le  Nouv.  Test.,  quest.  65.) 
Ou  bien  encore,  saint  Matthieu  descend  de  David  par  Salomon  jusqu'à 
Joseph  ;  saint  Luc  au  contraire  remonte  d'Héli  contemporain  du  Sau- 
veur par  la  ligne  de  Nathan  fils  de  David,  et  il  réunit  les  tribus  d'Héli 
et  de  Joseph  ;  montrant  ainsi  qu'ils  sont  de  la  même  famille,  et  qu'ainsi 
le  Sauveur  n'est  pas  seulement  fils  de  Joseph,  mais  d'Héli.  Par  la  même 
raison,  en  effet,  que  le  Sauveur  est  appelé  fils  de  Joseph,  il  est  aussi  le 
fds  d'Héli  et  de  tous  les  ancêtres  de  la  même  tribu  ;  vérité  que  l'Apôtre 
exprime  en  ces  termes  :  «  Qui  ont  pour  pères  les  patriarches ,  et  de 
qui  est  sorti  selon  la  chair  Jésus-Christ.  »  —  S.  AuG.  {quest.  év.,  ii,  5.) 
On  peut  donner  trois  différentes  explications  de  cette  divergence  entre 
les  deux  généalogies  de  saint  Matthieu  et  de  saint  Luc,  ou  bien,  l'un 


unde  et  generationem  a  superioribus  [  parantiain  moruQi,  Aug.  [de  Quxst, 
dérivât  desceudens  :  cum  euim  Ver- ,  Noii  et  veteris  Teslamenti,  quaest.  63.) 
biim  Dei  camem  acciperet,  desccude- |  Vcl  aliter  :  Matthœus  a  David  per  Salo- 
bat  ;  sed  Lucas  ad  faclain  per  lavacrum  ;  monem  desceuJit  ad  Joseph  :  Lucas 
rej^enerationeui  prosilil ,  et  ibi  aliam  ,  vero  ab  Eli,  qui  tempore  fuit  Salvaloris, 
geuerum  succe.-sionem  exponit,  et  ab  I  ascendit  per  traducem  Natbau  filii  Da- 
iuiis  ad  prima  sublevatus,  pariter  et .  vid,  et  Eli  et  Joseph  junxit  Iribum,  os- 
peccatoruui  quos  narravil  Mattbceus  me- I  tendens  unius  generis  esse  utrumque, 
uioriam  abdicat  (eo  quod  quicuuque  ia  i  ac  per  hoc,  non  solum  Joseph  filium  esse 
iJcu  renascitur,  lit  alienus  a  criuiinosis  Salvaloris,  sed  et  Eli.  Ipsa  enim  ralione 
pareutibus,  l)oi  Filius  factus),  et  eoruni  qua  Joseph  filius  dicitur  esse  Salvator, 
qui    secuiidum   Deum    vitam   duxerunt    ipsa  eliaui  est  et  Eli  fihus,  et  c.Tterorum 


honestaui,  niominit.  Sic  enim  Abrahae 
diclum  est  {Gen.,  13,  vers.  13)  :  «  Tu 
proficisceris  ad  patres  tuos  ;  »  non  qui- 
dem  carnales,  sed  in  Dco  patres;  pro- 
pter  similitudinem  honestalis.  Igitur  ei 
qui  in  Dco  nascitur,  ascribit  parentes 
qui  sunt  secundum  Deum  propter  œqui- 


omuiurt'  qui  de  eadem  tribu  sunt.  Hinc 
est  quod  dicit  Aposlolus  {Rom.,  9,  vers, 
5)  :  «  Quorum  patres^  et  ex  quibus  Chri- 
stus  secundum  carnem.  »  Aug.  (f/e 
Quxst.  Evung.,  lib.  ir,  cap.  3.)  Vel  très 
causée  occurrunt,  quarum  aliquam  Evan- 
gelista  secutus  sit  :  aut  enim  unus  evan- 


190  EXPLICATION  DE    l/ÉVANGILE 

donne  le  nom  du  père  de  Joseph,  l'autre  celui  de  son  aïeul  maternel 
ou  d'un  de  ses  ancêtres  ;  ou  bien  d'un  côté  nous  avons  le  père  naturel 
de  Joseph,  de  l'autre  son  père  adoptif  ;  ou  bien  encore  l'un  des  deux 
qui  nous  sont  donnés  comme  pères  de  Joseph,  étant  mort  sans  enfants, 
son  plus  proche  parent  aura  épousé  sa  femme,  selon  la  coutume  des 
Juifs,  et  donné  ainsi  un  enfant  à  celui  qui  était  mort.  —  S.  Ambr.  La 
tradition  nous  apprend  en  effet,  que  Nathan  qui  descend  de  Salomon, 
eut  un  fils  nommé  Jacob,  et  mourut  avant  sa  femme  que  Melchi 
épousa,  et  dont  il  eut  un  fils  appelé  Héli.  Jacob  à  son  tour  étant  mort 
sans  enfants,  Héli  épousa  sa  femme  et  en  eut  pour  fils  Joseph,  qui, 
d'après  la  loi,  est  appelé  fils  de  Jacob,  parce  qu'Héli,  conformément 
aux  dispositions  de  la  loi  {Deut.,  xxv),  donnait  des  enfants  à  son  frère 
mort.  —  BEDE.  Ou  bien  encore,  on  peut  dire  que  Jacob,  pour  obéir  à 
la  loi,  a  épousé  la  femme  de  son  frère  Héli,  mort  sans  enfants,  et  qu'il 
en  eut  Joseph,  qui  était  son  fils  dans  l'ordre  naturel,  mais  qui  d'après 
les  prescriptions  de  la  loi,  était  le  fils  d'Héli.  —  S.  AuG.  [de  l'ace,  des 
Evang.,  i,  3.)  Il  est  plus  probable  que  saint  Luc  nous  a  donné  la  gé- 
néalogie des  ancêtres  adoptifs  de  Joseph,  puisqu'il  ne  dit  pas  que 
Joseph  ait  été  engendré  par  celui  dont  il  l'appelle  le  fils.  Ou  conçoit 
mieux,  en  effet,  qu'on  puisse  appeler  un  homme  le  fils  de  celui  qui  l'a 
adopté,  que  de  dire  qu'il  a  été  engendré  par  celui  qui  n'est  pas  son 
père  naturel.  Saint  Matthieu,  au  contraire,  en  s'exprimant  de  la  sorte  : 
«  Abraham  engendra  Isaac,  Isaac  engendra  Jacob,  »  et  en  continuant 
ainsi  jusqu'à  la  fin  de  la  généalogie,  qu'il  termine  en  disant  :  «  Jacob 
engendra  Joseph,  »  nous  indique  assez  clairement  qu'il  a  voulu  don- 
ner la  généalogie  des  ancêtres  naturels  de  Joseph,  plutôt  que  la  gé- 
néalogie de  ses  ancêtres  adoptifs.  Mais  supposons  même  que  saint  Luc 


gelista  patrem  ejus  a  quo  genitus  est,  j  sine  liberis  defimcti  uxorern  de  mandato 
nominavit,  alter  vero  vel  avum  mater-  legis  accipiens,  genuit  Joseph,  natura 
Dum,  vel  aliquem  de  cognatis  majoribas  |  quidem  germinis  fîliumsuum,  secundum 
posuit;  aut  unus  erat  Joseph  naluralis  j  verp  legis  prœceptum  eftîcilur  filius  Eh, 
pater,  et  alter  eum  adoptavit;  aut  more  j  AuG,    [de   Con.    Evang.,  \ih.  i,  ca^p.   3.) 


Judœoruin  cum  sine  filiis  unus  deces 
sisset,  ejus  uxorem  propinquus  recipieus, 
filium  quem  genuit  propinquo  mortuo 
deputavit.  Ambr.  Traditur  enim  Mathan 
(qui   a   Salomone   genus   duxit)    Jacob 


Probabilius  enim  intelligimus  Lucam 
adoptantis  originem  teuuisse,  qui  noluit 
Joseph  genitum  dicere  ab  illo  cujus  fi- 
lium esse  narravit  :  commodius  enim 
lîlius  dictus  est   ejus  a   quo  fiierat  ado- 


generasse  filium  et  uxore  superstite  de-  ptatus,  quam  diceretur  ab  illo  genitus 
cesssise:  quam  Melchi  accepil  uxorem,  I  ex  cujus  carne  non  erat  nalus,  Matthseus 
ex  qua  generatus  est  Eli.  Rursus  Eli  j  autem  dicens  :  «  Abraham  genuit  Isaac, 
fratre  Jacob  sine   hberis  decedente,  co-    Isaac  autem    genuit  Jacob,  »   atque  in 


pulatus  est  fratris  uxori,  et  generarit 
filium  Joseph,  qui  juxta  legem  Jacob 
filins  dicitur  ;  quoniam  semen  fratris 
defuncti  juxta  legis  veteris  seriem  susci- 
tabat,  Bed,  Vel  ahter  :    Jacob  fratris  Eli 


hocverbo,  quodest  genuit,  perseverans, 
donec  in  ultimo  diceret  :  «  Jacob  autem 
genuit  Joseph,  »  satis  expressif  ad  eum 
se  patrem  perduxisse  originem  generan- 
tium  a  quo  Joseph,  non  adoptatus,  sed 


DE    SAINT    LUC.    CHAP.    III.  iQ\ 

ait  dit  que  Joseph  ait  été  engendré  par  Héli,  il  n'y  aurait  pas  de  quoi 
nous  troubler;  ne  peut-on  pas  dire  en  effet,  sans  absurdité,  que  celui 
qui  adopte  un  fils  l'engendre,  non  selon  la  chair,  mais  par  l'affection 
qu'il  lui  porte?  Or  saint  Luc  nous  donne  la  généalogie  des  ancêtres 
adoptifs  de  saint  Joseph,  parce  que  c'est  la  foi  au  Fils  de  Dieu  qui  nous 
fait  enfants  adoptifs  de  Dieu,  tandis  que  la  généalogie  naturelle  nous 
apprend  plutôt  que  c'est  peur  nous  que  le  Fils  de  Dieu  est  devenu 
Fils  de  l'homme. 

S.  Chuys.  [liom.  31  su?'  l'Ep.  aux  Rom.)  Comme  cette  partie  de 
l'Evangile  ne  se  compose  que  d'une  suite  de  noms,  elle  ne  paraît 
offrir  à  quelques-uns  rien  de  bien  important.  Pour  ne  pas  tomber 
dans  cette  erreur,  approfondissons  cette  partie  de  l'Evangile,  car  on 
peut  trouver  un  riche  trésor  dans  ces  noms  qui,  pour  la  plupart,  ren- 
ferment de  précieuses  significations,  puisqu'ils  nous  rappellent  la 
bonté  divine  et  la  pieuse  reconnaissance  des  saintes  femmes  qui  don- 
naient aux  enfants  qu'ils  avaient  obtenus  un  nom  commémoratif  de  la 
grâce  qu'ils  avaient  reçue. 

La  Glose,  {interlhi.)  Héli  signifie  ?7ion  Dieu  ,  ou  celui  qui  monte, 
il  fut  fils  de  Mathat,  c'est-à-dire  qui  pardonne  les  péchés^  qui  fût  fils 
de  Lévi,  c'est-à-dire  qui  est  ajouté.  Saint  Luc  ne  pouvait  faire  entrer 
dans  sa  généalogie  un  plus  grand  nombre  des  enfants  de  Jacob,  sous 
peine  de  s'étendre  inutilement  dans  une  série  de  noms  étrangers  au 
but  qu'il  se  proposait  ;  cependant  il  n'a  point  voulu  passer  entièrement 
sous  silence  les  noms  antiques  et  vénérables  des  patriarches  ,  et  il 
choisit  entre  tous  les  autres,  Joseph,  Juda ,  Siméon  et  Lévi ,  en  qui 
semblent  se  personnifier  quatre  espèces  de  vertus.  Juda ,  en  effet ,  est 
la  figure  prophétique  i:lu  mystère  de  la  passion  du  Seigneur  ;  Joseph 


genitus  erat  :  quanquam  si  etiam  !ïeni- 
tum  Lucasiiiceret  Joseph  ab  Eli,  nec  sic 
nos  hoc  verbnm  perlurbare  deberet  : 
neque  enim  absurde  quisque  dicilur, 
non  carne,  sed  cliaritate  genuisse,  quem 
sibi  filium  adoptavit.  Merito  aulem  Lu- 
cas adoplionis  originom  suscepit,  quia 
per  adoplioiiem  efficimur  filii  l;ei,  cre- 
dendo  in  Fihum  Dei  ;  per  carnalem  vero 
generalionem  Filins  Dei  polius  propter 
nos  Filius  honiinià  factus  est. 

Cnnvs.  {hom.  31,  in  Epist.  ad  liovi.) 
Quia  vero  luec  pars  Evangelii  cousistit 
in  série  noniinuni,  nihil  preliosum  cxinde 
acquiri  exislimant.  Ne  igitur  hoc  palia- 
mur,  experiamur  etiam  hune  passuni 
scrutari;  est  enim  ex  nudis  nominibus 
eopiosum    haurire  Ihesaurum,  quia  plu- 


rinm  rerum  indicativa  sunt  nomina  : 
nam  et  divinam  clementiam  et  oblatas  a 
mulieribus  gratiarum  actiones  sapiunt  : 
cum  enim  filios  inipetrabant,  nomen 
imponebant  a  dono. 

Glos.  [interlin.)  Interprelatur  igitur 
Eli  Ueus  meus,  vel  scandens  ;  qui  fuit 
Mathat,  id  est,  donans  peccata  ;  qui 
fuit  Levi,  id  est,  additus.  Ambr.  Pulchre 
Lucas,  quando  filios  Jacob  no;i  poterat 
plures  comprehendere,  ne  extra  genera- 
tionem  evagari  superflua  série  videretur, 
lioet  in  aliis  id.est  longe  posterioribus, 
patriarcharum  tameu  antiqua  nomina 
non  praitermittenda  arbitratus  est  ;  Jo- 
seph, Judœ,  Simeonis  et  Levi.  Quatuor 
enim  gênera  in  his  cognoscimns  fuisse 
i  virtulum  ;  in  Juda   passionis   dominica; 


192  EXPLICATION    DE    l/ÉVANGILE 

est  le  parfait  modèle  de  la  chasteté  ;  Siméoii,  le  veugeur  de  la  pudeur 
outragée,  et  Lévi,  le  représentant  du  ministère  sacerdotal.  —  Suite. 
Il  fut  lîls  de  Melchi,  c'est-à-dire  mon  roi;  qui  le  fut  de  Janné,  c'est-à- 
dire  main  droite;  qui  le  fut  de  Joseph,  c'est-à-dire  accroissement  (ce 
Joseph  est  dilTérent  du  premier);  qui  le  fut  de  Mathathias,  c'est-à-dire 
don  de  Dieu  ou  ciuelquefois\  quilefutd'Amos,  c'est-à-dire  (iviv  charge 
OM  qui  a  chargé;  qui  le  fut  de  Nahum,  c'est-à-dire  secourez-moi; 
qui  le  fut  de  Alathat,  c'est-à-dire  désir;  qui  le  fut  de  Mathathias,  même 
signification  que  ci-dessus;  qui  le  futdeSéméi,  c'est-à-dire  obéissant; 
qui  le  fut  de  Joseph,  c'est-à-dire  accroissement  ;  qui  le  fut  de  Juda, 
c'est-à-dire  <7M«  /owe;  qui  le  fut  de  Joanna,  c'est-à-dire  grâce  du 
Seigneur  ou  miséricorde  du  Seigneur  ;  qui  le  fut  de  Résa,  c'est-à-dire 
tniséricor dieux  ;  qui  le  fut  de  Zorobabel,  c'est-à-dire  prince  ou  maître 
de  Babylone;  qui  le  fut  de  Salathiel ,  c'est-à-dire  Dieu  est  l'objet  de 
ma  demande  ;  qui  le  fut  de  Néri,  c'est-à-dire  mon  flambeau;  qui  le 
fut  de  jMekhi,  c'est-à-dire  mon  royaume  ;  qui  le  fût  d'Addi ,  c'est-à- 
dire  robuste  ou  violent  ;  qui  le  fut  de  Cosan ,  c'est-à-dire  prévoyant  ; 
qui  le  fut  d'Her,  c'est-à-dire  qui  est  vigilant ,  ou  veille  ou  séduisant; 
qui  le  fut  de  Jésus,  c'est-à-dire  Sauveur  ;  qui  le  fut  d'Eliézer,  c'est-à- 
dire  mon  Dieu  est  mon  secours  ;  qui  le  fut  de  Jorim ,  c'est-à-dire 
secours  de  Dieu;  qui  le  fut  de  Mathath,  même  signification  que  ci- 
dessus  ;  qui  le  fut  de  Lévi ,  comme  ci-dessus  ;  qui  le  fut  de  Siméon, 
c'est-à-dire  qui  a  entendu  la  tristesse  ou  le  signe  ;  qui  le  fut  de  Juda, 
c'est-à-dire  qui  loue  ;  qui  le  fut  de  Jona,  c'est-à-dire  colombe  onplain- 
tif;  qui  le  fut  d'Eliachim,  c'est-à-dire  résurrection  de  Dieu;  qui  le 
fut  de  Melcha,  c'est-à-dire  son  roi;  qui  le  fut  de  Menna,  c'est-à-dire 


per  figuram  mysterium  prophetatum  ; 
in  Joseph  prsecessisse  castitatis  exem- 
plum  ;  in  Simcone  viudictam  lœsi  pu- 
doris;  in  iei'i  officium  sacerdotis  :  uude 
sequitur  :  qui  fuit  Melcbi,  id  est,  rex 
meus  ;  qui  fuit  Jaune,  id  est,  dextra  ; 
qui  fuit  Joseph,  id  est,  accrescens  (fuit 
autem  alius  iste  Jo-sepli)  ;  qui  fuit  Mat- 
tbathite,  id  est,  donum  Dei,  vel,  ali- 
quando  ;  qui  fuit  Amos,  id  est  oneruns, 
Tel  oneravit  ;  qui  fuit  Nabum,  id  est, 
adjuva  me  ;  ([ui  fuit  Matbatli,  id  est, 
desiderium,  qui  fuit  Matbatbiai,  ut  su 
pra  ;  qui  fuit  Semei,  id  est,  obediens  ; 
qui  invi  Joseph,  id  est,  uu^mentum  ;  qui 
fuit  Juda,  id  est,  confitens  ;  qui  fuit 
Joanna,  id  est,  Domimis  gratta  ejiis, 
vel  Dominus  misericors  ;  qui  fuit  Resa, 
id  est  misericors  ;  qui  fuit  Zorobabel,  id 


est,  princeps,  vel  magister  Babylonis; 
qui  fuit  Salatbiel,  id  est,  petitio  mea 
Deus  ;  qui  fuit  Neri,  id  est,  lucerna 
»iea;qui  fuit  Melchi,  id  est,  regnum 
vieum  ;  qui  fuit  Addi,  id  est,  rolustus, 
vel  violentus ;  qui  fuit  Cosaui,  id  est, 
divinans ;  qui  fuit  Her,  quod  est  vigi- 
lans,  vel  vigilia,  vel  peUicens  ;  qui  fuit 
Jésus,  quod  est  Salvutor  ;  qui  fuit  Elie- 
zer,  id  est,  Deus  meus  adjutor  ;  qui  fuit 
Jorim,  id  est,  Domimis  exaltuns,  vel 
est  exultwiis  ;  qui  fuit  Matbat,  ut  supra; 
qui  fuit  Levi,  ut  supra;  qui  fuit  Siuieou, 
id  est,  uudivit  trislitiam  vel  signum  ; 
qui  fuit  Juda,  ut  supra  ;  qui  fuit  Jo- 
seph, ut  supra  ;  qui  fuit  Jona,  id  est, 
columba ,  vel  dolens  ;  qui  fuit  Elia- 
cbim,  quod  est  Dei  resurrectio  ;  qui 
fuit  Melcha,  id   est,  rex  ejus  ;   qui  fuit 


DE  SAINT   LUC,   CHAP.    T)T.  193 

mes  entrailles  ;  qui  le  fut  de  Mathathias ,  c'est-à-dire  don  de  Dieu  ; 
qui  le  fut  de  Nathan,  c'est-à-dire  qui  a  domié  ou  qui  donne. 

S.  AiiBR.  Nathan  personnifie  le  symbole  de  la  dignité  prophétique; 
ainsi  comme  le  seul  Jésus-Christ  réunit  toutes  les  vertus,  ces  différents 
genres  de  vertus  ont  commencé  par  briller  dans  chacun  de  ses  an- 
cêtres. 

«  Qui  fut  fils  de  David.  »  —  Orig.  {hom.  28.)  Le  Seigneur ,  en  des- 
cendant du  ciel  sur  la  terre,  s'est  soumis  en  tout  à  la  condition  de* 
pécheurs,  et  a  voulu,  comme  le  rapporte  saint  Matthieu ,  descendra 
de  Salomon,  dont  les  crimes  sont  inscrits  dans  les  livres  saints,  et 
d'autres  rois  qui  ont  fait  le  mal  devant  Dieu.  Mais  quand  il  monte 
des  eaux  du  baptême  ,  où  il  vient  de  prendre  comme  une  nouvelle 
naissance,  ce  n'est  point  de  Salomon  que  saint  Luc  le  fait  descendre, 
mais  de  Nathan,  qui  vint  reprocher  à  son  père,  David,  la  mort  d'Urie 
et  la  naissance  de  Salomon  (I). 

S.  Grég.  de  Nazia^'ze.  a  partir  de  David ,  la  succession  de  la  gé- 
néalogie est  la  même  dans  les  deux  Evangélistes.  —  Suite.  «  Qui  fut 
fils  de  Jessé.  »  —  Glose,  {interl.)  David  veut  dire  qui  est  puissant,  et 
Jessé  signifie  encens.  —  Suite.  Qui  fut  fils  d'Obed ,  qui  veut  dire 
servitude;  qui  le  fut  de  Booz,  c'est-à-dire  fort;  qui  le  fût  de  Salomon, 
c'est-à-dire  sensible  ou  pacifique  ;  qui  le  fut  de  Naasson,  c'est-à-dire 
augure  ou  qui  tie?it  du  sc)'pe)it  ;  qui  le  fut  d'Aminadab  ,  c'est-à-dire 
\e peuple  volontaire;  qui  le  fut  d'Aram,  c'est-à-dire  dressé  ou  élevé; 
que  le  fut  d'Esrom,  c'est-à-dire  flèche;  qui  le  fut  de  Phares,  c'est-à- 

[Ij  Nathan  dont  il  est  ici  question,  n'est  pas  le  prophète  qui  fut  envoyé  à  David  pour  lui  repro- 
cher son  crime. 


Menna,  quod  est  viscera  mea  ;  qui  fuit  |  trem  super  UriîE  morte,  ortuque  Salomo- 
Mathathia,  id  est,  donvm  ;  qui  fuit  Na-  nis.  Aug.  {in  Lih.  Retract.,  lib.  i,  cap.  26.) 
than,  id  est,  dcdit,  vel  datitis.  I  Dicendum  auteru    quod  liujusmodi  uo- 

Ambr.    Per     Natlian    autem    exprès-  !  minis  Proplieta  arguif,  David,  ue  putetur 
sam  advertimus  prophetiae  dignitatem  ;    idem  fuisse  liomo  cuiii  aller  fuerit. 


ut  quia  niius  omnia  Cbristus  Jésus,  in 
sinpulis  quoque  majoribus  gênera  virtu- 
tuui  diversa  praicedorent. 

Sequitur  :  «  Qui  fuit  David.  »  Orio. 
{hom.  28.)Douiinu3  descendens  in  mun- 
dum  assumpsit  peccalorum  omnium 
personam,  et  nasci  voUiit  de  stirpe  Sa- 
lomonis  (ul  Mallhteus  referl),  cujus  pec- 
cata  scri\)ta  suiit,  el  co-terorum  ex  qui- 
bus  mulli  fecerunt  malum  in  couspectu 
Dei.  Quaiidu  vero  ascendit,  et  secundo 
per  baplismum  ortus  esse  descriintur 
(ut  refert  Lucas),  non  per  Salomoneni, 
sed  per  Natbam  uascùlur,  qui  arguit  pa- 


Grkg.  Nazian.  [vM  sup.)  Sed  a  David 
ultra  secundum  utrumque  evangelistam 
est  generis  processus  indivisibilis  :  unde 
sequitur  :  «  Qui  fuit  Jesse.  »  Glossa. 
{Interlin.)  Interpretatur  David  manu 
fortis,  Jesse  incensum.  Sequitur  :  qui 
fuit  Obed,  quod  est  servitus  ;  qui  fuit 
Booz,  qrod  est  fo7-lis  ;  qui  fuit  Salmou, 
quod  est  sensibilis,  vel  pacificus;  qui 
fuit  Naasson,  quod  est  ovffurium,  vel 
serpentiniis  ;  qui  fuit  Aminadab,  id  est, 
populus  voluntarms  ;  qui  fuit  Aram, 
quod  est  erectus,  vel  excelsns  ;  qui  fuit 
Esrom,  id  est,  sagittu  ;  qui  fuit  Pbares, 


TOM.    V.  13 


194 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


dire  division  ;  qui  le  fût  de  Juda ,  c'est-à-dire  qui  loue  ;  qui  le  fut  de 
Jacob,  c'est-à-dire  qui  supplante  ;  qui  le  fut  d'Isaac  ,  c'est-à-dire  rire 
ou  joie;  qui  le  fut  d'Abraham,  qui  veut  dire  père  de  beaucoup  de  na- 
tions ou  qui  voit  le  peuple. 

S.  Chrys.  [liom.  \.)  Saint  Matthieu,,  qui  écrivait  pour  les  Juifs,  s'est 
proposé  seulement  d'établir  dans  son  récit  que  Jésus-Christ  descendait 
d'Abraham  et  de  David ,  ce  qui  devait  surtout  satisfaire  les  Juifs. 
Saint  Luc,  au  contraire,  dont  l'Evangile  s'adressait  à  tous,  poursuit  la 
généalogie  jusqu'à  Adam.  —  Suite.  «  Qui  fût  fils  de  Tharé.  »  —  La 
Glose,  {interlin.)  Tharé  veut  dire  épreuve  ou  injustice;  qui  fut  fils  de 
Nachor^  c'est-à-dire  repos  de  la  lumière  ;  qui  le  fut  de  Sarug,  c'est-à- 
dire  courroie^  ou  qui  tient  les  rênes  ou  perfection  ;  qui  le  fut  de  Ra- 
gaû,  c'est-à-dire  malade  ou  paissant  ;  qui  le  fut  de  Phares,  c'est-à- 
dire  qui  divise  ou  qui  est  divisé  ;  qui  le  fut  d'Héber ,  c'est-à-dire  passage  ; 
qui  le  fut  de  Salé ,  c'est-à-dire  qui  enlève  ;  qui  le  fut  de  Cainan ,  qui 
veut  dire  lamentation  ou  leur  possession.  —  Bède.  Ni  le  nom  ni  la 
génération  de  Cainan  ne  se  trouvent  dans  le  texte  hébreu  de  la  Genèse 
ou  du  livre  des  jours,  où  U  est  dit  qu'Arphaxad  fut  le  père  immédiat 
de  Sélaa  ou  Salé.  Saint  Luc  a  pris  cette  génération  intermédiaire 
dans  la  version  des  Septante,  où  il  est  écrit  qu'Arphaxad,  âgé  de  cent- 
trente-cinq  ans,  engendra  Sélaa.  — Suite.  «Qui  fut  fils  d'Arphaxad.  » 
—  La  Glose,  {interl.)  Arphaxad  veut  dire  c/ui  répare  la  désolation  ; 
qui  fût  fils  de  Sem,  c'est-à  dire  nom  ou  nommé;  qui  le  fut  de  Noé, 
c'est-à-dire  repos.  —  S.  Ambr.  Le  nom  du  juste  Noé  ne  devait  pas  être 
omis  dans  la  généalogie  du  Seigneur  ;  car  puisqu'il  venait  au  monde 


quod  est  divisio  ;  qui  fuit  Juda,  id  est, 
confitens  ;  qui  fuit  Jacob,  quod  est  sup- 
plantator;  qui  fuit  Isaac,  quod  est  ri- 
sus,  vel  gmidium  ;  qui  fuit  Abraham^ 
quod  est  pater  multarum  gentium,  vel 
videns  popiilum. 

Chrys.  [/mm.  1 .)  Matthseus  quidem  tan- 
quam  qui  Judœis  scribebat,  nihilstatuit 
ulterius  scribere,  nisi  quod  ab  Abrabam 
et  David  Chrislusprocesserat;  hoc  eniiu 
maxime  plaeabat  Judœos  Lucas  (vero 
sicut  qui  omnibus  coaimuniler  loque- 
batur)  ulterius  proteadit  sermonem,  at- 
tingens  usque  ad  Adam  ;  ande  sequitur  : 
qui  fuit  Thare.  Glos.  [interlin.)  Quod 
interpretalur  exploratio,  sive  nequitia  ; 
qui  fuitNachor,  quod  est  reqidevit  hix; 
qui  fuit  Sarug,  quod  est  corrigia,  vel 
comprehendens  lorum,  vel  perfectio  ; 
qui  fuit  Ragau,  quod  est  œgrotus  vel 
pascens  ;  qui  fuit  Phares,  quod  est  divi- 


dens ,  vel  divisum  ;  qui  fuit  Heber, 
quod  est  transitus  ;  qui  fuit  Sale,  quod 
est  tollens  ;  qui  fuit  Cainan,  quod  est 
lamentatio,  \e\  j)ossessio  eoruin.  Beda. 
Nomen  et  geueratio  Cainan  juxta  he- 
braicam  veritatem  ueque  in  Genesi , 
neque  in  verbis  dierum  inveuitur, 
sed  Arphaxat  Selaa  (vel  Sale)  filium 
nuUo  interposito  geuuisse  perhibe- 
tur,  Scito  ergo  Lucam  banc  generatio- 
nem  de  70  Interpretum  editione  sum- 
psisse  ;  ubi  scriptum  est  quod  Arphaxad 
135  annorum  genuerit  Cainan,  iste  au- 
tem  cum  centum  et  triginta  fuerit  an- 
norum, genuerit  Selaa.  Sequitur  :  qui 
fuit  Arphaxad.  Glos.  [interlin.)  Quod  est 
sancins  depopulationem  ;  qui  fuit  Sem, 
quod  est  nomen,  vel  nominattts  ;  qui 
fuit  Noe,  quod  est  requies.  Ambr.  Noe 
quidem  justi  inter  dominicas  generatio- 
nes  commemoratio  non  debuit  praeter- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    III.  195 

pour  fonder  son  Eglise,  il  était  juste  qu'il  comptât  parmi  ses  ancêtres 
celui  qui  avait  figuré  l'établissement  de  l'Eglise  dans  la  construction 
de  l'arche.  —  Suite.  «  Qui  fut  fils  de  Lamech.  »  — La  Glose,  {interl.) 
Lamecli  veut  dire  humilié  ou  qui  frappe.,  ou  qui  est  frappé  ou  qui 
est  humble;  qui  le  fut  de  Matliusalem,  c'est-à-dire  envoi  de  la  mort 
ou  qui  estmort^  ou  qui  interrogea.  Les  années  de  Matliusalem  sont 
comptées  avant  le  déluge  ;  car  Jésus-Christ  n'ayant  été  soumis  dans 
sa  vie  à  aucunes  vicissitudes  de  l'âge ,  ne  devait  point  non  plus  res- 
sentir les  effets  du  déluge  dans  ses  ancêtres.  «  Qui  fut  fils  d'Enoch.  » 
Enoch  est  un  signe  éclatant  de  la  sainteté  du  Seigneur  et  de  sa  divi- 
nité, en  ce  que  le  Seigneur  n'a  pas  été  soumis  à  la  mort,  et  qu'il  est 
remonté  au  ciel,  de  même  qu'Enoch,  un  de  ses  ancêtres  avait  été  en- 
levé dans  le  ciel.  Nous  voyons  par  là  que  Jésus-Christ  aurait  pu  ne  pas 
mourir,  mais  qu'il  a  voulu  mourir  à  cause  des  grands  avantages  que 
devait  nous  procurer  sa  mort.  Enoch  fut  enlevé  dans  le  ciel  de  peur 
que  le  mal  ne  vînt  à  changer  les  dispositions  de  son  cœur  (1).  Mais 
quant  au  Seigneur,  qui  était  inaccessible  à  la  méchanceté  du  siècle, 
il  est  remonté  par  un  effet  de  sa  puissance  divine  dans  le  lieu  d'où  il 
était  descendu.  —  Bède.  En  remontant  du  Fils  de  Dieu  baptisé  jusqu'à 
Dieu  le  Père,  saint  Luc  place  comme  à  dessein  le  soixante-dixième. 
Enoch  qui  fut  transporté  dans  le  paradis  sans  passer  par  la  mort, 
pour  signifier  que  ceux  qui  ont  été  régénérés  dans  l'eau  et  l'Esprit 
saint,  par  la  grâce"  de  l'adoption  des  enfants ,  seront  reçus  dans  le  re- 

(1)  Au  lieu  de  a  son  cœur,  »  on  lit  dans  le  livre  de  la  Sagesse  :  n  son  esprit,  son  intelligence,  « 
ff'jv£i7tv  aO-rôy  [Sag.,  iv,  11.)  L'auteur  sacré  n'explique  pas  dans  quel  endroit  Hénoch  fut  trans- 
porté ;  l'apôtre  saint  Paul  n'est  pas  plus  explicite  dans  son  Epitre  aux  Hébreux,  où  il  dit  simple- 
ment qu'Hénoch  fut  enlevé  pour  ne  pas  mourir,  et  qu'il  ne  parut  plus  parce  que  Dieu  l'avait  trans- 
porté ailleurs.  (Hebr.,  xi,  5.)  L'auteur  de  V Ecclésiastique  dit  qu'il  fut  transporté  dans  le  paradis, 
mais  sans  exprimer  si  ce  para<iis  était  une  demeure  céleste  ou  terrestre.  Les  Pères  elles  commen- 
tateurs ne  sont  pas  d'accord  sur  ce  point;  toutefois  si  on  veut  l'entendre  d'une  demeure  céleste,  ce 
ne  peut  être  le  paradis  des  élus ,  mais  plutôt  ce  que  nous  appelons  le  firmament.  (Note  du 
P.  Nicolaï.) 


miUi,  ut  quia  aedificator  Ecdesiœ  nasce- 
batur,  eum  sui  frt'ucris  auctorem  prœ- 
luisse  videatur,  (|in  eam  iii  lypo  arcai 
aute  fiuidaverut.  Qui  fuit  Lamech.  Glos. 
{intcrlin.)  Quod  est  humiliatum;  vel 
percutientem,  vel  pcrcvss  •m,  vel  7m- 
milem  ;  qui  fuit  iMalhusalein,  quod  est 
mollis  emissio,  vel  mortuvs  est,  et  in- 
teno'javit.  Ambr.  Ilujus  ultra  diluvium 
uuinerautur  auui;  ut  quouiam  solus  eàt 
Cliri^lus  unus,  cujus  vita  iiullaui  sentit 
œtalem,  ia  luajoribus  quoque  suis  iiou 
sensisse  diluvia  videretur.  Qui  fuit  Enoch. 
Et  hic  pietalis  douiinicae  et  Divinitatis 
matiifestaluui  indicium  est;  eo  quod 
nec    uiortem   senseriL   Doniiuus,    et   ad 


cœlum  remeaverit;  cujus  generis  auctor 
raplus  ad  cœlum  est  :  unde  manifestum 
est  Chrislum  potuisse  non  mori,  sed  vo- 
luisse,  ut  nobis  mors  illa  prodesset  ;  et 
ille  quidem  raptus  ne  malitia  mularet 
cor  ejus.  Dominus  autem  (quem  malitia 
seculi  mutare  non  poterat)  eo  unde  vé- 
nérât, nalurœ  suce  majestate  remeavit. 
Bed.  Pulchre  autem  a  baptizato  Dei  Filio 
usque  ad  Deum  Patrem  ascendens,  sep- 
tuagesimo  gradu  Enoch  ponit^  qui  dilata 
morte  trauslatus  est  in  paradisum  ;  ut 
siguificet  eos  qui  par  gratiam  adoptionis 
filiorum  ex  aqua  et  Spiritu  sancto  rege- 
uerantur,  intérim  (post  corporis  abso- 
lutionem)  a;ternam  suscipiendos  in   re- 


196 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


pos  éternel  ;  car  le  nombre  soixante-dix  ,  à  cause  du  jour  du  sabbat 
qui  est  le  septième,  figure  le  repos  de  ceux  qui  ont  accompli  le  déca- 
loguc  de  la  loi  par  le  secours  de  la  grâce  de  Dieu.  —  La  Glose. 
{interl.)  Enoch  veut  dire  dédicace  ;  qui  fut  fils  de  Jared  ,  c'est-à-dire 
qui  descend  ou  qui  contient  ;  qui  le  fut  de  Malalehel ,  c'est-à-dire 
loué  de  Dieu  ou  louant  Dieu;  qui  le  fut  de  Gaïnan  ,  dont  la  significa- 
tion est  la  même  que  précédemment  ;  qui  le  fut  d'Enos ,  c'est-à-dire 
homme ^  ou  désespérant  ou  violent  ;  qui  le  fut  de  Seth  ,  c'est-à-dire 
position  ou  ciui  posa.  —  S.  Ambr.  Lo  nom  de  Seth ,  le  dernier  fils 
d'Adam,  n'est  pas  omis  dans  cette  généalogie  ;  car  comme  il  y  a  deux 
générations  de  peuples  différents,  le  nom  de  Seth  signifie  que  le  Christ 
doit  faire  partie  de  la  seconde  génération  plutôt  que  de  la  première. 

«  Qui  fut  fils  d'Adam.  »  —  La  Glose,  {interlin.)  Adam  veut  dire 
homme  ou  terrestre,  ou  qui  a  besoin.  —  S.  Ambr.  Quoi  de  plus  beau 
et  de  plus  convenable  que  de  commencer  cette  sainte  généalogie  par 
le  Fils  de  Dieu  ,  et  de  la  conduire  jusqu'au  Fils  de  Dieu.  Ainsi  celui 
qui  est  créé,  précède  comme  figure  celui  qui  nait  ensuite  Fils  de  Dieu 
en  vérité.  Nous  voyons  paraître  d'abord  celui  qui  a  été  fait  à  l'image 
de  Dieu  et  pour  le  salut  duquel  l'image  substantielle  de  Dieu  est  des- 
cendue sur  la  terre.  Saint  Luc  a  cru  encore  devoir  faire  remonter  jusqu'à 
Dieu  l'origine  de  Jésus-Christ,  parce  que  Dieu  a  véritablement  en- 
gendré le  Christ,  soit  dans  réternelle  et  véritable,  génération ,  soit 
dans  le  baptême,  où  il  lui  communique  comme  une  nouvelle  et 
mystérieuse  naissance.  Aussi  n'a-t-il  point  commencé  son  Evangile 
par  la  généalogie  du  Sauveur,  mais  il  ne  la  place  qu'après  le  ré- 
cit de  son  baptême ,  pour  montrer  ainsi  qu'il  était  le  Fils  de  Dien 
et  par  nature,  et  par  la  grâce.  Et  encore ,  quelle  preuve  plus  évidente 


quiem  :  septuagenarius  enim  propter 
septimam  sabbati  illorum  requiem  signi- 
ficat  qui,  juvante  Del  gratia,  Decalogum 
legis  iuipleverunt.  Glos.  [interlin.)  In - 
terpretatur  autem  Enoch  dedicalio  ;  qui 
fuit  Jared,  quod  est  descendens,  sive 
continens  ;  qui  fait  Malalehel,  quod  est 
laitdatus  Dci,  vel  hnuknis  Deum  ;  qui 
fuit  Caiuan,  ut  supra  ;  qui  fuit  Enos,  id 
est,  honio,  vel  desperans,  vel  violentus  ; 
qui  fuit  Seth,  quod  est  positio,  sive  po- 
suit.  Ambr.  Seth  posterior  filius  Adse 
non  siletur;  ut  cum  duœ  sint  populi 
generationes,  significaretur  (in  typo)  in 
posteriore  potius  quam  in  priore  gene- 
ratione  Christum  numerandum. 

Sequitur  :  qui  fuit  Adam.  Glos.   {iii- 
ierlin.)  Quod   est   homo,   vel  terrenns, 


vel  indtgens  ;  qui  fuit  Dei.  Ambr.  Quid 
pulchrius  potuit  convenire  quam  ut 
sancta  generatio  a  Dei  Filio  inciperet  et 
usque  ad  Dei  Filium  duceretur  ?  crea- 
tusque  praecederet  in  figura,  ut  uatus  in 
veritate  sequeretur;  ad  iuiaginem  faetus 
prœiret,  propter  quem  Dei  imago  des- 
cenderef?  Putavit  eliam  Lucas  ad  Deum 
Christi  originem  referendam,  quod  ve- 
rus  Christi  generator  Deus  sit;  vel  se- 
cundum  generationem  veram  pater;vel 
secundum  lavacrum  et  regenerationem 
mystici  auctor  muneris,  et  ideo,  non  a 
principio  generationem  ejus  cœpit  des- 
cribere,  sed  postea  quam  baptisma  ejus 
explicuit  ;  ut  (et  secundum  naluram  et 
secundum  gratiam)  Dei  Filium  demons- 
traret.    Quod   autem  evidentius   divinae 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    III. 


197 


de  la  divine  génération  de  Jésus-Christ  que  de  faire  précéder  l'exposé 
de  sa  généalogie  de  ces  paroles  solennelles  du  Père  :  «  Celui-ci  est 
mon  Fils  bien-aimé.  »  —  S.  AuG.  {de  l'ace,  des  Evang.,  ii,  3.)  Saint 
Luc,  en  donnant  Joseph  comme  fils  d'Héli,  n'a  point  voulu  nous  faire 
entendre  qu'il  était  son  fils  naturel  et  véritable,  mais  son  fils  adoptif, 
et  une  preuve  évidente,  c'est  qu'il  dit  dans  le  même  sens  qu'Adam  est 
fils  de  Dieu,  lorsque  chacun  sait  qu'après  avoir  été  créé  de  Dieu, 
Adam  fut  placé  dans  le  paradis,  et  qu'il  devint  comme  le  Fils  de  Dieu 
par  un  efî'et  de  cette  grâce  ,  qu'il  perdit  bientôt  par  son  péché,  — 
Théophtl,  L'Evangéliste  poursuit  la  généalogie  jusqu'à  Dieu,  qui  la 
termine,  et  il  nous  apprend  ainsi ,  d'abord  que  Jésus-Christ  élèvera 
jusqu'à  Dieu  les  personnages  qui  en  forment  la  succession  intermé- 
diaire, et  qui  deviendront  ainsi  fils  de  Dieu;  secondement,  il  veut  nous 
convaincre  que  la  génération  du  Christ  était  toute  en  dehors  des  voies 
naturelles,  comme  s'il  disait  :  Si  vous  ne  pouvez  croire  que  la  géné- 
ration du  second  Adam  n'est  point  due  aux  causes  naturelles,  remontez 
jusqu'au  premier  Adam ,  et  vous  trouverez  que  Dieu  lui  a  donné 
l'existence  sans  avoir  besoin  de  ces  causes  naturelles. 

S.  AïïG.  {de  l'accord  des  Evang.,  ii,  4.)  Saint  Matthieu  a  voulu 
surtout  nous  représenter  le  Seigneur  descendant  jusqu'à  notre  nature 
faible  et  mortelle  ;  dans  ce  dessein,  il  commence  son  Evangile  par  la 
généalogie  de  Jésus-Christ  en  descendant  d'Abraham  jusqu'à  Jésus- 
Christ.  Saint  Luc,  au  contraire  ,  ne  donne  cette  généalogie  qu'après 
le  récit  du  baptême  de  Jésus-Christ,  et  il  suit  un  ordre  tout  différent, 
c'est-à-dire  qu'il  remonte  des  enfants  à  leurs  pères  ;  son  but  est  sur- 
tout de  faire  ressortir  dans  la  personne  du  Sauveur  le  caractère  du 
pontife  qui  doit  effacer  les  péchés ,  c'est  pourquoi  il  donne  sa  généa- 
logie après  qu'une  voix  du  ciel  a  fait  connaître  ce  qu'il  était,  après 
que  Jean-Baptiste  lui  a  rendu  ce  témoignage  :  «  Voilà  celui  qui  efface 


generationis  indicium,  quam  quod  de 
generatione  dicturus  Patrein  prœmisit 
loquentem  :  «  Tu  es  Filius  meus  dilec- 
tus?  »  AuG.  [de  L'on.  Evamj.,  lib.  n, 
cap.  3.)  Salis  etiam  per  hoc  demonstra- 
vit,  non  se  ideo  dixisse  Joseph  filium 
LU,  quod  de  illo  genitus,  sed  quod  ab 
illo  polius  fuerit  adoplatus  ;  cuui  etiam 
Ipsum  Adam  /ilium  dixit;  cum  sit  factus 
a  Dec,  sed  per  gratiani  (quam  postea 
peccando  amiùt)  Uinipiam  iiliiis  in  para- 
diso  consUtulus  sit.  Iukophylact.  fdeo 
etiam  generationem  finit  in  Deuni,  ut 
addiscamusquod  qui  in  raedio  sunt  pa- 
tres. Christus  ad  Deum  eriget,  et  FiUos 
Dei  faciet  ;  et  ul  etiam  crederetur  Chri- 


sti  generalio  sine  semine  fuisse  :  quasi 
dicat  :  Si  non  credis  quod  secundus 
Adam  factus  sit  sine  semine,  devenias 
ad  prinium  Adam,  et  iuvenies  absque 
semine  factum  a  Deo. 

AuG.  (de  Con.  Evamj.,  Ub.  ii,  cap. 
4.)  VA  Matthfeus  quidem  significare  vo- 
luit  Dominum  descendenteni  ad  noslram 
morlalitatem;  ideo  aenerationesad  Abra- 
ham usmie  ad  Cbristi  nativitateni  descen- 
deudo  commemoravil  ab  inilio  Evange- 
lii  sui.  Lucas  autem,  non  ab  initio,  sed 
a  baptismo  Cbristi  generationes  narrât; 
nec  descendendo,  sed  ascendendo  tan- 
quam  sacerdolem  in  expiandis  peccatis 
magis    assignans,   ubi  Joannes  testirao- 


198  EXPLICATION    PE   l'ÉVANGILE 

les  péchés  du  monde  »  (1),  et  en  remontant  ainsi  des  enfants  à  leurs 
pères,  il  arrive  jusqu'à  Dieu  avec  lequel  nous  sommes  réconciliés  par 
la  grâce  qui  expie  nos  crimes  et  nous  en  purifie.  —  S.  Ambr.  Ceux 
qui  ont  suivi  l'ordre  ancien  ne  sont  pas  pour  cela  en  contradiction 
avec  notre  Evangéliste.  Ne  soyez  pas  non  plus  surpris  si  d'Abraham  à 
Jésus-Christ  vous  trouvez  dans  saint  Luc  un  plus  grand  nombre  de 
générations  que  dans  saint  Matthieu ,  puisque  vous  reconnaissez  que 
ces  deux  Evangélistes  donnent  la  généalogie  du  Sauveur  par  des  per- 
sonnages tout  différents.  Il  a  pu  très-bien  arriver,  en  effet ,  que  les 
personnages  d'une  généalogie  aient  vécu  plus  longtemps  ,  tandis  que 
les  personnages  de  l'autre  sont  morts  dans  un  âge  peu  avancé  ;  puisque 
nous  voyons  des  vieillards  vivre  assez  longtemps  pour  voir  leurs  petits 
enfants,  tandis  que  nous  en  voyons  d'autres  mourir  presque  aussitôt 
la  naissance  de  leurs  propres  enfants.  —  S.  Aug.  {Quest.évang.,  ii,6.) 
C'est  par  une  raison  pleine  de  convenance  que  saint  Luc  compte 
soixante-dix-sept  personnes  dans  sa  généalogie ,  et  qu'il  suit  l'ordre 
ascendant  ;  il  figure  ainsi  notre  élévation  vers  Dieu,  avec  lequel  nous 
sommes  réconciliés  par  la  rémission  de  nos  péchés  ;  car  le  baptême 
remet  tous  les  péchés  figurés  par  ce  nombre.  En  effet ,  onze  fois  sept 
font  soixante-dix-sept.  Or,  le  nombre  dix  exprime  le  bonheur  parfait, 
donc  le  nombre  supérieur  au  nombre  dix  représente  le  péché  qui,  par 
orgueil,  veut  avoir  plus.  Ce  nombre  se  trouve  multiplié  sept  fois  pour 
indiquer  que  cette  transgression  vient  de  l'action  volontaire  de  l'homme. 
En  effet,  le  nombre  trois  représente  dans  l'homme  la  partie  imma- 
térielle (-2)  ;  et  le  nombre  quatre,  la  partie  corporelle.  Or ,  le  mou- 
Ci)  Le  texte  sacré  porte  :  >.  Qui  efface  le  péché  du  monde,»  pour  exprimer  le  péché  originel  qui 
est  commun  à  tous  les  hommes  et  qui  est  la  source  de  tous  les  autres  péchés. 

(2)  A  cause  de  ces  trois  facultés  auxquelles  Notre-Seigneur  semble  faire  allusion  dans  ces  pa- 
roles :  «  Vous  aimerez  le  Seigneur  votre  Dieu  de  tout  votre  cœur,  de  toute  votre  âme,  de  tout  votre 


nium  perbibuit,  diceus  (cap.  1)  :  «  Ecce 
qui  toUit  peccata  luuudi  ;  »  ascendendo 
autem  pervenit  ad  Deutu  cui  mundati  et 
expiati  reconciliamur.  Ambr.  Nec  sic 
evaugelistce  discrepare  videntur,  qui  ve- 
terem  ordinem  sunt  secuti.  îsec  mirei'is, 
si  ab  Abraham  plures  secundum  Lucam 
successiones  usque  ad  Christum  sunt, 
pauciores  secundum  ]\Iattbfeum,  cum 
per  alias  personas  generationem  fatearis 
esso  decursam.  Potest  enim  fier!  ut  alii 
longtEvam  transegerint  vitam,  alterius 
vero  generationis  viri  immatura  aetale 
decesserint  ;  cum  videamus  quamplures 
seues  cum  suis  nepotibus  vivere,  alios 
vero  viros  stalira  filiis  obire  susceptis. 
AUG.  [de  Qiiœst.  Ecang.,  lib.  ii,    quaest. 


6.)  Convenientissime  autem  Lucas  bapti- 
zato  Domino  generationes  per  septua- 
ginta  septem  personas  sursum  versus 
uumerat  :  nam  et  ascensus  ad  Deum, 
cui  per  peccatorum  aboUtionem  recon- 
ciliamur, expressus  est  ;  et  per  baptis- 
mum  fit  homiui  omnium  remissio  pec- 
catorum quœ  illo  numéro  significantur  : 
nam  undecies'septem  septuaginta  septem 
sunt  :  in  denario  autem  perfeclio  beati- 
tudinis  est  :  unde  manifestum  est  quod 
transgressio  denarii  désignât  peccatum 
per  superbiam  plus  aliquid  babere  cu- 
pientis  :  hoc  autem  septies  propterea 
ducitur,  ut  motu  hominis  facta  signifi- 
cetur  illa  transgressio  :  ternario  enim 
i  numéro  incorporea  pars  hominis  signifi- 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.    III. 


i99 


vement  et  l'action  ne  sont  point  représentés  par  les  nombres, 
lorsque  nous  disons  :  un,  deux,  trois;  mais  bien  lorsque  nous  comp- 
tons une  fois,  deux  fois,  trois  fois  ;  donc  la  multiplication  du  nombre 
sept  par  onze,  signifie  que  la  transgression  est  le  résultat  de  la  volonté 
de  l'homme. 

esprit,  »  etc.  [Luc.,  x,  27.)  Saint  Augustin  ajoute  que  la  nature  du  corps  se  trouve  partagée  en 
ouatre  de  différentes  manières.  Peut-être  a-t-il  en  vue  les  quatre  parties  fluides  du  corps. 


catur,  quaternario  vero  corpus;  motus 
autem  iu  numeris  non  exprirailur,  cum 
dicimus  :  Unuttij  duo,  tria,  sed  cum  di- 


cimus  :  Semel,  bis,  ter  :  unde  per  septies 
undecim,  significatur  motu  hominis  facta 
transsressio. 


CHAPITRE  IV. 

SOMMAIRE     ANALYTIQUE. 

y.  1-4.  —  Pourquoi  Jésus-Christ  a  voulu  être  tenté  après  son  baptême.  —  Jésus- 
Christ  est-il  plein  de  l'Esprit  saint  comme  les  autres  apôtres?  —  Quel  était 
cet  esprit  qui  poussa  le  Sauveur  dans  le  désert.  —  Le  Sauveur  a-t-il  été  en- 
traîné comme  malgré  lui? — Dans  quel  but  provoque-t-il  le  démon  au  combat? — 
Dans  quel  sens  et  dans  quelles  limites  a-t-il  été  tenté?  —  Le  Seigneur  fut-il 
,  tenté  pendant  quarante  jours?  —  Pourquoi  a-t-il  voulu  jeûner? — Comment 
devons-nous  imiter  son  jeune?  —  Pourquoi  n'a-t-il  point  voulu  prolonger  son 
jeune  au  delà  de  celui  de  Moïse  et  d'Elie?  —  N'ombre  mystérieux  de  quarante 
jours. — Pourquoi  iSotre-Seigneur  se  soumet  au  besoin  de  la  faim.  —  Que 
nous  enseignent  les  trois  tentations  du  Sauveur. — Pourquoi  le  démon  lui  dit- 
il  :  Si  vous  êtes  le  Fils  de  Dieu? — Pourquoi  lui  conseille-t-il  d'apaiser  sa 
faim,  en  changeant  des  pierres  en  pain? — Quelle  est  la  véritable  nourriture 
de  l'homme. — De  quelles  armes  se  sert  le  Sauveur  pour  défendre  l'homme 
contre  les  insinuations  de  l'esprit  du  mal. 
f,  5_8. — Seconde  tentation. — Pourquoi  le  Sauveur  a  permis  au  démon  de  le 
conduire  sur  cette  haute  montagne.  — Comment  a-t-il  pu  lui  faire  voir  tous 
les  royaumes  du  monde?  — Pourquoi  les  lui  fit-il  voir  en  un  instant? — Double 
mensonge  du  démon. — A  qui  appartient-il  d'ordonner  et  de  régler  la  puis- 
sance?—  Ce  qu'il  y  a  de  bon  et  de  mauvais  dans  l'exercice  du  pouvoir. — 
Folie  du  démon  dans  la  proposition  qu'il  fait  au  Sauveur.  —  Autre  sens  de  ces 
paroles.  —  Le  démon  offre  à  Jésus  la  possession  de  son  royaume  d'iniquité. — 
Réponse  du  Sauveur,  quel  en  est  le  sens.  —  Impression  qu'elle  produisit  sur 
le  démon. — Comment  eonciher  le  précepte  de  ne  servir  que  Dieu  seul  avec 
celui  de  la  charité  spirituelle  qui  nous  assujettit  à  nos  frères, 
y.  9-13.  — Troisième  tentation  suivant  saint  Luc  — Comment  Jésus  suivait  le 
démon  qui  le  conduisait.  —  Quel  est  le  propre  de  la  vaine  gloire.— C'est 
contre  l'homme  et  non  contre  le  Fils  de  Dieu  que  le  démon  engage  le  com- 
bat.—Faiblesse  du  démon.  — Pourquoi  se  sert-il  des  témoignages  de  l'Ecri- 
ture pour  tenter  le  Sauveur?— Ses  artifices  jusque  dans  la  citation  qu'il  fait 
des  Ecritures.  —Réponse  de  Notre-Seigneur.  — Aqui  Dieu  accorde  son  secours 
dans  le  danger.— Exemple  que  nous  donne  Jésus-Christ  dans  la  manière  dont 
il  répond  au  démon.  —  Défaite  du  démon.  —Comment  est-il  vrai  que  le  démon 
avait  épuisé  toutes  les  tentations?  — Crainte  et  faiblesse  du  démon  quand  il 
a  été  vaincu.  —Dans  quel  sens  s'éloigne-t-il  pour  un  temps?— Ordre  diffé- 
rent des  tentations  dans  saint  Matthieu. 
y.  14-21.  —Nouveau  degré  de  manifestation  de  la  vertu  et  de  la  puissance  du 
Sauveur.— Quelle  est  cette  vertu  de  l'Esprit  de  Dieu.— Par  quelle  puissance 
opérait-il  ses  miracles? — Doctrine  et  puissance  réunies  dans  sa  personne. — 
Qu'étaient  les  Synagogues  chez  les  Juifs.  —  Différentes  signififations  du  mot 
Synagogue  et  du  mot  Eglise. — Comment  nous  avons  part  au  bonheur  de  ceux 
qui  recueillirent  les  enseignements  de  Jésus.  — Pourquoi  iNotre-Seigneur  se 
fait-il  connaître  de  préférence  aux  habitants  de  Nazareth?  —  Pourquoi  prend- 
il  lui-même  le  livre  pour  Ure?  — Dessein  providentiel  dans  le  choix  du  passage 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE   DE    S.    LUC^    CHAP.   IV.  201 

d'Isaïe  sur  lequel  tombe  le  Sauveur.  —  Dans  quel  sens  a-t-il  reçu  l'onction  de 
l'Esprit  saint?— Quels  sont  les  pauvres,  les  cœurs  brisés,  etc.  dont  parle  le 
prophète. —Différentes  sortes  de  captivité.— Comment  Jésus-Christ  a  rendu 
la  vue  aux  aveugles  et  la  liberté  à  ceux  qui  étaient  chargés  de  fers. — Quelle 
est  l'année  favorable  du  Seigneur. — Que  signifie  l'action  de  Notre-Seigneur 
rendant  le  livre  au  ministre  et  s'asseyant  après  cette  lecture.  —  Comment  nous 
pouvons  nous-mêmes  avoir  toujours  les  yeux  fixés  sur  Jésus. 

y.  22-27. — Pourquoi  Notre-Seigneur  s'abstient  de  faire  des  miracles  dans  la 
ville  de  Nazareth. —Dans  quel  sens  les  habitants  de  cette  ville  lui  rendaient 
témoignage. — Mépris  qu'ils  avaient  en  même  temps  pour  sa  personne. — 
Quel  est  ici  le  sens  de  ce  proverbe  ;  Médecin,  guéris  toi  toi-même. — Pourquoi 
Notre-Seigneur  s'excuse  de  n'avoir  fait  aucun  miracle  dans  sa  patrie. —  Fu- 
nestes effets  de  l'envie.  —  Sens  allégorique  de  la  demande  que  lui  font  les 
habitants  de  Nazareth  de  faire  chez  eux  les  miracles  qu'il  a  opérés  à  Ca- 
pharnaiim.  —  Notre-Seigneur  appuie  sa  conduite  sur  le  témoignage  des  Ecri- 
tures.—  Puissance  extraordinaire  d'Elie.  —  Pourquoi  Dieu  le  conduit  dans  le 
pays  de  Sidon.  —  Explication  allégorique  de  ce  trait  historique. 

f.  28-30.  —  Cause  de  l'indignation  des  habitants  de  Nazareth  contre  le  Sau- 
veur.— Combien  leur  jalousie  était  grande,  et  à  quelles  extrémités  ils  veulent 
se  porter  contre  lui.  —  Comment  Notre-Seigneur  fait  ici  paraître  sa  puissance.  — 
Sa  passion  complètement  volontaire. — Pourquoi  il  se  dérobe  ici  à  la  fureur 
de  ses  ennemis. 

y.  31-37.  —  Dans  quel  sentiment  Notre-Seigneur  quitte  la  Judée,  et  visite  la 
ville  de  Capharnaûm.  —  Caractère  de  son  enseignement. —  Il  joint  à  la  pré- 
dication des  signes  évidents  de  sa  puissance  divine,  —  Pourquoi  commence-t- 
il  le  jour  du  sabbat  les  œuvres  de  la  rédemption? — Pourquoi  commence-t-il 
par  des  œuvres  moins  importantes'^ — Pourquoi  les  démons  jetaient  des  cris 
effrayants  en  présence  du  Sauveur.  —  Pourquoi  le  démon  lui  donne-t-il  le 
premier  le  nom  de  Jésus  de  Nazareth?  —  Dans  quel  sens  Jésus  est-il  le  Saint 
de  Dieu?  —  Pourquoi  le  démon  fait-il  celte  confession  publique,  et  pourquoi 
Notre-Seigneur  de  son  côté  lui  ordoniie-t-il  de  se  taire? — Pourquoi  cet  homme 
qui  allait  être  délivré  du  démon  est-il  jeté  par  lui  au  milieu  de  l'assemblée?  — 
Le  récit  de  saint  Matthieu  est-il  ici  en  contradiction  avec  celui  de  saint  Luc? — 
Par  quelle  puissance  différente  les  Saints  et  le  Verbe  de  Dieu  chassent  le 
démon. — Application  morale  de  ce  fait  miraculeux. 

%  38,  39.  — Pourquoi  la  guérison  de  la  belle- mère  de  saint  Pierre  est-elle  placée 
immédiatement  après  la  guérison  de  ce  possédé? — Condescendance  admirable 
du  Sauveur.  —  Pourquoi  tantôt  attend-il  qu'on  le  prie,  et  tantôt  guérit-il  de 
lui-même  les  malades?  —  Que  peut-on  conclure  du  silence  de  saint  Matthieu 
sur  ce  fait?  —  Comment  Notre-Seigneur  fait  éclater  sa  puissance  dans  cette 
guérison.  —  hiterprétation  Iropologique  de  cette  guérison  miraculeuse. 

f.  40,  il .  — Empressement  admirable  de  la  multitude  pour  suivre  le  Sauveur. — 
Pourquoi  lui  amènent-ils  les  malades  à  la  Un  du  jour? — Pourquoi  Notre- 
Seigneur  les  guérit  en  les  touchant. — Pourquoi  les  démons  confessent  que 
Jésus  est  le  Fils  de  Dieu?  —  Pourquoi  le  Sauveur  ne  permet  pas  aux  esprits 
immondes  de  manifester  sa  gloire. 

y.  42-44.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  se  retire  dans  un  lieu  désert  après  avoir 
fait  ces  miracles.  —  Pourquoi  .se  livre-t-il  à  l'exercice  de  la  prière?  —  Quels 
sont  ceux  qui  cherchent  .lésus-Christ. — Comment  concilier  ici  le  récit  de 


202 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


saint  Matthieu  avec  celui  de  saint  Luc.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  ne  reste 
pas  toujours  dans  le  même  endroit.  —  Exemple  qu'il  nous-  donne.  —  Explica- 
tion allégorique  de  la  conduite  du  peuple. 


f.  1-4.  —  Jésus  rempli  de  l'Esprit  saint,  revint  des  bords  du  Jourdain,  et  il 
fut  poussé  par  l'Esprit  dans  le  désert.  Il  y  demeura  quarante  jows,  et  il  y  fut 
tenté  par  le  démon.  Il  ne  mangea  rien  pendant  tout  ce  temps-là,  et  lorsque  ces 
jours  furent  passés,  il  eut  faim.  Alors  le  démon  lui  dit  ;  Si  vous  êtes  le  Fils 
de  Dieu,  commandez  à  cette  pierre  qu'elle  devienne  du  pain.  Jésus  lui  répondit  : 
Il  est  écrit  :  L'homme  ne  vit  pas  seulement  de  pain,  mais  de  toute  parole  de 
Dieu. 

Théophyl.  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  a  voulu  être  tenté  après 
son  baptême,  pour  nous  apprendre  qu'après  notre  baptême  nous  de- 
vons nous  attendre  à  la  tentation  :  «  Jésus,  plein  de  l'Esprit  saint, 
revint  des  bords  du  Jourdain,  »  etc.  —  S.  Cyr.  Bien  longtemps  aupa- 
ravant Dieu  avait  dit  :  «  Mon  Esprit  ne  demeurera  pas  dans  ces 
hommes,  parce  qu'ils  ne  sont  que  chair;  mais  aussitôt  que  nous 
sommes  enrichis  de  la  régénération  par  l'eau  et  par  l'Esprit^  nous 
sommes  devenus  par  l'infusion  de  l'Esprit  saint,  participants  de  la 
nature  divine.  Or  celui  qui  est  le  premier  né  d'un  grand  nombre 
de  frères,  a  reçu  le  premier  l'Esprit  saint  qu'il  communique  lui- 
même  aux  autres,  afin  que  la  grâce  de  l'Esprit  saint  put  arriver  par 
lui  jusqu'à  nous.  —  Orig.  (Jiom.  29.)  Lorsque  vous  voyez  que  Jésus 
est  plein  de  l'Esprit  saint,  et  que  vous  lisez  dans  les  Actes,  que  les 
Apôtres  furent  remplis  de  l'Esprit  saint,  gardez-vous  de  penser  que 
les  Apôtres  ont  reçu  l'Esprit  saint  dans  la  même  mesure  que  le  Sauveur. 
En  efifet,  lorsque  vous  dites  :  Ces  vases  sont  pleins  de  vin  ou  d'huile, 


CAPUT   IV. 

Jésus  auteni  plenus  Spiritu  saneto,  regressus  est 
a  Jordane  ;  et  agebatur  spiritu  in  désertion 
diebus  quadrayinta,  et  tentabatur  a  diabolo. 
Et  nihil  manducavit  in  diebus  illis ,  et  consum- 
matis  illis,  esuriit.  Dixit  aictem  illi  diabolus  : 
Si  Filius  Dei  es,  die  lapidi  huic  ut  panis  fiât. 
Et  respondit  ad  illum  Jésus  :  Scriptum  est  quia 
non  in  pane  solo  vivit  homo,  sed  in  omni  verbo 
Dei. 

Theophyl.  Post  baptismum  Christus 
tentatur  ;  innuens  nobis  quod  postquam 
erimus  baptizati  tenlationes  imminent 
nobis  :  unde  dicitur  :  «  Jésus  autem  ple- 
nus Spiritu  sancto,  »  etc.  Cyril,  {in 
Cat.  Grœcorum  Patruvi.)   Dudum  dixit 


Deus  {Gen.,  6)  :  «  Non  permanebit  Spiri- 
tus  meus  in  hominibus  istis,  eo  quod  sunt 
caro.  Ubi  vero  regeneratione  per  aquam 
et  Spiritum  ditati  sumus,  facti  sumus 
divinœ  uaturfe  participes  per  Spiritus 
sancli  participationem.  Primogenitus  au- 
tem in  multis  fratribus,  primus  recepit 
Spiritum,  qui  et  Spiritus  dater  est,  ut 
etiam  ad  nos  per  ipsum  perveniret  gra- 
tia  Spiritus  sancti.  Orig.  (f)om.  29.) 
Quando  igitur  legis  Jesum  plénum  Spi- 
ritu sancto,  et  in  Actibus  scribi  de  apos- 
tolis  quod  repleti  fuerint  Spiritu  sancto, 
vide  ne  œqjjaies  putes  esse  apostolos 
Salvatori  :  quomodo  enim  si  volueris 
dicere  :  «  Haec  vasa  plena  sunt  vino  vel 
oleo,  »  non  statim  dices  quod  œquali 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    IV. 


203 


VOUS  ne  voulez  pas  toujours  dire  qu'ils  en  contiennent  la  même  quan- 
tité; de  même  aussi  Jésus  et  Paul  étaient  pleins  de  l'Esprit  saint,  mais 
le  vase  de  Paul  était  beaucoup  plus  petit  que  celui  de  Jésus,  et  cepen- 
dant chacun  de  ces  vases  était  rempli  suivant  sa  capacité.  Or,  le  Sau- 
veur, après  avoir  été  baptisé  et  rempli  de  l'Esprit  saint,  qui  était 
descendu  des  cieux  sur  sa  tète  sous  la  forme  d'une  colombe,  était  con- 
duit par  l'Esprit,  car  tous  ceux  qui  sont  poussés  par  l'Esprit  de  Dieu, 
sont  enfants  de  Dieu  [Rom.^  viii),  mais  Jésus  était  le  Fils  propre  de 
Dieu ,  d'une  manière  bien  plus  excellente  que  tous  les  autres.  — 
BEDE.  Afin  que  personne  ne  put  douter  quel  était  cet  Esprit  qui,  au 
récit  des  Evangélistes,  avait  conduit  Jésus  dans  le  désert;  saint  Luc 
dit  en  termes  exprès  :  «  Il  était  poussé  par  l'Esprit  dans  le  désert  pen- 
dant quarante  jours.  »  Il  n'est  donc  pas  possible  de  supposer  que 
l'esprit  immonde  ait  pu  avoir  quelque  autorité  sur  celui  qui,  rempli 
de  l'Esprit  saint,  agissait  en  tout  d'après  sa  propre  volonté.  —  Ch. 
DES  PÈR.  GR.  {Sev.  d'Ant.)  Mais  comment  le  Sauveur  a-t-il  été  comme 
entraîné  malgré  lui,  alors  que  nous-mêmes  agissons  en  tout  dans  la 
plénitude  de  notre  libre  arbitre?  Il  faut  donc  entendre  ces  paroles  : 
«  Il  était  poussé  par  l'Esprit  »  dans  ce  sens,  que  c'est  volontairement 
qu'il  a  embrassé  cette  vie  de  solitude  spirituelle  pour  donner  lieu  au 
démon  de  le  tenter.  —  S.  Bas.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  (1)  Il  ne  provoque 
point  l'ennemi  en  le  défiant  par  ses  paroles,  mais  en  l'excitant  par 
cette  démarche,  car  le  démon  se  plaît  dans  le  désert  et  ne  peut  sup- 
porter l(?s  villes,  où  l'union  des  habitants  est  pour  lui  un  sujet  de 
tristesse. 

S.  Ambr.  Jésus  était  donc  poussé  dans  le  désert  tout  à  la  fois,  par 

(1)  Cette  citation  porte  tout  à  la  fois  dans  la  Chaîne  des  Pères  grecs,  le  nom  de  Tite,  de  saint 
Grégoire  de  Nysse  et  de  saintiBasile  ;  mais  on  ne  la  trouve  pas  dans  les  ouvrages  qui  nous  restent 
de  ces  divers  interprètes. 


mensura  sunt  plena  :  sic  et  Jésus  et 
Paulus  pleni  erant  Spiritu  sancto;  sed 
vas  Pauli  multo  minus  erat  quam  Jesu 
et  tamen  erat  secundnin  luensuram 
suam  utrumque  repletum  :  acceplo  ita- 
que  baptismo,  Salvator  plenns  Spiritu 
sfl/ic^o  qui  supra  ouni  iu  specif^  cohimbaî 
de  cœiis  vonerat,  diu.obatur  a  spiriln  ; 
quia  quotquot  spiritu  ducunlur,  lii  filii 
Dei  sunt  {Rom.,  8.),  iste  autom  sui)ra 
omnps  proprie  Fiiius  Uei  erat.  Bed.  Ne 
oui  autem  veniret  in  dubium  a  quo 
spiritu  ductum  (sive  expulsum)  alii  evan- 
«ïelistœ  dicerent  in  desertum,  consulte 
Lucas  demum  intulit  :  «  Et  agebatur  in 
desertum  a  Spiritu  quadraptinta  diebus,  » 
ne   quid  coutra  eum    valuisse    spiritus 


putaretur  immundus,  qui  plenus  Spiritu 
sancto,  quaecunque  volebat  agebat.  Gr^c. 
{ici  est,  Severus  Antiochenvs,  in  Cat. 
Grxcorum  Patrum.)  Si  vero  nos  arbi- 
trio  proprio  nostram  vitam  disponimus, 
quomodo  ipse  trahebatur  invitus  ?  Quod 
ergo  dicitur  :  «  Agebatur  spiritu,  »  liu- 
jusmodi  habet  iutellectum  ;  sponte  spi- 
ritualem  duxit  conversationem,  ut  lo- 
cum  exhiberet  tentant! .  Basil,  {in  Cat. 
Grœcorvm  Puirum.)  Non  enim  verbo 
provocans  inimicum,  sed  opère  incitans, 
quœrit  desertum  :  delectalur  enim  dia- 
bolus  in  deserto,  non  patitur  esse  in 
urbibus  ,  contristat  ipsum  concordia 
civium. 
Ambr.  Agebatur  igitur  cousilio  in  de- 


204 


EXPLICATION   DE    l'ÉVANGILE 


un  conseil  divin  pour  provoquer  le  démon  au  combat,  car  si  le  démon 
ne  l'eût  point  attaqué,  le  Sauveur  n'en  eût  point  triomphé  dans  notre 
intérêt;  pour  accomplir  un  mystère,  c'est-à-dire,  pour  délivrer  de 
l'exil  cet  Adam  qui  avait  été  chassé  du  paradis  dans  le  désert;  enfin 
pour  nous  apprendre  par  son.  exemple  que  le  démon  voit  avec  un  oeil 
d'envie  ceux  qui  tendent  à  une  vie  plus  parfaite,  et  que  nous  devons 
alors  nous  tenir  sur  nos  gardes,  pour  ne  pas  nous  exposer  à  perdre 
par  la  faiblesse  de  notre  àme  la  grâce  du  sacrement  que  nous  avons 
reçu  :  «  Et  il  fat  tenté  par  le  démon.  »  —  S.  Cyr.  Le  voilà  des- 
cendu au  rang  des  combattants,  celui  qui  comme  Dieu  ordonne  et 
règle  les  combats  ;  le  voilà  parmi  ceux  qui  sont  couronnés,  celui  qui 
place  la  couronne  sur  le  front  des  saints.  —  S.  Grég.  {Moral. ^  m, 
Il .)  (1)  Cependant  l'ennemi  de  notre  salut  ne  put  ébranler  par  la  ten- 
tation l'âme  du  médiateur  de  Dieu  et  des  hommes;  il  a  daigné  se  sou- 
mettre extérieurement  à  la  tentation,  mais  en  même  temps  son  âme 
demeurait  intérieurement  unie  à  la  divinité  sans  que  rien  pût  l'en 
séparer.  —  Orig.  [Iiom,  29.)  Jésus  fut  tenté  pendant  quarante  jours, 
et  nous  ne  savons  quelles  furent  ces  tentations,  car  peut-être  les 
Evangélistes  n'en  disent  rien,  parce  qu'elles  étaient  trop  fortes  pour 
être  décrites.  —  S.  Bas.  Ou  bien  encore,  on  peut  dire  que  le  Seigneur 
fut  quarante  jours  sans  être  tenté,  car  le  démon  vo^^ant  qu'il  jeûnait 
sans  éprouver  le  besoin  de  la  faim,  n'osait  s'approcher  de  lui  :  «  Et 
il  ne  mangea  rien  pendant  ces  jours,  »  etc.  Notre-Seigneur  a  voulu 
jeûner  pour  nous  apprendre  que  la  tempérance  est  nécessaire  à  celui 
qui  veut  se  préparer  aux  combats  des  tentations.  —  S.  Ambr.  Trois 
choses  donc  concourent  puissamment  au  salut  de  l'homme,  la  grâce 

(1)  Dans  les  anciennes  éditions,  chap.  13  sur  ces  paroles  du  chap.  ?.  du  livre  de  Job  :  «  Garde-toi 
d'attenter  à  sa  vie.  » 


sertum,  ut  diabolum  provocaret  ;  nam 
nisi  ille  certasset,  uon  mihi  isle  vicisset  : 
mysterio,  ut  illum  Adam  de  exilio  libe- 
raret,  qui  de  paradiso  in  desertiim  ejec- 
tus  est;  exemple,  ut  osteuderet  nobis 
diabolum  ad  meliora  tendenlibus  invi- 
dere,  et  tune  magis  esse  cavendum,  ne 
mysterii  gratiam  deserat  menlis  infirmi- 
tas  :  unde  sequilur  :  «  Et  tentabatur  a 
diabolo.  »  Cyril,  [in  Cat.  Grœcorum 
Patrum.)  Ecce  factus  est  in  athletis  ju- 
bens  agones  ut  Deus  ;  in  liis  qui  coro- 
nantur  is  qui  coronat  sanctorum  verti- 
ces.  Greg.  (III  Moral.,  cap.  11.)  Hostis 
tamen  uoster  mentem  Mediatoris  Dei 
et  bominum  tentatione  quassare  non  va- 
luit  :  sic  enim  dignatus  est  tentationes 


exterius  suscipere,  ut  tamen  ejus  mens 
interius  Diviuitati  inbœrens  inconcussa 
permaneret.  Orig.  {Jiom.  29.)  Tentatur 
autem  Jésus  a  diabolo  (|uadraginta  die- 
bus,  et  quae  fuerint  tentamenta  nesci- 
mus  ;  qnse  ideo  fortasse  preetermissa 
sunt,  quia  majora  erant  quam  ut  litteris 
traderentur.  Basil,  (ut  sup.)  Vel  Domi- 
nus  per  quadrageuam  intentatus  man- 
sit,  noverat  enim  diabolus  quod  jeju- 
nabat  et  non  famescebat  ;  et  ideo  non 
audebat  accedere  :  unde  sequitur  ;  «  Et 
nihil  manducavit  in  diebus  illis,  »  etc. 
Jejunavit  siquidem  ostendens  quod  illi 
qui  se  vult  ad  pugnas  tentationum  ac- 
cingere,  sobi'ietas  est  necessaria.  Ambr. 
Tria  igitur  sunt  quœ  ad  usum  proficiunt 


DE   SAIXr   LUC,    CHAP.    IV.  205 

du  sacrement,  la  solitude,  le  jeûne.  Nul  n'est  couronné  s'il  n'a  com- 
battu en  se  conformant  aux  lois  du  combat  (II  Timoth.,  i,  5),  et 
personne  n'est  admis  aux  combats  de  la  vertu  avant  d'être  pu- 
rifié des  souillures  de  ses  fautes  et  consacré  par  l'effusion  de  la 
grâce  céleste.  —  S.  Greg.  de  Naz.  [Disc.  -40.)  Le  Sauveur  a  jeûné 
quarante  jours  sans  prendre  aucune  nourriture,  car  il  était  Dieu; 
mais  pour  nous,  nous  devons  proportionner  la  pratique  du  jeûne  à 
nos  forces,  bien  que  le  zèle  persuade  à  quelques-uns  qu'ils  peuvent 
aller  bien  au  delà.  —  S,  Bas.  (1)  Cependant  il  ne  faut  point  macérer 
sa  chair  en  la  privant  de  nourriture,  jusqu'à  lui  faire  perdre  toute 
son  énergie  naturelle,  ou  jusqu'à  réduire  l'esprit  à  une  extrême  lan- 
gueur par  suite  de  l'épuisement  complet  du  corps.  Aussi  Notre- Sei- 
gneur ne  prolongea  son  jeûne  de  la  sorte  qu'une  seule  fois,  et  dans 
tout  le  reste  de  sa  vie  il  se  conforma  pour  la  direction  de  son  corps 
aux  lois  ordinaires  de  la  nature,  comme  Moïse  et  Elle  avaient  fait 
eux-mêmes.  —  S.  Chrts.  {Jiom.  13.)  Par  un  dessein  plein  de  sagesse, 
le  Sauveur  ne  voulut  point  jeûner  plus  longtemps  que  n'avait  fait 
Moïse  et  Elle,  pour  ne  point  donner  lieu  de  croire  qu'il  n'avait  qu'un 
corps  imaginaire  et  fantastique,  ou  qu'il  avait  pris  une  nature  supé- 
rieure à  la  uôtr.^ 

S.  Ambr.  (2)  Vous  reconnaissez  ce  nombre  mystérieux  de  quarante 
jours,  vous  vous  rappelez  que  les  eaux  du  déluge  tombèrent  sur  la 
terre  pendant  le  même  nombre  de  jours;  qu'après  quarante  jours 
sanctifiés  par  le  jeûne,  Dieu  ramena  la  douceur  d'un  ciel  plus  serein  ; 
que  c'est  après  quarante  jours  de  jeûne  que  Moïse  fut  jugé  digne  de 

(1)  Ce  passage  est  composé  de  différentes  parties  empruntées  au  commentaire  de  saint  Basile 
sur  haie,  chap.  1  ;  et  à  ses  Constitutions  monastiques,  chap.  b. 

(2)  Voyez  pour  les  différents  faits  auxquels  saint  Ambroise  fait  ici  allusion  [Gènes.,  vu,  4,  12; 
Deuter.,  ix,  9;  x,  10;  Exod.,  xvi,  35;  Nombr.,  xiv,  33;  Deuter.,  viii,  2;  Josué,  v,  6; 
Actes,  VII,  36.) 


salutis  humanse  :  sacramenlum,  deser- 
tum,  jejunium.  Nemo  uisi  qui  légitime 
certaverit,  coronatur  ;  neuio  autem  ad 
certamen  virtutis  admiUiturj  nisi  prius 
ab  omnibus  ablutus  maculis  delit-torum 
gratiae  cœlestis  munere  conseeretur. 
Greg.  Nazian.  [OratAO,  post  médium.) 
Quadraginla  siquidem  diebus  jejunavit 
nihil  luanducans  (erat  enim  Deus.)  Nos 
autem  jejunium  possibilitati  proporlio- 
nanius  ;  licet  zelus  aliquibus  progredi 
suadeat  ultra  passe.  Basil,  [ut  sup.,  in 
Cat.  Gracontm  Palrum.)  Sed  tameu 
non  sic  utendum  est  carne  ut  (per  eges- 
latem  alimenti)  naturalis  vigor  ejus  sol- 
vatur,  ueque  ul  ad  ultimalum  torporem 


iulellectus  nrgeatur  per  dissolutionis  ex- 
cessum  :  unde  Doraicus  noster  seniel 
hoc  peregil,  sed  per  totum  cousequens 
tempus  ordine  debitogubernavit  corpus, 
et  simililer  Moyses  et  Elias.  Cnnvs. 
[hom.  13,  in  Matlh.)  Valde  autem  pru- 
denter  factum  est  quod  in  jejunando 
eorum  non  excessit  numerum;  ne  scili- 
cet  putareUir  apparenter  venisse,  non 
autem  récépissé  vcram  carnem  aut  prœ- 
ter  bumanam  essenaluram. 

Amb.  Quadraginta  autem  dierum  mys- 
ticum  numerum  recoanoscis  :  tôt  enim 
diebus  aquas  aliy?si  effusas  esse  memi- 
nisti  ;  et  tôt  jejunio  dierum  sauctificato 
refusam  cœli  serenioris  ostendit  clemen- 


206  EXPLICATION  DE  l/ÉVANGlLE 

recevoir  la  loi  de  la  bouche  de  Dieu,  et  que  pendant  quarante  années 
les  patriarches  furent  nourris  dans  le  désert  du  pain  des  anges.  — 
S.  AuG.  {de  l'accord  des  Evaiig.,  u,  -4.)  Ce  nombre  quarante  est  le 
symbole  de  cette  vie  laborieuse,  pendant  laquelle,  sous  la  conduite  et 
le  commandement  de  Jésus-Christ  notre  roi,  nous  combattons  contre 
le  démon.  Ce  nombre,  en  effet,  signifie  la  durée  de  la  vie  présente; 
ainsi  chaque  année  se  divise  en  quatre  parties  égales;  de  plus  le 
nombre  quarante  contient  quatre  fois  dix,  et  ces  quatre  dizaines 
forment  quarante,  multipliées  par  le  chiffre  qui  part  de  l'unité  pour 
aller  jusqu'au  nombre  quatre.  Nous  voyons  donc  ici  que  le  jeûne 
de  quarante  jours  (où  l'humiliation  de  l'âme)  fut  consacré  sous  la  loi 
et  les  prophètes  par  Moïse  et  par  Elle,  et  sous  la  loi  de  l'Evangile  par 
le  jeûne  du  Seigneur  lui-même. 

S.  Bas.  Mais  comme  il  est  au-dessus  de  la  nature  de  l'homme  d'é- 
prouver le  besoin  de  la  faim,  Notre-Seigneur  se  soumet  à  ce  besoin 
qu'il  sait  n'être  point  un  péché  ;  et  il  laisse,  lorsque  telle  est  sa  vo- 
lonté la  nature  humaine  soumise  aux  lois  de  sa  condition  :  «  Et  quand 
ces  jours  furent  passés^  il  eut  faim.  »  Cette  faim  n'est  point  chez  lui 
l'effet  d'une  nécessité  naturelle,  mais  il  veut  par  là  provoquer  le  dé- 
mon au  combat.  En  effet,  le  démon  croyant  que  cette  faim  est  Tindice 
nécessaire  de  sa  failjlesse,  entreprend  de  le  tenter,  et  cherchant  pour 
ainsi  dire  à  inventer  de  nouveaux  moyens  de  tentation,  il  conseille  au 
Sauveur,  qu'il  voit  souffrant  de  la  faim,  d'apaiser  sa  faim  avec  des 
pierres  changées  en  pain  :  «  Si  vous  êtes  le  Fils  de  Dieu,  dites  à  cette 
pierre  qu'elle  devienne  du  pain.  »  —  S.  Ambr.  Les  trois  tentations  du 
Sauveur  nous  enseignent  que  le  démon  cherche  surtout  à  blesser  notre 
âme  par  les  trois  traits  de  la  sensualité,  de  la  vaine  gloire  et  de  l'am- 


tiam  ;  tôt  jejunio  dierum  Moyses  per- 
ceptionem  legis  emeruit  ;  tôt  annos  in 
eremo  coDstituti  patres  panem  angelo- 
rum  consecuti  suut.  Aug.  {de  tons. 
EvuiKj.,  lib.  u,  cap.  4.)  Namerus  autem 
iste  laboriosi  iiujus  temporis  sacramen- 
tum  est,  quo  sub  disciplina  régis  Christi 
adversus  diabolum  diuiicamus.  Hic  enim 
numerus  temporalein  vitam  signiiicat  : 
tempora  euiui  anuorum  quadripartitis 
vicibus  currunl  ;  quadraginta  autem  qua- 
ter  babeut  deceui  :  porro  ipsa  decem 
ab  uno  usque  ad  quatuor  progredieute 
numéro  consummautur  :  quod  déclarât 
quod  quadraginta  dierum  jejunium  (boc 
est  bumilialionem  animée)  consecravit 
lex,  et  propbette  per  Moysen  et  Eliam,  et 
Evangelium  per  ipsius  Domini  jejunium. 
Basil,  {ut  sup.)  Verum  quia  non  esu- 


rire  supra  liominem  est,  assumpsit  Do- 
minus  passiouem  famis,  judicaus  eam 
non  esse  peccatum,  et  coucessit  cum  vo- 
luit  naturœ  liumanee  quce  sua  suut  pati 
et  agere  :  unde  sequitur  :  «  Et  cousum- 
matis  illis,  esuriit.  »  Non  coactus  ad 
necessitatem  quœ  prjeest  naturœ,  sed 
quasi  provocans  diabolum  ad  duellum  : 
sentiens  enim  diabolus  quia  ubi  famés, 
ibi  imbeciiitas,  aggredilur  ad  tentandum, 
et  quasi  tentationum  excogitator  sive 
inventer,  tamen  Cbrislo  palienti  suade- 
bat  lapidibus  appelitum  sedare  :  unde 
sequitur  :  «  Dixit  autem  illi  diabolus  : 
Si  Filius  Dei  es,  die  lapidi  huic  ut  panis 
fiat,  »  etc.  Ambr.  Tria  prBecipue  docemur 
tela  esse  diaboli  quibus  ad  convulne- 
randam  mentem  hominis  consuevit  ar- 
mari  :    yulœ    unum,    aliud  jaclantix, 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    IV.  ÎO"? 

bition.  Il  commence  par  la  tentation  qui  avait  autrefois  triomphé 
d'Adam.  Apprenons  donc  à  éviter  la  sensualité,  à  fuir  l'impureté,  car 
ce  sont  les  traits  dont  le  démon  veut  nous  percer.  Mais  que  veulent 
dire  ces  paroles  :  «  Si  vous  êtes  le  Fils  de  Dieu  ?  »  C'est  que  le  démon 
savait  bien  que  le  Fils  de  Dieu  devait  venir  sur  la  terre,  mais  qu'il  ne 
ne  croyait  pas  qu'il  dût  venir  revêtu  d'une  chair  passible  et  mortelle. 
Le  démon  cherche  tout  à  la  fois  à  savoir  ce  qu'est  le  Sauveur  et  à  le 
tenter,  il  fait  profession  de  .croire  à  sa  puissance  comme  Dieu,  et  en 
même  temps  il  se  joue  de  lui  comme  homme.  —  Orig.  {hom.  29.)  Le 
père  à  qui  son  fils  demande  du  pain  ne  lui  donne  pas  une  pierre,  mais 
le  démon  qui  est  un  ennemi  artificieux  et  trompeur,  donne  une  pierre 
pour  du  pain.  —  S.  Bas.  Il  conseillait  au  Sauveur  d'apaiser  sa  faim 
avec  des  pierres,  c'est-à-dire,  de  détourner  le  désir  des  aliments  natu- 
rels sur  des  choses  qui  sont  en  dehors  de  toute  condition  alimentaire. 
—  Orig.  Nous  pouvons  dire  que  jusqu'à  ce  jour  le  démon,  en  leur 
montrant  une  pierre,  excite  tous  les  hommes  à  dire  :  «  Commandez 
à  cette  pierre  qu'elle  devienne  du  pain.  »  Quand  vous  voyez,  en  effet, 
les  hérétiques  manger  au  lieu  de  pain,  le  mensonge  de  leurs  fausses 
doctrines,  soyez  certain  que  leurs  discours  sont  cette  pierre  qui  leur 
est  montrée  par  le  démon. 

S.  Bas.  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  en  repoussant  les  tentations, 
ne  délivre  pas  la  nature  de  la  faim,  comme  si  elle  était  une  cause 
de  mal,  puisqu'elle  a  pour  but,  au  contraire,  la  conservation  de  notre 
vie  ;  mais  en  maintenant  la  nature  dans  ses  propres  limites,  il  nous 
apprend  quelle  est  sa  nourriture  :  «  Jésus  lui  répondit  :  L'homme  né 
vit  pas  seulement  de  pain,  »  etc.  —  Tuéophyl.  C'est-à-dire,  le  pain 
n'est  pas  le  seul  aliment  qui  entretienne  l'existence  de  l'homme,  le 


tertium  amhitionis.  Inde  ergo  cœpit, 
uiide  jam  vieil  (scilicet  Adairi.)  Disca- 
mus igilur  cavcre  gulam,  cavere  luxu- 
riam,  quia  telum  est  diaboli.  Sed  quid 
sibi  vulltali»  sermo;  «  si  Filius  Dei  es,  » 
nisi  quia  coguoverat  Dei  Filium  esse 
veulurimi,  sed  venisse  per  haiic  infir- 
mitaleiii  corporis  non  pulabat?  Aliud 
est  exploranlis,  et  aliud,  tentanlis  :  Deo 
liroûtelur  se  credere,  et  honiiui  couatur 
illudiTe.  Orig.  [hom.  29.)  Rogato  auleui 
paire  a  fîlio  pauem,  noc  dante  lapidem 
]iro  pane,  isle  (quasi  adversarius  versi- 
pellis  et  faliax)  pro  pane  dabat  lapidem 


quae  sunt  extra  uaturam.)  Orig.  {ut  sup.) 
Puto  etiam  quod  etusque  hodie  lapidem 
diabolus  oslendit,  ut  bortetur  singulos 
ad  loquendum  :  «  Die  ut  lapis  isle  panis 
fiât.  Si  videris  hœreticos  dogmatum  suo- 
rum  mendacium  pro  pane  comedere, 
scito  lapidem  eorum  esse  sermonem , 
quem  monstrat  eis  diabolus. 

Basil  [id.  sttp.)  Dissipalor  autem  ten- 
tationum  Cbristus  non  repellit  a  natura 
famem  (quasi  malorum  causam,  cura  sit 
poilus  onservativa  vilœ  nostrae  ;  sed 
naturam  intra  proprios  fines  conlinens,, 
quale  sit  ejus   uutrimentum   oslendit)  : 


Basil,  {nt  sup.)  Suadebat  quidem  lapi-  !  unde  sequitur  :  «  Et  respondit  ad  illum 
dibus  appelilum  sedare  ;  hoc  est  permu-  j  Jésus  :  Scriplum  est  :  Non  in  solo  pane 
lare  desiderium  ab  alimento  naturali  ad  '  vivit  homo.  »  etc.  Theoph.  Quasi  dicat  : 
existenlia  praeter   naturam  (sive  ad   ea  i  Non  solis  panibus  humana   natura  sus- 


208 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


Verbe  de  Dieu  peut  lui  seul  alimenter  et  nourrir  tout  le  genre  hu- 
main. C'est  ainsi  que  le  peuple  d'Israël  fut  nourri  pendant  quarante 
ans  de  la  manne  qu'il  recueillait  {Exod.,  xvi,  45),  et  des  oiseaux  qui 
lui  furent  envoyés  {Nomb.,  xi,  32);  ainsi  par  l'ordre  de  Dieu,  des  cor- 
beaux pourvurent  miraculeusement  à  la  nourriture  d'Elie  (III  Rois, 
XVII,  6);  ainsi  encore  Elisée  nourrit  ses  compagnons  avec  des  herbes 
sauvages  (IV  Rois,  iv,  7).  —  S.  Cyr.  Ou  bien  dans  un  autre  sens, 
notre  corps  qui  est  d'origine  terrestre,  se  nourrit  d'aliments  terrestres, 
mais  l'àme  raisonnable  puise  dans  le  Verbe  divin  la  force  nécessaire 
à  la  santé  spirituelle.  —  S.  Grég.  deNaz.  (1)  Eu  effet_,  un  aliment  maté- 
riel ne  peut  devenir  la  nourriture  d'une  nature  incorporelle.  — 
S.  Grég.  de  Nysse.  {hom.  5  su?'  l'Ecclés.)  La  vertu  ne  se  nourrit  donc 
point  de  pain,  et  ce  n'est  pas  la  chair  des  animaux  qui  donne  à  l'âme 
la  santé  et  l'embonpoint  spirituel  ;  la  vie  surnaturelle  se  développe  et 
s'accroît  par  d'autres  aliments,  sa  nourriture  c'est  la  tempérance,  son 
pain  c'est  la  sagesse,  la  justice  est  son  mets  le  plus  exquis,  la  fermeté 
sa  boisson,  son  plaisir  le  goût  de  la  vertu.  —  S.  Ambr.  Vous  voyez  de 
quelles  armes  se  sert  le  Sauveur  pour  défendre  l'homme  contre  les 
insinuations  de  l'esprit  du  mal  qui  lui  suggère  la  tentation  de  la  sen- 
sualité. 11  n'use  pas  ici  de  sa  puissance  comme  Dieu  (quel  avantage  m'en 
reviendrait-il?)  mais  il  recherche  comme  homme  le  secours  qui  est  à 
la  portée  de  tous  les  hommes,  et  tout  occupé  de  la  nourriture  des  di- 
vins enseignements,  il  oublie  la  faim  du  corps,  pour  obtenir  plus 
sûrement  la  nourriture  de  la  parole  divine.  En  effet,  celui  qui  fait 
profession  de  suivre  le  Verbe  ou  la  parole  de  Dieu,  ne  peut  plus  faire 
d'un  pain  matériel  l'objet  de  ses  désirs,  car  les  choses  divines  sont 
infiniment  au-dessus  des  choses  de  la  terre.  Ajoutons  que  par  ces  pa- 

(1)  lamhiques  18,  sur  la  vertu,  vers  le  milieu. 


lentatur,  imo  sufficit  Verbuoi  Dei  ad 
nutrieodam  universam  naturam  huma- 
nam.  Taliter  pastus  est  israeliticus  po- 
pulus  coUigens  annis  quadraginlamanua 
(Exod.,  16,  vers.  15.),  et  gaudens  vola- 
tilium  prœda.  [N\im.,  11,  vers.  32.)  Di- 
vino  consilio  Elias  coavivas  habuit  cor- 
vos  (111  Reg.,  17,  vers.  6.)  ;  Elisœus 
herbis  agrestibus  socios  uutrivit.  (IV 
Reg.,  cap.  4,  vers.  9.)  Cyril,  [ubi  sup.) 
Vel  aliter  :  terrenis  cibis  terrenum  nos- 
trum  alitur  corpus,  anima  vero  rationa- 
11s  divino  Verbo  vigoratur,  ad  bonam 
habitudinem  spiritus.  Et  Greg.  Naz.  [ubi 
sup. ex  lambic ts.)^on  enim  uaturam  ia- 
corpoream  corpus  alit.  Greg.  Nyss.  [in 
Ecclesiasten,  hom.  o.)   Uude  nou  alitur 


virtus  pane,  nec  per  carnes  bene  se  lia- 
bet  anima  et  pinguescit;  aliis  epulis  vita 
sublimis  educalur  et  crescit  ;  nutrimen- 
tum  boni,  castitas  ;  panis,  sapientia; 
pulmentum,  juslitia  ;  potus,  impassibilis 
status;  delectatio,  bene  sapere.  Ambr. 
Vides  igitur  quo  génère  utatur  armo- 
rum,  quo  homiuem  a  spirilualis  nequi- 
tise  incussione  defendat  adversum  inci- 
tamenta  gulae.  Non  enim  quasi  Deus 
ulilur  potestate  (quid  enim  mihi  prode- 
ral)  sed  quasi  bomo  commune  sibi  ac- 
cersit  auxilium,  ut  divinœ  pabulo  lectio- 
nis  iutentus  famem  corporis  negligat, 
alimentum  verbi  acquirat  :  non  enim 
potest  qui  verbuni  sequitur,  panem 
desiderare   terrenum  ;    bumanis    enim 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.   IV.  209 

rôles  :  «  L'homme  ne  vit  pas  seulement  de  pain.  »  Notre-Seigneur 
fait  voir  que  son  humanité  seule  a  été  soumise  à  la  tentation,  c'est- 
à-dire,  ce  qu'il  avait  pris  de  notre  nature  et  non  pas  sa  divinité. 

V.  S-8.  —  Alors  le  démon  le  conduisit  sur  une  haute  montagne,  et  il  lui  montra 
en  lui  instant  tous  les  royaumes  de  la  terre,  puis  il  lui  dit  :  Je  vous  donnerai 
toute  cette  puissance  et  toute  la  gloire  de  ces  royaumes,  car  ils  m'ont  été  livrés, 
et  je  les  donne  à  qui  je  veux.  Si  donc  vous  m'adorez,  ils  seront  tous  à  vous. 
Jésus  lui  répondit  :  Il  est  écrit  :  Tu  adoreras  le  Seigneur  ton  Dieu,  et  tu  ne 
serviras  que  lui  seul. 

Théophyl.  L'ennemi  de  notre  salut  avait  d'abord  tenté  Jésus-Christ 
par  la  sensualité,  comme  il  avait  autrefois  tenté  Adam,  il  le  tente  en 
second  lieu  par  la  cupidité  ou  par  l'avarice,  en  lui  montrant  tous  les 
royaumes  du  monde  :  «  Et  le  démon  le  conduisit  sur  une  haute  mon- 
tagne, »  etc.  —  S,  Grég.  {hom.  6  sw  les  Evang.)  Qu'y  a-t-il  d'éton- 
nant que  le  Sauveur  ait  permis  au  démon  de  le  conduire  sur  cette 
montagne,  lui  qui  a  bien  voulu  être  crucifié  par  les  suppôts  et  les 
ministres  du  démon?  —  Théopeyl.  Mais  comment  le  démon  a-t-il  pu 
lui  faire  voir  tous  les  royaumes  du  monde?  lien  est  qui  prétendent  que 
cette  vision  fut  toute  intérieure,  mais  mon  avis  est  qu'elle  fut  exté- 
rieure et  fantastique.  —  Tite  de  Bostpi.  Ou  bien  le  démon  fît  de  vive 
voix  cette  description  du  monde,  et  il  le  représenta  à  la  pensée  du 
Sauveur,  sous  la  forme  d'une  maison  comme  il  le  pensait.  —  S.  Amb. 
L'Evangéliste  fait  remarquer  avec  justesse  que  ce  fut  en  un  instant 
qu'il  montra  tous  les  royaumes  du  monde,  et  il  veut  exprimer  ainsi 
la  fragihté  de  cette  puissance  passagère,  bien  plu=  que  le  tableau  ra- 
pide que  le  démon  fit  passer  sous  les  yeux  du  Sauveur,  car  toutes  ces 


divina  prœslare  non  dubium  est.  Siinul 
cuni  dixit  :  «  non  in  solo  pane  vivit 
liomo,  »  ostendit  hominem  esse  tentatuni, 
lioc  est,  siisceptionem  nostrani ,  non 
suam  DLvinitatem. 

Et  diixit  illum  diabolus  in  montcm  excelsum,  et 
ostendit  illi  omnia  régna  orbis  terrœ  in  mo- 
menlo  temporis,  et  ait  illi:  Tibi  dabn  potcxia- 
tem  hanc  universam  et  gloriam  illorum  ,  quia 
tnihi  tradita  sunt,  et  oui  volo  do  illa.  Tu  eryo 
procidens  si  adoraveris  coram  me,  eruni  tua 
omnia.  Et  respondens  Jésus  dixit  illi:  Scri- 
plum  est,  Dominum  Deum  tuiim  adorobis,  ri  illi 
soli  servies. 

Theoph.  Primo  inimicus  Clirislmn  do 
gula  tentaverat,  sicut  et  Adam,  deinde 
do  oupiditate,  sive  avaritia,  in  hoc  quo<l 

lO.M.    V. 


ostendit  ei  omnia  régna  uiundi  :  unde 
sequitur:  «Et  duxit  illiuu  diabolus,  »  etc. 
Greg.  {in  hovi.  6,  in  Evanrj.)  Ouid  mi- 
riim  si  so  pormisit  ab  iilo  in  niontem 
diici,  qui  se  pertiilit  otiam  a  niembris 
ipsins  f-ruciligi  ?  Toeoph.  Sed  qualiter 
Ostendit  ei  omnia  rogna  orbis  terrœ  ? 
Ouidem  dicunt  quod  mente  liœc  ei  os- 
temlit:  cgoantem  dico  quod  sensibiliter 
et  in  phautasia  apparere  facit.  Titl'S  Bos- 
TRENSls.  {in  Cet.  Gnvcornvi  Patrnm.) 
Vel  descripsit  orbeni  vcrbo,  et  velut 
quamdam  dumum  intentioni  ejus  ma- 
nifestavit.  ut  existimabat.  Ambr.  Bene 
uutcm  in  momento  temporis  régna 
secnlaria  et  terrena  monstrantur  :  non 
euira  tam  conspectus  celeritas  indicatur 
quam  caducœ  fragilitas  potestafis  expri- 

14 


210 


EXPLICÀ.TION   DE  l'ÉVANGILE 


choses  passent  en  un  moment,  et  souvent  la  gloire  du  siècle  dispa- 
raît avant  qu^elle  soit  venue. 

0  Et  il  lui  dit  :  Je  vous  donnerai  toute  cette  puissance,  »  etc.  — 
TiTE  DE  BosTR.  Il  faisait  un  double  mensonge,  car  il  ne  possédait  pas 
cette  puissance,  et  il  ne  pouvait  donner  ce  qu'il  n'avait  pas.  En  effet, 
la  puissance  du  démon  est  nulle,  et  Dieu  n'a  laissé  à  cet  ennemi  que 
le  triste  pouvoir  de  nous  faire  la  guerre.  —  S.  Ambr.  Il  est  dit  ailleurs  : 
a  Toute  puissance  vient  de  Dieu,  »  c'est  donc  à  Dieu  qu'il  appar- 
tient de  donner,  de  régler  la  puissance,  mais  c'est  du  démon  que  vient 
l'ambition  du  pouvoir;  ce  n'est  pas  le  pouvoir  qui  est  mauvais,  c'est 
l'usage  condamnable  qu'on  en  fait.  Quoi  donc  !  Est-ce  un  bien 
que  d'exercer  le  pouvoir?  que  de  rechercher  les  honneurs?  C'est  un 
bien  d'exercer  le  pouvoir  lorsqu'on  vous  le  défère,  mais  non  lorsque 
vous  l'usurpez.  Et  encore  faut-il  distinguer  soigneusement  ce  bien, 
car  il  y  a  un  bien  relatif  dans  ce  monde,  et  il  y  a  un  bien  absolu  qui 
consiste  dans  la  perfection  de  la  vertu.  C'est  ainsi  qu'il  est  bien  de 
chercher  Dieu  et  de  ne  se  laisser  détourner  par  aucune  préoccupation 
du  soin  assidu  de  connaître  la  Divinité.  Or,  si  celui  qui  cherche  Dieu 
est  bien  souvent  tenté  par  suite  de  la  fragilité  de  sa  chair  et  de  la  fai- 
blesse de  son  esprit,  combien  plus  celui  qui  est  tout  entier  dans  la 
recherche  des  honneurs  du  monde.  Le  Sauveur  nous  apprend  donc  ici 
à  mépriser  l'ambition,  comme  étant  soumise  à  la  puissance  du  dé- 
mon (1).  D'ailleurs  la  faveur  publique  a  ses  périls  qui  lui  sont  propres; 
pour  dominer  les  autres,  il  faut  d'abord  se  faire  leur  esclave,  il  faut 
se  courber  servilement  sous  la  volonté  des  autres  pour  en  obtenir  les 
honneurs  qu'on  désire,  et  tandis  qu'on  veut  s'élever  au-dessus  de 
tous  ,    on   s'abaisse   et   on  s'avilit  sous  les    dehors  d'une  humilité 

(1)  La  fin  de  ce  passage  vient  de  saint  Ambroise,  comme  une  grande  partie  de  ce  qui  précède. 


mitur  :  in  momeuto  euim  cuucta  illa 
praetereunt  ;  et  sœpe  honor  seculi  hiijiis 
abiit  antequam  veuerit. 

Sequitur  :  «  El  ait  illi  :  Tibi  dabo  po- 
testatem  banc  universam.  »  Titus  neiiipe 
Bostrensis  {ubi  sup.)  lu  utroque  men- 
tiebatur  :  neque  enim  liabebat.  uec  con- 
ferre  poterat  quo  carebat  :  nullius  eiiiiii 
obtinet  potestatem ,  sed  ad  piiguam  est 
adversariiis  derelictus.  Ambr.  Alibi  enim 
legitur  {ad  Rom.,  13)  quia  «  oninis  potes- 
tas  a  Deo  est  :  »  itaque  a  Dco  est  potes- 
tatum  ordinatio  ;  a  uialo  ambitio  poles- 
talis;  nec  est  potestas  mala,  sed  is  qui 
maie  ulitur  potestate.  Quid  ergo  ?  bonum 
est  uti  potestate,  studere  honori  ?  bonum, 


si  deferatur,  non  si  eripiatur.  Distingue 
tamen  boc  ipsuni  bonum  :  alius  enim 
bonus  in  seculo ,  alius  perfectae  virtutis 
usus.  Bonum  est  enim  Deum  quœrere, 
bonum  est  cognoscendae  Divinitatis  stu- 
dium  uullis  occupatiouibus  impediri. 
Quod  si  is  qui  Deum  quserit ,  propter 
fragilitatem  carnis  et  mentis  angustias 
scepe  tentatur ,  quanlo  magis  qui  secu- 
lum  quœrit  obnoxius  est;  docemur  ergo 
ambitionem  despicere ,  eo  quod  diabo- 
licse  subjacet  potestati.  Habet  autem  fo- 
rensis  gratia  domesticum  periculum  ;  et 
ut  domiuetur  aliis  prius  servit;  curvatur 
ad  obsequium ,  ut  bonore  douetur  ;  et 
dum  Yult  esse  sublimior.  simulata  huuii- 


DE  SAINT   LUC.    CHAP.    IV, 


211 


mensongère.  Aussi  écoutez  le  démon  :  «  Si  donc  vous  voulez  m'ado- 
rer,  »  etc.  —  S.  Cyril.  Gomment  toi,  dont  le  sort  est  de  brûler  dans 
un  feu  qui  ne  s'éteint  pas,  oses-tu  promettre  au  Seigneur  de  toutes 
choses  ce  qui  lui  appartient?  Quoi  !  tu  as  espéré  avoir  pour  adorateur 
celui  dont  la  crainte  fait  trembler  tout  ce  qui  existe!  —  OrïGt.  {hom. 
30.)  On  peut  encore  expliquer  ces  paroles  dans  un  sens  tout  différent. 
Deux  rois  veulent  régner  ici-bas  à  l'envi  l'un  de  l'autre,  le  roi  du 
péché,  le  démon  veut  régner  sur  les  pécheurs;  le  roi  de  la  justice, 
Jésus-Christ  sur  les  justes.  Or  le  démon,  sachant  bien  que  le  Christ 
venait  détruire  son  royaume ,  lui  fait  voir  tous  les  royaumes  du 
monde,  non  pas  le  royaume  des  Perses  et  des  Mèdes,  mais  son  royaume 
à  lui,  comment  il  règne  sur  le  monde,  c'est-à-dire,  comment  il  règne 
sur  les  uns  par  la  fornication,  sur  les  autres  par  l'avarice,  et  il  lui  fait 
voir  en  un  instant,  c'est-à-dire,  dans  la  durée  du  temps  présent,  ce 
qu'il  obtient  en  un  instant  en  face  de  l'éternité.  Le  Sauveur  n'avait 
pas  besoin  qu'il  lui  mit  devant  les  yeux  un  plus  long  tableau  des 
choses  du  monde  ;  aussitôt  qu'il  eut  ouvert  les  yeux  pour  regarder, 
il  vit  d'un  seul  coup  d'œil  le  règne  du  péché  et  l'esclavage  de  ceux 
qui  étaient  soumis  à  la  domination  des  vices.  Le  démon  lui  tient  donc 
ce  langage  :  «  Vous  êtes  venu  pour  me  disputer  l'empire,  adorez-moi, 
et  je  vous  donne  le  royaume  qui  est  eu  ma  possession.  Mais  le  Seigneur 
veut  régner,  il  est  vrai,  mais  comme  étant  la  justice,  c'est-à-dire  qu'il 
veut  régner  sans  péché;  il  veut  que  les  nations  lui  soient  soumises, 
pour  qu'il  les  place  sous  l'empire  de  la  vérité  ,  et  il  ne  veut  pas  de  ce 
règne  qui  le  soumettrait  lui-même  à  l'empire  du  démon  .  «  Et  Jésus 
lui  répondit  :  Il  est  écrit  :  Vous  adorerez  le  Seigneur  votre  Dieu,  »  etc. 
—  BEDE.  Le  démon  fait  au  Sauveur  cette  proposition  :    «  Si  vous 


litate  fit  vilior.  Unde  subdit  :  «  Tu  si 
adoraveris  coram  me.  »  etc.  Cvril.  [in 
Cat.  Grœcoj-um.)  Ouomodo  tu  cujus 
sors  est  inextiuguibilis  flaïuuia,  qualiter 
omnium  Domino  quce  sua  sunt  spondes? 
piitasti  te  cultorem  liabere  (vel  adorato- 
rem)  cujus  metu  tremuut  universa'' 
OniG.  [hom.  30.)  Vel  aliter  totum  :  duo 
reges  certatim  regnare  festiuant,  j>eccati 
rex  peccatoribus ,  diabolus,  et  justiliaî 
rex  justis,  Cliristus.  Scicusque  diabolus, 
ail  hoc  venisse  Cbristum  ut  regnuin  ejus 
tolleret,  ostenditei  omnia  rogna  mundi; 
non  quidem  regnum  Persaruui  et  Medu- 
rum,sed  regnumsuum,  quoniodo  regna- 
ret  inmundo  ;  quomodo  scilicet  alii  reg- 
nantura  fornicalione,  alii  ab  avaritia:et 
ostendit  ci  in  punclo  temporis,  hoc  est  in 
prœsenti  lemporum  ciiriu,  quid  adconi- 


parationem  £eternitatis  puncti  obtinet 
instar  :  neque  enira  necessarium  babebat 
Salvator  ut  ei  diutius  hujus  seculi  nego- 
tia  nionstrarentur;  sod  statim  ut  aciem 
luniiuum  suorum  ad  conteniplanduni 
vertit  ,  et  peccata  regnantia ,  et  eos  qui 
regnarentur  a  vitiis  couspexit.  Dicit 
ergo  ad  euui:  «  Veuisti  ut  adversus  me 
de  imperio  diniices '?  Adora  me,  et  ac- 
fipe  regnum  quod  leneo.  »  Verum  Oo- 
niinus  vnlt,  quidem  regnare,  sed  quasi 
justilia,  ut  absque  peccato  regnet,  et  vult 
gentfs  sdii  esse  subjectas,  ut  serviant 
verilali  ;  nec  sic  vult  regnare  cteteris,  ut 
ipse  rcgnetur  a  diabolo  :  uude  sei|uilur  : 
«  Et  respondens  Jésus  dixit  illi  :  Scrip- 
tum  est  :  Dominum  Deuni  tuum  adora- 
bis,  »  etc.  Bed.  Dicens  diabolus  Salva- 
tori  :    ((  Si   procidens  adoraveri^^    nie  ,  » 


212 


EXPLICATION    DE    L  EVANGILE 


consentez  à  vous  prosterner  et  à  m'adorer,  »  et  il  apprend  de  sa 
bouche,  au  contraire ,  que  lui-même  doit  plutôt  l'adorer  comme  son 
Seigneur  et  son  Dieu.  —  S.  Gyr.  {Très.)  Mais  pourquoi,  si,  comme  le 
veulent  les  hérétiques,  il  est  fils  de  la  créature,  doit-il  être  adoré?  Ou 
est  le  crime  de  ceux  qui  adorent  la  créature  au  lieu  du  Créateur,  si 
nous-mêmes  nous  adorons  comme  Dieu  le  Fils  qui  n'est  d'après  eux 
qu'uue  simple  créature  ?  —  Orig.  Ou  bien  dans  un  autre  sens  :  Je  veux 
que  tous  les  hommes  me  soient  soumis,  afin  qu'ils  adorent  le  Seigneur 
leur  Dieu,  et  ne  servent  que  lui  seul  ;  et  tu  veux  que  je  commence 
par  donner  l'exemple  de  la  prévarication,  moi  qui  suis  venu  pour  dé- 
truire le  péché  ? —  S.  Gi'R.  {Ch.  des  Pèr.  g7\)  Cette  parole  pénétra 
le  démon  jusqu'au  fond  de  son  âme.  Avant  la  venue  du  Sauveur,  il 
avait  partout  des  autels  ,  et  voilà  que  la  loi  divine  le  chasse  du  trône 
qu'il  avait  usurpé,  et  déclare  que  l'adoration  n'est  due  qu'à  celui  qui 
est  Dieu  par  nature.  —  Bède.  Si  l'on  demande  comment  ce  précepte, 
de  ne  servir  que  Dieu  seul ,  peut  se  concilier  avec  ces  paroles  de 
l'Apôtre  :  «  Assujettissez-vous  les  uns  aux  autres  par  une  charité  spi- 
rituelle (G«/«/.,  v),  nous  répondrons  que  le  mot  dulie  qui  vient  du 
grec,  exprime  cette  espèce  de  culte  ordinaire  et  commun,  que  nous  ren- 
dons soit  à  Dieu,  soit  aux  hommes,  c'est  dans  ce  sens  qu'il  nous  est 
commandé  de  nous  rendre  les  serviteurs  les  uns  des  autres  ;  au  con- 
traire, le  mot  latrie  signifie  le  culte  d'adoration  que  nous  devons  à 
Dieu,  et  qui  nous  ordonne  de  ne  servir  que  lui  seul. 

y.  9-13.  —  Le  démon  le  conduisit  encore  à  Jérusalem,  et  l'ayant  placé  sur  le 
haut  du  temple,  il  lui  dit  :  Si  vous  êtes  le  Fils  de  Dieu,  jetez-vous  d'ici  en 
bas;  car  il  est  écrit  qu'il  a  ordonné  à  ses  anges  de  vous  garder,  et  qu'ils  vous 
porteront  en  leurs  mains  de  peur  que  votre  pied  ne  heurte  contre  la  pierre. 


e  contrario  audit,  quod  ipse  magis  ado- 
rare  eum  debeat  quasi  Dominum  et 
Deum  suum.  Cyril.  [In  Thesaiiro.)  Qua- 
liter  autem  si  secundum  haereticos  filius 
est  creaturas,  adoratur?  Quod  crimen 
inferretur  adversus  eos  qui  servierunt 
creaturae,  et  non  Creatori^  si  Filium  (se- 
cundum eos  creaturam  existentem)  coli- 
mus  tanquam  Deum?  Orig.  [ut  sup.) 
Val  aliter  :  hos  (inquit)  omnes  propterea 
mihi  volo  esse  subjeclos,  ut  Dominum 
Deum  adorent,  et  ipsi  soli  serviant;  tu 
autem  a  me  vis  inciperepeccatum,  quod 
ego  dissoluturus  bue  veni.  Cyril,  [in 
Cat.  Gnecomm.)  Hoc  autem  mandatum 
ejus  tetigit  intima  :  ante  adventum  enim 
ejus  ipse  ubique  colebatur;  lex  autem 
divina  ejiciens  ipsum  a  dominio  usur- 


pato,  adorare  statuit  solum  eum  qui 
naturaliter  Deus  est.  Bed.  Quaerat  autem 
aliquis  quomodo  conveniat  quod  bic 
praecipitur  (soli  Domino  serviendum) 
ApostoU  verbo  qui  dicit  [ad  Gai.  5)  : 
«  Per  charitatem  servite  invicem  ;  »  sed 
in  grœco  dulia  intel'igiturservitus  com- 
munis  (boc  est  sive  Deo  sive  bomini 
exbibita),  secundum  quam  jubemur  ser- 
vire  invicem;  latria  autem  vocatur  ser- 
vitus  Divinitatis  cuitui  débita,  qua  jube- 
mur soli  Deo  servire. 

Et  duxit  illum  in  Hierusalem  :  et  statuit  eum  su- 
per pinnaculum  templi,  et  dixit  illi  :  Si  Filius 
Dei  es,  rnitte  te  hinc  deorsum  :  scriptum  est 
enim  quod  angelis  suis  Deus  mandavit  de  te  , 
ut  conservent  te,  et  quia  in  manibus  tollent  te, 
ne  forte  offendas  ad  lapidem  pedem  tuum.  Et 


DE  SAINT  LUC^    CHAP.    IV.  213 

Jésus  lui  répondit  :  Il  est  écrit  :  Tu  ne  tenteras  point  le  Seigneur  ton  Dieu. 
Après  avoir  épuisé  toutes  ces  tentations,  le  démon  se  retira  de  lui  pour  un 
temps. 

S.  Ambr.  a  la  tentation  de  sensualité  succède  celle  de  la  vaine 
gloire,  qui  fait  tomber  dans  les  honteux  abaissements  du  péché  ;  car 
aussitôt  que  les  hommes  cherchent  à  préconiser  la  gloire  de  leur  vertu, 
ils  tombent  du  haut  rang  où  leurs  mérites  les  avait  élevés  :  «  Et  le 
démon  le  conduisit  à  Jérusalem,  »  etc.  —  Orig.  {hom.  31.)  Jésus  sui- 
vait le  démon  comme  un  athlète  qui  marche  volontairement  au  com- 
bat, et  il  semblait  lui  dire  :  Conduis-moi  où  tu  voudras  ,  tu  me  trou- 
veras supérieur  à  toutes  tes  ruses  et  à  toutes  tes  intrigues. —  S.  Ambr. 
C'est  le  propre  de  la  vaine  gloire,  en  inspirant  à  celui  qu'elle  domine 
de  s'élever  présomptueusement  à  un  degré  supérieur  par  la  pratique 
d'œuvres  plus  parfaites ,  de  le  faire  tomber  dans  les  actions  les  plus 
humiliantes  :  «  Et  il  lui  dit  :  Si  vous  êtes  le  Fils  de  Dieu,  jettez-vous 
au  bas,  »  etc.  —  S.  Athan.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  Ce  n'est  pas  contre  la 
divinité  que  le  démon  engage  le  combat  (il  n'eût  osé  le  faire) ,  aussi 
c'est  pourquoi  il  dit  à  Jésus  :  «  Si  vous  êtes  le  Fils  de  Dieu  ,  »  mais 
c'est  contre  l'homme  qu'il  avait  autrefois  réussi  à  séduire. —  S.  Ambr. 
C'est  bien  ici  la  voix  du  démon  qui  cherche  à  précipiter  l'homme  du 
haut  rang  où  ses  vertus  l'ont  élevé  ,  mais  il  dévoile  en  même  temps 
toute  sa  faiblesse  et  toute  sa  méchanceté ,  puisqu'il  ne  peut  nuire  à 
personne  avant  qu'on  ne  se  soit  pour  ainsi  dire  précipité  dans  l'abime. 
En  effet,  celui  qui ,  aux  choses  du  ciel,  préfère  les  biens  trompeurs  de 
la  terre,  se  jette  comme  volontairement  dans  un  précipice  où  il  trouve 
la  mort.  Cependant  lorsque  le  démon  vit  son  arme  émoussée,  lui  qui 
avait  soumis  tous  le§  hommes  à  son  empire  ,  il  jugea  (juc  Jésus  était 


respondens  Jésus ,  ait  illi  :  Dicturu  est  :  Non 
tentabis  Dominum  Deum  tuum.  Et  consummala 
omnitentalione,  diabolus  recessit  ah  illo  usque 
ad  tenipus. 

Ambu.  Sequitiir  jarlantL-f  leluui,  ijuo 
in  procUve  dolimiuilur;  quia  diim  hoiui- 
nes  gloriam  virtuLis  siiae  jactare  riesicle- 
ranf,  de  loco  meritoruin  et  stalione  de- 
cedunl  :  unde  dicitur  :  «  Et  diixit  illiiin 
in  Hierusalem ,  »  etc.  Orig.  {/lom.  31.) 
SequeVjatur  plane  quasi  athleta ,  ad  len- 
lationein  spontc  proiicisceus  ;  et  quo- 
dammodo  loquel)atur  :  «  Duc  quo  vis,  et 
inveni"s  me  iu  omnibus  fortiorem.  » 
Ambr.  Ista  est  autem  jaclanlia,  ut  dum 
se  pntat  nnusquisque  ad  altiora  ronsceu- 
dere  ,  suliliminni  usurpalione  faclorum 
ad  inforiora    trudatnr  :    unde  sequitur  : 


«  Kt  dixil  illi  :  Si  Fiiius  Dei  es,  uiitle  te 
deorsuni,  >:  etc.  Atha.  {in  Caf.  Grœco- 
ruin  Putrum.)  Non  autem  contra  Divi- 
nilatcm  certameu  diabolus  iniit  (neque 
eiiim  audebat,  et  ideo  dicobat  :  «  Si 
Filius  Uei  es),  »  sed  cum  liomine  certa- 
men  iniit,  quem  quondani  soducere  po- 
tuit.  Ambr.  Vere  autem  diabolica  vox 
est ,  quae  meutem  bomiuis  de  gradu 
altiore  meritoruin  prœcipitare  conten- 
dit,  simul  infirmitatera  suam  diabolus 
nialitiamcpie  désignât  ;  quia  neraini  po- 
test  nocere^  nisi  ipse  deorsuin  se  mise- 
nt :  nam  qui  reiictis  crelestibus  torrena 
eligit,  voliintarium  quoddani  prœcipi- 
tiuni  vitai  labentis  incurrit  ;  sinud  qiio- 
niani  lelum  suuni  diabolus  vidit  obtu- 
sum.  qui  onuips  liomines  propriœ  subje- 


2U 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


plus  qu'un  homme.  Or,  il  est  à  remarquer  que  Satan  se  transforme 
souvent  en  ange  de  lumière  ([[  Corinth.^  xi),  et  dresse  des  pièges  aux 
fidèles  à  l'aide  des  saintes  Ecritures  :  «  Car  il  est  écrit,  »  etc.  —  Orig. 
[hom.  31.)  Comment  peux-tu  savoir,  ô  démon  !  que  ces  paroles  se 
trouvent  dans  l'Ecriture  ,  as- lu  jamais  lu  les  Prophètes  ou  les  saintes 
Lettres?  Oui,  tu  les  a  lus,  non  pour  devenir  meilleur  par  cette  lecture, 
mais  pour  tuer  avec  la  lettre  seule  ceux  qui  s'atta(  hent  exclusivement 
à  la  lettre.  (II  Corinth. ,  m.)  Tu  sais  que  si  tu  empruntais  tes  témoi- 
gnages à  d'autres  livres,  tu  ne  pourrais  réussira  tromper.  —  S.  Ambr. 
Ne  v(jus  laissez  donc  pas  séduire  par  les  hérétiques  qui  pourront  vous 
citer  des  témoignages  de  l'Ecriture ,  le  démon  lui-même  a  recours  à 
l'Ecriture,  non  pour  enseigner ,  mais  pour  tromper.  —  Orig.  Vous 
voyez,  du  reste,  l'artifice  du  démon  jusque  dans  la  citation  de  ces  té- 
moignages ;  il  veut  amoindrir  la  gloire  du  Sauveur ,  comme  s'il 
avait  besoin  du  secours  des  anges,  et  que  son  pied  dût  heurter ,  s'il 
n'était  soutenu  parleurs  mains.  Or,  ces  paroles  du  Psalmiste  ne  s'ap- 
pliquent nullement  au  Christ,  mais  en  général  à  tous  les  saints  ;  car 
celui  qui  est  au-dessus  de  tous  les  anges  n'a  nullement  besoin  de  leur 
secours,  Appreuds  donc  plutôt,  ô  esprit  superbe,  que  les  anges  eux- 
mêmes  heurteraient  leur  pied  ,  si  la  main  de  Dieu  ne  les  soutenait, 
c'est  ainsi  que  toi-même  tu  es  venu  heurter  contre  l'écueil,  parce  que 
tu  as  refusé  de  croire  en  Jésus-Christ ,  Fils  de  Dieu.  Mais  pourquoi 
donc  passes-tu  sous  silence  les  paroles  qui  suivent  :  «  Vous  marcherez 
sur  l'aspic  et  le  basiUc,  sinon  parce  «pie  tu  es  toi-même  ce  basilic,  ce 
dragon,  ce  lion?  a 

S.  Ambr.  Cependant  Notre-Seigueur ,  voulant  nous  apprendre  que 
tout  ce  qui  avait  été  prédit  de  lui ,  ne  devait  pas  s'accomplir  selon  le 


cerat  potestali,  plus  cœpil  quam  homi- 
nem  judicare.  Transfigurât  auteru  se 
Salarias  velut  angelum  lucis,  et  de  Scrip- 
turis  sœpe  divinis  laqueuiu  fidelibus 
parât  :  unde  sequilur  :  «  Scripturu  est 
enim,  »  etc.  Orig.  {ut  supra ,  liom.  31.) 
Lnde  tibi  ,  diabole ,  scire  quod  ista 
scripta  sunt  ?  nunquid  legisti  prophetas, 
vel  divina  eloquia  ?  Legisti  quidam,  uou 
ut  ipse  ex  lectione  eorum  melior  fieres, 
sed  ut  de  simplici  littera  eos  qui  ainici 
sunt  litterip, ,  interficias.  Sois  quia  si  de 
aliis  ejus  voluniiiiibus  loqui  volueris, 
non  decipies.  Ambr.  Ergo  non  te  capiat 
lia>reticus ,  qui  potesl  de  Scripturis 
aliqua  exenqjla  proferre  :  utitur  et  dia- 
bolus  leslimoniis  Scripturarum,  non  ut 
doceat,  sed  ut  fallat.  Orig.  {;ut  sup.) 
Vides  auteni  quomodo  et  in  ipsis  testi- 


moniis  versipellis  est  :  vult  eniiu  mi- 
uuere  gloriam  Salvatoris  ,  ipiasi  angelo- 
rum  indigeat  auxilio,  olTensurus  pedem, 
nisi  eorum  manibus  sublevetur.  Hoc 
enim  testimonium,  non  de  Cbristo,  sed 
de  sanctis  generaliter  scriptum  est  : 
neque  enim  indiget  augelorum  auxilio 
qui  major  est  angelis.  Quin  polius  disce, 
diabole,  quod  nisi  Deus  adjuvaret  ange- 
los ,  offenderent  pedem  suum ,  et  tu 
propterea  offendisti  quia  credere  in 
Jesum  Cbristum ,  Dei  Filium  ,  noluisti. 
Quare  autem  sile»  quod  sequilur  :  <■  Su- 
per aspidem  et  basiliscum  anibulabis,  » 
nisi  quia  tu  es  basilicus  .  lu  draco,  tu 
leo. 

Ambr.  Sed  Dominas  rursus  ne  ea 
quce  de  se  fuerant  prophetata ,  ad  arbi- 
trium  diaboli  putaret  esse  facienda  ,  sed 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    IV.  215 

bon  plaisir  du  démon,  mais  par  la  volonté  souveraine  de  sa  divinité, 
déjoue  les  artifices  de  ce  malin  esprit ,  et  comme  il  a  emprunté  ses 
armes  à  l'Ecriture,  le  Sauveur  lui  oppose  l'autorité  triomphante  des 
Ecritures  :  «  Et  Jésus  lui  répondit  :  Il  est  écrit  :  Tu  ne  tenteras  pas 
le  Seigneur  ton  Dieu.  »  —  S.  Chrys.  {des  hom.  sur  l'ép.  aux  Hébr.) 
C'est  en  efîet  une  inspiration  diabolique  que  de  se  jeter  dans  le  danger, 
pour  tenter  si  Dieu  nous  en  délivrera.  —  S.  Cyr.  Dieu  accorde  sou 
secours,  non  à  ceux  qui  le  tentent,  mais  à  ceux  qui  croient  et  espèrent 
en  lui  ;  aussi  Jésus-Christ  ne  voulut  point  faire  de  miracles  en  présence 
de  ceux  qui  étaient  venus  pour  le  tenter  :  «  Cette  génération  perverse, 
disait-il,  demande  un  prodige ,  et  il  ne  lui  sera  point  donné.  »  — 
S.  Chrys.  {coimne  précéd.)  Voyez  comme  le  Seigneur,  sans  être  trou- 
blé, discute  humblement  avec  le  démon,  vous  donnant  ainsi  un  exemple 
que  vous  devez  imiter  autant  qu'il  est  possible.  Le  démon  connaît  les 
armes  dont  Jésus- Christ  s'est  servi  pour  le  terrasser,  il  l'a  combattu 
par  la  douceur,  et  en  a  triomphé  par  l'humilité.  Vous  donc  aussi,  si 
vous  rencontrez  un  homme  devenu  l'instrument  du  démon  pour  lutter 
contre  vous,  cherchez  à  en  triompher  par  les  mêmes  armes.  Que  votre 
âme  apprenne  à  conformer  vos  paroles  aux  paroles  du  Christ  ;  car  de 
même  que  le  juge  romain,  assis  sur  son  tribunal,  n'écoute  point  la 
demande  de  celui  qui  ne  sait  point  parler  son  langage  ;  ainsi  Jésus- 
Christ  ne  vous  exaucera  point  et  ne  prêtera  aucune  attention  à  vos 
paroles,  si  vous  ne  parlez  son  langage. 

S.  Grég.  de  Nysse.  Celui  qui  lutte  suivant  les  règles ,  arrive  au 
terme  du  combat,  soit  que  sou  adversaire  cède  de  lui-même  au  vain- 
queur, soit  qu'à  la  troisième  défaite  il  dépose  les  armes  suivant  les 
lois  du  combat  :  «  JEt  ayant  épuisé  toutes  ses  tentations ,  il  se  re- 


Divinitatis  propricB  auctoritale  servata, 
versutia^  ejus  occurril,  ut  quia  Scriptu- 
rarum  exempluui  prcetenderat,  ScripUi- 
rarum  vinceretur  exemplis  :  unde  sequi- 
tur  :  «  Et  respondons  Jésus  ail  illi  :  Dic- 
tum  est  quia  non  tentabis  Donilnum,  » 
etc.  Chrys.  [in  l'ut.  Cracorum  l'atnim, 
ex  homiliis  ad  Hebraos.)  Diaboltcum 
euim  est  seipsuni  injicere  ad  pericula^ 
et  tenlare  au  criplat  Deus.  Cyril,  (in 
Cat.  Grœcorumxit sup.)  Non  tentantlbus 
largitur  Deus  auxilia,  sed  credculibus 
in  euui  :  unde  Chiislus  tentantîbus  eum 
non  ostendobat  niiracula  ;  qiiibus  dice- 
bat  {Malth.)  :  «  Generalio  prava  siguum 
quœrit,  et  non  dabltur  ei.  »  Chrys.  {in 
Cat.  Cracorum  Patnim,  ex  homiliis  in 
Matth.)  Aspice  autem  quomodo  unii 
turbatus  est  Dominus,  imo  de  Scripturis 


bumilliuie  cum  iniquo  disceptat  ;  ut 
conformeris  Christo  pro  posse.  Novit 
diabohis  arma  Christi  quibus  succubuit  ; 
ex  mansuetudiue  eum  cœpit,  ex  bamili- 
tate  devicit.  Tu  quoque  cum  videris  ho- 
minem  effet^tum  diabolum  et  tibi  ob- 
viautem ,  eo  modo  devincas  ;  doceas 
animam  tuam  formare  os  condecens  ori 
Christi  :  sicut  enim  cum  romanus  foi  san 
residel  judex,  non  exaudiet  responsum 
ignorautis  eo  modo  loqui  quo  ipse  ,  sic 
et  Chrislus  nisi  suo  modo  loquaris^  non 
exaudiet  te,  nec  vacabit  tibi. 

Greo.  Nyss.  [uM  stip.in  Cal.  Grœco- 
rum  Palrum.)  Légitime  aulcm  pugnanti 
agonum  reperitur  terminus ,  vel  quod 
adversarius  sua  sponlc  cedat  vinceuti, 
vel  trino  casu  deponitur  secunduni  pu- 
guatorice  artis  decretum.  Unde  sequitur: 


216 


EXPLICATION   DE   l' ÉVANGILE 


tira,  »  etc.  —  S.  Ambr.  La  sainte  Ecriture  n'eût  pas  dit  que  le  démon 
avait  épuisé  toutes  les  tentations ,  si  les  trois  qui  précédent  n'étaient 
l'occasion  de  tous  les  crimes.  En  effet ,  toutes  les  tentations  viennent 
des  concupiscences  qui  sont  le  plaisir  de  la  chair ,  le  désir  de  la  gloire 
et  l'ambition  du  pouvoir.  —  S.  Athan.  L'ennemi  de  notre  salut  s'était 
approché  de  Jésus  comme  d'un  homme,  mais  n'ayant  trouvé  en  lui 
aucun  des  caractères  de  ses  premiers  ancêtres,  il  se  retira. — S.  Ambr. 
Vous  voyez  donc  que  le  démon  n'est  point  opiniâtre  dans  ses  pour- 
suites, il  cède  le  terrain  à  la  véritable  vertu ,  et  s'il  ne  cesse  point  de 
porter  envie  et  de  haïr,  il  craint  de  revenir  à  la  charge^  parce  qu'il 
redoute  la  honte  de  fréquentes  défaites.  Aussitôt  donc  qu'il  entend  le 
nom  de  Dieu,  il  se  retire  pour  un  temps,  dit  l'Evangéliste  ;  car  il  re- 
vint plus  tard,  non  plus  pour  tenter  le  Sauveur ,  mais  pour  le  com- 
battre à  force  ouverte.  —  Théophyl.  Ou  bien  ,  comme  il  l'avait  tenté 
dans  le  désert  par  l'attrait  de  la  sensualité^  il  se  retira  de  lui  jusqu'au 
temps  de  sa  passion,  où  il  devait  le  tenter  par  la  crainte  de  la  dou- 
leur. —  S.  Maxim.  Ou  bien  encore ,  le  démon  avait  suggéré  à  Jésus- 
Christ,  dans  le  désert,  de  préférer  les  biens  matériels  à  l'amour  divin, 
le  Sauveur  lui  ordonne  de  se  retirer,  ce  qui  était  un  signe  de  l'amour 
qu'il  avait  pour  Dieu.  Dans  la  suite  ,  le  démon  s'efforça  donc  de  lui 
faire  transgresser  le  précepte  de  l'amour  du  prochain,  ainsi  il  excitait 
les  scribes  et  les  pharisiens  à  lui  dresser  des  embûches,  alors  qu'il  leur 
enseignait  les  sentiers  de  la  véritable  vie  pour  le  forcer  de  les  haïr. 
Mais  le  Seigneur,  ne  perdant  jamais  de  vue  l'amour  qu'il  avait  pour 
eux,  ne  cessait  de  les  avertir ,  de  les  reprendre  et  de  leur  faire  du 
bien. 

S.  AuG.  [de  l'accord  des  Evamj.,  ii,  (3.)  Saint  Matthieu  rapporte 


«  Et  consummata  oinni  tentatione  ,  re- 
cessit,  »  etc.  Ambr.  Non  dixisset  Scrip- 
tiira  «  omnem  teiiLatiouem  consumma- 
taiii,  »  nisi  in  tribus  praemissis  esset 
omnium  materia  deîictorum ,  quia 
causœ  teutationum  causte  cupidilatura 
sunt,scilicetcarnisoljlectatio,spesglorise, 
aviditas  potentice.  Athan.  {in  Cat.  Grœ- 
corum.)  Accesserat  quidem  ad  eum  hos- 
tis  ut  ad  hominem,  non  inveniens  autem 
in  ipso  antiqui  sui  semiuis  signa,  disces- 
sit.  Ambr.  Vides  ergo  ipsum  diabolum 
in  studio  non  esse  pertinacem  ,  cedere 
verœ  solere  virtuti,  et  si  invidere  non 
desinat,  tauien  instare  foi'midat ,  quia 
frequentius  refugit  triumphari.  Audito 
itaque  Dei  nomine,  recessit(iuquit)  usque 
ad  tempus,  postea  euim  non  tentaturus, 
sed  aperte  pugnaturus  venit.  Théophyl. 


Vel  quia  de  voluptate  teutaverat  iu  de- 
serto,  recessit  ab  eo  usque  ad  tempus 
crucis,  in  que  eum  erat  de  Iristitia  ten- 
taturus. Maxi.  (»1  Cat.  Grœcorum  Pa- 
Irum.)  Vel  diabolus  in  deserto  Christo 
suggesserat  praeferre  mundi  maleriam 
diviuo  amori,  quem  Dominiis  retroce- 
dere  jussit  (quod  erat  iudicium  diviui 
amoris.)  Uude  postea  satagebat  prœva- 
ricatorem  eum  facere  dilectiouis  ad 
proximos;  et  ideo  doceute  eo  semitas 
vit;c,  provocabat  ad  illius  insidias  pha- 
risaeos  et  scribas ,  ut  ad  eorum  odium 
perverteretur  ;  sed  Dominus  dilectionis 
intuitu  quani  liabebat  in  eos,  monebat, 
arguebat ,  bénéficia  conferre  non  cessa- 
bat. 

AuG.  {de  Coîis.  Evang.,  lib.  ii.  cap.  6.) 
Totum   autem  lioc  similiter    Mattheeus 


DE  SAINT   LLC,    CHAP.   IV.  217 

également  Tensemble  de  ces  tentations,  mais  dans  un  ordre  dififérent. 
Nous  ne  savons  donc  ce  qui  eut  lieu  d'abord,  de  la  deuxième  ou  de  la 
troisième  tentation,  c'est-à-dire  si  le  démon  fit  voir  au  Sauveur  tous 
les  royaumes  du  monde  avant  de  le  transporter  sur  le  pinacle  du 
temple;  mais  peu  importe,  dès  lors  qu'il  est  certain  que  ces  deux  faits 
sont  véritables.  —  S.  Maxim.  L'un  des  Evangélistes  a  placé  la  seconde 
tentation  avant  la  troisième  ;  l'autre  ,  la  troisième  avant  la  seconde, 
parce  que  la  vaine  gloire  et  l'avarice  s'engendrent  mutuellement.  — 
OfiiG.  {hom.  29.)  L'évangéliste  saint  Jean^  qui  commence  son  Evan- 
gile par  la  génération  divine  ,  et  donne  ce  magnifique  exode  :  «  Au 
commencement  était  le  Verbe  ^  »  n'a  pas  raconté  les  tentations  du 
Sauveur,  parce  que  la  divinité  dont  il  voulait  surtout  parler  est  inac- 
cessible à  la  tentation.  Au  contraire ,  saint  Matthieu  ,  saint  Marc  et 
saint  Luc,  qui  avaient  surtout  pour  objet  de  décrire  la  génération 
temporelle,  et  la  vie  humaine  de  Notre- Seigneur,  nous  ont  raconté  sa 
tentation. 

y,  14-21.  —  Alors  Jésus  retourna  en  Galilée  dans  la  vertu  de  l'Esprit  de 
Dieu,  et  sa  reyiommée  se  répandit  dans  tout  le  pays  d'alentour.  Il  enseignait 
dans  leurs  synagogues  et  tous  publiaient  ses  louanges.  Etant  venu  à  Nazareth 
où  il  avait  été  élevé,  il  entra,  selon  sa  coutume,  le  jour  du  sabbat  dans  la 
synagogue,  et  se  leva  pour  lire.  On  lui  présenta  le  livre  du  prophète  Isaïe  ;  et 
l'ayant  déroulé,  il  trouva  l'endroit  où  il  était  écrit  :  L'Esprit  du  Seigneur  est 
sur  moi,  c'est  pourquoi  il  m'a  consacré  par  son  onction,  il  m'a  envoyé  pour 
évangéliser  les  pauvres,  pour  guérir  ceux  qui  ont  le  cœur  brisé  ;  pour  annoncer 
aux  captifs  leur  délivrance,  aux  aveugles  le  bienfait  de  la  vue,  rendre  à  la 
liberté  ceux  qu'écrasent  leurs  fers  ;  pour  publier  l'année  favorable  du  Seigneur, 
et  le  jour  de  la  rétribution.  Ayant  replié  le  livre,  il  le  rendit  au  ministre  et 
s'assit.  Et  tous,  dans  la^synagogue,  avaient  les  yeux  attachés  sur  lui.   Et  il 


narrât,  sed  iiou  eodeui  (jrdiue  :  unde  in- 
certum  est  quid  prius  factum  sil;  utruui 
régna  terr.-E  prius  demoustrata  sint  ei, 
et  postea  in  piunam  lonipli  levatus  sit, 
an  hoc  prius ,  et  illud  postea  :  niliil  ta- 
men  ad  rem,  dum  omnia  facta  esse  ma- 
nifestum  sit.  Maxi.  [ut  sup.)  OJj  lioc 
aulem  evangelistaruui  liane  istc ,  illam 
vero  ille  prainiittit  :  quia  inanis  gloria 
et  avaritia  ad  invicem  sese  gij^nunt. 
OuiG.  Uiom.  29.)  Joannes  autoin  qui  a 
1)00  exordium  fecerat  ,  dicens  :  «  lu 
iniucipio  erat  Yerbuiu,  »  tentatiouem 
Uoniini  non  descripsit;  quia  Deus  teutari 
non  potcst,  de  quo  ei  erat  sernio  :  ([uia 
vero  iu  Mallluei  Kvaui^'elio  et  in  Luf;a 
geueratio  liominis  describitur,  et  in  Marco 
homo  est  qui  tentatur;  ideo  Matthœus, 


Lucas  et  Marcus  ,   teutationem    Doiuini 
descripserunt. 

Et  reyressus  est  Jésus  in  nirtiUe  spiritus  in  Ga- 
lilœam,  et  fama  exiit  per  uniuersam  regionem 
de  illo.  Et  ipse  docebat  in  synagogis  eorum, 
et  tnagnificahatur  ab  omnibus.  Et  venit  Naza- 
reth ubi  erat  nutrilus;  et  intramt  secundum 
consuetudinem  suam  die  sahhati  in  synagogam, 
et  surrexit  légère;  et  tradilus  est  illi  liber 
Isaiœ  prophetœ;etut  revolvit  librum\  invenit 
locum  ubi  script um  erat  :  Spiritus  Domini  su- 
per me,  propter  quod  unxit  me;  eoangelizare 
pauperibus  misit  me,  sanare  contritos  corde, 
prœdicare  captivis  remissionem, ;  et  cœcis  vi- 
sum;  dimiltere  confractos  in  remissionem; prœ- 
dicare annum  Domini  acceplum,  et  diem  retri- 
butionis.  Et  cum  plicuisset  llhrum ,  reddidit 
minislro ,  et  sedit.  Et  omnium  in  synayogn 
oculi  erant  intendenies  in  eum.  Cmpit  autem 


218 


EXPLICATION    DE  l'ÉVANGILE 


commença  à  leur  dire  :  C'est  aujourd'hui  que  cette  Ecriture  que  vous  venez 
d'entendre,  est  accomplie. 

Orig.  {hom.  32.)  La  victoire  que  Nôtre-Seigneur  venait  de  remporter 
sur  le  tentateur,  donna  un  nouvel  accroissement,  ou  plutôt  un  nou- 
veau degré  de  manifestation  à  sa  vertu  :  «  Et  Jésus  retourna  en  Ga- 
lilée dans  la  vertu  de  l'Esprit,  »  etc.  —  Bède.  Cette  vertu  de  l'Esprit, 
c'est  la  puissance  de  faire  des  miracles.  —  S.  Cyr.  Le  Sauveur  ne 
faisait  pas  des  miracles  par  une  puissance  qui  lui  fut  extrinsèque  ,  et 
comme  les  autres  saints  qui  agissaient  en  vertu  de  la  grâce  de  l'Esprit 
saint  qu'ils  avaient  reçue  ;  mais  comme  il  était  le  Fils  de  Dieu  par 
nature,  et  qu'il  entrait  en  participation  de  tous  les  attributs  du  Père, 
il  se  sert  pour  agir  de  la  vertu  de  l'Esprit  saint  comme  lui  appar- 
tenant en  propre.  Il  était  du  reste  convenable  qu'il  se  manifestât  dé- 
sormais et  qu'il  fit  éclater  aux  yeux  des  enfants  d'Israël  le  mystère  de 
l'incarnation  :  «  Et  sa  renommée  se  répandit,  »  etc.  —  Bède.  La  sa- 
gesse se  rapporte  à  la  doctrine ,  et  la  puissance  aux  œuvres ,  aussi 
l'Evangéliste  réunit  ici  ces  deux  attributs  :  «  Et  il  enseignait  dans  les 
synagogues,  »  etc.  Le  mot  synagogue ,  qui  vient  du  grec ,  veut  dire 
réunion  (1),  les  Juifs  appelaient  ainsi  non-seulement  l'assemblée  du 
peuple^  mais  encore  le  lieu  où  il  se  réunissait  pour  entendre  la  parole 
de  Dieu.  C'est  ainsi  que  nous  donnons  le  nom  d'églises  aux  lieux  où 
se  réunissent  les  fidèles  pour  chanter  les  louanges  de  Dieu.  Il  y  a  ce- 
pendant une  différence  entre  le  mot  synagogue  qui  veut  dire  réunion, 
et  le  mot  église  qui  signifie  assemblée  ;  des  animaux  ,  ou  n'importe 
quelles  autres  choses,  peuvent  former  une  réunion,  tandis  qu'une  as- 

(1)  Le  vénérable  Bède  donae  ici  l'étymologie  de  ces  deux  mots,  d'après  leur  racine  grecque,  en 
effet,  le  mot  cryvaywYiQ,  synagogue,  vient  de  cryvàYW,  qui  veut  dire  réunir,  et  £y.x),ï]<y(a,  église. 
vient  de  £xy.à),£a) ,  qui  signifie  convoquer. 


dicere  ad  illos  ,  quia  hodie  impleta    est  /lœc 
scriptura  in  auribus  veslris. 

Orig.  {/wm.  32.)  Quia  Donihius  teuta- 
torem  vicerat^  virtus  ei  addita  est  ;  quan- 
tum scilicet  ad  manifestationem  :  uude 
dicitur  :  «  Et  regressus  est  Jésus  in  vir- 
tute  spiritus,  »  etc.  Bed.  Virtntem  spiri- 
tus  signa  niiraculorum  dicit.  Cyril.  {i)t 
Cat.  Grœcorum  Patruin  ,  iibi  svp.) 
Agebat  autem  miracula,  non  ab  extrin- 
seco  ,  et  quasi  acquisitaiu  habens  Spiri- 
tus sancti  giatiam  (sicut  alii  sancti),  sed 
polius  cum  esset  uaturaliter  Dei  Filius 
et  consors  omnium  quae  sunt  Patris, 
tanquam  propria  virtute  et  operutione 
utitur  ea  quae  est  Spiritus  sancti.  Dece- 
bat  autem  ex  tune  eura  notum  fieri ,  et 


humauationis  fulgere  mysterium  apud 
eos  qui  erant  de  sanguine  Israël  :  ideo 
sequitur  :  «Et  fama  exiit,  »  etc.  Bkd. 
Et  quia  sapientia  pertinet  ad  doctrinam, 
virtus  vero  rofertur  ad  opéra,  utraque 
bic  conjunguntur.  Unde  sequitur  :  «  Et 
ipse  docebat  in  synagogis ,  »  etc.  Syua- 
goga  graece  latine  dicitur  conrjregatio  : 
quo  nomine,  non  solum  turbarum  cou- 
veutum,  sed  et  domura  in  qua  ad  audien- 
dum  verbuni  Dei  conveniebant,  Judaei 
appellare  solebaut ,  sicut  nos  ecclesias, 
et  loca,  et  eboros  fidelium  vocamus  : 
verum  differt  inter  synagogam,  quae 
congregatio,  et  ecclesiam,  quae  conro- 
catio  inierpretatur,  quia  scilicet ,  et  pe- 
cora.  et  quaeque  res  congregari  in  unum 


DE   SAINT  LUC.    CHAP.    IV.  219 

semblée  ne  peut  se  composer  que  d'êtres  doués  de  raison.  C'est  pour 
cela  que  les  docteurs  apostoliques  ont  jugé  plus  convenable  de  donner 
le  nom  d'Eglise ,  plutôt  que  celui  de  synagogue  aux  réunions  du 
peuple  ,  élevé  par  la  grâce  à  une  plus  haute  dignité.  C'est  avec  raison 
que  tous  publiaient  ses  louanges,  lui  à  qui  tous  les  faits  et  tous  les 
oracles  précédents  avaient  rendu  un  si  éclatant  témoignage  :  «  Et  il 
était  exalté  par  tous.  »  —  Orig.  Gardez-vous  de  penser  que  ceux-là 
seuls  furent  heureux  qui  eurent  le  bonheur  d'entendre  les  enseigne- 
ments du  Sauveur,  et  de  croire  que  vous  êtes  privé  de  la  même  fa- 
veur ;  car  aujourd'hui  encore,  il  enseigne  dans  tout  l'univers  par  ses 
orgaiies,  et  sa  gloire  est  célébrée  par  un  plus  grand  nombre  de  voix 
qu'au  temps  de  sa  vie  mortelle ,  où  les  hommes  d'une  seule  contrée 
s'assemblaient  autour  de  lui  pour  recevoir  ses  divines  leçons. 

S.  Cyr.  Notre-Seigneur  se  fait  connaître  à  ceux  parmi  lesquels  il  a 
passé  les  premières  années  de  sa  vie  mortelle  :  «  Et  il  vint  à  Naza- 
reth, »  etc.  —  Théophyl.  Il  nous  apprend  ainsi  à  instruire  d'abord  de 
préférence  nos  proches,  et  à  leur  faire  du  bien  avant  de  répandre  sur 
les  autres  les  effets  de  notre  charité.  —  Bede.  Ils  se  réunissaient  en 
foule  le  jour  du  sabbat  dans  les  synagogues  ,  où  ,  libres  des  préoccu- 
pations des  affaires  du  monde  ,  ils  pouvaient  méditer  dans  un  cœur 
calme  et  tranquille  les  divins  enseignements  de  la  loi  ;  «  Et  il  entra, 
selon  sa  coutume,  le  jour  du  sabbat,  dans  la  synagogue.  —  S.  Ambr. 
Notre-Seigneur  s'est  tellement  familiarisé  avec  tous  les  abaissements, 
qu'il  n'a  pas  dédaigné  l'humble  fonction  de  lecteur  :  «  Et  il  se  leva 
pour  lire,  et  on  lui  donna  le  livre  des  prophéties  d'Isaïe  ,  »  etc.  Il  prit 
le  livre  pour  déclarer  que  c'était  lui  qui  avait  parlé  par  la  bouche  des 
prophètes,  et  pour  écarter  cette  doctrine  sacrilège,  qui  prétend  que  le 


poàsuiit,  coiivocari  non  pussuul ,  iiisi  secunduui  earnem  :  uude  sequitur  : 
ratione  utentia;  ideo  novae  pratiîje  po- I  «  Et  venit  Nazareth,  »  etc.  Théophyl. 
pulum  quasi  niajori  difjnitate  prœdituiri,  [  Ut  et  uos  doceal  prius  proprios  beneti- 
rectius  ecclesicm  quara  si/nafjofjom  no-  ciare  et  docere,  deiude  et  ad  reli([U03 
ininare  aposlolicis  doctoribus  visntu  est.  '  amicitiaiu  sparj^ere.  Beda.  Coiitluebant 
Merito  auteni  et  iiiaiiuificatus  a  prœsen-  !  autem  die  sabbati  in  synago^'is,  ut  fe- 
tibus ,  asseveratur  prrecedentibus  facto-  !  riatis  luuudi  negoliis  ad  uieditauda  le- 
rum  dictorumve  indiciis,  cuni  sequitur:  >  gis    uionita    quieto    corde    résidèrent: 


'<  Kt  magnificabatur  ab  omnibus.  »  Orig. 
(ut  sup.)  Cave  autem  ne  beatos  tantuni 
illos  judices,  et  tearbitrerisprivatum  esse 
Chrisli  doclrina  ;  quia  nunc  etiam  in  toto 
orbe  docet  per  orpana  sua;  et  nunc 
magis  glorificatur  ab  omnibus,  quam 
iilo  tempore  ,  quo  tantuni  in  una  pro- 
vincia  congregabantur. 

CvRiL.   'nbi  sup.)  Largitur  autem  sui 
notitiam    illis    inter  quos   educatus  est 


unde  sequitur  :  «  Et  iutravit  secundum 
consuetudiueni  suam,  die  sabbali  in 
synagogam.»  Ambr.  Ita  autem  Domiuus 
ad  omuia  se  curvavit  obsequia,  ut  ne 
lectoris  quideni  aspernaretur  officium  : 
unde  sequitur:  «Etsurrexit  légère  :  et 
traditus  est  illi  liber,  »  etc.  Accepit  qui- 
deni libruin,  ul  ostenderet  seipsum  esse 
qui  locutus  est  in  proidietis,  et  reuio- 
veret  sacrilegia  perlidorunr,  qui  alium 


220 


EXPLICATION  DE  L  EVANGILE 


Dieu  de  l'Ancien  Testament  n'est  pas  le  même  que  le  Dieu  du  Nouveau, 
ou  qui  ne  fait  remonter  l'origine  de  Jésus-Christ  qu'à  sa  conception 
dans  le  sein  de  la  Vierge  ;  comment  soutenir ,  en  effet ,  que  son  exis- 
tence date  seulement  de  sa  conception,  lui  qui  faisait  entendre  sa  voix 
avant  même  que  la  Vierge  existât  ? 

Orig.  Or,  ce  ne  fut  point  par  hasard,  mais  par  un  effet  de  la  Provi- 
dence divine',  qu'en  déroulant  le  livre,  il  tomba  sur  la  prophétie  qui 
prédisait  sa  venue  :  «  Et  l'ayant  déroulé,  il  trouva  l'endroit  où  il  était 
écrit,  »  etc.  —  S.  Athan.  (2"  discours  contre  les  Ar.)  Il  parle  de  la 
sorte  pour  nous  expliquer  les  causes  de  son  incarnation  et  de  sa  ma- 
nifestation en  ce  monde  ;  car  de  même  que  lui ,  qui ,  comme  Fils  de 
Dieu,  envoie  et  donne  l'Esprit  saint,  ne  fait  pas  difficulté  d'avouer, 
comme  homme,  que  c'est  par  l'Esprit  de  Dieu  qu'il  chasse  les  démons; 
de  même ,  en  tant  qu'il  s'est  fait  homme ,  il  ne  craint  pas  de  dire 
«  L'Esprit  du  Seigneur  est  sur  moi.  »  —  S.  Gyr.  C'est  ainsi  que  nous 
confessons  qn'il  a  reçu  l'onction  comme  homme  revêtu  de  notre  na- 
ture :  «  C'est  pourquoi  il  m'a  consacré  par  son  onction  ;  »  car  ce  n'est 
pas  la  nature  divine  qui  reçoit  cette  onction ,  mais  la  nature  qui  lui 
est  commune  avec  la  nôtre.  Ainsi  encore  lorsqu'il  dit  qu'il  a  été  en- 
voyé, il  faut  l'entendre  de  sou  humanité  ;  «  Il  m'a  envoyé  évangéliser 
les  pauvres.  »  —  S.  Ampr.  Vous  voyez  la  Trinité  coéternelle  et  par- 
faite. L'Ecriture  proclame  que  Jésus  est  Dieu  parfait  et  homme  par- 
fait (^1),  elle  proclame  également  la  divinité  du  Père  et  de  l'Esprit  saint 
le  coopérateur  du  Père  qui  est  descendu  sur  Jésus  Christ  sous  la  forme 
extérieure  d'une  colombe.  —  Orig.  Les  pauvres  ici  sont  toutes  les  na- 
tions pauvres  en  effet ,  parce  qu'elles  étaient  dénuées  de  tout  bien, 

(1)  Dieu  parfait,  homme  parfait.  (Symbole  de  saint  Aihanase.) 


Deum  dicuut  Veteris  Testamenti,  alium 
Novi  ;  vel  qui  initium  Cliristi  diciint 
esse  de  Virgine  :  quomodo  euiui  cœpit 
ex  Virgine,  qui  ante  Virgiiiem  loqueba- 
tur? 

Orig.  (^utaup.)  Nouauteui  fortuitu  re- 
volvit  librum,  et  caput  de  se  valiciuaus 
reperit  lectiouis;  sed  lioc  provideutite 
Dei  fuit  :  unde  sequitur  :  «  Et  ut  revol- 
vit,  inveuil  locum,  »  etc.  Atha.  [Orat. 
2,  contra  Arianos.)  Explicans  enim  no- 
bis  causani  facta?  in  mundo  revelatiouis, 
et  suiB  humauationis,  hoc  dicit:  sicut 
enim  Filius  (cura  sit  Spiritus  dater)  non 
récusât  fateri  tanquam  liomo,  quod  in 
Spiritu  Dei  ejicit  dœmonia  ;  ita  non 
récusât  dicere  :  «  Spiritus  Domini  su- 
per me,  »  pro  eo  quod  factus  est  liomo. 


Cyril.  {itOi  sup.)  Similiter  autem  fate- 
mur  eum  unclum  fuisse  in  quantum 
carnem  suscepit  :  unde  sequitur:  «  Pro- 
pterquod  unxit  me  :))nou  enim  ungitur 
diviua  uatura,  sed  quod  nobis  coguatum 
existit:  sic  et  etiam  et  quod  dicit  se 
missum,  impulaudum  est  bumauitati  : 
nam  sequitur  :  «  Evangelizare  pauperi- 
bus  misit  me.  »  Ambr.  Vides  Trinitatem 
coœternam  atque  perfectam  :  ipsum  lo- 
quitur  Scriptura  Jesum  Deum  iiomi- 
nemque  iu  utroque  perfectum;  loquitur 
et  Patreui  et  Spiritum  sanctum  ;  qui 
cooperator  ostenditur,  quando  corporali 
specie,  sicut  columba,  descendit  in  Cliri- 
stum.  Orig.  (ut  sup.)  Paupcres  autem 
natioues  dicit  ;  isti  autem  erant  pauperes 
nihil  omuiiio   possidentes,   non   Deum, 


DE   SAINT    LUC.    CHAP,    IV.  221 

sans  Dieu,  sans  loi,  sans  prophètes,  sans  justice,  sans  aucunes  vertus. 
—  S.  AjrBR.  Ou  encore,  il  reçoit  dans  sa  plénitude  l'onction  de  l'huile 
spirituelle  et  de  la  vertu  céleste  pour  enrichir  la  pauvreté  de  la  na- 
ture humaine  du  trésor  de  sa  résurrection.  —  Bède.  Dieu  l'envoie 
prêcher  l'Evangile  aux  pauvres,  et  leur  dire  :  «  Bienheureux  vous  qui 
êtes  pauvres,  parce  que  le  royaume  des  cieux  est  à  vous.  »  —  S.  Cyr. 
Peut-être  veut-il  dire  par  là  que  de  tous  les  biens  dont  Jésus-Christ 
est  la  source,  la  meilleure  part  est  donnée  aux  pauvres  en  esprit.  — 
Suite,  a  Guérir  les  cœurs  brisés.  »  Ces  cœurs  brisés  ce  sont  les  faibles, 
dont  l'âme  est  fragile,  qui  ne  peuvent  résister  aux  assauts  des  passions, 
et  à  qui  il  promet  le  retour  à  la  santé.  —  S.  Bas.  Il  vient  guérir  les 
cœurs  brisés,  c'est-à-dire  ceux  dont  Satan  a  comme  brisé  le  cœur  par 
le  péché  ;  car  il  n'y  a  rien  qui  brise  et  écrase  le  cœur  humain  comme 
le  péché.  —  BÈDE.  Ou  bien  encore  ,  comme  il  est  écrit  que  Dieu  ne 
rejette  pas  un  cœur  contrit  et  humilié  {Ps.  l),  le  Sauveur  dit  qu'il  est 
envoyé  pour  guérir  ceux  dont  le  cœur  est  contrit ,  selon  cette  parole  : 
«  Il  guérit  ceux  dont  le  cœur  est  brisé.  » 

«  Et  annonce  la  délivrance  aux  captifs.  »  —  S.  Ciirys.  {sur  le  Ps. 
cxxv.)  Le  mot  captivité  a  plusieurs  significations  :  il  y  a  une  captivité 
bonne  et  louable,  dont  saint  Paul  a  dit  :  «  Réduisant  eu  captivité 
toute  intelligence  sous  l'obéissance  de  Jésus-Christ.  »  (II  Co?\,  x.) 
Mais  il  y  a  une  captivité  mauvaise  dont  le  même  Apôtre  a  dit  :  «  Ils 
traînent  captives  de  jeunes  femmes  chargées  de  péchés.  »  (II  Timoth., 
m.)  La  captivité  peut  être  corporelle  et  venir  d'ennemis  extérieurs  ; 
mais  la  plus  affreuse  est  celle  de  l'àme,  dont  il  est  ici  question,  car  le 
péché  exerce  sur  l'âme  la  plus  dure  tyrannie,  il  lui  fait  comme  une 


non  legem,  non  prophetas,  non  justi- 
Uam,  reliquaaque  virtutes.  Ambr.  Vel 
universaliter  ungitiir  oleo  spirituali  et 
vjrtute  cœlesti,  ut  paupertatem  conJi- 
tionis  humaua;  thcsauro  resurrectionis 
rigaret  aelerno.  Beda.  Miltitnr  etiam 
evangelizare  pauperibus  dicens:  «  Beati 
pauperes,  quia  vestrum  est  regnum  cœ- 
lorum.  »  Cyril,  {vbi  siip.)  Forsitan  enim 
pauperibus  spiritu  in  his  ostendit  exlii- 
bitum  libérale  donum  inter  omnia  dona, 
quae  per  Christum  obtinenlur  :  sequi- 
tur  :  «  Sanare  contrites  corde.  »  Vocal 
«  conlritos  corde,  »  débiles,  fragileni 
uientcm  habentes,  et  resistere  nequeun- 
tes  insultibus  passionuui,  quibus  re- 
medium  sanitatis  promittit.  Basil,  (/h 
Cut.  Grœcorum  Patrum,  ubi  sup.)  Vel 
contritos  corde  venit  sanare,  id  est,  re- 
médium  dare  habentibus  cor  contritum 


a  Satana  per  peccatum,  eo^quod  prae 
cseteris  peccatum  cor  humanum  pros- 
ternit.  Beda.  Vel  quia  scriptum  est 
{Psal.  oO)  :  «  Cor  contritum  et  humilia- 
tum  Deus  non  spernit,  »  ideo  missum 
se  dicit  ad  sanandimi  contritos  corde  ; 
secundum  illud  {Psal.  140)  :  «  Qui  sauat 
contritos  corde.  » 

Sequitur  :  «  Et  praedicare  captivis  re- 
missionem.  »  Chrys.  {in  Psal.  125.) 
Captivationis  vocabulum  multiplex  est  : 
est  enim  captivatio  bona,  sicut  Paulus 
dicit  (II  Cor.,  10)  :  «Captivantes  omnem 
iutellectum  ad  obedientiam  Christi  ;  » 
est  et  prava  de  qua  dicitur  (II  ad  Ti- 
motlt.,  3)  :  «  Captivas  abducentes  mu- 
lierculas  oneratas  peccatis  :  »  est  sensi- 
bilis,  quai  est  a  corporalibus  liostibus  ; 
sed  deterior  est  intelligibilis,  de  qua  hic 
dicit  :  fungitur  enim  peccatum  pessima 


222  EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 

loi  du  mal,  et  la  couvre  de  confusion  lorsqu'elle  lui  obéit  ;  c'est  de  cette 
captivité  spirituelle  que  Jésus-Christ  nous  a  délivrés.  —  Théophyl. 
On  peut  encore  entendre  ces  paroles  des  morts  qui  étaient  aussi  cap- 
tifs, et  qui  furent  délivrés  du  joug  du  tyran  de  l'enfer  par  la  résur- 
rection de  Jésus -Christ. 

«  Et  le  bienfait  de  la  vue  aux  aveugles.  »  —  S.  Cyril.  Jésus-Christ, 
le  vrai  soleil  de  justice,  a  dissipé  ces  ténèbres  épaisses  que  le  démon 
avait  amassées  dans  le  cœur  des  hommes  ;  ils  étaient  enfants  de  la 
nuit  et  des  ténèbres,  il  les  a  faits  enfants  du  jour  et  de  la  lumière, 
au  témoignage  de  l'Apôtre  (I  ThessaL,  v)  ;  car  il  a  fait  entrer  dans  le 
sentier  de  la  justice  ceux  qui  étaient  égarés  loin  de  la  véritable  voie. 

«  Rendre  à  la  liberté  ceux  qu'écrasent  leurs  fers.  »  —  Orig.  Qu'y 
avait-il,  en  eftet,  de  plus  brisé,  de  plus  broyé  que  l'homme,  à  qui 
Jésus-Christ  est  venu  rendre  la  liberté  et  la  guérison?  —  Bède.  Ou 
bien  encore,  il  est  venu  rendre  la  liberté  aux  opprimés,  c'est-à-dire,  à 
ceux  qui  étaient  comme  écrasés  sous  le  fardeau  insupportable  de  la  loi. 

Orig.  Toutes  ces  choses  qui  ont  été  prédites,  la  vue  rendue  aux 
aveugles,  la  liberté  aux  captifs,  la  guérison  à  ceux  qui  étaient  blessés, 
nous  amènent  naturellement  à  l'année  favorable  du  Seigneur  :  «  Et 
publier  l'année  salutaire  du  Seigneur.  »  Quelques-uns_,  prenant  ces 
paroles  dans  leur  sens  le  plus  simple  et  le  plus  littéral,  disent  que  le 
prophète,  en  faisant  cette  prédiction,  avait  en  vue  l'année  pendant 
laquelle  le  Sauveur  a  prêché  l'Evangile  dans  la  Judée.  Ou  bien  en- 
core, cette  année  favorable  du  Seigneur,  c'est  toute  la  durée  de  l'exis- 
tence de  l'Eglise  qui  voyage  loin  du  Seigneur,  tant  qu'elle  reste  dans  ce 
corps  mortel  (II  Cor.,  v).  —  Bède.  Ce  ne  fut  pas  seulement  l'année  de 


tyrannide,  prœcipiens  inala  et  obedien- 
tes  confuudens  :  ab  hoc  intelligibili  car- 
cere  nosChrislus  eripuit.  Theophylact. 
Possunt  autem  et  hœc  de  mortuis  iu- 
telligi,  qui  capti  existentes,  soluti  suut 
ab  iuferui  douiiaio  per  Christi  resurrec- 
tionem. 

Sequitur:  «  Et  visum  csecis.  »  Cyril. 
Proiluentes  eoiin  a  diabolo  tenebras  in 
corda  hiiuiana  Christus  (quasi  sol  justi- 
tiae)  removit  ;  facieus  homines  iilios, 
non  noctis  et  tenebrarum^  sed  lucis  et 
diei  (ut  Apcstolus  ait  I  T/iessal.,  o)  : 
qui  enim  aliquando  errabant,  percepe- 
runt  justorum  semitas. 

Sequitur  :  «  Dimittere  coufractos  in 
remissionem.  »  Orig.  {ut  sup.)  Quid 
enim  ita  fractum  atque  collisum  fuerat 
ut  bomo,  qui  a  Jesu  dimissus  est  et  sa- 


natus?  Bed.  Vel  «  dimittere  confractos 
iu  remissionem,  »  id  est,  eos  qui  legis 
pondère  importabili  fuerant  depressi, 
relevare. 

Orig.  (ut  sup.)  Ista  autem  omnia  prœ- 
dicta  suut,  ut  post  visionem  ex  caecitate, 
post  libertatem  ex  vinculis,  post  sanita- 
tem  a  diversis  vulueribus  veniamus  ad 
annum  Domini  acceptum  :  uude  sequi- 
tur :  «  Praedicare  annum  Domini  acce- 
ptum. »  Aiunt  autem  quidam  juxtasim- 
plicem  intelligentiam,  auuo  uno  Evan- 
gelium  Salvatoremin  Judœaprœdicasse  ; 
et  hoc  est  quod  dicitur:  «  Praedicare 
annum  Domini  acceptum.  »  Vel  anuus 
Domini  acceptus  est  totum  tempus  Ec- 
clesiae  ;  quo  dum  versatur  in  corpore, 
peregrinatur  a  Domino.  Beda.  Neque 
enim  solus    ille    aunus   quo    Domiuus 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.   IV.  223 

la  prédication  du  Seigneur,  qui  fut  l'année  favorable,  mais  encore  celle 
où  l'Apôtre  disait  dans  ses  prédications  :  a  Voici  maintenant  le  temps 
favorable.  »  (Il  Cor.,  vi.)  Après  l'année  favorable  du  Seigneur,  il 
ajoute  :  «  Et  le  jour  de  la  rétribution,  »  c'est-à-dire,  de  la  rétribution 
dernière,  où  Dieu  rendra  à  chacun  selon  ses  œuvres.  —  S.  Ambr.  Ou 
bien  encore ,  cette  année  favorable  du  Seigneur ,  c'est  l'année  de 
l'éternité,  qui  ne  ramènera  plus  le  cercle  des  travaux  de  ce  monde,  et 
qui  donnera  aux  hommes  la  jouissance  des  fruits  éternels  d'un  repos 
qui  ne  finira  jamais. 

«  Ayant  replié  le  livre,  il  le  rendit,  »  etc.  Il  lut  ce  livre  en  présence 
de  ceux  qui  étaient  là  pour  l'écouter,  mais  après  cette  lecture  il  le 
rendit  au  ministre.  En  effet,  tandis  qu'il  était  dans  le  monde,  il  par- 
lait publiquement,  enseignant  dans  les  synagogues  et  dans  le  temple, 
mais  lorsqu'il  fut  sur  le  point  de  remonter  vers  le  ciel,  il  confia  le  mi- 
nistère de  la  prédication  à  ceux  qui  avaient  été  dès  le  commence- 
ment les  témoins  de  ses  actions  et  les  ministres  de  sa  parole.  Il  se  tient 
debout  pour  faire  cette  lecture,  parce  qu'en  nous  expliquant  les  Ecri- 
tures qui  se  rapportaient  à  lui,  il  daignait  agir  dans  la  nature  hu- 
maine dont  il  s'était  revêtu  ;  mais  il  s'asseoit  après  avoir  rendu  le  livre, 
parce  qu'il  rentre  alors  en  possession  du  trône  de  son  éternel  repos. 
En  eflfët,  celui  qui  agit  se  tient  ordinairement  debout,  et  c'est  le  propre 
de  celui  qui  se  repose  ou  qui  rend  la  justice  d'être  assis.  Tel  doit  être 
le  prédicateur  de  la  parole  de  Dieu,  il  doit  se  tenir  debout  pour  lire, 
c'est-à-dire,  pour  agir  et  pour  prêcher;  il  doit  s'asseoir,  c'est-à-dire, 
attendre  le  repos  pour  récompense.  Il  lut  ce  livre  après  l'avoir  déroulé, 
parce  qu'il  a  enseigné  à  l'Eglise  toute  vérité  par  l'Esprit  de  vérité  qu'il 
lui  a  envoyé;  il  le  rendit  au  ministre  après  l'avoir  plié,  parce  que  toute 
doctrine  ne  peut  être  enseignée  à  tous  indistinctement,  mais  les  doc- 


praedicabat  fuit  acceptabilis,  sed  etiam 
iâte  quopraedicatApostolus,  dicen3(II  ad 
Cor.,  6)  :  «  Ecce  uunc  tempus  aixepta- 
bile.  »  Post  aniiuin  saue  Douiiiii  accepta- 
bilem  subdit  :  <<  Et  dieni  relributiouis,  » 
scilicet  extremai,  quando  reddet  unicui- 
que  secunduui  opus  suum.  Ambr.  Vel 
diembunc  «  annum  Domini  acceptum  » 
dicit,  perpetuis  diffusum  teinporibus,  qui 
redire  in  orbem  laboris  nesciat  coiiti- 
nuationcm  fructus  liominibus  et  quietis 
indulgeat. 

Sequitur  :  «  Et  cum  plicuisset  iibruiii, 
reddidit,  »  etc.  Bed.  Librum  audientibus 
illis  qui  aderant,  legit,  sed  lectum  mi- 
nistro  reddit  ;  quia  dura  esset  in  mundo, 
palam  locntus   est^  docens  in  synagogis 


et  interaplo;  sed  ad  cœlestia  reversurus, 
bis  qui  ab  initio  viderant,  et  uiinistri 
sermonis  fuerant,  evangclizandi  ufficiura 
tradidit.  Stans  legit,  quia  dum  nobis 
Scripturas  quai  de  ipso  erant,  apcruit, 
in  carne  dignatus  est  operari  ;  sed  red- 
dito  libro,  residet ,  quia  se  supernœ 
quietis  solio  restituit  :  stare  enim  ope- 
rantis  est,  sedere  auiem  quiescentis  vel 
judicantis  :  sic  et  prœdicator  verbi  sur- 
gat  et  légat,  id  est,  operetur,  et  prœdi 
cet,  et  rcsideat,  id  est,  prtuniia  quietis 
expectet.  Revolutum  auteiu  librum  le- 
git, quia  Ecclesiam  misso  Spiritu  veri- 
tatis  omnem  veritatem  docuit;  plicatuiu 
niinistro  reddidit,  quia  non  oninia  om- 
nibus dicenda,  sed  pro  captu  audientium 


224 


EXPLICATION  DE   L  EVANGILE 


teurs  sont  obligés  de  proportionner  leur  enseignement  à  l'intelligence 
de  ceux  qui  les  écoutent. 

«  Et  tous  dans  la  synagogue  avaient  les  yeux  attachés  sur  lui.  — 
Orig.  Et  maintenant  encore,  si  nous  le  voulons,  nous  pouvons  fixer 
nos  regards  sur  le  Sauveur,  car  si  vous  dirigez  l'intention  de  votre 
cœur  vers  la  sagesse,  la  vérité  et  la  contemplation  du  Fils  unique  de 
Dieu,  vos  yeux  alors  s'arrêtent  sur  Jésus.  —  S.  Cyr.  Il  attirait  sur  lui 
les  regards  de  tous  ces  hommes  étonnés  de  voir  qu'il  savait  les  Ecritures 
sans  les  avoir  apprises.  Et  comme  les  Juifs  avaient  coutume  de  dire 
que  les  prophéties  qui  concernaient  le  Christ,  avaient  reçu  leur  accom- 
plissement dans  quelques  uns  de  leurs  chefs,  de  leurs  rois  ou  des 
saints  prophètes,  Notre-Seigneur  leur  fait  voir  en  lui  l'accompUssement 
de  cette  prophétie  :  «  Et  il  commença  à  leur  dire  :  C'est  aujourd'hui 
que  cette  prophétie  que  vous  venez  d'entendre  est  accomplie.  » 

f.  22-27.  —  Et  tous  lui  rendaient  témoignage,  et  admirant  les  paroles  de  grâce 
qui  sortaient  de  sa  bouche,  ils  se  disaient  :  N'est-ce  pas  là  le  fils  de  Joseph?  Alors 
il  leur  dit  :  Sans  doute  vous  m'appliquerez  ce  proverbe  :  Médecin,  guéris-toi 
toi-même,  et  me  direz  :  Ces  grandes  choses  que  vous  avez  faites  à  Capharnaûm, 
et  dont  nous  avons  ouï  parler,  faites-les  ici  dans  votre  patrie.  Et  il  ajouta  : 
En  vérité,  je  vous  le  dis,  aucun  prophète  n'est  accueilli  dans  sa  patrie.  Je  vous 
le  dis  en  vérité,  il  y  avait  aux  jours  d'Elie,  beaucoup  de  veuves  en  Israël, 
lorsque  le  ciel  fut  fermé  pendant  trois  ans  et  six  mois,  et  qu'il  y  eut  une  grande 
famine  sur  la  terre,  et  cependant  Elle  ne  fut  envoyé  à  aucune  d'elles,  mais  à 
une  veuve  de  Sarepta,  dans  le  pays  des  Sidonieiis.  Il  y  avait  de  même  en 
Israël  beaucoup  de  lépreux  aux  jours  du  prophète  Elisée  ;  et  cependant  aucun 
d'eux  ne  fut  guéri,  si  ce  n'est  Naaman  le  Syrien. 

S.  Ghrys.  {hom.  49  swr  S.  Matth.)  Notre-Seigneur  s'abstient  de 


committit  doctori  dispensandumverbum. 
Sequitur  :  "  Et  omnium  in  synagoga 
oculi  eraut  inteudentes  in  eum,  »  etc. 
Orig.  Etnunc  etiam,  si  volumus,  oculi 
nostri  possunt  intendere  Salvatorem  : 
cum  enim  principale  cordis  tui  direxeris 
ad  sapientiam,  veritatem,  Deique  uni- 
genilum  contemplandum,  oculi  tui  in- 
tuentur  Jesum.  Cyril,  {ubi  sup.)  Tune 
autem  omnium  oculos  convertebat  ad 
se,  quodammodo  stupentium  qualiter 
litteras  novit  quas  non  didicit.  Sed  quo- 
niam  mos  erat  Judaeis,  promulgatas  de 
Christo  prophetias  dicere  consummari, 
vel  in  quibusdam  eorum  praeposilis,  id 
est,  regibus,  vel  in  aliquibus  sanctis  pro- 
phetis,  Dominus  hoc  precavit.  Unde  se- 
quitur :  «  Cœpit  autem  dicere  ad  illos 
quia  impleta  haec  est    scriptura,  »   etc. 


Bed.  Quia  scilicet  sicut  illa  scriptura 
prœdixerat  et  magna  faciebat,  et  majora 
Dominus  evangelizebat. 

Et  omnes  tesiimonium  illi  dabani,  et  mirabantur 
in  verbis  gratice  qum  procedebant  de  ore  ip- 
sius,  et  dicebant  :  Nonne  hic  est  filius  Joseph  ? 
Et  ait  illis  :  Utique  dicelis  mi/ii  hanc  similitu- 
dinem  :  Medine,  cura  teipsum  .'  Quanta  audivi- 
mus  facta  in  Capharnaûm,  fac  et  hic  in  patria 
tua.  Ait  autem  :  Amen  dico  vi:bis ,  quia  nemo 
propheta  acceptus  est  in  patria  sua.  In  veritate 
dico  vobis  ,  multœ  viduœ  erant  in  dieb'as 
Eliœ  in  Israël,  quando  clausum  est  cœlum 
annis  tribus,  et  mensibus  sex,  cum  facta  essct 
famés  riiagna  in  omni  terra,  et  ad  nullam  illc- 
rum  missus  est  Elias,  nisiin  Sarepta  Sidoniœ 
ad  mulierem  viduam.  Et  mulli  leprosi  eraut 
in  Israël  sub  Elisceo  propheta,  et  nemo  eorum 
mundatus  est,  nisi  Naaman  Syrus. 

Chrys.    {hom.  49,   in  Matth.)   Cum 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    IV. 


225 


faire  des  miracles  dans  la  ville  de  Nazareth,  pour  ne  point  exciter 
contre  lui  une  plus  grande  envie  dans  le  cœur  de  ses  habi- 
tants. Mais  il  leur  annonce  une  doctrine  non  moins  admirable  que 
ses  miracles,  car  les  paroles  du  Sauveur  étaient  accompagnées  d'une 
grâce  ineffable  et  divine  qui  charmait  tous  ceux  qui  -l'entendaient  : 
«  Et  tous  lui  rendaient  témoignage,  »  etc.  —  Bède.  Ils  lui  ren- 
daient témoignage,  en  attestant  qu'il  était  vraiment,  comme  il  le 
disait,  celui  que  le  prophète  avait  annoncé.  —  S.  Ghrys.  {hom.  49 
sur  S.  Matth.)  Mais  les  insensés,  tout  en  admirant  la  puissance  de 
sa  parole,  n'ont  que  du  mépris  pour  sa  personne,  à  cause  de  celui 
qu'ils  regardent  comme  son  père  :  «  Et  ils  disaient  :  N'est-ce  pas  là  le 
fils  de  Joseph?  »  —  S.  Gyr.  Mais  fût-il ,  comme  vous  le  pensez,  le  fils 
de  Joseph  en  serait-il  moins  digne  de  votre  admiration  et  de  vos  hom- 
mages? Ne  voyez-vous  pas  les  miracles  divins  qu'il  opère,  Satan  ter- 
rassé, et  les  nombreux  malades  qu'il  a  délivrés  dé  leurs  infirmités?  — 
S.  Ghrys.  [hom.  4-9.)  Longtemps  après,  et  lorsqu'il  avait  rempli  la 
Judée  de  l'éclat  de  ses  miracles,  il  revint  à  Nazareth;  et  ils  ne  purent 
le  supporter  davantage,  et  ils  manifestèrent  contre  lui  l'envie  la  plus 
noire  et  la  plus  ardente  :  «  Et  il  leur  dit  :  Sans  doute  vous  m'appli- 
querez ce  proverbe  :  Médecin,  guéris-toi  toi-même,  »  etc.  —  S.  Gyr. 
G'était  chez  les  Hébreux  un  proverbe  de  mépris  ;  ainsi  on  criait  aux 
médecins  qui  étaient  malades  :  «  Médecin,  guéris-toi  toi-même.  »  — 
La  Glose.  Ils  veulent  lui  dire  :  Nous  avons  appris  que  vous  aviez 
guéri  un  grand  nombre  de  malades  à  Gapharnaûm,  guérissez-vous 
vous-même,  c'est-à-dire,  faites  les  mêmes  prodiges  dans  votre  ville, 
lieu  de  votre  conception  et  de  votre  première  éducation. 

S.  AuG.  [de  l'ace,  des  Evang.^  ii,  12.)  Puisque  saint  Luc  rappelle 


venisset  Nazareth  Dominus,  a  miraculis 
abstinet,  ne  provocaret  eos  ad  majorein 
livorem.  PrailenJil  autem  eis  doctrinain 
non  minus  admirandam  miiaculiâ  :  erat 
enim  quœdam  divina  gralia  ineffabilis 
in  diclis  Salvatoris  concurrims,  animas 
peruiulcens  auditorum  :  uude  dicitur  : 
«Et  omues  testimonium  illi  ilabant,  »  etc. 
Bed.  Testimonium  illi  dabant,  altestando 
illum  vere  esse,  ut  dixerat,  de  quo  Pro- 
pheta  cecinerat.  Chrvs.  [hom.  49,  in 
Malth.)  iSed  stulti  admirantes  sermonis 
virlulem,  parvipendunt  ipsum  ab  eo  qui 
putabalur  pator  :  unde  se.  uitur  :  «  Et 
dicebanl  :  Nonne  hic  est  filins  Joseph?» 
Cyril,  (m  Cat.  Grœcorinn  Potrum, 
ubi  sttp.)  Sed  quid  irapedil  ut  venerabi- 
lis  et  admirabilis  sit,  si  fiiius  esset  (ut 
putabalur;  Joseph  ?  Nonne  vides  divina 

TOM.   V. 


miracula  ?  Satanam  jam  prostratum, 
nonnullos  ab  bis  aegritudinibus  libérâ- 
tes ?  CuRYS.  [hom.  49,  in  Matth.)  Post 
nmltum  enim  tempus,  signorum  osten- 
sionem,  profectus  est  ad  eos  ;  nec  eum 
sustinuerunt,  sed  iterum  se  succende- 
bant  invidia  :  uude  sequitur  :  «  Et  ait 
illis  :  Ulique  dicetis  mihi  hancsimilitudi- 
nem  :  Medice  cura  te  ipsum,  »  etc.  Cyril. 
(ubi  sup.)  Commune  quidem  provcrbium 
eratapud  Hebraeos  ad  improperium  ex- 
cogitatum:  clamabanl  enim  aliqui  contra 
medicos  infirmos  :  «  Medice,  cura  te- 
ipsum.  »  Glossa.  Quasi  dicerent  :  Qui 
in  Capharnaum  plures  te  curasse  audi- 
vimus,  cura  etiara  teipsuin,  id  est,  fac 
simililer  in  tua  civitate,  ubi  conceplus 
et  nutritus  es. 
AuGUST.    {de  L'on.    Evang.,  lib.    a, 

15 


226 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


ici  les  grands  prodiges  que  Notre-Seigneur  a  déjà  opérés,  et  qu'il  sait 
bien  n'avoir  pas  racontés  lui-même,  il  est  donc  évident  que  c'est  en 
connaissance  de  cause  qu'il  place  en  premier  lieu  cet  événement.  En 
effet,  la  distance  qui  le  sépare  du  baptême  du  Sauveur,  est  trop  peu 
grande  pour  qu'on  puisse  supposer  qu'il  a  oublié  qu'il  n'a  encore  rien 
dit  de  ce  qui  s'est  passé  dans  la  ville  de  Capharnaiim, 

S.  Ambr.  Ce  n'est  pas  sans  raison  que  le  Sauveur  s'excuse  de  n'avoir 
fait  aucun  miracle  dans  sa  patrie,  il  ne  voulait  pas  qu'on  pût  croire 
que  nous  devions  faire  peu  de  cas  de  l'amour  de  la  patrie  :  «  Et  il  dit  ; 
Je  vous  dis  en  vérité,  qu'aucun  prophète  n'est  accueilli  dans  sa  pa- 
trie, »  etc.  —  S.  Cyr.  Comme  s'il  leur  disait  :  Vous  voulez  me  voir  opé- 
rer de  nombreux  prodiges  au  milieu  de  vous,  parmi  lesquels  se  sont 
passées  mes  premières  années;  mais  je  n'ignore  pas  un  sentiment  trop 
commun  à  la  plupart  des  hommes;  ils  n'ont  que  du  mépris  pour  les 
choses  les  plus  excellentes,  lorsqu'elles  se  répètent  fréquemment  et 
comme  à  volonté.  Il  en  est  de  même  des  hommes,  celui  avec  lequel 
on  vit  dans  une  espèce  de  familiarité  cesse  d'être  respecté  par  ses 
proches  qui  ont  l'habitude  de  le  voir  toujours  au  milieu  d'eux.  — 
Bède.  Que  le  Christ  soit  appelé  prophète  dans  les  Ecritures,  Moise  en 
fait  foi  quand  il  dit  :  «  Dieu  vous  suscitera  un  prophète  d'entre  vos 
frères.  »  [Deiiteroii.,  xviii.)  —  S.  Ambr.  Cet  exemple  nous  apprend 
qu'en  vain  nous  espérons  le  secours  de  la  miséricorde  céleste,,  si  nous 
portons  envie  au  mérite  de  la  vertu  de  nos  frères.  Dieu,  en  effet,  mé- 
prise souverainement  les  envieux,  et  prive  des  miracles  de  sa  puis- 
sance ceux  qui  persécutent  dans  les  autres  les  bienfaits  de  sa  main 
divine.  Les  œuvres  que  Notre-Seigneur  faisait  pendant  sa  vie  mortelle, 


cap.  42.)  Cum  autem  jam  magna  ab 
illo  facta  fuisse  commémorât,  quae  se 
nondiim  narrasse  scit,  quid  evidentius 
quam  hoc  emn  scieuter  prœoccupasse 
iiarrandum  ?  Neque  enim  tantum  ab 
ejus  baplismo  progressas  est,  ut  oblitus 
pulelur  nondum  se  aliquid  commémo- 
rasse de  bis  qufe  in  Capbarnaum  gesla 
fuerant. 

Ambr.  Non  otiose  autem  Salvator  se 
excusât,  quod  nulla  in  patria  sua  mlra- 
cula  virtutis  operalus  sit  ;  ne  forlassis 
aliquis  viliorem  patriae  nobis  esse  de- 
bere  pularet  aifectum  :  nam  sequitur  : 
«  Ait  autem  :  Amen  dico  vobis  quia 
nemo  propbeta  in  patria,  »  etc.  Cyril. 
{ubi  sup.)  Quasi  dicat  :  Vultis  multa  pro- 
digia  inter  vos  a  me  fieri,  pênes  quos 
sum  nutritus  ;  sed  non  latet  me  quaedam 


communis,  quae  multis  accidit,  passio  : 
contemnuntur  enim  quodammodo  sem- 
per  etiam  optima  quaeque,  quando  non 
raro  contingunt  alicui,  sed  suppetunt 
ad  relie  ;  et  sic  etiam  contingit  in  bo- 
minibus  :  familiaris  enim,  quia  semper 
praeslo  est,  débita  reverentia  privatura 
notis  ejiis.  Bed.  Prophelam  autem  dici 
ia  Scripturis  Cbristum  et  .Moyses  leslis 
est  qui  dicit  (Deuteron.,  18)  :  «  Prophe- 
tam  vobis  suscitabit  Deus  de  fratribus 
vestris.  »  Ambr.  Hoc  autem  exemplo  de- 
claratur,  quod  frustra  opem  misericor- 
diae  cœlestis  expectes,  si  aUente  fructibus 
virtutis  invideas  :  aspernator  enim  Do- 
minus  invidorum  est,  et  ab  bis  qui  di- 
vina  beneflcia  in  aUis  persequuntur, 
miracula  suae  potestatis  avertit.  Domi- 
uicce    quippe    carnis     actus    Diviuitatis 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.    IV.  227 

étaient  des  preuves  de  sa  divinité,  et  ses  perfections  invisibles  nous 
étaient  manifestées  par  ce  qui  paraissait  aux  yeux.  Voyez  quel  mal 
produit  l'envie,  la  patrie  de  Jésus  est  jugée  indigne,  à  cause  de  son 
envie,  d'être  témoin  des  œuvres  du  Sauveur,  elle  qui  avait  été  jugée 
digne  d'être  le  lieu  de  sa  conception  divine. 

Orig.  {hom.  33.)  A  s'en  tenir  au  récit  de  saint  Luc,  on  n'y  voit  point 
que  Jésus  ait  fait  jusque-là  aucun  miracle  à  Capharnaiim ,  car  cet 
Evangéliste  raconte  simplement  qu'avant  de  venir  à  Capliarnaùm, 
Jésus  avait  passé  plusieurs  années  de  sa  vie  à  Nazareth.  Je  pense  donc 
que  ces  paroles  des  habitants  de  Nazareth  :  «  Les  grandes  choses  qu'on 
nous  a  racontées  que  vous  faisiez  a  Capharnaùm,  »  renferment  quelque 
mystère,  et  que  Nazareth  représente  ici  les  Juifs,  et  Gapharnaùm  les 
Gentils.  En  effet,  il  viendra  un  temps  où  le  peuple  d'Israël  dira  :  Mon- 
trez-nous aussi  ce  que  a'ous  avez  fait  voir  à  tout  l'univers,  prêchez 
votre  doctrine  au  peuple  d'Israël,  afin  que  lorsque  toutes  les  nations 
seront  entrées,  le  peuple  d'Israël  puisse  aussi  avoir  part  au  salut.  En 
leur  disant  donc  :  Aucun  prophète  n'est  accueilli  dans  sa  patrie , 
Notre-Seigneur  leur  répondit  dans  un  sens  plus  figuré  que  littéral.  » 
Il  est  vrai  que  Jérémie  ne  fut  pas  bien  reçu  daus  son  pays,  et  qu'il  en 
fut  de  même  des  autres  prophètes.  Cependant,  voici  le  sens  le  plus 
probable  de  ces  paroles  :  Le  peuple  de  la  circoncision  (1)  fut  la  patrie 
de  tous  les  prophètes,  et  les  nations  reçurent  avec  plus  d'empresse- 
ment le  témoignage  de  Moïse  et  des  prophètes  qui  annonçaient  Jésus- 
Christ,  que  ceux  d'entre  les  Juifs  qui  refusèrent  de  reconnaître  Jésus 
pour  le  Sauveur  du  monde. 

S.  Ambr.  Notre-Seigneur  apporte  ici  un  exemple  bien  propre  à  ré- 

(1)  C'est-à-dire  le  peuple  juif  dont  un  des  signes  distinctifs  était  la  circoncision. 


exemplum  est,  et  invisibiliu  ejiis  nobis 
par  ea  quœ  sunl  visibilia,  demonslran- 
tur.  Videte  igitur  quid  mali  iiividia  af- 
ferat  :  indigna  propter  invi  liaui  patria 
judicatur  in  qua  civis  opcretur,  quœ 
digna  fuit  iu  qua  Dei  Filiut  concipere- 
tur. 

Orig.  (liom.  33.)  Quantu  i  ad  Lucre 
historiani  perlinet ,  nondum  in  Caphar- 
naùm fecisse  aliquod  siguu  n  describi- 
tur  :  nam  antequam  veniret  in  Capliar- 
naùm, in  Nazareth  vixisse  h  gilur,  unde 
puto  iu  yjrœsenti  sernione  ■  «  Quajcun- 
qiic  audivimus  faeta  in  Ca]iharnaum,  » 
aliqnid  lalilare  mysterii ,  cl  Nozurelh 
esse  typum  Jud^eorum,  Cap/iarnouin 
typura  gentiuni  :eritenim  teiupusquando 
dicturus  est  populus  Israël  :  Qnab  osten- 


disti  universo  orbi,  ostende  et  nobis; 
prœdica  sermonem  tuum  populo  Israël, 
ut  saltem  cum  bubintraverit  plenitudo 
gentiuni ,  tune  omnis  Israël  salvus  fiât. 
Quamobrem  videlur  mihi  conveuienter 
respondisse  Salvator  :  «  Nemo  propheta 
acceptus  est  in  patria  sua,»  plus  juxta 
sacramenlum  quaui  juxta  litteram;  licet 
et  liieremias  in  Anathoth  patria  sua  non 
fueril  acceplus,  et  reliqui  prophetoi  :  sed 
magis  videtur  mihi  inlelligi,  ut  dicamus 
palriam  oumiuai  prophetarum  fuisse 
populum  circumcisionis  :  et  natiouea 
quidem  susceperuut  vaticiniuni  Jesu 
Chrisli,  magis  habentes  Moysen  et  pro- 
phetas  de  Christo  prœdicantes,  quam  illi 
qui  ex  bis  non  susceperunt  Jesum. 
Ambr,  Bene  autetu  apto  comparationis 


228  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

primer  l'arrogance  de  ses  concitoyens  envieux  et  jaloux,  et  il'  leur 
montre  que  sa  conduite  est  conforme  aux  anciennes  Ecritures  •  «  Je 
vous  le  dis  en  vérité,  il  y  avait  beaucoup  de  veuves  en  Israël  aux 
jours  d'Elie,  »  non  que  ces  jours  appartinssent  a  Elie,  mais  parce 
qu'il  opéra  ses  prodiges  dans  ces  joars  (I).  —  S.  Chrys.  [hom.  sur  les 
Ep.  de  S.  Paul.)  Cet  ange  terrestre,  cet  homme  tout  céleste,  qui  n'a- 
vait ni  demeure,  ni  table,  ni  vêtements,  ce  que  le  plus  grand  nombre 
des  hommes  possède,  portait  dans  une  de  ses  paroles,  pour  ainsi  dire, 
la  clef  des  cicux;  ce  que  Notre- Seigneur  indique  par  ce  qui  suit  : 
«  Lorsque  le  ciel  fut  fermé  pendant  trois  ans.  »  Or,  lorsqu'il  eut  ainsi 
fermé  le  ciel,  et  frappé  la  terre  de  stérilité,  elle  fut  en  proie  à  la  fa- 
mine, et  tous  les  corps  dépérirent  :  «  Et  qu'il  y  eut  une  grande  famine 
sur  la  terre.  »  —  S.  Bas.  [Ch.  des  Pèr.  gr.)  (2)  Lorsque,  en  effet,  Elie  eut 
considéré  que  l'abondance  était  la  source  des  plus  grands  scandales, 
il  imposa  aux  hommes  par  la  famine,  un  jeûne  nécessaire,  pour 
mettre  ainsi  un  frein  à  leurs  excès  qui  ne  connaissaient  plus  de  bornes. 
C'est  alors  que  l'on  vit  des  corbeaux  qui,  d'ordinaire,  dérobent  aux 
autres  leur  nourriture,  devenir  les  messagers  du  ciel  pour  nourrir  cet 
homme  juste.  —  S.  Chrys.  {comme  pi^écéd.)  Mais  comme  le  fleuve  où 
il  se  désaltérait  était  desséché.  Dieu  lui  dit  :  «  Allez  à  Sarepta,  ville 
des  Sidoniens,  là  je  commanderai  à  une  femme  veuve  de  vous  nour- 
rir. »  Et  Notre- Seigneur  ajoute  :  «  Et  Elie  ne  fut  envoyé  à  aucune 
d'elles,  mais  à  une  veuve  de  Sarepta,  dans  le  pays  des  Sidoniens.  » 
Elie  agit  en  cela  par  une  disposition  toute  particulière  de  Dieu,  qui  le 
conduisit  par  un  long  chemin  jusque  dans  le  pays  de  Sidon  ,  afin 

(1)  On  dit  également  :    «  Dans  les  jours  d'Ozias,  »  etc.  [Isai.,  i;   Osée,  i;  Amos,  i;  Zachar., 
XIV,  etc.) 

(2)  Cette  citation  est  tirée  en  partie  des  deux  premiers  discours  sur  le  jeûne,  en  partie   d'un 
discours  prononcé  dans  un  temps  de  sécheresse  et  de  famine. 


exemplo  arrogantia  civiuru  invidorum 
retundilur,  dominicumque  facluin  Scrip- 
turis  docetur  veteribus  convenire  :  narn 
sequitur  :  «  In  veritate  dico  vobis  :  Multae 
viduœ  eranlin  Israël  in  diebus  Elise  :»  non 
quia  Eliœ  dies  fuerunt ,  sed  in  qiiibus 
Elias  operatuâ  est.  Chrys.  [in  Caf.  Grœ- 
corum  Putrum,  ex  homiliis  in  epi.tfohis 
Pauli.)  Ipse  quidem  terrestris  angélus; 
cœleslis  bomo ,  qui  nec  teclum ,  nec 
mensam,  nec  amictum  habebat,  ut  multi, 
clavem  cœlorum  gerit  in  liugua  :  et  boc 
est  quod  sequitur  :  «  Quaado  clausum 
est  cœlum,  »  etc.  Postquam  auleni  cœlum 
seravit  (vel  occlusit)  terramque  reddidit 
sterilem,  reguabat  famés,  et  consunipta 
sunt  corpora  :  unde   sequitur  :  «  Cum 


facta  esset  famés  in  terra.  »  Basil,  {in 
Cat.  Grœcorum  Patrum.)  Ut  enim  as- 
pexit  ex  saturitate  non  modicum  gene- 
rari  opprobrium^  per  famem  illis  jeju- 
nium  attulit;  quo  culpam  eorum  quae  in 
immensum  crescebat,  coliibuit.  Corvi 
autem  facti  sunt  justo  cibi  uiinistri  qui 
consueverunt  aliorum  pabula  usurpare. 
Chrys.  {ut  snp.)  Sed  quoniam  exsicca- 
tus  est  fluviiis,  ex  quo  pocula  justo  da- 
bautur,  «  vade  (inquit  Deus)  in  Sarep- 
tam  Sidoniae  :  illic  mandabo  mulieri 
viduse  ut  pascat  te.  »  Unde  et  sequitur  : 
«  Et  ad  nullam  earum  niissus  est  Elias, 
nisi  in  Sareptam  Sidoniae  ad  mulierem 
viduam.  »  Quod  ex  quadam  Dei  dispen- 
satione  factum   est  :    fecit    enizu   Deus 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    IV.  229 

qu'étant  témoins  de  la  famine  qui  désolait  ces  contrées ,  il  priât  Dieu 
de  répandre  la  pluie  sur  la  terre.  Or  il  y  avait  alors  bien  des  riches 
dans  ce  pays,  et  aucun  d'eux  n'imita  l'exemple  de  cette  -veuve,  la  vé- 
nération qu'elle  eut  pour  le  prophète  lui  fît  trouver  des  richesses,  non 
dans  les  biens  qu'elle  n'avait  pas,  mais  dans  sa  bonne  volonté. 

S.  Ambr.  Dans  le  sens  mystique,  ces  paroles  :  «  Dans  les  jours  d'E- 
lie  »  (1),  signifient  qu'Elie  était  pour  eux  comme  la  lumière  du  jour, 
parce  qu'ils  voyaient  dans  ses  œuvres  l'éclat  de  la  grâce  spirituelle  qui 
était  en  lui.  Ainsi  le  ciel  s'ouvrait  pour  ceux  qui  étaient  témoins  des 
divins  mystères,  et  il  se  fermait  durant  la  famine,  alors  qu'il  n'y  avait 
aucun  moyen  facile  d'arriver  à  la  connaissance  de  Dieu.  Cette  veuve, 
â  laquelle  Elle  fut  envoyé,  est  une  figure  de  l'Eglise.  —  Orig.  Pendant 
que  la  famine  désolait  le  peuple  d'Israël,  afiamé  d'entendre  la  parole 
de  Dieu,  le  prophète  est  venu  trouver  cette  veuve,  dont  il  est  dit  dans 
le  prophète  fsaïe  (liv)  :  «  L'épouse  abandonnée  est  devenue  plus  fé- 
conde que  celle  qui  a  un  époux,  >>  et  en  demeurant  chez  elle  il  multi- 
plia son  pain  et  ses  autres  aliments.  —  Bède.  Sidonie  veut  dire  chasse 
inutile  ;  Sarepta  signifie  incendie  ou  disette  du  pain;  toutes  signifi- 
cations qui  conviennent  parfaitement  au  peuple  des  Gentils.  En  effet, 
livré  tout  entier  à  une  chasse  stérile,  c'est-à-dire,  à  la  recherche  des 
richesses  et  des  gains  du  commerce  de  la  terre,  il  était  en  proie  à  l'in- 
cendie des  concupiscences  charnelles  et  à  la  disette  du  pain  spirituel, 
jusqu'à  ce  que  l'intelligence  des  Ecritures  ayant  disparu  complète- 
ment par  suite  de  la  perfidie  des  Juifs,  Elle,  c'est-à-dire,  la  parole 
prophétique,  vint  trouver  l'Eglise  pour  nourrir  et  fortifier  les  cœurs 
des  vrais  croyants  qui  le  recevraient.  —  S.  Bas.  On  peut  encore  voir 

())  C'est-à-dire,  Elie  était  cause  que  les  jours  existaient  pour  les  Israélites.  Saint  Ambroise  fait 
ici  allusion  au  soleil,  r|).toç  en  grec,  et  établit  une  espèce  de  rapprochement  avec  le  nom  d'Elie. 


eum  per  lonf;um  iter  pergere  usque  ia 
Sidonem,  ul  visa  mundi  fauie,  poscat  a 
Domino  pluvias.  Mulli  autem  tune  tem- 
poris  opulenti  eraiU,  sed  nuilus  taie 
aliquid  fecit  ut  vidua.  Reverentia  enim 
mulieris  ad  prophetam,  non  pr.ï:diorum, 
sed  voluntatià  fiebant  divitifc. 

Ambr.  Mystice  autem  dicit  :  «  In  die- 
bus  ElifE,  »  quia  dies  faciebat  illis  qui  in 
ejus  operibus  lucem  videbant  gratia; 
spiritualis;  et  ideo  aperiebatur  cœlum 
videnlibusdivina  mysteria;  clmdebalur, 
quando  fumes  eral  ;  (juia  nulla  eral  co- 
gnos(;eDdœ  Divinilalis  ubortas.  In  vidua 
autem  illa  ad  quam  Elias  directus  est, 
typus  Ecdesiae  praemissus  est.  Orig. 
Occupante  enim  famé  populum   Israël, 


scilicet  aiidiendi  sermonem  Dei,  venit 
Propheta  ad  viduam ,  de  qua  dicitur 
Usai.,  o4)  :  «  Multi  filii  desertae  magis, 
quam  ejus  quse  habet  virura  ;  »  et  cum 
veuisset,  panem  illius  et  alimenta  multi- 
plicat.  Bed.  Sidonia  autem  venatio  inu- 
tilis  ;  Sarepta  incendhim  vel  anguslia 
punis  iuterpretatur;  quibus  omnibus 
gentilitas  exprimitur;  quae  inutili  vena- 
tioni  dedita  (id  est,  lucris  et  negotiis 
scculi  •<erviens)  ineendium  carnalium 
cupiditatum ,  panisquc  spiritualis  an- 
gustiaspaliebatur;  douée  Klias  (idost,pro- 
pheticus  sermo)  cessante  ,  Seriplurarum 
intcUigentia  pro  perfidiaJudœorum, venit 
ad  Ecclesiam  ut  receptus  pasceret  et  refi- 
ceret  corda  credentium.  Basil.  Quaelibel 


230 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGïLE 


ici  la  figure  de  toute  âme  veuve,  pour  ainsi  dire,  dénuée  de  force  et 
privée  de  la  connaissance  de  Dieu,  lorsque  cette  âme  reçoit  la  parole 
divine,  en  reconnaissant  ses  fautes,  Dieu  lui  apprend  à  nourrir  cette 
parole  avec  le  pain  des  vertus,  et  à  arroser  la  science  de  la  vertu  avec 
la  source  de  la  vie. 

Orig.  {hom.  33.)  Notre- Seigneur  cite  encore  un  autre  fait  à  l'appui 
de  la  même  vérité,  en  ajoutant  :  «  Il  y  avait  aussi  beaucoup  de  lé- 
preux en  Israël,  au  temps  du  prophète  Elisée,  et  aucun  d'entre  eux  ne 
fut  guéri,  si  ce  n'est  Naaman  le  Syrien,  »  qui  ne  faisait  point  partie 
du  peuple  d'Israël.  —  S.  Ambr.  Nous  avons  dit  précédemment  (1*)  que 
cette  veuve  vers  laquelle  Elle  fut  envoyé,  et  lit  la  figure  de  l'Eglise. 
Or,  dans  un  sens  allégorique,  le  peuple  s'apiDroche  de  l'Eglise  pour 
marcher  à  sa  suite.  C'est  ce  peuple  composé  drs  nations  étrangères,  ce 
peuple  couvert  de  lèpre  avant  qu'il  fût  plongé  dans  le  baptême  du 
fleuve  mystique ,  mais  qui  après  avoir  reçu  le  sacrement  de  baptême 
qui  l'a  purifié  de  toutes  les  souillures  du  co  'ps  et  de  l'âme,  a  com- 
mencé à  devenir  une  Vierge  immaculée  sans  rides  comme  sans  taches. 
—  BEDE.  En  efi'et,  Naaman  qui  veut  dire  ôeow,  représente  le  peuple 
des  Gentils;  il  lui  est  ordonné  de  se  laver  sept  fois,  parce  que  le  bap- 
tême qui  nous  sauve  est  celui  qui  nous  régénère  par  les  sept  dons  de 
l'Esprit  saint.  Sa  chair,,  après  avoir  été  lavée,  devient  comme  celle  d'un 
enfant,  parce  que  la  grâce,  qui  est  notre  mère,  nous  fait  tous  renaître 
à  une  seule  et  même  enfance,  ou  bien  parce  que  nous  sommes  rendus 
semblables  à  Jésus-Christ  dont  il  est  dit  :  «  Un  enfant  nous  est  né.  » 
{haïe,  IX.) 

^.  28-30.  —  En  entendant  ces  paroles,  ils  furent  tous  remplis  de  colère  dans  la 

(1*)  Nous  avons  dû  compléter  ce  passage  à  l'aide  du  texte  original  pour  en  rendre  le  sens  plus 
intelligible. 


etiam  anima  viduata  et  privata  virtute 
et  divina  nolitia,  postquam  divinum  ver- 
bum  recipit,  propria  delicta  cogaoscens, 
docetur  nutrire  verbum  virtutum  paui- 
bus,  et  irrigare  fonte  vitae  doclrinam 
virtutis. 

Orig.  (Iiom.  33.)  Sed  et  aliud  ad  eum- 
dem  sensum  pertinens  loquitur ,  cum 
subdit  :  «  Et  multi  leprosi  erant  in 
Israël  sub  ElisaiO  propheta;  et  nemo 
eorum  mundatus  est,  nisi  Naaman  Syrus,» 
qui  utique  non  erat  ex  Israël.  Ambr. 
Mystice  autem  populus  Ecclesiam  con- 
tingit,  ut  sequatur  populus  ille  ex  alieni- 
genis  congregatus  ;  ante  leprosus  prius- 


quam  mystico  baptizaretur  in  flumine  ; 
sed,  postsacramenta  baptismatis  maculis 
corporis  et  mentis  ablutus,  immaculata 
virgo  cœpit  esse  sine  ruga.  Bed.  Naaman 
euim  (qui  decorns  interprelatur)  popu- 
lum  significat  nationum,  qui  septies  la- 
vari  jubetur,  quia  illud  baptisma  salvat 
quod  sepliformis  Spiritus  régénérât.  Caro 
ejus  post  lavacrum  sicut  pueri  apparet, 
quia  mater  gratia  omnes  in  unam  parit 
iufantiam  ;  vel  quia  Christo  conforma- 
tur,  de  quo  dicitur.  {Isai.,  9)  :  «  Puer 
natus  est  nobis.  » 

Et  repied  su»t  omnes  in  synagoga  ira,  hœc  au- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    IV. 


231 


synagogue.  Et  se  levant,  ils  le  chassèrent  hors  de  la  ville,  et  le  menèrent 
jusqu'au  sommet  de  la  montai] ne  sur  laquelle,  elle  était  bâtie,  pour  l'en  précipiter. 
Mais  Jésus,  passant  au  milieu  d'eux  s'en  alla. 

Ch.  des  Pèr.  gr.  {Cyr.)  Ils  s'indignent  contre  lui,  parce  qu'il  les  a 
repris  de  leur  coupable  intention  :  «  En  entendant  ces  paroles,  ils 
furent  tous  remplis  de  colère  dans  la  synagogue.  »  Comme  il  leur 
avait  dit  :  Aujourd'hui  cette  prophétie  s'est  accomplie,  o  ils  crurent 
qu'il  se  comparait  lui-même  aux  prophètes,  et  ils  le  chassèrent  hors 
de  leur  ville  :  «  Et  se  levant,  ils  le  chassèrent  hors  de  la  ville,  »  etc. 
—  S.  Ambr.  Il  n'est  pas  étonnant  qu'ils  aient  perdu  le  salut,  eux  qui 
chassent  le  Sauveur  de  leur  pays.  Cependant  le  Seigneur  qui  avait 
enseigné  à  ses  Apôtres,  par  son  exemple,  à  se  faire  tout  à  tous,  ne 
repousse  pas  les  hommes  de  bonne  volonté,  mais  il  ne  contraint  pas 
non  plus  ceux  qui  résistent;  il  ne  lutte  pas  contre  ceux  qui  le  rejettent, 
il  ne  fait  pas  défaut  à  ceux  qui  le  prient  de  rester  avec  eux.  Il  fallait 
cependant  que  leur  jalousie  fût  bien  grande  pour  leur  faire  oublier 
les  sentiments  qui  unissent  d'ordinaire  les  concitoyens,  et  pour  chan- 
ger en  haine  mortelle  les  motifs  de  la  plus  légitime  affection.  En  effet, 
c'est  alors  que  le  Sauveur  répandait  ses  bienfaits  surtout  le  peuple,  qu'ils 
lui  prodiguent  leurs  outrages  :  «  Et  ils  le  conduisirent  sur  le  sommet 
de  la  montagne  pour  l'en  précipiter.  »  —  Bède.  Les  Juifs,  disciples  du 
démon,  sont  mille  fois  pires  que  leur  maître  lui-même;  le  démon  s'est 
contenté  de  dire  à  Jésus  :  «  Jettez-vous  en  bas,  »  tandis  que  les  Juifs 
cherchent  à  le  précipiter  eux-mêmes.  Mais  Jésus  change  tout  à  coup 
leurs  dispositions,  ou  les  frappe  de  stupeur  et  d'aveuglement,  et  des- 
cend de  la  montagne,  parce  qu'il  veut  leur  laisser  encore  l'occasion 
de  se  repentir  :  «  Or  Jésus  passant  au  milieu  d'eux,  s'en  alla.  »  — 


dientes.  Et  surrexerunt,  et  ejecerunt  illum  ex- 
tra civitatem,  et  duxerunt  illum  usgue  ad  su- 
percilium  montis  super  quetn  civitas  itlorum 
erat  adificata,  ul  prœcipitarent  eum  :  ipse  au- 
tem  transiens  per  médium  illorum  ibat. 

GR.tcus.  {id  est  ,  Cijrillus  in  C'at. 
Crœcoriim  Potrum.)  Quia  pravani  eorum 
inlenlionem  redarfjuerat,  ideo  indignan- 
tur  :  et  hoc  est  quod  dicitur  :  «  Et  re- 
plet! sunt  omnes  in  synagoga  ira ,  haec 
audientes  :  »  pro  eo  etiam  quod  dixerat  : 
«  Hodie  compléta  est  haec  prophelia,  » 
arbitrât!  sunt  quod  seipsum  compararet 
prophelis,  et  ideo  indiguantur,  et  fuganl 
eum  extra  civitatem  :  unde  sequitur  : 
«  Et  surrexerunt,  et  ejecerunt  illum,»  etc. 
Ambros.  Nec  mirum  si  perdiderunt 
salutem  ,  qui  ejecerunt  de  suis  liuibus 


Salvatorem  :  Dominus  autem  (qui  docue- 
rat  apostolos  exemplo  sui  omnibus 
omnia  fieri)  nec  volentes  répudiât,  nec 
invitos  alligat;  nec  ejicientibus  relucta- 
tur,  nec  rogantibus  deest.  Non  mediocris 
auteni  invidia  proditur  quoî  civicae  cha- 
rilatis  oblita,  in  acerba  odia  causas  amo- 
r!s  inflectit  :  eum  eniui  ipse  Dominus 
per  populos  bénéficia  difTunderet,  illi 
injurias  irrogabant.  Unde  sequitur:  «Et 
duxerunt  illum  usque  ad  superciliuui 
monlis  ut  prœcipitarent  eum.  »  Bed. 
Pejores  sunt  Judœi  discipuli  diabolo 
magistro.  lUe  enim  ait  :  «  Mille  te  deor- 
sum  :  »  isli  vero  fado  miltere  conantur  : 
sed  ille,  mutata  subito  mente  vel  obstu- 
pefacta,  descendit,  quia  adhuc  illis  pœ- 
nitentiœ  locum  réservât  :   unde  sequt- 


232 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILK 


S.  Chrys.  {hom.  -47  sur  S.  Jean.)  Notre- Seigneur  fait  paraître  ici 
tout  à  la  fois  les  attributs  de  la  divinité  et  les  signes  de  son  humanité. 
En  effet,  en  passant  au  milieu  de  ceux  qui  le  poursuivaient,  sans  qu'ils 
puissent  se  saisir  de  lui,  il  montre  la  supériorité  de  sa  nature  divine  ; 
et  en  s'éloignant  d'eux,  il  prouve  le  mystère  de  son  humanité  ou  de 
son  incarnation.  —  S.  Ambr.  Comprenez  encore  ici  que  sa  passion  a 
été  non  un  acte  forcé,  mais  complètement  volontaire.  Ainsi,  on  se 
saisit  de  sa  personne  quand  il  le  veut,  il  échappe  à  ses  ennemis 
quand  il  le  veut;  car  comment  un  petit  nombre  de  personnes  au- 
rait-il pu  le  retenir  captif,  puisqu'il  ne  pouvait  être  arrêté  par  un 
peuple  tout  entier?  Mais  il  ne  voulut  pas  qu'an  si  grand  sacrilège 
fût  commis  par  la  multitude  (1*);  et  il  devait  être  crucifié  par  un  petit 
nombre ,  lui  qui  mourait  pour  le  monde  entier.  D'ailleurs ,  son 
désir  était  de  guérir  les  Juifs  plutôt  que  de  les  perdre,  et  il  voulait 
que  le  résultat  de  leur  impuissante  fureur  leur  fit  renoncer  à  des  des- 
seins qu'ils  ne  pouvaient  accomplir.  —  Bède.  Ajoutons  encore  que 
l'heure  de  sa  passion  n'était  pas  encore  venue,  puisqu'elle  ne  devait 
arriver  que  le  jour  de  la  préparation  de  la  fête  de  Pâques.  Il  n'était 
pas  non  plus  dans  le  lieu  marqué  pour  sa  passion,  qui  était  figurée  par 
les  victimes  qu'on  immolait,  non  pas  à  Nazareth,  mais  à  Jérusalem. 
Enfin  ce  n'était  pas  de  ce  genre  de  mort  qu'il  devait  mourir,  puisqu'il 
était  prédit  depuis  des  siècles  qu'il  serait  crucifié. 

^.  31-37.  — Et  il  descendit  à  Capharnaûm,  ville  de  Galilée,  et  où  il  enseignait 
les  jours  de  sabbat.  Et  sa  doctrine  les  frappait  d'étonnement,  parce  qu'il  leur 

(1*)  Presque  toutes  les  éditions  de  la  Chaîne  d'or,  se  sont  légué  ici  un  énorme  contre-sens  qui 
rendait  d'ailleurs  la  pensée  de  saint  Ambroise  complètement  inintelligible.  On  lit  dans  ces  éditions  : 
<i  Sed  voluit  sacrilegium  esse  multorum,  ut  a  paucis  quidem  affligeretur,  sed  pro  toto  orbe  more- 
retur,  »  tandis  que  le  texte  original  de  saint  Ambroise  porte  :  a  Sed  noluit  sacrilegium  esse  mul- 
torum ut  in  auctores  culpae  crucis  invidiam  retorqueret  ;  atque  a  paucis  quidem  affîgereturj  sed 
pro  toto  orbe  moreretur.  »  [sur  saint  Luc,  iv,  5,  6.) 


tur  :  «  Ipse  transiens  per  médium  illo- 
rum  ibat.  »  Chrys.  ihoin.  47,  in  Joan.) 
In  qiio  et  quae  sunt  hmiianitatis^,  et  quai 
sunt  Divinifatis  ostendit  :  stare  eum  in 
medio  insidiantium,  et  non  apprehendi, 
Divinitatis  emiuenliam  ostendebal;  dis- 
cedere  vero,  dispensationis  (id  est,  in- 
caruationis)  approbabat  mysterium. 
Ambr.  Simul  iutellige,  non  ex  necessi- 
tate  fuisse ,  sed  voluntariam  corporis 
passionem  :  etenim  quando  vult,  capi- 
tur  ;  quando  vult,  elabitur  :  nam  quem- 
admodum  a  paucis  teneri  potuit,  qui  a 
populo  non  tenetur  ?  Sed  noluit  sacrile- 
gium esse  multorum ,  ut  a  paucis  (|ui- 


dem  affigeretur,  sed  pro  toto  orbe  mo- 
reretur. Quin  etiam  malebat  Judseos 
adhuc  sanare  quam  perdere ,  ut  inef- 
ficaci  furoris  exitu  desinerent  velle  quod 
implere  non  possent.  Beda.  Nondum 
etiam  venerat  hora  passionis  ,  quae  in 
parasceve  Paschse  futura  extiterat  ;  nec- 
dum  locura  passionis  adierat,  qui,  non 
in  Nazareth,  sed  Hierosoljnnis  hostiarum 
sanguine  flgurabatur;  nec  hoc  genus 
mortis  elegerat,  qui  crucifigendus  a  se- 
culo  preeconabatur. 

Ef  descendit  in  Capharnaûm,  civiiatem  Gali- 
lœœ,  ibique  docebat  illos  sabbatis.  Et  stupebant 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    IV. 


233 


_  parlait  avec  autorité.  Or,  il  y  avait  dans  la  synagogue  un  hornme  possédé 
d'un  démon  impur,  lequel  jeta  un  grand  cri  en  disant  :  Laissez-nous,  qu'y  a- 
t-il  de  commun  entre  vous  et  nous,  Jésus  de  Nazareth?  Etes-vous  venu  pour 
nous  perdre?  Je  sais  qui  vous  êtes,  le  saint  de  Dieu.  Mais  Jésus  lui  parlant 
avec  menace,  lui  dit  :  Tais-toi,  et  sors  de  cet  homme.  Et  le  démon  l'ayant 
jeté  à  terre  au  milieu  de  l'assemblée,  sortit  de  lui  sans  lui  faire  aucun  mal. 
Et  l'épouvante  les  saisit  tous,  et  ils  se  disaient  entre  eux  :  Qu'est-ce  que  ceci  ? 
Il  commande  avec  autorité  et  puissance  aux  esprits  impurs,  et  ils  sortent.  Et 
sa  renommée  se  répandit  de  tous  côtés  dans  le  pays. 

S.  Ambr.  En  quittant  la  Judée,  Notre-Seigneur  ne  cède  ni  à  un  sen- 
timent d'indignation,  ni  au  juste  ressentiment  du  crime  des  Juifs;  au 
contraire,  il  oublie  cet  outrage  pour  ne  se  souvenir  que  de  sa  clé- 
mence, et  tantôt  par  ses  enseignements,  tantôt  par  les  guérisons  qu'il 
opère,  il  cherche  à  toucher  les  cœurs  de  ce  peuple  infidèle  :  «  Et  il 
descendit  à  Capharnaûm  qui  est  une  ville  de  Galilée,  »  etc.  —  S.  Cyr. 
Il  connaissait  bien  leur  penchant  à  l'indocilité  et  la  dureté  de  leur 
cœur,  cependant  il  les  visite  comme  un  bon  médecin  qui  s'efforce  de 
guérir  des  malades  qu'il  voit  réduits  à  l'extrémité.  Il  enseignait  sans 
crainte  dans  les  synagogues,  selon  ces  paroles  d'Isaïe  :  «  Je  n'ai  point 
parlé  en  secret,  ni  dans  quelque  coin  obscur  de  la  terre,  »  {Isaïe,  xlv, 
id.)  Il  choisissait  le  jour  de  sabbat  pour  discuter  avec  eux,  parce  que 
c'était  pour  eux  le  jour  du  repos;  ils  furent  donc  étonnés  de  la  gran- 
deur de  sa  doctrine,  de  sa  vertu,  de  sa  puissance  :  «  Et  sa  doctrine  les 
frappait  d'étonnement,  parce  qu'il  leur  parlait  avec  autorité.  »  C'est- 
à-dire,  que  ses  paroles  n'étaient  point  molles  et  flatteuses,  mais  entraî- 
nantes, et  qu'elles  pressaient  ceux  qui  les  entendaient,  de  travailler  à 
leur  salut.  Mais  les  Juifs  ne  voyaient  dans  Jésus-Christ  qu'un  saint  ou 
un  prophète  ;  aussi  pour  leur  donner  de  lui  une  plus  haute  et  une  plus 


in  doctrina  ejus ,  quia  in  potestate  erat  sermo 
ipsius.  Et  in  synagoga  erat  homo  habens  dœ- 
monium  immundum ,  et  exclamamt  voce  ma- 
gna, dicens  :  Sine,  quid  nobis  et  tibi,  Jesu  Na- 
zarene  ?  Scio  te,  quia  sis  Sanctus  Dei.  Et  in- 
crepavit  illum  Jésus  dicens  :  Obmutesce,  et  exi 
ab  eo.  Et  cum  projecissel  illum  dœmonium  in 
médium,  exiit  ab  illo ,  nihilque  illi  nocuit.  Et 
factus  est  timor  in  omnibus,  et  colloquebantur 
ad  invicem ,  dicentes  :  Quod  est  hoc  rerbum, 
quia  in  potestate  et  virtute  impernt  immundis 
spiritibus ,  et  exeunt  ?  Et  divulgabatur  fama 
de  illo  in  omnem  locum  regionis. 

Amdros.  Non  indi^natione  commotus 
Doniinns  nec  scelere  oiTensus  Juduvain 
desoruit ,  quinimo  imineinor  injuri.i', 
memor  clemeiitia!  (nunc  dofendo,  uuuc 
sanando)  infidre  plebis  corda  deraulcet  : 
undo  dicitnr  :  «  Et  descendit  in  Caphar- 
oaum  civitatera,  »  etc.  Cyril,  (in  Cot. 


Grœcorum ,  ubi  supra.)  Quamvis  enim 
sciret  quod  inobedientes  essenl  et  duri 
cordis  ,  tamen  visitât  illos  ,  sicut  bonus 
medicus  illos  qui  ultima  laborant  œgri- 
tudine,  tentât  sanare.  Docebat  autem  in 
synagogis  confidenter,  secundum  illud 
Isaise  (45 ,  vers.  19)  :  «  Nequaquam 
occulte  locutus  sum ,  nec  in  obscuro 
loco  teri-tE.  »  In  sabbalo  quoque  dispu- 
tabat  cum  eis ,  quia  vacabaut.  Mirati 
sunt  ergo  de  doctrinœ,  virtutis  et  potes- 
tatis  magnitudine  :  uude  sequitur  :  «  Kt 
stupeban*  in  doctrina  ejus,  quia  in  po- 
testate erat  sermo  ejus.»  Id  est,  non 
biandus,  sed  impulsivus,  vel  incilatorius 
ad  salutem.  Judaei  autem  putabaut  esse 
Christum,  sicut  aliquera  Sanctorum  aut 
prophetarum.  Ut  autem  majorem  de  eo 
opinionem  accipiant,  transcendit  mensu- 


234 


EXPLICATION   DE    l/ÉVANGlLE 


juste  idée,  il  s'élève' au-dessus  du  langage  prophétique.  Son  exorde,  en 
effet,  n'était  pas  comme  celui  des  prophètes  :  «  Voici  ce  que  dit  le  Sei- 
gneur; »  mais  comme  maître  de  la  loi,  il  enseigne  une  doctrine  su- 
périeure à  la  loi,  et  passe  de  la  lettre  à  la  vérité,  des  figures  à  leur 
accomplissement  spirituel.  —  Bède.  On  peut  dire  encore  que  la  parole 
d'un  docteur  a  de  l'autorité,  lorsqu'il  pratique  ce  qu'il  enseigne,  car 
on  n'a  que  du  mépris  pour  celui  dont  la  conduite  est  en  opposition 
avec  ses  discours. 

S.  Cyr.  a  la  prédication  de  la  doctrine,  Notre-Seigneur  joint  avec 
à  propos  des  œuvres  étonnantes,  et  persuade  ainsi  ceux  que  la  raison 
ne  parvenait  pas  à  convaincre  de  ce  qu'il  était  :  «  Or,  il  y  avait  dans 
la  synagogue  un  homme  possédé  du  démon,  »  etc.  —  S.  Ambr.  Notre- 
Seigneur,  en  commençant  le  jour  du  sabbat  les  œuvres  de  la  rédemp- 
tion divine,  veut  nous  apprendre  que  la  nouvelle  création  commence 
le  jour  même  où  l'ancienne  création  avait  fini ,  et  nous  montrer  tout 
d'abord  que  le  Fils  de  Dieu  n'est  pas  soumis  à  la  loi  -,  mais  qu'il  était 
supérieur  à  la  loi.  Il  commence  encore  le  jour  du  sabbat,  pour  mon- 
trer qu'il  est  le  Créateur  qui  fait  succéder  aux  œuvres  anciennes  des 
œuvres  nouvelles,  et  poursuit  le  dessein  qu'il  avait  commencé  à  réali- 
ser si  longtemps  auparavant.  Semblable  à  un  ouvrier  qui  veut  rebâtir 
une  maison  et  qui  en  fait  disparaître  tout  ce  qu'elle  a  de  ruineux,  en 
commençant,  non  par  les  fondations,  mais  par  le  faite  et  en  démolis- 
sant d'abord  ce  qui  avait  été  construit  eu  dernier  lieu.  Ajoutons  que 
le  Sauveur  commence  par  des  œuvres  moins  importantes  pour  arriver 
à  celles  qui  ont  plus  d'éclat.  Les  saints  eux-mêmes  peuvent  délivrer 
du  démon  au  nom  et  par  le  Verbe  de  Dieu,  mais  il  n'appartient  qu'à 
la  puissance  divine  de  commander  aux  morts  de  ressusciter  (1). 

(1)  Comme  lorsque  Jésus  Christ  dit  au  fils  de  la  veuve  de  Naïm  :  «  Jeune  homme,  c'est  moi  qui 
vous  le  dis;  levez-vous,  »  {Luc,  vu,  14);  et  à  Lazare  :  a  Lazare,  sortez  dehors.  »  [Jean,  xi,  43.) 


ram  propheticam  :  non  euim  dicebat  : 
"  Haec  dicit  Dominus  »  (ut  prophelœ 
consueverant  dicere),  sed  sicut  dominus 
legis  quae  suut  supra  legem  proferebat, 
transferens  litteram  ad  veritatem ,  et 
figuras  ad  spirilualem.  Beda.  Sermo 
etiam  docloris  in  potestate  fit ,  cuni  ea 
quae  docet  operatur  :  qui  enim  facto 
destruitquod  preedicat,  contemuitur. 

Cyrillus.  {ut  sitp.)  Opportune  autem 
dogmatibus  plerumque  ardua  miscet 
opéra  :  quos  enim  non  disponit  ratio  ad 
cognoscendum ,  hos  insligat  signorum 
ostensio  :  unde  sequitur  :  «  Et  in  syna- 
goga  erat  homo  habens  daemonium,  » 
etc.   Ambr.    Sabbato   medicinse  divinee 


opéra  cœpta  significat,  ut  inde  nova 
cœperit ,  unde  vêtus  creatura  ante  desi- 
vit;  née  sub  lege  esse  Dei  Filium,  sed 
supra  legeni  in  ipso  principio  designa- 
ret.  Beue  etiam  sabbato  cœpit,  ut  ipsum 
se  ostenderet  Creatorera,  qui  opéra  ope- 
ribus  intexit,  et  prosequitur  opus  quod 
ipse  ante  jam  cœperat;  ut  si  domura  faber 
renovare  disponat,  non  a  fundamenlis, 
sed  a  culrainibus  incipit  solvere  vetusta- 
tem ,  ita  ut  ibi  prius  mauum  adnioveat, 
ubi  ante  desierat.  Ueinde  a  minoribus  in- 
cipit ,  ut  ad  majora  perveniat.  Liberare 
a  daemone,  etiam  hominis  sancti  (sed  in 
Verbo  Dei)po;sunt:  resurrectionem  mor- 
tuis  imperare,  divinœ  solius  est  potestatis. 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    IV.  ^S 

S.  Cyr.  Les  Juifs  calomniaient  la  gloire  de  Jésus-Christ  en  disant  : 
a  II  chasse  les  démons  par  Beelzebub,  prince  des  démons.  »  C'est 
pour  confondre  cette  accusation  sacrilège,  que  les  démons  se  trouvant 
en  présence  de  son  invincible  puissance,  et  ne  pouvant  supporter 
l'approche  de  la  divinité,  jetaient  des  cris  effrayants  :  «  Et  il  jeta  un 
grand  cri  en  disant  :  Laissez-nous,  qu'y  a-t-il  de  commun  entre  vous 
et  nous?  »  etc.  —  Bède.  Comme  s'il  disait  :  Cessez  un  peu  de  nous 
tourmenter,  vous  qui  êtes  complètement  étranger  à  nos  mauvais  des- 
seins. —  S.  Ambr.  On  ne  doit  point  s'étonner  de  lire  dans  l'Evangile, 
que  le  démon  soit  le  premier  à  donner  au  Sauveur  le  nom  de 
Jésus  de  Nazareth;  car  ce  n'est  pas  du  dénaon  que  le  Christ  a  reçu  ce 
nom,  qui  a  été  apporté  du  ciel  par  un  ange  à  la  très-sainte  Vierge. 
Mais  telle  est  l'impudence  du  démon,  qu'il  cherche  à  introduire  le 
premier  parmi  les  hommes,  un  usage,  une  coutume,  et  la  présente 
comme  nouvelle  pour  imprimer  une  plus  grande  crainte  de  sa  puis- 
sance. Il  dit  donc  :  «  Je  sais  qui  vous  êtes,  le  saint  de  Dieu.  »  — 
S.  Athan.  Il  l'appelle  le  saint  de  Dieu,  non  pas  comme  s'il  était  sem- 
blable aux  autres  saints,  mais  comme  étant  saint  d'une  sainteté  toute 
particulière,  saint  par  excellence  et  avec  addition  de  l'article  (I).  En 
effet,  Jésus-Christ  est  le  seul  saint  par  nature,  et  les  autres  ne  mé- 
ritent le  nom  de  saints  que  par  leur  participation  à  sa  sainteté.  Tou- 
tefois en  parlant  de  la  sorte,  le  démon  ne  le  connaissait  pas  en  réalité, 
mais  il  feignait  de  le  connaître.  —  S.  Cyr.  Les  démons  s'imaginèrent 
que  ces  louanges  inspireraient  au  Sauveur  l'amour  de  la  vaine  gloire, 
et  le  détourneraient  de  s'opposer  à  leurs  desseins,  ou  de  les  chasser,  et 
qu'il  leur  rendrait  ainsi  service  pour  service.  —  S.  Chrys.  {hom. 

(r  C'est-à-dire  en  grec  ô  àyijiz,  ille  sanctus,  le  saint,  ou  ce  saint. 


Cyrillus.  {ubi  sup.)  Calumniabantur 
autem  Judœi  gloriam  Cbrisli,  dicenles  : 
«  Hic  non  ejicit  daemones ,  nisi  in  Beel- 
zebub ,  principe  daemoniorum.  »  Ad 
quod  removendum  cum  repraesentaren- 
tur  daemones  inviclae  potestali  e']u.è,  nec 
tolerarent  congressum  Deitatis  ,  stevam 
vocem  emlttebant  :  unde  etbiosequitur  : 
«  Rt  exclaniavitvoce  magna  dicens  :  Sine, 
quid  nobis  et  libi,»  etc.  Bed.  Quasi 
dicat  :  Paululum  a  me  vexando  quiesce, 
oui  nulla  est  societas  cum  nostra  fraude. 
Ambros.  Nec  quemquam  movere  débet, 
quod  Jesu  Nazoreni  nomen  in  hoc  libro 
diabolus  dixisse  primus  inducitur.  Nec 
enim  ab  eo  Christus  nomen  aecepit, 
quod  de  cœlo  angélus  ad  Virginem  de- 
lulit.  Est  bujus  impudentise  diabolus,  ut 


inter  homines  aliquid  primus  usurpet, 
et  ad  homines  quasi  novum  déferai  ;  quo 
terrorem  suae  poteslatis  inculiat.  Unde 
sequitur  :  «  Scio  enim  te  quia  sis  Sanctus 
Dei.  »  Athan.  {in  Cat.  Grœcoruiii  Pa- 
trtun.)  Non  dicebat  eum  Sanctum  Dei, 
quasi  aliis  sanctis  similis  esset,  sed  quasi 
eo  singulariter  sancto  exisiente ,  cum 
arliculi  adjectione  :  ipse  est  enim  natu- 
raliter  saoclus,  cujus  participatione  om- 
nes  alii  sancti  vocantur  :  neque  tamen 
hoc  dicebat,  quasi  eum  veraciter  uosset, 
sed  se  cognoscere  fingebat.  Cyril,  {ubi 
«uja.)  Putaverunt  enim  daemones  quod 
per  hujusmodi  laudem  facerent  ipsum 
inanis  glorice  amatorem;  ut  abstiner^t 
eorum  contrarietate  (sive  ab  ils  infes- 
tandis)  utpote  pro  gratia  gratiam  recom- 


236  EXPLICATION   DE    l/ ÉVANGILE 

sur  la  V^  Ep.  aux  Corinth.)  Le  démon  voulut  aussi  bouleverser 
l'ordre  établi  de  Dieu,  usurper  la  dignité  des  Apôtres  et  ranger  un 
grand  nombre  d'hommes  sous  son  obéissance.  —  S.  Athan.  Bien  qu'il 
confessât  la  vérité,  Jésus  ne  laisse  pas  de  lui  imposer  silence  ;  il  ne 
veut  pas  qu'avec  la  vérité  il  puisse  propager  le  mensonge,  et  il  vou- 
lait aussi  nous  accoutumer  à  ne  faire  aucun  cas  de  semblables  révéla- 
tions, bien  qu'elles  paraissent  conformes  à  la  vérité,  car  c'est  un  crime 
de  choisir  le  démon  pour  maître,  quand  nous  avons  pour  nous  ins- 
truire les  saintes  Ecritures  :  «  Mais  Jésus  lui  dit  avec  menace  :  Tais- 
toi  et  sors  de  cet  homme.  » 

BEDE.  C'est  par  une  permission  divine  que  cet  homme  qui  allait  être 
délivré  du  démon  est  jeté  au  milieu  de  l'assemblée,  Dieu  voulait  ainsi 
rendre  plus  éclatante  la  puissance  du  Sauveur,  et  en  faire  entrer  un 
plus  grand  nombre  dans  les  voies  du  salut  :  «  Et  lorsqu'il  l'eût  jeté  à 
terre,  »  etc.  Le  récit  de  saint  Matthieu  paraît  ici  en  contradiction  avec 
celui  de  saint  Marc,  où  nous  lisons  :  «  Et  l'esprit  impur  l'agitant  vio- 
lemment, sortit  de  lui  en  jetant  un  grand  cri.  »  [Marc.^  i,  21.)  Mais 
on  peut  dire  que  ces  paroles  de  saint  Marc  :  «  L'agitant  violemment,  » 
ont  la  même  signification  que  ces  autres  de  saint  Luc  :  «  Et  l'ayant 
jeté  au  milieu  de  l'assemblée.  »  Quant  aux  paroles  suivantes  :  «  Et  il 
ne  lui  fit  aucun  mal,  »  il  faut  les  entendre  dans  ce  sens,  que  cette  agita- 
tion des  membres  et  cette  violente  secousse  ne  fit  éprouver  à  cet  homme 
aucune  faiblesse,  comme  il  arrive  d'ordinaire,  lorsque  les  démons  ne 
sortent  des  corps  qu'ils  possèdent  qu'en  coupant  ou  en  brisant  quelques 
membres.  Aussi  ceux  qui  sont  présents,  sont-ils  à  bon  droit  surpris 
d'une  guérison  aussi  complète  :  «  Et  l'épouvante  les  saisit  tous,  »  etc. 
■ —  Théophyl.  Us  semblent  dire  :  Quel  est  cet  ordre  qu'il  vient  de  don- 


peusans.  Chrys.  [hom.  9,  in  \,  ad  Cor.) 
Voluit  etiam  dœmon  perturbare  ordinem 
rerum ,  et  aposLolorum  rapere  dignita- 
tem,  et  suggérera  uiultis  ut  ei  obediant. 
Athan.  («t/^î/^jyo.)  Quamvis  igiturvera 
fateretur,  compescebat  tamen  ejus  ser- 
monem;  ne  simul  cum  veritate  etiam 
snam  iniquitatem  promulget  ;  ut  nos 
etiam  assuefaciat,  ne  curemus  de  talibus, 
etsi  vera  loqui  videantur  :  nefas  euim 
est  ut  cum  adsit  nobis  Scriplura  divioa, 
instruamur  a  diabolo  :  uode  sequitur  .' 
«  Et  iuerepavit  illum  Jésus ,  dicens  : 
Obmutesce,  »  etc. 

Bed.  Divina  autem  permissione  libe- 
randus  a  dsemone  homo  projicitur  in 
médium,  ut  virtus  patefacta  Salvatoris, 
pluies  ad   viam  salutis  invitet  :    unde 


sequitur  :  «  Et  cum  projecisset  illum,  » 
etc.  Videtur  autem  repugnare  quod  hic 
dicitur ,  Marco  qui  ait  :  «  Et  discerpens 
eum  spiritus  immundus,  et  exclamans 
voce  magna,  exivit  ab  eo  :  »  nisi  intelli- 
gamus  hoc  dixisse  Marcum,  «  discerpens 
eum,  »  quod  hic  Lucas  dicit  :  «  Et  cum 
projecisset  illum  in  médium;»  ut  quod 
secutus,  ait  :  «  Nihilque  illi  nocuit,  »  in- 
telligatur,  quia  jactatio  illa  membrorum 
atque  vexatio  non  eum  debilitavit  ;  sicut 
soient  exire  dœmonia,  etiam  quibusdam 
membris  ampulatis  et  evulsis  :  unde 
merito  pro  tam  intégra  restitutione  sani- 
tatis  mirautur.  Nam  sequitur  :  «  Et  factus 
est  pavor  in  omnibus,  »  etc.  Théophyl. 
Quasi  dicant  :  Quale  est  prœceptum  hoc 
quod  praecepit  :  «  exi  ab  eo,  »  et  exiit  ? 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    IV.  23T 

ner  au  démon  :  «  Sors  de  cet  homme,  »  et  il  est  sorti?  —  Bède.  Les 
saints  peuvent  également  chasser  les  démons  par  la  puissance  du 
Verbe  de  Dieu  ;  mais  seul  le  Verbe  de  Dieu  opère  de  semblables 
miracles  par  sa  propre  puissance. 

S.  Ambr.  Dans  le  sens  allégorique,  cet  homme  de  la  synagogue  qui 
était  possédé  de  l'esprit  immonde,  c'est  le  peuple  des  Juifs  qui,  enlacé 
dans  les  filets  du  démon,  profanait  la  pureté  apparente  de  son  corps 
par  les  souillures  trop  réelles  de  son  âme,  il  était  possédé  de  l'esprit 
immonde,  parce  qu'il  avait  perdu  l'Esprit  saint,  car  le  démon  prenait 
possession  de  la  demeure  que  le  Christ  venait  de  quitter.  —  Théo- 
PHYLACTE.  Il  en  est  encore  beaucoup  aujourd'hui  qui  sont  possédés 
du  démon,  c'est-à-dire,  ceux  qui  accomplissent  les  désirs  que  les  dé- 
mons leur  inspirent;  c'est  ainsi  que  les  furieux  sont  possédés  du 
démon  de  la  colère,  et  ainsi  des  autres.  Or  le  Seigneur  entre  dans  la 
synagogue,  lorsque  l'âme  de  l'homme  se  trouve  toute  réunie,  et  il  dit 
au  démon  qui  l'habite  :  Tais-toi,  et  aussitôt  le  démon  jette  cet  homme 
dans  le  milieu  et  sort  de  lui.  Il  ne  convient  pas,  en  effet,  que  l'homme 
soit  constamment  dominé  par  la  colère  (c'est  le  propre  des  bêtes  fé- 
roces), ni  qu'il  soit  inaccessible  au  sentiment  de  la  colère  (ce  qui  serait 
insensibilité),  mais  il  doit  tenir  un  juste  milieu,  et  manifester  une 
certaine  colère  contre  le  mal,  et  c'est  pourquoi  cet  homme  est  jeté 
au  milieu  de  l'assemblée,  lorsque  l'esprit  immonde  sort  de  son  corps. 

y.  38,  39.  —  Jésus  étant  sorti  de  la  synagogue,  entra  dans  la  maison  de  Simon 
dont  la  belle-mère  avait  une  grosse  fièvre,  et  ils  le  prièrent  pour  elle  :  Alors, 
se  tenant  debout  auprès  d'elle,  il  commanda  à  la  fièvre,  et  la  fièvre  la  quitta  ; 
et  s'étanl  levée  aussitôt,  elle  se  mit  à  les  servir. 

S.  A3IB.  Après  la  délivrance  de  cet  homme  possédé  de  l'esprit  im- 


Bed.  Expellere  quidem  daemonia  et  ho- 1  congregata;  et  tune  dicit  daiinoui  iuha- 
mines  sancli  (sed  inVerbo  Uei)po3sant;  bitanti  :  Ohmutesce ;  et  statim  ejiciens 
ipsum  aiileiii  Dei  Verbtim  propria  po-  eum  in  mediimi  egreditur  ab  eo  :  non 
leslate  virtutes   operatur.  enim  decet  homineiii  seniperiracunduin 

Amur.  Myslioe  auteiii  qui  in  synagoga    esse  (bestiale  namqiie  lioc  est),  necsem- 
spiritiun  habebat  immundum,  populus  |  per  absque  ira  (insensibile  namque  hoc 

est),  sed  médium  iter  ambulare  oportet, 
et  iram  contra  mala  habere,  et  sic  proji- 
citur  liomo,  cum  immundus  spiritus  ab 
eo  egreditur. 

Surgens  aulem  Jésus  de  synagoga ,  iniroiuit  in 
domum  Simonis.  Socrus  aulem  Simonis  tene- 
batur  maynis  febribus,  et  rogaaerunt  illumpro 
ea.  El  slans  super  illam  imperavit  febri,et  di- 
misit  illam.  Et  continua  surgens  ministrabat 
mis. 

Ambr.  Postquam  Luras  virum  a  spi- 


est  Judaîonim,  qui  iunodalus  diaboli 
laqueis,  simukitam  corporis  munditiam 
interioris  mentis  sordibus  inquinabat; 
et  bene  spiritum  immundum  habebat, 
quia  Spirilain  sanctum  amiseral;  in- 
tiuierat  enim  diai)olu3  unde  Chrislus 
exierat.  Tueopiiylact.  Sciendum  est 
eliam,  qiioJ  multinunc  daemonia  habent; 
scilicet  qui  daimouiorum  desidcria  im- 
plent;  ut  furiosi  habent  dœmonium  ira;, 
et  sic  de  cœteris;  sed  Dominas  in  syna- 
gogam  veuit,  cum  mens  hominis  fueril 


238  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

pur,  saint  Luc  raconte  immédiatement  la  guérison  d'une  femme,  car 
le  Seigneur  était  venu  guérir  l'un  et  l'autre  sexe,  et  il  devait  commen- 
cer par  celui  qui  fut  créé  le  premier  :  «  Et  étant  sorti  de  la  synagogue, 
il  entra  dans  la  maison  de  Simon.  »  —  S.  Ghrys.  [hom.  28  sur 
S.  Matth.)  n  demeurait  ainsi  volontiers  chez  ses  disciples,  pour  leur 
témoigner  de  l'honneur  et  leur  inspirer  un  plus  grand  courage  et  un 
zèle  plus  ardent.  —  S.  Gyr.  Considérez  la  condescendance  du  Sauveur, 
qui  demeure  chez  un  homme  pauvre,  lui  qui,  de  sa  pleine  volonté, 
s'est  soumis  à  toutes  les  privations  de  la  pauvreté,  pour  nous  apprendre 
à  aimer  le  commerce  des  pauvres,  et  à  ne  jamais  mépriser  les  indi- 
gents et  les  malheureux. 

«  La  belle-mère  de  Simon  avait  une  forte  fièvre,  et  ils  le  prièrent 
pour  elle.  »  —  S.  Jér.  Tantôt  le  Sauveur  attend  qu'on  le  prie,  tantôt 
il  guérit  de  lui-même  les  malades  qui  se  présentent.  Il  nous  apprend 
par  cette  conduite,  qu'il  accorde  aux  prières  des  fidèles  ces  grâces 
puissantes  qui  aident  les  pécheurs  à  triompher  de  leurs  passions,  et 
que  quant  aux  maladies  intérieures  qu'ils  ne  connaissent  pas,  ou  bien 
il  leur  en  donne  l'intelligence  ,  ou  il  leur  pardonne  ce  qu'ils  ne 
comprennent  pas,  selon  ces  paroles  du  Psalmiste  ;  «  Qui  peut  con- 
naître ses  péchés?  Purifiez-moi  de  celles  qui  sont  cachées  en  moi.  » 
{Ps.  XVIII.)  —  S.  CuRTS.  Que  saint  IMatthieu  ait  passé  ce  fait  sous 
silence,  cela  ne  fait  aucune  contradiction,  et  n'a  d'ailleurs  aucune 
importance,  l'un  s'est  appliqué  à  être  court,  l'autre  a  voulu  donner 
une  explication  plus  complète.  —  Suite.  «  Alors  se  tenant  debout 
auprès  d'elle,  »  etc.  —  S.  Bas.  {et  Orlg.,  Ch.  des  Pèr.  ç/r.)  D'après  le 
récit  de  saint  Luc,  Notre- Seigneur  tient  ici  un  langage  figuré,  il  parle 
à  la  fièvre  comme  à  un  être  animé  et  intelligent,  il  lui  commande  de 


ritu  nequitifE  liberatura  ante  prasmisit,  ]  Modo  Salvator  logatus,  modo  ultro  cu- 


subslituit  femiûSî  sanitatem;  utrumque 
enini  sexum  Domiuus  curaturus  advene- 
rat,  et  propior  sanari  debiiit,  qui  prior 
creatus  est  :  unde  dicitur  :  «  Surgens  au- 
tem  de  syoagoga ,  introivit  in  domuni 
Simonis.  »  Chuvs.  [hom.  28,  in  Mutlh.) 


rat  œgrotos  ;  ostendens  se  contra  pec- 
calorum  quoque  passiones  et  precibus 
semper  annuere  fidelium,  et  ea  quae  ipsi 
minime  in  se  intelligunt,  veliutelligenda 
dare,  vel  non  intellecla  dimittere  ;  se- 
cundumillud  [Psal.  d8)  :  «  Delicta  quis 


Manebat  enim  apud  discipulos  honorans  j  intelligit?  ab  occullis  meis  munda  me, 
ipsos;  et  ob  hoc  animosiores  reddens.  Domine.  »  Chrys.  (ut  svp.)  Quod  autem 
Cyril,  {in  Cat.  Grœconim  Putnim.)  \  Jlattbœus  hic  reticuit,  non  differt,  vel 
Aspice  autem  quomodo  manet  pênes  vi-  j  nihil  refert  :  illud  enim  est  brevilalis, 
rum  inopem  Chrislus,  qui  spontanea  vo-  hoc  autem  exquisitae  interpretationis  : 
luntalepaupertatempronobispassusest;  '  sequitur  :  «  Et  stans  super  illam,  »  etc. 


ut  discamus  cum  pauperibus  conversaii, 
nec  spernere  depressos  et  pauperes. 

Sequitur  :  «  Socrus  autem  Simonis 
tenebatur  magnis  febribus,  et  rogaverunt 
iUum  pro  ea.  »  Hier,  [super  Matthœum.) 


Basil,  [et  Origen  in  Cat.  Grotcorum 
Patriim.)  In  quo  Lucas  figuravit  ser- 
monem  tanquam  de  prœcepto  animah 
sensibili  facto,  sic  dicens  febri  impera- 
tum,  et  quod  febris  non  omisit  imperan- 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    IV. 

sortir,  et  la  fièvre  obéit  à  ce  commandement  :  «  Et  la  fièvre  la  quitta, 
et  s'étant  levée  aussitôt,  elle  se  mit  à  les  servir.  »  —  S.  Chrys.  Gomme 
cette  maladie  n'est  pas  incurable,  Notre-Seigneur  fait  éclater  sa  puis- 
sance par  la  manière  dont  il  la  guérit,  et  en  faisant  ce  que  toute  la 
science  médicale  n'aurait  jamais  pu  faire.  Car  après  que  la  fièvre  a 
disparu,  les  malades  sont  encore  bien  longtemps  à  revenir  à  leur  pre- 
mier état  de  santé,  tandis  qu'ici  la  cessation  de  la  fièvre  est  suivie 
d'une  guérison  complète. 

S.  Ambr.  Si  nous  voulons  examiner  ce  fait  miraculeux  à  un  point 
de  vue  plus  élevé,  nous  devrons  y  reconnaître  la  guérison  de  l'âme 
aussi  bien  que  celle  du  corps,  et  c'est  l'esprit  qui  a  souffert  le  premier 
des  atteintes  mortelles  du  serpent  qui  est  aussi  guéri  le  premier. 
D'ailleurs,  Eve  ne  désire  manger  du  fruit  défendu  qu'après  avoir  été 
séduite  par  la  ruse  perfide  du  serpent;  c'est  pourquoi  le  femède  du 
salut  devait  agir  d'abord  contre  l'auteur  même  du  péché.  Peut-être 
aussi  cette  femme  est-elle  la  figure  de  notre  chair  languissante  et  ma- 
lade de  la  fièvre  des  passions  criminelles  ;  en  effet,  la  fièvre  de  l'amour 
est-elle  moius  ardente  que  la  fièvre  qui  vient  de  la  chaleur  ou  de  l'in- 
flammation? —  BEDE.  Si  dans  cet  homme  délivré  du  démon,  nous 
reconnaissons  une  figure  de  lame  purifiée  de  ses  pensées  immondes, 
dans  cette  femme  en  proie  à  une  fièvre  ardente  et  guérie  par  le  com- 
mandement du  Sauveur,  nous  pourrons  voir  la  chair  préservée  des 
ardeurs  de  la  concupiscence  par  les  préceptes  de  la  continence.  — 
S.  Cyr.  Nous  donc  aussi,  recevons  Jésus  avec  empressement,  car  s'il 
daigne  nous  visiter  et  que  nous  le  portions  dans  notre  âme  et  dans 
notre  cœur,  il  éteindra  le  feu  des  voluptés  coupables,  et  nous  rendra 
la  force  et  la  santé  nécessaires  pour  le  servir,  c'est-à-dire,  pour  accom- 
plir ses  volontés.  / 


Us  operalioncm  :  unde  sequitur  :  «  Sur- 
gens ministrabat  illL-,  »  etc.  Curys.  {ni 
svp.)  Quia  enim  iiiorbus  curabilis  orat, 
per  uiodura  medendi  poteslalem  suani 
declaravit  :  faciens  quod  minime  ars 
mediciiiœ  facere  poluisset.  Post  febris 
enim  sedationem,  multo  tempore  pa- 
tientes egent  ut  pristinœ  restiluantur  sa- 
nilali.tuncautcni  simul  omniafactasnnt. 
Ambo.  Si  autcm  alliori  con^ilio  isla 
per[iendamus,  animi  debemus  iutelligere 
et  corporis  sanilalem,  ut  prias  animus, 
qui  serpentinis  iaborabat  insidiis,  abso- 
lutus  sit.  Uenique  non  prias  Eva  esuriit, 
qaain  serpenlis  eam  versalia  tentavit  ; 
et  ideo  adversus  ipsum  auctorem  peccati 
priuâ  debuit  medicina  salutis  operari. 


Fortassis  etiam  la  typo  mulieris  illius 
variis  criminum  febribus  caro  nostra 
iangiiescebat,  nec  minorem  febrem  amo 
lis  esse  dixerini  quam  caloris.  Bu:da.  Si 
enim  virum  a  diemonio  liberalum  mo- 
raliler  animum  ab  immunda  cogitalioue 
l)urgalum  siguificare  dixerimus,  conse- 
i|aenter  femina  febribus  tenta,  sed  ad 
imperium  Domini  curala,  carnem  osten- 
dit  a  concupiscentiat!  sa.'B  fervore  per 
continentiae  pra;cepta  fraenatam.  Cyril. 
[uOi  supru.)  Et  nos  ergo  suscipiamus 
Jesnm  :  cum  enim  visitaverit  nos,  et 
portamas  eum  in  mente  et  corde,  tune 
enormiam  vohiptatum  sestum  exlinguet; 
et  incolumes  faciet,  ut  ministremus  ei; 
hoc  est,  ei  bcneplacita  peragamus. 


240 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


f.  40,  41.  —  Lorsque  le  soleil  fut  couché,  tous  ceux  qui  avaient  des  infirmes 
atteints  de  diverses  maladies  les  lui  amenaient.  Or,  Jésus  imposant  les  mains 
sur  chacun  d'eux,  les  guérissait.  Les  démons  sortaient  du  corps  de  plusieurs, 
criant  et  disant  :  Vous  êtes  le  Fils  de  Dieu.  Mais  il  les  menaçait,  et  ne  leur 
permettait  pas  déparier,  parce  qu'ils  savaient  qu'il  était  le  Christ. 

Théophyl.  Considérez  l'empressement  de  cette  multitude,  bien  que 
le  soleil  fût  couché,  ils  amènent  à  ses  pieds  les  infirmes,  sans  être 
arrêtés  par  l'heure  avancée  :  «  Lorsque  le  soleil  fut  couché,  tous  ceux 
qui  avaient  des  infirmes,  »  etc.  —  Orig.  Ils  les  amenaient  après  le  cou- 
cher du  soleil,  c'est-à-dire,  à  la  fin  du  jour,  parce  que,  dans  le  courant 
de  la  journée,  ils  étaient  retenus  par  d'autres  occupations,  ou  bien 
encore,  parce  qu'ils  croyaient  qu'il  n'était  pas  permis  de  guérir  le 
jour  du  sabbat  (1);  Jésus  les  guérissait  :  a  Or,  Jésus  imposant  les 
mains  sur  chacun  d'eux,  »  etc.  —  S.  Cyr.  Il  eut  pu,  sans  doute, 
comme  Dieu,  guérir  ces  malades  d'un  seul  mot,  cependant  il  les  touche 
et  montre  ainsi  la  puissance  de  sa  chair  pour  opérer  des  guérisons, 
car  c'était  la  chair  d'un  Dieu;  or,  de  même  que  le  feu  approché  d'un 
vase  d'airain,  lui  communique  sa  propre  chaleur,  de  même  le  Verbe 
tout-puissant  de  Dieu,  en  s'unissant  véritablement  ce  temple  animé  et 
intelligent  qu'il  reçut  de  la  vierge  Marie,  le  rendit  participant  de  sa 
puissance  divine.  Que  Jésus  daigne  aussi  nous  toucher,  ou  plutôt  tou- 
chons-le nous-mêmes  pour  être  délivrés  des  attaques  et  de  l'orgueil  du 
démon  :  «  Les  démons  sortaient  du  corps  de  plusieurs,  »  etc.  —  Bède. 
Les  démons  confessent  le  Fils  de  Dieu,  et,  comme  l'Evangéliste  le  dit 

(1)  Le  jour  commençant  chez  les  hébreux  le  soir,  le  sabbat  durait  d'un  soir  à  l'autre,  et  c'est 
pour  cela  qu'on  pouvait  faire  le  soir  du  jour  du  sabbat,  ce  qui  était  défendu  dans  le  courant  du 
jour  lui-même. 


Cum  autem  sol  occidisset ,  omnes  qui  habebani 
infirmos  variis  languoribus,  ducebant  illos  ad 
eum.  Al  ille  singulis  manus  imponens ,  cura- 
bal  eos.  Exibant  autem  dœmonia  a  rnultis  cla- 
mantia  el  dicenlia  :  Quia  tu  es  Filius  Dei.  Et 
increpans ,  non  sinebat  ea  loqui;  quia  sciebant 
ipium  esse  Chrislum. 

TuEOPnYL.  Cousiderandum  est  turbse 
desiderium  :  nam  cum  sol  occidisset, 
adducunt  ad  euui  infirmos,  non  a  tem- 
père impediti  :  unde  dicitur  :  «  Cum  au- 
tem sol  occidisset ,  adducebant  infir- 
mos, »  etc.  Orig.  {ut  sup.)  Ideo  quidem 
circa  solis  occasum,  id  est,  elapsa  die, 
illos  educebant  ;  vel  quia  de  die  intenti 
erant  circa  alia^  vel  quia  putabant  non 
licere  sanare  in  sabbato  :  ipse  autem 
sauabat  eos  :  unde  sequitur  :   «  At  ille 


singulis  manus  imponens,  »  etc.  Cyril. 
{xibi  supra.)  Quamvis  autem  ut  Ueus 
potuisset  omnes  verbo  pellere  morbos, 
tamen  tangit  eos  ;  ostendeus  propriam 
carnem  efficacem  ad  praestanda  remédia; 
nam  caro  Dei  erat  :  sicut  enim  ignis  ap- 
positus  vasi  aeneo,  imprimit  ei  proprire 
caliditalis  effectum,  sic  omnipotens  Dei 
Verbum,  cum  univit  sibi  veraciter  as- 
sumptum  templum  ex  Virgine  anima- 
tum,  et  intellectivum,  particeps  suae 
potestalis  effectum,  ei  iuseruit.  Tangat  et 
nos,  imo  potius  nos  illum  tangamus, 
quateuus  et  nos  ab  animarum  lufirmita- 
tibus  liberet,  nec  non  a  dœmonum  im- 
puguatioue  et  superbia  :  sequitur  enim  : 
«  Exibant  autem  dsemonia,  »  etc.  Beda. 
Doemonia  Filium  Dei  confitentur  ;  et  si- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    IV, 


241 


plus  loin  :  «  Ils  savaient  qu'il  était  le  Christ.  »  En  effet,  lorsque  le  dé- 
mon le  vit  épuisé  par  le  jeûne,  il  en  conclut  qu'il  était  homme,  mais 
le  voyant  inaccessible  à  la  tentation,  il  doutait  s'il  n'était  pas  le  Fils  de 
Dieu  ;  maintenant  l'éclat  et  la  puissance  des  miracles  lui  fait  com- 
prendre ou  plutôt  soupçonner  qu'il  est  le  Fils  de  Dieu.  Si  donc  il  a  porté 
les  Juifs  à  crucifier  Jésus-Christ,  ce  n'est  pas  qu'il  doutât  qu'il  fût  le 
Christ  ou  le  Fils  de  Dieu,  mais  parce  qu'il  ne  prévoyait  pas  que  sa  mort 
serait  sa  propre  condamnation.  Car  saint  Paul  dit  de  ce  mystère  caché 
depuis  les  siècles  :  «  Que  nul  des  princes  de  ce  monde  ne  l'a  connu, 
car  s'ils  l'eussent  connu,  ils  n'eussent  jamais  crucifié  le  Seigneur  de 
la  gloire.  —  S.  Chrys.  (1)  «  Mais  il  les  menaçait,  et  ne  leur  permettait 
pas  de  dire,  »  etc.  Admirez  ici  l'humilité  de  Jésus-Christ,  il  ne  veut 
pas  que  les  esprits  immondes  manifestent  sa  gloire.  Il  ne  fallait  pas, 
en  eflet,  laisser  usurper  au  démon  la  gloire  du  ministère  apostolique, 
et  il  ne  convenait  pas  que  le  mystère  de  Jésus- Christ  fût  annoncé 
par  des  langues  impures.  —  Théophyl.  Ou  bien,  c'est  parce  que  la 
louange  qui  sort  de  la  bouche  du  pécheur  n'a  aucune  beauté,  ou 
parce  qu'il  ne  voulait  pas  exciter  davantage  la  jalousie  des  Juifs,  en 
s'attirant  les  louanges  de  la  multitude.  —  Bède.  Les  Apôtres  eux- 
mêmes  avaient  ordre  de  ne  point  parler  de  lui,  de  peur  que  la  con- 
naissance de  sa  divinité  venant  à  se  répandre_,  le  mystère  de  sa  passion 
ne  fût  différé. 

f.  42-44.  —  Dès  que  le  jour  parut,  il  sortit  de  la  ville  et  s'en  alla  en  un  lieu 
désert,  et  la  foule  le  cherchait,  et  ils  vinrent  à  lui,  et  ils  s'efforçaient  de  le 
retenir,  afin  qu'il  ne  les  quittât  point.  Il  leur  dit  ;  7/  faut  aussi  que  j'annonce 

(1)  Cette  citation  ne  se  trouve  qu'en  partie  dans  les  œuvres  de  saint  Chrysostome,  dans  l'ho- 
mélie 5  sur  saint  Marc,  vers  le  milieu. 


eut  postea  dicitur  :  «  Sciebaiit  ipsum 
esse  Cliriàlum;  »  quia  cum  euin  jejuuio 
fatigatum  diabolus  videret,  verum  Jio- 
minem  intellexit;  scd  quiatenlando  uon 
prŒvaluit,  utruni  Filins  Dei  essot,  dulji- 
tabat  ;  nuncautom  per  signoruai  poten- 
tiam  vel  intelléxil  vel  polius  suspicatus 
est  esse  Filiuin  Dei.  Non  igilur  ideo 
Judœis  eura  crucifigcre  persuasit,  quia 
Chrislum  s'wc  l'ilium  Dei  non  essepu- 
tavit  ;  sed  quia  se  morte  illius  non  prœ- 
vidit  esse  damnandum  :  de  hoc  enim 
mysterio  aseculis  abscoudilo  dicitApos- 
tolus  (I  Cor.,  2)  quod  «  nemo  principum 
bujus  seculi  cognovit  :  si  eniin  cogno- 
vissent,  nunquaui  Duniinum  gioria;  cru- 
cilixissenl.  «Curys.  [in  Cul.  (jroToriuii 
Patrum.)  In  hoc  autem  quod  sequilur  : 

TOM.   V. 


«  Et  increpans,  non  sinebat  ea  loqui,  »  etc., 
perspice  Christi  humilitatem,  qui  non 
sinebat  ut  dœmones  iiuniundi  eum  lua- 
nifostarent  :  non  cniui  oportebat  eos 
subripere  oflicii  apostolici  gloriam,  nec 
decebat  Christi  niysterium  liugua  fœda 
publicari.  Tueopuylact.  Quia  non  est 
speciosa  laus  iu  ore  peccatoris,  vel  quia 
nolebat  invidiam  accendere  Judœorum 
ex  hoc  quod  ab  omnibus  laudaretur. 
Bed.  Ipsi  autem  apostoli  prœcipiuntur 
reticere  de  illo,  ne  divjna  majestate  prœ- 
dicata  passionis  dispensatio  differretur. 

Fada  autem  die ,  egressus  ibat  in  desertum  lo- 
cum,  et  turbœ  requirehant  eum,  et  veneruut  ad 
ipsum,  et  delinehant  itlum  ne  discederet  <ib  eis: 
quihus  nie  ait  :  Quia  et  aliis  ciuitalibus  opor- 
tet   me  evangelizare  regnum  Dei,  quia  ideo 

16 


242 


EXPLICATION    DE   L'ftVANGILK 


aux  autres  villes  le  royaume  de  Dieu,  car  c'est  pour  cela  que  j'ai  été  envoyé. 
Et  il  prêchait  dans  les  synagogues  de  Galilée. 

S.  CiiRYS.  A[)rès  avoir  fait  un  nombre  suffisant  de  miracles  en  fa- 
veur du  pt^uplo,  le  Seigneur  devait  se  retirer,  car  les  miracles  pa- 
raissent plus  grands  après  le  départ  de  celui  qui  les  a  faits,  ils 
proclament  plus  haut  la  puissance  divine,  et  font  l'office  de  pré- 
dicateurs :  «  Donc ,  dit  l'Evangéliste ,  lorsqu'il  fut  jour  il  sortit 
dehors,  et  s'en  alla  en  un  lieu  désert,  »  etc.  —  Ch.  des  Pèr.  gr.  Il 
s'en  alla  dans  le  désert  (d'après  saint  Marc),  et  11  priait,  non  pas  qu'il 
eût  besoin  de  prière,  mais  pour  nous  donner  le  modèle  d'une  prière 
parfaite.  —  S.  Chrys.  {tiré  des  hom.  sur  S,  Matth.)  Malgré  tant  de 
miracles  éclatants,  les  pharisiens  sont  scandalisés  de  la  puissance  de 
Jésus- Christ,  tandis  que  le  peuple  docile  à  ses  divins  enseignements, 
marchait  à  sa  suite  :  «  Et  la  foule  le  cherchait,  »  etc.  Ce  ne  sont  ni 
les  premiers  du  peuple,  ni  les  scribes  qui  le  cherchent,  mais  ceux  que 
la  noirceur  de  la  méchanceté  n'avait  pas  atteint,  et  dont  la  conscience 
était  restée  pure.  —  Ch.  des  Pèr.  gr.  Saint  Marc  dit  que  les  Apôtres 
rejoignirent  le  Sauveur,  pour  lui  dire  que  le  peuple  le  cherchait; 
d'après  saint  Luc,  c'est  le  peuple  lui-même  qui  vient  trouver  le  Sau- 
veur, mais  il  n'y  a  en  cela  aucune  contradiction,  car  le  peuple  était 
venu  le  trouver  à  la  suite  des  Apôtres.  Le  Seigneur  éprouvait  de  la  joie 
de  se  voir  ainsi  entouré  par  la  foule,  mais  il  commandait  cependant 
qu'on  le  laissât  aller,  car  il  fallait  que  d'autres  aussi  fussent  initiés 
à  sa  doctrine,  parce  que  le  temps  de  sa  présence  sur  la  terre  ne  devait 
pas  être  bien  long  :  «  Et  il  leur  dit  :  Il  faut  aussi  que  j'annonce  aux 
autres  villes,  »  etc.  Saint  Marc  dit  :    «  C'est  pour  cela  que  je  suis 


missus  suni.  Et  erat  prœdicans  in  synagogis 

Galilœœ. 

Chrys.  {iit  sup.)  Postquam  satis  uti- 
lilatis  populis  per  iniracula  est  coUatum, 
oportebat  eum  abesse  ;  majora  namque 
putantur  luiracula  post  absentiam  ope- 
rantis,  dum  ipsa  m  agis  exclamant,  et 
vice  vocis  fruuntur  :  imde  dicitur  : 
«  Facta  autem  die,  egressus  ibat,  »  etc. 
Ge^c.  {id  est,  Victor  Antioch.  in  Cat. 
Grœcorum  Patrum.)  Abiit  etiam  in  de- 
sertum  (ut  Marcus  dicit),  et  orabat,  non 
quod  ipse  oratioue  indigeret,  sed  ut  no- 
bis  bonœ  operatiouis  fieretforma.  Chrys. 
[in  Cat.  Grœcorum  Patrum,  ex  Iiomi- 
liis  in  Matthaum.)  Pharisœi  quidem 
ipsis  prodigiis  prœdicantibus  poteutia 
Christi  scandalizabantur  :  populi  vero 
eloquia  audientes  acquiescebant   et  se- 


quebantur  :  unde  sequitur  :  «  Et  turbœ 
requirebant  eum,  »  etc.  Non  quidem 
aliqui  primatum  aut  scribarum,  sed 
quoscunque  malitiae  fucus  non  denigra- 
verat,  et  illsesam  habebant  conscien- 
tiam.GR.EC.  (id  est,  Victor,  ut  supra.) 
Quod  autera  Marcus  dicit  apostolos  per- 
venisse  ad  eum,  dicentes,  quod  omnes 
quœrunt  te;  Lucas  vero  dicit  populos 
pervenisse,  non  discrepanl  ab  invicem  : 
applicuerant  enim  ad  ipsum  populi , 
apostolorum  sequentes  vestigia  :  Domi- 
nus  autem  gaudebat  detentus,  sed  man- 
dabat  ut  eum  dinntterent;  ut  etiam  alii 
participes  forent  ejus  doctrines  ;  quasi 
lempore  sute  praîsenliai  non  multum 
duraturo  :  unde  sequitur  :  «  Quibus  ait  : 
Quia  et  aliis  civitatibus  oportet  me  evan- 
gelizare,  »  etc.  Marcus  dicit  :  «  Ad  hoc 


DE    SAINT   LUC,    CHAP.    IV. 


243 


venu,  »  montrant  ainsi  l'excellence  de  sa  divinité  et  son-  anéantisse- 
ment volontaire.  D'après  saint  Luc,  au  contraire,  le  Sauveur  aurait 
dit  :  «  C'est  pour  cela  que  je  suis  envoyé;  »  et  il  exprime  ainsi  le 
mystère  de  son  incarnation,  et  donne  le  nom  de  mission  à  la  volonté 
du  Père.  L'un  dit  simplement  :  «  Afin  que  j'annonce  ;  »  l'autre  ajoute  : 
«  Le  royaume  de  Dieu,  »  qui  est  Jésus-Christ  lui-même.  —  S,  Chrys. 
{comme  précéd.)  Considérez  ici  que  le  Sauveur  pouvait  attirer  à  lui 
tous  les  hommes,  en  demeurant  daus  le  même  endroit;  cependant  il 
ne  le  fit  point,  pour  nous  donner  l'exemple  d'aller  à  la  recherche  de 
ceux  qui  périssent,  comme  le  pasteur  court  après  la  brebis  perdue, 
comme  le  médecin  va  lui-même  visiter  ses  malades;  car  sauver  une 
seule  àme,  c'est  mériter  le  pardon  de  bien  des  fautes  :  «  Et  il  prêchait 
dans  les  synagogues  de  Galilée.  »  Il  fréquentait  les  synagogues,  pour 
leur  prouver  qu'il  n'était  pas  un  séducteur,  car  s'il  eût  recherché 
constamment  les  lieux  inhabités,  ils  l'eussent  accusé  de  vouloir  se  dé- 
rober à  la  connaissance  des  hommes. 

BEDE.  Si  le  coucher  du  soleil  est  une  figure  allégorique  de  la  mort 
du  Seigneur,  le  retour  du  jour  est  un  symbole  de  sa  résurrection;  le 
peuple  des  croyants  le  recherche  à  la  clarté  de  cette  lumière,  et  après 
l'avoir  trouvé  dans  le  désert  des  nations,  il  l'entoure  et  cherche  à  le 
retenir,  dans  la  crainte  qu'il  ne  lui  échappe,  explication  d'autant  plus 
probable  que  ce  fait  se  passa  le  premier  jour  après  le  sabbat,  qui  fut 
le  jour  de  la  résurrection  du  Sauveur. 


veni;  »  ostendens  Divinitatis  ejus  celsitu- 
(lincm  et  voluntariam  exiiianitioncm  : 
Lucas  vero  dicit  :  «  Ad  hoc  missus 
sum,  »  incarnationem  ostendens,  nec 
non  bene  placitum  Patris  missionem 
appellans.  Et  illc  simpliciter  dicit  :  «  Ut 
praediceni  :  »  iste  vero  regnuin  Doi  ad- 
junxit,  ({uod  est  ipse  Chrislus.  Curys. 
[ut  sup.  in  Cat.  Grœcorum  Patrum.) 
Simul  etiam  considéra  quod  poterat  in 
eodem  loco  manondo  onine-  attrahere 
ad  se,  non  tamen  îioc  fccit,  praebens 
iiobis  exemplum  ni  perambulemus  et 
reipiiranjns  pereunt(;s,  sicut  pastor  ovem 
perdilani  ;  et  sicut    medicus   accedit  ad 


inBrmum  :  una  enim  anima  recuperata 
poterit  aiiquis  mille  delicta  abolere  :  unde 
et  hic  sequitur  :  «  Et  erat  praedicans  in 
synagopfis  Galilaîœ.  »  Frequentabat  qui- 
dem  synagogas,  docens  illos  quod  non  es- 
set  seductor:  nam  si  jugiterinhabitataco- 
leret,  diffamarent  eum  velul  latitantem. 
BiCD.  Si  aiilem  occasu  soUs  mystice 
mors  Domini  exprimilur,  die  redennte 
resurreclio  illius  indicatnr;  cnjus  mani- 
festatalucea  credentium  turbis  requiri- 
tur  ;  et  in  gcntium  deserto  inventus,  ne 
abeat,  detinelun;  maxime  eum  hoc  con- 
ligerit  prima  sabbati,  quo  resurrectio 
celebrata  est. 


CHAPITRE  V. 


SOMMAIRE    ANALYTIQUE. 


^,  1-3. — Pourquoi  cet  empressement  du  peuple, pour  suivre  Jésus.  —  Qu'est-ce 
que  le  lac  de  Génésareth,  —  Notre-Seigneur  se  dérobe  à  la  gloire  qui  le  pour- 
suit,— Pourquoi  monte-t-il  dans  une  barque? — Son  humilité  vis-à-vis  de 
Pierre.  —  Pourquoi  Jésus  enseigne-t-il  le  peuple  de  celte  barque? — Que 
figurent  ces  deux  barques  dans  le  sens  allégorique.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur 
ne  monte-t-il  que  dans  celle  de  Pierre? 

^,  4-7.  —  But  que  se  propose  le  Sauveur  dans  la  pèche  miraculeuse.  — Docilité 
de  Pierre,  comment  Jésus  la  récompense.  —  Ce  miracle  diffère  de  celui  que 
saint  Jean  raconte.  —  Que  figure  la  barque  de  Pierre  remplie  de  poissons.  — 
Pourquoi  Notre-Seigneur  ne  dit- il  qu'à  Pierre  :  Avancez-en  pleine  mer?  — 
Quels  sont  les  filets  qu'il  commande  aux  apôtres  de  jeter. — Pourquoi  ont-ils 
travaillé  toute  la  nuit  sans  rien  prendre"''  —  Que  figurent  les  apôtres  prenant 
celte  grande  quantité  de  poissons.  —  Que  représentent  ces  deux  barques  rem- 
plies de  cette  énorme  quantité  de  poissons. — Explication  allégorique  des 
différentes  circonstances  de  cette  pèche  miraculeuse. 

y  g.jl  — Sentiments  d'admiration  et  d'humilité  de  Pierre  à  la  vue  de  ce  mi- 
racle.— Nous  devons  imiter  l'exemple  de  Pierre.  —  Comment  le  Seigneur  lui 
prédit  qu'il  sera  pécheur  d'hommes. — Foi  et  obéissance  des  apôtres  dès  que 
Jésus  les  appelle.  —  Conciliation  du  récit  de  saint  Matthieu  et  de  saint  Marc 
avec  celui  de  saint  Luc  sur  la  vocation  des  apôtres.  —  Comment  Pierre  recon- 
naît que  ceux  qu'il  prend  dans  ses  filets  ne  sont  pas  sa  conquête.  —  Comment 
Pierre  représente  ici  l'Eglise  remplie  d'hommes  charnels  qui  semblent  éloigner 
le  règne  des  hommes  spirituels.— Pourquoi  Notre-Seigneur  ne  se  rend  pas  à 
leurs  désirs. 

^^  12-16. Pourquoi  l'Evangéhste  ne  désigne  pas  d'une  manière  précise  le  lieu 

où  le  lépreux  fut  guéri.  —  Foi  vive,  humilité  de  ce  lépreux. — Doute-t-il  de  la 
bonté  et  de  la  volonté  du  Seigneur?  — Comment  fut-il  amené  à  croire  que 
Jésus  pourrait  le  guérir?  —  Leçon  de  soumission  à  la  volonté  de  Dieu.  — 
Moyen  que  Jésus  emploie  pour  le  guérir,  pourquoi  touche-t-il  le  lépreux?  — 
Comment  Notre-Seigneur  révèle  ici  ses  deux  natures,  et  confond  les  diverses 
hérésies  dont  le  mystère  de  l'hicarnation  a  été  l'objet.  —  Comment  Notre- 
Sci'^nenr  nous  enseigne  à  éviter  toute  vaine  gloire.  —  Pourquoi  commande- 
t-il  au  lépreux  d'aller  se  présenter  au  prêtre?  —  Quel  sacrifice  lui  ordonne-t- 
il  d'offrir?  —  Notre-Seigneur  a-t-il  ici  dessein  de  jeter  un  blâme  sur  la  loi'? — 
Que  signifient  ces  paroles  :  Pour  leur  être  un  témoignage.  —Commeni  ma.\gré 
la  défense  que  Jésus  avait  faite  au  lépreux ,  sa  renommée  se  répandait  par- 

tyut_ Leçon  que  Notre-Seigneur  donne  aux  prédicateurs  en  se  retirant  dans 

la  solitude  pour  prier.  — Explication  allégorique  de  la  guérison  du  lépreux. 

y    n-20. Quelle  est  cette  vertu  qui  était  en  Jésus-Christ  pour  guérir  les 

malades. Foi  admirable  de  ceux  qui  apportent  le  paralytique  devant  Jésus. — 

Pourquoi   Notre-Seigneur   commence-t-il   par   remettre   les   péchés   à  cet 

homme? Bonté  du  Seigneur  qui  pardonne  aux  uns  en  considération  du 

mérite  des  autres.  —  Que  signifient  ces  paroles  :  Vos  péchés  vous  sont  remis. — 
Ce  que  nous  devons  faire  lorsque  nous  sommes  atteints  de  quelque  infirmité 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE   DE  S.    LUC,    CHAP.   V.  245 

corporelle.  —  Témérité  présomptueuse  des  pharisiens. — Comment  ils  rendent 
malgré  eux  témoignage  à  la  toute-puissance  du  Fils  de  Dieu.  —  Comment  le 
Sauveur  leur  prouve  sa  divinité  par  la  connaissance  qu'il  a  des  choses  ca- 
chées.— Troisième  miracle  qui  prouve  la  même  vérité. — C'est  sur  la  terre 
que  Notre-Seigneur  remet  les  péchés.  —  Comment  il  prouve  la  rémission  des 
péchés  par  la  guérison  du  paralytique.  — C'est  en  tant  que  Dieu  fait  homme 
et  comme  maître  de  la  loi  qu'il  remet  les  péchés.  —  Sentiments  des  Juifs  à  la 
vue  de  ce  miracle. — Ils  louent  Dieu  sans  reconnaître  que  Jésus-Christ  lui- 
même  était  Dieu.  —  Le  paralytique  image  de  l'àme  privée  de  ses  facultés  et  de 
ses  opérations.  — Explication  tropologique  des  différentes  circonstances  de  sa 
guérison. 

^.  27-32.  Pourquoi  saint  Luc  et  saint  Marc  ne  font  point  connaître  le  nom  que 
portait  saint  Matthieu  en  racontant  sa  conversion.  —  Saint  Matthieu  enseigne 
à  tous  les  pécheurs  à  ne  point  désespérer  de  leur  salut.  —  Puissance  de  la  voix 
de  Jésus-Christ,  docilité  de  Matthieu.  —  Comment  Notre-Seigneur  l'honore 
après  sa  conversion.  — Pourquoi  ne  décline-t-il  pas  la  société  des  publicains? — 
Jalousie  des  pharisiens. — Conciliation  du  récit  de  saint  Luc  avec  celui  des 
autres  Evangélistes  au  sujet  du  reproche  que  font  les  pharisiens.  —  Comment 
Notre-Seigneur  tire  une  conclusion  toute  contraire  du  reproche  qui  lui  est 
fait. — Objet  et  fin  de  la  mission  du  Sauveur  — Quels  sont  les  justes  et  les 
pécheurs  dont  il  parle  ici.  —  Que  représente  l'élection  de  saint  Matthieu.  — 
Que  figure-t-il  lui-même  comme  publicain? Que  représentent  les  murmures 
des  pharisiens. 

f.  33-39.  — Dessein  des  pharisiens  en  interrogeant  de  nouveau  le  Sauveur.  — 
Pourquoi  Notre-Seigneur  s'est-il  soumis  au  jeûne?  —  Différentes  sortes  de 
jeûnes  sur  lesquels  il  s'explique  successivement.  —  Quels  sont  les  fils  de  l'E- 
poux dont  parle  ici  le  Sauveur.  —  Notre-Seigneur  a-t-il  intention  de  détruire 
la  pratique  du  jeûne? — Dans  quel  sens  peut-on  entendre  le  jeûne  dont  il 
ajourne  ici  la  pratique? — Quels  sont  les  jours  dans  lesquels  l'Epoux  nous 
sera  enlevé.  — Comment  ce  jeûne  doit  s'entendre  surtout  du  jeûne  de  l'àme. — 
Comment  faut-il  entendre  la  comparaison  du  vêtement  vieux  et  du  morceau 
de  drap  neuf,  et  celle  des  vieilles  outres  et  du  vin  nouveau  ?. 


246 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


f.  1-3.  —  Un  jour  que  Jésus  était  sur  le  bord  du  lac  de  Génézareth,  et  que  la 
foule  se  précipitait  sur  lui  pour  entendre  la  parole  de  Dieu,  il  vit  deux  barques 
arrêtées  au  bord  du  lac,  et  les  pêcheurs  étaient  descendus  et  lavaient  leurs 
filets.  Montant  dans  une  des  barques  qui  était  à  Simon,  il  le  pria  de  s'éloigner 
un  peu  de  la  terre  ;  et  s'étant  assis  il  enseignait  le  peuple  de  dessus  la  barque. 

S.  Ambr.  Après  que  Notre-Seigneur  eut  opéré  un  grand  nombre  de 
guérisous,  l'empressement  du  peuple  pour  recourir  à  sa  puissance  sa- 
lutaire ne  put  être  arrêté  ni  par  le  temps,  ni  par  les  lieux  ;  le  soir  est 
venu,  ils  ne  cessent  de  marcher  à  sa  suite  ,  un  lac  se  présente  ,  ils  se 
pressent  autour  de  lui  :  «  Un  jour  que  la  foule  se  précipitait  sur 
lui,  »  etc.  — S.  Chrys.  Ils  étaient  comme  enchaînés  (1)  à  sa  divine 
personne,  pleins  d'amour  et  d'admiration  pour  lui ,  et  ils  voulaient  le 
retenir  au  milieu  d'eux.  Et,  en  efTet,  qui  autait  voulu  se  séparer  de 
lui  pendant  qu'il  opérait  de  si  grands  miracles  ?  Qui  aurait  refusé  de 
contempler  cette  face  adorable  et  cette  bouche  d'où  sortaient  tant  de 
merveilles.  Car  le  Sauveur  n'était  pas  seulement  admirable  dans  les 
miracles  qu'il  opérait  _,  mais  son  aspect  seul  était  rempli  de  grâce  ; 
aussi  quand  il  parlait,  on  l'écoutait  dans  un  profond  silence,  sans 
jamais  oser  l'interrompre  :  «  La  foule,  se  précipitant  sur  lui  pour 
entendre  la  parole  de  Dieu,  »  etc. 

«  Il  était  sur  le  bord  du  lac  de  Génésareth.  »  —  Bède.  Le  lac  de 
Génésareth  est  le  même  qui  porte  le  nom  de  mer  de  Galilée  ou  de 
Tibériade.  On  l'appelle  mer  de  Galilée,  de  la  province  qui  est  baignée 
par  ses  eaux,  et  mer  de  Tibériade,  de  la  ville  qui  en  est  voisine.  Le  nom 

(1)  Le  texte  grec  Trpo(jyi),M|J.£vot,  est  plus  énergique  encore;  il  veut  dire  qu'ils  étaient  comme 
cloués  à  sa  personne  divine. 


CAPUT   V. 

Factum  est  autem  cum  turbœ  irruer ent  in  eum , 
ut  audirent  verbum  Dei,  et  ipse  stabat  secus 
stagnum  Geitezareth.  Etvidit  duasnaves  stan- 
tes  secus  stagnum  ;  piscaiores  autem  descen- 
derant ,  et  lavabant  retia.  Ascendens  autem 
in  unam  navim,  quœeral  Simonis,  royavit  eum 
a  terra  reducere  pusillum.  Et  sedens,  docebat 
de  navicula  turbas. 

Ambr.  Ubi  Dominus  impertivit  multis 
varia  gênera  sanitatum,  nec  tempore  iiec 
loco  cœpit  a  studio  sanandi  turba  cohi- 
beri  ;  vesper  incubuit ,  sequebantiir  ; 
stagDum  occurrit,  urgebant  :  uiide  dici- 
tur  :  «  Factum  est  autem  cum  turbœ 
irruerent  in  eum^  »  etc.  Chrys.  (m<  sup.) 


Erant  enim  ei  connexi,  diligentes  eum, 
et  mirantes,  et  tenere  cupientes  :  quis 
enim  discessisset,  dum  hujusmodi  mi- 
racula  faciebat?  Quis  noluisset  solam 
prospicere  faciem  et  os  talia  loquens  ? 
Neque  enim  in  agendo  miracula  solum 
admirabilis  erat,  sed  visus  ejus  abunda- 
bat  plurima  gratia  :  unde  et  loquentem 
eum  audiunt  in  silentio,  seriem  locutio- 
nis  non  iuterrumpentes  :  dicitur  enim  : 
«  Ut  audirent  verbum  Dei,  »  etc. 

Sequitur  :  «  Et  ipse  sLabat  secus  sta- 
gnum Genezaretb.  »  Beda.  Stagnum 
Genezarelb  idem  dicunt  esse  quod  mare 
GalilEeœ,  vel  mare  Tiberiadis,  sed  mare 
Galilœx  ab  adjacente  provincia  dicitur  ; 
mare  autem  Tiberiadis  a  proxima  civi- 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.    V. 


247 


de  Génésareth  vient  de  la  nature  même  du  lac,  dont  les  ondes ,  en 
se  ridant,  produisent  d'elles-mêmes  les  vents  qui  agitent  ses  flots.  En 
effet,  le  mot  Génésareth  signifie  qui  produit  de  lui-même  le  vent  (1). 
Les  eaux,  au  lieu  d'être  calmes  et  tranquilles  comme  celles  des  autres 
lacs,  sont  souvent  agitées  par  le  souffle  des  vents,  elles  sont  douces  et 
agréables  à  boire.  Mais  dans  la  langue  hébraïque ,  toute  grande 
étendue  d'eau  douce  ou  salée,  reçoit  le  nom  de  mer. 

Théophyl.  Plus  la  gloire  s'attache  au  Sauveur,  plus  il  cherche  à  s'y 
dérober,  c'est  pourquoi  nous  le  voyons  s'éloigner  de  la  foule  et  monter 
dans  une  barque  :  «  Et  il  vit  deux  barques  arrêtées  au  bord  du  lac, 
et  dont  les  pêcheurs  étaient  descendus  pour  laver  leurs  filets.  »  — 
S.  Chrys.  C'était  un  signe  que  les  pêcheurs  se  reposaient.  Selon  saint 
Matthieu,  Jésus  les  trouva  raccommodant  leurs  filets  ;  car  ils  étaient 
si  pauvres  qu'ils  étaient  obligés  de  réparer  leurs  filets  déchirés  ,  dans 
l'impossibilité  d'en  avoir  de  nouveaux.  Il  monte  dans  une  barque  pour 
rassembler  convenablement  toute  la  multitude,  de  manière  que  per- 
sonne ne  fût  derrière  lui ,  mais  que  tous  puissent  le  voir  en  face  : 
et  Montant  dans  une  des  barques  qui  appartenaient  à  Simon ,  il  le 
pria  ,  »  etc.  —  Théophyl.  V^oyez  l'humilité  de  Jésus- Christ,  qui  s'a- 
baisse jusqu'à  prier  Pierre  ,  et  la  soumission  de  Pierre ,  qui  obéit  en 
toutes  choses  à  son  divin  Maître. 

S.  Chrys.  Après  avoir  opéré  un  grand  nombre  de  miracles ,  il  en- 
seigne de  nouveau  sa  doctrine  ,  et  tout  en  étant  sur  la  mer ,  il  prêche 

(1)  Cette  interprétation  est  par  trop  forcée  quand  Ijien  même  le  mot  Génésareth  viendrait  du 
grec,  c'est-à-dire  de  Yôvvàw  ,  j'engendre;  et  de  àïjp,  air  ;  mais  c'est  un  mot  tiébreu,  comme  Bède 
lui-même  le  reconnaît  dans  son  Traité  des  noms  hébreux,  où  il  remarque  lui-même  que  ce  mot 
signifie  naissance,  ou  principe,  ou  commencement  de  la  naissance. 

/ 


tate  :  porro  Genezureth  a  laci  ipsius 
natura  (quae  crispaulibus  aquis  de  seipso 
sibi  excitare  auram  perhibetur)  Grœco 
vocabulo  quasi  (jeneruns  sibi  auram 
dicitur  :  ueque  enim  in  sta^ni  nioreni 
sternitur  aqua,  sed  frequentibus  auris 
adpiranlibus  agitatur  ;  baustu  dulcis  et 
ad  potaûdiim  babilis.  Sed  hebraiœ  lin- 
guaî  consuetudinc  omuid  aquaruui  con- 
gregatio  sive  dulcis  sivn  salsa,  mare 
nuncupatur. 

Thkophvlact.  Fugit  autem  Doniinus 
gloriani,  quanto  magls  ipsa  eum  seque- 
batur  ;  et  ideo  a  lurbis  se  separans  as- 
<;endit  tu  navem.  Unde  dicitiir  :  «  Et 
vidit  duas  naves  stautes  secus  stagnum  : 
piscatores  autem  descenderant  et  lava- 
bant   relia.  »    Chrys.  {ul  sup.  in  C'at. 


Grœconim.)  Quod  erat  signurn  vacatio- 
ûis.  Secundum  vero  Matlhœuni,  invenit 
eos  reficientes  retia  :  tantus  euim  erat 
paupertatis  excessus,  ul  laniata  repara- 
reut,  nova  nequeuntes  liabere.  Volens 
autem  diligenter  congregare  speclacu- 
liun,  ul  uemo  renianeret  post  tergum, 
sed  oumes  facie  ad  faciem  cernèrent, 
ascendil  in  navim  :  unde  dicitur  :  «  As- 
ceudeus  autem  in  unam  navim  qua;  erat 
Simonis,  rogavit  eum,  »  etc.  Théophyl. 
Vide  autem  Christi  mansuetudincm , 
quoniodo  rogat  l'etrum,  et  Pétri  ol)C- 
dientiam,  quomodo  in  omnibus  fuit 
obediens. 

CuviYS.  {ut  sup.)  Postquam  vero  multa 
peregerat  miracula,  iterum  docirinam 
proponit;el  existens  in  mari,  piscatur 


248 


EXPLICATION    DE   L  EVANGILE 


ceux  qui  sont  sur  la  terre  :  «  Et  étant  assis,  il  enseignait  le  peuple  de 
dessus  la  barque.  »  —  S.  Grég.  de  Nazianze.  {dise.  31.)  11  se  montre 
plein  de  condescendance  pour  tous,  afin  de  tirer  le  poisson  deTabime, 
c'est-à-dire  l'homme  qui  nage  pour  ainsi  dire  au  milieu  des  choses 
inconstantes  et  mobiles,  et  parmi  les  violentes  tempêtes  de  cette 
vie. 

BEDE.  Dans  le  sens  allégorique,  ces  deux  barques  figurent  les  Juifs 
et  les  Gentils.  Le  Seigneur  les  voit  toutes  deux ,  parce  qu'il  connaît 
dans  chaque  peuple  ceux  qui  sont  à  lui ,  et  en  les  voyant  près  du 
rivage,  c'est-à-dire  en  les  visitant  dans  sa  miséricorde,  il  les  conduit  au 
port  tranquille  de  la  vie  éternelle.  Les  pêcheurs  sont  les  docteurs  de 
l'Eglise  qui  nous  prennent  dans  les  filets  de  la  foi ,  et  nous  amènent 
au  rivage  de  la  terre  des  vivants.  Ces  filets ,  tantôt  les  pêcheurs  les 
jettent  pour  pêcher ,  tantôt  ils  les  plient  après  les  avoir  lavés,  parce 
qu'en  effet,  tous  les  temps  ne  sont  pas  également  propres  à  la  prédi- 
cation, et  que  le  docteur  doit  tantôt  se  livrer  à  l'enseignement,  tantôt 
s'occuper  de  lui-même ,  et  prendre  soin  de  son  âme.  La  barque  de 
Simon,  c'est  l'Eglise  primitive  dont  saint  Paul  a  dit  :  «  Celui  qui  a 
opéré  en  Pierre  pour  l'apostolat  de  la  circoncision.  »  {Galat.  ,  ii.) 
Notre-Seigneur  monte  dans  une  seule  de  ces  barques,  parce  que  la 
multitude  de  ceux  qui  croyaient  n'avait  qu'un  cœur  et  qu'une  âme. 
{Act.,  IV.)  —  S.  AuG.  [Quest.  èvang.^  ii,  2.)  De  cette  barque ,  il  en- 
seignait la  foule,  car  c'est  par  l'autorité  de  l'Eglise  que  Pierre  instruit 
les  nations.  Le  Seigneur,  en  montant  dans  cette  barque,  prie  son  dis- 
ciple de  s'éloigner  un  peu  de  la  terre,  pour  nous  apprendre  qu'il  faut 
parler  au  peuple  un  langage  plein  de  modération  et  de  réserve  ,  il  ne 
faut  pas  lui  prêcher  une  doctrine  terrestre ,  mais  il  faut  se  garder 
également  de  trop  l'éloigner  de  la  terre  pour  le  jeter  dans  les  pro- 


existentes  in  terra  :  imde  sequitur  :  «  Et 
sedens  docebat  turbas  de  navicula.  » 
Greg.  Nazianz.  (0/-«^3l.)  Cunctiscon- 
desceudens,  ut  a  profundis  extrahat 
piscem  ;  bominem  scilicet  natantem  iu 
mobilibus  rébus  et  amaris  hujus  vitœ 
procellis. 

Bed.  Mystice  autem  duaB  naves  cir- 
cumcisionem  et  prœputium  figurant  ; 
quas  videt  Dominus,  quia  in  utroque 
populo  novit  qui  sunt  ejus;  et  ad  futurae 
vitae  tranquilHtatem  quasi  ad  littus  vi- 
dendo  (boc  est,  misericorditer  visitando) 
provebit.  Piscatores  sunt  Ecclesiae  doc- 
tores,  qui  nos  per  rete  fidei  compre- 
hendunt,  et  (quasi  littori)  sic  terrse  vi- 
vcntium  advehunt.  Sed  heec  retia  modo 


laxantur  in  capturam,  modo  Iota  plicau- 
tur,  quia  non  omne  tempus  est  habile 
doctrinae  ;  sed  nunc  exercenda  est  lin- 
gua  doctoris,  et  nunc  suimet  cura  ge- 
renda.  Navis  Simonis  est  Ecclesia  pri- 
miliva,  de  quaPaulus  dicit  {ad  Gai.,  2)  : 
«  Qui  opei'atus  est  Petro  in  apostolatum 
circumeisionis  ;  »  bene  una  dicta,  quia 
«  multitudinis  credentium  erat  corunum 
et  anima  una.  »  {Act.,  4.)  August.  {de 
Quœst.  Evang.,  lib.  il,  cap.  2.)  De  qua 
docebat  turbas  ;  quia  de  auctoritale  Ec- 
clesiae docet  gentes  :  quod  autem  Donii- 
nus  ascendens  in  navim  rogaf  eum  a 
terra  reducere  pusillum,  significat  tem- 
porale utendum  verbo  ad  turbas  ;  ut 
nec    terrena    eis    praecipiantur,    nec   a 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.    V.  249 

fondeurs  insondables  des  mystères.  Cette  circonstance  peut  encore 
signifier  qu'il  faut  d'abord  prêcher  l'Evangile  aux  peuples  des  pays 
voisins,  de  même  que  bientôt  il  dira  :  «Avancez  en  pleine  mer,  »  c'est-à- 
dire  prêchez  aux  nations  plus  éloignées. 

f.  4-7.  —  Lorsqu'il  eut  cessé  de  parler,  il  dit  à  Simon  :  Avancez  en  pleine  mer, 
et  jetez  vos  filets  pour  pêcher.  Simon  lui  répondit  :  Maitre,  nous  avons 
travaillé  toute  la  nuit  sans  rien  prendre  ;  mais,  sur  votre  parole,  je  jetterai  le 
filet.  L'ayant  jeté,  ils  prirent  une  si  grande  quantité  de  poissons,  que  leur 
filet  se  rompait.  Et  ils  firent  signe  à  leurs  compagnons  qui  étaient  dans  une 
autre  barque  de  venir  les  aider  ;  ils  vinrent  donc,  et  ils  remplirent  les  deux 
barques,  au  point  qu'elles  étaient  près  de  couler  à  fond. 

S.  Cyr.  [Ch.  des  Pèr.  gr.)  Après  avoir  donné  au  peuple  les  en- 
seignements qu'il  jugeait  convenables,  le  Sauveur  reprend  le  cours  de 
ses  opérations  merveilleuses  et  divines,  et  en  favorisant  à  ses  disciples 
l'exercice  de  la  pêche,  il  les  prend  lui-même  dans  ses  filets  :  «  Lorsqu'il 
eut  cessé  de  parler,  il  dit  à  Simon  :  «  Avancez  en  pleine  mer,  et  jetez 
vos  filets  pour  pêcher.  »  —  S.  Ghrys.  {ho)n.  6  sur  S.  Matth.)  Il  s'ac- 
commode aux  dispositions  comme  aux  diverses  occupations  des 
hommes,  c'est  par  une  étoile  qu'il  avait  appelé  les  mages,  c'est  par  le 
métier  de  la  pêche  qu'il  appelle  à  lui  les  pécheurs. —  Théophyl.  Pierre 
ne  fait  aucune  difficulté  d'obéir  :  «  Et  Simon  lui  répondit  :  Maitre, 
nous  avons  travaillé  toute  la  nuit  sans  rien  prendre.  »  Il  n'ajoute  pas  : 
Je  ne  me  rendrai  pas  à  votre  parole  ,  je  ne  veux  pas  m'exposer  à'  de 
nouvelles  fatigues.  Loin  de  là,  il  s'empresse  de  répondre  :  «  Mais  sur 
votre  parole,  je  jetterai  le  filet.  »  C'était  de  la  barque  de  Pierre  que 


terrenis  in  profunda  sacramentorum 
recedatur:  vel  prius  in  proximis  regio- 
nibus  fçentibus  praedicandum,  ut  quod 
postea  dicit  :  «  Duc  in  altum,  »  ad  re- 
motiores  gentes  postea  preedicandum 
prsecipiat. 

Ut  cessavit  autem  loqui,  dixit  ad  Simonem  : 
Duc  in  altum ,  et  laxate  relia  veslra  in  captu- 
rant. Et  respondens  Simon ,  dixit  illi  :  Prœ- 
ceplor,  per  totam  noctem  laborantes,  nihil  ce- 
pimus,  in  verbo  autem  tuo  laxabo  rete.  Et  cum 
hoc  fecissenl ,  concluserunt  piscium  multitudi- 
nem  copiosam.  Rumpebatur  autem  rete  eorum. 
Et  annuerunt  sociis  qui  eranl  in  alla  navi,  ut 
venirent  et  adjuvarent  eos.  Et  venerunl ,  et 
impleverunt  ambas  naviculas ,  ita  ut  pone 
meryerentur, 

Cyril,    [in  Cat.  Grxcornm    Patrum, 
ubi  supra.)  Poslqiiam  sufficienter  popu- 


lum  docuerat,  regreditur  iterum  ad  ma- 
gnificenlias  proprias  ;  et  per  piscatoria 
ministeria  piscatur  discipulos  :  unde 
sequitur  :  «  Ut  autem  cessavit  loqui, 
dixit  ad  Simonem  :  Duc  in  altum ,  et 
laxate  retla  vestra  in  capturam.  »  Chrys. 
{ut  sup.,  ex  fiom.6,  in  Matth.)  Condes- 
cendens  enim  hominibus ,  sicnt  magos 
per  sidus  vocavit,  sic  piscatores  per 
eorum  piscatoriara  artem.  Théophyl. 
Petrus  autem  obsequi  non  distulit  : 
unde  sfquitur  :  «  Et  respondens  Simon 
dixit  illi  •  Praeceptor,  per  totam  noctem 
laborantes  nihil  cepimus  :  »  non  autem 
addidit  :  «Non  te  audiam,  nec  secundis 
laboribus  me  exponam.  »  Sed  magis 
subdit  :  «  In  verbo  autem  tuo  laxabo 
rete.  »  Quia  vero  turbam  de  navicula 
Dominus  instruxerat,  non  sine  mercede 


250 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


Notre-Seigueur  avait  enseigné  le  peuple,  il  ne  veut  pas  laisser  sans 
récompense  le  maitre  de  la  barque  ;  el  il  le  récompense  doublement, 
d'abord  il  lui  fait  prendre  une  multitude  innombrable  de  poissons,  et 
en  second  lieu,  il  en  fait  lui-même  son  disciple  ;  «  Et  l'ayant  jeté,  ils 
prirent  une  si  grande  quantité  de  poissons,  que  leur  filet  se  rompait.  » 
Pierre  prit  une  telle  quantité  de  poissons ,  qu'il  ne  pouvait  les  tirer 
hors  de  l'eau,  et  qu'il  demanda  du  secours  à  ses  compagnons  :  «  Et 
ils  firent  signe  à  leurs  compagnons  qui  étaient  dans  l'autre  barque  de 
venir,  »  etc.  Il  les  appelle  eu  leur  faisant  signe;  car  l'étonnemeut  que 
lui  causait  cette  pêche  abondante ,  lui  ôtait  pour  ainsi  dire  l'usage  de 
la  parole.  Les  autres  disciples  répondent  à  son  appel  :  ((  Et  ils  vinrent, 
et  ils  remplirent  les  deux  barques ,  »  etc.  L'évangéliste  saint  Jean 
parait  raconter  un  miracle  semblable ,  mais  qui  est  cependant  tout 
autre,  et  qui  eut  lieu  après  la  résurrection  du  Sauveur  sur  la  mer  de 
Tibériade.  Ces  deux  miracles  diffèrent  et  quant  au  temps ,  et  quant  à 
la  nature  même  du  fait.  Dans  saint  Jean,  les  filets ,  jetés  à  la  droite 
de  la  barque ,  prennent  cent-cinquante- trois  grands  poissons  ,  et 
TEvangéliste  a  soin  de  dire  que,  malgré  la  grandeur  des  poissons,  les 
filets  ne  se  rompirent  pas.  Et  il  avait  alors  en  vue  le  fait  miraculeux 
raconté  par  saint  Luc,  où  le  filet  se  rompait  sous  le  poids  énorme  des 
poissons  qu'il  contenait. 

S.  Ambr.  Dans  le  sens  allégorique  ,  la  barque  de  Pierre  qui,  selon 
saint  Matthieu,  est  agitée  par  les  flots  ,  et  qui,  selon  saint  Luc,  est 
remplie  de  poissons,  figure  l'Eglise  jouet  des  flots  à  son  origine,  et 
dans  la  suite  ,  se  réjouissant  de  la  multitude  innombrable  de  ses  en- 
fants. La  barque  qui  porte  Pierre  n'est  point  agitée ,  mais   celle  qui 


uaviculfe  dominumdereliquit;  dupliciter 
beneficians  ipsum;  quia  primo  dédit  ei 
multitudinem  piscium  ,  et  deiude  disci- 
pulum  ipsum  fecit  :  unde  sequitur  :  «  Et 
cum  hoc  fecissent,  coucluserunt  piscium 
multitudinem  copiosam,  »  etc.  Totautem 
pisces  cepit  ut  non  posset  eos  foras 
educere,  sed  a  sociis  auxilium  peteret  : 
unde  sequitur  :  «  Rumpebatur  autem 
rete  eorum  :  et  annuerunt  sociis  qui 
eraut  in  alia  navi  ut  venirent,  »  etc.  Per 
nutum  ipsos  vocat,  quia  ex  stupore 
propter  capturam  piscium  loqui  non 
poterat  :  et  sequitur  de  eorum  auxilio, 
cum  dicilur:  «Et  venerunt,  et  impleve- 
ruat  ambas  naviculas^  »  etc.  {lib.  i, 
cap.  6)  Joaunes  quidem  videtur  simile 
miraculum  dicere,  sed  illud  longe  aliud 
est  quod  factum  est  post  resurrectiouem 


Domini  ad  mare  Tiberiadis  :  ibi  enim, 
non  solum  ipsum  tempus  valde  diver- 
sum  est,  sed  etiam  res  ipsa  plurimum 
distat  :  uam  retia  illic  in  dexteram  par- 
tem  missa ,  centum  quinquaginta  très 
pisces  ceperunt;  magnos  quidem,  sed 
pertinuit  ad  Evangelistam  dicere  quod 
cum  tam  magui  essent ,  retia  non  sunt 
disrupta;  respicientem  scilicet  ad  hoc 
factum  quod  Lucas  commémorât,  ubi 
prœ  multitudine  piscium  retia  rumpe- 
bantur. 

Ambr.  Mystice  autem  navis  Pétri  se- 
cuudum  MattliEeum  fluctuât  (cap.  8), 
secundum  Lucam  repletur  piscibus;  ut 
et  principia  Ecclesiae  lluctuantis,  et  pos- 
teriora  exuberantis  agnoscas.  Non  tur- 
batur  ista  quae  Petrum  babet,  turbatur 
illa  quœ  Judam  habet  :  in  utraque  Petrus, 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    V.  251 

portait  Judas  est  ballottée  par  les  flots  (4).  Pierre,  il  est  vrai,  se  trou- 
vait dans  ces  deux  barques,  mais  bien  qu'il  demeurât  ferme  dans  la 
conscience  de  son  innocence  personnelle ,  il  était  cependant  agité  par 
suite  des  crimes  d'un  autre.  Gardons-nous  donc  de  toute  société  avec 
les  traîtres,  il  n'en  faut  qu'un  seul  pour  nous  jeter  dans  l'agitation  et 
le  trouble.  Là  où  la  foi  est  faible,  il  y  a  nécessairement  trouble,  là,  au 
contraire,  où  la  charité  est  parfaite,  il  y  a  pleine  et  entière  sécurité. 
Remarquez  enfin  que  si  Notre-Seigneur  commande  à  tous  les  disciples 
de  jeter  leurs  filets,  c'est  à  Pierre  seul  qu'il  dit  :  «  Avance  en  pleine 
mer,  »  c'est-à-dire  dans  la  profondeur  des  controverses.  Qu'y  a-t-il  de 
plus  profond  que  la  connaissance  du  Fils  de  Dieu  ?  Mais  quels  sont  ces 
filets  qu'il  commande  aux  Apôtres  de  jeter  ,  sinon  les  réseaux  des  pa- 
roles, les  détours  des  discussions  et  les  profondes  sinuosités  des  dis- 
cours, qui  ne  laissent  point  échapper  ceux  qu'ils  ont  pris?  Les  instru- 
ments dont  se  servent  les  Apôtres  pour  cette  pêche  spirituelle  sont 
justement  comparés  à  des  filets  qui  ne  tuent  point  ceux  qu'ils  prennent, 
mais  les  tiennent  en  réserve  ,  et  qui  les  retirent  des  flots  agités,  pour 
les  transporter  jusque  dans  les  cieux.  Pierre  dit  à  Jésus  :  «  Maître, 
nous  avons  travaillé  toute  la  nuit  sans  rien  prendre ,  »  parce  que  ce 
n'est  point  ici  l'œuvre  de  l'éloquence  humaine ,  mais  un  don  de  la  vo- 
cation céleste.  Aussi  ceux  dont  les  efl'orts  avaient  été  jusque  là  infruc- 
tueux, prennent,  sur  la  parole  du  Seigneur,  une  grande  quantité  de 
poissons.  —  S.  Cyr.  C'était  la  figure  de  ce  qui  devait  arriver  dans  la 
suite  aux  prédicateurs  de  l'Evangile  ;  car  ceux  qui  jetteront  le  filet  de 
la  doctrine  évangélique  ne  travailleront  pas  inutilement,  mais  par- 
viendront à  réunir  la  multitude  des  nations.  —  S.  AuG.  {Question 

(I)  Saint  Ambroise  s'appuie  loi' sur  ce  que  dit  saint  Mattliieu  que  «  Jésus  étant  monté  dans  une 
barque,  ses  disciples  le  suivirent,  u  Parmi  eux  devait  donc  se  trouver  Judas.  Dans  saint  Luc  au 
contraire  il  n'y  eut  dans  la  barque  de  Pierre  que  ceu.x  qui  étaient  pêcheurs.  Or,  Judas  n'étant 
point  pécheur  de  profession  ne  se  trouvait  pas  avec  eu-x.  C'est  dans  ce  sens  seulement  que  l'obser- 
vation de  saint  Ambroise  a  son  application. 


sed  qui  suis  meritis  firinus  e.st  turbatur 
alieuis.  Caveamus  ifîitur  proditorem ,  ue 
per  ununi  plurimi  tluctueuius.  lUic  tur- 
batio,  ubi  modica  fides  ;  bic  securila^, 
ubi  perfecta  dilectio.  Denique  elài  aliis 
imperatur  ut  laxent  retia  sua,  soli  lamen 
Petro  dicitur  :  «  Duc  in  alluQi,»  hoc 
est,  in  profundum  disputationuni.  Ouid 
est  tau)  altum  quana  scire  IJei  Filium  ? 
qufE  sunlaulem  aposlolorum  qu*  laxari 
jubentur,  relia,  nisi  vorbonnn  complc- 
xiones,  el  quasi  quidam  oralionis  sinus 
et  dispulationum  rccessus,  qui  eos  quos 
ceperiut  non  amittant?    El   bene  apos- 


tolica  instrumenta  piscandi  relia  sunl; 
quœ  non  captos  perimunt ,  sed  réser- 
vant; tlucluantes  de  infimis  ad  superna 
Iransducunt.  Dicit  autem  :  «  Prceceptor, 
per  tolaiu  noctem  laborantes  nihil  ce- 
pimus  ;  »  quia  non  hoc  hunianae  facun- 
dict;  opus,  sed  supernai  vocationis  est 
niunus.  Oui  autem  ante  nihil  ceperant, 
magnam  in  verbo  Domiui  concludunt 
piscium  raultitudineni.  Cyril,  {in  Cat. 
dneconon  Potrum.)  Hoc  aulcui  fuit  fiau- 
ra;fuluri  non  enim  incassum  laborabunt 
evaugelicœ  doctrinae  rete  lendenles,  sed 
grèges  gentium   aggregabunt.  Auf..  [de 


252 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


évang.^  ii,  2.)  Leurs  filets  se  rompaient,  et  les  barques  étaient  remplies 
de  cette  quantité  de  poissons,  au  point  qu'elles  étaient  près  de  couler 
à  fond,  figure  de  cette  multitude  d'hommes  charnels,  qui  devaient 
abonder  un  jour  dans  l'Eglise ,  au  point  de  rompre  la  paix  et  de 
déchirer  l'Eglise  par  les  hérésies  et  par  les  schismes.  —  Bède.  Le  filet 
se  rompt,  mais  le  poisson  ne  s'échappe  pas,  parce  que  le  Seigneur 
conserve  les  siens  au  milieu  des  scandales  de  ceux  qui  les  persécutent. 

—  S.  Ambr.  L'autre  barque  représente  la  Judée  (I),  dans  laquelle 
Jean  et  Jacques  sont  choisis  ;  ils  viennent  de  la  synagogue  à  la  barque 
de  Pierre  (c'est-à-dire  à  l'Eglise),  et  ils  viennent  pour  remplir  les 
deux  barques,  car  tous  juifs,  ou  grecs,  doivent  fléchir  le  genou  au 
nom  de  Jésus.  —  Bède.  Ou  bien  encore,  la  seconde  barque  c'est 
l'Eglise  des  Gentils  qui,  pour  suppléer  à  l'insuffisance  de  la  première 
.est  aussi  remplie  de  poissons ,  qui  représentent  les  élus  ;  car  le  Sei- 
gneur connaît  ceux  qui  sont  à  lui,  il  a  déterminé  le  nombre  précis  de 
ses  élus;  et  comme  il  n'a  pas  trouvé  dans  la  Judée  autant  de  fidèles 
qu'il  en  avait  prédestinés  à  la  vie  éternelle,  il  cherche  pour  ainsi  dire 
une  autre  barque  pour  recevoir  les  poissons  qui  sont  à  lui,  et  il  répand 
la  grâce  de  la  foi  dans  le  cœur  des  Gentils.  Le  filet  venant  à  se  rompre, 
on  a  recours  à  la  barque  voisine  ;  ainsi  lorsque  Judas  le  traître,  Simon 
le  Magicien,  Ananie  et  Saphire,  et  un  grand  nombre  de  disciples  se 
séparent  de  l'unité  ,  Paul  et  Barnabe  sont  choisis  pour  exercer  l'apos- 
tolat parmi  les  Gentils.  —  S.  Ambr.  Nous  pouvons  encore  voir  dans 
cette  seconde  barque  la  figure  d'une  autre  Eglise;  car  l'Eglise  de 
Jésus -Christ  qui  est  une,  se  divise  en  plusieurs  Eglises  particulières. 

—  S.  Ctr.  Pierre  fait  signe  à  ses  compagnons  de  venir  à  son  secours, 

(t)  C'est-à-dire  la  barque  qui  était  avec  celle  de  Pierre.  Les  Grecs  que  saint  Ambroise  oppose 
ici  aux  Juifs  doivent  être  pris  pour  les  Gentils  en  général. 


Quœst.  Evang.,  lib,  ii,  cap.  2.)  Quod 
autem  relia  rumpebantur ,  et  piscium 
copia  naviculœ  impletse  sunt  ita  ut  pêne 
mergerentur,  significat  hominum  carna- 
lium  multitudinem  tantam  futuram  in 
Ecclesia,  ut  etiam  disruptione  pacis  per 
haereses  et  schismata  scinderetur.  Bed. 
Rumpitur  autem  rete ,  sed  non  labitur 
piscis  ;  quia  suos  Dominus  inter  perse- 
quentium  scandala  servat.  Ambr.  AUa 
autem  navis  est  Judœa,  ex  qua  Joannes 
et  Jacobus  eliguntur  :  hi  igitur  de  syna- 
goga  ad  navim  Pétri  (hoc  est ,  ad  Eccle- 
siam)  convenerunt  ut  implerent  ambas 
naviculas  :  omnes  enim  in  nomine  Jesu 
genuflectunt  ;  sive  Judaeus,  sive  Grœcus. 
Bed.  Vel  alla  nains  est  Ecclesia  gen- 
tium  ;  qu«e   et  ipsa  (una  navicula  non 


sufficiente)  piscibus  impletur  electis  ; 
quia  novit  Dominus  qui  sunt  ejus ,  et 
apud  Ipsum  certus  est  suorum  numerus 
electorum;  dumque  tôt  in  Judaea  credi- 
turos  non  invenit,  quot  ad  fidem  vitam- 
que  praedestinatos  novit  seternam  ,  quasi 
alterius  navis  receptacula  piscibus  quae- 
reus  suis ,  corda  quoque  gentium  fidei 
gratia  replet.  Et  bene,  rupto  reti  socia 
navis  advocatur  ;  quando  Judas  proditor, 
Simon  Magus,  Ananias  et  Saphira ,  et 
multi  discipulorum  abierunt  rétro  ;  ac 
deinde  Barnabas  et  Paulus  ad  gentium 
sunt  apostolatum  segregati.  Ambr.  Pos- 
sumus  tamen  et  aliam  Ecclesiam  intelli- 
gere  navim  alterius  :  ab  una  enim  plu- 
res  Ecclesiœ  derivantur.  Cyril,  {ubi 
sup.)  Innuit  autem  sociis  ut  auxiliaren- 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.    V.  253 

un  grand  nombre ,  en  effet,  se  sont  associés  aux  travaux  des  Apôtres 
d'abord  ceux  qui  ont  écrit  les  Evangiles  (1),  ensuite  les  autres  évêques 
ou  pasteurs  des  peuples,  et  les  docteurs  versés  dans  la  science  de  la 
vérité.  —  BEDE.  Ces  barques  ne  cessent  de  se  remplir  jusqu'à  la  fin  du 
monde;  lorsqu'elles  sont  pleines,  elles  s'enfoncent,  ou  plutôt  elles  sont 
exposées  au  danger  d'être  submergées;  car  elles  ne  le  sont  jamais  en 
réalité.  C'est  ce  qu'enseigne  l'Apôtre  ,  lorsqu'il  dit  :  «  Dans  les  der- 
niers temps ,  il  y  aura  des  temps  périlleux  ,  les  hommes  s'aimeront 
eux-mêmes,  »  etc.  En  effet,  les  barques  sont  submergées  lorsque  les 
hommes  que  Dieu  avait  retirés  du  siècle  par  la  vocation  à  la  foi  y 
sont  de  nouveau  entraînés  par  la  corruption  des  mœurs. 

y.  8-11.  —  Ce  que  voyant  Simon  Pierre,  il  tomba  aux  pieds  de  Jésus,  en 
disant  :  Eloignez-vous  de  moi.  Seigneur,  parce  que  je  suis  un  pécheur,  car  il 
était  plongé  dans  la  stupeur,  lui  et  tous  ceux  qui  étaient  avec  lai,  à  la  vue  des 
poissons  qu'ils  avaient  pris.  Il  en  était  de  même  de  Jacques  et  de  Jean,  fils  de 
Zébédée,  qui  étaient  compagnons  de  Simon.  Et  Jésus  dit  à  Simon  :  Ne  crains 
point,  car  désormais  ce  sont  des  hommes  que  tu  prendras.  Aussitôt,  ramenant 
leurs  barques  à  terre,  ils  quittèrent  tout  et  le  suivirent. 

BEDE.  Pierre  était  dans  l'admiration  des  dons  de  Dieu  ,  et  plus  il 
avait  éprouvé  de  crainte,  moins  il  était  porté  à  la  présomption  :  «  Ce 
que  voyant  Simon  Pierre,  il  tomba  aux  pieds  de  Jésus,  en  disant  : 
Eloignez-vous  de  moi,  Seigneur,  parce  que  je  suis  un  pécheur.  »  — 
S.  Cyr.  Rappelant  en  son  souvenir  les  fautes  qu'il  avait  commises  ,  il 
est  saisi  de  crainte  et  d'effroi ,  il  n'ose  croire ,  impur  qu'il  est ,  qu'il 

(1)  Ou  textuellement  :  Ceux  qui  ont  approfondi  les  saintes  Ecritures,  oi  taç  îepàç  Ttov  àyiwv 
alîfiouvwvxei;  Ffaçàç. 


tur  ois  :  muUi  enim  sequuntur  apostolo- 
rum  labores,  et  prius  illi  qui  evangelio- 
rum  ediderunt  scripturas;  post  quos  alii 
prœsidentes  et  populoruiu  pastores,  et  iu 
veritalis  doctriua  periti.  Bed.  Ilarum 
autetn  impletio  uavium  in  finem  usqiie 
secuii  crescit;  sed  quod  iinpletfe  mer- 
gunlur,  hoc  est  in  submersione  preniun- 
tur  non  enim  sunl  yulunersîe,  sed  peri- 
ciitatœ  )  Aposlolus  exponit,  diceus  (Il 
uil  Tim.)  :  «  In  novissimis  diebus  erunt 
ternpora  pericidosa  ;  et  erunt  liomines 
seipsos  amantes,»  etc.  Naiu  niergi  naves, 
est  hominesin  seculum  ex  quo  electi  per 
lidem  fuerant,  moruni  pravitate  relabi. 

fjuod  cum  videret  Simon  Petrus,procidit  ad  ge- 
iiua  Jesu,  deceiii  :  Exi  a  me,  Domine ,  quia 


homo  peccator  sur».  Stvpor  enim  circumdede- 
rat  eum ,  et  omnes  qui  cum  illo  erant  in  cap- 
tura piscium,  quam  ceperanl  :  similiter  autem 
Jacobum  et  Joannem  filios  Zebedœi  qui  erant 
sncii  Simotiis.  Et  ait  ad  Simoncm  Je.ius  :  Noli 
tiinere ,  ex  hoc  jam  eris  homines  capiens.  Et 
subductis  ad  terram  navibus,  reliclis  omnibus, 
secuii  sunt  eum. 

Beda.  Aduiirabatur  Petrus  dona  di- 
vina;  et  quo  plus  nietuerat,  prîEsumebat 
minus  :  unde  dicitur  :  «  Quod  cum  vi- 
disset  Simon  Petrus,  prucidit  ad  genua 
Jesu,  diceus  :  Exi  a  me,  Domine,  quia 
liomo  peccator  sum.  »  Cyril,  {in  Cat. 
Grœcorum  Patrum.)  Reducens  enim  ad 
conscieutiam  palrala  delicta,  tremit  et 
trépidât;  et  velut  immundus  mundum 
non  crédit  se  posse  suscipere  :  acceperat 


254 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


puisse  recevoir  celui  qui  est  la  pureté  même  ;  car  il  avait  appris  de  la 
loi,  que  ce  qui  est  souillé  doit  être  séparé  de  ce  qui  est  saint  (1).  — 
S.  Grég.  de  Nysse.  Dès  que  Jésus  eut  ordonné  do  jeter  les  filets  ,  on 
prit  le  nombre  de  poissons  que  lui ,  le  Seigneur  de  la  mer  et  de  la 
terre,  avait  déterminé  ;  car  la  voix  du  Verbe  est  toujours  une  voix  de 
puissance,  et  c'est  par  son  commandement,  que  l'origine  du  monde, 
la  lumière  et  les  autres  créatures  sortirent  du  néant.  A  la  vue  de  ce 
miracle,  Pierre  est  dans  l'admiration  :  «  Il  était  plongé  dans  la  stu- 
peur, lui  et  tous  ceux  qui  étaient  avec  lui.  »  —  S.  Aug.  {de  l'ace,  des 
Evang.^  ii,  17.)  Saint  Luc  ne  fait  point  mention  d'André,  bien  qu'il 
fût  dans  cette  barque^  d'après  le  récit  de  saint  Matthieu  et  de  saint 
Marc. 

«  Jésus  dit  à  Simon  :  Ne  craignez  point.  »  —  S.  Ambr.  Et  vous 
aussi,  dites  à  Jésus  :  Eloignez-vous  de  moi,  parce  que  je  suis  un 
pécheur  ,  et  Dieu  vous  répondra  :  «  Ne  craignez  point ,  »  confessez 
votre  péché  au  Seigneur  qui  est  disposé  à  vous  pardonner.  Vous  voyez 
combien  il  est  bon,  lui  qui  daigne  accorder  à  des  hommes  le  pouvoir 
de  communiquer  la  vie  :  «  Désormais ,  dit-il  à  Simon ,  vous  serez 
pêcheurs  d'hommes.  »  —  Bède.  C'est  à  Pierre  que  cette  prérogative 
est  spécialement  accordée  ;  le  Seigneur  lui  explique  le  sens  mysté- 
rieux de  cette  pêche  miraculeuse ,  c'est-à-dire  qu'il  prendra  un  jour 
des  hommes  par  ses  discours ,  comme  il  vient  de  prendre  des  poissons 
dans  ses  filets  ;  et  toute  la  suite  de  ce  fait  miraculeux  montre  ce  qui  se 
fait  tous  les  jours  dans  l'Eglise ,  dont  Pierre  est  ici  la  figure.  — 
S.  Chrys.  [hom.  lA  sur  S.  Mattfi.)  Considérez  la  foi  et  l'obéissance 

(1)  Levit.,  X,  10  ;  où  Dieu  dit  à  Aaroa  et  à  ses  enfants  :  a  Afin  que  vous  sachiez  discerner  ce  qui 
est  saint  ou  profane,  ce  qui  est  pur  ou  impur.  »  (Voyez  aussi  Ezech.,  xxii,  26  ;  xliv,  23.) 


enim  a  lege  (vel  didicerat  secundum  le- 
gem)  distinguendiim  esse  inter  macula- 
tum  et  sanctum.  Greg.  Nyss.  {^ia  eadem 
Cat.,  vbi  Slip.)  Cum  enim  ruandasset 
demergere  retia,  tanta  copia  piscium 
capta  est,  quantum  ipse  maris  Dominas 
et  terrae  voluerat  :  vox  enim  Yerbi 
semper  est  vox  virtutis  ;  cujus  prsecepto 
in  origine  mundi  lux  et  caeterse  crea- 
turae  prodibant.  In  his  admiratur  Petrus  : 
«  Stupor  enim  circumdederat  eum  ,  et 
omnes  qui  cum  illo  erant,  »  etc.  Aug.  {de 
Con.  Evang.,  lib.  ii,  cap.  17.)  Andream 
nonnominat,  qui  tamen  inlelligitur  in  ea 
navi  fuisse  secundum  Mattliœi  et  Marci 
narrationem. 
Sequitur  :  «  Et  ait  ad  Simonem  Jésus  : 


Noli  timere.  »  Ambr.  Die  et  tu  :  «  Exi  a 
me.  Domine,  quiahomo  peccator  sum  :» 
ut  respondeat  Deus  :  «  Noli  timere  :  » 
indulgenti  Domino  peccatum  fatere. 
Vides  quam  bonus  Dominus  qui  tantum 
tribuit  hominibus,  ut  vivificandi  habeant 
potèstatem.  Unde  sequitur  :  «  Ex  hoc 
eris  jam  homines  capiens.  »  Bed.  Hoc 
ad  ipsum  Petrum  specialiter  pertinet  : 
exponit  enim  ei  Dominus  quid  liaec  cap- 
tura piscium  siguificet;  quod  scilicet  ipse 
sicutnunc  per  retia  pisces,  sic  aliquando 
per  verba  sit  capturus  homines  ;  totus- 
que  facti  hujus  ordo  quid  in  Ecclesia 
(cujus  ipse  typum  tenet)  quotidie  gera- 
tur,  ostendit.  Chrys.  {/lom.  14,  in 
Matlli.)  Considéra  aulem  eorum  fidem 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    V. 


255 


des  Apôtres.  Au  milieu  même  des  occupations  de  la  pèche  (et  vous 
savez  combien  les  pécheurs  sont  avides  du  succès  de  leur  pêche)  (1*), 
dès  qu'ils  entendent  l'ordre  du  Sauveur,  sans  aucun  délai,  ils  quittent 
tout,  et  le  suivent.  Telle  est  l'obéissance  que  Jésus-Christ  demande  de 
nous,  elle  doit  être  notre  premier  soin,  au  milieu  même  des  diverses 
nécessités  de  la  vie  :  «  Et,  aussitôt,  ramenant  leurs  barques  à  terre.  »  etc. 
—  S.  AuG.  [de  Vacc.  des  Evang.)  Le  récit  de  saint  Matthieu  et  de 
saint  Marc  est  ici  beaucoup  plus  court  que  celui  de  saint  Luc,  qui 
raconte  le  fait  dans  tous  ses  détails.  Il  y  a  d'ailleurs  entre  les  deux 
récits  cette  différence  que,  d'après  saint  Luc ,  c'est  à  Pierre  seul  que 
le  Sauveur  aurait  dit  :  «  Désormais  vous  serez  pêcheur  d'hommes,  » 
tandis  que  suivant  les  deux  autres  Evangélistes,  c'est  aux  deux  frères 
que  Jésus  aurait  adressé  ces  paroles.  Mais  Notre-Seigneur  a  pu  très- 
bien  les  dire  d'abord  à  Pierre  seul  ,  surpris  et  étonné  de  la  grande 
({uantité  de  poissons  qu'on  avait  pris ,  comme  saint  Luc  paraît  l'in- 
sinuer, et  les  avoir  redites  ensuite  aux  deux  frères  ,  ainsi  que  le  ra- 
content les  deux  premiers  Evangélistes.  Ou  bien  encore,  on  peut 
entendre  que  la  pèche  miraculeuse,  racontée  par  saint  Luc,  arriva  en 
premier  lieu,  mais  sans  que  les  deux  disciples  fussent  dès  lors  appelés 
par  le  Seigneur  Jésus.  Il  se  contenta  de  prédire  à  Pierre  qu'il  serait 
un  jour  pêcheur  d'hommes.  Ou  peut  donc  légitimement  supposer 
([u'ils  retournèrent  au  métier  de  la  pèche  ,  et  qu'alors  eut  lieu  le  fait 
laconté  par  saint  Matthieu  et  saint  Marc;  alors,  en  effet,  ils  ne  ra- 
menèrent pas  leurs  barques  à  terre ,  avec  la  pensée  de  retourner  à 
leurs  anciennes  occupations,  mais  ils  suivirent  Jésus  en  obéissant 
pleinement  à  l'ordre  qu'il  leur  avait  donné.  Une  autre  difficulté  se 

1  •)  Le  texte  original  de  saint  Chrysostome  est  ici  beaucoup  plus  clair  que  la  traduction  dont 
saint  Thomas  a  fait  usage  et  nous  avons  du  y  recourir  pour  rendre  le  sens  de  la  phrase  plus  intel- 
ligible. 


et  obeflientiam  :  hahentes  enim  opus 
prœ  manibusîippetibilis  piscalioni?,  cum 
audissent  rnandiintem ,  non  distulerunt, 
sed  relictis  onniibu?,  sequebaiilur  :  taleui 
enim  obedientiam  requirit  a  nobis  Chris- 
tus,  utoani  non  pra?termittanni5,  etianisi 
aliquid  valde  nficessarium  ur^reat  :  unde 
el  sequitur  :  «  VX  subduclis  ad  terrani 
navibiis,  »  etc.  Auc.  [de  Con.  Evang.,  ut 
Slip.)  Mallhaeus  et  .Marcns  J)reviter  hoc 
peràlrinfruntquemadmoduni  geslum  sit; 
quod  Lucas  hic  apertius  explicavit  :  hoc 
taiiien  videtur  distare,  quod  tantum 
Petro  a  Domino  diclura  commémorât  : 
«  Kx  hoc  jam  homincs  eris  capiens,  » 
quod  illi  ambobus  fratribus  dictum  esse 


narraverunt.  Sed  potuit  utique  prius  hoc 
Petro  dici ,  cum  de  capta  iniienti  multi- 
ludine  piscium  niiraretur ,  quod  Lucas 
insinuât;  et  atnbobus  postca  quod  illi 
duo  commenioraverunt  :  vel  intelligen- 
dum  est,  hoc  primo  fuisse  factum  quod 
Lucas  commémorât ,  nec  tune  eos  a 
Domino  vocatos,  sed  tantum  fuisse  prae- 
dictum  Petro ,  quod  homines  esset  cap- 
turus  ;  non  autem  quod  nunquam  pisces 
esset  capturus  :  unde  datur  locus  intel- 
lipendi;  eos  ad  capturam  piscium  re- 
measse,  ut  postea  fieret  quod  Matthteus 
et  Marcus  narrant  :  tune  enim  non  sub- 
ductis  ad  terram  navibus,  tanquam  cum 
cura  redeundi.  sed  ita  euni  scculi  sunt. 


2û6 


EXPLICATION   DE    l'ÉVANGILE 


présente  ;  si,  d'après  saint  Jean,  ce  fut  sur  les  bords  du  Jourdain  que 
Pierre  et  André  se  mirent  à  la  suite  de  Jésus ,  comment  les  autres 
Evangélistes  peuvent  dire  que  c'est  dans  la  Galilée  qu'il  les  trouva  se 
livrant  à  la  pèche,  et  qu'il  les  appela  à  l'apostolat?  Nous  répondons 
que  lorsqu'ils  virent  le  Seigneur  sur  les  bords  du  Jourdain,  ils  ne 
s'attachèrent  pas  inséparablement  à  lui,  ils  connurent  seulement  qu'il 
était  le  Messie ,  et  pleins  d'admiration  pour  lui ,  ils  retournèrent  à 
leurs  occupations. 

S.  Ambr.  Dans  le  sens  allégorique ,  Pierre ,  en  disant  :  «  Seigneur, 
éloignez-vous  de  moi,  »  refuse  de  reconnaître  que  ceux  qu'il  prend 
dans  les  filets  de  ses  enseignements  soient  sa  conquête  et  sou  butin. 
Vous  aussi,  n'hésitez  pas  à  renvoyer  à  Dieu  le  bien  qui  est  en  vous, 
puisque  c'est  Dieu  qui  vous  communique  ses  propres  dons.  —  S.  AuG. 
[Quest.  évang.)  Ou  bien  dans  un  autre  sens,  Pierre  représente  l'Eglise 
remplie  d'hommes  charnels,  quand  il  dit  au  Seigneur  :  «  Eloignez- 
vous  de  moi,  parce  que  je  suis  un  pécheur.  »  L'Eglise,  remplie *de 
cette  foule  d'hommes  charnels  et  presque  submergée  par  leurs  mœurs 
dépravées,  semble  éloigner  d'ellele  règne  des  hommes  spirituels  (dontla 
personne  de  Jésus- Christ  est  la  plus  haute  représentation.)  Ce  n'est  point 
de  bouche  que  les  hommes  tiennent  ce  langage  aux  vertueux  ministres 
de  Dieu  pour  les  éloigner  d'eux,  c'est  par  la  voix  de  leurs  mœurs  et  de 
leurs  actions,  qu'ils  les  pressent  de  se  retirer  pour  se  soustraire  à  la  direc- 
tion des  bons.  Et  leurs  instances  sont  d'autant  plus  vives  .  qu'ils  leur 
témoignent  en  même  temps  de  l'honneur  et  du  respect ,  Pierre  figu- 
rait ce  respect,  en  se  jetant  aux  pieds  du  Seigneur,  et  leurs  mœurs, 
en  disant  :  «  Eloignez- vous  de  moi.  »  —  Bède.  Or,  le  Seigneur  dissipe 
la  crainte  des  hommes  charnels  qui ,  tremblant  pour  quelques-uns  à 


tanquam  vocantem  aut  jubentem.  Sed  si 
secundum  Joaauem  juxta  Jordanem  se- 
cuti  suDl  eum  Petrus  et  Andréas  ,  quo- 
modo  ab  aUis  evaugelistis  dicitur  quod 
eos  ia  Galilaea  piscantes  invenit ,  et  ad 
discipulatum  vocavit?  Nisi  quia  intelli- 
gendum  est  non  sic  eos  vjdisse  Domi- 
num  juxta  Jordanem,  ut  ei  inseparabili- 
ler  cohaererent,  sed  tantum  cognovisse 
quis  esset ,  eum  que  miratos  ad  propria 
remeasse. 

Ambr.  Myslice  autem  quos  Petrus  in 
verbo  capit,  negat  suam  praedam,  negat 
suum  munus  :  «  Exi  (inquit)  a  me.  Do- 
mine :  »  noli  timere  et  tu  quae  tua  sunt 
Domino  déferre  ;  quia  qufe  sua  ,  nobis 
ille  concessit.  AuG.  {de  Quœst.  Evang.. 
ut  sup.)  Vel  aliter  :  ex  persona  Ecclesiae 


carnalibus  bominibus  plenœ  Petrus 
dicit  :  «  Exi  a  me  ,  quia  bomo  peccator 
sum  ;  »  tanquam  Ecclesia  turbis  carna- 
liuni  impleta,  et  eorum  moribus  pêne 
submersa,  regnum  spiritualium  (in  qui- 
bus  maxime  persona  Cbristi  eminet)  a 
se  quodammodo  repellat  :  non  enim  boc 
voce  linguae  dicunt  bomines  bonis  mi- 
nistris  Dei,  ut  eos  a  se  repellant;  sed 
voce  morum  et  actuum  suadent  a  se 
recedi,  ne  per  bonos  regaulur,  et  co 
vebementius,  quod  deferunt  eis  bonorem, 
ut  bonorificentiam  eorum  signiticaverit 
Petrus,  cadens  ad  pedes  Domini  ;  mores 
autem,  in  eo  quod  dixit  :  «  Exi  a  me.  » 
Beda.  Confortât  autem  Dominus  timo- 
rem  carnalium ,  ne  quis  vel  de  suae 
conscientia  culpse  tremens  ,  vel  de  alio- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    V.  257 

la  vue  de  leur  conscience  coupable,  ou  découragés  par  le  spectacle  de 
l'innocence  des  autres,  redouteraient  d'entrer  dans  la  voie  de  la  sain- 
teté. —  S.  AuG.  [Quest.  évang.)  Le  Seigneur,  en  ne  se  rendant  pas  à 
leurs  désirs,  apprend  aux  hommes  vertueux  et  spirituels  à  ne  pas 
se  laisser  aller  au  désir  d'abandonner  le  ministère  ecclésiastique  pour 
mener  une  vie  plus  calme  et  plus  tranquille ,  parce  qu'ils  ne  peuvent 
supporter  les  désordres  de  la  foule.  Ils  ramènent  leurs  barques  à  terre, 
et  quittent  tout  pour  suivre  Jésus  ;  et  en  cela  ils  figurent  la  fin  des 
temps,  où  ceux  qui  se  seront  attachés  à  Jésus-Christ  quitteront  pour 
toujours  la  mer  agitée  du  monde. 

t.  12-16.  —  Or  il  arriva,  comme  il  était  dans  une  des  villes,  qu'un  homme 
couvert  de  lèpre,  apercevant  Jésus,  se  prosterna  la  face  contre  terre  et  le 
pria  en  disant  :  Seigneur,  si  vous  voulez,  vous  pouvez  me  guérir.  Jtssus, 
étendant  la  main,  le  toucha,  et  lui  dit  :  Je  le  veux,  soyez  guéri.  Et  à  l'instant 
sa  lèpre  disparut.  Jésus  lui  commanda  de  n'en  parler  àpersonne,  mais  :  Allez, 
lui  dit-il,  montrez-vous  au  prêtre,  et  offrez  pour  votre  guérison  le doji prescrit 
par  Moïse,  en  témoignage  pour  eux.  Or,  sa  renommée  se  répandait  de  plus 
en  plus,  des  troupes  nombreuses  venaient  pour  l'écouter,  et  pour  être  guéries 
de  leurs  maladies.  Mais  il  se  retirait  dans  la  solitude  et  priait. 

S.  Ambr.  La  guérison  de  ce  lépreux  est  le  quatrième  miracle  que 
fit  Jésus  depuis  son  entrée  à  Capharnaûm.  Si,  lors  delà  création,  Dieu 
a  éclairé  le  quatrième  jour  des  splendeurs  du  soleil,  et  l'a  ainsi  rendu 
plus  brillant  que  les  autres  jours,  nous  devons  regarder  aussi  ce  mi- 
racle comme  plus  éclatant  que  les  autres  miracles.  «  Or,  il  arriva, 
comme  il  était  dans  une  ville,  qu'un  homme  couvert  de  lèpre,  »  etc. 
L'Evangéliste  ne  désigne  pas  d'une  manière  précise  le  lieu  où  ce  lé- 
preux fut  guéri,  pour  nous  apprendre  (jue  ce  ne  fut  pas  le  peuple  par- 


rura  innocentia  stupens,  sanctitatis  iter 
formidot  aggredi.  Alg.  {de  Quast. 
Evang.,  ut  sup.)  Dominus  aulem  duin 
uon  recessit  ab  eis,  sigïiificat  iu  bonis  et 
spirilualibus  viris  non  esse  oportere 
hanc  volunlatem ,  iit  peccatià  lurbarum 
commoli  (quo  quasi  securius  tranquil- 
liusque  vivant)  muuus  ecclesiasticum 
desoraiit.  Qiiod  autem  subducLis  ad  ter- 
rain navibus,  relictis  omnilms ,  seculi 
sunt  eiim,  potest  sicrnificare  liueni  lem- 
piiris,  quo  ab  hujus  niundi  salo ,  qui 
Cbriâto  inhœserinl,  penilu.s  recessuri 
sunt. 


El  fnctum  est  cum  esset  in  una  civitalum,  et  eccc 
virplfiiius  tepra  ;  et  videns  Jesum,  et  procidens 
in  faclem  suant  rogavit  eum,  dicens  :  Domine  , 


TOM.    V. 


si  vis,  potes  me  mundare.  Et  extendens  Jésus 
manum,  tetigiteum,  dicens:  Volo ,  mundore. 
Et  confestim  lepra  discessit  ab  illo.  Et  ipse 
prœcepit  illiut  nemini  diceret ;  sed  :  Vade.  os- 
tende  te  sacerdoli  ;  et  offer  pro  emundatione 
tua  sicut  prœcepit  Moyses  in  testimonium  iUis. 
Peraiiibulabat  autem  mayis  sermo  de  illo,  et 
conveniebanl  turbœ  multœ  ul  audirent  et  cura- 
rentur  ab  infirmitatihus  suis.  Ispe  autem  sece- 
debat  in  desertum  et  orabat. 

Ambr.  Quarto  signo ,  ex  quo  in  Ca- 
pbaruaum  Dominus  venit,  leprosus  sa- 
nalur.  Si  aulem  quartum  diem  sole 
illuminavit  et  ciarJorem  cœteris  fecit, 
boc  clarius  opus  a-stimare  debemus;  de 
quo  dicitur  :  «  Et  faclum  est  cum  esset 
iu  uuacivitatum,  ecce  vir  plenus  lepra,» 
etc.  Beue  ubi  leprosus  mundatur,  certus 
I  uou    expriuiitur    locus,    ul   (jsteudatur, 

17 


258 


EXPLICATION    DE   l/ÉVANGILE 


ticulier  d'une  seule  ville,  mais  tous  les  peuples  de  la  terre  qui  eurent 
part  à  la  guérison  spirituelle  de  l'àuie. —  S.  Athan.  [lettre  à  Adelph. 
contre  les  Ar.)  Ce  lépreux  adora  le  Seigneur  son  Dieu  sous  une  forme 
humaine,  la  chair  mortelle  qu'il  avait  sous  les  yeux  ne  lui  fit  point 
croire  que  le  Verbe  de  Dieu  fût  une  simple  créature  ;  quoique  recon- 
naissant dans  Jésus  le  Verbe  de  Dieu,  il  ne  méprisa  point  la  chair 
dont  il  était  revêtu  ;  au  contraire  ,  il  se  prosterne  le  visage  contre 
terre,  pour  adorer,  comme  dans  un  temple  créé,  le  Créateur  de  toutes 
choses  :  «  Apercevant  Jésus ,  il  se  prosterna  la  face  contre  terre ,  et 
le  pria.  »  —  S.  Ambr.  Il  se  prosterne  la  face  contre  terre  par  un  sen- 
timent d'humilité  et  de  confusion,  et  nous  apprend  ainsi  à  tous  à  rougir 
des  souillures  de  notre  vie.  Cependant  cette  confusion  n'étouffe  point  l'a- 
veu qu'il  veut  faire  de  son  infirmité;  il  montre  les  plaies  de  son  corps,  et 
en  demande  la  guérison  :  «  Seigneur,  si  vous  voulez,  vous  pouvez  me 
guérir.  »  Ce  n'est  point  qu'il  soit  incrédule  et  qu'il  doute  de  la  bonté 
et  de  la  volonté  du  Seigneur  ;  mais  la  conscience  qu'il  avait  de  sa 
honteuse  maladie  (1),  réprime  chez  lui  tout  sentiment  de  présomption. 
D'ailleurs  quelle  profession  de  foi,  de  religion  plus  parfaite  que  celle 
qui  fait  découler  toute  puissance  de  la  volonté  du  Seigneur.  — S.  Cyr. 
Il  savait  que  la  lèpre  dont  il  était  couvert  ne  pouvait  être  guérie  par 
toutes  les  ressources  de  la  science  médicale  ,  mais  il  vit  la  divine  ma- 
jesté chasser  les  démons,  guérir  toutes  les  maladies ,  et  il  en  conclut 
que  la  droite  de  Dieu  pouvait  seule  opérer  ces  merveilles.  —  Tite  de 
BosTR.  Apprenons,  par  ces  paroles  du  lépreux ,  à  ne  pas  rechercher 
avec  trop  d'empressement  la  guérison  de  nos  infirmités  corporelles, 
mais  à  tout  remettre  entre  les  mains  de  Dieu  ,  qui  fait  chaque  chose 
en  son  temps  et  dispose  tout  avec  sagesse. 


(1)  Le  texte  de  saint  Ambroise  porte 
iniquitatis  suae  consoius.  » 


quasi  coUmionis  suis  conscius,  »    au  lieu  de  :  «  quasi 


nou  unum  populum  specialis  aliciijus 
civitatis,  sed  omnes  fuisse  populos  sana- 
tos.ATHAN.  {inCat.  Grœcoruin  Pcifrum.) 
Adoravit  autera  leprosus  Dominum 
Deuui  exislentem  in  corpore;  et  ueque 
propter  carnem  putavit  esse  creaturam 
Verbum  Dei;  nec  pro  eo  quod  verbum 
erat,  vilipendit  carnem  quain  vestiebat; 
imo  ut  in  teniplo  creato  adorabat  om- 
nium Creatorem  ,  in  faciem  procidens  : 
sequilur  enim  :  «  Et  videns  Jesuui  et 
procidens  in  faciem  suam^  rogavit  eum.  » 
Ambr.  Quod  in  faciem  procidit,  humili- 
talis  est  et  pudoris;  ut  uuusquisque  de 
vitse  suîB  maculis  erubescat;  sed  cou- 
fessionem  verecundia  non  repressil  ; 
ostendit   vulnus,  remediura  postulavit. 


dicens  :  «  Domine,  si  vis,  potes  me 
mundare.  »  De  voluutate  Domini,  non 
quasi  pietatis  incredalus,  dubitavit,  sed 
quasi  iniquitatis  suae  conscius  non  prœ- 
sumpsit  :  religionis  autem  et  fidei  plena 
confessio  est,  quae  in  voluntate  Dominl 
posuit  potestatem.  Cyril,  {uhi  sup.) 
Noverat  enim  lepram  experimentis  me- 
dicorum  non  cedere ,  sed  vidit  diviua 
majestate  pelli  dœmones,  et  eceteros  ab 
aliis  valetudiuibus  curari  ;  quœ  conjecit 
divina  dextera  fieri.  Titus  Bostrensis. 
Addiscamus  etiam  ex  verbis  leprosi  cor- 
poralium  intîrmitatum  medelam  non 
quserere,  sed  divino  beneplacito  totum 
cûuuuitieie ,  qui  nuvit  opporluna  et 
omnia  judicio  disposuit. 


DE   SAINT   LUC.    CHAP.    V. 


259 


S.  Ambk.  Notre-Seigneur  emploie  dans  la  guérison  du  lépreux  le 
moyen  qu'il  lui  a  comme  indiqué  dans  sa  prière  :  «Et  Jésus,  étendant 
la  main,  le  toucha  en  disant  :  Je  le  veux,  soyez  guéri.  »  La  loi  défend 
de  toucher  les  lépreux,  mais  le  Maître  de  la  loi  n'est  pas  soumis  à  la 
loi,  c'est  lui  qui  en  est  l'auteur.  Si  donc  il  touche  ce  lépreux,  ce  n'est 
pas  qu'il  n'eût  pu  le  guérir  autrement ,  mais  c'était  pour  prouver 
qu'il  n'était  pas  assujetti  à  la  loi,  et  que  loin  de  craindre  d'être  atteint 
par  cette  maladie  contagieuse ,  il  était  inaccessible  à  toute  souillure, 
lui  qui  venait  en  déUvrer  les  autres.  Il  voulait,  au  contraire  ,  que  la 
lèpre  qui  souille  ordinairement  la  main  qui  la  touche ,  disparût  au 
simple  contact  de  sa  main  divine.  —  Théophtl.  En  effet ,  sa  chair 
sacrée  puriûe  et  donne  la  vie ,  parce  qu'elle  est  la  chair  du  Verbe  de 
Dieu.  —  S.  Ambr.  Dans  ces  paroles  ;  «  Je  le  veux  ,  soyez  guéri ,  vous 
voyez  à  la  fois  l'expression  de  sa  volonté  bienfaisante  et  de  sa  tendre 
compassion.  —  S.  Cyr.  Très.,  xir,  14.)  Ce  commandement  suprême 
ne  peut  venir  que  de  la  divine  majesté  ,  comment  donc  pourrait-on 
assimiler  le  Fils  unique  aux  serviteurs ,  lui  qui  peut  tout  par  sa  seule 
volonté?  Il  est  dit  de  Dieu  le  Père,  «  qu'il  a  fait  tout  ce  qu'il  a  voulu» 
{Ps.  cxiii,  cxxxiv)  ;  comment  doue  celui  qui  exerce  la  puissance  de 
son  Père,,  serait-il  d'une  nature  différente?  Tout  ce  qui  a  la  même 
puissance ,  a  ordinairement  la  même  nature.  Cependant  admirez 
comment  Jésus-Christ  joint  ici  l'opération  divine  à  l'action  humaine  ; 
car  c'est  le  propre  de  la  nature  divine  que  la  volonté  soit  aussitôt  suivie 
de  son  efifet ,  comme  étendre  la  main  est  un  acte  de  la  nature  hu- 
maine. Or,  la  personne  uni({ue  de  Jésus  se  compose  de  ces  deux  na- 
tures, parce  qu'il  est  le  Verbe  fait  chair.  —  S.  Grég.  de  Nysse.  {dise. 
sur  la  résurr.  de  J.-C.)  En  Jésus-Christ,  la  divinité  était  unie  aux 


A  MB.  Eo  autem  sanat  génère  quo  fue- 
rat  obsecratu3  :  unde  seqaitur  :  «  Et 
extendens  Jésus  nianimi  tetipit  euni,» 
etc.  Lex  taugi  leprosos  prohibet;  sed 
qui  Dominus  legis  est,  non  obsequitur 
legi ,  sed  legem  facit.  Non  ergo  tetigit, 
quia  sine  tactu  inundare  non  poterat, 
sed  ut  probaret  quia  subjec  us  non  erat 
legi,  nec  conlagiuin  liniebal  ut  homines; 
sed  quia  oontaminari  non  poterat  qui 
alios  liherabat  :  siniul  e  contrario  ut 
lepra  tactu  Domini  fugaretur,  qua3  sole- 
bat  contaminare  tangcnteni.  Tueophvl. 
Ipsius  eniiu  sacra  caro  est  purgativa  et 
vitam  tribuens,  sicut  existeiis  Verbi  Dei 
caro.  Ambr.  Fn  hoc  autem  (|uod  subdit  : 
«  Volo ,  mundaro,  »  hahes  voluntateni, 
babes  et  pielalis  efTecluui.  Cyril,  [in 
Cat.  Grœcorum  Patrum,  ex  T/tesauri. 


lib.  xn,  cap.  14.)  A  majestate  autem 
processit  imperiosum  mandatum  :  quali- 
ter  igitur  in  servis  coniputatur  unigeni- 
tus  Filius ,  qui  volendo  tantummodo 
cuncta  potest  ?  Legitur  de  Deo  Pâtre 
(Psal.  113  et  134)  quod  «  omnia  quœ- 
cunque  voluit  fecit.  »  Qui  vero  sui  Patria 
potestate  fungitur,  quomodo  diversifica- 
bitur  in  nalura  ab  eo  ?  .Soient  etiam 
quaecunque  sunt  ejusdem  virtutis,  ejus- 
deni  esse  substauti.-p.  Item  alibi  :  mirare 
tamen  in  bis  Christum  divine  et  corpo- 
raliter  operautem  :  divinum  enim  est 
ita  velle  ut  prtesto  fiant  omnia;  huma- 
num  autem  extendere  dexteram  :  unus 
itaque  Christus  ox  utrisque  perficitur, 
eo  qiiod  «  Verbum  carii  faclum  est.  » 
(jREij.  Nyss.  {Orat.  I,  in  resarrectionem 
Christi.)  Et  quia  cum  utraque  hominis 


260 


EXPLICATION    DK    L  EVANGILE 


deux  substances  constitutives  de  l'homme  ,  à  l'àme  et  au  corps ,  et  les 
attributs  de  la  nature  divine  se  manifestaient  par  l'une  et  l'autre  de 
ces  deux  substances.  Le  corps  révélait  la  divinité  ([u'il  recouvrait  en 
donnant  la  guérisou  par  un  simple  attouchement,  et  l'àme  faisait 
éclater  la  toute-puissance  de  Dieu  par  l'efficacité  de  sa  volonté  ;  car 
la  volonté  est  l'action  propre  de  l'àme ,  comme  le  toucher  est  le  sens 
propre  du  corps,  l'àme  veut,  le  corps  touche. 

S.  Ambr.  Notre-Seigneur  dit  :  «  Je  veux,  »  pour  combattre  l'héré- 
tique Photius  ;  il  commande,  pour  condamner  Arius ,  il  touche  le 
lépreux^  pour  confondre  Manès.  Aucun  intervalle  entre  l'action  de 
Dieu  et  son  commandement,  pour  vous  faire  comprendre  et  l'aflfeetion 
du  médecin,  et  la  puissance  de  son  opération  :  «  Et  aussitôt  sa  lèpre 
disparut.  »  Mais  que  chacun  de  nous  évite  toute  vaine  gloire  en 
imitant  l'exemple  de  l'humilité  du  Sauveur,  s'il  ne  veut  que  la  lèpre 
n'atteigne  le  médecin  lui-même  :  «  Et  il  lui  ordonna  de  n'en  parler  à 
personne.  »  11  nous  enseigne  ainsi  à  ne  point  publier  nos  bienfaits, 
mais  à  les  cacher  et  à  ne  rechercher  ni  rémunération  pécuniaire ,  ni 
la  récompense  plus  délicate  de  la  reconnaissance.  Peut-être  aussi 
Notre-Seigneur  commande  le  silence  à  ce  lépreux,  parce  qu'il  pré- 
férait de  beaucoup  ceux  qui  croient  par  une  foi  spontanée,  à  ceux 
dont  la  foi  a  pour  motifs  les  bienfaits  qu'ils  espèrent.  —  S.  Cyr.  Mais 
quand  même  le  lépreux  eût  gardé  le  silence,  la  voix  seule  de  ce  miracle 
suffisait  pour  faire  connaître  la  puissance  de  celui  qui  avait  opéré 
cette  guérison  à  tous  ceux  qui  en  seraient  témoins. 

S.  Chrys.  {hom.  Î26  sur  S.  Matth.)  Le  plus  souvent,  la  maladie  ré- 
veille dans  les  hommes  la  pensée  de  Dieu,  mais  ils  l'oublient  bien 
vite,  aussitôt  qu'ils  sont  guéris  ;  Jésus  recommande  donc  au  lépreux 


particula  (auima  scilicet  et  corpore) 
unita  est  Deitas,  per  utramque  patebant 
supernae  naturse  iadicia  :  corpus  enim 
reconditum  in  se  numeu  declarabat,  cum 
palpando  praestabat  remédia;  sed  anima 
prsepotenti  voluntate  divinam  ostende- 
bat  virlutem  :  valut  enim  sensus  tactus 
proprius  corporis  est,  sic  et  auimae  vo- 
luntarius  motus  :  vult  anima ,  tangit 
corpus. 

AiiBii.  Dicit  ergo,  volo,  propter  Pho- 
tinum;  imperat,  propter  Arium;  tangit, 
propter  Manichaeum.  Nihil  antem  mé- 
dium est  inter  opus  Dei  atque  prEece- 
ptum,  ut  intelligas  medentis  aifectum, 
virlutem  operis  :  unde  sequitur  :  «  Et 
coufestim  lepra  discessit  ab  illo  :  »  sed 
ne   lepra   trausire  possit   iu   medicum. 


unusquisque  dominicae  humilitatis  exem- 
plo  jactantiam  vitet  :  nam  sequitur  : 
«  Et  praecepit  illi  ut  nemini  diceret;  » 
ut  scilicet  doceret  non  vulganda  nostra 
beneiicia,  sed  premenda,  ut  non  soluni 
a  mercede  abstineamus  pecuuiae,  sed 
etiam  gratiae.  Aut  fortasse  illa  silentii 
causa  estimperati,  quod  meliores  putabat 
qui  fide  magis  spontanea,  quam  speratis 
beneficiis  credidisseut.  Cyril,  {in  Cat. 
Grœcorum  Patrum.  )  Leproso  etiam 
silente  sufficiebat  ipsa  negolii  vox  ad 
narrandum  omnibus  agnoscentibus  per 
eum  potestatem  curantis. 

Chrys.  {hom.  26,  in  Matth.)  Et  quia 
ut  plurimum  bomiues  dum  Eegrotant, 
Dei  sunt  mcmores  ;  ut  autem  convales- 
cunt.  bebetantur,  mandat  ut  Deum  prae 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    V.  261 

d'avoir  toujours  Dieu  devant  les  yeux,  et  de  lui  rendre  gloire  :  «  Allez, 
montrez-vous  au  prêtre.  »  Le  Sauveur  voulait  qu'il  se  soumit  à  l'examen 
et  au  jugement  du  prêtre ,  et  (jne  ce  fût  sur  sa  déclaration  qu'il  fût 
réintégré  dans  la  société  de  ceux  qui  étaient  purs.  —  S.  Ambr.  Il  vou- 
lait aussi  apprendre  au  prêtre  que  ce  n'était  point  par  l'observation 
des  prescriptions  de  la  loi,  mais  par  la  puissance  bien  supérieure  à  la 
loi  de  la  grâce  de  Dieu,  que  ce  lépreux  avait  été  guéri.  En  ordonnant 
au  lépreux  d'offrir  le  sacrifice  prescrit  par  Moïse,  le  Seigneur  fait  voir 
qu'il  ne  venait  pas  détruire  la  loi ,  mais  l'accomplir  :  «  Et  offrez  pour 
votre  guérisou,  le  don  prescrit  par  Moïse.  »  — S.  Aug.  [QuesL  évang., 
II,  3.)  Le  Sauveur  parait  approuver  ici  le  sacrifice  prescrit  par  Moïse, 
et  que  cependant  l'Eglise  n'a  point  conservé.  Si  donc  Notre-Seigueur 
en  fait  ici  un  précepte  au  lépreux ,  c'est  que  le  sacrifice  du  Saint  des 
Saints,  c'est-à-dire  de  son  corps ,  n'était  pas  encore  institué  ;  car  les 
sacrifices  figuratifs  ne  devaient  être  abolis  que  lorsque  le  témoignage 
de  la  prédication  des  Apôtres  et  la  foi  des  peuples  fidèles  auraient 
établi  le  véritable  sacrifice  qu'ils  figuraient. —  S.  Aîibr.  Ou  bien  encore, 
comme  la  loi  est  spirituelle,  il  commande  au  lépreux  d'offrir  un  sa- 
crifice spirituel,  c'est  pourquoi  il  ajoute  :  «  C'est  que  Moïse  a  or- 
donné, »  et  ensuite  :  «  En  témoignage  pour  eux.  »  —  Tite  de  Bost. 
Les  hérétiques  donnent  une  fausse  signification  à  ces  paroles,  et 
prétendent  qu'elles  sont  dans  la  pensée  du  Sauveur  un  blâme  jeté 
sur  la  loi.  Mais  comment  supposer  qu'il  commande  à  ce  lépreux 
d'offrir  un  sacrifice  pour  sa  guérisou  ,  comme  Moïse  l'a  prescrit, 
s'il  avait  l'intention  de  blâmer  ici  la  loi?  —  S.  Cyr.  Il  ajoute  :  «  En 
témoignage  pour  eux  ,  »  parce  que  cette  guérison  prouve  l'excel- 
lence incomparable  de  Jésus-Christ  sur  Moïse,  Moïse,  en  effet,  n'ayant 


oculis  habeat,  dans  gloriam  Deo  :  unde  1  corpus  ejus  est.  Non  enim  oportebat 
sequitur  :  «  Sed  vade,  ostende  te  sacer-  auferrisignificativa  sacriGcia,  priuscjuam 
doti  ;  »  ut  bcilicet  mundatus  leprosus  illud  quod  significabatur  coutirmatum 
coramitteret  se  sacerdolis  aspeclui,  ac  '  esset  contestalione  apostoloriun  praedi- 
sic  per  illius  censuram  numeraretur  in-  j  cantium,  et  fide  credentium  populoruni. 
ter  sanos.  Ambr,  Et  ut  etiaui  intelligeret  |  Ambr.  Vel  quia  lex  spiritualis  est,  vide- 
sacerdos,  non  legis  ordiue,  sed  gratia  j  lursacrificium mandasse  spirituale. Unde 
Dei  supra  legem  esse  curaluui  ;  et  dum  dicit  :  »  Sicut  praecepit  Moyses  :  »  deni- 
mandatur  sacrificium  secunduni  prœ-  |  que  addidit  :  «  In  testimoniuni  illis.  » 
ceptum  Moysi,  ostendit  Dominus  quia  t  TiTCS  Bostrensis.  [in  Cal.  Grœconim 
legem  non  solveret,  sed  adimpleret  :  '  Patrum)  Ha^relici  perperani  hoc  acci- 
unde  sequitur:  «  Et  offer  pro  emunda-  '  piunt,  dicentes  in  opprobrium  legis  essn 
tione  tua,  sicut  prœcepit  Moyses.»  AcG.  dictum.  Qualiter  auteni  juberel  offerre 
{de  Quœst.  Evang.,  lib.  ii,  qufest.  3.)  pro  emundatione,  secunduni  pra'ceptum 
Videtur  bic  approbare  sacrificium  quod  j  Moysi,  si  hoc  diceret  contra  legem  ? 
per  Moysen  pra^ceptum  est,  cum  id  non  !  Cyril,  [ut  sup.)  Dicit  ergo  :  «  lu  tosli- 
rccipiat  Ecclesia  :  quod  ideo  jussisse  in-  j  monium  illis,  »  quia  ex  lioc  facto  os- 
telligi  potest,  quia  nondum  cœperat  esse  tenditur  Christum  incomparabili  excel- 
sacrificium   sanctum    sanctorum,    quod    lentia  Moysi  praeferri;  nani  quia  Moyses 


262 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


pu  guérir  sa  sœur  de  la  lèpre ,  priait  le  Seigneur  de  l'en  délivrer 
{Nomb.,  xii);  au  contraire,  c^est  avec  une  souveraine  autorité  que 
le  Sauveur  prononce  ces  paroles  :   «  Je  le  veux,  soyez  guéri.  » 

S.  Chrys.  {hom.  26  sur  S.  Malth.)  Ou  bien  encore,  pour  leur  être 
en  témoignage ,  c'est-à-dire  pour  leur  condamnation  et  pour  leur 
prouver  que  je  respecte  la  loi;  car  après  vous  avoir  guéri,  je  vous 
renvoie  à  l'examen  (i)  des  prêtres,  pour  être  une  preuve  que  je  ne 
suis  point  un  violateur  de  la  loi.  Le  Seigneur,  en  guérissant  ce  lépreux, 
lui  avait  recommandé  de  n'en  parler  à  personne,  pour  nous  apprendre  à 
fuir  l'orgueil  et  la  vaine  gloire;  mais  malgré  cette  recommandation, 
sa  renommée  se  répandait  partout  et  publiait  le  miracle  qu'il  venait 
d'opérer  :  «  Cependant  sa  renommée  se  répandait  de  plus  en  plus,  »  etc. 
—  BEDE.  La  guérison  parfaite  d'un  seul  en  amène  une  multitude 
autour  de  lui  :  «  Et  on  venait  par  troupes  nombreuses  pour  l'en- 
tendre_,  et  pour  être  guéri  de  ses  maladies ,  »  etc.  Car  le  lépreux,  pour 
montrer  qu'il  était  guéri  extérieurement  et  intérieurement,  publiait 
partout  (au  témoignage  de  saint  Marc)  et  malgré  la  défense  qui  lui 
avait  été  faite,  le  bienfait  de  sa  guérison. 

S.  Grég.  {Moral.,  vi,  17)  (2).  Notre  divin  Rédempteur  consacre  le 
jour  à  opérer  des  miracles  dans  les  villes,  et  il  passe  les  nuits  dans  le 
saint  exercice  de  la  prière  :  «  Et  il  se  retirait  dans  la  solitude ,  et 
priait.  »  Il  enseignait  ainsi  aux  prédicateurs  qui  tendent  à  la  perfec- 
tion, à  ne  pas  renoncer  entièrement  à  la  vie  active  par  un  trop  grand 
amour  de  la  vie  contemplative  ;  comme  aussi  à  ne  pas  sacrifier  les 
joies  de  la  contemplation   aux  occupations  absorbantes   de  la  vie 

(1)  Aov.ifxarrtav,  preuve,  examen,  expérience. 

(2j  Dans  les  anciens  manuscrits,  chap.  2b  sur  ces  paroles  du  chap.  v  de  Job  :  »  Vous  entrerez 
dans  le  sépulcre,  comme  un  monceau  de  blé  qui  est  serré  en  son  temps,  n 


iusufficiens  erat  a  sorore  leprœ  pellere 
morbum,  orabat  Dominum  ut  eam  li- 
beraret  (7\«w.,  12),  sed  Salvator  in  po- 
testate  divina  prolulit  :  «  Volo  niim- 
dare.  » 

Chrys.  {hom.  26,  in  Matth.)  «  Vel  in 
testimonium  iliis  ;  »  hoc  est,  ad  repre- 
hensionem  eorum,  et  ad  probationem 
quod  legeni  revereor.  Cum  enim  te  cu- 
raverini,  niitto  te  ad  sacerdotum  expe- 
rienliam,  ut  attesteris  mihi  quod  non 
aum  prœvaricatus  in  legeni.  Et  quamvis 
Doniinus  inipeudens  remédia  moneret 
neuiini  dicere,  instruens  nos  evitare  su- 
perbiamj  fama  tamen  ejus  volabat  un- 
■dique  instillans  auditui  cunctorum  mi- 
racnlum  :  unde  sequitur  :  «   Perambula- 


bat  autem  magis  sermo  de  illo,  »  etc. 
Bed.  Unius  autem  perfecta  salvatio  mul- 
tas  ad  Dominum  cogit  turbas  :  unde  se- 
quitur :  «  Et  conveniebaut  turbœ  multae 
ut  curarentur,  »  etc.  Ut  enim  leprosus 
exterius  et  interius  se  sanatum  doceret, 
perceptum  beneficiuni  (ut  Marcus  ait) 
etiam  jussus  non  tacet. 

Greg.  (VI  Moral.,  cap.  17.)  Redem- 
ptor  autem  noster  per  diem  miracula  in 
urbibus  exhibet,  et  ad  orationis  studium 
in  nocte  pernoctat  :  unde  sequitur  : 
«  Ipse  autem  secedebat  in  desertum,  et 
orabat  ;  »  ut  perfectis  videlicet  praidica- 
toribus  innuat,  quatenus  nec  activam 
vitam  amore  speculationisfunditus  dese- 
rant,  nec  contemplationis  gaudia  opéra- 


DE   SAINT   LUC,   CHAP.    V.  263 

active,  mais  à  puiser  dans  le  calme  de  la  contemplation  les  vérités 
qu'ils  verseront  ensuite  dans  les  âmes  lorsqu'ils  travailleront  au  salut 
du  prochain.  —  Bède.  Lorsque  vous  voyez  le  Sauveur  se  retirer  dans 
la  solitude ,  n'attribuez  pas  cette  action  à  la  nature  qui  dit  :  «  Je  le 
veux,  soyez  guéri  ;  »  mais  à  celle  qui  étend  la  main  pour  toucher  le 
lépreux.  Ce  n'est  pas,  sans  doute,  qu'il  y  ait  deux  personnes  en  Jésus- 
Christ,  comme  le  prétend  Nestorius;  mais  il  y  a  deux  opérations 
dans  une  seule  et  même  personne ,  comme  il  y  a  deux  natures.  — 
S.  CiRÉG.  DE  Nazianze.  {disc.  28.)  Notre-Seigneur  opère  ordinairement 
ses  œuvres  au  milieu  du  peuple,  et  se  livre  à  la  prière  dans  la  solitude, 
et  il  autorise  ainsi  un  repos  momentané,  qui  nous  permet  de  nous  en- 
tretenir avec  Dieu  dans  la  sincérité  de  notre  âme.  En  effet ,  il  n'avait 
besoin  pour  lui-même  ni  de  retraite  ni  de  solitude,  puisque  étant  Dieu, 
il  n'était  sujet  ni  au  relâchement  ni  à  la  dissipation  de  l'âme,  il  vou- 
lait donc  nous  apprendre  qu'il  est  une  heure  pour  la  vie  active,  une 
autre  pour  des  occupations  plus  élevées;  et  nous  enseigner  le  temps 
qui  convient  à  l'action ,  et  celui  qui  est  favorable  à  roxercice  plus 
sublime  de  la  contemplation. 

BÈDE.  Dans  le  sens  allégorique,  ce  lépreux  représente  le  genre  hu- 
main languissant  et  affaibli  par  suite  de  ses  péchés  ;  et  tout  couvert 
de  lèpre;  «  car  tous  ont  péché  et  ont  besoin  de  la  grâce  de  Dieu  (1)  » 
{Rom.,  m),  c'est-à-dire  qu'ils  ont  besoin  que  Dieu,  étendant  la  main 
(c'est-à-dire  que  le  Verbe  de  Dieu  contractant  une  union  étroite  avec 
la  nature  humaine),  il  les  purifie  de  leurs  anciennes  erreurs,  et  leur 
permette  d'offrir,  pour  leur  guérison ,  leurs  corps  comme  une  hostie 
vivante.  —  S.  Ambr.  Si  le  Verbe  est  le  remède  tout  puissant  de  la 

(t)  Le  texte  des  Bibles  corrigées  porte  :  «  Egent  gloria  Dei,  »  et  ont  besoin  rie  la  gloire  de  Dieu, 
comme  dans  le  texte  grec  vxTTepoùvTai  t^ç  ôÔ^tt);,  car  l'action  par  laquelle  Dieu  nous  donne  la 
grâce  dont  nous  avons  besoin,  tend  directement  à  sa  gloire. 


tionis  nimietate  contenmant  ;  sed  quieti 
contemplitutes  sorbeant,  quoil  occupati 
ergaproximos  loquentes  refiindant.  Bed. 
Quod  auteiu  secedit  orare,  non  ei  na- 
turtc  tribuas  qufe  dicit  :  «  Volo,  miin- 
dare  ;  «sed  ei  qiiaî  exlendcns  niaiiuni 
telip;it  Ipprosum  ;  non  quod  juxta  Nes- 
toriiim  peniina  sit  filii  persoua  ;  sed 
ejusdem  personte  (sicut  nalurae),  sic  el 
operationes  sunt  duœ.  Grkg.  Nazianz. 
(Orat.,  28.)  Et  opéra  quidem  in  pupulo, 
orationes  aulcm  in  deserlo  peraf^^obal  ut 
plurimum,  sanciens  quod  liceat  paruni- 
per  quiescere,  ut  mente  sincera  cum 
Deo  colloquamur  :  neque  enim  ipse  in- 
digebat  remotione  vel  secessu,  ijuia  non 


erat  in  eo  quod  remitteretur,  vel  in  quod 
coliigeret  seipsum,  cum  Deus  esset;  sed 
ut  pateal  nobis  et  operationis  liora  et 
altioris  sniertia?  ;  sive  ut  aclionis  et  su- 
blimions cujusdara  occupalionis  terapus 
opporlunum  discamus. 

BiîDA.  Typice  autem  leprosus  buma- 
nuni  genus  languidum  peccatis  désignât; 
plénum  lepra,  «  quia  omnes  peccaverunt, 
et  egent  gratia  Dei  »  [Rom.,  3),  ut  sci- 
licel  l'Xtenla  manu  (id  est,  Verbo  Dei, 
bumanam  contingente  naturam)  a  prisci 
erroris  varielate  mundenlur,  et  offerant 
pro  emudatione  corpora  sua  bostiam 
vivam.  Ambr.  Si  autem  leprœ  medicina 
verbum    est,    contemptus    verbi    lepra 


264 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


lèpre,  lo  mépris  du  Verbe  est  donc  la  lèpre  de  l'âme.  —  Théophyl. 
Remarquez  encore  que  celui  qui  est  purifié  devient  digne  de  présenter 
à  Dieu  son  oflFrande ,  c'est-à-dire  le  corps  et  le  sang  du  Seigneur,  qui 
sont  unis  à  la  nature  divine. 


f.  17-26.  —  Un  jour  qu'il  enseignait,  étant  assis,  des  pharisiens  et  des  docteurs 
de  lu  loi  venus  de  tous  les  villages  de  Galilée  et  de  Judée,  et  de  la  ville  de 
Jérusalem,  étaient  aussi  assis  près  de  lui,  et  la  vertu  du  Seigneur  opérait  pour 
guérir  les  malades.  Et  voilà  que  des  gens  portaient  sur  un  lit  un  homme 
paralytique,  et  cherchaient  à  le  faire  entrer  et  à  le  mettre  devant  lui.  Mais  ne 
trouvant  point  par  où  le  faire  entrer,  à  cause  de  la  foule,  ils  montèrent  sur  le 
toit,  et  par  les  tuiles,  ils  le  descendirent  avec  le  lit  où  il  était,  au  milieu  de 
tous  devant  Jésus.  Voyant  leur  foi,  il  dit  :  Homme,  vos  péchés  vous  sont  remis. 
Alors  les  scribes  et  les  pharisiens  commencèrent  à  dire  en  eux-mêmes  :  Qui  est 
celui-ci  qui  profère  des  blasphèmes?  Qui  peut  remettre  les  péchés  que  Dieu 
seul?  Mais,  dès  que  Jésus  connut  leurs  pensées,  il  prit  la  parole  et  leur  dit  : 
Que  pensez-vous  en  vos  cœurs  ?  Lequel  est  le  plus  facile  de  dire  :  Vos  péchés 
vous  sont  remis  ;  ou  de  dire  :  Levez-vous  et  marchez?  Or,  afin  que  vous  sachiez 
que  le  Fils  de  l'homme  a  le  pouvoir  sur  la  terre  de  remettre  les  péchés,  il  dit 
au  paralytique  :  Levez-vous,  je  vous  le  commande,  prenez  votre  lit,  et  vous  en 
allez  en  votre  maison.  Et  aussitôt,  se  levant  devaiit  eux,  il  prit  le  lit  où  il 
était  couché,  et  s'en  alla  dans  sa  maison  en  glorifiant  Dieu.  Et  ils  furent  tous 
frappés  de  stupeur  ;  et  ils  glorifiaient  Dieu,  et  remplis  de  crainte  ils  disaient  : 
Nous  avons  vu  aujourd'hui  des  choses  prodigieuses. 

S.  Cyr.  {Ch.  des  Per.  gr.)  Les  scribes  et  les  pharisiens  qui  avaient 
été  témoins  des  miracles  de  Jésus-Christ,  venaient  aussi  entendre  ses 
divines  leçons  :  «  Un  jour  qu'il  enseignait  étant  assis,  des  pharisiens  et 
des  docteurs  de  la  loi  étaient  également  assis  près  de  lui,  et  la  vertu  du 


mentis  est.  Theophylact.  Vide  autem 
quod  postquam  muodatus  est  aliquis, 
tune  dignus  est  ofîerre  hoc  munus  ;  sci- 
licet  corpus  et  sanguinem  Domini,  quod 
est  divinse  unitum  naturse. 

Et  factum  est  in  una  dierum,  et  ipse  sedebat  do- 
cens,  et  erant  pharisœi  sedentes  et  legis  doc- 
tores,  qui  vénérant  ex  omni  castello  Galilœœ , 
et  Judœœ  ,  et  Hierusalem  ;  et  virtus  Domini 
erat  ad  sanandum  eos.  Et  ecce  viri  portantes 
in  lecto  hominem  qui  erat  parahjticus  ;  et  quœ- 
rebant  eum  inferre,  et  ponere  ante  eum  :  et  non 
invenientes  qua  parte  illum  inferrent  prœ- 
turba,  ascenderunt  supra  tectum,  et  per  tegu- 
tas  siibniiserunt  eum  eum  lecto  in  médium  ante 
Ji'sum.  Quorum  fidem  nt  cidit,  di.vil:  Homo, 
rcinitluntur  tibi  peccata  tua.  Et  cœpernnt  co- 
gitare  scribœ  et  pharisœi,  dicenles  :  Quis 
est  hic  qui  loquitur  hlasphemias  ?  Quis 
potest  dimittere  peccata,  nisi  solus  Deus  ?  Ut 


cognovit  autem  Jésus  cogitationes  eorum,  res- 
pondens  dixit  ad  illos  :  Qmd  cogitatis  in  cor- 
dibus  vesfris  ?  Quid  est  facilius  dicere  :  Dimit- 
tuntur  tibi  peccata  ?  an  dicere  :  Surge  et  am- 
bula  ?  Ut  autem  sciatis  quia  Filius  hominis  ha- 
bet  potestatem  in  terra  dimittendi  peccata  [ait 
paralytico)  :  Tibi  dico ,  surge:  toile  lectum 
tuum,  et  vade  in  domum  tuam.  Et  confestim 
surgens  coram  illis,  tnlit  lectum  in  quo  jace- 
bat,  et  abiit  in  domum  suam  magnificans  Deum. 
Et  stupor  apprehendit  omnes,  et  magnifir.a- 
bant  Deum,  et  repletisunt  timore,\dicentes  quia 
vidimus  mirabilia  hodie. 

Cyril,  {in  Cat.  Grœcoriim  Potritm.) 
Scribœ  etpliarissei  qui  facti  fuerant  pro- 
digioruni  Gliristi  spectatores,  audiebant 
Ipsum  qnoquo  docentem  :  unde  dicitur  : 
«  El  factum  est  in  una  dierum  et  ipse 
sedebat  docens  :  et  erant  pharisaei  se- 
dentes, »  etc.  «  Et  virtus   Domini    erat 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    V.  265 

Seigneur  opérait  pour  guérir  les  malades.  »  Cette  vertu  n'était  pas  une 
puissance  d'emprunt,  c'était  comme  Dieu  et  comme  Seigneur  qu'il 
faisait  ces  miracles,  par  sa  propre  puissance.  Souvent  les  hommes  se 
rendent  dignes  de  recevoir  les  dons  spirituels,  mais  souvent  aussi  ils 
s'écartent  du  but  que  s'est  proposé  l'auteur  de  ces  dons.  Tl  n'en  fut 
pas  ainsi  de  Jésus-Christ,  car  une  vertu  toute  divine  affluait  en  lui 
pour  guérir  les  malades.  Or,  il  était  nécessaire  de  donner  à  cette  foule 
réunie  de  scribes  et  de  pharisiens  un  témoignage  éclatant  de  sa  puis- 
sance,, pour  confondre  ceux  qui  n'avaient  pour  lui  que  du  mépris  ;  il 
guérit  donc  miraculeusement  ce  paralytique.  Toutes  les  ressources  de 
la  médecine  avaient  été  impuissantes  pour  le  guérir,  ceux  qui  s'inté- 
ressent à  lui  l'apportent  donc  au  céleste  et  tout-puissant  médecin  :  «  Et 
voilà  que  des  gens  portaient  sur  un  lit  un  homme  paralytique,  »  etc. 
—  S.  Chrts.  Les  hommes  qui  portent  ce  paralytique  sont  vraiment 
admirables,  ils  ne  peuvent  le  faire  entrer  par  la  porte,  ils  ont  recours 
à  an  moyen  nouveau  et  singulier  :  «  Et  ne  trouvant  point  par  où  le 
faire  entrer,  ils  montèrent  sur  le  toit,  »  etc.  Ils  découvrirent  le  toit 
pour  descendre  le  lit,  et  ils  déposèrent  le  paralytique  au  milieu  de  la 
maison  :  «  Et  ils  le  descendirent  par  les  tuiles.  »  L'endroit  par  où  ils 
descendirent  le  lit  du  paralytique  par  les  tuiles  était  sans  doute  peu 
élevé. 

BEDE.  Avant  de  guérir  cet  homme  de  sa  paralysie,  le  Seigneur  l'af- 
franchit d'abord  des  liens  du  péché;  il  lui  apprend  ainsi  que  l'afifai- 
blissement,  la  défaillance  de  ses  membres  est  la  punition  des  fautes 
dont  son  âme  est  comme  enchainée,  et  qu'il  faut  rompre  ces  chaînes 
spirituelles  pour  qu'il  puisse  recouvrer  la  santé.  —  S.  Ambii.  Qu'il  est 


ad  sanandum  eos:  »  non  quasi  mutuo 
acciperet  poteslatem  alteriils  ;  sed  quasi 
Deuâ  et  Dominus  propria  operabalur 
virtute.  Fiunt  autem  lioniiues  sœpe  do- 
norum  spiritualiuni  digni,  sed  plerura- 
que  deficiunt  a  ratione  quam  novit  do- 
noriim  larfjitor.  Quod  in  Christo  non 
accidit  :  affluebat  enim  in  préestandis 
remediis  virtus  divina.  Quia  vero  neccs- 
sarium  crat,  uhi  tantascriiiarum  et  plia- 
risœorum  turba  convenerat,  aliquid  fieri 
ex  his  qua*.  virtuti  attestareutur  ipsius, 
coram  ers  qui  eum  parvipendebant,  fac- 
tura est  iiuoddam  miraculum  in  paraly- 
ti(;o;in  quo  quia  dofecisse  videl;atur 
medicinalis  ars,  porlabaliir  a  proxiniis 
ad  supernuiu  et  cœlestem  medicuni  : 
unde  sequitur  :  «  Et  ecce  viri  portan- 
tes, »  etc.  Chrys.  {in  Cot.  ut  sup.)   Mi- 


randi  vero  sunt  qui  paralyticum  addu- 
xerunt,  qualiter  cum  naquissent  intrare 
per  ûslium,  novum  aliquid  et  alienum 
attentaverunl  :  unde  sequitur  :  «  Kt  non 
invenientes  qua  parle  illuni  inl'errent, 
ascenderunt  supra  teetum,  »  etc.  Dete- 
gentes  autem  teclum  deponunt  graba- 
tum,  et  ponunt  in  medio  paralyticum  : 
unde  sequitur  :  «  Et  per  tegulas  dimi- 
serunt.  »  Dicel  aliquis  domissum  fuisse 
locum,  a  quo  per  tegulas  deposuerunt 
paralytici  lectum. 

Beda.  Hominem  autem  Dominus  a 
paralysi  curaturus  ,  primo  peccatorum 
vincula  dissolvit,  ut  osteuderel  eum  ob 
nexus  culparum  artuum  dissolutione 
damnari  ;  nec  nisi  bis  relaxatis  mem- 
brorum  posse  recuperatione  sanari  : 
unde  sequitur  :    «  Quorum  fidem  ut  vi- 


266 


EXPLICATION    DE   l'ÉVANGILE 


grand  le  Seigneur  qui  pardonne  aux  uns,  en  considération  du  mérite 
des  autres,  qui  accueille  favorablement  les  uns,  et  pardonne  aux 
autres  leurs  égarements  !  0  homme  !  comment  pourriez-vous  re- 
fuser d'écouter  les  prières  de  vos  semblables,  lorsqu'auprès  de  Dieu, 
un  serviteur  a  le  droit  d'intervenir  par  ses  méiùtes  et  d'obtenir  ce 
qu'il  demande?  Si  donc  vous  désespérez  d'obtenir  le  pardon  de 
fautes  énormes,  ayez  recours  aux  prières  des  autres,  ayez  recours  à  la 
médiation  de  l'Eglise,  qui  priera  pour  vous,  et  en  sa  considération.  Dieu 
vous  accordera  le  pardon  qu'il  aurait  pu  vous  refuser  à  vous-même. 
—  S.  Chrys.  [hom.  30  sur  S.  Matlh.)  Disons  cependant  que  la  foi  de 
ce  paralytique  concourait  aussi  pour  demander  sa  guérison,  car  s'il 
n'avait  eu  la  foi,  il  n'aurait  pas  consenti  à  ce  qu'on  le  descendît  ainsi 
aux  pieds  de  Jésus. 

S.  AuG.  {de  l'ace,  des  Evang.^  ii,  25.)  Notre- Seigneur  lui  dit  :  «  0 
homme  !  vos  péchés  vous  sont  remis.  »  Et  en  parlant  ainsi,  il  insinue 
que  les  péchés  étaient  remis  à  un  homme  qui,  par  là  même  qu'il  était 
homme,  ne  pouvait  dire  :  «  Je  suis  sans  péché.  »  Il  voulait  encore 
faire  entendre  que  celui  qui  remettait  les  péchés  était  Dieu.  — 
S.  Chrys.  {tiré  des  hom.  14,  30  sur  S.  Matth.)  Lorsque  nous  sommes 
atteints  de  souffrances  corporelles,  nous  nous  empressons  bien  vite  de 
les  faire  cesser;  si,  au  contraire,  notre  âme  vient  à  être  malade,  nous 
différons  de  recourir  aux  remèdes,  et  c'est  pour  cela  que  nous  n'ob- 
tenons pas  la  guérison  de  nos  infirmités  corporelles.  Retranchons 
donc  courageusement  la  source  du  mal,  et  le  cours  de  ces  infirmités 
s'arrêtera.  Or,  les  pharisiens,  dans  la  crainte  de  la  multitude,  n'osaient 
manifester  leurs  pensées,  ils  se  contentaient  de  s'en  occuper  dans  leurs 
cœurs  :  «  Et  ils  commencèrent  à  dire  en  eux-mêmes  :  Qui  est  celui 
qui  profère  des  blasphèmes?  »  —  S.  Cyr.  En  formulant  cette  accu- 


dit,  »  etc.  Ambr.  Magnus  Dominus  qui 
aliorum  merito  ignoscit  aliis  :  et  dum 
alios  probat,  aliis  relaxât  errata.  Cur 
apud  te,  homo,  coUega  non  valeat,  cum 
apud  Deum  servus  et  intervenieudi  me- 
ritum  et  jushabeat  impetrandi?  Si  gra- 
viuni  peccatorum  diftidis  veniam,  adhibe 
precatores,  adhibe  Ecclesiam  quae  pro 
te  precetur  cujus  contemplatione  quod 
tibi  Dominus  negare  posset  ignoscat. 
Chrys.  {hom.  30,  in  Matth.)  Occurrebat 
autem  et  in  hoc  ipsius  patientis  fides  : 
non  enim  sustinuisset  se  inferius  sub- 
mitti,  niai  credidisset. 

AuG.  {de  Con.  Evanrj.,  lib.  ii,  cap. 
25.)  Quod  autem  dicit  :  «  Homo,  dimit- 
tuntur  tibi  peccata,»  ad  hoc  insinuandum 


valet,  quia  homini  dimittebantur  peccata, 
qui  eo  ipso  quod  homo  erat,  non  posset 
dicere  :  «  Non  peccavi.  »  Simul  etiara  ut 
ille,  qui  homini  dimittebat,  intelligere- 
tur  Deus.  Chrys.  [in  Cat.  Grœcorum 
Patrum.  ex  homiliis  in  Matth.)  Nos 
autem  si  corporaliter  patimur,  satagi- 
mus  nocivum  abjicere  :  cum  vero  maie 
sit  animai,  differimus  ;  atque  ideo  nec 
a  corporis  nocivis  curamur.  Abscinda- 
mus  igitur  fontem  malorum,  et  cessa- 
bunt  aegritudinum  tluxus.  Metu  autem 
multitudinis  suam  intentionem  aperire 
pharissei  non  audebant,  sed  solum  in 
cordibus  suis  meditabantur  :  unde  se- 
quitur  :  «  Et  cœperunt  cogitare  dicen- 
tes  :  Qui   est  hic  qui  loquitur  blasphe- 


DE   SAINT   LUC.    CHAP.    V. 


267 


sation,  ils  se  hâtent  bien  légèrement  de  prononcer  la  sentence  de 
mort.  Car  la  loi  ordonnait  de  punir  de  mort  tout  homme  coupable 
de  blasphème  contre  Dieu.  —  S.  Ambr.  (1*)  C'est  ainsi  qu'ils  viennent 
eux-mêmes  témoigner  en  faveur  de  l'œuvre  de  la  toute  puissance  du 
Fils  de  Dieu,  car  rien  n'établit  plus  fortement  la  foi  qu'un  aveu  invo- 
lontaire et  forcé,  comme  aussi  rien  n'augmente  la  culpabilité  comme 
la  négation  de  ceux  qui  se  condamnent  par  leurs  propres  asser- 
tions (2*)  :  «  Qui  peut  remettre  les  péchés  que  Dieu  seul?  »  Quelle 
folie  de  la  part  de  ce  peuple  infidèle,  de  reconnaître  d'un  côté  que 
Dieu  seul  peut  remettre  les  péchés,  et  de  ne  point  croire  de  l'autre 
au  Dieu  qui  remet  les  péchés.  —  Bède.  Ils  disent  vrai,  Dieu  seul  peut 
remettre  les  péchés,  et  il  les  remet  aussi  par  ceux  auxquels  il  a 
donné  ce  pouvoir.  Nous  avons  donc  ici  une  preuve  que  Jésus-Christ 
est  vraiment  Dieu,  puisqu'il  peut  remettre  les  péchés  comme  Dieu. 

S.  Ambr.  Mais  comme  la  volonté  du  Seigneur  est  de  sauver  les  pé- 
cheurs, il  leur  prouve  sa  divinité  par  la  connaissance  qu'il  a  des 
choses  cachées  :  «  Mais,  afin  que  vous  sachiez,  »  etc.  —  S.  Ctr.  Il 
semble  leur  dire  :  Vous  dites,  ô  pharisiens  :  «  Qui  peut  remettre  les 
péchés  que  Dieu  seul,  »  et  moi  je  vous  réponds  :  «  Qui  peut  scruter 
les  secrets  des  cœurs,  si  ce  n'est  Dieu  seul  ?  »  Lui  qui  dit  par  la  bouche 
des  prophètes  :  «  Je  suis  le  Seigneur  qui  scrute  les  cœurs  et  pénètre 
les  reins  (3).  »  —  S.  Chrys.  {hom.  30  sur  S.  Matth.)  Si  vous  refusez 
de  croire  le  premier  miracle  (la  rémission  des  péchés),  j'en  ajoute  un 

(1*)  Nous  avons  suivi  comme  plus  clair  le  texte  original  de  saint  Ambroise  :  «  Itaque  ab  ipsis  et 
operis  sui  Dei  Filius  accipit  testimonium,  »  au  lieu  de  o  ab  ipsis  ex  operibus  suis.  » 

(2*)  Le  texte  original  porte  :  «  Qui  suis  assertionibus  revincuntur,  »  au  lieu  de  o  relinquuntur,  » 
qu'on  lit  dans  toutes  les  éditions  de  la  Chaîne  d'or. 

(3)  Jerem.,  x;  Ps.  vu,  10;  I  Paralip.,  xxviii,  9;  Sag.,  vi,  4;  Sophon.,  i,  12;  Apocal.,  u,  23. 


mias?  »  Cyril,  (in  Cat.  Grxcorum, 
ubi  svp.)  In  quo  mortis  praecipitant 
senlentiatn.  Erat  enim  maridatuni  in 
lege  [Levi.,  24.)  quod  quicunque  blas- 
pheniaret  in  Deum,  morte  puniretur. 
Ambr.  Itaque  ab  ipsis  et  operis  sui  Dei 
Filius  accipit  testimonium.  Nam  et  vali- 
dius  est  ad  fidem,  quod  confitentur  in- 
vili,  et  perniciosius  ad  culpaiii,  quod 
negant  qui  suis  assertionibus  reviucun- 
tur  :  unde  sequitur  :  «  Quis  potest  pec- 
cata  dimitlere  uisi  solus  Deus  ?  »  Magua 
infidii;  piebis  anienlia,  ut  cum  confessa 
fuerit  solius  iJei  esse  donarc  peccata, 
non  f-redat  iJeo  peccata  donanli.  Beda. 
Yerum  enim  dicunt  quia  nemo  peccata 
dimittere  nisi  Deus  potest  ;  qui  per  eos 
quoque  dimittit,  quibus  diraittendi  tri- 


buit  potestatem.  Et  ideo  Cbristus  vere 
Deus  esse  probatur,  quia  dimittere  pec- 
cata quasi  Deus  potest. 

Ambr.  Dominus  autem  salvos  volens 
facere  peccatores,  ex  occultorum  cogui- 
tione  Deum  se  esse  demonstrat:  unde 
sequitur  :  «  Ut  autem  cognoscatis,  »  etc. 
Cyril,  [in  Cat.  Grœcorum  Patrum.) 
Quasi  dicat  :  0  pharisœi,  quia  dicitis  : 
«  Quis  potest  peccata  dimittere,  nisi 
solus  Deus  ?  »  respondeo  vobis  :  «  Quis 
potest  sécréta  cordis  scrutari,  nisi  solus 
Deus?  »  Qui  per  prophetas  dicit.  «  Ego 
Dominus  scrutans  corda  ol  probans  re- 
nés. »  Chrys.  {hom.  30,  in  Multh.)  Si 
ergo  increduli  estis  erga  primum  (scili- 
cet  remissionem  peccati) ,  ecce  aliud 
adjicio,  dum  intima  vestra  patefacio  : 


268 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGTLE 


second,  en  dévoilant  vos  pensées  les  plus  secrètes,  et  un  troisième  en 
rendant  la  santé  et  la  force  au  corps  de  ce  paralytique  :  «  Lequel  est 
le  plus  facile,  »  etc.  Il  est  évident  qu'il  est  beaucoup  plus  facile  de 
rendre  la  force  à  un  corps  affaibli,  car  l'âme  est  beaucoup  plus  noble 
que  le  corps,  et  la  rémission  de  ses  fautes  est  d'autant  plus  excellente. 
Mais  comme  vous  refusez  de  croire  au  premier  miracle,  parce  qu'il 
reste  cacbé,  j'en  ajouterai  un  autre  qui  lui  est  inférieur,  mais  qui  est 
visible  et  qui  vous  démontrera  la  vérité  de  celui  qui  est  invisible.  Re- 
marqviez  encore  qu'en  adressant  la  parole  au  paralytique,  Notre-Sei- 
gneur  ne  lui  dit  pas  :  «  Je  vous  remets  vos  pécbés,  »  pour  établir  sa 
propre  puissance  ;  mais  lorsqu'il  y  est  forcé  par  la  malice  de  ses  enne- 
mis, il  la  déclare  ouvertement,  en  disant  :  «  Or,  afin  que  vous  sa- 
chiez, »  etc.  —  Théophyl.  Vous  le  voyez,  c'est  sur  la  terre  qu'il  remet 
les  péchés  :  en  efifet,  tant  que  nous  sommes  sur  la  terre,  nous  pouvons 
effacer  nos  péchés,  mais  lorsque  nous  l'aurons  quittée,  nous  ne  pour- 
rons plus  les  confesser,  car  la  porte  sera  fermée. 

S.  Chrys.  {hom.  30  sur  S.  Matth.)  Le  Sauveur  prouve  la  rémission 
des  péchés  par  la  guérison  du  corps  :  «  Il  dit  au  paralytique  :  Je  vous  le 
commande,  levez-vous,  »  et  il  prouve  la  guérison  du  corps  de  ce  paraly- 
tique, eu  lui  commandant  d'emporter  son  lit,  ce  qui  confirmait  invinci- 
blement la  réalité  de  cette  guérison  :  a  Prenez  votre  lit,  »  etc.,  comme 
s'il  lui  disait  :  Je  voulais  me  servir  de  votre  infirmité  pour  guérir  ceux 
qui  paraissent  pleins  de  santé,  mais  dont  l'àme  est  bien  malade;  puis- 
qu'ils refusent  la  guérison,  allez  convertir  votre  famille.  — S.  AiiBR.La 
guérison  s'opère  immédiatement,  et  sans  retard,  le  Sauveur  guérit 
cet  homme  au  même  moment  qu'il  parle  :  «  Etse  levant  aussitôt,»  etc. 
—  S.  Gyr.  Ce  miracle  prouve  que  le  Fils  de  l'homme  a  sur  la  terre  le 


quin  etiam  aliud,  dum  paralytici  corpus 
consolido  :  uûde  subdit  :  «  Quid  est  fa- 
cilius,  »  etc.  Palam  quidem  est^  quia 
consolidare  corpus  facilius  est  :  quanto 
namque  nobilior  est  anima  corpore, 
taato  est  excellentior  absolutio  crimi- 
num  :  verum  quia  illud  uon  creditis  eo 
quod  lateat,  adjiciam  quod  minus  est, 
apertius  tameu  ;  quateaus  quod  est  oc- 
cultum  per  hoc  demonstretur.  Et  qui- 
dem cum  allocutus  est  infirmantem , 
non  dixit  :  «  Dimitto  tibi  peccata,  » 
propriam  exprimons  potestatem,  sed, 
«  remittuntur  tibi  peccata.  »  Cogentlbus 
autem  illis,  evidentius  propriam  décla- 
rât potestatem ,  dicens  :  «  Ut  autem 
sciatis,  ))  elc.  Theophylact.  Vide  quod 
in  terra  dimittit  peccata.  Dum  enim  su- 
mus  in  terra,  peccata  nostra  delere  pos- 


sumus;  postquam  vero  a  terra  tollimur, 
non  valebimus  confiteri,  clauditur  enim 
janua. 

Chrys.  [in  hom.  30,  in  Matth.)  De- 
monstrat  autem  peccatorum  veniam  per 
corporis  sanationem  :  unde  sequitur  : 
«  Ait  paralytico  :  Tibi  dico,  surge  :  » 
ipsam  vero  corporis  sanitatem  demous- 
trat  per  lecti  portationem,  ut  sic  non  re- 
putetur  phantasia  quod  factuni  est  :  unde 
sequitur  :  «  Toile  grabatum  tuum,  »  etc. 
Quasi  diceret  :  Ego  volebam  per  tuam 
passionem  curare  illos  qui  sani  videntur, 
iufirmantur  autem  in  anima  ;  sed  quia 
nolunt,  vade  tuam  correcturusfamiliam. 
Ambr.  Nec  mora  uUa,  sauitas  intervenilj 
unum  dictorum  remediorumque  mo- 
mentum  est  :  unde  sequitur.  ((  Et  con- 
festim  surgens,  »  etc.  Cyril,  {ubi  sup.) 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    V.  269 

pouvoir  de  remettre  les  péchés  ;  ce  qu'il  déclare  ici  pour  rétablir  sa 
divinité  et  pour  uotre  instruction.  En  effet,  c'est  en  tant  que  Dieu  fait 
homme,  et  comme  maître  de  la  loi,  qu'il  remet  lui-même  les  péchés; 
mais  nous  avons  reçu  nous-mêmes  ce  pouvoir  admirable,  car  il  a  dit  à 
ses  disciples  :  «  Les  péchés  se.vont  remis  à  ceux  à  qui  vous  les  remet- 
trez. »  Et  comment  n'aurait-il  pas  à  un  plus  haut  degré  le  pouvoir  de 
remettre  les  péchés,  lui  qui  a  communiqué  ce  pouvoir  aux  autres?  Les 
rois  et  les  princes  de  la  terre,  quand  ils  font  grâce  aux  homicides,  les 
délivrent  du  supplice  qu'ils  devaient  subir  en  ce  monde,  mais  ils  ne 
peuvent  les  absoudre  de  leurs  crimes. 

S.  Ambr.  Les  Juifs  incrédules  voient  le  paralytique  se  lever  et 
s'étonnent  qu'il  marche  :  «  Et  ils  furent  tous  frappés  de  stupeur,  »  etc. 
—  S.  Chrys.  {hom.  30  sw  S.  Matlh.)  Les  Juifs  rampent  encore  dans 
des  pensées  terrestres  (1*) ,  tout  en  louant  Dieu,  mais  sans  rcconnaitre 
que  Jésus-Christ  lui-même  était  Dieu,  car  la  chair  était  pour  eux  un 
obstacle  (2*),  et  toutefois,  c'était  beaucoup  déjà  de  le  reconnaître  comme 
le  premier  des  mortels  et  comme  l'envoyé  de  Dieu.  —  S.  Ambr.  Ils 
sont  témoins  des  miracles  de  sa  toute-puissance,  et  ils  aiment  mieux 
se  laisser  dominer  par  la  crainte  que  diriger  par  la  foi  :  «  Et  ils  furent 
remplis  de  crainte,  »  etc.  S'ils  avaient  cru,  ils  eussent  cessé  de  craindre 
pour  aimer,  car  l'amour  parfait  chasse  la  crainte  (I  Jean^  iv).  Or,  la 
guérisou  de  ce  paralytique  nous  donne  un  enseignement  important; 
Notre-Seigneur  commença  par  prier,  non  par  nécessité,  mais  pour 
nous  donner  l'exemple.  —  S.  Aug.  {Quest.  évang.^  ii,  4..)  On  peut 

(1*)  Le  texte  grec  de  saint  Chrysoslome  que  nous  avons  suivi  porte  :  ëti  y_a[Jia'.  ffOpovrat, 
adhuc  humi  repunt,  au  lieu  de  paulatim  serpunt. 

(2')  Est-ce  la  chair  dont  Jésus-Christ  était  revêtu,  ou  les  dispositions  charnells  des  Juifs?  le 
texte  peut  admettre  ces  deux/interprétations. 


Quo  facto  .patuit  quod  Filius  homiuis 
potest  in  terra  relaxare  peccata;  quod 
pro  se  et  pro  nobis  dixerat.  Ipse  namque 
ut  Deus  faclu3  liomo,  tanquam  Dominus 
legis  peccata  diinillit  :  sorliti  suiiius 
etiani  nos  ab  eo  tain  niirabileni  gratiam  ; 
dictuni  est  enim  discipulis  {Joan.,  20)  : 
<<  Quorum  remiserilis  peccata,  reniit- 
tuntur  eis.  »  Quomodo  autemnon  magis 
ipsc  peccata  dimiltit,  qui  Ccfileris  poted- 
fateni  faciendi  hoc  tradidit  ?  Reges  au- 
tem  terreui  et  principes  boujicidas  ab- 
solventes  a  pœna  prœseuti  libérant,  a 
criininibus  autem  expiarc  non  pussunt. 
Ambu.  Spectant  autem  surgenlem  in- 
creduli,  mirantur  aboiuitem  :  unde  se- 
quitur:  «    Kt   «tupor   apprehendit   om- 


nes,  »  etc.  Chrys.  {fwm.  30^  in  Matth.) 
Paulatim  serpunt  Judœi  magnificantes 
Dcum,  non  tameu  putantes  eum  Deum 
esse  ;  obstabat  enim  eis  caro,  nec  tamen 
eratmodicum  œstimarc  eum  prœcipuum 
esse  mortalium,  et  a  Deo  processisse. 
Ambr.  Divini  autem  operis  miraculama- 
lunt  timcre  quam  credere  :  unde  sequi- 
lur  :  «  Et  repleti  sunt  timoré,  »  etc.  Si 
autem  credidissent,  non  timuissent  uti- 
que ,  sed  dilexissent  ;  perfecta  enim 
dilectio  foras  timorem  excludit.  Non 
otiosa  autem  liujus  paralytici,  nec  an- 
gusta  medicina  est,  quoniam  Domiuus 
crasse  prauuillitur,  non  proptor  suffra- 
gium,  sed  propter  exemplum.  Aug.  {de 
Quœst.  Evang.,    lib.  ii,  quœst.  4.)  De 


270 


EXPLICATION    DE   L  EVANGILE 


voir  dans  ce  paralytique  une  image  de  l'àrae  privée  de  ses  membres, 
c'est-à-dire,  de  ses  opérations,  cliercliant  Jésus- Clirist  (c'est-à-dire,  la 
volonté  du  Verbe  de  Dieu).  Elle  ne  peut  arriver  jusqu'à  lui,  empêchée 
qu'elle  en  est  parla  foule  tumultueuse  de  ses  pensées;  il  faut  qu'elle 
découvre  le  toit,  c'est-à-dire,  le  voile  des  Ecritures,  pour  arriver  ainsi 
à  la  connaissance  de  Jésus-Christ,  c'est-à-dire,  pour  descendre  pieu- 
sement jusqu'à  l'humilité  de  la  foi.  —  Bède.  Ce  n'est  pas  sans  dessein 
([ue  la  maison  où  se  trouve  Jésus  nous  est  représenté  comme  couverte 
de  tuiles,  parce  que,  sous  le  voile  grossier  de  la  lettre,  nous  trouvons 
la  vertu  de  la  grâce  spirituelle. 

S.  Ambr.  Chacun  de  nous,  s'il  est  malade,  doit  recourir  aux  prières 
de  ses  frères  pour  obtenir  sa  guérison,  pour  que  l'assemblage  tout 
brisé  de  notre  vie  et  les  pas  chancelants  de  nos  œuvres  soient  raffermis 
par  le  remède  de  la  parole  céleste.  Il  faut  donc  pour  les  âmes  de  sages 
directeurs,  qui  élèvent  vers  le  ciel  l'esprit  de  l'homme  appesanti  par 
l'infirmité  du  corps.  Il  faut  aussi  que  l'homme  se  prête  facilement  à 
tous  les  mouvements  qu'on  lui  imprime,  qu'il  se  laisse  élever,  abaisser, 
pour  être  placé  devant  Jésus,  et  être  rendu  digne  de  ses  regards,  car 
le  Seigneur  abaisse  ses  regards  sur  les  humbles  (1).  —  S.  Aug.  [Qiiest. 
évang.)  Ceux  donc  qui  déposent  le  pai-alytique  peuvent  représenter 
les  vrais  docteurs  de  l'Eglise,  et  le  lit  sur  lequel  il  est  déposé  signifie 
que  c'est  pendant  que  l'homme  est  revêtu  d'un  corps  mortel  qu'il  doit 
chercher  à  connaître  Jésus-Christ.  —  S.  Ambr.  Le  Seigneur  voulant  éta- 
blir l'espérance  pleine  et  entière  de  la  résurrection,  pardonne  les  péchés 
de  l'âme  et  guérit  l'infirmité  de  la  chair,  c'est  la  guérison  de  l'homme 
tout  entier.  Il  est  grand  sans  doute  de  remettre  aux  hommes  leurs 

(Ij  Allusion  à  ces  paroles  de  saint  Luc  :  «  Il  a  regardé  l'humilité  de  sa  servante.  »(  Lue.,  i,  48,) 
paroles  que  quelques  saints  Pères  entendent  de  la  vertu  d'humilité. 


paralytico  euim  potest  intelligi  animam 
dissolutam  membris,  hoc  est,  operalio- 
uibus,  Christuui  quœrere  (id  est,  volan- 
talem  Verbi  Dei.)  Iinpediri  autem  a  lur- 
bis,  scilicet  cogitationum,  nisi  tecta,  id 
est,  operta  Scripturariim  aperiat,  et  per 
hoc  ad  notitiam  Chrisli  perveniat,  Jioc 
est  ad  ejus  humilitatem  fidei  pietate 
descendat.  Bed.  Et  bene  domus  Jesu 
tegulis  contecta  describitiir,  quia  sub 
contemptibiii  Utterarum  velamiue  spiri- 
talis  gratiœ  virlus  invenitur. 

Ambr.  Uuusquisque  autem  œger  pe- 
tendœ  precatores  salutis  débet  adhibere, 
per  quos  noslrui  vilip  compago  resoluta, 
actuumque  nostrorum  clauda  vestigia, 
verbi  cœlestisreinedio  reformentur.  Sint 


igitur  aliqui  monitores  mentis,  qui  ani- 
mum  homiuis,  quamvis  exterioris  cor- 
poris  debilitate  torpeutem,  ad  superiora 
erigant,  quorum  rursus  adminiculis  et 
attollere  et  humiliare  se  facilis  ante  Je- 
sum  locetur,  domiuico  videri  dignus  as- 
pectu  :  bumiUtatem  enim  respicit  Domi- 
nas. AuG.  {de  Quxst.  Evang.,  ut  sup.) 
Hi  ergo  a  quibus  deponitur  bonos  doc- 
tores  Ecclesiae  possuut  siguificare  :  quod 
autem  cum  lecto  depouitur,  siguificat  ab 
bomine  in  ista  carne  adhuc  constiluto 
Christum  debere  cognosci.  Ambr.  Do- 
minus  autem  plenam  spem  resurrectio- 
nis  osteadens,  peccata  douât  aniuiarum, 
debiiitatem  carnis  excludit.  Hoc  enim 
est  totum  homiuem  esse  cdratum.Quam- 


DE  SAINT  LUC,    CHAP,    V. 


271 


péchés,  mais  il  est  plus  divin  de  rendre  la  vie  aux  corps  par  la  résur- 
rection, puisque  Dieu  lui-même  est  la  résurrection;  or,  le  lit  qu'on 
ordonne  au  paralytique  d'emporter  c'est  le  corps  humain.  —  S.  Aug. 
{Quest.  évanfj.)  11  ne  faut  pas  que  l'infirmité  de  l'àme  se  repose  da- 
vantage dans  les  joies  charnelles,  comme  sur  un  lit,  mais  au  con- 
traire, qu'elle  réprime  les  affections  de  la  chair,  et  se  dirige  vers  sa 
maison,  c'est-à-dire,  vers  le  repos  mystérieux  de  son  cœur.  —  S.  Amb. 
Ou  bien  encore,  regagner  sa  maison  c'est  retourner  au  paradis.  C'est 
en  effet  la  véritable  maison,  qui  fut  la  première  habitation  de  l'homme 
et  qu'il  a  perdue  contre  toute  justice  par  la  fraude  du  démon.  Il  faut 
donc  que  cette  habitation  lui  soit  rendue  à  l'avènement  de  celui  qui 
est  venu  pour  détruire  la  fraude  du  démon,  et  rendi^e  à  la  justice  tous 
ses  droits. 

y.  27-32.  —  Après  cela  il  sortit,  et  vit  un  publicain  nommé  Lévi,  assis  au 
bureau  des  impôts,  et  il  lui  dit  :  Suivez-moi.  Et  lui,  ayant  tout  quitté,  se 
leva  et  le  suivit  :  Lévi  lui  fit  ensuite  un  grand  banquet  dans  sa  maison,  et  il 
y  avait  une  foule  nombreuse  de  pubiicains  et  d'autres  qui  étaient  à  table  avec 
eux.  Et  les  pharisiens  et  les  scribes  murmuraient  et  disaient  à  ses  disciples  : 
Pourquoi  mangez-vous  et  buvez-vous  avec  des  pubiicains  et  des  pécheurs  ? 
Jésus,  prenant  la  parole,  leur  dit  :  Ce  ne  sont  pas  ceux  qui  se  portent  bien 
qui  ont  besoin  de  médecin,  mais  les  malades.  Je  ne  suis  pas  venu  appeler  les 
justes,  mais  les  pécheurs  à  la  pénitence. 

S.  AuG.  {de  l'ace,  des  Eva7ig.,  i,  26.)  Après  la  guérison  du  para- 
lytique, l'Evangéliste  raconte  la  conversion  du  publicain  :  «  Après 
cela,  Jésus  étant  sorti,  vit  un  publicain,  nommé  Lévi,  assis  au  bureau 
des  impôts.  »  Matthieu  et  Lévi  sont  une  seule  et  même  personne.  — 
BEDE.  Saint  Luc  et  saint  Marc,  par  honneur  pour  cet  Evangéliste,  ne 


vis  igitur  luagnum  sit  hominibu3  pec- 
cata  dimittere,  taiaeii  multo  divinius  est 
resurrectioneni  Jonare  corpûribus,quan- 
doquideiu  Deiis  resurrcctio  est  :  leclus 
autem  qui  toUi  jubelur,  uiliil  oliud  est 
quam  corpus bnmanum.  Al'g.  {de  Quœst. 
Lvung.,  ut  sitp.)  Ul  non  jam  iu  carna- 
bbus  fraudiis  lanquam  in  lecto  requies- 
cat  infiruailas  aniniae  ;  sed  inagis  ipsa 
contineat  affeclioni'S  carnalcs^  et  tcudat 
ad  domum  suaui,  id  est,  requiem  se- 
cretoruni  cordis  sui.  Ambr.  Vel  domum 
repetere  suam,  hoc  est  ad  paradisum 
redire.  Ea  enim  est  vera  domus,  quœ 
boniinem  prima  suscepit,  non  jure 
amissa.  sed  fraude.  Merito  erpro  resti- 
Uiilur ,  (iuoiiiam  veoeral  qui  nexum 
traudis  aboleret,  jus  reformaret. 


Et  post  hœe  exiit ,  et  vidit  publicanum  nomine 
Levi  sedentem  ad  telonium  ;  et  ait  illi  :  Se- 
quere  me.  Et  relictis  omnibus,  surgens  secutus 
est  eum.  Et  fecit  ei  conviuium  magnum  Leoi  in 
dorno  sua,  et  erat  turba  muHa  publicanorum, 
et  aliorum  qui  cum  illis  erant  discumbentes. 
Et  murmurabant  pharisœi  et  scribœ  eorutn, 
dicentes  ad  discipulos  ejus  :  Quare  cum  publi- 
canis  et  peccaioribus  manducatis  et  bibitis? 
El  respondens  Jésus  dixit  ad  illos  :  Non  egent 
qui  sani  sunt  mcdico,  sed  qui  maie  habent  : 
non  enim  veni  cocare  justos ,  sed  peccaiores 
ad  pœnilentiam. 

Alg.  'de  Cons.  Evang.,  lib.  i,  cap. 
26.)  Post  paralyticum  sanatum  de  con- 
versione  publicani  subjungit ,  diccns  : 
«  VX  pn?t  brr-c  oxiit.  et  vidit  publicanum 
noniiue  Levi  sedmitem  ad  lelonium  :  » 
ipse  est  Matthaeus  qui  et  Levi.  Bed.  Sed 


272 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


font  poiut  connaître  le  nom  qu'il  portait  ordinairement ,  au  contraire, 
saint  Matthieu,  devenant  lui-même  son  accusateur  (1)  au  commen- 
cement de  son  récit ,  se  fait  coimaitre  sous  le  nom  de  Matthieu  et  de 
publicain  ;  que  personne  donc  ne  désespère  de  son  salut  à  cause  de 
l'énorinité  de  ses  péchés,  puisque  Matthieu  ,  de  publicain  ,  est  devenu 
apôtre.  —  S.  Cvr.  Lévi  avait  été  publicain  ,  dominé  par  l'avarice, 
avide  du  superflu,  convoitant  le  bien  d'autrui  (ce  qui  était  le  carac- 
tère propre  des  publicains) ,  mais  il  est  arraché  à  toutes  ces  pratiques 
injustes  par  la  voix  de  Jésus-Christ  qui  l'appelle  :  «  Et  il  lui  dit  : 
Suivez-moi.  »  —  S.  Ambr.  Il  lui  ordonne  de  le  suivre,  non  par  le 
mouvement  du  corps  ,  mais  par  les  affections  de  l'âme.  Docile  à  cette 
parole  qui  l'appelle ,  Matthieu  abandonne  ses  propres  biens,  lui,  le 
ravisseur  du  bien  d'autrui  :  «  Et  ayant  tout  quitté  ,  il  se  leva  et  le 
suivit.  »  —  S.  Ghrys.  {hom.  31  sur  S.  Matth.)  Considérez  tout  à  la 
fois  la  puissance  de  celui  qui  appelle,  et  l'obéissance  de  celui  qui  est 
appelé ,  il  obéit  aussitôt  sans  résister ,  sans  hésiter  ;  il  ne  veut  pas 
même  retourner  chez  lui,  pour  faire  connaître  aux  siens  sa  généreuse 
résolution  ;  ainsi  avaient  fait  les  pêcheurs  eux-mêmes.  —  S.  Bas. 
[Ascet.)  (2).  Non-seulement  il  sacrifie  volontiers  tous  les  profits  de 
l'impôt,  mais  encore  il  compte  pour  rien  les  dangers  que  lui  et  les 
siens  pouvaient  courir ,  en  laissant  les  comptes  de  l'impôt  sans  être 
réglés.  —  Théophyl.  C'est  ainsi  que  Jésus-Christ  leva  l'impôt  sur 
celui  qui  le  percevait  sur  tous  les  passants,  non  pas  ,  sans  doute  ,  en 
recevant  de  lui  une  somme  d'argent,  mais  en  le  faisant  entrer  dans  la 
pleine  et  entière  participation  de  tous  ses  biens. 

(1)  Proverb.,  xviii,  17.  La  Vulgate  porte  :  «  Le  juste  s'accuse  lui-même  le  premier,  »  ou  selou 
les  Septante  èv  TïpwïoXoyîa,   «  au  commencement  de  son  discours.  « 

(2)  Ce  passage  se  trouve  à  quelques  expressions  près,  dans  l'explication  des  Règles,  8«  quest. 


Lucas  et  Marcus  propter  honorem  Evan- 
gelistœ  ,  nomea  taceut  vulgatum  :  Mat- 
tlicEus  autem  in  sermonis  principio  accu- 
sator  sui  factus  Mutthœum  se  et  j^ubli- 
canum  nominat;  ne  quis  a  salute  des- 
peret  pro  immanitate  peccalorum;  ciim 
ipse  de  publicano  in  apostolum  sit  luu- 
tatus.  Cyril,  {in  Cat.  Grœconun  Pa- 
trum.)  Publicanus  euim  fuerat  Levi,  vir 
avarus,  effrenis  erga  superflua,  alieni 
amator  (hoc  est  enim  publicanorum 
officium),  sed  ab  ipsis  officiuis  malitiEe 
retrahilur,  Christo  eum  vocante  :  unde 
sequitur  :  «  Et  ait  illi  :  Sequere  me.  » 
AUBR.  Sequi  jubet,  non  corporis  gressu, 
sed  mentis  atfectu.  Itaque  iile  verbo  vo- 
catus,    propria   dereliquit  qui   rapiebat 


aliéna  :  unde  sequitur  :  «  Et  relictis  om- 
nibus, surgens  secutus  est  eum.  »  Chrys. 
[hom.  31,  in  Mutth.)  Ubi  et  vocantis 
virtutem  et  vocati  obedieutiam  consi- 
déra :  neque  euim  obslitit  neque  vacil- 
lavit,  sed  protiuus  paruit;  uec  in  pro- 
priam  domum  ire  voluit,  ut  suis  hoc 
intimaret;  sicut  nec  piscatores.  Basil. 
{in  Cat.  Grcec.  Patrum,  ex  Asceticis.) 
Nec  solum  fœuora  telouii  postposuit,  sed 
etiam  contempsit  pericula  quœ  sibi  ac 
suis  accidere  poterant;  dum  calculos 
teloniidimitteret  imperfectos.THEOPHYL. 
Et  sic  ab  accipiente  censum  a  transeun- 
tibus,  Christus  censum  accepit;  non  qui- 
dem  accipiens  pecuniam,  sed  totaliter 
eum  transferens  ad  suum  consortium. 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    V. 


273 


S- Chrys.  Après  avoir  appelé  Lévi,  le  Seigneur  s'empressa  de  Tho- 
norer,  en  acceptant  le  repas  qu'il  lui  otTre ,  pour  lui  inspirer  plus  de 
confiance  •  «  Et  Lévi  lui  fit  un  grand  banquet  dans  sa  maison.  »  Non- 
seulement  il  se  met  à  table  avec  lui,  mais  avec  beaucoup  d'autres: 
«  Et  il  y  avait  une  foule  nombreuse  de  publicains,  et  d'autres  qui 
étaient  à  table  avec  eux.  »  Les  publicains  s'étaient  réunis  cbez  lui 
comme  cbez  un  collègue  et  un  liomme  de  la  même  profession  ;  mais 
lui,  beureux  et  fier  de  la  présence  de  Jcsus-Cbrist,  les  invita  tous  à  ce 
banquet.  Jésus- Cbrist  profitait  de  toutes  les  occasions  comme  moyen 
de  faire  le  bien  ;  ce  n'était  pas  seulement  en  discutant ,  en  guérissant 
les  malades,  ou  en  confondant  ses  ennemis  ,  mais  même  en  prenant 
ses  repas,  qu'il  redressait  les  erreurs  et  ramenait  les  âmes  égarées  ; 
c'est  ainsi  qu'il  nous  apprenait  à  rendre  utiles  toutes  les  circonstances 
comme  toutes  nos  actions.  Il  ne  déclinait  pas  même  la  société  des  pu- 
blicains en  vue  du  bien  qui  devait  en  résulter ,  agissant  comme  un 
médecin  qui  ne  peut  guérir  une  maladie  ,  s'il  ne  touche  la  plaie.  — 
S.  Ambr.  En  mangeant  avec  les  pécheurs ,  il  nous  autorise  à  nous 
asseoir  à  la  table  des  Gentils.  —  S.  Chrys.  Et  cependant  les  pha- 
risiens jaloux ,  et  qui  voulaient  séparer  de  lui  ses  disciples ,  lui  en 
font  un  reproche  :  «  Et  les  pharisiens  et  les  scribes  murmuraient  et 
disaient  à  ses  disciples  :  Pourquoi  mangez-vous  et  buvez-vous  avec 
des  publicains  et  des  pécheurs?  —  S.  Ambr.  Cette  parole  vient  du 
serpent,  n'est-ce  pas  lui,  en  effet,  qui  prononça  le  premier  cette  pa- 
role eu  disant  à  Eve  {Gen.^  m)  :  «  Pourquoi  Dieu  vous  a-t-il  dit  :  Ne 
mangez  point  ?  »  etc.  C'est  ainsi  qu'ils  cherchent  à  répandre  le  venin 
«le  leur  père. 


Chrys.  [ut  sup.)  Vocalum  aulem  Levi 
Doiniuus  honoravit,  dum  cum  eo  con- 
festiin  epulatiis  est;  hoc  eniin  ei  majo- 
rera prœstahat  fidiiciam  :  unde  sequi- 
tur  :  a  Et  fecit  ei  convivium  niagiiuin 
Levi  in  domo  sua.  »  Mec  solum  cuui  eo 
discumljit ,  imo  cum  pluribus  :  unde 
sequitur  :  «  Et  erat  turba  multa  pnlili- 
<anorum  et  aliorum  qui  cum  illis  eraut 
discumhentes.  »  Conveneraut  enim  pu- 
Ijlicani  ad  eura  sicut  ad  collegam  et  ho- 
minem  ejusdem  officii,  sed  et  ipsc  glo- 
rians  de  prœsentia  Chrisli ,  convocavit 
omnes.  Christus  etiam  quodlibet  genus 
reniedii  exliibebat,  et  non  solum  dispu- 
tando  et  prajstando  sanilatis  remédia, 
vel  etiam  redarguendo  remulos,  sed 
ctiam  comedendo,  noniiuUos  crrantium 
corrigebat;    inde   nos   instrufns .  qnod 

lOM.    V. 


quodlibet  opus  et  teuipus  potest  noîds 
utiiitatem  alîerre.  Sed  nec  publieano- 
rum  partici[>alionczn  vitavit  propter 
utiiitatem  sequenleiii  ;  more  medici  ,  (jui 
nisi  taugeret  sanicm,  non  liberaret  a 
morbo.  Amur.  Cum  [leccatoribus  enim 
manducando  etiam  cum  gentibus  nos 
non  probibet  inire  convivium.  Ciirvs. 
[in  Cut.  Grœcoruui  Palrum.)  Sed  tamen 
Dominus  inculpatus  est  inde  apbaris.iMs, 
invidentibus  et  voienlibus  a  Cbrislo 
discipulos  separare  :  unde  sequitur  : 
«  Et  murnuirabant  pharisa;i  dicentes  : 
Quare  cam  publicanis  manducatis,  »  etc. 
Ambr.  Serpontina  vox  est  :  I)anc  pri- 
mam  vocem  serpens  emisit,  dicens  Eva^ 
[Gcn.;  3)  :  «  Quid  dixit  Deus  :  Nolite 
manducare,  »  etc.  Ergo  patris  sui  vencna 
diffnndunt. 


274 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


S.  AuG.  {(le  l'ace,  des  Evang.,  ii,  27.)  Le  récit  de  saint  Luc  paraît 
ici  tant  soit  peu  différent  de  celui  des  autres  Evangélistes.  D'après 
saint  Luc,  ce  n'est  pas  personnellement  à  Notrc-Seigneur  qu'ils  font 
un  reproche  démanger  avec  les  publicains  et  les  pharisiens,  mais  à 
ses  disciples ,  reproche  cependant  qui  s'adresse  aussi  bien  à  Jésus- 
Christ  qu'à  ses  disciples.  Aussi  d'après  le  récit  de  saint  Matthieu  et 
de  saint  Marc,  le  reproche  est  fait  et  au  Sauveur  et  à  ses  disciples,  mais 
c'est  surtout  au  Maître  que  ce  reproche  s'adresse  ,  puisqu'en  man- 
geant avec  les  publicains  et  les  pécheurs  ses  disciples  ne  faisaient  que 
l'imiter.  Nous  avons  donc  ici  la  même  pensée,  le  même  sens,  d'autant 
plus  clairement  expliqués ,  que  les  expressions  sont  différentes ,  sans 
que  la  vérité  soit  altérée. 

S.  Chrys.  [hom.  31  sw  S.  Matth.)  Notre-Seigneur  tire  une  con- 
clusion toute  contraire  du  reproche  qui  lui  est  fait;  il  déclare  que  non 
seulement  ce  n'est  pas  une  faute  que  de  vivre  avec  les  pécheurs,  mais 
que  c'est  une  œuvre  de  miséricorde.  «  Jésus  leur  répondant,  leur  dit  : 
Ce  ne  sont  point  ceux  qui  se  portent  bien  qui  ont  besoin  de  médecin, 
mais  ceux  qui  sont  malades.  »  Il  leur  rappelle  ainsi  qu'ils  sont  atteints 
de  l'infirmité  commune ,  et  qu'ils  sont  du  nombre  des  malades ,  et 
qu'il  est  lui-même  le  médecin.  —  Suite.  «  Car  je  ne  suis  pas  venu 
appeler  les  justes,  mais  les  pécheurs,  »  c'est-à-dire  :  Je  suis  si  loin  de 
fuir  la  société  des  pécheurs,  que  c'est  pour  eux  seuls  que  je  suis  venu, 
non  pour  qu'ils  demeurent  pécheurs,  mais  pour  qu'ils  se  convertissent 
et  deviennent  vertueux.  —  S.  Aug.  [de  Vacc.  des  Evang.)  Aussi, 
ajoute- t-il  :  «  A  la  pénitence,  »  ce  qui  explique  parfaitement  sa  pensée, 
et  prévient  cette  erreur  que  les  pécheurs  seraient  aimés  de  Jésus -Christ 
en  tant  que  pécheurs.  En  effet,  la  comparaison  empruntée  aux  ma- 


AuG.  [de  Cons.  Evang.,  lib.  n ,  cap. 
27.)  Videtur  autem  Lucas  hoc  aliquanto 
differentius  ab  aliis  evaugelistis  comme  • 
morasse  :  uon  enim  dicit  tantum  Do- 
mino objectum  esse,  quod  cura  publi- 
canis  et  pharisseis  mauducaret  et  bibe- 
ret^  sed  discipulis;  quod  de  ipso  ac  de 
ipsis  acciperetur  :  propterea  enim  Mat- 
thaeus  et  Marcus  de  Christo  et  discipulis 
objectum  narrant ,  quia  quod  discipuli 
cum  publicanis  et  peccatoribus  mandu- 
cabant ,  magistro  magis  objiciebatur, 
quem  sectando  imitabautur  :  una  ergo 
sententia  est  tauto  mebus  iusinuata, 
quanto  quibusdam  verbis  (manente  veri- 
tate)  variata. 

Chrys.  (kom.  31 ,  in  Mutth.)  Ipse 
autem  Dominus  in  conlrarium  eorum 
sermonem  convertit;  ostendens  non  esse 


culpam  cum  peccatoribus  conversari, 
sed  etiam  consonum  misericordiae  pro- 
priœ  :  unde  sequitur  :  «  Et  respondens 
Jésus  dixit  ad  illos  :  Non  egent  medico 
qui  sani  sunt,  sed  qui  maie  habeut.  »  lu 
quo  commonet  eos  communis  infirmita- 
tis,  et  de  numéro  languentium  eos  esse 
ostendit;  se  vero  niedicum  esse  subjun- 
git.  Sequitur  :  «  Non  enim  veui  vocare 
justos ,  sed  peccatores.  »  Quasi  dicat  : 
Adeo  peccatores  non  abominor ,  quod 
eorum  tantum  gralia  veui  ;  non  ut  ma- 
néant  peccatores ,  sed  ut  convertantur 
et  boni  fiant.  AuG.  [de  Cons.  Evang., 
ut  sup.)  Unde  addidit  :  «  In  pœniteu- 
tiam  :  »  quod  ad  explauandam  senten- 
tiam  valet;  ne  quisquam  peccatores  ob 
hoc  ipsimi  quod  peccatores  sunt ,  diligi 
arbitretur  a  Chrislo  ;  cum  et  illa  simili- 


J 


DE  SAINT   LUC,    CIIAP.    V.  275 

lades,  exprime  très-bien  quelle  est  la  volonté  de  Dieu  qui  appelle  les 
pécheurs  de  même  qu'un  médecin  appelle  les  malades,  pour  les  guérir 
de  leurs  iniquités  comme  d'une  maladie.  —  S.  Ambr.  Mais  comment 
est-il  écrit  que  Dieu  aime  la  justice  {Ps.  x)?  Comment  David  n'a-t-il 
jamais  vu  le  juste  délaissé  {Ps.  xxvi)?  si  cependant  le  pécheur  est  appelé, 
tandis  que  le  juste  est  abandonné.  Les  justes  dont  le  Sauveur  parle 
ici  sont  donc  peut-être  ceux  qui  placent  dans  la  loi  une  confiance 
présomptueuse  ,  et  ne  recherchent  pas  la  grâce  de  l'Evangile.  Or,  nul 
n'est  justifié  par  la  loi,  et  tous  sont  rachetés  par  la  grâce.  Le  Sauveur 
n'appelle  donc  pas  ceux  qui  se  proclament  justes  ;  car  ceux  qui  s'attri- 
buent eux-mêmes  la  justice,  ne  peuvent  être  appelés  à  la  grâce ,  et  si 
la  grâce  vient  de  la  pénitence ,  celui  qui  dédaigne  la  pénitence , 
renonce  à  la  grâce.  —  Bède.  Les  pécheurs  dont  il  est  ici  question  sont 
ceux  qui,  pénétrés  de  la  grandeur  de  leurs  fautes,  et  n'attendant  poiut 
leur  justification  de  la  loi ,  se  disposent  à  recevoir  la  grâce  de  Jésus- 
Christ  par  la  pénitence.  —  S.  Chrys.  {hom.  31.)  C'est  par  ironie  qu'il 
donne  aux  derniers  le  nom  de  justes,  comme  autrefois  ,  lorsque  Dieu 
dit  â  l'homme:  «  Voici  Adam  devenu  comme  l'un  de  nous.  »  En  eÛct, 
saint  Paul,  affirme  que  personne  absolument  n'était  juste  sur  la  terre, 
lorsqu'il  dit  :  «  Tous  ont  péché  et  ont  besoin  de  la  grâce  de  Dieu.  » 
{lîom.,  III.)  —  S.  Grég.  de  Nysse.  Ou  bien  encore,  il  dit  que  ceux  qui 
se  portent  bien  et  les  justes,  c'est-à-dire  les  anges  n'ont  pas  besoin  de 
médecin,  mais  bien  les  malades  et  les  pécheurs,  c'est-â-dire  nous,  qui 
sommes  tombés  dans  la  maladie  du  péché,  qui  ne  peut  exister  dans 
le  ciel. 

BÈDE.  L'élection  de  saint  Matthieu  représente  la  vocation  et  la  foi 
des  Gentils,  qui  ne  soupiraient  qu'après  les  choses  de  la  terre ,  et  qui 


tudo  de  CDgrotis  bene  intimet  quid  velit 
Deus  vocando  peccatores  tamiiiain  uic- 
(licus  aîgroloâ,  ut  ab  iiiiqiiitatc  lanquain 
ab  tegritudine  salvi  iiaut.  Amuu.  Sed 
quomodo  Deuà  juslilias  dilexil  {Psul. 
10),  ueque  David  jiistum  derelictum 
vidit  {Psul.  3G);  si  justus  reliiKjuitiir, 
peccalor  asciscilur  ?  Nisi  intelligas  quod 
i'os  juslos  dixit,  qui  ex  leiie  pra'sumaut 
cl  Evaugeiii  graliaiu  non  requiraut  : 
ucmo  autem  jusiificalur  ex  lege,  sed  re- 
diuiilur  ex  gralia  :  non  vocat  ergo  eos 
qui  se  justoâ  dicunt;  usurpalores  enini 
justitia;  non  vocautur  ad  gratiani;  naui 
si  gralia  est  ex  priniitenlia,  uti(]ue  qui 
fastidit  pœuitenliam,  abdicat  gratiaui. 
BiiD.  Peccatores  autem  vocat  eos ,  qui 
sua  niala  attendentcs ,   nec   per  legeni 


justificari  se  posse  pulanles,  Christi  gra- 
tiaî  se  preniteudo  subjiciunl.  Cimvs. 
(fiom.,  31  ,  in  Matlh.)  Ironice  aulcMu 
dicit  illos  justos;  sicut  quaudo  dicitur 
[Gènes.,  3)  :  «  Ecce  Adam  factus  est 
quasi  unus  noslrum  :  »  quod  aulem  nulkis 
eraljustus  super  tcrrani,  ostendit  Paii- 
lus,  dicens  [Hom.,  3)  :«  Oauies  pecoave- 
runt  et  egeut  gratia  Dei.»  Greg.  Nyss. 
{in  fut.  Crœcoi-nm  Putruin.)  Vel  di- 
cit non  egere  sanos  et  justos  nicdico, 
scilicet  angclos,  sed  nialu  liabentcs  et 
peccatores,  id  est,  nos,  quia  morbuni 
peccati  incurrimus  qui  in  cœlis  non 
est. 

BiîDA.  Per  Matlliœi  auLeui  elei:tiononi 
fides  genliuin  expriniitur ,  qui  prius 
inundaiiis  iuliiabant  .   sed   nunc  Clirisli 


276 


EXPLICATION    DE   L  EVANGILE 


maintenant  nourrissont  le  corps  de  Jésus-Christ  avec,  une  tendre  dé- 
votion (I).  —  TiiÉuniYL.  Ou  l)ien  encortî,  ce  publicaiu  est  tout  homme 
(jui  est  l'esclave  du  prince  du  monde ,  et  (|ui  accorde  à  sa  chair  tout 
ce  qu'elle  demande,  les  mets  exquis  ,  s'il  est  sensuel;  la  volupté,  s'il 
est  adultère,  et  ainsi  des  autres  passions.  Mais  lorsque  le  Seigneur  le 
voit  assis  au  bureau  des  impôts^  c'est-à-dire,  ne  se  donnant  plus  de 
mouvement  pour  commettre  de  plus  grandes  injustices,  il  le  retire  du 
mal,  et  alors  cet  homme  marche  à  la  suite  de  Jésus ,  et  reçoit  le  Sei- 
gneur dans  la  demeure  de  son  âme.  —  S.  Ambr.  Or,  celui  qui  reçoit 
Jésus-Christ  dans  cette  demeure  intérieure,  se  nourrit  au  sein  des  plus 
pures  délices  et  des  plus  ineffables  voluptés  ;  aussi  est-ce  avec  joie  que 
le  Seigneur  entre  dans  son  àme,  et  se  repose  dans  son  affection.  Mais 
alors  l'envie  des  méchants  se  rallume  ,  et  nous  représente  les  tour- 
ments de  la  vie  future  ;  car  pendant  que  les  fidèles  prennent  part  au 
banquet  du  royaume  des  cieux ,  les  infidèles  seront  tourmentés  par 
un  jeune  éternel.  —  Bède.  Ou  bien  encore,  c'est  la  figure  de  l'envie 
des  Juifs  qui  s'afûigent  du  salut  des  Gentils.  —  S.  Ambr,  Nous  y 
voyons  aussi  comliien  est  différent  le  sort  des  disciples  de  la  loi  et  des 
disciples  de  la  grâce  ;  car  les  sectateurs  de  la  loi  souffriront  la  faim 
éternelle  de  l'âme,  tandis  que  ceux  qui  auront  reçu  le  Verbe  dans 
l'intérieur  de  leur  âme,  fortifiés  par  cet  aliment  céleste  et  par  les  eaux 
de  cette  source  abondante,  ne  peuvent  éprouver  ni  la  faim  ni  la  soif; 
et  c'est  ce  qui  excite  les  murmures  de  ceux  dont  l'âme  est  privée  de 
toute  nourriture. 

^.  33-39.  —  Alors  ils  lui  demandèretit  :  Pourquoi  les  disciples  de  Jean,  et  ceux 
des  pharisiens  jeûnent-ils  et  prient-ils  souvent,  tandis  que  les  vôtres  mangent 

(1)  C'est-à-dire  qui  nourrissent  les  pauvres,  dont  Jésus-Christ  parle  comme  de   ses  propres 
membres.  {Matth.,  xxv.) 


corpus  sedula  devotione  reficiunt.  Theo- 
PHYLACT.  Vel  publicanus  est  qui  prin- 
cipi  uumdi  servit ,  et  debituin  carui 
reddit;  cui  gulosus  reddit  escas ,  adul- 
ter  voluptateui,  et  alius  aliud.  Cuni  au- 
tem  viderit  eum  Dominus  sedenLem  in 
telonio,  id  est,  nou  moventem  se  ad 
majorem  nequitiam,  tune  a  malo  érige  ■ 
tur  et  sequetur  Jesum ,  et  suscipiet  in 
domo  animœ  Dominum.  Ambr.  Oui 
autem  domicilio  Cliristum  recipit  interuo, 
maximis  deleetationibus  exuberantium 
pascitur  voluptatuui  :  itaquc  libeuter 
Dominus  ingreditur,  et  in  ejus  recumbit 
affectu  ;  sed  rursus  accenditur  invidia 
perfidorum,    et    futurae   pœnœ    species 


praefiguratur  :  epulantibus  enim  fideli- 
bus  in  regno  cœlorum  perfidia  jejuna 
torquebitur.  Beda.  Vel  per  boc  designa- 
lur  JudiEorum  invidia,  quce  de  gentium 
sainte  torquetiir.  Ambr.  Simul  etiani 
ostenditur,  et  quantum  sit  inter  œmulos 
legis  et  gratiœ  quod  illi  qui  legem  se- 
quuntur,  mentis  famem  patientur  feter- 
nam  ;  qui  vero  verbnm  in  interioribus 
animse  receperunt,  alimenti  cœlestis  et 
foutis  ubertate  rccreati ,  esurire  et  sitire 
non  possunt  :  et  ideo  qui  animo  jejuna- 
baut,  murmurabant. 

At  illi  dixerunt  ad  eum  :  Quare  discipuli  Joan- 
nis  jejunant  fréquenter  et   obsrcrationes  fa- 


DE   SAI.M'    LUC,    CIIAP.    V.  277 

et  boivent  ?  Il  leur  répondit  :  Pouvez-vovs  faire  jeûner  les  fiU  de  l'époux 
tandis  que  l'époux  est  avec  eux?  Viendront  des  jours  où  l'époux  leur  sera 
enlevé,  ils  jeûneront  en  ces  jours- là.  Il  leur  proposa  aussi  cette  comparaison  : 
Personne  ne  met  à  un  vieux  vêtement  une  pièce  d'un  vêtement  neuf;  autrement 
ce  qui  est  neuf  déchire  le  vieux,  et  la  pièce  du  vêtement  neuf  ne  convient  pas 
au  vieux.  De  même  personne  ne  met  du  vin  nouveau  dans  de  vieilles  outres, 
autrement  le  vin  nouveau  rompra  les  outres,  et  se  répandra,  et  les  outres 
seront  perdues.  Mais  il  faut  mettre  le  vin  nouveau  dans  des  outres  neuves,  et 
l'un  et  l'autre  sont  conservés.  Et  personne,  venant  de  boire  du  vin  vieux  n'en 
veut  aussitôt  du  nouveau,  car  il  dit  :  Le  vieux  est  meilleur. 

S.  Gyr.  {Ch.  des  Pèr.  gr,)  Jésus-Christ  ayant  répondu  à  leur  pre- 
mière question ,  ils  passent  à  un  autre  point,  et  veulent  lui  montrer 
que  les  disciples  et  Jésus  lui-même  ne  prennent  aucun  soin  d'observer 
la  loi  :  «  Alors  ils  lui  demandèrent  :  Pourquoi  les  disciples  de  Jean 
jeùnent-ils,  etc.,  taudis  que  les  vôtres  mangeut?  »  etc.,  c'est-à-dire  : 
Vous  mangez  avec  les  publicains  et  avec  les  pécheurs,  bien  que  la  loi 
défende  toute  communication  avec  ceux  qui  sont  impurs  {Lev.,  xv), 
et  vous  excusez  cette  transgression  par  un  motif  de  miséricorde  ;  mais 
pourquoi  donc  ne  jeùnez-vous  pas  comme  tous  ceux  qui  conforment 
leur  conduite  aux  prescriptions  de  la  loi  ?  Les  saints  jeûnent ,  il  est 
vrai,  pour  réprimer  leurs  passions  par  la  mortification  du  corps;  mais 
Jésus-Christ  n'avait  pas  besoin  du  jeûne  pour  s'élever  à  la  perfection 
de  la  vertu ,  puisque ,  comme  Dieu ,  il  était  inaccessible  à  tout  en- 
traînement des  passions  (l).  Le  jeûne  n'était  pas  plus  nécessaire  à  son 
humanité,  puisqu'elle  participait  à  la  grâce  qui  était  en  lui,  et  y  pui- 
sait une  force  qui  la  maintenait  au  même  degré  de  vertu.  Si  donc  le 

(1)  C'est-à-dire  qu'en  vertu  de  l'union  hypostatique  avec  la  divinité,  il  était  exempt  de  toute  in- 
clination vicieuse. 


ciunt,  simililer  et  pkarisceorum  ;  lui  autem 
edunt  et  bibunt  ?  Quihus  ipse  ail  :  Nunquid 
poleslis  filios  sponsi,  dnm  cum  illis  eut  spon- 
sus,  facere  jejunare?  Venient  autem  (lies,  et 
riim  ablatus  fucrit  ab  illis  spoiisus,  tiim:  jeju- 
nabunt  in  illis  diebus.  Dicebat  autem  et  simi- 
liludincm  ad  illos  :  quia  nemo  commissuran  a 
novo  vestimento  immiltit  in  veslimmlum  ve- 
tut  ;  alioijuin  et  nouwn  rumpit,  et  veteri  )i'-n 
cnnuenit  commissura  a  novo.  Et  nemo  mittit 
cinum  novum  in  utres  veteres  ;  alioquin  rum- 
pit vinum  nooum  utres;  et  vinum  effundetur, 
et  utres  peribunt  :  sed  vinum  novum  in  utres 
nuvos  mitlendum  est;  et  utraque  conservantur. 
Et  nemo  bibens  vêtus,  statim  vuH  novum  :  di- 
cit  enim  :  Velus  melius  est. 

Cyril,  {in  C'at.  Crœcorum  Patrum, 
ubi  sup.)  Postiiuam  priniuui  verbuiii 
acceperunl  a  Clirislo,  ab  aliis  ad  alla  se 
trauàforuut ,  volenles   oslendere  sacros 


discipulos  et  ipsum  cum  eis  Jesum  mi- 
nime curasse  de  loge  :  uode  sequitur  : 
«At  illi  dixerunt  ad  eum  :  Quare  disci- 
puli  Joauiiiô  jejuuaut,»  etc.,  «  tui  au- 
tem eduut,  »  etc.  Quasi  dicaut  :  Comediti-s 
cum  publicauis  et  peccaloribus,  cum 
jubeat  lex  immuudo  nou  communicare 
{Lerit.,  15),sedia  excusatiouem  prœva- 
ricationis  vobis  acccdit  misericordia  : 
cur  ergo  nou  jejuualis  ,  ut  mos  est  se- 
cuudum  lofiem  voleutibus  vivere  ?  Sed 
sani'li  qiiidcm  idcircu  jejunant  ut  cor- 
pus affli"entes  quielont  passiones  ipsius  : 
sed  Cbrislus  nou  egei)at  jejunio  ad  per- 
fi'ctii)nem  virtutis;  cum  tauquam  Deus 
absolutus  esset  a  quolibet  vinculo  passio- 
nis  :  sed  nec  ejus  comitativa  jejunio 
egebat,  sed  particcps  gratiœ  ejus  sine 
jejunio  roborala  virtuose  couversabatut . 


278 


KXri.ICATION    DE    L  EVANGILE 


Sauveur  se  soumit  à  uu  joùno  de  quarante  jours  ,  ce  ne  fut  poiutpour 
réprimer  en  lui  les  passions,  mais  pour  donner  aux  hommes  charnels 
une  leçon  et  une  règle  de  mortification.  —  S.  Aug.  {de  l'accord  des 
Evang.,  ii,  27.)  Evidemment  saint  Luc  paraît  faire  entendre  que 
cette  question  fut  adressée  au  Sauveur  de  ditFérents  côtés,  et  qu'elle 
embrassait  plusieurs  personnes;  comment  donc  saint  Matthieu  s'ex- 
prime-t-il  de  la  sorte  :  «  Alors  les  disciples  de  Jean  s'approchèrent 
et  dirent  :  Pourquoi,  tandis  que  les  pharisiens  et  nous  nous  jeûnons 
souvent,  vos  disciples  ne  jeùnont-ils  pas?  »  si  ce  n'est  parce  que  les 
disciples  de  Jean  étaient  présents,  et  que  tous  à  l'envi  s'empressèrent 
de  faire  cette  objection. 

S.  Aug.  {Quest.  évang,,  ii,  18.)  Il  y  a  deux  sortes  déjeunes,  le 
jeune  de  l'affliction  pour  obtenir  de  Dieu  le  pardon  des  péchés  ;  et  le 
jeûne  delà  joie,  où  l'âme  est  d'autant  moins  sensible  aux  plaisirs  de 
la  chair,  qu'elle  jouit  en  plus  grande  abondance  des  délices  spiri- 
tuelles. Or,  le  Sauveur,  interrogé  pourquoi  ses  disciples  ne  jeûnaient 
pas,  s'explique  successivement  sur  ces  deux  sortes  de  jeûne,  et  d'abord 
sur  le  jeûne  de  la  tribulation  :  «  Il  leur  répondit  :  Pouvez-vous  faire 
jeûner  les  fils  de  l'Epoux,  tandis  que  rE[toux  est  avec  eux?  »  — 
S.  CuRYS.  {hom.  31  sur  S.  Matth.)  Comme  s'il  leur  disait  :  Le  temps 
actuel  est  un  temps  de  joie  et  d'allégresse  ,  pourquoi  donc  vouloir  y 
mêler  la  tristesse?  —  S.  Cyr.  La  manifestation  de  notre  Sauveur  dans 
ce  monde  fut  comme  une  véritable  fête ,  il  venait  célébrer  des  noces 
toute  spirituelles  avec  notre  nature ,  pour  la  rendre  féconde,  de  sté- 
rile qu'elle  était;  les  fils  de  l'Epoux  sont  donc  tous  ceux  qui  sont  appelés 
par  la  loi  nouvelle  de  l'Evangile ,  et  non  les  scribes  et  les  pharisiens 
(jui  ne  considèrent  que  l'ombre  de  la  loi.  —  S.  Aug.  {de  Iharm.  des 


Quod  euim  Christus  tempus  quadra- 
çtinta  dierum  jejunaverat,  uon  lioc  fuit 
util!  se  passionem  mortilîearet,  sed  ut 
noruiam  abstiuentiae  osteuderet  caruali- 
bus.  Aug.  {de  Cons.  Evang.,  lib.  ii, 
(•ap.  27.)  Evidenter  auteui  Lucas  alios 
de  aliis  hoc  dixisse  narravit  :  unde  ergo 
Matthœus  dieit  :  «  Tuuc  accesserunt  ad 
eum  discipuli  Joannis  dicentes  :  Quare 
nos  et  pLarisœi  jejunamus,»  iiisi  quia 
et  ipsi  aderant,  et  omnes  cerfaliui  ut 
quisque  poterat  hoc  objeceruut? 

Aug.  {de  Quœst.  cvang..  hb.  ii, 
quaest.  18.)  Est  autem  duplex  jojuniuiii  : 
unum  in  tribulatione,  ad  propitiandum 
Deuni  in  peccatis;  aUud  in  gaudio,  cum 
tanto  minus  délectant  carnalia,  quanto 
spiritualiuiïi  major  sagina  est.  Interroga- 
!us  ergo  Dominus  cur  discipuli  ejus  non 


jejunarent,  de  utroque  jejunio  respon- 
dit  :  et  primo  de  jejunio  tribulationis  : 
sequitur  enini  :  «  Quibus  ipse  ait  :  Nun- 
quid  potestis  fdios  sponsi ,  dum  cum 
illis  e^t  sponsus,  facere  jejunare  ?  »  Chrys. 
{hom.  31,  in  Matth.)  Quasi  dicat  :  Prae- 
sens  tempus  lœtitiae  est  et  alacritatis  : 
non  igilur  immiscenda  sunt  Iristia. 
Cyril,  [ubi  sup.)  Salvatoris  enim  nostri 
in  hoc  seculo  demonstratio  uihil  aliud 
fuit  quam  qufedam  festivitas,  intelligibi- 
litcr  quasi  quamdam  spousam  copulans 
illi  uostram  naturam  ;  ut  quondam  steri- 
lis  fucunda  fieret  :  igitur  filii  sponsi 
esse  noscuntur  quicunque  vocati  sunt  al) 
eo  per  novam  et  evangelicara  discipli- 
nam  ;  non  autem  scribae  cum  pharisseis, 
qui  solam  legis  umbram  considérant. 
Aug.  {de  Cons.  Evang.,  lib.  n,  cap.  27.) 


DE   SAliNT    LUC,    CHAP.    V.  270 

Evang.,  ii,  27.)  La  réponse  du  Sauveur  d'après  saiut  Luc  :  «  Pouvez- 
vous  faire  jeûner  les  amis  de  l'Epoux  ,  »  donne  à  entendre  que  ceux 
qui  lui  faisaient  cette  question,  feraient  pleurer  et  jeûner  les  fils  de 
l'Epoux,  parce  qu'ils  devaient  être  un  jour  les  auteurs  de  la  mort  de 
l'Epoux. 

S.  Ctr.  En  établissant  qu'il  ne  convient  pas  aux  fils  de  l'Epoux  de 
s'affliger,  alors  qu'ils  célèbrent  une  fête  toute  spirituelle,  Notre-Sei- 
gneur  ne  veut  point  détruire  le  jeûne,  aussi  fait-il  cette  réserve:  «Mais 
viendront  des  jours  où  l'Epoux  leur  sera  enlevé  ;  ils  jeûneront  en  ces 
jours-là.» — ^.k\j(i.{Quest.évang.^\i^  18.)  C'est-à-dire  :  lisseront  dans 
ladésolation,  dans  la  tristesse  et  les  larnies_,  jusqu'à  ce  que  la  joie  et  la 
consolation  leur  aient  été  rendues  par  l'Esprit  saint.  —  S.  Ambr.  Ou 
bien  encore,  le  jeûne  ,  dont  Notre-Seigneur  ajourne  ici  la  pratique, 
n'est  pas  celui  qui  mortifie  la  chair  et  réprime  les  penchants  de  la 
concupiscence  (car  ce  jeûne,  au  contraire,  nous  rend  agréables  à  Dieu), 
mais  il  veut  dire  que  nous  ne  pouvons  jeûner,  nous  qui  possédons  le 
Christ,  et  qui  sommes  nourris  de  sa  chair  et  de  son  sang.  — S.  Bas. 
{Ch.  des  Pèr.  gi'.)  Ou  encore,  les  fils  de  l'Epoux  ne  peuvent  jeûner, 
c'est-à-dire  se  priver  de  la  nourriture  de  l'àme  ;  mais  ils  doivent  vivre 
de  toute  parole  qui  sort  de  la  bouche  de  Dieu.  —  S.  Ambr.  Mais  quels 
sont  donc  ces  jours  dans  lesquels  le  Christ  nous  sera  enlevé  ,  alors 
que  lui-même  nous  dit  :  «  Je  suis  avec  vous  jusqu'à  la  consommation 
des  siècles?  »  Non,  personne  ne  peut  vous  enlever  le  Christ,  si  vous- 
même  ne  commencez  par  vous  détacher  de  lui.  —  Bède.  Tant  que 
l'Epoux  est  avec  nous,  nous  sommes  dans  la  joie,  et  nous  ne  pouvons 
ni  jeûner,  ni  pleurer;  mais  quand  nos  péchés  nous  séparent  de  lui, 


Hoc  autem  qiiod  solus  Lucas  dicit  : 
«  Non  potestis  filios  sponsi  facere  jeju- 
nare  ,  »  inlclligitur  eos  ipsos  qui  loquc- 
bantur,  fuisse  facturos  ut  luyeiites  jeju- 
narent  lilii  sponsi ,  quoniaru  ipsi  esseut 
sponsum  occisuri. 

Cyuil.  (xit  jam  sup.)  L"l)i  vero  con- 
cesserat  filiis  spousi  quoJ  non  decebat 
eos  laborare  (tanquam  qui  spirilualeni 
soleiunitateni  habel)aut) ,  ne  inter  nos 
annullarctur  jejunium,  dispensative  sub- 
jungit  diccns  :  «  Veniont  autem  dies,  et 
cuin  ablatus  fuerit  ab  illis  sponsus,  tune 
jejuuabant  in  illa  die.  »  Auglst.  {de 
Quœst.  evang.,  lib.  ii,  quéest.  18.)  Quasi 
diceret  :  Tune  desolabuntur,  et  in  niœ- 
rore  et  luctu  erunt  douée  eis  per  Spiri- 
tuni  sanctum  gaudia  consolatoria  retri- 
buanlur.    Ambr.    Vcl  aliter  :   non  hoc 


jejunium  relegatur  quo  conficitur  caro, 
et  corporis  luxuria  castigatur  (lioc  enim 
jejunium  nos  comineudat  Deo)  :  sed  non 
possumus  jejunare  qui  Christum  habs:- 
nius,  et  Christ!  carnem  epulamur  et 
sanguinem.  Basil,  {in  Cat.  Gnecorum 
Putruia.)  Fihi  etiam  spousi  jejunare 
nequeunt,  hoc  est  animœ  nutrimentum 
non  sumere  ;  sed  vivere  in  omni  verbo 
quod  de  ore  Dei  procedit.  Ambr.  Sed 
qui  sunt  illi  dies  quibus  nobis  Christus 
auferetur,  cum  ipse  dixerit  :  «  Vobis- 
cum  ero  usque  ad  consummationem 
mundi?»  Sed  nerao  tibi  Christum  potest 
auferre,  nisi  te  ilU  ipse  auferas.  Bed. 
Quandiu  enim  sponsus  nobiscum  est, 
et  in  lœlitia  sumus,  nec  jejunare  pos- 
sumus ,  nec  lugere  :  cum  autem  par 
peceata  ille  recesserit,  tune  indicendum 


-280 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


c'est  alors   qu'il  faut  recourir  au  jeùue  et  nous  condamner   aux 
larm€s. 

S.  Ambr.  Disons  enfin  que  Notre-Seigneur  veut  parler  ici  du  jeûne 
de  l'âme,  comme  le  prouvent  les  paroles  suivantes  :  «  Il  leur  proposa 
aussi  cette  comparaison  :  Personne  ne  met  à  un  vieux  vêtement  un 
morceau  pris  à  un  vêtement  neuf.  »  Il  appelle  le  jeûne  un  vêtement 
vieux,  dont  l'Apôtre  nous  exhorte  à  nous  dépouiller ,  lorsqu'il  dit  : 
«  Dépouillez-vous  du  vieil  homme  etde  ses  actes.  »  {Coloss.,  m.)  Toute 
la  suite  des  préceptes  de  Notre-Seigneur  concourt  donc  à  établir  cette 
vérité  que  nous  ne  devons  pas  mêler  les  actes  du  vieil  homme  avec  ceux 
du  nouveau.  —  S.  Aug.  {Quest.  évang.,  ii,  18.)  On  peut  encore  donner 
cette  autre  explication  :  Après  avoir  reçu  le  don  de  l'Esprit  saint,  quoi 
de  plus  convenable  que  les  fils  de  l'Epoux  déjà  renouvelés  dans  la 
vie  spirituelle,  pratiquent  le  jeûne  qui  s'accomplit  sans  la  joie  ?  Avant 
qu'ils  aient  reçu  l'Esprit  saint,  le  Sauveur  les  compare  à  des  vêtements 
vieux  auxquels  il  ne  faut  pas  coudre  un  morceau  de  drap  neuf,  c'est-à- 
dire  un  fragment  de  la  doctrine  qui  a  pour  objet  la  tempérance  de  la 
loi  nouvelle  ;  car  alors  la  doctrine  est  comme  divisée  et  rompue  par 
ce  fragment,  puisque  le  jeùue  qu'elle  prêche  est  un  jeûne  général, 
qui  interdit  non-seulement  le  désir  des  aliments  ,  mais  toute  joie  qui 
vient  des  plaisirs  de  la  terre.  Notre-Seigneur  ne  veut  pas  que  l'on 
donne  ce  fragment  de  doctrine,  qui  a  pour  objet  les  aliments,  à  ceux 
qui  sont  encore  esclaves  des  anciennes  coutumes,  autrement  il  se  fera 
une  déchirure  ,  et  ce  fragment  de  doctrine  nouvelle  ne  pourra  s'unir 
avec  ce  qui  est  vieux.  Le  Sauveur  les  compare  encore  à  des  outres  : 
«  De  même  personne  ne  met  du  vin  nouveau  dans  de  vieilles  outres.  » 
—  S.  Ambr.  Il  nous  fait  voir  la  fragiUté  de  la  condition  humaine,  en 


est  jejunium ,  praecipiendus  est  Inclus. 
Ambr.  Denique  de  animi  dictum  est 
jejunio  ,  ul  sequentia  déclarant  :  sequi- 
tur  enim  :  «  Dicebat  autem,  »  etc.  «  Quia 
nemo  commissuram  (id  est,  particulam) 
ablatam  a  vestimento  novo  immittit  in 
vestimentura  vêtus.  »  Appellavit  jeju- 
nium restimenttan  vêtus ,  quod  exuen- 
dum  Apostolus  œstimavit,  dicens  [Colos,, 
3j  :  «  Spoliate  vos  veterem  hominoui 
cum  actibus  suis.  »  In  eamdem  igitur 
formam  séries  convenit  praeceptorum, 
ne  actus  veteris  et  novi  hominis  uiiscea- 
mus.  Aug.  [de  Quœst.  Evang.,  lib.  ii, 
quaest.  18.)  Vel  aliter  :  dono  Spiritus 
sancti  percepto  genus  etiam  jejunii  quod 
fit  per  laelitiam  jam  renovati  iu  vitam 
spiritualem  convenienlissiuie  célébrant. 


Quod  aiitequam  accipiant,  dicit  eos  esse 
tanquam  vetera  vestimenta,  quibus  in- 
conveuienter  panuus  novus  assuitur;  id 
est,  aliqua  particula  doctriuse  quae  ad 
novee  vitae  temperautiam  pertiuet;  quia 
si  boc  fiât,  et  ipsa  doctrinaquodammodo 
scinditur  ;  qure  docet  générale  jejunium, 
non  a  concupiscentia  ciborum  tantum  , 
sed  ab  oumi  laetitia  temporalium  delec- 
tationum  ;  cujus  particulam  quse  ad  ci- 
bos  pertiuet  dicit  non  oportere  bomini- 
bus  adhuc  veteri  consuetudini  dediti^^ 
imperliri,  quia  et  illic  quasi  concisio  vi- 
detur  fieri,  et  ipsi  velustali  non  conve- 
nit. Dicit  etiam  eos  esse  similes  utribu.- 
veteribus  :  uude  sequitur  :  «  Et  nemo 
mittit  vinum  novum  iu  veteres  utres.  » 
Ambr.    Fragilitas  humaaae    Gonditioni? 


DE  SAINT   LUC^  CUAP.    V.  :28i 

comparant  nos  corps  aux  dépouilles  des  animaux  morts.  —  S.  AuG. 
{Quest.  évang.)  Il  compare  les  Apôtres  à  des  outres  déjà  vieilles,  parce 
qu'ils  se  rompent  sous  l'elïort  du  vin  nouveau  des  préceptes  spirituels 
qu'ils  ne  peuvent  contenir  :  «  Autrement  le  vin  nouveau  rompra  les 
outres  et  se  répandra,  et  les  outres  seront  perdues.  »  Ils  étaient  déjà 
devenus  des  outres  neuves ,  lorsqu'après  l'ascension  du  Seigneur , 
l'Esprit  saint  vint  les  renouveler ,  en  leur  inspirant  le  désir  de  ses 
divines  consolations,  l'esprit  de  prière  et  d'espérance  :  «  Mais  il  faut 
mettre  le  vin  nouveau  dans  des  outres  neuves ,  et  l'un  et  l'autre  sont 
conservées.  »  —  Bède.  Le  vin  nous  donne  des  forces  à  l'intérieur  ;  le 
"viêtement  couvre  extérieurement  notre  corps  ;  les  bonnes  œuvres  que 
nous  faisons  en  dehors  et  qui  fout  luire  notre  lumière  devant  les 
liommes_,  sont  donc  le  vêtement  ;  et  la  ferveur  de  la  foi,  de  l'espérance 
et  de  la  charité,  est  comme  le  vin.  On  peut  dire  encore  que  les  vieilles 
outres  sont  les  scribes  et  les  pharisiens ,  tandis  que  le  fragment  de 
drap  neuf  et  le  vin  nouveau  sont  les  préceptes  de  l'Evangile. — S.  Grég. 
DE  Nysse.  [dise,  su?'  Abrah.)  Le  vin  nouveau,  par  la  fermentation  qui 
lui  est  naturelle,  chasse  au  dehors,  par  un  mouvement  qui  tient  éga- 
lement à  sa  nature,  l'écume  et  la  lie  impure  qu'il  contient.  Ce  vin, 
c'est  le  Nouveau  Testament,  que  les  outres  anciennes,  vieillies  par  leur 
incrédulité ,  ne  peuvent  contenir  ;  bien  plus  ,  elles  se  rompent  par  la 
force  de  l'excellence  de  la  doctrine,  et  laissent  ainsi  s'écouler  la  grâce 
de  l'Esprit  saint;  car  la  sagesse  n'entre  pas  dans  une  âme  qui  veut  le 
mal.  {Sag.,  i.)  —  Bède.  On  ne  doit  donc  point  donner  les  sacrements 
des  mystères  nouveaux  à  une  âme  qui  n'est  pas  renouvelée  et  qui  per- 
sévère encore  dans  son  ancienne  malice.   Ceux  encore  qui  veulent 


aperitur,  cum  corpora  nostra  exuviis 
defunctorum  animaliuni  comparantur. 
Aro.  {de  Quœst.  Evang.,  ut  sup.)  Vete- 
ribus  autem  utribus  comparantur  apos- 
loli,  qui  vino  novo  quasi  spiritualibus 
praîceptis  facilius  disrumpunlur,  quaui 
conliiieant  illud.  Unde  sequitur  :  «  Alio- 
quin  rumpit  vinum  novum  ulres,  et  vi- 
nuin  cffundi  tur,  »  etc.  Erant  autem  jam 
iiovi  utreâ  cum  poslascensionem  Doiniiii 
accepto  Spirilu,  desiderlo  consolationis 
ejus,  orando  et  sperando  iuiiovaban- 
tur  :  unde  sequitur  :  «  Sed  novum  vinum 
in  ulres  uovos  miltendum  est,  ut  utru- 
que  conservenlur.  »  Bed.  Vino  siqui- 
dem  intus  reficimus ,  veste  autem  foris 
tegimur  :  vestis  cv^o  sunt  bona  opéra 
quas  foris  agimus  ,  quibus  coram  homi- 
nibus   lucemus;   vinum,    fervor    fidci, 


spei  et  cliaritatis.  Aliter ,  veteres  utres 
sunt  scribaj  et  pbarisaei  ,  novus  panuus 
et  novum  vinum  praicepta  Evangelii. 
Greg.  Nyss.  {Orut.  de  Abraham,  vel  in 
Abraham.)  Vinum  onim  de  novo  elici- 
tum  propter  fervorem  naturalis  liumidi 
fumosum  est,  despumans  naturali  agita- 
tione  a  se  materialem  sorditieni.  Talc 
vinum  novum  Testameiilum  est;  quod 
antiqui  utres  qui  propter  iucredulitatem 
invetcrati  sunt  non  capiunt;  imo  scin- 
duutur  excelleulia  doctrina;,  necnon  et 
gratiam  spirilus  incassuni  fluere  faciunt, 
quia  «  in  malcvolani  animam  non  iutroi- 
bit  sapieutia.»  [Sap.,  1.)  Bed.  Sed  cui- 
cunque  aniuuc  nonduni  in  novitate,  sed 
in  vetuslate  malilia;  persévérant!,  novo- 
rum  mysteriorum  sacramenta  non  debeut 
inunitti.Qui  etiam  prœceptalegis  miscero 


282  EXPLICATION    DE   l'ÉVANGILE   DE    S.    LUC^    CllAP.   V. 

mêler  la  pratique  du  christianisme  aux  précoptes  de  la  loi(l),  metteut 
le  vin  nouveau  dans  de  vieilles  outres.  «  Et  personne,  venant  de  boire 
du  vin  vieux,  n'en  veut  aussitôt  du  nouveau,  car  il  dit  :  Le  vieux  est 
meilleur.  »  Notre-Seigneur  veut  parler  ici  des  Juifs  qui,  pénétrés  de 
la  saveur  de  la  vie  ancienne,  n'avaient  que  du  dé.i^oùt  pour  les  pré- 
ceptes de  la  loi  de  grâce  ;  et  qui,  souillés  par  les  traditions  de  leurs 
ancêtres ,  étaient  incapables  de  goûter  la  douceur  des  enseignements 
spirituels. 

(1)  Ils  prétondaient  que  l'observance  de  la  loi  mosaïque  était  absolument  nécessaire  au  silut;  et 
après  avoir  embrassé  la  foi  chrétienne,  ils  se  faisaient  circoncire  et  observaient  encore  les  pres- 
criptions légales  comme  l'Apotre  le  leur  reproche.  (Gai.,  ni.) 


voluol  ut  Galatae,  viimm  novum  in  utres 
veteres  miUunt.  Sequitur  :  «  El,  nemo  bi- 
beus  vêtus,  slatiiiivult  novum  :dicitenim: 
Vêtus  melius  est  :  »  quia  Judfeis  vitœ  ve- 


teris  saliva  imbutis  novae  gratiae  pi'secepta 
sordebant;  qui  majorum  traditionibus 
commaculati  dulcediuem  spiritualium 
verborum  percipere  non  valebant. 


CIIAPiTRE   VI. 

SOMMAIRE     ANALYTIQUE. 

.  1-0.  —  Comment  Notre-Seigncur  enseigne  à  l'homme  à  se  dépouiller  des  ob- 
servances de  la  loi. — Vie  simple  et  austère  des  apôtres  — Quel  était  ce  sabbat 
second  premier.  —  Ignorance  des  pharisiens  qui  accusent  les  disciples  de 
Jésus-Christ.  —  Comment  Notre-Seigneur  leur  reproche  de  ne  pas  connaître 
ce  que  la  loi  renferme.  —  Pourquoi  apporte-t-il  l'exemple  de  David  et  des 
prêtres?  —  Deuxième  moyen  de  justification  tiré  de  ce  qu'il  est  le  maître  du 
sabbat.  —  Troisième  moyen  tiré  d'une  considération  propre  à  tous  les 
hommes.  —  Mystère  que  renferme  cette  action  des  disciples. —  Explication 
mystique  de  ce  sabbat  second  premier,  et  de  la  conduite  de  David  mangeant 
des  pains  que  les  prêtres  seuls  pouvaient  manger. 

.  6-11. — Comment  ^'otre-Seigneur  qui  venait  sauver  l'homme  tout  entier, 
commence  par  le  guérir  partiellement.  —  Pourquoi  choisit-il  de  préférence  le 
jour  du  sabbat?  —  Quel  appui  il  donnait  aux  vérités  qu'il  enseignait.  —  Con- 
duite inexplicable  des  ennemis  de  Jésus-Christ,  tout  prêts  à  l'accuser,  qu'il 
guérît  ou  ne  guérît  point  cet  homme.  — Pourquoi  Notre-Seigneur  commande- 
t-il  à  cet  homme  de  se  tenir  debout? — Comment  il  prévient  l'accusation 
qu'ils  préparaient  contre  lui.  — Question  pleine  d'opportunité  qu'il  leur  adresse. 
—  Dans  quel  but  le  sabbat  a-t-il  été  institué?  —  Pourquoi  leur  fait-il  cette 
question  :  «  Est-il  permis  de  sauver  l'àme  ou  de  la  laisser  périr?  »  —  Comment 
concilier  ici  le  récit  de  saint  Matthieu  d'après  lequel  ce  sont  les  pharisiens 
qui  font  cette  question,  avec  celui  de  saint  Luc  qui  le  met  dans  la  bouche  de 
Notre-Seigneur.  —  Pourquoi  promcne-t-il  ses  regards  sur  tous  ceux  qui 
étaient  présents,  avant  de  guérir  cet  homme?  —  Effet  que  produit  ce  miracle 
sur  les  ennemis  de  Jésus-Christ.  — Que  représente  cet  homme  dont  la  main 
était  desséchée. — Remède  général  que  le  Sauveur  propose  à  tous  les  hommes  : 
«  Etendez  votre  main.  » 

.  12-16.  —  Dans  quelles  circonstances  Jésus  choisit  les  apôtres.  — Pourquoi  se 
livre-t-il  à  la  prière  avant  de  les  appeler  à  sa  suite? — Pourquoi  prie-t-il  seul  et 
sans  témoins? — Quels  sont  ceux  qui  montent  avec  lui  sur  la  montagne. — Com- 
ment nous  devons  imiter  l'exemple  du  Sauveur  passant  les  nuits  dans  la  prière. — 
Précieux  cflets  de  la  prière.  —  Ce  que  nous  devons  faire  avant  d'entreprendre 
quclqu'œuvre  importante.  —  Quels  sont  ceux  que  Jésus  choisit  pour  les  asso- 
cier à  sa  mission. —  Pourquoi  l'Evangéliste  fait-il  une  énuméralion  exacte  de 
tous  les  apôtres? — Est-ce  alors  que  Simon  reçut  pour  la  première  fois  le 
nom  de  Pierre.  —  Pourquoi  Jésus  choisit-il  Judas  pour  apôtre?  —  Explication 
mystique  de  la  vocation  des  apôtres. 

.  17-19.  —  Le  Sauveur  établit  ses  apôtres  docteurs  de  tout  l'univers.  —  Quelle 
est  cette  région  maritime  d'où  venait  cette  multitude.  —  Dans  quel  dessein 
Jé.sus-Christ  opèrc-t-il  de  nombreux  miracles  devant  cette  multitude?  — 
Pourquoi  Jésus  monte  avec  les  a[)ôtres,  et  descend  avec  la  foule. 

;-.  20-23.  — Comment  Notre-Seigneur  fi)rme  ses  disciples  à  la  nouveauté  de  la 
vie  évangélique.  —  Comment  les  quatre  béatitudes  de  saint  Luc  renferment 
les  huit  de  saint  Matthieu.  —  Pourquoi  les  deux  évangélistes  mettent  la  pau- 
vreté en  tète  des  autres  ijéatitudes.  —  Tous  ceux  que  la  pauvreté  accable  ont- 


28i  KXI'LICATION    DE    l'ÉVANGILE 

ils  part  à  cette  béatitude?  —  Bonheur  des  privations  que  la  pauvreté  impose. 
—  Dans  quel  sens  peut-on  entendre  encore  cette  faim  et  cette  soif?  —  Com- 
ment Notrc-Seigiieur  nous  enseigne  que  nous  ne  devons  jimais  nous  estimer 
assez  justes.  —  Quelle  est  la  tristesse  selon  Dieu  à  laquelle  le  Sauveur  promet 
la  joie.  —  Bonheur  de  l'adversité  et  des  persécutions.  —  Quel  est  celui  qui 
nous  promet  ici  une  grande  récompense.  —  Dans  quel  sens  cette  récompense 
sera  gran  le.  —  Comment  JNotre-Seigncur  prépare  ensuite  les  apôtres  au  com- 
bat qu'ils  devaient  soutenir.  —  Les  quatre  béatitudes  ramenées  aux  quatre 
vertus  cardinales.  —  Union  étroite  des  vertus  entre  elles. 

y.  24-26  —  Vices  opposés  aux  vertus  auxquelles  Jésus-Christ  vient  de  promettre 
le  bonheur  des  Cieux.  —  A  qui  s'adresse  dans  l'Ecriture  cette  expression  : 
Malheur. — Quels  sont  les  riches  qui  sont  atteints  par  la  sentence  divine.  — 
De  qui  les  mauvais  riches  sont  la  figure.  —  Malheur  du  mauvais  riche.  — 
Nécessité,  avantages  de  la  tempérance.  —  Comment  doit-on  la  pratiquer?  — 
Malheur  de  ceux  qui  n'éprouvent  aucune  faim  du  bien  véritable.  —  Pourquoi 
le  vrai  fidèle  ne  doit  point  se  livrer  à  une  joie  immodérée.  —  Danger  de  la 
flatterie.  —  iSécessité  de  fuir  la  vaine  gloire  dans  la  pratique  de  la  vertu.  — 
Pourquoi  Notre-Seigneur  n'a-t-il  proclamé  sur  la  montagne  que  les  béatitudes 
des  bons,  tandis  que  descendu  dans  la  plaine,  il  prédit  aussi  les  supplices  des 
réprouvés? 

^.27-31.  —  Quelle  conduite  les  disciples  de  Jésus  devront  tenir  à  l'égard  de 
leurs  ennemis. — Quels  sont  ces  ennemis.  —  Combien  il  était  nécessaire  que 
les  prédicateurs  de  l'Evangile  fussent  éloignés  de  tout  esprit  de  vengeance.  — 
Etendue  du  précepte  que  Jésus-Christ  leur  donne.  —  Combien  sont  dignes  de 
larmes  ceux  qui  maudissent  leurs  frères — Combien  il  en  est  qui,  au  lieu  de  prier 
Dieu  pour  leurs  ennemis,  l'implorent  pour  en  tirer  vengeance.  —  Comment 
doit-on  entendre  les  imprécations  contre  les  ennemis  que  nous  trouvons  dans 
les  prophètes?  —  Combien  la  loi  évangélique  est  ici  supérieure  à  la  loi  an- 
cienne.—  Mépris  que  nous  devons  avoir  pour  les  biens  que  nous  possé- 
dons. —  Motifs  pour  un  chrétien  de  souffrir  patiemment  le  mal  qu'on  veut  lui 
faire.  —  Dans  quelle  mesure  doit-il  accorder  tout  ce  qu'on  lui  demande?  — 
Comment  nous  nous  rendons  grandement  coupables  en  ne  donnant  pas  à 
ceux  qui  nous  demandent. — Jusqu'à  quel  point  nous  sommes  obligés  de  ne 
pas  redemander  notre  bien  à  celui  qui  nous  le  ravit.  —  Comment  Notre-Sei- 
gneur ne  nous  commande  rien  qui  soit  au  dessus  de  la  nature. 

y.  32-36.  — Cause  véritable  de  l'affection  spirituelle.  — Excellence,  exemples  de 
cette  affection  spirituelle  pour  les  ennemis.  —  Comment  Notre-Seigneur  s'é- 
lève ici  au  dessus  des  presciiptions  de  la  loi.  —  Comment  nous  devenons  sem- 
blables à  Dieu  en  faisant  du  bien  à  ceux  qui  nous  ont  fait  tort  —  Crime  et 
funeste  fécondité  de  l'usure.  —  11  faut  éviter  les  emprunts  usuraires.  —  Com- 
ment en  donnant  au  pauvre  pour  l'amour  de  Dieu,  nous  faisons  à  la  fois  un 
don  et  un  prêt.  —  Combien  grande  la  récompense  de  la  miséricorde  qui  nous 
donne  droit  à  l'adoption  divine,  et  nous  rend  semblables  à  Dieu. 

f.  37,  38. — Notre-Seigneur  défend  le  jugement  téméraire. — Combien  ce  défaut 
est  général.  —  Motif  de  celte  défense.  —  Résumé  de  tous  les  commandements 
précédents. — Magnifique  récompense  qu'il  promet  à  ceux  qui  les  observent. — 
Comment  si  la  récompense  est  si  abondante,  recevrons-nous  la  mcuie  mesure 
dont  nous  nous  sommes  servis. 

y.  313-42.  —  Comment  les  disciples  doivent  se  contenter  de  la  mesure  de  leurs 


i 


DE   SA'NT   LUC,    CUAP.    VI. 


283 


maîtres,  et  marcher  sur  leurs  trace?.  —  Nécessité  pour  ceux  qui  enseignent 
de  ne  point  tomber  clans  les  fautes  qu'ils  reprennent  dans  les  autres.  — Celui 
dont  la  conscience  est  chargée  de  crimes  énormes ,  ne  peut  condamner  celui 
qui  n'en  a  que  de  légers  à  se  reprocher.  —  Cette  leçon  s'adresse  surtout  aux 
Docteurs.  —  Nécessité  de  la  connaissance  de  soi-même. 
.  43-45.  — Nécessité  de  montrer  dans  les  œuvres  ce  qu'on  est  en  paroles.  — 
La  comparaison  de  l'arbre  qui  ne  peut  produire  de  bons  fruits  ne  peut  excuser 
la  négligence.  —  Ce  n'est  point  le  repentir,  mais  la  persévérance  dans  le  mal 
que  le  Sauveur  exclut  par  ces  paroles.  —  Comment  la  vie  de  tout  homme  est 
l'expression  véritable  de  ses  mœurs.  —  Que  signifient  les  épines  et  les  ronces 
sur  lesquelles  on  ne  peut  cueillir  ni  figues  ni  raisains. — Autre  figure  sous 
laquelle  Notre-Seigneur  nous  enseigne  que  le  bon  et  le  méchant  peuvent  se 
reconnaître  à  leurs  œuvres.  — Comment  la  nature  des  paroles  est  un  inlicc 
certain  de  l'état  du  cœur. 

.  46-49.  —  Notre-Seigneur  exige  des  vrais  chrétiens  non  seulement  les  paroles, 
mais  aussi  les  œuvres. — Avantages  attachées  à  l'observation  des  comman- 
dements, malheur  qui  menace  ceux  qui  les  transgressent.  —  Quelle  est  cette 
pierre  sur  laquelle  est  bâtie  la  maison  de  celui  qui  écoute  et  met  en  pratique 
les  paroles  du  Sauveur.  —  De  combien  de  manières  arrive  le  débordement  qui 
vient  fondre  contre  cette  maison.  —  La  foi  inutile  si  la  vie  est  souillée  par  des 
vices  qui  la  déshonorent. — Quelle  est  cette  maison  bâtie  sur  le  sable.  — 
Quel  est  ce  fleuve  qui  se  préci[»ite  avec  violence.  —  Les  deux  discours  de 
Notre-Seigneur  rapportés  par  saint  Matthieu  et  par  saint  Luc,  et  qui  tout 
deux  commencent  et  se  terminent  de  la  même  manière,  ont-ils  eu  lieu  et  sont- 
ils  absolument  les  mêmes,  ou  ont-ils  eu  lieu  à  des  époques  différentes? 


j.  1-5.  —  Un  jour  de  sabbat,  appelé  le  second  premier,  comme  Jésus  passait  le 
long  des  champs  de  blé,  ses  disciples  cueillaient  des  épis,  et  les  froissant  dans 
leurs  mains,  les  mangeaient.  Quelques-uns  des  pharisiens  leur  dirent  :  Pour- 
quoi faites-vous  ce  qi/il  n'est  pas  permis  de  faire  le  jour  du  sabbat.  Jésus  leur 
répondit  :  N'avcz-vous  pas  lu  ce  que  fit  David,  lorsque  lui  et  ceux  qui  l'accom- 
pagnaient furent  pressés  de  la  faim,  comment  il  entra  dans  la  maison  de  Dieu, 
et  prit  les  pains  de  proposition,  en  mangea  et  en  donna  à  ceux  qui  étaient  avec 
lui,  quoiqu'il  ne  soit  permis  d'en  manger  qu'aux  prêtres  seuls  ?  Et  il  ajouta  : 
Le  Fils  de  l'homme  est  maître  même  du  sabbat. 

S.  Ambr.  Ce  n'est  pas  seulement  par  ses  enseignements,  mais  par  sa 
conduite  et  par  ses  actes,  que  Notre-Seigneur  commence  à  dépouiller 


CAPUT  IV. 

Factum  cxl  aulem  labbato  secundo  primo,  cum 
transiret  pcr  sala ,  vellcbanl  discipuli  cjus 
spicax,  et  manducabant  confricantes  eas  ma- 
nihus  suis.  Quidam  aulem  phnrisœorum  dice- 
bant  illis  :  Quid  facitis  quod  non  licet  in  sab- 
balis?  Et  respondens  Jésus  ad  eis,  dixit  :  Nec 
hoc  Icgistis  f/uod  fecit  David,  cum  esurisset 


ipse  et  qui  cum  illo  erant;  quornodo  iniravil 
in  domum  Dei,  et  panes  propositionis  sumpsit 
et  mcnducaoit ,  et  dédit  bis  qui  cum  ipso 
erant  ;  quos  non  licet  mamhtcare,  nisi  iantum 
saeerdolibus.  Et  dicebal  illis  quia  Duminus 
est  Filius  hominis  etiam  sabbali. 

Ambr.    Non    soium    compreliensione 
verboruni;  sed  cliam  ip~o  nsu  speciequo 


^im 


EXPLICATION   DE    L  EVANGILE 


rhommedosobservancesdorancieiineloi.«Or,unjour  Je  sabbat,  appelé 
le  secoud-premicr,  comme  Jésus  passait  le  long  des  blés,  ses  disciples 
cueillaient  des  épis,»  etc. —  Bède.  L'importunité  de  la  foule  ne  laissait 
pas  aux  disciples  le  temps  de  manger ,  et  comme  ils  éprouvaient  le 
besoin  de  la  faim  ,  ils  l'apaisent  eu  mangeant  les  épis  qu'ils  froissent 
entre  leurs  mains,  preuve  d'une  vie  simple  et  austère ,  qui ,  loin  de 
cherclier  des  mets  apprêtés,  se  contente  des  aliments  les  plus  simples. 
—  TiiÉoPHYL.  C'était j,  dit  l'Evangéliste ,  le  sabbat  second-premier, 
parce  que  les  Juifs  donnaient  le  nom  de  sabbat  à  toutes  les  fêtes.  En 
effet,  le  mot  sabbat  signifie  repos.  Or,  il  arrivait  pouveut  qu'uue  fête 
tombait  la  veille  du  sabbat ,  et  on  appelait  ce  jour  sabbat  à  cause  de 
la  fête;  puis  alors  le  véritable  jour  du  sabbat  était  appelé  second-pre- 
mier, comme  étant  le  second  après  la  fête  qui  avait  précédé.  — 
S.  Chrys.  {hom.  40  sur  S.  Mattlt.)  11  y  avait  alors  une  double  fête, 
celle  du  jour  même  du  sabbat  et  celle  de  la  solennité  qui  lui  succédait, 
et  à  laquelle  on  donnait  aussi  le  nom  de  sabbat.  —  S.  Isid.  (1).  Il 
appelle  ce  sabbat  second-premier,  parce  que  c'était  le  second  jour  de 
Pâque,  et  le  premier  des  Azymes.  En  effet,  on  immolait  la  pàque 
le  soir,  et  le  jour  suivant  on  célébrait  la  fête  des  Azymes.  Ce  qui  rend 
cette  explication  plus  vraisemblable,  c'est  que  nous  voyons  les  Apôtres 
arracher  des  épis  et  les  manger  ;  car  dans  cette  époque  de  l'année,  les 
épis  s'inclinent  sous  le  poids  des  grains  qu'ils   contiennent  (2*).  — 

(i)  Isidore  de  Peluse,.  liv.  m,  lettre  HO,  que  le  saint  docteur  écrivait  au  diacre  Isidore  qui  lui 
avait  demandé  l'explication  de  ce  sabbat  second  premier. 

(2*)  A  ces  explications  tant  soit  peu  contradictoires  nous  en  ajoutons  une  autre  qui  est  donnée 
par  Scaliger,  Kuinoel,  et  par  le  docteur  Sepp  [Vie  de  N.-S.  J.-C,  tom.  I,  pag.  386.)  «  Au  premier 
sabbat  après  le  second  jour  de  la  fête  de  Pâques.  »  C'est  ainsi  que  comptaient  les  Juifs  lorsque  le 
second  jour  de  Pâques  tombait  un  jour  de  sabbat,  parce  que  dans  ce  cas  la  fête  de  la  Pentecôte 
arrivait  sept  sabbats  après.  La  pâque  ayant  donc  été  mangée  cette  année-là  le  jeudi  soir  14  du 
mois  de  Nisan^  le  vendredi  se  trouvait  le  premier  jour  de  la  fête,  et  c'est  le  jour  suivant,  c'est-à- 
dire  le  samedi  16  du  mois  de  Nisan,  que  Jésus  avait  guéri  miraculeusement  le  paralytique  à  la 
fontaine  de  Bethsaïde.  Huit  jours  après,  ou,  comme  s'exprime  l'Ecriture,  le  second  sabbat  après  le 


gestorum  incipit  homiuem  Dominus  ve- 
teris  observatioue  legis  exuere  :  unde 
dicitur  :  «  Factum  est  autem  cum  traii- 
siret  per  sata,  discipuli  ejus  vellebant 
spicas,  »  etc.  Bed.  Non  habentes  enim 
discipuli  spatiuta  maaducandi  propter 
imporliinitatem  turbaruin ,  esuriebaut 
ut  homiues  ;  sed  vellentes  spicas  iue- 
diam  consolabantur  ;  quod  est  iudicium 
austerioris  vitae  non  prœparatas  escas, 
sed  siniplices  quaîrere  cibos.  Theoph. 
Dicit  autem  :  «  In  sabljato  secundo 
primo,  »  quiaJudœi  oumem  festivitatem 
sahbatum  uuncupabant  :  requies  enim 
dicitur  sahbatum.  Multoties  ergo  cou- 
tingebal  in  parasceve  feslivitas,  et  voca- 


bant  parascevem  subbaluni  (iroiiler  fes- 
tum  ;  deinde  principale  sabbatum  secun- 
dum  pri tmuu  d'wehiini  ;  quasi  secundum 
existens  a  praecedeutis  diei  festivitate. 
Chrys.  {hom.  40,  in  Muttli  )  Duplex 
enim  erat  festum  ;  et  principalis  sabbati, 
et  alterius  solemnitatis  succedentis  quai 
sabbati  etiam  dlcebatur.  Isidorus.  Dicit 
secundo  primo,  quia  secundum  erat 
pascliœ  ,  prinnun  autem  asymorum  : 
cum  immolarent  enim  pascha,  in  sero, 
sequenli  die  feslum  azymorum  celebra- 
bant.  Quod  autem  ita  sit,  patet  ex  hoc 
quod  apostoli  vellebant  spicas,  et  man- 
ducabant  ;  in  illo  namque  tempore  spica; 
(lectunlur  a  fruclu.  Epipii.  {Contra  Hœ- 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.    VI.  287 

S.  Epïph.  {contre  les  hérés.,  liv.  I,  ch.  xxx.)  Tls  passaient  donc  lelong  des 
champs  de  blé  un  jour  de  sabbat,  et  ils  mangeaient  des  épis  pour 
montrer  que  la  loi  du  sabbat  a  cessé  d'exister  depuis  la  venue  du  grand 
sabbat,  c'est-à-dire  de  Jésus-Christ,  qui  nous  a  donné  le  repos  après 
les  fatigues  que  nos  crimes  nous  avaient  causées. 

S.  Cyr.  Les  pharisiens  et  les  scribes,  dans  leur  ignorance  des  saintes 
Ecritures,  conspiraient  entre  eux  pour  accuser  les  disciples  de  Jésus- 
Christ  :  «  Alors  quelques-uns  des  pharisiens  leur  dirent  :  Pourquoi 
faites-vous  ce  qu'il  n'est  pas  permis  de  faire?  »  etc.  Mais  dites-moi , 
vous-mêmes,  lorsque  la  table  est  servie  devant  vous  le  jour  du  sabbat, 
hésitez-vous  à  rompre  le  pain  ?  Pourquoi  donc  reprenez-vous  les 
autres?  —  Bède.  Il  en  est  qui  prétendent  que  ce  reproche  fut  fait  à 
Notre-Seigneur  en  personne,  mais  il  a  pu  très-bien  être  fait  par  diffé- 
rentes personnes  et  au  Sauveur  lui-même,  et  à  ses  disciples  ;  et  quoiqu'il 
en  soit,  c'était  surtout  à  lui  que  le  reproche  s'adressait. 

S.  Ambr.  Or,  le  Seigneur  accuse  à  son  tour  les  défenseurs  de  la  loi, 
de  ne  pas  connaître  ce  que  la  loi  renferme,  et  il  leur  cite  à  l'appui 
l'exemple  de  David  :  «  Jésus  leur  répondit  :  N'avez-vous  pas  lu,  »  etc. 
—  S.  Cyr.  Comme  s'il  disait  :  La  loi  de  Moïse  fait  cette  recommanda- 
tion expressément  :  «  Jugez  selon  la  justice,  ne  faites  point  acception 
de  personnes  dans  vos  jugements  ;  »  pourquoi  donc  accusez-vous  mes 
disciples,  vous  qui  ne  cessez  d'exalter  David  comme  un  saint  et  comme 
un  prophète,  bien  qu'il  n'ait  pas  observé  le  commandement  de  Moïse? 

premier  jour  de  la  Pâque,  Jésus  passait  par  un  champ  de  blé.  C'est  ce  passage  dont  saint  Jérôme 
demandait  l'explication  à  saint  Grégoire  de  Nazianze,  lorsque  ce  dernier  lui  répondit  avec  une 
gracieuse  malice:  u  Je  vous  donnerai  cette  explication  dans  ma  prochaine  homélie,  en  i)lcine 
église.  Au  milieu  de  tout  le  peuple  qui  m'acclamera,  vous  serez  forcé  d'apprendre  ce  que  vous 
ignorez.  Et  si  vous  n'applaudissez  pas  comme  tout  le  monde,  nul  doute  que  la  foule  entière  ne  se 
déchaîne  contre  votre  obstination.  »  (S.  Jer.,  lett.  à  Nepot.) 


res.j  lib.  I,  haer.  30.)  Die  igitur  sabbati^ 
visi  sunt  transeuntes  per  segetes,  et  spi- 
oas  edebant  :  ostendeiites  quoniam  dis- 
solutum  est  vinciihim  sabbati,  ubi  ma- 
gnum advenit  sabbatuiii  :  boc  est  Chri- 
stus,  qui  fecit  uos  quiescere  ab  opère 
delictorum  noslrorum. 

Cyril.  PharisËoi  autera  et  scribee  igua- 
risacrarum  Scripturarum,  in  unum  con- 
spiraverant  ad  repreliendendum  Cbristi 
discipulos  ;  unde  scquihir  :  «  Quiduni 
aiileiii  pharisaeorum  dicobant  illis  :  Qnid 
facitiri,  »  etc.  Die  milii  tu  cuiu  in  salibalo 
tibi  uiensa  proponilur,  nonne  franciis 
panem  ?  (Juid  igilur  alios  rcprelifndis  ? 
Bkda.  Abi  vero  dicunt  ipsi  Domino  lirec 


fiiipse  objecta;  sod  a  divorsis,  et  ipsi 
Domino,  et  discipuiis  potuenmt  olijici  ; 
et  cuicuuque  sit  objecluni,  ad  i[isum 
maxime  respicit. 

A  MB.  Dominus  autem  defensores  logis 
arguit  nescire  quœ  legissunt,  exemplum 
inducens  David  :  unde  sequitur  :  «  Et 
respondons  Jésus  ad  eos,  dixit  :  Nec  boc 
iegistis,  »  etc.  Cvril.  Quasi  dicat  :  Cum 
expresse  dicat  lex  Moysis  {Deutc.ron., 
1,  vers.  16)  :  «  Judicate  justum  judi- 
ciimi  ;  nec  considerabilis  personam  in 
Judicio;  »  qualiter  inerepatis  disfii)ulo3, 
qui  usque  in  bodiernum  diem  extoliitis 
David  ut  sanctura  et  prophetam,  cum 
Moysi  prœceptum  non  scrvavorit.  Cimvs. 


288  EXPLICATION    DE   l'ÉVANGILE 

—  S.  CnRYS.  [Jiom.  40  sur  S.  Mat/h.)  Remarquez  que,  lorsque  Notre- 
Seigueur  prend  la  diifensc  de  ses  serviteurs  (c'est-à-dire  de  ses  dis- 
ciples),  il  cite  à  l'appui  l'exemple  de  simples  serviteurs,  celui  de 
David  et  des  prêtres,  mais  quand  il  répond  à  ses  propres  accusateurs, 
il  en  appelle  à  l'exemple  de  son  Père  ,  comme  lorsqu'il  dit  :  «  Mon 
Père  agit  sans  cesse,  et  moi  j'agis  aussi  (I).  » 

Théophyl.  Il  leur  répond  encore  d'une  autre  manière  :  «  Et  il 
ajouta  :  Le  FUs  de  l'homme  est  maître  même  du  sabbat  ;  »  comme  s'il 
disait  :  Je  suis  maître  du  sabbat^  et  j'en  dispose  à  mon  gré  ,  et  comme 
législateur,  j'ai  le  pouvoir  de  supprimer  le  sabbat.  Jésus-Clirist  était 
appelé  Fils  de  l'homme  ,  parce  que  tout  Fils  de  Dieu  qu'il  était ,  il  a 
daigné  devenir  miraculeusement  Fils  de  l'homme  et  en  porter  le  nom 
par  amour  pour  les  hommes.  —  S.  Curys.  D'après  saint  Marc,  Notre- 
Seigneur  justifie  ses  disciples  par  une  considération  propre  à  tous  les 
hommes  :  «  Le  sabbat,  leur  dit-il,  a  été  fait  pour  les  hommes ,  et  non 
l'homme  pour  le  sabbat.  »  Donc  il  faut  mettre  le  sabbat  au-dessous  de 
l'homme,  plutôt  que  de  placer  l'homme  sous  le  joug  du  sabbat. 

S.  Ambr.  Cette  action  des  disciples  renferme  un  grand  mystère.  Le 
champ  de  blé,  c'est  le  monde  entier  ;  la  moisson  ,  dont  ce  champ  est 
couvert,  c'est  la  prodigieuse  fécondité  des  saints  répandus  dans  le 
champ  du  genre  humain  ;  les  épis  sont  les  fruits  de  l'Eglise  ;  les 
Apôtres  en  font  tomber  les  grains  et  les  mangent ,  c'est-à-dire  qu'ils 
se  nourrissent  de  nos  progrès  dans  la  vertu  ,  en  séparant  de  leur  en- 
veloppe extérieure  les  œuvres  et  les  fruits  de  1  âme  pour  les  faire  pa- 
raître à  la  lumière  de  la  foi  par  les  miracles  éclatants  de  leurs  œuvres. 

(1)  Jean,  v,  17.  Notre-Seigiieur  répond  aux  Juifs  qui  l'accusaient  de  faire  des  miracles  le  jour 
du  sabbat.  11  venait  de  guérir  le  paralytique  près  de  la  piscine. 


{/lom.  40,  in  Matth.)  Et  attendes  quod 
quandocuuque  Domino  sit  sermo  pro 
servis  (id  est,  discipulis)  servos  ducit  in 
médium,  scilicet  David  et  sacerdotes  : 
quando  vero  pro  se,  introducit  patrem, 
sicut  ibi  :  «  Pater  meus  usque  modo 
operatur,  et  ego  operor.  » 

Theophylact.  Aliter  autem  eos  repri- 
mit,  cum  subditur  :  «  Et  dicebat  illis, 
quia  Dominus  est  Filius  hominis  etiam 
sabbali  :  »  quasi  diceret  :  Ego  sum  Do- 
minus sabbati  tanquam  dispositor,  et 
sicut  legislator  potestalem  habeo  solvcre 
sdbbatum  :  Filhis  emm  liominis  \ocai\is 
est  Christus,  qui  Dei  existens  FiLius, 
miraculose  dignalus  est  Filius  hominis 
propter  homines  fieri  et  vocari.  Chuys. 


{in  Cet.  Grœcoium  Patnim.)  Marcus 
autem  de  communi  natura  hoc  ipsuui 
pi'oluUsse  fatetur,  dicebat  enim  :  «  Pro- 
pter homines  sabbatum  factum  est,  non 
homo  propter  sabbatum  :  »  expedit  igi- 
tur  potius  sabbatum  liomini  subjici , 
quara  hune  colla  subjicere  sabbato. 

A  MB.  Xon  médiocre  autem  mysterium 
hic  est.  Ager  enim  est  omnis  hic  mun- 
dus  ;  agri  seges,  in  satione  humani  ge- 
neris  fecunditas  numerosa  sanctorum  ; 
spic*  agri,  fruclus  Ecclesiae,  quos  ope- 
ribus  decutientes  suis,  apostoU  pasce- 
bantur,  nostro  se  alentes  profectu,  et 
tanquam  foUicuUs  corporum,  mentium 
fructus  ad  fidei  lucem  prœclaris  operum 
suorum  miraculis  eruebant.  Bed.  Spicas 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.   VI, 


289 


—  Bède.  Ils  broient  les  épis  dans  leurs  mains ,  c'est-à-dire  qu'ils  font 
mourir  le  vieil  homme  dans  ceux  qu'ils  veulent  unir  au  corps  de 
Jésus-Christ,  en  les  séparant  de  toute  intention  terrestre.  —  S.  Ambr. 
Les  Juifs  croyaient  que  c'était  là  une  action  défendue  le  jour  du 
sabbat  ;  mais  Jésus-Christ,  en  venant  apporter  le  bienfait  inestimable 
de  la  grâce  nouvelle,  voulait  désigner  à  la  fois  le  repos  de  la  loi  et  le 
travail  de  la  grâce.  C'est  dans  un  dessein  tout  particulier  que  saint 
Luc  appelle  ce  jour  le  sabbat  second  premier ^  ei  non  premier-second^ 
parce  qu'en  efïet,  le  sabbat  établi  par  la  loi ,  qui  était  le  premier,  est 
supprimé,  et  celui  qui  était  le  second  par  ordre  de  temps  est  devenu 
le  premier.  Il  est  donc  appelé  second  par  ordre  de  temps ,  et  pre- 
mier, à  cause  de  l'excellence  de  l'opération  de  la  grâce  ;  car  le  sabbat 
qui  délivre  du  châtiment  est  supérieur  à  celui  qui  prescrit  la  punition. 
Ou  encore,  ce  sabbat  est  le  premier  dans  les  desseins  éternels  de  Dieu, 
et  le  second  par  ordre  d'institution  (1*).  David,  qui  fuit  avec  ses  com- 
pagnons ,  est  dans  la  loi  la  figure  de  Jésus-Christ  qui  se  dérobe  avec 
ses  disciples  à  la  connaissance  et  aux  poursuites  du  prince  du  monde. 
Mais  pourquoi  ce  fidèle  observateur  et  ce  zélé  défenseur  de  la  loi 
mauge-t-il  lui-même  de  ces  pains,  et  en  donue-t-il  à  ceux  qui  étaient 
avec  lui  (alors  que  les  prêtres  seuls  pouvaient  en  manger)  ?  C'était 
pour  nous  montrer  par  cette  action  ,  que  la  nourriture  réservée 
jusqu'alors  aux  prêtres ,  deviendrait  la  nourriture  des  peuples ,  ou 
bien  que  tous  nous  devions  imiter  les  vertus  de  la  vie  sacerdotale,  ou 
enfin  que  tous  les  enfants  de  l'Eglise  sont  de  véritables  prêtres.  En 
effet,  nous  recevons  l'onction  sainte  qui  nous  consacre  prêtres  pour  nous 
offrir  nous-mêmes  à  Dieu  comme  des  hosties  spirituelles.  (I  Pier.,  ii.) 

(1*;  Saint  Thomas  ne  donne  ici  qu'un  abrégé  du  texte  de  saint  Ambroise,  ce  qui  joint  au  carac- 
tère allégorique  de  l'interprétation,  laisse  planer  une  certaine  obscurité  sur  toute  cette  explication 
mystique. 


euiluconfricaut,  quiaillisquos  in  corpus 
Christi  voliinl  trajicere,  mortificaiit  ve- 
terem  hoininem  cum  aclibus  >uis  a  ter- 
rena  intentione  extrahendo.  Ambr.  Sed 
hoc  putabant  Jud^is  sabbato  non  li- 
ceie  :  Cbiiàlus  autoui  novfe  qraliae  mu- 
nere  designabat  olium  legis.  opus  gra- 
liae  :  mire  tamen  secundo  primum,  non 
primo  secumluin  saljbatuui  dixit,  quia 
sabbalum  illud  exlege  solulum  est,  quod 
erat  primum  ;  et  hoc  prinmra  factum 
est,  quod  secundo  constilutum  est.  Sab- 
batum  igilur  dicitur  secinidum  juxta 
numerum  ;  primum,  juxta  opcralionis 
gratiam  :  melius  est  enim  sabbatum  quo 
impuiiitas  datur,  quam  quo  pœua  prai- 

TOM.    V. 


scribitur.  Aut  hoc  forte  piiraum  est  in 
prfedeslinatione  consilii,  et  secundum 
in  sanctione  décret!.  Deinde  quod  David 
cum  sociis  fugit,  hic  praefiguratus  in 
lege  Christus  est  ;  qui  cum  apostolis 
principem  mundi  lateret.  Quomodo  au- 
tem  ille  observator  legis  atque  defeusor 
panes  et  ipse  manducavit  et  dédit  bis 
qui  secum  erant  (quos  non  iicebat  maudu- 
care  nisi  sacerdolibus),  nisi  ut  per  iilam 
demonsuraret  figuram,  sacerdotalem  ci- 
l)um  ad  usum  transire  populorum,  slve 
quod  omnes  vitam  sacerdotalem  debe- 
nuis  iniitari  ;  sive  quod  omnes  filii  Ec- 
clesitE  sacerdotes  sunf?  Unirimur  enim 
iu  sacerdotium  sanctum  offerentes  nos- 

19 


290 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


Mais  puisque  le  sabbat  a  été  fait  pour  les  hommes,  et  que  leur  utilité 
demandait  que  l'homme  ue  fût  plus  soumis  au  jeûne  prolongé  d'une 
faim  mortelle  (lui  qui  avait  été  si  longtemps  privé  des  fruits  de  la 
terre),  la  loi,  loin  d'être  détruite,  reçoit  ici  son  accomplissement. 

f.  6-11.  —  Un  autre  jour  de  sabbat,  Jésus  entra  dans  la  synagogue  pour  y 
enseigner.  Et  il  y  avait  là  un  homme  dont  la  main  droite  était  desséchée.  Or, 
les  scribes  et  les  pharisiens  l'observaient  pour  voir  s'il  le  guérirait  le  jour  du 
sabbat  afin  d'avoir  sujet  de  l'accuser.  Mais  comme  il  connaissait  leurs  pensées, 
il  dit  à  l'homme  qui  avait  la  main  desséchée  :  Levez-vous,  et  tenez-vous  là 
debout  au  milieu.  Et  se  levant,  il  se  tint  debout.  Alors  Jésus  leur  dit  :  Je 
vous  le  demande  :  Est-il  permis  le  jour  du  sabbat  de  faire  du  bien  ou  du 
mal,  de  sauver  la  vie  ou  de  Voter?  Et  ayant  promené  son  regard  sur  tous  ceux 
qui  l'entouraient,  il  dit  à  cet  homme  :  Etendez  votre  main.  Il  l'étendit,  et  sa 
main  redevint  saine.  Mais  eux,  remplis  de  fureur,  se  consultaient  sur  ce  qu'ils 
pourraient  faire  co)itre  Jésus. 

S.  Ambr.  Notre -Seigneur  passe  à  des  œuvres  différentes;  il  venait 
pour  sauver  l'homme  tout  entier,  il  commence  par  le  guérir  partiel- 
lement, un  membre  après  l'autre  :  «  Un  autre  jour  de  sabbat,  Jésus 
entra  dans  la  synagogue  pour  y  enseigner.  »  —  Bède.  Il  choisit  de 
préférence  le  jour  du  sabbat ,  pour  enseigner  et  pour  guérir,  non- 
seulement  afin  d'annoncer  ainsi  le  sabbat  spirituel  ^,  mais  aussi  parce 
que  le  peuple  se  trouvait  réuni  en  plus  grand  nombre.  —  S.  Cyr.  Il 
enseignait  des  vérités  qui  surpassaient  l'intelligence ,  et  il  ouvrait  à 
ceux  qui  l'entendaient  la  voix  du  salut ,  qu'il  venait  apporter  au 
monde  ;  et  ensuite  il  donnait  pour  appui  à  sa  doctrine  les  œuvres  de 
sa  toute-puissance  :  «  Et  il  y  avait  là  un  homme  dont  la  main  droite 
était  desséchée.  » 


metipsos  Deo  liostiasspirituale3.(I.Pef?'., 
2.)  Si  autem  sabbatum  propter  homines 
factura  est,  utilitas  autem  hominum  pos- 
tulabat  esurientem  hominein  (qui  diu 
fueritterrae  fructibus  abdicatus)  veteris 
famis  vitare  jejuuia,  non  utique  lex 
solvi;ur,  sed  impletur. 

Facluni  est  autem  et  in  oHo  sabbato,  ut  intraret 
in  synagogam  et  doceret.  Et  erat  ibi  homo,  et 
manus  ejiis  dextera  erat  arida.  Observabant 
autem  scribœ  et  pharisœi,  ii  in  sabbato  cura- 
ret,  ut  invenirent  unde  accusarent  eum.  Ipse 
vero  scii'hat  cogiiationes  eorum  ;  et  ait  horrdni 
qui  habebat  manum  aridam  :  Surye  et  sta  in 
médium.  Et  surgens  stetit.  Ait  autem  ad  illos 
Jésus  :  Interrogo  vos  si  licet  sabbatis  bene  fa- 
cere,  an  maie;  animam  salvam  facere ,  an 
perdere ;  et  circumspectis  omnibus  dixit  ho- 
mini  :  Extende  manum  tuam.  Et  extendit,  et 

-  restiluta  est  manus  ejus  :  ipsi  autem  repleti 


sunt  insipientia,  et  colloquebantur  ad  invicem. 
quidnam  facerent  de  Jesu. 

Ambr.  Hic  ad  alia  progreditur  Donii- 
nus  :  nam  qui  totum  bominem  salvum 
facere  disposuerat,  per  ?ingula  membra 
curabat  :  unde  dicitur  :  «  Factum  est 
autem  in  alio  sabbato  ut  intraret  in  sy- 
nagogara  et  doceret.  »  Beda.  Sabbatis 
maxime  curai  et  docet,  non  solum  pro- 
pter insinuandum  spirituale  sabbatum, 
sed  etiam  propter  celebriorem  populi 
conventum.  Cyril,  [in  Cat.  Grœconim 
Putrum.)  Docebat  autem  rêvera  tran- 
scendeutia  intellectum,  et  quœ  salutis 
futurœ  per  eum  reserabaut  audientibus 
seraitam  ;  deiude  prœcedeute  doctrina 
subito  diviuam  ostendebat  virtutem  : 
unde  sequitur  :  «  Et  erat  ibi  homo,  et 
manus  ejus  d  xtera  erat  arida.  » 


DE   SAINT   LUC.    CHAP.   VI. 


29^ 


BEDE.  Le  Maître  vient  de  justiiier  par  un  exemple  des  plus  louables 
la  conduite  de  ses  disciples,  accusés  de  violer  le  jour  du  sabbat;  ses 
ennemis  l'observent  maintenant  lui-même  pour  le  calomnier  :  «  Or, 
les  scribes  et  les  pharisiens  l'observaient  pour  voir  s'il  le  guérirait  le 
jour  du  sabbat,  »  tout  disposés  à  l'accuser  de  cruauté  et  d'impuis- 
sance, s'il  ne  le  guérissait  point ,  ou  de  violer  le  sabbat  s'il  le  guéris- 
sait :  «  Afin  dit  l'Evangéliste,  d'avoir  sujet  de  l'accuser.  »  —  S.  Cyr. 
Tel  est  ])ien  le  caractère  de  l'homme  envieux  (1),  il  nourrit  en  lui- 
même  sa  douleur  avec  les  louanges  qu'il  entend  donner  aux  autres  ; 
mais  le  Seigneur  connaît  toutea  choses  et  pénètre  le  secret  des  cœurs  : 
«  Or  comme  il  connaissait  leurs  pensées,  il  dit  à  l'homme  qui  avait 
la  main  desséchée  :  Levez-vous ,  et  tenez-vous  là  debout  au  milieu,  et 
se  levant,  il  se  tint  debout.  »  Peut-être  le  Sauveur  voulait-il  exciter  la 
commisération  de  ces  pharisiens  cruels,  et  amortir  le  feu  de  la  passion 
qui  les  dévorait. 

BEDE.  Cependant  Notre- Seigneur ,  voulant  prévenir  l'accusation 
qu'ils  préparaient  contre  lui ,  leur  reproche  de  mal  interpréter  les 
prescriptions  de  la  loi ,  eux  qui  croyaient  qu'on  devait  s'interdire 
même  les  bonnes  œuvres  le  jour  du  sabbat,  tandis  que  la  loi  ne  dé- 
fend que  les  œuvres  serviles,  c'est-à-dire  les  œuvres  mauvaises  : 
«  Alors  Jésus  leur  dit  :  Je  vous  le  demande ,  est-il  permis  de  faire  du 
bien  le  jour  du  sabbat  ?»  —  S.  Cyr.  Cette  question  était  pleine  d'op- 
portunité. Eu  effet,  s'il  est  permis  de  faire  le  bien  le  jour  du  sabbat, 
et  que  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  la  miséricorde  de  Dieu  vienne  au  se- 
cours de  ceux  qui  souffrent ,  cessez  donc  de  réunir  vos  accusations 
calomnieuses  contre  Jésus-Christ.  Si  au  contraire,  il  n'est  pas  permis 

(1)  Dans  le  texte  grec  de  saint  Cyrille  on  lit  :  «  Tel  est  l'homme  envieux,  i>  au  lieu  de  «  tel  est 
rhabitude  de  l'adversaire  :  »  Hic  enim  est  mos  adversarii. 


Bed.  Quia  vero  destructioneni  sabbati  ] 
(quam  in  discipulis  argiiebant)  probabili 
magiàter  excusaverat  oxeinpio  ,  nunc 
ipsum  observaudo  inagislrum  calum- 
iiiari  volunt  :  unde  sequiliir  :  «  Obser- 
vabnnt  autein  scriba;  el  pharir^uei  si  in 
sabbato  curaret  ;  »  iil  scillcel  si  non 
curet,  crudelitalis  vcl  imbecillitatis;  si 
cnret.  in  sabbato,  transgre^sionis  euiu 
arguant  :  undc  sequitur  :  «  Ul  inveni- 
F'-nt  unde  accusarent  oum.  »  CviUL.  (tibi 
sup.)  Hic  eniiue^t  uiusadversaiii, pascit 
in  se  doloris  morl»uni  alioruui  pr.tco- 
niis;  sed  Doininus  novit  omnia  et  corda 
riniatur.  Unde  sequitur  :  «  Ipse  vero 
sciebat  cogitationcà  eorum  ;  et  ait  ho- 
miûi  qui  babebat  manum  aridam  :  Surge 


et  sla  :  et  surgens  stetit  :  »  ut  forsan 
incitaret  ad  pielatem  crudelem  pliari- 
sœum;  et  ipsa  passio  ilanimas  iniligarel. 
BiLD.  Prœveniens  auleni  Douiinus  ca 
lumniam  quam  sibi  praiparabant,  arguit 
eos  (pii  praïcepta  legis  maie  interpre- 
taudo,  etiam  a  bonis  operibus  sabbato 
œslimabant  feriundnm  ;  cum  lex  a  sor- 
vili  opère  (id  est,  malis)  abstinere  pra;- 
cipiat  in  sabbato  :  unde  sequitur  :  «  Ail 
aulem  ad  iilos  Jésus  :  inlerrogo  vos  si 
licet  sabbato  beue  facero,  <>  etc.  Cyril. 
[ubi  sup.)  Niu.is  est  idonea  quœstio  : 
nani  si  licot  in  sabbato  hone  facere,  nec 
aliquid  obstat  ut  laboraïUes  a  Deo  mise- 
ricordiam  consequanlur,  desiuas  colli- 
gere  adversus  Cliristum   calunmiaui  ;  si 


292  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

de  faire  du  bien  le  jour  du  sabbat ,  et  si  la  loi  défend  de  sauver  les 
âmes,  vous  devenez  l'accusateur  de  la  loi.  De  phis,  si  nous  voulons 
examiner  les  motifs  de  l'institution  du  sabbat_,  nous  trouverons  qu'il  a 
été  établi  dans  un  but  de  miséricorde.  En  effet ,  Dieu  commande  le 
repos  le  jour  du  sabbat,  «  afin  ,  dit-il,  que  votre  serviteur  ,  votre  ser- 
vante et  vos  animaux  puissent  se  reposer.  »  [Exode ^  xx  ,  xxii.)  Or, 
celui  qui  a  compassion  du  bœuf  et  des  autres  animaux ,  pourrait-il 
être  sans  pitié  pour  un  homme  qui  souffre  d'une  maladie  cruelle  ?  — 
S.  Ambb.  La  loi  était  dans  le  temps  présent  la  figure  de  la  vie  future, 
où  nous  nous  reposerons  en  nous  abstgnant  de  toute  œuvre  corporelle, 
mais  non  des  bonnes  œuvres,  telle  que  la  louange  de  Dieu.  — S.  AuG. 
{Qucst.  évang.^  ii,  7.)  Lorsque  Notre-Seigueur  eut  guéri  cet  homme, 
il  fait  cette  question  aux  pharisiens  :  «  Est-il  permis  de  sauver  l'àme 
ou  de  la  laisser  périr?  »  Tl  parle  de  la  sorte  ,  parce  qu'il  opérait  ses 
miracles  pour  établir  la  foi  qui  est  le  salut  de  l'àme  ;  ou  encore,  parce 
que  la  guérison  de  la  main  droite  était  le  symbole  du  salut  de  l'âme  qui, 
en  cessant  de  faire  des  bonnes  œuvres,  avait  pour  ainsi  dire  la  main 
droite  desséchée  ;  ou  bien  enfin  ,  l'àme  ici  est  prise  pour  l'homme 
tout  entier,  comme  lorsqu'on  dit  :  «  Il  y  avait  là  tant  d'àmes(l).  » 

S.  AuG.  {de  l'accord  des  Ecang.^  ii,  35.)  Ou  peut  se  demander 
comment,  d'après  saint  Matthieu,  ce  sont  les  pharisiens  qui  demandent 
à  Notre- Seigneur  s'il  est  permis  de  guérir  le  jour  du  sabbat,  tandis 
que,  d'après  saint  Luc ,  c'est  le  Sauveur  lui-même  qui  leur  fit  cette 
question.  Nous  répondons  que  les  pharisiens  ont  pu  très-bien  demander 
les  premiers  à  Notre-Seigneur ,  s'il  était  permis  de  guérir  le  jour  du 

(1)  Gènes.,  xlvi,  27. 


autem  nou  licet  iii  sabbato  benefacere, 
et  lex  prohibât  animarum  salutem,  fac- 
tus  es  legis  accusator.  Ipsara  qiioque 
sabbati  sanctionem  si  velimus  disculere, 
ad   opus  pietalis  introductum   fuisse  re 


nus  corpus  curaverit,  quare  sic  in- 
terrogavit  :  «  Animam  salvam  facere, 
an  perdere  licet?  »  Vel  quia  ille  mi- 
racula  propter  fidem  faciebat,  ubi  salus 
est  animae  ;  vel   quia   ipsa   sanatio  ma- 


periemus  ;  jussit  enim  in  sabbato  fe-  \  nus  dexterae  salutem  aninite  signifi- 
riari,  ut  quiescat,  inqiiit  (fj-orf.,  20  et  cabat;  quae  a  bonis  operibus  cessans, 
23),  puer  tuus  et  ancilla  tua,  et  quodli-  '■  aridani  quodamiuodo  dextoram  habeie 
bet  pecus  tuum  :  qui  vero  bovis  mise- 1  videbalur  ;  vel  animam  pro  homine 
retur,  et  ca;teroruui  pecorum,  quomodo  ,  posuit,  sicut  dici  solet:  «  Tôt  animae  ibi 
non   miserebitur  hominis   gravi  morbo  j  fuerunt.  » 

perplexi  ?  Ambr.  Lex  autem  in  prœsen-  AUG.  {de  Con,- Evang..  lib.ii,  cap.  35.) 
tibus  formam  prasGguravit  futurorum  in  j  Sedpotest  moveriquœstio  quomodo  Mal- 
quibus  utique  maloram  ferire  futurœ  j  tbfeus  dixerit,  quod  ipsi  interrogaveruut 
sunt  non  bononim  :  nam  licet  secularia  j  Domiiium  si  licet  curare  sabbato  ;  cum 
opéra  conqinescant,  non  otiosus  tameu  1  Lucas  hic  illos  potins  a  Domino  iuter- 
boni  operis  actus  est  in  Dei  lande  re-  1  rogatos  esse  perhibeat  ;  itaque  inteUi- 
quiescere.  AuGUST.  {de  Quœst.  Evong.,  \  gendum  est  qnod  illi  prias  interrogave- 
lib.   II,    qutest.  7.)   Cum    autem    Domi-  i  runt  Dominum  si  Ucet  sabbato   curare  ; 


DE   SAINT    LUC.    CHAP.    VI. 


293 


sabbat;  et  que  lui-même  ensuite  connaissant  leurs  pensées,  et  sachant 
qu'ils  cherchaient  une  occasion  de  l'accuser,  plaça  au  milieu  d'eux  cet 
homme  qu'il  voulait  guérir,  et  leur  adressa  la  question  que  saint  Marc 
et  saint  Luc  mettent  dans  sa  bouche. 

«  Et  les  ayant  tous  regardés,  »  etc. —  Tite  de  Bost.  Il  attire  par  là  les 
regards  de  tous  ceux  qui  sont  présents ,  il  concentre  en  même  temps 
toute  leur  attention  sur  l'œuvre  qu'il  va  faire,  et  il  dit  à  cet  homme  : 
«  Etendez  votre  main,»  je  vous  le  commande,  moi  qui  ai  créé 
l'homme,  cet  homme  qui  avait  la  main  paralysée,  obéit,  et  il  est  guéri 
sur  le  champ  :  «  Il  l'étendit ,  et  elle  fut  guérie,  »  etc.  Ce  miracle  qui 
aurait  dû  les  remplir  d'admiration  ,  ne  fait  qu'augmenter  leurs  mau- 
vaises dispositions  :  «  Mais  eux,  remplis  de  fureur,  se  consultaient  sur 
ce  qu'ils  feraient  de  Jésus.  »  —  S.  Chrts.  [hom.  41 .)  Et  comme  le 
rapporte  saint  Matthieu,  ils  s'en  vont  et  tiennent  conseil  pour  le  faire 
mourir.  —  S.  Ctr.  \ous  êtes  témoin,  pharisien,  des  œuvres  divines 
de  sa  toute-puissance,  vous  le  voyez  guérir  les  malades  par  une  vertu 
toute  céleste,  et,  par  un  noir  sentiment  d'envie,  vous  conspirez  pour  le 
faire  mourir. 

BEDE.  Cet  homme  représente  le  genre  humain  frappé  de  stérilité 
pour  le  bien,  et  dont  la  main  a  été  comme  desséchée  pour  s'être  étendue 
vers  le  fruit  que  mangea  notre  premier  père.  Nous  voyons  cette  main 
paralysée  jusqu'au  milieu  de  la  synagogue;  car  plus  le  don  de  la 
science  est  grand,  plus  aussi  la  transgression  de  la  loi  est  coupable.  — 
S.  Ambr.  Vous  avez  entendu  les  paroles  du  Sauveur  :  «  Etendez  votre 
main.  »  C'est  le  remède  général  qu'il  propose  à  tous  les  hommes. 
Vous  donc  qui  croyez  avoir  la  main  saine ,  craignez  que  l'avarice  ou 


deinde  intelligens  cogitationes  eorum, 
riditum  accusandi  quéBrentium,  constituit 
in  medio  eum  queni  fuerat  sanaturus  ; 
et  interrogavit  quae  Marcus  et  Lucas 
eum  interrogasse  commémorant. 

Sequitur  :  •<  Et  circumspectis  omni- 
bus. »  Titus  Bostrf.nsis.  Quasi  collectis 
omnium  oculis  quin  etiain  incitata  mente 
eorum  ad  considerationem  negolii  dixit 
homini  :  «  Extende  manum  tuam  ;  » 
ego  libi  mando,  qui  crt;avi  liominem; 
audit  autem  qui  Ifesaiu  habebat  ma- 
nuui,  et  sanus  fit,  unde  sequitur  :  »  Et 
extendit,  et  restituta  est,  »  etc.  Quos 
autem  oportcLat  in  rniraculo  stupere, 
augent  nialitiam.  Unde  sequitur:  «  Ipsi 
autem  repleti  sunt  insipientia,  et  collo- 
quebantur  quid  farerent  de  Jesu.  » 
Chrys.  [hom.  41,  in  Malth.)  Et  ut  nar- 


rai Mattbœus,  «  exeunt  et  consiliantur 
ut  occidant  euro  .)  Cyril.  (uM  sup.) 
Cernis,  o  phr^/issee,  operanlem  divine, 
ac  superna  majestate  liberantem  lan- 
guentes,  et  mortem  ex  livore  partu- 
ris. 

Bed.  Homo  autem  iste  huuianum  ge- 
rms  significat  infecunditate  boni  operis 
arefactuni  pro  manu  in  primo  parente 
ad  pomum  extensa,  quam  sanavil  in- 
nocens  manus  in  cruce  extensa  :  et  bene 
manus  in  synagoga  erat  arida  ;  quia  ubi 
majus  donum  scii'uti.'e,  ibi  tran<gressor 
majori  subjacet  culpœ.  Ambr.  Audisti 
igitur  verba  dicentis  :  «  Extende  manum 
tuam  :  »  commuais  ista  generalisque 
raedicina  est  ;  et  tu  qui  putas  manum 
habere  te  sanam,  cave  ne  avaritia  vel 
sacrilegio  contrahatur  ;  extende    s.rpius 


294  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

le  sacrilège  ne  vienne  à  la  fermer  ;  étendez-la  continuellement  pour 
secourir  le  prochain,  pour  protéger  la  veuve,  pour  délivrer  de  l'mjus- 
tice  celui  que  vous  voyez  sous  le  poids  d'une  accusation  inique  ;  éten- 
dez-la vers  le  pauvre  qui  vous  supplie  ,  étendez -la  vers  Dieu  pour  vos 
péchés  :  c'est  ainsi  qu'il  faut  étendre  la  main  ,  et  c'est  ainsi  qu'elle  est 
guérie, 

f.  12-16.  —  En  ces  jours-là,  il  se  retira  sur  la  montagne  pour  prier,  et  y  passa 
toute  la  nuit  à  prier  Dieu.  Et,  quand  le  jour  fut  venu,  il  appela  ses  disciples, 
et  il  en  choisit  douze  d'entre  eux  [qu'il  nomma  aussi  apôtres)  ;  Simon,  auquel 
il  donna  le  surnom  de  Pierre,  et  André  son  frère  ;  Jacques  et  Jean  ;  Philippe 
et  Barthélemi ;  Matthieu  et  Thomas;  Jacques  fils  d'Alphée,  et  Simon  appelé 
le  Zélé  ;  Judas,  frère  de  Jacques,  et  Judas  Iscariote,  qui  fut  le  traître. 

La  Glose  (1).  Pendant  que  les  ennemis  de  Jésus-Christ  se  déclarent 
contre  ses  miracles  et  sa  doctrine,  il  choisit  ses  Apôtres  pour  être  les 
défenseurs  et  les  témoins  de  la  vérité,  et  avant  de  les  choisir  il  se  livre 
à  la  prière  :  «  En  ces  jours  là,  il  se  retira  sur  la  montagne  pour 
prier.  »  —  S.  Ambr.  Prenez  garde  d'entendre  ces  paroles  avec  un  es- 
prit prévenu,  et  de  penser  que  si  le  Fils  de  Dieu  prie,  c'est  dans  le 
sentiment  de  sa  faiblesse  et  pour  obtenir  ce  qu'il  ne  peut  faire  de  lui- 
mème_,  car  l'auteur  de  toute-puissance  a  voulu  se  rendre  maitre  de 
l'obéissance,  et  nous  enseigner  par  son  exemple  les  préceptes  de  la 
vertu  (2). 

S.  Cyr.  Méditons  attentivement  dans  la  conduite  de  Jésus-Christ, 
l'exemple  (ju'il  nous  donne  de  persévérer  dans  la  prière,  en  nous 

(1)  On  ne  trouve  rien  de  semblable  dans  la  Glose  actuelle. 

(2)  Saint  Ambroise  ajoute  encore  que  le  Sauveur  agit  ainsi  comme  notre  avocat,  bien  que  comme 
juge,  sa  puissance  n'ait  d'autres  limites  que  sa  volonté. 


eaiu,  ut  proxiinum  juves^  ut  vidusBprte-  1      cobi,   et  Judam  Iscariotem,  qui  fuit  prodi- 
sidium  feras  ;  eripias  iujuriae,  queru  vi-       '<""• 


des  iujustee  contuuieliœ  subjacere;  ex- 
tende  ad  pauperem  qui  te  obsecrat  ; 
extende  ad  Doiiiinuui  pro  peccatis  tuis  ; 
sic  manus  extenditur,   sic  maaus  sana- 


Faclum  est  autetn  in  illis  diebus,  exiit  in  tnon- 
tem  orare,  et  erat  pernoctans  in  oratione  Dei. 
Et  cura  dies  factus  esset ,  vocavit  discipulos 
suos,  et  elegit  duodecim  ex  ipsis,  quos  et  apos- 
tolos  nominavit  :  Simonem,  quem  cor/notrànavit 
Petrum ,  et  Andream  fratrem ,  ejus ,  Jacobum 
et  Joaniiem,  Philippum  et  Bartholomceum ,  et 
Matthœum  et  Thomam ,  Jacobum  Aiphœi  et 
Simonem,  qui  vocatur  Zeloles,  et  Judam  Ja- 


Glossa.  Iiisurgeutibus  adversariis 
contra  Christi  miracula  et  doctriuam, 
apostolos  elegit  quasi  defeusores  verita- 
tis  et  testes^  quorum  electioni  orationem 
prsemittit  :  unde  dicitur  :  «  Facium  est 
autem,  »  etc.  Ambr.  Noli  insidiatrices 
aperire  aures,  ut  putes  Filium  Dei  quasi 
infirmum  orare,  ut  impetret  quod  im- 
plere  non  possit  :  p  testatis  enim  auc- 
tor,  obedientiae  magisler  ad  preecepta 
virtutis  suo  nos  informât  exemplo. 

Cyril,  {in  Cat.  Grœcoruin,  uOi  sup.) 
Scrutemur  igitur  iu  his  qufe  Christus 
agit,    qualiter   nos   doceat    orationibus 


PE   SAINT   LUC.    CHAP.    VI. 


295 


tenant  à  l'écart,  dans  le  secret,  loin  des  regards  des  hommes,  séparé 
de  loutes  les  préoccupations  du  monde,  afin  que  notre  esprit  puisse 
s'élever  librement  sur  les  sommets  de  la  contemplation  divine  ;  c'est 
ce  que  nous  apprend  Notre- Seigneur  en  se  retirant  sur  la  montagne 
pour  prier.  —  S.  Ambr.  En  toute  circonstance,  Jésus  prie  seul  et  sans 
témoins;  en  effet,  les  vœux  des  hommes  ne  peuvent  s'élever  jusqu'aux 
conseils  de  Dieu,  et  personne  ne  peut  entrer  en  participation  des  pen- 
sées intimes  du  Christ.  Tous  ceux  qui  prient  ne  montent  point  sur  la 
montagne,  mais  celui-là  seul  qui,  dans  sa  prière,  s'élève  des  préoc- 
cupations de  la  terre  aux  pensées  du  ciel,  et  jamais  celui  qui 
poursuit  avec  solUcitude  les  richesses  et  les  honneurs  du  siècle.  Les 
âmes  détachées  de  la  terre  moiTtent  sur  la  montagne  ;  aussi  dans 
l'Evangile,  vous  voyez  les  disciples  seuls  monter  sur  la  montagne  avec 
leur  divin  Maître.  L'Evangéliste  vous  donne,  chrétiens,  la  règle  et 
l'exemple  que  vous  devez  imiter  dans  les  paroles  suivantes  :  «  Et  il 
passait  la  nuit  à  prier.  »  Que  ne  devez-vous  pas  faiio  pour  votre  salut, 
quand  vous  voyez  Jésus-Christ  passer  pour  vous  toute  la  nuit  en 
prières.  —  S.  Chrys.  (1)  Levez-vous  donc  aussi  vous-même  pendant 
la  nuit,  car  alors  l'âme  est  plus  pure,  et  le  silence  et  l'obscurité  de  la 
nuit  sont  on  ne  peut  plus  favorable  à  la  componction  du  cœur.  D'ail- 
leurs, si  vous  considérez  le  ciel  parsemé  d'étoiles,  et  cette  multitude 
innombrables  d'astres  lumineux  ;  si  d'un  autre  côté  vous  réfléchissez 
que  tous  ceux  qui,  pendant  le  jour,  se  livrent  aux  plaisirs  et  aux 
œuvres  d'iniquité,  sont  alors  absolument  semblables  à  des  morts,  com- 
ment pourrez-vous  ne  pas  détester  tous  les  crimes  des  hommes.  Que 
ces  pensées  sont  puissantes  pour  élever  l'âme,  elle  n'est  alors  ni  tour- 

(l)  Celte  citation  est  empruntée  en  partie  à  l'homélie  42  parmi  celles  qui  ont  pour  titre  :  homélie 
au  peuple  d'Antioche ,  et  en  partie  à  l'homélie  26  sur  les  Actes. 


divinis  insistere,  semolim  scilicel  et  se- 
crelo  neinine  videute  ;  amota  quoque 
mundana  sollicitudine ,  ut  sursuni  ad 
divin  a;  speculatiouis  intuiluiu  erigatur 
intentio  ;  quod  designatur  in  lioc  quod 
setuotim  orabat  Jésus  exieus  in  mon- 
tem.  Ambr.  Lhique  etiam  solus  obsecral. 
Dei  enim  cousiliuin  liumana  voUi  non 
capiunt;  nec  quispiaui  interioruui  potesl 
esse  parliceps  Chrisli.  Non  aulem  onniis 
qui  orat  ascendil  in  inonteni ,  sed  qui 
oral  a  terrenis  ad  superioia  progro- 
diens;  non  autem  ille  qui  do  seculi  divi- 
tiis  aut  de  honore  sollicitus  ost.  Oiunes 
sublimes  in  nionleui  ascenduut  :  quare 
in  Evangelio  inveuies  solos  in  niontem 
cuni  Domino  ascendisse  discipulos. 
Species  autem  tibi,   Chrisliane,  datur. 


forma  praescribitur,  quam  debeas  aemu- 
lari ,  cum  sequitur  :  «  Et  erat  pernoc- 
taus  in  oratione  Dei,  »  etc.  Quid  enim  te 
pro  salute  tua  facere  oporlet,  quando 
pro  te  Cliristus  in  oratione  pernoctaf? 
Chrys.  [in  Cut.  Crœcorum  Patntm.) 
Exsurge  igitur  et  tu  tempore  noctis  : 
purior  est  enim  tune  teraporis  anima  ; 
ipsifi  tenebrae  ac  silentium  nimium  pos- 
sunt  sufficienter  ad  conipunctioneni  per- 
ducere.  Caeterum  si  ipsum  quoque  cœ- 
lum  inspicias  punclatum  stellis ,  quasi 
intinitis  luminibus ,  si  considères  quod 
qui  per  dieui  saltant  injurianturque  ,  hi 
tune  niliil  a  inortuis  discrepant  ;  detes- 
taberis  quemlibetausum  humanum.  Hsec 
omnia  suftieiunt  ad  animam  eriaendam  : 
tune  non  vexât  inanis  gloria,  non  accdia. 


296 


EXPLICATION    DE   l/ÉVANGILE 


mentée  par  la  vaine  gloire,  ni  dominée  par  la  mollesse  ou  par  une 
passion  violente;  non,  l'action  du  feu  n'est  pas  si  puissante  pour  faire 
disparaître  la  rouille  du  fer,  que  la  prière  pendant  la  nuit  pour  efifa- 
cer  la  rouille  des  péchés.  Elle  rafraîchit  pendant  la  nuit  celui  que  l'ar- 
deur du  soleil  a  brûlé  durant  le  jour,  il  n'est  point  de  rosée  compa- 
rable aux  larmes  versées  pendant  la  nuit,  elles  triomphent  de  la 
concupiscence  et  de  tout  sentiment  de  crainte  ;  mais  si  l'homme  n'est 
point  humecté  de  cette  rosée  féconde,  il  a  tout  à  craindre  des  feux  du 
jour.  Si  donc  vous  ne  pouvez  prier  beaucoup  pendant  la  nuit,  priez 
au  moins  une  fois  lorsque  vous  vous  éveillez,  cela  suffit,  et  montrez 
ainsi  que  le  repos  de  la  nuit  n'est  pas  seulement  utile  au  corps  mais  à 
l'âme. 

S.  Ambr.  Vous  voyez  encore  ce  que  vous  devez  faire  avant  d'entre- 
prendre quelque  œuvre  de  piété,  puisque  Jésus-Christ  a  prié  avant 
de  choisir  ses  Apôtres  :  «  Et  dès  l'aurore,  il  appela  près  de  lui  ses  dis- 
ciples, »  etc.,  c'est-à-dire,  ceux  qu'il  destinait  à  propager  parmi  les 
hommes  tous  les  moyens  de  salut,  et  à  répandre  par  toute  la  terre  la 
semence  de  la  foi.  Et  remarquez  ici  l'ordre  des  conseils  de  Dieu;  ce 
ne  sont  point  des  sages,  des  riches,  des  nobles,  mais  des  pêcheurs  et 
des  publicains  qu'il  choisit  pour  cette  mission  ;  il  ne  veut  point  qu'on 
puisse  attribuer  à  l'influence  puissante  des  richesses,  de  l'autorité,  de 
la  noblesse,  la  conversion  des  hommes  à  la  grâce  de  l'Evangile,  il  veut 
triompher'par  la  puissance  naturelle  de  la  vérité,  et  non  par  la  supé- 
riorité du  raisonnement  et  de  l'éloquence. 

S.  Cyr.  Remarquez  encore  avec  quel  soin  l'Evangéliste,  non-seule- 
ment raconte  l'élection  des  saints  Apôtres,  mais  en  fait  une  énumé- 
ration  exacte  pour  que  personne  n'osât  en  inscrire  d'autres  que  ceux 
qu'il  énumère.  «  Simon,  auquel  il  donna  le  nom  de  Pierre,  et  André 


non  coueitatio  occupât  :  non  sic  ignis 
ferri  séquestrât  rubiginem,  velut  noc- 
turna  oratio  aeruginem  peccatorum. 
ôuem  de  die  solis  œstus  perussit,  nocle 
refrigeralur  :  quemlibet  rorem  superant 
nocturnœ  lacrymse,  et  contra  coucupis- 
centiam  valent  et  quemlibet  timorem  : 
si  vero  praedicto  rore  non  foveatur 
homo,  arescit  sub  die.  Quapropter  licet 
non  niullum  ores  noctu ,  semel  ora 
vigilando,  et  sufficit  :  ostende  quod, 
non  solum  ad  corpus  nox  pertiuet,  sed 
etiam  ad  animam. 

Ambr.  Quid  autem  te  facere  convenit 
cum  vis  aliquod  officium  pietatis  ado- 
riri,  quando  Christus  missurus  aposto- 
los   priiis  oravif?   Sequitur   enim  :  «  Et 


cum  dies  factus  esset,  vocavit  discipulos 
suos,  I)  etc.  Quos  scilicet  ad  propagan- 
dum  auxilium  salutis  humanae  per  ter- 
rarum  orbem  satores  fidei  destinaret. 
Simul  adverte  cœleste  consilium  :  non 
sapientes  aliquos ,  non  divites,  non  no- 
biles,  sed  piscatores  et  publicanos,  quos 
dirigeretj  eiegit;  ne  divitiis  aut  poientiae 
nobilitatisque  auctoritate  traxisse  aliquos 
ad  suam  gratiam  videretur;  ut  verita- 
tis  ratio ,  non  disputationis  gratia  prae- 
valeret. 

CvRiL.  [nhi  sup.)  Attende  autem 
maximam  Evangelistae  sedulitatem  : 
non  solum  dicit  electos  fuisse  sacros 
apostolos,  inio  nominatim  eos  enumerat, 
ne    quisquam    audeat    alios    iuscribere 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.   VI. 


297 


son  frère.  »  —  Bède.  Ce  ne  fut  point  alors  que  Pierre  reçut  pour  la 
première  fois  ce  surnom,  mais  longtemps  auparavant,  lorsqu'ayant 
été  amené  à  Jésus  par  André,  Jésus  lui  dit  :  «  Tu  t'appelleras  Céplias, 
qui  veut  dire  Pierre.  »  [Jean,  \,  42,)  Saint  Luc  avait  l'intention  de 
donner  l'énumération  des  noms  des  Apôtres,  il  devait  nécessairement 
y  faire  entrer  le  nom  de  Pierre,  il  indique  donc  brièvement  que  ce 
nom  n'était  pas  primitivement  le  sien,  mais  qu'il  lui  a  été  donné  par 
le  Sauveur,  —  Eusèbe.  [Ch.  des  Pèr.  gr.)  Le  second  couple  est  com- 
posé de  Jacques  et  de  Jean  ;  ils  étaient  tous  deux  fils  de  Zébédée  et 
pécbeurs  de  profession.  Viennent  ensuite  Philippe  et  Barthélemi  ; 
Philippe,  d'après  saint  Jean,  était  de  Bethsaïde,  concitoyen  d'André 
et  de  Pierre,  ainsi  que  Barthélemi ,  homme  simple,  étranger  à  la 
science  du  monde,  sans  fiel  et  sans  aigreur.  Matthieu  fut  appelé  alors 
qu'il  était  receveur  des  impôts  :  «  Matthieu  et  Thomas.  »  —  Bède. 
Matthieu,  par  humilité,  met  son  nom  après  celui  de  Thomas,  son  col- 
lègue, tandis  que  les  autres  Evangélistes  le  mettent  avant.  —  Suite. 
a  Jacques,  fils  d'Alphée,  et  Simon,  qui  est  appelé  le  zélé.  »  —  La 
Glose.  Il  est  ainsi  appelé,  parce  qu'il  était  de  Gana,  en  Galilée  ;  or, 
Cana  veut  dire  zèle^  et  on  l'appelle  ainsi  pour  le  distinguer  de  Simon 
Pierre  :  «  Judas,  fils  de  Jacques,  et  Judas  Iscariote,  qui  le  trahit.  »  — 
S.  AuG.  {de  l'accord  des  Evang.^  ii,  30.)  Saint  Luc  parait  différer  ici 
de  saint  Matthieu,  qui  donne  à  Judas  le  nom  de  Thaddée  ;  mais  qui 
empêche  qu'im  même  homme  ait  porté  deux  ou  trois  noms?  Le  Sau- 
veur choisit  pour  Apôtre  Judas  le  traitre,  non  par  imprévoyance  de 
l'avenir^  mais  par  un  dessein  providentiel,  11  avait  pris  volontairement 


apostolorum  catalogo.  «Simonem,  quem 
cognominavit  Petrum,  et  Andream  ,  fra- 
trem  ejus.  »  Beda.  Non  modo  prinium 
eum  cognominavit ,  sed  longe  prius 
cum  ab  Andréa  adducto  dicitur  (Joan.,  i, 
vers.  42)  :  «  Tu  vocaberis  Cephas,  qiiod 
interpretatiir  Petrus.  »  Sed  volens  Lucas 
nomina  apostulorum  enumerare ,  cum 
necesse  haberet  Petrum  dicere,  breviler 
volait  innuere,  quod  non  hoc  antea 
cognominaretur,  sed  ita  Dominus  co- 
guouiinavcrit.  EusEB.  [in  Cal.  (Irœco- 
ruiH  Patrum.)  Secunda  autem  combi- 
natio  est  Jacobi  et  Joannis  :  unde  se- 
quitur  :  «  Jacobum  et  Joannem;»  am- 
bos  scilicet  iilios  Zebedaii ,  qui  eliaiii 
piscatores  fuerunt.  Post  hos  autem  dicit 
«  Philippum  et  Bartholomaeum  :  »  Plii- 
lippum  dicit  Joannes  fuisse  de  Bethsaida 
concivem  Andréas  et  Pétri  :  ipse  quoque 
Bartlioloma-us ,   vir  simplex   et    expers 


scientiœ  mundanse  et  amariludinis  :  Mat- 
thajus  vero  ex  bis  qui  prius  census  exi- 
gebant,  vocatus  est;  de  quo  subdit  : 
«  MatthEeum  et  Thomam.  »  Bed.  Mat- 
thœus  compari  suo  Thumae  in  ordine, 
humilitatis  causa  se  supponit,  cum  a 
caeteris  evangelistis  praelatus  sit.  Sequi- 
tur  :  «  Jacobum  Alpliaîi  et  Simonem,  » 
qui  vocatur  Zelotes.  Glos.  Quia  scilicet 
fuit  de  Cliana  Galilaeie  ,  qui  interpreta- 
tur  zelus  ;  quod  additur  ad  differentiam 
Simonis  Pelri.Sequitur  :  «Judam  Jacobi 
et  Judam  Scariolh  ,  qui  fuit  proditor.» 
AuG.  {de  Cons.  Evanj.,  lib.  ii,  cap.  30.) 
In  nomine  Judœ  Jacobi  Lucas  videtur 
discrepare  a  Matthœo,  qui  eum  Tha- 
dfeum  appellat  :  sed  quis  unquani  pro- 
liibuit  duobus  vel  tribus  nominibus 
unum  hominem  vc^cari  "?  Eligitur  autem 
Judas  proditor,  non  per  imprudentiam, 
sed  per  provideutiam  :    susceperat  qui- 


2diS 


EXPLICATION    DE    L  EVANGILE 


la  fragilité  de  la  nature  humaine,  il  ne  refuse  pas  même  cette  triste  et 
douloureuse  épreuve  ;  il  a  voulu  être  trahi  par  un  de  ses  Apôtres,  afin 
que  si  vous  êtes  vous-même  victime  de  la  trahison  d'un  ami,  vous 
supportiez  patiemment  les  suites  de  l'opinion  erronée  que  vous  aviez 
de  lui,  et  l'inutilité  de  vos  bienfaits. 

BEDE.  Dans  le  sens  mystique,  la  montagne  sur  laquelle  Jésus-Christ 
choisit  les  Apôtres,  représente  la  hauteur  de  la  justice,  à  laquelle  ils 
devaient  parvenir  et  qu'ils  devaient  prêcher,  et  c'est  pour  ce  motif  que 
la  loi  fut  donnée  sur  une  montagne.  —  S.  Cyr.  Si  vous  êtes  désireux 
de  connaître  la  signification  des  noms  des  Apôtres,  Pierre  veut  dire 
qui  délie,  ou  qui  reconnaît  (1),  André,  puissance  brillante,  ou  qui  ré- 
pond; Jacques,  qui  supplante  la  douleur;  Jean,  la  grâce  du  Sei- 
gneur; Matthieu,  qui  est  donné;  Philippe,  bouche  grande  ou  orifice 
de  la  lampe;  Barthélemi,  fils  de  celui  qui  suspend  les  eaux;  Thomas, 
abîme  on  jumeau;  Jacques,  fils  d'Alphée,  qui  supplante  les  pas  de 
la  vie;  Jude,  confession,  Simon,  obéissance. 

t.  17-19.  —  Il  descendit  ensuite  avec  eux,  et  s'arrêta  dans  une  plaine  avec  la 
troupe  de  ses  disciples,  et  une  grande  multitude  de  peuple  de  toute  la  Judée, 
de  Jérusalem,  et  de  la  contrée  maritime  de  Tyr  et  de  Sidon,  qui  étaient  venus 
pour  l'entendre,  et  pour  être  guéris  de  leurs  maladies;  il  y  en  avait  aussi  que 
tourmentaient  des  esprits  impurs,  et  ils  étaient  délivrés.  Et  toute  la  foule  cher- 
chait à  le  toucher,  parce  qu'il  sortait  de  lui  une  vertu  qui  les  guérissait  tous. 

S.  Cyr.  Après  avoir  choisi  ses  Apôtres,  alors  qu'il  voyait  rassem- 

(1)  Saint  Jérôme,  dans  son  Traité  des  noms  hébreux,  donne  la  même  signification  et  en  ajoute 
deux  autres  :  qui  connaît,  ou  qui  déchausse,  et  encore  :  qui  est  connu,  ou  qui  délie.  Cependant  le 
nom  de  Pierre  vient  du  grec,  et  signifie  la  fermeté  de  la  pierre  à  laquelle  Jésus-Christ  fait  allu- 
sion [Matth.,  XVI,  18.)  Les  noms  de  Philippe  et  d'André  sont  aussi  des  noms  grecs,  dont  l'un  si- 
gnifie virilité,  et  l'autre  qui  aime  les  chevaux  ;  bien  que  saint  Jérôme  donne  les  mêmes  significa- 
tions que  Bède,  mais  en  avouant  qu'elles  ne  sont  pas  très-naturelles. 


dem  hominis  fragUitatem,  et  ideo  nec 
has  partes  recusavit  infirmilatis  hu- 
maniE  :  voluit  ab  apostolo  suo  tradi,  ut 
tu  a  socio  proditus  moderate  feras  tuum 
errasse  judicium .  periisse  beneficium. 
Bed.  Mystice  auteiii  mons  in  quo 
apostolos  elegit  Ghristus  altitudinem 
désignât  justitia^ ,  'qua  institueudi  eraut, 
et  eam  praedicaturi  :  sic  et  lex  ia  monte 
data  fuit.  Cvril.  [in  Cat.  Grœcorum 
Patrum.)  Quod  si  libet  interpretationem 
apostolicorum  nominumscire;  scito  quod 
Petrus  dicitur  dissoliens  vel  ag  nos- 
cens;  Andréas  ,  décora  patent i a  ,  vel 
respondens ;  Jacobus  autem,  supplonta- 
tor  doloris  ;  JoRunes,  Domiid  gratiu  ; 


Matthfeus,  donatus  ;  Philippus,  os  ma- 
gnum, vel  orificivin  lampadis;  Bartho- 
lomseus ,  filius  oquas  suspendentis  ; 
Thomas,  abtjssus,  vel  g  e  mi  nus  ;  3  dcohus 
AlpliEei ,  supplaiitator  giessus  vitœ; 
Judas,  confessio;  Simon,  obedientia. 

Et  descendens  cura  illis,  stetit  in  loco  campestri, 
et  turba  discipulorum  ejus ,  et  multitudo  co- 
piosa  plebis  ab  omni  Judœa  et  Jérusalem,  et 
maritima,  et  Tyri,  et  Sidonis  ;  qui  vénérant  ut 
audirent  eum,  et  sanarentur  a  languoribus 
suis.  Et  qui  vexabantur  a  spiritibus  immundis, 
curabantur  ;  et  omnis  turba  quœrebat  eum 
tangere;  quia  virtus  de  illo  exibat,  et  sanabat 
omnes. 

Cylil.   {in  Cat.   Grœcorum   Patrum, 


DE   SAINT   LUC.    CHAP.    VI. 


299 


blée  autour  de  lui  une  grande  multitude  de  peuples  de  la  Judée  et 
aussi  de  la  région  maritime  de  Tyr  et  de  Sidon  (contrées  dont  les 
habitants  étaient  idolâtres) ,  il  les  établit  docteurs  de  tout  l'univers  ; 
pour  affranchir  les  Juifs  de  la  servitude  de  la  loi,  et  rappeler  des  er- 
reurs des  Gentils  à  la  connaissance  de  la  vérité,  ceux  qui  rendaient  au 
démon  un  culte  idolâtre  :  «  Il  descendit  ensuite  avec  eux,  et  s'arrêta 
avec  la  troupe  de  ses  disciples,  et  une  grande  multitude  de  peuple  de 
toute  la  Judée,  de  Jérusalem  et  de  la  contrée  maritime  de  Tyr  et  de 
Sidon.  »  —  BEDE.  Cette  région  maritime,  d'où  venait  cette  multitude 
(jui  suivait  le  Sauveur,  n'est  point  celle  qui  avoisinait  la  mer  de  Ga- 
lilée, il  n'y  aurait  eu  en  cela  rien  d'extraordinaire,  mais  c'était  la 
région  qui  touche  à  la  grande  mer  (et  où  pouvaient  se  trouver  Tyr  et 
Sidon),  comme  l'indique  l'Evangéliste  :  «  Et  de  Tyr  et  de  Sidon.  » 
Ces  deux  villes  qui  étaient  habitées  par  des  Gentils,  sont  expressément 
désignées  pour  faire  ressortir  la  grandeur  de  la  renommée  et  de  la 
puissance  du  Sauveur,  qui  presse  des  villes  idolâtres  de  venir  lui  de- 
mander la  guérison  de  leurs  maux  et  les  enseignements  de  la  vérité  : 
8  Qui  étaient  venus  pour  l'entendre.  »  —  Théophyl.  C'est-à-dire,  pour 
la  guérison  de  leurs  âmes,  et  pour  être  délivrés  de  leurs  infirmités, 
i-/est-à-dire,  pour  la  guérison  de  leurs  corps.  —  S.  Cyr.  Après  avoir 
choisi  et  désigné  les  saints  Apôtres,  Jésus  voulant  convaincre  les  Juifs 
et  les  Gentils  rassemblés  en  grand  nombre  ,  que  par  ce  choix  il  les 
avait  élevés  à  la  dignité  de  l'apostolat,  et  que  lui-même  était  plus  qu'un 
homme,  qu'il  était  Dieu  et  le  Verbe  incarné,  opéra  devant  eux  plu- 
sieurs miracles  éclatants  :  «  Et  tout  le  peuple  cherchait  à  le  toucher, 
parce  qu'une  vertu  sortait  de  lui,  »  etc.  En  effet,  Jésus-Christ  n'avait 
pas  recours  à  une  puissance  étrangère,  mais  comme  il  était  Dieu  par 


ubi  sup.)  Celebrata  ordinatione  aposlo- 
lorum,  pluribus  congregalis  et  de  regione 
Judœorum,  nec  uon  a  maritima  Tyri  et 
Sidonis  (qui  erant  idololatrte),  constituit 
eos  totius  orbis  doctores;  ulpole  quia 
revocarent  JudfBOS  a  legis  servitute,  cul- 
tores  auteiii  diemonum  ab  errore  gentili 
ad  veritatis  cognilioueiu  :  undo  dicitur  : 
«Et  descendens  cum  illii,  stetit  in  loco 
campestri,  et  luullitudo  copiosa  plebis 
ab  ouiui  Judfea  et  maritima,  »  etc.  Bed. 
Non  a  proxiiuû  mari  Galilœai  mariti- 
ma m  dicit,  quia  hoc  non  miraculi  loco 
poneretur,  sed  a  mari  magno  cognomi- 
natur  (in  quo  etiam  Tyrus  et  Sydon 
comprehendi  polerant;  de  quibus  se- 
quitur  :  «  El  Tyri  et  Siduiiis  :  »  qu* 
quia  civitates  gentinm  sunt ,  consulte 
uoDiiuatim  pouuuLur,  ut  quanta  sit  fama 


virtusque  Salvatoris,  intimetur;  quae 
externas  quoque  ad  sanitatem  doctri- 
namque  capessendam  civitates  accersie- 
rat  :  unde  sequitur  :  «  Qui  vénérant  ut 
audirent  eum.  »  Theophylact.  Hoc  est, 
ad  animarum  nicdelam;  «  et  sanarentur 
a  laui;uoribus  suis;  »  lioc  est,  ad  mede- 
lam  eorum  corporum.  Cyril,  [ubi sup.) 
Pûstquam  autem  sacros  publicavit  apos- 
tûlos  ,  plurima  et  ardua.  fecit  miracula, 
ut  qui  ct^nveneranl  Judœi  et  Gentiles, 
scirent  eos  decoratos  esse  a  Christo 
dignitate  apostolatus;  et  quod  ipse  non 
eratsicul  unus  aliorumhominum;  magis 
autem  Deus,  ut  Verbum  iucarnatum  : 
unde  sequitur  :«  Et  omnisturba  quœrebat 
eum  tangere,  quia  virlus  de  illo  exibat,» 
etc.  Neque  euim  alienam  virlutem  acci- 
piebal   Cbristus;    sed    cum    naturaliter 


300  EXPLICATION   DE    I.'ÉVANGILE 

nature,  il  guérissait  tous  les  malades  en  répandant  sur  eux  sa  propre 
puissance. 

S.  Ambr.  Considérez  attentivement  toutes  ces  circonstances,  com- 
ment Jésus  monte  avec  les  Apôtres  et  descend  ensuite  vers  la  foule, 
car  la  foule  ne  pouvait  voir  le  Christ  que  dans  un  lieu  peu  élevé,  elle 
ne  peut  le  suivre  sur  les  hauteurs,  sur  le  sommet  des  montagnes,  mais 
dès  qu'il  descend,  il  trouve  des  infirmes,  car  les  infirmes  ne  peuvent 
se  trouver  sur  les  hauteurs.  —  Bède.  Rarement  vous  verrez  la  foule 
suivre  le  Seigneur  sur  les  hauteurs,  ou  un  malade  guéri  sur  une  mon- 
tagne ;  mais  quand  la  fièvre  des  plaisirs  sensuels  est  éteinte,  et  le  flam- 
beau de  la  science  divine  allumé,  chacun  tend  à  s'élever  successive- 
ment jusqu'au  sommet  élevé  des  vertus.  La  foule  qui  a  eu  le  bonheur 
de  toucher  le  Seigneur,  est  guérie  par  la  vertu  de  cet  attouchement, 
comme  nous  avons  vu  plus  haut  le  lépreux  guéri  par  l'attouchement 
du  Seigneur.  L'attouchement  du  Sauveur  est  donc  un  moyen  certain 
de  salut,  le  toucher,  c'est  croire  fermement  en  lui,  être  touché  par 
lui,  c'est  être  guéri  par  sa  grâce. 

f.  20-23.  —  Alors,  Jésus  levant  les  yeux  vers  ses  disciples,  leur  dit  :  Bienheureux, 
vous  qui  êtes  pauvres,  parce  que  le  royaume  de  Dieu  est  à  vous.  Bienheureux, 
vous  qui  avez  faim  maintenant,  parce  que  vous  serez  rassasiés.  Bienheureux, 
vous  qui  pleurez  maintenant,  parce  que  vous  rirez.  Bienheureux  serez-vous, 
lorsque  les  hommes  vous  haïront,  larsqu'ils  vous  repousseront  de  leur  société, 
vous  chargeront  d'opprobres,  et  rejetteront  votre  nom  comme  infâme,  à  cause 
du  Fils  de  l'homme.  Réjouissez-vous  en  ce  jour-là,  et  tressaillez  d'allégresse, 
car  voici  que  votre  récompense  est  grande  dans  le  ciel,  car  c'est  ainsi  que  leurs 
pères  traitaient  les  prophètes. 

S.  Cyr.  Après  avoir  choisi  ses  Apôtres,  le  Sauveur  forme  ses  dis- 


esset  Deiis,    propriam    virtutem   super 
infirmos  emitlens  sauabat  omnes. 

Ambr.  Adverte  autem  omnia  diligen- 
ter,  quomodo  et  cuiu  apostolis  ascendat 
ac  descendal  ad  turbas  :  quomodo  euim 
turba  nisi  in  humili  loco  Christum  vide- 
ret?  Non  sequilur  ad  excelsa;  non  as- 
ceudit  ad  sublimia  :  deuique  ubi  des- 
cendit, iuvenit  infirmos  :  in  excelsis 
enim  infirmi  esse  non  possunt.  Bed. 
Raro  hoc  quoqne  uspiam  invenies  vel 
turbas  Dominum  ad  altiora  sequi,  vel 
quempiam  debiiem  in  monte  curari; 
sed  extincta  febre  libidinum,  aceensaque 
scJentise  luce ,  pedetentim  quemque  ad 
culmen  subire  virtutum.  Turba  autem 
quee  Dominum  tangere    potuit ,  tactus 


illius  virtute  sanatur;  ut  supra  leprosus 
Domino  tangente  mundatur.  Tactus 
ergo  Salvatoris,  opus  est  salutis  ;  queni 
tangere,  est  fideliter  in  eum  credere  ;  a 
quo  taugi,  est  ejus  munere  sanari. 

Et  ipse  elevatis  oculis  in  discipulos  suos ,  dice- 
bat  :  Beati  pauperes,  quia  vpsti'um  est  regnum 
Dei.  Beati  qui  nunc  esuritis,  quia  saturabi- 
mini.  Beati  qui  nunc  fletis ,  quia  ridebitis. 
Beati  eritis  cum  vos  oderint  homines,  et  cum 
separaverint  vos,  et  exprobraverint,  et  ejece- 
rint  nomen  vestrum  tanquam  maluin  propter 
Filium  hominis.  Gaudete  in  illa  die  et  exul- 
tate  ;  ecce  enim  merces  vestra  multa  est  in 
ccelo  :  secundum  hœc  enim  faciebant  prophetis 
patres  eorum. 

Cyril,    [ubi   sup.)    Post  apostoloruin 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    VI.  301 

ciples  à  la  nouveauté  de  la  vie  évangélique.  —  S.  Ambr.  Sur  le  point 
d'annoncer  les  divers  oracles,  il  prend  une  attitude  sublime.  Le  lieu 
où  il  se  ti^ouve  est  peu  élevé,  mais  il  lève  bien  haut  les  yeux  (I)  : 
«  Alors  levant  les  yeux  vers  ses  disciples.  »  Qu'est-ce  que  lever  les 
yeux,  si  ce  n'est  découvrir  la  lumière  dont  son  âme  était  pleine?  — 
BEDE.  Il  s'adressait  à  tous  en  général,  cependant  il  lève  plus  particu- 
lièrement les  yeux  sur  ses  disciples,  c'est-à-dire,  qu'il  verse  en  plus 
grande  abondance  la  lumière  de  sa  grâce  intérieure  sur  ceux  qui 
écoutent  sa  parole  avec  un  cœur  attentif  et  docile.  —  S.  Ambr.  Saint 
Luc  ne  rapporte  que  quatre  béatitudes,  tandis  que  saint  Matthieu  en 
compte  huit_,  mais  on  peut  dire  que  les  huit  renferment  les  quatre, 
comme  aussi  les  quatre  comprennent  les  huit.  Saint  Luc  a  voulu  tout 
ramener  aux  quatre  vertus  cardinales,  saint  Matthieu,  dans  les  huit 
béatitudes,  nous  donne  la  signification  mystérieuse  du  nombre  huit, 
car  ce  nombre  huit  est  la  perfection  de  notre  espérance,  et  comprend 
aussi  toutes  les  vertus.  Les  deux  Evangélistes  mettent  la  pauvreté  en 
tète  des  autres  béatitudes;  en  effet,  elle  est  la  première  et  comme  la 
mère  des  vertus,  parce  que  celui  qui  méprisera  les  choses  du  temps, 
méritera  celles  de  Téternité,  et  s'il  veut  obtenir  la  gloire  du  royaume 
descieux,  il  faut  nécessairement  qu'il  se  dégage  de  l'amour  du  monde 
qui  le  presse  de  toutes  parts  :  «  Et  il  dit  :  Bienheureux  les  pauvres.  » 
—  S.  Gyr.  Dans  l'Evangile  selon  saint  Matthieu,  nous  lisons  :  «  Bien- 
heureux les  pauvres  d'esprit,  »  pour  nous  faire  comprendre  qu'il  y  a 
des  pauvres  d'esprit  qui  ont  la  modestie  et  l'humilité  de  l'intelligence, 
c'est  dans  ce  sens  que  le  Sauveur  dit  :  «  Apprenez  de  moi  que  je  suis 

(1)  L'antithèse  est  plus  prononcée  dans  le  texte  original  de  saint  Ambroise  et  nous  l'avons  suivi 
pour  donner  plus  de  clarté  à  la  phrase. 


ordinationem  ad  evangelicce  vitae  novi- 
tateni,  Salvator  suos  discipuloà  rectifica- 
vit.  Ambr.  Divinilatis  aulem  prorapturus 
oracula  incipit  esse  subliraior  :  etsi  ia 
humili  stabat ,  tauieu  oculos  elevavil  : 
uiide  dicitur  :  «  Et  ipse  elevatis  oculis  ;  » 
quid  est  levare  oculos,  risi  interius  lu- 
men aperire?  Bed.  Et  quamvis  genera- 
liter  omnibus  loqualur,  specialius  ta- 
men  oculos  in  discipulos  levât  :  sequitur 
fuim  :  «  In  discipulos  suos  :  »  ut  his  qui 
verbuni  intenta  cordis  aure  percipiuut, 
lalius  saporis  intimi  lumen  aperiat. 
Ambr.  (Juatuor  autem  lantum  beati- 
tuiiines  Lucas  posuit ,  octo  vero  Mat- 
liuijus  ;  sed  in  istis  octo  ,  illœ  sunt  qua- 
tuor; et  in  istis  quatuor,  illce  octo. 
Hic  enini  quatuor  velul  virlutes  am- 
plexus  est  cardinales;  ille  in  iliis  octo 


mysticum  ordinem  (sive  numerum)  re- 
seravit  :  sicut  enim  spei  nostrœ  octava 
perfectio  est,  ita  octava  summa  virtu- 
tum  est.  Primam  autem  beatitudiuem 
paupertatis  uterque  evangelista  posuit  ; 
ordine  enim  prima  est ,  et  parens  quai- 
dam  virtutum;  quia  qui  conlempserit 
secularia,  ipse  merebitur  sempiterna; 
nec  potest  quisquam  meritum  regui  cœ- 
lestis  adipisci,  qui  muudi  cupiditate 
pressus  emergendi  non  habet  faculta- 
tem  :  unde  sequitur  :  «  Dicebat  :  Beati 
pauperes.  »  CïRIL.  {ut  stipru.)  In  evan- 
gelio  quidem  quod  est  secundum  Mat- 
tliœum,  i)eatos  lieri  dixit  pauperes  spi- 
ritu,  ut  inteliigamusesse  jjaupcrem  spi- 
rilu,  liabeutem  intellectum  modestum 
et  quodaramodo  remissum.  Unde  dicit 
Salvator   {Malth.,  11)  :  «  Discite  a   me 


302 


EXPLICATION    DE    l'ÉVANGILE 


doux  et  humble  de  cœur.»  Ici,  Notre-Seigneur  dit  simplement  :  «  Bien- 
heureux les  pauvres,  »  sans  ajouter  a  d'esprit,  »  c'est-à-dire,  bienheu- 
reux les  pauvres  qui  méprisent  les  richesses.  Il  convenait,  en  effet, 
que  ceux  qui  devaient  annoncer  les  vérités  de  l'Evangile  du  salut, 
n'eussent  point  un  esprit  cupide,  et  que  leurs  affections  fussent  placées 
en  lieu  plus  élevé. 

S.  Bas.  {Ps.  xxxiii.)  Cependant  gardons-nous  de  croire  que  tous 
ceux  que  la  pauvreté  accable,  aient  part  à  cette  béatitude,  elle  est  ré- 
servée à  ceux-là  seuls  qui  sacrifient  les  richesses  de  la  terre  aux  pré- 
ceptes de  Jésus-Christ.  Combien,  en  effet,  sont  pauvres  des  biens  de 
la  terre,  mais  ou  ne  peut  plus  cupides  par  leurs  désirs;  la  pauvreté 
ne  les  sauve  point,  mais  leurs  désirs  sont  la  cause  de  leur  damnation, 
car  rien  de  ce  qui  est  involontaire  ne  peut  mériter  le  bonheur  éternel, 
parce  qu'on  ne  peut  comprendre  la  vertu  sans  le  libre  arbitre.  Bien- 
heureux donc  celui  qui  est  pauvre,  comme  l'est  un  disciple  de  Jésus- 
Christ,  qui  a  souffert  pour  nous  la  pauvreté,  car  le  Seigneur  a  voulu 
accomplir  le  premier  toutes  les  œuvres  qui  conduisent  à  la  béatitude, 
en  se  rendant  le  modèle  de  ses  disciples.  —  Eusèbe.  On  parvient  au 
royaume  des  cieux  par  plusieurs  degrés  de  vertus;  or,  le  premier  de- 
gré est  franchi  par  ceux  qui  pratiquent  la  pauvreté  pour  plaire  à 
Dieu,  et  Jésus  fit  cette  grâce  à  ceux  qui,  les  premiers,  devinrent  ses 
disciples.  Aussi  est-ce  en  s'adressant  personnellement  à  ceux  (|ui  étaient 
devant  lui  et  vers  lesquels  il  avait  levé  les  yeux,  qu'il  dit  :  «  Parce  que 
le  royaume  des  cieux  est  à  vous.  » 

S.  Cyr.  Après  avoir  recommandé  la  pratique  de  la  pauvreté,  il  pro- 
met l'honneur  et  la  gloire  aux  pinvations  qu'elle  impose.  Or,  comme 
ceux  qui  ont  en  partage  la  pauvreté  manquent  souvent  des  choses 


quia  milis  sum  et  liumilis  corde  :  »  hic 
autem  beatos  asserit  jHiuperes ,  uon 
addito,  spiritu;  pauperes  appellans  divi- 
tias  contemnentes  :  decebat  enim  ut 
cum  pronunlialuri  essent  salutiferi 
Evangelii  doguia,  mentem  non  gérèrent 
cupidam,  sed  promotum  affectum  habe- 
rent  erga  majora. 

Basil,  («n  Psul.  33.)  Non  autem 
omnis  quem  paupertas  premit  beatus 
est,  sed  qui  Chrisli  prœceptum  muuda- 
nis  proetLilerit  opibus  :  plures  enim  pau- 
peres sunt  in  substantiis,  avarissimi 
tamen  secundum  affectum  ;  quos  uon 
salvat  paupertas,  sed  affectus  damnât: 
nihil  enim  involuntariorum  bealiticabile 
est;  eo  quod  omnis  virtus  libero  desi- 
gnatur    arbitrio.    Beatus    ergo    pauper 


quas'i  Christi  discipulus,  qui  pro  nobis 
paupertatem  sustinuit  :  nam  ipse  Domi 
nus  quodlibet  opus  impie  vit  quod  ad 
beatitudinem  ducit  se  prsebens  exenq:)lar 
discentibus.  EusEB.  {^in  Cat.  Cracorum 
Palrum.)  Sed  cum  cœleste  regnum  in 
multis  gradibus  bonorum  consideretur, 
primus  gradus  scandentium  est  eorum 
qui  divine  inluitu  cobiut  paupei'tatem  ; 
taies  autem  fecit  eos  qui  pri*nio  facti  sunt 
ejus  discipuli  :  ob  hoc  in  eorum  persona 
dicit  :  «  Quia  vestrum  est  regnum  Dei,  » 
quasi  démonstrative  hoc  proferens  ad 
prfeseutes,  ad  quos  etiam  oculos  elevavit. 
Cyril,  [ubi  supra.)  Posfquam  igitur 
mandavit  paupertatem  colère,  ea  quae 
consequuutur  inopiam  coronat  houori- 
bus.  Contingit  autem  paupertatem   co- 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    VI.  303 

nécessaires,  et  peuvent  à  peine  se  procurer  de  quoi  vivre,  il  affermit 
ses  disciples  contre  la  perspective  d'une  condition  aussi  pénible  en 
leur  disant  :  «  Bienheureux  vous  qui  maintenant  avez  faim.  »  —  Bède. 
C'est-à-dire,  bienheureux  vous  qui  châtiez  votre  corps  et  le  réduisez 
en  servitude,  qui  vous  livrez  au  ministère  de  la  prédication  en  souf- 
frant la  faim  et  la  soif,  parce  que  vous  jouirez  un  jour  de  l'abon- 
dance des  joies  célestes,  —  S.  Grég.  de  Nysse.  [Des  béatit,,  dise.  4.) 
Dans  un  sens  plus  élevé,  de  même  que,  pour  la  nourriture  matérielle, 
les  goûts  divers  des  hommes  leur  font  préférer  diverses  espèces 
d'aliments;  de  même  pour  ce  qui  est  de  la  nourriture  de  l'âme,  les 
uns  recherchent  un  bien  purement  imaginaire,  et  les  autres  ce  qui  est 
naturellementbon.  Aussi  saint  Matthieu  proclarae-t-il  bienheureux  ceux 
qui  ont  faim  et  soif  de  lajustice  comme  d'une  nourriture  et  comme  d'un 
breuvage,  justice  qui  n'est  point  la  justice  considérée  comme  vertu 
particulière,  mais  la  justice  universelle,  et  il  proclame  bienheureux 
celui  qui  a  faim  de  cette  justice.  —  Bède.  Notre- Seigneur  nous  en- 
seigne on  ne  peut  plus  clairement  que  nous  ne  devons  jamais  nous 
estimer  assez  justes,  mais  chercher  à  nous  avancer  de  jour  en  jour 
dans  lajustice;  et  ce  n'est  pas  dans  ce  monde,  mais  dans  la  vie  future 
que  nous  en  serons  pleinement  rassasiés,  suivant  cette  parole  du  Psal- 
miste  :  «  Je  serai  rassasié  lorsqu'apparaitra  votre  gloire  {Ps.  xvi).  » 
Aussi  le  Sauveur  ajoute:  «  Parce  que  vous  serez  rassasiés.  »  — S.  Grég. 
DE  Nysse.  Il  promet  à  ceux  qui  sont  avides  de  la  justice,  l'abondance 
de  tous  les  biens  désirables,  car  aucune  des  voluptés  qu'on  recherche 
dans  la  vie  ne  peut  rassasier  ceux  qui  les  poursuivent;  seul,  le  désir  de 
la  vertu  est  suivi  d'une  récompense  qui  répand  dans  l'âme  une  gloire 
sans  limite  comme  sans  durée. 


lentes  necessariorum  incurrere  defectuni, 
et  vix  acquirere  victum  :  idcirco  non 
sinit  disripulos  pusillauiines  super  hoc 
fieri,  dicens:  «  Beati  qui  nunc  esurilis.  » 
Bed.  Id  est,  beati  qui  castigatis  corpus 
vestrum  et  servituti  suhjicitis  ;  qui  in 
fanie  et  siti  verbe  operaui  dalis  ;  quia 
cœleslium  tune  gaudiorum  babobilis 
uberlate  perfrui.  Gri:g.  Nysse.  (c/e  bea- 
liludhiibvs,  Oral.  4.)  Altius  auteui,  sicut 
secunduni  sonsibileni  escam  diversilica- 
liir  participanlium  appetilus  ad  cornes- 
tibiiiuui  specic^;  sic  et  in  cibo  anima?, 
ab  bis  quidem  opinabile,  ab  bis  aulem 
appetitur  quod  naturaliter  est  bonuin  : 
unde  hic  secunduna  Maltlia^uni  beatifi- 
cantur,  qui  justitiam  loco  cibi  et  potus 
reputant  :    non,  inquam,  particùlarem. 


sed  universalem  virtutem  ;  quam  qui 
esurit^  beatificandum  dicif.  Beda.  Aper- 
lissime  nos  instruens  nunquam  nos  satis 
justos  aestimare  debere,  sed  quotidia- 
num  juslitiae  semper  amore  profectum  ; 
ad  cujus  perfectam  saturitatem,  non  in 
hoc  seculo,  sed  in  futuro  nos  posse 
pervenire,  Psalmista  ostendit,  dicens 
{Psol.  16)  :  «  Satiabor  cum  mani/es- 
tabitur  gloria  tua  :  »  unde  sequitur  : 
«  Quia  saturabiniini.  »  Greg.  Nysse. 
{iibi  sup.)  Avidis  enim  justitiai  desidera- 
lorum  copiam  spondet  :  niliil  enim  eo- 
rum  quae  secundum  voluplatem  in  vita 
quajruutur,  satiat  inquirentes  :  solum 
avileni  virtutis  sludiuni  subscquiturpree- 
miuui  quod  indeflciens  gaudium  inscrit 
anima;. 


304 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 


S.  Cyr.  Une  des  suites  de  la  pauvreté,  c'est  non- seulement  la  pri- 
vation de  toutes  les  cliosçs  qui  procurent  quelque  plaisir^  mais  encore 
la  tristesse  qu'elle  répand  sur  le  visage,  c'est  pourquoi  il  ajoute  : 
«  Bienheureux  vous  qui  pleurez.  »  Il  appelle  bienheureux  ceux  qui 
pleurent,  non  pas  ceux  dont  les  yeux  versent  extérieurement  des 
larmes  (ce  qui  est  commun  aux  fidèles  et  aux  infidèles,  quand  le  mal- 
heur les  atteint),  mais  il  proclame  surtout  bienheureux  ceux  qui  fuient 
une  vie  légère  toute  plongée  dans  les  vices  et  dans  les  voluptés  de  la 
chair,  ceux  qui  ont  horreur  de  ce  qui  fait  les  délices  des  hommes,  et 
qui  sont  comme  dans  les  pleurs  par  le  dégoût  et  l'ennui  que  leur 
causent  les  vanités  du  monde.  —  S.  Ghrys.  (I)  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  La 
tristesse  qui  est  selon  Dieu,  est  d'un  grand  prix  à  ses  yeux,  et  elle  obtient 
la  pénitence  qui  conduit  au  salut.  Aussi  saint  Paul,  qui  n'avait  point 
de  fautes  personnelles  à  pleurer,  versait  des  larmes  pour  les  péchés 
d'autrui;  heureuses  larmes  qui  deviennent  une  source  de  joie  :  «Parce 
que  vous  rirez.  »  Si,  en  efff^t,  nos  larmes  sont  inutiles  à  ceux  pour  qui 
nous  les  répandons,  elles  sont  loin  d'être  perdues  pour  nous,  car  celui 
qui  pleure  ainsi  les  péchés  des  autres,  à  plus  forte  raison  pleurera  ses 
propres  fautes,  et  se  garantira  plus  facilement  contre  de  nouvelles 
chutes.  Gardons-nous  donc  de  la  dissolution  pendant  cette  vie  si 
courte,  pour  ne  point  nous  exposer  à  des  gémissements  sans  fin  ;  ne 
recherchons  pas  les  plaisirs  qui  sont  une  source  de  larmes  amères  et 
de  douleur  profonde,  mais  affligeons-nous  de  cette  tristesse  qui  en- 
gendre le  pardon.  Souvenons-nous,  d'ailleurs,  qu'on  vit  bien  souvent 
le  Seigneur  pleurer,  mais  qu'on  ne  le  vit  point  rire  une  seule  fois.  — 
S.  Bas.  [hom.  sur  l'act.  de  grâces.)  Il  promet  la  joie,  le  rire  à  ceux 

(1)  Cette  citation  est  empruntée  à  l'homélie  15  sur  l'Epître  aux  Philippiens,  à  l'homélie  13  sur 
l'Epître  aux  Hébreux,  aux  homélies  6  et  15  sur  saint  Matthieu. 


Cyril,  [ubi  supra.)  Consequitarauteui 
inopiam,  non  solum  defeclus  rerum  ad 
delectationes  facientium,  sed  eliam  de- 
pressus  vultus  propter  mœstitiam  :  uude 
sequitur  :  «  Beati  qui  uunc  fletis.  »  Bea- 
tificat  fientes  non  eos  qui  simpliciter  ab 
oculis  lacrymas  emittunt  (  commune 
enim  hoc  est  tam  fidelibus  quam  infide- 
libus,  si  quid  trislium  accidatl,  magis 
aulem  illos  beatos  asserit,  qui  levem  vi- 
tam  et  implicitam  vitiis  et  carnalibus 
voluptatibus  deditam  vitant,  réfutantes 
delicias,  et  pêne  lacrymantes  propter 
odium  rerum  mundanarum.  Chrys.  {in 
Cat.  Grœcorum  Pat  non.)  Macrnum  quid 
vero  secundum  Deum  tristitia  est,  et 
impetrat  pœnitentiam  in  salutera.  Unde 


Paulus,  cum  uon  haberet  suos  defectus 
flere,  pro  alieuis  lugebat  :  talis  luctus 
est  alacritatis  maleria  :  unde  sequitur  : 
«  Quia  ridebitis  :  »  etenim  si  nihil  pro- 
sumus  liis  pro  quibus  flemus,  tameu 
proficinius  nobismetipsis  :  nam  qui  sic 
aliéna  deflet,  multo  magis  non  pra;te- 
ribit  iuflebilitersua  delicta  :  magis  autem 
uec  facile  labetur  in  scelus.  Non  dissol- 
vamur  in  bac  brevi  vita,  ne  suspiremus 
in  infinita  :  non  quaeramus  delicias,  ex 
quibus  manat  luctus  et  dolor  nimius  ; 
sed  tristemur  trislitia,  quœ  germinat 
veniam.  Est  etiam  Dominum  saepius  re- 
perire  lugentem;  ridentera,  nunqnam. 
Basil,  {in  hom.de  (jratiamvi  actione.) 
Promittit    autem    flentibus   risum  ;  non 


DE   SAINT  LUC,   CHAP.    VI.  305 

qui  pleurent_,  non  point  sans  doute  ce  rire  extérieur  qui  sort  des 
lèvres,  mais  une  joie  pure  et  sans  mélange  d'aucune  tristesse. 

BEDE.  Heureux  donc  celui  qui,  en  vue  du  riche  héritage  de  Jésus- 
Christ,  du  pain  de  la  vie  éternelle,  de  l'espérance,  des  joies  célestes, 
désire  les  larmes,  la  faim,  la  pauvreté  ;  mais  plus  heureux  celui  qui 
pratique  courageusement  ces  vertus  au  milieu  de  l'adversité  :  «  Vous 
serez  bienheureux  quand  les  hommes  vous  haïront.  »  Les  hommes 
peuvent  vous  haïr,  mais  la  méchanceté  de  leur  cœur  ne  peut  atteindre 
un  cœur  aimé  de  Jésus- Christ,  —  Suite.  «  Lorsqu'ils  vous  sépare- 
ront. »  Qu'ils  vous  séparent,  qu'ils  vous  chassent  de  la  synagogue, 
Jésus-Christ  saura  bien  vous  trouver  et  vous  fortifier  :  «  Ils  vous  trai- 
teront injurieusement.  »  Ils  vous  feront  un  outrage  du  nom  du  crucifi', 
mais  lui-même  ressuscite  ceux  qui  meurent  avec  lui,  et  il  les  fait  as- 
seoir avec  lui  dans  les  cieux  [Ephés.,  ii,  G;  II  Timoth.,  ii,  11).  —  Suite. 
a  Et  ils  rejetteront  votre  nom  comme  mauvais.  »  Il  veut  parler  du  nom 
des  chrétiens  que  les  Gentils  et  les  Juifs  se  sont  efforcés  de  détruire 
complètement,  et  que  les  hommes  ont  rejeté,  sans  aucun  autre  motif 
de  haine  que  le  Fils  de  l'homme,  et  parce  que  les  fidèles  ont  choisi 
pour  leur  nom  le  nom  même  du  Christ  {Actes,  xi,  26).  Il  leur  prédit 
donc  qu'ils  seront  persécutés  par  les  hommes,  mais  que  le  bonheur 
qui  les  attend  est  au-dessus  de  toute  pensée  humaine  :  «  Réjouissez- 
vous  en  ce  jour-là,  et  soyez  transportés  de  joie,  car  voici  que  votre 
récompense  est  griande  dans  les  cieux,  »  etc.  —  S.  Chrys.  {Ch.  des 
Pèr.  gr.)  La  signification  de  ces  mots  beaucoup  ei  peu,  doit  se  mesu- 
rer par  la  grandeur  et  la  dignité  de  celui  qui  les  emploie.  Or,  quel  est 
celui  qui  promet  une  grande  récompense?  Un  prophète  ou  un  Apôtre, 
qui  ne  sont  que  des  hommes,  eussent  estimé  peut-être  comme  consi- 


quidem  ei_uissum  per  mauoibulao  so- 
num,  sed  merani  et  inipermixtam  cuili- 
bet  tristitise  alacritaleiii. 

Bed.  Qui  ergo  [iropler  divitias  liœredi- 
tatisChririti.propterpanem  vilte  a;tern*, 
propter  spem  cœlestium  g.iudiorum , 
fletus ,  esuriein,  paiipertali-iuque  pati 
desiderat,  beatus  est  :  multo  autem  bea- 
tior  qui  bas  virlutes  iuter  adversa  ser- 
vare  non  trépidât  :  uiide  sequitur:  «  Beali 
erilis  cum  vos  oderiut  bominiîs.  »  Licet 
eniin  homines  odiant,  corde  nefando 
dilectuiu  cor  Cbrislo  laidere  nequcunt. 
Sequitur  :  «  Et  cum  separaveiiut  vos.  » 
Séparent,  et  a  synagoga  expellant;  Cliri- 
stus  iuvenit  et  coufiruiat.  Sequitur  :  «  Et 
exprobaverint  :  »  exprubrent  nomen  cru- 
citixi  ;  ipse  comuiortuos  sibi  couresusci- 
tat,    et  consedere    facit   in  cœlestibus. 

lOM.  V. 


Sequitur  :  «  Et  ejeceriut  uuuieu  vcstrum 
tanquam  malum  :  »  ubi  nomen  Cbris- 
tianoruni  significat,  quod  a  Gentilibus 
Judœisque  scepissime  quautmn  ad  ipsos 
memoriœ  abrasum,  et  ab  bomiuibus  est 
ejectum,  uulla  existentc  causa  odii,  nisi 
propter  Fibum  homiuis  :  quia  scilicet 
credeiites  nomeu  Cbristi  suum  cogno- 
men  facere  volucrunt.  Docet  ergo  eos 
ab  lioniinibus  insectandos ,  sed  ultra 
bomines  esse  beaados  :  unde  sequi- 
tur: «  Gaudete  in  illa  die  et  exultafe  : 
ecce  enim  merces  vestra  multa  est  in 
cœlo,  -■  etc.  CoRVS.  (in  Cal.  Grœco- 
mm  Pulrnm.)  Multum  et  paucum  men- 
suratur  dignitato  profcrcntis.  Quœra- 
nuis  igitur  (piis  mullani  promisit  mer- 
cedem  :  siquidem  propbeta  vei  aposlo- 
lus,  velut  bomo  paucum  esse  multu7n 

20 


306 


EXPLICATION   DR   l/ÉVANClLE 


dérable  ce  qui  ne  l'était  pas,  mais  ici  celui  qui  promet  cette  grande 
récompense,  c'est  le  Seigneur  qui  possède  des  trésors  éternels  et  des 
richesses  au-dessus  de  toute  conception  humaine.  —  S.  Bas.  Quelque- 
fois encore  le  mot  grand  a  une  signification  absolue  comme  dans  ces 
propositions  :  Le  ciel  est  grand,  la  terre  est  grande  ;  quelquefois  une 
signification  purement  relative,  comme  lorsque  nous  disons  qu'un 
cheval  est  grand,  qu'un  bœuf  est  grand,  par  comparaison  avec 
d'autres  animaux.  Or,  la  récompense  réservée  à  ceux  qui  sont  en  butte 
aux  outrages  pour  Jésus-Christ  sera  grande,  non  par  comparaison 
avec  les  choses  de  la  terre,  mais  grande  en  elle-même  et  digne  de  la 
magnificence  du  Dieu  qui  la  donne.  —  S.  Jean  Damasg.  [De  la  log., 
chap.  40.)  Tout  ce  qui  peut  être  mesuré  ou  compté  s'exprime  d'une 
manière  déterminée,  mais  on  appelle  grandes,  considérables  en  géné- 
ral, les  choses  qui,  par  leur  excellence,  sont  au-dessus  de  tout  nombre 
et  de  toute  mesure,  et  c'est  ainsi  que  nous  disons  que  la  miséricorde 
de  Dieu  est  grande. 

EusÈBE.  Notre-Seigneur  arme  ensuite  les  Apôtres  pour  le  combat 
qu'ils  devaient  soutenir  en  prêchant  l'Evangile  par  tout  l'univers,  et 
il  ajoute  :  a  C'est  ainsi  que  leurs  pères  traitaient  les  prophètes.  »  — 
S.  Ambr.  En  effet,  les  Juifs  persécutèrent  les  prophètes,  jusqu'à  leur 
ôter  la  vie.  —  Bède.  Ceux  qui  disent  la  vérité  sont  ordinairement  per- 
sécutés, mais  jamais  les  anciens  prophètes  ne  cessèrent  d'annoncer  la 
vérité  par  crainte  de  la  persécution. 

S.  Ambr.  «  Bienheureux  les  pauvres.  »  Voilà  la  tempérance  qui 
s'abstient  du  mal,  foule  aux  pieds  les  choses  du  monde  et  ne  recherche 
point  les  plaisirs  séducteurs  :  «  Bienheureux  vous  qui  avez  faim.  » 


existimavit  ;  nuuc  autem  Dominus  qui 
possidet  perenoes  thesauroset  opes  quae 
quemlibetintellectum transcendant,  mul- 
lani  pollicitus  est  uiercedem.  Basil,  («h 
Cat.  Grcecoruin  Patrum,  vbi  sup.)  Rur- 
sus  magnum,  aliquando  absolutani  lia- 
bet  intenliouem  ;  sicut  «  magnum  est 
cœlum,  et  magna  est  terra;  »  aliquando 
vero  ad  aliquid  habet  relationem;  ut 
«  magnus  equus  et  bos  »  in  compara- 
tione  similium  :  sic  arbitrer  multam  fore 
mercedem  repositam  patienlibus  oppro- 
bria  propter  Christum ,  non  tanquam 
comparalam  ad  ea  qute  pênes  nos  sunt  ; 
sediu  se  multam  existentem,  et  tanquam 
a  Deo  donalam.  Damas,  [in  lib.  de  Lo- 
gica,  cap.  49.)  111a  etiaui  quae  meusurari 
vel  numerari  possunt,  determinate  inge- 
runtur;  quod  aulem  ex  quadam  excel- 
leutia  omnem  ti'ausceiidit  meusuram  et 


uumerum,  indetermiuate  dicitur  ma- 
gnum et  multum;  puta  quando  dici- 
mus  multam  esse  Dei  misericordiam. 

EusE.  {in  Cat.  Grœconim  Patrum.) 
Deinde  muniens  discipulos  ad  pugnam 
adversariorum ,  quam  passuri  erant  per 
totum  orbemprœdicantes,  subdit  :  «  Se- 
cundum  bœc  euim  faciebant  prophetis 
patres  eorum.  »  Ambr.  Quia  prophetas 
Judsei  usque  ad  mortem  corporis  per- 
secuti  sunt.  Beda.  Quia  vera  dicentes  so- 
ient persecutionem  pati  :  uec  tamen 
ideo  propbetae  antiqui  timoré  persecu- 
liouis  a  veritatis  praedicatioue  defeee- 
runt. 

Ambr.  In  hoc  ergo  quod  dicit,  «  beali 
pauperes,  »  babes  temperantiam  :  quse 
a  peccato  abstinet,  seculum  calcat,  ille- 
cebrosa  non  quserit  ;  «  beati  qui  esuri- 
liSj  »  Uabes  jusLiliam  :  qui   enim  esurit. 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    VI.  307 

Voilà  la  justice,  car  celui  qui  a  faim,  a  compassion  de  celui  qui 
éprouve  le  même  besoin,  la  compassion  le  rend  charitable,  la  charité 
le  rend  juste,  et  sa  justice  demeure  éternellement  {Ps.  cxi,  8).  «  Bien- 
heureux vous  qui  pleurez.  »  Voilà  la  prudence  qui  pleure  sur  les 
choses  périssables  et  mortelles,  et  s'attache  aux  biens  de  l'éternité. 
«  Vous  serez  bienheureux  quand  les  hommes  vous  haïront.  »  Voilà 
la  force,  non  celle  qui  s'attire  la  haine  par  ses  violences  criminelles, 
mais  celle  qui  souffre  la  persécution  pour  la  foi.  C'est  ainsi  que  vous 
mériterez  la  couronne  réservée  à  la  souffrance,  si  vous  méprisez  la 
faveur  des  hommes  pour  ne  rechercher  que  celle  de  Dieu.  La  tempé- 
rance produit  donc  la  pureté  du  cœur,  la  justice  produit  la  miséri- 
corde, la  prudence  produit  la  paix,  la  force  produit  la  douceur.  Ces 
vertus  sont  unies  et  étroitement  liées  entre  elles,  de  sorte  que  celui 
qui  en  possède  une,  paraît  avoir  toutes  les  autres.  Les  saints  ont  tous 
une  vertu  qui  leur  est  propre,  mais  celle  qui  est  plus  féconde  en  fruits 
de  salut,  est  aussi  celle  qui  obtient  la  plus  grande  récompense.  Quel 
amour  de  l'hospitalité,  quelle  humilité  profonde  dans  Abraham  1  mais 
comme  il  a  brillé  surtout  par  sa  foi  !  c'est  à  cette  vertu  qu'il  doit  son 
plus  beau  titre  de  gloire.  Chacun  donc  peut  obtenir  plusieurs  récom- 
penses, parce  qu'il  a  un  grand  nombre  d'occasions  de  pratiquer  les 
vertus;  mais  la  vertu  dont  la  fécondité  aura  été  plus  grande,  recevra 
aussi  la  récompense  la  plus  magnifique. 

y.  24-26.  —  Cependant,  malheur  à  vous  riches,  parce  que  vous  avez  votre 
consolation.  Malheur  à  vous  qui  êtes  rassasiés,  parce  que  vous  aurez  faim. 
Malheur  à  vous  qui  riez  maintenant,  parce  que  vous  gémirez  et  vous  pleurerez. 
Malheur  à  vous,  quand  les  hommes  vous  loueront,  car  c'est  ainsi  que  leurs 
pères  faisaient  aux  faux  prophètes. 

S.  Ctr.  Notre- Seigneur  vient  d'enseigner  que  la  pauvreté  suppor- 


esurienli  conipatilur,  compatieudu  lar- 
gilur,  laraieiido  lit  juitu?,  quia  jiistitia 
ejns  nianet  iu  aeternuni  ;  «  heati  qui 
nunc  fletià  ;  »  liabes  prudenliani  ;  cujus 
est  flere  quotidiana^  et  oa  qua;  œterua 
sunl  quœrere  ;  «  beali  erilis  cum  vos 
oderint  hoinines,  »  liahes  fortUudinem  ; 
sed  eam  quae  non  odium  luereatur  ex 
crimine;  sed  peisecutionem  patiatur  ex 
fide.  Sic  enim  ad  passionis  pervenilur 
«•oronaiii,  si  gratiam  hominum  negligas, 
divinam  sequaris.  lirgo  Imiperontia 
tordis  liabet  ninndiliam  ;/«i^i^/«  niise- 
ricordiani  ;  pacem  prudenlia  ;  mausue- 
tudineni  forlitudo.  Couuexœ  sibi  sunt 
fcl  concatenata;  virlutes;  ut  qui  uuam 
habet,  plures  babere   videatur.   Et  sau- 


ctis  una  competit  virtus;  sed  ejus  quœ 
fuerit  uberior^  ubei'ius  est  pr*miuiu. 
Quanta  liospilalitas  in  Aliraliam  ?  quanta 
liuniilitas?  sed  quia  fide  priestitit,  fidei 
pra,'  ca'teris  meruit  priucipatum.  Ergo 
unicuique  plura  pra^uiia,  quia  plurima 
iuceutiva  virtutuui;  sed  quod  iu  aliquo 
nierilo  copiosius,  hoc  etianj  in  priemio 
redundanlius. 

Verumtamen  vœ  vobis  divitibus  qui  habelis  con- 
solatùmem  vestrami  Yœ  vobis  qui  sainrati 
estis ,  i/uia  esurietis!  Vœ  vobit  qui  ridetis 
nimc,  quia  lugebitis  et  flebitis  !  Vœ  cum  bene- 
dixerint  vobis  omnes  hoinines  !  Secundum  hac 
i>nim  faciebant  pseudopropkfilis  patres  eorum. 
Cybil.   [in  C'dt.  Gi-œcorum  Putrum.) 

Priedicto  quod  pauperlas  prupter  iJeum 


308 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


tée  en  vue  de  Dieu,  est  la  cause  de  tout  bien,  et  que  la  faim  et  les 
larmes  auront  droit  à  la  récompense  des  saints;  il  passe  maintenant 
aux  vices  opposés  à  ces  vertus,  et  les  présente  comme  une  cause  de 
damnation  et  de  supplice  :  «  Malheur  à  vous,  riches,  qui  avez  votre 
consolation.  »  —  S.  Chrys.  [hom.  \1  sur  la  Gen.)  Cette  locution  mal- 
heur s'adresse  toujours  dans  l'Ecriture  à  ceux  qui  ne  peuvent  échap- 
per au  supplice  de  la  vie  future.  —  S.  Ambr.  L'abondance  des  ri- 
chesses est  la  source  de  bien  des  séductions  coupables,  mais  aussi  de 
bien  des  inspirations  vertueuses.  Quoique  la  vertu  ne  recherche  pas 
l'opulence,  et  que  l'aumône  du  pauvre  soit  plus  agréable  à  Dieu  que 
la  libéralité  du  riche  ;  cependant  ce  ne  sont  point  ceux  qui  ont  des 
richesses,  mais  ceux  qui  ne  savent  point  en  faire  usage  qui  sont  at- 
teints par  la  sentence  divine.  En  effet,  le  pauvre  a  d'autant  plus  de 
mérite,  qu'il  donne  par  un  mouvement  spontané  du  cœur;  et  le  riche 
est  d'autant  plus  coupable,  qu'il  devait  rendre  grâce  à  Dieu  de  ce  qu'il 
a  reçu  .  et  ne  point  réserver  inutilement  une  fortune  qui  ne  lui  a 
été  donnée  que  pour  l'utilité  commune.  Ce  ne  sont  donc  point  les 
richesses  qui  sont  mauvaises,  c'est  l'attachement  aux  richesses  qui  est 
coupable.  Et  quoiqu'il  n'y  ait  pas  de  plus  grand  tourment  pour  l'avare 
que  d'entasser  avec  crainte  et  inquiétude  des  trésors  dans  l'intérêt  de 
ses  hérétiers,  cependant,  parce  que  ses  désirs  d'amasser  ont  pour  lui 
quelque  attrait,  il  est  juste  que  ceux  qui  ont  la  consolation  de  la  vie 
présente,  perdent  les  joies  de  la  vie  éternelle.  Ces  riches  peuvent  être 
aussi  la  figure  du  peuple  juif  ou  des  hérétiques,  ou  plutôt  des  phari- 
siens qui,  se  complaisant  dans  l'abondance  des  paroles  et  dans  l'élo- 
quence prétentieuse  de  leurs  discours,  ont  dépassé  la  simplicité  de  la 
vraie  foi  et  amassé  des  trésors  inutiles. 


causa  sit  cujuslibet  boni  ;  et  quod 
esurire  et  flere  non  vacabit  mercede 
sanctorum  ;  transfert  sermouem  ad  op- 
posita  et  ionuit  ipsa  damnationis  et 
suppUcii  materiam  :  unde  dicitur  :  «  Ve- 
rumtamen  vœ  vobis  divitibus  qui  habe- 
tis  cousolationem  vestram.  »  Chrys. 
(hom.  17,  in  Gen.)  Hœc  enim  dictio, 
vx,  semper  in  Scripturis  dicitur  his  qui 
non  possunt  evadere  a  futuro  supplicio. 
Ambr.  Licet  autem  in  pecuniariis  copiis 
multa  sint  lenociuia  delictorum,  plera- 
quetamen  sunt  incentivavirtutum.Quan- 
quani  virtus  subsidia  non  requirat  et 
commendatior  sit  collatio  pauperis , 
quam  divitis  liberalitas  ;  tamen  non  eos 
qui  habent  divitias,  sed  eos  qui  uti  his 
nesciunt,  sententiœ  cœlestis  auctoritas 
condemnat.  Nam  ut  ille  pauper  laudabi- 


lior  est  qui  prompto  largitur  affectu,  ita 
criminosior  dives  est  qui  de  eo  referre  gra- 
tiam  Deo  debuit  quod  accepit  ;  nec  sen- 
suiu  ad  communem  usum  datum  sine 
usu  abscondere.  Non  sensus  igitur,  sed 
affectus  in  crimine  est.  Et  quanquam 
nulla  pœna  gravior  sit  quam  successo- 
rum  profutura  compendiis  anxio  timoré 
servare,  tamen  quoniam  avarititedesi- 
deria  congerendi  quadam  vobiptate  pas- 
cuntur,  qui  consolatiouem  vitœ  prœsen- 
lis  habuerunt,  remunerationem  perpe- 
tuam  perdiderunt.  Possumus  tamen  hic 
divitem  intelligere  popuhun  Judaeorum, 
vel  haereticos  ;  vel  certe  pbarisœos,  qui 
ubertate  verborum  et  quodam  ambi- 
tiosEB  facundise  patrinionio  delectati , 
simplicitatem  verœ  fidei  supergressi,  tbe- 
sauros  inutiles  condiderunt. 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.   VI. 


309 


or  Malheur  à  vous  qui  êtes  rassasiés,  parce  que  vous  aurez  faim.  » 
—  BEDE.  Ce  riche,  vêtu  de  pourpre,  se  rassasiait  en  s'asseyant  tous 
les  jours  à  des  tables  splendidement  servies,  mais  il  souflFrit  ensuite 
ce  cruel  malheur,  lorsque  dévoré  par  la  soif,  il  demandait  que  Lazare 
trempât  le  bout  de  son  doigt  dans  l'eau  pour  rafraîchir  sa  langue.  — 
S.  Bas.  (I)  L'Apôtre  prouve  la  nécessité  de  la  tempérance,  en  la  pla- 
çant parmi  les  fruits  de  l'Esprit  {Galat.,  v).  En  ofFet,  voulez-vous 
dompter  votre  corps?  point  de  moyen  plus  puissant  que  la  tempé- 
rance^ elle  est  comme  un  frein  à  l'aide  duquel  nous  devons  modérer 
l'ardeur  de  la  jeunesse.  La  tempérance  est  donc  la  mort  des  crimes, 
l'apaisement  des  passions,  le  principe  de  la  vie  spirituelle,  elle  émousse 
l'aiguillon  des  plaisirs  séducteurs.  Néanmoins,  pour  éviter  d'être  con- 
fondus avec  les  ennemis  de  Dieu,  nous  devons,  lorsque  les  circons- 
tances l'exigent,  accepter  ce  qui  nous  est  présenté,  pour  montrer  que 
tout  est  pur  pour  ceux  qui  sont  purs,  et  user  des  choses  nécessaires  à 
la  vie,  en  nous  interdisant  tout  ce  qui  peut  favoriser  la  volupté.  D'ail- 
leurs, tous  ne  peuvent  pas  s'imposer  la  même  heure,  ni  la  même  ma- 
nière, ni  la  même  mesure  dans  la  pratique  de  la  tempérance,  mais 
tous  doivent  avoir  la  même  intention,  de  ne  point  aller  jusqu'à  la 
satiété,  car  la  réplétion  de  l'estomac  rend  le  corps  lui-même  impuis- 
sant à  remplir  ses  fonctions,  l'appesantit  et  le  dispose  au  mal.  —  Bède. 
Ou  encore,  si  ceux  qui  ont  faim  des  œuvres  de  justice,  sont  heureux, 
combien  sont  malheureux,  au  contraire ,  ceux  qui  cherchent  à  satis- 
faire tous  leurs  désirs,  et  n'éprouvent  aucune  faim  du  bien  véritable. 

«  Malheur  à  vous  qui  riez,  »  etc.  —  S.  Bas.  (2)  Puisque  le  Seigneur 

(1)  Règles,  réponse  aux  questions  6,  17,  18. 

^2)  Cette  citation  est  également  tirée  du  même  ouvrage  que  précédemment,  réponse  à  la  ques- 
tion 17;  et  aussi  de  l'abrégé  des  Règles,  réponse  à  la  question  31. 


Sequitur  :  «  Vae  vobis  qui  saturati  es- 
tis,  quia  esurietis!  »  Bed.  Divesille  pur- 
puratus  saturabatur  epulans  quotidie 
splendide  ;  sed  diruui  vœ  suslinebat 
esuriens,  quando  de  Lazari  quem  des- 
pexerat  didto  puttani  aquœ  qurerebat. 
Basil. (î<<5!//j?-o  inCat.)(}uoA  autem  ne- 
cessaria  sit  abstinentiae  ratio,  palam  est 
ex  eo  quod  Apostolus  eam  inter  fructus 
spirilus  enuuieravit  {Calât.,  o)  ;  sub- 
jeclio  enini  corporis  per  riihil  aliud  sic 
obtinfitur,  sicut  per  abstinenliam;  qua 
(quodam  fr,T-no)  decet  compescere  ju- 
venlutis  fervorem.  KM.  i^itur  abstinentia 
interemptio  <:riminis,aiiiotio  passiouuni, 
vita-  spirilualis  initium.  obtundens  in  se 
illecebrarum  aculeutn.  Ne  autem  coinci- 
dentia  fiât  cum  inimicis  Dei,  débet  ac- 


cipi  quodlibet  cum  axifx'il  tempus,  ad 
ostendendum  quod  inundis  omnia  munda 
(sicut  dicitur  ad  TU.,  i,  vers  15)  ;  pro- 
cedendo  quidem  ad  necessaria  vitae,  ab- 
stinendo  autem  omnino  ab  his  qua3  fa- 
ciunl  ad  voluptatem.  Attamen  nec  eam- 
dem  boram  sibi  cunctos  sancire  pos- 
sibile,  nec  modum,  nec  mensuram  :  sit 
autem  communis  intentio,  non  expectare 
repletionem  :  replere  namquo  ventrem, 
ipsum  quoque  corpus  inutile  facit  erga 
proprirs  operationes,  et  sonuK^lentum  et 
ad  nocumenta  disposituni.  Bed.  Aliter  : 
si  beati  sunl  illi  qui  justilia;  semper 
esuriuul  opéra,  infelices  e  contra  a'sli- 
mandi,  qui  sibi  in  desideriis  placentas 
nullam  veri  boni  famem  patiuntur. 
Sequitur:  «  Vas  vobis  qui|ridetis,  »  etc. 


3\0 


EXIM.ICATIOX    I)K    h  EVANGILE 


menace  ici  ceux  qui  rient,  il  est  donc  évident  que  dans  aucun  temps, 
le  vrai  fidèle  ne  doit  s'abandonner  au  rire,  à  la  vue  surtout  de  la  mul- 
titude si  grande  de  ceux  qui  meuient  dans  le  péché  et  sur  lesquels  il 
faut  bien  plutôt  verser  des  larmes.  D'ailleurs,  le  rire  immodéré  est  le 
signe  d'un  esprit  déréglé  et  d'une  âme  désordonnée  ;  toutefois  il  n'est 
pas  défendu  de  manifester  la  joie  intérieure,  en  donnant  au  visage 
une  certaine  expression  de  gaité.  —  S.  Chrys.  Mais  dites-moi  pour- 
quoi cette  dissipation,  ces  rires  immodérés  dans  un  chrétien  qui  doit 
paraître  au  terrible  jugement  de  Dieu,  et  rendre  compte  de  tout  ce 
qu'il  a  fait  ici-bas  ? 

BEDE.  La  flatterie  nourrit  le  péché,  et,  semblable  à  l'huile  qui  excite 
le  feu,  elle  fournit  un  aliment  à  l'ardeur  du  mal;  aussi  Notre-Sei- 
gueur  ajoute  :  «  Malheur  à  vous,  quand  les  hommes  vous  loue- 
ront, »  etc.  —  S.  Chrys.  (I)  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  Cette  recommandation 
n'est  point  opposée  à  ces  autres  paroles  du  Sauveur  :  «  Que  votre  lu- 
mière luise  devant  les  hommes  {Matth.,  v).  »  En  efifet,  nous  devons 
avoir  un  saint  empressement  à  faire  le  bien  pour  la  gloire  de  Dieu, 
et  non  pour  notre  propre  gloire,  car  rien  de  plus  funeste  que  la  vaine 
gloire,  elle  engendre  l'injustice,  le  désespoir  et  l'avarice,  mère  de  tous 
les  maux.  Si  donc  vous  voulez  éviter  ces  funestes  effets,  tenez  vos  re- 
gards constamment  tournés  vers  Dieu,  et  contentez-vous  de  la  gloire 
qui  vient  de  lui.  Car,  si,  en  toute  espèce  de  chose,  on  doit  choisir 
les  plus  savants  pour  experts  et  pour  arbitres,  comment  pourriez-vous 
confier  l'appréciation  de  votre  vertu  aux  hommes  plutôt  qu'à  Dieu, 
t]ui  la  connaît  mieux  qu'eux  tous,  qui  en  est  à  la  fois  l'auteur  et  la 

(1)  Cette  citatioa  est  empruntée  au  moins  quant  au  sens,  aux  homélies  15,  19  sur  l'Epitre 
anx  Romains,  à  l'homélie  50  sur  la  seconde  Epitre  aux  Corinthiens  et  à  l'homélie  2  sur  l'Epitre 
à  Tite. 


Basil,  {ut  sup.)  Cum  Dominus  ridentes 
nunc  arguât,  palam  est  quod  nimquam 
erit  fideli  tempus  risus,  et  praecipue  in 
tanta  miiUitudine  eorum  qui  iu  peccato 
moriuntur,  pro  quibus  oportet  lugere  : 
supertluus  autem  risus  est  iuimoderan- 
tiœ  signum,  et  effrenis  animœ  motus; 
sed  usque  ad  vultus  jucimditatem  ex- 
primere  passlonem  animfe  uon  dedecet. 
Chrys  (Iiom.  6,  in  Miitth.)  Die  autem 
mihi  car  concuteris  (vel  dissolveris)  et 
defluis;  qui  debes  assistere  lerribili  ju- 
dicio,  et  ponere  ratiouem  de  omnibus 
hic  operatis"? 

Beda.  Quia  vero  ipsa  peccati  nutrix 
adulalio,  sicut  oleum  flammis,  sic  in 
culpa  ardentibus  solita  est  miaislrare  fo- 
mentum,  subdit,  :  «  Yae  cum   benedixe- 


rint  vobis  omnes  homines,  »  etc.  Chrys. 
[in  Cat.  Grœconim  Patrum.)  Non  au- 
tem contrarium  est  quod  hic  dicitur  ei 
quod  alibi  Dominus  dicit(i«  Matth.,  o)  : 
«  Luceat  lux  vestra  coram  hominibus,  » 
ut  scilicet  festinemus  bene  agere  ad  glo- 
riam  Dei,  non  ad  propriam  :  pernicio- 
sum  enim  quid  est  inanis  gloria;  etinde 
sumit  ortum  iniquitas  atque  desperatio, 
et  mater  malorum  avaritia  :  quod  si 
viam  quœris  divertendi  ab  hoc,  dirigas 
aspectum  semper  ad  Deum,  et  esto  con- 
tentus  ea  quse  apud  eum  est  gloria  :  nam 
si  in  qualibet  facultate  doctiores  eligere 
oportet  in  arbilros,  quomodo  virlutis 
experimentum  pluribus  credis?  non  au- 
I  tem  illi  qui  pree  omnibus  eam  novit,  et 
1  dare,  et  coronare  potest  ?  a  quo  si  glo- 


I>E    SAINT    LUC.    CHAP.    VI. 


311 


récompense?  Si  vous  désirez  la  gloire  qui  vient  de  Dieu,  fuyez  donc  les 
louanges  des  hommes,  car  nul  n'a  plus  de  droit  à  notre  admiration 
que  celui  qui  dédaigne  la  gloire,  et  si  tels  sont  nos  sentiments,  à  plus 
forte  raison,  ceux  du  souverain  Maître  de  toutes  choses.  Considérez, 
d'aiUeurs,  que  la  gloire  des  hommes  passe  bien  vite,  parce  que  le  cours 
rapide  du  temps  la  fait  tomber  dans  l'oubli. 

«  Car  c'est  ainsi  que  leurs  pères  faisaient  aux  faux  prophètes.  »  — 
BEDE.  Les  faux  prophètes  sont  ainsi  appelés,  parce  qu'ils  s'efforçaient 
de  prédire  l'avenir  pour  gagner  la  faveur  du  peuple.  Or,  Notre-Sei- 
gneur  n'a  proclamé  sur  la  montagne  que  les  béatitudes  des  bons, 
tandis  que,  descendu  dans  la  plaine,  il  prédit  aussi  les  supplices  des 
réprouvés,  parce  que  les  auditeurs  encore  ignorants  et  grossiers,  ont 
besoin  d'être  poussés  dans  la  voie  du  bien,  par  la  crainte  des  châti- 
ments, tandis  qu'il  suffit  pour  les  parfaits,  de  les  inviter  par  l'attrait 
des  récompenses.  —  S.  Ambr.  Remarquez  encore  que  saint  Matthieu 
attire  les  peuples  à  la  foi  et  à  la  vertu  par  la  perspecti  ve  des  récom- 
penses, tandis  que  saint  Luc  cherche  à  les  éloigner  des  crimes  par  la 
menace  des  châtiments. 

t.  27-31.  —  Mais  je  vous  dis,  à  vous  qui  m'écoutez  :  Aimez  vos  ennemis,  faites 
du  bien  à  ceux  qui  vous  haïssent.  Bénissez  ceux  qui  vous  maudissent,  et  priez 
pour  ceux  qui  vous  calomnient^  A  celui  qui  vous  frappe  sur  une  joue,  présentez 
encore  l'autre.  Et  si  quelqu'un  vous  prend  votre  manteau,  laissez-le  prendre 
aussi  votre  tunique.  Donnez  à  quiconque  vous  demande,  et  ne  redemandez  pas 
votre  bien  à  celui  qui  vous  le  ravit.  Ce  que  vous  voulez  que  les  hommes  fassent 
pour  vous,  faites-le  pareillement  pour  eux. 

BEDE.  Après  avoir  prédit  à  ses  disciples  ce  qu'ils  pourraient  avoir  à 
souffrir  de  la  part  de  leurs  ennemis,  il  leur  apprend  maintenant  la 


riam  cupis,  vita  laudem  bumanam  :  de 
uullo  enim  alio  maais  consuevimus  ad- 
mirari,  quam  de  respuente  gloriam  : 
quod  si  no»,  magis  Dominus  omnium. 
Deinde  illud  considères,  quud  hominum 
gloria  celeriler  déficit,  quia  per  cursum 
temporis  oblivioni  traditur. 

Sequitur  :  «  Secundum  hœc  enim  fa- 
ciebant  pseudoprophetis  patres  eorum.  » 
Bkda.  PseudopropbeliJB  signilicantur,  eu 
•piod  ad  captanduni  vulgi  favoreni  fa- 
lura  prœloqui  conenlur  :  ilaque  Domi- 
nus in  monte  bealiludiups  solummodo 
proborum,  in  campo  vero  eliam  vce 
describil  reproborum,  quia  rudes  adhuc 
andiinresnecesse  est  terroribus  ad  bona 
compelli,  perl'ectos  autem  salis  est  prje- 


miis  invitari.  Ambr.  Et  attende  quod 
Matthœus  praemiis  ad  virtutem  et  fidem 
populos  provocavit  ;  hic  autem  etiam 
a  criminibus  atque  peccatis  fulurorum 
suppliciorum  denuntiatione  deterruit. 

Sed  vobis  dico  qui  auditis  :  diligiie  dnimicos  ves- 
tros;  bene facile  his  qui  oderunt  vos;  bénédi- 
cité maledicentibus  vobis  ;  et  orate  pro  calum- 
niantibus  vos.  Et  qui  le  percutil  in  maxillam 
unam ,  prœbe  illi  et  alleram  :  et  ab  eo  qui 
aufert  tibi  veslimentum ,  etiam  tunicam  noli 
prohibere  :  omni  autem  pelenti  te,  tribue ,  et 
qui  aufert  qua  tua  sunt  ne  répétas  :  et  prout 
vultis  ut  faciant  vobis  homines,  ft  vos  facile 
mis  similiter. 

Bed.  Quia  dixerat  supra   quid  ab  ini- 
micis  pati   possent,  nunc   qualilcr  cum 


312 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


conduite  qu'ils  devront  tenir  à  l'égard  de  ces  mêmes  ennemis  :  a  Mais 
je  vous  dis,  à  vous  qui  m'ccoutez.  »  —  S.  Ambr.  Ce  n'est  point  sans 
raison  qu'il  a  fait  précéder  d'actions  toute  célestes  d'aussi  sublimes 
enseignements.  Il  voulait  enseigner  aux  peuples  ,  fortifiés  par  ces  mi- 
racles de  la  puissance  divine ,  à  s'avancer  comme  sur  les  pas  de  ces 
prodiges,  au  delà  des  limites  étroites  de  la  loi.  D'ailleurs  ,  de  ces  trois 
grandes  vertus,  la  foi ,  l'espérance  et  la  charité ,  c'est  la  charité  qui 
est  la  première  (4),  et  c'est  elle  que  le  Sauveur  nous  recommande, 
lorsqu'il  dit  :  «Aimez  vos  ennemis.  »  —  S.  Bas.  {règles  abrég.,  rép. 
à  la  quest.,  176.)  C'est  le  propre  des  ennemis  de  nuire  et  de  tendre 
des  embûches  ;  tous  ceux  donc  qui ,  de  quelque  manière  que  ce  soit, 
cherchent  à  nuire  quelqu'un  ,  sont  ses  ennemis.  —  S.  Cyr.  Il  fallait 
pénétrer  de  ces  divins  enseignements  les  saints  docteurs  qui  devaient 
prêcher  la  parole  du  salut  par  tout  l'univers  ;  car  s'il»  s'étaient  laissé 
aller  à  tirer  vengeance  de  leurs  persécuteurs,  jamais  ils  ne  les  auraient 
appelés  à  la  connaissance  de  la  vérité.  —  S.  Chrys.  {hom.  18  sur 
S.  Malth.)  Il  ne  dit  pas  :  Ne  haïssez  point,  mais  :  «  Aimez,  »  et  non- 
seulement  :  «  Aimez ,  »  mais  :  «  Faites  du  bien  à  ceux  qui  vous 
haïssent.  »  —  S.  Bas.  Or,  l'homme  étant  composé  d'une  âme  et  d'un 
corps,  nous  faisons  du  bien  à  l'àme  de  nos  ennemis  en  les  reprenant, 
en  les  avertissant,  en  les  amenant,  comme  par  la  main,  à  se  convertir 
à  une  vie  meilleure,  et  nous  faisons  du  bien  à  leur  corps,  en  leur  pro- 
curant les  choses  nécessaires  à  la  vie. 

«  Faites  du  bien  à  ceux  qui  vous  maudissent.  »  —  S.  Chrys.  (2). 
Ceux  qui  blessent  ainsi  leur  âme  sont  bien  plus  dignes  de  larmes 

(1)  I  Corinth.,  xiii,  13;  Cant.,  i,  4. 

(2)  Cette  citation  est  tirée  de  différentes  homélies. 


eisdem  iniuiicis  agere  debeant,  ostendit, 
dicens  :  «  Sed  vobis  dico  qui  oditis.  » 
Ambr.  Non  otiose  plurimorum  factorum 
cœlestium  enumeratioiie  propressus  ad 
hune  locuui  serius  venit,  ut  populos  di- 
viuis  miraculis  roboratos  ultra  legis  tra- 
mitem  virtutum  vestigiis  progredi  edo- 
ceret.  Denique  inter  tria  maxima  (spem, 
fidem  et  charitatem)  major  est  charitas 
quee  ordinatur  cum  dicitur  :  «  Diligite 
inimicos  vestros.  »  Basil,  [in  Regulis 
brevioribiis  ad  interrogut.  176.)  Inimici 
quidem  proprium  est  obesse  etinsidiari: 
omnis  igitur  qui  qnalitercunque  nocet 
alicuij  dicitur  inimicus.  Cyril,  [in  (ut. 
Grœconim  Patnim.)  Conveniens  autem 
erat  hujusniodi  eonversatio  doctoribus 
sanctis,  qui  praedicaturi  erant  ubique 
terrarum  salutarem  sermonem;  quos  si 


contingeret  velle  recipere  de  persequen- 
tibus  vindictam,  omisissenteos  ad  cogni- 
tionem  veritatis  vocare.  Chrys.  [hom. 
18,  in  Mattli.)  Non  autem  dicit  :  «  Ne 
odio  habeas,  »  sed,  «  diligas  ;  »  neque 
simpliciter  mandavit  diligere,  sed  etiam 
benefacere  :  uude  sequitur  :  «  Benefacite 
his  qui  oderunt  vos.  »  Basil,  [ut  svp.) 
Verum  quia  homo  ex  corpore  consistit 
et  anima  ;  secundum  animam  quidem 
benefaciemus  hujusmodi,  sive  talibus 
liominibus,  arguentes  et  commoneutes 
eos,  et  omnino  ad  conversionem  ma- 
nuducentes  :  secundum  corpus  autem 
benefacientes  eis  in  necessariis  victui. 

Sequitur  :  «  Benedicite  maledicentibus 
vobis.  »  Chrys.  {in  Cat.  Grœcorum.) 
Qui  enim  percutiunt-  proprias  animas, 
digni    sunt   lacrymis    et    fletibus    non 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    VI.  313 

amères  que  de  malédictions;  quoi  de  plus  détestable,  en  effet,  qu'une 
âme  d'où  sortent  les  malédictions,  quoi  de  plus  immonde  que  la  langue 
qui  les  profère?  0  homme  ,  ne  distillez  pas  ainsi  le  venin  de  l'aspic, 
ne  vous  changez  pas  en  bête  féroce  ;  Dieu  vous  a  donné  la  bouche, 
non  pour  déchirer,  mais  pour  guérir  les  plaies  de  vos  frères  ;  et  quant 
à  vos  ennemis,  il  vous  ordonne  de  les  mettre  au  rang  de  vos  amis ,  et 
de  vos  amis  les  plus  chers  ,  de  ceux  pour  lesquels  vous  avez  coutume 
de  prier  :  «Priez  pour  ceux  qui  vous  persécutent,  »  etc.  Mais,  au 
contraire,  la  plupart  de  ceux  qui  se  prosternent  la  face  contre  terre, 
les  mains  étendues ,  au  lieu  de  supplier  Dieu  de  leur  pardonner  leurs 
crimes,  l'implorent  contre  leurs  ennemis,  c'est-à-dire  qu'ils  se  percent 
de  leurs  propres  mains.  Quoi,  vous  priez  celui  qui  a  défendu  les  im- 
précations contre  les  ennemis ,  d'écouter  les  malédictions  que  vous 
proférez  contre  eux,  et  vous  espérez  d'être  exaucés  ,  vous  qui  provo- 
quez sa  juste  colère,  eu  frappant  votre  ennemi  devant  son  roi?  car 
vous  le  frappez  réellement,  sinon  avec  la  main,  au  moins  par  vos 
paroles.  Que  faites-vous  donc,  ô  homme?  Vous  venez  implorer  le  par- 
don de  vos  péchés,  et  votre  bouche  est  remplie  d'amertume,  ah  1 
croyez-moi,  c'est  le  temps  de  la  pacification  ,  de  la  prière,  des  gémis- 
sements, et  non  celui  de  la  fureur. —  Bède.  Mais  on  se  demande  alors, 
pourquoi  nous  trouvons  dans  les  prophètes  tant  d'imprécations  contre 
les  ennemis  ?  Nous  répondons  que,  par  ces  imprécations,  les  prophètes 
ont  simplement  prédit  ce  qui  devait  arriver  ;  ainsi  ce  n'étaient  point 
des  vœux  qui  exprimaient  leurs  désirs ,  mais  des  prédictions  qui  leur 
étaient  révélées  par  l'Esprit  saint. 

S.  Cyr.  L'ancienne  loi  défendait  toute  offense  envers  le  prochain, 
ou  si  on  en  avait  été  offensé  le  premier,  elle  défendait  de  dépasser 


maledictionibus  ;  nihil  eniin  detestabi- 
lius  est  aiiinia  inaledica,  nec  imniundius 
liiif^ua  quae  maledictiones  offert.  Homo, 
aspidum  venena  non  evomas,  nec  ver- 
taris  in  belluam  :  est  libi  datum  os, 
non  ut  mordeas,  sed  ut  aliorum  vulnera 
sanes  ;  ininiicos  aulem  mandavit  nobis 
annunierarefïradui  amicoruni  ;  nonquo- 
rumcunque,  sed  pr.ecipuorum,  pro  (pii- 
biis  orare  solemus  :  unde  sequitur  : 
«  Orate  pro  persequentilms  vos,  »  etc. 
Plerique  auteui  econlra  procumbentes 
et  fronte  super  terram  percutientes,  et 
mauus  expandentes,  nf)n  pro  suis  cri- 
minibus  orant  Deum,  sed  advcrsus  ini- 
micos,  quod  niiiil  aliud  est  quam  se  ip- 
siim  transfodere.  Cum  eum  qui  prohi- 
bait contra  inimicos  orare,   precaris  ut 


te  maledicentem  inimicis  exaudiat,  quo- 
modo  possibile  est  audiri,  quando  pro- 
vocas  exauditurum ,  verberaudo  ini- 
micum  coram  rege,  etsi  non  manibus, 
verbis  lamen?  Quid  facis,  honio?  Stat 
ut  veniam  impetres  peccatorum,  et  im- 
pics os  amaritudine  :  mitigationum  est 
lempus,  orationis  et  gemitus,  non  furoris. 
Bkd.  Sed  merito  movetur  qurcslio,  quo- 
modo  in  prophetis  inveniuntur  niultiB 
imprecationes  adversus  inimicos  ?  ubi 
videndum  est  quia  proplietaiper  inipre-» 
cationem  quid  essetfuturum  cecinerunt; 
non  optantis  voto,  sed  spiritu  pr;i3vi- 
denlis. 

Cyril,  {ubi  supra.)  Vêtus  autem  lex 
mandabat  non  olTendere  alios;  vel,  si 
prias  fuerimus  lœsi,   non  ultra  propor- 


3U 


EXPLICATION    DE   L  EVANGILK 


dans  la  vengeance  la  mesure  de  l'otlense  qu'on  avait  reçue  ;  mais  la 
perfection  ne  se  trouve  ici  que  dans  Jésus-Glirist  et  dans  sis  comman- 
dements :  «  A  celui  qui  vous  frappe  sur  une  joue ,  présentez  encore 
l'autre.  »  En  effet,  lorsque  les  médecins  reçoivent  des  coups  de  pieds 
des  furieux  qu'ils  cherchent  à  guérir,  leur  compassion  pour  ces 
malheureux  redouble ,  et  ils  s'appliquent  avec  plus  de  zèle  à  leur 
guérison;  telle  est  la  conduite  que  vous  devez  tenir  à  l'égard  de  ceux 
qui  vous  persécutent  ;  car  ce  sont  eux  surtout  qui  sont  malades  ,  ne 
cessez  donc  point  de  leur  prodiguer  des  soins,  jusqu'à  ce  qu'ils  aient 
vomi  toute  l'amertume  de  leur  âme  ;  alors  ils  vous  rendront  grâces,  et 
Dieu  lui-même  vous  couronnera,  pour  avoir  délivré  votre  frère  d'une 
maladie  des  plus  funestes.  —  S.  Bas.  {sur  haïe,  chap.  i,  vers.  23.) 
Presque  tous  les  hommes  transgressent  ce  commandement ,  surtout 
les  puissants  et  les  princes,  non-seulement  quand  on  les  outrage,  mais 
encore  quand  on  leur  manque  de  respect  ;  ils  regardent  comme  des 
ennemis  tous  ceux  qui  ne  leur  rendent  pas  les  honneurs  dont  ils  se 
croient  dignes.  Or,  c'est  une  grande  honte  pour  un  prince  que  de  cé- 
der si  facilement  à  la  vengeance  ;  comment ,  en  effet,  pourra-t-il  en- 
seigner aux  autres  à  ne  point  rendre  le  mal  pour  le  mal  {Rom.,  xii), 
lui  qui  est  si  prompt  à  se  venger  de  ceux  qui  l'offensent  ? 

S.  Gyr.  Le  Seigneur  veut  encore  que  nous  professions  un  grand 
mépris  pour  les  biens  que  nous  possédons  :  «  Celui  qui  vous  prend 
votre  manteau,  laissez-le  prendre  aussi  votre  tunique.  »  Voilà  la  vertu 
d'une  âme  entièrement  exempte  de  la  passion  et  du  désir  des  richesses  ; 
en  effet,  celui  qui  est  miséricordieux ,  doit  oublier  le  mal  qu'on  lui 
fait,  et  abandonner  à  ses  ennemis  ce  qu'il  donnerait  à  ses  meillem's 
amis.  —  S.  Chrys.  [hom.  18  sitr  S.  Matth.)  Le  Sauveur  ne  dit  pas  : 


tiones  laedentium  iras  protendere;  sed 
perfectio  legis  in  Christo  est,  et  in  ejus 
maudalis  :  unde  sequitur  :  «  Et  qui  te 
percusserit  in  maxillam  unam,  prsebe 
illi  et  alteram  :»  nani  et  medici  cum  calce 
feriuntur  ab  insauis,  tune  maxime  rai- 
serentur  eis,  et  acciugunt  se  ad  eorum 
remédia  :  tu  quoque  similem  habeas 
conjecturam  erga  persequentes.  Ipsi 
namque  sunt  qui  praecipue  iufirmantur  : 
nec  prius  desistauius,  quam  totam  amari- 
tudinem  evomueriut,  tune  uberes  gratias 
agent  tibi,  et  ipse  Deus  te  coronaliit)  eo 
quod  fratrem  tuum  apessima  eegritudine 
liberasti.  Basil,  {in  Isaican.)  F&ve  au- 
tem  cuucti  contra  hoc  maudatum  pro- 
cedinnis;  et  praesertim  potentes  vel  prin- 
cipes, non  solum  si  passi  fuerint  contu- 
melias  ;  sed    et   si    praestita  eis  non  sit 


reverentia;  adversarios  reputantes  qui- 
cunque  eos  minus  reveriti  sunt  quam  se 
reputaverint  dignes.  Est  autem  magna 
infamia  principis  esse  promptum  ad 
vindictam  :  nam  et  qualiter  alium  doce- 
bit  nuUi  malumpro  maio  rependere  {ad 
Rom.,  {2,  vers.  11.),  qui  uocenti  retri- 
buere  satagif? 

Cyril,  {in  Cat.  Grœcorum  Patrum, 
îibi  sup.)  Vult  autem  Dominus  insuper 
esse  contemptorem  rerum  ;  unde  sequi- 
tur :  «  Et  alî  eo  qui  aufert  vestimentum 
tunicam  noli  prohibere  :  »  bœc  est  enim 
virtus  animae,  qufe  omnino  aversa  est 
a  passione  cupiditatis  divitiarum  :  decet 
enim  eum  qui  prius  est,  etiam  obliviscl 
malorum  ;  ut  et  ea  quibus  charos  ami- 
cos  juvamusj  persequentibus  confe- 
ramus.    Chrys.   {/loin.  18,   in   Matth.) 


DE    SAINT   LUC,    CHAP.    VI. 


315 


Supportez  humblement  la  violence  de  celui  qui  vous  outrage  ;  mais 
procédez  avec  sagesse ,  et  préparez-vous  à  souflfrir  tout  le  mal  qu'il 
veut  vous  faire  ;  dominez  son  insolence  par  une  prudence  à  toute 
épreuve,  et  faites  qu'il  se  retire  couvert  de  honte  à  la  vue  de  votre 
patience  inaltérable.  Vous  me  direz,  comment  pouvoir  mettre  en  pra- 
tique ce  précepte  ?  Quoi  !  en  voyant  celui  qui  s'est  fait  homme  et  qui 
a  tant  souffert  pour  vous  ,  vous  hésitez  encore ,  et  vous  demandez 
comment  on  peut  pardonner  à  ses  frères  les  outrages  dont  ils  se  sont 
rendus  coupables  ?  Mais  qui  donc  d'entre  vous  a  jamais  souffert  d'aussi 
grands  outrages  que  votre  Seigneur  ,  chargé  de  chaînes ,  flagellé  de 
coups,  couvert  de  crachats,  et  enfin  mis  à  mort?  Il  ajoute  :  «  Donnez 
à  quiconque  vous  demande.  »  —  S.  Aug.  [serm.  du  Seig.,  i,  40. )  Il  ne 
dit  pas  :  Donnez-leur  tout  ce  qu'ils  demandent,  mais  :  «  Tout  ce  que 
vous  pouvez  leur  donner  d'après  les  règles  de  la  justice  et  de  la 
bienséance,  »  c'est-à-dire  ce  qui  n'est  nuisible  ni  pour  lui  ni  pour 
vou=;,  autant  qu'il  est  possible  à  l'homme  de  le  prévoir;  et  lorsque 
vous  lui  refusez  justement  ce  qu'il  demande,  il  faut  lui  faire  apprécier 
la  justice  de  ce  refus,  et  souvent  vous  lui  ferez  un  présent  bien  supé- 
rieur à  ce  qu'il  désire  ,  en  lui  faisant  comprendre  l'injustice  de  sa  de- 
mande. —  S.  Chrys.  (1).  Nous  nous  rendons  souvent  grandement  cou- 
paliles,  non-seulement  en  ne  donnant  pas  à  ceux  qui  nous  demandent, 
mais  en  les  accablant  de  reproches.  Pourquoi,  dites- vous,  ne  travaille-t-il 
point?  pourquoi  vit-il  dans  l'oisiveté?  Dites-moi,  et  vous-même,  est-ce 
par  votre  travail  que  vous  avez  acquis  les  biens  que  vous  possédez  ?  et 
si  vous  travaillez,  est-ce  pour  acquérir  le  droit  de  blâmer  les  autres  ? 
Quoi  !  parce  qu'un  homme  vous  demande  du  pain  et  de  quoi  se  vêtir, 
vous  l'accusez  de  cupidité  ?  Ne  lui  donnez  rien  ,  soit ,  mais  au  moins 

(1)  Homél.  21  sur  l'Epître  aux  Romains;  homél.  14  sur  l'Epître  aux  Hébreux  et  homél.  2  sur 
Lazare,  vers  la  fin. 


Non  autem  dixit  :  «  Fer  humiliter  in- 
juriantis  irapetum;  »  sed,  «  procédas 
per  sapientiam,  et  ulterius  te  disponas 
ad  patienduiu  quai  ille  ciipiat  facere  , 
superans  insolentiain  ejus  ubertate 
prudentia?,  ut  habito  padore  iu  e.x- 
ceUenli  patieutia  tua  discedat,  »  Sed 
dicet  ali(|uis  :  «  Quomodo  potest  lioc 
lieri?»  Cuin  videris  factiiin  lioiniiieiu, 
tôt  passuiii  pro  te,  adhuc  qu.-eris  et  du- 
bitas  quomodo  posàibile  sit  nequitiis 
ifrnoscere  conservorum  :  quis  taie  passas 
est  quale  Doaiinu*  tuus,  dum  lifjaretur, 
flagellaretnr,  sputa  perferens,  mortem 
patiens  ?  Uiide  seqnitur  :  «  Omni  autem 
peteuti  tribue.  »  Al'g.  {de  Serm.  Dom., 


lib.  I,  cap.  40.)  Nondicit,  omnia  petenti, 
sed  ut  id  des  quod  juste  et  honeste  po- 
test, id  est,  quod  nec  tibi  nec  alteri  no- 
ceat,  quantum  sciri  aut  credi  ab  boraine 
potest;  et  cui  juste  negaveris quod  petit, 
judicanda  est  justitia,  et  aliquando  me- 
lius  aliquid  tribues,  cum  petentem  in- 
justa  correxeris.  CiiRYS.  {in  Cat.  Grœ- 
conim  Palrum.)  In  hoc  tameu  peccamus 
non  modicum  ;  non  solum  non  dando 
petentlbus,  sed  et  eos  increpando,  «  cur, 
inquis,  non  laborat?  cur  oliosus  alitur?  » 
Die  mihi,  et  tu,  laborandopossides?  sed 
et  si  laboras,  ad  hoc  laboras  ut  vitupè- 
res alium?  propter  unicuui  panem  et 
tunieam,  appellas  cupidum  ?   Nihil    tri- 


H  6 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


ne  l'outragez  pas  ;  vous  êtes  sans  pitié  pour  lui ,  pourquoi  vouloir 
éteindre  la  compassion  dans  le  cœur  de  ceux  qui  voudraient  le  secou- 
rir. Si  nous  donnons  à  tous  indifféremment ,  nous  pratiquons  tou- 
jours la  miséricorde.  C'est  parce  qu'Abraham  exerçait  l'hospitalité 
à  l'égard  de  tous,  qu'il  mérita  de  recevoir  des  anges.  Celui  qui  vous 
demande  est  im  homicide ,  un  brigand  ,  n'est-il  pas  au  moins  digne 
que  vous  lui  donniez  du  pain  ?  Ne  nous  érigeons  donc  jamais  en  cen- 
seurs sévères  des  autres,  si  nous  ne  voulons  être  jugés  aussi  avec  la 
même  sévérité. 

«  Si  l'on  vous  ravit  votre  bien  ,  ne  le  réclamez  pas.  »  —  S.  Chrys. 
[hom.  10  sur  la  i""  Epître  aux  Corinth.)  C'est  de  Dieu  que  nous  re- 
cevons tout  ce  que  nous  avons;  nous  disons  le  mien  ,  ]e  tien,  mais  ce 
sont  de  vains  mots.  Vous  dites  que  votre  maison  vous  appartient,  c'est 
une  parole  dépourvue  de  sens;  car  l'air,  la  terre,  les  pierres  appar- 
tiennent au  Créateur,  aussi  bien  que  vous  ijui  avez  construit  la 
maison.  J'admets  que  vous  en  ayez  la  jouissance  ,  avec  quelle  incer- 
titude, tant  à  cause  de  la  mort,  que  par  suite  de  la  vicissitude  des 
choses  humaines  ?  Votre  vie  même  ne  vous  appartient  pas,  à  quel  titre 
vos  biens  seraient-ils  à  vous?  Cependant  Dieu  veut  que  les  biens  qu'il 
vous  a  confiés,  deviennent  votre  propi'iété ,  mais  à  la  condition  que 
vous  les  partagerez  avec  vos  frères;  si  au  contraire ,  vous  ne  les  pro- 
diguez que  pour  votre  utilité  personnelle,  ils  cessent  d'être  à  vous. Or, 
comme  le  désir  déréglé  des  richesses  est  une  source  de  discussions  et 
de  procès ,  Notre-Seigneur  fait  cette  recommandation  :  «  Ne  rede- 
mandez pas  votre  bien  à  celui  qui  vous  le  ravit.  »  —  S.  Aug.  {dise, 
du  Seig.,  i,  26.)  Il  veut  parler  ici  des  vêtements  ,  des  habitations,  des 
terres,  des  animaux,  et  en  général  de  tous  les  biens.  Un  chrétien  qui 
possède  un  esclave,  ne  doit  pas  l'assimiler  à  la  possession  d'un  cheval 


buas,  nec  convilieris  :  cur  aec  tu  mise- 
reris,  et  volentibus  dissuades"?  Si  cunctis 
indifferenler  erogaverimus,  semper  mi- 
serebimur  :  quia  enim  Abraham  cuuctos 
recipiebat,  recepit  et  angelos  :  nam  si 
homicida  sitet  prtedo,  nonne  tibi  dignus 
videtur  panis  babendi  ?  Non  igitur  si- 
mus  severi  aliorum  censores,  ne  nos 
quoque  exquisite  judicemur. 

Sequitur  :  «  Et  qui  aufert  quae  tua 
sunt  ne  répétas.  »  Chrys.  {hom.  10,  in  ad 
Cor.)  A  Deo  percipimus  omnia  :  quod 
autem  dicimus  vieinn  et  Hnnn,  nuda 
tantum  sunt  verba  :  si  namque  domuui 
tuaui  asseris,  emisisti  verbum  carens 
subsistentia  rei;  nam  et  aer,  et  so'lum, 
et  cementum  Creatoris  sunt  ;  tu  etiam 


ipse  qui  domum  construxisti  :  sed  etsi 
tuussitusus,  dubius  est,  nonsolum  pro- 
pter  mortem,  sed  etiam  propter  rerum 
eventus:  anima  tua  non  possidetur  a  te, 
et  quo  pacto  tuœ  reputabuntur  opes  :  vult 
autem  Deus  tua  fore,  quee  tibi  pro  fra- 
tribus  crédita  sunt  ;  fient  autem  tua,  si 
pro  aliis  dispensaveris  :  sin  vero  tibi  af- 
fluenter  expenderis  quae  sunt  tua,  jam 
facta  sunt  aliéna.  Sed  propter  nefandara 
opum  cupidinem  homines  in  curiis  con- 
rixantur,  contra  quod  Christus  ait  :  «  Et 
qui  aufert  quae  tua  sunt,  ne  répétas.  » 
Aug.  {de  Serm.  Dom.-,  lib.  i,  cap.  26.) 
Quod  de  veste,  domo,  fundo,  jumento, 
et  generaliter  omni  pecunia  dicit.  Non 
autem  Christianum  oporlet  sic  possidere 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    VI.  317 

OU  de  l'argent  ;  eepeudant  si  vous  traitez  votre  esclave  avec  plus  d'é- 
gards que  celui  qui  veut  vous  l'enlever,  je  ne  sais  si  quelqu'un  oserait 
dire  qu'il  ne  vous  est  point  permis  de  le  revendiquer. 

S.  Chrys.  (I)  Nous  avons  tous  en  nous  une  loi  naturelle  qui  nous 
fait  discerner  le  vice  et  la  vertu  ,  le  bien  d'avec  le  mal  ;  aussi  Notre- 
Seigneur  ajoute  ;  «  Ce  que  vous  voulez  que  les  hommes  fassent  pour 
vous,  faites-le  pareillement  pour  eux.  »  Il  ne  dit  pas  :  Ne  faites  point 
vous-mêmes  ce  que  vous  ne  voulez  pas  qu'on  vous  fasse.  Il  y  a  bien^ 
en  effet,  deux  voies  qui  conduisent  à  la  vertu ,  s'abstenir  du  mal  et 
faire  le  bien  ;  le  Sauveur  se  contente  de  parler  de  la  seconde  voie  qui, 
dans  son  esprit,  renferme  la  première.  Or ,  s'il  s'était  exprimé  de  la 
sorte  :  Voulez-vous  être  des  hommes?  aimez  les  animaux,  ce  comman- 
dement serait  assez  difficile,  mais  il  nous  commande  d'aimer  nos  sem- 
blal)les  ,  pour  lesquels  il  nous  a  donné  une  inclination  naturelle  ,  où 
est  donc  la  difficulté  de  cette  loi  que  nous  voyons  observée  par  les 
lions  et  les  loups  eux-mêmes ,  qu'un  instinct  naturel  porte  à  s'aimer 
entre  eux.  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  ne  nous  commande  donc  rien 
qui  soit  au-dessus  de  notre  nature,  il  ne  fait  que  renouveler  ce  qu'il 
a  gravé  lui-même  dans  notre  conscience,  et  il  veut  que  votre  propre 
volonté  devienne  votre  loi;  vous  voulez  qu'on  vous  fasse  du  bien, 
faites-en  aux  autres;  vous  voulez  qu'on  ait  compassion  de  vous,  com- 
mencez par  avoir  compassion  du  prochain. 

f.  32-37.  —  Si  vous  aimez  ceux  qui  vous  aiment,  quel  est  votre  mérite?  car  les 
pécheurs  aiment  aussi  ceux  qui  les  aiment.  Et  si  vous  faites  du  bien  à  ceux 
qui  vous  en  font,  quel  est  votre  mérite?  puisque  les  pécheurs  mêmes  le  font. 

(I)  Homél.  sur  le  Ps.  cxlvii  ;  homél.  13  au  peuple  d'Ântioche,  pour  la  première  partie  de  la  cita- 
tion ;  homôl,  sur  le  Ps.  v,  pomvia  seconde  partie. 


senuim  quomodo  equum  aut  argentum  : 
servus  si  honestius  a  te  regitur  quam 
ab  illo  qui  eum  tibi  cupit  auferre,  nescio 
utrum  qiiisquam  dicere  audeat  eum  de- 
bere  conlemni. 

Chrys.  ((//  snp.  in  Cat.  Grœcorum.) 
Est  autein  insita  nobis  lex  aaturalis  per 
quam  digrioscimus  quid  sit  virtus  et 
vilium  :  unde  sequitur  :  «  Et  prout  vullis 
ut  faciant  vobis  homines,  et  vos  facite 
illis,  »  non  ait:  «  Oua;cunque  non  vulti» 
ut  faciant  nt'C  vos  faciatis.  »  Cura  enim 
du.Tî  sint  vite  qvia;  ducunt  ad  virtutom  : 
scilicetabslinentia  mali  et  operatio  boni  ; 
hanf-ponit.  per  istani  otillain  significans. 
Et  si(iuiclcni  dixisset:  «  Ut  sitis  hoiuiuo^ 
diligite  beàtias,  »  esset  mandatum  diffi- 


cile :  si  vero  honiines  diligere  jussit,  ad 
quod  naturalis  monitio  est,  quam  diffi- 
cultatem  res  coutinet,  quam  leones  et 
lupi  servant,  in  quibus  naturalis  cogua- 
tio  ad  amicitiam  cogit?  Ostenditur  igitur 
quodChristus  nibil  statuit  nostram  trans- 
cendens  naturam,  sed  quod  dudum  in- 
seruit  conscientite  nostrœ,  docet  ut  pro- 
pria voluntas  pro  lege  sit  tibi,  ut  si  vis 
bene  fieri  tibi,  benel'acias  aliis  ;  si  vis  ut 
alius  tui  misereatur,  proximi  miserea- 
ris. 

E(  si  diligilis  eos  qui  vos  diligunl ,  quœ  vubis 
est  gratia  ?  Nam  et  peccatores  diligentes  se 
diligunt  ;  et  si  benefeceritis  his  gui  uobis  be- 
nefaciunt ,  quœ  vobis  est  gratia  ?  Siquidem  et 
peccatores  hoc  faciunt.  Et  si  mutuum  dederi- 


318 


EXPLICATION   DE   f/ÉVANGILE 


Et  si  vous  prêtez  à  ceux  de  qui  vous  espérez  recevoir,  quel  est  votre  mérite  ? 
car  les  pécheurs  aussi  prêtent  aux  pécheurs,  pour  recevoir  le  même  avantage. 
Pour  vous,  aimez  vos  enncjnis,  faites  du  bien  et  prêtez  sans  en  rien  espérer; 
et  votre  récompense  sera  grande,  et  vous  serez  les  enfants  du  Très-Haut,  qui 
est  bon  aux  ingrats  et  aux  méchants.  Soyez  donc  miséricordieux,  comme  votre 
Père  est  miséricordieux. 

S.  Ghrys,  (1)  Le  Seigneur  venait  de  commander  l'amour  des  enne- 
mis, mais  n'allez  pas  croire  qu'il  parle  ici  hyperboliquement  et  pour 
inspirer  un  sentiment  de  crainte  ;  car  écoutez  la  raison  de  ce  com- 
mandement :  «  Et  si  vous  aimez  ceux  qui  vous  aiment ,  quel  est  votre 
mérite  ?  »  Plusieurs  causes  concourent  à  former  les  affections ,  mais 
l'affection  spirituelle  est  supérieure  à  toutes  les  autres  ,  elle  ne  recon- 
naît pour  principe  et  pour  cause,  rien  de  terrestre,  ni  les  bienfaits,  ni 
la  nature,  ni  le  temps,  maiselledescenddirectemeut  du  ciel.  Quoi  d'é- 
tonnant qu'elle  se  forme  indépendamment  de  tout  bienfait,  puisqu'elle 
ne  peut  être  ébranlée  par  les  mauvais  traitements?  Un  père  outragé, 
rompt  les  liens  d'amour  qui  l'attachaient  à  son  épouse  ;  une  femme  se 
sépare  de  son  mari  à  la  suite  de  querelles  domestiques;  un  enfant  re- 
garde comme  un  fardeau  un  père  dont  les  jours  se  prolongent  dans 
un  âge  avancé;  mais,  au  contraire,  saint  Paul  allait  vers  ceux  qui 
voulaient  le  lapider  pour  leur  faire  du  l)ien  {Actes ^  xiv);  Moïse  tour- 
menté, et  comme  lapidé  par  les  Juifs ,  se  venge  en  priant  pour  eux. 
{Exode.,  XVII.)  Ayons  donc  une  profonde  vénération  pour  les  amitiés 
spirituelles,  parce  qu'elles  sont  indissolubles.  Notre-Seigneur  ajoute, 
pour  stimuler  les  indifférents  :  «  Les  pécheurs  aiment  aussi  ceux  qui 
les  aiment,  »  comme  s'il  disait  :  Je  veux  que  vous  vous  éleviez  à  une 
vertu  plus  émiuente,  voilà  pourquoi  je  vous  commande  d'aimer  non- 

(1)  Une  partie  de  cette  citation  se  trouve  clans  les  homélies  sur  l'Epître  aux  Colossiens. 


tis  his  a  quitus  speralis  recipere  ,  quœ  gralia 
est  vobis  ?  Nam  et  peccatores  peccatoribus 
fœnerantur,  ut  recipiant  œqualia.  Verum- 
iamen  diligile  inimieos  vestros ,  benefacite ,  et 
mutuum  date,  nihil  inde  sperantes,  et  erit 
merces  vestra  niulta,  et  eritis  filii  Altissimi; 
quia  ipse  benignus  est  super  ingratos  et  malos. 
Estote  ergo  miséricordes,  sicnt  et  pater  vester 
misericors  est. 

Chrys.  {ut  sup.)  Uixerat  Doaiinus 
diligendos  esse  inimieos  :  ue  aiitem  pu- 
tares  liyperbolice  esse  dictum,  œstimans 
soluiii  ad  terrorem  eis  diei,  adjicit  ratio- 
neni ,  dicens  :  «  Et  si  diligitis  eos  qui 
vos  diligunt,  quae  vobis  est  gratia  ?  »  etc. 
Plures  quidem  causœ  suiit  quœ  dilectio- 
nes  constituunt  :  dilectio  vero  spiritualis 
universas   prcecellit  :    uihil  enim   terre- 


num  eam  parit  ;  non  utilitas,  non  bene- 
fîcium.  Don  natura,  non  tempus,  sed  de 
cœlo  descendit.  Quid  autem  miraris  si 
non  indiget  beneficio  ut  consistât,  quando 
nec  ex  casu  malorum  pervcrtilur?  Pater 
quidem  passus  injurias  rumpit  iœdiis 
amoris;  conjux  post  jurgia  viriim  relin- 
quitj  filius  si  longeevum  videat  patreni, 
gravatur  :  at  Paulus  ibat  ad  lapidantes, 
bene  acturus  eis;  [Act.,  14.)  Moyses 
lapidatur  a  Judœis,  et  orat  pro  eis. 
[Exod.,  17.)  Veneremur  itaque  spiritua- 
les  amicilias,  quia  sunt  insolubiles.  Unde 
arguens  voleutes  pigrescere,  subdit  : 
«  Nam  et  peccatores  diligentes  se  dili- 
gunt ,  »  quasi  diceret  :  Quia  volo  vos 
his  amplius  aliquid  possidere ,  non 
moneo     solum    amicos     diligere  ,    sed 


DE   SAINT   LUC.    CHAP.    VI. 


319 


seulement  vos  amis;  mais  même  vos  ennemis  ;  car  il  est  naturel  à  tous 
les  hommes  de  faire  du  bien  à  ceux  qui  leur  en  font.  Il  leur  apprend 
donc  qu'il  exige  d'eux  plus  qu'il  n'est  ordinaire  aux  pécheurs  de  faire, 
quand  ils  se  montrent  bienfaisants  pour  leurs  amis  :  «  Et  si  vous  faites 
du  bien  à  ceux  qui  vous  en  font,  quel  est  votre  mérite? 

BEDE.  Ce  n'est  pas  seulement  l'afifection  et  les  bienfaits  des  pécheurs 
qu'il  déclare  sans  mérite  et  sans  fruit,  mais  aussi  le  prêt  fait  dans  les 
mêmes  conditions.  «Et  si  vous  prêtez  à  ceux  de  qui  vous  espérez  rece- 
voir ,  quel  est  votre  mérite  ?  Car  les  pécheurs  eux-mêmes  prêtent  à 
leurs  semblables,  pour  en  recevoir  l'équivalent.  » 

S.  Ambr.  La  philosophie  divise  la  justice  en  trois  parties,  l'une  qui 
a  Dieu  pour  objet  et  qu'on  appelle  religion  ;  la  seconde,  qui  comprend 
les  devoirs  envers  les  parents  et  le  reste  du  genre  humain;  la  troisième, 
qui  s'étend  aux  morts,  et  nous  oblige  de  leur  rendre  convenablement 
les  derniers  devoirs.  Mais  Notre-Seigneur  Jésus-Christ ,  s'élevant  au- 
dessus  des  prescriptions  de  la  loi  et  des  oracles  des  prophètes ,  étend 
l'obligation  de  faire  du  bien  jusqu'à  ceux  qui  nous  ont  fait  tort  :  «  Pour 
vous,  aimez  vos  ennemis,  »  etc.  —  S.  Chrys.  (1)  En  agissant  ainsi, 
vous  ferez  beaucoup  plus  pour  vous  que  pour  eux-mêmes  ;  quant  à 
eux,  ils  ont  l'affection  de  leur  semblable ,  mais  pour  vous  ,  vous  de- 
venez semblable  à  Dieu.  Or,  c'est  un  acte  de  grande  puissance,  que  de 
combler  de  nos  bienfaits  ceux  qui  cherchent  à  nous  faire  du  mal , 
comme  Notre-Seigneur  nous  le  recommande;  car,  comme  l'eau  jetée 
sur  une  fournaise  ardente,  suffit  pour  l'éteindre,  tel  est  l'effet  de  la 
raison  jointe  à  la  douceur;  en  effet  l'humilité  et  la  douceur  sont  à  la 

(l)  Sermon  sur  la  charité,  vers  la  tin  pour  la  première  partie;  homél.  !)8  sui-  la  Genèse  pour  la 
seconde. 


etiam  inimicos  :  benefacientibus  etiam 
benefacere  commune  est  omnibus.  Os- 
tendit  autem  se  parum  plus  petere, 
quam  sit  moris  peccatorum  qui  benefa- 
ciunt  ainicis  :  unde  sequilur  :  «  Et  si 
benefecerilis  bis  qui  vobis  beuefaciunt, 
qufe  vobis  est  gratia?» 

Beu.  Non  solum  autem  dileclioncm 
vel  beneGcium  peccatorum  quasi  irilVuc- 
luosam  redarfîuit ,  sed  eliaui  muluuui  : 
undc  sequitur  :  «  Et  si  mutuuiii  dederi- 
tis  bis  a  quibus  spcralis  recipere  ,  quaï 
irratid  est  vobis  ?  »  Nam  et  peccalores 
peccaloribus  fenerantur  (id  est,  muluau- 
lur) ,  ut  recipiaiit  aiqualia. 

AMBn.  In  très  autem  partes  pbilosopbia 
sibi  videlur  divisisse  justitiaui  :  uuum  iii 


Deum,  quœ  pieias  vocatur;  alteram  in 
parentes,  vel  rebquum  genus  bumanuui  ; 
tertiain  in  mortuos  ,  ut  bis  exequiarum 
jura  solvantur.  At  l>ominus  Jésus  legis 
oraculum  ac  propbeliœ  fasligium  super- 
gressus,  in  eos  quoque  qui  Iseserunt, 
pietatis  porrexit  ofticium  cum  subdit  : 
«  Verumtamen  diiigile  inimicos  ves- 
tros,  »  etc.  Chrys.  {ttl  siip.)  In  (juo  plus 
tibi  quam  illi  confères  :  ille  eniin  dili- 
gitur  a  conserVo,  tu  vero  efficieris  simi- 
lis Uoo.  Est  autem  maximœ  virlulis, 
quaiido  iiocere  vuleiiles  beneficiis  com- 
plecliniur  :  unde  sei|uilur  :  «  Et  benefa- 
cile  :  »  sicut  enim  foruacem  succensam 
aqua  projecta  extingnit,  sic  etiam  ratio 
cuiu  lunitale.  Quod  enim  est  aqua  igui. 


320 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


colère,  ce  que  l'eau  est  au  feu,  et  de  môme  que  le  feu  ne  peut  éteindre 
le  feu,  ainsi  la  colère  ne  peut  apaiser  la  colère. 

S.  Grég.  de  Nysse.  (dise,  contre  les  usur.)  L'homme  doit  éviter 
cette  damnable  cupidité  qui  lui  fait  demander  à  l'indigent  un  produit 
de  l'or  ou  de  l'argent  qu'il  lui  prête  ,  et  exiger  les  fruits  d'un  métal 
stérile,  c'est  le  sens  de  cette  recommandation  :  «Prêtez  sans  en  espérer 
rien,  »  etc.  Celui  qui  traitera  de  vol  et  d'homicide  la  funeste  inven- 
tion de  l'usure,  ne  se  trompera  pas  ;  car  quelle  différence  entre  celui 
qui  perce  les  murs  pour  s'emparer  du  bien  qui  ne  lui  appartient  pas, 
et  celui  qui  s'approprie  le  gain  illicite  ,  produit  par  l'argent  qu'il  a 
prêté?  —  S.  Bas.  (1).  Dans  la  langue  grecque,  ce  genre  d'avarice  est 
justement  appelé  t6>coç,  enfantement ,  à  cause  de  sa  malheureuse  et 
coupable  fécondité.  En  effet,  ce  n'est  qu'avec  le  temps  que  les  ani- 
maux grandissent  et  se  reproduisent,  inais  à  peine  l'usure  a  pris 
naissance,  qu'elle  devient  féconde.  Les  animaux  les  plus  précoces  à  se 
reproduire,  cessent  aussi  plutôt  d'engendrer  ;  mais  l'argent  des  avares 
ne  fait  que  se  multiplier  d'années  en  années.  Les  animaux,  en  trans- 
mettant à  leurs  petits  la  faculté  d'engendrer,  cessent  eux-mêmes  d'en- 
gendrer, mais  l'argent  des  avares  produit  continuellement  de  nou- 
veaux fruits,  et  renouvelle  les  premiers.  Ne  vous  exposez  donc  point 
aux  mortelles  atteintes  de  ce  monstre  cruel.  Que  vous  servirait-il,  eu 
effet,  d'éviter  l'indigence  actuelle ,  si  elle  doit  revenir  bientôt  fondre 
sur  vous  ,  plus  grande  et  plus  écrasante  ?  Demandez-vous  comment 
vous  pourrez  rendre  ce  que  vous  empruntez  ;  comment  l'argent  pourra 
se  multiplier  assez  dans  vos  mains,  pour  qu'une  partie  vous  soulage 
de  votre  indigence,  qu'une  autre  représente  et  conserve  le  capital,  et 

(1)  Cette  citation  se  trouve  au  moins  en  termes  équivalents  dans  l'homélie  sur  le  Psaume  xiv, 
sur  ces  paroles  :  «  Qui  n'a  point  placé  son  argent  à  usure.  » 


hoc  est  irae  huuiililas  et  mausuetudo  ;  et 
sicut  non  extinguitur  ignis  per  ignem, 
sic  nec  ira  per  iram  mitigatur. 

Gbeg.  Nyss.  {Orat.  1  contra  usura- 
rios.)  Débet  autem  homo  vitare  daruno- 
sam  sollicitudinem ,  ne  quserat  ab  iuope 
diviliarum  augmenta  œris  et  auri;  nie- 
tallorurn  steriliiim  exigens  fructum  : 
unde  subdit  :  «  Et  niutuum  date  nihii 
Inde  sperantes,  »  etc.  Malignam  fœno- 
rurn  excogitationem  si  quis  appellet  fiir- 
tum  et  homicidium,  non  peccabit.  Nam 
quid  refert  suffosso  pariete  quamquam 
erepta  possidere,  ac  fœnorum  uecessitate 
possidere  illicita  ?  Basil,  («i  Cat.  Grœ- 
corum.)  Talis  autem  avaritiœ  modus 
tocos     merito    nuncupatur    in    Grœco, 


Toxoç,  a  pariendo,  propter  mali  fecundi- 
tatem.  Animalia  siquidem  tractu  tempo- 
ris  adolescunt  et  pariunt;  sed  fœnus 
statim  cum  oritur ,  iucipit  procreare. 
Animalia  quae  citius  pariuut ,  citius  a 
generatione  desislunt;  sed  nummus 
avarorum  cum  tempore  propagatur. 
Animalia  transfereutia  partum  ad  pro- 
prios  alumnos,  ipsa  parère  cessant;  ses 
autem  avarorum  et  superveuientia  pro- 
créât ,  et  prcBcedentia  rénovât.  Non 
attentes  igitur  mortiferam  belluam.  Quse 
namque  utiiitas,  si  cavetur  hodierna 
pauperies,  quœiteratoirruetaugmentata? 
Jam  meditare  unde  restituas.  Unde  in 
tanlum  muUiplicabitur  tibi  ceusus, 
ut  tuam  partim  relevet  egestatem ,  par- 


DE   SAINT   LUC,   CHAP.    VI, 


321 


qu'une  troisième  produise  l'intérêt.  Mais  me  direz-vous ,  comment 
faire  pour  vivre  ?  Travaillez  ,  mettez-vous  en  service  ,  mendiez  enfin 
s'il  le  faut,  tout  est  préférable  à  un  emprunt  usuraire.  Vous  me  direz 
encore  :  Qu'est-ce  que  le  prêt  sans  espérance  d'intérêt  ?  Méditez  la 
vertu  de  la  parole  divine ,  et  vous  admirerez  la  miséricorde  de  son 
auteur.  Lorsque  vous  donnez  au  pauvre  pour  l'amour  de  Dieu  ,  vous 
faites  à  la  fois  un  prêt  et  un  don  ;  un  don  ,  car  vous  n'espérez  point 
d'intérêt  ;  un  prêt ,  parce  que  la  bonté  de  Dieu  se  charge  de  vous 
rendre  ce  que  vous  donnez  au  pauvre ,  comme  le  Sauveur  vous  en 
assure  :  «  Car  votre  récompense  sera  grande.  »  Est-ce  que  vous  re- 
fuseriez d'avoir  le  Tout-Puissant  pour  caution  et  pour  débiteur?  Quoi  ! 
vous  acceptez  la  caution  d'un  homme  riche,  et  vous  refuseriez  la  cau- 
tion que  Dieu  vous  donne  pour  le  pauvre?  —  S.  Ghrys.  ijiom.  3  sur 
la  Genèse.)  Considérez  l'admirable  nature  du  prêt  :  L'un  reçoit,  et  c'est 
un  autre  qui  s'oblige  à  payer  ce  qu'il  doit,  c'est-à-dire  le  centuple  dans 
le  temps  présent,  et  après  cette  vie,  la  vie  éternelle. 

S.  Ambr.  Quelle  est  grande  la  récompense  de  la  miséricorde , 
puisqu'elle  nous  donne  droit  à  l'adoption  divine  :  «  Et  vous  serez  les 
enfants  du  Très-Haut.  »  Pratiquez  donc  la  miséricorde  ,  pour  mériter 
la  grâce  qui  lui  est  promise.  La  bonté  de  Dieu  s'étend  sur  tous  les 
hommes,  il  fait  tomber  la  pluie  sur  les  ingrats ,  la  terre  féconde  ne 
refuse  pas  ses  fruits  aux  méchants  :  «  Car  il  est  bon  aux  ingrats  et 
aux  méchants.  »  —  Bède.  Soit  qu'il  leur  donne  les  biens  temporels, 
soit  qu'il  inspire,  par  sa  grâce,  le  goût  des  biens  célestes. 

S.  Cyr.  (1).  Quelles  sont  donc  grandes  les  prérogatives  de  la  misé- 

(1)  On  trouve  quelque  chose  de  semblable  dans  les  homélies  U,  19  et  27;  parmi  celles  qui  ont 
pour  titre  :  Des  fêtes  pascales,  et  aussi  dans  le  Traité  de  l'adoration  en  esprit  et  en  vérité. 


tim  integret  capitale,  et  insuper  pariât 
l'œnus  ?  sed  ais  :  «  Qualiter  lîrgo  victum 
acquiram  ?  »  Labura,  servi,  tandem 
mendica?  unuuiquodfiue  tolerabilius  est 
fœnoris  mutuo.  Dicis  autem  ;  «  Quodiiam 
est  illud  mutuum  oui  spes  retribiUiouis 
non  hœret?  »  Considéra  virtuteui  ser- 
monis,  et  miraberis  pietatem  auctoris. 
Cum  daturus  es  pauperi  divinae  cliarita- 
tis  intuilii ,  idipsuiii  et  niuluum  est  et 
don  uni  :  doniim  quideui  ob  inspera- 
tani  retribulionem  ;  nmhium  ob  benefi- 
centiam  Douiini,  qui  vice  illius  reslituit: 
uiide  sequitur  :  «  Et  erit  nierces  vestra 
nmlta.  »  Nun  vis  oniiiipotenteni  tibi 
obligari  ad  restitutioiiem  ?  An  (lueni- 
quam  opulentorum  civiuni  si  fidejubeat, 
acceptas;  Deum  autem  pro  pauperibus 

TOM.   V. 


fidejubentem  répudias  ?  Chrys.  {hom. 
3,  in  Genesim  siib  finem.)  Attende  mu- 
tui  naturam  mirabilem  !  Alius  recipit, 
et  alius  obligat  se  pro  debitis;  ceulu- 
plurn  in  praesenti  reddens,  in  futuro 
vero  vitam  aeternam. 

Ambr.  Quanta  misericordia;  merces, 
qufc  in  jus  diviu;e  adoptiouis  asciscitur  : 
sequitur  enini  :  «  Et  eritislilii  Aitissimi.  » 
Sequere  igitur  misericordiaui,  ut  merea- 
ris  gratiam.  Late  palet  benignitas  Dei  ; 
super  iugratos  pluit;  nialis  fecunda  non 
negat  terra  proventus  :  unde  sequitur: 
■<  Quia  ipse  benignus  est  super  ingratos 
et  uialos.  »  Bed.  Vel  lemporalia  bona 
largiendo,  vel  cœlestia  dona  singulari 
gratia  inspirando. 

Cyril,  [in  Cat.  Gracorum  Patrum.) 

21 


322 


EXPLICATION   DE   l/ÉVANGILE 


ricorde  1  elle  nous  rend  semblables  à  Dieu ,  elle  imprime  dans  notre 
âme  comme  le  sceau  de  la  nature  divine  :  «  Soyez  donc  miséricor- 
dieux comme  votive  Père  céleste  est  miséricordieux,  »  etc. —  S.  Athan. 
{dise.  A  contre  les  Ariens.)  C'est-à-dire  que  la  considération  des  bien- 
faits qu'il  répand  sur  les  hommes  ,  doit  nous  porter  à  leur  faire  du 
bien,  non  point  en  vue  des  hommes,  mais  en  vue  de  Dieu  ,  afin  d'ob- 
tenir de  lui  seul ,  et  non  pas  des  hommes ,  la  récompense  de  nos 
œuvres  de  charité. 

f.  37,  38.  —  Ne  jugez  point,  et  vous  ne  serez  point  jugés  ;  ne  condamnez  point, 
et  vous  ne  serez  point  condamnés,  remettez,  et  il  vous  sera  remis.  Donnez,  et 
il  vous  sera  donné.  On  versera  dans  votre  sein  une  bonne  mesure  pressée  et 
remuée,  et  se  répandant  par  dessus  les  bords  ;  car  on  usera  pour  vous  de  la 
même  mesure  dont  vous  aurez  usé  pour  les  autres. 

S.  Ambr.  Notre-Seigneur  condamne  ensuite  le  jugement  téméraire, 
et  vous  défend  de  vous  rendre  les  juges  des  autres,  alors  que  votre 
conscience  vous  accuse  vous-même  ;  «  Ne  jugez  point.  »  —  S.  Ghrys. 
{CJi.  des  Pêr.  gr.)  Ne  jugez  pas  ceux  qui  sont  placés  au-dessus  de 
vous  ;  disciples,  ne  jugez  pas  vos  maîtres  ;  pécheurs,  ne  jugez  pas  ceux 
qui  sont  innocents;  contentez -vous  ,  sans  leur  faire  de  reproches,  de 
les  avertir  et  de  les  corriger  avec  charité.  Gardez- vous  aussi  de  juger 
dans  les  choses  incertaines  et  douteuses  qui  n'ont  pas  le  caractère  du 
mal,  où  qui  ne  sont  ni  graves  ni  défendues. —  S.  Cyr.  Notre- Seigneur 
veut  réprimer  ici  cette  détestable  passion  qui  domine  nos  âmes,  et  qui 
est  le  principe  et  l'origine  de  nos  superbes  mépris.  On  en  voit,  en 
effet,  un  grand  nombre  qui ,  au  lieu  de  s'observer  eux-mêmes  ,  et  de 
vivre  selon  les  prescriptions  de  la  loi  de  Dieu,  ne  s'occupent  qu'à  exa- 


Magnum  est  ergo  prœcouium  pietalis  ; 
reddit  enim  hœc  virtus  nos  Deo  confor- 
mes, et  quasi  qusedam  signa  sublimis 
naturae  nostris  iniprimit  animabus  : 
unde  sequitur  :  «  Estote  ergo  miséricor- 
des sicut  et  Pater  vester  cœlestis,  »  etc. 
Atha.  {Orat.  4,  contra  Arian.)  Ut  scili- 
cet  aspicieutes  bénéficia  ejus,  bona  quee 
facimus,  non  liominum,  sed  ejus  intuitu 
faciamus;  quatenus  a  Deo  non  ab  bomi- 
nibus  prœmia  consequamur. 

Nolite  judicare ,  et  non  judiçabimini ;  nolite  con- 
demnare ,  et  non  condemnabimini  ;  dimittite, 
et  dimiltemini.  Date,  et  dabitur  vobis.  Men- 
suram  bonam,  et  confertam,  et  coagitatam,  et 
supereffluentem  dabunt  in  sinum  vestrum  : 
eadem  quippe  mensura  quœ  mensi  fueritis,  re- 
mptietur  vobis. 
Ambr.   Addidit  Domimis  non   temere 


judicandum  ;  ne  tui  cum  sis  conscius 
ipse  delicti  in  alterum  cogaris  ferre  sen- 
tentiam  :  unde  dicit  :  «  Nolite  judicare.  » 
CiiRYS.  {in  Cat.  Grœcorum  Patrum.) 
Non  judices  praecedentes  te,  id  est,  dis- 
cipulus  magistrum  ;  peccator  innocen- 
tem  ;  quos  non  oporlet  increpare,  sed 
monere,  et  ebaritative  corrigere;  nec 
etiam  judicandum  est  in  incertis  et  qua- 
libuscunque,  quee  nec  similitudinem 
babent  peccati;  aut  quae  non  suut  gra- 
via,  sive  probibita.  Cyril,  (in  Cat.  Grœ- 
corum.) Sedat  ergo  liic  pessimam  pas- 
sionem  nostrarum  conscieutiarum  vel 
mentium,  quœ  superbi  contemptus  prin- 
cipium  est  et  origo;  quamvis  enim  de- 
ceat  aiiquos  se  circumspicere  et  secun- 
dum  Deum  coaversari,  hoc  non  faciunt, 
sed  examinant   abena  :    et  ut  videaut 


DE   SAINT    LUC,    CHAP.    VI.  323 

miner  la  conduite  des  autres  ;  et  dès  qu'ils  y  surprennent  quelques 
faiblesses,  oubliant  leurs  propres  passions,  ils  en  font  le  sujet  de  leurs 
conversations  malignes.  —  S.  Chrys.  [lettre  à  Démet ^  A  peine  trou- 
verez-vous  un  seul  homme  (père  de  famille  ou  vivant  dans  le  cloître), 
qui  soit  exempt  de  ce  défaut  ;  cependant ,  ce  sont  là  autant  de  tenta- 
tions dangereuses  du  démon  ;  car  celui  qui  juge  sévèrement  les  fautes 
d'autrui ,  n'obtiendra  jamais  le  pardon  de  ses  propres  fautes  :  «  Ne 
jugez  pas,  et  vous  ne  serez  pas  jugés.  »  En  effet,  celui  qui  est  doux  et- 
miséricordieux  pour  les  autres,  a  beaucoup  moins  à  craindre  pour  ses 
péchés;  mais  celui  qui  est  dur  et  sévère  pour  ses  frères,  ajoute  à  ses 
propres  crimes.  —  S.  Geég.  de  Nysse.  Ne  vous  hâtez  donc  pas  de 
juger  rigoureusement  vos  serviteurs,  si  vous  ne  voulez  être  traités  de 
même  ;  car  par  ce  jugement  sévère  vous  vous  attirez  une  condamna- 
tion plus  rigoureuse  :  «  Ne  condamnez  pas ,  et  vous  ne  serez  pas  con- 
damnés. »  Notre -Seigneur  ne  défend  donc  pas  le  jugement  accom- 
pagné de  clémence  et  suivi  du  pardon.  —  Bède.  Le  Sauveur  résume 
ensuite,  dans  une  courte  sentence,  tous  les  commandements  qu'il  avait 
faits  sur  les  rapports  que  nous  devons  avoir  avec  nos  ennemis  :  «  Par- 
donnez, et  il  vous  sera  pardonné,  »  etc.  C'est-à-dire  qu'il  nous  ordonne 
de  pardonner  les  injures ,  et  de  répandre  des  bienfaits  sur  nos  enne- 
mis, si  nous  voulons  obtenir  le  pardon  de  nos  péchés  ,  et  la  vie  éter- 
nelle pour  récompense. 

S.  Cyr.  Il  nous  montre  ensuite  avec  quelle  munificence,  avec  quelle 
libéralité  nous  serons  récompensés  par  le  Dieu  qui  donne  avec  largesse 
à  ceux  qui  l'aiment  :  «  Us  verseront  dans  votre  sein  une  bonne  me- 
sure ,  pressée  et  remuée ,  et  se  répandant  par  dessus  les  bords.  »  — 
TnÉOPHYL.  C'est-à-dire  :  De  même  que  pour  mesurer  largement  une 


aliijiios  iiiiirniari .  Ijiiii[uani  propriaruin 
passiunum  obliti  faciunt  hoc  delracLiouis 
maleriam.  Cnavs.  [in  C'at.  Grœcorum 
Patrum,  ex  Epist.  ejus  ad  Demetrium.) 
Nec  facile  repcries  quemfiuaiu  (necjue 
palremfaiiiilias  nequo  claustialem)  ex- 
pertem  huju=  erroris;  suul  autcni  et  lise 
diabolice  lenlalionis  iiisidiai  :  nam  qui 
severe  disculit  aliéna,  nuaquain  proprio- 
rum  ri-aluum  luerobitnr  vcniain  :  unde 
seqiiitur  :  «  VA  non  judical)iniini  :  »  sicut 
euiiu  pins  et  tnilis  reprimil  peccalorum 
tiniurein ,  sic  severiis  et  dirus  adjicit 
criiuiuibus  propriis.  Grkg.  Nyss.  [in 
Cat.  Grœcorum.)  Non  igitur  cuni  acri- 
moniaprfecipitetis  in  servos  sententiaiu, 
ne  siniilia  patiauiiui  :  vocat  euiui  judi- 
cium  asperiorein  dauiuationem  :  unde 


ricquitur  :  «  Nulite  condemnare,  ot  non 
coudemnabimiui.  »  Non  eninj  judiciiuu 
ciun  venia  probibet.  Bed.  Brevi  aiilem 
senteutia  cuucta  quae  de  conversando 
cum  inimicis  lùandaverat ,  comprdieu- 
dendo  concludit,  dicens  :  «  Dimittite,  et 
dimittemini,  »  etc.  Ubi  diniitlere  nos 
injurias,  et  dare  bénéficia  jubet,  ut  et 
nobis  peccata  dimittantur,  et  vita  de- 
tur  ajterna. 

Cyril,  {in  Cat.  Grœcorum  Patrum.) 
Quod  aut';m  auapliori  niaau  teconqieu- 
saliouein  accipiemus  a  Uco  qui  lar^nllue 
douât  diligentibus  euni ,  ostendit  sub- 
dens  :  «  Meusuram  bonam  ,  (!t  coufer  ■ 
taui ,  et  coasitaLain  ,  et  supereflluentem 
dabuut  in  sinum  vestrum.  »  Tueopuyl. 
Quasi  dicat  :  Sicut  si  farinam  sine  par- 


s-u 


EXPLICATION    Dl-:    I-  KVAN(ilLE 


mesure  de  farine ,  vous  la  pressez  ,  vous  l'agitez  ,  et  vous  en  versez 
jusqu'à  la  faire  déborder  ;  de  même  le  Seigneur  versera  dans  votre 
sein  une  mesure  abondante,  et  qui,  pour  ainsi  dire ,  se  répandra  par 
dessus  les  bords.  —  S.  Aug.  {Quest.  évang.,  ii,  8.)  Il  dit  ;  «  Ils  verse- 
ront, »  car  ils  recevront  la  récompense  céleste  par  les  mérites  de  ceux 
auxquels  ils  auront  donné,  ne  fût-ce  qu'un  verre  d'eau  froide,  parce 
qu'ils  étaient  disciples  de  Jésus- Christ.  {Matth.^  x,  42.) 

«  On  usera  pour  vous  de  la  même  mesure  dont  vous  aurez  usé  pour 
les  autres,  »  etc.  —  S.  Bas.  La  mesure  dont  chacun  de  vous  se  sert 
dans  le  bien  qu'il  opère,  comme  dans  le  mal  qu'il  commet ,  sera  aussi 
la  mesure  des  récompenses  ou  des  châtiments  qu'il  recevra. —  Théophyl. 
Mais  peut-être  nous  fera-t-on  cette  question  tant  soit  peu  subtile  :  Si  la 
récompense  est  si  abondante ,  comment  peut-on  dire  qu'elle  est  égale 
à  la  mesure  dont  nous  nous  sommes  servi  ?  Nous  répondons  que 
Notre-Seigneur  ne  dit  point  :  Il  vous  sera  donné  dans  une  mesure 
égale  eu  quantité,  mais  :  «  Dans  la  même  mesure.  »  Vous  avez  bien 
agi,  on  agira  bien  à  votre  égard,  ce  qui  est  rendre  la  même  mesure  ; 
mais  Notre-Seigneur  dit  que  cette  mesure  sera  surabondante  ,  parce 
qu'il  rendra  mille  fois  plus  de  bien  qu'on  en  a  fait.  Il  en  est  de  même 
pour  le  jugement  ;  celui  qui  juge,  et  qui  est  ensuite  jugé  ,  reçoit  dans 
la  même  mesure,  mais  il  sera  jugé  plus  sévèrement  qu'il  n'a  jugé  lui- 
même  son  semblable;  eu  cela  la  mesure  est  surabondante.  — S.  Cyr. 
L'Apôtre  résoud  cette  difficulté,  lorsqu'il  dit  :  «  Celui  qui  sème  peu 
(c'est-à-dire  en  petite  quantité  et  d'une  main  avare),  moissonnera  peu 
(c'est-à-dire  une  moisson  peu  abondante)  ;  et  celui  qui  sème  dans  les 
bénédictions,  moissonnera  aussi  dans  les  bénédictions  (c'est-à-dire 
avec  abondance.)  »  (II  Corinth.,  ix,  6.)  Si  on  ne  possède  rien,  on  n'est 


citate  mensurare  velles,  confercires 
eam ,  coagitares  et  supereffuiideres 
abunde;  sicDomimis  nieiisuram  magnam 
et  superefllueatein  dabit  iu  sinuni  ves- 
trum.  Aug.  {de  Qiiast.  Evang.,  lib.  ii, 
q.  8.)  Dicit  auteiii,  dabimt  ;  quia  per 
illorùin  mérita  quibus  vel  calicem  aqute 
frigidte  iii  noniine  discipuli  dederuut, 
mercedem  cœlesLeui  recipere  inerebun- 
tur. 

Sequitur  :  <<  Eadeiu  quippe  niensura 
qua  inensi  fueritis  .  reiuelietur  vobis,» 
etc.  Basil,  {iv.  Cut.  Grœcorum.)  Qua 
euim  mensiira  uuusquisque  vestrum 
mensurat  in  bene  opérande,  aut  pec- 
cando,  eadeni  vel  praBmia  vel  pœnas 
feret.  Théophyl.  Interrogabit  auteui  for- 
tassis  aliquis  subtilius  :  «  Si  enim  super- 
eftluenter  redditur,  quoniodo  eadem  est 


mensura  ?  »  Ad  quod  dicimus,  quod 
non  dixit  :  «  In  tauta  uieusura  remetie- 
tur  vobis,  »  sed,  «  in  eadem.  »  Qui  enim 
bene  fecit ,  beuefiet  ei  ;  quod  est  reme- 
tiri  eadem  mensura  :  sed  «  supereffluen- 
tem  mensuram  »  dicit,  quia  millies  be- 
nefiet  ei  :  sic  et  in  judicando  :  qui  enim 
judicat,  et  deiude  judicatur,  accipit 
eamdem  mensuram  :  secundum  vero 
quod  ad  plus  dijudicabatur ,  quia  sibi 
similem  judicavit,  secundum  lioc  super- 
effluens  est  mensura.  Cyril.  (;ubi  supra.) 
Hoc  autem  solvit  Apostolus ,  diceus 
(II  Cor.,  9)  :  «  Qui  parce  seminat  (hoc 
est,  modice  et  manu  tenaci)  ,  parce  et 
metet  (hoc  est ,  non  copiose) ,  et  qui 
seminat  in  benedictionibus,  in  benedic- 
tionibus  et  metet,  »  hoc  est,  copiose.  Si 
quis  autem  non  liabet,   si  non  facial. 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    VI. 


325 


pas  coupable  en  ne  donnant  point  ;  car  Dieu  nous  tient  compte  des 
biens  que  nous  avons,  et  non  de  ceux  qui  ne  sont  pas  en  notre  posses- 
sion. 

f.  39-42.  —  Il  leur  faisait  aussi  cette  comparaison  :  Un  aveugle  peut-il  con- 
duire un  autre  aveugle  ?  Ne  tomberont -ils  pas  tous  deux  dans  le  précipice?  Le 
disciple  n'est  point  au  dessus  du  maître,  mais  tout  disciple  sera  parfait  s'il  est 
comme  son  maître.  Pourquoi  voyez-vous  une  paille  dans  l'œil  de  votre  frère, 
et  ne  voyez-vous  pas  une  poutre  dans  le  vôtre?  Ou  comment  pouvez-vous  dire 
à  votre  frère  :  Mon  frère  laisssez-moi  ôter  cette  paille  de  votre  œil,  vous  qui 
ne  voyez  pas  une  poutre  dans  le  vôtre  ?  Hypocrites,  ôtez  d'abord  In  poutre  de 
votre  œil,  et  vous  verrez  alors  à  ôter  la  paille  de  l'œil  de  votre  frère. 

S.  Gtr.  Notre- Seigneur  ajoute  aux  enseignements  qui  précèdent  une 
parabole  bien  nécessaire  :  «  Il  leur  faisait  aussi  cette  comparaison.  » 
En  effet,  ses  disciples  étaient  appelés  à  devenir  les  docteurs  du  monde  ; 
ils  devaient  donc  connaître  toutes  les  règles  d'une  vie  sainte,  et  ré- 
pandre les  clartés  d'une  lumière  toute  divine,  pour  éviter  d'être  des 
aveugles  servant  de  guide  à  d'autres  aveugles.  Il  leur  dit  donc  :  «  Un 
aveugle  peut-il  conduire  un  autre  aveugle?  »  S'il  arrive  à  quel(|ues- 
uns  d'atteindre  au  même  degré  de  vertu  que  ceux  qui  les  enseignent, 
qu'ils  se  contentent  de  cette  mesure  ,  et  marchent  toujours  sur  les 
traces  de  leurs  maîtres;  car,  dit  Notre-Seigneur  :  «  Le  disciple  n'est 
pas  au-dessus  du  maître.  »  Aussi  saint  Paul  dit  aux  Pliilippiens  : 
«  Soyez  mes  imitateurs,  comme  je  le  suis  de  Jésus-Christ.»  {Philip.,  m.) 
Pourcjuoi  donc  voulez-vous  juger  les  autres,  alors  que  Jésus-Christ  ne 
juge  i)as?  Car  il  n'est  pas  venu  pour  juger  le  monde,  mais  pour  le 
sauver.  {Jean,  m.)  —  Théophyl.  Ou  encore,  si  vous  jugez  les  autres, 
et  que  vous  soyez  coupable  des  mêmes  fautes,  ne  ressemblez-vous  pas 


non  delinquit  :  in   eo  euim   qiiod  habet 
acceptatur,  non  in  eo  que  caret. 

Dicebat  antem  illis  et  simUiludmem  :  nunquid 
polest  cœcua  cœcum  ducere  ?  Nonne  amho  in 
foveani  cadunt  ?  Non  est  discipulus  super  ma- 
gistrum  :  perfectus  autem  omnis  erit  si  sit 
sicut  magister  ejus.  Qiiid  autem  vides  festu- 
cam  in  oiulo  fralris  tui,  trabem  autem  quœ 
in  oculo  tuo  est,  non  considéras?  Aut  quo- 
modo  pôles  dicere  fratri  tuo  :  Frater,  sine 
ejiciam  festucam  de  oculo  tuo;  et  ipse  in  oculo 
tuo  trabem  non  vides  ?  Hypocrita,  ejice  pri- 
mum  trabem  de  oculo  tuo,  et  tune  perspicies 
ut  eduras  festucam  de  oculo  /ratris  tui. 

Cyril,  (m  Cot.  Grwcoruni  Potrum.) 
Addidil  Uominus  praediclis  parabolani 
valde  necessariam  :  unde  dicitur  :  «  Di- 
cebat  aulem    illis   et  similitudinein  :  » 


eraut  enini  ejus  discipuli  futur!  mundi 
doctores  ;  unde  decebat  eos  scire  viani 
couversationis  lionest». ,  quasi  illustra- 
tam  menteni  habeutes  divino  fulgore, 
ne  cteci  caecos  ducerent  :  et  ideo  sub- 
dit  :  «  Nunquid  potest  caecus  cœcuni 
ducere?»  At  si  contingat  aliquos  hoc 
altingere  ,  ut  œqualem  virtutem  docen- 
tium  virtuti  possideant,  sislant  in  men- 
sura  (locentium  ,  et  illoruni  seiiuantur 
vesligia  :  unde  sequitur  :  «  Non  est  dis- 
cipulus super  magistrum  :  »  unde  et 
Paulus  dicit  (crr/  Philip.,  3)  :  «  Imitato- 
res  luei  estote  ,  sicut  et  ego  Cbristi.  » 
Christo  ergo  non  judicante  cur  tu  judi- 
cas  ?  Neque  enim  venit  judicare  niun- 
dura,  sed  misereri.  Theophylact.  Vel 
aliter  :  si  tu  alium  judicas ,  et  ipse  in 


326 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


à  l'aveugle  qui  conduit  un  autre  aveugle?  Gomment  le  conduirez- 
vous  au  bien,  alors  que  vous  suivez  la  voie  du  mal  ?  Le  disciple  n'est 
point  au-dessus  du  maître.  Si  donc  vous  ne  savez  éviter  le  péché,  vous 
qui  vous  décernez  le  titre  de  maître  et  de  conducteur,  que  deviendra 
celui  qui  devient  votre  disciple  et  se  place  sous  votre  conduite?  Car 
tout  disciple  sera  parfait,  s'il  est  comme  son  maître.  —  Bède.  Ou  bien 
le  sens  de  ces  paroles  dépend  des  enseignements  qui  précèdent,  où 
Notre-Seigneur  recommande  de  donner  l'aumône  et  de  pardonner  les 
injures.  Si  vous  vous  laissez  aveugler  par  la  colère  contre  celui  qui 
vous  fait  violence,  et  par  l'avarice  à  l'égard  de  celui  qui  vous  demande 
du  secours,  comment,  dans  cette  disposition  coupable  de  votre  âme, 
pourrez-vous  les  guérir  de  leurs  propres  vices?  Voyez  Jésus-Christ, 
notre  Maître  ;  il  était  Dieu,  il  pouvait  venger  les  injures  qui  lui  étaient 
faites,  et  cependant  il  a  préféré  adoucir  la  fureur  de  ses  ennemis  en 
les  supportant  avec  patience  ;  n'est-il  donc  pas  nécessaire  que  ses  dis- 
ciples, qui  ne  sont  que  des  hommes  ,  suivent  la  même  règle  de  per- 
fection. —  S.  AuCt.  {Quest.  évang.,  ii,  9.)  Ou  bien  encore ,  Notre- 
Seigneur,  par  ces  paroles  :  «  Est-ce  qu'un  aveugle  peut  conduire  un 
autre  aveugle  ?  »  veut  leur  ôter  l'espoir  de  recevoir  des  lévites  cette 
mesure  dont  il  a  dit  :  «  Ils  verseront  dans  votre  sein,  »  etc.  En  effet, 
ils  payaient  les  décimes  à  ceux  que  le  Sauveur  appelle  des  aveugles, 
parce  qu'ils  ne  recevaient  pas  l'Evangile.  Il  veut  donc  que  le  peuple 
commence  à  attendre  cette  récompense  des  disciples  du  Seigneur, 
qu'il  déclare  être  ses  imitateurs  en  disant  :  «  Le  disciple  n'est  point 
au-dessus  du  maître.  » 

Théophyl.  Le  Seigneur  ajoute  une  autre  parabole  qui  a  le  même 
objet  :  «  Pourquoi  voyez-vous  une  paille  (c'est-à-dire  une  faute  légère 


eisdem  peccas,  nonne  assimilaris  cseco 
caecum  dncenti  ?  Quomodo  enim  ille  a 
te  ducetnr  ad  bonimi,  cum  et  tu  pecces? 
Non  est  enim  discipuliis  super  magis- 
trum.  Si  igitur  tu  peccas  qui  te  magis- 
truui  et  ductorera  putas,  ubi  erit  qui  a 
te  disciplinatur  et  ducitur?  Perfectus 
eniui  erit  discipulus,  si  sit  sicut  niagister 
ejus.  Bed.  Vel  sensus  hujus  sententite 
pendet  ex  superioribus,  ubi  danda  elee- 
mosyna  et  injuria  dimittenda  prajcipi- 
ttir.  Si  te,  inquit  ,  ira  contra  violen- 
tuni,  et  contra  petenLem  avaritia  c£e- 
caverit,  nunquid  tua  mente  vitiata ,  vi- 
tium  ejus  curare  poteris?  Si  etiam  ma- 
gister  Christus  qui  quasi  Deus  potuit 
suas  ulcisci  injurias,  maluit  persecuto- 
res  patiendo  reddere  mitiores ,  eamdem 


necesse  est  de  discipulis  qui  puri  homi- 
nes  sunt,  regulam  perfectionis  sequan- 
tur.  AuG.  {de  Qussf.  Evang.,  lib.  ii, 
q.  9.)  Vel  quod  dicit,  «nunquid  potest 
caecus  ctecum  ducere?  »  ideo  subjunxit, 
ut  non  sperarent  a  levitis  se  accepturos 
mensuram  illam,  de  qua  dicit  :  «  Dabunt 
in  sinum  vestrum;»  quoniam  décimas 
dabant  eis  quos  ccbcos  dicit,  quia  Evan- 
gelium  non  tenerent  ;  ut  illam  remune- 
rationem  per  discipulos  Domini  potius 
plebs  inciperet  jam  sperare  ,  quos  imi- 
tatores  suos  voleus  ostendere  addidit  : 
«  Non  est  discipulus  super  magistrum.  » 
Theophylact.  Inducit  autem  Dominus 
et  aliam  parabolam  de  eodem  subdens  : 
«  Quid  autem  vides  festucam  (id  est, 
modicum  criminis)  in  oculo  fratris  tui  ? 


DE   SAINT    LUC,    CHAI'.    VI.  327 

dans  l'œil  de  votre  frère)  ,  tandis  que  vous  n'apercevez  pas  la  poutre, 
(c'est-à-dire  les  fautes  énormes)  qui  sont  dans  votre  œil?  »  —  Bède. 
Cette  comparaison  fait  suite  à  la  précédente  ,  où  le  Sauveur  nous  dé- 
clare qu'un  aveugle  ne  peut  servir  de  guide  à  un  autre  aveugle, 
(c'est-à-dire  qu'un  pécheur  ne  peut  être  repris  par  un  autre  pécheur)  ; 
Notre-Seigneur  ajoute  donc  :  «  Gomment  pouvez-vous  dire  à  votre 
frère  :  Mon  frère,  laissez-moi  ôter  la  paille  de  votre  œil ,  vous  qui  ne 
voyez  pas  la  poutre  qui  est  dans  le  vôtre  ?  »  —  S.  Cyr.  C'est-à-dire  : 
Comment  celui  dont  la  conscience  est  chargée  de  crimes  énormes 
(figurés  par  la  poutre)  peut-il  condamner  celui  qui  n'en  a  que  de  lé- 
gers, ou  même  qui  n'en  a  aucun  à  se  reprocher  ?  car  c'est  ce  que  la 
paille  signifie.  —  Théophyl.  Cette  leçon  s'adresse  à  tous,  mais  surtout 
aux  docteurs  qui  punissent  sévèrement ,  dans  leurs  disciples ,  les 
moindres  fautes ,  tout  en  s'accordant  le  bénéfice  de  l'impunité  pour 
les  plus  grandes;  c'est  ce  qui  leur  attire  de  la  part  du  Seigneur  le 
reproche  d'hypocrisie,  parce  qu'ils  jugent  sévèrement  les  péchés  d'au- 
trui  pour  faire  ressortir  leur  propre  justice  :  «  Hypocrites,  ôtez  d'abord 
la  poutre  de  votre  œil ,  »  etc.  —  S.  Cyr.  C'est-à-dire  purifiez-vous 
d'abord  de  ces  crimes  énormes  qui  souillent  votre  conscience,  et  alors 
vous  pourrez  vous  montrer  zélé  pour  corriger  votre  fi'ère  de  ses  fautes 
légères.  —  S.  Bas.  (^om.  9  sur  l'Hexam.)  La  connaissance  de  soi- 
même  est  en  efi'et  de  la  dernière  importance  ;  l'œil  qui  considère  les 
choses  extérieures,  ne  peut  voir  ce  qui  se  passe  en  lui-même  ;  ainsi 
en  est-il  de  notre  esprit,  lorsqu'il  est  prompt  à  juger  les  péchés  d'au- 
trui,  il  devient  lent  à  découvrir  ses  propres  défauts. 

y.  43-45.  —  L'arbre  qui  produit  de. mauvais  fruits,  n'est  pas  bon,  et  l'arbre  qui 


Trabem  autem  quae  in  oculo  tuo  est  (id 
est,  peccatuai  tuum  maximum)  non 
considéras?  »  Bed.  Hoc  autem  ad  supc- 
riorem  sensum  respicit,  ubi  cœcum  a 
caico  duci  (id  est,  peccantem  a  pecca- 
toro  castigari)  non  posse  prœmonuit  : 
uude  dicitur  :  «  Aut  ({uoniodo  potes  di- 
cere  frutri  tuo  :  Frater,  sine  ojiciam 
l'eslucaui  de  oculo  tuo,  et  ipse  in  oculo 
luo  Irabcm  non  vides?  »  Cyril.  (ul)l 
Slip.)  Quasi  diceret  :  Qui  gravibus  ob- 
noxius  est  peccatis  (quie  trabem  vocal) 
qualiler  damnai  eum  qui  pauca  vel 
quaudoiiue  nil  mali  commisil?  Ilocenim 
festuca  sif^nificat.  Théophyl.  Couvenit 
autem  boc  omnibus  et  maxime  doctori- 
bus,  qui  subditorum  cum  niinima  pec- 
cata   puniaul,    propria   impunita  rtliu- 


quunt;  propter  hoc  eos  Dominas  hypo- 
cri/«s  vocal;  quod  ex  hoc  aliorumpeccata 
judicanl,  utjusti  videantur  :  unde  sequi- 
tur  :  «  Hypocrita,  ejicc  primum  trabem 
de  oculo  tuo,  »  etc.  Cyril,  {iibi  supra.) 
Vidclicel  teipsum  primum  muudum  os- 
lendas  a  magnis  peccatis  ;  consequen- 
ter  consules  proximo  modica  coiumit- 
tenli.  Uasil.  [Iiom.  9,  in  Hcxameron.) 
Vidctur  onim  rêvera  cognilio  sui  ipsius 
gravissimum  omnium  :  nequc  euim  so- 
ins oculuscxteriora  vidons,  super  se  visu 
nun  utitur  ;  sed  et  ipse  nosler  inlellectus 
cum  alienum  velociter  coujectat  pecca- 
tum,  lentus  est  erga  propriorum  percep- 
tionem  defectuum. 

Non  est  enim  arbor  bona  quœ  facil  fructu^  ma- 


328 


EXPLICAIION   DE   T-KVAIVGILK 


produit  de  mauvais  fruits  n'est  pas  mauvais  ;  car  chaque  arbre  se  connaît  par 
son  fruit.  On  ne  cueille  point  de  figues  sur  des  épines;  on  ne  vendange  point 
de  raisins  sur  des  ronces.  L'homme  bon  tire  le  bien  du  bon  trésor  de  son  cœur  ; 
et,  de  son  mauvais  trésor,  l'homme  mauvais  tire  le  mal  ;  car  la  bouche  parle 
de  l'abondance  du  cœur. 

BEDE.  Notre-Seigneur  continue  à  parler  ici  contre  les  hypocrites  : 
a  L'arbre  qui  produit  de  mauvais  fruits,  n'est  pas  bon,  »  etc.;  paroles 
dont  voici  le  sens  :  Si  vous  voulez  avoir  une  vertu  véritable  et  sin- 
cère, montrez-vous  dans  les  œuvres  ce  que  vous  êtes  en  paroles  ;  car 
l'hypocrite  qui  se  couvre  du  masque  de  la  vertu ,  n'est  cependant  pas 
vertueux,  s'il  fait  le  mal;ets'ilosereprendreuuinnocent,  ses  reproches 
ne  le  rendent  pas  pour  cela  mauvais,  puisqu'il  fait  le  bien.  —  Tite 
DE  BosT.  Que  ces  paroles  ne  favorisent  point  votre  négligence ,  un 
arbre  est  soumis  aux  lois  qui  régissent  la  nature  végétale  ;  pour  vous, 
au  contraire,  vous  avez  l'usage  de  votre  libre  arbitre  ;  tout  arbre  sté- 
rile a  été  créé  pour  une  fin  particulière;  pour  vous,  vous  avez  été  créé 
pour  pratiquer  la  vertu.  —  S.  Isid.  {Liv.  iv,  lettre  81 .)  Ce  n'est  point 
le  repentir,  mais  la  persévérance  dans  le  mal,  que  le  Sauveur  condamne 
par  ces  paroles;  tant  que  la  disposition  de  l'âme  reste  mauvaise,  elle 
ne  peut  produire  de  bons  fruits  ;  mais  si  elle  se  tourne  du  côté  du 
bien,  alors  elle  produit  des  fruits  de  vertu.  La  nature  de  l'arbre  s'ap- 
pelle en  nous  l'afifection,  aussi  elle  peut  ce  qui  est  impossible  à  un 
arbre  mauvais,  c'est-à-dire  produire  de  bons  fruits. 

S.  Chrys.  {hom.  A3  sur  S.  Matth.)  Quoique  le  fruit  naisse  de  l'arbre, 
il  le  fait  néanmoins  connaître,  en  ce  sens,  que  la  nature^  l'espèce  d'un 
arbre  se  distinguent  par  ses  fruits.  —  S.   Cyr.   Ainsi  la  vie  de  tout 


los,  neque  arbor  mala  faciens  fructum  bonum  : 
unaqnœque  enim  arbor  de  fructu  suo  cognos- 
citur  :  neque  enim  de  spinis  colliguyit  ficus; 
neque  de  rubo  vindemiant  uvam.  Bonus  homo 
de  bono  thesauro  cordis  sui  proferl  bonum;  et 
malus  homo  de  malo  thesauro  profert  malum: 
ex  abundantia  enim  cordis  os  loquitur. 

Bed.  Contra  hypocritam  qu<B  cœperat 
Domiuus,  exequituFj  dicens:  «Nouenim 
arbor  bona ,  quae  facit  fructus  mâ- 
les, »  etc.  Quasi  dicat  :  Si  veram  et  non 
ficlam  vis  habere  justitiain,  quae  verbis 
ostentas,  etiam  fado  compensa;  quia  si 
se  bonum  fiugat  hypoL-rila,  non  est  bonus 
qui  facit  opéra  mala  ;  et  si  reprehendat 
insontem,  non  idée  lualus  est  qui  facit 
opéra  boua.  TiTLS  BoSTRKNSis.  Eloc  au- 
leiii  audieuSj  non  suuias  Inde  libi  favo- 
rem   inerliae  :    naluraliter    enim    arbor 


movetur,  tu  vero  libero  arbitrio  fun- 
geris  ;  et  omnis  arbor  sterilis  ad  ali- 
quid  ordinata  est,  tu  vero  factus  est 
ad  opéra  virtutum.  IsiDORL's  abbas. 
{in  Catana  Grwcorum.)  Non  ergo  pœ- 
nitentiam ,  sed  pertinaciam  mali  ex- 
cludit  :  cum  enim  mala  sil,  non  potest 
fructus  bouos  producere  ;  in  virtutem 
vero  conversa,  fructiiicabit.  Quod  au- 
tem  est  arboris  natura,  boc  est  nobis 
affectio  :  et  si  ergo  arbor  mala  non  po- 
test fructum  bonum  producere,  poterit 
tameu. 

Chrys.  [hom.  43,  in  Matth.)  Quam- 
vis  autem  fructus  causelur  ex  arbore, 
facit  tamen  nolitiam  arboris  ;  eo  quod 
arboris  disiiuctio  per  fructum  apparct  : 
unde  sequitur:  «  Unaqueeque  enim  ar- 
bor de  fructu  suo  coguoscitur.  »   Cyril. 


DE   SAINT   LUC.    CHAP.    VI. 


329 


homme  est  l'expression  véritable  de  ses  mœurs,  car  ce  n'est  point  aux 
ornements  extérieurs,  aux  dehors  d'une  feinte  humilité  qu'on  recon- 
naît l'éclat  du  ATai  bonheur,  mais  par  les  œuvres  que  chacun  opère  ; 
vérité  que  le  Sauveur  confirme  par  ces  paroles  :  «  On  ne  cueille  point 
de  figues  sur  des  épines.  »  —  S.  Ambr.  Ce  n'est  point  parmi  les  épines 
de  ce  monde  qu'on  peut  trouver  ce  figuier  qui  est  l'image  de  la  ré- 
surrection, parce  que  les  seconds  fruits  en  sont  meilleurs  que  les  pre- 
miers ,  ou  encore,  parce  que,  selon  ces  paroles  du  livre  des  Can- 
tiques (n)  :  a  Les  figuiers  ont  donné  leurs  premières  figues,  »  les 
fruits  qu'ils  ont  donnés  au  temps  de  la  synagogue,  n'étaient  ni  mûrs, 
ni  durables,  ni  utiles;  ou  bien  encore,  parce  que  notre  vie  ne  parvient 
pas  à  sa  maturité  dans  ce  corps  mortel,  mais  seulement  dans  sa  ré- 
surrection. Nous  devons  donc  rejeter  loin  de  nous  les  sollicitudes  de 
la  terre  qui  déchirent  l'âme  et  consument  l'esprit,  afin  d'obtenir  par 
nos  soins  assidus  des  fruits  d'une  maturité  parfaite.  Ainsi  ces  paroles 
se  rapportent  à  la  vie  présente  et  à  la  résurrection,  et  les  suivantes 
à  l'âme  et  au  corps.  «  On  ne  vendange  point  de  raisin  sur  des 
ronces,  »  c'est-à-dire,  que  le  péché  ne  peut  faire  produire  aucun 
fruit  à  l'âme  qui,  semblable  au  raisin,  se  corrompt  si  elle  est  trop 
près  de  la  terre,  et  ne  peut  mûrir  que  dans  les  hauteurs;  ou  bien  que 
personne  ne  peut  échapper  à  la  damnation  de  la  chair,  s'il  n'est  ra- 
cheté par  Jésus-Christ,  (jui,  comme  le  raisin,  a  été  suspendu  sur  le 
bois.  —  Bède.  Ou  bien  encore,  les  épines  et  les  ronces  signifient  les 
soucis  du  siècle  et  les  atteintes  perçantes  des  vices ,  tandis  que  les 
figues  et  le  raisin  représentent  les  douceurs  de  la  vie  nouvelle  et  l'ar- 
deur de  la  charité.  Or,  on  ne  cueille  point  de  figues  sur  les  épines,  ni 
de  raisin  sur  les  ronces,  parce  que  l'âme  qui  est  encore  courbée  sous 


(in  Cat.  Grxconim  Patrum.)  Sed  et 
vita  ujorum  uniuscujusque  erit  signifi- 
cativa  :  iieque  enim  extrinsecis  orna- 
iiientis  et  fictis  humilitatibus,  verœ  feli- 
citalis  apprehenditur  décor,  sed  ex  his 
qUcB  aliquiô  operatiir  :  cujus  rei  exeiii- 
plum  ponens,  subdit  :  «  Neque  euim  de 
spinis  colliprunt  ficus.  »  Ambr.  In  spinis 
istius  mundi  ficus  illa  reperiri  uou  po- 
test,  quEE  quia  secundis  fructibus  iiielior 
est,  bene  species  ei  resurreclionis  apta- 
tur  :  vel  quia,  ut  legisti  [Canl.,  2)  : 
«  Ficus  dederuDt  grossos  suos,  »  quod 
imruaturus,  et  caducus,  et  iautilis  in  sy- 
nagoga  fruclus  ante  prœcessit  :  vel  quia 
inimalura  nostra  vita  est  in  corpore, 
uiatura  in  re:-urrectione;  et  iileo  procul 
a  iiubis  debeuuii  seculares  sollieitudines 
abdicare,  quac  mordent  animum,  men- 


temque  adurunt  ;  ut  matures  fructus 
cultura  diligenti  possiraus  adipisci.  Hoc 
ergo  ad  mundura  et  resurrectionem , 
alterum  ad  animam  et  corpus  refertur, 
cum  subditur  :  «  Neque  de  rubo  vinde- 
niiant  uvam:  »  vel  quia  nemo  peccatis 
fructum  acquirit  animae  suœ,  quœ  sicut 
uva  proxima  terris  corrumpilur,  in  su- 
perioribus  maturatur  :  vel  quia  nemo 
potest  damnalionem  carnis  evadere;  nisi 
quem  Christus  redemerit,  qui  sicut  uva 
pependit  in  ligno.  Beda.  Vel  spinas  et 
rubun^  seculi  curas  et  puncliones  puto 
esse  vitiorum;  ficus  vero  et  uvam  dul- 
cediuem  novœ  conversationis  et  fervo- 
reni  dilectionis  :  non  auteni  de  spinis 
ficus,  neque  uva  de  rubo  colligitur; 
quia  mens  adhuc  veteris  liominis  con- 
suetudine  depressa  simulare  potest,  sed 


33P  EXPLICATION  DE   l/ÉVANGILE 

le  poids  des  habitudes  du  vieil  homme,  peut  bien  avoir  l'apparence 
trompeuse  de  la  fécondité,  mais  ne  peut  produire  les  fruits  de  l'homme 
nouveau.  Remarquons  encore  que,  de  même  que  la  branche  féconde 
de  la  vigne,  s'appuie  et  s'enlace  aux  buissons,  de  sorte  que  les  épines 
supportent  et  conservent  pour  l'usage  de  l'homme,  un  fruit  qui  n'est 
pas  le  leur  ;  ainsi  les  paroles  ou  les  actions  des  méchants  peuvent 
quelquefois  être  utiles  aux  bons,  ce  qui  doit  être  attribué,  non  à  la 
volonté  des  méchants,  mais  aux  desseins  providentiels  de  Dieu  qui 
sait  tirer  le  bien  du  mal. 

S.  Gyr.  Après  avoir  montré  que  le  bon  et  le  méchant  peuvent 
se  reconnaître  à  leurs  œuvres,  comme  on  reconnaît  un  arbre  à  ses 
fruits,  Notre-Seigneur  enseigne  la  même  vérité  sous  une  autre  figure  : 
«  L'homme  bon  tire  le  bien  du  bon  trésor  de  sou  cœur,  et  l'homme 
mauvais  tire  le  mal  du  mauvais  trésor  de  son  cœur.  »  —  Bède.  Le  trésor 
du  cœur  est  comme  la  racine  de  l'arbre  ;  celui  donc  qui  possède  dans 
son  cœur  un  trésor  de  patience  et  d'amour  parfait,  produit  des  fruits 
excellents  en  aimant  ses  ennemis  et  en  pratiquant  tous  les  divins  en- 
seignements qui  précèdent;  mais  celui  qui  n'a  dans  son  cœur  qu'un 
trésor  de  méchanceté,  agit  d'une  manière  tout  opposée.  —  S.  Bas. 
De  plus,  la  nature  des  paroles  est  un  indice  certain  de  l'état  du  cœur 
d'où  elles  sortent,  et  en  révèle  clairement  les  dispositions  les  plus  in- 
times :  «  Car  la  bouche  parle  de  l'abondance  du  cœur.  »  —  S.  Chrys. 
{hom.  43  sur  S.  Mattli.)  Lorsque  la  source  intérieure  du  mal  est  abon- 
dante, par  une  conséquence  naturelle,  les  paroles  mauvaises  s'exhalent 
des  lèvres  ;  aussi  quand  vous  entendez  un  homme  proférer  des  pa- 
roles coupables ,  ne  croyez  pas  que  la  méchanceté  de  son  cœur  est 
simplement  égale  à  la  malignité  de  ses  discours,  mais  concluez  sans 
crainte  de  vous  tromper^  que  la  source  est  beaucoup  plus  abondante 


fructus  novi  hominis  ferre  non  potesl. 
Sed  sciendum  quod  sicut  ferax  palmes 
sepi  iuvolutus  recumbit ,  portansque 
fructum  spina  non  suum  usibus  ser- 
val liumanis,  sic  dicta  vel  acta  malo- 
rum  si  quando  prosunt  bonis,  non  hoc 
ipsi  faciimt  mali,  sed  fit  de  illis  Dei  con- 
silio. 

CvRiL.  [ubi  sup.)  Postquam  autem 
ostendit  quod  ex  operibuspotest  discerui 
hoiiio  bonus  et  malus,  sicut  ex  fructibus 
arbor;  nunc  idem  ostendit  per  aliud  si- 
gnum,  dicens  :  «  Bonus  homo  de  bono 
thesauro  cordis  sui  profert  bonuui,  et 
malus  homo  de  malo  thesauro  profert 
malum.  »  Beda.  Idem  est  thésaurus 
cordis,  quod  radix  est  arboris  :  qui  ergo 


in  corde  thesaurum  patientiœ  perfecti- 
que  habet  amoris,  optimos  fructus  ef- 
fuudens  diligit  iaimicum,  et  caetera  facit 
quEe  supra  edocuit  :  at  qui  thesaurum 
iiequam  corde  servat,  contraria  facit. 
Basil,  (in  Cat.  Grœcorum  Patruiu.) 
Verbi  etiam  conditio  cor  a  quo  proces- 
sit,  manifestât  ;  evidenter  ostendens 
dispositionem  prœcordiorum  nostrorum  : 
unde  sequitur  :  «  Ex  abundantia  euim 
cordis  os  loquitur.  »  Chrys.  (hom,  43, 
in  Matth.)  Naturalis  enim  consequeutia 
est  ut  cum  intus  abundet  nequitia,  af- 
flent  ore  tenus  verba  nequam  :  unde 
cum  audieris  hominem  inhonesta  profe- 
rentem;  non  tautam  in  eo  putes  latere 
malitiani,    quanta   verbis    exprimitur  ; 


DE   SAINT    LUC,    CHAP.    VI. 


331 


que  le  ruisseau.  —  Bède.  Par  les  paroles  qui  sortent  de  la  bouche, 
Notre-Seigneur  a  voulu  désigner  tout  ce  qui  prend  sa  source  dans 
notre  cœur,  c'est-à-dire,  les  paroles,  les  actions  ou  les  pensées,  car 
c'est  la  coutume  des  Ecritures ,  d'employer  les  paroles  pour  les  actes. 

f.  46-49.  —  Mais  pourquoi  m'appelez-vous  :  Seigneur,  Seigneur,  et  ne  faites- 
vous  point  ce  que  je  dis  ?  Quiconque  vient  à  moi  et  écoute  mes  paroles,  et  les 
met  en  pratique ,  je  vous  raconterai  à  qui  il  est  semblable.  Il  est  semblable  à 
un  homme  qui,  bâtissant  une  maison  a  creusé  très-avant,  et  en  a  posé  le  fon- 
dement sur  la  pierre  ;  l'inondation  survoiant,  le  torrent  s'est  brisé  contre  cette 
maison,  et  il  n'a  pu  l'ébranler,  parce  qu'elle  était  fondée  sur  la  pierre.  Mais 
celui  qui  écoute  mes  paroles  sans  les  pratiquer,  est  semblable  à  un  homme  qui 
a  bâti  sa  maison  sur  la  terre,  sans  fondement  ;  le  torrent  est  venu  fondre  sur 
elle,  et  elle  est  tombée  aussitôt,  et  la  ruine  de  cette  maison  a  été  grande. 

BÈDE.  Notre-Seigneur  ne  veut  pas  qu'on  se  fasse  illusion  sur  le  sens 
de  ces  paroles  :  «  La  bouche  parle  de  l'abondance  du  cœur,  »  comme 
s'il  n'exigeait  des  vrais  chrétiens  que  les  paroles  et  non  pas  les 
œuvres;  il  ajoute  donc  :  «  Pourquoi  m'appelez-vous  Seigneur,  Sei- 
gneur, et  ne  faites- vous  point  ce  que  je  dis,  »  c'est-à-dire  :  Pourquoi 
vous  glorifiez-vous  de  produire  les  feuilles  des  louanges  de  Dieu,  vous 
qui  ne  produisez  aucun  fruit  de  bonnes  œuvres.  —  S.  Gyr.  Celui  quia 
le  souverain  domaine  sur  toute  la  nature,  a  droit  au  nom  et  à  la 
chose  exprimée  par  le  nom.  —  S.  Athan.  {Disc.  cont.  les  sectat.  de 
Sabell.)  Ce  langage  n'est  pas  celui  d'un  homme,  mais  celui  d'un  Dieu 
qui  fait  voir  qu'il  est  engendré  par  le  Père ,  car  celui-là  seul  est  Sei- 
gneur, qui  tire  son  origine  de  l'unique  et  seul  Seigneur  ;  cependant  ne 
craignez  pas  de  dualité,  car  tous  deux  ont  une  seule  et  même  nature. 


sed  conjecta  fontem  rivo  esse  uberiorem. 
Bkd.  Per  oris  etiam  locutionem  Dominus 
univer.sa  qua?  dicto,  vel  facto,  vel  cogi- 
latu  de  corde  proferimus,  insinuât  :  mo- 
ris  enim  est  Scripturarum  verba  pro  ré- 
bus ponere. 

Quid  autem  vocutis  me  :  Domine,  Domine,  et 
non  faciiis  fjuœ  dico  ?  Omnis  qui  venil  ad  me, 
et  audit  sermones  meos,  et  facit  eos,  oslendam 
vobis  cui  similis  sit  :  similis  est  homini  œdifi- 
canti  domum,  qui  fodit  in  altum,  et  posuit 
fundamentum  super  petram  :  inundatione  au- 
tem facta,  illisum  est  flumen  domui  illi,  et  non 
potuit  eam  movere;  fundata  enim  erat  super 
petram.  Qui  autem  audit  et  non  facit ,  similis 
est  homini  adificanli  domum  suam  super  ler- 
ram  sine  fundamento ,  in  quam  illisus  est  flu- 
vius,  et  continua  cecidit,  et  facta  est  ruina  do- 
mus  illius  magna. 

Bed.  Ne  aliquis   sibi  frustra  blandire- 


tur  ex  eo  quod  dictum  est  :  «  Ex  abun- 
dantia  cordis  os  loquilur,  »  quasi  verba 
solum^  et  non  magis  opéra  veri  cliri- 
sliaui  ([uœrantur,  consequentcr  Domi- 
nus adjuugit  :  «  Quid  autem  vocatis  me  : 
IJomine,  Domine,  et  non  facitis  quae 
dico  ?  »  Quasi  diceret  :  Quid  folia  rectae 
confessionis  vos  germinare  jactatis,  qui 
nullos  operis  boni  fructus  ostenditis  ? 
Cyril,  {in  Cat.  Grxcorum  Patrum.) 
Gonvenit  autem  soli  superna;  omnium 
naturte  dominationis  et  nomen  et  res. 
Atiian.  {in  eadeni  Catana  rjraca  et  in 
Orat  contra  .Sabel/ii  (jregules.)  Non  est 
ergo  hoc  verbum  hominis,  sed  Del  os- 
tendentis  proprium  ortum  a  pâtre  :  Do- 
minus enim  est  qui  natus  est  a  solo  Do- 
mino :  non  timeas  autem  dualitatem. 
Non  enim  sccundum  naturam  separan- 
tur. 


332 


EXPLICATION    DE    l'ÉVANGILE 


S.  Cyr.  Le  Sauveur  nous  fait  ensuite  connaître  quels  sont  les  avan- 
tages attachés  à  l'observation  des  commandements,  et  quel  malheur 
menace  ceux  qui  les  transgressent  :  «  Celui  qui  vient  à  moi  et  qui 
écoute  mes  paroles,  est  semblable  à  un  homme  qui  bâtit  sa  maison 
sur  la  pierre.  »  —  Bède.  Cette  pierre,  c'est  Jésus-Christ;  creuser  bien 
avant,  c'est  à  l'aide  des  préceptes  de  l'humilité,  enlever  du  cœur  des 
fidèles  tout  ce  qui  est  terrestre,  afin  qu'ils  servent  Dieu  pour  des  mo- 
tifs tout  spirituels.  —  S.  Bas.  {commenc.  des  Prov.)  Poser  le  fonde- 
ment sur  la  pierre,  c'est  s'appuyer  sur  la  foi  de  Jésus-Christ,  pour 
demeurer  ferme  dans  l'adversité,  soit  qu'elle  vienne  des  hommes,  soit 
qu'elle  vienne  de  Dieu.  —  Bède.  Ou  bien  encore,  le  fondement  de  la 
maison,  c'est  l'intention  de  mener  une  vie  vertueuse,  que  le  parfait 
disciple  conçoit  et  place  dans  son  àme  pour  accomplir  fidèlement  les 
préceptes  de  Jésus-Christ.  —  S.  Ambr.  Ou  enfin,  il  veut  nous  ensei- 
gner que  le  fondemeut  de  toutes  les  vertus  est  l'obéissance  aux  com- 
mandements de  Dieu,  obéissance  qui  fait  que  la  maison  que  nous 
bâtissons,  ne  peut  être  ébranlée  ni  par  le  torrent  impétueux  des  pas- 
sions, ni  par  la  violence  des  esprits  de  malice,  ni  par  les  eaux  entraî- 
nantes du  monde,  ni  par  les  disputes  ténébreuses  des  hérétiques , 
c'est  pourquoi  il  ajoute  :  «  Les  eaux  s'étant  débordées,  »  etc.  —  Bède. 
Ce  débordement  arrive  de  trois  manières  :  sous  l'influence  des  esprits 
immondes,  par  l'agitation  des  méchants,  par  le  trouble  de  l'âme  ou 
de  la  chair  ;  plus  les  hommes  mettent  leur  confiance  dans  leurs  propres 
forces,  plus  aussi  leur  chute  est  grande,  et  plus  ils  s'appuient  sur  la 
pierre  invincible,  plus  ils  sont  inébranlables. 

S.  Chrys.  [hom.  25  sur  S.  Matth.)  Notre- Seigneur  nous  enseigne 
encore  que  la  foi  ne  sert  de  rien  si  la  vie  est  souiDée  par  des  vices  qui 


Cyril,  [ubi  sup.)  Quae  autem  sit  utili- 
tas  in  mandatorum  observatione,  quodve 
damnum  accidere  possit  ex  inobediea- 
tia  ostendit,  sabdens  :  «  Omnis  qui  ve- 
nit  ad  me  et  audit  sermones  meos,  simi- 
lis est  ajdificanti  domum  suam  supra 
petram.  »  Beda.  Petra  Cliristns  :  fodil 
in  altum  qui  prseceptis  humilitalis  ter- 
rena  omnia  de  cordibus  fidelium  eruit, 
ne  proptei-  commodum  temporale  ser- 
viant  Deo.  Basil,  {in  jyrincipium  Pro- 
verbiorinn.)  Ponere  autem  fundamen- 
tum  super  petram,  hoc  est  iuniti  fidei 
Christi;  ut  immobilis  perseveret  in  ad- 
ver?is,  sive  humanitus,  sive  divinitus 
accidant.  Beda.  Vel  fundamentum  do- 
mus  ipsa  intentio  bonse  conversationis, 
quod  perfectus  auditor  in  adiinplendis 
Christi  mandatis  firmiter  inscrit.  Ambr. 


Vel  omnium  fundamentum  docet  esse 
virtutum  obedientiam  cœlestium  prœ- 
ceptorum  ;  per  quam  domus  hœc  nostra 
non  profluvio  voluplatum;  non  nequitiae 
spiritualis  inciirsu,  non  imbre  mundano, 
non  hœreticorum  possit  nebulosis  dis- 
putationis  commoveri.  Unde  sequilur  : 
«  Inundatione  autem  facta,  »  etc.  Beda. 
Inundatio  tribus  modis  fit  :  vel  immun- 
dorum  spirituum;  vel  improborum  ho- 
minum;  vel  ipsa  mentis  aut  carnis  in- 
quietudine;  et  quantum  propriis  viribus 
homines  fidunt,  inclinantur;  quantum 
vero  invictissimae  illi  petrœ  adlieerent^ 
etiam  labefactari  uequeunt. 

Chrys.  {hom.  25,  in  Matth.)  Ostendit 
etiam  nobis  Domiuus  quod  nuUam  pa- 
rit  fides  utilitatem,  si  fœda  sit  conver- 
satio.  Unde   sequitur  :  «  Qui  autem  au- 


DE   SAINT    LUC,    CHAP.    VI. 


333 


la  déshonorent  ;  «  Celui  qui  écoute  mes  paroles  sans  les  pratiquer, 
est  semblable  à  un  homme  ijui  bâtit  sa  maison  sur  la  terre  sans  fon- 
dement, »  etc.  —  BEDE.  Le  monde  qui  est  tout  entier  fondé  sur  le 
malin  esprit  (I  Jean^  \),  est  la  maison  du  démon;  il  la  bâtit  sur  la 
terre,  parce  qu'il  détourne  du  ciel  pour  les  ramener  vers  la  terre  ceux 
qui  se  rendent  ses  esclaves.  Il  bâtit  sans  fondement,  parce  que  le 
péché  n'a  pas  de  fondement,  il  ne  subsiste  pas  en  lui-même  et  par 
sa  propre  nature;  le  mal,  en  efifet,  n'a  point  d'existence  propre, 
c'est  une  négation,  et  de  quelque  manière  qu'il  arrive,  il  s'unit  à  la 
nature  du  bien  ;  comme  le  mot  fondement  a  pour  étyraologie  le  mot 
fond,  on  peut  lui  donner  cette  dernière  signification;  ainsi,  de  même 
que  celui  qui  tombe  dans  un  puits  s'arrête  nécessairement  au  fond, 
de  même  l'âme  qui  tombe  dans  le  mal,  s'arrête  comme  dans  unespèce 
de  fond,  si  elle  ne  dépasse  pas  une  certaine  mesure  dans  le  mal  qu'elle 
commet,  mais  lorsque,  non  contente  du  péché  où  elle  est  tombée,  elle 
fait  tous  les  jours  de  nouvt;lles  et  plus  lourdes  des  chutes,  elle  ne  trouve 
plus,  pour  ainsi  dire,  de  fond  qui  l'arrête  dans  le  puits  où  elle  est 
tombée.  Ainsi  les  méchants  et  ceux  qui  n'ont  que  l'apparence  du 
bien,  deviennent  plus  mauvais  à  cliaque  tentation  qui  vient  fondre 
sur  eux,  jusqu'à  ce  qu'enfin  ils  tombent  dans  les  châtiments  éternels  : 
«  Le  torrent  est  venu  fondre  sur  cette  maison  et  elle  est  tombée  aussi- 
tôt, »  etc.  Pur  ce  fleuve  qui  se  précipite  avec  violence,  on  peut  en- 
tendre les  suites  (lu  jugement  dernier,  alors  que  l'une  et  l'autre  de  ces 
deux  maisons  étant  détruites,  les  impies  iront  à  l'éternel  supplice,  et 
les  justes  dans  la  vie  éternelle.  —  S.  Cvr.  Ou  bien  encore,  ceux-là 
bâtissent  sur  la  terre  sans  aucun  fondement,  qui  posent  sur  le  sable 
mouvant  du  doute  et  des  opinions  humaines,  le  fondement  de  l'édi- 


dierit,  et  non  facit,  similis  est  aedificanti 
domum  suani  super  lerram  sine  funda- 
mento,  »  etc.  Beda.  Doiuus  diaboli, 
luundus  qui  in  maligno  positus  est  (I 
Joan.,  5);  quam  super  terram  œdificat, 
quiaobsequentes  sibi  de  cœlis  ad  terrena 
trahit;  sine  fundamento  œdificat,  quia 
orane  peccaluiu  fundanientum  non  ha- 
bet,  quia  non  ex  propria  natura  subsis- 
tit  ;  maUmi  ([uippe  sine  substautia  est  ; 
quod  tauien  quodcumjue  fit,  in  boni 
natura  coalescit.  Quia  vero  a  fuudo  di- 
cilur  fundamenlum,  possunuis  eliam 
fundauientnui  pro  fundo  positum  non 
inconvenienter  accipere  :  sicut  ergo  qui 
in  puteuin  mergitur,  putei  fundo  reli- 
netur,  sic  anima  corruens  quasi  in  quo- 
dam  fundi  loco  cousislit,  sise  in  aliqua 


peccati  mensura  continet  ;  sed  cum 
peccato  in  quod  labitur,  non  potest  esse 
contenta  (dum  quutidie  ad  détériora 
dejicitur),  quasi  in  puteo  in  quem  ceci- 
dit,  fuudum  non  invenit  quo  figatur. 
Ingruente  autem  qualibet  tentatione,  et 
vere  mali  et  ficle  boni  pejores  fiunt,  do- 
nec  ad  extremuni  perpetuam  labantur 
in  pœnam.  Unde  sequitur:  «  in  quam 
illisus  est  fluvius,  »  etc.  Potest  etiam  per 
impetum  fluminis  extremi  judicii  discri- 
nien  iiitelligi,  quando  utraque  domo 
consiunmala,  ibunt  impii  in  supplicium 
aitcrnuin,  justi  autem  in  vitam  œter- 
nam.  {Maltli.,  25.)  Cvril.  [ubi  supra.) 
Vel  super  terram  sine  fundamento  œdi- 
ficant,  qui  super  arenam  dubietatis,  quae 
secuuduui  opinionem  est,   ponuut  fun- 


334 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE   DE   S.    LUC,    CHAP.   VI. 


fice  spirituel  que  quelques  gouttes  de  tentations  suffisent  pour  ren- 
verser. 

S.  AuG.  {de  Vacc.  des  Evang.,u,  14.)  L'exorde  de  ce  long  discours 
du  Sauveur  est  le  même  dans  saint  Matthieu  et  dans  saint  Luc  : 
a  Bienheureux  les  pauvres.  »  La  plupart  des  enseignements  qui 
suivent,  sont  également  les  mêmes  dans  les  deux  Evangélistes ,  et  le 
discours  se  termine  absolument  de  la  même  manière,  par  la  compa- 
raison de  l'homme  qui  bâtit  sur  la  pierre  ou  sur  le  sable.  Ou  serait 
donc  autorisé  à  croire  que  saint  Luc  a  rapporté  ici  le  même  discours 
que  saint  Matthieu,  en  omettant  certaines  maximes  que  saint  Matthieu 
avait  développées,  pour  en  rapporter  lui-même  d'autres  que  saint 
Matthieu  avait  omises  ;  mais  on  est  arrêté  par  cette  difficulté  que,  sui- 
vant saint  Matthieu,  lorsque  le  Seigneur  fit  ce  discours,  il  était  assis 
sur  une  montagne,  taudis  que  d'après  saint  Luc,  le  Sauveur  était 
alors  debout  dans  la  plaine.  Cependant  il  est  probable  que  ces  deux 
discours  eurent  lieu  à  des  époques  peu  éloignées,  par  la  raison  que  les 
deux  Evangélistes  placent  immédiatement  avant  et  après  ce  discours 
des  faits  semblables  ou  même  identiques.  On  peut  aussi  supposer  que 
Notre- Seigneur  s'est  tenu  d'abord  seul  avec  ses  disciples  sur  la  partie 
la  plus  élevée  de  la  montagne,  lorsqu'il  fit  choix  parmi  eux  des  douze 
Apôtres,  et  qu'il  est  ensuite  descendu  du  sommet  de  la  montagne  dans 
la  plaine,  c'est-à-dire,  sur  un  plateau  qui  se  trouvait  à  mi-côte  et  qui 
pouvait  contenir  une  grande  multitude.  C'est  là  qu'il  s'est  tenu  de- 
bout jusqu'à  ce  que  la  foule  fût  assemblée  autour  de  lui,  puis  lorsqu'il 
se  fut  assis,  ses  disciples  s'approchèrent  de  lui,  et  c'est  devant  eux  et 
en  présence  de  tout  le  peuple  réuni,  qu'il  fit  ce  seul  et  même  discours 
qui  est  rapporté  par  les  deux  Evangélistes. 


damenlum    spiritualia    fabricae ,    quod 
paucsB  stillœ  tentationum  dissiparunt. 

AuG.  (f/e  Con.  Evang.,  lib.  ii,  cap. 
14.)  Hune  autem  sermonem  Domini 
prolixum  sic  exorsus  est  Lucas,  sicut  et 
Matthseus  :  uterque  euim  dixit  :  «  Beati 
pauperes  :  »  deiude  multa  quœ  sequun- 
turin  utriusqueuarratione,  siuiilia  sunt  ; 
et  ad  oxtremuoi  sermouis  ipsaconclusio 
prorsus  eadem  reperitur  ;  scilicet  de  ho- 
mine  qui  œdificat  super  petram,  et  su- 
per arenaui.  Posset  ergo  facillime  credi 
eunidem  Lucas  Domini  interposuisse 
sermonem;  aliquas  tauien  prslei-misisse 
senlentias,  quas  Matthœus  posuit  ;  item 
alias  posuisse,  quas  Matthœus  non  dixit, 
uisi  moveret  quod  Mattliaeus  iu  monte 
dicit  habiLum  sermonem  a  Domino  se- 
dente,  Lucas  autem  in  loeo  campestri  a 


Domino  stante  :  non  tamen  istos  duos 
sermones  longa  temporis  distautia  sepa- 
rari  hinc  probabiliter  creditur,  quod  ef 
ante  et  postea  qusedam  similia  vel  ea- 
dem ambo  narrarunt  :  quanquam  illud 
possit  occurrere,  in  aliqua  excelsiori 
parte  moutis  primo  cimi  solis  discipulis 
fuisse  Dominum,  quando  ex  eis  illos 
duodecim  elcgit  ;  deinde  cum  eis  des- 
cendisse de  monte  (scilicet  de  ipsa  montis 
celsitudine)  in  campestrem  locum,  id 
est,  in  aliquam  aequaiitatem,  quce  in  la- 
tere  montis  erat,  et  multasturbas  capere 
poterat;  atque  ibi  stetisse  douée  ad  eum 
turbse  congregarentur  ;  ac  postea  cum 
sedisset,  accessisse  propinquius  disci- 
pulos  suos,  atque  illis  cœterisque  tur- 
bis  praesentibus ,  uuum  babuisse  sermo- 
nem. 


CHAPITRE  VI. 

SOMMAIRE     ANALYTIQUE. 

f.  1-10,  —Comment  Notre-Seigneur ,  après  avoir  fait  connaître  les  obligations 
de  la  vie  chrétienne,  enseigne  la  manière  de  les  accomplir.  —  ComQîent  con- 
cilier ici  le  récit  de  saint  Luc  avec  celui  de  saint  Matthieu. — Par  quels  motifs 
le  Sauveur  accorde  aux  anciens  des  Juifs  l'objet  de  leur  demande.  —  Pourquoi 
consent-il  à  aller  avec  eux  dans  la  maison  du  Centurion  ?  —  Humilité  du  Cen- 
turion.—  Sa  foi  vive  à  la  divinité  du  Sauveur. — Témoignage  que  Jésus-Christ 
lui  rend.  —  Notre-Seigneur  met-il  la  foi  du  Centurion  au-dessus  de  celle  des 
patriarches  et  des  prophètes?  —  Comment  le  mérite  du  maître  peut  profiter 
aux  serviteurs.  —  Que  représentent  au  sens  mystique  le  Centurion,  son  servi- 
teur, et  les  circonstances  de  sa  guérison. 

f.  11-17.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  veut-il  être  suivi  par  une  grande  mul- 
titude en  entrant  dans  la  ville  de  Naïm  ?  —  Comment  Notre-Seigneur  prépare 
les  esprits  à  la  foi  de  la  résurrection.  —  Pourquoi  marche-t-il  à  la  rencontre 
de  ce  jeune  homme  qui  était  mort  ?  —  Douleur  de  sa  mère  et  compassion  du 
Sauveur,  —  Comment  il  nous  apprend  à  nous  consoler  de  la  perte  de  ceux 
qui  nous  sont  chers,  —  Pourquoi  opère-t-ii  ce  miracle  en  touchant  le  cer- 
cueil? —  Différence  de  cette  résurrection  d'avec  celles  qui  ont  été  opérées  par 
les  prophètes  Elie,  Elisée,  etc, — Signes  de  la  véritable  résurrection  de  ce  jeune 
homme.  —  Insensibilité  et  ingratitude  du  peuple  qui  en  fut  témoin.  —  Diffé- 
rentes résurrections  que  la  sainte  Ecriture  rapporte  avant  la  résurrection  du 
Sauveur. —  Explication  spirituelle  des  différentes  circonstances  de  cette  résur- 
rection.—  Que  représente  ce  jeune  homme ,  sa  mère  entourée  d'une  nom- 
breuse multitude,  etc. 

f.  18-23.  —  Dans  quelle  intention  les  disciples  de  Jean  apprennent-ils  à  leur 
maître  les  miracles  opérés  par  Jésus?  —  Dans  quel  dessein  Jean  députe-t-il 
vers  le  Sauveur  deux  de  ses  disciples?  —  Dans  quel  sens  faut-il  prendre  la 
question  qu'il  fait  adresser  ati  Sauveur?  —  Peut-on  admettre  qu'après  avoir 
proclamé  Jésus  celui  qui  efface  les  péchés  du  monde,  Jean-Baptiste  ne  recon- 
nut pas  en  lui  le  Fils  de  Dieu?  —  Pourquoi  Jésus  opère-t-il  sous  les  yeux  des 
disciples  de  Jean  un  grand  nombre  de  miracles? — Réponse  dont  il  les  charge 
pour  Jean-Baptiste.  —  Divers  témoignages  de  sa  divinité  prédits  par  les  pro- 
phètes. —  Explication  si)irituelle  de  cette  députation  des  disciples  de  Jésus- 
Christ  vers  Jean. 

t.  24-28.  — Pourquoi  Notre-Seigneur  fait-il  l'éloge  de  Jean-Baptiste  après  le 
départ  de  ses  disciples? — Témoignage  rendu  à  la  constance  de  ses  convictions 
et  de  ses  sentiments,  à  l'austérité  de  sa  vie.  —  Dans  quel  sens  peut-on  encore 
entendre  les  vêtements  dont  il  est  ici  question? —  Pourquoi  Jean-Baptiste  est- 
il  plus  qu'un  prophète? — Témoignage  rendu  au  saint  Précurseur  par  les 
prophètes  eux-mêmes.  —  Rapports  étroits  de  Jean-Baptiste  avec  Jésus-Christ. 
—  Comment  il  a  préparé  la  voie  au  Seigneur.  —  Si  Jésus-Christ  est  prophète, 
comment  Jean- Baptiste  est-il  plus  grand  que  tous  les  prophètes?  —  (ienre  de 
vie  de  Jean-Baptiste. —  Pourquoi  encore  est-il  le  plus  grand  de  ceux  qui  sont 
nés  de  la  femme?  —  Aucune  comparaison  n'est  possible  entre  Jean- Baptiste 
et  le  Fils  de  Dieu.  —  Que  faut-il  entendre  partes  paroles  :  Celui  qui  est  le 


336  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

plus  petit  dans  le  royaume  des  deux  est  plus  grand  que  Zm'?— Que  signifient 
ces  mêmes  paroles  dans  le  sens  accommodatif. 

%  29-35.  —  Crime  énorme  des  pharisiens  qui  n'ont  pas  voulu  recevoir  le  bap- 
tême de  Jean.  —  Comment  Dieu  est  justifié  dans  le  baptême.  —  Comment 
ceux  qui  ont  cru  ont  justifié  Dieu.— Quels  sont  ceux  qui  ont  méprisé  le  conseil 
de  Dieu,  et  dont  le  Sauveur  condamne  ici  la  conduite. — Se  garder  de  mépriser 
le  conseil  de  Dieu. — Explication  de  la  comparaison  des  enfants  auxquels 
Notre-Seigneur  assimile  la  génération  présente  des  Juifs.  —  Pourquoi  Notre- 
Seigneur  n'a  pas  voulu  s'interdire  l'usage  des  aliments.  —  Pouvait-on  l'accuser 
d'être  un  homme  de  bonne  chère?  — Comment  la  sagesse  a  été  justifiée  par 
tous  ses  enfants. 

f.  36-50.  —  Comment  Notre-Seigneur  établit  par  des  faits  la  vérité  précédente. 

—  Leçon  qu'il  donne  à  ceux  qui  se  croient  justes  et  se  séparent  des  pécheurs 

—  Dans  quel  sentiment  cette  femme  de  mauvaise  vie  vient  trouver  Notre- 
Seigneur. —  Sa  douleur  et  sa  confusion.  —  Comment  elle  manifeste  ces  sen- 
timents. —  Comment  elle  offre  à  Dieu  autant  d'holocaustes  qu'elle  a  trouvé 
de  jouissances  en  elle-même.  — Elle  devient  plus  vertueuse  que  les  vierges. — 
Orgueilleuse  dureté  et  fausse  justice  du  pharisien. — Considérations  que  doit 
faire  naître  en  nous  l'état  malheureux  des  pécheurs.  —  Notre-Seigneur  se 
trouve  entre  deux  malades.  —  Explication  de  la  comparaison  des  deux  débi- 
teurs.—  Comment  le  pharisien  est  ici  condamné  par  son  propre  aveu. — 
Comment  il  arrive  souvent  que  ceux  qui  sont  se  jetés  à  corps  perdu  dans  le 
mal,  se  livrent  avec  autant  d'énergie  à  la  pratique  du  bien.  — Combien  cette 
pensée  doit  encourager  les  pécheurs. — La  guérison  de  cette  femme  devient 
pour  ceux  qui  en  sont  témoins  une  cause  de  maladie.  —  Nouvelle  grâce  que 
Notre-Seigneur  ajoute  pour  cette  femme  à  la  rémission  des  péchés.  —  Conci- 
liations des  prétendues  contradictions  des  évangélistes  sur  la  femme  qui  a 
répandu  des  parfums  sur  Jésus-Christ.  —  Explication  mystique  de  ce  fait  évan- 
gélique. — Que  représentent  le  pharisien,  la  femme  pécheresse,  le  parfum 
qu'elle  répand,  etc. — Comment  nous  pouvons  imiter  sa  conduite  pénitente  et 
avoir  part  à  la  même  abondance  de  grâces. 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.   Vil. 


337 


f.  1-10.  —  Après  qu'il  eut  achevé  tout  ce  discours  devant  le  peuple  qui  l'écoutait, 
il  entra  dans  Capho.rnaûm.  Or,  un  centurion  avait  un  serviteur  malade,  qui 
allait  mourir,  et  qu'il  aimait  beaucoup.  Ayant  entendu  parler  de  Jésus,  il  lui 
envoya  des  anciens  d'entre  les  Juifs  pour  le  prier  de  venir  guérir  son  serviteur. 
Ceux-ci  étant  venus  trouver  Jésus,  le  priaient  avec  grande  iyistance  en  disant  : 
Il  mérite  que  vous  lui  fassiez  cette  grâce,  car  il  aime  notre  nation,  et  il  nous 
a  même  bâti  une  synagogue.  Jésus  s'en  alla  donc  avec  eux.  Il  n'était  plus  loin 
de  la  maison,  lorsque  le  centurion  envoya  quelques-uns  de  ses  amis  lui  dire  : 
Seigneur,  ne  vous  donnez  point  tant  de  peine,  car  je  ne  mérite  pas'  que  vous 
entriiez  sous  mon  toit.  C'est  pourquoi  je  ne  me  suis  pas  jugé  digne  de  venir 
vous  trouver  ;  mais  dites  seulement  une  parole,  et  mon  serviteur  sera  guéri. 
Car  moi,  qui  suis  un  homme  soumis  à  la  puissance  d'un  autre  ;  j'ai  des  soldats 
sous  moi,  et  je  dis  à  l'un  :  Va,  et  il  va;  à  un  autre  ;  Viens,  et  il  vient  ;  et 
à  mon  serviteur  :  Fais  cela,  et  il  le  fait.  Ce  qu'ayant  entendu,  Jésus  fut  dans 
l'admiratioyi,  et,  se  tournant  vers  la  foule  qui  le  suivait,  il  dit  :  En  vérité,  je 
vous  le  dis,  je  n'ai  pas  trouvé  en  Israël  même  wie  si  grande  foi.  De  retour  à 
la  maison,  ceux  que  le  centurion  avait  envoyés  trouvèrent  le  serviteur  qui  avait 
été  malade  p)arfaitement  guéri. 

TiTE  DE  BosTR.  Après  avoir  nourri  ses  disciples  des  leçons  de  la  per- 
fection chrétienne,  Notre-Seigneur  vient  à  Capharnaûm  pour  y  opé- 
rer des  prodiges  :  «  Après  qu'il  eut  achevé  tout  ce  discours,  il  vint  à 
Capharnaûm.  »  —  S.  Aug.  [de  Vacc.  des  Ev..,  ii,  20.)  Nous  voyons 
ici  que  le  Sauveur  n'entra  dans  Capharnaûm  qu'après  avoir  terminé 
son  discours,  mais  l'Evangéliste  ne  dit  pas  quel  temps  s'est  écoulé 
entre  la  fin  du  discours  et  l'entrée  de  Jésus  dans  la  ville,  car  c'est 
dans  cet  intervalle  que  fut  guéri  le  lépreux,  dont  saint  Matthieu  place 
ici  la  guérison.  —  S.  Ambr.  Par  un  admirable  rapprochement,  Notre- 


CAPTJT   VU. 

Cura  aulem  implesset  unmia  oerha  sua  in  aures 
plebis,  intravit  Capharnaûm.  Centurionis  au- 
tem  cujusdam  servus ,  maie  habens,  erat  mo- 
riturus,  qui  illi  erat  preliosus.  Et  cum  audis- 
set  de  Jesu  ,  rnisit  ad  eum  seniores  Judœorum, 
rogans  eum  ut  veniret,  et  salvaret  servum 
ejus.  Al  illi  cum  venissent  adJesum,  rogalant 
eum  sollicite,  dicentes  ei  quia  dignus  est  ut  hoc 
illi  prœsles  :  diligil  enim  gentem  nostram ,  et 
synagogam  ipse  œdificavit  nobis.  Jésus  autem 
ibat  cum  illis.  Et  cum  jam  non  longe  esset  a 
domo,  misil  ad  eum  cenlurio  amicos,  dicens  : 
Domine,  noli  vexari  :  non  enim  sum  dignus  ut 
sub  lectum  meum  inlres  ;  propter  quod  et  me- 
ipsum  non  sum  dignum  arbitralus  ut  veni- 
rem  ad  te;  sed  die  verbo,  et  sanabitur  puer 
meus  :  nam  et  ego  homo  sum  sub  potestate 
constitutus ,  habens  sub  me  milites;  et  dico 
huic  :  Vade,  et  vadit ;  et  alii  :  Veni,  et  venit; 
et  servo  meo  :  Fac  hoc,  et  facit.  Quo  audito, 

TOM.    V. 


Jésus  miratus  est,  et  conversus,  sequentibus  se 
turbis  dixit  :  Amen  dico  vobis,  nec  in  Israël 
tantam  fidem  inveni.  Et  reversi,  qui  missi 
fuerant ,  domum  ,  invenerunt  servum  qui  lan- 
guerat,  sanum. 

Titus  BosTRENSis.  Cum  perfectioribus 
docunienlis  suos  refecisset  discipulos, 
vadit  Capharnaûm,  ibi  prodigiosa  ope- 
raturus  :  unde  dicitur  :  «Cum  autem  im- 
plesset omnia  verba  hœc,  iutravit  in 
Capharnaûm.  )iAl'g.  {de  Cons.  Evang., 
\\h.  Il,  cap.  20.)  Hic  intelligendum  est 
quia  non  antequam  hœc  verba  termi- 
nasset,  intravit;  sed  non  esse  expressum 
post  quantum  temporis  iutervallum, 
cum  istos  sermones  terminasset,  iutra- 
verit  Capharnaûm:  ipso  quippe  inter- 
vallo  leprosus  ille  mundatus  est,  quem 
suo  loco  Matthœus  inlerponil.  Ambr. 
Pulchre  autem  ut)i  praecepta  complevit. 

22 


338 


EXPLICATION    DE    l-'ÉVANGILE 


Seigneur,  après  avoir  fait  connaître  les  obligations  de  la  vie  chré- 
tienne, enseigne  la  manière  de  les  accomplir  ;  en  effet,  on  vient  aussitôt 
lui  demander  la  guérison  du  serviteur  d'un  centurion  :  «  Or,  un  centu- 
rion avait  un  serviteur  malade,  »  etc.  L'Evangéliste  ne  s'est  pas  trompé, 
en  disant  qu'il  allait  mourir;  il  serait  mort  en  effet,  si  Jésus  ne  l'avait 
guéri.  —  EusÈBE.  Le  Centurion  était  renommé  par  sa  bravoure  dans 
les  combats,  et  commandait  une  compagnie  de  soldats  romains.  Un  de 
ses  serviteurs,  attaché  spécialement  à  sa  personne,  était  tombé  malade; 
ce  centurion,  considérant  la  puissance  que  Jésus  déployait  pour 
guérir  d'autres  maladies,  et  jugeant  bien  que  ces  miracles  étaient 
supérieurs  aux  forces  de  la  nature  humaine,  envoie  vers  lui  quelques- 
uns  des  anciens  des  Juifs  comme  à  un  Dieu,  sans  être  arrêté  par  les 
dehors  de  l'humanité  dont  le  Sauveur  s'était  revêtu  pour  entrer  en 
communication  avec  les  hommes  :  «  Ayant  entendu  parler  de  Jésus, 
il  envoya  vers  lui  quelques-uns  des  anciens,  »  etc.  —  S.  AuG.  {de  l'ace, 
des  Ev.,  II,  20.)  Mais  comment  concilier  ces  paroles  avec  le  récit  de 
saint  Matthieu,  où  nous  lisons  :  «  Un  centurion  s'approcha  de  lui,  » 
puisqu'en  réalité  il  ne  vint  point  le  trouver?  En  examinant  sérieu- 
sement cette  difficulté,  nous  sommes  amenés  à  conclure  que  saint 
Matthieu  s'est  conformé  ici  au  langage  ordinaire  ;  si,  en  effet,  on  peut 
dire  qu'on  parvient  jusqu'à  quelqu'un  par  le  moyen  d'autres  per- 
sonnes, à  plus  forte  raison,  on  peut  dire  qu'on  s'en  approche  par  l'in- 
termédiaire de  ces  mêmes  personnes.  Ainsi,  quoique  le  centurion  ait 
député  vers  Jésus  quelques-uns  des  anciens  des  Juifs,  saint  Matthieu 
a  pu  dire,  pour  abréger,  que  le  centurion  s'était  plus  approché  lui- 
même  de  Jésus- Christ,  que  ceux  qu'il  avait  chargés  de  sa  requête, 
car  plus  sa  foi  fut  vive,  plus  aussi  il  s'approcha  de  Jésus.  —  S.  Chrys. 


formam  docet  suorum  praeceptorum  exe- 
qui.  Nam  statim  gentilis  centurion  is 
servns  Domino  curandus  offertur  :  unde 
sequitur:  «  Centurionis  autem  cujus- 
dam  servus,  .)  etc.  Qiiod  moriturum 
dixerit  Evangelista  non  fefellit  :  moritu- 
rus  enim  erat  nisi  fuisset  sanatus  a 
Christo.  EusEK.  [in  Cat.  Grœcorum  Pa- 
trum.)  Strenuus  siquidera  in  bellis  erat 
iste  centurio,  et  mllitibus  Romanis  prae- 
fectus.  Quia  vero  specialis  serviens  ejus 
demi  languens  jacebat,  considerans  qua- 
les  Salvator  ergacaeteros  virtutes  agebat 
sanando  languidos,  etjudicans  quodnon 
secundum  vires  humanas  hoec  agebantur 
miracula,  mittit  ad  eum  ut  ad  Deum, 
non  habito  respectu  ad  apparens  orga- 
num  que  cum   hominibus    conversaba- 


tur  :  unde  sequitur  :  «  Et  cum  audisset 
de  Jesu,  misit  ad  eum  seniores^  »  etc. 
AuG.  [de  Cons.  Evang.,  lib.  ii,  cap. 
20.)  Quomodo  ergo  verum  erit  quod 
Mattliseus  narrât  :  «  Accessit  ad  eum 
quidam  centurio,  »  cum  ipse  non  acces- 
serit  ■?  Nisi  diligenter  advertentes  intel- 
ligamus  MatthcEum  non  deseruisse  usi- 
tatnm  modum  loquendi  ;  si  enim  ipsa 
perventio  usitate  dicitur  per  alios  fieri 
quanto  magis  accessus  per  alios  fieri 
potest  ?  Non  ergo  absurde  Matlhseus  per 
alios  facto  accessu  centurionis  ad  Domi- 
uum,  compendio  dicere  voluit  ipsum 
potius  accessisse  ad  Christum,  quam  illos 
per  quos  verba  sua  misit;  quia  quo  ma- 
gis credidit,  eo  magis  accessit.  Chrys. 
[hom.    27,    in    Mattli.)    ()\\a\\[ov  oliain 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.    VII.  339 

{hom.  27  siœ  S.  Matth.)  Comment  concilier  encore  le  récit  de  saint 
Matthieu,  où  le  centurion  dit  lui-même  à  Jésus  :  «  Je  ne  suis  pas 
digne  que  vous  entriez  sous  mon  toit,  »  avec  le  récit  de  saint  Luc,  où  il 
prie  Jésus  de  venir  chez  lui?  Je  réponds  que  saint  Luc,  à  mon  avis,  a 
voulu  nous  représenter  les  flatteries  des  Juifs.  11  est  probable,  en 
efifet,  que  le  centurion  voulait  aller  lui-même  trouver  Jésus,  et  qu'il 
en  fut  détourné  par  le  langage  flatteur  des  Juifs  qui  lui  dirent  :  «  Nous 
irons  et  nous  vous  l'amènerons  chez  vous.  »  Voyez,  en  efî'et,  comme 
ils  mêlent  à  la  prière  qu'ils  font  à  Jésus,  l'éloge  du  centurion  :  «  Et 
étant  venus  trouver  Jésus,  ils  le  prièrent  avec  grande  instance  en  di- 
sant :  11  mérite  que  vous  lui  fassiez  celte  grâce.  »  Ils  auraient  dû 
bien  plutôt  dire  :  Il  voulait  venir  vous  trouver  et  vous  prier  lui-même, 
mais  nous  l'en  avons  détourné  en  voyant  son  affliction  et  ce  pauvre 
malade  étendu  chez  lui  sur  sou  lit  de  douleur;  ils  auraient  ainsi 
fait  ressortir  la  grandeur  de  sa  foi.  Mais  ils  se  gardent  bien  de 
tenir  un  pareil  langage,  ils  ne  voulaient  pas  faire  connaître  la  foi  de 
cet  homme,  retenus  par  l'envie  qui  les  dévorait,  dans  la  crainte  de 
faire  éclater  la  grandeur  de  celui  à  qui  une  semblable  prière  était 
adressée.  11  n'y  a  du  reste  aucune  contradiction  entre  ce  que  rapporte 
saint  Matthieu,  que  ce  Centurion  n'était  poiut  Israélite,  et  ce  que 
disent  ici  les  anciens  des  Juifs  d'après  saint  Luc  :  «  Il  nous  a  bâti  ifne 
synagogue,  »  car  il  pouvait  bâtir  une  synagogue  sans  être  du  peuple 
juif.  —  BEDE.  Nous  voyons  ici  que  les  Juifs  appelaient  synagogue, 
comme  nous  appelons  Eglise,  non-seulement  l'assemblée  des  fidèles, 
mais  encore  le  lieu  où  ils  se  réunissaient. 

EusÈBE.  Les  anciens  des  Juifs  demandent  cette  grâce  pour  le  cen- 
turion, en  reconnaissance  des  sommes  modiques  qu'il  avait  pu  donner 
pour  la  construction  fie  la  synagogue  ;  mais  le  Seigneur  se  rend  à 


MatthBBUs  dicit  quod  ipse  dixit:  «  Non 
surii  dignus  ut  intres  sub  tectum  meum  ;» 
Lucas  autein  hic  dicit,  quoniain  rogat 
ut  venit?  Sed  milii  vidctur  quod  Lucas 
siguifical  uobis  judaicas  blaij(]ilia6  :  cre- 
dibile  enini  est  ut  cimi  voUetaljire  cen- 
lurio,  reiraheretur  a  Juda'is  blandienli- 
bns,  et  dicentibus  quia  nos  eiuites  addu- 
cenius  euni  :  unde  et  eoruni  preces 
adulationibns  plenœsuut  :  sequitur  eniui  : 
«  Atilli  cnm  venissent  ad  Jesum,  roga- 
hant  sollicite  diceutes  quiadignus  est:  » 
(Iccebat  siquideni  ipsos  dicere  quoniam 
ipse  volebat  \>^niro,  et  supplicare,  nos 
auteni  detiuaimus  euni,  calaniitatem  vi- 
dontes,  et  cadaver  quod  in  domo  jace- 
bat  ;  aut  prouiere  fidei  ejus  immensita- 


tem  ;  sed  nolebant  propter  invidiani 
fuleni  viri  detegere,  ne  magnus  aliquis 
esse  videretur  cui  preces  porriguntur. 
Quod  autem  Matthœus  siguilicat  ipsum 
Israelitam  non  esse,  Lucas  vero  dicit  : 
«  Quouiam  œdificavit  synagogam,  »  non 
est  conlrariuiu  :  potuit  eiiim  et  Judœus 
non  esse,  et  synagogam  construxisse. 
Bkda.  In  hoc  autem  ostenduiit  quia  si- 
cut  nos  ecclesiam,  sic  eliani  Wlisi/nafja- 
(jum  non  conventum  solummodo  lide- 
lium,  sed  etiam  locum  quoconveniebant, 
sint  sûliti  appellare. 

EusEB.  Et  seniores  quidem  Jnda;orum 
pro  modicis  sumptibus  ad  opus  syna- 
gogae  datis  gratiam  poscunt,  sed  DÔmi- 
nus,  non  propter  hoc,   sed  pro  majori 


3-40  EXPLICATION    DE   l.'ÉVANGILE 

des  motifs  d'un  ordre  plus  élov'',  il  veut  eugendrer  la  foi  dans  le  cœur 
des  hommes  par  la  manifestation  de  sa  puissance  :  «  Jésus  s'en  alla 
donc  avec  eux.  »  —  S.  Amur.  S'il  agit  de  la  sorte,  ce  n'est  point 
qu'il  ne  piit  guérir  cet  homme  sans  aller  le  trouver,  mais  parce  qu'il 
voulait  nous  donner  un  exemple  d'humilité.  Il  ne  voulut  point  aller 
dans  la  maison  de  l'officier  du  roi  qui  l'en  priait  pour  son  fils,  afin  de 
ne  point  paraître  céder  à  l'influence  de  sa  position  et  de  ses  richesses; 
il  consent  ici  à  se  rendre  dans  la  maison  du  centurion,  pour  qu'on  ne 
pût  supposer  qu'il  méprisait  l'humble  condition  de  son  serviteur.  Le 
centurion,  de  son  côté,  dépose  toute  fierté  militaire,  plein  de  respect 
et  de  foi,  il  s'empresse  de  rendre  au  Sauveur  l'honneur  qui  lui  est  dû  : 
«  Il  n'était  plus  loin  de  la  maison,  lorsque  le  centurion  envoya  lui 
dire  :  Ne  prenez  pas  tant  de  peine,  car  je  ne  suis  pas  digne,  »  etc.  Il 
savait,  en  eflet,  que  ce  n'était  point  par  une  puissance  naturelle,  mais 
parla  toute-puissance  de  Dieu  que  Jésus-Christ  guérissait  les  hommes. 
Les  Juifs,  en  pressant  Jésus  de  venir,  avaient  donné  pour  motif  qu'il 
était  digne  de  cette  grâce;  le  centurion  se  reconnaît  indigne,  non- 
seulement  du  bienfait  qu'il  sollicite,  mais  encore  de  recevoir  le  Sei- 
gneur :  «  Jii  ne  suis  pas  digne  que  vous  entriez  sous  mon  toit.  »  — 
S.  Chuys.  [hom.  '27.)  Aussitôt  qu'il  fut  délivré  de  l'ennuyeuse  impor- 
tunité  des  Juifs,  il  envoie  dire  à  Jésus  :  Ce  n'est  point  par  négligence 
que  je  ne  suis  pas  venu  vous  trouver  moi-même,  mais  parce  que  je 
me  suis  cru  indigne  de  vous  recevoir  dans  ma  maison. 

S.  Ambr.  Saint  Luc  rapporte  que  le  centurion  envoya  ses  amis  à  la 
rencontre  de  Jésus,  pour  ne  point  paraître  blesser  par  sa  présence  la 
modestie  du  Sauveur,  et  provoquer  sa  bonté  par  cette  démarche  : 
«  C'est  pourquoi,  dit-il,  je  ne  me  suis  pas  cru  digne  d'aller  moi-même 


causa,  voleus  scilicel  geuerare  creduliLa- 
tem  in  cunctis  mortalibus  per  suam 
virtuteru,  seipsum  exliibuit  :  unde  se- 
quitur  :  «  Jésus  autem  ibat  cum  illis  » 
Ambr.  Quod  utique  non  ideo  faciebat, 
quia<absen3  curare  non  poterat,  sed  ul 
forniam  tibi  daret  humilitatis  imitandae. 
Ad  reguli  filium  noluit  pergere,  ne  vide- 


conjecU  dari  a  Ciiriàlo  liomiuibus  sani- 
tatem.  Judœi  quidam  dignilateni  ejus 
praetenderuut  ;  iste  vero  indignum  se 
asseruit,  non  solum  beneficii,  sed  etiam 
susceptionis  Domini:  «Non  euiin  dignus 
suni,  ut  sub  tectum  meum  intres.  » 
Chrys.  {hom.  27  uf  sup.)  Poslquam  eniui 
liberatus   est  a  Judœorum     tsedio    (vel 


retur  in  reguli  fdio  magis  diviliis  detu-  molestia),  tune  mittit  dicens  :  «  Ne  putes 
lisse:  bic  ipse  perrexit,  ne  videretur  in  '  prae  ttedio  (vel  prae  negligeutia)  nie  non 
cenlurionis  faniiilo  conditioneni  despe-  venisse,  sed  indignum  me  reputavi  te 
xisse   servilem.    Centurio   vero  militari  ,  demi  recipere.  » 

lumore  deposito  reverentiam  sumit,  et  |  Ambr.  Bene  autem  Lucas  in  occursum 
ad  fidem  facilis,  et  ad  bonorificentiam  j  amicos  dicit  esse  a  centurione  trans- 
proniptus  :  unde  sequitur:  «  Et  ciim  jam  ;  missos,  ne  prsesentia  sua  et  gravare 
non  longe  esset,  misit  ad  eum  dicens  :  Domini  verecundiam  videretur,  et  offi- 
Noli  vexari  :  non  sum  dignus,  »  etc.  j  cium  officio  provocasse  :  unde  sequitur  : 
Non  euim  bominis,    sed  Dei   potestate  j  «  Propter  quod  et  meipsum  non  sum  di- 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    VII.  '  341 

VOUS  trouver,  tuais  dites  seulement  une  parole  et  mon  serviteur  sera 
guéri.  »  —  S.  Chrys.  {hom.  27  sur  S.  Matth.)  Considérez  quelle  idée 
juste  et  convenable  le  Centurion  a  du  Seigneur,  il  ne  lui  dit  pas  : 
Priez,  mais  :  «  Ordonnez,  »  et  dans  la  crainte  qu'il  ne  refusât  par  un 
sentiment  d'humilité,  il  ajoute  :  «  Car  moi  qui  suis  soumis  à  la  puis- 
sance d'un  autre,  »  etc.  —  Bède.  Il  déclare  qu'il  n'est  qu'un  homme 
soumis  à  l'autorité  du  tribun  ou  du  gouverneur,  et  que  cep  endant  il 
commande  à  d'autres  qui  sont  au-dessous  de  lui;  donc,  à  plus  forte 
raison,  celui  qui  est  Dieu,  peut  faire  ce  qu'il  veut,  non-seulement  par 
sa  présence  corporelle,  mais  encore  par  le  ministère  des  anges  ;  car 
c'est  par  la  parole  du  Seigneur  et  par  le  ministère  des  anges,  que  les 
maladies  du  corps  devaient  être  guéries,  et  les  puissances  ennemies 
mises  en  fuite. 

S.  Chrys.  {de  la  nat.  incompréhens.  de  Dieu,  dise.  6.)  Remarquons 
encore  que  cette  parole  •  «  Faites,  »  exprime  un  ordre  donné  à  un 
serviteur;  aussi^  lorsque  Dieu  voulut  créer  l'homme,  il  ne  dit  point  à 
son  Fils  unique  :  Faites  l'homme,  mais  :  «  Faisons  l'homme,  »  in- 
diquant ainsi  l'égalité  de  rang  et  d'honneur  par  cette  parole  de  con- 
seil et  d'accord  mutuel.  C'est  donc  parce  qu'il  reconnaissait  dans 
Jésus-Christ  la  souveraine  puissance,  qu'il  s'exprime  de  la  sorte  : 
«  Dites  seulement  une  parole,  car  moi,  je  dis  à  mon  serviteur,  »  etc. 
Aussi  Jésus,  loin  de  le  reprendre,  le  confirme  dans  cette  pensée  .  «  Ce 
qu'ayant  entendu,  Jésus  fut  dans  l'admiration.  »  —  Bède.  Qui  donc 
cuvait  produit  dans  le  centurion  cette  foi  vive,  si  ce  n'est  celui-là  même 
qui  l'admirait  ;  et  quand  un  autre  en  eût  été  l'auteur,  pourquoi  cette 
admiration  dans  celui  qui  connaissait  par  avance  la  foi  de  cet  homme  ? 
Si  donc  le  Seigneur  se  laisse  aller  à  l'admiration,  c'est  pour  nous 


gnus  arbitratus  ut  venirem  ad  te,  secl  die 
tantum  verbo,  et  saiiabitur  puer  meus.» 
Chrys.  {hom.  21,  in  Matth.,  ut  supra.) 
Ubi  attende  centurioûem  dcbitam  opi- 
nionem  habentem  de  Domino  :  non  enira 
dixit,  ora,  sed  tantumuiodo,  jubé,  du- 
bitans  ne  se  humiliando  renueret:  sub- 
dit  :  «  Nam  et  ego  homo  suni  sub  po- 
testate  constitutus,  »  etc.  Bed.  Homi- 
nem  se  ut  poteslati,  vel  tribuni,  vel  pro;- 
sidis  subditum  dicit,  imperare  tamen 
minoribus  :  ut  subaudiatur  euni  niulto 
magis  qui  Dous  sil,  non  per  adventuin 
tantum  corporis ,  sed  per  angelormii 
niinisteria  posse  implere  quod  vellet  : 
repelleiidae  cnim  erant  vel  infirniitalfs 
cor[>orum,  vel  tortitudine»  contrari.r, 
et  verbo  Domini,  et  ministcriis  angelo- 
rum. 


Chrys.  (de  incomprehensibili  Dei  na- 
tnro,Orat.  6.)  Est  autem  bic  notandum 
quod  boc  verbum,  /V/r,  imperium  dési- 
gnât dictum  servo  :  ob  boc  Deus  cum 
bominem  vellet  creare,  non  ait  unige- 
nito  :  «  Fac  bominem,  »  sed,  «  faciamus 
liominem,  »  ut  per  formam  consensus 
verborum,  doclaret  honoris  aîquiparan- 
tiam.  Quia  ergo  in  Cliristo  cousiderabat 
excellentiam  dominii,  ob  hoc  ait  :  «  Die 
verbo  :  Nam  et  ego  dico  servo  rneo,»  etc. 
Christns  autem  non  eum  repreliendit, 
sed  ejus  intentionem  roboravit  :  unde 
se(]uitu.-  :  «  Quo  audito,  Jésus  miratus 
est.  »  Beda.  Sed  quis  in  illo  fecerat  ip- 
sam  fidem,  nisi  ille  qui  admirabatur  ? 
Sed  etsi  alius  eam  fecisset,  quid  mira- 
retur,  qui  praîscius  erat'?  Quod  ergo 
miratur  Dominas,  nobis  mirandum  esse 


342 


EXPLICATION    DR    l'ÉVANGTLE 


faire  partager  le  même  sentimeul,  car  toutes  ces  émotions  de  l'âme, 
lorsqu'on  les  attribue  à  Dieu,  ne  sont  point  un  signe  de  trouble  inté- 
rieur, mais  une  leçon  salutaire  qu'il  nous  donne. 

S.  Chrys.  [hom.  27  sur  S.  Malth.)  Pour  vous  rendre  plus  certain 
que  Notre-Seigneur,  en  parlant  de  la  sorte,  voulait  instruire  ceux  qui 
étaient  présents,  l'Evangéliste  exprime  clairement  ce  but  en  ajoutant  ; 
«  Je  vous  le  dis  en  vérité,  je  n'ai  pas  trouvé  une  si  grande  foi,  même 
en  Israël.  »  —  S.  A^ibr.  Si  vous  lisez  :  «  Je  n'ai  trouvé  chez  personne 
autant  de  foi  dans  Israël,  »  le  sens  est  simple  et  facile,  mais  si  vous 
lisez  selon  le  texte  grec  :  «  Je  n'ai  pas  trouvé  une  si  grande  foi,  même 
dans  Israël  (1),  »  la  foi  de  cet  homme  est  mise  au-dessus  même  des 
élus  et  de  ceux  qui  voient  Dieu.  —  Bède.  Notre-Seigneur  ne  veut 
point  parler  ici  de  tous  les  patriarches  et  des  prophètes  des  siècles 
passés,  mais  des  hommes  du  temps  présent,  dont  la  foi  est  mise  bien 
au-dessous  de  celle  du  centurion,  parce  qu'ils  avaient  reçu  les  enseigne- 
ments de  la  loi  et  des  prophètes,  tandis  que  cet  homme  avait  cru  spon- 
tanément, et  sans  avoir  aucun  maître.  —  S.  Amb.  En  même  temps 
que  le  Sauveur  donne  des  éloges  à  la  foi  du  maître,  il  rend  la  santé 
au  serviteur  :  «  De  retour  à  la  maison^  ceux  que  le  centurion  avait  en- 
voyés, trouvèrent  le  serviteur  qui  avait  été  malade,  guéri.  »  Le  mé- 
rite du  maître  peut  donc  profiter  aux  serviteurs,  non-seulement  le  mé- 
rite de  la  foi,  mais  encore  le  zèle  pour  la  vertu.  —  Bède.  Saint 
Matthieu  s'étend  davantage  sur  les  circonstances  de  la  guérison  de  ce 
serviteur,  au  moment  même  où  Jésus  dit  à  son  maître  :  «  Allez,  qu'il 
vous  soit  fait  selon  ce  que  vous  avez  cru;  »  mais  saint  Luc  a  pour  ha- 
bitude d'abréger  ou  même  d'omettre  entièrement  ce  qu'il  trouve  suffi- 

(1)  Cette  seconde  variante  se  trouve  aujourd'hui  dans  tous  les  exemplaires  latins,  la  première  ne 
se  lit  que  dans  saint  Ambroise. 


significat  :  omnes  enim  taies  motus  cum 
de  Deo  dicuûtur,  non  perturbât!  auimi 
signa  sunt,  sed  docentis  magistri. 

Chrys.  [hom.  Ti,  in  Malth.  ut  sup.) 
Ut  autem  liqueat  tibi,  quod  Dominus 
hoc  ideo  dixit  ut  alios  instruat,  pruden- 
ter  Evangelista  lioc  aperiens,  snbdit  : 
«  Amen  dico  vobis,  nec  in  Israël  tautam 
fidem  inveni.  »  Ambr.  Et  quidem  si  sic 
legas  :  «  In  nullo  tantam  fidem  inveni  in 
Israël,  »  simplex  intellectus  et  facilisest; 
si  vero  juxta  Greecos  :  «  Nec  in  Israël  tan- 
tam fidem  inveni,  »  fides  hujusmodietiam 
electioribus  et  Deum  videutibus  antefer- 
tur.  Beda.  Non  autem  de  omnibus  rétro 
patriarchis  et  prophetis,  sed  de  prœsen- 


tis  aevi  loquitur  hominibus  ;  quibus  ideo 
ceulurionis  fides  antefertur,  quia  illi  le- 
gis  prophetarumque  monitis  edocti,  hic 
autem  nemine  docente  sponte  credidit. 
Ambr.  Probatur  autem  fides  domini,  et 
servi  sanitas  roboratur  :  uude  sequitur  : 
«  Et  reversi,  qui  missi  fuerant,  domum, 
invenerunt  servum  qui  languerat,  sa- 
uum.  »  Potest  ergo  meritum  domini  et 
famulis  sutfragari,  non  solum  fidei  me- 
rito,  sed  et  studio  disciplinœ.  Bed.  PJe- 
nius  autem  haec  explicat  Malthœus,  quod 
dicente  Domino  centurioni  :  «  Yade, 
sicut  credidisti.  fiât  tibi,  »  sauatus  sit 
puer  ex  illa  hora  :  sed  beato  Lucae  mo- 
ris  est  quae  plane  viderit  ab  aliis  evan- 


DE   SAINT   LUC.    CHAP.    VII. 


343 


samment  exposé  par  les  autres  Evangélistes,  et  de  développer  lui- 
même  avec  plus  de  soin  ce  qu'ils  ont  omis  ou  ce  qu'ils  n'ont  fait 
qu'indiquer. 

S.  Ambr.  Dans  le  sens  mystique,  le  serviteur  du  centurion  repré- 
sente le  peuple  des  nations  qui,  enchaîné  dans  les  liens  de  la  servitude 
du  monde,  en  proie  à  la  maladie  mortelle  de  ses  passions,  attend  sa 
guérison  de  la  miséricorde  du  Seigneur.  —  Bède.  Le  centurion,  dont 
la  foi  est  mise  au-dessus  de  la  foi  d'Israël,  représente  les  élus  d'entre 
les  Gentils,  qui,  entourés  des  vertus  spirituelles  comme  d'une  cohorte 
de  cent  soldats,  s'élèvent  à  une  perfection  sublime,  car  le  nombre 
cent,  qui  s'écrit  de  gauche  à  droite,  figure  ordinairement  la  vie  cé- 
leste. Il  faut  de  semblables  intercesseurs  à  ceux  que  l'esprit  de  servi- 
tude tient  courbés  sous  le  joug  de  la  crainte  [Rom.,  vm);  pour  nous 
qui  avons  embrassé  la  foi  parmi  les  Gentils,  nous  ne  pouvons  aller 
nous-mêmes  au  Seigneur,  que  nous  ne  pouvons  voir  dans  sa  chair, 
mais  nous  devons  nous  approcher  de  lui  par  la  foi.  Députer  vers  Jésus 
les  anciens  des  Juifs,  c'est  conjurer  les  saints  personnages  de  l'Eglise 
qui  nous  ont  précédés  de  vouloir  bien  être  nos  patrons^  et  d'intercéder 
pour  nos  péchés,  en  nous  rendant  le  témoignage  que  nous  prenons 
soin  d'édifier  l'Eglise.  L'Evangéliste  fait  remarquer  que  Jésus  n'était 
pas  loin  de  la  maison,  parce  (jue  son  salut  est  près  de  ceux  qui  le 
craignent,  et  le  fidèle  observateur  de  la  loi  naturelle  s'approche  d'au- 
tant plus  de  celui  qui  est  bon  par  essence,  qu'il  pratique  plus  exacte- 
ment le  bien  qu'il  connaît.  —  S.  Ambr.  Le  centurion  ne  veut  pas  qu'on 
tourmente  Jésus  par  des  instances,  parce  que  le  peuple  des  nations 
désire  préserver  de  tout  mal  celui  que  le  peuple  juif  a  crucifié.  Enfin 
(dans  un  sens  mystérieux),  il  vit  que  le  Christ  ne  pouvait  encore  pé- 


gelistis  exposita,  abbreviare:  vel  etiaiu 
de  industria  praeterire  :  quae  vero  ab  eis 
oniissa,  vel  breviter  cognoverit  tacta, 
dilucidarc  solerlius. 

Ambr.  Mystice  autem  servo  centurionis 
populus  nationum,  qui  luundanie  servi- 
tutis  viuculis  tenebatur,  ajger  leUialibus 
passiouibu-,  beneticio  Domini  sanaudus 
expriniitur.  Beda.  Centurio  autein  cujus 
fides  Israeli  prfefertur,  electos  ex  gerili- 
hus  ostcndit  ;  qui  .quasi  centenario  mi- 
lite stipali  virtutum  spiritualium  sunt 
perfectioue  sublimes.  Numerus  oiiim 
centenarius  ([ui  de  keva  trausfiTlur  ad 
dexterani,  in  cœlestis  vite  signiticalione 
poui  coiisuevit.  Taies  ergo  pro  bis  ne- 
cesse  est  Domino  supplicent,  qui  adhuc 
spiritu  servitutis  in  timoré  premunlur  ; 
DOS  autem  qui  de    gentibus  credimus, 


non  ipsi  ad  Dominum  venire  possumus, 
quem  incarne  videre  nonvalemus;  sed 
ad  eum  accedere  debemus  per  fidem. 
Seniores  autem  Judaeorum  niittere,  hoc 
est  summos  Ecclesiœ  vires  qui  nos  ad 
Dominum  prœcesserunt,  suppliciter  ob- 
secrando  patronos  acquirere;  qui  nobis 
tcslinionium  reddentes,  quod  Ecclesiam 
œdificare  curemus,  pro  nostris  peccatis 
intercédant.  Pulchre  autem  dicitur  quod 
Jésus  non  longe  erat  a  domo  ;  quia 
jiropc  limentes  eum  salutare  ipsius;  et 
qui  naturali  lege  recte  utitur,  quo  bona 
qua;  n>vit  operatur,  eo  illi  qui  bonus 
est  appropiat.  Ambr.  Non  vult  autem 
Jesuni  vexari  centurio,  quia  quem  Ju- 
daeorum populus  crucifixit,  inviolatum 
ab  injuria  manere  desiderat  pnpulus 
nationum  ;  et  (quod  ad  mysterium  spe- 


344  EXPLICATION   DE   l/ÉVANGILE 

nétrer  dans  le  cœur  des  Gentils.  —  Bède.  Les  soldats  et  les  serviteurs 
qui  obéissent  au  centurion,  sont  les  vertus  naturelles  dont  un  grand 
nombre  de  ceux  qui  viennent  trouver  le  Seigneur,  portent  avec  eux 
la  riche  abondance. 

Théophyl.  Ou  bien  encore,  ce  centurion  représente  l'intelligence, 
qui  est  comme  le  chef  d'une  foule  d'actions  mauvaises,  chargée  qu'elle 
est  en  cette  vie  d'une  multitude  de  choses  et  d'affaires  qui  l'absorbent 
tout  entier.  Elle  a  pour  serviteur  la  partie  de  l'àme  qui  est  dépourvue 
de  raison  (c'est-à-dire,  la  partie  irascible  et  concupiscible)  (1*).  Elle 
envoie  vers  Jésus  des  Juifs  comme  médiateur,  c'est-à-dire,  des  pensées 
et  des  paroles  de  confession  et  de  louange  (2),  et  elle  obtient  aussitôt 
la  guérison  de  son  serviteur. 

^.  H -17.  —  //  s'en  alla  ensuite  dans  une  ville  appelée  Nairn,  et  ses  disciples 
l'accompagnaient  avec  une  grande  foule  du  peuple.  Or,  comme  il  approchait 
de  la  porte  de  la  ville,  il  se  trouva  qu'on  portait  en  terre  un  mort,  fils  unique 
de  sa  mère  ;  et  celle-ci  était  veuve,  et  beaucoup  de  personnes  de  la  ville 
V accompagnaient .  Le  Seigneur  l'ayant  vue,  fut  touché  de  compassion  pour 
elle,  et  lui  dit  ;  Ne  pleurez  point.  Alors  il  s'approcha  et  toucha  le  cercueil, 
{ceux  qui  le  portaient  s'arrêtèrent),  et  il  dit  :  Jeune  homme,  je  te  le  commande, 
lève-toi.  Aussitôt  le  mort  se  leva  sur  so)i  séant,  et  commença  à  parler;  et 
Jésus  le  rendit  à  sa  mère.  Et  tous  furent  saisis  de  crainte,  et  ils  glorifiaient 
Dieu,  en  disant  :  Un  grand  prophète  a  paru  parmi  nous,  et  Dieu  a  visité  son 
peuple.  Et  le  bruit  de  ce  prodige  se  répandit  dans  toute  la  Judée  et  dans  tout 
le  pays  d'alentour. 

S.  Ctr.  Notre-Seigneur  opère  prodiges  sur  prodiges  ;  dans  le  miracle 

{!*)  Cette  division  de  l'àme  se  trouve  exposée  dans  le  livre  des  Principes  d'Origène,  qui  la  rejette 
parce  qu'elle  n'est  pas  fondée  sur  l'Ecriture. 

(2)  Allusion  au  mot  Juda,  qui  veut  dire  en  hébreu,  confession. 


clat)  vidit  in  pectora  adhuc  Gentilium 
non  esse  penetrabilem  Christum.  Bkda. 
Milites  autem  et  servi  qui  centurioui 
obediunt,  virtutes  siiut  naturales;  qua- 
rum  copiam  multi  ad  dominum  venieu- 
tes  défèrent  secum. 

Theophylact.  Vel  aliter  :  centurio  est 
intellectus  qui  multorum  in  malitia 
princeps  existit,  dum  multas  in  bac  vita 
res  babet  (#eu  mullis  rébus  vel  negotiis 
occupatur.)  Habet  autem  servum,  irra- 
tionabilem  animai  partem  (irascibilem 
et  coucupiscibilem  dico.)  Et  mittit  ad 
Jesum  mediatores  Judaeos,  id  est,  con- 
fessionis  cogitationes  et  verba,  et  con- 
festim  suscipit  servum  sanum. 

£t  factum  est\:  deinceps  ibat  Jésus  in  civitatem 


quœ  vocatur  Naim,  et  ibant  cum  eo  discipuli 
ejus,  et  turba  copiosa.  Cum  autem  appropin- 
quaret  portée  cioitatis ,  ecce  defunctus  effere- 
batur  filins  unicus  matris  suœ;  et  hœc  vidua 
erat ,  et  turba  civitatis  multa  cum  Ma  :  quam 
cum  vidisset  Domitius,  misericordia  motus  su- 
per eam,  dixit  illi  :  Noli  flere.  Et  accessit ,  et 
tetigit  loculum  :  hi  autem  qui  porlabant,  stete- 
runt.  Et  ait  :  Adolescens,  tibi  d'co,  surge.  Et 
resedit  qui  erat  mortuus ,  et  cœpit  loqui,  et 
dédit  illum  matri  sucé.  Accepit  autem  omnes 
timor,  et  magnificabant  Deum  dicenles ,  quia 
propheta  magnus  surrexit  in  nabis ,  et  quia 
Deus  visitavit  plebem  suam.  Et  exiit  hic  sermo 
in  universam  Judœara  de  eo ,  et  in  omnem 
circa  regionem. 

Cyril,  [in  Cat.  Grœcorum  Patriim.) 
Mira  Dominus  miris  annectit,  et  supra 
quidem  accersitus  occurrit,  bic  vero  non 


DE  SAINT   LUC^    CHAP.    VII.  345 

précédent,  il  avait  attendu  qu'on  vînt  le  prier,  ici  il  vient  sans  être 
appelé  :  «  Il  s'en  alla  ensuite  dans  une  ville  appelée  Naïm.  »  —  Bède. 
Naim  est  une  ville  de  Galilée,  située  à  deux  milles  du  mont  Tbabor; 
or,  c'est  par  une  permission  divine  que  le  Sauveur  est  suivi  de  cette 
grande  multitude ,  Dieu  veut  ainsi  multiplier  les  témoins  d'un  si 
grand  miracle  :  «  Et  ses  disciples  l'accompagnaient  avec  une  grande 
foule  de  peuple.  »  —  S.  Grég.  de  Nysse.  {Traité  de  Vâme  et  de  la 
résun^ection.)  Le  Sauveur  prouve  la  vérité  de  la  résurrection  moins 
par  ses  paroles  que  par  ses  œuvres.  Il  commence  par  des  miracles 
moins  importants  pour  préparer  notre  foi  à  des  prodiges  plus  écla- 
tants, il  essaie  pour  ainsi  dire  le  pouvoir  qu'il  a  de  ressusciter,  sur  la 
maladie  désespérée  du  serviteur  du  centurion;  puis,  par  un  acte  d'une 
plus  grande  puissance,  il  conduit  les  hommes  à  la  foi  de  la  résurrec- 
tion, en  rendant  à  la  vie  le  fils  d'une  veuve  qu'on  portait  au  tombeau  : 
«  Comme  il  approchait  de  la  porte  de  la  ville^  il  se  trouva  qu'on 
portait  en  terre  un  mort,  fils  unique  de  sa  mère.  »  —  Tite  de  Bostr. 
Ou  avait  pu  dire  du  serviteur  du  centurion,  que  sa  maladie  n'était 
pas  mortelle;  aussi,  pour  réprimer  ce  langage  téméraire,  Jésus  marche 
à  la  rencontre  d'uu  jeune  homme  qui  était  mort,  fils  unique  d'une 
veuve  :  «  Et  celle-ci  était  veuve,  et  beaucoup  de  gens  de  la  ville  l'ac- 
compagnaient. »  —  S.  Grég.  de  Nysse.  (;de  la  créât.  deVhomme.)  (1) 
Par  ce  peu  de  mots,  l'Evaugélistc  nous  fait  connaître  le  poids  de  la 
douleur  qui  accablait  cette  pauvre  mère.  Elle  était  veuve,  et  ne  pou- 
vait plus  espérer  d'autres  enfants,  elle  n'en  avait  aucun  sur  lequel  elle 
put  reporter  les  regards  de  sa  tendresse,  à  la  place  de  celui  qu'elle 
venait  de  perdre  ;  il  était  le  seul  qu'elle  eût  nourri  de  son  lait,  lui  seul 

(1)  Ou  chap.  23  de  la  créatjon. 


vocatus  accedit  :  unde  dicitur  :  «  Et 
factura  est  deiuceps  ibat  Jésus  in  civita- 
tem  Naim.  »  Bed.  Naim  est  civilas  Ga- 
lilœa;  in  secundo  milliario  montis  Tlia- 
bor  :  divino  autem  uutu  multa  turba 
Dominum  comitatur,  ut  mulli  essenl 
tanti  miraculi  testes  :  unde  sequitur  : 
«  Et  ibant  cum  illo  discipuli  ejus  et 
turba  copiosa.  »  Qkeg.  Nyss.  {Tract, 
(le  anima  et  resurrectione  post  mé- 
dium.) Uesurrectionis  autem  experimen- 
lum  non  ita  verbis,  sicut  operibus  a 
Salvatore  didicinius,  qui  ah  inferioribus 
inchoans  opus  miraculi,  fidem  noslram 
assuefacil  ad  majora  :  primo  (juideiti  in 
K>^'riludiuf'  desporata  servi  centurionis, 
resurreclionis  incepil  potcslalem  :  posl 
hœc  ailiori  poleslate  ducit  homines  ad 


fidem  résurrection is,  dum  suscitavil  fi- 
lium  vidufe,  qui  ferebatur  ad  monumen- 
tum  :  unde  dicitur  :  «  Cum  autem  ap- 
propinquaret,  ecce  defunclus  efferebatur 
filius  unicus  matris  suaî.  »  Titus  bosr. 
Uicit  enim  aliquis  de  puero  centurioni.^, 
quod  moriturus  non  erat  :  ut  igitur 
temeriam  linguam  compesceret ,  jam 
defuncto  juveni  Christum  ob^'iamire  fa- 
tetur,  \mico  filio  viduae  :  nam  sequitur  : 
«  Et  hœc  vidua  erat,  et  turba  civitulis 
multa  cum  illa.  »  Grkg.  Nyss.  {de  /lo- 
minis  opificio).  ^-Erumnœ  molem  brevi- 
bus  verbis  explicuit  :  mater  vidua  erat, 
et  non  sperabat  ulterius  filios  pro- 
creare;  non  habebal  in  (piem  aspcclum 
dirifjerct  vice  defuncti  3  liunc  solum 
iactaverat,  solus  aderat  alacrilalis  causa 


346 


EXPLICATION   DR    LEVANGILE 


était  la  joie  de  sa  maivSou,  lui  seul  était  toute  sa  douceur,  tout  son 
trésor.  —  S.  Cïr.  Une  si  juste  douleur  était  bien  digne  de  compas- 
sion et  bien  capable  d'attrister  et  de  faire  couler  les  larmes  :  «  Le  Sei- 
gneur l'ayant  vue,  fut  touché  de  compassion  pour  elle,  et  lui  dit  :  Ne 
pleurez  point.  »  —  Bède.  C'est-à-dire,  cessez  de  pleurer  comme  mort 
celui  que  vous  allez  voir  ressusciter  plein  de  vie.  —  S.  Chrys.  {ou 
Tite  dans  la  Ch.  des  Pèr.  gr.)  En  disant  à  cette  femme  :  «  Ne  pleurez 
pas,  »  celui  qui  console  les  affligés  nous  apprend  à  nous  consoler  de 
la  perte  de  ceux  qui  nous  sont  chers,  par  l'espérance  de  la  résurrec- 
tion; cependant  il  touche  le  cercueil  comme  la  vie  qui  va  à  la  ren- 
contre de  la  mort  :  «  Et  il  s'approcha  et  toucha  le  cercueil,  »  etc.  — 
S.  Cyr.  Il  n'opère  point  ce  miracle  par  sa  seule  parole,  mais  il  touche  le 
cercueil  et  vous  fait  ainsi  comprendre  l'efficacité  toute-puissante  du  corps 
sacré  de  Jésus-Christ  pour  le  salut  des  hommes;  c'est  en  effet  un  corps 
plein  de  vie  et  la  chair  du  Verbe  tout-puissant  dont  il  a  toute  la  vertu. 
De  même,  en  effet,  que  le  fer  pénétré  par  le  feu,  produit  les  effets  du 
feu  ;  ainsi  la  chair  étant  unie  au  Verbe  qui  vivifie  toutes  choses,  se  pé- 
nètre elle-même  d'une  puissance  vivifiante  qui  chasse  la  mort.  — 
TitedeBostr.  Le  Sauveur  ne  ressemble  point  ici  au  prophète  Elie,  qui 
pleure  le  fils  de  la  femme  de  Sarepta  (III  Rois^  xvii),  ni  au  prophète 
Elisée,  qui  étendit  son  corps  sur  le  cadavre  du  fils  de  la  Sunamite 
(IV  Rois^  iv) ,  ni  à  l'apôtre  saint  Pierre,  qui  prie  Dieu  de  rendre  la 
vie  à  la  pieuse  Thabitha  {Actes,  ix);  mais  il  est  celui  qui  appelle  ce 
qui  n'est  pas  comme  ce  qui  est  {Rom.,  iv),  et  qui  peut  faire  entendre 
sa  parole  aux  morts  aussi  bien  qu'aux  vivants  :  «  Et  il  dit  :  Jeune 
homme,  je  te  le  commande,  lève-toi.  »  —  S.  Grég.  de  Nysse.  En 
l'appelant  «jeune  homme,  »  Notre- Seigneur  nous  apprend  qu'il  était  à 


in  domo;  quicquid  matri  dulce  ac  pre- 
tiosum,  hic  solus  extiterat.  Cyril,  {ubi 
Slip.)  Miseranda  passio  et  ad  fletum  et 
ad  lacrymas  potens  provocare  :  uude 
sequitur  :  «  Quam  cum  vidisset  Domi- 
nus,  misericordia  motus  super  eam, 
dixit  illi  :  Noli  flere.  »  Bed.  Quasi  dicat  : 
«  Désiste  quasi  iiiortuum  flere,  queiu 
mox  vivum  resurgere  videbis.  »  Chrys. 
(vel  Titus  in  Cat.  Grseconim  Patnim.) 
Jubens  autem  cessare  a  lacrymis  qui 
consolatur  mœstos,  monet  nos  prœseu- 
tibus  defunctià  coosolationem  recipei'e, 
resurrectionem  sperantes  :  lenet  auteiu 
feretrum  vita  obvians  morti  uude  se- 
quitur :  «  Et  accessit ,  »  etc.  Cyril. 
[ubi  supra.)  Ideo  autem,  non  solum 
verbo  peragit  miraculum,  sed  et  fere- 
trum tangit,    ut  cognoscas  efficax  esse 


sacrum  Christi  corpus  ad  humauam 
salutem;  est  enim  corpus  vitae  et  caro 
Verbi  omnipotentiscujus  habet  virtutem  : 
sicut  enim  ferrum  adjunctum  igni  perfi- 
cit  opus  iguis,  sic  postquam  caro  unita 
est  Verbo  quod  vivificat  omnia,  ipsa 
quoque  faclaest  vivificativa  etmortis  ex- 
pulsiva.  TiT.  BosT.  Non  autem  Salvator 
similisest  Eliae  defleuti  iîlium  Sareptanae 
(III  Reg.,  17)  nec  qualis  Eliseus,  qui 
proprium  corpus  applicavit  corpori  de- 
fuucti  (IV  Reg.,  4),  nec  qualis  Petrus, 
qui  pro  Thabita  oravit  {Àct.,  9),  sed 
ipse  est  qui  non  entia  velut  entia  vocat 
(Rom.,  4),  qui  mortuos  ut  vivos  alloqui 
polest:  unde  sequitur:  «  Etait:  Ado- 
lescens,  »  etc.  Greg.  Nyss.  (ut  sup.) 
Qui  dixit  adolescentem,  florentis  signi- 
ficavit  temporis  horam   primam  produ- 


DE   SAINT   LUC,   CHAP.    VU.  347 

la  fleur  de  l'âge,  dans  la  première  jeunesse.  Il  y  a  quelques  heures 
encore,  il  était  la  joie  et  le  bonheur  des  regards  de  sa  mère,  peut-être 
déjà  il  soupirait  après  le  temps,  où  uni  à  une  tendre  épouse,  il  de- 
viendrait le  chef  de  sa  famille,  la  souche  de  sa  postérité,  et  le  bâton 
de  vieillesse  de  sa  mère. 

TiTE  DE  BûSTR.  Ce  jeune  homme  obéit  aussitôt  à  l'ordre  qui  lui  est 
donné,  et  se  lève  sur  son  séant,  car  rien  ne  peut  résister  à  la  puis- 
sance divine,  elle  ne  souffre  aucun  retard,  elle  n'a  besoin  d'aucune 
instance  :  «  Aussitôt  le  mort  se  leva  sur  son  séant  et  commença  à 
parler,  et  Jésus  le  rendit  à  sa  mère.  »  Ce  sont  là  les  signes  d'une  vé- 
ritable résurrection,  car  un  corps  privé  de  la  vie  n'a  point  l'usage  de 
la  parole,  et  d'ailleurs  cette  femme  n'eût  point  ramené  dans  sa  maison 
le  corps  de  son  fils  mort  et  inanimé.  —  Bède.  L'Evangéliste  suit  un 
ordre  admirable  en  nous  représentant  d'abord  le  Sauveur,  touché  de 
compassion  pour  cette  pauvre  mère,  et  puis  rendant  son  fils  à  la  vie  ; 
il  nous  donne  ainsi  d'un  côté  l'exemple  de  la  compassion  que  nous 
devons  imiter,  et  de  l'autre,  un  motif  de  croire  à  sa  puissance  toute 
divine;  aussi  ajoute-t-il  :  «  Tous  furent  saisis  de  crainte,  et  ils  glo- 
rifiaient Dieu,  »  etc.  —  S.  Cyr.  Ce  prodige  surprenant  se  fit  au  milieu 
d'un  peuple  insensible  et  ingrat,  quelques  jours  à  peine  s'étaient  pas- 
sés, et  ils  ne  croyaient  plus  que  Jésus  fût  un  prophète,  ni  qu'il  eût 
été  envoyé  pour  le  salut  du  peuple  juif.  Cependant  ce  miracle  fut 
connu  de  tous  les  habitants  de  la  Judée  :  «  Et  le  bruit  de  ce  prodige 
se  répandit  dans  toute  la  Judée ,  et  dans  tout  le  pays  d'alentour.  » 

S.  Max.  (I)  Il  est  bon  de  remarquer  que  la  sainte  Ecriture  rap- 
porte sept  résurrections   avant  celle  du  Seigneur.  La  première  est 

(1)  Ce  n'est  point  ici  saint  Maxime,  évêque  de  Turin,  mais  saint  Maxime,  abbé  et  martyr. 


centem  lanugioem  ;  qui  paulo  aute 
suavis  et  pretiosus  erat  niaternorum 
oculorum  aspeclui,  jam  spirans  ad  tem- 
pus  sponsalium,  virfia  generis,  succes- 
sionis  ramus,  baculus  senectutis. 

Titus  Bostr.  Incunctanter  autem 
erectus  est ,  cui  sunt  niauiiata  di recta  : 
divina  eriiin  potestas  est  irrefragabilis; 
niiUa  mora  ,  nulla  orationuin  iojtaatia  : 
uude  sequitur  :  «  Et  resedit  qui  erat 
niortuus,  et  cœpit  loqui;  et  dédit  illura 
niatri  suae  :  »  indicia  sunt  hrec  verœ  re- 
surrectionis  :  corpus  enim  exanime 
loqui  non  potest;  nec  reporlasset  luulier 
ad  douiuin  defunctuni  tiliuiii  et  iuani- 
inatiiiii.  Bed.  Piilchre  auteiii  Evangelista 
Domiuum    prius    misericordia    motuoi 


esse  super  matre^  ac  sic  filium  resusci- 
tare  testatur;  ut  in  uno  nobis  exemplum 
imitandae  pietatis  ostenderet ,  in  altero 
fideni  mirandae  potestatis  astrueret  : 
unde  sequitur  :  «  Accepit  autem  omnes 
timor ,  et  magnificabant  Deuui,  »  etc. 
Cyril,  (uù  snp.)  Hoc  magnum  fuit  in 
populo  insensibili  et  ingrato  :  post  mo- 
dicum  enim  nec  prophetam  esse  ,  nec 
ad  utilitatem  populi  procédera  ipsum 
existimavit.  Neminem  autem  habitan- 
lium  Judaeam  lioc  miraculum  latuit  : 
unde  sequitur  :  «  Et  exiit  hic  sermo  in 
universam  Judaeam,  »  etc. 

Maxim,  [in  Cat.  Grwcorum  Pafrum.) 
Idoneum  autem  est  dicere  quod  septem 
resurrectiones  ante  dominicam  narrait- 


348 


EXPLICATION   DFC    L  EVANGILE 


celle  du  fils  de  la  veuve  de  Sarepta  (III  Rois,  xvii);  la  seconde,  celle 
du  fils  de  la  Sumanite  (IV  Rois,  iv)  ;  la  troisième,  celle  qu'opéra  le 
corps  d'Elisée  (IV  Rois,  m)  ;  la  quatrième,  celle  du  fils  de  la  veuve  de 
Naïm  {Luc,  vu)  ;  la  cinquième,  celle  de  la  fille  du  chef  de  la  synagogue 
{Marc,  v)  ;  la  sixième,  celle  de  Lazare  {Jean,  xi)  ;  la  septième,  celle 
qui  eut  lieu  au  temps  de  la  passion  du  Sauveur,  alors  que  les  corps 
d'un  grand  nombre  de  saints  ressuscitèrent.  La  huitième  est  celle  de 
Jésus-Christ,  qui,  vainqueur  à  jamais  de  la  mort,  vit  pour  ne  plus 
mourir,  et  pour  signifier  que  la  résurrection  générale  qui  aura  lieu 
au  huitième  âge  du  monde,  ne  sera  plus  sujette  à  la  mort,  mais  sera 
suivie  d'une  vie  éternelle. 

BEDE.  Ce  mort  qui  ressuscite,  hors  des  portes  de  la  ville,  sous  les 
yeux  d'une  grande  multitude,  représente  l'homme  plongé  dans  le 
sommeil  de  ses  fautes  mortelles,  et  la  mort  de  l'àme,  qui  ne  reste  plus 
cachée  dans  rintérieur  du  cœur,  mais  qui  se  produit  au  dehors,  et 
(jui,  par  ses  paroles  et  par  ses  œuvres,  s'expose  aux  regards  de  tous, 
comme  aux  portes  d'une  ville,  car  chacun  des  sens  de  notre  corps 
peut  être  considéré  comme  la  porte  d'une  ville.  C'est  avec  raison  que 
l'Evangéliste  fait  remarquer  que  ce  jeune  homme  était  fils  unique, 
parce  que  l'Eglise,  bien  que  composée  d'un  grand  nombre  de  per- 
sonnes, ne  fait  cependant  qu'une  seule  mère;  et  toute  âme  qui  se  sou- 
vient d'avoir  été  rachetée  par  la  mort  du  Seigneur,  sait  que  l'Eglise 
est  veuve.  —  S.  Ambr.  Cette  veuve  qui  est  entourée  d'une  multitude 
de  peuple,  est  à  mes  yeux  plus  qu'une  femme,  elle  qui  a  mérité  d'ob- 
tenir par  ses  larmes  la  résurrection  de  son  fils  unique.  Ainsi  l'Eglise 
rappelle  à  la  vie  le  peuple  le  plus  jeune  du  milieu  des  tristes  solen- 
nités de  la  mort,  et  on  lui  défend  de  pleurer  celui  qui  doit  bientôt  res- 


tur  :  quaruui  prima  est  iîlii  Sareptanœ 
(III  Reg.,  17);  secunda  filii  Sunamitis 
(lY  Beg.,  4);  tertia  quae  facta  est  in  re- 
liquiis  Elisei  (IV  Reg.,  3;;  quarta  quae 
facta  est  in  Naim,  ut  liicdlcitur;  quinta 
filise  archisynagogi ,  [Marc,  o);  sexta 
Lazari  {Joan.,  11);  septima  in  Cbristi 
passione,  multa  namque  corpora  sanc- 
torum  surrexerunt  {Matth.,  27)  ;  octava 
est  Cbristi ,  qui  expers  mortis  remansit 
ulterius  in  signum  quod  oommunis  re- 
surrectio  quse  futuraest  in  octava  aetate, 
non  toUetur  morte ,  sed  iudissolubilis 
permauebit. 

Beda.  Defunctus  autem ,  qui  extra 
portam  civitatis  multis  est  intueutibus 
elatus ,  significat  liominem  letbalium 
funere  crimiaum  soporatum,  et  aaimœ 


mortem,  non  cordis  adbuc  cubili  tegen- 
tem,  sed  ad  multorum  uotitiam  per  lo- 
cutionis  operisve  indicium  (quasi  per 
civitatis  ostia)  propalantem.  Portam  enim 
civitatis  puto  aliquem  de  sensibus  esse 
corporalilius;  qui  beue  fîlius  uniciis 
matris  sux  dicitur,  quia  una  est  ex  mul- 
tis personis  collecta  mater ,  Ecclesia  : 
viduam  aulcui  esse  Ecclesiam  omnis 
anima  quae  se  Domini  morte  redemptam 
memiuit,  agnoscit.  Ambros.  Hanc  enim 
viduam  populorum  turba  circumseptam 
plus  video  esse  quam  femiuam,  quae 
resurrectionem  unici  adolesceutis  filii 
suis  lacrj'mis  ineruerit  impetrare;  eo 
quod  Ecclesia  populum  juuiorem  a 
pompa  funeris  revocat  ad  vitam  ,  sua- 
rum  contemplatione  lacrymarum  :  quse 


DE  SAINT   LUC.    CHAP.    VII, 


349 


susciter.  —  Bède.  Ainsi  se  trouve  confondue  l'erreur  des  novatieus, 
qui,  eu  voulant  détruire  la  purification  des  pécheurs  repentants,  nient 
par  la  même  que  l'Eglise,  notre  mère^  qui  pleure  la  mort  spirituelle 
de  ses  enfants,  doive  être  consolée  par  l'espérance  de  leur  rendre 
la  vie. 

S.  Ambr.  Ce  mort  était  porté  dans  son  cercueil  par  les  quatre  élé- 
ments terrestres;  mais  il  avait  l'espérance  de  ressusciter  parce  qu'il 
était  porté  dans  le  bois.  Ce  bois  jusque-là  ne  nous  était  d'aucune  uti- 
lité, mais  dés  que  Jésus-Christ  l'eut  touché,  il  devint  un  instrument 
de  vie,  et  le  signe  du  salut  que  le  bois  de  la  croix  devait  apporter  à 
tous  les  peuples.  Nous  sommes  étendus  sans  mouvement  et  sans  vie 
dans  le  cercueil,  lorsque  le  feu  d'une  passion  violente  nous  con- 
sume ,  ou  lorsque  les  eaux  de  l'indififérence  nous  submergent , 
et  que  la  vigueur  de  notre  âme  se  trouve  comme  émoussée  et  appe- 
santie par  le  poids  de  ce  corps  terrestre.  —  Bède.  Ou  bien  encore,  le 
cercueil  dans  lefjuel  ce  jeune  homme  est  porté,  c'est  la  conscience 
toujours  alarmée  du  pécheur  désespéré;  ceux  qui  le  portent  au  tom- 
beau sont  les  désirs  impurs  ou  les  flatteries  des  amis  qui  s'arrêtent 
aussitôt  que  le  Seigneur  touche  le  cercueil;  souvent,  en  effet,  la  con- 
science que  touche  la  crainte  des  jugements  de  Dieu,  rejette  les  vo- 
luptés charnelles  et  les  louanges  injustes,  rentre  en  elle-même,  et 
répond  au  Sauveur  qui  la  rappelle  à  la  vie.  —  S.  Ambr.  Si  donc  vous 
êtes  coupable  d'une  grande  faute  que  vous  ne  puissiez  laver  dans  les 
larmes  de  la  pénitence,  recourez  aux  larmes  de  l'Eglise  votre  mère, 
que  l'assemblée  des  fidèles  vous  aide  aussi  dans  ce  pieux  travail,  et 
vous  sortirez  du  tombeau,  et  votre  bouche  s'ouvrira  de  nouveau  à  des 
paroles  de  vie,  et  tous  seront  saisis  de  crainte  (car  l'exemple  d'un  seul 


flero  prohibetur  eum  cui  resurrectio 
debebatar.  Beda.  Vel  Novati  domina 
coiifuudilur,  liai  dum  pœaileiitimn 
imindationeni  evacuare  conalur,  matrem 
Kcdesiain  de  natorum  suoruni  spirituali 
exlinctione  ploraiitein ,  spe  vilaj  red- 
dendre  iicRat  consoluri  tlebere. 

Ambr.  Hic  autera  morluus  iii  loculo 
inaterialibu.^  f[uatuor  ad  sepulcrura 
fercbatur  elriinenlià;  sed  spem  rcsur- 
)iendi  baliebat,  quia  ferebalur  in  lii,'uo  ; 
qiiod  ctsi  iiobis  aiitc  nou  proderat, 
Uimen  posteaquani  Clirislus  id  telif^it, 
proficere  cœpit  ad  vitaui;  ut  esselindicio 
saluteui  po\)ulo  pcr  crucis  patibulum  re- 
fundendaïu.  In  feretro  enim  jacemus 
exaniuies,  cuui  vei  if^nis  iramodi(;;e  cu- 
piditalis  exaestuat,  vel  frigidus  bumor 


exundat,  et  pigra  quadam  terreni  cor- 
poris  babitudine  vigor  hebetatur  ani- 
niui'uui.  Beda.  Vel  loculus  in  quo  inor- 
tuus  elîerliir,  mule  secura  de^^perati  pec- 
catoris  couscientia  est;  qui  vcro  sepe- 
lieuduui  portant ,  vel  immuuda  deside- 
ria,  vel  blandimenta  sunt  sociorum,  qui 
Domino  loculuni  tangente  steterunt; 
quia  superni  formidine  judicii  tacta 
conscientia,  caruales  sœpe  voluptates  et 
injuste  laudantes  coerceus  ad  se  reverli- 
tur,  vocantique  ad  vitam  respondet  Sal- 
vaton.  Ambr.  Si  ergo  grave  peccatum 
est,  quod  pœnitenliai  tuœ  lacrymis  ipse 
lavare  non  possis ,  fleat  pro  te  mater 

'  Ecclesia;  assistât  et  turba;  jam  resur- 
ges  a  funere  ,  et  incipies  vitalia  loqui  : 

1  timebunt  omnes  (unius  enim  exemple 


350  RXPLICATTON   HK    I.  ÉVANGILE 

est  profitable  à  tous  ceux  qui  en  sont  témoins),  et  ils  loueront  Dieu 
qui  nous  a  donné  de  si  grands  moyens  d'éviter  la  mort.  —  Bède. 
ainsi  Dieu  a  visité  son  peuple,  non-seulement  lorsqu'il  l'a  incarné  une 
fois  dans  un  corps  mortel,  mais  lorsqu'il  ne  cesse  de  l'envoyer  dans 
les  cœurs. 

Théophyl.  Par  cette  veuve,  vous  pouvez  aussi  entendre  l'âme  qui  a 
perdu  son  époux,  c'est-à-dire  la  parole  diviue  ;  son  fils  qui  est  emporté 
hors  de  la  ville  des  vivants ,  c'est  l'intelligence;  le  cercueil,  c'est  son 
corps  que  plusieurs  ont  appelé  un  sépulcre.  Or,  aussitôt  que  le  Sei- 
gneur le  touche^  il  le  relève,  il  rend  la  vie  et  la  jeunesse  à  celui  qui 
sort  du  péché  et  commence  à  parler  et  à  instruire  les  autres  ;  car  avant 
sa  résurrection  on  n'eût  point  ajouté  foi  à  ses  paroles. 

f.  18-23.  —  Les  disciples  de  Jean  lui  ayant  annoncé  toutes  ces  choses,  il  en 
appela  deux,  et  les  envoya  vers  Jésus  pour  lui  dire  :  Etes-vous  celui  qui  doit 
venir,  ou  devons-nous  en  attendre  un  autre?  Etant  donc  venus  trouver  Jésus, 
ces  hommes  lui  dirent  :  Jean-Baptiste  nous  a  envoyés  vers  vous  pour  vous 
demander.  Etes-vous  celui  qui  doit  venir,  ou  devons-nous  en  attendre  un 
autre  ?  [A  cette  heure  même,  Jésus  guérit  un  grand  nombre  de  personnes 
affligées  de  ynaladies  et  de  plaies,  et  les  délivra  des  malins  esprits  qui  les 
possédaient,  et  il  rendit  la  vue  à  plusieurs  aveugles.  Alors,  il  répondit  aux 
envoyés)  :  Allez  rapporter  à  Jean  ce  que  vous  avez  vu  et  entendu  :  les  aveugles 
voient,  les  boiteux  marchent,  les  lépreux  sont  purifiés,  les  sourds  entendent, 
les  morts  ressuscitent,  les  pauvres  sont  évangélisés  ;  et  bienheureux  quiconque 
ne  se  scandalisera  pas  de  moi  ! 

S.  Cyr.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  Quelques-uns  des  disciples  de  Jean  rap- 
portèrent au  saint  Précurseur  le  miracle  qu'avaient  appris  tous  les 
habitants  de  la  Judée  et  de  la  Galilée  :  «  Cependant  les  disciples  de 


omues  corriguntur.)  Laudabunt  etiam 
Deum  qui  tanta  nobis  remédia  vitandœ 
Jiiortis  induisit.  Beda.  Visitavit  autem 
Deus  plebem  suam ,  nou  soluin  semel 
Verbum  suum  incorporando,  sed  sem- 
per  in  corda  mittendo. 

Theopuylact,  Viduam  etiam  potes 
intelligere  auimam  virum  amittentem, 
id  est,  divinum   sermonem  :   tilius  ejus 


bus  /lis.  Et  convocavit  duos  de  discipulis  suis 
Joannes ,  et  inisit  ad  Jesum,  dicens  :  Tu  es 
qui  venturus  es,  an  aliuni  expectamus  ?  Cum 
autem  venissent  nd  eum  viri,  dixerunt  :  Joan- 
nes Baptista  misit  nos  ad  te  dicens  :  Tu  es  gui 
venturus  es,  an  alium  expectamus?  In  ipsa 
autem  Iiora  miiltos  curavit  a  languoribus  suis, 
et  plagis,  et  spiritibus  malis;  et  cœcis  multis 
donavit  visum  :  et  respondens ,  dixit  illis  : 
Euntes  renuntiate  Joanni  quœ  audistis  et  vidis- 


,.,,,.  .  •     i   4  if        \      tis  :  guta  cœct  vident,   claudi  ambulant,  le- 

est  mtellectus,  qui  exira  civitatem  elier-  ■        j    ,  j-      j-    , 

'    ;  .  prosi  mundantur,  surdi  audiunt ,  mortui  re- 

lur  viventmm.  Loculus  ejus  est  corpus  surgunt,  pauperes  evangelizantur,  et  beatus 
ejus,  quod  quidam  dixerunt  esse  sepul-  i  est  quicunque  non  fuerit  scandalizatus  in  me. 
crum  :  taugeus  autem  eum  Dominus  éle- 
vât ipsum,  juveuescere  faciens  eum  qui  Cyril,  (m  Cat.  Grœconim  Patrum.) 
surgeus  a  peccato  incipit  loqui  et  alios  Miraculum  quod  omnes  inl^bitantes 
edocere  :  non  enim  prius  ei  crederetur.    JudEeam  et  Galilœam  sciverant,  referunt 

sancto  Baptistse  quidam  ex  ejus  discipu- 
Et  nuntiaverunt  Joanni  discipuli  ejus  de  omni-  I  lis  :   unde    sequitur  :  «  Et  uuatiaverunt 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    VII. 


351 


Jean  lui  ayant  annoncé,  »  etc.  —  Bède.  Ce  ne  fut  pas ,  je  pense  _,  dans 
une  intention  bien  droite,  mais  par  un  sentiment  de  jalousie;  car 
nous  les  voyons  ailleurs  se  plaindre  de  Jésus  en  ces  termes  :  «  Maître, 
celui  qui  était  avec  vous  au  delà  du  Jourdain  ,  et  auquel  vous  avez 
rendu  témoignage,  voilà  qu'il  baptise,  et  que  tous  vont  à  lui.  »  {Jean,  m.) 
—  S.  Ch'rys,  C'est  surtout  lorsque  la  nécessité  nous  presse ,  que  nous 
devons  nous  élever  jusqu'à  Jésus,  c'est  pour  cette  raison  que  Jean, 
retenu  dans  les  fers,  envoie  ses  disciples  à  Jésus,  alors  qu'ils  en  avaient 
un  plus  grand  besoin  :  «Jean-Baptiste  appela  deux  de  ses  disciples,  et 
les  envoya  vers  Jésus  pour  lui  dire  :  «  Etes-vous  celui  qui  doit  ve- 
nir, »  etc.  —  BÈDE.  Il  ne  dit  pas  :  Etes-vous  celui  quiètes  venu  ?  mais  : 
«  Etes-vous  celui  qui  doit  venir?  »  c'est-à-dire  :  Je  suis  sur  le  point 
d'être  mis  à  mort  par  Hérode,  et  de  descendre  aux  enfers  (1*),  faites- 
moi  donc  savoir  si  je  dois  annoncer  votre  arrivée  dans  les  enfers, 
comme  je  l'ai  annoncée  sur  la  terre ,  ou  bien  si  cette  mission  ne  con- 
venant pas  au  Fils  de  Dieu,  vous  devez  en  envoyer  un  autre  pour  l'ac- 
complissement de  ce  mystère.  —  S.  Cyr.  Mais  cette  explication  doit 
être  entièrement  rejetée;  nulle  part,  en  effet,  nous  ne  lisons  dans  les 
saintes  Ecritures  que  Jean-Baptiste  ait  annoncé  la  venue  du  Sauveur 
aux  babitants  des  limbes.  Il  est  vrai  aussi  de  dire  que  le  saint  Pré- 
curseur connaissait  toute  l'étendue  du  mystère  de  l'incarnation  du 
Fils  de  Dieu  ;  il  savait  donc,  entre  autres  cboses  ,  qu'il  devait  porter 
la  lumière  à  ceux  qui  babitaient  les  enfers  (2),  puisqu'il  est  mort  pour 

(1')  Le  mot  enfer  est  pris  ici  dans  le  même  sens  que  dans  le  symbole  pour  les  limbes  dans 
lesquelles  les  âmes  des  justes  morts  avant  la  venue  du  Christ,  attendaient  leur  rédemption  par  le 
Sauveur  du  monde. 

(2)  Il  ne  s'agit  pas  ici  des  réprouvés  que  Jésus-Christ  aurait  délivrés  par  sa  mort  de  leur  damna- 
tion actuelle,  mais  des  justes  qui  se  trouvaient  dans  les  limbes  et  que  Notre-Seigneur  devait  con- 
duire au  ciel:  quoiqu'on  puisse^  dire  aussi  dans  un  autre  sens,  que  le  Sauveur  est  mort  pour  les 
réprouvés  en  ce  sens  qu'il  leur  a  mérité  les  grâces  nécessaires  pour  éviter  la  damnation. 


.loanui,  »  etc.  Beda.  Non  simplici  corde, 
ut  opiner,  ser]  invidia  stimulante  :  nam 
et  alibi  conquerunlur  diccntcs  [Jocni., 
3):  «Rabbi,  qui  erat  tecuni  trans  Jor- 
danem,  ecce  hic  baptizat,  et  omnes  ve- 
niunt  ad  euiii.  »  CnRYS.  {in  Cot.  Grœco- 
rnm  Patrum.)  Tune  autem  niagis  ad 
i;uni  eriginiur,  cuni  incuuibil  nécessi- 
tas :  et  ideo  Joaniies  detrusus  in  carce- 
reni,  quaiido  magis  discipuli  ejus  indi- 
gebant  Jesu,  tune  miltit  eos  ad  Chris- 
tum.  Seijuilur  enini  :  «  Kt  convocavit 
duos  de  discipulis  suis  Joannes,  et  niisit 
eos  ad  Jesuni  dicens  :  Tu  es  qui 
venturus ,  »  etc.  Bed.  Non  ait  :  «  Tu  es 
qui  venisf.i,  »  sed.  «  tu  es  qui  venturus 


es:  »  et  est  seusus  :  Manda  niihi,  qui 
interfîcieudus  ab  Herode  et  ad  inferna 
descensurus  sum,  utrum  te  et  inferis 
debeam  nuntiare  qui  superis  nuntiavi, 
an  lioc  non  conveniat  Filio  Dei  et 
aliura  ad  ha;c  sacrameuta  missurus  es  ? 
Cyril,  [ubi  supra.)  Sed  oinnino  repro- 
banda  est  lalis  opinio  :  iiusquani  enim 
reperimus  sacrain  Scriiilurani  disserere, 
quod  iufernalibus  prœnunliavcrit  Baptista 
Joannes  Salvatoris  adventuni.  Illud 
f.'tiam  verum  est  dicere  quod  non  igno- 
ravit  Baptista  virtutem  luysterii  incar- 
nalionis  unigeniti  :  unde  et  hoc  cum 
aliis  noverat,  quod  illuuiinaturus  erat  in 
inferno    manentes,  cum  pro    omnibus 


352  EXPLICATION    DE   l'ÉVANGILE 

tous  les  hommes,  aussi  bieu  pour  les  morts  que  pour  les  vivants.  Mais 
comme  les  oracles  de  la  sainte  Ecriture  avaient  prédit  qu'il  viendrait 
comme  chef  et  comme  Seigneur,  et  que  les  autres  avaient  été  envoyés 
comme  de  simples  serviteurs  avaut  la  venue  du  Christ,  le  Sauveur  et 
le  Seigneur  de  tous  les  hommes  est  appelé  par  les  prophètes  :  «  Celui 
qui  vient,  »  ou  «  celui  qui  doit  venir ,  »  comme  dans  ce  passage  des 
Psaumes  :  «  Béni  soit  celui  qui  vient  au  nom  du  Seigneur.  »  [Ps.  cxvii), 
et  dans  cet  autre  du  prophète  Habacuc  :  «  Encore  un  peu  de  temps, 
et  celui  qui  doit  venir ,  viendra  sans  tarder.  »  {Babac. ,  ii.)  Jean- 
Baptiste  emprunte  donc  cette  manière  de  parler  à  la  sainte  Ecriture, 
et  envoie  quelques-uns  de  ses  disciples  pour  demander  à  Jésus  s'il  est 
celui  qui  vient,  ou  qui  doit  venir. 

S.  Ambr.  Mais  comment  peut-il  se  faire  qu'après  avoir  proclamé 
Jésus  celui  qui  efface  les  péchés  du  monde,  Jean-Baptiste  ne  reconnut 
pas  encore  en  lui  le  Fils  de  Dieu?  car,  ou  c'est  une  témérité  impardon- 
nable que  d'attribuer  sans  raison  les  attributs  de  la  divinité  à  celui 
qu'il  ne  connait  pas,  ou  c'est  une  coupable  infidélité  que  de  douter 
qu'il  soit  le  Fils  de  Dieu.  Quelques-uns  ont  vu  dans  Jean-Baptiste  un 
grand  prophète  éclairé  d'en  haut,  pour  reconnaître  le  Christ;  mais 
sans  admettre  que  le  doute  soit  entré  dans  son  esprit ,  ils  ont  supposé 
que  par  un  sentiment  de  pieuse  affection ,  il  avait  cru  que  celui  qu'il 
avait  annoncé,  ne  serait  pas  sujet  à  la  mort.  Ce  n'est  donc  point  l'in- 
crédulité ,  mais  son  amour  pour  le  Sauveur  qui  est  la  cause  de  ce 
doute  ;  c'est  ainsi  que  nous  voyons  saint  Pierre  dire  à  Jésus-Christ  : 
«  A  Dieu  ne  plaise.  Seigneur,  cela  ne  vous  arrivera,point.  »  {Matth.,  xvi.) 
—  S.  Cyr.  {Très.,  liv.  ii,  chap.  4.)  Ou  bien,  c'est  avec  un  dessein  par- 
ticulier que  Jean-Baptiste  fait  cette  question.  Il  connaissait,  en  effet, 
comme  précurseur^  le  mystère  de  la  passion  du  Christ;  mais  il  vou- 


gustaverit  mortem  tam  vivis  quam  mûr-  de  quo  dixeiat  :  «  Ecce  qui  toUil  pec- 
tiiis  :  sed  quoaiam  sermo  sacra;  Scrip-  cata  mundi,»  adhuc  eum  Dei  Filium 
turoe  huuc  quidem  prœdixit  veuturuiu  '  esse  non  crederet?  aut  enim  insolentiae 
tanquam  ducem  et  Dominum,  alii  vero  ,  est  ei  tribuere  divina  quem  nescit;  aut 


uiissi  suut  sicut  famuli  ante  Christum, 
ideo  omnium  Salvator  et  Dominus  a 
prophetis  nominabatur,  «  qui  venit,  » 
vel,  «  qui  venturus  est,  »  secuudiim 
illud  {l'sal.  in)  «  Benediclus  qui  veuit 
m  Domine  Domiui  ;  »  et  in  Abacuc  2  : 
«  Post  modicum  qui  venturus  est,  veniet 
et  non  tardabit.  »  Igitur  divinus  Bap- 
tista  quasi  nomen  accipiens  a  sacra 
Scriptura,  misit  quosdam  discipulorum 
suorum  quaesituros  an  ipse  sit  «  qui  ve- 
nit, »  vel  «  qui  venturus  est.  » 
Ambros.  Sed  quomodo  fieri  posset,  ut 


de  Dei  Filio  dubitasse  perfidiae  est. 
NonnuUi  autem  de  ipso  Joanne  intelli- 
gunt,  magnum  quidem  itapropbetam  ut 
Christum  asçuosceret;  sed  tamen  non 
tanquam  dubium ,  sed  tanquam  pium 
vatem,  quem  venturum  crediderat,  non 
credidisse  morilurum.  Nou  iiiilur  fide, 
sed  pielate  dubitavit;  sicut  et  Petrus 
dicens  [Malth.,  16)  :  «  Propitius  tibi 
esto,  Domine,  non  fiet  boc.  »  Cyril,  {in 
Thesauro,  lib.  ii,  cap.  4.)  Vel  ex  dis- 
pensatione  interrogat  :  noverat  enim  (ut 
prsecursor)  passionis  Christi  mysterium  ; 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.    VII.  353 

lait  que  ses  disciples  apprissent  par  eux-mêmes  l'excellence  du  Sau- 
veur ;  il  envoie  donc  vers  lui  les  plus  sages  d'entre  eux  ,  en  leur  re- 
commandant de  s'informer  et  d'apprendre  de  la  bouche  même  du 
Sauveur,  s'il  était  celui  qu'on  attendait  :  «  Ces  hommes  étant  donc 
venus ,  lui  dirent  :  Jean-Baptiste  nous  a  envoyés  vous  demander  : 
Etes-vous  celui  qui  doit  venir,  »  etc.  Or,  Jésus,  sachant  comme  Dieu 
dans  quelle  intention  Jean  les  avait  envoyés  et  le  motif  de  leur  venue, 
opéra  sous  leurs  yeux  un  grand  nombre  de  miracles  éclatants  :  «  A 
cette  heure  même,  Jésus  guérit  un  grand  nombre  de  personnes  affli- 
gées, »  etc.  Il  ne  leur  dit  pas  en  termes  exprès  :  «  Je  suis  celui  qui 
doit  venir,  »  mais  il  leur  en  donne  une  plus  grande  certitude,  et  veut 
qu'ils  puisent  la  foi  en  sa  divinité  dans  des  preuves  sans  réplique, 
avant  de  retourner  vers  celui  qui  les  a  envoyés.  Il  ne  répond  donc 
pas  à  la  question,  mais  à  l'intention  de  celui  qui  les  a  envoyés  :  «Alors 
il  répondit  aux  envoyés  :  Allez  rapporter  à  Jean  ce  que  vous  avez  vu 
et  entendu,  »  c'est-à-dire  :  Racontez  à  Jean-Baptiste  ce  que  vous  avez 
entendu  des  prophètes ,  et  ce  que  vous  avez  vu  s'accomplir  en  moi- 
même.  Il  accomplissait ,  en  effet ,  les  merveilles  que  les  prophètes 
avaient  prédit  de  lui,  et  qu'il  rappelle  en  leur  disant  :  «  Les  aveugles 
voient,  les  boiteux  marchent,  »  etc. 

S.  Ambr.  Ce  témoignage  était  sans  doute  plus  que  suffisant  pour 
que  le  saint  Précurseur  fût  convaincu  que  Jésus  était  son  Seigneur  ; 
car  c'est  de  lui  que  les  prophètes  avaient  prédit  :  «  Le  Seigneur  donne 
la  nourriture  à  ceux  qui  ont  faim,  le  Seigneur  délie  les  captifs,  il 
éclaire  les  aveugles,  il  redresse  ceux  qui  sont  courbés,  et  celui  qui 
opère  ces  prodiges,  régnera  dans  l'éternité.  »  (Ps.  cxlv.)  Ce  ne  sont 
point  les  œuvres  de  l'homme ,  mais  les  actes  d'une  puissance  toute 


sed  ut  discipulis  suis  constet  quanta  sit 
excellcntia  Salvatoris ,  ex  propriis  disci- 
pulis prudentiores  inisil,  quos  prtecepit 
sciscilari.  et  viva  Salvatoris  voce  conji- 
cere,  si  ipse  est  qui  expcctabatur.  Unde 
subditur  :  «  Cuui  auteui  venissent  ad 
eiira  viri ,  dixerunt  :  Joaniies  Baptista 
raisit  nos  ad  te,  dicens  :  Tu  es,  »  etc. 
Sciens  autem  ut  Deus  quo  aaimo  luisis- 
set  eos  Joannes  et  causaia  adventus 
eorum,  tune  temporis  egit  i:beriora  nii- 
racula  :  unde  sequitur  :  «  In  ipsa  autem 
hora,  curavit  multos  a  lan^uoribus,  » 
etc.  Non  dicit  eis  expresse  :  Ego  suvi, 
sed  ducit  eos  magis  ad  ni  certitudi- 
nem  ;  utcougrua  ratione  sumentps  fidein 
ipsius  revertantur  ad  eum  qui  misiteos  : 
unde  non  ad  verba,  sed  ad  propositum 

TOM.    V. 


raittentis  responsum  exhibuit.  Unde  se- 
quitur :  «  Et  respondens  dixit  illis  : 
Euutes  renuntiate  Joauni  qu*  vidistis  et 
audistis  :  »  quasi  diceret  :  Narrate 
Joanui  quœ  quidem  audistis  per  pro- 
phetas,  consummari  vero  vidistis  a  me, 
Ra  enim  tune  agebat  qua;  prajdixerant 
prophelae  eum  facturum,  de  quibus  sub- 
ditur :  «  Quia  cœci  vident,  claudi  ambu- 
lant, »  etc. 

Ambr.  Plénum  sane  testimonium  quo 
Dominurn  Propbeta  cognosceret.  De 
ipso  eniui  fuerat  propbetatum  {Psal. 
145),  ^uia  Domiuus  dat  escam  esurieuti- 
bus ,  erigit  elisos ,  solvit  compeditos, 
illuuiinat  caecos;  et  quod  qui  ista  facit, 
regnabit  in  fcternum  :  ergo  non  humana; 
ista,  sed  divinée  virtulis  insignia  sunt. 

23 


354 


rXPLlCATFON   DE   l'ÉVANGILE 


divine.  De  tels  prodiges  étaient  rares ,  ou  presque  nuls  avant  l'Evan- 
gile ;  Tobie  est  le  seul  que  nous  voyons  recouvrer  la  vue ,  et  ce  fut  un 
ange  et  non  pas  un  homme  qui  le  guérit.  {Tod.,  xi.)  Elie  a  ressuscité 
des  morts,  mais  à  force  de  prières  et  de  larmes  (TII  Rois^  xvii),  ici 
Jésus  n'a  besoin  que  de  commander  ;  Elisée  a  guéri  un  lépreux  , 
néanmoins  ce  ne  fut  point  par  l'autorité  de  son  commandement,  mais 
en  figure  d'un  grand  mj^stère  (1).  —  Théophtl,  C'était  à  la  vue  de  ces 
prodiges,  qu'Isaïe  disait  :  «  Dieu  viendra  lui-même  et  vous  sauvera. 
Alors  les  yeux  des  aveugles  verront  le  jour  ,  et  les  oreilles  des  sourds 
seront  ouvertes  ;  alors  le  boiteux  bondira  comme  le  cerf.  »  —  Bède. 
Et  ce  qui  n'est  pas  un  miracle  moins  éclatant  :  «  Les  pauvres  sont 
évangélisés ,  »  c'est-à-dire  que  les  pauvres  d'esprit  ou  des  biens  de  la 
terre  sont  éclairés  intérieurement ,  de  sorte  que  les  pauvres  et  les 
riches  ont  également  part  à  la  grâcû  de  la  prédication.  C'est  là  une 
preuve  de  la  vérité  du  Mailre,  que  tous  ceux  qu'il  peut  sauver  soient 
égaux  devant  lui.  —  S.  Ambr.  Et  cependant  ce  sont  là  encore  de  faibles 
témoignages  de  la  divinité  du  Sauveur;  ce  qui  donne  à  la  foi  toute  sa 
plénitude,  c'est  la  croix  du  Seigneur ,  sa  mort ,  sa  sépulture.  Voilà 
pourquoi  il  ajoute  :  «  Et  bienheureux  celui  qui  ne  se  sera  pas  scan- 
dalisé de  moi.  »  La  croix,  en  effet,  pourrait  être  un  sujet  de  scandale, 
même  pour  les  élus,  et  cependant  c'est  la  plus  grande  preuve  de  la 
divinité  du  Christ;  car  il  n'y  a  rien  qui  soit  plus  au-dessus  de  l'hu- 
manité que  de  s'être  offert  seul  pour  le  salut  du  monde  entier. 
—  S.  Cyr.  Peut-être  aussi  voulait-il  les  convaincre  par  là,  qu'au- 
cune des  pensées  de  leur  cœur  ne  pouvait  échapper  à  ses  regards  ; 

(1)  C'était  la  figure  du  baptême  qui  devait  nous  laver  de  nos  péchés,  et  qui  était  figuré  par  les 
eaux  du  Jourdain,  dans  lequel  Elisée  commanda  à  Naaman  d'aller  se  laver  pour  être  purifié  de  sa 
lèpre;  et  dans  les  eaux  duquel  aussi  le  baptême  fut  institué,  lorsque  Jésus-Christ  voulut  lui- 
même  y  être  baptisé. 


Heec  ante  Evangelium  vel  rara  vel  nulla 
inveniimtur  :  unus  Tobias  oculos  recepit, 
et  hsec  fuit  autieli,  non  hominis  medicina 
{Tobiœ,  11);  Elias  mortuos  su3citavit(III 
Beg.,  17),  ipse  tamen  rogavit  et  flevit, 
hic  juàsit;  Eliseus  leprosum  mundari 
fecit  (IV  Beg.,  5)  ,  non  tamen  ibi  valait 
praecepli  auctoritas,  sed  mysterii  figura. 
Theophylact.  Suut  etiam  Iubc  verba 
Isaiae  dicentis  (cap.  3o)  :  «  Deus  ipse  ve- 
niet  et  salvabit  nos  :  tune  aperientur 
oculi  CcBCorum ,  el  aures  surdorum  pa- 
tebunt  :  tune  saliet  sicut  cervus ,  clau- 
dus.  »  Beda.  Et  quod  bis  non  minus  est, 
subditur  ;  «  Pauperes  evangelizauLur  ;  » 
pauperes  scilicet  spiritu  vel  opibus  intus 
illuminanlur,  ut  inter  divites  et  egenos 


in  prtedicatione  nulla  distantia  sit.  Haec 
magistri  comprobant  veritatem,  quando 
ornais  qui  apud  eum  salvari  potest, 
tequalis  est.  AiiBR.  Sed  tamen  parva 
adhuc  istadominicse  testificationisexem- 
pla  sunt;  plénitude  fidei  crux  Domini, 
obitus,  sepullura  est:  unde  addit  :  «Et 
bealus  est  qui  non  fuerit  scandalizatus 
in  me.  »  Crux  enim  etiam  electis  scan- 
dalum  posset  aiferre  ,  sed  nullum  hoc 
majus  divinse  personœ  est  testimonium  : 
nihil  enim  est  quod  magis  esse  ultra 
humana  videatur,  quam  toto  se  uuum 
obtulisse  pro  mundo.  Cyril,  {in  Cat. 
Grœconim  ubi  sup.)  Vel  per  hoc  volebat 
ostendere  quod  quaecunque  versabanlur 
in  cordibus  oorum,  ab  oculis  ipsius  effu- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    VIF.  355 

car  c'étaient  eux-mêmes  qui  se  scandalisaient  de  sa  personne  divine. 
S.  Ambr.  Nous  avons  dit  plus  haut  que  Jean  était  la  figure  de  la  loi 
qui  a  été  comme  le  précurseur  du  Christ.  Jean-Baptiste  envoie  donc 
ses  disciples  vers  Jésus-Christ  pour  donner  à  leur  science  toute  sa  per- 
fection; carie  Christ  est  la  plénitude  de  la  loi.  Ces  deux  disciples 
peuvent  aussi  figurer  les  deux  peuples  ,  les  Juifs  qui  embrassèrent  la 
foi,  et  les  Gentils  qui  crurent  après  avoir  entendu.  Ils  voulaient  voir 
de  leurs  yeux,  parce  que  bienheureux  sont  les  yeux  qui  voient.  Mais 
lorsqu'ils  sont  parvenus  jusqu'à  l'Evangile,  et  qu'ils  ont  reconnu  que 
les  aveugles  ont  recouvré  la  vue,  que  les  boiteux  marchent,  etc.;  alors 
ils  diront  :  «  Nous  avons  vu  de  nos  yeux.  »  ([  Jean,  i.)  Car  nous  nous 
figurons  que  nous  voyons  ce  que  nous  lisons  ;  ou  bien  encore,  il  nous 
semble  que  nous  avons  parcouru  toute  la  suite  de  la  passion  du  Sau- 
veur dans  quelque  partie  de  notre  corps  ;  car  c'est  par  quelques-uns 
seulement  que  la  foi  s'est  étendue  à  la  multitude  des  fidèles.  Ainsi  la 
loi  annonçait  le  Christ  qui  devait  venir,  et  l'Evangile  confirme  sa  venue. 

^.  24-28.  —  Lorsque  les  envoyés  de  Jean  furent  partis,  Jésus  s'adressa  au  peuple, 
et  leur  parla  de  Jean  en  cette  sorte  :  Qu'êtes-vous  allés  voir  dans  le  désert  ? 
Un  roseau  agité  par  le  vent?  Qu'êtes-vous  donc  allés  voir?  Un  homme  vêtu 
avec  mollesse'!  Mais  ceux  qui  portent  des  vêtements  précieux  et  vivent  dans  les 
délices,  sont  dans  les  maisons  des  rois.  Qu'êtes-vous  donc  allés  voir?  Un 
prophète  ?  Oui,  je  vous  le  dis,  et  plus  qu'un  prophète.  C'est  de  lui  qu'il  est 
écrit  :  J'envoie  devant  vous  mon  ange,  qui  vous  précédera  et  vous  préparera  la 
voie.  Car,  je  vous  le  dis;  entre  tous  ceux  qui  sont  nés  des  femmes,  il  7i'y  a 
point  de  plus  grand  prophète  que  Jean-Baptiste  ;  mais  le  plus  petit  dans  le 
royaume  de  Dieu  est  plus  grand  que  lui. 

S.  CYR.(7Ve.s.,  II,  24.)  Le  Seigneur  qui  pénétrait  le  secret  des  cœurs, 


aère  nequiverunt  :  ipsi  eniai  erant,  qui 
scandalizabaulur  de  ipso. 

Ambr.  Myslice  aiiteiu  in  Joaune  supra 
dixiuius  typum  esse  le;jri5,  qu:e  prœnun- 
lia  fuit  Clîristi.  Mittil  ergo  Joannes  dis- 
cipulos  suos  ad  Chrisluiu ,  ut  supple- 
meutum    scieutia;    consequaiitur;    quia 


dominicse  serieni  passionis  :  fides  enini 
per  paucos  ad  plures  pervenit.  Lex  ergo 
Christuiii  venturum  annuiitiat,  Evangelii 
Scriptura  venisse  confirmât. 

Et  cum  discessisseni  nuntii  Joannis,  cœpit  de 
Joanne  dicere  ad  lurbas  :  Quid  existis  in  de- 


plt-niludo  legis  est  Chii.slUà.    'ît   fortasse  i  sertum  vUlere?  Arundiwm  vento  agitatam? 

isti  discipuli   sunt  duo  popul ,   quorum  i  Scd  quid  existis  videre?  Hominem  viollibus 

\     ,    .  ,-  ,-,        i(„,  „^  „„,  i;    I  veslimentis  tndutum?  Ecce  gui  in  veste  pre- 

unus  ex  .  udteis  cred  dit,  altei"  ex  geuti-  i  ...  „„  „,  ,,  „,.,■■■         ,    '■,  ^   , 

...  1-  ,-L  •  1-     t  Itosa  sunl  et  deltciis,  m  domibus  regum  sunt. 

bus,   qui    ideo    credidit,    qui.i    audivit.  Sed  quid  existis  videre?  prophelam?  ulique 

\oluerunt  ergo  et  isti  videre,  quia  l)eati  !  dico  uobis,  et  plusquam  prophetam.  Hic  est 

ocuii    «jui  vident.    Cum   auleui   venerint  '  de  quo  scriptum  est  :  Ecce  milto  am/elnn 

.id   fivangelium  ,  et  coanoverint  iilumi- ]  meum  ante  faciem  tuam,  qui  prrrparabit  viam 


nari  caîcos,  atnbulare  claudos,  etc.,  lune 
(iicf'ut  :  (I  Oculis  noslris  perspeximus  :  » 
videmur  enim  nobis  vidisse  quœ  legi- 
nms;  aut  fortasse  in  parte  quadam  cor- 
poris  uostri,  omnes  videmur  iiivestigasse 


luam  ante  te.  Dico  enim  vohis  :  major  inter 
nalos  mulierurn  propheta  Joanne  Baptista 
nenio  est;  qui  autem  minor  est  in  reyno  Dei, 
major  est  illo. 

Cyril,  {in  Thesauro,  ut  sup.)  Conje- 


3o6 


EXPLICATION   DE    l'ÉVANGILE 


comprit  qu'il  s'en  trouverait  pour  dire  :  Si  Jean-Baptiste  a  été  jusqu'à 
ce  jour  sans  connaître  Jésus ,  comment  a-t-il  pu  le  montrer  au  peuple 
en  disant  :  «Voici  l'Agneau  de  Dieu  qui  efiface  les  péchés  du  monde?» 
C'est  donc  pour  guérir  cette  impression  défavorable ,  qu'il  éloigne  de 
leur  esprit  ce  qui  pouvait  être  pour  eux  un  sujet  de  scandale  :  «  Lorsque 
les  envoyés  de  Jean  furent  partis,  il  commença  à  dire  au  peuple,  en 
parlant  de  Jean  :  Qu'ètes-vous  allés  voir  dans  le  désert?  un  roseau 
agité  par  le  vent  ?  »  comme  s'il  disait  :  Vous  avez  été  pleins  d'admi- 
ration pour  Jean-Baptiste,  bien  des  fois  vous  avez  été  le  trouver  malgré 
les  difficultés  d'un  voyage  long  et  pénible  dans  le  désert.  Or,  pourquoi 
cette  admiration,  cet  empressement,  si  vous  le  croyez  léger  comme  le 
roseau  qui  plie  à  tous  les  vents?  car  voilà  ce  qu'il  serait,  si  par  lé- 
gèreté d'esprit,  il  déclarait  ignorer  ce  qu'il  a  connu.  — Tite.  Mais 
vous  n'auriez  point  quitté  les  villes  pour  vous  enfoncer  dans  le  désert 
qui  ne  peut  vous  offrir  aucun  agrément,  si  vous  n'aviez  de  cet  homme 
une  plus  haute  idée.  —  Siméon.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  Notre -Seigneur 
attendit  le  départ  des  disciples  pour  parler  ainsi  de  Jean-Baptiste ,  il 
n'avait  pas  voulu  faire  en  leur  présence  l'éloge  du  saint  Précurseur , 
voulant  éviter  tout  ce  qui  aurait  l'apparence  de  la  flatterie. —  S.  Ambr. 
Ce  n'est  point  sans  raison  que  le  Sauveur  fait  ici  l'éloge  de  Jean- 
Baptiste  qui ,  sacrifiant  généreusement  l'amour  de  la  vie  aux  intérêts 
de  la  vérité  et  de  la  justice,  demeura  inébranlable  en  face  même 
de  la  mort.  Ce  inonde,  en  effet,  peut  être  comparé  à  un  désert  stérile 
et  inculte,  où  le  Seigneur  nous  défend  de  marcher  sur  les  traces,  et  en 
suivant  les  exemples  de  ces  hommes  remplis  des  pensées  de  la  chair, 
vides  de  toute  vertu  intérieure,  et  qui  s'enorgueillissent  de  l'éclat  fra- 
gile de  la  gloire  mondaine.  Constamment  agités  par  les  tempêtes  de  ce 


cit  Dominuâ  (tauquam  hominum  sécréta 
cognoscens)  aliquos  dicturos  ,  si  usque 
hodie  ignorât  Joaunes  Jesum,  qualiter 
eum  ostendebat  nobis  diceus  :  «  Eece 
Agnus  Del  qui  tollit  peccata  muudi.  » 
LU  igitur  sanareL  banc  passionem  quœ 
eis  aeciderat,  damuum  quod  ex  scandalo 
procedebal,  exclusit  :  unde  dicitur  : 
«  Et  cuui  discessisseii'  nuntii  Joanuis, 
cœpit  dicere  de  Joaane  ad  turbas  :  Quid 
existis  in  desertum  videre?  Arundinem 
vento  agilatam  ?  »  quasi  dicerel  :  Mirati 
estis  de  Joanne  Baptista,  et  pbiries  per- 
rexistis  ad  euni,  perçu rrentes  tam  longa 
deserti  itinera  :  frustra  siquidem  ,  si  sic 
levem  ipsum  existimatis ,  ut  similis  sit 
arundini  declinanti  quocunque  agitât 
vontus  :  talis  enim  esse  videlur,  si  qure. 
cognovit,  ex  levitate   se  iguorare  fate- 


tur.  Titus  Bostrensis.  Nonautem  exis- 
tis in  desertum  (ubi  nulla  jucunditas) 
civitatibus  omissis,  nisi  de  hoc  viro 
curaiu  gerentes.GR^cus.  {nempe  Simeon 
in  Cat.  Grœcontm.)  Haec  auteni  post 
recessum  discipulorum  Joannis  Domi- 
nus  dixit  :  non  euim  prœsentibus  eis 
proferre  volebat  Baptista;  praeconia,  ne 
blandientis  verba  esse  pularentur.  Ambr. 
Non  ûliose  autem  Joannis  hic  persona 
laudatur,  qui  vitse  amore  post  babito 
justiliœ  forniani  nec  mortis  terrore  mu- 
tavit  :  deserto  enim  mundus  hic  compa- 
rari  videtur,  adhuc  steribs,  adhuc  incul- 
tus^  in  quem  negat  nobis  DùU)inus  ita 
prodeundunij  ut  mente  carnis  inflatos 
vacuosque  virtutis  internae  viros,  et  fra- 
gili  se  glorifie  secularis  sublimitate  jac- 
tantes,  exemplari  quodam    et  imagine 


DE   SATNT   LUC,    CHAP,    VII.  357 

monde,  ils  sont  toujours  en  proie  à  la  mobilité  de  leurs  désirs,  et  mé- 
ritent par  là  d'être  comparés  à  des  roseaux.  —  Siméon.  Le  vêtement 
de  Jean-Baptiste  est  un  témoignage  de  la  sainteté  de  sa  vie ,  aussi 
bien  que  la  prison ,  où  il  est  détenu;  car  jamais  il  n'aurait  été  jeté 
dans  les  fers  ,  s'il  eût  flatté  les  passions  des  princes  :  «  Qu'êtes -vous 
allés  voir?  un  homme  vêtu  avec  mollesse?  Mais  ceux  qui  portent  des 
vêtements  précieux  et  vivent  dans  les  délices,  habitent  l«s  maisons  des 
rois.  »  Ces  hommes  vêtus  mollement ,  représentent  ceux  qui  passent 
leur  vie  dans  les  délices.  —  S.  Chrys.  {hom.  29  sur  VEp.  aux  Héb.) 
La  mollesse  des  vêtements  affaiblit  la  vigueur  de  l'âme ,  et  le  corps 
fût- il  ami  de  l'austérité  et  de  la  mortification  ,  est  bientôt  énervé  par 
cette  molle  délicatesse.  Or ,  quand  le  corps  est  amolli ,  l'âme  ne  tarde 
pas  à  l'être  ;  car  les  inclinations  de  l'âme  sont  presque  toujours  con- 
formes aux  disposition?  du  corps.  —  S.  Cyr.  {Très.,  ii,  4.)  Comment 
donc  Jean-Baptiste ,  avec  ce  soin  religieux  de  soumettre  les  passions 
de  la  chair,  aurait-il  pu  tomber  dans  une  si  grande  ignorance  ,  sinon 
par  la  légèreté  d'un  esprit  ipii  a  horreur  des  austérités  ,  et  se  laisse 
séduire  par  les  délices  du  monde  ?  Si  donc  Jean  vous  parait  digne  d'i- 
mitation, parce  qu'il  fuit  cette  vie  délicate  et  mondaine  ,  accordez-lui 
la  fermeté  qui  convient  à  cette  vie  mortifiée  ;  si  au  contraire,  vous  ne 
devez  rien  à  cette  vie  pénitente  et  austère  ,  pourquoi  donc  refuser 
votre  admiration  aux  délices  du  monde,  pour  l'accorder  à  cet  habitant 
du  désert,  à  l'antre  misérable  qui  lui  sert  de  demeure,  et  à  la  peau  de 
chameau  dont  il  est  couvert. 

S.  Chrys.  {hoî7i.  38  sur  S.  Matth.)  Par  ces  deux  comparaisons ,  le 
Sauveur  veut  faire  comprendre  que  Jean-Baptiste  n'était  point  d'un 
caractère  mobile  et  inconstant,  et  (ju'aucune  volonté  n'était  capable  de 


iiobis  putemus  imitandos;  quos  procellis 
liujus  niuudi  obnoxios  vila  mobilis  in- 
quiétât, jure  arundini  couiparaudos. 
GR;£CUS.  [vel  Simeon,  utsup.)  Est  eliam 
infallibile  testimoDium  vitaî  Joaunis  ves- 
tituo  cuùi  carcere  ;  iu  queçi  detrusus 
non  l'uisset,  si  scivisset  favere  principi- 
bus  :  uude  sequitur  :  «  Sed  quid  existis 
videre  ?  hoininem  inollibus  vestituentis 
iiidntum  ?  Ecce  qui  iu  veste  pretiosa 
sunt ,  et  deliciis ,  in  domibus  regum 
sunt.  »  Mollibus  vestimenlis  iudulos, 
vivenles  in  deliciis  sii^nifical.  Guuys. 
{hom.  29,  in  epist.  ad  Ilehrœos.)  iMollis 
■auteni  vestis  dissoivit  rif^idain  aMiiuam  ; 
et  si  rif^idum  corpus  assumât  et  aspe- 
ruin,  facile  p'T  hujusruodi  mollitieiu 
deiicatuni  reddit  et  fragile  :  facto  vero 
corpore  raoUiori,  necesse  est  et  animam 


participare  lœsionem  :  nam  ut  plurimum 
operationes  ipsius  cousouant  dispositio- 
nibus  corporis.  Cyril,  [in  Tliesuuro,  ut 
Slip.)  Qualiter  ergo  lauta  sedulilas  reli- 
gionis  ut  carnales  passioues  subjiceret, 
ad  tantaui  ignorantiaui  deveuiret,  nisi 
ex  mentis  levitate ,  quaui  non  asperita- 
tes  ,  sed  illecebrie  mundana;  délectant  ? 
Igitur  si  velut  non  coientem  deliciosa 
.loaunem  imitamini,  date  ei  robur  con- 
tinenlia;  conipetens;  si  vero  nibil  am- 
plius  debetur  lionestee  conversation i, 
(juid  om-ssa  revcrentia  delicatorum,  iu- 
colaiu  deserti  vileqiie  legumen  et  came- 
loi  um  vellus  miramini? 

Chrys.  {//oui.  38,  in  Matth.)  Per 
utrumque  autem  dictorum  désignât, 
quod  Joannes  nec  naturaiiter,  ni'C  facile 
mobilis  erat,  nec  uUa  voluntate  fl<icte- 


358 


EXPLICATION    DE   l'ÉVANGILE 


le  faire  fléchir.  —  S.  Ambr.  Bien  qu'il  ^-oii  vrai  de  dire  que  la  recherche 
de  la  mollesse  dans  les  vêtements  ,  énerve  la  vigueur  de  l'âme  dans 
le  plus  grand  nombre  ;  Notre-Seigneur  paraît  vouloir  indiquer  ici  un 
autre  genre  de  vêtement,  c'est-à-dire  le  corps  dont  notre  âme  est 
comme  revêtue.  Ces  vêtements  délicats  sont  les  œuvres  de  la  volupté 
et  du  plaisir.  Or ,  ceux  qui  laissent  énerver  leurs  membres  au  contact 
de  ces  fausses  délices  sont  bannis  du  royaume  des  cieux;  les  princes 
de  ce  monde  et  les  puissances  des  ténèbres  s'en  emparent;  car  ils  sont 
les  rois  qui  exercent  leur  empire  absolu  sur  les  imitateurs  de  leurs 
œuvres. 

S.  Cyr.  {Trés.^  ii,  à-.)  Mais  vous  jugez  sans  doute  qu'il  est  superflu 
d'excuser  Jean-Baptiste  de  légèreté  et  de  mollesse,  puisque  vous 
avouez  qu'il  est  digne  d'imitation  ;  alors  :  «  Qu'êtes-vous  donc  allés 
voir?  Un  prophète.  Oui,  je  vous  le  dis,  et  plus  qu'un  prophète^  car  les 
prophètes  prédisaient  seulement  qu'il  allait  venir;  mais  pour  Jean- 
Baptiste,  non-seulement  il  a  prédit  sa  venue,  mais  il  a  démontré  sa 
présence  au  milieu  des  hommes,  lorsqu'il  a  dit  :  Voici  l'agneau  de 
Dieu.  »  —  S.  Ambr.  Oui  certes,  il  est  plus  grand  ou  plus  qu'un  pro- 
phète, lui  qui  atteint  la  fin  que  se  proposaient  les  prophètes,  car  beau- 
coup ont  désiré  contempler  celui  qu'il  a  mérité  de  voir  et  de  baptiser 
{Matlh.,  XIII  ;  Luc,  x).  —  S.  Cyr.  [Très.,  ii,  4.)  Après  avoir  fait  l'éloge 
de  la  vie  de  Jean-Baptiste  et  par  le  lieu  qu'il  habitait,  et  par  ses  vête- 
ments, et  par  le  concours  qui  se  faisait  autour  de  lui,  Notre-Seigneur 
cite  en  sa  faveur  le  témoignage  du  prophète  Malachie  :  «  C'est  de  lui 
qu'il  est  écrit  :  Voilà  que  j'envoie  mon  ange.  »  —  Tite  deBostr.  Il  lui 
donne  le  nom  d'ange,  non  pas  qu'il  le  fût  en  réalité,  puisqu'il  était 
homme  par  nature,  mais  parce  qu'il  remplissait  les  fonctions  d'un 


tur.  Ambr.  Et  quamvis  plerosque  mol- 
lioris  cura  vestis  effeminet,  tamen  alla 
videtur  hic  indumeuta  significare  :  hu- 
mana  scilicet  corpora,  quibus  auima 
nostra  vestilur.  Sunt  aulem  moUia  iudu- 
menla  deliciosi  actus  et  mores  :  hi  vero 
quibus  fluida  deliciis  meinbra  solvun- 
tur ,  regni  cœleslis  extorres  sunt;  quos 
rectores  mundi  hujus  atque  tenebrarum 
ceperunt  :  hi  suut  enim  reges  qui  do- 
minantur  etsuorum  operum  aemulos  re- 
ceperunt. 

Gyril.  (in  Thesonro,  ut  sup.)  Sed 
forte  inconveniens  est  circa  hoc  excu- 
sare  Joannem  :  fatemini  eniiii  eum  imi- 
tabilem  esse  :  unde  subdit  :  «  Sed  quid 
existis  videre  ?  Prophetam  ?  Utiqiie  dico 
vobis,  plusquam  prophetam  :  »  prophetœ 


namque  prsedicabant  venturum;  hic 
autem,  non  solum  venturum  prsedicavit, 
sod  et  prœseniera  indicavit  dicens  : 
Ecce  Agnus  Dei.  Ambr.  Major  sane 
proplieta(sive  plus  quam  propheta) ,  in 
quo  finis  est  prophetarum  ;  quia  niulti 
cupieruut  videre  quem  iste  conspexit, 
quem  iste  baptizavit.  Cyril,  [in  The- 
scmro ,  lU  svp.)  Cum  igitur ,.  et  a  loco, 
el  a  vestibus,  et  ex  concursu  hominum 
morem  ejus  descripsit ,  introducit  Pro- 
plietœ  teslimonium  dicens  :  «  Hic  est  de 
quo  scriptnm  est  (scilii  ot  in  Malachia)  : 
Ecce  mitto  angeUuu  meum.  »  TiT.  Bos- 
TRENSis.  An^ehim  appellat  hominem; 
non  quia  uatura  esset  angehis ,  homo 
cuini  naturaliter  erat ,  sed  quia  opus 
angeii     exercebat ,    nuntiando    Christi 


DE   SAINT   LUC.    CH AP.    VII. 


359 


ange  en  annonçant  la  venue  du  Christ.  —  Siméon.  Ces  paroles  :  «  De- 
vant votre  face,  »  nous  montrent  les  rapports  étroits  de  Jean- Baptiste 
avec  Jésus-Christ;  il  parut,  en  effet,  au  moment  de  la  venue  de 
Jésus-Christ,  et  c'est  pour  cela  que  nous  devons  l'estimer  plus 
qu'un  prophète,  car  ceux  qui,  dans  les  armées,  se  tiennent  aux  côtés 
du  roi,  sont  les  premiers  dignitaires  du  royaume  et  ses  familiers  les 
plus  intimes. 

S.  Ambr.  Jean-Baptiste  a  préparé  la  voie  au  Seigneur,  non-seule- 
ment par  le  caractère  miraculeux  de  sa  naissance^  et  par  la  prédica- 
tion de  la  foi,  mais  en  précédant  Jésus  dans  sa  glorieuse  passion  : 
«  Qui  préparera  la  voie  devant  vous.  »  —  S.  Amer.  Mais  si  Jésus-Christ 
est  prophète,  comment  Jean-Baptiste  est-il  plus  grand  que  tous  les 
prophètes  ?  Il  est  le  plus  grand  de  ceux  qui  sont  nés  de  la  femme  et 
non  d'une  vierge,  c'est-à-dire,  qu'il  a  été  le  plus  grand  de  tous  ceux 
qui  lui  étaient  semblables  par  leur  naissance  •  «  Je  vous  le  dis,  pnrmi 
ceux  qui  sont  nés  des  femmes,  il  n'est  point  de  prophète  plus  grand 
que  Jean-Baptiste.  »  —  S.  Chrys.  [hom.  38  sur  S.  Matth.)  Il  suffisait 
sans  doute  de  ce  témoignage  rendu  par  le  Sauveur,  que  Jean  était  le 
plus  grand  des  enfants  des  hommes;  cependant,  si  vous  voulez  voir 
cette  vérité  confirmée  par  les  faits,  considérez  quelle  était  la  nourri- 
ture du  saint  Précurseur,  sa  vie,  sa  grandeur  d'âme;  en  effet,  il  vivait 
sur  la  terre  comme  un  homme  descendu  du  ciel,  ne  prenant  aucun 
soin  de  son  corps,  l'esprit  toujours  occupé  des  pensées  du  ciel,  uni  à 
Dieu  seul,  n'ayant  aucun  souci  des  choses  de  la  terre;  sa  parole  était 
à  la  fois  pleine  de  sévérité  et  de  douceur;  il  paçlait  au  peuple  juif  avec 
vigueur  et  fermeté,  au  roi  Hérode  avec  courage,  et  il  instruisait  ses  dis- 
ciples avec  douceur  ;  rien  de  vain  et  de  léger  dans  sa  conduite  toujours 


adventum.  Gr^c.  [vel  Simeon  ut  sup.) 
Quod  autem  subdit  :  «  Aute  facieiu 
tuam,  »  propiuquilatem  désignai  :  appa- 
ruil  euiui  hoiinnibus  proi)e  Cbristi  ad- 
veiiLimi  :  quapropter  el  plusquam  pro- 
plictavi  ipsiuu  esse  oxistimandum  est  : 
nain  et  hi  qui  in  iniHliis  collatérales 
sunt  regibus  ,  digniores  et  faniiliariores 
sunt. 

Ambr.  Viara  aulem  Domino ,  non  so- 
liiiu  nascendi  secundum  carnem  ordine 
lideique  nuntio ,  sed  etiani  prfEcursu 
quodaiii  gloriosje  paravit  passionis  : 
unde  sequilur  :  «  Qui  [Jiaiparabit  viaai 
luam  aute  te.  »  Ambr.  Si  auloni  et 
Cbristus  prophcla  ,  quomodo  major  bic 
omnibus?  Sed  inter  mulieris  non  virgi- 
nis  natos:  major  enim  iis  fuit,  quibus 


œqualis  poterat  esse  sorte  nascendi  : 
«  Dico  enim  vobis,  major  inter  natos 
midierum  propheta  Joanuo  Baptista  non 
est.  M  CuRYS.  {hom.  38  ,  in  Mtitth.,  ut 
sup.)  Suflicit  quidem  Domiui  vox  pra>- 
bens  lestimonium  prateminentiaî  Joan- 
nis  inter  liomines;  reperiet  autem  qui 
vult  et  rei  veritatem  consouam,  si  men- 
sam  ejus  consideraverit,  si  vitam ,  si 
mentis  excellentiam  :  velut  enim  qui 
ca-Utus  desceudisset,  degebat  in  terra; 
fere  nul'am  gerens  curam  de  corpore, 
intelleotuabter  erectus  in  coîlum,  et  soli 
Deo  eonjuuctus,  de  nullo  nnmdanorum 
soUicitus;  sermo  severu^i  et  leiiis  :  nam 
cum  populo  Judfeorum  viriliter  et  fer- 
venter,.  cum  rege  audacter,  lunn  p'-opriis 
discipulis  leniter  conferebat  ;  nil  frustra 


360 


EXPLICATION   DE    i/ÉVaNGILE 

S.  IsiD.  Jean  est  encore  le  plus  grand  de  ceux 


pleine  de  dignité. 

qui  sont  nés  de  la  femme,  parce  qu'il  prophétisa  dans  le  sein  même 
de  sa  mère,  et  qu'au  milieu  des  ténèbres  qui  l'environnaient,  il  re- 
connut la  lumière  qui  allait  éclairer  l'univers, 

S.  Ambr.  Il  est  si  vrai  qu'il  ne  pouvait  exister  aucune  comparaison 
entre  Jean- Baptiste  et  le  Fils  de  Dieu,  que  le  Sauveur  le  place  même 
au-dessous  des  anges  :  a  Celui  qui  est  le  plus  petit  dans  le  royaume 
des  cieux  est  plus  grand  que  lui.  »  —  Bède.  Ce  passage  peut  être  inter- 
prété de  deux  manières,  ou  bien  par  ce  royaume  de  Dieu,  le  Sauveur 
veut  entendre  ce  royaume  dont  nous  ne  sommes  pas  encore  en  posses- 
sion et  qu'habitent  les  anges  ;  or,  le  plus  petit  dans  ce  royaume  est 
plus  grand  que  tout  juste  revêtu  de  ce  corps  qui  appesantit  l'âme. 
{Sag.,  IX,  45.)  Ou  bien,  le  royaume  de  Dieu,  dans  l'intention  du  Sau- 
veur, c'est  l'Eglise  du  temps  présent,  et  alors  c'est  de  lui-même  que 
Notre-Seigneur  veut  parler^  lui  qui  est  inférieur  à  Jean  par  la  date  de 
sa  naissance,  mais  qui  est  plus  grand  par  son  autorité  divine  et  par 
sa  souveraine  puissance.  Dans  le  premier  sens,  il  faut  donc  ainsi  sé- 
parer les  membres  de  cette  proposition  :  «  Celui  qui  est  le  plus  petit 
dans  le  royaume  de  Dieu,  »  ajoutez  :  «  Est  plus  grand  que  lui;  »  dans 
le  second  sens  :  «  Celui  qui  est  plus  petit  que  lui,  »  ajoutez  :  «  Dans 
le  royaume  de  Dieu  est  plus  grand  que  lui.  »  —  S.  Chrys.  {hom.  38 
su?'  S.  Matth.)  Notre-Seigneur  fait  cette  réserve,  de  peur  que  la  gran- 
deur des  louanges  qu'il  vient  de  donner  à  Jean- Baptiste,  ne  fût  pour 
les  Juifs  une  occasion  de  le  mettre  au-dessus  du  Christ.  Ne  croyez  pas 
cependant  qu'il  ait  voulu  établir  une  comparaison  en  déclarant  que 
Jean  est  plus  grand  que  lui.  —  S.  Ambr.  En  effet,  sa  nature  est  toute 
différente  et  ne  peut  être  comparée  en  aucune  façon  à  la  nature  hu- 


vel  leviter,  sed  omuia  convenienter 
agebat.  IsiD.  Abbas.  Major  etiam  inter 
natos  mulierum  Joannes,  eo  quod  ab 
ipso  matris  utero  prophetavit,  et  positus 
in  tenebris  lumen  quod  jam  venerat 
non  ignoravit. 

Ambr.  Denique  eo  usque  cumDei  Filio 
non  poterat  Joannis  esse  ulla  coUatio.  ut 
et  infra  augelos  œstimetur  :  uude  sequi- 
tur  :  «  Qui  autein  ruinor  est  in  regno  Dei, 
major  est  illo.  »  Bed.  Hsec  sententia 
duobus  modis  potest  intelligi  :  aut  enim 
regnum  Dei  appellavit  quod  nondum 
accepimus  (in  quo  suut  augeli)  ,  et  qui- 
libet  in  eis  minor,  major  est  quolibet 
justo  portante  corpus  ,  quod  aggravât 
animam  :  aut  si  regnum  Del  intelligi 
voluit  hujus  temporis  Ecclesiam  ,  seip- 


sum  Dominus  significavit ,  qui  nascendi 
tempore  miuor  erat  Joanne  ,  major  au- 
tem  Divinitatis  auctoritate  et  potestate 
dominica  :  proinde  secundum  primam 
expo-itionem  ila  distiuguitur  :  «  Qui 
autem  minor  est  in  regno  Dei,  »  ac 
deinde  subinfertur  :  «  Major  esL  illo;» 
secundum  posteriorem  vero  ita  :  «  Qui 
autem  minor  est  ;  »  ac  deinde  sub- 
infertur :  «  In  regno  Dei  major  est 
illo.  »  Chrys.  (homil.  38^  Matth.,  ut 
sup.  )  Ut  enim  copia  laudum  Joannis 
occasionem  Judœis  non  darel  prsefe- 
rendi  Joannem  Christu ,  hoc  subdit. 
Ne  autem  putes  quod  comparative  se 
dixerit  majorem  Joanne.  .\mbr.  Alia 
enim  est  ista  natura,  uec  humanis  ge- 
nerationibus  comparanda  :  non  potest 


DE  SAINT   LUC,  CHAP.    VII. 


361 


maine ,  car  nulle  comparaisoD  ii'est  possible  entre  Dieu  et  l'homme. 

S.  Cyr.  Dans  le  sens  mystique,  en  même  temps  que  le  Sauveur  pro- 
clame la  supériorité  de  Jean-Baptiste  sur  tous  les  enfants  des  femmes, 
il  lui  oppose  quelque  chose  de  plus  grand,  celui  qui  devient  Fils  de 
Dieu  par  la  naissance  qu'il  reçoit  de  l'Esprit  saint,  car  le  royaume  du 
Seigneur,  c'est  l'Esprit  de  Dieu.  Aussi,  bien  que  sous  le  rapport  des 
œuvres  et  de  la  sainteté  de  la  vie,  nous  soyons  inférieurs  à  ceux  qui 
ont  pénétré  le  mystère  de  la  loi,  et  dont  Jean-Baptiste  est  la  figure; 
cependant  nous  nous  élevons  plus  haut  par  Jésus-Christ  qui  nous  rend 
participants  de  la  nature  divine  (Il  Piei\^  i,  4). 

%  29-35.  —  Et  tout  le  peuple  qui  l'entendait,  et  les  puhlicains  eux-mêmes 
reconnurent  la  justice  de  Dieu,  ayant  reçu  le  baptême  de  Jean.  Mais  les 
pharisiens  méprisèrent  le  dessein  de  Dieu  sur  eux,  ayayit  refusé  d'être  baptisés 
par  lui.  A  qui  donc,  ajouta  le  Seigneur  comparerai-je  les  hommes  de  cette 
génération  ?  A  qui  sont-ils  semblables  ?  Ils  sont  semblables  à  des  enfants  assis 
dans  la  place,  et  qui  se  disent  les  uns  aux  autres  ;  Nous  vous  avons  joué  de 
la  flûte,  et  vous  n'avez  point  dansé,  nous  avons  chanté  des  airs  lugubres,  et 
vous  n'avez  point  pleuré.  Car  Jean-Baptiste  est  venu,  ne  mangeant  point  de 
pain,  et  ne  buvant  point  de  vin,  et  vous  dites  de  lui  :  Il  est  possédé  du  démon. 
Le  Fils  de  l'homme  est  venu  mangeant  et  buvant,  et  vous  dites  :  C'est  un 
homme  de  bonne  chère,  qui  aime  le  vin,  ami  des  publicains  et  des  pécheurs. 
Et  la  sagesse  a  été  justifiée  par  tous  ses  enfants. 

S.  Chrts.  {ho?7i.  38  sur  S.  Matth.)  Après  avoir  fait  l'éloge  de  Jean- 
Baptiste,  le  Sauveur  fait  ressortir  le  crime  énorme  des  pharisiens  et 
des  docteurs  de  la  loi  qui,  même  après  l'exemple  donné  par  les  publi- 
cains, n'ont  pas  voulu  recevoir  le  baptême  de  Jean.  —  S.  Ambr.  Dieu 
est  justifié  dans  le  baptême,  lorsque  les  hommes  se  justifient  eux- 


euim  Loiuiui  cuui  Deu  alla  esst;  collatio. 
Cyril,  (î/*  Cat.  Grœcorum  Patrum, 
ubi  sup.)  Mystice  aulem  cum  Joannis 
prœrogativain  oslciidit  inter  natos  mu- 
lierum,  pouit  ex  opposilo  aliquid  niajus, 
euin  scilicel  qui  per  SpiriUiiii  sanctum 
natus  est  Filius  Dei  :  re^^num  eniin  Do- 
mini  Dfi  Spirilus  est.  Quainvis  ergo  se- 
cundum  operatioiiein  et  sauctilalein 
minores  sumus  liis  qui  legis  uiysterium 
sunt  assecuti  (quos  Joaiiries  signifîcal), 
lauion  majora  per  ClirisLum  attingimus^ 
paiiicipes  facti  divinjje  ualurse. 

El  omnis  populus  audiens  et  puhlinani  juslificn- 
verunt  Deum ,  baptizari  baplismo  Joannis. 
Pharisœi  autem  et  Icgixperiti  cnnsilium  hoi 
xpreverunt  in  semelipsis ,  non  baptizati  ah  eo. 
Ait  autem  Dominus  :  Cui  ergo  similes  dicam 


homines  generationis  hujus,  et  cui  similiter 
sunt?  Similes  sunt  pueris  sedentibus  in  foro , 
et  loqueniibus  ad  inviccm,  et  dieentibus  :  Can- 
tavimiis  vohis  tibiis ,  et  non  saltastis,  lamen- 
tavimus,  et  non  plorastis.  Venit  autem  Joan- 
nes  Daptista,  neque  manducan.i  panent,  neque 
bibens  vinum,  et  dicitis  :  Dœmonium  habet. 
Venit  Filius  hominis  manducans  et  bibens ,  et 
dicitis  :  Ecce  homo  devorator,  et  bibens  vi- 
num, amicus  publicanorum  et  peccaloruin.  Et 
justi/icala  est  sapientia  ab  omnibus  filiis  suis. 

Chrvs.  {hom.  38,  in  Matth.  ut  sup.) 
Praîuiitsa  commendationc  Joannis,  ma- 
gnum pliarisaiorum  et  legis[)eriloruin 
prodidit  crimen;  qui  nec  post  publi(;anos 
ba[itisma  Joannis  acceperint.  Uude  di- 
(•itur  :  «  Et  omnis  populus  audiens  et 
publicani  justificaverunt  Deum,  »  etc. 
Ambr.  Justificatur  Deus  per  baptismum, 


369  EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 

mêmes  en  confessant  leurs  péchés.  En  effet,  celui  qui,  après  avoir 
péché,  confesse  à  Dieu  ses  fautes,  justifie  Dieu,  en  se  soumettant  au 
pouvoir  de  ce  vainqueur,  et  en  espérant  de  lui  la  grâce  du  salut.  — 
EusÈBE.  Ceux  qui  ont  cru  ont  aussi  justifié  Dieu,  car  ils  l'ont  trouvé 
juste  dans  toutes  ses  œuvres.  Les  pharisiens,  au  contraire,  qui  refu- 
saient d'écouter  Jean-Baptiste,  par  un  sentiment  de  désobéissance,  se 
mettaient  en  opposition  avec  ces  paroles  du  prophète  :  «  Afin  que  vous 
soyez  reconnu  juste  dans  vos  paroles.  »  (Ps.  l.)  «  Or,  les  pharisiens 
et  les  docteurs  de  la  loi  ont  méprisé  le  conseil  de  Dieu,  »  etc.  — Bède. 
Cette  réflexion  est  de  l'Evangéliste,  ou  de  Notre-Seigneur  lui-même 
(comme  plusieurs  le  pensent);  cette  expression  :  «  Sur  eux,  »  ou  : 
«  Contre  eux,  »  signifie  que  celui  qui  méprise  la  grâce  de  Dieu,  agit 
contre  ses  intérêts,  ou  bien  encore,  le  Sauveur  condamne  ici  la  con- 
duite de  ces  insensés  et  de  ces  ingrats,  qui  n'ont  pas  voulu  recevoir 
le  conseil  que  Dieu  leur  manifestait.  Or,  le  conseil  de  Dieu,  c'est  le 
décret  de  sauver  le  monde  par  la  passion  et  la  mort  de  Jésus- Christ, 
conseil  que  les  pharisiens  et  les  docteurs  de  la  loi  ont  méprisé.  — 
S.  Ambr.  Gardons-nous  de  mépriser,  à  l'exemple  des  pharisiens,  le 
conseil  de  Dieu.  Ce  conseil  de  Dieu  s'est  manifesté  dans  le  baptême 
de  Jean-Baptiste,  qui  donc  peut  douter  qu'il  se  manifeste  également 
dans  le  baptême  de  Jésus-Christ?  C'est  le  conseil  dont  l'ange  du  grand 
conseil  (I)  est  l'auteur,  et  que  personne  ne  connaît  :  «  Car  qui  con- 
naît les  desseins  de  Dieu  {Rom.,  xi)?  »  Personne  ne  méprise  le  conseil 
d'un  homme,  qui  oserait  rejeter  le  conseil  de  Dieu  (2*). 

(1)  C'est-à-dire  Jésus-Christ,  qui  est  ainsi  appelé  par  le  prophète  Isaïe,  d'après  la  version  des 
Septante  \iBy(x).riz  pou),àç  ày^e^oç,  que  l'on  peut  rendre  par  :  le  messager  du  grand  conseil, 
magni  consilii  nuntius. 

(2*)  Nous  substituons  ici  le  texte  original  de  saint  Ambroise,  à  ce  texte  tronqué  et  presque  inin- 


dura  se  homines  (peccata  propria  confi- 
tendo)  justifieant  ;  qui  enim  peccat  et 
confiteturDeo  peccatimi,  justificat  Deum 
cedens  ei  vincenti,  ab  eoque  gratiam 
sperans.  In  baplismate  igitur  justificatur 
Deus,  in  quo  est  confessio  et  venia  pec- 
catorum.  Euseb.  [in  Cat.  Grœcorum.  ubi 
stip.)  Qui  etiam  crediderunt,  justifica- 
verunt  Deum  :  apparuit  enim  eid  justus 
in  omnibus  qufe  fecit.  Pbarisaei  autem 
repellendo  Joannem  tanquam  inobe- 
dientes,  non  consonabant  Propheta^  di- 
centi  {Ps.  30)  :  «  Ut  justificeris  in  ser- 
luonibus  tuis:  »  unde  sequitur  :  «  Pha- 
riseei  autem  et  legisperiti  consilium  Dei 
sprevernnt,  »  etc.  Beda.  Hœc  verba  sive 
ex  persona  Evangelistœ,  sive  ex  persona 
Salvatoris  (ut  quibusdam  placet)   dicta 


suut;  quod  autem  dicit  :  «  In  semetipsis 
(vel  contra  seuietispsos)  »  significat  quod 
qui  gratiam  Dei  respuit,  contra  semet- 
ipsum  facit  ;  vel  ad  semetipsos  missum 
Dei  consilium  stulti  et  iugrati  vituperan- 
tur  noluisse  recipere.  Cousilium  ergo  est 
Dei,  quod  per  passionem  et  mortem 
Christi  salvare  deorevit;  quod  pharisaei 
et  legisperiti  sprevernnt.  Ambr.  Non 
contemnamus  igitur  sicut  pbarisœi  con- 
silium Dei.  Cousilium  Dei  est  in  baptis- 
mate  Joannis;  quis  igitur  dubitet  Dei 
esse  consilium  in  Christi  lavacro  ?  hoc 
est  cousilium  quod  magni  consilii  An- 
gélus reperitj  quod  nemo  cognovit  : 
«Quis  enim  cognovit  sensumDomini  ? 
Hominis  cousilium  nemo  contemnit,  Dei 
consilium  quis  refutef?  » 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    VII.  363 

S.  Cyr.  Voici  l'espèce  de  jeu  auquel  se  livraient  les  enfants  des 
Juifs  :  une  troupe  d'enfants  se  partageaient  en  deux  pour  se  jouer  des 
vicissitudes  si  rapides  de  la  vie  présente  ;  les  uns  chantaient,  et  les 
autres  se  lamentaient  ;  mais  ni  ceux  qui  pleuraient  ne  participaient  à 
la  joie  de  ceux  qui  chantaient,  ni  ceux  qui  se  réjouissaient  ne  pre- 
naient part  à  la  tristesse  de  ceux  qui  pleuraient,  et  alors  ils  se  repro- 
chaient mutuellement  leur  absence  de  sympathie.  C'est  l'image  de  la 
conduite  du  peuple  juif  et  des  princes  des  prêtres,  au  témoignage  de 
Jésus-Christ  •  «  A  qui  donc  comparerai-je  les  hommes  de  cette  géné- 
ration et  à  qui  sont-ils  semblables?  Ils  sont  semblables  à  des  en- 
fants, »  etc.  —  BEDE.  La  génération  présente  des  Juifs  est  comparée  à 
des  enfants,  parce  qu'ils  avaient  autrefois  pour  docteurs  les  prophètes 
dont  il  est  écrit  :  «  Vous  avez  tiré  la  louange  la  plus  parfaite  de  la 
bouche  des  enfants  et  de  ceux  qui  sont  à  la  mamelle  {Ps.  viii).  »  — 
S.  Ambr.  Or,  les  prophètes  ont  chanté,  proclamant  dans  leurs  mélodies 
spirituelles  les  oracles  du  salut  du  monde;  ils  ont  pleuré  pour  attendrir 
par  leurs  plaintives  lamentations  les  cœurs  endurcis  des  Juifs.  Ce 
n'était  ni  dans  le  Forum,  ni  sur  les  places  publiques  que  ces  chants  se 
faisaient  entendre,  mais  dans  la  ville  de  Jérusalem,  car  cette  ville  est 
comme  le  Forum  du  Seigneur,  où  se  publient  les  droits  immuables 
des  commandements  célestes.  Les  chants  et  les  lamentations  ne  sont 
que  l'effet  d'une  émotion  vive  de  joie  et  de  tristesse.  Les  instruments 
de  musique  laissent  échapper  une  mélodie  sympathique  qui  porte 
l'homme  à  manifester  les  sentiments  intérieurs  qu'elle  fait  naître  par 
le  mouvement  cadencé  de  son  pied  ou  de  tout  son  corps  ;  voilà  pour- 

telligible.  «  Non  condemnamus  ergo  (sicut  pharisaei)  consilium  Dci  quod  est  in  Joannis  baptis- 
male :  hoc  est  consilium  quod  magni  consiiii  Angélus  reperit.  Joannis  consilium  nemo  contem- 
nit,  Dei  consilium  quis  refutetf" 


Ctbil.  [ubi  snpra.)  Erat  autein  qui- 
dam niodus  ludendi  talis  consuelus  apud 
filios  Jndacoruni  :  biparliebatiir  piiero- 
runi  caterva^  qui  reruui  praîseutiâ  vit* 
deridentesrepenlinam  transuiuiationem, 
hi  quidem  cauebant,  lii  vero  niœrebant  ; 
sed  nec  gaudeutibus  confîaudebant  inœ- 
rentes,  nec  qui  gaudebant  conformabant 
se  flenlibus  :  deinde  arguebant  se  iiivi- 
i(>m  improperantes  incouipassionis  ma- 
liliain.  Taie  quid  passam  fuisse  Judteo- 
rum  plebem  una  cum  principibus  Chri- 
stus  innuebat  :  unde  ex  persona  Cliiisti 
subditur  :  «  Cui  ergo  similes  dicam 
liomines  generationis  hujus,  et  cui  simi- 
Ipa  surit  ?  Similes  suntpueris  sedentibus 
in  foro,  »  etc.  BF.n.  Generatio  Jud.Tonini 
comparalur  pueris,    <|uia  doctores  olini 


prophetas  habebant,  de  quibus  dicitur 
{l'sal.  8)  «  Ex  ore  infantium  et  lacten- 
tiuni  perfecisti  laudeui.  »  Ambr.  Canta- 
verunt  aulem  prophétie ,  spiritualibus 
modulis  publicïE  salutis  oracula  résul- 
tantes; fleverunt,  Ihrenis  flebilibus  Ju- 
dt-Eoruni  dura  corda  mulcentes.  Hoc 
canticum,  non  in  foro,  non  in  plateis 
canebatur,  sed  in  Hierusalern:  ipsa  est 
enini  dominicum  forum,  in  quo  prœ- 
ceplorum  cœleslium  jura  conduntur. 
Greo.  Nysse.  {in  Cut.  Grœcorum,  ubi 
.sw/?.), Canticum  autem  et  lamcntatio  uii 
aliud  est  quam  excessus;  hoc  quidem 
gaudii ,  illud  vero  mcproris.  Resonat 
autem  quaedam  consona  melodia  ex  or- 
gano  musico,  secunduni  quani  dum 
homo   pede  et  motu  consono  corporis 


364  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

(juoi  ces  enfants  disent  :  «  Nous  avons  chanté  et  vous  n'avez  pas 
dansé;  »  «  nous  nous  sommes  lamentés  et  vous  n'avez  point  pleuré.  » 
—  S.  AuG.  [Quest.  évang.,  ii,  11.)  Notre-Seigneur  fait  ici  allusion  à  la 
conduite  des  Juifs  à  l'égard  de  Jean-Baptiste  et  de  Jésus-Christ  :  «  Ces 
paroles  :  Nous  nous  sommes  lamentés  et  vous  n'avez  point  pleuré,  » 
se  rapportent  à  la  prédication  de  Jean-Baptiste,  qui,  par  l'austérité  de 
sa  manière  de  vivre,  figurait  la  tristesse  de  la  pénitence  ;  aussi  Notre- 
Seigneur  ajoute  :  «  (^ar  Jean-Baptiste  est  venu  ne  mangeant  point  de 
pain  et  ne  buvant  point  de  vin,  »  et  vous  dites  :  «  Il  est  possédé  du 
démon.  »  —  S.  Cyr.  Ils  osent  incriminer  un  homme  digue  de  toute 
leur  admiration,  et  ils  traitent  de  possédé  celui  qui  mortifiait  la  loi 
du  péché  cachée  dans  nos  membres.  —  S.  AuG.  {Quest.  év.,  u ,  11.) 
Les  paroles  qui  précèdent  :  «  Nous  avons  joué  de  la  flûte  et  vous  n'avez 
pas  dansé,  »  sont  une  allusion  à  Notre-Seigneur  lui-même,  qui,  eu 
adoptant  la  manière  de  vivre  ordinaire  des  hommes  avec  lesquels  il 
mangeait  et  buvait,  était  la  figure  de  la  joie  du  royaume  :  «  Le  Fils 
de  l'homme  est  venu  mangeant  et  buvant,  »  etc.  —  Tite  de  Bostr. 
Jésus-Christ,  en  effet,  n'a  point  voulu  s'interdire  l'usage  de  ces  ali- 
ments pour  ôter  tout  prétexte  aux  hérétiques  (1),  qui  disent  que  les 
créatures  sont  mauvaises  et  qui  condamnent  l'usage  des  viandes  et  du 
vin.  —  S.  Cyr.  Mais  où  ont-ils  donc  trouvé  que  le  Seigneur  était  un 
homme  de  bonne  chère?  Ne  voyons-nous  pas  au  contraire  qu'en  toute 
circonstance  il  se  garde  de  tout  excès  et  conseille  la  tempérance  et  la 
modération?  Il  ne  dédaignait  pas,  il  est  vrai,  d'entrer  en  relations  avec 
les  publicains  et  les  pécheurs,  aussi  l'accusaient-ils  d'être  «l'ami  des 
publicains  et  des  pécheurs,  »  bien  que  cette  fréquentation  ne  pût  lui 

(1)  C'est-à-dire  les  Encratites  et  les  Manichéens  et  autres  du  même  genre,  «  imposteurs  pleins 
d'hypocrisie,  «  comme  les  appelle  saint  Paul  (I  Timoth.,  iv.) 


commovetur,  intrinsecam  dispositionem 
manifestât:  et  ideo  dicit  :  «  Cantavimus, 
et  non  saltastis;  lamentaviraus,  et  non 
plorastis.  »  AUG.  {de  Qua:sl.  Evang., 
lib.  II.  quaest.  11.)  Haec  autem  pertinent 
adJoannem  et  Christum  :  quod  enim  ait  : 
«  Lamentavimus,  et  non  plorasti-s,  »  ad 
Joannem  pertinet  ;  cujus  abstineutia  a 
cibis  et  potu  luctum  pœnitentiae  signiiî- 
cabat  :  unde  exponendo  subdit  :  «  Ve- 
nit  enim  Joannes  Baptista,  neque  man- 
ducaus  panem,  neque  bibens  viuum  ;  et 
dicitis  :  Dœmouium  habet.  "  Cyril,  [ubi 
Slip.)  Prfesuniunt  criminari  virum  qua- 
libet  admiralione  dignum  ;  daemonium 
habere  dicimt  morlificantem  legem  pec- 
cati,  qusB  latet  in  membris.  Àcg.  {de 
Quœst.  Evang,,  ubi  sup.)   Quod   autem 


dixerat  :  «  Cantavimus  tibiis,  et  non  sal- 
tastis, »  ad  ipsum  Dominum  pertinet  qui 
uteudo  cum  cteteris  cibo  et  potu  laetitiam 
regni  figurabat  :  unde  sequitur  :  «  Ve- 
nit  Filins  homiuis  manducans,  »  etc. 
TiT.  BosTRENSis.  Noluit  enim  Christus 
abstinere  ab  bujusmodi  cibis,  ne  occa- 
sionem  daret  haereticis,  qui  dicuut  crea- 
tiiras  esse  malas,  et  vitupérant  carnes 
et  viuum.  Cyril,  {ubi  sup.)  IJhl  autem 
potuerunt  ostendere  Dominum  corato- 
re»i  ■?  Invenitur  enim  Christus  ubique 
reprimereimmoderantiam,  et  ad  modes- 
tiaiu  ducere.  Coaversabatur  autem  cum 
publicanis  et  peccatoribus  :  uude  contra 
eum  dicebant  :  «  Amicus  publicauorum 
et  peccatorum;  »  cum  tameu  nuilate- 
nus  ipse    posset  in  peccatum  incidere. 


DE   SALXr   LUC,    CHAP.    VII.  365 

être  aucunement  nuisible,  mais  qu'elle  devint,  au  contraire,  pour  les 
pécheurs  la  cause  de  leur  conversion  et  de  leur  salut.  En  effet,  est-ce 
que  le  soleil  qui  inonde  toute  la  terre  de  ses  rayons,  contracte  la 
moindre  souillure,  parce  que  sa  lumière  pénètre  les  corps  immondes? 
Comment  donc  le  soleil  de  justice  pourrait-il  éprouver  la  moindre 
altération  dans  ses  rapports  avec  les  méchants.  Cependant  gardons- 
nous  tous,  qui  que  nous  soyons,  de  prétendre  aux  mêmes  privilèges 
que  Jésus-Christ,  mais  à  la  vue  de  notre  propre  fragilité,  évitons  le 
commerce  des  méchants,  car  les  mauvaises  conversations  corrompent 
les  bonnes  mœurs  (l  Cor.,  xv). 

«  Et  la  sagesse  a  été  justifiée  par  tous  ses  enfants.  »  —  S.  Ambr.  Le 
Fils  de  Dieu  est  la  sagesse  de  Dieu  par  nature  et  non  par  le  progrès 
de  l'âge  ou  de  l'étude;  cette  sagesse  est  justifiée  dans  le  baptême,  lors- 
qu'elle n'est  pas  rejetée  par  opiniâtreté,  mais  qu'elle  est  reçue  par  la 
justice  comme  une  grâce  de  Dieu.  La  justification  de  Dieu  consiste 
donc  à  ce  que  ses  dons  soient  communiqués,  non  à  ceux  qui  s'en 
rendent  indignes  par  leurs  crimes,  mais  à  ceux  qui  sont  devenus 
justes  et  saints  par  le  baptême.  —  S.  Chrys.  {hom.  sur  les  Psaumes.) 
Il  appelle  les  sages  les  fils  de  la  sagesse,  car  c'est  la  coutume  de  l'E- 
criture, de  désigner  les  méchants  par  le  mal  qu'ils  commettent,  et 
d'appeler  les  bons,  fils  de  la  vertu  qui  les  caractérise.  —  S.  A_mbr.  Il 
dit  avec  raison  :  «  Par  tous  ses  enfants,  »  car  la  justice  doit  s'exercer 
sur  tous  les  hommes,  sur  les  justes,  pour  leur  salut,  sur  les  infidèles 
pour  leur  condamnation.  —  S.  AuG.  [Qiiest.  évang.)  Ou  bien  encore, 
ces  paroles  :  «  La  sagesse  a  été  justifiée  par  tous  ses  enfants,  »  nous 
font  entendre  que  les  fils  de  la  sagesse  comprennent  que  la  justice  ne 
consiste  ni  à  se  permettre,  ni  à  s'interdire  la  nourriture,  mais  à  sup- 
porter la  pauvreté  avec  patience,  car  ce  n'est  point  l'usage  modéré. 


sed  contra  fiebat  eis  causa  salutis.  Non 
enim  coinquinatur  sol  radians  super 
totain  terrain,  et  fréquenter  superveniens 
immundis  corporibus  :  noc  sol  justitiae 
Icndi'lur  couversando  cum  pravis.  Nomo 
aufein  coueturcomparare  propriani  uieu- 
suniin  dignitatibus  Chriàti  ;  sed  quilibet 
propriain  frasilitatein  considerans,  vitet 
consortia  laliuin  ;  prava  naraquc  collo- 
quia,  mores  corruinpunt  bonos. 

Sequitur  :  «  Et  justificala  est  sapionlia 
ab  omnibus  fiUis  suis.  »  Ambr.  Sapientia 
Dei  Filius  est  per  naturam,  non  per 
[irofectum;  qua;  justificatur  per  jja- 
ptisma.  in  eo  quod,  non  per  contu- 
inaciani  refulatur,  sed  per  justitiam  Dei 


xios,  sed  ad  innocentes,  per  ablutionem 
sanctos  et  justos,  videalur  sua  munere 
Iranstulisse.  Chrys.  [in  Cat.  Grœcorum 
Patnnnejr  illhui  hoiniliis  in  psulmos.) 
Filios  autem  sapientiœ  dicit  sapientes  : 
consuevit  enim  Scriptura  malos  magis 
ex  peccato  quam  ex  nomine  indicare, 
bonos  auteui  filios  appellare  iiiformanlis 
eos  virlutis.  Ambu.  Bene  autem  dicit  : 
«  Ab  omnibus;  »  quia  circa  omuesjus- 
tia  reservatur  ;  ut  susceptio  fiât  fidelium, 
et  ejectio  perfidorum.  Al'G,  ide  Quœst. 
Evang  ,  ubi  siip.)  Vel  quod  dicit:  «  Jus- 
lificata  est  sapientia  ab  omnibus  filiis 
suis,  »  ostendit  «  filios  sapientiœ  »  in- 
telligere,  nec  in  abstinendo,  nec  inman- 


nmmis  agnoscilur.  In  eo  erpo  jusiifica-  :  dncando  esse  justitiam,  sed  in  aiquanimi- 
tio  Dei  est,  si  non  ad  indignos  et  obno-  i  taie  tolerandi  inopiam  :  uou  enim  usus, 


366 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


mais  la  sensualité  qui  est  ici  coupable,  et  rien  de  plus  légitime  que  de 
se  conformer  pour  le  choix  des  aliments  aux  habitudes  de  ceux  avec 
lesquels  vous  êtes  appelé  à  vivre. 

^.  36-50.  —  Or,  un  des  pharisiens  ayant  prié  Jésus  de  manger  avec  lui;  il  entra 
dans  sa  maison,  et  se  mit  à  table.  Et  voilà  qu'une  femme  connue  dans  la  ville 
pour  une  pécheresse,  ayant  su  qu'il  était  à  table  dans  la  maison  du  pharisien, 
apporta  un  vase  d'albâtre  plein  de  parfums.  Et  se  tenant  derrière  lui  à  ses 
p  ieds,  elle  commença  à  les  arroser  de  ses  larmes  ;  et  les  essuyant  avec  ses 
cheveux,  elle  les  baisait  et  les  oignait  de  parfums.  Ce  que  voyant  le  pharisien 
qui  l'avait  invité,  il  dit  en  lui-même  :  Si  cet  homme  était  prophète,  il  saurait 
qui  est  celle  qui  le  touche,  et  que  c'est  une  pécheresse.  Alors  Jésus  prenant  la 
parole,  lui  dit  :  Simon,  j'ai  quelque  chose  à  vous  dire.  Il  répondit  :  Maître, 
dites.  Un  créancier  avait  deux  débiteurs  :  l'un  lui  devait  cinq  cents  deniers,  et 
l'autre  cinquante.  Comme  ils  n'avaient  pas  de  quoi  payer  leur  dette,  il  la  leur 
remit  à  tous  deux.  Lequel  donc  l'aime  davantage?  Simon  répondit  :  Celui, 
je  pense,  auquel  il  a  le  plus  remis.  Jésus  lui  dit  :  Vous  avez  bien  jugé.  Et  se 
tournant  vers  la  femme,  il  dit  à  Simon  :  Voyez-vous  cette  femme?  Je  suis 
entré  dans  votre  maison,  et  vous  tie  m'avez  pas  donné  d'eau  pour  me  laver  les 
pieds;  elle,  au  contraire,  a  arrosé  mes  pieds  de  ses  larmes,  et  lésa  essuyés  avec 
ses  cheveux.  Vous  ne  m'avez  point  donné  de  baiser  ;  mais  elle,  depuis  qu'elle 
est  entrée,  n'a  cessé  de  baiser  mes  pieds.  Vous  n'avez  point  versé  de  parfum  sur 
ma  tête,  elle,  au  contraire  a  répandu  ses  parfums  sur  mes  pieds.  C'est  pourquoi 
je  vous  déclare  :  Beaucoup  de  péchés  lui  sont  remis,  parce  qu'elle  a  beaucoup 
aimé.  Mais  celui  à  qui  on  remet  moins,  aime  moins.  Alors,  il  dit  à  cette 
femme  :  Vos  péchés  vous  sont  remis.  Et  ceux  qui  étaient  à  table  avec  lui  com- 
mencèrent à  dire  en  eux-mêmes.  Qui  est  celui-ci,  qui  re^net  même  les  péchés? 
Et  Jésus  dit  encore  à  cette  femme  :  Votre  foi  (1)  vous  a  sauvée,  allez  en  paix. 

BEDE.  L'Evangéliste  venait  de  dire  :  «  Et  tout  le  peuple  qui  l'écou- 

(1)  Il  s'agit  ici  de  la  foi  qui  opère  par  la  charité,  comme  le  dit  saint  Paul  {Gai. ,  \,  6),  et  non  pas 


sed  concupiscentia  i*eprehendenda  est  ; 
dummodo  cougruas  in  generibus  ali- 
meutorum  liis  cum  quibus  tibi  viven- 
dum  est. 

Rogitbat  autem  illum  quidam  de  pharisœis,  ut 
manducaret  cum  illo.  Et  ingressus  domum 
pharisœi  discubuit.  Et  ecce  niulier  quœ  erat 
in  civitate  peccatrix,  ut  cognovit  quod  Jésus 
accuhuisset  in  domo  pharisœi,  atlulit  alabas- 
trum  unguenti;  et  slans  rétro  secus  pedes  ejiis, 
lacrymis  cœpil  rigare  pedes  ejus;  et  capillis 
capitis  sui  tergebat,  et  osculabatur  pedes  ejus, 
et  unguento  ungehat.  Yidens  autem  pharisœus 
qui  vocaverat  eum  ,  ait  inira  se,  dicens  :  Hic 
si  esset  propheta,  sciret  utique  quœ  et  gualis 
est  millier  quœ  tangit  eum;  quia  peccatrix 
est.  Et  respondens  Jésus  dixit  ad  illum  : 
Simon,  haheo  tibi  aliquid  dicere.  At  ille  ait  : 
Magister,  die.  Duo  debitores  erant  euidam  fœ- 
neratori  :  unus  debebat  denarios  quingentos , 


et  alius  quinquaginta  ;  non  habentibus  illis 
unde  redderent,  donavit  utrisque  :  quis  ergo 
eum  plus  diligit  ?  Respondens  Simon  dixit  : 
^stimo  quia  is  cidplus  donavit.  At  ille  dixit 
ei  :  Rectejudicasti.  Et  coniersus  admulierem, 
dixit  Simoni  :  Vides  hanc  mulierem  ?  Intravi 
in  domum  tuam ,  aquam  pedibus  meis  non  de- 
disti;  hœc  autem  lacrymis  rigavit  pedes  meos, 
et  capillis  suis  tersit.  Oseulum  mihi  non  de- 
disti  :  hœc  autem  ex  quo  intravit,  non  eessavit 
osculari  pedes  meos.  Oleo  caput  meum  non 
unxisti  :  hœc  autem  unguento  unxit  pedes 
meos  :  propter  quod  dieo  tibi  :  Remittuntur  ei 
peccata  multa,  quoniam  dilexit  multum;  cui 
autem  minus  dimittitur,  minus  diligit.  Dixit 
autem  ad  illam  :  Remittuntur  tibi  peccata.  Et 
cœperunt  qui  simul  accumbebant  dicere  intra 
se.  Quis  est  hic  qui  etiam  peccata  dimittit? 
Dixit  autem  ad  mulierem  :  Fides  tua  te  sal- 
vam  fecit  :  vade  in  pace. 

Beda.  Quia  superius  dictuin  fuerat  : 


DE   SAINT    LUC,    CHAP.    VTI.  367 

tait,  reconnut  la  justice  de  Dieu,  s'étant  fait  baptiser  du  baptême  de 
Jean;  »  il  établit  maintenant  par  des  faits  la  même  vérité,  c'est-à-dire 
que  la  sagesse  a  été  justifiée  par  les  justes  et  par  les  pécheurs  repen- 
tants. «  Or ,  un  des  pharisiens  le  pria  de  manger  avec  lui ,  »  etc.  — 
S;  Grég.  de  NrssE.  {sur  la  femme  pécher.)  Ce  récit  renferme  une 
leçon  des  plus  utiles.  Eu  effet,  la  plupart  de  ceux  qui  se  croient  justes, 
enflés  par  la  présomption  et  la  vanité  de  leurs  pensées  ,  se  séparent 
eux-mêmes  comme  des  agneaux  qui  se  séparent  des  boucs,  avant  que 
le  jugement  véritable  vienne  faire  ce  discernement;  ils  refusent  de 
manger  avec  la  foule,  et  ils  ont  en  abomination  tous  ceux  qui  fuient 
les  extrêmes,  et  gardent  le  juste  milieu  dans  la  conduite  de  la  vie.  Or, 
saint  Luc,  médecin  des  âmes  bien  plus  que  des  corps  ,  nous  montre 
Dieu  lui-même  et  notre  Sauveur  visitant  avec  bonté  tous  les  hommes  : 
«  Il  entra  dans  la  maison  du  pharisien  et  se  mit  à  table  ,  »  non  pour 
prendre  quelque  chose  de  sa  vie  coupable  ,  mais  pour  le  rendre  par- 
ticipant de  sa  propre  justice. 

S.  Gyr.  Cependant  une  femme  de  mauvaise  vie,  mais  conduite  par 
un  sentiment  d'amour  divin,  vient  trouver  Jésus-Christ ,  comme  celui 
qui  peut  la  délivrer  de  toutes  ses  fautes ,  et  lui  accorder  le  pardon  de 
ses  crimes  :  «  Et  voilà  qu'une  femme  ,  connue  dans  la  ville  pour  pé- 
cheresse ,  apporta  un  vase  de  parfums  ,  »  etc.  —  Bède.  L'albâtre  est 
une  espèce  de  marbre  nuancé  de  diverses  couleurs ,  on  en  fait  des 
vases  destinés  à  contenir  des  parfums,  qu'ils  conservent ,  dit-on ,  sans 
altération.  —  S.  Grég.  [hom.  32  sur  les  Evang.)  Cette  femme  a  cou- 
de la  foi  seule  considérée  en  elle  même,  comme  le  veulent  les  hérétiques;  car  comment  concilier 
celle  explication  avec  ces  paroles  du  Sauveur  :  «  Beaucoup  de  péchés  lui  sont  remis;  parce  qu'elle 
a  beaucoup  aimé  ?  » 


«  Et  omnis  populus  audiens,  justificave- 
runt  Deiiin  baptizati  baplismate  Joan- 
nis  ;  »  idem  evancçelipla  quai  verbis  pro- 
posvieral,  etiain  factis  astruit  justilica- 
tara,  scilicet  sapienliam  ajustis  et  pœni- 
tenlibus,  dicens  :  «  Rogabat  aiitem  illum 
quidam  de  pbarisaîis,  »  etc.  Grkg. 
Nyss.  {in  hom.  de  muliere  peccutrice.) 
Hœc  conscriptio  quemdam  utiiem  intel- 
leclum  sapil  :  :^unt  eniiii  plerique  corum 
qui  se  juslificant  iiiflali  suspicioiio  vaiii 
seusus  ;  priusquam  veuial  veruin  jiidi- 
ciuiij,  séparantes  seipsos  vchit  agnos  ab 
bœdis  ;  nec  escis  cum  plerisque  coni- 
municare  voleiites  ;  ai)oniinanle3  omnes 
quicuuque  non  oxtrenium,  seJ  medinni 
tenent  callem  in  vila.  Lucas  ergo  plus 
mcdicus  animarum  quam  corponim , 
ostendit    Ipsum    Deum    et    Salvalorem 


nostrum  piissime  alios  visitantem  :  unde 
sequitur  :  «  Et  ingressus  domum  phari- 
sfei  discubuit  :  »  non  ut  aliquid  de  vitiis 
ejus  sortiatur,  sed  ut  impertiatur  de  jus- 
litia  propria. 

Cyril,  {in  Cat.  Grœcorum  Patrum.) 
Mulier  autem  inhonestae  vitae,  promens 
autem  fidelem  affectum,  venit  ad  Chri- 
stum,  quasi  potentem  liberare  ab  omni 
culpa  et  veniam  crirainum  couimissorum 
largiri ,  sei}uitur  enim  :  «  Et  ecce  mu- 
lier qu3B  erat  in  civitate  peccatrix  ala- 
bastrum  unguenli,  »  etc.  Bild.  Alabas- 
trum  e-ît  genns  marmoris  candidi  variis 
coloribus  iutertincti  quod  ad  vasa  un- 
guiVntaria  cavari  solct  ;  eo  quod  oplime 
scrvare  ca  incorrupta  dicatur.  Greg.  {in 
hom.  32,  in  Evang.)  Quia  enim  hœc 
mulier  lurpitudinis  suœ  maculas  aspexit. 


368 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


sidéré  les  souillures  dout  l'a  couverte  sa  vie  infâme,  elle  accourt  donc 
pour  se  purifier  à  la  source  même  de  la  miséricorde  ,  elle  ne  rougit 
point  de  paraître  au  milieu  des  convives  ;  car  elle  éprouve  intérieu- 
rement une  si  grande  honte  d'elle-même ,  qu'elle  compte  pour  rien 
celle  qui  lui  vient  du  dehors.  Voyez  quelle  douleur  consume  cette 
femme  qui  ne  rougit  point  de  verser  des  larmes  au  milieu  des  joies  d'un 
festin.  —  S.  Grég.  de  Nysse.  Profondément  convaincue  de  son  indi- 
gnité ,  elle  se  tient  derrière  Jésus  ,  les  yeux  baissés  et  les  cheveux 
épars,  elle  embrasse  ses  pieds  et  les  inonde  de  larmes  ,  elle  manifeste 
ainsi  par  ses  actes  la  tristesse  de  son  âme,  et  implore  son  pardon  :  «  Et 
se  tenant  derrière  lui  ,  elle  commença  à  arroser  ses  pieds  de  ses 
larmes,  »  etc.  —  S.  Grég.  Ses  yeux  avaient  convoité  toutes  les  jouis- 
sances de  la  terre,  mais  maintenant  par  la  pénitence  ,  elle  eu  éteint  le 
feu  dans  un  déluge  de  larmes  ;  elle  avait  fait  servir  ses  cheveux  à  re- 
hausser la  beauté  de  son  visage,  elle  s'en  sert  pour  essuyer  ses  larmes  : 
«  Et  elle  essuyait  les  pieds  du  Sauveur  avec  ses  cheveux.  »  Sa  bouche 
s'était  ouverte  à  des  paroles  inspirées  par  l'orgueil  ;  elle  baise  les  pieds 
du  Sauveur,  et  imprime  ses  lèvres  sur  les  pieds  du  Rédempteur  :  «  Et 
elle  baisait  ses  pieds.  »  Elle  avait  employé  les  parfums  pour  donner  à 
son  corps  une  agréable  odeur,  et  ce  qu'elle  avait  honteusement  pro- 
digué pour  elle-même,  elle  en  fait  à  Dieu  un  admirable  sacrifice  :  «  Et 
elle  les  oignait  de  parfum.  »  Ainsi,  autant  elle  a  trouvé  de  jouissances 
en  elle-même,  autant  elle  offre  maintenant  d'holocaustes;  elle  égale 
le  nombre  de  ses  vertus  au  nombre  même  de  ses  crimes  ;  elle  veut  que 
tout  ce  qui  en  elle  a  été  un  instrument  pour  outrager  Dieu ,  devienne 
un  instrument  de  pénitence  pour  lui  plaire.  —  S.  Ghrts.  [hom.  6  sur 
S.  Matth.)  Ainsi  cette  femme  de  mauvaise  vie  devient  plus  vertueuse 
que  les  vierges  ;  car  à  cette  pénitence  si  pleine  de  ferveur,  succède  un 


lavanda  ad  fontem  aiisericordiae  cucur- 
rit,  convivantes  non  erubuit  :  nam  quia 
semetipsam  graviter  erubescebat  intus, 
nihil  e^se  credidit  quod  verecuudaretur 
foris.  Discite  quo  dolore  ardet,  quai  flere 
et  inter  epulas  non  erubescit.  Greg. 
Nyss.  [nt  sup.)  ludiguitatem  autem  suam 
ostendens  stabat  post  tergum  dejectis 
luminibus,  et  effusa  coma  pedes  am- 
plectens.  lacrymisque  eo»  perfundens, 
rebus  tristem  animuui  osteudebat,  ve- 
niam  implorans  :  sequitur  euim  :  «  Et 
stans  rétro,  lacrymis  cœpit  rigare  pedes 
ejus,»  etc.  Gbeg.  {in  hom.  33,  hiEvang.) 
Ûculis  enim  terreua  coucupierat,  sedhos 
jam  per  pœnitentiam  conterens  flebat  ; 
capillos  ad  compositioueni  vultus  exlii- 
buerat,  sed  jam  capillis  lacrymas  terge- 


bat  :  unde  sequitur  :  «  Et  capillis  capitis 
sui  tergebat  :  »  ore  superba  dixerat,  sed 
pedes  Domini  osculans,  hoc  in  Redem- 
ptoris  sui  vestigia  figebat  :  unde  sequi- 
tur :  «  Et  osculabatur  pedes  ejus.  » 
Unguentum  sibi  pro  odore  suœ  carnis 
exbibuit  :  quod  ergo  sibi  turpiter  exhi- 
buerat,  hoc  jam  Deo  laudabiliter  ofîere- 
bat  :  unde  sequitur  ;  «  Et  unguento  un- 
gebat.  »  Quot  ergo  in  se  habuit  oblecta- 
menta,  tôt  de  se  invenit  holocausta  : 
convertit  ad  virtutura  numerum.  nume- 
rum  criminum,  ut  totum  Deo  serviret  in 
pcenitentia  (pjidquid  ex  se  Deum  con- 
tempserat  in  culpa.  Chrys.  [hom.  6,  in 
Matth.)  Sic  igitur  meretrix  etfecta  est 
honestior  virginibus  :  postquaui  enim 
accensa  est  pœnitentia,  exarsit  in  Christi 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.   VII. 


369 


amour  plus  ardent  pour  Jésus- Christ.  Et  nous  ne  parlons  ici  que  de 
ce  qui  se  passait  à  l'extérieur  ;  car  quelle  ferveur  bien  plus  grande 
dans  les  sentiments  qui  agitaient  son  àme ,  et  dont  Dieu  seul  était  té- 
moin ! 

S.  Grég.  {hom.  33  sw les Evang .)  En  voyant  ce  spectacle,  le  pha- 
risien n'a  que  du  mépris  pour  cette  femme  ,  et  il  fait  tomber  ses  re- 
proches non-seulement  sur  elle,  qui  ose  venir  trouver  Jésus ,  mais  sur 
le  Seigneur  qui  l'accueille  avec  bonté  :  «  Ce  que  voyant  le  pharisien 
qui  l'avait  invité,  il  dit  eu  lui-même  :  Si  cet  homme  était  prophète,  il 
saurait  qui  est  celle  qui  le  touche,  et  que  c'est  une  pécheresse.  »  Voilà 
ce  pharisien  avec  son  orgueil  trop  véritable  et  sa  fausse  justice ,  qui 
fait  un  crime  au  malade  de  son  infirmité  ,  et  au  médecin  ,  des  soins 
qu'il  lui  prodigue.  Sans  doute,  si  cette  femme  se  fût  jetée  à  ses  pieds, 
il  l'aurait  repoussée  violemment  avec  dédain  ;  il  se  fût  imaginé  que  ce 
contact  allait  souiller  son  âme ,  parce  qu'il  n'était  pas  rempli  de  la 
véritable  justice.  C'est  ainsi  que  quelques-uns  de  ceux  qui  exercent  le 
ministère  pastoral,  dès  qu'ils  pratiquent  quelques  œuvres  médiocres 
de  justice,  regardent  avec  mépris  ceux  qui  leur  sont  soumis,  et  aflectent 
du  dédain  pour  tous  les  pécheurs  qu'ils  rencontrent.  Nous  devons,  au 
contraire,  lorsque  nous  considérons  l'état  malheureux  des  pécheurs, 
déplorer  dans  leur  calamité  notre  propre  malheur ,  à  la  pensée  que 
nous  sommes  déjà  tombés ,  ou  que  nous  pouvons  tomber  dans  les 
mêmes  fautes.  Il  faut  d'ailleurs  faire  usage  d'un  grand  discernement, 
nous  devons  être  sévères  pour  les  vices,  pleins  de  compassion  pour  les 
personnes  ;  si  le  pécheur  doit  être  puni,  le  prochain  a  droit  à  notre 
charité.  Je  vais  plus  loin,  et  je  dis  que  dès  que  le  pécheur  châtie  lui- 
même  par  la  pénitence  le  mal  qu'il  a  fait ,  il  cesse  d'être  pécheur, 


amorem  :  et  haec  quidem  quœ  dicta 
sunt,  agebantur  exterius  ;  qua;  vero  re- 
volvebatejus  iutenlio,  iiiullo  ferveutiora 
his  eratil  quai  soins  IJeus  inspiiùebat. 

Gkeg.  [in  Iiomil.  33,  in  Evuiuj.)  H.ec 
autem  Pharisœus  iiitueus  despicit,  et 
non  solum  veuieuleui  piiccatri  ;eui  luu- 
liereni,  sed  etiam  suscipienlein  Uumi- 
uum  repreheudit  :  uude  sequilur  :  «  Vi- 
dens  autem  Pbarisieus  qui  vocaveral 
emu,  ait  inlra  se  dicens  :  Hic  si  esset 
propheta,  scirel  ulique  quae  <;t  qualis 
muiier  est  quie  tangit  euni  :  n  ecce  Pha- 
risaïus  veraciler  apud  se  supn-bus  et 
fallaciler  justus  .X'f^raiu  reprebcndit  de 
œgritiKline,  inedicuiu  de  subv>mtione  : 
quie  prolecto  muiier  si  ad  Pbaristei  pe- 
des  venissel.  calcibus  repuisa  discederet  : 

TOiM.    V. 


inquinari  euim  se  alieno  peccato  crede- 
ret,  quia  hune  vera  sua  juslitia  non  re- 
plebat.  Sic  et  quidam  sacerdolali  officie 
prœditi,  si  quid  fortasse  juste  exterius 
vel  tenuiter  egerint,  prolinus  subjectos 
despiciuut;  et  peccalores  quosque  in 
plèbe  posilos  dedignantur.  >.'ecesse  est 
autem  ut  cum  peccatores  quosque  cons- 
picinms,  uosmelipsos  prius  in  eorum 
calamitate  dcfleamus  ;  quia  fortasse  in 
similibus  aut  lapsi  sumus,  aut  labi  pos- 
fuuius.  Oportet  autem  ut  sollicite  dis- 
ceruamus ,  quia  districliouem  debemus 
vitiis,  compassionem  vero  ualurœ.  Si 
enim  feriendus  est  peccator,  nutrieudus 
est  proximus  :  cum  vero  jam  per  pœui- 
leiiliam  percutit  ipse  quod  fecit,  jam 
noster  proximus  peccator  non  est;  quia 

24 


370 


EXPLICATION    DK   l'ÉVANGILR 


puisqu'il  punit  en  lui-même  ce  que  la  justice  divine  condamne.  Notre- 
Seigneur  se  trouvait  donc  entre  deux  malades,  mais  l'un,  jusque  dans 
sa  fièvre  ,  conservait  l'usage  de  la  laison ,  tandis  que  l'autre  avait 
perdu  l'esprit  ;  la  femme  pécheresse  pleurait  les  fautes  qu'elle  avait 
commises  ;  le  pharisien,  au  contraire,  fier  de  sa  fausse  justice  ,  exa- 
gérait la  force  de  sa  santé. 

TiTE  DE  BosT.  Cependant  Notre-Seigneur  qui,  sans  entendre  les  pa- 
roles du  pharisien,  voyait  les  pensées  de  son  âme ,  lui  prouve  qu'il  est 
le  Seigneur  des  prophètes  :  o  Et  Jésus  lui  répondant,  lui  dit  :  Simon, 
j'ai  quelque  chose  à  vous  dire.  »  —  La  Glose  (d).  Il  répond  ici  à  la 
pensée  du  pharisien,  que  cette  parole  rend  plus  attentif  :  «  11  répondit  : 
Maître ,  dites.  »  —  S.  Grég.  {hom.  33  sur  les  Evang.)  Le  Sauveur 
établit  une  comparaison  entre  deux  débiteurs,  dont  l'un  doitjplus,  et 
l'autre  moins  :  «  Un  créancier  avait  deux  débiteurs,  »  etc.  —  Tite. 
Comme  s'il  disait  :  Vous-même  vous  n'êtes  pas  sans  quelque  dette.  Or, 
si  vous  êtes  tenu  par  une  dette  quelconque ,  pourquoi  vous  enor- 
gueillir, puisque  vous  avez  vous-même  besoin  de  pardon?  C'est  à  ce 
pardon  que  Jésus  fait  allusion  en  ajoutant  :  «  Gomme  ils  n'avaient 
pas  de  quoi  payer  leur  dette,  il  la  leur  remit  à  tous  deux.  »  La  Glose. 
Car  nul  ne  peut  par  lui-même  être  délivré  de  la  dette  du  péché,  si  la 
grâce  de  Dieu  ne  lui  octroie  son  pardon.  —  S.  Grég.  {hom.  33  sur  les 
Evang.)  Chacun  des  deux  débiteurs  ayant  obtenu  la  remise  de  sa 
dette,  Notre-Seigueur  demande  au  pharisien  lequel  des  deux  devra 
plus  aimer  son  bienfaiteur  :  «  Lequel  l'aimera  davantage  ?  Le  pha- 
risien répond  aussitôt  :  Celui,  je  pense,  auquel  il  a  le  plus  remis.  » 

(1)  Cette  citation  ne  se  trouve  plus  dans  la  Glose  actuelle. 


liic  iu  se  punit  qiiod  justitia  divina  re- 
prehendit.  Inter  duos  ergo  œgros  medi- 
fus  aderat;  sed  unus  iu  febre  sensum 
teuebat,  alter  seusum  perdiderat  men- 
tis :  ilki  quippe  flebat  quod  fecerat  ;  Pha- 
risœus  autem  de  falsa  justitia  elatus, 
viiu  suBe  valetudinis  exaggerabat. 

TiT.  BosTRENSis.  Domiuus  autem,  non 
verba  ejus  audiens,  sed  cogitaliones 
inspicieus,  Dominum  se  prophetarum 
osteudit  :  unde  sequitur  :  «  Et  respon- 
deus  Jésus  dixit  ad  illum  :  Simon, 
liabeo  tibi  aliquid  dicere.  »  Glos.  Quod 
quidem  dixit,  ejus  cogitationi  respon- 
dens  :  pharisœus  autem  ex  verbis  Do- 
miui  attentior  est  facLus  :  unde  dicitur  : 
«  At  ille  ait  :  Magister,  die.  »  Greg. 
{Jiom.  33,  in  Evang.)  De  duobus  autem 
ei    debiforibus    paradigma     opponitur; 


quorum  unus  minus ,  alius  amplius 
débet  :  unde  sequitur  :  «  Duo  debitores 
erant  cuidam  fœueratori,  »  etc.  Titus. 
Quasi  diceret  :  Neque  tu  absque  debito 
es  :  quid  igilur"?  Si  in  paucioribus  teno- 
ris ,  non  superbias;  quia  tu  quoqiio 
veniaeges.  Unde  de  venia  subdit  dicens  : 
«Non  babentibus  autem  illis  uude  red- 
derent,  douavit  utrisque.  »  Glos.  Nul- 
lus  enim  potest  per  seipsum  a  debito 
peccati  Uberari,  nisi  divina  gratia  veniam 
consequatur.  Greg.  {in  /lom.  33 ,  in 
Evang.)  Utroi'umque  autem  debito 
dimisso,  quis  amplius  largitorem  debili 
diligat,  pbarisseus  interrogatur  :  sequitur 
enim  :«  Quis  ergo  plus  eum  diligit?))Qui- 
busverbisprotinus  illerespoudit:  «  Màtl- 
mo  quia  is  cui  plus  donavit.  »  Qiia  in  re 
notandum  est  quod  dum    sua  seutenlia 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    Vil.  371 

Remarquez  que  le  pharisien  est  ici  condamné  par  son  propre  aveu,  et 
que,  comme  un  insensé  atteint  de  frénésie  ,  il  porte  la  corde  qui  doit 
servir  à  l'enchaîner  :  «  Jésus  lui  dit  :  Vous  avez  bien  jugé.  »  Il 
énumère  alors  tous  les  actes  de  vertu  de  cette  pécheresse,  et  toutes  les 
actions  répréhensibles  de  ce  faux  juste  :  «  Et  se  tournant  vers  la 
femme,  il  dit  à  Simon  :  Voyez-vous  cette  femme  ?  Je  suis  entré  dans 
votre  maison ,  vous  ne  m'avez  point  donné  d'eau  pour  me  laver  les 
pieds  ;  elle,  au  contraire,  a  arrosé  mes  pieds  de  ses  larmes.  »  —  Tite 
DE  BosT.  C'est-à-dire  :  Rien  de  plus  facile  que  de  présenter  de  l'eau, 
mais  il  n'est  pas  aussi  facile  de  verser  des  larmes  ;  vous  ne  m'avez  pas 
donné  ce  qui  vous  était  si  facile  ,  elle,  au  contraire  ,  a  versé  sur  mes 
pieds  des  larmes  plus  diflîciles  à  répandre.  Or  ,  en  lavant  mes  pieds 
avec  ses  larmes  ,  elle  a  lavé  ses  propres  souillures  ;  elle  les  a  essuyés 
avec  ses  cheveux,  pour  s'appliquer  mes  divines  sueurs,  et  tout  ce  qui 
lui  a  servi  à  séduire ,  à  entraîner  la  jeunesse  dans  le  péché,  elle  l'a 
employé  à  poursuivre  et  à  rechercher  la  sainteté. 

S.  Chrys.  {hom.  6  swr  -.S".  Matth.)  Lorsque  la  pluie  est  tombée  avec 
abondance,  le  ciel  reprend  sa  sérénité  ;  ainsi  après  une  abondante 
effusion  de  larmes,  le  cal  ne  renaît,  le  nuage  de  nos  crimes  se  dissipe, 
et  nous  sommes  purifiés  «le  iiouveau  par  les  larmes  et  la  confession, 
comme  nous  avons  été  autrefois  régénérés  par  l'eau  et  par  l'esprit  : 
«  C'est  pourquoi,  je  vous  le  dis  :  Beaucoup  de  péchés  lui  sont  remis, 
parce  qu'elle  a  beaucoup  aimé.  »  En  effet,  ceux  qui  se  sont  jetés  à 
corps  perdu  dans  le  mal ,  se  livrent  avec  autant  d'énergie  à  la  pra- 
tique du  bien,  au  souvenir  df's  dettes  qu'ils  ont  contractées. —  S.  Grég. 
{liom.  33  sur  les  Evaiicj.)  Plus  donc  le  cœur  du  pécheur  brûle  du  f(  a 
de  la  charité,  plus  aussi  ce  feu  consume  la  rouille  et  les  souillures  du 
péché.  —  Tite  de  BÎist.  Il  arrive  souvent,  en  effet,  qu'un  grand  pé- 


pliaristfuà  conviiicilur,  quasi  plireueUcus  |  tuiu  jnveututem,  venata  est  sanctitaleui. 
funem  portât  ex  quo  ligelur  :  imdosecjui- I     Chbys.   [hom.    G,    in    Mutth.)    Sicut 


tur  :«  At  ille  dixit  :  Recte  judicasli.»  Eiiu 
iiieraiitur  aulem  eiI)onapeccafricis,  euu- 
ineraiilur  et  niala  falsi  justi  :  undo  se- 
qnitur  :  «  Et  conversus  ad  inuliprera 
dixit  Simoni  :  Vid«!3  hauc  imilioreui  ? 
iiitravi  in  doiiiuin  luaiii  ;  aquam  pedilms 
lueis  non  dedisti,  lia;c  auteni  lacryinis 
rii-'avit  pedes  meos.  »  Tit.  Bostrkn. 
Onasi  dicerel  :  Faciiis  est  usus  aquanuii, 
non  est  faciiis  iacryiuaruin  effiisio  : 
tu  promptis  non  es  usus,  liœc  etfudit 
non  pron-.pla  :  lavans  lacrymis  pedes 
meos,  lavit  uiacuias  proprias;  tersit  co- 
mis,  ut  per  eas  sibi  assuniat  sacros 
nudores;  et  quibus  venata  est  ad  pecca- 


aulem  ubi  vehemeus  iiubor  prnrupit,  lit 
sereuitas,  sic  lacrymis  effusis  ,  apparet 
tranquillitas,  et  périt  caligo  reatuuni  ; 
et  sicut  per  aquam  et  spiritum,  sic  per 
lacryiiias  et  confessioncm  denuo  niun- 
damur  :  unde  sequilur  :  «  Proiiter  quod 
dico  libi  :  Remittuntur  ei  peccala  nuilta 
quoniam  dilexit  nmltum.  »  Nam  qui 
vehenienter  se  iniresserunt  nialis ,  riir- 
5U3  et  bonis  vehenienter  insistnnt; 
conicii  ad  quot  débita  se  oblisaverunt. 
GiucG.  [hom.  33,  >n  EiHing.)  Tanto  ergo 
aniplius  peccali  rubigo  consumitur , 
quanto  peccatoris  cor  magno  cliarilafis 
igno  coucreniatur.  ïir.  Bostkkns.   Con- 


sn 


EXPLICATION   DE    l'ÉVANGILE 


cheur  obtient  par  la  confession  le  pardon  de  ses  fautes ,  tandis  que 
celui  qui  n'est  coupable  que  de  fautes  légères,  refuse,  par  orgueil,  de 
recourir  au  remède  de  la  confession  ,  comme  l'indiquent  les  paroles 
suivantes  :  «  Celui  à  qui  on  remet  moins,  aime  moins.  »  —  S.  Chrys. 
{ho)7î.  68  sur  S.  Matth.)  (I).  Ayons  donc  une  âme  pleine  de  ferveur; 
car  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  nous  parvenions  à  la  perfection  la  plus 
éminente  ;  que  personne  parmi  les  pécheurs  ne  désespère  de  son  sa- 
lut; que  personne  parmi  les  justes  ne  se  laisse  aller  au  relâchement; 
que  le  juste  se  garde  d'une  confiance  présomptueuse  (car  souvent  une 
femme  de  mauvaise  vie  le  précédera  dans  le  royaume  des  cieux)  ;  que 
le  pécheur  ne  se  décourage  point  ;  car  il  peut  s'élever  au-dessus 
même  des  plus  parfaits  :  «  Puis  il  dit  à  cette  femme  :  Vos  péchés  vous 
sont  remis.  » 

S.  Grég.  {hom.  33  sur  les  Evanr/.)  Cette  femme  donc  qui  était  ve- 
nue malade  trouver  le  médecin,  obtient  sa  guérison,  mais  cette  gué- 
rison  même  devient  pour  ceux  qui  en  sont  témoins  une  cause  de  ma- 
ladie :  «  Et  ceux  qui  étaient  à  table  avec  lui ,  dirent  en  eux-mêmes  : 
Qui  est  celui-ci  qui  remet  même  les  péchés?  »  Mais  le  céleste  médecin 
n'a  point  d'égard  pour  ces  malades  dont  l'état  ne  fait  qu'empirer  par 
l'effet,  même  des  remèdes  qui  devaient  les  sauver ,  tandis  qu'il  fortifie 
par  une  parole  de  miséricorde  celle  qu'il  venait  de  guérir  :  «  iMais 
Jésus  dit  encore  à  cette  femme  :  Votre  foi  vous  a  sauvée  ,  »  parce 
qu'en  effet,  elle  n'a  point  hésité  de  croire  qu'elle  obtiendrait  ce  qu'elle 
demandait.  —  Théophyl.  Notre-Seigneur  ne  se  contente  pas  de  lui 
accorder  la  rémission  de  ses  péchés  ,  il  ajoute  la  grâce  de  faire  le 

(i)  Saint.  Chrysoslome  parle  aiasi  a.  l'occasion  d'une  fameuse  courtisane,  qui  vivait  dans  le  temps 
qu'il  était  encore  enfant.  Cette  femme  changrea  si  subitement  de  sentiments  et  de  conduite,  qu'elle 
surpassa  par  la  chasteté  de  sa  vie  les  vierges  elles-mêmes,  parmi  lesquelles  elle  vécut  et  mourut 
saintement. 


tingit  autem  stepius  eum  qui  multum 
peccavil ,  per  coiife?sioDem  purgari  ; 
pauca  vero  peccaulein  ex  arrogantia 
nou  venire  ad  confessionis  remedium  : 
unde  sequitur  :  «  Cui  autem  minus  di- 
miltilur.  minus  diligit.  »  Chrys.  {Iioni. 
68,  in  Mcilth.)  Opus  est  ergo  nobis  fer- 
venti  anima;  quia  nihil  impedit  homi- 
nem  fieri  magnum.  NuUus  ergo  consti- 
tutorum  in  peccatis  desperet,  uemo  vir- 
tuosus  dormitet:  uec  hic  coufidat  (saepe 
euim  merelrix  prœcedet)  ;  uec  ille  dif- 
fidat  (possibile  namque  est  eum  etiam 
primos  superare)  ;  unde  et  hic  subdi- 
lur  :  «  Dixit  autem  ad  illam  :  Remitluu- 
tur  tibi  peccala  tua.  » 


Greg.  [hom.  33,  in  Evang.)  Ecce 
qu£e  ad  medicum  venerat  segra,  sanata 
est,  sed  de  sahite  ejus  adhuc  alii  aegro- 
tant  :  sequitur  enim  :  «  Et  cœperuut 
qui  siuiLil  accumbebaut  dicere  intra  se  : 
Quis  est  hic  qui  etiam  peccala  dimittit?  « 
Sed  cœlestis  medicus  œgros  non  respi- 
cit,  quos  etiam  de  medicamento  fieri 
détériores  videt  :  eam  autem  quam  sa- 
uaverat.  per  pietatis  sufe  sententiam 
confirmât  :  unde  sequitur  :  «  Dixit  au- 
tem ad  muherem  :  Fides  tua  te  salvam 
fecit  :  »  quia  scilicet  lioc  quod  petit, 
posse  seaccipere  non  didoitavit.  Theoph. 
Postquam  autem  ei  peccata  dimisit,  nou 
sislit  in   remissione   peccati,  sed  adjicit 


DE   SAINT   UC^    CHAP.    VII.  373 

bien  :  «  Allez  en  paix  »  (c'est-à-dire  dans  la  justice)  ;  car  la  justice  est 
la  paix  de  l'homme  avec  Dieu,  comme  le  péché  est  la  guerre  entre 
Dieu  et  l'homme;  ce  qui  revient  à  dire  :  Faites  tout  ce  qui  peut  vous 
conduire  à  la  paix  de  Dieu, 

S.  Ambr.  Il  en  est  beaucoup  pour  qui  ce  fait  évangélique  est  une 
source  d'embarras ,  et  qui  se  demandent  si  les  Evangélistes  ne  sont 
point  ici  en  contradiction.  —  Sévère.  {Ch.  des  Pèr.  r/r.)  Gomme  les 
quatre  Evangélistes  racontent  qu'une  femme  a  répandu  des  parfums 
sur  Jésus-Christ,  je  crois  ,  eu  égard  à  la  condition  des  personnes,  à 
leur  manière  d'agir,  à  la  différence  des  temps ,  que  ce  sont  trois  per- 
sonnes différentes.  Ainsi  saint  Jean  raconte  de  Marie,  sœur  de  Lazare, 
que  six  jours  avant  la  fête  de  Pâques  ,  elle  oignit  les  pieds  de  Jésus 
dans  sa  propre  maison.  Saint  Matthieu,  après  ces  paroles  du  Seigneur  . 
«  Vous  savez  que  la  pàque  se  fera  dans  deux  jours,  »  ajoute,  qu'à 
Béthanie,  dans  la  maison  de  Simon  le  lépreux  ,  une  femme  répandit 
des  parfums  sur  la  tète  du  Seigneur ,  et  non  sur  ses  ineds ,  comme 
Marie.  Le  récit  de  saint  Marc  est  conforme  à  celui  de  saint  Matthieu, 
Saint  Luc  enfin  place  ce  fait,  non  aux  approches  de  la  fête  de  Pâques, 
mais  au  milieu  de  son  Evangile.  Saint  Chrysostome  (I)  prétend  qu'il 
y  a  ici  deux  femmes  différentes  :  l'une  dont  parle  saint  Jean ,  la  se- 
conde dont  il  est  question  dans  les  trois  autres  Evangélistes.  — 
S.  Ambr.  Saint  Matthieu  nous  rapporte  que  cette  femme  répandait 
ses  parfums  sur  la  tète  de  Jésus-Christ,  aussi  ne  lui  doune-t-il  pas  le 
nom  de  pécheresse;  car  d'après  saint  Luc ,  cette  femme  pécheresse 
répandit  ces  parfums  sur  les  pieds  de  Jésus-Christ.  On  peut  donc  ad- 
mettre que  ce  sont  deux  personnes  différentes,  pour  justifier  les  Evan- 

(t)  Homél.  81  sur  saint  Matth.,  et  liomél.  61  sur  saint  Jean,  au  commencement. 


operationem  boni  :  undesequitur  :  «  Vade 
in  pace  (id  est,  in  justitia),  »  ([uia  justi- 
fia est  pax  liominis  ad  Deuin,  siciit  pec- 
(•atum  est  inimicitia  inter  Deiun  et  lio- 
minem  :  quasi  diceret:  Operare  omnia 
quae  ad  pacein  Dei  le  ducunl. 

Ambr.  Hoc  aulem  loco  pleriqiie  pati 
videntur  scrupulum  quœstionis,  utrum 
videantur  evangelista;  discordasse  de 
fide.  Gr^x.  {nempe  Severus  Antiochenus 
in  (  at.  Grœcorum  Patrum.)  Quia  cnirn 
quatuor  evanpelistae  dicunt  Cliristum 
unclum  fuisM!  unguenlo  a  inuliere,  très 
[Hito  fuisse  niulieros  ex  personariun 
qualitale,  ex  modo  ac^'endi,  ex  rlifferentia 
lemporum.  Joannes  quideni  narrât  de 
Maria  sorore  Lazari  quoniam  sex  die- 
bu.s   ante   Pascha    unxit    perles  .lesu    in 


propria  domo;  at  Matthœus,  postquam 
Doininus  dixerat  :  «  Scitis  quia  post  bi- 
duum  fiet  Pasclia,  »  subdit,  quoil  in  Be- 
lliania  in  domo  Simonis  leprosi  nmlier 
fudit  unguentum  super  Doniiui  caput, 
non  autem  unxit  pedes  ut  Maria  :  Mar- 
cus  etiam  Mattliaïo  siiniliter  :  Lucas 
autem,  non  circa  tempus  Paschœ,  sed 
in  medio  Evangelii  hoc  refert.  Chrysos- 
tomus  autem  binas  asserit  bas  muHeres 
fuisse  :  unam  quidem  quœ  coutinetur  in 
Joanne  ;  alteram  vero  cujus  nienlio  fit  a 
tribus.  Ambr.  Hanc  ergo  nnilierein  indu- 
cit  Matthieus  supra  caput  Cbrisli  effun- 
denteni  unguentum  ;  et  ideo  noluit  di- 
cere  peccatricem  :  nain  peccatrix  se- 
cundum  Lucam  supra  pedes  Christi  '>f- 
fudit  unguentum.  Pntest  ergo  non  eadeni 


31' 


EXPLICATION   DE    [.  EVANfill.F. 


gélistes  du  reproche  de  contradiction.  On  peut  aussi  résoudre  diffé- 
remment cette  tjuestion,  en  tenant  compte  de  la  différence  de  mérite 
et  de  temps,  c'est-à-dire  que  la  même  personne,  d'abord  pécheresse, 
était  depuis  entrée  dans  les  voies  de  la  perfection.  —  S.  AuG.  {de 
l'ace,  des  Evang.,  ii,  39.)  On  peut  aussi  admettre  que  la  même  per- 
sonne ,  appelée  Marie ,  a  répété  la  même  action  ,  une  première  fois, 
lors(iue,  comme  le  raconte  saint  Luc  ,  elle  s'approcha  dans  l'humilia- 
tion et  dans  les  larmes ,  et  obtint  la  rémission  de  ses  péchés.  Voilà 
pourquoi  saint  Jean  avant  de  raconter  la  résurrection  de  Lazare,  et 
lorsque  Jésus  n'était  pas  encore  venu  en  Béthanie ,  s'exprime  de  la 
sorte  :  «  Or,  Marie  était  celle  qui  avait  répandu  des  parfums  sur  le 
Seigneur,  et  lui  avait  essuyé  les  pieds  avec  ses  cheveux,  et  Lazare,  qui 
était  malade,  était  sou  frère  :  »  donc  Marie  avait  déjà  fait  cette  même 
action  ;  elle  la  répète  à  Béthanie,  sans  que  saint  Luc  en  parle ,  parce 
qu'elle  n'entrait  }ioint  dans  l'ordre  de  son  récit,  mais  elle  est  racontée 
par  les  trois  autres  Evangélistes. 

S.  Grég.  [hom.  33  sur  les  Evang.)  Dans  le  sens  mystique,  le  pha- 
risien qui  présume  de  sa  fausse  justice,  c'est  le  peuple  juif;  cette 
femme  pécheresse  qui  se  jette  aux  pieds  du  Seigneur,  et  les  arrose  de 
ses  larmes,  c'est  la  Gentilité  convertie  au  vrai  Dieu.  —  S.  Ambr.  Ou 
bien  encore,  le  lépreux,  c'est  le  prince  du  monde,  et  la  maison  de 
Simon  le  lépreux,  c'est  toute  la  terre.  Or,  le  Seigneur  est  descendu  des 
hauteurs  des  cieux  sur  la  terre,  parce  que  cette  femme  qui  est  la  figure 
de  l'âme  et  de  l'Eglise ,  ne  pouvait  obtenir  sa  guérison  ,  si  le  Christ 
n'était  venu  sur  la  terre.  Elle  nous  apparaît  sous  la  forme  d'une  pé- 
cheresse ,  parce  que  Jésus-Christ  lui-même  a  pris  la  forme  d'un  pé- 
cheur. Supposez  donc  une  àme  qui  s'approche  sincèrement  de  Dieu, 


esse,  ue  sibi  coutrarium  evangelistae 
dixisse  videantur.  Potest  eliam  qua?stio, 
luerili  et  lemporis  diversitate  dissolvi  ; 
ut  adhuc  illa  peccatrix  sit,  jam  ista  per- 
feclior.  AuG.  [de  Cous.  Evanrj.,  lib.  ii, 
i-ap.  39.)  Eamdem  eLiim  Mariaiu  bis  hoc 
fecisse  arbitrer  intelligeudum  :  semel 
écilicet  quod  Lucas  aarravit,  cum  primo 
accedens  cum  humililaleet  lacrymis  me- 
vuit  remissionem  peccatorum  :  unde 
Joannes,  cum  de  Lazare  resuscitando 
cœpisset  loqui ,  autequam  veniret  in 
Belhaniam.  dicit  {caj^.  11)  :  «  Maria 
autem  erat  qufe  uDxit  Dominum  un- 
guento,  et  tersit  pedes  ejus  capillis 
suis,  cujus  f rater  Lazarus  infirmaba- 
tnr  :  »  juin  itaqiie  hoc  Maria  fecerat  : 
quod    autem   in  Bethania  rursum  fecit, 


aliud  est  quod  ad  Lucse  narrationem 
non  pertinet,  sed  pariter  narratur  ab 
ahis  tribus. 

Greg.  [in  hom.  33,  in  Evang.)  Mys- 
tico  autem  intellectu  pharisseus  de  falsa 
justitia  praisumens,  judaicum  popuhim; 
peccatrix  mulier,  sed  ad  vestigia  Domiui 
veniens  et  plorans,  conversam  gentilita- 
tem  désignât.  Ambr.  Vel  princeps  hujus 
seculi  quidam  leprosus  est,  doruus  au- 
tem Simonis  leprosi  terra  est  :  ergo  Do- 
minus  ex  illis  superioribus  locis  descen- 
dit in  terram  :  neque  cuim  sanari  po- 
tuisset  haec  muUer  quœ  speciem  habet 
auimœ  vel  Ecclesige,  nisi  Christus  venis- 
set  in  terram.  Merito  autem  speciem 
accipit  peccatricis,  quia  Christus  quo- 
que  formam  peccatoris   accepit.   Itaque 


DE   SAINT   LUC.    CHAP.    VII. 


37  :> 


qui  loin  d'être  esclave  de  ces  crimes  honteux ,  et  qui  blessent  ouver- 
tement la  pudeur  ,  obéit  à  la  parole  de  Dieu  avec  amour  o-t  dans  la 
confiance  d'une  chasteté  iuviolal)le  ;  elle  s'élève  jusqu'à  la  tète  de 
Jésus-Christ ,  et  la  tète  de  Jésus-Christ,  c'est  Dieu,  (l  Corinth.^  xi.  ) 
Mais  que  celui  qui  ne  peut  arriver  jusqu'à  la  tète  de  Jésus-Christ, 
se  tienne  humblement  à  ses  pieds ,  le  pécheur  à  ses  pieds ,  le  juste 
près  de  sa  tète  ;  mais  cependant  l'âme  qui  a  péché ,  à  aussi  son 
parfum. 

S.  Grég.  (Jiom.  33  sur  les  Evang.)  Que  figure  ce  parfum,  si  ce  n'est 
l'odeur  d'une  bonne  renommée  ?  Si  donc  nous  faisons  des  bonnes 
œuvres,  dont  la  réputation  se  répande  comme  un  parfum  par  toute 
l'Eglise,  nous  répandons  dans  un  sens  véritable  des  parfums  sur  le 
corps  du  Seigneur.  Cette  femme  se  tenait  à  côté  des  pieds  du  Sei- 
gneur ;  car  nous  nous  tenions  directement  contre  ses  pieds ,  lorsque 
vivant  au  milieu  de  nos  péchés ,  nous  résistions  en  quelque  sorte  à  ses 
voies;  mais  lorsqu'après  nos  péchés,  nous  revenons  à  lui  dans  les  sen- 
timents d'une  véritable  pénitence,  alors  nous  nous  tenons  derrière  lui, 
à  ses  pieds  ;  parce  que  nous  suivons  alors  ses  traces  auxquelles  nous 
faisions  alors  profession  de  résister.  —  S.  Ambr.  Vous  donc  aussi  qui 
avez  péché,  rentrez  dans  les  voies  de  la  pénitence,  accourez  partout  où 
vous  entendrez  le  nom  de  Jésus-Christ,  hâtez-vous  de  vous  rendre 
dans  toute  maison  où  vous  apprenez  que  Jésus  est  entré  ;  lorsque  vous 
aurez  trouvé  la  sagesse  assise  dans  quelque  demeure  secrète,  accourez 
vous  jeter  à  ses  pieds,  c'est-à-dire  cherchez  d'abord  le  dernier  degré 
de  la  sagesse,  et  confessez  vos  péchés  dans  les  larmes.  Peut-être  Jésus- 
Christ  ne  lava  point  ses  pieds  dans  cette  circonstance ,  afin  que  nous 
les  lavions  nous-mêmes  dans  les  larmes  ;  heureuses  larmes  qui  peuvent 
non-seulement  laver  nos  fautes,  mais  arroser  les  pieds  du  Verbe  divin. 


si  constituas  animam  fideliter  appropin- 
qiiantem  Deo,  non  peccalià  turpibus  et 
obâcœnis,  sed  pio  servienleiu  Dei  verbo, 
habenteni  iminaculata,'  fiduciam  castita- 
tis,  ad  ipsum  Christi  capul  ascendil  ; 
caput  aulem  Ghrisli  Deus  est.  (I  Cor., 
11.)  Sed  qui  caput  uou  teuet  Chrisli, 
ille  pedes  teneat  ;  peccalor  ad  pedes, 
justus  ad  caput  :  habet  tamen  eliaia  ea 
quas  pcccavit,  unguentum. 

Greg.  {hom.  33,  in  Efuncj.)  Quid  aliud 
uufiçuento,  niii  bona?  oilor  opinionis 
exprimitur?  Si  i'fitur  recta  opéra  a^i- 
mus  ;  quibus  upinione  boni  odoris  Ec- 
clesiam  respergamus,  ({uid  iiisi  in  corpore 
Domiui  unj^uentum  fundimus?  sed  se- 
cus   pedes   mulier  slelit  :  conlra  pedes 


euiui  Domiui  stetiinus^  cum  in  peccatis 
positi  ejus  itineribus  ronitebaumr;  sed 
si  ad  verara  pœniteutiam  post  peccata 
convertimur,  jaiu  rétro  secus  pedes  sta- 
luus  ;  quia  ejus  vestigia  sequimiir  qu  .• 
iiupuf];aabaaius.  Ambr.  Defcr  et  tu  post 
peccata  pœniteutiam  :  ubicunque  audic- 
ris  Christi  nomen,  accurre  ;  in  cujuscun- 
que  interiorem  domum  .bîsuui  intrusse 
cognoveris,  et  ipso  festina  ;  cuni  repere- 
ris  sapientiaui,  cuui  repereris  juslitiani 
in  aliquibus  penf.lralibus  recumbentuui, 
accurre  ad  pedes,  id  est,  vel  extremam 
partem  quœre  sapientiai,  lacrymis  con- 
lilere  peccata.  Et  fortasse  ideo  non  iavit 
Christus  suos  pedes,  ut  eos  lacryuàs  nos 
lavenius.  Bonfe  lacryma;,    qua-  non  so- 


376 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGIF.E 


pour  que  ses  pas  deviennent  pour  nous  une  source  abondante  de 
grâces  !  Larmes  précieuses  qui  sont  non-seulement  la  rédemption  des 
pécheurs,  mais  la  nourriture  des  justes;  car  c'est  la  voix  d'un  juste 
qui  fait  entendre  ces  paroles  :  «  Mes  larmes  m'ont  servi  de  pain  le 
jour  et  la  nuit  (1*). —  S.  Grég.  [hom.  33  sur  les  Evang.)  Nous  lavons 
les  pieds  du  Seigneur  de  nos  larmes,  lorsque  par  un  sentiment  d'affec- 
tueuse compassion,  nous  nous  abaissons  jusqu'aux  membres  les  plus 
humbles  du  Seigneur;  nous  essuyons  ses  pieds  avec  nos  cheveux, 
lorsque  la  charité  nous  porte  à  secourir  de  notre  superflu  les  saints 
serviteurs  de  Dieu.  —  S.  Ambr.  Déroulez  aussi  vos  clieveux,  jetez  à 
ses  pieds  tout  ce  qui  sert  d'ornement  à  votre  corps  ;  les  clieveux  ne 
sont  vraiment  point  méprisables,  puisqu'ils  sont  jugés  dignes  d'essuyer 
les  pieds  de  Jésus-Christ,  —  S.  Grég.  Cette  fi^mme  baise  les  pieds  du 
Sauveur  après  les  avoir  essuyés,  c'est  ce  que  nous  faisons  nous-même, 
lorsque  nous  aimons  tendrement  ceux  dont  nous  avons  secouru  la 
pauvreté  par  nos  largesses.  Par  les  pieds  du  Seigneur,  on  peut  encore 
entendre  le  mystère  de  l'incarnation  ;  nous  baisons  donc  les  pieds  du 
Rédempteur ,  lorsque  nous  nous  attachons  de  tout  notre  cœur  au 
mystère  de  son  incarnation.  Nous  répandons  des  parfums  sur  ses  pieds, 
lorsque  nous  annonçons  la  puissance  de  son  humanité  par  la  bonne 
renommée  de  la  parole  sainte.  Ce  spectacle  remplit  le  pharisien  de  ja- 
lousie ;  en  effet,  lorsque  le  peuple  juif  voit  les  Gentils  devenir  les  pré- 
dicateurs du  vrai  Dieu,  il  sèche  d'envie  dans  sa  noire  méchanceté. 
Les  reproches  qui  lui  sont  faits,  retombent  sur  ce  peuple  perfide  et 
infidèle,  qui  ne  consentit  jamais  à  sacrifier  pour  le  Seigneur ,  même 
ses  biens  extérieurs,  tandis  que  les  Gentils,  après  leur  conversion, 

(l*)  Nous  avons  complété  le  sens  trop  incertain  de  cette  dernière  phrase,  à  l'aide  du  texte  origi- 
nal de  saint  Ambroise. 


lum  nostrum  possunt  lavare  delictum, 
sed  etiam  verbi  cœlestis  rigare  vesti- 
giuni,  ut  gressiis  ejus  in  nobis  exube- 
rent  !  Boiiae  lacrymiB,  in  quibus,  non 
soluni  redemptio  peccatorum,  sed  etiam 
justorum  refectio  est!  Greg.  {hom.  33, 
in  Evang.)  Laeryniis  euira  Domini  pe- 
des  riganius,  siquilmslibet  ultimis  mem- 
bris  Domini  compassionis  affecta  incli- 
nemur  ;  capillis  pedes  Domini  tergimus, 
(juando  sanctis  ejus  (quibus  ex  charitate 
compatimur)  ex  his  quee  nobis  super- 
fluuut  miseremur.AMBR.  Expande  etiam 
ca[iillos.  sterne  ante  eum  omnes  corpo- 
ris  tui  dignitates  :  non  médiocres  capilli 
sunt,  qui  possunt  pedes  tergere  Christi. 
(iRKr,.  (ni  svp.)  Osculatnr  nuilier  pedes 
nuos    tersit  ;    quod   nos    quoque     plane 


agimus,  si  studiose  diligimus  quos  ex 
largitate  continemns.  Potest  quoque  per 
pedes  ipsum  mysterium  incarnationis 
ejus  intelligi;  osculamur  igitur  Redem- 
ptoris  pedes,  cum  mysterium  incarnatio- 
nis ejus  ex  toto  corde  diligimus.  Un- 
guento  pedes  ungimus,  cum  ipsam  hu- 
manitatis  ejus  potentiam  sacri  eloquii 
bona  opinione  prsedicamus  :  sed  hoc 
etiam  pharisseus  videt  et  invidet;  quia 
cum  JudaicuspopulusGentilitatem  Deum 
praedicare  couspicit.  sua  apud  se  malitia 
tabi'scit:  sic  antempharisfeus  retnnditiir, 
ut  per  eum  perfidus  ille  populus  osten- 
datur  ;  quia  videlicet  infidelis  ille  populus 
nec  ea  quae  extra  se  erant.  unquani  pro 
Domino  trii)uit  ;  conversa  autem  Genti 
litas  pro  eo.  non   solum  rerum  substan- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.   VII. 


377 


non-seuiement  sacrifièrent  leurs  biens ,  mais  répandirent  leur  sang. 
Voilà  pourquoi  Jésus  dit  au  pharisien  «  Vous  ne  m'avez  pas  donné 
d'eau  pour  me  laver  les  pieds,  cette  femme,  au  contraire,  m^a  arrosé 
les  pieds  de  ses  larmes  ;  »  l'eau,  en  effet,  se  trouve  hors  de  nous,  tandis 
que  la  source  des  larmes  est  en  nous -même.  Ce  peuple  infidèle  ne 
donna  pas  non  plus  le  baiser  à  Dieu,  parce  qu'au  lieu  de  l'aimer  par 
un  sentiment  de  charité ,  il  aima  mieux  le  servir  sous  l'impression  de 
la  crainte  (car  le  baiser  est  le  signe  de  l'amour.)  Au  contraire,  à  peine 
la  gentilité  fut-elle  appelée ,  qu'elle  ne  cessa  de  baiser  les  pieds  du 
Rédempteur  en  soupirant  continuellement  après  lui  par  un  sentiment 
d'amour.  —  S.  Ambr.  Le  Sauveur  fait  ressortir  la  vertu  héroïque  de 
cette  femme ,  lorsqu'il  dit  :  «  Depuis  qu'elle  est  entrée  ,  elle  n'a  cessé 
de  couvrir  mes  pieds  de  baisers,  »  c'est-à-dire  qu'elle  ne  veut  plus  sa- 
voir que  le  langage  de  la  sagesse,  que  l'amour  de  la  justice,  que  les 
embrassements  de  la  chasteté,  que  les  baisers  de  la  pudeur. —  S.  Grég. 
{Jiom.  33  sur  les  Evaiig.)  Jésus  reproche  au  pharisien  de  n'avoir  pas 
répandu  de  parfum  sur  sa  tête,  c'est-à-dire  que  le  peuple  juif  a  refusé 
à  la  puissance  divine  à  laquelle  il  se  vantait  de  croire  ,  le  juste  tribut 
de  louanges  qui  lui  était  dû;  cette  femme,  au  contraire  ,  a  répandu 
des  parfums  sur  les  pieds  du  Sauveur,  figure  en  cela  de  la  gen- 
tilité qui,  non  contente  de  croire  au  mystère  de  l'incarnation,  a 
relevé  par  les  plus  grands  éloges  les  profondes  humiliations  de  ce 
mystère. 

S.  Ambr.  Heureux  celui  qui  peut  verser  de  l'huile  sur  les  pieds 
de  Jésus-Christ,  mais  plus  heureux  celui  qui  peut  y  répandre  des 
parfums  ;  car  la  réunion  d'un  grand  nombre  de  fleurs  forme  un  com- 
posé d'odeurs  les  plus  suaves  et  les  plus  variées.  Or,  l'Eglise  seule  aie 
privilège  de  la  composition  de  ce  parfum ,  elle  qui  possède  d'innom- 


tiam,  sed  eticiin  saniiuinein  fudil  :  uinle 
pharisaeo  dicil  :  «  Afiiiam  pedibiis  ineis 
non  dedisti,  hœi;  iuilein  lacryiuis  rigavit 
pedes  meo3  :  »  aqiia  quippe  extra  nos  est^ 
lacrymarumliuiiior  inlianos  est.  Iiifide- 
lis  etiam  ille  popiilus  Deo  osculum  non 
dedil,  quia  ex  charitate  euni  aniarc  no- 
luil,  oui  ex  timoré  servivit  (osculum 
quippe  dileclionis  est  signuni.)  Vocata 
aulera  Genlilitas  Redemptoris  sui  vcsti- 
cia  osculari  non  cessai,  quia  in  ejus  con- 
tiniio  aniore  suspirat.  A  MUR.  Non  uic- 
diocris  aulem  haec  meriti  est,  de  qua 
dicitur  :  «  Ex  quo  inlravit,  non  cossavit 
osculari  pedes  nieos  ;  »  ul  aliud  nisi 
sapientius  loqui  nesciat,  nisi  justitiara 
diligere,  nisi  caslitatiam  libare,  nisi  pu- 


dicitiam  osculari.  Greg.  (Jiom.  33,  in 
EvuiKj.)  Pharisceo  auteni  dicitur  :  «  Oleo 
caput  uieum  non  unxisti;  »  quia  ipsam 
quoque  Divinitatis  potentiam,  in  quam 
se  judaicus  populus  credere  spopondit, 
digna  laude  prœdicare  neglexit  :  «  hrec 
auteni  unguento  unxit  pedes  mecs  ;  » 
quia  dum  incarnationis  ejus  mysterium 
(ientilitas  credidit,  summa  laude  ejus 
etiam  ima  praedicavit. 

Amb.  Beatus  qui  potestetoleo  ungere 
pedes  C'iristi,  sed  bealior  qui  ungit  un- 
guento :  multorum  enim  florum  in  unum 
collecta  gratia  spargit  varias  odoruni 
suavitates:  et  fortasse  istud  uuguentum 
non  posset  alius  nisi  Ecclesia  sola  dé- 
ferre, quae  divers!  spiraminis  innumera- 


378 


EXPLICATION    l>F.    l/ftvANfilI.R 


brables  fleurs  exhalant  des  odeurs  si  variées  ;  aussi  personne  ne  peut 
prétendre  à  un  si  grand  amour  que  l'Eglise,  qui  aime  par  le  cœur  de 
tous  ses  enfants.  Dans  la  maison  du  pharisien  ,  c'est-à-dire  dans  la 
maison  de  la  loi  et  des  prophètes,  ce  n'est  pas  le  pharisien,  mais 
l'Eglise  qui  est  justifiée;  car  le  pharisien  refuse  de  croire,  tandis  que 
l'Eglise  embrassait  la  foi  ;  la  loi,  d'ailleurs,  n'a  pointée  mystère  divin 
qui  purifie  les  secrètes  profondeurs  de  l'àme  ;  mais  ce  que  la  loi  ne 
peut  donner,  se  trouve  abondamment  dans  l'Evangile.  Les  deux  dé- 
biteurs sont  les  deux  peuples,  tous  deux  obligés  à  l'égard  du  créan- 
cier du  trésor  céleste  ;  ce  n'est  point  une  somme  d'argent  matériel  que 
nous  devons  à  ce  divin  créancier ,  mais  l'or  pur  de  nos  mérites,  l'ar- 
gent de  nos  vertus,  dont  la  valeur  consiste  dans  le  poids  du  caractère 
et  la  gravité  des  mœurs,  dans  l'empreinte  de  la  justice,  dans  le  son 
que  fait  entendre  la  confession.  De  quel  prix  est  cette  pièce  de  monnaie, 
où  se  trouve  empreinte  l'image  de  notre  roi  !  Malheur  à  moi,  si  je  ne 
l'ai  pas  conservée  telle  que  je  l'ai  reçue!  Ou  bien  ,  puisqu'il  n'est  per- 
sonne qui  puisse  payer  toute  sa  dette  à  ce  céleste  créancier,  malheur 
à  moi,  si  je  ne  le  supplie  de  me  remettre  toute  ma  dette!  Mais  quel  est 
ce  peuple  qui  doit  plus?  c'est  nous-mêmes  à  qui  Dieu  a  donné  da- 
vantage. Aux  Juifs_,  Dieu  a  confié  ses  oracles ,  à  nous  ,  il  a  donné  le 
fruit  de  l'enfantement  virginal ,  l'Emmanuel  (c'est-à-dire  Dieu  avec 
nous),  la  croix  du  Sauveur,  sa  mort,  sa  résurrection.  Il  est  donc  hors 
de  doute  que  celui  qui  a  reçu  davantage  ,  doit  aussi  davantage.  Selon 
notre  manière  d'agir,  c'est  quelquefois  celui  qui  doit  davantage,  qui 
manque  le  plus  d'égards.  Mais  la  miséricorde  de  Dieu  a  changé  cet 
ordre,  c'est  celui  qui  doit  plus,  qui  aime  aussi  davantage,  s'il  est  assez 
heureux  pour  obtenir  la  grâce.  Puisque  donc  nous  n'avons  rien  qui 


biles  habet  flores;  et  ideo  nemo  potest 
tantum  diligere,  quantum  illa  quee  in 
pluribus  diligit.  In  domo  autem  pbari- 
sœi,  id  est,  in  domo  legis  et  propbetae, 
non  pharisaeus,  sed  Ecclesia  justificatur  : 
pharisaeus  enim  non  credidit,  ista  cre- 
debat;  lex  mysterium  non  habet  quo 
occulta  mundantur;  et  ideo  quod  in 
lege  minus  est,  consummatur  in  Evan- 
gelio.  Duo  autem  debitores,  duo  populi 
sunt  ;  fœaeratori  illi  thesauri  cœlestis 
obnoxii.  Nonmaterialem  autem  fœnera- 
tori  huic  debemus  pecuniam,  sed  merito- 
rum  examina ,  œra  virtutum ,  quarum 
mérita  gravitatis  pondère,  justitise  spe- 
cie,  sono  confessionis  expenduntur.  Non 
mediocris  autem   est   iste    denarius,    in 


quo  régis  imago  formatur  :  vse  mibi  si 
non  habuero  quod  a(;cepi  !  aut  quia  dif- 
ficile quisquam  est,  qui  fœneratori  huic 
debitum  integrum  possit  exsolvere  ,  vœ 
mihi  si  non  petiero  concedi  mibi  debi- 
tum !  Sed  quis  est  populus  iste  qui  am- 
plius  débet,  nisi  nos  quibus  amplius 
creditum  est  ?  Illis  crédita  sunt  eloquia 
Dei,  nobis  creditur  Virginis  partus  Em- 
manuel (id  est,  nobiscuin  Deus),  Domini 
crux,  moi's,  resurrectio.  Itaque  non  est 
dubium  quod  plus  débet  qui  plus  acci- 
pit  :  secundum  homines  plus  fortasse 
offendit,  qui  plus  debuerit.  Sed  per  mi- 
sericordiam  Uomini  i  ausa  mutatur,  ut 
amplius  diligat  qui  amplius  debuit,  si  ta- 
men  gratiam  consequalur.  Et  ideo  quo- 


DE    SAINT   LUC.    CHAV.    VII.  379 

soit  digne  d'ôtre  ofifert  à  Dieu,  malheur  à  moi ,  si  je  ne  lui  donne  tout 
mon  amour  !  Payons  donc  nos  dettes  ,  en  aimant  Dieu  de  tout  notre 
cœur  ;  car  celui  qui  a  reçu  plus  de  grâces ,  doit  aussi  donner  plus 
d'amour. 


niam  nihil  est  quod  digne  Deo  referre  I  Reddamus  ergo  amorem  pro  debito  :  am- 
possimus,  vae  mihi  et  si  non  dilexero!  |  plius  enim  diligit,  cui  donatur  amplius. 


CHAPITRE   VIII. 


SOMMAIRE     ANALYTIQUE. 


y.  1-3.  — Comment  Notre-Seigneur  nous  apprend  à  ne  jamais  négliger  le  devoir 
de  l'instruction.  —  Pourquoi  va-t-il  de  pays  en  pays?  —  A  qui  appartenait-il 
surtout  d'annoncer  le  royaume  de  Dieu?  —  Quel  est  ce  royaume  de  Dieu.  — 
Comment  le  Sauveur  élève  successivement  ses  disciples  vers  les  choses  les 
plus  sublimes.  —  Pourquoi  les  prend -il  avec  lui  ?  — Pourquoi  l'Evangéliste 
désigne  ici  Marie-Madeleine  sous  son  nom  propre.  —Que  signifient  les  sept 
démons  dont  elle  était  possédée.  —  Pourquoi  jNotre-Seigneur  consent  que  ces 
pieuses  femmes  pourvoient  à  son  entretien. —  Interprétation  allégorique  du 
nom  de  ces  saintes  femmes. 

y.  4-15.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  parle  au  peuple  en  paraboles.  —  Conve- 
nance de  cette  première  parabole.  — Quel  est  ce  semeur  qui  est  sorti  pour 
semer.  —  Comment  celui  qui  remplit  tout  de  son  immensité  a-t-il  pu  sortir? 

—  Dans  quel  dessein  est-il  sorti?  —  Comment  le  Fils  de  Dieu  est  le  seul  qui 
ne  cesse  de  répandre  dans  les  âmes  la  semence  des  mystères  du  royaume  des 
cieux.  —  Comment  il  sème  sa  propre  semence.  — En  combien  de  classes  se 
partagent  ceux  qui  reçoivent  la  divine  semence.  —  Trois  degrés  dans  chaque 
classe.  —  Est-ce  le  semeur  qui  sème  la  semence  le  long  du  chemin?  —  Quel 
est  ce  chemin.  — Que  figure  la  pierre  sur  laquelle  tombe  une  autre  partie  de 
la  semence.  —  Que  figurent  les  épines.  —  Que  représente  la  terre  fertile  ,  et 
le  fruit  au  centuple.  —  Que  signifient  ces  paroles  de  Jésus-Christ  :  Que  celui 
qui  a  des  oreiUes  pour  entendre,  qu'il  entende.  — Qu'est-ce  qu'une  parabole. 

—  Peut-on  conclure  des  paroles  de  Jésus-Christ  qu'il  est  des  hommes  dont  la 
nature  est  de  se  perdre,  d'autres  dont  la  nature  est  de  se  sauver? — Pourquoi 
Notre-Seigneur  cache  ces  vérités  à  ceux  qui  en  sont  indignes.  —  Quels  sont 
ceux  qui  entendent  en  paraboles.  —  Pourquoi  le  Sauveur  consent  à  expliquer 
à  ses  disciples  cette  parabole.  — Trois  causes  de  destruction  pour  la  semence 
qui  est  jetée  dans  nos  âmes. — Quels  sont  ceux  qui  sont  figurés  par  le  chemin, 
la  pierre,  les  épines.  — Comment  Notre-Seigneur  a-t-il  pu  comparer  les  ri- 
chesses aux  épines?  —  Résumé  de  la  doctrine  de  Notre-Seigneur.  — Pourquoi 
la  bonne  terre  produit  du  fruit  par  sa  patience. 

f.  16-18.  —  Nécessité  pour  les  apôtres  de  révéler  aux  autres  les  vérités  que  le 
Sauveur  vient  de  leur  expliquer.  —  Sainte  confiance  avec  laquelle  ils  doivent 
prêcher  la  parole  de  Dieu.  —  Que  figurent  le  vase,  le  lit,  la  lampe  dont  parle 
Notre-Seigneur.  —  Sainte  exactitude  que  doivent  avoir  les  disciples  pour  tous 
les  devoirs  de  la  vie.  —  Notre-Seigneur  et  l'Eglise  figurés  par  la  lampe  et  le 
chandelier.  —  Nécessité  pour  nous  d'écouter  la  divine  parole  avec  toute  l'at- 
tention possible. 

f.  19-21.  — Quels  sont  les  frères  du  Seigneur  dont  il  est  ici  question.  — Pré- 
tention indiscrète  des  frères  de  Jésus.  —  Leçon  de  détachement  que  le  Fils 
de  Dieu  donne  à  ses  disciples. — Peut-on  dire  le  que  Sauveur  renie  ici  ses  pa- 
rents et  sa  mère?  —  Comment  ceux  qui  écoutent  et  pratiquent  la  parole  de 
Dieu  méritent  le  nom  glorieux  de  mère  de  Dieu.  —  Notre-Seigneur  a-t-il  l'in- 
tention de  faire  ici  un  reproche  à  sa  mère  ?. —  Peut-on  attribuer  à  l'envie  des 
ennenais   de    Jésus   qui  veulent  l'humilier   la    nouvelle  qu'ils  viennent   lui 


EXPLICATION    DE   l'ÉVANGILE    DE    S,    LUC,    CHAP.    VIII.  384 

apprendre? — Que  figurent  ici  dans  le  sens  mystique  les  parents  de  Jésus 
qui  se  tiennent  dehors,  et  ceux  qui  écoutent  sa  parole  dans  l'intérieur  de  la 
maison. 

p.  22-2o.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  permet  que  ses  disciples  soient  exposés  à 
une  tempête  sur  la  mer.  — Pourquoi  permet-il  que  cette  tempête  arrive  pen- 
dant son  sommeil?  —  Pourquoi  les  disciples  ne  crièrent-ils  pas  au  secours  au 
premier  moment  que  la  barque  fut  assaillie?  —  Quelle  formule  précise  de 
prière  les  disciples  ont-ils  employée.  —  Comment  Notre-Seigneur  dans  ce 
seul  et  même  miracle  prouve  à  la  fois  sa  nature  divine  et  sa  nature  humaine. — 
Comment  il  apaise  en  même  temps  la  tempête  intérieure  des  âmes.  —  Locu- 
tions diverses  dont  Notre-Seigneur  a  pu  se  servir  pour  reprocher  aux  apôtres 
leur  peu  de  foi.  —  Sentiments  de  crainte  et  d'admiration  dont  ils  sont  saisis 
à  la  \ue  de  ce  prodige.  —  Que  représentent  dans  le  sens  allégorique  la  mer 
agitée,  la  barque,  la  tempête,  la  crainte  excessive  des  disciples,  etc. 

y.  26-49. — Quel  est  le  pays  des  Géraséniens  auquel  Notre-Seigneur  aborde 
avec  ses  disciples.  —  Pourquoi  selon  le  récit  de  saint  Matthieu  y  avait-il  deux 
possédés;  tandis  que  saint  Luc  ne  parle  que  d'un  seul?  —  Pourquoi  la  provi- 
dence de  Dieu  permet-elle  que  quelques-uns  soient  possédés?  —  Les  démons 
publient  la  divinité  de  Jésus  que  les  hommes  refusent  de  reconnaître.  — Mé- 
lange de  crainte,  d'audace  et  de  désespoir  dans  les  paroles  du  démon  au  Sau- 
veur.—  Pourquoi  Jésus  lui  demande  son  nom. — Pourquoi  répond-il  qu'il 
s'appelle  légion?  —  Pourquoi  les  démons  prient-ils  le  Sauveur  de  ne  pas  les 
envoyer  dans  l'abime?  —  Preuve  que  l'enfer  est  la  demeure  des  démons.  — 
Les  peines  y  sont  proportionnées  aux  crimes.  —  Pourquoi  cette  légion  de  dé- 
mons demande  à  être  envoyée  dans  un  troupeau  de  pourceaux. — Les  démons 
n'ont  même  pas  de  pouvoir  par  eux-mêmes  sur  les  pourceaux.  —  Pourquoi  le 
Sauveur  leur  accorda  ce  qu'ils  demandaient.  —  Preuve  de  la  méchanceté  des 
démons.  —  Comment  Dieu  en  châtiant  les  hommes  dans  leurs  biens  temporels, 
se  rend  le  bienfaiteur  de  leurs  âmes.  —  Prière  que  lui  font  les  habitants  de 
cette  contrée  de  s'éloigner  de  leur  pays. — Pourquoi  le  Sauveur  ne  permet  pas 
au  possédé  qu'il  vient  de  délivrer,  de  le  suivre.  — Comment  il  nous  apprend 
à  renvoyer  à  Dieu  tout  le  mérite  de.  nos  bonnes  œuvres.  —  Pourquoi  Cdutre 
sa  coutume  commande-t-il  à  cet  homme  de  publier  le  miracle  qu'il  vient  de 
faire?  —  Explication  mystique  et  spirituelle  de  cet  événement.  —  Que  repré- 
sentent Gérasa,  ce  possédé,  les  entravcs-ct  les  chaînes  de  fer  qui  liaient  ses 
membres,  le  troupeau  de  pourceaux,  la  mer  dans  laquelle  ils  sont  précipités, 
les  gardiens  dos  pourceaux,  etc. 

f.  43-48.  — La  résurrection  de  la  fille  de  Jaïre  eut-eile  lieu  aussitôt  après  le 
fait  que  saint  Luc  vient  de  raconter?  —  Pourquoi  l'Evangéliste  donue-t-il  le 
nom  de  ce  chef  de  la  Synagogue?  —  Sous  quelle  impression  agit  cet  honnne. 
—  Pourquoi  le  Sauveur  guérit  l'hémurrhoïsse  avant  de  ressusciter  cette  jeune 
fille. —  Foi  vive  de  cette  (einnie.  —  Pourquoi  touchc-t-elle  la  frange  du  vête- 
ment de  Nntre-Seigneur? — Effet  immédiat  de  cette  foi  vive. — Pourquoi 
Jésus  guérit  cette  femme  sans  qu'elle  lui  ait  fait  aucune  prière.  —  Pourquoi 
demaude-t-il  qui  l'a  touché,  comme  s'il  n'en  savait  rien? — Réponse  des  apôtres. 
— Comment  Notre-Seigneur  manifeste  sa  divinité  tant  par  le  miracle  qu'il  vient 
d'ojiéror  que  par  ses  paroles.  — Pourquoi  voulut-il  que  ce  miracle  fut  connu 
(le  tous?  —  Comment  il  rassure  celle  femme,  et  fait  l'éloge  de  sa  foi.  —  Pour- 
quoi no  la  fiiil-il  pas  coimaitre  immédiatement? — Comment   il  confirme  la 


383 


KXPI.ICAnON    I)F.    I.'ÉVANGTI^K 


guérison  qu'elle  a  obtenue.  —  Monument  que  celte  femme  fit  élever  en  sou- 
venir de  cette  guérison  miraculeuse.  —  Explication  mystique  des  différentes 
circonstances  de  ce  miracle. 
f.  49-56.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  attendit-il  que  cette  jeune  fille  fût  morte? 
—  Conciliation  de  saint  Matthieu  avec  saint  Luc,  sur  ce  que  le  chef  de  la  Sy- 
nagogue annonce  à  Notre-Seigneur. —  Pourquoi  Jésus  exige-t-il  la  foi  de  ceux 
qui  l'invoquent?  —  Pourquoi  fait-il  sortir  tout  le  monde  avant  de  ressusciter 
cette  jeune  fille,  et  ne  prend-il  avec  lui  que  trois  de  ses  disciples  ?  —  Pourquoi 
fait-il  retirer  tous  ceux  qui  pleuraient? — Preuves  de  la  résurrection  de  cette 
jeune  fille.  —  Pourquoi  défend-il  aux  parents  de  rien  divulguer  de  ce  qui  vient 
d'arriver? — Explication  spirituelle  et  tropologique  de  cette  résurrection. 


f,  1-3.  —  Et  il  arriva  ensuite  que  Jésus  parcourait  les  villes  et  les  villages, 
prêchant  l'Evangile  et  annonçant  le  royaume  de  Dieu;  et  les  douze  étaient 
avec  lui,  ainsi  que  quelques  femmes  qu'il  avait  délivrées  des  esprits  malins  et 
guéries  de  leurs  maladies  ;  Marie,  appelée  Madeleine,  de  laquelle  étaient  sorties 
sept  démons;  Jeanne,  femme  de  Chusa,  intendant  de  la  maison  d'Hérode, 
Susanne,  et  plusieurs  autres  que  l'assistaient  de  leurs  biens. 

Théophyl.  Celui  qui  est  descendu  des  cieux  pour  nous  tracer  la  voie 
et  nous  donner  l'exemple,  nous  enseigne  à  ne  jamais  négliger  le  de- 
voir de  l'instruction  :  «  Et  il  arriva  ensuite  que  Jésus  parcourait  les 
villes,  »  etc.  —  S.  Grég.  de  Naz.  (1)  Il  va  de  pays  en  pays,  non-seu- 
lement pour  gagner  à  Dieu  un  plus  grand  nombre  d'àmes,  mais  en- 
core pour  consacrer  par  sa  présence  un  plus  grand  nombre  d'endroits. 
Il  dort  et  se  fatigue  pour  sanctifier  notre  sommeil  et  nos  travaux;  il 
pleure  pour  donner  du  prix  à  nos  larmes,  il  annonce  les  mystères  du 
ciel  pour  élever  et  agrandir  l'esprit  de  ceux  qui  l'écoutent.  —  Tite  de 
BosTK.  Celui  qui  est  descendu  du  ciel  sur  la  terre,  annonce  le  royaume 
des  cieux  aux  habitants  de  la  terre,  pour  changer  la  terre  et  en  faire 


(1)  Discours  31  sur  ces  paroles  de  saint  Mafth.,  chap.  xvi  : 
discours,  »   etc. 


Lorsque  Jésus  eut  terminé  tous  ces 


CAPUT  VIII. 

Et  factum  est  deinceps,  et  ipse  iter  faciebat  per 
eivitates  et  castella  prœdicans  et  evangelizans 
regnum  Dei;  et  duodecim  cum  Mo,  et  mnlieres 
aliquœ ,  quœ  erant  curatœ  a  spiritibus  ma 
lignis  et  infirinitatibus  :  Maria  quœ  vocaiur 
Magdalene,  de  c/ua  septem  dœmonia  exierant; 
et  Joanna,  uxor  C/iusœ,  procuratoris  Herodis, 
et  Susanna,  et  aliœ  mullœ,  quœ  ministrabant 
ei  de  facultatibus  suis. 

Theophylact.   Oui  cœlitus  descendit, 


ut  exemphim  fieret  uobis  et  forma,  ins- 
truit nos  non  piirritare  in  docendo  :  unde 
dicitur  :  «  Et  factum  est  deinceps,  et 
ipse  iter  faciebat,  »  etc.  Greg.  Nazianz, 
{in  Cri  t.  Grœcorum  Palrinn.)  Vadit 
quippe  de  loco  in  locum,  non  solum  ut 
plures  lucretur,  sed  etiam  ut  nnilta  de- 
dicet  loca.  Dormit  et  laborat,  ut  som- 
uum  et  laborem  sanctifîcet  ;  plorat,  ut 
det  pretiuui  lacrymis  ;  prœdicat  cœles- 
tia,  ut  audientes  exaltet.  TiT.  Bostrens. 
Qui  eniui  de   cœlo  ad  terram  descendit, 


DE    SAINT    LUC.    CHAP.    VIII.  383 

un  ciel  anticipé.  Mais  qui  peut  annoncer  dignement  ce  royaume,  que 
le  Fils  de  Dieu  qui  en  est  le  souverain  Maître?  Bien  des  prophètes  ont 
paru  sur  la  terre^  mais  sans  annoncer  le  royaume  des  cieux,  car  com- 
ment auraient-ils  pu  parler  des  choses  qu'ils  n'avaient  pas  vues  ?  — 
S.  IsiD.  {Liv.  XXIII,  lettre  206.)  il  en  est  qui  pen-ent  que  ce  royaume 
de  Dieu  est  plus  élevé  et  plus  parfait  que  le  royaume  céleste;  d'autres 
prétendent  au  contraire  que  c'est  le  même  dans  si  nature  ,  mais 
auquel  on  donne  des  noms  différents.  On  l'appelle  royaume  de  Dieu , 
parce  qu'il  a  Dieu  pour  souverain  ;  et  quelquefois  le  royaume  des  cieux, 
quand  on  considère  ce  royaume  dans  ses  sujets,  c'est-à-dire,  dans 
les  anges  et  les  saints  auxquels  la  sainte  Ecriture  donne  le  nom  de 
cieux. 

Bède.  Comme  l'aigle  qui  excite  ses  petits  à  voler  {Deut.,  xxxii),  le 
Seigneur  élève  successivement  ses  disciitles  vers  les  choses  suhlimes. 
Ainsi,  il  commence  par  enseigner  dans  les  synagogues,  etpar  faire  des 
miracles,  puis  il  choisit  les  douze  auxquels  il  donne  le  nom  d'Apôtres; 
ensuite  il  les  prend  seuls  avec  lui,  lorsqu'il  va  prêcher  dans  les  villes 
et  dans  les  bourgades,  comme  le  rapporte  l'Evangéliste  :  «  Et  les  douze 
étaient  avec  lui.  »  — Tiiéophtl.  Ce  n'est  ni  pour  enseigner  ni  pour  prê- 
cher qu'il  les  prend  avec  lui,  mais  pour  continuer  de  les  instruire.  Afin 
de  montrer  que  les  femmes  n'étaient  point  exclues  de  la  suite  de 
Jésus-Christ,  l'Evangéliste  ajoute  :  «  Il  y  avait  aussi  quelques  femmes 
qu'il  avait  délivrées  des  esprits  malins,  et  guéries  de  leurs  infirmités  : 
Marie-Magdeleine,  de  laquelle  étaient  sortis  sept  démons.  »  — Bède. 
Maiie-Magdeleine  est  celle  dont  saint  Luc  a  raconté  la  pénitence  dans 
le  chapitre  précédent.  Admirons  comment  l'Evangéliste  désigne  cette 
femme  sous  son  nom  propre,  lorsqu'il  nous  la  montre  à  la  suite  du 


aununtiat  babitantibus  lerram  regnum 
cœleste,  ut  terram  in  cœhim  convertat. 
Quis  auleiii  prœdicare  debeal  ri'fïnum, 
u\ii  FiUu3  Dei  ctijus  est  refrnum  ?  Veue- 
TUDt  plures  prophetœ  ;  non  taïuen  prœ- 
dieaverunt  regiuun  crcloruni  :  nam  qua- 
liter  eoruai  quœ  non  videnuilseruioneui 
pra^londerenl?  lsiD.ABB.\s.  {in  euindcm 
C'a/,  drœca.)  Hoc  autem  regnum  Dei 
aliquibus  videtur  altius  et  raelius  reguo 
cœlesli  ;  quibusdam  veio  ununi  et  idem 
secundum  essentiam,  sod  diversimodc 
nouiinaii  ;  aliquando  quiilem  regnvm 
Dei  &  régnante;  aliquundo  autem  ;e- 
ijnum  cœlorvm  a  subditis  angelis  c-l  san- 
clis,  qui  cœli  dicuntur. 

Bed.  More  autem  aquilae  provocantis 
ad  volandum  pullos  suos  [Deuter.,   32), 


Uominus  pedetentium  discipulos  sucs  ad 
sublimia  erigit.  Si  quidem  primo  docet 
in  synagogis  et  miracula  facit  :  ex  bine 
duodecim  quos  apostoloâ  nomiuat,  eli- 
git  :  postmodum  eôs  solos  per  civitates 
et  castella  prœdicans  secum  ducit:  unde 
seqnitiir  :  «  Et  duodecim  cum  illo.  » 
TiiKOPuyL.  Non  doceutes  aut  prœdican- 
tes,  sed  in?truendi  ab  eo.  Ne  autem  fe- 
mineus  sexus  probiberi  videretur  sequi 
Cliristum,  subditur  :  «  Et  muUeres  ab- 
qute,  qute  erant  ciiratse  a  spiritibus  ma- 
bà  et  ijfirmitatibus  :  Mariaj  quie  vocatur 
.Magdalene ,  de  qua  septem  diumonia 
exicraiit.  »  Bkd.  Mariœ  Magdalene  ipsa 
est  CUJU.S  tacito  nomine  proxima  lectio 
pœnilentiam  narrât.  Nam  pulcbre  Evau- 
geUsla,  ubi  eam  cum  Domino  iter  facere 


384 


EXPLICATION    DK    l.'ÉVANGILK 


Sauveur,  taudis  qu'eu  racoutant  ses  désordres  el  sa  péuitence,  il  lui 
doune  simplement  le  uom  do  femme,  de  peur  que  le  scandale  de  ses 
premiers  égarements  ne  flétrit  un  uom  aussi  connu  que  le  sien.  Sept 
démons  étaient  sortis  d'elle,  c'est-à-dire  qu'elle  avait  été  remplie  de 
tous  les  vices.  —  S.  Grég.  Que  signifient,  en  effet,  ces  sept  démons, 
sinon  tous  les  vices  réunis.  Comme  la  division  des  sept  jours  comprend 
l'universalité  du  temps,  le  nombre  sept  est  le  symbole  de  l'universalité, 
Marie-Magdeleine  était  donc  possédée  de  sept  démons,  parce  qu'elle 
avait  en  elle  tous  les  vices. 

«  Et  Jeanne,  femme  de  Ghusa,  intendant  de  la  maison  d'Hérode, 
Suzanne,  et  plusieurs  autres  qui  l'assistaient  de  leurs  biens.  »  — 
S.  Jér.  [sur  S.  Matth.,  27.)  Suivant  une  coutume  des  Juifs,  et  qui 
n'avait  rien  de  répréhensible  dans  les  mœurs  anciennes  de  cette  na- 
tion, les  femmes  se  chargeaient  de  fournir  à  ceux  qui  les  enseignaient 
la  nourriture  et  le  vêtement.  Saint  Paul  nous  apprend  ({u'il  ne  voulut 
point  user  de  ce  droit,  pour  ne  pas  scandaliser  les  Gentils  (I  Coi\^  ix.) 
Ces  femmes  assistaient  le  Seigneur  de  leurs  biens;  il  était  juste,  en 
effet,  qu'il  moissonnât  leurs  biens  temporels,  alors  qu'elles  recueil- 
laient de  lui  les  richesses  spirituelles.  Ce  n'est  pas  sans  doute  que  le 
souverain  Maitre  des  créatures  eût  besoin  d'être  nourri  par  elles,  mais 
il  voulait  être  le  modèle  de  tous  ceux  qui  enseignent,  et  leur  apprendre 
à  se  contenter  de  la  nourriture  et  du  vêtement  que  leur  donneraient 
leurs  disciples.  —  Bède.  Mariii  veut  dire  mèi^e  pleine  d'amertumes, 
à  cause  des  gémissements  de  sa  pénitence;  Magdeleine  signifie  tow\ 
.ou  qui  a  la  forme  d'une  tow\  par  allusion  à  cette  tour  dont  parle  le 
Roi-prophète  :  a  Vous  êtes  devenu  mon  espérance,  une  forte  tour 
contre  l'ennemi  {Ps.  lx).  »  Jeanne  signifie  grâce  du  Seig7ieur,  ou  le 


commémorât,  nolo  hanc  vocabulo  ma- 
nifestât ;  ubi  vero  peccatricem  (sed  pœ- 
niteutem)  deàcribit,  midicrem  generali- 
ter  dicit  ;  ne  nomen  tantae  famae  prisci 
erroris  nota  fuscaret,  de  qua  daemonia 
septem  exiisse  referuntur,  >jt  universis 
vitiiri  plena  fuisse  monstretur.  Greg. 
[in  liom.  32  ut  sup.)  Quid  enim  per 
septem  dœmonia,  nisi  universa  vitia  in- 
lelliguutur  ?  Quia  enim  septem  diebus 
omne  tempus  comprebenditur  ,  recte 
septenario  numéro  uuiversitas  ôguratur. 
Septem  ergo  demonia  Maria  babuit,  quae 
universis  vitiis  plena  fuit. 

Sequitur  :  «  Et  Joanua,  uxor  Cbusae, 
procuratoris  Herodis,  et  Susauua ,  et 
aliae  multae  quae  ministrabant  ei  de  fa- 
cultatibus  suis.  »  Hier,  {in  Motth.,  27.) 
Consuetudinis  judaicse  fuit,  uec  dueeba- 


tur  in  culpam  more  geotis  antiquo,  ut 
mulieres  de  substantia  sua  victum  atque 
vestitum  prseceptoribus  darent  :  lioc 
quia  scandalum  facere  poterat  in  uatio- 
nibus,  Paulus  se  abjecisse  commémorât. 
(I  Cor.,  9.)  Ministrabant  autem  Domim* 
de  substantia  suautmeteret  earuui  carna- 
lia,  cujus  ipse  metebant  spiritualia  :  non 
quod  indigeret  cibis  Dominus  creatura- 
rum,  sed  ut  typum  ostenderet  magistro- 
rum,  quod  victu  atque  vestilu  de  disci- 
pulis  deberent  esse  conteiiti.  Bed.  Inter- 
pretatur  autem  Maria  omariim  mure 
propter  pœnitentiae  rugitum;  Magdalena 
fitni.s,  vel  melius  turrensis,  a  turre  de 
qua  dicitur  [Psal.  60)  :  «  Factus  es  spes 
mea,  turris  forlitudinis  a  facie  inimi- 
ci  ;  »  Joauna  Dominus  gratta  ejus,  vel, 
Doviimis  miscricors  interpretatur  ;  vi- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.   VIII.  385 

Seigneur  miséricordieux,  c'est-à-dire,  que  tout  ce  qui  soutient  notre 
■^-ie,  lui  appartient.  Or,  si  Marie  purifiée  de  la  souillure  de  ses  vices, 
représente  l'Eglise  des  nations,  pourquoi  Jeanne  ne  serait-elle  pas 
aussi  la  figure  de  cette  même  Eglise,  autrefois  livrée  au  culte  des 
idoles?  Ajoutons  que  tout  malin  esprit  qui  travaille  à  l'extension 
du  royaume  du  démon,  est  comme  l'intendant  de  la  maison  d'Hé- 
rode.  Suzanne  signifie  loi  ou  grâce^  à  cause  de  la  blancheur  odo- 
riférante d'une  vie  céleste,  et  de  la  flamme  d'or  de  la  charité  inté- 
rieure. 

y.  4-15.  —  Or,  comme  le  peuple  s'assemblait  en  foule,  et  accourait  à  lui  des 
villes,  il  leur  dit  en  parabole  :  Celui  qui  sème  sortit  pour  semer  son  grain  ; 
et  pendant  qu'il  semait,  une  partie  de  la  semence  tomba  le  long  du  chemin, 
et  fut  foulée  aux  pieds,  et  les  oiseaux  du  ciel  la  mangèrent.  Une  autre  partie 
tomba  sur  la  pierre,  et  aussitôt  levée,  elle  se  dessécha,  parce  qu'elle  n'avait 
point  d'humidité.  Une  autre  tomba  parmi  les  épines,  et  les  épines  croissant 
avec  la  semence,  l'étouffèrent.  Une  autre  tomba  dans  la  bomie  terre,  et  ayant 
levée,  elle  porta  du  fruit  au  centuple.  En  disant  cela,  il  criait  :  Que  celui  qui 
a  des  oreilles  pour  entendre,  entende.  Or,  ses  disciples  lui  demandaient  quel 
était  le  sens  de  cette  parabole.  Il  leur  dit  :  Pour  vous,  il  vous  a  été  donné  de 
connaître  le  mystère  du  royaume  de  Dieu,  tandis  qu'aux  autres  il  n'est  proposé 
qu'en  paraboles,  en  sorte  qu'en  voyant,  ils  ne  voient  point,  et  qu'en  entendant, 
ils  ne  comprennent  point.  Or,  voici  le  sens  de  cette  parabole  :  la  semence  c'est 
la  parole  de  Dieu.  Ce  qui  tombe  le  long  du  chemin^  ce  sont  ceux  qui  écoutent  ; 
le  diable  vient  ensuite,  et  enlève  la  parole  de  leur  cœur,  de  peur  qu'ils  ne  croient 
et  ne  soient  sauvés.  Ce  qui  tombe  sur  la  pierre,  ce  sont  ceux  qui,  ayant  écouté 
la  parole,  la  reçoivent  avec  joie,  mais  ils  n'ont  pas  de  racine,  ils  croient  pour 
un  temps,  et  au  temps  de  la  tentation,  ils  se  retirent.  Ce  qui  tombe  parmi  les 
épines,  ce  sont  ceux  qui  écoutent  la  parole,  mais  les  sollicitudes  des  richesses 
et  des  plaisirs  de  la  vie  l'ctouffent  peu  après,  et  ils  ne  portent  point  de  fruits. 


delicet  quia  ejus  est  oiiine  quod  vivi- 
nius.  Si  autem  Maria  mundala  a  sorde 
vitiorum  Ecdesiam  de  fieutibiis  insinuât, 
curnon  Joannaeaiudeni  désignât  Ecde- 
siam, quodaœ  idoiorum  cultui  subdi- 
tani  ?  nam  quilibet  maligiius  spiritus 
dum  pro  regno  diaboli  facit,  ([uasi  He- 
rodis  procurator  exislit.  liiterpretatur 
Siunnna  liliu}n,  dulf/rotiu  ejus,  propter 
odoriferum  cœleslis  vilae  caiidoreui,  au- 
reumque  interuae  dilectionis  ardorem. 

Cum  niilein  turba  plurima  conveniret ,  et  de  ci- 
oitatihus  properarent  ad  eum,  dixit  per  simi- 
Htudinem  :  lixiit  qui  séminal  seminare  semen 
suum.  Et  dum  séminal,  aliud  cecidit  secus 
viam,  et  conculcalum  est,  et  volucres  cœli  co- 
mederunt  itlud.  El  aliud  cecidit  supra  petram, 
et  iiatnm  aruit,  quia  mjii  fiabebal  kumoreiu.  Et 

lOM.   V. 


aliud  cecidit  inter  spinas,  et  simul  exortœ  spi- 
nœ  suffocaverunt  illud.  Et  aliud  cecidit  in  ter- 
ram  bonain  ;  et  ortum  fecit  fructum  cenluplum. 
Hœc  dicens  clamabat  :  Qui  hahet  aures  au. 
diendi,  audiat.  Interrogabant  autem  eum  dis- 
cipuli  ejus  quœ  essct  hœc  parabola.  Quibus 
ipse  dixit  :  Vobis  datum  est  7wsse  mysterium 
ref/ni  Dei;  cœteris  autem  in  parabolis;  ut  vi- 
dentes  non  videant ,  et  audienles  non  intelli- 
gant.  Est  autem  hœc  parabola,  semen  est  uer- 
bum  Dei.  Quod  autem  secus  viam,  hi  sunt  gui 
audiunt;  deinde  venit  diabolus,  et  tollit  ver- 
buyn  de  corde  eorum  ,  ne  credentes  salui  fiant. 
Nam  quod  supra  petram,  hi  sunt  qui  cum 
audierint ,  cum  gaudio  suscipiurit  verbum  :  et 
hi  radiées  non  habent ,  qui  ad  tempus  cre- 
dunt,  et  in  iempore  tentationis  recedunl.  Quod 
autem  in  spinas  cecidit,  hi  sunt  qui  audierunt, 
et  a  solliciludinibus ,  et  diviliis,  et  volupta- 
tibus  vitce  euntes  suffocantur.  et  non  referwit 
fructum.   Quod  autem  in  bonam  terram ,  hi 

2o 


386  EXPUCATION   DE    F.  ÉVANGILE 

Mais  ce  qui  tombe  dans  la  bonne  terre,  ce  sont  ceux  qui,  ayant  entendu  la  parole 
avec  un  cœur  bon  et  excellent,  la  conservent,  et  portent  des  fruits  par  la 
patience. 

Théoputl.  Notre- Seigneur  accomplit  ici  ce  qu'avait  prédit  David, 
qui  était  la  figure  du  Christ  (1)  :  «  J'ouvrirai  ma  bouche  pour  parler 
eu  paraboles  :  »  {Ps.  lxxvii.)  «  Or,  comme  le  peuple  s'assemblait  en 
foule  et  se  pressait  de  sortir  des  villes  pour  venir  à  lui^  il  leur  dit  en 
paraboles.  »  Le  Sauveur  parle  en  paraboles,  pour  rendre  ceux  qui  l'é- 
coutent  plus  attentifs,  car  les  hommes  aiment  à  exercer  leur  intelli- 
gence sur  les  choses  obscures,  et  dédaignent  au  contraire  celles  qui 
sont  trop  claires  et  trop  faciles  ;  secondement,  afin  que  son  langage 
demeurât  inintelligible  pour  ceux  qui  étaient  indigues  de  le  com- 
prendre. —  Orig.  {Cil.  des  Pèr.  gr.)  Aussi  est-ce  avec  une  intention 
marquée  que  l'Evangéliste  dit  :  «  Comme  le  peuple  s'assemblait  en 
foule  et  se  pressait  de  sortir  des  vilhs^  »  etc.  Car  ce  n'est  point  la  mul- 
titude, mais  le  petit  nombre  qui  marchent  dans  la  voie  étroite,  et  <]ui 
trouvent  le  chemin  qui  conduit  à  la  vie,  c'est  pour  cette  raison  que 
saint  Matthieu  fait  remarquer  qu'il  enseignait  au  dehors  en  para- 
boles, et  que,  rentré  dans  la  maison,  il  expliipiait  la  parabole  à  ses  dis- 
ciples (2). 

EusÈBE.  Remarquez  la  convenance  de  cette  première  parabole  que 
Jésus  propose  à  la  multitude,  non-seulement  de  ceux  qui  étaient  pré- 
sents, mais  encore  de  tous  ceux  qui  devaient  venir  après  eux,  et  comme 
il  excite  vivement  leur  attention  par  ces  premières  paroles  :  «  Celui 
qui  sème  sortit  pour  semer.  » 

fl)  Saint  Matthieu  dit  en  termes  plus  exprès  :  «  Il  ne  parlait  quen  paraboles,  afin  que  s'accom- 
plit cette  parole  du  prophète  :  J'ouvrirai  ma  bouche  en  paraboles.  »  [Matth.,  xm,  35.) 

(2)  Saint  Matthieu  ne  fait  cette  observation  qu'à  roccasion  de  la  parabole  de  l'ivraie;  quant  aux 
précédentes,  le  Sauveur  les  avait  expliquées  avant  son  entrée  dans  la  maison. 


sunt   qui  in  corde  bono  et  optiino  audieiites 

verbum  retinent,  et  fructum  afferunt  in  pa- 

tientia. 

Theophyl.  Quod  David  in  persoua 
ChrisU  prœdixerat  (Psal.  77)  :  «  Aperiaiii 
inparabolis  os  ineum,  »  hic  Domimis 
implet  :  unde  dicitur  :  «  Cum  autem 
turba  plurima  couvenirent^  et  de  civita- 
tibus  properareut  ad  eum,  dixit  per 
simililudiuem.  »  Loquitur  autem  Domi- 
nus  per  similitudiuem  :  primo  quidem, 
ut  atteutiores  faceret  auditores  :  cou- 
sueverunt  enim  liomines  iu  obscuris  se 
exercitare,  et  spernere  manifesta  :  de- 
inde  ut  non  caperent  indigni,  quae  mys- 
tice  dicebantur.  Orig.    {in   Cat.  Grœco- 


rum  Pft^rwTO.)  El  ideo  signanter  dicitur  : 
«  Cum  turba  plurima  convenirent^  et 
de  civitatibus,  »  etc.  Non  enim  sunt 
mulli,  sed  pauci  qui  per  arctam  viam 
incedunt,  et  qui  inveniunt  viam  quœ 
ducit  ad  vitam  :  unde  Mattlia'us  dicit 
[cap.  13.)  quod  extra  domum  docebat 
per  parabolas,  sedintra  domum  parabo- 
lam  discipulis  exposuit. 

Edseb.  [in  eadem  Cat.  Grœcu.)  Satis 
autem  congrue  Cbristus  priuiam  propo- 
nit  parabolam  multitudini,  non  solum 
tune  astantium,  sed  etiam  fiiturorum 
post  iilos;  induceus  ad  audientiam  ver- 
borum  suorum,  cum  dicit  :  «  Exiit  qui 
séminal  seminare  semen  suuui.  » 


DE   S'VINT   LUC,    CHAP.    Vîll.  387 

BEDE.  A  nul  autre  ne  convient  mieux  cette  qualité  de  semeur  qu'au 
Fils  de  Dieu,  qui  est  sorti  du  sein  de  son  Père  (inaccessible  à  toute  créa- 
ture), pour  venir  en  ce  monde  rendre  témoignage  à  la  vérité  {Jean^  xix). 
—  S.  Chrts,  {liom.  455^^  S.  Matth.)  Celui  qui  remplit  tout  de  son  im- 
mensité est  sorti,  non  point  en  allant  d'un  lieu  dans  un  autre,  mais 
en  se  revêtant  de  notre  chair  pour  s'approcher  de  nous.  Jésus-Christ 
donne  avec  raison  à  son  avènement  le  nom  de  sortie,  car  nous  étions 
exclus  de  la  présence  de  Dieu  ;  or  lorsque  des  rebelles  condamnés  par 
leur  roi  sont  bannis,  celui  qui  veut  les  réconcilier  sort  pour  venir 
les  trouver,  et  converse  en  dehors  avec  eux  jusqu'à  ce  qu'il  les  ait  ren- 
dus digues  de  paraître  devant  le  roi,  et  qu'il  les  introduise  en  sa  pré- 
sence, c'est  ce  qu'a  fait  Jésus-Christ.  — Théophyl.  Il  sort  maintenant, 
non  pour  perdre  les  laboureurs  ou  pour  réduire  la  terre  en  cendres, 
mais  il  sort  pour  semer,  car  souvent  le  laboureur  qui  sème,  sort  pour 
autre  chose  que  pour  semer.  —  Eusèbe.  Un  grand  nombre  de  fidèles 
serviteurs  de  Dieu  sont  sortis  de  la  céleste  patrie  et  sont  descendus  au 
milieu  des  hommes;  mais  ce  n'était  point  pour  semer,  car  ils  n'étaient 
point  semeurs,  mais  des  esprits  que  Dieu  envoyait  pour  remplir  un 
ministère.  {Hebr.,  i,  14.)  Moïse  lui-même  et  les  prophètes  après  lui 
n'ont  point  semé  dans  le  cœur  des  hommes  les  mystères  du  royaume 
des  cieux,  mais  en  les  arrachant  à  de  coupables  erreurs  et  au  culte 
des  idoles,  ils  cultivaient  les  âmes  des  hommes,  et  les  défrichaient 
pour  en  faire  une  terre  bien  préparée.  Seul  le  Verbe  de  Dieu,  créa- 
teur et  auteur  de  toutes  les  semences,  est  sorti  pour  répandre  par 
la  prédication  de  nouvelles  semences,  c'est-à-dire,  les  mystères  du 
royaume  des  cieux.  —  Théophyl.  Or,  le  Fils  de  Dieu  ne  cesse  pas  de 
semer  dans  nos  âmes,  car  ce  n'est  pas  seulement  comme  maître  et 


Beda.  Satorem  i-tiiiu  nulluin  iiielius 
quam  Filium  Dei  inlelli^ere  podsumus, 
qui  de  sinn  Patris  (quo  croaturae  non 
erat  accessiis)  egrediens,  ad  lioc  venit 
in  nmnduni,  ut  iedlimouiuiu  perliiheret 
verilati.  {Joon..  19.)  Chrys.  (Iiom.  45.) 
Exiit  autem  qui  ubique  est,  non  locali- 
lor,  sed  per  aiuicluni  carni^  nobis  ap- 
propinqiiavit.  Decenlf.r  auleni  advenlum 
proprium  Chrisliis  exilum  noniinat  : 
eranius  enini  exclus!  a  Deo;  et  sicuti 
cond«riinali  et  reljelltis  rogis  ejecli  sunt  ; 
qui  vero  reconciliare  viilt  eos,  exoundo 
ad  ipsos  extra  euni  ois  loquitur,  douée 
dignes  jaui  factos  aspeclii  re'jio,  eos  iii- 
troducal;  sic  eliam  Clirislus  lecit.  TilEO- 
l'HVLACT.  Exiit  autem  uunc,  non  ut 
agricolas  perderet  aul  coiubureret  ter- 
raui,  sed    exiit    .-^euiinare  :    sœpe   euim 


agricola  qui  seminat,  ob  aliam  causam 
exit,  non  solum  ut  seminet.  Euseb.  {ut 
supra.)  Exiverunt  autem  nonnuUi  a 
patria  cœlesti,  et  ad  homines  descende- 
runt,  non  tamen  ut  serereut;  neque 
enim  satores  erant,  sed  administratorii 
Spiritus  in  ministeriuuimissi,  (adllcbr., 
I,  vers.  14.)  Moyses  etiam  et  prophetae 
post  euni  non  inseruerunt  houiinibus 
mysteria  regni  cœloruui ,  sed  retra- 
liendo  insipientes  ab  errore  nequitiœ  et 
et  idolorum  culLu,  quasi  colebant  aui- 
uias  liMniinum,  et  lu  novaba  redige- 
bant.  Solus  autem  onmium  sator  Ver- 
buiu  Dei  exivit  evangeiizaturiis  nova 
seniina,  scilicet  mysteria  rngni  cœlorum. 
Theophylact.  Non  cessât  autem  Dei 
Filius  semper  iu  nostris  aniinabus  semi- 
nare  :  nam   non  solum  cnm   docet,  sed 


388 


EXPLICATION   DE   l/ÉVANGILK 


docteur,  mais  comme  créateur  qu'il  répand  dans  nos  âmes  la  bonne 
semence.  —  Tite  de  Bostr.  «  Il  sortit  pour  semer  sa  semence,  »  sa 
parole  n'est  point  une  parole  d'emprunt,  puisqu'il  est  par  nature  le 
Verbe  du  Dieu  vivant.  Ce  n'était  point  leur  propre  semence  que  ré- 
pandaient Paul  ou  Jean,  mais  celle  qu'ils  avaient  recrue;  Jésus-Christ, 
au  contraire,  sème  sa  propre  semence,  parce  qu'il  tire  ses  divins  en- 
seignements de  sa  propre  nature;  aussi  les  Juifs  étonnés  disaient-ils  : 
«  Comment  connait-il  les  Ecritures,  puisqu'il  ne  les  a  point  apprises?  » 
{Jean,  vit.) 

EusÈBE.  Ceux  qui  reçoivent  la  divine  semence  se  partagent  donc  en 
deux  classes,  la  première  se  compose  de  ceux  qui  sont  jugés  dignes  de 
la  vocation  céleste,  mais  qui  perdent  cette  grâce  par  suite  de  leur  né- 
gligence et  de  leur  tiédeur;  la  seconde  comprend  ceux  qui  multiplient 
la  semence  en  produisant  de  bons  fruits.  D'après  saint  Matthieu,  le 
Sauveur  établit  trois  degrés  différents  dans  chaque  classe;  ceux,  eu 
effet,  qui  reçoivent  inutilement  la  semence,  ne  la  perdent  pas  de  la 
même  manière ,  et  ceux  qui  la  rendent  féconde,  ne  produisent  pas  du 
fruit  au  même  degré.  Le  Sauveur  expose  donc  les  différentes  circons- 
tances où  on  laisse  perdre  la  semence.  Les  uns,  sans  même  qu'ils 
aient  péché,  ont  perdu  la  semence  salutaire  qui  avait  été  jetée  dans 
leurs  âmes;  les  esprits  mauvais,  les  démous  qui  volent  dans  l'air,  ou 
les  hommes  fourbes  et  astucieux  qu'il  désigne  sous  le  nom  d'oiseaux, 
viennent  enlever  la  semence  de  leur  esprit  et  leur  en  fout  perdre  le 
souvenir  :  «  Et  pendant  qu'il  semait,  une  partie  de  la  semence  tomba 
le  long  du  chemin.  »  —  Théophyl.  Il  ne  dit  pas  que  celui  qui  sème  a 
jeté  sa  semence  le  long  du  chemin,  mais  (jue  la  semence  y  est  tombée, 
car  celui  qui  sème  enseigne  une  doctrine  pure  et  irréprochable,  mais 


fliam  cum  créât,  ia  nostris  auiuiabus 
seminat  semina  bona  TiT.  Bostrens. 
Exiit  autem  ut  seminaret  semen  snum  ; 
nou  autem  accepit  verbum  quasi  mu- 
tuatum,  cum  ipse  naturaliter  sit  Verljum 
Dei  vivi.  Nou  est  igitur  suum  proprium 
semen  Pauli,  velJoannis,  sed  liabetcum 
acceperint  :  Christus  autem  habet  pro- 
prium semen,  proferens  doctriuam  ex 
sua  natura  :  unde  et  Juda-i  dicebant 
{Joan.,1,  vers.  13)  :  «  Qualiter  hic  litte- 
rasnovit  quas  non  didicif?  » 

EusEB.  {ut  Slip.)  Docet  igitur  duos 
esse  gradus  eorum  qui  recipiunt  semina  : 
primum  quidem  eorum  qui  digni  facti 
sunt  vocatione  cœlesti,  sed  labuntur  a 
gratia  propter  negligentiam  et  teporem  ; 
secundum  vero  multiplicautium   semen 


in  bonis  fructibus,  Ponit  autem  secun- 
cundum  Matthaeum  très  differentias  in 
quolibet  gradu.  Nam  qui  corrumpunt 
semen,  non  similem  habent  perditionis 
modum;  et  qui  ab  eo  fructificant,  non 
œquam  recipiunt  copiam.  Saue  occasio- 
nes  perdenlium  semen  ostendit.  Quidam 
enim  cum  non  peccaverint,  suis  anima- 
bus  insita  sibi  semina  saUibria  perdide- 
runt  ;  subtracta  ab  intentione  et  memo- 
ria  eorum  per  spiritus  malignes  et  dae- 
mones,  qui  volant  per  aerem  ;  vel  viros 
fallaces  et  callidos,  quœ  lolatilia  nun- 
cupavit  :  unde  subdit  :  «  Et  dum  sémi- 
nal, aliud  cecidit  secus  viam.  »  Theoph. 
Non  dixit  quod  seminans  projecit  aliud 
secus  viam,  sed  quod  semen  cecidit  ; 
qui  enim  semiuat,  docet  rectum  sermo- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    VIII.  389 

cette  doctrine  tombe  diversemeiit  dans  l'esprit  de  ceux  qui  l'en- 
tendent, et  quelques-uns  d'entre  eux  sont  représentés  par  ce  chemin 
où  elle  fut  foulée  aux  pieds  et  mangée  par  les  oiseaux  du  ciel.  — 
S.  Ci'R.  Tout  chemin  est  inculte  et  stérile,  parce  qu'il  est  sans  cesse 
foulé  aux  piedS;  et  aucune  semence  ne  peut  y  être  enfouie.  Ainsi  les 
cœurs  indociles  sont  impénétrables  aux  divins  enseignements,  et  au- 
cune vertu  ne  peut  y  germer,  c'est  un  chemin  qui  n'est  fi-équenté  que 
par  les  esprits  impurs.  D'autres  portent  légèrement  la  foi  en  eux- 
mêmes,  en  ne  s'attachant  qu'aux  simples  paroles;  leur  foi  manque  de 
racines,  et  c'est  d'eux  que  le  Sauveur  ajoute  :  «  Une  autre  partie 
tomba  sur  la  pierre,  et  ayant  levée  elle  sécha,  parce  qu'elle  n'avait  pas 
dliumidité.  —  Bède.  La  pierre  est  la  figure  des  cœurs  durs  et  in- 
domptables, l'humidité  est  à  la  semence  ce  qu'est  dans  une  autre  pa- 
rabole l'huile  qui  doit  alimenter  les  lampes  des  vierges  (Matth.,  xxv), 
et  représente  l'amour  de  la  vertu  et  la  persévérance  dans  le  bien.  — 
EusÈBE.  Il  en  est  d'autres  qui  laissent  étouffer  la  semence  qu'ils 
reçoivent  par  l'avarice,  par  le  désir  des  voluptés,  par  les  sollicitudes 
du  monde,  que  Notre-Seigneur  compare  à  des  épines  :  «  Et  une  autre 
partie  tomba  parmi  les  épines,  »  etc.  —  S.  Chrys,  [homél.  45  sur 
S.  Matth.)  Semblables,  en  effet,  aux  épines  qui  ne  permettent  pas  à  la 
semence  de  lever  et  de  croître,  mais  l'étouffent  par  leur  épaisseur,  les 
sollicitudes  de  la  vie  présente  ne  permettent  pas  à  la  semence  spiri- 
tuelle de  croître  et  de  fructifier.  Le  laboureur  qui  sèmerait  sur  les 
épines  matérielles,  sur  la  pierre,  sur  le  chemin,  serait  digne  de  blâme, 
car  il  est  impossible  que  la  pierre  se  change  jamais  en  terre,  que  le 
chemin  cesse  d'être  un  chemin,  que  les  épines  ne  soient  plus  des 


nem  :  sed  sermo  diversimode  cadit  in 
audientes;,  ut  quidam  eorum  via  dican- 
tur:  «  Et  conculcatum  est,  et  voUicres 
cœli  comederunt  lllud.  »  Cyril.  {inCat. 
Crcecorum  Patrvm.)  A  rida  enim  est  et 
inculta  quodanmiodo  umnis  via  ;  eo 
quod  a  ('unctis  coiiculcatur,  ac  nihil  ex 
seminibus  humatur  in  ea.  Sic  igitur  ha- 
bentes  cor  indocile  non  pénétrât  divina 
monitio,  ut  posait  laudeui  gerniinare 
virtutum  ;  sed  taies  sunt  via  fro{|uentata 
immundis  spiritibus.  Sunt  iterum  aliqui 
leviter  gerentes  fideni  in  se,  quasi  in 
verborum  siniplicitato  :  horuni  lides 
caret  radice  de  quibus  subditiir  :  «  VA 
aliud  cecidil  supra  pelraiu,  el  natum 
aruit,  quia  non  babebat  luunnreni.  » 
Bed.  Petram  dicit  duruin  et  iudomitum 
cor  :  hoc  est  autem   humor  ad  radicem 


seminis,  quod  juxta  aliam  parabolam 
oleuni  ad  lampades  virginum  nutriendas 
{Matth.,  25),  id  est,  anior  et  perseve- 
rantia  virtutis.  Euseb.  {ut  sup.)  Sunt 
etiani  aliqui  qui  per  avaritiam  et  appe- 
titum  voluptatum  et  rauudanas  sollici- 
tudines,  quas  quidem  spinas  nuncupat 
immissum  sibi  semen  suffocari  fecerunt  : 
de  quibus  subditur  :  «  Et  aliud  cecidit 
inter  spinas,  »  etc.  Chrys.  {hom.  45,  in 
Matth.)  Sicut  enim  spinae  non  permil- 
tunt  oriri  semen,  sed  ex  condensatione 
sutTocant  immissum  :  sic  sollicitudines 
vitœ  prœsentis,  semen  spiritualc  fructi- 
ficare  non  sinunt.  Increpandus  autcm 
esset  agricola,  qui  super  sensibiles  spi- 
nas, et  petram,  et  viam  seminaret  :  non 
enim  possibile  est  petram  terram  fieri  ; 
nec  via  m  non  esse  viam,  nec  spinas  non 


390 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGUJE 


épines.  Mais  il  n'en  est  pas  de  même  dans  les  choses  spirituelles,  car 
la  pierre  peut  devenir  une  terre  fertile,  le  chemin  peut  n'être  plus 
foulé  aux  pieds,  et  il  est  possible  d'arracher  les  épines. 

S.  Gyr.  La  terre  riche  et  fertile,  ce  sont  les  âmes  bonnes  et  ver- 
tueuses qui  reçoivent  dans  leur  profondeur  la  semence  de  la  parole, 
qui  la  retiennent  et  la  fécondent,  et  c'est  d'elles  qu'il  est  dit  :  «  Une 
autre  partie  tomba  dans  une  bonne  terre,  et  ayant  levé,  elle  produisit 
du  fruit  au  centuple.  »  En  effet,  lorsque  la  parole  divine  tombe  dans 
une  âme  libre  de  toute  agitation,  elle  pousse  de  profondes  racines, 
elle  produit  des  épis  et  les  fait  arriver  à  une  maturité  parfaite.  — 
BEDE.  Le  fruit  au  centuple,  c'est  le  fruit  dans  sa  perfection,  car  le 
nombre  dix  exprime  toujours  la  perfection,  parce  que  l'accomplisse- 
ment de  la  loi  consiste  dans  l'observation  des  dix  commandements; 
mais  le  nombre  dix  multiplié  par  lui-même,  produit  le  nombre  cent, 
qui  est  ainsi  le  symbole  de  la  plus  grande  perfection  possible. 

S.  Ctr.  Ecoutons  l'explication  de  cette  parabole  de  la  bouche  même 
de  celui  qui  en  est  l'auteur  :  «  En  disant  cela,  il  criait  :  Que  celui  qui 
a  des  oreilles  pour  entendre,  entende.  »  —  S.  Bas.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  (1) 
Entendre,  est  un  acte  de  l'intelligence^,  et  par  ces  paroles,  Notre-Sei- 
gneur  invite  ceux  qui  l'écoutent  à  prêter  une  grande  attention  à  l'ex- 
plication qu'il  va  donner.  —  Bède.  Toutes  les  fois,  en  effet,  que  nous 
rencontrons  cet  avertissement,  soit  dans  l'Evangile,  soit  dans  l'Apo- 
calypse de  saint  Jean,  il  s'agit  d'une  vérité  mystérieuse  dont  on  nous 
engage  à  pénétrer  le  sens  avec  une  attention  plus  scrupuleuse.  Aussi 

(1)  On  trouve  quelque  chose  de  semblable,  vers  le  milieu  de  l'homélie  12  qui  porte  pour  titre  : 
Sur  le  commencement  des  Proverbes. 


esse  spinas.  In  rationalibus  autem  secus 
est  :  possibile  est  enim  petram  converti 
in  terram  pinguem,  et  viam  non  con- 
culcari,  et  spinas  dissipari. 

Cyril,  [iibi  sup.)  Sunt  autem  terra 
pinguis  et  ferax  animse  honestœ  et 
bonse,  quae  in  profundo  suscipiunt  verbi 
semina,  et  retinent,  et  fovent  :  et  quan- 
tum ad  hoc  subditur  :  «  Et  aliud  cecidit 
in  terram  bonam;  et  ortum  fecit  fru- 
ctum  ceutuplum  ;  »  cum  enim  in  men- 
tem  mundam  ab  omnibus  perturbationi- 
bus  verbum  «iivinum  infimditur,  tune 
immittit  radices  in  profundum,  et  ger- 
minat  tauquam  spicas,  et  convenienler 
perficitur.  Beda.  Fntctum  enim  centn- 
pJvm  fructum  perfectiim  dieit  :  uam 
deiiarius  numerus  pro  perfectione  sem- 
per  accipitur,  quia  in  decem  prseceptis 


custodia  lecis  (id  est,  ejus  observatio) 
continetur  :  denarius  autem  numerus 
per  semetij  sum  multiplicatus,  in  cente- 
narium  sur  ::it  ;  unde  per  centenarium 
magna  perfectio  significatur. 

Cyril,  {ubi  supra.)  QuEe  autem  sit 
sententia  parabolse  accipiamus  per  eum 
qui  eam  composuit  :  unde  sequitur  : 
«  Hfec  dicens  clamavit  :  Qui  habetaures 
andiendi ,  audiat.  »  Basil,  [in  Cat. 
Grœconim  Patnan^  ubi  snpra.)  Audire 
pertinet  ad  intellectum  :  unde  per  lioc 
Dominus  cxcilat  ad  exaudiendum  at- 
tente intentionem  eorum  quœ  dicuntur. 
Beda.  Quoties  enim  heec  admonitio  vel 
in  Evangelio  vel  in  Apocalj-psi  Joannis 
interponitur.  mysticum  esse  quod  dici- 
tur  queerendumque  a  nobis  intentiiis  os- 
tenditur.  Unde  discipuli  ignorantes.   Sal- 


DE   SAINT   LUC.    CHAP.    VIIT. 


3^1 


les  disciples  reconnaissant  leur  ignorance,  interrogent  le  Sauveur  : 
«  Or,  ses  disciples  lui  demandaient  quel  était  le  sens  de  cette  parabole.  » 
Cependant  ce  ne  fut  pas  immédiatement  après  que  Jésus  eut  achevé 
d'exposer  cette  parabole,  que  les  disciples  lui  adressèrent  cette  ques- 
tion, mais  comme  le  dit  saint  Mare  :  «  Ils  l'interrogèrent  lorsqu'il  se 
trouva  seul  {Marc,  iv) .  »  —  Orig.  (d  )  La  parabole  est  comme  le  récit 
d'un  fait  imaginaire  mais  possible  et  vraisemblable,  c'est  un  récit  sym- 
bolique et  figuré  de  quelque  vérité  dont  on  obtient  le  sens  par  l'appli- 
cation de  toutes  les  circonstances  de  la  parabole.  L'énigme  est  le  récit 
d'un  événement  qui  n'est  ni  réel  ni  possible,  elle  est  l'enveloppe 
d'une  vérité  cachée,  comme  dans  ce  trait  du  livre  des  Juges  (ix),  où 
nous  lisons  que  les  arbres  s'assemblèrent  pour  se  choisir  un  roi.  Ce 
récit  que  l'Evangéliste  raconte  comme  un  fait  historique  :  «  Celui  qui 
sème  sortit  pour  semer,  »  n'est  point  arrivé  à  la  lettre,  quoiqu'il  soit 
dans  les  choses  possibles. 

EusÈBE.  Or,  le  Seigneur  fait  connaître  à  ses  disciples  la  raison 
pour  laquelle  il  parlait  au  peuple  en  paraboles  :  a  II  leur  dit  :  A  vous  il 
a  été  donné  de  connaître  le  royaume  de  Dieu.  »  — S.  Grég.  deNAz.  (2) 
En  entendant  ces  paroles,  n'allez  pas  croire  qu'il  existe  des  natures 
différentes,  avec  certains  hérétiques,  qui  prétendent  qu'il  est  des 
hommes  dont  la  nature  est  de  se  perdre,  d'autres  dont  la  nature  est 
de  se  sauver,  d'autres,  au  contraire,  qui  doivent  à  leur  propre  volonté 
de  devenir  bons  ou  mauvais;  mais  à  ces  paroles  du  Sauveur  :  «  Il 
vous  a  été  donné,  »  ajoutez  :  A  vous  qui  le  voulez,  à  vous  qui  en  êtes 

(1)  Cette  citation  est  tirée  du  commentaire  d'Origène  si»-  les  Proverbes,  commentaire  qui  n'existe 
plus. 

(2)  Discours  31  qui  porte  pour  litre  :  Sur  ces  paroles  de  l'Evangile  :  Lorsque  Jésus  eut  achevé 
tous  ces  discours. 


valorem  iiiteirogaut  :  ?equitur  enim  : 
«  [nterro?abantautemeumdiscipuli,))etc. 
Nemo  tamen  putet  finita  inox  parabula 
diâcipulos  hoc  interrogasse,  sed  ut  Mar- 
fus  ait  {cap.  4,  rers.  10)  :  «  Cum  esset 
singularis,  iuterropavernnt  euni.  »  Orig. 
[in  (at.  Grœcorum  Pvtrum.)  Ksi  autem 
parabola  serrao  quasi  facti,  non  aulem 
facti  juxla  quod  dicilur,  possibilis  aulem 
fieri,  rerum  sifrnififativus  per  Iransum- 
ptioneui  corum  qu^  in  parabola  traduu- 
tur.  A^nigm  i  vero  est  processus  sernio- 
nis  in  iiis  quae  dieinitur  quasi  fada  ; 
qufE  tamen  non  sunt  facta,  nec  |)Ossibi- 
lia  fieri  ;  siiinificat  vero  aliquid  in  oc- 
culto.sicut  quod  in  libro  dicilur  Judicum 
(cap.  9)  quod  «  liîrnaiveruut  ut  ungerent 


sibi  regem.  »  Non  aulem  ad  litleram 
faclum  quod  dicilur  :  «  Exiil  qui  sémi- 
nal, »  sicut  ea  quae  narrai  hisloria  ; 
possibile  tamen  fuit  fieri. 

EusEB.  [in  Cut.  Grœcorum  Patrum.) 
Dominus  vero  docuit  eos  causam  quare 
turbis  per  parabolas  loquebalur  :  unde 
subdilur  :  «  Quibus  ipse  dixit  :  Vobis 
datum  est  nosse  myslerium  regni  Dei.  » 
Greg.  Nazian.  [in  eadein  Cut.  Grxca.) 
Cum  hoc  audis,  non  introducas  diversas 
naturis  secundum  quosdam  hœreticos, 
qui  pulaul  hos  quidem  esse  pereuntis  na- 
turœ,  hos  vero  salubris;  quosdam  vero 
sic  se  habere  ut  eorum  voluntas  eos  du- 
cat ad  pejus  vel  melius  :  sed  addas  ai 
quod  dicilur,  «  vobis  datum  est,  »  id  est, 


392 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


digues.  —  ÏHÉOPHYL.  Mais  pour  ceux  qui  sont  indignes  de  si  grands 
mystères,  un  voile  recouvre  ces  vérités  :  «  Tandis  qu'aux  autres  il  est 
annoncé  eu  paraboles,  en  sorte  que  voyant  ils  ne  voient  point,  et  qu'en 
entendant  ils  ne  comprennent  pas.  »  fis  croient  voir,  mais  ils  ne  voient 
point,  ils  entendent,  mais  ils  ne  comprennent  pas.  Or,  Jésus-Christ 
leur  cache  ces  vérités,  pour  leur  faire  éviter  un  plus  grand  crime, 
celui  de  mépriser  les  mystères  du  Christ,  après  les  avoir  connus,  car 
celui  qui  n'a  que  du  mépris  pour  les  vérités  dont  l'intelligence  lui  a 
été  révélée,  sera  puni  plus  sévèrement.  —  Bède.  Ceux-là  donc  en- 
tendent en  paraboles,  qui  ferment  les  sens  et  leur  cœur  pour  ne  point 
connaitre  la  vérité  et  qui  oublient  cette  recommandation  du  Sei- 
gneur :  «  Que  celui-là  entende,  qui  a  des  oreilles  pour  entendre.  » 

S.  Greg.  {hom.  16  sur  les  Evancj.)  Cependant  le  Seigneur  cousent 
à  expliquer  à  ses  disciples  cette  parabole,  pour  nous  apprendre  à 
chercher  le  sens  caché  des  choses  qu'il  n'a  point  voulu  nous  expli- 
quer :  «  Voici  donc  le  sens  de  cette  parabole,  la  semence  c'est  la  pa- 
role de  Dieu.  »  —  Eusèbe.  Or,  il  y  a  pour  la  semence  qui  est  jetée  dans 
nos  âmes,  trois  causes  de  destruction.  Les  uns  détruisent  cette  se- 
mence en  prêtant  une  oreille  trop  légère  aux  discours  des  hommes 
qui  ne  veulent  que  les  tromper  :  «  Ce  qui  tombe  le  long  du  chemin, 
ce  sont  ceux  qui  écoutent^  le  diable  vient  ensuite,  et  enlève  la  parole 
de  leur  cœur.  »  —  Bède.  Ce  sont  ceux  qui  écoutent  la  parole  de  Dieu 
sans  aucune  foi,  sans  aucune  intelligence,  sans  aucun  désir  de  la 
mettre  en  pratique.  —  Eusèbe.  D'autres  ne  reçoivent  cette  parole  qu'à 
la  surface  de  leur  âme,  et  la  laissent  se  dessécher  et  périr  aux  pre- 
mières atteintes  de  l'adversité.  C'est  d'eux  que;  Notre-Seigneur  ajoute  : 


volentibus,  et  simpliciter  dignis.  Theo- 
PHYLACT.  His  autem  qui  suut  indigni 
tantis  uiysteriis ,  obscure  dicuntur  : 
unde  sequitur  :  «  Cœleris  aulem  in  pa- 
rabolis  ;  ut  videutes  non  videant,  et 
audientes  non  iutelligant.  »  Videre  enim 
se  putant,  non  vident  autem  ;  et  au- 
diunt  quidem,  sed  non  intelligunt.  Hujus 
ergo  gratia  hoc  eis  Christus  abscondit 
ne  majus  eis  iprœjudicium  generetur, 
si  postquam  noverint  Christi  mysteria, 
contempserint  :  qui  enim  inlelligit  et 
postea  spernit,  gravius  punietur.  Beda. 
Recte  igitur  in  parabolis  audiunt,  quando 
clausis  sensibus  cordis,  non  curant  co- 
gnoscere  veritatem  ;  obliti  ejus  quod 
Dominus  dixerat  :  ((  Qui  habet  aures 
audiendi,  audiat.  » 

fîREG.    {in    hom.   13,  in  Evancj.)  Do- 
minus   autem     dignatus   est    exponere 


quod  dicebat^  ut  sciamus  rerum  signifi- 
cationes  qiieerere  etiam  in  liis  quœ  per 
semetipsum  noluit  explanare  :  se(iuitur 
enim  :  «  Est  autem  liaec  parabola  :  se- 
nien  estverbum  Dei.  »  EusEB.  [utsirp.) 
Destruentium  autem  immissa  semina 
suis  animabus  très  dicit  esse  causas. 
Quidam  enim  destruimt  in  se  seraen  re- 
conditum,  dantes  leviter  auditum  volen- 
tibus fallere  :  de  quibus  subdit  :  «  Quod 
autem  secus  viam,  hi  sunt  qui  audiuut; 
deinde  venit  diabolus,  et  tollit  verbum 
de  corde  eorum.  »  Bed.  Qui  scilicet  ver- 
bum quod  audiuut,  uulla  fide,  nullo 
intelleclu,  nulla  saltem  lentandœ  utilita- 
tis  actione  percipere  dignantur.  Euseb. 
[ut  SU]}.]  Quidam  vero  cum  in  mentis 
profundo  non  susceperint  verbum  Dei, 
facile  extiuguuntur  advenieute  adversita- 
te  ;  sed  quibus  subdilur  ;  «  Nam  qui  supra 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.   VIII.  393 

ff  Ce  qui  tombe  sur  la  pierre,  ce  sont  ceux  qui,  ayant  écouté  la  parole, 
la  reçoivent  avec  joie,  mais  ceux-ci  n'ont  pas  de  racine,  ils  croient 
pour  un  temps,  et  au  temps  de  la  tentation  ils  se  retirent.  »  —  S.  Cyr. 
Lorsqu'ils  entrent  dans  l'Eglise,  ils  écoutent  avec  joie  la  prédication 
des  divins  mystères,  mais  avec  une  volonté  bien  faible;  et  à  peine 
sortis  de  l'Eglise,  ils  oublient  les  enseignements  sacrés.  Si  la  foi  chré- 
tienne n'est  l'objet  d'aucune  attaque,  ils  demeurent  fidèles,  mais  si 
la  persécution  vient  à  se  déclarer,  ils  se  dérobent  par  la  fuite  au  dan- 
ger, parce  que  leur  foi  n'a  point  de  racine.  —  S.  Grég.  {hom.  15  sut' 
les  Evang.)  Il  en  est  beaucoup  qui  se  proposent  de  commencer  à  faire 
le  bien,  mais  bientôt  fatigués  par  l'adversité  ou  par  les  tentations,  ils 
abandonnent  leur  entreprise.  Cette  terre  pierreuse  n'avait  donc  point 
l'humidité  nécessaire,  puisqu'elle  n'a  pu  conduire  à  la  maturité  par- 
faite la  semence  qu'elle  avait  fait  germer.  —  Eusèbe.  D'autres  enfin 
étouff'ent  la  semence  qu'ils  ont  reçue  dans  les  préoccupations  des  ri- 
chesses et  des  plaisirs,  qui  sont  comme  autant  d'épines  qui  étouffent 
la  semence  :  «  Ce  qui  tombe  parmi  les  épines,  ce  sont  ceux  qui 
écoutent  la  parole,  mais  les  sollicitudes  des  richesses  et  des  plaisirs 
l'étouffent  peu  à  peu,  et  ils  ne  portent  point  de  fruit.  —  S.  Grég. 
{hom.  15  sur  les  Evang.)  Comment  donc  Notre-Seigneur  a-t-il  pu 
comparer  les  richesses  aux  épines,  alors  que  les  épines  piquent  et  dé- 
chirent, tandis  que  les  richesses  sont  pleines  de  charmes.  Et  cepen- 
dant ce  sont  des  épines,  parce  qu'elles  déchirent  l'âme  par  les  pointes 
acérées  de  leurs  préoccupations,  et  lorsqu'elles  entraînent  jusqu'au  pé- 
ché, elles  font  des  blessures  sanglantes.  Le  Sauveur  joint  deux  choses 
aux  richesses  :  les  sollicitudes  et  les  plaisirs  parce  qu'elles  accablent 
de  soucis  et  énervent  l'àme  par  leur  abondance  même.  Toutes  ces 


petram,  lii  surit  qui  cuui  nudieriiit  (Uim 
paudio  suscipiunt  votIiuui  ;  ol  Iii  radiées 
non  habent  qui  ad  tempus  credunt 
ol  in  lenipore  tentationis  reccdunt.  » 
Cyril,  [tibi  supra.)  Cuni  ciiim  intrant 
Ecclesiam  ,  laitanter  altondunl  divina 
mysteria,  sed  ex  levi  voluntale  :  ul  au- 
tem  egressi  sunt  Ecclesiani  ,  oblivis- 
cuntur  sacraruin  discipliuaruni  :  et  si 
fides  chrisliana  non  fluotuet,  perma- 
nent; Inrbante  vero  persecutione,  pro- 
fugaui  babentmenteui,  quia  fides  eorum 
caret  radiée.  Greg.  (in  hom.  15  ut  siip.) 
Multi  Ijoni  operis  initia  proponunt,  sed 
uiux  ut  fatigari  adversitatibns  vel  tenta- 
tionibus  cœperint ,  incboata  derelin- 
quunt.  Petrosa  ergo  terra  humorem  non 
habuit,  qnfe  hoc  quod  germiuavcrat,  ad 
frnctus    perseverantiam    non    perduxit. 


EusEB.  {ut  supra.)  Quidam  vero  suffo- 
cant recoudilum  in  eis  semen  divitiis  et 
illecebris,  quasi  quibusdam  suffocant ibns 
spinis,  de  quibus  subditur  :  «  Quod  au- 
lem  in  spinis  cecidit,  bi  sunt  qui  audie- 
rnnt,  et  a  soUicitudinibus,  et  divitiis,  et 
voluplalibus  vitœ  suffocantur,  »  etc. 
Greg.  {i)i  hom.  15  ut  suj).)  Mirum  quo- 
modo  Dominus  divitias  sj^ ina s  into.rpre- 
tatus  sit  ;  cum  ilkc  pungant,  iste  délec- 
tent :  et  tamen  spina;  sunt  quia  cogita- 
tionum  suarum  punctionibus  menteni 
lacérant;  et  cum  usque  ad  peecatum 
pertrabunl,  quasi  inûicto  vulnere  crucu- 
taut.  Duo  autem  sunt  quai  divitiis  jungit  : 
soUicitudines  et  voluptales  ;  quia  per 
curam  mentem  opprimant,  et  per  af- 
fluentiam  résolvant.  Suffocant  auteni 
sciuen,  quia  imporlunis   cogitationibus 


394 


EXPLICATION    DK   l'ÉVANGILE 


choses  étouffent  la  semence,  parce  qu'elles  étranglent  pour  ainsi  dire 
l'àme  par  leurs  pensées  importunes,  et  en  fermant  ainsi  l'accès  du 
cœur  à  tout  bon  désir,  elles  étouffent  la  respiration  et  tuent  la  vie. 

EusÈBE.  C'est  en  vertu  de  sa  prescience  divine  que  Notre-Seigneur 
prédit  ces  choses,  et  les  faits  se  chargent  de  vérifier  ces  prédictions, 
car  on  ne  s'éloigne  des  prescriptions  de  la  divine  parole  (]ue  d'une  de 
ces  trois  manières.  —  S.  Ghrys.  {hom.  45  sur  S.  Malth.)  Pour  résu- 
mer en  peu  de  mots  cette  doctrine,  on  quitte  la  voie  du  bien,  les  uns 
par  leur  négligence  à  écouter  la  parole  de  Dieu,  les  autres  par  immor- 
tifîcation  ou  par  faiblesse,  d'autres  enfin,  parce  qu'ils  se  rendent  es- 
claves de  la  volupté  et  des  biens  de  ce  monde.  Remarquez  encore 
dans  quel  ordre  naturel  se  présentent  d'abord  le  chemin^  puis  le  ter- 
rain pierreux  et  les  épines;  il  faut  donc  d'abord  de  la  mémoire  et  de 
la  vigilance,  puis  du  courage,  et  enfin  le  mépris  pour  les  choses  pré- 
sentes. Notre-Seigneur  oppose  ensuite  les  qualités  de  la  bonne  terre 
aux  qualités  défectueuses  du  chemin,  du  terrain  pierreux  et  des 
épines  :  «  Mais  ce  qui  tombe  dans  la  bonne  terre,  ce  sont  ceux  (jui, 
écoutant  la  parole,  la  conservent  dans  \m  cœur  boa  et  excellent,  et 
portent  du  fruit  par  la  patience.  »  Ceux  qui  sont  représentés  par  le  che- 
min, ne  retiennent  point  la  parole  et  laissent  enlever  la  semence  par 
le  démon;  ceux  qui  ressemblent  au  terrain  pierreux  ne  soutiennent 
pas  les  assauts  de  la  tentation  trop  forte  pour  leur  faiblesse  ;  enfin, 
ceux  qui  sont  figurés  par  les  épines  ne  portent  aucun  fruit,  mais 
étouffent  la  parole  dans  son  germe.  —  S.  Greg.  {hom.  15  Sîir  les  Ev.) 
Or,  la  bonne  terre  produit  du  fruit  par  la  patience,  parce  que  le  bien 
que  nous  faisons  est  nul,  si  nous  ne  supportons  en  même  temps  avec 
patience  le  mal  qui  nous  est  fait.  Ainsi  ceux  qui  sont  représentés  par 


guttur  mentis  strangulant,  et  dum  bo- 
num  desiderium  intrare  ad  cor  non  si- 
nunt ,  quasi  aditum  vitalis  flalns  ne- 
cant. 

EusEB.  [ut  sup.)  Haec  autem  ex  pro- 
visione  a  Salvatore  preedicta  suut  :  sic 
autem  se  habere  patefacit  etïeclus  :  non 
enim  aliter  aliqui  a  verbo  diviiii  ciiltus 
deficiunt.  nisi  secuudum  aliquem  modo- 
riiiu  prœdictorum  ab  eo.  Chrys.  [hom. 
45,  in  Mattli.)  Et  ut  plura  brevibus 
comprehendam ,  bi  quidem  tanquam 
négligentes  audire  ;  bi  tauquani  delicati 
et  débiles  ;  bi  vero  tanquam  servi  facti 
voluptatis  et  rerum  mundi,  a  bono  de- 
.-istunt.  Bonus  etiam  ordo  viae,  petrtf  et 
spinarum  :  opus  enim  est  primo  nie- 
moria  et  cautela;    deinde  fortitudine  ; 


consequenter  contemptu  praesentium , 
Consequenter  ponit  bonam  terram  con- 
trario modo  se  babentem  ad  viam,  et 
petram ,  el  spinas;  cum  subdit  :  «  Quod 
autem  in  bonam  terram,  bi  sunt  qui 
in  corde  bono  et  optimo  verbum  re- 
tineut ,  »  etc.  Nam  qui  secus  viam 
positi  sunt,  non  retiuent  verbum,  sed 
rapit  eis  semen  diabolus  ;  qui  vero 
sunt  in  petra,  non  sustineut  in  patientia 
tentationis  insultum  propter  imbecillita- 
tem  ;  qui  vero  sunt  in  spinis,  non  fruc- 
tiflcant,  sed  suffocantur.  Greg.  (/«  /lom. 
15  ut  sup.)  Terra  ergo  bona  fructum 
per  patientiam  reddit  ;  quia  uulla  sunt 
bona  quœ  agimus,  si  non  œquanimiter 
etiam  proximorum  mala  toleramus.  Fru- 
ctum ergo  per  patientiam  redduut,  quia 


DE   SAINT   LUC,   CHAP.   VIII.  305 

cette  bonne  terre,  produisent  du  fruit  par  la  patience,  car  après  avoir 
supporté  eu  toute  humilité  et  en  toute  patience  les  épreuves  qui  leur 
sont  envoyées,  ils  entrent  dans  le  repos  et  dans  la  joie  de  l'éternité. 

t.  16-18.  —  Personne,  après  avoir  allumé  wie  lampe,  ne  la  couvre  d'un  vase, 
ou  ne  la  met  sous  un  lit  ;  mais  on  la  met  sur  le  chandelier,  afin  que  ceux  qui 
entrent  voient  la  lumière.  Car  il  n'y  a  rien  de  caché  qui  ne  soit  découvert, 
rien  de  secret  qui  ne  soit  connu,  et  ne  vienne  au  grand  jour.  Prenez  donc  garde 
comment  vous  écoutez  ;  car  on  donnera  à  celui  qui  a  ;  et  à  celui  qui  n'a  pas, 
on  ôtera  même  ce  qu'il  croit  avoir. 

BEDE.  Notre -Seigneur  venait  de  dire  aux  Apôtres  :  «  Pour  vous,  il 
vous  a  été  donné  de  connaître  le  mystère  du  royaume  de  Dieu  ;  mais 
pour  les  autres,  il  leur  est  proposé  en  paraboles,  »  il  leur  apprend 
maintenant  qu'ils  doivent  un  jour  révéler  ce  même  mystère  aux 
autres  :  «  Personne,  après  avoir  allumé  une  lampe,  ne  la  couvre  d'un 
vase  ou  ne  la  met  sous  un  lit,  »  etc. 

EusÈBE.  C'est-à-dire,  de  même  qu'on  n'allume  une  lampe  que  pour 
éclairer,  et  non  pour  la  mettre  sous  un  boisseau  ou  soas  un  lit,  ainsi 
les  secrets  du  royaume  des  cieux  proposés  en  paraboles,  restent  ca- 
chés pour  ceux  qui  n'ont  pas  la  foi,  mais  cependant  ils  ne  seront  pas 
toujours  incompréhensibles  pour  tous  (i).  Car  il  n'y  a  rien  de  caché 
qui  ne  soit  découvert,  rien  de  secret  qui  ne  soit  connu  et  ne  vienne 
au  grand  jour.  Comme  s'il  disait  :  Bien  qu'un  grand  nombre  de  vé- 
rités leur  aient  été  proposées  sous  forme  de  paraboles,  de  sorte  qu'eu 
voyant,  ils  ne  voient  point,  et  qu'en  entendant  ils  ne  comprennent 
point,  par  suite  de  leur  incrédulité,  cependant  toute  vérité  sera  un 

(1)  La  seconde  partie  de  ce  l>assage  vient  plutôt  du  vénérable  Bède  que  de  saint  Augustin. 


cuiii  luimiliter  flagella  suscipiunt,  posl 
flagella  ad  roquiem  sublimitor  cum  gau- 
dio  suscipiiinlur. 

Nemo  auleriï  lucernam  accendens,  opciil  eam 
vase,  aut  subtus  leelum  ponit,  sed  supra  can- 
delabrum  ponit ,  ut  inlrantes  videant  lumen. 
Non  est  enim  occultum  quod  non  manifestetur, 
nec  absconditum  quod  non  cognoscatur,  et  in 
patam  veniat.  \  idele  ertjo  quid  audiatis  :  qui 
enim  habet ,  dabilur  illi;  et  quicwique  non 
hitbet ,  etiam  quod  putat  se  habere ,  auferetur 
nh  il  1.0. 

Beda.  Qn\di  supra  di.xoiat  apostolis  ; 
«  Vohis  datum  est  nosse  iriysterium  re- 
gni  Dei,  ffeteris  anteui  in  parabolis  ;  » 
mine  ostendit  per  cos  aliquando  etiain 
cœteris   idem   mvsleriutn  esse  revelan- 


dum,  diceus  :  «  Nemo  autem  lucernam 
accendens,  operit  eaui.  vase  aut  subtus 
lectum  ponit,  »  etc. 

EusEB.  (in  Cat.  Grxcorum  Potrnm.) 
Quasi  diceret  :  Sicut  lucerna  accendilur 
ut  luceat,  non  ut  operiatur  sub  modio 
vel  lecto  ;  sic  etiam  sécréta  regni  cœlo- 
rum  in  parabolis  édita,  quamvis  lateant 
alienos  a  fide,  non  tamon  pênes  omnes 
immanifestum  habcbunt  sensum  :  unde 
subdit  :  «  Non  enim  est  occultum  ([uod 
non  manifestetur  ;  nec  absconditum 
quod  non  cognoscatur,  et  in  palam  ve- 
niat :  »  quasi  diceret  :  Quamvis  plurima 
in  parabolis  dicta  sint,  ut  vidantes  non 
videant ,  et  audientes  non  intelligant 
propter  sui  incredulilatem  ;  lotus  tamen 


396 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


jour  éclaircie.  —  S.  Aug.  (Quest.  évatig.)  Ou  bien  autrement,  Notre- 
Seigneur  enseigne  ici  dans  un  sens  figuré,  avec  quelle  sainte  con- 
fiance on  doit  prêcher  la  parole  de  Dieu,  sans  que  jamais  la  crainte 
d'un  préjudice  ou  d'un  dommage  temporel  porte  à  cacher  la  lumière 
de  la  science.  En  effet,  le  vase  et  le  lit  signifient  la  chair,  de  même 
que  la  lampe  est  le  symbole  de  la  parole.  Celui  qui  cache  la  parole 
par  crainte  de  quelque  dommage  temporel,  préfère  la  chair  à  la  ma- 
nifestation de  la  vérité,  et  celui  qui  tremble  d'annoncer  cette  parole 
la  couvre  pour  ainsi  dire  avec  la  chair.  Au  contraire,  celui  qui  con- 
sacre sou  corps  au  ministère  de  cette  divine  parole,  place  la  lumière 
sur  le  chandelier,  de  manière  que  la  prédication  de  la  vérité  domine 
toutes  les  exigences  de  la  servitude  du  corps. 

ÛRia.  Ceux  qui,  dans  cette  lampe  veulent  voir  la  figure  des  dis- 
ciples plus  parfaits  de  Jésus-Christ,  rendent  leur  interprétation  plau- 
sible, parce  que  l'Evangile  dit  de  Jean-Baptiste,  qu'il  était  une  lumière 
ardente  et  luisante  [Jean,  v).  Que  celui  donc  qui  allume  dans  son 
àme  cette  lampe  spirituelle^  ne  la  cache  ni  sous  un  lit  destiné  au  re- 
pos, ni  sous  un  vase  quelconque;  agir  de  la  sorte,  c'est  ne  prendre 
aucun  soin  de  ceux  qui  entrent  dans  la  maison,  et  pour  lesquels  cette 
lampe  est  préparée;  il  faut  donc  placer  cette  lumière  sur  le  chandelier, 
c'est-à-dire,  sur  toute  l'Eglise. 

S.  Ghrys.  (ho7n.  l^sur  S.  Matth.)  En  leur  parlant  de  la  sorte,  le 
Sauveur  exhorte  ses  disciples  à  une  sainte  exactitude  pour  tous  les 
devoirs  de  la  vie,  il  veut  qu'ils  soient  pleins  de  courage  comme  des 
hommes  exposés  aux  regards  de  tous,  et  qui  combattent  au  milieu  du 
monde  comme  sur  un  théâtre  ;  ne  considérez  pas,  semble-t-il  leur 
dire,  que  nous  n'habitons  qu'une  faible  partie  de  l'espace,  vous  serez 


sermo  patebit.  Aug.  {de  Quwsl.  Evang. 
ut  sup.)  Vel  aliter  :  his  verbis  typice 
docet  liduciam  prœdicandi,  ne  quis  ti- 
moré carnalium  incommodorum  lucem 
scientise  abscondat  :  vasis  enim  et  lecti 
noniiue  carnem,  lucernx  autem  voca- 
bulo  verbum  désignât,  quod  qui  ob  lue- 
tum  carnalium  incommodorum  occultât, 
ipsam  carnem  prœponit  mauifestationi 
veritatis  ;  et  ea  quasi  operit  verbum, 
qui  prœdicare  trépidât  :  supra  candela- 
brum  autem  ponit  lucernam,  qui  cor- 
pus suum  ministerio  Dei  subjicit,  ut 
superior  sit  praidicatio  veritatis,  et  infe- 
rior  servitus  corporis. 

Orig.  (in  Cat.  Gracorum  Patrinn.) 
Sed  et  qui  vult  adaptare  lucernam  per- 
fectioribus Christi  discipulis,  persuadebit 


nobis  per  ea  qum  dicta  sunt  de  Joanne, 
quouiam  ipse  erat  lucerna  ardens  et 
lucens  {Joan.,  3)  :  non  decet  ergo  eum 
qui  lucernam  rationalem  accendit  in 
animo,  abscondere  eam  sub  lecto,  ubi 
quis  requiescit,  uec  sub  aliquo  alio  vase  ; 
quia  qui  facit  boc,  non  providet  intranti- 
bus  domum,  quibus  lucerna  paratur  ; 
sed  oportet  superponere  candélabre,  id 
est,  omni  Ecclesite. 

Chrys.  {/lom.  15,  iti  Mcdth.)  Hoc 
autem  diceus  inducit  eos  ad  vit;B  dili- 
gentiam  ;  docens  eos  streuuos  esse , 
quasi  expositos  aspectibus  omnium,  ac 
pugnautes  in  mundo  quasi  in  tbeatro  : 
quasi  dicat  :  Ne  cousideretis  quod  ma- 
nemus  in  modica  parte  mundi  :  eritis 
enim  omnibus  noti,  quia  tantam  virtu- 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.   VIII.  397 

connus  de  tous  les  hommes .  parce  qu'il  est  impossible  qu'une  si 
grande  vertu  demeure  cachée.  —  S.  Max.  Ou  bien  encore,  c'est  lui- 
même  que  le  Seigneur  veut  désigner  par  cette  lampe  qui  brille  aux 
yeux  des  habitants  de  la  maison,  c'est-à-dire,  du  monde^  puisqu'il 
est  Dieu  par  nature,  et  qu'il  s'est  fait  chair  par  une  économie  toute 
divine,  et  c'est  ainsi  que,  semblable  à  la  lumière  d'une  lampe,  il  est 
retenu  par  l'intermédiaire  de  son  âme  dans  la  terre  de  sa  chair, 
comme  la  lumière  est  retenue  par  la  mèche  dans  le  vase  de  terre 
d'une  lampe.  Le  chandelier,  c'est  l'Eglise,  sur  laquelle  la  parole  divine 
brille  de  tout  son  éclat,  et  la  remplit  comme  une  maison  des  rayons 
de  la  vérité.  Or  il  compare  le  culte  matériel  de  la  loi  à  un  vase  ou  à 
un  lit  sous  lequel  il  ne  veut  point  rester  caché. 

BEDE.  Le  Seigneur  nous  presse  avec  instance  d'écouter  la  divine 
parole,  afin  que  nous  puissions  la  ruminer  continuellement  dans  notre 
cœur,  et  la  donner  en  nourriture  aux  autres  :  «  Prenez  donc  garde 
comme  vous  écoutez,  car  ou  donnera  à  celui  qui  a,  »  etc.  Comme  s'il 
disait  :  Appliijuez-vous  à  écouter  cette  divine  parole  avec  toute  l'atten- 
tion possible,  car  celui  qui  aime  cette  parole,  recevra  l'intelligence  pour 
comprendre  ce  qu'il  aime,  mais  pour  celui  qui  n'a  point  l'amour  de  cette 
divine  parole,  eùt-il  d'ailleurs  du  génie,  et  fùt-il  versé  daus  la  couuais- 
sance  des  lettres,  jamais  il  ne  goûtera  la  douceur  et  la  joie  de  la  sagesse. 
Souvent,  en  efifet,  celui  (jui  est  atteint  de  paresse  spirituelle,  reçoit  le 
don  de  l'Esprit,  pour  rendre  ainsi  sa  néghgence  plus  coupable,  parce 
(ju'il  dédaigne  de  savoir  ce  qu'il  aurait  pu  apprendre  sans  aucun  travail . 
Quelquefois  au  contraire,  celui  qui  est  zélé  pour  s'instruire,  souffre  de 
la  lenteur  de  son  intelligence,  afin  de  recevoir  une  récompense  d'au- 
tant plus  yrande,  qu'jl  a  travaillé  avec  plus  d'efforts  pour  apprendre. 


tem  impossibile  est  latere.  Maxi.  {hi 
Cat.  Crœcorrm  Pafriim.)  Vel  forsaa 
seipsum  appellat  Doiuinus  lucernam  ra- 
diantem  cunctis  lialjilantibus  donium, 
id  est.  muuduii;  ;  cum  sit  ualiiraliter 
Deus,  et  factus  dispensative  caro  ;  et  sic 
quasi  lux  ad  instar  lucern»  retinelur  in 
testa  carnis  per  luediaiu  animain,  sicut 
per  lychnuni  ipnis  in  lesta  lucerna;. 
Vocat  autem  candelabnim  Ecclesiani, 
supra  quam  verbuni  divinum  effiilgeu:;, 
quasi  quamdam  duiiium  illuminât  radiis 
veritalis.Dixit  autem  similitudinarie  îy/5 
xullectuin  corporalem  cultum  legis,  sub 
quo  coutineri  non  vult. 

Beda.  Instdnter  autem  nos  Doniinus 
docet  verbo  auscultare  ;  ut  etiam  et 
nostro  illud  pectore  continue  ruminare. 


et  alieno  eructare  sufficiamus  auditui  : 
unde  sequitur  :  «  Videte  ergo  quid  au- 
diatis  ;  qui  enimhabet,  dabitur  illi,»  etc. 
Quasi  dicat  :  Totainteutione  verbo  quod 
auditis,  operam  date  ;  quia  qui  amorem 
babet  verbi,  dabitur  illi  et  sensus  intcl- 
ligendi  quod  amat  :  at  qui  verbi  audiendi 
amorem  non  babet ,  elsi  vel  naturali 
ingenio  vel  litterario  se  callere  putaverit 
exercitioj'nullasapientiœ  dulcedine  gau- 
debit  :  ssepe  enim  desidiosus  ingenium 
accipit,  utdenegligentia  justiuo  puniatur; 
quia  quod  siue  labore  assequi  potuit. 
scire  contemnit;  et  nonnuuquam  stu- 
diosus  tarditate  intelligenfife  premitur, 
ut  eo  majora  prsemia  retributionis  lave- 
niat,  quo  mugis  studio  inveulionis  éla- 
borât. 


398 


EXPLICATION    DE   l/ÉVANGILE 


f.  19-21.  —  Cependant  sa  mère  et  ses  frères  vinrent  vers  lui,  et  ils  ne  pouvaient 
pénétrer  jusqu'à  lui  à  cause  de  la  foule.  On  vint  donc  lui  dire  :  Votre  mère 
et  vos  frères  sont  là  dehors,  qui  désirent  vous  voir.  Il  leur  répondit  :  Ma  mère 
et  mes  frères  sont  ceux  qui  écoutent  la  parole  de  Dieu  ;  et  qui  la  pratiquent. 

TiTE  DE  BosTR.  Notre-Scigiieur  avait  quitté  ses  parents  selon  la 
chair  pour  se  livrer  à  la  prédication  de  la  doctrine  de  son  père;  et 
comme  ils  désiraient  le  voir,  ils  vinrent  le  trouver  :  «  Cependant,  sa 
mère  et  ses  frères  vinrent  vers  lui,  »  etc.  Lorsque  vous  entendez  parler 
des  frères  du  Seigneur,  que  ce  nom  vous  rappelle  sa  miséricorde  et 
vous  fasse  comprendre  l'étendue  de  sa  grâce.  En  eôet,  personne  ne 
peut  être  frère  du  Sauveur  en  tant  qu'il  est  Dieu,  puisqu'il  est  le  Fils 
unique  du  Père,  mais  par  un  effet  de  son  amour,  il  a  daigné  s'unir 
notre  chair,  notre  sang,  et  il  est  devenu  notre  frère,  lui  qui  était  Dieu 
par  nature  (1).  —  Bède.  Ces  frères  du  Seigneur,  selon  la  chair,  ne 
sont  ni  les  fils  de  la  bienheureuse  Marie,  mère  de  Dieu,  comme  le  veut 
Helvidius,  ni  les  fils  de  Joseph  et  d'une  autre  épouse,  comme  d'autres 
le  prétendent,  mais  tout  simplement  ses  cousins. 

TiTE  DE  BosTR.  Les  frères  de  Jésus  espéraient  qu'en  apprenant 
leur  arrivée,  par  respect  pour  le  nom  de  sa  mère  et  pour  l'amour 
qu'elle  lui  témoignait,  il  s'empresserait  de  laisser  la  multitude  qui 
l'écoutait  :  «  On  vint  donc  lui  dire  :  Votre  mère  et  vos  frères  sont 
là  dehors,  »  etc.  —  S.  Chrys.  {hom.  45  sur  S.  Matth.)  Considérez 
quelle  indiscrétion  c'était  que  d'enlever  le  Sauveur  à  tout  ce  peuple 
qni  l'entourait  et  qui,  suspendu  à  ses  lèvres,  écoutait  ses  divins  en- 

(1)  Allusion  à  la  doctrine  de  saint  Paul  [Hebr.,  ii,  U,  13),  etc. 


Venerunt  autem  ad  illum  mater  et  fratres  ejus, 
et  non  poterant  adiré  eum  prœ  turba.  Et  nun- 
tiatum  est  illi  :  Mater  tua  et  fralres  tui  stant 
foris,  volentes  te  cidere.  Qui  respoiidens,  dixit 
ad  illos  :  Mater  mea  et  fralres  mei,  hi  sunt 
qui  verbuni  Dei  audiunt  et  faciunt. 

Titus  Bostrens.  {in  Cat.  Gracorum 
Patrum.)  Derelictis  cognatis  carnalibiis^ 
Dominus  insislebal,  doctriuse  paternae  : 
quia  vero  desiderabalur  propter  absen- 
tiam,  accedunt  ad  eum  :  uude  dicitur  : 
«  Venerunt  aulem  ad  illum  mater  et 
fratres  ejus,  »  etc.  Si  audiveris  de  fratri- 
bus  Domini,  adjice  pielalem,  et  iulellige 
gratiam  :  nullus  enim  secundum  Divini- 
tatem  Salvatoris  frater  est  (unigenitus 
enim  est),  sed  pietalis  gratia  communi- 
cavit   nobis  in   carne  et    sanguine,   et 


factus  est  frater  noster,  eum  esset  na- 
turaliter  Deus,  Bed.  Fratres  autem  Do- 
mini qui  secundum  carnem  dicuntur, 
non  filii  beatœ  Mariœ  genitricis  Dei,  se- 
cundum Helvidium,  née  filii  Joseph  de 
alia  uxore,  secundum  quosdam  putandi 
sunt,  sed  eornm  potius  iutelligendi  sinit 
esse  cogiiati. 

Titus  Bostrens.  [uM  supra.)  Putabant 
autem  fratres  ejus  quod  eum  eorum  au- 
diret  praesentiam,  dimitteret  populum 
reveritus  maternum  nomen,  et  llexus 
amore  materno  :  unde  sequitur  :  «  Et 
nuntiatum  est  illi  :  Mater  tua  et  fratres 
tui  stant  foris,  »  etc.  Chrys.  {hom.  45,  in 
Matth.)  Considéra  quale  erat  astante  ei 
toto  populo,  et  ab  ore  ejus  pendente  jam 
inchoatadoctrina,  eum  foras  extrahere  : 


DE   SAINT    LUC,    CHAP.    VIII. 


399 


seignements.  Aussi,  Notre-Seigneur  leur  en  fait-il  uu  reproche  :  «  Il 
leur  répondit  :  Ma  mère  et  mes  frères  sont  ceux  qui  écoutent  la  parole 
de  Dieu,  »  etc.  —  S.  Ambr.  Comme  un  sage  maître,  Jésus  commence 
par  donner  l'exemple  à  ses  disciples  avant  de  leur  enseigner,  que  celui 
qui  ne  quitte  point  son  père  où  sa  mère  n'est  pas  digne  du  Fils  de 
Dieu.  Il  veut  donc  pratiquer  le  premier  ce  commandement,  non  qu'il 
refuse  d'accomplir  à  l'égard  de  sa  mère  les  devoirs  de  la  piété  filiale 
(puisqu'il  est  l'auteur  de  ce  commandement  :  «  Quiconque  n'honorera 
point  sou  père  ou  sa  mère  sera  puni  de  mort  »),  mais  parce  qu'il  sait 
qu'il  doit  plus  à  la  mission  divine  qu'il  a  reçue  de  son  Père,  qu'à  l'af- 
fection filiale  qu'il  a  pour  sa  mère  (1).  Toutefois,  sa  réponse  ne  contient 
rien  de  blessant  pour  ses  parents,  mais  elle  nous  apprend  que  l'union 
des  âmes  est  plus  auguste  que  les  liens  de  la  chair  et  du  sang.  Le  Sau- 
veur ne  renie  donc  point  sa  mère  (comme  l'affirment  certains  héré- 
tiques qui  tendent  des  pièges  à  la  simplicité),  puisqu'il  l'a  reconnue 
du  haut  même  de  la  croix,  mais  il  nous  enseigne  à  sacrifier  les  exi- 
gences du  sang  à  l'accomplissement  des  devoirs  célestes.  —  Bède.  Ceux 
donc  qui  écoutent  et  qui  prati<|uent  la  parole  de  Dieu,  méritent  le 
nom  glorieux  de  mère  de  Dieu,  parce  que  chaque  jour,  par  leurs 
exemples  ou  par  leurs  paroles,  ils  l'engendrent  dans  le  cœur  du  pro- 
chain, et  ils  méritent  également  d'être  appelés  ses  frères,  puisqu'ils 
font  aussi  la  volonté  de  son  Père  qui  est  dans  les  cieux. 

S.  Chrys.  [hom.  \'i  sur  S.  Mattli.)  Notre-Seigneur  ne  veut  pas  non 
plus  faire  ici  un  reproche  à  sa  mère,  mais  lui  accorder  une  grâce  si- 
gnalée. En  effet,  s'il  avait  tant  à  cœur  de  donner  une  juste  idée  de  sa 
personne  uu  reste  des  hommes,  combien  plus  devait-il  le  désirer  pour 

(1)  C'est  ainsi  que  l'apôtre  saint  Paul  dit  en  parlant  de  lui-même  :  «  Mes  petits  enfants  que  j'en- 
fante de  nouveau  jasqu'à  ce  que  Jésus-Christ  soit  formé  dans  vos  cœurs.  »  [Galat.,  iv,  19.) 


ob  hoc  Dominus  quasi  increpando  res- 
pondit.  Sequitur  euiiu  :  «  Qui  respon- 
dcns,  dixit  ad  eos  :  Mater  mea  et  fratres 
raei  lii  sunt  qui  verbiim  Uei  audiuut.»  etc. 
Ambu.  Moralis  magisler,  qui  de  se  caele- 
ris  prœbel  exeinplmn,  praescriplurus  caî- 
teris  quoniaiu  qui  non  reliquerit  patrem 
aut  nialrcm  suam,  non  est  Filio  Dei 
di^nus.  Senlenti?e  huic  ipse  primus  se 
subjicit,  non  quod  niaternae  refutct  pie- 
tatis  obsequia  (  ipsiu^^  enini  prœceptuui 
est,  «  qui  non  lionorificaverit  patrem  et 
matrcm,  morte  moriatur),  sed  quia  pa- 
teriiis  se  mysleriis  amplius  quam  mater- 
nis  affoctibus  debere  cognoscit  :  nequo 
tamen  iujuriose  refutanlur  parentes,  sed 
religiosiores  copula;  mentium  docentur 


esse  quam  corporum  :  ergo  liic  non  (ut 
quidam  heeretici  tendiculas  aucupantur) 
mater  negatur,  quœ  etiam  de  cruce 
aguoscilur;  sed  uecessitudini  corporali 
praescriptorum  cœlestium  forma  prajfer- 
tur.  Bed.  Hi  igitur  qui  verbum  Dei  au- 
diunt  et  faciuut,  mater  JJomini  vocau- 
tur,  60  quod  illum  quotidie  suo  exemplo 
vel  dicto ,  quasi  parturiuut  in  cordibus 
proximorum  :  fratres  quoque  sunt  ejus, 
cum  et  ipsi  faciant  voluntatem  Patris 
ejus  qui  in  cœlis  est. 

Chrys.  {/lom.  43,  in  Miiith.)  Non  au- 
tem  boc  dicit  increpando  matrem,  sed 
eam  pluriminu  adjuvando  :  nam  si  erga 
caîteros  sollicilus  erat,  ut  generaret  eis 
de  se  debitara  opinionem,  multo  magis 


400 


EXPLICATION    DE   L*ÉVANGILE 


sa  mère,  car  jamais  il  ne  l'eût  élevé  à  un  si  haut  degré  de  grandeur, 
si  elle  eût  pu  croire  qu'il  lui  obéirait  toujours  comme  un  fils,  et  si  au 
contraire  elle  ne  l'eût  reconnu  comme  son  Dieu.  —  Théopiiyl.  Quel- 
ques-uns entendent  ce  passage  dans  un  autre  sens  :  Pendant  que 
Jésus  enseignait,  disent- ils,  des  envieux  qui  voulaient  jeter  du  discré- 
dit sur  sa  doctrine_,  vinrent  lui  dire  :  «  Votre  mère  et  vos  frères  veulent 
vous  voir,  »  comme  pour  rappeler  l'obscurité  de  sa  naissance.  Or 
Jésus,  qui  connait  leurs  pensées,  leur  déclare  qu'on  n'est  nullement 
rabaissé  par  une  humble  et  pauvre  famille,  mais  que  si  un  homme 
d'une  constitution  obscure,  écoute  la  parole  de  Dieu,  il  le  regarde 
comme  son  frère.  Cependant,  comme  il  ne  suffit  pas  d'écouter  pour 
être  sauvé,  et  que  la  parole  de  Dieu  serait  plutôt  alors  une  cause  de 
condamnation,  il  ajoute  :  «  Et  qui  la  pratiquent,  »  car  il  faut  tout  à 
la  fois  écouter  et  mettre  eu  pratique.  La  parole  de  Dieu,  c'est  sa  doc- 
trine, puisque  tout  ce  qu'il  enseignait  venait  de  son  Père. 

S.  Ambr.  Dans  le  sens  mystique,  celui  qui  cherche  Jésus-Christ,  ne 
doit  pas  se  tenir  dehors  ,  c'est  pour  cela  que  le  Roi-prophète  a  dit  : 
«  Approchez-vous  de  lui,  et  vous  serez  éclairés.  »  {Ps.  xxxiii.)  Ceux 
qui  restent  dehors,  ne  sont  pas  reconnus  de  Jésus,  fussent-ils  ses  pa- 
rents; peut-être  est-ce  pour  notre  instruction  qu'il  ne  veut  pas  les 
reconnaître,  or  comment  espérer  qu'il  nous  reconnaîtra  ,  si  nous  per- 
sistons à  rester  dehors  ?  On  peut  encore  dire  que  les  parents  de  Jésus 
sont  la  figure  des  Juifs ,  dont  le  Sauveur  était  issu  par  sa  naissance 
temporelle,  et  qu'il  veut  nous  apprendre  ici  la  préférence  donnée  à 
l'Eglise  sur  la  synagogue.  —  Bède.  Tandis  que  Jésus  enseigne  dans 
l'intérieur  de  la  maison ,  ceux  qui  négligent  de  s'appliquer  au  sens 
spirituel  de  ses  paroles ,  ne  peuvent  entrer.  Cependant  la  foule  se 


erga  matreni  :  uou  autem  elevasset  eaiu 
ad  illa  fastigia,  si  semper  expectaret  ho- 
norari  ab  eo  tanquam  a  filio^  non  autem 
eum  Dominum  reputaret.  Theophylact. 
Quidam  vero  lioc  sic  intelliguut,  quod 
Chrislo  doceute  quidam  invidentes,  et 
subsaunantes  eum  super  doctrina  ejus, 
dixeruut  :  «  Mater  tua  et  fralres  tui  staut 
foris  volentes  te  videre;  »  tanquam  prop- 
ter  hoc  ignobilem  eum  demonstrarent. 
Et  ideo  qui  mentem  eorum  cognovit,  sic 
eis  respoudit  quoniam  non  nocet  vilis 
consanguinitas,  sed  si  ignobilis  quis  exis- 
tât, audiat  autem  verbum  Dei^  ipsum 
consanguiueum  reputat  :  quia  tamen  ati- 
dire  solum  neminem  salvat ,  sed  magis 
condemnal .  subjuugit  :  «  Et  faciunt  :  » 
decet  enim  audire  et  facere.  Verbum  au- 


tem Dei  dicit  suam  doctrinam  :  quae- 
cunque  enim  ipse  dicebat,  Patris  eranl. 
Ambr.  Mystice  autem  non  debuit  foris 
stare,  qui  Cbristum  quserebat  :  unde  et 
ille  ait  :  «  Accedite  ad  eum^  et  ilhimi- 
uamini.  »  Si  enim  foris  stant,  nec  ipsi 
agnoscuntur  parentes  ;  et  propter  nos- 
iruni  fortasse  non  agnoscuntur  exem- 
plum;  quemadmodum  nos  ab  illo  agnos- 
cimur  si  foris  stemus?  Illud  quoque 
intelligere  non  abborret,  quia  per  tigu- 
ram  parentum  demonstrat  Judœos  ex 
quibus  est  Christus  secundum  carnem 
{ad  Rom.),  Ecclesiamque  synagoga?  cre- 
didit  prEelerendam.  Bed.  Intus  enim  eo 
docente  venientes  intrare  nequeunt,  cu- 
jus  spiritualitor  intelligere  dicta  negli- 
gunt.  Praeoccupans  autem  turba  intravit 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    VIII. 


401 


presse  pour  entrer  dans  la  maison ,  parce  qu'en  efifet ,  tandis  que  les 
Juifs  usaient  de  lenteurs  et  de  retards,  les  Gentils  accoururent  en  foule 
à  Jésus-Christ.  Ceux  qui  se  tiennent  au  dehors ,  veulent  voir  Jésus- 
Christ,  parce  que  sans  s'occuper  du  sens  spirituel  de  la  loi ,  ils  s'at- 
tachent au  dehors  à  l'observation  de  la  lettre,  et  ils  veulent  pour  ainsi 
dire  contraindre  Jésus-Christ  à  sortir  pour  leur  enseigner  une  doc- 
trine tout  humaine,  plutôt  que  de  consentir  à  entrer  eux-mêmes  pour 
recevoir  des  enseignements  tout  spirituels. 

f.  22-25.  —  Or,  un  de  ces  jours,  il  monta  sur  une  barque  avec  ses  disciples,  et 
leur  dit  ;  Passofis  à  l'autre  bord  du  lac.  Et  ils  se  mirent  en  mer.  Pendant 
qu'ils  naviguaient,  il  s'endormit,  et  un  vent  impétueux  étant  venu  fondre  sur 
le  lac,  la  barque  s'emplissait  d'eau,  et  ils  étaient  en  péril.  S'approchant  donc, 
ils  le  réveillèrent  en  disant  :  Maître,  nous  périssons.  Jésus  s' étant  levé, 
commanda  aux  vents  et  aux  flots  agités,  et  ils  s'apaisèrent,  et  il  se  fit  un  grand 
calme.  Alors  il  leur  dit  :  Où  est  votre  foi  ?  Et  eux  effrayés,  se  regardèrent 
avec  surprise  les  uns  les  autres,  et  ils  se  disaient  :  Qui  pensez-vous  que  soit 
celui-ci,  qui  commande  au  vent  et  à  la  mer,  et  ils  lui  obéissent. 

S.  Cyr.  Les  disciples  étaient  tous  les  jours  témoins  des  bienfaits  que 
Jésus-Christ  répandait  à  profusion,  il  était  juste  qu'il  en  fit  découler  sur 
eux  une  partie  ;  nous  ne  voyons  pas  en  effet  du  même  œil  le  bien  que 
l'ou  fait  aux  autres,  et  celui  qui  nous  est  fait  à  nous-mêmes  ;  le  Sau- 
veur permet  donc  qu'ils  soient  exposés  à  une  tempête  sur  la  mer  : 
a  Un  jour,  étant  monté  sur  une  barque  avec  ses  disciples,  il  leur  dit  : 
Passons  à  l'autre  bord  du  lac ,  et  ils  partirent.  »  —  S.  Chrts.  {ho?7i.  29 
SU7'  S.  Matth.)  Saint  Luc  évite  la  question  que  pourrait  soulever  le 
temps  précis  où  eut  lieu  ce  miracle,  eu  disant  simplement  que  Jésus 


in  domum,  quia  différente  Jmlaea  Genti- 
litas  confluxit  ad  Christum  :  loris  autem 
stanles  volunl  Chririluoi  videre,  qui  spi- 
ritualem  in  lege  seusura  non  quairentes, 
sese  ad  cuotodiain  litterae  foris  fixerunt, 
et  quasi  Clirisluui  pulius  ad  docendum 
carnalia  cogiiul  exire,  quaui  se  ad  dis- 
cenda  spiritualia  conseutiuut  iulrare. 

Faclum  est  autem  in  una  dierum,  et  ipse  ascen- 
iJit  in  naviculatn,  et  discipuli  ejns,  et  ait  ad 
itlon  :  Trans  fret  émus  Irans  slaynum  ;  et  as- 
cenderunt.  Et  navigantibus  illis ,  obdormivit , 
et  descendit  procella  venti  in  stagnum,  et  corn- 
peU'bantuT,  et  periclitabantur.  Accedentes  au- 
tem suscitaverunt  eum  dicentes  :  Prœceptor, 
perimua.  At  ille  surgens,  increpavit  ventum, 
et  tempestatem  aqua;  et  cessavit ,  et  fada  est 
tranquiVitas.  Dixit  autem  illis  :  Ubi  est  fides 

TOM     V, 


vestra?  Qui  timentes  mirali  sunt  ad  inviceni, 
dicentes  :  Quis  putas  hic  est,  quia  et  ventis  et 
mari  imperat,  et  obediunt  et? 

Cyril,  {in  Cat.  Grcecorum  Patrum.) 
Quia  discipuli  omnes  beneliciatos  a 
Christo  videbant,  decebat  etiam  ipsos 
sensim  in  beneficiis  Cliristi  delectare  : 
non  enim  similiter  quis  considérât  quœ 
fiuiit  in  alienis  corporibus  et  in  suo  :  et 
ideo  Dominas  discipulos  et  mari  et  ven- 
tis exposuit  :  unde  sequitur  :  «  Fac- 
tum  est  autem  in  una  dierum,  et  ipse 
ascendit  in  naviculam,  et  discipuli  ejus; 
et  ail  ad  illos  :  Transfretemus  trans 
stagnum  ;  et  ascenderunt.  »  Chrys. 
(hom.  29,  in  Matth.)  Vitans  quidem 
Lucas  (jUcX'slionem  qua;  sibi  fieri  posset 
de  temporum  ordine,  dicit  eum  in  una 

26 


402 


EXPLICATION    DE    l'^VANGILK 


monta  un  jour  sur  une  barque.  Si  cette  tempête  fût  arrivée  pendant 
que  le  Sauveur  veillait,  les  disciples  n'auraient  eu  aucune  crainte,  ou 
bien  ils  n^auraient  pas  cru  que  leur  divin  Maître  pût  opérer  un  si 
grand  prodige;  il  se  laisse  donc  aller  au  sommeil  pour  donner  à  la 
crainte  tout  le  temps  de  se  développer  :  «  Comme  ils  naviguaient ,  il 
s'endormit,  et  un  vent  impétueux  s'éleva  sur  le  lac.  »  —  S.  Ambr. 
L'Evangéliste  nous  a  rapporté  plus  haut ,  qu'il  passait  les  nuits  en 
prière  ;  pourquoi  donc  le  voyons-nous  dormir  ici  pendant  la  tempête? 
C'est  pour  exprimer  la  sécurité  de  la  toute-puissance ,  qu'il  repose 
seul  sans  crainte ,  alors  que  tous  sont  saisis  d'effroi ,  mais  ce  sommeil 
n'atteignait  que  le  corps;  et,  comme  Dieu^  il  avait  l'œil  ouvert  sur  ses 
disciples  pour  les  protéger  ;  car  rien  absolument  ne  se  fait  sans  le 
Verbe.  {Jean^  i.) 

S.  Cyr.  C'est  par  un  dessein  particulier  de  la  providence  divine  que 
les  disciples  ne  crièrent  pas  au  secours  au  premier  moment  que  la 
barque  fut  assaillie  par  la  tempête ,  mais  lorsque  le  danger  devint 
imminent^  pour  faire  éclater  davantage  la  toute-puissance  du  Sau- 
veur :  «  Et  ils  étaient  en  péril,  »  dit  l'Evangéliste.  Le  Sauveur  le  per- 
mit pour  exercer  leur  vertu  ;  car  en  confessant  la  grandeur  du  dan- 
ger, ils  étaient  forcés  de  reconnaître  la  graudeur  du  miracle  qui  les 
en  délivrait.  Lors  donc  que  l'imminence  du  péril  les  eut  jetés  dans 
une  crainte  inexprimable ,  ils  reconnaissent  qu'ils  n'ont  plus  d'autre 
espoir  de  salut  que  dans  le  Seigneur  des  vertus ,  et  ils  se  déterminent 
à  l'éveiller. 

«  S'approchant  donc,  ils  le  réveillèrent  en  disant  :  Maître,  nous  pé- 
rissons. »  —  S.  AuG.  {de  l'ace,  des  Evang. ,  ii,  24.)  D'après  saint 
Matthieu,  ils  lui  auraient  dit  :  «  Seigneur  ,  sauvez-nous  ,  nous  péris- 


dierum  intrasse  uaviculam.  Si  autem  vi- 
gilante Domino  accidisiet  tempestas,  vel 
non  timuissent  discipuli,  vel  non  credi- 
dissent  eimi  posse  taie  aliquid  facere  : 
quapropter  dormit,  prœstans  tempus  ti- 
mori  :  sequitur  eaim  :  «  Navigantibus 
autem  illis,  obdormivit,  et  descendit 
procella  vent!  in  stagnum.  »  Ambr.  Su- 
pra habes  quia  pernoctabat  in  oratione  : 
quomodo  hic  in  tempestate  dormit?  Sed 
exprimitur  securitas  potestatis,  quod  quo- 
modo omnibus  timentibus  soins  iutrepi- 
dus  quiescebat;  sed  quiescebat  corporis 
somno,  cum  intenderet  Divinitatis  mys- 
terio  :  nihil  enim  sine  verbo  fit. 

Cyril,  {ut  supra.)  Cum  magna  autem 
dispensatione  videtur  esse  peractum,  ne 
mox  postquam  tempestas  invadere  cœpit 


navlculam,  quaererent  ab  eo  suifragium; 
sed  postquam  malum  invaluit,  ut  mani- 
festior  fiât  divinse  majestatis  potestas. 
Unde  dicitur  :  «  Et  compellebantur,  et 
periclitabantur.  »  Quod  quidem  Domi- 
nus  permisit  exercitationis  gratia,  ut  cum 
confessi  fuerint  periculum,  cognoscant 
miraculi  magnitudinem.  L'nde  postquam 
magnitude  periculi  in  intolerabilem  me- 
tum  eos  urgebat,  tanquam  aliam  spem 
non  babentes  salutis ,  nisi  solum  ip- 
sum  Domiuum  virtutum,  eum  excitave- 
runt. 

Sequitur  :  «  Accedentes  autem  susci- 
taverunt  eum,  dicentes  :  Prseceptor, 
perimus.  »  Aug.  {de  Cons.  Evang.,  lib. 
II,  cap.  24.)  Matthaeus  quidem  dicit  : 
'<  Domine,  salva  nos,  perimus  ;  »  Marcus 


De  saint  LUC,  CHÂP.  viit.  403 

sons;  »  d'après  saint  Marc  :  «  Maître,  n'avez -vous  pas  de  souci  que 
nous  périssions  ?  »  De  part  et  d'autre,  ils  expriment  le  même  désir,  de 
réveiller  le  Sauveur  et  d'être  sauvés  du  danger.  Il  est  tout  à  fait  inu- 
tile de  chercher  quelle  formule  précise  de  prière  les  Apôtres  ont  em- 
ployée ?  Se  sont-ils  servi  d'une  de  celles  qui  sont  rapportées  par  ces 
trois  Evangélistes ,  ou  d'une  autre  dont  aucun  n'aurait  parlé ,  mais 
dont  les  termes  seraient  équivalents  ?  peu  importe.  D'ailleurs^  on  peut 
fort  bien  admettre  que  tous  les  disciples  s'empressèrent  d'éveiller  leur 
divin  Maître,  mais  que  chacun  lui  parla  d'une  de  ces  trois  différentes 
manières. 

S.  Ctr.  Il  était  du  reste  impossible  que  les  Apôtres  ,  ayant  avec  eux 
le  Tout-Puissant,  pussent  jamais  périr.  Aussi  Jésus-Christ,  qui  exerce 
une  puissance  souveraine  sur  tout  ce  qui  existe  ,  apaise  subitement  la 
tempête  et  la  fureur  des  vents  :  «  Et  la  tempête  cessa  ,  et  il  se  fit  un 
grand  calme.  »  Il  prouve  ainsi  qu'il  est  le  Dieu  dont  le  Psalmiste  a 
chanté  :  «  Vous  dominez  la  puissance  de  la  mer_,  vous  apaisez  ses  flots 
soulevés.  »  [Ps.  Lxxxviii.)  —  Bède.  Dans  cet  événement  de  sa  vie,  le 
Seigneur  fait  voir  clairement  en  lui  deux  natures  dans  une  seule  et 
même  personne,  puisque  nous  le  voyons  livré  au  sommeil,  comme 
homme,  et  apaisant  d'un  seul  mot,  comme  Dieu,  la  fureur  de  la 
mer. 

S.  Cyr.  Or,  Jésus  apaise  en  même  temps  la  tempête  extérieure  delà 
mer,  et  la  tempête  intérieure  des  âmes  :  «  Alors  il  leur  dit  :  Où  est 
donc  votre  foi?  »  En  leur  parlant  de  la  sorte,  il  nous  apprend  que  ce 
n'est  point  la  tentation,  mais  la  faiblesse  de  l'âme  qui  produit  la 
crainte  ;  car  les  tentations  éprouvent  la  foi ,  comme  le  feu  éprouve 
l'or.  —  S.  AuG.  {de  l'ace,  des  Evang.)  Les  autres  Evangélistes  rap- 


autem  :  «  Mairister,  non  ad  te  attinet, 
quia  perimus"?  »  Eadem  autem  est  sen- 
tentia  excitantium  Doniinum ,  volen- 
tiumqiie  salvari.  Nec  opus  est  quferere 
quid  îiorum  polius  Cliristo  dictum  sit  : 
sive  euim  aliquid  lionnn  trium  dixerint, 
sive  alia  verba  qu;e  niiUus  evangelista- 
ruui  commemoravit,  taiitamdom  aulem 
valenlia,  quid  ad  rem  interest  ?  Quan- 
quam  etiam  hoc  fieh  potuerit,  ut  pluri- 
bus  enra  excitantibus  omnia  htec,  aliud 
autem  ab  alio  dicoretur. 

Cyril,  [ubi  sup.)  Non  autem  erat 
possibile  eos  perire,  existent^  cuni  eid 
Omnipotente  ;  unde  illico  surgit  Christus, 
qui  babet  omnium  potestatem,  et  sedat 
confestim  proiellam  et  ■ventorum  impe- 
tum  ;  et  cessavit  lempestas  ;  et  facta  est 


tranquillitas  :  in  quo  ostendit  se  Deum 
esse,  cui  in  Psalmo  dicitur  (88,  vers.  10)  : 
«  Tu  dominaris  potestati  maris,  motum 
aulem  fluctuum  ejus  tu  mitigas.  »  Bed. 
Sic  igitur  in  navigatione  Dominus  utram- 
que  uuius  ejusdemque  personae  natu- 
ram  ostendit,  dum  is  qui  ul  homo  dor- 
mit in  navi,  furorem  maris  ut  Deu3 
verbo  coercet. 

Cyril,  [ubi  supra.)  Simul  autem  cum 
tempestate  aquarum  solvit  tempestalem 
animarum  :  unde  sequitur  :  «  Dixit  au- 
tem illis  :  Ubi  est  fides  vestra  ?  »  In 
quo  verbo  ostendit  quod  timorem  non 
facit  tentationum  inductio,  sed  imbecil- 
litas  mentis.  Sicut  enim  aurum  proba- 
tur  in  igae,  sic.  in  tentationibus  fides. 
ACG.  {de  L'on.    Evunrj.    nbt    sup.)   Hoc 


404 


EXPLICATION    DE    LÉVANGILE 


portent  diversement  les  paroles  du  Sauveur.  D'après  saint  Matthieu, 
il  aurait  dit  à  ses  disciples  :  «  Pourquoi  craignez-vous ,  hommes  de 
peu  de  foi?  ». suivant  le  récit  de  saint  Marc  :  «  Pourquoi  craignez - 
vous?  est-ce  que  vous  n'avez  pas  encore  la  foi  ?  c'est-à-dire  la  foi  par- 
faite, comme  le  grain  de  sénevé.»  D'après  saint  Marc,  il  leur  reproche 
donc  aussi  leur  peu  de  foi,  tandis  que  d'après  saint  Luc  ,  il  leur  de- 
mande :  «  Ou  est  votre  foi?  »  Or  ,  Notre -Seigneur  a  pu  fort  bien  em- 
ployer toutes  ces  locutions  diverses  :  «  Pourquoi  craignez- vous  ?  où  est 
votre  foi  ?  hommes  de  peu  de  foi,  »  et  les  Evangélistes  nous  rapportent 
chacun  une  d'entre  elles. 

S.  Cyr.  a  la  vue  de  la  tempête  subitement  apaisée  à  la  parole  de 
Jésus-Christ,  les  disciples,  comme  stupéfaits  d'un  tel  miracle,  s'inter- 
rogeaient les  uns  les  autres  :  «  Remplis  de  crainte  et  d'admiration,  ils 
se  disaient  les  uns  aux  autres,  »  etc.  Ce  n'est  point  par  ignorance  de  ce 
qu'était  Jésus,  que  les  disciples  parlent  ainsi  entre  eux  ,  car  ils  savaient 
très-bien  qu'il  était  Dieu  et  Fils  de  Dieu  ;  mais  ils  sont  remplis  d'ad- 
miration à  la  vue  de  l'étendue  de  cette  puissance  qu'il  possède  de  toute 
éternité,  et  de  la  gloire  de  sa  divinité  qu'il  fait  éclater  dans  ce  corps 
visible  et  semblable  au  nôtre  dont  il  s'est  revêtu.  «  Et  ils  s'écrient  : 
Quel  est  celui-ci?»  c'est-à-dire  quelle  grandeur,  quelle  puissance, 
quelle  majesté!  car  c'est  une  action  faite  avec  empire,  c'est  le  com- 
mandement d'un  maître  ,  ce  n'est  point  l'humble  demande  d'un  ser- 
viteur. —  BEDE.  On  peut  dire  aussi  que  ce  ne  sont  pas  les  disciples, 
mais  les  matelots  et  ceux  qui  étaient  avec  eux  dans  la  barque,  qui  sont 
remplis  de  crainte  et  d'admiration. 

Dans  le  sens  allégorique,  cette  mer,  ce  lac  agités  représentent  l'a- 
gitation de  la  mer  ténébreuse  du  monde.  La  barque  est  le  symbole  de 
l'arbre  de  la  croix,  à  l'aide  duquel  les  fidèles  traversent  les  flots  de 


autem  ab  aliis  evangelistis  aliis  verbis 
dictum  est.  Mattbœus  enim  dicit  {cap. 
8)  eum  dixisse  :  «  Quid  timidi  estis  mo- 
dicae  fidei?  »  Marcus  autem  ita  dicit 
(cap.  4)  :  «  Quid  timidi  estis  ?  necdum 
habetis  fidem  ?  »  id  est^  illam  perfectam 
velut  granum  sinapis.  Hoc  ergo  et  ille 
ait:  «  ModiccB  fidei;  »  Lucas  autem  : 
«  Ubi  est  fides  veslra  ?  »  Et  totum 
quidem  dici  potuit  :  «  Quid  timidi  estis  ? 
ubi  est  fides  vestra?  Modicœ  fidei:  » 
unde  aliud  bic,  aliud  ille  commémorât. 

Cyril,  [ubi  supra.)  Pacata  igitur  tem- 
pestate  ad  imperium  Cbristi,  discipuli 
stupefacti  miraculo  susurrabaut  ad  invi- 
cem.    Uude   sequitur  :  «   Qui   timeutes. 


mirati  sunt,  »  etc.  Non  autem  discipuli 
ut  ignorantes  eum,  boc  dixerunt  ad  ia- 
vicem:  noverant  enim  eum  Deum  esse 
et  Filium  Dei  Jesum.  Admirantur  autem 
inuatœ  potestatis  abundanliam,  et  Divi- 
nitatis  gloriam,  quamvis  simUis  uobis 
esset,  et  visibibs  secundum  caruem  : 
unde  dicunt  :  «  Quis  est  bic?  »  id  est, 
quaUs  et  quantus  et  in  quanta  virlute  et 
majestate  ?  imperiosum  enim  est  opus, 
domiuativum  praeceptum,  non  servibs 
petitio.  Beda.  Vel  non  discipuU,  sed 
nautœ,  et  aUi  mirantur  qui  in  navi  erant. 
Allegorice  autem  mare,  vel  stagnum, 
tenebrosus  est  et  amarus  mundi  rostus. 
A'avic2ila  arbor  crucis,    cujus  beueficio 


DE   SAINT    LUC,    r.HAP.    VIII. 


405 


nette  mer  du  monde,  et  parviennent  au  rivage  de  la  céleste  patrie.  — 
S.  Ambr.  Notre-Seigneur  quitte  ses  parents  pour  monter  dans  cette 
barque,  parce  qu'il  sait  qu'il  est  venu  dans  le  monde  pour  l'accom- 
plissement de  mystères  tout  divins.  —  Bède.  Les  disciples  ,  sur  l'invi- 
tation du  Sauveur,  montent  avec  lui  dans  la  barque.  Il  leur  dit  en 
effet  :  «  Si  quelqu'un  veut  venir  après  moi,  qu'il  se  renonce  lui-même, 
qu'il  porte  sa  croix  et  qu'il  me  suive.  »  Pendant  que  les  disciples  font 
cette  traversée,  c'est-à-dire  pendant  que  les  fidèles  foulent  aux  pieds 
le  monde  et  méditent  dans  leur  cœur  les  douceurs  du  repos  éternel  ; 
pendant  que,  poussés  par  le  souffle  de  l'Esprit  saint,  et  aussi  par  leurs 
propres  efforts,  ils  rejettent  à  l'envi  derrière  eux  les  vanités  incons- 
tantes et  perfides  du  monde,  le  Seigneur  s'endort  tout  à  coup,  c'est-à- 
dire  que  le  temps  de  la  passion  du  Seigneur  est  arrivé,  et  que  la  tem- 
pête vient  fondre  sur  la  terre,  parce  que  pendant  le  sommeil  de  la 
mort,  qu'il  consent  à  subir  sur  la  croix ,  les  flots  de  la  persécution  se 
soulèvent  sous  l'impulsion  du  souffle  des  démons  (i).  La  patience  du 
Seigneur  n'en  est  point  troublée,  mais  la  faiblesse  des  disciples  en  est 
ébranlée  et  saisie  d'effroi.  Ils  s'empressent  donc  de  réveiller  le  Sei- 
gneur dans  la  crainte  de  périr  pendant  son  sommeil ,  parce  qu'en 
effet,  après  avoir  été  témoins  de  sa  mort ,  ils  désirent  vivement  sa  ré- 
surrection ,  dont  le  retard  prolongé  les  exposerait  à  une  perte  cer- 
taine. Le  Sauveur  se  lève  et  commande  avec  menace  à  la  tempête, 
c'est-à-dire,  que  par  sa  prompte  résurrection  d'entre  les  morts,  il  a  dé- 
truit l'orgueil  du  démon  qui  avait  l'empire  de  la  mort.  [Hébr.,  ii.)  ïl 
calme  l'agitation  des  flots ,  c'est-à-dire  qu'en  ressuscitant ,  il  fait 
tomber  la  rage  des  Juifs  qui  insultaient  à  sa  mort.  —  S.  Ambr.  Il  veut 


(1)  Allusion  à  ces  parole^/  du  Psaume  iit,  vers.  5 
soupi,  D  etc. 


Je  me  suis  endormi ,  et  j'ai  été  as- 


fldeles  adjuti  emensis  mundi  fluctibus 
obtinent  littus  palriae  cœlestis.  Ambr. 
Itaque  Dominus,  qui  se  intellifrit  pro- 
ptor  divinum  in  terras  raysterium  ve- 
iiisse,  relictis  navern  ascendilparentibus. 
Bed.  Ascendunt  auteai  et  discipuli  ad- 
moniti  cum  eo.  Unde  ipsc  ait  [Mutth., 
16)  :  «  Si  quis  vull  post  nie  venire,  ab- 
uefîet  seraetii)sum,  et  toliat  cruceiii  siiain, 
••t  st'quatnrme.))l)iscipnlis  navigantibus, 
id  est,  fidelibns  soculuni  calcanlibiis,  et 
(ntiiri  secnli  quietem  animo  meditanti- 
biis,  et  per  sancti  Spiritiis  flatum,  vcl 
etiani  proprii  reraif^ii  conatuin  iididos 
iniiudi  fastus  certatim  post  terpa  jactaii- 
tibus,  subito  obdonnivit  Dominus  :  id 
est,  advenit  tempus  dominicae  passionis, 


et  descendit  procella  ;  quia  Domino 
somnum  mortis  in  cruce  subeunte , 
fluctus  persecutionum  dœmoniacis  flati- 
bus  excitati  exsurgunt  :  fluctibus  autem 
non  Domini  patientia  turbatur,  sed  dis- 
cipulorum  imbeciilitas  concutitur  et 
trépidât  :  qui  suscitaverunt  Dominuni, 
ne  eo  dorniiente  pereant^  quia  cujus 
mortem  viderant,  resurrectionem  op- 
tant ;  quse  si  differretur,  ipsi  in  perpe- 
tuuni  yierirent.  Unde  surgens  increpat 
ventum,  quia  céleri  resurrectione  per 
mortem  destruit  superbiam  diaboli,  qui 
habebat  imperium  mortis.  [ad  Hebr., 
2.)  Tempestatem  autem  aquee  facit  ces- 
sare,  quia  rabiem  Judœorum  morti  ejus 
insultantium  resurgens  labefacit.  âmbr. 


406 


EXPLICATION  DE   L  EVANGILE 


nous  apprendre  qu'il  est  impossible  de  traverser  sans  tentations  le 
cours  de  cette  vie ,  parce  que  la  tentation  est  l'épreuve  naturelle  de  la 
foi.  Nous  sommes  donc  exposés  aux  tempêtes  soulevées  par  les  esprits 
mauvais;  mais  ayons  soin,  comme  de  vigilants  matelots,  d'éveiller  le  pi- 
lote de  la  barque  qui  ne  cède  pas  aux  vents,  mais  qui  leur  commande  ;  et 
lors  même  qu'il  est  éveillé,  prenons  garde  qu'il  ne  dorme  encore  pour 
nous,  en  punition  du  sommeil  de  notre  corps.  Ceux  qui  se  laissent 
aller  à  la  crainte  dans  la  compagnie  de  Jésus-Cbrist,  méritent  le  juste 
reproche  qu'il  leur  fait ,  car  celui  qui  s'attache  à  lui  ne  peut  périr.  — 
BEDE.  Nous  voyons  quelque  chose  de  semblable  à  ce  qui  se  passe  ici, 
lorsque  Jésus  apparut  après  sa  mort  à  ses  disciples ,  et  leur  reprocha 
leur  incrédulité  {Marc,  xvi),  et  qu'ayant  apaisé  la  mer  agitée  jusque 
dans  ses  profondeurs,  il  fit  éclater  aux  yeux  de  tous  la  puissance  de 
sa  divinité. 

^.  26-39.  —  Ils  abordèrent  ensuite  au  pays  des  Géraséniens  qui  est  vis-à-vis  de 
la  Galilée.  Et  lorsque  Jésus  fut  descendu  à  terre,  il  vint  au-devant  de  lui  un 
homme  qui  depuis  longtemps  était  possédé  du  démon  ;  il  7ie  portait  aucun 
vêtement,  et  n'avait  d'autre  habitation  que  les  sépulcres.  Aussitôt  qu'il  eut 
aperçu  Jésus,  il  vhit  se  prosterner  à  ses  pieds,  et  s'écria  à  haute  voix  :  Qu'y  a 
t-il  entre  vous  et  moi ,  Jésus,  Fils  du  Dieu  Très-Haut?  Je  vous  en  conjure, 
ne  me  tourmentez  pas.  Car  Jésus  commandait  à  l'esprit  impur  de  sortir  de 
cet  homme.  Depuis  longtemps,  en  effet,  il  s' en  était  emparé,  et  quoiqu'il  fût  lié 
de  chaînes,  et  gardé,  les  fers  aux  pieds,  il  rompait  ses  liens,  et  le  démon 
l'eiitraînait  dans  les  lieux  déserts.  Jésus  lui  demanda  :  Quel  est  ton  nom?  Il 
lui  dit  :  Je  m'appelle  Légion,  parce  que  beaucoup  de  démons  étaient  entrés  en 
lui.  Et  les  démons  le  priaient  de  ne  pas  leur  commander  d'aller  dans  l'abîme. 
Or,  il  y  avait  là  wi  nombreux  troupeau  de  porcs  qui  paissaient  sur  la  mon- 
tagne ;  ils  le  prièrent  de  leur  permettre  d'entrer  dans  ces  pourceaux,  et  il  le 


Ut  advertas  sine  tentatione  neminem 
posse  hoc  vitœ  curriculo  demigrare;  quia 
exercitium  fidei  tentalio  est.  Subjecti 
igitur  sumus  nequitiae  spiritualis  pro- 
cellis  ;  sed  quasi  pervigiles  naut<E  gu- 
bernatorem  excitemus,  qui  non  serviat, 
sed  imperet  ventis  ;  qui  etsi  jam  non 
dormit  sui  corporis  somno,  caveamus 
tamen  ne  nostri  corporis  somno  uobis 
dormiat  et  quiescat.  Beue  autem  ar- 
guuntur  qui  praesente  Christo  timebant, 
cum  utique  qui  ei  adliœret^  perire  non 
possit.  Bed.  Cui  simile  est,  quod  post 
luortem  discipulis  apparens,  exprobra- 
vit  incredulitatem  eorum  {Marci.  16)  ; 
et  sic  tumidis  gurgitibus  sedatis,  pa- 
tefacit  cunctis  potentiam  suse  Divinita- 
tis. 


Et  navigaverunt  ad  regionem  Gerazenorum,  quœ 
est  contra  Galilœam.  Et  cum  de  navi  egressus 
esset  ad  terram,  occurrit  illi  vir  quidam  qui 
kabebat  dœmonium  jam  temporibus  multis,  et 
vestimento  non  induebatur ,  neque  in  domo 
manebat ,  sed  in  monumentis.  Is  ut  vidit  Je- 
sum,  procidit  ante  illum,  et  exclamons  voce 
magna,  dixit  :  Quid  mihi  et  tibi  est,  Jesu,  Fili 
Dei  altissimi?  Obsecro  te  ne  me  torqueas  : 
prœcipiebat  enim  spiritui  immundo  ut  exiret 
ab  homine  :  multis  enim  temporibus  arripiebat 
illum,  et  vinciebatur  catenis ,  et  compedibus 
cusloditus ,  et  rupiis  vinculis  agebatur  a  dœ- 
monio  in  déserta.  Interrogavit  autem  illum 
Jésus  dicens  :  Quod  tibi  nomen  est?  At  ille 
dixit:  Legio:  quia  intraverant  dœmoniamulta 
in  eum.  Et  rogavermit  illum  ne  imperaret  illis, 
ut  in  abyssum  irent.  Erat  autem  ibi  grex  por- 
corum  multorum  pascentium  in  monte  :  et  ro- 
gabanl  eum  ut  permitteret  eis  in  illos  ingredi. 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    VIII. 


i07 


leur  permit.  Les  démons  sortirent  donc  de  cet  homme,  et  entrèrent  dans  les 
pourceaux;  et  le  troupeau  courut  impétueusement  se  précipiter  dans  le  lac  par 
un  endroit  escarpé;  et  s'y  noya.  Ce  qu'ayant  vu,  les  gardiens  s'enfuirent,  et 
en  portèrent  la  nouvelle  dans  la  ville  et  dans  les  villages.  Plusieurs  sortirent 
pour  voir  ce  qui  était  arrivé,  ils  vinrent  à  Jésus,  et  trouvèrent  assis  à  ses  pieds, 
vêtu  et  sain  d'esprit,  l'homme  de  qui  les  démons  étaient  sortis;  et  ils  furent 
remplis  de  crainte.  Et  ceux  qui  l'avaient  vu,  leur  racontèrent  comment  il  avait 
été  délivré  de  la  légion.  Alors  tous  les  habitants  du  pays  des  Géraséniens  le 
prièrent  de  s'éloigner  d'eux  parce  qu'ils  étaient  saisis  d'une  grande  frayeur. 
Jésus  donc  montant  dans  la  barque,  s'en  retourna.  Et  l'homme  dont  les  démons 
étaient  sortis  lui  demandait  instamment  de  rester  avec  lui.  Mais  Jésus  le 
renvoya  e7i  disant  :  Retournez  en  votre  maison,  et  racontez  les  grandes  choses 
que  Dieu  a  faites  pour  vous.  Et  il  s'en  alla  par  toute  la  ville,  publiant  tout 
ce  que  Jésus  avait  fait  pour  lui. 

S.  Ctr.  Le  Sauveur  ayant  traversé  le  lac,  parvint  au  rivage  opposé  : 
«  Ils  abordèrent  ensuite  au  pays  des  Géraséniens,  qui  est  vis-à-vis  de 
la  Galilée.  »  —  Tite  de  Bost.  Les  manuscrits  les  plus  authentiques  ne 
portent  ni  Géraséniens,  ni  Gadariens,  mais  Gergéséniens.  En  effet, 
Gadara  est  une  ville  de  Judée ,  près  de  laquelle  on  ne  trouve  ni  lac, 
ni  mer;  Gérasa  est  une  ville  d'Arabie,  qui  n'est  elle-même  voisine 
d'aucun  lac,  ni  d'aucune  mer.  Mais  Gergésa ,  d'où  vient  le  nom  de 
Gergéséniens,  est  une  ville  fort  ancienne,  située  sur  les  bords  du  lac 
de  Tibériade ,  dans  les  environs  de  laquelle  se  trouve  un  rocher  qui 
domine  le  lac  dans  lequel  les  démons  précipitèrent  les  pourceaux. 
Cependant  comme  les  villes  de  Gérasa  et  de  Gadara  touchent  aux  con- 
fins du  pays  des  Gergéséniens ,  il  est  vraisemblable  que  c'est  de  ces 
deux  villes,  que  les  pourceaux  avaient  été  amenés  dans  le  pays  des 
Gergéséniens.  —  Bède.  Gérasa  est  une  ville  célèbre  d'Arabie,  qui 


Et  permisit  illis.  Exierunt  ergo  dœmonin  ab 
homine,  et  intraverunt  in  porcos,  et  impetu 
abat  grex  per  prœceps  in  stagnum;  et  suffo- 
catus  est.  Quod  ut  viderunt  factum  gui  pasce- 
hant,  fugerunt,  et  nuntiaverunt  in  civitatem 
et  in  villas.  Exierunt  autem  videre  qnod  fac- 
tum est,  et  venerunt  ad  Jesum;  et  invenerunt 
/lominem  sedentem  a  quo  dœmonia  exierant , 
vestitum ,  ac  sana  mente  ad  pedes  ej'is ,  et 
timuerunt.  Nuntiaverunt  autem  illis  et  qui 
videront  quomodo  sanus  factus  esset  a  le- 
gione.  Et  rogaverunt  illum  ornnis  multitudo 
regionis  Gerazenorum,  ut  discederet  ab  ipsis, 
quia  magnn  timoré  tenebantur.  Ipse  nutem 
ascendens  navim,  reversus  est.  Et  rogauit  il- 
lum vir  a  quo  dœmnnia  exierant,  ut  cum  eo 
esset.  Dimisii  autem  eum  Jésus,  dicens  :  liedi 
in  domum  luam ,  et  narra  quanta  tibi  fenit 
Deus.  Et  abiit  per  nniuersam  ciuilatem,  prœ- 
dicans  quanta  illi  fecisset  Deus. 

Cyril.  (ïn  Cat.  Grxcoi-um  Palram.) 


Salvator  navigando  una  cum  discipulis 
ad  portum  pervenit  :  unde  dicitur  :  «  Et 
navigaverunt  ad  regionem  Gerazenorum 
quae  est  contra  Galilceam.  »  Titus  Bos- 
TREXS.  {in  Matth.)  Veraciora  exempla- 
ria,  uec  Gerazenor^im  habent,  nec  Ga- 
durorum  ,  sed  ,  Gergezenorum  :  est 
enim  Gadara  civitasih  Jud;pa;  stagnum 
autem  vel  more  nuUatenus  invenitur 
in  ea  ;  sed  Geraza  civitas  Arabiee  est, 
nec  stagnum  nec  mare  juxta  habens. 
Est  autem  Gergeza,  a  qua  Gergezeni, 
urbs  antiqua  juxta  Tiberiacum  sta- 
gnum ,  circa  quam  est  rupes  slagno 
vicina,  in  quod  ostenditur  dejectos  fuisse 
porcos  a  dœmonibus  :  quia  tamen  Ge- 
raza et  Gadara  confinium  babent  cum 
terra  Gergezenorum,  verisimile  est  inde 
ad    horum    tenam    porcos  fuisse  addn- 


M8 


EXPLICATION   DE    L  EVANCTLE 


échut  autrefois  à  la  tribu  de  Manassé  (1),  située  au  delà  du  Jourdain, 
près  de  la  montagne  de  Galaad,  non  loin  du  lac  de  Tibériade,  dans 
lequel  les  pourceaux  se  précipitèrent. 

S.  Chrys.  [hom.  29  sur  S,  Matth.)  Lorsque  le  Sauveur  fut  descendu 
à  terre,  il  fut  témoin  d'un  phénomène  bien  plus  surprenant  que  la 
tempête  ;  un  possédé  du  démon,  comme  un  esclave  en  présence  de 
son  maître,  vient  confesser  sa  dépendance  et  sa  servitude  :  «  Lorsqu'il 
fut  descendu  à  terre  ,  il  vint  au  devant  de  lui  un  homme ,  »  etc.  — 
S.  AuG.  {de  Vacc.  des  Evang.)  Saint  Matthieu  rapporte  qu'ils  étaient 
deux  possédés  ;  saint  Marc  et  saint  Luc  ne  parlent  que  d'un  seul,  il 
faut  donc  entendre  que  l'un  d'eux  était  un  homme  plus  considérable 
et  plus  connu^  dont  tout  le  pays  plaignait  le  triste  sort,  et  désirait  vi- 
vement la  guérison.  C'est  ce  que  veulent  faire  entendre  saint  Marc  et 
saint  Luc  en  ne  parlant  que  de  celui  des  deux,  dont  l'état  et  la  gué- 
rison avait  euime  immense  notoriété  dans  toute  la  contrée. —  S.  Chrys. 
{hom.  29  sur  S.  Matth.)  Ou  bien  ,  peut-être  saint  Luc  s'est-il  attaché 
à  celui  des  deux  qui  était  le  plus  furieux ,  et  dont  il  fait  un  si  triste 
tableau  :  a  II  ne  portait  aucun  vêtement,  et  n'avait  d'autre  habitation 
que  les  sépulcres^  »  etc.  Or^  les  démons  fréquentent  les  tombeaux  des 
morts  pour  insinuer  plus  facilement  aux  liommes  cette  pernicieuse 
doctrine,  que  les  âmes  des  morts  deviennent  des  démons.  —  S.  Gyr. 
Il  errait  sans  vêtements  dans  les  sépulcres  des  morts,  preuve  de  la  fu- 
reur des  démous  qui  le  possédaient.  Or_,  la  providence  de  Dieu  permet 
que  quelques-uns  soient  ainsi  soumis  au  pouvoir  des  démons  ,  pour 

(1)  Cette  ville  ne  se  trouve  pas  nommément  désignée  dans  la  part  qui  échut  à  la  tribu  de  Ma- 
nassé.  [Nombr.,  xxxiv,  14  ;  Deutér.,  m,  13  ;  xxix,  8  ;  Josué,  xii,  6  ;  xiii,  29  ;  xvii,  6,  8,  U  ;  xxil,  9.) 
Ce  n'est  que  dans  l'Evangile  que  nous  trouvons  ce  nom  de  Géraséniens. 


ctos.  Bed.  Geraza  enim  urbs  est  insignis 
Arabise  Irans  Jordanem,  juncta  monti 
Galaad,  quam  teuuit  tribus  Manasse  ; 
non  longe  a  stagne  Tiberiadis^  in  que 
porci  praecipitati  sunt. 

Chrys.  (hom.  29,  in  Matth.)  Cum 
autem  Dominus  descendisset  a  mari, 
occurrit  ei  aliud  terribilius  miraculum  ; 
nam  dsemoniacus  tanquam  servus  vi- 
dens  dominum,  servitutem  confitetur. 
Unde  sequitur  :  «  Et  cum  de  navi  egres- 
sus  esset  ad  terram,  occurrit  ei  vir  qui- 
dam, »  etc.  Al'g.  (de  Cons.  Evang.  ut 
sup.)  Quod  Mattbaeus  duos  dicit fuisse  dœ- 
moniacos,  Marcus  et  Lucas  unum  com- 
mémorant, intelligas  uuum  eorum  fuisse 
personae  alicujus  clarioriset  famosioris; 
■  quem  régie  ilïa  maxime  dolebat,  et  pro 


cujus  sainte  plurimum  satagebat.  Hoc 
volentes  significare  duo  evangelistae  so- 
lum  comuiemorandum  judicaverunt,  de 
quo  facti  liujus  fama  latins  prœclarius- 
que  fragraverat.  Chrys.  [hom.  29  ut 
sup.)  Vel  Lucas  elegit  ex  illis  duobus 
eum  qui  saevior  erat  :  unde  flebilius 
narrât  ejus  infortunium,  cum  subdit  : 
«  Et  vestimento  non  induebatur,  neque 
in  domo  manebat,  sed  in  monumentis.  » 
Visitant  autem  dœmones  mortuorum 
sepulcra,  volentes  imbuere  homines  pe- 
riculosa  doctrina,  quod  scilicet  mortuo- 
rum animœ  dœmones  fîiint.  Cyril,  [iibi 
stipra.)  Quod  autem  uudus  petebat  de- 
functorum  sepulcra,  dœmouiacae  fero- 
citatis  eral  indicium.  Permittit  autem 
quosdam  ilispensative  Deus  subesse  dœ- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    VITI.  409 

nous  faire  considérer  ce  qu'ils  sont  à  notre  égard  ,  nous  faire 
renoncer  à  leur  empire  tyrannique,  et  par  le  triste  spectacle  d'un 
seul  homme ,  victime  de  leur  méchanceté  ,  donner  à  tous  une  lei^on 
salutaire. 

S.  Chrys.  {hom.  29.)  Comme  la  multitude  ne  voyait  dans  Jésus 
qu'un  homme,  les  démons  viennent  publier  hautement  sa  divinité  que 
la  mer  elle-même  avait  proclamée  en  calmant  la  fureur  de  ses  flots 
soulevés:  «  Aussitôt  qu'il  vit  Jésus,  il  se  prosterna  devant  lui  et  il 
s'écria,  »  etc.  —  S.  Gyr.  Considérez  quel  mélange  à  la  fois  de  crainte, 
d'audace  et  de  désespoir  extrêmes;  c'est  le  désespoir,  en  etfet,  qui  lui 
dicte  ces  paroles  pleines  d'audace  :  «  Qu'y  a-t-il  entre  vous  et  moi, 
Jésus,  Fils  du  Dieu  très-haut?  et  c'est  sous  Timpression  de  la  crainte 
qu'il  lui  fait  cette  prière  :  «  Je  vous  en  conjure,  ne  me  tourmentez 
pas.  »  Mais  si  tu  reconnais  qu'il  est  le  Fils  du  Dieu  très-haut  !  tu  avoues 
donc  qu'il  est  le  Dieu  du  ciel  et  de  la  terre,  et  de  tout  ce  qu'ils  ren- 
ferment. Pourquoi  donc  oses-tu  usurper  ce  qui  n'est  pas  à  toi,  mais 
n'appartient  qu'à  Dieu  seul,  en  lui  tenant  ce  langage  :  «  Qu'y  a-t-il 
entre  vous  et  moi?  »  Quel  est  le  prince  de  la  terre  qui  laisserait  im- 
punément les  barbares  attaquer  les  sujets  de  son  empire  :  «  Car  Jésus 
commandait  à  l'esprit  impur  de  sortir  de  cet  homme,  »  et  l'Evangé- 
liste  justifie  l'urgence  de  ce  commandement,  en  ajoutant  :  «  Depuis 
longtemps,  en  effet,  il  était  sous  sa  puissance,  »  etc.  —  S.  Chrys. 
{hom,  29.)  Personne  n'osait  ni  s'approcher  de  ce  possédé ,  ni  s'en 
rendre  maître,  tandis  que  Jésus  vient  lui-même  le  trouver  et  lui 
adresse  la  parole. 

a  Jésus  lui  demanda  :  Quel  est  ton  nom  ?»  —  Bède.  Si  Jésus  lui  de- 
mande son  nom,  ce  n'est  pas  qu'il  l'ignore,  mais  pour  que  l'aveu  pu- 


mouibus;  ut  nos  perpendamus  per  eos  j  esse  Filium  Dei  altissimi,  fateris  eurn 
ijuales  suiit  daiinone.-;  erga  nos,  ut  re-  i  Deum  cœli  et  terrœ  et  eorum  quuî 
luiamus  eis  subjici  velle,  et  sic  une  pa-  j  coutinentur  in  eis.  Qualiter  igitur  non 
tiente  œdificeutur  couiplures.  1  tua  imo   sua  usurpas,  et  dicis  :  «    Quid 

Chrys.  ihom.  29  nt  sup.)  Quia  vero  mihi  et  tibi?  »  Quis  autem  principum 
hoinincm  eura  populi  fatebantur,  ac-  \  terrenorum  omnino  sustinebit  a  barba- 
cesserunt  dcEuiones  biviuitatein  prtedi-  ]  ris  lacessirisuo  subjectos  iniperio?  Unde 
<;antes    ipsius,    quam    etiaui   mare  sua  !  sequitur  :    «    Praecipiebat  enim  spiritui 


tranquillitate  clamaverat.  Unde  sequitur  : 
«  Is  ul  vidit  Jesum,  procidit  ante  illuui, 
et  exflamavit  voce  magna,  »  etc.  CvRiL. 
{ubi  supra.)  Attendas  bic  tinioreui  lui- 
nexinn  audaciaj,  et  desperalioui  iiiultaj  : 
signuni  enim  diabulicae  desporutionis 
est  in  audendo  dicere  :  «  Quid  mihi  et 
tibi  est,  Jesu,  Fili   Dei    altissimi  ?  »  Ti 


immuudo  ut  exiret  ab  homine  :  »  et 
necessitatem  praecepti  ostendit  subdeus: 
«  Multis  enim  temporibus  arripiebat 
ilium,  »  etc.  Chrys.  [liom.  29  ut  sup.) 
Unde  quia  nemo  audebat  dœmoniacum 
tenere,  ipse  Christus  ad  eum  vadit  allo- 
quens  ipsum. 
Sequitur  :  «  Interrogavit  autem   illum 


moris  vero,  cum   precatur  :  «  Obsecro    Jésus,  dicens  :  Quod  tibi  nomen  est  ?  » 
te  ne  me  torqueas.  »  Sed  si  nosti  eum  l  Bed.  Non  veluti  inscius  nomen  inquirit, 


110 


EXPLICATION    DK    L  RVANGILE 


blic  du  mal  terrible  auquel  il  est  en  proie,  fasse  ressortir  avec  plus 
d'éclat  la  toute-puissance  qui  doit  le  guérir.  C'est  ainsi  que  les  prêtres 
de  notre  temps  qui  chassent  les  démons  par  la  grâce  des  exorcismes, 
nous  disent  qu'il  n'y  a  pour  les  possédés  d'autre  moyen  de  guérison 
que  l'aveu  sincère  et  public  de  tout  ce  que  les  esprits  immondes  leur 
font  souifrir  durant  le  jour  ou  pendant  leur  sommeil,  surtout  lorsqu'ils 
paraissent  désirer  ou  qu'ils  semblent  accomplir  avec  eux  l'œuvre  de  la 
chair,  c'est  pour  cela  que  Jésus  exige  ici  une  espèce  de  confession  : 
«  Le  démon  lui  répondit  :  Je  m'appelle  Légion,  »  parce  qu'en  effet, 
plusieurs  démons  étaient  entrés  dans  cet  homme. 

S.  Grég.  de  Nysse.  {ho?n.  sur  les  Cant.)  C'est  à  l'exemple  des 
milices  célestes  et  des  légions  des  anges,  que  les  démons  s'appellent 
légion,  de  même  que  le  premier  d'entre  eux  se  vantait  d'établir 
son  trône  au-dessus  des  astres,  pour  devenir  semblable  au  Très-Haut 
{Isaïe,  xxv). 

S.  Chrys.  {hom.  29  sur  S.  Matth.)  Le  Seigneur  était  descendu 
sur  la  terre  pour  détruire  l'empire  du  démon,  qui  jetait  le  trouble  et 
le  désordre  parmi  les  créatures  de  Dieu  ;  les  démons  craignaient  donc 
que  le  Sauveur  n'attendit  pas  le  temps  marqué  pour  punir  l'excès  de 
leur  malice,  et  comme  ils  ne  pouvaient  dissimuler  leurs  crimes,  ils  le 
supplient  de  retarder  au  moins  leur  châtiment  :  «  Et  ils  le  priaient  de 
ne  pas  leur  commander  d'aller  dans  l'abime.  »  —  Théophyl.  Les  dé- 
mons font  cette  demande,  parce  qu'ils  veulent  encore  rester  parmi  les 
hommes.  —  S.  Cyr.  Nous  avons  ici  une  preuve  évidente,  que  les  pha- 
langes ennemies  de  la  majesté  divine  étaient  précipitées  dans  les  en- 
fers par  la  puissance  ineffable  du  Sauveur.  —  S.  Max.  Or,  le  Seigneur 
a  établi  pour  chaque  espèce  de  péché  un  châtiment  correspondant; 


sed  ut  confessa  peste  quain  tolerabat, 
virtus  curautis  gratior  emicaret.  Sed 
et  nostri  temporis  sacerdotes,  qui  per 
exorcismi  gratiam  dfemones  ejicere  no- 
runt,  soient  dicere  patientes  non  aliter 
valere  curari,  nist  omne  quod  ab  iai- 
mundis  spiritibus  vigilantes  dormien- 
tesve  pertulerint,  confitendo  patenter 
exponant  :  et  maxime  quando  corporis 
humani  coucubilum  petere  se  ac  pa- 
trare  confmgunt.  Unde  et  hic  confessio 
subditur  :  «  At  ille  dixit  :  Legio,  quia 
introierant  dœmouia  multa  in  eura.  » 

Greg.  Nyss.  [in  Cat.  Grœconun  Pa- 
trum.)  Imitantes  quidam  d£Emoues  su- 
pernas  militias  et  legiones  angelicas  di- 
cunt  se  legionem  ;  sicut  et  eorum  prin- 
ceps  dicit  se  positurum  thronuni  super 


astra,  ut  fiât  Altissimo  similis.  {Isa.,  14.) 
Chrys.  [ho-tn.  29  ut  sup.)  Postquam 
autem  Dominus  supervenerat,  daemo- 
nibus  creaturam  Deiperturbanlibus,  pu- 
tabant  eum  propter  excessum  eorum  quse 
fiebant  non  expectare  tempus  supplicii  ; 
et  quia  culpam  diffiteri  non  poterant, 
instant  ne  cito  sustineaut  pœnam.  Unde 
sequitur  :  «  Et  rogaveruut  illum  ne  im- 
peraret  ut  in  abyssum  irent.  »  Théo- 
phyl. Quod  quidem  postulant  dfemones 
volentes  adhuc  cum  liominilnis  conver- 
sari.  Cyril.  {uOi  sup.)  Hinc  autem  palam 
est,  quod  femulfe  catervae  majestatis 
divinae ,  ineffabili  potentia  SalVatoris 
detrudebantur  ad  interna.  Maxi.  {in 
Cat.  Grœcorum  Patrum.)  Statuit  autem 
Deus    uuicuique     matériel    peccatorum 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    VIII.  4il 

le  feu  de  l'enfer  pour  punir  les  ardeurs  coupables  de  la  chair,  le  grin- 
cement de  dents  pour  les  rires  lascifs,  une  soif  intolérable  pour  la  vo- 
lupté et  l'intempérance,  le  ver  qui  ne  meurt  pas  pour  le  cœur  dissi- 
mulé et  méchant,  les  ténèbres  éternelles  pour  l'ignorance  et  la  four- 
berie, les  profondeurs  de  l'abime  pour  l'orgueil,  et  c'est  pour  cela  que 
l'abîme  est  destiné  aux  démons  qui  sont  des  esprits  d'orgueil. 

«  Or,  il  y  avait  là  uu  nombreux  troupeau  de  porcs,  »  etc.  — 
S.  AuG.  {de  l'accord  des  Evang.^  ii,  24.)  Saint  Marc  dit  que  ce  trou- 
peau était  autour  de  la  montagne,  et  saint  Luc,  qu'il  paissait  sur  la 
montagne;  il  n'y  a  ici  aucune  contradiction.  Ce  troupeau  était  si  nom- 
breux, qu'une  partie  pouvait  être  autour  de  la  montagne,  et  l'autre 
partie  se  trouver  sur  la  montagne,  puisqu'il  y  avait  jusqu'à  deux  mille 
pourceaux,  comme  saint  Marc  le  raconte(v).  — S.  Ambr.  Lesdémons  ne 
peuvent  supporter  l'éclat  de  la  lumière  céleste,  de  même  que  ceux  qui 
ont  les  yeux  malades  ne  peuvent  supporter  les  rayons  du  soleil.  — 
S.  Cyr.  C'est  pour  ce  motif  que  cette  légion  d'esprits  immondes  de- 
mande à  être  envoyée  dans  un  troupeau  de  pourceaux  immondes, 
à  cause  de  la  conformité  de  leurs  instincts  :  «  Et  ils  le  prièrent  de  leur 
permettre  d'y  entrer,  et  il  le  leur  permit.  )>  —  S.  Athan.  {vie  de  saint 
Ant.)  Si  les  démons  n'ont  point  de  pouvoir  sur  les  pourceaux,  à  plus 
forte  raison  n'en  ont-ils  aucun  sur  les  hommes  qui  sont  faits  à  l'image 
de  Dieu;  c'est  donc  Dieu  seul  qu'il  faut  craindre  et  n'avoir  que  du 
mépris  pour  eux.  —  S.  Cyr.  Notre- Seigneur  leur  accorda  cette  per- 
mission, afin  que  cet  événement  devînt  pour  nous  une  cause  de  salut 
et  un  motif  d'espérance  ou  de  confiance.  —  Suite.  «  Et  il  le  leur  per- 
mit. »  Considérez  combien  la  méchanceté  des  démons  est  grande,  et 


consonara  pœnara,  gehennam  ignis, 
propter  carnis  iiicendium  ;  siridorem 
dentium,  propter  risum  lascivum  ;  in- 
tolerahilem  sitim,  propter  voluplatem 
et  crapulam  ;  pervifîilem  vormem,  pro- 
pter obliquum  et  malij^çnum  cor;  cali- 
ginein  perpétua  m,  \^vo[)ler  ignorantiam 
l't  fallaciain  ;  lymbuvi  abyssi,  propter 
superbiam  :  unde  dœmonibus  tanquam 
superbis  abyssus  delej^atur. 

Sequitur  :  «  Erat  auteœ  ibi  grex  por- 
conmi,  »  etc.  Aug.  {de  L'on.  Eranrj., 
lib.  II,  cap.  24.)  Quod  Marcusdixit  circa 
montem  fuisse  gregcm  porcorum,  Lu- 
cas auteni  iw  mon/c^  non  répugnât.  Grex 
enim  porcorum  tam  inagnus  fuit  ut 
aliquid  ejus  esset  in  monte,  aliquid  circa 
luontein  :  eranl  enim  duo  niillia  porco- 
rnm,  sicut  Marcus  expressit.    {cap.   5.) 


Ambr.  Dœmones  aulem  cœlestis  lumi- 
niâ  claritalem  sustiuere  non  poterant  : 
ut  qui  oculos  dolent  radios  solis  ferre 
non  possunt.  Cyril,  [ubi  supra.)  Et 
ideo  turba  immundorum  spiritnuni  petit 
mitti  in  conformem  sibi  gregem  immun- 
dorum porcorum.  Sequitur  enim  :  «  Et 
rogaverunt  eum  ut  permitteret  eos  in 
illos  ingredi.  »  Atha.  (m  Vita  Ant.) 
Quod  si  super  poreos  potestatem  non 
liabent,  multo  magis  nullam  liabent  dae- 
mones  contra  boniines  factos  ad  imagi- 
nem  Del  :  oportet  ergo  Deuni  solum 
timere^  contemnere  autem  illos.  Cyril. 
{\ibi  stipra.)  Dominus  autem  concessit 
eis  potestatem  ut  hoc  inter  estera  fiai 
nobis  causa  salutis  et  roboris  spes  (vel 
fiducia  securitatis,  àiTça>.e(aç)  Sequitur: 
«  Et  permisit  illis.  »  Considerare  ergo 


412 


EXPLICATION  nE   t/ÉVANGILE 


le  mal  qu'ils  font  à  ceux  qui  sont  soumis  à  leur  empire  en  les  voyant 
précipiter  et  noyer  dans  la  mer  ce  troupeau  de  pourceaux  :  «  Sortant 
donc  de  cet  homme,  les  démons  entrèrent  dans  les  pourceaux  ;  et  le 
troupeau  prenant  sa  course,  se  précipita  dans  le  lac  par  un  endroit 
escarpé  et  s'y  noya.  »  Jésus-Christ  accéda  à  leur  demande,  pour  faire 
ressortir  toute  leur  cruauté.  Il  fallut  aussi  montrer  que  le  Fils  de  Dieu 
avait  le  gouvernement  de  toutes  clioses_,  aussi  bien  que  le  Père,  et 
qu'il  possédait  une  même  gloire  et  une  puissance  égale. 

TiTE  DE  BosTR.  Cependant  les  gardiens  prennent  la  fuite  dans  la 
crainte  de  périr  avec  leurs  pourceaux  :  «  Ce  qu'ayant  vu,  les  gardiens 
s'enfuirent,  et  en  portèrent  la  nouvelle  dans  la  ville  et  dans  les  vil- 
lages, »  semant  dans  l'âme  de  leurs  habitants  la  crainte  et  l'effroi, 
par  le  récit  de  cet  événement.  La  perte  qu'ils  viennent  d'essuyer  les 
fait  venir  trouver  le  Sauveur  :  «  Plusieurs  sortirent  pour  voir  ce  qui 
était  arrivé,  et  ils  vinrent  à  Jésus.  »  Voyez  comme  en  châtiant  les 
hommes  dans  leurs  biens  temporels.  Dieu  se  rend  le  bienfaiteur  de 
leurs  âmes.  Lorsqu'ils  furent  arrivés ,  ils  trouvèrent  parfaitement 
guéri  celui  que  le  démon  ne  laissait  pas  un  seul  moment  en  repos  : 
a  Et  ils  trouvèrent  assis  à  ses  pieds  l'homme  de  qui  les  démons  étaient 
sortis,  vêtu  et  sain  d'esprit,  lui  qui,  jusque-là,  était  toujours  sans 
vêtement,  car  cet  homme  ne  quittait  pas  les  pieds  de  celui  à  qui  il 
devait  sa  guérison.  A  la  vue  de  cette  guérison  miraculeuse,  ils  furent 
saisis  d'admiration  et  d'étonnement  :  «  Et  ils  furent  remphs  de 
crainte,  »  ajoute  l'Evangéliste,  tant  parce  qu'ils  virent  de  leurs  yeux 
que  parce  qui  leur  était  raconté  :  «  Et  ceux  qui  avaient  vu,  leur  ra- 
contèrent comment  il  avait  été  délivré  de  la  légion.  »  Leur  premier 


oportet  quod  daemones  pravi  sunt,  et 
hostiles  his  qui  eis  sunt  subditi  ;  et  po- 
test  patere  ex  eo  quod  praecipitaverunt 
et  sufîocaverunt  porcos  in  aquis.  Uude 
sequitur  :  «  Exierunt  ergo  daemonia  ab 
homiae,  et  intraverunt  in  porcos,  et 
impetu  abiit  grex  per  praeceps  in  sta- 
gnum,  »  etc.  Et  lioc  concessit  eis  Chri- 
stus  petentibuSjUt  evenlu  appareat  quam 
sint  crudeles.  Erat  etiam  necessarium 
ostendere  Filium  Dei  providentiam  re- 
rum  habere,  non  minus  quam  Pater,  ut 
aequalitatis  décor  in  utroque  appareat. 
TiT.  BosTRENS.  {in  Matth.)  Fugam 
autem  pastores  arripiunt,  ne  cum  porcis 
périrent.  Unde  sequitur  :  «  Quod  ut 
viderunt  factum,  qui  pascebant  fugerunt, 
et  nuntiaverunt  in  civitateset  in  villas,  » 
et  hujusmodi  terrorem  civibus  intule- 
runt.   Duxit  autem  eos  ad   Salvatorem 


damni  nécessitas.  Sequitur  enim  :  «  Exie- 
runt autem  videre  quod  factum  est,  et 
veneruntadJesum.wUbi  considéra  quod 
dum  Deus  homines  punit  in  rébus,  con- 
fert  beneficium  animabus.  Cum  autem 
profecti  essent,  viderunt  sanum  eum 
qui  jugiter  vexabatur.  Sequitur  :  «  Et 
invenerunt  hominem  sedentem  a  quo 
dœmouia  exierant,  vestitum  (qui  antea 
continuo  nudus  erat)  ac  sana  mente  ad 
pedes  ejus  :  »  non  enim  discedit  a  pedi- 
bus  a  quibus  est  nactus  salutem,  et  sic 
agnosceutes  signum,  mirati  sunt  pas- 
sionis  remedium .  et  obstupuerunt  in 
facto.  Sequitur  enim  :  «  Et  timuerunt.  » 
Hoc  autem  partim  visu  comperiunt,  par- 
tim  verbis  audiveraut.  Sequitur  :  «  Nun- 
tiaTerunt  autem  illis  qui  viderant  quo- 
modo  sanus  factus  est  a  legione.  » 
Oportebat  autem  eos  supplicare  Domino 


DE   SAINT    LUC,    CHAP.    VIII. 


413 


sentiment  devait  être  de  supplier  le  Seigneur  de  ne  point  s'éloigner, 
mais  de  garder  leur  pays  contre  les  nouvelles  attaques  du  démon,  mais 
non,  la  crainte  leur  fait  sacrifier  leur  propre  salut,  et  ils  prient  le 
Sauveur  de  s'éloigner  d'eux. 

«  Alors  tous  les  habitants  du  pays  de  Gérasa  le  prièrent  de  s'éloi- 
gner d'eux,  parce  qu'ils  étaient  saisis  d'une  grande  frayeur.  »  — 
Théophyl.  Ils  craignaient  d'être  encore  exposés  à  de  nouveaux  dom- 
mages, comme  celui  qu'ils  venaient  de  souffrir  par  la  perte  des  pour- 
ceaux. —  S.  Chrys.  (Iiom.  29  sur  S.  Matth.)  Admirez  la  mansuétude 
de  Jésus-Christ,  après  de  si  grands  bienfaits,  on  le  renvoie,  il  ne  ré- 
siste point,  il  se  retire  et  abandonne  ceux  qui  se  déclarent  ainsi  in- 
dignes de  recevoir  sa  doctrine. 

«  Il  monta  donc  dans  la  barque  pour  s'en  retourner.  »  —  Tite  de 
BosTR.  [sur  S.  Matth.)  Le  Sauveur  s'éloigne,  mais  celui  qu'il  venait 
de  délivrer  ne  veut  pas  le  quitter  :  «  Et  l'homme  de  qui  les  démons 
étaient  sortis,  le  priait  de  l'admettre  à  sa  suite.  »  —  Théophyl.  Une 
triste  expérience  lui  faisait  craindre  de  retomber  au  pouvoir  des  dé- 
mous, s'il  s'éloignait  de  Jésus.  Mais  Notre-Seigneur  lui  fait  comprendre 
que,  sans  demeurer  avec  lui,  il  pouvait  le  protéger  par  sa  puissance  : 
«  Jésus  le  renvoya,  en  disant  :  Retournez  en  votre  maison,  et  racontez 
les  grandes  choses  que  Dieu  a  faites  pour  vous.  »  Il  ne  dit  point  :  Que 
j'ai  faites  pour  vous,  et  il  nous  donne  en  cela  cet  exemple  d'humi- 
lité, de  rapporter  à  Dieu  tout  le  mérite  de  nos  bonnes  actions.  —  Tite 
DE  BosTR.  [sur  S.  Matth.)  Il  ne  se  met  pas  toutefois  en  contradiction 
avec  la  vérité  en  parlant  de  la  sorte,  car  tout  ce  que  fait  le  Fils,  le 
Père  le  fait  avec  lui.  Mais  pourquoi  Jésus  qui,  toujours  défendait  à 


ue  inde  recederet,  sed  custos  esset  re- 
gionis,  ne  dsemones  haberent  accessuru 
ad  eos  ;  sed  praî  timoré  propriam  salu- 
lem  amiserunt  rogantes  Salvatorein  re- 
cedcre. 

Sequitur  :  «  Et  rogaverunt  illum  oin 
uis  uiullitudo  regionis  Gerazeuoruiu,  ut 
discederet  al)  ipsis,  quia  timoré  magno 
lenebantur.  »  Théophyl. Timebautenim 
ne  iterum  daninum  aliquod  patereiitur, 
sicut  passi  t'uerant  ia  submersionc  por- 
corum.  Chrys,  [hom.  29,  in  Mollh.) 
Atlcndas  autem  Cbristi  buuiililatem  : 
postquam  eiiim  collatis  a  se  talibus  be- 
neficiis  emitlebant  eum,  non  obstat , 
sed  discedit  :  eos  qui  seipsos  indignos 
sua  doctrina  prouiulgaverant  (sive  os- 
leiideraut)  relinquens. 

Sequitur  :    «    Ipse  autem  ascendens 
uavim,  reversus  est.  »  Titus  Bostrens. 


(in  Matth.)  Sed  eo  discedente,  ille  qui 
passus  fuerat,  a  Salvatore  non  discedit. 
Sequitur  euim  :  «  Et  rogabat  illum  a 
quo  daîmouia  exierant,  ut  cum  eo  esset.  » 
Tueophylact.  Nam  sicut  expertus  time- 
bat  ue  forte  elongatus  a  Jesu  rursus 
dcemouibus  esset  paratus.  Dominus  au- 
tem oâtendit  ei  quod  quamvis  non  sit 
cum  eo  praiseutialiter,  tamen  potest  eum 
gratia  sua  protegere.  Sequitur  enim  : 
«  Dimisit  autem  eum  Jésus  ,  dicens  : 
Redi  in  dumum  tuam,  et  narra  quanta 
tibi  Icclt  Deus.  »  Non  autem  dixit  : 
«  Quanta  tibi  feci  ego;»  formam  prœ- 
bens  liumililatis,  ut  rectitudines  nostras 
referamus  in  Deum.  Titus  Bostrens. 
{in  Maith.)  Nec  tamen  pr;evaricatur  in 
legem  veritatis  :  quicquid  cuim  Fillus 
operalur,  Pater  operatur.  Cur  autem 
ijuiubique  omnesliberatosmonebat  nulli 


AU 


EXPLICATION   DE  L  EVANGILE 


ceux  qu'il  guérissait  de  leurs  infirmités,  d'en  parler  à  personne,  dit  à 
cet  homme  qu'il  venait  de  délivrer  d'une  légion  de  démons  :  «  Ra- 
contez les  grandes  choses  que  Dieu  a  faites  pour  vous?  »  Parce 
que  ce  peuple  était  plongé  dans  l'ignorance  de  Dieu  et  livré  tout 
entier  au  culte  des  démons;  ou  hien,  si  l'on  veut  une  explication  plus 
vraie,  lorsqu'il  rapporte  un  miracle  à  son  Père,  il  commande  de  le 
publier;  lorsqu'il  s'agit  personnellement  de  lui-même,  il  défend  d'en 
parler  à  qui  que  ce  soit.  Mais  cet  homme  qu'il  venait  d'arracher  à  la 
tyrannie  des  démons,  savait  que  Jésus  était  Dieu,  c'est  pourquoi  il 
s'empresse  de  publier  la  grâce  extraordinaire  qui  venait  de  lui  être 
faite  :  «  Et  il  s'en  alla,  publiant  par  toute  la  ville  les  grandes  choses 
que  Jésus  lui  avait  faites.  »  —  S.  Ghrys.  [hom.  29  su?'  S.  Matth.) 
C'est  ainsi  que  Notre-Seigneur  abandonne  ceux  qui  se  sont  déclarés 
indignes  de  ses  divins  enseignements,  en  leur  laissant  pour  maître 
celui  qu'il  venait  de  délivrer  de  la  servitude  des  démons. 

BEDE.  Dans  le  sens  mystique,  Gérasa  représente  les  Gentils,  que  le 
Seigneur  a  visités  par  ses  prédicateurs,  après  sa  mort  et  sa  résurrec- 
tion. En  effet,  Gérasa_,  ou  Gergésa  (comme  lisent  plusieurs),  signifie, 
qui  chasse  l'habitant,  c'est-à-dire,  le  démon  qui  l'habitait  auparavant, 
ou  encore,  atTivée  de  l'étranger,  qui  s'en  trouvait  éloigné. 

S.  Ambr.  Le  nombre  de  ceux  qui  furent  guéris  dans  cette  circons- 
tance par  Jésus-Christ,  est  diff'érent  dans  saint  Luc  et  dans  saint  Mat- 
thieu, mais  le  sens  mystérieux  de  ce  miracle  est  le  même,  car  cet 
homme  qui  était  possédé  est,  dans  saint  Luc,  la  figure  du  peuple  des 
Gentils,  comme  les  deux  possédés  dont  parle  saint  Matthieu,  le  sont 
également.  En  effet,  Noé  ayant  eu  trois  fils,  Sem,  Cham  et  Japhet,  la 
postérité  de  Sem  eut  seul  le  privilège  d'être  le  peuple  de  Dieu,  et  les 


dicere,  huic  liberato  a  leglone  d  icit  :  «  Nar- 
ra quanta  tibi  fecit  Deus  "?  »  Quia  scili- 
cet  tota  regio  illa  Deum  ignorabat  irre- 
tita  cultibus  dœmonuui.  Vel  verius^ 
quando  quidem  ad  Patrem  retorquet  mi- 
raculum,  dicit,  narra  ;  cum  vero  loqui- 
tur  de  seipso ,  mouet  nuUi  dicere.  Ilie 
autemqui  liberatus  est  a  dœttioQibus,no- 
veralZ>eww  esse  Jesiim  ;  et  ideo  prœdiea- 
vit  quanta  fecit  illi  Jésus.  Sequitur  enim  : 
«  Et  abiit  per  universam  civitatem  ,  » 
etc.  Chrys.  {hom.  29,  in  Matth.)  Et  sic 
illos  qui  se  indignos  sua  doctrina  pro- 
mulgaverant,  derelinqueus ,  statuit  eis 
eum  in  magistrum  qui  fuerat  a  dsemo- 
nibus  liberatus. 
Bed.  Mystice  autem  Gerasa  signiticat 


nationes  gentium  ,  quas  post  passionem 
et  resurrectiouein  suam  Dominus  per 
prsedicatores  visitavit.  Unde  Gerasa,  vel 
Gergesa  (ut  quidam  legunt)  interpreta- 
tur  colonum  ejiciens,  id  est,  diabolum, 
a  quo  prius  incolebatur;  vel  advena 
propinquans.  qui  prius  longe  erat. 

Ambr.  Licet  autem  discordet  nume- 
rus  curatorum  a  Christo  secundum  Lu- 
cam  et  Matthoeum ,  tamen  concordat 
mysterium.  Ut  enim  iste  qui  babebat 
dœuiouium  .  populi  gentilis  est  figura, 
duo  quoque  illi  similiter  figuram  populi 
gentilis  accipiuut;  quoniam  cum  très 
filios  Noe  generaverit,  Sem,  Cham  et 
Japliet ,  Sem  tautummodo  familia  in 
possessionem  accita  est  Dei,  et  ex  duo- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    VIII. 


415 


deux  autres  furent  la  souche  de  tous  les  autres  peuples.  Cet  homme 
était  depuis  longtemps  possédé  du  démon,  parce  que  depuis  le  déluge, 
ces  peuples  étaient  sous  la  domination  de  l'esprit  mauvais.  Il  était  nu, 
c'est-à-dire,  qu'il  avait  perdu  les  vertus  qui  servaient  de  vêtement  et 
à  la  fois  d'ornement  à  sa  nature.  —  S.  Aug,  {Quest.  évang.,  i,  14.) 
Il  n'habitait  point  de  maison,  c'est-à-dire,  qu'il  ne  se  reposait  pas 
dans  sa  conscience;  il  demeurait  dans  les  tombeaux,  parce  qu'il  se 
plaisait  dans  les  œuvres  mortes,  c'est-à-dire,  dans  les  péchés.  — 
S.  Ambr.  Ou  bien  encore,  que  sont  les  corps  des  infidèles,  sinon  des 
espèces  de  tombeaux  dans  lesquels  la  parole  de  Dieu  ne  peut  ha- 
biter? 

S.  Aug,  [Quest.  évang.^  w,  13.)  Les  entraves  et  les  chaînes  de  fer 
qui  liaient  ses  membres,  représentent  les  lois  sévères  et  accablantes 
qui  réprimaient  les  crimes  dans  les  gouvernements  des  infidèles.  Cet 
homme  ayant  brisé  ses  chaînes,  était  entraîné  par  le  démon  dans  le 
désert,  c'est-à-dire  que,  lorsqu'on  a  transgressé  ces  lois,  la  passion 
conduit  à  des  forfaits  qui  dépassent  la  mesure  des  crimes  ordinaires. 
Il  était  possédé  d'une  légion  de  démons,  et  figurait  les  nations  esclaves 
elles-mêmes  d'une  multitude  de  démons.  Le  Sauveur  permet  à  ces 
esprits  mauvais  d'entrer  dans  des  pourceaux  qui  paissaient  sur  les 
montagnes,  et  qui  sont  la  figure  de  ces  hommes  à  la  fois  immondes  et 
superbes  que  le  culte  impur  des  idoles  place  sous  la  tyrannie  des  dé- 
mons. —  S.  Ambr.  Les  pourceaux  sont  ces  hommes  qui,  semblables  à 
ces  animaux  immondes,  et  privés  de  la  parole  et  de  la  raison,  souillent 
l'éclat  et  la  beauté  des  vertus  naturelles  par  l'infamie  de  leurs  mœurs. 
—  S.  Aug.  {Quest.  évang.)  Ils  sont  précipités  dans  la  mer,  c'est-à-dipe. 


bus  illis  diversaruni  nationum  populi 
puUularunt;  qui  multis,  inquit,  tempo- 
ribus  habebat  dsemoniuui,  utpote,  qui  a 
diluvio  usque  ad  adventum  Domini 
vexabatur.  Nudus  aulem  erat,  qnia  tegu- 
mentum  uatunu  suîb  et  virtutis  amiëit. 
AiG.  [de  Quœst.  Evanrj.,  lib.  i  ,  quajst. 
14.)  In  domo  non  habilabat  :  hoc  est, 
in  eonscientia  sua  non  requiescebat  ;  in 
inonumentis  manebat,  quia  in  mortiiis 
operibus  (hoc  est,  peccatis)  deiectabatur. 
Ambr.  Vel  quid  sunt  corporaperfidoruni, 
nisi  qu.-edam  sepulcra  in  quibus  De! 
verba  non  habitant? 

Aug.  [de  Quœst.  Econr/,,  bb.  n, 
qutt'st.  13.)  Quod  autem  conipedibus 
ferreis  et  catenislifrabatur,.  significat  gra- 
ves et  duras  leges  gentium,  quibus 
etiam  in  eoruna  republica  peccata  cohi- 


bentur;  quod  autem  vinculis  tahbus  di- 
ruptis  agebatur  a  daemonibus  in  deser- 
tum,  significat  quod  etiam  ipsis  trans- 
gressis  legibus  ad  ea  scelera  cupiditate 
ducebatur,  quîE  jara  vulgarem  cousue- 
tudinem  excédèrent.  Quod  vero  in  eo 
legio  dœmonum  erat  ,  significatae  sunt 
geutes  ,  quai  multis  daemonibus  servie- 
Ijant;  quod  in  porcos  pascentes  in  mon- 
tibus  da'monia  ire  concessa  sunt,  signi- 
fi(;at  etiam  immundos  et  superbos  bo- 
mines  ,  quibus  dajmonia  dominantur 
propler  idohjrum  cultus.  Amuu.  Porci 
enim  lii  sunt  qui  immundorum  usu 
animalium  vocis  et  rationis  experles, 
iutulentis  vitte  suœ  aetibus  naturalium 
(^oinquinaverunt  ornamenta  virtutum. 
Aug.  [de  Quœst.  Evanrj.,  vin  supra.) 
Quid  autem  in  staguum  prajcipilati  sunt, 


416 


KXPLICATION    DE   L  EVANGILK 


que  lorsque  l'Eglise  est  enj&n  glorifiée  et  le  peuple  des  Gentils  délivré 
de  la  domination  des  démons,  ceux  qui  n'ont  pas  voulu  croire  à 
Jésus-Christ,  précipités  dans  les  abîmes  par  leur  curiosité  aveugle  et 
démesurée,  sont  condamnés  à  célébrer  dans  des  retraites  cachées  leurs 
rites  sacrilèges. 

S.  Ambr.  Les  pourceaux  sont  précipités  avec  impétuosité  dans  la 
mer,  parce  que  ces  hommes  ne  sont  retenus  par  la  considération 
d'aucune  vertu,  mais  sont  entraînés  dans  la  profondeur  des  abîmes 
sur  le  penchant  rapide  de  la  corruption,  et  vont  perdre  la  respira- 
tion et  la  vie  au  milieu  des  flots  de  ce  monde.  \l  est  impossible,  en 
efi"et,  à  ceux  qui  sont  le  jouet  des  flots  agités  de  la  volupté,  de  pouvoir 
conserver  la  respiration  et  la  vie  de  l'àme.  Nous  voyons  par  là  que 
l'homme  est  lui-même  l'auteur  de  son  malheur,  car  s'il  ne  vivait  pas 
de  la  vie  des  animaux  immondes,  jamais  le  démon  n'eût  reçu  de  pou- 
voir sur  lui_,  ou  bien  ce  n'eût  été  que  pour  l'éprouver  et  non  pour  le 
perdre.  On  peut  dire  aussi  que  le  démon,  dans  l'impuissance  où  il  est 
de  s'attaquer  aux  bons  depuis  la  venue  du  Sauveur,  ne  cherche  plus  à 
perdre  tous  les  hommes,  mais  seulement  les  âmes  légères  et  incons- 
tantes, de  même  qu'un  voleur  n'attaque  pas  ceux  qui  sont  armés, 
mais  ceux  qu'il  voit  sans  défense.  Les  gardiens  des  troupeaux,  témoins 
de  cet  événement,  s'enfuirent.  En  effet,  ce  ne  sont  ni  les  maîtres  delà 
philosophie,  ni  les  chefs  de  la  synagogue,  qui  peuvent  donner  des 
remèdes  efficaces  aux  peuples  atteints  de  maladies  mortelles,  Jésus- 
Christ  est  le  seul  qui  peut  les  délivrer  de  leurs  péchés.  —  S.  Aug. 
{Quest.  évang.^  ii,  1-4.)  Ou  bien  encore,  ces  gardiens  de  pourceaux  qui 
s'enfuirent,  représentent  les  chefs  des  impies  qui  ne  veulent  point 
observer  la  loi  chrétienne,  mais  qui,  néanmoins,  sont  remplis  d'ad- 


significat  quod  jam  clarificata  est  Eccle- 
sia,  et  liberato  populo  geutium  a  doini- 
natione  dcemoniorum ,  in  abditis  agimt 
sacrilegos  ritus  suos  qui  Cbristo  credere 
nolueruntj  caeca  et  profunda  curiositate 
submersi. 

Ambr.  Impetu  autem  ferunlur  in  prte- 
ceps  quoniaiu  nullius  meriti  contempla- 
tione  revocantur  ;  sed  tauquam  de  supe- 
rioribus  ad  iuferiora  per  iuiprobitatis 
procUve  detrusi,  iuter  flueuta  muudi 
liujus  intereluso  pereunt  spiritus  com- 
meatu.  Neque  eniiu  in  bis  qui  fluido 
œstu  voluptatis  hue  atque  illuc  feruntur^ 
ulUus  spiritus  potest  esse  vitale  com- 
mercium.  Videmus  igitur  quia  bomo 
ipse  suœ  est  auctor  œrumuee  :  uam  uisi 
quis  porci  more  vixisset,  nunquam  acce- 


pisset  in  eum  diabolus  potestatem;  aiit 
accepisset,  non  ut  perderet,  sed  ut  proba- 
ret  :  et  fortasse  diabolus,  quia  post  Domini 
adventum  bonos  jam  deprœdari  non 
poterat,  non  omnium  bomiuum ,  sed 
levium  quairit  interitum  ;  ut  latro  non 
armatis  insidiatur,  sed  inermibus.  Vide- 
runt  hoc  magistri  gregum  et  fugerunt. 
Neque  enim,  vel  pbilosophise  professo- 
res,  vel  principes  synagoste ,  pereunli- 
bus  populis  possunt  afferre  medicinam  : 
soins  est  Cbristus  qui  aufert  peccata  po- 
pulorum.  .\UG.  {de  Quœst.  Evcincj.,  lib. 
11^  qu.  14.)  Vel  quod  porcorum  pastores 
fugientes  ista  nuntiaverunt ,  significat 
quosdam  primates  impiorum,  quanquam 
cliristiauam  legem  fugientes,  poteutiam 
tamen  ejus  per  geates  stupendo  et  mi- 


DE  SAINT  LUC,   CHAP.    VIII.  -417 

miration  pour  elle,  et  ne  peuvent  s'empêcher  de  publier  parmi  les 
infidèles  son  étonnante  puissance.  Les  Géraséniens  qui,  en  apprenant 
ce  qui  s'est  passé_,  prient  Jésus  de  s'éloiguer,  figurent  cette  multitude 
d'hommes  qui,  séduits  et  retenus  par  les  plaisirs  dans  lesquels  s'est 
écoulée  toute  leur  vie,  honorent  la  religion  chrétienne,  mais  ne 
veulent  point  embrasser  ses  prescriptions,  sous  le  prétexte  qu'ils  ne  pour- 
raient les  accomphr  ;  ils  ne  laissent  pas  toutefois  d'admirer  le  peuple 
fidèle  qu'ils  voient  guéri  de  l'état  désespéré  où  ses  crimes  l'avaient 
réduit.  —  S.  Ambr.  Ou  bien  encore,  la  ville  des  Géraséniens  est  la 
figure  de  la  synagogue,  ses  habitants  supplient  le  Seigneur  de  s'éloi- 
gner, parce  qu'ils  sont  saisis  d'épouvante,  car  l'âme  qui  est  encore 
faible  n'est  point  capable  d'entendre  la  parole  de  Dieu,  et  ne  peut  sup- 
porter le  poids  de  la  sagesse.  Aussi  le  Sauveur  ne  veut  point  leur  être 
plus  longtemps  importun,  il  quitte  ces  lieux  peu  élevés  pour  gagner 
les  hauteurs,  c'est-à-dire,  qu'il  se  rend  de  la  synagogue  à  l'Eglise.  Il 
traverse  de  nouveau  le  lac,  car  personne  ne  peut  passer  de  l'Eglise  à 
la  synagogue,  sans  danger  pour  son  salut.  Pour  celui  qui  veut  accom- 
plir ce  passage,  qu'il  porte  sa  croix  s'il  veut  éviter  tout  danger.  — 
S.  AuG.  {Quest.  évang.)  Cet  homme  que  Jésus  vient  de  guérir,  veut 
rester  avec  lui,  et  le  Sauveur  s'y  oppose  ;  «  Retournez  en  votre  mai- 
son, lui  dit-il,  et  racontez  les  grandes  choses  que  Dieu  a  faites  pour 
vous.  Apprenons  de  là,  qu'après  avoir  obtenu  la  rémission  de  nos  pé- 
chés, nous  devons  rentrer  dans  notre  bonne  conscience  comme  dans 
une  demeure  assurée,  et  chercher  à  étendre  l'Evangile  pour  le  salut 
des  autres,  si  nous  voulons  un  jour  nous  reposer  avec  Jésus-Christ; 
car  en  désirant  être  réuni  à  Jésus-Christ  avant  le  temps  marqué ,  on 
s'expose  à  négliger  le  ministère  de  la  prédication,  qui  a  pour  objet  le 
salut  de  nos  frères. 


ruudo  prfEdicare  ;  quod  autem  Geraseni 
cogaoscenteâ  quod  factum  est,  rogant 
Jesiim,  ut  ab  eis  discederet,  magno  ti- 
moré jjereulsi ,  significat  uiultitudinem 
vetusta  suavitate  delectatam ,  bonorare 
quidem ,  sed  uolle  pâli  cbristianam  le- 
geui,  dura  dicunt  quod  eam  impiere  non 
possiat;  admirantes  tamen  fidelem  po- 
pulum  a  pristina  perdita  conversatiouo 
sanatum.  Ambu.  Vel  in  Gerazeuorum 
civitate  species  syuagogee  vidctur  exiâ- 
tere  ,  qui  rogabant  ut  discederet ,  quia 
timoré  magno  teuebautur  :  infirma  euim 
meus  non  capit  Dei  verbuni  :  nec  polest 
pondus  sustinere  sapieulia;.  Kt  ideo  diu- 
tius  molestus  non  fuit,  sed  asceudit  ab 
inferioribus  ad  superiora,  a  synagoga 
scilicet  ad  Ecclesiam;    et  régressas    est 

TOM.    V. 


per  stagnum  :  nemo  enim  de  Ecclesia  ad 
syuagogam  sine  periculo  transit  salutis  : 
sed  ille  qui  de  synagoga  ad  Ecclesiam 
transire  desiderat,  crucem  suam  tollat, 
ut  discrimen  évadât.  Alg.  {de  Quœst. 
Kvamj.,  lit  sup.)  Quod  autem  ille  sana- 
tus  cupit  jam  esse  cum  Cbristo  ,  et  dici- 
tur  ei  :  «  Redi  in  domum  tuam,  et  narra 
quanta  tibi  fecit  Deus,»  sic  intelligitur, 
ut  sic  quisque  inteUigat  post  remissio- 
uem  peccatorum  redeundum  sibi  in 
conscieutiam  bonam  sicut  in  domum, 
et  serviendum  Evangelio,  proptcr  alio- 
rum  salutem;  ut  deinde  cum  Cbristo 
requiescat,  ne  cum  prtepropere  vult  esse 
cum  Cbristo,  uegligat  miuisterium  prœ- 
dicationis,  fraternae  redemptioui  accom- 
modatum. 

27 


418 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


f.  43-48.  —  Lorsque  Jésus  fut  de  retour,  le  peuple  l' accueillit  avec  joie,  car  tous  " 
l'attendaient.  Et  voilà  qu'un  homme  nommé  Jaîre,  qui  était  chef  de  la  syna- 
gogue, vint  se  jeter  aux  pieds  de  Jésus,  le  priant  d'entrer  dans  sa  maison  ; 
parce  qu'il  avait  une  fille  unique  d'environ  douze  ans,  qui  se  mourait.  Comme 
Jésus  s'en  allait  avec  lui,  et  qu'il  était  pressé  par  la  foule,  une  femme  malade 
d'une  perte  de  sang  depuis  douze  ans,  et  qui  avait  dépensé  tout  son  bien  à  se 
faire  traiter  par  les  médecins,  sans  qu'aucun  d'eux  eût  pu  la  guérir,  s'approcha 
de  lui  par  derrière  et  toucha  la  frange  de  son  vêtement.  Aussitôt  sa  perte  de 
sang  s'arrêta.  Et  Jésus  dit  :  Qui  est-ce  qui  m'a  touché?  Tous  s'en  défendant, 
Pierre  et  ceux  qui  étaient  avec  lui  dirent  ;  Maître,  la  foule  vous  presse  et 
vous  accable,  et  vous  demandez  :  Qui  m'a  touché?  Mais  Jésus  répartit  :  Quel- 
qu'un m'a  touché,  car  j'ai  senti  qu'une  vertu  était  sortie  de  moi.  Cette  femme, 
se  voyant  découverte,  vint  toute  tremblante,  et,  se  jetant  à  ses  pieds,  elle 
déclara  devant  tout  le  peuple  pourquoi  elle  l'avait  touché,  et  comment  elle 
avait  été  guérie  en  un  instant.  Et  Jésus  lui  dit  :  Ma  fille,  votre  foi  vous  a 
guérie  :  allez  en  paix. 

S.  AuG.  {de  l'accord  des  Evang.,  ii,  28.)  Après  avoir  raconté  le 
miracle  opéré  chez  les  Géraséniens ,  l'Evangéliste  passe  à  la  résur- 
rection de  la  fille  du  chef  de  la  synagogue  :  «  Jésus  étant  revenu  ,  le 
peuple  le  reçut  avec  joie ,  parce  qu'il  était  attendu  de  tous.  »  — 
Théophyl.  Tls  l'attendaient  pour  entendre  sa  doctrine  et  pour  être  té- 
moins de  ses  miracles.  —  S.  Aug.  {de  l'ace,  des  Evang.)  Le  fait  que 
saint  Luc  rapporte  en  cet  endroit  :  «  Un  homme  ,  appelé  Jaïre,  »  etc., 
n'arriva  point  aussitôt  après  celui  qu'il  vient  de  raconter.  Il  faut  placer 
auparavant  le  repas  des  publicains  dont  parle  saint  INIatthieu,  et 
auquel  il  fait  succéder  si  étroitement  (1*)  ce  miracle  de  la  résurrec- 

(l*)  «  Comme  il  leur  parlait  ainsi  (à  ceux  qui  se  scandalisaient  de  le  voir  manger  avec  des  publi- 
cains), un  chef  de  la  synagogue  s'approcha,  »  etc.  [Matth.,  ix,  IS.) 


Factum  est  autem  cum  rediisset  Jésus,  excepit 
illum  turba.  Erant  autem  omnes  expectantes 
eum.  Et  ecce  venit  vir  cui  nomen  Jairus ,  et 
ipse  princeps  synagogœ  erat,  et  cecidit  ad  pe- 
des  Jesu,  rogans  eum  ut  intraret  in  domum 
ejiis,  quia  unica  filia  erat  et  fere  annorum 
duodecim,  et  hœc  moriebatur.  Et  contigit  diim 
iret,  a  titrbis  comprimebatur.  Et  mulier  quœ- 
dam  erat  in  fluxu  sanguinis  ab  annis  duode- 
cim, quœ  in  medicos  erogaverat  omnem  sub- 
stanliam  suam,  nec  ab  ullo  potuit  ciirari. 
Accessit  rétro,  et  teiigit  fimbriam  vestimenti 
ejus;  et  corifeslim  stetit  fluxiis  sanguinis  ejus. 
Et  ait  Jésus  :  Quis  est  qui  me  tetigit  ?  Negan- 
tibus  autem  omnibus,  dixit  Petrus,  et  qui  cum 
illo  erant  :  Prœceptor,  turbœ  te  comprimunt 
et  affligunt,  et  dicis  :  Quis  me  tetigit  ?  Et  dixit 
Jésus  :  Tetigit  me  aliquis  :  nam  et  ego  novi 
virtutem  de  me  exisse.  Videns  autem  mulier 
quia  non  latuif,  tremens  venit  et  procidit  ante 


pedes  ejus;  et  ob  quam  causam  tetigerit  eum, 
indicavit  coram  omni  populo,  et  quemadmo- 
dum  confestim  sanata  sit.  At  ipse  dixit  ei  : 
Filia ,  fides  tua  te  salvam,  fecit  :  vade  in  pace, 

AuG.  (le  Co7is.  Evang.,  lib.  ii,  cap. 
28.)  Post  narratum  apud  Gerasenos  mi- 
raculiim  ,  transit  ad  narrandum  de  ar- 
chisynagogi  filia  dicens  :  «  Factum  est 
autem  cum  rediisset ,  excepit  illum 
turba  :  nam  omnes  eum  expectabant.  » 
THEOPnYLACT.  Simul  quidem  propter 
doctriuam  et  propter  miracula.AuG.  {de 
Cous.  Evang.,  ubi  sup.)  Quod  vero 
adjungit  :  «  Et  ecce  vir  cui  nomen 
Jairus,  »  non  continue  factum  accipien- 
dum  est,  sed  prius  illud  de  convivio 
publicanorum  ,  sicut  narrât  Mattbœus  ; 
cui  rei  sic  conjungit  hoc,  ut  non  possit 


DE  SAINT   LUC,   CHAP.    VIII.  419 

tion  de  la  fille  de  Jaïre ,  qu'aucun  autre  ne  peut  être  placé  entre  les 
deux.  —  TiTE  DE  BosT.  L'Evangéliste  donne  le  nom  de  ce  chef  de  la 
synagogue ,  à  cause  des  Juifs  qui  connurent  alors  cet  événement , 
et  pour  rendre  plus  évidente  la  preuve  du  miracle.  Ce  n'est  point 
un  des  derniers  du  peuple ,  mais  un  chef  de  synagogue  qui  vient 
trouver  Jésus  pour  mieux  confondre  les  Juifs  et  leur  ôter  toute 
excuse  :  «  Il  était  chef  de  la  synagogue.  »  Il  vint  trouver  Jésus,  parce 
qu'il  y  était  comme  forcé  par  la  nécessité  ;  car  quelquefois  c'est  la 
douleur  qui  nous  porte  au  bien,  selon  cette  parole  du  Psalmiste  : 
«  Resserrez  avec  le  mors  et  le  frein  la  bouche  de  ceux  qui  ne  veulent 
point  s'approcher  de  vous.  »  —  Théophyl.  Il  vient  donc,  sous  l'im- 
pulsion de  la  douleur  qu'il  éprouve ,  se  jeter  aux  pieds  de  Jésus.  Il 
aurait  dû ,  sans  y  être  contraint  par  la  nécessité,  se  prosterner  à  ses 
pieds,  et  reconnaître  sa  divinité.  — S.  Chrys.  {hom.  32  sur  S.  Matth., 
et  TiTE  DE  BosT.)  Voyez  quelle  est  encore  son  ignorance,  il  demande 
à  Jésus-Christ  de  venir  chez  lui  :  «  II  le  suppliait  de  venir  dans  sa 
maison,  »  c^est-à-dire  qu'il  ignorait  que  Jésus  put  guérir  sa  fille  sans 
être  extérieurement  présent  ;  car  s'il  l'avait  su,  il  eût  dit  à  Jésus  comme 
le  centurion  :  «  Dites  seulement  une  parole ,  et  ma  fille  sera  guérie.  » 
{Matth.^  Yiii.)  —  A6TÉRIU3.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  L'Evangéliste  nous  fait 
connaître  la  cause  de  sa  démarche  :  «  Il  avait  une  fille  unique  ,  l'es- 
pérance de  sa  maison  et  de  la  perpétuité  de  sa  race;  elle  avait  environ 
douze  ans,  c'est-à-dire  à  la  fleur  de  l'âge  ;  elle  se  mourait,  et  au  lieu 
du  lit  nuptial ,  elle  allait  être  portée  au  tombeau.  »  —  S.  Chrys. 
[Ch.  des  Pèr.  gr.)  Or,  le  Seigneur  n'était  pas  venu  sur  la  terre  pour 
juger  le  monde,  mais  pour  le  sauver,  il  n'a  donc  point  égard  à  la  di- 


.iliud  factum  consequenter  intelligi. 
Titus  Bostrens.  {in  Mutth.)  Est  autem 
positum  nomen,  Judaiorum  causa,  qui 
tanc  uoverunt  quod  accidit ,  ut  nomen 
demonstratio  miraculi  fiat.  Accessit  au- 
tem non  aliqnis  infirmorum  ,  sed  prin- 
ceps  synagogte,  ut  magis  oliturarenlur 
.ludœoruQi  ora  :  unde  sequitur  :  «  Et 
ipse  princeps  synagogœ  erat;)»  accessit 
autem  ad  Christum  causa  necessitatis. 
L'rget  enim  aliquando  dolor  ad  agen- 
dum  ea  quae  décent;  secunduui  ilium 
l)salm.  31  :  «lu  came  et  freno  maxilLis 
forum  constringe,  qui  non  approximant 
ad  te.  »  Theophylact.  Unde  uecossitalc 
instante,  cecidit  ad  pedes  ejus.  Sequilur 
enim  :  «  Et  cecidit  ad  pedes  Jesu  :  »  de- 
cebat  autem  ut  absque  necessitate  co- 
pente  caderet  ad  pedes  ejus,  et  cognos- 
ceret  Ipsum  Deuui  csso.  Cnrivs.   (hom. 


32,  in  Matlh.,  et  Titus  in  Cat.  Grœcor.) 
Sed  considéra  ejus  inertiam  :  quaerit 
enim  a  Cbristo  ut  in  domum  veniat  : 
sequitur  enim  :  «  Rogans  eum  ut  iutra- 
ret  in  domum  ejus  :  »  ignorans  scilicet 
quod  absens  poterat  liberare  :  nam  si 
scivisset,  dixisset  sicut  cenlurio  [Mattli. 
8)  :  Die  verbo  ,  et  curabltur  filia  mea. 
Gr^ec.  (vel  Asterius  in  Cat.  Grœcorum.) 
Causa  autem  adventus  ejus  ponitur,  cum 
subditur  :  «  Quia  unica  filia  erat  illi  ;  » 
domus  fuudamentum ,  successio  gene- 
ris  ;  «  ferc  annorum  12,  »  in  ipso  scilicet 
flore  œtatis  ;  «  et  bœc  morlebatur ,  » 
pro  thalamis  efferenda  ad  tuuiuluni. 
Chrys.  {mm  Tito  in  Cat.  Grœconim, 
Patrum.)  Advenerat  autem  Dominus, 
non  ut  judicaret  muudum,  sed  ut  salva- 
ret,  quapropter  non  examinât  dignitatem 
petentis,  sed  tequanimiter  arripit  opus, 


420  EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 

gnité  de  celui  qui  l'implore ,  mais  il  poursuit  tranquillement  son 
œuvre ,  sachant  bien  qu'il  allait  opérer  un  miracle  plus  grand  que 
celui  qu'on  lui  demandait.  En  effet,  on  l'appelait  pour  guérir  une 
jeune  fille  malade,  mais  il  savait  qu'il  allait  la  ressusciter  après  sa 
mort,  et  inspirer  ainsi  aux  hommes  l'espérance  certaine  de  la  résur- 
rection. 

S.  A-MBR.  Avant  de  ressusciter  cette  jeune  fille ,  il  guérit  l'hémor- 
rhoïsse  pour  exciter  la  foi  du  chef  de  la  synagogue  ;  c'est  ainsi  que 
nous  célébrons  la  résurrection  temporelle  dans  la  passion  du  Sauveur, 
pour  affermir  notre  foi  à  la  résurrection  éternelle  :  «  Comme  Jésus 
s'en  allait  avec  lui ,  et  qu'il  était  pressé  par  la  foule.  »  —  S.  Cyr. 
Preuve  évidente  qu'il  avait  pris  une  chair  véritable ,  et  qu'il  foulait 
aux  pieds  tout  sentiment  d'orgueil  ;  car  la  foule  ne  le  suivait  pas  à 
distance,  mais  l'entourait  et  le  pressait. 

AsTÉRius.  Or,  une  femme  atteinte  d'une  grave  maladie,  dont  l'in- 
firmité avait  épuisé  les  forces  corporelles ,  et  les  médecins  la  fortune, 
n'a  plus  d'autre  espérance  dans  une  si  grande  extrémité,  que  de  venir 
se  jeter  aux  pieds  du  Seigneur  :  «  Et  une  femme  malade  d'une  perte 
de  sang  depuis  douze  ans ,  »  etc.  —  Tite  de  Bost.  {sur  S.  Matth.) 
Quels  éloges  ne  méritent  pas  cette  femme  qui ,  dans  l'épuisement  de 
ses  forces,  causé  par  cette  perte  continuelle  de  sang,  au  milieu  de  tout 
ce  peuple  qui  s'empresse  autour  du  Seigneur  ,  soutenue  par  sa  foi  et 
par  le  désir  d'être  guérie,  traverse  la  foule  ,  et,  se  dérobant  aux  re- 
gards du  Sauveur ,  se  tient  derrière  lui ,  et  touche  la  frange  de  son 
vêtement  (1*). 

«  Et  elle  toucha  la  frange  de  son  vêtement.  »  —  S.  Cyr.  Car  il  était 

(1*)  La  bordure,  en  hébreu  zizith,  était  une  espèce  de  houppe  que  les  hébreux  portaient  au  bord 
de  leur  vêtement,  suivant  les  prescriptions  de  la  loi.  {Nombr.,  xv,  38.) 


sciens  quod  majuo  erat  futurum  eo  quod 
quaerebatur  :  vocabatur  enim  ad  reme- 
dium  aîgrotantis  :  novit  autem  se  susci- 
taturum  jam  mortuam,  et  inserturum 
terrenis  firmam  spem  resurrectionis. 

Ambr.  Suscitaturus  autem  mortuam, 
ad  faciendam  fidem  arcliisyuagogo,  hœ- 
morrhoissam  ante  curavit  :  sic  et  re- 
surrectio  temporalis  in  passione  Domiiii 
celebratur,  ut  perpétua  illa  credatur. 
«  Et  contigit  dum  iret,  a  turba  compri- 
mebatur.  »  CvRiL.  {in  Cat.  Grœcorum 
Patni7)i.)Qaoà  maximum  erat  indicium, 
quod  veram  carnem  induerat,  et  oumem 
conculcaret  superbiam  :  neque  euim  a 
longe  sequebanlur,  sed  eum  circumda- 
baut. 


Grj:c.  (vel  Asterins  ut  jam  supra.) 
Quœdam  autem  mulier  gravi  morbo 
deteuta,  cujus  infirmitas  corpus,  medici 
vero  omnes  divitias  consumpserant, 
solam  spem  in  tanta  diffidentia  reperil, 
ut  procideret  Domino  :  de  qua  sequitur  : 
«  Et  mulier  quse  erat  in  fluxii  sanguinis 
ab  aauis  12,  »  etc.  Titus  Bostr.  {in 
Matth.)  Qualiter  autem  non  est  digna 
prœconio  bœc  mulier,  quœ  viribus  ex- 
tiuctis  corporels  ob  continuum  sangui- 
nis  fluxum,  et  tanto  populo  concurrente 
circa  Ipsum ,  affectu  roborato  et  fide 
petierat  populum,  et  rétro  latens  telige- 
rat  fimbriam  vestimeuli  '^ 

Sequitur  :  «  Tetigit  fimbriam  vesli- 
meuti  ejus.  »  Cyril,  {ubi  supra.)  Neque 


I 


DE  SAINT  LUC,   CHAP.   VIII.  421 

défendu  à  ceux  qui  étaient  souillés  de  quelque  impureté ,  de  toucher 
ceux  qui  étaient  purs ,  ou  de  s'approcher  de  ceux  que  la  loi  réputait 
pour  saints.  —  S.  Chrys.  {hom.  32  sw  S.  Matth.)  D'après  la  loi, 
cette  maladie  était  regardée  comme  une  des  plus  grandes  souillures. 
[Lév,  XV.)  D'ailleurs  cette  femme  n'avait  pas  encore  une  bien  juste 
idée  du  Sauveur,  puisqu'elle  espérait  pouvoir  lui  cacher  cette  dé- 
marche; cependant  elle  s'approche  de  lui  dans  la  ferme  espérance 
d'être  guérie. 

Théophtl.  Celui  qui  approche  l'œil  d'une  vive  lumière  ,  en  ressent 
aussitôt  les  effets  ;  les  épines  s'embrasent  au  premier  contact  du  feu  ; 
ainsi ,  quiconque  s'approche  avec  foi  de  celui  qui  peut  le  guérir, 
obtient  aussitôt  sa  guérison  :  «  Et  aussitôt  sa  perte  de  sang  s'arrêta.  » 
Ce  ne  furent  pas  les  seuls  vêtements  du  Sauveur  qui  produisirent  ce 
merveilleux  effet  (car  les  soldats  les  tirèrent  au  sort  entre  eux ,  sans 
éprouver  rien  de  semblable) (1),  mais  elle  fut  guérie  parla  vivacité  de 
sa  foi.  —  Théophyl.  Elle  crut,  et  aussitôt  elle  fut  guérie,  et  elle  suivit  ici 
un  ordre  vraiment  admirable  en  ne  touchant  extérieurement  le  Sau- 
veur qu'après  l'avoir  touché  spirituellement  par  la  foi. 

AsTÉRius.  Or,  Notre- Seigneur  entendit  les  pensées  de  cette  femme, 
toute  muettes  qu'elles  étaient,  et  il  guérit  sans  proférer  une  seule  pa- 
role celle  qui  le  priait  en  silence,  en  lui  laissant  pour  ainsi  dire 
dérober  sa  guérison ,  mais  il  pubUe  ensuite  ce  miracle  :  a  Et  Jésus 
dit  :  Qui  m'a  touché?  »  —  S.  Cyr.  Le  Seigneur  ne  pouvait  ignorer  le 
miracle  qu'il  venait  d'opérer,  mais  bien  qu'il  connaisse  toutes  choses, 
il  interroge  comme  s'il  ne  savait  rien.  —  S.  Grég.  {ou  Victor  d'An- 

(1)  Matth.,  XXVII,  33;  Marc,  xv,  34;  Jean,  xix,  23  et  24.  Saint  Chrysostome  fait  cette  observa- 
tion, afin  de  montrer  qu'il  est  inutile  de  toucher  les  vêtements  du  Sauveur  pour  le  salut,  si  on  n« 
les  touche  avec  un  vrai  sentiment  de  foi. 


enim  licebat  imraimdis  vel  tangere 
qaemquam  sanctorum ,  vel  appropin- 
quare  viro  sancto.  Chrys.  [hom.  32,  in 
Matth.)  Ritu  enim  legis  hujusniodi 
passio  reputabatur  immunditia  magna  : 
aliter  etiam  :  nondum  enim  nec  ipsa 
habebat  dignam  opinionem  de  eo;  non 
enim  putavisset  latere,  sed  tamen  conBsa 
de  sanitate,  accedit. 

Theophylact.  Sicutautem  cum  aliquis 
oculum  lucernae  lucenti  adhibet ,  .lut 
igni  spinas,  stalim  operantur  ;  sic  qui- 
dem  qui  fidem  affert  potenti  curare, 
statim  curationem  consequitur  :  unde 
dicitur  :  «  Et  confeslim  stetit  fluxus 
sanguinis  ejus  ,  »  Cbrys.  {in  fat.  Grœ- 
corum  Patnivi.)  Non  autem  sola  ves- 


tiraenta  ipsius  mulierem  salvaverunt 
(nam  et  milites  sortiti  sunt  ea  inter  se), 
sed  fidei  ejus  intentio.  Theophylact. 
Credidit  enim,  et  salvala  est,  et  ut  con- 
gruum  fuit,  primo  tetigit  Christum  in- 
tellectualiter,  deinde  corporaliter. 

Gr.ec.  (vel  Asterius  nbi  supra.)  Audi- 
vit  autem  Dominus  tacitas  mulieris  con- 
siderationes,  ettacens  liberavittacentem, 
passus  sua  sponte  sanitalis  rapinam  ; 
sed  po'tea  miraculum  publicat  :  unde 
sequitur  :  «  Et  ait  Jésus  :  Quis  est  qui 
me  tetigit  ?  »  Cyril,  {itbi  supra.)  Non 
enim  latuit  Dominura  perpetratum  mi- 
raculum, sed  qui  cuncta  cognoscit,  quasi 
nesciret,  interrogat.  Greg.  (trf  est,  Vic- 
tor Antiochenus    in    Cat,    Croscorum 


422 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


tioche.)  Or,  les  disciples  ue  comprenant  pas  la  vraie  signification  de 
cette  question ,  et  pensant  que  Jésus  voulait  parler  d'un  simple  attou- 
chement ordinaire  ,  lui  répondent  dans  ce  dernier  sens  :  «  Tous  s'en 
défendant,  Pierre  dit  :  La  foule  vous  presse  de  toutes  parts,  et  vous 
dites  :  Qui  m'a  touché?  »  etc.  Aussi  Notre- Seigneur,  dans  sa  réponse, 
précise  la  nature  de  cet  attouchement  :  «  Jésus  dit  :  Quelqu'un  m'a 
touché.  »  C'est  dans  ce  même  sens  qu'il  disait  :  «  Que  celui  qui  a  des 
oreilles  pour  entendre,  qu'il  entende,  »  quoique  tous  aient  les  oreilles 
du  corps,  parce  que  ce  n'est  pas  entendre  véritablement,  que  d'entendre 
sans  attention;  de  même  qu'on  ne  touche  véritablement,  que  lorsqu'on 
est  inspiré  par  la  foi. — S.  Cyr.  Le  Sauveur  fait  connaître  ce  qui  vient 
d'arriver  :  «  Car  j'ai  senti  qu'une  vertu  était  sortie  de  moi.  »  En  par- 
lant de  la  sorte,  il  se  conforme  aux  idées  de  ceux  qui  l'écoutent,  mais 
il  leur  découvre  en  même  temps  sa  divinité  ,  tant  par  le  miracle  qu'il 
vient  d'opérer  ,  que  par  ses  paroles  ;  car  ni  la  nature  humaine,  ni 
peut-être  la  nature  augélique  ne  peuvent  produire  d'elles-mêmes  une 
vertu,  une  puissance  semblable,  c'est  un  privilège  qui  n'appartient 
qu'à  la  nature  divine  ;  nulle  créature,  en  effet,  ne  possède  en  propre 
la  puissance  de  guérir  les  maladies  ou  d'opérer  tout  autre  miracle  de 
ce  genre,  elle  ne  peut  la  recevoir  que  de  Dieu.  Or  ,  ce  n'est  point  par 
un  vain  désir  de  gloire  qu'il  voulut  que  cet  acte  de  la  puissance 
divine  fût  connu  de  tous ,  lui  qui  si  souvent  avait  défendu  de  publier 
ses  miracles,  mais  dans  l'intérêt  de  ceux  qui  sont  appelés  à  la  grâce 
de  la  justification  par  la  fci.  —  S.  Chrys.  {hom.  36  sur  S.  Matth.) 
Il  commence  par  calmer  la  crainte  de  cette  femme,  dont  la  conscience 
alarmée  aurait  pu  lui  reprocher  d'avoir  comme  dérobé  la  grâce  de  sa 


Patrum.)  Nescientibus  autem  discipulis 
quod  quaerebatur,  sed  putantibus  eiim 
de  simplici  qiiodam  tactu  dicere,  Domini 
quœstioni  respondeut,  Sequitur  enim  : 
«  Negantibus  autem  omnibus,  dixit  Pe- 
trus  :  Turbaî  te  comprimunt,  et  dicis  : 
Quis  me  tetigit  ?  »  etc.  Et  ideo  Domi- 
nus  tactum  sua  responsione  distinguit. 
Sequitur  enim  :  c  Et  dixit  illis  Jésus  : 
Tetigit  me  aliquis  :  »  sieut  etiam  dice- 
bat  :  «  Qui  habet  aures  audiendi^  au- 
diat;  »  quamvis  omnes  habeant  hujus- 
modi  corporalem  auditum  ;  sed  non  est 
vere  audire,  si  audiatur  incaute  ;  nec 
vers  tangere  .  si  iniîdeliter  tangatur. 
Cyril,  [ubi  sup.)  Propalat  autem  con- 
sequenter  quod  factum  est,  cum  subdi- 
tur  :  «  Nam  et  ego  novi  virtutem  de  me 
exisse.  »  Materialius  respondet  secun- 
dum  opinionem  audienliiim  :  hic  tamen 


nobis  manifestatur  quod  ipse  verus  est 
Deus,  et  ex  eo  quod  prodigialiter  fac- 
tum est,  et  etiamexsermonibus  :  trans- 
cendit  enim  naturam  nostram  (et  forsan 
angelicam)  posse  quemquam  virtutem 
emittere  quasi  a  propria  natura  :  con- 
reuit  autem  hoc  soli  supremœ  naturae  : 
uulla  namrue  creaturarum  aliquam  gerit 
sanandi  potestatem,  vel  etiam  aliqua 
alia  similia  miracula  faciendi,  sed  divi- 
nitus  prEesatam  :  non  autem  ambitione 
gloriae  non  permisit  latere  divinee  vir- 
tutis  ostensionem,  qui  multoties  prasce- 
perat  taceri  sua  miracula;  sed  quia 
spectabat  ad  utilitatem  eorum  qui  vo- 
cantur  per  fidem  ad  gratiam.  Chrys. 
[hom.  32,  in  Mattli.)  Primo  enim  solvit 
femineum  metum,  ne  remorsum  cons- 
cientiae  pateretur  quasi  surripiens  gra- 
tiam ;  secundo  cqrrigit  eam,  quia  latere 


DE  SAINT  LUC,   CHAP.   VIII.  423 

guérison  ;  troisièmement,  il  fait  l'éloge  de  sa  foi  devant  tous  ceux  qui 
sont  présents,  et  la  propose  à  leur  imitation  ;  et  en  faisant  voir  que 
toutes  choses  lui  sont  connues,  il  ne  fait  pas  un  moindre  miracle  que 
celui  de  la  guérison  de  cette  femme.  —  S.  Cyr.  Par  là  enfin,  il 
amenait  le  chef  de  la  synagogue  à  croire ,  sans  hésiter ,  qu'il  délivre- 
rait sa  fille  des  liens  de  la  mort. 

S.  Chrys.  Notre-Seigneur  ne  fit  pas  connaître  immédiatement  cette 
femme,  il  voulait,  en  montrant  que  rien  ne  lui  est  caché  ,  la  déter- 
miner à  publier  ce  qui  venait  d'arriver  et  qu'il  ne  pût  exister  aucun 
doute  sur  la  vérité  du  miracle  :  «  Cette  femme,  se  voyant  découverte, 
vint  toute  tremblante,  »  etc.  —  Orig.  Le  Sauveur  confirme  alors,  par 
ses  paroles,  la  guérison  qu'elle  a  obtenue  en  touchant  ses  vêtements  : 
a  Et  Jésus  lui  dit  :  Ma  fille,  votre  foi  vous  a  guérie ,  allez  en  paix,  » 
c'est-à-dire  soyez  délivrée  de  l'épreuve  qui  vous  affligeait.  Il  ne  guérit 
donc  le  corps  qu'après  avoir  guéri  l'âme  parla  foi.  —  Tite  de  Bost. 
Il  l'appelle  sa  fille,  parce  que  sa  foi  a  été  la  cause  de  sa  guérison,  et 
que  la  foi  nous  obtient  aussi  la  grâce  de  l'adoption. 

EusÈBE.  [hist.  ecclés.,  vu,  14.)  On  rapporte  que  cette  femme  fit 
ériger  dans  la  ville  de  Panéade  (Gésarée  de  Philippe),  d'où  elle  était 
originaire,  un  monument  remarquable,  en  souvenir  du  bienfait  qu'elle 
avait  reçu  du  Sauveur.  On  voyait  à  l'entrée  de  la  porte  de  sa  demeure, 
sur  un  piédestal  élevé,  une  statue  d'airain ,  représentant  une  femme 
à  genoux,  les  mains  jointes,  dans  l'attitude  de  la  prière;  de  l'autre 
côté  se  dressait  une  autre  statue  de  même  matière ,  représentant  un 
homme  vêtu  d'un  manteau,  la  main  étendue  vers  cette  femme;  à 
ses  pieds,  sur  la  base  ,  on  voyait  une  plante  exotique,  qui  montait 


putaverat;  tertio  fidem  ejus  exprimit 
cunctis,  ut  alii  imitentur  ;  proditque 
non  minus  miraculum  restrictione  san- 
guinis,  dum  ostendit  sibi  cuncta  patere. 
Cyril,  {ubi  supra.)  Insuper  principem 
synagogee  persuadebat  indut)ilabiliter 
credere,  quod  a  laqueis  naortis  eripiet 
filiam  ejus. 

Chrys.  (tit  sup.)  Ob  hoc  autem  Do- 
minus  non  statim  eam  manifeslaverat, 
ut  ostenso  quod  orania  sibi  liquent^  fa- 
cial mulierem  praedicare  quod  factum 
est,  ut  suspicione  miraculum  careat. 
Unde  sequitur  :  «  Yidens  autem  mulier 
quia  non  latoret  eum,  tremens  veni  t,  »  etc. 
{in  C'at.  Grxconnn  Patrum.)  Eamdem 
autem  sanitatem  quam  nacta  est  mulier 
ex  contactu,  verbo  confirmavit  Salvator. 
Unde  sequitur  :  «  At  ipse  dixit  illi  :  Fi- 
des  tua  te  salvam  fecit.  Vade  in  pace,  id 


est,  esto  sana  a  tuo  flagello.  »  Et  sanat 
quidem  primo  per  fidem  animam,  deinde 
vero  corpus.  Tit,  Bostrexs.  (m  Matth.) 
Vocat  autem  filiatn  jam  fidei  causa  sa- 
natam:  fuies  enim  gratiam  adoptionis 
impetrat. 

EusEB.  {in  Eccl.  hist.,  lib.  vu,  cap. 
14.)  Dicunt  autem  hanc  mulierem  in 
Paneade  (  quee  est  Caesarea  Philippi , 
unde  fuit  oriunda)  statuisse  triumphos 
insignes  coUati  sibi  beneficiiaSalvatore  : 
stabat  namque  super  altam  basim  ad 
limina  domus  ejus  œneum  simulacrum 
mulieris  flexis  genibus ,  manibusque 
junctis ,  quasi  precaretur  ;  ex  cujus 
opposito  aliud  erectum  simulacrum  ad 
instar  viri,  ejusdemque  materife,  amic- 
tum  diploide  et  manum  versus  mulierem 
extendens,  ante  cujus  pedessuper  ipsam 
basim  aliéna  species   plantée  orta..    quse 


424 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 


jusqu'au  bord  du  manteau  d'airain,  et  à  laquelle  on  attribuait  la  pro- 
priété de  guérir  toutes  les  douleurs  (1*).  Cette  statue,  disait-on,  repré- 
sentait Jésus- Christ,  et  l'empereur  Maximin  la  fit  détruire. 

S.  Ambr.  Dans  un  sens  mystique,  Jésus-Christ  avait  quitté  la  syna- 
gogue en  s'éloignant  des  Géraséniens,  et  nous  qui  sommes  étrangers, 
nous  recevons  celui  que  les  siens  n'ont  pas  voulu  recevoir.  —  Bède. 
Ou  encore,  le  Seigneur  reviendra  trouver  les  Juifs  à  la  fm  des  temps, 
et  ils  le  recevront  en  s'empressant  d'embrasser  la  foi. —  S.  Ambr.  Mais 
que  représente  ce  chef  de  la  synagogue ,  sinon  la  loi ,  en  considéra- 
tion de  laquelle  le  Seigneur  n'a  pas  entièrement  abandonné  la  syna- 
gogue? —  BÈDE.  Ou  bien  ce  prince  de  la  synagogue,  c'est  Moïse.  Il 
porte  avec  raison  le  nom  de  Jaïre  (c'est-à-dire  qui  éclaire  ou  qui  est 
éclairé),  parce  que  celui  qui  reçoit  les  paroles  de  vie  pour  nous  les 
communiquer,  éclaire  les  autres  ,  et  est  éclairé  lui-même  par  l'Esprit 
saint.  Le  chef  de  la  synagogue  se  prosterne  aux  pieds  de  Jésus,  parce 
que  le  législateur  des  Juifs,  et  toute  la  succession  des  patriarches  re- 
connurent que  le  Christ  fait  homme  leur  était  de  beaucoup  supérieur. 
Car  si  Dieu  est  la  tète  du  Christ  (I  Corinth.,  xi),  il  est  juste  de  voir 
dans  ses  pieds  son  incarnation  par  laquelle  il  a  touché  la  terre  de  notre 
mortalité.  Il  prie  Jésus  d'entrer  dans  sa  maison  ,  parce  qu'il  désirait 
voir  son  avènement.  Sa  fille  unique,  c'est  la  synagogue,  qui  seule  est 
établie  en  vertu  d'une  institution  légale  ;  elle  allait  mourir ,  âgée  seu- 
lement de  douze  ans  (c'est-à-dire  aux  approches  de  sa  puberté) ,  parce 
qu'en  effet,  après  avoir  reçu  des  prophètes  une  éducation  distinguée, 

(1*)  ScVOVTÎoOTàv/jî  eloo;,  c'est-à-dire  une  certaine  espèce  de  plante  étrangère.  Dans  Eusèbeau 
lieu  de  :  «  L'empereur  Maximin  la  fit  détruire  ;  »  on  lit  :  «  qui  subsiste  encore  actuellement,  »  et 
Eusèbe  affirme  l'avoir  vue  lui-même.  (Voyez  Tillemont.  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  ecclé- 
siastique.) 


usque  ad  senefe  diploidis  oras  pertin- 
gens  medicina  omuium  passionum  esse 
ferebatur.  Hanc  autem  statuam  dicebant 
repraesentare  Christuni,  quam  Maximi- 
nus destruxit. 

Ambr.  Mystice  autem  reliquerat  in 
Gerasenis  synagogam  Christus.  et  quem 
sui  non  receperant,  nos  recipimus  alieni. 
Bed.  Vel  in  fine  seculi  Domious  e.-t  ad 
Judseos  rediturus,  atque  ab  eis  per  ôdei 
confessiouem  libenter  excipiendus.  A  MB. 
Quem  autem  putamus  synagogfe  princi- 
pem  esse  uisi  legem  ?  cujus  contempla- 
tione  Doniinus  synagogam  non  penitus 
dereliquerit.  Bed.  Vel  princeps  syuagogae 
Moyses  intelligitur.  Unde  beue  Jaims, 
(id  est.  illnviinans,   vel,   ilhaninahis) 


vocatur  ;  quia  qui  accipit  verba  vitae 
dare  nobis,  et  per  boc  cseteros  illumi- 
nât^ et  ipse  a  Spiritu  sancto  illumina- 
tiir.  Cecidit  autem.  archisynagogus  ad 
pedes  Jesu,  quia  legislator  cum  tota 
Patrum  progenie  Cbristum  in  carne  ap- 
parentem  longe  sibi  prœferendum  esse 
cognovit.  Si  enim  caput  Christi  Deus 
(I  ad  Cor.,  lY),  convenienter  pedes  acci- 
pieudi  suut  incarnatio^  qua  terram  nos- 
trae  mortalitatis  letigit.  Rogavit  autem 
intrare  in  domum  ejus,  quia  ejus  videre 
desiderabat  adventum.  Filia  autem  unica 
ejus  est  synagoga,  quse  sola  legali  est 
institutioue  composita  ;  quse  duodecimo 
œtatià  anuo  (hoc  est,  tempore  pubertatis 
appropiuquante)  moriebatur,  quia  nobi- 


DE  SAINT   LUC,  CHAP.    VIII.  425 

elle  devait,  une  fois  parvenue  à  l'âge  du  discernement,  produire  pour 
Dieu  des  fruits  spirituels  ;  mais  la  multiplicité  de  ses  erreurs  l'ayant 
fait  tomber  en  langueur,  elle  ne  put  entrer  dans  les  voies  de  la  vie 
spirituelle,  et  si  Jésus-Christ  ne  fût  venu  à  son  secours,  elle  eût  suc- 
combé à  une  mort  certaine.  Tandis  que  le  Seigneur  se  dirige  vers  la 
maison  de  la  jeune  fille  qu'il  va  guérir,  il  est  pressé  par  la  foule, 
parce  qu'en  efifet,  il  est  comme  accablé  par  les  mœurs  de  ceux  qui 
mènent  une  vie  charnelle,  alors  qu'il  annonce  aux  Juifs  les  ensei- 
gnements du  salut.  —  S.  Ambr.  JNIais  tandis  que  le  Verbe  de  Dieu  se 
rend  chez  cette  fille  du  chef  de  la  synagogue  pour  sauver  les  enfants 
d'Israël,  la  sainte  Eglise ,  composée  des  Gentils ,  et  qui  allait  périr 
victime  de  ses  désordres  et  de  ses  crimes,  dérobe  par  la  foi  la  grâce  de 
la  guérison  qui  était  réservée  à  d'autres.  —  Bède.  Cette  perte  de  sang 
peut  s'entendre  de  deux  manières ,  et  de  la  prostitution  de  l'idolâtrie, 
et  des  honteuses  jouissances  de  la  chair  et  du  sang.  —  S.  Ambr.  Mais 
que  signifient  cette  fille  du  chef  de  la  synagogue,  qui  meurt  à  l'âge  de 
douze  ans,  et  cette  femme  qui  souffrait  depuis  douze  ans  d'une  perte  de 
sang,  sinon  que  l'Eglise  a  été  dans  le  travail  et  la  souffrance,  tant  que 
la  synagogue  a  existé  ? —  Bède.  Car  ce  fut  presque  dans  le  même  siècle 
que  la  synagogue  prit  naissance  dans  la  personne  des  patriarches ,  et 
que  les  Gentils  se  souillèrent  par  les  pratiques  d'un  culte  idolâtrique. 
S.  A-MBR.  Cette  femme  avait  épuisé  toute  sa  fortune  pour  se  faire 
traiter  par  les  médecins  ;  ainsi  le  peuple  des  Gentils  avait  perdu  tous 
les  dons  de  la  nature.  —  Bède.  Ces  médecins  représentent  ou  les  faux 
théologiens,  ou  les  philosophes,  et  les  docteurs  des  lois  humaines,  qui 
font  de  longues  dissertations  sur  les  vertus  et  sur  les  vices ,  et  pro- 
mettent aux  hommes  de  leur  donner  des  règles  utiles  pour  les  diriger 


liter  a  prophetis  educata,  postquam  ad 
intelligibiles  annos  pervenerat,  in  qui- 
bus  spirituales  Deo  fructus  gignere  de- 
bebat,  subito  errorumianguore  conster- 
nata,  spiritualis  vitœ  viam  ingredi  oini- 
sit  :  et,  si  Christus  non  succurreret, 
corruisset  inmortem.  Ad  puellam  autem 
sanandam  pergens  Doniinus  a  turba 
comprimilur,  quia  geuti  Judœa!  Scdu- 
laria  monita  prœbens  carnaliua»  populo- 
rum  est  conjuetudine  gravatus.  Ambr. 
Ad  banc  autem  principis  liliam  dum 
properat  Dei  Verljum,  ut  salvos  faceret 
fihos  Israël,  sancta  Rcclesia  ex  gentibus 
congregata,  quœ  inferiorum  lapsu  cri- 
minum  deperibat,  paratara  aliis  fide 
prœripuitsanitateiu.  Bed.  Dupliciter  au- 
tem sanguinis  fluxus  potest  intelligi,  hoc 
est,  et  super  idololatriee  prostitutione, 


et  super  bis  quae  carnis  et  sauguinis 
oblectatione  patrantur.  Ambr.  Quid  au- 
tem sibi  vult  quod  baec  principis  filia 
annorum  duodecim  moriebatur,  et  mu- 
Uer  ista  fluxu  sanguinis  ab  annis  duode- 
cim laboravit,  nisi  ut  intelligatur,  quia 
quandiu  synagoga  viguit,  laboravit  Eccle- 
?ia?  Bed.  Una  enim  pêne  seculi  aetate 
synagoga  in  patriarchis  nasci  cœpit,  et 
Genlilium  nationem  idololatria  fœdavit. 
Ambr.  Sicut  autem  [illa  in  medicos 
erogaverat  omnem  substantiam  suam, 
ita  congrefatio  gentium  amiserat  omnia 
dona  uaturœ.  Beda.  Medicos  autem  in- 
tellige  sive  falsos  tbeologos,  sive  philo- 
soplios,  legumque  doctores  secularium, 
qui  multa  de  virtutibus  viliisque  disse- 
rentes,  utilia  se  vivcndi  instituta  morta- 
libus  dare  promittebaat,  seu  ipsos  Im- 


426 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


dans  la  conduite  de  la  vie.  Ou  bien  encore ,  ces  médecins  sont  les 
esprits  immondes  qui,  sous  le  voile  d'un  intérêt  hypocrite,  se  faisaient 
adorer  par  les  hommes  à  la  place  de  Dieu.  Or ,  plus  la  gentilité  avait 
dépensé  de  facultés  naturelles  pour  écouter  tous  ces  docteurs ,  et  plus 
il  était  difficile  de  la  purifier  des  souillures  de  ses  crimes.  —  S.  Ambr. 
Mais  dès  que  la  gentilité  apprit  que  le  peuple  juif  était  lui-même 
malade,  elle  conçut  l'espoir  de  sa  guérison,  elle  reconnut  que  le  temps 
était  arrivé  où  un  divin  médecin  devait  descendre  du  ciel,  elle  se  leva 
pour  aller  à  sa  rencontre,  puisant  un  saint  empressement  dans  sa  fol, 
mais  retenue  par  sa  timidité  naturelle  ;  car  c'est  le  propre  de  la  pudeur 
et  de  la  foi  de  reconnaître  son  infirmité,  sans  désespérer  du  pardon. 
Elle  touche  le  bord  du  vêtement  du  Sauveur  honteuse  et  craintive,  elle 
s'approche  avec  confiance,  elle  croit  d'une  foi  religieuse  et  sincère,  et 
reconnaît  sagement  qu'elle  a  obtenu  sa  guérison.  Ainsi  le  peuple  des 
Gentils  qui  a  cru  au  vrai  Dieu,  a  rougi  des  crimes  auxquels  il  voulait 
renoncer,  a  embrassé  la  foi  qu'il  devait  professer,  fait  preuve  de  piété 
dans  ses  prières,  de  sagesse,  en  reconnaissant  sa  guérison,  de  con- 
fiance, en  avouant  qu'il  avait  comme  soustrait  la  grâce  qui  était  des- 
tinée à  d'autres.  Cette  femme  s'approche  de  Jésus  par  derrière ,  pour 
toucher  son  vêtemeiit_,  parce  qu'il  est  écrit  :  a  Vous  marcherez  après 
le  Seigneur  votre  Dieu.  »  {Dent.,  xiii.)  —  Bède.  Et  Jésus-Christ  lui- 
même  a  dit  :  «  Si  quelqu'un  veut  être  mon  serviteur,  qu'il  me  suive.  » 
{Jean,  xiii.)  Ou  bien  encore,  parce  que  celui  qui  ne  voit  point  le 
Seigneur  dans  sa  chair  mortelle ,  après  l'accomplissement  et  la  con- 
sommation des  mystères  de  sa  vie  temporelle ,  marche  cependant  sur 
ses  traces  par  la  foi. 

S.  GréCt.  [Mor.,  m,  11.)  (1).  Tandis  que  la  foule  presse  de  tous 

(1)  Dans  les  anciennes  éditions,  chap.  15  sur  ces  paroles  du  chap,  2  du  livre  de  Job  ;  o  Bénissea 
Dieu,  et  mourez,  u 


mundos  spiritus,  qui  velut  hominibus 
consulendo,  se  pro  Deo  colendos  inge- 
rebant  ;  quibus  audiendis,  Gentilitas, 
quanto  magis  naturalis  industriœ  vires 
expenderat,  tanto  miaus  potuit  ab  ini- 
quitatis  suœ  sorde  curaii.  Ambr.  Aiidiens 
autem  œgrotare  populum  Judajorum, 
sperare  cœpit  salulis  suae  remedium  ; 
lempus  venisse  cognovit,  quo  medicus 
adesset  de  cœlo  ;  surrexit  ut  occurreret, 
fide  promptior,  pudore  cunctantior.  Hoc 
enini  est  pudoris  et  fidei,  agnoscere  iu- 
firmitatem,  uou  desperare  veniam.  Ve- 
recunda  ergo  fimbriam  tetigit,  fidelis 
accessit  ,  religiosa  credidit  ,  sapiens 
sanatam   se    esse    cognovit  ;   sic    san- 


cta  plebs  gentium  quae  Deo  credidit, 
peccatum  erubuit  ut  desereret,  fidem 
detulit  ut  crederet,  devotionem  exhibuit 
ut  rogaret,  sapientiam  induit  ut  sauita- 
tem  suaui  ipsa  sentiret,  fiduciam  suni- 
psit  ut  fateretur  quod  prœripuisset  alie- 
num.  Rétro  autem  tangitur  Christus, 
quia  scriptmn  est  {Deuter.,  13)  :  «  Post 
Domiuum  Deum  tuum  ambulabis.  »  Bed. 
Et  ipse  ait  {.loan.,  13,  vers.  26)  :  «  Si 
quis  mihi  ministrat,  me  sequatur  :  »  sive 
quia  preesentem  in  carne  Dominum  non 
videns,  peractis  dispensationis  tempo- 
rariae  sacramentis  per  fidem  cœpit  ejus 
vestigia  subsequl. 
Greg.  (III  Moral.,  cap.  il.)  Premente 


DE  SAINT  LUC,   CHAP.   VIII.  427 

côtés  le  Rédempteur,  une  seule  femme  le  touche  véritablement, 
parce  que  dans  l'Eglise ,  tous  ceux  qui  suivent  les  penchants  de  la 
chair  pressent  le  Sauveur,  dont  ils  sont  cependant  bien  éloignés  ,  et 
ceux-là  seuls  le  touchent,  qui  lui  sont  véritablement  unis  par  l'humi- 
lité. Ainsi  la  foule  le  presse  sans  le  toucher ,  parce  qu'elle  est  impor- 
tune par  sa  présence,  et  absente  par  sa  vie.  —  Bède.  Ou  bien  encore, 
il  n'y  a  qu'une  seule  femme  pour  toucher  le  Seigneur  avec  foi ,  parce 
qu'on  ne  peut  chercher  avec  foi  que  par  le  cœur  de  l'Eglise  catho- 
lique celui  qui  est  affligé  par  le  désordre  des  diverses  hérésies.  — 
S.  Ambr.  Ceux  qui  le  pressent,  ne  croient  point  en  lui ,  ceux-là  seuls 
ont  la  foi,  qui  le  touchent  ;  c'est  par  la  foi  que  Ton  touche  Jésus- 
Christ,  c'est  par  la  foi  qu'on  le  voit.  Enfin,  pour  manifester  la  foi  de 
cette  femme  qui  le  touche,  il  dit  :  «  J'ai  senti  qu'une  vertu  était  sortie 
de  moi,  »  preuve  évidente  que  la  divinité  n'est  pas  renfermée  dans  les 
bornes  étroites  de  la  nature  humaine,  et  dans  la  prison  du  corps, 
mais  que  sa  puissance  éternelle  déborde  au  delà  des  limites  de  notre 
faible  nature.  Ce  n'est  pas,  en  effet,  par  un  acte  de  la  puissance  hu- 
maine ,  que  le  peuple  des  Gentils  est  délivré  ,  c'est  la  grâce  de  Dieu 
qui  réunit  toutes  les  nations  qui,  par  une  foi  encore  imparfaite,  in- 
clinent vers  elle  la  miséricorde  éternelle.  En  effet,  si  nous  considérons 
d'un  côté  l'étendue  de  notre  foi  ;  de  l'autre  la  grandeur  du  Fils  de 
Dieu,  nous  verrons  qu'en  comparaison  de  cette  grandeur  divine,  nous 
touchons  seulement  le  bord  de  son  vêtement,  sans  que  nous  puissions 
en  atteindre  le  haut.  Si  donc  nous  voulons  obtenir  notre  guérison, 
touchons  par  la  foi  le  bord  du  vêtement  de  Jésus- Christ,  personne  ne 
peut  le  toucher  sans  qu'il  le  sache.  Heureux  celui  qui  touchera  la 
moindre  partie  du  Verbe,  car  qui  peut  le  comprendre  tout  entier? 


autem  turba  una  Redomptorem  nostruni 
mulier  tetigit  ;  quia  carnales  quiqiio  in 
Ecclesia  eum  comprimunt  a  quo  lonjje 
sunt,  et  soli  tangunt  qui  huic  veraciler 
humiles  adjunguntur.  Turba  igitur  pre- 
nait, et  non  langit  ;  quia  et  imporlnna 
est  per  prœsenliam,  et  absons  per  vi- 
lani.  Bed.  Vel  una  credula  mulier  Do- 
minum  tangit;  quia  qui  de  diversis  Ii.tc- 
resibus  inordinale  affligitur,  solo  calho- 
licae  Ecclesia*  corde  fideliter  quœritur. 
Ambr.  Non  enim  credunt  qui  compri- 
munt; credunt  qui  tangunt  :  fide  tangi- 
tur  Cbristus,  fide  videlur.  Denique  ut 
fidem  tangenlis  exprimeret,  dicit  :  «  Ego 
cognovi  virtutem  de  me  exisse  ,  »  quod 
est  evidentius  indicium,  quia  non  intra 
possibilitatem   conditionis  humanae,  at- 


que  intra  corporis  claustrum  Divinitas 
coarclata  est,  sed  ultra  fines  nostrae  me- 
diocritatis  virtus  exundat  œterna.  Non 
enim  humana  ope  plebs  gentium  libe- 
ratur,  sed  Dei  munus  est  congregatio 
nationum,  qua?  etiam  brevi  fide  miseri- 
cordiam  inclinât  œternam.  Nam  si  con- 
sideremus  quanta  sit  fides  nostra,  et  in- 
telligamus  quantus  sit  Dei  Filius,  vi- 
demus  quia  comparatione  ejus  fim- 
briam  tantummodo  tangimus,  supcriora 
vero  vesliiaenti  ejus  uequimus  attin- 
gere.  SI  igitnr  et  nos  curari  volumus, 
fide  tangamus  fimbriam  Christi.  Non 
autem  latet  eum  quiconque  teligerit. 
Beatus  qui  extrcmam  partera  verbi  teti- 
gerit;  nam  totum  quis  potest  compre- 
hendere? 


428 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 


i.  49-56.  —  Comme  il  parlait  encore,  quelqu'un  vint  dire  au  chef  de  la  sy7ia- 
gogue  ;  Votre  fille  est  morte,  ne  donnez  point  davantage  de  peine  au  Maître. 
Jésus,  ayant  entendu  cette  parole,  dit  au  père  de  la  jeune  fille  :  Ne  craignez 
point,  croyez  seulement,  et  elle  sera  sauvée.  Etant  arrivé  à  la  maison,  il  ne 
laissa  entrer  personne  avec  lui,  si  ce  nest  Pierre,  Jacques  et  Jean,  et  le  père 
et  la  mère  de  la  jeune  fille.  Or,  tous  pleuraient  et  se  lamentaient  sur  elle.  Mais 
Jésus  dit  :  Ne  pleurez  pas,  la  jeune  fille  n'est  pas  morte,  mais  elle  dort.  Et 
ils  se  riaient  de  lui,  sachant  bien  quelle  était  morte.  Mais  Jésus  prenant  sa 
main,  dit  à  haute  voix  ;  Jeune  fille,  levez-vous.  Et  son  âme  revint  dans  son 
corps,  et  elle  se  leva  à  l'instant  et  Jésus  ordonna  de  lui  donner  à  manger.  Son 
père  et  sa  mère  étaient  hors  d'eux-mêmes  d'étonnement.  Et  il  leur  commanda 
de  ne  dire  à  personne  ce  qui  était  arrivé. 

S.  Chrys.  (hom.  32  sur  S.  Matth.)  C'est  par  un  dessein  providentiel 
que  Notre- Seigneur  attendait  que  cette  jeune  fille  fût  morte,  afin  de 
rendre  plus  éclatant  le  miracle  de  sa  résurrection  ;  c'est  dans  cette 
intention  qu'il  marche  lentement,  qu'il  prolonge  son  entretien  avec 
cette  femme,  jusqu'à  ce  que  la  fille  du  chef  de  la  synagogue  expirât, 
et  que  la  nouvelle  lui  en  fût  apportée  :  «  Comme  il  parlait  encore, 
quelqu'un  vint  dire  au  chef  de  la  synagogue  :  Votre  fille  est 
morte,  »  etc.  —  S.  AuG.  {de  l'ace,  des  Evang.,  ii,  28.)  Que  saint 
Matthieu  raconte  que  le  chef  de  la  synagogue  annonce  au  Seigneur, 
non  que  sa  fille  allait  mourir,  mais  qu'elle  était  morte,  tandis  que 
saint  Luc  et  saint  Marc  rapportent  qu'elle  n'était  pas  encore  morte, 
tellement  qu'ils  ajoutent  qu'on  vint  ensuite  annoncer  sa  mort,  il  n'y 
a  ici  aucune  contradiction.  Saint  Matthieu,  pour  abréger,  a  voulu 
dire  tout  d'abord,  que  le  Seigneur  fut  prié  de  faire  ce  qu'il  fit  en  réa- 
lité, c'est-à-dire,  de  ressusciter  cette  jeune  fille  qui  était  morte;  il  a 


Adhuc  illo  loquente,  venit  quidam  ad  principem 
synagogœ,  dicens  ei,  quia  mortua  est  filia  tua, 
noli  vexare  illum  :  Jésus  autem,  audito  hoc 
verbo,  respondit  patri  puellœ  :  Noli  timere, 
crede  tantum,  et  salva  erit.  Et  cum  venisset 
domum,  non  permisit  secum  intrare  quem- 
quam,  nisi  Petrum,  et  Jacobum,  et  Joannem , 
et  patrem,  et  matrem.  puellœ.  Flehant  autem 
omnes  et  plamjebant  illam.  At  iUe  dixit  : 
Nolite  flere,  non  est  mortua  puella,  sed  dor- 
mit ;  et  deridebant  eum ,  scientes  quod  mortua 
esset.  Ipse  autem.  tenens  manurn  ejus,  clamavit 
dicens  :  Puella,  surge.  Et  reversus  est  spiritiis 
ejus,  et  surrexit  continua  :  et  jussit  illi  dure 
manducare.  Et  stupuerunt  parentes  ejus, 
quitus  prœcipit  ne  alicui  dicerent  quod  fac- 
tura erat, 

Chrys.  (hom.  32,  in  Matth.)  Oppor- 
tune Dominus  expectabat  puellœ  mor- 
teru,  ut  propalaretur  resurredionis  mi- 


raculum  :  propter  quod  et  tardius  iucedlt, 
et  loquitur  cum  muliere  diutius,  ut  ar- 
chisynagogi  filia  expiraret,  et  hujus 
nuutii  adveuirent.  L'nde  dicitur:  «Adhuc 
illo  loquente,  venit  quidam  ad  princi- 
pem synagogœ  dicens  ei,  quia  mortua 
est  filia  tua,  »  etc.  Augcst.  (de  Cens. 
Evang. ,\ih.  il,  cap.  28.)  Sed  cum  Mat- 
thfeus  archisynagogum  non  morituram 
filiam  suam narrât  Domino  nuntiasse,  sed 
omnino  defunctam,  Lucas  autem  et  Mar- 
cusnondum  mortuara,  usque  adeo  ut  di- 
cant  veuisseposteaqui  mortuam  nuntia- 
rent,  considerandum  est  ne  repugnare  vi- 
deatur.  Et  intelligeudum  est  bre  vitatis  hoc 
causa  IMatthaeum  potius  dicere  voluisse 
rogatum  esse  Dominum  ut  faceret  quod 
eum  fecisse  manifestum  est,  ut  scilicet 
mortuam  suscitaret.  Attendit  enim,  non 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    VIII.  4^9 

donc  moins  égard  aux  paroles  du  père,  qu'à  son  désir  et  à  sa  volonté, 
ce  qui  est  beaucoup  plus  important,  sans  doute.  Si  les  deux  autres 
Evangélistes,  ou  l'un  d'eux  seulement  avait  mis  dans  la  bouche  du 
père  le  langage  de  ceux  qui  vinrent  de  chez  lui,  c'est-à-dire,  qu'il  ne 
fallait  pas  davantage  tourmenter  Jésus,  parce  que  la  jeune  fille  était 
morte  ;  les  paroles  que  lui  prête  saint  Matthieu,  seraient  en  opposition 
avec  sa  pensée,  mais  on  ne  lit  nullement  que  le  père  se  soit  joint  aux 
envoyés  pour  empêcher  le  divin  Maître  de  venir.  Aussi  Notre-Sei- 
gneur,  sans  lui  reprocher  son  manque  de  confiance,  affermit  au  con- 
traire sa  foi  et  la  rend  inébranlable  :  «  Jésus,  ayant  entendu  cette 
parole,  dit  au  père  de  la  jeune  fille  :  Croyez  seulement  et  elle  sera 
sauvée.  »  —  S.  Athan.  [dise,  sur  la  pass.  et  la  croix  du  Seigneur.) 
Le  Seigneur  exige  la  foi  de  ceux  qui  l'invoquent,  non  qu'il  ait  besoin 
du  secours  d'autrui  (puisqu'il  est  le  maître  et  le  distributeur  de  la  foi), 
mais  pour  ne  point  paraître  faire  acception  de  personne  dans  la  dis- 
tribution de  ses  dons.  Il  montre  ainsi  qu'il  n'accorde  ses  grâces  qu'à 
ceux  qui  croient,  parce  qu'il  ne  veut  pas  que  ses  bienfaits  tombent 
dans  une  âme  dépourvue  de  foi_,  qui  les  laissera  bientôt  perdre  par  son 
infidéhté.  11  veut  au  contraire  que  la  grâce  de  ses  bienfaits  persévère, 
et  que  la  guérison  qu'il  accorde  soit  constante  et  durable. 

Théophyl.  Avant  de  ressusciter  cette  jeune  fille  qui  était  morte,  il  fit 
sortir  tout  le  monde,  pour  nous  apprendre  à  fuir  toute  vaine  gloire  et 
à  ne  rien  faire  par  ostentation  Ainsi,  lorsque  Dieu  donne  à  quelqu'un 
la  grâce  de  faire  des  miracles,  il  ne  doit  point  rester  dans  la  foule, 
mais  rechercher  la  solitude  et  se  séparer  du  monde  :  «  Etant  arrivé  à 
la  maison,  il  ne  permit  à  personne  d'entrer  avec  lui,  si  ce  n'est  à 
Pierre,  à  Jacques  et  à  Jean.  »  Il  ne  laisse  entrer  que  les  premiers  de 


verba  patris  de  filia  sua,  scd  (quod  est 
polissinmm)  voluiilatein.  Sane  si  alii 
duo  vel  quisquaui  eunini  palrem  com- 
memorassct  dixissc,  quod  veuleules  de 
domo  dixeruut,  ul  jain  non  vexarelur 
Jésus,  quia  pucila  mortua  fuisset,  repu- 
gnareut  cjus  cogitatioui  verba  quai  po- 
sait Malliiœus  :  iiunc  vero  illud  uuu- 
liantibiis  et  prohibenlibus  ne  magister 
veniret,  non  legitur  quod  ipse  consen- 
seril,  Unde  Doiuiuus  non  diffidentem 
reprehendil,  scd  credentem  roimslius 
confirniavit.  Unde  sequitur  :  «  Jésus 
aulem,  audito  hoc  verbo,  respondit  pa- 
tri  [juellfe  :  Crede  lantum,  »  etc.  Atuan. 
{in  Cal.  Grœconim  Pcitrum.)  Fideni 
Uumiuus  exigit  ab  invocantibus  euui, 
non  quia  iadiget    adminiculo    alioruui 


(ipse  namque  et  Uominus  et  largitor  est 
fidei),  sed  ne  videretur  ex  acceptione 
personarum  sua  dona  conferre,  ostendil 
quod  credentibus  favet,  ne  sine  fide 
aocipiant  beneflcia,  et  ea  per  infidelita- 
tem  aboleant.  Vult  enimbeneficiens  du- 
rare  gratiam,  et  sanans,  inconcussum 
pennanere  remedium. 

TnEOPuyLACT.  Mortuam  autem  susci- 
taturus  ejecit  oniues  quasi  nos  docens 
absque  inani  gloria  esse,  et  nihil  ad  de- 
monslrationem  facere;  quod  cum  quis 
débet  uiiracula  perpetrare,  non  decet 
ipsum  esse  in  medio  plurimorum,  sed 
solitarium,  et  ab  aliis  separatuni.  Unde 
sequitur  :  «  Et  cum  venisset  domum, 
non  perniisit  intrare  quemquam,  nisi 
Pelrum,  Jacobum  et  Joannem.  »  Solos 


430 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


ses  disciples,  comme  plus  capables  de  tenir  secret  ce  miracle,  car  il  ne 
voulait  pas  qu'il  fût  divulgué  avant  le  temps  marqué,  peut-être  à 
cause  de  l'envie  que  lui  portaient  les  Juifs.  Ainsi,  lorsque  nous  sommes 
pour  un  de  nos  frères  un  objet  d'envie,  gardons-nous  de  lui  faire 
connaitro  nos  bonnes  œuvres,  pour  ne  pas  donner  à  sa  jalousie  une 
nouvelle  pâture.  —  S.  Chrys.  [hom.  32  sur  S.  Matih.)  Il  ne  prit  point 
avec  lui  les  autres  disciples,  pour  stimuler  leurs  désirs,  et  aussi  parce 
que  leurs  dispositions  n'étaient  pas  assez  parfaites.  Il  choisit  Pierre  et 
les  fils  de  Zébédée,  pour  exciter  les  autres  à  les  imiter.  Il  prend  aussi 
comme  témoins  les  parents  de  la  jeune  fille,  afin  que  personne  ne  pût 
s'inscrire  en  faux  contre  les  preuves  de  cette  résurrection.  Remarquez 
encore  qu'il  fit  retirer  tous  ceux  qui  pleuraient,  et  qu'il  juge  indignes 
de  voir  ce  miracle  :  «  Or,  tous  pleuraient  et  se  lamentaient  sur  elle.  » 
Si  le  Sauveur  bannit  alors  les  pleurs  et  les  larmes,  à  plus  forte  raison, 
devons-nous  maintenant  imiter  cet  exemple?  Car  on  ne  comprenait  pas 
aussi  clairement  alors  que  la  mort  ne  fût  qu'un  sommeil  pour  le  chré- 
tien. Que  personne  donc  ne  s'abandonne  à  une  douleur  exagérée  (I*), 
et  ne  fasse  ainsi  injure  à  la  victoii'e  que  Jésus-Christ  a  remportée  sur 
la  mort,  qui  n'est  plus  maintenant  qu'un  simple  sommeil,  comme  Notre- 
Seigneur  l'établit,  en  ajoutant  :  «  Ne  pleurez  pas,  elle  n'est  pas 
morte,  mais  elle  dort.  »  Il  montre  ainsi  que  toutes  choses  lui  sont  fa- 
ciles, et  qu'il  peut  aussi  facilement  la  rappeler  à  la  vie  que  la  réveiller 
de  son  sommeil  :  «  Et  ils  se  moquaient  de  lui,  sachant  bien  qu'elle 
était  morte.  »  Le  Sauveur  ne  leur  fait  aucun  reproche,  il  n'arrête  pas 

(1*)  Toute  cette  citation  de  saint  Chrysostome  est  composée  en  grande  partie  de  phrases  déta- 
chées, empruntées  à  l'homélie  32  (ou  31)  sur  saint  Matthieu,  et  disposée  dans  un  ordre  tout  diffé- 
rent de  celui  que  présente  le  texte  original.  Nous  avons  suivi  ici  ce  texte  pour  la  traduction  de 
cette  phrase  :  «  Que  personne  donc  ne  s'abandonne,  »  etc.,  au  lieu  du  texte  de  la  Chaîne  d'or  .■ 
u  NuUus  ergo  de  caetero  se  contemnat.  » 


aulem  hos  intromisit  tauquam  discipii- 
lorum  vertices,  et  potentes  luiraculuai 
occultare  ;  non  enim  volebat  ipsum  ante 
tempos  pluribus  revelari,  forte  propter 
invidiam  Judfeorum.  Sic  et  cum  quis 
nobis  invidet,  non  debemus  justitias 
nostras  ei  revelare,  ne  ei  majoris  invi- 
diae  occasio  tribuatiir.  Chrys.  [hom.  32, 
in  Matth.)  Caeteros  autem  discipulos 
non  assumpsit,  provocaus  eo3  ad  appe- 
titum  majorem;  ob  id  quoque,  quod 
nondiim  erant  plene  dispositi.  Assum- 
psit  autem  Petrum  et  cum  illo  filios 
Zebedœi,  ut  et  alii  istos  imiteutur.  As- 
sumpsit  etiam  parentes  in  testes,  ne  quis 
dicere  posset  fallax  esse  resurrectiouis 
indicium.  Ad  hoc  etiam  illud  nota  quod 


llentes  exclusit  a  domo,  et  indignos  os- 
tendit  hujusmodi  visione.  Sequitui- 
enim  :  «  Flebant  autem  omnes,  et  plan- 
gebant  illara.  »  Quod  si  tune  exclusit, 
multo  magis  nunc  :  tune  enim  nondum 
patuerat  niortem  in  somnum  fuisse  con- 
versam.  Nulliis  ergo  de  cœtero  se  con- 
temnat, injuriam  inferens  Cbristi  vic- 
toriœ,  qua  superavit  mortem,  et  eam  in 
somnum  convertit.  Ad  cujus  ostensio- 
nem  subditur  :  «  At  ille  dixit  :  Nolite 
flere  :  non  est  mortua,  sed  dormit,» etc. 
Ostendens  siugula  sibi  fore  in  promptu, 
et  quod  eam  vivilicaret,  quasi  suscitaret 
a  somno  :  nihilominus  tamen  deridebant 
eum.  Sequitur  enim  :  «  Et  deridebant 
eum ,  »  etc.  Quos  non  objurgavit ,  nec 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    VIII. 


431 


leurs  dérisions  qui  seront  une  preuve  évidente  de  la  mort  de  cette 
jeune  fille.  Comme  la  plupart  du  temps,  les  hommes,  malgré  les  mi- 
racles dont  ils  sont  témoins,  persévèrent  dans  leur  incrédulité,  il  veut 
les  convaincre  d'avance  par  leurs  propres  paroles,  et  pour  les  disposer 
à  croire  à  la  résurrection  par  le  spectacle  qu'ils  avaient  sous  les  yeux, 
il  prend  la  main  de  la  jeune  fille  :  a  Alors  prenant  sa  main,  il  dit  à 
haute  voix  :  Jeune  fille,  levez-vous.  »  Et  dès  qu'il  eut  pris  sa  main, 
elle  fut  ressuscitée  :  «  Et  son  àme  revint  dans  son  corps,  et  elle  se 
leva  à  l'instant.  »  En  efi'et,  le  Sauveur  ne  lui  donne  pas  une  âme  difi'é- 
rente  de  la  sienne,  mais  il  lui  rend  la  même  qu'elle  avait  perdue  avec 
le  dernier  soupir.  Non-seulement  il  ressuscite  cette  jeune  fille,  mais  il 
veut  qu'on  lui  donne  à  manger  :  a  Et  Jésus  commanda  de  lui  donner 
à  manger,  »  preuve  évidente  que  cette  résurrection  n'était  pas  imagi- 
naire (l).  Et  il  ne  veut  pas  lui  donner  à  manger  lui-même,  il  la  fait 
servir  par  d'autres;  il  agit  de  même  dans  la  résurrection  de  Lazare, 
il  dit  à  ses  disciples  :  «  Déliez-le,  »  et  l'admet  ensuite  à  sa  table. 

Sévère  d'Axtioche.  Les  parents  de  cette  jeune  fille  sont  plongés 
dans  la  stupeur  et  prêts  à  pousser  des  exclamations  d'étonnement  et 
de  joie;  Jésus  les  contient  :  «  Son  père  et  sa  mère  étaient  hors  d'eux- 
mêmes  d'étonnement,  et  il  leur  commanda  de  ne  dire  à  personne  ce 
qui  était  arrivé.  »  11  montre  ainsi  qu'il  est  l'auteur  et  la  source  de 
tous  les  biens,  qu'il  les  répand  sans  aucune  recherche  personnelle,  et 
qu'il  donne  tout  sans  rien  recevoir.  Celui,  au  contraire,  qui  poursuit 
avec  empressement  la  vaine  gloire  dans  ses  bonnes  œuvres,  donne,  il 
est  vrai  d'un  côté,  mais  pour  recevoir  de  l'autre. 

(1)  C'est  ainsi  qu'après  sa  résurrection,  Jésus  craignant  que  ses  disciples  ne  le  prennent  pour  un 
fantôme,  leur  demanJe  à  manger^  c'est  pour  le  même  motif  qu'il  veut  que  Lazare  après  sa  résur- 
rection, se  mette  à  table  avec  lui,  selon  la  remarque  de  saint  Augustin  :  Traité  1  sur  saint  Jean. 


derisionem  repressit ,  ul  etiam  derisio 
fiât  mortis  indicium  :  nam  quia  ut 
plurimum  post  acta  miracula  bomines 
persévérant  increduli,  verbis  propriis 
eos  prîEvenit  :  ut  autem  quasi  per  visum 
disponeret  ad  resurrectiouis  fidera,  te- 
net  maiium  puellce.  Unde  sequitur  : 
«  Ipse  autem  teneus  manum  ejus  ,  cla- 
inavit  dicens  :  Puella,  surpe.  »  Ciimipie 
tenuisset,  suscitai  eam.  Uude  seiiuitur  : 
«  Et  reversus  est  spiritus  ejus,  et  surre- 
xit  conlinuo.  d  Non  enim  iufudit  aliaui 
animau),  sed  illam  eamdoui ,  qu.'c  expi- 
raverat,  rcstituit.  Nec  solummodo  sus- 
citât pueliam ,  iuio  jubet  illam  cibari  : 
sequitur  :  «  Et  jussit  illi  dare  mandu- 
care  :  »  ne  scilicet  pbantasticum  esse 


videatur  quod  factum  est  :  nec  ipse 
propinat,  sed  aliis  mandat;  sicut  et  iu 
Lazaro  dixit  {Joannis  11)  :  «  Solvite 
eum;  »  ac  deindc  participem  mensae 
fecit. 

Gr^c.  (vel  Severiis  Antiochenus  in 
Cut.  Grcecoruvi  Patrum.)  Deindc  stu- 
pefactos  miraculo ,  et  pêne  clamantes 
parentes  cohibet  ne  factum  preedicent. 
Sequitur  enim  :  «  Et  stupuerunt  paren- 
tes ejus,  qnibus  prœcepil  ne  alicui  dice- 
renl  quod  factum  crat.  »  Ostendens  quod 
lart'itor  bonorum  est;  non  aulera  cupi- 
dus  gloriœ  ;  datque  totum,  uibil  reci- 
picns.  Qui  vero  venatur  operum  glo- 
riam,  aliquid  quidem  exhibuit,  aliquid 
vero  recepit. 


432 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


BEDE.  Dans  le  sens  mystique,  à  peine  cette  femme  malade  d'une 
perte  de  sang,  est-elle  guérie,  qu'on  vient  annoncer  à  Jésus  la  mort 
de  la  fille  du  chef  de  la  synagogue.  C'est  qu'en  effet,  lorsque  l'Eglise 
fut  purifiée  des  souillures  de  ses  vices,  la  synagogue  expira  aussitôt 
victime  de  son  infidélité  et  de  sa  noire  envie  ;  de  son  infidélité  parce 
qu'elle  refuse  de  croire  en  Jésus-Christ,  de  jalousie,  parce  qu'elle  s'at- 
trista de  voir  l'Eglise  embrasser  la  foi. 

S.  Ambr.  Les  serviteurs  du  prince  de  la  synagogue  eux-mêmes  ne 
pouvaient  croire  encore  à  la  résurrection  que  Jésus-Christ  avait  pré- 
dite dans  la  loi  {Ps.  xv),  et  qu'il  accomplit  plus  tard  sous  le  règne  de 
l'Evangile,  et  ils  disent  au  père  de  la  jeune  fille  :  «  Ne  le  tourmentez 
pas  davantage,  »  comme  s'il  lui  était  impossible  de  rappeler  cette  jeune 
fille  à  la  vie.  —  Bède.  C'est  le  même  langage  que  tiennent  encore  au- 
jourd'hui ceux  qui  regardent  l'état  de  la  synagogue  comme  tellement 
désespéré,  qu'ils  ne  croient  pas  qu'elle  puisse  être  jamais  rétablie , 
mais  ce  qui  est  impossible  aux  hommes  est  possible  à  Dieu  {Luc,  xviii). 
Aussi  le  Sauveur  dit  au  chef  de  la  synagogue  :  «  Ne  craignez  pas, 
croyez  seulement,  et  elle  sera  sauvée.  »  Le  père  de  la  jeune  fille  re- 
présente la  réunion  des  docteurs  de  la  loi,  s'ils  consentent  à  embrasser 
la  foij  la  synagogue  qui  leur  est  soumise  sera  également  sauvée.  — 
S.  Ambr.  Lorsque  Jésus  fut  venu  dans  la  maison,  il  ne  prit  avec  lui 
que  quelques  témoins  de  la  résurrection  qu'il  allait  opérer;  c'est 
qu'en  effet,  la  résurrection  n'a  été  crue  d'abord  que  par  un  petit 
nombre.  Mais  pourquoi  cette  manière  d'agir  si  différente?  Précédem- 
ment, il  a  ressuscité  publiquement  le  fils  d'une  veuve;  ici  il  éloigne 
la  foule  des  témoins  ;  dans  cette  première  circonstance,  Notre-Seigneur 
voulait  manifester  sa  bonté,  parce  que  la  douleur  de  cette  veuve  qui 
pleurait  son  fils  unique,  ne  souffrait  aucun  retard.  Il  voulait  aussi 


BjiD.  Mystice  autem  salvata  a  fluxu 
sanguinis  muliere,  mox  filia  principis 
mortua  nuntiatur;  quia  dum  Ecclesia 
a  vitiorum  labe  muudata  est ,  coutinuo 
syaagoga  perfidia  atque  invidia  soluta 
est  :  perfidia  quidem,  quia  in  Ciiristum 
credere  noluit;  invidia  vero,  quia  Ec- 
clesiam  eredidisse  doluit. 

Ambr.  Adliuc  autem  et  servuli  princi- 
pis increduli  erant  ad  resurrectionem, 
quam  Jésus  in  lege  prœdixit  [Psalm. 
15),  in  Evaugelio  complevit  :  unde  di- 
cunt  :  «  Noli  vexare  illuiu,  »  quasi  sit  ei 
impossibile  suscitare  mortuam.  Bed.  Vel 
per  eos  etiam  hoc  hodie  dicitur  qui 
adeo  destitutum  synagogee  statum  vident 
ut  restaurari  posse  non  credaut,  ideoque 


pro  suscitatione  illius  suppiicandum  esse 
non  fEstiment  :  sed  quae  impossibilia 
sunt  apud  liomines,  possibilia  sunt  apud 
Deum.  {Luc,  18,,  vers.  27.)  Unde  Donai- 
nus  ei  dixit  :  «Noli  tiiuere,  crede  tan- 
tum,  et  salva  ei'it.  »  Pater  puellse  cœlus 
doctorum  legis  accipitur  :  qui  si  credere 
voluerit ,  etiam  subjecta  ei  synagoga 
salva  erit.  Ambr.  Itaque  cum  venisset 
in  domum  ,  paucos  futur*  resurrectio- 
nis  arbitres  ascivit  :  non  enim  a  raultis 
continue  est  crédita  resurrectio.  Quae 
tamen  tantœ  diversitatis  est  causa? 
Supra  publice  filius  viduee  suscitatur  ; 
hic  removentur  plures  arbitri  :  sed  puto 
quod  pietas  ibi  Uomini  declaratur;  quia 
vidua  mater   unici  filii  non  patiebatur 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.   VIll.  433 

dans  sa  sagesse,  nous  donner  une  figure,  dans  le  fils  de  la  veuve  de 
Naïm,  de  l'Eglise,  qui  devait  embrasser  promptement  la  foi,  et  dans 
la  fille  du  chef  de  la  synagogue,  les  Juifs  qui  devaient  croire,  mais  en 
très-petit  nombre.  Enfin,  lorsque  Notre-Seigneur  leur  dit  :  «  Cette 
jeune  fille  n'est  pas  morte,  mais  elle  dort.  »  Us  se  riaient  de  lui,  car 
quand  on  ne  croit  pas,  on  devient  nécessairement  moqueur.  Laissons 
donc  pleurer  leurs  morts  à  ceux  qui  les  regardent  comme  morts  sans 
retour  ;  avec  la  foi  en  la  résurrection,  il  n'y  a  plus  de  mort,  il  n'y  a 
plus  qu'un  sommeil  passager.  Quant  à  la  synagogue  qui  a  perdu  la 
joie  de  l'époux  qui  faisait  sa  vie,  elle  reste  étendue  comme  morte  au 
milieu  de  ceux  qui  la  pleurent,  sans  même  comprendre  le  sujet  de 
leurs  larmes.  —  S.  Ambr.  Le  Seigneur  prend  la  main  de  la  jeune  fille 
pour  la  rappeler  à  la  vie;  heureux  celui  que  la  sagesse  prend  ainsi 
par  la  main  pour  l'introduire  dans  sa  maison,  et  commander  qu'on 
lui  donne  à  manger  !  Car  le  Verbe  de  Dieu  est  vraiment  le  pain  des- 
cendu du  ciel,  aussi  entendez  la  Sagesse  qui  a  multiplié  sur  les  autels 
le  corps  et  le  sang  d'un  Dieu  pour  être  notre  nourriture,  vous  dire  : 
«  Venez,  mangez  le  pain  que  je  vous  donne,  et  buvez  le  vin  que  je 
vous  ai  préparé.  »  [Prov.,  ix.)  —  Bède.  La  jeune  fille  se  leva  à  l'ins- 
tant, car  dès  que  Jésus-Christ  prend  et  soutient  la  main  de  l'homme, 
son  âme  revient  aussitôt  à  la  vie.  Or,  il  en  est  quelques-uns  qui  trouvent 
la  mort  de  l'àme  dans  une  simple  pensée  coupable  qui  ne  se  manifeste 
par  aucun  acte  ;  le  Seigneur  leur  rend  la  vie  dans  la  fille  du  chef  de 
la  synagogue.  D'autres  en  viennent  aux  actes  extérieurs  du  mal  dans 
lequel  ils  se  complaisent,  et  portent  pour  ainsi  dire  leur  mort  publi- 
quement hors  des  portes,  ils  sont  figurés  par  le  fils  de  la  veuve,  que 
Jésus  ressuscita  hors  des  portes  de  la  ville,  et  il  montre  ainsi  qu'il 
peut  les  ressusciter.  D^autres  enfin  sont  ensevelis  dans  les  habitudes 


inoras  :  est,  etiani  forma  sapientiœ ,  in 
filio  vidu.t;  cito  Eoclesiam  credituram  : 
iu  archisynagogi  liiia  credituros  quidem 
Judaeos,  sed  ex  pluribus  pauciores  :  de- 
nique  dicenle  Domino  :  «  Nou  est  mor- 
lua  puella,  sed  dormit,  »  deridebant 
eum  :  quicunque  onira  non  crédit,  irri- 
det.  Fleant  igitur  mortuos  suos,  qui  pu- 
taut  mortuos  :  ubi  resurreciionis  fides 
est,  non  mortis  species ,  sed  quictis  est. 
Synagoga  etiam  quia  sponsi  lajtiliuni 
qua  vivere  possit,  aniisit,  quasi  inter  plan- 
genles  morlua  jaceiis^  nec  lioc  ipsum 
quare  plangatur  intelligit.  Amur.  Tenons 
autem  Domums  manum  puelliK  ,  sanavit 
eam  :  beatus  enim  eujus  manus  sapienlia 
Icnct,  ut  inducat  in  penetraiia  sua,  jubeut 
dari  manducare  :  panis   enim  cœlestis 

TOM.   V. 


est  Dei  verbum  :  inde  et  illa  sapientia 
quaî  Dei  corporis  et  sangninis  altaria 
replevit  alimentis  :  «  Veuite ,  iuquit 
(Prov.,  9) ,  édite  panes  meos ,  et  bibite 
vinum  quod  miscui  vobis.  »  Bed.  Sur- 
rexit  autem  puella coutinuo  ;  quia  Christo 
mamnn  confortante,  liomo  a  morte 
anima}  resipiscit.  Sunt  euim  nonnuUi 
qui  latente  tantum  cogitatioue  peccati 
sibi  mortem  couciscunt;  sed  taies  se 
vivificare  significans  Dominus,  suscitavit 
filiani  ar '.liisynagogi.  Alii  vero  ipsum 
malum  quo  delectanlur  agendo,  mor- 
tuum  suum  quasi  extra  portas  eflerunt; 
et  lios  se  snscitare  denioustraus,  susci- 
tavit filium  viduœ  extra  portas  civitatis  : 
quidam  vero  etiam  peccati  consueludiue 
se  quasi  sepeliendo  corrumpunt;  et  ad 

28 


-i34  EXPLICATION'   DE   l'ÉVANGILE   DE   S.    LUC,    CHAP.   VIII. 

du  péché  comme  daus  la  corruption  du  tombeau,  et  la  grâce  du  Sau- 
veur est  également  puissante  pour  leur  rendre  la  vie,  c'est  pour 
le  prouver  qu'il  ressuscite  Lazare,  qui  était  déjà  depuis  quatre  jours 
dans  le  tombeau.  Or,  plus  les  crimes  qui  ont  donné  la  mort  à  l'àme 
sont  graves,  plus  doit  être  vive  la  ferveur  de  la  pénitence.  Aussi, 
Notre-Seigueur  parle  à  voix  modérée  pour  ressusciter  la  jeune  fille 
étendue  morte  dans  la  maison  de  ses  parents  ;  il  prend  un  ton  plus 
élevé,  et  en  dit  davantage  pour  rappeler  à  la  vie  le  jeune  homme 
qu'on  portait  au  tombeau;  mais  pour  ressusciter  Lazare  mort  depuis 
quatre  jours,  il  frémit  en  son  esprit,  il  verse  des  larmes,  et  jette  un 
grand  cri.  Remarquons  encore  que  les  fautes  publiques  exigent  un 
remède  public,  tandis  que  les  péchés  moins  graves  peuvent  être  effa- 
cés par  les  œuvres  secrètes  de  la  pénitence.  Cette  jeune  fille  étendue 
morte  dans  la  maison  de  ses  parents,  revient  à  la  vie  devant  un  petit 
nombre  de  témoins;  le  fils  de  la  veuve  de  Naim  est  ressuscité  hors  de 
la  maison  et  devant  tout  le  peuple,  et  Lazare,  rappelé  du  tombeau,  eut 
pour  témoins  de  sa  résurrection  un  nombre  considérable  de  Juifs. 


hos  eliam  erigendos  adest  gratia  Salva- 
toris  ,  ad  quod  intimandum  resuscitavit 
Lazarum  quatuor  dies  liabentem  in  mo  - 
numento.  Quauto  autem  gravior  est 
mors  animœ ,  tanto  acrior  pœuilentis 
fervor  insistât.  Unde  jacentem  in  con- 
clavi  mortuain  levi  voce  l'esuscitat;  de- 
latura  foras  juvenem  pluribus  dictis  cor- 
roborât;  ad  quatriduanum  vero  susci- 


tauduni  iofremuit  spirilu,  lacrymas  fu- 
dit,  et  voce  magua  clamavit.  Sed  et  hic 
notandum  quod  publica  uoxa  publico 
eget  remedio;  levia  peccata  sécréta 
quœrunt  poenitentia  deleri,  Puella  in 
domo  jacens  paucis  arbitris  resurgit, 
juveuis  extra  domum  turba  multa  co- 
mitante  suscitatur;  Lazarus  de  monu- 
mento  vocatus  multis  populis  innotuit. 


CHAPITRE  IX. 

SOMMAIRE     ANALYTIQUE. 

f.  1-6.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  donne  à  ses  apôtres  le  pouvoir  de  faire  des 
miracles.  —  Combien  le  pouvoir  de  faire  des  miracles  diffère  dans  Notre- 
Seigneur  et  dans  les  apôtres.  —  A  quel  temps  leur  donne-t-il  ce  pouvoir?  — 
Objet  précis  de  leur  mission. — Maxime  générale  qui  résume  toutes  les  re- 
commandations que  Notre-Seigneur  fait  à  ses  apôtres.  —  Avantages  précieux 
de  la  pauvreté ,  et  désintéressement  dont  il  leur  recommande  la  pratique.  — 
Confiance  dans  la  Providence  nécessaire  aux  ouvriers  évangéliques.  —  Droit 
qu'ils  ont  aux  choses  nécessaires  à  la  vie.  —  Autres  interprétations  de  ces 
paroles.  —  Notre-Seigneur  ne  se  propose  ici  que  de  diriger  les  affections  in- 
térieures, il  défend  à  ses  disciples  de  thésauriser. — Pourquoi  leur  recom- 
mande-t-il  de  rester  dans  la  même  maison  ?  —  Pourquoi  doivent-ils  secouer 
la  poussière  de  leurs  pieds  contre  ceux  qui  refuseront  de  les  recevoir,  et  que 
signifie  cetie  action'^  —  Comment  Notre-Seigneur  envoie  ses  disciples  comme 
docteurs  et  comme  médecins. 
y.  7-10. — Comment  Hérodc  n'apprit-il  que  très-tard  la  renommée  des  miracles 
du  Sauveur  ?  —  Quel  était  cet  Hérode.  —  Craintes  et  agitations  continuelles 
des  pécheurs. — Pourquoi  Hérode  rappelle-t-il  qu'il  a  fait  couper  la  léte 
à  Jean? 
v.  li-17.  — Ce  que  les  disciples  de  Jésus  lui  rapportent  au  retour  de  leurs  pré- 
dications.—  Divers  motifs  pour  lesquels  Jésus  se  retire  dans  un  lieu   dé- 
sert. —  Avec  quelle  bonté  il  accueille  ceux  qui  viennent  à  lui. — Pourquoi 
commande-t-il  à  ses  disriplcs  de  donner  à  manger  à  tout  ce  peuple?  — 
Comment  on  peut  concilif  r  saint  Luc  avec  les  autres  évangélistes. — La  grande 
multitude  ajoutait  aux  difficultés  du  miracle. — Prétendue  contradiction  de 
saint  Luc  et  de  saint  Marc  sur  le  nombre  de  ceux  qui  composaient  les  diffé- 
rents groupes.  —  Pourquoi  Jésus  lève  les  yeux  vers  le  ciel  avant  de  faire  ce 
miracle.  —  Pourquoi  distribue-t-il  le  pain  aux  peuples  par  les  mains  de  ses 
disciples? — Pourquoi  ne  tire-t-il  pas  du  néant  ce  pain  et  ces  laissons  qu'il 
distribue?  — Nouvelle  preuve  du  miracle  dans  les  morceaux  qui  restent.  — 
Pourquoi  ce  ne  sont  pas  des  pains  entiers,  mais  de  simples  morceaux.  — 
Explication  mystique  et  spirituelle  de  ce  miracle.  —  Dans  quelles  circon- 
stances ce  miracle  a  lieu.  —  Pourquoi  est-il  opéré  dans  le  désert  au  déclin 
du  jour?  —  Pourquoi  ne  donne-t-il  pas  immédiatement  à  cette  multitude  la 
nourriture  la  plus  substantielle?  —  Il  faut  abandonner  toutes  choses  pour  re- 
cevoir la  nourriture  céleste.  — Que  figuraient  les  cinq  pains  et  les  deux  pois- 
sons. —  Que  représente  li;  pain  qui  est  rompu,  et  qui  n'est  pas  créé  pour  cette 
circonstance.  —  Que  signifient  les  restes  recueillis  par  les  disciples.  — Pour- 
quoi Jésus  veut  qu'on  en  lemplisse  douze  corbeilles.  —  Que  figurent  ces  douze 
corbeilles. 
y.  18-22.  — Leçon  que  le  Sauveur  donne  aux  pasteurs  des  âmes  de  .se  retirer 
dans  la  solitude  pour  prier.  —  Pourquoi  prie-t-il  seul?  —  Pourquoi  demande- 
t-il  à  ses  disciples  ce  que  les  hommes  pensaient  de  lui  ?  —  Opinion  que  le 
peuple  se  formait  de  Jésus.  —  Pourquoi  leur  demande-t-il  ensuite  quel  est  leur 
sentiment  personnel? — Que  comprend  la  réponse  de  saint  Pierre. — Pourquoi 


436  EXPLICATION   DK   I.'ÉVANGTLE 

iNolre-Seigneur  ne  veut  pas  encore  que  sa  Divinité  soit  proclamée  parmi  le 
peuple.  —  Après  quels  événements  les  apôtres  devaient-ils  prêcher  hautement 
ce  dogme  de  notre  foi  ? 

f.  23-28.  —  Comment  Notre-Seigncur  encourage  ses  disciples  a  souffrir.  —  Il 
ne  veut  pas  qu'on  le  serve  forcément  et  à  regret ,  mais  volontairement.  — 
Comment  il  se  propose  lui-même  comme  modèle  de  la  vie  parfaite.  — Néces- 
sité de  se  détacher  de  soi-même.  — En  quoi  consiste  le  renoncement  à  soi- 
même.  —  De  combien  de  manières  porte-t-on  sa  croix?  —  Pourquoi  Notre- 
Seigneur  réunit  ces  deux  choses  :  Qu'il  se  renonce  hii-mème,  et  qu'il  porte 
sa  croix.  —  En  quoi  consiste  la  perfection  et  par  où  doit-elle  commencer?  — 
Raison  du  commandement  que  le  Sauveur  vient  de  donner.— Quels  sont  ceux 
qui  veulent  sauver  leur  àme  en  ce  monde.  —  Combien  la  participation  aux 
souffrances  de  Jésus-Christ  surpasse  de  beaucoup  les  jouissances  que  donnent 
les  plaisirs  et  les  biens  de  ce  monde.  —  Deux  sortes  de  temps  que  l'Eglise 
traverse  ici-bas,  préceptes  pour  ces  deux  circonstances.— Différentes  manières 
dont  on  rougit  de  Jésus-Christ.  —  Comment  il  pénètre  ses  disciples  d'une 
crainte  salutaire  par  la  perspective  du  dernier  jugement.  —  Comment  à  l'es- 
pérance des  récompenses  éternelles  il  joint  l'attrait  d'une  récompense  présente. 

Quel  est  ce  royaume  de  Dieu  que  quelques-uns  de  ses  disciples  doivent  voir 

avant  de  mourir. 

^29-31.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  découvre  aux  yeux  des  apôtres  une 
imaoe  de  son  royaume.  —  Comment  concilier  saint  Matthieu  et  saint  Marc 
avec  saint  Luc  sur  le  nombre  de  jours  qui  s'écoulèrent  depuis  la  promesse  de 
la  transfiguration  jusqu'à  la  transfiguration  elle-même.  — Pourquoi  Jésus  n'ad- 
mei-il  pas  tous  ses  disciples  à  jouir  de  cette  vision?  —  Pourquoi  en  prend-il 
trois  avec  lui  ?  —  En  quoi  la  prière  du  Seigneur  est  différente  de  la  prière  des 
serviteurs.  —  De  quelle  manière  l'aspect  de  sa  face  devint  tout  autre.  —  Ce 
qu'était  la  transfiguration  du  Sauveur. — Motifs  de  l'apparition  de  Moïse  et 
(l'Elie.  —  Explication  mystique  et  spirituelle  des  circonstances  de  la  tra;isfi- 
o-uratioTi ,  du  temps  auquel  elle  eut  lieu ,  des  trois  disciples  que  Jésus  prit 
avec  lui,  etc. 

y.  32-36.  — Comment  faut-il  entenare  le  sommeil  auquel  se  laissent  gagner 
Pierre  et  ceux  qui  étaient  avec  lui?  —  Pourquoi  n'était- il  pas  avantageux  que 
Jésus  restât  sur  la  montagne,  comme  Pierre  le  désirait? — Sens  mystérieux 
des  paroles  de  Pierre  ;  Faisons  ici  trois  tentes.  —  Dieu  ne  voulait  pas  res- 
treindre le  fruit  de  l'Incarnation  à  ceux  qui  étaient  sur  la  montagne.  — 
Pourquoi  encore  n'était-il  pas  besoin  de  trois  tentes  ?  —  Ce  qui  porte  Pierre 
à  parler  de  la  sorte.  —  Pourquoi  le  Sauveur  permet  -il  qu'une  nuée  lumineuse 
enveloppe  la  montagne,  ce  qu'elle  figure?  — De  quoi  est-elle  composée? — 
Etendue  et  profondeur  des  paroles  que  Dieu  le  Père  fait  entendre  du  haut  des 
cieux. Pourquoi  Moïse  et  Ehe  disparaissent  aussitôt  que  Dieu  le  Père  pro- 
clame la  Divinité  du  Sauveur.  —  Le  mystère  de  la  Trinité  toute  entière  révélé 
dans  la  transfiguration.  —  Pourquoi  Jésus  ne  veut  pas  qu'on  fasse  connaître 
avant  sa  passion  ces  glorieuses  manifestations. 

•jjr_  37-43.  —  Parfait  rapport  qui  existe  entre  les  lieux  et  les  choses.  — Sagesse 
de  cet  homme  dans  la  prière  qu'il  adresse  au  Sauveur  en  faveur  de  son 

f,ls_ Raison  du  reproche  d'incréduUté  que  Jésus  lui  fait.  —  Notre-Seigneur 

s'adresse  en  même  temps  à  tous  les  Juifs.  —  Pourquoi  les  appelle-t-il  :  Géné- 
ration perverse,  et  sous  qu'elle  impression  leur  fait-il  ce  reproche?  —  Pour- 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.    IX.  437 

quoi  ne  délivre-t-il  pas  ce  possédé  d'un  seul  mot  comme  il  le  pouvait?  — 
Explication  mystique  et  spirituelle  de  ce  miracle. 

f.  44-45.  —  Pourquoi  Jésus  veut  que  ses  disciples  gardent  comme  un  dépôt 
dans  leur  âme  le  mystère  de  sa  passion.  — Pourquoi  leur  prédit-il  ses  souf- 
frances au  milieu  même  de  l'admiration  qu'excite  la  vue  de  ses  miracles?  — 
Quel  est  celui  qui  doit  le  livrer.  —  Pourquoi  ne  permet-il  pas  que  ses  disciples 
comprennent  cette  prédiction?  —  Cause  de  leur  ignorance.  —  Pourquoi  crai- 
gnaient-ils d'interroger  leur  divin  Maître? 

f.  46-48.  —  Pièges  de  toute  sorte  que  le  démon  tend  à  ceux  qui  veulent  vivre 
saintement.  — Cette  pensée  de  vaine  gloire  vint-elle  à  tous  les  disciples ,  et 
quelle  en  fut  la  cause.  —  Comment  le  Sauveur  extirpe  cette  pensée  d'orgueil 
avant  qu'elle  se  soit  développée.  — Preuve  qu'il  donne  de  sa  Divinité.  — Ca- 
ractère de  l'enfance.  —  Nécessité  de  devenir  enfant.  —  Comment  >'otre-Sei- 
gneur  apprend  à  ceux  qui  veulent  être  les  premiers  à  recevoir  les  pauvres  en 
son  nom  et  par  honneur  pour  lui.  —  Par  quel  sentiment  Jean  et  les  autres 
disciples  avaient-ils  fait  une  défense  formelle  à  un  homme  qui  chassait  les 
démons?  —  Ce  qu'ils  auraient  dû  penser.  —  Comment  N'otre-Seigneur  leur 
apprend  à  connaître  la  différence  qui  sépare  les  chrétiens  faibles  de  ceux  qui 
sont  forts.  —  Y  a-t-il  contradiction  enti^e  ces  paroles  du  Sauveur  :  Celui  qui 
n'est  pas  contre  moi  est  avec  moi,  et  ces  autres  :  Celui  qui  n'est  pas  avec  moi 
est  contre  moi?  —  Puissance  de  Jésus-Christ  qui  opère  par  des  hommes  in- 
dignes qui  ne  sont  pas  ses  disciples. — Le  Seigneur  ne  demande  pas  seulement 
à  ses  disciples  les  oeuvres  de  leur  ministère ^  mais  des  œuvres  de  vertu.  — 
Ce  que  nous  devons  détester  dans  les  hérétiques  et  dans  les  mauvais  catho- 
liques. 

^.51-56.  —  Pourquoi  fallait- il  que  le  Sauveur  fût  immolé  à  Jérusalem?  —  Il 
prévoit  et  prédit  d'avance  sa  passion.  —  Raison  pour  laquelle  les  habitants  du 
bourg  de  Samarie  refusèrent  de  le  recevoir.  —  Pourquoi  cependant  il  com- 
mande à  ses  disciples  d'aller  leur  annoncer  sa  venue.  —  Ce  qui  inspira  aux 
disciples  de  demander  à  Jésus  que  le  feu  du  ciel  tombât  sur  cette  ville.  —  Le 
désir  de  la  vengeance  incompatible  avec  la  perfection  de  la  vertu  chrétienne. 
—  Reproche  que  Notre- Seigneur  fait  à  ses  disciples.  —  Comment  la  clémence 
est  souvent  bien  plus  utile  que  la  vengeance. 

t-  o7-G2. — Notre-Seigneur  ne  donne  pas  indistinctement  et  au  hasard  les 
choses  célestes.  —  Dans  quels  sentiments  s'approche  de  lui  cet  homme  qui  lui 
dit  :  Je  vous  suivrai  partout  où  vous  irez.  —  Leçon  de  désintéressement  et  de 
pauvreté  que  lui  donne  le  Sauveur.  —  Que  sont  les  renards  et  les  oiseaux  du 
ciel  dans  le  sens  figuré.  —  Pourquoi  Jésus  défend  à  un  autre  qu'il  appelle  à 
sa  suite  d'aller  ensevelir  son  père,  alors  que  la  religion  elle-même  en  fait  un 
devoir.  —  Il  nous  enseigne  par  là  à  toujours  placer  les  intérêts  spirituels  au- 
dessus  des  choses  les  plus  nécessaires.  —  Que  signifie  cette  expression  :  Leurs 
morts.  —  Dans  quel  sens  peut-on  encore  entendre  l'expression  ensevelir  ?  — 
Dispositions  dans  lesquelles  un  troisième  s'approche  de  Jésus.  —  Qu'est-ce 
que  mettre  la  main  à  la  charrue  et  puis  regarder  en  arrière. 


438 


EXPLICATION   DK   L  EVANGILE 


^.  1-6.  —  Jésus  ayant  appelé  les  douze  apôtres,  leur  donna  puissance  et  autorité 
sur  tous  les  démons,  et  le  pouvoir  de  guérir  les  maladies.  Puis  il  les  envoya 
prêcher  le  royaume  de  Dieu,  et  rendre  la  santé  aux  malades.  El  il  leur  dit  : 
Ne  portez  rien  en  route,  ni  bâton,  ni  sac,  ni  pain,  ni  argent,  et  n'ayez  point 
deux  tuniques.  En  quelque  maison  que  vous  entriez,  demeurez-y  et  n'en  sortez 
point.  Lorsqu'on  refusera  de  vous  recevoir,  en  sortant  de  cette  ville,  secouez 
même  la  poussière  de  vos  pieds  en  témoignage  contre  eux.  Etant  donc  partis, 
ils  allaient  de  village  en  village,  annonçant  l'Evangile,  et  guérissant  en  tout 
lieu. 

S.  Cyr.  Il  convenait  que  les  ministres  établis  de  Dieu  pour  ensei- 
gner la  sainte  doctrine,  eussent  le  pouvoir  de  faire  des  miracles  et  de 
faire  reconnaître  par  leurs  œuvres,  qu'ils  étaient  les  envoyés  de  Dieu  ; 
«  Jésus  ayant  assemblé  les  douze  Apôtres^  leur  donna  puissance  et 
autorité  sur  tous  les  démons,  »  etc.  Il  abaisse  ainsi  la  fierté  superbe  du 
démon  j  qui  avait  osé  dire  autrefois  :  Nul  ne  peut  me  contredire. 
[Isaie,  X.)  (1)  —  Eusèbe.  Comme  il  veut  conquérir  par  eux  tout  le  genre 
humain,  il  leur  donne  non-seulement  le  pouvoir  de  chasser  les  esprits 
mauvais,  mais  encore  de  guérir  en  son  nom  toute  espèce  d'infirmité  : 
«  Et  pour  guérir  les  maladies.  »  —  S.  Cyr.  {Très.,  xiv,  14.)  Considé- 
rez ici  la  divine  puissance  du  Fils  de  Dieu,  qui  ne  peut  convenir  à 
aucune  nature  créée,  car  si  les  saints  faisaient  des  miracles,  ce  n'était 
point  en  vertu  d'un  pouvoir  naturel,  mais  par  la  participation  de 
l'Esprit  saint.  Ils  ne  pouvaient  d'ailleurs  en  aucune  façon  communi- 

[l]  Saint  Cyrille  traduit  ici  d'après  les  Septante,  on  lit  dans  la  Vulgate  :  »  11  ne  s'est  trouvé  per- 
sonne qui  osa  seulement  remuer  l'aile,  ou  ouvrir  la  bouche,  ou  faire  entendre  le  moindre  cri.  n 
[Isai.,  X,  14.)  Ces  paroles  sont  mises  dans  la  bouche  du  roi  A!^su^  qui  est  la  figure  du  démon, 
auquel  convient  parfaitement  le  nom  d'Assur  qui  veut  dire,  dressant  des  embûches. 


CAPUT   IX. 

Convocatis  autem  Jésus  duodecim  aposiolis , 
dédit  mis  virtutem  et  potestatem  super  om- 
nia  dœmonia ,  et  ut  languores  curarent.  Et 
misit  illos  prœdicare  regnum  Dei  et  sanare 
infirmas.  Et  ait  ad  illos  :  Nihil  tideritis  in 
via,  neque  virgam,  neque  peram,  neque  pa- 
nent,  neque  pecuniam  ;  neque  duas  tunicas 
habeatis  :  et  in  quamcunque  domum  intra- 
veritis,  ibi  manete,  et  inde  ne  exeatis.  Et  qui- 
cunque  non  receperint  vos,  exeuntes  de  civitate 
illa ,  etiani  pulverem  pedum  vcstrorum  excu- 
tite  in  testimonium  supra  illos.  Egressi  aulem 
cireuibant  per  castella  eoangelizantes  et  cu- 
rantes uhique. 

Cyril,  [in  Cat.  Grœconim  Patrum.) 
Decebat  institutos  ministros  sacrai'um 
doctrinarum  posse  mira  peragere ,  et 
per  ipsos  effectus  credi  quod  essent  Dei 


ministri  :  iinde  dicitur  :  «  Convocatis 
autem  Jésus  duodecim  apostolis ,  dédit 
illis  virtutem  super  omnia  dsemonia ,  » 
etc.  In  quo  elatum  supercilium  diaboli 
flectit,  qui  dicehat  aliquando  [Isaiœ, 
10)  :«  Non  est  qui  contradicere  valeat.  » 
Elseb.  [in  eadem  Cat.  Grœca.)  Et  ut 
per  eos  veuetur  genus  humanum,  non 
soliim  dat  eis  ut  pravos  spiritus  pellant, 
sed  eliam  quamlibet  infirmitatem  sanent 
ex  ejus  imperio  :  unde  sequitur  :  «  Et 
ut  lauiïuorerf  curarent.  »  Cyril,  [uhi  svp. 
et  in  Thcsauro,  lib.  xiv,  cap.  14.)  Atten- 
das  hic  divinam  Filii  potestatem  naturfe 
corporali  non  couvenieutem  :  agere 
namque  miracula  aderat  sanctis,  non 
natura ,  sed  participatione  Spiritus 
sancti.  Super  hoc  autem  aliis  concedere 
potestatem    prorsus   alieuum    erat   ab 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    IX. 


439 


quer  cette  puissance  aux  autres,  car  comment  une  nature  créée  pour- 
rait-elle disposer  en  maître  des  dons  de  l'Esprit  saint?  Au  contraire, 
Notre-Seigneur  Jésus-Christ  étant  Dieu  par  nature ,  distribue  cette 
grâce  à  qui  il  veut,  il  n'appelle  pas  sur  ceux  qui  la  reçoivent  une 
vertu  étrangère,  il  la  leur  communique  de  ses  propres  trésors.  — 
S.  Chrys.  {hom.  33  5?/r  iS.  Matth.)  Mais  ce  n'est  qu'après  qu'il  les  a 
fortifiés  par  un  long  commerce  avec  lui,  et  qu'ils  ont  acquis  une  con- 
viction raisonnée  de  sa  puissance  qu'il  leur  donne  cette  mission  :  «  Et 
il  les  envoya  prêcher  le  royaume  de  Dieu.  »  Remarquez  l'objet  précis 
de  leur  mission,  ce  n'est  point  d'annoncer  des  choses  temporelles, 
comme  Moïse  et  les  prophètes,  qui  promettaient  la  terre  et  les  biens  de 
la  terre,  les  Apôtres  annoncent  et  promettent  le  royaume  de  Dieu  et 
tout  ce  qu'il  renferme. 

S.  Grég.  de  Naziaxze  (1).  En  envoyant  ses  disciples  prêcher  l'Evan- 
gile, Notre-Seigneur  leur  fait  un  grand  nombre  de  recommandations 
qui  peuvent  se  résumer  dans  cette  maxime  générale,  c'est  que  leur 
vertu,  leur  courage,  leur  humilité,  leur  vie  toute  céleste,  doivent  briller 
d'un  si  vif  éclat,  qu'ils  servent  à  la  propagation  de  l'Evangile,  non 
moins  puissamment  que  leurs  prédications;  c'est  pour  cela  qu'il  les 
envoie  sans  argent,  sans  bâton,  et  avec  un  seul  vêtement  :  «  Ne  portez 
rien  eu  route,  ni  bâton,  ni  sac,  ni  pain,  ni  argent,  »  etc.  —  S.  Chrys. 
Ce  précepte  renfermait  pour  les  disciples  de  nombreux  avantages; 
premièrement,  il  les  mettait  à  l'abri  de  tout  soupçon;  seconde- 
ment, il  les  affranchissait  de  toute  sollicitude,  et  leur  laissait  toute 
liberté  pour  la  prédication;  troisièmement,  il  les  convainquait  de  sa 

I)  Discours  1,  sur  le  caractère  et  les  devoirs  du  prêtre. 


eorum  virtate  :  qualité  r  enim  posset 
natura  creata  super  spiritus  dona  possi- 
dere  dominiuni  ?  At  Douainus  nosler 
Jésus  Christus  lanquam  uaturaliter  Deus 
existens,  impartitur  liujusmodi  gratiaui 
quibus  vult,  uon  invi5cans  in  eus  alie- 
uam  virtuteiu,  sed  infundens  ex  promp- 
tuariis  propriis.  Chrvs.  {/lom.  33 ,  in 
Matth.)  Poslquam  autem  salis  conforlati 
fuerant  ex  ejus  comitiva ,  et  competens 
naçti  sunt  argumentum  virtutis  ejus, 
mittit  éo».  Unde  sequitur  :  «  Et  misit 
illos  prœdicaie  regnum  Dei  :  »  ubi  consi- 
déra quod  non  committitur  eis  aliquod 
sensibile  dicere,  sicut  Moyses  et  pro- 
phetae  :  nam  illi  qnidem  terram  et  bona 
terrena  promittebaut;  lii  vero  regnum, 
et  quaecunque  contineutur  in  eo. 


Greg.  Nazian.  {in  Cat.  Grœcorum 
Patrum.)  Mittens  autem  discipulos  ad 
prœdicandum,  Dominus  multa  eis  in- 
junxit ,  quorum  summa  est,  sic  eos  vir- 
tuoses esse,  sic  constantes  atque  niodes- 
tos,  et  (ut  breviter  loquar)  oœlestes,  ut 
non  minus  propter  eorum  modum  Vi- 
vendi, quam  propter  verbum  evangelica 
doctrina  propagaretur.  Et  ideo  cum 
œris  et  baculi  carentia  et  amictus  singu- 
laritate  mittebantur.  Et  ideo  snbdit  : 
«  Et  ait  ad  illos  :  Nihil  tuleritis  in  via, 
neque  virgam ,  neque ,  »  etc.  Chrys. 
[vbi  Slip.)  Plurima  quidem  per  hoc 
constituebat  :  primo  quidem  insus- 
pectos  reddens  discipulos;  secundo 
sequestrans  eos  a  qualibet  cura,  ut 
totum  sludium  adhiberent  verbo;  tertio 


440 


EXPLICATION   l)E   L  EVANGILK 


propre  puissance.  Ou  objectera,  peut-être,  (|iie  tous  les  autres  com- 
mandements ont  leur  raison  d'être,  mais  pourquoi  leur  commander 
de  n'avoir  en  chemin  ni  sac,  ni  deux  tunique-,  ni  bâton?  C'est  qu'il 
veut  les  former  à  la  plus  haute  perfection,  et  faire  pour  ainsi  dire  de 
ses  disciples,  des  anges^  en  les  affranchissant  de  tous  les  soucis  de  la 
vie,  pour  ne  leur  laisser  d'autre  sollicitude  (|uo  la  prédication  de  sa 
doctrine.  —  Eusèbe.  Cette  recommandation  a  donc  pour  objet  de  les 
éloigner  de  tout  attachement  aux  biens  de  la  terre,  et  de  toutes  les 
préoccupations  de  la  vie.  11  mettait  ainsi  à  l'épreuve  leur  foi  et  leur 
courage  en  leur  faisant  un  devoir  devant  lequel  ils  ne  reculeraient 
pas,  de  vivre  au  milieu  des  privations  de  la  vie  la  plus  pauvre.  Il  était 
juste  qu'il  y  eût  entre  eux  et  leur  divin  Maître  une  espèce  d'échange, 
et  qu'ils  reconnussent  le  pouvoir  qu'il  leur  avait  donné  de  guérir  les 
malades  par  une  obéissance  parfaite  à  ses  commandements.  Il  veut  en 
faire  les  soldats  du  royaume  de  Dieu,  il  les  prépare  donc  au  combat 
contre  les  ennemis,  en  leur  recommandant  la  pratique  de  la  pauvreté  • 
«  Car  celui  qui  est  enrôlé  au  service  de  Dieu,  ne  doit  pas  s'embarrasser 
dans  les  affaires  du  siècle.  » 

S.  Ambr.  Ces  préceptes  divins  nous  apprennent  donc  quelle  doit 
être  la  vie  de  celui  qui  annonce  le  royaume  de  Dieu,  il  doit  ne  point 
se  préoccuper  des  moyens  de  pourvoir  à  l'entretien  de  la  vie  présente, 
et  puiser  dans  une  foi  vive  la  confiance  que  les  choses  nécessaires 
lui  seront  données  avec  abondance,  en  raison  directe  de  son  peu  d'em- 
pressement à  les  rechercher. — Tréophyl.  Il  les  envoie  donc  comme  des 
mendiants,  avec  défense  de  porter  avec  eux  ni  pain,  ni  aucune  de  ces 
choses  dont  tant  d'autres  ne  peuvent  se  passer.  —  S.  Aug.  {de  Vacc. 
des  Evang..  ii.  30.)  Ou  bien  encore,  si  le  Sauveur  défend  à  ses  dis- 


docens  eos  propriam  virtutem.  Sed 
forsan  dicet  aliquis ,  csetera  quidem 
habere  rationem;  sed  non  habere  peram 
in  via,  nec  duas  tunicas  ,  uec  baculum, 
cujus  rei  causa  praecipit?  Volens  scili- 
cet  excitare  eos  in  qualibet  diligentia  : 
et  (ut  ita  loquar)  ex  liominibus  angelos 
faciebat;  eos  dirimens  a  qualibet  cura 
vitEe  ut  una  sola  cura  detineautur  doc- 
trinse.  ErsEB.  [ubi  supra.)  Yolens  igitur 
eos  carere  cupidine  rerum  in  soUicitudiui- 
bus  vita3  protestalus  est  liaec  :  sumebat 
enini  experimentum  fidei  et  auimositatis 
eorum,  qui  babito  in  maudatis  extremœ 
vitam  ducere  paupertatis,  non  effugiunt 
quge  jubentur  :  decebat  enim  eos  quod- 
dam  commercium  facere ,  et  recipientes 
salubres   virlutes     recompeusare     obe- 


dientia  mandatorum  ?  Et  cum  milites 
eos  faceret  regni  Dei ,  accingit  eos  ad 
pugnam  in  bostes .  monens  colère  pau- 
pertatem.  Nullus  enim  militans  Deo^  im- 
plicat  se  vitœ  secularis  negotiis.  (II  ad 
Tim.,  8.), 

Ambr.  Qualis  ergo  esse  debeat,  qui 
evangelizat  reguum  Dei,  prœceptis  evan- 
gelicis  designatur  ;  boc  est ,  ut  subsidii 
secularis  adminicula  non  requirat  ; 
fideique  totus  iubaerens  ,  putet  quo  mi- 
nus ista  requirat  magis  posse  suppe- 
tere.  Theophylact.  Sic  enim  ipsos 
mendicos  mittit,  quod  neque  panes  ipsos 
portare  vult,  nec  aliquid  aliud  quibus 
indigent  multi.  Aug.  (de  Cons.  Evang., 
lib.  II,  cap.  30.)  Vel  Dominus  baîc  possi- 
dere   discipulos    ac    ferre    uoluit;    non 


DE  SAINT  LUC^  CHAP.    IX.  441 

ciples  de  posséder  et  de  porter  avec  eux  aucune  de  ces  choses,  ce  n'est 
pas  qu'il  ne  les  juge  nécessaires  au  soutien  de  cette  vie,  mais  il  veut 
leur  apprendre,  en  leur  donnant  leur  mission,  qu'ils  ont  droit  à  rece- 
voir le  nécessaire  de  ceux  à  qui  ils  prêcheraient  l'Evangile  ;  ils  doivent 
donc  être  parfaitement  tranquilles  à  cet  égard,  et  ne  se  préoccuper 
en  aucune  façon,  de  mettre  en  réserve  et  de  porter  avec  eux  les 
choses  nécessaires  à  la  vie.  Aussi,  d'après  saint  Marc,  il  leur  com- 
mande de  ne  rien  porter  avec  eux,  si  ce  n'est  un  bâton,  pour  montrer 
que  les  fidèles  doivent  tout  aux  ministres  de  la  parole  qui,  de  leur 
côté,  ne  demanderont  rien  de  superflu.  Le  bâton  est  donc  l'emblème 
de  ce  droit  et  de  cette  puissance  dans  ces  paroles  :  «  Il  leur  com- 
manda de  ne  rien  prendre  avec  eux,  si  ce  n'est  un  bâton.  » 

S.  Ambr.  On  peut  encore  entendre,  si  l'on  veut,  et  avec  plusieurs  in- 
terprètes, ces  paroles  dans  ce  sens,  que  le  Sauveur  ne  se  propose  ici 
que  de  diriger  leurs  affections  intérieures,  qui  doivent  les  porter  à  se 
dépouiller  du  corps  comme  d'un  vêtement,  non-seulement  en  mépri- 
sant les  honneurs  et  les  richesses,  mais  en  renonçant  à  toutes  les  sé- 
ductions de  la  chair.  —  Théophyl.  D'autres  encore,  croiont  que  par 
cette  recommandation  faite  aux  Apôtres,  de  ne  porter  ni  sac,  ni  bâton, 
ni  deux  tuniques,  Notre-Seigneur  veut  leur  faire  entendre  qu'ils  ne 
doivent  point  thésauriser  (ce  que  signifie  le  ^sac  où  l'on  peut  entasser 
des  sommes  considérables),  qu'ils  doivent  maîtriser  la  colère  et  la 
violence  (ce  qui  est  figuré  par  le  bâton),  et  fuir  la  dissimulation  et 
la  duplicité  (que  représentent  les  deux  tuniques).  —  S.  Cyr.  Mais, 
dira-t-on,  où  trouveront-ils  les  choses  nécessaires?  Ecoutez  la  suite  : 
«  En  quelque  maison  que  vous  entriez,  n'en  sortez  point,  »  ce  qui 
veut  dire  :  Contentez-vgus  des  choses  que  vos  disciples  vous  donne- 
ront pour  votre  entretien  en  échange  des  biens  spirituels  qu'ils  rece- 


quod  necessaria  non  sint  suslentationi 
hujus  vita";  sod  quia  sio  eos  mittHbaf.  ut 
eis  liœc  dfberi  uionstraret  ah  illis  ([uibiis 
Evaiigelium  credenlibiis  aniiuntiarent"; 
ut  .air  secnri  non  possiderent  noqne  por- 
tarent  huii;  vita;  nef;essaria,  ncf  masna. 
nec  minima.  Ideo  posuit  secuuduni 
Marcnni  nisi  riirjam;  ostendens  a  lidi»- 
lihu.s  suis  ouinia  deberi  minUlri.s  suis, 
nulla  superllua  requirentil)us.  Ilanc 
autem  potestatem  virj^ie  nomin'»  sit-'uifi- 
cavit,  cum  dicerel:  «  Ne  quid  lolierciil 
in  via,  nisi  virgaui  lantum.  » 

Ambr.  Possunt  etiam  qui  volunt  Imi' 
ad  eum  deducere  Iractatum,  ut  spirilua- 
lem  tantummodo  locus  istc  forniaro  vi- 
deatur  affectuni  ;  qui  velut  indumcnUun 


(juoddani  videatur  corporis  exuisse,  non 
soluni  poteglate  rejecta  conteuiptioque 
divitiis,  sed  etiani  caniis  ipsius  illecebris 
abdicatis.TiiEOi'UYL. Quidam  etiam  apos- 
tolos  «  non  portare  pei-am,  ueque  bacu- 
him  .  aut  duas  tunicas  »  sic  intelligunt, 
quod  non  tl^Bsaurizent  (hoc  enim  pera 
iunuit  congregans  muUa) ,  nequc  sint 
iracundi  et  turbulenti  spiritus  (quod 
siguiticat  baculus)  ,  neque  sint  licti  et 
dui)lici  corde  (quod  significat  tunica 
(biplex.)  CvRiL.  (tibi  sxip.)  Sed  diceret 
aiiquis  :  Unde  eis  necessaria  in  promptu 
erunt  ?  Et  ideo  subdit  :  «  Et  in  quamcum- 
que  donium  intraveritis,  ibi  manete,  et 
inde  ne  exealis  :  »  quasi  diceret  :  Suffi- 
ciat    vobis   discipulorum    fructus,    qui 


442 


EXPLICATION, DE   L  EVANGILE 


vront  de  vous.  Tl  leur  commande  de  rester  dans  la  même  maison  pour 
ne  point  coutrister,  eu  changeant  de  demeure,  celui  qui  les  a  reçus 
chez  lui,  et  ne  point  s'exposer  au  soupçon  de  légèreté  d'esprit  ou  de 
sensualité.  —  S.  Ambr.  Au  jugement  du  Sauveur,  il  est  donc  indigne 
d'un  prédicateur  du  royaume  des  cieux,  de  courir  de  maison  en 
maison,  et  de  violer  ainsi  les  droits  sacrés  de  l'hospitalité.  Mais  de 
même  qu'il  sauvegarde  les  droits  de  l'hospitalité,  de  même  aussi  il 
ordonne  à  ses  disciples,  quand  ou  refusera  de  les  recevoir,  de  se- 
couer la  poussière  de  leurs  pieds,  eu  sortant  de  cette  ville  :  «  Lorsqu'on 
refusera  de  vous  recevoir,  en  sortant  de  cette  ville,  secouez  même  la 
poussière  de  vos  pieds  en  témoignage  contre  eux.  »  —  Bède.  Les 
Apôtres  secouent  la  poussière  de  leurs  pieds,  en  témoignage  de  leurs 
travaux  apostoliques,  et  comme  preuve  qu'ils  sont  entrés  dans  cette 
ville  pour  y  faire  entendre  la  prédication  de  l'Evangile  ;  ou  bien  en- 
core, ils  secouent  la  poussière  de  leurs  pieds,  comme  un  signe  qu'ils 
n'ont  rien  reçu,  pas  même  le  nécessaire,  de  ceux  qui  méprisent  l'E- 
vangile. —  S.  GvR.  Il  est  très-peu  probable  que  ceux  qui  méprisent  la 
parole  du  salut  et  le  père  de  famille  se  montrent  bienveillants  pour 
ses  serviteurs,  ou  réclament  leurs  bénédictions.  —  S.  Ambr.  Ou  bien 
encore,  dans  un  autre  sens,  le  Sauveur  nous  enseigne  à  reconnaître 
grandement  le  bienfait  de  l'hospitalité,  non-seulement  en  donnant  la 
paix  à  ceux  qui  nous  reçoivent,  mais  en  les  délivrant  de  ces  fautes 
de  légèreté  qui  tiennent  à  notre  nature  terrestre  et  qui  sont  effacées 
par  les  pas  des  prédicateurs  apostoliques  auxquels  on  accorde  l'hos- 
pitalité.—  BÈDE.  Mais  quant  à  ceux  qui,  par  une  négligence  cou- 
pable ou  de  dessein  prémédité,  font  mépris  de  la  parole  de  Dieu, 
il  faut  éviter  leur  société,  et  en  les  quittant,  secouer  la  poussière  de 
ses  pieds,  dans  la  crainte  que  les  pas  de  l'âme  chaste  ne  viennent 


recipieutes  a  vobis  spiritiialia  vos  procu- 
rabuut.  Jussit  autein  eos  iu  uua  domo 
manere^  ut  nec  hospitem  gravent  (eum 
scilicet  dimittendo) ,  uec  ipsi  gulositatis 
et  levitatis  suspicionem  incurrant.  Ambr. 
Alienum  naïuque  a  prœdicatore  vegni 
cœlestis  asserit  cursitare  per  domos  et 
inviolabilis  hospitii  jura  mutare.  Sed  ut 
hospitii  gratia  deferenda  censealur,  ita 
etiam  si  non  recipiantur,  exculiendum 
pulverem,  egrediendumque  de  civitate 
mandatur;  cum  sequitur  :  «  Et  quicun- 
que  non  receperit  vos,  exeuntes  de  civi- 
tate illa,  etiam  pulverum  excutite^  »  etc. 
Beda.  Pulvis  exculitur  de  pedibus  apos- 
tolorum  in  testin\onium  laboris  sui, 
quod  ingressi  sint  in  civitatem,  et  prae- 


dicatio  apostolica  ad  illos  usque  perve- 
nerit  :  sive  excutitur  pulvis ,  cum  nihli 
ab  eis  aceipiunt  (nec  ad  victum  quidem 
necessarium  )  qui  Evangelium  spreve- 
runt.  Cyril,  [ubi  sup.)  Nam  improba- 
bile  valde  est,  contemuentes  sei'monem 
salutarem  et  patrem  familias,  se  famulis 
benignos  ostendere,  vel  beiiedictiones 
eorum  exigere.  Ambr.  Vel  non  mediocris 
etiam  boni  remuueratio  docetur  hospitii, 
ut  non  solum  pacem  tribuamus  hospiti- 
bns ,  verumetiam  si  qua  eos  terreuse 
obumbraut  delicta  levitatis ,  receptis 
apostolicce  prœdicationis  vestiglis  aufe- 
rantur.  Bed.  Qui  vero  perfida  negligen- 
tia,  vel  etiam  studio ,  verbum  Dei  con- 
temnunt,  horum  vitanda  communie  est; 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.    IX.  443 

à  être  souillés  par  leurs  actions  pleines  de  vanité  figurées  par  la 
poussière. 

f.  7-10.  —  Cependant  Hérode  le  tétrarque  (1)  entendit  parler  de  tout  ce  que 
faisait  Jésus,  et  il  ne  savait  que  penser,  parce  que  les  uns  disaient  ;  Jean  est 
ressuscité  d'entre  les  morts;  d'autres  :  Elle  a  paru;  d'autres  :  Un  des  anciens 
prophètes  est  ressuscité.  Et  Hérode  dit  :  J'ai  fait  couper  la  tête  à  Jean.  Qui 
est  donc  celui-ci  dont  j'entends  dire  de  si  grandes  choses  ?  Et  il  cherchait  à  le 
voir. 

EusÈBE.  Après  avoir  ceint  et  revêtu  ses  disciples,  comme  les  soldats 
de  Dieu,  d'une  puissance  divine  et  des  enseignements  de  la  sagesse  le 
Sauveur  les  envoie  vers  les  Juifs ,  comme  des  docteurs  et  des  méde- 
cins, et  ils  partent  pour  accomplir  cette  double  mission  :  «  Etant  donc 
partis,  ils  parcouraient  les  villages,  prêchant  l'Evangile  et  guérissant 
partout;  »  ils  annoncent  l'Evangile  en  qualité  de  docteurs,  et  comme 
médecins,  ils  guérissent  les  malades,  et  prouvent  par  leurs  miracles  la 
vérité  de  leurs  paroles. 

S.  Chrys.  {hom.  49  sur  S.  Matth.)  Hérode  n'apprit  les  miracles  de 
Jésus  que  longtemps  après  que  la  renommée  s'en  était  répandue,  preuve 
de  l'orgueil  de  ce  tyran ,  qui  s'était  peu  soucié  de  les  connaître  dès 
l'origine  :  «  Cependant  Hérode  le  tétrarque  entendit  parler  de  tout  ce 
que  faisait  Jésus.  »  —  ïhéophyl.  Cet  Hérode  était  fils  d'Hérode  le 
Grand,  qui  fit  périr  les  enfants  de  Bethléem ,  le  premier  était  roi,  le 
second  était  simplement  tétrarque.  Or,  il  voulait  savoir  ce  qu'était  le 
Christ  :  «  Et  il  ne  savait  que  penser.  »  —  S.  Chrys.  Les  pécheurs,  en 

(1)  Il  est  ainsi  appelé  du  mot  grec  TSTpâpyr,;,  parce  que  ses  Etats  étaient  censés  faire  la  qua- 
trième partie  du  royaume  de  Judçje.  Cependant  on  donne  quelquefois  au  tétrarque  le  nom  de  roi. 
[Marc,  VI,  i4.) 


excutiendus  pulvis  pediim  :  ne  gestis 
inanibus  pulveri  comparandis  mentis 
castfe  vestijïium  polluatur. 

Audivit  autem  Herodes  tetrarclia  omnia  quœ 
fiehanl  ah  eo ,  cl  hœsitahat;  eo  quod  diceretur 
a  quibusdam  quia  Joannes  surrexit  a  morluis  ; 
a  quibusdam  vero  quia  Elias  appnruit;  ab  aliis 
autem  quia prophela  unus  de  antiquis  surrexit. 
Et  ait  Herodes  :  Joannem  eqo  drcollavi  :  quis 
est  autem  iste  de  quo  ego  lalia  audio  ?  El 
(fucerebat  videre  eum. 

ECSEB.  (vbi  svp.)  Cum  aiiteni  prie- 
cinxisset  Dorainiis  discipulos  suos  laii- 
quam  milites  Del  diviuis  virtulibiis  (.-t 
sapientiae  mouitis,  niitteus  eos  Jiidtt'is, 
ut  doctores  et  medicos ,  ipsi  secunduni 


hoc  procedebant.  Unde  sequilur  : 
«  Egressi  autem  circuibant  per  castella 
pra;dicantes  et  curantes  ubique  :  »  quasi 
doctores  qiiidem  evuugelizautes;  sed 
quasi  medici  prcestantes  remédia,  et 
verba  miraculis  comprobantes. 

Chrys.  [hom.  49,  in  Matth.)  Mullo 
transac.to  tempore,  non  a  principio,  per- 
cepit  Herodes  facta  Jesa  ,  ut  pateat  tibi 
tyranni  STiperi)ia  (qui  non  a  principio  ea 
scivit.)  Unie  dicitur:  «  Audivit  autem' 
Ilorodes,  »  etc.  ïiikopiiylact.  Herodes 
eruf  filins  magni  Herodis,  qui  pueros 
iutereinit;  sed  ille  quidem  rex  erat, 
iste  autem  tetrarclia.  luquirebat  autem 
de  Ciirislo  quis  esset.  Unde  sequitur  : 
«  VA  Iiaîsitabat.  »  Chrys.  {in  Cat.  Grae- 


444 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


effet,  redoutent  ce  qu'ils  connaissent  comme  ce  qu'ils  ignorent,  ils  ont 
peur  de  leur  ombre,  ils  soupconncut  partout  des  embûches  ,  et  trem- 
blent au  moindre  bruit.  Telles  sont  les  tristes  suites  du  péché ,  il  dé- 
voile le  coupable  sans  que  personne  le  blâme  ou  le  reprenne,  il  le  con- 
damne sans  que  personne  l'accuse,  et  il  le  livre  en  proie  à  la  crainte 
et  à  l'hésitation.  L'Evangéliste  nous  indique  les  causes  de  cette 
crainte  :  «  Et  il  ne  savait  que  penser,  parce  que  quelques-uns  di- 
saient, »  etc.  —  Théophyl.  Les  Juifs  espéraient  une  résurrection  des 
morts,  qui  leur  rendrait  une  vie  toute  charnelle  de  repas  et  de  festins, 
tandis  qu'après  la  résurrection,  les  hommes  seront  affranchis  de  toutes 
les  actions  propres  à  la  chair.  —  S.  Chrys.  Hérode  ayant  donc  appris 
les  prodiges  que  Jésus  opérait,  dit  :  «  J'ai  fait  couper  la  tète  à  Jean.  » 
Ce  n'était  point  par  ostentation  qu'il  évoquait  ce  souvenir,  mais  pour 
calmer  ses  alarmes,  et  rassurer  sou  esprit  troublé  en  se  rappelant  qu'il 
était  l'auteur  de  la  mort  de  Jean-Baptiste.  Et  comme  il  lui  avait  fait 
couper  la  tète^  il  ajoute  :  «  Qui  est  donc  celui-ci,  »  etc.  —  Théophyl. 
Si  c'est  Jean-Baptiste  qui  est  ressuscité  des  morts,  en  le  voyant,  il  me 
sera  facile  de  le  reconnaître  :  «  Et  il  cherchait  à  le  voir.  » 

S.  AuG.  {de  l'ace,  des  Evang.,  ii,  43.)  Saint  Luc ,  en  suivant  ici 
dans  son  récit  le  même  ordre  que  saint  Marc  ,  ne  nous  oblige  pas  de 
croire  que  tel  fut  l'ordre  rigoureux  des  faits.  De  même  que  saint  Marc, 
il  attribue  aussi  à  d'autres,  et  non  pas  à  Hérode  lui-même,  ces  pa- 
roles :  et  Jean  est  ressuscité  d'entre  les  morts  ;  »  mais  comme  il  rap- 
porte qu'Hérode  ne  savait  que  penser ,  on  peut  admettre,  ou  bien 
qu'après  ces  incertitudes,  il  finit  par  ajouter  foi  au  bruit  qui  se  répan- 
dait, lorsqu'il  dit  lui-même  à  ses  serviteurs,  selon  le  récit  de  saint 


corum.)  Peccatores  enim  metuunt  scien- 
tes  et  nescientes,  umbras  pavent,  omnia 
suspicantur,  et  quemlibet  strepitiim  per- 
timescunl.  Taie  siquidem  peccatum  est  : 
nemine  repreheudente  vel  arguente  lio- 
minem  prodit ,  nemine  accusante  con- 
demnat ,  et  timidum  et  pigrum  reddit 
delinqiientem.  Causa  autem  timoris  po- 
nitur  consequenter,  cum  dicitur  :  «  Eo 
quod  diceretur  a  quibusdam.  »  Theoph. 
Judoii  eniui  resurrectionem  mortuorum 
expectabant  in  vita  carnali  ,  et  in  com- 
messationibus  et  polibus  ;  sed  résurgen- 
tes non  erunt  in  carnalibus  actibus. 
Chrys.  Cum  ergo  audisset  Herodes  qui- 
bus  Jésus  uteretur  miraculis ,  ait  : 
«  Joannem  ego  decollavi;»  quod  non 
erat  ostentationis  verbum,  sed  conso- 
lantis  suum  timorem  .  et  persuadeatis 


animœ  perturbatse  recolere  quod  ipse 
eum  occidit.  Et  quia  Joannem  decolla- 
verat ,  subdit  :  «  Quis  autem  est  iste,  » 
etc.  Theophylact.  Si  Joannes  est,  et  a 
mortuis  resurrexit,  videns  eum  cognos- 
cani.  Unde  sequitur  :  «  Et  quœrebat 
videra  eum.  » 

AuG.  {de  Cons.  Evang.,  lib.  ii ,  cap. 
43.)  Lucas  autem  bic  eumdem  narrandi 
ordinem  quem  Marcus  tenens,  non  cogit 
credi  rerum  gestarum  eumdem  ordinem 
fuisse.  lu  bis  etiam  verbis  Marco  attes- 
tatur  ad  boc  duntaxat  quod  alii  dixerint 
(non  Herodes)  Joannem  a  mortuis  sur- 
rexisse;  sed  quia  hœsitantem  comme- 
moravit  Herodem,  intelligendum  est, 
aut  post  istam  bfesitationem  confirmasse 
in  animo  suo  quod  ab  aliis  dicebatur, 
cum  ait  pueris  suis  (sicut  Matthseus  nar- 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.    IX.  MS 

Matthieu  :  «  C'est  Jean-Baptiste ,  qui  est  ressuscité  des  morts ,  »  ou 
bien,  il  faut  entendre  ces  paroles  de  saint  Matthieu  dans  un  sens  du- 
bitatif. 

y.  10-17  —  Les  Apôtres,  étant  de  retour,  racontèrent  à  Jésus  tout  ce  qu'ils 
avaient  fait  ;  et  les  prenant  avec  lui,  il  se  retira  à  l'écart  dans  un  lieu  désert, 
près  de  la  ville  de  Bethsaide.  Lorsque  le  peuple  l'eut  appris,  il  le  suivit,  et 
Jésus  les  accueillit,  et  il  leur  parlait  du  royaume  de  Dieu,  et  il  rendait  la 
santé  à  ceux  qui  en  avaient  besoin.  Cependant  le  jour  commençait  à  baisser, 
et  les  douze  vinrent  lui  dire  :  Renvoyez  le  peuple,  afin  qu'il  aille  dans  les 
bourgs  et  dans  les  villages  d'alentour,  pour  y  trouver  un  abri  et  de  la  nourri- 
ture, car  ici  nous  sommes  dans  un  lieu  désert.  Il  leur  répondit  :  Donnez  leur 
vous-mêmes  à  manger.  Ils  lui  répartirent  :  Nous  n'avons  que  cinq  pains  et 
deux  poissons,  à  moins  que  nous  n'allions  nous-mêmes  acheter  des  vivres  pour 
toute  celte  multitude.  Or  ils  étaient  environ  cinq  mille  hommes.  Jésus  dit 
alors  à  ses  disciples  :  Faites  les  asseoir  par  groupes  de  cinquante.  Ils  lui 
obéirent,  et  les  firent  tous  asseoir.  Alors  Jésus,  prit  les  cinq  pains  et  les  deux 
poissons,  et  levant  les  yeux  au  ciel,  il  les  bénit,  les  rompit,  et  les  donna  à  ses 
disciples  pour  les  distribuer  au  peuple.  Tous  mangèrent  et  furent  rassasie';,  et 
des  morceaux  qui  r-estèrent,  on  emporta  douze  corbeilles  pleines. 

S.  AuG.  {de  l'ace,  des  Evang.,  ii,  45.)  Saint  Matthieu  et  saint  Marc, 
à  l'occasion  de  ce  qui  précède^  rapportent  comment  Jean-Baptiste  fut 
mis  à  mort  par  Hérode.  Saint  Luc^  au  contraire  ,  qui  avait  déjà  ra- 
conté la  mort  du  saint  Précurseur,  après  aA'oir  parlé  des  incertitudes 
d'Hérode  au  sujet  de  la  personne  du  Sauveur,  ajoute  aussitôt  ;  «  Et 
les  Apôtres  étant  de  retour,  racontèrent  à  Jésus  tout  ce  qu'ils  avaient 
fait.  0  —  BEDE.  Ils  lui  rapportent  non-seulement  les  miracles  qu'ils 
ont  faits ,  et  quel  a  été  le  sujet  de  leurs  enseignements ,  mais  ils 


rat)  :  «  IJic  esl  Jop.imes  liaptisla ,  ipse 
resurrexit  a  mortuis;  »  aut  ita  pronun- 
tianda  sunt  hiRC  verba  Mattlitei,  ut  eum 
haîsitare   adiiiic  indicent. 

El  reversi  npostoli,  narraverunl  illi  qvcecun- 
que  fecerunt  :  et  assumptis  illis,  secessil  seor- 
sum  in  locum  desertum,  qui  est  Bethsaidœ. 
Quod  cum  coynouissent  tiirbœ,  secutœ  sunt  il- 
lum;  et  excepil  eos,  et  loquebatur  illis  de  ré- 
gna Dri;  et  eos  qui  cura  indifjehanl ,  sanabat. 
Lies  aulem.  cœperat  declinare.  Et  acccdentes 
duodecim,  diaerunt  illi  :  Dimilte  turbas,  ut 
euntes  in  castella  villasque  quœ  circa  sunt  di- 
verlaut,  et  inventant  escas,  quia  hic  in  loco  dé- 
serta sumus  :  ait  autem  ad  illos  :  Vos  date  illis 
manducare.  At  illi  dixerunt  :  Non  sunt  nobis 
plusquam  quinque  panes  et  duo  pisces  ,  nisi 
forte  nos  eamus  et  emamus  in  omnem  haue  lur- 
bam  escas.  Erant  autem  fere  viri  quinque  mil- 
lia,  A  il  aulem  ad  discipulos  suas  :  Facile  il- 


los disciir.ibere  per  convivia  quinquagenoa  :  et 
ita  fecerunt.  Et  discubuerunt  omnes.  Accepiis 
autem  quinq'w  panibus ,  et  duobus  piscibus 
suspexit  in  cœlum  ;  et  benedixit  illis  el  freijit 
et  distribuit  diseipulis  suis  ut  panèrent  ante 
turbas.  Et  manducaverunt  omnes ,  et  saturati 
sunt.  El  sublalum  est  quod  super  fuit  illis, 
fragmentorum  caphini  duodecim. 

AuG.  [de  Cens.  Evang.,  lib.  ii,  cap. 
45.)  Matlhœus  et  Marcus,  ex  prfEceden- 
liuiii  occa~ione,  narrant  nuemadmodum 
sit  .loanues  ab  Herode  occisus  :  Lucas 
autem,  qui  jam  longe  supra  de  passioue 
Joannis  narraverat,  postquam  couime- 
moravil  illani  Herodis  lia^sitationeni  de 
iJomino  quisnaui  esset, contimiosubjun- 
gil  :  «  Et  reversi  aposloli  narraverunt 
illi  quEecunque  fecerunt.  »  Beda.  Non 
soluiu  aulem  narrant  qufe  ipsi  fecerunt 


446 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGTLE 


lui  apprennent  aussi  tout  ce  que  Jean-Baptiste  a  eu  à  souffrir  pendant 
qu'ils  prêcliaient  l'Evangile,  et  ce  sont  ses  propres  disciples  ,  ou  ceux 
de  Jean-Baptiste  ,  qui  lui  apprennent  cette  nouvelle ,  comme  semble 
l'indiquer  saint  Matthieu. 

S.  IsiD.  {livre  \,  lettre  133.)  Le  Seigneur  a  en  abomination  les 
hommes  de  sang,  et  ceux  qui  entretiennent  des  relations  avec  eux, 
quand  ils  persévèrent  dans  leurs  crimes  ;  aussi  dès  qu'il  eut  appris  la 
mort  de  Jean-Baptiste,  il  s'éloigne  des  meurtriers,  et  se  retire  dans 
un  lieu  désert  :  «  Et  les  prenant  avec  lui,  il  se  retira  à  l'écart  dans  un 
lieu  désert,  non  loin  de  la  ville  de  Bethsaïde.  »  — Bède.  Bethsaïdeest 
une  ville  de  Galilée,  située  sur  les  bords  du  lac  de  Génésareth,  et  d'où 
les  apôtres  André  ,  Pierre  et  Philippe  étaient  originaires.  Si  le  Sau- 
veur s'éloigne  ainsi,  ce  n'est  point  par  crainte  de  la  mort ,  comme  le 
pensent  quelques-uns,  mais  pour  épargner  à  ses  ennemis,  dans  un 
sentiment  de  miséricorde,  un  nouvel  homicide,  et  aussi  pour  attendre 
le  temps  marqué  pour  sa  passion. —  S.  Chrys.  {hom.  ^Osiir  S.  Matth.) 
Jésus  ne  s'éloigne  que  lorsqu'il  eut  appris  ce  qui  venait  d'arriver,  pro- 
fitant ainsi  de  toutes  les  circonstances  pour  manifester  la  vérité  de  sa 
chair.  —  Théophyl.  Notre-Seigneur  se  retire  dans  uq  lieu  désert 
pour  y  opérer  le  miracle  de  la  multiplication  des  pains ,  afin  que  per- 
sonne ne  put  dire  que  ces  pains  avaient  été  apportés  d'une  ville  voi- 
sine. —  S.  Chrys.  ijiom.  50  sur  S.  Matth.)  Ou  bien,  il  se  retire  dans 
un  lieu  désert,  pour  que  personne  ne  pût  le  suivre;  mais  le  peuple  ne 
consent  point  pour  cela  à  se  séparer  de  lui,  et  s'attache  à  ses  pas  : 
«  Le  peuple  l'ayant  appris,  il  le  suivit,  »  etc. —  S.  Gyr.  Ils  le  suivaient, 
pour  lui  demander  les  uns  d'être  délivrés  des  démons  qui  les  possé- 
daient, les  autres  d'être  guéris  de  leurs  maladies ,  d'autres  enfin  ne 


et  docuerunt;  sed  etiam  qute  Joannes 
eis  in  docendo  occupatis  sit  passus , 
vel  sui  vel  ejusdem  Joannis  discipuli 
ei  renuutiant ,  sicut  Matthœus  insi- 
nuai. 

IsiD.  Quia  vero  Dominus  viros  sangui- 
uum  abomiualur,  et  conimorantes  cum 
eis,  si  a  propriis  criminibus  non  disce- 
dant,  posl  occisionem  Baptistœ  deserens 
occisores,  discessit.  Unde  sequitur  :  «  Et 
assumptis  illis  secessit  seorsum  in  locum 
desertum,  qui  est  Bethsaidse.  »  Bed. 
Est  autem  Betlisaida  in  Galilœa  civitas 
Andreae,  et  Pétri,  et  Pliilippi  aposlolo- 
rum,  prope  stagnum  Genezaretli.  Non 
autem  timoré  mortis  hoc  agit  (ut  quidam 
arbitrautur),  sed  parcens  inimicis  suis, 
ne   honiicidio    homicidiuni  jnngerent; 


simul  et  opportunum  sufe  passionis 
tempus  expectaus.  Chrys.  [hom.  50,  in 
Matth.)  Non  autem  prius,  sed  relato  sibi 
quod  acciderat  discessit;  manifestans 
per  singula  carnis  veritatem.  Theopu. 
In  desertum  autem  locum  abiit  Dominus, 
quia  operaturus  erat  miraculum  panum  ; 
ne  quis  diceret  quod  de  civitate  prope 
existente  allati  sunt  panes.  Chrysost. 
{homil.  50,  in  Matth.)  Vel  vadit  in 
desertum  locum  ,  ut  nemo  sequeretur  : 
sed  nec  sic  plebs  recessit,  sed  comitatur 
ipsum  :  unde  sequitur  :  «  Quod  cum 
cognovissent  turbee,  secutsc  sunt  illum,  » 
etc.  Cyril,  [in  Cut.  Grœcorum  Pairum.) 
Hi  quidem  postulantes  a  damonibus 
liberaii;  lii  vero  languorum  remotionem 
exoptantes  ab  illo  secuti  sunt  :  necnon 


DE   SAINT   LUC,   CHAP.    IX.  ^7 

se  lassaient  point  de  rester  avec  lui ,  retenus  par  le  charme  de  sa  doc- 
trine. 

BEDE.  De  son  côté  Jésus,  Sauveur  aussi  puissant  que  bon,  accueille 
ceux  qui  sont  fatigués ,  instruit  les  ignorants ,  guérit  les  malades, 
nourrit  ceux  qui  ont  faim ,  et  montre  ainsi  combien  ce  pieux  empres- 
sement des  fidèles  lui  est  agréable  :  et  Et  il  les  accueillit  avec  bonté,  et 
il  leur  parlait  du  royaume  de  Dieu,  »  etc.  —  Théophyl.  Il  veut  nous 
apprendre  que  la  sagesse  dont  nous  devons  faire  profession ,  consiste 
dans  les  paroles  et  dans  les  œuvres,  et  nous  fait  un  devoir  d'enseigner 
le  bien  que  nous  faisons,  et  de  mettre  en  pratique  ce  que  nous  ensei- 
gnons. Comme  le  jour  était  sur  son  déclin,  les  disciples  commencent 
à  s'inquiéter  pour  cette  nombreuse  multitude,  dont  ils  ont  compas- 
sion. «  Or ,  le  jour  commençant  à  baisser ,  les  douze  vinrent  lui 
dire,  »  etc.  —  S.  Cyr.  Cette  multitude,  comme  nous  l'avons  dit,  ve- 
nait implorer  la  guérison  de  ses  diverses  souffrances,  et  les  disciples  qui 
savaient  qu'il  suffisait  au  Sauveur  de  le  vouloir ,  pour  que  tous  ces 
malades  fussent  guéris ,  lui  disent  :  «  Renvoyez-les  ,  et  qu'ils  soient 
délivrés  de  leurs  soufirances.  »  Considérez  ici  l'immense  bonté  de 
■  celui  à  qui  s'adresse  cette  prière  ;  non-seulement  il  accorde  ce  que  lui 
demandent  ses  disciples,  mais  il  répand  avec  profusion,  sur  ce  peuple 
qui  le  suit,  les  dons  de  sa  main  libérale  ,  en  leur  commandant  de  lui 
donner  à  manger  :  «  Et  il  leur  répondit  :  Donnez-leur  vous  mêmes  à 
manger.  »  —  Tuéophyl.  En  parlant  de  la  sorte  ,  il  n'ignorait  pas  ce 
qu'ils  allaient  lui  répondre,  mais  il  voulait  les  amener  à  dire  combien 
ils  avaient  de  pains,  pour  faire  ressortir  par  cette  déclaration  la  gran- 
deur du  miracle  qu'il  allait  opérer. 

S.  Cyr.  Mais  il  était  impossible  aux  disciples  d'exécuter  cet  ordre, 


quos   ejus    ubleclabat  doclrinu ,    illuni 
attentissime  visitabant. 

Bed.  Ipsc  autfm  ut  potens  piusque 
Salvator  excipieiiclo  faligatos,  docendo 
inscios,  sanando  tegrotos,  reficiendo 
jejunos.  quantum  devotione  credenlium 
delectetur,  insinuât.  Fnde  sequitur  :  «EL 
exoepit  iilo?,  et  loquebatur  eis  de  regno 
Dei .  »  etc.  Tueophylact.  Ut  addiseas 
quod  qiue  setuuidum  nos  est  :>apientia, 
dividitur  verbo  et  opère;  et  quod  decot 
dicere  operala,  et  opcrari  dicta.  Décli- 
nante auteni  die,  discipuli  jani  incipien- 
163  alioruni  curaiu  habere,  turbaî  misc- 
rentur  :  unde  sequitur  :  «  Dies  auteni 
cœperat  declinare,»etc.  Cyril,  {tibi  svp.) 
Sicut  enini  diclum  est,  diversarum  pas- 
sionum  postulabant   remédia;   et  quia 


videbaut  diicipuli  solo  uutu  pos^e  pnr- 
fici  quod  infirmi  petebant,  dicunt  : 
«  Dimitte  eos,»  ne  amplius  anxientur. 
Aspice  auteni  exuberantem  mansueludi- 
nem  ejus  qui  rogatur  :  non  enini  illa 
tantuni  largilur  qufe  postulant  discipuli, 
sed  sequentibus  ipsum  adjicit  bona  mu- 
ni ficœ  dextrœ,  mandans  eis  escas  exbi- 
beri.  Unde  sequitur  :  «  Ait  autem  ad 
illos  :  Vos  date  illis  manducare.  »  Thko- 
PUYLACT.  Non  autem  boc  dixit  eorum 
responsiouem  ignorans  ;  sed  volens  ipsos 
inducere  ut  dicercnt  quoi  panes  habe- 
rent,  et  sic  magnum  osteuderetur  ex 
eoi'um  confessione  miraculura  ,  panum 
quantitate  audita. 

Cyril,  {tibi  supra.)  Sed  quod  mauda- 
batur  intolerabile    discipulis    erat,    qui 


448 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


puisqu'ils  n'avaient  avec  eux  que  cinq  pains  et  deux  poissons  :  a  Ils 
lui  répartirent  :  Nous  n'avons  que  cinq  pains  et  deux  poissons,  à 
moins  que  nous  n'allions  acheter  de  quoi  nourrir  tout  ce  peuple.  »  — 
S.  AuG.  {de  race,  des  Evang.,  ii,  46.)  Saint  Luc  réunit  ici,  sous  une 
même  phrase ,  la  réponse  de  Philippe  :  a  Quand  on  aurait  pour 
deux  cents  deniers  de  pain ,  cela  ne  suffirait  pas  pour  en  donner  à 
chacun  un  morceau,,  »  et  celle  d'André  :  «  Il  y  a  ici  un  jeune  homme 
qui  a  cinq  pains  d'orge  et  deux  poissons  ,  »  comme  le  rapporte  saint 
Jean-.  [Jean,  vi.)  Eu  effet,  ce  que  dit  saint  Luc  :  «  Nous  n'avons  que 
cinq  pains  et  deux  poissons,  »  se  rapporte  à  la  réponse  d'André,  et  ce 
qu'il  ajoute  :  «  A  moins  que  nous  n'allions  acheter  de  quoi  nourrir 
tout  ce  peuple,  »  renferme  la  réponse  de  Philippe,  si  ce  n'est  qu'il  ne 
parle  pas  des  deux  cents  derniers ,  quoiqu'on  puisse  dire  qu'il  y  est 
fait  allusion  dans  la  réponse  d'André  ;  car ,  après  avoir  dit  :  «  Il  y  a 
ici  un  jeune  homme  qui  a  cinq  pains  et  deux  poissons,  »  il  ajoute  : 
«  Mais  qu'est-ce  que  cela  pour  tant  de  monde?  »  ce  qui  revient  à 
dire  :  «  A  moins  que  nous  n'allions  acheter  de  quoi  nourrir  tout  ce 
peuple.  »  De  cette  diversité  dans  le  récit,  et  de  cette  concordance  dans 
les  faits  comme  dans  les  maximes,  ressort  pour  nous  cette  importante- 
leçon,  que  nous  ne  devons  chercher  dans  les  paroles,  que  la  volonté 
de  ceux  qui  parlent,  et  que  les  narrateurs,  amis  de  la  vérité  ,  doivent 
s'attacher  surtout  à  la  mettre  en  évidence  dans  leurs  récits  ,  qu'il  y 
soil  question  de  l'homme,  des  anges  ou  de  Dieu.  —  S.  Gyr.  La  grande 
multitude  de  peuple  ,  dont  l'Evangéliste  fait  connaître  le  uomhre, 
ajoute  encore  aux  difficultés  du  miracle  :  «  Or,  ils  étaient  environ 


non  liabebaut  pênes  se  nisi  qiùnque 
panes  et  duos  pisces.  Unde  sequitur  : 
«  At  illi  dixernnt  :  Non  sunt  nobis  plus- 
quam  quinque  panes  et  duo  pisces,  nisi 
forte  nos  eamus  et  emamus  iu  omnem 
hanc  turbam  escas.  »  Aufi.  [de  Cons. 
Evang.,  lib.  ii,  cap.  46.)  In  quibus  qiii- 
dem  verbis  Lucas  in  iioam  sententiam 
constrinxit  responsionem  Philippi  dicen- 
■tis  :  «  Duceutorum  denarioruui  panes 
lîon  sufficiunt  eis  ,  ut  unusquisque  mo- 
dicum  quid  accipiat;  »  et  responsionem 
Andreae  dicentis  :  «  Est  puer  unus  hic 
qui  babet  quinque  panes  bordeaceos  et 
duos  pisces,  »  ut  narrât  Joannes.  (cap. 
6.)  Quùd  enim  ait  Lucas  :  «  Non  sunt 
nobis  plusquam  quinque  panes  et  duo 
pisces,  »  ad  Andreœ  retulit  responsio- 
nem :  quod  vero  adjunxit  :  «  Nisi  forte 
nos  eamus,  et  emamus  in  omnem  hanc 
turbam  escas,  »  videtur  ad  responsionem 


Philippi  pertiuere  ;  nisi  quod  de  ducen- 
tis  denariis  tacuit;  quamquam  et  in 
ipsius  Andretc  senlenlia  hoc  posset  iu- 
teUigi.  Cum  enim  dixisset  :  «  Est  puer 
unus  hic,  qui  babet  quinque  panes  bor- 
deaceos et  <luos  pisces,  »  aiijuuxit  : 
«  Sed  bœc  quid  inter  tantos?»  Hoc  est 
dicere  :  «  Nisi  forte  nos  eamus,  et  ema 
mus  in  omnem  hanc  turbam  escas.  » 
Ex  qua  varietate  verborum,  rerum  au- 
tem  sentenliarum  jne  concordia  salis 
apparet  sahibriter  nos  doceri,  nibil  quae- 
rendum  in  verbis,  nisi  loquentium  vo- 
luutatem;  cui  demoustranda;  invigilare 
debent  omnes  veridici  narratores ,  cum 
de  homine ,  vel  de  angelo,  vel  de  Deo 
aliquid  narrant.  Cyril,  [xibi  supra.)  Ut 
autem  adbuc  ad  magis  ardua  feratur 
miraculum,  ostenditur  non  parva  fuisse 
multitudo  virorum ,  cum  sequitur 
«  Erant  autem  viri  fera  quinque  millia;  » 


DE  SAIiNT   LUC,    CHAP.    IX.  449 

cinq  mille  hommes,  »  sans  compter  les  femmes  et  les  enfants,  comme 
le  remarque  un  autre  Evangéliste.  [Matth.,  xiv.) 

Théophyl.  Notre-Seigneur  nous  enseigne  ici,  lorsque  nous  donnons 
à  quelqu'un  l'hospitalité,  à  le  faire  asseoir  ,  et  à  lui  prodiguer  tous  les 
soins  qui  dépendent  de  nous  :  «  Jésus  dit  à  ses  disciples  :  Faites  les 
asseoir  par  groupes  de  cinquante.  »  —  S.  Aug.  [de  l'accord  des 
Evang.,  ii_,  46.)  Saint  Luc  dit  qu'on  les  fit  asseoir  par  troupes  de 
cinquante;  saint  Marc  par  groupes  de  cinquante  et  de  cent,  mais  cette 
différence  ne  peut  faire  difficulté  ;  car  l'un  des  Evangéhstes  n'exprime 
qu'une  des  parties  dont  les  groupes  étaient  composés,  et  l'autre  la 
totalité.  Si  l'un  des  deux  Evangélistes  ne  parlait  que  de  groupes  de 
cinquante,  et  l'autre  de  groupes  de  cent  personnes,  la  contradiction 
paraîtrait  évidente,  et  il  serait  difficile  d'admettre  que  les  deux  choses 
soient  vraies,  mais  racontées  chacune  par  un  seul  des  deux  Evangé- 
listes ;  et  cependant  en  y  réfléchissant  plus  attentivement,  qui  ne  re- 
connaîtra la  vraisemblance  de  cette  explication?  J'ai  fait  cette  obser- 
vation, parce  qu'il  se  présente  souvent  des  faits  de  ce  genre  qui,  pour 
les  esprits  superficiels  ou  prévenus ,  paraissent  contradictoires  et  ne 
le  sont  point.  —  S.  Chrys.  \hom.  50  snr  S.  Matth.)  Ce  devait  être  un 
article  de  la  foi  chrétienne ,  que  Jésus-Christ  était  sorti  du  Père,  il 
lève  donc  les  yeux  vers  le  ciel  avant  de  faire  ce  miracle  :  «Alors  Jésus, 
prenant  les  cinq  pains  et  les  deux  poissons  ,  et  levant  les  yeax  vers  le 
ciel,  »  etc.  —  S.  Cyr.  Il  le  fait  encore  pour  notre  instruction ,  et  pour 
nous  apprendre  qu'en  commençant  le  repas,  et  avant  de  rompre  le 
pain,  nous  devons  l'otîrir  à  Dieu,  et  attirer  sur  lui  la  bénédiction  cé- 
leste :  «  Et  levant  les  yeux  au  ciel ,  il  les  bénit  et  les  rompit.  »  — 
S.  Chrys.  {hom.  50.)  Il  distribue  ce  pain  au  peuple  par  les  mains  de 
ses  disciples,  par  honneur  pour  eux,  et  pour  qu'ils  n'oublient  point  le 


C'xoeptis  scilicel  mulieribus  et  pueris,  ut 
alius  evangelUta  refert.  (Matth.,  14.) 

Theophylact.  Docet  aulem  Dominus 
quod  decet,  cum  liospitamur  aliquem, 
rei;liaare  ipsum  et  omnis  consolationis 
participem  facere.  Unde  sequitur  :  «  Ail 
autem  ad  discipulos,  »  etc.  Auo.  [de 
Cons.  Evang.,  vhi  sup.)  Qnod  Lucas  hic 
dicit  quinquarjenos  jussos  esse  diseum- 
bere,  Marcus  vero  quinquagenos  et  cen- 
tenos,  ideo  non  movet ,  quia  uuus  par- 
tem  dixit,  aller  lotum.  Verum  si  alius 
de  quinquagenis  tantum  couimemorarcl, 
alius  de  cenlenis  lantum,  valde  videre- 
tur  esse  conlrarium  ;  uec  salis  dignosce- 
relur  utrumque  dictum  esse  :  ununi 
auteui  ab  altero,  alterum  ab  altero  esse 
commemoratuni  ,    et    fanien     fillentius 

TOM.   V. 


consideralum  iuveniri  debuisse ,  cjiiis 
non  falealur?  Hoc  ideo  dixi,  quia  exis- 
tuut  sœpe  aliqua  ejusmodi,  qute  paruni 
intendenlibus,  temere  judicantibus,  con- 
traria videanlur,  et  non  sinl.  Cbrys. 
{fiom.  50,  in  Matth.)  Et  quia  credendum 
erat  Cliristura  venisse  a  Paire,  faclurus 
miraculuni  aspexil  in  cœlum.  Unde  se- 
quitur :  «  Acceplis  autem  quinque  pani-- 
bus,  »  etc.  Cyril,  [ubisiipra.)  Hoc  etiam 
dispensative  pro  nobis  fecil,  ul  discamus 
quod  in  pr'ncipio  mensae  cum  frangere 
debemus  panem  ,  debemus  Deo  offerre, 
et  elicere  super  ipsum  benedicliouem 
supernam.  Unde  sequitur  :  «  El  hene- 
dixil,  et  fregil.  »  Chbys.  [ubi  supra.) 
Dal  quidem  eis  per  mauu^  discipulorum 
lionorando  eos,  et  ne  dent  oblivioni  jam 

21) 


450 


EXPLICATION   DE   l' ÉVANGILE 


souvenir  de  ce  miracle.  Or,  ce  n'est  point  du  néant  qu'il  tire  les  pains 
et  les  poissons  dont  il  nourrit  ce  peuple,  afin  de  fermer  la  bouche  aux 
manichéens,  qui  affirment  que  tout  ce  qui  est  créé  lui  est  étranger  (1), 
et  de  montrer  que  c'est  lui  qui  donne  la  nourriture  à  tous  les  êtres 
créés,  et  qui  a  dit  :  «  Que  la  terre  produise  les  plantes  ,  »  etc.  {Gen.,  i.) 
Il  multiplie  aussi  les  poissons ,  pour  signifier  qu'il  est  le  Seigneur  de 
la  mer^  comme  de  la  terre.  Il  a  opéré,  en  faveur  des  malades  qu'il  a 
guéris,  un  miracle  particulier,  il  étend  maintenant  les  effets  de  sa 
bonté  à  toute  la  multitude  ,  en  nourrissant  ceux  mêmes  qui  n'ont  au- 
cune infirmité  :  «  Tous  mangèrent  et  furent  rassasiés.  »  —  S.  Grég. 
DE  Nysse.  {grand  dise,  catéch.,  chap.  xxm.)  Ce  n'était  point  le  ciel 
qut  distillait  la  manne ,  ni  la  terre  qui  produisait  le  blé  selon  sa  na- 
ture, pour  subvenir  aux  besoins  de  ce  peuple  ;  cette  abondante  lar- 
gesse sortait  des  trésors  ineffables  de  la  puissance  divine.  Le  pain  se 
multiplie  dans  les  mains  de  ceux  qui  le  distribuent  et  il  augmente  eu 
proportion  de  la  faim  de  ceux  qui  mangent.  Ce  n'est  pas  non  plus  de 
la  mer  que  sortent  les  poissons  dont  ils  se  nourrissent,  mais  de  la  main 
de  celui  qui,  en  créant  les  diverses  espèces  de  poissons,  leur  a  donné 
la  mer  pour  séjour. 

S.  Ambr.  Ce  fut  donc  grâce  à  une  abondante  multiplication  des 
pains  que  ce  peuple  fut  rassasié.  On  eût  pu  voir  les  morceaux  sortir 
comme  d'une  source  mystérieuse,  et  se  multiplier,  sans  être  divisés 
entre  les  mains  de  ceux  qui  les  distribuaient,  et  les  fragments  in- 
tacts venir  se  gUsser  d'eux-mêmes  sous  les  doigts  de  ceux  qui  les  rom- 
paient. 

S.  Cyr.  Là  ne  s'arrête  point  le  miracle,  l'Evangéliste  ajoute  :  «  Et 

(1)  Saint  Chrysostome  veut  parler  ici  des  Manichéens  et  des  Marcionites,  qui  prétendaient  que 
les  choses  créées  n'avaient  aucun  rapport  avec  le  Christ. 


peracto  miraculo.  Non  autem  es  non 
entibusfacit  escas  ad  pascendum  turbas^ 
ut  obturet  os  Manichaei  asserenlis  alie- 
nam  esse  ab  eo  creaturam;  ostendens 
se  esse  Tictualium  largitorein,  et  qui 
dixit  {Gènes.,  1)  :  «  Germiuet  terra.  » 
Multiplicat  quoque  pisces,  ad  significan- 
dum  quod  tam  mari  quam  aridae  domi- 
nabatur.  Bene  autem  in  languentibus 
spéciale  peregit  miraculum  :  agit  et  be- 
neficium  générale,  alens  omnes,  etiam 
non  languentes.  Unde  sequitur  :  «  Et 
manducaverunt  omnes ,  et  saturati 
sunt.  »  Greg.  Nyss.  {Orat.  Catechetica 
magna,  cap.  23.)  Quibus  nec  cœlum 
fluebat  manna ,  nec  tellus  juxta  sui  na- 
turam    producens    frumentum ,   eorum 


satisfaciebat  egestati  :  sed  ex  ineffabilibus 
horreis  divinai  potentise  beneficium 
aftluebat.  Panis  paratur  factus  in  mani- 
bus  miuistrantium,  necnou  per  saturita- 
tem  edentium  augmenlatur.  Esum  etiam 
piscium  eorum  uecessitati  non  admiuis- 
trabat  mare,  sed  ille  qui  in  mare  piscium 
genus  iuseruit. 

Ambr.  Non  exiguo,  sed  multiplicato 
cibo  populum  liquet  esse  saliatum.  Vi- 
deras iucompreliensibili  quodam  rigatu 
iuter  dividentium  manus,  quas  non  fre- 
gerant,  fructiticare  particulas,  et  intacta 
l'rangcutium  digitis  sponte  sua  fragmenta 
subrepere. 

Cyril,  {ubi  sup.)  Nec  ubique  ad  hoc 
taulum  pervenit  miraculum,  sed  sequi- 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.    IX. 


451 


des  morceaux  qui  restèrent,  on  emporta  douze  corbeilles  pleines.  » 
C'était  une  preuve  manifeste  que  les  œuvres  de  charité  envers  le  pro- 
chain obtiennent  de  Dieu  une  récompense  surabondante.  —  Théophtl. 
C'était  encore  pour  nous  apprendre  la  merveilleuse  puissance  de 
l'hospitalité,  et  combien  nous  augmentons  nos  propres  richesses,  en 
les  distribuant  largement  aux  indigents.  —  S.  Chrys.  (I)  Ce  ne  sont 
pas  des  pains  entiers  qui  restent,  mais  des  morceaux,  pour  prouver 
que  c'étaient  bien  les  restes  des  pains  qui  avaient  été  distribués,  et  il 
eu  reste  douze  corbeilles,  c'est-à-dire,  autant  qu'il  y  avait  de  dis- 
ciples. 

S.  Ambr.  Dans  le  sens  mystique,  c'est  après  que  cette  femme,  qui 
était  la  figure  de  l'Eglise,  a  été  guérie  d'une  perte  de  sang;  après  que 
les  Apôtres  ont  reçu  la  mission  d'annoncer  le  royaume  de  Dieu,  que 
le  Sauveur  distribue  l'aliment  de  la  grâce  céleste.  Mais  remarquez 
ceux  qui  sont  jugés  dignes  de  le  recevoir,  ce  ne  sont  point  des  gens 
oisifs,  ni  ceux  qui  restent  dans  les  villes,  qui  siègent  dans  la  syna- 
gogue, ou  se  reposent  avec  complaisance  dans  les  dignités  séculières, 
mais  ceux  qui  cherchent  Jésus-Christ  dans  le  désert.  —  Bède.  Le  Sau- 
veur quitte  la  Judée,  qui,  eu  refusant  de  croire  en  lui,  s'était  ôté 
l'honneur  d'être  le  siège  des  prophéties,  et  il  distribue  dans  le  désert 
l'aliment  de  la  parole  divine  à  l'Eglise  qui  n'avait  point  d'époux.  Et 
lorsqu'il  se  retire  dans  le  désert  des  nations,  une  multitude  innom- 
brable de  fidèles  sortent  des  murs  de  leur  vie  ancienne  et  de  leurs  di- 
verses croyances  pour  s'attacher  à  ses  pas. 

S.  Ambr.  Or,  Jésus-Christ  accueille  avec  bonté  ceux  qui  ne  se  lassent 
point  de  le  suivre,  le  Verbe  de  Dieu  s'entretient  avec  eux,  non  des 

(1)  Cette  citation  est  empruntée  pour  une  partie  à  l'homélie  50  sur  saint  Matthieu,  et  pour 
l'autre  à  l'homélie  41  sur  saint  Jean. 


tur  :  «  Et  sublatum  est  r[uod  superavit 
l'ragmentoruin  cophini  duodeciin.  »  Ut 
hiuc  esset  manifesta  cerlificatio  quùd 
opus  charitatis  in  proximos  uberem 
vendicat  retributionem  a  Deo.  Tueopii. 
Et  ut  addisceremus  quantum  liospitalitas 
pole5t,et  quantum  augentur  nostra,  cum 
iudigeutibus  subveftiimus.  Cdrys.  (hi 
Cat.  Grœconim  Patrum.)  Fecit  autem 
superabuudare,  non  panes,  sed  frag- 
menta, ut  ostendat  illorum  panum  esse 
reliquias;  qu£e  tôt  factaisunt,  ut  totidcm 
essent  cophini  quot  et  discipuli. 

Ambr.  Mystice  autem  postquam  illa 
quae  Ecclesiai  lypum  accepit,  a  fluxu 
curata  est  sanguinis,  postea  quam  apos- 


toli  ad  evangelizandum  regnum  Dei 
sunt  destinati,  gratiaj  cœlestis  impertitur 
alimentum.  Sed  quibus  impertiatur 
adverle  :  non  otiosis,  non  in  civitate 
quasi  in  synagoga  vel  seculari  dignitate 
residentibus,  sed  inter  déserta  quœren- 
tibus  Christum.  Bkd.  Qui  derelicta 
Judœa,  quœ  propheiiai  sibiuon  credendo 
caput  abstulerat ,  iu  deserto  Ecclesio; 
quai  virum  non  habebat,  verbi  pabula 
largitur.  Peteutem  vero  déserta  gentium 
Christum  multœ  fidehum  catervae  rehc- 
tis  mœuibus  priscae  conversationis  et 
variorum  dogmatuin  sequunlur. 

Ambr.  Qui  autt-in  non  lustidiunt,  ipsi 
excipiniitiir  a  Glirislo,  et  min    insis  lo- 


452 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


choses  du  temps,  mais  du  royaume  de  Dieu,  et  si  quelques-uns  souûrent 
quelque  douleur  corporelle,  il  applique  sur  leurs  blessures  un  remède 
salutaire.  En  toute  circonstance  d'ailleurs,  il  garde  un  ordre  mysté- 
rieux, c'est-à-dire,  qu'il  guérit  d'abord  les  blessures  intérieures  par 
la  rémission  des  péchés,  et  prodigue  ensuite  avec  abondance  la  nour- 
riture de  la  table  céleste.  — Bède.  C'est  au  déclin  du  jour  qu'il  nourrit 
la  multitude,  c'est-à-dire,  lorsque  la  fin  des  temps  approche,  ou  bien, 
lorsque  le  soleil  de  justice  s'est  incliné  et  a  disparu  pour  nous  (1).  — 
S.  Amer.  Cependant  le  Sauveur  ne  donne  pas  immédiatement  à  cette 
multitude  les  aliments  les  plus  nourrissants.  Les  cinq  pains  sont  le 
premier  aliment  qu'il  leur  donne  comme  le  lait  aux  enfants;  le  second, 
les  sept  pains,  et  le  troisième,  le  corps  de  Jésus-Christ,  qui  est  la  nour- 
riture la  plus  substantielle.  Or,  s'il  en  est  qui  appréhendent  de  de- 
mander leur  nourriture,  qu'ils  abandonnent  toutes  choses  et  se  hâtent 
de  venir  entendre  la  parole  de  Dieu.  Celui  qui  commence  à  entendre 
cette  divine  parole,  éprouve  bientôt  le  sentiment  de  la  faim;  les 
Apôtres  s'en  aperçoivent,  et  si  ceux  qui  ressentent  ce  besoin,  ne  com- 
prennent pas  encore  ce  qu'ils  désirent,  Jésus- Christ  le  comprend,  il 
sait  qu'ils  ne  soupirent  point  après  les  aliments  grossiers,  mais  après 
la  nourriture  céleste  qui  est  Jésus-Christ.  Les  Apôtres  n'avaient  pas 
encore  compris  que  la  nourriture  du  peuple  fidèle  ne  s'achète  pas 
comme  un  aliment  ordinaire,  mais  Jésus-Christ  savait  que  c'est 
nous-mêmes  qui  avions  besoin  d'être  rachetés,  tandis  que  la  nour- 
riture qu'il  nous  destinait  devait  nous  être  donnée  gratuitement. 

BÈDE.  Les  Apôtres  n'avaient  encore  que  les  cinq  pains  de  la  loi  mo- 
saïque, et  les  deux  poissons  des  deux  Testaments,  qui  étaient  cachés 

(1)  C'est  Jésus-Christ  qui  est  ainsi  appelé  par  le  prophète  Malachie  (chap.  iv,  vers.  2)  ;  comme 
saint  Jérôme  l'indique  dans  ses  commentaires  sur  ce  prophète,  et  Eusèbe  plus  expressément  en- 
core dans  sa  Démonstration  éuangélique,  livre  v,  chapitre  29. 


quitur  Dei  Verburu,  iiou  de  âecularibus, 
sed  de  regno  Dei  ;  et  si  qui  corporalis 
geruut  ulcéra  passionis,  bis  mediciaam 
suam  libenter  indulget.  Ubique  autem 
mysterii  ordo  servatur,  ut  prius  per  re- 
missionem  peccatorum  vulaeribus  me- 
dicina  tribuatur ,  postea  vero  alimouia 
men-ae  cœlestis  exuberet.  Bed.  Die 
autem  déclinante,  turbam  reficit;  id 
est,  iu  fine  seculoium  appropiuquaute ; 
vel  cum  Sol  justitiœ  pro  uobis  occubuit. 
Amer.  Quamquam  uondutu  validioribus 
ha;c  turba  reûciatur  alimeutis.  Primum 
enim  in  modum  lactis  quinque  sunt 
panes;  secundum^  septem;  tertium  cor- 
pus  Cbristi  est    esca  solidior.    Si   quis 


autem  pelere  cibum  veretur^  ipse  relic- 
tis  suis  omnibus  festiuet  ad  Dei  verbum. 
Dutn  autem  aliquis  audire  incipit  Dei 
verbum,  incipit  esurire.  Incipiunt  apos- 
toli  esurieutem  videre  :  et,  si  illi  qui 
esuriunt,  adbuc  non  intelligaut  quid 
esuriaut,  iutelligit  Cbristus  :  scit  quod 
non  secularem  cibum  esuriant,  sed  ci- 
bum Cbristi  :  nondum  enim  intellexe- 
raut  apostoli  cibum  populi  credentis 
non  esse  venalem.  Noverat  Cbristus  nos 
potius  esse  redimendos,  suas  vero  epu- 
las  esse  gratiiilas. 

Beda.  Nondum  erant  apostolis  nisi 
quinque  panes  Mosaicae  legis,  et  duo 
pisces  utriusque    TesLameuli,    quae    in 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    IX.  453 

dans  les  profondeurs  obscures  des  mystères  comme  dans  les  eaux  de 
l'abîme.  L'homme  a  reçu  cinq  sens  extérieurs;  les  cinq  mille  hommes 
Cjui  marchent  à  la  suite  du  Seigneur,  figurent  donc  ceux  qui,  vivant 
au  milieu  du  monde,  font  un  bon  usage  des  biens  extérieurs  qu'ils 
possèdent.  Ils  se  nourrissent  des  cinq  pains,  parce  qu'ils  ont  encore 
besoin  d'être  dirigés  par  les  préceptes  de  la  loi.  Car  pour  ceux  qui 
renoncent  pleinemenl  au  monde,  la  nourriture  de  l'Evangile  les  fait 
parvenir  à  une  perfection  sublime.  Les  divers  groupes  qui  se  nour- 
rissent de  ces  pains ,  figurent  les  assemblées  particulières  de  l'Eglise 
par  toute  la  terre,  et  qui  toutes  ne  font  qu'une  Eglise  catholique. 

S.  AiiBR.  Dans  le  sens  spirituel,  ce  pain  qui  est  rompu  par  Jésus, 
est  la  parole  de  Dieu,  et  tout  discours  qui  a  Jésus-Christ  pour  objet, 
et  ils  se  multiplient  quand  on  les  distribue,  car  c'est  au  moyen  d'un 
petit  nombre  de  discours  qu'il  a  donné  à  tous  les  peuples  une  abon- 
dante nourriture.  Il  nous  a  donné  ses  divins  enseignements,  comme 
autant  de  pains  qui  se  multiplient  en  devenant  notre  nourriture.  — 
BEDE.  Or,  le  Sauveur  ne  crée  pas  de  nouveaux  aliments  pour  rassa- 
sier la  faim  de  cette  multitude,  mais  il  prend  ceux  qu'avaient  les 
Apôtres,  et  il  les  bénit,  parce  qu'en  eifet,  dans  le  cours  de  sa  vie  mor- 
telle, il  n'annonce  point  d'autres  vérités  que  celles  qui  ont  été  pré- 
dites par  les  prophètes,  et  il  nous  fait  voir  les  oracles  prophétiques 
pleins  des  mystères  de  la  grâce.  Il  lève  les  yeux  au  ciel,'  pour  nous 
apprendre  à  diriger  vers  le  ciel  toute  la  force  de  notre  esprit,  et  à  y 
chercher  la  lumière  de  la  science.  Il  rompt  les  pains  et  les  donne  à 
ses  disciples  pour  les  distribuer  au  peuple,  parce  que  c'est  aux  Apôtres 
qu'il  a  dévoilé  les  mystères  de  la  loi  et  des  prophètes,  en  les  chargeant 
de  les  annoncer  par  tojite  la  terre. 


abdito  mysteriorum  latentium  quasi 
aquis  abyssi  tetrpbantur.On'avero  quin- 
que  snnt  exterioros  hominis  sensus, 
quinqne  milïia  viri  Dominum  secuti 
ilesiijnant  eos  qui  in  seculari  ailhuc 
babilu  positi,  exteriorihus  <|urR  possi- 
dent,  bene  nti  noverunt  :  qui  quiuque 
Iianibiis  aluntur,  quia  taies  uecesse  est 
Iffiaiibus  adbuc  prai^ceptis  iustrui.  Nani 
qui  niundo  ad  intesrum  reuuntiant, 
pvangelica  refertione  suldiiuos  sunt. 
iJiversi  autoui  couvivantium  discul)ilus, 
desianant  diversos  per  orbpui  lerraruni 
ecclesiarnm  onnventus,  qui  unain  catlio- 
iicam  tac  i  un  t. 

Ambr.  llic  vero  pnuis  .  qunm  iVanjjit 
J»\=ius,  niysfioe  quidom  Dei  verbuin  est 
ot  sprmo   do    Christo  ;    qui    rum    divi- 


ditur,  augetur  :  de  paucis  enim  ?ernio- 
nibus  ouinibus  popidis  redundantoin 
aliinoniam  ministravit.  Dédit  sermones 
nobis  velut  panes  ,  qui  dum  no?tro  li- 
bantnr  ore  ,  creniinantur.  Beda.  Turbis 
autem  esurientibus  Saivator  non  nova 
créât  cibaria,  sed  acceptis  liis  qurp  ha- 
l)Uprunt  discipuli  ,  bonedixit;  quia  ve- 
niens  in  carne  non  alia  quani  prtpdicta 
sunt,  prfpdicat .  sed  propbetia?  dicta 
mysteriis  gratife  gravida  denionsirat. 
liespicit  in  cœluni ,  ut  iiluc  diriiïeu- 
dani  mentis  aciem ,  ibi  hiceui  scien- 
tife  doceat  esse  qurerendaui.  Frangit, 
et  ante  turbas  ponenda  distribuit  dis- 
cipuli?, quia  leds  et  propbetim  sacra- 
niputa  Pis  ut  per  luunduui  prirdiiput 
pafpf'pcil. 


454 


EXPLICATION   l>E   L  EVANGILE 


S.  Ambr.  Ce  n'est  pas  sans  dessein  que  les  restes  de  ces  pains  sont 
recueillis  par  les  disciples,  parce  que  les  choses  divines  se  trouvent 
plus  facilement  auprès  des  élus  que  parmi  le  peuple.  Heureux  celui 
qui  peut  recueillir  le  superflu  des  âmes  versées  dans  la  science  divine. 
Mais  pourquoi  Jésus-Christ  a-t-il  voulu  qu'on  remplit  douze  cor- 
heilles  des  morceaux  qui  restèrent,  si  ce  n'est  pour  délivrer  le  peuple 
juif  de  cette  servitude  que  le  Roi-prophète  rappelait  en  ces  termes  : 
«  Leurs  mains  servaient  à  porter  sans  cesse  des  corbeilles  ?  »  [Ps.  lxxx.) 
C'est-à-dire  que  ce  peuple  qui  était  condamné  à  porter  de  la  terre 
dans  des  corbeilles  {Exode,  i  et  vi),  travaille  maintenant  par  les  mé- 
rites de  la  croix  de  Jésus-Christ,  à  gagner  le  pain  de  la  vie  céleste.  Et 
cette  grâce  n'est  pas  le  privilège  d'un  petit  nombre,  elle  est  accordée 
à  tous  les  hommes  ;  ces  douze  corbeilles,  en  effet,  figurent  la  multipli- 
cation et  l'affermissement  de  la  foi  dans  chaque  tribu.  —  Bède.  Ou 
bien  encore,  les  douze  paniers  figurent  les  douze  Apôtres  et  tous  les 
<locteurs  qui  sont  venus  à  leur  suite;  au  dehors,  les  hommes  n'avaient 
pour  eux  que  du  mépris,  mais  au  dedans,  ils  étaient  remplis  des  pré- 
cieux restes  de  la  nourriture  du  salut. 

f.  18-22.  —  Un  jour  qu'il  priait  seul  dans  un  lieu  solitaire,  ayant  ses  disciple^ 
avec  lui,  il  leur  demanda  :  Qui  dit-on  que  je  suis?  Ils  lui  répondirent  :  Les 
uns  disent  Jean-Baptiste,  d'autres  Elle,  d'autres  un  des  anciens  prophètes  qui 
est  ressuscité.  Et  vous,  leur  demanda-t-il,  qui  dites-vous  que  je  suis?  Simon 
Pierre  répondit  :  Le  Christ  de  Dieu.  Mais  il  leur  défendit  avec  menace  de  le 
dire  à  personne.  H  faut,  ajouta-t-il,  que  le  Fils  de  l'homme  souffre  beaucoup, 
qu'il  soit  rejeté  par  les  Anciens,  les  Princes  des  Prêtres  et  les  Scribes,  qu'il 
soit  mis  à  mort,  et  qu'il  ressuscite  le  dernier  jour. 

S.  Cyr.  Le  Seigneur  se  sépare  de  la  foule,  et  cherche  la  solitude 


Ambr.  Non  oliose  auleiii  quae  lurbse 
supersuut  a  discipulis  coUiguntur,  quia 
oa  quœ  diviua  sunt ,  apud  eleclos  faci- 
lius  possis  quaiu  apud  populos  reperire. 
Beatus  ille  tjui  potest  coUigere  i\\x?e.  etiani 
doclis  supersiut.  Qua  ratioue  autem 
cophinos  Christus  duodecim  iiuplevil, 
iiisi  ut  illiid  populi  judalci  solverel  ; 
([uia«  manus  ejus  ia  copliino  servie- 
runl  ■?  »  etc.  {Psal.  80.)  Hoc  est^  populus 
qui  aute  lutum  copliinis  colUgebat ,  liic 
jam  per  crucem  Christi  vitae  cœlestis 
operalur  alimouiam.  Nec  paucorum  lioc 
inunus,  sed  omnium  est.  Nam  per  duo- 
decim cophinos  tanquam  tribuum  sin 
gularum  fidei  iirmamentum  redundat 
Red.  Vel  per  copliinos  duodecim  apos- 
toli  figurauUir.  et  omnes  sequeutes  doc- 


tores;  foris  quidem  homiuibus  despecli. 
sedintus  salutaris  cibi  reliquiis  cumulati. 

Et  factura  est  cum  solus  esset  orans ,  erant  mm 
illo  et  discipuli  ;  et  inlerrogavit  illos,  dice.ns  : 
Quem  me  dicunt  esse  turbœ  ?  At  itli  responde- 
runt  et  dixerunt  :  Alii  Joannem  Baptistani  ; 
alii  autem  Eliam;alii  vero  r/'iia  unus  pro- 
pheta  de  prioribus  surrexit.  Dixit  autem  illis: 
Vos  autem  quem  me  esse  dicilis  ?  Respondens 
Simon  Pelrus,  dixit  :  Chrislum  Dei.  At  ille 
increpans  illos  prœcepit  ne  eui  dicerent  hoc , 
dicens  quia  oportet  Filium  hominis  mulla 
pati,  et  reprobari  a  senioribus,  et  a  principi- 
bus  sacerdotum  et  scribis ,  et  occidi ,  et  tertia 
die  resurgere. 

Cyril,  [in  Cat.  Grœcoruni  Patrvm.) 
Sequestratiis  a  populis  Domiuus  ,  et 
seorsum  po.ntus    vacabat   orationibus  : 


DE   SAINT   LUC,   CUAP.    IX.  455 

pour  se  livrer  à  la  prière  :  «  Un  jour  qu'il  priait  seul  dans  un  lieu  so- 
litaire, »  etc.  Il  se  donnait  ainsi  comme  exemple  à  ses  disciples,  et  leur 
apprenait  à  se  rendre  facile  la  pratique  de  sa  doctrine.  C'est  ainsi 
que  les  pasteurs  des  peuples  doivent  leur  être  supérieurs  par  l'émi- 
nence  de  leurs  vertus,  et  leur  donner  l'exemple  d'une  application 
constante  aux  devoirs  de  leur  ministère  et  aux  œuvres  qui  sont 
agréables  à  Dieu.  —  Bède.  Les  disciples  se  trouvaient  avec  le  Sau- 
veur, mais  nous  le  voyons  seul  prier  son  Père,  parce  que  les  saints 
peuvent  bien  être  unis  au  Seigneur  par  les  liens  de  la  foi  et  de  la 
charité,  mais  le  Fils  seul  peut  pénétrer  les  incompréhensibles  secrets 
des  conseils  de  Dieu.  Il  prie  donc  seul  en  toutes  circonstances,  parce 
que  les  prières  de  l'homme  ne  peuvent  comprendre  les  desseins  de 
Dieu,  et  que  nul  ne  peut  entrer  en  participation  des  sentiments  les 
plus  intimes  de  Jésus- Christ. 

S.  Cyr.  Cependant  cette  application  à  la  prière  pouvait  étonner  les 
disciples,  qui  voyaient  prier,  comme  un  faible  mortel,  celui  qu'ils 
avaient  vu  faire  des  miracles  avec  une  autorité  toute  divine.  C'est 
donc  pour  dissiper  leurs  incertitudes  qu'il  les  interroge,  il  n'ignorait 
pas  sans  doute  les  témoignages  éclatants  que  le  peuple  lui  rendait, 
mais  il  voulait  dégager  ses  disciples  des  fausses  idées  qu'un  grand 
nombre  s'était  faites  à  son  sujet,  et  leur  inspirer  les  sentiments  d'une 
foi  éclairée  et  véritable  :  «  Il  les  interrogea,  disant  :  Qui  dit-on  que  je 
suis?  »  etc.  —  BÈDE.  C'est  dans  un  dessein  plein  de  sagesse  que  le 
Sauveur  avant  d'éprouver  la  foi  de  ses  disciples,  leur  demande  ce  que 
la  foule  pense  de  lui ,  car  il  veut  que  leur  profession  de  foi  ait  pour 
fondement,  non  l'opinion  de  la  multitude,  mais  la  connaissance  de  la 
vérité,  et  qu'ils  croient  après  avoir  examiné,  au  lieu  d'être  comme  Hé- 
rode,  dans  l'incertitude  "sur  ce  qu'ils  auraient  entendu  dire.  —  S.  AuG. 


unde  dicitur  :  «  Et  factum  est ,  cura 
solus  esset  orans,  »  etc.  Formam  euim 
in  hoc  seipsuni  constituebat ,  doceus 
discipulos  artem  facilem  doctriualium 
dogmatum.  Reor  enim  oportere  populu- 
rum  antistites  eliara  luerilis  prajesse 
subditis  suis,  in  rebuà  necessariis  jugiter 
conversantes,  et  illa  tractantes  quibus 
Deus  placatur.  BiiD.  Aderaut  auleui  dis- 
cipuli  Domino ,  sed  ipse  Patrem  solus 
oravil;  quia  possunt  saucti  Domino  fidei 
amorisque  socielate  conjuugi,  sed  in- 
oomprehensibilia  palornai  dispositiouis 
arcana  solus  uovit  Filius  penetrare  : 
ubique  ergo  solus  obsecral,  quia  Dei 
i.onsilium  humana  vota  non  capiuiit, 
neque  quis(iuam  potest  inlerioruui  par- 
tii.-eps  esse  cum  CÎiristo. 


Cyril,  {ubi supra.)  Poterat  autem  ora- 
tionisuegotium  turbarediscipulos  :  vide- 
bant  enim  Imnianitus  orare,  queni  olim 
viderant  auctoritate  divina  peragentem 
miracula.  Ut  igilur  hujusmodi  propelle- 
ret  turbationem,  eos  interrogat;  non 
quia  nesciretab  exterioribus  sibi  collata 
pr.x'conia,  sed  ut  eos  a  pUirium  opinions 
auferret,  et  rectam  fidem  eis  insererct. 
Unde  sequitur  :  «  F,t  inlerrogavit  illos 
dicens  :  Quera  me  dicunl  esse  turbae  ?  » 
Bed.  Pulc'ire  Dominas  fidem  discipu'o- 
rum  pxploratus,  prius  turbarum  senten- 
tiam  interrogat;  ne  illorum  confessio, 
non  veritatis  agnitione  probala  ,  sed 
vulgi  videalur  opinione  formata;  nec 
comperta  credere,  sed  instar  Herodis  de 
audilis     bœsitare    putentur.    Art;,    {de 


456 


EXPLICATION   DE   L  ÉVANGILE 


{de  Vacc.  des  Evang.,  ii,  53.)  On  peut  se  demauder  comment  saint 
Luc  a  pu  dire  que  le  Seigneur  interrogea  ses  disciples  sur  ce  que  les 
hommes  pensaient  de  lui,  lorsqu'il  était  seul  à  prier,  et  qu'ils  le  sui- 
vaient, tandis  que,  d'après  saint  Marc,  il  les  interrogea  en  chemin  ; 
mais  cela  ne  peut  faire  difficulté  que  pour  celui  qui  pense  que  le  Sau- 
veur n'a  jamais  prié  chemin  faisant. 

S.  Ambr.  L'opinion  de  la  foule  que  les  disciples  rapportent  n'est  pas 
indifférente  •  «  Ils  lui  répondirent  :  Les  uns  disent  Jean-Baptiste 
(qu'ils  savaient  avoir  été  décapité),  les  autres  Elie  (qu'ils  croyaient 
devoir  venir),  d'autres,  un  des  anciens  prophètes  qui  serait  ressus- 
cité. »  Mais  je  laisse  à  de  plus  habiles  d'approfondir  ces  paroles, 
car  si  l'apôtre  saint  Paul  se  glorifiait  de  ne  savoir  que  Jésus- Christ  et 
Jésus-Christ  crucifié  (I  Cor.,  ii),  quepuis-je  moi-même  désirer  que  cette 
divine  science  de  Jésus?  — S.  Cyr.  Mais  voyez  quelle  sagesse  dans 
cette  question  ;  le  Sauveur  reporta  d'abord  leurs  pensées  sur  les  té- 
moignages extérieurs  que  le  peuple  lui  rendait^  pour  en  détruire  l'im- 
pression dans  leur  esprit,  et  leur  donner  une  juste  idée  de  sa  personne 
divine.  Voilà  pourquoi  il  demande  à  ses  disciples  qui  lui  rapportent 
l'opinion  du  peuple,  quel  est  leur  propre  sentiment  :  «  Et  vous,  leur 
demanda-t-il,  que  dites-vous  que  je  suis?  »  Quelle  glorieuse  distinc- 
tion dans  ce  mot  :  «  Et  vous  !  »  Il  les  sépare  de  la  foule  pour  leur  en 
faire  éviter  les  préjuges,  comme  s'il  leur  disait  :  Vous,  que  j'ai  appelés 
à  l'apostolat  par  un  choix  tout  particulier,  vous,  les  témoins  de  mes 
miracles,  que  dites-vous  que  je  suis?  Pierre  prévient  tous  les  autres, 
il  devient  l'organe  de  tout  le  collège  apostolique,  il  révèle  les  senti- 
ments d'amour  dont  son  cœur  déborde,  et  proclame  sa  confession  de 
foi  :  «  Simon  Pierre  répondit  .  Le  Christ  de  Dieu.  »  11  ne  dit  pas  sim- 


Cons.  Evang.,  lib.  ii ,  cap.  53.)  Potest 
autem  illud  movere  quod  Lucas  Domi- 
mim  interrogasse  discipulos  suos,  quem 
illum  dicereut  homiues,  tune  dixit,  cum 
esset  solus  orans,  et  adessent  etiaui  ipsi  ; 
porro  autem  Marcus  in  via  dicit  illos  hoc 
ab  eodem  interrogatos  ;  sed  hoc  eum 
niovet  qui  putat  quia  nunquam  oravit 
in  via. 

Ambros.  Non  est  autem  otiosa  turbse 
opinio,  quam  discipuU  respondent,  cum 
subditur  :  «  At  ille  responderunt  et  dixe 
runt  :  AUi  Joannem  Baptistam  (quem 
decoUatum  sciebant),  alii  autem  EUam,  » 
quem  venturum  putabant;  «  alii  auleni 
quia  propheta  unus  de  prioribus  surre- 
xit.  »  Sed  hoc  quterere  alteriiis  pru- 
dentise  est  :  nam  si  Paulo  Apostolo  satis 
est  nihil  scirc,  nisi  Christum  Je>um  .  i  t 


liunc  crucifixum  (I  Cor,,  2),  quid  am- 
phus  mihi  desiderandum  est  scire  quam 
Christum?  Cyril,  {ubi  sup.)  Vide  autem 
interrogationis  elegantiam.  Dirigit  enim 
prias  eos  ad  extrinsecas  laudes ,  ut  eis 
evulsis  veram  opinionem  generet  :  unde 
cum  dixissent  discipuU  plebis  opinio- 
nem, eorum  sententiam  inlerrogat,  cum 
subdilur  :  «  Dixit  autem  illis  :  Vos  autem 
quem  me  esse  dicitis  ?  »  0  !  quam  prœ- 
cipuum  ilhid  vos!  Excipit  eos  ab  aUis, 
ut  eorum  vitent  opiniones  :  quasi  dice- 
ret  :  Vos  qui  censura  mea  vocati  estis 
ad  apostolatum ,  testes  miraculorum 
meorum,  quem  me  esse  dicitis  ?  Preeve- 
nit  autem  Petrus  cseteros ,  fitque  os 
totius  coUegii,  eructatque  diviui  amoris 
eloquia  ;  profertque  fidei  confessionem. 
cum  dicitur  :  <(  Respondens  auteu)  Pelnis 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.    IX.  457 

plement  :  «  Christ  de  Dieu,  »  mais  avec  l'article,  «  le  Christ  de  Dieu,  » 
par  excellence,  c'est  pourquoi  nous  lisons  dans  le  grec,  -;v  Xpu-iv;  il 
en  est  un  grand  nombre,  en  effet,  qui,  ayant  reçu  l'onction  de  Dieu, 
ont  été  appelés  Christs  sous  divers  rapports,  les  uns  ayant  reçu  l'onction 
royale,  les  autres  l'onction  prophétique  (1).  Nous-mêmes,  en  vertu  de 
l'onction  du  Saint-Esprit  qui  nous  a  été  donnée  par  Jésus-Christ,  nous 
avons  reçu  le  nom  de  Christs,  mais  il  n'y  en  a  vraiment  qu'un  seul  qui 
soit  le  Christ  de  Dieu  et  du  Père,  parce  qu'il  est  le  seul  qui,  dans  un  sens 
véritable  ait  pour  Père  lielui  qui  est  dans  les  cieux.  Ainsi  expliquées,, 
les  paroles  que  saint  Luc  met  dans  la  bouche  du  prince  des  Apôtres, 
s'accordent  avec  celles  que  lui  prête  saint  JMattbieu  :  «  Vous  êtes  le 
Christ,  Fils  du  Dieu  vivant.  »  Saint  Luc  n'a  fait  qu'abréger  ces  pa- 
roles, en  lui  faisant  dire  :  «  Le  Christ  de  Dieu.  »  —  S.  Ambr.  Dans  ce 
seul  nom,  en  effet,  se  trouvent  exprimées  la  divinité  du  Sauveur,  son 
humanité  et  la  foi  en  sa  passion.  Pierre  a  donc  tout  embrassé  dans 
cette  seule  expression,  la  nature  aussi  bien  que  le  nom  qui  est  comme 
l'abrégé  de  ses  perfections. 

S.  Ctr.  Remarquez  l'extrême  prudence  de  Pierre,  qui  confesse  un 
seul  Christ,  condamnant  ainsi  ceux  qui  ont  la  témérité  de  diviser 
l'Emmanuel  en  deux  Christs  différents;  car  il  ne  leur  demande  pas  : 
Qu'est  le  Verbe  divin  au  jugement  des  hommes,  mais  :  «  Qui  dit- 
on  qui  est  le  Fils  de  l'homme  ?  »  Et  c'est  lui  que  Pierre  confesse  être 
le  Fils  de  Dieu.  C'est  en  cela  qu'il  est  vraiment  admirable,  et  qu'il  a 
été  jugé  digne  des  plus  grands  honneurs,  que  d'avoir  cru  et  pro- 
clamé le  Christ  du  Père,  celui  qu'il  contemplait  dans  une  forme  liu- 

(I)  On  pourrait  ajouter  :  i  D'autres  l'onction  sacerdotale,  ce  qui  leur  a  fait  aussi  donner  le  nom 
Hc  Christs.  »  (U  Machab.,  i,  iO.)  I^our  les  rois  et  les  prophètes.  (Voyez  I  Paralip.,  x\i,  22,  etc.) 


dixit  :  Christiim  Dei  :  »  non  simplicifer 
eum  esse  «  Christura  Dei ,  »  seJ  niagis 
cum  articulo  :  unde  in  Grcoco  habelur, 
TÔv  XpicïTÔv ,  nam  plures  divinitus  uncti 
diversiniodo  vocati  sunt  christi  :  quidam 
enim  uncli  fuerunt  in  reges,  quidnm  in 
prophelas.  Nos  autem  pcr  Cliristuni 
Sancto  peruncti  Spiritu  nomen  oblinui- 
nius  Christi,  sed  unus  soins  est,  qui  est 
Christus  Dei  et  Palris,  quac-i  ipso  solo 
propriuni  habente  Palrein  qui  in  coilis 
est  :  et  sic  Lucas  concordat  quideni  in 
sententiis  oum  Matllifeo,  qui  narravit 
Petrum  di.xisse  :  «  Tu  es  Christus  Filius 
Dei  vivi;»  sed  ulens  breviloquio,  ait 
eum*  dixisse  :  «  Clirislum  Dei.  »  Amiir. 
In  uno  enim  hoc  nomine,  et  Divinitatis, 


et  iucarnationis  expressio,  et  fides  est 
passiouis.  Complexus  est  itaque  omnia, 
qui  et  uaturam  et  nonwn  expressit ,  in 
quosumma  virtutum  est. 

Cyuil.  (ubiiupra.)  St;d  uolaudum  quod 
uuuin  coufessus  est  esse  Christum  pru- 
deutissimus  Pclrus;  conlra  prajsumeutes 
Enunanueleui  in  duos  christos  dividere  : 
ueque  enim  sciscitatus  est  eos  dicens  : 
«  Quem  dicunt  homiues  esse  divinum 
Verbum?  )<  sed,  «  Filium  homiuis'?  » 
Ouem  Pctrus  confessus  est  esse  Filium 
Dei.  In  hoc  ergo  admiraudus  est,  et 
dignus  factus  tam  pr;ecii)uis  lionoribus; 
quia  quem  admiiaLus  est  in  forma  nos- 
tra,  hune  credidit  esse  «  Christum  Pa- 
tris,  »  scilicet  hominem    factum  Ver- 


458 


EXPLICATION   DE   L  EVANGILE 


maine,  c'est-à-dire  que  le  Verbe,  engendré  de  la  substance  du  Père, 
avait  daigné  se  faire  boramc. 

S.  Ambr.  Cependant  Notre-Seigneur  ne  veut  pas  encore  que  sa  di- 
vinité soit  proclamée  parmi  le  peuple,  pour  éviter  toute  agitation  : 
«  Mais  leur  parlant  avec  empire,  il  leur  enjoignit  de  ne  le  dire  à  per- 
sonne. »  Il  commande  le  silence  à  ses  disciples  pour  plusieurs  raisons, 
pour  tromper  le  prince  du  monde,  pour  fuir  toute  vanité,  pour  nous 
enseigner  l'iiumilité.  Jésus-Christ  n'a  donc  point  voulu  de  la  gloire 
humaine,  et  vous  qui  êtes  né  dans  l'obscurité  ,  vous  la  recherchez 
avec  empressement?  Il  voulait  aussi  que  ses  disciples,  encore  gros- 
siers et  imparfaits,  ne  fussent  point  opprimés  sous  le  poids  d'une  pré- 
dication trop  relevée.  Il  leur  défend  donc  d'annoncer  qu'il  est  le  Fils 
de  Dieu,  afin  que  plus  tard  ils  puissent  prêcher  publiquement  ses 
souffrances.  —  S.  Chrts.  {hom.  55  in  Matth.)  Le  Sauveur  a  défendu 
à  ses  disciples  de  dire  à  personne  qu'il  était  le  Christ,  pour  une  autre 
raison  non  moins  pleine  de  sagesse.  Il  voulait  qu'après  avoir  fait  dis- 
paraître tout  sujet  de  scandale  et  consommé  le  supphce  de  la  croix, 
tous  ceux  qui  entendraient  la  prédication  évangélique,  eussent  de  lui 
une  idée  juste,  car  les  préjugés  qu'on  déracine  et  qu'on  arrache  tout 
d'abord,  peuvent  difficilement  rentrer  et  obtenir  créance  dans  le 
même  esprit;  mais  ceux  qu'on  laisse  se  développer  en  toute  liberté 
sans  les  arracher,  croissent  et  s'enracinent  avec  une  merveilleuse  faci- 
lité; car  si  une  simple  allusion  aux  souffrances  de  Jésus-Christ  suffit 
pour  scandaliser  Pierre,  que  serait-il  arrivé  au  plus  grand  nombre, 
lorsque  ayant  appris  qu'il  était  le  Fils  de  Dieu,  il  l'aurait  vu  crucifié 
et  couvert  d'opprobres?  —  S.  Cyr.  Il  fallait  donc  que  les  disciples  por- 
tassent son  nom  jusqu'aux  extrémités  de  la  terre,  et  cette  œuvre 
était  réservée  à  ceux  qu'il  avait  appelés  à  l'apostolat;  mais,  comme 


bum  quod  processit  de  Patris  substan- 
tia. 

Ambr.  Dominas  autem  Jésus  Christus 
prfedkari  se  primo  noluit,  ne  ullus  stre- 
pitus  nascerelur  :  unde  seqaitur  :  «  At 
ille  increpans  eos  praecepit  ne  cui  dice- 
rent  hoc  :  »  multis  ex  causis  jubet  ta- 
cere  discipulos;  ut  faliat  principem 
mundi,  déclinât  jactantiam,  et  doceat 
humilitatem  :  ergo  Cliristus  noluit  glo- 
riari,  et  tu  qui  iguobilis  natus  es,  gloria- 
ris?  Simul  ne  rudes  et  imperfecti  adhuc 
discipuli  maximœ  preedicationis  molibus 
opprimautur.  Proliibentur  ergo  evauge- 
lizare  eum  Bei  Filium,  ut  evaugeliza- 
rent  postea  crucifixum.  Chrys.  {//oinil. 
55,  in  Matth.)  Opportune  etiam  Domi- 


nas tune  vetuit  uuUi  dicere  quod  ipse 
esset  Christus,  quatenus  sublatis  de  me- 
dio  scandalis,  et  crucis  consummato  pa- 
tibulo,  habituahter  imprimeretur  audien- 
tium  menti  conveniens  de  eo  opinio  : 
nam  radicatum  semel  et  postmodum 
evulsum,  vix  unquam  denuo  insitum  re- 
tinebitur  :  quod  autem  semel  insitum 
persévérât  immobile,  de  facili  concres- 
cit  :  nam  si  Petrus  ex  solo  audilu  scan- 
dalizatus  est,  quid  quamplures  pateren- 
tur,  cum  audissenl  FUium  Dei  esse, 
vidèrent  autem  crucifixum  et  couspu- 
tum?  Cyril,  [ubi  supra.)  Oportebat  ergo 
discipulos  eum  ubique  terrarum  praîdi- 
care  :  hoc  enim  erat  opus  electorum  ab 
eo  ad  apostolatus  officium  :  sed  ut  sacra 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    IX.  459 

l'atteste  l'Esprit  saint,  «  il  y  a  temps  pour  toute  chose  »  {EccL,  m),  et  il 
fallait  que^la  passion  et  la  résurrection  fussent  accomplies,  avant  que 
les  Apôtres  prêchassent  l'Evangile  :  «  Il  faut,  disait-il,  que  le  Fils  de 
l'homme  soufifre  beaucoup,  »  etc.  —  S.  Ambr.  Peut-être  aussi,  Notre- 
Seigneur,  qui  savait  toute  la  peine  que  ses  disciples  auraient  à  croire 
le  mystère  de  sa  passion  et  sa  résurrection,  voulut  en  être  le  premier 
prédicateur. 

f.  23-28.  —  Puis,  s'adressant  à  la  foule,  il  disait  :  Si  quelqu'un  veut  venir 
après  moi,  qu'il  se  renonce  lui-même,  qu'il  porte  sa  croix  chaque  jour,  et  me 
suive.  Car  celui  qui  voudra  sauver  sa  vie  la  perdra,  et  celui  qui  perdra  sa  vie 
à  cause  de  jnoi  la  sauvera.  Et  que  sert  à  l'homme  de  gagner  le  monde  entier  à 
son  détriment  et  en  se  perdant  lui-même?  Car  si  quelqu'un  rougit  de  moi  et 
de  mes  paroles,  le  Fils  de  l'homme  rougira  de  lui,  lorsqu'il  viendra  dans  sa 
majesté,  et  dans  celle  du  Père  et  des  saints  anges.  Et  je  vous  le  dis  en  vérité, 
quelques-uns  de  ceux  qui  sont  ici  présents,  ne  goûteront  point  la  mort  qu'ils 
n'aient  vu  le  royaume  de  Dieu. 

\ 

]      S.  Cyr.  Les  valeureux  capitaines,  qui  veulent  inspirer  plus  de  cou- 

I  rage  et  de  hardiesse  à  ceux  qui  parcourent  avec  eux  la  carrière  des 

i  armes,  ne  se  contentent  pas  de  leur  promettre  les  honneurs  de  la  vic- 

'  toire,  mais  cherchent  à  leur  persuader  qu'il  y  a  de  la  gloire  même  à 

supporter  les  souffrances.  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  agit  de  même 

à  l'égard  de  ses  Apôtres.  Il  leur  avait  prédit  qu'il  aurait  à  souffrir  les 

'  nsations  calomnieuses  des  Juifs,  qu'il  serait  mis  à  mort,  et  qu'il 

-usoiterait  le  troisième  jour.  Mais  ils  pouvaient  croire  que  ces 

souffrances  devaient  être  le  partage  exclusif  de  Jésus-Christ,  sauveur 

du  monde,  tandis  qu'il  leur  serait  permis  de  mener  une  vie  molle  et 

Husuelle  ;  il  leur  apprend  donc  qu'ils  ont  à  livrer  les  mêmes  combats, 


Scriptura  testatur  {EccL,  3)  :  «  Tempus 
est  unicuique  rei  :  »  decebat  enim  ut 
crux  et  resurrectio  impleretur,  et  sic  se- 
queretur  apostoloruin  prœdicatio.  Unde 
sequitur  :  ■<  Diceus  quia  oportet  Filium 
bominis  mulla  pati,  »  etc.  Ambr.  For- 
tasse  quia  sciebat  Dominus  difficile  pas- 
sionis  et  resurrectiouis  aiysteriuni  etiaui 
discipulos  credituros,  ipse  vobiit  esse 
suœ  passionis  et  resurrectiouis  assertor. 

I  Dicehat  nulem  ad  omnes  :  Si  quis  vult  post  me 
venire,  abneget  semetipsum ,  et  tollat  crucem 
iuam  quolidii ,  et  sequatur  me  :  qui  enii/i  vo- 
luerit  animam  suam  salvam  facere,  perdet  il- 
lam  :  nam  qui  perdiderit  animam  suam  prop- 
ter  me,  salvam  faciet  illam.  Qaid  enim  profi- 
rit  homo,  si  lucretur  unicersum  mitiidum  ,  se 
autem  ipsum  perdat ,  et  delrimentum  sui  fa- 
cial  ?  Nam  qui  me  crubuerit  et  meos  sermones, 


hune  Filius  hominis  erubeseet  cum  venerit  in 
majestate  sua  et  Patris,  et  sanctorum  ange- 
lorum.  Dico  autem  vobis  vere  :  sunt  aliqui 
hic  stantes,  qui  non  yustabunt  mortem,  donec 
videant  regnum  Dci, 

Cyril,  (in  Cat.  Grœcorum  Patrurn.) 
Ducum  magnauinii  streuuos  in  aruiis  ad 
audaciam  provocaut;  nou  solum  eis  bo- 
uores  poUiceudo  victoriœ,  sed  etiam  ip- 
sum pati  gloriosum  esse  dicentes.  Taie 
quid  videmus  docere  Douiinum  Jesum 
Cliristum  :  praedixerat  enim  apostolis 
quod  oporteiet  cum  pcrpeli  Judreorum 
calumnias,  occidi,  "t  Icrlia  die  resurgere. 
Ne  igitur  putarent  Ciuislum  quidem  pas- 
surum  perseculiouespro  vita  muudi,  eis 
vero  lii-eret  moUem  vitura  duceve,  osleu- 
dit  quod  per  œqua  cerlauiina  nccessario 
gradi  decet  cupieotes  ejus  gloriam  obli- 


460 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


s'ils  désirent  partager  sa  gloire  :  «  Il  disait  donc  à  tout  le  monde.  » — 
BEDE.  Remar<]uez  ces  paroles  :  «  Il  disait  à  tous ,  »  parce  qu'en  effet 
c'était  avec  les  disciples  seuls  qu'il  avait  traité  de  tout  ce  qui  concer- 
nait la  foi  à  sa  naissance  ou  à  sa  passion. 

S.  Chrys.  [hom.  56  sur  S.  Matth.)  Notre-Seigneur ,  plein  de  dou- 
ceur et  de  bonté ,  ne  veut  point  qu'on  le  serve  forcément  et  à  regret, 
mais  volontairement ,  et  eu  lui  rendant  grâces  d'être  à  son  service  ; 
aussi  il  ne  force,  il  ne  violente  personne  ,  mais  c'est  par  la  persuasion 
et  par  les  bienfaits,  qu'il  attire  à  lui  tous  ceux  qui  désirent  le  suivre  : 
«  Si  quelqu'un  veut.  »  —  S.  Bas.  [Const.  mon. ,  iv.)  En  disant  :  «  Si 
quelqu'un  veut  venir  après  moi  (1),  »  il  se  propose  lui-même  comme 
modèle  de  la  vie  parfaite  à  ceux  qui  veulent  suivre  ses  divins  ensei- 
gnements, et  il  les  invite ,  non  pas  à  le  suivre  corporellement  (ce  qui 
serait  impossible ,  puisque  Notre-Seigueur  est  maintenant  dans  les 
cieux),  mais  à  suivre  fidèlement  les  exemples  de  sa  vie  ,  selon  la  me- 
sure de  leurs  forces.  —  Bède.  Il  faut  nécessairement  se  détacher  de 
soi-même,  si  l'on  veut  s'approcher  de  celui  qui  est  au-dessus  de  nous, 
suivant  ces  paroles  du  Sauveur  :  «  Qu'il  se  renonce  hu-mèrae.  »  — 
S.  Bas.  {règle  expliq.,  quest.  6.)  L'abnégation  de  soi-même ,  c'est 
l'oubli  de  toutes  les  choses  de  notre  vie  passée  ,  et  l'abandon  de  nos 
propres  volontés.  —  Orig.  {traité  ^  sur  S.  Maith.)  On  se  renonce 
encore  soi-même  quand  on  change  les  habitudes  vicieuses  d'une  vie 
mauvaise  par  la  réforme  entière  de  ses  mœurs,  et  par  une  conversion 
sincère  et  véritable  ;  par  exemple ,  celui  qui  a  longtemps  vécu  dans 
les  plaisirs,  se  renonce  soi-même,  quand  il  devient  chaste,  et  ainsi 

!1)  Ce  n'est  point  en  expliquant  ce  passage  que  saint  Basile  fait  cette  réflexion,  mais  à  l'occasion 
de  ces  paroles  du  Sauveur  rapportées  par  saint  Jean  :  «  Si  quelqu'un  veut  être  mon  serviteur  qu'il 
me  suive.  «  (Jean,  xii,  21.) 


nere.  Unde  dicitnr  :  «  Dicebat  aiitem  ad 
omnes.  »  Bed.  Pulchre  posuit,  ad  om- 
nes  ;  qui  superiora.  quœ  ad  fidem  domi- 
uicae  nativitatis  vel  passionis  pertinent, 
cum  solis  discipulis  seorsiim  esit. 

Chrys.  [homil.  56,  in  Mattlt.)  Cura 
auleai  Salvator  sit  pius  et  benignus, 
uuUum  invitum  aut  coactum  babere  vult 
famulum,  sed  spontaneos  et  gratias  agen- 
tes  ei  pro  famulatu  :  et  ideo  neuiinem 
cogendo  aut  neces-itatem  iniponendo, 
sed  persuadeudû  et  benefac.ieudo ,  uni- 
versos  volentes  attrabit,  dicens  :  «  Si 
quis  vult.  »  Basil,  [in  Constit.  monast., 
cap.  4.)  Vitam  autera  propriam  in  for- 
inam  optimae  conversationis  tradldit  vo- 
lentibus  ei  obedire,  <um  dicit  :  «  Post 
me  venire;  »  non  obsecntionem  forno- 


ralem  iusinuans  (esset  euim  in  omnibusj 
impossibilis  Domino  jam  in  cœlis  exis- 
tente),  sed  debitam  conversationis  prol 
posse  imitationem.  Bed.  Nisi  autem  quisi 
a  semetipso  deficiat,  ad  eum  qui  supraj 
ipsura  est  non  appropinqnat.  Unde  dici- 
tur  :  «  Abucget  semetipsum.  »   Basil.; 
{■in  Recjtilis  fusius  dispiitatis   vd    in- 
terrog.  6.)  Abnegatio  quideiu  sui  ipsiuâ 
est  totalis  prœterilorum  oblivio,  et  re- 
cessus    a    propriis    vobintatibus.   Orig. 
[Tract.  2,   in   Mat'h.)   Abnegat  etiaml 
aliquis   seipsum,   duin  vilam    prius   inj 
malitia  consuetam  alteratione  débita  sivel 
bona  conversionc  commutât;  qui  duduin 
in  lascivia  vixerat .  abnegat  semetipsuuij 
laseivura,  cum    fit   castiis;    et  similiterj 
abstincntia  rujn?lihot  criminis  sui  ipsivsl 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    IX.  -461 

toutes  les  fois  qu'on  s'abstient  d'un  vice  quelconque ,  on  se  renonce 
soi-même.  —  S.  Bas.  {règle.)  Or,  désirer  mourir  pour  Jésus-Christ, 
mortifier  les  membres  de  l'homme  terrestre  (Coloss.,  m),  être  disposé 
à  supporter  courageusement  toutes  les  épreuves  pour  Jésus-Christ, 
n'avoir  aucune  afifection  pour  la  vie  présente ,  c'est  véritablement 
porter  sa  croix  :  «  Et  qu'il  porte  sa  croix  tous  les  jours  de  sa  vie.  »  — 
Théophyl.  La  croix,  dans  la  pensée  du  Sauveur,  c'est  une  mort  igno- 
minieuse ,  et  il  nous  fait  entendre  ici  que  celui  qui  veut  suivre  le 
Christ,  ne  doit  point  reculer  devant  la  perspective  d'une  mort  sem- 
blable. —  S.  Grég.  {hom.  32  sur  FEvang.)  On  peut  encore  porter  sa 
croix  de  deux  manières,  ou  lorsqu'on  mortifie  son  corps  par  la  péni- 
tence, ou  lorsque  l'âme  s'attriste  et  s'afflige  en  compatissant  aux 
souflrances  des  autres. 

S.  Grég.  [ou  le  moine  Isaac^  Ch.  des  Pèr.  gr.)  Notre -Seigneur 
réunit  à  dessein  ces  deux  choses  :  «  Qu'il  se  renonce  lui-même ,  et 
qu'il  porte  sa  croix  ;  »  car  de  même  que  celui  qui  est  prêt  à  monter 
sur  la  croix ,  est  tout  disposé  intérieurement  à  souffrir  ce  genre  de 
mort,  et  n'a  plus  que  de  l'indifférence  pour  la  vie  présente  ;  ainsi  celui 
qui  veut  suivre  le  Seigneur ,  doit  d'abord  se  renoncer  lui-même ,  et 
ensuite  porter  sa  croix,  de  sorte  que  dans  son  âme,  il  soit  prêt  à  sup- 
porter toute  espèce  de  souffrance.  —  S.  Bas.  [explic.  des  règles, 
qnest.  8.)  La  perfection  consiste  donc  à  tenir  son  âme  dans  une  com- 
plète indifférence  pour  la  vie  présente  et  à  être  toujours  prêt  à  mou- 
rir, en  évitant  toutefois  la  confiance  en  soi-même.  Or,  cette  perfection 
doit  commencer  par  le  renoncement  aux  choses  extérieures ,  par 
exemple,  aux  richesses  ,  à  la  vaine  gloire,  et  par  le  détachement  in- 
térieur de  toutes  les  choses  inutiles. 


ubiieyulio  erft.  Basil,  {ih  Ite/julis.,  ut 
sup.)  Appelitus  autem  mords  tolerandae 
pro  Cliristo,  et  mortificatio  membrorum 
quse  suut  super  terrain  {ad  Coloss.,  3), 
et  viriliter  dispoui  ad  omne  periculum 
sustinendum  pro  Cliristo,  et  non  affici 
quemquam  ad  vitaiii  praeientein,  hoc  est 
tollere  crucein  suaiu  :  unde  subdilur  : 
«  Et  tollat  crucein  suam  quotidie.  » 
Theophvlact.  Cruceiii  hic  dicit  iiiorleiii 
exprobrabilem  ;  iunueiis  quod  si  qiiis 
vult  Christuui  sequi,  non  débet  cll'ii^'ere 
propler  ipsum  etiaiu  exprobrabilem  inor- 
teni.  Greg.  (m  fiomil.  32,  in  Lratif/.) 
Uuobus  etiam  modis  criix  tollitur^  duni 
aul  per  abslinentiam  aflligitur  corpus, 
aut  per  corapassionem  aflicitiir  aninius. 
GR.tiG.  (vei  Isuac  Monachus  in  C'a  t. 
Grxco7xnn  Patmm.)  Recle  autem  con- 


juugit  licBc  duo  :  «  Abnegel  seiuetipsum, 
et  tollat  crucem  suam  :  »  sicut  enim  qui 
paratus  est  ascendere  crucem ,  sumit  in 
mente  sua  inortis  intentionem ,  sicque 
vadit  non  œslimans  amplius  hanc  vitam 
jiarticipare,  ita  qui  sequi  vult  Dominum, 
primo  débet  abuegare  seipsum,  et  sic 
tollere  crucem  ;  ut  ejus  volnntas  sit 
prompta  ad  omnem  miseriam  suslinen- 
dam.  Basil,  {in  Regidis  fusitts  dispu- 
tatis  ad  interrog.  8.)  In  hoc  igitnr  con- 
sistit  perfectio,  ut  impassibiliter  se  lia- 
beat  secundum  alîectum  etiam  ad  ipsum 
vivere;  et  habeat  in  promptu  morlis 
responsum,  nequaquam  in  seipso  conli- 
dat.  Sumit  autem  exordium  perfectio  ab 
exteriorum  alienatione  ;  puta  possessio- 
num  vel  inanis  gloria;,  vel  praecisœ  af- 
feclionis  inutilium  rerum. 


462 


EXPLICATION    DE   L  EVANGILE 


BEDE.  C'est  donc  pour  nous  une  obligation  de  porter  chaque  jour 
cotte  croix,  et  de  marcher  à  la  suite  du  Seigneur,  qui  a  voulu  porter 
lui-même  sa  croix  :  «  Et  qu'il  me  suive.  »  —  Orig.  Il  donne  la  raison 
de  ce  commandement,  en  ajoutant  :  «  Car  celui  qui  voudra  sauver 
son  âme,  la  perdra,  »  c'est-à-dire  celui  qui  veut  jouir  de  la  vie  pré- 
sente et  de  toutes  les  satisfactions  qu'offrent  à  son  âme  les  choses  sen- 
sibles, perdra  son  âme  qu'il  néglige  de  conduire  au  terme  de  la  béa- 
titude véritable.  Il  ajoute ,  au  contraire  :  «  Et  celui  qui  perdra  son 
âme  à  cause  de  moi,  la  sauvera,  »  c'est-à-dire  ,  celui  qui  méprise  les 
biens  sensibles,  et  ne  craint  point  par  amour  pour  la  vérité  de  s'expo- 
ser à  la  mort,  sauvera  bien  plutôt  son  âme  et  sa  vie,  dont  il  semble 
faire  le  sacrifice  à  Jésus-Christ.  Si  donc  c'est  un  véritable  bonheur  de 
procurer  à  son  âme  le  salut  qui  vient  de  Dieu ,  on  peut  dire  que  c'est 
une  perte  heureuse,  que  de  perdre  son  âme  pour  l'amour  de  Jésus- 
Christ.  On  peut  encore  dire ,  par  analogie  avec  ce  renoncement  tel 
que  nous  venons  de  l'expliquer ,  que  chacun  doit  perdre  son  âme 
livrée  au  péché,  pour  prendre  celle  qui  doit  son  salut  à  la  pratique  de 
la  vertu. 

S.  Cyr.  Le  Sauveur  veut  faire  comprendre  combien  cette  partici- 
pation aux  souffrances  du  Christ  surpasse  de  beaucoup  les  jouis- 
sances que  donnent  les  plaisirs  et  les  biens  de  ce  monde,  et  il  ajoute  : 
«  Que  sert  à  l'homme  de  gagner  le  monde  entier,  s'il  vient  à  se  perdre 
lui-même  à  son  détriment?  »  comme  s'il  disait  :  Qu'un  homme  ,  par 
attachement  aux  douceurs  et  aux  avantages  de  la  vie  présente,  refuse 
de  souffrir,  et  aime  mieux  vivre,  s'il  est  riche ,  au  milieu  du  luxe  et 
de  l'opulence,  que  lui  en  reviendra-t-il,  lorsqu'il  aura  perdu  son  âme  ? 


Bed.  Prsedictam  igitur  crucem  quoti- 
die  tollere ,  et  ea  sumpta  Dominum  se- 
qui  jubemur,  qui  crucem  propriam  ba- 
julavit.  Unde  sequitur  :  «  Et  sequatur 
me.  »  Orig.  (ui  sup.)  Hujus  autem  cau- 
sam  assignat,  subdens  :  «  Qui  enim  vo- 
luerit  animam  suam  salvam  facere, 
perdet  illam  :  »  id  est,  qui  vult  secun- 
dum  vitam  prœsentem  vivere,  et  pro- 
priam animam  in  sensibilibus  couser- 
vare,  hic  eam  perdet,  non  deducens  eam 
ad  termines  bealitudinis.  E  contrario  au- 
tem subdit  ;  «  Nam  qui  perdiderit  ani- 
mam suam  propter  me,  salvam  faciet 
illam  :  »  id  est,  qui  negligit  sensibilia 
iutuitu  veritatis  exponens  se  morti,  hic 
tauquam  animam  perdens  pro  Chiisto, 
eam  polius  salvabit.  Itaque  si  animam 
salvari   bealum    est   (relatum   ad    eam 


quae  est  in  Deo  salutem)  débet  esse  et 
quaedam  bona  perditio  animse,  quae  fit 
intuitu  Ghristi.  Videtur  etiam  mihi  per- 
simile  ei,  quod  est  abnegare  seipsum  se- 
cundum  prœdicta,  decere  perdere  quem- 
libet  propriam  animam  peccatricem,  ut 
sumat  eam  quae  per  virtutem  salvatur. 
Cyril,  [tibi  sup.)  Quod  autem  incom- 
parabiliter  exercitium  passionis  Christi 
superet  delicias  et  pretiosa  mundi ,  in- 
sinuât subdens  :  «  Quid  proficit  honiini 
si  lucretur  universum  mundum,  seipsum 
autem  perdat,  et  detrimentum  sui  fa- 
ciat?  »  Quasi  dicat  :  Cum  aliquis  aspi- 
ciens  praesentem  dulcedinem  aut  utilita- 
tem,  renuit  quidem  pati,  eligit  autem 
splendide  vivere  si  sit  opulentus,  quod 
inde  sibi  commodum  erit  cum  perdide- 
rit animam?  Transit  enim  hujus  mundi 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.    IX. 


463 


Enefifet,  »  la  figure  du  monde  passe  (I  Cor.,  vu);  les  plaisirs  dispa- 
raissent comme  l'ombre  [Sag.,  v)  ;  les  trésors  de  l'iniquité  ne  servi- 
ront de  rien^  mais  la  justice  délivrera  de  la  mort.  »  {Prov.,  x.) 

S.  Grég.  {hom.  32.)  La  sainte  Eglise  traverse  deux  sortes  de  temps 
dans  la  vie  présente,  les  temps  de  persécution  et  les  temps  de  paix,  et 
Notre-Seigneur  donne  ici  des  préceptes  pour  ces  deux  circonstances  si 
différentes.  Dans  les  temps  de  persécution,  il  faut  être  prêt  à  sacrifier 
son  âme,  c'est-à-dire  sa  vie,  selon  ces  paroles  :  «  Celui  qui  perdra  sa 
vie  ;  »  dans  les  temps  de  paix  ,  au  contraire  ,  il  faut  s'appliquer  à  ré- 
primer les  désirs  terrestres,  qui  exercent  sur  nous  une  influence  tyran- 
nique,  et  c'est  à  quoi  Notre-Seigneur  nous  engage  par  ces  paroles  : 
«  Que  sert  à  l'homme  de  gagner  tout  l'univers,  s'il  vient  à  perdre  son 
âme?  0  Souvent  nous  méprisons  les  choses  fragiles  et  passagères,  mais" 
nous  sommes  encore  retenus  par  l'habitude  du  respect  humain,  qui 
nous  empêche  de  professer  publiquement  les  sentiments  de  droiture  et 
de  justice,  que  nous  conservons  au  dedans  de  nous-mêmes.  Notre- 
Seigneur  nous  donne  un  remède  convenable  pour  cette  blessure  : 
«  Car  si  quelqu'un  rougit  de  moi  et  de  mes  paroles,  le  Fils  de  l'homme 
rougira  de  lui.  »  —  Théophyl.  On  rougit  de  Jésus-Christ ,  quand  on 
dit  :  Est-ce  que  je  croirai  à  un  crucifié  ?  On  rougit  de  ses  discours,  en 
méprisant  la  simplicité  de  l'Evangile.  Or,  le  Seigneur  rougira  de  celui 
qui  rougit  de  lui,  comme  un  père  de  famille  rougirait  de  nommer  un 
de  ses  mauvais  serviteurs. 

S.  Cyr.  Il  pénètre  ses  disciples  d'une  crainte  salutaire  en  leur  annon- 
çant qu'il  descendra  des  cieux ,  non  plus  dans  son  premier  état  d'hu- 
miliation, et  sous  une  forme  semblable  à  la  nôtre,  mais  dans  la  gloire 
du  Père  et  au  miheu  des  anges  :  «  Lorsqu'il  viendra  dans  sa  majesté 


figura  (I  ad  Cor.,  1),  et  amœna  velut 
umbra  discedunt  {Sap.,  b);  non  eaim 
proderunt  thesauri  impietalis  :  eripit  au- 
tem  a  morte  justilia.  (Prov.,  10). 

Greg.  {in  liomil.  32  ut  sup.)  Quia 
ergo  sancta  Ecclesia  habet  aliud  teuipus 
persecutiouiSj  atque  aliud  pacis,  Domi- 
nus  utraque  tenipora  desiguavit  iu  prœ- 
ceptis.  Nam  perseculioniâ  tempore  po- 
nenda  est  anima,  iiJ  est,  vita,  qnod 
signifioavit  dicens  :  «  Qui  perdiderit  ani- 
mam  ;  »  pacis  aulem  tempore  ea  ijua; 
amplius  dominari  possuut,  frangeuda 
sunt  desideria  terrena;  quod  significavit 
dicens  :  «  Quid  proficit  homini?  »  Ple- 
rumque  autem  labentia  cuucta  despici- 
mus,  sed  tamen  adhuc  humanaî  vere- 
cundiae  usu  prœpedimur,  ut  reclitudiaem 


quam  servamus  in  meute,  uondum  ex- 
primere  valeamus  in  voce.  Sed  buic 
quidem  vulneri  congruum  Dominus  sub- 
jungit  medicamentum,  dicens  :  «  Naui 
qui  me  erubuerit,  et  meos  sermones, 
hune  Filius  laouiiuis  erubescet.  »  Theo- 
PHYLACT.  Erubescit  Chrisluui  qui  dicit  : 
«  Nunquid  credam  crucifixo  ?  »  Sed  et 
sermones  ejus  erubescit,  qui  Evangelii 
ruditatem  conteuiuit  :  quod  autem  huac 
Dominus  erubescet  in  regno  suo,  taie 
est  sicut  si  aliquis  paterfamiiias  iiabens 
servum  pravum  erubescat  eum  uominare. 
Cyril,  [ubl  supra.)  Incutit  autem  eis 
timorem,  dicens  se  cœlitus  descensu- 
rum,  non  in  pristina  humilitate  et  men- 
sura  proportionabili  nobis,  sed  in  gloria 
Patris  ministrantibus  angelis.  Sequitur 


AU 


EXPLICATION   DK   L  EVANGILE 


et  dans  celle  du  Père,  et  des  saints  anges.  »  Ce  sera  donc  un  malheur 
afifreux  de  paraître  avec  le  signe  de  l'inimitié ,  et  les  mains  vides  de 
bonnes  œuvres,  lorsque  ce  grand  juge  descendra  au  milieu  des  célestes 
cohortes  des  anges.  Apprenez  encore  de  là  que  pour  avoir  pris  une 
chair  semblable  à  la  nôtre,  le  Fils  n'en  est  pas  moins  Dieu  ,  puisqu'il 
annonce  qu'il  viendra  dans  la  majesté  de  Dieu  son  Père ,  environné 
des  anges  qui  exécuteront  les  ordres  qu'il  leur  donnera  comme  juge 
de  tous  les  hommes,  lui  qui  s'est  fait  homme  semblable  à  nous. 

S.  Ambr.  Toutes  les  fois  que  Notre-Seigneur  excite  ses  disciples  à  la 
pratique  de  la  vertu  par  la  perspective  des  récompenses  éternelles ,  et 
qu'il  leur  enseigne  combien  il  est  utile  de  mépriser  les  choses  de  la 
terre,  il  soutient  en  même  temps  la  faiblesse  de  l'esprit  humain  par 
l'attrait  d'une  récompense  présente.  11  est  dur  et  pénible  ,  en  effet,  de 
porter  sa  croix ,  d'exposer  son  âme  aux  dangers ,  et  son  corps  à  la 
mort,  de  renoncer  à  ce  que  vous  êtes  ,  lorsque  vous  voulez  être  ce 
que  vous  n'êtes  pas  ;  et  il  est  rare  que  la  vertu  la  plus  éminente  cou- 
sente  à  sacrifier  les  choses  présentes  à  l'espérance  des  biens  futurs. 
Aussi,  notre  bon  Maître ,  pour  prévenir  toute  tentation  de  découra- 
gement ou  de  désespoir ,  promet  qu'il  se  révélera  immédiatement  à 
ses  fidèles  serviteurs:  «  Je  vous  le  dis,  en  vérité,  quelques-uns  de 
ceux  qui  sont  ici  présents,  ne  goûteront  point  la  mort,  qu'ils  n'aient 
vu  le  royaume  de  Dieu.  » 

Théophyl.  C'est-à-dire  la  gloire  dont  jouissaient  les  justes;  le  Sau- 
veur veut  parler  de  la  transfiguration  qui  était  le  symbole  de  la  gloire 
future,  comme  s'il  disait  :  Quelques-uns  de  ceux  qui  sont  ici  (c'est-à- 
dire  Pierre,  Jacques  et  Jean)  ne  mourront  point  avant  d'avoir  vu  dans 
ma  transfiguration  la  gloire  réservée  à  ceux  qui  auront  confessé  mon 


enim  :  «  Gum  venerit  in  majestate  sua, 
et  PatriSj  et  sanctorum  angelorum  :  » 
pessiimim  igilur  et  damnosum  notari 
inimicitia,  et  operis  inertia,  quando  tan- 
tus  Judex  descendent  agniinibiis  cir- 
cumstantibus  angelorum.  Hinc  autem 
percipias ,  quod  carne  sumpta  et  san- 
guine Filins  non  nainus  est  Deus,  quod 
se  poUicetur  in  majestate  Dei  Patris  ven- 
turum  ;  et  quod  ei  tanquam  judici  om- 
nium ministraluint  angeli;  qui  factus  est 
liomo  similis  nobis. 

Ambr.  Semper  autem  Dominas  sicut 
erigit  ad  prsemia  fiilura  virtutum^  atqiie 
utilem  secularium  rerum  docet  esse  con- 
temptum;  ita  etiam  infirmitatem  men- 
tis humanse,  prœsentium  remuneratione 
sustentât.   Arduum    quippe   est  crucem 


toUere,  et  animam  periculis,  morti  cor- 
pus offerre;  negare  quod  sis,  cum  velis 
esse  quod  non  sis;  raroque  quamvis  ex- 
celsavirtus  futuris  commutât  prsesentia. 
Ergo  bonus  magisler  ne  quis  despera- 
tione  frangatur  aut  teedio ,  continuo  se 
videndum  tidelibus  pollicetur,  dicens  : 
«  Dico  autem  vobis  vere  :  sunt  aliqui 
hic  stantes,  qui  non  gustabunt  mortem, 
donec  videant  regnum  Dei.  » 

Theophylact.  Id  est,  gloriam  in  qua 
justi  erunt  :  hoc  autem  dixit  de  transfî- 
guratione,  quas  forma  erat  futurœ  glo- 
rise  :  ac  si  diceret  :  Sunt  aliqui  hic  stan- 
tes (scilicet  Petrus,  Jacobus  et  Joannes) 
qui  non  attingent  mortem  donec  in  tem- 
pore  transfigurationis  videant  in  qua 
gloria  erunt  qui  me  confitentur.  Greg. 


DE   SAINT    LUC,    CHAP,    IX.  465 

nom.  —  S.  Grég.  {hom.  32.)  Ou  bien ,  ce  royaume  de  Dieu ,  c'est 
l'Eglise  actuelle ,  et  quelques-uns  des  disciples  devaient  vivre  assez 
longtemps  sur  la  terre  pour  voir  l'Eglise  de  Dieu  établie,  et  dominant 
la  gloire  du  monde.  —  S.  Amer.  Si  donc  nous  voulons  n'avoir  pas  à 
craindre  la  mort ,  tenons-nous  toujours  auprès  de  Jésus-Gbrist  ;  car 
ceux-là  seuls  ne  goûteront  point  la  mort ,  qui  peuvent  se  tenir  étroi- 
tement unis  à  Jésus-Christ.  Or ,  on  peut  conclure  du  sens  propre  de 
ces  paroles ,  que  ceux  qui  ont  mérité  d'être  admis  dans  la  société  de 
Jésus-Christ ,  ne  ressentiront  pas  les  atteintes  mêmes  les  plus  légères 
de  la  mort.  Sans  doute,  ils  goûteront,  comme  en  passant,  la  mort  du 
corps,  mais  ils  posséderont  pour  toujours  la  vie  de  l'âme  ;  car  ce  n'est 
point  au  corps,  mais  à  l'âme,  qu'est  accordé  le  privilège  de  l'immor- 
talité. 

t.  29-31.  —  Enriron  huit  jours  aprè<  qu'il  eut  dit  ces  paroles,  Jésus  prit  avec 
lui  Pierre,  Jacques  et  Jean,  et  monta  sur  une  moitagne  pour  prier.  Et  pendant 
qu'il  priait,  l'aspect  de  son  visage  cliangea,  et  son  vêtement  devint  d'une 
éclatante  blancheur.  Et  voilà  que  deux  hommes  s'entretenaient  avec  lui  ; 
c'étaient  Moïse  et  Elie  environnés  de  gloire;  et  ils  s'entretenaient  de  sa  mort 
qui  devait  s'accomplir  à  Jérusalem. 

EisÈBE.  Notre-Seigneur  ne  se  contente  pas  de  prédire  le  grand 
mystère  de  sa  seconde  apparition,  il  ne  veut  pas  que  la  foi  de  ses  dis- 
ciples repose  uniquement  sur  des  paroles,  et  il  lui  donne  encore  pour 
fondement  le  témoignage  des  faits ,  en  découvrant  aux  yeux  de  leur 
foi  une  image  de  son  royaume  :  «  Environ  huit  jours  après  qu'il  leur 
eut  dit  ces  paroles  ,  il  prit  avec  lui  Pierre,  Jacques  et  Jean  ,  et  s'en 
alla  sur  une  montagne  pour  prier.  »  —  S.  Jean  Dajiasg.  {dise,  su?'  la 


{in  hovi.  32,  ul  su  p.)  Vel  rCjUnni  De/ 
hoc  loco  praesens  Ecclesia  vocaLur;  et 
quidam  ex  discipulis  usque  adeo  in  cor- 
pore  victuri  erant,  ut  Ecclesiaiu  Dei 
constructam  conspicerent ,  et  contra 
niundi  hiijus  fïloriani  erectaïu.  Ambr. 
Ilaque  si  et  nos  volumiis  mortem  non 
tiniere,  stcmns  ubi  Cliristus  est.  Soli 
enim  non  queunt  guslarc  mortem,  qui 
stare  possunt  cuni  Chri?to  :  in  quo  licet 
ex  vcrbis  ipsius  qualilate  perpendere, 
nec  tenucm  quidem  sensum  mortis  ha- 
biluros,  qui  Cbristi  vidontur  meruisse 
consortia.  Cerle  mors  corporis  lihando 
gustetur,  vlla  animae  possidendo  teuea- 
tur  :  non  enim  hic  mors  corporis,  sed 
animae  denegatur. 

Faclum  est  aulem  post  liœc  verbit  fere  (lies  oclo , 
TOM     V. 


et  assumpsil  Pelriim,  Jacobum  et  Joanuem,  et 
ascendit  in  montem  ut  oraret.  Et  facta  est, 
dura  oraret,  species  vultus  ejus  altéra  :  et  ves- 
titus  ejus  albus  et  refulgens.  Et  ecce  duo  viri 
loquebantur  cum  illo  :  erant  autem  Mot/ses 
et  Elias  visi  in  majestate  ;  et  dicebant  ex- 
cessuni ,  quem  completurus  erat  in  Hierusa- 
lem. 

KdSEB.  {in  C(it.  Grœcorum  Patrnm.) 
Cum  Dominiis  discipulis  suis  secundaî 
dpparilionis  sure  promulgaverit  ingens 
myslerium^  ne  solis  verbis  credere  vi- 
derentur,  procedit  ad  opéra;  osteudens 
eis  oculata  fide  imagiuem  regui  sui  : 
unde  sequitur  :  «  Factum  est  autem  post 
ha'c  verba  fere  dies  octo  ,  et  assumpsit 
Petrum  ,  Jacobum  et  Joanuem ,  et  as- 
cendit in  montem  ,  ut  oraret.  >>  Damas. 
'Orr-f.  (le  Transfffvr.)'S]ii\[h;}'ns  quidem 

30 


460 


EXPLICATION    DE   L  EVAN'ilEE 


transf.)  Saint  Matthieu  et  saint  Marc  placent  la  transtiguratiou  six 
jours  après  la  promesse  faite  aux  disciples  ,  taudis  que  saint  Luc  rap- 
porte que  ce  fut  huit  jours  après.  Il  n'y  a  toutefois  aucune  contradic- 
tion dans  leur  récit;  les  deux  Evangélistes  qui  ne  parlent  que  de  six 
jours,  n'ont  pris  que  les  jours  intermédiaires,  sans  compter  les  extrêmes, 
le  premier  et  le  dernier,  c'est-à-dire  celui  où  la  promesse  fut  faite  ,  et 
celui  de  son  accomplissement^  tandis  que  saint  Luc ,  qui  compte  huit 
jours,  comprend  les  deux  dont  nous  venons  de  parler.  Or,  pourquoi 
le  Sauveur  n'admet-il  pas  tous  ses  disciples ,  mais  quelques-uns  seu- 
lement à  jouir  de  cette  vision  ?  Il  n'y  en  avait  qu'un  parmi  eux  (c'é- 
tait Judas),  qui  fût  indigne  de  voir  cette  révélation  de  la  divinité, 
selon  ces  paroles  :  «  Faites  disparaître  l'impie ,  pour  qu'il  ne  voie 
point  la  gloire  de  Dieu  (l).  »  Or,  si  Notre-Seigneur  l'avait  seul  excepté, 
sa  jalousie  eut  donné  un  nouvel  aliment  à  sa  méchanceté  ;  le  Sauveur 
enlève  donc  à  ce  traître  un  prétexte  à  sa  trahison,  en  laissant  avec  lui 
tous  les  autres  disciples  au  bas  de  la  montagne.  Il  en  prend  trois  avec 
lui,  pour  que  toute  parole  soit  confirmée  par  deux  ou  trois  témoins. 
Il  choisit  Pierre,  pour  qu'il  entendît  le  Père  confirmer  par  son  témoi- 
gnage celui  qu'il  avait  rendu  lui-même  à  la  divinité  du  Christ ,  et 
aussi  parce  qu'il  devait  être  le  chef  de  toute  l'Eglise.  Il  prend  Jacques, 
parce  que  le  premier  de  tous  les  Apôtres ,  il  devait  donner  sa  vie  pour 
Jésus-Christ;  enfin  il  choisit  Jean  comme  l'interprète  le  plus  pur  des 
secrets  divins  qui ,  après  avoir  été  témoin  de  la  gloire  éternelle  du 
Fils,  devait  faire  entendre  ces  paroles  sublimes  :  «  Au  commencement 
était  le  "Verbe.  »  —  S.  Ambr.  Ou  bien  encore,  Pierre  monte  avec  Jésus 
sur  la  montagne,  parce  qu'il  devait  recevoir  les  clefs  du  royaume  des 

(1)  Selon  la  version  des  Septante,  car  la  Vulgate  porte  :  >.  11  a  fait  des  actions  injustes  dans  la 
terre  des  saints,  il  ne  verra  point  la  majesté  du  Seigneur.  »  [Isa.,  xxvi.) 


et  Marcus  sexto  die  post  factam  pro- 
missionem  discipulis,  Lucas  autem  post 
octavum  dicit  celebratam  fuisse  transfi- 
gurationem  :  nec  est  dissonantia  in 
dictis,  sed  qui  sex  numeraverunt  demp- 
tis  extremis,  (primo  dico  et  ultimo,  quo 
poUicitus  est,  et  que  fecit)  médias  com- 
putaverunt;  at  qui  octo  connumeravit, 
utrumque  prœdictorum  computavit.  Sed 
cur  non  omnes,  sed  aliqui  vocati  sunt 
ad  hanc  visionem?  Uuus  quidem  erat 
qui  solus  indignus  erat  Divinitatis  visione 
(scilicet  Judas),  secundum  illud  (IsaL, 
26)  :  «  ToUatur  impius ,  ne  videat  glo- 
riam  Dei  :  »  si  solus  ergo  esset  dimissus, 
tanquam  invidus  ad  majorem  esset  ma- 
litiam    provocatus  :    proinde    proditori 


tollit  proditionis  occasionem,  cum  dimi- 
misit  inferius  reliquam  aposlolorum 
congeriem.  Assumpsit  autem  très,  ut  iu 
duobus  vel  tribus  testibus  stet  omne 
verbum.  Petrum  quidem  assumpsit,  vo- 
iens  testimonium  quod  testatus  fuerat. 
ei  ostendere  per  Patris  teslimouium 
confirmari,  et  quasi  praesidem  mlurum 
totius  Ecclesise  :  sed  Jacobum  assumpsit 
tanquam  moriturum  pro  Ciiristo  ante 
omnes  diseipulos  :  Joannem  vero  tan- 
quam theologise  purissimum  organum  ; 
ut  visa  gloria  Filii,  qu£e  non  subjacet 
tempori,  resonet  illud  {Joan.,  1):  «lu 
principio  erat  Verbum.  »  Ambr.  Vel 
Petrus  ascendit ,  qui  claves  regni  cœlo- 
rum  accepit  :  Joanues,  cui  commitlitur 


DE   SAINT   JXC,   CHAP.    iX.  467 

cieux;  Jean,  parce  que  le  Sauveur  devait  lui  confier  sa  mère  ;  Jacques, 
parce  qu'il  devait  souffrir  le  martyre  le  premier.  {Actes ,  xii.)  — 
Théophyl.  Ou  bien  encore ,  il  choisit  ces  trois  disciples  ,  comme  plus 
capables  de  tenir  caché  ce  miracle  et  de  ne  le  révéler  à  personne.  Or, 
il  monta  sur  une  montagne  pour  prier  ;  il  nous  enseigne  ainsi  à 
chercher  la  solitude  et  à  nous  élever  au-dessus  des  choses  terrestres 
pour  assurer  le  succès  de  nos  prières. 

S.  Jeax  DAiiAsc.  Toutefois,  la  prière  du  Seigneur  est  différente  de 
la  prière  des  serviteurs  ;  la  prière  du  serviteur  est  une  élévation  de 
l'esprit  vers  Dieu,  mais  la  sainte  intelligence  du  Christ  (unie  hyposta- 
tiquement  à  Dieu),  qui  nous  conduit  comme  par  la  main  et  par  degrés,  au 
moyen  de  la  prière,  jusqu'à  Dieu,  nous  enseigne  par  là,  que  loin  d'être 
l'adversaire  de  Dieu ,  il  honore  son  Père  comme  le  principe  de  toutes 
choses.  Par  cette  conduite,  il  tend  aussi  un  piège  au  démon  qui  cher- 
chait à  savoir  s'il  était  Dieu  ,  ce  que  l'éclat  de  ses  miracles  attestait 
suffisamment.  Il  cachait  ainsi  le  hameçon  sous  l'appât  de  la  nourri- 
ture, pour  prendre,  comme  avec  un  hameçon  ,  par  l'humanité  dont  il 
était  revêtu  ,  celui  qui  avait  séduit  le  premier  homme  par  l'appât 
trompeur  de  la  divinité.  La  prière  est  une  révélation  de  la  gloire  di  • 
vine  ;  aussi  l'Evangéliste  ajoute  :  «  Et  pendant  qu'il  priait ,  l'aspect 
de  sa  face  devint  tout  autre.  »  — S.  Cyr.  Ce  n'est  pas  que  son  corps 
ait  changé  de  forme,  mais  il  fut  environné  d'une  gloire  éclatante.  — 
S.  Jean  Dama  se.  A  la  vue  de  cet  éclat  qui  environnait  le  Sauveur  au 
milieu  de  sa  prière  ,  le  démon  se  ressouvint  de  Moïse  ,  dont  le  visage 
fut  aussi  rayonnant  de  gloire  ;  mais  cette  gloire  venait  à  Moïse  d'un 
principe  extérieur,  tandis  que  pour  le  Seigneur  ,  c'était  la  splendeur 
innée  de  la  gloire  divine.  En  eflfet,  comme  en  vertu  de  l'union  hypos- 


Domini  Maler  :  Jacobus,  qui  primiià 
martyrium  sustinuit.  {Act.,  12.)  Theoph. 
Vel  "a?3umit  hos  tanquam  banc  rem 
celare  potentes,  el  nulli  alii  revelare. 
Asceudil  autem  in  montem  ut  oraret; 
docens  nos  sobtarios  et  ascendentes 
orare,  ad  nibil  terreuoruni  déclinantes. 
Damas.  [Oiat.  jom  notala.)  Aliter 
tamen  orant  servi,  aliter  orabat  Domi- 
nus.  Nam  servi  oranlis  oratio  est  per 
intellectus  ascensumad  Deum,  sed  saccr 
intelleclus  Cbristi  (qui  secundum  by- 
postasini  Deo  unitus  erat)  nianuducens 
nos  ad  ascensuui  quo  per  oralioneni  ad 
Deum  ascenditur,  et  docens  quod  adver- 
sarius  Dei  non  est,  sed  tanquam  princi- 
pium  veneratur  genitorem  ;  quin  eliam 
allicieus  tvranuum  explorantem  si  Deus 


esset  (quod  miraculorura  virtus  praidica- 
bat)  quasi  sub  quadam  esca  bamum 
contegeret,  ut  qiii  spe  deificalionis  ba- 
marat  (sive  inescaverat)  bominem  ,  cor- 
poris  amictu  decenter  bamaretur  (sive 
ut  bamo  caperetur.)  Oratio  est  divina; 
revelatio  gloriîe  :  uude  sequitur  :  «  Kt 
facta  est ,  dum  oraret ,  species  vuUus 
cjus  altéra.  »  Cyril,  {iibi  supra.)  Non 
tanquam  corpore  bumanam  formam 
mutante,  sed  quadam  splendida  gloria 
supsrveniente.  Damas,  (ut  supra.)  Vi- 
dons autem  diabolus  orationibus  reful- 
gentem ,  recordatus  est  3Ioysi ,  cujus 
îjlorificata  est  faciès  (Exod.,  34);  sed 
Moyses  quidem  glorificatur  extrinsecus 
adveniente  gloria  ;  Uominus  ex  innato 
gloriaj  divinœ  fulgore;  cum  enim  secun- 


4(58  EXl'l-lCATlON    DE   I.'ÉVANGILE 

tatiiiue,  le  Verbe  et  la  nature  humaine  ont  une  seule  et  même  gloire, 
la  transfiguration  du  Sauveur  n'est  point  l'usurpation  de  te  qu'il  n'é- 
tait pas,  mais  la  manifestation,  aux  yeux  de  ses  disciples,  de  ce  qu'il 
était  véritablement.  C'est  pour  cela  ijue  saint  iMattbieu  rapporte  qu'il 
fut  transfiguré  devant  eux,  et  que  sa  face  resplendit  comme  le  soleil; 
car  Dieu  est  dans  l'ordre  des  choses  spirituelles ,  ce  que  le  soleil  est 
dans  l'ordre  des  choses  sensibles.  Or  de  même  que  le  soleil ,  qui  est  la 
source  de  la  lumière,  ne  peut  être  regardé  facilement,  tandis  que  nous 
pouvons  contempler  sa  lumière  ,  parce  qu'elle  se  répand  sur  la  terre  ; 
ainsi  le  visage  de  Jésus-Christ  resplendit  du  plus  vif  éclat ,  comme  le 
soleil  ;  et  ses  vêtements  deviennent  blancs  comme  la  neige  :  «  Et  ses 
vêtements  devinrent  d'une  éclatante  blancheur,  »  éclairés  comme  par 
un  reflet  de  la  gloire  divine. 

En  même  temps,  Moïse  et  Elle  se  tiennent  comme  des  serviteurs 
près  du  Seigneur  dans  sa  gloire,  afin  de  montrer  que  le  Seigneur 
du  Nouveau  Testament  est  le  même  que  celui  de  l'Ancien  ,  pour 
fermer  la  bouche  aux  hérétiques,  établir  la  foi  à  la  résurrection,  et 
prouver  que  celui  qui  était  transfiguré  ,  devait  être  regardé  comme 
le  Seigneur  des  vivants  el,  des  morts  :  «  Et  voici  que  deux  hommes 
s'entretenaient  avec  lui,  »  etc.  Le  Sauveur  voulait  que  le  spectacle 
de  la  gloire  et  du  bonheur  de  ces  pieux  serviteurs,  fit  admirer  à  ses 
disciples  sa  miséricordieuse  bonté,  et  qu'étant  témoins  de  la  douceur 
des  biens  à  venir,  ils  fussent  excités  à  marcher  sur  les  traces  de 
ceux  qui  les  avaient  précédés,  et  à  soutenir  avec  plus  de  force  les  com- 
bats de  la  foi ,  car  celui  qui  connaît  la  récompense  promise  à  ses 
travaux ,  les  supporte  bien  plus  facilement.  —  S.  Chrys.  {hom.  57 
sur  S.  H/atth.)  Un  autre  motif  de  cette  apparition,  c'est  que  le  peuple 


dum  hypostasis  unionem  ana  et  eadem 
sit  gloria  verbi  et  carnis,  transfiguratur, 
noQ  quasi  accipiens  quod  non  erat,  sed 
([uod  erat  manifestans  discipulis.  Uude 


tibus,  ut  unus  ostenderetur  Doininus 
Novi  et  Veteris  Testament!,  et  haeretico- 
rum  ora  oblurentur,  et  fides  fiât  resur- 
rectionis   (ueenon   qui   transfigurabatur, 


secundum  Matthœum   (cap.  17)  dicitur  vivorum  et  mortuorum  Dominus  crede- 

quod  «  transfiguratus  est  coram  eis,  »  et  retur),  Moyses  et  Elias  tauquam  famuli 

quod  «faciès  ejus  refulsit  ut  sol  :  »  quod  assistunt  Domino  in  gloria.  Unde  sequi- 

enim  est  in  sensibilibus  sol,  hoc  in  Intel-  tur  :  «  Ecce  duo  viri  loquebantur  cum 

ligibilibus  Deus  ;   et  sicut   sol  (qui    est  illo,  »  etc.  Oportebat  enim  ut  videntes 

lucis   fons)   de  facili  videri  non  potest,  couservorum  gloriam  etfiduciam,  mira- 


lux  aulem  ejus  ex  eo  quod  ad  terram 
pervenit,  aspicilur,  sic  faciès  Cbristi 
inteusius  refulget  ut  sol ,  vestimenta 
autem  ejus  dealbantur  ut  nix.  Unde 
sequitur  :  «  Et  vestitus  ejus  albus  reful- 
gens  :  »  illustratus  scilicet  per  divinœ 
lucis  participationem. 
Et  inferius  :  His  autem  ita  se  habeu- 


rentur  quidem  pium  Domini  condescen- 
sum;  zelarent  vero  eos  qui  prius  labo- 
raverant,  visuri  amœnitatem  futurorum 
bonorum;  et  magis  fortificareutur  in 
agouibus  :  nam  qui  laborum  noveril 
emolumenta,  labores  facilius  tolerabit. 
Chrys.  [hom.  37,  in  Matth.)  Aliter 
quoque  quoniam  vulgus  asserebat  eum 


HE   SAINT    LUC,    CHAP.    IX.  469 

affirmait  du  Sauveur,  qu'il  était  Elle  ou  Jérémie,  il  fallait  donc  dis- 
tinguer le  Maître  du  serviteur,  faire  roir  d'ailleurs  que  le  Sauveur 
n'était  ni  l'ennemi  de  Dieu,  ni  violateur  de  la  loi,  car  autrement,  ni 
xMoïse,  qui  avait  donné  la  loi,  ni  Elle,  qui  avait  soutenu  avec  tant  de 
zèle  les  intérêts  de  la  gloire  de  Dieu ,  n'eussent  paru  à  ses  côtés. 
C'était  encore  pour  manifester  les  vertus  de  ces  deux  grands  hommes, 
car  tous  deux  s'étaient  plusieurs  fois  exposés  à  la  mort  pour  la  dé- 
fense des  commandements  de  Dieu.  Le  Sauveur  voulait  aussi  les  pro- 
poser comme  modèles  à  ses  disciples  dans  le  gouvernement  du  peuple, 
en  leur  inspirant  la  douceur  de  Moïse  et  le  zèle  d'Elie.  Enfin  il  les  fait 
paraître  pour  montrer  la  gloire  de  la  croix,  et  consoler  ainsi  Pierre, 
et  tous  ceux  qui  craignaient  les  souffrances  :  «  Ils  s'entretenaient  de 
sa  fin  qu'il  devait  accomplir  en  Jérusalem.  »  —  S.  Cyr.  C'est-à-dire, 
du  mystère  de  son  incarnation  et  aussi  de  sa  passion  qui  devait  être 
le  salut  du  monde  et  qu'il  devait  accomplir  sur  sa  croix  adorable. 

S.  Ambr.  Dans  un  sens  mystique,  c'est  après  avoir  enseigné  à  ses 
disciples  la  doctrine  du  renoncement  et  de  la  croix,  que  le  Sauveur 
les  rend  témoins  de  sa  transfiguration,  parce  que  celui  qui  entend  et 
croit  les  paroles  du  Christ ,  verra  la  gloire  de  la  résurrection ,  car 
c'est  le  huitième  jour  qu'eut  lieu  la  résurrection ,  et  la  plupart  des 
psaumes  sont  intitulés,  pour  le  huitième  jour  (I).  Peut-être  aussi, 
comme  Notre-Seigneur  avait  dit  précédemment ,  que  celui  qui  per- 
dra sa  vie  pour  le  Verbe  de  Dieu ,  veut-il  nous  montrer  qu'il  ac- 
complira ses  promesses  an  temps  de  la  résurrection.  —  Bède.  Il  est 
ressuscité  des  morts  après  le  septième  jour  de  la  semaine  où  il  avait 
ét'^  mis  dans  le  sépulcre;  et  nous  aussi,  après  les  six  âges  du  monde 

1}  Dans  les  éditions  modernes  de  la  Bil)lc,  il  n'y  a  que  le  sixième  et  le  onzième  psaume  qui 
portent  ce  titre. 


esse  F-liam  vol  Hiereiniain,  ut  «lisrenie 
ri'tur  iuter  doniiuum  et  faiimlos  ;  et  ut 
pateal  eum  non  esse  adversarium  Dei  et 
legis  transuressorem,  eos  sibi  assistentes 
monstravit  (non  enini  legislitor  Moyses, 
et  qui  pro  gloria  divlna  zelatus  est  Elias, 
astitisseut  ei)  ,  sed  et  propter  virtutes 
viroruni  demoustrandas.  Nain  uterque 
pro  mandatis  divinis  quam  pluries  se 
morti  exposuerat.  Volebal  etiam  ut  dis- 
cipuli  eos  irnifarentnr  in  rep;imine  po- 
puli  ;  ut  scilioet  fièrent  mites  sicul  Moy- 
se3,  et  zelantes  sicut  Elias.  Inducit  etiam 
eos  ut  ostendat  cruci3  gloriam  ad  conso- 
landum  Petrum ,  et  alios  passionem 
timentes.  Unde  seqititur  :  •'  Et  dicebant 
excessum  ejus  que  m  corapleturus  erat 


in  Hierusalem.  »  Cyril,  {vhi  supra.) 
Videlicet  mysterium  dispensationis  in 
carne,  necnon  salutiferam  passionem 
completam  in  venerabili  cruce. 

Ambr.  Mystice  autem  post  verba  praî- 
diita  transfiguratio  Christi  ostenditur; 
quoniam  is  qui  verba  Christi  audit  et 
crédit  ,  resurrectionis  gloriam  videbit. 
Octava  enim  die ,  facta  est  resurrectio  : 
unde  et  plerique  psalmi  pro  octava 
scribuntur  :  aut  forte  ut  ostonderot  no- 
bis  quod  dixerat,  quod  is  qui  propter 
Uei  verbum  perdiderit  animam  suam, 
salvam  faciet  eam  ;  quoniam  promissa 
sua  in  resurrectione  reslituet.  Bed.  Nam 
sicut  ipse  post  septimam  sabbati,  qua  in 
sepulcro  quieverat,  a  mortuis  resurrexit, 


470 


EXPLICATION  DE   L  ÉVANGILE 


écoulés^  et  le  septième,  qui  est  celui  du  repos  des  âmes  dans  l'autre 
vie,  nous  ressusciterons  pour  ainsi  dire  au  huitième  âge  du  monde. 
—  S.  Ambr.  Saint  Matthieu  et  saint  Marc  rapportent  que  le  Sauveur 
prit  avec  lui  ses  disciples  six  jours  après,  ce  qui  nous  autoriserait  à 
dire  que  nous  ressusciterons  après  six  mille  ans,  car  raille  ans  sont 
comme  un  jour  devant  Dieu  (1)  ;  mais  on  compte  plus  de  six  mille  ans 
jusqu'à  la  résurrection,  et  nous  préférons  voir  dans  ces  six  jours  la 
figure  des  six  jours  de  la  création  du  monde^  en  ce  sens  que  par  le 
temps,  il  faut  entendre  les  œuvres,  et  parles  œuvres,  le  monde.  Aussi 
la  résurrection  ne  doit  s'accomplir  qu'après  que  les  temps  marqués 
pour  l'existence  du  monde  seront  écoulés.  Peut-être  encore,  est-ce 
pour  figurer  que  celui  qui  se  sera  élevé  au-dessus  du  monde,  et  aura 
traversé  la  courte  durée  de  la  vie  de  ce  siècle,  sera  placé  comme  en  un 
lieu  sublime  pour  attendre  le  fruit  de  la  résurrection  qui  dure  éternel- 
lement. —  Bède.  Aussi,  voyez  le  Sauveur  monter  sur  une  montagne 
pour  y  prier  et  y  être  transfiguré,  et  en  même  temps  nous  apprendre 
que  ceux  qui  attendent  le  fruit  de  la  résurrection  et  désirent  voir  le 
roi  dans  sa  gloire  {haïe,  xiii,  47),  doivent  habiter  les  cieux  en  esprit , 
et  faire  de  leur  vie  une  prière  continuelle. 

S.  Ambr.  Dans  ces  trois  disciples  que  le  Sauveur  conduit  sur  la 
montagne,  je  serais  porté  à  voir  la  figure  du  genre  humain  tout  entier, 
qui  est  descendu  des  trois  enfants  de  Noé ,  si  ces  disciples  n'avaient  été 
expressément  choisis.  Ceux  qui  sont  jugés  dignes  de  monter  sur  la 
montagne,  sont  au  nombre  de  trois,  parce  que  personne  ne  peut  voir 
la  gloire  de  la  résurrection,  s'il  n'a  conservé  dans  toute  son  intégrité, 
la  foi  au  mystère  de  la  Trinité. 

(1)  «  Mille  ans  sont  devant  vous  comme  le  jour  d'hier  est  passé.  »  [Ps.  lxxxix.) 


et  nos  post  sex  seculi  hujiis  aetates,  et 
septimam  quietis  animarum  ,  quae  inté- 
rim in  alia  vita  geritur ,  quasi  octava 
cetate  resurgenius.  Ambr.  Sed  Mattbœus 
et  Marcus  post  dies  sex ,  assumptos  hos 
esse  comniemorarunt,  de  quo  posseums 
dicere  quod  post  sex  millia  annoraiHj 
mille  enim  anni  in  eonspectu  Dei  tan- 
quam  dies  una;  sed  plures  quam  sex 
millia  computantur  anui  ;  et  maluimus 
sex  dies  per  symbolum  iutelligere,  qiiod 
sex  diebus  mimdi  opéra  suut  creata ,  ut 
per  tempus  opéra,  et  per  opéra  mundum 
intelligamus.  Et  ideo  numdi  temporibus 
impletis,  resurrectio  futura  monstratur  ; 
aut  quia  is  qui  supra  mundum  ascende- 
rit,  et  hujus  seculi  momeula  transcen- 


dent, velut  in  sublimi  locatus  futurae  re- 
surrectionis  fructum  expectabit  aeter- 
nuui.  Bed.  Unde  in  monlem  oraturus  et 
transiigurandus  asceudit,  ut  ostendat 
eos  qui  fructum  resurrectionis  expec- 
taut,  et  regem  in  décore  suo  videre  de- 
siderant,  mente  in  excelsis  babitare  et 
continuis  precibus  debere  iucumbere. 
Ambr.  Putarem  in  tribus  qui  ducnnlur 
ad  mouteni ,  mystice  genus  humanum 
comprebensum,  quia  ex  tribus  tiliis  Noe 
genus  omne  detluxit  bumanum  ,  nisi 
electos  cernerem.  Très  igitur  eliguntur 
qui  ascendunt  in  mouteni;  quia  nemo 
potest  resurrectionis  videre  gloriam,  nisi 
qui  mysterium  Trinitatis  incorrupta 
fidei  sinceritate  servaverit. 


DE  SAINT   LUC,   CHÂP.    IX.  471 

BEDE.  Dans  sa  transfiguration,  le  Sauveur  nous  donne  une  idée  de 
sa  gloire,  ou  de  sa  résurrection  future,  ou  de  la  nôtre,  car  après  le 
jugement,  il  apparaîtra  à  tous  les  élus  tel  qu'il  est  apparu  aux 
Apôtres.  Le  vêtement  du  Seigneur,  c'est  le  chœur  des  saints  qui  l'en- 
vironnent; tandis  qu'il  était  sur  la  terre,  ce  vêtement  paraissait  mépri- 
sable, mais  aussitôt  qu'il  monte  sur  la  montagne,  il  brille  d'un  éclat 
nouveau;  c'est  ainsi  que,  «bien  que  nous  soyons  les  enfants  de  Dieu, 
ce  que  nous  serons  un  jour  ne  parait  pas  encore,  mais  nous  savons 
que  quand  il  viendra  dans  sa  gloire,  nous  serons  semblables  à  lui.  » 
(I  Jean^  m.) 

S.  Ambr.  Ou  ])ien  dans  un  autre  sens  :  Le  Verbe  de  Dieu  se  rapetisse 
ou  s'agrandit  selon  la  mesure  de  vos  dispositions,  et  si  vous  ne  montez 
au  sommet  le  plus  élevé  de  la  sagesse,  vous  ne  pouvez  voir  toute  la 
grandeur  de  Dieu  qui  est  dans  le  Verbe.  Les  vêtements  du  Verbe  sont 
les  paroles  de  l'Ecriture  et  comme  l'enveloppe  de  l'intelligence  divine, 
et  le  sens  des  divins  enseignements  se  dévoile  aux  yeux  de  votre  âme 
dans  toute  sa  clarté,  de  même  que  les  vêtements  du  Sauveur  devinrent 
d'une  blancheur  éclatante. 


,  32-36.  —  Cependant  Pierre  et  ceux  qui  étaient  avec  lui  étaient  appesantis  par 
le  sommeil,  et,  se  réveillant,  ils  le  virent  dans  sa  gloire,  et  les  deux  hommes 
qui  étaient  avec  lui.  Et  comme  ceux-ci  se  retiraient,  Pierre  dit  à  Jésus  :  Maître, 
il  nous  est  bon  d'être  ici  ;  faisons  trois  tentes,  une  pour  vous,  une  pour  Moïse, 
une  pour  Elie,  ne  sachant  ce  qu'il  disait.  Il  parlait  encore,  lorsqu'une  nuée 
se  forma  et  les^  enveloppa  de  son  ombre,  et  ils  furent  saisis  de  frayeur  en  les 
voyant  entrer  dans  la  nuée.  Et  il  sortit  de  la  nuée  une  voix  qui  disait  :  Celui- 
ci  est  mon  Fils  bien-aimc,  écoutez-le.  Et  pendant  que  la  voix  parlait,  Jésus 


Bf.da.  Transfiguratus  autem  Salvator 
fïloriam  fulnrre ,  vel  sute  ,  vel  uostrœ 
resurrectionis  oslendit;  qui  qualis  tune 
apostolis  apiiaruit ,  talis  post  judicium 
cunctis  apparehilelectis.  Vestitus  autein 
Domiui  sauctorum  ilUus  r-liorus  accipi- 
tur;  qui  videliret  Domino  in  terris  con- 
sistenle  despeclus  videbatnr ,  sed  illo 
montem  petente,  novo  candore  refuliret; 
quia  nunc  lilii  Dei  sumus,  et  nondam 
apparuit  quid  erimus.  Scinius  autem 
quoniam  cum  apyiaruerit,  similes  ei  eri- 
mus. (I  Joan.,  3.) 

Ambr.  Vel  aliter  :  pro  tua  possibilitate 
tibi  verbuni  aut  rainuitur  aut  crescit; 
ac  nisi  allions  pnidentiaî  cacumen  as- 
cendas,  non  tibi  apparet  quanta  sit 
ploria  in  Uei  vcrho.  Vestimenta  autem 
verbi  sunt  sermones  Scripturaruni  ;  et 


quaedam  intellectus  indumenta  divini. 
Et  sicut  vestitus  ejus  albus  refulsit,  ita 
in  oculis  tuse  mentis  divinarum  leclio- 
nura  sensusalbescit.  Inde  apparet  Moyses 
et  Elias ,  hoc  est  lex  et  propheta  in 
verbo.  Neque  enim  lex  potest  esse  sine 
verbo  ,  nec  propheta,  nisi  qui  de  Dei 
Filio  prophetavit, 

Petrus  vero,  et  qui  cum  illo  erant ,  yravali  erant 
sornno.  Et  eoigilantes ,  viderunt  majestatem 
ejus,  et  duos  viros  qui  stabant  cum  illo.  Et 
factum  est ,  cum  discederent  ah  illo ,  ait  Pe- 
trus ad  Jesum  :  Prœceptor,  bonum  est  nos  hic 
Cise  :  et  faciamus  tria  tabemacula,  unum  tibi, 
et  unum  Moysi,  et  unum  Eliœ ,  nesciens  quid 
diceret.  Hœc  autem  illo  loquente,  facta  est  nu- 
bes,  et  obumbravit  eos,  et  timuerunt  intranti- 
bus  mis  in  nubem.  Et  vox  facta  est  de  nube . 
dicens  :  Eic  est  Filius  meus  dilectns,  ipsum 
audite.  Et  dxon  ficret  vox ,  inventus  est  Jesut 


472 


KXPMCATIOX   DK    l'ÉVANGILE 


se  trouva  seul  ;  et  lU  se  turent,  et  eti  ces  jours-là,  ils  ne  dirent  rien  à  personne 
de  ce  qu'ils  avaient  vu. 

Théophyl.  Pendant  que  Jésus  priait,  Pierre  se  laisse  gagner  par  le 
sommeil,  car  il  était  faible,  et  il  cède  ici  à  la  faiblesse  propre  à  la  na- 
ture humaine  :  «  Cependant  Pierre,  et  ceux  qui  étaient  avec  lui, 
étaient  appesantis  par  le  sommeil,  »  mais  aussitôt  qu'ils  sont  réveillés, 
ils  voient  la  gloire  qui  l'environne,  et  les  deux  hommes  qui  étaient 
avec  lui  :  «  Et  se  réveillant,  ils  le  virent  dans  sa  gloire,  et  les  deux 
hommes  qui  étaient  avec  lui.  »  —  S.  Chrys.  {hom.  57  sur  S.  Matth.) 
On  peut  encore  entendre  par  ce  sommeil,  la  grande  stupeur  dont  cette 
vision  frappa  les  Apôtres,  car  il  n'était  pas  nuit,  mais  l'éclat  de  la 
lumière  blessait  la  faiblesse  de  leurs  yeux.  —  S.  Ambr.  Eu  effet,  la 
splendeur  ineffable  de  la  divinité  est  un  poids  accablant  pour  la  fai- 
blesse de  nos  sens,  car  si  les  yeux  qui  nous  servent  à  voir  les  corps 
ne  peuvent  regarder  en  face  l'éclat  des  rayons  du  soleil,  comment  les 
sens  corruptibles  de  l'homme  pourraient-ils  contempler  la  gloire  de 
Dieu?  Peut-être  aussi,  Jésus  permit  qu'ils  fussent  appesantis  par  le 
sommeil,  afin  de  voir  l'image  de  la  résurrection  qui  suivit  le  som- 
meil. Ils  virent  donc  le  Seigneur  dans  sa  gloire,  lorsqu'ils  se  furent 
réveillés,  car  ce  n'est  qu'à  cette  condition  qu'on  peut  voir  la  gloire  du 
Christ.  Pierre  en  fut  ravi  de  joie,  etla  gloire  de  la  résurrection  captiva 
celui  que  les  délices  du  siècle  ne  devaient  pas  séduire  :  «  Et  comme  ils 
le  quittaient,  »  etc.  —  S.  Cyr.  Peut-être  Pierre  pensait-il  que  le  temps 
du  royaume  de  Dieu  approchait,  et  c'est  pourquoi  il  demande  à  rester 
sur  la  montagne.  —  S.  Jean  Damasc.  {Disc,  sur  la  transfig.)  Il  ne 
vous  est  pas  avantageux,  ô  Pierre,  que  Jésus  reste  sur  la  montagne, 
car  s'il  y  fût  resté,  la  promesse  qu'il  vous  a  faite  n'aurait  pas  eu  son 


solus.  Et  ipsi  tanuerunt ,  et  nernini  dixerunt 
in  illis  diebus  quidquam  ex  his  quœ  videratit. 

Theophylact.  Christo  vacante  ora- 
tioni ,  Petrus  somno  deprimitur  :  iufîr- 
mus  enim  erat,  et  quod  luimanum  erat 
implevjt  :  unde  dicitur  :  «  Petrus  vero, 
et  qui  cum  illo  erant.  gravati  tîrant 
somno  :  »  excitati  autem  gloriani  ojus 
cernimt ,  et  duos  viros  cum  eo  :  unde 
sequitur  :  «  Et  evigilantes  viderunt  ma- 
jestatem  ejus,  et  duos  viros  qni  stabant 
cum  illo.  «Crhys.  (homil.51,  in  Matth.) 
Vel  soninum\ocsX  ingestum  eis  nimiuni 
stuporem  ex  illa  visione  :  neque  euiui 
nocturnum  tempus  erat,  sed  lucis  excel- 
lentia  gravabat  oculorum  debilitateni. 
Ambr.  Premit  enim  incomprebonsibilis 
splendor  Divinitatis  uostri  corporis  sen- 
sus  :  nam  si  solis  radium  e  regione  ocu- 


lorum contuentium  corpora  uequit  acies 
continere,  quomodo  Dei  gloriam  liuma- 
norum  ferret  corruptela  membrorum  ? 
Et  fortasse  ideo  gravati  sonmo  eraitt. 
ut  resurrectionis  vidèrent  speciem  posi 
quietem.  Itaque  vigilantes  viderunt  nia- 
jestatem  ejus  :  nemo  enim  nisi  vigilans 
gloriam  videt  Christi.  Delectatus  est 
Peirus,  et  quem  sci-uli  bujus  illecebrosa 
non  caperent,  gluria  resurrectionis  ille- 
xit  :  unde  sequitur  :  <■  Et  factuui  est  cum 
discederent ,  »  etc.  Cvril.  [ubi  siiprn.) 
iEstimabat  enim  foisan  divinus  Petrus 
immiuere  tempus  rcgni  Dei ,  et  ideo 
approbat  montis  incolalum.  Damas. 
[Orut.  de  Transfig.,  ut  sup.)  Non  esl 
autem  bonum,  Petre.  tibi  quod  Cliristus 
ibi  moretur;  quoniam  si  ibi  mansisset, 
nequaquam  tibi   facta  promissio   conse- 


DK   SAINT   LUC,    CHAP.   IS.  473 

accomplissement,  vous  n'auriez  pas  reçu  les  clefs  du  royaume,  et 
l'empire  de  la  mort  n'eût  pas  été  détruit.  Ne  chercUez  pas  le  bonheur 
avant  le  temps  marqué,  comme  Adam,  qui  cherchait  à  devenir  sem- 
blable à  Dieu.  Viendra  un  jour  où  vous  contemplerez  éternellement 
cette  sublime  vision,  et  où  vous  habiterez  avec  celui  qui  est  la  lumière 
et  la  vie. 

S.  Ambr.  Cependant  Pierre,  toujours  prompt,  non-seulement  à  ma- 
nifester son  amour,  mais  à  donner  des  preuves  de  son  dévouement, 
offre  dans  sa  pieuse  activité,  au  nom  de  ses  compagnons,  de  construire 
trois  tentes  :  «  Faisons  trois  tentes,  une  pour  vous,  »  etc.  —  S.  Jean 
Da3I.  Le  Seigneur  vous  a  donné  la  mission  de  construire,  non  point  des 
tentes,  mais  l'Eglise  universelle;  vos  disciples,  vos  brebis  ont  accom- 
pli votre  désir  en  construisant  une  tente  pour  le  Christ  et  aussi  pour 
ses  serviteurs.  Du  reste,  saint  Pierre  ne  parlait  pas  ainsi  de  lui-même, 
mais  par  une  inspiration  de  l'Esprit  saint,  qui  lui  révélait  les  choses 
futures,  c'est  pour  cela  que  l'Evangéliste  ajoute  :  «  Ne  sachant  ce 
qu'il  disait.  »  —  S.  Cyr.  Il  ne  savait  ce  qu'il  disait,  car  on  n'était  pas 
encore  à  la  fin  des  siècles,  et  le  temps  n'était  pas  encore  venu  pour  les 
saints,  de  participer  au  bonheur  qui  leur  était  promis.  Et  alors  que 
l'œuvre  de  la  rédemption  ne  faisait  ijuc  commencer ,  comment  Jésus- 
Christ  aurait-il  cessé  d'aimer  le  monde  et  de  vouloir  mourir  pour 
lui?  —  S.  Jean  Damasc.  Il  était  d'ailleurs  de  la  bouté  comme  de  la 
jus^tice  de  Dieu,  de  ne  point  restreindre  le  fruit  de  l'incarnation  à 
ceux  qui  étaient  sur  la  montagne  avec  Jésus,  mais  de  l'étendre  à  tous 
ceux  qui  embrasseraient  la  foi_,  ce  qui  ne  devait  s'accomplir  que  par 
les  souffrances  de  sa  passion  et  par  sa  croix,  —  Tite  de  Bostr.  Pierre 
ne  savait  pas  ce  qu^il  disait,  pour  une  autre  raison,  c'est  qu'il  n'était 


quercliir  effectuiu;  iieque  euiin  chives 
obtinuisses  regni ,  nec  mortis  tyrannis 
abolita  esset.  Non  qua;ras  aute  ti.'iiipiis 
felicia,  ut,  Adam  deificationetn.  Erit 
quando  hiinc  aspectum  indi^siueuter 
percipies ,  et  coliahitabis  illi  qui  lux  nA 
et  vita. 

Ambr.  Petrurf  aiitom ,  uou  suluiu 
affectu ,  sed  eliani  laclornin  devotione 
prœslantior  ,  aedificanda  tabernacula 
tria  impiger  operarius  communis  obse- 
quii  miriisterium  poiiicetur  :  scquitiir 
enim  :  «  Et  facianius  tria  taliernuciila, 
iiiium  libi,  »  etc.  Damas,  [ul  snp.)  Non 
aulem  te  Dominus  tabernaciilornm  ,  sed 
univcrsalis  Ecciesia;  coustruclorcui  cons- 
tiluit  :  verba  tua,  tiii  discipuli,  oves  tua}, 
mandavermit  effectui ,  Chrislo   tabcrna- 


cuium  construeutcs ,  uecnou  et  servis 
ejus.  Hoc  autem ,  non  ex  iutentioue 
Petrus  proferebat^  sed  iuspiratione  Spi- 
rilus  revelantis  futcra.  Uude  sequilur  : 
«  Nesciens  quid  dieeret.  »  Cyril,  {ubi 
svpru.j  Nesciebat  etiam  quid  dieeret  : 
neque  euini  aderat  lempus  finis  seouli, 
uec  parliripandœ  a  sauctis  proniisste 
spei.  Et  cum  jam  siimeret  exordium 
dispensatio,  quo  paeto  Christum  oporte- 
but  desistere  a  niundi  dileetione,  voleu- 
tem  pati  pro  eo  ?  Damas,  [ut  supra.) 
Deiebat  etiam,  non  soluui  restriugere 
friic.tum  incarnationis  ad  opus  existen- 
liuin  in  munie  ,  sed  dilîuudi  ad  omnes 
eredeiites;  quod  per  crucem  et,  passio- 
nem  erat  consumniuuduni.  Titus  Bos- 
TRE.Ns.  Ignorabat  etiam  Pelrns  quid  di- 


474 


EXPLICATION   DE   L  EVANGU. 


pas  besoin  de  trois  tentes  pour  les  trois  dont  il  parle,  car  on  ne  peut 
mettre  les  serviteurs  sur  le  même  rang  que  leur  maître,  ni  comparer 
la  créature  au  Créateur.  —  S.  Ambr.  D'ailleurs  la  condition  naturelle 
à  l'homme  dans  ce  corps  corruptible,  ne  lui  permet  d'élever  un  taber- 
nacle à  Dieu,  ni  dans  son  âme,  ni  dans  son  corps,  ni  dans  tout  autre 
lieu.  Cependant,  quoiqu'il  ne  sût  pas  ce  qu'il  disait,  Pierre  offre  ses  ser- 
vices au  Sauveur,  et  sou  zèle  ne  vient  pas  ici  d'une  vivacité  irréfléchie, 
mais  d'un  dévouement  prématuré  qui  était  comme  le  fruit  de  sou 
amour  pour  Jésus;  son  ignorance  venait  de  sa  condition,  sa  propo- 
sition de  son  dévouement.  —  S.  Chrys.  [hom,  57  sur  S.  Matth.)  Ou 
bien  encore,  il  entendait  le  Sauveur  déclarer  qu'il  lui  fallait  mourir,  et 
ressusciter  le  troisième  jour,  et  comme  il  contemplait  l'étendue  de  l'es- 
pace et  de  la  solitude  où  il  se  trouvait,  il  jugea  que  ce  lieu  offrait  plus 
de  sûreté,  ce  qui  lui  fait  dire  :  o  II, est  bon  pour  nous  d'être  ici.»  Ajou- 
tez qu'il  voyait  Moïse,  qui  entra  autrefois  dans  la  nuée  {ExocL,  xxiv), 
et  Elle,  qui  fit  descendre  le  feu  du  ciel  (IV  Rois,  i),  et  vous  compren- 
drez le  trouble  de  son  esprit,  que  l'Evaugéliste  veut  exprimer  par  ces 
paroles  :  «  Il  ne  savait  ce  qu'il  disait.  »  —  S.  Aug.  [de  l'accord  des 
Evang.,  ii,  56.)  Saint  Luc,  dit  de  Moïse  et  d'Elie  :  «  Comme  ils  se  sé- 
paraient de  Jésus,  Pierre  lui  dit  :  Maître,  il  nous  est  bon  d'être  ici,  »  ce 
qui  n'est  nullement  en  contradiction  avec  le  récit  de  saint  Matthieu  et 
de  saint  Marc,  d'après  lequel  Pierre  tint  ce  langage,  alors  que  Moïse 
et  Elle  s'entretenaient  encore  avec  le  Seigneur,  car  ces  deux  Evangé- 
listes  ne  se  sont  pas  expliqués,  mais  ont  gardé  le  silence  sur  ce  que 
dit  saint  Luc,  que  Pierre  parla  ainsi,  alors  que  Moïse  et  Elle  se  re- 
tiraient. 

Théophyl.  Pendant  que  Pierre  disait  :  «  Faisons  trois  tentes,   »  le 


ceret;  quia  non  oportebat  tribus  tria 
tabernacula  facere  :  non  eniai  connume- 
rantur  Domino  famuli,  nec  comparantur 
creaturse  Creatori.  ÀMBR.Neque  capithu- 
mana  couditio  inhoccorruptibili  corpore 
facere  tabernaculum  Deo,  sive  iu  anima, 
sive  in  corpore,  sive  in  quolibet  alio  loco  : 
et  quamvis  nesciret  quid  diceret ,  tamen 
poUicebatur  officium,  cui  non  inconsulta 
petulantia,  sed  prEematura  devotio  fruc- 
tu5  pietatid  accumulât.  Nam  quod  igno- 
rabat,  conditionis  fuit;  quod  promittebat, 
devotionis,  Chrys.  {hom,  37,  in  Matth.) 
Vel  aliter  :  audiebat  quod  oportebat 
Ipsum  mori,  et  tertia  die  resurgere  :  vi- 
debat  autem  multam  distantiam  et  soli- 
tudinem  :  uude  consideravit  quod  pluri- 
mam  haberet  locus  tutelam  :  ob  hoc 
dixit  :  «  Bonum  est  nos  hic  esse.  »  Ade- 


rat  quoque  Moyses  qui  in  nubem  intra- 
vit.  {Exod.,  24.)  Et  Elias  qui  in  monte 
iguem  e  cœlo  deduxit.  (IV  Rcrj.,  1.) 
Evaugelisla  ergo  confusionem  mentis 
ejus  ,  ex  qua  hoc  proferebat,  ostendi-ns, 
dixit:  «  Nesciens  quid  diceret.  »  ACG. 
(le  Cons.  Evang.,  lib.  ii_,  cap.  56.)  Quod 
autem  hic  Lucas  dicit  de  Moyse  et  Elia  : 
«Et  factum  est  dum  discederent  ab  illo, 
ait  Petrus  ad  Jesum  :  Prœceptor,  bonum 
est  nos  hic  esse;  »  non  débet  putari 
contrarium  ei  quod  Mattheeus  et  Marcus 
ita  conjunxerunt  Petrum  haîc  sugges- 
sisse,  quasi  adhuc  Moyses  et  Elias  cum 
Domino  loquerentur  :  non  enim  expres- 
serunt  quod  tune,  sed  tacuerunt  potius 
quod  iste  addidit,  illis  discedentibus  hoc 
Petrum  Domino  suggessisse. 
Theophylact.  Pelro  autem  dicente  : 


DE   SAh\T   LUC,    CHAP.    IX. 


475 


Seigneur  se  construit  une  tente  qui  n'est  pas  faite  de  main  d'homme,  et 
il  y  entre  avec  les  prophètes  :  «  Il  parlait  encore,  lorsqu'une  nuée  se 
forma  et  les  enveloppa  de  son  ombre.  »  Le  Sauveur  montre  ainsi  qu'il 
n'est  pas  inférieur  à  son  Père,  car  de  même  que  dans  l'Ancien  Testa- 
ment, nous  lisons  que  Dieu  habitait  dans  une  nuée,  ainsi  le  Sei- 
gneur est  enveloppé  d'une  nuée  non  plus  ténébreuse  mais  éclatante. 
—  S.  Bas.  (l)  C'est^  qu'en  effet^  les  obscurités  de  la  loi  étaient  dissi- 
pées, car  de  même  que  la  fumée  est  produite  par  le  feu ,  la  nuée  est 
produite  par  la  lumière;  et  comme  la  nuée  est  un  symbole  de  tran- 
quillité, cette  nuée  qui  enveloppe  Jésus  et  les  prophètes ,  figure  le 
repos  de  la  demeure  éternelle. —  S.  Ambr.  Cette  nuée  qui  voile  le 
Sauveur,  a  pour  auteur  l'Esprit  saint,  et  loin  de  répandre  les  ténèbres 
sur  les  affections  du  cœur  de  l'homme  ,  elle  lui  révèle  les  choses  ca- 
chées. —  Orig.  [Trait.  3  sur  S.  Matlh.)  Les  disciples,  ne  pouvant 
supporter  l'éclat  de  cette  gloire  ,  sont  saisis  de  crainte ,  et  se  pros- 
ternent en  s'humiiiant  sous  la  main  puissante  de  Dieu ,  car  ils  se 
rappelaient  ces  paroles  dites  à  Moïse  :  «  L'homme  qui  verra  ma  face, 
ne  vivra  point.  »  Et  ils  furent  saisis  de  frayeur  en  les  voyant  entrer 
dans  la  nuée. 

S.  Ambr.  Remarquez  que  cette  nuée  n'est  point  formée  par  les 
noires  vapeurs  d'un  air  condensé,  et  ne  couvre  point  le  ciel  d'épaisses 
ténèbres,  c'est  une  nuée  lumineuse  qui,  au  lieu  de  nous  inonder  de 
torrents  de  pluie,  répand  la  rosée  de  la  foi  et  arrose  les  âmes  des 
hommes  à  la  voix  du  Dieu  tout-puissant  :  «  Et  une  voix  sortit  de  la 

(1)  Cette  citation  est  tirée  du  Commentaire  de  saiul  Basile,  sur  ces  paroles  du  chapitre  iv  du 
prophète  Isaïe  :  «  Et  le  Seigneur  fera  naître  sur  toute  la  montagne  de  Sion,  et  au  lieu  où  il  aura 
été  invoqué,  une  nuée  obscure  pendant  le  jour,  et  l'éclat  d'une  tlamme  ardente  pendant  la  nuit; 
car  il  protégera  de  toutes  parts  le  lieu  de  sa  gloire.  » 


«  Faciamus  tria  taberuacula,  »  Dominus 
tabernaculuiii  nou  manufactura  fabri- 
cat,  et  iu  illud  iugrecHlur  cuui  pruplie- 
tis.  Unde  ouhJitur  :  «  Ila;c  auloin  illu 
loqueute,  facla  est  nuljes,  et  ubumbravit 
eoà,  »  ut  oriteuderelur  quod  uua  miuor 
est  Pâtre  :  sicut  eiiiui  iu  Veleri  Teola- 
meuto  ia  nube  babitaro  Uoiuiuus  dice- 
batur,  sic  et  uuuc  nubes  susccpit  Doini- 
uum,  non  caliginosa,  sed  lucùda.  Basil. 
[in  Cut.  Grœcorum  Patmm.)  Nani  ob- 
scuritas  Icpçis  transierat  :  sicut  euini 
fumus  ab  igné,  sic  nubes  a  luce  causala 
est  :  verum  quia  nebula  sigiuim  trauquil- 
litalis  est,  quies  futurai  uiausiuuis  osleu- 
ditur  per  nubis  operimentuui.  Ambu.  Di- 
vini  puim  Sfiiritus  pst  obuinbrafin  ista. 


qua;  non  caligat  affectibus  hominum , 
sed  révélât  occulta.  Orig.  (  Tract.  3,  in 
Mutth.)  Hanc  autem  gloriam  discipuli 
sufferre  ueijueuntes,  procui)uerunt  hu- 
miliati  sub  potenti  dextera  Dei  nimium 
tiiueules;  cuui  scirent  quod  diclvau  luit 
Moysi  {Lxod.,  33)  :  «  Non  videbit  liomo 
facieni  nieaiu,  et  vivet  ;  »  unde  sequitur  : 
«  Et  timuerLir.t  iutraulibus  illis  iu  nu- 
bem.  » 

Ambr.  Cognosce  autem  nubem  istam 
lion  coacti  aeris  caligine  piceam,  et  qu;E 
cœhiin  tenebrarum  horrore  subtexat,  sed 
lucidam  nubem  <[Uce  nos  non  pluviali- 
bus  aquis  immadidet,  sed  de  qua  men- 
tes hominmn  in  voce  Dei  omuipotentis 
einissa  fidei  ros  riiiavit  :  sequitur  eniui  : 


A'6 


EXPLICATION  DE   L  liVANGlLF 


nuée,  qui  disait  :  «  Celui-ci  est  mon  Fils  bien-aimé,  »  ce  n'est  point 
Moïse,  qui  est  ce  iils,  ce  n'est  point  Elie,  mais  celui-là  seul  est  mon 
Fils,  que  vous  voyez  seul  sur  la  montagne,  —  S.  Cyr.  Comment  donc 
pourrait-on  croire  que  celui  qui  est  le  vrai  Fils  de  Dieu,  ait  été  fait  ou 
créé,  alors  que  Dieu  le  Père  fait  retentir  cette  voix  du  haut  des  cieux  : 
«  Celui-ci  est  mon  Fils,  »  c'est-à-dire,  ce  n'est  pas  un  de  mes  iils,  mais 
celui  qui  est  mon  Fils  en  vérité  et  par  nature,  et  c'est  par  ressem- 
blance avec  lui  que  les  autres  sont  mes  fils  adoptifs.  Or,  Dieu  le  Père 
nous  commande  d'obéir  à  ce  Fils  par  ces  paroles  •  «  Ecoutez-le,  »  et 
écoutez-le  plus  que  Moïse  et  Elie,  car  le  Christ  est  la  tin  de  la  loi  et  des 
prophètes  (I),  aussi  est-ce  avec  un  dessein  marqué,  que  l'Evangéliste 
ajoute  •  «  Pendant  que  la  voix  parlait,  Jésus  se  trouva  seul.  »  — 
Théophtl.  C'était  afin  que  personne  ne  put  penser  que  ces  paroles  : 
«  Celui-ci  est  mon  Fils  bien-aimé,  »  s'appliquaient  à  Moï-e  ou  à  Ehe. 
Ces  deux  personnages  dispaiaissent  aussitôt  que  Dieu  le  Père  pro- 
clame la  divinité  du  Sauveur,  ils  étaient  trois  au  comraenceuient  de 
la  transfiguration,  il  n'en  reste  plus  qu'un  seul  à  la  fin;  la  perfec- 
tion de  la  foi  produit  cette  unité.  Ils  sont  donc  comme  reçus  dans  le 
corps  de  Jésus-Christ ,  pour  nous  apprendre  que  nous  aussi  nous  ne 
ferons  qu'un  avec  Jésus,  ou  peut-être  encore,  parce  que  la  loi  et  les 
prophètes  ont  le  Verbe  pour  auteur.  —  Théophyl.  Ce  qui  doit  son 
existence  au  Verbe  prend  également  fin  dans  le  Verbe,  et  Dieu  nous 
apprend  par  cette  conduite  que  la  loi  et  les  prophètes  ne  devaient  ap- 
paraître que  pour  un  temps,  comme  Moïse  et  Elie,  dans  la  transfigu- 
ration, et  qu'ils  devaient  ensuite  disparaître  pour  laisser  la  place  à 
Jésus  seul;  en  effet,  la  loi  a  cessé  d'exister  pour  faire  place  à  l'Evan- 

(1)  Que  le  Christ  soit  la  fin  de  la  loi,  l'ApcMre  le  dit  expressémeut  dans  son  Epitre  aux  Romains, 
chapitre  x,  verset  4  :  Qu'il  soit  la  fin  des  prophètes,  le  Sauveur  lui-même  parait  l'indiquer, 
quand  il  dit  :  t  La  loi  et  les  prophètes  ont  prophétisé,  jusqu'à  Jean- Baptiste,  ■  etc.  [Malth.,  xi,  13.] 


«  Et  vox  facta  est  de  nube  dicen?  :  Hic 
est  Filius  mens  dilectus  :  »  non  Elias 
filins,  non  Moyses  filius.  sed  hic  est 
filius  qiieiu  soluiu  videtis.  Cyril  (iibi 
supra,  et  in  Thesauro,  lib.  Xli,  cap.  14.) 
Oualiter  ergo  oporteret  euiu  i[iii  rêvera 
filins  est,  factuiu  vel  creatimi  existiiuare, 
Deo  Pâtre  desuper  intoiiante  :  «  Hic  est 
Filius  meus"?  »  quasi  diceret  :  Nou  uuus 
ex  filiis,  sed  qui  vere  et  naturaliter  est 
Filius;  ad  cujus  exemplar  alii  sunt  adop- 
tivi.  Illi  ergo  jussit  obedire  cum  subdit  : 
«  Ipsum  audite  :  «  et  magis  quaui  ad 
Moyseu  et  Eliam  ;  quia  Cbristns  est  liais 
legis  et  prophetarum  :  uude  siguanter 
Evangelista  subdit  :  «  I*]t  dum  tîeret  vox, 
iuventus  est  Jésus  solus.  »  Thkophvlact. 


Ne  scilicet  pîitaret  aliquis  hoc  quod  dic- 
tum  est  :  «  Hic  est  Filius  meus  dilectus.  » 
de  Moyse  vel  Elia  fuisse  prolatum.  .Ambr. 
Recesseruut  ergo  illi  ubi  cœperat  Domi- 
uus  desigoari  :  très  etiam  in  principio 
videntur,  nnns  in  tiiie  :  perfecta  enini 
iide  uuum  sunt.  Ergo  et  illi  quasi  reci- 
piuutur  in  Cbristi  corpus;  quia  et  nos 
unum  erimus  in  Christo  Jesu;  aut  for- 
tasse  ,  quia  lex  et  prophétie  ex  verbe. 
Theophylact  Quœ  autem  ex  verbo  cœ- 
peruut,  in  verbo  desinunt  :  per  hoc 
enim  inuuit  quod  usque  ad  tempus  ali 
quod  lex  et  puophetse  apparerent,  sicui 
hic  Moyses  et  Elias;  postmodum  aniem 
solus  Jésus  illis  reredentibus  :  nain  nunc 
EvauLrelium   manet  transactis  loaali])US. 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    IX.  477 

£rile,  qui  demeure  éternellement.  —  Bède.  Remarquez  que  le  mystère 
(le  la  Trinité  tout  entière  est  révélé  dans  la  transfiguration  de  Jésus 
sur  la  montagne,  comme  il  l'avait  été  lors  de  son  baptême  dans  le 
Jourdain,  et  parce  qu'en  efft;t,  nous  verrons  dans  la  résurrection  la 
gloire  de  celui  que  nous  avons  confessé  dans  le  baptême.  Et  ce  n'est 
pas  sans  raison  que  l'Esprit  saint  apparaît  ici  sous  la  forme  d'une 
nuée  lumineuse,  tandis  qu'au  baptême  du  Sauveur,  il  apparaît  sous 
la  forme  d'une  colombe,  pour  nous  apprendre  que  celui  qui  conserve 
dans  la  simplicité  de  son  cœur  la  foi  qu'il  a  reçue,  contemplera  un 
jour  dans  la  lumière  d'une  vision  manifeste  les  vérités  qui  ont  été 
l'objet  de  sa  foi. 

Orig.  {Traité  m  sur  S.  Matth.)  Jésus  ne  veut  point  qu'on  fasse  con- 
naître avant  sa  passion  ces  glorieuses  manifestations  :  »  Et  ils  se 
turent,  et  en  ces  jours-là  ils  ne  dirent  rien  à  personne  de  ce  qu'ils 
avaient  vu,  »  car  on  eût  été  scandalisé  (le  peuple  surtout),  de  voir 
crucifié  celui  que  Dieu  avait  ainsi  glorifié.  —  S.  Jean  Damas,  {dise, 
sur  la  Transfig.)  Le  Sauveur  leur  fît  aussi  cette  recommandation, 
parce  qu'il  connaissait  l'imperfection  de  ses  disciples,  qui  n'avaient 
pas  encore  reçu  la  plénitude  do  l'Esprit  saint,  il  ne  voulait  ni  ex- 
poser aux  sentiments  d'une  profonde  tristesse  ceux  qui  n'avaient  pas 
été  témoins  de  sa  gloire,  ni  exciter  contre  lui  la  jalouse  fureur  de  son 
traître  disciple. 

y.  37-44.  —  Le  jour  suivant,  comme  ils  descendaient  de  la  montagne,  une  foule 
nombreuse  vint  au-devant  d'eux.  Et  voilà  que  de  la  foule  un  homme  s'écria  : 
Maître,  je  vous  en  supplie,  jetez  un  regard  sur  mon  fils,  car  je  n'ai  que  ce  seul 
enfant.  Un  esprit  se  saisit  de  lui,  et  aussitôt  il  ])Ousse  des  cris,  puis  l'esprit  le 
renverse  contre  terrt^.  il  l'agite  par  de  violentes  convulsions  en  le  faisant  écumer, 
et  à  peine  le  quille-t-il  après  l'avoi)  tout  déchiré.  J'ai  prié  vos  disciples  de  le 


JJed.  Et  nota,  siciit  Duiniuo  in  Jordane 
baptizato,  sic  etiaui  in  monte  glorificato, 
totius  Triuitatis  niysterium  declarari  ; 
quia  gloriam  illin»  iptani  in  baptisinatfi 
lonlîtemur.  in  resurroctione  videbinms. 
Nec  frustra  Spirilus  suuclus  liii;  in  lu- 
fida  nube,  illic  appart-t  in  ccilundja  ;  quia 
qui  nunc  siniplici  corde  fideiu  quaui  per- 
cipil,  servat,  tune  luce  apertœ  visionis 
ea  quœ  credid.irat,  conlemplabilur. 

Orig.  (in  (ut.  Grœcoruni  Patrum,  et 
Tract.  3  ut  jam  su  p.)  Non  vult  autem 
Jésus  dici  quce  ipsius  spectanl  ad  fçlo- 
riam  aiite  suani  passionem  :  unde  sequi- 
lur  :  «  Et  ipsi  tacuerunt,  »  etc.  Offensi 
enim  fuissent  (et  prœcipue  vulgus)  si 


vidissent  crucifîgi  euni,  qui  sic  fuerat 
plorificatus.  Damas.  {Orat.  de  Trans- 
figiir.  ut  Slip.)  Hoc  etiani  praîcipil  Do- 
uiinus,  sciens  discipulos  iniperfectos , 
qui  nondmn  soiiiti  erant  plenam  Spiri- 
tus  participalionem  ;  ne  corda  aliorum 
qui  non  viderant,  subverte reutnr  tristi- 
tia,  et  ne  proditur  incitarelnr  ad  invidiae 
rabiem. 

Faclum  est  autem  in  sequenti  die  descendentibus 
illis  de  monte,  occurrit  illis  turba  mulla.  Et 
ficce  vir  de  turba  exclamavil  dicens  :  Alagis- 
ter,  ohsecro  te,  respice  in  filium  meum  ;  quia 
unicus  est  mihi  :  et  ecce  spirilus  apprehendit 
eum,  et  subito  clamai,  et  elidit,  et  dissipât  eum 
cum  spuma.  et  vix  discedit  dilanians  eum.  Et 


478 


EXPIJCATION    DE    ],  EVAXGir.E 


chasser,  et  ils  ne  l'ont  pu.  Alors  Jésus,  prenant  la  parole,  dit  :  0  race  incré- 
dule et  perverse,  jusqu'à  quand  serai-je  avec  vous,  et  vous  supportcrai-je  ? 
Amenez  ici  votre  fils.  Et  comme  l'enfant  s'approchait,  le  démon  le  jeta  contre 
terre  et  l'agita  violemment.  Mais  Jésus  ayant  parlé .  avec  menaces  à  l'esprit 
impur  guérit  l'enfant,  et  le  rendit  à  son  père.  Et  tous  étaient  stupéfaits  do.  lu 
grandeur  de  Dieu. 

BEDE.  Nous  voyons  ici  un  parfait  rapport  entre  les  lieux  et  les 
choses;  sur  la  montagne,  Notre-Seigneur  prie_,  se  transfigure,  et  dé- 
voile à  ses  disciples  les  secrets  de  sa  Majesté.  Lorsqu'il  descend  dans  la 
plaine,  la  foule  s'empresse  autour  de  lui  :  «  Le  jour  suivant,  comme 
ils  descendaient  de  la  montagne,  une  foule  nombreuse  vint  au-devant 
d'eux.  »  Sur  la  montagne,  il  fait  entendre  la  voix  du  Père,  dans  la 
plaine,  il  chasse  les  mauvais  esprits  :  «  Et  voilà  que  de  la  foule,  un 
homme  s'écria  :  Maître,  je  vous  en  supplie,  jetez  un  regard  sur  mon 
fils.  »  —  TiTE  DE  BosTR.  J'admire  la  sagesse  de  cet  homme,  il  ne  dit  pas 
au  Sauveur  :  Faites  ceci  ou  cela,  mais  :  «  Jetez  un  regard,  »  car  cela 
suffit  pour  sa  guérison  ;  c'est  dans  le  même  sens  que  le  Roi-prophète 
disait  :  «  Jetez  les  yeux  sur  moi,  et  ayez  pitié  de  moi.  »  (1)  Cet  homme 
dit  à  Jésus  :  «  Jetez  un  regard  sur  mon  fils,  »  pour  motiver  la  har- 
diesse qui  le  portait  à  crier  seul  au  milieu  de  cette  multitude.  Il  ajoute  : 
a  Car  c'est  le  seul  que  j'aie,  »  c'est-à-dire,  je  ne  puis  espérer  d'autre 
consolation  de  ma  vieillesse.  Il  expose  ensuite  la  nature  de  sa  mala  - 
die,  pour  émouvoir  la  compassion  du  Sauveur  :  «  Un  esprit  se  saisit  de 
lui,  »  etc.  Enfin,  il  semble  accuser  les  disciples,  mais  il  paraît  bien 
plus  vouloir  excuser  sa  hardiesse.  Ne  pensez  pas,  semble-t-il  dire  au 

(1)  Ps.  XXIV,  16;  Lxxxv,  15;  cxviil,  132, 


rogavi  diseipulos  tuos  ut  ejicerent  illum  ;  et 
non  potuerunt,  Respondens  autem  Jésus,  di- 
xit  :  Ogeneratio  infidelis  et  perversa  ,  usque- 
quo  ero  apud  vos,  et  patiar  vos  ?  Adduc  hue 
filhcm  tuum.  Et  cum  accederet,  elisit  illum  dœ- 
monium,  et  dissipavit.  Et  increpavit  Jésus  spi- 
ritum  immund'cm ,  et  sanavit  puerum ,  et  red- 
didit  illum  patri  ejus.  Stupebant  autem  omnes 
in  magnitudine  Dei. 

Bed.  Loca  rébus  congruunt  :  in  monle 
orat  Dominus ,  transformalur,  discipulis 
arcana  suae  majestatis  aperit.  In  infe- 
riora  descendens,  turbae  occursu  excipi- 
tur  :  unde  dicitiir  :  «  Factum  est  autem 
in  sequenti  die,  descendenlibus  illis  de 
monte  occurrit  illis  turba,  »  etc.  Sursum 
patris  vocem  pandit,  deorsum  spiritus 
malos  expellit.  Uude  sequitur  :  «  Et  ecce 
vir  de  turba  exclamavit,  dicens  :  Ma- 


gister,  obsecro  te,  respice  in  filium 
meum,  »  etc.  Titus  Bostrens.  Videlur 
mihi  sapiens  quidem  hic  esse  :  non  euim 
dixit  Salvatori  :  <<  Fac  hoc,  vel  illud,  » 
sed,  «  respice  :  »  hoc  enim  sufficit  ad 
salutem  ;  sicut  Propheta  dicebat  :  «  Res- 
pice in  me,  et  miserere  mei  :  »  et  dixil, 
«  in  filium  meum,  »  ut  rationabilem  de- 
monstret  iuverecundiam  quod  solus  in 
multitudine  clamât.  Addit  :  «  Quia  uni- 
cus  est  mihi  :  »  quasi  dicat  :  Nulhis  alius 
expectatur  futurus  remedium  senectutis. 
Consequenter  explicat  passionem,  ut  au- 
dieutem  moveat  ad  pietatem,  dicens  : 
«  Et  ecce  spiritus  apprehendit  eum,  »  etc. 
Deinde  videtur  criminari  diseipulos;  sed 
magis  respondet  quod  juste  verecundiam 
deposuerit  dicens  :  «  Et  rogavi  diseipu- 
los tuos  ut  ejicerent  illud,  et  non  po- 


J»E   SAINT   LUC,    CHAP.    IX.  i'O 

Sauveur,  que  je  viens  à  vous  avec  légèreté,  votre  dignité  impose,  et 
je  me  suis  bien  gardé  de  vous  importuner  tout  d'abord  ;  j'ai  commencé 
par  m'adresser  à  vos  disciples,  mais  comme  ils  n'ont  pu  guérir  mon 
lils,  je  suis  forcé  de  recourir  à  vous.  Aussi  les  reproches  du  Seigneur 
ne  s'adressent  pas  à  cet  homme,  mais  à  cette  génération  incrédule  : 
«  Et  Jésus  prenant  la  parole,  leur  dit  :  0  race  infidèle,  »  etc. 

S.  Chrts.  [hom.  58  sur  S.  Matth.)  Cependant  nous  voyons  par  plu- 
sieurs expressions  rapportées  dans  le  saint  Evangile,  que  cet  homme 
était  encore  bien  faible  dans  la  foi;  ainsi  il  dit  au  Sauveur  ;  «  Aidez 
mon  incrédulité.  »  {Marc,  ix,  23.)  Et  encore  :  a  Si  vous  pouvez.  » 
(vers.  21.)  Et  Notre-Seigneur  même  lui  dit  :  «t  Tout  est  possible  à  celui 
qui  croit.  »  (vers.  22.)  —  S.  Cyr.  Le  motif  le  plus  probable  du  re- 
proche d'incrédulité  que  le  Sauveur  fait  à  cet  homme,  est  donc  l'ac- 
cusation portée  contre  les  saints  Apôtres,  qu'ils  ne  pouvaient  com- 
mander aux  démons;  il  aurait  dû  bien  plutôt  honorer  Dieu  en  implo- 
rant son  secours,  car  Dieu  exauce  ceux  qui  lui  rendent  l'honneur  qui 
lui  est  dû.  Mais  accuser  ceux  qui  ont  reçu  de  Jésus-Christ  le  pouvoir 
de  chasser  les  démons  d'impuissance  sur  ces  esprits  mauvais,  c'est 
attaquer  la  grâce  de  Dieu  elle-même,  plutôt  encore  que  ceux  qui  l'ont 
reçue  et  par  lesquels  Jésus-Christ  manifeste  ses  divines  opérations. 
C'est  donc  offenser  Jésus-Christ  que  d'accuser  les  saints  auxquels  il  a 
confié  la  prédication  de  la  parole  sainte,  aussi  voyez  comment  le  Sei- 
gneur réprimande  cet  homme  et  tous  ceux  qui , partagent  ses  senti- 
ments :  c(  0  génération  infidèle  et  perverse,  »  comme  s'il  lui  disait  : 
C'est  à  cause  de  votre  infidélité  que  la  grâce  n'a  pas  produit  son  effet. 

S.  Ghrys.  [hom.  58  sur  S.  Matth.)  Jésus  ne  s'adresse  pas  seulement 


lueiuul  :  »  quasi  diceret  :  Non  pûtes  quoii 
leviter  ad  te  perveneritn  :  slupenda  est 
dignifas  tua,  nec  statim  te  molestavi  ;  ad 
discipulos  tuo3  accessi  primo  :  nunc  quia 
uon  curaverunt,  cogor  proficisci  ad  te. 
Unde  et  Doniiuus,  nou  ipsum,  sed  genus 
incredulum  iiicrepat.  Sequitur  enim  : 
«  Re.-pondeus  autem  Jésus,  dixit  :  0  ge- 
neratio  intidelis,  »  etc. 

Cbrys.  (bom.  58,  in  Mutlh.)  Sed 
hune  liominem  mulluui  infirmari  iu  iide 
evangeliorum  Scriptura  ostendit  ex  plu- 
ribus  :  ex  eo  scilicet  quod  dixit  {More, 
9,  vers.  23)  :  «  Adjuva  incredulitaleui 
meam;  »  et  (vers.  21)  :  «  Si  quid  potes;  » 
et  ex  eo  quad  Christus  dixit  (vers.  22)  : 
«Credenti  omniapossibilia  suut.  "Cyril. 
[iibi  supra.)  Uude  uielius  puto  incredu- 
lum reputatuni  daeuiouiaci  patrem,  quod 


et  saci'os  apostoios  objuigaviL,  dioeus  eos 
non  posse  imperare  dsemonibus;  potius 
autem  erat  honorando  Deum  ab  eo  pe- 
tere  gratiam  ;  anuuit  enim  venerantibus. 
Qui  autem  dicit  debilitari  erga  virtutem 
quœ  est  in  spiritus  malignos,  eos  qui  a 
Christo  adepti  sunt  potestatem  ejicien'di 
eos,  gratiam  magis  calumniatur  quara 
fulgentcs  ea  (gratia)  in  quibus  Christus 
operatur.  Unde  offendilur  Christus  ac- 
cusalis  sanctis,  quibus  est  commissum 
verbum  prsedicationum  sacrarum  :  prop  • 
ter  quod  Dorainus  increpat  cum  et  con- 
cordes ei,  diceus  :  «  0  geueralio  inlideUs 
etperversa!  »  Quasi  diceret  :  Causa  tuae 
intidehtatis,  gratia  effectum  sorlita  non 
est. 

Chrys.  {/lom.  u8,  in  Matth.)  Non  au- 
tem dirigit  sermonem  ad  eura  tantum. 


-480  EXlLlCATlOiN    bK    l/ÉVANdlLK 

à  cet  homme,  pour  ne  point  le  jeter  dans  le  trouble,  mais  à  tous  les 
Juifs,  car  il  est  vraisemblable  qu'un  grand  nombre  d'entre  eux  s'é- 
taient scandalisés,  et  avaient  conçu  des  soupçons  injustes  contre  les 
disciples  (r). — Théophyl.  Le  Sauveur,  en  les  appelant  génération  per- 
verse, démontre  qu'ils  n'étaient  pas  mauvais  par  principe  et  par  na- 
ture, car  eu  qualité  de  fils  d'Abraham,  ils  étaient  droits  par  nature  (2), 
et  c'est  par  leur  malice  qu'ils  s'étaient  volontairement  pervertis.  — 
S.  Cyr.  Ils  étaient  comme  des  hommes  qui  ne  savent  point  suivre  la 
voie  droite.  Or,  Jésus-Christ  dédaigne  de  demeurer  avec  ceux  qui  sont 
ainsi  disposés  :  ((  Jusques  à  quand  serai-je  avec  vous  et  vous  suppor- 
terai je?  »  Leur  commerce  lui  devient  comme  insupportable,  à  cause 
de  la  dépravation  de  leur  cœur.  —  S.  Ghrys.  Il  nous  fait  voir  en 
même  temps  combien  il  désirait  la  mort,  et  qu'il  redoutait  moins  le 
supplice  de  la  croix  que  de  rester  plus  longtemps  avec  eux.  —  Bède. 
Ce  n'est  point  que  le  Sauveur,  si  plein  de  mansuétude  et  de  douceui", 
se  soit  laissé  dominer  par  un  sentiment  d'aigreur  et  d'ennui,  mais  il 
parle  ici  comme  un  médecin  qui,  voyant  un  malade  agir  contre  ses 
prescriptions,  lui  dirait  :  «A  quoi  bon  venir  plus  longtemps  vous  visi- 
ter, puisque  vous  faites  tout  le  contraire  de  ce  que  j'ordonne.  »  Il  est 
si  vrai  que  ce  n'est  pas  contre  cet  homme,  mais  contre  la  mauvaise 
disposition  de  son  âme  qu'il  est  irrité,  qu'il  ajoute  aussitôt  :  «  Amenez 
ici  votre  fils.  »  — 

TiT.  DE  BosTR.  Le  Sauveur  pouvait  le  délivrer  d'un  seul  mot, 
mais  il  veut  faire  constater  sa  maladie  ,  en  l'exposant  aux  regards 
de  tous  ceux  qui  l'entouraient.  Aussitôt  que  le  démon  sentit  la  pré- 

(1*)  Nous  avons  adopté  ici  le  texte  même  de  saint  Chrysostome  beaucoup  plus  clair  et  plus 
explicite  que  la  traduction  suivie  par  saint  Thomas. 

(2)  C'est-à-dire  eu  égard  à  l'état  particulier  du  peuple  de  Dieu  dont  ils  faisaient  partie  et  qui 
connaissait  le  vrai  Dieu.  Car  en  les  considérant  dans  la  condition  commune  à  tous  les  hommes, 
ils  étaient  comme  eux  coupables  du  péché  originel  et  fils  de  colère  comme  les  autres.  [Ephes.,  n,  3.) 


sed  ad  omnes  Judseos.  ne  faciat  eura 
haesitare  :  oportebat  enim  scandalizari 
quam  plures.  Theophylact.  Quod  autem 
dixit  perversa,  demouslrat  qnod,  non  a 
princ'ipio  neque  naturaliter  iuerat  eis 
uialilia;  quia  natura  quidem  erant  recti, 
semen  Abrahse  existentes,  sed  per  inali- 
tiam  erant  perversi.  Cyril,  {ubi  supra.) 
Quasi  nescientes  procedere  rectis  inces- 
sibus.  Cum  eis  autem  qui  sic  sunt  dipo- 
siti  Christus  commorari  dediguatur. 
Unde  dicit  :  «  Usquequo  ero  apud  vos  et 
patiar  vos?  »  Ferens  quasi  moleste  eo- 
rum  conversationem  propter  pravitatem 
ipsorum.  Chrys.  {vt  siip.)  Per  hoc  etiam 
ostendit  desideratum  sibi  esse  suum  re- 


cessum  ;  et  quod  non  erat  grave  crucis 
patibulum ,  sed  magis  ipsorum  conver- 
satio.  Bed.  Non  quod  taedio  superatus 
sit  mansuetus  et  mitis;  sed  in  similitu- 
dinem  medici  si  œgrotum  videat  contra 
sua  praecepta  se  gerere  dicat  :  «  Usque- 
quo accedam  ad  domum  tuam ,  »  me 
aliud  jubente,  te  aliud  faciente?  In  tan- 
tum  autem  non  est  iratus  honiini,  sed 
vitio,  ut  statim  intulerit  :  «  Adduc  hue 
filium  tuum.  » 

Titus  Bostrems.  Poterat  quidem  solo 
jussu  eum  liberare,  sed  propalat  ipsius 
passionem,  subjiciens  iufirmum  preesen- 
tium  visioni.  Dcinde  daemonium  post- 
quam    Dominum   sensit,    concutit  pue- 


DE  SAINT   LLC,    CHAP.    IX. 


AM 


sence  du  Seigneur,  il  agita  convulsivement  l'enfant  :  et  Et  comme 
l'enfant  s'approchait,  le  démon  le  jeta  contre  terre  et  l'agita  violem- 
ment. »  Le  Sauveur  voulait  que  sa  maladie  fût  bien  établie  avant  d'y 
apporter  remède,  —  S.  Chrys.  Gardons-nous  de  croire  cependant  que 
le  Seigneur  obéisse  ici  à  un  motif  d'ostentation,  il  agit  ainsi  dans  l'in- 
térêt du  père,  qu'il  veut  amener  à  croire  le  miracle  qu'il  va  opérer, 
en  lui  faisant  voir  le  démon  rempli  de  trouble  à  sa  seule  parole  :  «  Et 
Jésus  commanda  avec  menace  à  l'esprit  impur,  et  il  guérit  Fenfant^  et  il 
le  rendit  à  son  père.  »  — S.  Cyr.  Jusque-là,  en  effet,  il  n'appartenait  pas 
à  son  père,  mais  au  démon  qui  le  possédait.  L'Evangéliste  ajoute,  que 
tous  étaient  stupéfaits  à  la  vue  de  ces  grandes  choses  que  Dieu  opé- 
rait :  ((  Et  tous  étaient  stupéfaits  de  la  puissance  de  Dieu.  »  L'auteur 
sacré  veut  ici  relever  l'excellence  du  don  que  Jésus-Christ  avait  fait 
aux  saints  Apôtres,  en  leur  accordant  le  pouvoir  divin  de  faire  des 
miracles  et  de  commander  aux  démons. 

Bède.  Dans  le  sens  mystique,  nous  voyons  ici  que  le  Seigneur  agit 
tous  les  jours  avec  les  hommes,  selon  le  degré  de  leurs  mérites,  il 
monte  avec  les  uns,  en  élevant  sur  les  hauteurs  les  plus  sublimes  les 
âmes  parfaites,  dont  la  vie  est  tout  entière  dans  le  ciel  {Philip.,  m, 
20),  les  instruisant  des  secrets  de  l'éternité,  et  en  leur  enseignant  des 
'vérités  qui  ne  peuvent  être  entendues  de  la  foule;  il  descend  avec  les 
autres,  c'est-à-dire,  avec  les  âmes  qui  ont  encore  les  goûts  de  la  terre 
et  sont  privés  de  la  véritable  sagesse,  en  les  fortifiant,  en  les  enseignant 
et  en  les  châtiant.  Saint  Matthieu  fait  remarquer  que  ce  possédé  était 
lunatique  (chap.  xviii);  saintMare,  qu'il  était  sourd  et  muet  (chap.  ix). 
Il  est  ainsi  la  figure  de  ceux  qui  sont  inconstants  comme  la  lune 
{Ecclés.,  XXVII,  12),  et  que  Ton  voit  successivement  croître  et  décroître 
dans  les  vices  auxquels  ils  sont  livrés  ;  de  ceux  encore  qui  sont  muets, 


rum.  Unde  sequitur:  «  Et  cum  accederet, 
elisit  illum  dœraoniuni  et  dissipavit;  »  ut 
sic  prius  exprimalur  passio,  deinde  adhi- 
beatur  remedium.  Chrys.  [ut  sup.)  Non 
lamen  hoc  Doiuiniis  ad  ostentationem 
facit,  sed  causa  patris,  ut  cum  vidcrit  da-- 
monium  conturbari  propter  bolain  voca- 
tiouem,  sic  saltem  inducatur  ad  fidem 
futuri  miraculi  de  quo  sequitur  :  «  Et 
increpavit  Jésus  spiritum  imniundum, 
et  sauavit  pueruiu,  et  reddidil  illum  pa- 
tri  ejus.  »  CviuL.  (ubi  supra.)  Antca  au- 
tem  non  erat  patri?,  sed  dœmouis  occu- 
pantis.  Subdit  autem  Evangelista  stupere 
plebem  in  magnaliis  Dei,  dicens  :  «  Stu- 
pebant  autem  omnes  in  magnitudiue 
Dei  :  »  quod  dicit  propter  donum  Christi, 

TOM.    V. 


qui  sacris  quoque  apostolis  coutulit  po- 
testatem  agendi  divina  miracula  et  im- 
perandi  dtemonibus. 

Beda.  Jlystice  autem  pro  qualitate 
meritorum  quolidie  aliis  ascendit  Domi- 
nus,  dum  perfeclos,  quorum  conversatio 
in  cœlis  est  sublimius  extoUendo  glori- 
flcat,  et  de  œteruis  instruit,  et  docet  quai 
a  turbis  audiri  non  valent  :  aliis  autem 
descendit,  dum  tertenos  et  insipientes 
couiortat,  docet  et  castigat.  Hune  autem 
dœmoniacum  .Matthœus  lunaticum  (cap. 
17^,  jMarcus  surdum  et  nmtum  (cap.  9) 
describit.  Significat  euim  illos  qui  ut 
luna  mutaatur  [EccL,  Ti,  vers.  12)  per 
diversa  vitia  crescentes  et  decrescentes  ; 
qui  muli  suut  non  confitendo  fidem  ;  et 

31 


482 


EXPLICATION   DE  L*ÉVANGILE 


parce  qu'ils  ne  confessent  pas  la  foi,  et  de  ceux  qui  sont  sourds,  parce 
qu'ils  n'entendent  pas  la  parole  de  la  foi.  A  peine  l'enfant  s'est-il  ap- 
proché du  Seigneur,  qu'il  est  violemment  agité;  c'est  qu'en  efifet^  le  dé- 
mon soumet  à  de  plus  rudes  tentations  ceux  qui  se  convertissent  à  Dieu, 
pour  leur  inspirer  l'éloignement  de  la  vertu ,  ou  pour  venger  l'afiFront 
qu'on  lui  fait  en  le  chassant.  C'est  ainsi  que  dans  les  commencements  de 
l'Eglise,  il  lui  livra  autant  de  combats  acharnés  qu'il  eut  à  souffrir  de 
coups  portés  à  son  empire.  Ce  n'est  point  l'enfant  qui  souffrait  cette 
violence  que  le  Sauveur  reprend  avec  menace,  mais  le  démon  qui  en 
était  l'auteur,  parce  qu'en  effet,  celui  qui  désire  ramener  au  bien 
un  pécheur  doit  poursuivre  le  vice  de  ses  reproches  et  de  sa  haine, 
mais  donner  à  l'homme  pécheur  les  témoignages  d'un  amour  sincère, 
jusqu'à  ce  qu'il  l'ait  remis  guéri  de  ses  infirmités  entre  les  mains  des 
pères  spirituels  de  l'Eglise. 

y.  44-48.  —  Et  comme  ils  admiraient  tout-  ce  que  faisait  Jésus,  il  dit  à  ses 
disciples  :  Pour  vous,  mettez  bien  ceci  dans  votre  cœur  :  Le  Fils  de  l'homme 
doit  être  livré  entre  les  mains  des  hommes.  Mais  ils  n'entendaient  point  ce 
langage,  il  était  voilé  pour  eux  de  sorte  qu'ils  ne  le  comprenaient  pas,  et  ils 
craignaient  de  l'interroger  sur  ce  sujet. 

S.  Ctr.  Tout  ce  que  faisait  Jésus  excitait  l'admiration  générale,  car 
chacune  de  ses  œuvres  brillait  d'un  éclat  surnaturel  et  divin,  selon 
cette  parole  du  Roi-prophète  :  «  Vous  l'avez  environné  de  gloire 
et  de  beauté.  »  {Ps,  xx.)  Cependant,  quoique  cette  admiration  fût 
commune  à  tous  ceux  qui  étaient  témoins  de  ses  œuvres,  ce  n'est  qu  à 
ses  disciples  qu'il  adresse  les  enseignements  qui  suivent  :  «  Et  comme 
ils  admiraient  tout  ce  que  faisait  Jésus,  il  dit  à  ses  disciples,  »  etc.  Il 
avait  découvert  à  ses  disciples  sur  la  montagne  une  partie  de  sa  gloire. 


^urdi  nec  ipsum  fidei  audiendo  sermo- 
neiu.  Dum  puer  autem  ad  Domiiium 
accedit,  elidilur;  quia  conversi  ad  Do- 
minum  plerumque  a  d£emoiiio  gravius 
pulsantur  ut  vel  odium  virtutis  iucutiat 
vel  expulsionis  suiE  vindicet  injuriam, 
sicut  EcclesiîE  primordiis  tôt  gravisbima 
intulit  certamina,  quoi  suo  regnu  doluit 
subito  illata  dispendia.  Non  puerum  au- 
tem qui  vim  patiebatur,  sed  deemonium 
qui  inferebat,  increpat;  quia  qui  pec- 
cantem  emendare  desiderata  vitium  ar- 
guendo  et  odiendo  depellere  ;  sed  hoini- 
nem  débet  amando  refovere ,  donec 
sanatum  spiritualibus  Ecclesiae  possit 
reddere  Patribus. 

Omnibusque  rairantibus  in  omnibus  qnœ  faciebat. 


dixit  ad  discipulos  suos  :  Ponite  vos  in  cordi- 
bus  vestris  sermones  istos  :  Filius  enim  homi- 
nis  fulurum  est  ut  iradatur  in  manus  homi- 
mim.  At  au  ignorabant  verbum  istud ,  et  erat 
velatum  ante  eos,  ut  non  sentirent  illud  ;  et 
timebant  eum  interogare  de  hoc  verbo. 

Cyril,  {ubi  supra.)  Omnia  quaecunque 
operabatur  Jésus ,  admiratione  digaa 
pênes  omnes  erant  :  irradiabat  enim 
quiddam  prœcipuum  et  divinum  in  qua- 
libet  operatione  ipsius  ;  secundum  illud 
[Psal.  20)  :  «  Gloriam  et  decorem  su- 
perpones  ei.  »  Etsi  omnes  quidem  mira- 
rentur  in  bis  quae  faoiebat,  ipse  tamen 
bsec  quse  sequuntur,  non  omnibus,  sed 
discipulis  retulit.  L'nde  dicitur  :  «  Om- 
nibusque mirantibus,  »  etc.  Ostenderat 
in  monte   discipulis   gloriam    suam,  et 


DE    SAINT   LUC.    CHAP.    IX. 


483 


puis  il  avait  délivré  un  possédé  du  malin  esprit,  mais  il  fallait  qu'il  se 
dévouât  pour  notre  salut  aux  souffrances  de  sa  passion.  Or,  les  disciples 
pouvaient  lui  dire  dans  le  trouble  où  les  jetait  cette  triste  prédiction  : 
Est-ce  que  nous  avons  été  trompés  en  croyant  que  vous  étiez  Dieu? 
C'est  donc  afin  de  leur  faire  connaître  ce  qui  devait  lui  arriver,  qu'il  leur 
commande  de  garder  comme  un  dépôt  dans  leur  âme  le  mystère  de 
sa  passion  :  «  Pour  vous,  mettez  bien  ceci  dans  votre  cœur.  »  Tl  dit  : 
«  Pour  vous,  »  afin  de  les  distinguer  des  autres,  car  pour  le  peuple  il  ne 
devait  pas  encore  connaître  qu'il  devait  souffrir,  mais  pour  éviter  tout 
scandale,  il  devait  plutôt  recevoir  l'assurance  que  le  Sauveur  ressusci- 
terait vainqueur  de  la  mort.  —  Tite  de  Bostr,  C'est  lorsque  tous 
sont  dans  l'admiration  à  la  vue  des  prodiges  qu'il  opère,  qu'il  leur 
prédit  lui-même  sa  passion,  car  ce  ne  sont  point  les  miracles  qui 
sauvent  les  hommes,  c'est  la  croix  qui  est  pour  eux  la  source  de  toutes 
les  grâces  :  «  Le  Fils  de  l'homme  doit  être  livré  entre  les  mains  des 
hommes.» — Orig.  {t?'aité  iv  sw  S.  Matth.)  Il  n'exprime  pas  ouverte- 
ment quel  est  celui  qui  le  livrera,  les  uns  disent  que  ce  doit  être  Judas, 
les  autres,  le  démon  ;  saint  Paul  affirme  au  contraire,  que  c'est  Dieu 
le  Père  qui  l'a  livré  à  la  mort  pour  nous  tous.  [Rom.,  vrii)  ;  c'est-à-dire 
que  Judas  l'a  livré  pour  une  somme  d'argent  dans  un  dessein  perfide, 
tandis  que  Dieu  le  Père  l'a  livré  pour  la  rédemption  des  hommes. 

Théophtl.  Cependant  le  Sauveur  ne  permit  point  que  ses  disciples 
comprissent  cette  prédiction  de  sa  croix ,  par  condescendance  pour 
leur  faiblesse,  et  parce  qu'il  les  conduisait  d'après  un  plan  arrêté  et 
en  suivant  une  marche  progressive  :  Aussi  l'Evangéliste  ajoute  : 
«  Mais  ils  n'entendaient  pas  cette  parole,  »  etc.  — Bède.  Cette  igno- 
rance des  disciples  avait  moins  pour  cause  la  pesanteur  de  leur  esprit, 


post  hoc  liberaverat  quenidaio  a  spiritu 
nequam;  sed  oportebal  euui  sustiaere 
passionom  pro  nobis  salutarein.  Poterant 
autem  discipuli  conturbari  dicentes  : 
«  Nunquid  decopti  sumus  dum  Deum 
esse  eum  arbitraremur?  »  Ut  ergo  sci- 
rent  quid  circa  ipsum  futuruia  erat,  ve- 
luL  quûddaiu  doposilnni  juhet  eos  in 
mente  babere  passionis  my.-terium  di- 
cens  :  «  Ponitc  vus  in  cordiljiis  vestris.  » 
Quod  dicit,  vos,  distiui?uit  eos  ab  aliis  : 
neque  enim  oportebat  vulf^^ares  scire 
quoniam  passurus  esset,  sed  crant  potius 
certificandi  quoniam  mortuus  resurgeret 
destruens  mortem,  ne  scandalizarentur. 
TiTCS  BosTRENS.  Cunctis  igitur  admi- 
rantibus  signa  ipse  praenunLiat  passio- 
nem  :  non  enim  signa  salvant,  sed  crux 


bénéficia  prœstal.  Unde  subdit  :  «  Filius 
enim  bominis  futurum  est  ut  tradatur 
in  manus  bominum.  »  Oriu.  {Tract.  4/ 
in  Matth.)  Non  autem  exprimit  mani- 
feste a  quo  tradendus  sit  :  aUquis  enim 
dicit  eum  tradendum  a  Juda,  aUquis  a 
diabolo;  Paulus  autem  dicit  {ad  Boni.,  8) 
quod  Deus  Pater  pro  nobis  omnibus  tra- 
didit  eum  :  sed  Judas  tanquam  pro  pe- 
cunia  tradens  eum  bostiliter  prodidit  ; 
sed  Pater  beneficii  causa. 

Theophylact.  Eorum  autem  infirmi- 
tati  Dominus  condescendens^  et  eos  dis- 
ciplina quadam  gubernans,  quod  de 
cruce  dictum  est^  intelligere  non  permi- 
sit.  Unde  sequitur  :  «  At  illi  ignora- 
bant,  »  etc.  Bed.  Ilœc  ignorantia  disci- 
piiinrum,  non  tam  de  tarditate  quam  de 


48-4 


EXPLICATION   DE    l'ÉVANGILE 


4ue  leur  amour  pour  Jésus-Christ.  Ils  étaient  encore  charnels ,  ils  ne 
connaissaient  pas  encore  le  mystère  de  la  croix ,  et  ils  ne  pouvaient 
s'imaginer  que  celui  qu'ils  regardaient  comme  vrai  Dieu  ,  devait  être 
soumis  à  la  mort.  Et  comme  le  Sauveur  leur  parlait  souvent  par 
figures,  ils  pensaient  qu'en  annonçant  qu'il  serait  livré ,  il  voulait 
exprimer  figurativement  quelqu'autre  vérité. —  S.Cyr.  On  demandera 
peut-être  comment  les  disciples  de  Jésus-Christ  pouvaient  ignorer  le 
mystère  de  la  croix,  puisque  la  loi,  qui  était  pleine  de  figures,  y  faisait 
allusion  en  plusieurs  endroits.  Nous  répondons  avec  saint  Paul,  que 
jusqu'à  ce  jour,  lorsque  les  Juifs  lisent  Moïse  ,  ils  ont  un  voile  sur  le 
cœur.  Ceux  qui  veulent  s'approcher  de  Jésus-Christ ,  doivent  donc  lui 
dire  :  «  Otez  le  voile  qui  est  sur  mes  yeux,  et  je  contemplerai  les  mer- 
veilles de  votre  loi.  »  —  Théophyl.  Remarquez  encore  la  réserve  res- 
pectueuse des  disciples  :  «  Et  ils  craignaient  même  de  l'interroger  sur 
ce  sujet,  »  car  la  crainte  est  un  degré  du  respect. 

f.  46-48.  —  Or,  une  pensée  leur  vint  à  l'esprit,  lequel  d'entre  eux  était  le  plus 
grand.  Mais  Jésus,  voyant  'les  pensées  de  leur  cœur,  prit  un  enfant,  le  plaça 
près  de  lui,  et  leur  dit  :  Quiconque  recevra  cet  enfant  en  mon  nom,  me  reçoit, 
et  quiconque  me  reçoit,  reçoit  celui  qui  m'a  envoyé.  Car  celui  qui  est  le  plus 
petit  entre  vous  tous,  celui-là  est  le  plus  grand.  Alors  Jean,  prenant  la  parole, 
lui  dit  :  Maître,  nous  avons  vu  un  homme  qui  chasse  les  démons  en  votre  nom, 
et  nous  l'en  avons  empêché,  parce  qu'il  ne  vous  suit  pas  avec  nous.  Jésus  lui 
dit  :  Ne  l'en  empêchez  point,  car  celui  qui  n'est  poitït  contre  vous,  est  pour 
vous. 

s.  Ctr.  Le  démon  tend  des  pièges  de  toute  sorte  à  ceux  qui  s'atta- 
chent à  vivre  saintement;  lorsqu'il  peut  séduire  une  âme  par  l'attrait 


amore  nascitur;  qui  carnales  adhuc  et 
mysterii  crucis  ignari ,  quem  Deum  ve- 
rum  crediderunt,  moriturum  credere 
nequiverunt.  Et  quia  per  figuras  eum 
ssepe  loquentem  audire  solebaot,  etiam 
quœ  de  sua  traditione  loquebatur,  figu- 
rative eum  aliud  significare  putabaut. 
Cyril,  {ut  snpra.)  Dicet  autem  aliquis 
forsau  :  «  Qualiter  ignoraveruut  disci- 
puli  crucis  Christi  niysterium,  eum  per 
umbram  legis  in  pluribus  locis  tangere- 
tur?  »  Sed  ut  Paulus  commémorât 
(II  Corinth.,  3),  u'sque  ad  hodiernum 
diem,  quando  legitur  Moyses,  velamen 
adjacet  cordi  eorum.  Expedit  ergo  acce- 
dentes  ad  Christum  dicere  :  «  Detege 
oculos  meos,  et  contemplabor  mirabilia 
de  lege  tua.  »  Theophylact.  Vide  etiam 
discipulorura  reverentiam  iu  hoc  quod 


sequitur  :  «  Et  timebanl  inlerrogare  eum 
de  hoc  verbo  :  »  nam  timor  gradus  est 
reverentiae. 

Iniroivit  autem  cogitatio  in  eos,  guis  eorum  ma- 
jor esset.  At  Jésus  videns  cogitaiiones  cor  dis 
illorum,  apprehendit  puerum,  et  statuit  illum 
secus  se,  et  ait  illis  :  Quicumque  susceperit 
puerum  istum  in  nomine  meo ,  me  recipit  ;  et 
quicumque  me  receperit ,  recipit  eum  gui  me 
misit.  Nam  qui  minor  est  inter  vos  omnes ,  hic 
major  est.  Bespnndens  autem  Joannes,  dixit  : 
Prœceptor,  vidimus  qv.emdam  in  nomine  tuo 
ejicientem  dœmonia,  et  prohibuimus  eum,  quia 
non  sequitur  nobiscum.  Et  ait  ad  illos  Jésus  : 
Nolite  prohibere  :  qui  enim  non  at  aduersum 
vos,  pro  vobis  est. 

Cyril,  {tu  Cat.  Grœcorutn  Patrum.) 
Insidiatur  diabolus  multimode  diligenti- 
bus   optimam   vitam;   et  siquidem    per 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.    IX.  485 

des  plaisirs  diarnels ,  il  excite  en  elle  l'amour  des  voluptés  ;  si  elle 
échappe  à  cette  tentation ,  il  cherche  à  la  rendre  esclave  d'une  autre 
passion^  de  l'amour  de  la  gloire,  et  c'est  ce  désir  de  la  vaine  gloire  qui 
s'empare  de  quelques-uns  des  Apôtres  :  «  Il  leur  vint  en  pensée  lequel 
d'entre  eux  était  le  plus  grand.  »  Or,  avoir  cette  pensée,  c'est  désirer 
être  plus  grand  que  les  autres.  Il  n'est  pas  vraisemblable  que  tous  les 
disciples  aient  succombé  à  ce  sentiment  de  vaine  gloire ,  et  c'est  pour 
ne  point  faire  tomber  sur  quelqu'un  d'entre  eux  cette  accusation,  que 
l'Evangéliste  s'exprime  d'une  manière  générale  :  «  Il  leur  vint  en 
pensée.  »  —  Théophyl.  Il  parait  que  cette  pensée  leur  vint  de  ce  qu'ils 
n'avaient  pu  guérir  cet  homme  qui  était  possédé  ;  dans  la  discussion 
qu'ils  eurent  à  ce  sujet,  l'un  disait  :  Ce  n'est  point  par  suite  de  mon 
impuissance  que  je  n'ai  pu  le  guérir^  c'est  le  fait  d'un  autre,  et  telle  fut 
la  cause  de  cette  dispute  sur  celui  d'entre  eux  qui  étaient  le  plus 
grand.  —  Bède.  On  peut  dire  encore  que  les  Apôtres  ayant  vu  le  Sau- 
veur faire  choix  de  Pierre,  Jacques  et  Jean,  pour  les  conduire  séparé- 
ment sur  la  montagne,  et  promettre  à  Pierre  les  clefs  du  royaume  des 
cieux,  se  persuadèrent  que  ces  trois  disciples  avaient  le  pas  sur  eux, 
ou  que  Pierre  était  mis  à  la  tète  de  tous  les  Apôtres.  Ou  bien  enfin,  ils 
crurent  que  Pierre  était  placé  au-dessus  d'eux ,  parce  que  le  Sauveur 
l'avait  comme  égalé  à  lui-même  dans  le  paiement  du  tribut.  Cepen- 
dant le  lecteur  attentif  trouvera  qu'ils  avaient  agité  entre  eux  cette 
question  avant  qu'il  fût  question  de  ce  tribut.  D'ailleurs  saint  Matthieu 
rapporte  cette  discussion  comme  ayant  eu  lieu  à  Capharnaiim  (xviii)  ; 
saint  Marc  fait  de  même  :  «  Et  ils  vinrent  à  Gapharnaûm,  et  lorsqu'ils 
furent  dans  la  maison,  il  leur  demanda  :  Que  discutiez-vous  en  che- 
min? Et  ils  se  taisaient,  parce  que  dans  le  chemin,  ils  avaient  disputé 


carnales  illecebras  obsidere  valeat  ali- 
CUJU3  mentem,  affectus  voluptatum  exa- 
cuit;  si  qui»  autem  hos  effuj^erit  laqueos, 
cupidinis  glorice  suscitât  passionem,  quée 
(juidem  passio  vanae  gloriae  invasil  quem- 
dam  apostolorum  ejus  :  unde  dicltur  : 
«  Intravit  autem  cogitatio  in  eos ,  quis 
eorum  esset  major  :  »  hoc  enim  cogitare 
est  cupientis  caeteris  superiorem  esse. 
luiprobabile  autem  puto  omnes  discipu- 
los  banc  aegritudinem  incurrisse;  et  ideo 
ne  crimen  aliquod  contra  aliquem  dis- 
cipulorum  Evangelista  macliinari  vide- 
retur,  expriniit  indeterminate  dicens 
quod  «  intravit  in  eos  cogitatio.  »  Thf.o - 
PUYLACT.  Videtur  autem  hanc  passionem 
ex  hoc  ortam  fuisse,  quod  daemoniacum 
curare  non  valuerunt  :  eis  de  hoc  alter- 
cantibus,  une  dicente  quod  non  propter 


meam  impotentiam,  sed  alterius  curari 
non  valuit  ;  ut  ex  hoc  accensa  contentio 
fuerit,  quis  eorum  major  esset.  Beda. 
Vel  quia  viderunt  Petrum,  Jacobum  et 
Joannem,  seorsum  ductos  in  montem , 
et  Petro  claves  regni  cœlorum  promissas 
fuisse  :  rali  sunt  vel  ipsos  très  caeteris, 
vel  Petrum  omnibus  esse  prœlatum;  vel 
quia  in  tributi  solutione  Petrum  ipsi  Do- 
mino parificatura  viderant,  ipsum  caete- 
ris arbitrabantur  prœferendum.  Sed  di- 
ligens  lector  hanc  intcr  eos  quaestionem 
etiara  ante  didrachma  redditum  inveniet 
fuisse  versatam,  Denique  Matthaeus  hoc 
in  Capharnaum  momoral  esse  gestum. 
cap.  18.)  Dicit  autem  Marcus  (cap.  9)  : 
«  Et  venerunt  Capharnaum,  qui  cum  in 
domo  essent,  interrogabat  eos  :  Quid  in 
via  traclabalis?  At  illi  tacebant  :  siqui- 


486 


EXPLICATION    r>E   L  ÉVAiNGILK 


ensemble  qui  d'entre  eux  était  le  plus  grand.  »  —  S.  Cyr.  Le  Sei- 
gneur, qui  sait  prendre  les  moyens  les  plus  convenables  pour  nous 
sauver,  voit  naître  dans  l'esprit  des  disciples  cette  pensée  d'orgueil 
comme  une  racine  d'amertume  (1),  il  l'extirpe  donc  entièrement  avant 
qu'elle  se  soit  développée  ;  car  rien  de  plus  facile  que  de  triompher  de 
nos  passions  lorsqu'elles  ne  font  que  de  naître ,  mais  lorsqu'elles  ont 
pris  de  l'accroissement,  il  est  on  ne  peut  plus  difficile  de  les  détruire  : 
«  Mais  Jésus,  voyant  les  pensées  de  leur  cœur,  »  etc.  —  Que  celui  qui 
ne  veut  voir  en  Jésus-Christ  qu'un  homme,  reconnaisse  ici  son  erreur  : 
le  Verbe  s'est  fait  chair,  il  est  vrai ,  mais  il  n'a  pas  cessé  d'être  Dieu  ; 
car  à  Dieu  seul,  il  appartient  de  sonder  les  cœurs  et  les  reins,  tl  prend 
un  enfant  et  le  place  près  de  lui ,  pour  l'instruction  des  Apôtres  et 
pour  la  nôtre  ;  car  la  maladie  de  la  vaine  gloire  s'attaque  principa- 
lement à  ceux  qui  ont  quelque  supériorité  sur  les  autres  hommes.  Un 
enfant,  au  contraire,  a  l'âme  candide ,  le  cœur  pur,  une  grande  sim- 
plicité dans  ses  pensées  ;  .il  n'ambitionne  pas  les  honneurs ,  il  ne  re- 
cherche aucune  distinction,  il  ne  craint  point  de  paraître  inférieur 
aux  autres ,  son  esprit ,  comme  son  cœur  sont  exempts  de  toute  ri- 
goureuse exigence.  Tels  sont  ceux  que  le  Seigneur  affectionne  et  chérit 
tendrement,  qu'il  daigne  placer  près  de  lui,  parce  qu'ils  ont  les  incli- 
nations et  les  goûts  de  son  propre  cœur.  C'est  lui  qui  nous  dit  en 
effet  :  «  Apprenez  de  moi  que  je  suis  doux  et  humble  de  cœur.  »  Et 
ici  :  «  Quiconque  recevra  cet  enfant  en  mon  nom  ,  me  reçoit.  »  Voici 
le  sens  de  ces  paroles  :  Puisqu'il  n'y  a  qu'une  seule  et  même  récom- 
pense pour  ceux  qui  honorent  les  saints ,  qu'ils  soient  petits  aux  yeux 

(1)  Allusion  à  la  recommandation  que  l'Apôtre  fait  aux  Hébreux  (chap.  xii,  vers,  b)  :  n  Prenez 
garde  que  quelqu'un  ne  manque  à  la  grâce  de  Dieu,  que  quelque  racine  d'amertume  poussant  en 
haut  ses  rejetons,  ne  nuise  à  la  semence,  et  ne  souille  l'âme  de  plusieurs.  » 


dem  iuter  se  iu  via  disputaveraut  qiiis 
illorum  esset  major.  »  Cyril,  {nbi  svp.) 
Dominus  autem  qui  aovit  salvos  facere , 
videns  in  mente  discipulorum  super  lioc 
cogitationem  esortam,  velut  quamdam 
amaritudiuis  radicem.  priusquam  aim- 
mentum  siisciperet,  radieitus  eam  evel- 
lit  :  cum  enim  iuclioant  passiones  in 
nobis,  facile  devincuntur,  sed  auctae, 
difficile  sunt  mobiles.  Uude  sequitur  : 
«  At  Jésus  videns  cogitaliones  illo- 
rum, »  etc.  Discat  qui  uudum  homiuem 
putat  esse  Jesum,  se  erj'asse  :  quamvis 
enim  Verbum  caro  factum  sit,  mansit 
tamen  Deus  :  nam  solius  Dei  est  posse 
rimari  corda  et  reues.  Quod  autem  pue- 
rura  assumpsit,  et  ponebat  pênes  se,  age- 
batur    causa    utilitatis    aposlolorum    et 


nostrœ.  Depascitur  enim  inauis  gloriae 
morbus  ut  plurimum  eos  qui  prœemi- 
uent  in  homiuibus  aliis.  Puer  autem  sin- 
ceram  gerit  mentem,  immaculatum  cor, 
et  manet  iu  simplicitate  cogitationum  ; 
non  ambit  honores,  nec  no  vit  cujusvis 
preerogativce  modum,  nec  refugit  videri 
in  minus  se  habere,  non  multam  gerit 
severitatem  iu  mente  et  corde.  Taies  au- 
tem Dominus  amplexatur  et  diligit,  e\ 
prope  se  dignatur  habere,  quasi  qui  ele- 
gerunt  quse  sua  sunt  sapere.  Ait  enim 
[Matth.,  11)  :  «  Discite  a  me  quia  mitis 
sum  et  humilis  corde.  »  Unde  sequitur  : 
«  Et  ait  illis  :  Quicuuque  susceperit  pue- 
rum  istum  in  nomine  meo,  me  recipit.» 
Onasl  diceret  :  Quando  una  et  eadem 
est  nierces  houorantibus  sanctos,  sive 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    IX.  487 

des  hommes,  ou  qu'ils  soient  environnés  d'honneur  et  de  gloire,  parce 
que  c'est  Jésus-Christ  qu'on  reçoit  dans  leur  personne  ,  quelle  vanité 
de  se  disputer  la  prééminence  !  —  Bède.  Le  Sauveur  veut  ici  ap- 
prendre à  ceux  qui  veulent  être  les  premiers  à  recevoir  en  son  nom 
et  par  honneur  pour  lui  les  pauvres  de  Jésus-Christ ,  ou  à  imiter  l'in- 
nocence des  petits  enfants  (1).  Aussi ,  après  avoir  dit  :  «  Quiconque 
recevra  cet  enfant,  »  il  ajoute  :  a  En  mon  nom,  »  pour  engager  ses  dis- 
ciples à  suivre,  par  raison  et  au  nom  de  Jésus-Christ,  ces  exemples  de 
vertu  qu'un  enfant  pratique  et  donne  naturellement.  Mais  comme  c'est 
lui  qu'on  doit  recevoir  en  recevant  un  enfant,  et  que  lui-même  a 
daigné  se  faire  enfant  pour  nous,  on  aurait  pu  croire  qu'il  n'était  que 
ce  qu'il  paraissait  extérieurement,  aussi  ajoute-t-il  :  «Et  quiconque  me 
recevra,  reçoit  celui  qui  m'a  envoyé.  »  Ainsi  il  veut  qu'on  le  croie  tout  à 
fait  semblable  et  aussi  grand  qu'est  son  Père.  —  S.  AMBR.EuefiFet,celui 
qui  reçoit  un  imitateur  du  Christ ,  reçoit  le  Christ  lui-même  ;  et  celui 
qui  reçoit  l'image  de  la  substance  de  Dieu,  reçoit  aussi  Dieu  lui-même. 
Mais  comme  nous  ne  pouvions  voir  l'image  de  Dieu  ,  Dieu  nous  l'a 
rendue  sensible  et  présente  par  l'incarnation  du  Verbe,  pour  nous  ré- 
concilier avec  la  divinité  qui  est  au-dessus  de  nous. 

S.  Cyr.  Le  Sauveur  explique  encore  plus  à  fond  le  sens  des  paroles 
qui  précèdent  :  «  Car  celui  qui  est  le  plus  petit  parmi  von»  tous,  est  le 
plus  grand,  »  paroles  qui  conviennent  à  l'àme  qui  est  humble ,  qui, 
par  un  profond  sentiment  de  modestie ,  n'ose  avoir  aucune  grande 
pensée  d'elle-même.  —  Théophyl.  Notre- Seigneur  venait  de  dire  : 
«  Celui  qui  est  le  plus  petit  parmi  vous ,  est  le  plus  grand ,  »  Jean 
craignit  donc  qu'ils  ne  se  fusssent  rendus  coupables  en  faisant  en  leur 

(1)  C'est  ainsi  qae  l'Apôtre  s'adressant  anx  Corinthiens,  leur  dit  :  «  Ne  soyez  point  sans  prudence 
et  sans  discernement,  comme  les  enfants,  mais  soyez  comme  eux  sans  malice.  »  (I  Cor.,  xiv,  20.) 


forsan  minimus  sit,  sive  praeclarus  ho- 
nore et  gloria,  quia  in  eo  Christus  sus- 
cipltur,  quomodo  non  vanum  est  petere 
invicem  fungi  prserogativa?  Bed.  In  hoc 
autem  vel  simphciter  pauperes  Christi 
ab  his  qui  vehnt  esse  majores  pro  ejus 
docet  honore  suscipieudos,  vel  maUtia 
parvulos  istos  esse  suadet.  Unde  cum 
diceret  :  «  Quicunque  gusceperit  puerum 
istum,  »  addit,  «  in  nomine  meo,  »  ut 
scilicet  formam  virtutis  quam  natura 
duce  puer  observât,  ipsi  pro  nomine 
Christi  rationis  iudustria  sequautur.  Sed 
quia  et  se  in  puero  suscipi  docet,  et  ipse 
puer  natus  est  nobis,  ne  putaretur  hoc 
esse  solum  quod  videbatur,  subjunxit  : 
«  Et  quicunque  me  receperit,  recipit 
illum  qui  me  misit  :  n  talem  se  utique 


ac  tantum  credi  volens,  qualis  et  quan- 
tu3  est  Pater.  Ambr.  Qui  euim  imitato- 
rem  Christi  recipit,  Christum  recipit;  et 
qui  imaginem  Dei  recipit,  Deum  recipit. 
Sed  quia  imaginem  Dei  non  poteramus 
videre,  facta  est  nobis  per  incarnatio- 
nem  Verbi  prœsens,  ut  reconciliaretur 
nobis  quae  supra  nos  est  Divinitas. 

Cyril,  [ubi  sup.)  Adhuc  autem  magis 
insinuât  prœmissi  verbi  intentiouem,  di- 
cens  :  «  Nam  qui  minor  est  inter  vos 
omnes,  hic  major  est  :  »  quod  de  mo- 
desto  dicit,  qui  nihil  de  se  sublime  putat 
propter  honestatem.  Toeophylact.  Quia 
ergo  Dominus  dixerat  :  «  Qui  minor  est 
inter  vos  omnes,  hic  major  est,  »  timuit 
Joannes  nf^  forte  malum  aliquod  fece- 
rint,  propria  potestate  queuidam  homi? 


488  EXPLICATION   DE    l/ÉVANGILE 

nom  une  défense  formelle  à  un  homme  qui  chassait  les  démons  ;  car 
faire  défense  n'est  pas  un  acte  d'infériorité ,  mais  le  signe  d'une  auto- 
rité supérieure  :  «  Jean,  prenant  la  parole,  lui  dit  :  Maître^  nousavons 
vu  un  homme  qui  chasse  les  démons  en  notre  nom,  et  nous  l'en  avons 
empêché.  »  Ce  n'était  point  par  un  sentiment  d'envie ,  mais  parce 
qu'ils  voulaient  s'assurer  de  la  nature  et  de  l'authenticité  de  ces  mi- 
racles. En  effet,  cet  homme  n'avait  pas  été  revêtu ,  comme  eux ,  du 
pouvoir  d'opérer  des  prodiges  ;  il  n'avait  pas  reçu ,  comme  eux ,  la 
mission  divine,  il  ne  marchait  pas  continuellement  à  la  suite  de  Jésus- 
Christ,  comme  Jean  l'affirme  :  «  Il  ne  vous  suit  pas  avec  nous.  »  — 
S.  Ambr.  Jean,  le  plus  aimant  des  disciples,  et  pour  cela  le  plus  aimé, 
croit  qu'on  doit  refuser  ce  pouvoir  tout  divin  à  celui  qui  n'est  point  le 
disciple  fidèle  de  Jésus.  —  S.  Gyr.  Il  eût  été  plus  raisonnable  de 
penser  que  cet  homme  n'était  pas  l'auteur  des  miracles  qu'on  lui 
voyait  opérer,  mais  la  grâce  divine  qui  agit  dans  celui  qui  fait  des 
miracles  au  nom  et  par  la  puissance  du  Christ.  Qu'importe  que  ceux 
qui  ont  reçu  cette  grâce  de  Jésus-Christ,  ne  sont  point  comptés  parmi 
les  Apôtres?  Les  dons  du  Christ  sont  très-différents  ,  mais  comme  le 
Sauveur  avait  spécialement  donné  aux  Apôtres  le  pouvoir  de  chasser 
les  esprits  immondes  {Matth.^  x),  ils  s'imaginèrent  que  c'était  un  pri- 
vilège qui  leur  était  exclusivement  personnel,  et  c'est  pour  cela  qu'ils 
s'approchent  de  Notre -Seigneur  pour  lui  demander  si  d'autres  par- 
tageaient ce  pouvoir  avec  eux. 

S.  Ambr.  Le  Sauveur  ne  fait  aucun  reproche  à  Jean ,  parce  qu'il 
agissait  sous  l'inspiration  de  son  amour ,  mais  il  lui  apprend  à  con- 
naître la  dififércnce  qui  sépare  les  chrétiens  faibles  de  ceux  qui  sont 
morts.  Le  Seigneur  récompense  ceux  qui  sont  forts ,  mais  il  n'exclut 


nem  proliibentes  :  nam  prohibitio  non 
minorem  osleudit  prohibentem,  sed  ma- 
jus  aliquid  sapientem.  Unde  snbditur  : 
«  Respondens  autem  Joannes  dixit  : 
Prœceptor,  vidimus  quemdam  in  Do- 
mine tuo  ejicientem  dœmonia,  et  prohi- 
buimus  eum;  »  non  quidem  invidentes, 
sed  operationem  miraculorum  dijudi- 
cantes;  non  enim  cum  eis  miraculorum 
potestatem  acceperat;  neque  eum  Do- 
minus  miserat  sicuL  illos;  neque  Jesum 
in  omnibus  sequebatur  :  unde  subdit  : 
«Quia  non  sequitur  nobiscum.  »  Ambr. 
Joannes  enim  plurimum  diligeus,  et  ideo 
redamatus  plurimum,  excludeudum  pu- 
tat  beneficio  eum  qui  non  utatur  obse- 
quio.  Cyril,  [ubi  supra.)  Sed  oportebat 
rnapis  pensare  non  bunc  ipsum  esse  mi- 


raculorum auctorem,  sed  gratiam  quae 
est  in  eo  qui  in  virtute  Cbristi  miracula 
perflcit.  Quid  autem  si  non  connume- 
rentur  apostolis,  qui  Christi  gratia  coro- 
nantur?  Multse  sunt  differenlise  Christi 
donorum;  sed  quia  tradiderat  Salvator 
potestatem  apostolis  ut  spiritus  immun- 
dos  ejicerent  {3I(itiJi.,  10),  putaverunt 
uulli  aliorum  quam  sibi  solis  licere  con- 
cessam  gerere  dignitatem  ;  et  ideo  acce- 
dunt  sciscitantes  si  liceat  et  aliis  hoc 
agere. 

Ambros.  Non  reprehenditur  autem 
Joannes,  quia  amore  faciebat;  sed  doce- 
tur  ut  noverit  infirmorum  esse  firmo- 
rumque  distantiam.  Et  ideo  Dominus 
etsl  fortiores  rémunérât,  tamen  non  ex- 
cludit  infirmos.  Unde  sequitur  ;  «  Et  ait 


DE  SAINT   LUC,   CHAP.    IX.  489 

pas  pour  cela  ceux  qui  sont  plus  faibles  :  «  Et  Jésus  lui  dit  :  No  l'en  empê- 
chez point,  car  celui  qui  n'est  point  contre  vous,  est  pour  vous.  »  Oui,  Sei- 
gneur, vous  dites  vrai,  car  Joseph  et  Nicodème  étaient  vos  disciples  ca- 
chés par  crainte,  et  cependant  ils  ne  vous  refusèrent  pas  en  son  temps 
le  témoignage  de  leur  fidélité  et  de  leur  amour.  Et  toutefois ,  comme 
vous  avez  dit  vous-même  ailleurs  :  «  Celui  qui  n'est  pas  avec  moi, 
est  contre  moi  ;  et  celui  qui  ne  recueille  pas  avec  moi  ,  dissipe  » 
{Luc,  XI,  23);  daignez  faire  disparaître  cette  apparente  contradiction. 
Quant  à  moi,  je  pense  que  celui  qui  considérera  attentivement  le  divin 
scrutateur  des  cœurs,  sera  convaincu  qu'il  discerne  les  actions  des 
hommes  par  l'intention  qui  les  produit.  —  S.  Ghrys.  {hom.  42  sur 
S.  Matth.)  En  etfet,  lorsqu'il  dit  :  «  Celui  qui  n'est  pas  avec  moi  est 
contre  moi,  »  il  veut  faire  connaître  à  ses  disciples  que  le  démon  et 
les  Juifs  sont  contre  lui  ;  mais  ici ,  il  veut  leur  apprendre  que  cet 
homme,  qui  chassait  les  démons  au  nom  de  Jésus- Christ ,  était  en 
partie  de  leur  côté.  —  S.  Cyr.  Comme  s'il  disait  :  A  cause  de  vous 
qui  aimez  le  Christ,  il  en  est  qui  cherchent  tout  ce  ^.'  a  rapport  à  sa 
gloire,  et  qui  ont  reçu  le  même  grâce. 

TflÉorHYL.  Qu'elle  est  admirable  la  [juissance  de  Jésus-Christ,  et 
comme  sa  grâce  opère  par  des  hommes  indignes  qui  ne  sont  pas  ses 
disciples  !  C'est  ainsi  que  les  prêtres  produisent  la  sanctification  dans 
les  âmes ,  bien  qu'ils  n'aient  pas  eux-mêmes  la  grâce  de  la  sain- 
teté. 

S.  Ambr.  Mais  pourquoi  ne  veut-il  pas  qu'on  empêche  ceux  qui,  par 
l'imposition  des  mains,  ont  le  pouvoir  de  commander  aux  esprits  im- 
mondes au  nom  de  Jésus,  tandis  que  dans  l'Evangile  de  saint  Matthieu, 
il  leur  dit  :  «  Je  ne^vous  connais  point?  »  Il  n'y  a  ici  aucune  contra- 
diction, nous  devons  seulement  conclure  de  ces  dernières  paroles,  que 


ad  illura  Jésus  :  Noli  prohibcre  :  qui 
enim  uon  est  adversus  vos,  pro  vobis 
est.  »  Bene,  Domine  :  nara  et  Joseph  et 
Nicodemus  occulli  discipuli  propter  lue- 
tum ,  in  tempore  tamen  suuui  litji  offi- 
cium  non  negaveruut  :  sed  taiiicu  quia 
alibi  dixisti  {Luc,  il,  vers.  23)  :  «  Qui 
non  est  mecuin,  adversum  me  est;  et 
qui  mecum  non  colligit,  dispergit^  » 
aperi  nobis,  ne  videalur  esse  contra- 
rium  :  cl  puto  quia  si  ((iiià  uientium  con- 
sideret  scrutatoreni,  non  debeat  dubitai-L' 
uniuscujusqne  fa('tuui  mente  discerni. 
Chrys.  [hom.  42,  in  Matlh.)  lilir  enim 
cum  dixit  :  «  Qui  non  est  mecum  ad- 
versum me  est,  »  ostendit  diabolum  et 
Judeeos  sibi  esse  contraries  :  hic  autem 


ostendit  eum  qui  in  uomine  Christi  dpe- 
mones  ejiciebal,  in  parte  cum  eis  exis- 
tere.  Cyril,  [ubi  supra.)  Quasi  diceret  : 
Fro  vobis  qui  Gbristum  diligitis,  sunt 
qui  prosequi  volunl  quae  ad  ipsius  glo- 
riam  spectant,  ejusdem  gratia  corooati. 

Theophylact.  Mirare  autem  Christi 
virtutem,  quaUter  per  indignos,  et  non 
discipulos,  ejus  gratia  operatur  :  sicut  et 
per  sacerdotes  sanctiiîcantur  homiues, 
quamvis  sacerdotes  sancti  uon  fuerint. 

Ambr.  Cur  autem  hic  eos  qui  possuut 
per  maniis  impositionem  imnmndis  im- 
perare  spiritibus  in  nomim.'  Jesu,  negat 
esse  prohibcndos ,  cum  secundum  Mat- 
thseum  dicat  bis  :  «  Non  novi  vos"?  » 
Sed  advertere  deberaus  uon  esse  senteu-. 


490 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


le  Sauveur  ne  demande  pas  seulement  aux  clercs  les  œuvres  de  leur 
ministère  ,  mais  des  œuvres  de  vertu  ;  et  que  le  nom  de  Jésus-Christ 
renferme  une  si  grande  puissance ,  qu'il  la  communique  à  ceux 
mêmes  qui  sont  loin  d'être  saints ,  pour  le  bien  de  leurs  frères,  mais 
non  pour  leur  propre  sanctification.  Que  personne  donc  ne  s'attribue 
le  mérite  de  la  guérison  spirituelle  d'un  homme ,  que  la  puissance 
du  nom  éternel  de  Dieu  a  délivré  de  ses  crimes  ;  ce  n'est  point  votre 
mérite,  mais  la  haine  que  Dieu  porte  au  démon ,  qui  est  la  cause  de 
sa  défaite.  —  Bède.  Lorsque  donc  nous  rencontrons  des  hérétiques  et 
des  mauvais  catholiques,  ce  que  nous  devons  détester  et  combattre  eu 
eux,  ce  ne  sont  pas  les  pratiques  qui  nous  sont  communes  avec  eux, 
et  qui  sont  comme  un  lien  d'unité  qui  les  rattache  encore  à  nous,  mais 
la  division  contraire  à  la  paix  et  à  la  vérité,  qui  les  rend  nos  ennemis. 

f.  51-56.  —  Les  jours  où  il  devait  être  enlevé  de  ce  monde  étant  près  de 
s'accomplir,  il  se  résolut  d'aller  à  Jérusalem.  Et  il  envoya  devant  lui  quelques- 
uns  de  ses  disciples  pour  annoncer  sa  venue.  Ils  partirent,  et  entrèrent  dans 
une  ville  des  Samaritains  pour  lui  préparer  un  logement;  mais  les  habitants 
refusèrent  de  le  recevoir,  parce  qu'il  se  dirigeait  vers  Jérusalem.  Ce  que  voyant 
ses  disciples  Jacques  et  Jean,  ils  dirent  :  Seigneur,  voulez-vous  que  nous 
commandions  que  le  feu  descende  du  ciel  et  les  consume?  Jésus  se  tournant 
vers  eux  les  reprit,  en  disant  :  Vous  ne  savez  pas  de  quel  esprit  vous  êtes.  Le 
Fils  de  l'homme  n'est  pas  venu  pour  perdre  les  âmes,  mais  pour  les  sauver. 
Et  ils  s'en  allèrent  dans  une  autre  bourgade. 

S.  Cyr.  Comme  le  temps  approchait  où  le  Seigneur  devait,  après  les 
souffrances  de  sa  passion^  remonter  au  ciel,  il  résolut  de  se  rendre  à 
Jérusalem  :  «  Les  jours  où  il  devait  être  enlevé  de  ce  monde  étant 
près  de  s'accomplir,  »  etc.  —  Tite  de  Bostr.  Il  fallait,  en  effet,  que  le 


tiarum  discordiam,  sed  illiid  censeri, 
quod  non  solum  officii  in  clerico,  sed 
etiam  virtutis  opéra  requirautur,  tau- 
tumque  esse  Chrisli  nomeu,  ut  eliam 
pariim  sanctis  opituletur  ad  praesidium, 
etsi  non  ad  gratiam  :  unde  ueiuo  purgati 
hominis  sibi  gratiam  veudicet  in  quo 
aelerni  nomiuis  virlus  operata  sit  :  non 
enim  merito  tuo  diaboUis,  sed  odio  suo 
vincitur.  Beda.  Itaque  in  hsereticis  et 
malis  catholicis  non  sacramenta  commu- 
nia in  quibus  nobiscum  sunt,  et  adver- 
sus  nos  non  sunt,  sed  divisionem  paci 
veritatique  contrariam,  qua  adversum 
nos  suot,  et  Dominum  non  sequuutur, 
nobis  convenit  detestari  et  probibere. 

Factum  est  autem  dum  complerentur  dieu  as- 


sumpiionis  ejus,  et  ipse  faciern  suam  firmavit 
ut  iret  in  Hierusalem.  Et  misit  nuntios  ante 
conspectum  suum,  et  euntes  intraverunt  in  ci- 
vitatem  S amaritanorum  ut  pararent  illi.  Et 
non  receperunt  eum,  quia  faciès  ejus  erat  eun- 
tis  in  Hierusalem.  Cum  vidissent  autem  disci- 
puli  ejus  Jacobus  et  Joannes ,  dixcrunt  :  Do- 
mine, vis  dicamus'  ut  ignis  descendat  de  cœlo 
et  consumât  illos  ?  Et  conversus  increpavit 
illos  dicens  :  Nescitis  cujus  spiritus  estis  ;  Fi- 
lius  hominis  non  venit  animas  perdere,  sed 
salvare.  Et  abierunt  in  aliud  casteUum. 

Cyril,  {in  Cat.  Grœcorum  Patrum.) 
Cum  imminerel  lempus  quo  decebat  Do- 
minum peracla  passione  salubri  cœliim 
asceudere,  decrevit  ascendere  Hieroso- 
lymam  :  unde  dicitur  :  «  Factum  est  au- 
tem, »  etc.  Titus  BostreiXS.  Quia  ilîi 
oportebat  verum  A^num  olTerri ,  ubi  fi- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    IX. 


*9i 


véritable  agneau  fût  oflfërt  là  où  l'agneau  figuratif  était  immolé. 
L'Evangéliste  dit  qu'il  «  affermit  son  visage,  «c'est-à-dire  qu'il  n'allait 
point  de  côté  et  d'autre,  qu'il  ne  parcourait  point  les  bourgs  et  les 
villages,  mais  qu'il  se  rendait  directement  à  Jérusalem.  —  Bède.  Que 
les  païens  cessent  donc  d'insulter,  comme  un  homme ,  ce  crucifié  qui 
a  prévu,  certainement  comme  Dieu,  le  temps  de  son  crucifiement,  et 
qui,  consentant  à  cette  mort  ignominieuse,  a  marché  avec  une  conte- 
nance ferme,  c'est-à-dire  avec  une  àme  résolue  et  intrépide. 

S.  Cyr.  Il  envoie  devant  lui  des  messagers ,  pour  lui  préparer  un 
logement  et  à  ceux  de  sa  suite,  mais,  lorsqu'ils  arrivèrent  dans  le  pays 
de  Samarie,  ils  ne  furent  point  reçus  :  «  Et  il  envoya  devant  lui 
quelques-uns  de  ses  disciples ,  et  ils  partirent  et  entrèrent  dans  un 
bourg  de  Samarie  pour  lui  préparer  un  logement;  mais  les  habitants 
refusèrent  de  le  recevoir.  »  —  S.  Ambr.  Remarquez  que  le  Sauveur  ne 
voulut  point  être  reçu  par  ceux  qu'il  savait  n'être  point  sincèrement 
convertis;  s'il  l'eût  voulu,  il  eût  changé  leurs  mauvaises  dispositions, 
et  leur  eût  inspiré  un  véritable  dévouement  pour  sa  personne  ;  mais 
Dieu  appelle  qui  il  veut ,  et  donne  aussi  suivant  sa  volonté  la  grâce 
de  la  foi  et  de  la  piété.  Or^  l'Evangéîiste  nous  fait  connaître  la  raison 
pour  laquelle  ils  refusèrent  de  le  recevoir  :  «  Parce  qu'il  se  dirigeait 
vers  Jérusalem.  »  —  Théophyl.  Mais  s'ils  refusèrent  de  le  recevoir, 
parce  que  son  intention  était  de  se  rendre  à  Jérusalem,  né  sont-ils  pas 
excusables  ?  Nous  répondons  qu'il  faut  entendre  ces  paroles  de  l'Evau- 
géliste  :  «  Et  ils  ne  le  reçurent  pas,  »  dans  ce  sens  qu'il  ne  vint  même 
pas  dans  le  pays  de  Samarie ,  »  et  qu'à  cette  question  :  Pourquoi  ne 
l'ont-ils  pas  reçu?  l'auteur  sacré  répond,  que  ce  n'est  point  par  im- 
puissance de  sa  part,  mais  parce  qu'au  lieu  de  se  rendre  dans  le 


guralis  agnus  immolabatur.  Dicit  auteni  : 
«  Firmavit  faciem  suaiu,  »  id  est,  non 
hue  et  illuc  ibat,  uec  perambulabat  vicos 
et  municipia ,  sed  iter  tenebat  versus 
Hierusalem.  Bed.  Cessent  ergo  pagani 
quasi  liominem  ridere  crucifixum,  quem 
et  tempus  suœ  crucifixionis  constat  (quasi 
Deum)  prtevidisse,  et  (quasi  sponte  cru- 
cifigendum)  locum  quo  crucifigendus 
erat  firmata  facie  (id  est,  obslinata  at- 
que  imperterrila  mente)  petiïse. 

Cyril,  [ubi  supra.)  Jlisit  autera  uiin- 
tios  paraturos  ei  et  comitibus  ejus  hos- 
pitiuni;  qui  cura  ivissent  ad  lerram  Sa- 
maritanorum,  non  fueruntaduaissi:  unde 
sequitur  :  «  El  misit  uuntios  ante  con- 
spectum  suuni,  et  euntes  intraverunt  in 
civitatein  Samaritanorum  ut  pararent 
illi,  et  non  receperuat  illum.  »  Ambr. 


Disce,  quia  recipi  noluit  ab  bis  quos  scie- 
bat  non  simplici  mente  conversos  :  nam 
si  voluisset,  ex  indevotis  devotos  fecis- 
set;  sed  Deus  quos  dignatur  vocat,  et 
quem  vult  religiosum  facit.  Cur  autem 
non  receperuut,  Evangelista  memorat 
dicens  :  «  Quia  faciès  ejus  erat  euntis  in 
Hierusalem.  »  Theopuvl.  Sed  si  intelli- 
gamus  quod  propter  hoc  illum  non  rece- 
peruut, quia  ire  in  Hierusalem  determi- 
uaverat,  inveniuntur  bi  oxcusati  qui  non 
receperunt  eum.  Sed  dicendum  est  quod 
in  boc  quod  dicit  Evangelista  :  «  El  non 
receperunt  illum,  »  intelligitur  illud  quod 
neque  in  Samariam  venil;  deinde  quasi 
aliquo  interroganlc,  quare  non  recepe- 
runt ipsum,  neque  eos  adivit,  solvens 
boc,  dicit  non  quia  impoteus  esset,  sed 
quod  illuc  ire  uolebat,  sed  magis  Hiero- 


492  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

pays  de  Samaiic ,  il  aima  mieux  aller  à  Jérusalem.  —  Bède.  On  peut 
dire  aussi  que  les  Samaritains  ne  voulurent  point  le  recevoir ,  par 
ce  qu'ils  le  voyaient  se  diriger  vers  Jérusalem,  car  selon  la  remarque 
de  saint  Jean,  les  Juifs  ne  communiquent  pas  avec  les  Samaritains, 
(chap.  IV.) 

S.  Ctr.  Le  Sauveur,  qui  connaissait  toutes  choses  avant  leur  accom- 
plissement, savait  bien  que  ceux  qu'il  envoyait,  ne  seraient  pas  reçus 
par  les  Samaritains  ;  il  leur  commande  cependant  d'aller  annoncer 
sa  venue,  parce  qu'il  agissait  toujours  dans  l'intérêt  de  ses  disciples. 
Il  se  rendait  à  Jérusalem  aux  approches  de  sa  passion,  c'est  donc  pour 
leur  épargner  le  scandale  de  ses  souffrances,  et  leur  apprendre  à  sup- 
porter patiemment  les  outrages,  qu'il  permit  ce  refus  des  Samaritains, 
comme  une  espèce  de  prélude  de  ce  qu'il  devait  souffrir.  Il  leur 
donnait  encore  une  autre  leçon ,  ils  étaient  destinés  à  être  un  jour  les 
docteurs  de  tout  l'univers,  et  devaient  parcourir  les  villes  et  les  bour- 
gades pour  y  prêcher  l'Evangile  ,  et  ils  devaient  nécessairement  ren- 
contrer des  hommes  qui  refuseraient  de  recevoir  cette  sainte  doctrine, 
et  ne  permettraient  pas  à  Jésus  de  demeurer  au  milieu  d'eux.  Il  leur 
apprend  donc,  qu'eu  annonçant  cette  divine  doctrine,  ils  doivent  se 
montrer  pleins  de  patience  et  de  douceur,  fuir  tout  sentiment  de  haine 
et  de  colère,  et  ne  jamais  chercher  à  sévir  contre  ceux  qui  les  outra- 
geraient. Mais  telles  n'étaient  point  leurs  dispositions;  cédant  aux 
mouvements  d'un  zèle  trop  ardent ,  ils  voulaient  faire  tomber  sur  les 
Samaritains  le  feu  du  ciel  :  «  Ce  qu'ayant  vu  ses  disciples ,  ils  lui 
dirent  :  Seigneur,  voulez-vous  que  nous  commandions  que  le  feu  du 
ciel  descende,  »  etc.  —  S.  Ambr.  Ils  se  rappelaient  que  le  zèle  de 
Phinées,  qui  avait  mis  à  mort  des  sacrilèges  {Nomb.^  xxv) ,  lui  avait 


solymam.  Beda.  Vel  iu  Hierusalem  ire 
conspiciunt,  et  Samaritani  Dominum 
non  recipiunt  :  non  euim  coutuntur  Ju- 
dœi  Samaritanis,  ut  Joannes  ostendit. 
(cap.  4.) 

Cyril,  {ubi  sup.)  Sed  cum  Domiuiis 
qui  antequam  fièrent  omnia  noverat, 
sciret  quod  ejus  nuntii  non  essent  a 
Samaritanis  recipiendl  .  ideo  tamen 
prœcepit  eis  quod  piacedereut;  quia 
mos  erat  ei  omnia  satagere  erga  prul'ec- 
tiim  discipulorum.  Ascendebat  quideni 
Hierosolymam  propinquanle  tempère 
passionis  :  ut  igitur  quaudo  pati  eum 
vidèrent  non  scandalizareulur,  considé- 
rantes quod  et  eos  oportet  patientes 
esse  cum  contumelias  inferunt  aliqui, 
prœmisit  quasi  quoddam  pra-ludium 
Samaritanorum  repulsam.  Profuit  autem 


eis  et  aliter  :  futuri  enim  eraut  doctores 
orbis  terrarum,  civitates  et  villas  per- 
currentes  ad  prsedicandum  evangelicam 
doctrinam;  quibus  aliquando  occurre- 
rent  aliqui  minime  reclpientes  sacram 
prsedicationem  ;  quasi  non  coucedentes 
secum  commorari  Jesum.  Docuit  igitur 
eos  quod  divinam  annunliantes  doctri- 
nam pleui  esse  debebant  patientia  et 
mausuetudiue,  non  autem  bostdes  etira- 
cundi ,  et  in  peccantes  in  eos  atrociter 
insurgentes  :  sed  adbuc  non  erant  taies  : 
imo  zelo  fervido  concitati ,  volebant 
ignem  de  cœlo  super  eos  dedueere  : 
sequitur  :  «  Cum  vidissent  autem  disci- 
puli  ejus,  dixerunt  :  Vis  dicamus  ut  igûis 
descendat,  »  etc.  Ambr.  Sciebant  enim 
etPhinees  reputatam  ad  justitiam  [Psal. 
103.  vers.  31),  quia  sacrilegos  inlereme- 


DE   SALXr   LUC,    CHAP.    IX.  493 

été  imputé  à  justice;  et  encore,  qu'à  la  prière  d'Elie,  le  feu  était  des- 
cendu du  ciel  pour  venger  les  outrages  faits  à  ce  prophète  (IV  iîo/5,1.) 
—  BEDE.  Ces  saints  personnages,  en  sachant  parfaitement  que  la  mort 
qui  sépare  l'àme  du  corps,  n'est  pas  à  redouter,  ont  semblé  partager 
les  idées  de  ceux  qui  la  craignaient,  et  ont  puni  quelquefois  de  mort 
certains  crimes.  Ils  inspiraient  ainsi  à  ceux  qui  en  étaient  témoins  une 
salutaire  frayeur,  et  pour  ceux  qui  étaient  punis  de  mort,  ce  n'est  pas 
la  mort  qui  leur  était  funeste,  c'eût  été  bien  plutôt  le  péché  qui  n'au- 
rait fait  que  s'accroître,  s'ils  eussent  vécu  plus  longtemps. 

S.  Ambr.  Laissons  la  vengeance  à  celui  qui  est  dominé  par  la 
crainte  ;  celui  qui  est  sans  crainte ,  ne  cherche  pas  à  se  venger.  Nous 
voyons  encore  ici  que  les  Apôtres  étaient  égaux  en  mérites  aux  pro- 
phètes, puisqu'ils  espèrent  obtenir  le  même  pouvoir  que  le  prophète; 
et  l'espérance  qu'ils  ont  de  faire  descendre  le  feu  du  ciel  est  fondée, 
puisqu'ils  sont  les  fils  du  tonnerre.  {Marc,  m,  17.) 

TiTEDE  BosTR.  Les  disciples  estiment  que  la  punition  des  Samari- 
tains, frappés  de  mort  pour  avoir  refusé  de  recevoir  le  Sauveur,  serait 
beaucoup  plus  juste  que  celle  des  cinquante  soldats  envoyés  pour  se 
saisir  d'Elie,  son  serviteur.  —  S.  Ambr.  Le  Sauveur,  au  contraire,  ne 
s'irrite  point  contre  eux ,  il  veut  nous  apprendre  que  le  désir  de  la 
vengeance  est  incompatible  avec  la  perfection  de  la  vertu,-  que  la  plé- 
nitude de  la  charité  exclut  toute  colère ,  qu'il  ne  faut  point  repousser 
la  faiblesse,  mais  bien  plutôt  l'aider,  et  que  les  âmes  vraiment  pieuses 
doivent  rejeter  bien  loin  tout  mouvement  d'indignation ,  et  les  âmes 
magnanimes  tout  désir  de  vengeance  :  «  Jésus,  se  tournant  vers  eux, 
les  reprit,  en  disant  :  Vous  ne  savez  pas  de  quel  esprit  vous  êtes.  »  — 
BEDE.  Le  Seigneur  ne  leur  reproche  point  de  vouloir  suivre  l'exemple  du 


rat  {i\tim.,  2b),  et  ad  preces  Eiia;  ignem 
descendisse  de  cœlo  ,  ut  Prophétie  viu- 
dicaretur  injuria.  (IV  Refj.,  1.)  Bed. 
Sancti  enim  viri  qui  optime  seirent 
mortem  istam  qtiœ  animam  dissolvit  a 
corpore,  non  esse  formidandam,  secun- 
duni  eorum  taïuon  animuni  qui  iilam 
limèrent,  nonnulla  peccata  morte  pu- 
nierunt;  quo  et  viventibus  utilis  nietus 
incuteretur,  et  illis  qui  morte  puniebau- 
tur,  non  ipsa  mors  nocerc't,sed  peccatum 
quod  augeri  posset,  si  viverent. 

Ambr.  Sed  vindicelur  qui  timet,  vin- 
dictam  non  quaerit  qui  non  timet  :  simi- 
liter  ostendilur  nobis,  in  apostolis  fuisse 
mérita  propbetarum,  quando  eanidem 
sibi  potestalem  quam  Propbeta  nierait, 
impetrandi   jure  prœsumuut;    et   beue 


praesumunt,  quod  ud  sermonem  suum 
ignis  de  cœlo  descenderent ,  quoniam 
filii  sunt  tonitrui. 

Titus  Bostrexs.  Censetur  auiem  ab 
eis  mnito  justius  esse  Samaritanos  pe- 
rire,  Dominum  non  admittentes,  quam 
quinquaginta  servum  excludere  tentan- 
tes Eliam.  Ambk.  Dominus  autem  in  eos 
non  commovetur;  ut  ostenderct  quia 
non  habet  ultionis  studium  perfecta  vir- 
tus;  nec  ullasit  iracundia,  ubi  plénitude 
est  cbaritatis  :  nam  nec  excludenda  est 
irifirmitas,  sed  juvanda  :  proeul  sit  a  re- 
ligiosis  indignatio;  proeul  a  magnanimis 
cupiditas  ultionis.  Unde  sequitur  «  Et 
conversas  increpavit  illos,  dicens  :  Nes- 
citis  cujus  spiritu-;  eslis.  »  Bed.  Repre- 
hendit  in  eis   Dominus  non   exompium 


vu 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


saint  prophète  ,  mais  l'erreur  grossière  où  ils  étaient  par  rapport  à  la 
vengeance,  et  il  les  reprend  de  ce  qu'ils  désiraient  se  venger  de  leurs 
ennemis,  par  sentiment  de  haine  plutôt  que  de  les  ramener  au  bien 
par  un  sentiment  d'afïection.  Aussi ,  après  qu'il  kur  eut  enseigné 
comment  ils  devaient  aimer  leur  prochain  comme  eux-mêmes,  et  lors 
même  qu'ils  eurent  reçu  le  Saint-Esprit ,  on  vit  encore  de  ces  ven- 
geances, quoique  plus  rarement  que  dans  l'Ancien  Testament  ;  car 
comme  Notre-Seigneur  ajoute  :  «  Le  Fils  de  l'homme  n'est  pas  venu 
pour  perdre  les  âmes ,  mais  pour  les  sauver.  »  Vous  donc  qui  êtes 
marqués  de  sou  esprit ,  soyez  les  imitateurs  de  ses  œuvres  ,  exercez 
ici  bas  la  miséricorde,  vous  jugerez  avec  justice  dans  le  siècle  futur. 
—  S.  Ambr.  En  effet,  il  ne  faut  pas  toujours  punir  ceux  qui  sont  cou- 
pables; souvent  la  clémence  est  bien  plus  utile;  elle  vous  fait  pratiquer 
la  patience  ,  et  elle  inspire  au  pécheur  le  désir  de  devenir  meilleur. 
C'est  ainsi  que  les  Samaritains,  sur  lesquels  le  Sauveur  refusa  défaire 
tomber  le  feu  du  ciel ,  embrassèrent  la  foi  avec  plus  d'empressement. 

f.  57-62.  —  Pendant  qu'ils  étaient  en  chemin,  un  homme  lui  dit  ;  Je  vous 
suivrai  partout  où  vous  irez.  Jésus  lui  répondit  :  Les  renards  ont  des  tanières, 
et  les  oiseaux  du  ciel  leurs  nids;  mais  le  Fils  de  l'homme  n'a  pas  où  reposer 
sa  tête.  Il  dit  à  un  autre  :  Suivez-moi.  Celui-ci  répondit  :  Maître,  permettez- 
moi  d'aller  auparavant  ensevelir  mon  Père.  Et  Jésus  lui  dit  :  Laissez  les 
morts  ensevelir  les  morts  ;  vous,  allez  et  annoncez  le  royaume  de  Dieu.  Un 
autre  lui  dit  :  Je  vous  suivrai.  Seigneur  ;  mais  permettez-moi  de  disposer 
auparavant  de  ce  que  j'ai  dans  ma  maison.  Jésus  lui  répondit  :  Quiconque, 
ayant  mis  la  main  à  la  charrue,  regarde  en  arrière,  n'est  pas  propre  au  royaume 
de  Dieu. 

S.  Ctr.  Le  Seigneur  est  plein  de  libéralité  pour  tous  les  hommes, 


propbetœ  saucti,  sed  ignorantiam  vindi- 
candi,  quae  adhuc  erat  in  rudibus;  ani- 
madvertens  eos ,  non  amore  correctio- 
nem,  sed  odio  desiderare  vindietaui. 
Itaque  posteaquam  eos  docuit  quid  esset 
diligere  proximum  tanquam  seipsuui, 
infuse  etlam  Spiritu  Sancto  non  defue- 
riint  taies  vindictee,  quauivis  niulto 
rarius  quam  in  Veteri  Testamento;  quia 
sicut  sequitur  :  «  Filius  laominis  non  ve- 
nit  animas  perdere,  sed  salvare  :  »  quasi 
diceret  :  Et  vos  ergo ,  qui  ejus  spiritu 
signati  estis,  etiam  acta  ejus  imitamiui; 
nunc  pie  consulentes,  sed  in  futuro  juste 
judicautes.  Asibr.  Non  enim  semper  in 
eos  qui  peccaverunt,  est  vindicandum  ; 
quia  nonnunquam  amplius  prodest  cle- 
meutia  :  tibi  ad  patientiam,  lapso  ad  cor- 


rectiouem.  Denique  Samaritani  citius 
crediderunt^  a  quibus  boc  loco  ignis  ar- 
cetur. 

Factum  est  autem,  ambulantihus  illis  in  via, 
dixit  quidam  ad  illum  :  Sequar  te  quocunque 
ieris.  Dixit  iUi  Jésus  :  Vulpes  foveas  habent , 
et  volvcres  cœli  nidos,  Filius  autem  hominis 
non  habet  ubi  caput  siium  reclinet.  Ait  autem 
ad  alterum  :  Sequere  me.  Jlle  autem  dixit  : 
Domine,  permitte  mihi  primum  ire  et  sepelire 
patrem  meum.  Dixitque  ei  Jésus  :  Sine  ut  mor- 
tui  sepeliant  mortuos  tuos  ;  tu  autem  vade  et 
annuntia  regnum  Dei.  Et  ait  alter  :  Seqtiar 
te.  Domine,  sed  pei^mitte  mihi  primum  renun- 
tiare  /lis  quœ  domi  sunt.  Ait  ad  illum  Jésus  : 
Nemo  mittens  manum  suam  ad  aratrum  et  as- 
piciens  rétro,  aptus  est  regno  Dei. 

Cyril,  lin  Cat.  Grœcorum  Patrum.) 


DE  SAINT   LUC.    CHAP.    IX. 


495 


cependant  il  ne  donne  point  indistinctement,  et  au  hasard,  les  choses 
célestes  et  divines  ;  il  les  réserve  pour  ceux  qui  en  sont  dignes,  c'est-à- 
dire  pour  ceux  qui  savent  préserver  leur  âme  des  souillures  du  péché, 
c'est  ce  que  nous  enseigne  la  parole  puissante  du  saint  Evangile  : 
«  Pendant  qu'ils  étaient  en  chemin ,  un  homme  lui  dit  :  Je  vous  sui- 
vrai partout  où  vous  irez.  »  —  Remarquons  d'abord  que  cet  homme 
s'approche  de  Jésus  avec  beaucoup  de  tiédeur,  et  que,  par  conséquent, 
ses  prétentions  sont  excessives  ;  en  effet,  il  ne  demande  pas  à  marcher 
simplement  à  la  suite  de  Jésus-Christ,  à  l'exemple  d'un  grand  nombre, 
mais  il  aspire  ouvertement  à  la  dignité  d'apôtre,  contrairement  à  cette 
parole  de  saint  Paul  :  «  Personne  ne  peut  s'attribuer  cet  honneur, 
mais  il  faut  y  être  appelé  de  Dieu.  »  {Hebi\,  v.)  —  S.  Athan.  (1*).  Il 
ose  encore  s'égaler  à  la  puissance  incompréhensible  du  Sauveur  en 
lui  disant  :  «  Je  vous  suivrai,  partout  où  vous  irez.  »  Car  si  la  nature 
humaine,  dans  la  condition  que  Dieu  lui  a  faite,  peut  suivre  le  Sau- 
veur pour  entendre  sa  doctrine ,  il  lui  est  impossible  de  le  suivre 
partout  où  il  est  ;  car  il  est  incompréhensible  ,  et  n'est  circonscrit  par 
aucun  lieu.  —  S.  Cyr.  Le  Sauveur  avait  encore  un  autre  motif  légi- 
time pour  ne  point  accepter  l'offre  que  lui  faisait  cet  homme  ;  il  en- 
seignait qu'il  devait  auparavant  porter  sa  croix  et  renoncer  aux  afifec- 
tions  de  la  vie  présente  ;  et  son  intention,  en  lui  donnant  cette  leçon, 
n'était  pas  de  lui  faire  un  reproche,  mais  de  lui  inspirer  des  dispositions 
plus  parfaites. 

0  Jésus  lui  dit  :  Les  renards  ont  des  tanières ,  »  etc.  —  Théûphyl. 
Cet  homme  avait  vu  le  Sauveur  entraîner  une  grande  multitude  à  sa 

(1*)  Cette  citation  ne  se  trouve  pas  toute  entière  dans  les  œuvres  de  saint  Athanase,  mais  seule- 
ment en  partie  dans  la  discussion  qu'il  soutint  contre  les  Ariens  à  Laodicée. 


Etsi  munificus  sit  omnium  Dominus, 
non  simpliciter  et  improvide  singulis 
dat  superna  et  divina,  sed  illis  qui  digni 
sunt  recipere,  (jui  scilicet  aniiuani  suaiu 
aliénant  a  maculis  pravitalum  :  et  lioc 
nos  docet  et  angelicorum  vcrbonim 
virtus,  cutn  dicilur  :  «  Factum  e.-tautem 
ambulantibus  illis  in  via,  dixit  quidam 
ad  illum  :  Sequar  le,  »  etc.  Primo  qui- 
dem  plurima  continetur  in  accessu  iner- 
tia;  consequenter  ostenditur,  cpiod  pie- 
nus  sit  impudentia  nimia  :  neque  enim 
simpliciter  Clirislum  sequi  pelebat,  sicut 
alii  plures  de  populo,  sed  magis  insilie- 
bat  ad  apostolicas  dignitales ,  cum  Pau- 
lus  dicat  [ud  Ilebr.,  5)  :  «  Non  assumât 
quisquam  sibi  honorem,  sed  a  Deo  vo- 
catus.  »  Atha.  [in  eadeni  Cat.  Gr.rca.) 
Au?u3  eliam  fuit  cnqnipararo  se  inoom- 


prehensibili  Salvatoris  potestati,  dicens  : 
«  Sequar  te  quocunque  ieris,  »  eo  quod 
sequi  Salvatorem  simpliciter  ad  ejus 
audiendam  doctrinam  jjossibile  est 
liumame  naturœ  proprietate,  qua  fungi- 
tnr  erga  bomines;  non  est  autem  possi- 
biln  secum  concurrere  ubilibet  existenti  : 
ipse  namque  incomprehensibilis  est ,  et 
non  circumscribitur  loco.  Cyril,  {ubi 
supra.)  Alio  quoque  modo  non  imme- 
rito  recusabilem  facit  eum  :  docebat 
enim  ipsum  crucem  suam  accipere  ad 
sequendum  Dominum,  et  abrcnuntiare 
prâ?seuli5  vitœ  affectibus  :  et  hoc  Domi- 
nus in  eo  reprehendit ,  non  vituperans, 
sed  corrigens. 

Sequitur  :  «  Et  ait  illi  Jésus.  Vulpes 
foveas  habent,  »  etc.  Toeophylact.  Quia 
enim  viderai  Dominum  multum  populum 


496 


EXPLICAIION    DE   l'ÉVANGILE 


suite,  il  s'imagina  qu'elle  lui  payait  un  tribut ,  et  qu'en  s'attachant 
lui-même  au  Seigneur,  il  trouverait  le  moyen  de  s'enrichir.  —  Bède. 
Aussi  Jésus  lui  répond  :  «  Pourquoi  n'avez-vous  d'autre  motif,  en 
désirant  me  suivre,  que  d'obtenir  les  richesses  et  les  avantages  de  ce 
monde,  lorsque  je  suis  si  pauvre,  que  je  ne  possède  pas  même  la  plus 
petite  demeure  ,  et  que  le  toit  qui  m'abrite,  ne  m'appartient  pas?  »  — 
S.  Chrys.  {Ch.  des  Pèr.  g7\)  Voyez  avec  quelle  sévérité  le  Sauveur 
pratique  la  pauvreté  qu'il  avait  enseignée  ;  il  n'avait  à  lui  ni  table,  ni 
chandelier,  ni  maison,  ni  aucune  des  choses  nécessaires  à  la  vie. 

S.  Cyr.  Dans  le  sens  figuré ,  les  renards  et  les  oiseaux  du  ciel  sont 
le  symbole  des  puissances  malignes  et  astucieuses  des  démons,  et  Jésus 
semble  dire  à  cet  homme  :  Les  renards  et  les  oiseaux  du  ciel  trouvent 
en  vous  leur  demeure ,  comment  le  Christ  pourrait-il  s'y  reposer  ? 
Qu'y  a-t-il  de  commun  entre  la  lumière  etles  ténèbres?  (II  Cor.,  vi,14.) 

S.  Athan.  Ou  bien  encore,  le  Seigneur  veut  montrer  ici  la  gran- 
deur de  sa  nature ,  comme  s'il  disait  :  Toutes  les  créatures  peuvent 
être  circonscrites  par  un  espace,  mais  la  puissance  du  Verbe  de  Dieu  ne 
peut  être  ni  comprise  ni  limitée  par  un  lieu  quelconque.  Ne  dites  donc 
point  :  «  Je  vous  suivrai  partout  où  vous  irez.  »  Si  cependant  vous 
désirez  devenir  son  disciple,  renoncez  à  tout  ce  qui  est  contraire  à  la 
raison  ;  car  il  est  impossible  que  celui  qui  se  plait  au  milieu  des  choses 
déraisonnables  ,  devienne  le  disciple  du  Verbe.  —  S.  Ambr.  Ou  bien 
encore,  dans  la  pensée  du  Sauveur,  les  renards  sont  la  figure  des  hé- 
rétiques; le  renard,  en  effet,  est  un  animal  trompeur,  toujours  occupé 
à  tendre  des  pièges,  et  qui  ne  vit  que  de  fraudes  et  de  rapines,  il  ne 
laisse  rien  en  repos,  rien  en  paix,  rien  en  sûreté,  et  cherche  sa  proie 
jusque  dans  la  demeure  des  hommes.  De  plus,  le  renard,  animal  astu- 


adducenteiu,  putavit  quod  ab  eis  habe- 
ret  pretium  ;  et  quod  si  ipse  Dominum 
seqneretur ,  posset  pecuniam  congre- 
_gare.  Beda.  Unde  dicitur  ei  :  «  Qiiid  me 
.propter  divitias  et  lucra  hujus  seculi 
cupis  sequi,  cinn  taûlœ  sim  paupertatis, 
lit  uec  hospitiolum  quideni  habeam ,  et 
non  meo  utar  tecto  ?  »  Chrys.  (in  Cat. 
Grœcorum  Patrum.)  Aspice  qualiter 
paupertatem  ,  quam  Domiuus  docuerat, 
per  opéra  demonstrat  :  non  erat  ei 
mensa ,  non  candelabrum  ,  non  domus, 
nec  qiiicquam  aliud  talium. 

CvRiL.  [ubi  supra.)  Mystica  autem 
significatione  «  valpes  et  volatilia  cœli,  » 
malignas  et  astutas  potestate»  dœmonum 
vocat  :  quasi  diceret  :  Quando  vulpes  et 
volatilia  in  te  mansionem  habent ,  qua- 


liter Ghristus   iu    te    requiescet"?    Quid 
commune  est  luci  et  tenebris? 

Atha.  Yel  in  hoc  Dominus  maguitu- 
dinem  sui  muueris  docet  :  quasi  dice- 
ret :  Omnia  generabilia  loco  circumscribi 
possunt;  Verbum  vero  Dei  incompre- 
heubibilis  potestatis  est  :  ideo  ne  dicas  : 
«  Sequar  te  quocunque  ieris.  »  Caiterum 
si  velis  diicipulus  fieri ,  abdices  irratio- 
nabilia;  eo  quod  impossibile  est  eum 
qui  moratur  in  irrationabilitate  ,  Verbi 
discipulum  fieri.  Ambr.  Vel  vulpes  bœ- 
reticis  comparât ,  fallax  quippe  animal, 
et  insidiis  semper  intentum,  rapiuam 
fraudis  exerce t  :  uihil  tutum,  nihil  otio- 
sum ,  nihil  patitur  esse  securum  ;  eo 
quod  iutra  ipsa  hospitia  hominum  prse- 
dam   requiril.    Pulpes    etiam    (plénum 


DE  SAINT  LUC,   CHAP.  IX.  497 

deux,  se  creuse  une  tanière,  et  aime  à  s'y  tenir  ^aehé;  tels  sont  aussi 
les  hérétiques  qui  ne  savent  se  construire  une  demeure,  mais  qui 
s'efiforcent  d'enlacer  et  de  resserrer  les  âmes  dans  leurs  sophismes 
trompeurs.  Enfin,  cet  animal  ni  ne  s'apprivoise,  ni  ne  peut  servir  aux 
usages  domestiques .  Aussi  l'Apôtre  fait-il  cette  recommandation  :  «  Fuyez 
celui  qui  est  hérétique,  après  le  premier  ou  le  second  avertissement.  » 
{Tite,  m.)  Les  oiseaux  du  ciel,  qui  sont  souvent  dans  les  Ecritures  la 
figure  de  la  malice  spirituelle,  construisent  leurs  nids  dans  le  cœur  des 
méchants  ;  et  tant  que  la  malice  et  la  perfidie  dominent  leurs  affec- 
tions, Dieu  ne  peut  prendre  possession  de  leur  âme;  mais  dès  qu'il 
rencontre  une  âme  innocente,  il  abaisse  sur  elle ,  pour  ainsi  dire ,  la 
plénitude  de  sa  majesté,  car  il  entre  dans  le  cœur  des  bons,  en  y  ver- 
sant sa  grâce  avec  profusion.  Nous  ne  pouvons  donc  raisonnablement 
regarder  comme  simple  et  fidèle  cet  homme  que  le  Sauveur  ne  juge 
pas  digne  de  marcher  à  sa  suite,  bien  qu'il  promit  de  le  servir  avec  un 
dévouement  que  rien  ne  pourrait  affaiblir.  C'est  que  le  Seigneur  ne  se 
contente  pas  de  l'apparence  du  dévouement,  il  exige  la  pureté  d'in- 
tention, et  il  ne  peut  agréer  l'obéissance  de  celui  dont  il  n'approuve 
point  les  services.  Nous  ne  devons  exercer  qu'avec  réserve  et  prudence 
les  devoirs  de  l'hospitalité  spirituelle  ;  car  en  ouvrant  sans  précau- 
tion, aux  infidèles,  la  demeure  intérieure  de  notre  âme  ,  nous  nous 
exposons  à  tomber  dans  leur  infidélité  par  une  confiance  imprévoyante. 
Cependant,  Dieu,  après  avoir  éloigné  cet  hypocrite,  admet  à  sa  suite 
un  homme  sincère,  pour  nous  apprendre  qu'il  ne  rejette  point  la  piété 
véritable,  mais  la  fidélité  mensongère. 

«  Il  dit  à  un  autre  :  Suivez-moi.  »  ïl  savait  que  cet  homme,  auquel 
il  s'adressait ,  avait  perdu  son  père  :  «  Celui-ci  lui  répondit  :  Maître, 


fraudis  animal)  foveain  sibi  parai,  et  iu 
fovea  semper  lalere  desiderat  :  ita  sunt 
hferelici,  qui  domum  sibi  parare  non 
norunl,  sed  circumscriptioiiibus  suis 
alios  decipere  conantur.  Hoc  animal  nec 
mansuescit  unquam,  uec  est  usui.  Uude 
Aposlolus  (ad  Tit.  3)  :  «  Haereticum  post 
unam  et  secuadam  correctionem  de- 
vita  :  »  volucres  vero  cœli  qua;  fréquen- 
ter ad  nequitise  spiritualis  similitudinem 
derivantur  ,  veluli  nidos  quosdam 
struunl  in  pectoribus  improborum  ;  et 
ideo  dominante  versutia  in  afîectibus 
singulorum,  nuUa  potest  Divinitatis  esse 
possessio.  Ubi  autem  mentem  probave- 
ril  innoxiam,  supra  ipsum  quodamniodo 
vim  sua:  majestatis  reciinat;  quia  pro- 
fusiore  quadam  gralia  bonorum  pecto- 
ribus inseratur.  Sic  igitur  non  videtur 

TOM.    V. 


convenire  ratioui,  ut  simplicem  fidelem- 
que  ipsum  arbitremur,  qui  Domini  di- 
guatione  respuitur,  cum  indefessi  famu- 
latus  obsequium  spopondisset.  Sed  Do- 
minus  non  obsequiorum  speciem,  sed 
puritatem  quseritaft'ectus,nec  obsequium 
ejus  admiltitur,  cujus  non  probatur 
officium  :  circumspectum  etenim  fidei 
débet  esse  hospitium,  ne  dum  infidelibus 
nostrte  domus  interna  reseramus ,  in 
alienam  perfidiam  improvida  crudelitate 
labaniur.  Itaque  ut  advertas  Deuni ,  non 
cultus  aspernanlem  esse,  sed  fraudis  qui 
repudiavit  fraudulentum ,  elegit  inno- 
centem. 

Sequitur  enim  :  «  Ait  autem  ad  alte- 
rum  :  Sequere  me.  »  Sed  boc  dicit  ei 
cujus  patrem  jam  sciebat  mortuum  : 
unde  sequitur  :  «  Ille  autem   dixit  :  Do- 

32 


498 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


permettez-moi  d'aller  auparavant  ensevelir  mon  père.  »  —  Bèbe.  Une 
refuse  point  de  devenir  le  disciple  de  Jésus-Christ,  mais  il  veut  remplir 
auparavant  les  devoirs  de  la  piété  filiale ,  pour  le  suivre  ensuite 
plus  librement. 

S.  Ambr.  Mais  le  Seigneur  appelle  sans  délai  ceux  que  sa  miséri- 
corde a  choisis  :  a  Et  Jésus  lui  dit  :  Laissez  les  morts  ensevelir  leurs 
morts.  »  Puisque  la  religion  elle-même  nous  commande  de  rendre  à 
nos  semblables  les  devoirs  de  la  sépulture,  pourquoi  le  Sauveur  dé- 
fend-il à  cet  homme  d'ensevelir  sou  père ,  si  ce  n'est  pour  nous  faire 
comprendre  que  ce  devoir  purement  humain,  doit  le  céder  aux  obli- 
gations qui  ont  Dieu  pour  objet?  Le  désir  de  cet  homme  était  bon, 
mais  les  difficultés  que  l'accomplissement  de  ce  désir  lui  créait,  étaient 
plus  à  craindre  ;  celui  dont  le  zèle  est  partagé  ,  partage  aussi  son 
amour,  et  en  appliquant  ses  soins  à  deux  objets  différents,  il  retarde 
nécessairement  les  progrès  de  son  âme.  Il  faut  donc  remplir  d'abord 
les  devoirs  les  plus  importants ,  à  l'exemple  des  Apôtres  qui ,  pour 
n'être  point  absorbés  par  le  soin  des  pauvres,  établirent  des  ministres 
pour  distribuer  les  aumônes.  —  S.  Chrys.  [hom.  28  sur  S.  Matth.) 
Quelle  obligation  plus  pressante  que  de  rendre  à  un  père  les  derniers 
devoirs?  Mais  encore,  quelle  obligation  plus  facile,  puisqu'il  suffit  de 
quelques  instants  pour  l'accomplir.  Le  Sauveur  veut  donc  nous  ap- 
prendre ici  à  ne  point  employer  inutilement  la  plus  légère  partie  du 
temps,  lors  même  que  mille  circonstances  sembleraient  nous  forcer,  et 
à  toujours  placer  les  intérêts  spirituels  au-dessus  des  choses  les  plus 
nécessaires  ;  car  le  démon  est  sans  cesse  aux  aguets ,  pour  trouver 
quelque  entrée  dans  notre  âme,  et  s'il  surprend  la  moindre  négligence, 
il  nous  jette  dans  un  relâchement  extrême.  —  S.  Ambr.  Le  Sauveur 
ne  défend  donc  pas  de  rendre  à  un  père  les  derniers  devoirs  ,  mais  il 
place  les  devoirs  de  religion  au-dessus  des  devoirs  de  la  piété  filiale. 


mine,  permitte  mihi  primum  ire  et  sepe- 
lire  patrem  meum.  »  Bed.  Non  discipula- 
tum  respuit,  sed  expleta  primum  paterni 
funerls  pielate,  liberior  assequi  desiderat, 
Ambu.  Sed  Dominus  quos  miseratur 
advocat.  Unde  sequitur  :  «  Dixitque 
Jésus  :  Sine  ut  mortui  sepeliant  mortuos 
suos.  »  Cum  religiosum  humaui  corpo- 
ris  sepeliendi  acceperimus  officium, 
quomodo  paterni  quoque  funerls  sepul- 
tura  proliibetur  ,  nisi  ut  intelligas  lui 
mana  poslhabenda  divluis  ?  Bonum  sla- 
dium,  sed  majus  impedinientum  :  nam 
qui  partitur  studium,  dérivât  affectum  ; 
qui  dlvidit  cnram  ,  differt  profectum  : 
ergo  prias  sunl  obeunda  quœ  maxima  : 


nam  et  apostoli,  ne  occuparentur  studio 
dispensandi,  ministres  pauperibus  ordi- 
narunt.  Chrys.  [hom.  28,  in  Matth.) 
Quid  autem  magis  necessarium  paternis 
exequiis  ?  Quid  facilius  ,  Cum  non  esset 
multum  teniporis  daudum  ?  per  hoc 
ergo  docemur,  quod  minimum  temporis 
frustra  ducere  non  decet  (etsi  mille 
cogentia  sint)  ;  imo  praeferre  spiritualia 
cunctis  admodum  necessariis.  Diabolos 
enim  insistit  attentus ,  volens  aliquem 
adilum  invenire  ,  et  si  modicam  sumat 
negligentiam  ,  maguam  operatur  pusil- 
lanimitatem.  Ambr.  Non  ergo  paterni 
funeris  sepultura  prohibetur,  sed  neces- 
situdini  generis  divinœ  religionis  pietaa 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    IX.  499 

Il  veut  qu'on  laisse  à  ses  parents  l'accomplissement  des  uns ,  mais  il 
fait  à  ses  élus  une  obligation  d'accomplir  les  autres.  Or  comment  les 
morts  peuvent-ils  ensevelir  les  morts,  à  moins  que  vous  ne  compreniez 
qu'il  y  a  deux  morts  dififérentes ,  la  mort  naturelle ,  et  la  mort  du 
péché  ?  Il  y  a  encore  une  troisième  mort,  c'est  celle  qui  nous  fait  mou- 
rir au  péché,  et  vivre  pour  Dieu.  {Rom.,  ix.) 

S.  Chrys.  {hom.  28,  5wr  S.  Matlh.)  Cette  expression  du  Sauveur  : 
a  Leurs  morts,  »  montrent  que  ce  mort  ne  lui  appartenait  pas,  sans 
doute  parce  qu'il  était  mort  dans  l'infidélité.  —  S.  Ambr.  Ou  bien 
encore,  comme  la  bouche  des  impies  est  un  sépulcre  ouvert  [Ps.  y), 
le  Seigneur  commande  de  détruire  la  mémoire  de  ceux  dont  tout  le 
mérite  meurt  avec  le  corps  ;  il  ne  détourne  donc  pas  ce  fils  des  devoirs 
que  lui  impose  la  piété  filiale,  mais  il  le  sépare  de  tout  commerce  avec 
les  infidèles.  Ce  n'est  pas  l'accomplissement  d'un  devoir  qu'il  interdit, 
c'est  un  acte  de  religion  qu'il  commande ,  c'est-à-dire  qu'il  ne  faut 
avoir  aucun  rapport  avec  les  nations  qui  sont  dans  la  mort. —  S.  Ctr. 
On  peut  encore  dire  que  le  père  de  ce  jeune  homme  était  accablé  de 
vieillesse ,  et  il  croyait  faire  un  acte  louable  en  se  proposant  de  pra- 
tiquer à  son  égard  les  devoirs  de  la  piété  fihale ,  comme  Dieu  lui- 
même  le  commande  :  «  Honorez  votre  père  et  votre  mère.  »  {Exode,  xx.) 
Aussi  Notre- Seigneur  l'ayant  appelé  au  ministère  évangélique  en  lui 
disant  :  «  Suivez-moi,  »  il  demandait  un  délai  pour  subvenir  aux  be- 
soins de  son  vieux  père  :  «  Permettez-moi  d'aller  auparavant  ensevelir 
mon  père.  »  Il  ne  demandait  pas  d'aller  rendre  à  son  père  les  devoirs 
de  la  sépulture,  car  Jésus-Christ  ne  l'en  eût  pas  empêché,  mais  cette 
expression  enseveli?'  signifiait  qu'il  désirait  soutenir  sa  vieillesse  jusqu'à 
sa  mort.  Mais  le  Seigneur  lui  répondit  :  a  Laissez  les  morts  ensevelir 


antefertur.  lUud  consortibus  reliuquitur, 
hoc  mandatur  electis  :  quoniodo  autem 
mortui  sepelire  mortuos  possunt  ?  uisi 
geminam  hic  intelligas  uiorleni  :  unani 
naturœ,  alteram  culpœ.  Est  otiani  mors 
tertia,  in  qua  peccato  rnorimur,  Deo 
vivimus. 

Chrys.  (/lom.  28 ,  in  Matlh.)  Cum 
ergo  dixisset  :  «  Mortuos  suo^^,  >>  osteudit 
hune  non  esse  niortuum  ejus  :  pulo 
enim  du  numéro  infidelium  fuisse  de- 
functum.  Ambr.  Aut  quia  sepulcrum 
patens  est  guttur  inipiorum  {Psal.  5), 
raemoria  eorum  abolenda  prœscribitur, 
quorum  simul  cum  oorpore  morituni 
occidit  :  nec  revocalur  ab  officio  patris 
filius ,  sed  fidelis  a  perfidi  comrnunione 
secernitur.  Non  interdictum  est  uinne- 
ris  ,  sed    religionis  mysterium;  iioc    est 


communionem  nobis  cum  gentibua 
mortuis  non  futuram.  Cyril,  (ubi supra.) 
Vel  ahter  :  erat  enim  pater  senectute 
gravatus  ;  putabat  autem  honestum  ali- 
quid  agere,  dum  proponeret  observare 
ei  debitam  pietatem ,  secundum  illud 
{Exod.,  20)  ;  «  Honora  patrem  tuum 
et  matrem  tuam  :  »  unde  ubi  vocatus  est 
ad  evaugeUcum  ministerium,  dicente 
Uomino  :  «  Sequere  me,  »  quœrebat 
inducias,  quœ  sufficere  possentad  decre- 
piti  patris  sustcntationem ,  dicens  : 
«  Permitte  mihi  primum  ire,  et  sepelire 
patrem  meum  ,  »  non  quod  defunclum 
patrem  sepelire  rogaret  ;  ne(|ue  enim 
Chrislus  hoc  agere  voleutem  impedisset, 
sed  dixit,  sepelires,  id  est,  sustentare  in 
senectute  nsqiie  ad  mortem.  Sed  Domi- 
nu3  ad  eum  dixit  :  «  Sine  mortuos  sepe- 


500 


EXPLICATION   DE   l/ftVANGILE 


leurs  morts  ;  »  car  son  père  avait  d'autres  parents  aussi  proches  qui 
pouvaient  prendre  soin  de  lui ,  mais  qui  étaient  morts  ,  en  ce  sens 
qu'ils  n'avaient  pas  encore  embrassé  la  foi.  Apprenez  de  là  que  la 
piété,  que  nous  devons  à  Dieu,  doit  l'emporter  sur  l'amour  et  le  res- 
pect que  nous  devons  à  nos  parents ,  parce  qu'ils  nous  ont  engendrés. 
En  effets  le  Dieu  de  toutes  les  créatures  nous  a  donné  l'être  ,  lorsque 
nous  étions  dans  le  néant ,  tandis  que  nos  parents  n'ont  été  que  les 
instruments  dont  il  s'est  servi  pour  notre  entrée  dans  la  vie. 

S.  AuG.  {de  l'accord  des  Evang.,  ii,  23.)  Telle  est  la  réponse  que 
Jésus  fit  à  celui  qu'il  avait  appelé  lui-même  à  sa  suite.  Un  autre  dis- 
ciple s'approcha  encore  de  lui  sans  avoir  été  appelé  ,  et  lui  dit  : 
«  Seigneur,  je  vous  suivrai ,  mais  permettez -moi  de  disposer  aupara- 
vant de  ce  que  j'ai  dans  ma  maison.  »  —  S.  Cyr.  La  résolution  de  cet 
homme  est  admirable  et  digne  d'éloges  ;  mais  en  demandant  à  renoncer 
aux  biens  qu'il  possède,  pour  s'affranchir  des  soins  qu'ils  réclament, 
il  montre  que  son  cœur  est  encore  partagé,  puisque  sa  résolution  n'est 
pas  encore  parfaitement  arrêtée.  Car  vouloir  consulter  des  proches, 
qui  ne  consentiront  point  à  ce  dessein ,  c'est  montrer  une  résolution 
tant  soit  peu  chancelante.  Aussi  Notre-Seigneur  n'approuve  pas  ce 
dessein  :  «  Jésus  lui  répondit  :  Quiconque  met  la  main  à  la  charrue, 
et  regarde  en  arrière,  n'est  pas  propre  au  royaume  de  Dieu,  »  etc.  — 
Mettre  la  main  à  la  charrue,  c'est  être  disposé  à  suivre  Jésus-Christ 
par  amour;  mais  c'est  regarder  eu  arrière,  que  de  demander  un  délai 
pour  avoir  occasion  de  revenir  dans  sa  maison ,  et  de  s'entendre  avec 
ses  proches.  —  S.  AuG.  {serm.  1  sur  les  par.  du  Seig.)  Jésus  semble 
lui  dire  :  L'Orient  vous  appelle ,  et  vous  regardez  au  couchant.  — 
BEDE.  Mettre  la  main  à  la  charrue,  c'est  aussi  briser  la  dureté  de  son 


lire  mortuos  suos  :  »  erant  enim  et  alii 
curatores  linea  parentelse  astricti;  sed 
ut  seàtimo  mortui ,  eo  quod  nondum 
Christo  crediderant.  Hinc  percipe,  quod 
praeferenda  sit  pietas  qua  Deo  teneuiur, 
amori  parentum ,  quibus  reverentiam 
exbibenuis,  quia  per  eos  geniti  sumus. 
h-ed  omnium  Deus,  cum  non  essemus,  ad 
esse  nos  conduxit  :  parentes  autem  facti 
sunl  miniitri  iutroitus  ad  esse. 

AUG.  {de  Cons.  Evang.,  lib.  ii,  cap. 
23.)  HcEC  ergo  dicebat  Doiuinus  illi,  cui 
dixerat  :  «  Sequere  me.  »  Alius  vero  dis- 
cipulus  misit  se  in  medio,  cui  nemo  ali- 
quid  dixerat  :  unde  sequitur  :  «  Et  aller 
ait  :  Sequar  te,  Domine;  sed  permitte 
mihi  renuutiare  primum  eis  qui  domi 
sunt.»  Cyril,  [ubi  5ti/3rff.)Miranda autem 
hujusmodi  promissio  et  omni  laude  plena, 


sed  quserere  renuntiare  his  qui  domi 
sunt,  licentiando  se  ab  eis,  ostendit  quod 
utcunque  divisus  sit  a  Domino ,  qui 
nondum  hoc  perfecte  adiré  proposuerit 
mente.  Nam  velle  consulere  proximos 
non  consensuros  huic  proposito,  iudicat 
se  utcunque  labantem.  Propter  quod 
Dominus  hoc  improbat.  Sequitur  :  «  Ait 
ad  illum  Jésus  :  Nemo  mitteus  manum 
ad  aratrum  et  respiciens  rétro,  aptus 
est  regno  Dei,  »  etc.  Apponit  manum 
aratro,  qui  affectuosus  est  ad  sequen- 
dum  :  tamen  respicit  rétro ,  qui  dilatio- 
nem  petit  occasione  redeundi  ad  domum, 
et  cura  propiuquis  conferendi.  AuG.  {de 
Ve)b.  Dom.,  serm.  7).  Quasi  diceret  ei  : 
«  Vocat  te  orieus,  et  tu  attendis  occi- 
dentem.  »  Beda.  Manum  etiam  cuiUbet 
in  aratrum  mittere,  est  (quasi  quodam 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.   IX.  501 

cœur  avec  le  bois  et  le  fer  de  la  passion  du  Seigneur,  comme  avec  un 
instrument  de  pénitence,  et  ouvrir  son  âme  pour  lui  faire  produire  les 
fruits  des  bonnes  œuvres.  Celui  qui  se  livre  à  cette  culture,  et  qui, 
semblable  à  la  femme  de  Lotb  {Genèse^  xix  ,  26),  jette  un  regard  de 
regret  et  d'affection  sur  les  choses  qu'il  a  laissées ,  demeure  privé  de 
la  récompense  du  royaume  éternel.  —  Chaîne  des  Pèr.  gr.  En  jetant 
de  fréquents  regards  sur  les  choses  auxquelles  nous  avons  renoncé, 
nous  sommes  entraînés  par  la  force  de  l'habitiide  vers  les  actes  de 
notre  vie  ancienne.  L'usage,  en  effet,  a  une  force  véritable  pour  nous 
enchaîner.  Est-ce  que  l'habitude  ne  nait  pas  de  l'usage?  est-ce  que 
l'habitude,  à  son  tour,  ne  devient  pas  une  seconde  nature?  Or,  il  est 
bien  difficile  de  vaincre  ou  de  changer  la  nature  ,  et  si  elle  cède  tant 
soit  peu  quand  elle  y  est  forcée  ,  elle  reprend  bien  vite  son  premier 
empire.  —  Bède.  Si  Notre-Seigneur  blâme  sévèrement  ce  disciple  qui 
désirait  le  suivre,  parce  qu'il  voulait  d'abord  disposer  de  ce  qu'il  avait 
dans  sa  maison;  qae  dira-t-il  à  ceux  qui,  sans  aucun  motif  d'utilité, 
visitent  fréquemment  les  maisons  de  ceux  qu'ils  ont  laissés  dans  le 
monde  ? 


compunctionis  instrumento)  ligno  et 
ferro  dominicae  passionis  duritiem  sui 
cordis  atterere,  atque  ad  proferendos 
bonorum  operum  fructus  aperire,  quain 
si  quis  excolere  incipiens,  cum  uxore 
Loth,  ad  ea  quae  reliquerat  respicere  de- 
lectatur,  futiiri  jam  regai  niunere  priva- 
tur.  Gr^c.  {id  est ,  Nilus  Monachus  in 
Cat.  Grœcorum  Patrûm.)  Crebri  nam- 
que  intuitus  eorum  quœ  deseruimus , 
propter  consuetudinem  trahuut  ad  re- 


troacta.  Violeutum  enim  quid  usus  est 
ad  retineQdum  sibi.  Nonne  habitus  ex 
usu,  ex  habitu  vero  nalura  innascitur? 
Naturam  vero  amovere  vel  alterare  dif- 
ficile :  nam  etsi  paulisper  declinet  coacta, 
redit  ad  seipsaai  velociter.  Bed.  Si  au- 
tem  secuturus  Dominum  discipulus, 
quia  vel  domi  renuutiare  velit,  argui- 
tur;  quid  fiet  illis,  qui  nulla  ulilitatis 
gratia  saepe  visitant  domos  illorum  quos 
in  muûdo  reliquerunt? 


CHAPITRE  X. 

SOMMAIRE    ANALYTIQUE. 

j.  1-2.  — Pourquoi  Notre-Seigneur  choisit  encore  outre  les  douze  apôtres, 
soixante -douze  autres  disciples.  —  Que  représentent  les  douze  apôtres  et  les 
soixante-douze  disciples.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  envoie  les  soixante- 
douze  prêcher  deux  à  deux.  —  Pourquoi  les  envoie-t-il  dans  toutes  les  villes 
et  dans  tous  les  lieux  où  il  devait  lui-même  arriver  ?  —  Comment  appelle-t-il 
moisson  ce  qui  ne  fait  encore  que  commencer?  —  Combien  peu  nombreux 
les  ouvriers  pour  trarailler  à  cette  moisson.  —  Quel  est  le  maître  de  la  mois- 
son qu'il  faut  prier.  —  Comment  il  a  multiplié  dans  la  suite  les  ouvriers.  — 
Les  fidèles  obligés  de  prier  pour  leurs  pasteurs. 

^.  3,  4. —  Vertus  apostoliques  que  Notre-Seigneur  enseigne  à  ses  disciples.  — 
Quelle  devait  être  leur  grande  consolation  au  milieu  de  tous  les  dangers.  — 
Siraphcité,  innocence  qu'il  leur  recommande.  —  Quels  sont  les  loups  au  milieu 
desquels  il  les  envoie.  —  Comment  il  faut  se  garder  de  leurs  attaques.  — 
Orgueil  et  sévérité  de  certains  pasteurs  qui  se  posent  en  maîtres  plutôt  qu'en 
pères.  —  Résumé  de  ces  divines  instructions.  —  Confiance  que  le  prédicateur 
doit  avoir  dans  la  providence  de  Dieu.  —  Notre-Seigneur  défend  à  ses  disciples 
toute  préoccupation  à  l'égard  des  choses  extérieures.  — Pourquoi  leur  défend- 
il  d'échanger  des  salutations?  —  Sens  allégorique  de  ces  recommandations. 

f.  ^-12.  —  Pourquoi  les  disciples  doivent  souhaiter  tout  d'abord  la  paix  en 
entrant  dans  une  maison.  —  Quelle  est  cette  paix  que  les  saints  demandent 
pour  nous.  —  Que  devient  cette  paix,  quand  elle  n'est  pas  reçue.  —  Ce  que 
doivent  donner  en  échange  ceux  qui  reçoivent  cette  paix.  —  Comment  le 
prédicateur  reçoit  deux  récompenses  pour  une  seule  et  même  œuvre.  —  Il  ne 
doit  pas  facilement  changer  de  maison .  —  Conduite  que  les  apôtres  doivent 
tenir  dans  les  villes  où  ils  entreront.  —  Bienfaits  qui  devront  précéder  leurs 
prédications.  —  Quel  est  le  royaume  de  Dieu  dont  ils  doivent  annoncer  l'ap- 
proche. —  Comment  ils  devront  se  conduire  à  l'égard  des  villes  qui  auront 
refusé  de  les  recevoir,  —  Que  signifie  l'action  de  secouer  la  poussière  de  leurs 
pieds.  —  Le  royaume  de  Dieu  approche  pour  la  perte  de  ceux  qui  le  repoussent, 
comme  pour  le  bonheur  de  ceux  qui  le  reçoivent.  —  Comment  le  sort  de  ceux 
qui  refuseront  de  recevoir  les  apôtres  sera  pire  que  celui  de  Sodome. 

^.  13-16.  —  Comment  ceux  qui  ont  refusé  de  suivre  les  préceptes  de  l'Evangile 
seront  plus  sévèrement  punis  que  ceux  qui  ont  violé  la  loi  naturelle.  —  Pour- 
quoi le  Sauveur  déplore  le  sort  de  Corozaïn,  de  Bcthsaïde  et  de  Capharnaûm. 
—  Crainte  salutaire  qu'il  leur  inspire  en  même  temps.  —  Dans  quel  sens 
Capharnaiïm  a  été  élevé  jusqu'au  ciel.  —  Ces  menaces  ne  s'adressent-elles 
qu'à  ces  villes  incrédules  et  impénitentes?—  Crime  de  celui  qui  n'écoute  pas 
les  apôtres.  —  Comment  le  Sauveur  console  et  encourage  les  apôtres. 

y,  17-20.  —  Les  disciples  se  réjouissent  bien  plus  des  miracles  qu'ils  ont  opérés, 
que  d'être  devenus  les  ministres  de  la  prédication.  —  Comment  le  Sauveur 
se  hâte  de  réprimer  ce  mouvement  d'oi-gueil.  —  Pourquoi  dit-il  :  Je  voyais, 
et  non  :  Je  vois  Satan  tomber  du  ciel"!  etc.  —  Pourquoi  le  compare-t-il  à  un 
éclair  ?  —  Les  esprits  célestes  ne  sont  pas  saints  par  nature ,  comment  le 
sont-ils?  —  Pouvoir  que  Notre-Seigneur  donne  aux  apôtres  sur  toute  puis- 

\ 
\ 


EXPLICATION  DE   l' ÉVANGILE   DE  S.   LUC,   CHAP.   X.  503 

sance  de  l'ennemi.  —  Différence  entre  les  serpents  et  les  scorpions,  ce  que  les 
uns  et  les  autres  représentent.  —  Pourquoi  la  volupté  est  compai'ée  dans 
l'Ecriture  au  serpent.  —  Puissance  que  la  grâce  de  Jésus-Christ  donne  aux 
vieillards,  aux  vierges,  à  de  simples  enfants  pour  triompher  de  la  volupté.  — 
Comment  le  Sauveur  cherche  à  guérir  ses  disciples  de  la  vaine  gloire.  — 
Pourquoi  ne  doivent-ils  pas  se  réjouir  de  ce  qu'ils  ont  reçu  le  pouvoir  de 
chasser  les  démons.  —  De  quoi  doivent-ils  surtout  se  réjouir?  Comment  les 
noms  des  saints  sont  écrits  dans  le  livre  de  vie. 
f.  21-23.  —  Pourquoi  Notre-Seigneur  tressaille  de  joie.  —  Le  Fils  rend-il  ici 
grâces  au  Père  comme  lui  étant  inférieur?  —  Comment  le  Fils  peut-  il  seul 
glorifier  le  Père?  —  Pourquoi  le  Sauveur  parait-il  quelquefois  s'exprimer 
d'une  manière  toute  humaine  ?  —  Condamnation  de  ceux  qui  veulent  se  for- 
mer un  Dieu  différent  du  vrai  Père  du  Christ.  —  Dessein  mystérieux  en  vertu 
duquel  il  a  plu  à  Dieu  de  révéler  les  trésors  de  sa  grâce  aux  petits  plutôt  qu'aux 
sages  et  aux  prudents.  —  Que  représentent  ces  sages  et  ces  prudents.  — 
Notre-Seigneur  ne  condamne  pas  ici  la  vraie  sagesse  et  la  vraie  prudence.  — 
Le  sentiment  de  ce  qui  nous  manque,  disposition  pour  arriver  à  la  perfection. 

—  Sujet  véritable  des  actions  de  grâces  que  le  Sauveur  rend  à  son  Père.  — 
Ne  pas  discuter  témérairement  les  conseils  de  Dieu  dans  la  vocation  des  uns 
et  la  réprobation  des  autres.  —  Comment  Notre-Seigneur  prouve  qu'il  avait 
lui-même  le  pouvoir  de  faire  cette  révélation.  —  Dans  quel  sens  toutes  choses 
lui  ont  été  données.  —  Comment  il  montre  à  ses  disciples  qu'il  ne  le  cède  en 
rien  à  son  Père.  —  Condamnation  des  Ariens.  —  Ce  qu'est  la  révélation.  — 
Comment  le  Fils  de  Dieu  fait  cette  révélation. 

f.  23,  24. —  Pourquoi  le  Sauveur  se  retourne- t-il  vers  ses  disciples?  —  En  quoi 
leurs  yeux  sont-ils  bienheureux  ?  —  Peut-on  conclure  de  ces  paroles  que  les 
apôtres  n'ont  eu  aucune  connaissance  du  Christ? 

f.  25-28.  —  Dans  quel  dessein  ce  docteur  de  la  loi  vient-il  interroger  Notre- 
Seigneur?  —  Quel  était  ce  docteur.  —  Le  commandement  de  l'amour  de  Dieu 
ne  souffre  aucun  partage.  —  Comment  on  peut  apprendre  l'amour  de  Dieu  et 
du  prochain.  —  Ces  deux  commandements  fondés  sur  la  nature.  —  Précieux 
effets  qui  résulteraient  de  l'accomplissement  du  commandement  de  l'amour 
du  prochain.  —  Comment  Notre-Seigneur  évite  le  piège  dans  lequel  ce  doc- 
teur voulait  le  faire  tomber.  —  Quelle  est  la  vie  qui  nous  est  annoncée  et  pro- 
mise par  le  Dieu  créateur  du  monde  et  par  les  anciennes  Ecritures. 

^.  29-37.  —  Orgueil  du  docteur  de  la  loi  qui  prétend  n'avoir  point  de  prochain. 

—  Pourquoi  pense-t-il  n'avoir  point  de  prochain?  —  Comment  Notre-Seigneur 
détermine  l'idée  juste  qu'on  doit  se  faire  du  prochain.  —  Pourquoi  se  sert-il 
du  terme  générique  :  IJn  homme  descendait,  etc.  —  Que  figurent  Jérusalem 
et  Jéricho.  —  Malheureux  sort  de  cet  homme  qui  tombe  entre  les  mains  des 
voleurs.  —  Que  figurent  ces  voleurs.  —  Blessures  que  le  démon  a  faites  à 
l'homme.  —  Comment  il  a  laissé  l'homme  à  demi-mort.  —  Pourquoi  les  péchés 
sont  appelés  des  blessures,  —  Que  représentent  le  prêtre  et  le  lévite  qui  pas- 
sèrent outre.  —  Que  représente  le  Samaritain.  —  Pourquoi  est-il  dit  que  ce 
Samaritain  descendait,  et  qu'il  était  en  voyage?  —  Que  signifient  ces  paroles  • 
Il  vint  prés  de  lui.  —  Comment  le  Sauveur  en  venant  sur  la  terre  s'est  fait 
notre  prochain.  —  Comment  il  est  venu  au  secours  de  notre  misère  et  de  nos 
infirmités.  —  Que  signifient  l'action  du  Samaritain  bandant  les  plaies  de  cet 
homme  après  y  avoir  versé  du  vin  et  de  l'huile,  le  plaçant  sur  sa  monture. 


504 


EXPLICATION   DE  l'ÉVANGILE 


le  conduisant  à  l'hôtellerie,  etc.  —  Comment  Notre-Seigneur  enseigne  au 
docteur  de  la  loi  après  ce  récit  qu'il  est  son  prochain. 
f.  38-  42.  —  Comment  Jésus  nous  enseigne  l'amour  de  Dieu  non  plus  par  ses 
paroles,  mais  par  des  actions.  —  Comment  nous  pouvons  avoir  part  au 
bonheur  de  Marthe  qui  reçut  le  Fils  de  Dieu  dans  sa  maison,  —  Zèle,  atten- 
tion, empressement  de  Marie  pour  écouter  les  paroles  du  Sauveur.  —  Com- 
ment à  l'exemple  de  leur  divin  Maître,  les  disciples  doivent  se  conduire  lors- 
qu'ils sont  reçus  dans  quelque  maison.  —  Les  soins  et  l'empressement  de 
Marthe  étaient  légitimes.  —  Reproche  qu'elle  fait  à  sa  sœur.  —  Comment 
Jésus  justifie  Marie.  —  Comment  nous  devons  nous  préserver  d'une  trop 
grande  préoccupation  dans  la  pratique  de  l'hospitalité.  —  Notre-Seigneur 
blàme-t-il  l'empressement  de  Marthe?  —  Ce  qu'il  défend  ici.  —  Distinction  qu'il 
établit  entre  les  œuvres  extérieures  de  la  charité,  et  les  œuvres  de  la  contem- 
plation. —  Que  représentent  Marthe  et  Marie  dans  le  sens  allégorique. 


;^.  1,  2.  —  Après  cela  le  Seigneur  choisit  encore  soixante-douze  autres  disciples, 
et  les  envoya  deux  à  deux  devant  lui,  dans  toutes  les  villes  et  tous  les  lieux  oit 
il  devait  venir  lui-même.  Et  il  leur  disait  ;  La  moisson  est  grande,  mais  les 
ouvriers  en  petit  nombre.  Priez  donc  le  maître  de  la  moisson,  qu'il  envoie  des 
ouvriers  à  sa  moisson. 

S.  Cyr.  Dieu  avait  annoncé  clairement  par  les  prophètes,  que  la  pré- 
dication de  l'Evangile  s'étendrait  non-seulement  au  peuple  d'Israël, 
mais  à  toutes  les  autres  nations;  et  c'est  pourquoi  Jésus-Christ ,  après 
avoir  choisi  les  douze  apôtres,  institua  soixante-douze  disciples  :  «  Après 
cela,  le  Seigneur  choisit  encore  soixante-douze  autres  disciples,  »  etc. 
—  BEDE.  Ce  choix  des  soixante-douze  disciples  est  providentiel,  parce 
que  l'Evangile  devait  être  prêché  dans  le  monde  à  autant  de  nations  ; 
les  douze  apôtres  avaient  été  choisis  pour  les  douze  tribus  d'Israël,  et 
ceux-ci  sont  destinés  à  enseigner  les  nations  étrangères  (1).  —  S.  AuG. 

'I)  Ce  n'est  pas  que  les  soixante-douze  disciples  aient  été  envoyés  exclusivement  vers  les  nations 
étrangères,  ou  que  les  apôtres  n'aient  pas  reçu  cette  mission  alors  que  Jésus-Christ  leur  a  dit  : 
1  Allez  dans  tout  l'univers,  »  etc.,  mais  il  faut  entendre  cette  interprétation  dans  ce  sens  que  le 


CÂPUT   X. 

Post  hœe  autem  designavit  Dominus  et  alios 
septuaginta  duos,  et  misit  illos  binos  anle  fa- 
ciem  suam  in  omnem  civifaiem  et  lociim ,  qiw 
erat  ipse  veniurus.  Et  dicebat  illis  :  Messis 
quidem  multa,  operarii  autem  pauci  :  rogate 
ergo  dorninum  messis  ut  mittat  operarios  in 
messem  suam. 

CiRiL.  {in  Cat.  Grœcorum  Patnim.) 

ertificaverat  Deus  per  prophetas  quod 

angelii  preedicatio  salutaris  compre- 


hensura  erat,  non  solum  Israël,  sed  etiam 
gentium  grèges.  Et  ideo  a  Christo  post 
duodecim  apostolos,  et  alii  septuaginta 
duo  sunt  instituti.  Uude  dicitur  :  «  Post 
haec  autem  designavit  Dominus  et  alios 
septuaginta  duos,  »  etc.  Bed.  Bene  sep- 
tuaginta duo  mittuQtur,  quia  totidem 
mundi  gentibus  evangelium  praedicau- 
dum  erat;  ut  quomodo  duodecim  primo 
propter  duodecim  tribus  Israël,  ita  et  hi 
propter  exteras  gentes  destiuarentur  im- 
buendas.  AuG.  (de  Qncest.  Evang.,  lib.  ii, 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.  X.  505 

(Quest.  évang.,  ii,  14.)  De  même  que  la  lumière  parcourt  et  éclaire 
tout  l'univers  dans  l'espace  de  vingt-quatre  heures  ,  ainsi  la  fonction 
mystérieuse  d'éclairer  tous  les  hommes  par  la  prédication  da  mystère 
de  la  Trinité ,  est  confiée  à  soixante-douze  disciples  ;  car  trois  fois 
vingt-quatre  font  soixante-douze.  —  Bède.  C'est  un  fait  hors  de  doute 
que  les  douze  apôtres  représentent  l'ordre  des  évêques,  de  môme  que 
les  soixante-douze  disciples  représentent  ceux  à  qui  l'Ecriture  donne 
le  nom  d'anciens  (c'est-à-dire  les  prêtres  du  second  ordre.)  Cependant, 
dans  les  premiers  temps  de  l'Eglise  ,  on  donnait  indifféremment  aux 
uns  comme  aux  autres,  le  nom  à' anciens  et  à' évêques ,  dont  l'un  si- 
gnifie la  maturité  de  la  sagesse ,  et  l'autre  la  sollicitude  de  la  charge 
pastorale.  —  S.  Cyr.  L'élection  des  soixante-douze  disciples  avait  été 
figurée  par  Moïse,  qui,  par  l'ordre  de  Dieu ,  avait  choisi  soixante-dix 
hommes  d'entre  le  peuple ,  sur  lesquels  Dieu  répandait  son  esprit. 
{Nomb.,  XI.)  Nous  lisons  dans  le  même  livre  des  Nombres  (chap.xxxiii), 
que  les  enfants  d'Israël  vinrent  à  Elim  (qui  signifie  action  de  monter), 
où  ils  trouvèrent  douze  sources  d'eau  vive  ,  et  soixante-dix  palmiers. 
Or,  si  nous  nous  élevons  jusqu'à  l'interprétation  spirituelle,  nous  trou- 
verons aussi  les  douze  fontaines,  c'est-à-dire  les  saints  Apôtres,  où 
nous  puisons  la  science  du  salut  comme  aux  sources  du  Sauveur 
[Isaïe,  XII,  5),  et  les  soixante-dix  palmiers,  c'est-à-dire  ceux  qui  sont 
ici  choisis  par  Jésus-Christ.  En  effet ,  le  palmier  est  un  arbre  qui  a 
une  sève  abondante,  de  profondes  racines,  une  fécondité  merveilleuse, 
qui  naît  au  milieu  des  eaux,  et  dont  le  tronc  et  le  feuillage  s'élèvent  à 
une  très-grande  hauteur. 

«  Et  il  les  envoya  deux  à  deux  devant  lui.  »  —  S.  Grég.  {hom.  17 

mystère  des  douze  tribus  est  comme  figuré  dans  les  douze  apôtres,  et  le  mystère  des  soixante- 
douze  nations  dans  les  soixante-  douze  disciples. 


quœst.  14.)  Sicut  etiam  viginti  quatuor 
horis  totus  orbis  peragitur  atque  illus- 
tratur,  ita  mysteriura  illustrandi  orbis 
per  evangelium  Trinitatis  ia  septuaginta 
duobus  discipulis  intimatur  :  ter  enim 
repetita  viginti  quatuor  septuaginta  duo 
faciunt.  Bed.  Sicut  autem  fliiodeeim 
apostolos  formam  episcoporum  pr.-e- 
monstrare,  nemo  est  qui  diihitet;  sic  et 
hos  septuaginta  duos  figuram  presbyte- 
rorura  (id  est,  secnndi  ordinis  sacerdo- 
tuin  )  gessisse  sciendura  est  ;  tametsi 
primis  Ecclesiae  teniporibus  (ut  aposto- 
îica  Scriptura  testis  est  )  utrique  presbij- 
teri  ;  utrique  vocabantur  et  episcopi  ; 
quorum  imum  sapientiae  maturitatem , 
aliud  industriara  curae  pastoralis  signifi- 
cat.  CïRiL.  [ubi  svp.)  Hujus  etiam  forma 


in  verbis  Moysi  tigurabatur,  qui  jubeule 
Deo  septuaginta  elegit  (Auin.,  11)  qui- 
bus  Deus  Spiritum  infundebat.  In  Nu- 
méris etiam  (cap.  33)  scriptum  est  de 
filiis  Israël,  quod  venerunt  in  Elim  (quod 
interpretatur  ascensus),  et  erant  ibi  duo- 
decim  fontes  aquarum,  et  septuaginta 
palmœ.  Convolantes  enim  ad  augmen- 
tum  spirituale ,  reperiemus  duodecim 
fbntes  (scilicet  sacros  apostolos,  a  quibus 
hauriiiius  salutis  scientiam,  sicut  a  fon- 
tibus  Salvatoris),  et  septuaginta  palmas, 
hos  scilicet  qui  nunc  destinati  sunt  a 
Cliristo.  Est  enim  palma  arbor  bonae 
meduUae,  bene  radicata,  et  fertilis,  et 
semper  uascens  in  aquis  ;  alla  simul ,  et 
frondes  porrigens  sursum. 
Sequitur  :  «  Et  misit  illos  biuos.  » 


506 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


sur  les  Evang.)  Le  Sauveur  envoie  ses  disciples  prêcher  deux  à  deux, 
parce  qu'il  y  a  deux  préceptes  de  charité ,  le  précepte  de  l'amour  de 
Dieu,  et  le  précepte  de  l'amour  du  prochain  ,  et  que  d'ailleurs  il  faut 
être  au  moins  deux  pour  exercer  la  charité.  Notre- Seigneur  nous  fait 
entendre  implicitement  par  là  ,  que  celui  qui  n'a  pas  de  charité  pour 
son  prochain,  ne  doit  nullement  se  charger  du  ministère  de  la  prédi- 
cation. —  Orig.  Saint  Matthieu ,  dans  l'énumération  qu'il  nous  fait 
des  Apôtres,  les  compte  deux  par  deux,  et  l'Ecriture  nous  représente 
comme  un  usage  très-ancien  cette  association  de  deux  personnes  pour 
l'exécution  des  œuvres  de  Dieu.  C'est  ainsi  que  Dieu  délivra  Israël  de 
l'Egypte  par  les  mains  de  Moïse  et  d'Aaron  {Exode,  xii)  ;  et  que  Josué 
et  Galeb  se  réunirent  pour  apaiser  le  peuple  soulevé  par  les  douze 
hommes  envoyés  pour  explorer  la  terre  de  Chanaan  [Nomb.,  xiii  et  xxv). 
Aussi  lisons-nous  dans  le  livre  des  Proverbes  (chap.  xviii,  19)  :  a  Le 
frère  qui  est  aidé  par  son  frère,  est  comme  une  ville  fortifiée.  »  — 
S.  Bas.  Notre-Seigneur  nous  enseigne  encore  par  là,  que  ceux  qui  ont 
reçu  les  mêmes  dons  spirituels,  ne  peuvent  point  faire  prévaloir  opi- 
niâtrement leur  sentiment  personnel.  —  S.  Grég.  {hom.  17.)  Remar- 
quez la  mystérieuse  signiQcatiou  des  paroles  qui  suivent  :  «  Dans 
toutes  les  villes  et  dans  tous  les  lieux  où  il  devait  lui-même  arriver.  » 
En  effet,  le  Seigneur  vient  à  la  suite  de  ses  prédicateurs  ;  la  prédica- 
tion lui  ouvre  les  voies,  et  c'est  alors  qu'il  fait  son  entrée  dans  notre 
âme  ;  la  parole  marche  devant  lui ,  et  introduit  ainsi  la  vérité  dans 
notre  cœur,  voilà  pourquoi  le  prophète  Isaïe  dit  (chap.  xl)  :  «  Préparez 
les  voies  du  Seigneur,  rendez  droits  les  sentiers  de  notre  Dieu  (1).  » 

(1)  Ces  paroles  d'Isaïe  dans  le  sens  littéral  ne  s'adressent  pas  seulement  aux  prédicateurs,  mais 
à  tous  les  hommes  que  le  prophète  exhorte  à  préparer  la  voie  au  Seigneur,  par  la  droiture  de  leur 
esprit  et  de  leur  cœur.  {Matth.,  m,  3;  Marc,  i,  b;  Jean,  i,  23.) 


Gbeg^  {in  hom,  17,  in  Evang.)  Binos  in 
preedicationem  discipulos  mittit,  quia 
duo  suût  praecepta  charitatis  :  Dei  scili- 
cet  amor  et  proximi;  et  minus  quam 
inter  duos  charitas  haberi  non  potest; 
quateuus  hoc  nobis  tacitus  inuuat  quia 
qui  charitatem  erga  alterum  non  habet, 
praedicatiouis  officiuiu  suscipere  nuUate- 
nus  débet.  Orig.  [in  Cat.  Grœcorum 
Patrum.)  Sicut  etiam  ex  duodecim  biui 
et  bini  numerati  fuerunt ,  ut  in  eorum 
(îatalogo  Matthœus  ostendit,  quod  enim 
bini  famularentur,  Dei  verbo  antiquum 
esse  videtur  :  eduxit  enim  Deus  Israël 
de  ^gj'pto  per  manus  Moj'si  et  Aaron 
[Exod.,  12);  Josue  quoque  et  Caleb 
concordantes,  pacaverunt  provocatum 
a  duodecim    exploratoribus    populum. 


[Sum.,  13  et  14.)  Unde  dicitur  (Prov., 
18)  :  «  Frater  a  fratre  adjutus,  ut  civitas 
vallata.  »  Basil,  [in  Cat.  Grœcomm  Pa- 
trum.) Simul  etiam  per  hoc  indicavit 
quod  si  aliqui  pares  sunt  in  spiritualibus 
donis,  hoc  non  sinet  in  eis  prajvalere 
propriœ  opinionis  passionem.  Greg.  [in 
hom.  17,  ut  sîip.)  Beue  autem  subditur  : 
«  Ante  faciem  suam  iu  omnem  civitaleni 
et  locum  quo  erat  ipse  venlurus.  »  Prae- 
dicatores  enim  suos  Dominus  sequitur; 
quia  prœdicatio  praevenit,  et  tune  ad 
mentis  noslrœ  habitaculum  Dominus  ve- 
nit;  quando  verba  exhortationis  prae- 
currunt,  atque  per  hoc  veritas  in  mente 
suscipitur.  Hinc  praedicatoribus  Isaias 
dicit  (cap.  40)  :  «  Parate  viam  Domini, 
rectas  facile  semitas  Dei  uostri.  » 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    X.  507 

Théophyl.  Le  Seigneur  avait  choisi  les  soixante-douze  disciples 
pour  répondre  aux  besoins  de  la  multitude  qui  manquait  de  prédica- 
teurs ;  car  de  même  que  nos  champs ,  couverts  de  nombreux  épis , 
semblent  appeler  la  faux  des  moissonneurs  ;  ainsi  la  multitude  innom- 
brable de  ceux  qui  devaient  embrasser  la  foi,  avait  besoin  de  docteurs 
et  de  maîtres  ;  «  La  moisson  est  grande,  »  disait  Jésus  à  ses  disciples. 
—  S.  Chrys.  Mais  comment  peut-il  appeler  moisson,  ce  qui  ne  fait  en- 
core que  commencer?  Il  n'a  pas  encore  mis  la  charrue  dans  les 
champs,  ni  tracé  de  sillons,  et  il  parle  de  moissons.  Cette  parole  pou- 
vait j  eter  ses  disciples  dans  l'incertitude^  et  les  porter  à  se  dire  :  Comment, 
si  peu  nombreux  que  nous  sommes ,  pourrons-nous  convertir  tout 
l'univers?  comment,  nous,  ignorants,  nous  présenter  devant  des  sa- 
vants, pauvres  devant  des  riches,  sujets  devant  les  puissants  du  siècle. 
C'est  donc  pour  leur  épargner  ce  trouble  intérieur,  que  le  Sauveur 
appelle  l'Evangile  une  moisson;  comme  s'il  disait  :  Tout  est  prêt,  je 
vous  envoie  recueillir  des  fruits  parvenus  à  leur  maturité  ;  car  le  même 
jour,  vous  pourrez  semer  et  moissonner.  Voyez  le  laboureur  entrer 
plein  de  joie  dans  les  champs,  couverts  d'une  abondante  moisson.  Or, 
votre  joie  doit  être  beaucoup  plus  grande  en  entrant  dans  le  monde,  car 
l'œuvre  à  laquelle  Dieu  vous  appelle ,  est  une  moisson  abondante  qui 
vous  présente  ses  champs,  n'attendant  que  la  faux  du  moissonneur. 

S.  Grég.  [hom.  17.)  Mais  nous  ne  pouvons  répéter  les  paroles  qui 
suivent ,  sans  un  profond  sentiment  de  douleur  :  «  Les  ouvriers  sont 
en  petit  nombre.  »  Il  en  est  beaucoup ,  sans  doute  ,  pour  écouter  les 
paroles  de  vie,  mais  très-peu  pour  les  leur  adresser.  Voici  que  le 
monde  est  rempli  de  prêtres,  mais  qu'il  est  rare  de  rencontrer  dans  la 
moisson  du  Seigneur  un  seul  véritable  ouvrier.  Et  la  raison,  c'est  que 
nous  recevons  le  caractère  et  la  charge  du  sacerdoce,  mais  que  nous 


Theophylact.  Designaverat  autem  Do- 
minus  discipulos  propter  mnltitucUnem 
doctoribus  inflif);entem  :  sicut  enim  nos- 
tri  agri  spicati  multos  niessores  deside- 
rant,  sic  qui  rrediluri  erant,  innumera- 
biles  existentes,  multis  doctoribus  indi- 
prebant.  Unde  sequitur  :  «  Messis  quidem 
uiulta.  I)  Chrys.  [in  Cat.  Crœcorum  Pa- 
/rvm.)  Sed  qnaliter  messeni  vocal,  cuin 
res  ad  prsesens  exordium  suujatur?  Nou- 
duni  jacto  aratro,  aut  siilcis  productis, 
de  messibus  tractât  :  poterant  cnim  dis- 
cipuli  vacillare,  et  secum  meditari,  et 
dicere  :  «  Qualiter  nos  numéro  brevi 
emendare  poterimus  totum  mundum? 
idiotae  sophistas;  muuitos  nudi;  domi- 
nantes subditi.   »   Ne  iffilur  considera- 


tioue  talium  turbarentur,  vocat  Evange- 
lium  messem  :  quasi  dicat  :  «  Parata 
sunt  omnia  :  mitto  vos  ad  paratam  col- 
lectionem  fructuum  :  eodem  die,  et  se- 
rere  potestis,  et  metere.  Sicut  ergo  co- 
lonus  exiens  ad  messes,  laetatur,  sic  etiam 
vos  multo  amplius  et  alacrius  necessa- 
rium  est  exire  in  mundum  :  nam  hoc 
negotium  uiessis  est,  agros  vobis  exhi- 
bens  prfipparatos.  » 

Greg.  {in  hom.  17,  ut  sup.)  Sed  non 
sine  gravi  ranerore  loqui  possumus,  qnod 
subditur  :  «  Operarii  aulem  pauci,  »  etc. 
Quia  etsi  sunt  qui  bona  audiant,  desunt 
qui  dicant.  Ecce  mundus  est  sacerdoti- 
bu3  plenus;  sed  tamen  in  messe  T)ei 
rarus  ralde  reperittir  operator;  quia  offi- 


508 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


nous  mettons  peu  en  peine  d'en  remplir  les  devoirs. —  Bède.  De  même 
que  cette  moisson  abondante  représente  le  grand  nombre  de  ceux  qui 
embrassent  la  foi ,  ainsi  les  ouvriers  peu  nombreux  sont  les  Apôtres, 
et  ceux  qui,  à  leur  exemple,  sont  envoyés  pour  recueillir  la  moisson. 
S.  Cyr.  De  vastes  champs  exigent  un  grand  nombre  de  moisson- 
neurs, ainsi  en  est-il  de  la  multitude  de  ceux  qui  doivent  croire  en 
Jésus-Christ.  Le  Sauveur  ajoute  :  «  Priez  donc  le  maître  de  la  moisson 
qu'il  envoie  des  ouvriers  dans  sa  moisson.  »  Remarquez  qu'après  avoir 
dit  ces  paroles  :  «  Priez  le  maître  de  la  moisson,  »  il  envoie  lui-même 
les  ouvriers  dans  la  moisson.  Il  est  donc  le  maître  de  la  moisson,  et 
c'est  par  lui  et  avec  lui  que  le  Père  exerce  son  empire  sur  tous  les 
hommes.  —  S.  Chrys.  {hom.  33  sur  S.  Matth.)  Il  a  multiplié  dans 
la  suite  les  ouvriers,  non  pas  eu  augmentant  leur  nombre  ,  mais  en 
leur  communiquant  une  vertu  toute  céleste.  Il  nous  fait  entendre  encore 
l'excellence  de  la  grâce  qui  appelle  les  ouvriers  à  recueillir  cette  mis- 
sion divine,  en  les  exhortant  à  demander  cette  grâce  au  maître  de  la 
moisson.  —  S.  Grég.  {ho7n.  17.)  Il  faut  aussi  profiter  de  ces  paroles 
pour  exhorter  les  fidèles  à  prier  pour  leurs  pasteurs ,  à  demander  à 
Dieu  qu'ils  travaillent  dignement  au  salut  de  leurs  âmes ,  et  que  leur 
langue  ne  cesse  jamais  de  les  instruire.  Car  souvent,  ce  sont  les  ini- 
quités des  prédicateurs  qui  retiennent  leur  langue;  mais  souvent  aussi 
il  arrive  que  c'est  en  punition  des  fautes  des  simples  fidèles,  que  Dieu 
retire  à  ceux  qui  les  dirigent  la  parole  de  la  prédication. 

^.  3,  4.  —  Allez,  je  vous  envoie  comme  des   agneaux  au  milieu  des  loups. 
Ne  portez  ni  bourse,  ni  sac,  ni  souliers,  et  ne  saluez  personne  en  chemin. 

S.  Cyr.  Saint  Luc  rapporte  ensuite  comment  Notre-Seigneur  Jésus- 


cium  quidem  sacerdotale  suscipimus,  sed 
opus  officii  non  implemus.  Bed.  Sicut 
autem  messis  multa  est  omnis  turba  cre- 
dentium,  ita  operarii  pauci  sunt  apos- 
toli,  et  imitatores  eorum  qui  luittuntur 
ad  messem. 

Cyril,  {ubi  supra.)  Sicut  autem  agri 
spatiosi  messores  multos  exigunt,  sic  et 
multitude  crediturorum  in  Cliristum. 
Unde  subdit  :  «  Rogate  ergo  Dominum 
messis  ut  mittat  operarios  in  messem 
suam.  »  Illud  autom  attende,  quod  cum 
dixisset  :  «  Rogate  Dominum  messis,  ut 
mittat  operarios  in  messem  suam,  »  ipse 
postmodum  hoc  peregit.  Ipse  igitur  est 
Dominas  messis;  ac  per  eum  et  cum  eo 
Deus  Pater  omnibus  dominatur.  Chrys. 
(hom.  33,  in  Matth.)  Multiplicavit  au- 
tem postmodum  eos;  non  addens  ad  au- 


merum,  sed  concedens  virtutem.  Insi- 
nuât autem  quod  magnum  donum  est 
operarios  mittiiu  messem  divinam,  per 
hoc  quod  dicit  dominum  messis  super 
hoc  esse  rogandum.  Greg.  {hom.  il,  ut 
sup.)  Per  hoc  etiam  inducendi  sunt  sub- 
diti  ut  pro  suis  pastoribus  rogent,  ut 
digna  eis  operari  valeant,  nec  ab  exhor- 
tatione  torpeat  lingua.  Saepe  enim  pro 
sua  nequitia  praedicantium  restringitur 
lingua  :  saepe  vero  ex  subjectorum  culpa 
agitur,  ut  eis  qui  prsesunt  praedicationis 
sermo  subtrahatur. 

I(e,  ecce  ego  miilo  vos  sicut  agnos  inter  lupos  : 
noUte  portare  sacculum,  neque  peram,  neque 
calceatnenta,  et  neminem  per  viam  salutaue- 
ritis. 

CïRiL.  {in  Cat.  Geecorum  Patrum.) 


DE   SAINT   LUC^    CHAP.    X.  509 

Christ  enseigne  aux  soixante-douze  disciples  la  science  apostolique,  la 
modestie,  la  sainteté,  la  justice,  comme  aussi  à  ne  jamais  sacrifier 
aux  intérêts  du  siècle  la  prédication  de  l'Evangile  ,  mais  à  pousser  la 
force  et  le  courage  de  l'àme  jusqu'à  braver  toutes  les  terreurs  du 
monde,  même  celle  de  la  mort.  Il  leur  dit  donc  :  «Allez.» — S.  Chrys. 
{hom.  34  stœ  S.  Matth.)  Leur  grande  consolation,  au  milieu  de  tous 
les  dangers,  c'était  la  puissance  de  celui  qui  les  envoyait  ;  c'est  pourquoi 
il  leur  dit  :  «  Voilà  que  je  vous  envoie,  »  c'est-à-dire  :  Cela  doitsuffire 
pour  votre  consolation ,  pour  vous  donner  toute  espérance ,  et  vous 
affranchir  de  la  crainte  des  maux  qui  vous  attendent.  Il  ajoute  : 
«  Comme  des  agneaux,  au  milieu  des  loups.  »  —  S.  Isid.  de  Séville. 
(liv.  v,  lettre  438  à  Timoth.)  Comparaison  qui  exprime  la  simplicité 
et  l'innocence  des  disciples  ;  car  ceux  qui  s'emportent  et  outragent  la 
nature  par  leurs  excès,  il  les  appelle  non  point  des  agneaux,  mais  des 
boucs. 

S.  Ambr.  Ces  animaux  sont  de  mœurs  tout  opposées,  puisque  les 
uns  sont  dévorés  par  les  autres,  c'est-à-dire  les  agneaux  par  les  loups, 
mais  le  bon  pasteur  ne  craint  pas  pour  son  troupeau  les  approches  des 
loups.  Aussi  envoie-t-il  ses  disciples,  non  pour  ravager,  mais  pour  ré- 
pandre la  grâce ,  et  la  sollicitude  du  bon  pasteur  fait  que  les  loups 
n'osent  rien  entreprendre  contre  les  agneaux.  Il  envoie  donc  les 
agneaux  au  milieu  des  loups,  pour  accomplir  cette  prophétie  d'Isaïe  : 
«  On  verra  paître  ensemble  le  loup  et  l'agneau.  »  {fsaïe,  lxv.)  — 
S.  Chrys.  {hom.  14.)  Un  des  signes  éclatants  du  plus  glorieux  triomphe, 
ce  fut  de  voir  les  disciples  environnés  de  tant  d'ennemis  ,  comme  des 
agneaux  au  milieu  des  loups,  les  convertir  à  la  foi.  —  Bèbe.  Ou  bien 


Narrai  Lucas  consequenter  septuagiuta 
discipulos  vindicasse  sibi  a  Chrislo  apos- 
tolicam  eruditioneui ,  modesliam  ,  inno- 
centiam,  Dcquitatera;  nihilque  munda- 
norum  sacris  prœdicationibiis  praeferro  ; 
aspirare  autem  adeo  ad  fortiludineiu 
mentis,  ut  nullum  terribiliumformideiit, 
neque  ipsam  morleni.  Unde  di<'it  :  Ite. 
CHnvs.  {/lom.  34,  in  Matlh.)  Erat  enim 
inter  omnia  pericula  eorum  solatinm 
virtus  miltentis  eos  :  et  ideo  dicit  : 
«  Kcce  eio  mitto  vos.  »  Quasi  dicerct  : 
Hoc  sufficit  ad  consolationem  vcslrani, 
hoc  sufficit  ad  speranduni,  et  non  ti- 
meudum  superveuieutia  mala;  quœ 
significat  subdens  :  «  Sicut  agnos  intcr 
lupos.  »  Isii).  AiîBAS.  {in  (cit.  Gracco- 
rnm  Patrum.)  Denotans  in  discipulis 
simplicilateni  et  innocentiam  :  nam  de- 


bacchantes,  et  sua  enormitate  injurian- 
tes nalune,  non  agnos  appellat ,  scd 
hœdos. 

Ambr.  Contraria  autem  sunt  sibi  ista 
auimalia  ut  alia  ab  aliis  devoreutur,  id 
est,  agni  a  lupis,  sed  bonus  pastor  lupos 
gregi  suo  timere  non  novit.  Ideoque  isti 
discipuli,  non  in  prœdam  ,  sed  ad  gra- 
tiam  diriguntur  :  sollicitudo  enim  pasto- 
ris  boni  efficit  ut  lupi  in  agnos  audere 
nihil  possint.  Mittit  ergo  agnos  inter 
lupos,  ut  conipleretur  iliud  (/50/.,  65)  : 
«  Tune  lupi  et  agni  simul  pasceutur.  » 
Chrys.  [hom.  14,  ul  sup.)  Hoc  euiinfuit 
manifestum  indiciuni  prœclari  triuraphi, 
ut  cum  circumdati  essent  discipuli 
Christi  ab  hostibus,  quasi  agni  inter 
lupos,  eos  tameu  converterent.  Bed. 
Vel    speciahter  lupos  vocal  scribas   et 


5i0 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


ces  loups ,  ce  sont  plus  particulièrement  les  scribes  et  les  pharisiens 
qui  sont  les  ministres  des  Juifs.  —  S.  Ambr.  Ou  bien  encore,  ces  loups 
sont  la  ligure  des  hérétiques.  Les  loups ,  en  effet ,  sont  des  animaux 
féroces  qui  guettent  les  bergeries  ,  et  rôdent  autour  des  cabanes  des 
pasteurs.  Ils  n'osent  entrer  dans  l'intérieur  des  demeures ,  ils  épient 
le  sommeil  des  chiens,  l'absence  ou  la  négligence  des  bergers  ;  ils  se 
jettent  à  la  gorge  des  brebis  pour  les  étrangler  plus  vite  ;  ils  sont  fé- 
roces, ravisseurs,  leur  corps  est  naturellement  raide  et  peu  flexible,  et 
ne  leur  permet  pas  de  se  plier  facilement ,  aussi  ils  sont  comme  em- 
portés parleur  impétuosité,  et  manquent  souvent  leur  coup.  S'ils  aper- 
çoivent les  premiers  un  homme,  ils  étouffent  sa  voix,  dit-on,  par  une 
certaine  force  naturelle;  si,  au  contraire,  l'homme  les  prévient  le  pre- 
mier, ils  sont  comme  surpris  et  déconcertés.  Tels  sont  les  hérétiques  ; 
ils  tendent  des  pièges  autour  des  bergeries  du  Christ ,  on  les  entend 
hurler  pendant  la  nuit  autour  des  cabanes  des  bergers  ;  car  il  est  tou- 
jours nuit  pour  ces  ennemis  perfides  qui  répandent  sur  la  lumière  de 
Jésus-Christ  les  nuages  de  leurs  fausses  interprétations.  Cependant  ils 
n'osent  entrer  dans  ses  bergeries ,  aussi  n'obtiennent-ils  jamais  leur 
guérisou,  comme  cet  homme  qui,  après  être  tombé  entre  les  mains 
des  voleurs,  fut  guéri  dans  un  étable  (1*).  Ils  épient  l'absence  des  pas- 
teurs, parce  qu'ils  n'oseraient,  en  leur  présence  se  jeter  sur  les  brebis 
du  Christ.  Ils  ont  aussi  dans  l'esprit  une  certaine  raideur  ,  et  une  du- 
reté qui  ne  leur  permettent  pas  de  revenir  de  leurs  erreurs.  Mais  Jésus- 
Christ,  le  véritable  interprète  de  la  sainte  Ecriture,  déjoue  leurs 
efforts,  rend  nulles  toutes  leurs  attaques ,  et  leur  ôte  toute  puissance 
de  nuire.  Cependant  s'ils  trouvent  le  moyen  d'enlacer  quelqu'un  les 
premiers  dans  les  filets  de  leurs  interprétations  fallacieuses,  ils  Je  ré- 

(l*)  Allusion  à  l'histoire  du  bon  Samaritain.  Le  mot  stabulum,  auquel  saint  Ambroise  donne  ici 
le  sens  d'étable,  doit  être  pris  pour  hôtellerie  dans  cette  histoire;  [voyez plus  bas,] 


pharisœos,  qui  sunt  clerici  Judœorum. 
Ambr.  Vel  lupis  sunt  hœretici  compa- 
randi  :  lupi  enim  bestiœ  sunt  quœ  insi- 
diantur  ovilibus,  et  circa  pastorales  ver- 
santur  casas.  Habitaculadomorumintrare 
non  audent;  somnum  canum,  absentiam 
aut  desidiam  pastorum  explorant;  in 
ovium  guttur  invadunt,  ut  cito  straugu- 
lent;  feri,  rapaces,  natura  corporis  rigi- 
diores,  ut  se  facile  non  possint  inflectere; 
impetu  quodam  sue  feruntur ,  et  ideo 
sœpe  deluduntur.  Si  quem  priores  bomi- 
nem  Tiderint,vocemejus  quadam  naturae 
vi  feruntur  eripere  :  si  autem  boœo 
prius  603  viderit ,  exagitari  memoran- 
tur.    Sic    hœretici    insidiantur  ovilibus 


Cbristi,  fremuat  circa  casas  uocturno 
tempore  :  semper  euina  pertidis  nox  est, 
qui  lucem  Cbristi  nebulis  pravae  inter- 
pretationis  obducunt  :  stabula  tameu 
Cbristi  intrare  non  audent,  et  ideo  non 
sanautur  sicut  curatus  est  ille  in  stabulo. 
qui  iucidit  in  latrones  :  explorant  pas- 
toris  absentiam ,  quia  praesentibus  pas- 
toribus  oves  Cbristi  incursare  non  pos- 
sunt  :  quadam  etiam  mentis  intentione 
duri  et  rigidi ,  nequaquam  soient  a  suo 
errore  deflectere.  quos  Scripturae  verus 
interpres  Cbristus  illudit  ,  ut  in  vanum 
suos  effundant  impetus,  et  nocere  non 
possint;  qui  siquemversutadisputationis 
suœ  circumscriptione   praeveniuut ,   fa- 


DE  SAINT  LUC,   CHAP.   X.  544 

duisent  au  silenee  ;  car  on  est  muet  quand  on  ne  confesse  pas  Dieu , 
en  proclamant  la  gloire  qui  lui  appartient  par  essence.  Prenez  donc 
garde  que  quelque  hérétique  ne  vous  ravisse  la  voix  avant  que  vous 
ne  l'ayez  surpris  le  premier  ;  car  l'œuvre  de  sa  perfidie  avance  toujours, 
tant  qu'elle  reste  cachée;  mais  si  vous  mettez  à  découvert  ses  projets 
impies,  vous  n'aurez  plus  à  craindre  la  perte  d'une  voix  consacrée  à 
Dieu.  Ils  prennent  à  la  gorge,  ils  font  des  blessures  mortelles  aux 
organes  essentiels  de  la  vie,  pour  atteindre  l'âme  elle-même.  Si  donc 
vous  entendez  parler  d'un  prêtre  même ,  et  que  vous  appreniez  ses 
vols  et  ses  rapines,  c'est  une  brebis  dehors,  mais  au  dedans,  c'est  un 
loup  qui,  par  un  instinct  de  cruauté  insatiable,  veut  assouvir  sa  rage 
dans  le  sang  des  hommes  qu'il  égorge.  —  S.  Grég.  {hom.  47  sur  les 
Evang.)  Il  en  est  beaucoup  qui,  en  prenant  la  charge  pastorale, 
semblent  n'avoir  de  zèle  que  pour  dépouiller  ceux  qui  leur  sont  sou- 
mis, et  cherchent  à  inspirer  la  crainte  de  leur  autorité.  Gomme  ils 
n'ont  pas  les  entrailles  de  la  charité ,  ils  veulent  qu'on  les  regarde 
comme  des  maîtres,  ils  ignorent  tout  à  fait  qu'ils  sont  pères,  et  ils 
font  d'une  place  toute  d'humilité,  un  instrument  d'orgueil  et  de  domi- 
nation. Afin  de  nous  préserver  de  ces  excès,  rappelons-nous  que  nous 
sommes  envoyés  comme  des  agneaux  au  milieu  des  loups ,  pour  nous 
apprendre  à  conserver  la  douceur  de  l'innocence  ,  et  à  ne  point  dé- 
chirer nos  frères  par  méchanceté  ;  car  celui  qui  exerce  le  ministère  de 
la  prédication,  loin  de  faire  du  mal  aux  autres  ,  doit  supporter  celui 
qu'on  veut  lui  faire;  et  si  le  zèle  de  la  justice  exige  qu'il  déploie 
quelquefois  de  la  sévérité ,  il  faut  qu'il  ressente  dans  son  cœur  un 
amour  tout  paternel  pour  ceux  qu'il  est  obligé  de  poursuivre  et  de 
châtier  extérieurement.  Or,  l'accomplissement  de  ce  devoir  sera  facile 
au  pasteur  qui  ne  place  pas  son  âme  sous  le  joug  écrasant  des  con- 


ciunt  obmutescere  ;  ruulus  est  enim  qui 
verbum  Dei  non  eadem  qua  est  gloria 
confiletur.  Cave  igilur  ne  tibi  vocem 
tollat  hsereticus  ne  priorem  non  ipse  de- 
prehenderis  :  serpit  enira  dum  latel  ejus 
perfidia;  si  autem  commenta  impielatis 
ejus  agnoveris ,  jacturam  pire  vocis 
timere  non  poteris.  Guttur  invadunf, 
vitalibus  vulnus  affigunt,  dum  animam 
petunt.  Si  etiam  audies  aliquem  sacer- 
dotem  dici,  et  rapinas  ejus  coguoscis, 
foris  ovis,  intus  lupus  est,  qui  liiunan.c 
necis  iiibaturabiii  cruùclilate  rabiem 
suam  dcr^iderat  explore.  Gri:g.  [in/ioui. 
17,  in  Evang.)  Multi  onini  cum  reginii- 
nisjiira  suscipiunt,  ad  lacerandos  subdi- 
tos    inardescunt ,    terrorem    potestatis 


exbibent  ;  et  quia  charitatis  viscera  non 
habent,  domini  videri  appetunt,  patres 
se  esse  minime  recognoscunt ,  humili- 
latis  locum  in  elationem  domination]  s 
iramulant  :  contra  quœ  onmia  conside- 
randum  nobis  est,  quia  sicut  agni  inter 
hipos  miltimur ,  ut  sensum  servantes 
innocentise,  morsum  malitite  non  habea- 
mus  :  qui  enim  locum  prcedicationis 
suscipit,  mala  inferre  non  débet,  sed 
tolerare  :  quera  etsi  quandoque  zelus 
reclUudinis  exigit,  ut  erga  subjectos 
sœviat ,  intus  paterna  pietate  diligat 
quos  foris  (piasi  insequendo  castigat. 
Quod  tune  rector  bene  exhibet ,  cum 
tcrrena;  cupiditatis  oneribus  nequaquam 
mentis  colla  snpponit.  Unde  subditur  : 


512 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


voitises  de  la  terre  ;  voilà  pourquoi  Notre-Seigueur  ajoute  :  «  Ne  portez 
ni  bourse,  ni  sac.  »  —  S.  Grég.  de  Naziakze.  (dise,  i.)  Le  résumé  de 
ces  divines  instructions,  c'est  que  leur  vertu  doit  être  tellement  émi- 
nente,  que  les  exemples  de  leur  vie  servent  aussi  puissamment  au 
progrès  de  l'Evangile,  que  leurs  prédications.  —  S.  Grég.  [hom.  17.) 
Le  prédicateur  doit  avoir  en  Dieu  une  telle  confiance ,  que  tout  en  ne 
se  préoccupant  aucunement  des  choses  nécessaires  à  la  vie ,  il  soit 
cependant  assuré  qu'elles  ne  lui  manqueront  jamais;  autrement  une 
trop  grande  sollicitude  pour  les  choses  de  la  terre ,  le  détournerait  de 
procurer  aux  autres  les  biens  de  l'éternité. 

S.  Cyr.  Le  Sauveur  avait  défendu  à  ses  disciples  toute  sollicitude  à 
l'égard  de  leur  corps ,  en  leur  disant  :  «  Je  vous  envoie  comme  des 
agneaux  au  milieu  des  loups.  »  Il  ne  veut  pas  qu'ils  se  préoccupent 
davantage  des  choses  qui  sont  en  dehors  du  corps  :  «  Ne  portez  ni 
bourse,  ni  sac.  »  Il  ne  leur  permet  pas  même  de  porter  les  vêtements 
qui  ne  sont  pas  encore  à  l'usage  du  corps  :  «  Ni  chaussures.  »  Non- 
seulement,  il  leur  défend  de  porter  un  sac  ou  une  bourse,  mais  il  ne 
veut  pas  qu'ils  se  laissent  distraire  du  ministère  qui  leur  est  confié  , 
même  pour  saluer  ceux  qu'ils  rencontrent  :  a  Et  ne  saluez  personne 
dans  le  chemin.  »  Elle  avait  déjà  fait  la  même  recommandation  à  son 
serviteur  (1),  et  Notre-Seigneur  semble  leur  dire  :  Marchez  droit  à 
votre  œuvre  sans  échanger  de  salutations.  Car  le  temps  destiné  à  la 
prédication  ne  doit  pas  être  employé  inutilement ,  et  on  ne  peut  en 
distraire  que  ce  que  réclame  la  nécessité.  —  S.  Ambr.  Si  donc  le  Sau- 
veur fait  cette  défense,  ce  n'est  pas  qu'il  désapprouve  les  témoignages 

(1)  Lorsque  Eiie  envoie  son  serviteur  Giezi  pour  ressusciter  le  fils  de  la  Sunamite  avec  sou 
bâton.  (IV  Bois,  iv,  29.) 


«  Nolite  portare  sacculum,  neque  pe- 
ram.  »  Greg.  Naz.  {Orat.  1.)  Quorum 
summa  est,  ut  adeo  virtuosi  existant, 
quod  non  minus  propter  vitae  modum 
quam  propter  eorum  verbum  Evange- 
lium  proficiat.  Greg.  {in  hom.  17  ,  ut 
sup.)  Tanta  enim  prËedicatori  débet  esse 
in  Deo  fiducia,  ut  prœsentis  vitce  sump- 
tibus  quamvis  non  provideat,  tamen  sibi 
hos  non  déesse  certissime  sciât;  ne  dum 
mens  ejus  occupatur  ad  temporalia, 
minus  aliis  provideat  aeterna. 

Cyril,  [ut  sxtp.)  Sic  igitur  prœceperat 
nec  de  ipso  subjecto  curam  liabere, 
cum  dixerat  :  «  Mitto  vos  sicut  agnos 
inter  lupos.  »  Nec  etiam  concessit  solli- 
cites esse  erga  extrinseca  corpori ,  cum 
dixit  :  «  Nolite  portare  sacculum,  ut  que 


peram.  »  Nec  etiam  concessit  portare 
aliquid  eorum  qu8e  nondum  uuita  sint 
corpori.  Unde  subdit  :  «  Neque  calcea- 
menta  :  »  non  solurn  autem  sacculum  et 
peram  portare  probibuit ,  sed  nec  ali- 
quam  studii  distractionem  permisit 
assumere,  qui  nec  ob  obviantum  saluta- 
tionem  distrabi  voluit  :  unde  subdit  : 
«  Et  neminem  per  viam  salutaveritis.  » 
Quod  et  dudum  ab  Elisaeo  dictum  fuit; 
quasi  diceret  :  «  Recto  tramite  ad  opus 
procedite ,  non  alternantes  benedictio- 
nibus  benedictiones  :  »  damnum  enim 
est  expendere  frustra  tempus  prœdica- 
tionibus  competnnsprœterquam  in  rébus 
necessariis.  Ambr.  Non  ergo  baec  Do- 
minus  probibuit,  quod  beuevolentite 
displiceret   officium ,    sed   quod  perse- 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.   X. 


513 


de  bienveillance  mutuelle,  mais  parce  qu'il  met  au-dessus  le  désir  que 
nous  devons  avoir  d'accomplir  les  devoirs  de  religion.  —  S.  Greo.  de 
Nazianze.  Il  fait  encore  ce  commandement  pour  l'honneur  de  sa  pa- 
role, pour  soustraire  ses  disciples  à  la  funeste  influence  de  la  flatterie 
et  les  rendre  indifférents  aux  paroles  d'autrui. 

S.  Grég.  {homél.  17  sur  les  Evang.)  Si  l'on  veut  entendre  ces  pa- 
roles dans  un  sens  allégorique,  l'argent  renfermé  dans  la  bourse  est 
la  sagesse  qui  demeure  cachée.  Celui  donc  qui  possède  en  lui-même 
la  parole  de  la  sagesse ,  et  qui  néghge  de  la  communiquer  au  pro- 
chain, tient  son  argent  comme  lié  dans  sa  bourse.  Le  sac  représente 
le  fardeau  des  affaires  du  siècle,  et  les  chaussures,  les  œuvres  mortes. 
Celui  donc  qui  prend  la  charge  du  ministère  de  la  prédication ,  doit 
regarder  comme  indigne  de  lui  de  porter  le  poids  des  sollicitudes  de 
la  terre,  qui  courbe  sa  tète  sous  un  joug  honteux  et  ne  lui  permet 
pas  de  se  relever  pour  prêcher  les  choses  du  ciel.  Il  ne  doit  pas  non  plus 
arrêter  ses  regards  sur  les  œuvres  des  insensés,  dans  l'espérance  de  dé- 
fendre et  de  protéger  ses  œuvres  comme  avec  des  peaux  mortes ,  et 
de  pouvoir  faire  impunément  ce  qu'il  voit  faire  aux  autres.  —  S.  Amb. 
Le  Seigneur  ne  veut  rien  voir  en  nous  de  mortel ,  voilà  pourquoi  il 
ordonne  à  Moïse  de  délier  sa  chaussure  terrestre  et  mortelle,  lorsqu'il 
renvoie  pour  délivrer  son  peuple.  {Exode,  m.)  Etes-vous  surpris  de 
ce  que  Dieu  commande  aux  Israélites,  en  Egypte,  d'avoir  leurs  chaus- 
sures pour  manger  l'agneau  {Exode,  xii),  tandis  que  les  Apôtres 
doivent  les  quitter  pour  prêcher  l'Evangile?  considérez  que  tant  qu'on 
est  dans  l'Egypte,  on  doit  craindre  les  morsures  du  serpent;  car 
l'Egypte  est  fertile  en  poisons  de  tout  genre ,  et  celui  qui  célèbre  la 


quendse  devotionis  intentio  plus  place- 
rez Greg.  Nazianz.  [in  Cat.  Grxcorum 
Patrum.)  Maudavit  etiam  hoc  eis  Do- 
minus  ad  verbi  gloriam  ;  ne  viderelur  in 
eis  magis  vigere  posse  blanditias  :  voluit 
eliam  eos  non  esse  sollicites  in  verbis 
alienis. 

Greg.  (in  hom.  \1 ,  in  Erang.)  Haec 
aulem  verba  si  quis  eliam  per  allego- 
riani  velit  intelligi  ;  pecunia  clausa  in 
sacculo  est  sapieulia  occulta.  Qui  igitur 
sapientiœ  verbum  habet,  et  hoc  erogare 
proximo  ncgligil ,  quasi  pocuniam  in 
sacculo  ligalam  teuet.  Per  peram  vero 
onera  seculi ,  per  calccamevla  mortuo- 
rum  operum  exempla  siguifîcantur.  Qui 
ergo  officium  prœdicatio'nis  suscipit,  di- 
gnum  non  est  ut  opus  secularium  uego- 
tiorum  portet;    ne  dum  hoc  ejus  colla 

TOM.   V. 


deprimit,  ad  prsedicanda  cœlestia  non 
assurgat;  nec  débet  stultorum  operum 
exempla  conspicere,  ne  sua  opéra  quasi 
ex  mortuis  pellibus  credat  munire,  ne  sci- 
licet  quia  aUos  lalia  fecisse  considérât, 
se  etiam  facere  licenter  putet.  Ambr! 
Nihil  etiam  Dominus  in  nobis  mortalè 
vult  esse  :  mortale  enim  atque  terrenum 
calceamentum  Moyses  jubetur  solvere 
cum  mitteretur  ad  populum  liberandum'. 
[ExocL,  3.)  Quod  si  quem  movet,  qua 
ratione  in  yEgypto  calceati  jubentur 
ederc  agnum  [ExocL,  12),  apostoli  autem 
sine  calceamento  ad  praedicandum  Evan- 
gelium  diriguntur  :  is  considerare  débet 
quia  in  ^gypto  positus  débet  adhuc 
morsus  cavere  serpentis;  multa  enim 
venena  in  ^gypto  ;  et  qui  typo  Pascha 
célébrât,    patere    potest    vulaeri;    qui 

33 


514 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


pâque  figurative  est  encore  exposé  aux  blessures  ,  tandis  que  le  mi- 
nistre de  la  vérité  ne  craint  aucunement  les  poisons. 

S.  Grég.  (Jiom.  17.)  Tout  homme  qui  en  salue  un  autre  en  chemin, 
le  salue  plutôt,  parce  qu'il  le  rencontre,  que  pour  lui  souhaiter  toutes 
sortes  de  biens.  Celui  donc  qui  prêche  la  parole  du  salut,  moins  par 
l'amour  de  la  vie  éternelle,  que  par  désir  de  la  récompense,  salue  aussi 
pour  ainsi  dire  en  chemin ,  parce  qu'il  souhaite  le  salut  à  ceux  qui 
l'écoutent  par  occasion ,  plutôt  que  dans  l'intention  directe  de  leur 
être  utile. 

^.  5-12.  —  En  quelque  maison  que  vous  entriez,  dites  d'abord  :  Paix  à  cette 
maison.  Et  s'il  s'y  trouve  un  fils  de  la  paix,  votre  paix  reposera  sur  lui; 
sinon,  elle  reviendra  à  vous.  Demeurez  dans  la  même  maison,  ynangeant  et 
buvant  de  ce  qui  sera  chez  eux;  car  l'ouvrier  mérite  son  salaire.  Ne  passez 
point  de  maison  en  mais07i.  En  quelque  ville  que  vous  entriez  et  où  vous  serez 
reçus,  mangez  ce  qu'on  vous  présentera  ;  guérissez  les  malades  qui  s'y  trouve- 
ront, et  dites-leur  ;  Le  royaume  de  Dieu  s'est  approché  de  vous.  Mais,  en  quel- 
que ville  que  vous  soyez  entrés,  s'ils  ne  vous  reçoivent  point,  sortez  sur  la 
place  publique,  et  dites  :  Nous  secouons  contre  vous  la  poussière  même  de  notre 
ville,  qui  s'est  attachée  à  nos  pieds  ;  cependant  sachez  que  le  royaume  de  Dieu 
est  proche.  Je  vous  le  dis,  il  y  aura,  en  ce  jour,  moins  de  rigueur  pour  Sodome 
que  pour  cette  ville. 

S.  Chrys.  (sur  l'Ep.  aux  Coloss. ,  m.)  La  paix  est  la  mère  de  tous 
les  biens,  et  sans  elle,  toutes  les  autres  jouissances  ne  sont  rien;  aussi 
le  Sauveur  commande  à  ses  disciples ,  lorsqu'ils  entrent  dans  une 
maison,  de  souhaiter  aussitôt  la  paix,  comme  le  gage  de  tous  les 
biens  :  «  En  qudque  maison  que  vous  entriez ,  dites  d'abord  :  Paix  à 
cette  maison.»  — S.  Ambr.  Il  veut  que  nous  soyons  les  messagers  de  la 


autem  minister  est  veritatis,  venena  non 
trépidât. 

Greg.  [in  hom.  17,  ut  svp.)  Omnis 
autera  qui  salutal  in  via ,  ex  occasione 
salutat  ilineris,  non  ex  studio  optandae 
salutis.  Qui  igitur  non  amore  aeternse 
patriae,  sed  praemiorum  ambitu  salutem 
audientibus  prsedicat,  quasi  in  itinere 
salutat  ;  quia  ex  occasione  non  ex 
intentione  salutem  audientibus  exoptat. 

In  quamcunque  domum  intraveritis,  primnm  di- 
cite  :  Par  hiiic  domui!  et  si  ibi  fiierit  filius pa- 
cis,  requiescet  super  illutn  pax  vestra;  sin  au- 
tem, ad  vos  revertetur.  In  eadeta  autem  domo 
manete ,  edentes  et  bibentes  quœ  apud  illos 
sunt  :  dignus  est  enim  operarius  mercede  sua. 
Nolite  transire  de  domo  in  domum.  Et  in 
quamcunque  civitatem.  intraveritis  et  suscepe- 


rint  vos,  manducate  quœ  apponuniur  vobis,  et 
curate  infirmas  qui  in  illa  sunt,  et  dicite  illis  : 
Appropinquavit  in  vos  regnum  Dei.  In  quam- 
cunque autem  civitatem  intraveritis ,  et  non 
susceperint  vos,  exeuntes  inplateas  ejus  di- 
cite :  Etiam  pulverem  qui  adhœsit  nobis  de 
civitate  vestra,  extergimus  in  vos  :  tamen  hoc 
scitote  quia  appropinquavit  regnum  Dei  :  dico 
vobis  quod  Sodnmis  in  die  illa  remissius  erit 
quam  illi  civitati. 

Chrys.  [in  epist.  ad  Coloss.,  3,  et  in 
Cat.  Grœca.)  Bonorum  omnium  mater 
pax  est,  sine  qua  CEetera  inania  sunt; 
propter  quod  Dominus  discipulis  intran- 
tibus  domos  illico  pacem  jussit  proferre, 
tanquam  bonorum  indicium  ,  dicens  : 
«  (n  quamcunque  domum  intraveritis, 
primum  dicite  :  Pax  huic  domui  !  » 
Ambr.    Ut    scilicet    pacis    perferamus 


DE   SAINT   LUC,   CHAP.   X.  615 

paix,  et  que  notre  première  entrée  dans  une  maison  soit  consacrée  par 
les  bénédictions  de  la  paix.  —  S.  Chrys,  {Ch.  des  Pèr.  gr.,  et  sur  le 
Ps.  cxxiv.)  Voilà  pourquoi  le  pontife  la  donne  à  toute  l'Eglise  par  ces 
paroles  :  «  La  paix  soit  avec  vous  1  »  (1)  Or,  cette  paix,  que  les  saints 
demandent  pour  nous ,  n'est  pas  seulement  la  paix  des  hommes  entre 
eux,  mais  la  paix  avec  nous-mêmes.  Car  bien  souvent ,  nous  portons 
la  guerre  au  dedans  de  nous-mêmes  ,  nous  sommes  en  proie  à  une 
agitation  qui  ne  vient  point  des  autres  hommes  ,  et  nous  sentons  les 
mauvais  désirs  s'insurger  contre  nous.  —  Tite  de  Bost.  q  Paix  à  cette 
maison  !  »  c'est-à-dire  à  ceux  qui  habitent  cette  maison.  Comme  s'il 
leur  disait  :  Adressez-vous  à  tous ,  aux  grands  comme  aux  petits ,  et 
cependant  votre  bénédiction  ne  tombera  pas  sur  ceux  qui  en  sont  in- 
dignes.' Il  ajoute  :  «  Et  s'il  s'y  trouve  un  fils  de  la  paix  ,  votre  paix 
reposera  sur  lui,  »  c'est-à-dire  :  Vous  prononcerez  les  paroles  de  paix, 
mais  pour  la  paix  elle-même,  c'est  moi  qui  la  donnerai  à  celui  que 
j'en  jugerai  digne.  Et  si  personne  ne  s'en  trouve  digne,  vous  ne  serez 
pas  trompés,  et  la  grâce  attachée  à  vos  paroles  ne  sera  point  sans 
effet,  au  contraire ,  elle  retournera  sur  vous ,  c'est  ce  qu'il  ajoute  : 
a  Sinon,  elle  retournera  sur  vous.  »  —  S.  Grég.  En  effet,  la  paix,  que 
souhaite  la  bouche  du  prédicateur  ,  se  repose  sur  la  maison  ,  s'il  s'y 
trouve  quelque  personne  prédestinée  à  la  vie,  et  qui  suive  avec  docilité 
les  célestes  enseignements  qui  lui  sont  donnés.  Mais  si  personne  ne 
veut  les  entendre,  le  prédicateur  ne  restera  pas  sans  fruit ,  et  la  paix 
qu'il  a  souhaitée,  lui  reviendra  avec  la  récompense  que  le  Seigneur 
lui  donnera  pour  son  travail.  Or,  lorsque  la  paix  que  nous  souhaitons 
est  reçue,  il  est  de  toute  justice  que  ceux  à  qui  nous  apportons  les  ré- 

(1)  Le  Pontife  ne  disait  pas  seulement  :  «  La  paix  soit  avec  vous,  n  mais  «  la  paix  soit  avec  voue 
tous,  »  Etprivr)  7îâ<7i,  comme  l'ajoute  saint  Chrysostome. 


nimtium,  ut  et  ipse  primus  ingressus 
pacis  benedictione  celebretur.  Chrys. 
{ut  sup.  in  Cat.  Grxconim  .  et  in  Ps. 
124.)  Unde  poutifex  Ecclesiae  tradit  eam, 
diceus  :  «  Pax  vobis  !  »  Implorant  autem 
pacem  sancti,  non  solum  eam  quse  ver- 
satur  inter  homines  ad  invicem,  sed  eam 
quse  pertinet  ad  nos  ipsos.  Nam  sœpius 
in  pectore  bellum  gerimus,  et  nulle  mo- 
lestante turbamur,  necnon  prava  desi- 
deria  contra  nos  crebro  insurgunt.  Titus 
BosTRENS.  Dicitur  autem  :  «  Pax  liuic 
domui  !  »  scilicet  babitantibus  domum. 
Quasi  dicat  :  Omnes  alloquimini,  majo- 
res pariter  et  minores;  neque  tamon 
indignis  vestra  salutatio  dirigetur.  Unde 
subditur  :  «  Et  si  ibi  fuerit  tîiius  pacis, 
requiescel    super    lUum    pax    vestra.  n 


Quasi  dicat  :  «  Vos  quidem  proferetis 
verbum ,  res  autem  pacis  applicabitur 
meo  judicio  ubicimque  dignum  esse 
videbitur  :  si  quis  autem  non  sit  dignus, 
non  estis  delusi ,  nec  verborum  vestro- 
rum  gratia  periit;  imo  reciprocatur  ad 
vos  :  »  et  hoc  est  quod  subditur  :  «  Sin 
autem  ,  ad  vos  revertetur.  »  Greg.  Pax 
enim  quaj  ab  ore  praedicatoris  ofTertur, 
aut  requiescet  in  domo ,  si  in  ea  fuerit 
quisquam  prsedestinatus  ad  vitam ,  et 
cœleste  verbum  sequitur,  quod  audit; 
aut  si  nullus  quidem  audire  voluerit, 
ipse  praedicator  sine  fructu  non  erit, 
quia  ad  eum  pax  revertitur  dum  ei  a 
Domino  pro  labore  sui  operis  merces 
recompensatur.  Si  autem  pai  nostra 
recipitur,  dignum  est  ut  ab  eis  terrena 


516 


EXPLICATION    DE   l'ÉVANGILE 


compenses  de  la  patrie  céleste  ,  nous  donnent  en  échange  ce  qui  est 
nécessaire  à  notre  subsistance  :  «  Demeurez  dans  la  même  maison,  man- 
geant et  buvant  de  ce  qui  sera  chez  eux.  »  Ainsi  celui  qui  défend  à  ses 
disciples  de  porter  ni  bourse,  ni  sac,  leur  permet  de  tirer  de  la  prédi- 
cation elle-même,  tout  ce  qui  est  nécessaire  à  leur  nourriture  et  à  leur 
entretien.  —  S.  Chrys.  Le  Sauveur  prévient  cette  objection  :  Mais  je 
dépense  tout  ce  que  je  possède,  pour  nourrir  ces  étrangers  ,  et  il  veut 
que  celui  qu'il  vous  envoie ,  vous  offre  en  entrant  le  don  incompa- 
rable de  la  paix,  pour  vous  faire  comprendre  que  vous  recevez  beau- 
coup plus  que  vous  ne  donnez.  —  Tite.  Ou  bien,  on  peut  encore 
regarder  ces  paroles  comme  la  suite  de  ce  qui  précède  ,  c'est-à-dire  : 
Vous  n'êtes  pas  établis  pour  juger  ceux  qui  sont  dignes  ou  indignes, 
mangez  et  buvez  ce  qu'on  vous  présente  ;  mais  laissez-moi  lô  discer- 
nement de  ceux  qui  vous  reçoivent,  à  moins,  cependant ,  que  vous  ne 
sachiez  parfaitement  vous-mêmes  qu'il  ne  se  trouve  dans  cette  maison 
aucun  enfant  de  la  paix  ;  car  vous  devriez  alors  la  quitter. 

Théophyl.  Vous  voyez  comment  il  a  voulu  que  ses  Apôtres  men- 
dient leur  pain,  et  reçoivent  la  nourriture  pour  salaire,  car  il  ajoute  : 
«  L'ouvrier  mérite  son  salaire.  »  —  S.  Grég.  {hom,  17.)  En  efifet,  les 
aliments  qui  soutiennent  l'existence  de  l'ouvrier ,  sont  une  partie  de 
son  salaire,  elle  est  pour  le  travail  de  la  prédication  un  commencement 
de  la  récompense  qui  recevra  toute  sa  perfection  dans  les  cieux  de  la 
contemplation  de  la  vérité.  Remarquons  que  pour  une  seule  et  même 
œuvre,  nous  recevons  deux  récompenses  ,  l'une  dans  cette  vie,  qui  est 
la  voie;  et  l'autre  dans  la  patrie,  après  la  résurrection.  Or,  l'effet  de 
la  récompense  que  nous  recevons  ici-bas,  doit  être  de  nous  faire  tendre 
avec  plus  de  force  et  de  courage  vers  la  récompense  éternelle.  Le  vrai 


stipendia  consequamur,  quibus  patriae 
cœlestis  praemia  offerimus.  Uude  sequi- 
tur  :  «  Iq  eadem  autem  domo  manete, 
edentes  et  bibentes  quse  apud  illos 
sunt.  »  Ecce  qui  peram  et  sacculum 
portari  proliibuit,  sumptus  et  alimenta 
ex  eadem  praedicatione  concedit.  Corys. 
{ut  sup.)  ried  ne  aliquis  diceret  :  «  Con- 
sumo  res  proprias  parando  advenis 
mensamp)  illum  primo  iutrantem  facit 
tibi  pacis  donum  oiTerre  ,  cui  nihil  est 
aequale  ;  ut  scias  te  majora ,  quam  des, 
suscipere.  Titus  Bostrens.  Vel  aliter 
continua  :  «  Quia  non  eslis  constituti 
judices  eorum  qui  sunt  digni  vel  indi- 
gni,  edalis  et  bibatis  quae  vobis  offerun- 
tur  ab  eis  :  dimittite  autem  mihi  eorum, 
qui  vos  recipiunt ,  examen  ;  nisi  vobis 
quoque  sit  notum ,  non  esse  ibi  filium 


pacis  :  tune  enim  fortassis  retrocedere 
debetis.  » 

Theophylact.  Vide  igitur  qualiter 
discipulos  mendicare  instituit ,  et  pro 
pretio  eos  nutrimentum  habere  voluit  : 
nam  subJitur  :  «  Dignus  enim  est  ope- 
rarius  mercede  sua.  »  Greg.  [hom.  17, 
ut  sup.)  Sunt  enim  jam  de  mercede 
operarii  ipsa  alimenta  sustentationis  ; 
ut  hic  merces  de  labore  praedieatiouis 
inchoetur,  quœ  illic  de  veritatis  visione 
perficitur.  Qua  in  re  considerandum  est 
quod  uni  nostro  operi  duae  mercedes 
debentur  :  una  in  via,  quae  nos  in  labore 
sustentât;  alla  in  patria ,  quae  nos  in 
resurrectione  rémunérât.  Merces  itaque 
quae  in  praesenti  recipitur,  hoc  in  nobis 
débet  agere,  ut  ad  sequentem  mercedem 
robustius  tendatur.  Verus  ergo  quisque 


DE  SATNT  LUC,   CHAP.  X.  317 

prédicateur  ne  doit  donc  pas  prêcher  dans  l'intention  d'obtenir  ici-bas 
sa  récompense,  mais  recevoir  cette  récompense  comme  soutien  de  sa 
prédication.  Car  celui  qui  annonce  la  parole  sainte  pour  obtenir  des 
louanges  ou  quelque  avantage  temporel,,  se  prive  par  là  même  de  la 
récompense  éternelle. 

S.  Ambr,  Le  Sauveur  recommande  encore  à  ses  disciples  une  autre 
vertu,  c'est  de  ne  point  aller  de  maison  en  maison  avec  une  incons- 
tante facilité  :  «  Ne  passez  point  de  maison  en  maison ,  »  c'est-à-dire 
que  par  affection  pour  ceux  qui  nous  reçoivent,  nous  devons  rester 
chez  eux,  et  ne  pas  rompre  trop  facilement  les  liens  d'amitié  qui  nous 
unissent  à  eux. 

BEDE.  Après  les  avoir  prévenus  des  différentes  manières  dont  l'hos- 
pitalité leur  serait  offerte ,  il  leur  trace  la  ligne  de  conduite  qu'ils  de- 
vront tenir  dans  les  villes  où  ils  entreront,  c'est-à-dire  partager  en 
tout  la  manière  de  vivre  des  âmes  vraiment  religieuses  ,  et  fuir  tout 
rapport  avec  les  impies:  «  En  quelque  ville  que  vous  entriez,  et  où  vous 
serez  reçus,  mangez  ce  qu'on  vous  présentera.  »  —  Théophyl.  Quelque 
modeste  et  commune  que  soit  la  table  qui  vous  est  offerte  ,  n'en  de- 
mandez pas  davantage;  et  il  les  avertit  en  même  temps  d'opérer 
des  miracles  pour  attirer  les  hommes  à  leurs  prédications  :  «  Et  gué- 
rissez les  malades  qui  s'y  trouveront,  et  dites-leur  :  Le  royaume  de 
Dieu  est  proche  de  vous.  »  Si,  en  effet,  vous  commencez  par  les  guérir 
avant  de  les  enseigner,  vos  discours  en  recevront  plus  d'efficacité,  et 
les  hommes  croiront  que  le  royaume  de  Dieu  approche  en  vérité, 
puisque  ces  guérisons  ne  peuvent  être  que  l'effet  d'une  vertu  divine. 
Mais  lors  même  qi^e  leur  guérison  est  toute  spirituelle,  il  est  vrai  de 
dire  que  le  royaume  de  Dieu  s'approche  d'eux  ;  car  ce  royaume  est 


praedicator  non  ideo  praedicare  débet, 
ut  in  hoc  tempore  mercedem  accipiat; 
sed  ideo  mercedem  recipere  ut  praedi- 
care sufficiat.  Quisquls  namque  ideo 
praedicat,  ut  hic  laudis  vel  muneris  mer- 
cedem recipiat,  aeterna  mercede  se 
privât. 

Ambr.  Subditur  virtus  alia;  ne  de 
domo  in  domum  quis  vaga  facilitate 
demigret.  Sequitur  enira  :  «  Nolite 
transire  de  domo  in  domum,  »  ut  scili- 
cet  amore  hospitali  servemus  constan- 
tiam  ,  neque  aliquam  amiciliae  necessi- 
tudinem  facile  resolvamus. 

Bed.  Descripto  autem  diversae  domus 
hospitioquidjam  in  civitatibus  agere  de- 
beant,  docet  :  piis  scilicet  in  omnibus  com- 
municare  ;  ab  impiorum  vero  per  omnia 


societate  secerni  :  unde  sequitur:  «Et  in 
quamcunque  civitatem  intraveritis,  et  sus- 
ceperint  vos,  manducate  quae  apponuntur 
vobis.  »  Theopuylact.  Quamvis  modica 
existant  et  vilia ,  nihil  amplius  inqui- 
rentes  :  denuntiat  etiam  eis,  ut  opéran- 
tes miracula,  homines  ad  suas  praedica- 
tiones  attraherent.  Unde  subdit  :  «  Et 
curate  infirmes  qui  in  illa  sunt.  Et  dicite 
illis  :  Appropinquavit  in  vos  regnum 
Dei  »  Si  enim  prius  curaveritis ,  deinde 
docueritis,  prosperabitur  scrmo,  et  bo- 
mines  credent  regnum  Dei  appropin- 
quare  :  non  enim  curarentur,  nisi  hoc 
aliqua  virtus  divina  perficeret.  Sed  etiam 
cum  secundum  animam  curantur,  ap- 
propinquat  in  cos  regnum  Dei,  quod 
1  longe  est  ab  eo  cui  dominatur  pecca- 


518 


EXPLICATION   DE  L  EVANGILE 


loin  de  ceux  en  qui  domine  le  péché.  —  S.  Chrys.  {hom.  33  sur 
S.  Matth.)  Voyez  quelle  est  la  dignité  des  Apôtres ,  ce  ne  sont  point 
des  grâces  sensibles  (c'est-à-dire  des  biens  terrestres)  qu'ils  doivent 
répandre,  comme  Moïse  et  les  prophètes ,  mais  des  grâces  toute  nou- 
velles et  vraiment  admirables  ,  c'est-à-dire  le  royaume  de  Dieu.  — 
S.  Max.  Le  Sauveur  dit  :  a  Le  royaume  de  Dieu  approche ,  »  non 
pour  signifier  qu'il  s'écoulera  peu  de  temps  jusqu'à  ce  qu'il  arrive  ; 
car  le  royaume  de  Dieu  ne  vient  pas  de  manière  à  être  remarqué 
{Luc,  XVII,  20),  mais  pour  nous  faire  connaitre  la  disposition  des 
hommes  au  royaume  de  Dieu  qui  est  en  puissance  dans  ceux  qui  ont 
embrassé  la  foi,  et  en  réalité  dans  ceux  qui  méprisent  la  vie  du  corps 
pour  ne  vivre  que  de  la  vie  de  l'âme,  et  qui  peuvent  dire  :  «  Je  vis,  ce 
n'est  pas  moi,  mais  c'est  Jésus-Christ  qui  vit  en  moi.  »  {Gai.,  ii,  20.) 

S.  Ambr.  Il  leur  commande  ensuite  de  secouer  la  poussière  de  leurs 
pieds  contre  les  villes  qui  n'auront  pas  cru  devoir  leur  accorder  l'hos- 
pitalité :  «  En  quelque  ville  que  vous  entriez  ,  et  où  l'on  ne  vous  re- 
cevra point ,  secouez  la  poussière,  »  etc.  —  Bède.  Cette  action,  de  la 
part  des  Apôtres ,  est  une  attestation  solennelle  des  travaux  et  des 
fatigues  qu'ils  ont  supportés  inutilement  pour  les  habitants  de  ces 
villes  ;  ou  bien,  un  signe  qu'ils  désirent  si  peu  leurs  biens  temporels, 
qu'ils  ne  veulent  même  pas  que  la  poussière  de  leur  terre  s'attache  à 
leui's  pieds.  Ou  bien  encore ,  les  pieds  signifient  les  travaux  et  les 
progrès  de  la  prédication ,  et  la  poussière  dont  ils  sont  couverts,  la 
légèreté  des  pensées  de  la  terre,  dont  les  plus  grands  docteurs  ne 
peuvent  entièrement  se  garantir.  Ceux  donc  qui  méprisent  la  doctrine, 
les  travaux  et  les  périls  de  ceux  qui  leur  annoncent  l'Evangile  ,  se 
préparent  un  témoignage  sévère  de  condamnation.  —  Orig.  {Ch.  des 


tum.  Chrts.  {hom.  33,  in  Matth.)  Vide 
autem  dignitatem  apostolorum  :  nihil 
sensibile  moneûtur  proferre  ;  qualia  qui 
circa  Moysen  et  proplaetas  (scilicet  bona 
terrena),  sed  qusedam  nova  et  mirabiiia; 
scilicet  regnum  Dei,  Maxim,  {in  Cat. 
Grœcorum  Patrinn.)  Dicitur  autem, 
appropinquavit ,  non  ut  ostendat  tem- 
poris  brevitatem ,  neque  enim  regnum 
Dei  venit  cum  observatione,  sed  osten- 
dit  dispositionem  hominum  ad  regnum 
Dei,  quod  quidem  potentia  est  in  omni- 
bus credentibus;  actu  vero  in  his  qui 
respuunt  corporalem  vitam,  et  solam 
eligunt  spiritualem  ;  qui  dicere  possunt  : 
«  Vivo  autem  non  ego  ,  sed  vivit  in  me 
Ghristus.  » 
Ambr.  Deinde  docet  excutiendum  de 


pedibus  pulverem;  si  quis  recipiendos 
civitatis  hospitio  non  putaverit,  dicens  : 
«  In  quamcunque  civitatem  intraveritis, 
et  non  susceperint  vos,  excutite  pulve- 
rem, »  etc.  Bed.  Vel  ad  contestationem 
terreni  laboris,  quem  pro  illis  inaniter 
susceperunt;  vel  ut  ostendatur,  usque 
adeo  se  ab  ipsis  nihil  terrenum  quaerere, 
ut  etiam  pulverem  de  terra  eorum  non 
sibi  patiantur  adhaerere;  vel  per  pedes 
ipsum  opus  et  incessus  praedicationis 
significatur  :  pulvis  vero,  quo  aspergun- 
tur,  terreuse  levitas  est  cogitationis;  a 
qua  et  summi  doctores  immunes  esse 
nequeunt.  Qui  ergo  spreverint  doctri- 
nam,  labores  et  pericula  docentium  ad 
testimonium  suae  damnationis  inflectunt. 
Orig.  {in  Cat.-Grxcorum  Patrum.)  Ex- 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.    X.  51$ 

Pèr.  gr.)  En  secouant  la  poussière  de  leurs  pieds  ,  ils  semblent  leur, 
dire  :  La  poussière  de  vos  péchés  retombera  justement  sur  vous. 
Remarquez  encore  que  les  villes  qui  refusent  de  recevoir  les  Apôtres, 
ont  de  larges  places,  selon  ces  paroles  du  Sauveur  :  «  La  voie  qui 
mène  à  la  perdition  est  large.  » 

Théophyl.  Le  royaume  de  Dieu  approche  pour  le  bonheur  de  ceux 
qui  reçoivent  les  Apôtres,  mais  il  approche  aussi  pour  la  perte  de  ceux 
qui  les  repoussent  :  «  Sachez  cependant  que  le  royaume  de  Dieu  est 
proche  ;  »  c'est  comme  l'avénemeut  d'un  roi  qui'  vient  pour  punir  les 
uns  et  récompenser  les  autres,  c'est  pourquoi  il  ajoute  :  «  Je  vous  le 
dis^  il  y  aura  en  ce  jour  moins  de  rigueur  pour  Sodome  que  pour 
cette  ville.  »  —  Eusèbe.  En  effet ,  même  dans  la  ville  de  Sodome ,  les 
anges  trouvèrent  l'hospitalité,  et  Loth  fut  jugé  digne  de  les  recevoir. 
[Genèse,  xix.)  Si  donc  en  entrant  dans  une  ville ,  les  Apôtres  ne  trou- 
vent pas  un  seul  habitant  qui  veuille  les  recevoir,  comment  le  sort  de 
cette  ville  ne  serait-il  pas  plus  triste  que  celui  de  Sodome?  Le  Sauveur 
leur  enseignait  encore  par  ces  paroles  à  embrasser  avec  courage  la  vie 
de  pauvreté;  car  une  ville,  une  maison,  un  bourg  ne  peuvent  exister, 
qu'à  la  condition  de  renfermer  quelque  serviteur  fidèle  connu  de 
Dieu.  La  ville  de  Sodome  elle-même  n'eût  pu  exister ,  si  Loth  ne 
l'eût  habitée,  et  à  peine  en  fut-il  sorti^  qu'elle  fut  soudainement  réduite 
en  cendres.  —  Bède.  Et  cependant  les  habitants  de  Sodome,  bien 
qu'hospitaliers  au  milieu  des  désordres  de  la  chair  et  de  l'esprit,  n'ont 
jamais  reçu  des  hôtes  comme  étaient  les  Apôtres  ;  car  si  Loth  a  con- 
servé ses  yeux  et  ses  oreilles  pures  (II  Pierre,  ii,  7),  nous  ne  voyons 
pas  cependant  qu'il  ait  rien  enseigné ,  ou  qu'il  ait  fait  quelque  pro- 
dige. 


tergendo  ergo  pulverem  pedum  in  eos, 
quodammodo  dicunt  :  «  Pulvis  peccato- 
rum  vestrorutn  merito  veniet  super  vos.  » 
Et  attende  quod  quaecunque  civitates  non 
suscipiunl  apostolos,  sanamque  doctri- 
nam,  habent  plateas  :  juxta  illud  [Matlh., 
7)  :  «  Lata  est  via  quœ  ducit  ad  perdilio- 
nem.  » 

Theophylact.  Et  sicut  recipientibus 
apostolos  appropinquare  regnum  Dei  di- 
citur  in  beneficium ,  sic  non  recipienti- 
bus in  prœjudicium.  Unde  subdit  :  «  Ta- 
men  hoc  scitote  quia  appropinquavit 
regnum  Dei;  »  sicut  adventus  régis  est 
quibusdam  ad  pœnam,  quibusdani  vero 
ad  honoreni.  Unde  de  eoruui  pœna  sub- 
ditur  :  «  Dico  autem  vobis  quod  Sodo- 
mis  remissius  erit,  »  etc.  Euseb.  (m  Cat. 
Gracorutn  Patrum.)   Nam   in    oivitate 


Sodomorum  non  caruerunt  angeli  hos- 
pitio,  sed  Loth  inventus  est  dignus  eos 
hospitari.  {Gen.,  19.)  Si  ergo  ad  acces- 
suni  discipulorum  nec  unus  invenietur 
in  civitate,  qui  eos  recipiat,  quouiodo 
non  pejor  erit  civitate  Sodomorum?  Hic 
sermo  docebat  eos  audacter  aggredi  re- 
gulam  paupertatis  :  non  enim  posset 
consistere  civitas  et  villa^  nec  viens  sine 
aUquo  incola  noto  Deo.  Nam  nec  So- 
doma  subsisteret  non  reperto  Loth,  quo 
recec'ente  tota  repente  periit.  Bed.  So- 
doniitai  quoque  ipsi  etsi  hospitales  fue- 
rinl  inter  caetera  carnis  animaque  flagi- 
tia,  nuUi  tamen  apud  eos  taies  hospites 
quales  apostoli,  reperti  sunt;  et  Loth 
quidem  aspectu  et  auditu  justus  erat 
(II  Pétri  II  rers.  7),  non  tamen  aliquid 
docuisse  aut  signa  fecisse  perhibetur. 


520 


EXPLICATION  DE   l'ÉVÂNGILE 


f.  l3-iQ.  ~—  Malheur  à  toi,  Corozaïn,  malheur  à  toi,  Bethsaide  l  Car  si  les 
miracles  qui  ont  été  faits  au  milieu  de  vous,  l'avaient  été  dans  Tyr  et  Sidon, 
elles  eussent  depuis  longtemps  fait  pénitence  sous  le  ciliée  et  assises  dans  la 
cendre.  C'est  pourquoi  il  y  aura,  au  jour  du  jugement,  moins  de  rigueur  pour 
Tyr  et  Sido?i  que  pour  vous.  Et  toi  Capharnaûm,  qui  t'es  élevée  jusqu'au 
ciel,  tu  seras  abaissée  jusqu'aux  enfers.  Celui  qui  vous  écoute,  m'écoute,  et 
celui  qui  vous  méprise,  me  méprise;  or,  celui  qui  me  méprise,  méprise  celui  qui 
m'a  envoyé. 

S.  Ambr.  D'après  ces  paroles  du  Seigneur,  ceux  qui  ont  refusé  de 
suivre  les  préceptes  de  l'Evangile  seront  punis  bien  plus  sévèrement 
que  ceux  qui  ont  violé  la  loi  naturelle  :  «  IMalheur  à  toi ,  Corozaïn, 
malheur  à  toi  Betlisaïde  !  »  —  Bède.  Corozaïn ,  Bethsaide  et  Caphar- 
naûm, et  Tibériade,  dont  parle  saint  Jean  ,  sont  des  villes  de  Galilée, 
situées  sur  les  bords  du  lac  de  Génésareth,  que  les  Evangélistes 
appellent  aussi  la  mer  de  Galilée  ou  de  Tibériade  (I).  Le  Sauveur  dé- 
plore donc  le  sort  de  ces  villes ,  que  tant  de  prodiges  et  de  miracles 
opérés  sous  leurs  yeux  n'ont  pu  amener  à  faire  pénitence,  et  qui  sont 
plus  coupables  que  les  nations  qui  transgressent  seulement  la  loi  na- 
turelle, puisqu'au  mépris  de  la  loi  écrite,  ils  joignent  encore  le  mépris 
du  Fils  de  Dieu  et  de  sa  gloire  :  a  Car  si  les  miracles  qui  ont  été  faits 
au  milieu  de  vous,  l'avaient  été  dans  Tyr  et  dans  Sidon  ,  elles  eussent 
depuis  longtemps  fait  pénitence  dans  le  cilice  et  dans  la  cendre.  »  Le 
cilice  qui  est  tissé  de  poils  de  chèvre ,  figure  le  souvenir  déchirant  du 
péché,  qui  perce  l'âme  comme  d'une  pointe  aiguë  ;  la  cendre  repré- 
sente la  pensée  de  la  mort,  qui  nous  réduit  eu  cendres;  l'action  d'être 

(1)  Ce  lac  est  appelé  mer  de  Galilée  dans  saint  Matthieu,  rv,  18;  xv,  29;  dans  saint  Marc,  i,  16; 
VII,  31  ;  et  mer  de  Tibériade  dans  saint  Jean,  xxi,  1  ;  et  tout  à  la  fois  mer  de  Galilée  et  mer  de 
Tibériade,  vi,  1, 


Vœ  tibi,  Corozaim  !  vœ  Bethsaida  !  quia  si  in 
Tyro  et  Sidone  factœ  fuissent  virtutes  quœ 
factœ  sunt  in  vobis,  olim  in  cilicio  et  cinere  se- 
dentes  pœniterent.  Veriimtamen  Tyro  et  Si- 
doni  remissius  erit  injudicio  quant  vobis.  Et 
tu ,  Capharnaûm  ,  usque  ad  cœlum  exaltata  , 
usgue  ad  infernum  demergeris  .Qui  vos  au- 
dit, me  audit  ;  et  qui  vos  spernit,  me  spernit  : 
qui  auiem  me  spernit,  spernit  eum  qui  me  misit. 

Ambr.  Docet  Dominus  graviori  pœnœ 

obnoxios  fore,  qui  Evangelium  non  se- 

quendum,   quam   qui   iegem  judicave- 

nt  esse  solvendam,  dicens  :  «  Vae  tibi, 

ru.       ^zaim!   vae  tibi,   Bethsaida!  »  Bed. 

Coro        ini^   Bethsaida  et  Capharnaûm, 

Corozb.      auoque  quam  Joannes  nominat, 

Tibenas  .^     vjt  Galilsese  sitae  iû  Uttore  laci 

civitates  svu 


Genezareth,  qui  ab  evangeUstis  7nare 
Galilœœ  vel  Tiberiadis  appellatur.  Plau- 
git  ergo  Dominus  bas  civitates,  quae  post 
tanta  miracula  atque  virtutes  non  pœni- 
tuerunt,  pejoresque  sunt  gentibus  natu- 
rale  tantum  jus  dissipantibus;  quia  post 
descriptse  legis  contemptum,  FiUum 
quoque  Dei  et  gloriam  ejus  spernere 
non  timuerunt.  Unde  sequitur  :  «  Quia 
si  in  Tyro  et  Sidone  factee  fuissent  vir- 
tutes qua;  factœ  sunt  in  vobis,  ohm  in 
cihcio  et  in  cinere  pœniterent,  »  etc. 
«  In  cihcio,  »  quod  de  pilis  caprarum 
contexitur,  asperam  peccati  pungentis 
memoriam  significat;  in  cinere  autem, 
mortis  considerationem  (per  quam  in 
pulverem  redigimur)  demonstrat  :  porro 


DE  SAINT   LUC,   CHAP.   X. 


521 


assis  signifie  l'humilité  de  la  conscience.  Or,  nous  voyons  aujourd'hui 
l'accomplissement  de  cette  prédiction  du  Sauveur,  parce  que  Corozain 
et  Bethsaïde  ont  refusé  de  croire  au  Seigneur  qui  les  enseignait  en 
personne,  tandis  que  Tyr  et  Sidon  ont  été  autrefois  en  relations  d'a- 
mitié avec  David  et  Salomon ,  et  ont  ensuite  embrassé  la  foi  qui  leur 
était  annoncée  par  les  disciples  de  Jésus-Christ. 

S.  Chrys.  [de  l'hom.  intltuL,  que  les  femmes  consacrées  à  Dieu 
ne  doivent  point  habiter  avec  les  hommes.)  Le  Seigneur  déplore  le 
sort  de  ces  villes,  pour  nous  apprendre  que  les  gémissements  et  les 
larmes  répandues  sur  ceux  qui  sont  insensibles  à  leur  malheur  ,  sont 
un  des  moyens  les  plus  efficaces  pour  les  tirer  de  leur  insensibilité, 
comme  aussi  un  remède  souverain,  et  une  consolation  puissante  pour 
ceux  qui  s'attristent  de  leur  indififérence.  {Et  hom.  38  sur  S.  Matth.) 
Ce  n'est  pas  seulement  en  déplorant  leur  sort ,  qu'il  les  amène  à  faire 
le  bien,  mais  en  leur  inspirant  une  crainte  salutaire  :  «  C'est  pourquoi 
il  y  aura,  au  jour  du  jugement,  moins  de  rigueur  pour  Tyr  et  Sidon, 
que  pour  vous.  »  Soyons  nous-mêmes  attentifs  à  cette  menace;  car  ce 
n'est  pas  seulement  à  ces  villes,  mais  à  nous-mêmes,  qu'un  jugement 
sévère  est  réservé ,  si  nous  refusons  de  recevoir  ceux  qui  nous  de- 
mandent l'hospitalité  ;  puisqu'il  commande  à  ses  disciples  de  secouer 
la  poussière  de  leurs  pieds  contre  ceux  qui  refuseront  de  les  recevoir. 
{D'un  autre  endroit.)  Les  miracles  nombreux  que  le  Seigneur  avait 
opérés  dans  Capharnaûm,  le  séjour  qu'il  avait  fait,  lui  avait  donné 
une  certaine  prééminence  sur  les  autres  villes  ,  mais  son  incrédulité 
fut  cause  de  sa  ruine  ,  comme  le  Sauveur  le  lui  prédit  :  «  Et  toi,  Ca- 
pharnaûm, élevée  jusqu'au  ciel,  tu  seras  abaissée  jusqu'aux  enfers,  » 
c'est-à-dire  que  le  châtiment  sera  proportionné  à  l'honneur  que  tu  as 


in  sessione  humilitatem  propriae  con- 
scientice  signifient.  Implelum  autem  vi- 
dimus  hodie  dictum  Salvaloris ,  quia 
Corozaim  et  Bethsaida  praesente  Domino 
credere  noluerunt.  Tyrus  autem  et  Si- 
don, et  quondam  David  ac  Salomoni 
amicfe  fuere  (III  Recj.,  5),  et  post  evan- 
gelizantibus  Cliristi  credidere  discipulis. 
Chrys.  {in  Cat.  Grœcorum  Pairum, 
ex  homilia  quod  recjxilares  femina  vins 
cohahitare  non  debeant.)  Déplorât  au- 
tem Dominus  bas  civitates  ad  nostrum 
exemplum;  eo  quod  effusio  lacrymarum, 
et  gemitus  amarus  super  patientes  in- 
sensibilitatem  doloris,  non  modicum  an- 
tidotum  est,  et  ad  correctionem  patien- 
tium,  et  ad  remedium  vel  consolationem 
ingemiscentium  super  eos.  (Et  hom.  38, 


in  Matth.)  Non  solum  autem  per  deplo- 
rationem  inducit  eos  ad  bonum,  sed 
etiam  per  lerrorem.  Unde  sequitur  : 
«  Verumtamen  Tyro  et  Sidoni  remis- 
sius  erit,  »  etc.  Hoc  et  nos  audire  debe- 
mus  :  non  enim  solis  illis  sed  etiam  no- 
bis  pejus  judicium  statuit,  nisi  recepe- 
rimus  intrantes  ad  nos  bospites,  quando 
etiam  pulverem  prœcepit  excutere.  Ac 
ex  alio  loco  :  cum  autem  plurima  signa 
fecisset  Dominus  in  Capharnaûm ,  et 
cum  ipsa  incolam  babuisset,  videbatur 
super  alias  civitates  exaltata;  sed  prop- 
ter  incredubtatem  cecidit  in  ruina:  unde 
sequitur  :  «  Et  tu,  Capbarnaum,  usque 
in  cœlum  exaltata,  usque  ad  infernuni 
demergeris ,  »  ut  scilicet  judicium  sit 
proportionabile  honori.  Bed.  Duplex  au- 


522 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


reçu.  —  BEDE.  Ces  paroles  peuvent  recevoir  deux  significations  dififé- 
rentes.  Ou  bien,  tu  seras  plongée  jusqu'au  fond  de  l'enfer  _,  parce  que 
tu  as  résisté  avec  un  orgueil  indicible  à  mes  prédications ,  et  dans  ce 
sens,  c'est  par  orgueil  qu'elle  s'est  élevée  jusqu'au  ciel;  ou  bien,  tu  as 
été  élevée  jusqu'au  ciel,  par  le  séjour  que  j'ai  fait  dans  tes  murs  ,  par 
les  miracles  que  j'y  ai  multipliés  sous  tes  yeux,  et  tu  seras  puni  d'au- 
tant plus  sévèrement ,  que  tant  de  grâces  n'ont  pu  vaincre  ton  incré- 
dulité. Et  que  personne  ne  pense  que  ces  menaces  ne  sont  faites 
qu'aux  villes  ou  aux  personnes  qui  ont  méprisé  le  Seigneur  dans  sa 
chair  visible  ;  elles  s'adressent  à  tous  ceux  qui,  aujourd'hui  encore, 
méprisent  les  enseignements  de  l'Evangile  ;  aussi  ajoute-t-il  :  a  Celui 
qui  vous  écoute,  m'écoute.  »  —  S.  Cyr.  Il  faut  recevoir  avec  respect 
les  enseignements  des  saints  Apôtres  ;  car  celui  qui  les  écoute  ,  écoute 
Jésus-Christ  lui-même.  Un  châtiment  inévitable  attend  donc  les  héré- 
tiques qui  rejettent  les  paroles  des  Apôtres,  car  il  ajoute  :  «  Et  celui 
qui  vous  méprise,  me  méprise.  »  —  Bède.  Il  étabht  clairement  cette 
vérité,  qu'en  écoutant  ou  en  méprisant  la  prédicati,on  évangélique,  ce 
ne  sont  pas  des  hommes  de  peu  d'importance  qu'on  écoute  ou  qu'on 
méprise,  mais  le  Sauveur,  et  son  Père  lui-même  :  «  Celui  qui  me  mé- 
prise, méprise  celui  qui  m'a  envoyé  ;  »  parce  qu'en  effet ,  dans  le  dis- 
ciple, c'est  le  maître  qu'on  écoute,  et  dans  le  Fils ,  c'est  le  Père  qu'on 
honore. 

S.  AuG.  {des  par.  du  Seig.,  serm.  24.)  Si  donc  la  parole  de  Dieu  est 
parvenue  jusqu'à  vous,  et  vous  a  placé  dans  le  lieu  élevé  que  vous 
occupez^  gardez-vous  de  nous  mépriser  ;  car  ce  mépris  que  vous  nous 
témoigneriez,  remonterait  jusqu'à  lui.  On  peut  encore  entendre  ces 
paroles  dans  un  autre  sens  :  «  Celui  qui  vous  méprise ,  me  méprise,  » 


tem  in  hac  sententia  sensus  est.  Vel 
ideo,  «  ad  infernum  demergeris,  »  quia 
contra  praedicationem  meam  superbis- 
sime  restitisti;  ut  scilicet  iutelligatur  in 
cœlum  exaltala  per  superbiam  :  vel  ideo 
quia  es  exaltata  usque  ad  cœlum  meo 
hospitio  et  mais  signis,  majoribus  plecte- 
ris  suppliciis  quia  his  quoque  credere 
noluisti.  Et  ne  quis  putaret  banc  iucre- 
pationem  ,  vel  tantummodo  civitatibus , 
vel  personis  convenire,  quse  Dominum 
in  carne  videntes  spernebant,  et  non 
omnibus  qui  hodie  quoque  Evangelii 
verba  despiciunt,  consequenter  adjuuxit 
dicens  :  «  Qui  vos  audit,  me  audit.  » 
Cyril,  {in  Cat.  Grœcorvm  Patnun.)  Per 
quod  docet  quicquid  per  s&nctos  aposto- 
los  dicitur,  acceptandum  esse,  quia  qui 
illos  audit,  Christum  audit.  Inevitabilis 


ergo  pœna  hsereticis  imminet,  qui  apos- 
tolorum  negligunt  verba  :  sequitur  enim  : 
«  Et  qui  vos  spernit,  me  spernit.  »  Bed. 
Ut  scilicet  in  audiendo  quisque  vel  sper- 
nendo  Evangelii  prœdicationem,  non 
viles  quasque  personas ,  sed  Dominum 
Salvatorem,  imo  ipsum  Patrem,  sper- 
nere  se  vel  audire  disceret  :  nam  sequi- 
tur :  «  Qui  autem  me  spernit,  spernit 
eum  qui  me  misit,  »  etc.  Quia  in  disci- 
pulo  magister  auditur,  et  in  filio  pater 
bonoratur. 

AuG.  {de  Verb.  Dom.,  serm.  24.)  Si 
autem  sermo  Dei  ad  vos  quoque  perve- 
nit,  et  in  eo  loco  vos  constituit,  videte 
ne  spernatis  nos,  ne  ad  illum  perveniat, 
quod  nobis  feceritis.  Bed.  Potest  et  ita 
intelligi  :  «  Qui  vos  spernit,  me  sper- 
nit, i>  id  est,  qui  non  facit  misericordiam 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    X.  523 

c'est-à-dire  celui  qui  refuse  de  faire  miséricorde  à  l'un  des  plus  petits 
d'entre  mes  frères,  c'est  à  moi  qu'il  le  refuse  {Matth.^  xxv);  et  celui 
qui  me  méprise,  en  refusant  de  croire  que  je  suis  le  Fils  de  Dieu , 
méprise  celui  qui  m'a  envoyé,  parce  que  mon  Père  et  moi  nous  sommes 
un.  {JeaJî,  X.)  —  TiTE  de  Bost.  11  console  en  même  temps  ses  disciples, 
car  tel  est  le  sens  de  ces  paroles  :  «  Ne  dites  point  :  Pourquoi  aller 
nous  exposer  aux  outrages  ?  »  Prètez-moi  le  concours  de  vos  paroles , 
moi,  je  vous  donnerai  celui  de  ma  grâce ,  et  les  outrages  qu'on  vous 
fera,  retomberont  sur  moi. 

f.  17-20.  —  Or,  les  soixante-doiise  disciples  revinrent  avec  joie,  disant  :  Seigneur, 
les  démons  mêmes  nous  sont  soumis  en  votre  nom.  Il  leur  répondit  :  Je  voyais 
Satan  tomba-  du  ciel  comme  un  éclair.  Voilà  que  je  vous  ai  donné  le  pouvoir 
de  fouler  aux  pieds  les  serpents  et  les  scorpions,  et  toute  la  puissance  de 
l'ennemi,  et  rien  7ie  pourra  vous  nuire.  Cependant,  ne  vous  réjouissez  pas  de 
ce  que  les  esprits  vous  sont  soumis,  mais  réjouissez-vous  de  ce  que  vos  noms 
sont  écrits  dans  les  deux. 

S.  Gyr.  Nous  avons  vu  plus  haut  que  le  Seigneur  envoya  ses  dis- 
ciples revêtus  de  la  grâce  du  Saint-Esprit ,  et  que  ,  devenus  ministres 
de  la  prédication ,  ils  reçurent  en  même  temps  tout  pouvoir  sur  les 
esprits  immondes  ;  nous  les  voyons  revenir  maintenant  en  proclamant 
la  puissance  de  celui  qui  les  a  ainsi  honorés  :  «  Or,  les  soixante-douze 
disciples  revinrent  avec  joie,  en  disant  :  Seigneur,  les  démons  eux- 
mêmes  nous  sont  soumis,  »  etc.  Ils  semblent  se  réjouir  bien  plus  de 
ce  qu'ils  ont  opéré  des  miracles ,  que  d'avoir  été  les  ministres  de  la 
prédication.  Et  cependant  ils  devaient  bien  plutôt  mettre  leur  joie 
dans  ceux  qu'ils  avaient  gagnés  à  l'Evangile ,  à  l'exemple  de  saint 


uni  de  fratribus  meis  minimis,  nec  mihi 
facit  [Matth.,  23);  «  qui  autem  me  sper- 
uit  (nolens  credere  Filium  Dei),  spernit 
eum  qui  me  misit;  quia  ego  et  Pater 
naum  sumus.  »  (Jean.,  dO.)  Titus  Bos- 
TRENSis.  Simul  autem  in  hoc  discipulos 
consolatur  :  quasi  dicat  :  «  Non  dica- 
tis  :  Cur  imus  passuri  contumelias? 
Accommodate  linguam ,  ego  preebeo 
gratiam  ;  in  me  vestra  redundat  contu- 
raelia.  » 

Reversi  sunt  autem  septuaginta  duo  cum  gau- 
dio,  dicentes  :  Domine,  etiam  dœmonia  subji- 
ciuntur  nobis  in  nomine  tua.  Et  ait  iilis  :  Vi- 
debam  Satanam  'sicut  fulgur  de  cœlo  caden- 
tem.  Ecce  dedi  vobis  potestatem  calcandi  su- 
per serpentes,  et  scorpiones ,  et  super  omnem 
virtutem  inimici,  et  nihil  vobis   nocebit  ;  ve- 


rumtfi/tHh  in  hoc  nolite  gaudere,  quia  spiritus 
vobis  subjiciuntur  ;  gaudele  autem  quod  no- 
mina  vestra  scripta  sunt  in  cœlis. 

CvRiL.  (in  Cal.  Crœcorum  Patnnn.) 
Supra  dictum  est  quod  Dominus  misit 
discipulos  gratia  Spiritus  sancti  insigni- 
tos;  et  facti  prcedicationis  minlstri,  po- 
testatem super  immundos  spiritus  acce- 
perunt  :  nunc  autem  reversi  confitentur 
honorantis  eos  potentiam  :  unde  difl- 
tur  :  «  Reversi  sunt  autem  septuaginta 
duo  cum  gaudio,  dicentes  :  Domine , 
etiam  dœ-nonia  subjiciuntur  nobis,  »  etc. 
Yidebantur  quidem  gaudere  magis  quod 
facti  sunt  miraculorum  auctores ,  quam 
quod  facti  erant  praedicationis  ministri. 
Erat  autem  melius  eos  gaudere  in  ilIis 
quos  ceperaut,  sicut  vocatis  per  ipsum 


524 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


Paul,  qui  disait  à  ceux  qui  avaient  été  appelés  à  la  foi  par  ses  prédi- 
cations :  «  Vous  êtes  ma  joie  et  ma  couronne.  »  [Philip.^  iv.) 

S.  Grég.  {Moral.,  xxiii ,  4.)  (1)  Le  Sauveur  se  hâte  de  réprimer  ce 
mouvement  d'orgueil  dans  le  cœur  de  ses  disciples ,  et  il  leur  rappelle 
la  chute  trop  justement  méritée  du  maître  de  l'orgueil,  pour  leur  ap- 
prendre, par  le  prince  de  l'orgueil,  combien  ce  vice  était  redoutable  : 
«  Je  voyais  Satan  tomber  du  ciel  comme  un  éclair  ,  »  etc.  —  S.  Bas. 
{hom.,  Dieu  n'est  pas  l'auteur  du  mal.)  Le  démon  est  appelé  Satan, 
parce  qu'il  est  opposé  au  bien  (c'est  le  sens  du  mot  hébreu)  ;  il  est 
aussi  appelé  diable,  parce  qu'il  nous  aide  à  commettre  le  mal,  et  qu'il 
devient  notre  accusateur.  Sa  nature  est  immatérielle ,  et  il  fait  son 
séjour  dans  les  airs. 

BEDE.  Il  ne  dit  pas  :  Je  le  vois  maintenant  ;  mais  :  «  Je  le  voyais 
précédemment,  »  au  moment  même  de  sa  chute.  Il  le  compare  à 
l'éclair,  pour  signifier  la  rapidité  avec  laquelle  il  a  été  précipité  du 
haut  du  ciel  au  fond  des  abîmes ,  ou  pour  exprimer  que  depuis  sa 
chute,  il  se  transforme  encore  en  ange  de  lumière  (Il  Cor.,  xi,  4.) 
—  TiTE  DE  BosTR.  G'cst  comme  juge  qu'il  a  vu  la  chute  de  Satan, 
lui  qui  connaît  les  passions  des  êtres  immatériels.  Il  le  compare  dans 
sa  chute  à  un  éclair,  parce  que  Satan,  de  brillant  qu'il  était  par  na- 
ture, est  devenu  ténébreux  par  ses  inclinations  vicieuses  ;  et  qu'il  a 
corrompu  en  lui  la  bonté  que  Dieu  lui  avait  communiquée  en  le 
créant.  — S.  Y^xs. {contre  Eunom.,  m.)  Caries  esprits  célestes  ne  sont 
pas  saints  par  nature,  mais  la  mesure  de  leur  sainteté  est  propor- 
tionnée à  la  mesure  de  leur  amour  pour  Dieu.  De  même  que  le  fer 

(1)  Dans  les  anciennes  éditions  cliap.  7,  sur  ces  paroles  du  chapitre  32  du  livre  de  Job  :  «  L'inspi- 
ration du  Tout-Puissant  donne  l'intelligence.  » 


dicit  Paulus  {ad  Philip.,  4)  :  «  Gaudium 
meum  et  corona  mea.  » 

Greg.  (23  Moral.,  cap.  4.)  Mire  au- 
em  Dominus  ut  in  discipulorum  cordi- 
bus  elationem  premeret,  judicium  ruinée 
retulit,  quod  ipse  magister  elationis  ac- 
cepit;  ut  in  auctore  superbiae  discerent, 
quid  de  elationis  vitio  formidarent.  Uude 
sequitur  :  «  Videbam  Satanam  sicut 
fulgur,  de  cœlo  cadentem,  »  etc.  Basil. 
{in  hom.  quod  Deus  non  sit  auctor 
mali.)  Dicitur  Satanas,  eo  quod  ad- 
versatur  bono  (hoc  enim  significat  no- 
men  hebraicum);  sed  diaholus  dicitur, 
eo  quod  cooperatur  nobis  in  malo,  et 
accusator  sit.  Natura  ejus  est  incorpo- 
rea,  locus  aereus. 


Bed.  Non  autem  dicit  :  Modo  video, 
sed  prius ,  videbam,  quando  corruit  : 
quod  autem  ait  :  Sicut  fulgur,  vel  prae- 
cipitem  de  supernis  ad  ima  lapsum 
significat;  vel  quia  dejectus  adhuc 
transfigurât  se  in  angelum  lucis.  (II  ad 
Cor.,  11,  vers.  14.)  Titus  Bostrens.  Se 
autem  dicit  vidisse  tanquam  judicem, 
qui  novit  incorporeorum  passiones.  Vel 
dicit  :  Sicut  fulgur,  quia  natura  fulgidus 
erat  ut  fulgur,  sed  factus  est  tenebrosus 
propter  affectum  ;  quia  quod  Deus  fecit 
bonum,  hoc  ipse  in  se  alteravit  in  ma- 
lum.  Basil,  {adversus  Eunomium,  lib.d.) 
Supernee  euim  virtutes  non  sunt  natu- 
raliter  sanctae,  sed  secundum  analogiam 
divini  amoris  mensuram  sanctificationis 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.    X. 


525 


qu'on  met  dans  le  feu,  ne  perd  pas  sa  nature ,  et  cependant,  par  son 
étroite  union  avec  la  flamme  ardente ,  prend  l'aspect  et  la  vertu  du 
feu  ;  ainsi  les  esprits  des  cieux,  par  leur  union  avec  celui  qui  est  saint 
par  nature ,  entrent  en  communication  de  sa  sainteté  ;  car  en  effet, 
Satan  ne  fût  jamais  tombé,  s'il  avait  été  impeccable  par  nature.  — 
S.  Cyr.  Ou  bien  encore,  dans  an  autre  sens  :  «Je  voyais  Satan  tomber 
comme  l'éclair ,  »  c'est-à-dire  de  la  plus  haute  puissance  à  la  plus 
extrême  faiblesse.  En  effet ,  avant  la  venue  du  Sauveur ,  le  démon 
régnait  sur  tout  l'univers,  et  recevait  les  adorations  de  tous  les 
hommes  ;  mais  lorsque  le  Fils  unique  de  Dieu  fut  descendu  du  ciel,  il 
tomba  avec  la  rapidité  de  l'éclair,  parce  qu'il  est  foulé  aux  pieds  par 
tous  ceux  qui  adorent  Jésus-Christ ,  c'est  ce  qu'indiquent  les  paroles 
suivantes  :  «  Voici  que  je  vous  ai  donné  le  pouvoir  de  marcher  sur 
les  serpents,  »  etc. 

TiTE  DE  BosT.  Autrefois  les  serpents,  dans  le  désert,  firent  des  bles- 
sures mortelles  aux  Israélites  à  cause  de  leur  infidélité.  {Nomb.^  xxi.) 
Mais  le  serpent  d'airain  est  venu  sur  la  terre,  il  a  été  attaché  à  la  croix, 
et  il  a  détruit  ainsi  la  vertu  de  ces  serpents,  de  manière  que  tous  ceux 
qui  le  regardent  avec  foi  sont  guéris  de  leurs  blessures,  et  obtiennent 
le  salut. —  S.  Chrts.  {Ch.  des  Pêr.  g?\)  Et  dans  la  crainte  qu'on  en- 
tendit ces  paroles  de  véritables  serpent?,  le  Sauveur  ajoute  :  «  Et  sur 
toute  la  puissance  de  l'ennemi.  »  —  Bède.  C'est-à-dire  qu'il  leui  donne 
le  pouvoir  de  chasser  toute  espèce  d'esprits  impurs  des  corps  des  pos- 
sédés. Et  pour  ce  qui  les  concerne,  il  ajoute  :  «  Et  rienne  pourra  vous 
nuire.  »  On  peut  cependant  entendre  aussi  ces  paroles  dans  le  sens 
littéral,  car  une  vipère  s'étant  élancée  sur  la  main  de  saint  Paul,  il 
n'en  souffrit  aucun  mal  {Actes,  xxviii),  et  saint  Jean  prit  du  poison, 


sorliuntur.  Et  sicut  ferrum  positum  in 
igné  non  desinit  esse  ferrum,  vehementi 
tamen  flammae  unione  tam  effectuquam 
aspectu  in  ignem  pertransit;  sic  et  almae 
virtutes  ex  participatioue  ejus  quod  est 
naluraliter  sauctuiu  ,  insilam  habent 
sanctificationeui  :  neque  euini  cecidisset 
Satanas,  si  natura  fuisset  insusceptibi- 
lis  mail.  Cyril,  {in  eut.  Grxconim  Pa- 
tiiim ,  ut  sup.)  Vel  aliter  :  «  Videbam 
Satanam  sicut  fulgur  de  cœlo  caden- 
tem,  »  id  est,  ab  ultima  virtute  in  extre- 
mam  fraailitatem.  Nam  ante  Salvatoris 
adventuui ,  subegorat  tibi  orbeui ,  et  ab 
omnibus  cokbatur;  sed  cum  uuigeiii- 
tum  Verbum  Dei  de  cœlo  descendit, 
corruit  tanquam  fulgur ,  quia  conçut  ■ 
catur  ab  adorantibus  Cbristum.  Unde 
sequitur  :  «  Et  ecce  dedi  vobis  potes- 


tatem  calcandi  super  serpentes,  »  etc. 
Trrus  Bostrens.  Serpentes  quidem 
aliquando  figuraliter  in  deserto  morde- 
bant  Juda?os,  et  necabant  eos,  eo  quod 
infidèles  erant.  {i\u)ner.,  21.)  Vcnit 
aulem  qui  serpentes  illos  perinieret 
auieus  serpens  crucifixus  ;  nt  si  quis 
credens  in  eum  prospexerit,  liberetur  a 
niortibus  et  salvetur.  Curys.  .{in  Cat. 
Grœcorum  Pairnm.)  Deiude  ne  putare- 
mus  boc  dici  de  bestiis,  subjunxit  :  «  Et 
supra  omnera  virtutem  inimici.  »  Bed. 
Hoc  est,  onme  gcnus  immundorum  spi- 
rituuui  de  obsessis  corporibus  ejiciendi. 
Et  quantum  ad  ipsos  subdit  :  «  El  nihil 
vobij  nocebit.  »  Quamvis  et  ad  lilteram 
possit  accipi  :  Paulus  enim  a  vipera 
invasus,  nibil  mali  patitur  {Act.,  28;,  et 
Joaanes  hausto  veueno  non  laeditur.  {In 


826 


KXPLICAIION   DE   j/ÉVANGlLE 


sans  en  ressentir  aucune  atteinte  (1).  Or,  il  y  a  cette  différence  entre 
It^s  serpents  qui  blessent  avec  leurs  dents ,  et  les  scorpions  dont  le  venin 
est  dans  la  queue,  que  les  serpents  représentent  ceux  qui  exercent  ou- 
vertemeut  leur  fureur  ;  et  les  scorpions  ,  ceux  qui  dressent  en  secret 
leurs  embûches,  que  ce  soient  des  hommes  ou  des  démons.  Ou  bien, 
les  serpents  sont  ceux  qui  attaquent  extérieurement,  comme  le  démon 
de  la  fornication  et  de  l'homicide,  mais  ceux  dont  le  pouvoir  de  nuire 
s'exerce  intérieurement,  sont  comme  des  scorpions,  telles  sont  les 
passions  intérieures  de  l'âme.  —  S.  Grég.  de  Nysse.  [hom.  sur  les 
Canl.)  La  volupté  est  comparée  au  serpent,  dans  la  sainte  Ecriture. 
Or,  telle  est  la  nature  du  serpent,  que  si  sa  tête  atteint  une  fente  dans 
un  mur,  elle  attire  tout  son  corps  à  sa  suite  ;  ainsi  la  nature  accorde  à 
l'homme  de  se  construire  une  habitation  comme  chose  nécessaire, 
mais  à  l'aide  de  cette  nécessité,  la  volupté  dresse  ses  attaques,  elle 
porte  l'homme  à  un  luxe  exagéré  ;  puis  comme  conséquence ,  elle  fait 
entrer  dans  l'âme  la  passion  de  l'avarice,  que  suit  immédiatement  le 
vice  de  l'impureté,  c'est-à-dire  le  dernier  membre  et  comme  la  queue 
de  la  bestialité.  Or,  de  même  que  pour  faire  lâcher  prise  à  un  serpent, 
on  ne  le  saisit  point  par  la  queue;  ainsi ,  c'est  inutilement  qu'on  vou- 
drait déraciner  la  volupté  eu  commençant  par  les  dernières  ramifica- 
tions, si  on  ne  ferme  tout  d'abord  l'entrée  par  où  le  mal  a  pénétré  dans 
l'âme.  —  S.  Athan.  {dise,  sur  la  passion  et  la  croix  du  Seig.)  Nous 
voyons  aujourd'hui  des  enfants  triompher,  par  la  vertu  du  Christ, 
de  la  volupté  qui,  autrefois,  séduisait  les  vieillards  ;  et  des  vierges  per- 

(1)  Comme  le  rapporte  sommairement  saint  Isidore  dans  son  livre  de  la  vie  et  de  la  mort  des 
Saints,  §  73,  bien  que  Métaphraste  qui  raconte  la  vie  de  saint  Jean,  attribue  ce  fait  à  un  homme 
qui,  perdu  de  dettes,  prit  deux  fois  du  poison,  mais  sans  en  ressentir  aucun  mal,  parce  qu'il  avait 
fait  le  signe  de  la  croix,  et  fut  délivré  de  ses  dettes  par  une  somme  d'or  que  saint  Jean  lui  fournit 
miraculeusement. 


ejus  vita.)  Hoc  autem  inter  serpentes 
qui  dente ,  et  scorpiones  qui  cauda  no- 
cent ,  distare  arbitrer,  quod  serpentes 
aperte  ssevientes ,  scorpiones  clauculo 
insidiantes ,  vel  homiues  vel  daemones, 
significent.  Vel  serpentes,  qui  inclioan- 
dis  virtutibus  venena  pravae  persuasio- 
uis  objiciunt;  scorpiones,  qui  consum- 
matas  virtutes  ad  finem  vitiare  iuteii- 
dunt.  Theophyl.  Vel  serpentes  sunt  qui 
visibiliter  nocent,  veluti  fornicationis  et 
homicidii  daemon;  qui  vero  invisibiliter 
nocent ,  scorpiones  vocautur ,  sicut  in 
vitiis  spirilualibus.  Greg.  Nyss.  [iii,Cut. 
Grœcorum  Patrum ,  ex  /lomiliis  in 
Cant.)  Voluptas  enim  serpens  dicitur  in 
Scriptura,  cujus  natura  est,  quod  si  caput 


ejus  mûri  stricturam  attigerit,  totum 
sequens  corpus  ad  se  trahit  ;  sic  natura 
necessarium  concessit  homini  domici- 
lium  ;  sed  per  banc  necessitatem  aggre- 
diens  voluptas  animum  ,  ad  inimodera- 
tura  quemdam  ornatum  pervertit;  ad 
hoc  subsequentem  avaritiam  trahit, 
quam  impudicitia  sequitur ,  id  est ,  ulti- 
mum  membrum  et  cauda  bestialitatis. 
Sed  quemadmodum  non  est  per  caudam 
serpentem  retrahi,  sic  non  est  incipien- 
dum  ab  ultimis  ad  evellendum  volupta^ 
tes ,  uisi  quis  priorem  aditum  obturet 
maUtiœ.  Ath.  \Orat.  in  passionem  et 
crucem  Domini.)  Deluduut  autem  nunc 
per  Christi  virtutem  pueri  voluptatem, 
quse  quoudam  seducebat  grandaevos;  et 


DE    SAINT  LUC.    CHAP.    X. 


527 


sévérer  dans  l'innocence,  en  foulant  aux  pieds  les  artifices  du  serpent 
de  la  volupté.  Quelques-uns  mêmes  ont  écrasél'aiguillon  du  scorpion, 
c'est-à-dire  du  démon,  en  affrontant  la  mort,  et  en  devenant  les  mar- 
tyrs de  Jésus-Christ  ;  et  la  plupart  ont  sacrifié  les  jouissances  de  la 
terre  pour  marcher  plus  librement  vers  les  biens  du  ciel,  sans  crainte, 
aucune,  des  puissances  de  l'air. 

TiTE  DE  BosTR.  Notre- Seigneur  vit  bien  que  la  joie  de  ses  disciples 
était  mélangée  de  vaine  gloire  ;  car  ils  se  réjouissaient  surtout  d'avoir 
reçu  une  puissance  qui  les  élevait  au-dessus  des  autres  hommes ,  et 
les  rendait  terribles  aux  hommes  et  aux  démons.  Aussi  ajoute-t-il  : 
«  Cependant  ne  vous  réjouissez  pas  de  ce  que  les  esprits  vous  sont 
soumis,  »  etc.  —  Bède.  Il  leur  défend,  simples  mortels  qu'ils  sont,  de 
se  réjouir  de  ce  que  les  esprits  leur  sont  soumis  ;  car  le  pouvoir  de 
chasser  les  esprits  ou  de  faire  d'autres  miracles ,  ne  vient  pas  du  mé- 
rite de  celui  qui  les  opère ,  mais  de  l'invocation  du  nom  de  Jésus- 
Christ,  qui  produit  ces  effets  miraculeux  pour  la  condamnation  de 
ceux  qui  l'invoquent ,  ou  pour  l'utilité  de  ceux  qui  sont  témoins  de 
ces  prodiges.  —  S.  Cyr.  Mais  pourquoi,  Seigneur,  ne  permettez-vous 
pas  à  vos  disciples  de  se  réjouir  de  la  puissance  que  vous-même  leur 
avez  donnée,  alors  qu^il  est  écrit  :  «  Ils  se  réjouiront  dans  votre  nom 
durant  tout  le  jour?  »  C'est  que  le  Sauveur  les  invite  à  une  joie  beau- 
coup plus  grande  et  plus  pure  :  «  Réjouissez-vous  de  ce  que  vos  noms 
sont  écrits  dans  les  cieux.  »  —  Bède.  Comme  s'il  leur  disait  :  Ce  n'est 
pas  de  l'humiliation  des  démons ,  mais  de  votre  élévation ,  qu'il  faut 
vous  réjouir.  Et  nous  pouvons  entendre  ces  paroles,  dans  ce  sens  plein 
d'édification,  que  les  œuvres  de  l'homme,  qu'elles  aient  le  ciel  ou  la 
terre  pour  objet,  sont  écrites  pour  ainsi  dire,  et  éternellement  gravées 


virginea  persévérant,  conculcantes  ser- 
pentinae  voluptatis  fallacias.  Sed  et  qui- 
dam ipsum  aculeum  scorpionis ,  id  est, 
diaboli,  conculcantes  ,  scilicet  mortem^ 
non  timuerunt  interitum,  Verbi  marty- 
res facti  :  plerique  vero  postpositis  ter- 
renis  libero  gressu  conversantur  in 
cœlis,  principem  aeris  non  timentes. 

Titus  Bostrexs.  Sed  quia  lœlitia,  qua 
eos  laetos  videbat ,  inanem  gloriam  sa- 
piebat,  gaudebant  enim  quod  quasi  su- 
blimes eft'ecti ,  terrihiles  homiiiibus  ol 
daemonibus  oranl.  Ideo  Domiiius  suIj- 
jungit  :  M  Verumtauien  in  hoc  nolite 
gaudere,  quia  spirilus  vobis  sujjjiciun- 
tiir,»  etc.  Bed.  De  subjectione  spiri- 
tuum  cum  caro  sint,  gaudcre  prohiben- 
tur;  quia  spiritus  ejicere,  sicut  et  virlu- 


tes  alias  facere ,  interduin  non  est  ejus 
meriti  qui  operatur,  sed  invocatio  nomi- 
nis  Christi,  hoc  agit  ad  condemnationein 
eoruiii  qui  invocaut,  vel  ad  utilitatem 
eorum  qui  vident  et  audiunt.  CYniL.  {in 
Cat.  Grxcorum  Patruin.)  Sed  cur. 
Domine ,  non  sinis  lœtari  in  honoribus 
a  te  collatis ,  cum  scriptum  sit  [Psal. 
88)  :  «  In  noraine  tuo  exultabunt  tota 
die?  »  Sed  Dominus  eos  ad  majus  gau- 
dium  erigit  :  unde  subdit  :  «  Gaudete 
autem  quia  noniina  vestra  scripta  sunt 
in  cœlis.  »  Bed.  Quasi  dicat  :  «  Non 
oportet  vos  de  dœmonuiu  humiliatione 
sed  d3  vestra  subliniatioiie  gaudere.  » 
Salubriter  autem  iulelligendiim  est,  quod 
sive  cœlestia,  sive  terrestria  quis  opéra 
gesserit,  per  hoc  quasi  litteris  annota- 


528  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

dans  le  souvenir  de  Dieu.  —  TnÉOPiiYL.  Les  noms  des  saints  sont  écrits 
dans  le  livre  de  vie,  non  pas  avec  de  l'encre ,  mais  par  la  grâce  et  le 
souvenir  de  Dieu  ,  et  tandis  que  le  démon  tombe  des  hauteurs  où  Dieu 
l'avait  élevé,  les  hommes  placés  au-dessus  de  lui,  sont  inscrits  dans  le 
livre  des  cieux.  —  S.  Bas.  {sur  le  chap.  iv  d'Isàie).  Il  en  est  dont 
les  noms  sont  écrits,  non  sur  le  livre  de  vie,  mais  sur  la  terre ,  comme 
le  dit  Jérémie  (xvii,  13),  d'où  nous  devons  entendre  qu'il  y  a  deux 
inscriptions  ,  les  uns  sont  écrits  pour  la  vie  ;  et  les  autres  pour  leur 
perte.  Quant  à  ces  paroles  du  Roi-prophète  ;  «  Qu'ils  soient  effa- 
cés du  livre  des  vivants^  »  elles  doivent  s'entendre  de  ceux  qu'on  avait 
cru  dignes  d'être  inscrits  sur  le  livre  de  Dieu;  et  dans  le  style  de  l'Ecri- 
ture, nos  noms  sont  effacés  ou  inscrits  lorsque  nous  tombons  de  la 
vertu  dans  le  péché,  ou  lorsque  nous  sortons  du  péché  pour  revenir 
à  la  vertu. 

%  21-23.  —  En  cette  heure  même,  Jésus  tressaillit  de  joie  par  un  mouvement 
de  l'Esprit  saint,  et  il  dit  :  Je  [vous  rends  gloire,  ô  mon  Père,  Seigneur  du 
ciel  et  de  la.  terre,  de  ce  que  vous  avez  caché  ces  choses  aux  sages  et  aux  prudents, 
et  les  avez  révélées  aux  petits.  Oui,  mon  Père,  cela  est  juste,  parce  que  vous 
l'avez  ainsi  voulu.  Toutes  choses  m'ont  été  données  par  mon  Père,  et  personne 
ne  sait  quel  est  le  Fils,  sinon  le  Père  ;  et  quel  est  le  Père,  sinon  le  Fils,  et  celui 
à  qui  le  Fils  a  voulu  le  révéler. 

Théophyl.  Gomme  un  bon  père  qui  se  l'éjouit  de  voir  ses  enfants 
dans  la  voie  du  bien,  Jésus  tressaille  de  joie  de  ce  que  les  Apôtres  ont 
été  jugés  dignes  de  si  hautes  faveurs  :  «  En  cette  heure  môme  ,  Jésus 
tressaillit  de  joie,  »  etc.  —  S.  Gyr.  Il  vit  que  les  Apôtres ,  par  la  vertu 
de  l'Esprit  saint  qu'il  leur  avait  donnée ,  en  gagneraient  un  grand 
nombre  (c'est-à-dire  les  amèneraient  à  la  foi),  c'est  pour  cela  que  l'Evan- 


lus,  apud  Dei  memoriam  sit  œternaliter 
affixus.THEOPHYLACT.  Scripta  suutenim 
nomina  sanctorum  in  libro  vitae;  non 
encausto ,  sed  memoria  Dei  et  gratia  : 
et  diabolus  quidem  desuper  cadit  :  ho- 
mines  vero  inferius  existantes,  supe- 
rius  ascribuntur  in  cœlis.  Basil,  {in  Isai. 
4  caput.)  Quidam  autem  sunt  qui  scri- 
buntur  quidem,  non  in  vita,  sed  secun- 
dum  Hieremiam  in  terra  (cap.  17, 
vers.  13),  ut  secnndum  hoc  intelligatur 
duplex  quœdam  descriptio  ,  horum  qui- 
dem ad  vitam ,  illorum  ad  perditio- 
nem.  Quod  autem  dicitur  {Psal.  G8, 
vers.  29)  :  «  Deleantur  de  libro  viven- 
tium,  »  intelligitur  de  bis  qui  digni  pu- 
tabantur  in  libro  Dei  conscribi  :  et  se- 
cundum  hoc  fieri  dicitur  Scriptura  ,  vel 


deleri,  quando  a  virtute  delabimur  in 
peccatum,  vel  e  contra. 

In  ipsa  hora,  exultavit  in  Spiritu  saneto ,  et  di- 
xit  :  Confiteor  tibi,  Pater,  Domine  cœli  et 
terrce,  qiiod  abscondisti  hœc  a  sapientibus  et 
prudentibus,  et  revelasti  ea  parvulis  :  etiam, 
Pater,  quoniani  sicplacuit  ante  te.  Omnia  mihi 
tradita  sunt  a  Pâtre  men.  Et  nemo  scit  quis 
sit  Filius,  nisi  Pater;  et  quis  sit  Pater ,  nisi 
Filius,  et  cui  voluerit  Filius  revelare. 

Theophylact.  Sicut  benignus  pater 
videns  filios  suos  dirigi ,  gaudet,  sic  et 
Christus  exultât ,  quod  apostoli  tantis 
bonis  facti  sunt  digni.  Unde  sequitur  : 
«  In  ipsa  autem  hora,  »  etc.  Cyril,  {in 
C'at.  Grœcoruin  Patrum.)  Inspexit  qui- 
dem per  spiritus  operationem  quam 
sanctis  apostolis  tradidit,  plurium  acqui- 


DE   SAINT    LUC.    CHAP.    X. 


529 


géliste  dit  qu'il  se  réjouit  dans  l'Esprit  saint ,  c'est-à-dire  dans  les 
effets  produits  par  l'Esprit  saint.  En  effet ,  le  Sauveur  aime  tant  les 
hommes,  qu'il  regarde  comme  un  sujet  de  joie  la  conversion  de  ceux 
qui  se  sont  égarés,  et  il  rend  grâces  à  Dieu  ;  «  Je  vous  rends  gloire,  ô 
Père,  »  etc.  —  Bède.  Le  mot  confession  ne  signifie  pas  toujours  péni- 
tence, mais,  actions  de  grâces  ,  comme  nous  le  voyons  fréquemment 
dans  les  Psaumes  (1). 

S.  Ctr.  Des  hommes  à  l'esprit  ou  au  cœur  perverti  nous  objectent 
que  le  Fils  rend  ici  grâce  au  Père,  comme  lui  étant  inférieur.  Mais 
qui  donc  empêche  le  Fils,  tout  en  étant  cousubstantiel  à  son  Père,  de 
rendre  gloire  à  celui  qui  l'a  engendré^  et  qui  s'est  servi  de  lui  pour 
sauver  le  monde?  Si  vous  pensez  que  par-là  même  qu'il  rend  gloire  à 
son  Père,  il  lui  est  inférieur,  veuillez  remarquer  qu'il  l'appelle  son 
Père  et  le  Seigneur  du  ciel  et  de  la  terre.  —  Tite  de  Bost.  Toutes  les 
autres  créatures  ont  été  tirées  du  néant  par  le  Christ,  mais  lui  seul  a 
été  engendré  par  le  Père  d'une  manière  incompréhensible,  car  Dieu 
n'est  Père  dans  un  sens  véritable  que  de  son  Fils  unique;  aussi  le  Fils 
est-il  le  seul  pour  dire  à  son  Père  :  «  Je  vous  rends  grâces,  Seigneur 
Père,  »  c'est-à-dire,  je  vous  glorifie.  Ne  soyez  pas  surpris  si  le  Fils 
glorifii'  le  Père,  car  toute  la  gloire  du  Père  est  dans  la  personne  de  son 
Fils  unique.  Toutes  les  créatures,  les  anges  eux-mêmes  sont  la  gloire 
du  Créateur,  mais  comme  ces  créatures  sont  placées  beaucoup  trop 
au-dessous  de  sa  Majesté,  le  Fils  seul  peut  dignement  glorifier  le  Père, 
parce  qu'il  a  une  même  substance,  une  même  divinité  avec  Dieu  son 
Père.  —  S.  Athax.  (2)  Nous  savons  i|ue  souvent  le  Sauveur  s'exprime 

(1)  Ps.  IX,  2  ;  xvn,  50;  xxix,  13  ;  XLVUI,  19  ;  li,  1 1  ;  cxvil,  21,  28. 

(2)  La  première  partie  de  cette  citation  se  trouve  dans  son  discours  contre  les  partisans  de 


sitionem  (sive  plures  ad  fidem  adducen- 
dos) ,  unde  in  Spiritu  sanclo  Ifstalus 
dicitur;  id  est,  iii  effeclibus  qui  per 
Spirituna  Sanclurn  proveuiuut  :  quasi 
enim  ainator  hoiuiuum ,  giiudii  niputa- 
bat  materiaiu  conversiouem  errautium  ; 
de  quo  gratias  agit,  Unde  sequitur  : 
«  Coufiteor  libi,  Pater.»  Bi£D.  Confessio, 
non  semper  pœuitentiam ,  sed  et  gra- 
liarum  actioneui  significat  .  ut  in  Psal- 
rais  saepissimc  legimus. 

Cyril,  (ubi  supra.)  Krce  autem, 
inquiunt  illi  quorum  corda  perversa 
sunt  (vel  qui  mentem  perversam  habeut) 
gralias  refertfilius  Patri  tanquain  minor. 
Sed  quid  impedit  consubstantialeni 
Filium  laudare  proprium  geuitorcm, 
mundum  salvantem  ppr  eum  ?  Quod  si 
censés  coulessiouis  causa  huuc  esso  mi- 

TOM.    V. 


norem,  aspice  quod  vocat  eum  «  Patrem 
suum,  M  et  «  Dominum  cœli  et  terrae.  » 
Titus  Bostrens.  {in  MaWi.)  Alia  enim 
per  Christum  ex  non  entibus  producta 
sunt,  sed  solus  ipst;  incompreheusibiliter 
a  Pâtre  est  genitus  :  solius  enim  unige- 
niti  tanquain  veri  fiiii  naturaliter  pater 
est  :  unde  solus  Patri  dicit  :  «  Coniiteor 
tibi,  Domine  Pater  ;  »  hoc  est,  «  glorifico 
te.  »  Nec  mireris  si  Patrem  Filius  glori- 
lîcat  :  Iota  enim  iiypostasis  unigeniti, 
genitoris  est  gloria;  nam  et  quœ  facta 
sunt,  et  angeli,  gloria  sunt  Creatoris  : 
verum  quia  ha?c  nimis  infime  sita  sunt 
respectu  dignitalis  ipsius ,  solus  Filius 
(cuui  Deus  perfecte  sit  similis  Genitori) 
perfecte  glorificat  Patrem.  Atoan.  {ia 
Cat.  (irœcorum  Patrum.)  Novimusetiam 
saepius  Salvatorem  huniana  proferre   : 

34 


530 


EXPLICATION   UK   L  EVANGILE 


d'une  manière  toute  humaine,  car  sa  divinité  est  intimement  unie  à 
son  liumanité;  gardez-vous  cependant  de  méconnaître  la  divinité  à 
cause  du  voile  du  corps  qui  la  recouvre.  Mais  que  répondront  à  cela 
ceux  qui  veulent  que  le  mal  ait  une  existence  distincte,  et  qui  se 
forment  un  Dieu  différent  du  vrai  Père  du  Christ.  Ils  disent  que  ce 
Dieu  n'a  pas  été  engendré,  qu'il  est  l'auteur  du  mal,  le  prince  de 
l'iniquité,  et  la  créature  de  ce  monde  matériel.  Mais  le  Sauveur,  con- 
firmant les  paroles  de  Moïse,  dit  hautement  :  «  Je  vous  rends  gloire , 
Père,  Dieu  du  ciel  et  de  la  terre.  »  — S.  Epiph.  (1)  L'Evangile  deMar- 
cion  porte  :  «  Je  vous  rends  grâces,  Dieu  du  ciel,  »  et  supprime  ces  pa- 
roles :  «  Et  de  la  terre  ,  »  et  ces  autres  :  «  Mon  Père,  »  pour  ne  point 
donner  à  entendre  que  Jésus-Christ  appelle  son  Père  le  Créateur  du 
ciel  et  de  la  terre. 

S.  Ambr.  Le  Sauveur  découvre  ensuite  à  ses  disciples  le  dessein 
mystérieux,  en  vertu  duquel  il  a  plu  à  Dieu  de  révéler  les  trésors  de 
la  grâce  aux  petits,  plutôt  qu'aux  sages  et  aux  prudents  de  ce  monde  : 
«  Je  vous  rends  grâces  de  ce  que  vous  avez  caché  ces  choses  aux  sages 
et  aux  prudents,  »  etc.  —  Théophyl.  On  peut  voir  ici  deux  sortes  de 
personnes  ;  les  sages  sont  les  pharisiens  et  les  scribes  interprètes  de 
la  loi;  et  les  prudents,  ceux  qui  étaient  enseignés  par  les  scribes.  Les 
petits,  au  contraire,  dont  parle  le  Seigneur ,  sont  ses  disciples  qu'il  a 
choisis^  non  parmi  les  docteurs  de  la  loi ,  mais  parmi  le  peuple  et  les 
pêcheurs  des  bords  de  la  mer  ;  et  il  les  appelle  petits,  parce  que  leur 
volonté  est  sans  malice.  —  S.  Ambr.  Ou  bien ,  ces  petits  sont  ceux  qui 

Sabellius,  et  la  seconde  dans  son  discours  contre  les  Gentils,  et  aussi  dans  celui  qui  a  pour  titre  : 
contre  les  idoles, 

(1)  Livre  i  contre  les  hérésies,  num.  22,  où  le  saint  docteur  discute  les  passages  altérés  par 
Marcion. 


habet  enini  adjunctam  humanitatem  Di- 
vinitas,  nec  tamen  propter  corporis  te- 
gimen  Deum  ignores.  Sed  quid  respon- 
dent  ad  hoc  qui  volunt  subsistentiam 
esse  mali,  formant  vero  sibiDeum  aliuui 
a  vero  Paire  Christi  ?  Et  huuc  dicuuL 
esse  ingenitum,  mali  créatorem,  et  ue- 
quitise  principem ,  necnon  mundialis 
machinai  conditorem.  Ait  autem  Domi- 
nus  approbans  verba  Moysi  :  «  Confileor 
tibi,  Pater,  Domine  cœH  et  terrce.  » 
Epiph.  {in  eadevi  Cot.  grœca.)  Editmn 
autem  a  Marcione  Evangehum  habet: 
«Regratior  tibi,  Domine  cœli;  »  tacens 
quod  dicitur,  et  terrœ  ;  et  quod  dicitur, 
Pater,  ne  intelhgatur  quod  vocat  Chris- 
tus  Patrem  «Créatorem  cœli  et  terrce.  » 


Ambr.  Postremo  aperit  cœleste  mys- 
terium,  quo  placuit  Deo ,  ut  parvnhs 
magis  quam  prudentibus  bujus  mundi 
suam  gratiam  revelaret.  Unde  sequitur  : 
«  Quod  abscondisti  hœc  a  sapientibus  et 
prudentibus.  »  Théophyl.  Potest  sic 
disliugui ,  ut  dicatur  a  sapientibus ,  id 
id  est,  a  pharisaeis  et  scrilais  legem  in- 
terpretantibus ;  et  prudentibus,  id  esL, 
ab  his  qui  a  scribis  fuerant  docti  : 
sapiens  euim  est  qui  docet,  prudens 
vero  qui  docetur;  paivulos  vero  vocat 
Dominus  suos  discipulos,  quos  non  legis 
doctores ,  sed  de  turba  et  piscatores 
elegit  ;  qui  sunt  vocati  parvuli  quasi 
non  malevoli.  Ambr.  \e\ parvulum  hic 
accipiamus  qui  se  exaltare  non  noverit. 


DE   SAINT  LUC,    CHAP.    X. 


531 


ne  cherchent  point  à  s'élever  ,  et  à  faire  ressortir  leur  prudence  dans 
des  discours  étudiés,  ce  que  fout  la  plupart  des  pharisiens.  —  Bède. 
Il  rend  donc  grâces  à  Dieu  de  ce  qu'il  a  révélé  aux  Apôtres ,  qui  sont 
petits  à  leurs  yeux,  les  mystères  de  son  avènement  qu'ont  ignorés  les 
scribes  et  les  pharisiens  qui  se  croient  les  seuls  sages,  et  se  complaisent 
dans  leur  prudence. 

Théophyl,  Ces  mystères  restent  donc  cachés  pour  ceux  qui  pré- 
tendent être  sages,  et  ne  le  sont  pas;  car  s'ils  l'étaient  réellement, 
ces  mystères  leur  auraient  été  révélés.  —  Bède.  Remarquez  qu'il 
oppose  aux  sages  et  aux  prudents ,  non  pas  les  insensés  et  les 
esprits  stupides,  mais  les  petits,  c'est-à-dire  les  humbles,  pour  faire 
comprendre  que  ce  qu'il  condamne,  ce  n'est  point  la  pénétration', 
mais  l'orgueil  de  l'esprit.  —  Orig.  En  effet,  le  sentiment  de  ce  qui 
nous  manque  est  une  disposition  pour  arriver  à  la  perfection.  Celui 
qui ,  séduit  par  l'apparence  du  bien  qu'il  croit  avoir,  ne  sent  point 
qu'il  ne  possède  pas  le  bien  véritable^  en  demeure  privé  pour  tou- 
jours. 

S.  Chrys.  [honi.  39  sur  S.  Matth.)  Si  le  Sauveur  tressaille  de  joie 
et  rend  grâces  à  son  Père ,  ce  n'est  point  de  ce  que  les  mystères  de 
Dieu  restent  cachés  aux  scribes  et  aux  pharisiens,  car  c'était  un  sujet 
de  gémissement  et  de  larmes  ,  plutôt  que  de  joie,  mais  il  rend  grâces 
de  ce  que  ses  disciples  ont  connu  ce  que  ces  prétendus  sages  ont  ignoré. 
Il  rend  grâces  à  Dieu  de  cette  révélation  dont  il  est  aussi  l'auteur  con- 
jointement avec  son  Père,  et  nous  fait  ainsi  connaître  la  grandeur  de 
son  amour  pour  nous.  Il  nous  apprend  encore  que  la  cause  première 
de  cette  révélation,  c'est  sa  volonté  et  celle  de  son  Père ,  qui  agissait 
en  cela  par  un  dessein  formel  de  sa  volonté  divine.  —  S.  Grég. 


et  phaleratis  sermonibus  artem  suae 
jactare  prudentiœ,  quod  pharisaei  pleri- 
que  faciuut.  Bed.  Gratias  igitur  agit  quod 
apostolis  quasi  parvulis  advontus  sui 
apeniit  sacramenla,  qua;  ignoraverunt, 
scribcB  et  pharisaei ,  qui  sibi  sapientes 
videntur,  ot  iu  conspectu  suo  pruden- 
tes. 

Theopuylact.  Abscondita  igitur  sunt 
mysleria  ab  bis  qui  pulant  se  esse  sa- 
pieutes,  ot  non  sunt  :  nain  si  cssent,  cis 
revelala  fuissent.  Bed.  Unde  supicntibus 
et  prudentibus  non  insipientes  et  liebe- 
tes ,  scd  purvulos  (id  est ,  bumiles) 
opposuit  ;  ut  probaret  se  tumoroai  (iaïu- 
uasse,  non  acumen.  OiilG.  [in  Cul.  (ine- 
coruni  Putrum.)  Sensus  enim  defectus, 
prœparatio  fit  supervenientis  perfeclio- 


nis.  Quisquis  enira  non  sentit  quod 
careat  vero  bono  propter  apparens  bo- 
nuuij  vero  bono  privatur. 

Chrys.  {hom.  39,  in  Matth.)  Non  au- 
lem  laetatur  et  gratias  agit,  quod  Dei 
mysteria  latebant  seribas  et  pharisîEos 
(haec  enira  non  erat  materia  alacritatis, 
sed  gemitus)  ;  sed  de  hoc  gratias  agit 
quia  quod  sapientes  non  noverant ,  hi 
noverunt.  Gratias  autem  super  lioc  agit 
Patri ,  cura  quo  ipso  simul  hoc  facit, 
osteudens  nimiani  dileclionem  qua  di!i- 
git  nos.  Ostendit  autem  consequeater 
quod  l'ujus  rei  causa  primum  vohmtas 
sua  sit  et  Patris ,  qui  propria  vohuilate 
hoc  agebat.  Unde  sequitur  :  «  Ktiani, 
Pater,  quouiam  sic  placuit  ante  te.  » 
GuEG.  (XXV  Moral.,  (ap.  13.)  His  ver- 


532  EXPLICATION    DE    l'ÉVANGU.K 

{Moral.,  XXV,  13.)  Notre-Seigneur  nous  donne  ici  une  leçon  d'humi- 
lité, en  nous  enseignant  à  ne  pas  discuter  témérairement  les  conseils 
de  Dieu  dans  la  vocation  des  uns,  et  la  réprobation  des  autres;  car  ce 
que  la  souveraine  justice  juge  à  propos  de  faire  ,  ne  peut  jamais  être 
injuste  (1).  Ainsi  donc  dans  tous  les  événements  qui  arrivent^  la  cause 
évidente  de  la  conduite  de  Dieu  ,  c'est  la  justice  secrète  de  sa  volonté 
mystérieuse. 

S.  Chrys.  {hom,  39  siu'  S.  Matth.)  Ces  paroles  :  «  Je  vous  rends 
grâces,  ô  mon  Père,  de  ce  que  vous  avez  révélé  ces  choses  aux  petits,  » 
pouvaient  donner  à  penser  que  le  Christ  n'avait  pas  le  pouvoir  de 
faire  la  même  révélation  ,  il  ajoute  donc  :  «  Toutes  choses  m'ont  été 
données  par  mon  Père.  »  —  S.  Athan.  (2).  Les  partisans  d'Arius  ne 
comprennent  pas  le  véritable  sens  de  ces  paroles,  et  en  donnent  cette 
interprétation  absurde  et  injurieuse  au  Seigneur  :  Si  toutes  choses , 
disent-ils  (c'est-à-dire  le  domaine  sur  toute  créature),  lui  ont  été 
données,  il  fut  un  temps  où  il  ne  les  avait  pas ,  il  n'est  donc  pas  con- 
substantiel  au  Père  ;  car  s'il  l'était ,  il  n'aurait  pas  eu  besoin  de  rece- 
voir le  domaine  sur  toutes  choses.  Mais  cette  explication  fait  ressortir 
davantage  leur  folie  ;  car  si  avant  de  recevoir  le  domaine  sur  toute 
créature,  le  Verbe  était  étranger  aux  créatures,  comment  admettre  ces 
paroles  de  l'Apôtre  :  «  Toutes  choses  subsistent  en  lui?»  (Co/os.,i,  47.) 
D'ailleurs,  si  toutes  les  créatures  lui  ont  été  données,  aussitôt  qu'elles 
furent  créées,  il  n'était  pas  besoin  de  les  lui  donner  de  nouveau  ;  car 
c'est  par  lui  que  toutes  choses  ont  été  faites.  »  {Jean^  t.)  Il  n'est  donc 
pas  question  ici ,  comme  le  prétendent  les  ariens ,  du  domaine  sur  les 
créatures ,  mais  ces  paroles  ont  un  rapport  évident  aux  suites  de  l'in- 

(1)  Dans  les  anciennes  éditions  chap.  xvni,  sur  les  paroles  du  chapitre  iv  de  Job  :  a  S'il  donne 
la  paix,  qui  osera  condamner?  » 

(2)  Dans  le  Traité  que  saint  Athanase  a  composé  sur  ces  paroles. 


bis  exempla  humilitîLis  accipimus,  ne 
temere  discutere  superna  cousilia  de 
aliorum  vocalione,  aliorumverepulsione, 
praesumamus  :  injustiim  enim  e^se  nou 
potest,  quod  placuit  justo.  la  cuuctis 
ergo  quœ  exlerius  disponuatur ,  aperta 
causa  rationis  est  occultœ  justitia  voluu- 
tatis. 

Chrys.  (Jwm.  39,  in  Matth.)  Cum 
Tero  dixisset  :  «  Confiteor  libi ,  quia  re- 
velasti  ea  parvulis,  »  ne  putares  quod 
ipse  Christus  hac  virtute  privatus  non 
posset  lioc  facere,  subjungit:  «  Omuia 
mihi  tradita  sunta  Pâtre  naeo.  »  Athan. 
Hoc  non  recte  intelligentes  Arii  sequa- 
ces,  délirant  in  Dominum  dicentes  :  Si 


data  suut  ei  omnia  (id  est ,  doraiûiuni 
creaturœ) ,  fuit  tempos  quo  ea  non 
habuit,  et  sic  non  de  substantia  Patris; 
nam  si  esset,  non  esset  ei  opus  recipere  : 
sed  ex  hoc  magis  dementia  eorum  car- 
pitur.  Si  enim  priusquam  recepisset, 
vacabat  creatura  a  Verbo  ,  qualiter  sal- 
vabitur  illud  [ad  Coloss.,  1,  vers.  17)  : 
«  Omnia  in  eo  consistant?»  Cceterum  si 
simul  postquam  facta  est  creatura,  tota 
fuit  tradita  ei ,  non  erat  opus  tradere  : 
per  ipsum  namque  facta  sunt  omnia. 
{Joan.,  d.)  Non  ergo,  ut  ipsi  putant ,  si- 
gnificatur  hic  creaturae  dominium  ;  imo 
significativum  est  hoc  verbum  factae 
dispensationis  in  carne  :  postquam  enim 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    X. 


533 


carnation  du  Verbe.  En  effet,  le  péché  de  l'homme  fut  cause  d'un  bou- 
leversement général,  et  le  Verbe  s'est  fait  chair  pour  rétablir  tout  dans 
le  premier  état.  Si  donc  toutes  choses  lui  ont  été  données,  ce  n'est  pas 
chez  lui  défaut  de  puissance,  mais  elles  lui  ont  été  données  pour  qu'il 
les  réformât  en  qualité  de  Sauveur.  Ainsi  de  même  qu'au  commen- 
cement toutes  les  créatures  ont  été  tirées  du  néant  par  le  Verbe,  de 
même,  c'est  le  Verbe  fait  chair  qui  les  a  rétablies  et  renouvelées.  — 
BEDE.  Ou  bien,  en  disant  que  toutes  choses  lui  ont  été  données,  le 
Sauveur  veut  parler,  non  des  éléments  de  ce  monde,  mais  de  ces  pe- 
tits auxquels  le  Père  a  révélé  les  mystères  du  Fils,  et  dont  le  salut 
éternel  lui  cause  ici  un  véritable  tressaillement  de  joie.  —  S.  Ambr. 
Ou  bien  encore,  dans  ces  paroles  :  «  Toutes  choses,  »  vous  reconnaissez 
dans  le  Fils  le  Tout-Puissant  égal  en  toutà  son  Père;  dans  ces  autres  : 
«  M'ont  été  données,  »  vous  confessez  qu'il  est  véritablement  le  Fils, 
à  qui  toutes  choses  appartiennent  essentiellement  en  vertu  de  sa  con- 
substantialité ,  et  sans  qu'elles  lui  aient  été  données  par  grâce.  — 
S.  CyR.{Tres.,  liv.  iv.)  Après  avoir  déclaré  que  toutes  choses  lui  ont 
été  données  par  son  Père ,  il  élève  les  esprits  jusqu'à  la  gloire  et  la 
grandeur  qui  lui  sont  propres  ,  en  montrant  qu'il  ne  le  cède  en  rien  à 
son  Père  :  «  Personne  ne  sait  qui  est  le  Fils,  si  ce  n'est  le  Père,  et  qui 
est  le  Père  ,  que  le  Fils,  »  etc.  En  efifet,  la  pensée  de  la  créature  ne 
peut  atteindre  la  profondeur  de  la  substance  divine  qui  surpasse  toute 
intelligence,  et  dont  la  beauté  est  au-dessus  de  toute  conception.  Le 
Père  connaît  donc  le  Fils  en  vertu  de  sa  nature  divine ,  et  le  Fils  con- 
naît le  Père  de  la  même  manière,  sans  qu'il  y  ait  la  moindre  dififérence 
de  nature.  Quant  à  nous,  nous  croyons  que  Dieu  existe,  mais  nous  ne 
pouvons  comprendre  quelle  est  sa  nature.  Mais  si  le  Fils  avait  été 


homo  peccavit ,  perturbata  sunt  omnia  ; 
unde  «  Verbum  caro  factura  est,  »  ut 
omnia  restauraret.  Data  sunt  ergo  ei 
omnia,  non  quia  potestate  careret,  sed 
ut  Salvator  emendet  universa  ;  ut  sicut 
per  Verbum  omnia  in  principio  intro- 
ducta  sunt  in  esse,  ita  cnm  «Verbum 
caro  factura  est,  »  in  ipso  orania  res- 
tauraret. Bed.  Vel  dicit  «  orania  sibi 
tradila,  »  non  raundi  eleracnta,  sed  hos 
(fuibus  parvulis  Spirilu  sacraraenta  Filii 
Pater  revelavit,  et  de  quorum  sainte 
cum  hic  loqueretur  exuUavit.  Ambu.  Vel 
cum  omnia  iegis,  omnipotentcm  aguos- 
cis,  non  degencrem  Pains  :  cura  t7a- 
dita  legis,  Filhun  confiteris,  cui  per 
naturam  omnia  unius  substantiœ  jure 
sunt  propria,  non  donn  collata  per  gra- 


tiam.  Cybil.  {in  Cat.  Grœcorum  Pa- 
trum,  ex  Thesauro.)  Cum  autem  dixis- 
set  omnia  sibi  fore  a  Pâtre  tradita, 
ascendit  ad  propriara  gloriam  et  excel- 
lenliara ,  osteudens  in  nuUo  se  superari 
a  Pâtre  :  unde  -ubdit  :  «  Et  uenio  novit 
quis  sit  Filius  uisi  Pater,  »  etc.  Non  valet 
enim  creaturae  intentio  comprehendere 
modura  divinaî  substantiœ,  quae  omnem 
superat  intellectum  ;  et  décor  ejus  quam- 
libet  considerationem  transcendit;  sed  a 
seipsa  quid  sit  natura  divina  cognosci- 
tur.  Itaque  Pater  per  id  quod  est,  novit 
Filium  et  Filius  per  id  quod  est,  novit 
Patrem;  non  interveniente  aliqua  diffe- 
rentia  quantum  ad  Diviuilatisnaturara  et 
alibi  :  quod  enim  sit  Deus  credimus  ;  quid 
autem  naturaliter  sit,  incompreheiiMbile 


534 


EXPLICATION  DE   L  EVANGILE 


créé,  comment  serait-il  le  seul  pour  connaître  le  Père,  ou  comment  le 
Père  seul  pourrait-il  le  connaître?  Car  aucune  créature  ne  peut  con- 
naître la  nature  divine,  tandis  que  la  connaissance  des  choses  créées 
ne  surpasse  pas  toute  intelligence  ,  bien  qu'elle  puisse  surpasser  la 
portée  de  notre  esprit. 

S.  Atha:n.  (1)  Il  est  évident  que  les  ariens  se  mettent  en  contradic- 
tion avec  ces  paroles  du  Sauveur,  quand  ils  osent  avancer  que  le  Père 
ne  peut  être  vu  par  le  Fils.  Mais  n'est-ce  pas  une  absurdité  manifeste, 
que  le  Verbe  ne  se  connaisse  pas  lui-même ,  alors  qu'il  donne  à  tous 
la  connaissance  de  lui-même  et  de  son  Père  •  «  Et  celui  à  qui  le  Fils 
voudra  le  révéler?  »  —  Tite  pe  Bostr.  La  révélation,  c'est  la  trans- 
mission d'une  connaissance  faite  d'une  manière  proportionnée  à  la 
nature  et  aux  facultés  de  chacun  ;  là  où  la  nature  est  consubstantielle, 
la  connaissance  existe  sans  enseignement  ;  pour  nous  ,  au  contraire, 
la  connaissance  ne  peut  exister  sans  révélation.  —  Orig.  Le  Fils  de 
Dieu  veut  faire  cette  révélation  ,  comme  Verbe  ,  d'une  manière  con- 
forme à  la  raison  (2).  et  comme  la  souveraine  justice  qui  sait  choisir 
les  temps  les  plus  opportuns ,  et  la  mesure  la  plus  convenable.  Or,  il 
révèle  en  écartant  le  voile  qui  est  placé  sur  le  cœur  (II  Cor.,  m),  et 
les  ténèbres  où  lui-même  habite  comme  dans  une  retraite.  [Ps.  xvii.) 
Mais  puisque  ceux  qui  sont  d'une  opinion  contraire  s'efforcent  d'ap- 
puyer sur  ces  paroles  leur  dogme  impie,  que  le  Père  de  Jésus  n'a  pas 
été  connu  des  saints  des  temps  anciens,  nous  leur  répondrons  que  ces 
paroles  :  «  Et  celui  à  qui  le  Fils  voudra  le  révéler ,  »  se  rapportent 

(1)  Cette  citation  se  trouve  en  partie  dans  le  ler  discours  de  saint  Athanase  contre  les  Ariens, 
tome  I;  et  en  partie  dans  un  discours  abrégé  contre  les  mêmes  hérétiques,  tome  II. 

(2)  Allusion  au  mot  grec  Xoyo;,  qui  signifie  à  la  fois  verbe  et  raison. 


est.Sivei'OcreatusestFilius,  quomodoso- 
lus  sciret  Patrem  ?  aut  quomodo  solum  a 
Pâtre  sciretur?  Scire  namque  naturam 
divinam,  impossibile  est  cuilibet  creatii- 
rœ;  scire  autem  quodeunque  eorum  quae 
creata  sunt  ,  quid  sil ,  non  trnnscendit 
quemlibet  intelleclum  :  quamvis  superet 
nostrum  sensum. 

Athan.  {in  Cot.  Gracorvm  Patnnn.) 
Hoc  autem  Domino  dicente,  constat 
Arianos  ei  obsistere ,  dum  dicuut  non 
videri  Patrem  a  Filio.  Sed  eorum  osten- 
ditur  insania,  si  seipsum  non  novit  Ver- 
bum,  quod  omnibus  Patris  et  sui  praestat 
notitiam,  Sequitur  enim  :  «  Et  cui  vo- 
luerit  Filius  revelare.  »  Titus  Bostrens. 
Est  autem  revelatio  Iraditio  notionis 
juxta  proportionem  naturae  et  virtutum 


imiuscuj  usque  ;  et  ubi  quidem  est  na- 
tura  consimilis ,  ibi  est  cognitio  sine 
doctriua;  hic  autem  est  per  revelatio- 
nem  disciplina.  Orig.  {in  Cat.  Grœco- 
nun  Patrum.)  Vult  aulem  revelare  ut 
Verbxim,  non  irrationabiliter;  et  tan- 
quam  justitia.  qui  novit  digne  et  tem- 
pora  revelandi  et  mensuras  revelalio- 
nis.  Révélât  autem  removens  oppositum 
cordi  velamen  (II  ad  Cor.,  3).  necnon 
tenebras  quas  posuit  sui  latibulum.  {Psal. 
17.)  Sed  quoniam  ex  lioc  pulaut  qui  al- 
terius  sunt  opinionis,  construere  nefa- 
riuin  suum  doguia,  quod  scilicet  ignolus 
erat  Pater  Jesu  sanctis  anliquis,  dicen- 
dum  est  eis  quoniain  quod  dicitur  : 
«  Cuicunque  vull  Filius  revelare,  «  non 
solum  retorquelur  ad  lempus  futurum, 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    X.  535 

non-seulement  aux  temps  qui  ont  suivi  celui  où  le  Sauveur  les  a  dites, 
mais  encore  au  temps  qui  ont  précédé.  Et  s'il  leur  répugne  d'étendre 
le  mot  révéler  aux  temps  passés  ,  nous  leur  dirons  que  connaître  et 
croire  sont  deux  choses  différentes  :  «  L'un  reçoit  de  l'Esprit  saint  le 
don  de  parler  avec  science  ;  un  autre  reçoit  le  don  de  la  foi  par  le 
même  Esprit.  ([  Cor.,  xii.)  Ainsi  les  hommes  eurent  d'abord  la  foi, 
mais  sans  avoir  la  connaissance.  —  S.  Ambr.  De  plus  ,  afin  que  vous 
sachiez,  que  de  même  que  le  Fils  révèle  le  Père  à  qui  il  veut,  le  Père 
révèle  aussi  le  Fils  à  qui  il  veut ,  écoutez  ces  paroles  du  Seigneur  : 
«  Vous  êtes  bienheureux,  Simon,  fils  de  Jean,  parce  que  ce  n'est  ni  la 
chair  ni  le  sang  qui  vous  sont  révélés,  mais  mon  Père  qui  est  dans  les 
deux.  » 

%  23,  24.  —  Et  se  tournant  vers  ses  disciples,  il  dit  :  Heureux  les  yeux  qui 
voient  ce  que  vous  voyez  !  Car,  je  vous  le  dis  ;  beaucoup  de  prophètes  et  de  rois 
ont  désiré  voir  ce  que  vous  voyez,  et  ne  l'ont  point  vu,  d'entendre  ce  que  vous 
entendez,  et  ne  l'ont  point  entendu. 

Théophyl.  Le  Sauveur  venait  de  dire  :  «  Nul  ne  sait  quel  est  le 
Père,  si  ce  n'est  le  Fils ,  et  celui  à  qui  le  Fils  aura  voulu  le  révéler ,  » 
il  proclame  maintenant  bienheureux  ses  disciples  auxquels  il  a  lui- 
même  révélé  quel  est  le  Père  :  «  Et  se  tournant  vers  ses  disciples ,  il 
leur  dit  :  Bienheureux  les  yeux,  »  etc.  —  S.  Gyr.  Il  se  retourne  vers 
ses  disciples,  parce  qu'il  repousse  les  Juifs  aveugles  et  sourds  d'esprit, 
pour  se  donner  tout  entier  à  ceux  qui  l'aiment,  et  il  déclare  bienheu- 
reux les  yeux  qui  voient  ce  qu'ils  voyaient  eux-mêmes  de  préférence 
aux  autres.  Il  faut  cependant  remarquer  ,  que  voir  ne  signifie  pas  ici 
une  action  et  un  mouvement  des  yeux,  mais  une  jouissance  de  l'âme 


ex  quo  Salvator  hoc  protulit ,  sed  etiam 
ad  tempus  praeteritum  :  quod  si  nolunt 
hoc  verbum  revelare,  pro  praiterito  su- 
raere,  dicenduDi  est  eis  quod  uoii  est 
idem  cognoscere  et  credere  :  aUi  datur 
per  Spiritum  sermo  scienliie  ;  aUi  fides 
in  eodein  Spiritu.  (1  Cor.,  12.)  Erant 
ergo  primo  quidem  credenles,  uou  au- 
tem  cogQoscentes.  Amb.  Ut  scias  autem 
quia  sicut  Filius  Patrem  quibus  vult  ré- 
vélât, etiam  Pater  révélât  quibus  vult 
Filium,  audi  Dominum  diceutera  :  «  Bea- 
tus  es,  Siuinii  Barjona,  quia  caro  et  san- 
guis  non  revelavit  tibi ,  sed  Pater  meus 
qui  in  cœlis  est.  » 

Et  conversus  ad  disr.ipu/ns  suos ,  divit  :  Beati 
OKuli  qui  vident  quœ  vos  videlis  !  Uiro  "iiim 


vohis  quod  miilti  prophetœ  et  reges  voluerunt 
videre  quœ  vos  videtis,  et  non  viderunt,  et  au- 
dire  quœ  vos  auditis,  et  non  audierunt. 

Theophyl.  Quia  superius  dixerat  : 
«  Non  novit  quid  sit  Pater  nisi  Filius, 
et  cui  voluerit  Filius  revelare,  »  beati- 
ficat  discipulos,  quibus  Pater  per  eum 
revelabatur.  Uude  dicitur  :  «  Et  conver- 
sus ad  discipulos  suos  dixit  :  Beati 
oculij  »  etc.  Cyril,  {in  Cat.  Grxcorum 
Palrum.)  Convertitur  quidem  ad  eos, 
quia  repellens  Judœos,  surdos,  cœcam 
mentem  gerentes,  nec  videre  volentes 
totum  se  praebobat  dilipreutibus  eum;  et 
beatos  asserit  oculos  videntes  qute  prius 
aliis  ipsi  videbaut.  Illud  tamen  scire 
convenit  quia  videre  non  significat  ac- 
tum  oculorum,  sed  mentis  recrealionem 


536 


EXPLICATION   DE   L  KVANGTLE 


dans  la  possessioQ  des  bienfaits  dont  elle  est  l'objet;  comme  quand  on 
dit  :  «  Il  a  vu  des  jours  heureux,  »  c'est-à-dire  il  s'est  réjoui  des  jours 
heureux;  c'est  dans  ce  sens  que  le  Roi-prophète  dit  :  «  Vous  verrez  les 
biens  de  Jérusalem.  »  {Ps.  cxxvii.)  Combien  de  Juifs,  en  effet,  qui  ont 
vu  des  yeux  du  corps  Jésus-Christ  opérant  des  miracles  divins ,  et  à 
qui  ne  peuvent  convenir  ces  paroles  du  Sauveur  ;  car  ils  n'ont  pas  cru, 
et  ils  n'ont  point  vu  sa  gloire  des  yeux  de  l'esprit.  Si  donc  nos  yeux 
sont  heureux,  c'est  que  nous  voyons  par  la  foi  le  Verbe  fait  homme 
pour  nous  (1),  et  gravant  dans  notre  âme  l'impression  de  sa  divinité 
pour  nous  rendre  semblables  à  lui  par  la  sainteté  et  la3ustice. 

Théophyl.  Il  proclame  bienheureux  ses  disciples  et  tous  ceux  qui 
voient  des  yeux  de  la  foi ,  en  comparaison  des  anciens  prophètes  et 
des  rois  qui  ont  désiré  voir  et  entendre  le  Dieu  incarné  :  «  Car,  je  vous 
le  déclare,  beaucoup  de  prophètes  et  de  rois  ,  »  etc.  —  Bède.  Saint 
Matthieu  appelle  plus  clairement  les  prophètes  des  rois  et  des  justes 
(chap.  xiii)  [T]  ;  ils  sont  eu  effet  de  grands  roi?,  parce  que  loin  de  con- 
sentir et  de  succomber  aux  mouvements  des  tentations ,  ils  ont  su 
toujours  les  gouverner  et  les  réprimer.  — S.  Ghrys.  {tiré  des  hom.  sur 
S.  Jean.)  Il  eu  est  plusieurs  qui  concluent  de  ces  paroles^  que  les  pro- 
phètes n'ont  eu  aucune  connaissance  du  Christ  ;  mais  s'ils  ont  désiré 
voir  ce  que  les  Apôtres  ont  vu,  ils  ont  donc  su  qu'il  devait  descendre 
parmi  les  hommes ,  et  accomplir  les  mj^stères  qui  étaient  la  suite  de 
son  incarnation;  car  personne  ne  peut  avoir  le  désir  de  ce  qu'il  ne 
connaît  pas  ;  ils  ont  donc  connu  le  Fils  de  Dieu.  Aussi  le  Sauveur  ne 

(1)  Bien  cepeuilant  que  nous  ne  voyions  point  Dieu  corporellement  d'après  ces  paroles  du  Sau- 
veur :  «  Bienheureux  ceux  qui  n'ont  pas  vu  et  qui  out  cru.  « 

(2*)  Nous  lisons  dans  saint  Matthieu  :  «  Je  vous  le  dis  en  vérité  ,  beaucoup  de  prophètes  et  de 
justes  ont  désiré  voir  ce  que  vous  voyez  et  ne  l'ont  point  vu. 


in  prsestitis  beueficiis  :  puta,  si  quis 
dicat  :  «  Iste  vidit  bona  tempora,  »  id 
est,  «  gavisus  est  in  bonis  temporibus;» 
secundum  illud  {Psal.  127)  :  «  Videas 
bona  Hierusalem.  »  Multi  enim  Judaio- 
rum  viderinitr  Christum  divina  operau- 
tem  (corporali  scilicet  intuitn),  nec  ta- 
men  omnibus  beatifieatio  couvenit,  non 
enim  credidenmt,  sed  neque  viderunt 
gloriam  ejus  oculis  mentis.  Beatlficati 
sunt  ergo  oculi  nostri  in  hoc  quod  fide 
videmus  Verbum  pro  uobis  liominem 
factam,  imprimens  nobis  decorem  sui 
numinis,  ut  nos  sibi  conformes  faciat 
per  sanctificationem  atque  justitiam. 

Théophyl.  Beatificat  autem  eos  et 
omnes  simpliciter  qui  cum  fide  respi- 
ciunt,  ex  hoc  quod  antiqui  prophetae  et 


reges  Deum  in  carne  videre  et  audire 
optaverunt  :  unde  sequitur  :  «  Dico 
enim  vobis  quod  multi  prophetee  et  re- 
ges vokieruut,  »  etc.  Bed.  Mattbaeus 
apertius  propbetas  reges  et  juslos  appel- 
lat  (cap.  13)  :  ipsi  enim  sunt  reges  magni, 
quia  tentationum  suarum  motibus  ,  non 
consentiendo  succumbere,  sed  regendo 
praeesse  noverunt.  Chrys.  (In  Cat.  Gra:- 
corum  Potrvrn  exhomiliisin  Joannem.) 
Ex  hoc  autem  dicto  pbires  existimaut 
prophetas  caruisse  Christi  notitia  ;  sed  si 
optaverunt  videre  quœ  viderunt  apos- 
toli,  noverunt  ilium  venturum  ad  homi- 
nes,  et  dispeusaturum  quœ  dispensavit  ; 
nullus  enim  habet  horum  appetitum  quae 
mente  non  concepit  :  noverunt  ergo  Fi- 
lium  Dei.  Unde  non  simpliciter  dicit  : 


DE  SAINT   LUC.    CHAP.    X. 


537 


dit  pas  simplement  :  Ils  ont  voulu  me  voir  et  m'euteudre  ,  mais  : 
«  Ils  ont  voulu  voir  ce  que  vous  voyez ,  et  entendre  ce  que  vous  en- 
tendez. »  Ils  l'avaient  vu,  en  effet ,  mais  avant  qu'il  fût  incarné,  qu'il 
conversât  avec  les  hommes,  et  qu'il  leur  parlât  un  langage  si  plein  de 
majesté.  —  Bède.  Les  prophètes  qui  ne  l'apercevaient  que  dans  le 
lointain  des  temps,  l'ont  vu  comme  dans  un  miroir  et  sous  des  images 
obscures  (1)  ;  les  Apôtres,  au  contraire  ,  qui  jouissaient  de  la  présence 
visible  du  Sauveur,  et  apprenaient  de  lui  tout  ce  qu'ils  voulaient  con- 
naître, n'avaient  nul  besoin  d'être  enseignés  par  les  anges  ou  par 
d'autres  visions  semblables. 

Orig.  {Ch.  des  Pèi\  fjr.)  Mais  pourquoi  le  Sauveur  dit-il  que  beau- 
coup de  prophètes  ont  désiré,  et  non  pas  tous  ?  Parce  qu'il  est  dit  d'A- 
braham qu'il  a  vu  le  jour  du  Christ  et  qu'il  s'en  est  réjoui.  Or  ,  cette 
vision  fut  le  partage  d'un  très-petit  nombre  ;  les  autres  prophètes 
comme  les  autres  justes  ne  furent  pas  assez  grands  en  mérite  pour 
obtenir  de  voir  ce  qu'a  vu  Abraham,  et  de  connaître  ce  qu'ont  connu  les 
Apôtres;  et  c'est  d'eux  que  Jésus  dit  :  «Ils  ont  désiré  voir  et  ils  n'ont 
pas  vu.  » 

y.  25-28.  —  Et  voilà  qu'un  docteur  de  la  loi,  se  levant,  lui  dit  pour  le  tenter  : 
Maître,  que  ferais-je  pour  posséder  lu  vie  éternelle?  Jésus  lui  dit  :  Qu'y  a-t- 
il  d'écrit  dans  la  loi?  Qu'y  lisez-vous?  Il  répondit  :  2\i  aimeras  le  Seigneur 
ton  Dieu  de  tout  ton  cœur,  de  toute  ton  âme,  de  toutes  tes  forces,  et  de  tout 
ton  esprit,  et  ton  prochain  comme  toi-même.  Jésus  lui  dit  :  Vous  avez  bien 
répondu,  faites  cela  et  vous  vivrez. 

BÈDE.  Notre-Seigneur  avait  dit  précédemment  à  ses  disciples  que  leurs 

1)  Allusion  à  ces  paroles  de  l'Apôtre  ;   i  Tous  ces  saints  sont  morts  dans  la  foi,  sans  avoir  reçu 


'<  Voluerunt  videre  me,  »  sed,  «  quae  vos 
videtis;  »  nec,  u  audire  me,  »  sed,  «  quae 
vos  audilis.  »  Viderant  enim  ipsiim,  non 
tamen  jam  incarnatum,  nec  sic  cum  ho- 
minibus  conversautem,  nec  tanta  majes- 
tate  eis  loquenteui.  Bed.  Illi  enim  a  lon^te 
aspicientos ,  per  spéculum  et  in  œni- 
gmate  viderunt  :  apostoli  autem  in  prœ- 
senliarum  habentes  Domiuum,  quiecun- 
que  voiuissent  inlerrogando  disceutes, 
nequaquam  per  anq;eIo5  aut  alias  visio- 
num  species  opus  habebaul  doceri. 

Orig.  {in  L'ut.  Grxcorum  Patrum.) 
Sed  quare  dicit  plerosque  proplielas 
optasse,  non  autem  omnes?  Quia  de 
Abraham  dicitur  {Joan.,  8);  quod  vidit 
diem  Christi,  ef  Iselatus  est  :  qnam  vi- 


sionem  non  plures,  imo  pauci  contige- 
runt  :  fuerunt  autem  alii  prophetae  et 
justi  non  tanti,  ut  visionem  Abrahae  et 
peritiam  apostolorum  attingerent  :  et  hos 
dicit  non  vidisse,  sed  optasse. 

Et  ecce  quidam  legisperitus  surrexit ,  tentons 
illutn  et  dicens  :  Magister ,  quid  faciendo 
vilam  œternam  possideho?  At  i/le  dixit  ad 
eitm  :  lu  lege  quid  scriptum  est  ?  Quomodn  le- 
gis  ?  lUe  respondens  dixit  :  Diliges  Dominum 
Deum  tuum  ex  loto  corde  tua,  et  ex  tota  anima 
tua ,  et  ex  omnibus  virihus  tuis  ,  et  ex  omni 
meute  tua,  et  proximum  tuum  sicut  teipsum. 
Dixitque  illi  :  Rec.te  respondisli  :  hoc  fac  ,  et 
vives. 

Bed.  Dixerat  supra  Dominus  quod  Do- 
mina eorum  scripta  sunt  in  cœlis  :  unde. 


538 


EXPLICATION   DE    I.  EVANGILE 


noms  étaient  écrits  dans  les  cieux,  et  c'est  de  là,  je  pense,  qu'un  doc- 
teur de  la  loi  prit  occasion  pour  le  tenter  :  «  Alors  un  docteur  de  la  loi 
se  leva  pour  le  tenter,  »  etc.  —  S.  Cyr.  Il  y  avait  parmi  les  Juifs  de  ces 
grands  parleurs,  qui  parcouraient  toute  la  Judée,  accusant  Jésus-Christ, 
et  lui  reprochant  d'enseigner  que  la  loi  de  Moïse  était  inutile ,  et  de 
répandre  lui-même  de  nouvelles  doctrines.  Ce  docteur  de  la  loi,  vou- 
lant surprendre  le  Sauveur  ,  et  l'amener  à  parler  contre  Moïse,  vient 
pour  le  tenter,  et  il  l'appelle  «  Maître,  »  lui  qui  repoussait  tout  ensei- 
gnement. Et  comme  le  Seigneur  avait  coutume  de  parler  de  la  vie 
éternelle  à  ceux  qui  venaient  le  trouver ,  ce  docteur  de  la  loi  tient  le 
même  langage.  Mais  comme  il  le  tentait  dans  un  dessein  perfide,  le 
Sauveur  ne  lui  répond  que  ce  qui  est  écrit  dans  la  loi  de  Moïse  : 
a  Jésus  lui  dit  :  Qu'y  a-t-il  d'écrit  dans  la  loi  ?  Qu'y  lisez-vous?  (1)  » 
— S.  AiiBR.  Cet  homme  était  un  de  ceux  qui  s'imaginent  être  docteurs 
de  la  loi ,  parce  qu'ils  possèdent  les  paroles  de  la  loi ,  mais  qui  n'eu 
connaissent  ni  la  force  ni  le  sens ,  et  Jésus  leur  apprend  par  ce  texte 
même  de  la  loi  qu'ils  sont  dans  une  complète  ignorance  de  la  loi ,  en 
leur  prouvant  que  dès  le  commencement,  la  loi  enseignait  l'existence 
du  Père  et  du  Fils,  et  annonçait  le  mystère  de  l'incarnation  du  Sei- 
gneur :  «  11  répondit  :  Tu  aimeras  le  Seigneur  ton  Dieu  de  tout  ton 
cœur,  de  toute  ton  àme,  de  toutes  tes  forces  ,  et  de  tout  ton  esprit.  » 
—  S.  Bas.  {Ch.  des  Pèr.  gr.)  Ces  paroles  :  «  De  tout  ton  esprit^  »  ne 
souffrent  aucun  partage  ;  car  quelle  que  soit  la  partie  de  notre  amour 
que  vous  détachiez  pour  la  répandre  sur  les  choses  de  la  terre,  elle  l'em- 

l'effet  des  promesses,  mais  les  voyant  et  les  saluant  de  loin,  »  etc.  [Hebr.,  xi,  13,)  et  à  ces  autres  : 
a  Maintenant  nous  voyons  comme  dans  un  miroir  et  sous  des  images  obscures.  »  (I  Cor.,  xiii,  12.) 
(1)  C'est-à-dire  dans  les  livres  de  la  loi  écrits  par  Moïse  comme  le  Deuiéronome  (vi,  5,)  quant  à 
la  première  partie,  et  le  Lévilique  pour  la  seconde  (xtx,  18.) 


ut  puto,  occasionem  lentandi  Dominum 
legisperitus  assumpsit.  Unde  dicitur  : 
«  Ecce  quidam  legisperitus  surrexit  ten- 
tans  illum,  »  etc.  Cyril,  [in  Cat.  Grx- 
corum  Patrum.)  Erant  enim  quidam 
verbosi  cLrcumeuntes  totam  regionem 
Judaeorum,  incusautes  Christum,  et  di- 
centes  quod  prœceptum  Moysi  inutile 
diceret,  ipse  autem  quasdam  novas  doc- 
trinas  promeret.  Yolens  ergo  legisperi- 
tus seducere  Christum,  ut  aliquid  coutra 
Moysea  loqueretur,  adest  tentans  ipsum, 
magistrum  vocans,  doceri  non  paliens. 
Et  quia  Dominus  solitus  erat  liis  qui  ve- 
niebant  ad  eum  loqui  de  vita  aeterna, 
utitur  legisperitus  ejus  eloquiis.  Et  quia 
tentabat  astute ,  nihil  aliud  audit ,  nisi 
quee  per  Moysen   édita  sunt.   Sequitur 


enim  :  «  At  ille  dixit  ad  eum  :  In  lege 
quid  script um  est?  Quomodo  legis?  » 
AiiBR.  Eiat  euim  ex  his  qui  sibi  legispe- 
riti  videutur,  qui  "cerba  legis  tenent,  vim 
legis  ignorant;  et  ex  ipso  legis  capitulo 
docet  esse  legis  ignaros  ;  probans  quod 
in  priucipio  statim  lex  Patrem  et  Filium 
prœdicaverit,  et  incarnationis  dominicœ 
annuntiaverit  sacramentum.  Sequitur 
enim  :  «  Ille  respondens,  dixit  :  Dùiges 
Dominam  Deum  tuum  ex  loto  corde  tuo, 
et  ex  tota  auima  tua,  et  ex  omnibus  vi- 
ribus  tuis,  et  ex  tota  mente  tua.  »  Basil. 
{in  Cat.  Grœconun  Patrum  ex  asceti- 
cis.)  Quod  dicitur  :  «  Tota  mente  tua,  » 
in  caetera  non  recipit  sectionem.  Nam 
quamcunque  dilectionem  in  infimis  ex- 
penderis,  hoc  tibi  necessario  a  toto  de- 


DE  SAINT  LUC.    CHAP.    X. 


539 


pèche  nécessairement  d'être  entier.  De  même  que  ce  qui  s'écoule  d'un 
vase  plein  de  liqueur  en  diminue  nécessairement  la  quantité,  de  même 
tout  ce  qui  se  détache  de  votre  amour,  pour  se  répandre  sur  les  choses 
défendues,  diminue  d'autant  l'amour  que  vous  devez  avoir  pour  Dieu. 

S.  Greg.  de  Nyss.  {De  la  créât,  de  l'homme.,  chap.  8.)  On  distingue 
dans  l'âme  trois  degrés  ou  trois  parties  différentes  ,  l'une  est  simple- 
ment végétative  ,  comme  dans  les  plantes,  l'autre  est  sujette  aux  sen- 
sations, comme  dans  les  animaux  dépourvus  de  raison;  la  troisième 
enfin  qui  est  la  plus  parfaite  est  l'àme  raisonnable  qui  fait  le  caractère 
propre  de  la  nature  humaine.  Ces  paroles  :  «  De  tout  votre  cœur ,  » 
font  allusion  à  la  substance  corporelle  ou  végétative  ;  ces  autres  :  «  De 
toute  votre  âme,  »  à  celle  qui  tient  le  milieu  et  qui  est  purement  sen- 
sible ;  ces  autres  enfin  :  «  De  tout  votre  esprit  ^  »  expriment  la  nature 
la  plus  élevée,  c'est-à-dire  la  partie  intellectuelle  qui  pense  et  réfléchit. 
—  Théophyl.  Notre-Seigneur  nous  enseigne  donc  par  ces  paroles  qu'il 
faut  appliquer  toutes  les  forces  de  notre  esprit  à  l'amour  de  Dieu  ,  et 
le  faire  avec  ardeur  et  empressement;  et  c'est  pour  cela  qu'il  ajoute  : 
«  Et  de  toutes  vos  forces.  »  —  S.  Max.  {Chaîne  des  Pèr.  f/7\)  La  loi,  en 
insistant  sur  cette  triple  direction  de  tout  notre  être  vers  Dieu ,  veut 
nous  détacher  de  la  triple  inclination  du  monde  vers  la  cupidité,  vers 
la  gloire  et  la  volupté,  trois  tentations  auxquelles  Jésus-Christ  a  été  lui- 
même  soumis. 

S.  Basil.  (1)  Si  on  nous  demande  comment  on  peut  obtenir  l'amour 
de  Dieu ,  nous  répondrons  que  l'amour  de  Dieu  ne  peut  s'apprendre. 
Nous  n'avons  appris  ni  à  nous  réjouir  de  la  présence  de  la  lumière, 

(1)  Cette  citation  se  trouve  dans  les  Règles  développées,  Réponse  à  la  question  2. 


ficiet  :  sicut  enini  in  vase  aliquo  pleno 
liquore  quantum  émanât  foras,  tantum 
necesse  est  pleniludiui  derogari;  sic  et 
in  anima  quantum  emanaverit  ab  ipsius 
dilectioue  ad  illicita,  tantum  minui  ue- 
cessarium  est  amorem  ad  Deum. 

Greg.  Nyssen.  flib.  de  hominiscreut., 
cap.  8.)  In  tria  autem  qu£edam  animai 
vis  discernitur  :  lia;c  enim  est  augmen- 
tativa  solum  et  nutritiva,  quai  etiam  in 
plantis  reperitur;  alia  est  qua?  sensua- 
liter  disponilur,  quai  salvatur  in  natura 
irrationalium  animalium  :  perfecta  au- 
tem vis  aniuire  est  rationalis,  quae  in 
natura  humana  conspicitur.  Dicendo 
ergo  cor,  substantiam  corporalem  signi- 
ficavit,  scilicet  uutritivam,  dicendo  vero 
animam,  mediocrem ,  id  est,  sensiti- 
vam.  Dicendo  vero  mentein,  altiorem 


naturam,  id  est,  intellectivam  et  consi- 
derativam  potentiam.  Théophyl.  Hoc 
igitur  iutelligendum  est,  quod  oportet 
nos  omnem  virtulem  aniniae  amori  di- 
vino  subjicere  ;  et  hoc  viriliter  et  non 
remisse  :  un  de  additur  :  «  Et  ex  omni- 
bus viribus  tuis.  »  Maxim.  (  ni  Cat. 
Grœcorum  Patrum.)  Cum  bac  igitur  in- 
tentione  trinam  ad  Deum  directionem 
lex  pertractat,  ut  avellat  nos  a  trina 
mundi  liabitudine ,  qua  respicitur  ad 
passiones,  ad  gloriam  et  ad  voluptates; 
in  quibus  etiam  tentatus  est  Christus. 

Basil,  [in  eadem  Cat.  Grxca.)  Si 
quis  autem  quœrat  quo  pacto  divina  di- 
lectiu  poterit  obtineii,  dicemus  quoniam 
iudocibilis  est  divina  dilectio  :  nam  nec 
lucis  gaiidere  praesentia,  nec  vitam  am- 
plecti  ab  alio  didicimus ,  vel  amare  pa- 


540 


EXPLICATION  DE    l/ftVANGILE 


ni  à  aimer  la  vie ,  nos  parents ,  ou  ceux  qui  nous  ont  nourris  ;  à  plus 
forte  raison  l'amour  de  Dieu  ne  peut  être  l'objet  d'un  enseignement 
extérieur.  Mais  il  y  a  en  nous  un  sentiment  intime  déposé  comme  une 
semence  au  dedans  de  nous,  et  qui,  par  des  motifs  qui  lui  sont  pro- 
pres ,  nous  porte  à  nous  attacher  à  Dieu.  Les  enseignements  des 
divins  préceptes  s'emparent  ensuite  de  ce  sentiment,  pour  le  cultiver, 
le  développer  et  le  conduire  à  la  perfection.  En  effet ,  nous  aimons 
naturellement  tout  ce  qui  est  bon  ;  nous  aimons  aussi  nos  parents,  nos 
proches ,  et  nous  accordons  spontanément  toute  notre  affection  à  ceux 
qui  nous  font  du  bien.  Si  donc  Dieu  est  bon,  et  si  tous  aiment  naturel- 
lement ce  qui  est  bon,  nous  pouvons  donc  dire  que  tous  aiment  Dieu(l*). 
Le  bien  que  nous  faisons  volontairement  se  trouve  naturellement  en 
nous,  à  moins  que  nos  pensées  n'aient  été  corrompues  par  le  vice. 
Quand  même  nous  ne  connaîtrions  pas  Dieu  par  les  effets  de  sa  bonté, 
nous  devrions  l'aimer  sans  mesure  par  le  sentiment  qu'il  nous  a  tirés 
du  néant  et  qu'il  est  notre  Créateur.  D'ailleurs  ,  qui  nous  a  comblés 
de  plus  de  bienfaits ,  parmi  ceux  qui  ont  un  droit  naturel  à  notre 
amour?  (2) Le  premier  et  le  plus  grand  commandement,  c'est  celui  de 
l'amour  de  Dieu.  Le  second,  qui  complète  le  premier,  lequel  est  aussi 
son  complément ,  c'est  le  commandement  de  l'amour  du  prochain  : 
«  Et  votre  prochain  comme  vous-mêmes.  »  C'est  Dieu  qui  nous  rend 
facile  l'accomplissement  de  ce  précepte.  Qui  ne  sait  que  l'homme  est 
un  être  doux  et  sociable ,  et  qui  n'est  point  né  pour  vivre  dans  la  so- 
litude au  milieu  des  bois  ?  En  effet,  la  première  inclination  de  notre 
nature,  c'est  d'entrer  en  relations  avec  nos  semblables,  d'avoir  recours 

(1*)  Nous  ajoutons  d'après  le  texte  original  cette  conclusion  0îoù  àpa  iràvra  Èyiôxai,  </  Deum 
igitur  omnia  appetunt,  »  qui  ne  se  trouve  pas  dans  la  Chaîne  d'or,  et  sans  laquelle  le  sens  laisse 
trop  à  désirer. 

(2)  Réponse  à  la  3»  question. 


rentes  aut  alumuos,  et  multo  magis 
divinae  dilectionis  doctrinaiu;  sed  se- 
miualis  quaedam  ratio  uobis  iusita  est, 
intrinsecus  habeus  causas,  ut  liomo  Deo 
adhsereat  ;  quam  rationem  accipiens 
doctrina  divinorum  prseceptorum  colère 
diligenter,  cauteque  fovere ,  et  ad  per- 
fectionem  divinae  gratiee  perducere  cou- 
suevit. Naturaliter  enim  bonum  amamus; 
amamus  etiam  proprium  et  cognatum  ; 
uecnon  et  beuefactoribus  sponte  aiîectio- 
nem  iotam  profundimus.  Si  igitur  bouus 
est  Deus,  omnia  vero  bouum  desideraut, 
Deum  igitur  omnia  appetunt.  Quare  quid- 
quid  volunlarie  perficilur,  naturaliter  no- 
bis  inest  :  quem  etsi  per  bonitatem  mi- 
nime novimus,  ex  hoc  ipso  tamen  quod 


ab  ipso  processimus  tenemur  ipsum  ul- 
tra modum  amare,  tanquam  scilicet  no- 
bis  cognatum.  Major  etiam  est  et  beue- 
factor  omnibus  qui  naturaliter  diligun- 
tur.  Et  inferius  :  est  igitur  primum  et 
prtecipuum  mandatum  divinse  dilectio- 
nis :  secundum  autem  primi  compleli- 
vum,  et  ab  eo  completum,  quo  mone- 
mur  diligere  proximum.  Uude  sequilur  : 
M  Et  proximum  tuum  sicut  teipsum.  » 
Sortimur  autem  a  Deo  potentiam  ad 
hujus  executionem  mandati.  Quis  autem 
non  novit  quoniam  mansuetum  et  corn- 
muuicativum  animal  est  homo,  non  au- 
tem solitarium  et  silvestre?  Nihil  enim 
tam  proprium  est  nostrae  natura,  sicut 
ad  invicera  commuuicare .  et  mutuo  in- 


DF.    SAINT    LUC,    CHAP.    X.  541 

les  uns  aux  autres ,  et  d'aimer  ceux  qui  ont  avec  nous  une  même 
nature.  Le  Seigneur  ne  fait  donc  ici  que  nous  demander  les  fruits  des 
semences  qu'il  a  déposées  lui-même  au  dedans  de  nous. 

S.  Chrys.  {hom.  3-2,  sur  UEpître  V^  aux  Cor.)  Remarquez  cepen- 
dant que  Dieu  veut  que  ces  deux  préceptes  soient  accomplis  dans  la 
même  étendue  :  «Vous  aimerez  Dieu  de  tout  votre  cœur,...  et  votre 
prochain  comme  vous-mêmes.  »  Si  ce  commandement  était  fidèle- 
ment observé  ,  il  n'y  aurait  plus  ni  esclave,  ni  homme  libre,  ni  vain- 
queur ni  vaincu,  ni  prince  ni  sujet ,  ni  riche,  ni  pauvre ,  et  le  démon 
resterait  à  jamais  inconnu;  car  la  paille  résisterait  plus  facilement  à 
la  violence  du  feu  ,  que  le  démon  aux  saintes  ardeurs  de  la  charité, 
tant  la  force  de  l'amour  est  supérieure  à  toutes  choses.  —  S.  Grég. 
{Moral.,  XIX,  14).  (I)  Dieu  nous  dit  :  «Vous  aimerez  votre  prochain 
comme  vous-mêmes ,  »  mais  comment  celui  qui  est  dur  pour  lui- 
même  en  persévérant  dans  l'injustice  pourra- t-il  être  tendre  et  com- 
patissant pour  les  autres  ? 

S.  Cyr.  Le  docteur  de  la  loi  ayant  répondu  ce  qui  était  contenu 
dans  la  loi,  Jésus- Chri:^t,  pour  qui  rien  n'est  caché,  déchire  les  filets 
artificieux  dans  lesquels  il  voulait  l'envelopper  :  «  Jésus  lui  dit  :  Vous 
avez  bien  répondu,  faites  cela  et  vous  vivrez.  »  —  Orig.  Une  co!:clu- 
sion  rigoureuse  à  tirer  de  ces  paroles ,  c'est  que  la  vie  qui  nous  est 
annoncée  et  promise  par  Dieu ,  le  Créateur  du  monde  ,  et  par  les 
anciennes  Ecritures  dont  il  est  l'auteur,  est  la  vie  éternelle.  Notre- 
Seigneur  lui-même  l'atteste,  en  citant  ce  texte  du  Deutéronomo  : 
«Vous  aimerez  le  Seigneur  votre  Dieu  »  (chap.  vi),  et  cet  autre  du 

(I)  Dans  les  anciennes  éditions,  chapitre  20  sur  ces  paroles  du  cliapitrc  31  du  livre  de  Job  :  «J'ai 
été  l'œil  de  l'aveugle,  et  le  pied  du  boiteux.  » 


digère,  et  cognatum  diligere.  Quorum 
ergo  preeveniens  Dominus  nobis  tradidit 
semina,  lioruiii  couse(]uenter  fructus  re- 
quirit. 

Chrys.  (liomil.  32,  in  I  ad  Corindi.) 
Tu  tamen  attende  qiialiter  fere  cuin  eo- 
deni  excessti  postulat  utrumijne  prae- 
ceptum  :  de  Dec  enim  ait  :  «  Toto  corde 
tuo;  »  de  proximo  :  «  Sicut  te  ipsum.  » 
Ouod  si  diligenter  observaretur,  nec  ser- 
vus  esset,  nec  liber,  nec  victor,  nec 
victus  (vel  potius  non  priuceps,  non  sub- 
ditus),  nec  dives,  nec  pauper;  nec  uotus 
unquam  esset  diabolus.  Potius  enim  pa- 
leae  susliuerent  iunnissionem  ignis,  quam 
fervorem  charitatis  diabolus  ;  adeo  cuncta 
superat  dilecliouis  constanlia.  Grec. 
(XIX  Moral.,  cap.  14.;  Cuin  aulem  di- 


calur  :  «  Diliges  proximum  tuum  sicul 
teipsum,  »  quomodo  alteri  miserendo 
plus  est,  qui  adhuc  injuste  vivendo  fit 
impius  sibimetipsi? 

Cyril,  {in  Va  t.  Grœcornm  Patnon.) 
Cum  autem  legisperitus  respondisset  quse 
couliuei:)antur  in  lege,  Christus  cui  nota 
sunt  omnia,  scindit  fallaciœ  ejus  retia. 
Sequitur  enim  :  «  Dixitque  illi  :  Recte 
respondisti  :  lioc  fac,  et  vives.  »  Orig. 
{in  Caf.  Grucorum  Patnim.)  Ex  bis 
indubitanter  colligilnr  quod  vita  quœ 
prœdicatur  secundum  mundi  Creatorem 
Deum,  et  anliquas  scripturas  ab  eo  tra- 
dilas,  vita  perpétua  est  :  attestatur  enim 
Dominus  sumens  ex  Deuteronomio  qui- 
dem  illud  :  «  Diliges  Dominum  Deum 
tuum  »  (cap.  6j,  ex  Levitico  vero  illud  : 


542 


EXPLICATION   DE   I.  EVANGILE 


Lévitique  :  «  Vous  aimerez  votre  prochain  comme  vous-mêmes.  » 
(chap.  XIX.)  Or,  par  ces  paroles,  le  Sauveur  réfute  l'hérésie  des  parti- 
sans de  Valentiu  ,  de  Basilide  ,  de  Marcion  (1).  En  effet ,  que  veut-il 
que  nous  fassions  pour  obtenir  la  vie  éternelle^  sinon  ce  que  contien- 
nent la  loi  et  les  prophètes  ? 

f.  29-37.  —  Meus  cet  homme,  voulant  faire  paraître  qu'il  était  juste,  dit  à 
Jésus  :  Et  qui  est  mon  prochain  ?  Jésus  reprit  :  Un  homme  descendait  de 
Jérusalem  à  Jéricho;  il  tomba  entre  les  mains  des  voleurs  qui  le  dépouillèrent, 
le  couvrirent  de  plaies,  cl  le  laissèrent  à  demi-mort.  Or,  il  arriva  qu'un  prêtre 
descendait  par  le  même  chemin  ;  il  vit  cet  homme,  et  passa  outre  :  Un  lévite  se 
trouvant  aussi  prés  de  là,  le  vif  et  passa  outre.  Mais  un  samaritain,  qui  était 
en  voyage,  vint  près  de  lui,  et,  le  voyant,  fut  touché  de  compassion.  Il 
s'approcha,  banda  ses  plaies,  après  y  avoir  versé  de  l'huile  et  du  vin,  et  l'ayant 
mis  sur  sa  monture,  il  le  conduisit  à  une  hôtellerie  et  prit  soin  de  lui.  Le 
lendemain,  il  tira  deux  deniers,  et  les  donnant  à  l'hôte,  il  lui  dit  ;  Ayez  soin 
de  cet  homme,  et  tout  ce  que  vous  dépenserez  de  plus,  je  vous  le  rendrai  à  mon 
retour.  Lequel  de  ces  trois  vous  semble  avoir  été  le  prochain  de  celui  qui  tomba 
entre  les  mains  des  voleurs  ?  Le  docteur  lui  répondit  :  Celui  qui  a  pratiqué  la 
miséricorde  envers  lui.  Et  Jésus  lui  dit  :  Allez,  et  faites  de  même. 

S.  Cyr.  L'éloge  que  le  Sauveur  vient  de  faire  de  la  réponse  du 
docteur  de  la  loi  lui  inspire  de  l'orgueil  ,  il  ne  croit  point  qu'il  y  ait 
pour  lui  de  prochain ,  c'est-à-dire  qu'il  s'imagine  que  personne  ne 
peut  lui  être  compai'é  sous  le  rapport  de  la  justice  :  «  Mais  cet  homme, 
voulant  faire  paraître  qu'il  était  juste,  dit  à  Jésus  :  Et  qui  est  mon  pro- 

^1)  Ces  hérétiques  niaient  que  le  Dieu  de  l'Ancien  Testament  fût  le  vrai  Dieu,  et  que  la  loi  an- 
cienne eut  une  origine  divine,  comme  saint  Augustin  le  remarque  dans  son  livre  :  Des  hérésies  de 
Marcion  et  de  Valentin,  et  plus  explicitement  encore  dans  son  livre  2e  Contre  l'adversaire  de  la 
loi  et  des  prophètes. 


«  Diliges  proximum  tuum  sicut  teipsuin» 
(cap.  19);  hsec  autem  dicta  siint  contra 
sequaces  Yalentini,  Basilidis  et  Marcio- 
nis  :  quid  enim  aliiid  voluit  uos  facere 
ad  qaœrendum  vitam  aeternaui^  nisi  quse 
contineat  lex  et  prophetae? 

Jlle  autem  volens  justi/icare  seipsum,  dixit  ad 
Jesum  :  Et  quis  est  meus  proximus  ?  Suspi- 
ciens  autem  Jésus  dixit  :  Homo  quidam  des- 
cendebat  ab  Hierusalem  in  Eiericho,  et  inci- 
dit  in  latrones,  qui  etiam  despoliaverunt  eum, 
et  playis  impositis ,  ahierunt,  semivivo  relicto. 
Accidit  autem  ut  sacerdos  quidam  descenderet 
eadem  via,  et  visa  illo,  prœterivit.  Similiter 
et  levita  cum  esset  secus  locum  et  videret  eum, 
pertransiit.  Samaritanus  autem  quidam  iter 
faciens,  venil  secus  eum  ;  et  videns  eum,  mise- 
ricordm  motus  est;  et  appropians,  alUyavit 


vulnera  ejus,  infundens  oleum  et  vinum  ;  et 
imponens  illum  in  jumentum  suum,  duxit  in 
stabuhim,  et  curam  ejus  egit.  Et  altéra  die , 
protulit  duos  denarios,  et  dédit  stabulario, 
et  ait:  Curam  ejus  habe;  et  quodcunque  super- 
erogaveris ,  ego ,  cum  rediero ,  reddam  tibi. 
Quis  horum  trium  videtur  tibi  proximus  fuisse 
illi  qui  incidit  in  latrones  ?  Ai  ille  dixit  :  Qui 
fecit  misericordiam  in  illum.  Et  ait  illi  Jésus: 
Vade,  et  tu  fac  similiter. 

Cyril,  {/n  Cat.  Grœcorum  Patrum.) 
Laudatus  legisperitus  a  Salvatore  quod 
recte  responderit,  iu  superbiam  proru- 
pit,  nuUuin  sibi  proximum  putans  esse; 
quasi  uullus  ei  esset  in  justitia  compa- 
randus.  Uude  dicitur  :  «  Ille  autem  vo- 
lens justificare  seipsum,  dixit  ad  Jesum  : 
Et  quis  est  meus  proximus?  »  Circum- 


DE  SAINT   LUC.    CHAP.    X. 


543 


cham?o  II  devient  tour  à  tour  la  proie,  pour  ainsi  dire  ,  de  tousies  vices 
qui  le  font  tomber  de  la  ruse  artificieuse  avec  laquelle  il  cherchait  à 
tenter  Jésus,  dans  une  orgueilleuse  arrogance.  Cette  question  qu'il 
adresse  à  Jésus  :  «  Et  qui  est  mon  prochain  ?  »  prouve  qu'il  n'avait 
aucun  amour  pour  le  prochain,  puisqu'il  ne  croyait  pas  qu'il  put  avoir 
un  prochain  (1*).  Il  n'avait  par  conséquent  aucun  amour  pour  Dieu, 
car  puisqu'il  n'aimait  pas  son  frère  qu'il  voyait,  comment  pouvait-il 
aimer  Dieu  qu'il  ne  voyaitpas?  (I  Joan.,  iv,  20.) —  S.  Ambr.  Il  répond 
encore  qu'il  ne  sait  qui  est  son  prochain^  parce  qu'il  ne  croyait  pas 
en  Jésus-Christ ,  et  que  celui  qui  ne  connaît  pas  Jésus-Christ ,  ne 
peut  connaître  la  loi ,  car  si  vous  n'avez  aucune  connaissance  de  la 
vérité,  comment  pouvez- vous  connaître  la  loi  qui  annonce  et  enseigne 
la  vérité? 

Théophyl.  Ce  n'est  ni  par  les  actions,  ni  par  les  dignités  que  le  Sau- 
veur détermine  l'idée  juste  qu'on  doit  se  faire  du  prochain.  Ne  croyez 
pas,  semble-t-il  dire,  que  personne  ne  soit  votre  prochain,  parce  que 
vous  êtes  juste,  cartons  ceux  qui  ont  avec  vous  une  même  nature 
sont  votre  prochain  ;  devenez  donc  aussi  leur  prochain,  non  en  habi- 
tant le  même  pays  ,  mais  en  leur  témoignant  de  l'affection  et  en  leur 
donnant  les  soins  que  leur  état  réclame.  C'est  pour  confirmer  cette 
vérité  qu'il  cite  l'exemple  du  Samaritain  :  «  Jésus  reprit  :  Un  homiae 
descendait ,  »  etc.  —  Chaîne  des  Pèr.  &r.  {ou  Sévère  d'Antioche.)  Le 
Sauveur  se  sert  avec  dessein  du  terme  générique ,  il  ne  dit  pas  : 
Quelqu'un  descendait,  mais  :  «  Un  homme  descendait,  »  car  son 
discours  embrasse  l'humanité  toute  entière.  —  S.  Aug.  [Quest.  évang., 

(l*)  Pour  bien  comprendre  la  prétention  orgueilleuse  de  ce  docteur  de  la  loi,  il  faut  se  rappeler 
que  les  Scribes  et  les  Pharisiens  avaient  sur  le  prochain  des  idées  très-exclusives,  et  qu'ils  ensei- 
gnaient que  par  le  prochain  il  ne  fallait  entendre  que  les  Juifs,  non  les  païens  et  encore  moins 
les  Samaritains,  ennemis  des  Juifs. 


veniuDt  enim  cum  quodammodo  alter- 
natim  vitia  ;  a  fallacia  qua  tentando 
qufesivorat,  ad  arroçrantiam  lapsum.  lu 
hoc  aulein  quod  quœrit  :  «  Quis  est 
meus  proxinins?  »  Vacuiis  a  dileclioue 
proximi  ostenditur;  cuiu  non  œslimel 
aliquem  sibi  proxiiimiu  esse;  et  per  con- 
sequens  a  dilectione  divina,  qui  cum 
fratrem  non  dili^at  quem  videt,  non  po- 
test  Deuni  dilicrere  quem  non  videt. 
(I  Joan.,  4,  vers.  20.)  Ambr.  Respondit 
eliam  quod  non  sciret  proxiumm  suuni, 
quia  non  credebat  in  Christum  ;  et  qui 
Cliristum  nescit,  nescit  legem  :  cum  enim 
veritatem  ignoret,  rpiomodo  potest  scire 
leirem  quœ  aununliat  veritatem? 
Theophylact.   Salvator   autem ,    non 


actibus  aut  dignitatibus,  sed  natura  dé- 
terminât proximum.  Quasi  dicat  :  «  Non 
putes  quod  quamvis  justus  sis,  nullus 
tibi  sit  proximus  :  onines  namque  qui 
eamdem  naturam  coranmuicaut^  proximi 
tui  sunt,  lias  igitur  et  tu  eorum  proxi- 
nms  (non  loco,  sed  affeclu),  et  circa  eos 
cura  :  »  et  ad  hoc  Samaritanum  in 
exemplum  adducit.  Unde  sequitur  : 
«  Saspiciens  autem  Jésus  dixit  :  Homo 
quidam  descendebat,  »  etc.  Gr.eg.  (vei 
Secerus  AntiocJienns  in  Cat.  Gracorum 
Patrum.)  Bene  est  generis  appellatione 
usus  :  non  enim  ait  :  «  Descendit  qui- 
dam, »  sed,  «  homo  quidam  :  »  nain 
sermo  fuit  de  tola  liumanitate.  Aug.  [de 
Qnxst.  Kvung.,   lib.    ii,  q.    19.)   Homo 


544 


EXPLICATION   DE   l/ÉVANGILE 


II,  19.)  Cet  homme  représente  Adam  et  tout  le  genre  humain  ;  Jéru- 
salem, la  cité  de  paix  ,  représente  la  Jérusalem  céleste,  dont  l'homme 
a  perdu  la  félicité  par  sou  péché;  Jéricho  qui  signifie  lune  est  la 
figure  de  notre  mortalité  ,  qu'on  voit  successivement  naître  ,  croître, 
vieillir  et  disparaître. 

S.  AuG.  {Cont.  les  Pélag.)  (1)  Ou  bien  encore,  Jérusalem,  qui  veut 
dire  vision  de  la  paix  ,  représente  le  paradis ,  car  avant  son  péché, 
l'homme  jouissait  de  la  vision  de  la  paix  ,  c^est-à-dire  des  délices  du 
paradis,  où  tout  ce  qu'il  voyait  était  pour  lui  une  source  de  paix  et  de 
joie.  Lorsque  le  péché  l'eut  plongé  dans  l'humiliation  et  la  misère,  il 
descendit  de  Jérusalem  à  Jéricho  ,  c'est-à-dire ,  dans  le  monde ,  où 
tout  ce  qui  naît  disparaît  bientôt  comme  la  lune.  —  Tiiéophyl.  Le 
Sauveur  ne  dit  pas:  Il  descendit,  mais:  «  Il  descendait,  »  car 
la  nature  humaine  tend  toujours  à  descendre,  non-seulement  par  une 
partie  d'elle  même,  mais  par  toutes  ses  facultés  sensibles.  —  S.  Bas. 
{Chaîne  des  Pèr.  g?\)  On  comprendra  parfaitement  cette  expression 
du  Sauveur,  si  l'on  veut  faire  attention  à  la  situation  des  lieux  dont 
il  parle  ;  Jéiicho  en  effet  est  située  dans  les  vallées  de  la  Palestine  ; 
Jérusalem  au  contraire  est  située  sur  une  hauteur ,  au  sommet  d'une 
montagne.  Cet  homme  descendit  donc  des  hauteurs  dans  les  vallées, 
où  il  fut  saisi  par  les  voleurs  qui  habitaient  le  désert  :  «  Et  il  tomba 
entre  les  mains  des  voleurs.  » 

S.  Chrys.  (2)  Déplorons  d'abord  le  malheur  de  cet  homme  qui 
tombe  entre  les  mains  des  voleurs  ,  sans  armes  et  sans  défense,  et  qui, 
dans  son  imprévoyante  témérité,  choisit  ce  chemin  où  il  ne  pouvait 

(1)  Ou  bien  uu  autre  auteur  cité  sous  le  nom  de  saiut  Augustin,  dans  le  traité  qui  a  pour  titre  : 
JJypognotiscon,  liv.  m,  vers  le  milieu. 

(2)  Homélie  qui  a  pour  titre  :  De  celui  qui  tomba  enti-e  les  mains  des  voleurs. 


enim  iste,  ipse  Adam  iutelligitur  in  gé- 
nère Immauo  :  Hierusalem  civitas  pa{;is, 
illa  cœlestis,  a  cujus  beatitudine  lapsus 
est;  Hiericho  interpretatur  hina,  et  signi- 
ficat  mortalitatem  iiostrani,  propter  hoc 
quod  nascitur,  crescit,  senescit  et  occi- 
dit. 

AuG.  [Contra  Pelag.)  Vel  Hierusa- 
lem, quee  interpretatur  Visio  j)ocis,  Pa- 
radisum  dicimus  :  aute  enim  quam  pec- 
caret  homo  in  visione  pacis  erat ,  hoc 
est,  in  paradiso  :  quicquid  videbat,  pax 
erat  et  laititia;  inde  descendit  (quasi  hu- 
miliatus  et  miser  factus  per  peccatum) 
in  Hiericho,  id  est,  in  mundura,  in  quo 
omnia  orta  occidunt,  sicut  luna.  Theo- 
PHYLACT.  Non  auleui   dicit  :  Descendit, 


sed,  descendebat  :  semper  enim  humaua 
natura  ad  inferiora  tendebat  ;  et  non  in 
parte,  sed  toto  vitœ  attendebat  passibili. 
Basil,  [in  Cat.  Gr.xconun  Pairum  ex 
illius  Ethicis.)  Convenit  enim  hoc  si  quis 
loca  perspexerit  :  Hiericho  enim  tenet 
loca  couvallia  Palœstiuce;  Hiernsalem 
vero  in  cacumine  sita  est,  occnpans  api- 
cem  montis.  Venit  igitur  homo  ab  altis 
ad  iniima,  ut  a  latronibus  caperetur, 
qui  incolebaut  desertum.  Unde  sequitur  : 
«  Et  incidil  in  latrones.  » 

Chrys.  [in  eadem  Cat.  Grœca.)  Pri- 
mum  istius  hominis  miserandus  est 
casus,  qui  iuermis  ac  destitutus  in  la- 
trones inciderit ,  quique  improvidus  in- 
cautusque  eam  viam  elegerit,  qua  eva- 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    X.  545 

échapper  aux  brigands  qui  l'infestaient  ;  car  comment ,  sans  armes, 
sans  prévoyance,  sans  précaution,  aurait-il  pu  se  défendre  contre  ces 
voleurs  qui  fondent  sur  lui  à  main  armée  .  et  avec  les  intentions  les 
plus  meurtrières?  En  effet,  la  méchanceté  marche  toujours,  ayant 
pour  armes  les  ruses,  pour  remparts  la  cruauté  et  les  artifices,  et  prête 
à  se  livrer  aux  plus  violents  excès.  —  S.  Ambr.  Or,  quels  sont  ces  vo- 
leurs, si  ce  n'est  les  anges  de  la  nuit  et  des  ténèbres  ?  Il  ne  serait  cer- 
tainement pas  tombé  entre  leurs  mains ,  s'il  ne  se  fût  exposé  à  les 
rencontrer,  en  quittant  la  voie  des  commandements  de  Dieu.  — 
S.  Chris,  {hom.  précéd.  cit.]  C'est  donc  à  l'origine  du  monde ,  que  le 
démon  a  déployé  toute  son  artificieuse  méchanceté  contre  l'homme, 
en  versant  sur  lui  son  venin  mortel ,  et  en  inaugurant  dans  sa  per- 
sonne sa  malice  meurtrière.  —  S.  Aug.  {contre  les  Pélag.)  (1)  Cet 
homme  est  donc  tombé  entre  les  mains  des  voleurs ,  c'est-à-dire  au 
pouvoir  du  démon  et  de  ses  anges  qui ,  par  la  désobéissance  du  pre- 
mier homme ,  l'ont  dépouillé  des  vêtements  de  l'innocence ,  et  l'ont 
couvert  de  blessures,  en  affaiblissant  en  lui  la  force  du  libre  arbitre  : 
«  Ils  le  dépouillèrent,  et  le  laissèrent  couvert  de  blessures.  »  Le  démon 
a  fait  une  blessure  au  premier  homme  lors  de  son  péché,  mais  il  nous 
couvre  de  blessures,  lorsqu'à  ce  premier  péché  ,  dont  nous  avons  con- 
tracté la  souillure,  nous  en  ajoutons  volontairement  un  grand  nombre 
d'autres.  —  S.  Aug.  {Quesi.  évang..,  ii,  19.)  Ou  bien  encore,  ils  ont 
dépouillé  l'homme  de  l'immortalité,  et  l'ayant  couvert  de  plaies  (en  le 
portant  au  mal),  ils  le  laissèrent  à  demi-mort.  Eu  effet,  l'homme  est 
vivant  en  tant  qu'il  peut  concevoir  et  connaître  Dieu,  mais  il  est  mort 
dans  la  partie  de  lui-même  qui  succombe  aux  atteintes  mortelles  du 
péché,  c'est  ce  que  le  Sauveur  indique  par  ces  paroles  :  «  Et  ils  le 

(1)  Du  même  Traité  que  la  citation  précédente. 


dere  prsedonum  uianus  nequiverit  :  non 
enim  posset  inennis  armatos,  improvi- 
dus  pessimos,  incautus  nocivos  effugere. 
Quippe  cum  malitia  semper  anuata  sit 
dolis,  crudelilate  septa,  munita  fallacia, 
et  ad  nocendi  sœviliam  praeparata.  Amb. 
Qui  sunt  autem  isti  latrcjnes.  nisi  angeli 
noctis  atque  tenebrarura?  lu  quos  non 
incidisset,  nisi  eis  mandati  cœlestis  de- 
vins se  fecisset  obnoxium?  Chrys,  {ut 
svp.)  In  exordio  igitur  luundi  nocendi 
fallaciam  diabolus  est  operatus  in  homi- 
nem,  in  quein  fallendi  virus  exercuit,  et 
malitiae  nocentiam  dcdicavit.  AuG.  {Con- 
tra Pclag.)  Incidit  ergo  in  latrones,  id 
est,  in  diabolum  et  angelos  ejus,  qui  per 
inobedientiam  primi  hominis  bumanum 

ÏOM.   V. 


genus  despoliaverunt ,  morum  scilicet 
ornamenlis  ;  et  vulneraverunt^  bono  sci- 
licet possibilitalis  bberi  arbitrii  perdito. 
Unde  sequitur  :  «  Qui  etiani  despoliave- 
runt euni,  et  plagis  impositis,  abie- 
runt.  »  In  illo  enim  peccante  plagam 
fecit;  in  nos  vero  plagas,  cum  super 
unum  peccatum  quod  contrahimus,  su- 
peraddimus  multa  peccata.  Aug.  (de 
Quœst.  Evang.,  lib.  ii,  quaest.  19.)  Vel 
spoliaverunt  hominem  immortalitate;  et 
plagis  impositis  (peccata  suadendo)  re- 
liquerunt  semivivum,  quia  ex  parte  qua 
potest  intelligere  et  çognoscere  Deum, 
t^iviis  est  homo;  ù^  parte  autem  qua 
peccalis  contabescit  et  premitur,  mor- 
luus  est  ;   et  •  boc  /"est   quod  subditur  ; 


546  EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 

laissèrent  à  demi-mort.  »  —  S.  Aug.  (contre  Pélafje.)  Dans  cet  homme 
demi-mort,  l'action  vitale  (c'est-à-dire  le  libre  arbitre)  est  blessé,  et 
n'est  pins  capable  de  le  conduire  à  la  vie  éternelle  qu'il  avait  perdue  : 
il  est  donc  là  étendu ,  incapable  de  se  relever  par  ses  propres  forces, 
aussi  appelait-il  le  médecin ,  c'est-à-dire  Dieu ,  pour  le  guérir.  — 
TnEornYL.  Ou  bien  encore,  l'homme  est  à  demi-mort  après  son  péché, 
parce  que  son  àme  est  immortelle  ,  et  son  corps  mortel ,  de  manière 
que  la  moitié  de  lui-même  est  assujettie  à  la  mort.  Ou  bien  encore, 
l'homme  est  à  demi-mort ,  parce  que  la  nature  humaine  espérait 
arriver  au  salut  par  Jésus-Christ,  et  ne  pas  devenir  entièrement  la 
proie  de  la  mort;  mais  par  suite  du  péché  d'Adam,  la  mort  est  entrée 
dans  le  monde,  et  elle  ne  pouvait  être  détruite  (jue  par  la  rédemption 
de  Jésus-Christ.  [Rom.,  y,  42.)  —  S.  Ambr.  Ou  bien  encore,  les  démons 
commencent  par  nous  dépouiller  des  vêtements  de  la  grâce  spirituelle, 
avant  de  nous  couvrir  de  blessures  ;  car  si  nous  savions  conserver  ces 
vêtements  dans  toute  leur  beauté,  nous  serions  inaccessibles  aux  coups 
des  voleurs.  —  S.  Bas.  On  peut  encore  entendre  qu'ils  ne  le  dépouil- 
lèrent qu'après  l'avoir  couvert  de  blessures,  pour  nous  faire  com- 
prendre que  c'est  après  le  péché  commis ,  que  la  grâce  nous  est  en- 
levée. —  BEDE.  Les  péchés  sont  appelés  des  blessures ,  parce  qu'ils 
détruisent  l'état  d'intégrité  de  la  nature  humaine.  Il  est  dit  qu'ils  s'en 
allèrent,  non  pour  cesser  leurs  embûches  criminelles,  mais  pour  dissi- 
muler leurs  ruses  artificieuses. 

S.  Chrys.  {comme  p7'écéd.)  Cet  homme,  c'est-à-dire  Adam,  était 
donc  là  étendu,  privé  de  tout  secours  ,  profondément  atteint  par  les 
blessures  que  ses  péchés  lui  avaient  faites  ,  et  le  prêtre  Aaron  passe 
sans  pouvoir  le  secourir  par  ses  sacrifices  :  «  Or,  il  arriva  qu'un  prêtre 


«  Semivivo  relicto.  »  Aug.  (Coîîfra  i  gratiae  spiritualis,  et  sic  vulnera  inferre 
Pelag.)  Seinivivus  eniin  habet  vitalem  ;  consueverunt.  Nam  si  intemerata  quae 
inolum  (id  est,  liberum  arbitrium)  vul-  sumpsimus  indumenta  servemus,  plagas 
neratum;  quod  ad  œternam  vitam  quam  latrouuoi  sentire  non  possumus.  Basil. 
perdiderat,  redire  non  sufficiebat  :  et  '  {ut  sup.)  Vel  potest  intelligi  quod  expo- 
ideo  jacebat,  quia  vires  ei  propriae  ad  |  liaverunt  eum,  plagis  prius  impositis  : 
surgendum  non  sufflciebant,  unde  ad  se  i  prœcedunt  enim  vuluera  nuditatem,  ut 
sauanduin  medicum  (id  est,  Deum)  re-  intelligas  quod  peccatum  prfpcedit  gra- 
quireret.  Theopdylact.  Aut  semiiivvs  Vue  carentiam.  Bed.  Dicuutur  autem 
dicitur  hoaio  post  peccatum;  quia  ejus  \plogœ  çeccala,  quia  bis  naturae  bumaoce 
anima  immortaiis  est,  corpus  vero  mor-  ,  integritas  violatur.  Abierunt  autem,  non 
^«/e;  ita  ut  medietas  bominis  morti  suc- ,  ab    insidiis    cessando,    sed    insidiarum 


cumbat  :  aut  quia  bumaua  natura  in 
Cbristo  sperabat  consequi  salutem,  ita 
ut  non  omniuo  morti  succumberet;  sed 
in  quantum  Adam  peccaverat,  mors  in 
muudum  intravit  :  in  Cbristi  vero  justi- 
ficatione  mors  erat  destruenda.  Ambros. 
Vel  spoliant  quœ  accepimus  indumenta 


fraudes  occultando. 

Chrys.  {ut  sup.)  Hic  itaque  bomo,  id 
est,  Adam  jacebat  destitutus  salutis  auxi- 
lio,  confossus  vulneribus  delictorum;  cui 
nec  sacerdos  Aaron  transiens  sacrificio 
potuit  profuisse.  Sequitur  enim  :  «  Acci- 
dit  autem  ut  sacerdos  quidam  descen- 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.   X. 


547 


descendait  par  le  même  chemin,  il  vit  cet  homme,  et  passa  outre,  »  etc. 
Son  frère  Moïse,  de  la  tribu  de  Lévi,  voit  la  loi  qu'il  a  donnée,  frappée 
de  la  même  impuissance  :  «  De  même ,  un  lévite ,  se  trouvant  près  de 
là,  le  vit  et  passa  outre.  »  —  S.  AuG.  {contre  Pelage.)  On  peut  aussi 
considérer  ce  prêtre  et  ce  lévite  comme  représentant  les  deux  temps 
de  la  loi  et  des  prophètes  :  le  prêtre  est  la  figure  de  la  loi  qui  a  insti- 
tué le  sacerdoce  et  les  sacrifices  ;  le  lévite  représente  les  oracles  des 
prophètes.  Or,  le  genre  humain  ne  put  être  guéri  à  aucune  de  ces 
deux  époques,  parce  que  la  loi  donne  bien  la  connaissance  du  péché, 
mais  ne  le  détruit  pas.  [Rom.,  m,  20  ;  viii,  3.)  —  Théophyl.  Remar- 
quez ces  paroles  :  «  Il  passa,  »  parce  qu'en  efi"et ,  la  loi  vint  et  dura 
jusqu'au  temps  que  Dieu  avait  marqué;  et  comme  elle  ne  pouvait 
guérir,  elle  passa.  Remarquez  encore  que  la  loi  n'a  pas  été  donnée 
dans  ce  dessein  ,  que  l'homme  y  trouvât  sa  guérison  ;  car  il  ne 
pouvait  alors  recevoir  le  mystère  de  Jésus-Christ.  Aussi  voyez  comme 
l'Evangéliste  s'exprime  :  «  Or,  il  arriva  qu'un  prêtre  descendait  par 
le  même  chemin,  »  ce  que  nous  disons  généralement  des  choses  qui 
arrivent  sans  avoir  été  prévues.  —  S.  Aug,  {serm.  37  sur  les  par.  du 
Seig.)  Le  Sauveur  donne  à  entendre  que  cet  homme ,  qui  descendait 
de  Jérusalem  à  Jéricho,  était  Israélite,  par  là  même  que  le  prêtre  qui 
passa,  n'en  eut  aucune  compassion,  bien  qu'il  fût  du  même  peuple,  et 
que  le  lévite  qui  était  aussi  de  la  même  race  ,  passât  également  sans 
daigner  le  secourir.  —  Tiiéophyl.  Peut-être  leur  première  pensée  fut- 
elle  une  pensée  de  compassion,  mais  la  dureté  naturelle  reprit  bientôt 
le  dessus,  ce  qui  nous  est  exprimé  par  cette  parole  :  «  Il  passa.  » 

S.  Aug.  {comme  précécl.)  Le  samaritain  vint  aussi  à  passer ,  il  était 
étranger  pour  cet  homme  par  sa  race,  mais  il  était  son  prochain  par 


deret  eadem  via,  et  viso  illo,  prœte- 
riit,  »  etc.  Nec  eliam  ejus  frater  Moyses 
levita  per  legem  potuit  subveuire  :  unde 
sequitur  :  «  Similiter  et  levita  cum  esset 
secus  locum  et  videret  euin,  pertran- 
siit,  »  etc.  Aug.  [Cont.  Pekicj.)  Vel  iu 
sacerdote  et  levita  duo  tempera  intelli- 
guntur  :  legis  scilicet  et  proplietarum  : 
in  sacerdote  lex,  per  quam  sacerdotium 
et  sacrificia  instituta  sunt;  iu  levita  va- 
ticinium  prophetarum ,  quorum  tempo- 
ribus  humauum  genus  sanari  uou  potuit 
quia  per  legem  coguitio  peccati,  nou 
abolitio.  Theophylact.  Dicit  autem  : 
Prœteriit  ;  quia  lex  venit  et  stetit  usque 
ad  tempus  prtefixum  ;  deiude  non  va- 
lens  curare,  abiit.  Vide  etiam  quod  lex 
non  ad  hoc  data  est  praecogitative,  ut 
honiineni   curaret  :   nou   enim  poterat 


homo  a  principio  suscipere  Christi  mys- 
terium  :  et  ideo  dicitur  :  «  Accidit  ut 
sacerdos  quidam;  »  quod  consuevimus 
dicere  in  his  quai  non  preemeditalive 
fiant.  AuGUST.  {de  Verb.  Dom.,  serm. 
37).  Vel  quia  homo  descendeus  a  Hieru- 
salem  ia  Hiericho,  Israelita  fuisse  intel- 
ligiturj  quod  intelligi  potest,  quia  Iran- 
siens  sacerdos  utique  génère  proximus 
prceteriit  jacenlem;  transiit  levita,  et  hic 
génère  proximus,  jacentem  et  ipse  con- 
tempsit.  Théophyl.  Miserti  (inquam) 
illius  fuere  cum  cogitaveruut  ;  postmo- 
dum  vero  tenacitate  devicti,  abieruut  re- 
trorsum  :  hoc  enim  désignât  quod  dicit  : 
Piaieriit. 

Auo.  [de  Verb.  Dom.,  xib'i  sup.)  Tran- 
siit Sau)aritanu3 ,  génère  longinquus, 
misericordia  proximus  ;  fecit  quod  sequi- 


548 


EXPLICATION    DE   l'ÉVANGILE 


la  compassion,  et  il  fit  ce  qui  suit  :  «  Mais  un  samaritain,  qui  était  en 
voyage,  vint  près  de  lui ,  »  etc.  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  a  voulu 
être  représenté  dans  ce  samaritain.  En  effet,  le  mot  Samaritain  signifie 
gardien  (l).  Or^  c'est  de  lui  qu'il  est  dit  :  «  Celui  qui  garde  Israël,  ne 
sommeillera  ni  ne  dormira  point  »  {Ps.  cxx),  parce  qu'une  fois  ressus- 
cité des  morts,  il  ne  meurt  plus.  [Rom.,  vi.)  D'ailleurs,  lorsque  les 
Juifs  lui  dirent  :  «  Vous  êtes  un  samaritain ,  et  vous  êtes  possédé  du 
démon  ,  »  il  nia  qu'il  fût  possédé  du  démon  ,  lui  qui  savait  qu'il  était 
venu  pour  chasser  le  démon  ,  mais  il  ne  nia  point  qu'il  fût  le  gardien 
des  infirmes.  —  Sévère  d'Antioche.  Notre-Seigneur  s'appelle  ici  sa- 
maritain on  ne  peut  plus  à  propos,  en  répondant  à  ce  docteur,  fier  de 
la  connaissance  de  la  loi;  il  veut  lui  faire  comprendre  que  ni  le  prêtre, 
ni  le  lévite,  ni  ceux  qui  vivaient  sous  la  loi,  ne  pratiquaient  les  com- 
mandements de  la  loi^  mais  qu'il  était  venu  lui-même  pour  en  accom- 
plir les  prescriptions.  —  S.  Ambr.  Ce  samaritain  descendait  ;  car  quel 
est  celui  qui  est  descendu  du  ciel ,  si  ce  n'est  celui  qui  est  monté  au 
ciel,  le  Fils  de  l'homme  qui  est  dans  le  ciel?  {Jean.,  m.)  —  Théophyl. 
Il  était  en  voyage,  ajoute  le  Sauveur  ,  c'est-à-dire  qu'il  venait  avec  le 
dessein  formel  de  nous  guérir.  —  S.  AuG.  {contre  Pelage.)  Il  est  venu 
revêtu  de  la  ressemblance  de  la  chair  de  péché  {Rom..,  "^ni),  et  c'est 
pour  cela  qu'il  est  dit  «  qu'il  vint  près  de  lui,  »  en  se  rendant  comme 
semblable  à  lui.  —  Sévère  d'Antioche.  Ou  bien  encore,  il  vint  près 
du  même  chemin  ,  car  il  a  véritablement  suivi  la  voie  droite ,  sans 
s'en  écarter  jamais  en  descendant  sur  la  terre  pour  notre  salut. 
S.  Ambr.  Or,  en  venant  sur  la  terre  ,  il  s'est  fait  notre  prochain  par 

(1)  C'est  l'interprétation  que  l'on  donne  généralement  de  ce  nom,  saint  Jérôme  en  particulier, 
dans  son  traité  des  noms  hébreux.  Bède  ajoute  une  autre  explication  et  prétend  que  Samarie  signi- 
fie lune  ou  conjonction,  et  Samaritain  qui  est  en  conjonction,  ou  qui  est  uni. 


tur  :  «  Samaritanus  aiitem  quidam  iter 
faciens  venit  secus  eum,  »  etc.  In  quo 
Samaritano  se  voluit  intelligi  Dominus 
noster  Jésus  Chrislus  :  Samaritanus 
enim  custos  interpretatur ,  et  de  ipso 
dicitur  {Psal.  i,  20)  :  «  Non  dormitabit 
neque  dormiet  qui  custodil  Israël,  »  quia 
resurgens  a  mortuis  ,  jam  non  moritur. 
[RniH.,  6.)  Deuique  cum  dictum  esset 
iili  {Joan.,8)  :  «Quia  Samaritanus  es, 
et  daemonium  liabes,  »  uegavit  se  habere 
dccmouium,  quia  se  noverat  dœmonum 
expulsorem;  non  se  negavit  infiruii  cus- 
todem.  GRiEC.  (vel  Sevenis  .Antioclienus, 
in  Cut.  Grxcorum  Patrum.)  Vocat  au- 
tem  hic  Clirislus  se  Samaritanum  oppor- 
tune; cum  enim  alloqueretur  legisperi- 
tum  superbientem  in  lege ,  voluit  expri- 


mere  quoniam  nec  sacerdos,  nec  levita, 
et  qui  conversabantur  in  lege,  legis  pro- 
positum  implebant  ;  sed  ipse  venit  cou- 
summaturus  legis  propositum.  Ambr. 
Hic  autem  Samaritanus  etiam  erat  des- 
cendens  :  quis  enim  est  qui  descendit  de 
coelo,  nisi  qui  ascendit  in  cœlum,  Filius 
hominis  qui  est  in  cœlo  ?  {Joan.,  3.) 
Theophylact.  Dicit  autem,  ite7'  faciens, 
quasi  ex  proposito  hoc  statuens ,  ut  nos 
curaret.  Aug.  (Cont.  Pelag.,  vt  svj).) 
Venit  autem  in  similitudinecarnis  peccati 
{ad  Rom.,  8),  ideo  secus  cum,  quasi  in 
similitudine.  Gr^cus.  {idest,  Severus  An- 
tiocliemis,  lit  jam  sup.)  Vel  secus  viam 
venit;  fuit  enim  vere  viator,  non  devia- 
tor,  gratia  nostri  descendens  ad  terram. 
Ambr.  Veniens  autem  factus  est  com- 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    X.  549 

la  sincère  compassion  qu'il  nous  porte ,  et  notre  voisin  par  la  misé- 
ricorde dont  il  nous  comble  :  «  Et  le  voyant,  il  fut  touché  de  compas- 
sion, »  etc.  —  S.  AuG.  {comme  précéd,)  Il  le  voit  étendu  sans  force, 
sans  mouvement,  et  il  est  touché  de  compassion,  parce  qu'il  ne  trouve 
en  lui  aucun  mérite  qui  le  rende  digne  de  guérison  ;  mais  «  à  cause 
du  péché ,  il  a  condamné  le  péché  dans  la  chair  {Rom. ,  viii)  :  «  Et 
s'approchant,  il  banda  ses  plaies,  y  versant  de  l'huile  et  du  vin,  »  etc. 
—  S.  AuG.  {serm.  37  sur  les  par.  chiSeig.)  Quelle  distance  plus  grande 
peut-on  imaginer,  que  celle  qui  sépare  Dieu  de  l'homme ,  l'immortel 
de  ceux  qui  sont  soumis  à  la  mort,  le  juste  des  pécheurs?  distance 
produite  non  par  l'éloignement  extérieur  ,  mais  par  la  différence  de 
nature.  Il  possédait  deux  biens,  la  justice  et  l'immortalité  ,  et  nous 
avions,  au  contraire,  deux  maux,  l'injustice  et  la  mortalité.  Or,  s'il 
eût  pris  les  deux  maux  qui  étaient  notre  partage  ,  il  fût  deveau  sem- 
blable à  nous,  et  il  aurait  eu  besoin  comme  nous  d'un  libérateur.  Et 
comme  il  ne  voulait  pas  se  rendre  entièrement  notre  égal,  mais  s'ap- 
procher seulement  de  nous ,  il  ne  s'est  point  fait  pécheur  à  votre 
exemple,  mais  il  s'est  fait  mortel  comme  vous  ;  il  a  pris  sur  lui  le 
châtiment  sans  prendre  la  faute ,  et  il  a  ainsi  détruit  la  faute  et  le 
châtiment. 

S.  AuG.  [Quest.  évang..,  ii,  19.)  Le  samaritain,  en  bandant  les  plaies 
de  cet  homme,  figure  la  répression  des  péchés;  l'huile  représente  la 
douce  consolation  de  l'espérance  donnée  par  la  miséricorde  divine,  qui 
nous  obtient  le  bienfait  de  la  réconciliation  ;  le  vin ,  l'exhortation  à 
une  vie  fervente  dans  l'Esprit  saint.  —  S.  Ambr.  Ou  bien  encore,  il 
bande  nos  plaies,  en  nous  imposant  une  loi  plus  sévère  ;  par  l'huile,  il 
fomente  nos  plaies ,  en  nous  remettant  nos  péchés  ;  et  par  le  vin  ,  il 


passionis  nostrae  susceptione  finilimus, 
misericordiae  coUalione  vicinus  :  unde 
sequitur  :  «  Et  videns  eum,  misericordia 
motus  est,»  etc.  AuG.  [Cont.  Pelacj.,  ut 
sup.)  Videns  quidem  eum  jacentem,  non 
valentem,  non  currentem  :  et  ideo  mise- 
ricordia motus  est  ;  quia  in  eo  nullum 
meritum  invenit,quo  curari  dignusesset, 
sed  ipse  de  peccato  damnavit  peccatum 
in  carne  [ad  Rom.,  8)  :  unde  sequitur  : 
"Et  appropians  alligavit  vulnera  ejus, 
infundens  oleum,  »  etc.  Aug.  [de  Verb. 
Dom.,  serm.  37,  ut  sup.)  Quid  enim  tam 
longinquum,  quid  tam  remotum  .  quam 
Deus  ab  homiuil>us,  iounorlalis  a  nior- 
lalibus,  justus  a  peccaloribus ,  non  loco 
longe ,  sed  dissimilitudine  ?  Cum  ergo 
haberet  in  se  duo  bona  (sciliret  ju^litiam 


et  immortalitatem) ,  et  nos  duo  mala 
(scilicet  iniquitatem  et  mortalitateni),  si 
utrumque  malum  nostrum  suscepisset, 
parnosterfuisset,  et  Uberatore  nobiscum 
opus  haberet  :  ut  ergo  esset  non  hoc 
quod  nos,  sed  prope  nos,  non  est  factus 
ille  peccator  ut  tu,  sed  factus  est  morta- 
lis  quod  tu  :  suscipiendo  pœnam,  et  non 
suscipiendo  culpam ,  et  culpam  delevit 
et  pœnam. 

Aug.  {de  Quœst.  Evang.,  lib.  ii,  qu. 
19.)  Alligatio  vulnerum  est  cohibilio 
peccatorum  ;  oleum  consolatio  spei  bonaa 
per  induliientiam  datam  ad  reconcilia- 
tionem  pacis;  vinum  exhortalio  ad  ope- 
randum  ferventissime  in  Spirilu.  Ambr. 
Vel  constringit  vulnera  nostra  austeriore 
praecepto  ;  sicut   oleo  fovet   remij.~ione 


550 


EXPLICATION  DE  l'ÉVANGILE 


nous  pénètre  de  la  crainte  de  ses  jugements. —  S.  Grég.  {Moral.  ^  xx,  8.) 
Ou  encore,  le  vin  figure  les  atteintes  secrètes  de  la  justice,  et  l'huile, 
la  douceur  de  la  miséricorde  ;  le  vin  baigne  les  plaies  corrompues,  et 
l'huile  adoucit  celles  qui  peuvent  être  guéries.  Il  faut  donc  faire  un 
mélange  de  la  douceur  avec  la  sévérité,  et  tempérer  l'une  par  l'autre, 
pour  ne  pas  donner  lieu  à  l'irritation  par  une  trop  grande  dureté ,  ou 
au  relâchement  par  une  trop  grande  cojidescendance.  ' —  Théophyl. 
Ou  bien  dans  un  autre  sens,  l'huile  figure  la  vie  humaine  du  Sauveur, 
et  le  vin,  qui  est  l'emblème  de  la  divinité  ,  figure  sa  vie  divine  ,  dont 
personne  ne  pourrait  soutenir  l'éclat,  si  elle  n'était  unie  à  l'huile, 
c'est-à-dire  à  la  vie  humaine;  aussi  le  voyons-nous  agir  tantôt  d'une 
manière  humaine,  tantôt  d'une  manière  toute  divine.  Il  verse  donc  de 
l'huile  et  du  vin,  parce  que  c'est  tout  à  la  fois  par  son  humanité  et 
par  sa  divinité  qu'il  nous  a  sauvés,  —  S.  Chrys.  {comme  précéd.)  Ou 
bien  encore,  il  a  versé  le  vin ,  c'est-à-dire  le  sang  de  sa  passion ,  et 
l'huile,  c'est-à-dire  l'onction  sainte ,  dans  le  dessein  que  le  pardon  de 
nos  fautes  nous  fut  donné  par  son  sang ,  et  la  sanctification  de  notre 
âme  par  l'onction  de  l'huile  sainte.  Ce  céleste  médecin  bande  nos 
plaies  ouvertes,  afin  qu'elles  puissent  retenir  le  remède  qu'il  leur 
applique ,  et  dont  l'heureuse  efficacité  doit  les  guérir  entièrement. 
Après  avoir  versé  sur  ses  plaies  de  l'huile  et  du  vin,  il  mit  cet  homme 
sur  son  cheval  .  «  Et  le  mettant  sur  sa  monture,  »  etc. 

S.  AuG.  {Quest.  évang.,  ii_,  19.)  Cette  monture  représente  la  chair 
dont  le  Fils  de  Dieu  s'est  revêtu  pour  venir  jusqu'à  nous.  On  est 
placé  sur  cette  monture  quand  on  croit  en  son  incarnation.  — 
S.  Ambr.  Ou  bien ,  il  nous  place  sur  sa  monture ,  en  portant  lui- 


peccati  ;  sicut  vino  compungit  denun- 
tiatione  judicii.  Greg.  (XX  Moral.,  cap. 
8.)  Vel  in  vino  morsum  districtionis 
adhibet  ;  in  oleo  moUitiem  pietatis  :  per 
vinum  ungantur  putrida;  per  oleuni 
sananda  foveantur.  Miscenda  est  ergo 
lenitas  cum  severitate,  et  faciendum  est 
quoddam  ox  utroque  temperamenlum, 
ut  neque  multa  asperitate  exulcereutur 
subditi,  neque  nimia  beuignitate  solvau- 
tur.  Théophyl.  Vel  aliter  :  quae  secuu- 
dum  hominem  est  couversatio,  oleuin 
est;  quae  vero  secundum  Deum  est, 
viuuni  est,  quod  Diviuitatem  significat  ; 
quam  nemo  meram  potuisset  sustinere 
nisi  oleum  adderetur,  id  est,  conversatio 
humana  :  unde  queedam  operatus  est 
huraane,  quaedam  divinitus.  Infudit 
ergo  oleum  et  vinum;  quia  nos  huiuaui- 


tate  et  Divinitate  salvabit.  Chrys.  (ut 
sup)  Vel  vinum  infudit  (id  est,  saugui- 
nem  passionis),  et  oleum  (id  est,  unctio- 
nem  chrisuiatis),  ut  indulgentia  daretur 
per  sanguiuem,  sanctificatio  couferretur 
per  chrismatis  uuctionem.  A  cœlesti 
medico  conscissa  loca  ligantur,  et  intra 
semelipsa  retinentia  medicinam ,  opé- 
rante medicamine,  pristinœ  sanitati  red- 
duntur.  Infaso  ergo  vino  et  oleo,  impo- 
suit  euin  super  jumeutum.  Unde  sequi- 
tur  :  «  Et  imponens  illuui  in  jumentum 
suum,  »  etc. 

AuG.  [de  Quœst.  Evong,,  lib.  ii ,  qu. 
19.)  Jumentum  ejus  est  caro,  in  qua  ad 
nos  venire  dignatus  est.  Imponi  jumento 
est  in  ipsam  incarnationem  Christi  cre- 
dere.  ^mbr.  Vel  jumento  imponit,  dum 
peccata  nostra  portât,  et  pro  uobis  dolel 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    X.  551 

même  nos  péchés  et  en  soufiFrant  pour  nous  {Isaïe,  lui)  (I).  L'homme, 
enefifet,  est  devenu  semblable  aux  animaux  (/^5.  xlviii)  ,  il  nous  a 
donc  placés  sur  sa  monture,  afin  que  nous  ne  soyons  pas  semblables 
au  cheval  et  au  mulet  (  Ps.  xxxi  ) ,  et  pour  détruire  l'infirmité  de 
notre  chair  en  se  revêtant  lui-même  de  notre  corps.  —  Théophyl. 
Ou  bien  encore  ,  il  nous  a  placés  sur  sa  monture,  c'est-à-dire  sur  son 
propre  corps  ;  car  son  incarnation  nous  a  rendus  ses  membres,  et  nous 
fait  entrer  en  participation  de  son  corps.  La  loi  n'admettait  pas  tous 
les  hommes  à  faire  partie  du  peuple  de  Dieu  :  «  Les  Moabites  et  les 
Ammonites,  est-il  écrit,  n'entreront  point  dans  l'Eglise  de  Dieu  » 
{Dent.,  xxiii);  mais  maintenant,  dans  toute  nation,  tout  homme  qui 
craint  Dieu,  qui  veut  embrasser  la  foi  et  faire  partie  de  l'Eglise,  est 
admis  dans  son  sein.  C'est  pourquoi  le  Sauveur  ajoute  que  le  samari- 
tain conduisit  cet  homme  dans  uue  hôtellerie. —  S.  Chrys.  {comme pré- 
céd.)  Cette  hôtellerie,  c'est  l'Eghse  qui  reçoit  tous  ceux  qui  viennent 
fatigués  des  voies  du  monde ,  et  accablés  sous  le  poids  de  leurs  pé- 
chés ;  c'est  là  qu'après  avoir  déposé  ce  fardeau ,  le  voyageur  harassé 
se  repose  et  reprend  de  nouvelles  forces  au  festin  salutaire  qui  lui  est 
préparé.  C'est  ce  qu'expriment  ces  paroles  :  «  Et  il  prit  soin  de  lui  ;  » 
car  tout  ce  qui  pouvait  lui  être  contraire  ,  nuisible  ou  mauvais ,  se 
trouve  en  dehors,  tandis  que  cette  hôtellerie  offre  un  repos  assuré  et 
une  sécurité  complète.  —  Bède.  Remarquez  que  le  Samaritain  met 
cet  homme  sur  sa  monture  avant  de  le  conduire  à  l'hôtellerie ,  parce 
que  personne  ne  peut  entrer  dans  l'EgUse ,  s'il  n'est  uni  tout  d'abord 
au  corps  de  Jésus-Christ  par  le  baptême  (2). 

(t)  Saint  Ambroise  cite  ici  le  prophète  Isaïe  d'après  la  version  des  Septante,  tandis  que  la  Vul- 
gate  traduit  ainsi  :  «  Il  a  vraiment  lui-même  porté  nos  langueurs,  il  s'est  chargé  de  nos  souf- 
frances. »  L'Eglise  fait  usage  de  ces  deux  versions  dans  l'office  de  la  Passion. 

(2)  Cette  doctrine  est  celle  de  saint  Paul  (1  Cor.,  xii,  lî,  13)  :  o  Et  comme  notre  corps  qui  n'est 
qu'un,  est  composé  de  plusieurs  membres,  et  que  ces  membres  du  corps  bien  que  nombreux,  ne 
sont  tous  néanmoins  qu'un  seul  corps,  il  en  est  de  même  de  Jésus-Christ.  Car  nous  avons  tous  été 
baptisés  dans  le  même  Esprit  pour  être  un  seul  corps.  » 


(Isai.,  53)  ;  homo  enim  jumento  similis 
factus  est  {PsalAS)  :  ideo  supra  jumen- 
lum  suuuï  nos  imposuit,  ne  nos  esseuius 
sicut  equiis  et  mulus  (Psal.  31),  ut  per 
nostri  corporis  assuniptionem,  inlirmita- 
tem  noslrœ  carnis  aboleret.  Théophyl. 
Vel  imposuit  iu  suum  juiuenUim,  id  est, 
in  corpus  suum  :  membra  nanique 
sua  nos  fecit,  et  participes  corporis  ejus. 
Et  lex  quideui  non  ouines  suscipiebat  : 
Moabitœ,  iuquit  {Veut.,  23),  et  Aniuio- 
nit£e  non  inlrabunt  iu  Ecclesiam  Dei  : 
nunc  vero  iu  omni  gente  qui  limet  Do- 
minum,  ab  eo  suscipitur,  volens  credere 
et  pars  Ecclesiœ  fieri.  Propter  hoc  dicit 


quod  duxit  eum  in  .stabulum.  Chrys. 
{ut  sup.)  Est  enim  stabulum  Ecclesia, 
quae  in  itinere  mundi  lassatos  etsarcinis 
delictorum  defessos  suscipit  venientes, 
ubi  deposito  ouere  peccatoruni ,  viator 
las-us  reiicitur,  et  refectus  salubri  pascuo 
reparatur.  Et  hoc  est  quod  dicitur  :  «  Et 
curam  illius  egit  :  »  totum  euiui  quic- 
quid  contrarium  noceus  et  uialum  est, 
foris  est;  quia  iutra  stabulum  requies 
omnis  salubritasque  inclusa  est.  BiiDA. 
Et  bene  jumento  impositum  duxit  iu 
stabulum;  quia  nemo  nisi  per  baptis- 
mum  corpori  Christi  adunatus  Ecclesiam 
iutrabit. 


î)82 


EXPLICATION  DE   l/ÉVANGILE 


S.  Ambr.  Mais  le  bon  Samaritain  ne  pouvait  rester  longtemps  sur 
la  terre,  et  il  lui  fallait  retourner  au  ciel  d'où  il  était  descendu  :  «  Le 
poursuivant,  il  tira  deux  deniers,  et  les  donna  à  l'hôte,  »  etc.  Quel  est 
cet  autre  jour,  si  ce  n'est  le  jour  de  la  résurrection  du  Seigneur,  dont 
il  est  dit  :  «  V^oici  le  jour  que  le  Seigneur  a  fait?  »  {Ps.  cxvii.)  Les 
deux  derniers  sont  les  deux  Testaments  qui  portent  tous  deux  gravée 
l'image  du  roi  éternel ,  et  par  le  mérite  desquels  nos  blessures  sont 
guéries.  —  S.  AuG.  {Qiiest.  évang.,  ii,  19.)  Ou  bien ,  ces  deux  de- 
niers sont  les  deux  préceptes  de  la  charité  que  les  Apôtres  ont  reçus 
de  l'Esprit  saint  pour  annoncer  l'Evangile  ;  ou  encore  ,  la  promesse 
de  la  vie  présente  et  celle  de  la  vie  future.  —  Orig.  {hom.  34  sur 
S.  Luc.)  Ou  bien  encore ,  ces  deux  deniers  représentent  la  connais- 
sance de  ce  mystère  par  lequel  le  Père  est  dans  le  Fils ,  et  le  Fils  dans 
le  Père,  connaissance  qui  est  donnée  comme  récompense  à  l'ange  de 
l'Eglise,  pour  qu'il  prodigue  tous  ses  soins  à  l'homme  qui  lui  est 
confié ,  et  dont  le  Sauveur  a  pris  soin  lui-même  pendant  la  courte 
durée  de  sa  vie  mortelle.  Il  promet  à  l'hôtelier  de  lui  rendre  aussitôt 
tout  ce  qu'il  aurait  dépensé  de  plus  pour  la  guérison  de  ce  pauvre 
blessé  :  «  Et  tout  ce  que  vous  dépenserez  de  plus ,  je  vous  le  rendrai  à 
mon  retour.  » 

S.  AuG.  {Qiiest.  évang. ,  ii,  19.)  Cet  hôtelier  représente  l'Apôtre 
qui  a  donné  en  plus  en  ajoutant  ce  conseil  :  «  Quant  aux  vierges,  je 
n'ai  pas  reçu  de  commandement  du  Seigneur ,  mais  voici  le  conseil 
que  je  donne  »  (i  Cor.,  vu,  25);  ou  bien  encore  en  travaillant  de  ses 
mains,  pour  n'être  à  charge  à  personne,  au  commencement  de  la  pré- 
dication de  l'Evangile  (I  Thessal.,  ii,  9),  quoique  cependant  il  lui  fût 
permis  de  vivre  de  l'Evangile  (I  Cor.,  ix.)  Les  Apôtres  eux-mêmes  ont 


Ambr.  Sed  quia  non  vacabat  Samari- 
tauo  huic  diu  in  terris  degere ,  redeun- 
dum  erat  unde  desceuderat.  Unde  se- 
quitur  :  «  Et  altéra  die ,  protulit  duos 
denarios,  »  etc.  Quis  est  iste  aller  dies, 
nisi  forte  ille  dominicœ  resurrectionis, 
de  quo  diclum  est  {Ps.  117;  :  «  Heecdies 
quam  fecit  Dominus  ?  »  Duo  autem 
denarii  sunt  duo  Testamenta,  qute  ima- 
ginem  in  se  habent  œterui  Régis  expres- 
sam;  quorum  prelio  vulnera  nostra 
curantur.  Aug.  {de  Quxst.  Evang.,  lib. 
II ,  qu.  19.)  Vel  duo  denarii  suut  duo 
preecepta  charitatis,  quam  per  Spiritum 
Sauctum  acceperunt  apostoli  ad  evange- 
lizanduni  caeteris  ;  vel  promissio  vitse 
prsesentis  et  futurœ.  Orig.  {in  Lncam, 
hom.  34.)  Yeldiio  denarii  videntur  mihi 
esse  scientla  sacramenti,  quomodo  Pater 


in  Filio,  et  Filius  in  Pâtre,  sit,  qua  velut 
mercede  donatur  Ecc.lesiaj  angélus  ,  ut 
diligeutius  curet  hominem  sibi  commen- 
datum ,  quem  pro  augustia  temporis 
etiam  ipse  curaverat.  Et  promittitur  ei 
quicquid  de  suo  in  uiedelam  seminecis 
expenderet,  illico  esse  reddendum.  Unde 
sequitur  :  «  Et  quodcunque  supereroga- 
veris,  ego  cum  rediero  ,  reddam  tibi.  » 
Aug.  {de  Quœs.  Evang.,  ubi  sup.) 
Stabulurius  fuit  apostolus,  qui  supere- 
rogavit ,  aut  illud  consilium  quod  ait 
(I  Cor.,  VII,  25):  «  De  virginibus  autem  prœ- 
ceptum  Domini  non  habeo,  consilium  au- 
tem do  ;  »  aut  quod  etiam  manibus  suis 
operatus  est,  ne  infirmiorem  aliquem 
in  novitate  Evangelii  gravaret  (I  ad 
Thessal.,  2),  cum  ei  liceret  ex  Ëvange- 
lio  pasci,  (I  ad  Cor,,  9.)  Multum  etiam 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.    X.  553 

aussi  donné  en  plus,  ainsi  que  les  docteurs  venus  dans  la  suite  des 
temps,  et  qui  recevront  la  récompense  qui  leur  est  due  pour  avoir 
expliqué  l'Ancien  et  le  Nouveau  Testament.  —  S.  Ambr.  Heureux 
donc  cet  hôtelier  qui  peut  panser  et  guérir  les  blessures  de  son 
frère;  heureux  celui  qui  entend  ces  paroles  sortir  de  la  bouche  de 
Jésus  :  «  Et  tout  ce  que  vous  dépenserez  en  plus,  je  vous  le  rendrai 
à  mon  retour.  »  Mais  quand  reviendrez- vous,  Seigneur,  si  ce  n'est 
au  jour  du  jugement?  Car,  bien  que  vous  soyez  partout  et  que  vous 
habitiez  au  milieu  de  nous,  sans  que  nos  yeux  puissent  vous  aper- 
cevoir, il  viendra  cependant  un  temps  où  toute  chair  vous  verra  re- 
venir sur  la  terre.  Vous  rendrez  alors  ce  que  vous  devez  aux  bien- 
heureux, puisque  vous  avez  voulu  être  leur  débiteur.  Puissions-nous 
être  nous-mêmes  de  bons  débiteurs,  et  rendre  fidèlement  ce  que  nous 
avons  reçu. 

S.  Cyr.  Après  ce  récit,  Notre- Sei-gneur  peut  maintenant  faire  au 
docteur  de  la  loi  cette  question  •  «  Lequel  de  ces  trois  vous  semble 
avoir  été  le  prochain  de  l'homme  qui  tomba  entre  les  mains  des  vo- 
leurs ?  »  [Le  docteur  répondit  :  «  Celui  qui  a  pratiqué  la  miséricorde 
envers  lui.  »  Ce  n'est,  en  effet,  ni  le  prêtre  ni  le  lévite  qui  sont  le  pro- 
chain de  ce  pauvre  blessé,  mais  celui  qui  a  eu  compassion  de  lui. 
Ainsi  la  dignité  sacerdotale ,  la  science  de  la  loi  sont  complètement 
inutiles,  si  elles  ne  sont  comme  relevées  et  consacrées  par  la  pratique 
des  bonnes  œuvres.  Aussi  le  Sauveur  ajoute-t-il  :  «  Allez  et  faites  de 
même.  »  —  S.  Chrys.  {hom.  10  sur  l'Ep.  aux  Hébr.)  C'est-à-dire  : 
Si  vous  voyez  quelqu'un  dans  le  malheur,  ne  dites  pas  c'est  un  scélé- 
rat, mais  qu'il  soit  gentil  ou  juif,  dès  lors  qu'il  a  besoin  de  secours, 
n'en  faites  pas  un  objet  de  railleries  ;  quel  que  soit  son  malheur ,  il  a 


supererogaverunt  apostoli  :  sed  et  pro 
tempore  doctores,  qui  Yetus  et  Novum 
Testamenluni  exposuere,  supererogave- 
runt ;  pro  quibus  retributiouem  acci- 
pienl.  Ambr.  Beatus  ergo  ille  stabularius, 
qui  alterius  vulnera  curare  potest.  Beatus 
ille  oui  dicit  Jésus  :  «  Quodcunquc  supe- 
rerogaveris ,  reverteus  reddam  tibi.  » 
Sed  quando  reverleris ,  Domine ,  uisi 
judicii  die  ?  Nain  licet  ubique  sis  semper, 
et  stans  in  uiedio  nostruni  non  ceruaris 
a  nobis,  eril  tamen  tempus  quo  universa 
caro  te  respiclet  reverlenteni.  Reddes 
ergo  quod  debes  beatis,  quibus  es  débi- 
ter. Utinaui  nos  simus  idonei  debitores; 
ut  quod  accepimus ,  possimus  exsol- 
vere. 
Cyril,  {in  rat.  Grnecorum  Patrnm.) 


His  ergo  praemissis,  opportune  jam  Do 
minus  legisperitum  interrogat,  subdens  : 
«Quishorum  trium  tibi  videtur  proxi- 
mus  fuisse  illi  qui  incidit  in  latrones  ?  » 
At  ille  dixit  :  «  Qui  fecit  misericordiam 
in  illum.  »  Neque  enim  sacerdos  ueque 
levita  factus  fuit  proxinius  patientis,  sed 
ille  qui  est  ejus  niisertus.  Inutilis  est 
enim  sacerdotii  dignitas,  et  legis  scien- 
tia ,  nisi  per  bona  opéra  contirmetur. 
Unde  sequitur  :  «  Et  ait  illi  Jésus  :  Vade, 
et  lu  fac  siuiiliter,  »  etc.  Chrys.  {in 
cdflem  Cut.  Graca  ex  homiliis  ad  He- 
brœos,  hom.  tO.)  Quasi  dicat  :  Si  quera 
vides  oppressum  ,  non  dicas  :  «  Utique, 
nequam  est,  »  sed  sive  gentilis  sit,  sive 
Judœus,  et  ope  indigeat,  non  cavilleris  ; 
jus  habet  ad  auxilium,  quœcunque  mala 


554 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


droit  à  être  secouru.  —  S.  Aug.  {de  la  doct.  chrét.)  Nous  devons 
apprendre  de  là  que  notre  prochain  est  celui  envers  lequel  nous  de- 
vons exercer  la  miséricorde,  si  son  état  la  réclame  ;  ou  celui  à  l'égard 
duquel  nous  en  serions  redevable,  s'il  en  avait  besoin.  Il  suit  de  là,  que 
celui  qui  doit  à  son  tour  nous  prêter  assistance  au  besoin ,  est  aussi 
notre  prochain  ;  car  le  nom  de  prochain  suppose  une  relation,  et  nous 
ne  pouvons  être  le  prochain  d'un  homme ,  sans  que  lui-même  ne  de- 
vienne notre  prochain.  Or,  nul  n'est  excepté  de  ce  grand  devoir  de  la 
miséricorde  ;  au  témoignage  de  Notre- Seigneur,  qui  nous  recommande 
de  faire  du  bien  à  ceux-là  mêmes  qui  nous  haïssent  {Matth.,  v)  ; 
«  Faites  du  bien  à  ceux  qui  vous  haïssent.  »  Il  est  donc  évident  que  ce 
commandement  qui  nous  est  fait  d'aimer  le  prochain ,  embrasse  les 
saints  anges  eux-mêmes,  qui  exercent  à  notre  égard  tant  d'œuvres  de 
miséricorde.  Que  dis-je  ?  Notrc-Seigneur  a  voulu  lui-même  être  appelé 
notre  prochain,  en  nous  faisant  entendre  que  c'est  lui-même  qui  est 
venu  au  secours  de  cet  homme,  laissé  à  demi-mort  dans  le  chemin. — 
S.  Ambr.  Ce  ne  sont  donc  point  les  liens  du  sang^  mais  la  miséricorde 
qui  rend  un  homme  notre  prochain ,  parce  que  la  miséricorde  est  un 
sentiment  que  la  nature  inspire  ;  en  effet ,  quoi  de  plus  conforme  à  la 
nature,  que  de  secourir  ceux  qui  ont  avec  nous  une  même  nature  ? 

%  38-42.  —  Or,  il  arriva  que  pendant  qu'ils  étaient  en  chemin;  Jésus  entra 
dans  un  village,  et  une  femme,  nommée  Marthe,  le  reçut  dans  sa  maison.  Et 
celle-ci  avait  une  sœur  nommée  Marie,  laquelle,  assise  aux  pieds  du  Seigneur, 
écoutait  sa  parole.  Cependant  Marthe  s'occupait  avec  empressement  des  soins 
nombreux  du  service;  et  s'arrêtant  devant  Jésus,  elle  lui  dit  ;  Seigneur,  ne 
voyez-vous  pas  que  ma  sœur  me  laisse  servir  toute  seule?  dites-lui  do)ic  qu'elle 
m'aide.  Le  Seigneur  lui  répondit  :  Marthe,  Marthe,  vous  vous  inquiétez,  et 


fuerit  passas.  Aug.  (de  Doct.  christ., 
lib.  I,  cap.  30.)  Ex  hoc  intelligimus  eum 
esse  proximmn,  cui  vel  exhibendum 
est  officium  misericordiae  si  indiget,  vel 
exhibendum  esset  si  indigeret.  Hx  quo 
jam  cousequens  est,  ut  etiam  illc  a  quo 
nobis  vicissim  exhibendum  est ,  proxi- 
mus  noster  sit  :  proximi  euim  nomen 
ad  ahquid  est,  nec  quisquam  esse  proxi- 
mus  nisi  proximo  potest.  Nulkim  autem 
exceptum  esse  cui  raisericordife  deuege- 
tur officium,  quis  non  videal?  Diceute  Uo- 
mino  (Matth.,  5)  :  «  Beuefacite  bis  qui 
vos  oderunt  :  »  unde  manifestum  est  hoc 
praecepto  quo  jubemur  diligere  proxi- 
mum ,  etiam  sauctos  augelos  contiueri, 
a  quibus  tanta  nobis  misericordiae  impen- 
duntur  officia  :  ex  quo  et  ipse  Domiuus 


proximum  nostrum  se  dici  voluit,  signi- 
ficans  se  opitulatum  esse  semivivo  ja- 
centi  in  via.  Ambr.  Non  enim  cognatio 
facit  proximum,  sed  misericordia;  quia 
misericordia  est  secundum  naturam  : 
nihil  enim  tam  secundum  naturam 
quam  juvare  consortem  naturœ. 

Factum  est  autem  dum  irent,  et  ipse  intravit  in 
qxtoddam  castellum  ,  et  mulier  quœdam  Mar- 
tha  nontine,  excepit  illum  in  domum  suam  :  et 
huic  erat  soror  nomine  Maria  :  quœ  etiam  se- 
deiis  secus  pedes  Domini,  audiebat  verbum  il- 
lius.  Martha  autem  satagebat  circa  frequens 
ministerium.  Quœ  stetit ,  et  ait  :  Domine,  non 
est  tibi  curœ  quod  soror  mea  reliquit  me  solam 
ministrare  ?  Die  ergo  illi  ut  me  adjuvet.  Et 
respondens  dixit  illi  Dominus  :  Martha,  Mar- 
tha,  sollicita  es  et  turbaris  erga  plurima. 


DE   SAINT   LUC,   CHAP.    X. 


555 


VOUS  vous  troublez  de  beaucoup  de  choses.  Or,  une  seule  chose  est  nécessaire. 
Marie  a  choisi  la  meilleure  part  qui  ne  lui  sera  point  ôtée. 

BEDE.  Le  Sauveur  nous  a  enseigné  précédemment  l'amour  de  Dieu 
et  du  prochain  en  discours  et  en  paraboles,  il  nous  l'enseigne  mainte- 
nant par  des  actions  et  en  vérité  :  «  Or ,  il  arriva  que  pendant  qu'ils 
étaient  en  chemin  ,  Jésus  entra  dans  un  village.  »  —  Orig.  Saint  Luc 
ne  dit  point  le  nom  de  ce  village  ,  mais  saint  .lean  nous  le  fait  con- 
naître en  l'appelant  Béthanie.  (chap.  xi.)  (1)  —  S.  AuG.  {Serrn.  xx,  sur 
les  paroi,  du  Seig.)  Or  ,  le  Seigneur  qui  est  venu  chez  lui ,  sans  que 
les  siens  aient  voulu  le  recevoir  {Jean,  i),  a  été  re(^u  ici  comme 
étranger  :  «  Et  une  femme  nommée  Marthe  le  reçut  dans  sa  maison,  o 
Elle  le  reçut  comme  on  reçoit  les  voyageurs,  et  cependant  la  servante 
reçut  son  Seigneur ,  celle  qui  était  malade  reçut  sou  Sauveur ,  la 
créature  reçut  son  Créateur.  Ne  dites  pas  :  Heureux  ceux  qui  ont  mé- 
rité de  recevoir  Jésus-Christ  dans  leur  maison ,  n'enviez  pas  leur 
bonheur  ,  car  Notre-Seigneur  à  dit  :  «  Tout  ce  que  vous  faites  pour 
l'un  de  ces  petits,  c'est  à  moi  que  vous  le  faites,  »  {Matth.,  xxv.)  Eu 
prenant  la  forme  de  serviteur,  il  a  voulu  être  nourri  par  des  serviteurs 
par  condescendance  et  non  par  une  nécessité  de  sa  condition.  Il  était 
revêtu  d'une  chair  soumise  à  la  faim  et  à  la  soif,  mais  lorsqu'il  eut 
faim  dans  le  désert,  les  anges  vinrent  le  servir.  {Matth.,  iv.)  Si  donc 
il  consent  à  être  nourri ,  c'est  une  grâce  qu'il  accorde  à  la  personne 
qui  le  reçoit.  Marthe  faisait  donc  toute  sorte  de  préparatifs  pour  rece- 
voir dignement  Notre-Seigneur  ,  et  s'occupait  activement  du  service  ; 
au  contraire  Marie,  sa  sœur,  préférait  être  nourrie  intérieurement  par 

(1)  Ce  fut  dans  une  circonstance  différente  de  celle-ci,  lorsque  l'Evangéliste  raconte  la  maladie 
de  Lazare,  sa  mort  et  sa  résurrection. 


Porro  unum  est  necessarium  :  Maria  optimam 
partem  elegit,  qiiœ  non  auferetur  ab  ea. 

Bed.  Dilectio  Dei  et  proximi,  quae  su- 
perius  verbis  et  parabolis  continebatur, 
hic  ipsis  rébus  et  veritute  dosignatur  : 
dicilur  eniin  :  «  Faclum  est  aiiteiu  dura 
irenl,  et  ipse  intravit  in  quoddara  castel- 
lura.»  Orig.  {in  Cut.  Grœcorum  Potrum.) 
Cujus  quidem  nomea  Lucas  hic  tacet, 
sed  Joannes  expriniit  (cap.  Il),  vocaus 
ipsum  BetJwnium.  Ai:g.  {de  Verb. 
Loin.,  serm.  20  )  Sed  Doniinus ,  qui  in 
sua  propria  venit,  et  su!  eum  non  susce- 
perunt  {Jean.,  1),  susceplus  est  tauquam 
hospes  :  sequitur  euim  :  «  Et  niulier 
quaedam,  Martha  nouiine,  suscepit  illum 
in  domum  suaui ,  »   etc.   Sicut  soient 


suscipi  peregrini;  sed  tamen  suscepit 
famula  Dominum ,  aegra  Salvatorem, 
creatura  Creatorem.  Ne  quis  aulem 
dicat  :  «  0  beati  qui  Chrislum  suscipere 
in  domum  propriam  meruerunt,  »  noli 
dolere,  cum  inquit  {Matth.,  25)  :  «  Quod 
enim  uni  ex  uiinimis  meis  fecistis  ,  mihi 
fecistis.  »  Accepta  autem  forma  servi,  in 
illa  pasci  a  servis  voluit;  dignatione, 
non  conditione.  Habebat  carnera,  in  qua 
quidem  esuriret  et  sitiret  ;  sed  in  erenio 
esurienfi  augeli  ministrabant.  {Matth., 
4.)  Ergo  quod  pasci  voluit,  pascenti 
praiStitit.Marthaigitur  Dominum  pascere 
disponens  et  prœparans  ,  circa  ministe- 
rium  occupabatur  :  Maria  vero ,  soror 
ejus,  pasci  magis  elegit  a  Domino.  Se- 


556 


EXPLICATION  DE   l'ÉVANGILE 


le  Sauveur  :  «  Elle  avait  une  sœur,  nommée  Marie,  laquelle,  assise  aux 
pieds  du  Seigneur,  écoutait  sa  parole.  » 

S.  Chrys.  L'Evangéliste  ne  dit  pas  seulement  de  Marie  qu'elle  était 
assise  près  de  Jésus,  mais  «  qu'elle  était  assise  à  ses  pieds,  »  afin  de 
mieux  exprimer  sou  zèle,  son  empressement,  son  attention,  pour  re- 
cueillir les  paroles  de  Jésus,  et  le  profond  respect  qu'elle  avait  pour  le 
Seigneur.  —  S.  Aug.  {Serm.  xxvii,  sur  les  paroi,  du  Seig.)  Mais  plus 
elle  s'humiliait  aux  pieds  du  Sauveur,  plus  elle  recueillait  abondam- 
ment ses  divines  paroles ,  car  l'eau  descend  eu  abondance  dans  les 
profondeurs  des  vallées,  tandis  qu'elle  découle  du  sommet  des  collines 
qui  ne  peuvent  la  retenir. 

S.  Bas.  {Const.  monast.,  cbap.  1.)  Toutes  les  actions,  toutes  les  pa- 
roles du  Sauveur  sont  pour  nous  autant  de  règles  de  piété  et  de  vertu, 
car  il  s'est  revêtu  de  notre  corps  pour  que  nous  puissions  imiter  les 
exemples  de  sa  vie  selon  la  mesure  de  nos  forces.  —  S.  Cyr.  Il  apprend 
donc  à  ses  disciples  par  son  exemple  la  conduite  qu'ils  doivent  tenir 
lorsqu'ils  sont  reçus  dans  quelque  maison  ;  ils  doivent  eu  y  entrant, 
ne  pas  goûter  exclusivement  les  douceurs  du  repos,  mais  remplir  de 
la  sainte  et  divine  doctrine  l'âme  de  ceux  qui  les  reçoivent.  Quant  à 
ceux  qui  leur  donnent  l'hospitalité ,  ils  doivent  l'exercer  avec  joie  et 
empressement  pour  deux  motifs,  ils  trouveront  d'abord  un  sujet 
d'édification  dans  la  doctrine  de  ceux  qu'ils  reçoivent,  et  recevront  à 
leur  tour  la  récompense  de  leur  charité  :  «  Or,  Marthe  s'occupait  avec 
empressement,  »  etc.  —  S.  Aug.  {serm.  xxvii,  sur  les  paroi,  du  Seig.) 
Marthe  s'occupait  avec  raison  de  pourvoir  aux  nécessités  corporelles,  et 
aux  désirs  de  la  nature  humaine  du  Seigneur  ;  mais  celui  qu'elle 
voyait  revêtu  d'une  chair  mortelle ,  «  dès  le  commencement  était  le 


quitur  enim  :  «  Et  hiiic  erat  soror  no- 
mine  Maria,  quse  etiam  sedens  secus 
pedes  Domini,  audiebat  verbum  illius.  » 

Chrys.  {in  Cat.  Grceconim  Patrum.) 
Non  simpliciter  diciturde  Maria  quod  se- 
deret  prope  Jesum,  sed,  secîwyjcc/ei  i7//«s, 
utostendat  diligentiam,  assiduitatem,  et 
solertiam  erga  auditiouem  ;  et  miiltam 
reverentiam  quam  habebat  ad  Dominum. 
Aug.  [de  Verb.  Dom..  serm.  27.)  Quantt» 
autem  humiliiis  ad  pedes  sedebat,  tanto 
amplius  capiebat  :  coutluit  enim  aipa  ad 
humilitatem  convallis,  denatat  de  tumo- 
ribus  collis. 

Basil.  [Constit.  monast.,  cap.  1.)  Om- 
nis  autem  operatio  et  verbum  Salvatoris 
régula  est  pietatis  et  virtutis.  Ob  hoc 
enim  induit  corpus  nostrum,  ut  nos  con- 


versationem  illius  imitemur  pro  posse. 
Cyril,  (m  Cat.  Gnjecorum  Patrum.) 
Exemplo  igitur  suo  docet  discipulos  qua- 
liter  se  gerere  debeant  in  domibus  eo- 
rum  qui  eos  suscipiuul;  ut  scilicet  appli- 
cantes  ad  domum,  non  resupini  quies- 
cant,  sed  potius  repleant  suscipientes 
sacris  et  diviuis  doctrinis  :  lii  vero  qui 
doamm  parant,  exeant  obviam  hilariter 
et  ferventer  duabus  de  causis  :  primo 
quidem  sedificabuntur  iu  doctrinis  eo- 
rum,  quos  suscipiuut;  deinde  et  réci- 
pient charitatis  mercedem  :  unde  et  hic 
sequitur  :  «  Martha  autem  satagebat,»  etc. 
Aug.  [de  Verb.  Dom.,  serm.  27).  Beue 
Martha  circa  corporalem  Domini  neces- 
sitatem  vel  voluntatem  ministrabat  quasi 
mortali  :  sed  qui  erat  in  carne  mortali, 


DE  SAINT   LUC,    CHAP.    X.  557 

Verbe.  »  C'est  ce  Verbe  que  Marie  écoutait.  Ce  Verbe  s'est  fait  chair, 
c'est  celui  que  Marthe  servait.  L'une  travaillait ,  l'autre  contemplait. 
Cependant  Marthe,  accablée  de  ce  travail  et  de  tout  le  soin  du  service, 
s'adresse  au  Seigneur,  et  se  plaint  de  sa  sœur  :  «  Seigneur,  souffrirez- 
vous  que  ma  sœur  me  laisse  servir  seule?  »  etc.  Marie  ,  en  effet,  était 
tout  absorbée  de  la  douceur  de  la  parole  du  Seigneur,  Marthe  préparait 
un  festin  au  Sauveur,  qui  lui-même  servait  alors  à  Marie  un  festin  bien 
plus  délicieux.  Or ,  comment  n'aurait-elle  pas  craint  que  le  Seigneur 
pressé  par  sa  sœur,  vînt  à  lui  dire  :  «  Levez-vous,  et  venez  en  aide  àvotre 
sœur,  »  alors  qu'elle  goûtait  avec  suavité  les  douces  paroles  du  Sau- 
veur, et  que  son  cœur  était  plongé  tout  entier  dans  cette  divine  nour- 
riture? Elle  était  absorbée  dans  d'ineffables  délices,  bien  supérieures 
à  toutes  les  délices  corporelles.  Elle  accepte  donc  ce  reproche  d'oi- 
siveté,  et  confie  sa  cause  à  son  juge,  sans  se  mettre  en  peine  de 
répondre  ,  dans  la  crainte  que  le  soin  même  de  répondre  ne  vînt  à  la 
distraire  de  l'attention  qu'elle  donne  aux  paroles  du  Seigneur.  Le  Sei- 
gneur répondit  donc  pour  elle,  lui  pour  qui  la  parole  n'est  pas  un  travail, 
parce  qu'il  est  le  Verbe  :  «  Le  Seigneur  lui  répondit  :  Marthe,  Marthe, 
vous  vous  inquiétez,  »  etc.  Cette  répétition  du  nom  de  Marthe,  est  un 
signe  de  l'affection  du  Sauveur  pour  elle ,  ou  un  moyen  de  la  rendre 
plus  attentive  à  la  leçon  qu'il  va  lui  donner.  Après  l'avoir  ainsi  appelée 
deux  fois ,  il  lui  dit  :  «  Vous  vous  inquiétez  de  beaucoup  de  choses ,  » 
c'est-à-dire  vous  êtes  occupée  de  beaucoup  de  choses.  En  effet,  quand 
l'homme  se  charge  de  servir ,  il  veut  suffire  à  tout ,  et  il  ne  peut  y 
réussir;  il  cherche  ce  qui  lui  manque,  il  prépare  ce  qu'il  a  sous  la 
main ,  et  son  esprit  est  dans  le  trouble  et  l'agitation.  Ainsi  Marthe 
n'eût  point  demandé  que  sa  sœur  vînt  l'aider  ,  si  elle  avait  pu  seule 


«  in  principio  erat  Verbum.»  Ecce  quod 
Maria  audiebat  :  «  Verbum  caro  factum 
est;  »  ecce  cui  Martha  ministrabat  :  la- 
borabat  isla,  vacabat  illa  :  verumtanien 
Marlha  laborans  luultuiii  in  illa  occnpa- 
tione  etuegotio  miuislrandi  inlcrpellavil 
Doiiiimmi,  et  de  sororo  conqnesta  est  : 
scquilur  enim  :  «  Et  ait  Domine,  non 
est  tibi  curai  quod  soror  mea  reliquit 
me  solam  ministrare?  »  etc.  Erat  enim 
Maria  intenta  dulcedini  verbi  Uomini  : 
a  Martha  convivium  Domino  parabalur, 
ciijus  in  convivio  Maria  jani  jufuudaba- 
lur.  Cum  crgo  suaviler  audiret  verbum 
dulcissimum,  et  corde  intenlissimo  pas- 
ceretur,  interpellato  Domino  a  sorore 
sua,  quomodo  putamus  cam  timuisse, 
ue  (liceret  ei  Domiuus  :  «  Surge,  et  ad- 
juva  sororem  tuam?  »  Mira  cniui  sua- 


vitate  tenebatur^  quœ  profecto  major 
est  mentis  quam  ventris  :  sed  causam 
suani  tanquam  otiosa  judici  nialuit  coni- 
mittere,  nec  in  respondendo  volait  la- 
borare  ;  si  enim  pararot  respondendi 
sermoncm,  remitteret  audiendi  intcntio- 
nem.  Respondit  orgo  Dominas,  qui  in 
verbo  non  laborat,  quia  Verbum  erat  : 
sequitur  enim  :  «  Et  rpspondens ,  dixit 
illi  Dominus  :  Marlha,  Martha,  »  etc. 
.Uepelitio  nominis  indicium  est  dilectio- 
nis;  aut  forte  movendœ  iutentionis,  ut 
audiat  attentiiis.  Bis  vocata  audit  :  «  Tur- 
baris  erga  plurima,  id  est,  circa  mulla 
es  occupata;  »  vult  enim  bomo  occur- 
rere  quando  ministrat,  et  aliquando  non 
potest;  quseritur  quod  deest,  paratur 
i|uod  adest,  distendilur  animus.  Nam  si 
Martha    sufficeret,    adjutorium    sororis 


558 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


suffire  au  travail.  Elle  s'inquiète  de  beaucoup  de  choses,  ses  inquié- 
tudes, ses  préoccupations  sont  nombreuses,  elles  sont  de  diverses 
sortes,  parce  qu'elles  ont  pour  objet  les  choses  de  la  terre  et  du 
temps.  Or,  à  toutes  ces  choses,  Notre-Seigneur  en  préfère  une  seule; 
car  ce  ne  sont  pas  toutes  ces  choses  qui  en  ont  produit  une  seule, 
mais  elles  sont  elles-mêmes  sorties  d'un  seul  principe  (1).  Aussi  écoutez 
la  parole  du  Sauveur  :  «  Or,  une  seule  chose  est  nécessaire.  »  Marie  a 
voulu  n'être  occupée  que  d'une  seule  chose ,  selon  cette  parole  du 
Psalmiste  :  «  Il  est  bon  pour  moi  de  m'attacher  à  Dieu.  »  {Ps.  lxxii.) 
Le  Père,  le  Fils,  le  Saint-Esprit,  ne  font  qu'une  seule  et  même  chose  ; 
et  nous  ne  pouvons  parvenir  à  cette  seule  chose ,  qu'autant  que  nous 
avons  tous  un  même  cœur.  (Actes.,  iv.)  —  S.  Cyr.  On  peut  encore 
donner  cette  explication  :  Lorsque  quelques-uns  de  nos  frères  reçoi- 
vent Dieu  dans  leur  demeure,  qu'ils  ne  poussent  pas  la  préoccupation 
à  l'excès,  qu'ils  n'exigent  pas  tout  ce  qui  est  à  leur  disposition  ,  mais 
n'est  pas  nécessaire  ;  car  en  toutes  choses,  la  trop  grande  abondance 
est  un  embarras,  c'est  une  cause  d'ennui  pour  ceux  qui  la  recherchent, 
et  elle  donne  à  penser  aux  convives  qu'ils  sont  pour  les  autres  une 
occasion  de  préoccupation  et  de  fatigue. 

S.  Bas.  {Régi,  développ.,  quest.  d  9.)  N'est-il  pas  absurde  de  prendre 
des  aliments  pour  soutenir  notre  corps  ,  et  de  faire  de  ces  aliments 
une  cause  d'appesantissement  pour  le  corps ,  et  un  obstacle  à  l'ac- 
complissement des  commandements  de  Dieu  ?  (  Quest.  20.  )  Si  donc  il 
survient  un  pauvre^  donnons-lui  la  règle  et  l'exemple  de  la  modéra- 
tion dans  l'usage  des  aliments;  ne  donnons  jamais  de  festin  pour 
flatter  le  goût  de  ceux  qui  aiment  le  luxe ,  et  les  désirs  de  la  table. 

(1)  «  Que  de  choses  ont  été  créées,  poursuit  saint  Augustin,  et  c'est  un  seul  qui  les  a  tirées  du 
néant.  Voyez  le  ciel,  la  terre,  la  mer  et  tout  ce  qu'ils  renferment,  que  d'êtres  nombreux  et  variés? 
qui  pourrait  les  énumérer  ?  qui  pourrait  même  les  embrasser  par  la  pensée  ?  Or,  qui  les  a  faits  ? 
Dieu  seul.  » 


non  posceret  :  multa  sunt,  diversa  suât, 
quia  carnalia  sunt,  quia  temporalia  sunt. 
Prœponitur  autem  unum  multis  :  non 
enim  a  multis  unum,  sed  multa  ab  uno. 
Uude  sequitur  :  «  Porro  unum  est  ne- 
cessarium.  »  Circa  unum  se  voluit  occu- 
pari,  secundum  illud  [Psal.  72,  vers. 
28)  :  «  Milii  adhœrere  Deo  bouum  est.  » 
Unum  sunt  Pater,  et  Filius,  et  Spiritus 
sanctus  :  ad  hoc  unum  non  nos  perdu- 
cit,  nisi  multi  liabeamus  cor  unum. 
{Act.,  4.)  Cyril.  {uM  supra.)  Vel  aliter  : 
cum  susceperint  aliqui  fratres  Deum, 
non  solliciteutur  erga  multum  officium, 
nec  poscant  quae  prae  manibus  sunt,  et 


opus  exuperant;  gravât  enim  passim  in 
qualibet  re  quod  superfluit  :  générât 
enim  tœdiuni  volentibus  conferre;  con- 
vivis  autem  videtur,  quod  sunt  aliis 
causa  laboris. 

Basil,  {in  Regtdis  fushis  disputatis 
ad  interrofjat.,  19.)  Absurdum  etiam  est 
cibos  ad  sustentaliouem  corporis  su- 
mere,  ac  per  eos  ilerum  officere  cor- 
pori,  et  impedire  ipsum  erga  maudato- 
rum  divinorum  officium.  {Et  ad  inter- 
rogat.,  20.)  Si  ergo  adveniat  aliquis 
pauperum ,  sumat  formam  et  exemplar 
modestiae  ciborum;  nec  causa  vivere 
volentium  in  deliciis  uiensam  propriam 


DE   SAINT   LUC,    CHAP.    X.  559 

La  vie  d'un  chrétien  doit  être  uniforme  ,  puisqu'elle  tend  à  un  même 
but,  la  gloire  de  Dieu.  Au  contraire  la  vie  des  mondains  prend  mille 
formes  diverses  ,  et  ils  la  varient  sans  cesse  au  gré  de  leurs  caprices.  ' 
Mais  pourquoi  donc  vous,  qui  chargez  votre  table  de  mets  abondants 
et  recherchés  pour  le  plaisir  de  votre  frère ,  l'accusez-vous  de  sensua- 
lité ,  et  lui  faites-vous  le  reproche  honteux  de  gourmandise ,  en  le 
condamnant  de  savourer  avec  délices  les  mets  que  vous  lui  préparez  ? 
Nous  ne  voyons  pas  que  le  Seigneur  ait  loué  Marthe  de  s'être  livrée 
tout  entière  aux  soins  multipliés  du  service. 

S.  AuG.  {Serm.  xxvii,  sur  les  paroi.  diiSeig.)  Quoi  donc,  devrons- 
nous  penser  que  Notre- Seigneur  blâme  ici  l'empressement  de  Marthe, 
tout  occupée  des  devoirs  de  l'hospitalité ,  et  heureuse  de  recevoir  un 
hôte  comme  le  Sauveur?  S'il  en  est  ainsi,  cessons  de  servir  les  pauvres, 
livrons-nous  au  ministère  de  la  parole ,  que  la  science  du  salut  soit 
notre  unique  objet,  ne  nous  inquiétons  nullement  s'il  y  a  quelqu'é- 
tranger  parmi  nous,  si  quelqu'un  manque  de  pain  ;  laissons  toutes  les 
œuvres  de  miséricorde ,  pour  ne  nous  occuper  que  de  la  science.  — 
Théophyl.  Notre-Seigneur  ne  nous  défend  donc  point  de  remplir  les 
devoirs  de  l'hospitalité,  mais  la  préoccupation  excessive,  la  dissipation 
et  le  trouble.  Remarquez  d'ailleurs  la  prudence  du  Sauveur,  il  n'avait 
d'abord  rien  dit  à  Marthe ,  ce  n'est  que  lorsqu'elle  veut  détourner  sa 
sœur  d'écouter  la  parole  du  divin  Maître,  qu'il  prend  occasion  de  là, 
pour  lui  faire  un  reproche.  L'hospitalité  est  donc  honorable ,  tant 
qu'elle  ne  nous  entraîne  qu'aux  choses  nécessaires ,  mais  dès  lors 
qu'elle  nous  détourne  de  devoirs  plus  importants  ,  il  est  évident  que 
l'attention  aux  enseignements  divins  est  bien  préférable. 

S.  AuG.  {Serm.,  xxvi  et  xxvii.)  Notre-Seigneur  ne  blâme  donc  pas 


praeparemus  :  uniforniis  enim  est  Chri- 
stiani  vita  ad  imam  tendens  intentiouem, 
scilicet  ad  gloriaui  Dci  :  multiforiuis  vero 
et  varia  vita  eorum  qui  defuris  suut,  pro 
libitu  variata.  Tu  vci'o  cur  dum  copia 
ciborum  et  causa  delectationis  fratri 
prœparas  niensam ,  criminaris  euni  vo- 
luptatis,  et  diiïundis  in  euin  gulosilatis 
opprobria,  arguens  delicias  ejus  in  eo 
quod  préparas?  Nou  commendavit  Do- 
niinus  Mariham  occupatam  circa  fre- 
queus  ministerium. 

AuG.  {de  Verb.  Dont.,  serm.  27.)  Quid 
ergo?  Putamus  repreliensum  esse  mi- 
nisterium Martbœ,  quam  cura  hospitali- 
latis  occupaverat,  quae  tanto  liospile 
laetabatur?  Hoc  si  verum  est,  dimittaiit 
homines  quod  ministrant  egentibus;  va- 


cant verbo,  occupentur  circa  scienliam 
salutarem  ;  uihil  sit  eis  curœ,  quis  pere- 
grinus  in  vice  sit,  quis  egeat  pane;  va- 
ceut  opéra  misericordiœ,  uni  instetur 
scientiœ.  Theopuyl.  Non  ergo  Dominus 
hospitalitatem  prohibel,  sed  plurimorum 
turbationem,  scilicet  al)stractioncm  et 
tunmltum  :  et  vide  consiiium  Domini, 
quod  prius  Dominus  niliil  dixerat  Mar- 
lliîe;  sed  postquam  illa  sororem  ab  au- 
ditu  studebat  avellere ,  tune  Dominus 
occasione  liabita  increpavit  eam  :  usque 
enim  adeo  houoratur  liospitalitas  donec 
ad  necessaria  nos  attrahit  :  cum  vero  in- 
cipit  au  utiiioribus  impedire,  manifes- 
tum  est  quod  honorabilior  est  divinorum 
auditus. 
AuG.  (de  Verb.  iJom.,  serm.  26  et  27.) 


560 


EXPLICATION   DE   l'ÉVANGILE 


ici  la  pratique  de  l'hospitalité,  mais  il  établit  une  distinction  entre  les 
œuvres  :  «  Marie  a  choisi  la  meilleure  part,  »  etc.  Votre  part  n'est  pas 
mauvaise,  mais  celle  que  Marie  a  choisie  est  meilleure.  Pourquoi  est- 
elle  meilleure?  parce  qu'elle  ne  lui  sera  point  ôtée.  Un  jour  viendra 
où  vous  serez  déchargée  des  soins  nécessaires  de  cette  vie,  (car  une 
fois  entrée  dans  la  patrie ,  vous  n'aurez  plus  à  exercer  l'hospitalité 
envers  les  étrangers),  mais  cette  part  vous  sera  ôtée  dans  votre  intérêt, 
et  afin  que  vous  en  receviez  une  meilleure.  On  vous  déchargera  du 
travail  pour  vous  donner  le  repos  :  Vous  naviguez  encore  ,  et  Marie 
est  déjà  arrivée  au  port,  car  la  douceur  de  la  vérité  est  éternelle;  elle 
s'accroît  successivement  dans  cette  vie,  mais  elle  reçoit  sa  consomma- 
tion dans  l'autre  vie,  où  on  la  possède  sans  crainte  de  la  perdre. 

S.  AaiBR.  Laissez-vous  donc  conduire  comme  Marie,  par  l'amour 
de  la  sagesse,  car  c'est  l'œuvre  la  plus  parfaite,  l'œuvre  par  excellence. 
Que  les  soins  extérieurs  ne  vous  détournent  jamais  de  la  connaissance 
de  la  parole  céleste,  et  gardez-vous  de  condamner  et  d'accuser  d'oisi- 
veté ceux  qui  s'appliquent  à  l'étude  de  cette  divine  sagesse. 

S.  AuG.  (Quest.  Evang.,  ii ,  30.)  Dans  le  sens  allégorique  ,  Marthe 
recevant  Jésus  dans  sa  maison  est  la  figure  de  l'Eglise ,  recevant  le 
Seigneur  dans  son  cœur;  Marie,  sa  sœur,  assise  aux  pieds  du  Sauveur, 
et  écoutant  sa  parole  ,  représente  aussi  l'Eglise  ,  mais  dans  le  siècle  à 
venir ,  où  affranchie  du  soin  et  du  service  des  pauvres ,  elle  n'aura 
plus  qu'à  jouir  de  la  sagesse.  Elle  se  plaint  que  sa  sœur  ne  vient  pas 
l'aider ,  et  elle  donne  occasion  à  Notre- Seigneur  de  nous  montrer 
l'Eglise  de  la  terre,  inquiète  et  troublée  de  beaucoup  de  choses,  tandis 
qu'il  n'y  a  de  nécessaire  qu'une  seule  chose  ,  à  laquelle  on  arrive  par 
les  mérites  de  cette  vie  d'action.  Tl  déclare  que  Marie  a  choisi  la 


Non  ergo  Doixiinus  opus  reprehendit, 
sed  munus  distinxit.  Sequitur  eniiu  : 
*  Maria  optimam  partem  elegiL,  »  etc. 
Non  tua  malam,  sed  illa  meliorem.  Unde 
meliorem?  Quia  ab  ea  non  auferetur  : 
a  te  auferetur  aliquando  ouus  necessita- 
tis  (non  enim  cum  veueris  ad  illam  pa- 
triam,  inveuies  peregrinum  queui  susci- 
pias  hospitio),  sed  bono  tuo  aufei-etur, 
ut  quod  raelius  est  detur  :  auferetur  a  te 
labor,  ut  requies  detur.  Tu  uavigas,  illa 
in  portu  est  :  œterna  enim  est  dulcedo 
veritatis  :  iu  bac  tamen  vita  augetur^  in 
illa  perficietur.  nunquam  auferetur. 

Ambr.  Agat  ergo  te  sicut  Mariam  de- 
siderium  sapientiee  :  boc  enim  majus, 
boc  perfectius  opus?  Nec  ministerii  cura 
te  a  cognitione  verbi  cœlestis  avertat. 


nec  arguas  eos  et  otiosos  judices ,  quos 
videas  sapientiae  studere. 

AuG.  (de  Quœst.  Evung.,  Ub.  ii,  q.  30.) 
Mystice  autem  quod  Martba  excepit  11- 
lum  in  domum  suam,  signiflcat  Eccle- 
siam,  quae  nunc  excepit  Dominum  in 
cor  suum.  Maria,  soror  ejus,  quse  sede- 
bat  ad  pedes  Domini.  et  audiebat  ver- 
bum  ejus,  significat  eamdem  Ecclesiam,' 
sed  in  futuro  seculo ,  ubi  cessans  ab 
opère  ministerioque  indigentiee,  sola  sa- 
pientia  perfruitur.  Quod  autem  conque- 
ritur,  quod  soror  ejus  eam  non  adjuvet, 
occasio  datur  seutentiœ  Domini,  qua 
ostendit  istam  Ecclesiam  sollicitaui  esse, 
et  turbari  erga  plurima,  cum  sit  unum 
necessarium  ad  quod  per  ministerii  hu- 
jus  mérita  pervenitur  Mariam  vero  dicit 


DE  SAINT  LUC,    CHAP.    X. 


561 


meilleure  part ,  parce  que  c'est  par  la  première  qu'on  parvient  à  la 
seconde  qui  ne  sera  jamais  ôtée.  —  S.  Grég.  {Moral.,  vi,  18.)  Ou  bien 
encore  Marie,  qui  écoute  assise  les  paroles  du  Seigneur ,  est  la  figure 
de  la  vie  contemplative.  Marthe  au  contraire  occupée  des  œuvres 
extérieures  représente  la  vie  active.  Notre- Seigneur  ne  blâme  pas  le 
genre  de  vie  de  Marthe  ,  mais  il  donne  des  éloges  à  celui  de  Marie, 
parce  que  si  les  mérites  de  la  vie  active  ont  du  prix  ,  les  mérites  de  la 
vie  contemplative  en  ont  beaucoup  plus.  Aussi  le  Sauveur  déclare-t-il 
que  la  part  de  Marie  ne  lui  sera  jamais  ôtée  ;  en  effet,  les  œuvres  de 
la  vie  active  n'ont  d'autre  durée  que  celle  du  corps,  tandis  que  les  joies 
de  la  vie  contemplative  ne  font  que  se  multiplier  à  la  mort 


optimam  partent  elegisse,  quia  per  hanc 
ad  illam  tenditur,  et  non  aufertur.  Greg. 
(VI  Moral.,  cap.  18.)  Yel  per  Mariam, 
quae  verba  Domini  residens  audiebat, 
contcmplativa  vita  exprimitur;  per 
Martbam  exterioribus  obsequiis  occupa- 
tam,  activa  vita  significatur,  sed  Mar- 


thae  cura  non  reprehenditur,  Mariœ  vero 
laudatuv;  quia  magna  sunt  activée  vitae 
mérita,  sed  contemplativœ  potiora.  TJnde 
nec  auferri  unquam  Mariae  pars  dicitur; 
quia  activai  vitae  opéra  cum  corpore 
transeunt,  contemplativœ  aulem  gaudia 
melius  ex  fine  convalescunt. 


FIN    DU    TOME   CINQUIÈME. 


BESANÇON.  —    IMPKIMbRIE    D'OL'THEMN    CHAL.iNURE    FILS. 


V. 


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THOMAS  AQUINAS,   St. 

Explication  suivie  des 
jiquatre  évangiles. 


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