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EXPLICATION SUIVIE
DES
QUATRE ÉVANGILES
SAINT LUC
BESANÇON. — IMPRIMERIE D'OUTHENIN CHALANDRE FILS.
EXPLICATION SUIVIE
DES
OUATEE ÉVANGILES
PAR LE DOCTEOR ANGÉLIQUE
SAINT THOMAS D'AQUIN
DE l'ordre des frères PRÊCHEURS
COMPOSÉE d'extraits DES INTERPRÈTES GRECS ET LATINS, ET SURTOUT DES SS. PÈRES
ADMIRABLEMENT COORDONNÉS ET ENCHAÎNÉS
DE MANIÈRE A NE FORMER QU'UN SEUL TEXTE SUIVI ET APPELÉ A JUSTE TITRE
LA
CHAINE D'OR
Bdilion où le texte corrigé par le P. Nicolaï a été rêva avec le plus grand soin sur les '.exlcs originaux
grecs et latins
TRADUCTION NOUVELLE
Avec •ommaires analytiques et note* exégétîqnes et historique*
PAR
M. L'ABBÉ J.-M. PÉRONNE
Chanoine titulaire de l'église de Soissons, ancien professeur d'Ecriture sainte et d'éloquence «acrcf
TOME CINQUIEME
PARIS
LIBRAIRIE DE LOUIS VIVES, ÉDITEUR
RUE DELAMBRE, 13
18vM
■ JAN - 2 1953
«S
C
PRÉFACE DU R. P. NICOLAI
C'est surtout dans cette partie, sage lecteur, que queltjues observa-
tions préliminaires vous sont nécessaires, pour vous faire bien com-
prendre tout ce qui a rapport et aux commentateurs de cet Evangile, et
aux titres de leurs ouvrages, car ils sont moins connus de tous et
moins accessibles pour un grand nombre. Nulle part, en effet, les
auteurs grecs ne sont plus souvent cités, parce qu'à l'exception du
vénérable Bède et de saint Ambroise, auxquels on peut ajouter quel-
ques homélies et quelques fragments détachés , les Pères latins n'ont
presque rien écrit sur saint Luc. Jamais, jusqu'ici, les auteurs grecs
n'ont été cités sous des indications plus douteuses ou plus obscures,
parce que, dans l'exemplaire grec, d'où l'on a extrait ces citations, les
noms de ces auteurs et les titres de leurs ouvrages sont écrits en carac-
tères abrégés et inintelligibles pour la plupart. Jamais encore, textes
n'ont été plus profondément altérés, ni interprétations plus détournées.
La raison en est que le traducteur auquel saint Thomas fut obligé d'a-
voir recours, pour comprendre le texte grec, n'a point su lire nettement
les manuscrits rédigés avec peu de soin qu'il avait sous les yeux, ou n'a
point été assez heureux pour en comprendre le sens. On ne peut assez
louer, comme le fait Possevin, le zèle admirable du Docteur angé-
DD W AT If' I prii's ilubio inagis indicio vel iuvoluto
r tl/D r A 1 H ' desipnati , quia characteribus iu Exem-
j plari Gr.-Bco unde sumpti siint breviatis
auctores non omnibus obvii consignan-
tur. Nusquani vitiosiusadulterati 'eoruin
textus vel interpretationes depravatae ;
quia iulerpres ille quo S. Thomas uti ad
ejusmodi Gra-ca intelligenda coactus est,
vel non salis distincte quaedam legit
qiu'e invenerat in codicibus manuscriptis
In bac maxime parte prainionendus
es, prudens Lector, quid ad illius expo-
sitores referendos ac expositionum anno-
tandos indices pertineat; quia minus in
usa apud omnes, minus pervii apud
aliquos esse possunt. Scilicet nusquam j implicatius exarata, vel eorumdem sen
frequentiores quam hic scriploresGrri'ci siun non auspicatosatis intellexit. Fuerit
annotati, quia in Lucam prœter Bedam sumuia» in Angelioo viro charitatis , ut
et Ambrosium et homilias vel parliculas Possevinus recte laudat, quod ad pen-
quasdamvixLatiniscripserunt; nusquam sum hocsuum exsequendumexpositoreà
TOM. V. a
H PRÉFACE
lique, qui, pour composer cet ouvrage, a fait traduire en latin ces
commentateurs grecs. Il n'avait point appris lui-même la langue
grecque, peu en usage de son temps, et plût à Dieu qu'il eût pu l'ap-
prendre et mettre ainsi le comble à la gloire éclatante qu'il s'est ac-
quise par tant d'autres qualités. Mais il vivait dans un siècle ignorant
et grossier, ou qui, du moins, était peu versé et très-jjeu habile dans
ce genre d'études. Aussi la traduction de l'interprète assez mal inspiré
manque-t-elle, non-seulement d'élégance et de correction, mais d'exac-
titude et de vérité, et présente souvent un sens obscur, quand il n'est
pas contraire au texte original. Il faut dire aussi que depuis, d'igno-
rants copistes ont pu altérer ce qui avait été bien rendu dans la tra-
duction primitive.
Ces erreurs déplorables ne se rencontrent pas seulement dans la
traduction du texte de ces auteurs, mais dans leurs noms et dans les
titres de leurs ouvrages. Tantôt un nom est confondu avec un autre,
grâce à une certaine ressemblance qui vient des abréviations, tantôt
un nom érjuivoque et douteux est mis pour un nom propre et bien dé-
terminé. C'est ainsi que le nom de Théophile est toujours presque
mis pour celui de Théophylacte , même dans cette édition, la première
de toutes qui fut portée à Rome par Conrad, et qui jouit d'une répu-
tation si grande et si méritée. Il y a quelques jours seulement, cette
édition m'est tombée entre les mains, et j'ai découvert au premier
coup d'œil cette confusion de noms. En effet, ces passages n'appar-
tiennent pas à Théophile, patriarche d'Alexandrie, dont les commen-
taires abrégés sur les quatre Evangélistes, se trouvent dans la biblio-
thèque des Pères, ne font point partie de ses ouvrages, mais de
illos Grtecos latine reddi procurant;
quia interpretari per se non didicerat
iienus iiUul locutionis minus eo tempore
iisitatuui, quod utinam ad summœ laudis
tôt aliis dolibus comparatae plénum cu-
mulum didicisset ! Fuit vero seculi ru-
diorisetimpoliti, velin illo saltem génère
non exculti admodum nec sagacis , ut
non ineleganter tantum et inornate pas-
sim omuia ?ed corrupte ac vitiose plura
redderet parum auspicatus Inlerpres,
qiue turbatum ac prteposterum sensum
exhibèrent ; nisi et posterius qiiœdam
per imperitos exscriptores depravata
sunt quœ recte tamen in primltiva tra-
ditione reddiderat.
Nec ipsis duntaxat referendis aiiclo-
rum verbis infelîciter aberratum, sed in
eorum nominibus vel indicibus expri-
meudis; dura nomen uuum pro altero
propter affinitatem quamdam ex brevia-
tis cliaraeteribus commutatur, vel pro
certo ac singulari nomen indefinituni et
ambiguum obtruditur. Sic enim passim
loco Theopbylacti Thcophilus ponitur,
in ea ipsa editione omnium prima quae
a Conrado Romani invecta comuiendari
tam iusigniter solet, ut aute paucos dies
cum exhibita mihi obiter esset primo
statim aspectu deprehendi; quasi ad
Thcopbilum Patriarcham Alexandrinum,
cujus brevia in quatuor Evangelistas
commentaria tomi BibliotheccC Patrum
extanf, auctoritates illae perliuerent, quce
DU R. P. NICOLAÏ. III
ceux de Théophylacte, qui lui est postérieur de plusieurs siècles. C'est
lÉnsi qu'on nous donne le n6m moins connu à' Isidore, a])bé, pour celui
à'Isidore de Peluse, comme ou l'appelle plus généralement. Ainsi
encore, on cite toujours le Grec ouïe Commentateur grec, sous cette
dénomination vague et générale, et sans autre nom particulier, pour
Antipater de Bostre, pour Astérius, pour Alexandre, pour Amphiloche,
pour Apollinaire, Evagre, le patriarche Eutyclius, Géométer, Isaac,
Irénée, Maxime, Macaire, Métaphraste, Pliotius, Sévère d'Antioclie,
Théodoret, Théopliane, Théopiste, Victor d'Antioclie, ou quelqu'un
de ceux dont j'ai mis les noms dans le catalogue ajouté à la préface
sur saint Matthieu, bien que cette dénomination vague de grec désigne
plus souvent et plus spécialement ceux dont je viens d'énumérer les
noms.
J'avais quelque soupçon que ce commentateur grec cité sous cette dé-
nomination vague, cachait quelque auteur particulier, mais anonyme,
qui (à l'exemple de ([uclques autres), aurait consenti à laisser publier
ses écrits pour l'utilité générale, mais en restant lui-même inconnu par
un sentiment d'humilité. Toutefois, ce n'était qu'un soupçon, et je ne
pouvais me former d'autre opinion, n'ayant en main aucun ouvra o^e
qui pût m'éclairer et me donner une certitude entière. Mais j'ai été
confirmé dans cette opinion par un commentaire grec sur saint Luc
composé comme cette Chaîne d'Or, et avec un art semblable d'un
grand nombre d'interprètes divers, et écrit en caractères très-anciens.
Ce manuscrit appartient à la magnifique bibUothèque de l'éminentis-
sime cardinal Jules Mazarin, il a été mis à ma disposition, j'ai pu le
non iu illo lamen , sed ia Theophylactu
reperiuntur multis eum seculis consé-
quente : sic Isidoras Abl)as minus trito
noinine insicnitur pro Isidoro Pelusiola,
ut communias nunc appellant : sic sem-
per Graecus vel Kxpositor (Irivcus abs(jue
alia pecuiari nonienclatur.i vage tantum
ac {]feneratim indicalur ; qui nunc Anti-
pater Bustrensis , nunc Astérius , nuuc
Alexander , Anipliilocliius, Apolinaris,
Evafrrius, Eutychius Palriarcha, Geonie-
ter, Isaac, Irenœus, Maxinms, Macarius,
Melaplirasles, Photius, Sovcrus Autio-
chenus, Tlieodoretns, Tiieoplianes, Tlieo-
pistus, Victor Autiocheniis , aut aliquis
l'orum quos Calalogus piaefationi meaî
in Matihaîum subjnnctus oxtiihuit;
quamvis hoc vagum Gra-ci n»iiiieu pra;-
dictis t'requenlius ac expressius couve-
niat.
Et quidem Graicmn illuni qui sic inde-
fniite iiotabantur , certum auclorem
quemdani esse sed anouymum suspica-
bar, (jui (ut aliis contigisse notum est)
sua duntaxat scripta sciri ad pubiicam
utilitatem sed se nesciri ad privatam
bumilitalcm voluisset; Id vero suspica-
bar; (juia cum ad manum non essent
uude ista certius expiorarem ac nosse
posscm, divinare aliud non licebat. Sed
certiorem de liis Kxposilio in Lucam
Gneca fecit ex tam variis interpretibus
Catenae instar ut hic non dissimili arti-
ficio texta, et vetustis cliaracteribus ma-
nuscripta, quam ex Eminentissimi Car-
dinalis Julii .Maz.irini liihliollicca tam
IV PRÉFACE
garder quelque temps et l'étudier avec soin, pour combler, à me-
sure que l'occasion se présentait, les lacunes nombreuses et regret-
tables qui seraient restées dans cet ouvrage sans un secours si pré-
cieux. Je dois cette faveur au révérend Père François Combefixe, bien
connu de tous les savants par ses nombreux travaux. Ayant appris
l'objet de mes recherches, il fut le premier à m'indiquer cet ouvrage
dont il s'était servi avec fruit pour l'édition des Homélies des Pè?'cs,
qu'il doit bientôt publier, et il porta l'obligeance jusqu'à le demander
pour moi. Je dois aussi en remercier le très-honorable seigneur de la
Poterie, conservateur de cette riche bil.iliothèque, qui, sur la demande
faite en mon nom, m'a prêté ce manuscrit avec la plus grande bienveil-
lance, en m'autorisant à le garder tant qu'il me serait nécessaire. Je
dirais aussi hautement la reconnaissance que je dois à l'éminen-
tissime cardinal, qui, dans son inclination généreuse pour le bien
public, non content de faire rechercher partout les ouvrages les plus
rares, veut qu'en faisant l'ornement de sa bibliothèque, ils soient mis
à la disposition de tous. Mais qu'est-ce que cette faveur particulière
auprès de tant d'autres bienfaits, dont notre maison de saint Jacques
et moi nous sommes redevables à sa bienveillance, auprès de la pro-
tection que l'Eglise trouve dans la religion de ses décrets, de l'appui
que le siège pontifical doit à sa piété, de la paix intérieure qu'il a
rendue à toute la France, par sa fortune et par son habileté ? Vous lui
devrez aussi, vous qui lirez cet ouvrage, les éclaircissements et les
explications, qu'il m'eût été impossible de vous donner d'ailleurs, et
aussi l'avantage d'avoir pu rétablir et corriger le texte avec certitude
speclabili coaimodatam aliquandiu reti-
nere apud me ac versare licuit ut ex ea
supplerem opportune quod absqne sub-
sidio tam auspicato niaucum et imper-
fectuin remansisset. Debeo graliam hanc
Reverendo admoduui Patri Francisco
Combefixio noslro suis hactenus lucu-
brationibus apud peritos quosque satis
noto, qui eam sollicite quœrenli primus
omnium indicavit, qua nempe ipse ad
liomilias Patrum quas apparere pergit
concinnandas , apprime usus erat; imo
et eam quoque officiose meo noniiue
posliilavit. Debeo illam bonestissimo
viro Domino de la Poterie, Bibliotbecfe
tam insignis Prœfecto, qui sic meo no-
mine postulatam humanissime coramo-
davit, et lilieram utendi facultatem
quandiu opus esset indulcit. Debere me
sentirem ac profiterer Eminentissimi
Cardiualis in publicam utilitatem pro-
pensioni qua tam raros undique libros
conquirere tam studiose non contentas
ita Bibliothecœ suœ ad ornatum esse
vult ut omnibus ad usum esse possint ;
nisi paru m sit ut lioc ei debeam specia-
tim , cujus beuignitati lot alla bénéficia
mecum nostra S. Jacobi domus , reli-
gioni Decretorum suorum defensionem
Ecclesia, pietati patrocinium sute aucto-
ritatis Pontificia Sedes, felicitati ac so-
lertiœ intestinam tranquiliitatem siiam
Gallia débet universa. Debes et illi quis-
quis hoc opus leges, ut ea tibi explora-
tius ac expressius exhibeam quae non
aliter licnisset ; ac securius ex fontibus
XU R. P. NICOLAl. V
■m
d'après les originaux, ce que je n'aurais pu faire autrement qu'à
l'aide de vaines conjectures ou de suppositions sans fondement.
Aidé de ce puissant secours j'ai rétabli des mots latins dénaturés ;
pour les auteurs, dont les ouvrages n'existent pas séparément, j'ai re-
construit dans leur entier des phrases qui avaient été profondément
altérées ou interverties ; j'ai fait le même travail à l'aide des textes
originaux pour ceux dont nous avons conservé les écrits. J'ai dû ex-
pliquer encore en termes plus clairs des phrases obscures et embarrassées
par suite même de l'altération des mots; non-seulement j'ai remplacé les
barbarismes d(3 l'ancienne version, mais aussi les expressions qui dé-
truisaient la vérité du sens par des expressions plus exactes et plus
correctes que la connaissance de la langue grecque m'a aidé à trouver.
J'ai même pris la liberté de corriger, et il y avait nécessité^ le travail
plus récent d'Anianus, ou d'autres auteurs, qui s'écartaient souvent
du sujet de l'ouvrage aussi bien que du sens (comme il peut arriver
par mégarde aux plus savants) ; j'aurais même dans bien des endroits
donné une rédaction toute nouvelle, si la crainte d'exciter des plaintes
aussi pleines d'exagération que dénuées de fondement, ne m'eût ar-
rêté. J'ai pris soin encore de répéter les noms des auteurs déjà cités,
et qui précédemment n'étaient indiqués que d'une manière fort
vague; quant aux autres plus connus, dont les noms étaient plus clai-
rement indiijués, mais sans l'indication de leurs traités, j'y ai suppléé
en citant le titre de leurs ouvrages, lorsque ces ouvrages existent, et
en donnant d'ailleurs autant que possible les titres sous lesquels ils
sont ordinairement désignés. C'est ce que j'ai fait eu particulier pour
reponam et emendem qiiod alioqui
coDJecturis duntaxat parum certis asse-
qui nec nisi otiose diviuans potuissem.
Inde nimirum depravatas latine voces
reformavi ; inde adulteratas vel coufusas
intégras phrases constructioui suai ac
sui textus integritati resUtui quoad
auctores illos qui seorsim non extant;
sicut et ex fontibus alioruin qui extant
idem quoque praistiti quoad illos; inde
obscures mulloties involutosque sensus
quos ipsa vocuni corruptcla fecerat, ver-
bis planioribus explicavi; inde veteris
versionis non barhariem tantum ali-
quando sed prœposteram significatio-
nem rectiori loculione ac correctiori
quam nolione vocabula ipsa greeca sup-
peditarunt, commutavi , quin et recen-
tioreni Aniani aut aliorum quorunilibet
a scopo et a sensu non semel aberran-
lem (ut contingere oculorum excursu
viris etiam doctissiuiis potuit) pari, quia
nécessitas urgebat, libertate correxi;
novaui plane datunis in plerisque, nisi
quorunidam offensio, (juanivis iutempe-
rata et insipieus, obstitisset. Jnde no-
inina singulorum auclorum qui jani in-
dicati sunl , prius vagc notata reposui ;
et aiia etiani notiora quœ deiinite (pioad
personam, sed absque certo Tractatuuni
indice notabantur, expressi, velsi quando
expressa non sunt (piia Traclatus illi
non occurrant., quali titulo tamen ibidem
indicentur j 'quantum licuit,^designavi.
VI PRÉFACE DU R. P. NICOLAÏ.
Cyrille et Tite de Bostre, puisque nous n'avons plus ni les commentaires
de Tite sur saint Matthieu, ni ceux de Cyrille sur saint Luc. J'ai donc
souvent cité sous leurs noms, des passages qui leur sont attribués, et
dont l'authenticité nous est prouvée par des témoignages irrécusables.
Cependant je n'ai pu faire entièrement et avec autant de soin ce
travail de recherches consciencieuses et de rectifications que sur les
douze premiers chapitres de saint Luc, parce que le manuscrit grec
n'allait pas au delà; plût à Dieu que cette précieuse ressource m'eût
été continuée pour les douze derniers chapitres ! J'aurais puisé avec
la même confiance dans ce riche trésor, qu'on ne saurait rechercher
avec assez d'empressement, ni conserver avec assez de soin, les élé-
ments nécessaires pour combler les lacunes qui peuvent exister dans
ce travail. J^ai dû suppléer, d'après Cordérius, à ce que je ne
pouvais plus tirer de ce précieux recueil, et puiser dans son remar-
quable travail de la Chaîne des soixante-dix Pères grecs, ce que je ne
pouvais plus rectifier ou annoter d'après l'original grec. Cet auteur,
toutefois, omet entièrement quelques indications que j'ai pu rétablir
à force de recherches, lorsque les auteurs étaient connus; quant aux
autres, dont le titre est très-vague et très-incertain, et qu'il attribue à
un anonyme, j'ai dû leur laisser cette physionomie anonyme en incer-
taine. Je ne pouvais, en effet, moi qui n'avais pas cette Chaîne grecque,
savoir ce qu'avait ignoré, après l'avoir consultée, un homme d'un es-
prit si pénétrant et si avide de science. Profitez toujours de ce travail
en attendant iiu'il s'en présente un autre qui puisse vous donner une
satisfaction plus grande et plus parfaite.
Quod in Cyrille nomiuatim ac iu Tito ] promptuario illo uon potuit integrum
Bostrensi feci; quia nec Titus iu Mat- ! derivari , et ex Catena septuaginta quin-
thaeum nec Cyrillus in Lucam extat, | que Graecorum Patrum quam iusigni
saepe contigit sumi quœ utroque uomine labore conciunavit, liinc inde repe-
referuntur , et ab utroque scripta esse tendura quod ex Originali Graeco expio-
indubitato testimonio compertum est. 1 ratius petere non licuit, vel securius
Haec omnia nihilominus explorate ia aunotare : quamvis et qusedaui indicare
prima tantuui duodecim capita Lueai omitlit certo , quae diligenter inquisita
perficere tam aecurato studio datum ; i nbi noti aaiclores erant, indicavi; quae-
quia nec Manuscriptum illud Gr*cum ! dam quae vaga tantuni inscriptione velut
ultra terminuni isluui excurrebat ; quod
utinam integrum in alia etiam duode
cim posteriora occurrisset ! ut ex tbe
sauro tam utili qui curiose satis quaeri
uon posait nec studiose satis asservari,
ex Anonymo refert , relim^ere sic
anouyma et incerta debui , quia no-
tiora non potuerunt esse Grcecam ipsam
Catenam non habènti quse tam sagax
et curiosus explorator cui eam nan-
caetera quae hic manca videri possunt, i cisci aliunde eôutigit, ignorassèt. His
pari securilate depromerem. Sed sup- j intérim fruère, dum alia contingant qui-
plendum ex Corderio fuit quod ex 1 bus ipse plènius ac felicius frui possis.
EXTRAIT DE SAINT JÉRÔME
SUR LES ÉCRIVAINS ECCLÉSIASTIQUES
Saint Luc, médecin d'Antioclie, possédait parfaitement la langue
grecque, comme l'attestent ses écrits; il fut disciple de l'apôtre saint
Paul et le compagnon de tous ses voyages. C'est de son Evangile que
saint Paul parle en ces termes : « Nous avons envoyé avec lui un de
nos frères, dont l'éloge se trouve^ à cause de l'Evangile, dans toutes
les Eglises. » Et encore : « Luc, le médecin, notre cli(?r frère, vous
salue. » Dans sa seconde Epitre à Timothée : « Luc est seul avec moi. »
Suivant même quelques auteurs, toutes les fois que saint Paul dit dans
ses Epîtres : « Selon mon Evangile, » il fait allusion à l'Evangile selon
saint Luc, et saint Luc n'aurait pas recueilli les faits évaugéliques de
la bouche de saint Paul seul, qui n'avait point vécu avec le Seigneur,
mais des autres Apôtres, comme il le déclare en commençant son ré-
cit : « Ainsi que nous l'ont rapporté ceux qui l'ont vu eux-mêmes dès
le commencement et qui furent les ministres de la parole. » Il a donc
écrit son Evangile sur les documents qui lui ont été transmis, taudis
que dans les Actes des Apôtres, il a été témoin oculaire des faits qu'il
raconte. 11 vécut quatre-vingt-quatre ans, et ne fut jamais marié. Sou
corps fut enseveli à Constantinople, où ses restes furent transportés
de l'Acliaie, avec ceux de l'Apôtre saint André, la vingtième année
du règne de Constantin.
EX HIERONYMO
DE SCRIPTORIBUS ECCLESIASTICIS
Lucas, medicus Antiochensis (ut ejus
scripta indicant , Grœci sermonis non
ignarus) , fuit sectator Apostoli Pauli et
peregrinationum ejus omnium comes.
Scripsit Evangelium dorjno idem Paulus
(II ad Corintli., 8; : «Misimus, imjuit,
cum illo fratrem «ujus laus est iu Kvan-
gelio per omues Ecclesias; » {et ad
Colos., 4; : «Salutat vos Lucas, medicus
charissimus , » {et II ad Timoth., 4) :
« Lucas est mecum solus. » Quidam
etiam suspicaulur , (juotiescumque in
Epistolis suis Paulus dicit : « Juxta Evan-
gelium meum , » de Lucae significare
volumine; et Lucamnon solum ab Apos-
tolo Paulo didicisse Evangelium (qui
cum Domino in carne non fuerat), sed
a cœteris Apostolis , quod ipse quoque
in principio sui voluminis déclarât di-
cens : « Sicut tradiderunt nobis qui a
principio ipsividerunt etministri fueruut
sermonis.» Igitur Flvangelium sicut au-
dierat scripsit ; Acta vero Aposlolorum
sicut viderat ipse composuit. Vixit oclo-
ginta et quatuor annos , uxorem non
habens. Sepultus est Constantinopoli ; ail
quam urbem vigesimo Constantiui anno
ossa ejus cum reliquiis Andreœ Apostoli
translata sunt de Achaia.
PREFACE
DE
L'EXPLICATION SUIVIE DE L'ÉVANGILE DE SAINT LUC
PAR SAINT THOMAS
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
Objet, but de l'Evangile selon saint Luc. — Pourquoi lui donne-t-on un bœuf
pour emblème"? — Comment l'objet de l'Evangile selon saint Luc se trouve
indiqué dans les paroles d'Isaïe citées au commencement de cet article. —
Style de saint Luc, sa supériorité comme écrivain. — Saint Luc, médecin des
âmes. — A quelle école fut instruit saint Luc. — A-t-il écrit son Evangile sous
la dictée de saint Paul?
Le prophète Isaie qui prédit avec tant d'exactitude et de clarté les
divers mystères de l'incarnation de Jésus-Christ, dit au chapitre l :
a J'envelopperai les cieux de ténèbres, et je les couvrirai comme d'un
sac. Le Seigneur m'a donné une langue savante, afin que je puisse
soutenir par la parole celui qui est abattu (1). Il m'éveille et me touche
l'oreille tous les matins, afin que je l'écoute comme un maître. » Ces
paroles peuvent nous faire connaître l'objet et le genre de l'Evangile
selon saint Luc, le but que cet évangéliste s'est proposé et dans quelles
conditions il l'a écrit. — S, AuG. {De l'ac. des Ev.,Y\h. F, cap. 2 et 6).
Saint Luc paraît s'être proposé surtout de décrire l'origine sacerdo-
(1) C'est ainsi que nous lisons dans les Bibles corrigées, et cette version est plus conforme à la
version que Pagninus a donné du texte hébreu. La version des Septante est un peu différente,
afin que je sache comment je dois user de la parole. Mais la construction delà phrase est bien
plus naturelle en traduisant : afin que je puisse soutenir par la parole celui qui est abattu. Ce qui
snitj et qu'on attribue. à la Glose ne se trouve point dans la Glose actuelle, et la citation qui porte
le nom de saint Jérôme sans autre indication, est extraite en partie de son Traité des écrivains
ecclésiastiques sur suint Luc, en partie de son Commentaire sur Isaïe, chap. 62.
SUPER EVANGELIUM
SANCTI LUC^ CONTINUUM
eiVE CONTINIJATAM EXPOSITIONEM
PROOBMUM SAXCTl THOM:«
Inter cœtera incarnationis Chrisli
mysleria, quae Fsaias propheta diligenter
et aperte praenuntiat, dicit 'cap. .^0) :
« luduam cœl03 tenebris, et saccum po-
nam operimentum eorum. Dominus de-
dit mihi linn;uam eruditam , ut sciam
sustentare eum qui lassus est verbo. Eri-
git tnane, mane erigil mihi aurem ut
audiam quasi raagistrum. » Ex quibus
verbis accipere possumus Evangelii se-
cundum Lucam materiam, modum scri-
bendi , finem et conditionem scriptoris.
AuGUST. {de Cons. Evang., lib. i, cap.
2 et 6.) Lucas enim circa sacerdotalem
X PRÉFACE DE l'eXPLICATION
taie du Sauveur, et tout ce qui a rapport à sa personne. De là vient
qu'on lui donne pour emblème un bœuf, le bœuf étant la principale
victime que les prêtres offraient en sacrifice. — S. Ambr. {Préf. sur
S. Luc). Le bœuf est par excellence la victime sacerdotale; cet évan-
géliste est donc parfaitement figure par un bœuf, puisqu'il ouvre son
récit par l'histoire d'une famille sacerdotale , et le termine en racon-
tant beaucoup plus au long que les autres l'immolation de cette vic-
time, figurée par les taureaux de l'ancienne loi, et qui se chargeant
des péchés de tous les hommes , a été immolée pour la vie du monde
entier. — Glos. Saint Luc s'élant proposé principalement de racon-
ter la passion de Jésus -Christ, cet objet se trouve comme indiqué dans
ces paroles : a J'envelopperai les eieux de ténèbres, et je les couvrirai
comme d'un sac. » Car, dans la passion du Sauveur, les ténèbres se
répandirent littéralement sur la terre, et la foi ^des disciples fut
couverte de nuages. — S. Jér. {sur Is., chap. lui). Jésus-Christ lui-
même sur la Croix était couvert de mépris et d'opprobres, son visage
était comme voilé par les ignominies , de manière que sa puissance
toute divine était cachée sous l'infirmité d'un corps mortel.
S. JÉR. Le style de saint Luc est plus pur et plus élégant que celui
des autres évaugélistes , et on y ressent comme un parfum de l'élo-
quence profane , ce que semblent figurer ces paroles : « Le Seigneur
m'a donné une langue savante. » — S. Ambr. {com. préc.) Car bien que
les divines Ecritures rejettent ces formes étudiées, qu'affecte la sagesse
profane, qui s'appuie bien plus sur Téclat prétentieux des paroles, que
sur la vérité des choses ; cependant si l'on veut chercher dans les
saintes Ecritures elles-mêmes des modèles que l'éloquence profane ne
dédaignerait pas d'imiter, on en trouvera facilement. Saint Luc, en
Domini stirpem atque persouam maoris
occupatus videtur. Unde per vitulum si-
gnificatus est, propter maximam victi-
mam sacerdotis. Ambr. {prœfat. in Lu-
cam.) Yilulus euim sacerdotalis est
victima : imde bene congruit vitulo hic
Evangelii liber; qui a sacerdotibus iu-
cboavit, et consumiuavit in vitulo; qui
omnium peccata suscipiens, pro totius
mundi vita est immolatus, et ipsam vi-
tuli immolationem Lucas stylo quodam
pleniore diffiiudit. Glos. Quia igitur
Passionem Christi principaliter exponere
Lucas intendit, liujus Evaugelii materia
significari potest iu eo quod dicitur :
<i Induam cœlos tenebris, et saccum po-
nam operimenlum eorum : » nam ad
jitteram in Passione Christ! tenebrœ fac-
tse sunt, et in discipulis fîdes obscurata
est. Hier, [super Isa., cap. 33.) Et Chris-
tus despectus erat et ignobilis; quando
et pendebat in cruce, et absconditus est
vultus ejus atque despectus, ut humauo
corpore divina potentia celaretur.
Hier. Sermo autem Lucœ tam iu
Evaugeliù quam in Actibus Apostolo-
rum comptior est, et secularem redolet
eloquentiam : unde subditur : « Domi-
nus dédit mihi linguam eruditam. » Amb.
((Ut sup.) Nam licet Scriptura divina
mundanœ evacuet sapieutiae discipliuam,
quod majore fucata verborum ambitu ,
quam rerum ratioue subnixa sit; tamen
si quis iu Scripturis etiam divinis illa
quce imilanda illi putanî, quserat, iuve-
niet. Sanotus euim Lucas velut quem-
DE L EVANGILE DE SAINT LUC,
XI
effet, a suivi un certain ordre historique, il raconte en plus grand
nombre les miracles opérés par Notre-Seigneur, et en même temps
son évangile renferme des leçons de toutes les vertus. Ainsi quoi de
plus sublime pour la sagesse naturelle que ce récit où saint Luc nous
représente l'Esprit saint comme le créateur même de l'incarnation du
Seigneur? Il nous enseigne d'une manière non moins relevée toutes
les vertus morales, comment par exemple, je dois aimer mon ennemi
(vr, XXVII, XXXII, xxxv), j'y trouve même des leçons des choses
qu'on pourrait appeler simplement rationnelles, par exemple : « Celui
qui est fidèle dans les petites choses , l'est aussi dans les grandes, o
(XVI, iO).
EusÈBE. [Eist. ecclés., m, 4.) Saint Luc, né à Antioche, où il exer-
çait la profession de médecin , puisa dans la société ou dans la tradi-
tion des Apôtres, les principes d'une médecine bien différente, et
composa deux livres où sont expliquées les règles de cet art céleste^
qui apprend a guérir non pas les corps mais les âmes : « Afin que je
puisse soutenir par la parole celui qui est abattu. » — S. Jér. Il nous
apprend en effet lui-même que le Seigneur lui a confié le ministère
de la parole pour soutenir le peuple errant et fatigué , et le ramener
dans les voies du salut,
GnEG. Or, saint Luc étant doué d'un esprit distingué et d'une vaste
intelligence, se rendit habile dans les sciences des Grecs. Il acquit une
connaissance parfaite de la grammaire et de la poésie, et s'instruisit à
fond des règles de la rhétorique et de l'art de persuader, il excella
également dans la philosophie , et enfin dans la médecine. Mais lors-
que grâce à cette prodigieuse activité, il eut assez goûté les fruits de
la sagesse humaine , il sentit le désir de posséder une sagesse plus
dam historicum ordinem tenuit, et plura
nobis gestorum Doiuini miracula reve-
lavit; ita tamen ut omnes sapienliae vir-
tules Evangelii ipsius complecteretur
historia. Quid enim praecellentius ad sa-
pientiam naturalem, quam quod Spiri-
tum sanctum crealoreiu eliam dominica»
incarnationis extitisse reseravit? Uocet
moralia in eodem libro (cap. C, vers. 27,
32, 35), quemadinodum scilicet amare
inimicum debeam ; docet etiam ratio-
nalia, cum lego {Luc. IG, vers. 10) : Quo-
niam « qui fidelis est in minimo, et in
niagno fidelis est. »
Ei'SEB. [in Ecclesiost. Historia. lib.
m, cap. 4.) Is ergo génère quidem Aii-
tiochenus, arte medicus, secundum banc
medicinam, quam ex Apostolorum vel
societate vel traditions susceperat, duos
nobis médicinales libros, quibus non
corpora, sed animae curentur, explicuit :
unde sequitur : « Ut sciam sustentare
eum qui lassus est verbo. » Hier, (super
Isaium, cap. 50.) Dicit enim se a Do-
mino accepisse sermonem, quomodo las-
sum errautemque populum sustentet et
revocet ad salutem.
Grj:cus exposit. Cura autem Lucas
bona; indolis esset et capacitatis strenuae,
Grsecorum scientiam consecutus est ;
gramraaticam siquidem atque poesim
adeptus perfecte, rhetoricam autem et
persuadendi leporeui assecutus ad pie
num, neque philosoplii.t muneribus ca-
ruit; denique et medicinam acquirit. Et
quouiam naturœ velocitate satis de bu-
mana gustaverat sapientia, ad altiorem
convolât. Accélérât igitur ad Judaeam, et
XII PRÉFACE DE l' EXPLICATION DE l' ÉVANGILE DE SAINT LUC.
élevée , il se rendit donc en toute hâte dans la Judée , et vint trouver
Jésus-Christ pour jouir de sa présence et s'instruire à son école. La
vérité s'étant fait connaître à lui , il devint un vrai disciple de Jésus-
Christ, et resta longtemps auprès de ce divin Maître. — Glose. C'est
ce qu'indiquent encore ces autres paroles :« Il m'éveille dès le matin, »
(comme on forme dès la jeunesse à la science profane ; il m'é-
veille dès le matin et me touche l'oreille , pour la sagesse divine) ,
pour que j'écoute attentivement les leçons du maître, c'est-à-
dire de Jésus-Christ lui-même. (1) — Edsèbe. [comme précéd.) On
dit qu'il écrivit son évangile sous la dictée de saint Paul, de même
que saint Marc écrivit l'évangile qui porte son nom d'après les leçons
de saint Pierre. — S. Chrts. {sur S. Matth.^ hom. 41. Ils ont tous deux
imité leur Maître, l'un à l'exemple de saint Paul répand ses eaux avec
abondance, comme un fleuve majestueux, l'autre imite saint Pierre,
qui s'est appliqué à être concis. — S. Aug. {De lac. des Evang., iv, 8.)
Les évangélistes ont écrit dans un temps où ils ont mérité de recevoir
l'approbation non-seulement de l'Eglise de Jésus-Christ , mais des
apôtres eux-mêmes qui vivaient encore. Ces préliminaires suffisent.
(l) Ce passage est contraire à ce que saint Luc lui-même dit dans sa préface, où il déclare
qu'il écrit non pas ce qu'il a vu de ses yeux, mais ce qu'il a entendu raconter aux autres.
visibiliter et verbo tenus Christum adit.
Cumque reritatem cognosceret , verus
efficitur Christi discipulus, pliirimum
cum masistro commoratus. Glos. Unde
subditur : « Erigit mane (quasi a juven-
tute ad secularem sapientiam y , mane
erigit mihi aurem (ad divina) ut audiam
quasi magistrum. » scilicet ipsum Chris-
tum. ErsEB. [in Ecclesiast. Historia,
■ut supra.) Tradunt autem quod Evan-
geiium suum ex Pauli ore conscripserit;
sicut et Marcus quee ex Pétri ore fuerant
praedicata, conscripsit. Chrys. (super
Matth., hom. 4.) Uterque autem eorum
magistrum imitatus est; hic quidem
Paulum super flumiua fluentem ; ille
autem Petrum breviloquio studentem.
AuGCST. [de Cons. Evang., Ub. iv,
cap. 8. ) Eo autem tempore^ scripse-
runt, quo non solum ab Ecclesia Chri-
sti. verum etiam ab ipsis adhuc in
carne mauentibus apostolis probari me-
ruerunt. Et hœc proœmialiter dicta suf-
fi ciant.
PREFACE DE SAINT LUC
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
Motifs qui ont déterminé saint Luc à écrire son Evangile. — Evangiles apo-
cryphes.— Dans quel sens saint Luc dit plusieurs. — Est-ce dans un corps
apparent que Jésus est venu sur la terre. — Sur quels témoignages s'appuie
saint Luc. — But de la parole de Dieu. — Comment les apôtres ont vu Notre-
Seigueur. — Saint Luc n'a pas été un des premiers disciples du Sauveur. —
Connaissance qu'il avait acquise des faits qu'il raconte. — A qui adresse-t-
ii son Evangile? — A qui doivent s'appliquer ces paroles : ils se sont efforcés.
Beaucoup de personnes ayant entrepris d'écrire l'histoire des choses qui ont été
accomplies parmi nous, suivant le rapport que nous en ont fait ceux qui dès
le commencement les ont vues de leurs propres yeux, et qui ont été les ministres
de la parole, j'ai cru, très-excellent Théophile, qu'après avoir été très-exacte-
ment informé de toutes ces choses depuis leur premier coinmencement, je devais
aussi par écrit vous en représenter toute la suite, afin que vous reconnaissiez
la vérité de ce qui vous a été annoncé.
EusEB. {Hist. écclesiast., m, i.) Saint Luc commeuce son récit en
nous faisant connaître la raison qui l'a déterminé à écrire son évangil ii ;
c'est que plusieurs avaient eu la prétention ténaéraire de raconter les
choses dont il avait une connaissance plus parfaite : « Plusieurs, dit-il,
s'étant efforcé de mettre par ordre l'histoire des choses. » — S. A.air.
{Préf. sur S. Luc.) Car, de même que chez le peuple juif, un grand
nombre de prophètes ont prophétisé sous l'inspiration de l'Esprit
saint; tandis que d'autres n'étaient que de faux prophètes (1), de
l; Faux prophètes, ou faux diseurs, du grec 'iiivoiii, qui signifie faux, menteur.
PROŒMIIM Ll!C/E
Quoniam t/uidem muUi conali sinit ordinare aar-
raliones qnœ in nohis complelœ sunt rcrum
(sicut tradiderunt nobin qui ab initia ipsi vi-
derunt , et ministri fucrunt sermonis), visum
est mihi assecuto a principio omnia diligenter
ex ordine libi snribere , opiime Théophile , ut
C'ignoscas eorum verborum de quihas ermlilus
es, virlutem.
EusEB. (in Ecclesiast. Hist.. lib. ni,
cap. 4.) Lucas in initio Evangelii sui
causam cur scripserit, indicavit; vide-
licet quoniam niuUi alii temere prœ-
suinpscrant eiiarrare res quœ ?ibi magis
eraiil ad liquiduin compcrtœ. Et hoc est
qiiod dicit : « Oiioniaiu quidem niulli
conali snnt ordinare narraliones reruni.»
AiiBTi. (in Proœiniitm J.ucœ.) Nani sicut
multi in Jud.Eonun pupiilo, divino in-
fusi Spiritu prophelavornnt, alii aiiloni
pseudoproplieUc- erant potius ((uani pro-
phétie; sic et nuuc in .Novo Teslameuto
XIV PRÉFACE
même aujourd'hui, sous la nouvelle loi, plusieurs ont entrepris d'écrire
des évangiles qui ne sont pas de bon aloi; c'est ainsi qu'on nous
donne un évangile, écrit, dit-on , par les douze Apôtres, un évangile
que Basilide a eu la prétention d'écrire, un troisième même qui aurait
pour auteur saint Matliias. — BÈBi,.{Préf. sur S. Luc.) Lorsque saint Luc
dit plusieurs, il a donc moins égard à leur nombre qu'à la diversité
des hérésies que professaient ces prétendus évangélistes , qui sans
avoir été favorisés des dons de l'Esprit saint et ne s'appuyant que sur
leurs vains efforts, ont cherché bien plutôt à composer des récits par-
ticuliers qu'à reproduire la vérité historique des faits. S. Amb. [Ibid.)
Celui qui s'est efforcé de mettre en ordre, n'a dû ses efforts qu'à son
travail personnel, et n'en peut espérer aucun résultat; au contraire,
les dons et la grâce de Dieu n'exigent point d'efforts (1), et quand la
grâce se répand dans une âme, elle l'arrose si largement, que l'esprit
de l'écrivain loin d'être stérile , devient d'une inépuisable fécondité.
C'est donc avec raison que saint Luc ajoute : « Des choses qui se sont
accomplies parmi nous, » ou dont nous avons une connaissance sura-
bondante, car ce qui est abondant ne fait défaut à personne, comme
aussi personne ne doute de ce qui s'est accompli, puisque la foi s'appuie
alors sur des faits qui en sont la démonstration la plus claire. — Tite
DE BosTR. [sur la Prcf. de S. Luc.) Il ajoute : « Des choses, » car ce
n'est pas dans un corps simplement apparent, comme le prétendent
les hérétiques que Jésus a fait son avènement parmi nous, mais comme
il était la vérité , c'est réellement dans la vérité qu'il a accompli son
œuvre. — Orig. {Hom. 1, swr S. Luc.) (2) Il nous fait connaître qu'elles
(!' C'est-à-dire que la grâce de Dieu ne dépend pas des ellorts de l'Iiomme.
(2) Cette citation et celle qui précède viennent de Tite^ comme on le voit dans le tome II de la
Bibliothèque des Pères grecs. Dans les autres éditions tout était réuni sous le nom d'Origène,
et on y avait omis l'appendice sur le mot grec 7i£Tr),y)poepopY)[A£v03V, que nous avons rétabli parce
qu'il se trouve dans l'édition d'Anvers.
multi Evaugeliasciibereconatisunt, qufe natu eniai simt et clouatioues et gratia
boni numniulariinonprobarunt: et aliud Dei; quœ ubi se infuderit. rigare con-
quidem fertur Evangelium quod duode- ' suevit, iit non egeat sed redundet scri-
cim Apostoli scripsisse dicuntur : ausus ploris ingeniuui. Et ideo benedicit : « Re-
est etiam Basilide» Evangelium scri- ' mm quœ in nobis completse sunt ; » vel
bere : fertur aliud secundum Matlhiani. ({uce in nobis reduudanî : quod eniui re-
Beda. {prœfat. in Luc.) Multos ergo eos
non tam numerositate quam hsereseos
multifariœ diversitate connumerat; qui
non Spiritus sancti numere donati, sed
vacuo labore conati, magis ordinaverunt
narrationem quam bistoriœ texueruut
veritatem. Ambr. [ut sup.) Qui enim co-
natus est ordinare, suo labore couatus
est, nec implevit suo couatu : sine co-
dundat, nulli déficit; et de complelo
nerao diibitat; cum tideni efîectus as-
truat, exilus prodat. Titus Bostrensis.
(/■){ Pioœin. Luc.) Dicit autem : Jierum,
quia non secundum phantasiani juxta
baereticos exercuit Jésus carnalem sui
ipsius adveutum. sed cum veritas esset,
rêvera negotium prosecutus est. Orig.
{//owj. 1, in Luc.) AtTectum autem suum
DE SAINT LUC.
*▼
ont été pour lui les suites de cet avènement , en ajoutant : or Qui se
sont accomplies parmi nous, » c'est-à-dire qui nous ont été dévoilées
dans toute leur clarté , (comme le signifie le mot grec Tre-Xr^poçopr,-
ixévtov, que le latin ne peut rendre par un seul mot) , car la connais-
sance de ces mystères était chez lui le résultat d'une foi certaine, rai-
sonnée, et qui excluait jusqu'à l'ombre même du doute.
S. GflRYS. {Ch. des Pèr gr.) L'Evangéliste ne s'en rapporte pas seu-
lement à son témoignage personnel , mais il s'appuie exclusivement
sur celui des Apôtres, pour donner plus de poids à ses paroles : «Ainsi
que nous les ont rapportées ceux qui les ont eux-mêmes vues dès le
commencement.» — Eusèbe. [Hist. ecclés., m, 4.) Il est donc certain,
que c'est dans les enseignements de saint Paul ou des autres Apôtres
qui ont été attachés dès le commencement à la personne du Sauveur^
que saint Luc a puisé la vérité historique de son récit. — S. Ghrys.
{Comme précéd.) 11 se sert du mot, « ils ont vu, » parce que le témoi-
gnage de témoins oculaires des faits, est pour nous le plus ferme motif
de crédibilité.
Orig. De l'aveu de tous, l'objet final de certaines sciences e^t dans
ces sciences elles-mêmes, comme la géométrie ; pour d'autres, comme
la médecine, cet objet est dans l'application , il en est ainsi de la pa-
role de Dieu ; aussi après nous avoir indiqué la source de la science
par ces paroles : « Ils ont vu, » il nous en fait connaître les œuvres
pratiques en ajoutant : « Et ils ont été ministres de la parole (ou du
Verbe.) » — S. Ambr. Cette dernière expression ne signilie pas quo le
ministère de la parole s'adressait plutôt à la vue qu'à l'ouïe; mais
comme ici, ce Verbe n'était pas un Verbe parlé, mais un Verbe substan-
tiel, saint Luc veut nous faire comprendre que ce n'est pas d'une pa-
i^vel etfecluin) indicat ex hoc quod ait :
« Quœ ia nobis coinpletcp sunt ; » id est,
« quœ in nobis manifestissiuie sunt os-
lensiE (prout fert Graecum 7rï7:),r,poio-
pr,[X£vwv, qiiod uno verbo latinus sernio
non explicat), » certa enini fide et ra-
tioue cognoverat, neque in aliqiio fluc-
tuabat.
Chrysost. [in Cat. Grœconim l'a-
trum.) Evaugelista auteni non solum
testimonio contentus est proprio, sed ad
aposlolus toluin referl, inde robiir ve-
uatur sermoni : et ideo subdit : « Sicut
Iradiderunt nobis qui ab initio ipsi vi-
derunt. » Euseb. [in Eccles. liistor.,
lib. III, cap. 4.) Certus est quod verila-
teni, vel Paulo exponente, vel aliis Apos-
tolis qui ab initio ipsi viderant, vel sibi
tradideraut, cousecutus sit. Chrys. [ubi
Slip.) Dicit autem : Vlderunt, quia hoc
maxime robur nanciscitur credulitatis ,
quod addiscitur ab bis qui prtcsentialiler
videruuf.
Orig. [id snp.) Palani est autem quod
cujusdam doctrince finis, est in ipsa
doctriiia sicut Geonietricfi ; alterins vero
doetriurp, finis in opère computatur, si-
cut medicinœ : et ita est in senuone Dei :
et ideo poslquaui siiruificaverat scien-
tiam, ex lioc quod dixerat : « Ipsi vide-
runt, » demourilrat opéra, ex boc quod
sequilur : « Et niinislri fueruut sermo-
nis (vel rurbi.) » Ambr. Non congruit
ista locutio, ut magis niinisterium verbi
visuni quani audituni esse crodamus; sed
quia non prolativuni verbuui, sed sub-
XVI
PRÉFACE
rôle ordinaire , mais d'une parole toute céleste, que les Apôtres furent
les ministres. — S. Cyril. ^I) Saint Jean confirme ce que dit ici saint
Luc, que les Apôtres ont vu ce Verbe de leurs yeux par ces paroles :
« Le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu
sa gloire ; » car c'est par le moyen de la chair que le Verbe s'est rendu
visible. — S. Ambr. Mais ce n'est pas seulement comme homme revêtu
de notre chair qu'ils ont vu Notre-Seigneur, ils l'ont vu comme Verbe,
lorsqu'avec Moïse et Elie (2), ils ont été témoins de la gloire du Verbe,
qui est resté invisible pour ceux qui n'ont pu voir que son corps. —
Orig. Il est écrit dans l'Exode : « Le peuple voyait la voix du Seigneur. »
Cependant la voix s'entend plutôt qu'elle n'est vue; mais l'écrivain
sacré s'exprime de la sorte pour nous faire comprendre que la voix du
Seigneur est visible pour d'autres yeux, que Dieu ouvre à ceux qui en
sont dignes. Or, dans l'Evangile, ce n'est pas simplement la voix qui
est vue, mais une parole qui est bien supérieure à la voix.
Théophyl. [préf. sur S. Luc.) Nous pouvons conclure logiquement
de ces paroles, que saint Luc n'a pas été un des premiers disciples du
Sauveur, mais qu'il ne l'est devenu que dans la suite (3). D'autres se
sont attachés à Jésus-Christ dès le commencement , comme Pierre et
Jes fils de Zébédée. — Bède. Et cependant saint Matthieu et saint Jean,
pour un grand nombre de faits qu'ils racontent, ont dû nécessairement
avoir recours à ceux qui connaissaient les détails de l'enfance de Jésus,
de sa jeunesse, de sa généalogie, et qui avaient pu être témoins de ses
actions.
1) Celte citation ne se trouve que dans la Chaîne des Pères Grecs, on rencontre quelque chose
de semblable au livre x, contre Julien. Nous n'avons plus également le Commentaire de saint
Cyrille sur saint Luc, qui est cependant cité par saint Thomas dans la 2 2. quest. 101, art. 4.
(2) Allusion aux apôtres qui ont vu Jésus transfiguré sur la montagne en présence de Moïse et
d'Elie.
(3) Ou dans les derniers temps d'après le grec U(7T£p6xpôvî;,
f^taotiale siiruiûcaUir. uun vulgare ver-
biim sed cœleste inlelUgamus, cui apos-
toli ministraruut. Cyril. Quod aulem
dicit hujus verbi visores fuisse aposto-
los, concordat curn Joaune. qui dicit :
« Yerbum caro factum est, et habitavit
in nobis; et vidimus gloriam ejus : »
Verbum uamque mediante carne visibile
factum est. Ambr. (h< sup.) Non solum
autem secundum corpus viderunt Domi-
nuru, sed eliam secundum verbum : vi-
derunt enim Verbum , qui cum Moyse
et Ella viderunt gloriam Verbi; alii non
viderunt, qui corpus tantum videra po-
tuerunt. Obig. [vt svp.) Et in Exodo
quideni scriptum est (cap. 20, vers. 18) :
« Populus videbat vocem Domini. » Vox
autem auditur potius quam videtur : sed
propterea ita scriptum est, ut ostende-
retur nobis, aliis videri oculis vocem
Domini, quibus illi aspiciunt qui meren-
lur. Porro in Evangelio non vox cer-
nitur, sed sermo qui voce praestantior
est.
Theophylact. [prœfut. in Luc.) Ex
hoc enim manifeste innuitur quod Lucas
non fuit discipuius ab initio, sed pro-
cessu temporis. Alii autem fuerunt dis-
cipuli ab initio, scilicet Petrus et fîlii
Zebedœi. Beda. Et tamen Matthaeus
quoque et Joannes in multis quae scri-
Ijereut ab bis qui iufantiam , pueritiam
genealogiamque ejus scire, et gestis in-
teresse potuerant, audire opus babebant.
DE SAINT LUC.
XVII
Orig. Saint Luc établit ensuite le droit qu'il avait d'écrire l'Evangile
sur la connaissance qu'il en avait acquise, non par des rumeurs incer-
taines, mais par des traditions qui remontaient à l'origine des faits :
« Il m'a semblé bon , après avoir tout appris dès le commencement,
cher Théophile, d'en écrire l'histoire avec ordre. » — S. Ambr. En
disant : a II m'a semblé bon , » il n'exclut pas le bon plaisir de Dieu ;
car c'est Dieu lui-même qui prédispose la volonté de l'homme (I). Or,
personne n'ignore que l'Evangile de saint Luc est plus étendu que les
autres, aussi saint Luc prend-il soin d'établir solidement la vérité des
faits qu'il raconte : « C'est après avoir été très -exactement informé,
que j'ai cru devoir écrire , » non tout ce qu'il avait appris, mais une
partie ; car si toutes les choses qu'a faites Jésus étaient rapportées en
détail, je ne crois pas, dit saint Jean, que le monde put contenir les
livres où elles seraient écrites. Du reste , c'est à dessein qu'il a omis
une grande partie des faits racontés par les autres Evangélistes , afin
que chaque Evangile dût son caractère particulier à la nature des
mystères et des miracles qu'il renferme.
Théophyl. Il adressa son Evangile à Théophile , c'était un person-
nage distingué, peut-être même un prince; car l'épithète à' excellent
ne se donnait qu'aux princes et aux gouverneurs, comme nous voyons
saint Paul appeler le gouverneur Festus : « Très-excellent Festus. »
— BEDE. Théophile signifie qui aime Dieu ou qui est aimé de Dieu,
qui que vous soyez donc, si vous aimez Dieu , ou si vous désirez être
aimé de Dieu, regardez cet Evangile comme écrit pour vous , et con-
servez-le comme un présent qui vous est fait , comme un gage qui
(1) Allusion à ce passage des Proverbes : « Le Seigneur prépare la volonté, " {Prov., viii, 35,)
selon la version des Septante, car on lit dans la Vulgale ces paroles de la Sagesse : « Celui qui me
trouve, trouve la vie, et son salut viendra du Seigneur. »
Orig. {ut sup.) Deinde facultatem scri-
bendi replicat, quoniam ea quae scripsit,
non rumore cognovit, sed ab initio fue-
rat ipse consecutus. Unde sequitnr :
« Visum est et mihi assecuto a principio
ODinia diligenter ex ordine tibi scribere,
optimo Théophile. » Ambr. {ut svp.) Cum
dicit : « Visum est niihi, » non negal
Deo visum : a Deo enim prteparatur vo-
luntas honiinuni. ProHxiorem autcm
liunc Evangelii libruni quain cœlcros
esse nemo dubitaverit , et ideo non ea
quiB falsa sunt, sed quee vera sibi ven-
dicat. Et ideo dicit : << Assecuto quidem
omnia visum est scribere ; » non omnia,
sed ex omnibus, quia qua; fccit Jésus si
scribantur omnia, nec ipsum mundum
TOM. V.
capere arbitrer. {Joan., 21.) Consulto
aulem quœ ab aUis sunt scripta, praete-
riit, ut propriis quibusdam singuli Evau-
gelioriim libri mysteriorum gestorum-
que miraculis eminerent.
TuKOPHYLACT. Scribit autem ad Theo-
phihun virum iaclylum fortassis et prin-
cipeni, quia f[uod dicit : Optime, non
dicebatur nisi principibus . et prœsidi-
bus ; sicut et Paulus Festo Prœsidi dixit
{Act., 26, vers. 2o) : « Optime Feste. »
Beda. Theophilus autem inlerpretatur
« amans Deum , vel amatus a Deo : »
quisquis crgo amat Deum sive a Deo se
desiderat amari, ad se scriptum pulet
Evaugelium, et ut sibi dalum unums ,
sibiquc commendatum pignus conservet.
ù
XVIII
PRÉFACE
VOUS est confié. Et ce ne sont pas des choses nouvelles , ou des secrets
inconnus qu'il doit expliquer à ce même Théophile ; il lui promet de
lui exposer la vérité des choses dont il a été instruit , afin , dit-il, de
vous faire connaître la vérité des choses qu'on vous a enseignées (Ij,
c'est-à-dire pour que vous puissiez connaître dans leur ordre naturel, les
paroles et les actions du Seigneur , dont le souvenir nous a été con-
servé. — S. Chrys. (2) Ou encore , afin que vous ayez une certitude
inébranlable des vérités que vous avez apprises , en les voyant consi-
gnées dans l'Ecriture. — Théophyl. Souvent, eu efifet, nous regardons
comme faux des faits qu'on avance dans la conversation , sans qu'on
les mette par écrit; si, au contraire, on prend soin de les écrire, nous
y ajoutons foi plus volontiers; car, pensons-nous, s'il n'était sur de
la vérité de ce qu'il dit, il ne l'écrirait point. — S. Chrys. On peut dire
encore que toute cette préface de saint Luc contient deux choses :
dans quelles conditions ceux qui l'ont précédé (saint ^Matthieu et saint
Marc) ont écrit l'Evangile, et pour quel motif il a entrepris lui-même
de l'écrire. Cette expression : « Ils se sont efforcés, » peut donc s'ap-
pliquer, et à ceux qui n'ont mis la main à cette œuvre que par pré-
somption, et à ceux qui l'ont entreprise dans les conditions de respect
et d'honneur qu'elle réclame. Or, le sens douteux de cette expression
se trouve précisé par une double explication que saint Luc nous donne.
Premièrement^ lorsqu'il dit : « Des choses qui se sont accomplies
parmi nous , » secondement, quand il ajoute : « Ainsi que nous les
(1) Ou bien d'après le grec àCTçàÀîiav, la certitude entière, la conviction intime.
(2) Cette citation se retrouve à peu de chose près dans Tite et dans Théophylacte. Il peut se
faire que saint Chrysostome ait commenté ce passage de saint Luc, comme les paroles suivantes
mais on n'en retrouve aucune trace. Possevin dans son Apparat affirme d'après Euthymius et
Suidas, que ce saint docteur avait composé d'excellents commentaires sur saint Luc, mais ils
n'existent plus. Toutefois ils ont dû exister au temps où saint Thomas composait cet ouvrage.
Nous faisons cette remarque qui devra servir pour toute la suite, lorsque nous rencontrerons une
citation qui ne se trouve pas dans saint Chrysostome.
Non autem novorum quorumlibet eidem
Tlieopliilo et velut igiiotorum ratio pan-
denda, sed eorum de quibus eruditus
est verborum promittitur veritas expri-
menda; cum subditur : « Ut cogDoscas
eorum verboram, de quibus eruditus es^
veritatem, » scilicet ut quo quidque or-
dine de Domino vel a Domino dictum
gestumve sit, agnoscere queas. Chrys.
(ut sup.) Vel aliter : certitudinem ha-
beas, et securus existas de lis quae au-
ditu perceperas, prospiciens eadem in
Scriptura. Theophylact. Plerumque
euim cum sine scripto aliquid ab aliquo
dicitur, caiumniamur illud quasi fal-
sum ; cum vero quse dicit scripserit,
tune magis credimus, quasi, nisi putaret
vera, non scriberet. Chrys. Vel aliter :
totum Evangelistae proœmium duo con-
tinet : conditionem eorum qui ante
eum Evangelium scripserant (puta Mat-
thaîi, Marci), et rursum cur et ipse scri-
bere proposuit. Cum vero dixisset :
« Conati sunt » vocabulum potens ap-
plicari, et ad prsesumptuose aggredien-
tes materiam, et ad honeste pertractan-
tes illam, duabus additionibus dubiam
sentent! am certificat. Primo quidem ,
quia dixit : « Quae in nobis complétée
sunt rerum : » secundo, quia dixit :
DE SAINT LUC.
XIX
ont transmises ceux qui les ont eux-mêmes vues dès le commen-
cement. » Ce mot a ils nous ont transmis , » me parait encore ren-
fermer un avertissement donné à ceux qui reçoivent l'Evangile, de
travailler eux-mêmes à sa propagation ; car de même que les Apôtres
l'ont transmis , ceux qui l'ont reçu doivent à leur tour le transmettre
à d'autres. Lorsque les faits évangéliques n'étaient pas encore consi-
gnés par écrits, il en résultait bien des inconvénients à mesure qu'on
s'éloignait des faits. Aussi ceux qui avaient recueilli ces faits de la
bouche des premiers disciples et des ministres du Verbe , agirent-ils
sagement en les consignant dans des écrits qui les répandirent dans
tout l'univers, dissipèrent les calomnies, prévinrent un fâcheux oubli,
et constituèrent ainsi par la tradition l'intégrité des saints Evangiles.
« Sicut tradiderimt, » nobis qui ab ini-
tio ipsi videruDt. » Simul autem hoc
quod dico : « Tradidenint, » indicare
mihi videtur, quod et ipsi uioneantur
propagare : velut enim illi tradiderunt
ipsos quoque oportebit accipientes -e-
riatim ad invicem promulgare. Nondum
autem commendantes scripturae quae
tradita fuerant, contingebat inconvenien-
tia plurima provenire diuturnitate tem-
poris : unde merito qui de primi» viso-
ribus verbi et ministris verbi acceperant,
in scriptis universo mundo traditioneru
praestiterunt, et calumnias propellentes,
et oblivionem destruentes, et ex ipsa tra-
ditione integritatem accommodantes.
EXPLICATION
SUIVIE
DES QUATRE ÉVANGILES
PAR SAINT THOMAS
LE
SAINT ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST
SELON SAINT LUC
CHAPITRE PREMIER.
SOMMAIRE ANALYTIQUE,
f. 5-7. — Pourqui saint Luc commence t-il son Evangile par le récit de la nais-
sance de saint Jean-Baptiste? — Le règne d'Hérode preuve de la venue du
Messie. — Qualités qui rendent vraiment digne de louanges. — Pourquoi saint
Jean est-il né d'une famille sacerdotale? — Pourquoi de parents justes. —
Pourquoi justes devant Dieu. — Quelle est la conduite vraiment irréprochable. —
Pourquoi Dieu a-t-il permis qu'un grand nombre d'épouses vertueuses fussent
stériles? — Dieu demande beaucoup plus la fécondité spirituelle que la fécon-
dité charnelle.
y. 8-10. — Zacharie était-il grand- prêtre? — Que figurait le prêtre qui offrait
l'encens.
f. 11-14. — Pourquoi l'Ecriture dit-elle que l'ange apparut à Zacharie? — Cer-
titude de cette vision. — Pourquoi a-t-elle lieu dans le temple? — Cause du
trouble de Zacharie. — A quel signe peut-on distinguer les bons esprits des
mauvais? — Quel était l'objet de la prière de Zacharie. — Objet de la promesse
de l'ange. — Quels sont ceux à qui Dieu lui-même impose un nom. — Que signifie
le nom de Jean.
f. 15-17. — Grandeur de la sainteté de Jean-Baptiste. — Sa vie sobre et aus-
tère.— Ce qu'il a reçu avec l'abondance de l'Esprit saint. — Œuvres que
Jean accomplira sous la conduite de l'Esprit saint. — Preuve de la divinité de
Jésus-Christ. — Dans quel sens Jean-Baptiste aura-t-il l'esprit et la vertu
d'Elie? — Traits d'analogie entre Elie et Jean-Baptiste. — Dans quel sens
réunira-t-il les cœurs des pères avec leurs enfants?
y. 18-22. — Le doute de Zacharie est-il excusable? — Comment les anges sont-
ils tout à la fois devant Dieu et envoyés de Dieu vers les hommes? — Raison,
justice du châtiment infiigé à Zacharie. — Etonnement du peuple.
^. 23-25. — Différence entre les prêtres de l'ancienne loi, et les prêtres de la
TOM. V. i
2 EXPLICATION nE l'ÉVANGILE
nouvelle quant à la succession. —Epoque de la conception de Jean-Baptiste. —
Pourquoi Elisabeth se tenait-elle cachée pendant cinq mois? — Pourquoi se
réjouit-elle d'être délivrée de l'opprobre de la stérilité? — Explication mystique
de tout ce qui prcccde.
f. 26, 27. — Epo(pic do la conception du Sauveur, raison mystique de cette
époque. — Mission des anges; pourquoi est-ce l'ange Gabriel qui est envoyé
à Marie. — Pourquoi est-il envoyé à Nazareth, et à une vierge?— Pourquoi
n'attend-il pas que l'enfantement ait eu lieu pour en faire connaître le
mystère à la Vierge? — Raisons pour lesquelles Dieu voulut que Marie fût
mariée. — Comment Joseph et Marie sont-ils de la maison de David? — Signi-
fication du nom de Marie.
f. 28, 29. — Discours de l'Ange à Marie. — Comment Marie est pleine de grâces. —
Comment le Seigneur est avec elle. — Comment est-elle bénie entre toutes les
femmes? — Trouble de la sainte Vierge, quelle en fut la cause. — Sa prudence.
ji". 30-33. — Comment l'Ange dissipe ces sentiments de crainte. — Comment Marie
a-t-elle trouvé grâce devant Dieu? — Nom de Jésus. — Dans quel sens il sera
grand. — Par qui sera-t-il appelé le Fils du Très-Haut? — Est-il inconvenant
(ju'un Dieu habite dans un corps mortel? — Quel est le trône de David sur
lequel le Sauveur doit s'asseoir. — Quelle est la maison de Jacob sur laquelle
il vdoit régner. — Nature étendue de son règne.
>'•. 34, 35. — Sagesse de la question que Marie fait à l'Ange. — Cette question
preuve certaine de sa virginité dans le mariage. — Comment l'Ange lève le
doute de la Vierge. — Dans quel sens le Saint-Esprit est-il l'auteur de la con-
ception du Fils de Dieu? — Comment le corps du Sauveur a été formé dans
le sein de Marie. — Sainteté de Jésus bien supérieure à la nôtre. — Toute la
Trinité intervient dans le mystère de l'Incarnation.
y. 36-38. — Pom-quoi l'Ange au lieu d'exemples anciens cite à la Vierge
l'exemple d'Elisabeth. — Comment Marie est-elle à la fois cousine d'Elisabeth
et de la maison de David? — Toute-puissance de Dieu, en quoi consiste-t-
elle? —Profonde humilité de Marie.
^. 39-46. Motif qui pousse Marie à visiter sa cousine Elisabeth. — Exemple
qu'elle donne aux vierges et aux femmes chrétiennes. — Mystère du tressaU-
lement de Jean dans le sein de sa mère. — Elisabeth bénit la Vierge Marie.—
Pourquoi le fruit de ses entrailles est béni. — Humilité d'Elisabeth. — Cause
du tressaillement de Jean-Baptiste, —Elisabeth célèbre la foi de Marie, et la
proclame bienheureuse. — Part que nous pouvons avoir à son bonheur.
f, 47. C'est par les femmes que la rédemption commence à s'opérer. —
Marie rend gloire à Dieu, dans quel sens elle glorifie, elle exalte le Seigneur.—
Le premier fruit de l'Esprit saint la paix et la joie. — Comment nous pouvons
participer à cette paix à cette joie.
y. 48. — Cause de la joie et des divins transports de Marie. —Dieu a regardé
son humilité. — Combien elle a été profonde. — Dans quel sentiment elle
prédit ses destinées futures.
y. 49. _ Véritable cause de sa grandeur.— Grandes choses que Dieu a opérées
en elle. — Dans quel sens le nom de Dieu est saitit.
jir. fio. — La miséricorde de Dieu s'étendant à tous les hommes. — Sur qui
s'exerce-t-elle?
f. 51-53. — Châtiment qui attend les orgueilleux. — Récompense réservée aux
humbles.— Comment Dieu a fait éclater la puissance de son bras. — Quels
DE SAINT LUC; CHAP. I. 3
sont les orgueilleux qu'il a dissipés , les grands qu'il a renversés , les petits
qu'il a élevés, ceux qu'il a rassasiés, les riches qu'il a renvoyés vides de tout
biens.
f. 54, 55. — Effets particuliers du mystère de l'Incarnation. — Quel est l'Israël
que Dieu a pris en sa protection. — Véritable postérité d'Abraham.
f. 56. — Pourquoi Marie demeura-t-elle trois mois chez Elisabeth? — Pourquoi la
quitta- t-elle lorsqu'elle est sur le point d'enfanter?
i. 57, 58. — Pourquoi les parents et les voisins d'Elisabeth viennent-ils la
visiter? — La naissance des Saints sujet de joie publique.
i\ 59-64. — Pourquoi la loi de la circoncision fut-elle donnée à Abraham? —
Pourquoi avait-elle lieu huit jours après la naissance de l'enfant? — Le nom
de Jean donné miraculeusement à l'enfant d'Elisabeth. — Signification mysté-
rieuse de ce nom. — Zacharie recouvre l'usage de la parole. — Explication
allégorique de la naissance de Jean -Baptiste.
f. 65, 66 — Présages de la grandeur de Jean-Baptiste.
>'■. 67, 68. — Cantique de Zacharie — Bonté miséricordieuse de Dieu. — Dn;)ble
objet de la prophétie de Zacharie, — Comment Dieu a visité son peuple.
y. 69. — Comment il a élevé le signe de salut dans la maison de David.
f. 70. — Accomplissement des prophéties.
y. 71. — Quels sont les ennemis dont Dieu vient nous sauver.
f- 72, 73. — Dans quel sens Dieu exerce-t-il par là sa miséricorde envers nos
pères ?
f. 74. — Dieu nous délivre non-seulement de nos ennemis, mais de tout senti-
ment de crainte.
f. 75. — Nous devons servir Dieu dans la sainteté et la justice.
y. 76. — Pourquoi Zacharie adresse-t-il la parole à son petit enfant?
f. 77, 78. — Quel doit être le ministère de Jean-Baptiste, et l'objet de sa mis-
sion. — A quoi devons-n( us la rémission de nos péchés.
f. 79. — Ténèbres que Jésus-Christ est venu dissiper. — Quelle est l'ombre de
la mort dans laquelle les peuples étaient assis? — Quelle est la voie de la paix?
f. 80. — Dans quel sens Jean croissait et se fortifiait. — Pourquoi se retire -t-il
et reste-t-il dans le désert jusqu'au jour de sa manifestation au peuple
d'Israël?
A EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
f. 5-7. — Sous le règne d'Hérode, roi de Judée, il y avait un prêtre nommé
Zacharie, de la classe d'Abia, et sa femme aussi, de la race d'Aaron, s'appe-
lait Elisabeth. Ils étaieiit tous deux justes devant Dieu, ils observaient tous
les commandements et les ordonnances du Seigneur, sans qu'il y eut rien à
reprendre dans leur vie. Ils n'avaient point d'enfant, parce qu'Elisabeth était
stérile et que tous deux étaient avances en âge.
S. Chrys. {Chaîne des Pèr. gr.) Saint Luc commence son récit par
l'histoire de Zacliarie et de la naissance de Jean-Baptiste ; préludant
ainsi par le récit d'un moindre prodige au récit d'un prodige plus
étonnant. Une Vierge devait être mère, la grâce nous prépare à ce
mystère, en nous montrant une femme stérile devenue féconde. Le
temps se trouve indiqué par ces paroles : « Dans les jours d'Hérode, »
et la dignité d'Hérode par ces autres : « Roi de Judée. » Cet Hérode
était différent de celui qui mit à mort Jean-Baptiste, il était roi, tandis
que ce dernier n'était que tétrarque. — Bède. Ce règne d'Hérode_,
qui était étranger, est une preuve de la venue du Messie. Il était
prédit en effet [Gen., xlix) : « Le sceptre ne sortira point de Juda, ni
le prince de sa postérité, jusqu'à ce que vienne celui qui doit être
envoyé. » Or, depuis la sortie d'Egypte, les Juifs furent gouvernés par
des juges de leur nation, jusqu'au prophète Samuel, et ensuite par
des rois jusqu'à la captivité de Babylone. Au retour de la captivité,
ce furent les grands-prètres qui exercèrent le pouvoir souverain jus-
qu'à Hyrcan, tout à la fois roi et pontife. Hyrcan ayant été mis à
mort par Hérode, César-Auguste donna le royaume de Judée à ce
SANCTIM JESl] CimiSTl EVANGEIIUH
SECUNDUM LUCAM.
G A P U T P R I M U M.
Fuit in diebus Herodis, Régis Judœœ , Sacerdos
quidam nomine Zacharias, de vice Abia, et
uxor illius de filiabus Aaron , et nomen ejus
EHzabeth. Erant autem justi ambo ante
Deum, incedentes in omnibus mandatis et jus-
tificalionibus Dominisine quereln. El non erat
mis filins, eo quod esset EHzabeth slerilis , et
ambo processissent in diebus suis.
CnRYS. {i7i Catena Gro'corum Patrum
ex liomiliis in Joan.) Evangelicae Dar-
ralioni? exordium a Zacharia sumit et a
nativilate Joaunis mirum ante mirum
edisserens, uiinus aute majus. Nam
quoiiiain Virgo paritura erat, prœpara-
vit gratia ut vêtus prius conciperet. {et
hom. 6, in l/c^^^.) Déclarât autem tem-
pus cum dicit : « Fuit in diebus Hero-
dis, » et adjicit dignitatem cum subdit :
« Régis Judaete. » Alius autem Herodes
fuit qui Joannem occidit; sed ille te-
trarcba fuit, liic autem rex. Beda. Tem-
pus autem Herodis (alienigente scilicet
régis ) domiuico attestatur adventui.
Preedictum namque fuerat {Gen., 49) :
V Quia non defleiet princeps de Juda,
neque dux de femore ejus, donec veniat
qui mittendus est. » Ex quo enim Pa-
tres ex ^Egypto exierunt, gentis suae
Judicibus usque ad Samuelem propbe-
tam, ac deinde Regibus usqae ad trans-
migrationem Babyloniœ regebantur. Post
redilum vero Babylonice per Poutifîces
rerum summa gerebatur usque ad Hyr-
canum regem simul et pontificem; quo
ab Hérode interempto Judœœ regnum
ipsi Herodi alienigenae jussu Augusti
Caesaris traditur gubernandum : cujus
DE SAINT LUC, CHAP. I. ^
dernier qui était étranger (1); et ce fut la trente-unième année de son
règne qu'eut lieu, selon la prophétie de Jacob, l'avènement de celui
qui devait venir.
S. Ambr. La sainte Ecriture nous apprend que pour être vraiment
digne de louanges, il faut se rendre recommandable, non-seulement
par ses qualités personnelles, mais encore par le mérite de ses parents
et par l'éclat d'une vertu sans tache qu'on a reçue d'eux comme un
précieux héritage. Aussi la noblesse de saint Jean-Baptiste remonte-
t-elle au delà de ses parents jusqu'à ses ancêtres, et tire tout son éclat,
non des dignités profanes, mais d'une longue succession de piété et
de vertu. L'éloge est donc complet, puisqu'il embrasse la race d'où il
descendîtes vertus de ses parents, leurs fonctions, leurs actions, leur
justice.
Les fonctions, c'étaient les fonctions sacerdotales : « U y avait un
prêtre nommé Zacharie. » — Bède (2). Or saint Jean naquit d'une
famille sacerdotale, afin qu'il pvit annoncer le changement du sacer-
doce ancien, avec d'autant plus de force^ que lui-même était connu
pour appartenir à la race sacerdotale. — S. Ambr, L'Evangéliste dé-
signe la race par les ancêtres en disant : « De la famille d'Abia, »
c'est-à-dire, d'une famille distinguée entre les premières familles. —
BÈDE, Car les princes du sanctuaire, c'est-à-dire, les grands-prêtres
étaient choisis parmi les enfants d'Eléazar, comme parmi les enfants
de Thamar, et David avait partagé au sort en vingt-quatre sections,
les fonctions du ministère qu'ils devaient remplir dans la maison de
'I) Hérode était étranger, malgré l'opinion contraire de quelques faux critiques qui s'écartent
du sentiment commun des Pères, et contredisent leur vénérable autorité en cherchant à prouver
par des raisons frivoles, qu'Herode était Juif d'origine. J'ai réfuté cette opinion dans une disserta-
tion spéciale.
(2) Cette homélie est intitulée : Pour la vigile de saint Jean-Baptiste, et se trouve parmi les
homélies que Bède appelle les homélies d'été.
31 anno juxta prophetiam supradictam,
qui miltendus erat, advenit.
Ambr. Docet autem nos divina Scri-
ptura non solum mores in his qui prfE-
dicabiles sunt, sed eliam parentes opor-
tere laudari ; ut veluti transmissa ininia-
culalae puritatis hœreditas in liis quos
volumus laudnre, praecellat. Non solum
igitur a pàrentibus sed etiam a majori-
bus S. Joannis nobilitas propa^atur ; non
seculari potestate sublimis, sed relijiionis
successione venerabilis. Pleua est igitur
laudatio, quae fienus. mores, officium,
fartum, judicium romprehendit.
Officium in sacerdotio : unde dicit :
« Sacerdos quidam nomine Zacharias. »
Bed. [in homit.) De sacerdotali enim
prosapia Joannes ortus est, ut eo poten-
tius immutationem sacerdotii praeconi-
zaret (sive praeconaretur), quo Ipsum ad
sacerdotale genus pertinere claresceret.
Ambr. Genus autem comprehendit in
majoribus : unde sequilur : « De vice
Abia, » id est, nobilis inter superiores
faniilins. Beda. Erant enim Principes
Sanctuarii (id est, suuimi Sacerdotes),
lam de fîliis Kleazar, quant de liliis Tha-
mar; quorum vices secundnm miuisle-
ria sua, ut ingrederentur domum Dei,
24 sortibus David distinxit; in quibus
6 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
Dieu. Or, le huitième sort était échu à la famille d'Abia, de laquelle
Zacharie était sorti. Ce n'est pas sans raison que le premier héraut du
Nouveau Testament nait le huitième jour du sort, car le nombre huit
désigne quelquefois le Nouveau Testament à cause du mystère du
dimanche ou de notre résurrection, comme le nombre sept signifie
souvent l'Aneien Testament, à cause du jour du sabbat, — Théophtl.
L'Evaugéliste veut montrer que saint Jean-Baptiste descendait léga-
lement de la race sacerdotale, en ajoutant : « Sa femme était de la
race d'Aaron, et elle avait nom Elisabeth , » car il n'était point permis
de prendre une femme dans une autre tribu que la sienne. Or Elisa-
beth signifie repos (1), et Zacharie, souvenir du Seigneur. — Bède.
Saint Jean nait de parents justes, ainsi pouvait-il annoncer les pré-
ceptes de la vraie justice avec d'autant plus de confiance qu'il ne les
avait pas appris comme une chose nouvelle pour lui , mais qu'il les
avait gardés lui-même comme un héritage qu il avait reçu de ses an-
cêtres. « Tous deux étaient justes devant Dieu, » dit l'Evangéliste. —
S. Ambr. Il comprend ainsi sous le nom de justice la sainteté de leur
vie. Il ajoute avec beaucoup de sens : « Devant Dieu, » car il peut ar-
river que par un vain désir de popularité on paraisse juste aux yeux
des hommes sans l'être devant Dieu, si par exemple cette justice ne
vient pas d'une intention simple et droite, mais n'est qu'un mensonge
inspiré par le désir de plaire. C'est donc faire d'un homme un éloge
complet que de dire : il est juste devant Dieu, car on n'est vraiment
parfait qu'au témoignage de celui qui ne peut être trompé. Saint Luc
comprend les actes de la vie dans l'accomplissement des commande-
(1) Cette interprétation peut venir de celle de saint Jérôme et de. Bède, d'après lesquels Elisabeth
veut dire, septième de mon Dieu (jour qui est le jour du repos. I Ces mêmes interprètes ajoutent
que ce nom signitie encore : le Dieu de mon serment, ou encore : de mon abondance.
faDûiliae Abia (de qua Zacharias ortus est)
sors contigit octava (I Parai., 24.) Non
autem frustra primus Novi Testamenti
praeco in oclavaî sortis jure nascitur :
quia sicut septenario srepe numéro pro-
pter sabbatum Vetns Testamentum, sic
novum aliquoties per octonarium propter
sacramentum domiuicœ vel nostrae re-
surrectiouis exprimitur. Theoph. Volens
etiam ostendere quod legaliter ex sacer-
dotali génère erat, subdit : « Et uxor
illi de filiabus Aaron, et nomen ejus
Elisabeth : » non enim permittebatur
de alia tribu uxorem accipere, sed de
sua. Elisabeth interpretatur requies. Za
Joannes est genitus, ut eo confidentius
justitiœ prœcepta populis daret; quo
haec ipsa non quasi novitia didicisset,
sed velut baireditario jure a progenito-
ribus accepta servaret : unde sequitur :
« Erant autem ambo justi ante Deum. »
AiiBR. Et sic mores in aequitate compre-
bendit. Bene autem dicit : « Ante Deum : »
fieri enim potest, ut aliquis afTectata
bonitate populari justus videatur mihi,
justus autem ante Deum non sit ; si
justitia non ex mentis simplicitate for-
metur, sed adulatione simuletur. Per-
fecta igitur laus est, « ante Deum » jus-
tum esse : solus enim perfectior est qui
charias vero memoria Domini. Beda. ab eo probatur qui non potest falli. Fa-
[in hom. ut sup.) Justis enimparentibu.s I ctum autem comprehendit in mandato,
DE SAINT LUC, CHAP. I. 7
ments, et la justice dans l'observation des ordonnances. « Ils mar-
chaient, dit-il, dans les commandements et les ordonnances du Sei-
gneur. 0 Nous marchons dans les commandements du Seigneur,
lorsque nous obéissons à ses divins préceptes, et nous gardons ses
ordonnances, lorsque toutes nos actions sont faites avec jugement.
Or, nous devons avoir soin de faire le bien, non-seulement devant
Dieu, mais devant les hommes (I), et c'est pour cela qu'il ajoute :
« d'une manière irréprochable. » La conduite est irréprochable lors-
que la doctrine et la pureté de l'intention viennent se joindre à la
bonté de l'action, et souvent encore une sainteté trop austère devient
l'objet des reproches du monde. — Orig. {hom. 2.) Une action juste
peut aussi être faite par des motifs qui ne le sont pas, par exemple,
si l'on fait des libéralités par esprit d'ostentation, ce qui n'est pas
irréprochable.
a Et ils n'avaient pas de fils, parce qu'Elisabeth était stérile, » etc.
— S. Ghrts. {Chaîne des Pèr. gr., hom. sur la Genèse.) Elisabeth ne
fut par la seule stérile, les épouses des patriarches, Sara, Rebecca,
Rachel (ce qui était un sujet de honte chez les anciens), l'étaient
aussi, et nous ne pouvons pas dire que leur stérilité fût une punition,
puisque toutes étaient justes et vertueuses. Si donc Dieu permit
qu'elles fussent stériles, c'était pour nous préparer à croire sans diffi-
culté le mystère d'une Vierge qui enfante le Seigneur, après avoir
cru préalablement à la fécondité des femmes stériles. — Théopuyl.
Dieu veut encore vous donner une autre leçon, c'est que la loi de
Dieu demande beaucoup plus la fécondité spirituelle des enfants que
la fécondité charnelle; aussi voyez-vous Zacharie et Elisabeth avan-
(1) Citation tirée de TEpître de saint Paul aux Romains, cbap. xii, 17 , où il fait cette recom-
mandation ; et de la deuxième Epître aux Corinthiens, viii, 21 , où il déclare qu'il la met en
pratique.
in justificalione ']\iA\c\\ira : unde sequi-
tur: « Incedentes in œandalis et justifi-
cationibus Domini : » cum eniin manda-
tis cœlestibus obedimu», in mandatis
Domini incediuius ; cum confîi'ue judi-
camus, tenere Domini juslilicaliones vi-
deuiur. Providere autem oportet bona
non solum coram Deo, sed etiam coram
bominibus : unde seqiiitur: « Sine que-
rela : » nulia enim quyrela est, nbi et
mentis bonitas concordat et facti ; et
plerumque justitiadurior hominum qne-
relam excitai. Orig. {liom. 2.) Potest
etiam aliquid justum injuste fieri, ut si
jactantiae causa quis elargiatur, quod non
est sine querela.
Sequitur: « Et non erat illis filius eo
quod essetElisabellisteriliSjwetc.CHiiYS.
(in Col. Gfacorum Patrmn ex liomiliis
in Genesim.) Non solum autem Elisa-
beth erat sterilis, sed et Patriarcliarum
conjures, Sara, Rebecca, Rachel (quod
dedecus erat anliquis.) Non enim pos-
sunius dicere, quod peccali effectus es-
set sterilitas ; cuncti jusli, cuncti vir-
tuosi : hύ autem fuit slerilitatis causa,
ut cum videris virpinem parientem Do-
minum, non sis incredulus exercitans
menteni tuam in alvo steriUum. Theoph.
Et ut etiam tu addisceres quod lex Dei
raultiplicationem filiorum non appétit
corporalemj sed magis spiritualem, pro-
8 EXPLICATION DE L EVANGILE
ces dans la vie, beaucoup moins selon le corps que selon l'esprit,
disposant des degrés dans leur cœur (1), regardant leur vie comme
un jour brillant et non comme une nuit ténébreuse, et marcbant dans
la décence comme durant le jour.
y. 8-10. — Or il arriva que Zacharie s'acquittant devant Dieu des fonctions
sacerdotales dans le rang de sa classe, il lui échut par le sort, selon la cou-
tume observée entre les prêtres, d'entrer dans le temple du Seigneur pour y
offrir de l'encens. Et toute la multitude du peuple était dehors en prière à
l'heure de l'encens.
BEDE. Dieu avait établi par Moïse un seul graud-prètre ; à sa mort un
autre devait le remplacer par ordre de succession. Cette loi fut observée
jusqu'au règne de David qui, par l'inspiration de Dieu, en institua
plusieurs. Voilà pourquoi l'Evangéliste nous dit que Zacharie rem-
plissait en son rang les fonctions du sacerdoce : « Or Zacharie remplis-
saut sa fonction de prêtre devant Dieu dans L^ rang de sa famille, il
arriva par le sort, selon ce qui s'observait entre les prêtres, » etc. —
S. AiiBR. Zacharie nous parait ici désigné comme grand-prêtre (2*),
car le grand-prètre seul pouvait entrer une seule fois l'année dans le
second sanctuaire, non sans y porter du sang qu'il offrait pour ses
propres péchés et pour ceux du peuple (3). — Bède. Ce ne fut point
une nouvelle élection du sort qui le désigna au moment où il fallait
(1) Allusion au Psaume lxxxv, 6 : « II a disposé des degrés dans son cœur, o et à ces paroles
de saint Paul, Epitre aux Romains, xiii, 12 : « La nuit a précédé, le jour s'approche, « d'où il con-
clut : " Marchons dans la décence comme dans le jour, » et dans la première Epitre aux Thessa-
loniciens, v, 25 : n Nous ne sommes pas enfants de la nuit, » etc.
(2*' Le sentiment le plus communément suivi, le plus fondé en raison, et le plus conforme aux
données du texte sacré, c'est que Zacharie n'était point grand-prètre, mais un simple prêtre appelé
par le sort à offrir l'encens sur l'autel des parfums.
(3) Citation tirée de l'Epître aux Hébreux, ix, 8, où saint Paul rappelle les prescriptions de la
loi Exode, xxx, 10; Lev., xvi, 2. Ce que Bède ajoute sur l'offrande des parfums, est indiqué au
chap. XVI, du Lévitique, vers. 2, 12, 17, 19.
cesserant arnbo non solum secundum
corpus, sed secundum spiritum ; ascen-
siones in corde ponentes, et vitam suam
ut diem non ut noctem habentes, et quasi
in die honeste ambulantes.
Factura est autem cura sacerdotio funyeretur
Zacharias in ordine vtcis suœ ante Deum, se-
cundum consuetudinem sacei'dotii, sorte exiit
ut incensum poneret , ingressus in templum
Doraini. El omnis raullitudo popuU erat orans
foris hora incensi.
Beda. Per Moysen Dominus unum
conélituit summum Sacerdotem . cui
mortuo alium per oïdinem succedere
jussit ; et hoc usque ad David tempora
servatum es? a quo plures fieri Domino
aorente decretum est : unde nunc Zacha-
rias in ■ ordine vicis siise sacerdotio
functus esse asseritur , cum dicitur :
« Factum est autem cum sacerdotio
fungeretur Zacharias in ordine vicis suse
ante Deum, secundum consuetudinem
sacerdotii, sorte exiit, » etc. Ambr. Vi-
detur autem hic Zacharias summus de-
signari sacerdos ; quia semel in anno
solus summus Sacerdos in secundum
sanctuarium intrabat, non sine sanguine
quem offerret pro se et pro populi de-
lictis. Bed. IS'on autem nunc nova sorte
DE SAINT LUC, CHAP. I. 9
offrir les parfums, c'était d'après l'ordre établi anciennement, qu'il
remplissait les fonctions du sacerdoce dans le rang de la famille
d'Abia. « Cependant toute la multitude du peuple, » etc. Aux termes de
la loi, le pontife devait présenter l'encens dans le saint des saints, le
dixième jour du septième mois, pendant que tout le peuple attendait
hors du temple, et ce jour devait être appelé le jour de l'expiation
ou de propitiation. L'Apôtre expliquant aux Hébreux le mystère de ce
jour, leur montre Jésus, pontife véritable, pénétrant avec son propre
sang dans les secrètes profondeurs des cieux, pour nous rendre propice
Dieu son Père, et intercéder pour les péchés de ceux qui attendent
encore en priant à la porte du ciel.
S. Ambr. Zacharie est ce grand-prètre désigné par le sort, parce
que le véritable grand-prètre est encore inconnu, car celui qui est
choisi au sort ne doit point son élection au suffrage des hommes. Le
grand-prètre était donc demandé au sort, et il était la figure d'un
autre, c'est-à-dire, du grand-prètre véritable et éternel qui devait
réconcilier le genre humain avec Dieu son Père, non par le sang des
victimes, mais par sou propre sang. Alors c'était par ordre de famille
que les prêtres se succédaient, maintenant le sacerdoce est éternel.
f. H-14. — Et un ange du Seigneur lui apparut, debout à la droite de l'autel
de l'encens. Zacharie en le voyant fut troublé, et la crainte le saisit. Mais
l'nnge lui dit : Ne craignez point, Zacharie, parce que votre prière a été
exaucée; Elisabeth, votre femme , vous doyinera un fils que vous appellerez
Jean. Il sera pour vous un sujet de joie et d'allégresse, et beaucoup se réjoui-
ront de sa naissance.
S. Ghrys. {hom. 2 sur l'incompréhens. natur. de Dieu.) Zacharie
electus est cum incensum esset adolen-
dum, sed prisca sorte cum ex ordine
sui pontificatus in vicem Abia succede-
ret. Sequitur : « Et omnis multitude
populi, » etc. Incensum in sancta sancto-
rum a Pontiûce deferri^ expectante foris
templum omni populo, decimo die se-
ptinii mensià est jussum, et hanc diem
expiationis sive propifiattonis vocari;
cujus diei mysterium Aposlolus ad He-
braeos pandens {cap. 9), Jesuni ostendit
Poutiflcem esse veruni, qui in sanguine
proprio crnii secrela subiit, ut propitiuni
nobis faceret Patrem, et interpellaret
pro peccalis eorinn qui adliuc prae fo-
ribus orantesexpectaut.
Ambr. Hii- est autem ille summus Sa-
cerdos qui adhuc sorte quaeritur, quia
verus adhuc ignoratur : qui eniui sorte
eligitur, humano judicio non compre-
henditur. Ille igitur quaerebatur, et alius
figurabatur verus in seternum sacerdos,
qui non hostiarum cruore sed proprio
Patrem Deum generi reconciliaret hu-
mano : lune quidem vices erant, nunc
autem perpetuitas.
Apparuit autem illi Anyelus Domini, stans a
dextris altaris incensi. Et Zacharias turbalus
est, videns ; et timnr irruit super eum. Ait au-
tem ad Ulum Angélus : Ne timeas, Zacharia,
i/uoniam exaudùa est deprecalio tua, et uxor
tua Elisabeth pariet tibi filium ; et vocabis
nom'in ejus Joannem ; et erit yaudium tibi, et
exultatio; et multi in ejus natiuitate gaude-
bunt.
Chrys. (hom. 2. de incomprehensibtli
bei nutura.) Ingressus Zacharias in
10
EXPLICATION DE L EVANGILE
étant entré dans le temple pour offrir à Dieu les prières de tout le
peuple, comme médiateur entre Dieu et les hommes, vit l'ange de-
bout dans le sanctuaire : « Et l'ange du Seigneur lui apparut. » L'ex-
pression : « Il lui apparut, » est très-juste, puisque Zacliarie l'aperçut
tout à coup, et c'est ainsi que l'Ecriture s'exprime lorsqu'elle parle de
Dieu ou des anges ; les choses que l'on voit sans y être préparé , elle
dit qu'elles apparaissent (1). En effet, on ne voit pas de la même ma-
nière les choses sensibles et celui dont la nature est invisible, et qui ne
se découvre que lorsqu'il le veut. — Orig. {hom. 3.) Cette vérité s'ap-
plique, non-seulement au temps présent, mais au siècle futur; lorsque
nous sortirons de ce monde, Dieu et les' anges n'apparaîtront pas à tous
les hommes, mais seulement à ceux qui auront le cœur pur. Quant
au lieu, il ne peut être ni utile ni nuisible à personne. — S. Chrys.
{Chaîne des Pères grecs.) Cette apparition fut sans obscurité et
différente de celles qui ont lieu dans le sommeil; il s'agissait d'un
événement extraordinaire, il fallait donc une vision évidente et cer-
taine. — S. Jean Damasg. {de la foi orthod., lib. ii.) Les anges cepen-
dant n'apparaissent pas aux hommes dans leur propre nature, mais
ils revêtent pour se rendre visibles, la forme que Dieu lui-même a
déterminée. — S. Bas. {Chaîne des Pèr. gr.) Il dit : « A la droite de
l'autel de l'encens, » parce qu'il y avait un autre autel réservé pour les
holocaustes. — S. Amb. C'est par une raison pleine de mystère que
l'ange apparaît dans le temple, il venait annoncer la venue du véri-
table grand-prêtre, et Dieu préparait déjà le sacrifice céleste dont les
(1) C'est-à-dire ce que l'on aperçoit tout à coup sans qu'on ait pu le prévoir comme l'ajoute
saint Ambroise, c'est dans ce sens que la Genèse dit que « Dieu apparut à Abraham près du cbène
de Mambré, » parce qu'il se manifesta tout à coup et comme à l'improviite. Ce que saint Thomas
donne plus bas sous le nom de saint Basile vient de Théophylacte.
templum, ut preces ferret pro cunctis
ad Deum quasi Dei et hominum media-
tor, vidit Angelum intus stautem : unde
dicitur : « Apparuit autem illi Angé-
lus, » etc. Amer. Bene apparaisse dicitur
ei qui eum repente conspexit ; et hoc
specidliter aul de angelis aut de Deo
Scriptura divina tenere consuevit, ut
quod non potest prcevideri, apparere
dicatur : non enim similiter seusibilia
videntur, et is cujus in voluntale situm
est videri, et cujus naturae est non vi-
deri. Orig. {hom. 3) Et hoc non tantum
in prœsenti seculo dicinius, sed in futuro :
cum migraverimus a niundo, non om-
nibus vel Deus vel angeli apparebunt,
sed ille tantum videbit, qui mundum
habuit cor. Locus autem nec nocere po-
terit quemquam, nec juvare. Chrys.
{in Cat. Grœcorum ubi sitp., ex hom.
4, in Matlh.) Manifeste autem apparuit
non in soumis : eo ([uod nimis arduum
annuntiabatur : unde manifestiori et mi-
rabiliori visioue egebat. Damasc. {de
Fide orth., lib. ii, cap. 2.) Tameuaugeli
non ut suut, bominibus patefiunt ; sed
transfigurati (prout possunt visores as-
picerej in quodcunque jusserit Domi-
nus. Basil. }in Cat. Grxcorum ubi sup.)
Dicit autem : « Altaris iucensi, » eo quod
alterum erat altare deputatuni ad holo-
causta. Ambr. Non immerito autem An-
gélus videlur in templo, quia veri Sa-
cerdotis auuuntiabatur jam adventus;
DE SAINT LUC, CHAP. I. H
anges eux-mêmes sont les ministres, car nous ne devons pas douter de
la présence des anges au sacrifice où Jésus-Christ est immolé. Il ap-
parut à droite de l'autel de l'encens, parce qu'il apportait le signe de
la miséricorde divine : « Le Seigneur est à ma droite, afin que je ne
sois pas ébranlé. » {Ps. xv).
S. Chrys. {hom. 2, sur l'incompr. nat. de Dieu.) L'homme, quelque
juste qu'il soit, ne peut voir apparaître un ange sans éprouver un sen-
timent de crainte, aussi Zacharie ne pouvant ni supporter l'aspect de
l'ange, ni soutenir l'éclat qui l'environne, se trouble : « Et Zacharie
fut troublé. » Lorsque le conducteur d'un char s'épouvante et aban-
donne les rênes, les coursiers s'emportent, et le char se renverse ;
ainsi en est-il de l'àme, toutes les fois qu'elle est sous le poids de la
crainte ou de l'inquiétude : « Et la frayeur le saisit, » ajoute l'Evan-
géliste. — Orig, {hom. àt.) Une forme nouvelle vient-elle à s'offrir aux
regards de l'homme, elle jette le trouble dans son esprit et l'effroi
dans son âme; aussi Fange qui connaît cette disposition de la nature
humaine, cherche d'abord à calmer cet effroi : « Mais l'ange lui dit :
Ne craignez point, » etc. — S. Athan. {vie de S. Ant.) Voici donc un
moyen facile de distinguer les bons esprits des nrauvais; si la joie
succède à la crainte, c'est un indice certain de l'intervention divine;
car la paix de l'âme est un signe et comme un fruit de la présence de
la majesté divine, mais si la frayeur qu'on a éprouvée persévère, c'est
l'ennemi du salut qui en est la cause.
Orig. Il ne se contente pas de calmer son effroi, mais il lui apprend
une nouvelle qui le comble de joie : « Votre prière, lui dit-il, a été
et cœleste sacriCcium parabatur, in quo
angeli ministrarent : non enim dubites
assistera angelum quando Christus im-
molatur. Apparuit autera a dextris altaris
incensi, quia divin* insigne misericor-
diae deferebat : Dominus enim a dextris
est raihi, ne commovear. (Psal. 13.)
Chuys. (Iiom. 2, de incomprehensibili
Dei natura, ubi sup.) Non potest autem
homo, quantunicunque sit justus, abs-
que timoré cernere Angelum : unde et
tune Zacliarias aspectum non tolerans
prœsenticE Angeli, nec fulgorem illum
valens sufferre , turbatur : et boc est
quod subditur : « Et Zacliarias turbatus
est, )) etc. Sicut autem auriga perter-
rito, loraque dimittentc, currunt equi
prœcipites, totaque quadrigapervertitur,
sic accidere consuevit animse, quoties
ab aliquo stupore vel solliciludiae de-
primitur : unde et hic subditur : « Et
timor irruit super eum. » Orig. {hom.
4.) Novaquippe faciès humanis se obLu-
tibus praebens, turbat mentem animum-
que consternât : unde Angélus sciens
banc luimanam esse naturam, primum
perturbalioni medetur : nani sequitur :
« Ait autem ad illum Angélus : Ne ti-
meas, » etc. Atuan. (in Yila Antonii.)
Unde non difficilis est bonorum spiri-
tuum malorumque discretio : si enim
post timorem successerit gaudium, a
Domino venisse sc'iamus auxilium ; quia
securitas animœ praesentis majestalis in-
dicium est : sicut autem incussa formido
permanserit, bostis est qui videtur.
Orig. {ut sup.) Non soUun autem tre-
pidantem refocillat, sed etiam novo Ise-
tificat nuntio, subdens : « Quoniam
exaudita est deprecatio tua ; et uxor tua
42
EXPLICATION DR L EVANGILE
exaucée, et Elisabeth, votre épouse, enfantera, » etc. — S. Aug.
{Quest. évang.,\iy. n, q. 1 .)Remar(]uons ici toutd'abord, qu'il n'est point
vraisembla])lc qu'au moment où il offrait le sacrifice pour les péchés du
peuple ou pour son salut et sa rédemption; Zacharie, ce vieillard,
dont la femme était avancée en âge, ait prié Dieu de lui accorder des
enfants, car personne ne songe à demander dans ses prières ce qu'il
n'a aucune espérance d'obtenir. Or Zacharie avait si peu l'espérance
d'avoir des enfants qu'il refuse de croire à la promesse de l'ange. Ces
paroles donc : « Votre prière a été exaucée, doivent s'entendre de la
prière qu'il faisait pour le peuple. Mais comme le salut, la rédemption
de ce peuple et la rémission des péchés devaient avoir lieu par Jésus-
Christ; l'ange annonce de plus à Zacharie qu'il lui naîtrait un fils des-
tiné à être le précurseur du Christ, — S. Chrys. {comme jirécéd.) Ou
bien pour preuve que sa prière est exaucée, il lui prédit la naissance d'un
fils qui devait un jour proclamer : « Voici l'Agneau de Dieu, » etc. —
Théophyl. a cette question secrète de Zacharie : comment serai-je as-
suré de cette promesse? l'ange répond : En voyant Elisabeth devenir
mère d'un fils, vous ne pourrez douter que les péchés du peuple ne
soient remis. — S. Ambr. Ou bien encore, la plénitude et l'abondance
sont les caractères des bienfaits de Dieu, ils ne sont point renfermés
dans d'étroites limites, mais ils embrassent dans leur abondance tous
les biens réunis; ainsi l'ange annonce d'abord à Zacharie l'heureux
effet de sa prière, puis il lui prédit que sa femme, jusqu'alors stérile,
lui donnerait un fils dont il indique le nom par avance : « Vous lui
donnerez le nom de Jean, » etc.
BEDE. C'est toujours une preuve de mérite extraordinaire que Dieu
lui-même impose un nom aux hommes, ou bieu change celui qu'ils
Elisabeth pariet, » etc. Aug. (de Quœst.
Evanrj., lib. ii,. quœst. 1.) Ubi primo
hoc attendenduQi est, quia non est veri-
simile, ut cum pro peccatis populi vel
salute, vel redemptione, sacrificium ille
offerret, potuerit publicis votis relictis
homo senex uxorem habens auum, pro
accipiendis filiis orare ; prjesertim vero
quia nemo orat accipere, quod se acce-
pturum esse desperat. Usque adeo autem
ille jam se habiturum filios desperabat,
ut hoc Ancçelo proinittenti non crederet.
Eriïo quod ei dicitur: « Exaudita est de-
precalio tua, » pro populo iutelligeudum
est; cujus populi quoniam salus et re-
demptio et peccatorum abolitio per
Christum futura erat, adhuc nuntiatur
Zachariœ nasciturus filius, quia Prsecur-
sor Christi destinabatur, Chrys. {de in-
cornprehensihili Dei natura, ubi siip.)
Vel quod exaudita sit ejus deprecatio,
probat per hoc quod gignendus erat ei
filius, clamans : « Ecce Agnus Dei, » etc.
Théophyl. Quasi ipso dicente : « Unde
erit mihi hoc manifestum ? » ait Angé-
lus : Ex hoc quod Elisabeth pariet, credes
quod peccata populo sunt remissa. Ambr.
Vel aUter : Plena semper et redimdan-
tia sunt divina bénéficia, non exiguo
constricla munere, sed uberi bonorum
coacervata congestu ; ut hic, ubi primum
precationis fructus promittitur deiade
sterilis partus uxoris, cujus nomen prae-
nuntiat subdens: « Et vocabis nomen
ejus Joannem, » etc.
Bed. Singularis meriti iudicium datur,
quoties hominibus a Deo vel imponitur
nomen, vel mutatur. Chrys. (,sup. Joan.,
DE SAINT LUC, CHAP. I.
13
portaient. — S. Chrys. Remarquons aussi que les liommes qui de-
vaient donner dès leur plus tendre jeunesse des signes d'une vertu
éclatante, ont reçu dès lors leur nom du ciel, tandis que ceux dont la
vertu ne devait se manifester que dans le cours de leur vie, n'ont reçu
ce nom que plus tard (1). — Bède. Or Jean signifie, qui a la grâce,
ou grâce du Seigneur. Ce nom présage la grâce que Dieu faisait à ses
parents en leur donnant un fils dans leur extrême vieillesse, à Jean
lui-même qui devait être grand devant Dieu, enfin aux enfants d'Is-
raël qu'il devait convertir au Seigneur; c'est pour cela qu'il ajoute :
« Vous en serez dans la joie et dans le ravissement. » — Orig. En effet,
lorsqu'un juste vient au monde, les auteurs de sa naissance se ré-
jouissent, tandis que la naissance d'an enfant qui semble prédestiné à
la prison et à l'échafaud, jette ceux qui lui ont donné le jour dans
la consternation et l'abattement'. — S. Ambr. Les saints ne sont pas
seulement la joie et la consolation (2) de leurs parents, mais encore le
salut d'un grand nombre : « Plusieurs, ajoute l'ange, se réjouiront de
sa naissance. » Apprenons ici à nous réjouir de la naissance des saints;
que les parents apprennent à en rendre grâces à Dieu, car c'est une
grâce insigne que Dieu leur fait, lorsqu'il leur donne des enfants des-
tinés à perpétuer leur race et à recueillir l'héritage de leurs biens.
% 15-17. — Car il sera grand-devant le Seigneur ; il ne boira point de vin ni
rien de ce qui peut enivrer, et il sera rempli du Saint-Esprit dès le ventre de
sa mère. Il convertira plusieurs des enfants d'Israël au Seigneur leur Dieu,
(1) C'est ainsi que Jésus-Christ donna à Pierre un nouveau nom, lorsqu'il lui dit : « Tu seras
appelé Céphas, ce qui veut dire Pierre, n
(2) Le mot grâce veut dire ici consolation, joie, bonheur, quoi qu'on puisse aussi lui donner la
signiTication de grâce en ce sens que c'est un bienfait insigne de Dieu pour des parents de donner
le jour à un saint.
homil. 18.) lUud quoque oportet expri-
mere, quoniain in quibus ab ipsa tene-
ritate infantia; virtus refulgerc debebat,
a principio divinilus sumebant nomina :
his vero qui postea dcbebant excres-
cere, nomen postea imponebatitr. Beda.
Joannp.s ergo interprelatur «in quo gra-
lia, » vel « Domini gratia, » quo nouiine
declaratur primo parentibus ejus gra-
tiani, quibus decrepitis nasccrelur filins,
esse donalaui ; deinde ipsi Joanni qui
magnus coram Domino erat fulurus ;
postremo eliam iiliis Israël quos ad Do-
niinum erat convcTsurus : uiule seqiii-
tur : « Et eritgaudium libi et exullatio.»
Ork;. [homil. 4, utsup.) Quando enim
justus oritnr in niiindo, ministri nativi-
tatis ejus lœtantur ; quando vero ille
nascitur, qui quasi ad pœnas et ergastu-
luni relegatur, minister consteruitur et
concidit. Ambr. Sanctus autem non so-
luiu parentuni gratia, sed etiam salus
est plurimorum : unde sequilur : « Et
multi in nalivitate ejus gaudebant. »
Admonemur hoc loco.sanctorum gene-
ralione laHari , admoneulur parentes
gralias agere : non enim médiocre mu-
nus est Dei, dare liberos propagatores
geuerjs, successioqis hœredes.
Erit enim magnus coram Domino, et vinum et
siceram non bibet, et Spiritu sancto replebitur
adhuc ex utero matris suce, et multos filiorum
Israël convertet ad Dominum Deum ipsorum.
Et ipsp prœceilet ante illum in spiritu et vir-
u
EXPLICATION DR l'ÉVANGTLE
et il marchera devant lui dans l'esprit et dans la vertu d'Elie, pour réunir
les cœurs des pères avec leurs enfants et rappeler les désobéissants à la pru-
dence des justes, pour préparer au Seigneur un peuple parfait.
S. Amb. Après avoir annoncé que la naissance de Jean serait pour
plusieurs un sujet de joie, l'ange prédit la grandeur de sa vertu : « Il
sera grand devant le Seigneur, » etc. Il n'est point ici question de la
grandeur du corps, mais de la grandeur de l'âme. Or, devant Dieu,
la grandeur de l'âme n'est autre que la grandeur de la vertu. —
Théophyl. Il en est beaucoup â qui l'on donne le nom de grands,
mais c'est devant les hommes , et non pas devant Dieu , tels sont les
hypocrites (I). Les parents de Jean, au témoignage de l'Evangéliste,
étaient eux-mêmes justes devant Dieu. — S. Ambr. Jean n'a point
reculé les frontières d'un empire , il n'a point moissonné de lauriers
à la suite d'une glorieuse victoire ; mais il a fait plus, il a prêché dans
le désert, il a foulé aux pieds les délices du monde, et la mollesse des
plaisirs des sens par l'étonnante austérité de sa vie. « Il ne boira, dit
l'ange, ni vin, ni aucune liqueur enivrante. — Bède. Le mot cervoise
signifie ivresse, et les Hébreux s'en servent pour désigner toute boisson
qui peut enivrer, qu'elle soit extraite de pommes, de grains ou d'une
autre matière. Or, la loi (2) prescrivait aux Nazaréens de s'abstenir
de vin et de toute liqueur enivrante pendant tout le temps de leur
consécration ; c'est pourquoi Jean et d'autres , favorisés d'une sem-
blable grâce, se sont interdit pour toujours ces boissons, afin de de-
meurer toujours nazaréens, c'est-à-dire saints. Il n'est pas convenable,
en effet, de s'enivrer de vin, quand on désire être rempli de l'effusion
de l'Esprit saint. Aussi celui qui renonce â cette ivresse , mérite que
(1) Le texte de Théophylacte est plus complet : De même que les parents de Jeayi ont été justes
devant Dieu, ainsi fàt-il grand lui-même devant le Seigneur.
(2) Cette loi se trouve au livre des Nombres, chap. vi, vers. 5 et suiv.
tute Eliœ, ut convertat corda patrum in filios,
et incredulos ad prudentiamjustorum, parare
Domino plebem perfectam.
Ambr. Post laetitiam plurimorum ma-
gnitudo virtulis promittitur, cum dici-
tur : « Erit enim magnus coram Do-
mino, » etc. Non corporis sed animse
magnitudinem declaravit. Est coram
Domino magnitudo animtp, magnitude
virtutis. Theophylact. Mulli namque
magni dicunlur, sed coram hominibus,
non coram Deo, sicut hypocritee : ita
autem et parentes Joannis « justi coram
Domino « dicli sunt. Ambr. Denique non
fines alicujus propagavit imperii, non
triumplios bellici certaminis reportavit ;
sed (quod est amplius) praedicans in de-
serto , delicias hominum corporisque
lasciviam magna animi virtute depres-
sit : unde sequitur : « Et vinum et sice-
ram non bibet. » Bed. Sicera interpre-
tatur ebrietas ; quo vocabulo Hebraei
omne quod inebriare potest poculentum
(sive de pomis, sive de frugibus, sen de
qualibet alia materia confectum) signi-
flcant. Proprium vero in lege Nazarœo-
rum erat, vino et sicera tempore conse-
crationis abstinere, unde Joannes caete-
rique taies, ut semper Nazarœi (id est,
sancti) manere possint, semper bis ab-
stinere satagunt ; non enim decet vino,
in quo est luxuria {Eph., 5), inebriari
eum qui musto Spiritus sancti desiderat
impleri : unde recte cui vint ebrietas
DE SAINT LUC, CHAP. I. 15
la grâce du Saint-Esprit se répande en abondance dans son âme. a II
sera rempli de l'Esprit saint , » ajoute l'Evangéliste. — S. Ambr. Celui
qui reçoit ainsi l'abondance de l'Esprit saint, reçoit en même temps
la plénitude des plus éminentes vertus. Voyez , en effet , saint Jean-
Baptiste; avant de naître, étant encore dans le sein de sa mère, il
fait connaître la grâce qu'il a reçue, lorsqu'en tressaillant dans le sein
qui le renferme , il annonce l'avènement et la présence du Seigneur.
Cette vie de la nature est toute différente de la vie de la grâce , la
première commence à notre naissance pour finir à notre mort; la vie
de la grâce, au contraire, n'est point limitée par les années, elle ne
s'éteint point à la mort, elle n'est pas exclue du sein qui nous porte.
Grec. (1). Mais quelles seront les œuvres que Jean-Baptise ac-
complira sous la conduite de l'Esprit saint , les voici : Il convertira
plusieurs des enfants d'Israël au Seigneur leur Dieu. — Orig. [hom. -4.)
Jean devait en convertir un grand nombre, la mission du Seigneur
était de les convertir tous à Dieu son Père. — Bède. En disant de
Jean- Baptiste qu'il a converti un grand nombre des enfants d'Israël
au Seigneur leur Dieu, alors qu'eu rendant témoignage à Jésus-Christ,
il baptisait les peuples qui croyaient en lui , l'Evangéliste prouve par
là même que le Christ était le Dieu d'Israël. Que les ariens cessent
donc de nier que Jésus-Christ soit le Seigneur Dieu, que les photi-
niens rougissent de ne faire remonter son origine qu'au sein de la
Yiiirge Marie, que les manichéens ne viennent plus dire que le Dieu
d'Israël est différent du Dieu des chrétiens. — S. Amb. Nous n'avons
d'ailleurs nul besoin qu'on nous prouve que saint Jean a converti les
(I) Dans la Chaîne des Pères grecs , le nom de Siméon se trouve en tête de cette citation, ne
serait-ce pas ce Siméon le Théologien à qui l'on attribue en outre quelques autres écrits des com-
mentaires sur l'Ecriture sainte ? voyez l'Apparat de Possevin.
tollitur, Spiritus gratia cumulatur. Se-
quilur autem : « Et Spiritu sauclo reple-
bitur, » etc. Ambr. Gui Spiritus sanctus
infuudilur, magnarum est pleniludo vir-
tutum. Siquideiu sanctus Joannes ante-
quain nascerelur, matris adliuc in ulero
positiis, Spiritus accepli gratiani designa-
vit, cum in utero parentis exiiiens, Do-
mini evangelizavit adventuin. Alius est
spiritus vitaî liiijus^ alius gratiaî : iile
nascendo sumil exordiuru, moriendo
defectuni ; iste non œtalibus coercetur,
non obitu exlinguilur, non alvo ruatris
exciuditur.
Gr.ecl'S. Quod autem erit opus Joan-
nis, quidve per Spiritum sanctuni pe-
raget, ostendit subdens : « Et multos
filiorum Israël convertet ad Dorainum
Deum ipsorum. » Orig. {hom. 4.) Joan-
nes quidem plurimos convertit, Domini
autem opus est ut omnes ad Deum Pa-
trem convertat. Bed. Cum autem Joan-
nés (qui Cliristo testimonium pcrhibeus,
in ejus fide populos baptizabat) dicitur
filios Israël ad Dominum Deum ipsorum
convertisse, patet Cliristum Deum esse
Israël : unde desinant Ariani Christum
Donjinum Dexun esse, negare, Erubes-
cant Piiotiniani Cbristo ex Virgine prin-
cipium dare : cessent Manicliœi, alium
[)0puli Israël atque alium Clirislianorum
Deum credere. Amb. Non autem egemus
testimonio, quod plurimorum sanctus
J oannes corda convertit, in quo nobis pro-
46
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
cœurs en grand nombre, alors que les écrits des prophètes et le saint
Evangile nous l'attestent. La voix de celui qui crie dans le désert :
«Préparez la voie du Seigneur, rendez droits ses sentiers, » ce baptême
que le peuple venait recevoir en foule, ne sont-ils pas une preuve des
conversions qu'il opérait dans la multitude ? Car ce n'était pas lui-
même, mais le Seigneur qui était l'objet des prédications de ce pré-
curseur du Christ. C'est pourquoi l'Evangéliste ajoute : « Et il mar-
chera devant lui, » etc. 11 a marché, en effet, devant lui , puisqu'il a
été son précurseur dans sa naissance comme dans sa mort (i), et ces
autres paroles : « Dans l'esprit et la vertu d'Elie, » ne sont pas moins
justes. — Orig. 11 ne dit pas : Avec l'âme d'Elie, mais : «Dans l'esprit
et la vertu d'Elie » ; car l'esprit qui avait animé Elle vint remplir Jean-
Baptiste, aussi bien que sa vertu. — S. Amb. L'esprit, en effet , est
inséparable de la vertu , comme la vertu de l'esprit, voilà pourquoi
l'ange joint l'esprit à la vertu. Car le saint prophète Elle eut à la fois
une grande vertu et une grâce surabondante , une grande vertu pour
ramener à la foi le cœur des peuples infidèles , la vertu de pénitence,
la vertu de patience, et l'esprit de prophétie. Ces deux grands hommes,
eurent d'autres traits d'analogie, Elle habitait le désert, Jean y passa
toute sa vie. Elle ne rechercha jamais les bonnes grâces d'Achab, Jean
dédaigna la faveur d'Hérode; l'un divisa les eaux du Jourdain, l'autre
en fit un baiu salutaire ; Jean fut le précurseur du premier avènement
du Seigneur, Elle doit l'être du second.
BEBE. Ce que le prophète Malachie a préditd'Elie, l'ange l'applique
à Jean-Baptiste, lorsqu'il ajoute : « Pour réunir les cœurs des pères
avec leurs enfants , » en leur communiquant par ses prédications la
(1) Dans sa naissance, il a précédé la naissance, et dans sa mort., la mort de Jésus-Christ.
pheticee Scripturse et EvangeliciB suffra-
gantur. Vox enim clamautis in deserto :
« Parate viam Domini , rectas facile
semitas ejus, » et baptismata populis
freqiieritata déclarant eonversae plebis
non mediocris factos esse processus.
Non enim de se . sed de Domino
prsedicabat prsenuntius Christi. Et ideo
sequitur : « Et ipse praecedet ante
illum, » etc. Bene prsecedet ante illum
qui jjrani/?i</HS natus et prœnuntlus
mortuus est : bene etiam jungilur ; « In
spiritu et virlute Elise. » Orig. Non di-
cit : « In anima Eliœ, » sed « in spiritu
et virtute : » spiritus enim qui fuerat in
Elia, venit in Joannem ; et similiter vir-
tus ejus. Ambr. Nuuquam euim sine vir-
tute spiritus, vel sine spiritu virtus : et
ideo in « spiritu et virtute ; » quia sau-
ctus Elias virtutem habuit magnam et
gratiam virtutem, ut ad fidem animos
populorum a perfidia retorqueret : vir-
tutem abstinentise, atque patientite, et
spiritum prophetandi ; in deserto Elias,
in, deserto Joannes ; ille Achab Régis
gratiam non quœsivit, hic sprevit Hero-
dis ; ille Jordanem divisit. hic ad lava-
crum salutare convertit ; hic prioris, ille
sequentis dominici Prcecursor adventus.
Bed. Quod autem de Elia per Mala-
chiam praidictum est {cap. 4), hoc per
Angelum de Joanne dicitur, cum subdi-
tur : « Ut convertat corda patrum in
filios ; » spiritualem autiquorum sancto-
DE SAINT LtJC, CHAP. t. 17
science spirituelle de leurs saints ancêtres ; « et rappeler les incré-
dules à la prudence des justes, » prudence qui n'a point la prétention
de trouver la justification dans les œuvres de la loi , mais qui ne la
cherche que dans la foi. — Grec. Ou bien encore, les Juifs étaient
parents de Jean et des Apôtres, et cependant par orgueil autant que
par incrédulité , ils se déchaînaient contre l'Evangile. Que fit alors
Jean-Baptiste, et après lui les Apôtres ? comme des enfants pleins de
douceur, ils découvraient la vérité à leurs pères , et cherchaient ainsi
à les rendre participants de leur propre justice et de leur prudence.
C'est ainsi qu'Elie doit convertir les restes des Hébreux à la vérité
prêcliée par les Apôtres. — Bède. L'ange avait dit précédemment que
la prière de Zacharie pour le peuple avait été exaucée , il ajoute :
« Pour préparer au Seigneur un peuple parfait,» et nous apprend
ainsi commentée même peuple sera sauvé et rendu parfait, c'est-à-
dire par la pénitence et par la foi en Jésus-Christ, que doit prêcher
Jean-Baptiste. — Théophyl. Ou encore : Jean a préparé un peuple
qui n'était pas incrédule, mais parfait , c'est-à-dire prêt à recevoir le
Christ. — Orig. {hojn. 4.) Le mystère , figuré par la prédication de
Jean -Baptiste, s'accomplit encore dans le monde; car pour que nous
puissions croire en Jésus-Christ, il faut que l'esprit et la vertu de
Jean vienne dans notre âme pour préparer au Seigneur un peuple
parfait.
■^,18-22. — Zacharie répondit à l'ange : A quoi connaîtrai-je la vérité de ce
que vous me dites; car je suis vieux et ma femme est déjà avancée en âge?
L'ange lui répondit : Je suis Gabriel, qui suis toujours présent devant Dieu;
j'ai été envoyé pour vous parler et pour vous porter cette heureuse nouvelle; et
dans ce moment vous allez devenir muet, et vous ne pourrez plus parler
ruin scientiam populis prEedicando in-
fundens. « Et incredulos ad prudentiam
justorum, » quœ est non de legis operi-
bus juslitiam prœsumere, sod ex fide
salutem quaerere. {ad Boni., 10.) Gr.fxus.
Vel aliter : parentes Joannis et aposto-
lorum Jiidfei fuerunt, sed tamen contra
Evangelium ex superbia et infidelitatc
saeviebant. Itaqiie tamiuam benigni fi-
lii (Joaunes prias, et apostoli oonsequen-
ter), eis veritatem monstrabant in pro-
priam justitiam et prudentiam eos at-
trahentes : sic etiam Elias reliquias
Hebraeorum convertit ad apostolorura
veritatem. Bed. Quia vero Zachariam
pro plèbe supplicantem dixerat exaudi-
lum, subjungit: « Parare Domino plebem
perfectam : » in quo docet quo ordine
TOM. V.
plebs eadem salvari et perfici debeat ;
ad prfedicationem scilicet Joannis pœni-
tendo et credendo in Christum.TnEOPH.
Vel aliter : Joannes plebem paravit, non
incredulam sed perfectam, id est, prae-
paratam ad suscipiendum Christum.
Oru;. {hom. 4.) Sacramentum autem
Joannis usque nunc expletur in mundo :
quicunque enim crediturus est in Jesum
Cliristum, autea spiritus cl virtus Joan-
nis ad aniniam illius venit, et prœparal
Domino populum perfectum.
Et dixit Zacharias ad Angelum : Unde hoc
sciam ? Ego enim sum senex, et uxor mea pro-
cessil in diebus suis. Et respondens Angélus,
dixit et ; Ego sum Gabriel qui asto ante Deum,
et missus sum loqui ad te, et hœc tibi evange-
lizare. Et ecce eris tacens , et non poteris lo-
2
18
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
jusqu'au jour que ceci arrivera, parce que vous n'avez point cru à mes paroles,
qui s'accompliront en leur temps. Cependant le peuple attendait Zacharie, et
s'étonnait de ce qu'il demeurait si longtemps dans le temple. Mais étant
sorti, il ne pouvait leur parler; et comme il leur faisait des signes pour se
faire entendre, ils reconnurent qu'il avait eu une vision dans le temple, et il
demeura muet.
S. Chrts. {sur l'incompréh. nat. de Dieu.) Zacharie, ne considérant
que son âge et la stérilité de sa femme , se laisse aller au doute : « Et
Zacharie dit à l'ange : A quoi pourrai-je connaître la vérité de ce que
vous m'annoncez? » en d'autres termes : Gomment cela se fera-t-il?
et il donne les raisons qu'il a de douter : « Car je suis vieux , » etc.
L'âge est contraire, la nature impuissante, je suis sans force pour en-
gendrer, et de son côté, la terre est stérile. Ces raisons ne suffisent pas
au jugement de quelques-uns, pour excuser le prêtre Zacharie d'avoir
fait toutes ces questions ; car quand Dieu parle , on doit recevoir sa
parole avec foi ; vouloir la discuter, c'est faire preuve d'un esprit opi-
niâtre. Aussi voyez la suite : o Et l'ange lui répondit : Je suis Gabriel
qui suis toujours présent devant Dieu. » — Bède. Comme s'il disait :
Si un homme vous annonçait un semblable prodige, vous auriez droit
de lui demander une preuve , un signe de la vérité de ses paroles ;
mais quand c'est un ange qui promet, le doute n'est plus permis : « Et
j'ai été envoyé pour vous parler, » etc.
S. Chrys. Dès lors donc que vous savez que je suis envoyé de Dieu,
ne voyez plus rien de naturel dans ce que je vous dis ; car je ne parle
point de moi-même, je ne fais que vous transmettre les volontés de
celui qui m'a envoyé. En effet, la vertu, le mérite d'un envoyé , c'est
de ne rien dire de sa propre autorité. — Bède. Remarquez ici qu'au
qui usque in diem quo hœc fiant, pro co quod
non credidisH verbis meis , quœ implebuntur
in tempore suo. Et erat plebs expectans Za-
chariam, et mirabantur quod tardaret ipse in
templo. Egressus autera non polerat loqui ad
illos ; et cognouerunt quod visionem vidisset in
templo ; et ipse erat innuens illis, et perman-
sit mutus.
Chrys. [de incomprehensiMli Dei
natura, ut jam sup.) Habito respectu
Zacharias ad propriaiu aetatem, quin
etiam conjugis sleiilitate coDspecta dif-
fisus est : unde dicitur : « El dixit Za-
charias ad Angelum: Unde hoc sciam? »
Quasi diceret: « Quomodo hoc flet ? »
et cansain dubitatiouis subdit : « Ego
eaim sum seiiex, » etc. iEtas intempes •■
tiva, natura inepla; egogeneransdebihs,
terra steriUs. Non autem censetur a qui-
busdam propter hoc dignus esse venia
Sacerdos, dum seriem rerum expostulat :
quandocunque enim Deus aUquid indi-
cat, oportet in fide suscipere : nam super
hujusmodi disceptare, contumacis est
anima; : unde sequiUir : « Et respondens
Angélus dixit ei : Ego sum Gabriel, qui
asto ante Deum. » Bed. Quasi dica' : Si
homo talia signa promitteret, iuipune
signum flagitare liceret. A tcum Angélus
promittat, jam dubitare non decet. Se-
quitur : « Et missus sum loqui ad te, » etc.
Chrys. {ut svp.) Ut cum audias me a
Deo missum nihil humanum aestimes ex
bis qufe tibi dicuntur : nequc enim ex
me loquor, sed mittentis relata denun-
tio : haec est enim nuntii virtus et bo-
nitas, ut nihil ex se référât. Bed. Ubi
notandum est quod Angélus se et ante
DE SAINT LUC, CHAP. I. 49
témoignage de l'ange, il est tout à la fois devant Dieu et envoyé pour
annoncer à Zacliarie la naissance de son fils. — S. Gkég. ijiom. 34
sur les Evang.) En effet, lorsque les anges viennent nous trouver, ils
remplissent extérieurement leur ministère sans interrompre intérieu-
rement l'exercice de la contemplation ; car si leur esprit est limité,
l'Esprit souverain qui est Dieu, n'a point de bornes. Ainsi les anges
sont toujours devant lui, même quand ils sont en mission, puisque
c'est dans l'immensité de Dieu qu'ils accomplissent leur message.
BEDE. L'ange donne ensuite le signe qui lui a été demandé. Zacliarie
n'a fait usage de la parole que pour exprimer son incrédulité , le
silence lui enseignera la foi : « Et voici que vous allez devenir
muet, » etc. — S. Chrys. Les liens qui le rendaient impuissant, sont
transportés à l'organe de la voix ; le sacerdoce dont il est revêtu n'est
point une raison pour qu'il soit épargné , au contraire , la punition
sera plus grande_, parce qu'il devait donner aux autres l'exemple d'une
foi plus vive. — Théophyl. Le mot grec xwsbç signifie également
sourd^ on peut donc donner ce sens aux paroles de l'ange : Puisque
vous ne croyez point, vous deviendrez sourd, et vous ne pourrez plus
parler. Juste châtiment de sa double faute, la désobéissance est punie
parla surdité, et la contradiction par la mutité. — S. Chrys. L'ange
dit : Et voici, c'est-à-dire à l'instant même. Considérez toutefois la
miséricorde de Dieu dans ce qui suit ; « Jusqu'au jour où ces choses
arriveront ; » comme s'il lui disait : Lorsque l'accomplissement de ma
prédiction en aura démontré la vérité , et que tu auras reconnu la
justice de ton châtiment , alors tu en seras délivré. Il lui en fait aussi
connaître clairement la cause : Parce que vous n'avez pas cru à mes
paroles, qui s'accompliront en leur temps ; » méconnaissant ainsi la
Deum stare, et ad evaugelizandutii Za-
chariîE missum esse testatur. Greg. [in
/loin. 34^ in Evang.) Quia et cuui ad
nos veniunt augeli, sic exterius implent
uiinisterium ; ut tamen nunquani inte-
rius desint per contemplationem ; quia
etsi circumscriptus est aiif^elicus spiritus,
summus tauien Spiritus (qui Deus est)
circumscriptus non est. Angeli itaque
etiain missi ante ipsum sunt; quia quo-
libet raissi veniant, intra ipsum currunt.
Bed. Dat autem ei signum quod roga-
tus, ut qui diScredendo locutus est, jam
laceudo credere discat : unde sequitur :
« Et ecce eris taccns, » etc. Chrys. (îU
svp.) Ut a vi generaliva ad organavoca-
lia vincula Iransl'erautur : nec iutuitu
sacerdotii ei parcitur, sed ob hoc plec-
telmtur umplius quia circa fidem cneter s
prœesse debebat. Théophyl. Sed quia
verbum quod in grœco babenlur xwçô;
potest etiam surdum significare, bene
ait : Quia non credis, eris surthis, et non
poter/s loqui. Convcnienter enim hœc
duo passus est : tauqiiam enim iuobe-
diens surditatem incurrit, et tanquam
contradiclor taciturnitatem. Chrys. (ut
st(p.) Dicit autem : « Et ecce, » quasi
dicerct : « In hoc instanti. » Sed consi-
déra miserationem Domini in hoc quod
sequitur : « Usque in diem quo hœc
fiant : » quasi dicat : Cum per eventus
rerum quod dico ostendero, et noveris
te jure punitum, tune te de pœna eri-
piam. Et causam pœnse ostendit, cum
subditur : « Pro eo quod non credidisti
verbis meis, quœ implebuntur in tempore
suo; » non attendons virtulem ejus qui
20
EXPLICATION DE L*ÉVANGILE
puissance de celui qui m'a envoyé, et devant lequel je suis toujours
présent. Or, si tel fut le châtiment de Zacharie pour avoir refusé de
croire à un enfantement naturel, comment ceux qui blasphèment la
naissance ineffable pourront-ils échapper à la vengeance divine?
Grec, {ou Antipat. de Bostr., Chaîne des Pères grecs.) Tandis que
ces choses se passaient dans l'intérieur du temple , la multitude qui
attendait au dehors était surprise de ce que Zacharie tardait à reve-
nir : « Cependant le peuple attendait Zacharie , et s'étonnait de ce
qu'il demeurait si longtemps dans le temple. » Chacun se livrait à ses
conjectures et donnait ses suppositions ; Zacharie étant enfin sorti,
leur apprit, par son silence forcé, ce qui lui était arrivé dans l'inté-
rieur du temple. « Et étant sorti, il ne pouvait leur parler. — Théophyl.
Zacharie faisait des signes au peuple qui lui demandait probablement
pourquoi il était devenu muet : « Et il leur faisait des signes et il
demeura muet. » — S. Ambr. Un signe est un mouvement du corps
qui n'est point accompagné des paroles , et qui cherche à faire con-
naître la volonté, sans pouvoir l'exprimer complètement.
f. 23-25. — Quand les jours de son ministère furent accomplis, il s'en alla en
sa maison. Quelque temps après, Elisabeth, sa femme, conçut et elle se tenait
cachée durant cinq mois en disant : C'est la grâce que le Seigneur m'a faite
en ce temps où il m'a regardée pour effacer mon opprobre parmi les hommes.
BÉDÉ. Tant que duraient leurs fonctions , les prêtres , tout entiers
aux offices de leur ministère, s^abstenaient de tout rapport avec leurs
épouses, et s'interdisaient même l'entrée de leurs maisons. C'est
pourquoi l'Evangéliste ajoute : « Quand les jours de son ministère furent
misit me, cui ego assiste. Si autem is
qui erga nativitatem mortalem incredu-
lus erat, puuitur; qualiter qui cœlestem
et ineffabilem calumniatur, vitabit ultio-
nem ?
Gr^cus. {vel Antipater Bostrensis,
in Cat. Grxcorum Patrum.) Dum au-
tem hœc intrinsecus agerentur, dilatio
temporis admirari cogebat expectaotem
forinsecus multlludincm : unde sequi-
tur : « Et erat plebs expectans Zacha-
riam ; et mirabantur quod tardaret) »
Cumque per diversa vagaretur suspicio,
quilibet dictabat ad libitum, donec Za-
charias egrediens docuit silendo quod
latendo perpessus est : unde sequitur :
« Egressus auteui non poterat loqui, » etc.
Theophylact. Inuuebat autem populo
Zacharias forte causam taciturnitatis in-
terroganti , quam loqui non valens ,
per nutum declarabat : unde sequitur :
« Et ipse erat innuens illis, et perman-
sit mutus. » Ambr. Est autem mutus
quidam sine Yerbo corporalis actus ,
indicare moliens nec exprimeus volun-
tatem.
Et factum est ut impie ti sunt dies officii ejus ,
ahiit in domum suani. Post hos autem dies
eoncepit Elisabeth uxor ejus , et occultabat se
mensibus quinque , dicens : Quia sic fecitmihi
Dominus in diebus guibus respexit auferre op-
probrium meum inter homines.
Beda. Yicis suse tempore pontifices
templi tantum officiis mancipati , non
solum a complexu uxorum sed ab ipso
quoque domorum suarum abstinebant
ingressu : unde dicitur : « Et factum est
DE SAINT LUC^ CHAP. 1. 21
accomplis, » etc. Les prêtres qui se succédaient alors, devaient être de
laraced'Aaron, c'était donc un devoir aussi légitime que nécessaire de
se donner une postérité. Maintenant , au contraire , ce ne sont plus
les lois d'une succession charnelle , mais une perfection toute spiri-
tuelle qui donne droit au sacerdoce , aussi les prêtres sont-ils obligés
d'observer une continence perpétuelle, pour être dignes d'offrir le sa-
crifice de l'autel. « Après ces jours-là , » etc. , c'est-à-dire après les
jours où Zacharie avait rempli les devoirs de son ministère. Ceci se
passait au mois de septembre , le huit des calendes d'octobre , alors
que les Juifs célébraient le jeune de la fête des Tabernacles , à l'ap-
proche de l'équinoxe, où la nuit commence à être plus longue que
le jour; en effet, le Christ devait croître et Jean diminuer. Et ce
n'est pas sans raison que ces jours étaient des jours de jeune ; car
Jean-Baptiste devait prêcher aux hommes les austérités de la péni-
tence,
« Et elle se tenait cachée, » etc. — S. Ambr. Pourquoi se tenait-elle
cachée, si ce n'est par un sentiment de pudeur ? Il est en effet pour
les époux un temps déterminé par la nature, où c'est chose louable de
de chercher à avoir des enfants ; lorsqu'on est dans la vigueur de l'âge,
et qu'on peut espérer d'en obtenir. Mais lorsqu'on atteint les limites
d'une vieillesse presque épuisée et qu'on arrive à cet âge, où l'on est
plus propre à élever des enfants qu'à les engendrer , il y a une espèce
de honte pour une femme de porter les signes d'une fécondité bien
que légitime, d'être chargée d'un fardeau qui convient à un autre
âge, et d'une grossesse qui n'est plus de saison. Elle avait donc de la
honte à cause de son âge ; nous pouvons comprendre par là qu'Eli-
sabeth et Zacharie n'avaient plus ensemble les rapports qu'ont entre
eux les époux ; car si elle n'avait pas eu de honte de rempUr les de-
at impleti sunt dies, » etc. Quia enim
tune sacerdotalis ex stirpe Aaron succes-
sio quaerebatur, necessario tempus- sub-
stituendae soboli procurabatur. At quia
nunc non carnalis successio sed perfectio
spiritualis inquiritur , sacerdotibus (ut
semper altari queant assistere) semper
castitas observanda prsecipitur. Sequi-
tur : « Post bos autem dies, » etc. post
dies scilicet officii Zachariœ complètes.
Gesta sunt autem bœc mense Septembri,
8 Kalend- Octob. quando oportebat Ju-
dreos jejuniiim sconopegiœ celel^rare ,
imminente aequinoctio, in quo incipit
nox esse major quam dies; quia Chris-
tum oportet crescere, Joannem autem
minui. Nec frustra tune dies jejuniorum
erant, quia per Joannem erat hominibus
afflictio pœnitentiae prœdicanda.
Sequitur : « Et occultabat se, » etc.
Ambr. Quœ causa occultationis, nisi pu-
dor? Sunt enim qusedam teiupora prœs-
cripta conjugio, quando dare operam
procreandis liberis sit décorum, dum
anni virent, dum suscipiendorum libe-
rorum spes est. At ubi et malura œvi
senectus successerit, et aetas est regen-
dis liberis habilior quam creandis, pudor
est (iegitimi licel) fœtus gestare indicia,
et gravari alienaî œtatis onere, et tumes-
cere alvum non sui temporis fructu.
Pudebat ergo eam propter retatem :
unde intelligi potest causa, quajamnon
conveniebant inter se concubitu conju-
22
EXPLICATION DE l/ÉVANGlt-K
voirs du mariage jusque dans sa vieillesse , elle n'en aurait pas eu
davantage dj3 devenir mère. Cependant laissons-la rougir du poids de
la maternité tant qu'elle ignore ce qu'elle a de mystérieux. Bientôt,
celle qui se dérobait aux regards , parce qu'elle était devenue mère,
commence à se glorifier , parce qu'elle porte un prophète dans son
sein. — Orig. {Chaîne des Pères çp^ecs.) Aussi l'Evangéliste ajoute :
« Elle se cachait pendant cinq mois, » c'est-à-dire jusqu'au temps où
Marie elle-même conçut son divin fils , et que l'enfant d'Elisabeth,
tressaillant de joie dans son sein, commença de remplir les fonctions
de prophète. — S. Amb. Elle rougissait d'être mère à son àge_, mais
en même temps elle se réjouissait d'être délivrée de l'opprobre de la
stérilité. «C'est là, disait-elle, la grâce que le Seigneur m'a faite,» etc.
— S. Chrys. [ou Orig.) C'est-à-dire il a fait cesser ma stérilité, en
m'accordant un don qui dépasse les forces de la nature , et une pierre
inféconde a produit des épis verdoyants , il m'a délivré de l'opprobre
de la stérihté en me rendant mère, « dans les jours où il ma regardée
pour effacer mou opprobre d'entre les hommes. » — S. Amb. Car c'est
une espèce de honte pour les femmes d'être privées du fruit de l'u-
nion des époux, puisqu'elles n'ont point d'autre raison de se marier.
S. Ghrys. C'est donc pour Elisabeth une double joie d'être affranchie
de l'opprobre de la stérilité, et de mettre au monde un enfant illustre ;
car ce n'est pas ici comme pour les autres , l'union des époux seule,
mais la grâce divine qui a été le principe de cette naissance.
BEDE. Dans un sens mystique, ou peut dire que Zacharie représente
le sacerdoce judaïque, et Elisabeth la loi, qui développée par les ex-
plications des prêtres devait engendrer à Dieu des enfants spirituels,
mais qui restait impuissante et stérile, « parce que la loi n'a conduit
gali : neque enim ea quée senilem non
erubesceret coitum , erubesceret par-
tum : et tamen erubescat omis parentis,
qnamdiu nescit mysterium religiouis.
Sed quse occultabat se qnia conceperat
fiiium, jactare se cœpit, quia gerebat
prophetain. Orig. (in Cat. Grœcorum
Potrum.) Et ideo dicit : « Mensibus
quinque, » id est, donec Maria concipe-
ret;, et fœtus ejus exultaus cum gaudio
prophetaret. Ambr. Et quauivis partus
soi erubesceret aetatem, rursus caruisse
se gaudebat opproln-io, diceus : « Quia
sic fecit milii Domiuus, » etc. Chrys.
(vel Orirj., ntsup.) Scilicet solvit sterili-
tatem, donum supra naturam concessit,
et petra infructuosa spicas vireiites pro-
duxit ; abstulit dedecus dura genitricem
fecit : uude sequitur : « In diebus quibus
respexit auferre opprobrium meum in-
ter bomines. » Ambr. Pudor enim est
feminis nuptiarum praemia non habere ;
quibus bœc sola est causa nubendi.
Chrys. [liomil. de Anna vel in Annam
ex Cateaa Grxcorum Patrum.) Duplici-
ter igitur gaudet, dum et a nota sterili-
tatis ipsam eripuit Dominus ; et quo-
niam illustrera partum enixa est : non
enim ut in cœteris gignentium solus
concubitus intervenit, sed gratia cœles-
tishujus ortus fuit exordium.
Bed. Mystice autem per Zachariam
sacerdotium Judaeorum^ per Elizabeth
potest lex ipsa designari quse sacerdotum
doctrinis exercitata spirituales Deo fîlios
gignere debebat ; sed non valebat quia
DE SAINT LTJC, CHAP. T.
ââ
personne à la perfection. » Tous deux étaient avancés en âge , parce
qu'à la venue du Christ les hommes étaient pour ainsi dire courbés
sous le poids des ans. Zacharie entre dans le temple, parce que c'est
aux prêtres qu'il appartient de pénétrer dans le sanctuaire des mys-
tères célestes. La multitude se tenait au dehors parce qu'elle ne peut
pénétrer le secret des choses spirituelles. Taudis que Zacharie place
l'encens sur l'autel, la naissance de Jean-Baptiste lui est révélée; c'est
en effet lorsque les docteurs sont embrasés du feu divin que ren-
ferment les saintes lettres qu'ils découvrent la grâce de Dieu qui se ré-
pand par Jésus-Christ; c'est par un ange que ses mystères sont révélés,
parce que « la loi a été donnée par le ministère des anges. » — S. Ambr.
Le peuple tout entier devient comme muet dans la personne d'un seul,
parce qu'il parlait à Dieu par l'intermédiaire d'un seul ; la parole de
Dieu a passé aussi jusqu'à nous, et elle n'est point muette au milieu
de nous : celui-là est muet qui ne comprend pas la loi. Pourquoi, en
eflfet, celui qui ne peut émettre aucun son articulé vous paraîtrait-il
plus muet que celui qui n'a aucune connaissance dr-s saints mystères ?
Le peuple juif ressemble à un homme qui fait des signes, lui qui ne
peut rendre raison de ce qu'il fait. — Bède. Et cependant Elisabeth
conçoit Jean-Baptiste, parce que les secrètes profondeurs de la loi sont
pleines des mystères de Jésus-Christ. Elle cache cette conception pen-
dant cinq mois, parce que Moïse a renfermé dans ses cinq livres les
mystères du Christ, ou parce quo toute l'économie de la rédemption
de Jésus-Christ a été figurée dans les cinq âges du monde par les pa-
roles et les actions des saints.
y. 26, 27, — Or au sixième mois, l'ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une
« neminem ad perfectum adduxit lex. »
IHebr., 7) Erant ambo justi, quia bona
est lex (Timnth., 1), et sacerdotium
pro illo tempore sanctuin, Ambo pro-
cesserant in diebus suis, quia adve-
niente Chrislo jam incurvaatur ad se-
nium. Ingreditur Zacharias tempUmi,
quia sacerdotum est intrare in san-
ctuarium mysteriorum cœlestium. Fo-
ris eat muUitudo, quia myslica pene-
trare nequit. Duni altari Ihyniiama im-
ponit, nasciturum Joannem agnoscit ,
quia dum doctores flaniiiia divinœ lec-
tionis ardent, gratiam Dei per Jesum
prodituram reperiunt ; et hoc per An-
gelum quia « lex per angelos ordinata
est. I) (Gal.,i, 19) Ambr. In uno autem
vox plebis obmutuit, quia in uno totus
ad Deum loquebatur populus : transivit
enim ad nos Dei verbum, et in nobis
non lacet. Mutus est qui non intelligit
legem. Cur enim tibi macris videatur
mutxis esse qui sonum quam qui mys-
terium nescit ? Innuenli similis est po-
pulus Jiidaeorum, qui acluum suorum
prœstare non potest rationem. Bed. Et
tamen Elizabeth concipit Joannem, quia
interiora legis sacramenlis Christi abun-
daut. Conceplum qninque mensibus oc-
cultât, quia Moyses quinque libris mys-
teria Christi désignât ; seu quia Christi
dispensatio in quinque mundi eetatibus
per sanctorum dicta vel facta figuratur.
/n mense autem sexto , missu.^ est A njelus Ga-
briel a Deo in civitatem Galilœœ , eut nomen
n
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
ville de Galilée , appelée Nazareth, à une vierge qu'un homme de la maison
de David, iiommc Joseph, avait épousée; et cette vierge s'appelait Marie.
BEDE. Comme rincamation du Christ devait avoir lieu dans le
sixième âge du monde, ou bien devait être l'accomplissement delà loi,
c'est avec raison que le sixième mois de la conception de Jean -Baptiste,
un ange est envoyé à Marie pour lui annoncer la naissance du Sauveur
du monde : « Au sixième mois, » etc., dit l'Evangéliste. Par ce sixième
mois, il faut entendre le mois de mars, et c'est le vingt-cinq de ce
mois que, selon la tradition, Notre-Seigneur a été conçu et a souf-
fert sa passion , comme aussi c'est le vingt-cinq du mois de dé-
cembre qu'il est né. Si nous admettons avec quelques auteurs que
Téquinoxe du printemps a lieu le vingt-cinq mars , et le solstice
d'hiver le vingt-cinq décembre, nous pouvons dire qu'il était conve-
nable que l'accroissement du jour coïncidât avec la conception et la
naissance de celui qui éclaire tout homme venant en ce monde. Si
l'on prétend au contraire que même avant l'époque de la naissance et
de la conception du Sauveur les jours commencent à croître, ou qu'ils
sont plus longs que les nuits, nous dirons alors que Jean-Baptiste pré-
cédait l'avènement du Seigneur, et qu'il évangélisait déjà le royaume
des cieux.
S. Bas. {sur Isaie.) Les esprits célestes ne viennent pas à nous de
leur propre mouvement, c'est Dieu qui les envoie lorsque notre utilité
l'exige ; car leur occupation est de contempler l'éclat de la divine
sagesse. « L'ange Gabriel fut envoyé, » etc. — S. Grég. {hom. 34 sur
les Evang.) Ce n'est point un ange quelconque, mais l'archange Ga-
briel qui est envoyé à la Vierge Marie. Il n'appartenait, en effet, qu'au
plus grand des anges de venir annoncer le plus grand des événements.
Nazareth, ad Virginem desponsatam viro cui
nomen erat Joseph, de domo David; et nomen
Virginis Maria.
Bed. Quia Christi incarnatio vel sexta
setate seculi futura, vel ad impletionem
legis erat profutura, recte sexto mense
concepti Joannis missus ad Mariam
Angélus nascilurum nuntiat Salvato-
rem : unde dicitur : « In mense autem
sexto, » etc. Meusem sextum Martmm
intellige, cujus 23 die Dominas uoster
et conceptus traditur et passus, si eut et
25 die meusis Decembris natus : quod
si vel hoc die ut nonnulli arbitrantur,
sequinoctium vernale, vel illo solstitium
brumale fieri credamus, convenit cum
lucis incremento coucipi vel uasci eum
qui « illuminât omnem liominem veuien-
tem in huuc mundum. » [Joun., 1) At
si quis ante dominicee nativitatis et con-
ceptionis tempus lucem vel crescere vel
teuebras superare convicerit, dicimus et
quia nos Joaunes ante faciem adventus
ejus regnum cœlorum evangelizabat.
Basil. {In Isaiam, c. 6, seu vi, 6.)
Adeunt autem nos cœlestes spiritus, non
quasi ex seipsis, sed ex occasione pro-
pter utilitatem nostram ; eo quod divinfe
sapieutise decorem couspiciunt : unde
sequitur : « Missus est Angélus Ga-
briel, » etc. Greg. {in homil. 34. in
Evang.) Ad Mariam enim Virginem nou
quilibet angélus, sed Gabriel Arcbange-
lus mittitur : ad hoc quippe ministerium
summum angelum venire dignum fue-
rat , (jui summum omnium nuntiabat.
DE SAINT LUC, CHAP. I.
25
L'Ecriture lui donne un nom spécial et significatif , il se nomme Ga-
brielj qui veut dire force de Dieu. C'était donc à la force de Dieu
qu'il était réservé d'annoncer la naissance du Dieu des armées, du fort
dans les combats qui venait triompher des puissances de l'air. — La
Glose. L'Evangéliste désigne également le lieu où il est envoyé. «Dans
la ville de Nazareth ; » car c'est le Nazaréen, c'est-à-dire le Saint des
Saints, dont la naissance est annoncée. — Bède. Dieu commence
admirablement l'œuvre de notre réparation , en envoyant un ange à
une vierge qu'un enfantement divin devait consacrer , parce que le
démon aussi avait commencé l'œuvre de notre perte en envoyant le
serpent à la femme pour la séduire par l'esprit d'orgueil. « Il fut
envoyé à une vierge. » — S. Aug. {de la sainte Vierg., chap. xv.) La
virginité seule était digne d'enfanter celui qui, dans sa naissance, n'a
pu avoir d'égal. Notre chef , par un miracle éclatant , devait naître
d'une vierge selon la chair, et figurer ainsi que l'Eglise vierge donne-
rait à ses membres une naissance toute spirituelle. — S. Jér. {serm.
sur l'assomp.) (1). C'est avec raison qu'un ange est envoyé à une
vierge; car la virginité a toujours été unie par des liens étroits avec
les anges. En effet, vivre dans la chair, sans obéir aux inspirations de
la chair, ce n'est pas la vie de la terre , c'est la vie du ciel.
S. Chrys. {sur S. Matth., hom. 4.) L'ange n'attend pas que l'en-
fantement ait eu lieu pour en faire connaître le mystère à la Vierge,
cet événement l'eût jetée dans le plus grand trouble. C'est avant la
conception qu'il accomplit son message , et ce n'est point en songe,
(1) Ce sermon qui se trouve à la fin des œuvres de saint Jérôme, viendrait plus probablement de
Sophronius, suivant la remarque de Possevin. On trouve ce même passage dans saint Pierre Chry-
sologue, sermon 143, qui est le quatrième sur l'Annonciation.
Qui idcirco privato nomine censetur, ut
signetur [ler vocabulum in operatione
quid valeat : Gabriel euim « Dei forti-
tudo » nouiinatur. Per Dei ergo fortitu-
dinem nuneiaudus erat, qui virtutum
Domiuus et potens in praelio ad debel-
landas potestates aereas veniebat. Glos.
[interlin.) Additur autem et locus quo
mittilur, cuni subdilur : « In civitatem
Nazarclli, » etc. Nazarœus enim, id est,
« sanctus sanctorum, » nuntiabatur ven-
turus. Bed. (in hom.) Aptum liumauae
restaurationis principiuni, ut Angélus a
Deo mitteretur ad Virginem partu con-
seerandam divine : quia prima perditio-
nis huuianfe fuit causa, cum serpeus a
diabolo mittebatur ad mulierem spiritu
superbicB decipiendam. Unde sequitur :
« Ad Virginem. «Aug. {de san. Virgin.,
cap. 13.) Illum enim solum virginitas
decenter parère potuit, quia in sua nati-
vitateparcm habere non potuit. Oporte-
bat enim caput nostrum (propler insigne
miraculdm) secuudum corpus nasci de
Virgine, quod signiticaret membra sua
de virgine Ecclesia secunduui spirilum
nascilura. Hier, [in sertn. de Assuiiip.)
Et bene angélus ad Virginem niiltitur,
quia semper est angelis cognala virgini-
tas. Profecto in carne prœter carnem
vivere non terrena vita est, sed cœlestis.
CuRYi,. [sup. Mutth., homil. 4.) Non
autem Angélus post partum annunciat
Virgini, ne nimium exinde turbaretur :
et ideo ante conceptionem alloquitur
illaiu, non in somnis, imo visibiliter as-
'56 EXPLICATION DE l'ÉVANGÏLE
mais dans une apparition visible et solennelle, telle que l'exigeait
avant raceomplissement, l'importance de l'événement qu'il venait lui
annoncer.
S. Amd. L'Ecriture établit clairement ces deux choses , qu'elle était
épouse et vierge. « Elle était mariée, » etc. Vierge , ce qui la sépare
de tout commerce avec un homme; épouse , pour que sa virginité fût
à l'abri de tout déshonneur , alors que sa grossesse aurait été pour
tous un indice de corruption. Le Seigneur aima mieux en voir
quelques-uns douter de sa naissance immaculée , que de la pureté de
sa mère. Il savait combien l'honneur d'une vierge est délicat^ com-
bien sa réputation fragile, et il ne voulut pas que la foi à sa nais-
sance miraculeuse s'élevât sur le déshonneur de sa mère. La virgi-
nité de Marie a donc été inviolable dans l'opinion des hommes^ comme
elle l'était en elle-même. 11 ne fallait pas lais-er pour excuse aux
vierges, dont la réputation est malheureusement douteuse, que la
mère du Sauveur elle-même n'avait pas été à l'abri du soupçon et du
déshonneur. Que pourrait-on reprocher aux Juifs aussi bien qu'à
Hérode, s'ils n'avaient persécuté que le fruit de l'adultère ? Comment
Jésus lui-même aurait-il pu dire : « Je ne suis point venu détruire la
loi, mais l'accomplir, s'il eût commencé par une violation de la loi, la
loi condamnant l'enfantement de toute personne non mariée. Rien,
d'ailleurs, ne donne plus de créance aux paroles de Marie que ce ma-
riage, et n'éloigne davantage tout soupçon de mensonge. Qu'elle fût
devenue mère sans être mariée, elle eût paru vouloir couvrir sa faute
sous le voile du mensonge ; étant mariée , au contraire , elle n'avait
aucune raison de mentir , puisque la fécondité des épouses est tout à
la fois la récompense et le privilège du mariage. Cne raison non
sistens : nam quasi magnam valde rela-
tionem accipiens egebat aute rei even-
tum visione solemni.
Ambr. Bene autem utrumqiie posuit
Scriptura, ut et desponsata esset et
virgo : sequilur euim : «Desponsatam: »
virgo, ut expers virilis consorlii videre-
tur; desponsata, ne temeratae virginita-
tis adureretur infamia, cui gravis alvus
corruptelœ videretur insigne prœferre.
Maluit autem Dominus aliquos de suo
ortu quam de matris pudore dubitare :
sciebat enini teueram esse virginis vere-
cundiam, et lubricam famam pudoris;
nec putavit ortus sui fîdem matris iuju-
riis astruendam. Sequitur itaque sanctcD
Mariœ sicut pudore intégra, ita et invio-
labilis opinione virginitas : nec decuit
sinistra virginibus opinione viventibus
velamen excusationis relinqui, quod in-
famata mater quoque Domini videretur.
Quid autem Judaeis, quid Herodi posset
ascribi, si uatum viderentur ex adulte-
rio persecuti ? Quemadmodum autem
ipse diceret {Matth., S) : « Non veni
legem solvere, sed adimplere, » si vide-
retur cœpisse a legis injuria, cum partus
innuptte lege damnetur : quid quod
etiam lîdes Mariae verbis magis adcisci-
tur : et mendacii causa removetur '' Vi-
deretur enim culpam obumbrarevoluisse
mendacio iunupta prœgnans: causam
autem mentiendi desponsata non babuit,
cum conjugii praemium et gratia nup-
tiarum partus sit feminarum. Non me-
diocris quoque causa est, ut virginitas
DE SAINT LUC. CHAP. I.
27
moins importante, c'est que la virginité de Marie mettait en défaut le
prince du monde ; en la voyant engagée dans les liens du mariage, il
ne pouvait avoir aucun soupçon de son enfantement virginal. —
Orig. {hom. 6.) Supposez-la, au contraire, non mariée, aussitôt cette
pensée secrète fût venue au démon : Comment celle qui n'a point d'é-
poux, est-elle devenue mère? Cette conception doit être divine , il y a
ici quelque chose de supérieur à la nature humaine. — S. Amb. Mais
ce mariage déjoua bien plus encore toutes les pensées des princes de
la terre ; car la malice des démons pénètre facilement dans le secret
des choses cachées; mais ceux qui sont plongés dans les préoccupa-
tions du monde sont incapables de comprendre les choses divines.
Disons encore que nous avons ainsi un témoin plus fidèle et plus sur
de la virginité de Marie dans la personne de son époux , qui pouvait,
et se plaindre de l'outrage qui lui était fait , et en poursuivre le châ-
timent, s'il n'eût connu le mystère de cet enfantement. « Il s'appelait
Joseph, dit l'Evangéliste, et il était de la maison de David. » — Bède.
Ces paroles sont vraies à la fois et de Joseph , et de Marie ; car aux
termes de la loi, chacun devait prendre femme dans sa tribu, ou dans
sa famille. « Et cette vierge s'appelait Marie. » Marie , en hébreu,
signifie étoile de la mer , et en syriaque, maîtresse , noms qui con-
viennent parfaitement à Marie qui a enfanté le Maître du monde , et
la lumière éternelle des siècles.
y. 28, 29. — L'ange étant entré où elle était, lui dit : Je vous salue, ô pleine
de grâce, le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes.
Mais elle, l'ayant entendu, fut troublée de ces paroles, et elle se demandait
quelle pouvait être cette salutation.
S. Ajib. Reconnaissez la Vierge à ses mœurs. Elle est seule dans
MarifB falleret principem mundi, qui
rum despoiisatani viro cerneret, partuin
non potuit liabere suspeclum. Orig.
{homil. 6.) Si euini non habuisset spon-
suiu, stalim cogitatio tacita diabolo siir-
repsisset, quoinodo qua; non accubuit
cum viro, prœfïnans esset : débet iste
conceptus esse divinus, débet aliqiiid
humana natura esse sublimius. Ambiî.
Sed tamen niagis fefellil principes se-
culi : Dseuionuni enini malilia facile
etiaui occulla deprehendit : At vero qui
secularibus vanitatibus occupantur, scire
divina non possnnt : quiu etiam lociiple-
tior testis pudoris ruaritus adhibolur,
qui posset et dolore injuriaui, et vindi-
care opprobrium, si non agnosceret et
sacramentu'ii, de quo subditur : '" Cui
uomen erat Joseph de domo David. »
Bed. (in /lomil. de Annunt., ut sup.)
Quod non tantum ad Joseph, sed etiam
perlinet ad Mariam. Legis namque erat
prœceptum, ut de sua quisque tribu aut
familia acciperet uxorem. Sequitur :
« Etnouien Virginis Maria. » Bed. Ma-
ria hebraice slclki maris, syriace vero
(/oy^hia vocatur ; et merito, quia et to-
tius mundi Duniinuni et lucem seculis
meruit generare perennem.
El ingressus Angélus ad eam, dixit : Ave, gra-
tta plena , Dominus lenum ; benedicta tu in
mulieribus Quœ cum audisset , lurbata est in
sermone ejus, et cogitabat i/ualis esset ista sa-
lutatio.
Ambr. Disce virginem moribus: sola
28 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
l'intérieur de sa demeure , loin de tous les regards des hommes , un
ange seul peut arriver jusqu'à elle : « L'ange étant entré où elle
était, » etc. II ne faut point qu'elle soit déshonorée par une conver-
sation indigne d'elle , c'est un ange qui est chargé de la saluer. —
S. CiRÉG. DE Nysse. {dise, sur la Nativ.) Le discours qu'il lui adresse
est opposé à celui que la première femme entendit autrefois. Pour
Eve l'enfantement dans la douleur fut la juste punition de son péché ;
pour Marie, la tristesse fait place à la joie, et l'ange lui annonce le su-
jet d'une joie bien légitime , en lui disant : « Je vous salue. » Il
ajoute : « Pleine de grâce, » et il proclame ainsi qu'elle est digne de
l'union qu'il vient lui annoncer. Car cette plénitude de grâce est
comme la dot destinée à son époux ; en effet , les paroles de l'ange
conviennent tour à tour, les unes à l'épouse, les autres à l'époux. —
S. JÉR. {serm. sw rAssomp.) Oui elle est pleine de grâce , car la
grâce n'est donnée aux autres créatures que partiellement et avec
mesure; Marie l'a reçue toute entière et dans sa plénitude. Oui, elle
est vraiment pleine de grâce, elle par qui toute créature a été inondée
des eaux abondantes de l'Esprit saint. Celui qui avait envoyé son
ange â cette divine Vierge était déjà avec elle, le Seigneur avait pré-
cédé son ambassadeur ; et le Dieu qui remplit tout de son immensité,
ne pouvait être retenu par la distance des lieux : « Le Seigneur est
avec vous. » — S. Aug. {serm. 14 sur la Nativ. du Seig.) Il est avec
vous plus qu'il n'est avec moi ; car il est lui-même dans votre cœur,
il s'incarne dans vos entrailles , il remplit votre âme , il remplit votre
sein. — Grec, {ou Géom., Chaîne des Pères grecs.) C'est là le com-
plément de l'ambassade céleste, le Verbe de Dieu contracte comme un
in penetralibns, quam nemo virorum
videret, solus Angélus reperiret : unde
dicitur : « Et ingressus Angélus ad
eam, » etc. Et ne quo quidem degeueri
depravaretiir affatu ab Angelo saUitatur.
Greg. (id est, Grejor. Az/ss., orat. in
Christi Nativitatem. ) Contra vocem
prius editam mulieri, dirigitur nunc
sermo ad Yirgiuem. In illa doloribus
partus est causa peccati punita ; in liac
per gaudium mœstitia pellitur : unde
jucunditatem non absurde prœuunciat
Angélus Virgini, dicens : Ave. Item alius
{niminim Geometer in Cat. Grœcorum
Pcitrum.) Quod autem digna cognosce-
retur sponsaliuiu, attestatur, cum dicit :
« Gratia plena : » quasi enim quaedam
arrha aut dos sponsi ostenditur, quod
fecunda sit gratiis : horum enim quse
dicit, lieec sunt sponsse, alla sponsi.
Hier, {in serin, de Assiunpt.) Et bene
« gratia plena, » quia caeteris per partes
prgestatur; Mariae vero simul se totam
infudit gratiae plénitude. Vere « gratia
plena, » per quam largo Spiritus sancti
imbre superfusa est omnis creatura.
Jam autem erat cum Virgine, qui ad
Virgineni mittebat Angelum, et praeces-
sit uuutium suum Dominus; nec teneri
potuit locis qui omnibus habetur in lo-
cis : unde sequitur : « Domiuus tecum. »
Aug. {in serm. de Nat. Domini, serm.
14.) Magis quam mecum : ipse enim in
tuo est corde, in tuo fit utero ; adimplet
mentem, adimplet ventrem. Gr.ec. {vel
Geometer ut sup., in Cat. Grxcorum
Patrum.) Hoc autem esttotius legationis
complementum. Dei enim Verbum ut
DE SAINT LUC, CHAP. I. 29
époux une union incompréhensible à la raison ; engendrant tout à la
fois et engendré, il s'associe intimement toute la nature humaine. Les
dernières paroles de l'ange sont le couronnement et l'abrégé de tout
ce qui précède : «Vous êtes bénie entre les femmes, » c'est-à-dire seule
entre toutes les femmes ; par là même toutes les femmes seront bénies
en vous, comme tous les hommes en votre Fils, ou plutôt les uns et
les autres seront bénis en vous deux. En effet, c'est par une femme et
un homme que le péché et la douleur sont entrés dans le monde ;
c'est aussi par une femme et par un homme que la bénédiction, que la
joie sont appelées et répandues sur toute créature.
S. Amb. Reconnaissez encore la Vierge à sa pudeur; elle fut alarmée :
« Ayant entendu ces paroles, elle en fut troublée. » C'est le propre
des vierges d'être accessible à la crainte, de trembler à l'approche d'un
homme, de redouter tout entretien avec lui. Apprenez de là, ô vierges,
à éviter toute licence dans vos paroles, puisque Marie redoute la salu-
tation d'un ange, — Grec, {pu Géoni.) Comme ces visions du ciel lui
étaient familières, ce n'est point à la vision elle-même , mais aux pa-
roles de l'ange que l'Evangéliste attribue son trouble : « Ayant en-
tendu ces paroles, elle en fut troublée. » Remarquez encore tout à la
fois la pudeur et la prudence de cette divine Vierge^ les sentiments de
son âme , les paroles qui sortent de sa bouche. Elle entend parler de
joie, de bonheur, elle examine ce qu'on lui dit, elle ne résiste pas ou-
vertement par incrédulité , elle ne croit pas aussitôt à la légère , elle
évite à la fois la légèreté d'Eve , et l'obstination de Zacharie : « Et
elle se demandait ce que pouvait être cette salutation. » Car elle
ignorait encore la grandeur du mystère qui allait s'accomplir en elle.
Cette salutation est-elle inspirée par la passion , comme serait celle
sponsus supra ralionem unionem efti-
ciens, tauquam ipse germinans, idemque
germinalus, totaui iiaturam liumaiiam
sibi ipsi conformavit. Ulliuium vero po-
nitur taïKjuam perfectiosinnini et coin-
pendiosum : « Beuedicla tu in mulieri-
bus ; » una scilicet prae cunclis mulieri-
busruteliain benedicantur intcniulieres,
sicut maros in lilio ; sed raagis utrique
in utrisque : veiut euini per iinam femi-
nam et uuum niarem peccatura sinuU
ac tristitia intravit, sic et nunc per iniam
et unum benedicUo revocala est et lo;-
litia, et ad siugulos est profusa.
Amiîr. Disce autem virginem a vere-
cundia, quia pavebat : nam sequitur :
« Quae cum audlsset turbata est, » etc.
Trepidare virginum est, et ad omues
ingressus viri pavere, omues viri affatus
vereri. Disce virgo verboruni vitare las-
civiam ; Maria etiam salutalionem An-
geli verebatur. Gr.^f.cus. [vel Geometer
lit Slip.) Cum autem assueta foret liis
visionibus, Evangelista non visioni sed
relatibus turbationem attribuit, dicens :
« Turbata est in sernione f;jus. "Attende
aulem Virginis et pudicitiam, et pru-
dentiani, et animani siniul et vocem.
Audila kelitia dictuni examinavit, et ne-
que manifeste obstilit per incredulitatem,
nec statim paret ex levilale ; Evœ levi-
tatem evitans siiiml et duriliam Zacha-
riœ : unde dicitur : « Et cogitabat qua-
lis esset ista salutalio, » non « conce-
ptio. » Naui adhuc ignorabat immensita-
tem mysterii. Sed salutatiu uunquid
30 EXPUCATION DE l'ÉVANGILE
d'im homme à une vi(M'ge ? Ou bien est-elle divine, puisqu'on fait in-
tervenir le nom même dii Dieu : « Le Seigneur est avec vous. » —
S. Amb. Elle s'étonne aussi de cette nouvelle formule de bénédiction
inusitée jusque-là; car elle était réservée à Marie seule. — Orig.
{hom. 6.) Si par la connaissance qu'elle avait de la loi , elle eût su
qu'un autre avant elle eût été l'objet d'un semblable discours, elle
n'eu eût point été effrayée, comme d'une chose extraordinaire.
% 30-33. — L'ange lui dit : Ne craignez point, Marie, car vous avez trouvé
grâce devant Dieu. Vous concevrez dans voire sein et vous enfanterez un fils
à qui vous donnerez le nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé le Fils du
Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père; il
régnera éternellement sur la maison de Jacob, et son règne n'aura point de fin.
BEDE. L'ange, voyant la Vierge troublée par cette salutation étrange
pour elle, l'appelle par son nom, comme s'il la connaissait plus fami-
lièrement, et l'engage à déposer tout sentiment de crainte. « Et l'ange
lui dit : Ne craignez pas, Marie, » etc. — Grec. {Photius, Chaîne des
Pères grecs.) Comme s'il disait : Je ne suis point venu pour vous
tromper, mais pour apporter le pardon de l'ancienne déception, je ne
viens point non plus porter atteinte à votre inviolable virginité, mais
préparer en vous une demeure à l'auteur , au gardien de toute pu-
reté ; je ne suis pas l'envoyé du serpent, mais l'ambassadeur de celui
qui détruit son empire, je viens non vous tendre un piège, mais traiter
de l'union mystérieuse que Dieu veut contracter avec vous. Il ne veut
pas la laisser en proie à des pensées in(]uiétantes , pour sauver l'hon-
neur de la mission divine qu'il vient remplir. — S. Chrys. [Chaîne
des Pères grecs.) Celui qui mérite de trouver grâce aux yeux de Dieu,
libidinoàa, ut a viro ad virginem? an
divina, dum Dei faceret meutionein,
dicens : Dominus tecnm ? Ambr. Beue-
dicticnis etiaiu novam formulam mira-
batur, quïE uusquam esl aute comperta :
soliMariœhœc servabatur. Orig. {hom.
6.) Si euim scivisset ^Maria ad alium
quempiam similem factuiu esse seriuo-
nem (utpote quœ habebat legis scieu-
tiam) . nunquain eam quasi peregrina
talis salutatio esterruisset.
Et ait Angélus et ; Ne timeas , Maria, invenisti
enim gratiam apud Deum. Ecce concipies in
utero et paries filium , et vocabis nomen ejus
Jesum. Hic erit magmis , et Filius Allissimi
vocabitur. Et dabit illi Dominus Deus sedem
David patris ejus, et regnabit in domo Jacob
in œternum, et regni ejus non erit finis.
Beda. Quia salutatione insolita Virgi-
nem tnrbatam viderai^ quasi fauiiliarius
uotam vocans ex nomine, ne timere
debeat jubet : unde dicitur : « Et ait
Angélus : Ne timeas^ Maria, »etc. Gr^c.
[nevipe Pfiotivs in Cut. Grœcorum Pa-
irum.) Quasi diceret : Non accessi decep-
turus, imo deceptionis absolutionem
deprouiere ; non veni prœdaturus in-
vlolabileni tuam virginitatem, sed Con-
ditori puritalis et custodi contubernia
reserare ; non sum serpentis minister,
sed perimentis serpeutem legatus. spon-
saliuni tractator. non insidiarum moli-
lor. Sic ergo uequaquam distrahentibus
ipsam cousiderationibus vexari perrui-
sit, ne dijudicaretur infidus miuister
negotii. Chrys. [in Cat. Grœconnn Pa-
tnim.) Qui autem apud Deum meretur
gratiam, non liabet quid timeat : unde
DK SAINT LUC. CHAP. 1.
31
n'a rien à craindre. « Vous avez, lui dit-il, trouvé grâce devant Dieu. »
Comment chacun peut-il à son tour trouver grâce devant Dieu ? par
l'humilité ; car c'est aux humbles que Dieu donne sa grâce. {Jacq.^ iv
et I Pierre, v.) — Grec, [ou Photius.) Cette Vierge sainte a trouvé
grâce devant Dieu, parce que l'éclat de sa chasteté qui était le plus
bel ornement de son âme, en a fait une demeure agréable à Dieu; et
que non-seulement elle a gardé une virginité perpétuelle, mais a con-
servé son âme pure de toute tache. — Orîg. {Chaîne des Pères grecs.)
Plusieurs avant elle, avaient trouvé grâce devant Dieu : aussi l'ange
ajoute ce qui lui est exclusivement propre : « Voilà que. vous con-
cevrez dans votre sein. » Cette expression voilà indique la rapidité,
l'actualité de l'opération divine, la conception a lieu au moment
même où il parle. — Sév. Am. « Vous enfanterez dans votre sein, »
paroles qui démontrent que Notre-Seigneur a pris dans le sein vir-
ginal une chair semblable à notre chair. En effet , le Verbe divin ve-
nait purifier à la fois la nature humaine , notre naissance, l'origine
de notre génération ; il a donc , à l'exception du péché et du cou-
cours de l'homme, été conçu comme nous dans la chair, et porté neuf
mois dans le sein de sa mère. — Greg. Nyss. {ou Géom., Chaîne des
Pères grecs.) Mais comme il en est qui conçoivent l'esprit divin et
enfantent l'esprit du salut^ selon l'expression du prophète , l'ange
ajoute : « Et vous enfanterez un Fils. » — S, Amb. Il en est peu qui,
comme Marie, enfantent le Verbe qu'ils ont conçu par la grâce de
l'Esprit saint. Il en est qui rejettent au dehors le Verbe à peine conçu,
et qui ne l'enfantent jamais; il en est qui portent Jésus-Christ dans
leur sein, mais sans que jamais il arrive à être formé dans leur cœur.
sequitur : « Inveuislienim gratiam apud
Deum, » etc. Qnaliter autein illam quis-
que reperiet, nisl liumililate mediante ?
Humilibus enim dat Dcus gratiaiu. (Ja-
cob k, et I Petr. 5) GR.i-:r.. (vel Photius
vt sup.) Iiivenit enim gratiam Virgo co- j
rara Deo, quia splendore pudicitiœ pro- j
priam exo'iians auiuiaui^ gralum Deo
habitaculuLii prœparavit ; nec solum
cœlibatum inviolabilera servavit , sed
eliam immaculalani couscientiam cuslo-
divit. Orig. luvenerauteuim plures gra-
tiaiu ante eam : et ideo subdit quod
propriuin est, dicens : « Kcce concipies
in utero. » Gr.eg. {vel Geometer inCat.
Grxcoi-um Patruin. ) Quod dicitur :
« Ecce, » conceleritatem et prœseutiam
dénotât ; insinuans cuni ejus verbo ce-
lebratam esse conceptionem. (Et Severus
Aniiochenns ubi sup.) << Concipies in
utero; » ut demonstret Dominum ab
ipso utero virginali et de nostra sub-
stantia carneni suscipere : venit enim
diviuum Verbuin euiundaturuni natu-
rani bumanani, et parlum, et nostraî
generatiouis primordia : et ideo sine
peccato et huraano scmine por singula
sicut nos in carne concipitur, et novem
mensiuui spatio gestaturin utero. Gr.eg.
Nyss. (vel Geometer in Cat. grœcarum
Palrum.) Sed quouiaui contingit specia-
liter divinum concipi spirituui et spiritum
parère salularem, secunduni Prophetani,
ideo addidit : « Et paries Filiuni. » Ambr.
Non autein omnessuut sicut Maria, ut dum
de Spirilu sancto concipiunl vorbum, pa-
riant: suiit enim qua- abortiviun exclu-
dant verbum, antequam pariant; sunt
qufe in utero Cbristum liabeant, sed
nondum forraaverint. (in Luc. 20.)
32 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
Greg. Nyss. {dise, pour la Nativ. du Seig.) L'attente de leur déli-
vrance inspire ordinairement aux femmes de vives craintes , aussi
l'ange calme ces appréhensions par les charmes de 1 enfantement
qu'il annonce : « Et vous l'appellerez Jésus. » L'avènement d'un Sauveur
suffit pour dissiper tout sentiment de crainte. — Bède. Le nom de
Jésus signifie Sauveur ou salutaire. — Grec. L'ange dit à Marie :
« C'est vous qui lui donnerez ce nom, et non pas son père ; car il n'a
point de père dans sa génération temporelle , comme il n'a point de
mère dans sa génération divine. — S. Gyr. Ce nom fut un nom nou-
veau donné au Verbe de Dieu et parfaitement en rapport avec sa nais-
sance selon la chair, selon cette parole du prophète : « On vous appel-
lera d'un nom nouveau, que la bouche du Seigneur vous donnera. »
— Grec, {ou Geowz.)Mais comme ce nom lui était commun avec le
successeur de Moïse, l'ange fait ressortir la différence qui les sépare
en ajoutant : « Il sera grand. » — S. Ambr. Il a été dit aussi de Jean-
Baptiste qu'il serait grand, mais d'une grandeur humaine, tandis que
Jésus sera grand d'une grandeur toute divine ; car la puissance de
Dieu se répand au loiu, et la grandeur de la substance divine s'étend
au delà de tous les espaces connus. Elle n'est limitée par aucun lieu_,
elle est incompréhensible à l'esprit humain , supérieure à toutes nos
pensées , inaccessible aux variations des temps. — Orig. {hom. 6.)
Admirez donc la grandeur du Sauveur Jésus, comme elle est répandue
par tout l'univers (I). Montez dans les cieux, elle y remplit tout de sa
présence; descendez par la pensée dans les abîmes, vous verrez qu'elle
(1) Il ne s'agit point ici de la présence réelle par laquelle le Fils de Dieu est partout eu tant que
Dieu, mais de sa puissance divine, ou de la profession de la foi chrétienne, comme l'insinue Ori-
gène , qui explique en même temps comment Jésus a rempli les cieux en apparaissant aux
anges, etc.; ce qui doit s'entendre de son humanité élevée dans les cieux" par son Ascension glo-
rieuse.
Greg. Nyss. [orat, in diem natalem
C/iristi.) Cum auleiu expectatio partus
mulieribus timorem incutiat, sedat ti-
moris melum dvilcis partus relatio, cum
subditur : « Et vocabis uomen ejus Je-
sum. » {Ei rursiis in Cat. Grœvorum
Patrum.) Salvatoris enim adveutus est
cujuslibet timoris propulsio. Bed. Jésus
autem Salvator sive Salutaris interpre-
tatur. Gr^c. [vel Geometer ui sup.)
Dicit autem : « Tu vocabis^ » uou pater :
pâtre enim caret quantum ad iuferio-
rem generatiouem, sicut et matre res-
pectu superuee. Cyril. Hoc autem uo-
men de novo fuit Verbo impositum,
nativitati congrueus carnis ; secundum
illud propheticum {Isai., 62) : « Voca-
bitur libi nomen novum, quod os Do-
mini nominavit. » Gr^c. {vel rursus
Geometer ut sup.) Verum quia hoc no-
men commune est sibi cum successore
Moysi {Josue, i), idcirco innuens Angélus
quod non erit secundum illius similitu-
dioem, subjungit : « Hic erit magnus. »
Ambr. Dictum est quidem etiam de
Joanne quia erit magnus ; sed ille quasi
« liomo magnuSj » hic quasi « magnus
Deus : » late enim fanditur Dei virtus,
late cœlestis substantiœ magnitudo por-
rigitur. Non loco clauditur, non opinione
comprehenditur, non œstimatione con-
cUiditur, non œtate variatur. Orig. {hom.
6.) Vide ergo magnitudiuem Salvatoris,
quomodo in toto orbe diffusa sit : as-
cende in cœlos, quomodo cœlestia re-
pleverit; descende cogitatione ab abys-
DE SAINT LUC, CHAP. I. 33
VOUS y a précédé. A cette vue, reconnaissez raccomplissement de cette
prédiction : « Il sera grand. »
Grec, {ou Phothis, comme précéd.) Et ne croyez pas que l'incarnation
du Fils de Dieu porte la moindre atteinte à la majesté divine, au con-
traire, elle élève jusqu'aux cieux notre pauvre humanité : « Et il sera
appelé, dit l'ange, le Fils du Très-Haut. » Ce n'est pas vous qui lui
donnerez ce nom : « Il sera appelé, » et par qui donc, si ce n'est par
son Père qui lui est consubstantiel? Celui-là seul qui a la connaissance
parfaite de son fils, peut seul aussi lui donner le nom qui lui convient,
ce qu'il fait quand il dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. » Il l'est
de toute éternité , bien que ce nom ne nous ait été révélé que dans le
temps pour notre instruction ; aussi l'ange dit : « Il sera appelé , » et
non pas, il deviendra, ou il sera engendré ; car avant tous les siècles il
était consubstantiel à son Père. Celui donc que l'immensité des cieux
ne peut contenir, c'est lui que vous concevrez , c'est lui dont vous de-
viendrez la mère, c'est lui ijue votre sein virginal va renfermer. —
S. Chrys. {Chaîne des Pères grecs.) Il en est qui regardent comme
souverainement étrange, inconvenant même que Dieu fasse son habi-
tation d'un corps mortel. Mais est-ce que le soleil qui est un corps
sensible, et qui pénètre tout de ses rayons, voit pour cela s'obscurcir
son éclat? A plus forte raison le soleil de justice, en prenant un corps
très-pur dans le sein d'une vierge, ne perd rien de sa pureté; bien loin
de là, il ajoute à la pureté, à la sainteté de sa mère.
Grec, {ou Sév. d'Ant., Ch. des Pères grecs.) L'ange voulant rappeler
au souvenir de Marie les oracles des prophètes , ajoute : « Et Dieu lui
donnera le trône de David , » etc. , afin qu'elle sache à n'en pouvoir
SOS, et vide eum illuc descendisse. Si
hoc videris , pariler iuliieberis opère
completuiu : « Hic erit niagnus. »
Gr.ec. {vel Photiiis ut sup.) Neque
cariiis assumpLio Ueilatis dero^'at colsi-
ludiiii, imo potius humanitalisliumilitas
sublimalur : unde sequitur : « Et Filius
Altissimi vocabilur. » Nou ulique tu
impones vocabuluui, sed ipse vocabitur ;
a quo nisi a consubstantiali j^enilore ?
NuUus euim Kiliuiu novit nisi Pater.
{Mallh., H .) Pênes qucm vero infallibilis
est nolitia geniti, is veriis inturpres est
•Tga impoiitionem conirruam nominis
quu dicit : « Hic est Filius meus dilec-
tus. (Matth., 17.) Ab œterno siquidem
est, quamvis nunc ad nostram doctrinam
nomen ejus païuerit; et ideo ait : Voca-
bitur, non fiet vel generabititr : nam
TOM. V.
et ante secula fuerat consubstantialis
Patri. Hune ergo concipies, hujus mater
efficieris, hune virginalis cella concludet,
cujus cœleste spatiuni capax non extitit.
Chrvs. (-in Cat. Grœcorum Patrum.)
Cœterum siquidem énorme (seu inde
cens) quibusdam videtur, Deum habi-
tare corpus. Nonne sol cujus est corpus
seusibde, quocunque radios mittit, non
laeditur in propria puritate ? Multo ergo
magis justitife Sol ex utero virginali
mundissiniuni corpus assumens , non
tantum contaniinatus uon est; imo etiam
ipsam Riatrem sanctiorem ostendit.
Gr/kc. {vel Severus Antlochenus in
Cat. Grœcorum Patriint.) Et ut Virgiuem
redderet memorem prophetarum, sub-
dit : « Et dabit illi Dominus Deus se-
deni David, » etc. Ut noscat liquido
34
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
douter, que celui dont elle deviendra la mère, c'est le Christ qui,
selon les prophètes , devait naître de la race de David. — S. Cyr.
{Chaîne des Pères grecs.) Toutefois , gardons-nous de croire que le
corps très-pur de Jésus- Christ soit l'œuvre de Joseph; mais tous deux
descendaient des mêmes ancêtres, Joseph et Marie , dans le sein de
laquelle le Fils de Dieu s'est revêtu de notre humanité. — S. Bas.
{à Amphiloch.) Ce n'est point sur le trône temporel de David que le
Seigneur s'est assis , puisque le gouvernement du peuple juif était
passé aux mains d'Hérode ; le trône de David , dont le Seigneur s'est
mis en possession, c'est son royaume immortel. Aussi voyez ce qui
suit : « Et il régnera sur la maison de Jacob éternellement , » etc.
— S. Chrts. [hom. 7 sur S. Matth.) La maison de Jacob dont il est
ici question sont ceux d'entre les Juifs qui ont cru en lui. Car comme
dit saint Paul : « Tous ceux qui descendent d'Israël , ne sont pas pour
cela Israélites..., mais ce sont les enfants de la promesse qui sont ré-
putés être les enfants d'Abraham. » {Rom., xi.) Ou bien encore, la
maison de Jacob, c'est toute l'Eglise , qui est sortie d'une bonne ra-
cine, ou qui, d'olivier sauvage qu'elle était, a été greffée sur l'olivier
franc par le mérite de sa foi. — Grec, {ou Géom.) A Dieu seul il ap-
partient de régner éternellement; aussi, bien que l'ange déclare
qu'il prendra possession du trône de David par suite de son incar-
nation, en tant que Dieu^ il est le roi éternel des siècles. « Et son
royaume n'aura point de foi. » Non-seulement comme Dieu, mais
aussi eu tant qu'il est homme ; dans le temps présent, il règne sur un
grand nombre, à la fin des siècles, son empire s'étendra sur tous sans
exception, lorsque toutes choses lui seront soumises. — Bède. Que
quoniam qui nasciturus est ab ea, ipse
est Christus, quem illi promiserunt Da-
vid ex semine nascituriim. Cyril, [in
Cat. cjrœcorum Patrum.) Non taineu ex
Joseph est editum corpus Christi mun-
dissimam : secuudum enim uuam li-
neam coguationis protluxerant Joseph
et Yirgo, ex qua formam humanitatis
unigenitus sumpsit. Basil, [cd Amphi-
lochium.) Non autem in materiaU sede
David sedit Dominus trauslato judaico
regno ad Ilerodem ; sed scdem appellat
David in qua resedit Dominus indisso-
lubile regnum. Unde sequitur : « Et re-
gnabit in domo Jacob, » etc. Chrys.
{hom. 1, in Matlh.) DIcit autem ad
praesens domum Jacob eos qui de nu-
méro Judœorum crediderunt in illum.
Ut enim Paulus dicit (Rom., 9j : « Non
omnes qui ex Israël sunt, hi sunt Israe-
htae ; sed qui sunt fiiii promissionis,
computantur in semine. » Bed. Vel do-
mum Jucob totam Ecclesiam dicit; quse
vel de bona radice nata, vel cum olèas-
ter e^set, merito tamen fidei in bonam
est iuserta olivani. {Rom., 11.) Gr.ec.
{vel Geometer in Cat. (jrœcorum Pa-
trum, ubi Slip.) NuUius autem est in
œlernum regnare nisi Dei solius ; quo
fit ut etsi propter incarnationem dicatur
David sedem accipere, tamen idem ipse
in quantum Deus. Rex ceternus agnosci-
tur. Sequitur: « Et regni ejus non erit
finis. )•- Non solum in quantum Deus est,
sed etiam in eo quod homo : et in prse-
senti quidem habet regnum multorum,
finaliter vero universorum, cum ei onmia
subjicientur. (I Cor., 13) Bed. Omittat
DE SAINT LUC, CHAP. I. 35
Nestorius cesse donc de dire que l'homme seul est né de la Vierge (1),
et qu'en Jésus-Christ l'homme n'a point été uni au Verbe de Dieu en
unité de personne; car l'ange proclame Fils du Très-Haut, celui-là
même qu'il déclare être le Fils de David , et démontre ainsi qu'en
Jésus-Christ, il n'y a qu'une seule personne en deux natures. S'il parle
au futur, ce n'est pas, comme le disent les hérétiques, que le Christ
n'ait pas existé avant Marie , mais parce qu'il a reçu le nom de Fils
lorsque l'homme, uni à Dieu, n'a plus formé qu'une seule personne.
f. c!4, 3S. — Alors Marie dit à l'ange : Comment cela se fera-t-il, car je ne
connais point d'homme ? L'ange lui répondit : Le Saint-Esprit surviendra en
vous , et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre; c'est pourquoi le
Saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu.
S. Ambr. Marie ne devait pomt refuser de croire aux paroles de
l'ange, elle ne devait point non plus accepter témérairement les pré-
rogatives divines qu'il lui annonçait. Que fait-elle? « Or, Marie dit à
l'ange : Comment cela se fera-t-il ? » question bien plus mesurée que
celle du prêtre Zacharie. « Comment cela se fera-t-il; » demande
Marie; à quoi connaîtrai-je la vérité de ce que vous m'annoncez, » dit
Zacharie. 11 refuse donc de croire ce qu'il déclare ne pas comprendre,
et il demande pour appuyer sa foi d'autres motifs de crédibilité (2).
Marie, au contraire , se rend aux paroles de l'ange , elle ne doute
nullement de leur accomplissement , elle n'est inquiète que de la ma-
nière dont elles s'accompliront. Elle avait lu dans les prophètes : « Voici
qu'une vierge concevra et enfantera un fils, » elle croit donc à l'ac-
(1) Ou plus clairement, que celui qui est né de la Vierge n'est qu'un homme, et non pas un
Dieu, ce qui est l'hérésie de Nestorius.
(2) On peut cependant entendre la question de Zacharie du signe seul qu'il demandait pour
croire en toute certitude.
ergo Nestorius dicere hominem tantum
ex virnjine natum, et hune a Verbo Dei
non in unitatem personfeesse receptum :
Angélus enini qui ait eumdem ipsuui pa-
trem habere David quemiV7m//j AUissi-
nii vocari pronuntiat, in duabas naturis
unam Christi personam demonstrat. Non
autem ideo futuri temporis verbis An-
gélus utitur, quia secundum hîereticos
Cbristus ante Muriam non fuerit, sed
quia secundum eamdem personam homo
cum Dec filii aomen sortilur.
Dixil autem Maria ad Angelum : Quomodo
fiPl islud, fjuoniam virum non cognosco ? Kt
respondens Angélus , dixil ei : Spiriius sanc-
tus superveniet in le, et virtus Altissimi obum-
brabit tibi: ideoque et quod nascetur ex te
sanclum, vocabitur Filius Dei.
AsiiiR. Neque non credere Angelo Ma-
ria debuit, neque tam temere usurpare
divina : unde dicitur : « Dixit autem
Maria ad Angelum : Quomodo fiet is-
tud?)) Temperatior est ista respousio
quam verba sacerdotis : hœcait : « Quo-
modo fiet istud? » llle respondit : «Unde
hor; sciam ? » Negat ille se credere quod
se negabdt scire, et quasi fidei adliuc
alium quœrit auctorem : ista se facere
profitetur, nec dubitat esse faciendum,
quod quomodo fiât inquirit. Legerat
Maria : « Ecce concipiet in utero et pa-
riet filium, » ideo credidit futurum; sed
36
EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
complissement de cette prophétie ; mais elle n'avait pas lu comment
elle s'accomplirait , car Dieu ne l'avait pas révélé même au premier
des prophètes ; ce n'était pas à un homme, mais à un ange, qu'il était
réservé de faire connaitre un si grand mystère.
S. Grég.. de Nysse. {dise, sur la Nativ. du Seig.) Considérez encore
les paroles de cette Vierge si pure. L'ange lui prédit qu'elle enfantera,
elle s'attache à sa virginité , la conservation de sa chasteté est à ses
yeux d'un plus grand prix que l'apparition miraculeuse de l'ange (1).
Aussi entendez-la dire : « Je ne connais point d'homme. » — S. Bas.
[Chaîne des Pères grecs.) Le mot connaître est susceptible de plusieurs
sens. On appelle connaissance, la science de Dieu notre créateur, la
notion que nous avons de ses perfections et des voies qui mènent
à lui , l'observation de ses commandements , et aussi les rapports
des époux entre eux , et c'est dans ce dernier sens qu'il faut l'en-
tendre ici. — S. Grég. de Ntsse. [comme précéd.) Ces paroles de
Marie nous dévoilent les pensées les plus intimes de son âme ; car si
elle eût épousé Joseph pour la fin qu'on se propose dans tout mariage,
pourquoi cet étonnement, lorsqu'on lui parle de conception ? puisqu'elle
pouvait s'attendre à devenir mère un jour selon les lois de la nature.
Mais il fallait conserver dans toute sa pureté ce chaste corps qui avait
été offert à Dieu comme une chose sacrée , aussi dit-elle à l'ange :
« Je ne connais point d'homme. » Comme si elle lui disait : Vous êtes
un ange, cependant c'est pour vous chose naturellement impossible à
savoir que je ne connais point d'homme ; comment donc deviendrai-je
(1) Il ne faut pas seulement entendre l'apparition de l'ange, mais le message dont il est chargé
et qui aiiprend à Marie avec certitude qu'elle sera la mère du Christ. Ce serait peu dire en effet
que Marie mettait sa virginité bien au-dessus de cette apparition, elle qui la préférait certaine-
ment de beaucoup à l'accomplissement du mystère de l'Incarnation que l'ange lui annonçait.
quomodo fieret, ante non legerat : non
enim quemadmodum fieret vel Prophetae
tanto fiterat revelatuiu : tantum euim
mystermm non hominis fuit, sed Augeli
ore promendum.
Greg. Nysse. {Orcit. in dlem naialem
Christi, lU jam sup.) Attende eliaiu
mundai Virginis vocem : Partum aunun-
tiat Angélus, ipsa vero virginitati inni-
titur; praestanliorem incorruptibilitalem
angelica visione dijudicans : unde dicit :
« Quoniamviruninoncognosco.» Basil.
(in Cat. Grœcorum Patruui ubi, supra
ex epist. 401, qiise inscribitur Amphilo-
cJiio.j Cûgnitio multifarie dicitur. Dicitur
enim cognitio nostri conditoris sapien-
tia, ac magoaliuni illius notitia, necnon
mandatorum custodia, et quae sit apud
eum appropinquatio, et copula nuptialis,
ut hic accipitur. Greg. Nysse. (iit snp.)
Hsec igitur Marise verba indicium suut
eorum quse tractabat in mentis arcano :
nam si causa copules conjugalis Joseph
despousari voluisset, cur admiratione
ducta est dum sibi uarratur conceptio ?
cum nimirimi ipsa prœstolaretur ad
tempus mater effici juxta legis naturam.
Verum quia oblatum corpus Deo quasi
quoddam ex sacris, iuviolabile reservari
decebat ; ideo dicit : « Quoniam virum
non cognosco : » quasi diceret : Etsi sis
Angélus, tamen quod virum non co-
gnoscam, ex impossibilibus cernitur :
quahter igitur mater ero carens conjuge ?
^ DE SAINT LUC, CHAP. I. 37
mère sans avoir d'époux, puisque je reconnais Joseph pour mon
époux?
Grec, {ou Géo?7i., Ch. des Pèr. gr.) Considérez comment l'ange
lève le doute de la Vierge, et lui explique la chaste union et l'enfan-
tement ineffable qui doit la suivre : « Et l'ange lui répondit : L'Esprit
saint surviendra en vous, » etc. — S. Chrys. {hom. 4(9 sur la Genèse.)
Ne semble-t-il pas lui dire : Ne cherchez pas les lois de la nature, là
où la nature est dépassée par la sublimité des choses que je vous
annonce ? Vous dites : « Comment cela se fera-t-il , parce que je ne
connais point d'homme? » Et c'est justement parce que vous êtes de-
meurée vierge vis-à-vis de votre époux, que ce mystère doit s'accom-
plir en vous ; car si vous étiez une épouse ordinaire, vous n'en auriez
pas été jugée digne; non pas, sans doute, que le mariage soit une
chose profane aux yeux de Dieu, mais parce que la virginité lui est
supérieure. 11 convenait, en effet, que le Seigneur de tous les hommes
eût avec nous, dans sa naissance, des rapports de conformité, comme
aussi des traits de dissemblance. Il naît du sein d'une femme, et en
cela il nous est semblable ; mais il naît en dehors des lois des con-^
ceptions ordinaires , et par là il nous est supérieur. — S. Grég. de
Nysse. [comme précéd.) Bienheureux ce corps qui, par suite de l'in-
comparable pureté de Marie, a mérité d'être intimement uni à l'Esprit
saint ; dans les autres, à peine si une âme pure mérite la présence de
ce divin esprit; ici c'est la chair elle-même qui devient son taber-
nacle. [Et dans le liv. de la vie de Moïse ou de la vie par f.) Ces tables
de notre nature que le péché avait brisées, le vrai législateur les taille
et les façonne de nouveau avec notre terre ; il prend, sans union char-
nelle, un corps capable d'être uni à sa divinité , et que le doigt de
Joseph siquidem in sponsum acjnovi.
riR.F.c. (idest, Gcometer inCat. Grœ-
coruvi Putrum nbi sup.) Sed considéra
qualiter Virgin i solvit dubium Angélus,
ac expianat intemeratum connubium
et ineffabilem partum : sequitur enim :
n Et respondens Angélus, dixit ci : Spi-
ritus sanctus superveniet in te, » etc.
Chrys. [hom. 49, in Gènes.) Quasi di-
cat : Non quœras ordincm naturalom,
ubi naturam transcendunt et siiperant
quae tractantur. Dicis : « Quomodo fiet
istud, quoiiiam virum non cognosco ? »
Ouinimo eo ipso continget quod est con-
jugis inexperta ; nam si virum experta
fuisses, non digna censereris hoc myste-
rio, non quia profanuni sit conjugium,
sed quia virginitas potior : decebat enim
communem omnium Dominum, et in na-
tivitate nobiscumparticipare,etab eadis-
crepare : quod enim ex utero nasceretur,
habuit commune nobiscum ; quodauteai
absque concubitu nasceretur, plus a no-
bis obtinuit. Greg. Nysse. [in diem na-
foleni Cliristi, uhi sup.) Quam bealuni
corpus illud, quodob exuberantem niun-
diliam Virgiuis Mari,!», ut videtur^ do-
raum aniinaî seipsum allexit : in singulis
enim cœteris vix utique anima sincera
sancli Spiritus inipetrabit pra'senliam,
sed nunc caro receptaculum efficitur
spiritus. Et in lib. de vita Mosis vcl
de vita ficrfecta (quod idem est), ta-
bulas enim nostraî naturaî, quas culpa
confregerat, denuo verus legislator de
terra uostra slbi dolavit; absque concu-
bitu divinitatis suœ corpus susceptihile
creans, quod divinus digitus sculpsit ;
38
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
Dieu lui-même a sculpté , c'est-à-dire l'Esprit saint qui est survenu
dans la Vierge. {Dans le dise, su?' la nativ. du Christ.) « Et la vertu
du Très-Haut vous couvrira de son ombre. » La vertu du Très-Haut
c'est le Christ lui-même qui est formé dans le sein de Marie par la
venue de l'Esprit saint. — S. Grég. {Moral., xviii, 42.) Ces paroles :
« Vous couvrira de sou ombre , » signifient les deux natures du Dieu
incarné ; car l'ombre est le résultat de la lumière et de l'interposition
d'un corps. Or, le Seigneur est lumière par sa divinité, et comme cette
lumière incorporelle devait se revêtir d'un corps dans le sein de Marie,
l'ange lui dit avec raison : « La vertu du Très-Haut vous couvrira de
son ombre, » c'est-à-dire • le corps de l'humanité qui est en vous, re-
cevra la lumière incorporelle de la divinité. Ces paroles peuvent aussi
s'entendre des consolations célestes que Dieu devait répandre dans son
âme. — BEDE. Ce n'est donc point par le concours de l'homme que
vous n'avez jamais connu , que vous concevrez , mais par l'opéra' ion
de l'Esprit saint dont vous serez toute remplie ^ et vous demeurerez
inaccesssible aux ardeurs de la concupiscence , parce que le Saint-
Esprit vous couvrira de son ombre. — S. Grég. de Nysse. {eomme
préeéd.) « La vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. »
L'ombre d'un corps est produite par un objet préexistant , et reçoit
de lui sa forme, ainsi les preuves de la divinité de son Fils éclateront
dans la vertu miraculeuse de sa génération. Car de même que la ma-
tière corporelle qui est en nous, possède une vertu vivifiante qui sert
à former l'homme ; ainsi la vertu du Très-Haut , par l'opération de
l'Esprit vivificateur, a pris dans le corps virginal de Marie la partie de
matière qui devait servir à former l'homme nouveau. C'est ce qu'in-
diquent les paroles suivantes : « C'est pourquoi le fruit saint qui naîtra
devons, sera appelé le Fils de Dieu. » — S. Athan. {lettre contre les
scilicet Spiritus superveniens Virgini.
(Et iterum in dietn natalem Christi
nbi sup.) Insuper et virtus Altissimi
obumbrabit tibi : « altissimi Récris vir-
tus )) Chrislus est, qui per adventum
Spiritus sancti formatur in Virgine.
Greg. (XVIII Moral., cap. 12.)" Per
obumbrationis enini vocabulum incar-
nandi Dei utraque nalura significatur :
umbra enim a lumine formatur et cor-
pore. Domiuus autemper Diviuitatem lu-
men est : quia ergo lumen iucorporeum
in ejus erat utero corporaudum, recte
ei dicitur : « Virtus Altissimi obumbra-
bit tibi, 1) id est, corpus in te hunianitatis
accipiet iucorporeum lumen diviuitatis :
hoc etiam Mariœ dicitur propter mentis
reirigerium cœlitus datum. Beda. Non
ergo virili quod non cognoscis semine,
sed Spiritus sancti quo impleris opère
concipies ; concupiscentiae in te non erit
œstus ubi umbram faciet Spiritus san-
ctus. Greg. Nysse. {in diem natalem
Cliristi 1/Ô/SWJ9.) Vel dicit: «Obumbrabit
tibi ; » quia sicut corporis umbra praece-
dentium charactere couforniatur, ita in-
dicia Deitatis Filii ex virtute geuerandi
patebunt : sieut enim in nobis quaedam
vivifica virtus in materia corporali cons-
pieitur, qua bomo formatur, sic in Vir-
gine altissimi virtus per viviflcantem
Spiritum pariter corpori insitam mate-
riam carnis ex virgineo corpore ad for-
mandum novum hominem assumpsil.
Unde sequitur : « Ideoque et quod nas-
cetur ex te, » etc. Athax. (Epist. cou-
DE SAINT LUC, CHAP. I. 39
hérétiq. à Epict.) Nous faisons profession de croire que le corps du
Sauveur, formé des éléments matériels de la nature humaine , a été
un véritable corps, de même nature que le nôtre ; car Marie est notre
sœur, puisque tous, comme elle, nous sommes descendus d'Adam. —
S. Bas. [de VEspi^it saint, cliap. v.) Voilà pourquoi saint Paul dit :
Dieu a envoyé son Fils né d'une femme, il ne dit point par le moyeu
d'une femme_, mais d'une femme; car cette expression -.par une femme
aurait pu donner l'idée d'une génération qui ne serait qu'un passage,
tandis que ces paroles : né d'une femme établissent clairement l'iden-
tité de nature entre le fils et la mère.
S. Grég. {Mor., XVIII, 57.) L'ange déclare que Jésus sera saint dès
sa naissance, mais d'une sainteté toute différente de la nôtre. En effet,
nous pouvons acquérir la sainteté ; mais nous ne la possédons pas dès
notre naissance^ enchainés que nous sommes dans les liens d'une na-
ture sujette à la corruption , ce qui nous fait dire avec le prophète
{Psalm. 50) : « Voilà que j'ai été conçu dans l'iniquité, » etc. Celui-là
seul est véritablement saint dont la conception n'est pas la suite d'une
union charnelle ; qui n'est point autre daus son humanité, autre dans
sa divinité, comme le rêvent les hérétiques , qui n'a point commencé
par être simplement un homme dans sa conception, dans sa naissance,
et mérité ensuite de devenir Dieu ; mais qui , aussitôt que l'ange eut
parlé, et que l'Esprit saint fut survenu, fut le Verbe descendu dans le
sein de Marie, et immédiatement le Verbe fait chair dans ses chastes
entrailles. C'est ce que prouvent les paroles suivantes : « Tl sera appelé
le Fils de Dieu. »
Grec. [Ch. des Pèi\ r/r.) Considérez comment l'ange , parlant à
tra hœreticos ad Epictetum.) Profite-
mur euim quoniani naturœ humanœ as-
sumptumex materia corpus verissimum
Hxtitil, et idem secundum uaturam cor-
pori nostro : soror uamque nostra llaria
est, cum omnes ab Adam descenderi-
raus. Basil, [de Spritu suncto,csiç. 3.)
Unde et Paulus dicit {Calât., 4) quo-
niam misit Deus Filium suum natum,
non pcr mulierem, sed ex muliere : nam
lioc quod dico per mulierem, transito-
riam poleral iudicare nativitatis senten-
tiam; quod aulcm dicilur ex muliere,
jnaaifestat communioneui naturœ geniti
respectu parentis.
Greo. (XVIII Mor., cap. 27.) Ad dis-
tinctionem autem nostrse saactitatis Jé-
sus singulariter sanctus nasciturus asse-
ritur : nos quippe, etsi sancti efficimur.
non lameu nascimur, quia ipsa natura^
corruptibilis conditione constringimur,
ut cum Propheta dicamus { Psul. ,
50) : « Ecce in iniquitatibus conceptus
sum , » etc. nie autem solus veraciter
sanctus est, qui ex conjunctionecarnalis
copulae conceptus non est ; qui non (si-
eut haereticus desipit) alter in humani-
tate, alter in Deitate est, non purus
homo conceptus atque editus post per
meiilum ut Deus esset accepit; sednun-
tiantc Angelo, et adveniente Spiritu,
mox Verbum in utero, mox iutra ute-
rum Verbum caro. Unde sequitur : « Vo-
cabitur, » etc.
Gr*x. {id est, Victor Presbyler m
Cat. Grœcorum Patrum.) Tu autem
40
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
Marie, fait intervenir toute la Trinité _, en mentionnant distinctement
l'Esprit saint, le Verbe et le Très-Haut; car la Trinité est indi-
visible.
f. 36-38. — Ei voilà qu'Elisabeth , votre cousine, a conçu aussi elle-même tm
fils dans sa vieillesse , et c'est ici le sixième mois de la grossesse de celle qui
est appelée stérile; parce qu'il n'y a rien d'impossible à Dieu. Alors Marie
lui dit : Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole.
Et l'ange se sépara d'elle.
S. Chrts. {hom. 49 sur la Genèse.) Le langage que l'ange avait
tenu jusqu'alors à Marie était au-dessus de son intelligence ; il descend
donc à des choses plus accessibles, et clierclie à la persuader par des
faits extérieurs et sensibles : « Et voici qu'Elisabeth , votre cousine. »
Remarquez l'a propos et la convenance de ces paroles. Gabriel ne rap-
pelle pas à Marie les exemples de Sara, ou de Rébecca , ou de Rachel,
ils étaient trop anciens ; il lui cite un fait tout récent , pour produire
en elle une conviction assurée. Dans ce même dessein il fait res-
sortir et l'âge et l'impuissance de la nature : « Elle a conçu aussi
elle-même un fils dans sa vieillesse. » Il ajoute : « Et c'est ici le
sixième mois, » etc. Il ne lui a point appris dès le commencement la
conception d'Elisabeth , mais après six mois écoulés , afin que les
signes visibles de sa grossesse fussent une preuve de la vérité de ses
paroles. — S. Grég. de Naz. [Ch. des Pèr. gr., de ses poésies.) Vous
me demanderez peut-être : Comment le Christ descend-il de David ?
Marie est évidemment de la famille d'Aaron, puisqu'au dire de l'ange,
elle est la cousine d'Elisabeth. Il faut voir ici l'efi'et d'un dessein pro-
videntiel de Dieu, qui voulait unir le sang royal à la race sacerdotale,
attende qiialiter Yirgini Angélus totam
Trinitatem edidit, dum Spiritum san-
ction commémorât, vh'tntem et Aliissi-
mnm, Trinitas enim indivisibilis est.
Et ecce Elisabeth cogriata tua, et ipsa concepit
filium in senectute sua. Et hic mensis est sex-
tus un, quœ vocaitir sterilis; quia non erit
irnpossibile apud Deuia omne verbum.Lixit au-
tem Maria : Ecce ancilla Domini, fiât mihi se-
cundum verburn tuum. Et discessit ab illa An-
gélus.
Chrys. [hom. 49. in Gen.) Quoniam
pra-cedens dictum superaVjat Virginis
mentem, ad liumiliora decliu
nem, per sensibilia ipsi
dicit : « Et ecce Elisabeth,
Animadverte Gabrielis i:
memoravit eam Sara:-, vel Rebeccœ, vel
Rachelis, quia antiquiora exempta, sed
immiuens factum inducit, ut ejus men-
tem corroboret. Ob hoc et fetatemcom-
memoravit, cum dicit : « Et ipsa conce-
pit filium in senectute sua, » et defectum
naturœ. Sequitur : « Et hic mensis est
sextus, » etc. Non enim a principio con-
ceptus Elisabeth statim annuntiavit ,
sed acto sex mensium spatio, ut tumor
ventris perhibeat argumentum. Greg.
Nazianzexus [in Cet. Grœcorum Pa-
trum ex carm'mibus ejus.) Sed quaerel
ahquis : Qualiter ad David Christus re-
fertur ? Siquidem IMaria de sanguine
anavit Aaron, cuj us cognatam Angélus
isabet asseruit : [sed hoc nutu supernu
tigit, ut regium genus saeerdotalt
DE SAINT LUC, CHAP. I. 41
afin que Jésus-Christ, qui est à la fois prêtre et roi , eût aussi pour
ancêtres, selon la chair, les prêtres et les rois. Nous lisons aussi dans
V Exode, qu'Aaron a pris, dans la tribu de Juda , une épouse du nom
d'Elisabeth, fille d'Aminadab. Et voyez combien est admirable la con-
duite providentielle de l'Esprit de Dieu, en permettant que l'épouse de
Zacharie s'appelât aussi Elisabeth , pour nous rappeler ainsi l'épouse
d'Aaron qui portait également ce nom d'Elisabeth.
BEDE. Pour faire disparaître toute défiance dans l'esprit de la Vierge
sur la vérité de son enfantement , l'ange lui cite l'exemple d'une
femme stérile qui enfantera dans sa vieillesse, elle apprendra ainsi
que tout est possible à Dieu, même ce qui paraît le plus contraire aux
lois de la nature; car, ajoute-t-il : « Rien n'est impossible à Dieu. »
— S. Chrys. {Chaîne des Pêr. g?\) Il est le souverain Maître de la
nature, il peut donc tout ce qu'il veut, lui qui fait et dispose toutes
choses, et qui tient dans ses mains les rênes de la vie et de la mort.
— S. AuG. {contr. Faust., xxvi, 5.) Il en est qui tiennent ce langage :
Si Dieu est tout-puissant, qu'il fasse que les choses qui ont existé
n'aient pas existé. Us ne voient pas que ce langage revient à dire :
Qu'il fasse que les choses qui sont vraies, par là même qu'elles sont
vraies soient fausses. Dieu sans doute peut faire que ce qui existait
n'existe plus, c'est ainsi que par un acte de sa puissance, celui qui a
reçu l'existence en naissant, la perd en mourant. Mais qui pourra
dire que Dieu ôte l'existence à ce qui ne l'a déjà plus? Car tout ce qui
est passé a cessé d'exister ; si dans ce qui est passé il y a encore quel-
ques éléments d'existence , ces éléments existent réellement, et s'ils
existent, comment sont-ils passés ? Quand nous affirmons en vérité
(ju'une chose a existé, elle n'existe donc plus, elle existe dans notre
stirpi jungeretur; ut Christus, qui Rex
est et Sacerdos, ab utrisque secnndam
carnem naseeretur. Legilur ctiam ia
Exodo {cap. 6, vers. 13) quod Aaroa
primas secundum legem Sacerdos, duxit
ex tribu Judœ in conjugem Elisabetb,
flliam Aminadab. Et attende sacratissi-
niam spiritus adniiuistrationem, dum et
banc Zacliariae conjugem statuil Elisa-
beth vocari, reducens nos ad illam Eli-
sabetli quam duxerat Aaron.
Bed. Sic ergo ne Virgo se parère posse
diffîdat, accepit exemplum sterilis anus
pariturie ; ut discat omuia Dec possibi-
lia esse : etiam quaî naturce ordiue vi-
dentur esse contraria: unde sequitur :
« Quia non eril impossibile apud Deum
omne verbum. » Chrys. {in Cot. Crœ-
corum Patrum, ut sup.) Ipse uamque
cum sit uaturae Dominus, euncta potest
cum velit, qui cnocta peragit et dispo-
nit, vitae mortisque lora gubernans.
Ai:r,. {Contra Faust., lib. xxvi, cap. o.)
Quisquis autem -dicit : « Si omnipotens
Deus est, faciat ut ea quae facta sunt,
facta non fuerint, » non percipit se di-
cere : « Faciat ut ea quae vera sunt eo
ipso quod vera sunt falsa sint : » potest
enim facere quod aliquid non sit quod
erat, velut cum aliquis qui cœpit esse
nascendo , faciat non esse morieudo.
Quis autem dicatut id quod jam non est
faciat non esse? Quicquid enim praete-
ritum est, jam non est ; si de ipso fieri
aliquid potest, adhuc est de qno fiât ;
et si est, quomodo pnBteritum est ? Non
ergo est quod vere diximus fuisse, quia
in nostra sententia verum est, non in ea
42 EXPLICATION DE l/ÉVANGILK
pensée et non dans la chose elle-même qui a cessé d'être ; or Dieu ne
peut faire que cette affirmation soit fausse. Nous disons que Dieu est
tout-puissant, mais non pas dans ce sens que nous pensions qu'il
puisse mourir. Celui-là seul peut être appelé sans restriction tout-
puissant, qui existe véritablement (I) et de qui seul tout ce qui existe
re<^oit l'être et la vie.
S. Ambr. Voyez l'humilité de la Vierge, voyez sa religion : « Alors
Marie lui dit : Voici la servante du Seigneur. » Elle se proclame la
servante du Seigneur, elle qui est choisie pour être sa mère; elle ne
conçoit aucun orgueil d'une promesse aussi inespérée; elle devait
enfanter celui qui est doux , humble par excellence, elle devait elle-
même donner l'exemple de l'humilité. En se proclamant d'ailleurs la
servante du Seigneur, elle ne s'attribue d'autre part dans cette grâce
si extraordinaire, que de faire ce qui lui était ordonné ; c'est pour cela
qu'elle ajoute : « Qu'il me soit fait selon votre parole ; » vous avez vu son
obéissance, vous voyez la disposition de son cœur : « A'oici la servante
du Seigneur; » c'est la préparation à remplir son devoir : « Qu'il me
soit fait selon votre parole, » c'est l'expression de son désir. — Eusèbe.
[ou Géom., Ch. des Pèr. g?\) Chacun célébrera à sa manière les vertus
qui éclatent dans ces paroles de la Vierge; l'un admirera son assu-
rance et sa fermeté, l'autre la promptitude avec laquelle elle obéit, un
autre qu'elle n'ait point été éblouie par les promesses magnifiques et
sublimes du premier des archanges, un autre enfin qu'elle n'ait point
porté trop loin la résistance; elle s'est tenue également en garde et
contre la légèreté d'Eve et contre la désobéissance de Zacharie. Pour
moi, sa profonde humilité ne me paraît pas moins digne d'admiration.
(1) C'est-à-dire qui a vraiment l'être en lui-même, qui existe par lui-même, et de qui tout ce qui
existe, à quelque degré que ce soit, reçoit l'être et la vie.
re quœ jam non est : hanc autem sen-
tentiam Deus falsam facere non potest.
0 ninipotentem antem Deiim non ita di-
cimus, ac si eum etiam mori posse cre-
damus. Ille plane oinnipotens vere so-
ins dicitur qui vere est, et a quo solo
est quicquid aliquo modo est.
Ambr. Vide aulem humilitalem Virgi-
nis, vide devotiouem : sequitur enim :
" Dixit autem Jlaria : Ecce ancilla Do-
raini. » Ancillam se dicit, quœ mater
eligitur, nec repentiuo exaltala pro-
misso est : mitem enim humilemque
paritura liumilitatem debuit eliam ipsa
prseferre : simul etiam ancillam se di-
cendo, nullam sibi praerogativam tantse
gratige vendicavit, quin faceret quod ju-
beretur : unde sequitur : « Fiat mihi se-
cuadum verbum tuum. » Habes obse-
quium, vides votum : « Ecce ancilla
Domini, » apparatus officii est; « Fiat
mihi secundum verbum tuum, » con-
ceptus est voti. Euseb. [vel Geometer
in Cat. Grœconim Putrum.) Alius aliud
quiddam in praesenti sermoue Yirginis
extoUet apicibus ; hic quidem constan-
tiani, hic obedientiae promptitudinem ;
alius quod non allecta est tam splendidis
et arduis per magnum Archangelum
promissis, alius quod non excessit mo-
dum in dando instaulias ; sed œqualiter
cavit et Evae levitatem, et Zachariae in-
obedientiam. Mihi autem humilitatis
profuudita- non minus couspicitur ad-
DE SAINT LUC, CHAP. I.
43
— S. Grég. Par un mystère vraiment ineflable, la même Vierge dut à
une conception sainte et à un enfantement virginal d'être la servante
du Seigneur, et sa mère selon la vérité des deux natures.
y. 39-40. — Or en ces jour s -là Marie partit et s'en alla en diligence vers les
montages de Judée, en une ville de la tribu de Juda. Et elle entra dans la
maison de Zacharie, et elle salua Elisabeth. Aussitôt qu' Elisabeth eut entendu
la voix de Marie qui la saluait, son enfant tressaillit dans son sein, et elle
fut remplie du Saint-Esprit ; et s' écriant à haute voix, elle dit : Vous êtes
bénie entre toutes les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni. Et d'où
me vient ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne vers moi? Car votre
voix n'a pas plutôt frappé mon oreille lorsque vous m'avez saluée , que mon
enfant a tressailli de joie dans mon sein. Et vous êtes bienheureuse d'avoir
cru, parce que ce qui vous a été dit de la part du Seigneur sera accompli.
BEDE. Aussitôt que l'ange a obtenu le consentement de la Vierge,
il remonte vers les cieux : « Et l'ange s'éloigna d'elle. » — Eusèbe.
{vel Geometer, ubi sup.) Il la quitte non-seulement satisfait d'avoir
obtenu ce qu'il désirait, mais plein d'admiration pour la perfection de
cette divine Vierge et pour la sublimité de sa vertu.
S. Ambr. L'ange qui annonçait à Marie des choses aussi mysté-
rieuses, lui donne pour affermir sa foi, l'exemple d'une femme stérile
qui était devenue mère. A cette nouvelle, Marie s'en va vers les mon-
tagnes de Judée. Quoi donc? Est-ce qu'elle ne croit point aux paroles
de l'ange? est-ce qu'elle n'est point certaine de la divinité de son
message? Est-ce qu'elle doute de l'exemple qu'il lui donne? non, c'est
un saint désir cpii la transporte, c'est un sentiment religieux du de-
voir qui la pousse, c'est une joie divine qui lui inspire cet empresse-
miranda. Greg. Per ineffabile uamque
sacramentuQi conceptu sancto et partu
inviolabili secundum veritatem utrius-
(jue naturo" eadem Virgo ancilla Domini
fuit et Mater.
Exsurf/ens aulem Maria in diebus illis, abiit in
montana cum festinatione in civitatem Juda ,
et intravil in domum Zacharice , et salutauit
Elvsabelh. Et factum est, ut audivit salutatio-
nem Mariœ Elisabeth, exultavit infans in utero
ejus- Et replet a est Spiritu sancto Elisabeth :
et exclamavit voce magna , et dixit : Bene-
dicta tu inter mulieres , et benedictus fructus
venlris tui. Et unde hoc mihi ul veniat Mater
Domini mei ad me ? Ecce enim ut facto est
vox salutationis tuœ in auribus meis, exulta-
vit in gaudiù infans in utero meo ■■ et beata
quœ credidisti, quoniam perficientur ea quœ
dicta sunt tibi a Domino.
Bed. Accepte autem Virginis con-
sensu, mox Àngelus cœlestia repetit,,
unde sequilur : « Et discessit ab illa An-
gélus. » El'seb. {vel Geometer ubi sup.)
îs'on solum impetrans quod optabat, sed
stupens in virginea forma et virtutis
plenitiidine.
Ambr. Angélus cum abscoudita nim-
tiaret, ut fides astrueretur exemplo, fe-
minae sterilis conceptum virgini nuntia-
vit. Ubi hoc audivit Maria, non quasi
incredula de oraculo, nec quasi incerfa
de nuntio, nec (juasi dubitans de exem-
plo, sed quasi laeta pro voto, religiosa
pro officie, festiua prae gaudio, in mon-
u
EXPLICATION DE L EVANGILE
mont : « Marie partit et s'en alla dans les montagnes, » etc. Toute
remplie de Dieu qu'elle est, où pourrait-elle diriger ses pas, si ce
n'est vers les hauteurs. — Orig. {hom. 7.) Jésus qu'elle portait dans
son sein, avait hâte lui-même d'aller sanctifier Jean-Baptiste, qui était
encore dans le sein de sa mère : « Elle s'en alla en toute hâte, » etc.
r- S. Ambr. La grâce de l'Esprit saint ne connaît ni lenteurs ni dé-
lais. Apprenez de la Vierge chrétienne à ne point vous arrêter sur
les places publiques et à ne prendre aucune part aux conversations
qui s'y tiennent. — Théophyl. Elle va vers les montagnes, parce que
c'est là qu'habitait Zacharie : « En une ville de Juda, et elle entra
dans la maison de Zacharie. » — S. Amer. Apprenez aussi, femmes
chrétiennes, les soins empressés que vous devez à vos parentes,
lorsqu'elles sont sur le point d'être mères. Voyez Marie, elle vivait
seule auparavant dans une profonde retraite, aujourd'hui ni la pu-
deur naturelle aux vierges ne l'empêche de paraître en public, ni les
montagnes escarpées n'arrêtent son zèle, ni la longueur du chemin
ne lui fait retarder le bon office qu'elle va rendre à sa cousine. Vierges
de Jésus-Glirist, apprenez encore quelle fut l'humilité de Marie. Elle
vient vers sa parente, elle vient, elle la plus jeune, visiter celle qui
est plus âgée, et non-seulement elle la prévient, mais elle la salue
aussi la première : « Et elle salue Elisabeth. » En effet, plus une
vierge est chaste, plus aussi son humilité doit être grande, plus elle
doit avoir de déférence pour les personnes plus âgées ; celle qui fait
profession de chasteté, doit aussi être maîtresse en humilité. Il y a
encore ici un motif de charité, le supérieur vient trouver son inférieur
pour lui venir en aide, Marie vient visiter Elisabeth, Jésus-Christ,
Jean-Baptiste. — S. Ghrys. {sur. Matth., hom. A.) Disons encore
tana perrexit : iiude dicitur : « Exsur-
gens autem Maria in diebu? illis, abiit iu
montana, » etc. Quo eiiim jam Deo
plena, nisi ad superiora cum festinalione
conscenderet ? Orig. {hom. 1.) Jésus
enim qui in utero illius erat, festinabat
adhuc in ventre matris Joannem posi-
tum sanctiiicare : uude sequitur: « Cum
festinatione, » etc. Ambr. Nescit tarda
molimina Spiritus sancti gratia. Discite
virgines non demorari in plateis. non
aliquos in publico miscere sermones.
Theophylact. Propter hoc abiit in mon-
tana, quia Zacharias in montanis babi-
tabat : unde sequitur : « In civitatem
Juda, et intravit in domum Zachariœ. »
Ambr. Discite vos, sauctae mulieres ,
sedulitatem , quam praegnaatibus de •
beatis exhibere cognatis : Mariam enim,
quse aute sola in intimis peuetralibus
versabatur, non a publico virgiuitatis
pudor, non a studio asperitas montium,
non ab officio prolixitas itineris retarda-
vit. Discite etiam, virgines, humibtatem
Marite : venit propinqua ad proximam,
junior ad seniorem; nec solum venit,
sed et prior salutavit : unde sequitur :
« Et salutavit Elisabetli. » Decet enim ut
quanto castior virgo, tanto humilior sit,
noveritque déferre senioribus : sit ma-
gistra humilitatis, in qua est professio
castitatis. Est etiam causa pietatis, quia
superior venit ad inferiorem, ut inferior
adjuvetur; Maria ad Elisabeth, Christus
ad Joannem. Chrys. [svp. Matth., hom.
4.) Vel aliter : celabat quae supra dicta
DE SAINT LUC, CHAP. I. 45
que Marie cachait avec soin ce que l'ange lui avait dit, et ne le dé-
couvrait à personne; elle savait qu'on n'ajouterait point foi à un récit
aussi merveilleux, et elle craignait qu'il ne lui attirât des outrages, et
qu'on ne l'accusât de vouloir ainsi pallier son crime et son deshon-
neur. — Grec. {Géom., comme précéd.) C'est près d'Elisabeth seule
qu'elle va se réfugier; elle avait coutume d'en agir ainsi à cause de
sa parenté qui les unissait, et plus encore à cause de la conformité de
leurs sentiments et de leurs mœurs.
S. Ambr. Les bienfaits de l'arrivée de Marie et de la présence du
Seigneur se font immédiatement sentir : « Aussitôt qu'Elisabeth eut
entendu la voix de Marie qui la saluait, son enfant tressaillit, » etc.
Remarquez ici la différence et la propriété de chacune des paroles de
l'auteur sacré. Elisabetli entendit la voix la première, mais Jean res-
sentit le premier l'effet de la grâce; elle entendit d'après l'ordre na-
turel, mais Jean tressaillit par suite d'une action toute mystérieuse;
l'arrivée de Marie se fait sentir à Elisabeth, la venue du Seigneur à
Jean-Baptiste. — Grec, {ou Géom., comme jwécéd.) Le prophète
voit et entend plus clairement que sa mère, il salue le prince des
prophètes , et au défaut de la parole qui lui manque, il tressaille
dans le sein de sa mère (ce qui est le signe le plus expressif de la
joie); mais qui jamais a ressenti ces tressaillements de la joie avant
sa naissance? La grâce produit des effets inconnus à la nature : le
soldat renfermé dans les entrailles de sa mère reconnaît son Seigneur
et son roi dont la naissance approche, l'enveloppe du sein maternel
n'est point un obstacle à cette vision mystérieuse ; car il le voit non
des yeux ou du corps, mais des yeux de l'âme. — Orig. {Cli. des
Pèi\ çjr.) Il ne fut pas rempli de l'Esprit saint avant l'arrivée de
sunt in se virgo, nec cuiquani liomiimm
pandit ; non enim credebat. ab illis posse
fidem adhiberi mirandiâ relatibus ; imo
magis putabat se pati couvicia si dice-
ret, quasi volens scelus proprium pal-
liare. Gr.ïcus. {ISimirum Geometer ut
Slip.) Ad solain autem refugit (sive re-
currit) Elisabelli : sic enim consuevcrat
propter cognalioncm el propter cœteraiu
hujusmodi (sive moruui) coujuiicliouem.
Ambr. Cilo auleiu advenlus Maria; et
prajsentiœ doniinica; bénéficia declaran-
tur : naui sequilur : « Et factuni est ut
audivit salutalionem Marite lilisabelh,
cxullavit infans, » etc. Vide distiuclio-
iieui singulorumque verboruui proprie-
lalem: voceni prior Elisabeth audivit,
sed Joannes prior gratiam sensit : illa
naturaî ordine audivit, iste exuUavit
ratione mysterii ; illa Manœ, iste Domini
sensit adventum. Gr.f.cus. {vel Geome-
ter, uhi sup.) Propbcta enim parenic
acutius videt et audit, salutatque pro-
phetarum principem ; sed quoniam ver-
bis non poterat, saltat in utero (quod
maximum existit in gaudio.) Quis un-
quani novit tripudium nativitate anti-
quius ? Insinuavit gralia quae naturu?
ignota extiterant: reclusus ventre miles
aguovit Domiuum ac regem orilurum,
venlris tegmine non abstante mystica;
visioni ; inspexit enim, non palpebris,
.-^ed spiritu. Orig. [In Cut. Gniconim
Patruin.) Non aulem antea replelus
46
EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
celle qui portait Jésus-Christ dans sou soin, et c'est au même instant
qu'il en fut rempli et ([ii'il tressaillit dans les entrailles de sa mère :
« Et Elisabeth tut r<Huplio de l'Esprit saint. » Nul doute qu'Eli-
sabeth n'ait dû à son fils d'avoir été elle-même remplie de l'Esprit
saint.
S. Amer. Elisabeth s'était dérobée aux regards du monde du mo-
ment qu'elle avait conçu un fils, elle commence à se produire, glo-
rieuse qu'elle est de porter dans son sein un prophète; elle éprouvait
alors une espèce de honte, maintenant elle bénit Dieu : « Et s'écriant
à haute voix, elle dit : Vous êtes bénie entre toutes les femmes , » elle
s'écrie à haute voix, aussitôt qu'elle ressent l'arrivée du Seigneur,
parce qu'elle crut à la divinité de l'enfantement de Marie. — Orig.
{Ch. des Pèr. gr.) Elle lui dit • « Vous êtes béuie entre toutes les
femmes; elle est la seule qui ait reçu et qui ait pu recevoir une si
grande abondance de grâce, car elle seule est la mère d'un enfant
divin. — BEDE. Elisabeth la bénit dans les mêmes termes que l'ange
Gabriel, pour montrer qu'elle est digue de la vénération des anges et
des hommes. — Théophyl. Mais les siècles précédents avaient vu
d'autres saintes femmes qui ont donné le jour à des enfants souillés
par le péché; elle ajoute donc : « Et le fruit de vos entrailles est béni. »
Ou dans un autre sens elle venait de dire : « Vous êtes bénie entre
toutes les femmes; » elle en donne maintenant la raison comme si
quelqu'un la lui demandait : « Et le fruit de vos entrailles est
béni, » etc., c'est ainsi que nous lisons dans le psaume 117 : « Béni
soit celui qui vient au nom du Seigneur... Le Seigneur est le vrai
Dieu, et il a fait paraître sa lumière sur nous, » car suivant l'usage
de l'Ecriture, et a le même sens que parce que. — Orig. Elle appelle le
fuerat spiritu donec assisterel , qufe
Christum gerebat in utero : tune autem
et Spiritu erat plenus, et resultabat in
parente : unde sequitur : « Et repleta
est Spiritu sanclo Elisabeth. » Non autem
dubium est quin qu&e tune repleta est
Spiritu sancto, propter fîlium sit re-
pleta.
Ambr. 111a autem quœ se occultaverat
quia conceperat filium, jactare se cœpit
quia gerebat prophetam;et quœ eru-
bescebat ante, benedicit: unde sequi-
tur : « Et exclamavit voce magna, et
dixit : Beuedicta tu inter mulieres. »
Magna voce exclamavit, ubi Domini sen-
sit adventum, quia religiosum credidit
partum. Orig. {ut s^/p. in Cat. Grœco-
rum Patruin.) Dicit autem : «Benedicta
tu inter mulieres : » nulla enim unquam
tantae fuit gratiœ particeps, aut esse po-
terat : unius enim divini germinis pa-
rens est unica. Bed. Eadem autem voce
ab Elisabeth, qua a Gabriele benedicitur,
quatenus et angelis et hominibus vene-
rauda monstretur. ïheophylact. Quia
vero allai sanctae mulieres faerunt, quaî
tamen genuerunt fdios peccato inquina-
tos, subjuugit : « Et benedictus fructus
ventris tui. » Vel aliter intelligitur : di-
xerat : « Benedicta tu inter mulieres : »
deinde quasi interrogante aliquo quare,
subjungit causam. « Et benedictus fru-
ctus, » etc., sicut diciturin Psalm. 117:
« Benedictus qui venit in nomine Domini
Deus Dominus, et illuxit nobis. » Con-
suevit enim sacra Scriptura, et pro quia
DE SAINT LUC, CHAP. I. 47
Seigneur le fruit des entrailles de la mère de Dieu, parce qu'il n'a
point un homme pour père, et qu'il est né de Marie seule, car ceux
qui sont nés d'un père mortel, sont considérés comme ses fruits. —
Grec, [ou Géom.) C'est donc ici le seul fruit vraiment béni, parce
qu'il a été produit sans le concours de l'homme et l'influence du
péché. — BEDE. C'est ce fruit que Dieu promettait à David en ces
termes : « J'établirai sur votre trône le fruit de vos entrailles. » —
EusÈBE. Le Christ est le fruit des entrailles de Marie, cette vérité suffit
pour détruire l'hérésie d'Eutychès : car tout fruit est de même nature
que la plante ; par une conséquence nécessaire, la Vierge est donc de
même nature que le nouvel Adam qui vient effacer les péchés du
monde. Que ceux qui se forment l'idée d'une chair fantastique en
Jésus- Christ, rougissent de leur opinion en considérant l'enfantement
véritable de la mère de Dieu, car le fruit provient de la substance
même de l'arbre. Où sont encore ceux qui osent dire que le Christ n'a
fait que passer dans la Vierge comme par un canal. Qu'ils apprennent
de ces paroles d'Elisabeth remplie de l'Esprit saint, que le Sauveur est
le fruit des entrailles de Marie.
« D'où me vient que la mère de mon Seigneur vienne à moi ?» —
S. Ambr. Ce n'est point par ignorance qu'elle parle ainsi, elle sait que
c'est la grâce et l'action de l'Esprit saint qui ont porté la mère du
Seigneur à venir saluer la mère du prophète pour la sanctification de
son enfant, mais elle reconnaît hautement qu'elle n'a pu mériter cette
grâce, et que c'est un don purement gratuit de la miséricorde divine :
« D'où me vient cet honneur? » c'est-à-dire, à quelles œuvres de jus-
tice, à quelles actions, à quelles vertus en suis-je redevable? — ORia.
recipere. Orig. {nt svp. in Cat. Grœco-
ruvi Patrvm.) Fruclum autera ventris
Dei genitricis Dominuni dixit, quia iie-
quaquam ex viro, sed ex sola Maria
processit : nani qui semen suuipserunt a
patribus, fructiis eorum existunt. Gr.e-
CLS. {ve.l Gcomeler ubi sup.) Solus ergo
hic fructus benediclus, quia absque viro
et absque peccato producilur. Bed. Isle
est fructus qui David promittitur [Psal.
131) : « De fruclu ventris lui ponain
super sedem tuam. » EusEb. In qua
parte emergit Eulycbis redargulio, dum
fructiis ventris Clirislus asseritur : om-
nis enim fructus est ejusdem naluree
cum planta; unde et virginem relin-
quilur ejusdem fuisse naturœ cum se-
cundo Adam, qui tollit peccata muudi.
Sed et qui phanlaslicani opiniunem de
carne Ghristi confinguut, in vero Dei
genitricis partu erubescant : nara ipse
fructus ex ipsa substantia procedit arbo-
ris, Ubi sunt etiam dicentes quasi per
aqu.Tductum Chrislum Iransisseper Vir-
ginem? Advertarit ex dictis Elisabeth,
quam replevit Spiritus, Christum fruc-
tum fuisse ventris.
Soquitur : « Unde hoc niihi ut veniat
Mater Douiiui mei ad me? » Ambr. Non
quasi ignorans dicit : scit enim esse
sancti Spiritus graliam et operationem,
ut Mater Domini malrem prophetae ad
profectumsuipignoris salulet; sed quasi
non humani hoc meriti, sed divinœ
gratia; niunus esse cognoscat, ita dicit :
« Unde hoc mihi? » hoc est, quajustitia,
quibus factis, pro quibus meritis? Orig.
{in Cat. Cracoruin Pulnim, ubi sup.)
48 EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
{Ch. des Pèr. gr.) Elisabeth partage ici les sentiments de son fils, car
Jean lui-même se sentait iutligue que Jésus-Christ descendit jusqu'à
lui. Eu proclamaut mère du Seigneur Marie, qui était vierge, elle
anticipe sur l'événement par une inspiration prophétique. Reconnais-
sons ici une disposition toute providentielle qui conduit Marie chez
Elisabeth, pour que Jean-Baptiste, encore dans le sein de sa mère,
rende témoignage au Seigneur, car dès lors le Sauveur investit Jean-
Baptiste du titre et des fonctions de prophète, comme l'expliquent les
paroles suivantes : « Aussitôt que la voix de votre salutation, » etc.
— S. AuG. {à Dardanus^ letl. 57.) Pour parler ainsi, comme l'Evan-
géliirtele déclare, Elisabeth a été remplie de l'Esprit saint, et c'est lui,
sans aucun doute, qui lui a révélé la signification de ce tressaillement
mystérieux de son enfant, tressaillement qui lui annonçait la venue
de la mère du Sauveur, dont son fils devait être le Précurseur et le
héraut. L'explication d'un si grand mystère a pu être connue des per-
sonnes plus âgées, comme Marie et Elisabeth, sans l'être de l'enfant
lui-même; car Elisabeth ne dit point : L'enfant a tressaili dans mon
sein par un mouvement de foi, mais « a tressailli de joie. » Nous
voyons tous les jours tressaillir, non-seulement des enfants, mais même
des animaux, sans que ni la foi, ni la religion, ni aucune cause intel-
ligente y aient la moindre part; mais ici le tressaillement est extraor-
dinaire et d'un genre tout nouveau, parce qu'il se produit dans le
sein d'Elisabeth, et à l'arrivée de celle qui devait enfanter le Sauveur
de tous les hommes. Ce tressaillement donc, qui fut comme le salut
rendu à la mère du Seigneur, a eu pour cause, comme tous les mi-
racles, un acte de la puissance divine dans cet enfant, et non un
mouvement naturel de l'enfant lui-même. Et alors même qu'on ad-
mettrait dans cet enfant un usage prématuré de la raison et de la vo-
Gouvenit autem hoc dicens cum fllio : | cursor et demonstrator esset futurus.
nam et Joannes indignum se seutiebat > Potuit ergo esse ista siguificatio rei tantœ
adveulu Christi ad ipsum. Matrem autem î a majoribus cognosceudae, non a parvulo
Domini nuncupat adhuc Virginem exis
tentem, prœoccupaus eventum ex dicto
prophetico. Divina autem provisio (sive
provideutia) duxerat Mariam ad Elisa-
beth, ut Joanais lestimonium ab utero
perveniret ad Dominum : ex tune enim
Joanuem Dominus in prophetam consti-
tuit : unde sequitur : « Ecce enim ut
facta est vox salulationis, » etc. AuG.
(ad Dardunum, epist. 57.) Hoc autem
ut diceret sicut Evaugehsta praelocutus
est, repleta est Spiritu sancto ; quo pro-
cul dubio révélante cognovit quid illa
exultatio significasset iufantis , id est,
illius venisse Matrem, cujus ipse pree-
coguitse : non enim dixit : « Exultavit
in fide infans in utero meo, » sed «exul-
tavit in gaudio. » Videmus autem exul-
tationem, non solum parvulorum, sed
etiam pecorum ; non utique de aliqua
fide, vel religione, vel quacunque ra-
tionali cognitione venientem, sed hsec
inusitata et nova extitit, quia in utero,
et ad ejus adventum quœ omnium Salva-
toremfueratparitura. Ideo hgec exultatio
ettanquam Matri Domini reddita resalu-
tatio (sicut soient miracula fieri), facta
est divinitus in infaute, non humanitus
ab infante : quamquam etiam si usque
adeo in illo puero est acceleratus usus
I>E SAINT LUC, CHAP. I.
49
lonté, qui aurait pu lui permettre, dès le sein de sa mère, un sentiment
de connaissance, de foi, de sympathie, on devrait l'attribuer à un
miracle de la puissance divine, et non à une simple action des lois
naturelles.
Orig. {Ch. des Pèr. gr.) La mère du Sauveur était venu visiter
Elisabeth, pour voir la conception miraculeuse que l'ange lui avait
annoncée, et s'affermir ainsi dans la foi au miracle bien plus suprenant
dont une vierge deyait être l'objet. C'est cette foi qu'Elisabeth célèbre
par ces paroles : « Et vous êtes bienheureuse d'avoir cru, parce que
les choses qui vous ont été dites de la part du Seigneur s'accompliront
en vous. » — S. Ambr. Vous le voyez, Marie n'a nullement doute, mais
elle a cru, et a recueilli le fruit de sa foi. — Bède. Rien d'étonnant
si le Seigneur, Rédempteur du monde_, commence par sa mère l'œuvre
de sa rédemption ; c'est par elle que le salut devait être donné à tous
les hommes, il était juste qu'elle reçût la première le fruit du salut
de l'enfant qu'elle portait dans son sein. — S. Ambr. Bienheureux
vous aussi qui avez entendu et qui avez cru ; car toute âme qui croit,
conçoit et engendre le Fils de Dieu, et mérite de connaître ses œuvres.
— BÈDE. Toute àme aussi qui a conçu le Verbe de Dieu, monte
aussitôt par les pas de l'amour jusqu'aux sommets les plus élevés des
vertus, pénètre dans la ville de Juda, c'est-à-dire, dans la citadelle de
la louange et de la joie, et y demeure comme pendant trois mois dans
la pratique parfaite de la foi , de l'espérance et de la charité. —
S. Grég. {sur Ezech., hom. 1.) L'inspiration prophétique d'Elisabeth
s'étendit à la fois au passé, au présent et à l'avenir. Elle connut que
Marie avait ajouté foi aux promesses de l'ange; en la proclamant
mère du Seigneur, elle comprit qu'elle portait dans son sein le Ré-
rationis, et voluutalis, ut intra viscera
materna jam posset agnoscere, credere
et consentira, etiam hoc in miraculis
habendum divince potentiœ, non ad hu-
manœ trahendum exempla naturœ.
Orig. {utsup., inCat. Grcecorum Pa-
trum.) Venerat autem Mater Domini
visura Elisabeth , ut et miraculosum
conceptum, quem retulerat AngeUis, ut
per hoc sequatur creduUtas potioris ad
Virginem manaturi : et ad hanc fideni
facit sermo Elisabeth, diccntis : « Et beata
qutp. credidisti, quoniani perficientur ea
quae dicta sunt tibi a Domino. » Ambr.
Vides minime dubitasse Mariam , sed
credidisse, et ideo fruclum fidei conse-
cutam. Bed. Nec mirum. si Domiuus re-
demplurus mundum operationem suam
inchoavit a matre ; ut per quam salus
TOM. V.
omnibus parabatur, eadem prima truc-
tum salutis hauriret ex pignore. Ambr.
Sed et vos beali qui audivistis et credi-
dislis: quœcunqueenim crediderit anima,
et concipit et générât Dei verbum, et
opéra ejus agnoscit. Bed. Omnis autem
qua; verbum Dei mente concepit, virlu-
tum statim celsa cacumina gressu cons-
cendit amoris; quatenus civitatem Juda
'id est, confessionis et laudis arcem)
penetrare, et usque ad perfectionem fi-
dei, spei et charitatis (quasi tribus in ea
mensibus/ valeat commorari. GnEG.(sî<73.
Ezpxh., hom. 1.) .Simul de prœterito,
et de pressenti, et de futuro, per pro-
phetiœ spirituiii tacta est ; quai et eam
promissionibus Angeh credidisse cogno-
vit, et matrem nominaus, quia Redem-
ptorem humani generis in utero porta-
4
50
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
dempteur du genre humain; et en prophétisant tout ce qui devait
s'accomplir en elle, elle plongea son regard jusque dans les profon-
deurs de l'avenir.
f, 47. — Alors Marie dit : Mon âme glorifie le Seigneur.
S. Ambr. C'est par les femmes que le péché a commencé, c'est aussi
par les femmes que commence la réparation du mal; aussi n'est-ce
pas sans dessein qu'Elisabeth prophétise avant Jean-Baptiste, et Marie
avant la naissance du Seigneur; mais la prophétie de Marie est d'au-
tant plus parfaite qu'elle est elle-même plus élevée en dignité. —
S. Bas. {Ch. des Pèr. gr., expUc. du Ps. xxxm.) Cette Vierge sainte
guidée par une inspiration sublime contemple d'une vue profonde
l'immense étendue de ce mystère, et pénétrant plus avant dans ses
profondeurs, elle rend gloire à Dieu : « et Alarie dit : Mon âme glo-
rifie le Seigneur. » — Grec. {Athanas., Ch. des Pèr. gr.) — Elle
semble dire : Le mystère étonnant que Dieu a prédit, c'est dans mon
corps qu'il doit l'opérer, mais mon âme ne peut rester stérile devant
lui. Il faut que je lui offre le fruit de ma volonté, car plus est grand
le miracle dont je suis l'objet, plus aussi je dois glorifier l'auteur de
toutes ces merveilles. — Orig. {hom. 8.) — Puisque Dieu ne peut ni
recevoir aucun accroissement, ni soufinr aucune diminution, que
signifient ces paroles de Marie : a Mon âme exalte le Seigneur? » Il
nous faut considérer que le Dieu Sauveur est l'image du Dieu invi-
sible, que notre âme a été faite à son image, et qu'elle est ainsi l'image
de l'image; nous reconnaîtrons alors qu'à l'exemple des peintres qui
reproduisent sur la toile les traits d'un visage , lorsque nous éle-
ret, intellexit ; et cum omnia perficienda
praediceret, quidetiam de futuro seque-
retur aspexit.
Et ait Maria : Magnificat anima mea
Dominum.
Ambr. Sicut peccatum a mulieribus
cœpit, ita et bona a mulieribus iucho-
antur : unde non oliosum videtur quod
et ante Joamiem Elisabeth prophetat, et
Maria ante Domini generationem : se-
quitur autem ut Mariœ, quo persona
melior, eo prophetia sit pleuior. Basil.
{In Cal. Grœcornm ex illius exposit.
in Psal. 33. ) Virgo enim intentioae
sublimi, ac speculatione profunda, im-
mensitatem contemplans.mysterii, quasi
profuudius gradiens magnificat Deum :
unde dicitur: « Et ait Maria: Magnifi-
cat anima mea Dominum. » Gr^c.
(nempe Athanasius, in Cat. Gracorum
Patrum.) Quasi diceret : Mirabilia qua
Deus pronuntiavit, inmeo corpore exer-
cebit, sed anima mea infructuosa apud
Deum non erit. Convenit autem mihi et
voluntatis fructum afferre : nam quan-
tum amplo deservio miraculo, tantum
teneor glorificare in me mirabilia ope-
rantem. Orig. {hom. 8.) Si autem Do-
minus nec augmentum nec detrimen-
tum recipere potest, quid est quod Ma-
ria loquitur : « Magnificat anima mea
Dominum ? » Sed si considerem Domi-
num Salvatorem imaginem esse invisibi-
lis Dei, et animam factam ad ejus ima-
ginem, ut sit imago imaginis, tune
videbo quoniam in exemplum eorum
qui soient imagines pingerej quando ego
DE SAINT LUC^ CHAP. I.
51
vons notre âme par nos œuvres , nos paroles, nos pensées^ l'image de
Dieu s'agrandit en nous, et le Seigneur lui-même, dont nous portons
l'image dans notre âme, en reçoit comme une espèce d'agrandisse-
ment.
Et mon esprit est ravi de j'oie en Dieu mon Sauveur.
S. Bas. {Sur le Ps. xxxii.) Le premier fruit de l'Esprit c'est la pais
et la joie. La Vierge sainte qui avait reçu l'Esprit saint dans toute sa
plénitude, ajoute avec raison : « Et mon esprit est ravi. » L'âme et
l'esprit sont ici une même chose. L'Ecriture sainte emploie ordinaire-
ment le mot de ravissement, de transport, pour exprimer dans les per-
sonnes qui en sont dignes, un état de Tâme remplie de joie et d'allé-
gresse. La Vierge est donc ravie dans le Seigneur par un tressaille-
ment inefifable de son cœur, et par le transport d'une affection pure.
« En Dieu mon Sauveur. » — Bède. L'esprit de la sainte Vierge se
réjouit de l'éternelle divinité de ce même Jésus (c'est-â-dire Sauveur)
dont la chair est engendrée par une conception temporelle. —
S. Ambr. L'âme de Marie glorifie donc le Seigneur, et son esprit est
ravi en Dieu son Sauveur, parce que toute dévouée par son âme et
son esprit au Père et au Fils, elle honore d'un culte d'amour le Dieu
unique, auteur de tout ce qui existe. Ayez donc tous l'âme de Marie
pour glorifier le Seigneur, ayez tous sou esprit pour être ravis de joie
en Dieu votre Sauveur. Si selon la chair, il n'y a qu'une mère du
Christ, selon la foi, Jésus est le fruit de tous les cœurs. Toute âme en
effet conçoit le Verbe de Dieu , à la condition qu'elle sera pure ,
exempte de tout vice et qu'elle conservera sa chasteté sous la garde
d'une pudeur inviolable. — Théophyl. Celui-là glorifie Dieu qui
maguificavero animaui meam opère,
cûgitatione, sermoae, tune imago Dei
grandis efficitur, et ipse Dominus, cujus
imago est in aaima mea, magai&catur .
Et exullavil spirilus meus in Deo salu-
tari meo.
Basil, [in Psal. 32.) Primus Spiritus
fruclus est pax et gaudium. Quia ergo
Virgo sancta totam sibi hauserat Spiri-
tus gratiam, merito subjungit: « Et
exultavit spiritus meus. » Idem animam
dicit et spiritum. Consueta autem in
Scripturis exultationis prolalio insinuât
alacrera quemdam et jucunduui liabi-
tum animie in liis qui digiii sunt. l'ro-
inde Virgo exultât in Domino ineiïa-
bili cordis tripudio et exultatione in slre-
pitu honesli allectus. Sequitur : « In Deo
salutari meo. » Beda. Quia ejusdem Jesu
(id est, Salvatoris) Spiritus Virginia
œterna Diviaitate lœlalur, cujus caro
temporali conceptione fœtatur. AiiBR.
Magnificat ergo anima Mariœ Dominum,
et exultavit spirilus ejus in Deo; eo
quod anima et spiritu Patri Filioque
devota unum Deum ex quo omnia, pio
veneratur affectu. Sit autem in singulis
Mariae anima, ut magnificet Dominum;
sit in singulis spirilus Mariœ, ut exultet
in Domino. Si secundum carncm una
Maler est Chrisli, secuuduui fidcm tamen
omnium fruclus est Cliristus : omnis
cnim anima concipil Dei Verbum, si
tamen immaculata et immunis a vitiis
inlemerato castimoniam pudore custo-
diat. TuEOPHYL. Ille autem Deum ma-
1 guificat, qui digne sequitur Christum, et
52
EXPLICATION DE l/ÉVÀNGILE
marche dignement à la suite de Jésus-Christ, qui porte le nom de
chrétien sans laisser amoindrir en lai la dignité du Christ qu'il' relève
au contraire par des actions grandes et vraiment célestes ; l'esprit, ou
ce qui est la même chose, l'onction spirituelle est comme ravie de joie,
c'est-à-dire qu'elle s'accroit de jour en jour et n'est point exposée à
s'affaihlir ou à s'éteindre. — S. Bas. {comme précéd.) (1*) Si parfois
je ne sais quelle lumière venant à pénétrer votre âme vous donne une
connaissance suhite de Dieu, et vous éclaire si pleinement qu'elle vous
porte à aimer Dieu et à mépriser toutes les choses de la terre ; que
cette image si obscure encore et cette impression si rapide vous aident
à comprendre l'état des justes qui trouvent en Dieu une joie toujours
égale, toujours persévérante. — Orig. L'âme doit commencer par
glorifier le Seigneur, avant d'être ravie en lui ; car la foi en Dieu est
une condition nécessaire de ces divins transports.
f. 48. — Parce qu'il a regardé l'humilité de sa servante, et désormais
toutes les générations me diront bienheureuse.
Grec, {pu IsicL, Ch. des Pèr. gr.) Marie fait connaître la cause de la
gloire qu'elle rend à Dieu, et de ses divins transports : « Parce qu'il a
regardé l'humilité de sa servante, » c'est-à-dire ; c'est lui qui le premier
a jeté les yeux sur moi contre mon espérance, j'étais contente de mon
humble condition, et maintenant Dieu me choisit pour l'accomplisse-
ment d'un dessein vraiment ineffable, et m'élève de la terre aux cieux.
— S. AuG. {Senn. sur VAssomp.) 0 véritable humilité qui a mérité
d'enfanter un Dieu à la terre, de rendre la vie aux pauvres mortels,
de renouveler les cieux, de purifier le monde, d'ouvrir le paradis, et
(1*) Le texte de saint Thomas est si peu clair et si différent du texte original de saint Basile, que
nous avons cru devoir recourir à ce dernier.
dum Christianus vocatur, Christi non
minuit dignitatem, magna et cœlestia
opérande ; et tune Spiritus (id est, spiri-
tuale chrisma) exultabit; id est, profi-
ciet, et non mortificabitur. Basil, {ut
sup.) Si quando vero lux in cor tuum
irrepserit, et ad Deum diligendum et
contemuenda corporea (per illam obscu-
ram et brevem imaginem) perfectam
perceperis justorum consistentiam, abs-
que uUa difficultate consequeris in Do-
mino gaudium. Orig. {ut sup., homil.
8.) Prius autem anima magnificat Donii-
num, ut postea exultet in Deo : nisi enim
antea crediderimus, exultare non pos-
Quia respexit humilitatem ancillœ suce : ecce
enim ex hoc beatam me dicent omnes genera-
tiones.
GR.ECUS expositor {vel Isidorus, in
C'at. Grœcorum Patrum) causam ma-
nifestât cur se magnificare Deum deceat,
ac exultare in illo^ dicens : « Quia res-
pexit humilitatem ancillse suse : » quasi
diceret : Ipse providit, non ego expec-
tavi : liumilibus eram contenta; nunc
autem ad ineffabile consilium eligor, et
exaltor de terra ad sidéra. Aug. {in
sevm. de assump.) 0 vera humilitas,
qusB Deum hominibus peperit , vitam
mortalibus edidit, cœlosinnovavit, mun-
dum purificavit, paradisum aperuit, et
DE SAINT LUC, CHAP. I. 53
de rendre à la liberté les âmes des hommes I L'humilité de Marie est
devenue comme une échelle céleste dont Dieu s'est servi pour des-
cendre sur la terre. Car que signifient ces paroles : « Il a regardé, »
c'est-à-dire : « il a approuvé? » Il en est beaucoup qui paraissent
humbles aux yeux des hommes, mais Dieu ne daigne pas jeter les
regards sur leur humilité ; car s'ils étaient sincèrement humbles, leur
unique désir serait non pas d'être loués eux-mêmes, mais de voir Dieu
loué par tous les hommes , et leur esprit chercherait non dans ce
monde, mais en Dieu ses transports et sa joie. — Ouig. {hom, 8.)
Mais qu'y avait-il donc de si humble et de si bas dans celle qui portait
le Fils de Dieu dans son sein ? Il faut remarquer ici que l'humlUté
dans la sainte Ecriture est la vertu à laquelle les philosophes donnent
le nom de modestie. Nous pouvons nous-mêmes la définir par une
périphrase en disant qu'on est humble, lorsqu'on n'est pas enflé d'or-
gueil, et qu'on s'abaisse volontairement. — ■ Bède. C'est parce que
Dieu a daigné jeter les yeux sur son humilité, que tous la proclament
bienheureuse : « Et désormais toutes les générations me diront bien-
heureuse. » — S. Athax. {Ch. des Pè?\ gr.) Et en efi'et, si au dire du
prophète {haie, ch. xxxi, selon les 70) ceux-là sont bienheureux qui
ont des enfants dans Sion et leur famille dans Jérusalem, que dirons-
nous du bonheur de la divine et très-sainte Vierge, qui est devenue
la mère du Verbe fait chair? — Grec, {ou Métaphraste, Ch. des
Pèr. g?\) Si elle se proclame bienheureuse, ce n'est point par un sen-
timent de vaine gloire; et comment l'orgueil aurait-il pu trouver
accès dans celle qui s'est appelée la servante du Seigneur? C'est donc
par une inspiration de l'Esprit saint, qu'elle prédit ses destinées
futures. — BÈUE. C'est par l'orgueil de notre premier père, que la
hominum animas liberavit. Facta est
Mariae humililas scala cœlestis, per
quam Deus desceadit ad terras. Quid
enim est dicere rcspexit, nisi approba-
vit ? Multi enim videntur in conspectu
hominum humiles esse, sed eorum liu-
militas a Domino non respicitur : si
enim veraciter humiles essent, Deum ab
hominibus non seipsos laudari vellent ;
non in hoc mundo, sed in Deo spiritns
eorum exultaret. Orig. [hom. 8.) Sed
quid humile atque dejectum habebat
quae Doi Filium gestabat in utero ? Sed
considéra quouiam humilitas in Scriptu-
ris una de virtutibus prœdicatur, quaj a
phiiosophis niodes/ia dicitur. Sed et nos
eam possumus appellare ijuodam cir-
cuitu, cum aliquis non est inflatus, sed
ipse se dejicit. Bed. Cujus autem humiU-
tas respicitur, reote beata ab omnibus
cognominatur : unde sequitur : « Ecce
enim ex hoc. beatam me dicent om-
nes, » etc. Atha'Sas. {in Cal. fJracorum
Patrum.) Si enim secundum Prophetam
{Isai.,Z\^ juxta 70) beati sunt qui ha-
bent semeu in Sion et proximos in Hie-
rusalem (sive ôixÉtouç, domesticos), quan-
tum débet esse prceconiam divinaj ac
sacrosanctae Virginis Maria; qui secun-
dum carnem Verbi genitrix est effecta ?
(Jr.ec. (rel Metaphrastes in Cal. Grœ-
cornm Paù-ion. ) Non autera se beatam
appellat inaui vexata gloria : unde enim
locus in ipsa superbiœ, quœ se ancillam
Domini nuncupavit ? sed sacro tacta
Spiritu, quae futura sunt, prœcinit. Bed.
Decebat enim ut sicut per superbiam
prinii parentis mors in mundum intra-
54 EXPLICATION DE L EVANGILE
mort était entrée dans le monde ; il était juste que les voies qui con-
duisent à la vie nous fussent ouvertes par l'humilité de Marie. —
Théophyl. Elle dit : « Toutes les générations , » non-seulement
Elisabeth, mais toutes les nations qui doivent un jour embrasser la foi.
^. 49. — Parce que celui qui est tout-puissant a fait en moi de grandes choses,
et son nom est saint.
Théophyl. La Vierge déclare que ce n'est point à sa vertu qu'elle
devra d'être proclamée bienheureuse, elle en donne ici la véritable
cause : « Parce que Celui qui est tout-puissant a fait en moi de
grandes choses. » — S. Atjg. [Serm. sur l'assomp.) Quelles sont les
grandes choses que Dieu a faites en vous? Vous avez mis au monde
votre Créateur, vous sa créature, vous avez enfanté votre Seigneur,
vous sa servante, et c'est par vous que Dieu a racheté le monde, par
vous qu'il lui a rendu la vie. — Tite. {de Bostr.) Comment a-t-il
opéré en moi de grandes choses ? c'est que j'ai conçu sans cesser d'être
vierge, triomphant ainsi des lois de la nature. J'ai été jugée digne de
devenir^ sans le secours d'un homme, non pas une mère quelconque,
mais la Mère du Sauveur unique des hommes. — Bède. Ces paroles
se rapportent au commencement de ce cantique où il est dit : « Mon
âme exalte le Seigneur. » Car l'àme en qui Dieu a daigné opérer de
grandes choses peut seule célébrer dignement ses grandeurs. — Tite.
[comme précécl.) Elle dit : « Celui qui est tout puissant , » afin que si
quelque doute vient à s'élever sur le mystère de cette conception opérée
dans une vierge sans qu'elle perde sa virginité^ ce miracle trouve
aussitôt sou explication dans la puissance de Dieu. Et loin de nous la
pensée que le Fils unique qu'elle a porté dans son sein ait été pour
elle la cause de quelque souillure , « parce que son nom est saint. »
vit, ita per liumilitatem Mariée, vitœ in-
troitus panderetur. Théophyl. Et ideo
dicit : « Otunes generationes : » nou so-
lum Elisabeth, sed etiam omnes cre-
dentium nationes.
Quia fecit niihi magna gui potens est, et sunclum
nomen ejus.
THEOPHYLACT.Oolendit Viigo, nou per
suam virtutem se beatam prfedieaudam,
sed causam assignat dicens : « Quia fe-
cit milii magna qui potens est.» AuG.
(serm. de Assump.) Quœ tibi magna
nt jam siip.) Quomodo vero magna,
nisi quod manens illibala concipio, su-
perans (uutu Dei) naturam? Digua repu-
tata sum sine viro, non quomodocunque
genitrix effici, sed unigeniti Salvatoris.
Beda. Respicit autem boc ad initium
carminis, ubi dictum est : « Magnificat
anima mea Dominum. » Sola enim
anima illa cui Domiuus magna facere
dignatur, dignis eum prseconiis magui-
lîcare polest. Titcs. [ut svp.) Dicit au-
tem : « Qui potens est ; » ut si quis dif-
fidat in conceptionis negotio, dura virgo
fecit ? Credo ut creatura ederes Creato- manens concepit, retorqueat miraculum
rem, famula Dominum generares ; ut ' ad potentiam operantis. Nec quia upi-
per te mundum Deus redimeret. per te 1 genitus accessit ad femiuam, ex boc in-
ad vitam revocaret. Titus, [Bostrensis, \ quinatur ; « quia sanctum est nomen
DE SAINT LUC^ CHAP. I. 55
— S. Bas. [sur le Ps. xxxii, vers la fin) (1*). Le nom de Dieu est appelé
saint, non qu'il y ait dans les syllabes qui le composent aucune puissance
sanctificatrice , mais parce que toute propriété;, toute perfection de
Dieu, comme toute intelligence des merveilles que nous contemplons
en lui est sainte et pure. — Bède. Sa puissance est tellement élevée,
qu'elle surpasse toute créature et qu'elle le place à une distance
incommensurable de toutes les choses qu'il a créées. Cette pensée
ressort beaucoup mieux dans le texte grec où le mot «yiov signifie qui
est élevé au-dessus de la terre (2).
y. 50. — Et sa miséricorde s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent.
BÈDE. De ces dons particuliers, Marie s'élève jusqu'aux jugements
de Dieu, qui embrassent l'universalité du genre humain dont elle dé-
crit l'état : a Et sa miséricorde, dit-elle, s'étend de génération en gé-
nération sur ceux qui le craignent. » Elle semble dire • Ce n'est point
seulement pour moi qu'il a fait de grandes choses, mais dans toute
nation, celui qui a la crainte de Dieu est sûr d'obtenir ses faveurs. —
Orig. {hom. 8.) Car la miséricorde de Dieu n'est pas restreinte à une
seule génération, mais elle s'étend à perpétuité de génération en
génération. — Grec. [Victor, Chaîne des Pères grecs.) C'est par
cette miséricorde qu'il existe d'âge en âge, que j'ai conçu et qu'il
s'est uni lui-même à un corps vivant, pour traiter l'alFaire de notre
salut par un sentiment d'amour. Toutefois, sa miséricorde ne s'exerce
pas indistinctement, mais sur ceux qui dans toute nation sont soumis
à la crainte de Dieu. Voilà pourquoi Marie ajoute : « Sur ceux qui le
(1*) Ici encore nous avons du suivre de préférence, comme plus clair et plus satisfaisant, le texte
original de saint Basile.
[ï] Ce serait plutôt par allusion que par étymologie ; car le mot «Yiov s'écrit avec un accent et
un esprit que n'a point l'a privatif.
ejus. » Basil, [in Psal. 32, versus fi-
nevi.) Sanctum vero dicitur nomenDei,
non quia in syllabis quamdam sanctifi-
cativam virtutem contineat, sed quia quo-
modolibet Dei speculatio sancta dignos-
citur et sincera. Bed. Singularis enim
potentiœ culmine transcendit omnem
creaturam, et ab universis quae fecit,
longe segregatnr ; quod Gr*ca locutione
melius intelligilur : in quo ipsuni verbum
quod dicit urjion, quasi extra terram
esse significat.
Et misericordia ejus a progenie in proyenies li-
mentihus eum.
Bed. a speoialibus se donis ad gene-
ralia Dei judicia oonvertens. totins hu-
mani generis statum describit, subdens :
« Et misericordia ejus a progenie in
progenies timentibus eum. » Quasi dice-
ret : Non soliim mihi fecit magna qui
poteus est, sed in omni gente qui timet
Deum, acceptus est illi. Orig. (hom. 8.)
Misericordia enim Dei, non in una ge-
neratione, sed in sempiternum exlendi-
tur ageneratione in generationem. Gr.kc.
{nempe Victor Presbyter, in Cat. Grœ.
corum Patrum, ut sup.) Ex misericordia
ejus quûm habet in generaliones genera-
lionum ego concipio, ac ipse corpori
animato conjungitur, nostram traclans
salutem solius intuilu pietatis. Miseretur
autem non qualitercunque, sed bis quos
timor ejus compescuit in (jualibet na-
56
EXPLICATION DE L EVANGILE
craignent, » c'est-à-dire, sur ceux que le repentir amène à la foi et à
une vraie pénitence, car ceux qui résistent avec obstination se sont
fermé, par leur incrédulité coupable, la porte de la miséricorde.
— TiiÉOPiiYL. Ou bien encore , ces paroles signifient que ceux qui
craignent Dieu o])tiendront miséricorde, et dans cette génération,
c'est-à-dire^ dans le siècle présent, et dans la génération future, ou
dans le siècle à venir, et qu'ils recevront le centuple en ce monde, et
dans la vie future une récompense beaucoup plus grande.
f. 51. — // a déployé la force de son bras, il a dissipé ceux qui s'élevaient
d'orgueil dans les pensées de leur cœur.
Bede. En décrivant l'état du genre bumain, Marie prédit le châti-
ment qui attend les orgueilleux, et la récompense réservée à ceux qui
sont humbles : « Il a déployé la force de son bras, » etc. C'est-à-dire,
du Fils de Dieu lui-même; car de même que c'est par votre bras que
vous agissez, le Verbe par qui Dieu a créé le monde s'appelle le bras
de Dieu. — Orig. {hom. 8.) C'est pour ceux qui le craignent qu'il a
déployé la force de son bras, car quelle que soit votre infirmité, lorsque
vous approchez de Dieu, si vous le craignez, vous obtiendrez le se-
cours qu'il vous a promis. — Théophyl. Ce bras dont il a fait éclater
la puissance, c'est aussi le Fils de Dieu incarné, parce que la nature
a été vaincue par le miracle d'une vierge devenue mère, et d'un Dieu
fait homme, — Grec. {Photkts.) Il a fait., ou plutôt, il fera éclater sa
puissance, non comme auti-efois, lorsqu'il anéantit par Moïse l'armée
des Egyptiens, ou qu'il détruisit par un ange, au nombre de plusieurs
mille, l'armée des Assyriens rebelles. Ici c'est par sa seule puissance
et sans le concours de personne qu'il triomphe des intelligences ré-
tione. IJnde dicilur : « Timeulibus eum ; »
qui scilicet pœnitentia ducti, ad fldem
et ad pœnitentiam couvertuntur : nam
qui obsliuali sunt, incredulitatis vitio
clauserunt sibi jauuam pielalis. Theoph.
Yei per hoc inuuit, quod timeutes mise-
ricordiam cousequentur in generatione
ista (id est, in prsesenti seculo), et fu-
tura (id est, in seculo futuro), in hoc
seculo centuplum accipieutes [Matth.,
19), in illo vero multo majora.
Fecit poientiam in brachio suo, diapersit super-
bos mente cordis sui.
Bed. Humani generis statum descri-
beus, quid superbi et quid humiles me-
reantur, ostendit dicens : « Fecit poten-
tiam in brachio suo, » etc. Id est, in
ipso Dei Filio : sicut enira tuuni bra-
chium est quo operaris, sic brochium
Dei dictum est ejus Verbuni, per quod
operatus est mundum. Orig. {liom. 8.)
Timeulibus autem se, fecit potentiam in
brachio suo; quialicet infirmusadDeum
accesseris, si limueris eum, promissam
virtutem consequeris. Theoph. In bra-
chio eliam suo (scilicet ejus Fiho incar-
uato) potentiam fecit quia natura devicta
est Virgine pariente et Deo liumanato,
Gr.ec. (Photius.) Vel Fecit pro faciet
potentiam, non ut dudum per Moysen
contra ^'Eg5'ptios, uec per augelum (puta
quando muUa millium rebellium pros-
travit Assyriorum), nec quoquam alio
mediante uisi vi propria triumphum do-
cuit, iutelligibiles hostes superaudo :
DE SAINT LUC, CHAP. I. 57
voltées contre lui : « Il a dissipé les orgueilleux dans les pensées de
leur cœur, » c'est-à-dire, il a dissipé toute âme qui a refusé de croire
à sa venue ; bien plus, il a dévoilé et mis à découvert leurs pensées
superbes et criminelles. — Cyril. Alex. {Ch. des Pèr. gr.) Toutefois,
c'est principalement des cobortes ennemies des démons que ces paroles
doivent s'entendre, car la venue du Seigneur a dissipé ces cruels
ennemis du genre bumain, et a replacé sous l'obéissance de Dieu
ceux qu'ils retenaient dans des cbaînes de l'esclavage. — Théophyl.
On peut encore les appliquer aux Juifs, qu'il a dispersés dans toutes
les contrées du monde, comme ils le sont encore aujourd'hui.
)-. 52. — Il a renversé les grands de leur trône, et il a élevé les petits.
BEDE. Ces dernières paroles : « Il a fait éclater la puissance de son
bras, » et celles qui précèdent : « Sa miséricorde s'exerce d'âge en
âge, » doivent être rattachées chacune à l'un des membres de ce
verset, parce qu'il est vrai de dire que les orgueilleux ne cessent
d'être abaissés et les humbles d'être élevés par une disposition aussi
juste que miséricordieuse de la puissance divine. Ello ajoute donc :
« Il a renversé les grands de leur trône, et il a élevé les petits. » — >
Cyr. d'Alex. Les démons, et les princes des démons, les sages parmi
les gentils, les pharisiens et les scribes avaient tous de hautes et
grandes idées d'eux-mêmes. Dieu cependant les a tous renversés, et
il a relevé ceux qui s'humiliaient sous sa main puissante , en leur
donnant le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les scorpions,
et toute la puissance de l'ennemi. Les Juifs eux-mêmes s'enorgueil-
lirent autrefois de leur puissance, mais leur incrédulité les a renversés
à terre, tandis que parmi les gentils, ceux qui étaient humbles, sans
unde sequitur : « Dispersit, » etc. Scili-
cet quamlibet mentem elatam non pa-
rentem ejus advenlui; quin etiam ape-
ruit et vitiosas ostendit superbas cogi-
tationes eoruni. Cvril. ^Iagis autem
proprie de dœmonum hostili caterva
intelligenda sunt h?cc : hos enim sse-
vientes in terra dissipavit adveniens Do-
minus, et compeditos ab eis obedieutite
suœ restituit. Theophylact. Potest hoc
etiam de Judajis iutelligi, quos in oni-
nem dipersit regionem sicut nnnc did-
persi sunl.
Deposuit ■patentes de sede et exaltavit
humiles.
Befj. Quod dixit : « Fecit poteutiam in
brachio suo, » et quod preemiserat :
« Kt misericordia ejus a progenie in pro-
genies, » his versiculis per singula com-
mata est annectendum ; quia scilicet per
omnes seculi generaliones, et perire su-
perbi, et iiumiies exaltari (piajustaque
divinœ potentiœ dispensatioue) non ces-
sant: unde dicitur : « Deposuit potentes
de sede, et exaltavit bumiies. » Cyril.
Magna sapiebant dœmones et diabolu?,
Gentilium sapientes, Pharisœi et Scribae.
Hos tamen deposuit, erexitque iiumilian-
tes se sub potenti manu Dei (ex I Pctr.,
îj), dans illis virtutem ealcandi super
serpentes, et scorpiones, omnemque po-
testatem inimici. [Luc, 10) Eraut et
quandoque Judaei potestate superbi, sed
prostravit hos incredulitas ; ex gentibus
autem ignobiles et humiles per fidem
58
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
éclat aux yeux des hommes, ont été élevés par la foi au faîte de la
véritable grandeur. — Grec, {ou Macairc, Ch. des Pèr. gr.) Nous
savons que notre esprit doit être le siège de la divinité ; mais aussitôt
le péché de notre premier père, les puissances d'iniquité ont envahi
l'intérieur de notre âme, pour y régner comme sur leur propre trône.
Or Dieu est venu justement sur la terre pour chasser ces esprits mau-
vais du siège de nos volontés, et relever ceux que les démons avaient
terrassés , en purifiant leurs consciences et en établissant son trône
dans leur cœur.
y. 53. — Il a rempli de biens ceux qui étaient affamés, et il a renvoyé vides
ceux qui étaient riches.
La Glose. Comme la prospérité humaine consiste surtout dans les
honneurs des puissants de ce monde et dans l'abondance des ri-
chesses, après avoir parlé de l'humiliation des grands et de" l'élévation
des humbles, elle prédit que les riches seront réduits au plus entier
dénûment, et les pauvres remplis de toutes sortes de biens : « Il a
rempli de biens ceux qui étaient affamés, » etc. — S. Bas. {su?' les
Psaum.) Nous pouvons entendre ces paroles mêmes des choses sen-
sibles, et y apprendre l'incertitude des choses de ce monde. Elles sont
bien fragiles, en effet, comme ces flots que l'impétuosité des vents
brise et disperse de tous côtés. Entendues dans le sens spirituel, ces pa-
roles signifient que le genre humain tout entier était comme aflfamé,
à l'exception des Juifs, que la promulgation de la loi et les enseigne-
ments des saints prophètes avaient enrichis. Mais ils ont refusé de
s'attacher humblement au Verbe incarné, et ils ont été renvoyés vides
de tous biens et dans le plus entier dénûment, privés de la foi, de la
science, de l'espérance des biens, exclus tout ensemble de la Jérusalem
ad apicem cousceaderunt. Grjec. {vel
Macarius, in Cat. Grxcor^an Patrnm.)
Deitatis enim tribunal noster intellectus
esse coguoscitur, sed iniquôe virtutes
post transgressionem incubuerunt prœ-
cordiis protoplasti, tanquam in proprio
solio. Ob hoc ergo venit Domiuus, et
spiritus iûiquos ejecit a sedibus volun-
tatiim, et prostratos a daemoniis exalla-
vit: eorum conscientias pnrgans, et eo-
rum mentem statuens propriam sedem.
Esurimtes implevit bonis, et diuites dimisit
inanes. '
Glos. Quia humana prosperitas prœ-
cipue in honoribus' potentium, et in
abundantia divitiarum consistere vide-
tur, post dejectionem potentium et exal-
fationem humilium de divitum exinani-
tione et pauperum repletione mentio-
nem facit dicens : « Esurientes, » etc.
Basil, {sup. Psal.) Disponit quidem nos
prsesens verbum etiam quoad sensibilia,
edocens rerum mundanarum incertitu-
dinem: caducasiquidem sunt haec, sicut
unda quœ ab impetu ventorum liinc
inde diffuuditur : iutellectualiter autem
sumendo esuriebat genus humanum ,
exceptis Judœis : hos namque ditaverat
legis traditio et sanctorum dogmatapro-
phetarum : quia vero non humiliter
iiœserunt Verbo humanato dimissi sunt
inanes, nibil déférentes, non fidem, non
scientiam ; et spe bonorum privati sunt.
DE SAINT LUC, CHAP. I. 59
terrestre et de la vie future. Ceux au contraire, parmi les gentils, que
la faim et la soif avaient complètement épuisés, se sont attachés au
Seigneur et ont été remplis de tous les biens spirituels. — La Glose.
Ceux aussi qui ont faim des biens éternels, qui les désirent ardem-
ment, seront rassasiés, lorsque Jésus-Christ apparaîtra dans sa gloire,
mais pour ceux qui placent leur joie dans les choses de la terre, ils
seront à la fm des siècles renvoyés vides de tous biens et de toute
félicité.
y. 54,. 53. — Et il a pris en sa protection Israël, se ressouvenant de sa miséri-
corde, selon la promesse qu'il a faite à nos pères, à Abraham et à sa posté-
rité pour toujours.
La Glose. Après avoir rappelé en général les effets de la miséri-
corde et de la justice divine, Marie en vient aux effets particuliers du
nouveau mystère de l'Tncarnation qui vient de s'accomplir : « Il a pris
en sa protection Israël, son serviteur, » etc. Il l'a pris comme un mé-
decin prend un malade, il s'est rendu visible parmi les hommes, afin
qu'Israël (c'est-à-dire, voyant Dieu) (I), devint son serviteur. — Bède.
Et son serviteur obéissant, humble ; car celui qui refuse de s'humilier
ne peut être sauvé. — S. Bas. {ou Cyril.) Elle ne veut point parler
d'Israël selon la chair , qui tirait sa noblesse de son nom , mais
d'Israël selon l'esprit, qui tenait son nom de sa foi, et dont les yeux
s'appliquaient à voir Dieu par la foi. On peut aussi appliquer ces
paroles aux Israélites selon la chair, puisqu'un nombre infini d'entre
eux ont embrassé la foi. Dieu agit de la sorte en souvenir de sa misé-
(1) Saint Basile fait ici allusion à la signification hébraïque dans la Genèse du mot Israël, qui
veut dire voyant Dieu, comme saint Jérôme l'explique dans son traité des noms hébreux. Cepen-
dant dans ses questions hébratf/ues, il reconnaît que cette interprétation est plus forcée que vraie
et il donne comme plus naturelle celle qui résulte des paroles de l'ange à Jacob (Gen., 28) : fort
contre Dieu.
fit a terrena Hierusalem, et a vitafuLura
exclusi. Quos vero de gentibus famés
et sitis contriverat, cum hœsissent Do-
mino, repleti simt spiritualibns bonis.
Glossa. Qui etiam teterna tolo studio
ijuasi esurientes desiderant, salurabun-
tur, cuni Christus apparuerit in fçloria ;
sed qui terrenis gaudent, in fine lolius
beatitudinis inanes dimittenlur.
Suscepit Israël puerum suum, recordatus mise-
ricordiœ suce : sicut locuius est ad patres nos-
tros, Abraham et semini ejus in secula,
Glos. Post generalem divin* pietatis
et justitife commemorationem, ad sin-
gularem novee incarnationis dispensa-
lionem convertit verba, diceus : « Sus-
cepit Israël puerum suum, » etc., quasi
medicus legrum, visibilis iiiter homines
factus, ut faceret Israël (id est, viden-
teiH Deum) puerum suum. Beda. Obe-
dienlem scilicet et bumilem : nam qui
contemnit huniiliari, non polest salvari.
Basil, {vel Cijril.,in Cal.) Israël eaim
dlcit non malerialem, quem sua nobi-
lilabat appellatio : sed spiritualem, qui
uomen fidei relinebat ; babens oculos
tendentes ad Deum videndum per fidem,
Potest eliam ad Israël carnalem adaptari,
cum ex eo iuliniti crediderint. Hoc au-
tem fecit « recordatus misericordiae : »
hoc enim implevit quod Abrahse promi-
60
EXPLICATION DE L ÉVANGILE
ricorde, car il accomplissait la promesse faite à Abraham {Gen., xxii) :
« Tous les peuples de la terre seront bénis en celui qui sortira de
vous. » C'est cette même promesse que la Mère de Dieu célèbre lors-
qu'elle dit : « Selon la promesse qu'il a faite à nos pères, à Abra-
ham, » etc. Dieu avait dit eu effet à Abraham {Gen., xvii) : « J'affer-
mirai mon alliance avec vous, et après vous avec votre race dans la
suite de leurs générations, par un pacte éternel, afin que je sois votre
Dieu, et le Dieu de votre postérité après vous. »
Bède. Cette postérité doit s'entendre beaucoup moins des descen-
dants d'Abraham selon la chair, que des imitateurs de sa foi, et c'est
à eux que la venue du Sauveur a été promise pour des siècles. —
La Glose. En effet, la promesse qui a pour objet cet héritage n'aura
point de terme, jusqu'à la fin des siècles il y aura des croyants , et la
glorieuse félicité qui leur est réservée sera éternelle.
f. 56. — 3Iarie demeura avec Elisabeth environ trois mois, et elle s'en retourna
en sa maison.
S.Ambr. Marie demeura jusqu'au temps de la délivrance d'Elisa-
beth, selon le récit de l'Evangéliste : « Marie demeura, » etc. —
Théophyl. C'est le sixième mois de la conception du Précurseur que
l'ange est venu la trouver, elle demeura trois mois avec Elisabeth, ce
qui fait les neuf mois accomplis. — S. Ambr. Ce n'est pas seulement
l'intimité de Marie avec sa cousine, mais le désir d'être utile à un si
grand prophète qui la détermine à prolonger son séjour. En effet, si
dès son arrivée, les grâces du ciel se répandirent avec tant d'abon-
dance, qu'à la voix de Marie l'enfant tressaillit dans le sein de sa
mère, et que la mère elle-même fut remplie de l'Esprit saint, que ne
dut pas ajouter la présence de Marie pendant un si long espace de
sit, dicens {Gen., 22) : Quoniam « bene-
dicentur in semine tuo omnes cognatio-
nes terrée. » Hujus ergo promissionis
Dei genitrix recordata dicebat : « Sicut
locutus est ad Patres Abraham, » etc.
Nam et Abrahse dictum est {Gen., 17) :
« Statuam pactum meum inter nie et te,
et inter semen tuum post te in geuera-
tionibus suis fœdere sempiterno, utsim
Deus tuus et seminis tui post te. »
Beda . Semen auteiii dicit non tam carne
progenitos, quam fldei ejus vestigia secu-
tos, quibus adventus Salvatoris in secula
promissus est. Glos. Quia ipsa promissio
hsereditatis nullo fine claudetur, et usque
in finem seculi credentes non deerunt,
et beatitudinis gloria erit perennis.
Mansit autem Maria cum illa quasi mensibus
tribus, et reversa est in domum suam.
Ambr. Tandiu mansit Maria quandiu
Elisabetli pariendi tempus impleret :
unde dicitur : « Mansit autem, » etc.
Theophylact. In sexto enim mensecon-
ceptionis Praecursoris venit angélus ad
Mariam, quae mansit cum Elisabeth men-
sibus tribus, et sic novem menses im-
plentur. Ambr. Non autem sola famiha-
ritas est causa quod diu mansit, sed
etiam tanti vatis profectus : nam si primo
ingressu tantus progressus extitit, ut ad
salutationem Marite exultaret infans in
utero, repleretur Spiritu sancto mater
infantis, quantum pulamus usu tanti
temporis sanctœ Mariée addidisse pree-
DE SAINT LUC, CHAP. I. 61
temps? Nous disons donc avec raison, que Marie remplit ici un véri-
table ministère, et qu'elle a observé dans son séjour un nombre mys-
térieux. — BEDE. Car i'àme cbaste, qui conçoit le désir du Verbe
spirituel, doit nécessairement monter au sommet élevé des célestes
exercices, y demeurer comme pendant trois mois, et y persévérer
jusqu'à ce qu'elle soit éclairée pleinement de la lumière rayonnante
de la foi, de l'espérance et de la charité. — Théophyl. Lorsqu'Elisa-
beth fut sur le point d'enfanter, la Vierge la quitta : a Et elle s'en re-
tourna, » etc., à cause du grand nombre de personnes qui devaient
se réunir à l'occasion de l'enfantement : Or il n'était pas convenable
que la Vierge fût présente dans ces circonstances. — Grec, ou Méta-
phraste {Ch. des Pèr. gr.) Il est d'usage, en effet, que les vierges se
retirent lorsqu'une femme est sur le point d'enfanter. Dès qu'elle fut
rentrée dans sa maison, elle n'en sortit plus, elle y demeura jusqu'au
moment où elle connut que l'heure de son enfantement était proche,
et ce fut alors qu'un ange fut envoyé pour éclaircir le doute de Joseph.
y, S7-58. — Cependant le temps où Elisabeth devait accoucher arriva et elle
enfanta un fds. Ses voisins et ses parents, ayant appris que le Seigneur avait
signalé sa miséricorde à so)i égard, s'en 'réjouissaient avec elle.
S. Ambr. Si vous voulez y faire attention, vous ne trouverez jamais
employé le mot plénitude que pour la génération des justes (1), c'est
pour cela que l'Evangéliste ajoute : « Le temps d'Elisabeth fut accom-
pli. » Car on peut dire que la vie des justes est pleine, tandis que les
jours des impies sont vides. — S. Ghrys. {Ch. des Pè}\ gr.) Dieu re-
(1) C'est-à-dire pour la naissance des justes on de leurs enfants. Cependant cette locution se
trouve quelquefois employée pour des personnes qui n'étaient point justes.
sentiam? Bene ergo iuduciturexhibuisse
officium, et mysticum numerum custo-
disse. Bed. Anima enim casta, quae spi-
ritualis verbi desiderium concipit, ne-
cesse est ut alla cœlestis exercitii juga
subeat, et quasi trium meusium dies
ibidem demorala, quousque lidei, et
spei, et cbaritatis luce radietur, perse-
verare non désistât. Theopoïl. Quando
vero Elisabeth paritura erat, Virgo re-
cessit. L'ndc sequitur : « Et reversa
est, » etc., scilicet propter multitudinem
quae ad partum congregari debebat :
inconveniens autem erat in talibus Vir-
ginem esse prœsentem. Gr.ecus. [vel
Metaplirastes, in Cat. Grxcorum Pa-
trum.) Mos enim est virginibus cedere
quoties praegnans parit. Ut autem pro-
priam applicavit domum, alio quidem
nuUateuus abiit ; ibi vero manebat ul-
terius, douée adesse partus horam co-
gnovit ; ibique Joseph dubitans ab An-
gelo edocetur.
Elisabeth aulem impletum est tempus pariendi ,
et peperit filium. Et audierunt vicini et co-
gnali ejus quia magnificaoit Dominus mise-
ricordiam suam cum illa , et congratulaban-
tur ei.
Ambr. Si diUgenter advertas, plenitu-
dinis verbum nusquam inventes positum
nisi in generatione justorum : uude et
nunc dicitur : « Elisabeth autem imple-
tum est tempus : « plenitudinem enim
habet justi vita, inanes aulem sunt dies
impiorum. Chrys. (in Cat. Gseconim
62
EXPLICATION DE L EVANGILE
tarda l'eufantement d'Elisabeth pour en augmenter la joie, et rendre
cette femme plus célèbre , comme l'indiquent les paroles suivantes :
<x Les voisins apprirent, » etc. Ceux qui savaient qu'elle était stérile,
devinrent ainsi les témoins de la grâce divine ; aucun de ceux qui
avaient vu l'enfant ne se retirait sans exprimer son admiration , et
louer Dieu qui l'avait accordé contre toute espérance. — S. Ambr. La
naissance des saints est un sujet de joie publique, parce qu'elle est un
bien général; la justice, en effet, est une vertu qui a pour objet l'in-
térêt de tous (1), c'est pourquoi dans la naissance du juste on voit un
présage de la vie qui doit suivre , et de la grâce qui doit en enfanter
les vertus, grâce dont la joie des voisins est le symbole.
f. 59-64. — Et il arriva qu'au huitième jour ils vinrent circoncire l'enfant, et
ils le nommaient Zacharie, du nom de son père. Mais sa mère, prenant la
parole, dit : Non, mais il sera nommé Jean. Ils lui répondirent : Il n'y a
personne dans votre famille qui porte ce nom. Et en même temps ils deman-
daient par signe au père de l'enfant comment il voulait qu'on le nommât.
Ayant demandé des tablettes, il écrivit dessus : Jean est son nom. Et tous en
furent étonnés. Au même instant sa bouche s'ouvrit, sa langue se délia et il
parlait en bénissant Dieu.
S. Chrys. La loi de la circoncision fut donnée surtout à Abraham
comme un signe distinctif; Dieu voulait que la race du saint patriarche
se conservât pure et sans mélange d'autre peuple, afin qu'elle pût ob-
tenir les biens qu'il lui avait promis. Mais dès que l'œuvre de l'al-
liance est consommée , le signe qui l'annonçait doit être supprimé.
C'est ainsi que le baptême succède à la circoncision qui a pris fin eu
(1) Non-seulement dans ce sens que la justice renferme collectivement toutes les vertus, comme
dit le proverbe grec, ou parce que la justice est la même chose que la doctrine universelle; mais
parce que selon le sens naturel de ce passage elle tourne au bien commun d'un grand nombre.
Patrum ubi sxtp.) Idcirco autem Deus
Elisabeth partum retardavit, ut gaudiiim
augeretur, et famosiorem faceret mulie-
rein : unde sequitur : « Et audieruat
vicini , » etc. Naui qui sterilitatem
ejus cognoverant, testes diviuœ gratite
suut efTecti : nemo autem viso infante
cum silentio discedebat, sed Deum qui
illum ex inspirato concesserat, collau-
dabat. Ambr. Habetenimsanctorumedi-
tio Itetitiam plurimorum, quoniam com-
mune est bonum; justitia enim com-
munis est virtus, et ideo in ortu justi
futurse vitae insigne prEeniittitur, et gra-
tia secuturae virtutis (exultatioue viciuo-
rum praefigurante) designatur.
Et factum est in die octavo, venerunt circumci-
dere puerum, et vocabant eum nomine patris
sui Zachariam. Et respondens mater ejus,
dixit : Nequaquam, sed vocabitur Joannes. Et
dixerunt ad illam, quia nemo est in cognatione
tua, qui voceticr hoc nomine : innuebant autem
patri ejus quem vellet vocari eum . et postu-
lans pugillarem, scripsit , dicens : Joannes est
nomen ejus. Et mirati sunt universi. Apertum
est autem illico os ejus, et lingua ejus, et lo-
quebatur benedicens Deum.
Chrys, {in Cut. Graconim Pah-vm,
ubi sup.) Circumcisionis norma primo
tradita est Abralise in siguum distiuctio-
nis : ut genus Patriarchœ- inipermixtum
conservetur, et sic promissa bona con-
sequi valeant : ubi autem pacti cousum-
matur negotium, appositum signum de
medio toUitur. Sic igitur et per Christuna
circumcisione cessante baptismus suc-
DE SAINT LUC, CHAP. I. 63
Jésus-Christ; mais jusque-là Jean devait être circoncis : « Et il arriva
qu'au huitième jour, ils vinrent circoncire l'enfant, » etc. Dieu avait
dit : L'enfant mâle de huit jours sera circoncis. La bonté divine avait
fixé ce terme de huit jours pour deux raisons _, à mon avis : pre-
mièrement, pour que dans un âge aussi tendre , la douleur produite
par l'incision de la chair fut moins vive ; secondement, pour nous ap-
prendre par le fait lui-même , que la circoncision était un signe ; car
l'enfant, à cet âge , ne peut comprendre ce que signifient les actes
dont il est l'objet. Après la circoncision, on donnait le nom à l'enfant.
« Et ils le nommaient, » etc. On suivait cet ordre, parce qu'il faut tout
d'abord recevoir le signe distinctif du Seigneur , avant de prendre le
nom que l'on doit porter ; ou bien encore _, parce qu'il faut renoncer à
toutes les choses charnelles signifiées par la circoncision , pour être
digne de voir son nom écrit dans le livre de vie.
S. Ambr. Admirez comment l'Evangéliste a commencé par dire que
plusieurs de ceux qui étaient présents avaient voulu donner à l'enfant
le nom de Zacharie , son père ; pour vous faire comprendre que sa
mère n'avait aucun éloignement pour un nom quelconque de la fa-
mille (1), mais que l'Esprit saint lui avait révélé le nom que l'ange
avait auparavant annoncé à Zacharie. Zacharie étant muet ne put
faire connaître ce nom à son épouse, Elisabeth apprit donc par révé-
lation ce qu'elle ne pouvait savoir de son mari : « Et prenant la pa-
role, elle dit, » etc. Ne soyez pas surpris , si elle indique avec tant
d'assurance un nom dont personne ne lui a parlé ; car l'Esprit saint
qui avait confié ce nom à l'ange , le lui a révélé. En efîet , celle qui
(1) Le texte de saint Ambroise porte au lieu de de génère, de generis, c'est-à-dire d'un parent
indigne que son nom fût donné à cet enfant.
cedit; sed antea Joannem circumcidi
decebat. Unde dicitur : « Et factum est
in die octavo, venerunt, n etc. Dixerat
enim Doruinus {Gen., 17) : « Infans octo
dierum circuracidetur in vobis. » Hanc
autem temporis mensuram a divina cle-
mentia constitutam autumo duplici de
causa : primo quidem ut in tenerrima
aetate levius patiatur dolorem sectionis
carnls; secundo ut ex ipsis operibus
moneamur, quoniam lioc agebatur in
signum : teuer enim puer minime dis-
cernit quae circa ipsum fiunt. Post cir-
cumcisionem autem nomen impone-
batur. Unde sequitur : « Et vocabant
eum, » etc. Hoc autem idée fiebat, quia
priua oportet sumere signaculumDomini,
et postea nomen humanum: vel quia
uuUuSj nisi prius abjiciat carnalia (quod
significat circumcisio), dignus est quod
in libro vitse nomen ejus scribatur.
Ambr. Mire autem sanctus Evangelista
prjEmittendum putavit, quod plurimi in-
fantem patris nomine Zacliariam ap-
pellandum putarunt ; ut advcrtas matri,
non nomen alicujus displicuisse de gé-
nère, sed id Sancto infusum Spiritu, quod
ab Augelo ante Zacbariae fuc-rat prœnun-
tiatum. Et quidem illc mutas inlimare
vocabulum iilii nequivit uxori, sed per
prophetiam Elisabeth didicit, quod non
didicerat a marito. Unde sequitur : « Et
respondens, » etc. Ne mireris si nomen
mulier quod non audivit, asseruit;
quando Spiritus ei sanctus, qui Angelo
mandaverat, revelavit : neque poterat
64
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
avait annoncé prophétiquement la venue du Christ , ne devait pas
ignorer le nom de son précurseur. Remarquez les paroles qui suivent :
« Et ils lui dirent, » etc., et comprenez que ce n'est pas ici un nom de
famille, mais le nom d'un prophète. On interroge aussi Zacharie par
signes : « Ils faisaient signe au père, » etc. Mais comme son incré-
dulité lui avait fait perdre la parole et l'ouïe , il est obligé de faire
connaître par signes et en écrivant , ce qu'il ne pouvait exprimer par
la parole : « Et ayant demandé des tablettes , il écrivit dessus : Jean
est son nom, » etc. C'est-à-dire, nous ne donnons pas un nom à celui
qui l'a déjà reçu de Dieu. — Orig. {Ch. des Pèr. gr.) (1). Zacharie
signifie qui se souvient de Dieu, Jean , celui qui montre. Or, le sou-
venir a pour objet celui qui est absent, et on ne montre que celui qui
est présent. En effet , Jean devait non pas rappeler le souvenir de
Dieu comme absent, mais le montrer du doigt présent au milieu des
hommes, en disant : « Voici l'Agneau de Dieu. » — S. Chrys. {comme
précéd.) Le nom de Jean signifie aussi grâce de Dieu , c'est par une
action de la grâce divine, et non pas un effet des lois naturelles
qu'Elisabeth est devenue mère , et la mémoire d'un si grand bienfait
se trouve éternisée dans le nom de son enfant. — Théophyl. Le père
se trouve d'accord avec sa femme sur le nom de l'enfant , ce qui
explique les paroles suivantes : « Et tous furent remplis d'étonne-
meut, » etc. Personne, en effet, dans leur famille , ne portait ce nom,
on ne pouvait donc dire qu'il fût venu à la pensée des deux époux.
S. Grég. de Nazianze. {dise. 12.) Jean, dès sa naissance, rend à son
père l'usage de la parole : « Sa bouche s'ouvrit, » etc. 11 eût été contre
(1) Ce passage ne se trouve point dans Origène ; on lit bien dans une de ses homélies sur saint
Jean (chap. i) que Zacharie signifie qui se souvient, et Jean, grâce de Dieu, mais on ne voit nulle
part que Jean signifie celui qui montre.
Domiûi ignorare prœnuntium, quia pro-
phetaverat Christum: et bene sequitur :
« Et dixerunt ad illanij » etc. ut intelli-
gas nomen non generis esse, sed vatis :
Zacbarias quoque nutu interrogatur : unde
sequitur : « Inuuebant autem patri, » etc.
Sed quia incredulitas ei affatum eripue-
rat et auditum, quod voce non poterat,
manu et litteris est locutus : unde se-
quitur : « Et postulaus pugillarem, scri-
psit dicens : Joannes est nomen ejus, » etc.
Hoc est, non ei nos nomen imponimus,
qui jam a Deo nomen aecepit. Orig.
{in Cat. Crxcorm Patnnn, %ihi sup.)
Zacbarias quidem interpretatur me-
mor Dei ; Joannes autem significat de-
monstrantem : cœterum absentis me-
moria ; prsesentis, demonstratio est.
Debebat autem Joannes, non memoriam
Dei ut absentis exprimere, imo digito
demonstrare pi'aesentem dicens : « Ecce
Agnus Dei. » Chrys. [ut sup.) Quin
etiam boc nomen Joannes gratta Bel
interpretatur. Quod ergo gratia divina
favente non natura Elisabetb bunc fi-
lium concepit; beneficii memoriam in
nomine pueri conscripserunt. Theoph.
Quia vero cum muliere circa boc nomen
pueri, pater mutus concordavit, sequi-
tur : « Et niirati sunt universi, » etc.
ÎS'emo enim bujus nominis erat in co-
gnatione eorum, ut aliquis diceret quod
antea boc ambo cogitassent.
Greg. i\azianzem(s {Orat., 12.) Edi-
tus ergo Joannes, Zacbarise solvit silen-
tium : unde sequitur : « Apertum est
DE SAINT LUC, CHAP. 1. 65
la raison que le père demeurât muet , lorsque la voix du Verbe s'était
fait entendre. — S. Ajibr. Il était convenable que sa langue fût
aussitôt déliée ; l'incrédulité l'avait comme enchaînée, la foi la rend
à la liberté. Croyons nous aussi, et notre langue captive dans les liens
de l'incrédulité , verra briser ses chaînes ; écrivons les mystères dans
notre esprit, si nous voulons parler; gravons le nom du Précurseur,
non sur des tables de pierre , mais sur les tables de chair de notre
cœur (1); car celui qui parle de Jean, annonce le Christ; en effet
l'Evangéliste ajoute : « Et il parlait en bénissant Dieu. »
BEDE. Dans le sens allégorique, la solennité de la naissance de Jean
est le commencement de la grâce du Nouveau Testament. Ses voisins
et ses parents voulaient lui donner le nom de son père , plutôt que
celui de Jean, parce que les Juifs qui lui étaient unis par l'observa-
tion de la loi comme par une espèce d'affinité désiraient bien plus
suivre la justice qui vient de la loi, que de recevoir la grâce de la foi ;
mais la mère et le père de Jean font tout, l'une de vive voix, l'autre
en écrivant, pour faire prévaloir le nom de Jean (qui veut dire grâce
de Dieu), parce que la loi elle-même , les psaumes et les prophètes
proclament ouvertement la grâce de Jésus -Christ; et le sacerdoce an-
cien lui rend également témoignage par les ombres figuratives des
cérémonies et des sacrifices. Par un rapprochement mystérieux, Za-
charie recouvre la parole le huitième jour de la naissance de son fils,
figure de la résurrection du Seigneur , qui eut lieu le huitième jour,
c'est-à-dire après le jour du sabbat qui était le septième, et dévoila tous
les mystères du sacerdoce de l'ancienne loi.
(I) Celte pensée est empruntée à l'apôtre saint Paul, Ile Epitre aux Cor., chap. 3, vers 3; où il
dit : « Vous êtes la lettre de Jésus-Christ, écrite non avec de l'encre, mais avec l'Esprit de Uieu,
non sur des tables de pierre,^mais sur des tables de chair qui sont vos cœurs. » Ce que l'auteur
autem os ejus, » etc. Absurdum enini
erat ut cum vox verbi prof^ressa fuisset,
pater maneret elinguis. Ambr. Merito
etiam contimio resoluta est liugua ejus;
quia quam vinxerat iucredulitas, solvit
fides. Credamus igitur et nos, ut lingua
nostra (quœ incredulitatis vinculis est
ligata) rationis voce solvalur: scribainus
spiritu niysteria, si vuiumus loqui;scri-
bamus prœnuntiuin Christi, sed non
in tabulis lapideis, sed in tabulis cordis
carnalibus: eteniua qui Joanuem loqui-
tur , Christum prophelat : sequitur
enim : « Et loquebatur benedicens, » etc.
Bed. Ailegorice autem Joannis cele-
brala nalivilas gratia Novi Teslamenti
est inchoata, cui vicini et cognati noiuen
TOM. V.
patris quaui Joannis imponere malebant:
quia Judœi qui ei legis observatione
quasi affiuilate juncti eraut, magis justi-
liam quae ex lege est, sectari, quam fidei
gratiam suscipere cupiebant; sed Joannis
(iioc est (jratiœ Dei) vocabulum, mater
verbis, pater litteris uuntiare satagunt;
quia et lex ipsa psalmique et prophetiai
apertis senteuliarum vocibus gratiam
Ciirisli prfedicant, et sacerdotium illud
vêtus [iguratis cœremoniarum ac sacri-
ficiorum umbris eidem testimonium per-
lubet. Pulcbreque Zacbarias oclava die
probs editœ loquitur ; quia per Domini
resurrectionem qu» octava die (boc est,
post septimam sabbati) facta est, occulta
legalis sacerdotii arcana patuerunt.
66
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
f. 65, 66. — Et tous ceux qui demeuraient dans le voisinage furent remplis de
crainte , et le bruit de ces merveilles se répandit dans tout le pays des mon-
tagnes de Judée. Et tous ceux qui les entendirent les conservèrent dans leurs
cœurs, et ils disaient entre eux : Que pensez-vous que sera cet enfant? Car la
main du Seigneur était avec lui.
Théophyl. Le peuple avait été surpris de la mutité de Zacharie , il
ne le fut pas moins lorsqu'il recouvra l'usage de la parole : « Tous
furent saisis de crainte, » etc., c'est-à-dire que ces deux prodiges leur
donnèrent une haute idée des destinées de cet enfant. Tous ces
événements étaient réglés par une économie divine, afin que celui qui
devait être le témoin du Christ, fût un témoin digne de foi. Aussi
voyez ce qu'ajoute l'auteur sacré : « Tous les conservèrent dans leur
cœur, et ils disaient : Que pensez-vous que sera un jour cet enfant? »
— BEDE. En effet, ces signes avant-coureurs ouvrent la voie au pré-
curseur de la vérité , et le futur prophète se présente sous les aus-
pices les plus imposants : « Car la main du Seigneur était avec lui. »
— Grec, {ou Métaphraste^ Ch. des Pèr. gr.) Eu eJGfet, Dieu opérait
en lui des prodiges dont Jean n'était pas l'auteur, mais la main (ou la
droite) de Dieu. — Glose. Cette crainte est au sens mystique la figure
de la crainte salutaire que produisit la prédication de la grâce de
Jésus- Christ, dans les temps qui suivirent sa résurrection , et qui
ébranla les cœurs non-seulement des Juifs (qui étaient proches, soit
par la contrée qu'ils habitaient , soit par la connaissance de la loi),
mais encore des nations les plus éloignées. Et la renommée de Jésus-
Christ , non-seulement a franchi les montagnes de la Judée, mais a
ajoute de ceux qui suivent la justice légale, se trouve équivalemment au chap. 9, vers 30 et 31 de
l'Epître aiix Romains.
Et factus est iimor super omnes vicinos eoriim,
et super omnia montana Judœœ divulgabanlur
omnia verba hœc : et posuerunt omnes qui au-
dierant in corde suo , dicentes : Quis , putas .
puer iste erit ? Elenim manus Domini erat cuni
illo.
Theophylact. Sicut iu tacituraitate
Zacharise niiratus est populus, ita et
cum locutus est : unde dicitur : « Et
factus est timor super omnes, » etc., ut
propter hœc duo magnum aliquid circa
natum puerum univers! existiment. Hœc
autem omnia dispensative fiebant, ut
qui testis esse Cbristi debebat, existeret
et fide disnus : unde sequitur : « Et
posuerunt omnes in corde suo diceutes :
Quis putas erit, » etc. Beda. Prœcur-
rentia enim signa prœbent iter prœcur-
sori veritatis, et futurus propheta prae-
missis commendatur auspiciis. Unde
sequitur : « Etenim manus Domini erat
cum illo. » Gr^c. {vel Metaphrastes, in
Cat. Grœcoruvi Patrum, etc.) Prodigia
enim Deus iu illo peragebat, quœ non
faciebat Joannes, sed manus (vel dextera)
divina. Glossa. Mystice autem tempore
dominicœ resurrectionis prœdicata gra-
tia Cbristi sakibris timor, non solum
Judœorura (qui erant vicini, vel situ
loci, vel scientia legis), sed etiam exte-
rarum gentium corda concussit; nec
tantum montana Judœœ , sed omnia
DE SAINT LUC, CHAP. I. 67
surpassé les sommets les plus élevés des royaumes du monde et de la
sagesse humaine.
^. 67, 68. — Et Zacharie, son père, ayant été rempli du Saint-Esprit, pro-
phétisa en disant : Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, de ce qu'il a visité
et racheté son peuple.
S. Amb. Dieu est bon et se montre facile à pardonner les fautes,
non-seulement il rend les biens que le péché a fait perdre, mais il ac-
corde des grâces inespérées. Que personne donc ne se laisse aller à la
défiance, que personne, au souvenir de ses fautes passées, ne désespère
de la grâce de Dieu. Dieu saura bien changer ses jugements , si vous
savez expier vos fautes. Voyez Zacharie, il était muet tout à l'heure,
et il prophétise : « Et Zacharie ayant été rempli de l'Esprit saint. »
— S. Chrys. {Ch. des Pê?\ gr.) C'est-à-dire qu'il prophétise sous l'ins-
piration de l'Esprit saint qui lui donne sa grâce , non dans une cer-
taine mesure, mais dans sa plénitude, et fait briller en lui le don de
prophétie : « Et il prophétisa. » — Orig. (Jiom. 10.) La prophétie de
Zacharie, inspirée par l'Esprit saint, a deux grands objets, le premier,
Jésus-Christ; le second, Jean-Baptiste, ce qui paraît clairement dans
son cautique, où il parle du Sauveur, comme s'il était présent et vi-
vant au milieu du monde : « Béni soit le Dieu d'Israël , de ce qu'il a
visité, » etc. — S. Chrys. En bénissant Dieu, Zacharie déclare qu'il a
visité son peuple , soit qu'on veuille entendre les Israélites selon la
chair ; car il est venu pour sauver les brebis perdues de la maison
d'Israël {Matth., xv, vers. 24), soil les Israélites spirituels (c'est-à-
dire les fidèles) qui s'étaient rendus dignes de cette visite, en méritant
mundani regni mundanaeque sapientise
culmina Christi fama transccndit.
El Zacharias , pater ejus , replelus est Spiritu
sancto, et prophetavit dicens : Benedictus Do-
minus Deus Israël, quia nisitanit et fecit re-
demptioni'm plebis suœ.
Ambr. Bonus Deus et facilis indulf^ere
peccalis, non soluni ablata restituit, sed
etiam insperata concedit. Nemo ergo
diffidat, nemo veterum conscius delic-
torum priciiiia divina desjteret. Novit
Deuri mulare senlenliam, si tu noveris
'iiiendare delictuni. 111e siquidem duduni
iiiutus prophetat : unde dicitur : «Et
Zacharias replelus est Spiritu sancto. »
Chrys. Un C'af. Grcecorum Patrum.)
Scilicet operatione sancti Spiritus ; nec
quocunque modo gratiam Spiritus sancti
nactus, sed ad plénum; et fulgebat in
eo prophetiae donum : unde sequitur :
" Kt proplietavit. » Orig. {Iiomil. 10.)
Plenus aulcm Spiritu sancto Zacharias
duas prophetias generaliter nuulial, pri-
niam de Christo, alterain de Joanue :
quod manifeste de verbis illius probatur,
in quibus quasi de prœsenti, et qua^i
jam versaretur in mundo, loquitur de
Salvatore, dicens : « Benedictus Domi-
nus Deus Israël, quia visitavit, » etc.
Chrys. Dum Doum benediceret Zacha-
rias, visitationem dicit esse factam ab
eo erga populum suum ; sive materiales
Israelitas quis velit accipere (venit enim
ad oves quœ perierant domus Israël)
(Mat th., 15, vers. 24), sive spirituales
(id est, fidèles) qui digni fuerunl bac
visitatioue. efficacem erjta se divinam
68 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
les effets sensibles de la providence de Dieu à leur égard. — Bède. Le
Seigneur a visité son peuple défaillant sous le poids d'une longue in-
firmité, et il a racheté du sang de son Fils unique ce peuple vendu au
péché. Zacharie savait que cette rédemption allait s'opérer , et selon
l'usage des prophètes, il l'annonce comme si déjà elle était accomplie.
Il dit : « Son peuple, » non qu'il le fût à sa venue, mais il l'a fait son
peuple en le visitant.
f. 69. — De ce qu'il nous a suscité un puissant Sauveur dans la maison
de David , son serviteur.
Théophyl. Dieu paraissait dormir à notre égard à la vue de nos
fautes sans nombre , mais en s'incarnant dans les derniers temps, il
s'est comme comme éveillé et a écrasé les démons, nos mortels enne-
mis : « Et il a élevé le signe du salut dans la maison de David , son
serviteur. » — Orig. En effet, c'est de la race de David que le Christ
est né selon la chair, c'est pourquoi l'Evangéliste dit : « La corne du
salut dans la maison de David, » comme on lit ailleurs {Isa., cap. v.)
« Une vigne a été plantée sur un lieu élevé » (littéralement sur une
corne), c'est-à-dire en Jésus-Christ (1). — S. Crrys. {Discows sur Anne,
Ch. des Pèr. gr.) — Le mot C07me signifie ici la puissance, la gloire,
la renommée , c'est une expression métaphorique prise des animaux
à qui Dieu a donné des cornes pour leur servir à la fois de défense et
d'ornement. — Bède. Le règne du Sauveur Jésus-Christ est aussi
appelé la corne du salut ; en effet, tous les os sont recouverts de chair,
mais les cornes s'élèvent au-dessus du reste du corps , le règne de
Jésus-Christ est donc appelé coime du salut, parce qu'il domine le
(1) Saint Jérôme prétend que le mot cornu, dans cet endroit signifie royaume.
provisionem (sive providentiam) facien-
tes. Bed. Visitavit autem Doiuiaus ple-
bem suam quasi loûga infirmitale tabes-
centeai ; et quasi veudilain sub peccato,
unici Fiiii sui sanguine redemit. Quod
quia Zacharias proxime faciendum co-
gnoverat, prophetico more, quasi jam
factum narrât : dicit autem : « Plebem
suam, » non quia veuiens suam invenit,
sed quia visitando suam fecit.
Et erexit cornu salutis nobis, in domo David
pueri sui.
Theophylact. Videbatur Deus dor-
mire, peccata multa respiciens ; sed in
novissimis incarnatus temporibus exci-
tatuâ est, et contrivit daemones qui nos
oderant : undedicitur : « Et erexit cornu
saUitis nobis, in domo David pueri sui. »
Orig. {hom. 10.) Quia de semine David
secunduni caruem natus est Cbristus :
unde dicitur : « Cornu salutis nobis in
domo David; » sicutet alibi dictum est
[Isui, S) : « Vinea facta est in cornu, »
id est, in Jesu Cbristo. Chrys. {Orat.
de Annu vel in Annam, ex Ccit. Grœco-
rum Patnun.) Cornu autem nominat
potestatem, gloriam et famam, metapho-
rice a brutis animalibus illud accipiens,
qiiibus loco muuiminis et gloriûe cornua
Deus dédit. Beda. Cornu etiam salutis
regnum Salvatoris Cbristi vocatur : ossa
siquidem omnia carne involuta sunt ;
cornu excedit carnem : et ideo cornu
salutis regnum Cbristi vocatur; que
mundus et carnis gaudia siiperantur :
DE SAINT LUC, CHAP. I. 69
monde et les joies de la chair, et c'est en figure de ce règne que David
et Salomon ont été consacrés pour la gloire de leur règne avec une
corne remplie d'huile (1).
f. 70. — Seloii ce qu'il avait promis par la bouche de ses saints prophètes ,
qui ont été dès le commencement.
Théophtl. Michée a prédit que le Christ naîtrait de la maison de
David (chap. v) : « Et toi Bethléem, terre de Juda, tu n'es pas la plus
petite, car c'est de toi que doit sortir celui qui gouvernera mon peuple
d'Israël ; » mais tous les prophètes ont annoncé le mystère de l'incar-
nation, aussi Zacharie ajoute : « Comme il l'avait promis par la
bouche de ses saints prophètes, » etc. — Grec. {Prêt. Vict. Ch. des
Pèr. gr.) C'est donc Dieu qui a parlé par leur bouche, et ce qu'ils ont
annoncé ne vient point de l'homme. — Bède. Il dit : « Qui ont été
dès le commencement ; » parce que tous les écrits de l'ancien Testa-
ment ont été une annonce prophétique de Jésus-Christ (2), car notre
premier père Adam et les autres patriarches ont rendu témoignage par
leurs actions à la divine économie de la rédemption.
y. 71. — De nous sauver de nos ennemis et des mains de tous ceux
qui nous haïssent.
BÈDE. Zacliane développe ce qu'il n'a fait qu'indiquer par ces
paroles : a II nous a suscité un puissant Sauveur, » en ajoutant : « Pour
nous sauver de nos ennemis, » comme s'il disait: il nous a élevé le signe
du salut, c'est-à-dire, il nous a suscité un Sauveur pour nous délivrer
(1) Ces deux consécrations sont rapportées, celle de David au chap. 16, vers. 13, du premier
livre des Bois, celle de Salomon au chap. 1, vers. 39, du troisième livre.
(2) Le texte de Bède porte : prophetia de Christo processit, ce qui est plus clair que : prophetice
de Christo procedit.
in cujus figuram David et Salomon
cornu olei suât in regni gloriani conse-
crati.
Sicut loculus est per os sanctorum , qui a seculo
sunt, prophelarum ejus.
Theophylact. Quod de dorao David
Christus nasceretur, Michceas mentio-
uem facit, dicens (cap. 5) : « Et tu Be-
thlehem, terra Juda, nequaquani minima
es : ex te euim oxict dux qui régal po-
pulum meum Israël : » sed omnes pro-
phetae de incarnatione dixerunt: et ideo
dicitur : « Sicut locutus est per os san-
rtorum, I) etc. Grjec. [id est, Victor
Presbi/ter. in Cat. Grxcorum Patrum,
ubi sup.) Per quod innuit Deura per
illos esse iocutum, et non esse huma-
num quod dixerunt. Bed. Dicit autem :
« Qui a seculo sunt, » quia tota Vete-
ris Testamenli scriptura prophetice de
Cliristo procedit : nam et ipse pater
Adam et cajteri Patrum factis suis ejus
dispensationi testimonium reddunt.
Salutem ex inimicis iwslris, et de manu omnium
qui oderunt nos.
Bed. Cum primo breviterprtemisisset:
« Erexil cornu salutis nohis, » continue
explanans quid dixerit, subdit : « Salu-
tem ex inimicis nostris : » quasi dicat :
« Erexit nobis cornu, id est, erexit nobis
70
EXPLICATION DR L'ÉVANGTLE
de nos ennemis, et des mains de tous ceux tiui nous haïssent. — Orig.
ifiom. 16). Gardons-nous de croire qu'il veuille parler ici des ennemis
corporels , il s'agit des ennemis spirituels ; le Seigneur Jésus, le fort
dans les combats est venu détruire tous nos ennemis, pour nous déli-
vrer de leurs embûches et de leurs tentations.
y. 72, 73. — Pour exercer sa miséricorde envers )ios pères et se souvenir de son
alliance sainte, selon qu'il a juré à Abraham, notre père, de nous accorder
cette grâce.
BEDE. Zacharie venait de dire que le Seigneur devait naître dans la
maison de David _, selon les oracles des prophètes; il ajoute que pour
accomplir l'alliance qu'il fit avec Abraham il sera notre libérateur,
car c'est à ces deux saints patriarches , c'est-à-dire à celui qui devait
naître d'eux que Dieu a promis la réunion de tous les peuples de la
terre, ou l'Incarnation du Christ. ïl met David le premier, parce que
la promesse de la formation de l'Eglise fut faite à Abraham ^ et à
David la prédiction de la naissance du Christ. Voilà pourquoi après
David, vient Abraham : « Pour exercer sa miséricorde envers nos
pères. » — Orig. {hom. 10). Je suis convaincu qu'à la venue du Sau-
veur, Abraham, Isaac et Jacob ont ressenti les effets de sa miséricorde;
pourrait-on croire en effet que la venue du Seigneur ait été sans
utilité pour ces saints patriarches qui avaient vu le jour du Sauveur
et s'en étaient réjouis, alors qu'il est écrit (Co/055., i): « Qu'il a pacifié
par le sang de sa croix la terre et les cieux. » — Théophyl. La grâce
de Jésus-Christ s'est étendue à ceux mêmes qui éfaient morts, car
nous ne sommes pas les seuls qui ressusciteront par Jésus-Christ, mais
salutem ex inimicis nostris, et de manu
omnium qui oderuntnos. » Orig. [hom.
i6.) Non autem putemus nuuc de cor-
poralibus inimicis dici, sed de spiritua-
libus : venit enim Dominus Jésus fortis
in prselio destruere omues inimicos nos-
tros, ut nos de eorum insidiis et tenta-
tionibus liberos faceret.
Ad faciendam misericordiam eum patribus nos-
tris , et memorari testarnenti sui sancti : jus-
jurandum quod juravit ad Abraham, patrem
nostrum, daiurum se nobis.
Bi:d. Dixerat Dominum juxta eloquia
prophetarum in domo David nascitu-
rum : dicit eumdem ad explendum tes-
tameutum quod Abrahae disposuit. nos
esse liberaturum , quia his praecipue
patriarchis de suo semine, vel congre-
gatio gentium. vel Christi est incarnatio
promissa : prsemittitur autem David ,
quiaAbrahœ sanctus Ecclesise cœtus est
promissus ; David autem quod ex eo
Christus uasciturus esset audivit. Et
ideo post id quod dictum est de David,
snbdit de Abraham, dicens : « Ad fa-
ciendam misericordiam cum patribus
nostris. » Orig. {hom. 10.) Ego puto
quod in advcntu Domini Salvatoris, et
Abraham, et Isaac, et Jacob, fruili sont
misericordia ejus : non est enim credi-
bile ut qui piius viderunt diem illius et
laetati sunt , postea in adventu ipsius
niliil utiUtatis acciperent : cum scriptum
sit (Coloss., 1) : «Pacem faciens per san-
guinem crucis suse ; sive super terram,
sive in cœlis. » Theophylact. Christi
etiam gratia se usque ad illos extendit
qui mortui extiterunt ; quia per eum
resurgemus, non solum nos, sed et qui
DE SAINT LUC, CHAP. I.
71
encore tous ceux qui sont morts avant sa venue. 11 a fait miséricorde
à nos pères, en comblant leurs espérances et leurs désirs, « pour se
souvenir, dit Zacharie, de sou alliance sainte, » celle dont Dieu a dit :
« Je te comblerai de bénédictions, et je te multiplierai à l'infini. »
(Hebr., vi). Abrabam s'est en effet multiplié dans toutes les nations
qui sont devenues ses enfants adoptifs par l'imitation de sa foi. Disons
encore que les patriarches en voyant leurs enfants comblés de si
grands bienfaits, eu ont éprouvé une joie sensible, et ressenti eux-
mêmes les effets de la miséricorde divine , c'est ce que signifient ces
paroles : « Voilà le serment qu'il a fait à Abraham , notre père , il a
juré qu'il nous ferait cette grâce. » — S. Bas. (1) [Ch. des Pèr. gr.) Que
personne ne s'appuie sur ces paroles : « Dieu a fait le serment, » pour
autoriser l'habitude qu'il a de jurer : car de même que ce que nous
appelons la fureur du Seigneur ne signifie pas une passion en Dieu,
mais le châtiment des coupables, de même aussi Dieu ne jure pas à la
manière des hommes, mais sa parole est appelée serment pour expri-
mer plus fortement la vérité; et parce qu'elle accomplit avec une réso-
lution immuable tout ce qu'il a promis.
^. 74. — A/î/i qu'étant délivrés des mains de nos ennemis , nous le servions
sans crainte.
S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr. comme prec.) Après avoir prédit qu'une
corne de salut, qu'un puissant Sauveur sortirait pour nous de la mai-
son de David , Zacharie déclare que par lui encore nous serons cou-
verts de gloire, et nous n'aurons rien à craindre de nos ennemis :
(1) On ne trouve rien de semblable dans saint Basile, mais seulement une espèce de prohibition
du serment dans l'homélie sur le Psaume 14. Ce qui a rapport à la colère de Dieu se trouve en
partie dans l'explication du Psaume 29, en partie dans l'explication du Psaume 37 ; et aussi dans
le commentaire sur le chap. 5 d'Isaïe.
fuerunt ante mortui. Fecit et misericor-
diam cum palribus nostris secundum
quod eorum spem et desideriuru iraple-
vit : unde sequitur : « Et meniorari testa-
nienti suisancti; » illius scilicet de quo
dicitur (ad Hebr., 6) : a Benedicens be-
nedicam tibi, et multiplicabo te. » Mul
tiplicatus est enirn Abraham in omnibus
gentibus , per imitationem fidei ejus
iidoptatis in filios: sed etiam patres vi-
dentes suos filios talia bénéficia récé-
pissé, congaudent etrecipiunt misericor-
diam in seipsis : unde sequitur : « Jus-
jurandum quod juravit ad Abraham,
patrem nostrum, daturum se nobis. »
Basil, (in Cot. Gr.rcorvm Patrvni,
nbi sup.) Nemo autem audiens quodju-
rasset Dominus Abrahse , ad jurandum
sit promptus : sicut enim furor de Deo
dictus non significat passiouera , sed
punitionem , sic neque Deus jurât ut
homo, sed verbum ejus loco juramenti
nobis ad veritatem exprimitur, immuta-
biU sententia, quod promissum est, ap-
probans.
Ut sine timoré de manu inimicorum nostrorum
liberati, serviamus illi.
Chrys. (in Cat. Grœcoruvi Patrum,
ubisup.) Quia exortum nobis cornu sa-
lutis ex domo David dixeral, ostendit
quod per ipsum et gloriam participa-
mus, et dispendia inimici vitamus :
unde dicit : « Ut sine timoré de manu
72
EXPLICATION DE L'ÉVANGILE
« Afin qu'étant délivrés des mains de nos ennemis , nous le servions
sans crainte. » Ces deux choses se trouvent difficilement réunies : il
en est beaucoup en effet qui échappent aux dangers, mais dont la vie
reste sans gloire, tels sont les criminels à qui la clémence du souve-
rain fait grâce de la prison. D'autres, au contraire, ont la gloire en
partage , mais au prix de quels dangers ils sont forcés de l'acquérir ?
Tels sont les guerriers qui ont embrassé la glorieuse carrière des
armes, mais qui vivent toujours au milieu des hasards. Ce puissant
Sauveur, et nous délivre, et nous couvre de gloire; il nous délivre en
nous arrachant aux mains de nos ennemis, non pas à moitié, mais
d'une manière admirable, et sans nous laisser aucun sujet de crainte,
comme le dit Zacharie : « Afin qu'étant délivrés des mains de nos
ennemis, etc. » — Orig. [hom. dO). Ou bien encore, on en voit souvent
qui sont délivrés des mains de leurs ennemis , mais ce n'est pas sans
crainte, il faut au contraire passer par les alarmes, par les dangers,
pour être délivré de leurs mains, au contraire on leur a échappé
sans doute, mais ce n'a pas été sans crainte. Jésus-Christ, par sa venue
sur la terre, nous a délivrés des mains de nos ennemis, sans qu'il nous
en ait coûté aucune appréhension, aucune crainte (1); nous ne sommes
pas tombés dans les embûches de nos ennemis , il nous a tout d'un
d'un coup arrachés à leur puissance pour nous faire entrer dans l'hé-
ritage qu'il nous avait destiné.
^. 75. — Dans la sainteté et dans la justice , en sa présence, tous les jours
de notre vie.
S. Chrys. {comme précéd.) Zacharie glorifie Dieu en ce qu'il nous
a donné de le servir avec une pleine confiance, non pas d'une manière
(1) La construction naturelle de la phrase demande plutôt ce sens : « Afin qu'étant délivrés des
mains de nos ennemis, nous le servions sans crainte. »
iuimicorum uostrorum liberati, servia-
mus illi. » Duo praedicta uoa facile re-
periet aliquis sese comilanlia : plures
enim évitant pericula, sed vita gloriosa
privanlur ; sicut sceleris patralores, qui
de carcere ex indulgeutia régla absol-
vuntur : e contra gaudent alii gloria,
sed ob hanc periclitari coguntur ; sicut
milites bellicosi vitaui inclylam ample-
xantes securitate multoties caruerunt :
sed hoc cornu, et salvat, et glorificat :
salvat quidem eripiens a manibus hos-
tium ; non leviter, sed mirifice, ut non
sit ultra timendum ; el hoc est quod
dicit : « Ut sine liniore de niauu iuimi-
corum nostrorum liberati, » etc. Orig.
[hom. 10.) Vel aliter, crebro de hostium
manu aliqui liberautur, sed non absque
timoré : cuin enim metus et discrimen
aute prsecesserint, et sic de inimicorum
manuquiseruatur, liberatus est quidem,
sed uon sine timoré : ideo dixit quod
Christi adventus sine timoré nos a ma-
nibus hostium eripi fecit : non enim
eorum insidias sensimus, sed repente
ab eis nos segregans, eduxit ad sortis
propriêe mansionem.
In sanctitate et justilia coram ipso, omnibus die-
bus nostris.
Chrys. (m' sup.) Glorificat Zacharias
Dominum^ quia fecit nos sibi servira
DE SAINT LUC, CHAP. I. 73
charnelle, comme les Juifs, par le sang des victimes, mais spirituelle-
ment par nos bonnes œuvres , c'est ce que veulent dire ces paroles :
« Dans la sainteté et la justice ; » car la sainteté consiste dans l'obser-
vation exacte des devoirs envers Dieu , la justice dans l'accomplisse-
ment fidèle de nos devoirs envers les hommes. Tel est celui qai observe
religieusement les préceptes divins, et qui s'acquitte parfaitement de
tout ce qu'il doit aux autres hommes. Il dit : non pas devant les
hommes, comme font les hypocrites qui veulent plaire aux hommes,
mais « devant Dieu, » comme ceux qui recherchent l'approbation de
Dieu et non pas celle des hommes {Rom., chap. ii, vers. 29), et cela
non pas une seule fois, ou pour un temps, mais chaque jour et toute
la vie, comme il ajoute : « Tous les jours de notre vie. » — Bède.
Car ceux qui avant leur mort abandonnent le service de Dieu, ou qui
déshonorent par quelque souillure la pureté de la foi, ou l'innocence
de leur conduite; ou bien ceux qui veulent être justes et saints devant
les hommes, plutôt que devant Dieu, ne servent pas Dieu après avoir
été pleinement délivrés des mains de leurs ennemis spirituels ; mais à
l'exemple des anciens Samaritains, ils veulent servir à la fois le Sei-
gneur (1) et les dieux des Gentils.
^. 76. — Et vous, peti enfant, vous serez appelé le prophète du Très-Haut;
car vous marcherez devant la face du Seigneur pour lui préparer ses voies.
S. AiiB. Après cette magnifique prophétie qui a le Sauveur pour
objet , Zacharie ramène son discours au prophète du Seigneur, et
déclare ainsi que sa naissance est un don de Dieu. En énumé-
rant les bienfaits de Dieu envers tous les hommes, il ne veut point
(l) Le mot Dœmonio , qu'on lisait autrefois au lieu de Domino, formait un non sens en détrui-
sant l'opposition qui existe dans ce membre de phrase.
cum plena fiducia, non carnaliter (ut
Judœa) in sanoruine viclhnarum, sed
spiritualiter in bonis operibus : et boc
est quod dicit : « In sanctitate et justi-
tia : » est eniin sanctita» apta circa
Deum œquitas ; justitia vero quai circa
homines. Pula quod aliquis reverentor
exequatur divina , et quoad iioniiiies
laudabiliter coriversetur. Uicit autein
non corum hominihus (ut bypocrite vo-
lenles hominibus placere), sed coram
Dco, sicuthi quorum comiriendatio non
est ab bominibus, sed a Deo {Rom., 2.
vers. 29), et boc non semel aut ad tem-
pus, sed sinn;uli3 diebus et quandiu vi-
xerint : iinde dicit : « Omnibus diebus
nostris. » Bed. Namqui vêlante mortem
ab ejns servitio discedit, vel immunditia
qualibet sive justiliam fidei sive since-
ritatem coiumaculat, vel coram bomi-
nibus lantum et non coram Deo sanctus
et justus esse con tendit, nondum per-
fecte de manu spiritualium inimicorum
liberatus Domino servit; sed exemplo
veterum Samaritanorum diis gentium
pariter et Domino servire couatur.
Et tu, puer, propheta Altissimi vocaberis :
prœibis cnim ante faciem Domini parare vias
ejus.
Amb. Pulchre cum de Domino prophe-
taret, ad Prophetam sua verba conver-
tit ; ut hoc quoque beneficium esse Do-
mini designaret ; ne cum publica nu-
74
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
paraître envelopper dans un silence d'ingratitude les grâces (jui lui
sont particulières , aussi écoutez-le : « Et vous , enfant , vous serez
appelé le prophète du Très-Haut, » etc. — Orig. [hom. 10). Zacharie,
je le suppose, s'est hâté d'adresser la parole à son enfant, parce qu'il
savait qu'il devait bientôt se retirer dans le désert, et qu'il ne jouirait
pas longtemps de sa présence. — S. Amb. Il en est peut-être qui regar-
deront comme un écart d'esprit contraire à toute raison que Zacharie
s'adresse à un enfant de huit jours. Mais si nous nous rappelons ce qui
précède, nous comprendrons que celui qui a entendu la voie de Marie
avant même d'être né, a pu, aussitôt sa naissance entendre la voix de
son père. En vertu de son esprit prophétique, il savait que les pro-
phètes (mt d'autres oreilles qui s'ouvrent sous l'impression de l'Esprit
saint, et non par le progrès de l'âge; comment n'aurait-il pas eu le
don d'intelligence, lui dont le cœur avait bien pu tressaillir? — Bède.
On peut dire aussi que Zacharie, pour l'instruction de ceux qui étaient
présents , aussitôt qu'il put parler publia les fonctions que son fils
devait un jour remplir, et que l'ange lui avait révélées. Que les ariens
entendent qu'on donne ici le nom de Très-Haut au Christ dont Jean a
été le précurseur et le prophète, comme il est écrit dans le livre des
Psaumes : « Un homme est né en elle, et le Très-Haut lui-même l'a
fondée. » — S. Ghrys. {Ch. des Pèr. gr). Ceux qui ont avec les rois
des rapports plus étroits deviennent leurs compagnons d'armes, ainsi
Jean-Baptiste qui était l'ami de l'époux a précédé de plus près son
arrivée, c'est le sens de ces paroles : « Vous marcherez devant la face
du Seigneur pour lui préparer les voies. » Les autres prophètes, en effet,
ont annoncé longtemps auparavant les mystères de la vie du Christ ;
Jean l'a prédit de plus près , puisqu'il a vu le Christ de ses yeux , et
merarel, sua quasi ingratus tacuisse
videretur : unde dicitur : « Et tu, puer,
propheta altissimi vocaberis, » etc. Orig.
{hom. 10.) Ideo reor Zachariani festi-
nasse ut loqueretur ad parvulum ; quia
sciebat eum post paululum iu eremo
inoraturuni, nec se ejus posse liabere
praesentiam. Amb. Sed fortasse aliqui
quasi irratiouabilem mentis exuessum
puteut, quod octo dierum iufantem allo-
quitur : verum si tenemus superiora^
inlelligiuiiis profecto quod potuitvocem
patris natus audire, qui Marije salutatio-
nem, antequam nasceretur, audivit :
sciebat Propheta alias esse aures pro-
phète , quae. Spiritu Dei non corporis
aetate reserantur : habebat intelligendi
sensum, quiexultandi habebat aiîectum.
Bed. Nisi forte putandus Zacharias pro-
pter eos qui aderant potius instituendos,
futura sui muuera filii, quee dudum per
Angelum didicerat, raox ut loqui potuit,
prEedicare voluisse. Audiant Ariani quod
Christum, quem Joannes prophetando
praeibat, Altissiinum vocat, sicut in Ps.
dicitur [Ps. 86) : « Homo natus est in
ea, et ipse fimdavJt eam Altissimus. »
Chrys. {in Cat. Crœcoruin Patrum, uhi
sup.) Sicut autem l'egibus commilitones
sunt qui eis viciuiores existunt, sic Joan-
nes cum esset amicus sponsi, de prope
ejus adventum prsecessit : et hoc est
quod subdilur : « Praeibis enim ante fa-
ciem Domini parare vias ejus : » alii
euim proplietge eminus Christi myste-
rium prsedicaverunt, hic vero propius
prœdicavit, ut et Christum videret, et
eum caïteris indicaret. Greg. (XIX Mo-
DE SAINT LUC, CHAP. 1. 75
tout à la fois l'a montré aux autres. — S. Greg. {Moral., xix, 2.) Tout
prédicateur qui purifie des souillures du vice les âmes de ceux qui
l'écoutent, prépare les voies à la sagesse qui veut prendre possession
du cœur.
y. 77. — Pour donner à son peuple la connaissance du salut, afin qu'il obtienne
la rémission de ses péchés.
Théophïx. Zacharie explique comment le Précurseur doit préparer
la voie du Seigneur, en ajoutant : « Pour donner à son peuple la
science du salut. » Le salut, c'est le Seigneur Jésus, et la science du
salut, c'est-à-dire de Jésus-Christ ont été donnés au peuple par Jean-
Baptiste qui rendait témoignage à Jésus-Christ (1).
BEDE. Il désire faire connaître le nom de Jésus, et semble répéter à
dessein le mot de salut, mais qu'on ne l'entende point d'un salut
purement temporel, les paroles qui suivent s'y opposent : « Pour la
rémission de leurs péchés. » — Théophyl. Dieu, en effet, n'eût pas été
connu, s'il n'eut pardonné les péchés à son peuple, car c'est le propre
de Dieu de remettre les péchés. — Bédé. Mais les Juifs n'ont pas
voulu recevoir le Christ; ils aiment mieux attendre l'Antéchrist, parce
qu'ils veulent être affranchis, non de la tyrannie intérieure du péché^
mais du joug extérieur de la servitude temporelle.
y. 78. — Pur les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, qui a fait
que ce Soleil levant nous est venu visiter d'en haut.
Théophyl. Si Dieu nous a remis nos péchés, ce n'est point en con-
sidération de nos œuvres, mais par un effet de sa miséricorde ; aussi
(I) Voyez Evangile selon saint Jean, chap. 1, vers. 7, 15, 16, 19, 32, 34; chap. 3, vers. 25-
ehap. 5, vers. 33, etc.
rai., cap. 2.) Quisquis autem prsedi-
cando a sordibus vitioriini corda audieu-
tium luundat, venienti sapientife ad cor
viam praeparat.
Ad dandam scienliam salutis plebi ejus , in re-
missionem peccalorum eorum.
Theophvl. Oi'filiter prœciirsor viam
Domini prteparavit, exponit, subdens :
« Ad dandam seientiam salutis plebi
ejus. » Salus Domimis Jésus est : data
est autem plebi srientia salvtis (id est,
Christi a Joauue, qui testimonimn perbi-
bebat de Cliristo.
Bkd. Ouasi enim Jc-u fid est, Salvato-
ris), nomen cxponere desideraus, salutis
mentionem fréquentât ; sed ne tempora-
lem salutem promitti putarent, subdit :
« In remissionem peccatorum eorum. «
Theophylact. Non enim aliter cogni-
tus esset Deus, nisi plebi peccata dimi-
sisset : Dei enim est peccata dimittere.
Beda. Verum Judaei non Christum sus-
cipere, sed Antichristum malunt expec-
tare, quia non intus a peccati dominio,
sed foris ab hunianae servitutis jugo cu-
piunt liberari.
Pfi.r viscera misericordice Dei nostri, in quibvs
visitavil nos Oriens ex alto.
Théophyl. Quia Deus peccata nobis
dimisit, non propter opéra nostra, sed
76
EXPLICATION DE L EVANGILE
Zacharie ajoute-t-il : « Par les entrailles de la miséricorde de notre
Dieu. » — S. Chrys. {hom. 44 sur S. Mat th.) Et cette miséricorde, ce
n'est pas nous qui l'avons trouvée comme fruit de nos propres re-
cherches, mais c'est Dieu lui-même qui a daigné nous apparaître du
haut du ciel : « Par lesquelles (c'est-à-dire par ses entrailles), le soleil
se levant du haut des cieux (c'est-à-dire Jésus- Christ), nous a visités
(en se revêtant de notre chair). » — Grec, {c'est-à-dire Sévère, Ch.
des Pèr. gr.) Il habite le plus haut des cieux, et cependant il se rend
présent sur la terre, sans être assujetti à aucune division, à aucune
limite; mystère que nulle intelligence ne peut comprendre, que nulle
parole ne peut exprimer.
% 79. — Pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre
de la mort, et pour conduire nos pieds dans le chemin de la paix.
BEDE. Le nom d'Orient convient parfaitement au Christ, parce qu'il
nous a ouvert l'entrée de la vraie lumière : « Pour éclairer ceux qui
sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, » etc. —
S. Chrys. {hom. 14 sur S. Matth.) Les ténèbres dont il parle ici ne
sont pas les ténèbres matérielles, mais les erreurs, l'éloignement de la
foi (ou l'impiété). — S. Bas. {sur Isaïe, ch. 2.) Dans quelles ténèbres
était plongé le peuple des gentils, appesanti par le culte des idoles,
jusqu'à ce que la lumière soit venu dissiper cette profonde obscurité
et répandre partout les splendeurs de la vérité ! — S. Grég. {Moral.,
IV, 17.) L'ombre de la mort, c'est l'oubli de l'esprit; la mort fait que
ce qu'elle détruit n'est plus dans la vie ; ainsi l'oubli fait que ce qu'il
atteint n'est plus dans la mémoire; voilà pourquoi il dit du peuple
propter misericordiam suam, ideo con-
venienter addidit : « Per viscera miseri-
cordiae Dei nostri. » Chrys. {hom. 14,
in Matth.) Quam quidem misericordiam
non ipsimet inquirentes iuvenimus, sed
desuper nobis Deus apparuit. Unde se-
quitur : « la quibus (scilicet niisericor-
di£e visceribus) visitavit nos (assumpta
carne) Oriens ex alto (idest, Christus.) »
Gr^c. {idest,Sevenis, in Cat. Grœcorum
Patriim.) In allis permanens, tameu in
terrenis praesens; non divisionem pa-
tiens neque circumscriptionem ; quod
intellectus noster comprehendere non
potest, nec ulla série verborum expri-
mere.
Jlluminare hù qui in tenebris et in umbra mortis
sedent, ad dirigendos pedes nostros in viam
pacis.
Bed. Recte Christus Oriens vocatur,
quia nobis ortum verae lucis aperuit :
unde sequitur : « lUumiaare his qui in
tenebris et in umbra mortis sedent, » etc.
Chrys. {hom. 14, in Matth., nt svp.)
Tenebras bic appellat, non materiales,
sed errorem et a fide distantiam (sive
impietatem.) Basil, {in Isai., cap. 2.)
Tenebrosa enim erat plebs Gentilis, quse
idolorum cultura fjravabalur, donec lux
orta dispersit caliginem, et splendorem
veritatis expandit. Greg. (iV Moral.,
cap. 17.) Umbra vero mortis, oblivio
mentis accipitur : sicut enim mors hoc
quod interficit, agit ut non sit in vita,
ita oblivio hoc quod intercipit, agit ut
DE SAINT LUC, CHAP. ï. 77
juif qui avait oublié Dieu, qu'il était assis dans l'ombre de la mort.
L'ombre de la mort, c'est encore la mort du corps, la mort véritable
est celle qui sépare l'àme d'avec Dieu ; l'ombre de la mort est celle
qui sépare l'àme d'avec le corps; ce qui fait dire aux martyrs [Ps.
XLiu) : « L'ombre de la mort nous a couverts. » L'ombre de la mort
peut encore signifier l'imitation du démon qui est appelé mort dans
l'Apocalypse (chap. 6). En effet, l'ombre est toujours proportionnée à
la forme du corps, ainsi les actions des impies sont une espèce d'imi-
tation du démon. — S. Chrts. L'expression : « Ils sont assis, » est des
plus justes; en effet, nous ne marchions pas dans les ténèbres, mais
nous étions assis sans aucun espoir de délivrance. — Théophyl. Le
Seigneur, en se levant sur notre terre, n'éclaire pas seulement ceux
qui sont assis dans les ténèbres, sa mission est plus étendue : « Pour
diriger nos pas dans la voie de la paix. » La voix de la paix c'est la
voix de la justice (1), dans laquelle il a dirigé nos pas, c'est-à-dire les
affections de nos âmes. — S. Grég. {hom. 32 swr les Evang.) Nous
dirigeons nos pas dans la voie de la paix, lorsque dans nos actions
nous suivons le chemin qui ne s'écarte jamais de la grâce de notre
Créateur. — S. Ambr. Remarquez en même temps que la prophétie
d'Elisabeth est courte, taudis que celle de Zacharie est beaucoup plus
étendue; cependant tout deux parlaient sous l'inspiration de l'Esprit
saint dont ils étaient remplis, mais nous voyons ici l'observation de
cette règle qui veut que la femme s'applique plus à connaître les choses
divines qu'à les enseigner aux autres.
^. 80. — Cependant l'enfant croissait et se fortifiait en esprit, et il demeu-
(1) C'est avec raison que la vie sainte et juste est appelée la voie de la paix, à cause de l'étroite
union de la justice avec la paix.
non sit in tnemoria : unde Judseorum
populus, qui Dei oblilus fuerat, dicitur
in umbra luorlis sedere. Umbra etiam
mortis, mors carnis accipiliir; quia si-
cut vera mors est qua anima separatur
a Deo, ita umbra mortis est, qua caro
separatur ab anima : unde voce niarly-
rum dicitur [Ps. 43) : « Operuit nos
umbra mortis. » Per umbram etiam
mortis, imitalio diaboli qui mors in
Apoc. dicitur [cap. 6) designatur; quia
sicut umbra juxla qualitatem corporis
ducitur, ila actiones iniquorum de spe-
cie imitationis ejus exprimunlur. Chhys.
[ut sup.) Recte aulem dicil sedcnl ; non
enim ambulabamus in tenebris, sed se-
debamus (quasi spem liberationis non
habentes.) Theophylact. Non solum au-
tem oriens Dominus his qui in tenebris
sedent, illuminât sed aliquid amplius di-
cit : unde sequitur : « Ad dirigendos
pedes nostros in viam pacis. » Via pacis
est via justitiae ad quani direxit pedes,
id est, affectus animarum nostrarum.
Grec, {in hom. 32, in Evang.) Tune
enim gressus nostros in viam pacis di-
rigimus, quando per illud actionum iter
pergimus, in quo ab auctoris nostri gratia
non discordemus. Ambr. Simul et illud
ad verte, quam paucis Elisabetb, quam
multis Zacbarias prophetet ; et uterque
Sancto impletus Spiritu loquebatur : sed
disciplina servatur, ut raulier discere ma-
gis quce divina sunt studeat quam docere.
Puer autem crescebat et confortabatur spiritu.
78 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
rait dans les déserts jusqu'au jour où il devait paraître devant le peuple
d'Israël.
BEDE. Le prédicateur futur de la pénitence pour prêcher un jour
avec plus de liberté le détachement des plaisirs séducteurs du monde,
passe dans le désert les premières années de sa vie : « L'enfant crois-
sait, » dit le texte sacré. — Théophyl. Il croissait extérieurement en
suivant les progrès de l'âge : « Et il se fortifiait. » Les dons spiri-
tuels se développaient en même temps que le corps, et les opérations
de l'esprit se manifestaient avec plus d'éclat de jour en jour. — Orig.
{hom. 2.) Ou bien il croissait en esprit et ne s'arrêtait pas au premier
degré de perfection ; l'esprit acquérait toujours en lui une nouvelle
force, sa volonté tendant toujours vers un but plus parfait, était dans
un progrès continuel, et son âme s'élevait à des contemplations de
plus en plus divines. Sa mémoire s'exerçait pour amasser dans ses
trésors les plus pures vérités. L'Evangéliste ajoute : « Et il se forti-
fiait. » La nature humaine est faible, comme nous le lisons dans le
saint Evangile {Matlh., xxvi) : « La chair est faible, » il faut donc que
l'esprit la fortifie, car l'esprit est prompt. Il en est beaucoup qui ont
en partage la force du corps ; mais l'athlète de Dieu doit rechercher
la force de l'esprit pour détruire la sagesse de la chair. Jean-Baptiste
se retira donc dans le désert pour fuir le tumulte des villes et leurs as-
semblées bruyantes : « Et il était dans les déserts ; » là où l'air est plus
pur, le ciel plus ouvert, et Dieu plus familier. Jusqu'au temps où de-
vait commencer son baptême et sa prédication, il s'appliquait à la
prière, il conversait avec les anges, il invoquait le Seigneur, et l'en-
tendait lui dire : « Me voici. » (1) — Théophyl. Ou bien il demeurait
(1) Allusion à ces paroles d'Isaïe : « Vous invoquerez le Seigneur, et il vous exaucera; à votre
premier cri, le Seigneur répondra : Me voici. » (lviii, 9.)
et erat in desertis usque ad diem ostensionis
suœ ad Israël.
Bed. Praedicator pœnitentise futurus,
ut liberius auditores suos a niundi ille-
cebris erudiendo sustoUat, primsevam
in desertis transigit vitam : imde dicitur :
« Puer autem crescebat. » Théophyl.
Secundum corporalem œtatem : « Et
confortabatur. » Simul eniiii cum cor-
pore spirituale donum crescebat , et
spiritus operationes in eo magis ac magis
ûstendebantur. Orig. {hom. 11.) Vel
crescebat spiritu, nec in eadem perma-
nebat mensura qua cœperat ; sed semper
crescebat spiritus in eo, seinper voluntas
ejus ad meiiora tendens habebat pro-
fectus SU03, et mens divinius aliquid
contemplabatur. Exercebat se memoria,
ut pura in tbesauro suo reconderet. Ad-
dit autem : « Et confortabatur. » Infirma
enim est bumana natura : legimus enim
{Mut th. y 26) : « Caro autem infirma : »
confortanda est itaque spiritu : spiritus
enim promptus est. Multi confortantur
carne : atbleta Dei Spiritu roborandus
est, ut sapientiam carnis elidat. Unde
récessif, fugiens tumultum urbium, po-
puli frequcntiam. Sequitur enim : « Et
erat in desertis; » ubi purior aer et cœ-
lum apertius, et familiarior Deus ut quia
nondum baptismi et prsedicationis tem-
pus advenerat, vacaret orationibus, et
cura angelis conversaretur , appellaret
Dominum et illum audiret dicentem :
DE SAINT LUC, CHAP. I. 79
dans le désert pour y être élevé loin de la malice du monde, et pour
qu'un jour il put le reprendre de ses crimes sans aucune crainte ; car
s'il avait vécu au milieu du monde, peut-être l'amitié, la société des
hommes l'eussent amolli et dépravé, c'était aussi pour qu'il fût un
témoin digne de foi lorsqu'il annoncerait le Christ. Il vivait donc
caché dans le désert jusqu'à ce qu'il plût à Dieu de le montrer au
peuple d'Israël : « Jusqu'au jour de sa manifestation dans Israël. » —
S. Ambr. Il est digne de remarque que l'Evangéliste raconte le temps
de la vie du prophète dans le sein de sa mère, pour ne point passer
sous silence la présence de Marie, tandis qu'au contraire il ne dit rien
de son enfance, parce que la force que la présence de Marie lui a
communiquée dès le sein de sa mère, l'a délivré de toutes les faiblesses
de l'enfance.
« Ecce adsum. » Theophylact. Vel
« erat in desertis ; » ut extra multorum
malitiain nutriretur, et ut neminem ve-
reretur arguera : si enim fuisset in
mundo, forte fuisset amicitia et conver-
salione lioniinum depravatus : simul
etiam ut e.-set fide dignus, qui prœdica-
turus erat Christum. Ûccultabatur auteru
in desertis, donec plaçait Deo ipsum
Israelitico populo demonstrare : unde
sequitur : « Usque ad dieni ostensiouis
suae ad Israël. » Ambr. Pulchre auteiu
tempus, que fuit in utero Proplieta des-
cribitur, ne Mariœ prœsenlia taceatur ;
sed tempus siletur infantiae, eo quod
praesentia Matris Domini in utero ro-
boratur, qui infantiae impedimenta ne-
scivit.
CHAPITRE II.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
y. i_5. — Pourquoi le Fils de Dieu a \oulu naître dans un temps de paix uni-
verselle. — Pourquoi naît-il lorsque la souveraineté n'est plus entre les mains
des Juifs ? — A quelle époque se fit le dénombrement. — Sous quel gouverneur
eùt-il lieu? — Pourquoi est-il fait mention du nom de gouverneur? — Dispo-
sition divine dans le dénombrement, accomplissement des prophéties. — Pour-
quoi Bethléem est-elle appelée ville de David?— Marie était-elle de la race de
David? — Etait-elle mariée ou simplement fiancée au momentdela conception
du Fils deDieu? — Signification mystique du dénombrement, et de l'inscription
du Christ sur les registres du recensement. — Nous sommes nous-mêmes
soumis à un dénombrement spirituel. — Comment nous devons quitter la
Galilée pour aller dans la ville de Juda.
t. 6, 7. — Mode, temps et heu de la naissance du Sauveur. — Manière admi-
rable dont il vient au monde. — Pourquoi naît-il à l'époque de ce dénombre-
ment général? — Pourquoi à Bethléem. — Le nom de premier-né qui lui est
donné suppose-t-il qu'il a eu des frères? — Signification mystérieuse des cir-
constances qui accompagnent sa naissance. — Pourquoi il naît dans l'humi-
liation, la pauvreté et dans un lieu étranger.
f. 8-12. — Soin que Dieu prend d'établir la foi. — Pourquoi l'Ange n'apparaît
point aux bergers comme à Joseph. — Pourquoi apparaît-il au milieu de la
lumière? — Comment il dissipe leurs frayeurs. — Signification des différents
noms qu'il donne à l'enfant qui vient de naître. — Signes auxquels ils recon-
naîtront le Sauveur. — Comment il faut les envisager. — Signification mys-
tique de l'apparition de l'Ange aux bergers.
f, 13, 14. — Pourquoi cette apparition de la milice céleste.— Mission qui leur est
donnée. — Pourquoi chantent-ils les louanges de Dieu? — Pourquoi souhaitent-
ils la paix aux hommes? — A quels hommes. — Signification mystique de
cette apparition.
f. 15-20. — Les pasteurs se rendent à Bethléem. — Récompense de leur foi. —
Admiration de tous ceux qui les entendent. — Pourquoi Marie garde-t-elle le
silence? — Avec quel soin elle conserve tout dans son cœur. — Joie universelle
produite par la naissance du Sauveur. — Les pasteurs louent et glorifient
Dieu. — Application mystique de la conduite des bergers aux pasteurs spiri-
tuels des âmes, et aux simples fidèles.
% 21. — Circoncision de Notre-Seigneur Jésus-Christ. — La circoncision de Jésus
entraîne-t-elle pour nous, comme le veut Ebion, la nécessité de la circoncision
charnelle? — Différentes raisons pour lesquelles le Christ s'est soumis à la
circoncision. — Signification mystique de la circoncision. — Raison mystique
pour laquelle la circoncision avait lieu le huitième jour. — Nom de Jésus. —
Les élus participent eux-mêmes à la gloire de ce nom dans leur circoncision.
f. 22-24. — Marie était exempte de la loi de la purification. — Comment le Fils
de Dieu avait-il besoin d'être présenté à son Père dans le temple? — Pourquoi
la Présentation eut-elle lieu le trente-troisième jour après la Circoncision? —
Preuve que Dieu est l'auteur de la loi ancienne. — Le Sauveur se soumet à
cette prescription de la loi d'une manière toute particulière. — Comment le
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE DE S. LUC^ CHAP. II. 81
nom de saint ne convient en vérité qu'à Jésus-Christ. — Mystère profond dans
la conduite du Sauveur offrant comme homme les victimes qui lui sont offertes
comme Dieu. — Pourquoi offre-t-il les victimes des pauvres? — Signification
mystérieuse de la tourterelle et de la colombe.
fr. 25-28. — Universalité des témoignages rendus à la naissance du Sauveur. —
Pourquoi l'Evangéliste fait- il remarquer que Siméon était juste et craignant
Dieu? —Pourquoi il était véritablement juste. — Qu'attendait-il pour la con-
solation d'Israël? — Désirs ardents des saints du peuple de Dieu pour voir le
mystère de l'incarnation. — Bonheur de celui qui meurt après avoir vu le
Christ du Seigneur. — Comment nous pouvons avoir part au bonheur de
Siméon. — Etendue de son bonheur. — Que signifie l'action du vieillard Siméon
prenant l'enfant Jésus dans ses bras.
f. 29-32. — Bonheur et joie du vieillard Siméon. — Comment reconnaît-il la
divinité de l'enfant qu'il tient dans ses bras ? — Sentiments qui animent les
justes à l'égard de la vie présente. — Que doit faire celui qui désire sa déli-
vrance.— Quel est surtout l'objet des bénédictions de Siméon. — Qui procure
aux saints de mourir en paix. — Comment Jésus est-il à la fois la consolation
d'Israël et le salut préparé devant la face de tous les peuples? — Ce qu'étaient
les nations avant la venue de Jésus- Christ. — Pourquoi Siméon ne dit-il pas :
Pour être la lumière, mais : Pour être la gloire d'Israël , votre peuple ? —
Comment Jésus a été la gloire d'Israël.
f. 33-35. — Nouveau sentiment d'admiration que produit toujours la connais-
sance des choses surnaturelles. — Joseph appelé le père de Jésus, dans quel
sens. — Il était convenable qu'il portât ce nom. — Prédiction spéciale de Siméon
à la mère de Jésus. — Dans quel sens le Sauveur est-il venu pour la ruine et
pour la résurrection de plusieurs? — A qui doit-on attribuer cette ruine d'un
grand nombre? — Quels sont ceux que Siméon a surtout en vue dans cette pré-
diction.— Admirable concordance de l'Aucienet du Nouveau Testament sur les
caractères du Sauveur. — Dans quel autre sens Notre-Seigneur est-il venu
pour la ruine et pour la résurrection de plusieurs?— Que faut-il entendre
par ce signe que l'on contredira? — Double caractère de la Croix. — Ce signe
est Jésus-Christ lui-même. — Comment la prédiction de Siméon touchant Jésus
s'étend aussi à sa Mère. — Dans quel sens faut-il entendre ce glaive qui
doit transpercer l'àmc de Marie? — Peut-on l'entendre dans ce sens que Marie
au temps de la passion de son divin Fils aurait eu un moment de doute et
d'hésitation. — Comment les événements prédits par Siméon ont mis à décou-
vert les pensées d'un grand nombre. — Comment l'àme de l'Eglise est tra-
versée jusqu'à la fin du monde par le glaive des plus amères tribulations. —
Comment il est nécessaire que les pensées mauvaises des hommes soient de-
couvertes pour qu'elles soient détruites.
y. 36-38. — Pourquoi Dieu niulliplic ici le don de jjrophélie. — Pourquoi l'Evangé-
liste entre dans ces détails sur la prophétesse Anne. — Vertus qui la rendent
digne de publier les louanges du Bédempteur. — Comment peut-on sans être
veuve, avoir part au mérite de la viduitc? — Conformité de vertus entre cette
sainte veuve et Siméon. — Pourquoi ne parle-t-elle du Sauveur qu'après
Siméon? — Que représente t-elle dans le sens allégorique?
^. 39-41. — Pourquoi saint Luc omet ici les faits intermédiaires entre la Pré-
sentation de Jésus au temple et le retour à Nazareth. —Comment concilier
saint Matthieu avec saint Luc sur le motif qui détermina Marie et Joseph à
roM. V. 6
82 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
retourner avec l'Enfant Jésus en Galilée. — Pourquoi Notre-Seigneur a voulu
se soumettre aux développements successifs de l'âge. — Dans quel sens est-il
dit qu'il croissait et se fortifiait? — Peut-on dire que la nature humaine a été
absorbée par la nature divine? — Dans quel sens est-il dit qu'il se fortifiait
en esprit? — Pourquoi était-il plein de sagesse et de grâce?
t. 42-50. — Obligation que la loi imposait aux Juifs pour la célébration des
grandes solennités. — Comment les parents de Jésus pouvaient-ils se rendre
chaque année à Jérusalem , alors que la crainte d'Archelaûs devait les en
éloigner? — Dans quelle mesure l'Enfant Jésus manifeste la sagesse qui
est en lui. — Pourquoi parait-il commencer ses enseignements à l'âge de
douze ans? — Exemple de fidélité aux devoirs religieux que Jésus nous
donne. — Pourquoi reste-t-il secrètement à Jérusalem après que les jours de
la fête sont écoulés? — Pourquoi Marie et Joseph sont appelés ses parents. —
Comment ont-ils pu oublier l'Enfant Jésus en quittant Jérusalem?— Où doit-
on chercher Jésus pour le trouver. — Pourquoi ses parents le trouvent-ils trois
jours après? — Pourquoi le trouve-t-on au milieu des Docteurs les écoutant et
les interrogeant? — Nature de ses questions et de ses réponses.— Mélange de
sublimité et de faiblesse qui jette les Docteurs dans le doute et dans l'incer-
titude. — Comment la sainte Vierge lui dépeint les anxiétés de son âme pen-
dant ces trois jours. —Pourquoi appelle-t-elle Joseph le père de Jésus? —
Dans quelle pensée et dans quelle intention ses parents le cherchaient-ils? —
Comment Jésus répond à la question que lui fait sa mère. — Blâme-t-il ses
parents de ce qu'ils le cherchaient? — Les deux générations en Jésus-Christ. —
Réfutation des erreurs de Valcntin et d'Ebion. — Quel degré de croyance
doit-on accorder à ce qu'on raconte des actions de l'enfance de Jésus ? —
Leçon que Jésus nous donne dans le reproche qu'il semble faire à Marie. —
Qu'est-ce que Marie et Joseph ne comprirent pas dans la réponse de Jésus?
f. 51, 52. — En quoi se résume la vie de-Jésus depuis ce moment jusqu'à son
baptême. — Dans quel sens est-il dit qu'il descendit avec ses parents? —
Double méthode que Jésus à suivi tour à tour dans son enseignement. —
Quels sont les trois principaux devoirs qu'il nous apprend ici par son exemple.—
Comment devons-nous imiter la soumission et l'obéissance de Jésus à ses pa-
rents?— Dans quels sentiments à l'exemple de Joseph devons-nous exercer
l'autorité sur ceux qui nous sont soumis. — Pourquoi Jésus nous donne-t-il cet
exemple d'obéissance à l'âge de douze ans? — Comment Jésus se soumet en
même temps aux travaux pénibles de la condition de ses parents. — Cette
obéissance est-elle chez lui l'effet de la faiblesse? — Comment sa sainte Mère
conservait toutes ces choses dans son cœur. — Avec quel respect elle écoutait
les enseignements de son Fils. — Comment faut-il entendre ces paroles : Jésus
croissait en sagesse, etc.? — Pourquoi l'Evangéliste ajoute : Et en âge. — Ce
n'est pas comme Verbe qu'il croissait. — Son humanité était-elle soumise à
un accroissement progressif? — Pourquoi est-il dit qu'il croissait devant Dieu
et devant les hommes? — Le Verbe ne croît pas de la même manière dans
tous ceux qui le reçoivent.
DE SAINT LUC, CHAP. H.
83
f. 1-5. — Or, il arriva en ces jours qu'il parut un édit de César Auguste, pour
faire le dénombrement de toute la terre. Ce premier dénombrement se fit par
Cyrinus gouverneur de Syrie. Et tous allaient se faire enregistrer chacun dans
sa ville. Alors Joseph partit aussi de la ville de Nazareth qui est en Galilée,
et vint en Judée à la ville de David, appelée Bethléem, parce qu'il était de la
maison et de la famille de David, pour se faire enregistrer avec Marie son
épouse, qui était grosse.
BEDE. Le Fils de Dieu ayant résolu de paraître au monde dans une
chair mortelle, voulut naître d'une vierge et montrer ainsi combien
la gloire de la virginité lui était chère ; il voulut aussi naître dans un
temps de paix générale, parce qu'il devait enseigner aux hommes à
chercher la paix , et qu'il daigne visiter ceux qui aiment la paix.
Quelle preuve plus évidente de cette paix universelle que ce dénom-
brement de tout l'univers sous l'empereur Auguste, qui, vers le temps
de la naissance du Sauveur, après avoir terminé les guerres par toute
la terre, régna pendant douze ans au milieu d'une paix si profonde,
qu'il semble avoir accompli à la lettre la prédiction du prophète Isaïe (1) ?
L'Evangéliste commence donc en ces termes : « Or, il arriva en ces
jours, qu'il parut un édit, o etc. — Grec, {ou Métaphraste et le
moine Alexandre.^ Ch. des Par. gr.) Remarquez encore que Jésus-
Christ vient au monde lorsque le sceptre de la souveraineté n'est plus
entre les mains des Juifs , mais entre celles des empereurs romains
dont ils sont devenus tributaires. Ainsi se trouve accomplie la pro-
phétie qui annonçait que le sceptre ne sortirait point de Juda , ni le
prince de sa postérité , jusiju'à ce que vint celui qui devait être en-
(1) a Us changeront leurs épées en socs de charrues, leurs lances en faucilles, les nations ne
tireront plus le glaive contre leô nations : on ne les verra plus s'exercer au combat. » (Isaïe, ir, 4.)
CAPUT II.
Faclum est autem in diebus illis, exiit edictum a
Cœsare Augusto ut describeretur universus or-
bis. Hcec descriptio prima fada est a prœside
Syriœ Cyrino. Et ihant ornnes ut profilerenlur
siiujuli in suam civitalem. Ascendit autem et
Joseph a Galilœa de cioitate Nazareth, in Ju-
dceam civitalem David, quœ vocatur Bethlehem
[eo quod esset de domo et familia David) , ut
profiteretur cum Maria desponsata sibi uxorn
prœgnante.
Beda. Nasciturus in carne Dei FiliuSj
sicut de Virgine natus, virginitalis sibi
deciis ostendit esse gratissimuni ; ita
pacali:^simo tempore seculi procreatur,
quia pacem quœrere docuit, el pacis sec-
latores invisere dignatur. Nullum aulem
potuit majus esse pacis indicium, quam
iinatotum orbem descriptione concludi,
cujus moderator Auguslus tanta duode-
ciui annis eirca lempus doniinicœ nati-
vitatis pace regnavit, ut bellis toto orbe
sopitis Propbetae praîsagium ad litteram
videatur iinplosse : unde dicitur : « Fac-
tuni est autem in diebus illis, exiit edic-
tum, » etc. CiR.f.c. (vrl Metophrastes et
Alexander Monachtis,in Cat. Grœcorum
Patrum.) Tune etiam nascitur Christus,
cum principes Judœoruui defecerant, et
ad Romanos principes translatum er.it
imperium, quibus Judaei tributa solve-
baut; et sic impletur propbetia praedi-
cens, non deficere ducem de Juda, nec
principeni de femoribus ejus, donec ve-
niat qui raitteudus est. {Ccn., 49) Jam
84 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
voyé. {Gen., 49.) Ce fut la quarante-deuxième année du règne de Cé-
sar-Auguste que parut cet édit qui ordonnait de procéder au recen-
sement de tout l'univers pour établir le paiement des impôts. L'empereur
Auguste confia le soin de ce dénombrement à Cyrinus , qu'il avait
nommé gouverneur de la Judée et de la Syrie. « Ce premier dénom-
brement se fit, » etc. — BEDE. Ces paroles signifient que ce dénom-
brement fut le premier de ceux qui s'étendirent à tout l'univers,
puisque plusieurs parties du monde avaient déjà été soumises à ce
dénombrement; ou bien que l'opération du recensement commença
lorsque Cyrinus fut envoyé en Syrie (1*). S. Amb. L'Evangéliste fait
mention du nom du gouverneur , et avec raison , pour bien préciser
l'époque dont il parle ; si, en effet, on inscrit en tête des contrats de
vente le nom des consuls, n'est-il pas bien plus juste de déterminer
d'une manière certaine, par cette inscription, le temps de la rédemption
du monde ?
BEDE. Ce dénombrement, par une disposition divine, ordonnait à
chacun de se rendre dans son pays : « Et tous allaient se faire enre-
gistrer dans sa ville. » Dieu le voulut ainsi, afin que la conception et
la naissance du Seigneur ayant lieu dans deux endroits différents, il
pût échapper plus facilement à la fureur du perfide Hérode : « Alors
Joseph partit aussi de Galilée , » etc. — S. Chrys. {poiw la nativ. de
J.-C.) En publiant cet édit, l'empereur Auguste ne fût que l'instru-
ment de la Providence divine , qui voulait qu'il secondât ainsi la pré-
sence de son Fils unique à Bethléem ; car cet édit amenait nécessai-
(1*) Théophylacte^ dont tous les savants dans ces trois derniers siècles ont vulgarisé l'interpréta-
tion, a traduit ainsi ce verset en reproduisant la tradition antérieure des interprètes hellénistes :
n Ce dénombrement précéda celui de Cyrinus, gouverneur de Syrie. » On peut cependant s'en
tenir au sens de la Vulgate et répondre à toutes les difficultés en disant : que ce dénombrement
eut lieu en deux fois, et que Quirinus ayant donné à cette opération en deux actes sa forme com-
plète et absolue, son nom prévalut pour désigner l'œuvre toute entière. Voyez Tholuck, Essai sur
la ci'édibilité de l'histoire évamjélique ; Glaire, Introduction critique; etc. Darras, Histoire géné-
rale de l'Eglise, tom. IV.
vero Cœsare Auguste 42 annum imperii
peragente, exiit ab eo edictum totum
orbem conscribi, ad tributa solveiida,
quod cuidam Cyrino Cœsar commiserat,
quein Judseae et Syriœ Praesidem statuit :
uude sequitur : « Haec descriptio prima
facta est sub, » etc. Beda. Signât hauc
descriptionem vel esse earum quœ totum
orbem concluserint, quia plerœque jam
partes terrarum ssepe leguntur fuisse
descriptËb ; vel primo tune cœpisse,
quando Cyrinus in Syriam missus est.
Ambr. Pulchre aulem prœsidis nomen
addidit, ut seriem temporis designaret.
Nam si consules ascribuntur tabulis
emptionis, quanto magis redemptioni
omnium debuit tempus ascribi ?
Beda. Superna autem dispensatioue
professio census ita descripta est, ut in
suam quisque patriam ire juberetur :
secundum quod sequitur : « Et ibant
omues, ut proflterentur singuliin civi-
tatem suam. » Quod ideo factum est ut
Dominus alibi conceptus, alibi natus ,
insidiantis Herodis furorem facilius eva-
deret : unde sequitur : « Ascendit autem
et Joseph a Gabla;a, » etc. Chrys. (m
die7n natalem Christi.) Domino autem
dirigente Augustus hoc edictum ceusuit,
ut unigeniti praesentiœ famuletur : nam
DE SAINT LUC, CHAP. II. 85
rement sa mère dans cette ville prédite par les prophètes, c'est-à-dire
à Bethléem de Juda : « Joseph vint en Judée , à la ville de David,
appelée Bethléem. » — Grec, {oulrénée^ cont. les hér., m, 2.) L'Evan-
géliste désigne cette ville sous le nom de ville de David , pour nous
apprendre que la promesse que Dieu avait faite à David (que le Roi
éternel sortirait de sa race) (1), se trouvait accomplie ; c'est aussi pour
cela qu'il ajoute : « Parce qu'il était de la maison et de la famille de
David. » Par là même que Joseph était de la race de David , l'Evan-
géliste prouvait que la Vierge en descendait également, puisque la loi
divine ordonnait que les mariages fussent contractés dans la même
famille, il se contente donc d'ajouter : « Avec Marie son épouse, » etc.
— Cyril. (CA. des Pèr. cjr. co?m)iepréc.)Va.nie\iT sacré dit : sa fiancée,
insinuant que Joseph et Marie n'étaient que fiancés au moment de la
conception ; car cette conception s'est faite toute entière en dehors de
l'action de l'homme (2*).
S. Grég, {ho)7i. 8 sur les Evang.) Dans le sens mystique , le dé-
nombrement du monde s'opère lorsque le Seigneur est sur le point de
naître, parce qu'on allait voir paraître dans une chair mortelle celui
qui inscrivait le nom de ses élus sur les livres de l'éternité. — S. Ambr.
Il ne s'agit extérieurement que d'un dénombrement profane ; mais
nous y voyons s'accomplir le recensement spirituel qui se fait, non pour
le roi de la terre, mais pour le roi des cieux. La profession de la foi chré-
tienne, c'est le recensement des âmes ; l'antique recensement de la syna-
gogue n'existe plus, le nouveau recensement de l'Eglise chrétienne lui
succède. Enfin ce dénombrement doit s'étendre à tout l'univers, n'est-ce
(1) « Je susciterai ta race après toi, le fils sorti de toi, et j'affermirai son trône et son règne pour
toujours. i> 11 Reg., vu, 12 ; et^u Psaume cxxxi, 11 : «Je placerai sur votre trône un fils qui naîtra
de vous. »
(2*) Voyez la note sur les paroles de saint Matthieu : Joseph virum Mariœ.
hoc edictum matrem attrahebat in pa-
triam, quam prophetai prfedixerant ;
scilicet in Bethlehem Judae : unde di-
f'it : « Civitatem David, qufe vocatiir
Bethlehem. » Grjfx. {vel Irenscvs contra
hxr., lib. m, cap. 11.) Ideo autem ad-
didit civitatem David, ut promissionem
factam David a Deo (quod ex frur-tii
ventris ejus rex perpétuas adveniret)
jam esse coitipletam annuntiet : unde
sequitur : « Eo quod esset de domo et
familia David. » Per hoc autem quod
Joseph erat de cognatioue David, cou-
lentus fuit Evangelista ipsam quoque
Virginem de cognatione David promul-
gare: cum lex divina prseciperet conju-
gales copulas ab eadem progenie con-
trahi : unde sequitur : « Cum Maria
desponsata, » etc. Cyril, {in Cat. Grœ-
corum Patvum, vbi siip.) Dicit autem
eam fuisse desponsatam, innuens quod
solis sponsalibus prœcedentibus est con-
ceptio subsecuta ; neque enim ex virili
semine sancta Virgo concepit.
Greg. (in fiomil. 8, in Evang.) Mys-
tice autem nascituro Domino mundus
describitur ; quia ille apparebat in carne
qui electos suos ascriberetin eeternitate,
Ambr. Et diun professio secularis osten-
ditur, spiritualis implicatur , non terra-
rum régi dicanda, sed cœli : professio
ista fidei, census animarum est : abolito
enim Synagogse sensu vetuslo , novus
census Ecclesiae parabatur. Denique ut
86 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
pas vous dire que ce n'est pas le dénombrement d'Auguste, mais celui
de Jésus-Christ? car qui pouvait décréter le recensement du monde
entier, si ce n'est le Maître souverain de tout l'univers. La terre, en
effet, est à Dieu [Ps. xxiii), et non pas à César. — Bède. Il remplit
aussi parfaitement la signification du nom d'Auguste, puisqu'il a tout
à la fois la volonté et la puissance nécessaires pour augmenter le
nombre des siens (1). — Théophyl. Il convenait que le Christ rem-
plaçât la religion du polythéisme par le culte d'un seul Dieu. — Orig.
{hom. 11.) Si nous voulons y faire attention, nous découvrirons la
signification mystérieuse de l'inscription du Christ dans le dénom-
brement de l'univers. Il fut inscrit sur le registre commun à tous,
pour les sanctifier tous ; il fut compris dans le dénombrement de tout
l'univers, pour entrer ainsi en communion avec tous les hommes. —
BÈDE. De même qu'alors sous l'empire d'Auguste et le gouvernement
de Cyriuus , chacun allait dans son pays pour s'y faire enregistrer
et y déclarer ses biens ; de même aussi sous l'empire de Jésus-Christ,
qui nous gouverne par les docteurs (chefs de son Eglise), nous devons
nous soumettre au recensement qui a pour objet la pratique de la
justice. — S. Ambr. C'est donc ici le premier recensement, mais le re-
censement des âmes. Tous viennent s'y soumettre, parce que nul n'en
est excepté. Ils obéissent, non à la proclamation des officiers publics,
mais à la prédiction du prophète qui _, bien des siècles à l'avance,
avait dit {Ps. xlvi) : « Nations, applaudissez toutes des mains, chantez
la gloire de Dieu par des cris d'allégresse , parce que le Seigneur est
élevé et redoutable, qu'il est le roi suprême sur toute la terre (2*). Et
pour qu'on sache bien que c'est ici le recensement spirituel de la jus-
tice, Marie et Joseph, c'est-à-dire un juste et une vierge viennent s'y
(I) Le nom d'Auguste ne dérive du mot augere, que par une espèce d'analogie entre les deux
mots.
(2*) Nous avons dû recourir ici au texte original de saint Ambroise pour compléter la phrase
et lui donner un sens satisfaisant.
scias sensum non Augusti esse , sed
Christi, totus orbis profiter! jubetur :
quis autem poterat professionem totius
orbis exigere, nisi qui totius orbis habe-
bat imperium? Non enim Augusti, sed
« Domini est terra, » etc. [Psal. 23.)
Bed. Qui etiam vocabulum Augusti per-
fectissime complevit, utputasuos et au-
gere desideraus, et augere sufficiens.
Theoph. Convenieus etiam erat, ut per
Christum cultus multorum deorum de-
ficeret, et unus Deus coleretur. Orig.
(hom. 11.) Diligentius autem intuenti
sacramentum quoddam videtur figurari ;
quod in totius orbis professione describi
oportuit Christum; ut cum omnibus scri-
ptus sanctificaret omnes, et cum orbe re-
latus in censum, communionem sui prae-
beret orbi. Beda. Sicut autem tune im-
perante Augusto, et prœsidente Cyrino,
ibant singuli in suam civitatem, ut profi-
terentur censum ; sic modo imperaute
Christo per doctores (Ecclesise praesides)
profiter! debemus censum justitiae. Amb.
Heec est ergo prima professio mentium
Domino, eu! omnes profitenLur; non
prseconis evocalione, sed vatis dicentis
\Psal. 46y : « Omnes gentes, plaudite
manibus. » Denique ut sciant censum
esse justitiae, veuiunt ad eum Joseph et
DE SAINT LUC, CHAP. II. 87
soumettre, l'un qui devait être le gardien du Verbe , l'autre qui allait
l'enfanter. — Bède. Notre ville et notre patrie, c'est le repos bien-
heureux vers lequel nous devons nous avancer chaque jour par un
progrès continuel dans les vertus. Chaque jour la sainte Eglise, à la
suite de ses docteurs , se dégage du cercle toujours agité de la vie
mondaine (ce que signifie le mot Galilée) (1), pour venir dans la ville
de Juda (c'est-à-dire de la confession et de la louange), et y payer au
roi éternelle tribut de sa piété. A l'exemple de la bienheureuse Vierge
Marie, elle nous a conçus par l'opération de l'Esprit saint ; épouse
d'un autre, elle est fécondée par ce divin Esprit , elle est unie visi-
blement au souverain pontife, qui est son chef, mais elle est comblée
des dons et de la vertu invisible de l'Esprit saint ; son nom même nous
indique que le zèle du Maître qui enseigne ne peut rien, si l'assistance
du secours divin ne vient ouvrir le cœur de ceux qui sont ensei-
gnés.
^. &, 7. — Et pendant qu'ils étaient en ce lieu, il arriva que le temps où elle
devait accoucher s'accomplit. Et elle enfanta son premier né, elle l'enveloppa
de langes, et le coucha dans une Crèche, parce qu'il n'y avait point de place
pour eux dans l'hôtellerie.
S. AwBR. Saint Luc rapporte en très-peu de mots la manière dont
le Christ est né , le temps et le lieu de sa naissance selon la chair :
rt Pendant qu'ils étaient là, il arriva que le temps où elle devait en-
fanter s'accomplit, » etc. Le mode de sa naissance, c'est qu'une femme
qui était mariée l'a conçu, et qu'elle l'a engendré en demeurant vierge.
(1) Suivant le sens du mot hébreu que nous avons déjà indiqué, bien que la signification la
plus communément donnée g, ce mot soit celle de transmigration. Ce que l'auteur ajoute en par-
lant de la ville, de la confession et de la louange est une allusion à la signification du mot hébreu
Juda, qui veut dire confessant ou louant.
Maria; hoc est, justus et virgo : ille, qui
verbum servaret, ista, quee pareret.BED.
Civitas nostra etpatria, eslrequies beata,
ad quam crescentibus quotidie virtuti-
bu3 ire debemus. Quotidie autem sancta
Ecclesia suum comitata doctorem de
rota mundanœ conversationis (quod
Galileea sonat) in civilatem Juda (sciiicet
confessionis et iaudis) ascendens, cen-
sura suae devotioniô régi œterno persol-
vit; quae in exemplo beatfP Virginia Ma-
riae concipit nos Virgo de Spiritu ; quœ
alii quidem desponsata ab illo fecunda-
tur, dum praeposito sibi Pontifici visibi-
liter jungitur , sed invisibiii Spiritus
virtute cumulatur; indicans ipso nomine,
quod instantia loquentis magistri nil
valet, nisi augmentum superni juvami-
nis (ut audiatur) acceperit.
Faclum est autem cum essent ibi, impleti sunt
dies ut pareret. Et peperit filium suum primo-
genitum, et pannis euni involvit , et reclinavit
eum in prœsepio , quia non erat ei locus in di-
versorio.
Ambr. Breviter sanctus Lucas, et que
modo et quo tempore, et quo etiani loco
secundum carnem Chrislus natus sit,
explicavit dicens : « Factum est autem^
cum essent ibi, impleti sunt dies ut pa-
reret, » etc. Quomodo quidem; quia
nupta concepit , sed virgo generavit.
88
EXPLICATION DE L EVANGILE
— S. Grég. de Nysse. [Ch. des Pèr. gr.) En effet , en se revêtant de
notre humanité, il n'est point soumis en tout aux lois de la nature
humaine. Il naît d'une femme, il est vrai, et c'est la part de l'huma-
nité ; mais la virginité qui lui a donné naissance, montre qu'il est su-
périeur à l'homme. Cette divine Vierge l'a porté sans souffrance , sa
conception est sans tache , son enfantement sans difficulté , sa nais-
sance sans souillure , sans déchirement et sans douleurs. Celle qui a
déposé dans notre nature le germe de la mort par sa désobéissance, a
été condamnée à enfanter dans la douleur; la mère de celui qui est la
vie devait enfanter dans la joie. Il entre dans cette vie mortelle par la
pureté incorruptible d'une vierge, à l'époque de l'année où les ténèbres
commencent à diminuer, et où la longueur des nuits cède néces-
sairement devant les flots de lumière que répand l'astre du jour. En
effet, la mort du péché avait atteint le terme de sa gravité , dès lors
elle allait disparaître devant la clarté de la vraie lumière qui allait ré-
pandre sur tout l'univers les rayons éclatants de la prédication évan-
gélique.
Bède. Le Christ a daigné s'incarner encore à cette époque , afin
qu'aussitôt sa naissance , il fût compris dans le dénombrement com-
mandé par César Auguste , et soumis lui-même à la servitude pour
nous délivrer. Il naît à Bethléem, non-seulement pour prouver sa des-
cendance royale , mais à cause de la signification mystérieuse de ce
nom. — S. Grég. (Jiom. 8 sur les Evang.) Car Bethléem veut dire
maison du pain; c'est lui, en effet, qui a dit : « Je suis le pain vivant
descendu du ciel. » Le lieu donc où naquit le Sauveur était appelé
maison du pain, parce qu'on devait y voir apparaître dans une chair
mortelle, celui qui rassasie intérieurement les âmes des élus. — Bède.
Greg. Nyss. (in Cat. Grœcorum.) Ap-
parens enira ut liomo, non per omuia
legibus humaufe naturte subjicitur. Nam
quod ex muliere nascitur, Immanitatem
redolet : virginitas vero quae ortui de-
servivit , ostendit quod transcenderet
hominem. Hujus ergojucunda portatio
ortu3 immaculatus, partus facilis, absque
corruptela uativitas, nec ex luxu inci-
pienSj Dec doloribus editus : quia nam-
que ea quae uaturse uostrse mortem per
culpam inseruit, damnata est ut cum
doloribus pareret, oportebat parentem
vitae cum gaudio partum perîicere. Eo
autem tempore per incorruptionem vir-
gineam ad vitam transmigrât mortalium,
in quo diminui incipiuût tenebrae, et
nocturna inimensitas exuberantia radii
deficere cogitur : mors enim peccati fi-
nem gravitatis attigerat, sed de csetero
tendit ad uihilum propter verfe lucis
prœsentiam. quœ radiis evangelicis to-
tum oi'bem lustravit.
Bed. Eo etiam tempore dignatus est
incarnari, quo mox nalus censui Ca^sa-
ris ascriberetur, atque ob nostri libera-
tionem ipse servitio subderetur : bene
etiam non solum propter indicium regii
stemmatis, sed etiam propter uominis
sacramentum , Domiuus in Bethlehem
nascitur. Greg. (hom. 8,. in Evang.)
Betbiehem quippe doinus punis inter-
pretatur : ipse namque est qui ait :
« Ego sum panis vivus qui de cœlo des-
cendi. » Locus ergo in quo Domiuus
nascitur, domus panis antea vocabatur,
quia futurum erat ut ibi ille per natu-
ram carnis appareret^ qui electorum
DE SAINT LUC, CHAP. II. 89
Jusqu'à la consommation des siècles, le Seigneur ne cesse point d'être
conçu à Nazareth, de naître à Bethléem ; en efifet , chacun de ses dis-
ciples qui reçoit en lui la fleur du Verbe, devient la maison du pain
éternel ; chaque jour encore , il est conçu par la foi dans un sein vir-
ginal, (c'est-à-dire dans l'àme des croyants), et il est engendré par le
baptême.
« Et elle enfanta son premier né. » — S. Jér., {cont. Eelv.) Helvi-
dius s'efiforce de prouver par ce passage qu'on ne peut donner le nom
de premier né qu'à celui qui a des frères ; de môme qu'on appelle fils
unique celui qui est le seul enfant de ses parents. Pour nous , voici
notre explication : Tout fils unique est premier né , mais tout premier
né n'est pas fils unique. Nous appelons premier né , non pas celui
après lequel naissent d'autres enfants, mais celui qui est né le premier
de tous (1). En effet, si on n'est le premier né, qu'autant qu'on aura des
frères après soi, les prêtres n'auront aucun droit sur les premiers nés,
avant la naissance d'autres enfants ; car alors au défaut de ces autres
enfants, il y aurait un fils unique, il n'y aurait point de premier né.
— BEDE. Jésus est aussi fiJs unique dans sa nature àWme ^ premier
né dans son union avec l'humanité ; prem/erne dans la grâce, unique
dans sa nature. — S. Jér. [cont. Eelv.) Personne ne reçut l'enfant à
sa naissance , aucune femme ne donna à Marie les soins ordinaires,
elle seule enveloppa son enfant de langes, elle fut à la fois la mère et
oelle qui reçut l'enfant : « Et elle l'enveloppa de langes. » — Bède.
Celui qui revêt la nature de sa parure si variée , est enveloppé dans
(1) Allasion à la loi sur les premiers-nés (Nomb., xviii, 15), où Dieu dit à Aaron et à ses en-
fants : « Tous les premiers-nés seront pour toi, à condition cependant que tu recevras le prix pour
le premier-né de l'homme. »
mentes interna satietate reficeret. Bed.
Sed et usque ad consummationem seculi
Dominus in Nazareth concipi, in Betiile-
hem nasci non desinil; ciim quilibet
audientium verbi flore suscepto domum
in se œterni panis efficit ; quotidie in
utero virginali (hoc est, in animo cre-
dentium) per fidem concipitur, per bap-
tisnium gignilur.
Sequitur: « Et peperit primogenitum
suum, » etc. Hiek. {contra Ilelrid.) Ex
ho<; Helvidius nititur apprubare primo-
genitum dici non posse, nisi eiuu (jni
habeat et fratres; sicut unigenitus ilie
vocatur, qui parentibus sit solus filius.
Nos autem ita diffinimus: linigenilus
oninis est primogenitus, non oiniiis pri-
mogenilus est unigenitus. Primogeni-
tum non esse dicimus euni quem ahi
subsequuntur, sed ante quem nullus ;
alioquin si non est primogonitus, nisi is
quem sequantur et fratres, tandiu sa-
cerdotibus primogenita non debentur,
quandiu et alii non fuerint procreati ;
ne forte partu postea non sequente,
unigenitus sit et non primogenitus. Bed.
Est ctiam unigenitus in substantia Divi-
nitatis , primogenitus in susceptione
Immauitatis ; j^rimogenitus in gratia,
unigenitus in natura. Hier. {Contra
Helvidium.) Nulla autem ibi obstetrix,
nulia muliercularum soliicitudo inter-
cessit : ipsa pannis involvit infanlem ,
ipsa mater et obstetrix fuit : unde se-
quitur: «Et pannis eum involvit. «Bed.
Qui tolum muudum varie vestit ornatu,
90
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
de pauvres langes, afin que nous puissions recouvrir la robe pre-
mière de notre innocence ; celui par qui tout a été fait, voit ses mains
et ses pieds comme enchaînés, afin que nos mains soient libres pour
toute sorte de bonnes œuvres , et que nos pieds soient dirigés dans la
voie de la paix.
S. Grec, {ou Métaphraste ^ Ch. des Pèr. gr.) A quels admirables
abaissements se réduit, à quels voyages lointains s'assujettit celui qui
contient le monde entier dans son immensité 1 Dès son entrée dans le
monde, il recherche la pauvreté et la rend honorable dans sa per-
sonne. — S. Chrys. [hom. pour la naiiv. de J.-C.) Sans doute, s'il
eût voulu, il pouvait venir en ébranlant les cieux, en faisant trembler
la terre, en lançant la foudre ; il a rejeté tout cet appareil , car il ve-
nait, non pour perdre, mais pour sauver l'homme, et, dès sa naissance,
fouler aux pieds son orgueil. 11 ne lui suffit donc pas de se faire
homme, il se fait homme pauvre , et il choisit une mère pauvre, qui
n'a point même de berceau. pour y déposer son enfant nouveau né :
« Et elle le coucha dans une crèche. — Bède. Celui qui a le ciel pour
trône, se renferme dans une crèche étroite et dure pour dilater nos
cœurs par les joies du royaume des cieux ; celui qui est le pain des
anges est déposé dans une crèche, pour nous nourrir comme un trou-
peau sanctifié du pur froment de sa chair divine. — Cyril. {Ch. des
Pèr. gr.)ll a trouvé l'homme devenu charnel et animal jusque dans
son âme, et il se place dans la crèche comme nourriture , afin qu-e
nous changions cette vie tout animale pour arriver au discernement
et à l'intelligence dignes de l'homme, nourris que nous sommes, non
de l'herbe des champs, mais du pain céleste, du corps de vie. — Bède.
Celui qui est assis à la droite de Dieu le Père , manque de tout dans
pannis vilibus involvitur, ut nos stolam
primam recipere valeamus ; per quem
omnia facta suiit, manus pedesque astrin-
gitur, ut nostrai manus ad opus bonura
exertse, pedesque siut in viam pacis di-
rect!.
Gu.EC. {vel Metaphrastes, in Catena.
Grœcorian Patrum.) 0 admirabilem co-
arctationem et peregrinationeui, quam
subiit qui continet orbem ! Ab initio
captât penuriam, et eam in seipso dé-
corât (seu honorât.) Et Chrys. {hom.
in diem Christi notalem.) Nimirum si
voluisset, venire poterat, movendo cœ-
lum, concutiendo terram, emittens ful-
mina : non autem sic processit : non
enim perdere, sed salvare volebat ; et
ab ipsisprimordiishumanam conculcare
superbiam ; atque idée non tantum
homo fit, sed etiam homo pauper; et
pauperem matrem eligit, quee caret cu-
nis, quibus natum infantem reclinet. Se-
quitur enim : « Et reclinavit eum in
praesepio. » Bed. Duri praesepis angus-
tia conlinetur, oui cœlum sedes est, ut
nos per cœlestis regni gaudia dilatet ;
qui panis est angelorum, in prœsepio
reclinatur, ut nos quasi sancta auimalia
carnis suse frumento reficiat. Cyril, [in
Cat. Grœcormn Patrum.) Reperit etiam
liominem factum bestialem in anima,
et ideo in praesepio loco pabuli ponitur,
iit vitam bestialem mutantes, ad conso-
nam homini perducamur scientiam ;
pertingentes non fœnum, sed panem
cœlestem, vitse corpus. Bed. Qui autem
DE SAINT LUC, CHAP. II. 94
une pauvre retraite (1), pour nous préparer plusieurs demeures dans
la maison de son Père {Jean , xiv, % : « Car il n'y avait point de
place pour eux dans les hôtelleries. » Il naît, non dans la maison de
ses parents, mais dans un lieu étranger, et en voyage, parce que dans
le mystère de son incarnation, il est devenu la voie qui nous conduit
à la patrie (où nous jouirons pleinement de la vérité et de la vie) (2*).
— S. Grég. {hom. 8 su?' les Evang.) C'est aussi pour nous en-
seigner qu'en prenant notre humanité , il naissait comme dans un
lieu étranger, non à sa puissance, mais à la nature dont il se re-
vêtait.
S. Ambr. C'est pour vous qu'il s'abaisse à cet état d'infirmité , lui
qui est en lui-même toute puissance ; pour vous, qu'il se réduit à cette
pauvreté, lui qui possède toute richesse. Ne vous arrêtez point à ce
que vous voyez, mais considérez que c'est parla que vous êtes racheté.
Seigneur Jésus , je dois plus à vos humiliations qui m'ont racheté,
qu'aux œuvres de votre puissance qui m'ont créé. Que m'eût-il servi
de naître sans le bienfait inestimable de la rédemption ?
y. 8-12. — Or, il y avait là aux environs des bergers qui passaient la nuit dans les
champs, veillant tour à tour à la garde de leurs troupeaux. Et tout d'un coup,
un ange du Seigneur parut auprès d'eux, et une lumière divine les environna,
ce qui les remplit d'une grande frayeur. Et l'ange leur dit : Ne craignez poiiit ,
car je viens vous annoncer une nouvelle qui sera pour tout le peuple le sujet
d'une grande joie ; c'est qu'aujourd'hui, dans la ville de David, il vous est né
un Sauveur]qui est le Christ, le Seigneur. Et voici ce qui vous servira de signe
(1) Allusion à ces paroles de Jésus-Christ [Jean, xiv) : « Je suis la voie, la vérité et la vie. »
(2*) 11 y avait à Bethléem une forteresse construite autrefois par David et qui était tombée en
ruine après l'émigration des Juif)}. Elle parait avoir servi longtemps encore d'abri aux voyageurs,
pour eu\ et pour leurs bêtes de somme, comme une espèce de caravansérail. Les bergers s'y réfu-
giaient avec leurs troupeaux, cherchant un refuge sous ses arcs et ses voûtes, contre la chaleur, les
vents et la pluie, et un lieu de repos pour la nuit. C'est là, suivant une ancienne tradition que
Joseph et Marie cherchèrent un abri (Vie de Jésus-Christ, par le docteur Sepp, II partie, chap. vi.)
ad dexteram Patris sedet, in diversorio
loco eget, ut nobis in domo Patris sui
multas mansiones prœparet. [Jonn., 14.)
Unde sequilur : « Quia non erat ei locus
in diversorio. » Nascitur non in pareu-
tum domo, sed in diversorio et in via ;
quia per incarnationis mysterium via
factus est, qua nos ad patriam (ubi ve-
ritate et vita fruemur) adduceret. Greg.
[in hom. 8, in Evang.) Et ut ostenderet,
quia per humanitalem quam assumpse-
ral, quasi in alieno nascebalur ; non
secunduni potestatem, sed secunduni
naturam.
A.MUR. Propter te ergo iufirmitas, in
se potentia ; propter te inopia, in se
opulenlia : noli hoc œstimare quod cer-
nis, sed quod redinieris agnosce. Plus,
Domine Jesu, injuriis tuis debeo quod
redemptus sum, quam operibus quod
creatus : non prodesset nasci, nisi etiam
redimi profuisset.
Et paslore: erant in regione eadem vigilantes ,
et custodientes vigilias noctis super gregem
suum. Et ecce, angélus Dnmini sletit juxta il-
los, et claritas Dei circumfulsitillos, et timue-
runt timoré magno. Et dixit illis Angélus :
Nolite timere : ecee enim evangelizo vobis gau-
dium magnum , quod erit omni pnpulo ; quia
natus est vobis hodie Salvator, qui est Chris-
92
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
pour le reconnaître : Vous trouverez un enfant enveloppé de langes et couché
datis une crèche.
S. Ambr. Voyez comme Dieu prend soin d'établir et de confirmer la
foi, c'est un ange qui instruit Marie, un ange qui instruit Joseph, un
ange encore qui instruit les bergers dont il est dit : « Il y avait aux
environs des bergers qui passaient la nuit, » etc. — S. Ghrys. {Ch.
des Pèr. gr.) L'ange apparut à Joseph pendant son sommeil, comme
à un homme qu'il était facile d'amener à la foi, il apparaît visible-
ment aux bergers, et plus ignorants, et plus grossiers. Cet ange ne se
rend point à Jérusalem, il ne s'adresse pas aux scribes et aux phari-
siens, ils étaient trop corrompus et victimes de leur noire envie. Mais
ces bergers étaient simples et conservaient les habitudes patriarchales
et les traditions de Moïse. Or l'innocence est une voie sûre qui conduit
à la sagesse. — Bède. {hom.) Dans toute l'histoire de l'Ancien Testa-
ment, où les apparitions des anges aux patriarches avaient des carac-
tères si particuliers, nous ne voyons nulle part qu'ils aient apparu en-
vironnés de lumière, c'était un privilège réservé au temps où au
milieu des ténèbres, la lumière s'est levée pour les cœurs droits : « Et
une clarté divine les environna. » — S. Ambr. Jésus sort du sein d'une
mère mortelle, mais il brille du plus haut des cieux, il est couché dans
un asile terrestre, mais il resplendit d'une lumière céleste.
Grec, {ou Géom., Ch. des Pèr. gr.) Ce miracle les remplit de
frayeur : « Et ils furent saisis de crainte, » etc. Mais l'ange dissipe
bientôt cette frayeur qui les trouble : « Et il leur dit, » etc. Non con-
tent d'apaiser leur crainte, il leur inspire un vif sentiment de joie.
Entendez en effet la suite : « Voici que je vous annonce le sujet d'une
tus Dominus in civitate David : et hoc vobis si-
gnum : invenietis infantem pannis involutum
et positum in prœsepio.
Ambr. Videte quemadmodum diviaa
cura fidem astruat. Angélus Mariam ,
angélus Joseph, angélus pastores edocet ;
de quibus dicitur : « Et pastores erant
in regione eadem vigilantes , » etc.
Chrys. {in Cat. Grœcor%im Patruvi.)
Joseph quidem in somnis apparuit angé-
lus tanquani homini qui facile ad cre-
dendum induci posset : pastoribus au-
tem visibiliter quasi rudioribus: non
autem angélus ivit in Hierosolymam,
non requisivit scribas etpharisseos (erant
enim corrupti, et prœ invidia cruciaban-
tur.) Sed hi erant sinceri antiquam con-
versationem patriarcharum et Moysi co-
leutes. Est autem semila ([uaedam ad
philosophiam perducens iuaoceutia.BED.
[in fiom.) Nusquam autem in tota vete-
ris Testament! série reperimus angelos
qui tam sedulo apparuere patribus, cum
luce apparaisse : sed hoc privilegium
recte huic tempori est servatum, quando
exortum est in tenebris lumen rectis
corde {Psal. 111) ; unde sequitur : « Et
claritas Dei circurafulsit illos. » Ambr.
Ex utero funditur, sed coruscat a cœlo ;
terreno in diversorio jacet, sed cœlesti
lumine viget.
Gr.ec. (vel Geometer in Cat. Grceco-
rum Patntm.) Verum pavidi facti sunt
in miraculo : unde sequitur : « Et timue-
runt, » etc., sed angélus cum pavor in-
gruerit, fugat ipsum : unde sequitur ;
« Et dixit illis, » etc. Non solum sedat
terrorem, sed etiam alacritatem infuudit.
Sequitur enim : « Ecce enim evangelizo
vobis gaudium magnum, » etc., non soli
DE SAINT LUC, CHAP. II. 93
grande joie^ » etc., non-seulement pour le peuple juif, mais pour
tous les hommes. Quelle est la cause de cette joie, c'est cet enfantement
nouveau et vraiment admirable d'après les noms que l'ange donne à
cet enfant. Il ajoute : « Parce qu'il vous est né aujourd'hui un Sau-
veur, qui est le Christ, le Seigneur. Le premier de ces noms (celui de
Sauveur), exprime l'action; le troisième (celui de Seigneur), la ma-
jesté. — Cyril. ( Chaîne des Pères grecs.) Le nom qui est au mi-
lieu (celui de Christ), désigne l'onction, il n'exprime pas la nature,
mais l'union hypostatique des deux natures. Nous croyons que Jésus-
Christ notre Sauveur, a reçu une onction solennelle, ce n'est pas cette
onction figurative (teUe que les rois la recevaient autrefois avec l'huile
sainte), et qui était conférée par une grâce prophétique. Ce n'est point
non plus cette onction conférée pour l'accomplissement d'un grand
dessein , comme nous le voyons dans ce passage d'Isaïe (ch. xlv) :
« Voici ce que dit le Seigneur à Cyrus qui est son Christ. » Il l'appelle
son Christ, quoiqu'il fût idolâtre, parce qu'il devait exécuter le décret
de Dieu en s'emparant de toute la province de Babylone. Mais pour le
Sauveur, il a reçu l'onction comme homme et dans la forme de l'esclave
qu'il avait prise, et il donne, en tant que Dieu, l'onction de l'Esprit
saint à tous ceux qui croient eu lui.
Greg. {ou Géom.) L'ange leur fait connaître ensuite le moment de
cette naissance : « Aujourd'hui; » le lieu : « Dans la ville de David ; » et
les signes pour le reconnaître : « Et voici le signe que je vous donne, » etc.
C'est ainsi que les anges annoncent à des pasteurs le prince des pasteurs
qui naît et se manifeste comme un agneau dans une étable. — Bède.
Tout ce qui a rapport à l'enfance du Sauveur nous est clairement en-
seigné, et par les déclarations fréquentes des anges, et par les nom-
populo Judceorum, sed eliam omnibus.
Causa autem gaudii ostenditur, novus et
admirabilis partus, qui manifestatur ex
ipsis nomiuibus : nam sequitur: « Quia
natus est vobis hodie Salvator, qui est
Christus Dominus, » quorum primum
(id est, Salvator) est actionis, tertium
autem (sr;ilicet Dominus) est majestatis.
Cyril, {in Cat. (irœcorum, ubi sup.)
Sed id quod iu medio pouitur (scilicet
Christus) est unctionis, et non naturani
signilicat, sed bypostasiui coir.posilam.
In Christo enim Salvatore uuctiouein
fore celebratani falemur^ non tainen li-
guralem (sicut olini in regiijus ex oleo)
quasi ex propbetica gratia, nequo ad
perfectionem alicujus negotii, juxta illud
Isai£E {cap. 45) : « Haec dicit Dominas
Christo meo Cyro; » qui quanquam esset
idololatra, dictus est Christus, ut cœli
censura tolam occuparet Babyloniorum
provinciam : fuit autem unclus Salvator
Spiritu sanctohumanitus in forma servi;
ungcns aulcm ut Deus Spiritu sancto
credentes in eum.
Gr^c. [vel Geometer , ubi supra)
Hujus autem nativitatis et tempus os-
tendit, cum dicit: Jfodie; et locum,
cuui subdit : « In civitate David;» et
sii,nia^ cum subjungit : « Et hoc vobis
signuni, » etc. Ecce pastoribus augeli
pastorem prœcipuum pra^dicant, tan-
quam agnum in antro manifeslatum et
editum. Beda. Crebris autem iufantia
Salvatoris et angelorum pra^coniis, et
et Evangelistarum nobis est inculcala
9i
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
breiix témoignages des Evangélistes_, pour graver plus profondément
dans nos cœurs les mystères opérés pour notre salut. Et remarquez
le signe auquel ils rccounaitrout le Sauveur qui vient de naître. Ce
n'est pas un enfant enveloppé dans une pourpre éclatante, mais dans
de misérables langes, il n'est point couché sur des tapis brochés d'or,
ils le trouveront dans une crèche. — S. Maxime, {serm. sur la Nativ.)
Si ces langes vous semblent misérables, admirez le concert de louanges
des esprits célestes. Si la crèche vous inspire du mépris, élevez un
peu les yeux, et contemplez cette nouvelle étoile qui annonce au
monde la naissance du Seigneur. Vous croyez à ce qui est abaissement
dans ce mystère, croyez aussi à tout ce qu'il a de merveilleux ; et si
les humiliations qu'il renferme sont pour vous matière à discussion,
que le caractère de grandeur et de divinité dont il est empreint, soit
l'objet de votre vénération.
S. Gkég. {hom. 8 sur les Ev.) Dans le sens mystique, l'apparition
de l'ange aux bergers qui veillaient sur leurs troupeaux, et la clarté
divine qui les environna nous apprennent que ceux qui gouvernent
avec sollicitude les brebis fidèles qui leur sont confiées, sont admis de
préférence à tous les autres, à contempler les mystères les plus su-
blimes; et tandis qu'ils veillent religieusement sur leur troupeau, la
grâce divine répand sur eux des flots de lumière. — Bède. (hom.) Ces
pasteurs de troupeaux représentent en effet les docteurs et les direc-
teurs des âmes fidèles ; la nuit pendant laquelle ils veillaient tour à
tour sur leur troupeau, figure les dangers des tentations dont ils ne
cessent de défendre, s'en préservant eux-mêmes et les âmes qui leur sont
soumises. Ce n'est pas d'ailleurs sans dessein que les bergers veillent
sur leur troupeau à la naissance du Seigneur qui dit de lui-même
{Joan., x) • « Je suis le bon pasteur, » car aussi bien le temps approche
testimoniis ; ut nostris altius cordibus
quid pro nobis factum sit, infigatur. Et
notandum quod signum nati Salvatoris,
datur non tyrio exceptum ostro, sed
pannis squalentibus involutuni ; non in
ornatis auro stralorii.s, sed in prœsepi-
bus inveniendum. Maximcs. {in sei'm.
Nativ., serm. 4.) Sed si tibi panni for-
tassis vilescunt, angelos collaudantes
admirare. Si praesepe despicis, érige
parumper oculos , et novam in cœlo
stellam protestantem mundo nativitatem
dominicam contuere : si credis vilia^
crede mirifica : si de bis quae humiUta-
tis sunt disputas, quae alta sunt et cœ-
lestia venerare.
Greg. {in hom. S, in Evang.) Mystice
autem quod vigilantibus pastoribus an-
gélus apparet, eosque claritas Dei cir-
cumfulsit, boc est quod iUi prae caeteris
videre subUmia luerentur, qui fidelibus
gregibus praeesse soUicite sciunt ; dum-
que ipsi pie super gregem vigilant, di-
vina super eos latins gratia coruscat.
Beda. [in /lom. ulsvp.) Significant enim
mystice pastores illi gregum, doctores
quosque acrectoresfidelium animarum :
nox cujus vigilias custodiebant super
gregem suum, pericula tentationum in-
dicat, a quibus se siiosque subjectos
custodire non desistunt : et bene nato
Domino pastores super gregem vigilant,
quia natus est qui dicit {Joan., 10) :
« Ego sum Pastor bonus ; » sed et tem-
DE SAINT LUC, CHAP. II. 95
OÙ ce même pasteur doit ramener les brebis dispersées dans les pâtu-
rages de la vie (1). — Orig. {hom. l'2.) S'il faut nous élever à un sens
plus mystérieux, je dirai que les anges étaient comme des pasteurs
chargés de diriger les choses humaines. Alors que chacun d'eux
remplissait cette mission de vigilance, un ange vint annoncer aux
pasteurs la naissance du véritable pasteur; car les anges avant la venue
du Sauveur, ne pouvaient être que faiblement utiles à ceux qui étaient
commis à leur garde, à peine, en effet, trouvait-on dans chaque na-
tion un homme qui crut en Dieu, tandis qu'aujourd'hui tous les
peuples à l'envi embrassent la foi de Jésus.
y. i3, 14. — Au même instant, il se joignit à l'ange une grande troupe de l'armée
céleste, louant Dieu et disant : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix
sur la terre aux hommes de bonne volonté.
BEDE. Le témoignage d'un seul ange pouvait paraître insuffisant;
aussitôt donc que cet ange est venu annoncer le mystère de la nou-
velle naissance, on voit paraître la multitude des légions célestes :
« Au même instant il se joignit à l'ange une grande troupe de l'armée
céleste. » Le nom de milice céleste que donne l'Evangéliste au chœur
des anges est parfaitement choisi, car elle exécute humblement les
ordres et seconde dans les combats les efforts du chef puissant qui est
venu triompher des puissances de l'air, jeter le trouble et l'épou-
vante parmi les légions ennemies, et rendre ainsi inutiles leurs perni-
cieux desseins contre les hommes. Celui qui vient de naître est tout à
la fois Dieu et homme, c'est donc à juste titre que les anges annoncent
(t) Allusion à ces paroles de Jésus-Christ : « J'ai d'autres brebis qui ne sont pas de cette berge-
rie, il faut que je les amène, » (Jean, x, 10), et à ces autres où l'Evangéliste dit qu'il doit mourir
'1 pour réunir les enfants de Dieu qui étaient dispersés, n [Jean, xi, 52.)
pus imniincbat quo idem pastor oves
suas quœ dispersae erant ad vita3 pascua
revocarct. Orig. {hom. 12.) Ca-terum si
ad secreliorem oportet ascendere intel-
lectuni, dicarn quosdam fuisse pastores
angelos qui res humanas regerent : et
cum liorum unusquisque suaui cuslo-
diam conservaret, veuisse angelum nato
Domino, et annutiasse pastorihus quod
verus essel Pastor exortus : angeli enim
anle adventum Salvatoris parum pote-
rant commissis sibi utililatis afrerre : vix
enim aliquis unus ex siugulis geutibus
credebat in Deum : nune autem populi
accedunl ad fidem Jesu.
Et subito facta eut cum Angelo multitudo militiœ
caUstii , laudantium JJeum, et dicentium :
Gloria in altissimis Beo, et in terra pax ho-
minibus bonœ voluntatis.
Bed. Ne parva unius angeli videretur
auctoritas, postquam unus sacramentum
Dovœ nativitatis edociiit, statim multi-
tudo cœlestium agminum alfuit : unde
dicitur: « Et subito facla est cum Angelo
multitudo mililise cœlestis. » Bene cho-
rus adveniens angelorum militix cœ^ei-
iis vùcabulum accepit : qui et duci illi
potcnti iu prœlio qui ad debellandas
aereas potestates apparuit, humililer ob-
sei^undat ; et ipse potestates easdem con-
trarias, ne mortales tantuni tentare va-
leant quantum volunt, fortiter armis
cœlestibus perturbât : quia vero Deus et
homo nascitur, jure hominibus pax, et
Deo gloria canitur : unde sequitur :
96
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
la paix aux hommes, et chantent gloire à Dieu : « Ils louaient Dieu et
disaient : Gloire à Dieu au plus haut des cieux. » Un seul ange, un seul
envoyé du ciel, vient d'annoncer qu'un Dieu vient de naître dans une
chair mortelle, et aussitôt la multitude des légions célestes proclame
la gloire du Créateur. Elle témoigne ainsi de son amour pour Jésus-
Christ, et nous instruit par son exemple. Toutes les fois, en effet, que
l'un de nos frères nous fait entendre la parole de la science sacrée,
ou lorsque nous-mêmes nous repassons dans notice âme une pensée
pieuse, notre cœur, notre bouche, nos œuvres doivent aussitôt rendre
gloire à Dieu.
S. Chrys. {Ch. des Pèr, gr.) Autrefois les anges étaient envoyés
comme exécuteurs de la justice de Dieu, aux Israélites, à David, aux
habitants de Sodome, à la vallée des gémissements; maintenant au
contraire, ils chantent à Dieu un cantique d'actions de grâces, parce
qu'il leur a fait connaître sa venue parmi les hommes. — S. Grég.
{MotriL, xxviii, 7.) Ils chantent les louanges de Dieu, pour mettre
leurs concerts en harmonie avec le bienfait de la rédemption ; heu-
reux ainsi de voir les hommes réconcihés appelés à compléter leur
nombre dans les cieux. — Bède. Ils souhaitent la paix aux hommes,
en ajoutant : « Et sur la terre paix aux hommes, » etc., parce
qu'ils vénèrent des compagnons et des frères dans ceux qu'ils
avaient vus en proie à toute sorte d'infirmités et d'humiliations. —
Cyril. {Ch. des Pèr. gr.) Cette paix est l'œuvre de Jésus-Christ, il
nous a réconciliés par lui-même à Dieu son Père (I), en effaçant les
fautes qui nous rendaient ses ennemis. Il a pacifié les deux peuples
(I) C'est la doctrine de saint Paul (U Cor., v, 18 et 19 ; Ephes., n, 16 ; Coloss., i, 20, 22) , où il
traite de notre réconciliation avec Dieu par Jésus-Christ, et de la réconciliation des deux peuples
ennemis, les Juifs et les Gentils.
« Laudantium Deum et dicentiuai :
Gloria in altissimis Deo : » Uno an-
gelo, uno evangelizante nuntio natum
in carne Deum, mox multitudo militia?
cœlestis in laudem Creatoris prorum-
pit ; ut et Christo devotionem impen-
dat, et nos suo instruat exemplo, ut
quoties aliquis fratrum sacrae eruditio-
nis verbum insonuerit, vel ipsi quse pie-
tatis sunt ad mentem reduxerinms, Deo
statim laudes corde, ore, et opère red-
damus.
Chrys. {in Cat. Grœcorum, ubi sup.)
Et oliiu quidem angeli ad punieudum
mittebautur, puta ad Israelitas, ad David,
ad Sodomitas , ad gemitus convallem
(Jndicum, 2] ; nunc e contra canunt in
terra gratias agentes Deo, eo quod suum
descensum ad homines eis reseravit.
Greg. (XXYIII Moral., cap. 7.) Simul
etiam laudant, quia redeuiptioui nostrae
voces suœ exultalionis accommodant ;
simul etiam quia nos dum conspiciunt
recipi, suum gaudent numerum impleri.
Bed. Optant etiam pacem homiuibus,
cum subdunt: « Et in terra pax homi-
uibus; » quia quos infirmos prins ab-
jectosque despexerant, nascente in carne
Domino, jam socios venerautur. Cyril.
{in Cat. Grœcoriim Patrum, ubi sup.)
Hœc autem pax per Christum facta est :
reconciliavit euim nos per se Deo et
Patri, culpam bostilem de medio aufe-
rens, duos populos in unum bominem
DE SAINT LUC, CHAP. II. 97
pour n'eu faire qu'un seul homme, et a formé un seul troupeau des
habitants du ciel et de ceux qui sont sur la terre.
BEDE. Mais à quels hommes les anges souhaitent-ils la paix? Ils
l'expliquent eux-mêmes en ajoutant : « De bonne volonté, » c'est-à-
dire, à ceux qui recevront le Christ qui vient de naître, car il n'y a
point de paix pour les impies (/5«., lvii), elle est le partage de ceux
qui aiment le nom de Dieu {Ps. cxviii). — Orig. Le lecteur attentif
demandera comment le Sauveur a pu dire {Luc, xii) : a Je ne suis pas
venu apporter la paix sur la terre, » tandis que les anges chantent à
sa naissance : « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ; »
mais la question se trouve résolue par ces paroles mêmes : (f Paix
aux hommes de bonne volonté, » car la paix dont Dieu n'est pas l'au-
teur, n'est pas la paix de bonne volonté. — S. Au&. {de la Trm., xiii,
1-3.) La justice fait partie de la bonne volonté. — S. Chrys. {Ch. des
Pèr. gr.) Voyez la marche admirable que Dieu a suivie, il a fait
descendre les anges jusqu'à nous, pour faire remonter ensuite l'homme
jusqu'au ciel; le ciel s'est fait terre pour relever les choses de la
terre.
Orig. {comme précéd.) Dans le sens mystique, les anges reconnais-
saient qu'ils ne pouvaient accomplir la mission qui leur avait été con-
fiée sans le secours de celui qui seul avait la puissance de sauver, et
que tous leurs remèdes étaient inefficaces pour guérir les hommes.
Ainsi, lorsqu'un médecin d'une science supérieure arrive près d'un
malade que d'autres n'ont pu guérir, dès que ceux-ci voient la gan-
grène des plaies les plus profondes disparaître au simple toucher du
savant docteur; loin de lui porter envie, ils célèbrent les louanges du
médecin et de Dieu, qui leur a envoyé ainsi qu'aux malades, un
pacificavit, ac cœlicolas et terrenos in
UDum gregem composuit.
Beda. Quibus auleiii liouiinibus pacem
poscant , exponunt dicentes : « Bonœ
voluntatis; « eis scilieet qui suscipiuut
natuni ChrisUim : non euiiu est pax im-
piis [Isai., '■)'), sed pax limita diligenti-
bus uonien Dei. [PsuL 118.) Orig.
[hom. 13.) Sed diligens lector iuquiret
quomodo Salvator dicat 'Luc , 12) :
« Non veni pacem inittere super ter-
ram, » et nunc angeli de ejus nativitate
cantant : « In terra pax honiinibus; »
sed hoc quod pax esse dicitur in homi-
uibus bonœ voluntalis, solvit quœstio-
nem : pax enini quam non dat Dominus
super terram, non est pax bonœ volun-
tatis. AuG. (Xill de Trin., cap. 13.)
TOM. V.
Perlinet enim justitia ad bonani volun-
tateni. Chrys. {in Cat. Gracorum, ubi
Slip.) Aspice autem mirauduiu proces-
sum ; augelos ad nos deduxil prius^ ac
deinde duxit liominem ad superna : fac-
tuni est cœlum terra, cum terrena de-
beret recipere.
Orig. {ut sup.) Mystice autem vide-
banl angeli se opus quod eis creditum
fuerat, implere non posse absque eo
qui vere salvare poterat; et medicinam
suam inferiorem esse quam hominum
cura poscebat. Unde sicut si veniat ali-
quis qui babeat summam in niediciua
notiliam, et illiquiprius sanari nequive-
rant, cémentes ad niagistri nianus, pu-
tredines cessare vulnerum, non iuvi-
deant, sed in laudem medici erumpant,
7
98 EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
homme d'une science si éminente ; c'est ainsi que la multitude des
anges loue et remercie Dieu d'avoir envoyé Jésus-Christ sur la terre.
f. 13-20. — Après que les anges se furent retirés dans le ciel, les bergers se dirent
l'un à l'autre : Passons jusqu'à Bethléem, et voyons ce prodige qui est arrivé,
que le Seigneur a fait et qu'il nous a fait connaître. S' étant donc hâtés d'y aller,
ils trouvèrent Marie et Joseph, et l'enfant couché dans une crèche. Et l'ayanf
vu, ils reconnurent la vérité de ce qui leur avait été dit de cet enfant. Et tous
ceux qui l'entendirent, admirèrent ce qui leur avait été rapporté par les bergers.
Or Marie, conservait toutes ces choses les repassant dans son cœur. Et les bergers
s'en retournèrent glorifiant et louant Dieu de toutes les choses qu'ils avaient
entendues et vues, selon ce qu'il leur avait été dit.
Grec. {Géomét.) L'apparition de l'ange, son récit, jetèrent les ber-
gers dans un grand étonnement ; ils laissèrent donc leurs troupeaux
et partirent cette nuit-là même pour Bethléem, à la recherche de cette
lumière du Sauveur : « Et ils se disaient l'un à l'autre, » etc. — Bède.
C'est le langage d'hommes qui veillent véritablement; ils ne disent
pas : voyons cet enfant, mais voyons le Verbe qui a été fait, c'est-à-
dire, voyons comment ce Verbe qui a été de tout temps a été fait
chair pour nous, car ce Verbe c'est le Seigneur, comme la suite l'in-
dique : « Que le Seigneur a fait et nous a révélé, » c'est-à-dire,
Yoyons comment le Verbe s'est fait lui-même, et nous a manifesté sa
chair. — S. Ambr. Voyez avec quel soin la sainte Ecriture pèse le
sens de chacune des paroles qu'elle emploie ; en effet, celui qui voit la
chair du Seigneur, voit le Verbe qui est le Fils de Dieu. Gardez-vous
de faire peu de cas de cet exemple de foi, parce qu'il vous est donné
et Dei, qui sibi segrotantibusque tantae
scientiae hominem miserit, sic multitudo
angelorum pro Cliristi adventu Deum
laudat.
Et factum est , ut dicesserunt ah eis angeli in
cœlum, pastores loquebantuv ad invicem
relata stuporem ingesserunt Ipastoribus ,
et sic ovilia sua omiseruut , et profecti
suut nocte Betlileliem, lucem indagantes
Salvatoris : uude dicitur : « Et loque-
bautur ad invicem , » etc. Bed. Vere
quasi vigilantes non dixerunt : « Videa-
mus puerum, » scd « verbuui quod fac-
transeamus usque Dethlehem, et videamus hoc \ ^^y^^ gg|-^ „ j^j ggj^ Verbuiu quod semper
Verbum quod factum est {l), quod fecitDominus j ^^^. videamus quomodo pro nobis caro
et ostendit mbis. Et venerunt festmantes , et siquidem hoc ipsum Verbum
invenerunt Mariam et Joseph, et infantem po- !. '^ ., ^ . r^l
situminprœsepio.Videntesautemcognovevunt\^0^^'^^^^ est : sequitur eumi : « Quod
de Verbo quod dictum erat mis de puero hoc. ' iecit Uominus et ostendit nobis, » id
Et omnes qui audienmt, mirati sunt,et de his î est, videamus quomodo Verbum ipsum
quœ dicta erant a pastoribus ad ipsos. Maria I se fecerit , et ostenderit nobis carnem
autem consenabat omnia verba hœc, conferens guam. AmBR. Vide quam singulariter
in corde suo. Et recersisunt pastores, glorifi- gcriptura singulorum libret momenta
cantesetlaudantesneumtjiormibusquœau- ^^^^^^^^ , elenim cum videtur caro
dierant et mderant, srcut dœtu>n est ad Mos. ^^^^. ^.^^^^^^ ^,^^^^^^^ ^^^^ ^^^ ^.^.^^^
Gr^c. [Geomet.) Quœ visa sunt et Non médiocre fidei libi hoc videatur
(1) Nous laissons cette variante contraire au texte des Bibles corrigées, à cause de l'explication
de Bède ci-apros.
DE SAINT LUC, CHAP. II. 99
par de pauvres bergers, Dieu recherche la simphcité et rejette les
prétentions orgueilleuses : « Et ils se hâtèrent de venir, » etc. Per-
sonne ne doit chercher Jésus-Christ avec négligence. — Orig. {hom.
13.) Pour récompense de leur pieux empressement, « ils trouvèrent
Marie (qui avait enfanté Jésus), Joseph (le protecteur de la naissance
du Seigneur), et l'enfant couché dans une crèche, » c'est-à-dire, le
Sauveur lui-même. — Bède. [1 est dans l'ordre qu'après avoir rendu
à l'incarnation du Verbe les honneurs qui lui sont dus, on soit admis
à contempler la gloire elle-même du Verbe : « Et l'ayant vu, ils re-
connurent la vérité de ce qui leur avait été dit, » etc. — Grec, {c'est-
à-dire Photms, Ch. des Pèr. gr.) Ils contemplent avec foi dans le
secret de leurs cœurs l'accomplissement de l'heureuse nouvelle qui
leur a été annoncée, et non contents de ce sentiment d'admiration, ils
racontaient tout ce qu'ils avaient vu et entendu, non-seulement à
Marie et à Joseph, mais à tous ceux qu'ils rencontraient, et (ce qui est
mieux encore) ils le gravaient dans les cœurs ; « Et tous ceux qui
l'entendirent admirèrent, » etc. Et quel plus juste sujet d'admiration
que de voir celui qui habite dans les cieux, s'unissant à la terre pour
la réconcilier avec les cieux^ et cet ineffable petit enfant, unissant
étroitement ensemble les choses célestes par sa divinité , avec les
choses terrestres par son humanité, offrant ainsi une admirable al-
liance entre ces deux natures intimement unies en lui-même. — La
Glose. L'objet de cette admiration n'est pas seulement le mystère de
l'Incarnation, mais le témoignage si frappant des bergers, iucapa])les
d'imaginer ce qu'ils n'auraient pas entendu, et qui publiaient la vé-
rité avec une éloquence pleine de simplicité.
exemplum , quod vilis sit persona pas-
torum : simplicitas enim quarilur, non
ambitio desideralur : sequitur : « Kt ve-
nerunt festinantes : » nemo fnim cum
desidia Cliristmn reqnirit. Onic. (hom.
43.) Quia vero festinantos venenint, et
non pedelenlim, ideo sequitur : « El in-
venenint Mariam (quae scilicet fudit
Jesum in partu) : et Josepli (scilicet dis-
pensatorem ortus dominici) , et infan-
teni posilum in prœsepio , » scilicet
ipsum Salvatorem. Bkd. Est autem ju^Li
orùiuis, ul honore di^'no celebrata Verbi
incarnalione, ad ipsam quandoque Verbi
gloriam intuendani peiiinfiraiar : unde
sequitur : « Videntes autem , cognove-
ruut de Verbe quod dictum erat, » etc.
Gr.ec. {id est , Phntius, in Cal. Grœco-
7-um Pa/rum, «6« 5»iJ.)0ccultata scilicet
fide felicia relata contuentes, nec con-
tenti de veritate stupere, quse primitus
videraut et perceperant Angelo nuu-
tiante, non solum Mariaj et Joseph pro-
mebant, sed etiam caeteris, et (quod est
amplius) eorum mentibns infigebant :
uude sequitur : « El omnes qui audie-
runt, niirali sunt, » etc. Quoniodo enim
non erat miraudum, videre cœlicolam in
terrenis, et terrani pace conciliari cœ-
lestibus, et ineffabilem illum infantulura
numine quidem cœlestia , humanilale
vero terrestria couneclentem ad invi-
ceni, et sui compagine fœdus mirandum
pra;stantem ? Glos. Nec solum mirantur
de incarnationis niysterio, sed etiam de
tantapastorum atlestatione, qui fingere
inaudita nescirent, sed simplici facundia
vera prœdicarent.
dOO
EXPLICATION DE f/ÉVANGILE
S. Ambr. Gardez-vous de mépriser comme de peu d'importance les
paroles des bergers, car Marie recueille ces paroles pour confirmer
sa foi : « Or Marie conservait toutes ces choses en elle-même , les re-
passant dans son cœur. Apprenons quelle était en toutes choses la
chasteté de Marie ; non moins pure dans ses paroles que dans son
corps, elle repassait dans son cœur les preuves de la foi, — Bède.
{hom.) Fidèle observatrice des lois de la pureté virginale, elle ne vou-
lait révéler à personne les mystères du Christ qu'elle connaissait, mais
elle rapprochait les prédictions qu'elle avait lues, de leur accomplis-
sement qu'elle avait sous les yeux, et sans en rien publier elle gardait
tout renfermé dans son cœur.
Grec, [ou Métaphraste, Ch. des Pèr. gr.) Tout ce que l'ange
avait dit à Marie, t mt ce qu'elle avait appris de Zacharie et d'Elisa-
beth elle le conservait dans son âme, elle en faisait le rapprochement,
et cette Mère de la sagesse en admirait la parfaite harmonie, qui lui
faisait reconnaître un Dieu dans celui dont elle était la Mère.
S. Athan. [Ch. des Pèr. gr.) La naissance de Jésus -Christ était le
sujet d'une joie universelle, non pas d'une joie toute humaine comme
celle qu'inspire la naissance d'un enfant ordinaire , mais d'une joie
céleste produite par la présence du Christ et par l'éclat de la lumière
divine : « Et les bergers s'en retournèrent glorifiant et louant Dieu de
tout ce qu'ils avaient entendu. » — Bède. De ce qu'ils avaient entendu
des anges , et de ce qu'ils avaient vu à Bethléem, selon ce qui leur
avait été dit. Ainsi ils glorifient Dieu de ce qu'ils ont trouvé celui
qu'on leur avait annoncé ; ou bien encore ils glorifient, ils louent Dieu,
selon ce qui leur avait été dit par les anges qui ne leur en avaient
Ambr. Ne contemnenda putes quasi
vilia verba pastorum, a pasloribus enim
Maria coUigit fidem : undi3 sequitur :
(( Maria autem couservabat onmia verba
haec, eonfereiis iii corde suo. » Discamus
sauctœ Virgiuis in omnibus castitatem ;
quae non minus ore pudica quam cor-
pore , argumenta fidei conferebat in
corde. Beda. {in hom.) Virgiualis enim
pudicitiœjura custodiens, sécréta Ghristi
quaenoverat, nemini divulgare volebat,
sed conferebat ea qu£e facienda legerat,
cum his quse jam facta cognovit, non
ore promens , sed clausa in corde cus-
todiens.
Gr.^cus. [vel M etaph vastes, in Cat.
Grœcorum Patrum , ubi sup.) Quicquid
etiam ei dixerat Angélus, quicquid a Za-
charia et Elisabetb, et pastoribus audie-
rat , cuncta congerebat in mente ; et ad
invicem comparans , unam in omnibus
Mater sapientiae cernebat concordiam :
vere Deus erat qui natus erat ex ea.
ÂTHANAS. {in Cat. Grœcorum Patrum,
ubi sup.) Siuguli autem in Ghristi nati-
vitate exultabant; non bumanitus (sicut
in puero nato soliti sunt liomines cou-
gaudere) , sed in Ghristi prsesentia et
lucis divinte fiilgore : unde sequitur :
«Et reversi sunt pastores, glorificantes
et laudantes Deuni in omnibus qiiœ au-
dierant. » Beda. Scilicetab angebs; «et
viderant (scilicet in Betbleliem) sicut dic-
tumestad illos; » id est, in hoc glorifl-
canl, quod non aliud venientes iuvene-
rant quam dictum est ad illos ; sive
« sicut dictum est ad illos, n gloriam Deo
laudesque referuut : etenim hoc illis fa-
DE SAINT LUC, CHAP. II. 101
point fait une loi, mais leur offraient un modèle parfait de religion
dans l'hymne de gloire qu'ils avaient chanté à Dieu au plus haut
des deux.
BEDE. (Aom.) Dans le sens mystique, les pasteurs du troupeaudes âmes,
disons mieux, tous les fidèles, à l'exemple de ces bergers doivent aller
par la pensée jusqu'à Bethléem, et célébrer par de dignes hommages
l'incarnation du Christ. Mais commençons par rejeter bien loin toutes
les basses concupiscences de la chair avant de nous élever sur l'aile
des plus ardents désirs de notre cœur jusqu'à la Bethléem céleste
(c'est-à-dire la maison du pain vivant) (4)^ où nous serons rendus dignes
de voir régner sur le trône de Dieu le Père, celui que les bergers ont
mérité de voir pleurant et gémissant dans la crèche. Point de négli-
gence_, point de langueur dans la recherche d'un si grand bonheur,
c'est avec ardeur qu'il faut suivre les pas de Jésus-Christ. Après qu'ils
eurent vu, ils connurent, et nous aussi , hàtons-nous de recevoir avec
un cœur plein d'amour tout ce qui nous est dit sur le Sauveur du
monde, afin que nous puissions arriver à le connaître parfaitement
dans les splendeurs de la vision des cieux. — Bède. {sur S. Luc.) Les
pasteurs du troupeau du Seigneur vont aussi contempler la vie des
Pères qui les ont précédés, et où se conserve le pain de vie, comme
s'ils entraient dans la ville de Bethléem; et ils y trouvent la beauté
virginale de l'Eglise, c'est-à-dire Marie ; la noble cohorte des docteurs
spirituels, c'est-à-dire Joseph, et l'humble avènement du Christ inscrit
dans les pages de la sainte Ecriture , c'est-à-dire , Jésus-Crist enfant
couché dans la crèche. — Orig. {hom. 13). Ou bien cette crèche est
celle qu'Israël n'a point connu, d'après ces paroles d'Isaïe : « Le bœuf
(1) AllnsioD à la signification hébraïque du mot Bethléhem, et à ces paroles de Jésus-Christ
« Je suis le pain vivant, o etc.
cere dictum est al) angelis; non quidem I vestigia. Videntes auteni coguove
verbo imperantibus, sed formam suoe
devotionis offerentibus cum Deo in
excelsis gloriam resonarent.
Beda. {in homil.) Mystice autem in-
tellectualium pastores greguni (inio
cuncti fidèles) exemple horum pasto-
rum , transeant cogitatione usque in
Betblehem, et incarnationem Christi di-
gnis célèbrent honoribus. Transeamus
runt : et nos quse dicta sunt de Salva-
tore nostro plena dilectione festineraus
amplecti, ut hoc in futuro perfectai co-
gnitionis visu comprehendere valearaus.
Bed. (super Luc.) Dominici eliain gregis
pastores prœcedentium Patrum vitara
(in qua panis vitae servatur) quasi Be-
thléhem portas contemplando subeunt;
nihilque in bac aliud reperiunt, quam
autem abjectis concupiscentiis carnali- virginalem Ecclesiœ pulchritudinem,
bus toto mentis desiderio usque in Be- 1 quasi Mariam ; virilem spiritualium
thlebem supernam (id est, domum panis I doctorum cœtum, quasi Joseph ; et hu-
vivi) , ut quem illi in prœsepio videre | milem Christi adventum Scriplune pa-
vagientem, nos in Patris solio mereamur j ginis sacrai iusertuui: « quasi in prœsepio
videre regnantem. Non e?t autem tanta ! positumCbristum infantem.»ORiG.(^o;«.
beatitudo cum desidia ac torpore quje- 1 13.) Vel prsesepe illud erat quod Israël
rends, sed alacriter sunt Christi sequenda ! non cognovit , seeundum illud Isaiae
102
EXPLICATION DE L EVANGILE
a connu celui à qui il appartient , et l'âne l'étable de son maître ;
— Bède. (m hom.) Les bergers n'ont point enseveli dans le silence les
mystères qui leur avaient été manifestés , parce que les pasteurs de
l'Eglise sont établis pour enseigner aux fidèles les vérités qu'ils ont
puisées dans les saintes Ecritures. — Bède. {sur S. Luc.) Ajoutons
encore que les pasteurs du troupeau des âmes, tandis que tous les
autres se livrent au sommeil, tantôt s'adonnent à la contemplation des
choses célestes, tantôt parcourent la vie des saintspour recueillir leurs
exemples , et reprennent ensuite par l'enseignement l'exercice du
ministère pastoral. — Bède. {hom.) Chaque fidèle, même celui qui
semble renfermé dans la vie privée , remplit l'office de pasteur, s'il
prend soin de recueillir une multitude de bonnes œuvres et de chastes
pensées, de la gouverner dans une sage mesure , de la nourrir des
pâturages de la sainte Ecriture, et de la préserver des embûches du
démon.
^.21. — Le huitième jour où l'enfant devait être circoncis étant arrivé, il fut
nommé Jésus qui était le nom que l'ange avait annoncé avant qu'il fût conçu
dans le sein de sa mère,
BÈDE. {hom. sur la circoncis.) Après le récit de la naissance du
Sauveur , vient celui de la circoncision : « Lorsque les huit jours
furent accomplis pour circoncire Tenfant. » — S. Amb. Quel est cet
enfant? celui dont il a été dit {Isaïe, ix) : « Un enfant nous est né;
un fils nous a été donné ; » car il s'est assujetti à la loi pour racheter
ceux qui étaient sous la loi. — S. Epiph. {Ch. des Pèr. gr.) (1). Les
sectateurs d'Ebion et de Cériuthe nous disent : Il suffit au disciple
(1) Liv. I contre les Hérésies, hérésie 30, qui est celle des Ebionites, ou bien suivaut une autre
indication. (Num., 26 et 27.)
(cap. 1) : « Cognovit bos possessorem
snum, et asiaus prœsepe domini sui. »
Beda. [in homil. iit svp.) Non celavere
autem silentio paslores quee agiioverant :
quia Ecclesiœ pastores ia hoc ordinati
sunl ut quae in Scripturis didicerunt,
auditoribus ostendant. Beda. [super
I.vc.) Magistri cliam spiritualium gre-
gum modo cseteris dormientibus con-
teuiplando cœlestiasubeunt, modo fide-
lium exempla quserendo circumeuut,
modo ad publicum pastoralis offlcii do-
cendo revertuntur. Beda. {in hom. ut
sup.) Uijusquisqiie etiani qui privatus
vivere creditur, pastoris officiam tenet.
si bonorum acluum coqitationuuique
mundarum aggregans multitudinem,
hanc juste modpramine subernare.
Scripturarum pastu uutrire , et contra
dfemonum iusidias servare conteudit.
Et postquam consummati sunt dies octo, ut rir-
cwncideretur puer , vocatum est nomen ejus
Jésus : quod vocatum est ab Angelo priusquam
in utero conciperetur.
Bed. {in hom. C'ircumcis. I)om.)
Exposita nativitate Dominica, subjungit
Evangelista , atquo ait : « Et postquam
consummati sunt dies octo ut circumci-
dereturpuer. » Ambr. Quispuer, nisi ille
de quo dictum est [Isai., 9) : « Puer na-
tus est nobis, et filius datus est nobis?»
Factus est enim sub legi', ut eos qui sub
lege erant , lucrifaceret. [Galat. 4.)
Epiph. [in Cat. Crœcj. Patrxim.) Dicunt
autem Ebionis et Cerinthi sequaces :
DE SAINT LUC, CHAP. II.
103
d'être comme son maître ; le Christ a été circoncis , vous devez donc,
vous aussi, vous soumettre à la circoncision. Ces hérétiques sont dans
l'erreur et détruisent leurs propres principes. En elfet , si Ebion ad-
mettait que c'est le Christ Dieu descendu des cieux qui a été circoncis
le huitième jour, il fournirait une preuve eu faveur de la circon-
cision; mais il affirme que le Christ n'est qu'un homme. Or, cet
enfant ne peut être la cause déterminante de sa circoncision, pas plus
que les enfants ne sont les auteurs de leur propre circoncision. Pour
nous, nous professons que le Christ est le Dieu descendu du ciel,, qu'il
a séjourné dans le sein d'uue vierge le temps voulu par les lois de la
nature, jusqu'au moment où la chair de son humanité a été entière-
ment formée de ce sein virginal ; c'est dans cette chair qu'il a été cir-
concis le huitième jour en réalité, et non en apparence. Or, puisque
les figures sont parvenues à leur accomplissement spirituel , ni lui , ni
ses disciples ne doivent chercher à propager ces figures , mais la vé-
rité seule. — Orig. {hom. lA.) Car de même que nous sommes morts
avec Jésus-Christ daus sa mort, et que nous sommes ressuscites dans
sa résurrection ; nous avons été circoncis avec lui . et nous n'avons
plus besoin de la circoncision charnelle.
S. Epiph. Le Christ s'est soumis à la circoncision pour plusieurs
raisons ; premièrement, il a voulu prouver ainsi la vérité de sa chair
contre les Manichéens et ceux qui prétendent qu'il n'est venu sur la
terre qu'en apparence; secondement, il a fait voir par là que son corps
n'était pas consubstantiel à la divinité , comme le soutient Apolli-
naire , et qu'il ne l'avait point apporté du ciel comme l'affirme Va-
lentin; troisièmement, il a voulu confirmer, par son exemple, la loi
de la circoncision qu'il avait autrefois instituée comme préparation à
« Sufficit discipulo , si sit sicut magister
ejus : circumcidil autem se Cliristiis. tu
ergo circumcidaris. » Fallunliir autem
deslruenfes sua principia : si enim fate-
retur Ebion Christum Deum cœlitus
desceiideutem octavo die fuisse circum-
cisuin, tune praeberet circumcisioni ma-
teriam arpunienti ; sed cuni nudum
hune asserit lioniinera , non puer est
causa ut circumcidatur, sicut nec infan-
tes sunt suae fircunicisionis aucLores :
nos autem Deum ipsum fatemur coililus
descendisse, et in claustri) virgineo mo-
ram debitam fœlibus protraxisse, quoad-
usque sibi ex utero virgineo humanita-
tis carnem perfecte componeret; in qua
circumcisus est veraciter, non apparen-
ter, octavo die ; quatenus cum ad spi-
ritualem effectum ficrurœ pervenerint,
tam ab ipso quam a suis discipulis di-
vulgentur non ultra figurée, sed veritas.
Orig. {homil. 14.) Sicut enim mortui
sumus cum illo moriente, et consurrexi-
mus resurgenti , sic cum eo circumcisi
suraus : unde nequaquam nunc indige-
mus circumcisione carnali.
F'>ipn. Pluribus autem ex causis cir-
cumcisus est Cbristus : et primo quidem,
ut oslendat carnis veritatem contra Ma-
nicl);rum, et illos qui apparenter eum
di( mit prodiisse ; deinde ut pateat quod
nequaquam Deitati consubstantiale cor-
pus exliterit, ut fatur ApoUinaris; neque
cœlitus detulit illud , ut asserit Valenti-
'nus; et ut confirmet circumcisionem,
quam olim instituerat ejus adventui
104
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
sa venue ; quatrièmement enfin , il a voulu ôter ainsi aux Juifs toute
excuse, car s'il n'avait pas reçu la circoncision, ils auraient pu ob-
jecter qu'ils ne pouvaient recevoir un Christ incirconcis. — Bede.
[hom. comme précécl.) Il voulait encore nous recommander fortement,
par son exemple , la vertu d'obéissance, et aussi aider, en compatis-
sant à leurs maux, ceux qui succombaient sous le joug pesant de la
loi. Il fallait que celui qui venait, revêtu de la chair du péché, se sou-
mit au remède institué pour purifier la chair ; car sous la loi , la cir-
concision avait comme remède salutaire contre la plaie du péché ori-
ginel la même efficacité que le baptême sous le régime de la grâce.
Disons cependant qu'on ne pouvait encore entrer dans le royaume cé-
leste, on était admis après la mort dans le sein d'Abraham , pour y
jouir d'un doux repos, ety attendre, dans une bienheureuse espérance,
l'entrée du séjour de la paix éternelle. — S. Athan. La circoucision
qui avait lieu sur cette partie du corps, qui est la cause de la nais-
sance corporelle, ne signifiait autre chose que le dépouillement de la
génération charnelle. On la pratiquait alors comme signe du baptême
que le Christ devait instituer. Aujourd'hui donc que nous possédons
l'objet figuré , la figure a cessé d'exister ; puisque la chair du vieil
homme se trouve détruite tout entière par le ])aptême, l'incision figu-
rative d'une partie de la chair est maintenant superflue.
S. Cyril. {Ch. des Pèr. gr.) C'était la coutume chez les Juifs de cé-
lébrer la circoncision de la chair le huitième jour , car c'est le hui-
tième jour que le Christ est ressuscité, et qu'il nous a donné l'idée de
la circoncision spirituelle par ces paroles : « Allez , enseignez toutes
les nations, les baptisant, » etc. — Bède. La résurrection de Jésus-
servientem : quin etiam ut nuUa sit
Judœis excusatio : nam nisi circumcisus
fuisset, objicere poteraut quod uou pos-
sunt incircumcisum Christum recipere.
Bed. [in hom. nt sup.) Ut etiam nobis
obediendi Airtutem commeudaret exem-
plo , et ut eos qui sub lege positi, legis
onera portare nequierant, sua coinpas-
sione juvaret; ut qui in similitudioe
carais peccati adveiiit , remedium quo
caro peccati cousueverat mundari, non
respuat : idem enim salutiferae curatio-
nis auxilium circumcisio in lege contra
originalis peccati vulnus agebat, quod
nuuc baptismus revelatse gratiae tem-
poro consuevit; excepto quod regni
cœlestis januam nondum iutrare pote-
raut, sed in siuu Abrahse post mortem
beata requie cousolati supernœ pacis
ingressum spe felici exspectabant.
Athan. Nihil enim aliud exprimebat
circumcisio, nisi generationis vetustae
spoliationem, per hoc quod circumcide-
batur pars corporis, quse corporalis na-
tivitatis causa existit. Hoc auteni tune
temporis agebatur in signum futuri per
Christum baptismatis. Idcirco postquam
venit siguatum^ cessavit figura : ubl
uauKjue tota vetustas tollitur per bap-
tismum, superfluum est quod partis sec-
tio praefigurat.
Cyril, (iii Cat. Grxcorum Patrum,
uhi sup.) Octavo autem die cousuetum
erat carnalem celebrari circumcisionem :
octavo enini die Christus a mortuis re-
surrexit, et insinuavit nobis spiritualem
circumcisionem, dtcens [Matth-, li) :
« Euntes, docete omnes geutes bapti-
zantes eos. «Beda. In ejus autem resur-
rectione prfefigurata est utraque nostra
DE SAINT LUC, CHAP. II. 105
Christ est la figure de notre double résurrection , de celle du corps et
de celle de l'âme. En effet, par sa circoncision , il nous enseigne que
c'est par lui que notre nature peut dans cette vie être purifiée de la
souillure des vices, et qu'au dernier jour elle doit être délivrée de la
corruption du tombeau. De même que le Seigneur est ressuscité le
huitième jour, c'est-à-dire après le septième jour du sabbat, nous aussi,
après les six âges du monde , après le septième âge du repos des
âmes qui, en attendant, s'écoule dans l'autre vie , nous ressusciterons
comme au huitième âge. — S. Cyril. Pour obéir encore aux prescrip-
tions de la loi , le Seigneur reçut le même jour le nom qui lui était
destiné : « On lui donna le nom de Jésus. » Ce nom signifie Sauveur^
car il est né pour le salut du monde entier , salut dont sa circoncision
était la figure selon ce que l'Apôtre dit auxColossiens (cliap. ii) :«Vous
avez été circoncis d'une circoncision qui n'est pas faite de main
d'homme, mais qui consiste dans le dépouillement du corps charnel.
— BEDE. C'est le jour même de sa circoncision que son nom lui a été
donné, conformément à la coutume ancienne. En effet, Abraham, qui
reçut le sacrement figuratif de la circoncision, mérita cejour-là même
de voir son nom augmenté par une bénédiction spéciale (1). — Orig.
(hom. 14.) Le nom glorieux de Jésus, digne de tous les honneurs, ce
nom qui est au-dessus de tous les noms, ne devait être ni donné
ni choisi par les hommes , aussi l'Evangéliste ajoute-t-il d'une ma-
nière significative : « Nom que l'ange lui avait donné, » etc. — Bède.
Les élus eux-mêmes se réjouissent d'être rendus participant de la
gloire de ce nom dans leur circoncision ; car de même que les chré-
(1) Son nom Abram, fut changé en celui d'Abraham, qui signifie père d'un grand nombre de
nations.
resurreclio, et carnis, et spiritus ; Chris- 1 uon manufacta in expoliatione corporis
tus enim circumcisus nostram naturam i carnis, » scilicet in circumcisione Chrisli.
docuit, et nunc per ipsum a vitiorum Beda. Sed et hoc quod eodem die suae
labe purgandam, et in novissimo die a , circumcisionis uomen accepit, ad imita-
mortis peste restaurandara; et sicut
Dominas octave die, hoc est post septi-
mam sabbati, resurrexit, ita et ipsi post
sex liujus sBecuU aetates , et septimam
sabbati animarimi, quae nunc intérim in
tiouera prisca^ observationis fecit. Abra-
liam enim qui prirauni circumcisionis
sacramentum accepit, in die suuî cir-
cumcisionis ampUficatione nominis bene-
dici promeruit. {Gen. il.) Orig. {/lom.
alia vita geritur , quasi octavo tempore i 14.) Nomen autem Jesu gloriosum,
surgemus. Cyril, {ubi sup.) Secundum omniquc cultii dignissimum , nomen
autem legis praeceptum eodem die im- quod est super omne nomen, uon decuit
positionem nominis recepit. Unde se- j primum ab hominibus appellari , neque
quitur : « Vocalum est nomen ejus Je- al) ois afferri in mundum : unde signan-
sus. » Quod interpretatur Salrutor .• | ter Evaugehsla subdit :« Quod vocatum
editus enim fuit ad totius orbis saiuteiii, ; est ab Angelo, » etc. Bed. Hujus autem
quam sua circumclsione prœfiguravit ; j nominis etiam electi in sua spirituali
secundnni quod Apostolus dicit [ad \ circumcisione participes exislere gau-
folos,): « Circumcisi estis circumcisione i dent; ut sicut a Christo cliristiani, ita
106
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
tiens tirent leur nom du nom de Christ , ainsi ils sont appelés sauvés
du nom de Sauveur , et ce nom , Dieu leur a donné non-seulement
avant qu'ils fussent conçus par la foi dans le sein de l'Eglise , mais
avant tous les siècles.
y. 22-24. — Et le temps de la purification de Marie étant accompli, selon la loi
de Moïse, ils le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon
qu'il est écrit dans la loi du Seigneur : Tout enfant mâle premier né sera
consacré au Seigneur; et pour donner ce qui devait être offert en sacrifice,
selon la loi du Seigneur, deux tourterelles ou deux petits de colombes.
S. Cyr. {comme p?'écéd.) Après la cérémonie de la circoncision ve-
nait celle de la purification dont l'EVangéliste dit : « Lorsque le temps
de la purification de Marie fut accompli , selon la loi, » etc. — Bède.
Si vous examinez avec attention le texte de cette loi , vous conclurez
certainement que la Mère de Dieu était affranchie de cette prescrip-
tion légale, comme elle l'avait été de toute union charnelle. Car ce
n'est point toute femme qui enfante qui est déclarée immonde , mais
celle qui enfante par les voies ordinaires, pour distinguer de toutes
les autres femmes celle qui conçut et enfanta sans cesser d'être vierge.
Cependant Marie , à l'exemple de Jésus- Christ son fils , se soumet
d'elle-même à cette loi, pour nous déhvrer du joug de la loi. — Tite.
Aussi l'Evangéliste se sert-il de cette expression pleine de justesse :
a Lorsque les jours de sa purification furent accomplis selon la loi. »
Et en réalité la Vierge sainte n'avait nul besoin d'attendre le jour de
sa purification, elle qui, ayant conçu de l'Esprit saint , n'avait con-
tracté aucune souillure.
« Ils le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur. » —
etiama Sa.\ya.tove salvati vocentur; quod
iilis a Deo vocabulum, non solum prius-
quam in utero Ecclesiae per fidem con-
ciperentur, sed etiam ante tempora se-
cularia vocatum est.
Et postquam inipleti sunt dies purgationis ejus
secundum legem Moysi, Merunt illum in Hie-
rusalem, ut sislerent eum Domino; sicut ncri-
ptum est in lege Domini quia omne masculinum
adaperiens vulvam, sanctum Domino vocabi-
tur ; et ut darent hostiam , secuuduni quod
dictum est in lege Domini, par turturum aut
duos pullos columbarum.
Cyril, {ubi sup.) Post eireumcisionem
rursiis exspectatur purgationis tempus :
unde dicitur : « Et postquam inipleti
sunt dies purgationis secundum legem, »
etc. Bed. Si legis ipsius verba diligen-
tius inspexeris, profecto reperies, quod
ipsa Dei genitrix sicut a commixtione
vlrili, sic et a legali fît jure immunis :
non enim omnis mulier pariens, sed sa
quœ suscepto semine pepererit, desi-
gnatur immunda; ad distinctionem sci-
licet illius quae virgo concepit et pepe-
rit. Sed ut nos a legis vinculo solvere-
mur, sicut Christus, ita et Maria legi est
sponte subjecta. Titus. {Boslrensis.)
Unde eleganter Evangelista protulit,
quod « complet! sunt dies purgationis
ejus secundum legem. » Nam rêvera non
iucumbebat nécessitas Virgini sacrœ, ut
dies purgationis ejus exspectaretur ; quae
cum ex Spiritu sancto concepisset, ca-
ruit contagio.
Sequitur : « Tulerunt illum in Hieru-
salem , ut sisterent eum Domino. »
DE SAINT LUC, CHAP. II. 107
S. Athax. {Ch. des Pèr. gr.) Mais quand donc le Seigneur cessa-t-il
un seul instant d'être en la présence de son Père, de manière à échap-
per à ses regards? et quel est l'endroit de la terre qui ne soit pas sou-
mis à son empire, et où le Fils soit séparé de son Père, à moins
qu'on ne l'apporte à Jérusalem et qu'on le présente au temple ? N'ou-
blions pas que toutes ces circonstances sont écrites à cause de nous ;
car de même que ce n'est point pour lui que le Sauveur s'est fait
homme, et qu'il a été circoncis, mais pour faire de nous comme autant
de dieux par sa grâce, et nous donner l'exemple de la circoncision
spirituelle ; de même, il se présente à son Père, pour nous apprendre
à nous offrir tout entiers au Seigneur. — Bède. C'est le trente-troisième
jour après la circoncision qu'il est présenté au temple, pour nous
apprendre dans un sens mystique , que pour être digne des regai;fls
du Seigneur, il faut avoir retranché tous les vices par la circoncision
spirituelle, et qu'à moins d'être affranchi de tous les biens de la mor-
talité, on ne peut entrer pleinement dans les joies de la cité céleste.
« Comme il est écrit dans la loi du Seigneur. » — Orig. {hom, 14.)
Où sont ceux qui nient que Jésus-Christ ait prêché dans l'Evangile le
Dieu de la loi ? Admettra-t-on que le Dieu bon ait assujetti son Fils à
la loi de son ennemi, que lui-même n'avait point donnée ? En effet,
il est écrit dans la loi de Moïse : « Tout mâle ouvrant le sein de sa
mère sera appelé la chose sainte du Seigneur. » — Bède. Ces paroles :
« Ouvrant le sein de sa mère , » s'appliquent également au premier
né de l'homme et des animaux, l'uu et l'autre , selon la loi , devaient
être offerts au Seigneur, et appartenir au prêtre, avec cette différence
que pour le premier né de l'homme , il devait en recevoir le prix, et
qu'il faisait racheter le premier né de tout animal immonde. —
Athan. {in Cat. Grxcorum Patrum,
ubi Slip.) Sed qaando paLernis aspecti-
bus latiiit Dominus, ut ab eo videri non
posset? aut quis locus excipitur ab ejus
imperio , ut ibi existendo semotus a
Pâtre sit , nisi afferatur Hieroâolymam
et introducatur in templum ? Sed forte
causa nostri hujusiiiodi scripta sunt :
sicut enim non gratia sui homo factus et
circumcisus in carne , sed ut nos per
gratiani faceret deos, et ut spiritualiter
circumcidamur , sic propter nos sistitui-
Domino, ut discanuis Deo praesentare
nos ipsos. Bed. Post tricesimuui aulem
et tertium circumcirionis dieni Domino
sistitur , mystice iusinuans neminom,
nisi circumcisum viljis, dominicis di-
gnum esse conspectibus ; neminem, nisi
mortalitatis nexibus absolutum, supernae
civitatis gaudia posse perfecte subire.
Sequitur : « Sicut scriptum est in lege
Domini. n Orna. {hom. 14.) Ubi sunt
qui Deum legis negant a Christo fuisse
in Evangelio prtedicatum ? An putandum
est quod Filium suum bonus Deus sub
lege inimici fecit, quam ipse non dede-
rat? In lege enim Moysi scriptum est
quod sequitur : « Quia omne masculi-
num adaperiens vulvam , sanctum Do-
mino vocabilur. » Bed. Quod dicit :
«Adaperiens vulvam, » ethominis, et
pecoris primogenitum significat; quod
utrumque Domino vocari, atque ideo sa-
cerdotis esse praeceptum est ; ita duntaxat
utpro hominis primogenito pretium acci-
peret, et omne animal immundum redimi
108
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
S. Grég. de Nysse. Cette prescription de la loi paraît s'accomplir
dans le Dieu incarné d'une manière toute particulière et toute
exceptionnelle. Il est le seul, en effet, dont la conception ineffable et
la naissance incompréhensible n'ait point ouvert le sein virginal que
le mariage avait respecté, et quia conservé miraculeusement après ce
divin enfantement le sceau de la chasteté. — S. Amb. Car ce n'est
point l'union conjugale qui a ouvert le chaste sein de la Vierge, mais
l'Esprit saint qui a déposé dans ce sanctuaire inviolable le principe
d'une naissance immaculée. Celui qui avait sanctifié le sein d'une
autre femme pour la rendre mère d'un prophète, ouvrit lui-même le
sein de sa mère pour en sortir sain et sans aucune souillure. — Bède.
L'Evangéliste, en disant : « Tout mâle qui ouvre le sein de sa mère, »
ne. fait que s'accommoder au langage en usage pour les naissances or-
dinaires ; car loin de nous la pensée que le Seigneur ait fait perdre par
sa naissance la virginité au chaste sein qu'il avait sanctifié en y ve-
nant faire sa demeure, — S. Grég. de Nysse. {comme précéd.) C'est ici
le seul enfant mâle qui, dans sa naissance, n'a rien contracté de la faute
de la première femme. Aussi est-il appelé 5««>iMans la force duterme,
et l'ange Gabriel déclare pour ainsi dire que cette dénomination
consacrée par la loi n'appartient qu'à lui seul, lorsqu'il dit : « Le fruit
saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. » Pour les autres
premiers nés, ils sont appelés saints, dans le style des Ecritures, parce
qu'ils tiennent ce nom de leur consécration à Dieu ; mais quant au
premier né de toute créature, l'ange proclame qu'il naît saint d'une
sainteté qui lui appartient en propre. — S. Amb. Mais entre tous les
enfants nés de la femme , Notre-Seigneur Jésus-Christ est le seul que
le miracle inoui jusqu'alors de sa naissance immaculée ait préservé
faceret.GREG. Nyss. (inhomil. deOccursu
Domini.) Hoc autem legis decretum in
solo incarnato Deo singulariter ab aliis
differenter impleri videtur. Ipse uam-
que solus ineffabiliter conceptus, ac in-
comprehensibiliter editus , virginalem
uteruiu aperuit non ante a couuubio
reseratum, servans et post partum mira-
biliter signaculum castitatis. Ambiî. Non
enim virilis coitus vulvae virgiualis sé-
créta reseravit^ sed immaculatum semen
inviolabili utero Spiritus sanctus infu-
dit. Qui ergo vulvam sanctificavR alie-
nam, ut nasceretur propheta, bic est
qui aperuit matri sure vulvam, ut imma-
culatus exiret. Bed. Quod ergo ait :
« Adaperiens vulvam , » cousuetœ nati-
vitatis more loquitur ; non quod Domi-
nus sacri ventris bospitium quod ingres-
sus sanctificaverat, egressus devirginasse
credendus sit. Greg. Nyss. {ubi supra.)
Solus autem bic partus mascxiUnus spi-
rituabter esse conspicitur, qui nil de
femineitate culpse portavit. Unde rêvera
sanctus vocatus est : unde et Gabriel
(quasi boc decretum ad ipsum solum
pertinere memorans) dicebat : « Quod
ex te uascetur sanctum, vocabitur Filius
Dei. » Et in cceteris quidem primogenitis
sunctos illos vocari evangelica solertia
statuit, tanquam oblatione divina sorti-
tos bujusmodi nomen : at ia totius pri-
mogenito creaturae « quod nascitur
sanctum, » pronuntiat augelus quasi
proprie sanctum existens. Ambr. Solus
enim per omnia in uatis de femina sanc-
tus Dominus Jésus; qui terrenae conta-
gia corruptelae immaculati partus novi-
DE SAINT LUC, CHAP. II. 109
de la contagion de la corruption terrestre^ qu'il a écarlé par sa puis-
sance toute divine. Si nous prenions les choses au pied de la lettre,
comment pourrait-on dire que tout enfant mâle est saint, alors que
nous savons qu'un grand nombre d'entre eux ont été les plus scélé-
rats des hommes? Mais celui-là seul est véritablement saint , que les
préceptes de la loi divine annonçaient d'avance en figure du mystère
qui devait s'accomplir, parce que seul il devait ouvrir le sein mysté-
rieux de la sainte Eglise vierge , pour engendrer tous les peuples à
Dieu.
S. Cyb. {Ch. des Pèr. gr., hom. 17.) 0 profondeur des conseils de
la sagesse et de la science de Dieu ! celui qui est honoré avec son Père
dans tous les sacrifices, lui ofi're lui-même des victimes; la vérité ob-
serve les cérémonies figuratives de la loi, celui qui comme Dieu est
l'auteur de la loi, se soumet comme homme aux prescriptions de la loi :
« Et pour offrir en sacrifice, ainsi que le prescrit la loi du Seigneur,
deux tourterelles ou deux petits de colombes » {Lev., xvi). — Bède.
{hom. sur la Purifie.) C'était l'ofirande des pauvres; en effets d'après
la loi, ceux qui en avaient le moyen devaient offrir pour un enfant
mâle ou pour une fille, un agneau, et en même temps une tourterelle
ou une colombe : s'ils étaient pauvres et n'avaient pas le moyen d'of-
frir un agneau, ils offraient à la place deux tourterelles ou deux petits
de colombe. Ainsi le Seigneur, de riche qu'il était, a daigné se faire
pauvre, afin de nous faire entrer par sa pauvreté en participation de
ses richesses.
S. Cyr. [comme précéd.) Examinons quelle est la signification mys-
térieuse de ces offrandes. La tourterelle est de tous les oiseaux celle
dont le chant est le plus fréquent et le plus continu ; et la colombe est
un animal plein dé douceur. Or, c'est sous ces deux qualités que
tate non senserit , et crplesti majestate
depnlerit. Nain si litterani sequimur,
quomodo sanctus omnis masculus, cum
mullos sceleratissimos fuisse non latcaf?
Sed ille sanctus queni in fiiiura fiituri
mysterii pia legis divinre prœicripta si-
gnabant; eo quod solus sanctaj Ecclesia?
virginis ad generandos populos aperiret
génitale secretum.
Cyril, [in Cat. Grœcorum Patntm, ex
homil. 17.) 0 profunditas scienliaruni
sapientiiE et scientite Dei ! Offert hoslias
qui per singulas hoslias bonoratur cum
Paire; figuras legis custodit veritas; qui
legis est conditor sicut Deus, legem cus-
todivit ut homo : unde sequitur : « Et
ut darent bostiam secundum quod dic-
lum erat in lege Domini [Lev., 12, vers.
8.) : Par turturum, aut duos pullos co-
lumbaruiu. » Bed. (/« hom. Purificat.)
Hostia autem bœc paupcruui erat : prae-
cepit quippe Doniinus in lege [ubi
supra) ut qui possent agnum pro filio
aut fiba, simul et turlureui sive colum-
bam offerrentj qui vero non sufliciebant
ad offerendum agnum, duos lurtures vel
duos columbfe pullos offerrent. Ergo
Domiuus cuui dives esset, pan per lieri
digualiis est, ut nos sua paupertate divi-
tiarum suarum douaret esse participes.
Cyril, [ubi supra.) Videndum autem
quid hœc oblata insinuant. Nimirum
loquacissima est turtur in avibus, at
columba est animal mansuetum : talis
HO
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
notre Sauveur s'est présenté à nous, toute sa vie a été le modèle de la
plus parfaite douceur, et comme la tourterelle il a attiré à lui tout
l'univers, en remplissant sou jardin de ses célestes mélodies (1). On
immolait donc une tourterelle ou une colombe en figure de celui qui
devait être immolé pour la vie du monde. — Bède. {comme précéd.)
Ou bien la colombe est le symbole de la simplicité, et la tourterelle
l'emblème de la chasteté, parce que la colombe aime par instinct la
simplicité, et la tourterelle la chasteté. En effet, si la tourterelle vient à
perdre sa compagne, elle n'en cherche pas une autre. C'est donc pour
une raison mystérieuse qu'on offrait à Dieu une tourterelle et une co-
lombe pour être immolés, parce que la vie simple et chaste des fidèles est
aux yeux de Dieu un sacrifice agréable de justice. — S. Athax. yCh.
des Pèr. g?'.) La loi ordonnait d'offrir deux de ces oiseaux, parce que
l'homme étant composé d'un corps et d'une àme. Dieu demande de
nous deux choses, la chasteté et la douceur, non-seulement du corps,
mais aussi de l'àme; autrement l'homme ne serait à ses yeux qu'un
hypocrite cherchant à dissimuler la malice secrète de son cœur, sous
les dehors d'une innocence trompeuse. — Bède. {comme précéd.) Ces
deux oiseaux, par l'habitude qu'ils ont de gémir, sont l'emblème des
pieux gémissements des saints pendant la vie présente; ils diffèrent
cependant en ce que la tourterelle recherche la solitude, tandis que
la colombe aime à voler par compagnies. Aussi l'une représente plus
particulièrement les larmes secrètes de l'oraison, et l'autre les assem-
blées publiques de l'Eglise. — Bède [sur S. Luc.) Ou bien encore la
colombe qui aime à voler par troupes, signifie le grand nombre de
ceux qui mènent la vie active ; la tourterelle qui recherche la solitude
(1) Allusion à ces paroles du Cantique des Cantiques : « La voix de la tourterelle s'est fait en-
tendre. » (il, 1.)
autein factus est erga nos Salvator,
mansuetudinem perfecte colens, et ut
turtur orbem allexit, replens hortum
suum x^ropriis melodiis. Occidebatur.
ergo turtur aut columba, ut ipse par
figuras nobis pandatur passurus in carne
pro vita mundi. Bed. [in hom., ut svp.)
Vel columba simplicilatem, turtur iudi-
cat castilatein ; quia et columba simpli-
citatis, et castitatis amator est turtur; ita
ut si coDJugem casu perdiderit, non
ultra aliaui quœrere curet : merito ergo
turtur et columba Domino offeruntur
in hostiam, quia simplex etpudicafide-
lium conversatio est illi justiticB sacrifi-
cium gratum. Athax. {in Cat. Grœco-
rum, ubi sup.) Ideo vero bina jussit
offerri, quia homine consistente ex ani-
ma et corpore , duplum a nobis poscit
Deus : castitatem et mansuetudinem,
non solum corporis , sed eliam animae ;
alioquia erit homo fictor liypocrita , ge-
rens in tegumentum occultœ malitiae
iûnocentiam apparentem. Beda. [in
hom., ut sup.) Cum vero utraque avis
propter consuetudinem gemendi prae-
sentes sanctorum luctus desianet. in hoc
tamen differunt, quod turtur solivagus,
columba autem gregatim volare consue-
vit; et ob id iste sécrétas orationum la-
crymas-, illa publicos Ecclesise conventus
insinuât. Bed. [super Luc.) Vel columba,
quœ gregatim volât, activée vitse fre-
quentiam demonsirat; turtur, qui slngu-
DE SAINT LUC, CHAP. II. ill
représente les âmes qui gravissent les hauteurs de la vie contem-
plative. Ces deux offrandes sont également agréables à Dieu, aussi
est-ce avec dessein que saint Luc ne précise pas si on a offert au Sei-
gneur des tourterelles ou des petits de colombes, pour ne point pa-
raître donner la préférence à l'un de ces deux genres de vie, mais nous
enseigner que nous devions suivre l'un et l'autre.
f. 25-28. — Or il y avait à Jérusalem un homme juste et craignant Dieu
nommé Siméon qui attendait la consolation d'Israël, et l'Esprit saint était
en lui. L'Esprit saint lui avait révélé qu'il ne mourrait point, qu'auparavant
il n'eût vu le Christ du Seigneur. Conduit par l'Esprit il vint dans le temple.
Et comme les parents de l'enfant Jésus l'y portaient, afin d'accomplir pour
lui ce que la loi avait ordonné, il le prit entre ses bras.
S. Ambr. Ce ne sont pas seulement les anges et les prophètes, les
bergers et les parents eux-mêmes de Jésus, mais les vieillards et les
justes qui viennent rendre témoignage à sa naissance : « Or il y avait à
Jérusalem un homme appelé Siméon, il était juste et craignant Dieu. »
— BEDE. L'Evangéliste nous dit (ju'il était juste et craignant Dieu,
parce qu'il est difficile de conserver la justice sans la crainte, non pas
cette crainte qui redoute de se voir enlever les biens de la terre (et
que la charité parfaite chasse dehors), mais cette chaste crainte de
Dieu qui demeure éternellement, et qui porte le juste à fuir toute
offense de Dieu, d'autant plus soigneusement qu'il a pour lui un
amour plus ardent. — S. Ambr. Oui il était véritablement juste, lui
qui cherchait, non pas sa consolation, mais celle de son peuple : « Et
il attendait la consolation d'israél. » — S. Grég. de Nysse {comme
précéd.) Ce n'est point la félicité de ce monde que le sage Siméon at-
laritate gaudet, speculativaevitae culmina
(lenuntiat : et quia œque utraque Con-
ditori accepta est hoslia, consulte Lucas
utrum turtures an pulli colunibarum
pro Domino sint oblati , non dixit, ne
unuin alteri vivendi ordinem prœferret,
sed utrumque sequendum doceret.
El ecce homo erat in Hierusalem, eut nomen Si-
meoit. Et homo iste juslus et timoralus , ex-
speclans consolalionem Israël, et Spirilus
sari'jlus erat in eo ; et responsum acceperal a
Spiritu sancto, non visui'um se mortem, nisi
prias videret Chrislum Domiui. Et venit in
Spirituin templum. El cum inducerent puenim
Jesum parentes ejus , ut facerent secundum
consueludinem legis pro eo et ipse accepit eum
in ulnas suas.
AiiBR. Non soluni ab augelis et pro-
phetis, a pastoribus et a parentibus, sed
etiam a senioribus et justis generatio
Domini accepit testimouiuni : unde dici-
tur : « Et ecce homo erat iu Hierusa-
lem , cui nomen Siméon ; et Uomo iste
justus et timoratus. » BiiD. Quia difli-
culter justitia sine timoré custoditur :
non illum dico timorem qui temporalia
sibi bona subtrahi perhorrescit (quem
perfecta dilectio foras mitlit), sed timo-
rem Domiui sanctum qui manet in se-
cula ; ([uo justus Deum quauto ardentius
diligil , tanto solerlius ofTendere cavet.
Amur. Et bene justus, qui non suam, sed
popLili gratiam requirebat : unde sequi-
lur : « Exspectans consolatiouem Israël ? »
Greg. Nyss. [oral, de occursu Domini)
Non utique mundanam fehcitatera iu
il2
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
tendait pour la consolation d'Israël, mais le vrai passage pour son
peuple aux splendeurs de la vérité qui devaient l'arracher aux ombres
de la loi, car il lui avait été révélé qu'il verrait le Christ du Seigneur
avant de quitter la terre : « Et l'Esprit saint était en lui (comme prin-
cipe de sa justice), et il lui avait été révélé, » etc. — S. Ambr. Il dé-
sirait sans doute voir se briser les liens qui l'attachaient à ce corps
fragile et périssable, mais il attendait de voir celui qui était promis,
car il savait qu'heureux seraient les yeux qui mériteraient de le voir.
— S. Grég. {Moral. ^ vu, 4.) Nous pouvons juger de là combien vifs
et ardents étaient les désirs des saints du peuple d'Israël, pour voir le
mystère de l'incarnation du Sauveur. — Bède. Voir la mort, c'est en
subir les atteintes^ mais heureux mille fois celui qui, avant de voir la
dissolution de son corps par la mort, se sera efforcé de voir aupara-
vant des yeux du cœur, le Christ du Seigneur, en transportant par
avance sa vie dans la céleste Jérusalem, en fréquentant la maison de
Dieu, c'est-à-dire, en suivant les exemples des saints, dans lesquels
Dieu a fixé sa demeure. Or, c'est la même grâce de l'Esprit saint,
qui lui avait annoncé par avance l'avènement du Sauveur, qui lui
fait connaître le moment de sa venue : « Et il vint au temple conduit
par l'Esprit. »
Orig. {hom. 14-.) Et vous aussi, si vous voulez tenir Jésus et le serrer
entre vos bras, faites tous vos efforts pour que l'Esprit saint lui-même
vous serve de guide au temple de Dieu : « Et comme la parenté de
l'enfant Jésus (Marie sa mère, et Joseph qui passait pour son père),
l'y apportaient, afin d'accomplir pour lui ce qu'ordonnait la loi, il le
prit dans ses bras. » — S. Grég, de Nysse. Quelle est heureuse l'en-
consolationem Israël prudens Simeon
exspectabat , sed veram translationem
ad veritatis decorem per separaliouem
a legis umbra : habuerat namque per
oracula quod visurus esset Cbristuiii
Domini, priusquam de seculo prœsenti
trausrnigraret. Uude sequitur : « Et
Spiritus sanctus erat m eo (a quo scili-
cet justificabatur) , responsum accepit a
Spiritu sanclo, » etc. Ambr. Cupiebat
ipse quideni corporese vineubs fragibta-
tis absolvi , sed exspectabat videra pro-
missum : sciebat enim quia beati oculi
qui eum vidèrent. Greg. (lib. vu,
Moi'al., cap. 4.) In quo etiam discinius
quanlo desiderio ex plèbe Israelitica
sancti viri incarnalionis ejus myslerium
videre cupierunt. Beda. Videre autem
mortem , experiri eam significat; niul-
tumque felix mortem videbit carnis,
quicunque Cbristum Domini prius ocu-
lis cordis videre sategerit ; conversatio-
nem habendo in cœlesti Hierusalem,
templi Dei limiua frequentando ; hoc
est, sanctorum (in quibus Deus habitat)
exempla sectando. Eadem autem Spiri-
tus gratia, qua olim venturum praeco-
gnoverat, et nunc venientem cognovit :
unde sequitur : « Et venit in Spiritu in
templum. »
Orig. [hom. 14.) Et tu si vis tenere
Jesum et amplexari manibus, omni la-
bore nitere ut ducem habeas Spirilum
veniasque ad templum Dei : sequitur
enim : « Et cmn inducereut puerum Je-
sum parentes ejus (scilicet Maria mater,
et Joseph, qui putabatur pater), ut face-
rent secundum con.-uetudinem legis pro
eo, et ipse accepit eum in ulnas suas. »
Greg. Nyss. (ubi sup.) Quam beatus ille
DE SAINT LUC, CHAP. H. H3
trée de ce saint vieillard dans le temple, puisqu'elle l'approche du
terme désiré de sa vie ! Heureuses ses mains qui ont mérité de toucher
le Verbe de vie; heureux ses bras qu'il ouvrit pour recevoir l'enfant
divin. — BEDE. Cet homme qui était juste selon la loi, prit l'enfant
Jésus dans ses bras, pour signifier que la justice des œuvres légales
figurées par les mains et par les bras,, devait faire place à la grâce
humble mais efficace et salutaire de la foi évangélique. Ce saint vieil-
lard prit dans ses bras Jésus enfant, pour annoncer que ce siècle ac-
cablé, décrépit de vieillesse, allait revenir à l'enfance et à l'innocence
de la vie chrétienne.
f. 29-32. — Et il bénit Dieu en disant : C'est maintenant. Seigneur, que vous
laisserez aller en paix votre serviteur, selon votre parole ; puisque mes yeux
ont vu le Sauveur que vous nous donnez, et que vous avez établi devant tous
les peuples pour être la lumière qui éclairera les nations, et la gloire de votre
peuple d'Israël.
Orig. {hom. 15.) S'il suffît à une femme malade de toucher sim-
plement le bord du vêtement de Jésus pour être guérie, que devons-
nous penser de Siméou, qui tint ce divin enfant dans ses bras?
Quelle dut être sa joie de porter dans ses bras celui qui était venu
pour briser les chaînes des captifs, et qui seul, il le savait, pouvait
le tirer de la prison de son corps avec l'espérance de la vie fu-
ture ? « Et il bénit Dieu en disant : C'est maintenant. Seigneur, que
vous laisserez aller en paix votre serviteur. » — TnÉopiiYL. En di-
sant : Seigneur, il reconnaît qu'il est le maître de la mort et de la
vie, et il proclame la divinité de l'enfant qu'il reçoit dans ses bras.
— Orig. ïl semble dire : Tant que je ne tenais pas le Christ dans mes
sacer ad sacra introitus , per quem ad] pulorum : lumen ad revelationemgenlium, et
vitfe terminum inaturavil! Beatae manus gloriam plebis tua: Israël.
qua; verbum vitœ palpavcrunt, et ulnae Orig. {hom. 15.) Si autem ad tactum
quoque quas ad susccplionem paravil ! fiinbriœ vestimeuti imilier sanata est,
Beda. Accepit autem justus secunduni j quid putanduni est de Simeone, (jui in
legem pueruin Jesum in ulnas suas, ut suas ulnas aêcepit infanteui, et gaudebat
significet justitiam operum quœ ex loge videns parvuiuui a se gestari qui vene-
erat per ujanus et bracbia figuralorum, rat ad viuctos resolvendos ? sciens ne-
humili quideui, sed salutari fidei evan- j ininem eum posse de claustro corporis
gelicœ gratia mutandani. Accepit senior euiittere cum spe futurfe vitœ, nisi is
infanteni Christura , ut iusinuet hoc se- quem in brachiis conlinebat : unde di-
culum quasi seuio jam defessum ad in- citur : « Et benedi.xit Deum, et dixit :
fanliam et innocentiani christianœ con- 'Nnnc dimittis servuni, Domine. » TilKO-
versaliouis redilur^im. ] phyl. Quod dicit, Domine, conlilenûà
Et benedixit Deum, et dixit : Nunc dimittis ser- ^^^ 'I""^'^ ^P''^ Ulortis est et vilU3 donii-
iMTO tuum, Domine, secunduni verbum tuum^^^^^ > ^^ sic puerum quem SUScepit ,
in pace. Quia viderunt occuli mei salutare \ Dcuin confitetur. Obig. (ut SUp.) Quasi
tuutn : quod parasti aute faeiem omnium po- [ dicerel: Quandiu Christumnon tenebam,
TOM. V. 3
ii4 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
bras, j'étais captif et je ne pouvais briser mes liens. — S. Bas. {hom.
sur l'act. de gr.) Si vous examinez les paroles des justes, vous trou-
verez que tous gémissent sur les misères de ce monde, et sur la triste
prolongation de cette vie : « Malbeur à moi, dit David, parce que
mon exil s'est prolongé. » {Ps. cxix.) — S. Ambr. Considérez ce juste
qui désire voir tomber les murs épais de la prison de son corps pour
commencer à être avec Jésus-Christ. Mais que celui qui veut sincère-
ment sa délivrance, vienne dans le temple, qu'il se rende à Jérusalem,
qu'il attende la venue du Christ du Seigneur, qu'il reçoive dans ses
mains le Verbe de Dieu, et qu'il le tienne embrassé pour ainsi dire
dans les bras de sa foi ; alors les liens se briseront, et il ne verra point
la mort, parce qu'il aura vu de ses yeux celui qui est la vie.
Ch. des Pèr. CtR. Siméon bénit Dieu de ce que surtout les promesses
qui lui avaient été faites, avaient reçu leur plein accomplissement,
car il mérita de voir de ses yeux et de porter dans ses bras celui qui
était la consolation d'Israël, c'est pour cela qu'il dit : « Selon votre
parole, » c'est-à-dire, lorsque j'aurai vu l'accomplissement de ce qui
m'a été promis. Mais maintenant que j'ai contemplé la présence vi-
sible de celui qui était l'objet de mes désirs, vous pouvez délivrer
votre serviteur qui ne sera ni effrayé des approches de la mort, ni
troublé par aucune pensée de défiance ou d'incertitude; aussi ajoute-
t-il : « En paix. » — S. Grég. de Nysse. Dès que Jésus-Christ a dé-
truit le péché qui nous rendait les ennemis de Dieu et qu'il nous a
réconciliés avec son Père, les saints quittent cette vie dans une pro-
fonde paix. — Orig. Quel est celui, en effet, qui sort de ce monde en
paix, si ce n'est celui qui a compris que Dieu était en Jésus-Christ, se
réconciliant le monde (II Corinth., v), qui n'a rien en lui de contraire
clausus eram, et de viuculis exire non
poteram. Basil, [in homil. de gratia-
rum actione.) Si autem voces justorum
inquiras, omnes super hoc mundo et
ejus flebili luora ingemiscunt : « Heu
lûilii, dicit David {Pscil. 119), quia inco-
latus meus prolongatus est! » Ambr.
Vide ergo juslum velut corporeœ carcere
molis iuclusum velle dissolvi, utincipiat
esse cum Christo. Sed qui vult dimitti,
veniat iu templuui, veniat in Hierusa-
lem, exspectet Christum Domiui, acci-
piat in manibus Verbum Dei, et coin-
plectatur velut quibusdam fidei suse
brachiis : tune dimittetur, ut non videat
mortem qui viderit vitam.
Grjlc. [kl est, PJiotius, in Cat. Grœ-
conim Pulrunij ubi sup.) Simeon autem
benedicebat Deuiu inter cretera, quod
promissa sibi facta sortita erant effica-
ciae veritatem : nam consolationem Israël
oculis perspicere meruit, et manibus por-
tare : et ideo dicit : «Secundum verbum
tuum ; » id est, cum finem obtiuuerim
promissorum : at ubi visibiliter sensi
quod desiderabam, uunc solvis tuum ser-
vum, nec gustu mortis attouitum, née
liaesitationis cogitationibus conturbatum.
Et ideo subdilur : « lu pace. » Greg.
Nyss. {ubi supra.) Quiapostquam Chris-
tus culpam hostilem deslruxit, et nos
quoque Patri recouciliavit , facta est
translatio sanctorum in pace. Orig. {ut
sup.) Quis est autem qui de seculo isto
l'ectdit in pace. nisi is qui intelligit quod
Deus erat in Christo mundum reconci-
DE SAINT LUC, CHAP. II.
il5
à Dieu, mais qui, par ses bonues œuvres, a établi dans son âme une
paix parfaite? — Ch. des Pèr. gr. Il lui avait été promis qu'il ne
mourrait point avant d'avoir vu le Christ du Seigneur, et il montre
l'accomplissement de cette promesse dans les paroles suivantes :
« Parce que mes yeux ont vu le Sauveur que vous nous donnez. »
— S. Gré&. de Nysse. Bienheureux les yeux et de votre âme et de
votre corps, ceux-ci, parce qu'ils ont joui de la présence visible de
Dieu; ceux-là, parce que sans s'arrêter à ce spectacle visible, ils ont
été éclairés des splendeurs de l'Esprit et ont reconnu le Verbe de Dieu
dans une chair mortelle, car ce Sauveur que vos yeux ont vu, c'est
Jésus lui-même, dont le nom seul annonce le salut à la terre. —
S. Cyr. Or l'avènement du Christ était ce mystère qui a été révélé
dans les derniers temps, mais qui avait été préparé dès l'origine du
monde, c'est pour cela que Siméon ajoute : « Que vous avez préparé
devant la face de tous les peuples, » etc. — S. Athan. Il veut parler
ici du salut que Jésus-Christ est venu apporter à l'univers entier.
Comment donc est-il dit plus haut que Siméon attendait la consola-
tion d'Israël? C'est que l'Esprit saint lui avait fait connaître, que
le peuple d'Israël recevrait sa consolation, lorsque le salut serait ré-
vélé à tous les peuples de la terre. — Gn. des Pèr. gr. Considérez la
pénétration de ce saint et auguste vieillard : avant qu'il fût honoré
de cette bienheureuse vision, il attendait la consolation d'Israël, mais
aussitôt qu'il a contemplé l'objet de ses espérances, il s'écrie qu'il a
vu le salut de tous les peuples, car les splendeurs qui environnent ce
divin enfant l'inondent d'une si vive lumière, que les événements
qui doivent arriver dans la suite des temps lui sont pleinement révé-
lés. — Théophyl. C'est d'une manière significative que Siméon dit :
lians sibi (II Cor., 5), nihilque habet
inimicum Deo, sed omnem pacem bonis
in se operibus assumpsit ? Gr.ec. (vel
Photius, v.t SM/J.) Fuerat autem sibi re-
promiasum non visurum se morteni ,
niai prius videret Cbrislum Domini ; et
ideo boc impletum ostendens subdit :
«Quia videront oculinieisalulare luuni. »
Greg. Nï'SS. {ut srip.) Beati oculi tui,
tam animae quam corporis ; bi quidem
visibiUler Deum suscipientes ; illi vero,
non solum qnae visa sunt attendentes,
imo illuminali fulgore Spirilu Domini
verbiim in carne cocnosconles : sahilare
namque quod oculis percppisti, ipse
Jesns est ; quo noniine sahis declaratnr.
Cyril, {ubi supra.) Fuerat autem Cbri.--
tu5 mysterium, quod patiiit in ultimis
temporibus seculi prœparatum ante
mundi originem : unde sequitur: «Quod
parasti ante faciem onniium, » etc. Athan.
(wV^/ai^;;.) Scilicet confectam toti mundo
per Cbristuni salulem : qualiter ergo
supra dictuni est, quod exspectabat Is-
raël consolationem ? Eo quod scilicet
tune fuluram esse consolationem Israël
agnovit in spiritu, cum et in omnibus
populis paralum est salutaro. Gr.iîc.
[ccl l'Itotius, vl sup.) Altendo eliani
sagacilatem digni et venerandi senis :
anlequam dignus viderelur beala; visio-
nis, prœstolabatur solamen Israël; ut
autem quod sperabat, obtiuuit. exclamât
se vidisse saluteni umniuni populorum :
adoo enim infantis iiieli'abile jubar illus-
travit eum, nt proces-u tcmporis secu-
tura, mox sibi lièrent nola. TiiEOPnvL.
Signanter autem dicil : « Ante faciem, »
116
EXP7.ICATI0N DE l/ÉVANGlLE
a Devant la face de tous les peuples, » car l'incarnation du Sauveur
devait apparaître à tous les hommes. Il ajoute que ce salut sera la lu-
mière des nations et la gloire d'Israël : « Pour être la lumière qui
éclairera les nations, a — S. Athan. En eJQTet, avant l'avènement de
Jésus-Christ, les nations étaient plongées dans les plus profondes té-
nèbres, privées qu'elles étaient de la connaissance du vrai Dieu. —
S. Cyr. Mais Jésus-Christ, par son incarnation, est devenu la lumière
de ceux qui étaient ensevelis dans les ténèbres de l'ignorance et de
l'erreur, et sur lesquels la main du démon s'était appesantie; et ils
ont été appelés par Dieu le Père à la connaissance de son Fils, qui est
la vraie lumière. — S. Athan. Le peuple d'Israël était éclairé, quoi-
que faiblement, par la loi, aussi le vieillard Siméon ne dit pas que le
Sauveur est venu leur apporter la lumière, mais il ajoute : « Pour
être la gloire d'Israël, votre peuple. » Il rappelle le souvenir de l'his-
toire des anciens temps, alors que Moïse sortait de ses entretiens avec
Dieu, la figure toute rayonnante de gloire ; ainsi après avoir eux-
mêmes contemplé la divine lumière que répand l'humanité du Verbe,
ils devaient rejeter le voile ancien pour être transformés en la même
image de clarté en clarté, et de gloire en gloire. — S. Cyr. Car bien
qu'un certain nombre d'entre eux se soient montrés rebelles , cepen-
dant ceux que Dieu s'est réservés ont été sauvés, et sont parvenus à
la gloire par Jésus-Christ notre Seigneur. Les saints Apôtres qui ont
éclairé tout l'univers de la lumière de leur céleste doctrine , ont été
les prémices de ce peuple. Jésus-Christ lui-même a été personnelle-
ment la gloire du peuple d'Israël, parce qu'il a daigné sortir de ce
peuple selon la chair, lui qui comme Dieu est le maître de tous les
hommes et béni dans tous les siècles. — S. Grég. de Nysse. Siméon
dit avec dessein : « De votre peuple, » parce que non-seulement il en
ut scilicet omnibua ejus incarnatio ap-
pareret: hoc auteni salutare dicit esse
« gentium lumen et gloriam Israël : »
unde sequilur : « Lumen ad révélation em
gentium.» Athan. {uM snpra.) Gentes
enim ante Cliristi adventum in ultimis
tenebris erant constitutœ , cognilione
divina privatse. Cyril, (ubi supra.) Sed
Christus adveniens factus est lux tene-
brosis et erraticis, quos diabolica ma-
nus pressil : vocati sunt autem a Deo
Pâtre ad notitiam Filii, qui est lux vera.
Athan. {ubi siip.) Israël autem, licet
tenuiter, lege illuminabatur : et ideo
non dicit quod lumen illis protulerit :
sed subdit : « Et gloriam plebis tu£e Is-
raël, » memorans anliquam historiam,
quod sicut olim Moyses Dominum allo-
quendo, gloriosam retulit faciem, sic et
ipsi divinam humauitatis lucem pertin-
gentes, vêtus adjicientes velamen, in
eamdem imaginem transformarentur de
gloria in gloriam. Cyril. Nam etsi qui-
dam eorum inobedientes fuerint, tamen
reliquiae salvœ factae sunt, et per Chris-
tum pervenerunt ad gloriam. Harum
primitiae fuere divini apostoli, quorum
fulgores universum orbem illuminant :
fuit etiam Christus siugulariter Israël
gloria^ quia secundum carnem ex eis
processit; quamvis cunctis ut Deusprse-
esset per secula benedictus.GREG.NYSS.
Et ideo signanter dixit : « Plebis tuse ; »
quia non ab eis tantum est adoratus, sed
DE SAINT LUC;, CHAP. II. 117
a été adoré, mais il a voulu naître de ce peuple selon la chair. —
BEDE. Il dit qu'il sera la lumière des nations, avant d'ajouter : « Et
la gloire d'Israël, » parce que tout Israël ne sera sauvé que lorsque la
multitude des nations sera entrée dans l'Eglise {Rom.., xi).
t. 33-33. — Le père et la mère de Jésus étaient dans l'admiration des choses que
l'on disait de lui. Et Siméon les bénit, et dit à Marie sa mère : Cet enfant a
été établi pour la ruine et la résurrection d'un grand nombre en Israël, et pour
être en but à la contradiction. Et vous-même _vous sentirez le glaive traverser
votre âme, et ainsi seront révélées les pensées cachées dans le cœur d'un grand
nombre.
Ch. des Pèr. gr. Chaque fois que la connaissance des choses surna-
turelles revient à la mémoire, chaque fois aussi elles produisent dans
l'âme un nouveau sentiment d'admiration et d'étonnement : « Et le
père et la mère de Jésus étaient dans l'admiration des choses que l'on
disait de lui. » — Orig. {hom. 19.) Des choses qui avaient été an-
noncées par l'ange et publiées par la multitude de l'armée céleste,
aussi bien que par les bergers et par Siméon lui-même. — Bède.
Joseph est appelé le père du Sauveur, non qu'il soit véritablement
son père (comme les photiniens l'ont osé blasphémer), mais parce que
Dieu voulait qu'il passât aux yeux de tous pour son père, afin de sau-
vegarder la réputation de Marie. — S. Aug. (I) Il peut être appelé
d'ailleurs le père de Jésus dans le même sens qu'il est appelé l'époux
de Marie, sans avoir avec elle aucun rapport charnel, et par le seul
fait de l'union conjugale; et à ce titre il est son père d'une manière
plus étroite que s'il l'avait adopté pour son enfant. Car pourquoi re-
fuser â Joseph le nom de père de Jésus-Christ, parce qu'il ne l'avait
(1) De l'ace, des Evang., liv. ii, chap. 1"^ mais dans un ordre différerit.
iusuper ex eis est secundum carnem ua-
lu?. Bed. Et bene revelatio gentium
Israelis gloriee praeferlur, quia cuni ple-
nitudo Pentium introierit, tune oninis
Israël salvus erit. (Boni., 11.)
El erant pater fjus et tnaler ejus mirantes su-
per his qtiœ dicehantur de illo. Et benedixit
illis Siméon , et dixit ad Mariam , matrem
ejus : Ecce posilus est hic in ruinam et in re-
surrectionem muUorurn in Israël, et in signiim
cui coniradicetur. Et tuam ipsius aniinam per-
Iransibit gladius, ut reoelentur ex multis cor-
dibus cogilaliones.
Gr.sc. (vel Phothis, ut snp.) Trans-
cendentium rerum notitia, quoties in
memoriam venerit, toties rénovât in
mente miraculum : unde dicitur : « Et
erant patef ejus et mater ejus mirantes
super his quae dicebantur de illo. » Orig.
{/ton. 17.) Tarn ab angelo quam a mul-
titudine cœlestis exercitus, necnon et a
pastoribus etipso Simeone.BED. Pairem
Salvdtoris appellat Joseph, non quod
verc fjuxta Photinianos) pater fnerit ei,
sed quod ad famam Mariae conservan-
dam paler sit ab omnibus sestimatus.
Aug. Ouamvis et eo modo pater illius
valeat dici quo et vir Mariœ recte intel-
ligitur sine commixtione carnis, ipsa
copulatione conjugii ; multo videlicet
conjunclius quam si esset aliunde adop-
tatus. Neque enim propterea non erat
appellandus Joseph pater Christ», quia
H8
EXPLICATION DE L EVANGILE
pas engendré^ alors qu'il pourrait être appelé très-bien le père d'uu
enfaut qu'il aurait adopté, sans même que son épouse en fût la mère? —
Orig. Si l'on désire une raison plus élevée, voici ce que l'on peut ré-
pondre : La suite de la généalogie descend de David à Joseph ; or, on
ne verrait pas trop pourquoi le nom de Joseph s'y trouve, puisqu'il
n'est pas le père du Sauveur; il est donc appelé le père du Seigneur,
pour ne point déranger l'ordre delà généalogie.
Ch. des Pèr. gr. Après avoir offert à Dieu un juste tribut de
louanges, Siméon bénit à leur tour ceux qui ont apporté l'enfant au
temple : « Et Siméon les bénit. » Cette bénédiction s'adresse à tous
les deux, mais il réserve pour la mère de Jésus la prédiction des se-
crets divins. La bénédiction commune à Joseph et à Marie, respecte
les droits que lui donne son titre de père ; mais la prédiction que
Siméon fait à Marie seule proclame hautement qu'elle est la véritable
mère de Jésus ; « Et il dit à Marie, sa mère, » etc. — S. AiiB.La grâce
de Dieu se répand sur tous avec abondance par la naissance du Sau-
veur, et si le don de prophétie est refusé aux incrédules, il est accordé
aux justes; Siméon prophétise que Jésus est venu pour la ruine et la
résurrection de plusieurs. — Orig. [hom. 17.) D'après l'explication la
plus simple, on peut dire que Jésus-Christ est venu pour la ruine des
infidèles et pour le salut de ceux qui croient. — S. Chrys. [Ch. des
Pèr. gr.) La lumière, bien qu'elle fatigue et trouble les yeux débiles,
ne laisse pas d'être toujours la lumière ; ainsi le Sauveur ne cesse
point d'être Sauveur, quoiqu'un grand nombre d'hommes se perdent.
Leur ruine, en effet , n'est point son œuvre , elle est l'œuvre de leur
folie. Aussi sa puissance éclate à la fois dans le salut des bons, et dans
non eum coucumbendo genuerat ; quan-
doquidem pater esset et ei quem non ex
sua conjiige procreatum aliunde adop-
tasset. Orig. {ut sup.) Qui autem altius
aliquid iuquirit, potest dicere quod quo-
uiam generatiouis ordo a David usque
ad Josepli deducitur ; ne videretur frus-
tra Joseph nominari, quia pater non
fuerat Salvatoris ; ut generationis ordo
haberet locum, Pater Domini appellatus
est.
Gr.kc. {vel Photius, ut sup.) Laudi-
bus autem divinis exhibitis, verlit se
Simeen ad benedietionem adducentium
puerum : unde sequitur : « Et benedixit
mis Siméon. wBenedictione igitur utrum-
que donat ; occultorum vero prsesagia
dirigit tantum ad matrem, quatenus per
comnmnem benedietionem non privetur
Jpseph similitudine patris; per ea vero
quœ dicit matri seorsum a Joseph, ve-
ram eam prœdicet genitricem : unde se-
quitur : « Et dixit ad Mariam, matrem
ejus^ » etc. Amer. Vide uberem in om-
nes gratiam Domini in generatione dif-
fusam, et prophetiam incredulis nega-
tam esse, non justis: ecce et Simeou
prophetat, iu ruiuam et resurrectionem
multorum venisse Christum Jesum. Orig.
{hom. 17.) Qui simpliciter exponit, po-
test dicere in ruinam eum venisse iufi-
delium, et in resurrectionem credeutium.
Chrys. {in Cat. Grœconim Potnnn, xU
sup.) Sicut enim lux, etsi oculos débiles
turbet, lux est, hoc modo Salvator per-
sévérât, etsi corruant plurimi; neque
enim est ejus officium destructio, sed
eorum vesanise : quamobrem, non so-
lum ex salute bonorum, sed etiam ex
malorum dissipatione virtus ejus osten-
DE SAINT LUC^ CHAP. II. 119
la ruine des méchants ; car plus le soleil est brillant , plus il éblouit et
trouble les yeux affaiblis.
S. Grég. de Ntsse. \Ch. des Pèr. g7\) Considérez attentivement
avec quel heureux choix d'expressions il fait ressortir cette distinction;
la révélation du salut doit se faire devant tout le peuple, mais la ruine
et le salut ne sont le partage que d'un grand nombre. Dieu, en effet,
se propose le salut de tous les hommes, et leur élévation à une gloire
toute divine, mais le salut et la perte dépendent de la volonté d'un
grand nombre,, de ceux qui embrassent la foi , et de ceux qui la re-
jettent. Or, il n'y a rien d'absurde à croire que ceux qui sont abattus,
et que les incrédules soient relevés. — Orig. Un interprète trop sub-
til objectera peut-être que nul ne peut tomber s'il n'était préalable-
ment debout; qu'il me dise donc quel est celui que le Sauveur a trouvé
debout^ et pour la ruine duquel il serait venu. — S. Grég. de Ntsse.
Le saint vieillard Siméon veut donc ici parler d'une ruine entière et
profonde, c'est-à-dire que le châtiment des coupables ne devait pas
être, après l'accomplissement du mystère de l'incarnation et la pré-
dication de l'Evangile^ le même qu'il était avant la venue du Sauveur.
Et il a surtout en vue les enfants d'Israël qui devaient perdre tous les
biens dont ils jouissaient, et encourir des châtiments plus terribles
que toutes les autres nations, parce qu'ils ont refusé de recevoir celui
que leurs prophètes avaient annoncé, celui qui a été adoré parmi eux,
celui qui est né du milieu d'eux. Ils sont donc particulièrement me-
nacés de ruine, non-seulement parce qu'ils n'ont rien à espérer pour
le salut de leurs âmes, mais parce qu'ils verront l'entière destruction
de leur ville et de ses habitants. Au contraire, la résurrection est pro-
mise à tous ceux qpi croient , tant à ceux qui sont comme abattus
sous le joug de la loi et qui seront relevés de cette servitude, qu'à
ditur : natn sol, qiioniam multum ra-
diât, propterea visus débiles praecipue
perturbât.
Greg. Nvss. {in Cat. Grœcorum Pn-
trum, ubi sup.) Attende autem distin-
ctionis exquisilain prolationem : praepa-
ratio quippe salutis dicitur coram ouini
populo, sed casus etsublevatio plurium.
Divinum enim propositum est salus et
deificatio singulorum : casus autem et
sublevalio consistit la plurium inlen-
tione, ciedentium et non credentium.
Quod autem jaceates et increduli suble-
veulur, nou est absurdum. Orig. (ut
sup.) Qui autem curiosus iuterpres est,
dii-it nequaqnam eum cadere qui ante
non steterit : da mihi ipitur quis fuerit
ille qui stetit, in cujus ruiuam Salvator
advenerit. Greg. Nyss. {ubi supra.) Sed
per hoc désignât ruinam ad infima ;
quasi non puniendos aequaliter ante in-
carnationis mysterium, et post datam
dispensationem et praedicationem. Et
maxime hi sunt ex Israël quos necesse
erat et pristinis bonis carere, et pœnas
luere graviores, quam omnes aliaj gén-
ies ; eo quod dudum prophetatum in
eis, et adoratum, et ex eis productum
minime susceperunt. Idcirco specialiter
eis minatur ruinam, non solum a spiri-
tuali salute, sed etiam propter destruc-
tionem urbis et habitantium civilatem,
Resurrectio vero promittitur credenti-
bus, partim quidem velut sub lege ,ja-
120
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
ceux qui sont ensevelis avec Jésus- Christ , et qui ressusciteront avec
lui. — Idem, {sei^m. sur la renc. du Seig.) De l'admirable concor-
dance de ces paroles avec les oracles prophétiques, apprenez que c'est
un seul et même Dieu, un seul et même législateur qui a parlé dans
les prophètes et dans le Nouveau Testament. En effet , les prophètes
ont annoncé que le Christ serait une pierre de chute , une pierre de
scandale (1), afin que ceux qui croient en lui ne soient pas confondus.
Il est donc une cause de ruine pour ceux qui sont scandalisés de l'hu-
milité de sa chair, et un principe de résurrection pour ceux qui ont
reconnu la certitude de l'accomplissement des conseils divins.
Orig. Il y a encore ici une leçon plus élevée à l'adresse de ceux qui
se récrient contre le Dieu créateur en disant : « Voyez quel est ce
Dieu de la loi et des prophètes : C'est moi, dit-il, qui fais mourir, et
c'est moi qui rend la vie. » [Dent.., xxxil.) Or, si à cause de ces pa-
roles vous le traitez de juge cruel et de créateur barbare , il est on ne
peut plus évident que Jésus est son fils ; car l'Ecriture ne s'explique
pas autrement à son égard, en disant qu'il est venu pour la ruine et
la résurrection de plusieurs. — S. Ambr. C'est-à-dire qu'il est venu
pour apprécier et juger les mérites des justes et des pécheurs, et nous
décerner, en juge équitable et intègre, des châtiments ou des récom-
penses , selon la nature de nos œuvres. — Orig. {hom. 17.) Il n'est
peut-être pas inutile de remarquer que le Sauveur n'est pas venu à
l'égard de tous pour la ruine et pour la résurrection , entendues dans
le même sens. En efiet, comme je me tenais debout dans le péché, il
a été d'abord dans mon intérêt de tomber, et de mourir au péché ; et
(1) « La pierre rejetée par ceux qui bâtissaient, est devenue la principale pierre de l'angle, »
[Ps. cxvn, 22) ; Jésus-Christ s'applique ces paroles dans saint Matthieu (xxi, 42.) : o II sera une
pierre de chute et une pierre de scandale. » [Isaïe, viii, 14.) Saint Paul explique ces paroles dans
le même sens. [Rom., ix, 33.)
cenlibus, et ab ejus servitute sublevandis,
partim vero velut consepulUscum Chri-
sto, et ei consurgeutibus. [Et in Orat.
de occursu Dommi.) His autem verbis
intellige per concordiam intellectuum
(ad dicta propbetica) uniim et eiimdem
Deiim et legislatorem, et in prophetis,
et in Novo Testamento locutum esse :
lapidem namque ruinœ et petram scan-
dali futurum, ne confundantur credentes
in eum, sermo propbeticus dcLdaravit.
Buina est igitur iis qui humilitate Gar-
nis illius offenduntur, resurrectio iis qui
firmitalem divines dispositionis agnove-
rint.
Orig. (hom. 16.) Est autem et altius
quid iutelligendum adversus eos qui
contra conditorem latrant, dicentes ;
« Ecce Deus legisetprophetarum, videte
qualis sit : Ego, inquit {Deiiteron., 32)
occidam, et ego vivificabo : » si propte-
rea cruentus est judex et crudelis con-
ditor, manifestissimum est et Jesum esse
illius filium : eadem siquidem de eo hic
scripta sunt, quod veniat in ruinam et
resurrectionenimultorum. Ambr. Utsci-
iicet justorum iniquorumque mérita dis-
cernât, et pro nostrorum qualitate fa-
ctorum judex verus et juslus, avit suppli-
cia décernât, aut praemia. Orig. [hom.
17.) Videndum est autem ne forte Sal-
vator non aeque aliis in ruinam venerit
et in resurrectionem : quia enim in pec-
cato stabam, primo milii utilitas fuit ut
DE SAINT LUC, CHAP. II. 121
les prophètes eux-mêmes, quand une vision auguste se révélait à leurs
yeux, tombaient la face contre terre, afin de se purifier davantage de
leurs péchés par cette chute volontaire. Le Sauveur vous accorde
d'abord la même grâce. Vous étiez pécheur; que le pécheur qui est en
vous, tombe et meure , pour que vous puissiez ressusciter et dire :
« Si nous mourons avec lui , nous vivrons aussi aveclui. » (II Tim.,n.)
— S. Chrys. Or, la résurrection, c'est une vie toute nouvelle;
lorsqu'un impudique devient chaste , un avare miséricordieux , un
homme violent, plein de douceur, c'est une véritable résurrection, où
nous voyons le péché frappé de mort, et la justice ressuscitée.
« Et en signe que l'on contredira. » — S. Bas. La croix est appelée
par l'Ecriture, dans un sens véritable, un signe de contradiction ; car
il est dit que Moïse fit un serpent d'airain , et l'éleva pour être un
signe. [Nomb., xxi.) — S. Grég. de Nysse. {Ch. des Pèr. g?'.) L'igno-
minie se trouve ici mêlée à la gloire. Ce signe nous offre, à nous chré-
tiens, ce double caractère de contradiction , lorsque les uns n'y voient
qu'un objet de dérision et d'horreur; de gloire, lorsqu'il est pour les
autres un signe auguste et vénérable. Peut-être aussi est-ce Jésus-
Christ lui-même qui est ce signe, lui qui est supérieur à toute la na-
ture, et l'auteur de tous les signes miraculeux. — S. Bas. En effet,
un signe est comme un indice qui nous fait connaître une chose
mystérieuse et cachée; les plus simples voient le signe extérieur,
mais il n'est compris que de ceux qui ont l'intelligence exercée.
— Orig. {hom. 17. ) Or, tout ce que l'histoire évangélique nous
raconte de Jésus-Christ est contredit, non pas , sans doute , par nous
qui croyons en lui , et qui savons que tout ce qui est écrit de lui
est la vérité, mais par les incrédules, pour lesquels tout ce que l'Ecri-
caderem, et peccato morerer : denique
et sancti et prophetîE, quando augustius
aliquid contemplabuntur, cadebant in
faciem suam, ul peccata per ruiiiani ple-
niu3 purgarentur: hoc ipsum et Salvator
tibi primum concedit : peccator eras, ca-
ddt in te peccator, ut possis dehinc resur-
gere et dicere : « Si commortiii sunms,
et convivemus. » (Il Tiniot/i., 2.) Chrys.
Resurreclio quidem est conversalio nova :
cum enim lascivus castns efficitur, ava-
rus misericors, alrox monsiœscit, resur-
rectio celebratur, niortuo qnideni pco-
cato, résurgente vero justitia.
Sequitur : « Et in signnm ciii contra-
dicetur. » Basil. Signnm contradiclio-
nem accipiens proprie crux dicitur a
Scriptura : fecit enim, inquit (Amw.,21),
Moyses serpentem aioeum, et posuit pro
signo. Greg. Nyss. {in Cat. Grœcorum
Patrum, ubi sw/).) Miscet autem dede-
cns gloriae. Uujus enim rei nobis Cbri-
sticolis est hoc signum indicium, con-
tradiction is vero, duui ab bis quidem
accipitur ut ridiculosum et liorribile,
ab bis vero admoduni venerandum. Vel
forsan ipsum Cbrislnm nommai signum,
fanipiam supra naturam existentem, et
siguorum auclorem. Basil. Est enim si-
fjnum aliciijus roi mirabilis et occultée
indicativum; visnm quidem asimpUcio-
ribus, intellf>ctum vero ab habontibus
exercilatuni intelleclum. Orig. [liom.i1.)
Omnibus aiilem qu;î; de Cbristo narrât
bistoria, contradicilur ; non quod con-
tradicant hi qui credunt in eum (nos
qnippe scimus omnia vera esse quae
scripta sunt), sed quia apud incrédules
J22
EXPLICATION DE L EVANGILE
ture nous rapporte du Sauveur est un signe et un objet de contra-
diction.
S. Grég. de Nysse. Cette prédiction concerne le Fils , mais elle s'a-
dresse aussi à sa mère qui partage tous ses dangers comme toutes ses
gloires, et le vieillard Siméon ne lui prédit pas seulement des joies,
mais des afflictions et des douleurs : « Et votre àme sera percée d'un
glaive. » — BEDE. Nous ne voyons dans aucune histoire que Marie ait
fini ses jours par le glaive, d'ailleurs ce n'est pas l'âme, mais le corps
qui est accessible aux coups mortels du glaive. Il nous faut donc en-
tendre ici ce glaive dont le Psalmiste a dit : « Ils ont un glaive sur
leurs lèvres {Ps. LVin), et c'est ce glaive, c'est-à-dire la douleur que
Marie éprouva de la passion du Sauveur, qui transperça son àme. Car
bien qu'elle sût que Jésus-Christ, comme Fils de Dieu, mourait, parce
qu'il le voulait, et qu'elle ne doutât nullement qu'il triompherait de la
mort, cependant elle ne put voir crucifier le propre fils de ses en-
trailles sans un vif sentiment de douleur. — S. Aitbr. Ou bien peut-
être Siméon veut-il nous apprendre par ces paroles, que Marie n'igno-
rait point le secret des célestes mystères ; car le Verbe de Dieu est
vivant et efficace , et plus pénétrant que le glaive le plus aigu et le
plus tranchant [Eebr.^ iv.) — S. Aug. {Quest. sur l'Ane, et le Nouv.
Test., chap. Lxxin). Ou bien enfin, peut-être veut-il signifier que
Marie elle-même, par laquelle s'est accompli le mystère de l'incarna-
tion, a eu à la mort du Seigneur , et sous l'impression de la douleur
comme un moment de doute et d'hésitation, en voyant le Fils de Dieu
réduit à ce degré d'humiliation qui le faisait mourir sur une croix.
Et de même qu'un glaive qui ne fait qu'effleurer un homme, lui donne
un vif sentiment de crainte , mais sans le blesser ; ainsi le doute lui
inspira un vif sentiment de tristesse, mais sans donner la mort, parce
universa quae de eo scripta sunt, signum
suût cui contradicitur.
Greg. Nyss. {ubi sup.) Usée siquidem
de Filiû dicimtur, spectant tameu ad
ejus genitricem, dum singula sibi assu-
mit simul periclitata et glorificata ; nec
tantuui prospéra^ sed illi denuntiat eliam
dolorosa. Nam sequitur : « Et tuam ip-
sius animam pertransibit gladios. » Bed.
Nulla docet historia beatam Jlariam ex
hac vita gladii occisione migrasse ; pree-
sertim cum non anima, sed corpus ferro
soleat interfici : uude restât intelligi
gladium illum, de que dicitur {Ps. 38) :
« Et eladius in labiis eorum » (hoc est
dolorem dominicœ passion is) animam
ejus pertransisse ; quœ etsi Christum
futpote Dei Filium) sponte propria mori
videret, mortemque ipsam non dubitaret
esse devicturum ex sua tamen carne
procreatum, non sine doloris affectu
potuit videre crucifigi. Ambr. Vel pru-
dentiam Marise non ignaram mysterii
cœlestis ostendit : vivum est enim Ver-
bum Dei et validum, et acutius omni
gladio acutissimo. (Hebr., 4, vers. 12.)
AuG. (de Qudcst. Novi et Veteris Testa-
menti, cap. 73.) Yel per hoc siguificavit
quod etiam Maria (per quam gestum est
incarnationis mysterium) in morte Do-
mini stupore quodam dubitavit, videns
Filium Uei sic humihatum ut usque ad
mortem descenderet. Et sicut gladius
pertransiens juxta hominem, timorem
facit, non percutit; ita et dubitatio mœs-
titiam fecit : non tamen occidit. quia
DE SAINT LUC, CHAP. II. 123
qu'il ne s'arrêta pas dans son âme, mais la traversa seulement comme
une ombre {[*).
S. Grég. de Nysse. La mère de Jésus n'est point la seule dont le
vieillard Siméon nous prédit les sentiments au temps de la passion du
Sauveur ; il ajoute : « Afin que les pensées cachées dans le cœur de
plusieurs soient découvertes. » Cette manière de parler indique tout
simplement le fait qui doit arriver , et nullement la cause qui le pro-
duit. En effet, à la suite de tous ces événements, le voile qui couvrait
les intentions d'un grand nombre, fut découvert; les uns reconnais-
saient un Dieu dans celui qui mourait sur la croix, les autres, malgré
cet affreux supplice, ne cessaient de l'accabler d'injures et d'outrages.
Ou bien ces paroles signifient qu'au temps de la passion, on vit à dé-
couvert les pensées d'un grand nombre de cœurs, à qui la résurrec-
tion inspira ensuite de meilleurs sentiments ; car le doute de quelques
instants fit bientôt place à une certitude inébranlable. Peut-être en-
core le mot révélation a ici le sens d'illumination, comme dans beau-
coup d'autres endroits de l'Ecriture. — Bède. Jusqu'à la fin du monde,
l'àme de l'Eglise est toujours traversée par le glaive de la plus amère
tribulation, lorsqu'elle voit, en gémissant, que le signe de la foi est
en butte aux contradictions des méchants , lorsqu'à la prédication de
la parole de Dieu, elle en voit un grand nombre ressusciter à la vie
avec Jésus-Christ, mais un grand nombre aussi tomber des hauteurs
de la foi dans l'abîme de l'incrédulité ; lorsque, pénétrant les pensées
cachées dans le cœur d'une multitude de chrétiens, elle s'aperçoit que
là où elle avait semé la bonne semence de l'Evangile , l'ivraie des
vices l'emporte sur cette bonne semence, et quelque fois l'étouffé et la
(1*) Ce passage n'est point tiré des œuvres de saint Augustin, et nons n'avons pas besoin de
faire remarquer que le sentiment qui s'y trouve exposé et qui a été soutenu par Origène, Tite et
Théophylacte, est tout à fait indigne de la foi et de la sainteté de l'auguste Marie, et contraire à la
doctrine de l'Eglise catholique.
iinu sedit in animo, sed pertransiit quasi
per umbram.
Greg. Nyss. (ubi supra.) Sed nec
ipsaai solam in ea passione occupari
signiûcat, cum subditur : « Ut revelen-
fur ex multis cordibus cogitationes ; »
quod dicit, ut, evenlum désignât, non
atitem causaliter ponitur : bis enim
DUinibus evenieutibus, secuta est erga
luultos intentionuni dotectio : quidam
'■nim Deum fatebantur in cruce, alii nec
sic ab infamiis et crimiuationibus de-
>istebant. Vel boc dictum est quatenus
tempore passiouis pateant ex pluriuni
cordibus meditationes, et emendentur
per resurrectionem : velox enim illis
post ambiguitatem certitude superve-
nit ; uisi forte revelalionem, illuinina-
tionem quis a;stimet, ut solitum est
Scripturae. Bed. Sed et usque ad con-
summationeni seculi pra-sentis, Ecclesice
aniniam gladius durissimte tribulaliouis
pertransire non cessât, cuin sigiio fidei
ab iinprobis coulradici, cum audilo Dei
Verlio niultos cum Cliristo resurgere,
sed pbires acredulitate ruere genielnuida
pertractat ; cum revelatis mullonim
cordium cogitationibus, ubi optimum
t>angelii sévit semeu, ibi zizania vitio-
riim vel plus juslo praevalere, vel sola
124
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
remplace entièrement. — Orig. {hom. 17.) Il y avait dans les hommes
bien des pensées mauvaises qui ont été révélées, pour être détruites
par celui qui a voulu mourir pour nous; car tant qu'elles demeuraient
cachées, il était impossible de les détruire entièrement. Si donc nous
avons péché, nous devons dire avec le Roi-prophète : « Je n'ai point
caché mon iniquité » (1); car si nous découvrons nos péchés, non-
seulement à Dieu, mais à ceux qui ont le pouvoir de guérir les bleS'
sures de notre âme, nos péchés seront complètement effacés.
% 36-38. — Il ij avait aussi une jirophétesse nommée Anne, fille de Phanuel,
de la tribu d'Aser, elle était fort avancée en âge, et n'avait vécu que sept ans
avec son mari, depuis sa virginité. Resiée veuve et âgée alors de quatre-vingt-
quatre ans, elle ne quittait point le temple, servant Dieu nuit et jour dans les
jeûnes et dans les prières. Elle aussi, survenant à cette même heure, se mit à
louer le Seigneur, et à parler de l'enfant à tous ceux qui attendaient la
Rédemption d'Israël.
S. Ambr. Siméon avait prophétisé , une femme mariée avait pro-
phétisé, une vierge avait prophétisé ; il fallait qu'une veuve aussi eût
part à ce don de prophétie , pour que chaque condition , comme
chaque sexe fût représenté dans cette circonstance : « Il y avait aussi
une prophétesse nommée Aune, fille de Phanuel, » etc. — Théophyl.
L'Evangéliste entre dans tous les détail;? qui peuvent nous faire con-
naître cette sainte prophétesse, il nous dit quel était son père, sa tribu,
et semble produire de nombreux témoins qui connaissaient son père
et sa tribu. — S. Grég. de Nysse. {serm. sur la renc. du Seig.) Ou
bien peut-être alors , d'autres personnes portaient le même nom. Il
(1) Ps. XXXI, 3. Peut-être aussi l'auteur fait-il allusion à ce passage du livre de Job : » Ai-je
tenu mon péché secret^ à la manière des hommes? ai-je caché dans mon sein mon iniquité?
(xxxi, 33.) B
geruiinare eonspicit. Orig. [hom. 17.)
Cûgitationes etiam malae in homiiiibus
erant quse propterea revelatae sunt, ut
occideret eas ille qui pro nobis mortuus
est : quanidiu enim absconditse erant,
impossibile erat eas penitus interfici :
unde et nos si peccaverimus, debemus
dicere : « Iniquitatem meam non abs-
condi. » Si enim revelaverimus peccata
nostra, non soluin Deo, sed bis qui pos-
suut mederi vulneribus nostris, dele-
buntur peccata nostra.
Et erat Annaprophelissa, filia Phanuel, de tribu
Aser ; hœc processerat in diebus multis, et vi-
xerat cum viro suo annis septem a viryinitate
sua. Et hœc vidua usque ad annos octoginta
quatuor, quce non discedebat de templo jeju-
niis et obsecrationibus serviens nocte ac die.
Et hœc ipsa hora superveniens confitebatur
Domino , et loquebatur de illo omnibus qui
exspectabanl redemptionem Israël.
Ambr. Propbetaverat Slmeon, prophe-
taverat copulata conjugio, propbetaverat
Virgo ; debuit et vidua prophetare ne
qua professio deesset aut sexus : et ideo
dicitur: «Et erat Anna prophetissa, » etc.
Thkophyl. Immoratur Evangelista circa
Annœ descriptionem , et patrem et tri-
bum enarraus, et testes quasi multos
adducens, qui patrem et tribum vide-
runt. Greg. Nyss. [Orot. de occursu Do-
mini.) Vel quia tunctemporis, cum bac
aliœ quœdara eodem nomine nuncupa-
bantur. Ut igitur ad eam manifesta dis-
DE SAINT LUC, CHAP. II. 125
fallait donc , pour la désigner plus clairement , dire quel était son
père, sa famille et sa condition.
S. Ambr. Anne, par le mérite d'une longue viduité et par ses ver-
tus, se présente avec tous les titres qui la rendent digne d'annoncer
le Rédempteur de tous les hommes : « Elle était avancée en âge, elle
n'avait vécu que sept ans avec son mari, » etc. — Orig. [hom. 17.) Ce
n'est point fortuitement et sans mérite de sa part que l'Esprit saint
avait fixé en elle sa demeure. La première et la plus excellente grâce,
c'est la grâce de la virginité ; mais si une femme n'a pu y atteindre,
et qu'elle vienne à perdre son mari, qu'elle reste veuve, et qu'elle soit
dans cette disposition, non-seulement après la mort de son mari, mais
lorsqu'il vit encore ; ainsi , en supposant même qu'elle ne devienne
pas veuve^ Dieu couronnera sa bonne volonté et sa généreuse résolu-
lion. Voici donc le langage qu'elle doit tenir : Je fais vœu, je pro-
mets, si ce malheur m'arrive (ce que je suis loin de désirer), de ne plus
songer qu'à rester veuve et chaste toute ma vie. C'est donc à juste titre
que cette sainte femme mérita de recevoir l'esprit de prophétie , parce
que tant d'années passées dans la pratique de la chasteté , dans les
jeûnes et dans les prières, l'avaient élevé à ce haut degré de sainteté :
« Elle ne quittait point le temple, servant Dieu , » etc. — S. Grég. de
Nysse. (1). Nous voyons par cette énumération qu'elle possédait toutes
les autres vertus. Et voyez quelle conformité de vertus avec Siméon.
Ils étaient ensemble dans le temple , ils furent tous deux , au même
moment, jugés dignes du don de prophétie : « Et, survenant à cette
même heure, elle louait le Seigneur, » c'est-à-dire qu'elle lui rendait
(1) On ne trouve pas ce passage dans le discours indiqué par saint Tliomas, bien que saint Gré-
goire de Nysse dans son discours sur la rencontre du Seigneur fasse l'éloge de cette sainte veuve.
crelio lîeret, patrem ejus commémorât,
et generis qualitatem describit.
Ambr. Anna vero, et stipendiis vidui-
tatis, et moribus, talis inducitur, ut di-
gna fuisse credalur quai Redeniptorem
omnium nuntiaret : unde sequitur :
« Haec processerat in diebus muitis, et
vixerat cura viro, » etc. Orig. {hom. 17.)
Neque enim iSpiritus sanclus fortuitu
habitavit io ea : bonum enim est pri-
muni, si qua polest virginilatis gratiani
possidere ; si autem hoc non poluerit,
sed evenerit ei ut perdat virum, vidua
perseveret, quod quideni , non soluni
post mortem viri, sed eliam cum ille
vivit, débet habere in animo : ut etiam
si non evenerit, voluntas ipsius et pro-
positum a Domino coronetur, et dicat :
Hoc voveo, hoc promitto, si mihi hti-
manum aliquid (quod non opto) couti-
gerit, niliil aliud faciam, quam ut in-
contamiuata et vidua persevereni. Juste
ergo sancta mulierspiritum proplietandi
meruit accipere, quia longa castitate,
longis etiam jejuniis, ad hoc cuhiien as-
cenderat. Unde sequitur : « Quœ non dis-
cedebat de templo, jejuniis et obsecratio-
nibus, » etc. fiREG. Nyss. [in Cett. Grœco-
rumPcitrum,ubisup.) In quo liquetquod
cœterarum virtutum inerat ei congeries.
Etaspice conformem Simeoni virtutibus:
simul enim erant in templo, simul etiam
digni reputati sunt prophetica gratia :
unde sequitur : « Et haec ipsa hora su-
perveniens confitebatur Domino. » Hoc
est, regraliabatur videudo mundi salu-
426
EXPLICATION DE L EVANGILE
grâce en voyant le salut du monde au milieu du peuple d'Israël , et
elle proclamait que Jésus était à la fois Rédempteur et le Sauveur de
tous les hommes : « Et elle parlait de lui à tous ceux qui attendaient
la rédemption d'Israël. » Mais comme la propliétesse Anne parle peu
du Christ, et en termes peu précis , l'Evangéliste n'a pas cru devoir
rapporter ses propres expressions. Peut-être pourrait-on dire que
Siméon a parlé le premier, parce qu'il représentait la loi (car son
nom veut dire obéissance)^ tandis qu'Anne (suivant l'interprétation de
son nom) , représentait la grâce. Le Christ se trouvait entre les deux,
il laisse donc mourir avec la loi le vieillard Siméon, tandis qu'il
prolonge la vie de cette sainte ^•euve qui représente la vie de la grâce.
BEDE. Dans le sens allégorique, Anne est la figure de l'Eglise qui,
dans la vie présente, est comme veuve par la mort de sou époux. Le
nombre des années de sa viduité représente la durée du pèlerinage de
l'Eglise loin du Seigneur. En effet , sept fois douze font quatre-vingt-
quatre. Or, le nombre sept exprime la suite des siècles (qui sont com-
pris dans l'espace de sept jours), et le nombre douze se rapporte à la
perfection de la doctrine apostolique. On peut donc dire , soit de
l'Eglise universelle, soit de toute âme fidèle qui, dans tout le cours de
sa vie, demeure fidèle à la doctrine des Apôtres, qu'elle a servi le Sei-
gneur pendant quatre-vingt-quatre ans. Les sept ans qu'elle avait
passés avec son mari rentrent aussi dans cette interprétation ; car c'est
par suite d'un privilège particulier à la majesté du Seigneur, de sa vie
mortelle, que le nombre de sept années a été choisi pour exprimer la
perfection. La prophétesse Anne est également favorable à ces signi-
fications mystérieuses, qui ont l'Eglise pour objet; car Anne veut dire
tem in Israël, et confitebatur de Jesu
quoniam ipse esset Redemptor, idemque
Salvator : unde sequitur : « Et loqueba-
tur de illo omnibus qui, » etc. Verum
quia Anna prophetissa modicum aliquid
et non nimis clarum de Christo disseruit,
Evangelium non seriatim induxit quée
ab ea sunt dicta. Forsan autem ob hoc
aliquis Simeonem praevenisse fatebltur;
60 quod is quideni formam legis gerebat
(uaui et ipsum nomen notât obedien-
tiam) , illa vero gratiœ (quod iuterprela-
tio nominis manifestât) inter quos Chri-
stus médius erat: idcirco illum quideni
dimisit cum lege morientem, banc vero
fovet ultra viventem per gratiam.
Beda. Juxta intellectum etiam mysti-
cum Anna Ecclesiam significat, quse in
praesenti sponsi sui est morte quasi vi-
-duata. Numerus etiam annorum viduita-
tis ejus tempus Ecclesise désignât, quo
in corpore constituta peregrinatur a
Domino ; septies quippe duodeni, octo-
ginta quatuor faciunt ; et septem quidem
ad bujus seculi cursum (qui diebus sep-
tem volvitur), duodecim vero ad perfec-
tionem doctrinoe apostolicas pertinent :
ideoque sive universalis Ecclesia, sive
quaelibet anima fidelis qua? totum vilte
suce tempus apostolicis curât mancipare
institutis, octogiuta quatuor annis Do-
mino servire laudatur : tempus etiam
septem annorum, quo cum viro suo
manserat, congruit : nam propter do-
minicae privilegium majestatis, quo in
carne versatus docuit, in signum per-
fectionis simplex septem annorum est
numerus expressus : arrldet etiam Ec-
clesiae mysteriis Anna, et gratta cjns
interpretatur, et filia Phanuelis, qui fa-
DE SAINT LUC, CHAP. ÎI. 127
sa grâce, elle est fille de Phanuel , qui signifie face de Dieu , elle est
de la tribu d'Aser, qui veut dire bienheureux (1).
f. 39-41. — Après qu'ils eurent accompli tout ce qui était ordonné par la loi
du Seigneur, ils s'en retournèrent en Galilée, à Nazareth leur ville. Cependant
l'enfant croissait et se fortifiait, plein de sagesse ; et la grâce de Dieu était en
lui. Or ses parents allaient tous les ans à Jérusalem, à la fête de Pâques.
BEDE. Saint Luc omet ici ce qu'il savait avoir été raconté par saint
Matthieu, c'est-à-dire, la fuite en Egypte, où les parents de l'enfant
Jésus le transportèrent pour le dérober aux recherches homicides du
roi Hérode; et après la mort de ce tyran, le retour en Galilée, dans la
ville de Nazareth, où le Sauveur fixa son séjour. Les Evaugélistes ont
coutume en effet d'omettre certains faits qu'ils savent avoir été racon-
tés, ou qu'ils prévoient, en vertu de l'inspiration, devoir l'être par les
autres Evaugélistes. Ils poursuivent donc la suite de leur récit comme
s'ils n'avaient omis aucun fait intermédiaire. Toutefois, un lecteur
attentif, en comparant avec soin le récit d'un autre Evangéliste, voit
immédiatement où les faits qui ont été omis doivent trouver place.
Saint Luc donc, passant sous silence plusieurs de ces faits intermé-
diaires, continue ainsi son récit : « Et après qu'ils eurent accom-
plis, » etc. — Théophtl. Bethléem était leur ville comme patrie, et
Nazareth l'était comme lieu de leur domicile.
S. AuG. {de l'ace, des Evang., ii, 9.) On peut être surpris que saint
(1) C'est le sens que ces mots ont en hébreu, comme saint Jérôme le remarque dans son Traité
des noms hébreux. Ces noms cependant sont diversement interprétés par Bède lui-même dans le
Traité qu'il a composé sur la même matière. Il ne faut pas du reste attacher autrement d'impor-
tance à ces interprétations qui reposent sur le sens des mots, lorsqu'elles ne sont pas autorisées
par la sainte Ecriture, ou par la doctrine de l'Eglise et l'interprétation unanime des saints doc-
teurs.
des Dei dicitur, et de tribu Aser (id
est, beati) descendit.
Et ut perfecerunt omnia secundum leyem Domi-
ni, reversi sunt in GaWœani in civitatem siiam
Nazareth. Puer autem crescebat et conforta-
balur, ptenus sapientia , et (jratia Dei erat in
illo. Et ibant parentes ejns per omnes annos
in Hierusalem, in die solemni Paschœ.
Bed. Praetermisit hoc loco Lucas, quœ
aMatlhaeo satis exposita noverat ; Do-
minum videlicel post hoc (neajj Herode
necandus inveniretur), et in ^tryptum
a parentibus esse delatum, et defuncto
Herode sic deninm in Galilaeam rever-
sum, Nazareth civitatem suam inhabi-
tare cœpisse. Soient enim evangelistae
singuli sic omittere quœdam, quae vel
ab aliis commemorata viderunt, vel ab
aliis commeinoranda in spiritu praevi-
derunt, ut conlinuata suœ narralionis
série, quasi nuUa praitermisisse videan-
tur ; quai tamen alterius evangelistae
considerata Scriptura quo loco transita
fuerint, diligens Icctor inveniat. Uude
multis prœlermissis, Lucas dicit : « Et
ut perfecerunt omnia, » etc. Tiieophvl.
Erut qiiidem eorum civitas Bcthieliem
sicut patria, Nazareth vero tanquain ha-
bilaculum.
AuG. {de Cens. Evang., lib. ii^ cap.
9.) Forte autem hoc movet, quomodo
128
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
Matthieu donne pour motif du retour des parents avec l'enfant dans
la Galilée, la crainte qu'ils avaient d'Arcliélaiis, et qui les empêchait
de se fixer dans la Judée, tandis que le motif déterminant de leur
retour en Galilée^ c'est que Nazareth, située dans la Galilée, était leur
ville, comme saint Luc le remarque en cet endroit. Voici l'explication
de cette difficulté : Lorsque l'ange apparaît en Egypte à Joseph pen-
dant son sommeil, pour lui dire : cf Levez-vous, prenez l'enfant et sa
mère, et allez dans la terre d'Israël, » on peut très-bien entendre que
Joseph crut que l'ange lui donnait Tordre de retourner en Judée, qui
put se présenter la première à son esprit sous le nom de terre d'Israël.
Mais lorsqu'ensuite il eut appris qu'Archélaiis, fils d'Hérode, régnait
en Judée, il ne voulut point s'exposer à un si grand danger^ d'autant
plus que par terre d'Israël, il pouvait aussi bien entendre la Galilée,
puisque le peuple d'Israël l'habitait également. — Ch. des Pèr. gr.
ou Métaphr. Ou bien encore, ou peut dire que saint Luc parle ici du
temps qui précède la fuite en Egypte, car Joseph ne fut point parti
avant le temps de la purification de Marie. Or, avant de fuir en
Egypte, aucune révélation ne les avait avertis d'aller à Nazareth, et
ils s'y rendaient naturellement pour habiter de préférence dans leur
patrie. En effet, ils n'étaient venus à Bethléem que pour s'y faire
inscrire, et après avoir satisfait à la loi du dénombrement qui avait
déterminé leur voyage, ils retournent à Nazareth.
Théophyl. Le Sauveur aurait pu naître et sortir du sein de sa mère
dans la plénitude de l'âge, mais ce développement instantané eut paru
dépourvu de réalité. Il veut donc croître par degrés et en suivant les
progrès de l'âge : « L'enfant croissait et se fortifiait. » — Bède. 11
dicat Matthseus, propterea cum puero
parentes ejus iisse in Galilaeam, quia
metu Archelai in Judaeam ire noluerunt ;
cnm propterea magis iisse iu Galilseam
videantur, quia civitas eorum erat Na-
zareth Galilœae, sicut Lucas hic non ta-
cet. Sed intelhgendum est, ubi Angélus
in somnis in >ïgypto dixit ad Joseph :
« Surge, et accipe puerum et uaatrem
ejus, et vade in terram Israël, » sic in-
tellectum primo esse a Joseph, ut puta-
ret jussum se esse pergere iu Judœam
(ipsa enim intelligi primitus potuit terra
Israël.) Porro autem postea quoniam
comperit ilUc regnare filium Herodis
Archelaum, noluit objicere se illi peri-
culo, cum posset terra Israël etiam sic
intelligi, ut etiam Galilœa illi deputare-
tur, quia et ipsam populus Israël inco-
lebat. Gr.ec. {vel Metaphrastes, in Cat.
Grœcorum Patrum,ubisiip.) Vel aliter:
enumerat hic Lucas tempus ante des-
censum in ^Egyptum : neque enim ante
purgationem eam Joseph deduxisset.
Ante vero quam in .ïgyptum descende-
reut, non receperant per oracula ut
Nazareth pergerent ; imo quasi libentius
in patria conversantes, illuc ultro perge-
bant. Cum enim ad nihil aliud ascensus
in Bethlehem evenisset, nisi causa des-
criptionis, expedito eo, cujus causa as-
ceuderant descendunt in Nazareth.
TuEOPHYLACT. Poterat autem secun-
dum corpus ex ipso ulero in mensuram
maturse œtatis prodire; sed videretur
hoc secundum phantasiam ; propterea
paulatim crescit : unde sequitur : « Puer
autem crescebat, etconfortabatur. » Bed.
DE SAINT LUC, CHAP. II. 129
faut faire attention à la signification bien distincte de ces paroles ; car
Notre-Seigneur n'avait besoin de croitre et de se fortifier, que parce
qu'il s'était fait enfant, et qu'il avait revêtu notre nature fragile et
mortelle. — S. Athan. {de Vincarn. de J.-C) Mais si, comme quel-
ques-uns le prétendent, la chair avait été changée et absorbée par la
nature divine, comment pouvait-elle prendre de l'accroissement? car
on ne peut sans blasphème attribuer de l'accroissement à celui qui est
incréé. — S. Cyr. ou plutôt Théodor. {Chaîne des Pèr. gr.) L'Evan-
géliste joint l'accroissement de la sagesse aux progrès de l'âge, en di-
sant : « Et il se fortifiait, » c'est-à-dire en esprit, car la nature divine
se déclarait par degrés en se proportionnant aux prçgrès de l'âge. —
Théophyl. S'il eût fait éclater toute sa sagesse dès sa plus tendre en-
fance, on eût vu là un prodige étonnant, il se révéla donc en suivant
le progrès de l'âge, pour parcourir ainsi toutes les phases de la vie. Si
du reste il est dit qu'il se fortifiait en esprit, ce n'est point dans ce sens
qu'il reçut la sagesse comme par degrés, car comment celui qui, dès
le commencement avait toute perfection, aurait-il pu devenir plus
parfait? Aussi l'Evangéliste ajoute : « Il était plein de sagesse, et la
gloire de Dieu était en lui. » — Bède. Plein de sagesse, parce que la
plénitude de la divinité habitait en lui corporellement (1); plein de
grâce, parce que Jésus-Christ fait homme a reçu dès le premier mo-
ment de son incarnation cette grâce extraordinaire d'être aussi Dieu
parfait. A plus forte raison, en tant que Yerbe de Dieu, et Dieu lui-
(1) Coloss., II, 9. Saint Paul dit que la divinité habite corporellement en Jésus-Christ, parce que
ce n'est point une présence figurative comme sous la loi, mais une présence réelle. Elle réside
non-seulement dans son âme, comme dans les saints par la foi et la charité, mais dans son corps
à cause des doux natures réunies en une seule et même personne. Ou bien encore, la divinité
habite corporellement en Jésus-Christ, parce que Dieu est en lui dans les trois sens possibles, par
sa présence générale et universelle dans tout ce qui est créé, par sa présence particulière dans
les justes qu'il sanctifie par sa grâce, et enfin, ce qui est exclusivement propre à Jésus-Christ, par
l'union personnelle de la divinité avec la nature humaine.
Notanda est distinctio verborum, quia
Dominus Jésus Christus in eo quod puer
crat (id est; habitum humanatî fragilitalis
induerat), crescere et coufortari habe-
bat. Atiian. {lib. de Incarnat. Christi,
contra Appollinarium.) Cœterum si
secundum quosdam caro iii divinam
naturam umlata est, quoniodo capiebat
augmenlum? Increato enim augnientum
attribuere, nefarium est. Cyril. (reZ
-potins T/ieodorelus, in Lut. Grœcorum
Patruni.) Decenter vero œlalis incrc-
menlo sapientiœ conjunxit augmenlum,
cum dicit : « Et conforlabatur, » scilicet
spiritu : nam juxta mensuram œlatis
corporeœ, natura divina sapientiam pro-
TOM. V.
priam revelabat. Theopu. Si enim dum
parvus aetale erat, sapientiam demons-
trasset, videretur prodigium ; sed per
proi'ectum retatis seipsuni ostendebat, ut
tolumimpleret orbem. Non autem quasi
suscipiens sapientiam, spiritu confortari
dicilur : quod enim ab initio perfectis-
simum est, quomodo potest deiude per-
fectius fieri? Unde sequilur : « Plenus
sapieutia, et gratia Uei erat in iiio. »
Bed. Sapientia quidcin , quia in ipso
habitat omnis pleniludo Diviuitalis cor-
poraliter; gratia autem quiahomini Jesu
Christo inagna gratia donatum est ut ex
quo homo fieri cœpisset, perfeclus esset
et Deus : multo autem magis, in eo quod
9
i30
EXPLICATION DE l' ÉVANGILE
même, il n'avait besoin ni de croître, ni de se fortifier. On peut dire
encore que la grâce de Dieu était en lui, tout petit enfant qu'il était,
afin de donner ainsi à son enfance remplie de la sagesse de Dieu ce
caractère admirable qui est empreint sur sa vie toute entière.
« Or ses parents allaient tous les ans à Jérusalem à la fête de
Pâques. » — S. Ghrys. (Il Disc, contr. les Juifs.) La loi obligeait les
Israélites à célébrer les grandes solennités, non-seulement dans le
temps, mais dans le lieu marqué, aussi les parents du Seigneur ne
voulaient point célébrer la fête de Pâques bors de Jérusalem. —
S. AuG. {de l'accord des Evang., ii, 20.) Mais comment Marie et Jo-
sepb pouvaient-ils se rendre cbaque année à Jérusalem pendant l'en-
fance de Jésus, alors que la crainte d'Arcbélaûs devait les en éloigner?
Cette difficulté serait facile à résoudre, alors même qu'un des Evan-
gélistes aurait précisé la durée du règne d'Arcbélaiis, car les parents
de Jésus pouvaient très-bien venir à Jérusalem sans être remarqués
parmi cette grande multitude qui s'y rendait pour la fête de Pâques,
d'autant plus qu'ils s'en retournaient aussitôt. Au contraire ils pou-
vaient craindre d'y fixer leur séjour dans un autre temps de l'année.
Ils satisfaisaient ainsi les devoirs de religion que la loi leur imposait,
et ils ne s'exposaient point à être remarqués par un séjour prolongé.
Mais comme tous les Evangélistes se taisent sur la durée du règne
d'Arcbélaûs, nous sommes autorisés à entendre ce passage de saint
Luc : « Ils allaient tous les ans à Jérusalem, » d'un temps où Arcbé-
laùs n'était plus à redouter.
y. 41-50. — Et lorsqu'il eut atteint sa douzième année, ils allèrent à Jérusalem,
selon ce qu'ils avaient accoutumé au temps de la fête. Après que les jours que
Verbum Dei et Deus erat, nec confor-
tari indigebat, nec babebat augeri.
Adhuc autem cum parvulus esset, ba-
bebat gratiam Dei^ ut quomodo in illo
omnia mirabilia fuerant, ita et pueritia
mirabilis esset, « ut Dei sapientia com-
pleretur. »
Sequitur : « Et ibant parentes ejus
per omnes annos in Hierusalem, in die
solemni Pascbae. » Chrys. (Orat. 2,
contra Jtidœos.) In Hebrasorum solemni-
tatibus, non solum tempus, sed etiam
locum observare lex jusserat; et ideo
nec Domini parentes extra Hierosoly-
mam celebrare Pascba volebant. AuG.
{de Cou. Evang.. lib. n, cap. 20.) Quo-
modo autem ibant parentes ejus per
omnes annos pueritise Christi in Hieru-
ealem, si Archelai timoré illuc prohibe-
bantur accedere? Hoc mihi dissolvere
non esset difficile, nec si aliquis evange-
listarum expressisset, quandiu regnaret
Arcbelaus : fieri enim poterat ut per
diem festum iuter tam ingentem turbam
latenter ascenderent, mox reversuri ;
ubi tamen aliis diebus habitare metue-
ruut^ ut nec solemnitate prœtermissa
Cisent irreligiosi, ne continua mansione
conspicui : cum vero etiam de regno
Archelai omnes qiiam fuerit diuturnum
tacuerint, iste quoque intellectus patet
ut quod Lucas dicit: « Per omnes annos
eos ascendere solitos in Hierusalem, »
tune accipiamus factum cum jam non
timeretur Arcbelaus.
Et cum factus esset annorum duodecim , asceti-
dentibus Mis Hierosolymam , secundum eon-
DE SAINT LUC, CHAP. II.
431
dure la fête furent passés, ils s'en retournèrent, et l'enfant Jésus demeura
dans Jérusalem, et ni son père ni sa mère ne s'en aperçurent. Et pensant qu'il
serait avec quelqu'un de ceux de leur compagnie, ils marchèrent durant un jour,
et ils le cherchaient parmi leurs parents et ceux de leur connaissance. Mais ne
l'ayant point trouvé, ils retournèrent à Jérusalem pour l'y chercher. Trois jours
après ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant
et les interrogeant. Et tous ceux qui l'écoutaient étaient ravis en admiration
de sa sagesse et de ses réponses. Lors donc qu'ils le virent, ils furent remplis
d'étonnement, et sa mère lui dit : Mon fils, pourquoi avez-vous agi ainsi avec
nous ? Voilà votre père et moi qui vous cherchions étant tout affligés. Il leur
répondit : Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je
sois occupé aux choses qui regardent le service de mon Père ? Mais ils ne
comprirent point ce qu'il leur disait.
S. Cyr. {Chaîne des Pèr. (jr.) L'Evangéliste vient de dire que l'en-
faiit croissait et se fortifiait, il eu douue maiuteuaut la preuve en
nous montrant Jésus se rendant à Jérusalem avec la sainte Vierge sa
mère : « Lorsqu'il eut atteint sa douzième année. » — Ch. des Pèr. gr.
ou Géom. La manifestation de la sagesse ne dépasse pas ici la portée
de l'âge, c'est à l'époque de la vie où nous devenons capables de
discernement et de réflexions (c'est-à-dire, à l'âge de douze ans), que
la sagesse de Jésus-Christ se révèle. — S. Ambr. Ou bien il commence
ses divins enseignements à l'âge de douze ans, pour figurer le nombre
des premiers prédicateurs de l'Evangile. — Bède. {sur S. Luc.) Nous
pouvons encore dire que, comme le nombre sept, le nombre douze
(formé des deux parties du nombre sept multipliées l'une par l'autre)
figure l'universalité et la perfection des temps et des choses ; c'est donc
pour nous apprendre que la lumière qu'il apporte au monde, doit
suetudinem diei festi, consummatisque die-
hus cum redirent, remansit puer Jésus in Eie-
rusalem, et non cognoverunt parentes ejus.
Existimanles autem illum esse in comitalu,
venerunt iter diei, et requirebant eum inter
cognatos et notos. Et non inuenientes eum, re-
gressi sunt Hierusalem requirentes eum. Et
factum est post triduum , inoenerwii illum in
templo, sedcntem in medio doctorum, audien-
ten illus et interrogantem eos. Slupehant au-
tem omnes qui eum audiebant super prudentia
et responsis ejus. Et videntes admirali sunt.
Et dixit mater ejus ad illum : Fili , qnid fe-
cisli nobis sic ? Ecce pater tuus et ego dolen -
tes quœrebamus te. Et ait ad illos : Quid est
quod me quœrebatis ? Nesciebatis quia in his
quœ Patris mei sunt, oportet me esse ? El ipsi
non intellexerunt verbum quod locutus est ad
eos.
CvniL. {in C'at. Grœcorum Patruin,
ubi stip.) Quia dixerat Evangelista quod
puer crescebat et conforlabatur, pro-
prium sermonera verificat, iudueeusJe-
sum una cum sacra Virgine in Hierusa-
lem ascendentem : unde dicitiir : « Et
cum factus esset annorum duodociiii. »
Gr.ec. {vel Geometer, ubi sup.) Non
enim indicium sapienliœ transcendit
aitatis raensuram, sed quo lempore pê-
nes nos discrelionis ratio pcrfici con-
suevit (12 scilicet auno) Chrisli sapieutia
denionstratur. Ambr. Vel a duodcfimo
anno domiuica; sumiLur dispulaliouis
exordium ; hic euim prœdlcandaî fidei
evangelizantium numerus debebatur.
Bed. [in Lacam.) Possumus et hoc di-
cere, quia sicut septenario numéro, sic
et duodenario (qui multiplicatis inter se
invicem seplenarii partibus constat), vel
rerum , vel temporum universitas ac
perfectio designatur ; atque ideo quo
omnia loca vel tempora doceat occu-
432
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
remplir tous les temps et tous les lieux, que Jésus-Christ commence à
en répandre les premiers rayons à l'âge de douze ans.
Bède. (hom.) Notre-Seigneur venait tous les ans avec ses parents
célébrer la l'été de Pâques dans le temple de Jérusalem, et il nous
donne en cela un exemple de sa profonde humilité comme homme,
car c'e.-t un des premiers devoirs de l'homme d'être fidèle à offrir à
Dieu des sacrifices, et de se le rendre favorable par ses prières. Le Sei-
gneur fait homme a donc accompli parmi les hommes ce que Dieu
avait commandé aux hommes par ses anges : « Selon la coutume
de cette fête, » dit l'Evangéliste ; soyons donc fidèles nous-mêmes à
suivre les pas de ce Dieu fait homme, si nous aspirons au bonheur
de contempler un jour la gloire de sa divinité.
Ch. des Pèr. gr. ou Métaph. Après la fête tous s'en retournèrent,
mais Jésus resta secrètement : « Les jours de la fête étant passés, l'en-
fant Jésus resta dans la ville de Jérusalem, et ses parents ne s'en aper-
çurent pas. » L'Evangéliste dit : « Les jours de la fête étant passés, ».
parce que la solennité de la fête de Pâques durait sept jours. Le Sau-
veur reste secrètement, afin que ses parents ne pussent s'opposer à la
discussion qu'il désirait avoir avec les docteurs de la loi; ou bien
peut-être voulait-il éviter de paraître mépriser l'autorité de ses pa-
rents, en refusant de leur obéir. Il reste donc secrètement, pour agir
en toute liberté, ou pour ne pas s'exposer au reproche de désobéis-
sance. — Orig. {ho?7i. 19.) Ne soyons pas surpris de voir l'Evangéliste
donner à Marie et à Joseph le nom de parents de Jésus, alors que
Marie par son enfantement, et Joseph par les soins dont il entourait
ce divin enfant, ont mérité d'être appelés son père et sa mère. —
BÈDE. {si(7' S. Li(c.)On. demandera sans doute comment les parents de
pari, recte a duodecimo numéro jubar
Christi sumit exordium.
Beda. {i7i hom.) Quod autem Dominus
per omnes annos cum parentibus in
Pascha Hierosolymam venit, bumilitatis
est bumanae indicium : bominis nam-
que est ad offerenda Deo sacrificia con-
currere, et eum orationibus conciliare.
Fecit ergo Dominus inter bomines bomo
natus quod faciendum bominibus per
angelos imperavit Deus. Unde dicitur :
« Secundum consuetudinem diei festi : »
sequamur igitur iter bumanae conversa-
tionis ejus, si Deitatis gloriam delecta-
mur intueri.
Grj;c. {vel Metaphrastes et Geometer,
ubi sup.) Celebrato autem festo, aliis
remeantibus, Jésus latenter remansit :
unde sequitur : « Consummatisque die-
bus cum redirent, remansit puer Jésus
in Hierusalem, et non cognoverunt pa-
rentes ejus. » Dicit autem : « Consum-
matis diebus, » quia septem diebus du-
rabat solemnitas. Ideo autem latenter
remanet, ne parentes impedimeuto es-
sent disputatiooi peragendœ cum legis-
peritis : vel forsitan boc evitans, ne vi-
deatur parentes coutemnere, si mandatis
non pareret. Latenter ergo remanet, ne
aut retrabatur, aut sit inobediens. Orig.
[hom. 19.) Non autem \a.\Tnn\\\v parentes
vocatos, quorum aller ob partum, alter
ob obsequium, patris et matris merue-
runt vocabula. Beda. (in Lxœam.) Sed
quaeret aliquis quomodo Dei Filius tanta
parentum cura nutritus potuerit obli-
DE SAINT LUC, CHAP. II. 133
Jésus, qui veillaient avec une si grande sollicitude sur ce divin enfant
ont pu le laisser par oubli dans la ville de Jérusalem. Nous répondons
que les Juifs, à l'époque des grandes fêtes de l'année, soit en se ren-
dant à Jérusalem, soit en retournant dans leur pays, avaient coutume
de marcher par troupes, les hommes séparés des femmes, et les en-
fants pouvaient aller indififéremment avec les uns ou avec les autres.
Marie et Joseph ont donc pu croire chacun de leur côté que l'enfant
Jésus, qu'ils ne voyaient point avec eux, se trouvait soit avec son
père, soit avec sa mère. C'est ce qu'ajoute l'Evangéliste : « Mais pen-
sant qu'il était avec quelqu'un de leur compagnie, » etc.
Orig. L'enfant Jésus resta dans la ville de Jérusalem, en laissant
ignorer à ses parents qu'il y était resté, comme plus tard il s'échappa et
disparut du milieu des Juifs, qui lui dressaient des embûches : « Et
ne le trouvant pas, ils revinrent à Jérusalem pour le chercher, et trois
jours après, ils le trouvèrent dans le temple, » etc. — Orig. {hom. d8.)
On ne trouve pas Jésus dès les premiers pas que l'on fait pour le cher-
cher; car Jésus ne se trouve ni parmi ses parents ou parmi ceux quilui
sont unis par les liens du sang, ni parmi ceux qui ne s'attachent
à lui qu'extérieurement; on ne peut espérer non plus trouver Jésus
au milieu de la foule. Apprenez donc où ils le cherchent et où ils le
trouvent, ce n'est point partout indififéremment, mais dans le temple.
Vous donc aussi, cherchez Jésus dans le temple de Dieu, cherchez-le
dans l'Eglise, cherchez-le auprès des docteurs qui enseignent dans le
temple; si vous le cherchez de la sorte, vous le trouverez infaillible-
ment. {Et hom. 19). Ils ne le trouvèrent point parmi leurs parents, car
une parenté toute naturelle ne pouvait avoir au milieu d'elle le Fils
viscendo relinqui : cui respondendum :
Quia filiis Israël mos fuit, ut temporibus
festis, vel Hierosolymam conflueutes, vel
ad propria redeuntes, seorsum viri, seor-
sum feininae incederent, infantesque ,
vel pueri cuni quolibet parente indilfe-
renter ire potuerint; ideoque Mariani
vel Joseph vicissim putasse puerum Je-
sum, quem secum non cernebat, cum
altero parente reversuui. Unde sequitur :
« Existimantes autem ilium esse in co-
mitatu, » etc.
Orig. {ut sup.) Sicut autena quando'
insidiabantur ei Judœi, elapsus est de
niedio eorum, et non apparuit; sic et
nunc puto remansisse puerum Jesum, et
parentes ejusubi remanserit, ignorasse :
sequitur enim : « Et non invenientes,
regressi sunt in Hierusalem requirentes
eum. » Glos. Una quidem die reversi
sunt a Hierusalem ; secunda quaerunt
inter cognatos et notos ; et non inve-
nientes tertia die, regressi sunt in Hie-
rusalem, et ibi invenerunt. Unde sequi-
tur : « Et factum est post triduuni, inve-
nerunt illum, » etc. Orig. (hom. 18.)
.Non stalim ut quœritur^ invenitur : non
enim inter cognatos et carnis propin-
quos invenitur Jésus ; non in his qui
corporaliterei juneti sunt : in multorum
comitalu Jésus meus non potest inve-
niri : disce ubi eum quœreutes repe-
riaui, : non ubicunque, sed in lempio.
Et tu ergo qucere Jesum in teuiplo Dei,
quaere in Ecclesia, ijuœre apud magistros
qui in templo sunt ; si enim ita quœsie-
ris, invenies. {Et hom. 19.) Non inve-
nerunt eum inter cognatos ; neque enim
134
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
de Dieu, qui est supérieur à toute connaissance et à toute science
humaine. Où donc le trouvent-ils? Dans le temple. Si vous voulez
aussi ehcrclier le Fils de Dieu, cherclicz-lc d'abord dans le temple,
liàtez-vous d'y entrer, c'est là que vous trouverez le Christ, la parole
et la sagesse du Père, c'est-à-dire le Fils de Dieu.
S. Amb. Ils le trouvent dans le temple après trois jours, comme
figure que trois jours après sa passion triomphante, alors qu'on le
croyait victime delà mort, il se montrerait plein de vie à notre foi,
assis sur son trône des deux, au milieu d'une gloire toute divine. —
La Glose. Ou bien ces trois jours de recherche signifiaient que les pa-
triarches avant la loi, avaient cherché l'avènement de Jésus- Christ
sans le trouver, que les prophètes et les justes sous la loi l'avaient
également cherché sans être plus heureux, tandis que les Gentils qui
l'ont cherché sous la loi de grâce l'ont trouvé.
Orig. {hom. 19.) Comme il était le Fils de Dieu, on le trouve au
milieu des docteurs, leur inspirant la sagesse et les instruisant; mais
parce qu'il était enfant on le trouve au milieu d'eux, ne leur faisant
point de leçons expresses, mais se contentant de les interroger : « Ils
le trouvèrent assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interro-
geant. » Il agit ainsi pour donner l'exemple de la soumission et de la
déférence qui convient aux enfants, et leur apprendre la conduite qu'ils
doivent tenir, fussent-ils doués d'une sagesse et d'une science supé-
rieures à leur âge. Ils doivent écouter leurs maîtres plutôt que de
chercher à les instruire et à se produire par un sentiment de vaine
ostentation. Jésus interroge les docteurs, non pas sans doute pour
s'instruire, mais bien f)lutôt pour les enseigner en les interrogeant,
car c'est de la même source d'intelligence et de doctrine que viennent
poterat humana coguatio Dei Filium
continere ; non inveuitur inter notos,
quia major est notitia scientiaque mor-
tali : ubi igitur iuveniunt eum ? In tem-
plo. Si quando et tu qugesieris Filium
Dei, quaereprimum in templo; illuc pro-
pera ; ibi utique Christum sermonem
atque sapientiam (id est, Filium Dei)
reperies.
Ambr. Post triduum reperilur in tem-
plo, ut esset indicio quia post triduum
triumphalis passionis in sede cœlesli et
honore divino fidei nostrœ se ostenderet
resurgeus, quimortuus credebatur.GLOS.
Vel quia quœsitus adveutus Christi a
patriarchis ante legem non estinventus,
quœsitus a prophetis et justls sub lege
non est inventus; quœsitus a genlibus
sub gratia invenitur.
Orig. {hom. 9.) Quia porro Dei Filius
erat, invenitur in medio prœceptorum,
sapientificaus et erudiens eos; quia vero
parvulus erat, invenitur in medio, non
eos docens, sed interrogans: unde di-
citur : « Sedentem in medio doctorura,
audientem illos, et interrogantem eos. »
Et hoc pietatis officio, ut nos doceret
quîd pueris (quamvis sapientes et eru-
diti sint) couveuiret, ut audiaut potius
magislros quam docere desiderent, et
se vana ostentatione non jactent. luter-
rogabat autem, non ut addisceret, sed
ut interrocans erudiret : ex uno quippe
doctrinœ ^fonte manat, et interrogare,
DE SAINT LUC. CHAP. IL 135
ses questions et ses réponses pleines de sagesse : « Et tous ceux qui
l'entendaient, admiraient la sagesse de ses réponses, » etc. — Bède.
Pour montrer qu'il était homme, il écoutait modestement des doc-
teurs qui n'étaient que des hommes; mais pour prouver qu'il était
Dieu, il répondait à leurs questions d'une manière sublime. — Cii.
DES Pér. gr. ou Métaph. Il interroge avec iuteUigence, il écoute avec
sagesse, et répond avec plus de sagesse encore, ce qui ravissait d'ad-
miration ceux qui l'entendaient : « Et tous ceux qui l'entendaient
étaient confondus de sa sagesse et de ses réponses. » — S. Chris.
ijiom. 20 sur S. Jean.) Le Sauveur n'a fait aucun miracle dans son
enfance, et saint Luc ne nous en raconte que ce seul fait, qui ravit
d'admiration et d'étonnement ceux qui en furent témoins. — Bède.
Ses paroles, en effet, révélaient une sagesse divine, mais son âge le
couvrait des dehors de la faiblesse humaine ; aussi les Juifs, partagés
entre les choses sublimes qu'ils entendaient et la faiblesse extérieure
qui paraissait à leurs yeux éprouvaient un sentiment d'admiration
mêlé de doute et d'incertitude. xMais pour nous rien ici de surprenant,
car nous savons par le prophète Isaïe, que s'il a voulu naître petit
enfant pour nous^ il n'en reste pas moins le Dieu fort (I).
Cn. DES PÈR. GR. {ou Métapliv. et Géom.) Admirons ici la mère de
Dieu, dont les entrailles maternelles sont si vivement émues ; elle lui
dépeint , en gémissant , ses anxiétés pendant cette douloureuse re-
cherche , et exprime tous les sentiments qui l'agitent avec la con-
fiance, la douceur et la tendresse d'une mère : a Et sa mère lui dit :
Mon fils, pourquoi avez-vous agi ainsi avec nous ?» — Orig. {Chaîne
des Pères grecs.) Cette Vierge sainte savait bien qu'il n'était point le
(!) Le texte sacré unit ce* deux mots tant dans les Bibles grecques que dans les latines. Saint
Jérôme veut qu'on les sépare en ce sens : « Il sera appelé Dieu, le Fort, u etc.
et respondere sapienter : unde sequi-
tur : " Stupebant autem omnes qui eum
audiebant super prudenlia, » etc. Bed.
Ad Oitendendum enim quia homo erat,
homines mafjistros humilitcr audiebat ;
ad prùbandum vero quia Deus erat,
eisdein loquentibus sublimiter respon-
debat. GR.y.f:. ! vnl Metophrastes et Ceo-
meter, ubi supra.) QuEerit enim ratio-
nabiliter, audit prudenter, rc.-pondetqiie
prudeutius , quod stuporem faciebat ;
unde sequilur : « Kt videnles admirati
riunt. » CHRVri. (svper Joan , bom. 20.)
Nulluin quippe iniracuUim esit Uoirinus
in pueritia ; hoc tamen unum prodit
Lucas, per quod admirabilis videbatur.
BErj. Divinaui siquidem lingua sapien-
tiam piodebat, sed infirmitatem setas
praeteudebat liumauam ; unde Judaei in-
ter alta quae audiunt, et intima quae vi-
dent, dubia admiratione turbantur : nos
autem nequaquam miremur , scientes
secundum Prophetam {Isai., 9) quod sic
parvulus natus est nobis, quod permanet
Deus fortis.
Grjcc. {vel Metaphrastes et Geome-
1er, ubi svp.) Miranda vero Dei genilrix
niaternis affecta visceribus, quasi cum
lameulis inquisitionem dolorosam osten-
dit; et omuia sicut mater, et fiducialiter,
et humiiiter, etaffectuoseexprimit : unde
sequitur:« Et dixit mater ejus ad ilium:
Fili, quid fecisti"?))etc. Orig. {in Cat.Grœ-
corum Patruin.) Noverat Virgo sacrata
136
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
fils de Joseph, et cependant elle appelle son chaste époux le père de
Jésus, pour se conformer à l'opinion des Juifs qui pensaient que son
divin Fils avait été conçu comme les autres enfants, (/iom. 17.) L'expli-
cation la plus simple est de dire que l'Esprit saint a honoré Joseph du
nom de père de Jésus , parce qu'il a été chargé de l'élever. D'après
une interprétation plus recherchée , on peut dire que l'Evaugéliste
ayant fait descendre la généalogie de Jésus-Christ de David à Joseph,
cette généalogie paraîtrait donnée sans raison, si Joseph n'était pas
appelé le père de Jésus, {hom. 49.) Mais pourquoi le cherchaient-ils?
craignaient-ils qu'il n'eût péri ou qu'il se fût égaré ? Loin de nous
cette pensée. Comment auraient-ils pu craindre la perte de cet enfant
dont ils connaissaient la divinité ? Lorsque vous lisez les saintes Ecri-
tures, vous cherchez avec une certaine peine à en découvrir le sens,
ce n'est pas, sans doute, que vous pensiez que la divine Ecriture puisse
renfermer des erreurs ou des choses dites au hasard ; mais vous dé-
sirez trouver la vérité qui est cachée sous l'écorce de la lettre. C'est
ainsi que Marie et Joseph cherchaient l'enfant Jésus, en craignant que
peut-être il ne les eût quittés et ne fût remonté dans les cieux , pour
eu descendre de nouveau lorsqu'il le jugerait à propos. Celui donc
qui cherche Jésus, ne doit point agir avec négligence et avec mollesse,
comme font plusieurs qui le cherchent et ne le trouvent point , mais
il doit faire de grands efforts, et se donner de la peine. — La Glose.
Peut-être aussi craignaient-ils que d'autres ennemis de Jésus , pro-
fitant de roccasion_, ne missent à exécution , contre ce divin enfant,
les desseins homicides qu'Hérode avait formés contre lui dès son
berceau.
Ch. des Pèr. gr. {ou Métaph. et Géom.) Cependant Notre-Seigneur
répond pleinement à la question de sa mère ; il redresse , pour ainsi
hune uon esse filuim Joseph , et tamen
patrem vocat illius sponsum suum,
propter Judaeoruin suspiciouem œsti-
mantium ipsum vulgo esse conceptum.
Et {hom. 17, in Luc.) Dicetur autem
forte sinipUcius, quod eum houoravit
Spiritus patris nomioe, et quod puerum
Jesum educavit; artificiosius vero , eo
quod genealogiam Joseph ex David pro-
duxit, ne superflua censeretur. Et {hom.
19.) Cur autem eum qusBrebaut? au ex
60 quod perierit, aut erraverif? Absit :
nunquid euim fieri poterat ut perditum
formidarent infautem , quem Dominum
esse cognoverant ? Sed quomodo tu , si
quando Scripturas legis , quseris in eis
sensum eum dolore, non quod Scriptu-
ras errasse arbitreris, aut perperam ali-
quid continere, sed veritatem quam in-
trinsecus habent, quœris iuvenire; ita
illi quairebant Jesum , ne forte relin-
queus eos reversus esset ad cœlos ; eum
illi placuisset iterum descensurus. Opor-
tet ergo eum qui quaerit Jesum , non
uegligeuter et dissolute transire, sicut
multi quairuut et non inveniuut , sed
eum labore et dolore. Glos. Vel metue-
bant ne , quod Herodes iu infaulia ejus
patrasse quaesierat^ tuncjam in puerilia
positum inventa opportunitate alii inter-
ficerent.
Gb^c. [vel Metaphrastes et Gcome-
ter , ubi supra.) Sed ipse Dominus res-
pondet ad omnia, et corrigeas quodam-
DE SAINT LUC, CHAP. II. 137
parler, ce qu'elle vient de dire de celui qui passait pour son père , et
déclare quel est son véritable père, enseignant ainsi à sa sainte mère
à s'élever dans les régions supérieures à tout ce qui est terrestre : «Et
il leur dit : Pourquoi me cherchez-vous? » — Bède. Il ne les blâme
pas de ce qu'ils le cherchaient comme leur fils , mais il les force de
lever les yeux de leur âme vers les devoirs qu'il doit remplir à l'égard
de celui dont il est le Fils éternel : « Ne saviez- vous pas , » etc. — ■
S. Ambr. Il y a en Jésus-Christ deux générations , l'une paternelle,
l'autre maternelle. La première est une génération divine j c'est par
la seconde qu'il est descendu jusqu'à notre pauvre nature pour la
sauver. — S. Ctr. {Chaîne des Pères grecs.) En parlant de la sorte,
il montre qu'il s'élève au-dessus de la nature humaine, et tout en re-
connaissant que la sainte Vierge est devenue l'instrument de la ré-
demption en devenant sa mère selon la chair , il proclame en même
temps qu'il est vraiment Dieu , et le Fils du Très-Haut. Que les par-
tisans de Valentin, après avoir entendu dire que Jésus est le temple
de Dieu, rougissent d'affirmer que le Créateur et le Dieu de la loi et
du temple n'est point le Père de Jésus- Christ. — S. Epiph. {conl. les
hérés., II, 31.) Qu'Ebion lui-même remarque que c'est à l'âge de douze
ans, et non point après sa trentième année, que Jésus-Christ ravit en
admiration par la sagesse et la grâce de ses discours ; on ne peut donc
avancer qu'il n'est devenu Christ, en recevant l'onction divine , qu'au
jour de son baptême, lorsque l'Esprit saint descendit sur lui; mais
dès son enfance même, il faisait profession d'honorer le temple et de
reconnaître Dieu pour son Père. — Ch. des Pèr. gr. Ce fut ici la
première manifestation de la sagesse et de la puissance de l'enfant
Jésus ; car ce que l'on raconte des occupations et des actions de son
modo dictum ejus, de eo qui putabaLur
pater, verum patrem manifestât ; docens
non per infima gradi , sed in altuni ex-
tolli : unde sequitur : « Et ait ad illos :
Qiiid est quod me qurBrebalis ? » Bed.
Non quod eum quasi filium quœrunt
vitupérât, sed quid potius deboat ei, cui
est œternus Filius , mentis oculos attol-
lere cogit : unde sefjuitur : « Nescieba-
tis quia, » etc. Ambr. Duœ sunt in
Christo generationes : una est paterna,
altéra materna; paterna divinior, ma-
terna vero quae in nostrum laborom
usumque descendit. Cyril, {in Cut.
Grœconnn Patnim, ubi supra.) Hoc
igitur dicit, ostendens se mensuram iiu-
uianam transcendere ; et innuens quod
sacra Virgo effecta sit ministra negotii,
cum peperit carnem ; ipse vero natura-
liter et vere Deus erat , et Filius Patris
excelsi. Hinc autem Valentiui sequaces
audieutes quod templum erat Dei , eru-
bescantdicere quod Creator etlegis Deus
ettempli non ipsePaterestCbristi.Ei'iPH.
[contra hœr., 1. ii, baer. 31.) Attendat
et Ebion quod post annos duodecim, et
non post trigesimum annum Christus
reperitur stupendus iu sermonibus gra-
tiœ : quamobrem non est dicere , quod
postquam venit ad eum Spiritus in bap-
lismo, factus fuit Christus , id est, une-
(i(s Divinitatc , sed ab ipsa puerilia et
templum aguovit et Patrem. Gr.ec. [vel
Ceomefer, ubi sup.) Hœc est demons-
tratio prima sapieutiae et virtutis pueri
Jesu : nam quse puerilia ejus vocantur,
138
EXPLICATION DE L EVANGILE
enfance, ne sont pas seulement des puérilités, mais des inventions dia-
boliques qui, dans un but évidemment mauvais , cherchent à déna-
turer ce qui est rapporté dans Ifis Evangiles et dans les saintes Ecri-
tures. On peut seulement admettre que ce qui est généralement cru parmi
les fidèles, et qui est loin d'être contraire à nos croyances , s'accorde
plutôt avec les oracles prophétiques, c'est-à-dire que Jésus était le plus
beau des enfants des hommes , plein d'obéissance pour sa mère , d'un
caractère aimable,, d'un aspect tout à la fois majestueux et simple,
d'une éloquence naturelle , doux et obligeant, d'une activité et d'un
courage en rapport avec la sagesse dont il était rempli ; enfin, d'une
mesure et d'une modération parfaite dans toute sa vie et dans ses dis-
cours, bien qu'on y ressentait quelque chose de surhumain ; car l'hu-
milité et la modestie forment son principal caractère. Aucune main
d'ailleurs n'entreprit de le diriger dans toute sa conduite, excepté
celle de sa mère. Jésus nous donne ici une imposante leçon. Le reproche
qu'il fait à Marie, de le chercher parmi ses proches , nous suggère le
détachement des liens du sang, et nous apprend qu'il est impossible
d'arriver à une vertu éminente pour celui qui aime à s'égarer dans les
satisfactions de la nature, et qii'on s'éloigne de la perfection par un
trop grand amour pour ses proches.
« Et ils ne comprirent pas, » etc. — Bède. Ils ne comprirent pas ce
qu'il venait de leur dire de sa divinité. — Orig. {hom. 20.) Ou bien
ils ignoraient si par ces paroles : « Aux choses qui regardent le ser-
vice de mon Père, » il voulait parler du temple, où si ces paroles ren-
fermaient un sens plus élevé, d'une utilité plus immédiate; car cha-
cun de nous, s'il est bon et vertueux, devient la demeure et comme le
non puerilis tantum. sed etiam diabolicfe
putamus esse mentis ac perversae inten-
tionis. aggredientis ea calumniari quae
in ETangeÛo et in sacris habentur elo-
giis; nisi quis ea sola suscipere velit quai
a multis creduntur, nec aliis professio-
nibus nostris contraria sunt , sed magis
propheticis dictis consona; quia specio-
sus forma prae filiis hominum , et matri
obediens, et moribus facetus, et visu non
modicum venerandus et placidus, ad
loquendum facundus, dulcis et providus
multum strenuitate cognitus , tanquam
qui repletus sapientia fuerat; et sicut in
aliis j sic conversationis bumanse atque
locutionis, quamvis supra bominem,
terminus et ratio : mansuetudo enim sLbi
praecipuum elegit locum. Super baec
autem omnia nihil Eiscendit super verti-
cem ejuS; nec bumana m anus , excepta
materna. Hinc autem possumus utilita-
tem consequi. Diun enim Mariam incre-
pat Dominus quéerentem ipsum inter
propinquos , omissionem viaculorum
sanguinis aptissime suggerit, ostendens
quod non contingit metam perfectionis
attingere eum qui adbuc vagatur in bis
quae corpori conferunt; et quod homo
déficit a perfectione per affectum cogna-
torum.
Sequitur : « Et ipsi non intellexerunt, »
etc. Beda. Ouia-scilicet de sua Divinitate
ad eos ioquebatur. Orig. [hom, 20.) Vel
ncsciebant utrum dicens : « In bis quae
Patris mei sunt » signiticaret « in tem-
plo ; » an aliquid allius et quod magis
aedifieat : unusquisque enim nostrura si
bonus fuerit, potius sessio Dei Patris
DE SAINT LUC, CHAP. II.
439
siège de Dieu le Père ; et si nous sommes la demeure et le siège de
Dieu, nous avons Jésus au milieu de nous.
f. 31, 52. — Il descendit ensuite avec eux, et il vint à Nazareth, et il leur était
soumis. Or, sa mère conservait toutes ces choses en son cœur. Et Jésus croissait
en sagesse, en âge et en grâce, devant Dieu et devant les hommes.
Ch. des Pèr. gr. {ou Géom.) Toute la vie de Jésus-Christ qui s'est
écoulée depuis ce moment jusqu'au temps de sa manifestation et de
son baptême, et qui n'a été signalée ni par la publicité d'aucun mi-
racle, ni par l'éclat de sa doctrine, se trouve résumée dans ces seules
paroles de l'Evangéliste : « Et il descendit avec eux, et il vint à Naza-
reth, et il leur était soumis. » — Orig. Nous voyons que Jésus des-
cendait fréquemment avec ses disciples, et qu'il ne restait pas toujours
sur la montagne ; car ceux qui étaient travaillés de diverses maladies
ne pouvaient le suivre sur la montagne. C'est pour le même motif
qu'il descend aujourd'hui vers ceux qui habitent une région inférieure
à la sienne.
« Et il leur était soumis. » — Ch. des Pèr. gr. Notre-Seigneur suit
tour à tour ces deux méthodes : Tantôt il commence par étabUr la
loi, et puis il la confirme par ses œuvres, comme lorsqa'ayant dit :«Le
bon pasteur donne sa vie pour ses brebis, » lui-même, quelque temps
après_, sacrifia sa propre vie pour notre salut. Quelquefois , au con-
traire, il donne tout d'abord l'exemple, et trace ensuite dans ses en-
seignements la règle qu'il faut suivre. C'est ce qu'il fait ici en nous
apprenant , par sa conduite , ces trois principaux devoirs : Aimer
Dieu, honorer ses parents , et savoir leur préférer Dieu quand il le
faut. En effet, au reproche que lui font ses parents, il répond en
est; si quis autem nostrum sessio Dei
Patris est, habet iu medio sui Jesum.
Et descendit curn eis, et venit Nazareth, et erat
suhdilus illis. Et mater ejus conservabat om-
nia verba hœc in corde suo. Et Jésus proficie-
bat sapientia, et (Plate, et gratta, apud Deum
et liomines.
(i\K.v.c. (vel Gcomcter in Cot. Crœco-
rum Patrum, ubi sup.) Tutam interme-
diani Clirisli vilain qua? est iutcr osteu-
siouis tempus et baptismatis , velut im-
muncm alicujusfaïuosi et publiciiniraculi
sive doctrinœ, Evangelista sub uno verbo
colligit, diccns : « Et descendit cuni
eis, » etc. Orig. [ut sui).) Crebro Jésus
descendit cuiu discipulis suis, nec sem-
per versadir in monte ; quia non vale-
bant, qui variis morbis laborabant, as-
cendere in montem : idcirco et nunc
descendit ad illos qui dcorsum erant.
Sequitur : « Et erat subditus illis, »
etc. Gr.^c. {vel Geometer ut snp.)
Quandoque enim verbo prius leges ins-
tituens, ipse secundario opère corapro-
babat; sicut illud {Joan., 10): «Bonus
Pastor animam suain ponil pro ovibus
suis. >' Ipse namque paulo post (nos-
tram salutem exquirens', animam expo-
suit propriam : aliquando vero prius
Vivendi proponebat exeniplar, et postea
])romebat verbo tenus viveudi sanctio-
nem, sicut bic; hœc tria prœ ca^teris
opère monstrans, diligere Deum, hono-
rare parentes, Deum vero et ipsis pr*-
ferre parentibus. Cum enim reprehen-
140
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
mettant au premier rang , et avant tout , le service de Dieu ; puis il
rend ensuite à ses parents l'ohéissance qui leur est due. — Bède.
Comment, en effet, celui qui venait nous enseigner toute vertu aurait-il
pu ne pas remplir ce devoir de piété filiale? Que pourrait-il faire
parmi nous , que ce qu'il veut que nous fassions nous-mêmes? —
Orig. Apprenons donc nous aussi à être soumis à nos parents; si nous
avons eu le malheur de les perdre, soyons soumis à ceux qui, par leur
âge, nous tiennent leur place, Jésus , le Fils de Dieu , se soumet à
Joseph et à Marie, je me soumettrai à l'évêque que Dieu m'a donné
pour père. Sans doute, Joseph devait comprendre que Jésus était au-
dessus de lui, et n'exercer qu'en tremblant son autorité sur ce divin
enfant. Que chacun donc réfléchisse aussi que souvent il est bien in-
férieur à celui qui lui obéit; cette pensée le défendra contre tout sen-
timent d'orgueil , lorsqu'il verra que celui au-dessus duquel il est
placé par sa dignité lui est de beaucoup supérieur en vertu. — S. Grég.
DE Ntsse. Disons encore que l'esprit de discernement et la raison sont
très-imparfaits dans les enfants, et qu'ils ont besoin d'être développés
par ceux qui sont plus âgés, ou si l'on veut , d'être conduits par des
mains sages et expérimentées à un degré plus éminent de vertu. Or,
c'est pour confirmer cette vérité que Jésus, parvenu à l'âge de douze
ans, nous donne l'exemple de l'obéissance à ses parents ; et il nous
apprend ainsi que tout ce qui ne peut s'élever à la perfection que par
degrés successifs, pour arriver à cette fin désirée , doit embrasser la
pratique de l'obéissance, comme une des voies les plus sûres qui puisse
l'y conduire.
S. Bas. {Cons. monast., chap. iv.) Par cette obéissance parfaite
qu'il professe à l'égard de ses parents dès sa première enfance, Jésus
deretur a parenlibus , minoris curœ
caetera reputat quam quse sunt Dei;
deniqiie ipsis quoque parentibus obe-
dientiam praestat. Bed. Quid enim nia-
gister virtutis, nisi officium pietatis im-
pleret ? Quid inter nos aliud quam quod
agi a nobis vellet, ageret ? Orig. {utsyp.)
Discaums ergo et nos filii parentibus
nostris esse subjecti : quod si patres non
fuerint , subjiciamur bis qui patrum
habent fetateui. Jésus, Filius Dei, subji-
citur Joseph et Mariœ : ego vero subji-
ciar episcopo , qui mihi constitutus est
pater. Puto quod intelligebat Joseph,
quia major se erat Jésus, et trepidus
moderabatur imperium. Videat ergo
unusquisque quod saepe qui subjectus
est, major sit : quod si intellexerit, non
elevabitur superbia, qui est sublimior
dignitate, sciens sibi meUorem esse sub-
jectum. Greg. Nyss. (in Ccit. Grœco-
i-um Patnim, nbi sup.) Amplius; quo-
niam impuberibus adhuc est imperfecta
discretio (sive mens) , egetque per pro-
vectos ad statum provehi perfectiorem
(seu per quosdam perfectiores ad id
quod est mehus manuduci) , ideo cum
pertigisset duodecimum aunum , paret
parentibus, ut ostendat quod quicquid
per promotionem (sive profectum) per-
iicitur, antequam ad iînem (vel ad per-
fectum) perveniat, obedientiam (tan-
quam perducentem ad bonum) utiliter
amplexatur.
Basil, {in lib. relig.) Ab ipsa autem
primaeva tetate parentibus obediens,
DE SAINT LLX, CHAP. II. 141
accepte humblement , et avec respect , tous les pénibles travaux de
leur condition. Car bien qu'ils fassent vertueux , honorés , ils étaient
pauvres cependant, et dans la gène (comme le prouve la crèche qui
reçut l'enfant divin à sa naissance), et ils devaient pourvoir à leur
existence par un travail assidu et à la sueur de leur front. Or, Jésus
qui leur obéissait (comme le déclare l'Ecriture), devait partager tous
ces travaux avec une entière soumission. — S. Ambr. Vous êtes sur-
pris qu'il puisse être soumis à son Père céleste, tout en obéissant à sa
mère ? Rappelez-vous que cette obéissance n'est pas chez lui la suite
de la faiblesse, mais un acte de piété filiale. Les hérétiques ont beau
lever ici la tète , et prétendre que celui qui est envoyé par son Père
a besoin d'un secours étranger. Avait-il besoin du secours des hommes,
parce qu'il était soumis à l'autorité de sa mère? Il était soumis à
l'humble servante de Dieu, il était soumis à celui qui n'était son père
que de nom , et vous êtes étonné qu'il soit soumis à Dieu ? C'est un
devoir de piété filiale , que d'obéir à l'homme , serait-ce un acte de
faiblesse que d'obéir à Dieu?
BEDE. Cependant l'auguste Vierge renfermait toutes ces choses dans
sou cœur pour les repasser, pour les méditer avec soin, soit qu'elle les
comprît dans toute leur étendue , soit que leur sens mystérieux de-
meurât encore voilé pour elle : « Et sa mère conservait toutes ces
choses en son cœur. » — Cn. des Pèr. gr. Considérez l'admirable
prudence de Marie, cette mère de la vraie sagesse, comme elle se rend
le disciple, l'élève de son divin enfant. Car ses leçons n'étaient point
pour elle les leçons d'un enfant, ni d'un homme ordinaire , mais les
leçons d'un Dieu. Elle repassait ensuite dans son âme ses paroles et
les actions dont elle était témoin, elle n'en laissait perdre aucune ; et
quemlibet laborem corporeum humili-
ter et reverenter sustinuit. Cum enim
homines essent lionesti et justi, egeni
lamen et necessariorura peiiuriam pa-
tientes (teste prœsepi partus venerandi
ministro), manifeslum est quod sudores
corporeos continuo frequentabant, ne-
cessaria vitœ sibi quajrentes. Jésus
autem obediens illis (ut Scriptura testa-
tur) etiam in suslinendo labores, sub-
jectionem plenariam sustinebat. Amur.
Et niiraris si patri defert qui subditur
matri ? Non ulique infirmilatis, sed pie-
tatis est ista subjectio. Attollatlicet caput
liaereticus, ut alienis auxiliis asserat eum
qui miltitur indigere : nunquid et hu-
mana cgebat auxilio, ut materno servi-
ret imperio ? Deferebat ancillee , defere-
bat si niulato patri, etmiraris si Deo detu-
lif An honiini déferre pietatis est, dé-
ferre Deo, infirmilatis ?
Bed. Yirgo auteni, sive quae intellexit,
sive quae nondum iuteliigere poluit,
omuia suo pariter in corde quasi rumi-
nanda et diligentius scrulanda reconde-
bat : unde sequitur : « Et mater ejus
conservabat omnia verba haec , » etc.
Grec, {cel Metophrasles et Geometer,
vbi sup.) Considéra prudenlissimam
mulierem Mariam , verae sapieutiœ ma-
trem, qualiter scholaris (vel discipula)
sit pueri : nou enim ei ut puero neque
ut viro, sed ut Deo vacabat; ulterius et
illius voces divinas et opéra reputabat ;
idcirco nil ex dictis aut ab eo incassum
illi cadebat; sed sicut ipsum vcrbum
442
EXPLICATION DE L EVANGILE
de même qu'elle avait autrefois conçu le Verbe lui-même dans son
chaste sein, ainsi elle concevait pour ainsi dire ses paroles et ses ac-
tions, et les fécondait dans son cœur par une pieuse méditation. Elle
contemplait avec bonheur ce qu'elle pouvait en comprendre , et elle
attendait la révélation plus claire que l'avenir lui en réservait. Telle
fut la règle dont elle se fit comme une loi dans tout le cours de sa
vie.
« Et Jésus croissait en sagesse et en âge , » etc. — Théoph. Jésus
n'est pas devenu sage progressivement, mais la sagesse qui était en
lui se déclarait successivement et par degrés , comme par exemple,
lorsque discutant avec les scribes , la prudence et la haute portée de
ses questions jetaient dans l'étonnement tous ceux quU'entendaient. Il
croissait donc en sagesse , en ce sens qu'il se révélait en présence
d'un plus grand nombre et les ravissait d'admiration ; la manifesta-
tion de sa sagesse en était chez lui comme le progrès. Considérez
comment l'Evangéliste, expliquant ce qu'était pour Jésus ce progrès
dans la sagesse , ajoute aussitôt : « Et en âge. » Il veut par là nous
faire entendre que l'accroissement de l'âge était la mesure de l'accrois-
sement extérieur de la sagesse. — S. Cyr. {Très. , liv. x, chap. 7.)
Mais , disent les Eunomiens , comment pouvait-il être égal et con-
substantiel à son Père, lui que nous voyons soumis à un accroisse-
ment successif comme une créature imparfaite? Nous répondons que
ce n'est pas en tant que Verbe, mais en tant qu'il s'était fait homme,
que l'Evangéliste dit : « Il croissait en sagesse, » etc. Car si après son
incarnation, il a véritablement acquis une nouvelle perfection qu'il
n'avait pas auparavant, quelle reconnaissance lui devrions-nous de
ce qu'il s'est incarné pour nous ? D'ailleurs s'il est la véritable sagesse,
de quel accroissement était-il susceptible ? et comment celui qui est
prius in visceribus, ita nunc ejasdem mo-
dos et dicta coucipiebat, et in corde suo
quodammodo fovebat; et boc quidem
jam secum in prsesenli contemplabalur,
boc autem exspectabat in futurum cla-
rius revelandum : et bac quidem tauquam
régula et lege per totam vitam utebatur.
Sequitur : « Et Jésus proficiebat sa-
pientia,» etc. Theophylact. Non quod
sapiens proficiendo factus fuerit, sed
quod paulatim sapientiam suaiu detexe-
rit : sic autem fecit quando cum scribis
disseruit , eos interrogans de lege cum
stupore omnium qui eum audiebant.
Vides quomodo profecerit sapientia eo
quod nosceretur a multis et in admira-
tione illis esset : emicatio enim sapientiœ
ejus profectus ipsius est : vide autem
quomodo Evangelista iuterpretatus quid
sit proficere sapientia, subdit mox, et
Œtate : profectum enim vel augmentum
œtatis profectum ipsum sapientife dicit
esse. Cyrillus. {in Thesauro , lib. x,
c. 7.) Sed inquiunt (Eunomiani baeretici) :
« Quomodo potest œqualis Patri esse in
substantia, qui quasi imperfectus cres-
cere dicitur ? » Non aniem in eo quod
est Verbum, dicitur incrementum susci-
pere, sed in eo quod factus est bomo.'
Si enim vere profecit , postquam factus
est caro, qui ante imperfectus extiterat,
quid ergo gralias agimus ei, velut incar-
nate pro nobis ? Qualiter autem si ipse
est vera sapientia, potest augeri ? vel
DE SAINT LUC, CHAP. II.
443
le principe et la source de la grâce pour tous les hommes, aurait-il pu
croître lui-même en grâce ? Disons plus ; est-on scandalisé d'entendre
dire que le Verbe s'est humilié, et eu conçoit-on des idées peu favorables
à la divinité ; et n'admire-t-on pas bien plutôt la grandeur de sa misé-
ricorde ? Pourquoi donc serait-on scandalisé de ses progrès dans la
sagesse? C'est pour nous qu'il a daigné s'humilier, c'est pour nous
aussi qu'il s'est soumis à ce progrès successif , et pour nous faire
avancer dans sa personne , nous , que le péché avait fait tomber
si bas ; car il s'est soumis , en réalité , à toutes les conditions de
notre nature , pour les réformer et leur imprimer un nouveau ca-
ractère de perfection. Et remarquez encore que l'Evangéliste ne dit
pas : Le Verbe croissait, mais : « Jésus croissait, » il veut nous
faire comprendre que ce n'est point le Verbe considéré comme Verbe,
mais le Verbe fait chair qui s'est soumis à cet accroissement. Bien
que la chair seule ait été sujette à la souffrance , nous disons que
le Verbe a souffert dans la chair dont il s'est revêtu , parce que
c'était la chair du Verbe qui souffrait, ainsi disons-nous que le Verbe
croissait, parce que l'humanité qui lui était unie était soumise à cet
accroissement. Et encore, nous disons qu'il croissait en tant qu'homme,
non pas que son humanité, qui était parfaite dès le premier moment
de l'incarnation , put recevoir quelque nouvel accroissement, mais
parce qu'elle se développait progressivement. L'ordre naturel s'oppose
à ce que l'homme fasse paraître une intelligence supérieure à son
âge. Le Verbe (fait homme) avait donc toute perfection, puisqu'il est
la puissance et la sagesse du Père ; mais pour se conformer aux con-
ditions de notre nature, et ne point donner un spectacle extraordinaire
à ceux qui en seraient témoins , il passait par tous les degrés du dé-
veloppement naturel d^ l'homme aux divers âges de sa vie , et ceux
qualiter qui cœterià largitur ^iratiaiu,
ipse ia gratia promovetur? Amplius, si
nemo scandalizatur cum audit quod Ver-
bum seipsum humiliaveril (infirma quœ-
dam de Deo vero sentieus), sed potius
niiralur niisericordiani ejus, quomodo
non est supervacaneuin scandalizari au-
diendo quod proficit ? Nam sicut pro
nobis humilialus est, sic pro nobis pro-
fecit uL nos iii co proficiamus, qui lapsi
fuimus per peccatum : nam quicquid
spectat ad nos, ipse vere pro nobis Cliris-
tu3 suscepil , ut cuncta reformet in me-
lius. El attende quod non dicit profi-
cere Verbum, sed Jesum; ne simplex
Verbum proficere intelligas, sed Verbum
caro factum. Et sicut Verbum in carne
passum fatemur.quamvis sola caro fuit
passa (quia caro Verbi erat, quœpalieba-
tur),itaproficeredicilurexeo quodhuma-
nitas proficiebat in ipso. Dicitur autem
secundum bumanitatcm proficere; non
quod ipsa suscipiat augraenlum, quœ ab
initio fuit perfecta; sed ex en quod
paulatim mauifestabatur. Naturalis enim
lex respuit hominem sensu niajori uti
quam aetas corporis patialur : erat ita-
que Verbum (faclum bomo) perfectura,
cum sitviftus et sapienlia Patris : verum
quia dandnm erat afiquid nostrce naturœ
nioribus (ue aliquid extraneum a videu-
tibus reputetur) tanquam bomo paulatim
crescente corpore manifestabat seipsum,
et quotidie sapientior ab audientibus et
144 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE DE S. LUC, CHAP. II.
qui le voyaient, qui l'entendaient, trouvaient que sa sagesse s'accrois-
sait de jour eu jour. — Ch. des Pèr. gh. {Amphil.) Il croissait en
âge, parce que son corps atteignait successivement la virilité ; il crois-
sait eu sagesse dans les divines leçons qu'il donnait à ceux qu'il ins-
truisait; il croissait dans cette grâce qui nous fait nous-mème croître
et avancer avec joie dans l'espérance d'obtenir à la fin les biens qui
nous sont promis. Il croissait devant Dieu , parce qu'il accomplissait
l'œuvre de son Père dans la chair qu'il avait prise; il croissait devant
les hommes en les retirant du culte des idoles pour les élever à la con-
naissance de la divine Trinité. — Théoph. L'Evangéliste dit qu'il crois-
sait devant Dieu et devant les hommes, parce qu'il faut plaire à Dieu,
avant de plaire aux hommes. — S. Grég. de Nysse. {hom. 3 sw le
Cant. des Cant.) Le Verbe ne croit point de la même manière dans
ceux qui le reçoivent , mais il apparaît daus les divers degrés par
lesquels il a passé de l'enfance, de l'âge adulte et de la perfection.
videntibus ceusebatur. Gr.ecus. {nempe\ apiid homines vero, per conversionem
Amphilochins in Cat. Grœconim Pa- eorum a cultu idolorum ad summae Tri-
trum, ubi sup.) Proficiebat atate qui- nitalis notitiam. Theophylact, Dicit
dem , corpore in virileai statum pro- autetn : « Apud Deum et homines. » quia
moto; sapientia autem, per eos qui ab ! prius decet placere Deo, et posteahouii-
60 divina docebantur; gratia vero, qua ' nibus. Greg. Nyss. [homil. 3. in Cant.)
cum gaudio promovemurj credentes in ! Differenter etiam proficit verbum in bis
fine obtinere quae ab eo promissa sunt; qui ipsura suscipiunt : secundum enim
et hoc quidem apud Deum, ex eo quod | mensuram illius apparet aut infans , aut
assumpta carne paternum opus peregit; | aduUus, aut perfectus.
CHAPITRE ni.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
f. 1,2. — Pourquoi l'époque de la prédication de saint Jean-Baptiste se trouve
désignée par le nom de l'empereur romain et des princes qui régnaient sur la
Judée. — Pourquoi les oracles prophétiques ne sont-ils datés que du règne
des rois de la nation juive? — Comment la Judée se trouvait alors divisée et
gouvernée. — Pourquoi Jean-Baptiste fait-il aussi mention des grands-prêtres
actuels des Juifs ? — Quels étaient ces grands-prêtres, comment ils se succé-
daient l'un l'autre. — Comment l'Evangéliste déclare que Jean-Baptiste est
prophète. — Quelle est cette parole de Dieu qui se fit entendre à Jean-Baptiste,
et pourquoi se fait-elle entendre dans le désert.
f. 3-6. — Pourquoi la voix précède le Verbe. — Pourquoi Jean-Baptiste
parcourt les bords du Jourdain. — Le baptême de Jean remettait-il les
péchés? — Comment Jean-Baptiste était la figure de la loi, — Nature et
caractère des différents baptêmes. — Pourquoi Jean-Baptiste est-il appelé la
voix? — Pourquoi cette voix crie dans le désert. — Comment on doit préparer
la voix au Seigneur. — Quels sont les sentiers qu'il faut rendre droits. — Que
faut-il entendre par les vallées qu'il faut combler, par les montagnes qu'il faut
abaisser? — Comment le saint précurseur motive la nécessité de tous ces
changements.
f. 7-9. — Nécessité de sortir de sa vie ancienne, pour se rendre digne de la
grâce du baptême. — Sainte liberté avec laquelle Jean-Baptiste reproche
leurs crimes à ceux qui viennent le trouver. — Pourquoi les appelle-t-il race
de vipères? — Comment pouvait-il leur parler de la sorte, puisque les Juifs
paraissaient vouloir se convertir ? — Quelle est cette colère à venir qu'il les
exhorte à fuir. — Comment pourront-ils se dérober aux effets de la colère
de Dieu ? — Nécessité de faire des fruits et de dignes fruits de pénitence. —
Ces fruits ne doivent pas être les mêmes pour tous. — En quoi consiste
surtout le fruit de la^pcnitence. — Pourquoi Jean-Baptiste réprime la Herté
des Juifs qui se glorifiaient d'être les enfants d'Abraham. — Quels sont les
vrais enfants d'Abraham ? — Comment il prédit la vocation des Gentils. —
Quels sont ceux qu'il compare à des pierres. — A qui s'adresse la prédiction
de la cognée mise à la racine de l'arbre. — Comment peut-on l'appliquer au
genre humain tout entier? — Nécessité pour tous les hommes de i)roduiredes
fruits de salut.
f. 10-14. — Trouble salutaire que les paroles de Jean-Baptiste avaient fait
naître dans l'âme de ses auditeurs. — Trois sortes de personnes qui viennent
demander à Jean les conseils du salut. -- Fruits principaux de la pénitence. —
Obligation de donner le superflu aux indigents. — Quelle est la preuve qu'on
aime son prochain comme soi-même. — Prix des œuvres de miséricorde. —
La miséricorde est commune à tous les hommes et comprend toutes IcSl
vertus. — A quoi elle oblige. — Sens allégorique de cette recommandation.
— Puissance de la vertu de Jean-Baptiste. — Ce qu'il recommande aux publi-
cains et aux soldats. — Quels étaient ces publicains. — Jean-B q)tiste ne
défend pas la guerre à ceux qui ont embrassé la carrière des armes. — Ce
qui est permis et condamné dans la guerre. — Pourquoi Jean-Baptiste cora-
TOM. V. 10
146 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
mence par tracer des règles si simples de conduite aux publicains et aux
soldats.
y. lb-17. — Opinion que le peuple se formait de Jean-Baptiste. — Combien les
Juifs étaient aveug-les et insensés. — L'affection doit se contenir dans de justes
bornes. — Sage conduite et humilité profonde de Jean -Baptiste. — Comment
put-il connaître leurs pensées à son égard? — Comment déclare-t-il par ses
œuvres qu'il n'est pas le Christ ? — Etablit-il une comparaison entre Jésus-Christ
et lui? — Comment concilier saint Matthieu avec saint Luc relativement aux pa-
roles de Jean. — Quel est le sens allégorique de ces paroles : Je ne suis pas
digne de dénouer la courroie de sa chaussure. — Comment fait-il ressortir
l'excellence du baptême de Jésus-Christ? — Que veut-il exprimer sous l'image
du feu? — Peut-on distinguer pour le temps le baptême de l'esprit du baptême
de feu? — Peut-on conclure de ces paroles que la seule invocation de l'Esprit-
Saint rend le baptême parfait. — Comment Jean-Baptiste fait voir que Dieu
ne répand pas seulement des bienfaits, mais qu'il peut aussi punir les rebelles,
— Que figure l'aire que Jésus-Christ doit nettoyer. — Que signifie le van
qu'il tient en sa main. — Discernement des bonnes œuvres d'avec les mau-
vaises qui doit avoir lieu au dernier jour. — Quels sont ceux qui sont figurés
par le bon grain et par la paille. — Comment la paille est utile au froment.
— Comment le blé est séparé de la paille. — Grandeur des châtiments réservés
aux pécheurs. — JSature et durée du feu de l'enfer.
f. 18-20. — Sujet des exhortations de saint Jean- Baptiste. — Ce qui rend
surtout le saint précurseur admirable. — Quel était cet Hérode que Jean
reprend de son commerce incestueux. — A quelle époque eut lieu la captivité
de Jean-Baptiste.
f. 21,22. — Pourquoi Notre-Seigneur voulut être baptisé. — Baptême en usage
chez les Juifs. — En quoi il différait du baptême de Jean. — Pourquoi Notre-
Seigneur ne voulut recevoir ni le baptême des Juifs, ni le nôtre, mais celui
de Jean. — Pourquoi" est-il dit que Jésus priait après avoir été baptisé? —
Ennemis dont il nous reste à triompher après le baptême. — Pourquoi le ciel
s'ouvre au-dessus de la tête de Jésus-Christ — Dans quel sens l'Esprit saint
descendit sur lui. — Pourquoi l'Esprit saint apparait-il sous la forme d'une
colombe? — Dans quel sens Jésus est proclamé le Fils de Dieu par la voix qui
se fait entendre du haut des cieux. — Diverses significations du nom de Fils.
— Comment et dans quel sens Dieu met ses complaisances dans son Fils. —
Comment concilier saint Matthieu et saint Luc, sur la voix qui se fit en-
tendre.
f. 23-38. — Pourquoi saint Luc donne la généalogie de Jésus-Christ après son
baptême. — Circonstances du baptême de Notre-Seigneur. — Leçons d'humi-
lité qu'il nous y donne. — Pourquoi Notre-Seigneur a voulu recevoir le
baptême à l'âge de trente ans. — Doit-on conclure de là qu'on ne doit pas
baptiser les petits enfants. — Pourquoi donner ici la généalogie de Joseph
plutôt que celle de Marie. — Commune origine de Joseph et de Marie. — Comment
Joseph qui, d'après saint Matthieu, est fils de Jacob, peut-il être, comme le dit
' saint Luc, fils d'Eli? — Conciliation des contradictions apparentes qui existent
entre les deux généalogies. — Pourquoi les deux Evangélistes suivent-ils un
ordre différent? — Double paternité chez les Juifs : paternité naturelle, pater-
nité légale. — Quelle généalogie aurait donné saint Luc ? — Significations
importantes que renferment les noms dont est composée cette généalogie. —
DE SAINT LUC, CHAP. III.
147
Pourquoi saint Luc a fait remonter jusqu'à Dieu l'origine de Jésus-Christ. —
Quel est le but que se sont proposé les deux Evangélistes dans leur généa-
logie. — Pourquoi la généalogie de saint Luc comprend-elle un plus grand
nombre de générations que celle de saint Matthieu?
y. l, 2. — L'an quinzième de l'empire de Tibère César, Ponce Pilate étant
gouverneur de la Judée, Hérode tctrarque de la Galilée, Philippe son frère de
l'Idumée et de la province de Trachonite, et Lysanias d'Abilène, sous les grands
prêtres Anne et Caïplie, la parole du Seigneur se fit entendre à Jean, fils de
Zacharie, dans le désert.
S. Grég. {hom. 20 sur les Evang.) L'époque où le Précurseur du
divin Rédempteur reçut la mission de prêcher et d'annoncer la parole
de Dieu, est solennellement désignée par le nom de l'empereur romain
et des princes qui régnaient sur la Judée : « L'an quinzième de l'em-
pire de Tibère César, Ponce-Pilate étant gouverneur de la Judée,
Hérode, tétrarque de la Galilée, » etc. Jean-Baptiste venait annoncer
celui qui venait racheter une partie des Juifs et un grand nombre
d'entre les Gentils, et c'est pour cela que sa prédication se trouve datée
du règne de l'empereur des Gentils et des rois de Judée; et comme la
gentilité devait être réunie en un seul corps, il n'est parlé que d'un
seul prince qui gouvernait l'empire romain : « L'an quinzième de
l'empire de Tibère César, » etc. — Ch. des Pèr. gr. Après la mort de
l'empereur Auguste, de qui les empereurs romains prirent le nom
d'Auguste, Tibère lui succéda, et il était alors dans la quinzième an-
née de son règne.
Orig. {hom. 21.) Les oracles prophétiques qui ne s'adressaient
CAPUT III.
Anno autem quintodecimo imperii Tiberii Cœsa-
ris, procurante PontioPilato Judœam, tetrar-
cha autem Galilœœ Hérode, Philippo autem,
fratre ejus , tetrarcha Iturœm et Trachoniti-
dis regionis , et Lysania Abilinœ tetrarcha,
sub principibus sacerdotum Anna i;t Caipha ,
factum est Verbum Domini super Joannem
Zachariœ filium in deserto'.
Gr.cg. (in hom. 20, in Evang.) Re-
demptoris prœcursor, que temporc Ver-
bum prœdicalionis uccepit , niemorato
Romanœ reipublicae principe, et JudaiOî
regibus desi^natur, cum dicitur : « Anno
autem quintodecimo imperii Tiberii Cae-
saris, procurante Poutio Pilato Judaeam,
tetrarcha autem Galilœae Hérode,» etc.
Quia enim iilum pr^dicare veniebat,
qui ex Judœa quosdam et multos ex
gentibus redempturus erat, per regem
Gentium et principes Judaeorum prœdi-
cationis ejus tempora designantur : quia
autem Gentilitas coliigenda erat, in
romana republica unus prtefuisse des-
cribitur, cum dicitur: « Fmperii Tiberii
Caisaris. » Gn^c. {vel Metaphrastes in
C'a t. Grfscorian, Paint m.) Mortuo enim
Augusto monarcha, a quo Romani prin-
cipes nomen yl«(/wi/i ddepti sunt, Tibe-
rius post illum ad jura monarchiae suc-
cedens, quintum decimum annum sus-
cepti principatus agebat,
Orig. {hom. 21.) Et in propbetico qui-
148
EXPLICATION DE l/ÉVANGiLE
qu'aux Juifs ne font mention que du règne des princes de la nation
juive : a Vision d'Isaïe, au temps d'Ozias, de Joatlian, d'Achaz et
d'Ezécliias, rois de Juda {haie, i). Mais la prédication de l'Evangile
qui devait retentir dans tout l'univers est datée de l'empire de Tibère
César, qui paraissait être le maître du monde. Si les Gentils seuls
avaient dû avoir part à la grâce du salut, il aurait suffi de parler de
Tibère; mais comme les Juifs devaient aussi embrasser la foi, il est
également fait mention des principautés et des tétrarcliies de la Judée :
« Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode, tétrarque de la
Galilée, » etc. — S. Grég. La Judée se trouvait alors divisée en plusieurs
petites principautés, comme un signe de la division et de la ruine
dont Dieu devait punir la coupable perfidie des Juifs; selon ces pa-
roles du Sauveur : « Tout royaume divisé contre lui-même sera dé-
solé. » {Luc^ XI.) — BEDE. Pilate fut envoyé comme gouverneur en
Judée la douzième année du règne de Tibère César, et il conserva ce
gouvernement pendant dix années consécutives, presque jusqu'à la fin
de la vie de Tibère. Hérode, Philippe et Lysanias sont les fils du
roi Hérode, sous le règne duquel naquit le Sauveur. Tl faut ajouter
à ces trois frères, Hérode Arcliélaûs, qui régna dix ans, et qui ayant
été accusé auprès d'Auguste par les Juifs, fat exilé à Vienne où il
mourut. L'empereur Auguste, pour afl'aiblir le royaume de Judée, le
partagea alors en plusieurs tétrarcliies.
S. Grég. [hom. 20.) Jean-Baptiste venait annoncer celui qui était
roi et prêtre à la fois, L'évangéliste saint Luc précise donc l'époque
de sa prédication, non-seulement par ceux qui régnaient alors sur la
Judée, mais par les grands-prêtres actuels des Juifs : « Sous les grands-
dem sermone solis Judœis praedicato,
solum Judaeorum regnum describitur :
« Visio, inquit, Isaiae in diebus Oziae,
Joatliam , Acham et Ezechiœ , regum
Juda. » At in Evangelio quod erat prae-
dicandum uuiverso mundo , dominium
describitur Tiberii Caesaris qui totius
orbis domiuus videbatur. Verum si
solum hi qui sunt de Gentibus essent
salvandi , satis erat solius Tiberii facere
mentionem; sed quia oportebat et Ju-
daeos eredere, ob lioc etiam Judaeorum
régna describuntur, seu tetrarcliise, cum
subditur : « Procurante Ponlio Pilalo
Judœam , tetrarclia autem, » etc. Greg.
{in hom.) Quia enim Judaea erat pro
culpa perfidiœ dispergenda, in Judœse
regno per partem et partem plurimi
principabantur , secundum illud [Luc,
11) : « Omne regnum in seipsum divi-
sum desolabilur. » Bed. Pilatus quidam
duodecimo anno Tiberii Csesaris in
Judaeam missus procurationem gentis
suscepit, atque ibi per decem continuos
annos usque ad ipsuni peue tînem Tiberii
perdura vit ; Herodes autem , et Pliilip-
pus, et Lysanias, fîlii sunt Herodis illius
sub quo Uominus natusest, inter quoset
ipse Herodes Arclielaus frater eorum, de-
cem annisregnavit, quiaJudaeis apudAu-
gnstum criminatus apud Viennam exilio
periit. Regnum autem Judaeae quo minus
validum fieret, idem Augustus per
tetrarchias dividere curavit.
Greg. [iii hom. 20, ut sup.) Et quia
Joannes illum prsedicavit qui simul rex
et sacerdos existeret, Lucas Evangelista
praedicationis ejus tempora, non solum
per regnum, sed etiam per sacerdotium
designavit : unde subditur : « Sub prin-
DE SAINT LUC, CHAP. III.
149
prêtres Anne et Caïphe. » — Bède. Tous deux étaient grands-prêtres
lorsque Jean commença sa prédication, mais Anne exerçait le sou-
verain pontificat cette année-là même, Caïphe, l'année même où
Notre-Seigneur Jésus-Christ fut crucifié. Il y eut bien dans l'inter-
valle trois autres grands-prêtres, mais l'Evangéliste ne fait mention
que de ceux qui ont pris une part plus active à la passion du Sauveur.
Les préceptes de la loi étaient obligés de céder devant la violence et
l'ambition ; ce n'était ni le mérite personnel, ni la dignité de la fa-
mille qui obtenait le souverain pontificat, la puissance romaine en
disposait à son gré. En effet, l'historien Josèphe nous rapporte qu'un
des premiers actes de Valérius Gratus, avait été de dépouiller le pon-
tife Anne de la souveraine sacrificature, pour en revêtir Ismaël, fils
de Baphi. Quelque temps après, Ismaël en était dépouillé à son tour,
et avait pour successeur Eléazar, fils du grand-prêtre Ananias. L'année
suivante, Valérius ôtait à Ismaël les insignes sacrés du pontificat pour
les remettre à un certain Simon, fils de Caïphe. Un an après, Simon
avait pour successeur Joseph, qui s'appelait aussi Caïphe. Tout le
temps de la prédication de Notre-Seigneur se trouve ainsi compris dans
un espace de quatre ans.
S. Ambr. Le Fils de Dieu qui devait former et rassembler son
Eglise, commence à opérer par sa grâce dans son serviteur : « La
parole du Seigneur se fit entendre à Jean, » etc. Ainsi ce n'est pas un
homme, mais le Verbe de Dieu qui préside à la première formation
de l'Eglise. Saint Luc proclame Jean prophète par cette formule abré-
gée : « La parole de Dieu se fit entendre à Jean. » En effet, celui qui
qui est rempli de la parole de Dieu a-t-il besoin d'une autre recom-
cipibus sacerdotum Anna et Gaipha. »
Bed. Ambo quidem, incipiente praedica-
tionem Joanne (id est, Annas et Caiphas),
principes fuere sacerdotum, sed Annas
illum annum , Caiphas vero eum quo
cruceni Dominus ascendit, administra-
bat; tril)us aliis in medio ponlificatu
perfunctis, verum hi maxime qui ad
Domini passionrun pertinent, ab Evan-
gebsta commemorantnr. Legalibus nam-
que tune prœceptis vi et ambitione ces-
santibus, nulli pontifîcatus honor vitae
vel peneris merito reddebalur, sed Ro-
mana potest.\!e sumnia sacerdotii praes-
tabalur : Josepbus enim refert quod Va-
lérius (Iratus (Aima a saeerdotio detur-
bato) Ismaelem pontificem desifrnavit
filium Baphi; sed etiam hune non multo
post abjiciens, Eleazarum. Ananiae pon-
tificis filium , subrogavit. Post annum
vero et hune arcet officio , et Simoni
cuidam , Caiphse fdio , pontificatus tra-
didit uiinisterium ; quo non amplius
ipse quant unius anni spatio perfuiictus,
Josephum (cui et Caiphas nouien fuit)
acci'pit successorem : ilaque hoc omne
tempus quo Don^inus noster docuisse
describitur, intra quadriennii spatia
coarctatur.
Ambr. Congregaturus autein Kcclesiam
Dei Filins ante operatur in servulo : et
ideo bene dicitur : « Factum est verbiim
Domini super Joannem,» etc., ut i'^cclesia,
non ab homine cœperit, sed a Verbo.
Bene autcm Lucas compendio usus est,
ut Joannem declararet prophetam di-
cens : « Factum est super eum rerbum
Dei;» alia non adderet : nuUus enim
150
EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
mandation, et l'Evangéliste n'a-t-il pas tout dit dans ces seules paroles?
Saint Matthieu et saint Luc ont voulu au contraire rehausser en Jean-
Baptiste le titre de prophète par la description de son vêtement, de sa
ceinture et de sa nourriture. — S. Chrys. [hom. 10 sur S. Matth.)
La parole de Dieu, c^est ici le commandement de Dieu, parce qu'en
effet, le fils de Zacharie n'est point venu de son chef, mais par l'im-
pulsion de Dieu lui-même. — Théophyl. Pendant tout le temps qui
s'écoula depuis son enfance jusqu'au jour où il devait paraître en
Israël, il demeura caché dans le désert, et l'Evangéliste ajoute ici :
« Dans le désert; » pour détourner jusqu'à l'ombre du soupçon que
les liens du sang ou d'une amitié contractée dés l'enfance portaient
Jean -Baptiste à rendre témoignage à Jésus. Aussi le saint Précurseur
nous assure-t-il expressément qu'il ne le connaissait pas {Jean, i). —
S. Greg. de Ny'ss. {de la Virgin.) Celui qui était venu dans l'esprit et
la vertu d'Elie, devait aussi se séparer du commerce des hommes, et
s'appliquer à la contemplation des choses invisibles, de peur qu'ha-
bitué aux illusions, que produisent les sens, il ne vint à perdre ces
clartés intérieures et celles qui devaient lui faire discerner etreconnaître
le Sauveur. Aussi il fut rempli d'une telle abondance des grâces di-
vines, qu'aucun prophète n'en reçut jamais de semblables, parce que
durant tout le cours de sa vie, il ne cessa d'offrir aux regards de Dieu
une âme pure de tout désir vicieux et de toute passion naturelle. —
S. Ambr. L'Eglise elle-même est comme un désert, parce que celle
qui était abandonnée a plus d'enfants que celle qui avait un mari (1).
Le Verbe de Dieu s'est donc fait entendre, pour que la terre qui était
auparavant déserte, nous produisit des fruits de salut.
(1) Isdie, Liv, 1 ; voyez aussi Galat,, iv, 27.
eget judicio sui, qui verbo Dei abundat :
unum itaque dicens , omnia declara\al.
Atvero Matthfeus et Marcus, et vestitu,
et cinctu, et cibo , prophetam declarare
voluerunt. Chrys. {in Matth., boni. 10.)
Verbum autem Dei bic mandatum esse
dicitur, quia non a se venit Zacbariœ
fibus, sed Deo ipsum movente. Theoph.
Per totum auteui tempus prseteritum
usque ad sui ostensionem occullus fuit
in deserto : et boc est quod subditur,
hi deserto, ut nulla suspicio iunascatur
bominibus, ut gratia affinitatis ad Cbris-
tum vel conversatiouis a teneris annis,
taba de ipso testaretur : unde ipse testi-
ficans, dicebat [Joan., 1) : « Ego nescie-
bam illum. » Greg. Nyss. {lib. de Virgi-
nitate.) Simul etiam qui in spiritu et
virtute Ebee banc vitam ingressus est,
amotus a conversatione bumana invisi-
biUum speculationi vacans , ne bujus-
modi fabaciis qu* per sensus ingerun-
tur, assuetus, quamdam confusionem
ac errorem incurreret erga viri boni
discretioneni. Et ideo ad tantum divina-
rum gratiarum elevatus est apicem , ut
pbis quam propbetis sibi gratia infun-
deretur; quia mundum et expers cujus-
libet naturalis passionis desiderium
suum a principio usque ad finem divinis
aspectibus obtubt. Ambu. Desertum etiam
est ipsa Ecclesia, quia plures filii
desertse raagis quam ejus quse babet
virum. Factum est ergo Verbum Domini,
ut quee erat ante déserta, fructum nobi?
lerra seneraret.
DE SAINT LUC, CHAP. IIl.
451
^. 3_6, — Et il vint dans tout le pays qui est aux environs du Jourdain,
prêchant le baptême de la pénitence pour la rémission des péchés, ainsi qu'il est
écrit au livre des paroles du prophète Isaïe : Voix de celui qui crie dans le
désert : Préparez la voie du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Toute vallée
sera comblée, et toute montagne et toute colline seront abaissées, les chemins
tortueux deviendront droits, et les raboteux unis. Et toute chair verra le salut
de Dieu.
S. Ambr. Le Verbe s'est fait entendre^ la voix suivit de près, car le
Verbe agit d'abord à l'intérieur, et la voix lui sert ensuite d'instru-
ment et d'interprète : « Et il vint dans toute la région du Jourdain. »
— Orig. {hom. 2.) Le mot Jourdain signifie qui descend, parce que
le fleuve des eaux salutaires descend 'des hauteurs de Dieu. Or quels
lieux Jean-Baptiste devait-il parcourir de préférence, si ce n'est les
bords du Jourdain ; ainsi lorsque le repentir touchait un cœur, on
pouvait aussitôt recevoir le baptême de la pénitence dans les eaux du
fleuve : « Prêchant le baptême de pénitence pour la rémission des
péchés. » — S. GB.m.{hom. 20.) Chacun voit par ces paroles que non-
seulement Jean prêchait le baptême de la pénitence^ mais qu'il le
donnait à quelques-uns, et cependant ce baptême ne pouvait en réalité
remettre les péchés. — S. Chrys. {hom. 10 sur S. Matth.) Et quelle
rémission des péchés était possible, alors que la victime pour les pé-
chés du monde n'était pas encore immolée, et que l'Esprit saint n'était
pas encore descendu sur la terre ? Pourquoi donc ces paroles de saint
Luc : « Pour la rémission des péchés ? » Les Juifs étaient profondé-
ment ignorants_, et vivaient dans une grande indifférence à l'égard de
leurs fautes, c'était Ip. la cause de tous leurs maux. Ce fut donc pour
Et venit in omnem regionnm Jordanis , prœdi-
cans baptismum pœnitenliœ in remissionem
peccatorum , sicut scriptum est in lihro sernio-
num Isaiœ prophetœ : Vox clamantis in de-
serlo , parole viam Domini , reclas facile se-
milas ejus : omnis vallis implebilur , et omnis
mons et collis humiliabilur ; et erunt prava in
directa , et aspera in vias planas ; et videbit
omnis caro salutare Dei.
Ambr. Faclum verbuni, vox secula est.
Verbum enim prius iiitus operatur , se-
quitur vocis officium. Unde dicitur :
« Et venit iu omnem regionem Jorda-
nis. » Orig. [hom. 2.) Jordanis idem est
quod (lescendens : descendit cnini Dei
fluvius aquae salubris. Qn.ne autcni loca
decebat perambulare Baptistam , nisi
Jordanis circumadjacenlia? ut si queni
pœnitere contini^eret, prolinus occurre-
ret iluenti humilitas ad recipiendum
pœnitentiae baptismum ; subditur enim :
« Prœdicans baptismum pœnilentiaî in
remissionem peccatorum. » Greg. (m
hom. 20, in Evanrj.) Cunclis legentibus
liquet , quia Joannes baptismum pœni-
tentiae, non solum prœdicavit , verum
etiam quibusdam dédit; tamen baptis-
mum suum in remissionem peccatorum
dare non potuit. Chrys. [sup. Matth.
liom. 10.) Cum enim noudum oblata
esset hostia, née descendisset Spiritus,
qualiter erat fienda remissio? Quid est
eva,o quod Lucas dicit : « In remissio-
nem peccatorum ? « Erant siquidem
Judsei ignari , nec culpas proprias per-
pendebant ; qiioniam igitur haar erat
152
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
les obliger à reconnaître leurs péchés et à chercher le Rédempteur,
que Jean vint les exhorter à faire pénitence, afin que contrits de leurs
fautes et revenus à de meilleurs sentiments, ils fissent tous leurs efforts
pour obtenir leur pardon. C'est donc avec dessein que l'Evangéliste,
après avoir dit que « Jean vint prêchant le baptême de la pénitence, »
ajoute : « Pour la rémission des péchés, » comme s'il disait. Il les
exhortait à se repentir, pour les disposer à obtenir plus facilement
leur pardon par la foi en Jésus-Christ. Si en effet ils n'avaient pas été
conduits par la pénitence, ils n'auraient pas songé à demander la
grâce de la rémission de leurs péchés. Or ce baptême les préparait à
croire en Jésus-Christ (1*). — S. Grég. {hom. 20.) Ou bien l'Evangéliste
dit que Jean prêchait le baptême de la pénitence pour la rémission
des péchés, parce qu'il avait la mission de prêcher le baptême qui
remet les péchés, baptême qu'il ne pouvait donner. Ainsi de même
qu'il était par le Verbe ou la parole de sa prédication le Précurseur
du Verbe incarné, de même son baptême impuissant pour la rémission
des péchés précédait le baptême de la pénitence qui les remet vérita-
blement. — S. Ambr. C'est pour cela qu'il eu est plusieurs qui virent
dans saint Jean la figure de la loi, parce que la loi pouvait bien faire
connaître le péché, mais ne pouvait le remettre.
S. Grég. de Nazianze. {Disc. 39.) Disons quelques mots de la nature
et du caractère des différents baptêmes. Moïse a baptisé dans l'eau,
dans la nuée et dans la mer (mais d'une manière figurative) (2*). Jean
(1*) Nous avons dû recourir au texte grec de saint Chrysostome pour donner plus de clarté à la
dernière phrase de cette citation, car la traduction dont s'est servi saint Thomas, en abrégeant
considérablement le texte, laisse une assez grande obscurité.
(2*) II faut entendre ici un baptême tout spirituel. Ce qu'il y avait de spirituel, comme le re-
marque d'AUioli, consistait en ce que ces objets, outre ce qu'ils étaient en eux-mêmes, avaient un
rapport à Jésus-Christ, et que même avant Jésus-Christ ils représentaient d'une manière symbo-
lique, et par conséquent préfigurative, ce que Jésus-Christ était et ce qu'il a donné en esprit et en
vérité. La nuée qui, durant le jour tempérait la chaleur par son ombre, et qui durant la nuit éclai-
causa malorum, ut peccata agnoscerent,
ad Redemptorem quaerendum , venit
Joanueshortans illos pœniteutiamagere,
ut per pœniteutiam effecti meliores
atque contriti , ad recipiendam veniam
satagant. Apte ergo eu m dixisset quod
« venit prœdicans baptismum pœniteu-
tiae,» addit, « iu remissionem peccato-
rum : » quasi dicat : « Idcirco suadebat
illis pœnitere , ut subsequentem veniam
facilius impetrarent^ credentes in Chris-
tam : » nam nisi pœnitentia ducerentur,
uequaquam exposcerent gratiara , nisi
quod prœparaloriuin erat ad iîdera
Cliristi. Greg. [in hom. 20, in Evang.)
Vel Joaunes dicitur «prœdicaus baptis-
mum pœnitentiœ in remissionem pecca-
torum, » quoniam baptismum quod pec-
cata solveret , quia dare non poterat,
prœdicabat ; utsicut incarnatum Verbum
Patris praecurrebat verbo praîdicationis,
ita baptismum pœnitentiœ quo peccata
solvuntur , pifecurreret suo baptismate,
quo peccata solvi non possunt. Ambr.
Et ideo plerique sancto Joanni typum
legis imponunt , eo quod lex peccatum
denuntiare potuit, donare non potuit.
Greg. Nazianz. [orot. 39.) Et ut ali-
quatenus de baptismatum differentia
disseranius, baptizavit Moyses , sed in
aqua, nube et mari; hoc aiitem figurali-
ter agebatur : baptizavit quoque Joan-
DE SAINT LUC, CHAP. III. 153
a baptisé, mais non pas selon le rit des Juifs, car il ne baptisait pas
seulement dans l'eau, mais pour la rémission des péchés, cependant
son baptême n'était pas tout à fait spirituel, car l'Evangéliste n'a-
joute point : Par l'Esprit. Jésus baptise, mais par l'Esprit, et c'est
le baptême parfait. Il est encore un quatrième baptême, le baptême
du martyre et du sang que Jésus-Christ lui-même a voulu recevoir,
baptême plus auguste et plus vénérable que les autres, parce qu'il
n'est point exposé à être profané par les rechutes dans le péché. On
peut encore compter un cinquième baptême, baptême des larmes,
baptême laborieux, dans lequel David se purifiait en arrosant chaque
nuit de ses larmes le lit où il prenait son repos.
« Gomme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe (xl). Voix de
celui qui crie dans le désert. » — S. Ambr. C'est avec raison que Jean-
Baptiste, le Précurseur du Verbe est appelé « la voix, » car la voix
précède le Verbe dont elle dépend, tandis que le Verbe qui vient après
lui est supérieur. — S. Grég. {hom. 7 e?20.) Jean-Baptiste crie dans
le désert, parce qu'il vient annoncer les consolations de la rédemp-
tion aux Juifs abandonnés et plongés dans la détresse. Et quel était
le sens de ses prédications ? a Préparez le chemin du Seigneur, » etc.
Tout homme qui prêche la véritable foi et la nécessité des bonnes
'œuvres, que fait-il autre chose que de préparer la voie du Seigneur
dans les cœurs de ceux qui l'écoutent, et de rendre droits ses sentiers
en faisant naître dans les âmes des pensées pures par ses saintes pré-
dications. — Orig. {hom. 21.) Ou bien encore, c'est nous-mêmes
qui devons préparer la voie au Seigneur dans notre cœur. Car le cœur
rait la marche, était une figure de la grâce du baptême qui calme les ardeurs de la concupiscence,
et illumine l'esprit de l'homme;^ la mer était une figure de l'eau baptismale, d'où le chrétien sort
pur de toute corruption , de même que les Israélites traversèrent autrefois sains et saufs la mer
Rouge à pied sec...
nés, non utique ritu Judaeorum (non
enini solum in aqua) , sed etiam in re-
missionem peccatorum ; non tamen om-
nino spiritualiter (neque enim addit, in
spiritu) baptizat Jésus , sed spiritu , et
haec est perfectio : est quoque quartum
baptisma, quod fit per martyrium el san-
fTuinem, quo etiam ipse Christus est
baptizatus; quod cœteris est venerabi-
liiis nimis, eatenus, quatenus iteratis
contagiis non ffrdatur. Est etiam qiiin-
tiim ex lacrymis , laboriosius tamen,
juxta quod David singulis noclibus
suum rigat cubile et stratum in lacry-
mis.
Sequitur : « Sicutscriptum est in libro
Isaiae prophetae » (cap. 40):«Vox claman-
tis in deserto. » Ambr. Bene vox dicitur
Joannes Verbi prjenuntius; quia vox
praecedit inferior, verbum sequitur quod
prœcellit. Gueg. {hom. 7 et 20, in
Evang.) Qui etiam in deserto clamât,
quia derelictfE ac destitut.p Judeea? sola-
tium redemptionis annuntiat. Quid autem
clamaret aperitur, cum dicitur : « Parate.
viam Domini, » etc. Omnis enim qui
fidem rectam et bona opéra prsedicat,
quid alijd quam venienti Domino ad
corda audientium viam parât? ut rectas
Deo semitas facial, dum mundas in ani-
mo cogitationes per sermonem bonaî
prœdicationis format. Orig. {hom. 21.)
Vel in corde nostro via praeparanda est
Domino : magnum enim est cor homi-
i54
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
de rhomme est grand et spacieux, si toutefois il est pur, car sa gran-
deur ne consiste pas dans les dimensions extérieures, mais dans la
force de son intelligence qui le rend capable de contenir la vérité.
Préparez donc par une vie sainte la voie au Seigneur dans votre
cœur, redressez le sentier de votre vie par l'excellence et la perfection
de vos œuvres, afin que la parole de Dieu puisse pénétrer en vous sans
obstacle. — S. Bas. (1) [Ch. des Pèr. gr.) Ce sentier, c'est la voie
qu'ont parcourue leurs ancêtres, et que les premiers hommes ont
faussée et corrompue; la parole de Dieu commande donc à ceux qui
sont loin d'imiter le zèle de leurs pères, de redresser de nouveau ce
sentier. — S. Chrys. {Ch. des Pèr. gr.) Ce n'était point à lui de
crier : « Préparez la voie du Seigneur, » c'était l'office du Précurseur^
et il est appelé la voix, parce qu'il était le Précurseur du Verbe.
S. Cyr. {Liv. m, sur Isaïe, ch. 40.) Jean-Baptiste prévient cette
question qu'on pouvait lui faire : Gomment préparerons-nous la voie
du Seigneur? Comment encore redresserons-nous ses sentiers? Ceux
qui veulent mener une vie vertueuse rencontrent tant d'obstacles ! Il
y a, en effet, des chemins et des sentiers qui ne sont nullement pra-
ticables, parce que tantôt ils s'élèvent sur les collines et sur des en-
droits abruptes, tantôt ils descendent brusquement dans les vallées;
c'est pour éloigner cette difficulté que le saint Précurseur ajoute :
« Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline seront
abaissées. » C'est ce que Notre-Seigneur a opéré spirituellement par
sa puissance. Autrefois, en effet, le chemin de la vertu et de la sainteté
(1) Cette citation ne se trouve pas dans les ouvrages de saint Basile, dont nous n'avons les com-
mentaires que sur les seize premiers chapitres d'Isaïe.
nis et spatiosum , si tamen fuerit mun-
dum : neque in corporis quantitate, sed
in virtute sensuum, magnitudinem ejus
intellige, quae tamen scientiam capiat
veritatis. Praepara ergo in tuo corde
viam Domino per conversationem bo-
nam , et egregiis vel perfectis operibus
dirige semitam vitee, ut in te sermo Dei
absque offensa perambulet. Basil, {in
Cat. G7-iccorum Patrum.) Et quia se-
mita est via quam praecedentes calcave-
rant, et quam priores liomines corrupe-
runt, eam iterato dirigere jubet sermo
iilis qui a prsecedentium zelo recedunt.
Chrys. (/m Cat. Grœcornm Patniin, ubi
Slip.) Clamare autem : « Parate viam
Domiui, » non régis erat, sed prœcurso-
ris officium : et ita eum vocaverat vo-
cem, quia verbi erat prsecursor,
CraiL. (lib. III, in Isai.,i(}.) Sed quasi
quis responderet et diceret : « Qualiter
viam prseparabimus Domino ? » vel,
« qualiter ejus semitas rectas faciemus, »
cum plura siut impedimenta honestam
vitam volentibus ducere ? Ad lioc pro-
pheticus sermo respondet. Sunt enim
viae quœdam et semitœ, nequaquam ad
eundum habiles ; adeo ut alicubi ad tu-
mulos et juga toliantur, alicubi déclives
sint : etadhocremovendumdicit:<<Omnis
vallis implebitur, et omnis mons et collis
humiliabitur. » Quœdam viarum inae-
qualiter dispositse sunt, et dum nunc
sursum eriguut, nunc vergunt deorsum,
valde sunt ad eimdum difficiles : et
quantum ad hoc subdit : « Et erunt
prava in directa, et aspera in vias pla-
nas. » Hoc autem intelligibiliter actum
est per nostri Salvatoris potentiam :
quondam enim evangelicae conversatio-
DE SAINT LUC, CHAP. III. i55
évangélique était difficile à parcourir, parce que les âmes étaient comme
appesanties sous le poids des plaisirs sensuels; mais aussitôt qu'un
Dieu fait homme eut expié le péché dans sa chair {Rom., viii), toutes
les voies furent aplanies, aucune colline, aucune vallée ne fit plus
obstacle à ceux qui voulaient avancer. — Orig. {ho?72. 22.) Lorsque
Jésus fut venu et qu'il eut envoyé son Esprit, toute vallée a été rem-
plie de bonnes œuvres et des fruits de l'Esprit saint; si vous possédez
ces fruits, non-seulement vous cesserez d'être une vallée, mais vous
commencerez à devenir la montagne de Dieu. — S. Grég. de Nysse.
{Ch. des Pèr. gr.) Ou bien les vallées sont ici la figure de la pratique
paisible et tranquille des vertus, selon cette parole du Roi-prophète :
Les vallées seront pleines de froment. » {Ps. lxix.) — S. Chrys. (Ch.
des Pèr. gr.) Sous le nom de montagne, Jean-Baptiste désigne les
orgueilleux et les superbes que Jésus-Christ a humiliés, les collines
sont ceux qui sont désespérés, non-seulement à cause de l'orgueil de
leur esprit, mais par suite de l'impuissance et de la stérilité de leur
désespoir, car une colline ne produit aucun fruit. — Orig. {hom. 22.)
Par ces collines et ces montagnes, vous pourriez encore entendre les
puissances ennemies (1) qui ont été abaissées par la venue du Christ.
— S. Bas. Comme les collines, si on les compare aux montagnes, en
diffèrent par la grandeur, mais leur sont semblables pour le reste ;
ainsi les puissances ennemies sont toutes égales par la volonté qu'elles
ont de nous nuire, mais diffèrent entre elles par l'énormité du mal
qu'elles causent. — S. Grég. {hom. 20.) Ou bien cette vallée qui croit
en se comblant, cette montagne qui décroit en s' abaissant, c'est la
gentilité que la foi en Jésus-Christ a remplie de la plénitude de la
(1) Les puissances diaboliques. >
nis et vitae iter erat ad euadum difficile,
eo quod et mentes siugulorum mundanœ
voluptates oppresserant : ut autem
Deus factus horuo peccatum damnavit
in carne, explanata sunt omnia , et red-
dita sunt ad eunduni facilia; et nec col-
lis nec vallià proficere volentibus obviât.
Orig. {hom. 22.) Quando enim venit
Jésus , et Spiritum suum misil , omuis
vallis replela est operibus bonis, et fruc-
libus Spiritus Sancti ; quos si babueris,
non solum vallis esse désistes, sed eliam
mons Dei esse incipies. Grkg. Nyss. (in
Cat. Grœcorum Patrum.) Vel quictam
in virlutibus conversationem significat
per convalles, secundum illud (Ps. 64) :
«Vallès abundabunt frumento. » Chrys.
, (in Cat. Grœcorum Patrum , ubi sup.)
Elatos aut superbos nomine montis de-
nunliat, quos Christus humiliavit ; colles
autem desperatos appellat, non solum
ob superbiam mentis suse , sed propler
desperationis sterilitatem : coUis enim
nuUos fructus producit. Orig. (hom. 22.)
Vel intelligas quoniam montes et colles
qui sunt adversarise potestates , per
adventum Christi prostrati sunt. Basil.
{ut sup.) Sicut autem colles respectu
montium magnitudine differunt, in aliis
sunt idem , sic et adversœ potestates
proposito quidem conformes suut , im-
manitate tamen offensionum secernun-
tur. Greg. (in hom. 20, in Evangelia.)
Vel vallis impleta crescit, mons autem
et collis humiliatus decrescit; quia in
fide Cbristi et Gentilita» pleuitudinem
iS6
EXPLICATION DE L EVANGILE
grâce, et les Juifs qui, par leur coupable perfidie, ont perdu cette
hauteur dont ils étaient si fiers, car les humbles reçoivent les grâces
que les superbes éloignent de leur cœur par leur orgueil. — S. Chrys.
{hom. 10 sur S> Matth.) Ou bien par cette comparaison il nous ap-
prend qu'aux difficultés de la loi va succéder la facilité de la foi,
comme s'il disait : Vous n'aurez plus à craindre ni travaux pénibles,
ni douleurs, mais la grâce et la rémission des péchés vous ouvriront
une voie facile pour arriver au salut. — S. Grég. de Nysse. Ou bien,
il ordonne de combler les vallées et d'abaisser les collines et les mon-
tagnes, pour nous apprendre que la vertu bien réglée ne doit ni présen-
ter de vide causé par le défaut des bonnes œuvres, ni offrir d'inégalités
par l'excès du bien. — S. Grég. {hom. 20.) Les chemins tortueux de-
viennent droits lorsque les cœurs des méchants, que l'iniquité avait
rendus tortueux, rentrent dans la droiture de la justice, et les chemins
raboteux deviennent unis, lorsque les âmes irascibles et violentes
reviennent à la bénignité de la douceur par l'infusion de la grâce
céleste.
S. Chrys. Le saint Précurseur motive ensuite la nécessité de tous
ces changements : « Et toute chair verra le salut de Dieu. » Il nous
apprend ainsi que la vertu et la connaissance de l'Evangile se répan-
dront jusqu'aux extrémités de la terre pour changer en douceur et
en bonté les mœurs féroces et l'opiniâtre volonté du genre humain.
Ce ne sont pas seulement les Juifs appelés prosélytes , mais toute la
nature humaine qui est appelée à contempler le salut de Dieu. —
S. Cyr. {sur lsaïe,_ m, 40.) C'est-à-dire le salut de Dieu le Père qui a
envoyé son Fils pour être notre Sauveur. La chair est prise ici pour
l'homme tout entier. — S. Grég. {hom. 20.) Ou bien dans un autre
gratiœ accepit, et Judaea per errorem
perfidise hoc imde tumebat , perdidit :
humiles enim donum accipiuut , quod a
se corda superbieatiumrepellunt. Chrys.
(in Matth., hom. 10.) Vel per hoc dé-
clarât legis difficultatem in fidei facilita-
tem conversani ; ac si dicat : Nou ulte-
rius sudores et dolores imminent, sed
gratia et remissio peccaloram facilem
viam pariunt ad salutem. Greg. Nyss.
[ubi supra.) Vel jubet valles impleri,
dejici vero colles et montes; volens os-
tendere quod nec ob defectum boni vir-
tutis ordo sit concavus nec discrepet ob
excessum. Greg. (m hovi. 20^ nlii supra.)
Prava autem directa fiunt, cum malorum
corda per injustitiam detorta adjustitiae
regulam diriguntur; aspera autem in
vias planas immutantur , cum immites
atque iracundae mentes per infusionem
supernse gratiœ ad lenitatem mansuetu-
dinis redeunt.
Chrys. (mï 5«/).) Deinde liorum subji-
cit causam, diceus : « Et videbit omnis
caro, » etc. Ostendens quoniam usque
ad fines mundi diffuudetur Evangelii
virtus atque cognitio, ex more ferino et
obstinata voluntate, ad mansuetudinem
et lenitatem humanum genus conver-
tens. Non autem solum Judaei proselyti,
imo tota humana natura salutare Dei
videbit. Cyril, (lib. m, in Isai., 40.) Id
est, Patris, qui Filium misit ut nostrum
Salvatorem. Caro autem ad prsesens
accipitur pro toto homine. Greg. (in
hom. 20, nt sup.) Vel aliter^ ovmis caro
DE SAINT LUC, CHAP. III. 157
sens, toute chair, c'est-à-dire tout homme, n'a pu voir en cette vie le
salut de Dieu qui est Jésus-Christ ; le saint prophète porte donc ses
regards jusqu'au jour du jugement dernier, où tous les hommes, les
réprouvés comme les élus, verront également le salut de Dieu.
f. 7-9. — Il disait donc à ceux qui venaient en foule pour être baptisés par lui :
Race de vipères, qui vous a montré à fuir la colère qui doit tomber sur vous?
Faites donc de dignes fruits de pénitence ; et tie vous mettez pas à dire : Nous
avons Abraham pour père, car je vous déclare que de ces pierres mêmes Dieu
peut susciter des enfaiits à Abraham. Déjà la cognée esta la racine de l'arbre,
tout arbre donc qui ne produira point de bons fruits sera coupé et jeté au feu.
Orig. {hom. 22.) Celui qui persévère dans son premier état de vie,
et qui ne quitte ni ses mœurs ni ses habitudes , n'est pas digne de se
présenter au baptême. S'il veut mériter cette grâce , qu'il sorte tout
d'abord de sa vie ancienne. Aussi l'Evangéliste dit-il en termes exprès :
« Jean- Baptiste s'adressait à la foule qui sortait pour être baptisée
par lui. » C'est donc à la foule qui sortait pour venir à son baptême,
qu'il adresse les paroles suivantes , car si elle fût entièrement sortie,
il ne l'eût pas appelée race de vipères. — S. Chrys. {hom. 11 sur
S. Matth.) Cet habitant du désert, à la vue de tous les habitants de la
Palestine qui l'entourent , pleins d'admiration pour sa personne , ne
se laisse pas influencer par ces témoignages de profonde vénération,
mais il s'élève avec force contre eux , et ne craint pas de leur repro-
cher leurs crimes. {Et hom. 12 sur la Gen.) La sainte Ecriture carac-
térise ordinairement les hommes en leur donnant des noms d'ani-
maux en rapport avec les passions qui les dominent , elle les appelle
des chiens à cause de leur insolence, des chevaux à cause de leur
(id est, omnis homo) salutare Dei (vide-
licet Chriatum) in hac vita videre non
potuit : Propheta ergo oculum ad extre-
mum judicii diera tendit, quando hune
omnes, et electi, et reprobi, pariter vi-
debunt.
Dicebat ergo ad turbas, quœ exibant ut baptiza-
renlur ab ipso : Cenimina viperarum, guis os-
tendit voins fugere a venlura ira ? Facile ergo
fructus dignos pœnitenliœ , et ne cœperitis di-
cere : Palrem habemus Abraham : dico enim
vûbis , quia païens est Deus de lapidibus islis
suscilare filios Abrahœ : jam enim semris ad
radicera urboris pnsita est : omnis ergo arbor
non faciens fruclum bonum, excidetur, et in
ignem miitetur.
Orig. {hoin. 22.) Manens aliquis in
pristiuo statu, et mores suos, et consue-
tudinem non relinquens, nequaquam rite
ad baptismam venit. Si quis ergo vult
baplizari , cgrediatur : unde siguanter
dicitur : « El dicebat ad turbas quae
exibant ut baptizarenfur ab ipso : »
egredientibus itaque ad lavacruni turbis
loquitur quae sequuntur : si enim jam
egressi esseut, nequaquam ad eos dice-
ret : «Geniniina viperarum. » Chrys.
(m Matth. , hom. H.) Jlle itaque cultor
deserti, vidons omnes incolas Paleslinae
circuuistantes ipsum et admirantes non
flectebatur pro tanta reverentia, sed in-
surgens in ipsos arguebat eos. {Et m
Geu.,homl2.) Sacra autera Scriptura
secuadum stimulantes passiones ple-
rumque ferarum nomina imponit homi-
nibus; interdum canes eos nominans
158
EXPLICATION DE L EVANGILE
penchant à la luxure, des ânes à cause de leur défaut d'intelligence,
des lions et des léopards à cause de leur voracité et de leur caractère
violent, des aspics à cause de leur esprit rusé , des serpents et des vi-
pères à cause de leur venin et de leurs démarches tortueuses , et c'est
pour cela que Jean-Baptiste appelle ouvertement les Juifs , « race de
vipères. »
S. Bas. {cont. Ewiom., ii.) Les noms de ;?/5 eid'engendî^ése donnent
aux êtres animés ; le mot race peut s'appliquer au germe avant sa
formation , on donne aussi quelquefois ce nom aux productions des
arbres; mais rarement on l'emploie en parlant des animaux, et tou-
jours en mauvaise part. — S. Chrys. {sur S. Matth.) (1). On dit que
la vipère tue le mâle qui la féconde , et que les petits , à leur tour,
tuent leur mère en naissant, et viennent au monde en déchirant son
sein, comme pour venger la mort de leur père. La race de la vipère
est donc une race parricide. Tels étaient les Juifs qui mettaient à mort
leurs pères spirituels et leurs docteurs. Mais comment expliquer ce
langage, puisque les Juifs ne persévèrent plus dans leurs péchés,
mais qu'ils commencent à se convertir ? Au lieu de les outrager , ne
devait-il pas chercher à les attirer? Nous répondons que Jean ne
s'arrêtait pas à ces démonstrations extérieures , Dieu lui avait révélé
le secret de leurs cœurs, et il y voyait qu'ils étaient trop fiers de leurs
ancêtres. C'est pour détruire dans sa racine cette, vaine présomption,
qu'il les appelle « race de vipères , » sans faire remonter ce reproche
jusqu'aux patriarches, qu'il se garde bien de traiter de la sorte. —
S. Grég. {hom. 20.) Il se sert de cette expression, parce que pleins
d'envie à l'égard des justes qu'ils persécutaient, ils suivaient en cela
(1) Dans le teste de saint Chrysostome cette citation ne se trouve pas dans le même ordre.
causa procacitatis, equos ob lusum, «5?-
nos propter dementiam , et leones et
pardos causa rapacitatis et petulantise^
aspides causa doli, serpentes et riperas
causa veneni et calliditatis: imde etnunc
Joannes Judaeos audacter genimina vi-
perarian vocat.
Basil, [contra Eunoinhnn, lib. ii.)
Oportet autem- scire quod htec nomiua,
no tus et films, de animalibusdicuntur;
genimen Yero potest dici fœtus ante-
quam effingatur, fructus etiam palma-
rum genimina dicuntur; raro autem in
animalibus accipiuntur, et semper in
malo. Chrys. (m Matth., ut svp.) Ferunt
autem viperam marem coeundo necare,
cujus fœtus excrescens perimit matrem,
et sic prodit in lucem scisso parentis
utero in vindictam quodammodo pe-
rempti genitoris ; itaque parricida est
proies vipera. Taies erant Judseij qui
patres spirituales eorum atque doctores
occidebant. Quid autem si non invenit
eos peccantes, sed incipientes converti?
Non debebat eis convitiari, sed permul-
cere. Dicendum quod non adhibebat
mentem bis quse fiebant exterius ; men-
tis euim eorum arcana cognoverat Do-
mino révélante : nimis enim se jacta-
bant in progenitoribus. Hanc ergo radi-
cem scindens nominat illos genimina
viperarum, non quidem vituperans pa-
triarcbas, aut eos riperas nominans.
Greg. {hom. 20, in Erang.) Sed quia
per boc quod bonis invident, eosque
persequuntur, patnun suorum carna-
DE SAINT LUC. CHAP. III.
159
les voies de leurs ancêtres selon la chair, semblables à des enfants in-
fectés du poison que leurs pères, remplis eux-mêmes de venin , leur
ont communiqué en leur donnant le jour. Comme les paroles qui
précèdent, se rapportent à la manifestation de Jésus-Christ en présence
de tous les hommes au jour du jugement dernier , Jean- Baptiste leur
dit : « Qui vous a enseigné à fuir la colère à venir ? » La colère à
venir, ce sont les efifets de la vengeance du dernier jour. — S. Amb.
Nous voyons par là que la miséricorde de Dieu leur avait inspiré la
prudence qui les portait à se repentir de leurs péchés , en redoutant,
par une religieuse prévoyance, les terreurs du jugement dernier. Ou
bien peut-être, le saint Précurseur veut-il dire que, conformément à
ces paroles du Sauveur : « Soyez prudents comme des serpents, » les
Juifs ont cette prudence naturelle qui fait voir et rechercher ce qui
est utile, mais qui n'est pas assez puissante pour éloigner entièrement
de ce qui est nuisible.
S. Grég. [hom. 20.) Comme le pécheur qui ne recourt pas main-
tenant aux larmes de la pénitence , ne pourra se dérober alors aux
effets de la colère de Dieu , Jean-Baptiste ajoute : « Faites donc de
dignes fruits do pénitence. » — S. Chrys. [hom. 10 sur S. Matth.) En
effet, il ne suffit pas aux pécheurs repentants de renoncer à leurs
péchés, il faut encore qu'ils produisent des fruits de pénitence , selon
cette parole du Psalmiste : « Eloignez-vous du mal, et faites le bien »
[Ps. xxx); de même qu'il ne suffit pas pour être guéri, d'arracher le
fer de la plaie, mais il faut encore appliquer sur la blessure les mé-
dicaments qui doivent hâter sa guérison. Jean-Baptiste ne dit pas ici •
Faites du fruit, mais : « Faites des fruits , » pour indiquer qu'elle en
doit être l'abondance. — S. Grég. [hom. 20.) Ce ne sont pas seulement
des fruits, mais de dignes fruits de pénitence qu'ils doivent produire.
lium vias sequentes, quasi venenati filii
de venenatis vel de veneQcis parentibus
nati sunt. Quia vero supradicta senten-
tia intendit quod in extremo Clirislus
examine ab oinni carne videbitur, recte
subdilur: « Quis ostendit vobis fupere
a Ventura ira? » Ventura ira est ani-
madversio ultionis extremœ. Ambr. Os-
tenditur aulem his Dei miseratione in-
fusa prudentia, ut gérant suorum pœni-
tentiam delictorum, futuri terrorem ju-
dicii provida devolione nietuenles : aut
fortasse juxta quod scriptum est [Mallli.,
10) : « Estole prudentes sicut serpentes, »
oslenduntur iiabere prudentiam natura-
lem^ qui profutura videant et sponte de-
poscant, sed adhuc noxianon relinquant.
Greg. {in hom. 20, ut sa p.) Quia vero
tune fugere ab ira Dei peccalor non va-
let, qui nunc ad lamenta pœnitentiœ
non recurrit, subditur : « Facite ergo
fructus, » etc. Chrys. [hom. 10, in
Matth.) Non enim satis est pœnilentibus
peccata dimittere, sed • opus est ejus
fructus ferre, secundum illud {Psal. 33) :
« Déclina a malo, et fac bonum, » sicut
non sufflcit ad sanationem sagitam evel-
lere, sed oportet ulceri niedicamentum
apponere. Non autem dicit fructum,
sed fructus, copiam designans. Greg.
[in hom. 20,utsup.) Nec solum fructus
pœnitentiœ, sed dignos pœnitenliœ ad-
160
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
Celui, en effet, qui n'a commis aucune action défendue , peut se per-
mettre l'usage des choses licites. Mais celui qui est tombé dans des
fautes graves, doit s'interdire d'autant plus rigoureusement les choses
permises, qu'il se souvient d'en avoir commis.de défendues. Les fruits
des bonnes œuvres ne doivent pas être les mêmes pour celui qui s'est
rendu moins coupable et pour celui qui l'est davantage , pour celui
qui n'est tombé dans aucun crime , et pour celui qui en a plusieurs à
se reprocher. Le saint Précurseur fait donc ici un appel à la conscience
de chacun, pour l'engager à devenir d'autant plus riche en bonnes
œuvres, qu'il a éprouvé par ses fautes des pertes plus considérables.
— S. Max. {Ch. des Pèr. gr.) Le fruit de la pénitence , c'est une
espèce d'impassibilité de l'âme vis-à-vis du mal, impassibilité qui ne
nous est pleinement acquise que lorsque nous sommes insensibles aux
instigations de nos passions; jusque là, nous n'avons pas fait de
dignes fruits de pénitence. Que notre repentir soit donc sincère, afin
que, délivrés de nos passions , nous obtenions le pardon de nos pé-
chés.
S. Grég. [hom. 22.) Mais les Juifs , fiers de la noblesse de leurs an-
cêtres, ne voulaient point se reconnaître pécheurs , parce qu'ils des-
cendaient de la race d'Abraham. Aussi Jean-Baptiste les pousse dans
ce dernier retranchement : « Et ne vous mettez point à dire : Abraham
est notre père. » — S. Chrts. {Ch. des Pèr. gr.) (1). Il ne leur con-
teste pas qu'ils descendent d'Abraham par une filiation naturelle,
mais il veut leur faire entendre qu'il ne leur sert de rien de descendre
d'Abraham, s'ils ne peuvent montrer en même temps la descendance
qui vient de la vertu. En effet, dans le style de l'Ecriture , les liens de
(1) Cette citation est tirée des homélies 11 et 12 sur saint Matthieu et de l'homélie 12 sur l'E-
pître aux Romains.
monet esse faciendos. Quisquis enim
illicita nulla commisit : huic conceditur
ut licilis utatur. At si quis in culpam
lapsus est, tanto a se licita débet abscin-
dere, quanto œeminit se illicita perpé-
trasse. Neque enim par fructusesse boni
operis débet ejus qui miuus, et ejus qui
ampli us deliquit ; aut ejus qui in nuUis,
et ejus qui in quibusdam facinoribus
cecidit. Per boc ergo cujuslibet cons-
cientia convenitur, ut tanto majora quae-
rat bonorum operum lucraper pœniten-
tiam, quanto graviora sibi intulit damna
per culpam. Maxim, {in Cat. Grœcorum
Patrum ex ascetids.) Pœnitentiae fru-
ctus est impassibilitas animas, qua ple-
narie non fruimur, dum interdum pas-
sionibus instigamur : nondum enim
fructus pœnitentiae dignos peregimus,
Pœniteamus ergo veraciter, ut a passio-
nibus expediti peccatorum veniam con-
sequamur.
Greg. {in hom. 22, in Evang.) Sed
Judœi de generis nobilitate gloriantes,
idcirco se agnoscere peccatores nole-
bant, quia ab Abrahae stirpe descende-
rant, quibus recte dicitur : << Et ne cœ-
peritis dicere : Patrem babemus Abra-
ham. » Chrys. {in Cat. Gi'xconnn. ubi
sup.) Non hoc indicans quod ab Abra-
ham naturali origine non desceuderant,
sed quia eis nihil prode<t ab Abraham
descendisse, nisi secundum'virtutem co-
gnationem observent. Cognationis nam-
DE SAINT LUC, CHAP. III,
161
la parenté ne sont pas ceux qui sont formés par le sang , mais ceux
qui viennent de la ressemblance des vertus ou des vices, et chacun est
appelé le fils ou le frère de ceux dont il reproduit en lui la ressem-
blance.— S. Ctr. Que sert, en effet, d'être d'une descendance illustre,
si on ne cherche à l'appuyer, à la maintenir par de nobles instincts.
C'est donc une vanité que de se glorifier de la noblesse et des vertus
de ses ancêtres, et de ne prendre aucun souci d'imiter leurs vertus. —
S. Bas. {Ch. des Pèr. gi\) (1). Ce n'est point l'agilité de son père qui
rend un cheval prompt à la course. Or, de même que ce qui fait le
mérite de tous les autres animaux , ce sont les qualités personnelles ;
ainsi ce qui rend un homme digne d'éloges, ce sont les bonnes œuvres
dont il peut donner la preuve; car il est honteux de se parer de
la gloire d'autrui , quand on ne peut la soutenir par ses vertus per-
sonnelles.
S. Grég. de Nysse. Après avoir prédit l'exil des Juifs et prophétisé
leur réprobation, il prédit comme une suite nécessaire la vocation des
Gentils, qu'il appelle des pierres : « Je vous déclare,» etc. — S.Chrys.
[sur S. Matth.) Il semble leur dire : Ne croyez pas que si vous venez
à périr, le patriarche Abraham cessera d'avoir des enfants; car Dieu
peut susciter des hommes de ces pierres mêmes , et en faire de véri-
tables enfants d'Abraham. Et c'est ce qu'il a fait autrefois ; car en
faisant naître un fils du sein stérile de Sara, n'a-t-il pas opéré un pro-
dige semblable à celui de faire sortir des hommes des pierres elles-
mêmes. — S. Ambr. Mais quoique Dieu puisse à son gré changer et
transformer les natures créées, cependant le mystère que renferme ces
(1) Cette citation de saint Basile et celle qui suit de saint Grégoire de Nysse, ne se trouvent que
dans la Chaîne des Pères grecs.
que leges consuevit ScripUira vocare,
non eas quae secundum naturam consis-
tant, sed quae derivantur a virtute vel
vitio. Quibus namque se quisque con-
t'ormem statuit, liorum ûliu-; vel fraler
vûcatur. Cyril, (in Cat. Gracorum,ubi
Slip.) Quid enim confert cariialis pene-
rositas, nisi consiniilibus studiis fulcia-
tur ? Vauura est if^itur extolli de bonis
praecessoribus, et deficere ab eorum
virtutibus. Basil, (in Cat. Grxcomm,
ubi sup.) Neque enim equum velocem
esse facit patris ergti curàum strenuitas ;
sed veluti caelerorum aniiualium probi-
tas consideratur in singulis, sic quoque
laus propria viri discernitur, quam prfe-
sentiuni l)onorum esse comprobat ariru-
meulum : lurpe namque est alienis or-
TOM. V.
nari decoribus, quem virtus propria non
venustat.
Greg Nyss. {in Cat. Grœcorum Pa-
trum, ubi sup.) Sic igitur Judaeorum
promulgato exilio (sive rejectione pro-
pbetata) consequenter ingerit convoca-
tionem Gentilium(|uos/fly;«/esappellat :
unde sequitur: « Dico enim vobis, «etc.
Chrys. {hom. 11, in Malth.) Quasi di-
cat : Ne putetis quod si vos perieritis,
filiis privetur patriarcha : potest enim
Deus etiam ex lapidibus homines illi
praibere, et ad illum perducere sangui-
nem : nam ab ipso principio sic evenit :
ci namque quod est « ex lapidibus ho-
mines fieri, » aequipollet exitus filii ab
illo emortuo utero Sarœ. Ambr. Sed li-
1 cet Deus possit diversas convertere et
11
462
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
paroles m'est plus avantageux que le miracle ; car qu'étaient-ils autre
chose que des pierres ceux qui adoraient des idoles de pierre , sem-
blables à ceux qui les avaient faites ? Jean-Baptiste prophétise donc
que la foi pénétrera les cœurs de pierre des Gentils , et prédit qu'ils
deviendront, par la foi, de véritables enfants d'Abraham. Pour nous
faire mieux comprendre quels hommes il a comparés à des pierres, il
les compare encore à des arbres, dans les paroles suivantes : « La
cognée est déjà à la racine de l'arbre. » Il change de comparaison
pour vous faire comprendre par cette allégorie déjà plus relevée,
qu'il s'est fait dans l'homme un certain progrès qui les approche du
bien.
Okig. (Jiom. 23.) Si la consommation de toutes choses était proche,
si nous touchions à la fin des temps , il n'y aurait pour moi aucune
difficulté, et je dirais tout simplement que cette prophétie doit rece-
voir alors son accomplissement. Mais puisqu'il s'est écoulé tant de
siècles depuis cette prédiction de l'Esprit saint; je pense que cette
prophétie s'adresse au peuple juif, à qui Jean-Baptiste prédit sa des-
truction prochaine; car c'est à ceux qui venaient à lui pour être
baptisés qu'il tenait ce langage. — S. Cyr. {Ch. des Pèr. gr.) Cette
cognée qui doit les frapper dans le temps présent , c'est la vengeance
exterminatrice qui vint fondre sur les Juifs du haut du ciel, pour pu-
nir l'attentat impie et sacrilège qu'ils commirent sur la personne de
Jésus-Christ. Il ne dit point cependant que la cognée va trancher la
racine, mais qu'elle a été mise "à la racine de l'arbre, (c'est-à-dire
auprès de la racine), car les branches ont été retranchées sans que
l'arbre ait été détruit jusque dans sa racine, parce que les restes du
peuple d'Israël doivent être sauvés.
mutare naturas, tamen milii plus myste-
rium quam miraculum prodest : quid
enim aliud quam lapides babebantur,
qui lapidibus serviebanl ? similes utique
bis qui feceraut eos. Propbetatur igitur
saxosis Gentilium fides infundenda pec-
toribus, et futures per fidem Abrahae
fibos oraculo poUicentur. Ut autem scias
qui lapidibus comparât! suut bomines,
arboribus quoc[ue bomiues comparavit,
cum subdit : « Jam enim securis posita
est ad radicem arboris. » Exempli au-
tem ideo facta est mutatio, ut illo com-
parationis processu quidam intelUgatur
hominis clementior jam profectus.
Orig. (/joî«. 23.) Et quidem si jam
ingrueret consummatio, et temporum
finis inslaret, nuUa mihi quaestio nasce-
retur : dicerem enim propterea hoc pro-
phetatum esse, quia illo tempore com-
plebitur. Cum autem tanta post secula
fluxerint quo Spiritus sanctus hoc dixit,
ego puto israelitico populo prophetari
quod prœcisio ejus viciua sit. His enim
qui egrediebanlur ad eum, ut baptiza-
rentur, beec inter caetera loquebatur.
Cyril, [in Cat. Grœconan Patrum, tibi
Slip.) Securim ergo in prœsenti nomi-
nat mortiferam iram, quae divinitus ir-
ruit in Judseos propter exercitam impie-
tatem in Cbristum ; non tamen haesisse
radici securim pronuntiat ; sed ad ra-
dicem (id est, juxta radicem) positam :
decisi namque fuerunt rami, nec radici-
tus extirpata est planta ; rebquiae enim
Israël salvee fient.
DE SAINT LUC, CHAP. III. 163
S. Grég. {hom. 20.) Ou bien dans un autre sens, cet arbre c'est le
genre humain tout entier. La cognée , c'est notre Rédempteur, que
l'on peut tenir par l'humanité dont il s'est revêtu, et qui est comme le
manche de la cognée, mais qui tient de la divinité la vertu de couper
et de retrancher. Cette cognée est déjà mise à la racine de l'arbre; car
bien qu'elle attende avec longanimité , on voit cependant le coup
qu'elle s'apprête à frapper. Et remarquez qu'il ne dit point : La
cognée est déjà placée sur les branches , mais : « A la racine. » En
effet, lorsque les enfants des méchants sont détruits, ce sont les branches
de l'arbre stérile qui sont retranchées. Mais lorsque toute la race des
méchants est exterminée avec son père , c'est l'arbre infructueux qui
est coupé jusque dans sa racine. Or_, tout homme vicieux et criminel
doit s'attendre à être jeté dans le feu de l'enfer qui lui a été préparé
pour punir sa négligence à produire le fruit des bonnes œuvres. —
S. Chrys. {Ch. des Pèr. g7\) (I). Le saint Précurseur dit judicieuse-
ment : « Qui ne fait point de fruit, et même de bon fruit ; » car Dieu
a créé l'homme pour travailler et pour produire, et l'application per-
sévérante au travail lui est naturelle , tandis que l'oisiveté est contre
sa nature. En effet, l'inaction est nuisible à tous les membres de son
corps, mais bien plus encore à son àme, qui, étant essentiellement ac-
tive, ne peut rester un instant dans l'oisiveté. Mais de même que l'oi-
siveté est funeste, le mouvement et le travail ont aussi leur danger
(lorsqu'ils servent au mal.) Après avoir exhorté à faire pénitence , il
annonce que la cognée est à la racine , non encore pour couper et
pour retrancher, mais pour menacer et inspirer une salutaire terreur.
(1) Cette citation de saint Chrysostome est empruntée tout à la fois à l'homélie 11 sur saint Mat-
thieu et à l'homélie 3b sur les Actes.
Greg. {in homil. 20, in Evawj.) Vel
aliter : arborhujus mundi est universum
genus humanuai. Secnris vero est Re-
demptor noster, qui velut ex manubrio
et ferro tenetur ex huuianitate, sed in-
cidit ex Uivinitate. Quœ viddicet securis
jamad radicem arboris posita est : quia
etsi per patienliam exspeclat, videtur
tamen quid factura est. El iiotandumest
quod, nonjuxta ramos securiui positam,
scd ad radicem dicit : cuni cnini malo-
ruui fîlii tollunlur, quid aliud quamrami
infructuosa; arboris abscinduntur? Cuin
vero tûla simul progenics cum parente
toilitur, infructuosa arbor a radice ab-
scissa est. L'nusquisque autem perversus
paratam citius gehennae concrematio-
ûem inveuil, quia facere fructum boni
operis contemnit : unde sequitur : « Om-
nis ergo, » etc. Chrys. (in Cat. Grœco-
rum Patrum, iibi sup.) Elegantur dic-
tum est : « Non facieus fructum, » et
adjicitur^ bonum, officiosum eniin hoc
animal Deus creavit, et naturalis est ilU
oxercitiorum instantia; (sive naturale
illi est operari), olium vero innaturale :
obest enim inertia eliam ciinctis corpo-
ris membris; nulli autem ut auimiB : ea
namque cum continuo sit naluraliter
mobilis, otiari non patitur. Sicut autem
otium malum est, ita indecens exercllium
(quandoscilicet mala fiunt), ex eo autem
quod prœmisit pœnitentiam, pru;dicat
quod securis adjacet ; non quidem inci-
dens (vel exsecans) , sed solummodo
terrorem incutiens (vel comminans.)
164
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
— S. Ambr. Que celui donc qui le peut, produise des fruits de grâce;
que celui pour qui c'est un devoir rigoureux , fasse des fruits de pé-
nitence; voici le Seigneur qui vient chercher des fruits, et donner la
vie à ceux qui produisent des fruits abondants, et condamner ceux qui
sont stériles.
f. 10-14. Et le peuple lui demandait : Que ferons-nous donc? Il leur répondit :
Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui n'en a point, et que
celui qui a de quoi manger fasse de même. Des puhlicains vinrent aussi pour
être baptisés, et lui demandèrent : Maître que ferons-nous. Il leur répondit :
N'exigez rien au delà de ce qui vous a été ordonné. Et des soldats aussi vinrent
l'interroger, disant : Et nous que devons-nous faire? Il leur répondit : N'usez
de violence ni de fraude envers personne, et contentez-vous de votre p>aye.
S. Grég. {ho7n. 20.) Ces paroles de Jean-Baptiste prouvent qu'il
avait fait naître un trouble salutaire dans l'âme de ses auditeurs,
puisqu'ils viennent lui demander ce qu'ils doivent faire : « Et la foule
l'interrogeait, » etc. — Orig. {hom. 23.) Trois sortes d'hommes
viennent demander à Jean ce qu'ils doivent faire pour être sauvés;
les uns que l'Ecriture appelle le peuple ou la foule, les autres qui sont
les puhlicains, et les troisièmes qu'elle comprend sous le nom de sol-
dats. — Théophyl. Or, il recommande aux puhlicains et aux soldats
de s'abstenir de tout mal, mais quant au peuple, qu'il regarde comme
moins enclin au mal, il prescrit la pratique des bonnes œuvres : « Il
leur répondit : Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui
qui n'en a point, » etc. — S. Grég. {hom. 20.) La tunique est d'un
usage plus nécessaire que le manteau ; aussi un des fruits principaux
de la pénitence est de nous faire partager avec le prochain non-seule-
Ambr. Faciat ergo fructum qui potest
gratiae ; qui débet, pœnitentise : adest
Dominus qui fructum requirat, fecundos
vivificet, stériles reprehendat.
Et interrogabant eum turbœ, dicentes : Quid ergo
faciemus ? Respondens autem dicebat illis :
Qui habet duas tunicas, det non habenti, et qui
habet escas , simililer faciat. Venerunt autem
et publicani , ut baptizarentur, et dixerunt ad
illum : Magister, quid faciemus ? At ille dixit
ad eos : Nihil amplius quam qttnd constitutum
est vobis faciatis. Interrogabant autem eum et
milites, dicentes : Quid faciemus et nos ? Et
ait illis : Neminem concutialis , neque calum-
niam faciatis, et contenti estote stipendiis ves-
tris.
Greg. {in hom. 20, in Evang.) In
praemissis verbis Baptistae Joannis cons-
tat, quod audientium corda turbata sunt,
quse consilium quaerebant, eum subinfer-
tur : « Et interrogabant eum, » etc. Orig.
[hom. 23.) Très ordines inducuntur
sciscitantium Joannem super sainte sua:
unus quem Scriptura appellat twbas ;
alius quem pnblicanos nominat; tertius
qui militum appellatione censetur. Théo-
phyl. Et quidem publicauis et militibus
a malo absUnere praecipit. Turbis autem
quasi non malitiosis existentibus bonum
aliquod prœcipit operari : unde sequi-
tur : « Respondens autem dicebat illis :
Qui habet duas timicas, det unam, » etc.
Greg. [in liomil. 20, ut svp.) Propter
hoc quod tunica plus est necessariausui
nostro quam pallium, ad fructum di-
guum pœnitentiae pertinet ut non solnm
DE SAINT LUC, CHAP. ÎII. 165
ment les choses extérieures plus ou moins utiles, mais celles qui nous
sont le plus nécessaires, comme la tunique dont nous sommes vêtus,
les aliments qui soutiennent notre existence : « Et que celui qui a de
quoi manger fasse de même, » — S. Bas. {Ch. des Pèr. fjr.) (1) Nous
apprenons de là l'obligation où nous sommes de donner pour Dieu
tout notre superflu à ceux qui sont dans l'indigence, parce que c'est
Dieu qui nous a donné tout ce que nous possédons.
S. Grég. [hom. 20.) Il est écrit dans la loi : « Vous aimerez votre
prochain comme vous-même. » Donc on n'aime pas son prochain,
quand on ne partage pas même son nécessaire avec celui qui se trouve
dans l'extrême besoin. Il est commandé de partager avec le prochain
une des deux tuniques que l'on possède, car si on n'en avait qu'une
à partager, elle ne pourrait servir de vêtement à aucun des deux.
Nous pouvons juger par toutes ces recommandations, de quel prix
sont les œuvres de miséricorde, puisqu'elles tiennent le premier rang
parmi les dignes fruits de pénitence. — S.Ambr. Chaque condition a ses
devoirs particuliers, la pratique de la miséricorde est un devoir commun
à tous les hommes, et c'est pour tous les hommes une obligation rigou-
reuse de donner à celui qui est dans l'indigence. La miséricorde com-
prend pour ainsi dire toutes les vertus ; cependant la pratique de la
miséricorde a ses règles, et doit se mesurer sur les moyens et les res-
sources de chacun, elle n'oblige pas à se dépouiller entièrement de ce
qu'on possède, mais à le partager avec celui qui n'a rien.
Orig. (^om. 23.) Ce passage renferme un sens plus profond : en eflfet,
de même que nous ne pouvons servir deux maîtres, de même nous ne
(1) Ce passage se trouve équivalemment dans les homélies sur l'avarice contre ceux qui veulent
s'enrichir, et dans l'homélie^pour un temps de sécheresse et de famine.
exteriora quaecunque, sed ipsa nobis
valde necessaria dividere cum proximis
debeainus ; scilicet vel tunicam, qua
vestimur ; vel escam, quacarnaliter vi-
vimus : unde sequitur : « Et qui habet
escas, siiniliter faciat. » Basil, [in Cat.
Grœconim Patrum, ubi sup.) Hinc au-
tem doceinur quod ex onini eo quod
affluit supra proprii victus neccssitatem,
tenemur erogare illi qui non habet, pro-
pler Ueum, quia quœcunque possidemus,
largitus est.
Greg. (in hom. 20, in Evang.) Quia
enim in lepu scriptum est : « Diliges
proxiniuni tum sicut te ipsum, » minus
proxiiuum araare convincitur, qui non
cum eo in nécessitât^ illius, etiam ea
qucP sunt sibi necessaria, partitur : id-
circo de dividendis cum proximo dua-
bus tunicis datur praeceptum ; quoniam
si una dividitur, nemo vestitur. Inter
hœc aiitem scienduin est quantum mi-
sericordice opéra valeant, cum ad fructus
dignos pœnitentiœ ipsa pree cœterisprae-
cipiuritur. Ambr. Alla enim officiorum
praîcepta propria sunt singulorum, mi-
sericordia communis est usus : ideo
commune preeceptum est omnibus, ut
conférant non habenti. Misericordia est
pienitudo virtutum ; raisericordiae ta-
men ipsius pro possibilitate conditionis
liumanfp mensura servatur, ut non sibi
unusquisque totum eripiat, sed quod
habet, cum paupere partiatur.
Orig. (hom. 23.) Profundiorem autem
locus iste recipit intellectum : qunmodo
166
EXPLICATION DE l'ÉVANGILR
devons pas avoir deux tuniques, dont l'une serait le vêtement du vieil
homme, et l'autre le vêtement de l'homme nouveau. Nous devons au
contraire dépouiller le vieil homme et revêtir celui qui est nu, car l'un
a Dieu dans son cœur, et l'autre en est privé. Il est écrit que nous de-
vons précipiter nos péchés au fond de la mer; nous devons également
repousser loin de nous nos fautes et nos vices, et les rejeter pour ainsi
dire sur celui qui en a été pour nous la cause. — Théophyl. Il en est
qui voient dans ces deux tuniques l'esprit et la lettre de l'Ecriture.
Jean recommande à celui qin possède l'un et l'autre, d'instruire les
ignorants et de leur enseigner au moins la lettre de la sainte Ecriture.
BEDE. La puissance de la parole de Jean-Baptiste était si grande,
qu'elle forçait les publicains et les soldats eux-mêmes à venir lui de-
mander ce qu'ils devaient faire pour être sauvés : « Des publicains
vinrent aussi, » etc. — S. Chrys. {hom. 24 ou 25.) Qu'elle est grande
la puissance de la vertu, puisqu'elle amène les riches du monde à
venir demander à celui. qui n'a rien le chemin du vrai bonheur ? —
BEDE. Le saint Précurseur leur recommande de n'exiger rien au delà
de ce qui leur est prescrit : « Il leur dit : N'exigez rien de plus de ce
qui vous a été prescrit. » On appelait publicains ceux qui levaient les
impôts, qui avaient la charge de collecteurs des contributions ou des
revenus publics, et on donnait ce nom par extension à ceux qui cher-
chaient à augmenter leurs richesses par le négoce et les affaires.
Jean-Baptiste leur fait à tous un précepte de s'abstenir de toute
fraude, et en réprimant ainsi tout désir de s'emparer du bien d'au-
trui, il les amène à partager leurs propres biens avec le prochain :
« Et des soldats vinrent aussi l'interroger, » etc. Il leur donne cette
enim non debemus duobus servire do-
minis, sic nec duas habere tiinicas : ne
sit unum indumentum veteris bominis,
et alterum novi ; sed debemus nos exuere
veterem bominem, et ei dare qui nudus
est : alius enim babet Deum, alius vero
omnino non babet : et quomodo scri-
ptum estj ut in profundum maris praeci-
pitemus nostra delicta, sic projici a no-
bis oportet vitia atque peccata, et jacere
super eum quieorum nobis causa extitit.
Thophyl. Quidam autem tunicas duas
esse dixit, spiritum Scripturfe, et Utte-
ram ; liabentem vero duo liaic monet
Joaune-, ut instruat ignorantem, et det
ei ad minus litteram.
Beda. Quautam autem BapHstse sei'mo
virlutem habuerit, liinc probalur, cum
et pubiicanos et milites ad consilium
salutissuee coegerit inquireudum : unde
sequitur : « Venerunt autem et publi-
cani, » etc. Chrys. [hom. 24 vel 25.)
Magna est virtutis fortitudo, dum felici-
tatis viam requirunt ab indigo locuple-
tes. Bed. Prcecipit ergo eis ne ultra pree-
scriptum exigant. Unde sequitur : « Et
ille dixit ad eos : Nibil amplius quam quod
vobis constitutum est, faciatis, » Publicani
vero appellantur hi qui vectigalia publica
exigunt, qui sive conductores sunt vec-
tigalium fisci, vel rerum publicarum,
nec non et bi qui seculi bujus lucra per
uegotia sectantur, eodem vocabulo cen-
sentur : quos omnes pariter in suo
quemque gradu ab agenda fraude coer-
cet, ut dum primo se ab aliorum tem-
perarent appetitu, tandem ad propria
cum proximis communicanda pertiuge-
reut. Sequitur : « Interrogabant autem
eum et milites, » etc. Justissimo autem
DE SAINT LUC, CHAP. III.
167
règle de juste et sage modération, de ne dépouiller jamais injustement
ceux qu'ils doivent défendre et protéger par état : « Et il leur dit :
Abstenez-vous de toute concussion (ou de toute violence), ne commet-
tez aucune injustice (par des voies frauduleuses), et contentez-vous de
votre paie. — S. Ambr. Il enseigne par là que la milice reçoit une
paie légalement établie, de peur qu'en laissant aux soldats de pour-
voir à leur subsistance , on n'ouvre ainsi la porte au pillage. —
S. Grég. de Naz. [Disc. 9 contr. Jul.) Il donne ici le nom de paie à
la solde impériale et au traitement assigné par la loi à ceux qui étaient
en place. — S. Aug.- {contr. Faust., liv. xxii , ch. 7.) Jean-Bap-
tiste savait que les soldats, lorsqu'ils font la guerre, ne sont pas des
homicides, mais les exécuteurs de la loi, qu'ils ne sont point les ven-
geurs des injures particulières, mais les défenseurs du salut public.
Autrement il leur eût répondu : Dépouillez-vous de vos armes, et
quittez le service militaire, ne frappez, ne blessez, ne tuez personne.
Qu'y a-t-il en effet de coupable dans la guerre? Est-ce de donner la
mort aux uns pour laisser les autres régner en paix après la vic-
toire? Condamner la guerre à ce point de vue n'est point un acte de
religion, mais de lâcheté. Ce qui est justement condamné dans les
guerres, c'est le désir de nuire, c'est la cruauté dans la vengeance,
c'est d'avoir une âme impitoyale, implacable, c'est la férocité dans le
combat, c'est la fureur de dominer et autres excès semblables. Or c'est
pour punir ces excès ou les violences de ceux qui se révoltent, soit
contre Dieu, soit contre le commandement d'une autorité légitime,
que les bons eux-mêmes font la guerre, lorsqu'ils se trouvent dans
des circonstances telles que l'ordre et la justice leur font un devoir ou
de commander de prendre les armes, ou d'obéir à ce commandement.
moderamiDe praemonet, ne ab ois calum-
niaudo prœdam requiraut, quibus ini-
litando prodesse debuerant : unde se-
quilur : « Et ait illis : Noiniuem concu-
lialis (scilicet per violeiitiain), neque
cabimniam faciatis (scilicet per fraudu-
lentam malitiam), et contenti estote sti-
pendiis vestris. » Ambr. Docens idcireo
stipendia militiae coustituta, ne dum
sumptus quœritur, prfedo grassetur.
Greo. Nazian. [Orat. 9, in Julianum.)
Stipendium enim appellat imperialem
provi3ionem,et deputataper legem digni-
lalibus munern. Aug. (contra Foustum,
lib. XXII, cap. 7.) Sciebat enim eos curn
militarent, non esse honiicidas, sed nii-
nistros legis, et non ultores injuriarum,
sed salutis publicae defensores. Alioquin
responderet : « Arma abjicite, militiam
istain deserite, neminem percutite, vul-
uerate, prosternite. » Qnïd enim culpa-
tur in bello ? an qnia moriuntur quan-
doque morituri, ut doniinentur in pace
victuri? hoc reprehendere timidorum
est, non religiosorum : nocendi cupidi-
tas, ulciscendi crudelilas , impiacatus
atque impiacabilis animus, feritas re-
bellandi, libido dominandi (et si quae
talia), hœc sunt quœ in bellis jure
culpantur : quae plerumque ut etiam
inde puniantur, adversus violentiam re-
sislenLium (sive Deo, sive aliquo lé-
gitime imperio jubente); gerenda ipsa
bella suscipiuntur a bonis , cum in
eo rcrum humanarura ordine inveniun-
tur, ubi eos vel jubere taie aliquid, vel
in talibus obedire juste ipse ordo con-
stringit.
168
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
S. Chrys. {hom. 25 sur S. Matth.) En traçant ces règles si simples
de conduite aux publicains et aux soldats, Jean-Baptiste voulait les
élever à une perfection plus grande, mais comme ils n'en étaient pas
encore capables, il leur donne des préceptes plus faciles, car s'il leur
avait proposé tout d'abord les obligations d'une vie plus parfaite, ils
n'y auraient donné aucune attention, et seraient demeurés privés de
la connaissance des devoirs plus ordinaires et plus faciles.
y. 15-n. — Or, comme le peuple était dans une grande suspension d'esprit, et
que tout pensaient en eux-mêmes que Jean pourrait bien être le Christ, Jean
leur dit à tous : Pour moi, je vous baptise dans l'eau, mais il en viendra un
autre plus puissant que moi, et dont je ne suis pas digne de délier les courroies
de la chaussure. C'est lui qui vous baptisera dans le Saint-Esprit et dans le
feu. Son van est en sa main, et il nettoiera son aire, puis il amassera le blé
dans son grenier, et il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteindra jamais.
Orig. {hom. 23.) Il était juste que Jean fût environné de plus d'hon-
neurs que les autres hommes, lui dont la vie était plus parfaite que
celle de tous les autres mortels. Aussi les Juifs avaient-ils pour lui une
bien légitime prédilection, mais qui cependant était par trop exagé-
rée : « Or, comme tout le peuple flottait dans ses pensées, et que tous
se demandaient dans leurs cœurs s'il ne serait pas le Christ. » —
— S. Ambr. Quoi de plus insensé que de refuser de croire, lorsqu'il
vint lui-même en personne, celui qu'ils voulaient reconnaître dans la
personne d'un autre? Ils pensaient que le Messie devait naître d'une
femme, et ils ne veulent pas croire qu'il ait pu naître d'une Vierge,
et cependant le signe que Dieu avait donné de l'avènement du Sau-
veur, c'était l'enfantement d'une Vierge et non celui d'une femme.
Orig. {hom. 25.) L'affection a ses périls, si elle franchit les justes
Chrys. [super Matth. ubi sup.) Vole-
bat autem Joannes, quando publicauis et
militibus loquebatur, ad aliain majorem
philosophiam ipsos traducere ; sed quo-
niam nondiim erant ad illam idonei,
minora reserat : ne si potiora proferreL
nequaquam illis inteaderent, et bis etiam
privarentur.
Existimnnte autem populo, et cogilantibus om-
nibus in cordibus suis de Joanne , ne forte ipse
esset Christus, respondit Joannes , dicens om-
nibus : Ego quidem aqua baptizo vos ; venit
autem fortior mepost me, cujus non sum dig-
nus solvere corrigiam calceamentorum ejus ;
ipse vos baptizabit in Spiritu sancto et igni :
cujus ventilabrum in manu ejus, et purgabit
aream suant, et congregabit triticum in hor-
reum suum ; paleas autem comburet igni inex-
linguibili.
Orig. (hom. 23.) Dignum erat ut plus
Joanni quam caeteris bominibus deferre-
tur, qui aliter quam cuncti mortales
vixerat : quam ob causam diligebaat
quidem eum justissime ; sed non serva-
bant in charitate modum : unde dicitur :
« Existimante autem populo ne forte
esset, » etc. Ambr. Quid autem ineptius
quam quod is qui in alio œstimatur, in
seipso esse non creditur? Quem per
niulierem venturum putabant, per vir-
ginem venisse non credunt ; et utique
divini adveutus signumin virginis partu,
non in raulieris constitutum est.
Orig. {hom. 25.) Habet autem péri-
DE SAINT LUC, CHAP. III. 469
bornes. Quand on aime quelqu'un, on doit considérer attentivement
la nature et les motifs de son affection, et la proportionner au mérite
de celui qu'on aime, car si Ton dépasse la mesure et les limites de la
charité, celui qui aime comme celui qui est aimé se rendent cou-
pables. — Ch. des Pèr. gr. Aussi Jean ne pensa pas à se glorifier de
Topinicn que tous avaient de lui, et ne parut jamais désirer d'être le
premier; loin de là, il fit toujours profession de l'humilité la plus pro-
fonde : « Mais Jean répondit, » etc. — Bède. Comment put-il ré-
pondre à ceux qui pensaient dans leurs cœurs qu'il pouvait être le
Christ? C'est que non-seulement telle était leur pensée, mais qu'ils
lui avaient député des prêtres et des lévites pour lui demander s'il
était le Christ, comme le raconte un autre Evangéliste.
S. Ajibr. Ou bien, c'est que Jean lisait dans le secret des cœurs,
mais considérez de qui lui venait cette prérogative, car la grâce de
Dieu seule peut révéler ce qu'il y a de plus caché dans le fond des
cœurs^ et non la puissance de l'homme qui reçoit bien plus de lumières
du secours d'en haut, que de ses facultés naturelles. Or, il répondit
aussitôt et sans hésiter qu'il n'était pas le Christ, lui qui n'exerçait
qu'un ministère extérieur et visible. L'homme, en effet, est un com-
posé de deux natures, c'est-à-dire, de l'àme et du corps; la partie
visible est consacrée par une action visible, la partie invisible reçoit
une consécration intérieure et invisible. Ainsi l'eau lave le corps et le
purifie, mais l'Esprit purifie l'àme de ses fautes, quoique l'éau elle-
même soit comme pénétrée du souffle de la grâce divine. Le baptême
de la pénitence est donc différent du baptême de la grâce, celui-ci
opère par ces deux choses réunies, l'eau et l'Esprit; celui-là par l'eau
seulement : l'œuvre de l'homme c'est de faire pénitence de ses fautes,
culum dilectio , si modum transeat :
débet enim qui aliquem diligit^ naturam
et causa» coûsiderare diligendi, et non
plus diligere quam meretur : naui men-
suram charitatis modumque si transcen-
deril, et qui diligit et qui dili^itur;, in
peccato erunt. Greg. {Ve/ Metaphrustes
in Cat. GrœconimPatrnm.)\Lnàe.ioaxi-
nes non fuit gluriatus in iiabita opinione
de ipso ab omnibus, nec aliquatenus
visus est primatum appetere, sed inB-
niam liumilitateni amplexatus est : unde
sequilur : « Respondit Joannes, » etc.
Beiu. Quomodo autem respondit eis,
qui in secreto cordis quia Christus esset
i;ofîitabant, nisi quia, non solum cogita-
bant, sed etiam (sicut alius Evangelista
déclarai) missis ad eum sacerdotibus ac
levitis, an esset Christus inquirebant?
Ambr. Vel videbat Joannes cordis oc-
culta. Sed consideremns cujus gratia;
Dei enim munus est qui révélât, non
virtus liominis, qui divino magis adju-
vatur beneficio, quam naturali cernit of-
ficio. Cito autem respoudens probavit
non esse se Christum, qui visibili ope-
ratur officio.Nam cum ex duabus natu-
ris bomo, id est, ex anima subsistât et
corpore, visibile per visibile, invisibile
per invisibile mysterium consecratur :
aquaenim corpus abluitur, spiritu animae
delicta mundantur: licet etiam in ipso
fonte sanctificatio Divinitatis aspiret :
et ideo aliud fuit baptisma pœnitentiae,
aliud est gratiae : istud baptisma ex utro-
que, iilud ex uuo : opus homiuis est ge-
170
EXPLICATION DE L EVANGILE
c'est la part exclusive de Dieu de réaliser la grâce du mystère. Aussi
Jean-Baptiste repoussant tout désir ambitieux de grandeur, déclare,
non par ses paroles, mais par ses œuvres, qu'il n'est pas le Christ,
c'est pour cela qu'il ajoute : « Un autre va venir plus puissant que
moi, » etc. En disant : « Plus puissant que moi, » il n'établit point
une comparaison, car aucune comparaison n'est possible entre le Fils
de Dieu et un homme, mais il veut simplement dire que s'il y en a
beaucoup parmi les anges et les hommes qui aient de la puissance, le
Christ seul est plus puissant qu'eux tous. Enfin, il est si loin de vou-
loir faire une comparaison, qu'il ajoute : » Dont je ne suis pas digne
de dénouer la courroie de la chaussure. » — S. Aug. {de l'accord des
Evang., ii, 12.) Saint Matthieu dit au contraire: « Dont je ne suis pas
digue de porter la chaussure. » S'il y a quelque intérêt à donner un
sens différent à ces deux locutions : « Porter la chaussure, » ou : « Dé-
nouer les cordons de la chaussure, » de manière qu'un Evangéliste ait
rapporté la première de ces deux locutions, et l'autre la seconde, il
faut admettre que tous deux ont dit la vérité. Si au contraire, en par-
lant de la chaussure du Seigneur, Jean-Baptiste ne s'est proposé que
de faire ressortir la supériorité du Christ et son humble dépendance,
ces deux locutions figurées, rapportées l'une par saint Matthieu et
l'autre par saint Luc, expriment la même vérité, et ont pour but de
faire ressortir la profonde humilité du saint Précurseur.
S. AiiBR. Ces paroles : c< Je ne suis pas digne de porter sa chaussure, »
signifient encore que le ministère et la grâce de la prédication ont été
confiés aux Apôtres qui ont aux pieds la chaussure de l'Evangile (1).
(1) « Et que votre chaussure soit préparée pour aller prêcher l'Evangile de la paix. » (Ephes.,
VI, 15.)
rere pœnitentiam delictorum, Dei munus
est gratiam implere mysterii. Declinans
ergo majestatis invidiam, non verbo,
sed opère declaravit non esse se Chri-
stum : unde sequitur : « Venit autem
fortior me post me, » etc. In hoc quod
dicit, « fortior me, » comparationem
non fecit, neque enim inter Dei Filium
ethominem uïlapoterat esse comparatio,
sed quia multi fortes, fortior nemo nisi
Christus. Denique eo usque non fecit
comparationem, ut addiderit : « Cujus
non su m dignus solvere corrigiam cal-
ceamenti, » etc. Aug. [de Con. Evang.,
lib. Il, cap. 12.) Matthaeus quidem dicit :
« Cujus non sum dignus calceamenta
portare. » Itaque si ad rem pertinet ali-
quid aliud intelligere in eo quod dictum
est : « Calceamenta portare, et corrigiam
calceamentorum solvere, ut unus Evan-
gelistarum hoc, alii aliud dicerent, om-
nes verum narraverunt ; si autem nihil
intendit Joannes cum de calceamentis
Domini diceret, nisi excellentiam ejus et
humilitatem suam, quodlibet horum di-
xerit, sive de solvenda calceamentorum
corrigia, sive de portandis calceamentis,
eamdem tamen sententiam tenuit, quis-
quis etiam verbis suis per calceamento-
rum commemorationem eamdem signi-
ficaiionem bumiUtatis expressit.
AiiBR. Per lioc etiam quod dicit :
« Cujus non sum dignus calceamenta
portare, » evangelicae praedicationis os-
tendit apostolis gratiam essa coUatam,
qui sunt calceati in Evangelium : videtur
DE SAINT LUC, CHAP. III. 171
Cependant on peut dire que Jean-Baptiste s'exprime de la sorte, parce
qu'il représente la personne du peuple juif.
S. Grég. {hom. 7.) Jean-Baptiste se déclare indigne de dénouer la
courroie de sa chaussure, comme s'il disait : Je ne puis découvrir les
pieds du Rédempteur puisque je ne puis prendre le nom d'époux qui
ne m'appartient pas. C'était la coutume, en effet, chez les anciens,
que lorsqu'un homme ne voulait point prendre la femme qu'il devait
épouser, celui qui devenait alors son époux ôtait la chaussure du pre-
mier qui l'avait refusée (1*); ou bien encore, comme les chaussures
sont faites avec la peau des animaux qui sont morts, Notre-Seigneur,
par son incarnation, est venu dans le monde portant aux pieds les
dépouilles mortelles de notre nature corruptible. La courroie de la
chaussure est comme le nœud du mystère. Jean-Baptiste ne peut donc
dénouer la courroie de la chaussure du Sauveur, parce qu'il est inca-
pable de pénétrer le mystère de l'incarnation que l'esprit prophétique
seul lui a fait connaître.
S. Chrys. [hom. 11.) Il venait de déclarer que son baptême n'était
qu'un baptême d'eau, il montre maintenant l'excellence du baptême
institué par le Christ : « Pour lui, il vous baptisera dans l'Esprit saint
et le feu, exprimant ainsi par cette métaphore l'abondance de la
grâce, car il ne dit pas : Il vous donnera l'Esprit saint, mais : « Il
vous baptisera dans l'Esprit saint. » Il ajoute : « Et dans le feu, » pour
montrer toute la puissance de la grâce. Et de même que Jésus-Christ
exprime sous la figure de l'eau (2) la grâce de l'Esprit saint, c'est-à-dire,
(1*) La loi du lévirat chez les Hébreux est différemment exposée au Deutéronome, chap. xxv.
(2) n Celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, elle sera en lui une source d'eau vive qui rejail-
lira jusque dans la vie éterijelle; » [Jean, iv, 14.) « Si quelqu'un croit en moi, des flots d'eau vive
tamen ideo hoc dicere, quod plerumque
Joanncs personam accipit populi Ju-
dœorum.
Greg. [Iwm. 1, in Etang.) Sed et
Joannes se indigQum esse ad solvendum
corrijïiam calceamenli ejus denuntiat :
ac si aperte dicat : Ego Redemptoris ves-
tigia denudare non valeo, qui sponsi no-
men mihi immeritus non usurpo. Mos
enim apud veteres fuit, ut si quis eum
quîE sibi competeret, accipere noUet
uxorem, ille ei calceamentum solveret,
qui ad hanc sponsus jure propinquitatis
veuiret : vel quia calceamenta ex mor-
luis animalibus fiunt, incamatus Domi-
uus, (jnasi calceatus apparuit, qui mor-
licina nostr.-p corruplionis assunipsit.
Corrigia ergo calceamenli est ligatura
niysterii. Joannes itaque solvere corri-
giam calceamenli ejus non valet, quia
incarnationis mysterium nec ip'sc inves-
tigare suffi cil, qui hanc per prophetiae
spiritum agnovit.
Chrys. (fiom. 11, in Matth.) Et quia
dixerat quod suum baplisma nil plus
haberel quam aquam, consequenter os-
leuditexcellenliam exhibiliper Chrislum
baplismatis , cum subdit : « Ipse vos
baptizabit in Spirltu saucto et igni ; »
per ipsam dicti metaphoram ostendens
abundantiam graliae : non enim ait :
« Dabit vobis Spiritum sanclum, sed
baptizabit. » Ac rursus per id quod de
igné aubjicit; ostendil virlutem gratiœ :
et sicul Chrislus aquam vocal Spiritus
gratiam, ostendens per vocabulum aquœ
172
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
la pureté qu'elle produit et l'ineffable consolation dont elle inonde les
âmes qui en sont dignes; ainsi Jean-Baptiste, sous l'image du feu,
veut exprimer la ferveur et la pureté que la grâce produit dans l'âme
avec la destruction complète du péché. — Bède. Sous la figure du feu,
on peut encore entendre l'Esprit saint qui embrase par l'amour et
toufàla fois éclaire par la sagesse les cœurs qu'il remplit de sa pré-
sence, et c'est pour exprimer cette vérité que les Apôtres ont reçu le
baptême de l'Esprit sous l'image d'un feu visible. Il en est qui ex-
pliquent ce passage en disant que le baptême de l'Esprit est pour le
temps présent, et le baptême du feu pour la vie à venir; en ce sens
que de même que nous puisons une nouvelle naissance dans l'eau et
l'Esprit saint pour la rémission de tous nos péchés, de même nous se-
rons purifiés de nos fautes plus légères par le baptême de feu du pur-
gatoire. — Orig. {hom. 24.) De même encore que Jean-Baptiste atten-
dait sur les bords du fleuve du Jourdain ceux qui venaient demander
son baptême, qu'il repoussait les uns, en les appelant : « Race de vi-
pères, » et recevait les autres qui faisaient l'aveu sincère de leurs
péchés, ainsi le Seigneur Jésus se tiendra sur les bords du fleuve de
feu près du glaive flamboyant. Tout homme qui, au sortir de cette
vie voudra entrer dans le paradis et aura besoin d'être purifié, sera
baptisé dans ce bain de feu avant d'être introduit dans le paradis.
Quant à celui qui ne portera point le signe des premiers baptêmes, il
ne pourra être baptisé dans ce baptême de feu.
S. Bas. {traité de l'Esprit saint, ch. 2.) De ces paroles de Jean-
Baptiste : « Il vous baptisera dans l'Esprit saint. » N'allez pas conclure
sortiront de son sein, » (vu, 38.) L'Evangéliste ajoute : « Ce qu'il entendait de l'Esprit que de-
vaient recevoir ceux qui croiraient en lui. d
nitorem qui contingit ex ea, et consola-
tionem immensa'm quse meatibus capa-
cibus illius iugeritur ; sic et Joaunes per
ignis vocabulum exprimit fervorem et
rectitudinem gratiae^ nec non et pecca-
torum consumptionem. Beda. Potest et
Spiritus sanctus nomine ignis significatiis
intelligi, quia incendit per amorem, et
per sapientiam corda quae replet, illu-
minât : unde et apostoli baptisma Spi-
ritus in ignis visione percipiuut. Siint
qui ita exponunt, quod in prsesenti in
Spiritu, et in futuro baptizaremur in
igné, ut videlicet sicut in remissionem
omnium peccatorum ex qua et Spiritu
renascimur, ita et tune de levibus qui-
busdam peccatis purgatorii ignis baptis-
male mundaremur. Obig. {hom. 24.) Et
quomodo Joannes juxta Jordanem flu-
vium venientes ad baptismum praestola-
balur, et alios abigebat dicens : « Gene-
ratio viperarum; » eos vero qui confi-
tebantur peccata, suscipiebat, sic stabit
in igneo flumine Dominus Jésus juxta
flammeam rhomphaeam; ut quicunque
post exitum vitae bujus ad paradisum
transire desiderat, et purgatione indiget,
boc eum lavamine baptizet, et ad para-
disum transmittat ; eum vero qui non
babet signum priorum baptismatum, la-
vacro igneo non baptizet.
Basil, {lib. de Spiritv. sancto, cap.
12.) Non autem propter boc quod dicit :
« Baptizabit vos in Spiritu sancto, » in-
DE SAINT LUC, CHAP. III. 173
que la seule invocation de l'Esprit saint rend le baptême parfait, car
pour les signes sacrés qui nous confèrent la grâce, nous devons suivre
dans toute leur intégrité les règles de la tradition. Vouloir y ajouter
ou en retrancher quelque chose, c'est se retrancher de la vie éternelle,
car nous baptisons au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit,
pour conformer notre baptême à notre croyance. — Ch. des Pèr. gr.
Ces paroles : « Il vous baptisera dans l'Esprit saint, » signifient donc
l'abondance de la grâce et la richesse du bienfait. Mais parce qu'on
pourrait croire que c'est le propre de la puissance et de la volonté du
Créateur de répandre ses bienfaits, tandis qu'il n'entre nullement
dans ses attributs de punir les rebelles; Jean-Baptiste ajoute : « Il tient
le van en sa main, » nous enseignant ainsi qu'il est aussi sévère pour
venger les prévaricateurs qu'il est magnifique pour récompenser la
vertu. Le van signifie la promptitude dans l'exécution du jugement,
car en un instant, sans aucun débat, sans acun délai, il séparera les
damnés de la société des élus.
S. Cyr. {Trés.^ n, ^0 En ajoutant : « Et il nettoiera son aire, »
Jean-Baptiste nous apprend que Jésus-Christ est le souverain Maître
de l'EgUse. — Bede. L'aire est en effet la figure de l'Eglise de la terre,
où il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus. Cette aire se nettoie en
partie dans la vie présente , lorsqu'un mauvais chrétien est retran-
ché de l'EgUse par le jugement sacerdotal, en punition de ses fautes
pubhques et scandaleuses ; ou bien lorsqu'après sa mort il est con-
damné au tribunal de Dieu pour des crimes secrets; et elle sera
nettoyée entièrement à la fin du monde , quand le Fils de l'homme
enverra ses anges pour faire disparaître de son royaume tous les
tegrum quis esse baptisma fatebitur, in
quo nonien solius Spiritus invocatum
est ; oportet eniin seinper illibatam ma-
nere assignatam traditionem iu vivifi-
cante gralia. Nain addere vel niinuere
quidquam excludit a vita perpétua : si-
cut enim credimus, sic et baptisma sus-
cipiinus in nomine Patris, et Filii, et
Spiritus sancti. Gr.*:c. Per hoc ergo
quod dicit : « Baptizabit in Spiritu
sancto, » ostendit abundantiam gratiœ et
beneficii copiam. Ne auteni aliqui putent
quod dona largiri, et poteslas, et voluu-
tas est Creatoris, (ninire vero inobe-
dieutes nullani sibi fore causain, ob hoc
subdit : « Cujus venlilabruin in manu
ejus ; » ostendens quod non solum mu-
nificti? est dignis, seil etiam pra^varica-
tiouum ultor. Ventilabrum autem proni-
ptitudinem judicii exprimit : non enim
cuin judiciis, sed in instanti et absque
quolibet iutervallo séparât damnandos a
collegio salvandorum.
Cyril, {in Thesauro, lib. ii, cap. 4.)
Per hoc autem quod subdit : « Et per-
mundabit aream suam, » désignât Ba-
plista Ecclesiam pertiuere ad Cliristum
quasi ad Dominum. Beda. Per aream
enim praesens Ecclesia figuratur in qua
inulti sunt vocati, pauci vero electi :
cujus arece purgatio et nunc virilim ge-
ritar, cum quisque perversus vel ob
manifesta peccata de Ecclesia (sacerdo-
talicasligatione) ejicitur; vel ob occulta
post mortem divina districtione damna-
tur ; et universahter in fine perficietur,
quando mittet Fihus hominis angelos
suos, et coUigeut de reguo ejus omnia
174
EXPLICATION DE L EVANGILE
scandales. — S. Ambr. Le van, quele Seigneur tient en sa main, signifie
qu'à lui seul appartient le droit de discerner les mérites des hommes,
parce qu'en effet, lorsqu'on vanne le blé dans l'aire, le souffle de l'air
fait comme une espèce de discernement du bon grain d'avec le mau-
vais : « Et il amassera le froment dans son grenier, » etc. Par cette
comparaison, le Seigneur nous enseigne qu'au jour du jugement, il
fera le discernement des mérites solides et des véritables fruits de
vertu d'avec la légèreté stérile de toutes ces actions vaines, aussi ché-
tives que présomptueuses, et placera dans la demeure des cieux les
hommes d'une vertu parfaite. Or, les hommes qui sont des fruits par-
faits sont ceux qui ont été jugés dignes de ressembler à celui qui a
été semé comme un grain de blé pour produire ensuite des fruits plus
abondants. (/e«?i, XII.) — S. Cyr. (1). La paille, au contraire, est
l'emblème des âmes indolentes et vaines, et dont la mobilité flotte à
tout vent de péché. — S. Bas. Les chrétiens de cette espèce ne
laissent pas d'être utiles à ceux qui sont jugés dignes du royaume des
cieux , soit en leur communiquant les dons spirituels , soit en leur
donnant des secours extérieurs, bien qu'ils ne le fassent point par un
motif d'amour de Dieu ou de charité du prochain.
Orig. {ho}7i. 26.) Comme le blé ne peut être séparé de la paille que
par le mouvement de l'air, le juste juge est représenté tenant à la
main un van, qui fait connaître que les uns sont de la paille et les
autres du froment. En effet, lorsque vous n'étiez qu'une paille légère
(c'est-à-dire incrédule), la tentation vous a fait voir ce que vous étiez
sans le savoir, mais lorsque vous avez supporté courageusement les
(1) On ne retrouve ni dans saint Cyrille, ni dans saint Basile, ni dans saint Grégoire, ces diffé-
rents passages qui leur sont ici attribués.
scandala. Ambr. Ventilabri ergo iadicio,
discriminandorum Dominus declaratur
jus habere meritorumj eo quod dum
frumenta ventilantur in area, plena a
vacuis velut quodam aurae spirautis
examine separantur : unde sequitur :
« Et congregabit triticum in horreum
suum, » etc. Per banc comparationem
Dominus ostenditquod judicii die solida
mérita fructusque virtutis ab inanis jac-
tantiœ exiliumque factorum infructuosa
levitate discernât ; perfectioris meriti vi-
ros locaturus in mausione cœlesti : ipse
enim perfectior fructus est qui meruit
ejus esse conformis, qui sicut granum
tritici cecidit, ut plurimos fructus affer-
ret. {Joan., 12.) Cyril. At paleae lentos
et inanes signant , et quolibet vento
peccati ventilâtes et volubiles. Basil.
Conferunt autem bis qui digni sunt
regno cœlorum velut palese tritico ;
non lamen intuitu divinse cbaritatis et
proximorum boc faciunt ; sive spiri-
tualibus donis, sive corporalibus benefi-
ciis.
Orig. {hom.2%.) Vel quia absque vento
non possunt triticum et paleœ separari,
ideo babet ventilabrum in manu sua ;
quod alios paleas, alios triticum esse
demonstrat; cum enim esses palea' levis
(id est, incredulus), ostendit te esse ten-
tatio quod latebas ; cum autem fortiter
tentamenta toleraveris, non te faciet fi-
delem tentatio atque patientem ; sed
DE SAINT LUC, CHAP. lU. 175
épreuves, la tentation ne vous rend pas fidèle et patient, mais elle
fait éclater la vertu qui était au dedans de votre âme.
S. Grég. de Ntsse. Il est utile de se rappeler que les biens qui nous
sont promis et que Dieu tient en réserve pour ceux qui vivent sain-
tement, dépassent de beaucoup toutes les explications que nous pou-
vons en donner ; car ni l'œil de l'homme n'a vu , ni son oreille n'a
entendu, ni son cœur n'a compris l'excellence de ces biens. Tl en est
de même des châtiments réservés aux pécheurs, ils n'ont aucune pro-
portion avec les peines sensibles de cette vie. Nous les exprimons sans
doute par les noms dont nous faisons usage dans notre langue , mais
quelle distance les sépare de nos peines ordinaires ! car lorsque vous
entendez parler de feu^ et que l'Evangéliste ajoute : « inextinguible, »
aussitôt votre attention se porte sur un feu tout différent du nôtre,
auquel ne convient point cette expression. — S. G^ta. {Moral., xv, 17.)
Expression merveilleuse et étonnante pour désigner le feu de l'enfer.
En effet, notre feu matériel ne peut être entretenu que par la quan-
tité de bois qu'on y jette, et il ne dure qu'à la condition d'être
toujours alimenté ; au contraire , le feu de l'enfer , quoiqu'il soit
matériel et qu'il brûle corporellement les réprouvés qui y sont préci-
pités, n'est point alimenté par le bois, mais une fois créé, il dure tou-
jours et ne s'éteint jamais.
y. 18-20. — C'est pm- ces discours et beaucoup d'autres semblables, que Jean-
Baptiste évangélisait le peuple. Mais Hérode le Tétrarque ayatit été repris par
lui au sujet d'Hérodiade, femme de son frère, et de tout le mal qu'il avait fait,
Hérode ajouta ce crime à tous les autres, et fit mettre Jean en prison.
Orig. Jean-Baptiste avait annoncé Jésus-Christ , il avait prêché le
baptême de l'Esprit saint et les autres vérités que nous rapporte le
virtutem quœ in le lateBat, proferet in
médium.
Greg. Nyss. Expedit autem scire quod
née dona, quse per repromissiones re-
posita sunt honeste vivenlibus , talia
sunt ut verbo valeant expUcari; quia
nec oculus vidit, née auris audivit, nec
in cor liominis ascenderunt ; nec pec-
catorom pcp^na; ad aliquid eoruni quœ in
praesenli sensum afKciunt, proporlionem
liabent ; et quamvis aliqute illarum pœ,
narum per noslra nominentur vocabula,
diffcrt lamen non modicum : cuin eniin
audis ifjne, aliud quiddam conjicere do-
cerié ex eo quod additur, inextinguibili ;
quod in istum ignem non cadit. GutG.
[in XV Moral., cap. 17.) Miro modo
expressus est ignis gehennte. Iguis nam-
que noster corporeus per congesta ligna
nutritur, nec valet nisi fotus subsistere :
at contra gehennœ ignis cum sit corpo-
reus, et in se niissos reprobos corpora-
liter exurat, lignis non nutritur, sed crea-
tus semel inextinguibilis durât.
Afulla f/uidem et alia exhortans evangelizabat
populo. Berodes autem Tetrarcha cum corri-
perelu • ad illo de Herodiade uxore frairis
sut, ni de omnibus malis quœ fecit Herodes,
adjecit et hoc super omnia , et inclusit Joan-
nem in earcerem.
Orig. (fiom. 27.) Annuntiaverat Joau-
nes Chriàtura , baptismum Spiritus
sancti praedicabat, et cœtera quae Evan-
476
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
récit évangélique. Mais il en prêchait d'autres encore , comme nous
le voyons par ces paroles : « U disait beaucoup d'autres choses au
peuple dans les discours qui lui faisait. — Théophyl. Ses exhortations
contenaient la bonne doctrine, et l'auteur sacré les appelle avec raison
l'Evangile (1). — Orig. De même que nous lisons dans l'Evangile
selon saint Jean , qu'il fit encore beaucoup d'autres discours , et
beaucoup d'autres miracles ; ainsi ces paroles de saint Luc doivent
nous faire comprendre que Jean- Baptiste enseignait encore des vé-
rités d'une trop haute portée pour pouvoir être rapportées par écrit.
Nous sommes remplis d'admiration pour Jean- Baptiste, parce qu'il
est le plus grand de tous ceux qui sont nés de la femme , parce que
son éminente vertu Fa élevé à une si haute renommée^ que plusieurs
ont pensé qu'il était le Christ , mais qu'il parut bien plus admirable
encore de n'avoir ni craint Hérode ni redouté la mort : « Mais Hérode
le Tétrarque ayant été repris, » etc.
EusÈBE. [hist. ecclés., i, 13.) Cet Hérode est appelé Tétrarque pour
le distinguer de l'autre Hérode qui régnait sur la Judée lors de la
naissance du Christ : ce dernier était roi, l'autre n'était que tétrarque.
Or, il avait pour femme la fille d'Arétas , roi d'Arabie, avec laquelle
il avait contracté une union sacrilège , puisqu'elle était la femme de
son frère Philippe, et qu'elle en avait eu des enfants ; car ces sortes
d'unions n'étaient permises qu'à ceux dont les frères étaient morts
sans postérité. C'est de ce crime que Jean-Baptiste avait repris Hérode.
D'abord ce prince se rendit attentif aux paroles du saint Précurseur,
pleines à la fois de sévérité et de douceur, mais la passion qu'il avait
(1) C'est-à-dire la bonne nouvelle, d'après la signification du mot grec.
gelii tradidit historia. Exceptis ergo his
alla annuutiasse monstratur in eo quod
dicitur : « Multa quidem et alia exhor-
tans evangelizabat populo. » Théophyl.
Exhortatio enim ejus erat bona doe-
trina; et ideo convenienter Evangelium
dicitur. Orig. Et quomodo in Evangelio
secundum Joannem de Christo refertur,
quia 'multa et alia locutus est , sic et ia
praeseuti loco intellige quod Lucas hic
dixit, quoniam majora quœdam a Joanne
annuntiantur quam ut deberent litteris
credi. Miramur autem Joannem , quod
inter uatos mulierum major nemo fue-
rit , quod in tantam opiniooem meritis
virtutis ascenderit, ut a plerisque Cliris-
tus putaretur : sed illud multo mirabilius
quod non timuit Herodem , non formi-
davit interitum : unde sequitur : « He -
rodes autem Tetrarcha cum corriperetur
ab illo », etc.
Edseb. (in Ecoles. Hist., lib. i, c. 13.)
Dicitur autem Tetrarclia ad differen-
tiam alterius Herodis, quo régnante na-
tus est Christus : erat enim ille rex, hic
autem tetrarcha. Erat autem illi conjux
Aretae, régis Arabum , filia, quam (cum
conjux esset fratris sui Philippi) more
sacrilego duxit, quam vis prolem habe-
ret a fratre : his euim solum licebat hoc
agere , quorum fratres sine proie vitam
compleveraut. Super ho<; Herodem re-
prehenderat Baptista. Primo quidem
diligenter ejus audiebat sermones, cum
sciret eos ponderosos et consolatione
plenos; sed Herodiadis concupiscentia
DE SAINT TAIC, CHAP. III. 177
pour Hérodiade le portait à mépriser les reproches de Jean-Baptiste,
c'est pourquoi il le fit mettre en prison : « Il ajouta ce crime à tous
les autres, dit l'Evangéliste, et fit mettre Jean en prison. »
Bède. Ce ne fut point à l'époque dont il est ici question que Jean-
Baptiste fut fait captif , mais d'après l'Evangile selon saint Jean ce
fut après que le Sauveur eut opéré quelques miracles^ et après que la
renommée de son baptême se fut répandue au loin. Cependant, saint Luc
place ici la captivité du saint Précurseur, pour faire ressortir toute la
méchanceté d'Hérode^ qui, voyant la foule accourir à la prédication de
Jean, les soldats croire à sa parole, les publicains se convertir, tout
le peuple recevoir le baptême , à rencontre de tous les autres , non-
seulement ne fait aucun cas des paroles de Jean-Baptiste , mais le
charge de chaînes et le jette en prison. — La Glose. C'est avant que
saint Luc ait commencé le récit des actions de Jésus , qu'il raconte la
captivité de Jean , pour nous montrer qu'il va s'appliquer unique-
ment à raconter les événements qui se sont passés depuis l'année où
Jean-Baptiste fut jeté dans les fers ou mis à mort.
f. 21-?.2. — Or, dans le temps que tout le peuple recevait le baptême, et que
Jésus ayant été aussi baptisé, faisait sa prière, le ciel s'ouvrit, et l'Esprit saint
descendit sur lui sous la forme sensible d'une colombe, et on entendit cette voix
du ciel : Vous êtes mon fils bien-aimé, en vous j'ai mis mes complaisances.
S. Ambr. Saint Luc abrège à dessein ce qui a été raconté par les
autres Evangélistes, et il laisse à entendre phitôt qu'il ne raconte lui-
même, le baptême du Sauveur par Jean-Baptiste ; « Or, il arriva que
comme tout le peuple recevait le baptême, Jésus ayant été au^si
baptisé, » etc. Notrç-Seigneur voulut être baptisé , non pour se puri-
Joannem ab Ilerode cipliim; ut osteu-
dat se soliimraodo ea Domiai facta prœ-
cipue descripturum , quai ab aiiiio gesta
suut quo Joaune^ captus est vel pu-
ûilUâ.
co^ebat onm aspernari verba Joannis :
mide et eum detrudit in carcerem. Et
hoc est quod dicitur : « Adjecit et hoc
super nuinia, et inclu=U Joaiinem in car-
ce rem. »
Bed. Non aulem bis diebus captus est !
Joanncs, sed juxta Evaugebuui Joanuia j Factum est autem cum bapHzaretur omnis po-
post aliqua signa gesta a Doiuino, et | pulus , et Jesu baplizalo, et orante , apertum
posl ejus baplisnium diffamatum ; sed a j <^«' cœlum, et descendit Spiritus sanctus cor-
Luca propter exa-gerandain malitiam | porah speeie sicui columha in ipsum ; et uox
Merodis prœoccupalum est; qui cum: f^fo facta est : Tues Filius meus dilectus ;
., . ', ... , . , ! m te complacui mi/n.
vuleret ad pra^dicationem Joannis raul- ,
tos coufluere. luiiiles credeie , publica- j Ambr. Pulchrc in his quae a cœferls
nos pœnilere, lotum vulgus baptisma j dicta sunt, Lucas compendium suinpsit,
suscipf're, ipso e converse, non soluni | el intelligeudum uiagis quod a Joanne
Joannoni conteninit , sed vinculat et Dominus baptizatus est quam exprossum
occidif. Glos. Anto etiam quaui Lucas j rcliquit : uude dicitur : « Factum est
aliquid narret de actibus Jesu, dicit I autem cum baptizaretur, » etc. Baptiza-
TOM. V. 4^
178
EXPF.ICATION DE l'ÉVANGÎLK
fier, lui qui n'a pas connu le péché, mais pour communiquer aux
eaux, par le contact de sa chair immaculée, la vertu de purifier les
hommes dans le baptême. — S. Grég. de Nazianze. Jésus-Christ vou-
lut encore être baptisé , peut-être pour sanctifier Jean-Baptiste lui-
même, mais sans aucun doute pour submerger et détruire dans l'eau
le vieil Adam tout entier. — S. Ambr. Notre- Seigneur nous apprend
d'ailleurs lui-même pourquoi il voulut recevoir le baptême, quand il
dit : « C'est ainsi qu'il nous faut accomplir toute justice. Or, en (]uoi
consiste la justice? à commencer par faire ce que vous voulez qu'on
vous fasse à vous-même, et à donner le premier l'exemple. Que per-
sonne donc ne se refuse à recevoir le baptême de la grâce , quand
Jésus-Christ n'a pas dédaigné de recevoir le baptême de la péni-
tence.
S. Chrys. (1) Il y avait un baptême chez les Juifs qui purifiait le
corps de ses souillures, mais sans purifier la conscience de ses crimes ;
notre baptême, au contraire, efface les péchés , purifie l'âme et com-
munique l'abondance de l'Esprit saint. Le baptême de Jean était su-
périeur au baptême des Juifs ; car il ne demandait pas comme dispo-
sition nécessaire l'observance des purifications extérieures et légales,
mais la conversion sincère du vice à la vertu. Cependant il était beaucoup
moins efficace que le nôtre, parce qu'il ne conférait pas l'Esprit saint
et ne donnait pas la rémission des péchés par la grâce sanctifiante ;
c'était comme un milieu entre ces deux baptêmes. Or, Notre-Seigneur
Jésus-Christ ne voulut recevoir ni le baptême des Juifs , ni le nôtre,
parce qu'il n'avait aucun besoin de la rémission des péchés, et que sa
( I ) Cette citation ne se trouve pas dans les écrits de saint Chrysostome, on trouve seulement
quelque ciiose d'analogue dans l'homélie i 2 sur saint Matthieu, et dans la Catéchèse d ceux qui
doivent être baptisés.
tus est autem Dominus, non muudari
volens, sed mundare aqiia^; ut ablutae
per carnem Christi qui peceatum non
cognovit , baptisuialis jus habereut.
Greg. Naziaxz. Accedit etiam Christus
ad baptismum, forsitan sanctificaturus
Baptistam; quod autem nulli dubium
est , ut totum veteranum Adam immer-
gataquœ. Ambr. Quœ etiam sit dominici
causa baptismatis^ Dominus ipse décla-
rât diceiis : « Sic nos decet implere om-
nem justitiam. » Quae est ergo justitia,
nisi quia quod altemm tibi facere velis,
prier ipse iucipias , et tuo alios horteris
exemple ? Nemo igitur réfugiât lava-
crum gratiœ, quando Christus lavacrum
pœnitentiœ non refugit.
Chrys. Fuerat autem baptisma judai-
cum, quod sordes carnis amovebat, non
conscientife crimina; nostrum autem
baptisma séparât a peccatis , lavât ani-
mam , et Spiritus copiam elargitur :
baptisma vero Joannis judaico prsestan-
tius erat : neque enim ad observantiam
corporalium mundificationum inducebat,
sed monebat a vitio in virtutem con-
verti: nostro vero baptismate minus, eo
quod nec Spiritum sanctum administra-
bat, nec remissionem quae per gratiam
fit, exhibebat; cum quasi finis quidam
esset utrorumque baptismatum : sed
neque judaico baptismate, nec nostro
baptizaius est Christus ; quia nec indul-
gentia peccatorum egebat. nec illa caro
DE SAINT LUC, CHAP. III. 179
chair, conçue dès le commencement par l'opération de l'Esprit saint,
n'en avait jamais été séparée. Mais il voulut recevoir le baptême de
Jean, pour que la nature même de ce baptême vous fit comprendre
qu'il n'était baptisé ni pour obtenir la rémission des péchés , ni pour
recevoir les dons de l'Esprit saint. L'Evangéliste nous dit que Jésus
ayant été baptisé, priait, pour vous apprendre qu'après avoir reçu le
baptême, la prière continuelle est un devoir pour tout chrétien. —
Bède. Tous les péchés, sans doute, sont effacés dans le baptême, mais
la fragilité de cette chair périssable et mortelle est loin d'être affermie;
nous nous félicitons d'avoir traversé la mer Rouge où les Egyptiens
ont été engloutis (1), mais nou> rencontrons dans le désert de la vie
du monde d'autres ennemis dont il nous faut triompher par de grands
efforts, sous la conduite de la grâce de Jésus-Christ , jusqu'à ce que
nous parvenions à notre patrie. — S. Chrys. (2) L'Evangéliste ajoute :
«Le ciel s'ouvrit, comme s'il était demeuré fermé jusque-là; » mais dé-
sormais le bercail du ciel et celui de la terre n'en font plus qu'un, il
n'y a plus qu'un seul pasteur des brebis, le ciel est ouvert, et l'homme,
habitant de la terre, est associé aux anges qui habitent les cieux. —
BÈDE. Le ciel ne s'ouvrit pas pour Jésus , dont les yeux pénétraient
jusque dans les profondeurs des cieux , mais ce miracle eut lieu pour
nous montrer la vertu du baptême ; la porte du ciel est immédiate-
ment ouverte à celui qui vient de le recevoir , et en même temps que
sa chair innocente est plongée dans les eaux, le glaive de feu qui me-
naçait autrefois les coupables se trouve éteint.
S. Chrys. L'Esprit saint descendit aussi sur le Sauveur comme sur
(t) Allusion aux Hébreux/jui après être sortis de l'Egypte, et après avoir traversé la mer Rouge,
eurent à combattre les Amalécites. {Exod., xiv, xvii.)
(2) Cette citation et les suivantes qui portent le nom de saint Chrysostome, ne se trouvent pas
dans les écrits du saint Docteur.
expers erat Spiritu- sancti , quae per
Spiritum sanctum ab ip5t> principio
concepta est ; sed baptizatus est Joanuis
baptismale, ut ex ipsii natura baptisma-
tis scias quia neqiie causa pe( cati, neqne
propter indifientiaiii don! Spiritus bapti-
zatus est. Dicit autem « biptizato cl,
oranio, » ut pcrpendas quoi suscepto
baptisiuale opportuna sit jngis oralio.
Bei). Quia etsi peccata sunf ouinia in
baptismo laxata, non adbuc lerrenœ
carnis est fraaililas solidata ; nani quasi
transite mari Rubro gratulamur snbmer-
sos /Etiyptios , sed in deserto mundanœ
conversationis Ijostes occurrunt alii, qui
duce Christi sratia nostro sudore vin-
cantur, donec perveniamus ad patriam.
CuRYS. Dicit autem : « Aperlum est
cœlum; » tanquam hactenus reclusum
fuisset : jam autem ovili superno et
infimo in unum redacto, et uno exis-
tcnte ovium pastore , cœlum paluit, et
liomo terricola aggregalus est auffelis.
Bed. Non enim ei cœlum tune apertum
est, c'ijus oculi cœlorum intcriora cer-
neliant; sedvirtusibi baptismalis osten-
dilur, de quo quisque cum egredilur,
rcgni cœlestis ei jauuaaperitur ; duuique
caro innoxia frigentibus tanqitur aquis,
opposita quondam noxiis rompbœa ex-
tinsuitur ignea.
CiiRYS. Descendit etiam Spiritus sanc-
180 EXPLICATION DE i/ÉVaNGILE
le principe et l'auteur de notre race, pour être premièrement en Jésus-
Christ qui le reçut, non pas pour lui , mais bien plutôt pour nous-
même : « Et l'Esprit saint descendit sur lui, » etc. Que personne donc
ne pense qu'il reçut l'Esprit saint , comme s'il ne l'avait pas eu
jusqu'alors; car c'est lui-même qui, comme Dieu, l'envoyait du haut
du ciel, et lui-même qui le recevait comme homme sur la terre.
L'Esprit saint descendait de lui, c'est-à-dire de sa divinité, pour venir
se reposer sur lui , c'est-à-dire sur son humanité. — S. Alis. {de la
Trin., xv, 26.) Ce serait une énorme absurdité de penser que Jésus
reçut l'Esprit saint à l'âge de trente ans ; il vint alors pour recevoir le
baptême sans avoir de péché, mais non sans avoir l'Esprit saint; car
s'il est dit de Jean-Baptiste : « Il sera rempli de l'Esprit saint dès le
sein de sa mère » {Luc^ i), que doit-on penser de Jésus-Christ l'Homme-
Dieu, dont la conception ne fut pas l'œuvre de la chair , mais l'opé-
ration du Saint-Esprit? Aujourd'hui donc il daigne porter la figure
de sou corps, c'est-à-dire de son Eglise , dans laquelle tous ceux qui
sont baptisés reçoivent l'Esprit saint. — S. Chrys. Ce baptême pré-
sentait un mélange tout à la fois d'ancienneté et de nouveauté ; d'an-
cienneté, parce que Jésus recevait le baptême des mains d'un pro-
phète ; de nouveauté, parce que l'Esprit saint descendit sur lui.
S. Ambr. Or, le Saint-Esprit apparut sous la forme d'une colombe,
parce qu'il ne peut être vu dans la substance de sa divinité. Consi-
dérons encore les autres raisons mystérieuses pour lesquelles il appa-
rut sous la forme d'une colombe. La grâce du baptême exige la sim-
plicité , et veut que nous soyons simples comme des colombes ; la
grâce du baptême exige aussi la paix du cœur , figurée par cette
branche d'olivier qu'une colombe rapporta autrefois dans l'arche, qui
tus ad Cliristum tanquam ad generis I credendum est . cujus carnis ipsa con-
Dostii priucipium , ut in Christo sit | ceptio non carnalis , sed spiritualis fuit ?
primo, qui non sibi, sed nobis potius Nunc ergo corpus suum, id est , Eccle-
ilium suscepit : unde sequitur : « Et siam , prœfigurare diguatus est , in qua
descendit Spiritus sanctus , » etc. Non j baptizati pra^cipue accipiuut Spirituni
existimet aliquis quod cuni non babuit sauctum. Chrys. Redolebat illud bap-
eum, suscepit ipsuin : ipse namque illum , tisma aliquid veUistatis, et partim sapie-
desursum tanquam Deus mitlebat; at 1 bat novitatem; quod enim baptisma sas-
idem ut bomo reclpiebat inferius. Igitur ciperet a Proplieta, ostendebat aliquid
ex eo devolavit in eum ; scilicet ex | vêtus ; quod autem Spiritus descendent,
ipsius Deitate ad ejus bumauitalem.
AuG. (XV de Trinit., cap. 26.) Absur-
dissimum autem est cimi jam triginta
aunorum esset, accepisse Spiritum sauc-
tum : sed venit ad baptisunim sicut sine
peccato, ita non sine Spiritu sancto : si
enim de Joanne scriptum est {Luc, 1) :
Spiritu sancto replebitur ab utero
novum aliquid desiguabat.
Ambr. Merito autem Spiritu se in cor-
pore demonstravil columbae, quoniam
in Diviuitatis substantia non videtur.
Advertamus mysterium, quare sicut
coluraba : simplicitatem enim lavacri
requirit gratia , ut sinuis simplices sicut
columbœ ; pacem lavacri requirit gi'atia.
martis suae; » quid de homine Cbristo I quam in typo olivae columba quoudam
DE SAINT LDC, CHAP. III. igl
fui seule préservée des eaux du déluge. — S. Chrys. Ou bien encore,
l'Esprit saint apparaît sous la forme d'une colombe , comme signe de
la douceur du divin Maître , tandis que le jour de la Pentecôte, il
descend sous l'image du feu, pour figurer les châtiments réservés aux
coupables. En effet, lorsqu'il fallait pardonner les péchés , la douceur
était nécessaire, mais maintenant que nous avons reçu la grâce, nous
n'avons plus à attendre, si nous sommes infidèles, que le jugement et
la condamnation. — S. Cypr. {de l'unité de l'Eglise.) La colombe est
un animal aimable et simple, qui n'a ni fiel ni morsures cruelles , ni
griffes déchirantes ; elle aime l'habitation de l'homme , elle s'attache
à une seule maison. Lorsque les colombes ont des petits, ni le père ni
la mère ne les quittent ; lorsqu'elles prennent leur essor, c'est toujours
ensemble et de concert; leurs baisers réciproques sont le signe et
l'expression de l'affection qui les unit et de la parfaite concorde qui
ne cesse de régner entre elles.
S. Chrys. A la naissance de Jésus-Christ , bien des oracles avaient
manifesté sa divinité, mais les hommes n'y prêtèrent aucune attention.
Lors donc qu'il eût mené, pour un temps , une vie obscure et cachée,
il se manifesta de nouveau par des signes plus éclatants. Une étoile,
du haut du ciel , avait révélé sa naissance , mais dans les eaux du
Jourdain, c'est l'Esprit saint qui descend sur lui, c'est le Père qui fait
entendre sa voix au-dessus de sa tète pendant qu'on le baptise : « Et,
du ciel, une voix se fit entendre : Vous êtes mon Fils bien-aimé, » etc.
— S. Ambr. Nous avons vu l'Esprit saint, mais sous une forme visible,
écoutons maintenant la voix du Père que nous ne pouvons voir. En
effet, le Père est invisible , le Fils l'est également dans sa divinité,
mais il s'est rendu visible dans le corps dont il s'est revêtu; et comme
ad illam arcam, quse sola fuit diluvii
immunis, advexit. Chrys. Vel nunc ut
mansuetudinem maaistri declaret, in
specie columbina apparet , in Pente-
coste autem quemadmodum ignis, ut
ostendat pœnani. Cum enim oporte-
bat deiictis ijinoscere , inansuetudo ne-
cessaria erat ; sed ut adepti sumus f^ra-
tiam, restai examinis et judicii tempus.
Cypr. [de Unit. Ecoles, onte médium.)
Est âutem columba simplex et Ifetnm
animal, non felle araarum, non raorsibus
saevum, non iinirulse laceratione violen-
tum; hospitia liuuiana dilifiore , unius
domus nosse consortium ; cum générant
filios , simul sedere ; cum commeaut,
volatu invicem cohaerere; conversatione
commnni vitam suam degere ; oris os-
culo concordiam pacis agnoscere ; legem
circa omnia unanimitatis implere assue-
tum.
Chrys. Et quidem Christus in ortu
sue per plurima se manifestaveral ora-
cula ; verum quia noluerunt advertere,
cum medio latuerit lempore, rursuni se
ab alio clariorem patefacit prinf^ipio :
nam Stella desuper indicabat, sed Pater
in undis Jordanis, etSpiritus devolabat;
protrahens illam vocem super verticem
ejus qui baptizatur : unde sequitur : « Et
vox de cœlo facta est : Tu es Filius
meus dilectus, » etc. Ambr. Vidimus
Spiritum, sed in specie corporali; et Pa-
trem quera videre non possumus , au-
diamus : invisibilis euim est Pater, sed
et Filius invisibilis , secnndnra Divinita-
tem ; sed demonstrare se voluit in cor-
pore ; et quia Pater corpus non gerebat.
18^2
EXPLICATION DE l.'ÉVANGH^E
le Père n'avait point de corps , il a voulu nous prouver qu'il était
présent dans le Fils en disant : « Vous êtes mon Fils bien-aimé. »
— S. Athan. (l) La sainte Ecriture donne au nom de Fils deux si-
gnifications différentes , la première , comme dans ce passage de
l'Evangile : « Il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu; »
la seconde, lorsque par exemple elle dit qu'fsaac est fils d'Abraham.
Or, Jésus-Christ est appelé non pas simplement Fils de Dieu , mais
avec l'addition de l'article : « Vous êtes mou Fils^ » pour nous faire
comprendre qu'il est le seul qui soit véritablement le Fils de Dieu par
nature. Aussi est-il appelé encore : « Fils unique. » S'il était Fils de
Dieu dans le sens absurde d'Arius, comme ceux qui n'obtiennent ce
nom que par un effet de la grâce , il ne différerait en rien de nous
autres. Il ne nous reste donc qu'à dire, dans le second sens, que Jésus-
Christ est vraiment le Fils de Dieu, comme ïsaac est vraiment le fils
d'Abraham. En effet, celui qui est engendré naturellement par un
autre, et qui ne tire point son origine d'un autre principe extérieur,
est regardé comme le Fils par nature. Mais dira-t-on peut-être :
Est-ce que la naissance du Fils a été accompagnée de souffrance
comme la naissance de l'homme ? nullement. Dieu est indivisible, il est
donc le Père impassible de son Fils , qui est appelé Verbe du Père,
parce que le Verbe de l'homme lui-même est produit sans aucune
souffrance. De plus, comme la nature divine est simple. Dieu est Père
d'un seul Fils, c'est pourquoi il ajoute :« Bien-aimé.» — S. Chrys. Car
celui qui n'a qu'un fils concentre dans ce fils toute son affection, si
au contraire il est père de plusieurs enfants , son affection s'affaiblit
en se répandant sur chacun d'eux.
(1) Cette citation se trouve en termes équivalents dans le livre des décrets canoniques du concile
de Nicée contre Eusèbe et ses sectateurs.
ideo probare voluit nobis in Filio sese
prsesentem, diceus : « Tu es Filius
meus. » Athan. Sacra quideiu Scriptura
ex nomine Filii duplicem iatellectum
osteudit : unum quideni ut in Evangelio
dicitur : « Dédit eis potestatem, ut fiant
tilii Dei ; » alternai aiitem intellectum,
juxta quem Isaac est tilius Abrahae.
Christus ergo, non sinipliciter dicitur
Dei Filius, sed cum arliculi additione,
ut compreliendamus quoniani solus ipse
est , qui rêvera et seciniduiu naturam
est filius , qnaniobrem et uni(jenilus
dicitur : uani si secuudum iu~aniam
Arii dicitur filius. sicut qui hoc nomeu
per graliaiu asseqiiuntur, in nuUo a
nobis diiferre videbitur. Restât ergo se-
cundum alium intellectum l'ateudum
esse Gliristum Filium Dei, secundum
quem Isaac filius Abrahse esse cognosci-
tur. Ouod euim ab alio naturaliter gi-
gnitur , non autem ab extrinseco sumit
exordium , filium natura recenset. Sed
dicitur : «Nauquid ut bominis est passi-
bilis nativitas filii ? » Minime ; sed Deus
cum sit indivisibiliS;, impassibiliter Pater
est Filii : unde Verbum Patrie dicitur ;
quia nec ipsum verbum liumanum pas-
sibiliter producitur ; et cum siniplex sit
natura divina, unlus solius filii pater est,
et propter hoc additur, dllectits. Chrys.
Cum eniin quis unum solum possidet fi-
lium, maxime diligit ; si vero pater factus
sitplurium, dispertitus atî'ectus remittitur.
DE SAINT LUC, CHAP. III. 183
S. AiHAiv. Le prophète avait été autrefois l'organe des promesses de
Dieu, lorsqu'il disait par sa bouche : « J'enverrai le Christ mon
Fils. » Aujourd'hui que cette promesse reçoit son accomplissement
sur les bords du Jourdain, Dieu ajoute : « J'ai mis en vous mes com-
plaisances. » — Bède. Comme s'il disait : J'ai mis en vous mon
bon plaisir, c'est-à-dire, j'ai résolu d'exécuter. par vous toutes mes
volontés. — S. Grég. {hom. 8 sur Ezéch.) Ou bien dans un autre sens,
tout homme qui répare en se repentant, le mal qu'il a commis ; par le
fait même de son repentir, indique qu'il se déplaît à lui-même, puis-
qu'il corrige le mal qu'il a fait. Ainsi le Père tout-puissant a parlé
des pécheurs à la manière des hommes, quand il a' dit : « Je me re-
pens d'avoir fait l'homme, » et pour ainsi parler, il s'est déplu dans les
pécheurs qu'il a créés. Mais Jésus-Christ est le seul dans lequel il s'est
complu, parce qu'il est le seul dans lequel il n'a point trouvé de
faute qui put devenir pour lui l'objet d'un blâme ou d'un repentir.
S. AuG. {de Vacc. des Evang., ii, 44.) D'après saint Matthieu, Dieu
aurait dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé; » d'après saint Luc :
« Vous êtes mon Fils bien-aimé; » mais ces deux variantes expriment
la même pensée. La voix céleste ne s'est servi que de l'une des
deux (1), mais saint Matthieu a voulu montrer que ces paroles :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, » avaient surtout pour objet de
faire connaître à ceux qui les entendaient, que Jésus était le Fils de
Dieu, car elles ne pouvaient apprendre à Jésus-Christ ce qu'il sa-
vait, c'est donc pour ceux qui étaient présents que cette voix se fit
entendre.
(I) Pourquoi, dit le P. Nicolaï, ne pourrait-on pas admettre que la voix céleste s'est exprimée
successivement de ces deux manières, l'une adressée au Fils de Dieu lui-même : « Vous êtes mon
Fils bien-aimé; » l'autre qui se fait entendre surtout pour ceux qui étaient présents : « Celui-ci
est mon Fils bien-aimé? o
Atuan. Cum autem antea Propheta
protulf rit Dei promissa dicentis : « Mit-
tam Christum Filiuui meuiu ; » mine apud
Jordaneii) quasi consiiiiimalc prouiisso
decenler subjungit : « lu te complacui
inihi. » Beda. Ac si dicat : « In te placi-
tum uieuui eonstitui , » id est , hoc per
te gerere quod niihi piacet. Greg. [super
Ezech., hom. 8.) V'el aliter : omnis qui
pœnitendo corrigit ahqua qufE fecit, eo
ipso quod pœnilet , se sibi dispUcuisse
indicat, quia eiuendat quod fecil : et
quia oranipotens Pater humauo modo
de peccatoribus loculus est , dicens
{Gen., 6j : >< Pœuitet me fecisse homi-
neni, » quasi sibimetipsi dispUcuit in
peccatoribus quos creavit : in solo
autem Christo sibi complaeuit, quia
in solo 60 non invenit culpam , in
qua se reprehendat quasi per pœaiten-
tiani.
AuG. [de Cons. Evanrj., lib. Il, c. 14.)
Quod autem Matlhaeus dicit : « Hic est
Filius meus, » Lucas autem : « Tu es
Fihus meus dilectus,» ad eamdem sen-
tentiam explicandam valet : vox euim
cœlestis unum horum dixit, sed iMat-
Ihaïus osteudere voluit ad id valere
quod dictum est : « Hic est Filius meus;»
ut illis potius qui audiebant, iudioarelur
quod ipse esset Filius Uei : non enim
Christo indicabatur quod sciebat; sed
audiebant, qui aderant, propter quos
etiam ipsa vox facta est.
184
EXPLICATION DE L EVANGILE
y. 23-38. — Jésus avait environ trente ans, lorsqu'il commença à exercer son
ministère, étant, comme l'on croyait, fils de Joseph, qui fut fils d'Héli, qui
fut fils de Mathat, qui fut fils de Lévi, qui fut fils de Melchi, qui fut fils de
Janna, qui fut fils de Joseph, qui fit fils de MathalJdas, qui fut fils d'Amos,
qui fut fils de Nahum, qui fut fils d'Hesli, qui fut fils de Naggé, qui fut fils
de Mathath, qui fut fils de Mathathias, qui fut fils de Sémêi, qui fut fils de
Joseph, qui fut fils de Juda, qui fut fils de Joanna, qui fut fils de Résa, qui
fat fils de Zorobabel, qui fut fils de Salathiel, qui fut fils de Néri, qui
fut fils de Melchi, qui fut fils d'Addi, qui fut fils de Cosan, qui fut fils d'El-
madan, ([ui fut fils d'Her, qui fut fils de Jésus, qui fut fils d'Eliézer, qui fut
fils de Jorim, qui fut fils de Mathalh, qui fut fils de Lévi, qui fut fils de
Siméon, qui fut fils de Juda, qui fut fils de Joseph, qui fut fils de Jona, qui
fut fils d'Eliakim, qui fut fils de Méléa, qui fut fils de Menna, qui fut fils de
Mathatha, qui fut fils de Nathan, qui fut fils de David, qui fut fils de Jessé,
qui fut fils d'Obed, qui fut fils de Booz, qui fit fils de Salmon, qui fut fils
de Naasson, qui futfils d'Aminadab, qui fut fils d'Aram, qui fut fils d'Esron,
qui fut fils de Phares, qui fut fils de Juda, qui fat fils de Jacob, qui fut fils
d'Isaac, qui fut fils d'Abraham, qui fut fils de Tharé, qui fut fils de Nachor,
qui fut fils de Sarug , qui fut fils de Ragaû, qui fut fils de Phaleg, qui fut fils
d'Héber, qui fut fils de Salé, qui fut fils de Caïnan, qui fut fils d'Arphaxad,
qui fut fils de Sem, qui fut fils de Noé, qui fut fils de Lamech, qui fut fils
de Mathusalé, qui fut fils d'Enoch, qui fut fils de Jared, qui fut fils de
Malaléel, qui fut fils de Caïnan, qui fut fils d'Enos, qui fut fils de Seth, qui
fut fils d'Adam, qui fui créé de Dieu.
Orig. {hom. 28.) Après avoir raconté le baptême du Seigneur, l'E-
vangéliste donne sa généalogie, non point en descendant des pères
aux enfants, mais en remontant de Jésus-Christ jusqu'à Dieu même.
Or Jésus avait, quand il commença son ministère, environ trente ans.
Saint Luc dit qu'il commença, lorsqu'il eut reçu dans le baptême,
comme une seconde et mystérieuse naissance, pour vous enseigner la
£t ipse Jésus erat incipiens quasi annorum tri-
ginta, uf putabatur filins Joseph. Qui fuit EH,
qui fuit Mathat, gui fuit Levi, qui fuit Melchi,
qui fuit Jaune , qui fuit Joseph, qui fuit Ma-
thatiœ, qui fuitAmos, qui fuit Nahum, qui fuit
Esli, qui fuit Nayge , qui fuit Mathath , qui
fuit Mathat hiœ , qui fuit Semei , qui fuit Jo-
seph, qui fuit Juda, qui fuit Johanna , qui fuit
liesa, qui fuit Zorobabel, qui fuit Salathiel,
qui fuit Neri, qui fuit Melclii, qui fuit Abdi,
qui fuit Cosan, qu^ fuit Elmadam, qui fuit
/fer, qui fuit Jesu , qui fuit Eliezer , qui fuit
Jorim, qui fuit Mathat, qui fuit Levi , qui fuit
Simeou , qui fuit Juda, qui fuit Joseph, qui
fuit Jona, qui fuit Eliachim, qui fuit Meleha,
qui fuit Menna, gui fuit Mathatha, qui fuit
Natham , qui fuit David , qui fuit Jesse , qui
'fuit Obed , qui fuit Booz , qui fuit Salmon,
'-■ qui fuit Naasson, qui fuit Àminadab, qui fuit
Aram , qui fuit Esrom, qui fuit Phares, qui
fuit JudcB , qui fuit Jacob , qui fuit Isaac , qui
fuit Abrahœ , qui fuit Thare , qui fuit Na-
chor, qui fuit Sarug, qui fuit Ragau , qui fuit
Phaleg, qui fuit Heher, qui fuit Sale, qui fuit
Cainan, qui fuit Arphaxad , qui fuit Sem, qui
fuit Noe, qui fuit Lamech, qui fuit Mathusa-
leni , qui fuit Enoch , qui fuit Jared , qui fuit
Malalehel, qui fuit Cainam , qui fuit Enos ,
qui fuit Seth, qui fuit Adarn , qui fuit Dei.
Orig. (Itom. 28.) Cuni autem baptiza-
tum Domimim dixisset, generationem
Domini expouit ; non a superioribus ad
inferiora deducens. sed a Cbristo usque
ad ipsum perveuit Deum; unde dicit :
« Et ipse Jésus erat incipiens. » etc.
Quando enim baptizatus est, et niyste-
riuni seciindfE generationis assumpsit,
tune dicitur incepisse; ut 1 1 quoque
DE SAINT LDC, CHAP. III.
185
nécessité de détruire la première naissance, afin de renaître mysté-
rieusement une seconde fois. — S. Greg. {dise. 39.) (l*) Considérons
quel est celui qui est baptisé, de qui il reçoit le baptême et à quel
temps. C'est celui qui est la pureté même, qui reçoit le baptême des
mains de Jean, après qu'il a déjà commencé à opérer des miracles,
apprenons de là l'obligation de purifier d'abord notre âme, de pra-
tiquer l'humilité, et de ne point nous charger du ministère de la pré-
dication avant d'avoir atteint l'âge parfait aussi bien pour l'esprit que
pour le corps. La première de ces leçons s'adresse à ceux qui veulent
recevoir le baptême sans aucune disposition, sans y être aucunement
préparés, sans y apporter cette vertu solide qui garantit les efi'ets de
la justification par la grâce, car le baptême remet sans doute et
efîace les péchés passés, mais on doit toujours craindre de retourner
à son vomissement. La seconde leçon est pour ceux qui se montrent
dédaigneux et fiers à l'égard des dispensateurs des saints mystères
(|u'ils voient plus élevés en dignité. La troisième leçon s'adresse à
ceux qui, pleins de confiance dans leur jeunesse, s'imaginent qu'on
peut à tout âge se charger de l'enseignement ou des fonctions redou-
tables de l'épiscopat. Eh quoi! Jésus s'abaisse jusqu'à se purifier, et
vous, vous dédaignez fièrement de le faire. U s'humilie jusqu'à rece-
voir le baptême des mains de Jean-Baptiste, et vous affectez vis-à-vis
de votre Maître un esprit d'indocilité et d'indépendance? Jésus a
trente ans lorsqu'il commence à enseigner, et vous à peine sorti de
l'adolescence, vous croyez pouvoir enseigner les vieillards, sans avoir
ni l'autorité de l'âge ni celle qui vient de la vertu? M'alléguerez- vous
l'exemple de Daniel et d'autres semblables, car celui qui fait mal est
toujours prêt à justifier sa conduite. Je vous répondrai, moi, que ce
qui arriv.' rarement, ne fait pas loi dans l'Eglise; une seule hirondelle
(l*j Ce discours est intitulé Elî Ta àyta çwtâ, sur les saintes lumières. Nous avons dû recou-
rir au texte original, pour donner plus de clarté à la traduction du texte latin dont saint Thomas
a fait usage.
prioreui iiativitalem destruas , et in
secunda p;eneratione nascaris. Greg.
Nazianz. {Orat. '.i9 , ut siip) Est erco
consideranduiu quis esset «jui baptizalus
est, etaijuo, et quaudo. Muiidus siqui-
deiii, cl a Joanne, et jain inceplis iiiira-
ciilis ; ut ex hinn suscipianius doctrinam
nos prannundandi, et liiunilitateiu aiu-
ple.xandi, ipiin et in perfectione et spiri-
talis et r:arnalià .-etatis prœdicandi : quo-
riiui priiniira dictum est baptisnia susci-
pientibiis , et non prîBniunientibus se
pei habilnin Itoniini : nain etsi relaxa-
tioneni peccatorum faciat donuin bap-
tismi, verendum tamen est neadeumdem
voniituui revertamur; secundum dictum
estadversus insurgentes contra dispensa-
tores niysterii : siquidem ipsi dignitale
prfecellunt; tertiurn editum est illis, qui
de juvenla confid'unt, et quodlibet teni-
pus arbitrantur ad pnelationeni vel doc-
trinam speclare. Purgatur Jésus, et tu
purirationem contemnis. A Jeanne , ac
tu in tuum raonitorem insurgis : trice-
narius, tu autem docendo seniores lanu-
ginem prœvenis. Sed adsunt Uanielis
et similiuni exempla in ore : nam (juili-
bet .noxius ad respoudendum paratus
486
EXPLICATION DE I. KVANGII.K
ne fait pas le printemps ( on n'est pas géomètre pour avoir tracé une
seule ligue, on n'est pas bon pilote après une seule navigation). —
S. CiiRYS. On peut dire encore que Jésus attend pour accomplir toute
la loi, l'âge où l'on est capable de tous les péchés, afin qu'on ne pût
dire qu'il détruisait la loi parce qu'il ne pouvait l'observer. — Ch.
DES PÈR. GR. {Séver. d'Antioch.) On peut dire aussi qu'il reçoit le
baptême à trente ans^ pour montrer que la régénération spirituelle
rend les hommes parfaits en proportion de l'âge spirituel. — Bède.
Enfin on peut dire que Notre-Seigneur a voulu être baptisé à l'âge de
trente ans comme figure du mystère de notre baptême, où nous fai-
sons profession de croire à la sainte Trinité et de pratiquer les pré-
ceptes du Décalogue. — S. Grég. de Naz. {Disc. 40.) (l*) Cependant on
doit baptiser les petits enfants s'il y a nécessité, car il vaut mieux re-
cevoir la justification sans en avoir la conscience, que de sortir de
cette vie sans être marqué du signe sacré du baptême. Vous me direz
peut-être : Quoi! Jésus-Christ qui était Dieu, attend l'âge de trente
ans pour se faire baptiser, et vous voulez qu'on se hâte de recevoir le
baptême? En reconnaissant que Jésus-Christ était Dieu, vous avez
répondu à cette objection. Il n'avait aucun besoin d'être purifié, il ne
courait aucun danger eu différant de recevoir le baplêine; pour vous,
au contraire, vous vous exposez au plus grand des malheurs, si vous
quittez cette vie avec cette seule naissance qui vous a engendré à une
vie de corruption, et sans être revêtu du vêtement incorruptible de la
grâce. Sans doute il est bon de conserver l'innocence et la pureté du
baptême, mais il vaut mieux s'exposer à quelques légères souillures
que d'être entièrement privé de la grâce qui sanctifie.
(1*) Cette citation n'est que l'abrégé du magnifique développement qui se trouve dans le texte
de saint Grégoire.
est. Non est autem lex Ecclesiee , quod
raro contingit; eo quod nec uuica lii-
rundo ver statuLt. Chbys. ( in cap.
Grxcorum Patruni.) Vel idcirco usque
ad illam fetatem quee cimcta peccata
recipit, expectat totam legem perilcieus,
ue quis dicat quod ideo legem solvit,
quod eam non poterat cousummare.
Gr^c. [îd est , Severus Antiochenus in
Cat. Grxcoruin Patruin.) Ob hoc etiam
tricenarius accedit ad baptisma , ut os-
teudat quod spiritalis regeneralio viros
parit perfectos secundum spiritalem
œtatem. Bed. Polest etiam tricenalis
baplizali Salvaloris aitas nostri etiam
baptismatis intimare mysterium , prop-
ter fidem scilicet Trinitatis, et opei^atio-
nem Decalogi.GREG. Nazianz. iOrat. 40.)
Baptizaudus est tamen iufantulus, si né-
cessitas urgeat : nam utilius est insensi-
biliter sanctiiîcari , quam non siguatos
Irausmigrare. Sed dices : « Christus tri-
cenarius baptizatur, cum Deus esset, tu
vero jubés accelerare baptisma : » cum
dixisti, Deus , id objectum solvisti. Ipse
non indigebat purgamine, nec aliquod
imminebat ei periculum dum differret
baptisma : at tibi in parvum non reduu-
dat piaculum, si transmigres iu corrup-
tione natus, non autem iucorruptionis
veste indutus. Et quidem bonum est
baptismi munditiam custodire,sed potius
est interdum paulisper maculari , quam
gratia carere omniuo.
DE SAINT LUC, CHAP. lîl. 187
S. Cyr. Quoique Jésus-Christ n'eût pas de père selon la chair, on
croyait assez généralement qu'il en avait un, c'est cette opinion que
l'Evangéliste exprime en disant : « Etant, comme l'on croyait, fils de
Joseph. » — S. Ambr. Cette expression, « comme l'on croyait, » est
très-juste, car il ne l'était pas en effet, mais il passait pour l'être,
parce que Marie sa mère était l'épouse de Joseph. Mais pourquoi don-
ner la généalogie de Joseph plutôt que celle de Marie, alors que
Marie a enfanté Jésus-Christ par l'opération de l'Esprit saint, et que
Joseph est tout à fait étranger à cette divine naissance ? Nous aurions
lieu d'en être surpris, si nous ne savions que c'est la coutume de l'E-
criture, de remonter toujours à l'origine du mari plutôt que de la
femme, ce qui est ici d'autant plus naturel, que Marie et Joseph
avaient une même origine. En effet, comme Joseph était un homme
juste (1), il dut choisir une épouse de sa tribu et de sa famille. Aussi
à Tépoque du dénombrement, nous voyons Joseph, qui était de la
maison et de la famille de David, se rendre à Bethléem pour s'y faire
inscrire avec Marie son épouse, qui était enceinte. Puisqu'elle se fait
inscrire comme étant de la même tribu et de la même famille, c'est
qu'elle en était en effet; voilà donc pourquoi l'Evangéliste nous donne
la génération de Joseph et la commence ainsi : « Qui fut fils d'Héli. »
Mais remarquons que d'après saint Matthieu, Jacob, qui fut père de
Joseph, est fils de Nathan, tandis que d'après saint Luc, Joseph,
époux de Marie, est fils d'Héli. Or, comment un seul et même homme
peut-il avoir deux pères, Héli et Jacob ? — S. Grég. de Naz. (2) Quel-
ques-uns prétendent qu'il n'y a qu'une seule généalogie de David à
(1) Parce qu'un homme juste n'aurait pu faire une chose contraire à la loi, comme l'ajoute saint
Ambroise.
(2) Dans le poëme qui est intitulé : De la généalogie de Jésus-Christ.
Ctril. (m Cat. Grxcoruni Patrum
ex Glaphyris.) Licet lanien Christus se-
cundum caniem careat paire, suspica-
bauUir aliqiii eiim patrem liabere : uude
sequitur : «Ut put abatur filins Joseph.»
AsiBR. Bene, ni pittubidur, qui vere non
eral ; sed ideo putabalur, quia cuni Ma-
ria (quae Josepli erat desponsata) genue-
rat. Cur antem Joseph maftis quam
Mariée seneralio describitur (t;uin Maria
de Spirilu sancto genuerit Christum, et
Joseph a generatione Uouiini videatur
îilienus) : dubitare possemus, nisi con-
siietudo nos instrueret Scripturaruni ,
qn;c seniper viri origiuem quœril ma-
xime cum in Joseph eliam sit origo Ma-
ria* : nain cuni vir juslus fuerit, Joseph
utique ex tribu sua et ex patria sua ac-
cepit uxorem. Itaque et census tempore
ascendit Joseph de domo et de patria
David^ ut protiteretur cum Maria uxore
sua. Quœ ex eadem domo et ex eadem
patria professionem defert, utique ejus-
deni tribus et ejusdem patriœ se esse
désignât: unde generationem Joseph ex-
plicans, subdit : « Qui fuit Eli. » lllud
autem advertamus quod sanctus Mat-
tliffius Jacob (qui fuit paler Joseph)
filium Nathan esse commémorât : Lu-
cas vero Joseph (oui desponsata fuit
Maria) /Uium Eli esse descripsit : quo-
modo unius duo patres, scilicet Eli et
Jacob, esse potuerunf? Greg. Naziax.
Dicunt auLem quidam quod unica est
successio a David usque ad Joseph, sed
diversis nominibus ab utroque Evange-
188 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
Joseph , mais reproduite sous des noms différents par les deux Evan-
gélistes. Mais cette opinion est tout simplement absurde, puisque en
tête de cette généalogie, nous voyons deux frères, Nathan et Salomon,
tous deux souches de deux générations tout à fait distinctes.
EusÈBE. {Hisl. eccl.^ i, 6.) Entrons plus avant dans l'intelligence
de ces paroles • si tandis que saint iNIatthieu affirme que Joseph est
fils de Jacob, saint Luc, de son côté, affirmait également que Joseph
est fils d'Héli, il y aurait quelque difficulté. Mais comme en face de
l'affirmation de saint Matthieu, saint Luc ne fait qu'exprimer l'opinion
d'un certain nombre de personnes, et non pas la sienne, en disant :
« Comme l'on croyait, » il ne peut y avoir de place pour le doute. En
effet, il y avait parmi les Juifs partage d'opinions sur la personne du
Christ (I); tous le faisaient descendre de David par suite des pro-
messes que Dieu lui avait faites ; mais la plupart croyaient qu'il de-
vait descendre de David par Salomon et par les autres rois ses suc-
cesseurs, tandis que d'autres rejetaient cette opinion à cause des
crimes énormes dont plusieurs de ces rois s'étaient rendus coupables^
et aussi parce que Jérémie avait prédit de Jéchonias, qu'aucun rejeton
de sa race ne s'asseoirait sur le trône de David (./e>., xxi). Or, c'est
cette dernière opinion que rapporte saint Luc, bien qu'il sût que la
généalogie rapportée par saint Matthieu, fût seule la vraie. A cette
première raison nous pouvons en ajouter une plus profonde; saint
Matthieu commence son Evangile avant le lécit de la conception et de
la naissance temporelle de Jésus-Christ ; il était donc naturel qu'il fit
précéder ce récit, comme dans toute histoire, de la généalogie de ses
ancêtres selon la chair. Voilà pourquoi il donne cette généalogie en
(1) C'est-à-dire sur le Messie qu'ils attendaient; et non sur la personne même du Sauveur qu'ils
ne reconnaissaient pas comme le Christ.
lista narratur. Sed hoc absurde fatentur
quoniaminitiumhujus generationis duos
fratres obtinuit, Nathan scilicet et Sa-
lomonem , unde generationes diversi-
ruodse profluxerunt.
EusEB. {in Hist. Ecoles., \\h. i, cap.
6.) Ipsorum ergo verborum sententiae
intellectum attentius explicemus : si
enim approbanle Matthaeo Joseph esse
filinm Jacob, Lucas similiter approbas-
set Joseph esse filiuni Eli, esset ahqua
controversia. Cfeterum cum approbante
Matthaeo Lucas plurium opinionem de
reducereat ipsum ad David propter pro-
missiones ei factas ; plurimi autem as-
serereot Christum a David esse futurum
per Salomonem et ahos reges ; quidam
banc opinionem vitabant eo quod plu-
rima de regibus dicuntur enormia; et
quia de Jechonia Hieremias dixit {cap.
22), quod non oriretur semen ex eo col-
locandum in sede David : quorum
opinionem commémorât Lucas , sen-
tiens enarrare Matthœum quahs esset
Veritas generationis : et bsec est prima
ratio. Est et aha profuudior. Mat-
clararet, non propriam. dicens, ut pu- I thœus enim cum inciperet scribere ante
tohatnr, non arbitrer aliquod rehnqui I conceptiouera Mariae, et carnalem na-
dubium : cum enim essent inter Judfeos j tivitatem Jesu, opportune velut in his-
diversœ opiniones de Ghristo, et omnes i toria prœmittit carnalem progeniem ;
DE SAINT LUC^ CHAP. III. 189
descendant des ancêtres aux enfants, parce qu'en effet, le Verbe divin
est descendu en se revêtant de notre chair. Saint Luc, au contraire,
saute comme d'un bond jusqu'à la nouvelle naissance que Jésus semble
prendre dans les eaux du baptême, et il dresse une autre généalogie
en remontant des derniers aux premiers, des enfants à leurs pères.
De plus, il passe sous silence le nom des rois coupables que saint
Matthieu avait inséré dans sa généalogie, parce que tout homme qui
reçoit de Dieu une nouvelle naissance, devient étranger à ses parents
coupables_, en qualité d'enfant de Dieu, et il ne fait mention que de
ceux qui ont mené une vie vertueuse aux yeux de Dieu. Car ainsi
qu'il fut dit à Abraham : a Vous irez rejoindre vos pères, » {Gen., xv),
non pas vos pères selon la chair, mais vos pères selon Dieu, à cause
de la conformité de votre vie avec leurs vertus. Ainsi saint Luc donne
à celui qui a reçu de Dieu une nouvelle naissance des ancêtres selon
Dieu, à cause de la ressemblance de mœurs qui existe entre les pères
et les enfants. — S. Aug. [quest. sur l'Ane, et le Nouv. Test., quest. 65.)
Ou bien encore, saint Matthieu descend de David par Salomon jusqu'à
Joseph ; saint Luc au contraire remonte d'Héli contemporain du Sau-
veur par la ligne de Nathan fils de David, et il réunit les tribus d'Héli
et de Joseph ; montrant ainsi qu'ils sont de la même famille, et qu'ainsi
le Sauveur n'est pas seulement fils de Joseph, mais d'Héli. Par la même
raison, en effet, que le Sauveur est appelé fils de Joseph, il est aussi le
fds d'Héli et de tous les ancêtres de la même tribu ; vérité que l'Apôtre
exprime en ces termes : « Qui ont pour pères les patriarches , et de
qui est sorti selon la chair Jésus-Christ. » — S. AuG. {quest. év., ii, 5.)
On peut donner trois différentes explications de cette divergence entre
les deux généalogies de saint Matthieu et de saint Luc, ou bien, l'un
unde et generationem a superioribus [ parantiain moruQi, Aug. [de Quxst,
dérivât desceudens : cum euim Ver- , Noii et veteris Teslamenti, quaest. 63.)
biim Dei camem acciperet, desccude- | Vcl aliter : Matthœus a David per Salo-
bat ; sed Lucas ad faclain per lavacrum ; monem desceuJit ad Joseph : Lucas
rej^enerationeui prosilil , et ibi aliam , vero ab Eli, qui tempore fuit Salvaloris,
geuerum succe.-sionem exponit, et ab I ascendit per traducem Natbau filii Da-
iuiis ad prima sublevatus, pariter et . vid, et Eli et Joseph junxit Iribum, os-
peccatoruui quos narravil Mattbceus me- I tendens unius generis esse utrumque,
uioriam abdicat (eo quod quicuuque ia i ac per hoc, non solum Joseph filium esse
iJcu renascitur, lit alienus a criuiinosis Salvaloris, sed et Eli. Ipsa enim ralione
pareutibus, l)oi Filius factus), et eoruni qua Joseph filius dicitur esse Salvator,
qui secuiidum Deum vitam duxerunt ipsa eliaui est et Eli fihus, et c.Tterorum
honestaui, niominit. Sic enim Abrahae
diclum est {Gen., 13, vers. 13) : « Tu
proficisceris ad patres tuos ; » non qui-
dem carnales, sed in Dco patres; pro-
pter similitudinem honestalis. Igitur ei
qui in Dco nascitur, ascribit parentes
qui sunt secundum Deum propter œqui-
omuiurt' qui de eadem tribu sunt. Hinc
est quod dicit Aposlolus {Rom., 9, vers,
5) : « Quorum patres^ et ex quibus Chri-
stus secundum carnem. » Aug. (f/e
Quxst. Evung., lib. ir, cap. 3.) Vel très
causée occurrunt, quarum aliquam Evan-
gelista secutus sit : aut enim unus evan-
190 EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
donne le nom du père de Joseph, l'autre celui de son aïeul maternel
ou d'un de ses ancêtres ; ou bien d'un côté nous avons le père naturel
de Joseph, de l'autre son père adoptif ; ou bien encore l'un des deux
qui nous sont donnés comme pères de Joseph, étant mort sans enfants,
son plus proche parent aura épousé sa femme, selon la coutume des
Juifs, et donné ainsi un enfant à celui qui était mort. — S. Ambr. La
tradition nous apprend en effet, que Nathan qui descend de Salomon,
eut un fils nommé Jacob, et mourut avant sa femme que Melchi
épousa, et dont il eut un fils appelé Héli. Jacob à son tour étant mort
sans enfants, Héli épousa sa femme et en eut pour fils Joseph, qui,
d'après la loi, est appelé fils de Jacob, parce qu'Héli, conformément
aux dispositions de la loi {Deut., xxv), donnait des enfants à son frère
mort. — BEDE. Ou bien encore, on peut dire que Jacob, pour obéir à
la loi, a épousé la femme de son frère Héli, mort sans enfants, et qu'il
en eut Joseph, qui était son fils dans l'ordre naturel, mais qui d'après
les prescriptions de la loi, était le fils d'Héli. — S. AuG. [de l'ace, des
Evang., i, 3.) Il est plus probable que saint Luc nous a donné la gé-
néalogie des ancêtres adoptifs de Joseph, puisqu'il ne dit pas que
Joseph ait été engendré par celui dont il l'appelle le fils. Ou conçoit
mieux, en effet, qu'on puisse appeler un homme le fils de celui qui l'a
adopté, que de dire qu'il a été engendré par celui qui n'est pas son
père naturel. Saint Matthieu, au contraire, en s'exprimant de la sorte :
« Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, » et en continuant
ainsi jusqu'à la fin de la généalogie, qu'il termine en disant : « Jacob
engendra Joseph, » nous indique assez clairement qu'il a voulu don-
ner la généalogie des ancêtres naturels de Joseph, plutôt que la gé-
néalogie de ses ancêtres adoptifs. Mais supposons même que saint Luc
gelista patrem ejus a quo genitus est, j sine liberis defimcti uxorern de mandato
nominavit, alter vero vel avum mater- legis accipiens, genuit Joseph, natura
Dum, vel aliquem de cognatis majoribas | quidem germinis fîliumsuum, secundum
posuit; aut unus erat Joseph naluralis j verp legis prœceptum eftîcilur filius Eh,
pater, et alter eum adoptavit; aut more j AuG, [de Con. Evang., \ih. i, ca^p. 3.)
Judœoruin cum sine filiis unus deces
sisset, ejus uxorem propinquus recipieus,
filium quem genuit propinquo mortuo
deputavit. Ambr. Traditur enim Mathan
(qui a Salomone genus duxit) Jacob
Probabilius enim intelligimus Lucam
adoptantis originem teuuisse, qui noluit
Joseph genitum dicere ab illo cujus fi-
lium esse narravit : commodius enim
lîlius dictus est ejus a quo fiierat ado-
generasse filium et uxore superstite de- ptatus, quam diceretur ab illo genitus
cesssise: quam Melchi accepil uxorem, I ex cujus carne non erat nalus, Matthseus
ex qua generatus est Eli. Rursus Eli j autem dicens : « Abraham genuit Isaac,
fratre Jacob sine hberis decedente, co- Isaac autem genuit Jacob, » atque in
pulatus est fratris uxori, et generarit
filium Joseph, qui juxta legem Jacob
filins dicitur ; quoniam semen fratris
defuncti juxta legis veteris seriem susci-
tabat, Bed, Vel ahter : Jacob fratris Eli
hocverbo, quodest genuit, perseverans,
donec in ultimo diceret : « Jacob autem
genuit Joseph, » satis expressif ad eum
se patrem perduxisse originem generan-
tium a quo Joseph, non adoptatus, sed
DE SAINT LUC. CHAP. III. iQ\
ait dit que Joseph ait été engendré par Héli, il n'y aurait pas de quoi
nous troubler; ne peut-on pas dire en effet, sans absurdité, que celui
qui adopte un fils l'engendre, non selon la chair, mais par l'affection
qu'il lui porte? Or saint Luc nous donne la généalogie des ancêtres
adoptifs de saint Joseph, parce que c'est la foi au Fils de Dieu qui nous
fait enfants adoptifs de Dieu, tandis que la généalogie naturelle nous
apprend plutôt que c'est peur nous que le Fils de Dieu est devenu
Fils de l'homme.
S. Chuys. [liom. 31 su?' l'Ep. aux Rom.) Comme cette partie de
l'Evangile ne se compose que d'une suite de noms, elle ne paraît
offrir à quelques-uns rien de bien important. Pour ne pas tomber
dans cette erreur, approfondissons cette partie de l'Evangile, car on
peut trouver un riche trésor dans ces noms qui, pour la plupart, ren-
ferment de précieuses significations, puisqu'ils nous rappellent la
bonté divine et la pieuse reconnaissance des saintes femmes qui don-
naient aux enfants qu'ils avaient obtenus un nom commémoratif de la
grâce qu'ils avaient reçue.
La Glose, {interlhi.) Héli signifie ?7ion Dieu , ou celui qui monte,
il fut fils de Mathat, c'est-à-dire qui pardonne les péchés^ qui fût fils
de Lévi, c'est-à-dire qui est ajouté. Saint Luc ne pouvait faire entrer
dans sa généalogie un plus grand nombre des enfants de Jacob, sous
peine de s'étendre inutilement dans une série de noms étrangers au
but qu'il se proposait ; cependant il n'a point voulu passer entièrement
sous silence les noms antiques et vénérables des patriarches , et il
choisit entre tous les autres, Joseph, Juda , Siméon et Lévi , en qui
semblent se personnifier quatre espèces de vertus. Juda , en effet , est
la figure prophétique i:lu mystère de la passion du Seigneur ; Joseph
genitus erat : quanquam si etiam !ïeni-
tum Lucasiiiceret Joseph ab Eli, nec sic
nos hoc verbnm perlurbare deberet :
neque enim absurde quisque dicilur,
non carne, sed cliaritate genuisse, quem
sibi filium adoptavit. Merito aulem Lu-
cas adoplionis originom suscepit, quia
per adoplioiiem efficimur filii l;ei, cre-
dendo in Fihum Dei ; per carnalem vero
generalionem Filins Dei polius propter
nos Filius honiinià factus est.
Cnnvs. {hom. 31, in Epist. ad liovi.)
Quia vero luec pars Evangelii cousistit
in série noniinuni, nihil preliosum cxinde
acquiri exislimant. Ne igitur hoc palia-
mur, experiamur etiam hune passuni
scrutari; est enim ex nudis nominibus
eopiosum haurire Ihesaurum, quia plu-
rinm rerum indicativa sunt nomina :
nam et divinam clementiam et oblatas a
mulieribus gratiarum actiones sapiunt :
cum enim filios inipetrabant, nomen
imponebant a dono.
Glos. [interlin.) Interprelatur igitur
Eli Ueus meus, vel scandens ; qui fuit
Mathat, id est, donans peccata ; qui
fuit Levi, id est, additus. Ambr. Pulchre
Lucas, quando filios Jacob no;i poterat
plures comprehendere, ne extra genera-
tionem evagari superflua série videretur,
lioet in aliis id.est longe posterioribus,
patriarcharum tameu antiqua nomina
non praitermittenda arbitratus est ; Jo-
seph, Judœ, Simeonis et Levi. Quatuor
enim gênera in his cognoscimns fuisse
i virtulum ; in Juda passionis dominica;
192 EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
est le parfait modèle de la chasteté ; Siméoii, le veugeur de la pudeur
outragée, et Lévi, le représentant du ministère sacerdotal. — Suite.
Il fut lîls de Melchi, c'est-à-dire mon roi; qui le fut de Janné, c'est-à-
dire main droite; qui le fut de Joseph, c'est-à-dire accroissement (ce
Joseph est dilTérent du premier); qui le fut de Mathathias, c'est-à-dire
don de Dieu ou ciuelquefois\ quilefutd'Amos, c'est-à-dire (iviv charge
OM qui a chargé; qui le fut de Nahum, c'est-à-dire secourez-moi;
qui le fut de Alathat, c'est-à-dire désir; qui le fut de Mathathias, même
signification que ci-dessus; qui le futdeSéméi, c'est-à-dire obéissant;
qui le fut de Joseph, c'est-à-dire accroissement ; qui le fut de Juda,
c'est-à-dire <7M« /owe; qui le fut de Joanna, c'est-à-dire grâce du
Seigneur ou miséricorde du Seigneur ; qui le fut de Résa, c'est-à-dire
tniséricor dieux ; qui le fut de Zorobabel, c'est-à-dire prince ou maître
de Babylone; qui le fut de Salathiel , c'est-à-dire Dieu est l'objet de
ma demande ; qui le fut de Néri, c'est-à-dire mon flambeau; qui le
fut de jMekhi, c'est-à-dire mon royaume ; qui le fût d'Addi , c'est-à-
dire robuste ou violent ; qui le fut de Cosan , c'est-à-dire prévoyant ;
qui le fut d'Her, c'est-à-dire qui est vigilant , ou veille ou séduisant;
qui le fut de Jésus, c'est-à-dire Sauveur ; qui le fut d'Eliézer, c'est-à-
dire mon Dieu est mon secours ; qui le fut de Jorim , c'est-à-dire
secours de Dieu; qui le fut de Mathath, même signification que ci-
dessus ; qui le fut de Lévi , comme ci-dessus ; qui le fut de Siméon,
c'est-à-dire qui a entendu la tristesse ou le signe ; qui le fut de Juda,
c'est-à-dire qui loue ; qui le fut de Jona, c'est-à-dire colombe onplain-
tif; qui le fut d'Eliachim, c'est-à-dire résurrection de Dieu; qui le
fut de Melcha, c'est-à-dire son roi; qui le fut de Menna, c'est-à-dire
per figuram mysterium prophetatum ;
in Joseph prsecessisse castitatis exem-
plum ; in Simcone viudictam lœsi pu-
doris; in iei'i officium sacerdotis : uude
sequitur : qui fuit Melcbi, id est, rex
meus ; qui fuit Jaune, id est, dextra ;
qui fuit Joseph, id est, accrescens (fuit
autem alius iste Jo-sepli) ; qui fuit Mat-
tbathite, id est, donum Dei, vel, ali-
quando ; qui fuit Amos, id est oneruns,
Tel oneravit ; qui fuit Nabum, id est,
adjuva me ; ([ui fuit Matbatli, id est,
desiderium, qui fuit Matbatbiai, ut su
pra ; qui fuit Semei, id est, obediens ;
qui invi Joseph, id est, uu^mentum ; qui
fuit Juda, id est, confitens ; qui fuit
Joanna, id est, Domimis gratta ejiis,
vel Dominus misericors ; qui fuit Resa,
id est misericors ; qui fuit Zorobabel, id
est, princeps, vel magister Babylonis;
qui fuit Salatbiel, id est, petitio mea
Deus ; qui fuit Neri, id est, lucerna
»iea;qui fuit Melchi, id est, regnum
vieum ; qui fuit Addi, id est, rolustus,
vel violentus ; qui fuit Cosaui, id est,
divinans ; qui fuit Her, quod est vigi-
lans, vel vigilia, vel peUicens ; qui fuit
Jésus, quod est Salvutor ; qui fuit Elie-
zer, id est, Deus meus adjutor ; qui fuit
Jorim, id est, Domimis exaltuns, vel
est exultwiis ; qui fuit Matbat, ut supra;
qui fuit Levi, ut supra; qui fuit Siuieou,
id est, uudivit trislitiam vel signum ;
qui fuit Juda, ut supra ; qui fuit Jo-
seph, ut supra ; qui fuit Jona, id est,
columba , vel dolens ; qui fuit Elia-
cbim, quod est Dei resurrectio ; qui
fuit Melcha, id est, rex ejus ; qui fuit
DE SAINT LUC, CHAP. T)T. 193
mes entrailles ; qui le fut de Mathathias , c'est-à-dire don de Dieu ;
qui le fut de Nathan, c'est-à-dire qui a domié ou qui donne.
S. AiiBR. Nathan personnifie le symbole de la dignité prophétique;
ainsi comme le seul Jésus-Christ réunit toutes les vertus, ces différents
genres de vertus ont commencé par briller dans chacun de ses an-
cêtres.
« Qui fut fils de David. » — Orig. {hom. 28.) Le Seigneur , en des-
cendant du ciel sur la terre, s'est soumis en tout à la condition de*
pécheurs, et a voulu, comme le rapporte saint Matthieu , descendra
de Salomon, dont les crimes sont inscrits dans les livres saints, et
d'autres rois qui ont fait le mal devant Dieu. Mais quand il monte
des eaux du baptême , où il vient de prendre comme une nouvelle
naissance, ce n'est point de Salomon que saint Luc le fait descendre,
mais de Nathan, qui vint reprocher à son père, David, la mort d'Urie
et la naissance de Salomon (I).
S. Grég. de Nazia^'ze. a partir de David , la succession de la gé-
néalogie est la même dans les deux Evangélistes. — Suite. « Qui fut
fils de Jessé. » — Glose, {interl.) David veut dire qui est puissant, et
Jessé signifie encens. — Suite. Qui fut fils d'Obed , qui veut dire
servitude; qui le fut de Booz, c'est-à-dire fort; qui le fût de Salomon,
c'est-à-dire sensible ou pacifique ; qui le fut de Naasson, c'est-à-dire
augure ou qui tie?it du sc)'pe)it ; qui le fut d'Aminadab , c'est-à-dire
\e peuple volontaire; qui le fut d'Aram, c'est-à-dire dressé ou élevé;
que le fut d'Esrom, c'est-à-dire flèche; qui le fut de Phares, c'est-à-
[Ij Nathan dont il est ici question, n'est pas le prophète qui fut envoyé à David pour lui repro-
cher son crime.
Menna, quod est viscera mea ; qui fuit | trem super UriîE morte, ortuque Salomo-
Mathathia, id est, donvm ; qui fuit Na- nis. Aug. {in Lih. Retract., lib. i, cap. 26.)
than, id est, dcdit, vel datitis. I Dicendum auteru quod liujusmodi uo-
Ambr. Per Natlian autem exprès- ! minis Proplieta arguif, David, ue putetur
sam advertimus prophetiae dignitatem ; idem fuisse liomo cuiii aller fuerit.
ut quia niius omnia Cbristus Jésus, in
sinpulis quoque majoribus gênera virtu-
tuui diversa praicedorent.
Sequitur : « Qui fuit David. » Orio.
{hom. 28.)Douiinu3 descendens in mun-
dum assumpsit peccalorum omnium
personam, et nasci voUiit de stirpe Sa-
lomonis (ul Mallhteus referl), cujus pec-
cata scri\)ta suiit, el co-terorum ex qui-
bus mulli fecerunt malum in couspectu
Dei. Quaiidu vero ascendit, et secundo
per baplismum ortus esse descriintur
(ut refert Lucas), non per Salomoneni,
sed per Natbam uascùlur, qui arguit pa-
Grkg. Nazian. [vM sup.) Sed a David
ultra secundum utrumque evangelistam
est generis processus indivisibilis : unde
sequitur : « Qui fuit Jesse. » Glossa.
{Interlin.) Interpretatur David manu
fortis, Jesse incensum. Sequitur : qui
fuit Obed, quod est servitus ; qui fuit
Booz, qrod est fo7-lis ; qui fuit Salmou,
quod est sensibilis, vel pacificus; qui
fuit Naasson, quod est ovffurium, vel
serpentiniis ; qui fuit Aminadab, id est,
populus voluntarms ; qui fuit Aram,
quod est erectus, vel excelsns ; qui fuit
Esrom, id est, sagittu ; qui fuit Pbares,
TOM. V. 13
194
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
dire division ; qui le fût de Juda , c'est-à-dire qui loue ; qui le fut de
Jacob, c'est-à-dire qui supplante ; qui le fut d'Isaac , c'est-à-dire rire
ou joie; qui le fut d'Abraham, qui veut dire père de beaucoup de na-
tions ou qui voit le peuple.
S. Chrys. [liom. \.) Saint Matthieu,, qui écrivait pour les Juifs, s'est
proposé seulement d'établir dans son récit que Jésus-Christ descendait
d'Abraham et de David , ce qui devait surtout satisfaire les Juifs.
Saint Luc, au contraire, dont l'Evangile s'adressait à tous, poursuit la
généalogie jusqu'à Adam. — Suite. « Qui fût fils de Tharé. » — La
Glose, {interlin.) Tharé veut dire épreuve ou injustice; qui fut fils de
Nachor^ c'est-à-dire repos de la lumière ; qui le fut de Sarug, c'est-à-
dire courroie^ ou qui tient les rênes ou perfection ; qui le fut de Ra-
gaû, c'est-à-dire malade ou paissant ; qui le fut de Phares, c'est-à-
dire qui divise ou qui est divisé ; qui le fut d'Héber , c'est-à-dire passage ;
qui le fut de Salé , c'est-à-dire qui enlève ; qui le fut de Cainan , qui
veut dire lamentation ou leur possession. — Bède. Ni le nom ni la
génération de Cainan ne se trouvent dans le texte hébreu de la Genèse
ou du livre des jours, où U est dit qu'Arphaxad fut le père immédiat
de Sélaa ou Salé. Saint Luc a pris cette génération intermédiaire
dans la version des Septante, où il est écrit qu'Arphaxad, âgé de cent-
trente-cinq ans, engendra Sélaa. — Suite. «Qui fut fils d'Arphaxad. »
— La Glose, {interl.) Arphaxad veut dire c/ui répare la désolation ;
qui fût fils de Sem, c'est-à dire nom ou nommé; qui le fut de Noé,
c'est-à-dire repos. — S. Ambr. Le nom du juste Noé ne devait pas être
omis dans la généalogie du Seigneur ; car puisqu'il venait au monde
quod est divisio ; qui fuit Juda, id est,
confitens ; qui fuit Jacob, quod est sup-
plantator; qui fuit Isaac, quod est ri-
sus, vel gmidium ; qui fuit Abraham^
quod est pater multarum gentium, vel
videns popiilum.
Chrys. [/mm. 1 .) Matthseus quidem tan-
quam qui Judœis scribebat, nihilstatuit
ulterius scribere, nisi quod ab Abrabam
et David Chrislusprocesserat; hoc eniiu
maxime plaeabat Judœos Lucas (vero
sicut qui omnibus coaimuniler loque-
batur) ulterius proteadit sermonem, at-
tingens usque ad Adam ; ande sequitur :
qui fuit Thare. Glos. [interlin.) Quod
interpretalur exploratio, sive nequitia ;
qui fuitNachor, quod est reqidevit hix;
qui fuit Sarug, quod est corrigia, vel
comprehendens lorum, vel perfectio ;
qui fuit Ragau, quod est œgrotus vel
pascens ; qui fuit Phares, quod est divi-
dens , vel divisum ; qui fuit Heber,
quod est transitus ; qui fuit Sale, quod
est tollens ; qui fuit Cainan, quod est
lamentatio, \e\ j)ossessio eoruin. Beda.
Nomen et geueratio Cainan juxta he-
braicam veritatem ueque in Genesi ,
neque in verbis dierum inveuitur,
sed Arphaxat Selaa (vel Sale) filium
nuUo interposito geuuisse perhibe-
tur, Scito ergo Lucam banc generatio-
nem de 70 Interpretum editione sum-
psisse ; ubi scriptum est quod Arphaxad
135 annorum genuerit Cainan, iste au-
tem cum centum et triginta fuerit an-
norum, genuerit Selaa. Sequitur : qui
fuit Arphaxad. Glos. [interlin.) Quod est
sancins depopulationem ; qui fuit Sem,
quod est nomen, vel nominattts ; qui
fuit Noe, quod est requies. Ambr. Noe
quidem justi inter dominicas generatio-
nes commemoratio non debuit praeter-
DE SAINT LUC, CHAP. III. 195
pour fonder son Eglise, il était juste qu'il comptât parmi ses ancêtres
celui qui avait figuré l'établissement de l'Eglise dans la construction
de l'arche. — Suite. « Qui fut fils de Lamech. » — La Glose, {interl.)
Lamecli veut dire humilié ou qui frappe., ou qui est frappé ou qui
est humble; qui le fut de Matliusalem, c'est-à-dire envoi de la mort
ou qui estmort^ ou qui interrogea. Les années de Matliusalem sont
comptées avant le déluge ; car Jésus-Christ n'ayant été soumis dans
sa vie à aucunes vicissitudes de l'âge , ne devait point non plus res-
sentir les effets du déluge dans ses ancêtres. « Qui fut fils d'Enoch. »
Enoch est un signe éclatant de la sainteté du Seigneur et de sa divi-
nité, en ce que le Seigneur n'a pas été soumis à la mort, et qu'il est
remonté au ciel, de même qu'Enoch, un de ses ancêtres avait été en-
levé dans le ciel. Nous voyons par là que Jésus-Christ aurait pu ne pas
mourir, mais qu'il a voulu mourir à cause des grands avantages que
devait nous procurer sa mort. Enoch fut enlevé dans le ciel de peur
que le mal ne vînt à changer les dispositions de son cœur (1). Mais
quant au Seigneur, qui était inaccessible à la méchanceté du siècle,
il est remonté par un effet de sa puissance divine dans le lieu d'où il
était descendu. — Bède. En remontant du Fils de Dieu baptisé jusqu'à
Dieu le Père, saint Luc place comme à dessein le soixante-dixième.
Enoch qui fut transporté dans le paradis sans passer par la mort,
pour signifier que ceux qui ont été régénérés dans l'eau et l'Esprit
saint, par la grâce" de l'adoption des enfants , seront reçus dans le re-
(1) Au lieu de a son cœur, » on lit dans le livre de la Sagesse : n son esprit, son intelligence, «
ff'jv£i7tv aO-rôy [Sag., iv, 11.) L'auteur sacré n'explique pas dans quel endroit Hénoch fut trans-
porté ; l'apôtre saint Paul n'est pas plus explicite dans son Epitre aux Hébreux, où il dit simple-
ment qu'Hénoch fut enlevé pour ne pas mourir, et qu'il ne parut plus parce que Dieu l'avait trans-
porté ailleurs. (Hebr., xi, 5.) L'auteur de V Ecclésiastique dit qu'il fut transporté dans le paradis,
mais sans exprimer si ce para<iis était une demeure céleste ou terrestre. Les Pères elles commen-
tateurs ne sont pas d'accord sur ce point; toutefois si on veut l'entendre d'une demeure céleste, ce
ne peut être le paradis des élus , mais plutôt ce que nous appelons le firmament. (Note du
P. Nicolaï.)
miUi, ut quia aedificator Ecdesiœ nasce-
batur, eum sui frt'ucris auctorem prœ-
luisse videatur, (|in eam iii lypo arcai
aute fiuidaverut. Qui fuit Lamech. Glos.
{intcrlin.) Quod est humiliatum; vel
percutientem, vel pcrcvss •m, vel 7m-
milem ; qui fuit iMalhusalein, quod est
mollis emissio, vel mortuvs est, et in-
teno'javit. Ambr. Ilujus ultra diluvium
uuinerautur auui; ut quouiam solus eàt
Cliri^lus unus, cujus vita iiullaui sentit
œtalem, ia luajoribus quoque suis iiou
sensisse diluvia videretur. Qui fuit Enoch.
Et hic pietalis douiinicae et Divinitatis
matiifestaluui indicium est; eo quod
nec uiortem senseriL Doniiuus, et ad
cœlum remeaverit; cujus generis auctor
raplus ad cœlum est : unde manifestum
est Chrislum potuisse non mori, sed vo-
luisse, ut nobis mors illa prodesset ; et
ille quidem raptus ne malitia mularet
cor ejus. Dominus autem (quem malitia
seculi mutare non poterat) eo unde vé-
nérât, nalurœ suce majestate remeavit.
Bed. Pulchre autem a baptizato Dei Filio
usque ad Deum Patrem ascendens, sep-
tuagesimo gradu Enoch ponit^ qui dilata
morte trauslatus est in paradisum ; ut
siguificet eos qui par gratiam adoptionis
filiorum ex aqua et Spiritu sancto rege-
uerantur, intérim (post corporis abso-
lutionem) a;ternam suscipiendos in re-
196
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
pos éternel ; car le nombre soixante-dix , à cause du jour du sabbat
qui est le septième, figure le repos de ceux qui ont accompli le déca-
loguc de la loi par le secours de la grâce de Dieu. — La Glose.
{interl.) Enoch veut dire dédicace ; qui fut fils de Jared , c'est-à-dire
qui descend ou qui contient ; qui le fut de Malalehel , c'est-à-dire
loué de Dieu ou louant Dieu; qui le fut de Gaïnan , dont la significa-
tion est la même que précédemment ; qui le fut d'Enos , c'est-à-dire
homme ^ ou désespérant ou violent ; qui le fut de Seth , c'est-à-dire
position ou ciui posa. — S. Ambr. Lo nom de Seth , le dernier fils
d'Adam, n'est pas omis dans cette généalogie ; car comme il y a deux
générations de peuples différents, le nom de Seth signifie que le Christ
doit faire partie de la seconde génération plutôt que de la première.
« Qui fut fils d'Adam. » — La Glose, {interlin.) Adam veut dire
homme ou terrestre, ou qui a besoin. — S. Ambr. Quoi de plus beau
et de plus convenable que de commencer cette sainte généalogie par
le Fils de Dieu , et de la conduire jusqu'au Fils de Dieu. Ainsi celui
qui est créé, précède comme figure celui qui nait ensuite Fils de Dieu
en vérité. Nous voyons paraître d'abord celui qui a été fait à l'image
de Dieu et pour le salut duquel l'image substantielle de Dieu est des-
cendue sur la terre. Saint Luc a cru encore devoir faire remonter jusqu'à
Dieu l'origine de Jésus-Christ, parce que Dieu a véritablement en-
gendré le Christ, soit dans réternelle et véritable, génération , soit
dans le baptême, où il lui communique comme une nouvelle et
mystérieuse naissance. Aussi n'a-t-il point commencé son Evangile
par la généalogie du Sauveur, mais il ne la place qu'après le ré-
cit de son baptême , pour montrer ainsi qu'il était le Fils de Dien
et par nature, et par la grâce. Et encore , quelle preuve plus évidente
quiem : septuagenarius enim propter
septimam sabbati illorum requiem signi-
ficat qui, juvante Del gratia, Decalogum
legis iuipleverunt. Glos. [interlin.) In -
terpretatur autem Enoch dedicalio ; qui
fuit Jared, quod est descendens, sive
continens ; qui fait Malalehel, quod est
laitdatus Dci, vel hnuknis Deum ; qui
fuit Caiuan, ut supra ; qui fuit Enos, id
est, honio, vel desperans, vel violentus ;
qui fuit Seth, quod est positio, sive po-
suit. Ambr. Seth posterior filius Adse
non siletur; ut cum duœ sint populi
generationes, significaretur (in typo) in
posteriore potius quam in priore gene-
ratione Christum numerandum.
Sequitur : qui fuit Adam. Glos. {iii-
ierlin.) Quod est homo, vel terrenns,
vel indtgens ; qui fuit Dei. Ambr. Quid
pulchrius potuit convenire quam ut
sancta generatio a Dei Filio inciperet et
usque ad Dei Filium duceretur ? crea-
tusque praecederet in figura, ut uatus in
veritate sequeretur; ad iuiaginem faetus
prœiret, propter quem Dei imago des-
cenderef? Putavit eliam Lucas ad Deum
Christi originem referendam, quod ve-
rus Christi generator Deus sit; vel se-
cundum generationem veram pater;vel
secundum lavacrum et regenerationem
mystici auctor muneris, et ideo, non a
principio generationem ejus cœpit des-
cribere, sed postea quam baptisma ejus
explicuit ; ut (et secundum naluram et
secundum gratiam) Dei Filium demons-
traret. Quod autem evidentius divinae
DE SAINT LUC, CHAP. III.
197
de la divine génération de Jésus-Christ que de faire précéder l'exposé
de sa généalogie de ces paroles solennelles du Père : « Celui-ci est
mon Fils bien-aimé. » — S. AuG. {de l'ace, des Evang., ii, 3.) Saint
Luc, en donnant Joseph comme fils d'Héli, n'a point voulu nous faire
entendre qu'il était son fils naturel et véritable, mais son fils adoptif,
et une preuve évidente, c'est qu'il dit dans le même sens qu'Adam est
fils de Dieu, lorsque chacun sait qu'après avoir été créé de Dieu,
Adam fut placé dans le paradis, et qu'il devint comme le Fils de Dieu
par un efî'et de cette grâce , qu'il perdit bientôt par son péché, —
Théophtl, L'Evangéliste poursuit la généalogie jusqu'à Dieu, qui la
termine, et il nous apprend ainsi , d'abord que Jésus-Christ élèvera
jusqu'à Dieu les personnages qui en forment la succession intermé-
diaire, et qui deviendront ainsi fils de Dieu; secondement, il veut nous
convaincre que la génération du Christ était toute en dehors des voies
naturelles, comme s'il disait : Si vous ne pouvez croire que la géné-
ration du second Adam n'est point due aux causes naturelles, remontez
jusqu'au premier Adam , et vous trouverez que Dieu lui a donné
l'existence sans avoir besoin de ces causes naturelles.
S. AïïG. {de l'accord des Evang., ii, 4.) Saint Matthieu a voulu
surtout nous représenter le Seigneur descendant jusqu'à notre nature
faible et mortelle ; dans ce dessein, il commence son Evangile par la
généalogie de Jésus-Christ en descendant d'Abraham jusqu'à Jésus-
Christ. Saint Luc, au contraire , ne donne cette généalogie qu'après
le récit du baptême de Jésus-Christ, et il suit un ordre tout différent,
c'est-à-dire qu'il remonte des enfants à leurs pères ; son but est sur-
tout de faire ressortir dans la personne du Sauveur le caractère du
pontife qui doit effacer les péchés , c'est pourquoi il donne sa généa-
logie après qu'une voix du ciel a fait connaître ce qu'il était, après
que Jean-Baptiste lui a rendu ce témoignage : « Voilà celui qui efface
generationis indicium, quam quod de
generatione dicturus Patrein prœmisit
loquentem : « Tu es Filius meus dilec-
tus? » AuG. [de L'on. Evamj., lib. n,
cap. 3.) Salis etiam per hoc demonstra-
vit, non se ideo dixisse Joseph filium
LU, quod de illo genitus, sed quod ab
illo polius fuerit adoplatus ; cuui etiam
Ipsum Adam /ilium dixit; cum sit factus
a Dec, sed per gratiani (quam postea
peccando amiùt) Uinipiam iiliiis in para-
diso consUtulus sit. Iukophylact. fdeo
etiam generationem finit in Deuni, ut
addiscamusquod qui in raedio sunt pa-
tres. Christus ad Deum eriget, et FiUos
Dei faciet ; et ul etiam crederetur Chri-
sti generalio sine semine fuisse : quasi
dicat : Si non credis quod secundus
Adam factus sit sine semine, devenias
ad prinium Adam, et iuvenies absque
semine factum a Deo.
AuG. (de Con. Evamj., Ub. ii, cap.
4.) VA Matthfeus quidem significare vo-
luit Dominum descendenteni ad noslram
morlalitatem; ideo aenerationesad Abra-
ham usmie ad Cbristi nativitateni descen-
deudo commemoravil ab inilio Evange-
lii sui. Lucas autem, non ab initio, sed
a baptismo Cbristi generationes narrât;
nec descendendo, sed ascendendo tan-
quam sacerdolem in expiandis peccatis
magis assignans, ubi Joannes testirao-
198 EXPLICATION PE l'ÉVANGILE
les péchés du monde » (1), et en remontant ainsi des enfants à leurs
pères, il arrive jusqu'à Dieu avec lequel nous sommes réconciliés par
la grâce qui expie nos crimes et nous en purifie. — S. Ambr. Ceux
qui ont suivi l'ordre ancien ne sont pas pour cela en contradiction
avec notre Evangéliste. Ne soyez pas non plus surpris si d'Abraham à
Jésus-Christ vous trouvez dans saint Luc un plus grand nombre de
générations que dans saint Matthieu , puisque vous reconnaissez que
ces deux Evangélistes donnent la généalogie du Sauveur par des per-
sonnages tout différents. Il a pu très-bien arriver, en effet , que les
personnages d'une généalogie aient vécu plus longtemps , tandis que
les personnages de l'autre sont morts dans un âge peu avancé ; puisque
nous voyons des vieillards vivre assez longtemps pour voir leurs petits
enfants, tandis que nous en voyons d'autres mourir presque aussitôt
la naissance de leurs propres enfants. — S. Aug. {Quest.évang., ii,6.)
C'est par une raison pleine de convenance que saint Luc compte
soixante-dix-sept personnes dans sa généalogie , et qu'il suit l'ordre
ascendant ; il figure ainsi notre élévation vers Dieu, avec lequel nous
sommes réconciliés par la rémission de nos péchés ; car le baptême
remet tous les péchés figurés par ce nombre. En effet , onze fois sept
font soixante-dix-sept. Or, le nombre dix exprime le bonheur parfait,
donc le nombre supérieur au nombre dix représente le péché qui, par
orgueil, veut avoir plus. Ce nombre se trouve multiplié sept fois pour
indiquer que cette transgression vient de l'action volontaire de l'homme.
En effet, le nombre trois représente dans l'homme la partie imma-
térielle (-2) ; et le nombre quatre, la partie corporelle. Or , le mou-
Ci) Le texte sacré porte : >. Qui efface le péché du monde,» pour exprimer le péché originel qui
est commun à tous les hommes et qui est la source de tous les autres péchés.
(2) A cause de ces trois facultés auxquelles Notre-Seigneur semble faire allusion dans ces pa-
roles : « Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme, de tout votre
nium perbibuit, diceus (cap. 1) : « Ecce
qui toUit peccata luuudi ; » ascendendo
autem pervenit ad Deutu cui mundati et
expiati reconciliamur. Ambr. Nec sic
evaugelistce discrepare videntur, qui ve-
terem ordinem sunt secuti. îsec mirei'is,
si ab Abraham plures secundum Lucam
successiones usque ad Christum sunt,
pauciores secundum ]\Iattbfeum, cum
per alias personas generationem fatearis
esso decursam. Potest enim fier! ut alii
longtEvam transegerint vitam, alterius
vero generationis viri immatura aetale
decesserint ; cum videamus quamplures
seues cum suis nepotibus vivere, alios
vero viros stalira filiis obire susceptis.
AUG. [de Qiiœst. Ecang., lib. ii, quaest.
6.) Convenientissime autem Lucas bapti-
zato Domino generationes per septua-
ginta septem personas sursum versus
uumerat : nam et ascensus ad Deum,
cui per peccatorum aboUtionem recon-
ciliamur, expressus est ; et per baptis-
mum fit homiui omnium remissio pec-
catorum quœ illo numéro significantur :
nam undecies'septem septuaginta septem
sunt : in denario autem perfeclio beati-
tudinis est : unde manifestum est quod
transgressio denarii désignât peccatum
per superbiam plus aliquid babere cu-
pientis : hoc autem septies propterea
ducitur, ut motu hominis facta signifi-
cetur illa transgressio : ternario enim
i numéro incorporea pars hominis signifi-
DE SAINT LUC, CHAP. III.
i99
vement et l'action ne sont point représentés par les nombres,
lorsque nous disons : un, deux, trois; mais bien lorsque nous comp-
tons une fois, deux fois, trois fois ; donc la multiplication du nombre
sept par onze, signifie que la transgression est le résultat de la volonté
de l'homme.
esprit, » etc. [Luc., x, 27.) Saint Augustin ajoute que la nature du corps se trouve partagée en
ouatre de différentes manières. Peut-être a-t-il en vue les quatre parties fluides du corps.
catur, quaternario vero corpus; motus
autem iu numeris non exprirailur, cum
dicimus : Unuttij duo, tria, sed cum di-
cimus : Semel, bis, ter : unde per septies
undecim, significatur motu hominis facta
transsressio.
CHAPITRE IV.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
y. 1-4. — Pourquoi Jésus-Christ a voulu être tenté après son baptême. — Jésus-
Christ est-il plein de l'Esprit saint comme les autres apôtres? — Quel était
cet esprit qui poussa le Sauveur dans le désert. — Le Sauveur a-t-il été en-
traîné comme malgré lui? — Dans quel but provoque-t-il le démon au combat? —
Dans quel sens et dans quelles limites a-t-il été tenté? — Le Seigneur fut-il
, tenté pendant quarante jours? — Pourquoi a-t-il voulu jeûner? — Comment
devons-nous imiter son jeune? — Pourquoi n'a-t-il point voulu prolonger son
jeune au delà de celui de Moïse et d'Elie? — N'ombre mystérieux de quarante
jours. — Pourquoi iSotre-Seigneur se soumet au besoin de la faim. — Que
nous enseignent les trois tentations du Sauveur. — Pourquoi le démon lui dit-
il : Si vous êtes le Fils de Dieu? — Pourquoi lui conseille-t-il d'apaiser sa
faim, en changeant des pierres en pain? — Quelle est la véritable nourriture
de l'homme. — De quelles armes se sert le Sauveur pour défendre l'homme
contre les insinuations de l'esprit du mal.
f, 5_8. — Seconde tentation. — Pourquoi le Sauveur a permis au démon de le
conduire sur cette haute montagne. — Comment a-t-il pu lui faire voir tous
les royaumes du monde? — Pourquoi les lui fit-il voir en un instant? — Double
mensonge du démon. — A qui appartient-il d'ordonner et de régler la puis-
sance?— Ce qu'il y a de bon et de mauvais dans l'exercice du pouvoir. —
Folie du démon dans la proposition qu'il fait au Sauveur. — Autre sens de ces
paroles. — Le démon offre à Jésus la possession de son royaume d'iniquité. —
Réponse du Sauveur, quel en est le sens. — Impression qu'elle produisit sur
le démon. — Comment eonciher le précepte de ne servir que Dieu seul avec
celui de la charité spirituelle qui nous assujettit à nos frères,
y. 9-13. — Troisième tentation suivant saint Luc — Comment Jésus suivait le
démon qui le conduisait. — Quel est le propre de la vaine gloire.— C'est
contre l'homme et non contre le Fils de Dieu que le démon engage le com-
bat.—Faiblesse du démon. — Pourquoi se sert-il des témoignages de l'Ecri-
ture pour tenter le Sauveur?— Ses artifices jusque dans la citation qu'il fait
des Ecritures. —Réponse de Notre-Seigneur. — Aqui Dieu accorde son secours
dans le danger.— Exemple que nous donne Jésus-Christ dans la manière dont
il répond au démon. — Défaite du démon. —Comment est-il vrai que le démon
avait épuisé toutes les tentations? — Crainte et faiblesse du démon quand il
a été vaincu. —Dans quel sens s'éloigne-t-il pour un temps?— Ordre diffé-
rent des tentations dans saint Matthieu.
y. 14-21. —Nouveau degré de manifestation de la vertu et de la puissance du
Sauveur.— Quelle est cette vertu de l'Esprit de Dieu.— Par quelle puissance
opérait-il ses miracles? — Doctrine et puissance réunies dans sa personne. —
Qu'étaient les Synagogues chez les Juifs. — Différentes signififations du mot
Synagogue et du mot Eglise. — Comment nous avons part au bonheur de ceux
qui recueillirent les enseignements de Jésus. — Pourquoi iNotre-Seigneur se
fait-il connaître de préférence aux habitants de Nazareth? — Pourquoi prend-
il lui-même le livre pour Ure? — Dessein providentiel dans le choix du passage
EXPLICATION DE L EVANGILE DE S. LUC^ CHAP. IV. 201
d'Isaïe sur lequel tombe le Sauveur. — Dans quel sens a-t-il reçu l'onction de
l'Esprit saint?— Quels sont les pauvres, les cœurs brisés, etc. dont parle le
prophète. —Différentes sortes de captivité.— Comment Jésus-Christ a rendu
la vue aux aveugles et la liberté à ceux qui étaient chargés de fers. — Quelle
est l'année favorable du Seigneur. — Que signifie l'action de Notre-Seigneur
rendant le livre au ministre et s'asseyant après cette lecture. — Comment nous
pouvons nous-mêmes avoir toujours les yeux fixés sur Jésus.
y. 22-27. — Pourquoi Notre-Seigneur s'abstient de faire des miracles dans la
ville de Nazareth. —Dans quel sens les habitants de cette ville lui rendaient
témoignage. — Mépris qu'ils avaient en même temps pour sa personne. —
Quel est ici le sens de ce proverbe ; Médecin, guéris toi toi-même. — Pourquoi
Notre-Seigneur s'excuse de n'avoir fait aucun miracle dans sa patrie. — Fu-
nestes effets de l'envie. — Sens allégorique de la demande que lui font les
habitants de Nazareth de faire chez eux les miracles qu'il a opérés à Ca-
pharnaiim. — Notre-Seigneur appuie sa conduite sur le témoignage des Ecri-
tures.— Puissance extraordinaire d'Elie. — Pourquoi Dieu le conduit dans le
pays de Sidon. — Explication allégorique de ce trait historique.
f. 28-30. — Cause de l'indignation des habitants de Nazareth contre le Sau-
veur.— Combien leur jalousie était grande, et à quelles extrémités ils veulent
se porter contre lui. — Comment Notre-Seigneur fait ici paraître sa puissance. —
Sa passion complètement volontaire. — Pourquoi il se dérobe ici à la fureur
de ses ennemis.
y. 31-37. — Dans quel sentiment Notre-Seigneur quitte la Judée, et visite la
ville de Capharnaûm. — Caractère de son enseignement. — Il joint à la pré-
dication des signes évidents de sa puissance divine, — Pourquoi commence-t-
il le jour du sabbat les œuvres de la rédemption? — Pourquoi commence-t-il
par des œuvres moins importantes'^ — Pourquoi les démons jetaient des cris
effrayants en présence du Sauveur. — Pourquoi le démon lui donne-t-il le
premier le nom de Jésus de Nazareth? — Dans quel sens Jésus est-il le Saint
de Dieu? — Pourquoi le démon fait-il celte confession publique, et pourquoi
Notre-Seigneur de son côté lui ordoniie-t-il de se taire? — Pourquoi cet homme
qui allait être délivré du démon est-il jeté par lui au milieu de l'assemblée? —
Le récit de saint Matthieu est-il ici en contradiction avec celui de saint Luc? —
Par quelle puissance différente les Saints et le Verbe de Dieu chassent le
démon. — Application morale de ce fait miraculeux.
% 38, 39. — Pourquoi la guérison de la belle- mère de saint Pierre est-elle placée
immédiatement après la guérison de ce possédé? — Condescendance admirable
du Sauveur. — Pourquoi tantôt attend-il qu'on le prie, et tantôt guérit-il de
lui-même les malades? — Que peut-on conclure du silence de saint Matthieu
sur ce fait? — Comment Notre-Seigneur fait éclater sa puissance dans cette
guérison. — hiterprétation Iropologique de cette guérison miraculeuse.
f. 40, il . — Empressement admirable de la multitude pour suivre le Sauveur. —
Pourquoi lui amènent-ils les malades à la Un du jour? — Pourquoi Notre-
Seigneur les guérit en les touchant. — Pourquoi les démons confessent que
Jésus est le Fils de Dieu? — Pourquoi le Sauveur ne permet pas aux esprits
immondes de manifester sa gloire.
y. 42-44. — Pourquoi Notre-Seigneur se retire dans un lieu désert après avoir
fait ces miracles. — Pourquoi .se livre-t-il à l'exercice de la prière? — Quels
sont ceux qui cherchent .lésus-Christ. — Comment concilier ici le récit de
202
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
saint Matthieu avec celui de saint Luc. — Pourquoi Notre-Seigneur ne reste
pas toujours dans le même endroit. — Exemple qu'il nous- donne. — Explica-
tion allégorique de la conduite du peuple.
f. 1-4. — Jésus rempli de l'Esprit saint, revint des bords du Jourdain, et il
fut poussé par l'Esprit dans le désert. Il y demeura quarante jows, et il y fut
tenté par le démon. Il ne mangea rien pendant tout ce temps-là, et lorsque ces
jours furent passés, il eut faim. Alors le démon lui dit ; Si vous êtes le Fils
de Dieu, commandez à cette pierre qu'elle devienne du pain. Jésus lui répondit :
Il est écrit : L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole de
Dieu.
Théophyl. Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu être tenté après
son baptême, pour nous apprendre qu'après notre baptême nous de-
vons nous attendre à la tentation : « Jésus, plein de l'Esprit saint,
revint des bords du Jourdain, » etc. — S. Cyr. Bien longtemps aupa-
ravant Dieu avait dit : « Mon Esprit ne demeurera pas dans ces
hommes, parce qu'ils ne sont que chair; mais aussitôt que nous
sommes enrichis de la régénération par l'eau et par l'Esprit^ nous
sommes devenus par l'infusion de l'Esprit saint, participants de la
nature divine. Or celui qui est le premier né d'un grand nombre
de frères, a reçu le premier l'Esprit saint qu'il communique lui-
même aux autres, afin que la grâce de l'Esprit saint put arriver par
lui jusqu'à nous. — Orig. (Jiom. 29.) Lorsque vous voyez que Jésus
est plein de l'Esprit saint, et que vous lisez dans les Actes, que les
Apôtres furent remplis de l'Esprit saint, gardez-vous de penser que
les Apôtres ont reçu l'Esprit saint dans la même mesure que le Sauveur.
En efifet, lorsque vous dites : Ces vases sont pleins de vin ou d'huile,
CAPUT IV.
Jésus auteni plenus Spiritu saneto, regressus est
a Jordane ; et agebatur spiritu in désertion
diebus quadrayinta, et tentabatur a diabolo.
Et nihil manducavit in diebus illis , et consum-
matis illis, esuriit. Dixit aictem illi diabolus :
Si Filius Dei es, die lapidi huic ut panis fiât.
Et respondit ad illum Jésus : Scriptum est quia
non in pane solo vivit homo, sed in omni verbo
Dei.
Theophyl. Post baptismum Christus
tentatur ; innuens nobis quod postquam
erimus baptizati tenlationes imminent
nobis : unde dicitur : « Jésus autem ple-
nus Spiritu sancto, » etc. Cyril, {in
Cat. Grœcorum Patruvi.) Dudum dixit
Deus {Gen., 6) : « Non permanebit Spiri-
tus meus in hominibus istis, eo quod sunt
caro. Ubi vero regeneratione per aquam
et Spiritum ditati sumus, facti sumus
divinœ uaturfe participes per Spiritus
sancli participationem. Primogenitus au-
tem in multis fratribus, primus recepit
Spiritum, qui et Spiritus dater est, ut
etiam ad nos per ipsum perveniret gra-
tia Spiritus sancti. Orig. (f)om. 29.)
Quando igitur legis Jesum plénum Spi-
ritu sancto, et in Actibus scribi de apos-
tolis quod repleti fuerint Spiritu sancto,
vide ne œqjjaies putes esse apostolos
Salvatori : quomodo enim si volueris
dicere : « Haec vasa plena sunt vino vel
oleo, » non statim dices quod œquali
DE SAINT LUC, CHAP. IV.
203
VOUS ne voulez pas toujours dire qu'ils en contiennent la même quan-
tité; de même aussi Jésus et Paul étaient pleins de l'Esprit saint, mais
le vase de Paul était beaucoup plus petit que celui de Jésus, et cepen-
dant chacun de ces vases était rempli suivant sa capacité. Or, le Sau-
veur, après avoir été baptisé et rempli de l'Esprit saint, qui était
descendu des cieux sur sa tète sous la forme d'une colombe, était con-
duit par l'Esprit, car tous ceux qui sont poussés par l'Esprit de Dieu,
sont enfants de Dieu [Rom.^ viii), mais Jésus était le Fils propre de
Dieu , d'une manière bien plus excellente que tous les autres. —
BEDE. Afin que personne ne put douter quel était cet Esprit qui, au
récit des Evangélistes, avait conduit Jésus dans le désert; saint Luc
dit en termes exprès : « Il était poussé par l'Esprit dans le désert pen-
dant quarante jours. » Il n'est donc pas possible de supposer que
l'esprit immonde ait pu avoir quelque autorité sur celui qui, rempli
de l'Esprit saint, agissait en tout d'après sa propre volonté. — Ch.
DES PÈR. GR. {Sev. d'Ant.) Mais comment le Sauveur a-t-il été comme
entraîné malgré lui, alors que nous-mêmes agissons en tout dans la
plénitude de notre libre arbitre? Il faut donc entendre ces paroles :
« Il était poussé par l'Esprit » dans ce sens, que c'est volontairement
qu'il a embrassé cette vie de solitude spirituelle pour donner lieu au
démon de le tenter. — S. Bas. {Ch. des Pèr. gr.) (1) Il ne provoque
point l'ennemi en le défiant par ses paroles, mais en l'excitant par
cette démarche, car le démon se plaît dans le désert et ne peut sup-
porter l(?s villes, où l'union des habitants est pour lui un sujet de
tristesse.
S. Ambr. Jésus était donc poussé dans le désert tout à la fois, par
(1) Cette citation porte tout à la fois dans la Chaîne des Pères grecs, le nom de Tite, de saint
Grégoire de Nysse et de saintiBasile ; mais on ne la trouve pas dans les ouvrages qui nous restent
de ces divers interprètes.
mensura sunt plena : sic et Jésus et
Paulus pleni erant Spiritu sancto; sed
vas Pauli multo minus erat quam Jesu
et tamen erat secundnin luensuram
suam utrumque repletum : acceplo ita-
que baptismo, Salvator plenns Spiritu
sfl/ic^o qui supra ouni iu specif^ cohimbaî
de cœiis vonerat, diu.obatur a spiriln ;
quia quotquot spiritu ducunlur, lii filii
Dei sunt {Rom., 8.), iste autom sui)ra
omnps proprie Fiiius Uei erat. Bed. Ne
oui autem veniret in dubium a quo
spiritu ductum (sive expulsum) alii evan-
«ïelistœ dicerent in desertum, consulte
Lucas demum intulit : « Et agebatur in
desertum a Spiritu quadraptinta diebus, »
ne quid coutra eum valuisse spiritus
putaretur immundus, qui plenus Spiritu
sancto, quaecunque volebat agebat. Gr^c.
{ici est, Severus Antiochenvs, in Cat.
Grxcorum Patrum.) Si vero nos arbi-
trio proprio nostram vitam disponimus,
quomodo ipse trahebatur invitus ? Quod
ergo dicitur : « Agebatur spiritu, » liu-
jusmodi habet iutellectum ; sponte spi-
ritualem duxit conversationem, ut lo-
cum exhiberet tentant! . Basil, {in Cat.
Grœcorvm Puirum.) Non enim verbo
provocans inimicum, sed opère incitans,
quœrit desertum : delectalur enim dia-
bolus in deserto, non patitur esse in
urbibus , contristat ipsum concordia
civium.
Ambr. Agebatur igitur cousilio in de-
204
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
un conseil divin pour provoquer le démon au combat, car si le démon
ne l'eût point attaqué, le Sauveur n'en eût point triomphé dans notre
intérêt; pour accomplir un mystère, c'est-à-dire, pour délivrer de
l'exil cet Adam qui avait été chassé du paradis dans le désert; enfin
pour nous apprendre par son. exemple que le démon voit avec un oeil
d'envie ceux qui tendent à une vie plus parfaite, et que nous devons
alors nous tenir sur nos gardes, pour ne pas nous exposer à perdre
par la faiblesse de notre àme la grâce du sacrement que nous avons
reçu : « Et il fat tenté par le démon. » — S. Cyr. Le voilà des-
cendu au rang des combattants, celui qui comme Dieu ordonne et
règle les combats ; le voilà parmi ceux qui sont couronnés, celui qui
place la couronne sur le front des saints. — S. Grég. {Moral. ^ m,
Il .) (1) Cependant l'ennemi de notre salut ne put ébranler par la ten-
tation l'âme du médiateur de Dieu et des hommes; il a daigné se sou-
mettre extérieurement à la tentation, mais en même temps son âme
demeurait intérieurement unie à la divinité sans que rien pût l'en
séparer. — Orig. [Iiom, 29.) Jésus fut tenté pendant quarante jours,
et nous ne savons quelles furent ces tentations, car peut-être les
Evangélistes n'en disent rien, parce qu'elles étaient trop fortes pour
être décrites. — S. Bas. Ou bien encore, on peut dire que le Seigneur
fut quarante jours sans être tenté, car le démon vo^^ant qu'il jeûnait
sans éprouver le besoin de la faim, n'osait s'approcher de lui : « Et
il ne mangea rien pendant ces jours, » etc. Notre-Seigneur a voulu
jeûner pour nous apprendre que la tempérance est nécessaire à celui
qui veut se préparer aux combats des tentations. — S. Ambr. Trois
choses donc concourent puissamment au salut de l'homme, la grâce
(1) Dans les anciennes éditions, chap. 13 sur ces paroles du chap. ?. du livre de Job : « Garde-toi
d'attenter à sa vie. »
sertum, ut diabolum provocaret ; nam
nisi ille certasset, uon mihi isle vicisset :
mysterio, ut illum Adam de exilio libe-
raret, qui de paradiso in desertiim ejec-
tus est; exemple, ut osteuderet nobis
diabolum ad meliora tendenlibus invi-
dere, et tune magis esse cavendum, ne
mysterii gratiam deserat menlis infirmi-
tas : unde sequilur : « Et tentabatur a
diabolo. » Cyril, [in Cat. Grœcorum
Patrum.) Ecce factus est in athletis ju-
bens agones ut Deus ; in liis qui coro-
nantur is qui coronat sanctorum verti-
ces. Greg. (III Moral., cap. 11.) Hostis
tamen uoster mentem Mediatoris Dei
et bominum tentatione quassare non va-
luit : sic enim dignatus est tentationes
exterius suscipere, ut tamen ejus mens
interius Diviuitati inbœrens inconcussa
permaneret. Orig. {Jiom. 29.) Tentatur
autem Jésus a diabolo (|uadraginta die-
bus, et quae fuerint tentamenta nesci-
mus ; qnse ideo fortasse preetermissa
sunt, quia majora erant quam ut litteris
traderentur. Basil, (ut sup.) Vel Domi-
nus per quadrageuam intentatus man-
sit, noverat enim diabolus quod jeju-
nabat et non famescebat ; et ideo non
audebat accedere : unde sequitur ; « Et
nihil manducavit in diebus illis, » etc.
Jejunavit siquidem ostendens quod illi
qui se vult ad pugnas tentationum ac-
cingere, sobi'ietas est necessaria. Ambr.
Tria igitur sunt quœ ad usum proficiunt
DE SAIXr LUC, CHAP. IV. 205
du sacrement, la solitude, le jeûne. Nul n'est couronné s'il n'a com-
battu en se conformant aux lois du combat (II Timoth., i, 5), et
personne n'est admis aux combats de la vertu avant d'être pu-
rifié des souillures de ses fautes et consacré par l'effusion de la
grâce céleste. — S. Greg. de Naz. [Disc. -40.) Le Sauveur a jeûné
quarante jours sans prendre aucune nourriture, car il était Dieu;
mais pour nous, nous devons proportionner la pratique du jeûne à
nos forces, bien que le zèle persuade à quelques-uns qu'ils peuvent
aller bien au delà. — S, Bas. (1) Cependant il ne faut point macérer
sa chair en la privant de nourriture, jusqu'à lui faire perdre toute
son énergie naturelle, ou jusqu'à réduire l'esprit à une extrême lan-
gueur par suite de l'épuisement complet du corps. Aussi Notre- Sei-
gneur ne prolongea son jeûne de la sorte qu'une seule fois, et dans
tout le reste de sa vie il se conforma pour la direction de son corps
aux lois ordinaires de la nature, comme Moïse et Elle avaient fait
eux-mêmes. — S. Chrts. {Jiom. 13.) Par un dessein plein de sagesse,
le Sauveur ne voulut point jeûner plus longtemps que n'avait fait
Moïse et Elle, pour ne point donner lieu de croire qu'il n'avait qu'un
corps imaginaire et fantastique, ou qu'il avait pris une nature supé-
rieure à la uôtr.^
S. Ambr. (2) Vous reconnaissez ce nombre mystérieux de quarante
jours, vous vous rappelez que les eaux du déluge tombèrent sur la
terre pendant le même nombre de jours; qu'après quarante jours
sanctifiés par le jeûne, Dieu ramena la douceur d'un ciel plus serein ;
que c'est après quarante jours de jeûne que Moïse fut jugé digne de
(1) Ce passage est composé de différentes parties empruntées au commentaire de saint Basile
sur haie, chap. 1 ; et à ses Constitutions monastiques, chap. b.
(2) Voyez pour les différents faits auxquels saint Ambroise fait ici allusion [Gènes., vu, 4, 12;
Deuter., ix, 9; x, 10; Exod., xvi, 35; Nombr., xiv, 33; Deuter., viii, 2; Josué, v, 6;
Actes, VII, 36.)
salutis humanse : sacramenlum, deser-
tum, jejunium. Nemo uisi qui légitime
certaverit, coronatur ; neuio autem ad
certamen virtutis admiUiturj nisi prius
ab omnibus ablutus maculis delit-torum
gratiae cœlestis munere conseeretur.
Greg. Nazian. [OratAO, post médium.)
Quadraginla siquidem diebus jejunavit
nihil luanducans (erat enim Deus.) Nos
autem jejunium possibilitati proporlio-
nanius ; licet zelus aliquibus progredi
suadeat ultra passe. Basil, [ut sup., in
Cat. Gracontm Palrum.) Sed tameu
non sic utendum est carne ut (per eges-
latem alimenti) naturalis vigor ejus sol-
vatur, ueque ul ad ultimalum torporem
iulellectus nrgeatur per dissolutionis ex-
cessum : unde Doraicus noster seniel
hoc peregil, sed per totum cousequens
tempus ordine debitogubernavit corpus,
et simililer Moyses et Elias. Cnnvs.
[hom. 13, in Matlh.) Valde autem pru-
denter factum est quod in jejunando
eorum non excessit numerum; ne scili-
cet putareUir apparenter venisse, non
autem récépissé vcram carnem aut prœ-
ter bumanam essenaluram.
Amb. Quadraginta autem dierum mys-
ticum numerum recoanoscis : tôt enim
diebus aquas aliy?si effusas esse memi-
nisti ; et tôt jejunio dierum sauctificato
refusam cœli serenioris ostendit clemen-
206 EXPLICATION DE l/ÉVANGlLE
recevoir la loi de la bouche de Dieu, et que pendant quarante années
les patriarches furent nourris dans le désert du pain des anges. —
S. AuG. {de l'accord des Evaiig., u, -4.) Ce nombre quarante est le
symbole de cette vie laborieuse, pendant laquelle, sous la conduite et
le commandement de Jésus-Christ notre roi, nous combattons contre
le démon. Ce nombre, en effet, signifie la durée de la vie présente;
ainsi chaque année se divise en quatre parties égales; de plus le
nombre quarante contient quatre fois dix, et ces quatre dizaines
forment quarante, multipliées par le chiffre qui part de l'unité pour
aller jusqu'au nombre quatre. Nous voyons donc ici que le jeûne
de quarante jours (où l'humiliation de l'âme) fut consacré sous la loi
et les prophètes par Moïse et par Elle, et sous la loi de l'Evangile par
le jeûne du Seigneur lui-même.
S. Bas. Mais comme il est au-dessus de la nature de l'homme d'é-
prouver le besoin de la faim, Notre-Seigneur se soumet à ce besoin
qu'il sait n'être point un péché ; et il laisse, lorsque telle est sa vo-
lonté la nature humaine soumise aux lois de sa condition : « Et quand
ces jours furent passés^ il eut faim. » Cette faim n'est point chez lui
l'effet d'une nécessité naturelle, mais il veut par là provoquer le dé-
mon au combat. En effet, le démon croyant que cette faim est Tindice
nécessaire de sa failjlesse, entreprend de le tenter, et cherchant pour
ainsi dire à inventer de nouveaux moyens de tentation, il conseille au
Sauveur, qu'il voit souffrant de la faim, d'apaiser sa faim avec des
pierres changées en pain : « Si vous êtes le Fils de Dieu, dites à cette
pierre qu'elle devienne du pain. » — S. Ambr. Les trois tentations du
Sauveur nous enseignent que le démon cherche surtout à blesser notre
âme par les trois traits de la sensualité, de la vaine gloire et de l'am-
tiam ; tôt jejunio dierum Moyses per-
ceptionem legis emeruit ; tôt annos in
eremo coDstituti patres panem angelo-
rum consecuti suut. Aug. {de tons.
EvuiKj., lib. u, cap. 4.) Namerus autem
iste laboriosi iiujus temporis sacramen-
tum est, quo sub disciplina régis Christi
adversus diabolum diuiicamus. Hic enim
numerus temporalein vitam signiiicat :
tempora euiui anuorum quadripartitis
vicibus currunl ; quadraginta autem qua-
ter babeut deceui : porro ipsa decem
ab uno usque ad quatuor progredieute
numéro consummautur : quod déclarât
quod quadraginta dierum jejunium (boc
est bumilialionem animée) consecravit
lex, et propbette per Moysen et Eliam, et
Evangelium per ipsius Domini jejunium.
Basil, {ut sup.) Verum quia non esu-
rire supra liominem est, assumpsit Do-
minus passiouem famis, judicaus eam
non esse peccatum, et coucessit cum vo-
luit naturœ liumanee quce sua suut pati
et agere : unde sequitur : « Et cousum-
matis illis, esuriit. » Non coactus ad
necessitatem quœ prjeest naturœ, sed
quasi provocans diabolum ad duellum :
sentiens enim diabolus quia ubi famés,
ibi imbeciiitas, aggredilur ad tentandum,
et quasi tentationum excogitator sive
inventer, tamen Cbrislo palienti suade-
bat lapidibus appelitum sedare : unde
sequitur : « Dixit autem illi diabolus :
Si Filius Dei es, die lapidi huic ut panis
fiat, » etc. Ambr. Tria prBecipue docemur
tela esse diaboli quibus ad convulne-
randam mentem hominis consuevit ar-
mari : yulœ unum, aliud jaclantix,
DE SAINT LUC, CHAP. IV. ÎO"?
bition. Il commence par la tentation qui avait autrefois triomphé
d'Adam. Apprenons donc à éviter la sensualité, à fuir l'impureté, car
ce sont les traits dont le démon veut nous percer. Mais que veulent
dire ces paroles : « Si vous êtes le Fils de Dieu ? » C'est que le démon
savait bien que le Fils de Dieu devait venir sur la terre, mais qu'il ne
ne croyait pas qu'il dût venir revêtu d'une chair passible et mortelle.
Le démon cherche tout à la fois à savoir ce qu'est le Sauveur et à le
tenter, il fait profession de .croire à sa puissance comme Dieu, et en
même temps il se joue de lui comme homme. — Orig. {hom. 29.) Le
père à qui son fils demande du pain ne lui donne pas une pierre, mais
le démon qui est un ennemi artificieux et trompeur, donne une pierre
pour du pain. — S. Bas. Il conseillait au Sauveur d'apaiser sa faim
avec des pierres, c'est-à-dire, de détourner le désir des aliments natu-
rels sur des choses qui sont en dehors de toute condition alimentaire.
— Orig. Nous pouvons dire que jusqu'à ce jour le démon, en leur
montrant une pierre, excite tous les hommes à dire : « Commandez
à cette pierre qu'elle devienne du pain. » Quand vous voyez, en effet,
les hérétiques manger au lieu de pain, le mensonge de leurs fausses
doctrines, soyez certain que leurs discours sont cette pierre qui leur
est montrée par le démon.
S. Bas. Notre-Seigneur Jésus-Christ, en repoussant les tentations,
ne délivre pas la nature de la faim, comme si elle était une cause
de mal, puisqu'elle a pour but, au contraire, la conservation de notre
vie ; mais en maintenant la nature dans ses propres limites, il nous
apprend quelle est sa nourriture : « Jésus lui répondit : L'homme né
vit pas seulement de pain, » etc. — Tuéophyl. C'est-à-dire, le pain
n'est pas le seul aliment qui entretienne l'existence de l'homme, le
tertium amhitionis. Inde ergo cœpit,
uiide jam vieil (scilicet Adairi.) Disca-
mus igilur cavcre gulam, cavere luxu-
riam, quia telum est diaboli. Sed quid
sibi vulltali» sermo; « si Filius Dei es, »
nisi quia coguoverat Dei Filium esse
veulurimi, sed venisse per haiic infir-
mitaleiii corporis non pulabat? Aliud
est exploranlis, et aliud, tentanlis : Deo
liroûtelur se credere, et honiiui couatur
illudiTe. Orig. [hom. 29.) Rogato auleui
paire a fîlio pauem, noc dante lapidem
]iro pane, isle (quasi adversarius versi-
pellis et faliax) pro pane dabat lapidem
quae sunt extra uaturam.) Orig. {ut sup.)
Puto etiam quod etusque hodie lapidem
diabolus oslendit, ut bortetur singulos
ad loquendum : « Die ut lapis isle panis
fiât. Si videris hœreticos dogmatum suo-
rum mendacium pro pane comedere,
scito lapidem eorum esse sermonem ,
quem monstrat eis diabolus.
Basil [id. sttp.) Dissipalor autem ten-
tationum Cbristus non repellit a natura
famem (quasi malorum causam, cura sit
poilus onservativa vilœ nostrae ; sed
naturam intra proprios fines conlinens,,
quale sit ejus uutrimentum oslendit) :
Basil, {nt sup.) Suadebat quidem lapi- ! unde sequitur : « Et respondit ad illum
dibus appelilum sedare ; hoc est permu- j Jésus : Scriplum est : Non in solo pane
lare desiderium ab alimento naturali ad ' vivit homo. » etc. Theoph. Quasi dicat :
existenlia praeter naturam (sive ad ea i Non solis panibus humana natura sus-
208
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
Verbe de Dieu peut lui seul alimenter et nourrir tout le genre hu-
main. C'est ainsi que le peuple d'Israël fut nourri pendant quarante
ans de la manne qu'il recueillait {Exod., xvi, 45), et des oiseaux qui
lui furent envoyés {Nomb., xi, 32); ainsi par l'ordre de Dieu, des cor-
beaux pourvurent miraculeusement à la nourriture d'Elie (III Rois,
XVII, 6); ainsi encore Elisée nourrit ses compagnons avec des herbes
sauvages (IV Rois, iv, 7). — S. Cyr. Ou bien dans un autre sens,
notre corps qui est d'origine terrestre, se nourrit d'aliments terrestres,
mais l'àme raisonnable puise dans le Verbe divin la force nécessaire
à la santé spirituelle. — S. Grég. deNaz. (1) Eu effet_, un aliment maté-
riel ne peut devenir la nourriture d'une nature incorporelle. —
S. Grég. de Nysse. {hom. 5 su?' l'Ecclés.) La vertu ne se nourrit donc
point de pain, et ce n'est pas la chair des animaux qui donne à l'âme
la santé et l'embonpoint spirituel ; la vie surnaturelle se développe et
s'accroît par d'autres aliments, sa nourriture c'est la tempérance, son
pain c'est la sagesse, la justice est son mets le plus exquis, la fermeté
sa boisson, son plaisir le goût de la vertu. — S. Ambr. Vous voyez de
quelles armes se sert le Sauveur pour défendre l'homme contre les
insinuations de l'esprit du mal qui lui suggère la tentation de la sen-
sualité. 11 n'use pas ici de sa puissance comme Dieu (quel avantage m'en
reviendrait-il?) mais il recherche comme homme le secours qui est à
la portée de tous les hommes, et tout occupé de la nourriture des di-
vins enseignements, il oublie la faim du corps, pour obtenir plus
sûrement la nourriture de la parole divine. En effet, celui qui fait
profession de suivre le Verbe ou la parole de Dieu, ne peut plus faire
d'un pain matériel l'objet de ses désirs, car les choses divines sont
infiniment au-dessus des choses de la terre. Ajoutons que par ces pa-
(1) lamhiques 18, sur la vertu, vers le milieu.
lentatur, imo sufficit Verbuoi Dei ad
nutrieodam universam naturam huma-
nam. Taliter pastus est israeliticus po-
pulus coUigens annis quadraginlamanua
(Exod., 16, vers. 15.), et gaudens vola-
tilium prœda. [N\im., 11, vers. 32.) Di-
vino consilio Elias coavivas habuit cor-
vos (111 Reg., 17, vers. 6.) ; Elisœus
herbis agrestibus socios uutrivit. (IV
Reg., cap. 4, vers. 9.) Cyril, [ubi sup.)
Vel aliter : terrenis cibis terrenum nos-
trum alitur corpus, anima vero rationa-
11s divino Verbo vigoratur, ad bonam
habitudinem spiritus. Et Greg. Naz. [ubi
sup. ex lambic ts.)^on enim uaturam ia-
corpoream corpus alit. Greg. Nyss. [in
Ecclesiasten, hom. o.) Uude nou alitur
virtus pane, nec per carnes bene se lia-
bet anima et pinguescit; aliis epulis vita
sublimis educalur et crescit ; nutrimen-
tum boni, castitas ; panis, sapientia;
pulmentum, juslitia ; potus, impassibilis
status; delectatio, bene sapere. Ambr.
Vides igitur quo génère utatur armo-
rum, quo homiuem a spirilualis nequi-
tise incussione defendat adversum inci-
tamenta gulae. Non enim quasi Deus
ulilur potestate (quid enim mihi prode-
ral) sed quasi bomo commune sibi ac-
cersit auxilium, ut divinœ pabulo lectio-
nis iutentus famem corporis negligat,
alimentum verbi acquirat : non enim
potest qui verbuni sequitur, panem
desiderare terrenum ; bumanis enim
DE SAINT LUC, CHAP. IV. 209
rôles : « L'homme ne vit pas seulement de pain. » Notre-Seigneur
fait voir que son humanité seule a été soumise à la tentation, c'est-
à-dire, ce qu'il avait pris de notre nature et non pas sa divinité.
V. S-8. — Alors le démon le conduisit sur une haute montagne, et il lui montra
en lui instant tous les royaumes de la terre, puis il lui dit : Je vous donnerai
toute cette puissance et toute la gloire de ces royaumes, car ils m'ont été livrés,
et je les donne à qui je veux. Si donc vous m'adorez, ils seront tous à vous.
Jésus lui répondit : Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu ne
serviras que lui seul.
Théophyl. L'ennemi de notre salut avait d'abord tenté Jésus-Christ
par la sensualité, comme il avait autrefois tenté Adam, il le tente en
second lieu par la cupidité ou par l'avarice, en lui montrant tous les
royaumes du monde : « Et le démon le conduisit sur une haute mon-
tagne, » etc. — S, Grég. {hom. 6 sw les Evang.) Qu'y a-t-il d'éton-
nant que le Sauveur ait permis au démon de le conduire sur cette
montagne, lui qui a bien voulu être crucifié par les suppôts et les
ministres du démon? — Théopeyl. Mais comment le démon a-t-il pu
lui faire voir tous les royaumes du monde? lien est qui prétendent que
cette vision fut toute intérieure, mais mon avis est qu'elle fut exté-
rieure et fantastique. — Tite de Bostpi. Ou bien le démon fît de vive
voix cette description du monde, et il le représenta à la pensée du
Sauveur, sous la forme d'une maison comme il le pensait. — S. Amb.
L'Evangéliste fait remarquer avec justesse que ce fut en un instant
qu'il montra tous les royaumes du monde, et il veut exprimer ainsi
la fragihté de cette puissance passagère, bien plu= que le tableau ra-
pide que le démon fit passer sous les yeux du Sauveur, car toutes ces
divina prœslare non dubium est. Siinul
cuni dixit : « non in solo pane vivit
liomo, » ostendit hominem esse tentatuni,
lioc est, siisceptionem nostrani , non
suam DLvinitatem.
Et diixit illum diabolus in montcm excelsum, et
ostendit illi omnia régna orbis terrœ in mo-
menlo temporis, et ait illi: Tibi dabn potcxia-
tem hanc universam et gloriam illorum , quia
tnihi tradita sunt, et oui volo do illa. Tu eryo
procidens si adoraveris coram me, eruni tua
omnia. Et respondens Jésus dixit illi: Scri-
plum est, Dominum Deum tuiim adorobis, ri illi
soli servies.
Theoph. Primo inimicus Clirislmn do
gula tentaverat, sicut et Adam, deinde
do oupiditate, sive avaritia, in hoc quo<l
lO.M. V.
ostendit ei omnia régna uiundi : unde
sequitur: «Et duxit illiuu diabolus, » etc.
Greg. {in hovi. 6, in Evanrj.) Ouid mi-
riim si so pormisit ab iilo in niontem
diici, qui se pertiilit otiam a niembris
ipsins f-ruciligi ? Toeoph. Sed qualiter
Ostendit ei omnia rogna orbis terrœ ?
Ouidem dicunt quod mente liœc ei os-
temlit: cgoantem dico quod sensibiliter
et in phautasia apparere facit. Titl'S Bos-
TRENSls. {in Cet. Gnvcornvi Patrnm.)
Vel descripsit orbeni vcrbo, et velut
quamdam dumum intentioni ejus ma-
nifestavit. ut existimabat. Ambr. Bene
uutcm in momento temporis régna
secnlaria et terrena monstrantur : non
euira tam conspectus celeritas indicatur
quam caducœ fragilitas potestafis expri-
14
210
EXPLICÀ.TION DE l'ÉVANGILE
choses passent en un moment, et souvent la gloire du siècle dispa-
raît avant qu^elle soit venue.
0 Et il lui dit : Je vous donnerai toute cette puissance, » etc. —
TiTE DE BosTR. Il faisait un double mensonge, car il ne possédait pas
cette puissance, et il ne pouvait donner ce qu'il n'avait pas. En effet,
la puissance du démon est nulle, et Dieu n'a laissé à cet ennemi que
le triste pouvoir de nous faire la guerre. — S. Ambr. Il est dit ailleurs :
a Toute puissance vient de Dieu, » c'est donc à Dieu qu'il appar-
tient de donner, de régler la puissance, mais c'est du démon que vient
l'ambition du pouvoir; ce n'est pas le pouvoir qui est mauvais, c'est
l'usage condamnable qu'on en fait. Quoi donc ! Est-ce un bien
que d'exercer le pouvoir? que de rechercher les honneurs? C'est un
bien d'exercer le pouvoir lorsqu'on vous le défère, mais non lorsque
vous l'usurpez. Et encore faut-il distinguer soigneusement ce bien,
car il y a un bien relatif dans ce monde, et il y a un bien absolu qui
consiste dans la perfection de la vertu. C'est ainsi qu'il est bien de
chercher Dieu et de ne se laisser détourner par aucune préoccupation
du soin assidu de connaître la Divinité. Or, si celui qui cherche Dieu
est bien souvent tenté par suite de la fragilité de sa chair et de la fai-
blesse de son esprit, combien plus celui qui est tout entier dans la
recherche des honneurs du monde. Le Sauveur nous apprend donc ici
à mépriser l'ambition, comme étant soumise à la puissance du dé-
mon (1). D'ailleurs la faveur publique a ses périls qui lui sont propres;
pour dominer les autres, il faut d'abord se faire leur esclave, il faut
se courber servilement sous la volonté des autres pour en obtenir les
honneurs qu'on désire, et tandis qu'on veut s'élever au-dessus de
tous , on s'abaisse et on s'avilit sous les dehors d'une humilité
(1) La fin de ce passage vient de saint Ambroise, comme une grande partie de ce qui précède.
mitur : in momeuto euim cuucta illa
praetereunt ; et sœpe honor seculi hiijiis
abiit antequam veuerit.
Sequitur : « El ait illi : Tibi dabo po-
testatem banc universam. » Titus neiiipe
Bostrensis {ubi sup.) lu utroque men-
tiebatur : neque enim liabebat. uec con-
ferre poterat quo carebat : nullius eiiiiii
obtinet potestatem , sed ad piiguam est
adversariiis derelictus. Ambr. Alibi enim
legitur {ad Rom., 13) quia « oninis potes-
tas a Deo est : » itaque a Dco est potes-
tatum ordinatio ; a uialo ambitio poles-
talis; nec est potestas mala, sed is qui
maie ulitur potestate. Quid ergo ? bonum
est uti potestate, studere honori ? bonum,
si deferatur, non si eripiatur. Distingue
tamen boc ipsuni bonum : alius enim
bonus in seculo , alius perfectae virtutis
usus. Bonum est enim Deum quœrere,
bonum est cognoscendae Divinitatis stu-
dium uullis occupatiouibus impediri.
Quod si is qui Deum quserit , propter
fragilitatem carnis et mentis angustias
scepe tentatur , quanlo magis qui secu-
lum quœrit obnoxius est; docemur ergo
ambitionem despicere , eo quod diabo-
licse subjacet potestati. Habet autem fo-
rensis gratia domesticum periculum ; et
ut domiuetur aliis prius servit; curvatur
ad obsequium , ut bonore douetur ; et
dum Yult esse sublimior. simulata huuii-
DE SAINT LUC. CHAP. IV,
211
mensongère. Aussi écoutez le démon : « Si donc vous voulez m'ado-
rer, » etc. — S. Cyril. Gomment toi, dont le sort est de brûler dans
un feu qui ne s'éteint pas, oses-tu promettre au Seigneur de toutes
choses ce qui lui appartient? Quoi ! tu as espéré avoir pour adorateur
celui dont la crainte fait trembler tout ce qui existe! — OrïGt. {hom.
30.) On peut encore expliquer ces paroles dans un sens tout différent.
Deux rois veulent régner ici-bas à l'envi l'un de l'autre, le roi du
péché, le démon veut régner sur les pécheurs; le roi de la justice,
Jésus-Christ sur les justes. Or le démon, sachant bien que le Christ
venait détruire son royaume , lui fait voir tous les royaumes du
monde, non pas le royaume des Perses et des Mèdes, mais son royaume
à lui, comment il règne sur le monde, c'est-à-dire, comment il règne
sur les uns par la fornication, sur les autres par l'avarice, et il lui fait
voir en un instant, c'est-à-dire, dans la durée du temps présent, ce
qu'il obtient en un instant en face de l'éternité. Le Sauveur n'avait
pas besoin qu'il lui mit devant les yeux un plus long tableau des
choses du monde ; aussitôt qu'il eut ouvert les yeux pour regarder,
il vit d'un seul coup d'œil le règne du péché et l'esclavage de ceux
qui étaient soumis à la domination des vices. Le démon lui tient donc
ce langage : « Vous êtes venu pour me disputer l'empire, adorez-moi,
et je vous donne le royaume qui est eu ma possession. Mais le Seigneur
veut régner, il est vrai, mais comme étant la justice, c'est-à-dire qu'il
veut régner sans péché; il veut que les nations lui soient soumises,
pour qu'il les place sous l'empire de la vérité , et il ne veut pas de ce
règne qui le soumettrait lui-même à l'empire du démon . « Et Jésus
lui répondit : Il est écrit : Vous adorerez le Seigneur votre Dieu, » etc.
— BEDE. Le démon fait au Sauveur cette proposition : « Si vous
litate fit vilior. Unde subdit : « Tu si
adoraveris coram me. » etc. Cvril. [in
Cat. Grœcoj-um.) Ouomodo tu cujus
sors est inextiuguibilis flaïuuia, qualiter
omnium Domino quce sua sunt spondes?
piitasti te cultorem liabere (vel adorato-
rem) cujus metu tremuut universa''
OniG. [hom. 30.) Vel aliter totum : duo
reges certatim regnare festiuant, j>eccati
rex peccatoribus , diabolus, et justiliaî
rex justis, Cliristus. Scicusque diabolus,
ail hoc venisse Cbristum ut regnuin ejus
tolleret, ostenditei omnia rogna mundi;
non quidem regnum Persaruui et Medu-
rum,sed regnumsuum, quoniodo regna-
ret inmundo ; quomodo scilicet alii reg-
nantura fornicalione, alii ab avaritia:et
ostendit ci in punclo temporis, hoc est in
prœsenti lemporum ciiriu, quid adconi-
parationem £eternitatis puncti obtinet
instar : neque enira necessarium babebat
Salvator ut ei diutius hujus seculi nego-
tia nionstrarentur; sod statim ut aciem
luniiuum suorum ad conteniplanduni
vertit , et peccata regnantia , et eos qui
regnarentur a vitiis couspexit. Dicit
ergo ad euui: « Veuisti ut adversus me
de imperio diniices '? Adora me, et ac-
fipe regnum quod leneo. » Verum Oo-
niinus vnlt, quidem regnare, sed quasi
justilia, ut absque peccato regnet, et vult
gentfs sdii esse subjectas, ut serviant
verilali ; nec sic vult regnare cteteris, ut
ipse rcgnetur a diabolo : uude sei|uilur :
« Et respondens Jésus dixit illi : Scrip-
tum est : Dominum Deuni tuum adora-
bis, » etc. Bed. Dicens diabolus Salva-
tori : (( Si procidens adoraveri^^ nie , »
212
EXPLICATION DE L EVANGILE
consentez à vous prosterner et à m'adorer, » et il apprend de sa
bouche, au contraire , que lui-même doit plutôt l'adorer comme son
Seigneur et son Dieu. — S. Gyr. {Très.) Mais pourquoi, si, comme le
veulent les hérétiques, il est fils de la créature, doit-il être adoré? Ou
est le crime de ceux qui adorent la créature au lieu du Créateur, si
nous-mêmes nous adorons comme Dieu le Fils qui n'est d'après eux
qu'uue simple créature ? — Orig. Ou bien dans un autre sens : Je veux
que tous les hommes me soient soumis, afin qu'ils adorent le Seigneur
leur Dieu, et ne servent que lui seul ; et tu veux que je commence
par donner l'exemple de la prévarication, moi qui suis venu pour dé-
truire le péché ? — S. Gi'R. {Ch. des Pèr. g7\) Cette parole pénétra
le démon jusqu'au fond de son âme. Avant la venue du Sauveur, il
avait partout des autels , et voilà que la loi divine le chasse du trône
qu'il avait usurpé, et déclare que l'adoration n'est due qu'à celui qui
est Dieu par nature. — Bède. Si l'on demande comment ce précepte,
de ne servir que Dieu seul , peut se concilier avec ces paroles de
l'Apôtre : « Assujettissez-vous les uns aux autres par une charité spi-
rituelle (G«/«/., v), nous répondrons que le mot dulie qui vient du
grec, exprime cette espèce de culte ordinaire et commun, que nous ren-
dons soit à Dieu, soit aux hommes, c'est dans ce sens qu'il nous est
commandé de nous rendre les serviteurs les uns des autres ; au con-
traire, le mot latrie signifie le culte d'adoration que nous devons à
Dieu, et qui nous ordonne de ne servir que lui seul.
y. 9-13. — Le démon le conduisit encore à Jérusalem, et l'ayant placé sur le
haut du temple, il lui dit : Si vous êtes le Fils de Dieu, jetez-vous d'ici en
bas; car il est écrit qu'il a ordonné à ses anges de vous garder, et qu'ils vous
porteront en leurs mains de peur que votre pied ne heurte contre la pierre.
e contrario audit, quod ipse magis ado-
rare eum debeat quasi Dominum et
Deum suum. Cyril. [In Thesaiiro.) Qua-
liter autem si secundum haereticos filius
est creaturas, adoratur? Quod crimen
inferretur adversus eos qui servierunt
creaturae, et non Creatori^ si Filium (se-
cundum eos creaturam existentem) coli-
mus tanquam Deum? Orig. [ut sup.)
Val aliter : hos (inquit) omnes propterea
mihi volo esse subjeclos, ut Dominum
Deum adorent, et ipsi soli serviant; tu
autem a me vis inciperepeccatum, quod
ego dissoluturus bue veni. Cyril, [in
Cat. Gnecomm.) Hoc autem mandatum
ejus tetigit intima : ante adventum enim
ejus ipse ubique colebatur; lex autem
divina ejiciens ipsum a dominio usur-
pato, adorare statuit solum eum qui
naturaliter Deus est. Bed. Quaerat autem
aliquis quomodo conveniat quod bic
praecipitur (soli Domino serviendum)
ApostoU verbo qui dicit [ad Gai. 5) :
« Per charitatem servite invicem ; » sed
in grœco dulia intel'igiturservitus com-
munis (boc est sive Deo sive bomini
exbibita), secundum quam jubemur ser-
vire invicem; latria autem vocatur ser-
vitus Divinitatis cuitui débita, qua jube-
mur soli Deo servire.
Et duxit illum in Hierusalem : et statuit eum su-
per pinnaculum templi, et dixit illi : Si Filius
Dei es, rnitte te hinc deorsum : scriptum est
enim quod angelis suis Deus mandavit de te ,
ut conservent te, et quia in manibus tollent te,
ne forte offendas ad lapidem pedem tuum. Et
DE SAINT LUC^ CHAP. IV. 213
Jésus lui répondit : Il est écrit : Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu.
Après avoir épuisé toutes ces tentations, le démon se retira de lui pour un
temps.
S. Ambr. a la tentation de sensualité succède celle de la vaine
gloire, qui fait tomber dans les honteux abaissements du péché ; car
aussitôt que les hommes cherchent à préconiser la gloire de leur vertu,
ils tombent du haut rang où leurs mérites les avait élevés : « Et le
démon le conduisit à Jérusalem, » etc. — Orig. {hom. 31.) Jésus sui-
vait le démon comme un athlète qui marche volontairement au com-
bat, et il semblait lui dire : Conduis-moi où tu voudras , tu me trou-
veras supérieur à toutes tes ruses et à toutes tes intrigues. — S. Ambr.
C'est le propre de la vaine gloire, en inspirant à celui qu'elle domine
de s'élever présomptueusement à un degré supérieur par la pratique
d'œuvres plus parfaites , de le faire tomber dans les actions les plus
humiliantes : « Et il lui dit : Si vous êtes le Fils de Dieu, jettez-vous
au bas, » etc. — S. Athan. {Ch. des Pèr. gr.) Ce n'est pas contre la
divinité que le démon engage le combat (il n'eût osé le faire) , aussi
c'est pourquoi il dit à Jésus : « Si vous êtes le Fils de Dieu , » mais
c'est contre l'homme qu'il avait autrefois réussi à séduire. — S. Ambr.
C'est bien ici la voix du démon qui cherche à précipiter l'homme du
haut rang où ses vertus l'ont élevé , mais il dévoile en même temps
toute sa faiblesse et toute sa méchanceté , puisqu'il ne peut nuire à
personne avant qu'on ne se soit pour ainsi dire précipité dans l'abime.
En effet, celui qui , aux choses du ciel, préfère les biens trompeurs de
la terre, se jette comme volontairement dans un précipice où il trouve
la mort. Cependant lorsque le démon vit son arme émoussée, lui qui
avait soumis tous le§ hommes à son empire , il jugea (juc Jésus était
respondens Jésus , ait illi : Dicturu est : Non
tentabis Dominum Deum tuum. Et consummala
omnitentalione, diabolus recessit ah illo usque
ad tenipus.
Ambu. Sequitiir jarlantL-f leluui, ijuo
in procUve dolimiuilur; quia diim hoiui-
nes gloriam virtuLis siiae jactare riesicle-
ranf, de loco meritoruin et stalione de-
cedunl : unde dicitur : « Et diixit illiiin
in Hierusalem , » etc. Orig. {/lom. 31.)
SequeVjatur plane quasi athleta , ad len-
lationein spontc proiicisceus ; et quo-
dammodo loquel)atur : « Duc quo vis, et
inveni"s me iu omnibus fortiorem. »
Ambr. Ista est autem jaclanlia, ut dum
se pntat nnusquisque ad altiora ronsceu-
dere , suliliminni usurpalione faclorum
ad inforiora trudatnr : unde sequitur :
« Kt dixil illi : Si Fiiius Dei es, uiitle te
deorsuni, >: etc. Atha. {in Caf. Grœco-
ruin Putrum.) Non autem contra Divi-
nilatcm certameu diabolus iniit (neque
eiiim audebat, et ideo dicobat : « Si
Filius Uei es), » sed cum liomine certa-
men iniit, quem quondani soducere po-
tuit. Ambr. Vere autem diabolica vox
est , quae meutem bomiuis de gradu
altiore meritoruin prœcipitare conten-
dit, simul infirmitatera suam diabolus
nialitiamcpie désignât ; quia neraini po-
test nocere^ nisi ipse deorsuin se mise-
nt : nam qui reiictis crelestibus torrena
eligit, voliintarium quoddani prœcipi-
tiuni vitai labentis incurrit ; sinud qiio-
niani lelum suuni diabolus vidit obtu-
sum. qui onuips liomines propriœ subje-
2U
EXPLICATION DE L EVANGILE
plus qu'un homme. Or, il est à remarquer que Satan se transforme
souvent en ange de lumière ([[ Corinth.^ xi), et dresse des pièges aux
fidèles à l'aide des saintes Ecritures : « Car il est écrit, » etc. — Orig.
[hom. 31.) Comment peux-tu savoir, ô démon ! que ces paroles se
trouvent dans l'Ecriture , as- lu jamais lu les Prophètes ou les saintes
Lettres? Oui, tu les a lus, non pour devenir meilleur par cette lecture,
mais pour tuer avec la lettre seule ceux qui s'atta( hent exclusivement
à la lettre. (II Corinth. , m.) Tu sais que si tu empruntais tes témoi-
gnages à d'autres livres, tu ne pourrais réussira tromper. — S. Ambr.
Ne v(jus laissez donc pas séduire par les hérétiques qui pourront vous
citer des témoignages de l'Ecriture , le démon lui-même a recours à
l'Ecriture, non pour enseigner , mais pour tromper. — Orig. Vous
voyez, du reste, l'artifice du démon jusque dans la citation de ces té-
moignages ; il veut amoindrir la gloire du Sauveur , comme s'il
avait besoin du secours des anges, et que son pied dût heurter , s'il
n'était soutenu parleurs mains. Or, ces paroles du Psalmiste ne s'ap-
pliquent nullement au Christ, mais en général à tous les saints ; car
celui qui est au-dessus de tous les anges n'a nullement besoin de leur
secours, Appreuds donc plutôt, ô esprit superbe, que les anges eux-
mêmes heurteraient leur pied , si la main de Dieu ne les soutenait,
c'est ainsi que toi-même tu es venu heurter contre l'écueil, parce que
tu as refusé de croire en Jésus-Christ , Fils de Dieu. Mais pourquoi
donc passes-tu sous silence les paroles qui suivent : « Vous marcherez
sur l'aspic et le basiUc, sinon parce «pie tu es toi-même ce basilic, ce
dragon, ce lion? a
S. Ambr. Cependant Notre-Seigueur , voulant nous apprendre que
tout ce qui avait été prédit de lui , ne devait pas s'accomplir selon le
cerat potestali, plus cœpil quam homi-
nem judicare. Transfigurât auteru se
Salarias velut angelum lucis, et de Scrip-
turis sœpe divinis laqueuiu fidelibus
parât : unde sequilur : « Scripturu est
enim, » etc. Orig. {ut supra , liom. 31.)
Lnde tibi , diabole , scire quod ista
scripta sunt ? nunquid legisti prophetas,
vel divina eloquia ? Legisti quidam, uou
ut ipse ex lectione eorum melior fieres,
sed ut de simplici littera eos qui ainici
sunt litterip, , interficias. Sois quia si de
aliis ejus voluniiiiibus loqui volueris,
non decipies. Ambr. Ergo non te capiat
lia>reticus , qui potesl de Scripturis
aliqua exenqjla proferre : utitur et dia-
bolus leslimoniis Scripturarum, non ut
doceat, sed ut fallat. Orig. {;ut sup.)
Vides auteni quomodo et in ipsis testi-
moniis versipellis est : vult eniiu mi-
uuere gloriam Salvatoris , ipiasi angelo-
rum indigeat auxilio, olTensurus pedem,
nisi eorum manibus sublevetur. Hoc
enim testimonium, non de Cbristo, sed
de sanctis generaliter scriptum est :
neque enim indiget augelorum auxilio
qui major est angelis. Quin polius disce,
diabole, quod nisi Deus adjuvaret ange-
los , offenderent pedem suum , et tu
propterea offendisti quia credere in
Jesum Cbristum , Dei Filium , noluisti.
Quare autem sile» quod sequilur : <■ Su-
per aspidem et basiliscum anibulabis, »
nisi quia tu es basilicus . lu draco, tu
leo.
Ambr. Sed Dominas rursus ne ea
quce de se fuerant prophetata , ad arbi-
trium diaboli putaret esse facienda , sed
DE SAINT LUC, CHAP. IV. 215
bon plaisir du démon, mais par la volonté souveraine de sa divinité,
déjoue les artifices de ce malin esprit , et comme il a emprunté ses
armes à l'Ecriture, le Sauveur lui oppose l'autorité triomphante des
Ecritures : « Et Jésus lui répondit : Il est écrit : Tu ne tenteras pas
le Seigneur ton Dieu. » — S. Chrys. {des hom. sur l'ép. aux Hébr.)
C'est en efîet une inspiration diabolique que de se jeter dans le danger,
pour tenter si Dieu nous en délivrera. — S. Cyr. Dieu accorde sou
secours, non à ceux qui le tentent, mais à ceux qui croient et espèrent
en lui ; aussi Jésus-Christ ne voulut point faire de miracles en présence
de ceux qui étaient venus pour le tenter : « Cette génération perverse,
disait-il, demande un prodige , et il ne lui sera point donné. » —
S. Chrys. {coimne précéd.) Voyez comme le Seigneur, sans être trou-
blé, discute humblement avec le démon, vous donnant ainsi un exemple
que vous devez imiter autant qu'il est possible. Le démon connaît les
armes dont Jésus- Christ s'est servi pour le terrasser, il l'a combattu
par la douceur, et en a triomphé par l'humilité. Vous donc aussi, si
vous rencontrez un homme devenu l'instrument du démon pour lutter
contre vous, cherchez à en triompher par les mêmes armes. Que votre
âme apprenne à conformer vos paroles aux paroles du Christ ; car de
même que le juge romain, assis sur son tribunal, n'écoute point la
demande de celui qui ne sait point parler son langage ; ainsi Jésus-
Christ ne vous exaucera point et ne prêtera aucune attention à vos
paroles, si vous ne parlez son langage.
S. Grég. de Nysse. Celui qui lutte suivant les règles , arrive au
terme du combat, soit que sou adversaire cède de lui-même au vain-
queur, soit qu'à la troisième défaite il dépose les armes suivant les
lois du combat : « JEt ayant épuisé toutes ses tentations , il se re-
Divinitatis propricB auctoritale servata,
versutia^ ejus occurril, ut quia Scriptu-
rarum exempluui prcetenderat, ScripUi-
rarum vinceretur exemplis : unde sequi-
tur : « Et respondons Jésus ail illi : Dic-
tum est quia non tentabis Donilnum, »
etc. Chrys. [in l'ut. Cracorum l'atnim,
ex homiliis ad Hebraos.) Diaboltcum
euim est seipsuni injicere ad pericula^
et tenlare au criplat Deus. Cyril, (in
Cat. Grœcorumxit sup.) Non tentantlbus
largitur Deus auxilia, sed credculibus
in euui : unde Chiislus tentantîbus eum
non ostendobat niiracula ; qiiibus dice-
bat {Malth.) : « Generalio prava siguum
quœrit, et non dabltur ei. » Chrys. {in
Cat. Cracorum Patnim, ex homiliis in
Matth.) Aspice autem quomodo unii
turbatus est Dominus, imo de Scripturis
bumilliuie cum iniquo disceptat ; ut
conformeris Christo pro posse. Novit
diabohis arma Christi quibus succubuit ;
ex mansuetudiue eum cœpit, ex bamili-
tate devicit. Tu quoque cum videris ho-
minem effet^tum diabolum et tibi ob-
viautem , eo modo devincas ; doceas
animam tuam formare os condecens ori
Christi : sicut enim cum romanus foi san
residel judex, non exaudiet responsum
ignorautis eo modo loqui quo ipse , sic
et Chrislus nisi suo modo loquaris^ non
exaudiet te, nec vacabit tibi.
Greo. Nyss. [uM stip.in Cal. Grœco-
rum Palrum.) Légitime aulcm pugnanti
agonum reperitur terminus , vel quod
adversarius sua sponlc cedat vinceuti,
vel trino casu deponitur secunduni pu-
guatorice artis decretum. Unde sequitur:
216
EXPLICATION DE l' ÉVANGILE
tira, » etc. — S. Ambr. La sainte Ecriture n'eût pas dit que le démon
avait épuisé toutes les tentations , si les trois qui précédent n'étaient
l'occasion de tous les crimes. En effet , toutes les tentations viennent
des concupiscences qui sont le plaisir de la chair , le désir de la gloire
et l'ambition du pouvoir. — S. Athan. L'ennemi de notre salut s'était
approché de Jésus comme d'un homme, mais n'ayant trouvé en lui
aucun des caractères de ses premiers ancêtres, il se retira. — S. Ambr.
Vous voyez donc que le démon n'est point opiniâtre dans ses pour-
suites, il cède le terrain à la véritable vertu , et s'il ne cesse point de
porter envie et de haïr, il craint de revenir à la charge^ parce qu'il
redoute la honte de fréquentes défaites. Aussitôt donc qu'il entend le
nom de Dieu, il se retire pour un temps, dit l'Evangéliste ; car il re-
vint plus tard, non plus pour tenter le Sauveur , mais pour le com-
battre à force ouverte. — Théophyl. Ou bien , comme il l'avait tenté
dans le désert par l'attrait de la sensualité^ il se retira de lui jusqu'au
temps de sa passion, où il devait le tenter par la crainte de la dou-
leur. — S. Maxim. Ou bien encore , le démon avait suggéré à Jésus-
Christ, dans le désert, de préférer les biens matériels à l'amour divin,
le Sauveur lui ordonne de se retirer, ce qui était un signe de l'amour
qu'il avait pour Dieu. Dans la suite , le démon s'efforça donc de lui
faire transgresser le précepte de l'amour du prochain, ainsi il excitait
les scribes et les pharisiens à lui dresser des embûches, alors qu'il leur
enseignait les sentiers de la véritable vie pour le forcer de les haïr.
Mais le Seigneur, ne perdant jamais de vue l'amour qu'il avait pour
eux, ne cessait de les avertir , de les reprendre et de leur faire du
bien.
S. AuG. [de l'accord des Evamj., ii, (3.) Saint Matthieu rapporte
« Et consummata oinni tentatione , re-
cessit, » etc. Ambr. Non dixisset Scrip-
tiira « omnem teiiLatiouem consumma-
taiii, » nisi in tribus praemissis esset
omnium materia deîictorum , quia
causœ teutationum causte cupidilatura
sunt,scilicetcarnisoljlectatio,spesglorise,
aviditas potentice. Athan. {in Cat. Grœ-
corum.) Accesserat quidem ad eum hos-
tis ut ad hominem, non inveniens autem
in ipso antiqui sui semiuis signa, disces-
sit. Ambr. Vides ergo ipsum diabolum
in studio non esse pertinacem , cedere
verœ solere virtuti, et si invidere non
desinat, tauien instare foi'midat , quia
frequentius refugit triumphari. Audito
itaque Dei nomine, recessit(iuquit) usque
ad tempus, postea euim non tentaturus,
sed aperte pugnaturus venit. Théophyl.
Vel quia de voluptate teutaverat iu de-
serto, recessit ab eo usque ad tempus
crucis, in que eum erat de Iristitia ten-
taturus. Maxi. (»1 Cat. Grœcorum Pa-
Irum.) Vel diabolus in deserto Christo
suggesserat praeferre mundi maleriam
diviuo amori, quem Dominiis retroce-
dere jussit (quod erat iudicium diviui
amoris.) Uude postea satagebat prœva-
ricatorem eum facere dilectiouis ad
proximos; et ideo doceute eo semitas
vit;c, provocabat ad illius insidias pha-
risaeos et scribas , ut ad eorum odium
perverteretur ; sed Dominus dilectionis
intuitu quani liabebat in eos, monebat,
arguebat , bénéficia conferre non cessa-
bat.
AuG. {de Coîis. Evang., lib. ii. cap. 6.)
Totum autem lioc similiter Mattheeus
DE SAINT LLC, CHAP. IV. 217
également Tensemble de ces tentations, mais dans un ordre dififérent.
Nous ne savons donc ce qui eut lieu d'abord, de la deuxième ou de la
troisième tentation, c'est-à-dire si le démon fit voir au Sauveur tous
les royaumes du monde avant de le transporter sur le pinacle du
temple; mais peu importe, dès lors qu'il est certain que ces deux faits
sont véritables. — S. Maxim. L'un des Evangélistes a placé la seconde
tentation avant la troisième ; l'autre , la troisième avant la seconde,
parce que la vaine gloire et l'avarice s'engendrent mutuellement. —
OfiiG. {hom. 29.) L'évangéliste saint Jean^ qui commence son Evan-
gile par la génération divine , et donne ce magnifique exode : « Au
commencement était le Verbe ^ » n'a pas raconté les tentations du
Sauveur, parce que la divinité dont il voulait surtout parler est inac-
cessible à la tentation. Au contraire , saint Matthieu , saint Marc et
saint Luc, qui avaient surtout pour objet de décrire la génération
temporelle, et la vie humaine de Notre- Seigneur, nous ont raconté sa
tentation.
y, 14-21. — Alors Jésus retourna en Galilée dans la vertu de l'Esprit de
Dieu, et sa reyiommée se répandit dans tout le pays d'alentour. Il enseignait
dans leurs synagogues et tous publiaient ses louanges. Etant venu à Nazareth
où il avait été élevé, il entra, selon sa coutume, le jour du sabbat dans la
synagogue, et se leva pour lire. On lui présenta le livre du prophète Isaïe ; et
l'ayant déroulé, il trouva l'endroit où il était écrit : L'Esprit du Seigneur est
sur moi, c'est pourquoi il m'a consacré par son onction, il m'a envoyé pour
évangéliser les pauvres, pour guérir ceux qui ont le cœur brisé ; pour annoncer
aux captifs leur délivrance, aux aveugles le bienfait de la vue, rendre à la
liberté ceux qu'écrasent leurs fers ; pour publier l'année favorable du Seigneur,
et le jour de la rétribution. Ayant replié le livre, il le rendit au ministre et
s'assit. Et tous, dans la^synagogue, avaient les yeux attachés sur lui. Et il
narrât, sed iiou eodeui (jrdiue : unde in-
certum est quid prius factum sil; utruui
régna terr.-E prius demoustrata sint ei,
et postea in piunam lonipli levatus sit,
an hoc prius , et illud postea : niliil ta-
men ad rem, dum omnia facta esse ma-
nifestum sit. Maxi. [ut sup.) OJj lioc
aulem evangelistaruui liane istc , illam
vero ille prainiittit : quia inanis gloria
et avaritia ad invicem sese gij^nunt.
OuiG. Uiom. 29.) Joannes autoin qui a
1)00 exordium fecerat , dicens : « lu
iniucipio erat Yerbuiu, » tentatiouem
Uoniini non descripsit; quia Deus teutari
non potcst, de quo ei erat sernio : ([uia
vero iu Mallluei Kvaui^'elio et in Luf;a
geueratio liominis describitur, et in Marco
homo est qui tentatur; ideo Matthœus,
Lucas et Marcus , teutationem Doiuini
descripserunt.
Et reyressus est Jésus in nirtiUe spiritus in Ga-
lilœam, et fama exiit per uniuersam regionem
de illo. Et ipse docebat in synagogis eorum,
et tnagnificahatur ab omnibus. Et venit Naza-
reth ubi erat nutrilus; et intramt secundum
consuetudinem suam die sahhati in synagogam,
et surrexit légère; et tradilus est illi liber
Isaiœ prophetœ;etut revolvit librum\ invenit
locum ubi script um erat : Spiritus Domini su-
per me, propter quod unxit me; eoangelizare
pauperibus misit me, sanare contritos corde,
prœdicare captivis remissionem, ; et cœcis vi-
sum; dimiltere confractos in remissionem; prœ-
dicare annum Domini acceplum, et diem retri-
butionis. Et cum plicuisset llhrum , reddidit
minislro , et sedit. Et omnium in synayogn
oculi erant intendenies in eum. Cmpit autem
218
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
commença à leur dire : C'est aujourd'hui que cette Ecriture que vous venez
d'entendre, est accomplie.
Orig. {hom. 32.) La victoire que Nôtre-Seigneur venait de remporter
sur le tentateur, donna un nouvel accroissement, ou plutôt un nou-
veau degré de manifestation à sa vertu : « Et Jésus retourna en Ga-
lilée dans la vertu de l'Esprit, » etc. — Bède. Cette vertu de l'Esprit,
c'est la puissance de faire des miracles. — S. Cyr. Le Sauveur ne
faisait pas des miracles par une puissance qui lui fut extrinsèque , et
comme les autres saints qui agissaient en vertu de la grâce de l'Esprit
saint qu'ils avaient reçue ; mais comme il était le Fils de Dieu par
nature, et qu'il entrait en participation de tous les attributs du Père,
il se sert pour agir de la vertu de l'Esprit saint comme lui appar-
tenant en propre. Il était du reste convenable qu'il se manifestât dé-
sormais et qu'il fit éclater aux yeux des enfants d'Israël le mystère de
l'incarnation : « Et sa renommée se répandit, » etc. — Bède. La sa-
gesse se rapporte à la doctrine , et la puissance aux œuvres , aussi
l'Evangéliste réunit ici ces deux attributs : « Et il enseignait dans les
synagogues, » etc. Le mot synagogue , qui vient du grec , veut dire
réunion (1), les Juifs appelaient ainsi non-seulement l'assemblée du
peuple^ mais encore le lieu où il se réunissait pour entendre la parole
de Dieu. C'est ainsi que nous donnons le nom d'églises aux lieux où
se réunissent les fidèles pour chanter les louanges de Dieu. Il y a ce-
pendant une différence entre le mot synagogue qui veut dire réunion,
et le mot église qui signifie assemblée ; des animaux , ou n'importe
quelles autres choses, peuvent former une réunion, tandis qu'une as-
(1) Le vénérable Bède donae ici l'étymologie de ces deux mots, d'après leur racine grecque, en
effet, le mot cryvaywYiQ, synagogue, vient de cryvàYW, qui veut dire réunir, et £y.x),ï]<y(a, église.
vient de £xy.à),£a) , qui signifie convoquer.
dicere ad illos , quia hodie impleta est /lœc
scriptura in auribus veslris.
Orig. {/wm. 32.) Quia Donihius teuta-
torem vicerat^ virtus ei addita est ; quan-
tum scilicet ad manifestationem : uude
dicitur : « Et regressus est Jésus in vir-
tute spiritus, » etc. Bed. Virtntem spiri-
tus signa niiraculorum dicit. Cyril. {i)t
Cat. Grœcorum Patruin , iibi svp.)
Agebat autem miracula, non ab extrin-
seco , et quasi acquisitaiu habens Spiri-
tus sancti giatiam (sicut alii sancti), sed
polius cum esset uaturaliter Dei Filius
et consors omnium quae sunt Patris,
tanquam propria virtute et operutione
utitur ea quae est Spiritus sancti. Dece-
bat autem ex tune eura notum fieri , et
humauationis fulgere mysterium apud
eos qui erant de sanguine Israël : ideo
sequitur : «Et fama exiit, » etc. Bkd.
Et quia sapientia pertinet ad doctrinam,
virtus vero rofertur ad opéra, utraque
bic conjunguntur. Unde sequitur : « Et
ipse docebat in synagogis , » etc. Syua-
goga graece latine dicitur conrjregatio :
quo nomine, non solum turbarum cou-
veutum, sed et domura in qua ad audien-
dum verbuni Dei conveniebant, Judaei
appellare solebaut , sicut nos ecclesias,
et loca, et eboros fidelium vocamus :
verum differt inter synagogam, quae
congregatio, et ecclesiam, quae conro-
catio inierpretatur, quia scilicet , et pe-
cora. et quaeque res congregari in unum
DE SAINT LUC. CHAP. IV. 219
semblée ne peut se composer que d'êtres doués de raison. C'est pour
cela que les docteurs apostoliques ont jugé plus convenable de donner
le nom d'Eglise , plutôt que celui de synagogue aux réunions du
peuple , élevé par la grâce à une plus haute dignité. C'est avec raison
que tous publiaient ses louanges, lui à qui tous les faits et tous les
oracles précédents avaient rendu un si éclatant témoignage : « Et il
était exalté par tous. » — Orig. Gardez-vous de penser que ceux-là
seuls furent heureux qui eurent le bonheur d'entendre les enseigne-
ments du Sauveur, et de croire que vous êtes privé de la même fa-
veur ; car aujourd'hui encore, il enseigne dans tout l'univers par ses
orgaiies, et sa gloire est célébrée par un plus grand nombre de voix
qu'au temps de sa vie mortelle , où les hommes d'une seule contrée
s'assemblaient autour de lui pour recevoir ses divines leçons.
S. Cyr. Notre-Seigneur se fait connaître à ceux parmi lesquels il a
passé les premières années de sa vie mortelle : « Et il vint à Naza-
reth, » etc. — Théophyl. Il nous apprend ainsi à instruire d'abord de
préférence nos proches, et à leur faire du bien avant de répandre sur
les autres les effets de notre charité. — Bede. Ils se réunissaient en
foule le jour du sabbat dans les synagogues , où , libres des préoccu-
pations des affaires du monde , ils pouvaient méditer dans un cœur
calme et tranquille les divins enseignements de la loi ; « Et il entra,
selon sa coutume, le jour du sabbat, dans la synagogue. — S. Ambr.
Notre-Seigneur s'est tellement familiarisé avec tous les abaissements,
qu'il n'a pas dédaigné l'humble fonction de lecteur : « Et il se leva
pour lire, et on lui donna le livre des prophéties d'Isaïe , » etc. Il prit
le livre pour déclarer que c'était lui qui avait parlé par la bouche des
prophètes, et pour écarter cette doctrine sacrilège, qui prétend que le
poàsuiit, coiivocari non pussuul , iiisi secunduui earnem : uude sequitur :
ratione utentia; ideo novae pratiîje po- I « Et venit Nazareth, » etc. Théophyl.
pulum quasi niajori difjnitate prœdituiri, [ Ut et uos doceal prius proprios beneti-
rectius ecclesicm quara si/nafjofjom no- ciare et docere, deiude et ad reli([U03
ininare aposlolicis doctoribus visntu est. ' amicitiaiu sparj^ere. Beda. Coiitluebant
Merito auteni et iiiaiiuificatus a prœsen- ! autem die sabbati in synago^'is, ut fe-
tibus , asseveratur prrecedentibus facto- ! riatis luuudi negoliis ad uieditauda le-
rum dictorumve indiciis, cuni sequitur: > gis uionita quieto corde résidèrent:
'< Kt magnificabatur ab omnibus. » Orig.
(ut sup.) Cave autem ne beatos tantuni
illos judices, et tearbitrerisprivatum esse
Chrisli doclrina ; quia nunc etiam in toto
orbe docet per orpana sua; et nunc
magis glorificatur ab omnibus, quam
iilo tempore , quo tantuni in una pro-
vincia congregabantur.
CvRiL. 'nbi sup.) Largitur autem sui
notitiam illis inter quos educatus est
unde sequitur : « Et iutravit secundum
consuetudiueni suam, die sabbali in
synagogam.» Ambr. Ita autem Domiuus
ad omuia se curvavit obsequia, ut ne
lectoris quideni aspernaretur officium :
unde sequitur: «Etsurrexit légère : et
traditus est illi liber, » etc. Accepit qui-
deni libruin, ul ostenderet seipsum esse
qui locutus est in proidietis, et reuio-
veret sacrilegia perlidorunr, qui alium
220
EXPLICATION DE L EVANGILE
Dieu de l'Ancien Testament n'est pas le même que le Dieu du Nouveau,
ou qui ne fait remonter l'origine de Jésus-Christ qu'à sa conception
dans le sein de la Vierge ; comment soutenir , en effet , que son exis-
tence date seulement de sa conception, lui qui faisait entendre sa voix
avant même que la Vierge existât ?
Orig. Or, ce ne fut point par hasard, mais par un effet de la Provi-
dence divine', qu'en déroulant le livre, il tomba sur la prophétie qui
prédisait sa venue : « Et l'ayant déroulé, il trouva l'endroit où il était
écrit, » etc. — S. Athan. (2" discours contre les Ar.) Il parle de la
sorte pour nous expliquer les causes de son incarnation et de sa ma-
nifestation en ce monde ; car de même que lui , qui , comme Fils de
Dieu, envoie et donne l'Esprit saint, ne fait pas difficulté d'avouer,
comme homme, que c'est par l'Esprit de Dieu qu'il chasse les démons;
de même , en tant qu'il s'est fait homme , il ne craint pas de dire
« L'Esprit du Seigneur est sur moi. » — S. Gyr. C'est ainsi que nous
confessons qn'il a reçu l'onction comme homme revêtu de notre na-
ture : « C'est pourquoi il m'a consacré par son onction ; » car ce n'est
pas la nature divine qui reçoit cette onction , mais la nature qui lui
est commune avec la nôtre. Ainsi encore lorsqu'il dit qu'il a été en-
voyé, il faut l'entendre de sou humanité ; « Il m'a envoyé évangéliser
les pauvres. » — S. Ampr. Vous voyez la Trinité coéternelle et par-
faite. L'Ecriture proclame que Jésus est Dieu parfait et homme par-
fait (^1), elle proclame également la divinité du Père et de l'Esprit saint
le coopérateur du Père qui est descendu sur Jésus Christ sous la forme
extérieure d'une colombe. — Orig. Les pauvres ici sont toutes les na-
tions pauvres en effet , parce qu'elles étaient dénuées de tout bien,
(1) Dieu parfait, homme parfait. (Symbole de saint Aihanase.)
Deum dicuut Veteris Testamenti, alium
Novi ; vel qui initium Cliristi diciint
esse de Virgine : quomodo euiui cœpit
ex Virgine, qui ante Virgiiiem loqueba-
tur?
Orig. (^utaup.) Nouauteui fortuitu re-
volvit librum, et caput de se valiciuaus
reperit lectiouis; sed lioc provideutite
Dei fuit : unde sequitur : « Et ut revol-
vit, inveuil locum, » etc. Atha. [Orat.
2, contra Arianos.) Explicans enim no-
bis causani facta? in mundo revelatiouis,
et suiB humauationis, hoc dicit: sicut
enim Filius (cura sit Spiritus dater) non
récusât fateri tanquam liomo, quod in
Spiritu Dei ejicit dœmonia ; ita non
récusât dicere : « Spiritus Domini su-
per me, » pro eo quod factus est liomo.
Cyril. {itOi sup.) Similiter autem fate-
mur eum unclum fuisse in quantum
carnem suscepit : unde sequitur: « Pro-
pterquod unxit me :))nou enim ungitur
diviua uatura, sed quod nobis coguatum
existit: sic et etiam et quod dicit se
missum, impulaudum est bumauitati :
nam sequitur : « Evangelizare pauperi-
bus misit me. » Ambr. Vides Trinitatem
coœternam atque perfectam : ipsum lo-
quitur Scriptura Jesum Deum iiomi-
nemque iu utroque perfectum; loquitur
et Patreui et Spiritum sanctum ; qui
cooperator ostenditur, quando corporali
specie, sicut columba, descendit in Cliri-
stum. Orig. (ut sup.) Paupcres autem
natioues dicit ; isti autem erant pauperes
nihil omuiiio possidentes, non Deum,
DE SAINT LUC. CHAP, IV. 221
sans Dieu, sans loi, sans prophètes, sans justice, sans aucunes vertus.
— S. AjrBR. Ou encore, il reçoit dans sa plénitude l'onction de l'huile
spirituelle et de la vertu céleste pour enrichir la pauvreté de la na-
ture humaine du trésor de sa résurrection. — Bède. Dieu l'envoie
prêcher l'Evangile aux pauvres, et leur dire : « Bienheureux vous qui
êtes pauvres, parce que le royaume des cieux est à vous. » — S. Cyr.
Peut-être veut-il dire par là que de tous les biens dont Jésus-Christ
est la source, la meilleure part est donnée aux pauvres en esprit. —
Suite, a Guérir les cœurs brisés. » Ces cœurs brisés ce sont les faibles,
dont l'âme est fragile, qui ne peuvent résister aux assauts des passions,
et à qui il promet le retour à la santé. — S. Bas. Il vient guérir les
cœurs brisés, c'est-à-dire ceux dont Satan a comme brisé le cœur par
le péché ; car il n'y a rien qui brise et écrase le cœur humain comme
le péché. — BÈDE. Ou bien encore , comme il est écrit que Dieu ne
rejette pas un cœur contrit et humilié {Ps. l), le Sauveur dit qu'il est
envoyé pour guérir ceux dont le cœur est contrit , selon cette parole :
« Il guérit ceux dont le cœur est brisé. »
« Et annonce la délivrance aux captifs. » — S. Ciirys. {sur le Ps.
cxxv.) Le mot captivité a plusieurs significations : il y a une captivité
bonne et louable, dont saint Paul a dit : « Réduisant eu captivité
toute intelligence sous l'obéissance de Jésus-Christ. » (II Co?\, x.)
Mais il y a une captivité mauvaise dont le même Apôtre a dit : « Ils
traînent captives de jeunes femmes chargées de péchés. » (II Timoth.,
m.) La captivité peut être corporelle et venir d'ennemis extérieurs ;
mais la plus affreuse est celle de l'àme, dont il est ici question, car le
péché exerce sur l'âme la plus dure tyrannie, il lui fait comme une
non legem, non prophetas, non justi-
Uam, reliquaaque virtutes. Ambr. Vel
universaliter ungitiir oleo spirituali et
vjrtute cœlesti, ut paupertatem conJi-
tionis humaua; thcsauro resurrectionis
rigaret aelerno. Beda. Miltitnr etiam
evangelizare pauperibus dicens: « Beati
pauperes, quia vestrum est regnum cœ-
lorum. » Cyril, {vbi siip.) Forsitan enim
pauperibus spiritu in his ostendit exlii-
bitum libérale donum inter omnia dona,
quae per Christum obtinenlur : sequi-
tur : « Sanare contrites corde. » Vocal
« conlritos corde, » débiles, fragileni
uientcm habentes, et resistere nequeun-
tes insultibus passionuui, quibus re-
medium sanitatis promittit. Basil, (/h
Cut. Grœcorum Patrum, ubi sup.) Vel
contritos corde venit sanare, id est, re-
médium dare habentibus cor contritum
a Satana per peccatum, eo^quod prae
cseteris peccatum cor humanum pros-
ternit. Beda. Vel quia scriptum est
{Psal. oO) : « Cor contritum et humilia-
tum Deus non spernit, » ideo missum
se dicit ad sanandimi contritos corde ;
secundum illud {Psal. 140) : « Qui sauat
contritos corde. »
Sequitur : « Et praedicare captivis re-
missionem. » Chrys. {in Psal. 125.)
Captivationis vocabulum multiplex est :
est enim captivatio bona, sicut Paulus
dicit (II Cor., 10) : «Captivantes omnem
iutellectum ad obedientiam Christi ; »
est et prava de qua dicitur (II ad Ti-
motlt., 3) : « Captivas abducentes mu-
lierculas oneratas peccatis : » est sensi-
bilis, quai est a corporalibus liostibus ;
sed deterior est intelligibilis, de qua hic
dicit : fungitur enim peccatum pessima
222 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
loi du mal, et la couvre de confusion lorsqu'elle lui obéit ; c'est de cette
captivité spirituelle que Jésus-Christ nous a délivrés. — Théophyl.
On peut encore entendre ces paroles des morts qui étaient aussi cap-
tifs, et qui furent délivrés du joug du tyran de l'enfer par la résur-
rection de Jésus -Christ.
« Et le bienfait de la vue aux aveugles. » — S. Cyril. Jésus-Christ,
le vrai soleil de justice, a dissipé ces ténèbres épaisses que le démon
avait amassées dans le cœur des hommes ; ils étaient enfants de la
nuit et des ténèbres, il les a faits enfants du jour et de la lumière,
au témoignage de l'Apôtre (I ThessaL, v) ; car il a fait entrer dans le
sentier de la justice ceux qui étaient égarés loin de la véritable voie.
« Rendre à la liberté ceux qu'écrasent leurs fers. » — Orig. Qu'y
avait-il, en eftet, de plus brisé, de plus broyé que l'homme, à qui
Jésus-Christ est venu rendre la liberté et la guérison? — Bède. Ou
bien encore, il est venu rendre la liberté aux opprimés, c'est-à-dire, à
ceux qui étaient comme écrasés sous le fardeau insupportable de la loi.
Orig. Toutes ces choses qui ont été prédites, la vue rendue aux
aveugles, la liberté aux captifs, la guérison à ceux qui étaient blessés,
nous amènent naturellement à l'année favorable du Seigneur : « Et
publier l'année salutaire du Seigneur. » Quelques-uns_, prenant ces
paroles dans leur sens le plus simple et le plus littéral, disent que le
prophète, en faisant cette prédiction, avait en vue l'année pendant
laquelle le Sauveur a prêché l'Evangile dans la Judée. Ou bien en-
core, cette année favorable du Seigneur, c'est toute la durée de l'exis-
tence de l'Eglise qui voyage loin du Seigneur, tant qu'elle reste dans ce
corps mortel (II Cor., v). — Bède. Ce ne fut pas seulement l'année de
tyrannide, prœcipiens inala et obedien-
tes confuudens : ab hoc intelligibili car-
cere nosChrislus eripuit. Theophylact.
Possunt autem et hœc de mortuis iu-
telligi, qui capti existentes, soluti suut
ab iuferui douiiaio per Christi resurrec-
tionem.
Sequitur: « Et visum csecis. » Cyril.
Proiluentes eoiin a diabolo tenebras in
corda hiiuiana Christus (quasi sol justi-
tiae) removit ; facieus homines iilios,
non noctis et tenebrarum^ sed lucis et
diei (ut Apcstolus ait I T/iessal., o) :
qui enim aliquando errabant, percepe-
runt justorum semitas.
Sequitur : « Dimittere coufractos in
remissionem. » Orig. {ut sup.) Quid
enim ita fractum atque collisum fuerat
ut bomo, qui a Jesu dimissus est et sa-
natus? Bed. Vel « dimittere confractos
iu remissionem, » id est, eos qui legis
pondère importabili fuerant depressi,
relevare.
Orig. (ut sup.) Ista autem omnia prœ-
dicta suut, ut post visionem ex caecitate,
post libertatem ex vinculis, post sanita-
tem a diversis vulueribus veniamus ad
annum Domini acceptum : uude sequi-
tur : « Praedicare annum Domini acce-
ptum. » Aiunt autem quidam juxtasim-
plicem intelligentiam, auuo uno Evan-
gelium Salvatoremin Judœaprœdicasse ;
et hoc est quod dicitur: « Praedicare
annum Domini acceptum. » Vel anuus
Domini acceptus est totum tempus Ec-
clesiae ; quo dum versatur in corpore,
peregrinatur a Domino. Beda. Neque
enim solus ille aunus quo Domiuus
DE SAINT LUC, CHAP. IV. 223
la prédication du Seigneur, qui fut l'année favorable, mais encore celle
où l'Apôtre disait dans ses prédications : a Voici maintenant le temps
favorable. » (Il Cor., vi.) Après l'année favorable du Seigneur, il
ajoute : « Et le jour de la rétribution, » c'est-à-dire, de la rétribution
dernière, où Dieu rendra à chacun selon ses œuvres. — S. Ambr. Ou
bien encore , cette année favorable du Seigneur , c'est l'année de
l'éternité, qui ne ramènera plus le cercle des travaux de ce monde, et
qui donnera aux hommes la jouissance des fruits éternels d'un repos
qui ne finira jamais.
« Ayant replié le livre, il le rendit, » etc. Il lut ce livre en présence
de ceux qui étaient là pour l'écouter, mais après cette lecture il le
rendit au ministre. En effet, tandis qu'il était dans le monde, il par-
lait publiquement, enseignant dans les synagogues et dans le temple,
mais lorsqu'il fut sur le point de remonter vers le ciel, il confia le mi-
nistère de la prédication à ceux qui avaient été dès le commence-
ment les témoins de ses actions et les ministres de sa parole. Il se tient
debout pour faire cette lecture, parce qu'en nous expliquant les Ecri-
tures qui se rapportaient à lui, il daignait agir dans la nature hu-
maine dont il s'était revêtu ; mais il s'asseoit après avoir rendu le livre,
parce qu'il rentre alors en possession du trône de son éternel repos.
En eflfët, celui qui agit se tient ordinairement debout, et c'est le propre
de celui qui se repose ou qui rend la justice d'être assis. Tel doit être
le prédicateur de la parole de Dieu, il doit se tenir debout pour lire,
c'est-à-dire, pour agir et pour prêcher; il doit s'asseoir, c'est-à-dire,
attendre le repos pour récompense. Il lut ce livre après l'avoir déroulé,
parce qu'il a enseigné à l'Eglise toute vérité par l'Esprit de vérité qu'il
lui a envoyé; il le rendit au ministre après l'avoir plié, parce que toute
doctrine ne peut être enseignée à tous indistinctement, mais les doc-
praedicabat fuit acceptabilis, sed etiam
iâte quopraedicatApostolus, dicen3(II ad
Cor., 6) : « Ecce uunc tempus aixepta-
bile. » Post aniiuin saue Douiiiii accepta-
bilem subdit : << Et dieni relributiouis, »
scilicet extremai, quando reddet unicui-
que secunduui opus suum. Ambr. Vel
diembunc « annum Domini acceptum »
dicit, perpetuis diffusum teinporibus, qui
redire in orbem laboris nesciat coiiti-
nuationcm fructus liominibus et quietis
indulgeat.
Sequitur : « Et cum plicuisset iibruiii,
reddidit, » etc. Bed. Librum audientibus
illis qui aderant, legit, sed lectum mi-
nistro reddit ; quia dura esset in mundo,
palam locntus est^ docens in synagogis
et interaplo; sed ad cœlestia reversurus,
bis qui ab initio viderant, et uiinistri
sermonis fuerant, evangclizandi ufficiura
tradidit. Stans legit, quia dum nobis
Scripturas quai de ipso erant, apcruit,
in carne dignatus est operari ; sed red-
dito libro, residet , quia se supernœ
quietis solio restituit : stare enim ope-
rantis est, sedere auiem quiescentis vel
judicantis : sic et prœdicator verbi sur-
gat et légat, id est, operetur, et prœdi
cet, et rcsideat, id est, prtuniia quietis
expectet. Revolutum auteiu librum le-
git, quia Ecclesiam misso Spiritu veri-
tatis omnem veritatem docuit; plicatuiu
niinistro reddidit, quia non oninia om-
nibus dicenda, sed pro captu audientium
224
EXPLICATION DE L EVANGILE
teurs sont obligés de proportionner leur enseignement à l'intelligence
de ceux qui les écoutent.
« Et tous dans la synagogue avaient les yeux attachés sur lui. —
Orig. Et maintenant encore, si nous le voulons, nous pouvons fixer
nos regards sur le Sauveur, car si vous dirigez l'intention de votre
cœur vers la sagesse, la vérité et la contemplation du Fils unique de
Dieu, vos yeux alors s'arrêtent sur Jésus. — S. Cyr. Il attirait sur lui
les regards de tous ces hommes étonnés de voir qu'il savait les Ecritures
sans les avoir apprises. Et comme les Juifs avaient coutume de dire
que les prophéties qui concernaient le Christ, avaient reçu leur accom-
plissement dans quelques uns de leurs chefs, de leurs rois ou des
saints prophètes, Notre-Seigneur leur fait voir en lui l'accompUssement
de cette prophétie : « Et il commença à leur dire : C'est aujourd'hui
que cette prophétie que vous venez d'entendre est accomplie. »
f. 22-27. — Et tous lui rendaient témoignage, et admirant les paroles de grâce
qui sortaient de sa bouche, ils se disaient : N'est-ce pas là le fils de Joseph? Alors
il leur dit : Sans doute vous m'appliquerez ce proverbe : Médecin, guéris-toi
toi-même, et me direz : Ces grandes choses que vous avez faites à Capharnaûm,
et dont nous avons ouï parler, faites-les ici dans votre patrie. Et il ajouta :
En vérité, je vous le dis, aucun prophète n'est accueilli dans sa patrie. Je vous
le dis en vérité, il y avait aux jours d'Elie, beaucoup de veuves en Israël,
lorsque le ciel fut fermé pendant trois ans et six mois, et qu'il y eut une grande
famine sur la terre, et cependant Elle ne fut envoyé à aucune d'elles, mais à
une veuve de Sarepta, dans le pays des Sidonieiis. Il y avait de même en
Israël beaucoup de lépreux aux jours du prophète Elisée ; et cependant aucun
d'eux ne fut guéri, si ce n'est Naaman le Syrien.
S. Ghrys. {hom. 49 swr S. Matth.) Notre-Seigneur s'abstient de
committit doctori dispensandumverbum.
Sequitur : " Et omnium in synagoga
oculi eraut inteudentes in eum, » etc.
Orig. Etnunc etiam, si volumus, oculi
nostri possunt intendere Salvatorem :
cum enim principale cordis tui direxeris
ad sapientiam, veritatem, Deique uni-
genilum contemplandum, oculi tui in-
tuentur Jesum. Cyril, {ubi sup.) Tune
autem omnium oculos convertebat ad
se, quodammodo stupentium qualiter
litteras novit quas non didicit. Sed quo-
niam mos erat Judaeis, promulgatas de
Christo prophetias dicere consummari,
vel in quibusdam eorum praeposilis, id
est, regibus, vel in aliquibus sanctis pro-
phetis, Dominus hoc precavit. Unde se-
quitur : « Cœpit autem dicere ad illos
quia impleta haec est scriptura, » etc.
Bed. Quia scilicet sicut illa scriptura
prœdixerat et magna faciebat, et majora
Dominus evangelizebat.
Et omnes tesiimonium illi dabani, et mirabantur
in verbis gratice qum procedebant de ore ip-
sius, et dicebant : Nonne hic est filius Joseph ?
Et ait illis : Utique dicelis mi/ii hanc similitu-
dinem : Medine, cura teipsum .' Quanta audivi-
mus facta in Capharnaûm, fac et hic in patria
tua. Ait autem : Amen dico vi:bis , quia nemo
propheta acceptus est in patria sua. In veritate
dico vobis , multœ viduœ erant in dieb'as
Eliœ in Israël, quando clausum est cœlum
annis tribus, et mensibus sex, cum facta essct
famés riiagna in omni terra, et ad nullam illc-
rum missus est Elias, nisiin Sarepta Sidoniœ
ad mulierem viduam. Et mulli leprosi eraut
in Israël sub Elisceo propheta, et nemo eorum
mundatus est, nisi Naaman Syrus.
Chrys. {hom. 49, in Matth.) Cum
DE SAINT LUC, CHAP. IV.
225
faire des miracles dans la ville de Nazareth, pour ne point exciter
contre lui une plus grande envie dans le cœur de ses habi-
tants. Mais il leur annonce une doctrine non moins admirable que
ses miracles, car les paroles du Sauveur étaient accompagnées d'une
grâce ineffable et divine qui charmait tous ceux qui -l'entendaient :
« Et tous lui rendaient témoignage, » etc. — Bède. Ils lui ren-
daient témoignage, en attestant qu'il était vraiment, comme il le
disait, celui que le prophète avait annoncé. — S. Ghrys. {hom. 49
sur S. Matth.) Mais les insensés, tout en admirant la puissance de
sa parole, n'ont que du mépris pour sa personne, à cause de celui
qu'ils regardent comme son père : « Et ils disaient : N'est-ce pas là le
fils de Joseph? » — S. Gyr. Mais fût-il , comme vous le pensez, le fils
de Joseph en serait-il moins digne de votre admiration et de vos hom-
mages? Ne voyez-vous pas les miracles divins qu'il opère, Satan ter-
rassé, et les nombreux malades qu'il a délivrés dé leurs infirmités? —
S. Ghrys. [hom. 4-9.) Longtemps après, et lorsqu'il avait rempli la
Judée de l'éclat de ses miracles, il revint à Nazareth; et ils ne purent
le supporter davantage, et ils manifestèrent contre lui l'envie la plus
noire et la plus ardente : « Et il leur dit : Sans doute vous m'appli-
querez ce proverbe : Médecin, guéris-toi toi-même, » etc. — S. Gyr.
G'était chez les Hébreux un proverbe de mépris ; ainsi on criait aux
médecins qui étaient malades : « Médecin, guéris-toi toi-même. » —
La Glose. Ils veulent lui dire : Nous avons appris que vous aviez
guéri un grand nombre de malades à Gapharnaûm, guérissez-vous
vous-même, c'est-à-dire, faites les mêmes prodiges dans votre ville,
lieu de votre conception et de votre première éducation.
S. AuG. [de l'ace, des Evang.^ ii, 12.) Puisque saint Luc rappelle
venisset Nazareth Dominus, a miraculis
abstinet, ne provocaret eos ad majorein
livorem. PrailenJil autem eis doctrinain
non minus admirandam miiaculiâ : erat
enim quœdam divina gralia ineffabilis
in diclis Salvatoris concurrims, animas
peruiulcens auditorum : uude dicitur :
«Et omues testimonium illi ilabant, » etc.
Bed. Testimonium illi dabant, altestando
illum vere esse, ut dixerat, de quo Pro-
pheta cecinerat. Chrvs. [hom. 49, in
Malth.) iSed stulti admirantes sermonis
virlulem, parvipendunt ipsum ab eo qui
putabalur pator : unde se. uitur : « Et
dicebanl : Nonne hic est filins Joseph?»
Cyril, (m Cat. Grœcorinn Potrum,
ubi sttp.) Sed quid irapedil ut venerabi-
lis et admirabilis sit, si fiiius esset (ut
putabalur; Joseph ? Nonne vides divina
TOM. V.
miracula ? Satanam jam prostratum,
nonnullos ab bis aegritudinibus libérâ-
tes ? CuRYS. [hom. 49, in Matth.) Post
nmltum enim tempus, signorum osten-
sionem, profectus est ad eos ; nec eum
sustinuerunt, sed iterum se succende-
bant invidia : uude sequitur : « Et ait
illis : Ulique dicetis mihi hancsimilitudi-
nem : Medice cura te ipsum, » etc. Cyril.
(ubi sup.) Commune quidem provcrbium
eratapud Hebraeos ad improperium ex-
cogitatum: clamabanl enim aliqui contra
medicos infirmos : « Medice, cura te-
ipsum. » Glossa. Quasi dicerent : Qui
in Capharnaum plures te curasse audi-
vimus, cura etiara teipsuin, id est, fac
simililer in tua civitate, ubi conceplus
et nutritus es.
AuGUST. {de L'on. Evang., lib. a,
15
226
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
ici les grands prodiges que Notre-Seigneur a déjà opérés, et qu'il sait
bien n'avoir pas racontés lui-même, il est donc évident que c'est en
connaissance de cause qu'il place en premier lieu cet événement. En
effet, la distance qui le sépare du baptême du Sauveur, est trop peu
grande pour qu'on puisse supposer qu'il a oublié qu'il n'a encore rien
dit de ce qui s'est passé dans la ville de Capharnaiim,
S. Ambr. Ce n'est pas sans raison que le Sauveur s'excuse de n'avoir
fait aucun miracle dans sa patrie, il ne voulait pas qu'on pût croire
que nous devions faire peu de cas de l'amour de la patrie : « Et il dit ;
Je vous dis en vérité, qu'aucun prophète n'est accueilli dans sa pa-
trie, » etc. — S. Cyr. Comme s'il leur disait : Vous voulez me voir opé-
rer de nombreux prodiges au milieu de vous, parmi lesquels se sont
passées mes premières années; mais je n'ignore pas un sentiment trop
commun à la plupart des hommes; ils n'ont que du mépris pour les
choses les plus excellentes, lorsqu'elles se répètent fréquemment et
comme à volonté. Il en est de même des hommes, celui avec lequel
on vit dans une espèce de familiarité cesse d'être respecté par ses
proches qui ont l'habitude de le voir toujours au milieu d'eux. —
Bède. Que le Christ soit appelé prophète dans les Ecritures, Moise en
fait foi quand il dit : « Dieu vous suscitera un prophète d'entre vos
frères. » [Deiiteroii., xviii.) — S. Ambr. Cet exemple nous apprend
qu'en vain nous espérons le secours de la miséricorde céleste,, si nous
portons envie au mérite de la vertu de nos frères. Dieu, en effet, mé-
prise souverainement les envieux, et prive des miracles de sa puis-
sance ceux qui persécutent dans les autres les bienfaits de sa main
divine. Les œuvres que Notre-Seigneur faisait pendant sa vie mortelle,
cap. 42.) Cum autem jam magna ab
illo facta fuisse commémorât, quae se
nondiim narrasse scit, quid evidentius
quam hoc emn scieuter prœoccupasse
iiarrandum ? Neque enim tantum ab
ejus baplismo progressas est, ut oblitus
pulelur nondum se aliquid commémo-
rasse de bis qufe in Capbarnaum gesla
fuerant.
Ambr. Non otiose autem Salvator se
excusât, quod nulla in patria sua mlra-
cula virtutis operalus sit ; ne forlassis
aliquis viliorem patriae nobis esse de-
bere pularet aifectum : nam sequitur :
« Ait autem : Amen dico vobis quia
nemo propbeta in patria, » etc. Cyril.
{ubi sup.) Quasi dicat : Vultis multa pro-
digia inter vos a me fieri, pênes quos
sum nutritus ; sed non latet me quaedam
communis, quae multis accidit, passio :
contemnuntur enim quodammodo sem-
per etiam optima quaeque, quando non
raro contingunt alicui, sed suppetunt
ad relie ; et sic etiam contingit in bo-
minibus : familiaris enim, quia semper
praeslo est, débita reverentia privatura
notis ejiis. Bed. Prophelam autem dici
ia Scripturis Cbristum et .Moyses leslis
est qui dicit (Deuteron., 18) : « Prophe-
tam vobis suscitabit Deus de fratribus
vestris. » Ambr. Hoc autem exemplo de-
claratur, quod frustra opem misericor-
diae cœlestis expectes, si aUente fructibus
virtutis invideas : aspernator enim Do-
minus invidorum est, et ab bis qui di-
vina beneflcia in aUis persequuntur,
miracula suae potestatis avertit. Domi-
uicce quippe carnis actus Diviuitatis
DE SAINT LUC, CHAP. IV. 227
étaient des preuves de sa divinité, et ses perfections invisibles nous
étaient manifestées par ce qui paraissait aux yeux. Voyez quel mal
produit l'envie, la patrie de Jésus est jugée indigne, à cause de son
envie, d'être témoin des œuvres du Sauveur, elle qui avait été jugée
digne d'être le lieu de sa conception divine.
Orig. {hom. 33.) A s'en tenir au récit de saint Luc, on n'y voit point
que Jésus ait fait jusque-là aucun miracle à Capharnaiim , car cet
Evangéliste raconte simplement qu'avant de venir à Capliarnaùm,
Jésus avait passé plusieurs années de sa vie à Nazareth. Je pense donc
que ces paroles des habitants de Nazareth : « Les grandes choses qu'on
nous a racontées que vous faisiez a Capharnaùm, » renferment quelque
mystère, et que Nazareth représente ici les Juifs, et Gapharnaùm les
Gentils. En effet, il viendra un temps où le peuple d'Israël dira : Mon-
trez-nous aussi ce que a'ous avez fait voir à tout l'univers, prêchez
votre doctrine au peuple d'Israël, afin que lorsque toutes les nations
seront entrées, le peuple d'Israël puisse aussi avoir part au salut. En
leur disant donc : Aucun prophète n'est accueilli dans sa patrie ,
Notre-Seigneur leur répondit dans un sens plus figuré que littéral. »
Il est vrai que Jérémie ne fut pas bien reçu daus son pays, et qu'il en
fut de même des autres prophètes. Cependant, voici le sens le plus
probable de ces paroles : Le peuple de la circoncision (1) fut la patrie
de tous les prophètes, et les nations reçurent avec plus d'empresse-
ment le témoignage de Moïse et des prophètes qui annonçaient Jésus-
Christ, que ceux d'entre les Juifs qui refusèrent de reconnaître Jésus
pour le Sauveur du monde.
S. Ambr. Notre-Seigneur apporte ici un exemple bien propre à ré-
(1) C'est-à-dire le peuple juif dont un des signes distinctifs était la circoncision.
exemplum est, et invisibiliu ejiis nobis
par ea quœ sunl visibilia, demonslran-
tur. Videte igitur quid mali iiividia af-
ferat : indigna propter invi liaui patria
judicatur in qua civis opcretur, quœ
digna fuit iu qua Dei Filiut concipere-
tur.
Orig. (liom. 33.) Quantu i ad Lucre
historiani perlinet , nondum in Caphar-
naùm fecisse aliquod siguu n describi-
tur : nam antequam veniret in Capliar-
naùm, in Nazareth vixisse h gilur, unde
puto iu yjrœsenti sernione ■ « Quajcun-
qiic audivimus faeta in Ca]iharnaum, »
aliqnid lalilare mysterii , cl Nozurelh
esse typum Jud^eorum, Cap/iarnouin
typura gentiuni :eritenim teiupusquando
dicturus est populus Israël : Qnab osten-
disti universo orbi, ostende et nobis;
prœdica sermonem tuum populo Israël,
ut saltem cum bubintraverit plenitudo
gentiuni , tune omnis Israël salvus fiât.
Quamobrem videlur mihi conveuienter
respondisse Salvator : « Nemo propheta
acceptus est in patria sua,» plus juxta
sacramenlum quaui juxta litteram; licet
et liieremias in Anathoth patria sua non
fueril acceplus, et reliqui prophetoi : sed
magis videtur mihi inlelligi, ut dicamus
palriam oumiuai prophetarum fuisse
populum circumcisionis : et natiouea
quidem susceperuut vaticiniuni Jesu
Chrisli, magis habentes Moysen et pro-
phetas de Christo prœdicantes, quam illi
qui ex bis non susceperunt Jesum.
Ambr, Bene autetu apto comparationis
228 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
primer l'arrogance de ses concitoyens envieux et jaloux, et il' leur
montre que sa conduite est conforme aux anciennes Ecritures • « Je
vous le dis en vérité, il y avait beaucoup de veuves en Israël aux
jours d'Elie, » non que ces jours appartinssent a Elie, mais parce
qu'il opéra ses prodiges dans ces joars (I). — S. Chrys. [hom. sur les
Ep. de S. Paul.) Cet ange terrestre, cet homme tout céleste, qui n'a-
vait ni demeure, ni table, ni vêtements, ce que le plus grand nombre
des hommes possède, portait dans une de ses paroles, pour ainsi dire,
la clef des cicux; ce que Notre- Seigneur indique par ce qui suit :
« Lorsque le ciel fut fermé pendant trois ans. » Or, lorsqu'il eut ainsi
fermé le ciel, et frappé la terre de stérilité, elle fut en proie à la fa-
mine, et tous les corps dépérirent : « Et qu'il y eut une grande famine
sur la terre. » — S. Bas. [Ch. des Pèr. gr.) (2) Lorsque, en effet, Elie eut
considéré que l'abondance était la source des plus grands scandales,
il imposa aux hommes par la famine, un jeûne nécessaire, pour
mettre ainsi un frein à leurs excès qui ne connaissaient plus de bornes.
C'est alors que l'on vit des corbeaux qui, d'ordinaire, dérobent aux
autres leur nourriture, devenir les messagers du ciel pour nourrir cet
homme juste. — S. Chrys. {comme pi^écéd.) Mais comme le fleuve où
il se désaltérait était desséché. Dieu lui dit : « Allez à Sarepta, ville
des Sidoniens, là je commanderai à une femme veuve de vous nour-
rir. » Et Notre- Seigneur ajoute : « Et Elie ne fut envoyé à aucune
d'elles, mais à une veuve de Sarepta, dans le pays des Sidoniens. »
Elie agit en cela par une disposition toute particulière de Dieu, qui le
conduisit par un long chemin jusque dans le pays de Sidon , afin
(1) On dit également : « Dans les jours d'Ozias, » etc. [Isai., i; Osée, i; Amos, i; Zachar.,
XIV, etc.)
(2) Cette citation est tirée en partie des deux premiers discours sur le jeûne, en partie d'un
discours prononcé dans un temps de sécheresse et de famine.
exemplo arrogantia civiuru invidorum
retundilur, dominicumque facluin Scrip-
turis docetur veteribus convenire : narn
sequitur : « In veritate dico vobis : Multae
viduœ eranlin Israël in diebus Elise :» non
quia Eliœ dies fuerunt , sed in qiiibus
Elias operatuâ est. Chrys. [in Caf. Grœ-
corum Putrum, ex homiliis in epi.tfohis
Pauli.) Ipse quidem terrestris angélus;
cœleslis bomo , qui nec teclum , nec
mensam, nec amictum habebat, ut multi,
clavem cœlorum gerit in liugua : et boc
est quod sequitur : « Quaado clausum
est cœlum, » etc. Postquam auleni cœlum
seravit (vel occlusit) terramque reddidit
sterilem, reguabat famés, et consunipta
sunt corpora : unde sequitur : « Cum
facta esset famés in terra. » Basil, {in
Cat. Grœcorum Patrum.) Ut enim as-
pexit ex saturitate non modicum gene-
rari opprobrium^ per famem illis jeju-
nium attulit; quo culpam eorum quae in
immensum crescebat, coliibuit. Corvi
autem facti sunt justo cibi uiinistri qui
consueverunt aliorum pabula usurpare.
Chrys. {ut snp.) Sed quoniam exsicca-
tus est fluviiis, ex quo pocula justo da-
bautur, « vade (inquit Deus) in Sarep-
tam Sidoniae : illic mandabo mulieri
viduse ut pascat te. » Unde et sequitur :
« Et ad nullam earum niissus est Elias,
nisi in Sareptam Sidoniae ad mulierem
viduam. » Quod ex quadam Dei dispen-
satione factum est : fecit enizu Deus
DE SAINT LUC, CHAP. IV. 229
qu'étant témoins de la famine qui désolait ces contrées , il priât Dieu
de répandre la pluie sur la terre. Or il y avait alors bien des riches
dans ce pays, et aucun d'eux n'imita l'exemple de cette -veuve, la vé-
nération qu'elle eut pour le prophète lui fît trouver des richesses, non
dans les biens qu'elle n'avait pas, mais dans sa bonne volonté.
S. Ambr. Dans le sens mystique, ces paroles : « Dans les jours d'E-
lie » (1), signifient qu'Elie était pour eux comme la lumière du jour,
parce qu'ils voyaient dans ses œuvres l'éclat de la grâce spirituelle qui
était en lui. Ainsi le ciel s'ouvrait pour ceux qui étaient témoins des
divins mystères, et il se fermait durant la famine, alors qu'il n'y avait
aucun moyen facile d'arriver à la connaissance de Dieu. Cette veuve,
â laquelle Elle fut envoyé, est une figure de l'Eglise. — Orig. Pendant
que la famine désolait le peuple d'Israël, afiamé d'entendre la parole
de Dieu, le prophète est venu trouver cette veuve, dont il est dit dans
le prophète fsaïe (liv) : « L'épouse abandonnée est devenue plus fé-
conde que celle qui a un époux, >> et en demeurant chez elle il multi-
plia son pain et ses autres aliments. — Bède. Sidonie veut dire chasse
inutile ; Sarepta signifie incendie ou disette du pain; toutes signifi-
cations qui conviennent parfaitement au peuple des Gentils. En effet,
livré tout entier à une chasse stérile, c'est-à-dire, à la recherche des
richesses et des gains du commerce de la terre, il était en proie à l'in-
cendie des concupiscences charnelles et à la disette du pain spirituel,
jusqu'à ce que l'intelligence des Ecritures ayant disparu complète-
ment par suite de la perfidie des Juifs, Elle, c'est-à-dire, la parole
prophétique, vint trouver l'Eglise pour nourrir et fortifier les cœurs
des vrais croyants qui le recevraient. — S. Bas. On peut encore voir
()) C'est-à-dire, Elie était cause que les jours existaient pour les Israélites. Saint Ambroise fait
ici allusion au soleil, r|).toç en grec, et établit une espèce de rapprochement avec le nom d'Elie.
eum per lonf;um iter pergere usque ia
Sidonem, ul visa mundi fauie, poscat a
Domino pluvias. Mulli autem tune tem-
poris opulenti eraiU, sed nuilus taie
aliquid fecit ut vidua. Reverentia enim
mulieris ad prophetam, non pr.ï:diorum,
sed voluntatià fiebant divitifc.
Ambr. Mystice autem dicit : « In die-
bus ElifE, » quia dies faciebat illis qui in
ejus operibus lucem videbant gratia;
spiritualis; et ideo aperiebatur cœlum
videnlibusdivina mysteria; clmdebalur,
quando fumes eral ; (juia nulla eral co-
gnos(;eDdœ Divinilalis ubortas. In vidua
autem illa ad quam Elias directus est,
typus Ecdesiae praemissus est. Orig.
Occupante enim famé populum Israël,
scilicet aiidiendi sermonem Dei, venit
Propheta ad viduam , de qua dicitur
Usai., o4) : « Multi filii desertae magis,
quam ejus quse habet virura ; » et cum
veuisset, panem illius et alimenta multi-
plicat. Bed. Sidonia autem venatio inu-
tilis ; Sarepta incendhim vel anguslia
punis iuterpretatur; quibus omnibus
gentilitas exprimitur; quae inutili vena-
tioni dedita (id est, lucris et negotiis
scculi •<erviens) ineendium carnalium
cupiditatum , panisquc spiritualis an-
gustiaspaliebatur; douée Klias (idost,pro-
pheticus sermo) cessante , Seriplurarum
intcUigentia pro perfidiaJudœorum, venit
ad Ecclesiam ut receptus pasceret et refi-
ceret corda credentium. Basil. Quaelibel
230
EXPLICATION DE l'ÉVANGïLE
ici la figure de toute âme veuve, pour ainsi dire, dénuée de force et
privée de la connaissance de Dieu, lorsque cette âme reçoit la parole
divine, en reconnaissant ses fautes, Dieu lui apprend à nourrir cette
parole avec le pain des vertus, et à arroser la science de la vertu avec
la source de la vie.
Orig. {hom. 33.) Notre- Seigneur cite encore un autre fait à l'appui
de la même vérité, en ajoutant : « Il y avait aussi beaucoup de lé-
preux en Israël, au temps du prophète Elisée, et aucun d'entre eux ne
fut guéri, si ce n'est Naaman le Syrien, » qui ne faisait point partie
du peuple d'Israël. — S. Ambr. Nous avons dit précédemment (1*) que
cette veuve vers laquelle Elle fut envoyé, et lit la figure de l'Eglise.
Or, dans un sens allégorique, le peuple s'apiDroche de l'Eglise pour
marcher à sa suite. C'est ce peuple composé drs nations étrangères, ce
peuple couvert de lèpre avant qu'il fût plongé dans le baptême du
fleuve mystique , mais qui après avoir reçu le sacrement de baptême
qui l'a purifié de toutes les souillures du co 'ps et de l'âme, a com-
mencé à devenir une Vierge immaculée sans rides comme sans taches.
— BEDE. En efi'et, Naaman qui veut dire ôeow, représente le peuple
des Gentils; il lui est ordonné de se laver sept fois, parce que le bap-
tême qui nous sauve est celui qui nous régénère par les sept dons de
l'Esprit saint. Sa chair,, après avoir été lavée, devient comme celle d'un
enfant, parce que la grâce, qui est notre mère, nous fait tous renaître
à une seule et même enfance, ou bien parce que nous sommes rendus
semblables à Jésus-Christ dont il est dit : « Un enfant nous est né. »
{haïe, IX.)
^. 28-30. — En entendant ces paroles, ils furent tous remplis de colère dans la
(1*) Nous avons dû compléter ce passage à l'aide du texte original pour en rendre le sens plus
intelligible.
etiam anima viduata et privata virtute
et divina nolitia, postquam divinum ver-
bum recipit, propria delicta cogaoscens,
docetur nutrire verbum virtutum paui-
bus, et irrigare fonte vitae doclrinam
virtutis.
Orig. (Iiom. 33.) Sed et aliud ad eum-
dem sensum pertinens loquitur , cum
subdit : « Et multi leprosi erant in
Israël sub ElisaiO propheta; et nemo
eorum mundatus est, nisi Naaman Syrus,»
qui utique non erat ex Israël. Ambr.
Mystice autem populus Ecclesiam con-
tingit, ut sequatur populus ille ex alieni-
genis congregatus ; ante leprosus prius-
quam mystico baptizaretur in flumine ;
sed, postsacramenta baptismatis maculis
corporis et mentis ablutus, immaculata
virgo cœpit esse sine ruga. Bed. Naaman
euim (qui decorns interprelatur) popu-
lum significat nationum, qui septies la-
vari jubetur, quia illud baptisma salvat
quod sepliformis Spiritus régénérât. Caro
ejus post lavacrum sicut pueri apparet,
quia mater gratia omnes in unam parit
iufantiam ; vel quia Christo conforma-
tur, de quo dicitur. {Isai., 9) : « Puer
natus est nobis. »
Et repied su»t omnes in synagoga ira, hœc au-
DE SAINT LUC, CHAP. IV.
231
synagogue. Et se levant, ils le chassèrent hors de la ville, et le menèrent
jusqu'au sommet de la montai] ne sur laquelle, elle était bâtie, pour l'en précipiter.
Mais Jésus, passant au milieu d'eux s'en alla.
Ch. des Pèr. gr. {Cyr.) Ils s'indignent contre lui, parce qu'il les a
repris de leur coupable intention : « En entendant ces paroles, ils
furent tous remplis de colère dans la synagogue. » Comme il leur
avait dit : Aujourd'hui cette prophétie s'est accomplie, o ils crurent
qu'il se comparait lui-même aux prophètes, et ils le chassèrent hors
de leur ville : « Et se levant, ils le chassèrent hors de la ville, » etc.
— S. Ambr. Il n'est pas étonnant qu'ils aient perdu le salut, eux qui
chassent le Sauveur de leur pays. Cependant le Seigneur qui avait
enseigné à ses Apôtres, par son exemple, à se faire tout à tous, ne
repousse pas les hommes de bonne volonté, mais il ne contraint pas
non plus ceux qui résistent; il ne lutte pas contre ceux qui le rejettent,
il ne fait pas défaut à ceux qui le prient de rester avec eux. Il fallait
cependant que leur jalousie fût bien grande pour leur faire oublier
les sentiments qui unissent d'ordinaire les concitoyens, et pour chan-
ger en haine mortelle les motifs de la plus légitime affection. En effet,
c'est alors que le Sauveur répandait ses bienfaits surtout le peuple, qu'ils
lui prodiguent leurs outrages : « Et ils le conduisirent sur le sommet
de la montagne pour l'en précipiter. » — Bède. Les Juifs, disciples du
démon, sont mille fois pires que leur maître lui-même; le démon s'est
contenté de dire à Jésus : « Jettez-vous en bas, » tandis que les Juifs
cherchent à le précipiter eux-mêmes. Mais Jésus change tout à coup
leurs dispositions, ou les frappe de stupeur et d'aveuglement, et des-
cend de la montagne, parce qu'il veut leur laisser encore l'occasion
de se repentir : « Or Jésus passant au milieu d'eux, s'en alla. » —
dientes. Et surrexerunt, et ejecerunt illum ex-
tra civitatem, et duxerunt illum usgue ad su-
percilium montis super quetn civitas itlorum
erat adificata, ul prœcipitarent eum : ipse au-
tem transiens per médium illorum ibat.
GR.tcus. {id est , Cijrillus in C'at.
Crœcoriim Potrum.) Quia pravani eorum
inlenlionem redarfjuerat, ideo indignan-
tur : et hoc est quod dicitur : « Et re-
plet! sunt omnes in synagoga ira , haec
audientes : » pro eo etiam quod dixerat :
« Hodie compléta est haec prophelia, »
arbitrât! sunt quod seipsum compararet
prophelis, et ideo indiguantur, et fuganl
eum extra civitatem : unde sequitur :
« Et surrexerunt, et ejecerunt illum,» etc.
Ambros. Nec mirum si perdiderunt
salutem , qui ejecerunt de suis liuibus
Salvatorem : Dominus autem (qui docue-
rat apostolos exemplo sui omnibus
omnia fieri) nec volentes répudiât, nec
invitos alligat; nec ejicientibus relucta-
tur, nec rogantibus deest. Non mediocris
auteni invidia proditur quoî civicae cha-
rilatis oblita, in acerba odia causas amo-
r!s inflectit : eum eniui ipse Dominus
per populos bénéficia difTunderet, illi
injurias irrogabant. Unde sequitur: «Et
duxerunt illum usque ad superciliuui
monlis ut prœcipitarent eum. » Bed.
Pejores sunt Judœi discipuli diabolo
magistro. lUe enim ait : « Mille te deor-
sum : » isli vero fado miltere conantur :
sed ille, mutata subito mente vel obstu-
pefacta, descendit, quia adhuc illis pœ-
nitentiœ locum réservât : unde sequt-
232
EXPLICATION DE l'ÉVANGILK
S. Chrys. {hom. -47 sur S. Jean.) Notre- Seigneur fait paraître ici
tout à la fois les attributs de la divinité et les signes de son humanité.
En effet, en passant au milieu de ceux qui le poursuivaient, sans qu'ils
puissent se saisir de lui, il montre la supériorité de sa nature divine ;
et en s'éloignant d'eux, il prouve le mystère de son humanité ou de
son incarnation. — S. Ambr. Comprenez encore ici que sa passion a
été non un acte forcé, mais complètement volontaire. Ainsi, on se
saisit de sa personne quand il le veut, il échappe à ses ennemis
quand il le veut; car comment un petit nombre de personnes au-
rait-il pu le retenir captif, puisqu'il ne pouvait être arrêté par un
peuple tout entier? Mais il ne voulut pas qu'an si grand sacrilège
fût commis par la multitude (1*); et il devait être crucifié par un petit
nombre , lui qui mourait pour le monde entier. D'ailleurs , son
désir était de guérir les Juifs plutôt que de les perdre, et il voulait
que le résultat de leur impuissante fureur leur fit renoncer à des des-
seins qu'ils ne pouvaient accomplir. — Bède. Ajoutons encore que
l'heure de sa passion n'était pas encore venue, puisqu'elle ne devait
arriver que le jour de la préparation de la fête de Pâques. Il n'était
pas non plus dans le lieu marqué pour sa passion, qui était figurée par
les victimes qu'on immolait, non pas à Nazareth, mais à Jérusalem.
Enfin ce n'était pas de ce genre de mort qu'il devait mourir, puisqu'il
était prédit depuis des siècles qu'il serait crucifié.
^. 31-37. — Et il descendit à Capharnaûm, ville de Galilée, et où il enseignait
les jours de sabbat. Et sa doctrine les frappait d'étonnement, parce qu'il leur
(1*) Presque toutes les éditions de la Chaîne d'or, se sont légué ici un énorme contre-sens qui
rendait d'ailleurs la pensée de saint Ambroise complètement inintelligible. On lit dans ces éditions :
<i Sed voluit sacrilegium esse multorum, ut a paucis quidem affligeretur, sed pro toto orbe more-
retur, » tandis que le texte original de saint Ambroise porte : a Sed noluit sacrilegium esse mul-
torum ut in auctores culpae crucis invidiam retorqueret ; atque a paucis quidem affîgereturj sed
pro toto orbe moreretur. » [sur saint Luc, iv, 5, 6.)
tur : « Ipse transiens per médium illo-
rum ibat. » Chrys. ihoin. 47, in Joan.)
In qiio et quae sunt hmiianitatis^, et quai
sunt Divinifatis ostendit : stare eum in
medio insidiantium, et non apprehendi,
Divinitatis emiuenliam ostendebal; dis-
cedere vero, dispensationis (id est, in-
caruationis) approbabat mysterium.
Ambr. Simul iutellige, non ex necessi-
tate fuisse , sed voluntariam corporis
passionem : etenim quando vult, capi-
tur ; quando vult, elabitur : nam quem-
admodum a paucis teneri potuit, qui a
populo non tenetur ? Sed noluit sacrile-
gium esse multorum , ut a paucis (|ui-
dem affigeretur, sed pro toto orbe mo-
reretur. Quin etiam malebat Judseos
adhuc sanare quam perdere , ut inef-
ficaci furoris exitu desinerent velle quod
implere non possent. Beda. Nondum
etiam venerat hora passionis , quae in
parasceve Paschse futura extiterat ; nec-
dum locura passionis adierat, qui, non
in Nazareth, sed Hierosoljnnis hostiarum
sanguine flgurabatur; nec hoc genus
mortis elegerat, qui crucifigendus a se-
culo preeconabatur.
Ef descendit in Capharnaûm, civiiatem Gali-
lœœ, ibique docebat illos sabbatis. Et stupebant
DE SAINT LUC, CHAP. IV.
233
_ parlait avec autorité. Or, il y avait dans la synagogue un hornme possédé
d'un démon impur, lequel jeta un grand cri en disant : Laissez-nous, qu'y a-
t-il de commun entre vous et nous, Jésus de Nazareth? Etes-vous venu pour
nous perdre? Je sais qui vous êtes, le saint de Dieu. Mais Jésus lui parlant
avec menace, lui dit : Tais-toi, et sors de cet homme. Et le démon l'ayant
jeté à terre au milieu de l'assemblée, sortit de lui sans lui faire aucun mal.
Et l'épouvante les saisit tous, et ils se disaient entre eux : Qu'est-ce que ceci ?
Il commande avec autorité et puissance aux esprits impurs, et ils sortent. Et
sa renommée se répandit de tous côtés dans le pays.
S. Ambr. En quittant la Judée, Notre-Seigneur ne cède ni à un sen-
timent d'indignation, ni au juste ressentiment du crime des Juifs; au
contraire, il oublie cet outrage pour ne se souvenir que de sa clé-
mence, et tantôt par ses enseignements, tantôt par les guérisons qu'il
opère, il cherche à toucher les cœurs de ce peuple infidèle : « Et il
descendit à Capharnaûm qui est une ville de Galilée, » etc. — S. Cyr.
Il connaissait bien leur penchant à l'indocilité et la dureté de leur
cœur, cependant il les visite comme un bon médecin qui s'efforce de
guérir des malades qu'il voit réduits à l'extrémité. Il enseignait sans
crainte dans les synagogues, selon ces paroles d'Isaïe : « Je n'ai point
parlé en secret, ni dans quelque coin obscur de la terre, » {Isaïe, xlv,
id.) Il choisissait le jour de sabbat pour discuter avec eux, parce que
c'était pour eux le jour du repos; ils furent donc étonnés de la gran-
deur de sa doctrine, de sa vertu, de sa puissance : « Et sa doctrine les
frappait d'étonnement, parce qu'il leur parlait avec autorité. » C'est-
à-dire, que ses paroles n'étaient point molles et flatteuses, mais entraî-
nantes, et qu'elles pressaient ceux qui les entendaient, de travailler à
leur salut. Mais les Juifs ne voyaient dans Jésus-Christ qu'un saint ou
un prophète ; aussi pour leur donner de lui une plus haute et une plus
in doctrina ejus , quia in potestate erat sermo
ipsius. Et in synagoga erat homo habens dœ-
monium immundum , et exclamamt voce ma-
gna, dicens : Sine, quid nobis et tibi, Jesu Na-
zarene ? Scio te, quia sis Sanctus Dei. Et in-
crepavit illum Jésus dicens : Obmutesce, et exi
ab eo. Et cum projecissel illum dœmonium in
médium, exiit ab illo , nihilque illi nocuit. Et
factus est timor in omnibus, et colloquebantur
ad invicem , dicentes : Quod est hoc rerbum,
quia in potestate et virtute impernt immundis
spiritibus , et exeunt ? Et divulgabatur fama
de illo in omnem locum regionis.
Amdros. Non indi^natione commotus
Doniinns nec scelere oiTensus Juduvain
desoruit , quinimo imineinor injuri.i',
memor clemeiitia! (nunc dofendo, uuuc
sanando) infidre plebis corda deraulcet :
undo dicitnr : « Et descendit in Caphar-
oaum civitatera, » etc. Cyril, (in Cot.
Grœcorum , ubi supra.) Quamvis enim
sciret quod inobedientes essenl et duri
cordis , tamen visitât illos , sicut bonus
medicus illos qui ultima laborant œgri-
tudine, tentât sanare. Docebat autem in
synagogis confidenter, secundum illud
Isaise (45 , vers. 19) : « Nequaquam
occulte locutus sum , nec in obscuro
loco teri-tE. » In sabbalo quoque dispu-
tabat cum eis , quia vacabaut. Mirati
sunt ergo de doctrinœ, virtutis et potes-
tatis magnitudine : uude sequitur : « Kt
stupeban* in doctrina ejus, quia in po-
testate erat sermo ejus.» Id est, non
biandus, sed impulsivus, vel incilatorius
ad salutem. Judaei autem putabaut esse
Christum, sicut aliquera Sanctorum aut
prophetarum. Ut autem majorem de eo
opinionem accipiant, transcendit mensu-
234
EXPLICATION DE l/ÉVANGlLE
juste idée, il s'élève' au-dessus du langage prophétique. Son exorde, en
effet, n'était pas comme celui des prophètes : « Voici ce que dit le Sei-
gneur; » mais comme maître de la loi, il enseigne une doctrine su-
périeure à la loi, et passe de la lettre à la vérité, des figures à leur
accomplissement spirituel. — Bède. On peut dire encore que la parole
d'un docteur a de l'autorité, lorsqu'il pratique ce qu'il enseigne, car
on n'a que du mépris pour celui dont la conduite est en opposition
avec ses discours.
S. Cyr. a la prédication de la doctrine, Notre-Seigneur joint avec
à propos des œuvres étonnantes, et persuade ainsi ceux que la raison
ne parvenait pas à convaincre de ce qu'il était : « Or, il y avait dans
la synagogue un homme possédé du démon, » etc. — S. Ambr. Notre-
Seigneur, en commençant le jour du sabbat les œuvres de la rédemp-
tion divine, veut nous apprendre que la nouvelle création commence
le jour même où l'ancienne création avait fini , et nous montrer tout
d'abord que le Fils de Dieu n'est pas soumis à la loi -, mais qu'il était
supérieur à la loi. Il commence encore le jour du sabbat, pour mon-
trer qu'il est le Créateur qui fait succéder aux œuvres anciennes des
œuvres nouvelles, et poursuit le dessein qu'il avait commencé à réali-
ser si longtemps auparavant. Semblable à un ouvrier qui veut rebâtir
une maison et qui en fait disparaître tout ce qu'elle a de ruineux, en
commençant, non par les fondations, mais par le faite et en démolis-
sant d'abord ce qui avait été construit eu dernier lieu. Ajoutons que
le Sauveur commence par des œuvres moins importantes pour arriver
à celles qui ont plus d'éclat. Les saints eux-mêmes peuvent délivrer
du démon au nom et par le Verbe de Dieu, mais il n'appartient qu'à
la puissance divine de commander aux morts de ressusciter (1).
(1) Comme lorsque Jésus Christ dit au fils de la veuve de Naïm : « Jeune homme, c'est moi qui
vous le dis; levez-vous, » {Luc, vu, 14); et à Lazare : a Lazare, sortez dehors. » [Jean, xi, 43.)
ram propheticam : non euim dicebat :
" Haec dicit Dominus » (ut prophelœ
consueverant dicere), sed sicut dominus
legis quae suut supra legem proferebat,
transferens litteram ad veritatem , et
figuras ad spirilualem. Beda. Sermo
etiam docloris in potestate fit , cuni ea
quae docet operatur : qui enim facto
destruitquod preedicat, contemuitur.
Cyrillus. {ut sitp.) Opportune autem
dogmatibus plerumque ardua miscet
opéra : quos enim non disponit ratio ad
cognoscendum , hos insligat signorum
ostensio : unde sequitur : « Et in syna-
goga erat homo habens daemonium, »
etc. Ambr. Sabbato medicinse divinee
opéra cœpta significat, ut inde nova
cœperit , unde vêtus creatura ante desi-
vit; née sub lege esse Dei Filium, sed
supra legeni in ipso principio designa-
ret. Beue etiam sabbato cœpit, ut ipsum
se ostenderet Creatorera, qui opéra ope-
ribus intexit, et prosequitur opus quod
ipse ante jam cœperat; ut si domura faber
renovare disponat, non a fundamenlis,
sed a culrainibus incipit solvere vetusta-
tem , ita ut ibi prius mauum adnioveat,
ubi ante desierat. Ueinde a minoribus in-
cipit , ut ad majora perveniat. Liberare
a daemone, etiam hominis sancti (sed in
Verbo Dei)po;sunt: resurrectionem mor-
tuis imperare, divinœ solius est potestatis.
DE SAINT LUC, CHAP. IV. ^S
S. Cyr. Les Juifs calomniaient la gloire de Jésus-Christ en disant :
a II chasse les démons par Beelzebub, prince des démons. » C'est
pour confondre cette accusation sacrilège, que les démons se trouvant
en présence de son invincible puissance, et ne pouvant supporter
l'approche de la divinité, jetaient des cris effrayants : « Et il jeta un
grand cri en disant : Laissez-nous, qu'y a-t-il de commun entre vous
et nous? » etc. — Bède. Comme s'il disait : Cessez un peu de nous
tourmenter, vous qui êtes complètement étranger à nos mauvais des-
seins. — S. Ambr. On ne doit point s'étonner de lire dans l'Evangile,
que le démon soit le premier à donner au Sauveur le nom de
Jésus de Nazareth; car ce n'est pas du dénaon que le Christ a reçu ce
nom, qui a été apporté du ciel par un ange à la très-sainte Vierge.
Mais telle est l'impudence du démon, qu'il cherche à introduire le
premier parmi les hommes, un usage, une coutume, et la présente
comme nouvelle pour imprimer une plus grande crainte de sa puis-
sance. Il dit donc : « Je sais qui vous êtes, le saint de Dieu. » —
S. Athan. Il l'appelle le saint de Dieu, non pas comme s'il était sem-
blable aux autres saints, mais comme étant saint d'une sainteté toute
particulière, saint par excellence et avec addition de l'article (I). En
effet, Jésus-Christ est le seul saint par nature, et les autres ne mé-
ritent le nom de saints que par leur participation à sa sainteté. Tou-
tefois en parlant de la sorte, le démon ne le connaissait pas en réalité,
mais il feignait de le connaître. — S. Cyr. Les démons s'imaginèrent
que ces louanges inspireraient au Sauveur l'amour de la vaine gloire,
et le détourneraient de s'opposer à leurs desseins, ou de les chasser, et
qu'il leur rendrait ainsi service pour service. — S. Chrys. {hom.
(r C'est-à-dire en grec ô àyijiz, ille sanctus, le saint, ou ce saint.
Cyrillus. {ubi sup.) Calumniabantur
autem Judœi gloriam Cbrisli, dicenles :
« Hic non ejicit daemones , nisi in Beel-
zebub , principe daemoniorum. » Ad
quod removendum cum repraesentaren-
tur daemones inviclae potestali e']u.è, nec
tolerarent congressum Deitatis , stevam
vocem emlttebant : unde etbiosequitur :
« Rt exclaniavitvoce magna dicens : Sine,
quid nobis et libi,» etc. Bed. Quasi
dicat : Paululum a me vexando quiesce,
oui nulla est societas cum nostra fraude.
Ambros. Nec quemquam movere débet,
quod Jesu Nazoreni nomen in hoc libro
diabolus dixisse primus inducitur. Nec
enim ab eo Christus nomen aecepit,
quod de cœlo angélus ad Virginem de-
lulit. Est bujus impudentise diabolus, ut
inter homines aliquid primus usurpet,
et ad homines quasi novum déferai ; quo
terrorem suae poteslatis inculiat. Unde
sequitur : « Scio enim te quia sis Sanctus
Dei. » Athan. {in Cat. Grœcoruiii Pa-
trtun.) Non dicebat eum Sanctum Dei,
quasi aliis sanctis similis esset, sed quasi
eo singulariter sancto exisiente , cum
arliculi adjectione : ipse est enim natu-
raliter saoclus, cujus participatione om-
nes alii sancti vocantur : neque tamen
hoc dicebat, quasi eum veraciter uosset,
sed se cognoscere fingebat. Cyril, {ubi
«uja.) Putaverunt enim daemones quod
per hujusmodi laudem facerent ipsum
inanis glorice amatorem; ut abstiner^t
eorum contrarietate (sive ab ils infes-
tandis) utpote pro gratia gratiam recom-
236 EXPLICATION DE l/ ÉVANGILE
sur la V^ Ep. aux Corinth.) Le démon voulut aussi bouleverser
l'ordre établi de Dieu, usurper la dignité des Apôtres et ranger un
grand nombre d'hommes sous son obéissance. — S. Athan. Bien qu'il
confessât la vérité, Jésus ne laisse pas de lui imposer silence ; il ne
veut pas qu'avec la vérité il puisse propager le mensonge, et il vou-
lait aussi nous accoutumer à ne faire aucun cas de semblables révéla-
tions, bien qu'elles paraissent conformes à la vérité, car c'est un crime
de choisir le démon pour maître, quand nous avons pour nous ins-
truire les saintes Ecritures : « Mais Jésus lui dit avec menace : Tais-
toi et sors de cet homme. »
BEDE. C'est par une permission divine que cet homme qui allait être
délivré du démon est jeté au milieu de l'assemblée, Dieu voulait ainsi
rendre plus éclatante la puissance du Sauveur, et en faire entrer un
plus grand nombre dans les voies du salut : « Et lorsqu'il l'eût jeté à
terre, » etc. Le récit de saint Matthieu paraît ici en contradiction avec
celui de saint Marc, où nous lisons : « Et l'esprit impur l'agitant vio-
lemment, sortit de lui en jetant un grand cri. » [Marc.^ i, 21.) Mais
on peut dire que ces paroles de saint Marc : « L'agitant violemment, »
ont la même signification que ces autres de saint Luc : « Et l'ayant
jeté au milieu de l'assemblée. » Quant aux paroles suivantes : « Et il
ne lui fit aucun mal, » il faut les entendre dans ce sens, que cette agita-
tion des membres et cette violente secousse ne fit éprouver à cet homme
aucune faiblesse, comme il arrive d'ordinaire, lorsque les démons ne
sortent des corps qu'ils possèdent qu'en coupant ou en brisant quelques
membres. Aussi ceux qui sont présents, sont-ils à bon droit surpris
d'une guérison aussi complète : « Et l'épouvante les saisit tous, » etc.
■ — Théophyl. Us semblent dire : Quel est cet ordre qu'il vient de don-
peusans. Chrys. [hom. 9, in \, ad Cor.)
Voluit etiam dœmon perturbare ordinem
rerum , et aposLolorum rapere dignita-
tem, et suggérera uiultis ut ei obediant.
Athan. («t/^î/^jyo.) Quamvis igiturvera
fateretur, compescebat tamen ejus ser-
monem; ne simul cum veritate etiam
snam iniquitatem promulget ; ut nos
etiam assuefaciat, ne curemus de talibus,
etsi vera loqui videantur : nefas euim
est ut cum adsit nobis Scriplura divioa,
instruamur a diabolo : uode sequitur .'
« Et iuerepavit illum Jésus , dicens :
Obmutesce, » etc.
Bed. Divina autem permissione libe-
randus a dsemone homo projicitur in
médium, ut virtus patefacta Salvatoris,
pluies ad viam salutis invitet : unde
sequitur : « Et cum projecisset illum, »
etc. Videtur autem repugnare quod hic
dicitur , Marco qui ait : « Et discerpens
eum spiritus immundus, et exclamans
voce magna, exivit ab eo : » nisi intelli-
gamus hoc dixisse Marcum, « discerpens
eum, » quod hic Lucas dicit : « Et cum
projecisset illum in médium;» ut quod
secutus, ait : « Nihilque illi nocuit, » in-
telligatur, quia jactatio illa membrorum
atque vexatio non eum debilitavit ; sicut
soient exire dœmonia, etiam quibusdam
membris ampulatis et evulsis : unde
merito pro tam intégra restitutione sani-
tatis mirautur. Nam sequitur : « Et factus
est pavor in omnibus, » etc. Théophyl.
Quasi dicant : Quale est prœceptum hoc
quod praecepit : « exi ab eo, » et exiit ?
DE SAINT LUC, CHAP. IV. 23T
ner au démon : « Sors de cet homme, » et il est sorti? — Bède. Les
saints peuvent également chasser les démons par la puissance du
Verbe de Dieu ; mais seul le Verbe de Dieu opère de semblables
miracles par sa propre puissance.
S. Ambr. Dans le sens allégorique, cet homme de la synagogue qui
était possédé de l'esprit immonde, c'est le peuple des Juifs qui, enlacé
dans les filets du démon, profanait la pureté apparente de son corps
par les souillures trop réelles de son âme, il était possédé de l'esprit
immonde, parce qu'il avait perdu l'Esprit saint, car le démon prenait
possession de la demeure que le Christ venait de quitter. — Théo-
PHYLACTE. Il en est encore beaucoup aujourd'hui qui sont possédés
du démon, c'est-à-dire, ceux qui accomplissent les désirs que les dé-
mons leur inspirent; c'est ainsi que les furieux sont possédés du
démon de la colère, et ainsi des autres. Or le Seigneur entre dans la
synagogue, lorsque l'âme de l'homme se trouve toute réunie, et il dit
au démon qui l'habite : Tais-toi, et aussitôt le démon jette cet homme
dans le milieu et sort de lui. Il ne convient pas, en effet, que l'homme
soit constamment dominé par la colère (c'est le propre des bêtes fé-
roces), ni qu'il soit inaccessible au sentiment de la colère (ce qui serait
insensibilité), mais il doit tenir un juste milieu, et manifester une
certaine colère contre le mal, et c'est pourquoi cet homme est jeté
au milieu de l'assemblée, lorsque l'esprit immonde sort de son corps.
y. 38, 39. — Jésus étant sorti de la synagogue, entra dans la maison de Simon
dont la belle-mère avait une grosse fièvre, et ils le prièrent pour elle : Alors,
se tenant debout auprès d'elle, il commanda à la fièvre, et la fièvre la quitta ;
et s'étanl levée aussitôt, elle se mit à les servir.
S. A3IB. Après la délivrance de cet homme possédé de l'esprit im-
Bed. Expellere quidem daemonia et ho- 1 congregata; et tune dicit daiinoui iuha-
mines sancli (sed inVerbo Uei)po3sant; bitanti : Ohmutesce ; et statim ejiciens
ipsum aiileiii Dei Verbtim propria po- eum in mediimi egreditur ab eo : non
leslate virtutes operatur. enim decet homineiii seniperiracunduin
Amur. Myslioe auteiii qui in synagoga esse (bestiale namqiie lioc est), necsem-
spiritiun habebat immundum, populus | per absque ira (insensibile namque hoc
est), sed médium iter ambulare oportet,
et iram contra mala habere, et sic proji-
citur liomo, cum immundus spiritus ab
eo egreditur.
Surgens aulem Jésus de synagoga , iniroiuit in
domum Simonis. Socrus aulem Simonis tene-
batur maynis febribus, et rogaaerunt illumpro
ea. El slans super illam imperavit febri,et di-
misit illam. Et continua surgens ministrabat
mis.
Ambr. Postquam Luras virum a spi-
est Judaîonim, qui iunodalus diaboli
laqueis, simukitam corporis munditiam
interioris mentis sordibus inquinabat;
et bene spiritum immundum habebat,
quia Spirilain sanctum amiseral; in-
tiuierat enim diai)olu3 unde Chrislus
exierat. Tueopiiylact. Sciendum est
eliam, qiioJ multinunc daemonia habent;
scilicet qui daimouiorum desidcria im-
plent; ut furiosi habent dœmonium ira;,
et sic de cœteris; sed Dominas in syna-
gogam veuit, cum mens hominis fueril
238 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
pur, saint Luc raconte immédiatement la guérison d'une femme, car
le Seigneur était venu guérir l'un et l'autre sexe, et il devait commen-
cer par celui qui fut créé le premier : « Et étant sorti de la synagogue,
il entra dans la maison de Simon. » — S. Ghrys. [hom. 28 sur
S. Matth.) n demeurait ainsi volontiers chez ses disciples, pour leur
témoigner de l'honneur et leur inspirer un plus grand courage et un
zèle plus ardent. — S. Gyr. Considérez la condescendance du Sauveur,
qui demeure chez un homme pauvre, lui qui, de sa pleine volonté,
s'est soumis à toutes les privations de la pauvreté, pour nous apprendre
à aimer le commerce des pauvres, et à ne jamais mépriser les indi-
gents et les malheureux.
« La belle-mère de Simon avait une forte fièvre, et ils le prièrent
pour elle. » — S. Jér. Tantôt le Sauveur attend qu'on le prie, tantôt
il guérit de lui-même les malades qui se présentent. Il nous apprend
par cette conduite, qu'il accorde aux prières des fidèles ces grâces
puissantes qui aident les pécheurs à triompher de leurs passions, et
que quant aux maladies intérieures qu'ils ne connaissent pas, ou bien
il leur en donne l'intelligence , ou il leur pardonne ce qu'ils ne
comprennent pas, selon ces paroles du Psalmiste ; « Qui peut con-
naître ses péchés? Purifiez-moi de celles qui sont cachées en moi. »
{Ps. XVIII.) — S. CuRTS. Que saint IMatthieu ait passé ce fait sous
silence, cela ne fait aucune contradiction, et n'a d'ailleurs aucune
importance, l'un s'est appliqué à être court, l'autre a voulu donner
une explication plus complète. — Suite. « Alors se tenant debout
auprès d'elle, » etc. — S. Bas. {et Orlg., Ch. des Pèr. ç/r.) D'après le
récit de saint Luc, Notre- Seigneur tient ici un langage figuré, il parle
à la fièvre comme à un être animé et intelligent, il lui commande de
ritu nequitifE liberatura ante prasmisit, ] Modo Salvator logatus, modo ultro cu-
subslituit femiûSî sanitatem; utrumque
enini sexum Domiuus curaturus advene-
rat, et propior sanari debiiit, qui prior
creatus est : unde dicitur : « Surgens au-
tem de syoagoga , introivit in domuni
Simonis. » Chuvs. [hom. 28, in Mutlh.)
rat œgrotos ; ostendens se contra pec-
calorum quoque passiones et precibus
semper annuere fidelium, et ea quae ipsi
minime in se intelligunt, veliutelligenda
dare, vel non intellecla dimittere ; se-
cundumillud [Psal. d8) : « Delicta quis
Manebat enim apud discipulos honorans j intelligit? ab occullis meis munda me,
ipsos; et ob hoc animosiores reddens. Domine. » Chrys. (ut svp.) Quod autem
Cyril, {in Cat. Grœconim Putnim.) \ Jlattbœus hic reticuit, non differt, vel
Aspice autem quomodo manet pênes vi- j nihil refert : illud enim est brevilalis,
rum inopem Chrislus, qui spontanea vo- hoc autem exquisitae interpretationis :
luntalepaupertatempronobispassusest; ' sequitur : « Et stans super illam, » etc.
ut discamus cum pauperibus conversaii,
nec spernere depressos et pauperes.
Sequitur : « Socrus autem Simonis
tenebatur magnis febribus, et rogaverunt
iUum pro ea. » Hier, [super Matthœum.)
Basil, [et Origen in Cat. Grotcorum
Patriim.) In quo Lucas figuravit ser-
monem tanquam de prœcepto animah
sensibili facto, sic dicens febri impera-
tum, et quod febris non omisit imperan-
DE SAINT LUC, CHAP. IV.
sortir, et la fièvre obéit à ce commandement : « Et la fièvre la quitta,
et s'étant levée aussitôt, elle se mit à les servir. » — S. Chrys. Gomme
cette maladie n'est pas incurable, Notre-Seigneur fait éclater sa puis-
sance par la manière dont il la guérit, et en faisant ce que toute la
science médicale n'aurait jamais pu faire. Car après que la fièvre a
disparu, les malades sont encore bien longtemps à revenir à leur pre-
mier état de santé, tandis qu'ici la cessation de la fièvre est suivie
d'une guérison complète.
S. Ambr. Si nous voulons examiner ce fait miraculeux à un point
de vue plus élevé, nous devrons y reconnaître la guérison de l'âme
aussi bien que celle du corps, et c'est l'esprit qui a souffert le premier
des atteintes mortelles du serpent qui est aussi guéri le premier.
D'ailleurs, Eve ne désire manger du fruit défendu qu'après avoir été
séduite par la ruse perfide du serpent; c'est pourquoi le femède du
salut devait agir d'abord contre l'auteur même du péché. Peut-être
aussi cette femme est-elle la figure de notre chair languissante et ma-
lade de la fièvre des passions criminelles ; en effet, la fièvre de l'amour
est-elle moius ardente que la fièvre qui vient de la chaleur ou de l'in-
flammation? — BEDE. Si dans cet homme délivré du démon, nous
reconnaissons une figure de lame purifiée de ses pensées immondes,
dans cette femme en proie à une fièvre ardente et guérie par le com-
mandement du Sauveur, nous pourrons voir la chair préservée des
ardeurs de la concupiscence par les préceptes de la continence. —
S. Cyr. Nous donc aussi, recevons Jésus avec empressement, car s'il
daigne nous visiter et que nous le portions dans notre âme et dans
notre cœur, il éteindra le feu des voluptés coupables, et nous rendra
la force et la santé nécessaires pour le servir, c'est-à-dire, pour accom-
plir ses volontés. /
Us operalioncm : unde sequitur : « Sur-
gens ministrabat illL-, » etc. Curys. {ni
svp.) Quia enim iiiorbus curabilis orat,
per uiodura medendi poteslalem suani
declaravit : faciens quod minime ars
mediciiiœ facere poluisset. Post febris
enim sedationem, multo tempore pa-
tientes egent ut pristinœ restiluantur sa-
nilali.tuncautcni simul omniafactasnnt.
Ambo. Si autcm alliori con^ilio isla
per[iendamus, animi debemus iutelligere
et corporis sanilalem, ut prias animus,
qui serpentinis iaborabat insidiis, abso-
lutus sit. Uenique non prias Eva esuriit,
qaain serpenlis eam versalia tentavit ;
et ideo adversus ipsum auctorem peccati
priuâ debuit medicina salutis operari.
Fortassis etiam la typo mulieris illius
variis criminum febribus caro nostra
iangiiescebat, nec minorem febrem amo
lis esse dixerini quam caloris. Bu:da. Si
enim virum a diemonio liberalum mo-
raliler animum ab immunda cogitalioue
l)urgalum siguificare dixerimus, conse-
i|aenter femina febribus tenta, sed ad
imperium Domini curala, carnem osten-
dit a concupiscentiat! sa.'B fervore per
continentiae pra;cepta fraenatam. Cyril.
[uOi supru.) Et nos ergo suscipiamus
Jesnm : cum enim visitaverit nos, et
portamas eum in mente et corde, tune
enormiam vohiptatum sestum exlinguet;
et incolumes faciet, ut ministremus ei;
hoc est, ei bcneplacita peragamus.
240
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
f. 40, 41. — Lorsque le soleil fut couché, tous ceux qui avaient des infirmes
atteints de diverses maladies les lui amenaient. Or, Jésus imposant les mains
sur chacun d'eux, les guérissait. Les démons sortaient du corps de plusieurs,
criant et disant : Vous êtes le Fils de Dieu. Mais il les menaçait, et ne leur
permettait pas déparier, parce qu'ils savaient qu'il était le Christ.
Théophyl. Considérez l'empressement de cette multitude, bien que
le soleil fût couché, ils amènent à ses pieds les infirmes, sans être
arrêtés par l'heure avancée : « Lorsque le soleil fut couché, tous ceux
qui avaient des infirmes, » etc. — Orig. Ils les amenaient après le cou-
cher du soleil, c'est-à-dire, à la fin du jour, parce que, dans le courant
de la journée, ils étaient retenus par d'autres occupations, ou bien
encore, parce qu'ils croyaient qu'il n'était pas permis de guérir le
jour du sabbat (1); Jésus les guérissait : a Or, Jésus imposant les
mains sur chacun d'eux, » etc. — S. Cyr. Il eut pu, sans doute,
comme Dieu, guérir ces malades d'un seul mot, cependant il les touche
et montre ainsi la puissance de sa chair pour opérer des guérisons,
car c'était la chair d'un Dieu; or, de même que le feu approché d'un
vase d'airain, lui communique sa propre chaleur, de même le Verbe
tout-puissant de Dieu, en s'unissant véritablement ce temple animé et
intelligent qu'il reçut de la vierge Marie, le rendit participant de sa
puissance divine. Que Jésus daigne aussi nous toucher, ou plutôt tou-
chons-le nous-mêmes pour être délivrés des attaques et de l'orgueil du
démon : « Les démons sortaient du corps de plusieurs, » etc. — Bède.
Les démons confessent le Fils de Dieu, et, comme l'Evangéliste le dit
(1) Le jour commençant chez les hébreux le soir, le sabbat durait d'un soir à l'autre, et c'est
pour cela qu'on pouvait faire le soir du jour du sabbat, ce qui était défendu dans le courant du
jour lui-même.
Cum autem sol occidisset , omnes qui habebani
infirmos variis languoribus, ducebant illos ad
eum. Al ille singulis manus imponens , cura-
bal eos. Exibant autem dœmonia a rnultis cla-
mantia el dicenlia : Quia tu es Filius Dei. Et
increpans , non sinebat ea loqui; quia sciebant
ipium esse Chrislum.
TuEOPnYL. Cousiderandum est turbse
desiderium : nam cum sol occidisset,
adducunt ad euui infirmos, non a tem-
père impediti : unde dicitur : « Cum au-
tem sol occidisset , adducebant infir-
mos, » etc. Orig. {ut sup.) Ideo quidem
circa solis occasum, id est, elapsa die,
illos educebant ; vel quia de die intenti
erant circa alia^ vel quia putabant non
licere sanare in sabbato : ipse autem
sauabat eos : unde sequitur : « At ille
singulis manus imponens, » etc. Cyril.
{xibi supra.) Quamvis autem ut Ueus
potuisset omnes verbo pellere morbos,
tamen tangit eos ; ostendeus propriam
carnem efficacem ad praestanda remédia;
nam caro Dei erat : sicut enim ignis ap-
positus vasi aeneo, imprimit ei proprire
caliditalis effectum, sic omnipotens Dei
Verbum, cum univit sibi veraciter as-
sumptum templum ex Virgine anima-
tum, et intellectivum, particeps suae
potestalis effectum, ei iuseruit. Tangat et
nos, imo potius nos illum tangamus,
quateuus et nos ab animarum lufirmita-
tibus liberet, nec non a dœmonum im-
puguatioue et superbia : sequitur enim :
« Exibant autem dsemonia, » etc. Beda.
Doemonia Filium Dei confitentur ; et si-
DE SAINT LUC, CHAP. IV,
241
plus loin : « Ils savaient qu'il était le Christ. » En effet, lorsque le dé-
mon le vit épuisé par le jeûne, il en conclut qu'il était homme, mais
le voyant inaccessible à la tentation, il doutait s'il n'était pas le Fils de
Dieu ; maintenant l'éclat et la puissance des miracles lui fait com-
prendre ou plutôt soupçonner qu'il est le Fils de Dieu. Si donc il a porté
les Juifs à crucifier Jésus-Christ, ce n'est pas qu'il doutât qu'il fût le
Christ ou le Fils de Dieu, mais parce qu'il ne prévoyait pas que sa mort
serait sa propre condamnation. Car saint Paul dit de ce mystère caché
depuis les siècles : « Que nul des princes de ce monde ne l'a connu,
car s'ils l'eussent connu, ils n'eussent jamais crucifié le Seigneur de
la gloire. — S. Chrys. (1) « Mais il les menaçait, et ne leur permettait
pas de dire, » etc. Admirez ici l'humilité de Jésus-Christ, il ne veut
pas que les esprits immondes manifestent sa gloire. Il ne fallait pas,
en eflet, laisser usurper au démon la gloire du ministère apostolique,
et il ne convenait pas que le mystère de Jésus- Christ fût annoncé
par des langues impures. — Théophyl. Ou bien, c'est parce que la
louange qui sort de la bouche du pécheur n'a aucune beauté, ou
parce qu'il ne voulait pas exciter davantage la jalousie des Juifs, en
s'attirant les louanges de la multitude. — Bède. Les Apôtres eux-
mêmes avaient ordre de ne point parler de lui, de peur que la con-
naissance de sa divinité venant à se répandre_, le mystère de sa passion
ne fût différé.
f. 42-44. — Dès que le jour parut, il sortit de la ville et s'en alla en un lieu
désert, et la foule le cherchait, et ils vinrent à lui, et ils s'efforçaient de le
retenir, afin qu'il ne les quittât point. Il leur dit ; 7/ faut aussi que j'annonce
(1) Cette citation ne se trouve qu'en partie dans les œuvres de saint Chrysostome, dans l'ho-
mélie 5 sur saint Marc, vers le milieu.
eut postea dicitur : « Sciebaiit ipsum
esse Cliriàlum; » quia cum euin jejuuio
fatigatum diabolus videret, verum Jio-
minem intellexit; scd quiatenlando uon
prŒvaluit, utruni Filins Dei essot, dulji-
tabat ; nuncautom per signoruai poten-
tiam vel intelléxil vel polius suspicatus
est esse Filiuin Dei. Non igilur ideo
Judœis eura crucifigcre persuasit, quia
Chrislum s'wc l'ilium Dei non essepu-
tavit ; sed quia se morte illius non prœ-
vidit esse damnandum : de hoc enim
mysterio aseculis abscoudilo dicitApos-
tolus (I Cor., 2) quod « nemo principum
bujus seculi cognovit : si eniin cogno-
vissent, nunquaui Duniinum gioria; cru-
cilixissenl. «Curys. [in Cul. (jroToriuii
Patrum.) In hoc autem quod sequilur :
TOM. V.
« Et increpans, non sinebat ea loqui, » etc.,
perspice Christi humilitatem, qui non
sinebat ut dœmones iiuniundi eum lua-
nifostarent : non cniui oportebat eos
subripere oflicii apostolici gloriam, nec
decebat Christi niysterium liugua fœda
publicari. Tueopuylact. Quia non est
speciosa laus iu ore peccatoris, vel quia
nolebat invidiam accendere Judœorum
ex hoc quod ab omnibus laudaretur.
Bed. Ipsi autem apostoli prœcipiuntur
reticere de illo, ne divjna majestate prœ-
dicata passionis dispensatio differretur.
Fada autem die , egressus ibat in desertum lo-
cum, et turbœ requirehant eum, et veneruut ad
ipsum, et delinehant itlum ne discederet <ib eis:
quihus nie ait : Quia et aliis ciuitalibus opor-
tet me evangelizare regnum Dei, quia ideo
16
242
EXPLICATION DE L'ftVANGILK
aux autres villes le royaume de Dieu, car c'est pour cela que j'ai été envoyé.
Et il prêchait dans les synagogues de Galilée.
S. CiiRYS. A[)rès avoir fait un nombre suffisant de miracles en fa-
veur du pt^uplo, le Seigneur devait se retirer, car les miracles pa-
raissent plus grands après le départ de celui qui les a faits, ils
proclament plus haut la puissance divine, et font l'office de pré-
dicateurs : « Donc , dit l'Evangéliste , lorsqu'il fut jour il sortit
dehors, et s'en alla en un lieu désert, » etc. — Ch. des Pèr. gr. Il
s'en alla dans le désert (d'après saint Marc), et 11 priait, non pas qu'il
eût besoin de prière, mais pour nous donner le modèle d'une prière
parfaite. — S. Chrys. {tiré des hom. sur S, Matth.) Malgré tant de
miracles éclatants, les pharisiens sont scandalisés de la puissance de
Jésus- Christ, tandis que le peuple docile à ses divins enseignements,
marchait à sa suite : « Et la foule le cherchait, » etc. Ce ne sont ni
les premiers du peuple, ni les scribes qui le cherchent, mais ceux que
la noirceur de la méchanceté n'avait pas atteint, et dont la conscience
était restée pure. — Ch. des Pèr. gr. Saint Marc dit que les Apôtres
rejoignirent le Sauveur, pour lui dire que le peuple le cherchait;
d'après saint Luc, c'est le peuple lui-même qui vient trouver le Sau-
veur, mais il n'y a en cela aucune contradiction, car le peuple était
venu le trouver à la suite des Apôtres. Le Seigneur éprouvait de la joie
de se voir ainsi entouré par la foule, mais il commandait cependant
qu'on le laissât aller, car il fallait que d'autres aussi fussent initiés
à sa doctrine, parce que le temps de sa présence sur la terre ne devait
pas être bien long : « Et il leur dit : Il faut aussi que j'annonce aux
autres villes, » etc. Saint Marc dit : « C'est pour cela que je suis
missus suni. Et erat prœdicans in synagogis
Galilœœ.
Chrys. {iit sup.) Postquam satis uti-
lilatis populis per iniracula est coUatum,
oportebat eum abesse ; majora namque
putantur luiracula post absentiam ope-
rantis, dum ipsa m agis exclamant, et
vice vocis fruuntur : imde dicitur :
« Facta autem die, egressus ibat, » etc.
Ge^c. {id est, Victor Antioch. in Cat.
Grœcorum Patrum.) Abiit etiam in de-
sertum (ut Marcus dicit), et orabat, non
quod ipse oratioue indigeret, sed ut no-
bis bonœ operatiouis fieretforma. Chrys.
[in Cat. Grœcorum Patrum, ex Iiomi-
liis in Matthaum.) Pharisœi quidem
ipsis prodigiis prœdicantibus poteutia
Christi scandalizabantur : populi vero
eloquia audientes acquiescebant et se-
quebantur : unde sequitur : « Et turbœ
requirebant eum, » etc. Non quidem
aliqui primatum aut scribarum, sed
quoscunque malitiae fucus non denigra-
verat, et illsesam habebant conscien-
tiam.GR.EC. (id est, Victor, ut supra.)
Quod autera Marcus dicit apostolos per-
venisse ad eum, dicentes, quod omnes
quœrunt te; Lucas vero dicit populos
pervenisse, non discrepanl ab invicem :
applicuerant enim ad ipsum populi ,
apostolorum sequentes vestigia : Domi-
nus autem gaudebat detentus, sed man-
dabat ut eum dinntterent; ut etiam alii
participes forent ejus doctrines ; quasi
lempore sute praîsenliai non multum
duraturo : unde sequitur : « Quibus ait :
Quia et aliis civitatibus oportet me evan-
gelizare, » etc. Marcus dicit : « Ad hoc
DE SAINT LUC, CHAP. IV.
243
venu, » montrant ainsi l'excellence de sa divinité et son- anéantisse-
ment volontaire. D'après saint Luc, au contraire, le Sauveur aurait
dit : « C'est pour cela que je suis envoyé; » et il exprime ainsi le
mystère de son incarnation, et donne le nom de mission à la volonté
du Père. L'un dit simplement : « Afin que j'annonce ; » l'autre ajoute :
« Le royaume de Dieu, » qui est Jésus-Christ lui-même. — S, Chrys.
{comme précéd.) Considérez ici que le Sauveur pouvait attirer à lui
tous les hommes, en demeurant daus le même endroit; cependant il
ne le fit point, pour nous donner l'exemple d'aller à la recherche de
ceux qui périssent, comme le pasteur court après la brebis perdue,
comme le médecin va lui-même visiter ses malades; car sauver une
seule àme, c'est mériter le pardon de bien des fautes : « Et il prêchait
dans les synagogues de Galilée. » Il fréquentait les synagogues, pour
leur prouver qu'il n'était pas un séducteur, car s'il eût recherché
constamment les lieux inhabités, ils l'eussent accusé de vouloir se dé-
rober à la connaissance des hommes.
BEDE. Si le coucher du soleil est une figure allégorique de la mort
du Seigneur, le retour du jour est un symbole de sa résurrection; le
peuple des croyants le recherche à la clarté de cette lumière, et après
l'avoir trouvé dans le désert des nations, il l'entoure et cherche à le
retenir, dans la crainte qu'il ne lui échappe, explication d'autant plus
probable que ce fait se passa le premier jour après le sabbat, qui fut
le jour de la résurrection du Sauveur.
veni; » ostendens Divinitatis ejus celsitu-
(lincm et voluntariam exiiianitioncm :
Lucas vero dicit : « Ad hoc missus
sum, » incarnationem ostendens, nec
non bene placitum Patris missionem
appellans. Et illc simpliciter dicit : « Ut
praediceni : » iste vero regnuin Doi ad-
junxit, ({uod est ipse Chrislus. Curys.
[ut sup. in Cat. Grœcorum Patrum.)
Simul etiam considéra quod poterat in
eodem loco manondo onine- attrahere
ad se, non tamen îioc fccit, praebens
iiobis exemplum ni perambulemus et
reipiiranjns pereunt(;s, sicut pastor ovem
perdilani ; et sicut medicus accedit ad
inBrmum : una enim anima recuperata
poterit aiiquis mille delicta abolere : unde
et hic sequitur : « Et erat praedicans in
synagopfis Galilaîœ. » Frequentabat qui-
dem synagogas, docens illos quod non es-
set seductor: nam si jugiterinhabitataco-
leret, diffamarent eum velul latitantem.
BiCD. Si aiilem occasu soUs mystice
mors Domini exprimilur, die redennte
resurreclio illius indicatnr; cnjus mani-
festatalucea credentium turbis requiri-
tur ; et in gcntium deserto inventus, ne
abeat, detinelun; maxime eum hoc con-
ligerit prima sabbati, quo resurrectio
celebrata est.
CHAPITRE V.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
^, 1-3. — Pourquoi cet empressement du peuple, pour suivre Jésus. — Qu'est-ce
que le lac de Génésareth, — Notre-Seigneur se dérobe à la gloire qui le pour-
suit,— Pourquoi monte-t-il dans une barque? — Son humilité vis-à-vis de
Pierre. — Pourquoi Jésus enseigne-t-il le peuple de celte barque? — Que
figurent ces deux barques dans le sens allégorique. — Pourquoi Notre-Seigneur
ne monte-t-il que dans celle de Pierre?
^, 4-7. — But que se propose le Sauveur dans la pèche miraculeuse. — Docilité
de Pierre, comment Jésus la récompense. — Ce miracle diffère de celui que
saint Jean raconte. — Que figure la barque de Pierre remplie de poissons. —
Pourquoi Notre-Seigneur ne dit- il qu'à Pierre : Avancez-en pleine mer? —
Quels sont les filets qu'il commande aux apôtres de jeter. — Pourquoi ont-ils
travaillé toute la nuit sans rien prendre"'' — Que figurent les apôtres prenant
celte grande quantité de poissons. — Que représentent ces deux barques rem-
plies de cette énorme quantité de poissons. — Explication allégorique des
différentes circonstances de cette pèche miraculeuse.
y g.jl — Sentiments d'admiration et d'humilité de Pierre à la vue de ce mi-
racle.— Nous devons imiter l'exemple de Pierre. — Comment le Seigneur lui
prédit qu'il sera pécheur d'hommes. — Foi et obéissance des apôtres dès que
Jésus les appelle. — Conciliation du récit de saint Matthieu et de saint Marc
avec celui de saint Luc sur la vocation des apôtres. — Comment Pierre recon-
naît que ceux qu'il prend dans ses filets ne sont pas sa conquête. — Comment
Pierre représente ici l'Eglise remplie d'hommes charnels qui semblent éloigner
le règne des hommes spirituels.— Pourquoi Notre-Seigneur ne se rend pas à
leurs désirs.
^^ 12-16. Pourquoi l'Evangéhste ne désigne pas d'une manière précise le lieu
où le lépreux fut guéri. — Foi vive, humilité de ce lépreux. — Doute-t-il de la
bonté et de la volonté du Seigneur? — Comment fut-il amené à croire que
Jésus pourrait le guérir? — Leçon de soumission à la volonté de Dieu. —
Moyen que Jésus emploie pour le guérir, pourquoi touche-t-il le lépreux? —
Comment Notre-Seigneur révèle ici ses deux natures, et confond les diverses
hérésies dont le mystère de l'hicarnation a été l'objet. — Comment Notre-
Sci'^nenr nous enseigne à éviter toute vaine gloire. — Pourquoi commande-
t-il au lépreux d'aller se présenter au prêtre? — Quel sacrifice lui ordonne-t-
il d'offrir? — Notre-Seigneur a-t-il ici dessein de jeter un blâme sur la loi'? —
Que signifient ces paroles : Pour leur être un témoignage. —Commeni ma.\gré
la défense que Jésus avait faite au lépreux , sa renommée se répandait par-
tyut_ Leçon que Notre-Seigneur donne aux prédicateurs en se retirant dans
la solitude pour prier. — Explication allégorique de la guérison du lépreux.
y n-20. Quelle est cette vertu qui était en Jésus-Christ pour guérir les
malades. Foi admirable de ceux qui apportent le paralytique devant Jésus. —
Pourquoi Notre-Seigneur commence-t-il par remettre les péchés à cet
homme? Bonté du Seigneur qui pardonne aux uns en considération du
mérite des autres. — Que signifient ces paroles : Vos péchés vous sont remis. —
Ce que nous devons faire lorsque nous sommes atteints de quelque infirmité
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE DE S. LUC, CHAP. V. 245
corporelle. — Témérité présomptueuse des pharisiens. — Comment ils rendent
malgré eux témoignage à la toute-puissance du Fils de Dieu. — Comment le
Sauveur leur prouve sa divinité par la connaissance qu'il a des choses ca-
chées.— Troisième miracle qui prouve la même vérité. — C'est sur la terre
que Notre-Seigneur remet les péchés. — Comment il prouve la rémission des
péchés par la guérison du paralytique. — C'est en tant que Dieu fait homme
et comme maître de la loi qu'il remet les péchés. — Sentiments des Juifs à la
vue de ce miracle. — Ils louent Dieu sans reconnaître que Jésus-Christ lui-
même était Dieu. — Le paralytique image de l'àme privée de ses facultés et de
ses opérations. — Explication tropologique des différentes circonstances de sa
guérison.
^. 27-32. Pourquoi saint Luc et saint Marc ne font point connaître le nom que
portait saint Matthieu en racontant sa conversion. — Saint Matthieu enseigne
à tous les pécheurs à ne point désespérer de leur salut. — Puissance de la voix
de Jésus-Christ, docilité de Matthieu. — Comment Notre-Seigneur l'honore
après sa conversion. — Pourquoi ne décline-t-il pas la société des publicains? —
Jalousie des pharisiens. — Conciliation du récit de saint Luc avec celui des
autres Evangélistes au sujet du reproche que font les pharisiens. — Comment
Notre-Seigneur tire une conclusion toute contraire du reproche qui lui est
fait. — Objet et fin de la mission du Sauveur — Quels sont les justes et les
pécheurs dont il parle ici. — Que représente l'élection de saint Matthieu. —
Que figure-t-il lui-même comme publicain? Que représentent les murmures
des pharisiens.
f. 33-39. — Dessein des pharisiens en interrogeant de nouveau le Sauveur. —
Pourquoi Notre-Seigneur s'est-il soumis au jeûne? — Différentes sortes de
jeûnes sur lesquels il s'explique successivement. — Quels sont les fils de l'E-
poux dont parle ici le Sauveur. — Notre-Seigneur a-t-il intention de détruire
la pratique du jeûne? — Dans quel sens peut-on entendre le jeûne dont il
ajourne ici la pratique? — Quels sont les jours dans lesquels l'Epoux nous
sera enlevé. — Comment ce jeûne doit s'entendre surtout du jeûne de l'àme. —
Comment faut-il entendre la comparaison du vêtement vieux et du morceau
de drap neuf, et celle des vieilles outres et du vin nouveau ?.
246
EXPLICATION DE L EVANGILE
f. 1-3. — Un jour que Jésus était sur le bord du lac de Génézareth, et que la
foule se précipitait sur lui pour entendre la parole de Dieu, il vit deux barques
arrêtées au bord du lac, et les pêcheurs étaient descendus et lavaient leurs
filets. Montant dans une des barques qui était à Simon, il le pria de s'éloigner
un peu de la terre ; et s'étant assis il enseignait le peuple de dessus la barque.
S. Ambr. Après que Notre-Seigneur eut opéré un grand nombre de
guérisous, l'empressement du peuple pour recourir à sa puissance sa-
lutaire ne put être arrêté ni par le temps, ni par les lieux ; le soir est
venu, ils ne cessent de marcher à sa suite , un lac se présente , ils se
pressent autour de lui : « Un jour que la foule se précipitait sur
lui, » etc. — S. Chrys. Ils étaient comme enchaînés (1) à sa divine
personne, pleins d'amour et d'admiration pour lui , et ils voulaient le
retenir au milieu d'eux. Et, en efTet, qui autait voulu se séparer de
lui pendant qu'il opérait de si grands miracles ? Qui aurait refusé de
contempler cette face adorable et cette bouche d'où sortaient tant de
merveilles. Car le Sauveur n'était pas seulement admirable dans les
miracles qu'il opérait _, mais son aspect seul était rempli de grâce ;
aussi quand il parlait, on l'écoutait dans un profond silence, sans
jamais oser l'interrompre : « La foule, se précipitant sur lui pour
entendre la parole de Dieu, » etc.
« Il était sur le bord du lac de Génésareth. » — Bède. Le lac de
Génésareth est le même qui porte le nom de mer de Galilée ou de
Tibériade. On l'appelle mer de Galilée, de la province qui est baignée
par ses eaux, et mer de Tibériade, de la ville qui en est voisine. Le nom
(1) Le texte grec Trpo(jyi),M|J.£vot, est plus énergique encore; il veut dire qu'ils étaient comme
cloués à sa personne divine.
CAPUT V.
Factum est autem cum turbœ irruer ent in eum ,
ut audirent verbum Dei, et ipse stabat secus
stagnum Geitezareth. Etvidit duasnaves stan-
tes secus stagnum ; piscaiores autem descen-
derant , et lavabant retia. Ascendens autem
in unam navim, quœeral Simonis, royavit eum
a terra reducere pusillum. Et sedens, docebat
de navicula turbas.
Ambr. Ubi Dominus impertivit multis
varia gênera sanitatum, nec tempore iiec
loco cœpit a studio sanandi turba cohi-
beri ; vesper incubuit , sequebantiir ;
stagDum occurrit, urgebant : uiide dici-
tur : « Factum est autem cum turbœ
irruerent in eum^ » etc. Chrys. (m< sup.)
Erant enim ei connexi, diligentes eum,
et mirantes, et tenere cupientes : quis
enim discessisset, dum hujusmodi mi-
racula faciebat? Quis noluisset solam
prospicere faciem et os talia loquens ?
Neque enim in agendo miracula solum
admirabilis erat, sed visus ejus abunda-
bat plurima gratia : unde et loquentem
eum audiunt in silentio, seriem locutio-
nis non iuterrumpentes : dicitur enim :
« Ut audirent verbum Dei, » etc.
Sequitur : « Et ipse sLabat secus sta-
gnum Genezaretb. » Beda. Stagnum
Genezarelb idem dicunt esse quod mare
GalilEeœ, vel mare Tiberiadis, sed mare
Galilœx ab adjacente provincia dicitur ;
mare autem Tiberiadis a proxima civi-
DE SAINT LUC, CHAP. V.
247
de Génésareth vient de la nature même du lac, dont les ondes , en
se ridant, produisent d'elles-mêmes les vents qui agitent ses flots. En
effet, le mot Génésareth signifie qui produit de lui-même le vent (1).
Les eaux, au lieu d'être calmes et tranquilles comme celles des autres
lacs, sont souvent agitées par le souffle des vents, elles sont douces et
agréables à boire. Mais dans la langue hébraïque , toute grande
étendue d'eau douce ou salée, reçoit le nom de mer.
Théophyl. Plus la gloire s'attache au Sauveur, plus il cherche à s'y
dérober, c'est pourquoi nous le voyons s'éloigner de la foule et monter
dans une barque : « Et il vit deux barques arrêtées au bord du lac,
et dont les pêcheurs étaient descendus pour laver leurs filets. » —
S. Chrys. C'était un signe que les pêcheurs se reposaient. Selon saint
Matthieu, Jésus les trouva raccommodant leurs filets ; car ils étaient
si pauvres qu'ils étaient obligés de réparer leurs filets déchirés , dans
l'impossibilité d'en avoir de nouveaux. Il monte dans une barque pour
rassembler convenablement toute la multitude, de manière que per-
sonne ne fût derrière lui , mais que tous puissent le voir en face :
et Montant dans une des barques qui appartenaient à Simon , il le
pria , » etc. — Théophyl. V^oyez l'humilité de Jésus- Christ, qui s'a-
baisse jusqu'à prier Pierre , et la soumission de Pierre , qui obéit en
toutes choses à son divin Maître.
S. Chrys. Après avoir opéré un grand nombre de miracles , il en-
seigne de nouveau sa doctrine , et tout en étant sur la mer , il prêche
(1) Cette interprétation est par trop forcée quand Ijien même le mot Génésareth viendrait du
grec, c'est-à-dire de Yôvvàw , j'engendre; et de àïjp, air ; mais c'est un mot tiébreu, comme Bède
lui-même le reconnaît dans son Traité des noms hébreux, où il remarque lui-même que ce mot
signifie naissance, ou principe, ou commencement de la naissance.
/
tate : porro Genezureth a laci ipsius
natura (quae crispaulibus aquis de seipso
sibi excitare auram perhibetur) Grœco
vocabulo quasi (jeneruns sibi auram
dicitur : ueque enim in sta^ni nioreni
sternitur aqua, sed frequentibus auris
adpiranlibus agitatur ; baustu dulcis et
ad potaûdiim babilis. Sed hebraiœ lin-
guaî consuetudinc omuid aquaruui con-
gregatio sive dulcis sivn salsa, mare
nuncupatur.
Thkophvlact. Fugit autem Doniinus
gloriani, quanto magls ipsa eum seque-
batur ; et ideo a lurbis se separans as-
<;endit tu navem. Unde dicitiir : « Et
vidit duas naves stautes secus stagnum :
piscatores autem descenderant et lava-
bant relia. » Chrys. {ul sup. in C'at.
Grœconim.) Quod erat signurn vacatio-
ûis. Secundum vero Matlhœuni, invenit
eos reficientes retia : tantus euim erat
paupertatis excessus, ul laniata repara-
reut, nova nequeuntes liabere. Volens
autem diligenter congregare speclacu-
liun, ul uemo renianeret post tergum,
sed oumes facie ad faciem cernèrent,
ascendil in navim : unde dicitur : « As-
ceudeus autem in unam navim qua; erat
Simonis, rogavit eum, » etc. Théophyl.
Vide autem Christi mansuetudincm ,
quoniodo rogat l'etrum, et Pétri ol)C-
dientiam, quomodo in omnibus fuit
obediens.
CuviYS. {ut sup.) Postquam vero multa
peregerat miracula, iterum docirinam
proponit;el existens in mari, piscatur
248
EXPLICATION DE L EVANGILE
ceux qui sont sur la terre : « Et étant assis, il enseignait le peuple de
dessus la barque. » — S. Grég. de Nazianze. {dise. 31.) 11 se montre
plein de condescendance pour tous, afin de tirer le poisson deTabime,
c'est-à-dire l'homme qui nage pour ainsi dire au milieu des choses
inconstantes et mobiles, et parmi les violentes tempêtes de cette
vie.
BEDE. Dans le sens allégorique, ces deux barques figurent les Juifs
et les Gentils. Le Seigneur les voit toutes deux , parce qu'il connaît
dans chaque peuple ceux qui sont à lui , et en les voyant près du
rivage, c'est-à-dire en les visitant dans sa miséricorde, il les conduit au
port tranquille de la vie éternelle. Les pêcheurs sont les docteurs de
l'Eglise qui nous prennent dans les filets de la foi , et nous amènent
au rivage de la terre des vivants. Ces filets , tantôt les pêcheurs les
jettent pour pêcher , tantôt ils les plient après les avoir lavés, parce
qu'en effet, tous les temps ne sont pas également propres à la prédi-
cation, et que le docteur doit tantôt se livrer à l'enseignement, tantôt
s'occuper de lui-même , et prendre soin de son âme. La barque de
Simon, c'est l'Eglise primitive dont saint Paul a dit : « Celui qui a
opéré en Pierre pour l'apostolat de la circoncision. » {Galat. , ii.)
Notre-Seigneur monte dans une seule de ces barques, parce que la
multitude de ceux qui croyaient n'avait qu'un cœur et qu'une âme.
{Act., IV.) — S. AuG. [Quest. èvang.^ ii, 2.) De cette barque , il en-
seignait la foule, car c'est par l'autorité de l'Eglise que Pierre instruit
les nations. Le Seigneur, en montant dans cette barque, prie son dis-
ciple de s'éloigner un peu de la terre, pour nous apprendre qu'il faut
parler au peuple un langage plein de modération et de réserve , il ne
faut pas lui prêcher une doctrine terrestre , mais il faut se garder
également de trop l'éloigner de la terre pour le jeter dans les pro-
existentes in terra : imde sequitur : « Et
sedens docebat turbas de navicula. »
Greg. Nazianz. (0/-«^3l.) Cunctiscon-
desceudens, ut a profundis extrahat
piscem ; bominem scilicet natantem iu
mobilibus rébus et amaris hujus vitœ
procellis.
Bed. Mystice autem duaB naves cir-
cumcisionem et prœputium figurant ;
quas videt Dominus, quia in utroque
populo novit qui sunt ejus; et ad futurae
vitae tranquilHtatem quasi ad littus vi-
dendo (boc est, misericorditer visitando)
provebit. Piscatores sunt Ecclesiae doc-
tores, qui nos per rete fidei compre-
hendunt, et (quasi littori) sic terrse vi-
vcntium advehunt. Sed heec retia modo
laxantur in capturam, modo Iota plicau-
tur, quia non omne tempus est habile
doctrinae ; sed nunc exercenda est lin-
gua doctoris, et nunc suimet cura ge-
renda. Navis Simonis est Ecclesia pri-
miliva, de quaPaulus dicit {ad Gai., 2) :
« Qui opei'atus est Petro in apostolatum
circumeisionis ; » bene una dicta, quia
« multitudinis credentium erat corunum
et anima una. » {Act., 4.) August. {de
Quœst. Evang., lib. il, cap. 2.) De qua
docebat turbas ; quia de auctoritale Ec-
clesiae docet gentes : quod autem Donii-
nus ascendens in navim rogaf eum a
terra reducere pusillum, significat tem-
porale utendum verbo ad turbas ; ut
nec terrena eis praecipiantur, nec a
DE SAINT LUC, CHAP. V. 249
fondeurs insondables des mystères. Cette circonstance peut encore
signifier qu'il faut d'abord prêcher l'Evangile aux peuples des pays
voisins, de même que bientôt il dira : «Avancez en pleine mer, » c'est-à-
dire prêchez aux nations plus éloignées.
f. 4-7. — Lorsqu'il eut cessé de parler, il dit à Simon : Avancez en pleine mer,
et jetez vos filets pour pêcher. Simon lui répondit : Maitre, nous avons
travaillé toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur votre parole, je jetterai le
filet. L'ayant jeté, ils prirent une si grande quantité de poissons, que leur
filet se rompait. Et ils firent signe à leurs compagnons qui étaient dans une
autre barque de venir les aider ; ils vinrent donc, et ils remplirent les deux
barques, au point qu'elles étaient près de couler à fond.
S. Cyr. [Ch. des Pèr. gr.) Après avoir donné au peuple les en-
seignements qu'il jugeait convenables, le Sauveur reprend le cours de
ses opérations merveilleuses et divines, et en favorisant à ses disciples
l'exercice de la pêche, il les prend lui-même dans ses filets : « Lorsqu'il
eut cessé de parler, il dit à Simon : « Avancez en pleine mer, et jetez
vos filets pour pêcher. » — S. Ghrys. {ho)n. 6 sur S. Matth.) Il s'ac-
commode aux dispositions comme aux diverses occupations des
hommes, c'est par une étoile qu'il avait appelé les mages, c'est par le
métier de la pêche qu'il appelle à lui les pécheurs. — Théophyl. Pierre
ne fait aucune difficulté d'obéir : « Et Simon lui répondit : Maitre,
nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre. » Il n'ajoute pas :
Je ne me rendrai pas à votre parole , je ne veux pas m'exposer à' de
nouvelles fatigues. Loin de là, il s'empresse de répondre : « Mais sur
votre parole, je jetterai le filet. » C'était de la barque de Pierre que
terrenis in profunda sacramentorum
recedatur: vel prius in proximis regio-
nibus fçentibus praedicandum, ut quod
postea dicit : « Duc in altum, » ad re-
motiores gentes postea preedicandum
prsecipiat.
Ut cessavit autem loqui, dixit ad Simonem :
Duc in altum , et laxate relia veslra in captu-
rant. Et respondens Simon , dixit illi : Prœ-
ceplor, per totam noctem laborantes, nihil ce-
pimus, in verbo autem tuo laxabo rete. Et cum
hoc fecissenl , concluserunt piscium multitudi-
nem copiosam. Rumpebatur autem rete eorum.
Et annuerunt sociis qui eranl in alla navi, ut
venirent et adjuvarent eos. Et venerunl , et
impleverunt ambas naviculas , ita ut pone
meryerentur,
Cyril, [in Cat. Grxcornm Patrum,
ubi supra.) Poslqiiam sufficienter popu-
lum docuerat, regreditur iterum ad ma-
gnificenlias proprias ; et per piscatoria
ministeria piscatur discipulos : unde
sequitur : « Ut autem cessavit loqui,
dixit ad Simonem : Duc in altum , et
laxate retla vestra in capturam. » Chrys.
{ut sup., ex fiom.6, in Matth.) Condes-
cendens enim hominibus , sicnt magos
per sidus vocavit, sic piscatores per
eorum piscatoriara artem. Théophyl.
Petrus autem obsequi non distulit :
unde sfquitur : « Et respondens Simon
dixit illi • Praeceptor, per totam noctem
laborantes nihil cepimus : » non autem
addidit : «Non te audiam, nec secundis
laboribus me exponam. » Sed magis
subdit : « In verbo autem tuo laxabo
rete. » Quia vero turbam de navicula
Dominus instruxerat, non sine mercede
250
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
Notre-Seigueur avait enseigné le peuple, il ne veut pas laisser sans
récompense le maitre de la barque ; el il le récompense doublement,
d'abord il lui fait prendre une multitude innombrable de poissons, et
en second lieu, il en fait lui-même son disciple ; « Et l'ayant jeté, ils
prirent une si grande quantité de poissons, que leur filet se rompait. »
Pierre prit une telle quantité de poissons , qu'il ne pouvait les tirer
hors de l'eau, et qu'il demanda du secours à ses compagnons : « Et
ils firent signe à leurs compagnons qui étaient dans l'autre barque de
venir, » etc. Il les appelle eu leur faisant signe; car l'étonnemeut que
lui causait cette pêche abondante , lui ôtait pour ainsi dire l'usage de
la parole. Les autres disciples répondent à son appel : (( Et ils vinrent,
et ils remplirent les deux barques , » etc. L'évangéliste saint Jean
parait raconter un miracle semblable , mais qui est cependant tout
autre, et qui eut lieu après la résurrection du Sauveur sur la mer de
Tibériade. Ces deux miracles diffèrent et quant au temps , et quant à
la nature même du fait. Dans saint Jean, les filets , jetés à la droite
de la barque , prennent cent-cinquante- trois grands poissons , et
TEvangéliste a soin de dire que, malgré la grandeur des poissons, les
filets ne se rompirent pas. Et il avait alors en vue le fait miraculeux
raconté par saint Luc, où le filet se rompait sous le poids énorme des
poissons qu'il contenait.
S. Ambr. Dans le sens allégorique , la barque de Pierre qui, selon
saint Matthieu, est agitée par les flots , et qui, selon saint Luc, est
remplie de poissons, figure l'Eglise jouet des flots à son origine, et
dans la suite , se réjouissant de la multitude innombrable de ses en-
fants. La barque qui porte Pierre n'est point agitée , mais celle qui
uaviculfe dominumdereliquit; dupliciter
beneficians ipsum; quia primo dédit ei
multitudinem piscium , et deiude disci-
pulum ipsum fecit : unde sequitur : « Et
cum hoc fecissent, coucluserunt piscium
multitudinem copiosam, » etc. Totautem
pisces cepit ut non posset eos foras
educere, sed a sociis auxilium peteret :
unde sequitur : « Rumpebatur autem
rete eorum : et annuerunt sociis qui
eraut in alia navi ut venirent, » etc. Per
nutum ipsos vocat, quia ex stupore
propter capturam piscium loqui non
poterat : et sequitur de eorum auxilio,
cum dicilur: «Et venerunt, et impleve-
ruat ambas naviculas^ » etc. {lib. i,
cap. 6) Joaunes quidem videtur simile
miraculum dicere, sed illud longe aliud
est quod factum est post resurrectiouem
Domini ad mare Tiberiadis : ibi enim,
non solum ipsum tempus valde diver-
sum est, sed etiam res ipsa plurimum
distat : uam retia illic in dexteram par-
tem missa , centum quinquaginta très
pisces ceperunt; magnos quidem, sed
pertinuit ad Evangelistam dicere quod
cum tam magui essent , retia non sunt
disrupta; respicientem scilicet ad hoc
factum quod Lucas commémorât, ubi
prœ multitudine piscium retia rumpe-
bantur.
Ambr. Mystice autem navis Pétri se-
cuudum MattliEeum fluctuât (cap. 8),
secundum Lucam repletur piscibus; ut
et principia Ecclesiae lluctuantis, et pos-
teriora exuberantis agnoscas. Non tur-
batur ista quae Petrum babet, turbatur
illa quœ Judam habet : in utraque Petrus,
DE SAINT LUC, CHAP. V. 251
portait Judas est ballottée par les flots (4). Pierre, il est vrai, se trou-
vait dans ces deux barques, mais bien qu'il demeurât ferme dans la
conscience de son innocence personnelle , il était cependant agité par
suite des crimes d'un autre. Gardons-nous donc de toute société avec
les traîtres, il n'en faut qu'un seul pour nous jeter dans l'agitation et
le trouble. Là où la foi est faible, il y a nécessairement trouble, là, au
contraire, où la charité est parfaite, il y a pleine et entière sécurité.
Remarquez enfin que si Notre-Seigneur commande à tous les disciples
de jeter leurs filets, c'est à Pierre seul qu'il dit : « Avance en pleine
mer, » c'est-à-dire dans la profondeur des controverses. Qu'y a-t-il de
plus profond que la connaissance du Fils de Dieu ? Mais quels sont ces
filets qu'il commande aux Apôtres de jeter , sinon les réseaux des pa-
roles, les détours des discussions et les profondes sinuosités des dis-
cours, qui ne laissent point échapper ceux qu'ils ont pris? Les instru-
ments dont se servent les Apôtres pour cette pêche spirituelle sont
justement comparés à des filets qui ne tuent point ceux qu'ils prennent,
mais les tiennent en réserve , et qui les retirent des flots agités, pour
les transporter jusque dans les cieux. Pierre dit à Jésus : « Maître,
nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre , » parce que ce
n'est point ici l'œuvre de l'éloquence humaine , mais un don de la vo-
cation céleste. Aussi ceux dont les efl'orts avaient été jusque là infruc-
tueux, prennent, sur la parole du Seigneur, une grande quantité de
poissons. — S. Cyr. C'était la figure de ce qui devait arriver dans la
suite aux prédicateurs de l'Evangile ; car ceux qui jetteront le filet de
la doctrine évangélique ne travailleront pas inutilement, mais par-
viendront à réunir la multitude des nations. — S. AuG. {Question
(I) Saint Ambroise s'appuie loi' sur ce que dit saint Mattliieu que « Jésus étant monté dans une
barque, ses disciples le suivirent, u Parmi eux devait donc se trouver Judas. Dans saint Luc au
contraire il n'y eut dans la barque de Pierre que ceu.x qui étaient pêcheurs. Or, Judas n'étant
point pécheur de profession ne se trouvait pas avec eu-x. C'est dans ce sens seulement que l'obser-
vation de saint Ambroise a son application.
sed qui suis meritis firinus e.st turbatur
alieuis. Caveamus ifîitur proditorem , ue
per ununi plurimi tluctueuius. lUic tur-
batio, ubi modica fides ; bic securila^,
ubi perfecta dilectio. Denique elài aliis
imperatur ut laxent retia sua, soli lamen
Petro dicitur : « Duc in alluQi,» hoc
est, in profundum disputationuni. Ouid
est tau) altum quana scire IJei Filium ?
qufE sunlaulem aposlolorum qu* laxari
jubentur, relia, nisi vorbonnn complc-
xiones, el quasi quidam oralionis sinus
et dispulationum rccessus, qui eos quos
ceperiut non amittant? El bene apos-
tolica instrumenta piscandi relia sunl;
quœ non captos perimunt , sed réser-
vant; tlucluantes de infimis ad superna
Iransducunt. Dicit autem : « Prceceptor,
per tolaiu noctem laborantes nihil ce-
pimus ; » quia non hoc hunianae facun-
dict; opus, sed supernai vocationis est
niunus. Oui autem ante nihil ceperant,
magnam in verbo Domiui concludunt
piscium raultitudineni. Cyril, {in Cat.
dneconon Potrum.) Hoc aulcui fuit fiau-
ra;fuluri non enim incassum laborabunt
evaugelicœ doctrinae rete lendenles, sed
grèges gentium aggregabunt. Auf.. [de
252
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
évang.^ ii, 2.) Leurs filets se rompaient, et les barques étaient remplies
de cette quantité de poissons, au point qu'elles étaient près de couler
à fond, figure de cette multitude d'hommes charnels, qui devaient
abonder un jour dans l'Eglise , au point de rompre la paix et de
déchirer l'Eglise par les hérésies et par les schismes. — Bède. Le filet
se rompt, mais le poisson ne s'échappe pas, parce que le Seigneur
conserve les siens au milieu des scandales de ceux qui les persécutent.
— S. Ambr. L'autre barque représente la Judée (I), dans laquelle
Jean et Jacques sont choisis ; ils viennent de la synagogue à la barque
de Pierre (c'est-à-dire à l'Eglise), et ils viennent pour remplir les
deux barques, car tous juifs, ou grecs, doivent fléchir le genou au
nom de Jésus. — Bède. Ou bien encore, la seconde barque c'est
l'Eglise des Gentils qui, pour suppléer à l'insuffisance de la première
.est aussi remplie de poissons , qui représentent les élus ; car le Sei-
gneur connaît ceux qui sont à lui, il a déterminé le nombre précis de
ses élus; et comme il n'a pas trouvé dans la Judée autant de fidèles
qu'il en avait prédestinés à la vie éternelle, il cherche pour ainsi dire
une autre barque pour recevoir les poissons qui sont à lui, et il répand
la grâce de la foi dans le cœur des Gentils. Le filet venant à se rompre,
on a recours à la barque voisine ; ainsi lorsque Judas le traître, Simon
le Magicien, Ananie et Saphire, et un grand nombre de disciples se
séparent de l'unité , Paul et Barnabe sont choisis pour exercer l'apos-
tolat parmi les Gentils. — S. Ambr. Nous pouvons encore voir dans
cette seconde barque la figure d'une autre Eglise; car l'Eglise de
Jésus -Christ qui est une, se divise en plusieurs Eglises particulières.
— S. Ctr. Pierre fait signe à ses compagnons de venir à son secours,
(t) C'est-à-dire la barque qui était avec celle de Pierre. Les Grecs que saint Ambroise oppose
ici aux Juifs doivent être pris pour les Gentils en général.
Quœst. Evang., lib, ii, cap. 2.) Quod
autem relia rumpebantur , et piscium
copia naviculœ impletse sunt ita ut pêne
mergerentur, significat hominum carna-
lium multitudinem tantam futuram in
Ecclesia, ut etiam disruptione pacis per
haereses et schismata scinderetur. Bed.
Rumpitur autem rete , sed non labitur
piscis ; quia suos Dominus inter perse-
quentium scandala servat. Ambr. AUa
autem navis est Judœa, ex qua Joannes
et Jacobus eliguntur : hi igitur de syna-
goga ad navim Pétri (hoc est , ad Eccle-
siam) convenerunt ut implerent ambas
naviculas : omnes enim in nomine Jesu
genuflectunt ; sive Judaeus, sive Grœcus.
Bed. Vel alla nains est Ecclesia gen-
tium ; qu«e et ipsa (una navicula non
sufficiente) piscibus impletur electis ;
quia novit Dominus qui sunt ejus , et
apud Ipsum certus est suorum numerus
electorum; dumque tôt in Judaea credi-
turos non invenit, quot ad fidem vitam-
que praedestinatos novit seternam , quasi
alterius navis receptacula piscibus quae-
reus suis , corda quoque gentium fidei
gratia replet. Et bene, rupto reti socia
navis advocatur ; quando Judas proditor,
Simon Magus, Ananias et Saphira , et
multi discipulorum abierunt rétro ; ac
deinde Barnabas et Paulus ad gentium
sunt apostolatum segregati. Ambr. Pos-
sumus tamen et aliam Ecclesiam intelli-
gere navim alterius : ab una enim plu-
res Ecclesiœ derivantur. Cyril, {ubi
sup.) Innuit autem sociis ut auxiliaren-
DE SAINT LUC, CHAP. V. 253
un grand nombre , en effet, se sont associés aux travaux des Apôtres
d'abord ceux qui ont écrit les Evangiles (1), ensuite les autres évêques
ou pasteurs des peuples, et les docteurs versés dans la science de la
vérité. — BEDE. Ces barques ne cessent de se remplir jusqu'à la fin du
monde; lorsqu'elles sont pleines, elles s'enfoncent, ou plutôt elles sont
exposées au danger d'être submergées; car elles ne le sont jamais en
réalité. C'est ce qu'enseigne l'Apôtre , lorsqu'il dit : « Dans les der-
niers temps , il y aura des temps périlleux , les hommes s'aimeront
eux-mêmes, » etc. En effet, les barques sont submergées lorsque les
hommes que Dieu avait retirés du siècle par la vocation à la foi y
sont de nouveau entraînés par la corruption des mœurs.
y. 8-11. — Ce que voyant Simon Pierre, il tomba aux pieds de Jésus, en
disant : Eloignez-vous de moi. Seigneur, parce que je suis un pécheur, car il
était plongé dans la stupeur, lui et tous ceux qui étaient avec lai, à la vue des
poissons qu'ils avaient pris. Il en était de même de Jacques et de Jean, fils de
Zébédée, qui étaient compagnons de Simon. Et Jésus dit à Simon : Ne crains
point, car désormais ce sont des hommes que tu prendras. Aussitôt, ramenant
leurs barques à terre, ils quittèrent tout et le suivirent.
BEDE. Pierre était dans l'admiration des dons de Dieu , et plus il
avait éprouvé de crainte, moins il était porté à la présomption : « Ce
que voyant Simon Pierre, il tomba aux pieds de Jésus, en disant :
Eloignez-vous de moi, Seigneur, parce que je suis un pécheur. » —
S. Cyr. Rappelant en son souvenir les fautes qu'il avait commises , il
est saisi de crainte et d'effroi , il n'ose croire , impur qu'il est , qu'il
(1) Ou textuellement : Ceux qui ont approfondi les saintes Ecritures, oi taç îepàç Ttov àyiwv
alîfiouvwvxei; Ffaçàç.
tur ois : muUi enim sequuntur apostolo-
rum labores, et prius illi qui evangelio-
rum ediderunt scripturas; post quos alii
prœsidentes et populoruiu pastores, et iu
veritalis doctriua periti. Bed. Ilarum
autetn impletio uavium in finem usqiie
secuii crescit; sed quod iinpletfe mer-
gunlur, hoc est in submersione preniun-
tur non enim sunl yulunersîe, sed peri-
ciitatœ ) Aposlolus exponit, diceus (Il
uil Tim.) : « In novissimis diebus erunt
ternpora pericidosa ; et erunt liomines
seipsos amantes,» etc. Naiu niergi naves,
est hominesin seculum ex quo electi per
lidem fuerant, moruni pravitate relabi.
fjuod cum videret Simon Petrus,procidit ad ge-
iiua Jesu, deceiii : Exi a me, Domine , quia
homo peccator sur». Stvpor enim circumdede-
rat eum , et omnes qui cum illo erant in cap-
tura piscium, quam ceperanl : similiter autem
Jacobum et Joannem filios Zebedœi qui erant
sncii Simotiis. Et ait ad Simoncm Je.ius : Noli
tiinere , ex hoc jam eris homines capiens. Et
subductis ad terram navibus, reliclis omnibus,
secuii sunt eum.
Beda. Aduiirabatur Petrus dona di-
vina; et quo plus nietuerat, prîEsumebat
minus : unde dicitur : « Quod cum vi-
disset Simon Petrus, prucidit ad genua
Jesu, diceus : Exi a me, Domine, quia
liomo peccator sum. » Cyril, {in Cat.
Grœcorum Patrum.) Reducens enim ad
conscieutiam palrala delicta, tremit et
trépidât; et velut immundus mundum
non crédit se posse suscipere : acceperat
254
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
puisse recevoir celui qui est la pureté même ; car il avait appris de la
loi, que ce qui est souillé doit être séparé de ce qui est saint (1). —
S. Grég. de Nysse. Dès que Jésus eut ordonné do jeter les filets , on
prit le nombre de poissons que lui , le Seigneur de la mer et de la
terre, avait déterminé ; car la voix du Verbe est toujours une voix de
puissance, et c'est par son commandement, que l'origine du monde,
la lumière et les autres créatures sortirent du néant. A la vue de ce
miracle, Pierre est dans l'admiration : « Il était plongé dans la stu-
peur, lui et tous ceux qui étaient avec lui. » — S. Aug. {de l'ace, des
Evang.^ ii, 17.) Saint Luc ne fait point mention d'André, bien qu'il
fût dans cette barque^ d'après le récit de saint Matthieu et de saint
Marc.
« Jésus dit à Simon : Ne craignez point. » — S. Ambr. Et vous
aussi, dites à Jésus : Eloignez-vous de moi, parce que je suis un
pécheur , et Dieu vous répondra : « Ne craignez point , » confessez
votre péché au Seigneur qui est disposé à vous pardonner. Vous voyez
combien il est bon, lui qui daigne accorder à des hommes le pouvoir
de communiquer la vie : « Désormais , dit-il à Simon , vous serez
pêcheurs d'hommes. » — Bède. C'est à Pierre que cette prérogative
est spécialement accordée ; le Seigneur lui explique le sens mysté-
rieux de cette pêche miraculeuse , c'est-à-dire qu'il prendra un jour
des hommes par ses discours , comme il vient de prendre des poissons
dans ses filets ; et toute la suite de ce fait miraculeux montre ce qui se
fait tous les jours dans l'Eglise , dont Pierre est ici la figure. —
S. Chrys. [hom. lA sur S. Mattfi.) Considérez la foi et l'obéissance
(1) Levit., X, 10 ; où Dieu dit à Aaroa et à ses enfants : a Afin que vous sachiez discerner ce qui
est saint ou profane, ce qui est pur ou impur. » (Voyez aussi Ezech., xxii, 26 ; xliv, 23.)
enim a lege (vel didicerat secundum le-
gem) distinguendiim esse inter macula-
tum et sanctum. Greg. Nyss. {^ia eadem
Cat., vbi Slip.) Cum enim ruandasset
demergere retia, tanta copia piscium
capta est, quantum ipse maris Dominas
et terrae voluerat : vox enim Yerbi
semper est vox virtutis ; cujus prsecepto
in origine mundi lux et caeterse crea-
turae prodibant. In his admiratur Petrus :
« Stupor enim circumdederat eum , et
omnes qui cum illo erant, » etc. Aug. {de
Con. Evang., lib. ii, cap. 17.) Andream
nonnominat, qui tamen inlelligitur in ea
navi fuisse secundum Mattliœi et Marci
narrationem.
Sequitur : « Et ait ad Simonem Jésus :
Noli timere. » Ambr. Die et tu : « Exi a
me. Domine, quiahomo peccator sum :»
ut respondeat Deus : « Noli timere : »
indulgenti Domino peccatum fatere.
Vides quam bonus Dominus qui tantum
tribuit hominibus, ut vivificandi habeant
potèstatem. Unde sequitur : « Ex hoc
eris jam homines capiens. » Bed. Hoc
ad ipsum Petrum specialiter pertinet :
exponit enim ei Dominus quid liaec cap-
tura piscium siguificet; quod scilicet ipse
sicutnunc per retia pisces, sic aliquando
per verba sit capturus homines ; totus-
que facti hujus ordo quid in Ecclesia
(cujus ipse typum tenet) quotidie gera-
tur, ostendit. Chrys. {/lom. 14, in
Matlli.) Considéra aulem eorum fidem
DE SAINT LUC, CHAP. V.
255
des Apôtres. Au milieu même des occupations de la pèche (et vous
savez combien les pécheurs sont avides du succès de leur pêche) (1*),
dès qu'ils entendent l'ordre du Sauveur, sans aucun délai, ils quittent
tout, et le suivent. Telle est l'obéissance que Jésus-Christ demande de
nous, elle doit être notre premier soin, au milieu même des diverses
nécessités de la vie : « Et, aussitôt, ramenant leurs barques à terre. » etc.
— S. AuG. [de Vacc. des Evang.) Le récit de saint Matthieu et de
saint Marc est ici beaucoup plus court que celui de saint Luc, qui
raconte le fait dans tous ses détails. Il y a d'ailleurs entre les deux
récits cette différence que, d'après saint Luc , c'est à Pierre seul que
le Sauveur aurait dit : « Désormais vous serez pêcheur d'hommes, »
tandis que suivant les deux autres Evangélistes, c'est aux deux frères
que Jésus aurait adressé ces paroles. Mais Notre-Seigneur a pu très-
bien les dire d'abord à Pierre seul , surpris et étonné de la grande
({uantité de poissons qu'on avait pris , comme saint Luc paraît l'in-
sinuer, et les avoir redites ensuite aux deux frères , ainsi que le ra-
content les deux premiers Evangélistes. Ou bien encore, on peut
entendre que la pèche miraculeuse, racontée par saint Luc, arriva en
premier lieu, mais sans que les deux disciples fussent dès lors appelés
par le Seigneur Jésus. Il se contenta de prédire à Pierre qu'il serait
un jour pêcheur d'hommes. Ou peut donc légitimement supposer
([u'ils retournèrent au métier de la pèche , et qu'alors eut lieu le fait
laconté par saint Matthieu et saint Marc; alors, en effet, ils ne ra-
menèrent pas leurs barques à terre , avec la pensée de retourner à
leurs anciennes occupations, mais ils suivirent Jésus en obéissant
pleinement à l'ordre qu'il leur avait donné. Une autre difficulté se
1 •) Le texte original de saint Chrysostome est ici beaucoup plus clair que la traduction dont
saint Thomas a fait usage et nous avons du y recourir pour rendre le sens de la phrase plus intel-
ligible.
et obeflientiam : hahentes enim opus
prœ manibusîippetibilis piscalioni?, cum
audissent rnandiintem , non distulerunt,
sed relictis onniibu?, sequebaiilur : taleui
enim obedientiam requirit a nobis Chris-
tus, utoani non pra?termittanni5, etianisi
aliquid valde nficessarium ur^reat : unde
el sequitur : « VX subduclis ad terrani
navibiis, » etc. Auc. [de Con. Evang., ut
Slip.) Mallhaeus et .Marcns J)reviter hoc
peràlrinfruntquemadmoduni geslum sit;
quod Lucas hic apertius explicavit : hoc
taiiien videtur distare, quod tantum
Petro a Domino diclura commémorât :
« Kx hoc jam homincs eris capiens, »
quod illi ambobus fratribus dictum esse
narraverunt. Sed potuit utique prius hoc
Petro dici , cum de capta iniienti multi-
ludine piscium niiraretur , quod Lucas
insinuât; et atnbobus postca quod illi
duo commenioraverunt : vel intelligen-
dum est, hoc primo fuisse factum quod
Lucas commémorât , nec tune eos a
Domino vocatos, sed tantum fuisse prae-
dictum Petro , quod homines esset cap-
turus ; non autem quod nunquam pisces
esset capturus : unde datur locus intel-
lipendi; eos ad capturam piscium re-
measse, ut postea fieret quod Matthteus
et Marcus narrant : tune enim non sub-
ductis ad terram navibus, tanquam cum
cura redeundi. sed ita euni scculi sunt.
2û6
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
présente ; si, d'après saint Jean, ce fut sur les bords du Jourdain que
Pierre et André se mirent à la suite de Jésus , comment les autres
Evangélistes peuvent dire que c'est dans la Galilée qu'il les trouva se
livrant à la pèche, et qu'il les appela à l'apostolat? Nous répondons
que lorsqu'ils virent le Seigneur sur les bords du Jourdain, ils ne
s'attachèrent pas inséparablement à lui, ils connurent seulement qu'il
était le Messie , et pleins d'admiration pour lui , ils retournèrent à
leurs occupations.
S. Ambr. Dans le sens allégorique , Pierre , en disant : « Seigneur,
éloignez-vous de moi, » refuse de reconnaître que ceux qu'il prend
dans les filets de ses enseignements soient sa conquête et sou butin.
Vous aussi, n'hésitez pas à renvoyer à Dieu le bien qui est en vous,
puisque c'est Dieu qui vous communique ses propres dons. — S. AuG.
[Quest. évang.) Ou bien dans un autre sens, Pierre représente l'Eglise
remplie d'hommes charnels, quand il dit au Seigneur : « Eloignez-
vous de moi, parce que je suis un pécheur. » L'Eglise, remplie *de
cette foule d'hommes charnels et presque submergée par leurs mœurs
dépravées, semble éloigner d'ellele règne des hommes spirituels (dontla
personne de Jésus- Christ est la plus haute représentation.) Ce n'est point
de bouche que les hommes tiennent ce langage aux vertueux ministres
de Dieu pour les éloigner d'eux, c'est par la voix de leurs mœurs et de
leurs actions, qu'ils les pressent de se retirer pour se soustraire à la direc-
tion des bons. Et leurs instances sont d'autant plus vives . qu'ils leur
témoignent en même temps de l'honneur et du respect , Pierre figu-
rait ce respect, en se jetant aux pieds du Seigneur, et leurs mœurs,
en disant : « Eloignez- vous de moi. » — Bède. Or, le Seigneur dissipe
la crainte des hommes charnels qui , tremblant pour quelques-uns à
tanquam vocantem aut jubentem. Sed si
secundum Joaauem juxta Jordanem se-
cuti suDl eum Petrus et Andréas , quo-
modo ab aUis evaugelistis dicitur quod
eos ia Galilaea piscantes invenit , et ad
discipulatum vocavit? Nisi quia intelli-
gendum est non sic eos vjdisse Domi-
num juxta Jordanem, ut ei inseparabili-
ler cohaererent, sed tantum cognovisse
quis esset , eum que miratos ad propria
remeasse.
Ambr. Myslice autem quos Petrus in
verbo capit, negat suam praedam, negat
suum munus : « Exi (inquit) a me. Do-
mine : » noli timere et tu quae tua sunt
Domino déferre ; quia qufe sua , nobis
ille concessit. AuG. {de Quœst. Evang..
ut sup.) Vel aliter : ex persona Ecclesiae
carnalibus bominibus plenœ Petrus
dicit : « Exi a me , quia bomo peccator
sum ; » tanquam Ecclesia turbis carna-
liuni impleta, et eorum moribus pêne
submersa, regnum spiritualium (in qui-
bus maxime persona Cbristi eminet) a
se quodammodo repellat : non enim boc
voce linguae dicunt bomines bonis mi-
nistris Dei, ut eos a se repellant; sed
voce morum et actuum suadent a se
recedi, ne per bonos regaulur, et co
vebementius, quod deferunt eis bonorem,
ut bonorificentiam eorum signiticaverit
Petrus, cadens ad pedes Domini ; mores
autem, in eo quod dixit : « Exi a me. »
Beda. Confortât autem Dominus timo-
rem carnalium , ne quis vel de suae
conscientia culpse tremens , vel de alio-
DE SAINT LUC, CHAP. V. 257
la vue de leur conscience coupable, ou découragés par le spectacle de
l'innocence des autres, redouteraient d'entrer dans la voie de la sain-
teté. — S. AuG. [Quest. évang.) Le Seigneur, en ne se rendant pas à
leurs désirs, apprend aux hommes vertueux et spirituels à ne pas
se laisser aller au désir d'abandonner le ministère ecclésiastique pour
mener une vie plus calme et plus tranquille , parce qu'ils ne peuvent
supporter les désordres de la foule. Ils ramènent leurs barques à terre,
et quittent tout pour suivre Jésus ; et en cela ils figurent la fin des
temps, où ceux qui se seront attachés à Jésus-Christ quitteront pour
toujours la mer agitée du monde.
t. 12-16. — Or il arriva, comme il était dans une des villes, qu'un homme
couvert de lèpre, apercevant Jésus, se prosterna la face contre terre et le
pria en disant : Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir. Jtssus,
étendant la main, le toucha, et lui dit : Je le veux, soyez guéri. Et à l'instant
sa lèpre disparut. Jésus lui commanda de n'en parler àpersonne, mais : Allez,
lui dit-il, montrez-vous au prêtre, et offrez pour votre guérison le doji prescrit
par Moïse, en témoignage pour eux. Or, sa renommée se répandait de plus
en plus, des troupes nombreuses venaient pour l'écouter, et pour être guéries
de leurs maladies. Mais il se retirait dans la solitude et priait.
S. Ambr. La guérison de ce lépreux est le quatrième miracle que
fit Jésus depuis son entrée à Capharnaûm. Si, lors delà création, Dieu
a éclairé le quatrième jour des splendeurs du soleil, et l'a ainsi rendu
plus brillant que les autres jours, nous devons regarder aussi ce mi-
racle comme plus éclatant que les autres miracles. « Or, il arriva,
comme il était dans une ville, qu'un homme couvert de lèpre, » etc.
L'Evangéliste ne désigne pas d'une manière précise le lieu où ce lé-
preux fut guéri, pour nous apprendre (jue ce ne fut pas le peuple par-
rura innocentia stupens, sanctitatis iter
formidot aggredi. Alg. {de Quast.
Evang., ut sup.) Dominus aulem duin
uon recessit ab eis, sigïiificat iu bonis et
spirilualibus viris non esse oportere
hanc volunlatem , iit peccatià lurbarum
commoli (quo quasi securius tranquil-
liusque vivant) muuus ecclesiasticum
desoraiit. Qiiod autem subducLis ad ter-
rain navibus, relictis omnilms , seculi
sunt eiim, potest sicrnificare liueni lem-
piiris, quo ab hujus niundi salo , qui
Cbriâto inhœserinl, penilu.s recessuri
sunt.
El fnctum est cum esset in una civitalum, et eccc
virplfiiius tepra ; et videns Jesum, et procidens
in faclem suant rogavit eum, dicens : Domine ,
TOM. V.
si vis, potes me mundare. Et extendens Jésus
manum, tetigiteum, dicens: Volo , mundore.
Et confestim lepra discessit ab illo. Et ipse
prœcepit illiut nemini diceret ; sed : Vade. os-
tende te sacerdoli ; et offer pro emundatione
tua sicut prœcepit Moyses in testimonium iUis.
Peraiiibulabat autem mayis sermo de illo, et
conveniebanl turbœ multœ ul audirent et cura-
rentur ab infirmitatihus suis. Ispe autem sece-
debat in desertum et orabat.
Ambr. Quarto signo , ex quo in Ca-
pbaruaum Dominus venit, leprosus sa-
nalur. Si aulem quartum diem sole
illuminavit et ciarJorem cœteris fecit,
boc clarius opus a-stimare debemus; de
quo dicitur : « Et faclum est cum esset
iu uuacivitatum, ecce vir plenus lepra,»
etc. Beue ubi leprosus mundatur, certus
I uou expriuiitur locus, ul (jsteudatur,
17
258
EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
ticulier d'une seule ville, mais tous les peuples de la terre qui eurent
part à la guérison spirituelle de l'àuie. — S. Athan. [lettre à Adelph.
contre les Ar.) Ce lépreux adora le Seigneur son Dieu sous une forme
humaine, la chair mortelle qu'il avait sous les yeux ne lui fit point
croire que le Verbe de Dieu fût une simple créature ; quoique recon-
naissant dans Jésus le Verbe de Dieu, il ne méprisa point la chair
dont il était revêtu ; au contraire , il se prosterne le visage contre
terre, pour adorer, comme dans un temple créé, le Créateur de toutes
choses : « Apercevant Jésus , il se prosterna la face contre terre , et
le pria. » — S. Ambr. Il se prosterne la face contre terre par un sen-
timent d'humilité et de confusion, et nous apprend ainsi à tous à rougir
des souillures de notre vie. Cependant cette confusion n'étouffe point l'a-
veu qu'il veut faire de son infirmité; il montre les plaies de son corps, et
en demande la guérison : « Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me
guérir. » Ce n'est point qu'il soit incrédule et qu'il doute de la bonté
et de la volonté du Seigneur ; mais la conscience qu'il avait de sa
honteuse maladie (1), réprime chez lui tout sentiment de présomption.
D'ailleurs quelle profession de foi, de religion plus parfaite que celle
qui fait découler toute puissance de la volonté du Seigneur. — S. Cyr.
Il savait que la lèpre dont il était couvert ne pouvait être guérie par
toutes les ressources de la science médicale , mais il vit la divine ma-
jesté chasser les démons, guérir toutes les maladies , et il en conclut
que la droite de Dieu pouvait seule opérer ces merveilles. — Tite de
BosTR. Apprenons, par ces paroles du lépreux , à ne pas rechercher
avec trop d'empressement la guérison de nos infirmités corporelles,
mais à tout remettre entre les mains de Dieu , qui fait chaque chose
en son temps et dispose tout avec sagesse.
(1) Le texte de saint Ambroise porte
iniquitatis suae consoius. »
quasi coUmionis suis conscius, » au lieu de : « quasi
nou unum populum specialis aliciijus
civitatis, sed omnes fuisse populos sana-
tos.ATHAN. {inCat. Grœcoruin Pcifrum.)
Adoravit autera leprosus Dominum
Deuui exislentem in corpore; et ueque
propter carnem putavit esse creaturam
Verbum Dei; nec pro eo quod verbum
erat, vilipendit carnem quain vestiebat;
imo ut in teniplo creato adorabat om-
nium Creatorem , in faciem procidens :
sequilur enim : « Et videns Jesuui et
procidens in faciem suam^ rogavit eum. »
Ambr. Quod in faciem procidit, humili-
talis est et pudoris; ut uuusquisque de
vitse suîB maculis erubescat; sed cou-
fessionem verecundia non repressil ;
ostendit vulnus, remediura postulavit.
dicens : « Domine, si vis, potes me
mundare. » De voluutate Domini, non
quasi pietatis incredalus, dubitavit, sed
quasi iniquitatis suae conscius non prœ-
sumpsit : religionis autem et fidei plena
confessio est, quae in voluntate Dominl
posuit potestatem. Cyril, {uhi sup.)
Noverat enim lepram experimentis me-
dicorum non cedere , sed vidit diviua
majestate pelli dœmones, et eceteros ab
aliis valetudiuibus curari ; quœ conjecit
divina dextera fieri. Titus Bostrensis.
Addiscamus etiam ex verbis leprosi cor-
poralium intîrmitatum medelam non
quserere, sed divino beneplacito totum
cûuuuitieie , qui nuvit opporluna et
omnia judicio disposuit.
DE SAINT LUC. CHAP. V.
259
S. Ambk. Notre-Seigneur emploie dans la guérison du lépreux le
moyen qu'il lui a comme indiqué dans sa prière : «Et Jésus, étendant
la main, le toucha en disant : Je le veux, soyez guéri. » La loi défend
de toucher les lépreux, mais le Maître de la loi n'est pas soumis à la
loi, c'est lui qui en est l'auteur. Si donc il touche ce lépreux, ce n'est
pas qu'il n'eût pu le guérir autrement , mais c'était pour prouver
qu'il n'était pas assujetti à la loi, et que loin de craindre d'être atteint
par cette maladie contagieuse , il était inaccessible à toute souillure,
lui qui venait en déUvrer les autres. Il voulait, au contraire , que la
lèpre qui souille ordinairement la main qui la touche , disparût au
simple contact de sa main divine. — Théophtl. En effet , sa chair
sacrée puriûe et donne la vie , parce qu'elle est la chair du Verbe de
Dieu. — S. Ambr. Dans ces paroles ; « Je le veux , soyez guéri , vous
voyez à la fois l'expression de sa volonté bienfaisante et de sa tendre
compassion. — S. Cyr. Très., xir, 14.) Ce commandement suprême
ne peut venir que de la divine majesté , comment donc pourrait-on
assimiler le Fils unique aux serviteurs , lui qui peut tout par sa seule
volonté? Il est dit de Dieu le Père, « qu'il a fait tout ce qu'il a voulu»
{Ps. cxiii, cxxxiv) ; comment doue celui qui exerce la puissance de
son Père,, serait-il d'une nature différente? Tout ce qui a la même
puissance , a ordinairement la même nature. Cependant admirez
comment Jésus-Christ joint ici l'opération divine à l'action humaine ;
car c'est le propre de la nature divine que la volonté soit aussitôt suivie
de son efifet , comme étendre la main est un acte de la nature hu-
maine. Or, la personne uni({ue de Jésus se compose de ces deux na-
tures, parce qu'il est le Verbe fait chair. — S. Grég. de Nysse. {dise.
sur la résurr. de J.-C.) En Jésus-Christ, la divinité était unie aux
A MB. Eo autem sanat génère quo fue-
rat obsecratu3 : unde seqaitur : « Et
extendens Jésus nianimi tetipit euni,»
etc. Lex taugi leprosos prohibet; sed
qui Dominus legis est, non obsequitur
legi , sed legem facit. Non ergo tetigit,
quia sine tactu inundare non poterat,
sed ut probaret quia subjec us non erat
legi, nec conlagiuin liniebal ut homines;
sed quia oontaminari non poterat qui
alios liherabat : siniul e contrario ut
lepra tactu Domini fugaretur, qua3 sole-
bat contaminare tangcnteni. Tueophvl.
Ipsius eniiu sacra caro est purgativa et
vitam tribuens, sicut existeiis Verbi Dei
caro. Ambr. Fn hoc autem (|uod subdit :
« Volo , mundaro, » hahes voluntateni,
babes et pielalis efTecluui. Cyril, [in
Cat. Grœcorum Patrum, ex T/tesauri.
lib. xn, cap. 14.) A majestate autem
processit imperiosum mandatum : quali-
ter igitur in servis coniputatur unigeni-
tus Filius , qui volendo tantummodo
cuncta potest ? Legitur de Deo Pâtre
(Psal. 113 et 134) quod « omnia quœ-
cunque voluit fecit. » Qui vero sui Patria
potestate fungitur, quomodo diversifica-
bitur in nalura ab eo ? .Soient etiam
quaecunque sunt ejusdem virtutis, ejus-
deni esse substauti.-p. Item alibi : mirare
tamen in bis Christum divine et corpo-
raliter operautem : divinum enim est
ita velle ut prtesto fiant omnia; huma-
num autem extendere dexteram : unus
itaque Christus ox utrisque perficitur,
eo qiiod « Verbum carii faclum est. »
(jREij. Nyss. {Orat. I, in resarrectionem
Christi.) Et quia cum utraque hominis
260
EXPLICATION DK L EVANGILE
deux substances constitutives de l'homme , à l'àme et au corps , et les
attributs de la nature divine se manifestaient par l'une et l'autre de
ces deux substances. Le corps révélait la divinité ([u'il recouvrait en
donnant la guérisou par un simple attouchement, et l'àme faisait
éclater la toute-puissance de Dieu par l'efficacité de sa volonté ; car
la volonté est l'action propre de l'àme , comme le toucher est le sens
propre du corps, l'àme veut, le corps touche.
S. Ambr. Notre-Seigneur dit : « Je veux, » pour combattre l'héré-
tique Photius ; il commande, pour condamner Arius , il touche le
lépreux^ pour confondre Manès. Aucun intervalle entre l'action de
Dieu et son commandement, pour vous faire comprendre et l'aflfeetion
du médecin, et la puissance de son opération : « Et aussitôt sa lèpre
disparut. » Mais que chacun de nous évite toute vaine gloire en
imitant l'exemple de l'humilité du Sauveur, s'il ne veut que la lèpre
n'atteigne le médecin lui-même : « Et il lui ordonna de n'en parler à
personne. » 11 nous enseigne ainsi à ne point publier nos bienfaits,
mais à les cacher et à ne rechercher ni rémunération pécuniaire , ni
la récompense plus délicate de la reconnaissance. Peut-être aussi
Notre-Seigneur commande le silence à ce lépreux, parce qu'il pré-
férait de beaucoup ceux qui croient par une foi spontanée, à ceux
dont la foi a pour motifs les bienfaits qu'ils espèrent. — S. Cyr. Mais
quand même le lépreux eût gardé le silence, la voix seule de ce miracle
suffisait pour faire connaître la puissance de celui qui avait opéré
cette guérison à tous ceux qui en seraient témoins.
S. Chrys. {hom. Î26 sur S. Matth.) Le plus souvent, la maladie ré-
veille dans les hommes la pensée de Dieu, mais ils l'oublient bien
vite, aussitôt qu'ils sont guéris ; Jésus recommande donc au lépreux
particula (auima scilicet et corpore)
unita est Deitas, per utramque patebant
supernae naturse iadicia : corpus enim
reconditum in se numeu declarabat, cum
palpando praestabat remédia; sed anima
prsepotenti voluntate divinam ostende-
bat virlutem : valut enim sensus tactus
proprius corporis est, sic et auimae vo-
luntarius motus : vult anima , tangit
corpus.
AiiBii. Dicit ergo, volo, propter Pho-
tinum; imperat, propter Arium; tangit,
propter Manichaeum. Nihil antem mé-
dium est inter opus Dei atque prEece-
ptum, ut intelligas medentis aifectum,
virlutem operis : unde sequitur : « Et
coufestim lepra discessit ab illo : » sed
ne lepra trausire possit iu medicum.
unusquisque dominicae humilitatis exem-
plo jactantiam vitet : nam sequitur :
« Et praecepit illi ut nemini diceret; »
ut scilicet doceret non vulganda nostra
beneiicia, sed premenda, ut non soluni
a mercede abstineamus pecuuiae, sed
etiam gratiae. Aut fortasse illa silentii
causa estimperati, quod meliores putabat
qui fide magis spontanea, quam speratis
beneficiis credidisseut. Cyril, {in Cat.
Grœcorum Patrum. ) Leproso etiam
silente sufficiebat ipsa negolii vox ad
narrandum omnibus agnoscentibus per
eum potestatem curantis.
Chrys. {hom. 26, in Matth.) Et quia
ut plurimum bomiues dum Eegrotant,
Dei sunt mcmores ; ut autem convales-
cunt. bebetantur, mandat ut Deum prae
DE SAINT LUC, CHAP. V. 261
d'avoir toujours Dieu devant les yeux, et de lui rendre gloire : « Allez,
montrez-vous au prêtre. » Le Sauveur voulait qu'il se soumit à l'examen
et au jugement du prêtre , et (jne ce fût sur sa déclaration qu'il fût
réintégré dans la société de ceux qui étaient purs. — S. Ambr. Il vou-
lait aussi apprendre au prêtre que ce n'était point par l'observation
des prescriptions de la loi, mais par la puissance bien supérieure à la
loi de la grâce de Dieu, que ce lépreux avait été guéri. En ordonnant
au lépreux d'offrir le sacrifice prescrit par Moïse, le Seigneur fait voir
qu'il ne venait pas détruire la loi , mais l'accomplir : « Et offrez pour
votre guérisou, le don prescrit par Moïse. » — S. Aug. [QuesL évang.,
II, 3.) Le Sauveur parait approuver ici le sacrifice prescrit par Moïse,
et que cependant l'Eglise n'a point conservé. Si donc Notre-Seigueur
en fait ici un précepte au lépreux , c'est que le sacrifice du Saint des
Saints, c'est-à-dire de son corps , n'était pas encore institué ; car les
sacrifices figuratifs ne devaient être abolis que lorsque le témoignage
de la prédication des Apôtres et la foi des peuples fidèles auraient
établi le véritable sacrifice qu'ils figuraient. — S. Aîibr. Ou bien encore,
comme la loi est spirituelle, il commande au lépreux d'offrir un sa-
crifice spirituel, c'est pourquoi il ajoute : « C'est que Moïse a or-
donné, » et ensuite : « En témoignage pour eux. » — Tite de Bost.
Les hérétiques donnent une fausse signification à ces paroles, et
prétendent qu'elles sont dans la pensée du Sauveur un blâme jeté
sur la loi. Mais comment supposer qu'il commande à ce lépreux
d'offrir un sacrifice pour sa guérisou , comme Moïse l'a prescrit,
s'il avait l'intention de blâmer ici la loi? — S. Cyr. Il ajoute : « En
témoignage pour eux , » parce que cette guérison prouve l'excel-
lence incomparable de Jésus-Christ sur Moïse, Moïse, en effet, n'ayant
oculis habeat, dans gloriam Deo : unde 1 corpus ejus est. Non enim oportebat
sequitur : « Sed vade, ostende te sacer- auferrisignificativa sacriGcia, priuscjuam
doti ; » ut bcilicet mundatus leprosus illud quod significabatur coutirmatum
coramitteret se sacerdolis aspeclui, ac ' esset contestalione apostoloriun praedi-
sic per illius censuram numeraretur in- j cantium, et fide credentium populoruni.
ter sanos. Ambr, Et ut etiaui intelligeret | Ambr. Vel quia lex spiritualis est, vide-
sacerdos, non legis ordiue, sed gratia j lursacrificium mandasse spirituale. Unde
Dei supra legem esse curaluui ; et dum dicit : » Sicut praecepit Moyses : » deni-
mandatur sacrificium secunduni prœ- | que addidit : « In testimoniuni illis. »
ceptum Moysi, ostendit Dominus quia t TiTCS Bostrensis. [in Cal. Grœconim
legem non solveret, sed adimpleret : ' Patrum) Ha^relici perperani hoc acci-
unde sequitur: « Et offer pro emunda- ' piunt, dicentes in opprobrium legis essn
tione tua, sicut prœcepit Moyses.» AcG. dictum. Qualiter auteni juberel offerre
{de Quœst. Evang., lib. ii, qufest. 3.) pro emundatione, secunduni pra'ceptum
Videtur bic approbare sacrificium quod j Moysi, si hoc diceret contra legem ?
per Moysen pra^ceptum est, cum id non ! Cyril, [ut sup.) Dicit ergo : « lu tosli-
rccipiat Ecclesia : quod ideo jussisse in- j monium illis, » quia ex lioc facto os-
telligi potest, quia nondum cœperat esse tenditur Christum incomparabili excel-
sacrificium sanctum sanctorum, quod lentia Moysi praeferri; nani quia Moyses
262
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
pu guérir sa sœur de la lèpre , priait le Seigneur de l'en délivrer
{Nomb., xii); au contraire, c^est avec une souveraine autorité que
le Sauveur prononce ces paroles : « Je le veux, soyez guéri. »
S. Chrys. {hom. 26 sur S. Malth.) Ou bien encore, pour leur être
en témoignage , c'est-à-dire pour leur condamnation et pour leur
prouver que je respecte la loi; car après vous avoir guéri, je vous
renvoie à l'examen (i) des prêtres, pour être une preuve que je ne
suis point un violateur de la loi. Le Seigneur, en guérissant ce lépreux,
lui avait recommandé de n'en parler à personne, pour nous apprendre à
fuir l'orgueil et la vaine gloire; mais malgré cette recommandation,
sa renommée se répandait partout et publiait le miracle qu'il venait
d'opérer : « Cependant sa renommée se répandait de plus en plus, » etc.
— BEDE. La guérison parfaite d'un seul en amène une multitude
autour de lui : « Et on venait par troupes nombreuses pour l'en-
tendre_, et pour être guéri de ses maladies , » etc. Car le lépreux, pour
montrer qu'il était guéri extérieurement et intérieurement, publiait
partout (au témoignage de saint Marc) et malgré la défense qui lui
avait été faite, le bienfait de sa guérison.
S. Grég. {Moral., vi, 17) (2). Notre divin Rédempteur consacre le
jour à opérer des miracles dans les villes, et il passe les nuits dans le
saint exercice de la prière : « Et il se retirait dans la solitude , et
priait. » Il enseignait ainsi aux prédicateurs qui tendent à la perfec-
tion, à ne pas renoncer entièrement à la vie active par un trop grand
amour de la vie contemplative ; comme aussi à ne pas sacrifier les
joies de la contemplation aux occupations absorbantes de la vie
(1) Aov.ifxarrtav, preuve, examen, expérience.
(2j Dans les anciens manuscrits, chap. 2b sur ces paroles du chap. v de Job : » Vous entrerez
dans le sépulcre, comme un monceau de blé qui est serré en son temps, n
iusufficiens erat a sorore leprœ pellere
morbum, orabat Dominum ut eam li-
beraret (7\«w., 12), sed Salvator in po-
testate divina prolulit : « Volo niim-
dare. »
Chrys. {hom. 26, in Matth.) « Vel in
testimonium iliis ; » hoc est, ad repre-
hensionem eorum, et ad probationem
quod legeni revereor. Cum enim te cu-
raverini, niitto te ad sacerdotum expe-
rienliam, ut attesteris mihi quod non
aum prœvaricatus in legeni. Et quamvis
Doniinus inipeudens remédia moneret
neuiini dicere, instruens nos evitare su-
perbiamj fama tamen ejus volabat un-
■dique instillans auditui cunctorum mi-
racnlum : unde sequitur : « Perambula-
bat autem magis sermo de illo, » etc.
Bed. Unius autem perfecta salvatio mul-
tas ad Dominum cogit turbas : unde se-
quitur : « Et conveniebaut turbœ multae
ut curarentur, » etc. Ut enim leprosus
exterius et interius se sanatum doceret,
perceptum beneficiuni (ut Marcus ait)
etiam jussus non tacet.
Greg. (VI Moral., cap. 17.) Redem-
ptor autem noster per diem miracula in
urbibus exhibet, et ad orationis studium
in nocte pernoctat : unde sequitur :
« Ipse autem secedebat in desertum, et
orabat ; » ut perfectis videlicet praidica-
toribus innuat, quatenus nec activam
vitam amore speculationisfunditus dese-
rant, nec contemplationis gaudia opéra-
DE SAINT LUC, CHAP. V. 263
active, mais à puiser dans le calme de la contemplation les vérités
qu'ils verseront ensuite dans les âmes lorsqu'ils travailleront au salut
du prochain. — Bède. Lorsque vous voyez le Sauveur se retirer dans
la solitude , n'attribuez pas cette action à la nature qui dit : « Je le
veux, soyez guéri ; » mais à celle qui étend la main pour toucher le
lépreux. Ce n'est pas, sans doute, qu'il y ait deux personnes en Jésus-
Christ, comme le prétend Nestorius; mais il y a deux opérations
dans une seule et même personne , comme il y a deux natures. —
S. CiRÉG. DE Nazianze. {disc. 28.) Notre-Seigneur opère ordinairement
ses œuvres au milieu du peuple, et se livre à la prière dans la solitude,
et il autorise ainsi un repos momentané, qui nous permet de nous en-
tretenir avec Dieu dans la sincérité de notre âme. En effet , il n'avait
besoin pour lui-même ni de retraite ni de solitude, puisque étant Dieu,
il n'était sujet ni au relâchement ni à la dissipation de l'âme, il vou-
lait donc nous apprendre qu'il est une heure pour la vie active, une
autre pour des occupations plus élevées; et nous enseigner le temps
qui convient à l'action , et celui qui est favorable à roxercice plus
sublime de la contemplation.
BÈDE. Dans le sens allégorique, ce lépreux représente le genre hu-
main languissant et affaibli par suite de ses péchés ; et tout couvert
de lèpre; « car tous ont péché et ont besoin de la grâce de Dieu (1) »
{Rom., m), c'est-à-dire qu'ils ont besoin que Dieu, étendant la main
(c'est-à-dire que le Verbe de Dieu contractant une union étroite avec
la nature humaine), il les purifie de leurs anciennes erreurs, et leur
permette d'offrir, pour leur guérison , leurs corps comme une hostie
vivante. — S. Ambr. Si le Verbe est le remède tout puissant de la
(t) Le texte des Bibles corrigées porte : « Egent gloria Dei, » et ont besoin rie la gloire de Dieu,
comme dans le texte grec vxTTepoùvTai t^ç ôÔ^tt);, car l'action par laquelle Dieu nous donne la
grâce dont nous avons besoin, tend directement à sa gloire.
tionis nimietate contenmant ; sed quieti
contemplitutes sorbeant, quoil occupati
ergaproximos loquentes refiindant. Bed.
Quod auteiu secedit orare, non ei na-
turtc tribuas qufe dicit : « Volo, miin-
dare ; «sed ei qiiaî exlendcns niaiiuni
telip;it Ipprosum ; non quod juxta Nes-
toriiim peniina sit filii persoua ; sed
ejusdem personte (sicut nalurae), sic el
operationes sunt duœ. Grkg. Nazianz.
(Orat., 28.) Et opéra quidem in pupulo,
orationes aulcm in deserlo peraf^^obal ut
plurimum, sanciens quod liceat paruni-
per quiescere, ut mente sincera cum
Deo colloquamur : neque enim ipse in-
digebat remotione vel secessu, ijuia non
erat in eo quod remitteretur, vel in quod
coliigeret seipsum, cum Deus esset; sed
ut pateal nobis et operationis liora et
altioris sniertia? ; sive ut aclionis et su-
blimions cujusdara occupalionis terapus
opporlunum discamus.
BiîDA. Typice autem leprosus buma-
nuni genus languidum peccatis désignât;
plénum lepra, « quia omnes peccaverunt,
et egent gratia Dei » [Rom., 3), ut sci-
licel l'Xtenla manu (id est, Verbo Dei,
bumanam contingente naturam) a prisci
erroris varielate mundenlur, et offerant
pro emudatione corpora sua bostiam
vivam. Ambr. Si autem leprœ medicina
verbum est, contemptus verbi lepra
264
EXPLICATION DE L EVANGILE
lèpre, lo mépris du Verbe est donc la lèpre de l'âme. — Théophyl.
Remarquez encore que celui qui est purifié devient digne de présenter
à Dieu son oflFrande , c'est-à-dire le corps et le sang du Seigneur, qui
sont unis à la nature divine.
f. 17-26. — Un jour qu'il enseignait, étant assis, des pharisiens et des docteurs
de lu loi venus de tous les villages de Galilée et de Judée, et de la ville de
Jérusalem, étaient aussi assis près de lui, et la vertu du Seigneur opérait pour
guérir les malades. Et voilà que des gens portaient sur un lit un homme
paralytique, et cherchaient à le faire entrer et à le mettre devant lui. Mais ne
trouvant point par où le faire entrer, à cause de la foule, ils montèrent sur le
toit, et par les tuiles, ils le descendirent avec le lit où il était, au milieu de
tous devant Jésus. Voyant leur foi, il dit : Homme, vos péchés vous sont remis.
Alors les scribes et les pharisiens commencèrent à dire en eux-mêmes : Qui est
celui-ci qui profère des blasphèmes? Qui peut remettre les péchés que Dieu
seul? Mais, dès que Jésus connut leurs pensées, il prit la parole et leur dit :
Que pensez-vous en vos cœurs ? Lequel est le plus facile de dire : Vos péchés
vous sont remis ; ou de dire : Levez-vous et marchez? Or, afin que vous sachiez
que le Fils de l'homme a le pouvoir sur la terre de remettre les péchés, il dit
au paralytique : Levez-vous, je vous le commande, prenez votre lit, et vous en
allez en votre maison. Et aussitôt, se levant devaiit eux, il prit le lit où il
était couché, et s'en alla dans sa maison en glorifiant Dieu. Et ils furent tous
frappés de stupeur ; et ils glorifiaient Dieu, et remplis de crainte ils disaient :
Nous avons vu aujourd'hui des choses prodigieuses.
S. Cyr. {Ch. des Per. gr.) Les scribes et les pharisiens qui avaient
été témoins des miracles de Jésus-Christ, venaient aussi entendre ses
divines leçons : « Un jour qu'il enseignait étant assis, des pharisiens et
des docteurs de la loi étaient également assis près de lui, et la vertu du
mentis est. Theophylact. Vide autem
quod postquam muodatus est aliquis,
tune dignus est ofîerre hoc munus ; sci-
licet corpus et sanguinem Domini, quod
est divinse unitum naturse.
Et factum est in una dierum, et ipse sedebat do-
cens, et erant pharisœi sedentes et legis doc-
tores, qui vénérant ex omni castello Galilœœ ,
et Judœœ , et Hierusalem ; et virtus Domini
erat ad sanandum eos. Et ecce viri portantes
in lecto hominem qui erat parahjticus ; et quœ-
rebant eum inferre, et ponere ante eum : et non
invenientes qua parte illum inferrent prœ-
turba, ascenderunt supra tectum, et per tegu-
tas siibniiserunt eum eum lecto in médium ante
Ji'sum. Quorum fidem nt cidit, di.vil: Homo,
rcinitluntur tibi peccata tua. Et cœpernnt co-
gitare scribœ et pharisœi, dicenles : Quis
est hic qui loquitur hlasphemias ? Quis
potest dimittere peccata, nisi solus Deus ? Ut
cognovit autem Jésus cogitationes eorum, res-
pondens dixit ad illos : Qmd cogitatis in cor-
dibus vesfris ? Quid est facilius dicere : Dimit-
tuntur tibi peccata ? an dicere : Surge et am-
bula ? Ut autem sciatis quia Filius hominis ha-
bet potestatem in terra dimittendi peccata [ait
paralytico) : Tibi dico , surge: toile lectum
tuum, et vade in domum tuam. Et confestim
surgens coram illis, tnlit lectum in quo jace-
bat, et abiit in domum suam magnificans Deum.
Et stupor apprehendit omnes, et magnifir.a-
bant Deum, et repletisunt timore,\dicentes quia
vidimus mirabilia hodie.
Cyril, {in Cat. Grœcoriim Potritm.)
Scribœ etpliarissei qui facti fuerant pro-
digioruni Gliristi spectatores, audiebant
Ipsum qnoquo docentem : unde dicitur :
« El factum est in una dierum et ipse
sedebat docens : et erant pharisaei se-
dentes, » etc. « Et virtus Domini erat
DE SAINT LUC, CHAP. V. 265
Seigneur opérait pour guérir les malades. » Cette vertu n'était pas une
puissance d'emprunt, c'était comme Dieu et comme Seigneur qu'il
faisait ces miracles, par sa propre puissance. Souvent les hommes se
rendent dignes de recevoir les dons spirituels, mais souvent aussi ils
s'écartent du but que s'est proposé l'auteur de ces dons. Tl n'en fut
pas ainsi de Jésus-Christ, car une vertu toute divine affluait en lui
pour guérir les malades. Or, il était nécessaire de donner à cette foule
réunie de scribes et de pharisiens un témoignage éclatant de sa puis-
sance,, pour confondre ceux qui n'avaient pour lui que du mépris ; il
guérit donc miraculeusement ce paralytique. Toutes les ressources de
la médecine avaient été impuissantes pour le guérir, ceux qui s'inté-
ressent à lui l'apportent donc au céleste et tout-puissant médecin : « Et
voilà que des gens portaient sur un lit un homme paralytique, » etc.
— S. Chrts. Les hommes qui portent ce paralytique sont vraiment
admirables, ils ne peuvent le faire entrer par la porte, ils ont recours
à an moyen nouveau et singulier : « Et ne trouvant point par où le
faire entrer, ils montèrent sur le toit, » etc. Ils découvrirent le toit
pour descendre le lit, et ils déposèrent le paralytique au milieu de la
maison : « Et ils le descendirent par les tuiles. » L'endroit par où ils
descendirent le lit du paralytique par les tuiles était sans doute peu
élevé.
BEDE. Avant de guérir cet homme de sa paralysie, le Seigneur l'af-
franchit d'abord des liens du péché; il lui apprend ainsi que l'afifai-
blissement, la défaillance de ses membres est la punition des fautes
dont son âme est comme enchainée, et qu'il faut rompre ces chaînes
spirituelles pour qu'il puisse recouvrer la santé. — S. Ambii. Qu'il est
ad sanandum eos: » non quasi mutuo
acciperet poteslatem alteriils ; sed quasi
Deuâ et Dominus propria operabalur
virtute. Fiunt autem lioniiues sœpe do-
norum spiritualiuni digni, sed plerura-
que deficiunt a ratione quam novit do-
noriim larfjitor. Quod in Christo non
accidit : affluebat enim in préestandis
remediis virtus divina. Quia vero neccs-
sarium crat, uhi tantascriiiarum et plia-
risœorum turba convenerat, aliquid fieri
ex his qua*. virtuti attestareutur ipsius,
coram ers qui eum parvipendebant, fac-
tura est iiuoddam miraculum in paraly-
ti(;o;in quo quia dofecisse videl;atur
medicinalis ars, porlabaliir a proxiniis
ad supernuiu et cœlestem medicuni :
unde sequitur : « Et ecce viri portan-
tes, » etc. Chrys. {in Cot. ut sup.) Mi-
randi vero sunt qui paralyticum addu-
xerunt, qualiter cum naquissent intrare
per ûslium, novum aliquid et alienum
attentaverunl : unde sequitur : « Kt non
invenientes qua parle illuni inl'errent,
ascenderunt supra teetum, » etc. Dete-
gentes autem teclum deponunt graba-
tum, et ponunt in medio paralyticum :
unde sequitur : « Et per tegulas dimi-
serunt. » Dicel aliquis domissum fuisse
locum, a quo per tegulas deposuerunt
paralytici lectum.
Beda. Hominem autem Dominus a
paralysi curaturus , primo peccatorum
vincula dissolvit, ut osteuderel eum ob
nexus culparum artuum dissolutione
damnari ; nec nisi bis relaxatis mem-
brorum posse recuperatione sanari :
unde sequitur : « Quorum fidem ut vi-
266
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
grand le Seigneur qui pardonne aux uns, en considération du mérite
des autres, qui accueille favorablement les uns, et pardonne aux
autres leurs égarements ! 0 homme ! comment pourriez-vous re-
fuser d'écouter les prières de vos semblables, lorsqu'auprès de Dieu,
un serviteur a le droit d'intervenir par ses méiùtes et d'obtenir ce
qu'il demande? Si donc vous désespérez d'obtenir le pardon de
fautes énormes, ayez recours aux prières des autres, ayez recours à la
médiation de l'Eglise, qui priera pour vous, et en sa considération. Dieu
vous accordera le pardon qu'il aurait pu vous refuser à vous-même.
— S. Chrys. [hom. 30 sur S. Matlh.) Disons cependant que la foi de
ce paralytique concourait aussi pour demander sa guérison, car s'il
n'avait eu la foi, il n'aurait pas consenti à ce qu'on le descendît ainsi
aux pieds de Jésus.
S. AuG. {de l'ace, des Evang.^ ii, 25.) Notre- Seigneur lui dit : « 0
homme ! vos péchés vous sont remis. » Et en parlant ainsi, il insinue
que les péchés étaient remis à un homme qui, par là même qu'il était
homme, ne pouvait dire : « Je suis sans péché. » Il voulait encore
faire entendre que celui qui remettait les péchés était Dieu. —
S. Chrys. {tiré des hom. 14, 30 sur S. Matth.) Lorsque nous sommes
atteints de souffrances corporelles, nous nous empressons bien vite de
les faire cesser; si, au contraire, notre âme vient à être malade, nous
différons de recourir aux remèdes, et c'est pour cela que nous n'ob-
tenons pas la guérison de nos infirmités corporelles. Retranchons
donc courageusement la source du mal, et le cours de ces infirmités
s'arrêtera. Or, les pharisiens, dans la crainte de la multitude, n'osaient
manifester leurs pensées, ils se contentaient de s'en occuper dans leurs
cœurs : « Et ils commencèrent à dire en eux-mêmes : Qui est celui
qui profère des blasphèmes? » — S. Cyr. En formulant cette accu-
dit, » etc. Ambr. Magnus Dominus qui
aliorum merito ignoscit aliis : et dum
alios probat, aliis relaxât errata. Cur
apud te, homo, coUega non valeat, cum
apud Deum servus et intervenieudi me-
ritum et jushabeat impetrandi? Si gra-
viuni peccatorum diftidis veniam, adhibe
precatores, adhibe Ecclesiam quae pro
te precetur cujus contemplatione quod
tibi Dominus negare posset ignoscat.
Chrys. {hom. 30, in Matth.) Occurrebat
autem et in hoc ipsius patientis fides :
non enim sustinuisset se inferius sub-
mitti, niai credidisset.
AuG. {de Con. Evanrj., lib. ii, cap.
25.) Quod autem dicit : « Homo, dimit-
tuntur tibi peccata,» ad hoc insinuandum
valet, quia homini dimittebantur peccata,
qui eo ipso quod homo erat, non posset
dicere : « Non peccavi. » Simul etiara ut
ille, qui homini dimittebat, intelligere-
tur Deus. Chrys. [in Cat. Grœcorum
Patrum. ex homiliis in Matth.) Nos
autem si corporaliter patimur, satagi-
mus nocivum abjicere : cum vero maie
sit animai, differimus ; atque ideo nec
a corporis nocivis curamur. Abscinda-
mus igitur fontem malorum, et cessa-
bunt aegritudinum tluxus. Metu autem
multitudinis suam intentionem aperire
pharissei non audebant, sed solum in
cordibus suis meditabantur : unde se-
quitur : « Et cœperunt cogitare dicen-
tes : Qui est hic qui loquitur blasphe-
DE SAINT LUC. CHAP. V.
267
sation, ils se hâtent bien légèrement de prononcer la sentence de
mort. Car la loi ordonnait de punir de mort tout homme coupable
de blasphème contre Dieu. — S. Ambr. (1*) C'est ainsi qu'ils viennent
eux-mêmes témoigner en faveur de l'œuvre de la toute puissance du
Fils de Dieu, car rien n'établit plus fortement la foi qu'un aveu invo-
lontaire et forcé, comme aussi rien n'augmente la culpabilité comme
la négation de ceux qui se condamnent par leurs propres asser-
tions (2*) : « Qui peut remettre les péchés que Dieu seul? » Quelle
folie de la part de ce peuple infidèle, de reconnaître d'un côté que
Dieu seul peut remettre les péchés, et de ne point croire de l'autre
au Dieu qui remet les péchés. — Bède. Ils disent vrai, Dieu seul peut
remettre les péchés, et il les remet aussi par ceux auxquels il a
donné ce pouvoir. Nous avons donc ici une preuve que Jésus-Christ
est vraiment Dieu, puisqu'il peut remettre les péchés comme Dieu.
S. Ambr. Mais comme la volonté du Seigneur est de sauver les pé-
cheurs, il leur prouve sa divinité par la connaissance qu'il a des
choses cachées : « Mais, afin que vous sachiez, » etc. — S. Ctr. Il
semble leur dire : Vous dites, ô pharisiens : « Qui peut remettre les
péchés que Dieu seul, » et moi je vous réponds : « Qui peut scruter
les secrets des cœurs, si ce n'est Dieu seul ? » Lui qui dit par la bouche
des prophètes : « Je suis le Seigneur qui scrute les cœurs et pénètre
les reins (3). » — S. Chrys. {hom. 30 sur S. Matth.) Si vous refusez
de croire le premier miracle (la rémission des péchés), j'en ajoute un
(1*) Nous avons suivi comme plus clair le texte original de saint Ambroise : « Itaque ab ipsis et
operis sui Dei Filius accipit testimonium, » au lieu de o ab ipsis ex operibus suis. »
(2*) Le texte original porte : « Qui suis assertionibus revincuntur, » au lieu de o relinquuntur, »
qu'on lit dans toutes les éditions de la Chaîne d'or.
(3) Jerem., x; Ps. vu, 10; I Paralip., xxviii, 9; Sag., vi, 4; Sophon., i, 12; Apocal., u, 23.
mias? » Cyril, (in Cat. Grxcorum,
ubi svp.) In quo mortis praecipitant
senlentiatn. Erat enim maridatuni in
lege [Levi., 24.) quod quicunque blas-
pheniaret in Deum, morte puniretur.
Ambr. Itaque ab ipsis et operis sui Dei
Filius accipit testimonium. Nam et vali-
dius est ad fidem, quod confitentur in-
vili, et perniciosius ad culpaiii, quod
negant qui suis assertionibus reviucun-
tur : unde sequitur : « Quis potest pec-
cata dimitlere uisi solus Deus ? » Magua
infidii; piebis anienlia, ut cum confessa
fuerit solius iJei esse donarc peccata,
non f-redat iJeo peccata donanli. Beda.
Yerum enim dicunt quia nemo peccata
dimittere nisi Deus potest ; qui per eos
quoque dimittit, quibus diraittendi tri-
buit potestatem. Et ideo Cbristus vere
Deus esse probatur, quia dimittere pec-
cata quasi Deus potest.
Ambr. Dominus autem salvos volens
facere peccatores, ex occultorum cogui-
tione Deum se esse demonstrat: unde
sequitur : « Ut autem cognoscatis, » etc.
Cyril, [in Cat. Grœcorum Patrum.)
Quasi dicat : 0 pharisœi, quia dicitis :
« Quis potest peccata dimittere, nisi
solus Deus ? » respondeo vobis : « Quis
potest sécréta cordis scrutari, nisi solus
Deus? » Qui per prophetas dicit. « Ego
Dominus scrutans corda ol probans re-
nés. » Chrys. {hom. 30, in Multh.) Si
ergo increduli estis erga primum (scili-
cet remissionem peccati) , ecce aliud
adjicio, dum intima vestra patefacio :
268
EXPLICATION DE l'ÉVANGTLE
second, en dévoilant vos pensées les plus secrètes, et un troisième en
rendant la santé et la force au corps de ce paralytique : « Lequel est
le plus facile, » etc. Il est évident qu'il est beaucoup plus facile de
rendre la force à un corps affaibli, car l'âme est beaucoup plus noble
que le corps, et la rémission de ses fautes est d'autant plus excellente.
Mais comme vous refusez de croire au premier miracle, parce qu'il
reste cacbé, j'en ajouterai un autre qui lui est inférieur, mais qui est
visible et qui vous démontrera la vérité de celui qui est invisible. Re-
marqviez encore qu'en adressant la parole au paralytique, Notre-Sei-
gneur ne lui dit pas : « Je vous remets vos pécbés, » pour établir sa
propre puissance ; mais lorsqu'il y est forcé par la malice de ses enne-
mis, il la déclare ouvertement, en disant : « Or, afin que vous sa-
chiez, » etc. — Théophyl. Vous le voyez, c'est sur la terre qu'il remet
les péchés : en efifet, tant que nous sommes sur la terre, nous pouvons
effacer nos péchés, mais lorsque nous l'aurons quittée, nous ne pour-
rons plus les confesser, car la porte sera fermée.
S. Chrys. {hom. 30 sur S. Matth.) Le Sauveur prouve la rémission
des péchés par la guérison du corps : « Il dit au paralytique : Je vous le
commande, levez-vous, » et il prouve la guérison du corps de ce paraly-
tique, eu lui commandant d'emporter son lit, ce qui confirmait invinci-
blement la réalité de cette guérison : a Prenez votre lit, » etc., comme
s'il lui disait : Je voulais me servir de votre infirmité pour guérir ceux
qui paraissent pleins de santé, mais dont l'àme est bien malade; puis-
qu'ils refusent la guérison, allez convertir votre famille. — S. AiiBR.La
guérison s'opère immédiatement, et sans retard, le Sauveur guérit
cet homme au même moment qu'il parle : « Etse levant aussitôt,» etc.
— S. Gyr. Ce miracle prouve que le Fils de l'homme a sur la terre le
quin etiam aliud, dum paralytici corpus
consolido : uûde subdit : « Quid est fa-
cilius, » etc. Palam quidem est^ quia
consolidare corpus facilius est : quanto
namque nobilior est anima corpore,
taato est excellentior absolutio crimi-
num : verum quia illud uon creditis eo
quod lateat, adjiciam quod minus est,
apertius tameu ; quateaus quod est oc-
cultum per hoc demonstretur. Et qui-
dem cum allocutus est infirmantem ,
non dixit : « Dimitto tibi peccata, »
propriam exprimons potestatem, sed,
« remittuntur tibi peccata. » Cogentlbus
autem illis, evidentius propriam décla-
rât potestatem , dicens : « Ut autem
sciatis, )) elc. Theophylact. Vide quod
in terra dimittit peccata. Dum enim su-
mus in terra, peccata nostra delere pos-
sumus; postquam vero a terra tollimur,
non valebimus confiteri, clauditur enim
janua.
Chrys. [in hom. 30, in Matth.) De-
monstrat autem peccatorum veniam per
corporis sanationem : unde sequitur :
« Ait paralytico : Tibi dico, surge : »
ipsam vero corporis sanitatem demous-
trat per lecti portationem, ut sic non re-
putetur phantasia quod factuni est : unde
sequitur : « Toile grabatum tuum, » etc.
Quasi diceret : Ego volebam per tuam
passionem curare illos qui sani videntur,
iufirmantur autem in anima ; sed quia
nolunt, vade tuam correcturusfamiliam.
Ambr. Nec mora uUa, sauitas intervenilj
unum dictorum remediorumque mo-
mentum est : unde sequitur. (( Et con-
festim surgens, » etc. Cyril, {ubi sup.)
DE SAINT LUC, CHAP. V. 269
pouvoir de remettre les péchés ; ce qu'il déclare ici pour rétablir sa
divinité et pour uotre instruction. En effet, c'est en tant que Dieu fait
homme, et comme maître de la loi, qu'il remet lui-même les péchés;
mais nous avons reçu nous-mêmes ce pouvoir admirable, car il a dit à
ses disciples : « Les péchés se.vont remis à ceux à qui vous les remet-
trez. » Et comment n'aurait-il pas à un plus haut degré le pouvoir de
remettre les péchés, lui qui a communiqué ce pouvoir aux autres? Les
rois et les princes de la terre, quand ils font grâce aux homicides, les
délivrent du supplice qu'ils devaient subir en ce monde, mais ils ne
peuvent les absoudre de leurs crimes.
S. Ambr. Les Juifs incrédules voient le paralytique se lever et
s'étonnent qu'il marche : « Et ils furent tous frappés de stupeur, » etc.
— S. Chrys. {hom. 30 sw S. Matlh.) Les Juifs rampent encore dans
des pensées terrestres (1*) , tout en louant Dieu, mais sans rcconnaitre
que Jésus-Christ lui-même était Dieu, car la chair était pour eux un
obstacle (2*), et toutefois, c'était beaucoup déjà de le reconnaître comme
le premier des mortels et comme l'envoyé de Dieu. — S. Ambr. Ils
sont témoins des miracles de sa toute-puissance, et ils aiment mieux
se laisser dominer par la crainte que diriger par la foi : « Et ils furent
remplis de crainte, » etc. S'ils avaient cru, ils eussent cessé de craindre
pour aimer, car l'amour parfait chasse la crainte (I Jean^ iv). Or, la
guérisou de ce paralytique nous donne un enseignement important;
Notre-Seigneur commença par prier, non par nécessité, mais pour
nous donner l'exemple. — S. Aug. {Quest. évang.^ ii, 4..) On peut
(1*) Le texte grec de saint Chrysoslome que nous avons suivi porte : ëti y_a[Jia'. ffOpovrat,
adhuc humi repunt, au lieu de paulatim serpunt.
(2') Est-ce la chair dont Jésus-Christ était revêtu, ou les dispositions charnells des Juifs? le
texte peut admettre ces deux/interprétations.
Quo facto .patuit quod Filius homiuis
potest in terra relaxare peccata; quod
pro se et pro nobis dixerat. Ipse namque
ut Deus faclu3 liomo, tanquam Dominus
legis peccata diinillit : sorliti suiiius
etiani nos ab eo tain niirabileni gratiam ;
dictuni est enim discipulis {Joan., 20) :
<< Quorum remiserilis peccata, reniit-
tuntur eis. » Quomodo autemnon magis
ipsc peccata dimiltit, qui Ccfileris poted-
fateni faciendi hoc tradidit ? Reges au-
tem terreui et principes boujicidas ab-
solventes a pœna prœseuti libérant, a
criininibus autem expiarc non pussunt.
Ambu. Spectant autem surgenlem in-
creduli, mirantur aboiuitem : unde se-
quitur: « Kt «tupor apprehendit om-
nes, » etc. Chrys. {fwm. 30^ in Matth.)
Paulatim serpunt Judœi magnificantes
Dcum, non tameu putantes eum Deum
esse ; obstabat enim eis caro, nec tamen
eratmodicum œstimarc eum prœcipuum
esse mortalium, et a Deo processisse.
Ambr. Divini autem operis miraculama-
lunt timcre quam credere : unde sequi-
lur : « Et repleti sunt timoré, » etc. Si
autem credidissent, non timuissent uti-
que , sed dilexissent ; perfecta enim
dilectio foras timorem excludit. Non
otiosa autem liujus paralytici, nec an-
gusta medicina est, quoniam Domiuus
crasse prauuillitur, non proptor suffra-
gium, sed propter exemplum. Aug. {de
Quœst. Evang., lib. ii, quœst. 4.) De
270
EXPLICATION DE L EVANGILE
voir dans ce paralytique une image de l'àrae privée de ses membres,
c'est-à-dire, de ses opérations, cliercliant Jésus- Clirist (c'est-à-dire, la
volonté du Verbe de Dieu). Elle ne peut arriver jusqu'à lui, empêchée
qu'elle en est parla foule tumultueuse de ses pensées; il faut qu'elle
découvre le toit, c'est-à-dire, le voile des Ecritures, pour arriver ainsi
à la connaissance de Jésus-Christ, c'est-à-dire, pour descendre pieu-
sement jusqu'à l'humilité de la foi. — Bède. Ce n'est pas sans dessein
([ue la maison où se trouve Jésus nous est représenté comme couverte
de tuiles, parce que, sous le voile grossier de la lettre, nous trouvons
la vertu de la grâce spirituelle.
S. Ambr. Chacun de nous, s'il est malade, doit recourir aux prières
de ses frères pour obtenir sa guérison, pour que l'assemblage tout
brisé de notre vie et les pas chancelants de nos œuvres soient raffermis
par le remède de la parole céleste. Il faut donc pour les âmes de sages
directeurs, qui élèvent vers le ciel l'esprit de l'homme appesanti par
l'infirmité du corps. Il faut aussi que l'homme se prête facilement à
tous les mouvements qu'on lui imprime, qu'il se laisse élever, abaisser,
pour être placé devant Jésus, et être rendu digne de ses regards, car
le Seigneur abaisse ses regards sur les humbles (1). — S. Aug. [Qiiest.
évang.) Ceux donc qui déposent le pai-alytique peuvent représenter
les vrais docteurs de l'Eglise, et le lit sur lequel il est déposé signifie
que c'est pendant que l'homme est revêtu d'un corps mortel qu'il doit
chercher à connaître Jésus-Christ. — S. Ambr. Le Seigneur voulant éta-
blir l'espérance pleine et entière de la résurrection, pardonne les péchés
de l'âme et guérit l'infirmité de la chair, c'est la guérison de l'homme
tout entier. Il est grand sans doute de remettre aux hommes leurs
(Ij Allusion à ces paroles de saint Luc : « Il a regardé l'humilité de sa servante. »( Lue., i, 48,)
paroles que quelques saints Pères entendent de la vertu d'humilité.
paralytico euim potest intelligi animam
dissolutam membris, hoc est, operalio-
uibus, Christuui quœrere (id est, volan-
talem Verbi Dei.) Iinpediri autem a lur-
bis, scilicet cogitationum, nisi tecta, id
est, operta Scripturariim aperiat, et per
hoc ad notitiam Chrisli perveniat, Jioc
est ad ejus humilitatem fidei pietate
descendat. Bed. Et bene domus Jesu
tegulis contecta describitiir, quia sub
contemptibiii Utterarum velamiue spiri-
talis gratiœ virlus invenitur.
Ambr. Uuusquisque autem œger pe-
tendœ precatores salutis débet adhibere,
per quos noslrui vilip compago resoluta,
actuumque nostrorum clauda vestigia,
verbi cœlestisreinedio reformentur. Sint
igitur aliqui monitores mentis, qui ani-
mum homiuis, quamvis exterioris cor-
poris debilitate torpeutem, ad superiora
erigant, quorum rursus adminiculis et
attollere et humiliare se facilis ante Je-
sum locetur, domiuico videri dignus as-
pectu : bumiUtatem enim respicit Domi-
nas. AuG. {de Quxst. Evang., ut sup.)
Hi ergo a quibus deponitur bonos doc-
tores Ecclesiae possuut siguificare : quod
autem cum lecto depouitur, siguificat ab
bomine in ista carne adhuc constiluto
Christum debere cognosci. Ambr. Do-
minus autem plenam spem resurrectio-
nis osteadens, peccata douât aniuiarum,
debiiitatem carnis excludit. Hoc enim
est totum homiuem esse cdratum.Quam-
DE SAINT LUC, CHAP, V.
271
péchés, mais il est plus divin de rendre la vie aux corps par la résur-
rection, puisque Dieu lui-même est la résurrection; or, le lit qu'on
ordonne au paralytique d'emporter c'est le corps humain. — S. Aug.
{Quest. évanfj.) 11 ne faut pas que l'infirmité de l'àme se repose da-
vantage dans les joies charnelles, comme sur un lit, mais au con-
traire, qu'elle réprime les affections de la chair, et se dirige vers sa
maison, c'est-à-dire, vers le repos mystérieux de son cœur. — S. Amb.
Ou bien encore, regagner sa maison c'est retourner au paradis. C'est
en effet la véritable maison, qui fut la première habitation de l'homme
et qu'il a perdue contre toute justice par la fraude du démon. Il faut
donc que cette habitation lui soit rendue à l'avènement de celui qui
est venu pour détruire la fraude du démon, et rendi^e à la justice tous
ses droits.
y. 27-32. — Après cela il sortit, et vit un publicain nommé Lévi, assis au
bureau des impôts, et il lui dit : Suivez-moi. Et lui, ayant tout quitté, se
leva et le suivit : Lévi lui fit ensuite un grand banquet dans sa maison, et il
y avait une foule nombreuse de pubiicains et d'autres qui étaient à table avec
eux. Et les pharisiens et les scribes murmuraient et disaient à ses disciples :
Pourquoi mangez-vous et buvez-vous avec des pubiicains et des pécheurs ?
Jésus, prenant la parole, leur dit : Ce ne sont pas ceux qui se portent bien
qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler les
justes, mais les pécheurs à la pénitence.
S. AuG. {de l'ace, des Eva7ig., i, 26.) Après la guérison du para-
lytique, l'Evangéliste raconte la conversion du publicain : « Après
cela, Jésus étant sorti, vit un publicain, nommé Lévi, assis au bureau
des impôts. » Matthieu et Lévi sont une seule et même personne. —
BEDE. Saint Luc et saint Marc, par honneur pour cet Evangéliste, ne
vis igitur luagnum sit hominibu3 pec-
cata dimittere, taiaeii multo divinius est
resurrectioneni Jonare corpûribus,quan-
doquideiu Deiis resurrcctio est : leclus
autem qui toUi jubelur, uiliil oliud est
quam corpus bnmanum. Al'g. {de Quœst.
Lvung., ut sitp.) Ul non jam iu carna-
bbus fraudiis lanquam in lecto requies-
cat infiruailas aniniae ; sed inagis ipsa
contineat affeclioni'S carnalcs^ et tcudat
ad domum suaui, id est, requiem se-
cretoruni cordis sui. Ambr. Vel domum
repetere suam, hoc est ad paradisum
redire. Ea enim est vera domus, quœ
boniinem prima suscepit, non jure
amissa. sed fraude. Merito erpro resti-
Uiilur , (iuoiiiam veoeral qui nexum
traudis aboleret, jus reformaret.
Et post hœe exiit , et vidit publicanum nomine
Levi sedentem ad telonium ; et ait illi : Se-
quere me. Et relictis omnibus, surgens secutus
est eum. Et fecit ei conviuium magnum Leoi in
dorno sua, et erat turba muHa publicanorum,
et aliorum qui cum illis erant discumbentes.
Et murmurabant pharisœi et scribœ eorutn,
dicentes ad discipulos ejus : Quare cum publi-
canis et peccaioribus manducatis et bibitis?
El respondens Jésus dixit ad illos : Non egent
qui sani sunt mcdico, sed qui maie habent :
non enim veni cocare justos , sed peccaiores
ad pœnilentiam.
Alg. 'de Cons. Evang., lib. i, cap.
26.) Post paralyticum sanatum de con-
versione publicani subjungit , diccns :
« VX pn?t brr-c oxiit. et vidit publicanum
noniiue Levi sedmitem ad lelonium : »
ipse est Matthaeus qui et Levi. Bed. Sed
272
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
font poiut connaître le nom qu'il portait ordinairement , au contraire,
saint Matthieu, devenant lui-même son accusateur (1) au commen-
cement de son récit , se fait coimaitre sous le nom de Matthieu et de
publicain ; que personne donc ne désespère de son salut à cause de
l'énorinité de ses péchés, puisque Matthieu , de publicain , est devenu
apôtre. — S. Cvr. Lévi avait été publicain , dominé par l'avarice,
avide du superflu, convoitant le bien d'autrui (ce qui était le carac-
tère propre des publicains) , mais il est arraché à toutes ces pratiques
injustes par la voix de Jésus-Christ qui l'appelle : « Et il lui dit :
Suivez-moi. » — S. Ambr. Il lui ordonne de le suivre, non par le
mouvement du corps , mais par les affections de l'âme. Docile à cette
parole qui l'appelle , Matthieu abandonne ses propres biens, lui, le
ravisseur du bien d'autrui : « Et ayant tout quitté , il se leva et le
suivit. » — S. Ghrys. {hom. 31 sur S. Matth.) Considérez tout à la
fois la puissance de celui qui appelle, et l'obéissance de celui qui est
appelé , il obéit aussitôt sans résister , sans hésiter ; il ne veut pas
même retourner chez lui, pour faire connaître aux siens sa généreuse
résolution ; ainsi avaient fait les pêcheurs eux-mêmes. — S. Bas.
[Ascet.) (2). Non-seulement il sacrifie volontiers tous les profits de
l'impôt, mais encore il compte pour rien les dangers que lui et les
siens pouvaient courir , en laissant les comptes de l'impôt sans être
réglés. — Théophyl. C'est ainsi que Jésus-Christ leva l'impôt sur
celui qui le percevait sur tous les passants, non pas , sans doute , en
recevant de lui une somme d'argent, mais en le faisant entrer dans la
pleine et entière participation de tous ses biens.
(1) Proverb., xviii, 17. La Vulgate porte : « Le juste s'accuse lui-même le premier, » ou selou
les Septante èv TïpwïoXoyîa, « au commencement de son discours. «
(2) Ce passage se trouve à quelques expressions près, dans l'explication des Règles, 8« quest.
Lucas et Marcus propter honorem Evan-
gelistœ , nomea taceut vulgatum : Mat-
tlicEus autem in sermonis principio accu-
sator sui factus Mutthœum se et j^ubli-
canum nominat; ne quis a salute des-
peret pro immanitate peccalorum; ciim
ipse de publicano in apostolum sit luu-
tatus. Cyril, {in Cat. Grœconun Pa-
trum.) Publicanus euim fuerat Levi, vir
avarus, effrenis erga superflua, alieni
amator (hoc est enim publicanorum
officium), sed ab ipsis officiuis malitiEe
retrahilur, Christo eum vocante : unde
sequitur : « Et ait illi : Sequere me. »
AUBR. Sequi jubet, non corporis gressu,
sed mentis atfectu. Itaque iile verbo vo-
catus, propria dereliquit qui rapiebat
aliéna : unde sequitur : « Et relictis om-
nibus, surgens secutus est eum. » Chrys.
[hom. 31, in Mutth.) Ubi et vocantis
virtutem et vocati obedieutiam consi-
déra : neque euim obslitit neque vacil-
lavit, sed protiuus paruit; uec in pro-
priam domum ire voluit, ut suis hoc
intimaret; sicut nec piscatores. Basil.
{in Cat. Grcec. Patrum, ex Asceticis.)
Nec solum fœuora telouii postposuit, sed
etiam contempsit pericula quœ sibi ac
suis accidere poterant; dum calculos
teloniidimitteret imperfectos.THEOPHYL.
Et sic ab accipiente censum a transeun-
tibus, Christus censum accepit; non qui-
dem accipiens pecuniam, sed totaliter
eum transferens ad suum consortium.
DE SAINT LUC, CHAP. V.
273
S- Chrys. Après avoir appelé Lévi, le Seigneur s'empressa de Tho-
norer, en acceptant le repas qu'il lui otTre , pour lui inspirer plus de
confiance • « Et Lévi lui fit un grand banquet dans sa maison. » Non-
seulement il se met à table avec lui, mais avec beaucoup d'autres:
« Et il y avait une foule nombreuse de publicains, et d'autres qui
étaient à table avec eux. » Les publicains s'étaient réunis cbez lui
comme cbez un collègue et un liomme de la même profession ; mais
lui, beureux et fier de la présence de Jcsus-Cbrist, les invita tous à ce
banquet. Jésus- Cbrist profitait de toutes les occasions comme moyen
de faire le bien ; ce n'était pas seulement en discutant , en guérissant
les malades, ou en confondant ses ennemis , mais même en prenant
ses repas, qu'il redressait les erreurs et ramenait les âmes égarées ;
c'est ainsi qu'il nous apprenait à rendre utiles toutes les circonstances
comme toutes nos actions. Il ne déclinait pas même la société des pu-
blicains en vue du bien qui devait en résulter , agissant comme un
médecin qui ne peut guérir une maladie , s'il ne touche la plaie. —
S. Ambr. En mangeant avec les pécheurs , il nous autorise à nous
asseoir à la table des Gentils. — S. Chrys. Et cependant les pha-
risiens jaloux , et qui voulaient séparer de lui ses disciples , lui en
font un reproche : « Et les pharisiens et les scribes murmuraient et
disaient à ses disciples : Pourquoi mangez-vous et buvez-vous avec
des publicains et des pécheurs? — S. Ambr. Cette parole vient du
serpent, n'est-ce pas lui, en effet, qui prononça le premier cette pa-
role eu disant à Eve {Gen.^ m) : « Pourquoi Dieu vous a-t-il dit : Ne
mangez point ? » etc. C'est ainsi qu'ils cherchent à répandre le venin
«le leur père.
Chrys. [ut sup.) Vocalum aulem Levi
Doiniuus honoravit, dum cum eo con-
festiin epulatiis est; hoc eniin ei majo-
rera prœstahat fidiiciam : unde sequi-
tur : a Et fecit ei convivium niagiiuin
Levi in domo sua. » Mec solum cuui eo
discumljit , imo cum pluribus : unde
sequitur : « Et erat turba multa pnlili-
<anorum et aliorum qui cum illis eraut
discumhentes. » Conveneraut enim pu-
Ijlicani ad eura sicut ad collegam et ho-
minem ejusdem officii, sed et ipsc glo-
rians de prœsentia Chrisli , convocavit
omnes. Christus etiam quodlibet genus
reniedii exliibebat, et non solum dispu-
tando et prajstando sanilatis remédia,
vel etiam redarguendo remulos, sed
ctiam comedendo, noniiuUos crrantium
corrigebat; inde nos instrufns . qnod
lOM. V.
quodlibet opus et teuipus potest noîds
utiiitatem alîerre. Sed nec publieano-
rum partici[>alionczn vitavit propter
utiiitatem sequenleiii ; more medici , (jui
nisi taugeret sanicm, non liberaret a
morbo. Amur. Cum [leccatoribus enim
manducando etiam cum gentibus nos
non probibet inire convivium. Ciirvs.
[in Cut. Grœcoruui Palrum.) Sed tamen
Dominus inculpatus est inde apbaris.iMs,
invidentibus et voienlibus a Cbrislo
discipulos separare : unde sequitur :
« Et murnuirabant pharisa;i dicentes :
Quare cam publicanis manducatis, » etc.
Ambr. Serpontina vox est : I)anc pri-
mam vocem serpens emisit, dicens Eva^
[Gcn.; 3) : « Quid dixit Deus : Nolite
manducare, » etc. Ergo patris sui vencna
diffnndunt.
274
EXPLICATION DE L EVANGILE
S. AuG. {(le l'ace, des Evang., ii, 27.) Le récit de saint Luc paraît
ici tant soit peu différent de celui des autres Evangélistes. D'après
saint Luc, ce n'est pas personnellement à Notrc-Seigneur qu'ils font
un reproche démanger avec les publicains et les pharisiens, mais à
ses disciples , reproche cependant qui s'adresse aussi bien à Jésus-
Christ qu'à ses disciples. Aussi d'après le récit de saint Matthieu et
de saint Marc, le reproche est fait et au Sauveur et à ses disciples, mais
c'est surtout au Maître que ce reproche s'adresse , puisqu'en man-
geant avec les publicains et les pécheurs ses disciples ne faisaient que
l'imiter. Nous avons donc ici la même pensée, le même sens, d'autant
plus clairement expliqués , que les expressions sont différentes , sans
que la vérité soit altérée.
S. Chrys. [hom. 31 sw S. Matth.) Notre-Seigneur tire une con-
clusion toute contraire du reproche qui lui est fait; il déclare que non
seulement ce n'est pas une faute que de vivre avec les pécheurs, mais
que c'est une œuvre de miséricorde. « Jésus leur répondant, leur dit :
Ce ne sont point ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin,
mais ceux qui sont malades. » Il leur rappelle ainsi qu'ils sont atteints
de l'infirmité commune , et qu'ils sont du nombre des malades , et
qu'il est lui-même le médecin. — Suite. « Car je ne suis pas venu
appeler les justes, mais les pécheurs, » c'est-à-dire : Je suis si loin de
fuir la société des pécheurs, que c'est pour eux seuls que je suis venu,
non pour qu'ils demeurent pécheurs, mais pour qu'ils se convertissent
et deviennent vertueux. — S. Aug. [de Vacc. des Evang.) Aussi,
ajoute- t-il : « A la pénitence, » ce qui explique parfaitement sa pensée,
et prévient cette erreur que les pécheurs seraient aimés de Jésus -Christ
en tant que pécheurs. En effet, la comparaison empruntée aux ma-
AuG. [de Cons. Evang., lib. n , cap.
27.) Videtur autem Lucas hoc aliquanto
differentius ab aliis evaugelistis comme •
morasse : uon enim dicit tantum Do-
mino objectum esse, quod cura publi-
canis et pharisseis mauducaret et bibe-
ret^ sed discipulis; quod de ipso ac de
ipsis acciperetur : propterea enim Mat-
thaeus et Marcus de Christo et discipulis
objectum narrant , quia quod discipuli
cum publicanis et peccatoribus mandu-
cabant , magistro magis objiciebatur,
quem sectando imitabautur : una ergo
sententia est tauto mebus iusinuata,
quanto quibusdam verbis (manente veri-
tate) variata.
Chrys. (kom. 31 , in Mutth.) Ipse
autem Dominus in conlrarium eorum
sermonem convertit; ostendens non esse
culpam cum peccatoribus conversari,
sed etiam consonum misericordiae pro-
priœ : unde sequitur : « Et respondens
Jésus dixit ad illos : Non egent medico
qui sani sunt, sed qui maie habeut. » lu
quo commonet eos communis infirmita-
tis, et de numéro languentium eos esse
ostendit; se vero niedicum esse subjun-
git. Sequitur : « Non enim veui vocare
justos , sed peccatores. » Quasi dicat :
Adeo peccatores non abominor , quod
eorum tantum gralia veui ; non ut ma-
néant peccatores , sed ut convertantur
et boni fiant. AuG. [de Cons. Evang.,
ut sup.) Unde addidit : « In pœniteu-
tiam : » quod ad explauandam senten-
tiam valet; ne quisquam peccatores ob
hoc ipsimi quod peccatores sunt , diligi
arbitretur a Chrislo ; cum et illa simili-
J
DE SAINT LUC, CIIAP. V. 275
lades, exprime très-bien quelle est la volonté de Dieu qui appelle les
pécheurs de même qu'un médecin appelle les malades, pour les guérir
de leurs iniquités comme d'une maladie. — S. Ambr. Mais comment
est-il écrit que Dieu aime la justice {Ps. x)? Comment David n'a-t-il
jamais vu le juste délaissé {Ps. xxvi)? si cependant le pécheur est appelé,
tandis que le juste est abandonné. Les justes dont le Sauveur parle
ici sont donc peut-être ceux qui placent dans la loi une confiance
présomptueuse , et ne recherchent pas la grâce de l'Evangile. Or, nul
n'est justifié par la loi, et tous sont rachetés par la grâce. Le Sauveur
n'appelle donc pas ceux qui se proclament justes ; car ceux qui s'attri-
buent eux-mêmes la justice, ne peuvent être appelés à la grâce , et si
la grâce vient de la pénitence , celui qui dédaigne la pénitence ,
renonce à la grâce. — Bède. Les pécheurs dont il est ici question sont
ceux qui, pénétrés de la grandeur de leurs fautes, et n'attendant poiut
leur justification de la loi , se disposent à recevoir la grâce de Jésus-
Christ par la pénitence. — S. Chrys. {hom. 31.) C'est par ironie qu'il
donne aux derniers le nom de justes, comme autrefois , lorsque Dieu
dit â l'homme: « Voici Adam devenu comme l'un de nous. » En eÛct,
saint Paul, affirme que personne absolument n'était juste sur la terre,
lorsqu'il dit : « Tous ont péché et ont besoin de la grâce de Dieu. »
{lîom., III.) — S. Grég. de Nysse. Ou bien encore, il dit que ceux qui
se portent bien et les justes, c'est-à-dire les anges n'ont pas besoin de
médecin, mais bien les malades et les pécheurs, c'est-â-dire nous, qui
sommes tombés dans la maladie du péché, qui ne peut exister dans
le ciel.
BÈDE. L'élection de saint Matthieu représente la vocation et la foi
des Gentils, qui ne soupiraient qu'après les choses de la terre , et qui
tudo de CDgrotis bene intimet quid velit
Deus vocando peccatores tamiiiain uic-
(licus aîgroloâ, ut ab iiiiqiiitatc lanquain
ab tegritudine salvi iiaut. Amuu. Sed
quomodo Deuà juslilias dilexil {Psul.
10), ueque David jiistum derelictum
vidit {Psul. 3G); si justus reliiKjuitiir,
peccalor asciscilur ? Nisi intelligas quod
i'os juslos dixit, qui ex leiie pra'sumaut
cl Evaugeiii graliaiu non requiraut :
ucmo autem jusiificalur ex lege, sed re-
diuiilur ex gralia : non vocat ergo eos
qui se justoâ dicunt; usurpalores enini
justitia; non vocautur ad gratiani; naui
si gralia est ex priniitenlia, uti(]ue qui
fastidit pœuitenliam, abdicat gratiaui.
BiiD. Peccatores autem vocat eos , qui
sua niala attendentcs , nec per legeni
justificari se posse pulanles, Christi gra-
tiaî se preniteudo subjiciunl. Cimvs.
(fiom., 31 , in Matlh.) Ironice aulcMu
dicit illos justos; sicut quaudo dicitur
[Gènes., 3) : « Ecce Adam factus est
quasi unus noslrum : » quod aulem nulkis
eraljustus super tcrrani, ostendit Paii-
lus, dicens [Hom., 3) :« Oauies pecoave-
runt et egeut gratia Dei.» Greg. Nyss.
{in fut. Crœcoi-nm Putruin.) Vel di-
cit non egere sanos et justos nicdico,
scilicet angclos, sed nialu liabentcs et
peccatores, id est, nos, quia morbuni
peccati incurrimus qui in cœlis non
est.
BiîDA. Per Matlliœi auLeui elei:tiononi
fides genliuin expriniitur , qui prius
inundaiiis iuliiabant . sed nunc Clirisli
276
EXPLICATION DE L EVANGILE
maintenant nourrissont le corps de Jésus-Christ avec, une tendre dé-
votion (I). — TiiÉuniYL. Ou l)ien encortî, ce publicaiu est tout homme
(jui est l'esclave du prince du monde , et (|ui accorde à sa chair tout
ce qu'elle demande, les mets exquis , s'il est sensuel; la volupté, s'il
est adultère, et ainsi des autres passions. Mais lorsque le Seigneur le
voit assis au bureau des impôts^ c'est-à-dire, ne se donnant plus de
mouvement pour commettre de plus grandes injustices, il le retire du
mal, et alors cet homme marche à la suite de Jésus , et reçoit le Sei-
gneur dans la demeure de son âme. — S. Ambr. Or, celui qui reçoit
Jésus-Christ dans cette demeure intérieure, se nourrit au sein des plus
pures délices et des plus ineffables voluptés ; aussi est-ce avec joie que
le Seigneur entre dans son àme, et se repose dans son affection. Mais
alors l'envie des méchants se rallume , et nous représente les tour-
ments de la vie future ; car pendant que les fidèles prennent part au
banquet du royaume des cieux , les infidèles seront tourmentés par
un jeune éternel. — Bède. Ou bien encore, c'est la figure de l'envie
des Juifs qui s'afûigent du salut des Gentils. — S. Ambr, Nous y
voyons aussi comliien est différent le sort des disciples de la loi et des
disciples de la grâce ; car les sectateurs de la loi souffriront la faim
éternelle de l'âme, tandis que ceux qui auront reçu le Verbe dans
l'intérieur de leur âme, fortifiés par cet aliment céleste et par les eaux
de cette source abondante, ne peuvent éprouver ni la faim ni la soif;
et c'est ce qui excite les murmures de ceux dont l'âme est privée de
toute nourriture.
^. 33-39. — Alors ils lui demandèretit : Pourquoi les disciples de Jean, et ceux
des pharisiens jeûnent-ils et prient-ils souvent, tandis que les vôtres mangent
(1) C'est-à-dire qui nourrissent les pauvres, dont Jésus-Christ parle comme de ses propres
membres. {Matth., xxv.)
corpus sedula devotione reficiunt. Theo-
PHYLACT. Vel publicanus est qui prin-
cipi uumdi servit , et debituin carui
reddit; cui gulosus reddit escas , adul-
ter voluptateui, et alius aliud. Cuni au-
tem viderit eum Dominus sedenLem in
telonio, id est, nou moventem se ad
majorem nequitiam, tune a malo érige ■
tur et sequetur Jesum , et suscipiet in
domo animœ Dominum. Ambr. Oui
autem domicilio Cliristum recipit interuo,
maximis deleetationibus exuberantium
pascitur voluptatuui : itaquc libeuter
Dominus ingreditur, et in ejus recumbit
affectu ; sed rursus accenditur invidia
perfidorum, et futurae pœnœ species
praefiguratur : epulantibus enim fideli-
bus in regno cœlorum perfidia jejuna
torquebitur. Beda. Vel per boc designa-
lur JudiEorum invidia, quce de gentium
sainte torquetiir. Ambr. Simul etiani
ostenditur, et quantum sit inter œmulos
legis et gratiœ quod illi qui legem se-
quuntur, mentis famem patientur feter-
nam ; qui vero verbnm in interioribus
animse receperunt, alimenti cœlestis et
foutis ubertate rccreati , esurire et sitire
non possunt : et ideo qui animo jejuna-
baut, murmurabant.
At illi dixerunt ad eum : Quare discipuli Joan-
nis jejunant fréquenter et obsrcrationes fa-
DE SAI.M' LUC, CIIAP. V. 277
et boivent ? Il leur répondit : Pouvez-vovs faire jeûner les fiU de l'époux
tandis que l'époux est avec eux? Viendront des jours où l'époux leur sera
enlevé, ils jeûneront en ces jours- là. Il leur proposa aussi cette comparaison :
Personne ne met à un vieux vêtement une pièce d'un vêtement neuf; autrement
ce qui est neuf déchire le vieux, et la pièce du vêtement neuf ne convient pas
au vieux. De même personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres,
autrement le vin nouveau rompra les outres, et se répandra, et les outres
seront perdues. Mais il faut mettre le vin nouveau dans des outres neuves, et
l'un et l'autre sont conservés. Et personne, venant de boire du vin vieux n'en
veut aussitôt du nouveau, car il dit : Le vieux est meilleur.
S. Gyr. {Ch. des Pèr. gr,) Jésus-Christ ayant répondu à leur pre-
mière question , ils passent à un autre point, et veulent lui montrer
que les disciples et Jésus lui-même ne prennent aucun soin d'observer
la loi : « Alors ils lui demandèrent : Pourquoi les disciples de Jean
jeùnent-ils, etc., taudis que les vôtres mangeut? » etc., c'est-à-dire :
Vous mangez avec les publicains et avec les pécheurs, bien que la loi
défende toute communication avec ceux qui sont impurs {Lev., xv),
et vous excusez cette transgression par un motif de miséricorde ; mais
pourquoi donc ne jeùnez-vous pas comme tous ceux qui conforment
leur conduite aux prescriptions de la loi ? Les saints jeûnent , il est
vrai, pour réprimer leurs passions par la mortification du corps; mais
Jésus-Christ n'avait pas besoin du jeûne pour s'élever à la perfection
de la vertu , puisque , comme Dieu , il était inaccessible à tout en-
traînement des passions (l). Le jeûne n'était pas plus nécessaire à son
humanité, puisqu'elle participait à la grâce qui était en lui, et y pui-
sait une force qui la maintenait au même degré de vertu. Si donc le
(1) C'est-à-dire qu'en vertu de l'union hypostatique avec la divinité, il était exempt de toute in-
clination vicieuse.
ciunt, simililer et pkarisceorum ; lui autem
edunt et bibunt ? Quihus ipse ail : Nunquid
poleslis filios sponsi, dnm cum illis eut spon-
sus, facere jejunare? Venient autem (lies, et
riim ablatus fucrit ab illis spoiisus, tiim: jeju-
nabunt in illis diebus. Dicebat autem et simi-
liludincm ad illos : quia nemo commissuran a
novo vestimento immiltit in veslimmlum ve-
tut ; alioijuin et nouwn rumpit, et veteri )i'-n
cnnuenit commissura a novo. Et nemo mittit
cinum novum in utres veteres ; alioquin rum-
pit vinum nooum utres; et vinum effundetur,
et utres peribunt : sed vinum novum in utres
nuvos mitlendum est; et utraque conservantur.
Et nemo bibens vêtus, statim vuH novum : di-
cit enim : Velus melius est.
Cyril, {in C'at. Crœcorum Patrum,
ubi sup.) Postiiuam priniuui verbuiii
acceperunl a Clirislo, ab aliis ad alla se
trauàforuut , volenles oslendere sacros
discipulos et ipsum cum eis Jesum mi-
nime curasse de loge : uode sequitur :
«At illi dixerunt ad eum : Quare disci-
puli Joauiiiô jejuuaut,» etc., « tui au-
tem eduut, » etc. Quasi dicaut : Comediti-s
cum publicauis et peccaloribus, cum
jubeat lex immuudo nou communicare
{Lerit., 15),sedia excusatiouem prœva-
ricationis vobis acccdit misericordia :
cur ergo nou jejuualis , ut mos est se-
cuudum lofiem voleutibus vivere ? Sed
sani'li qiiidcm idcircu jejunant ut cor-
pus affli"entes quielont passiones ipsius :
sed Cbrislus nou egei)at jejunio ad per-
fi'ctii)nem virtutis; cum tauquam Deus
absolutus esset a quolibet vinculo passio-
nis : sed nec ejus comitativa jejunio
egebat, sed particcps gratiœ ejus sine
jejunio roborala virtuose couversabatut .
278
KXri.ICATION DE L EVANGILE
Sauveur se soumit à uu joùno de quarante jours , ce ne fut poiutpour
réprimer en lui les passions, mais pour donner aux hommes charnels
une leçon et une règle de mortification. — S. Aug. {de l'accord des
Evang., ii, 27.) Evidemment saint Luc paraît faire entendre que
cette question fut adressée au Sauveur de ditFérents côtés, et qu'elle
embrassait plusieurs personnes; comment donc saint Matthieu s'ex-
prime-t-il de la sorte : « Alors les disciples de Jean s'approchèrent
et dirent : Pourquoi, tandis que les pharisiens et nous nous jeûnons
souvent, vos disciples ne jeùnont-ils pas? » si ce n'est parce que les
disciples de Jean étaient présents, et que tous à l'envi s'empressèrent
de faire cette objection.
S. Aug. {Quest. évang,, ii, 18.) Il y a deux sortes déjeunes, le
jeune de l'affliction pour obtenir de Dieu le pardon des péchés ; et le
jeûne delà joie, où l'âme est d'autant moins sensible aux plaisirs de
la chair, qu'elle jouit en plus grande abondance des délices spiri-
tuelles. Or, le Sauveur, interrogé pourquoi ses disciples ne jeûnaient
pas, s'explique successivement sur ces deux sortes de jeûne, et d'abord
sur le jeûne de la tribulation : « Il leur répondit : Pouvez-vous faire
jeûner les fils de l'Epoux, tandis que rE[toux est avec eux? » —
S. CuRYS. {hom. 31 sur S. Matth.) Comme s'il leur disait : Le temps
actuel est un temps de joie et d'allégresse , pourquoi donc vouloir y
mêler la tristesse? — S. Cyr. La manifestation de notre Sauveur dans
ce monde fut comme une véritable fête , il venait célébrer des noces
toute spirituelles avec notre nature , pour la rendre féconde, de sté-
rile qu'elle était; les fils de l'Epoux sont donc tous ceux qui sont appelés
par la loi nouvelle de l'Evangile , et non les scribes et les pharisiens
(jui ne considèrent que l'ombre de la loi. — S. Aug. {de Iharm. des
Quod euim Christus tempus quadra-
çtinta dierum jejunaverat, uon lioc fuit
util! se passionem mortilîearet, sed ut
noruiam abstiuentiae osteuderet caruali-
bus. Aug. {de Cons. Evang., lib. ii,
(•ap. 27.) Evidenter auteui Lucas alios
de aliis hoc dixisse narravit : unde ergo
Matthœus dieit : « Tuuc accesserunt ad
eum discipuli Joannis dicentes : Quare
nos et pLarisœi jejunamus,» iiisi quia
et ipsi aderant, et omnes cerfaliui ut
quisque poterat hoc objeceruut?
Aug. {de Quœst. cvang.. hb. ii,
quaest. 18.) Est autem duplex jojuniuiii :
unum in tribulatione, ad propitiandum
Deuni in peccatis; aUud in gaudio, cum
tanto minus délectant carnalia, quanto
spiritualiuiïi major sagina est. Interroga-
!us ergo Dominus cur discipuli ejus non
jejunarent, de utroque jejunio respon-
dit : et primo de jejunio tribulationis :
sequitur enini : « Quibus ipse ait : Nun-
quid potestis fdios sponsi , dum cum
illis e^t sponsus, facere jejunare ? » Chrys.
{hom. 31, in Matth.) Quasi dicat : Prae-
sens tempus lœtitiae est et alacritatis :
non igilur immiscenda sunt Iristia.
Cyril, [ubi sup.) Salvatoris enim nostri
in hoc seculo demonstratio uihil aliud
fuit quam qufedam festivitas, intelligibi-
litcr quasi quamdam spousam copulans
illi uostram naturam ; ut quondam steri-
lis fucunda fieret : igitur filii sponsi
esse noscuntur quicunque vocati sunt al)
eo per novam et evangelicara discipli-
nam ; non autem scribae cum pharisseis,
qui solam legis umbram considérant.
Aug. {de Cons. Evang., lib. n, cap. 27.)
DE SAliNT LUC, CHAP. V. 270
Evang., ii, 27.) La réponse du Sauveur d'après saiut Luc : « Pouvez-
vous faire jeûner les amis de l'Epoux , » donne à entendre que ceux
qui lui faisaient cette question, feraient pleurer et jeûner les fils de
l'Epoux, parce qu'ils devaient être un jour les auteurs de la mort de
l'Epoux.
S. Ctr. En établissant qu'il ne convient pas aux fils de l'Epoux de
s'affliger, alors qu'ils célèbrent une fête toute spirituelle, Notre-Sei-
gneur ne veut point détruire le jeûne, aussi fait-il cette réserve: «Mais
viendront des jours où l'Epoux leur sera enlevé ; ils jeûneront en ces
jours-là.» — ^.k\j(i.{Quest.évang.^\i^ 18.) C'est-à-dire : lisseront dans
ladésolation, dans la tristesse et les larnies_, jusqu'à ce que la joie et la
consolation leur aient été rendues par l'Esprit saint. — S. Ambr. Ou
bien encore, le jeûne , dont Notre-Seigneur ajourne ici la pratique,
n'est pas celui qui mortifie la chair et réprime les penchants de la
concupiscence (car ce jeûne, au contraire, nous rend agréables à Dieu),
mais il veut dire que nous ne pouvons jeûner, nous qui possédons le
Christ, et qui sommes nourris de sa chair et de son sang. — S. Bas.
{Ch. des Pèr. gi'.) Ou encore, les fils de l'Epoux ne peuvent jeûner,
c'est-à-dire se priver de la nourriture de l'àme ; mais ils doivent vivre
de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. — S. Ambr. Mais quels
sont donc ces jours dans lesquels le Christ nous sera enlevé , alors
que lui-même nous dit : « Je suis avec vous jusqu'à la consommation
des siècles? » Non, personne ne peut vous enlever le Christ, si vous-
même ne commencez par vous détacher de lui. — Bède. Tant que
l'Epoux est avec nous, nous sommes dans la joie, et nous ne pouvons
ni jeûner, ni pleurer; mais quand nos péchés nous séparent de lui,
Hoc autem qiiod solus Lucas dicit :
« Non potestis filios sponsi facere jeju-
nare , » inlclligitur eos ipsos qui loquc-
bantur, fuisse facturos ut luyeiites jeju-
narent lilii sponsi , quoniaru ipsi esseut
sponsum occisuri.
Cyuil. (xit jam sup.) L"l)i vero con-
cesserat filiis spousi quoJ non decebat
eos laborare (tanquam qui spirilualeni
soleiunitateni habel)aut) , ne inter nos
annullarctur jejunium, dispensative sub-
jungit diccns : « Veniont autem dies, et
cuin ablatus fuerit ab illis sponsus, tune
jejuuabant in illa die. » Auglst. {de
Quœst. evang., lib. ii, quéest. 18.) Quasi
diceret : Tune desolabuntur, et in niœ-
rore et luctu erunt douée eis per Spiri-
tuni sanctum gaudia consolatoria retri-
buanlur. Ambr. Vcl aliter : non hoc
jejunium relegatur quo conficitur caro,
et corporis luxuria castigatur (lioc enim
jejunium nos comineudat Deo) : sed non
possumus jejunare qui Christum habs:-
nius, et Christ! carnem epulamur et
sanguinem. Basil, {in Cat. Gnecorum
Putruia.) Fihi etiam spousi jejunare
nequeunt, hoc est animœ nutrimentum
non sumere ; sed vivere in omni verbo
quod de ore Dei procedit. Ambr. Sed
qui sunt illi dies quibus nobis Christus
auferetur, cum ipse dixerit : « Vobis-
cum ero usque ad consummationem
mundi?» Sed nerao tibi Christum potest
auferre, nisi te ilU ipse auferas. Bed.
Quandiu enim sponsus nobiscum est,
et in lœlitia sumus, nec jejunare pos-
sumus , nec lugere : cum autem par
peceata ille recesserit, tune indicendum
-280
EXPLICATION DE L EVANGILE
c'est alors qu'il faut recourir au jeùue et nous condamner aux
larm€s.
S. Ambr. Disons enfin que Notre-Seigneur veut parler ici du jeûne
de l'âme, comme le prouvent les paroles suivantes : « Il leur proposa
aussi cette comparaison : Personne ne met à un vieux vêtement un
morceau pris à un vêtement neuf. » Il appelle le jeûne un vêtement
vieux, dont l'Apôtre nous exhorte à nous dépouiller , lorsqu'il dit :
« Dépouillez-vous du vieil homme etde ses actes. » {Coloss., m.) Toute
la suite des préceptes de Notre-Seigneur concourt donc à établir cette
vérité que nous ne devons pas mêler les actes du vieil homme avec ceux
du nouveau. — S. Aug. {Quest. évang., ii, 18.) On peut encore donner
cette autre explication : Après avoir reçu le don de l'Esprit saint, quoi
de plus convenable que les fils de l'Epoux déjà renouvelés dans la
vie spirituelle, pratiquent le jeûne qui s'accomplit sans la joie ? Avant
qu'ils aient reçu l'Esprit saint, le Sauveur les compare à des vêtements
vieux auxquels il ne faut pas coudre un morceau de drap neuf, c'est-à-
dire un fragment de la doctrine qui a pour objet la tempérance de la
loi nouvelle ; car alors la doctrine est comme divisée et rompue par
ce fragment, puisque le jeùue qu'elle prêche est un jeûne général,
qui interdit non-seulement le désir des aliments , mais toute joie qui
vient des plaisirs de la terre. Notre-Seigneur ne veut pas que l'on
donne ce fragment de doctrine, qui a pour objet les aliments, à ceux
qui sont encore esclaves des anciennes coutumes, autrement il se fera
une déchirure , et ce fragment de doctrine nouvelle ne pourra s'unir
avec ce qui est vieux. Le Sauveur les compare encore à des outres :
« De même personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres. »
— S. Ambr. Il nous fait voir la fragiUté de la condition humaine, en
est jejunium , praecipiendus est Inclus.
Ambr. Denique de animi dictum est
jejunio , ul sequentia déclarant : sequi-
tur enim : « Dicebat autem, » etc. « Quia
nemo commissuram (id est, particulam)
ablatam a vestimento novo immittit in
vestimentura vêtus. » Appellavit jeju-
nium restimenttan vêtus , quod exuen-
dum Apostolus œstimavit, dicens [Colos,,
3j : « Spoliate vos veterem hominoui
cum actibus suis. » In eamdem igitur
formam séries convenit praeceptorum,
ne actus veteris et novi hominis uiiscea-
mus. Aug. [de Quœst. Evang., lib. ii,
quaest. 18.) Vel aliter : dono Spiritus
sancti percepto genus etiam jejunii quod
fit per laelitiam jam renovati iu vitam
spiritualem convenienlissiuie célébrant.
Quod aiitequam accipiant, dicit eos esse
tanquam vetera vestimenta, quibus in-
conveuienter panuus novus assuitur; id
est, aliqua particula doctriuse quae ad
novee vitae temperautiam pertiuet; quia
si boc fiât, et ipsa doctrinaquodammodo
scinditur ; qure docet générale jejunium,
non a concupiscentia ciborum tantum ,
sed ab oumi laetitia temporalium delec-
tationum ; cujus particulam quse ad ci-
bos pertiuet dicit non oportere bomini-
bus adhuc veteri consuetudini dediti^^
imperliri, quia et illic quasi concisio vi-
detur fieri, et ipsi velustali non conve-
nit. Dicit etiam eos esse similes utribu.-
veteribus : uude sequitur : « Et nemo
mittit vinum novum iu veteres utres. »
Ambr. Fragilitas humaaae Gonditioni?
DE SAINT LUC^ CUAP. V. :28i
comparant nos corps aux dépouilles des animaux morts. — S. AuG.
{Quest. évang.) Il compare les Apôtres à des outres déjà vieilles, parce
qu'ils se rompent sous l'elïort du vin nouveau des préceptes spirituels
qu'ils ne peuvent contenir : « Autrement le vin nouveau rompra les
outres et se répandra, et les outres seront perdues. » Ils étaient déjà
devenus des outres neuves , lorsqu'après l'ascension du Seigneur ,
l'Esprit saint vint les renouveler , en leur inspirant le désir de ses
divines consolations, l'esprit de prière et d'espérance : « Mais il faut
mettre le vin nouveau dans des outres neuves , et l'un et l'autre sont
conservées. » — Bède. Le vin nous donne des forces à l'intérieur ; le
"viêtement couvre extérieurement notre corps ; les bonnes œuvres que
nous faisons en dehors et qui fout luire notre lumière devant les
liommes_, sont donc le vêtement ; et la ferveur de la foi, de l'espérance
et de la charité, est comme le vin. On peut dire encore que les vieilles
outres sont les scribes et les pharisiens , tandis que le fragment de
drap neuf et le vin nouveau sont les préceptes de l'Evangile. — S. Grég.
DE Nysse. [dise, su?' Abrah.) Le vin nouveau, par la fermentation qui
lui est naturelle, chasse au dehors, par un mouvement qui tient éga-
lement à sa nature, l'écume et la lie impure qu'il contient. Ce vin,
c'est le Nouveau Testament, que les outres anciennes, vieillies par leur
incrédulité , ne peuvent contenir ; bien plus , elles se rompent par la
force de l'excellence de la doctrine, et laissent ainsi s'écouler la grâce
de l'Esprit saint; car la sagesse n'entre pas dans une âme qui veut le
mal. {Sag., i.) — Bède. On ne doit donc point donner les sacrements
des mystères nouveaux à une âme qui n'est pas renouvelée et qui per-
sévère encore dans son ancienne malice. Ceux encore qui veulent
aperitur, cum corpora nostra exuviis
defunctorum animaliuni comparantur.
Aro. {de Quœst. Evang., ut sup.) Vete-
ribus autem utribus comparantur apos-
loli, qui vino novo quasi spiritualibus
praîceptis facilius disrumpunlur, quaui
conliiieant illud. Unde sequitur : « Alio-
quin rumpit vinum novum ulres, et vi-
nuin cffundi tur, » etc. Erant autem jam
iiovi utreâ cum poslascensionem Doiniiii
accepto Spirilu, desiderlo consolationis
ejus, orando et sperando iuiiovaban-
tur : unde sequitur : « Sed novum vinum
in ulres uovos miltendum est, ut utru-
que conservenlur. » Bed. Vino siqui-
dem intus reficimus , veste autem foris
tegimur : vestis cv^o sunt bona opéra
quas foris agimus , quibus coram homi-
nibus lucemus; vinum, fervor fidci,
spei et cliaritatis. Aliter , veteres utres
sunt scribaj et pbarisaei , novus panuus
et novum vinum praicepta Evangelii.
Greg. Nyss. {Orut. de Abraham, vel in
Abraham.) Vinum onim de novo elici-
tum propter fervorem naturalis liumidi
fumosum est, despumans naturali agita-
tione a se materialem sorditieni. Talc
vinum novum Testameiilum est; quod
antiqui utres qui propter iucredulitatem
invetcrati sunt non capiunt; imo scin-
duutur excelleulia doctrina;, necnon et
gratiam spirilus incassuni fluere faciunt,
quia « in malcvolani animam non iutroi-
bit sapieutia.» [Sap., 1.) Bed. Sed cui-
cunque aniuuc nonduni in novitate, sed
in vetuslate malilia; persévérant!, novo-
rum mysteriorum sacramenta non debeut
inunitti.Qui etiam prœceptalegis miscero
282 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE DE S. LUC^ CllAP. V.
mêler la pratique du christianisme aux précoptes de la loi(l), metteut
le vin nouveau dans de vieilles outres. « Et personne, venant de boire
du vin vieux, n'en veut aussitôt du nouveau, car il dit : Le vieux est
meilleur. » Notre-Seigneur veut parler ici des Juifs qui, pénétrés de
la saveur de la vie ancienne, n'avaient que du dé.i^oùt pour les pré-
ceptes de la loi de grâce ; et qui, souillés par les traditions de leurs
ancêtres , étaient incapables de goûter la douceur des enseignements
spirituels.
(1) Ils prétondaient que l'observance de la loi mosaïque était absolument nécessaire au silut; et
après avoir embrassé la foi chrétienne, ils se faisaient circoncire et observaient encore les pres-
criptions légales comme l'Apotre le leur reproche. (Gai., ni.)
voluol ut Galatae, viimm novum in utres
veteres miUunt. Sequitur : « El, nemo bi-
beus vêtus, slatiiiivult novum :dicitenim:
Vêtus melius est : » quia Judfeis vitœ ve-
teris saliva imbutis novae gratiae pi'secepta
sordebant; qui majorum traditionibus
commaculati dulcediuem spiritualium
verborum percipere non valebant.
CIIAPiTRE VI.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
. 1-0. — Comment Notre-Seigncur enseigne à l'homme à se dépouiller des ob-
servances de la loi. — Vie simple et austère des apôtres — Quel était ce sabbat
second premier. — Ignorance des pharisiens qui accusent les disciples de
Jésus-Christ. — Comment Notre-Seigneur leur reproche de ne pas connaître
ce que la loi renferme. — Pourquoi apporte-t-il l'exemple de David et des
prêtres? — Deuxième moyen de justification tiré de ce qu'il est le maître du
sabbat. — Troisième moyen tiré d'une considération propre à tous les
hommes. — Mystère que renferme cette action des disciples. — Explication
mystique de ce sabbat second premier, et de la conduite de David mangeant
des pains que les prêtres seuls pouvaient manger.
. 6-11. — Comment ^'otre-Seigneur qui venait sauver l'homme tout entier,
commence par le guérir partiellement. — Pourquoi choisit-il de préférence le
jour du sabbat? — Quel appui il donnait aux vérités qu'il enseignait. — Con-
duite inexplicable des ennemis de Jésus-Christ, tout prêts à l'accuser, qu'il
guérît ou ne guérît point cet homme. — Pourquoi Notre-Seigneur commande-
t-il à cet homme de se tenir debout? — Comment il prévient l'accusation
qu'ils préparaient contre lui. — Question pleine d'opportunité qu'il leur adresse.
— Dans quel but le sabbat a-t-il été institué? — Pourquoi leur fait-il cette
question : « Est-il permis de sauver l'àme ou de la laisser périr? » — Comment
concilier ici le récit de saint Matthieu d'après lequel ce sont les pharisiens
qui font cette question, avec celui de saint Luc qui le met dans la bouche de
Notre-Seigneur. — Pourquoi promcne-t-il ses regards sur tous ceux qui
étaient présents, avant de guérir cet homme? — Effet que produit ce miracle
sur les ennemis de Jésus-Christ. — Que représente cet homme dont la main
était desséchée. — Remède général que le Sauveur propose à tous les hommes :
« Etendez votre main. »
. 12-16. — Dans quelles circonstances Jésus choisit les apôtres. — Pourquoi se
livre-t-il à la prière avant de les appeler à sa suite? — Pourquoi prie-t-il seul et
sans témoins? — Quels sont ceux qui montent avec lui sur la montagne. — Com-
ment nous devons imiter l'exemple du Sauveur passant les nuits dans la prière. —
Précieux cflets de la prière. — Ce que nous devons faire avant d'entreprendre
quclqu'œuvre importante. — Quels sont ceux que Jésus choisit pour les asso-
cier à sa mission. — Pourquoi l'Evangéliste fait-il une énuméralion exacte de
tous les apôtres? — Est-ce alors que Simon reçut pour la première fois le
nom de Pierre. — Pourquoi Jésus choisit-il Judas pour apôtre? — Explication
mystique de la vocation des apôtres.
. 17-19. — Le Sauveur établit ses apôtres docteurs de tout l'univers. — Quelle
est cette région maritime d'où venait cette multitude. — Dans quel dessein
Jé.sus-Christ opèrc-t-il de nombreux miracles devant cette multitude? —
Pourquoi Jésus monte avec les a[)ôtres, et descend avec la foule.
;-. 20-23. — Comment Notre-Seigneur fi)rme ses disciples à la nouveauté de la
vie évangélique. — Comment les quatre béatitudes de saint Luc renferment
les huit de saint Matthieu. — Pourquoi les deux évangélistes mettent la pau-
vreté en tète des autres ijéatitudes. — Tous ceux que la pauvreté accable ont-
28i KXI'LICATION DE l'ÉVANGILE
ils part à cette béatitude? — Bonheur des privations que la pauvreté impose.
— Dans quel sens peut-on entendre encore cette faim et cette soif? — Com-
ment Notrc-Seigiieur nous enseigne que nous ne devons jimais nous estimer
assez justes. — Quelle est la tristesse selon Dieu à laquelle le Sauveur promet
la joie. — Bonheur de l'adversité et des persécutions. — Quel est celui qui
nous promet ici une grande récompense. — Dans quel sens cette récompense
sera gran le. — Comment JNotre-Seigncur prépare ensuite les apôtres au com-
bat qu'ils devaient soutenir. — Les quatre béatitudes ramenées aux quatre
vertus cardinales. — Union étroite des vertus entre elles.
y. 24-26 — Vices opposés aux vertus auxquelles Jésus-Christ vient de promettre
le bonheur des Cieux. — A qui s'adresse dans l'Ecriture cette expression :
Malheur. — Quels sont les riches qui sont atteints par la sentence divine. —
De qui les mauvais riches sont la figure. — Malheur du mauvais riche. —
Nécessité, avantages de la tempérance. — Comment doit-on la pratiquer? —
Malheur de ceux qui n'éprouvent aucune faim du bien véritable. — Pourquoi
le vrai fidèle ne doit point se livrer à une joie immodérée. — Danger de la
flatterie. — iSécessité de fuir la vaine gloire dans la pratique de la vertu. —
Pourquoi Notre-Seigneur n'a-t-il proclamé sur la montagne que les béatitudes
des bons, tandis que descendu dans la plaine, il prédit aussi les supplices des
réprouvés?
^.27-31. — Quelle conduite les disciples de Jésus devront tenir à l'égard de
leurs ennemis. — Quels sont ces ennemis. — Combien il était nécessaire que
les prédicateurs de l'Evangile fussent éloignés de tout esprit de vengeance. —
Etendue du précepte que Jésus-Christ leur donne. — Combien sont dignes de
larmes ceux qui maudissent leurs frères — Combien il en est qui, au lieu de prier
Dieu pour leurs ennemis, l'implorent pour en tirer vengeance. — Comment
doit-on entendre les imprécations contre les ennemis que nous trouvons dans
les prophètes? — Combien la loi évangélique est ici supérieure à la loi an-
cienne.— Mépris que nous devons avoir pour les biens que nous possé-
dons. — Motifs pour un chrétien de souffrir patiemment le mal qu'on veut lui
faire. — Dans quelle mesure doit-il accorder tout ce qu'on lui demande? —
Comment nous nous rendons grandement coupables en ne donnant pas à
ceux qui nous demandent. — Jusqu'à quel point nous sommes obligés de ne
pas redemander notre bien à celui qui nous le ravit. — Comment Notre-Sei-
gneur ne nous commande rien qui soit au dessus de la nature.
y. 32-36. — Cause véritable de l'affection spirituelle. — Excellence, exemples de
cette affection spirituelle pour les ennemis. — Comment Notre-Seigneur s'é-
lève ici au dessus des presciiptions de la loi. — Comment nous devenons sem-
blables à Dieu en faisant du bien à ceux qui nous ont fait tort — Crime et
funeste fécondité de l'usure. — 11 faut éviter les emprunts usuraires. — Com-
ment en donnant au pauvre pour l'amour de Dieu, nous faisons à la fois un
don et un prêt. — Combien grande la récompense de la miséricorde qui nous
donne droit à l'adoption divine, et nous rend semblables à Dieu.
f. 37, 38. — Notre-Seigneur défend le jugement téméraire. — Combien ce défaut
est général. — Motif de celte défense. — Résumé de tous les commandements
précédents. — Magnifique récompense qu'il promet à ceux qui les observent. —
Comment si la récompense est si abondante, recevrons-nous la mcuie mesure
dont nous nous sommes servis.
y. 313-42. — Comment les disciples doivent se contenter de la mesure de leurs
i
DE SA'NT LUC, CUAP. VI.
283
maîtres, et marcher sur leurs trace?. — Nécessité pour ceux qui enseignent
de ne point tomber clans les fautes qu'ils reprennent dans les autres. — Celui
dont la conscience est chargée de crimes énormes , ne peut condamner celui
qui n'en a que de légers à se reprocher. — Cette leçon s'adresse surtout aux
Docteurs. — Nécessité de la connaissance de soi-même.
. 43-45. — Nécessité de montrer dans les œuvres ce qu'on est en paroles. —
La comparaison de l'arbre qui ne peut produire de bons fruits ne peut excuser
la négligence. — Ce n'est point le repentir, mais la persévérance dans le mal
que le Sauveur exclut par ces paroles. — Comment la vie de tout homme est
l'expression véritable de ses mœurs. — Que signifient les épines et les ronces
sur lesquelles on ne peut cueillir ni figues ni raisains. — Autre figure sous
laquelle Notre-Seigneur nous enseigne que le bon et le méchant peuvent se
reconnaître à leurs œuvres. — Comment la nature des paroles est un inlicc
certain de l'état du cœur.
. 46-49. — Notre-Seigneur exige des vrais chrétiens non seulement les paroles,
mais aussi les œuvres. — Avantages attachées à l'observation des comman-
dements, malheur qui menace ceux qui les transgressent. — Quelle est cette
pierre sur laquelle est bâtie la maison de celui qui écoute et met en pratique
les paroles du Sauveur. — De combien de manières arrive le débordement qui
vient fondre contre cette maison. — La foi inutile si la vie est souillée par des
vices qui la déshonorent. — Quelle est cette maison bâtie sur le sable. —
Quel est ce fleuve qui se préci[»ite avec violence. — Les deux discours de
Notre-Seigneur rapportés par saint Matthieu et par saint Luc, et qui tout
deux commencent et se terminent de la même manière, ont-ils eu lieu et sont-
ils absolument les mêmes, ou ont-ils eu lieu à des époques différentes?
j. 1-5. — Un jour de sabbat, appelé le second premier, comme Jésus passait le
long des champs de blé, ses disciples cueillaient des épis, et les froissant dans
leurs mains, les mangeaient. Quelques-uns des pharisiens leur dirent : Pour-
quoi faites-vous ce qi/il n'est pas permis de faire le jour du sabbat. Jésus leur
répondit : N'avcz-vous pas lu ce que fit David, lorsque lui et ceux qui l'accom-
pagnaient furent pressés de la faim, comment il entra dans la maison de Dieu,
et prit les pains de proposition, en mangea et en donna à ceux qui étaient avec
lui, quoiqu'il ne soit permis d'en manger qu'aux prêtres seuls ? Et il ajouta :
Le Fils de l'homme est maître même du sabbat.
S. Ambr. Ce n'est pas seulement par ses enseignements, mais par sa
conduite et par ses actes, que Notre-Seigneur commence à dépouiller
CAPUT IV.
Factum cxl aulem labbato secundo primo, cum
transiret pcr sala , vellcbanl discipuli cjus
spicax, et manducabant confricantes eas ma-
nihus suis. Quidam aulem phnrisœorum dice-
bant illis : Quid facitis quod non licet in sab-
balis? Et respondens Jésus ad eis, dixit : Nec
hoc Icgistis f/uod fecit David, cum esurisset
ipse et qui cum illo erant; quornodo iniravil
in domum Dei, et panes propositionis sumpsit
et mcnducaoit , et dédit bis qui cum ipso
erant ; quos non licet mamhtcare, nisi iantum
saeerdolibus. Et dicebal illis quia Duminus
est Filius hominis etiam sabbali.
Ambr. Non soium compreliensione
verboruni; sed cliam ip~o nsu speciequo
^im
EXPLICATION DE L EVANGILE
rhommedosobservancesdorancieiineloi.«Or,unjour Je sabbat, appelé
le secoud-premicr, comme Jésus passait le long des blés, ses disciples
cueillaient des épis,» etc. — Bède. L'importunité de la foule ne laissait
pas aux disciples le temps de manger , et comme ils éprouvaient le
besoin de la faim , ils l'apaisent eu mangeant les épis qu'ils froissent
entre leurs mains, preuve d'une vie simple et austère , qui , loin de
cherclier des mets apprêtés, se contente des aliments les plus simples.
— TiiÉoPHYL. C'était j, dit l'Evangéliste , le sabbat second-premier,
parce que les Juifs donnaient le nom de sabbat à toutes les fêtes. En
effet, le mot sabbat signifie repos. Or, il arrivait pouveut qu'uue fête
tombait la veille du sabbat , et on appelait ce jour sabbat à cause de
la fête; puis alors le véritable jour du sabbat était appelé second-pre-
mier, comme étant le second après la fête qui avait précédé. —
S. Chrys. {hom. 40 sur S. Mattlt.) 11 y avait alors une double fête,
celle du jour même du sabbat et celle de la solennité qui lui succédait,
et à laquelle on donnait aussi le nom de sabbat. — S. Isid. (1). Il
appelle ce sabbat second-premier, parce que c'était le second jour de
Pâque, et le premier des Azymes. En effet, on immolait la pàque
le soir, et le jour suivant on célébrait la fête des Azymes. Ce qui rend
cette explication plus vraisemblable, c'est que nous voyons les Apôtres
arracher des épis et les manger ; car dans cette époque de l'année, les
épis s'inclinent sous le poids des grains qu'ils contiennent (2*). —
(i) Isidore de Peluse,. liv. m, lettre HO, que le saint docteur écrivait au diacre Isidore qui lui
avait demandé l'explication de ce sabbat second premier.
(2*) A ces explications tant soit peu contradictoires nous en ajoutons une autre qui est donnée
par Scaliger, Kuinoel, et par le docteur Sepp [Vie de N.-S. J.-C, tom. I, pag. 386.) « Au premier
sabbat après le second jour de la fête de Pâques. » C'est ainsi que comptaient les Juifs lorsque le
second jour de Pâques tombait un jour de sabbat, parce que dans ce cas la fête de la Pentecôte
arrivait sept sabbats après. La pâque ayant donc été mangée cette année-là le jeudi soir 14 du
mois de Nisan^ le vendredi se trouvait le premier jour de la fête, et c'est le jour suivant, c'est-à-
dire le samedi 16 du mois de Nisan, que Jésus avait guéri miraculeusement le paralytique à la
fontaine de Bethsaïde. Huit jours après, ou, comme s'exprime l'Ecriture, le second sabbat après le
gestorum incipit homiuem Dominus ve-
teris observatioue legis exuere : unde
dicitur : « Factum est autem cum traii-
siret per sata, discipuli ejus vellebant
spicas, » etc. Bed. Non habentes enim
discipuli spatiuta maaducandi propter
imporliinitatem turbaruin , esuriebaut
ut homiues ; sed vellentes spicas iue-
diam consolabantur ; quod est iudicium
austerioris vitae non prœparatas escas,
sed siniplices quaîrere cibos. Theoph.
Dicit autem : « In sabljato secundo
primo, » quiaJudœi oumem festivitatem
sahbatum uuncupabant : requies enim
dicitur sahbatum. Multoties ergo cou-
tingebal in parasceve feslivitas, et voca-
bant parascevem subbaluni (iroiiler fes-
tum ; deinde principale sabbatum secun-
dum pri tmuu d'wehiini ; quasi secundum
existens a praecedeutis diei festivitate.
Chrys. {hom. 40, in Muttli ) Duplex
enim erat festum ; et principalis sabbati,
et alterius solemnitatis succedentis quai
sabbati etiam dlcebatur. Isidorus. Dicit
secundo primo, quia secundum erat
pascliœ , prinnun autem asymorum :
cum immolarent enim pascha, in sero,
sequenli die feslum azymorum celebra-
bant. Quod autem ita sit, patet ex hoc
quod apostoli vellebant spicas, et man-
ducabant ; in illo namque tempore spica;
(lectunlur a fruclu. Epipii. {Contra Hœ-
DE SAINT LUC, CHAP. VI. 287
S. Epïph. {contre les hérés., liv. I, ch. xxx.) Tls passaient donc lelong des
champs de blé un jour de sabbat, et ils mangeaient des épis pour
montrer que la loi du sabbat a cessé d'exister depuis la venue du grand
sabbat, c'est-à-dire de Jésus-Christ, qui nous a donné le repos après
les fatigues que nos crimes nous avaient causées.
S. Cyr. Les pharisiens et les scribes, dans leur ignorance des saintes
Ecritures, conspiraient entre eux pour accuser les disciples de Jésus-
Christ : « Alors quelques-uns des pharisiens leur dirent : Pourquoi
faites-vous ce qu'il n'est pas permis de faire? » etc. Mais dites-moi ,
vous-mêmes, lorsque la table est servie devant vous le jour du sabbat,
hésitez-vous à rompre le pain ? Pourquoi donc reprenez-vous les
autres? — Bède. Il en est qui prétendent que ce reproche fut fait à
Notre-Seigneur en personne, mais il a pu très-bien être fait par diffé-
rentes personnes et au Sauveur lui-même, et à ses disciples ; et quoiqu'il
en soit, c'était surtout à lui que le reproche s'adressait.
S. Ambr. Or, le Seigneur accuse à son tour les défenseurs de la loi,
de ne pas connaître ce que la loi renferme, et il leur cite à l'appui
l'exemple de David : « Jésus leur répondit : N'avez-vous pas lu, » etc.
— S. Cyr. Comme s'il disait : La loi de Moïse fait cette recommanda-
tion expressément : « Jugez selon la justice, ne faites point acception
de personnes dans vos jugements ; » pourquoi donc accusez-vous mes
disciples, vous qui ne cessez d'exalter David comme un saint et comme
un prophète, bien qu'il n'ait pas observé le commandement de Moïse?
premier jour de la Pâque, Jésus passait par un champ de blé. C'est ce passage dont saint Jérôme
demandait l'explication à saint Grégoire de Nazianze, lorsque ce dernier lui répondit avec une
gracieuse malice: u Je vous donnerai cette explication dans ma prochaine homélie, en i)lcine
église. Au milieu de tout le peuple qui m'acclamera, vous serez forcé d'apprendre ce que vous
ignorez. Et si vous n'applaudissez pas comme tout le monde, nul doute que la foule entière ne se
déchaîne contre votre obstination. » (S. Jer., lett. à Nepot.)
res.j lib. I, haer. 30.) Die igitur sabbati^
visi sunt transeuntes per segetes, et spi-
oas edebant : ostendeiites quoniam dis-
solutum est vinciihim sabbati, ubi ma-
gnum advenit sabbatuiii : boc est Chri-
stus, qui fecit uos quiescere ab opère
delictorum noslrorum.
Cyril. PharisËoi autera et scribee igua-
risacrarum Scripturarum, in unum con-
spiraverant ad repreliendendum Cbristi
discipulos ; unde scquihir : « Quiduni
aiileiii pharisaeorum dicobant illis : Qnid
facitiri, » etc. Die milii tu cuiu in salibalo
tibi uiensa proponilur, nonne franciis
panem ? (Juid igilur alios rcprelifndis ?
Bkda. Abi vero dicunt ipsi Domino lirec
fiiipse objecta; sod a divorsis, et ipsi
Domino, et discipuiis potuenmt olijici ;
et cuicuuque sit objecluni, ad i[isum
maxime respicit.
A MB. Dominus autem defensores logis
arguit nescire quœ legissunt, exemplum
inducens David : unde sequitur : « Et
respondons Jésus ad eos, dixit : Nec boc
iegistis, » etc. Cvril. Quasi dicat : Cum
expresse dicat lex Moysis {Deutc.ron.,
1, vers. 16) : « Judicate justum judi-
ciimi ; nec considerabilis personam in
Judicio; » qualiter inerepatis disfii)ulo3,
qui usque in bodiernum diem extoliitis
David ut sanctura et prophetam, cum
Moysi prœceptum non scrvavorit. Cimvs.
288 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
— S. CnRYS. [Jiom. 40 sur S. Mat/h.) Remarquez que, lorsque Notre-
Seigueur prend la diifensc de ses serviteurs (c'est-à-dire de ses dis-
ciples), il cite à l'appui l'exemple de simples serviteurs, celui de
David et des prêtres, mais quand il répond à ses propres accusateurs,
il en appelle à l'exemple de son Père , comme lorsqu'il dit : « Mon
Père agit sans cesse, et moi j'agis aussi (I). »
Théophyl. Il leur répond encore d'une autre manière : « Et il
ajouta : Le FUs de l'homme est maître même du sabbat ; » comme s'il
disait : Je suis maître du sabbat^ et j'en dispose à mon gré , et comme
législateur, j'ai le pouvoir de supprimer le sabbat. Jésus-Clirist était
appelé Fils de l'homme , parce que tout Fils de Dieu qu'il était , il a
daigné devenir miraculeusement Fils de l'homme et en porter le nom
par amour pour les hommes. — S. Curys. D'après saint Marc, Notre-
Seigneur justifie ses disciples par une considération propre à tous les
hommes : « Le sabbat, leur dit-il, a été fait pour les hommes , et non
l'homme pour le sabbat. » Donc il faut mettre le sabbat au-dessous de
l'homme, plutôt que de placer l'homme sous le joug du sabbat.
S. Ambr. Cette action des disciples renferme un grand mystère. Le
champ de blé, c'est le monde entier ; la moisson , dont ce champ est
couvert, c'est la prodigieuse fécondité des saints répandus dans le
champ du genre humain ; les épis sont les fruits de l'Eglise ; les
Apôtres en font tomber les grains et les mangent , c'est-à-dire qu'ils
se nourrissent de nos progrès dans la vertu , en séparant de leur en-
veloppe extérieure les œuvres et les fruits de 1 âme pour les faire pa-
raître à la lumière de la foi par les miracles éclatants de leurs œuvres.
(1) Jean, v, 17. Notre-Seigiieur répond aux Juifs qui l'accusaient de faire des miracles le jour
du sabbat. 11 venait de guérir le paralytique près de la piscine.
{/lom. 40, in Matth.) Et attendes quod
quandocuuque Domino sit sermo pro
servis (id est, discipulis) servos ducit in
médium, scilicet David et sacerdotes :
quando vero pro se, introducit patrem,
sicut ibi : « Pater meus usque modo
operatur, et ego operor. »
Theophylact. Aliter autem eos repri-
mit, cum subditur : « Et dicebat illis,
quia Dominus est Filius hominis etiam
sabbali : » quasi diceret : Ego sum Do-
minus sabbati tanquam dispositor, et
sicut legislator potestalem habeo solvcre
sdbbatum : Filhis emm liominis \ocai\is
est Christus, qui Dei existens FiLius,
miraculose dignalus est Filius hominis
propter homines fieri et vocari. Chuys.
{in Cet. Grœcoium Patnim.) Marcus
autem de communi natura hoc ipsuui
pi'oluUsse fatetur, dicebat enim : « Pro-
pter homines sabbatum factum est, non
homo propter sabbatum : » expedit igi-
tur potius sabbatum liomini subjici ,
quara hune colla subjicere sabbato.
A MB. Xon médiocre autem mysterium
hic est. Ager enim est omnis hic mun-
dus ; agri seges, in satione humani ge-
neris fecunditas numerosa sanctorum ;
spic* agri, fruclus Ecclesiae, quos ope-
ribus decutientes suis, apostoU pasce-
bantur, nostro se alentes profectu, et
tanquam foUicuUs corporum, mentium
fructus ad fidei lucem prœclaris operum
suorum miraculis eruebant. Bed. Spicas
DE SAINT LUC, CHAP. VI,
289
— Bède. Ils broient les épis dans leurs mains , c'est-à-dire qu'ils font
mourir le vieil homme dans ceux qu'ils veulent unir au corps de
Jésus-Christ, en les séparant de toute intention terrestre. — S. Ambr.
Les Juifs croyaient que c'était là une action défendue le jour du
sabbat ; mais Jésus-Christ, en venant apporter le bienfait inestimable
de la grâce nouvelle, voulait désigner à la fois le repos de la loi et le
travail de la grâce. C'est dans un dessein tout particulier que saint
Luc appelle ce jour le sabbat second premier ^ ei non premier-second^
parce qu'en efïet, le sabbat établi par la loi , qui était le premier, est
supprimé, et celui qui était le second par ordre de temps est devenu
le premier. Il est donc appelé second par ordre de temps , et pre-
mier, à cause de l'excellence de l'opération de la grâce ; car le sabbat
qui délivre du châtiment est supérieur à celui qui prescrit la punition.
Ou encore, ce sabbat est le premier dans les desseins éternels de Dieu,
et le second par ordre d'institution (1*). David, qui fuit avec ses com-
pagnons , est dans la loi la figure de Jésus-Christ qui se dérobe avec
ses disciples à la connaissance et aux poursuites du prince du monde.
Mais pourquoi ce fidèle observateur et ce zélé défenseur de la loi
mauge-t-il lui-même de ces pains, et en donue-t-il à ceux qui étaient
avec lui (alors que les prêtres seuls pouvaient en manger) ? C'était
pour nous montrer par cette action , que la nourriture réservée
jusqu'alors aux prêtres , deviendrait la nourriture des peuples , ou
bien que tous nous devions imiter les vertus de la vie sacerdotale, ou
enfin que tous les enfants de l'Eglise sont de véritables prêtres. En
effet, nous recevons l'onction sainte qui nous consacre prêtres pour nous
offrir nous-mêmes à Dieu comme des hosties spirituelles. (I Pier., ii.)
(1*; Saint Thomas ne donne ici qu'un abrégé du texte de saint Ambroise, ce qui joint au carac-
tère allégorique de l'interprétation, laisse planer une certaine obscurité sur toute cette explication
mystique.
euiluconfricaut, quiaillisquos in corpus
Christi voliinl trajicere, mortificaiit ve-
terem hoininem cum aclibus >uis a ter-
rena intentione extrahendo. Ambr. Sed
hoc putabant Jud^is sabbato non li-
ceie : Cbiiàlus autoui novfe qraliae mu-
nere designabat olium legis. opus gra-
liae : mire tamen secundo primum, non
primo secumluin saljbatuui dixit, quia
sabbalum illud exlege solulum est, quod
erat primum ; et hoc prinmra factum
est, quod secundo constilutum est. Sab-
batum igilur dicitur secinidum juxta
numerum ; primum, juxta opcralionis
gratiam : melius est enim sabbatum quo
impuiiitas datur, quam quo pœua prai-
TOM. V.
scribitur. Aut hoc forte piiraum est in
prfedeslinatione consilii, et secundum
in sanctione décret!. Deinde quod David
cum sociis fugit, hic praefiguratus in
lege Christus est ; qui cum apostolis
principem mundi lateret. Quomodo au-
tem ille observator legis atque defeusor
panes et ipse manducavit et dédit bis
qui secum erant (quos non iicebat maudu-
care nisi sacerdolibus), nisi ut per iilam
demonsuraret figuram, sacerdotalem ci-
l)um ad usum transire populorum, slve
quod omnes vitam sacerdotalem debe-
nuis iniitari ; sive quod omnes filii Ec-
clesitE sacerdotes sunf? Unirimur enim
iu sacerdotium sanctum offerentes nos-
19
290
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
Mais puisque le sabbat a été fait pour les hommes, et que leur utilité
demandait que l'homme ue fût plus soumis au jeûne prolongé d'une
faim mortelle (lui qui avait été si longtemps privé des fruits de la
terre), la loi, loin d'être détruite, reçoit ici son accomplissement.
f. 6-11. — Un autre jour de sabbat, Jésus entra dans la synagogue pour y
enseigner. Et il y avait là un homme dont la main droite était desséchée. Or,
les scribes et les pharisiens l'observaient pour voir s'il le guérirait le jour du
sabbat afin d'avoir sujet de l'accuser. Mais comme il connaissait leurs pensées,
il dit à l'homme qui avait la main desséchée : Levez-vous, et tenez-vous là
debout au milieu. Et se levant, il se tint debout. Alors Jésus leur dit : Je
vous le demande : Est-il permis le jour du sabbat de faire du bien ou du
mal, de sauver la vie ou de Voter? Et ayant promené son regard sur tous ceux
qui l'entouraient, il dit à cet homme : Etendez votre main. Il l'étendit, et sa
main redevint saine. Mais eux, remplis de fureur, se consultaient sur ce qu'ils
pourraient faire co)itre Jésus.
S. Ambr. Notre -Seigneur passe à des œuvres différentes; il venait
pour sauver l'homme tout entier, il commence par le guérir partiel-
lement, un membre après l'autre : « Un autre jour de sabbat, Jésus
entra dans la synagogue pour y enseigner. » — Bède. Il choisit de
préférence le jour du sabbat , pour enseigner et pour guérir, non-
seulement afin d'annoncer ainsi le sabbat spirituel ^, mais aussi parce
que le peuple se trouvait réuni en plus grand nombre. — S. Cyr. Il
enseignait des vérités qui surpassaient l'intelligence , et il ouvrait à
ceux qui l'entendaient la voix du salut , qu'il venait apporter au
monde ; et ensuite il donnait pour appui à sa doctrine les œuvres de
sa toute-puissance : « Et il y avait là un homme dont la main droite
était desséchée. »
metipsos Deo liostiasspirituale3.(I.Pef?'.,
2.) Si autem sabbatum propter homines
factura est, utilitas autem hominum pos-
tulabat esurientem hominein (qui diu
fueritterrae fructibus abdicatus) veteris
famis vitare jejuuia, non utique lex
solvi;ur, sed impletur.
Facluni est autem et in oHo sabbato, ut intraret
in synagogam et doceret. Et erat ibi homo, et
manus ejiis dextera erat arida. Observabant
autem scribœ et pharisœi, ii in sabbato cura-
ret, ut invenirent unde accusarent eum. Ipse
vero scii'hat cogiiationes eorum ; et ait horrdni
qui habebat manum aridam : Surye et sta in
médium. Et surgens stetit. Ait autem ad illos
Jésus : Interrogo vos si licet sabbatis bene fa-
cere, an maie; animam salvam facere , an
perdere ; et circumspectis omnibus dixit ho-
mini : Extende manum tuam. Et extendit, et
- restiluta est manus ejus : ipsi autem repleti
sunt insipientia, et colloquebantur ad invicem.
quidnam facerent de Jesu.
Ambr. Hic ad alia progreditur Donii-
nus : nam qui totum bominem salvum
facere disposuerat, per ?ingula membra
curabat : unde dicitur : « Factum est
autem in alio sabbato ut intraret in sy-
nagogara et doceret. » Beda. Sabbatis
maxime curai et docet, non solum pro-
pter insinuandum spirituale sabbatum,
sed etiam propter celebriorem populi
conventum. Cyril, [in Cat. Grœconim
Putrum.) Docebat autem rêvera tran-
scendeutia intellectum, et quœ salutis
futurœ per eum reserabaut audientibus
seraitam ; deiude prœcedeute doctrina
subito diviuam ostendebat virtutem :
unde sequitur : « Et erat ibi homo, et
manus ejus d xtera erat arida. »
DE SAINT LUC. CHAP. VI.
29^
BEDE. Le Maître vient de justiiier par un exemple des plus louables
la conduite de ses disciples, accusés de violer le jour du sabbat; ses
ennemis l'observent maintenant lui-même pour le calomnier : « Or,
les scribes et les pharisiens l'observaient pour voir s'il le guérirait le
jour du sabbat, » tout disposés à l'accuser de cruauté et d'impuis-
sance, s'il ne le guérissait point , ou de violer le sabbat s'il le guéris-
sait : « Afin dit l'Evangéliste, d'avoir sujet de l'accuser. » — S. Cyr.
Tel est ])ien le caractère de l'homme envieux (1), il nourrit en lui-
même sa douleur avec les louanges qu'il entend donner aux autres ;
mais le Seigneur connaît toutea choses et pénètre le secret des cœurs :
« Or comme il connaissait leurs pensées, il dit à l'homme qui avait
la main desséchée : Levez-vous , et tenez-vous là debout au milieu, et
se levant, il se tint debout. » Peut-être le Sauveur voulait-il exciter la
commisération de ces pharisiens cruels, et amortir le feu de la passion
qui les dévorait.
BEDE. Cependant Notre- Seigneur , voulant prévenir l'accusation
qu'ils préparaient contre lui , leur reproche de mal interpréter les
prescriptions de la loi , eux qui croyaient qu'on devait s'interdire
même les bonnes œuvres le jour du sabbat, tandis que la loi ne dé-
fend que les œuvres serviles, c'est-à-dire les œuvres mauvaises :
« Alors Jésus leur dit : Je vous le demande , est-il permis de faire du
bien le jour du sabbat ?» — S. Cyr. Cette question était pleine d'op-
portunité. Eu effet, s'il est permis de faire le bien le jour du sabbat,
et que rien ne s'oppose à ce que la miséricorde de Dieu vienne au se-
cours de ceux qui souffrent , cessez donc de réunir vos accusations
calomnieuses contre Jésus-Christ. Si au contraire, il n'est pas permis
(1) Dans le texte grec de saint Cyrille on lit : « Tel est l'homme envieux, i> au lieu de « tel est
rhabitude de l'adversaire : » Hic enim est mos adversarii.
Bed. Quia vero destructioneni sabbati ]
(quam in discipulis argiiebant) probabili
magiàter excusaverat oxeinpio , nunc
ipsum observaudo inagislrum calum-
iiiari volunt : unde sequiliir : « Obser-
vabnnt autein scriba; el pharir^uei si in
sabbato curaret ; » iil scillcel si non
curet, crudelitalis vcl imbecillitatis; si
cnret. in sabbato, transgre^sionis euiu
arguant : undc sequitur : « Ul inveni-
F'-nt unde accusarent oum. » CviUL. (tibi
sup.) Hic eniiue^t uiusadversaiii, pascit
in se doloris morl»uni alioruui pr.tco-
niis; sed Doininus novit omnia et corda
riniatur. Unde sequitur : « Ipse vero
sciebat cogitationcà eorum ; et ait ho-
miûi qui babebat manum aridam : Surge
et sla : et surgens stetit : » ut forsan
incitaret ad pielatem crudelem pliari-
sœum; et ipsa passio ilanimas iniligarel.
BiLD. Prœveniens auleni Douiinus ca
lumniam quam sibi praiparabant, arguit
eos (pii praïcepta legis maie interpre-
taudo, etiam a bonis operibus sabbato
œslimabant feriundnm ; cum lex a sor-
vili opère (id est, malis) abstinere pra;-
cipiat in sabbato : unde sequitur : « Ail
aulem ad iilos Jésus : inlerrogo vos si
licet sabbato beue facero, <> etc. Cyril.
[ubi sup.) Niu.is est idonea quœstio :
nani si licot in sabbato hone facere, nec
aliquid obstat ut laboraïUes a Deo mise-
ricordiam consequanlur, desiuas colli-
gere adversus Cliristum calunmiaui ; si
292 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
de faire du bien le jour du sabbat , et si la loi défend de sauver les
âmes, vous devenez l'accusateur de la loi. De phis, si nous voulons
examiner les motifs de l'institution du sabbat_, nous trouverons qu'il a
été établi dans un but de miséricorde. En effet , Dieu commande le
repos le jour du sabbat, « afin , dit-il, que votre serviteur , votre ser-
vante et vos animaux puissent se reposer. » [Exode ^ xx , xxii.) Or,
celui qui a compassion du bœuf et des autres animaux , pourrait-il
être sans pitié pour un homme qui souffre d'une maladie cruelle ? —
S. Ambb. La loi était dans le temps présent la figure de la vie future,
où nous nous reposerons en nous abstgnant de toute œuvre corporelle,
mais non des bonnes œuvres, telle que la louange de Dieu. — S. AuG.
{Qucst. évang.^ ii, 7.) Lorsque Notre-Seigueur eut guéri cet homme,
il fait cette question aux pharisiens : « Est-il permis de sauver l'àme
ou de la laisser périr? » Tl parle de la sorte , parce qu'il opérait ses
miracles pour établir la foi qui est le salut de l'àme ; ou encore, parce
que la guérison de la main droite était le symbole du salut de l'âme qui,
en cessant de faire des bonnes œuvres, avait pour ainsi dire la main
droite desséchée ; ou bien enfin , l'àme ici est prise pour l'homme
tout entier, comme lorsqu'on dit : « Il y avait là tant d'àmes(l). »
S. AuG. {de l'accord des Ecang.^ ii, 35.) Ou peut se demander
comment, d'après saint Matthieu, ce sont les pharisiens qui demandent
à Notre- Seigneur s'il est permis de guérir le jour du sabbat, tandis
que, d'après saint Luc , c'est le Sauveur lui-même qui leur fit cette
question. Nous répondons que les pharisiens ont pu très-bien demander
les premiers à Notre-Seigneur , s'il était permis de guérir le jour du
(1) Gènes., xlvi, 27.
autem nou licet iii sabbato benefacere,
et lex prohibât animarum salutem, fac-
tus es legis accusator. Ipsara qiioque
sabbati sanctionem si velimus disculere,
ad opus pietalis introductum fuisse re
nus corpus curaverit, quare sic in-
terrogavit : « Animam salvam facere,
an perdere licet? » Vel quia ille mi-
racula propter fidem faciebat, ubi salus
est animae ; vel quia ipsa sanatio ma-
periemus ; jussit enim in sabbato fe- \ nus dexterae salutem aninite signifi-
riari, ut quiescat, inqiiit (fj-orf., 20 et cabat; quae a bonis operibus cessans,
23), puer tuus et ancilla tua, et quodli- '■ aridani quodamiuodo dextoram habeie
bet pecus tuum : qui vero bovis mise- 1 videbalur ; vel animam pro homine
retur, et ca;teroruui pecorum, quomodo , posuit, sicut dici solet: « Tôt animae ibi
non miserebitur hominis gravi morbo j fuerunt. »
perplexi ? Ambr. Lex autem in prœsen- AUG. {de Con,- Evang.. lib.ii, cap. 35.)
tibus formam prasGguravit futurorum in j Sedpotest moveriquœstio quomodo Mal-
quibus utique maloram ferire futurœ j tbfeus dixerit, quod ipsi interrogaveruut
sunt non bononim : nam licet secularia j Domiiium si licet curare sabbato ; cum
opéra conqinescant, non otiosus tameu 1 Lucas hic illos potins a Domino iuter-
boni operis actus est in Dei lande re- 1 rogatos esse perhibeat ; itaque inteUi-
quiescere. AuGUST. {de Quœst. Evong., \ gendum est qnod illi prias interrogave-
lib. II, qutest. 7.) Cum autem Domi- i runt Dominum si Ucet sabbato curare ;
DE SAINT LUC. CHAP. VI.
293
sabbat; et que lui-même ensuite connaissant leurs pensées, et sachant
qu'ils cherchaient une occasion de l'accuser, plaça au milieu d'eux cet
homme qu'il voulait guérir, et leur adressa la question que saint Marc
et saint Luc mettent dans sa bouche.
« Et les ayant tous regardés, » etc. — Tite de Bost. Il attire par là les
regards de tous ceux qui sont présents , il concentre en même temps
toute leur attention sur l'œuvre qu'il va faire, et il dit à cet homme :
« Etendez votre main,» je vous le commande, moi qui ai créé
l'homme, cet homme qui avait la main paralysée, obéit, et il est guéri
sur le champ : « Il l'étendit , et elle fut guérie, » etc. Ce miracle qui
aurait dû les remplir d'admiration , ne fait qu'augmenter leurs mau-
vaises dispositions : « Mais eux, remplis de fureur, se consultaient sur
ce qu'ils feraient de Jésus. » — S. Chrts. [hom. 41 .) Et comme le
rapporte saint Matthieu, ils s'en vont et tiennent conseil pour le faire
mourir. — S. Ctr. \ous êtes témoin, pharisien, des œuvres divines
de sa toute-puissance, vous le voyez guérir les malades par une vertu
toute céleste, et, par un noir sentiment d'envie, vous conspirez pour le
faire mourir.
BEDE. Cet homme représente le genre humain frappé de stérilité
pour le bien, et dont la main a été comme desséchée pour s'être étendue
vers le fruit que mangea notre premier père. Nous voyons cette main
paralysée jusqu'au milieu de la synagogue; car plus le don de la
science est grand, plus aussi la transgression de la loi est coupable. —
S. Ambr. Vous avez entendu les paroles du Sauveur : « Etendez votre
main. » C'est le remède général qu'il propose à tous les hommes.
Vous donc qui croyez avoir la main saine , craignez que l'avarice ou
deinde intelligens cogitationes eorum,
riditum accusandi quéBrentium, constituit
in medio eum queni fuerat sanaturus ;
et interrogavit quae Marcus et Lucas
eum interrogasse commémorant.
Sequitur : •< Et circumspectis omni-
bus. » Titus Bostrf.nsis. Quasi collectis
omnium oculis quin etiain incitata mente
eorum ad considerationem negolii dixit
homini : « Extende manum tuam ; »
ego libi mando, qui crt;avi liominem;
audit autem qui Ifesaiu habebat ma-
nuui, et sanus fit, unde sequitur : » Et
extendit, et restituta est, » etc. Quos
autem oportcLat in rniraculo stupere,
augent nialitiam. Unde sequitur: « Ipsi
autem repleti sunt insipientia, et collo-
quebantur quid farerent de Jesu. »
Chrys. [hom. 41, in Malth.) Et ut nar-
rai Mattbœus, « exeunt et consiliantur
ut occidant euro .) Cyril. (uM sup.)
Cernis, o phr^/issee, operanlem divine,
ac superna majestate liberantem lan-
guentes, et mortem ex livore partu-
ris.
Bed. Homo autem iste huuianum ge-
rms significat infecunditate boni operis
arefactuni pro manu in primo parente
ad pomum extensa, quam sanavil in-
nocens manus in cruce extensa : et bene
manus in synagoga erat arida ; quia ubi
majus donum scii'uti.'e, ibi tran<gressor
majori subjacet culpœ. Ambr. Audisti
igitur verba dicentis : « Extende manum
tuam : » commuais ista generalisque
raedicina est ; et tu qui putas manum
habere te sanam, cave ne avaritia vel
sacrilegio contrahatur ; extende s.rpius
294 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
le sacrilège ne vienne à la fermer ; étendez-la continuellement pour
secourir le prochain, pour protéger la veuve, pour délivrer de l'mjus-
tice celui que vous voyez sous le poids d'une accusation inique ; éten-
dez-la vers le pauvre qui vous supplie , étendez -la vers Dieu pour vos
péchés : c'est ainsi qu'il faut étendre la main , et c'est ainsi qu'elle est
guérie,
f. 12-16. — En ces jours-là, il se retira sur la montagne pour prier, et y passa
toute la nuit à prier Dieu. Et, quand le jour fut venu, il appela ses disciples,
et il en choisit douze d'entre eux [qu'il nomma aussi apôtres) ; Simon, auquel
il donna le surnom de Pierre, et André son frère ; Jacques et Jean ; Philippe
et Barthélemi ; Matthieu et Thomas; Jacques fils d'Alphée, et Simon appelé
le Zélé ; Judas, frère de Jacques, et Judas Iscariote, qui fut le traître.
La Glose (1). Pendant que les ennemis de Jésus-Christ se déclarent
contre ses miracles et sa doctrine, il choisit ses Apôtres pour être les
défenseurs et les témoins de la vérité, et avant de les choisir il se livre
à la prière : « En ces jours là, il se retira sur la montagne pour
prier. » — S. Ambr. Prenez garde d'entendre ces paroles avec un es-
prit prévenu, et de penser que si le Fils de Dieu prie, c'est dans le
sentiment de sa faiblesse et pour obtenir ce qu'il ne peut faire de lui-
mème_, car l'auteur de toute-puissance a voulu se rendre maitre de
l'obéissance, et nous enseigner par son exemple les préceptes de la
vertu (2).
S. Cyr. Méditons attentivement dans la conduite de Jésus-Christ,
l'exemple (ju'il nous donne de persévérer dans la prière, en nous
(1) On ne trouve rien de semblable dans la Glose actuelle.
(2) Saint Ambroise ajoute encore que le Sauveur agit ainsi comme notre avocat, bien que comme
juge, sa puissance n'ait d'autres limites que sa volonté.
eaiu, ut proxiinum juves^ ut vidusBprte- 1 cobi, et Judam Iscariotem, qui fuit prodi-
sidium feras ; eripias iujuriae, queru vi- '<""•
des iujustee contuuieliœ subjacere; ex-
tende ad pauperem qui te obsecrat ;
extende ad Doiiiinuui pro peccatis tuis ;
sic manus extenditur, sic maaus sana-
Faclum est autetn in illis diebus, exiit in tnon-
tem orare, et erat pernoctans in oratione Dei.
Et cura dies factus esset , vocavit discipulos
suos, et elegit duodecim ex ipsis, quos et apos-
tolos nominavit : Simonem, quem cor/notrànavit
Petrum , et Andream fratrem , ejus , Jacobum
et Joaniiem, Philippum et Bartholomceum , et
Matthœum et Thomam , Jacobum Aiphœi et
Simonem, qui vocatur Zeloles, et Judam Ja-
Glossa. Iiisurgeutibus adversariis
contra Christi miracula et doctriuam,
apostolos elegit quasi defeusores verita-
tis et testes^ quorum electioni orationem
prsemittit : unde dicitur : « Facium est
autem, » etc. Ambr. Noli insidiatrices
aperire aures, ut putes Filium Dei quasi
infirmum orare, ut impetret quod im-
plere non possit : p testatis enim auc-
tor, obedientiae magisler ad preecepta
virtutis suo nos informât exemplo.
Cyril, {in Cat. Grœcoruin, uOi sup.)
Scrutemur igitur iu his qufe Christus
agit, qualiter nos doceat orationibus
PE SAINT LUC. CHAP. VI.
295
tenant à l'écart, dans le secret, loin des regards des hommes, séparé
de loutes les préoccupations du monde, afin que notre esprit puisse
s'élever librement sur les sommets de la contemplation divine ; c'est
ce que nous apprend Notre- Seigneur en se retirant sur la montagne
pour prier. — S. Ambr. En toute circonstance, Jésus prie seul et sans
témoins; en effet, les vœux des hommes ne peuvent s'élever jusqu'aux
conseils de Dieu, et personne ne peut entrer en participation des pen-
sées intimes du Christ. Tous ceux qui prient ne montent point sur la
montagne, mais celui-là seul qui, dans sa prière, s'élève des préoc-
cupations de la terre aux pensées du ciel, et jamais celui qui
poursuit avec solUcitude les richesses et les honneurs du siècle. Les
âmes détachées de la terre moiTtent sur la montagne ; aussi dans
l'Evangile, vous voyez les disciples seuls monter sur la montagne avec
leur divin Maître. L'Evangéliste vous donne, chrétiens, la règle et
l'exemple que vous devez imiter dans les paroles suivantes : « Et il
passait la nuit à prier. » Que ne devez-vous pas faiio pour votre salut,
quand vous voyez Jésus-Christ passer pour vous toute la nuit en
prières. — S. Chrys. (1) Levez-vous donc aussi vous-même pendant
la nuit, car alors l'âme est plus pure, et le silence et l'obscurité de la
nuit sont on ne peut plus favorable à la componction du cœur. D'ail-
leurs, si vous considérez le ciel parsemé d'étoiles, et cette multitude
innombrables d'astres lumineux ; si d'un autre côté vous réfléchissez
que tous ceux qui, pendant le jour, se livrent aux plaisirs et aux
œuvres d'iniquité, sont alors absolument semblables à des morts, com-
ment pourrez-vous ne pas détester tous les crimes des hommes. Que
ces pensées sont puissantes pour élever l'âme, elle n'est alors ni tour-
(l) Celte citation est empruntée en partie à l'homélie 42 parmi celles qui ont pour titre : homélie
au peuple d'Antioche , et en partie à l'homélie 26 sur les Actes.
divinis insistere, semolim scilicel et se-
crelo neinine videute ; amota quoque
mundana sollicitudine , ut sursuni ad
divin a; speculatiouis intuiluiu erigatur
intentio ; quod designatur in lioc quod
setuotim orabat Jésus exieus in mon-
tem. Ambr. Lhique etiam solus obsecral.
Dei enim cousiliuin liumana voUi non
capiunt; nec quispiaui interioruui potesl
esse parliceps Chrisli. Non aulem onniis
qui orat ascendil in inonteni , sed qui
oral a terrenis ad superioia progro-
diens; non autem ille qui do seculi divi-
tiis aut de honore sollicitus ost. Oiunes
sublimes in nionleui ascenduut : quare
in Evangelio inveuies solos in niontem
cuni Domino ascendisse discipulos.
Species autem tibi, Chrisliane, datur.
forma praescribitur, quam debeas aemu-
lari , cum sequitur : « Et erat pernoc-
taus in oratione Dei, » etc. Quid enim te
pro salute tua facere oporlet, quando
pro te Cliristus in oratione pernoctaf?
Chrys. [in Cut. Crœcorum Patntm.)
Exsurge igitur et tu tempore noctis :
purior est enim tune teraporis anima ;
ipsifi tenebrae ac silentium nimium pos-
sunt sufficienter ad conipunctioneni per-
ducere. Caeterum si ipsum quoque cœ-
lum inspicias punclatum stellis , quasi
intinitis luminibus , si considères quod
qui per dieui saltant injurianturque , hi
tune niliil a inortuis discrepant ; detes-
taberis quemlibetausum humanum. Hsec
omnia suftieiunt ad animam eriaendam :
tune non vexât inanis gloria, non accdia.
296
EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
mentée par la vaine gloire, ni dominée par la mollesse ou par une
passion violente; non, l'action du feu n'est pas si puissante pour faire
disparaître la rouille du fer, que la prière pendant la nuit pour efifa-
cer la rouille des péchés. Elle rafraîchit pendant la nuit celui que l'ar-
deur du soleil a brûlé durant le jour, il n'est point de rosée compa-
rable aux larmes versées pendant la nuit, elles triomphent de la
concupiscence et de tout sentiment de crainte ; mais si l'homme n'est
point humecté de cette rosée féconde, il a tout à craindre des feux du
jour. Si donc vous ne pouvez prier beaucoup pendant la nuit, priez
au moins une fois lorsque vous vous éveillez, cela suffit, et montrez
ainsi que le repos de la nuit n'est pas seulement utile au corps mais à
l'âme.
S. Ambr. Vous voyez encore ce que vous devez faire avant d'entre-
prendre quelque œuvre de piété, puisque Jésus-Christ a prié avant
de choisir ses Apôtres : « Et dès l'aurore, il appela près de lui ses dis-
ciples, » etc., c'est-à-dire, ceux qu'il destinait à propager parmi les
hommes tous les moyens de salut, et à répandre par toute la terre la
semence de la foi. Et remarquez ici l'ordre des conseils de Dieu; ce
ne sont point des sages, des riches, des nobles, mais des pêcheurs et
des publicains qu'il choisit pour cette mission ; il ne veut point qu'on
puisse attribuer à l'influence puissante des richesses, de l'autorité, de
la noblesse, la conversion des hommes à la grâce de l'Evangile, il veut
triompher'par la puissance naturelle de la vérité, et non par la supé-
riorité du raisonnement et de l'éloquence.
S. Cyr. Remarquez encore avec quel soin l'Evangéliste, non-seule-
ment raconte l'élection des saints Apôtres, mais en fait une énumé-
ration exacte pour que personne n'osât en inscrire d'autres que ceux
qu'il énumère. « Simon, auquel il donna le nom de Pierre, et André
non coueitatio occupât : non sic ignis
ferri séquestrât rubiginem, velut noc-
turna oratio aeruginem peccatorum.
ôuem de die solis œstus perussit, nocle
refrigeralur : quemlibet rorem superant
nocturnœ lacrymse, et contra coucupis-
centiam valent et quemlibet timorem :
si vero praedicto rore non foveatur
homo, arescit sub die. Quapropter licet
non niullum ores noctu , semel ora
vigilando, et sufficit : ostende quod,
non solum ad corpus nox pertiuet, sed
etiam ad animam.
Ambr. Quid autem te facere convenit
cum vis aliquod officium pietatis ado-
riri, quando Christus missurus aposto-
los priiis oravif? Sequitur enim : « Et
cum dies factus esset, vocavit discipulos
suos, I) etc. Quos scilicet ad propagan-
dum auxilium salutis humanae per ter-
rarum orbem satores fidei destinaret.
Simul adverte cœleste consilium : non
sapientes aliquos , non divites, non no-
biles, sed piscatores et publicanos, quos
dirigeretj eiegit; ne divitiis aut poientiae
nobilitatisque auctoritate traxisse aliquos
ad suam gratiam videretur; ut verita-
tis ratio , non disputationis gratia prae-
valeret.
CvRiL. [nhi sup.) Attende autem
maximam Evangelistae sedulitatem :
non solum dicit electos fuisse sacros
apostolos, inio nominatim eos enumerat,
ne quisquam audeat alios iuscribere
DE SAINT LUC, CHAP. VI.
297
son frère. » — Bède. Ce ne fut point alors que Pierre reçut pour la
première fois ce surnom, mais longtemps auparavant, lorsqu'ayant
été amené à Jésus par André, Jésus lui dit : « Tu t'appelleras Céplias,
qui veut dire Pierre. » [Jean, \, 42,) Saint Luc avait l'intention de
donner l'énumération des noms des Apôtres, il devait nécessairement
y faire entrer le nom de Pierre, il indique donc brièvement que ce
nom n'était pas primitivement le sien, mais qu'il lui a été donné par
le Sauveur, — Eusèbe. [Ch. des Pèr. gr.) Le second couple est com-
posé de Jacques et de Jean ; ils étaient tous deux fils de Zébédée et
pécbeurs de profession. Viennent ensuite Philippe et Barthélemi ;
Philippe, d'après saint Jean, était de Bethsaïde, concitoyen d'André
et de Pierre, ainsi que Barthélemi , homme simple, étranger à la
science du monde, sans fiel et sans aigreur. Matthieu fut appelé alors
qu'il était receveur des impôts : « Matthieu et Thomas. » — Bède.
Matthieu, par humilité, met son nom après celui de Thomas, son col-
lègue, tandis que les autres Evangélistes le mettent avant. — Suite.
a Jacques, fils d'Alphée, et Simon, qui est appelé le zélé. » — La
Glose. Il est ainsi appelé, parce qu'il était de Gana, en Galilée ; or,
Cana veut dire zèle^ et on l'appelle ainsi pour le distinguer de Simon
Pierre : « Judas, fils de Jacques, et Judas Iscariote, qui le trahit. » —
S. AuG. {de l'accord des Evang.^ ii, 30.) Saint Luc parait différer ici
de saint Matthieu, qui donne à Judas le nom de Thaddée ; mais qui
empêche qu'im même homme ait porté deux ou trois noms? Le Sau-
veur choisit pour Apôtre Judas le traitre, non par imprévoyance de
l'avenir^ mais par un dessein providentiel, 11 avait pris volontairement
apostolorum catalogo. «Simonem, quem
cognominavit Petrum, et Andream , fra-
trem ejus. » Beda. Non modo prinium
eum cognominavit , sed longe prius
cum ab Andréa adducto dicitur (Joan., i,
vers. 42) : « Tu vocaberis Cephas, qiiod
interpretatiir Petrus. » Sed volens Lucas
nomina apostulorum enumerare , cum
necesse haberet Petrum dicere, breviler
volait innuere, quod non hoc antea
cognominaretur, sed ita Dominus co-
guouiinavcrit. EusEB. [in Cal. (Irœco-
ruiH Patrum.) Secunda autem combi-
natio est Jacobi et Joannis : unde se-
quitur : « Jacobum et Joannem;» am-
bos scilicet iilios Zebedaii , qui eliaiii
piscatores fuerunt. Post hos autem dicit
« Philippum et Bartholomaeum : » Plii-
lippum dicit Joannes fuisse de Bethsaida
concivem Andréas et Pétri : ipse quoque
Bartlioloma-us , vir simplex et expers
scientiœ mundanse et amariludinis : Mat-
thajus vero ex bis qui prius census exi-
gebant, vocatus est; de quo subdit :
« MatthEeum et Thomam. » Bed. Mat-
thœus compari suo Thumae in ordine,
humilitatis causa se supponit, cum a
caeteris evangelistis praelatus sit. Sequi-
tur : « Jacobum Alpliaîi et Simonem, »
qui vocatur Zelotes. Glos. Quia scilicet
fuit de Cliana Galilaeie , qui interpreta-
tur zelus ; quod additur ad differentiam
Simonis Pelri.Sequitur : «Judam Jacobi
et Judam Scariolh , qui fuit proditor.»
AuG. {de Cons. Evanj., lib. ii, cap. 30.)
In nomine Judœ Jacobi Lucas videtur
discrepare a Matthœo, qui eum Tha-
dfeum appellat : sed quis unquani pro-
liibuit duobus vel tribus nominibus
unum hominem vc^cari "? Eligitur autem
Judas proditor, non per imprudentiam,
sed per provideutiam : susceperat qui-
2diS
EXPLICATION DE L EVANGILE
la fragilité de la nature humaine, il ne refuse pas même cette triste et
douloureuse épreuve ; il a voulu être trahi par un de ses Apôtres, afin
que si vous êtes vous-même victime de la trahison d'un ami, vous
supportiez patiemment les suites de l'opinion erronée que vous aviez
de lui, et l'inutilité de vos bienfaits.
BEDE. Dans le sens mystique, la montagne sur laquelle Jésus-Christ
choisit les Apôtres, représente la hauteur de la justice, à laquelle ils
devaient parvenir et qu'ils devaient prêcher, et c'est pour ce motif que
la loi fut donnée sur une montagne. — S. Cyr. Si vous êtes désireux
de connaître la signification des noms des Apôtres, Pierre veut dire
qui délie, ou qui reconnaît (1), André, puissance brillante, ou qui ré-
pond; Jacques, qui supplante la douleur; Jean, la grâce du Sei-
gneur; Matthieu, qui est donné; Philippe, bouche grande ou orifice
de la lampe; Barthélemi, fils de celui qui suspend les eaux; Thomas,
abîme on jumeau; Jacques, fils d'Alphée, qui supplante les pas de
la vie; Jude, confession, Simon, obéissance.
t. 17-19. — Il descendit ensuite avec eux, et s'arrêta dans une plaine avec la
troupe de ses disciples, et une grande multitude de peuple de toute la Judée,
de Jérusalem, et de la contrée maritime de Tyr et de Sidon, qui étaient venus
pour l'entendre, et pour être guéris de leurs maladies; il y en avait aussi que
tourmentaient des esprits impurs, et ils étaient délivrés. Et toute la foule cher-
chait à le toucher, parce qu'il sortait de lui une vertu qui les guérissait tous.
S. Cyr. Après avoir choisi ses Apôtres, alors qu'il voyait rassem-
(1) Saint Jérôme, dans son Traité des noms hébreux, donne la même signification et en ajoute
deux autres : qui connaît, ou qui déchausse, et encore : qui est connu, ou qui délie. Cependant le
nom de Pierre vient du grec, et signifie la fermeté de la pierre à laquelle Jésus-Christ fait allu-
sion [Matth., XVI, 18.) Les noms de Philippe et d'André sont aussi des noms grecs, dont l'un si-
gnifie virilité, et l'autre qui aime les chevaux ; bien que saint Jérôme donne les mêmes significa-
tions que Bède, mais en avouant qu'elles ne sont pas très-naturelles.
dem hominis fragUitatem, et ideo nec
has partes recusavit infirmilatis hu-
maniE : voluit ab apostolo suo tradi, ut
tu a socio proditus moderate feras tuum
errasse judicium . periisse beneficium.
Bed. Mystice auteiii mons in quo
apostolos elegit Ghristus altitudinem
désignât justitia^ , 'qua institueudi eraut,
et eam praedicaturi : sic et lex ia monte
data fuit. Cvril. [in Cat. Grœcorum
Patrum.) Quod si libet interpretationem
apostolicorum nominumscire; scito quod
Petrus dicitur dissoliens vel ag nos-
cens; Andréas , décora patent i a , vel
respondens ; Jacobus autem, supplonta-
tor doloris ; JoRunes, Domiid gratiu ;
Matthfeus, donatus ; Philippus, os ma-
gnum, vel orificivin lampadis; Bartho-
lomseus , filius oquas suspendentis ;
Thomas, abtjssus, vel g e mi nus ; 3 dcohus
AlpliEei , supplaiitator giessus vitœ;
Judas, confessio; Simon, obedientia.
Et descendens cura illis, stetit in loco campestri,
et turba discipulorum ejus , et multitudo co-
piosa plebis ab omni Judœa et Jérusalem, et
maritima, et Tyri, et Sidonis ; qui vénérant ut
audirent eum, et sanarentur a languoribus
suis. Et qui vexabantur a spiritibus immundis,
curabantur ; et omnis turba quœrebat eum
tangere; quia virtus de illo exibat, et sanabat
omnes.
Cylil. {in Cat. Grœcorum Patrum,
DE SAINT LUC. CHAP. VI.
299
blée autour de lui une grande multitude de peuples de la Judée et
aussi de la région maritime de Tyr et de Sidon (contrées dont les
habitants étaient idolâtres) , il les établit docteurs de tout l'univers ;
pour affranchir les Juifs de la servitude de la loi, et rappeler des er-
reurs des Gentils à la connaissance de la vérité, ceux qui rendaient au
démon un culte idolâtre : « Il descendit ensuite avec eux, et s'arrêta
avec la troupe de ses disciples, et une grande multitude de peuple de
toute la Judée, de Jérusalem et de la contrée maritime de Tyr et de
Sidon. » — BEDE. Cette région maritime, d'où venait cette multitude
(jui suivait le Sauveur, n'est point celle qui avoisinait la mer de Ga-
lilée, il n'y aurait eu en cela rien d'extraordinaire, mais c'était la
région qui touche à la grande mer (et où pouvaient se trouver Tyr et
Sidon), comme l'indique l'Evangéliste : « Et de Tyr et de Sidon. »
Ces deux villes qui étaient habitées par des Gentils, sont expressément
désignées pour faire ressortir la grandeur de la renommée et de la
puissance du Sauveur, qui presse des villes idolâtres de venir lui de-
mander la guérison de leurs maux et les enseignements de la vérité :
8 Qui étaient venus pour l'entendre. » — Théophyl. C'est-à-dire, pour
la guérison de leurs âmes, et pour être délivrés de leurs infirmités,
i-/est-à-dire, pour la guérison de leurs corps. — S. Cyr. Après avoir
choisi et désigné les saints Apôtres, Jésus voulant convaincre les Juifs
et les Gentils rassemblés en grand nombre , que par ce choix il les
avait élevés à la dignité de l'apostolat, et que lui-même était plus qu'un
homme, qu'il était Dieu et le Verbe incarné, opéra devant eux plu-
sieurs miracles éclatants : « Et tout le peuple cherchait à le toucher,
parce qu'une vertu sortait de lui, » etc. En effet, Jésus-Christ n'avait
pas recours à une puissance étrangère, mais comme il était Dieu par
ubi sup.) Celebrata ordinatione aposlo-
lorum, pluribus congregalis et de regione
Judœorum, nec uon a maritima Tyri et
Sidonis (qui erant idololatrte), constituit
eos totius orbis doctores; ulpole quia
revocarent JudfBOS a legis servitute, cul-
tores auteiii diemonum ab errore gentili
ad veritatis cognilioueiu : undo dicitur :
«Et descendens cum illii, stetit in loco
campestri, et luullitudo copiosa plebis
ab ouiui Judfea et maritima, » etc. Bed.
Non a proxiiuû mari Galilœai mariti-
ma m dicit, quia hoc non miraculi loco
poneretur, sed a mari magno cognomi-
natur (in quo etiam Tyrus et Sydon
comprehendi polerant; de quibus se-
quitur : « El Tyri et Siduiiis : » qu*
quia civitates gentinm sunt , consulte
uoDiiuatim pouuuLur, ut quanta sit fama
virtusque Salvatoris, intimetur; quae
externas quoque ad sanitatem doctri-
namque capessendam civitates accersie-
rat : unde sequitur : « Qui vénérant ut
audirent eum. » Theophylact. Hoc est,
ad animarum nicdelam; « et sanarentur
a laui;uoribus suis; » lioc est, ad mede-
lam eorum corporum. Cyril, [ubi sup.)
Pûstquam autem sacros publicavit apos-
tûlos , plurima et ardua. fecit miracula,
ut qui ct^nveneranl Judœi et Gentiles,
scirent eos decoratos esse a Christo
dignitate apostolatus; et quod ipse non
eratsicul unus aliorumhominum; magis
autem Deus, ut Verbum iucarnatum :
unde sequitur :« Et omnisturba quœrebat
eum tangere, quia virlus de illo exibat,»
etc. Neque euim alienam virlutem acci-
piebal Cbristus; sed cum naturaliter
300 EXPLICATION DE I.'ÉVANGILE
nature, il guérissait tous les malades en répandant sur eux sa propre
puissance.
S. Ambr. Considérez attentivement toutes ces circonstances, com-
ment Jésus monte avec les Apôtres et descend ensuite vers la foule,
car la foule ne pouvait voir le Christ que dans un lieu peu élevé, elle
ne peut le suivre sur les hauteurs, sur le sommet des montagnes, mais
dès qu'il descend, il trouve des infirmes, car les infirmes ne peuvent
se trouver sur les hauteurs. — Bède. Rarement vous verrez la foule
suivre le Seigneur sur les hauteurs, ou un malade guéri sur une mon-
tagne ; mais quand la fièvre des plaisirs sensuels est éteinte, et le flam-
beau de la science divine allumé, chacun tend à s'élever successive-
ment jusqu'au sommet élevé des vertus. La foule qui a eu le bonheur
de toucher le Seigneur, est guérie par la vertu de cet attouchement,
comme nous avons vu plus haut le lépreux guéri par l'attouchement
du Seigneur. L'attouchement du Sauveur est donc un moyen certain
de salut, le toucher, c'est croire fermement en lui, être touché par
lui, c'est être guéri par sa grâce.
f. 20-23. — Alors, Jésus levant les yeux vers ses disciples, leur dit : Bienheureux,
vous qui êtes pauvres, parce que le royaume de Dieu est à vous. Bienheureux,
vous qui avez faim maintenant, parce que vous serez rassasiés. Bienheureux,
vous qui pleurez maintenant, parce que vous rirez. Bienheureux serez-vous,
lorsque les hommes vous haïront, larsqu'ils vous repousseront de leur société,
vous chargeront d'opprobres, et rejetteront votre nom comme infâme, à cause
du Fils de l'homme. Réjouissez-vous en ce jour-là, et tressaillez d'allégresse,
car voici que votre récompense est grande dans le ciel, car c'est ainsi que leurs
pères traitaient les prophètes.
S. Cyr. Après avoir choisi ses Apôtres, le Sauveur forme ses dis-
esset Deiis, propriam virtutem super
infirmos emitlens sauabat omnes.
Ambr. Adverte autem omnia diligen-
ter, quomodo et cuiu apostolis ascendat
ac descendal ad turbas : quomodo euim
turba nisi in humili loco Christum vide-
ret? Non sequilur ad excelsa; non as-
ceudit ad sublimia : deuique ubi des-
cendit, iuvenit infirmos : in excelsis
enim infirmi esse non possunt. Bed.
Raro hoc quoqne uspiam invenies vel
turbas Dominum ad altiora sequi, vel
quempiam debiiem in monte curari;
sed extincta febre libidinum, aceensaque
scJentise luce , pedetentim quemque ad
culmen subire virtutum. Turba autem
quee Dominum tangere potuit , tactus
illius virtute sanatur; ut supra leprosus
Domino tangente mundatur. Tactus
ergo Salvatoris, opus est salutis ; queni
tangere, est fideliter in eum credere ; a
quo taugi, est ejus munere sanari.
Et ipse elevatis oculis in discipulos suos , dice-
bat : Beati pauperes, quia vpsti'um est regnum
Dei. Beati qui nunc esuritis, quia saturabi-
mini. Beati qui nunc fletis , quia ridebitis.
Beati eritis cum vos oderint homines, et cum
separaverint vos, et exprobraverint, et ejece-
rint nomen vestrum tanquam maluin propter
Filium hominis. Gaudete in illa die et exul-
tate ; ecce enim merces vestra multa est in
ccelo : secundum hœc enim faciebant prophetis
patres eorum.
Cyril, [ubi sup.) Post apostoloruin
DE SAINT LUC, CHAP. VI. 301
ciples à la nouveauté de la vie évangélique. — S. Ambr. Sur le point
d'annoncer les divers oracles, il prend une attitude sublime. Le lieu
où il se ti^ouve est peu élevé, mais il lève bien haut les yeux (I) :
« Alors levant les yeux vers ses disciples. » Qu'est-ce que lever les
yeux, si ce n'est découvrir la lumière dont son âme était pleine? —
BEDE. Il s'adressait à tous en général, cependant il lève plus particu-
lièrement les yeux sur ses disciples, c'est-à-dire, qu'il verse en plus
grande abondance la lumière de sa grâce intérieure sur ceux qui
écoutent sa parole avec un cœur attentif et docile. — S. Ambr. Saint
Luc ne rapporte que quatre béatitudes, tandis que saint Matthieu en
compte huit_, mais on peut dire que les huit renferment les quatre,
comme aussi les quatre comprennent les huit. Saint Luc a voulu tout
ramener aux quatre vertus cardinales, saint Matthieu, dans les huit
béatitudes, nous donne la signification mystérieuse du nombre huit,
car ce nombre huit est la perfection de notre espérance, et comprend
aussi toutes les vertus. Les deux Evangélistes mettent la pauvreté en
tète des autres béatitudes; en effet, elle est la première et comme la
mère des vertus, parce que celui qui méprisera les choses du temps,
méritera celles de Téternité, et s'il veut obtenir la gloire du royaume
descieux, il faut nécessairement qu'il se dégage de l'amour du monde
qui le presse de toutes parts : « Et il dit : Bienheureux les pauvres. »
— S. Gyr. Dans l'Evangile selon saint Matthieu, nous lisons : « Bien-
heureux les pauvres d'esprit, » pour nous faire comprendre qu'il y a
des pauvres d'esprit qui ont la modestie et l'humilité de l'intelligence,
c'est dans ce sens que le Sauveur dit : « Apprenez de moi que je suis
(1) L'antithèse est plus prononcée dans le texte original de saint Ambroise et nous l'avons suivi
pour donner plus de clarté à la phrase.
ordinationem ad evangelicce vitae novi-
tateni, Salvator suos discipuloà rectifica-
vit. Ambr. Divinilatis aulem prorapturus
oracula incipit esse subliraior : etsi ia
humili stabat , tauieu oculos elevavil :
uiide dicitur : « Et ipse elevatis oculis ; »
quid est levare oculos, risi interius lu-
men aperire? Bed. Et quamvis genera-
liter omnibus loqualur, specialius ta-
men oculos in discipulos levât : sequitur
fuim : « In discipulos suos : » ut his qui
verbuni intenta cordis aure percipiuut,
lalius saporis intimi lumen aperiat.
Ambr. (Juatuor autem lantum beati-
tuiiines Lucas posuit , octo vero Mat-
liuijus ; sed in istis octo , illœ sunt qua-
tuor; et in istis quatuor, illce octo.
Hic enini quatuor velul virlutes am-
plexus est cardinales; ille in iliis octo
mysticum ordinem (sive numerum) re-
seravit : sicut enim spei nostrœ octava
perfectio est, ita octava summa virtu-
tum est. Primam autem beatitudiuem
paupertatis uterque evangelista posuit ;
ordine enim prima est , et parens quai-
dam virtutum; quia qui conlempserit
secularia, ipse merebitur sempiterna;
nec potest quisquam meritum regui cœ-
lestis adipisci, qui muudi cupiditate
pressus emergendi non habet faculta-
tem : unde sequitur : « Dicebat : Beati
pauperes. » CïRIL. {ut stipru.) In evan-
gelio quidem quod est secundum Mat-
tliœum, i)eatos lieri dixit pauperes spi-
ritu, ut inteliigamusesse jjaupcrem spi-
rilu, liabeutem intellectum modestum
et quodaramodo remissum. Unde dicit
Salvator {Malth., 11) : « Discite a me
302
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
doux et humble de cœur.» Ici, Notre-Seigneur dit simplement : « Bien-
heureux les pauvres, » sans ajouter a d'esprit, » c'est-à-dire, bienheu-
reux les pauvres qui méprisent les richesses. Il convenait, en effet,
que ceux qui devaient annoncer les vérités de l'Evangile du salut,
n'eussent point un esprit cupide, et que leurs affections fussent placées
en lieu plus élevé.
S. Bas. {Ps. xxxiii.) Cependant gardons-nous de croire que tous
ceux que la pauvreté accable, aient part à cette béatitude, elle est ré-
servée à ceux-là seuls qui sacrifient les richesses de la terre aux pré-
ceptes de Jésus-Christ. Combien, en effet, sont pauvres des biens de
la terre, mais ou ne peut plus cupides par leurs désirs; la pauvreté
ne les sauve point, mais leurs désirs sont la cause de leur damnation,
car rien de ce qui est involontaire ne peut mériter le bonheur éternel,
parce qu'on ne peut comprendre la vertu sans le libre arbitre. Bien-
heureux donc celui qui est pauvre, comme l'est un disciple de Jésus-
Christ, qui a souffert pour nous la pauvreté, car le Seigneur a voulu
accomplir le premier toutes les œuvres qui conduisent à la béatitude,
en se rendant le modèle de ses disciples. — Eusèbe. On parvient au
royaume des cieux par plusieurs degrés de vertus; or, le premier de-
gré est franchi par ceux qui pratiquent la pauvreté pour plaire à
Dieu, et Jésus fit cette grâce à ceux qui, les premiers, devinrent ses
disciples. Aussi est-ce en s'adressant personnellement à ceux (|ui étaient
devant lui et vers lesquels il avait levé les yeux, qu'il dit : « Parce que
le royaume des cieux est à vous. »
S. Cyr. Après avoir recommandé la pratique de la pauvreté, il pro-
met l'honneur et la gloire aux pinvations qu'elle impose. Or, comme
ceux qui ont en partage la pauvreté manquent souvent des choses
quia milis sum et liumilis corde : » hic
autem beatos asserit jHiuperes , uon
addito, spiritu; pauperes appellans divi-
tias contemnentes : decebat enim ut
cum pronunlialuri essent salutiferi
Evangelii doguia, mentem non gérèrent
cupidam, sed promotum affectum habe-
rent erga majora.
Basil, («n Psul. 33.) Non autem
omnis quem paupertas premit beatus
est, sed qui Chrisli prœceptum muuda-
nis proetLilerit opibus : plures enim pau-
peres sunt in substantiis, avarissimi
tamen secundum affectum ; quos uon
salvat paupertas, sed affectus damnât:
nihil enim involuntariorum bealiticabile
est; eo quod omnis virtus libero desi-
gnatur arbitrio. Beatus ergo pauper
quas'i Christi discipulus, qui pro nobis
paupertatem sustinuit : nam ipse Domi
nus quodlibet opus impie vit quod ad
beatitudinem ducit se prsebens exenq:)lar
discentibus. EusEB. {^in Cat. Cracorum
Palrum.) Sed cum cœleste regnum in
multis gradibus bonorum consideretur,
primus gradus scandentium est eorum
qui divine inluitu cobiut paupei'tatem ;
taies autem fecit eos qui pri*nio facti sunt
ejus discipuli : ob hoc in eorum persona
dicit : « Quia vestrum est regnum Dei, »
quasi démonstrative hoc proferens ad
prfeseutes, ad quos etiam oculos elevavit.
Cyril, [ubi supra.) Posfquam igitur
mandavit paupertatem colère, ea quae
consequuutur inopiam coronat houori-
bus. Contingit autem paupertatem co-
DE SAINT LUC, CHAP. VI. 303
nécessaires, et peuvent à peine se procurer de quoi vivre, il affermit
ses disciples contre la perspective d'une condition aussi pénible en
leur disant : « Bienheureux vous qui maintenant avez faim. » — Bède.
C'est-à-dire, bienheureux vous qui châtiez votre corps et le réduisez
en servitude, qui vous livrez au ministère de la prédication en souf-
frant la faim et la soif, parce que vous jouirez un jour de l'abon-
dance des joies célestes, — S. Grég. de Nysse. [Des béatit,, dise. 4.)
Dans un sens plus élevé, de même que, pour la nourriture matérielle,
les goûts divers des hommes leur font préférer diverses espèces
d'aliments; de même pour ce qui est de la nourriture de l'âme, les
uns recherchent un bien purement imaginaire, et les autres ce qui est
naturellementbon. Aussi saint Matthieu proclarae-t-il bienheureux ceux
qui ont faim et soif de lajustice comme d'une nourriture et comme d'un
breuvage, justice qui n'est point la justice considérée comme vertu
particulière, mais la justice universelle, et il proclame bienheureux
celui qui a faim de cette justice. — Bède. Notre- Seigneur nous en-
seigne on ne peut plus clairement que nous ne devons jamais nous
estimer assez justes, mais chercher à nous avancer de jour en jour
dans lajustice; et ce n'est pas dans ce monde, mais dans la vie future
que nous en serons pleinement rassasiés, suivant cette parole du Psal-
miste : « Je serai rassasié lorsqu'apparaitra votre gloire {Ps. xvi). »
Aussi le Sauveur ajoute: « Parce que vous serez rassasiés. » — S. Grég.
DE Nysse. Il promet à ceux qui sont avides de la justice, l'abondance
de tous les biens désirables, car aucune des voluptés qu'on recherche
dans la vie ne peut rassasier ceux qui les poursuivent; seul, le désir de
la vertu est suivi d'une récompense qui répand dans l'âme une gloire
sans limite comme sans durée.
lentes necessariorum incurrere defectuni,
et vix acquirere victum : idcirco non
sinit disripulos pusillauiines super hoc
fieri, dicens: « Beati qui nunc esurilis. »
Bed. Id est, beati qui castigatis corpus
vestrum et servituti suhjicitis ; qui in
fanie et siti verbe operaui dalis ; quia
cœleslium tune gaudiorum babobilis
uberlate perfrui. Gri:g. Nysse. (c/e bea-
liludhiibvs, Oral. 4.) Altius auteui, sicut
secunduni sonsibileni escam diversilica-
liir participanlium appetilus ad cornes-
tibiiiuui specic^; sic et in cibo anima?,
ab bis quidem opinabile, ab bis aulem
appetitur quod naturaliter est bonuin :
unde hic secunduna Maltlia^uni beatifi-
cantur, qui justitiam loco cibi et potus
reputant : non, inquam, particùlarem.
sed universalem virtutem ; quam qui
esurit^ beatificandum dicif. Beda. Aper-
lissime nos instruens nunquam nos satis
justos aestimare debere, sed quotidia-
num juslitiae semper amore profectum ;
ad cujus perfectam saturitatem, non in
hoc seculo, sed in futuro nos posse
pervenire, Psalmista ostendit, dicens
{Psol. 16) : « Satiabor cum mani/es-
tabitur gloria tua : » unde sequitur :
« Quia saturabiniini. » Greg. Nysse.
{iibi sup.) Avidis enim justitiai desidera-
lorum copiam spondet : niliil enim eo-
rum quae secundum voluplatem in vita
quajruutur, satiat inquirentes : solum
avileni virtutis sludiuni subscquiturpree-
miuui quod indeflciens gaudium inscrit
anima;.
304
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
S. Cyr. Une des suites de la pauvreté, c'est non- seulement la pri-
vation de toutes les cliosçs qui procurent quelque plaisir^ mais encore
la tristesse qu'elle répand sur le visage, c'est pourquoi il ajoute :
« Bienheureux vous qui pleurez. » Il appelle bienheureux ceux qui
pleurent, non pas ceux dont les yeux versent extérieurement des
larmes (ce qui est commun aux fidèles et aux infidèles, quand le mal-
heur les atteint), mais il proclame surtout bienheureux ceux qui fuient
une vie légère toute plongée dans les vices et dans les voluptés de la
chair, ceux qui ont horreur de ce qui fait les délices des hommes, et
qui sont comme dans les pleurs par le dégoût et l'ennui que leur
causent les vanités du monde. — S. Ghrys. (I) {Ch. des Pèr. gr.) La
tristesse qui est selon Dieu, est d'un grand prix à ses yeux, et elle obtient
la pénitence qui conduit au salut. Aussi saint Paul, qui n'avait point
de fautes personnelles à pleurer, versait des larmes pour les péchés
d'autrui; heureuses larmes qui deviennent une source de joie : «Parce
que vous rirez. » Si, en efff^t, nos larmes sont inutiles à ceux pour qui
nous les répandons, elles sont loin d'être perdues pour nous, car celui
qui pleure ainsi les péchés des autres, à plus forte raison pleurera ses
propres fautes, et se garantira plus facilement contre de nouvelles
chutes. Gardons-nous donc de la dissolution pendant cette vie si
courte, pour ne point nous exposer à des gémissements sans fin ; ne
recherchons pas les plaisirs qui sont une source de larmes amères et
de douleur profonde, mais affligeons-nous de cette tristesse qui en-
gendre le pardon. Souvenons-nous, d'ailleurs, qu'on vit bien souvent
le Seigneur pleurer, mais qu'on ne le vit point rire une seule fois. —
S. Bas. [hom. sur l'act. de grâces.) Il promet la joie, le rire à ceux
(1) Cette citation est empruntée à l'homélie 15 sur l'Epître aux Philippiens, à l'homélie 13 sur
l'Epître aux Hébreux, aux homélies 6 et 15 sur saint Matthieu.
Cyril, [ubi supra.) Consequitarauteui
inopiam, non solum defeclus rerum ad
delectationes facientium, sed eliam de-
pressus vultus propter mœstitiam : uude
sequitur : « Beati qui uunc fletis. » Bea-
tificat fientes non eos qui simpliciter ab
oculis lacrymas emittunt ( commune
enim hoc est tam fidelibus quam infide-
libus, si quid trislium accidatl, magis
aulem illos beatos asserit, qui levem vi-
tam et implicitam vitiis et carnalibus
voluptatibus deditam vitant, réfutantes
delicias, et pêne lacrymantes propter
odium rerum mundanarum. Chrys. {in
Cat. Grœcorum Pat non.) Macrnum quid
vero secundum Deum tristitia est, et
impetrat pœnitentiam in salutera. Unde
Paulus, cum uon haberet suos defectus
flere, pro alieuis lugebat : talis luctus
est alacritatis maleria : unde sequitur :
« Quia ridebitis : » etenim si nihil pro-
sumus liis pro quibus flemus, tameu
proficinius nobismetipsis : nam qui sic
aliéna deflet, multo magis non pra;te-
ribit iuflebilitersua delicta : magis autem
uec facile labetur in scelus. Non dissol-
vamur in bac brevi vita, ne suspiremus
in infinita : non quaeramus delicias, ex
quibus manat luctus et dolor nimius ;
sed tristemur trislitia, quœ germinat
veniam. Est etiam Dominum saepius re-
perire lugentem; ridentera, nunqnam.
Basil, {in hom.de (jratiamvi actione.)
Promittit autem flentibus risum ; non
DE SAINT LUC, CHAP. VI. 305
qui pleurent_, non point sans doute ce rire extérieur qui sort des
lèvres, mais une joie pure et sans mélange d'aucune tristesse.
BEDE. Heureux donc celui qui, en vue du riche héritage de Jésus-
Christ, du pain de la vie éternelle, de l'espérance, des joies célestes,
désire les larmes, la faim, la pauvreté ; mais plus heureux celui qui
pratique courageusement ces vertus au milieu de l'adversité : « Vous
serez bienheureux quand les hommes vous haïront. » Les hommes
peuvent vous haïr, mais la méchanceté de leur cœur ne peut atteindre
un cœur aimé de Jésus- Christ, — Suite. « Lorsqu'ils vous sépare-
ront. » Qu'ils vous séparent, qu'ils vous chassent de la synagogue,
Jésus-Christ saura bien vous trouver et vous fortifier : « Ils vous trai-
teront injurieusement. » Ils vous feront un outrage du nom du crucifi',
mais lui-même ressuscite ceux qui meurent avec lui, et il les fait as-
seoir avec lui dans les cieux [Ephés., ii, G; II Timoth., ii, 11). — Suite.
a Et ils rejetteront votre nom comme mauvais. » Il veut parler du nom
des chrétiens que les Gentils et les Juifs se sont efforcés de détruire
complètement, et que les hommes ont rejeté, sans aucun autre motif
de haine que le Fils de l'homme, et parce que les fidèles ont choisi
pour leur nom le nom même du Christ {Actes, xi, 26). Il leur prédit
donc qu'ils seront persécutés par les hommes, mais que le bonheur
qui les attend est au-dessus de toute pensée humaine : « Réjouissez-
vous en ce jour-là, et soyez transportés de joie, car voici que votre
récompense est griande dans les cieux, » etc. — S. Chrys. {Ch. des
Pèr. gr.) La signification de ces mots beaucoup ei peu, doit se mesu-
rer par la grandeur et la dignité de celui qui les emploie. Or, quel est
celui qui promet une grande récompense? Un prophète ou un Apôtre,
qui ne sont que des hommes, eussent estimé peut-être comme consi-
quidem ei_uissum per mauoibulao so-
num, sed merani et inipermixtam cuili-
bet tristitise alacritaleiii.
Bed. Qui ergo [iropler divitias liœredi-
tatisChririti.propterpanem vilte a;tern*,
propter spem cœlestium g.iudiorum ,
fletus , esuriein, paiipertali-iuque pati
desiderat, beatus est : multo autem bea-
tior qui bas virlutes iuter adversa ser-
vare non trépidât : uiide sequitur: « Beali
erilis cum vos oderiut bominiîs. » Licet
eniin homines odiant, corde nefando
dilectuiu cor Cbrislo laidere nequcunt.
Sequitur : « Et cum separaveiiut vos. »
Séparent, et a synagoga expellant; Cliri-
stus iuvenit et coufiruiat. Sequitur : « Et
exprobaverint : » exprubrent nomen cru-
citixi ; ipse comuiortuos sibi couresusci-
tat, et consedere facit in cœlestibus.
lOM. V.
Sequitur : « Et ejeceriut uuuieu vcstrum
tanquam malum : » ubi nomen Cbris-
tianoruni significat, quod a Gentilibus
Judœisque scepissime quautmn ad ipsos
memoriœ abrasum, et ab bomiuibus est
ejectum, uulla existentc causa odii, nisi
propter Fibum homiuis : quia scilicet
credeiites nomeu Cbristi suum cogno-
men facere volucrunt. Docet ergo eos
ab lioniinibus insectandos , sed ultra
bomines esse beaados : unde sequi-
tur: « Gaudete in illa die et exultafe :
ecce enim merces vestra multa est in
cœlo, -■ etc. CoRVS. (in Cal. Grœco-
mm Pulrnm.) Multum et paucum men-
suratur dignitato profcrcntis. Quœra-
nuis igitur (piis mullani promisit mer-
cedem : siquidem propbeta vei aposlo-
lus, velut bomo paucum esse multu7n
20
306
EXPLICATION DR l/ÉVANClLE
dérable ce qui ne l'était pas, mais ici celui qui promet cette grande
récompense, c'est le Seigneur qui possède des trésors éternels et des
richesses au-dessus de toute conception humaine. — S. Bas. Quelque-
fois encore le mot grand a une signification absolue comme dans ces
propositions : Le ciel est grand, la terre est grande ; quelquefois une
signification purement relative, comme lorsque nous disons qu'un
cheval est grand, qu'un bœuf est grand, par comparaison avec
d'autres animaux. Or, la récompense réservée à ceux qui sont en butte
aux outrages pour Jésus-Christ sera grande, non par comparaison
avec les choses de la terre, mais grande en elle-même et digne de la
magnificence du Dieu qui la donne. — S. Jean Damasg. [De la log.,
chap. 40.) Tout ce qui peut être mesuré ou compté s'exprime d'une
manière déterminée, mais on appelle grandes, considérables en géné-
ral, les choses qui, par leur excellence, sont au-dessus de tout nombre
et de toute mesure, et c'est ainsi que nous disons que la miséricorde
de Dieu est grande.
EusÈBE. Notre-Seigneur arme ensuite les Apôtres pour le combat
qu'ils devaient soutenir en prêchant l'Evangile par tout l'univers, et
il ajoute : a C'est ainsi que leurs pères traitaient les prophètes. » —
S. Ambr. En effet, les Juifs persécutèrent les prophètes, jusqu'à leur
ôter la vie. — Bède. Ceux qui disent la vérité sont ordinairement per-
sécutés, mais jamais les anciens prophètes ne cessèrent d'annoncer la
vérité par crainte de la persécution.
S. Ambr. « Bienheureux les pauvres. » Voilà la tempérance qui
s'abstient du mal, foule aux pieds les choses du monde et ne recherche
point les plaisirs séducteurs : « Bienheureux vous qui avez faim. »
existimavit ; nuuc autem Dominus qui
possidet perenoes thesauroset opes quae
quemlibetintellectum transcendant, mul-
lani pollicitus est uiercedem. Basil, («h
Cat. Grcecoruin Patrum, vbi sup.) Rur-
sus magnum, aliquando absolutani lia-
bet intenliouem ; sicut « magnum est
cœlum, et magna est terra; » aliquando
vero ad aliquid habet relationem; ut
« magnus equus et bos » in compara-
tione similium : sic arbitrer multam fore
mercedem repositam patienlibus oppro-
bria propter Christum , non tanquam
comparalam ad ea qute pênes nos sunt ;
sediu se multam existentem, et tanquam
a Deo donalam. Damas, [in lib. de Lo-
gica, cap. 49.) 111a etiaui quae meusurari
vel numerari possunt, determinate inge-
runtur; quod aulem ex quadam excel-
leutia omnem ti'ausceiidit meusuram et
uumerum, indetermiuate dicitur ma-
gnum et multum; puta quando dici-
mus multam esse Dei misericordiam.
EusE. {in Cat. Grœconim Patrum.)
Deinde muniens discipulos ad pugnam
adversariorum , quam passuri erant per
totum orbemprœdicantes, subdit : « Se-
cundum bœc euim faciebant prophetis
patres eorum. » Ambr. Quia prophetas
Judsei usque ad mortem corporis per-
secuti sunt. Beda. Quia vera dicentes so-
ient persecutionem pati : uec tamen
ideo propbetae antiqui timoré persecu-
liouis a veritatis praedicatioue defeee-
runt.
Ambr. In hoc ergo quod dicit, « beali
pauperes, » babes temperantiam : quse
a peccato abstinet, seculum calcat, ille-
cebrosa non quserit ; « beati qui esuri-
liSj » Uabes jusLiliam : qui enim esurit.
DE SAINT LUC, CHAP. VI. 307
Voilà la justice, car celui qui a faim, a compassion de celui qui
éprouve le même besoin, la compassion le rend charitable, la charité
le rend juste, et sa justice demeure éternellement {Ps. cxi, 8). « Bien-
heureux vous qui pleurez. » Voilà la prudence qui pleure sur les
choses périssables et mortelles, et s'attache aux biens de l'éternité.
« Vous serez bienheureux quand les hommes vous haïront. » Voilà
la force, non celle qui s'attire la haine par ses violences criminelles,
mais celle qui souffre la persécution pour la foi. C'est ainsi que vous
mériterez la couronne réservée à la souffrance, si vous méprisez la
faveur des hommes pour ne rechercher que celle de Dieu. La tempé-
rance produit donc la pureté du cœur, la justice produit la miséri-
corde, la prudence produit la paix, la force produit la douceur. Ces
vertus sont unies et étroitement liées entre elles, de sorte que celui
qui en possède une, paraît avoir toutes les autres. Les saints ont tous
une vertu qui leur est propre, mais celle qui est plus féconde en fruits
de salut, est aussi celle qui obtient la plus grande récompense. Quel
amour de l'hospitalité, quelle humilité profonde dans Abraham 1 mais
comme il a brillé surtout par sa foi ! c'est à cette vertu qu'il doit son
plus beau titre de gloire. Chacun donc peut obtenir plusieurs récom-
penses, parce qu'il a un grand nombre d'occasions de pratiquer les
vertus; mais la vertu dont la fécondité aura été plus grande, recevra
aussi la récompense la plus magnifique.
y. 24-26. — Cependant, malheur à vous riches, parce que vous avez votre
consolation. Malheur à vous qui êtes rassasiés, parce que vous aurez faim.
Malheur à vous qui riez maintenant, parce que vous gémirez et vous pleurerez.
Malheur à vous, quand les hommes vous loueront, car c'est ainsi que leurs
pères faisaient aux faux prophètes.
S. Ctr. Notre- Seigneur vient d'enseigner que la pauvreté suppor-
esurienli conipatilur, compatieudu lar-
gilur, laraieiido lit juitu?, quia jiistitia
ejns nianet iu aeternuni ; « heati qui
nunc fletià ; » liabes prudenliani ; cujus
est flere quotidiana^ et oa qua; œterua
sunl quœrere ; « beali erilis cum vos
oderint hoinines, » liahes fortUudinem ;
sed eam quae non odium luereatur ex
crimine; sed peisecutionem patiatur ex
fide. Sic enim ad passionis pervenilur
«•oronaiii, si gratiam hominum negligas,
divinam sequaris. lirgo Imiperontia
tordis liabet ninndiliam ;/«i^i^/« niise-
ricordiani ; pacem prudenlia ; mausue-
tudineni forlitudo. Couuexœ sibi sunt
fcl concatenata; virlutes; ut qui uuam
habet, plures babere videatur. Et sau-
ctis una competit virtus; sed ejus quœ
fuerit uberior^ ubei'ius est pr*miuiu.
Quanta liospilalitas in Aliraliam ? quanta
liuniilitas? sed quia fide priestitit, fidei
pra,' ca'teris meruit priucipatum. Ergo
unicuique plura pra^uiia, quia plurima
iuceutiva virtutuui; sed quod iu aliquo
nierilo copiosius, hoc etianj in priemio
redundanlius.
Verumtamen vœ vobis divitibus qui habelis con-
solatùmem vestrami Yœ vobis qui sainrati
estis , i/uia esurietis! Vœ vobit qui ridetis
nimc, quia lugebitis et flebitis ! Vœ cum bene-
dixerint vobis omnes hoinines ! Secundum hac
i>nim faciebant pseudopropkfilis patres eorum.
Cybil. [in C'dt. Gi-œcorum Putrum.)
Priedicto quod pauperlas prupter iJeum
308
EXPLICATION DE L EVANGILE
tée en vue de Dieu, est la cause de tout bien, et que la faim et les
larmes auront droit à la récompense des saints; il passe maintenant
aux vices opposés à ces vertus, et les présente comme une cause de
damnation et de supplice : « Malheur à vous, riches, qui avez votre
consolation. » — S. Chrys. [hom. \1 sur la Gen.) Cette locution mal-
heur s'adresse toujours dans l'Ecriture à ceux qui ne peuvent échap-
per au supplice de la vie future. — S. Ambr. L'abondance des ri-
chesses est la source de bien des séductions coupables, mais aussi de
bien des inspirations vertueuses. Quoique la vertu ne recherche pas
l'opulence, et que l'aumône du pauvre soit plus agréable à Dieu que
la libéralité du riche ; cependant ce ne sont point ceux qui ont des
richesses, mais ceux qui ne savent point en faire usage qui sont at-
teints par la sentence divine. En effet, le pauvre a d'autant plus de
mérite, qu'il donne par un mouvement spontané du cœur; et le riche
est d'autant plus coupable, qu'il devait rendre grâce à Dieu de ce qu'il
a reçu . et ne point réserver inutilement une fortune qui ne lui a
été donnée que pour l'utilité commune. Ce ne sont donc point les
richesses qui sont mauvaises, c'est l'attachement aux richesses qui est
coupable. Et quoiqu'il n'y ait pas de plus grand tourment pour l'avare
que d'entasser avec crainte et inquiétude des trésors dans l'intérêt de
ses hérétiers, cependant, parce que ses désirs d'amasser ont pour lui
quelque attrait, il est juste que ceux qui ont la consolation de la vie
présente, perdent les joies de la vie éternelle. Ces riches peuvent être
aussi la figure du peuple juif ou des hérétiques, ou plutôt des phari-
siens qui, se complaisant dans l'abondance des paroles et dans l'élo-
quence prétentieuse de leurs discours, ont dépassé la simplicité de la
vraie foi et amassé des trésors inutiles.
causa sit cujuslibet boni ; et quod
esurire et flere non vacabit mercede
sanctorum ; transfert sermouem ad op-
posita et ionuit ipsa damnationis et
suppUcii materiam : unde dicitur : « Ve-
rumtamen vœ vobis divitibus qui habe-
tis cousolationem vestram. » Chrys.
(hom. 17, in Gen.) Hœc enim dictio,
vx, semper in Scripturis dicitur his qui
non possunt evadere a futuro supplicio.
Ambr. Licet autem in pecuniariis copiis
multa sint lenociuia delictorum, plera-
quetamen sunt incentivavirtutum.Quan-
quani virtus subsidia non requirat et
commendatior sit collatio pauperis ,
quam divitis liberalitas ; tamen non eos
qui habent divitias, sed eos qui uti his
nesciunt, sententiœ cœlestis auctoritas
condemnat. Nam ut ille pauper laudabi-
lior est qui prompto largitur affectu, ita
criminosior dives est qui de eo referre gra-
tiam Deo debuit quod accepit ; nec sen-
suiu ad communem usum datum sine
usu abscondere. Non sensus igitur, sed
affectus in crimine est. Et quanquam
nulla pœna gravior sit quam successo-
rum profutura compendiis anxio timoré
servare, tamen quoniam avarititedesi-
deria congerendi quadam vobiptate pas-
cuntur, qui consolatiouem vitœ prœsen-
lis habuerunt, remunerationem perpe-
tuam perdiderunt. Possumus tamen hic
divitem intelligere popuhun Judaeorum,
vel haereticos ; vel certe pbarisœos, qui
ubertate verborum et quodam ambi-
tiosEB facundise patrinionio delectati ,
simplicitatem verœ fidei supergressi, tbe-
sauros inutiles condiderunt.
DE SAINT LUC, CHAP. VI.
309
or Malheur à vous qui êtes rassasiés, parce que vous aurez faim. »
— BEDE. Ce riche, vêtu de pourpre, se rassasiait en s'asseyant tous
les jours à des tables splendidement servies, mais il souflFrit ensuite
ce cruel malheur, lorsque dévoré par la soif, il demandait que Lazare
trempât le bout de son doigt dans l'eau pour rafraîchir sa langue. —
S. Bas. (I) L'Apôtre prouve la nécessité de la tempérance, en la pla-
çant parmi les fruits de l'Esprit {Galat., v). En ofFet, voulez-vous
dompter votre corps? point de moyen plus puissant que la tempé-
rance^ elle est comme un frein à l'aide duquel nous devons modérer
l'ardeur de la jeunesse. La tempérance est donc la mort des crimes,
l'apaisement des passions, le principe de la vie spirituelle, elle émousse
l'aiguillon des plaisirs séducteurs. Néanmoins, pour éviter d'être con-
fondus avec les ennemis de Dieu, nous devons, lorsque les circons-
tances l'exigent, accepter ce qui nous est présenté, pour montrer que
tout est pur pour ceux qui sont purs, et user des choses nécessaires à
la vie, en nous interdisant tout ce qui peut favoriser la volupté. D'ail-
leurs, tous ne peuvent pas s'imposer la même heure, ni la même ma-
nière, ni la même mesure dans la pratique de la tempérance, mais
tous doivent avoir la même intention, de ne point aller jusqu'à la
satiété, car la réplétion de l'estomac rend le corps lui-même impuis-
sant à remplir ses fonctions, l'appesantit et le dispose au mal. — Bède.
Ou encore, si ceux qui ont faim des œuvres de justice, sont heureux,
combien sont malheureux, au contraire , ceux qui cherchent à satis-
faire tous leurs désirs, et n'éprouvent aucune faim du bien véritable.
« Malheur à vous qui riez, » etc. — S. Bas. (2) Puisque le Seigneur
(1) Règles, réponse aux questions 6, 17, 18.
^2) Cette citation est également tirée du même ouvrage que précédemment, réponse à la ques-
tion 17; et aussi de l'abrégé des Règles, réponse à la question 31.
Sequitur : « Vae vobis qui saturati es-
tis, quia esurietis! » Bed. Divesille pur-
puratus saturabatur epulans quotidie
splendide ; sed diruui vœ suslinebat
esuriens, quando de Lazari quem des-
pexerat didto puttani aquœ qurerebat.
Basil. (î<<5!//j?-o inCat.)(}uoA autem ne-
cessaria sit abstinentiae ratio, palam est
ex eo quod Apostolus eam inter fructus
spirilus enuuieravit {Calât., o) ; sub-
jeclio enini corporis per riihil aliud sic
obtinfitur, sicut per abstinenliam; qua
(quodam fr,T-no) decet compescere ju-
venlutis fervorem. KM. i^itur abstinentia
interemptio <:riminis,aiiiotio passiouuni,
vita- spirilualis initium. obtundens in se
illecebrarum aculeutn. Ne autem coinci-
dentia fiât cum inimicis Dei, débet ac-
cipi quodlibet cum axifx'il tempus, ad
ostendendum quod inundis omnia munda
(sicut dicitur ad TU., i, vers 15) ; pro-
cedendo quidem ad necessaria vitae, ab-
stinendo autem omnino ab his qua3 fa-
ciunl ad voluptatem. Attamen nec eam-
dem boram sibi cunctos sancire pos-
sibile, nec modum, nec mensuram : sit
autem communis intentio, non expectare
repletionem : replere namquo ventrem,
ipsum quoque corpus inutile facit erga
proprirs operationes, et sonuK^lentum et
ad nocumenta disposituni. Bed. Aliter :
si beati sunl illi qui justilia; semper
esuriuul opéra, infelices e contra a'sli-
mandi, qui sibi in desideriis placentas
nullam veri boni famem patiuntur.
Sequitur: « Vas vobis qui|ridetis, » etc.
3\0
EXIM.ICATIOX I)K h EVANGILE
menace ici ceux qui rient, il est donc évident que dans aucun temps,
le vrai fidèle ne doit s'abandonner au rire, à la vue surtout de la mul-
titude si grande de ceux qui meuient dans le péché et sur lesquels il
faut bien plutôt verser des larmes. D'ailleurs, le rire immodéré est le
signe d'un esprit déréglé et d'une âme désordonnée ; toutefois il n'est
pas défendu de manifester la joie intérieure, en donnant au visage
une certaine expression de gaité. — S. Chrys. Mais dites-moi pour-
quoi cette dissipation, ces rires immodérés dans un chrétien qui doit
paraître au terrible jugement de Dieu, et rendre compte de tout ce
qu'il a fait ici-bas ?
BEDE. La flatterie nourrit le péché, et, semblable à l'huile qui excite
le feu, elle fournit un aliment à l'ardeur du mal; aussi Notre-Sei-
gueur ajoute : « Malheur à vous, quand les hommes vous loue-
ront, » etc. — S. Chrys. (I) {Ch. des Pèr. gr.) Cette recommandation
n'est point opposée à ces autres paroles du Sauveur : « Que votre lu-
mière luise devant les hommes {Matth., v). » En efifet, nous devons
avoir un saint empressement à faire le bien pour la gloire de Dieu,
et non pour notre propre gloire, car rien de plus funeste que la vaine
gloire, elle engendre l'injustice, le désespoir et l'avarice, mère de tous
les maux. Si donc vous voulez éviter ces funestes effets, tenez vos re-
gards constamment tournés vers Dieu, et contentez-vous de la gloire
qui vient de lui. Car, si, en toute espèce de chose, on doit choisir
les plus savants pour experts et pour arbitres, comment pourriez-vous
confier l'appréciation de votre vertu aux hommes plutôt qu'à Dieu,
t]ui la connaît mieux qu'eux tous, qui en est à la fois l'auteur et la
(1) Cette citatioa est empruntée au moins quant au sens, aux homélies 15, 19 sur l'Epitre
anx Romains, à l'homélie 50 sur la seconde Epitre aux Corinthiens et à l'homélie 2 sur l'Epitre
à Tite.
Basil, {ut sup.) Cum Dominus ridentes
nunc arguât, palam est quod nimquam
erit fideli tempus risus, et praecipue in
tanta miiUitudine eorum qui iu peccato
moriuntur, pro quibus oportet lugere :
supertluus autem risus est iuimoderan-
tiœ signum, et effrenis animœ motus;
sed usque ad vultus jucimditatem ex-
primere passlonem animfe uon dedecet.
Chrys (Iiom. 6, in Miitth.) Die autem
mihi car concuteris (vel dissolveris) et
defluis; qui debes assistere lerribili ju-
dicio, et ponere ratiouem de omnibus
hic operatis"?
Beda. Quia vero ipsa peccati nutrix
adulalio, sicut oleum flammis, sic in
culpa ardentibus solita est miaislrare fo-
mentum, subdit, : « Yae cum benedixe-
rint vobis omnes homines, » etc. Chrys.
[in Cat. Grœconim Patrum.) Non au-
tem contrarium est quod hic dicitur ei
quod alibi Dominus dicit(i« Matth., o) :
« Luceat lux vestra coram hominibus, »
ut scilicet festinemus bene agere ad glo-
riam Dei, non ad propriam : pernicio-
sum enim quid est inanis gloria; etinde
sumit ortum iniquitas atque desperatio,
et mater malorum avaritia : quod si
viam quœris divertendi ab hoc, dirigas
aspectum semper ad Deum, et esto con-
tentus ea quse apud eum est gloria : nam
si in qualibet facultate doctiores eligere
oportet in arbilros, quomodo virlutis
experimentum pluribus credis? non au-
I tem illi qui pree omnibus eam novit, et
1 dare, et coronare potest ? a quo si glo-
I>E SAINT LUC. CHAP. VI.
311
récompense? Si vous désirez la gloire qui vient de Dieu, fuyez donc les
louanges des hommes, car nul n'a plus de droit à notre admiration
que celui qui dédaigne la gloire, et si tels sont nos sentiments, à plus
forte raison, ceux du souverain Maître de toutes choses. Considérez,
d'aiUeurs, que la gloire des hommes passe bien vite, parce que le cours
rapide du temps la fait tomber dans l'oubli.
« Car c'est ainsi que leurs pères faisaient aux faux prophètes. » —
BEDE. Les faux prophètes sont ainsi appelés, parce qu'ils s'efforçaient
de prédire l'avenir pour gagner la faveur du peuple. Or, Notre-Sei-
gneur n'a proclamé sur la montagne que les béatitudes des bons,
tandis que, descendu dans la plaine, il prédit aussi les supplices des
réprouvés, parce que les auditeurs encore ignorants et grossiers, ont
besoin d'être poussés dans la voie du bien, par la crainte des châti-
ments, tandis qu'il suffit pour les parfaits, de les inviter par l'attrait
des récompenses. — S. Ambr. Remarquez encore que saint Matthieu
attire les peuples à la foi et à la vertu par la perspecti ve des récom-
penses, tandis que saint Luc cherche à les éloigner des crimes par la
menace des châtiments.
t. 27-31. — Mais je vous dis, à vous qui m'écoutez : Aimez vos ennemis, faites
du bien à ceux qui vous haïssent. Bénissez ceux qui vous maudissent, et priez
pour ceux qui vous calomnient^ A celui qui vous frappe sur une joue, présentez
encore l'autre. Et si quelqu'un vous prend votre manteau, laissez-le prendre
aussi votre tunique. Donnez à quiconque vous demande, et ne redemandez pas
votre bien à celui qui vous le ravit. Ce que vous voulez que les hommes fassent
pour vous, faites-le pareillement pour eux.
BEDE. Après avoir prédit à ses disciples ce qu'ils pourraient avoir à
souffrir de la part de leurs ennemis, il leur apprend maintenant la
riam cupis, vita laudem bumanam : de
uullo enim alio maais consuevimus ad-
mirari, quam de respuente gloriam :
quod si no», magis Dominus omnium.
Deinde illud considères, quud hominum
gloria celeriler déficit, quia per cursum
temporis oblivioni traditur.
Sequitur : « Secundum hœc enim fa-
ciebant pseudoprophetis patres eorum. »
Bkda. PseudopropbeliJB signilicantur, eu
•piod ad captanduni vulgi favoreni fa-
lura prœloqui conenlur : ilaque Domi-
nus in monte bealiludiups solummodo
proborum, in campo vero eliam vce
describil reproborum, quia rudes adhuc
andiinresnecesse est terroribus ad bona
compelli, perl'ectos autem salis est prje-
miis invitari. Ambr. Et attende quod
Matthœus praemiis ad virtutem et fidem
populos provocavit ; hic autem etiam
a criminibus atque peccatis fulurorum
suppliciorum denuntiatione deterruit.
Sed vobis dico qui auditis : diligiie dnimicos ves-
tros; bene facile his qui oderunt vos; bénédi-
cité maledicentibus vobis ; et orate pro calum-
niantibus vos. Et qui le percutil in maxillam
unam , prœbe illi et alleram : et ab eo qui
aufert tibi veslimentum , etiam tunicam noli
prohibere : omni autem pelenti te, tribue , et
qui aufert qua tua sunt ne répétas : et prout
vultis ut faciant vobis homines, ft vos facile
mis similiter.
Bed. Quia dixerat supra quid ab ini-
micis pati possent, nunc qualilcr cum
312
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
conduite qu'ils devront tenir à l'égard de ces mêmes ennemis : a Mais
je vous dis, à vous qui m'ccoutez. » — S. Ambr. Ce n'est point sans
raison qu'il a fait précéder d'actions toute célestes d'aussi sublimes
enseignements. Il voulait enseigner aux peuples , fortifiés par ces mi-
racles de la puissance divine , à s'avancer comme sur les pas de ces
prodiges, au delà des limites étroites de la loi. D'ailleurs , de ces trois
grandes vertus, la foi , l'espérance et la charité , c'est la charité qui
est la première (4), et c'est elle que le Sauveur nous recommande,
lorsqu'il dit : «Aimez vos ennemis. » — S. Bas. {règles abrég., rép.
à la quest., 176.) C'est le propre des ennemis de nuire et de tendre
des embûches ; tous ceux donc qui , de quelque manière que ce soit,
cherchent à nuire quelqu'un , sont ses ennemis. — S. Cyr. Il fallait
pénétrer de ces divins enseignements les saints docteurs qui devaient
prêcher la parole du salut par tout l'univers ; car s'il» s'étaient laissé
aller à tirer vengeance de leurs persécuteurs, jamais ils ne les auraient
appelés à la connaissance de la vérité. — S. Chrys. {hom. 18 sur
S. Malth.) Il ne dit pas : Ne haïssez point, mais : « Aimez, » et non-
seulement : « Aimez , » mais : « Faites du bien à ceux qui vous
haïssent. » — S. Bas. Or, l'homme étant composé d'une âme et d'un
corps, nous faisons du bien à l'àme de nos ennemis en les reprenant,
en les avertissant, en les amenant, comme par la main, à se convertir
à une vie meilleure, et nous faisons du bien à leur corps, en leur pro-
curant les choses nécessaires à la vie.
« Faites du bien à ceux qui vous maudissent. » — S. Chrys. (2).
Ceux qui blessent ainsi leur âme sont bien plus dignes de larmes
(1) I Corinth., xiii, 13; Cant., i, 4.
(2) Cette citation est tirée de différentes homélies.
eisdem iniuiicis agere debeant, ostendit,
dicens : « Sed vobis dico qui oditis. »
Ambr. Non otiose plurimorum factorum
cœlestium enumeratioiie propressus ad
hune locuui serius venit, ut populos di-
viuis miraculis roboratos ultra legis tra-
mitem virtutum vestigiis progredi edo-
ceret. Denique inter tria maxima (spem,
fidem et charitatem) major est charitas
quee ordinatur cum dicitur : « Diligite
inimicos vestros. » Basil, [in Regulis
brevioribiis ad interrogut. 176.) Inimici
quidem proprium est obesse etinsidiari:
omnis igitur qui qnalitercunque nocet
alicuij dicitur inimicus. Cyril, [in (ut.
Grœconim Patnim.) Conveniens autem
erat hujusniodi eonversatio doctoribus
sanctis, qui praedicaturi erant ubique
terrarum salutarem sermonem; quos si
contingeret velle recipere de persequen-
tibus vindictam, omisissenteos ad cogni-
tionem veritatis vocare. Chrys. [hom.
18, in Mattli.) Non autem dicit : « Ne
odio habeas, » sed, « diligas ; » neque
simpliciter mandavit diligere, sed etiam
benefacere : uude sequitur : « Benefacite
his qui oderunt vos. » Basil, [ut svp.)
Verum quia homo ex corpore consistit
et anima ; secundum animam quidem
benefaciemus hujusmodi, sive talibus
liominibus, arguentes et commoneutes
eos, et omnino ad conversionem ma-
nuducentes : secundum corpus autem
benefacientes eis in necessariis victui.
Sequitur : « Benedicite maledicentibus
vobis. » Chrys. {in Cat. Grœcorum.)
Qui enim percutiunt- proprias animas,
digni sunt lacrymis et fletibus non
DE SAINT LUC, CHAP. VI. 313
amères que de malédictions; quoi de plus détestable, en effet, qu'une
âme d'où sortent les malédictions, quoi de plus immonde que la langue
qui les profère? 0 homme , ne distillez pas ainsi le venin de l'aspic,
ne vous changez pas en bête féroce ; Dieu vous a donné la bouche,
non pour déchirer, mais pour guérir les plaies de vos frères ; et quant
à vos ennemis, il vous ordonne de les mettre au rang de vos amis , et
de vos amis les plus chers , de ceux pour lesquels vous avez coutume
de prier : «Priez pour ceux qui vous persécutent, » etc. Mais, au
contraire, la plupart de ceux qui se prosternent la face contre terre,
les mains étendues , au lieu de supplier Dieu de leur pardonner leurs
crimes, l'implorent contre leurs ennemis, c'est-à-dire qu'ils se percent
de leurs propres mains. Quoi, vous priez celui qui a défendu les im-
précations contre les ennemis , d'écouter les malédictions que vous
proférez contre eux, et vous espérez d'être exaucés , vous qui provo-
quez sa juste colère, eu frappant votre ennemi devant son roi? car
vous le frappez réellement, sinon avec la main, au moins par vos
paroles. Que faites-vous donc, ô homme? Vous venez implorer le par-
don de vos péchés, et votre bouche est remplie d'amertume, ah 1
croyez-moi, c'est le temps de la pacification , de la prière, des gémis-
sements, et non celui de la fureur. — Bède. Mais on se demande alors,
pourquoi nous trouvons dans les prophètes tant d'imprécations contre
les ennemis ? Nous répondons que, par ces imprécations, les prophètes
ont simplement prédit ce qui devait arriver ; ainsi ce n'étaient point
des vœux qui exprimaient leurs désirs , mais des prédictions qui leur
étaient révélées par l'Esprit saint.
S. Cyr. L'ancienne loi défendait toute offense envers le prochain,
ou si on en avait été offensé le premier, elle défendait de dépasser
maledictionibus ; nihil eniin detestabi-
lius est aiiinia inaledica, nec imniundius
liiif^ua quae maledictiones offert. Homo,
aspidum venena non evomas, nec ver-
taris in belluam : est libi datum os,
non ut mordeas, sed ut aliorum vulnera
sanes ; ininiicos aulem mandavit nobis
annunierarefïradui amicoruni ; nonquo-
rumcunque, sed pr.ecipuorum, pro (pii-
biis orare solemus : unde sequitur :
« Orate pro persequentilms vos, » etc.
Plerique auteui econlra procumbentes
et fronte super terram percutientes, et
mauus expandentes, nf)n pro suis cri-
minibus orant Deum, sed advcrsus ini-
micos, quod niiiil aliud est quam se ip-
siim transfodere. Cum eum qui prohi-
bait contra inimicos orare, precaris ut
te maledicentem inimicis exaudiat, quo-
modo possibile est audiri, quando pro-
vocas exauditurum , verberaudo ini-
micum coram rege, etsi non manibus,
verbis lamen? Quid facis, honio? Stat
ut veniam impetres peccatorum, et im-
pics os amaritudine : mitigationum est
lempus, orationis et gemitus, non furoris.
Bkd. Sed merito movetur qurcslio, quo-
modo in prophetis inveniuntur niultiB
imprecationes adversus inimicos ? ubi
videndum est quia proplietaiper inipre-»
cationem quid essetfuturum cecinerunt;
non optantis voto, sed spiritu pr;i3vi-
denlis.
Cyril, {ubi supra.) Vêtus autem lex
mandabat non olTendere alios; vel, si
prias fuerimus lœsi, non ultra propor-
3U
EXPLICATION DE L EVANGILK
dans la vengeance la mesure de l'otlense qu'on avait reçue ; mais la
perfection ne se trouve ici que dans Jésus-Glirist et dans sis comman-
dements : « A celui qui vous frappe sur une joue , présentez encore
l'autre. » En effet, lorsque les médecins reçoivent des coups de pieds
des furieux qu'ils cherchent à guérir, leur compassion pour ces
malheureux redouble , et ils s'appliquent avec plus de zèle à leur
guérison; telle est la conduite que vous devez tenir à l'égard de ceux
qui vous persécutent ; car ce sont eux surtout qui sont malades , ne
cessez donc point de leur prodiguer des soins, jusqu'à ce qu'ils aient
vomi toute l'amertume de leur âme ; alors ils vous rendront grâces, et
Dieu lui-même vous couronnera, pour avoir délivré votre frère d'une
maladie des plus funestes. — S. Bas. {sur haïe, chap. i, vers. 23.)
Presque tous les hommes transgressent ce commandement , surtout
les puissants et les princes, non-seulement quand on les outrage, mais
encore quand on leur manque de respect ; ils regardent comme des
ennemis tous ceux qui ne leur rendent pas les honneurs dont ils se
croient dignes. Or, c'est une grande honte pour un prince que de cé-
der si facilement à la vengeance ; comment , en effet, pourra-t-il en-
seigner aux autres à ne point rendre le mal pour le mal {Rom., xii),
lui qui est si prompt à se venger de ceux qui l'offensent ?
S. Gyr. Le Seigneur veut encore que nous professions un grand
mépris pour les biens que nous possédons : « Celui qui vous prend
votre manteau, laissez-le prendre aussi votre tunique. » Voilà la vertu
d'une âme entièrement exempte de la passion et du désir des richesses ;
en effet, celui qui est miséricordieux , doit oublier le mal qu'on lui
fait, et abandonner à ses ennemis ce qu'il donnerait à ses meillem's
amis. — S. Chrys. [hom. 18 sitr S. Matth.) Le Sauveur ne dit pas :
tiones laedentium iras protendere; sed
perfectio legis in Christo est, et in ejus
maudalis : unde sequitur : « Et qui te
percusserit in maxillam unam, prsebe
illi et alteram :» nani et medici cum calce
feriuntur ab insauis, tune maxime rai-
serentur eis, et acciugunt se ad eorum
remédia : tu quoque similem habeas
conjecturam erga persequentes. Ipsi
namque sunt qui praecipue iufirmantur :
nec prius desistauius, quam totam amari-
tudinem evomueriut, tune uberes gratias
agent tibi, et ipse Deus te coronaliit) eo
quod fratrem tuum apessima eegritudine
liberasti. Basil, {in Isaican.) F&ve au-
tem cuucti contra hoc maudatum pro-
cedinnis; et praesertim potentes vel prin-
cipes, non solum si passi fuerint contu-
melias ; sed et si praestita eis non sit
reverentia; adversarios reputantes qui-
cunque eos minus reveriti sunt quam se
reputaverint dignes. Est autem magna
infamia principis esse promptum ad
vindictam : nam et qualiter alium doce-
bit nuUi malumpro maio rependere {ad
Rom., {2, vers. 11.), qui uocenti retri-
buere satagif?
Cyril, {in Cat. Grœcorum Patrum,
îibi sup.) Vult autem Dominus insuper
esse contemptorem rerum ; unde sequi-
tur : « Et alî eo qui aufert vestimentum
tunicam noli prohibere : » bœc est enim
virtus animae, qufe omnino aversa est
a passione cupiditatis divitiarum : decet
enim eum qui prius est, etiam obliviscl
malorum ; ut et ea quibus charos ami-
cos juvamusj persequentibus confe-
ramus. Chrys. {/loin. 18, in Matth.)
DE SAINT LUC, CHAP. VI.
315
Supportez humblement la violence de celui qui vous outrage ; mais
procédez avec sagesse , et préparez-vous à souflfrir tout le mal qu'il
veut vous faire ; dominez son insolence par une prudence à toute
épreuve, et faites qu'il se retire couvert de honte à la vue de votre
patience inaltérable. Vous me direz, comment pouvoir mettre en pra-
tique ce précepte ? Quoi ! en voyant celui qui s'est fait homme et qui
a tant souffert pour vous , vous hésitez encore , et vous demandez
comment on peut pardonner à ses frères les outrages dont ils se sont
rendus coupables ? Mais qui donc d'entre vous a jamais souffert d'aussi
grands outrages que votre Seigneur , chargé de chaînes , flagellé de
coups, couvert de crachats, et enfin mis à mort? Il ajoute : « Donnez
à quiconque vous demande. » — S. Aug. [serm. du Seig., i, 40. ) Il ne
dit pas : Donnez-leur tout ce qu'ils demandent, mais : « Tout ce que
vous pouvez leur donner d'après les règles de la justice et de la
bienséance, » c'est-à-dire ce qui n'est nuisible ni pour lui ni pour
vou=;, autant qu'il est possible à l'homme de le prévoir; et lorsque
vous lui refusez justement ce qu'il demande, il faut lui faire apprécier
la justice de ce refus, et souvent vous lui ferez un présent bien supé-
rieur à ce qu'il désire , en lui faisant comprendre l'injustice de sa de-
mande. — S. Chrys. (1). Nous nous rendons souvent grandement cou-
paliles, non-seulement en ne donnant pas à ceux qui nous demandent,
mais en les accablant de reproches. Pourquoi, dites- vous, ne travaille-t-il
point? pourquoi vit-il dans l'oisiveté? Dites-moi, et vous-même, est-ce
par votre travail que vous avez acquis les biens que vous possédez ? et
si vous travaillez, est-ce pour acquérir le droit de blâmer les autres ?
Quoi ! parce qu'un homme vous demande du pain et de quoi se vêtir,
vous l'accusez de cupidité ? Ne lui donnez rien , soit , mais au moins
(1) Homél. 21 sur l'Epître aux Romains; homél. 14 sur l'Epître aux Hébreux et homél. 2 sur
Lazare, vers la fin.
Non autem dixit : « Fer humiliter in-
juriantis irapetum; » sed, « procédas
per sapientiam, et ulterius te disponas
ad patienduiu quai ille ciipiat facere ,
superans insolentiain ejus ubertate
prudentia?, ut habito padore iu e.x-
ceUenli patieutia tua discedat, » Sed
dicet ali(|uis : « Quomodo potest lioc
lieri?» Cuin videris factiiin lioiniiieiu,
tôt passuiii pro te, adhuc qu.-eris et du-
bitas quomodo posàibile sit nequitiis
ifrnoscere conservorum : quis taie passas
est quale Doaiinu* tuus, dum lifjaretur,
flagellaretnr, sputa perferens, mortem
patiens ? Uiide seqnitur : « Omni autem
peteuti tribue. » Al'g. {de Serm. Dom.,
lib. I, cap. 40.) Nondicit, omnia petenti,
sed ut id des quod juste et honeste po-
test, id est, quod nec tibi nec alteri no-
ceat, quantum sciri aut credi ab boraine
potest; et cui juste negaveris quod petit,
judicanda est justitia, et aliquando me-
lius aliquid tribues, cum petentem in-
justa correxeris. CiiRYS. {in Cat. Grœ-
conim Palrum.) In hoc tameu peccamus
non modicum ; non solum non dando
petentlbus, sed et eos increpando, « cur,
inquis, non laborat? cur oliosus alitur? »
Die mihi, et tu, laborandopossides? sed
et si laboras, ad hoc laboras ut vitupè-
res alium? propter unicuui panem et
tunieam, appellas cupidum ? Nihil tri-
H 6
EXPLICATION DE L EVANGILE
ne l'outragez pas ; vous êtes sans pitié pour lui , pourquoi vouloir
éteindre la compassion dans le cœur de ceux qui voudraient le secou-
rir. Si nous donnons à tous indifféremment , nous pratiquons tou-
jours la miséricorde. C'est parce qu'Abraham exerçait l'hospitalité
à l'égard de tous, qu'il mérita de recevoir des anges. Celui qui vous
demande est im homicide , un brigand , n'est-il pas au moins digne
que vous lui donniez du pain ? Ne nous érigeons donc jamais en cen-
seurs sévères des autres, si nous ne voulons être jugés aussi avec la
même sévérité.
« Si l'on vous ravit votre bien , ne le réclamez pas. » — S. Chrys.
[hom. 10 sur la i"" Epître aux Corinth.) C'est de Dieu que nous re-
cevons tout ce que nous avons; nous disons le mien , ]e tien, mais ce
sont de vains mots. Vous dites que votre maison vous appartient, c'est
une parole dépourvue de sens; car l'air, la terre, les pierres appar-
tiennent au Créateur, aussi bien que vous ijui avez construit la
maison. J'admets que vous en ayez la jouissance , avec quelle incer-
titude, tant à cause de la mort, que par suite de la vicissitude des
choses humaines ? Votre vie même ne vous appartient pas, à quel titre
vos biens seraient-ils à vous? Cependant Dieu veut que les biens qu'il
vous a confiés, deviennent votre propi'iété , mais à la condition que
vous les partagerez avec vos frères; si au contraire , vous ne les pro-
diguez que pour votre utilité personnelle, ils cessent d'être à vous. Or,
comme le désir déréglé des richesses est une source de discussions et
de procès , Notre-Seigneur fait cette recommandation : « Ne rede-
mandez pas votre bien à celui qui vous le ravit. » — S. Aug. {dise,
du Seig., i, 26.) Il veut parler ici des vêtements , des habitations, des
terres, des animaux, et en général de tous les biens. Un chrétien qui
possède un esclave, ne doit pas l'assimiler à la possession d'un cheval
buas, nec convilieris : cur aec tu mise-
reris, et volentibus dissuades"? Si cunctis
indifferenler erogaverimus, semper mi-
serebimur : quia enim Abraham cuuctos
recipiebat, recepit et angelos : nam si
homicida sitet prtedo, nonne tibi dignus
videtur panis babendi ? Non igitur si-
mus severi aliorum censores, ne nos
quoque exquisite judicemur.
Sequitur : « Et qui aufert quae tua
sunt ne répétas. » Chrys. {hom. 10, in ad
Cor.) A Deo percipimus omnia : quod
autem dicimus vieinn et Hnnn, nuda
tantum sunt verba : si namque domuui
tuaui asseris, emisisti verbum carens
subsistentia rei; nam et aer, et so'lum,
et cementum Creatoris sunt ; tu etiam
ipse qui domum construxisti : sed etsi
tuussitusus, dubius est, nonsolum pro-
pter mortem, sed etiam propter rerum
eventus: anima tua non possidetur a te,
et quo pacto tuœ reputabuntur opes : vult
autem Deus tua fore, quee tibi pro fra-
tribus crédita sunt ; fient autem tua, si
pro aliis dispensaveris : sin vero tibi af-
fluenter expenderis quae sunt tua, jam
facta sunt aliéna. Sed propter nefandara
opum cupidinem homines in curiis con-
rixantur, contra quod Christus ait : « Et
qui aufert quae tua sunt, ne répétas. »
Aug. {de Serm. Dom.-, lib. i, cap. 26.)
Quod de veste, domo, fundo, jumento,
et generaliter omni pecunia dicit. Non
autem Christianum oporlet sic possidere
DE SAINT LUC, CHAP. VI. 317
OU de l'argent ; eepeudant si vous traitez votre esclave avec plus d'é-
gards que celui qui veut vous l'enlever, je ne sais si quelqu'un oserait
dire qu'il ne vous est point permis de le revendiquer.
S. Chrys. (I) Nous avons tous en nous une loi naturelle qui nous
fait discerner le vice et la vertu , le bien d'avec le mal ; aussi Notre-
Seigneur ajoute ; « Ce que vous voulez que les hommes fassent pour
vous, faites-le pareillement pour eux. » Il ne dit pas : Ne faites point
vous-mêmes ce que vous ne voulez pas qu'on vous fasse. Il y a bien^
en effet, deux voies qui conduisent à la vertu , s'abstenir du mal et
faire le bien ; le Sauveur se contente de parler de la seconde voie qui,
dans son esprit, renferme la première. Or , s'il s'était exprimé de la
sorte : Voulez-vous être des hommes? aimez les animaux, ce comman-
dement serait assez difficile, mais il nous commande d'aimer nos sem-
blal)les , pour lesquels il nous a donné une inclination naturelle , où
est donc la difficulté de cette loi que nous voyons observée par les
lions et les loups eux-mêmes , qu'un instinct naturel porte à s'aimer
entre eux. Notre-Seigneur Jésus-Christ ne nous commande donc rien
qui soit au-dessus de notre nature, il ne fait que renouveler ce qu'il
a gravé lui-même dans notre conscience, et il veut que votre propre
volonté devienne votre loi; vous voulez qu'on vous fasse du bien,
faites-en aux autres; vous voulez qu'on ait compassion de vous, com-
mencez par avoir compassion du prochain.
f. 32-37. — Si vous aimez ceux qui vous aiment, quel est votre mérite? car les
pécheurs aiment aussi ceux qui les aiment. Et si vous faites du bien à ceux
qui vous en font, quel est votre mérite? puisque les pécheurs mêmes le font.
(I) Homél. sur le Ps. cxlvii ; homél. 13 au peuple d'Ântioche, pour la première partie de la cita-
tion ; homôl, sur le Ps. v, pomvia seconde partie.
senuim quomodo equum aut argentum :
servus si honestius a te regitur quam
ab illo qui eum tibi cupit auferre, nescio
utrum qiiisquam dicere audeat eum de-
bere conlemni.
Chrys. ((// snp. in Cat. Grœcorum.)
Est autein insita nobis lex aaturalis per
quam digrioscimus quid sit virtus et
vilium : unde sequitur : « Et prout vullis
ut faciant vobis homines, et vos facite
illis, » non ait: « Oua;cunque non vulti»
ut faciant nt'C vos faciatis. » Cura enim
du.Tî sint vite qvia; ducunt ad virtutom :
scilicetabslinentia mali et operatio boni ;
hanf-ponit. per istani otillain significans.
Et si(iuiclcni dixisset: « Ut sitis hoiuiuo^
diligite beàtias, » esset mandatum diffi-
cile : si vero honiines diligere jussit, ad
quod naturalis monitio est, quam diffi-
cultatem res coutinet, quam leones et
lupi servant, in quibus naturalis cogua-
tio ad amicitiam cogit? Ostenditur igitur
quodChristus nibil statuit nostram trans-
cendens naturam, sed quod dudum in-
seruit conscientite nostrœ, docet ut pro-
pria voluntas pro lege sit tibi, ut si vis
bene fieri tibi, benel'acias aliis ; si vis ut
alius tui misereatur, proximi miserea-
ris.
E( si diligilis eos qui vos diligunl , quœ vubis
est gratia ? Nam et peccatores diligentes se
diligunt ; et si benefeceritis his gui uobis be-
nefaciunt , quœ vobis est gratia ? Siquidem et
peccatores hoc faciunt. Et si mutuum dederi-
318
EXPLICATION DE f/ÉVANGILE
Et si vous prêtez à ceux de qui vous espérez recevoir, quel est votre mérite ?
car les pécheurs aussi prêtent aux pécheurs, pour recevoir le même avantage.
Pour vous, aimez vos enncjnis, faites du bien et prêtez sans en rien espérer;
et votre récompense sera grande, et vous serez les enfants du Très-Haut, qui
est bon aux ingrats et aux méchants. Soyez donc miséricordieux, comme votre
Père est miséricordieux.
S. Ghrys, (1) Le Seigneur venait de commander l'amour des enne-
mis, mais n'allez pas croire qu'il parle ici hyperboliquement et pour
inspirer un sentiment de crainte ; car écoutez la raison de ce com-
mandement : « Et si vous aimez ceux qui vous aiment , quel est votre
mérite ? » Plusieurs causes concourent à former les affections , mais
l'affection spirituelle est supérieure à toutes les autres , elle ne recon-
naît pour principe et pour cause, rien de terrestre, ni les bienfaits, ni
la nature, ni le temps, maiselledescenddirectemeut du ciel. Quoi d'é-
tonnant qu'elle se forme indépendamment de tout bienfait, puisqu'elle
ne peut être ébranlée par les mauvais traitements? Un père outragé,
rompt les liens d'amour qui l'attachaient à son épouse ; une femme se
sépare de son mari à la suite de querelles domestiques; un enfant re-
garde comme un fardeau un père dont les jours se prolongent dans
un âge avancé; mais, au contraire, saint Paul allait vers ceux qui
voulaient le lapider pour leur faire du l)ien {Actes ^ xiv); Moïse tour-
menté, et comme lapidé par les Juifs , se venge en priant pour eux.
{Exode., XVII.) Ayons donc une profonde vénération pour les amitiés
spirituelles, parce qu'elles sont indissolubles. Notre-Seigneur ajoute,
pour stimuler les indifférents : « Les pécheurs aiment aussi ceux qui
les aiment, » comme s'il disait : Je veux que vous vous éleviez à une
vertu plus émiuente, voilà pourquoi je vous commande d'aimer non-
(1) Une partie de cette citation se trouve clans les homélies sur l'Epître aux Colossiens.
tis his a quitus speralis recipere , quœ gralia
est vobis ? Nam et peccatores peccatoribus
fœnerantur, ut recipiant œqualia. Verum-
iamen diligile inimieos vestros , benefacite , et
mutuum date, nihil inde sperantes, et erit
merces vestra niulta, et eritis filii Altissimi;
quia ipse benignus est super ingratos et malos.
Estote ergo miséricordes, sicnt et pater vester
misericors est.
Chrys. {ut sup.) Uixerat Doaiinus
diligendos esse inimieos : ue aiitem pu-
tares liyperbolice esse dictum, œstimans
soluiii ad terrorem eis diei, adjicit ratio-
neni , dicens : « Et si diligitis eos qui
vos diligunt, quae vobis est gratia ? » etc.
Plures quidem causœ suiit quœ dilectio-
nes constituunt : dilectio vero spiritualis
universas prcecellit : uihil enim terre-
num eam parit ; non utilitas, non bene-
fîcium. Don natura, non tempus, sed de
cœlo descendit. Quid autem miraris si
non indiget beneficio ut consistât, quando
nec ex casu malorum pervcrtilur? Pater
quidem passus injurias rumpit iœdiis
amoris; conjux post jurgia viriim relin-
quitj filius si longeevum videat patreni,
gravatur : at Paulus ibat ad lapidantes,
bene acturus eis; [Act., 14.) Moyses
lapidatur a Judœis, et orat pro eis.
[Exod., 17.) Veneremur itaque spiritua-
les amicilias, quia sunt insolubiles. Unde
arguens voleutes pigrescere, subdit :
« Nam et peccatores diligentes se dili-
gunt , » quasi diceret : Quia volo vos
his amplius aliquid possidere , non
moneo solum amicos diligere , sed
DE SAINT LUC. CHAP. VI.
319
seulement vos amis; mais même vos ennemis ; car il est naturel à tous
les hommes de faire du bien à ceux qui leur en font. Il leur apprend
donc qu'il exige d'eux plus qu'il n'est ordinaire aux pécheurs de faire,
quand ils se montrent bienfaisants pour leurs amis : « Et si vous faites
du bien à ceux qui vous en font, quel est votre mérite?
BEDE. Ce n'est pas seulement l'afifection et les bienfaits des pécheurs
qu'il déclare sans mérite et sans fruit, mais aussi le prêt fait dans les
mêmes conditions. «Et si vous prêtez à ceux de qui vous espérez rece-
voir , quel est votre mérite ? Car les pécheurs eux-mêmes prêtent à
leurs semblables, pour en recevoir l'équivalent. »
S. Ambr. La philosophie divise la justice en trois parties, l'une qui
a Dieu pour objet et qu'on appelle religion ; la seconde, qui comprend
les devoirs envers les parents et le reste du genre humain; la troisième,
qui s'étend aux morts, et nous oblige de leur rendre convenablement
les derniers devoirs. Mais Notre-Seigneur Jésus-Christ , s'élevant au-
dessus des prescriptions de la loi et des oracles des prophètes , étend
l'obligation de faire du bien jusqu'à ceux qui nous ont fait tort : « Pour
vous, aimez vos ennemis, » etc. — S. Chrys. (1) En agissant ainsi,
vous ferez beaucoup plus pour vous que pour eux-mêmes ; quant à
eux, ils ont l'affection de leur semblable , mais pour vous , vous de-
venez semblable à Dieu. Or, c'est un acte de grande puissance, que de
combler de nos bienfaits ceux qui cherchent à nous faire du mal ,
comme Notre-Seigneur nous le recommande; car, comme l'eau jetée
sur une fournaise ardente, suffit pour l'éteindre, tel est l'effet de la
raison jointe à la douceur; en effet l'humilité et la douceur sont à la
(l) Sermon sur la charité, vers la tin pour la première partie; homél. !)8 sui- la Genèse pour la
seconde.
etiam inimicos : benefacientibus etiam
benefacere commune est omnibus. Os-
tendit autem se parum plus petere,
quam sit moris peccatorum qui benefa-
ciunt ainicis : unde sequilur : « Et si
benefecerilis bis qui vobis beuefaciunt,
qufe vobis est gratia?»
Beu. Non solum autem dileclioncm
vel beneGcium peccatorum quasi irilVuc-
luosam redarfîuit , sed eliaui muluuui :
undc sequitur : « Et si mutuuiii dederi-
tis bis a quibus spcralis recipere , quaï
irratid est vobis ? » Nam et peccalores
peccaloribus fenerantur (id est, muluau-
lur) , ut recipiaiit aiqualia.
AMBn. In très autem partes pbilosopbia
sibi videlur divisisse justitiaui : uuum iii
Deum, quœ pieias vocatur; alteram in
parentes, vel rebquum genus bumanuui ;
tertiain in mortuos , ut bis exequiarum
jura solvantur. At l>ominus Jésus legis
oraculum ac propbeliœ fasligium super-
gressus, in eos quoque qui Iseserunt,
pietatis porrexit ofticium cum subdit :
« Verumtamen diiigile inimicos ves-
tros, » etc. Chrys. {ttl siip.) In (juo plus
tibi quam illi confères : ille eniin dili-
gitur a conserVo, tu vero efficieris simi-
lis Uoo. Est autem maximœ virlulis,
quaiido iiocere vuleiiles beneficiis com-
plecliniur : unde sei|uilur : « Et benefa-
cile : » sicut enim foruacem succensam
aqua projecta extingnit, sic etiam ratio
cuiu lunitale. Quod enim est aqua igui.
320
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
colère, ce que l'eau est au feu, et de môme que le feu ne peut éteindre
le feu, ainsi la colère ne peut apaiser la colère.
S. Grég. de Nysse. (dise, contre les usur.) L'homme doit éviter
cette damnable cupidité qui lui fait demander à l'indigent un produit
de l'or ou de l'argent qu'il lui prête , et exiger les fruits d'un métal
stérile, c'est le sens de cette recommandation : «Prêtez sans en espérer
rien, » etc. Celui qui traitera de vol et d'homicide la funeste inven-
tion de l'usure, ne se trompera pas ; car quelle différence entre celui
qui perce les murs pour s'emparer du bien qui ne lui appartient pas,
et celui qui s'approprie le gain illicite , produit par l'argent qu'il a
prêté? — S. Bas. (1). Dans la langue grecque, ce genre d'avarice est
justement appelé t6>coç, enfantement , à cause de sa malheureuse et
coupable fécondité. En effet, ce n'est qu'avec le temps que les ani-
maux grandissent et se reproduisent, inais à peine l'usure a pris
naissance, qu'elle devient féconde. Les animaux les plus précoces à se
reproduire, cessent aussi plutôt d'engendrer ; mais l'argent des avares
ne fait que se multiplier d'années en années. Les animaux, en trans-
mettant à leurs petits la faculté d'engendrer, cessent eux-mêmes d'en-
gendrer, mais l'argent des avares produit continuellement de nou-
veaux fruits, et renouvelle les premiers. Ne vous exposez donc point
aux mortelles atteintes de ce monstre cruel. Que vous servirait-il, eu
effet, d'éviter l'indigence actuelle , si elle doit revenir bientôt fondre
sur vous , plus grande et plus écrasante ? Demandez-vous comment
vous pourrez rendre ce que vous empruntez ; comment l'argent pourra
se multiplier assez dans vos mains, pour qu'une partie vous soulage
de votre indigence, qu'une autre représente et conserve le capital, et
(1) Cette citation se trouve au moins en termes équivalents dans l'homélie sur le Psaume xiv,
sur ces paroles : « Qui n'a point placé son argent à usure. »
hoc est irae huuiililas et mausuetudo ; et
sicut non extinguitur ignis per ignem,
sic nec ira per iram mitigatur.
Gbeg. Nyss. {Orat. 1 contra usura-
rios.) Débet autem homo vitare daruno-
sam sollicitudinem , ne quserat ab iuope
diviliarum augmenta œris et auri; nie-
tallorurn steriliiim exigens fructum :
unde subdit : « Et niutuum date nihii
Inde sperantes, » etc. Malignam fœno-
rurn excogitationem si quis appellet fiir-
tum et homicidium, non peccabit. Nam
quid refert suffosso pariete quamquam
erepta possidere, ac fœnorum uecessitate
possidere illicita ? Basil, («i Cat. Grœ-
corum.) Talis autem avaritiœ modus
tocos merito nuncupatur in Grœco,
Toxoç, a pariendo, propter mali fecundi-
tatem. Animalia siquidem tractu tempo-
ris adolescunt et pariunt; sed fœnus
statim cum oritur , iucipit procreare.
Animalia quae citius pariuut , citius a
generatione desislunt; sed nummus
avarorum cum tempore propagatur.
Animalia transfereutia partum ad pro-
prios alumnos, ipsa parère cessant; ses
autem avarorum et superveuientia pro-
créât , et prcBcedentia rénovât. Non
attentes igitur mortiferam belluam. Quse
namque utiiitas, si cavetur hodierna
pauperies, quœiteratoirruetaugmentata?
Jam meditare unde restituas. Unde in
tanlum muUiplicabitur tibi ceusus,
ut tuam partim relevet egestatem , par-
DE SAINT LUC, CHAP. VI,
321
qu'une troisième produise l'intérêt. Mais me direz-vous , comment
faire pour vivre ? Travaillez , mettez-vous en service , mendiez enfin
s'il le faut, tout est préférable à un emprunt usuraire. Vous me direz
encore : Qu'est-ce que le prêt sans espérance d'intérêt ? Méditez la
vertu de la parole divine , et vous admirerez la miséricorde de son
auteur. Lorsque vous donnez au pauvre pour l'amour de Dieu , vous
faites à la fois un prêt et un don ; un don , car vous n'espérez point
d'intérêt ; un prêt , parce que la bonté de Dieu se charge de vous
rendre ce que vous donnez au pauvre , comme le Sauveur vous en
assure : « Car votre récompense sera grande. » Est-ce que vous re-
fuseriez d'avoir le Tout-Puissant pour caution et pour débiteur? Quoi !
vous acceptez la caution d'un homme riche, et vous refuseriez la cau-
tion que Dieu vous donne pour le pauvre? — S. Ghrys. ijiom. 3 sur
la Genèse.) Considérez l'admirable nature du prêt : L'un reçoit, et c'est
un autre qui s'oblige à payer ce qu'il doit, c'est-à-dire le centuple dans
le temps présent, et après cette vie, la vie éternelle.
S. Ambr. Quelle est grande la récompense de la miséricorde ,
puisqu'elle nous donne droit à l'adoption divine : « Et vous serez les
enfants du Très-Haut. » Pratiquez donc la miséricorde , pour mériter
la grâce qui lui est promise. La bonté de Dieu s'étend sur tous les
hommes, il fait tomber la pluie sur les ingrats , la terre féconde ne
refuse pas ses fruits aux méchants : « Car il est bon aux ingrats et
aux méchants. » — Bède. Soit qu'il leur donne les biens temporels,
soit qu'il inspire, par sa grâce, le goût des biens célestes.
S. Cyr. (1). Quelles sont donc grandes les prérogatives de la misé-
(1) On trouve quelque chose de semblable dans les homélies U, 19 et 27; parmi celles qui ont
pour titre : Des fêtes pascales, et aussi dans le Traité de l'adoration en esprit et en vérité.
tim integret capitale, et insuper pariât
l'œnus ? sed ais : « Qualiter lîrgo victum
acquiram ? » Labura, servi, tandem
mendica? unuuiquodfiue tolerabilius est
fœnoris mutuo. Dicis autem ; « Quodiiam
est illud mutuum oui spes retribiUiouis
non hœret? » Considéra virtuteui ser-
monis, et miraberis pietatem auctoris.
Cum daturus es pauperi divinae cliarita-
tis intuilii , idipsuiii et niuluum est et
don uni : doniim quideui ob inspera-
tani retribulionem ; nmhium ob benefi-
centiam Douiini, qui vice illius reslituit:
uiide sequitur : « Et erit nierces vestra
nmlta. » Nun vis oniiiipotenteni tibi
obligari ad restitutioiiem ? An (lueni-
quam opulentorum civiuni si fidejubeat,
acceptas; Deum autem pro pauperibus
TOM. V.
fidejubentem répudias ? Chrys. {hom.
3, in Genesim siib finem.) Attende mu-
tui naturam mirabilem ! Alius recipit,
et alius obligat se pro debitis; ceulu-
plurn in praesenti reddens, in futuro
vero vitam aeternam.
Ambr. Quanta misericordia; merces,
qufc in jus diviu;e adoptiouis asciscitur :
sequitur enini : « Et eritislilii Aitissimi. »
Sequere igitur misericordiaui, ut merea-
ris gratiam. Late palet benignitas Dei ;
super iugratos pluit; nialis fecunda non
negat terra proventus : unde sequitur:
■< Quia ipse benignus est super ingratos
et uialos. » Bed. Vel lemporalia bona
largiendo, vel cœlestia dona singulari
gratia inspirando.
Cyril, [in Cat. Gracorum Patrum.)
21
322
EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
ricorde 1 elle nous rend semblables à Dieu , elle imprime dans notre
âme comme le sceau de la nature divine : « Soyez donc miséricor-
dieux comme votive Père céleste est miséricordieux, » etc. — S. Athan.
{dise. A contre les Ariens.) C'est-à-dire que la considération des bien-
faits qu'il répand sur les hommes , doit nous porter à leur faire du
bien, non point en vue des hommes, mais en vue de Dieu , afin d'ob-
tenir de lui seul , et non pas des hommes , la récompense de nos
œuvres de charité.
f. 37, 38. — Ne jugez point, et vous ne serez point jugés ; ne condamnez point,
et vous ne serez point condamnés, remettez, et il vous sera remis. Donnez, et
il vous sera donné. On versera dans votre sein une bonne mesure pressée et
remuée, et se répandant par dessus les bords ; car on usera pour vous de la
même mesure dont vous aurez usé pour les autres.
S. Ambr. Notre-Seigneur condamne ensuite le jugement téméraire,
et vous défend de vous rendre les juges des autres, alors que votre
conscience vous accuse vous-même ; « Ne jugez point. » — S. Ghrys.
{CJi. des Pêr. gr.) Ne jugez pas ceux qui sont placés au-dessus de
vous ; disciples, ne jugez pas vos maîtres ; pécheurs, ne jugez pas ceux
qui sont innocents; contentez -vous , sans leur faire de reproches, de
les avertir et de les corriger avec charité. Gardez- vous aussi de juger
dans les choses incertaines et douteuses qui n'ont pas le caractère du
mal, où qui ne sont ni graves ni défendues. — S. Cyr. Notre- Seigneur
veut réprimer ici cette détestable passion qui domine nos âmes, et qui
est le principe et l'origine de nos superbes mépris. On en voit, en
effet, un grand nombre qui , au lieu de s'observer eux-mêmes , et de
vivre selon les prescriptions de la loi de Dieu, ne s'occupent qu'à exa-
Magnum est ergo prœcouium pietalis ;
reddit enim hœc virtus nos Deo confor-
mes, et quasi qusedam signa sublimis
naturae nostris iniprimit animabus :
unde sequitur : « Estote ergo miséricor-
des sicut et Pater vester cœlestis, » etc.
Atha. {Orat. 4, contra Arian.) Ut scili-
cet aspicieutes bénéficia ejus, bona quee
facimus, non liominum, sed ejus intuitu
faciamus; quatenus a Deo non ab bomi-
nibus prœmia consequamur.
Nolite judicare , et non judiçabimini ; nolite con-
demnare , et non condemnabimini ; dimittite,
et dimiltemini. Date, et dabitur vobis. Men-
suram bonam, et confertam, et coagitatam, et
supereffluentem dabunt in sinum vestrum :
eadem quippe mensura quœ mensi fueritis, re-
mptietur vobis.
Ambr. Addidit Domimis non temere
judicandum ; ne tui cum sis conscius
ipse delicti in alterum cogaris ferre sen-
tentiam : unde dicit : « Nolite judicare. »
CiiRYS. {in Cat. Grœcorum Patrum.)
Non judices praecedentes te, id est, dis-
cipulus magistrum ; peccator innocen-
tem ; quos non oporlet increpare, sed
monere, et ebaritative corrigere; nec
etiam judicandum est in incertis et qua-
libuscunque, quee nec similitudinem
babent peccati; aut quae non suut gra-
via, sive probibita. Cyril, (in Cat. Grœ-
corum.) Sedat ergo liic pessimam pas-
sionem nostrarum conscieutiarum vel
mentium, quœ superbi contemptus prin-
cipium est et origo; quamvis enim de-
ceat aiiquos se circumspicere et secun-
dum Deum coaversari, hoc non faciunt,
sed examinant abena : et ut videaut
DE SAINT LUC, CHAP. VI. 323
miner la conduite des autres ; et dès qu'ils y surprennent quelques
faiblesses, oubliant leurs propres passions, ils en font le sujet de leurs
conversations malignes. — S. Chrys. [lettre à Démet ^ A peine trou-
verez-vous un seul homme (père de famille ou vivant dans le cloître),
qui soit exempt de ce défaut ; cependant , ce sont là autant de tenta-
tions dangereuses du démon ; car celui qui juge sévèrement les fautes
d'autrui , n'obtiendra jamais le pardon de ses propres fautes : « Ne
jugez pas, et vous ne serez pas jugés. » En effet, celui qui est doux et-
miséricordieux pour les autres, a beaucoup moins à craindre pour ses
péchés; mais celui qui est dur et sévère pour ses frères, ajoute à ses
propres crimes. — S. Geég. de Nysse. Ne vous hâtez donc pas de
juger rigoureusement vos serviteurs, si vous ne voulez être traités de
même ; car par ce jugement sévère vous vous attirez une condamna-
tion plus rigoureuse : « Ne condamnez pas , et vous ne serez pas con-
damnés. » Notre -Seigneur ne défend donc pas le jugement accom-
pagné de clémence et suivi du pardon. — Bède. Le Sauveur résume
ensuite, dans une courte sentence, tous les commandements qu'il avait
faits sur les rapports que nous devons avoir avec nos ennemis : « Par-
donnez, et il vous sera pardonné, » etc. C'est-à-dire qu'il nous ordonne
de pardonner les injures , et de répandre des bienfaits sur nos enne-
mis, si nous voulons obtenir le pardon de nos péchés , et la vie éter-
nelle pour récompense.
S. Cyr. Il nous montre ensuite avec quelle munificence, avec quelle
libéralité nous serons récompensés par le Dieu qui donne avec largesse
à ceux qui l'aiment : « Us verseront dans votre sein une bonne me-
sure , pressée et remuée , et se répandant par dessus les bords. » —
TnÉOPHYL. C'est-à-dire : De même que pour mesurer largement une
aliijiios iiiiirniari . Ijiiii[uani propriaruin
passiunum obliti faciunt hoc delracLiouis
maleriam. Cnavs. [in C'at. Grœcorum
Patrum, ex Epist. ejus ad Demetrium.)
Nec facile repcries quemfiuaiu (necjue
palremfaiiiilias nequo claustialem) ex-
pertem huju= erroris; suul autcni et lise
diabolice lenlalionis iiisidiai : nam qui
severe disculit aliéna, nuaquain proprio-
rum ri-aluum luerobitnr vcniain : unde
seqiiitur : « VA non judical)iniini : » sicut
euiiu pins et tnilis reprimil peccalorum
tiniurein , sic severiis et dirus adjicit
criiuiuibus propriis. Grkg. Nyss. [in
Cat. Grœcorum.) Non igitur cuni acri-
moniaprfecipitetis in servos sententiaiu,
ne siniilia patiauiiui : vocat euiui judi-
cium asperiorein dauiuationem : unde
ricquitur : « Nulite condemnare, ot non
coudemnabimiui. » Non eninj judiciiuu
ciun venia probibet. Bed. Brevi aiilem
senteutia cuucta quae de conversando
cum inimicis lùandaverat , comprdieu-
dendo concludit, dicens : « Dimittite, et
dimittemini, » etc. Ubi diniitlere nos
injurias, et dare bénéficia jubet, ut et
nobis peccata dimittantur, et vita de-
tur ajterna.
Cyril, {in Cat. Grœcorum Patrum.)
Quod aut';m auapliori niaau teconqieu-
saliouein accipiemus a Uco qui lar^nllue
douât diligentibus euni , ostendit sub-
dens : « Meusuram bonam , (!t coufer ■
taui , et coasitaLain , et supereflluentem
dabuut in sinum vestrum. » Tueopuyl.
Quasi dicat : Sicut si farinam sine par-
s-u
EXPLICATION Dl-: I- KVAN(ilLE
mesure de farine , vous la pressez , vous l'agitez , et vous en versez
jusqu'à la faire déborder ; de même le Seigneur versera dans votre
sein une mesure abondante, et qui, pour ainsi dire , se répandra par
dessus les bords. — S. Aug. {Quest. évang., ii, 8.) Il dit ; « Ils verse-
ront, » car ils recevront la récompense céleste par les mérites de ceux
auxquels ils auront donné, ne fût-ce qu'un verre d'eau froide, parce
qu'ils étaient disciples de Jésus- Christ. {Matth.^ x, 42.)
« On usera pour vous de la même mesure dont vous aurez usé pour
les autres, » etc. — S. Bas. La mesure dont chacun de vous se sert
dans le bien qu'il opère, comme dans le mal qu'il commet , sera aussi
la mesure des récompenses ou des châtiments qu'il recevra. — Théophyl.
Mais peut-être nous fera-t-on cette question tant soit peu subtile : Si la
récompense est si abondante , comment peut-on dire qu'elle est égale
à la mesure dont nous nous sommes servi ? Nous répondons que
Notre-Seigneur ne dit point : Il vous sera donné dans une mesure
égale eu quantité, mais : « Dans la même mesure. » Vous avez bien
agi, on agira bien à votre égard, ce qui est rendre la même mesure ;
mais Notre-Seigneur dit que cette mesure sera surabondante , parce
qu'il rendra mille fois plus de bien qu'on en a fait. Il en est de même
pour le jugement ; celui qui juge, et qui est ensuite jugé , reçoit dans
la même mesure, mais il sera jugé plus sévèrement qu'il n'a jugé lui-
même son semblable; eu cela la mesure est surabondante. — S. Cyr.
L'Apôtre résoud cette difficulté, lorsqu'il dit : « Celui qui sème peu
(c'est-à-dire en petite quantité et d'une main avare), moissonnera peu
(c'est-à-dire une moisson peu abondante) ; et celui qui sème dans les
bénédictions, moissonnera aussi dans les bénédictions (c'est-à-dire
avec abondance.) » (II Corinth., ix, 6.) Si on ne possède rien, on n'est
citate mensurare velles, confercires
eam , coagitares et supereffuiideres
abunde; sicDomimis nieiisuram magnam
et superefllueatein dabit iu sinuni ves-
trum. Aug. {de Qiiast. Evang., lib. ii,
q. 8.) Dicit auteiii, dabimt ; quia per
illorùin mérita quibus vel calicem aqute
frigidte iii noniine discipuli dederuut,
mercedem cœlesLeui recipere inerebun-
tur.
Sequitur : << Eadeiu quippe niensura
qua inensi fueritis . reiuelietur vobis,»
etc. Basil, {iv. Cut. Grœcorum.) Qua
euim mensiira uuusquisque vestrum
mensurat in bene opérande, aut pec-
cando, eadeni vel praBmia vel pœnas
feret. Théophyl. Interrogabit auteui for-
tassis aliquis subtilius : « Si enim super-
eftluenter redditur, quoniodo eadem est
mensura ? » Ad quod dicimus, quod
non dixit : « In tauta uieusura remetie-
tur vobis, » sed, « in eadem. » Qui enim
bene fecit , beuefiet ei ; quod est reme-
tiri eadem mensura : sed « supereffluen-
tem mensuram » dicit, quia millies be-
nefiet ei : sic et in judicando : qui enim
judicat, et deiude judicatur, accipit
eamdem mensuram : secundum vero
quod ad plus dijudicabatur , quia sibi
similem judicavit, secundum lioc super-
effluens est mensura. Cyril. (;ubi supra.)
Hoc autem solvit Apostolus , diceus
(II Cor., 9) : « Qui parce seminat (hoc
est, modice et manu tenaci) , parce et
metet (hoc est , non copiose) , et qui
seminat in benedictionibus, in benedic-
tionibus et metet, » hoc est, copiose. Si
quis autem non liabet, si non facial.
DE SAINT LUC, CHAP. VI.
325
pas coupable en ne donnant point ; car Dieu nous tient compte des
biens que nous avons, et non de ceux qui ne sont pas en notre posses-
sion.
f. 39-42. — Il leur faisait aussi cette comparaison : Un aveugle peut-il con-
duire un autre aveugle ? Ne tomberont -ils pas tous deux dans le précipice? Le
disciple n'est point au dessus du maître, mais tout disciple sera parfait s'il est
comme son maître. Pourquoi voyez-vous une paille dans l'œil de votre frère,
et ne voyez-vous pas une poutre dans le vôtre? Ou comment pouvez-vous dire
à votre frère : Mon frère laisssez-moi ôter cette paille de votre œil, vous qui
ne voyez pas une poutre dans le vôtre ? Hypocrites, ôtez d'abord In poutre de
votre œil, et vous verrez alors à ôter la paille de l'œil de votre frère.
S. Gtr. Notre- Seigneur ajoute aux enseignements qui précèdent une
parabole bien nécessaire : « Il leur faisait aussi cette comparaison. »
En effet, ses disciples étaient appelés à devenir les docteurs du monde ;
ils devaient donc connaître toutes les règles d'une vie sainte, et ré-
pandre les clartés d'une lumière toute divine, pour éviter d'être des
aveugles servant de guide à d'autres aveugles. Il leur dit donc : « Un
aveugle peut-il conduire un autre aveugle? » S'il arrive à quel(|ues-
uns d'atteindre au même degré de vertu que ceux qui les enseignent,
qu'ils se contentent de cette mesure , et marchent toujours sur les
traces de leurs maîtres; car, dit Notre-Seigneur : « Le disciple n'est
pas au-dessus du maître. » Aussi saint Paul dit aux Pliilippiens :
« Soyez mes imitateurs, comme je le suis de Jésus-Christ.» {Philip., m.)
Pourcjuoi donc voulez-vous juger les autres, alors que Jésus-Christ ne
juge i)as? Car il n'est pas venu pour juger le monde, mais pour le
sauver. {Jean, m.) — Théophyl. Ou encore, si vous jugez les autres,
et que vous soyez coupable des mêmes fautes, ne ressemblez-vous pas
non delinquit : in eo euim qiiod habet
acceptatur, non in eo que caret.
Dicebat antem illis et simUiludmem : nunquid
polest cœcua cœcum ducere ? Nonne amho in
foveani cadunt ? Non est discipulus super ma-
gistrum : perfectus autem omnis erit si sit
sicut magister ejus. Qiiid autem vides festu-
cam in oiulo fralris tui, trabem autem quœ
in oculo tuo est, non considéras? Aut quo-
modo pôles dicere fratri tuo : Frater, sine
ejiciam festucam de oculo tuo; et ipse in oculo
tuo trabem non vides ? Hypocrita, ejice pri-
mum trabem de oculo tuo, et tune perspicies
ut eduras festucam de oculo /ratris tui.
Cyril, (m Cot. Grwcoruni Potrum.)
Addidil Uominus praediclis parabolani
valde necessariam : unde dicitur : « Di-
cebat aulem illis et similitudinein : »
eraut enini ejus discipuli futur! mundi
doctores ; unde decebat eos scire viani
couversationis lionest». , quasi illustra-
tam menteni habeutes divino fulgore,
ne cteci caecos ducerent : et ideo sub-
dit : « Nunquid potest caecus cœcuni
ducere?» At si contingat aliquos hoc
altingere , ut œqualem virtutem docen-
tium virtuti possideant, sislant in men-
sura (locentium , et illoruni seiiuantur
vesligia : unde sequitur : « Non est dis-
cipulus super magistrum : » unde et
Paulus dicit (crr/ Philip., 3) : « Imitato-
res luei estote , sicut et ego Cbristi. »
Christo ergo non judicante cur tu judi-
cas ? Neque enim venit judicare niun-
dura, sed misereri. Theophylact. Vel
aliter : si tu alium judicas , et ipse in
326
EXPLICATION DE L EVANGILE
à l'aveugle qui conduit un autre aveugle? Gomment le conduirez-
vous au bien, alors que vous suivez la voie du mal ? Le disciple n'est
point au-dessus du maître. Si donc vous ne savez éviter le péché, vous
qui vous décernez le titre de maître et de conducteur, que deviendra
celui qui devient votre disciple et se place sous votre conduite? Car
tout disciple sera parfait, s'il est comme son maître. — Bède. Ou bien
le sens de ces paroles dépend des enseignements qui précèdent, où
Notre-Seigneur recommande de donner l'aumône et de pardonner les
injures. Si vous vous laissez aveugler par la colère contre celui qui
vous fait violence, et par l'avarice à l'égard de celui qui vous demande
du secours, comment, dans cette disposition coupable de votre âme,
pourrez-vous les guérir de leurs propres vices? Voyez Jésus-Christ,
notre Maître ; il était Dieu, il pouvait venger les injures qui lui étaient
faites, et cependant il a préféré adoucir la fureur de ses ennemis en
les supportant avec patience ; n'est-il donc pas nécessaire que ses dis-
ciples, qui ne sont que des hommes , suivent la même règle de per-
fection. — S. AuCt. {Quest. évang., ii, 9.) Ou bien encore , Notre-
Seigneur, par ces paroles : « Est-ce qu'un aveugle peut conduire un
autre aveugle ? » veut leur ôter l'espoir de recevoir des lévites cette
mesure dont il a dit : « Ils verseront dans votre sein, » etc. En effet,
ils payaient les décimes à ceux que le Sauveur appelle des aveugles,
parce qu'ils ne recevaient pas l'Evangile. Il veut donc que le peuple
commence à attendre cette récompense des disciples du Seigneur,
qu'il déclare être ses imitateurs en disant : « Le disciple n'est point
au-dessus du maître. »
Théophyl. Le Seigneur ajoute une autre parabole qui a le même
objet : « Pourquoi voyez-vous une paille (c'est-à-dire une faute légère
eisdem peccas, nonne assimilaris cseco
caecum dncenti ? Quomodo enim ille a
te ducetnr ad bonimi, cum et tu pecces?
Non est enim discipuliis super magis-
trum. Si igitur tu peccas qui te magis-
truui et ductorera putas, ubi erit qui a
te disciplinatur et ducitur? Perfectus
eniui erit discipulus, si sit sicut niagister
ejus. Bed. Vel sensus hujus sententite
pendet ex superioribus, ubi danda elee-
mosyna et injuria dimittenda prajcipi-
ttir. Si te, inquit , ira contra violen-
tuni, et contra petenLem avaritia c£e-
caverit, nunquid tua mente vitiata , vi-
tium ejus curare poteris? Si etiam ma-
gister Christus qui quasi Deus potuit
suas ulcisci injurias, maluit persecuto-
res patiendo reddere mitiores , eamdem
necesse est de discipulis qui puri homi-
nes sunt, regulam perfectionis sequan-
tur. AuG. {de Qussf. Evang., lib. ii,
q. 9.) Vel quod dicit, «nunquid potest
caecus ctecum ducere? » ideo subjunxit,
ut non sperarent a levitis se accepturos
mensuram illam, de qua dicit : « Dabunt
in sinum vestrum;» quoniam décimas
dabant eis quos ccbcos dicit, quia Evan-
gelium non tenerent ; ut illam remune-
rationem per discipulos Domini potius
plebs inciperet jam sperare , quos imi-
tatores suos voleus ostendere addidit :
« Non est discipulus super magistrum. »
Theophylact. Inducit autem Dominus
et aliam parabolam de eodem subdens :
« Quid autem vides festucam (id est,
modicum criminis) in oculo fratris tui ?
DE SAINT LUC, CHAI'. VI. 327
dans l'œil de votre frère) , tandis que vous n'apercevez pas la poutre,
(c'est-à-dire les fautes énormes) qui sont dans votre œil? » — Bède.
Cette comparaison fait suite à la précédente , où le Sauveur nous dé-
clare qu'un aveugle ne peut servir de guide à un autre aveugle,
(c'est-à-dire qu'un pécheur ne peut être repris par un autre pécheur) ;
Notre-Seigneur ajoute donc : « Gomment pouvez-vous dire à votre
frère : Mon frère, laissez-moi ôter la paille de votre œil , vous qui ne
voyez pas la poutre qui est dans le vôtre ? » — S. Cyr. C'est-à-dire :
Comment celui dont la conscience est chargée de crimes énormes
(figurés par la poutre) peut-il condamner celui qui n'en a que de lé-
gers, ou même qui n'en a aucun à se reprocher ? car c'est ce que la
paille signifie. — Théophyl. Cette leçon s'adresse à tous, mais surtout
aux docteurs qui punissent sévèrement , dans leurs disciples , les
moindres fautes , tout en s'accordant le bénéfice de l'impunité pour
les plus grandes; c'est ce qui leur attire de la part du Seigneur le
reproche d'hypocrisie, parce qu'ils jugent sévèrement les péchés d'au-
trui pour faire ressortir leur propre justice : « Hypocrites, ôtez d'abord
la poutre de votre œil , » etc. — S. Cyr. C'est-à-dire purifiez-vous
d'abord de ces crimes énormes qui souillent votre conscience, et alors
vous pourrez vous montrer zélé pour corriger votre fi'ère de ses fautes
légères. — S. Bas. (^om. 9 sur l'Hexam.) La connaissance de soi-
même est en efi'et de la dernière importance ; l'œil qui considère les
choses extérieures, ne peut voir ce qui se passe en lui-même ; ainsi
en est-il de notre esprit, lorsqu'il est prompt à juger les péchés d'au-
trui, il devient lent à découvrir ses propres défauts.
y. 43-45. — L'arbre qui produit de. mauvais fruits, n'est pas bon, et l'arbre qui
Trabem autem quae in oculo tuo est (id
est, peccatuai tuum maximum) non
considéras? » Bed. Hoc autem ad supc-
riorem sensum respicit, ubi cœcum a
caico duci (id est, peccantem a pecca-
toro castigari) non posse prœmonuit :
uude dicitur : « Aut ({uoniodo potes di-
cere frutri tuo : Frater, sine ojiciam
l'eslucaui de oculo tuo, et ipse in oculo
luo Irabcm non vides? » Cyril. (ul)l
Slip.) Quasi diceret : Qui gravibus ob-
noxius est peccatis (quie trabem vocal)
qualiler damnai eum qui pauca vel
quaudoiiue nil mali commisil? Ilocenim
festuca sif^nificat. Théophyl. Couvenit
autem boc omnibus et maxime doctori-
bus, qui subditorum cum niinima pec-
cata puniaul, propria impunita rtliu-
quunt; propter hoc eos Dominas hypo-
cri/«s vocal; quod ex hoc aliorumpeccata
judicanl, utjusti videantur : unde sequi-
tur : « Hypocrita, ejicc primum trabem
de oculo tuo, » etc. Cyril, {iibi supra.)
Vidclicel teipsum primum muudum os-
lendas a magnis peccatis ; consequen-
ter consules proximo modica coiumit-
tenli. Uasil. [Iiom. 9, in Hcxameron.)
Vidctur onim rêvera cognilio sui ipsius
gravissimum omnium : nequc euim so-
ins oculuscxteriora vidons, super se visu
nun utitur ; sed et ipse nosler inlellectus
cum alienum velociter coujectat pecca-
tum, lentus est erga propriorum percep-
tionem defectuum.
Non est enim arbor bona quœ facil fructu^ ma-
328
EXPLICAIION DE T-KVAIVGILK
produit de mauvais fruits n'est pas mauvais ; car chaque arbre se connaît par
son fruit. On ne cueille point de figues sur des épines; on ne vendange point
de raisins sur des ronces. L'homme bon tire le bien du bon trésor de son cœur ;
et, de son mauvais trésor, l'homme mauvais tire le mal ; car la bouche parle
de l'abondance du cœur.
BEDE. Notre-Seigneur continue à parler ici contre les hypocrites :
a L'arbre qui produit de mauvais fruits, n'est pas bon, » etc.; paroles
dont voici le sens : Si vous voulez avoir une vertu véritable et sin-
cère, montrez-vous dans les œuvres ce que vous êtes en paroles ; car
l'hypocrite qui se couvre du masque de la vertu , n'est cependant pas
vertueux, s'il fait le mal;ets'ilosereprendreuuinnocent, ses reproches
ne le rendent pas pour cela mauvais, puisqu'il fait le bien. — Tite
DE BosT. Que ces paroles ne favorisent point votre négligence , un
arbre est soumis aux lois qui régissent la nature végétale ; pour vous,
au contraire, vous avez l'usage de votre libre arbitre ; tout arbre sté-
rile a été créé pour une fin particulière; pour vous, vous avez été créé
pour pratiquer la vertu. — S. Isid. {Liv. iv, lettre 81 .) Ce n'est point
le repentir, mais la persévérance dans le mal, que le Sauveur condamne
par ces paroles; tant que la disposition de l'âme reste mauvaise, elle
ne peut produire de bons fruits ; mais si elle se tourne du côté du
bien, alors elle produit des fruits de vertu. La nature de l'arbre s'ap-
pelle en nous l'afifection, aussi elle peut ce qui est impossible à un
arbre mauvais, c'est-à-dire produire de bons fruits.
S. Chrys. {hom. A3 sur S. Matth.) Quoique le fruit naisse de l'arbre,
il le fait néanmoins connaître, en ce sens, que la nature^ l'espèce d'un
arbre se distinguent par ses fruits. — S. Cyr. Ainsi la vie de tout
los, neque arbor mala faciens fructum bonum :
unaqnœque enim arbor de fructu suo cognos-
citur : neque enim de spinis colliguyit ficus;
neque de rubo vindemiant uvam. Bonus homo
de bono thesauro cordis sui proferl bonum; et
malus homo de malo thesauro profert malum:
ex abundantia enim cordis os loquitur.
Bed. Contra hypocritam qu<B cœperat
Domiuus, exequituFj dicens: «Nouenim
arbor bona , quae facit fructus mâ-
les, » etc. Quasi dicat : Si veram et non
ficlam vis habere justitiain, quae verbis
ostentas, etiam fado compensa; quia si
se bonum fiugat hypoL-rila, non est bonus
qui facit opéra mala ; et si reprehendat
insontem, non idée lualus est qui facit
opéra boua. TiTLS BoSTRKNSis. Eloc au-
leiii audieuSj non suuias Inde libi favo-
rem inerliae : naluraliter enim arbor
movetur, tu vero libero arbitrio fun-
geris ; et omnis arbor sterilis ad ali-
quid ordinata est, tu vero factus est
ad opéra virtutum. IsiDORL's abbas.
{in Catana Grwcorum.) Non ergo pœ-
nitentiam , sed pertinaciam mali ex-
cludit : cum enim mala sil, non potest
fructus bouos producere ; in virtutem
vero conversa, fructiiicabit. Quod au-
tem est arboris natura, boc est nobis
affectio : et si ergo arbor mala non po-
test fructum bonum producere, poterit
tameu.
Chrys. [hom. 43, in Matth.) Quam-
vis autem fructus causelur ex arbore,
facit tamen nolitiam arboris ; eo quod
arboris disiiuctio per fructum apparct :
unde sequitur: « Unaqueeque enim ar-
bor de fructu suo coguoscitur. » Cyril.
DE SAINT LUC. CHAP. VI.
329
homme est l'expression véritable de ses mœurs, car ce n'est point aux
ornements extérieurs, aux dehors d'une feinte humilité qu'on recon-
naît l'éclat du ATai bonheur, mais par les œuvres que chacun opère ;
vérité que le Sauveur confirme par ces paroles : « On ne cueille point
de figues sur des épines. » — S. Ambr. Ce n'est point parmi les épines
de ce monde qu'on peut trouver ce figuier qui est l'image de la ré-
surrection, parce que les seconds fruits en sont meilleurs que les pre-
miers , ou encore, parce que, selon ces paroles du livre des Can-
tiques (n) : a Les figuiers ont donné leurs premières figues, » les
fruits qu'ils ont donnés au temps de la synagogue, n'étaient ni mûrs,
ni durables, ni utiles; ou bien encore, parce que notre vie ne parvient
pas à sa maturité dans ce corps mortel, mais seulement dans sa ré-
surrection. Nous devons donc rejeter loin de nous les sollicitudes de
la terre qui déchirent l'âme et consument l'esprit, afin d'obtenir par
nos soins assidus des fruits d'une maturité parfaite. Ainsi ces paroles
se rapportent à la vie présente et à la résurrection, et les suivantes
à l'âme et au corps. « On ne vendange point de raisin sur des
ronces, » c'est-à-dire, que le péché ne peut faire produire aucun
fruit à l'âme qui, semblable au raisin, se corrompt si elle est trop
près de la terre, et ne peut mûrir que dans les hauteurs; ou bien que
personne ne peut échapper à la damnation de la chair, s'il n'est ra-
cheté par Jésus-Christ, (jui, comme le raisin, a été suspendu sur le
bois. — Bède. Ou bien encore, les épines et les ronces signifient les
soucis du siècle et les atteintes perçantes des vices , tandis que les
figues et le raisin représentent les douceurs de la vie nouvelle et l'ar-
deur de la charité. Or, on ne cueille point de figues sur les épines, ni
de raisin sur les ronces, parce que l'âme qui est encore courbée sous
(in Cat. Grxconim Patrum.) Sed et
vita ujorum uniuscujusque erit signifi-
cativa : iieque enim extrinsecis orna-
iiientis et fictis humilitatibus, verœ feli-
citalis apprehenditur décor, sed ex his
qUcB aliquiô operatiir : cujus rei exeiii-
plum ponens, subdit : « Neque euim de
spinis colliprunt ficus. » Ambr. In spinis
istius mundi ficus illa reperiri uou po-
test, quEE quia secundis fructibus iiielior
est, bene species ei resurreclionis apta-
tur : vel quia, ut legisti [Canl., 2) :
« Ficus dederuDt grossos suos, » quod
imruaturus, et caducus, et iautilis in sy-
nagoga fruclus ante prœcessit : vel quia
inimalura nostra vita est in corpore,
uiatura in re:-urrectione; et iileo procul
a iiubis debeuuii seculares sollieitudines
abdicare, quac mordent animum, men-
temque adurunt ; ut matures fructus
cultura diligenti possiraus adipisci. Hoc
ergo ad mundura et resurrectionem ,
alterum ad animam et corpus refertur,
cum subditur : « Neque de rubo vinde-
niiant uvam: » vel quia nemo peccatis
fructum acquirit animae suœ, quœ sicut
uva proxima terris corrumpilur, in su-
perioribus maturatur : vel quia nemo
potest damnalionem carnis evadere; nisi
quem Christus redemerit, qui sicut uva
pependit in ligno. Beda. Vel spinas et
rubun^ seculi curas et puncliones puto
esse vitiorum; ficus vero et uvam dul-
cediuem novœ conversationis et fervo-
reni dilectionis : non auteni de spinis
ficus, neque uva de rubo colligitur;
quia mens adhuc veteris liominis con-
suetudine depressa simulare potest, sed
33P EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
le poids des habitudes du vieil homme, peut bien avoir l'apparence
trompeuse de la fécondité, mais ne peut produire les fruits de l'homme
nouveau. Remarquons encore que, de même que la branche féconde
de la vigne, s'appuie et s'enlace aux buissons, de sorte que les épines
supportent et conservent pour l'usage de l'homme, un fruit qui n'est
pas le leur ; ainsi les paroles ou les actions des méchants peuvent
quelquefois être utiles aux bons, ce qui doit être attribué, non à la
volonté des méchants, mais aux desseins providentiels de Dieu qui
sait tirer le bien du mal.
S. Gyr. Après avoir montré que le bon et le méchant peuvent
se reconnaître à leurs œuvres, comme on reconnaît un arbre à ses
fruits, Notre-Seigneur enseigne la même vérité sous une autre figure :
« L'homme bon tire le bien du bon trésor de sou cœur, et l'homme
mauvais tire le mal du mauvais trésor de son cœur. » — Bède. Le trésor
du cœur est comme la racine de l'arbre ; celui donc qui possède dans
son cœur un trésor de patience et d'amour parfait, produit des fruits
excellents en aimant ses ennemis et en pratiquant tous les divins en-
seignements qui précèdent; mais celui qui n'a dans son cœur qu'un
trésor de méchanceté, agit d'une manière tout opposée. — S. Bas.
De plus, la nature des paroles est un indice certain de l'état du cœur
d'où elles sortent, et en révèle clairement les dispositions les plus in-
times : « Car la bouche parle de l'abondance du cœur. » — S. Chrys.
{hom. 43 sur S. Mattli.) Lorsque la source intérieure du mal est abon-
dante, par une conséquence naturelle, les paroles mauvaises s'exhalent
des lèvres ; aussi quand vous entendez un homme proférer des pa-
roles coupables , ne croyez pas que la méchanceté de son cœur est
simplement égale à la malignité de ses discours, mais concluez sans
crainte de vous tromper^ que la source est beaucoup plus abondante
fructus novi hominis ferre non potesl.
Sed sciendum quod sicut ferax palmes
sepi iuvolutus recumbit , portansque
fructum spina non suum usibus ser-
val liumanis, sic dicta vel acta malo-
rum si quando prosunt bonis, non hoc
ipsi faciimt mali, sed fit de illis Dei con-
silio.
CvRiL. [ubi sup.) Postquam autem
ostendit quod ex operibuspotest discerui
hoiiio bonus et malus, sicut ex fructibus
arbor; nunc idem ostendit per aliud si-
gnum, dicens : « Bonus homo de bono
thesauro cordis sui profert bonuui, et
malus homo de malo thesauro profert
malum. » Beda. Idem est thésaurus
cordis, quod radix est arboris : qui ergo
in corde thesaurum patientiœ perfecti-
que habet amoris, optimos fructus ef-
fuudens diligit iaimicum, et caetera facit
quEe supra edocuit : at qui thesaurum
iiequam corde servat, contraria facit.
Basil, (in Cat. Grœcorum Patruiu.)
Verbi etiam conditio cor a quo proces-
sit, manifestât ; evidenter ostendens
dispositionem prœcordiorum nostrorum :
unde sequitur : « Ex abundantia euim
cordis os loquitur. » Chrys. (hom, 43,
in Matth.) Naturalis enim consequeutia
est ut cum intus abundet nequitia, af-
flent ore tenus verba nequam : unde
cum audieris hominem inhonesta profe-
rentem; non tautam in eo putes latere
malitiani, quanta verbis exprimitur ;
DE SAINT LUC, CHAP. VI.
331
que le ruisseau. — Bède. Par les paroles qui sortent de la bouche,
Notre-Seigneur a voulu désigner tout ce qui prend sa source dans
notre cœur, c'est-à-dire, les paroles, les actions ou les pensées, car
c'est la coutume des Ecritures , d'employer les paroles pour les actes.
f. 46-49. — Mais pourquoi m'appelez-vous : Seigneur, Seigneur, et ne faites-
vous point ce que je dis ? Quiconque vient à moi et écoute mes paroles, et les
met en pratique , je vous raconterai à qui il est semblable. Il est semblable à
un homme qui, bâtissant une maison a creusé très-avant, et en a posé le fon-
dement sur la pierre ; l'inondation survoiant, le torrent s'est brisé contre cette
maison, et il n'a pu l'ébranler, parce qu'elle était fondée sur la pierre. Mais
celui qui écoute mes paroles sans les pratiquer, est semblable à un homme qui
a bâti sa maison sur la terre, sans fondement ; le torrent est venu fondre sur
elle, et elle est tombée aussitôt, et la ruine de cette maison a été grande.
BÈDE. Notre-Seigneur ne veut pas qu'on se fasse illusion sur le sens
de ces paroles : « La bouche parle de l'abondance du cœur, » comme
s'il n'exigeait des vrais chrétiens que les paroles et non pas les
œuvres; il ajoute donc : « Pourquoi m'appelez-vous Seigneur, Sei-
gneur, et ne faites- vous point ce que je dis, » c'est-à-dire : Pourquoi
vous glorifiez-vous de produire les feuilles des louanges de Dieu, vous
qui ne produisez aucun fruit de bonnes œuvres. — S. Gyr. Celui quia
le souverain domaine sur toute la nature, a droit au nom et à la
chose exprimée par le nom. — S. Athan. {Disc. cont. les sectat. de
Sabell.) Ce langage n'est pas celui d'un homme, mais celui d'un Dieu
qui fait voir qu'il est engendré par le Père , car celui-là seul est Sei-
gneur, qui tire son origine de l'unique et seul Seigneur ; cependant ne
craignez pas de dualité, car tous deux ont une seule et même nature.
sed conjecta fontem rivo esse uberiorem.
Bkd. Per oris etiam locutionem Dominus
univer.sa qua? dicto, vel facto, vel cogi-
latu de corde proferimus, insinuât : mo-
ris enim est Scripturarum verba pro ré-
bus ponere.
Quid autem vocutis me : Domine, Domine, et
non faciiis fjuœ dico ? Omnis qui venil ad me,
et audit sermones meos, et facit eos, oslendam
vobis cui similis sit : similis est homini œdifi-
canti domum, qui fodit in altum, et posuit
fundamentum super petram : inundatione au-
tem facta, illisum est flumen domui illi, et non
potuit eam movere; fundata enim erat super
petram. Qui autem audit et non facit , similis
est homini adificanli domum suam super ler-
ram sine fundamento , in quam illisus est flu-
vius, et continua cecidit, et facta est ruina do-
mus illius magna.
Bed. Ne aliquis sibi frustra blandire-
tur ex eo quod dictum est : « Ex abun-
dantia cordis os loquilur, » quasi verba
solum^ et non magis opéra veri cliri-
sliaui ([uœrantur, consequentcr Domi-
nus adjuugit : « Quid autem vocatis me :
IJomine, Domine, et non facitis quae
dico ? » Quasi diceret : Quid folia rectae
confessionis vos germinare jactatis, qui
nullos operis boni fructus ostenditis ?
Cyril, {in Cat. Grxcorum Patrum.)
Gonvenit autem soli superna; omnium
naturte dominationis et nomen et res.
Atiian. {in eadeni Catana rjraca et in
Orat contra .Sabel/ii (jregules.) Non est
ergo hoc verbum hominis, sed Del os-
tendentis proprium ortum a pâtre : Do-
minus enim est qui natus est a solo Do-
mino : non timeas autem dualitatem.
Non enim sccundum naturam separan-
tur.
332
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
S. Cyr. Le Sauveur nous fait ensuite connaître quels sont les avan-
tages attachés à l'observation des commandements, et quel malheur
menace ceux qui les transgressent : « Celui qui vient à moi et qui
écoute mes paroles, est semblable à un homme qui bâtit sa maison
sur la pierre. » — Bède. Cette pierre, c'est Jésus-Christ; creuser bien
avant, c'est à l'aide des préceptes de l'humilité, enlever du cœur des
fidèles tout ce qui est terrestre, afin qu'ils servent Dieu pour des mo-
tifs tout spirituels. — S. Bas. {commenc. des Prov.) Poser le fonde-
ment sur la pierre, c'est s'appuyer sur la foi de Jésus-Christ, pour
demeurer ferme dans l'adversité, soit qu'elle vienne des hommes, soit
qu'elle vienne de Dieu. — Bède. Ou bien encore, le fondement de la
maison, c'est l'intention de mener une vie vertueuse, que le parfait
disciple conçoit et place dans son àme pour accomplir fidèlement les
préceptes de Jésus-Christ. — S. Ambr. Ou enfin, il veut nous ensei-
gner que le fondemeut de toutes les vertus est l'obéissance aux com-
mandements de Dieu, obéissance qui fait que la maison que nous
bâtissons, ne peut être ébranlée ni par le torrent impétueux des pas-
sions, ni par la violence des esprits de malice, ni par les eaux entraî-
nantes du monde, ni par les disputes ténébreuses des hérétiques ,
c'est pourquoi il ajoute : « Les eaux s'étant débordées, » etc. — Bède.
Ce débordement arrive de trois manières : sous l'influence des esprits
immondes, par l'agitation des méchants, par le trouble de l'âme ou
de la chair ; plus les hommes mettent leur confiance dans leurs propres
forces, plus aussi leur chute est grande, et plus ils s'appuient sur la
pierre invincible, plus ils sont inébranlables.
S. Chrys. [hom. 25 sur S. Matth.) Notre- Seigneur nous enseigne
encore que la foi ne sert de rien si la vie est souiDée par des vices qui
Cyril, [ubi sup.) Quae autem sit utili-
tas in mandatorum observatione, quodve
damnum accidere possit ex inobediea-
tia ostendit, sabdens : « Omnis qui ve-
nit ad me et audit sermones meos, simi-
lis est ajdificanti domum suam supra
petram. » Beda. Petra Cliristns : fodil
in altum qui prseceptis humilitalis ter-
rena omnia de cordibus fidelium eruit,
ne proptei- commodum temporale ser-
viant Deo. Basil, {in jyrincipium Pro-
verbiorinn.) Ponere autem fundamen-
tum super petram, hoc est iuniti fidei
Christi; ut immobilis perseveret in ad-
ver?is, sive humanitus, sive divinitus
accidant. Beda. Vel fundamentum do-
mus ipsa intentio bonse conversationis,
quod perfectus auditor in adiinplendis
Christi mandatis firmiter inscrit. Ambr.
Vel omnium fundamentum docet esse
virtutum obedientiam cœlestium prœ-
ceptorum ; per quam domus hœc nostra
non profluvio voluplatum; non nequitiae
spiritualis inciirsu, non imbre mundano,
non hœreticorum possit nebulosis dis-
putationis commoveri. Unde sequilur :
« Inundatione autem facta, » etc. Beda.
Inundatio tribus modis fit : vel immun-
dorum spirituum; vel improborum ho-
minum; vel ipsa mentis aut carnis in-
quietudine; et quantum propriis viribus
homines fidunt, inclinantur; quantum
vero invictissimae illi petrœ adlieerent^
etiam labefactari uequeunt.
Chrys. {hom. 25, in Matth.) Ostendit
etiam nobis Domiuus quod nuUam pa-
rit fides utilitatem, si fœda sit conver-
satio. Unde sequitur : « Qui autem au-
DE SAINT LUC, CHAP. VI.
333
la déshonorent ; « Celui qui écoute mes paroles sans les pratiquer,
est semblable à un homme ijui bâtit sa maison sur la terre sans fon-
dement, » etc. — BEDE. Le monde qui est tout entier fondé sur le
malin esprit (I Jean^ \), est la maison du démon; il la bâtit sur la
terre, parce qu'il détourne du ciel pour les ramener vers la terre ceux
qui se rendent ses esclaves. Il bâtit sans fondement, parce que le
péché n'a pas de fondement, il ne subsiste pas en lui-même et par
sa propre nature; le mal, en efifet, n'a point d'existence propre,
c'est une négation, et de quelque manière qu'il arrive, il s'unit à la
nature du bien ; comme le mot fondement a pour étyraologie le mot
fond, on peut lui donner cette dernière signification; ainsi, de même
que celui qui tombe dans un puits s'arrête nécessairement au fond,
de même l'âme qui tombe dans le mal, s'arrête comme dans unespèce
de fond, si elle ne dépasse pas une certaine mesure dans le mal qu'elle
commet, mais lorsque, non contente du péché où elle est tombée, elle
fait tous les jours de nouvt;lles et plus lourdes des chutes, elle ne trouve
plus, pour ainsi dire, de fond qui l'arrête dans le puits où elle est
tombée. Ainsi les méchants et ceux qui n'ont que l'apparence du
bien, deviennent plus mauvais à cliaque tentation qui vient fondre
sur eux, jusqu'à ce qu'enfin ils tombent dans les châtiments éternels :
« Le torrent est venu fondre sur cette maison et elle est tombée aussi-
tôt, » etc. Pur ce fleuve qui se précipite avec violence, on peut en-
tendre les suites (lu jugement dernier, alors que l'une et l'autre de ces
deux maisons étant détruites, les impies iront à l'éternel supplice, et
les justes dans la vie éternelle. — S. Cvr. Ou bien encore, ceux-là
bâtissent sur la terre sans aucun fondement, qui posent sur le sable
mouvant du doute et des opinions humaines, le fondement de l'édi-
dierit, et non facit, similis est aedificanti
domum suani super lerram sine funda-
mento, » etc. Beda. Doiuus diaboli,
luundus qui in maligno positus est (I
Joan., 5); quam super terram œdificat,
quiaobsequentes sibi de cœlis ad terrena
trahit; sine fundamento œdificat, quia
orane peccaluiu fundanientum non ha-
bet, quia non ex propria natura subsis-
tit ; maUmi ([uippe sine substautia est ;
quod tauien quodcumjue fit, in boni
natura coalescit. Quia vero a fuudo di-
cilur fundamenlum, possunuis eliam
fundauientnui pro fundo positum non
inconvenienter accipere : sicut ergo qui
in puteuin mergitur, putei fundo reli-
netur, sic anima corruens quasi in quo-
dam fundi loco cousislit, sise in aliqua
peccati mensura continet ; sed cum
peccato in quod labitur, non potest esse
contenta (dum quutidie ad détériora
dejicitur), quasi in puteo in quem ceci-
dit, fuudum non invenit quo figatur.
Ingruente autem qualibet tentatione, et
vere mali et ficle boni pejores fiunt, do-
nec ad extremuni perpetuam labantur
in pœnam. Unde sequitur: « in quam
illisus est fluvius, » etc. Potest etiam per
impetum fluminis extremi judicii discri-
nien iiitelligi, quando utraque domo
consiunmala, ibunt impii in supplicium
aitcrnuin, justi autem in vitam œter-
nam. {Maltli., 25.) Cvril. [ubi supra.)
Vel super terram sine fundamento œdi-
ficant, qui super arenam dubietatis, quae
secuuduui opinionem est, ponuut fun-
334
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE DE S. LUC, CHAP. VI.
fice spirituel que quelques gouttes de tentations suffisent pour ren-
verser.
S. AuG. {de Vacc. des Evang.,u, 14.) L'exorde de ce long discours
du Sauveur est le même dans saint Matthieu et dans saint Luc :
a Bienheureux les pauvres. » La plupart des enseignements qui
suivent, sont également les mêmes dans les deux Evangélistes , et le
discours se termine absolument de la même manière, par la compa-
raison de l'homme qui bâtit sur la pierre ou sur le sable. Ou serait
donc autorisé à croire que saint Luc a rapporté ici le même discours
que saint Matthieu, en omettant certaines maximes que saint Matthieu
avait développées, pour en rapporter lui-même d'autres que saint
Matthieu avait omises ; mais on est arrêté par cette difficulté que, sui-
vant saint Matthieu, lorsque le Seigneur fit ce discours, il était assis
sur une montagne, taudis que d'après saint Luc, le Sauveur était
alors debout dans la plaine. Cependant il est probable que ces deux
discours eurent lieu à des époques peu éloignées, par la raison que les
deux Evangélistes placent immédiatement avant et après ce discours
des faits semblables ou même identiques. On peut aussi supposer que
Notre- Seigneur s'est tenu d'abord seul avec ses disciples sur la partie
la plus élevée de la montagne, lorsqu'il fit choix parmi eux des douze
Apôtres, et qu'il est ensuite descendu du sommet de la montagne dans
la plaine, c'est-à-dire, sur un plateau qui se trouvait à mi-côte et qui
pouvait contenir une grande multitude. C'est là qu'il s'est tenu de-
bout jusqu'à ce que la foule fût assemblée autour de lui, puis lorsqu'il
se fut assis, ses disciples s'approchèrent de lui, et c'est devant eux et
en présence de tout le peuple réuni, qu'il fit ce seul et même discours
qui est rapporté par les deux Evangélistes.
damenlum spiritualia fabricae , quod
paucsB stillœ tentationum dissiparunt.
AuG. (f/e Con. Evang., lib. ii, cap.
14.) Hune autem sermonem Domini
prolixum sic exorsus est Lucas, sicut et
Matthseus : uterque euim dixit : « Beati
pauperes : » deiude multa quœ sequun-
turin utriusqueuarratione, siuiilia sunt ;
et ad oxtremuoi sermouis ipsaconclusio
prorsus eadem reperitur ; scilicet de ho-
mine qui œdificat super petram, et su-
per arenaui. Posset ergo facillime credi
eunidem Lucas Domini interposuisse
sermonem; aliquas tauien prslei-misisse
senlentias, quas Matthœus posuit ; item
alias posuisse, quas Matthœus non dixit,
uisi moveret quod Mattliaeus iu monte
dicit habiLum sermonem a Domino se-
dente, Lucas autem in loeo campestri a
Domino stante : non tamen istos duos
sermones longa temporis distautia sepa-
rari hinc probabiliter creditur, quod ef
ante et postea qusedam similia vel ea-
dem ambo narrarunt : quanquam illud
possit occurrere, in aliqua excelsiori
parte moutis primo cimi solis discipulis
fuisse Dominum, quando ex eis illos
duodecim elcgit ; deinde cum eis des-
cendisse de monte (scilicet de ipsa montis
celsitudine) in campestrem locum, id
est, in aliquam aequaiitatem, quce in la-
tere montis erat, et multasturbas capere
poterat; atque ibi stetisse douée ad eum
turbse congregarentur ; ac postea cum
sedisset, accessisse propinquius disci-
pulos suos, atque illis cœterisque tur-
bis praesentibus , uuum babuisse sermo-
nem.
CHAPITRE VI.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
f. 1-10, —Comment Notre-Seigneur , après avoir fait connaître les obligations
de la vie chrétienne, enseigne la manière de les accomplir. — ComQîent con-
cilier ici le récit de saint Luc avec celui de saint Matthieu. — Par quels motifs
le Sauveur accorde aux anciens des Juifs l'objet de leur demande. — Pourquoi
consent-il à aller avec eux dans la maison du Centurion ? — Humilité du Cen-
turion.— Sa foi vive à la divinité du Sauveur. — Témoignage que Jésus-Christ
lui rend. — Notre-Seigneur met-il la foi du Centurion au-dessus de celle des
patriarches et des prophètes? — Comment le mérite du maître peut profiter
aux serviteurs. — Que représentent au sens mystique le Centurion, son servi-
teur, et les circonstances de sa guérison.
f. 11-17. — Pourquoi Notre-Seigneur veut-il être suivi par une grande mul-
titude en entrant dans la ville de Naïm ? — Comment Notre-Seigneur prépare
les esprits à la foi de la résurrection. — Pourquoi marche-t-il à la rencontre
de ce jeune homme qui était mort ? — Douleur de sa mère et compassion du
Sauveur, — Comment il nous apprend à nous consoler de la perte de ceux
qui nous sont chers, — Pourquoi opère-t-ii ce miracle en touchant le cer-
cueil? — Différence de cette résurrection d'avec celles qui ont été opérées par
les prophètes Elie, Elisée, etc, — Signes de la véritable résurrection de ce jeune
homme. — Insensibilité et ingratitude du peuple qui en fut témoin. — Diffé-
rentes résurrections que la sainte Ecriture rapporte avant la résurrection du
Sauveur. — Explication spirituelle des différentes circonstances de cette résur-
rection.— Que représente ce jeune homme , sa mère entourée d'une nom-
breuse multitude, etc.
f. 18-23. — Dans quelle intention les disciples de Jean apprennent-ils à leur
maître les miracles opérés par Jésus? — Dans quel dessein Jean députe-t-il
vers le Sauveur deux de ses disciples? — Dans quel sens faut-il prendre la
question qu'il fait adresser ati Sauveur? — Peut-on admettre qu'après avoir
proclamé Jésus celui qui efface les péchés du monde, Jean-Baptiste ne recon-
nut pas en lui le Fils de Dieu? — Pourquoi Jésus opère-t-il sous les yeux des
disciples de Jean un grand nombre de miracles? — Réponse dont il les charge
pour Jean-Baptiste. — Divers témoignages de sa divinité prédits par les pro-
phètes. — Explication si)irituelle de cette députation des disciples de Jésus-
Christ vers Jean.
t. 24-28. — Pourquoi Notre-Seigneur fait-il l'éloge de Jean-Baptiste après le
départ de ses disciples? — Témoignage rendu à la constance de ses convictions
et de ses sentiments, à l'austérité de sa vie. — Dans quel sens peut-on encore
entendre les vêtements dont il est ici question? — Pourquoi Jean-Baptiste est-
il plus qu'un prophète? — Témoignage rendu au saint Précurseur par les
prophètes eux-mêmes. — Rapports étroits de Jean-Baptiste avec Jésus-Christ.
— Comment il a préparé la voie au Seigneur. — Si Jésus-Christ est prophète,
comment Jean- Baptiste est-il plus grand que tous les prophètes? — (ienre de
vie de Jean-Baptiste. — Pourquoi encore est-il le plus grand de ceux qui sont
nés de la femme? — Aucune comparaison n'est possible entre Jean- Baptiste
et le Fils de Dieu. — Que faut-il entendre partes paroles : Celui qui est le
336 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
plus petit dans le royaume des deux est plus grand que Zm'?— Que signifient
ces mêmes paroles dans le sens accommodatif.
% 29-35. — Crime énorme des pharisiens qui n'ont pas voulu recevoir le bap-
tême de Jean. — Comment Dieu est justifié dans le baptême. — Comment
ceux qui ont cru ont justifié Dieu.— Quels sont ceux qui ont méprisé le conseil
de Dieu, et dont le Sauveur condamne ici la conduite. — Se garder de mépriser
le conseil de Dieu. — Explication de la comparaison des enfants auxquels
Notre-Seigneur assimile la génération présente des Juifs. — Pourquoi Notre-
Seigneur n'a pas voulu s'interdire l'usage des aliments. — Pouvait-on l'accuser
d'être un homme de bonne chère? — Comment la sagesse a été justifiée par
tous ses enfants.
f. 36-50. — Comment Notre-Seigneur établit par des faits la vérité précédente.
— Leçon qu'il donne à ceux qui se croient justes et se séparent des pécheurs
— Dans quel sentiment cette femme de mauvaise vie vient trouver Notre-
Seigneur. — Sa douleur et sa confusion. — Comment elle manifeste ces sen-
timents. — Comment elle offre à Dieu autant d'holocaustes qu'elle a trouvé
de jouissances en elle-même. — Elle devient plus vertueuse que les vierges. —
Orgueilleuse dureté et fausse justice du pharisien. — Considérations que doit
faire naître en nous l'état malheureux des pécheurs. — Notre-Seigneur se
trouve entre deux malades. — Explication de la comparaison des deux débi-
teurs.— Comment le pharisien est ici condamné par son propre aveu. —
Comment il arrive souvent que ceux qui sont se jetés à corps perdu dans le
mal, se livrent avec autant d'énergie à la pratique du bien. — Combien cette
pensée doit encourager les pécheurs. — La guérison de cette femme devient
pour ceux qui en sont témoins une cause de maladie. — Nouvelle grâce que
Notre-Seigneur ajoute pour cette femme à la rémission des péchés. — Conci-
liations des prétendues contradictions des évangélistes sur la femme qui a
répandu des parfums sur Jésus-Christ. — Explication mystique de ce fait évan-
gélique. — Que représentent le pharisien, la femme pécheresse, le parfum
qu'elle répand, etc. — Comment nous pouvons imiter sa conduite pénitente et
avoir part à la même abondance de grâces.
DE SAINT LUC, CHAP. Vil.
337
f. 1-10. — Après qu'il eut achevé tout ce discours devant le peuple qui l'écoutait,
il entra dans Capho.rnaûm. Or, un centurion avait un serviteur malade, qui
allait mourir, et qu'il aimait beaucoup. Ayant entendu parler de Jésus, il lui
envoya des anciens d'entre les Juifs pour le prier de venir guérir son serviteur.
Ceux-ci étant venus trouver Jésus, le priaient avec grande iyistance en disant :
Il mérite que vous lui fassiez cette grâce, car il aime notre nation, et il nous
a même bâti une synagogue. Jésus s'en alla donc avec eux. Il n'était plus loin
de la maison, lorsque le centurion envoya quelques-uns de ses amis lui dire :
Seigneur, ne vous donnez point tant de peine, car je ne mérite pas' que vous
entriiez sous mon toit. C'est pourquoi je ne me suis pas jugé digne de venir
vous trouver ; mais dites seulement une parole, et mon serviteur sera guéri.
Car moi, qui suis un homme soumis à la puissance d'un autre ; j'ai des soldats
sous moi, et je dis à l'un : Va, et il va; à un autre ; Viens, et il vient ; et
à mon serviteur : Fais cela, et il le fait. Ce qu'ayant entendu, Jésus fut dans
l'admiratioyi, et, se tournant vers la foule qui le suivait, il dit : En vérité, je
vous le dis, je n'ai pas trouvé en Israël même wie si grande foi. De retour à
la maison, ceux que le centurion avait envoyés trouvèrent le serviteur qui avait
été malade p)arfaitement guéri.
TiTE DE BosTR. Après avoir nourri ses disciples des leçons de la per-
fection chrétienne, Notre-Seigneur vient à Capharnaûm pour y opé-
rer des prodiges : « Après qu'il eut achevé tout ce discours, il vint à
Capharnaûm. » — S. Aug. [de Vacc. des Ev.., ii, 20.) Nous voyons
ici que le Sauveur n'entra dans Capharnaûm qu'après avoir terminé
son discours, mais l'Evangéliste ne dit pas quel temps s'est écoulé
entre la fin du discours et l'entrée de Jésus dans la ville, car c'est
dans cet intervalle que fut guéri le lépreux, dont saint Matthieu place
ici la guérison. — S. Ambr. Par un admirable rapprochement, Notre-
CAPTJT VU.
Cura aulem implesset unmia oerha sua in aures
plebis, intravit Capharnaûm. Centurionis au-
tem cujusdam servus , maie habens, erat mo-
riturus, qui illi erat preliosus. Et cum audis-
set de Jesu , rnisit ad eum seniores Judœorum,
rogans eum ut veniret, et salvaret servum
ejus. Al illi cum venissent adJesum, rogalant
eum sollicite, dicentes ei quia dignus est ut hoc
illi prœsles : diligil enim gentem nostram , et
synagogam ipse œdificavit nobis. Jésus autem
ibat cum illis. Et cum jam non longe esset a
domo, misil ad eum cenlurio amicos, dicens :
Domine, noli vexari : non enim sum dignus ut
sub lectum meum inlres ; propter quod et me-
ipsum non sum dignum arbitralus ut veni-
rem ad te; sed die verbo, et sanabitur puer
meus : nam et ego homo sum sub potestate
constitutus , habens sub me milites; et dico
huic : Vade, et vadit ; et alii : Veni, et venit;
et servo meo : Fac hoc, et facit. Quo audito,
TOM. V.
Jésus miratus est, et conversus, sequentibus se
turbis dixit : Amen dico vobis, nec in Israël
tantam fidem inveni. Et reversi, qui missi
fuerant , domum , invenerunt servum qui lan-
guerat, sanum.
Titus BosTRENSis. Cum perfectioribus
docunienlis suos refecisset discipulos,
vadit Capharnaûm, ibi prodigiosa ope-
raturus : unde dicitur : «Cum autem im-
plesset omnia verba hœc, iutravit in
Capharnaûm. )iAl'g. {de Cons. Evang.,
\\h. Il, cap. 20.) Hic intelligendum est
quia non antequam hœc verba termi-
nasset, intravit; sed non esse expressum
post quantum temporis iutervallum,
cum istos sermones terminasset, iutra-
verit Capharnaûm: ipso quippe inter-
vallo leprosus ille mundatus est, quem
suo loco Matthœus inlerponil. Ambr.
Pulchre autem ut)i praecepta complevit.
22
338
EXPLICATION DE l-'ÉVANGILE
Seigneur, après avoir fait connaître les obligations de la vie chré-
tienne, enseigne la manière de les accomplir ; en effet, on vient aussitôt
lui demander la guérison du serviteur d'un centurion : « Or, un centu-
rion avait un serviteur malade, » etc. L'Evangéliste ne s'est pas trompé,
en disant qu'il allait mourir; il serait mort en effet, si Jésus ne l'avait
guéri. — EusÈBE. Le Centurion était renommé par sa bravoure dans
les combats, et commandait une compagnie de soldats romains. Un de
ses serviteurs, attaché spécialement à sa personne, était tombé malade;
ce centurion, considérant la puissance que Jésus déployait pour
guérir d'autres maladies, et jugeant bien que ces miracles étaient
supérieurs aux forces de la nature humaine, envoie vers lui quelques-
uns des anciens des Juifs comme à un Dieu, sans être arrêté par les
dehors de l'humanité dont le Sauveur s'était revêtu pour entrer en
communication avec les hommes : « Ayant entendu parler de Jésus,
il envoya vers lui quelques-uns des anciens, » etc. — S. AuG. {de l'ace,
des Ev., II, 20.) Mais comment concilier ces paroles avec le récit de
saint Matthieu, où nous lisons : « Un centurion s'approcha de lui, »
puisqu'en réalité il ne vint point le trouver? En examinant sérieu-
sement cette difficulté, nous sommes amenés à conclure que saint
Matthieu s'est conformé ici au langage ordinaire ; si, en effet, on peut
dire qu'on parvient jusqu'à quelqu'un par le moyen d'autres per-
sonnes, à plus forte raison, on peut dire qu'on s'en approche par l'in-
termédiaire de ces mêmes personnes. Ainsi, quoique le centurion ait
député vers Jésus quelques-uns des anciens des Juifs, saint Matthieu
a pu dire, pour abréger, que le centurion s'était plus approché lui-
même de Jésus- Christ, que ceux qu'il avait chargés de sa requête,
car plus sa foi fut vive, plus aussi il s'approcha de Jésus. — S. Chrys.
formam docet suorum praeceptorum exe-
qui. Nam statim gentilis centurion is
servns Domino curandus offertur : unde
sequitur: « Centurionis autem cujus-
dam servus, .) etc. Qiiod moriturum
dixerit Evangelista non fefellit : moritu-
rus enim erat nisi fuisset sanatus a
Christo. EusEK. [in Cat. Grœcorum Pa-
trum.) Strenuus siquidera in bellis erat
iste centurio, et mllitibus Romanis prae-
fectus. Quia vero specialis serviens ejus
demi languens jacebat, considerans qua-
les Salvator ergacaeteros virtutes agebat
sanando languidos, etjudicans quodnon
secundum vires humanas hoec agebantur
miracula, mittit ad eum ut ad Deum,
non habito respectu ad apparens orga-
num que cum hominibus conversaba-
tur : unde sequitur : « Et cum audisset
de Jesu, misit ad eum seniores^ » etc.
AuG. [de Cons. Evang., lib. ii, cap.
20.) Quomodo ergo verum erit quod
Mattliseus narrât : « Accessit ad eum
quidam centurio, » cum ipse non acces-
serit ■? Nisi diligenter advertentes intel-
ligamus MatthcEum non deseruisse usi-
tatnm modum loquendi ; si enim ipsa
perventio usitate dicitur per alios fieri
quanto magis accessus per alios fieri
potest ? Non ergo absurde Matlhseus per
alios facto accessu centurionis ad Domi-
uum, compendio dicere voluit ipsum
potius accessisse ad Christum, quam illos
per quos verba sua misit; quia quo ma-
gis credidit, eo magis accessit. Chrys.
[hom. 27, in Mattli.) ()\\a\\[ov oliain
DE SAINT LUC, CHAP. VII. 339
{hom. 27 siœ S. Matth.) Comment concilier encore le récit de saint
Matthieu, où le centurion dit lui-même à Jésus : « Je ne suis pas
digne que vous entriez sous mon toit, » avec le récit de saint Luc, où il
prie Jésus de venir chez lui? Je réponds que saint Luc, à mon avis, a
voulu nous représenter les flatteries des Juifs. 11 est probable, en
efifet, que le centurion voulait aller lui-même trouver Jésus, et qu'il
en fut détourné par le langage flatteur des Juifs qui lui dirent : « Nous
irons et nous vous l'amènerons chez vous. » Voyez, en efî'et, comme
ils mêlent à la prière qu'ils font à Jésus, l'éloge du centurion : « Et
étant venus trouver Jésus, ils le prièrent avec grande instance en di-
sant : 11 mérite que vous lui fassiez celte grâce. » Ils auraient dû
bien plutôt dire : Il voulait venir vous trouver et vous prier lui-même,
mais nous l'en avons détourné en voyant son affliction et ce pauvre
malade étendu chez lui sur sou lit de douleur; ils auraient ainsi
fait ressortir la grandeur de sa foi. Mais ils se gardent bien de
tenir un pareil langage, ils ne voulaient pas faire connaître la foi de
cet homme, retenus par l'envie qui les dévorait, dans la crainte de
faire éclater la grandeur de celui à qui une semblable prière était
adressée. 11 n'y a du reste aucune contradiction entre ce que rapporte
saint Matthieu, que ce Centurion n'était poiut Israélite, et ce que
disent ici les anciens des Juifs d'après saint Luc : « Il nous a bâti ifne
synagogue, » car il pouvait bâtir une synagogue sans être du peuple
juif. — BEDE. Nous voyons ici que les Juifs appelaient synagogue,
comme nous appelons Eglise, non-seulement l'assemblée des fidèles,
mais encore le lieu où ils se réunissaient.
EusÈBE. Les anciens des Juifs demandent cette grâce pour le cen-
turion, en reconnaissance des sommes modiques qu'il avait pu donner
pour la construction fie la synagogue ; mais le Seigneur se rend à
MatthBBUs dicit quod ipse dixit: « Non
surii dignus ut intres sub tectum meum ;»
Lucas autein hic dicit, quoniain rogat
ut venit? Sed milii vidctur quod Lucas
siguifical uobis judaicas blaij(]ilia6 : cre-
dibile enini est ut cimi voUetaljire cen-
lurio, reiraheretur a Juda'is blandienli-
bns, et dicentibus quia nos eiuites addu-
cenius euni : unde et eoruni preces
adulationibns plenœsuut : sequitur eniui :
« Atilli cnm venissent ad Jesum, roga-
hant sollicite diceutes quiadignus est: »
(Iccebat siquideni ipsos dicere quoniam
ipse volebat \>^niro, et supplicare, nos
auteni detiuaimus euni, calaniitatem vi-
dontes, et cadaver quod in domo jace-
bat ; aut prouiere fidei ejus immensita-
tem ; sed nolebant propter invidiani
fuleni viri detegere, ne magnus aliquis
esse videretur cui preces porriguntur.
Quod autem Matthœus siguilicat ipsum
Israelitam non esse, Lucas vero dicit :
« Quouiam œdificavit synagogam, » non
est conlrariuiu : potuit eiiim et Judœus
non esse, et synagogam construxisse.
Bkda. In hoc autem ostenduiit quia si-
cut nos ecclesiam, sic eliani Wlisi/nafja-
(jum non conventum solummodo lide-
lium, sed etiam locum quoconveniebant,
sint sûliti appellare.
EusEB. Et seniores quidem Jnda;orum
pro modicis sumptibus ad opus syna-
gogae datis gratiam poscunt, sed DÔmi-
nus, non propter hoc, sed pro majori
3-40 EXPLICATION DE l.'ÉVANGILE
des motifs d'un ordre plus élov'', il veut eugendrer la foi dans le cœur
des hommes par la manifestation de sa puissance : « Jésus s'en alla
donc avec eux. » — S. Amur. S'il agit de la sorte, ce n'est point
qu'il ne piit guérir cet homme sans aller le trouver, mais parce qu'il
voulait nous donner un exemple d'humilité. Il ne voulut point aller
dans la maison de l'officier du roi qui l'en priait pour son fils, afin de
ne point paraître céder à l'influence de sa position et de ses richesses;
il consent ici à se rendre dans la maison du centurion, pour qu'on ne
pût supposer qu'il méprisait l'humble condition de son serviteur. Le
centurion, de son côté, dépose toute fierté militaire, plein de respect
et de foi, il s'empresse de rendre au Sauveur l'honneur qui lui est dû :
« Il n'était plus loin de la maison, lorsque le centurion envoya lui
dire : Ne prenez pas tant de peine, car je ne suis pas digne, » etc. Il
savait, en eflet, que ce n'était point par une puissance naturelle, mais
parla toute-puissance de Dieu que Jésus-Christ guérissait les hommes.
Les Juifs, en pressant Jésus de venir, avaient donné pour motif qu'il
était digne de cette grâce; le centurion se reconnaît indigne, non-
seulement du bienfait qu'il sollicite, mais encore de recevoir le Sei-
gneur : « Jii ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit. » —
S. Chuys. [hom. '27.) Aussitôt qu'il fut délivré de l'ennuyeuse impor-
tunité des Juifs, il envoie dire à Jésus : Ce n'est point par négligence
que je ne suis pas venu vous trouver moi-même, mais parce que je
me suis cru indigne de vous recevoir dans ma maison.
S. Ambr. Saint Luc rapporte que le centurion envoya ses amis à la
rencontre de Jésus, pour ne point paraître blesser par sa présence la
modestie du Sauveur, et provoquer sa bonté par cette démarche :
« C'est pourquoi, dit-il, je ne me suis pas cru digne d'aller moi-même
causa, voleus scilicel geuerare creduliLa-
tem in cunctis mortalibus per suam
virtuteru, seipsum exliibuit : unde se-
quitur : « Jésus autem ibat cum illis »
Ambr. Quod utique non ideo faciebat,
quia<absen3 curare non poterat, sed ul
forniam tibi daret humilitatis imitandae.
Ad reguli filium noluit pergere, ne vide-
conjecU dari a Ciiriàlo liomiuibus sani-
tatem. Judœi quidam dignilateni ejus
praetenderuut ; iste vero indignum se
asseruit, non solum beneficii, sed etiam
susceptionis Domini: «Non euiin dignus
suni, ut sub tectum meum intres. »
Chrys. {hom. 27 uf sup.) Poslquam eniui
liberatus est a Judœorum tsedio (vel
retur in reguli fdio magis diviliis detu- molestia), tune mittit dicens : « Ne putes
lisse: bic ipse perrexit, ne videretur in ' prae ttedio (vel prae negligeutia) nie non
cenlurionis faniiilo conditioneni despe- venisse, sed indignum me reputavi te
xisse servilem. Centurio vero militari , demi recipere. »
lumore deposito reverentiam sumit, et | Ambr. Bene autem Lucas in occursum
ad fidem facilis, et ad bonorificentiam j amicos dicit esse a centurione trans-
proniptus : unde sequitur: « Et ciim jam ; missos, ne prsesentia sua et gravare
non longe esset, misit ad eum dicens : Domini verecundiam videretur, et offi-
Noli vexari : non sum dignus, » etc. j cium officio provocasse : unde sequitur :
Non euim bominis, sed Dei potestate j « Propter quod et meipsum non sum di-
DE SAINT LUC, CHAP. VII. ' 341
VOUS trouver, tuais dites seulement une parole et mon serviteur sera
guéri. » — S. Chrys. {hom. 27 sur S. Matth.) Considérez quelle idée
juste et convenable le Centurion a du Seigneur, il ne lui dit pas :
Priez, mais : « Ordonnez, » et dans la crainte qu'il ne refusât par un
sentiment d'humilité, il ajoute : « Car moi qui suis soumis à la puis-
sance d'un autre, » etc. — Bède. Il déclare qu'il n'est qu'un homme
soumis à l'autorité du tribun ou du gouverneur, et que cep endant il
commande à d'autres qui sont au-dessous de lui; donc, à plus forte
raison, celui qui est Dieu, peut faire ce qu'il veut, non-seulement par
sa présence corporelle, mais encore par le ministère des anges ; car
c'est par la parole du Seigneur et par le ministère des anges, que les
maladies du corps devaient être guéries, et les puissances ennemies
mises en fuite.
S. Chrys. {de la nat. incompréhens. de Dieu, dise. 6.) Remarquons
encore que cette parole • « Faites, » exprime un ordre donné à un
serviteur; aussi^ lorsque Dieu voulut créer l'homme, il ne dit point à
son Fils unique : Faites l'homme, mais : « Faisons l'homme, » in-
diquant ainsi l'égalité de rang et d'honneur par cette parole de con-
seil et d'accord mutuel. C'est donc parce qu'il reconnaissait dans
Jésus-Christ la souveraine puissance, qu'il s'exprime de la sorte :
« Dites seulement une parole, car moi, je dis à mon serviteur, » etc.
Aussi Jésus, loin de le reprendre, le confirme dans cette pensée . « Ce
qu'ayant entendu, Jésus fut dans l'admiration. » — Bède. Qui donc
cuvait produit dans le centurion cette foi vive, si ce n'est celui-là même
qui l'admirait ; et quand un autre en eût été l'auteur, pourquoi cette
admiration dans celui qui connaissait par avance la foi de cet homme ?
Si donc le Seigneur se laisse aller à l'admiration, c'est pour nous
gnus arbitratus ut venirem ad te, secl die
tantum verbo, et saiiabitur puer meus.»
Chrys. {hom. 21, in Matth., ut supra.)
Ubi attende centurioûem dcbitam opi-
nionem habentem de Domino : non enira
dixit, ora, sed tantumuiodo, jubé, du-
bitans ne se humiliando renueret: sub-
dit : « Nam et ego homo suni sub po-
testate constitutus, » etc. Bed. Homi-
nem se ut poteslati, vel tribuni, vel pro;-
sidis subditum dicit, imperare tamen
minoribus : ut subaudiatur euni niulto
magis qui Dous sil, non per adventuin
tantum corporis , sed per angelormii
niinisteria posse implere quod vellet :
repelleiidae cnim erant vel infirniitalfs
cor[>orum, vel tortitudine» contrari.r,
et verbo Domini, et ministcriis angelo-
rum.
Chrys. (de incomprehensibili Dei na-
tnro,Orat. 6.) Est autem bic notandum
quod boc verbum, /V/r, imperium dési-
gnât dictum servo : ob boc Deus cum
bominem vellet creare, non ait unige-
nito : « Fac bominem, » sed, « faciamus
liominem, » ut per formam consensus
verborum, doclaret honoris aîquiparan-
tiam. Quia ergo in Cliristo cousiderabat
excellentiam dominii, ob hoc ait : « Die
verbo : Nam et ego dico servo rneo,» etc.
Christns autem non eum repreliendit,
sed ejus intentionem roboravit : unde
se(]uitu.- : « Quo audito, Jésus miratus
est. » Beda. Sed quis in illo fecerat ip-
sam fidem, nisi ille qui admirabatur ?
Sed etsi alius eam fecisset, quid mira-
retur, qui praîscius erat'? Quod ergo
miratur Dominas, nobis mirandum esse
342
EXPLICATION DR l'ÉVANGTLE
faire partager le même sentimeul, car toutes ces émotions de l'âme,
lorsqu'on les attribue à Dieu, ne sont point un signe de trouble inté-
rieur, mais une leçon salutaire qu'il nous donne.
S. Chrys. [hom. 27 sur S. Malth.) Pour vous rendre plus certain
que Notre-Seigneur, en parlant de la sorte, voulait instruire ceux qui
étaient présents, l'Evangéliste exprime clairement ce but en ajoutant ;
« Je vous le dis en vérité, je n'ai pas trouvé une si grande foi, même
en Israël. » — S. A^ibr. Si vous lisez : « Je n'ai trouvé chez personne
autant de foi dans Israël, » le sens est simple et facile, mais si vous
lisez selon le texte grec : « Je n'ai pas trouvé une si grande foi, même
dans Israël (1), » la foi de cet homme est mise au-dessus même des
élus et de ceux qui voient Dieu. — Bède. Notre-Seigneur ne veut
point parler ici de tous les patriarches et des prophètes des siècles
passés, mais des hommes du temps présent, dont la foi est mise bien
au-dessous de celle du centurion, parce qu'ils avaient reçu les enseigne-
ments de la loi et des prophètes, tandis que cet homme avait cru spon-
tanément, et sans avoir aucun maître. — S. Amb. En même temps
que le Sauveur donne des éloges à la foi du maître, il rend la santé
au serviteur : « De retour à la maison^ ceux que le centurion avait en-
voyés, trouvèrent le serviteur qui avait été malade, guéri. » Le mé-
rite du maître peut donc profiter aux serviteurs, non-seulement le mé-
rite de la foi, mais encore le zèle pour la vertu. — Bède. Saint
Matthieu s'étend davantage sur les circonstances de la guérison de ce
serviteur, au moment même où Jésus dit à son maître : « Allez, qu'il
vous soit fait selon ce que vous avez cru; » mais saint Luc a pour ha-
bitude d'abréger ou même d'omettre entièrement ce qu'il trouve suffi-
(1) Cette seconde variante se trouve aujourd'hui dans tous les exemplaires latins, la première ne
se lit que dans saint Ambroise.
significat : omnes enim taies motus cum
de Deo dicuûtur, non perturbât! auimi
signa sunt, sed docentis magistri.
Chrys. [hom. Ti, in Malth. ut sup.)
Ut autem liqueat tibi, quod Dominus
hoc ideo dixit ut alios instruat, pruden-
ter Evangelista lioc aperiens, snbdit :
« Amen dico vobis, nec in Israël tautam
fidem inveni. » Ambr. Et quidem si sic
legas : « In nullo tantam fidem inveni in
Israël, » simplex intellectus et facilisest;
si vero juxta Greecos : « Nec in Israël tan-
tam fidem inveni, » fides hujusmodietiam
electioribus et Deum videutibus antefer-
tur. Beda. Non autem de omnibus rétro
patriarchis et prophetis, sed de prœsen-
tis aevi loquitur hominibus ; quibus ideo
ceulurionis fides antefertur, quia illi le-
gis prophetarumque monitis edocti, hic
autem nemine docente sponte credidit.
Ambr. Probatur autem fides domini, et
servi sanitas roboratur : uude sequitur :
« Et reversi, qui missi fuerant, domum,
invenerunt servum qui languerat, sa-
uum. » Potest ergo meritum domini et
famulis sutfragari, non solum fidei me-
rito, sed et studio disciplinœ. Bed. PJe-
nius autem haec explicat Malthœus, quod
dicente Domino centurioni : « Yade,
sicut credidisti. fiât tibi, » sauatus sit
puer ex illa hora : sed beato Lucae mo-
ris est quae plane viderit ab aliis evan-
DE SAINT LUC. CHAP. VII.
343
samment exposé par les autres Evangélistes, et de développer lui-
même avec plus de soin ce qu'ils ont omis ou ce qu'ils n'ont fait
qu'indiquer.
S. Ambr. Dans le sens mystique, le serviteur du centurion repré-
sente le peuple des nations qui, enchaîné dans les liens de la servitude
du monde, en proie à la maladie mortelle de ses passions, attend sa
guérison de la miséricorde du Seigneur. — Bède. Le centurion, dont
la foi est mise au-dessus de la foi d'Israël, représente les élus d'entre
les Gentils, qui, entourés des vertus spirituelles comme d'une cohorte
de cent soldats, s'élèvent à une perfection sublime, car le nombre
cent, qui s'écrit de gauche à droite, figure ordinairement la vie cé-
leste. Il faut de semblables intercesseurs à ceux que l'esprit de servi-
tude tient courbés sous le joug de la crainte [Rom., vm); pour nous
qui avons embrassé la foi parmi les Gentils, nous ne pouvons aller
nous-mêmes au Seigneur, que nous ne pouvons voir dans sa chair,
mais nous devons nous approcher de lui par la foi. Députer vers Jésus
les anciens des Juifs, c'est conjurer les saints personnages de l'Eglise
qui nous ont précédés de vouloir bien être nos patrons^ et d'intercéder
pour nos péchés, en nous rendant le témoignage que nous prenons
soin d'édifier l'Eglise. L'Evangéliste fait remarquer que Jésus n'était
pas loin de la maison, parce (jue son salut est près de ceux qui le
craignent, et le fidèle observateur de la loi naturelle s'approche d'au-
tant plus de celui qui est bon par essence, qu'il pratique plus exacte-
ment le bien qu'il connaît. — S. Ambr. Le centurion ne veut pas qu'on
tourmente Jésus par des instances, parce que le peuple des nations
désire préserver de tout mal celui que le peuple juif a crucifié. Enfin
(dans un sens mystérieux), il vit que le Christ ne pouvait encore pé-
gelistis exposita, abbreviare: vel etiaiu
de industria praeterire : quae vero ab eis
oniissa, vel breviter cognoverit tacta,
dilucidarc solerlius.
Ambr. Mystice autem servo centurionis
populus nationum, qui luundanie servi-
tutis viuculis tenebatur, ajger leUialibus
passiouibu-, beneticio Domini sanaudus
expriniitur. Beda. Centurio autein cujus
fides Israeli prfefertur, electos ex gerili-
hus ostcndit ; qui .quasi centenario mi-
lite stipali virtutum spiritualium sunt
perfectioue sublimes. Numerus oiiim
centenarius ([ui de keva trausfiTlur ad
dexterani, in cœlestis vite signiticalione
poui coiisuevit. Taies ergo pro bis ne-
cesse est Domino supplicent, qui adhuc
spiritu servitutis in timoré premunlur ;
DOS autem qui de gentibus credimus,
non ipsi ad Dominum venire possumus,
quem incarne videre nonvalemus; sed
ad eum accedere debemus per fidem.
Seniores autem Judaeorum niittere, hoc
est summos Ecclesiœ vires qui nos ad
Dominum prœcesserunt, suppliciter ob-
secrando patronos acquirere; qui nobis
tcslinionium reddentes, quod Ecclesiam
œdificare curemus, pro nostris peccatis
intercédant. Pulchre autem dicitur quod
Jésus non longe erat a domo ; quia
jiropc limentes eum salutare ipsius; et
qui naturali lege recte utitur, quo bona
qua; n>vit operatur, eo illi qui bonus
est appropiat. Ambr. Non vult autem
Jesuni vexari centurio, quia quem Ju-
daeorum populus crucifixit, inviolatum
ab injuria manere desiderat pnpulus
nationum ; et (quod ad mysterium spe-
344 EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
nétrer dans le cœur des Gentils. — Bède. Les soldats et les serviteurs
qui obéissent au centurion, sont les vertus naturelles dont un grand
nombre de ceux qui viennent trouver le Seigneur, portent avec eux
la riche abondance.
Théophyl. Ou bien encore, ce centurion représente l'intelligence,
qui est comme le chef d'une foule d'actions mauvaises, chargée qu'elle
est en cette vie d'une multitude de choses et d'affaires qui l'absorbent
tout entier. Elle a pour serviteur la partie de l'àme qui est dépourvue
de raison (c'est-à-dire, la partie irascible et concupiscible) (1*). Elle
envoie vers Jésus des Juifs comme médiateur, c'est-à-dire, des pensées
et des paroles de confession et de louange (2), et elle obtient aussitôt
la guérison de son serviteur.
^. H -17. — // s'en alla ensuite dans une ville appelée Nairn, et ses disciples
l'accompagnaient avec une grande foule du peuple. Or, comme il approchait
de la porte de la ville, il se trouva qu'on portait en terre un mort, fils unique
de sa mère ; et celle-ci était veuve, et beaucoup de personnes de la ville
V accompagnaient . Le Seigneur l'ayant vue, fut touché de compassion pour
elle, et lui dit ; Ne pleurez point. Alors il s'approcha et toucha le cercueil,
{ceux qui le portaient s'arrêtèrent), et il dit : Jeune homme, je te le commande,
lève-toi. Aussitôt le mort se leva sur so)i séant, et commença à parler; et
Jésus le rendit à sa mère. Et tous furent saisis de crainte, et ils glorifiaient
Dieu, en disant : Un grand prophète a paru parmi nous, et Dieu a visité son
peuple. Et le bruit de ce prodige se répandit dans toute la Judée et dans tout
le pays d'alentour.
S. Ctr. Notre-Seigneur opère prodiges sur prodiges ; dans le miracle
{!*) Cette division de l'àme se trouve exposée dans le livre des Principes d'Origène, qui la rejette
parce qu'elle n'est pas fondée sur l'Ecriture.
(2) Allusion au mot Juda, qui veut dire en hébreu, confession.
clat) vidit in pectora adhuc Gentilium
non esse penetrabilem Christum. Bkda.
Milites autem et servi qui centurioui
obediunt, virtutes siiut naturales; qua-
rum copiam multi ad dominum venieu-
tes défèrent secum.
Theophylact. Vel aliter : centurio est
intellectus qui multorum in malitia
princeps existit, dum multas in bac vita
res babet (#eu mullis rébus vel negotiis
occupatur.) Habet autem servum, irra-
tionabilem animai partem (irascibilem
et coucupiscibilem dico.) Et mittit ad
Jesum mediatores Judaeos, id est, con-
fessionis cogitationes et verba, et con-
festim suscipit servum sanum.
£t factum est\: deinceps ibat Jésus in civitatem
quœ vocatur Naim, et ibant cum eo discipuli
ejus, et turba copiosa. Cum autem appropin-
quaret portée cioitatis , ecce defunctus effere-
batur filins unicus matris suœ; et hœc vidua
erat , et turba civitatis multa cum Ma : quam
cum vidisset Domitius, misericordia motus su-
per eam, dixit illi : Noli flere. Et accessit , et
tetigit loculum : hi autem qui porlabant, stete-
runt. Et ait : Adolescens, tibi d'co, surge. Et
resedit qui erat mortuus , et cœpit loqui, et
dédit illum matri sucé. Accepit autem omnes
timor, et magnificabant Deum dicenles , quia
propheta magnus surrexit in nabis , et quia
Deus visitavit plebem suam. Et exiit hic sermo
in universam Judœara de eo , et in omnem
circa regionem.
Cyril, [in Cat. Grœcorum Patriim.)
Mira Dominus miris annectit, et supra
quidem accersitus occurrit, bic vero non
DE SAINT LUC^ CHAP. VII. 345
précédent, il avait attendu qu'on vînt le prier, ici il vient sans être
appelé : « Il s'en alla ensuite dans une ville appelée Naïm. » — Bède.
Naim est une ville de Galilée, située à deux milles du mont Tbabor;
or, c'est par une permission divine que le Sauveur est suivi de cette
grande multitude , Dieu veut ainsi multiplier les témoins d'un si
grand miracle : « Et ses disciples l'accompagnaient avec une grande
foule de peuple. » — S. Grég. de Nysse. {Traité de Vâme et de la
résun^ection.) Le Sauveur prouve la vérité de la résurrection moins
par ses paroles que par ses œuvres. Il commence par des miracles
moins importants pour préparer notre foi à des prodiges plus écla-
tants, il essaie pour ainsi dire le pouvoir qu'il a de ressusciter, sur la
maladie désespérée du serviteur du centurion; puis, par un acte d'une
plus grande puissance, il conduit les hommes à la foi de la résurrec-
tion, en rendant à la vie le fils d'une veuve qu'on portait au tombeau :
« Comme il approchait de la porte de la ville^ il se trouva qu'on
portait en terre un mort, fils unique de sa mère. » — Tite de Bostr.
Ou avait pu dire du serviteur du centurion, que sa maladie n'était
pas mortelle; aussi, pour réprimer ce langage téméraire, Jésus marche
à la rencontre d'uu jeune homme qui était mort, fils unique d'une
veuve : « Et celle-ci était veuve, et beaucoup de gens de la ville l'ac-
compagnaient. » — S. Grég. de Nysse. (;de la créât. deVhomme.) (1)
Par ce peu de mots, l'Evaugélistc nous fait connaître le poids de la
douleur qui accablait cette pauvre mère. Elle était veuve, et ne pou-
vait plus espérer d'autres enfants, elle n'en avait aucun sur lequel elle
put reporter les regards de sa tendresse, à la place de celui qu'elle
venait de perdre ; il était le seul qu'elle eût nourri de son lait, lui seul
(1) Ou chap. 23 de la créatjon.
vocatus accedit : unde dicitur : « Et
factura est deiuceps ibat Jésus in civita-
tem Naim. » Bed. Naim est civilas Ga-
lilœa; in secundo milliario montis Tlia-
bor : divino autem uutu multa turba
Dominum comitatur, ut mulli essenl
tanti miraculi testes : unde sequitur :
« Et ibant cum illo discipuli ejus et
turba copiosa. » Qkeg. Nyss. {Tract,
(le anima et resurrectione post mé-
dium.) Uesurrectionis autem experimen-
lum non ita verbis, sicut operibus a
Salvatore didicinius, qui ah inferioribus
inchoans opus miraculi, fidem noslram
assuefacil ad majora : primo (juideiti in
K>^'riludiuf' desporata servi centurionis,
resurreclionis incepil potcslalem : posl
hœc ailiori poleslate ducit homines ad
fidem résurrection is, dum suscitavil fi-
lium vidufe, qui ferebatur ad monumen-
tum : unde dicitur : « Cum autem ap-
propinquaret, ecce defunclus efferebatur
filius unicus matris suaî. » Titus bosr.
Uicit enim aliquis de puero centurioni.^,
quod moriturus non erat : ut igitur
temeriam linguam compesceret , jam
defuncto juveni Christum ob^'iamire fa-
tetur, \mico filio viduae : nam sequitur :
« Et hœc vidua erat, et turba civitulis
multa cum illa. » Grkg. Nyss. {de /lo-
minis opificio). ^-Erumnœ molem brevi-
bus verbis explicuit : mater vidua erat,
et non sperabat ulterius filios pro-
creare; non habebal in (piem aspcclum
dirifjerct vice defuncti 3 liunc solum
iactaverat, solus aderat alacrilalis causa
346
EXPLICATION DR LEVANGILE
était la joie de sa maivSou, lui seul était toute sa douceur, tout son
trésor. — S. Cïr. Une si juste douleur était bien digne de compas-
sion et bien capable d'attrister et de faire couler les larmes : « Le Sei-
gneur l'ayant vue, fut touché de compassion pour elle, et lui dit : Ne
pleurez point. » — Bède. C'est-à-dire, cessez de pleurer comme mort
celui que vous allez voir ressusciter plein de vie. — S. Chrys. {ou
Tite dans la Ch. des Pèr. gr.) En disant à cette femme : « Ne pleurez
pas, » celui qui console les affligés nous apprend à nous consoler de
la perte de ceux qui nous sont chers, par l'espérance de la résurrec-
tion; cependant il touche le cercueil comme la vie qui va à la ren-
contre de la mort : « Et il s'approcha et toucha le cercueil, » etc. —
S. Cyr. Il n'opère point ce miracle par sa seule parole, mais il touche le
cercueil et vous fait ainsi comprendre l'efficacité toute-puissante du corps
sacré de Jésus-Christ pour le salut des hommes; c'est en effet un corps
plein de vie et la chair du Verbe tout-puissant dont il a toute la vertu.
De même, en effet, que le fer pénétré par le feu, produit les effets du
feu ; ainsi la chair étant unie au Verbe qui vivifie toutes choses, se pé-
nètre elle-même d'une puissance vivifiante qui chasse la mort. —
TitedeBostr. Le Sauveur ne ressemble point ici au prophète Elie, qui
pleure le fils de la femme de Sarepta (III Rois^ xvii), ni au prophète
Elisée, qui étendit son corps sur le cadavre du fils de la Sunamite
(IV Rois^ iv) , ni à l'apôtre saint Pierre, qui prie Dieu de rendre la
vie à la pieuse Thabitha {Actes, ix); mais il est celui qui appelle ce
qui n'est pas comme ce qui est {Rom., iv), et qui peut faire entendre
sa parole aux morts aussi bien qu'aux vivants : « Et il dit : Jeune
homme, je te le commande, lève-toi. » — S. Grég. de Nysse. En
l'appelant «jeune homme, » Notre- Seigneur nous apprend qu'il était à
in domo; quicquid matri dulce ac pre-
tiosum, hic solus extiterat. Cyril, {ubi
Slip.) Miseranda passio et ad fletum et
ad lacrymas potens provocare : uude
sequitur : « Quam cum vidisset Domi-
nus, misericordia motus super eam,
dixit illi : Noli flere. » Bed. Quasi dicat :
« Désiste quasi iiiortuum flere, queiu
mox vivum resurgere videbis. » Chrys.
(vel Titus in Cat. Grseconim Patnim.)
Jubens autem cessare a lacrymis qui
consolatur mœstos, monet nos prœseu-
tibus defunctià coosolationem recipei'e,
resurrectionem sperantes : lenet auteiu
feretrum vita obvians morti uude se-
quitur : « Et accessit , » etc. Cyril.
[ubi supra.) Ideo autem, non solum
verbo peragit miraculum, sed et fere-
trum tangit, ut cognoscas efficax esse
sacrum Christi corpus ad humauam
salutem; est enim corpus vitae et caro
Verbi omnipotentiscujus habet virtutem :
sicut enim ferrum adjunctum igni perfi-
cit opus iguis, sic postquam caro unita
est Verbo quod vivificat omnia, ipsa
quoque faclaest vivificativa etmortis ex-
pulsiva. TiT. BosT. Non autem Salvator
similisest Eliae defleuti iîlium Sareptanae
(III Reg., 17) nec qualis Eliseus, qui
proprium corpus applicavit corpori de-
fuucti (IV Reg., 4), nec qualis Petrus,
qui pro Thabita oravit {Àct., 9), sed
ipse est qui non entia velut entia vocat
(Rom., 4), qui mortuos ut vivos alloqui
polest: unde sequitur: « Etait: Ado-
lescens, » etc. Greg. Nyss. (ut sup.)
Qui dixit adolescentem, florentis signi-
ficavit temporis horam primam produ-
DE SAINT LUC, CHAP. VU. 347
la fleur de l'âge, dans la première jeunesse. Il y a quelques heures
encore, il était la joie et le bonheur des regards de sa mère, peut-être
déjà il soupirait après le temps, où uni à une tendre épouse, il de-
viendrait le chef de sa famille, la souche de sa postérité, et le bâton
de vieillesse de sa mère.
TiTE DE BûSTR. Ce jeune homme obéit aussitôt à l'ordre qui lui est
donné, et se lève sur son séant, car rien ne peut résister à la puis-
sance divine, elle ne souffre aucun retard, elle n'a besoin d'aucune
instance : « Aussitôt le mort se leva sur son séant et commença à
parler, et Jésus le rendit à sa mère. » Ce sont là les signes d'une vé-
ritable résurrection, car un corps privé de la vie n'a point l'usage de
la parole, et d'ailleurs cette femme n'eût point ramené dans sa maison
le corps de son fils mort et inanimé. — Bède. L'Evangéliste suit un
ordre admirable en nous représentant d'abord le Sauveur, touché de
compassion pour cette pauvre mère, et puis rendant son fils à la vie ;
il nous donne ainsi d'un côté l'exemple de la compassion que nous
devons imiter, et de l'autre, un motif de croire à sa puissance toute
divine; aussi ajoute-t-il : « Tous furent saisis de crainte, et ils glo-
rifiaient Dieu, » etc. — S. Cyr. Ce prodige surprenant se fit au milieu
d'un peuple insensible et ingrat, quelques jours à peine s'étaient pas-
sés, et ils ne croyaient plus que Jésus fût un prophète, ni qu'il eût
été envoyé pour le salut du peuple juif. Cependant ce miracle fut
connu de tous les habitants de la Judée : « Et le bruit de ce prodige
se répandit dans toute la Judée , et dans tout le pays d'alentour. »
S. Max. (I) Il est bon de remarquer que la sainte Ecriture rap-
porte sept résurrections avant celle du Seigneur. La première est
(1) Ce n'est point ici saint Maxime, évêque de Turin, mais saint Maxime, abbé et martyr.
centem lanugioem ; qui paulo aute
suavis et pretiosus erat niaternorum
oculorum aspeclui, jam spirans ad tem-
pus sponsalium, virfia generis, succes-
sionis ramus, baculus senectutis.
Titus Bostr. Incunctanter autem
erectus est , cui sunt niauiiata di recta :
divina eriiin potestas est irrefragabilis;
niiUa mora , nulla orationuin iojtaatia :
uude sequitur : « Et resedit qui erat
niortuus, et cœpit loqui; et dédit illura
niatri suae : » indicia sunt hrec verœ re-
surrectionis : corpus enim exanime
loqui non potest; nec reporlasset luulier
ad douiuin defunctuni tiliuiii et iuani-
inatiiiii. Bed. Piilchre auteiii Evangelista
Domiuum prius misericordia motuoi
esse super matre^ ac sic filium resusci-
tare testatur; ut in uno nobis exemplum
imitandae pietatis ostenderet , in altero
fideni mirandae potestatis astrueret :
unde sequitur : « Accepit autem omnes
timor , et magnificabant Deuui, » etc.
Cyril, (uù snp.) Hoc magnum fuit in
populo insensibili et ingrato : post mo-
dicum enim nec prophetam esse , nec
ad utilitatem populi procédera ipsum
existimavit. Neminem autem habitan-
lium Judaeam lioc miraculum latuit :
unde sequitur : « Et exiit hic sermo in
universam Judaeam, » etc.
Maxim, [in Cat. Grwcorum Pafrum.)
Idoneum autem est dicere quod septem
resurrectiones ante dominicam narrait-
348
EXPLICATION DFC L EVANGILE
celle du fils de la veuve de Sarepta (III Rois, xvii); la seconde, celle
du fils de la Sumanite (IV Rois, iv) ; la troisième, celle qu'opéra le
corps d'Elisée (IV Rois, m) ; la quatrième, celle du fils de la veuve de
Naïm {Luc, vu) ; la cinquième, celle de la fille du chef de la synagogue
{Marc, v) ; la sixième, celle de Lazare {Jean, xi) ; la septième, celle
qui eut lieu au temps de la passion du Sauveur, alors que les corps
d'un grand nombre de saints ressuscitèrent. La huitième est celle de
Jésus-Christ, qui, vainqueur à jamais de la mort, vit pour ne plus
mourir, et pour signifier que la résurrection générale qui aura lieu
au huitième âge du monde, ne sera plus sujette à la mort, mais sera
suivie d'une vie éternelle.
BEDE. Ce mort qui ressuscite, hors des portes de la ville, sous les
yeux d'une grande multitude, représente l'homme plongé dans le
sommeil de ses fautes mortelles, et la mort de l'àme, qui ne reste plus
cachée dans rintérieur du cœur, mais qui se produit au dehors, et
(jui, par ses paroles et par ses œuvres, s'expose aux regards de tous,
comme aux portes d'une ville, car chacun des sens de notre corps
peut être considéré comme la porte d'une ville. C'est avec raison que
l'Evangéliste fait remarquer que ce jeune homme était fils unique,
parce que l'Eglise, bien que composée d'un grand nombre de per-
sonnes, ne fait cependant qu'une seule mère; et toute âme qui se sou-
vient d'avoir été rachetée par la mort du Seigneur, sait que l'Eglise
est veuve. — S. Ambr. Cette veuve qui est entourée d'une multitude
de peuple, est à mes yeux plus qu'une femme, elle qui a mérité d'ob-
tenir par ses larmes la résurrection de son fils unique. Ainsi l'Eglise
rappelle à la vie le peuple le plus jeune du milieu des tristes solen-
nités de la mort, et on lui défend de pleurer celui qui doit bientôt res-
tur : quaruui prima est iîlii Sareptanœ
(III Reg., 17); secunda filii Sunamitis
(lY Beg., 4); tertia quae facta est in re-
liquiis Elisei (IV Reg., 3;; quarta quae
facta est in Naim, ut liicdlcitur; quinta
filise archisynagogi , [Marc, o); sexta
Lazari {Joan., 11); septima in Cbristi
passione, multa namque corpora sanc-
torum surrexerunt {Matth., 27) ; octava
est Cbristi , qui expers mortis remansit
ulterius in signum quod oommunis re-
surrectio quse futuraest in octava aetate,
non toUetur morte , sed iudissolubilis
permauebit.
Beda. Defunctus autem , qui extra
portam civitatis multis est intueutibus
elatus , significat liominem letbalium
funere crimiaum soporatum, et aaimœ
mortem, non cordis adbuc cubili tegen-
tem, sed ad multorum uotitiam per lo-
cutionis operisve indicium (quasi per
civitatis ostia) propalantem. Portam enim
civitatis puto aliquem de sensibus esse
corporalilius; qui beue fîlius uniciis
matris sux dicitur, quia una est ex mul-
tis personis collecta mater , Ecclesia :
viduam aulcui esse Ecclesiam omnis
anima quae se Domini morte redemptam
memiuit, agnoscit. Ambros. Hanc enim
viduam populorum turba circumseptam
plus video esse quam femiuam, quae
resurrectionem unici adolesceutis filii
suis lacrj'mis ineruerit impetrare; eo
quod Ecclesia populum juuiorem a
pompa funeris revocat ad vitam , sua-
rum contemplatione lacrymarum : quse
DE SAINT LUC. CHAP. VII,
349
susciter. — Bède. Ainsi se trouve confondue l'erreur des novatieus,
qui, eu voulant détruire la purification des pécheurs repentants, nient
par la même que l'Eglise, notre mère^ qui pleure la mort spirituelle
de ses enfants, doive être consolée par l'espérance de leur rendre
la vie.
S. Ambr. Ce mort était porté dans son cercueil par les quatre élé-
ments terrestres; mais il avait l'espérance de ressusciter parce qu'il
était porté dans le bois. Ce bois jusque-là ne nous était d'aucune uti-
lité, mais dés que Jésus-Christ l'eut touché, il devint un instrument
de vie, et le signe du salut que le bois de la croix devait apporter à
tous les peuples. Nous sommes étendus sans mouvement et sans vie
dans le cercueil, lorsque le feu d'une passion violente nous con-
sume , ou lorsque les eaux de l'indififérence nous submergent ,
et que la vigueur de notre âme se trouve comme émoussée et appe-
santie par le poids de ce corps terrestre. — Bède. Ou bien encore, le
cercueil dans lefjuel ce jeune homme est porté, c'est la conscience
toujours alarmée du pécheur désespéré; ceux qui le portent au tom-
beau sont les désirs impurs ou les flatteries des amis qui s'arrêtent
aussitôt que le Seigneur touche le cercueil; souvent, en effet, la con-
science que touche la crainte des jugements de Dieu, rejette les vo-
luptés charnelles et les louanges injustes, rentre en elle-même, et
répond au Sauveur qui la rappelle à la vie. — S. Ambr. Si donc vous
êtes coupable d'une grande faute que vous ne puissiez laver dans les
larmes de la pénitence, recourez aux larmes de l'Eglise votre mère,
que l'assemblée des fidèles vous aide aussi dans ce pieux travail, et
vous sortirez du tombeau, et votre bouche s'ouvrira de nouveau à des
paroles de vie, et tous seront saisis de crainte (car l'exemple d'un seul
flero prohibetur eum cui resurrectio
debebatar. Beda. Vel Novati domina
coiifuudilur, liai dum pœaileiitimn
imindationeni evacuare conalur, matrem
Kcdesiain de natorum suoruni spirituali
exlinctione ploraiitein , spe vilaj red-
dendre iicRat consoluri tlebere.
Ambr. Hic autera morluus iii loculo
inaterialibu.^ f[uatuor ad sepulcrura
fercbatur elriinenlià; sed spem rcsur-
)iendi baliebat, quia ferebalur in lii,'uo ;
qiiod ctsi iiobis aiitc nou proderat,
Uimen posteaquani Clirislus id telif^it,
proficere cœpit ad vitaui; ut esselindicio
saluteui po\)ulo pcr crucis patibulum re-
fundendaïu. In feretro enim jacemus
exaniuies, cuui vei if^nis iramodi(;;e cu-
piditalis exaestuat, vel frigidus bumor
exundat, et pigra quadam terreni cor-
poris babitudine vigor hebetatur ani-
niui'uui. Beda. Vel loculus in quo inor-
tuus elîerliir, mule secura de^^perati pec-
catoris couscientia est; qui vcro sepe-
lieuduui portant , vel immuuda deside-
ria, vel blandimenta sunt sociorum, qui
Domino loculuni tangente steterunt;
quia superni formidine judicii tacta
conscientia, caruales sœpe voluptates et
injuste laudantes coerceus ad se reverli-
tur, vocantique ad vitam respondet Sal-
vaton. Ambr. Si ergo grave peccatum
est, quod pœnitenliai tuœ lacrymis ipse
lavare non possis , fleat pro te mater
' Ecclesia; assistât et turba; jam resur-
ges a funere , et incipies vitalia loqui :
1 timebunt omnes (unius enim exemple
350 RXPLICATTON HK I. ÉVANGILE
est profitable à tous ceux qui en sont témoins), et ils loueront Dieu
qui nous a donné de si grands moyens d'éviter la mort. — Bède.
ainsi Dieu a visité son peuple, non-seulement lorsqu'il l'a incarné une
fois dans un corps mortel, mais lorsqu'il ne cesse de l'envoyer dans
les cœurs.
Théophyl. Par cette veuve, vous pouvez aussi entendre l'âme qui a
perdu son époux, c'est-à-dire la parole diviue ; son fils qui est emporté
hors de la ville des vivants , c'est l'intelligence; le cercueil, c'est son
corps que plusieurs ont appelé un sépulcre. Or, aussitôt que le Sei-
gneur le touche^ il le relève, il rend la vie et la jeunesse à celui qui
sort du péché et commence à parler et à instruire les autres ; car avant
sa résurrection on n'eût point ajouté foi à ses paroles.
f. 18-23. — Les disciples de Jean lui ayant annoncé toutes ces choses, il en
appela deux, et les envoya vers Jésus pour lui dire : Etes-vous celui qui doit
venir, ou devons-nous en attendre un autre? Etant donc venus trouver Jésus,
ces hommes lui dirent : Jean-Baptiste nous a envoyés vers vous pour vous
demander. Etes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un
autre ? [A cette heure même, Jésus guérit un grand nombre de personnes
affligées de ynaladies et de plaies, et les délivra des malins esprits qui les
possédaient, et il rendit la vue à plusieurs aveugles. Alors, il répondit aux
envoyés) : Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles
voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent,
les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés ; et bienheureux quiconque
ne se scandalisera pas de moi !
S. Cyr. {Ch. des Pèr. gr.) Quelques-uns des disciples de Jean rap-
portèrent au saint Précurseur le miracle qu'avaient appris tous les
habitants de la Judée et de la Galilée : « Cependant les disciples de
omues corriguntur.) Laudabunt etiam
Deum qui tanta nobis remédia vitandœ
Jiiortis induisit. Beda. Visitavit autem
Deus plebem suam , nou soluin semel
Verbum suum incorporando, sed sem-
per in corda mittendo.
Theopuylact, Viduam etiam potes
intelligere auimam virum amittentem,
id est, divinum sermonem : tilius ejus
bus /lis. Et convocavit duos de discipulis suis
Joannes , et inisit ad Jesum, dicens : Tu es
qui venturus es, an aliuni expectamus ? Cum
autem venissent nd eum viri, dixerunt : Joan-
nes Baptista misit nos ad te dicens : Tu es gui
venturus es, an alium expectamus? In ipsa
autem Iiora miiltos curavit a languoribus suis,
et plagis, et spiritibus malis; et cœcis multis
donavit visum : et respondens , dixit illis :
Euntes renuntiate Joanni quœ audistis et vidis-
,.,,,. . • i 4 if \ tis : guta cœct vident, claudi ambulant, le-
est mtellectus, qui exira civitatem elier- ■ j , j- j- ,
' ; . prosi mundantur, surdi audiunt , mortui re-
lur viventmm. Loculus ejus est corpus surgunt, pauperes evangelizantur, et beatus
ejus, quod quidam dixerunt esse sepul- i est quicunque non fuerit scandalizatus in me.
crum : taugeus autem eum Dominus éle-
vât ipsum, juveuescere faciens eum qui Cyril, (m Cat. Grœconim Patrum.)
surgeus a peccato incipit loqui et alios Miraculum quod omnes inl^bitantes
edocere : non enim prius ei crederetur. JudEeam et Galilœam sciverant, referunt
sancto Baptistse quidam ex ejus discipu-
Et nuntiaverunt Joanni discipuli ejus de omni- I lis : unde sequitur : « Et uuatiaverunt
DE SAINT LUC, CHAP. VII.
351
Jean lui ayant annoncé, » etc. — Bède. Ce ne fut pas , je pense _, dans
une intention bien droite, mais par un sentiment de jalousie; car
nous les voyons ailleurs se plaindre de Jésus en ces termes : « Maître,
celui qui était avec vous au delà du Jourdain , et auquel vous avez
rendu témoignage, voilà qu'il baptise, et que tous vont à lui. » {Jean, m.)
— S. Ch'rys, C'est surtout lorsque la nécessité nous presse , que nous
devons nous élever jusqu'à Jésus, c'est pour cette raison que Jean,
retenu dans les fers, envoie ses disciples à Jésus, alors qu'ils en avaient
un plus grand besoin : «Jean-Baptiste appela deux de ses disciples, et
les envoya vers Jésus pour lui dire : « Etes-vous celui qui doit ve-
nir, » etc. — BÈDE. Il ne dit pas : Etes-vous celui quiètes venu ? mais :
« Etes-vous celui qui doit venir? » c'est-à-dire : Je suis sur le point
d'être mis à mort par Hérode, et de descendre aux enfers (1*), faites-
moi donc savoir si je dois annoncer votre arrivée dans les enfers,
comme je l'ai annoncée sur la terre , ou bien si cette mission ne con-
venant pas au Fils de Dieu, vous devez en envoyer un autre pour l'ac-
complissement de ce mystère. — S. Cyr. Mais cette explication doit
être entièrement rejetée; nulle part, en effet, nous ne lisons dans les
saintes Ecritures que Jean-Baptiste ait annoncé la venue du Sauveur
aux babitants des limbes. Il est vrai aussi de dire que le saint Pré-
curseur connaissait toute l'étendue du mystère de l'incarnation du
Fils de Dieu ; il savait donc, entre autres cboses , qu'il devait porter
la lumière à ceux qui babitaient les enfers (2), puisqu'il est mort pour
(1') Le mot enfer est pris ici dans le même sens que dans le symbole pour les limbes dans
lesquelles les âmes des justes morts avant la venue du Christ, attendaient leur rédemption par le
Sauveur du monde.
(2) Il ne s'agit pas ici des réprouvés que Jésus-Christ aurait délivrés par sa mort de leur damna-
tion actuelle, mais des justes qui se trouvaient dans les limbes et que Notre-Seigneur devait con-
duire au ciel: quoiqu'on puisse^ dire aussi dans un autre sens, que le Sauveur est mort pour les
réprouvés en ce sens qu'il leur a mérité les grâces nécessaires pour éviter la damnation.
.loanui, » etc. Beda. Non simplici corde,
ut opiner, ser] invidia stimulante : nam
et alibi conquerunlur diccntcs [Jocni.,
3): «Rabbi, qui erat tecuni trans Jor-
danem, ecce hic baptizat, et omnes ve-
niunt ad euiii. » CnRYS. {in Cot. Grœco-
rnm Patrum.) Tune autem niagis ad
i;uni eriginiur, cuni incuuibil nécessi-
tas : et ideo Joaniies detrusus in carce-
reni, quaiido magis discipuli ejus indi-
gebant Jesu, tune miltit eos ad Chris-
tum. Seijuilur enini : « Kt convocavit
duos de discipulis suis Joannes, et niisit
eos ad Jesuni dicens : Tu es qui
venturus , » etc. Bed. Non ait : « Tu es
qui venisf.i, » sed. « tu es qui venturus
es: » et est seusus : Manda niihi, qui
interfîcieudus ab Herode et ad inferna
descensurus sum, utrum te et inferis
debeam nuntiare qui superis nuntiavi,
an lioc non conveniat Filio Dei et
aliura ad ha;c sacrameuta missurus es ?
Cyril, [ubi supra.) Sed oinnino repro-
banda est lalis opinio : iiusquani enim
reperimus sacrain Scriiilurani disserere,
quod iufernalibus prœnunliavcrit Baptista
Joannes Salvatoris adventuni. Illud
f.'tiam verum est dicere quod non igno-
ravit Baptista virtutem luysterii incar-
nalionis unigeniti : unde et hoc cum
aliis noverat, quod illuuiinaturus erat in
inferno manentes, cum pro omnibus
352 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
tous les hommes, aussi bieu pour les morts que pour les vivants. Mais
comme les oracles de la sainte Ecriture avaient prédit qu'il viendrait
comme chef et comme Seigneur, et que les autres avaient été envoyés
comme de simples serviteurs avaut la venue du Christ, le Sauveur et
le Seigneur de tous les hommes est appelé par les prophètes : « Celui
qui vient, » ou « celui qui doit venir , » comme dans ce passage des
Psaumes : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. » [Ps. cxvii),
et dans cet autre du prophète Habacuc : « Encore un peu de temps,
et celui qui doit venir , viendra sans tarder. » {Babac. , ii.) Jean-
Baptiste emprunte donc cette manière de parler à la sainte Ecriture,
et envoie quelques-uns de ses disciples pour demander à Jésus s'il est
celui qui vient, ou qui doit venir.
S. Ambr. Mais comment peut-il se faire qu'après avoir proclamé
Jésus celui qui efface les péchés du monde, Jean-Baptiste ne reconnut
pas encore en lui le Fils de Dieu? car, ou c'est une témérité impardon-
nable que d'attribuer sans raison les attributs de la divinité à celui
qu'il ne connait pas, ou c'est une coupable infidélité que de douter
qu'il soit le Fils de Dieu. Quelques-uns ont vu dans Jean-Baptiste un
grand prophète éclairé d'en haut, pour reconnaître le Christ; mais
sans admettre que le doute soit entré dans son esprit , ils ont supposé
que par un sentiment de pieuse affection , il avait cru que celui qu'il
avait annoncé, ne serait pas sujet à la mort. Ce n'est donc point l'in-
crédulité , mais son amour pour le Sauveur qui est la cause de ce
doute ; c'est ainsi que nous voyons saint Pierre dire à Jésus-Christ :
« A Dieu ne plaise. Seigneur, cela ne vous arrivera,point. » {Matth., xvi.)
— S. Cyr. {Très., liv. ii, chap. 4.) Ou bien, c'est avec un dessein par-
ticulier que Jean-Baptiste fait cette question. Il connaissait, en effet,
comme précurseur^ le mystère de la passion du Christ; mais il vou-
gustaverit mortem tam vivis quam mûr- de quo dixeiat : « Ecce qui toUil pec-
tiiis : sed quoaiam sermo sacra; Scrip- cata mundi,» adhuc eum Dei Filium
turoe huuc quidem prœdixit veuturuiu ' esse non crederet? aut enim insolentiae
tanquam ducem et Dominum, alii vero , est ei tribuere divina quem nescit; aut
uiissi suut sicut famuli ante Christum,
ideo omnium Salvator et Dominus a
prophetis nominabatur, « qui venit, »
vel, « qui venturus est, » secuudiim
illud {l'sal. in) « Benediclus qui veuit
m Domine Domiui ; » et in Abacuc 2 :
« Post modicum qui venturus est, veniet
et non tardabit. » Igitur divinus Bap-
tista quasi nomen accipiens a sacra
Scriptura, misit quosdam discipulorum
suorum quaesituros an ipse sit « qui ve-
nit, » vel « qui venturus est. »
Ambros. Sed quomodo fieri posset, ut
de Dei Filio dubitasse perfidiae est.
NonnuUi autem de ipso Joanne intelli-
gunt, magnum quidem itapropbetam ut
Christum asçuosceret; sed tamen non
tanquam dubium , sed tanquam pium
vatem, quem venturum crediderat, non
credidisse morilurum. Nou iiiilur fide,
sed pielate dubitavit; sicut et Petrus
dicens [Malth., 16) : « Propitius tibi
esto, Domine, non fiet boc. » Cyril, {in
Thesauro, lib. ii, cap. 4.) Vel ex dis-
pensatione interrogat : noverat enim (ut
prsecursor) passionis Christi mysterium ;
DE SAINT LUC, CHAP. VII. 353
lait que ses disciples apprissent par eux-mêmes l'excellence du Sau-
veur ; il envoie donc vers lui les plus sages d'entre eux , en leur re-
commandant de s'informer et d'apprendre de la bouche même du
Sauveur, s'il était celui qu'on attendait : « Ces hommes étant donc
venus , lui dirent : Jean-Baptiste nous a envoyés vous demander :
Etes-vous celui qui doit venir, » etc. Or, Jésus, sachant comme Dieu
dans quelle intention Jean les avait envoyés et le motif de leur venue,
opéra sous leurs yeux un grand nombre de miracles éclatants : « A
cette heure même, Jésus guérit un grand nombre de personnes affli-
gées, » etc. Il ne leur dit pas en termes exprès : « Je suis celui qui
doit venir, » mais il leur en donne une plus grande certitude, et veut
qu'ils puisent la foi en sa divinité dans des preuves sans réplique,
avant de retourner vers celui qui les a envoyés. Il ne répond donc
pas à la question, mais à l'intention de celui qui les a envoyés : «Alors
il répondit aux envoyés : Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu
et entendu, » c'est-à-dire : Racontez à Jean-Baptiste ce que vous avez
entendu des prophètes , et ce que vous avez vu s'accomplir en moi-
même. Il accomplissait , en effet , les merveilles que les prophètes
avaient prédit de lui, et qu'il rappelle en leur disant : « Les aveugles
voient, les boiteux marchent, » etc.
S. Ambr. Ce témoignage était sans doute plus que suffisant pour
que le saint Précurseur fût convaincu que Jésus était son Seigneur ;
car c'est de lui que les prophètes avaient prédit : « Le Seigneur donne
la nourriture à ceux qui ont faim, le Seigneur délie les captifs, il
éclaire les aveugles, il redresse ceux qui sont courbés, et celui qui
opère ces prodiges, régnera dans l'éternité. » (Ps. cxlv.) Ce ne sont
point les œuvres de l'homme , mais les actes d'une puissance toute
sed ut discipulis suis constet quanta sit
excellcntia Salvatoris , ex propriis disci-
pulis prudentiores inisil, quos prtecepit
sciscilari. et viva Salvatoris voce conji-
cere, si ipse est qui expcctabatur. Unde
subditur : « Cuui auteui venissent ad
eiira viri , dixerunt : Joaniies Baptista
raisit nos ad te, dicens : Tu es, » etc.
Sciens autem ut Deus quo aaimo luisis-
set eos Joannes et causaia adventus
eorum, tune temporis egit i:beriora nii-
racula : unde sequitur : « In ipsa autem
hora, curavit multos a lan^uoribus, »
etc. Non dicit eis expresse : Ego suvi,
sed ducit eos magis ad ni certitudi-
nem ; utcougrua ratione sumentps fidein
ipsius revertantur ad eum qui misiteos :
unde non ad verba, sed ad propositum
TOM. V.
raittentis responsum exhibuit. Unde se-
quitur : « Et respondens dixit illis :
Euutes renuntiate Joauni qu* vidistis et
audistis : » quasi diceret : Narrate
Joanui quœ quidem audistis per pro-
phetas, consummari vero vidistis a me,
Ra enim tune agebat qua; prajdixerant
prophelae eum facturum, de quibus sub-
ditur : « Quia cœci vident, claudi ambu-
lant, » etc.
Ambr. Plénum sane testimonium quo
Dominurn Propbeta cognosceret. De
ipso eniui fuerat propbetatum {Psal.
145), ^uia Domiuus dat escam esurieuti-
bus , erigit elisos , solvit compeditos,
illuuiinat caecos; et quod qui ista facit,
regnabit in fcternum : ergo non humana;
ista, sed divinée virtulis insignia sunt.
23
354
rXPLlCATFON DE l'ÉVANGILE
divine. De tels prodiges étaient rares , ou presque nuls avant l'Evan-
gile ; Tobie est le seul que nous voyons recouvrer la vue , et ce fut un
ange et non pas un homme qui le guérit. {Tod., xi.) Elie a ressuscité
des morts, mais à force de prières et de larmes (TII Rois^ xvii), ici
Jésus n'a besoin que de commander ; Elisée a guéri un lépreux ,
néanmoins ce ne fut point par l'autorité de son commandement, mais
en figure d'un grand mj^stère (1). — Théophtl, C'était à la vue de ces
prodiges, qu'Isaïe disait : « Dieu viendra lui-même et vous sauvera.
Alors les yeux des aveugles verront le jour , et les oreilles des sourds
seront ouvertes ; alors le boiteux bondira comme le cerf. » — Bède.
Et ce qui n'est pas un miracle moins éclatant : « Les pauvres sont
évangélisés , » c'est-à-dire que les pauvres d'esprit ou des biens de la
terre sont éclairés intérieurement , de sorte que les pauvres et les
riches ont également part à la grâcû de la prédication. C'est là une
preuve de la vérité du Mailre, que tous ceux qu'il peut sauver soient
égaux devant lui. — S. Ambr. Et cependant ce sont là encore de faibles
témoignages de la divinité du Sauveur; ce qui donne à la foi toute sa
plénitude, c'est la croix du Seigneur , sa mort , sa sépulture. Voilà
pourquoi il ajoute : « Et bienheureux celui qui ne se sera pas scan-
dalisé de moi. » La croix, en effet, pourrait être un sujet de scandale,
même pour les élus, et cependant c'est la plus grande preuve de la
divinité du Christ; car il n'y a rien qui soit plus au-dessus de l'hu-
manité que de s'être offert seul pour le salut du monde entier.
— S. Cyr. Peut-être aussi voulait-il les convaincre par là, qu'au-
cune des pensées de leur cœur ne pouvait échapper à ses regards ;
(1) C'était la figure du baptême qui devait nous laver de nos péchés, et qui était figuré par les
eaux du Jourdain, dans lequel Elisée commanda à Naaman d'aller se laver pour être purifié de sa
lèpre; et dans les eaux duquel aussi le baptême fut institué, lorsque Jésus-Christ voulut lui-
même y être baptisé.
Heec ante Evangelium vel rara vel nulla
inveniimtur : unus Tobias oculos recepit,
et hsec fuit autieli, non hominis medicina
{Tobiœ, 11); Elias mortuos su3citavit(III
Beg., 17), ipse tamen rogavit et flevit,
hic juàsit; Eliseus leprosum mundari
fecit (IV Beg., 5) , non tamen ibi valait
praecepli auctoritas, sed mysterii figura.
Theophylact. Suut etiam Iubc verba
Isaiae dicentis (cap. 3o) : « Deus ipse ve-
niet et salvabit nos : tune aperientur
oculi CcBCorum , el aures surdorum pa-
tebunt : tune saliet sicut cervus , clau-
dus. » Beda. Et quod bis non minus est,
subditur ; « Pauperes evangelizauLur ; »
pauperes scilicet spiritu vel opibus intus
illuminanlur, ut inter divites et egenos
in prtedicatione nulla distantia sit. Haec
magistri comprobant veritatem, quando
ornais qui apud eum salvari potest,
tequalis est. AiiBR. Sed tamen parva
adhuc istadominicse testificationisexem-
pla sunt; plénitude fidei crux Domini,
obitus, sepullura est: unde addit : «Et
bealus est qui non fuerit scandalizatus
in me. » Crux enim etiam electis scan-
dalum posset aiferre , sed nullum hoc
majus divinse personœ est testimonium :
nihil enim est quod magis esse ultra
humana videatur, quam toto se uuum
obtulisse pro mundo. Cyril, {in Cat.
Grœconim ubi sup.) Vel per hoc volebat
ostendere quod quaecunque versabanlur
in cordibus oorum, ab oculis ipsius effu-
DE SAINT LUC, CHAP. VIF. 355
car c'étaient eux-mêmes qui se scandalisaient de sa personne divine.
S. Ambr. Nous avons dit plus haut que Jean était la figure de la loi
qui a été comme le précurseur du Christ. Jean-Baptiste envoie donc
ses disciples vers Jésus-Christ pour donner à leur science toute sa per-
fection; carie Christ est la plénitude de la loi. Ces deux disciples
peuvent aussi figurer les deux peuples , les Juifs qui embrassèrent la
foi, et les Gentils qui crurent après avoir entendu. Ils voulaient voir
de leurs yeux, parce que bienheureux sont les yeux qui voient. Mais
lorsqu'ils sont parvenus jusqu'à l'Evangile, et qu'ils ont reconnu que
les aveugles ont recouvré la vue, que les boiteux marchent, etc.; alors
ils diront : « Nous avons vu de nos yeux. » ([ Jean, i.) Car nous nous
figurons que nous voyons ce que nous lisons ; ou bien encore, il nous
semble que nous avons parcouru toute la suite de la passion du Sau-
veur dans quelque partie de notre corps ; car c'est par quelques-uns
seulement que la foi s'est étendue à la multitude des fidèles. Ainsi la
loi annonçait le Christ qui devait venir, et l'Evangile confirme sa venue.
^. 24-28. — Lorsque les envoyés de Jean furent partis, Jésus s'adressa au peuple,
et leur parla de Jean en cette sorte : Qu'êtes-vous allés voir dans le désert ?
Un roseau agité par le vent? Qu'êtes-vous donc allés voir? Un homme vêtu
avec mollesse'! Mais ceux qui portent des vêtements précieux et vivent dans les
délices, sont dans les maisons des rois. Qu'êtes-vous donc allés voir? Un
prophète ? Oui, je vous le dis, et plus qu'un prophète. C'est de lui qu'il est
écrit : J'envoie devant vous mon ange, qui vous précédera et vous préparera la
voie. Car, je vous le dis; entre tous ceux qui sont nés des femmes, il 7i'y a
point de plus grand prophète que Jean-Baptiste ; mais le plus petit dans le
royaume de Dieu est plus grand que lui.
S. CYR.(7Ve.s., II, 24.) Le Seigneur qui pénétrait le secret des cœurs,
aère nequiverunt : ipsi eniai erant, qui
scandalizabaulur de ipso.
Ambr. Myslice aiiteiu in Joaune supra
dixiuius typum esse le;jri5, qu:e prœnun-
lia fuit Clîristi. Mittil ergo Joannes dis-
cipulos suos ad Chrisluiu , ut supple-
meutum scieutia; consequaiitur; quia
dominicse serieni passionis : fides enini
per paucos ad plures pervenit. Lex ergo
Christuiii venturum annuiitiat, Evangelii
Scriptura venisse confirmât.
Et cum discessisseni nuntii Joannis, cœpit de
Joanne dicere ad lurbas : Quid existis in de-
plt-niludo legis est Chii.slUà. 'ît fortasse i sertum vUlere? Arundiwm vento agitatam?
isti discipuli sunt duo popul , quorum i Scd quid existis videre? Hominem viollibus
\ , . ,- ,-, i(„, „^ „„, i; I veslimentis tndutum? Ecce gui in veste pre-
unus ex . udteis cred dit, altei" ex geuti- i ... „„ „, ,, „,.,■■■ , '■, ^ ,
... 1- ,-L • 1- t Itosa sunl et deltciis, m domibus regum sunt.
bus, qui ideo credidit, qui.i audivit. Sed quid existis videre? prophelam? ulique
\oluerunt ergo et isti videre, quia l)eati ! dico uobis, et plusquam prophetam. Hic est
ocuii «jui vident. Cum auleui venerint ' de quo scriptum est : Ecce milto am/elnn
.id fivangelium , et coanoverint iilumi- ] meum ante faciem tuam, qui prrrparabit viam
nari caîcos, atnbulare claudos, etc., lune
(iicf'ut : (I Oculis noslris perspeximus : »
videmur enim nobis vidisse quœ legi-
nms; aut fortasse in parte quadam cor-
poris uostri, omnes videmur iiivestigasse
luam ante te. Dico enim vohis : major inter
nalos mulierurn propheta Joanne Baptista
nenio est; qui autem minor est in reyno Dei,
major est illo.
Cyril, {in Thesauro, ut sup.) Conje-
3o6
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
comprit qu'il s'en trouverait pour dire : Si Jean-Baptiste a été jusqu'à
ce jour sans connaître Jésus , comment a-t-il pu le montrer au peuple
en disant : «Voici l'Agneau de Dieu qui efiface les péchés du monde?»
C'est donc pour guérir cette impression défavorable , qu'il éloigne de
leur esprit ce qui pouvait être pour eux un sujet de scandale : « Lorsque
les envoyés de Jean furent partis, il commença à dire au peuple, en
parlant de Jean : Qu'ètes-vous allés voir dans le désert? un roseau
agité par le vent ? » comme s'il disait : Vous avez été pleins d'admi-
ration pour Jean-Baptiste, bien des fois vous avez été le trouver malgré
les difficultés d'un voyage long et pénible dans le désert. Or, pourquoi
cette admiration, cet empressement, si vous le croyez léger comme le
roseau qui plie à tous les vents? car voilà ce qu'il serait, si par lé-
gèreté d'esprit, il déclarait ignorer ce qu'il a connu. — Tite. Mais
vous n'auriez point quitté les villes pour vous enfoncer dans le désert
qui ne peut vous offrir aucun agrément, si vous n'aviez de cet homme
une plus haute idée. — Siméon. {Ch. des Pèr. gr.) Notre -Seigneur
attendit le départ des disciples pour parler ainsi de Jean-Baptiste , il
n'avait pas voulu faire en leur présence l'éloge du saint Précurseur ,
voulant éviter tout ce qui aurait l'apparence de la flatterie. — S. Ambr.
Ce n'est point sans raison que le Sauveur fait ici l'éloge de Jean-
Baptiste qui , sacrifiant généreusement l'amour de la vie aux intérêts
de la vérité et de la justice, demeura inébranlable en face même
de la mort. Ce inonde, en effet, peut être comparé à un désert stérile
et inculte, où le Seigneur nous défend de marcher sur les traces, et en
suivant les exemples de ces hommes remplis des pensées de la chair,
vides de toute vertu intérieure, et qui s'enorgueillissent de l'éclat fra-
gile de la gloire mondaine. Constamment agités par les tempêtes de ce
cit Dominuâ (tauquam hominum sécréta
cognoscens) aliquos dicturos , si usque
hodie ignorât Joaunes Jesum, qualiter
eum ostendebat nobis diceus : « Eece
Agnus Del qui tollit peccata muudi. »
LU igitur sanareL banc passionem quœ
eis aeciderat, damuum quod ex scandalo
procedebal, exclusit : unde dicitur :
« Et cuui discessisseii' nuntii Joanuis,
cœpit dicere de Joaane ad turbas : Quid
existis in desertum videre? Arundinem
vento agilatam ? » quasi dicerel : Mirati
estis de Joanne Baptista, et pbiries per-
rexistis ad euni, perçu rrentes tam longa
deserti itinera : frustra siquidem , si sic
levem ipsum existimatis , ut similis sit
arundini declinanti quocunque agitât
vontus : talis enim esse videlur, si qure.
cognovit, ex levitate se iguorare fate-
tur. Titus Bostrensis. Nonautem exis-
tis in desertum (ubi nulla jucunditas)
civitatibus omissis, nisi de hoc viro
curaiu gerentes.GR^cus. {nempe Simeon
in Cat. Grœcontm.) Haec auteni post
recessum discipulorum Joannis Domi-
nus dixit : non euim prœsentibus eis
proferre volebat Baptista; praeconia, ne
blandientis verba esse pularentur. Ambr.
Non ûliose autem Joannis hic persona
laudatur, qui vitse amore post babito
justiliœ forniani nec mortis terrore mu-
tavit : deserto enim mundus hic compa-
rari videtur, adhuc steribs, adhuc incul-
tus^ in quem negat nobis DùU)inus ita
prodeundunij ut mente carnis inflatos
vacuosque virtutis internae viros, et fra-
gili se glorifie secularis sublimitate jac-
tantes, exemplari quodam et imagine
DE SATNT LUC, CHAP, VII. 357
monde, ils sont toujours en proie à la mobilité de leurs désirs, et mé-
ritent par là d'être comparés à des roseaux. — Siméon. Le vêtement
de Jean-Baptiste est un témoignage de la sainteté de sa vie , aussi
bien que la prison , où il est détenu; car jamais il n'aurait été jeté
dans les fers , s'il eût flatté les passions des princes : « Qu'êtes -vous
allés voir? un homme vêtu avec mollesse? Mais ceux qui portent des
vêtements précieux et vivent dans les délices, habitent l«s maisons des
rois. » Ces hommes vêtus mollement , représentent ceux qui passent
leur vie dans les délices. — S. Chrys. {hom. 29 sur VEp. aux Héb.)
La mollesse des vêtements affaiblit la vigueur de l'âme , et le corps
fût- il ami de l'austérité et de la mortification , est bientôt énervé par
cette molle délicatesse. Or , quand le corps est amolli , l'âme ne tarde
pas à l'être ; car les inclinations de l'âme sont presque toujours con-
formes aux disposition? du corps. — S. Cyr. {Très., ii, 4.) Comment
donc Jean-Baptiste , avec ce soin religieux de soumettre les passions
de la chair, aurait-il pu tomber dans une si grande ignorance , sinon
par la légèreté d'un esprit ipii a horreur des austérités , et se laisse
séduire par les délices du monde ? Si donc Jean vous parait digne d'i-
mitation, parce qu'il fuit cette vie délicate et mondaine , accordez-lui
la fermeté qui convient à cette vie mortifiée ; si au contraire, vous ne
devez rien à cette vie pénitente et austère , pourquoi donc refuser
votre admiration aux délices du monde, pour l'accorder à cet habitant
du désert, à l'antre misérable qui lui sert de demeure, et à la peau de
chameau dont il est couvert.
S. Chrys. {hoî7i. 38 sur S. Matth.) Par ces deux comparaisons , le
Sauveur veut faire comprendre que Jean-Baptiste n'était point d'un
caractère mobile et inconstant, et (ju'aucune volonté n'était capable de
iiobis putemus imitandos; quos procellis
liujus niuudi obnoxios vila mobilis in-
quiétât, jure arundini couiparaudos.
GR;£CUS. [vel Simeon, utsup.) Est eliam
infallibile testimoDium vitaî Joaunis ves-
tituo cuùi carcere ; iu queçi detrusus
non l'uisset, si scivisset favere principi-
bus : uude sequitur : « Sed quid existis
videre ? hoininem inollibus vestituentis
iiidntum ? Ecce qui iu veste pretiosa
sunt , et deliciis , in domibus regum
sunt. » Mollibus vestimenlis iudulos,
vivenles in deliciis sii^nifical. Guuys.
{hom. 29, in epist. ad Ilehrœos.) iMollis
■auteni vestis dissoivit rif^idain aMiiuam ;
et si rif^idum corpus assumât et aspe-
ruin, facile p'T hujusruodi mollitieiu
deiicatuni reddit et fragile : facto vero
corpore raoUiori, necesse est et animam
participare lœsionem : nam ut plurimum
operationes ipsius cousouant dispositio-
nibus corporis. Cyril, [in Tliesuuro, ut
Slip.) Qualiter ergo lauta sedulilas reli-
gionis ut carnales passioues subjiceret,
ad tantaui ignorantiaui deveuiret, nisi
ex mentis levitate , quaui non asperita-
tes , sed illecebrie mundana; délectant ?
Igitur si velut non coientem deliciosa
.loaunem imitamini, date ei robur con-
tinenlia; conipetens; si vero nibil am-
plius debetur lionestee conversation i,
(juid om-ssa revcrentia delicatorum, iu-
colaiu deserti vileqiie legumen et came-
loi um vellus miramini?
Chrys. {//oui. 38, in Matth.) Per
utrumque autem dictorum désignât,
quod Joannes nec naturaiiter, ni'C facile
mobilis erat, nec uUa voluntate fl<icte-
358
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
le faire fléchir. — S. Ambr. Bien qu'il ^-oii vrai de dire que la recherche
de la mollesse dans les vêtements , énerve la vigueur de l'âme dans
le plus grand nombre ; Notre-Seigneur paraît vouloir indiquer ici un
autre genre de vêtement, c'est-à-dire le corps dont notre âme est
comme revêtue. Ces vêtements délicats sont les œuvres de la volupté
et du plaisir. Or , ceux qui laissent énerver leurs membres au contact
de ces fausses délices sont bannis du royaume des cieux; les princes
de ce monde et les puissances des ténèbres s'en emparent; car ils sont
les rois qui exercent leur empire absolu sur les imitateurs de leurs
œuvres.
S. Cyr. {Trés.^ ii, à-.) Mais vous jugez sans doute qu'il est superflu
d'excuser Jean-Baptiste de légèreté et de mollesse, puisque vous
avouez qu'il est digne d'imitation ; alors : « Qu'êtes-vous donc allés
voir? Un prophète. Oui, je vous le dis, et plus qu'un prophète^ car les
prophètes prédisaient seulement qu'il allait venir; mais pour Jean-
Baptiste, non-seulement il a prédit sa venue, mais il a démontré sa
présence au milieu des hommes, lorsqu'il a dit : Voici l'agneau de
Dieu. » — S. Ambr. Oui certes, il est plus grand ou plus qu'un pro-
phète, lui qui atteint la fin que se proposaient les prophètes, car beau-
coup ont désiré contempler celui qu'il a mérité de voir et de baptiser
{Matlh., XIII ; Luc, x). — S. Cyr. [Très., ii, 4.) Après avoir fait l'éloge
de la vie de Jean-Baptiste et par le lieu qu'il habitait, et par ses vête-
ments, et par le concours qui se faisait autour de lui, Notre-Seigneur
cite en sa faveur le témoignage du prophète Malachie : « C'est de lui
qu'il est écrit : Voilà que j'envoie mon ange. » — Tite deBostr. Il lui
donne le nom d'ange, non pas qu'il le fût en réalité, puisqu'il était
homme par nature, mais parce qu'il remplissait les fonctions d'un
tur. Ambr. Et quamvis plerosque mol-
lioris cura vestis effeminet, tamen alla
videtur hic indumeuta significare : hu-
mana scilicet corpora, quibus auima
nostra vestilur. Sunt aulem moUia iudu-
menla deliciosi actus et mores : hi vero
quibus fluida deliciis meinbra solvun-
tur , regni cœleslis extorres sunt; quos
rectores mundi hujus atque tenebrarum
ceperunt : hi suut enim reges qui do-
minantur etsuorum operum aemulos re-
ceperunt.
Gyril. (in Thesonro, ut sup.) Sed
forte inconveniens est circa hoc excu-
sare Joannem : fatemini eniiii eum imi-
tabilem esse : unde subdit : « Sed quid
existis videre ? Prophetam ? Utiqiie dico
vobis, plusquam prophetam : » prophetœ
namque prsedicabant venturum; hic
autem, non solum venturum prsedicavit,
sod et prœseniera indicavit dicens :
Ecce Agnus Dei. Ambr. Major sane
proplieta(sive plus quam propheta) , in
quo finis est prophetarum ; quia niulti
cupieruut videre quem iste conspexit,
quem iste baptizavit. Cyril, [in The-
scmro , lU svp.) Cum igitur ,. et a loco,
el a vestibus, et ex concursu hominum
morem ejus descripsit , introducit Pro-
plietœ teslimonium dicens : « Hic est de
quo scriptnm est (scilii ot in Malachia) :
Ecce mitto angeUuu meum. » TiT. Bos-
TRENSis. An^ehim appellat hominem;
non quia uatura esset angehis , homo
cuini naturaliter erat , sed quia opus
angeii exercebat , nuntiando Christi
DE SAINT LUC. CH AP. VII.
359
ange en annonçant la venue du Christ. — Siméon. Ces paroles : « De-
vant votre face, » nous montrent les rapports étroits de Jean- Baptiste
avec Jésus-Christ; il parut, en effet, au moment de la venue de
Jésus-Christ, et c'est pour cela que nous devons l'estimer plus
qu'un prophète, car ceux qui, dans les armées, se tiennent aux côtés
du roi, sont les premiers dignitaires du royaume et ses familiers les
plus intimes.
S. Ambr. Jean-Baptiste a préparé la voie au Seigneur, non-seule-
ment par le caractère miraculeux de sa naissance^ et par la prédica-
tion de la foi, mais en précédant Jésus dans sa glorieuse passion :
« Qui préparera la voie devant vous. » — S. Amer. Mais si Jésus-Christ
est prophète, comment Jean-Baptiste est-il plus grand que tous les
prophètes ? Il est le plus grand de ceux qui sont nés de la femme et
non d'une vierge, c'est-à-dire, qu'il a été le plus grand de tous ceux
qui lui étaient semblables par leur naissance • « Je vous le dis, pnrmi
ceux qui sont nés des femmes, il n'est point de prophète plus grand
que Jean-Baptiste. » — S. Chrys. [hom. 38 sur S. Matth.) Il suffisait
sans doute de ce témoignage rendu par le Sauveur, que Jean était le
plus grand des enfants des hommes; cependant, si vous voulez voir
cette vérité confirmée par les faits, considérez quelle était la nourri-
ture du saint Précurseur, sa vie, sa grandeur d'âme; en effet, il vivait
sur la terre comme un homme descendu du ciel, ne prenant aucun
soin de son corps, l'esprit toujours occupé des pensées du ciel, uni à
Dieu seul, n'ayant aucun souci des choses de la terre; sa parole était
à la fois pleine de sévérité et de douceur; il paçlait au peuple juif avec
vigueur et fermeté, au roi Hérode avec courage, et il instruisait ses dis-
ciples avec douceur ; rien de vain et de léger dans sa conduite toujours
adventum. Gr^c. [vel Simeon ut sup.)
Quod autem subdit : « Aute facieiu
tuam, » propiuquilatem désignai : appa-
ruil euiui hoiinnibus proi)e Cbristi ad-
veiiLimi : quapropter el plusquam pro-
plictavi ipsiuu esse oxistimandum est :
nain et hi qui in iniHliis collatérales
sunt regibus , digniores et faniiliariores
sunt.
Ambr. Viara aulem Domino , non so-
liiiu nascendi secundum carnem ordine
lideique nuntio , sed etiani prfEcursu
quodaiii gloriosje paravit passionis :
unde sequilur : « Qui [Jiaiparabit viaai
luam aute te. » Ambr. Si auloni et
Cbristus prophcla , quomodo major bic
omnibus? Sed inter mulieris non virgi-
nis natos: major enim iis fuit, quibus
œqualis poterat esse sorte nascendi :
« Dico enim vobis, major inter natos
midierum propheta Joanuo Baptista non
est. M CuRYS. {hom. 38 , in Mtitth., ut
sup.) Suflicit quidem Domiui vox pra>-
bens lestimonium prateminentiaî Joan-
nis inter liomines; reperiet autem qui
vult et rei veritatem consouam, si men-
sam ejus consideraverit, si vitam , si
mentis excellentiam : velut enim qui
ca-Utus desceudisset, degebat in terra;
fere nul'am gerens curam de corpore,
intelleotuabter erectus in coîlum, et soli
Deo eonjuuctus, de nullo nnmdanorum
soUicitus; sermo severu^i et leiiis : nam
cum populo Judfeorum viriliter et fer-
venter,. cum rege audacter, lunn p'-opriis
discipulis leniter conferebat ; nil frustra
360
EXPLICATION DE i/ÉVaNGILE
S. IsiD. Jean est encore le plus grand de ceux
pleine de dignité.
qui sont nés de la femme, parce qu'il prophétisa dans le sein même
de sa mère, et qu'au milieu des ténèbres qui l'environnaient, il re-
connut la lumière qui allait éclairer l'univers,
S. Ambr. Il est si vrai qu'il ne pouvait exister aucune comparaison
entre Jean- Baptiste et le Fils de Dieu, que le Sauveur le place même
au-dessous des anges : a Celui qui est le plus petit dans le royaume
des cieux est plus grand que lui. » — Bède. Ce passage peut être inter-
prété de deux manières, ou bien par ce royaume de Dieu, le Sauveur
veut entendre ce royaume dont nous ne sommes pas encore en posses-
sion et qu'habitent les anges ; or, le plus petit dans ce royaume est
plus grand que tout juste revêtu de ce corps qui appesantit l'âme.
{Sag., IX, 45.) Ou bien, le royaume de Dieu, dans l'intention du Sau-
veur, c'est l'Eglise du temps présent, et alors c'est de lui-même que
Notre-Seigneur veut parler^ lui qui est inférieur à Jean par la date de
sa naissance, mais qui est plus grand par son autorité divine et par
sa souveraine puissance. Dans le premier sens, il faut donc ainsi sé-
parer les membres de cette proposition : « Celui qui est le plus petit
dans le royaume de Dieu, » ajoutez : « Est plus grand que lui; » dans
le second sens : « Celui qui est plus petit que lui, » ajoutez : « Dans
le royaume de Dieu est plus grand que lui. » — S. Chrys. {hom. 38
su?' S. Matth.) Notre-Seigneur fait cette réserve, de peur que la gran-
deur des louanges qu'il vient de donner à Jean- Baptiste, ne fût pour
les Juifs une occasion de le mettre au-dessus du Christ. Ne croyez pas
cependant qu'il ait voulu établir une comparaison en déclarant que
Jean est plus grand que lui. — S. Ambr. En effet, sa nature est toute
différente et ne peut être comparée en aucune façon à la nature hu-
vel leviter, sed omuia convenienter
agebat. IsiD. Abbas. Major etiam inter
natos mulierum Joannes, eo quod ab
ipso matris utero prophetavit, et positus
in tenebris lumen quod jam venerat
non ignoravit.
Ambr. Denique eo usque cumDei Filio
non poterat Joannis esse ulla coUatio. ut
et infra augelos œstimetur : uude sequi-
tur : « Qui autein ruinor est in regno Dei,
major est illo. » Bed. Hsec sententia
duobus modis potest intelligi : aut enim
regnum Dei appellavit quod nondum
accepimus (in quo suut augeli) , et qui-
libet in eis minor, major est quolibet
justo portante corpus , quod aggravât
animam : aut si regnum Del intelligi
voluit hujus temporis Ecclesiam , seip-
sum Dominus significavit , qui nascendi
tempore miuor erat Joanne , major au-
tem Divinitatis auctoritate et potestate
dominica : proinde secundum primam
expo-itionem ila distiuguitur : « Qui
autem minor est in regno Dei, » ac
deinde subinfertur : « Major esL illo;»
secundum posteriorem vero ita : « Qui
autem minor est ; » ac deinde sub-
infertur : « In regno Dei major est
illo. » Chrys. (homil. 38^ Matth., ut
sup. ) Ut enim copia laudum Joannis
occasionem Judœis non darel prsefe-
rendi Joannem Christu , hoc subdit.
Ne autem putes quod comparative se
dixerit majorem Joanne. .\mbr. Alia
enim est ista natura, uec humanis ge-
nerationibus comparanda : non potest
DE SAINT LUC, CHAP. VII.
361
maine , car nulle comparaisoD ii'est possible entre Dieu et l'homme.
S. Cyr. Dans le sens mystique, en même temps que le Sauveur pro-
clame la supériorité de Jean-Baptiste sur tous les enfants des femmes,
il lui oppose quelque chose de plus grand, celui qui devient Fils de
Dieu par la naissance qu'il reçoit de l'Esprit saint, car le royaume du
Seigneur, c'est l'Esprit de Dieu. Aussi, bien que sous le rapport des
œuvres et de la sainteté de la vie, nous soyons inférieurs à ceux qui
ont pénétré le mystère de la loi, et dont Jean-Baptiste est la figure;
cependant nous nous élevons plus haut par Jésus-Christ qui nous rend
participants de la nature divine (Il Piei\^ i, 4).
% 29-35. — Et tout le peuple qui l'entendait, et les puhlicains eux-mêmes
reconnurent la justice de Dieu, ayant reçu le baptême de Jean. Mais les
pharisiens méprisèrent le dessein de Dieu sur eux, ayayit refusé d'être baptisés
par lui. A qui donc, ajouta le Seigneur comparerai-je les hommes de cette
génération ? A qui sont-ils semblables ? Ils sont semblables à des enfants assis
dans la place, et qui se disent les uns aux autres ; Nous vous avons joué de
la flûte, et vous n'avez point dansé, nous avons chanté des airs lugubres, et
vous n'avez point pleuré. Car Jean-Baptiste est venu, ne mangeant point de
pain, et ne buvant point de vin, et vous dites de lui : Il est possédé du démon.
Le Fils de l'homme est venu mangeant et buvant, et vous dites : C'est un
homme de bonne chère, qui aime le vin, ami des publicains et des pécheurs.
Et la sagesse a été justifiée par tous ses enfants.
S. Chrts. {ho?7i. 38 sur S. Matth.) Après avoir fait l'éloge de Jean-
Baptiste, le Sauveur fait ressortir le crime énorme des pharisiens et
des docteurs de la loi qui, même après l'exemple donné par les publi-
cains, n'ont pas voulu recevoir le baptême de Jean. — S. Ambr. Dieu
est justifié dans le baptême, lorsque les hommes se justifient eux-
euim Loiuiui cuui Deu alla esst; collatio.
Cyril, (î/* Cat. Grœcorum Patrum,
ubi sup.) Mystice aulem cum Joannis
prœrogativain oslciidit inter natos mu-
lierum, pouit ex opposilo aliquid niajus,
euin scilicel qui per SpiriUiiii sanctum
natus est Filius Dei : re^^num eniin Do-
mini Dfi Spirilus est. Quainvis ergo se-
cundum operatioiiein et sauctilalein
minores sumus liis qui legis uiysterium
sunt assecuti (quos Joaiiries signifîcal),
lauion majora per ClirisLum attingimus^
paiiicipes facti divinjje ualurse.
El omnis populus audiens et puhlinani juslificn-
verunt Deum , baptizari baplismo Joannis.
Pharisœi autem et Icgixperiti cnnsilium hoi
xpreverunt in semelipsis , non baptizati ah eo.
Ait autem Dominus : Cui ergo similes dicam
homines generationis hujus, et cui similiter
sunt? Similes sunt pueris sedentibus in foro ,
et loqueniibus ad inviccm, et dieentibus : Can-
tavimiis vohis tibiis , et non saltastis, lamen-
tavimus, et non plorastis. Venit autem Joan-
nes Daptista, neque manducan.i panent, neque
bibens vinum, et dicitis : Dœmonium habet.
Venit Filius hominis manducans et bibens , et
dicitis : Ecce homo devorator, et bibens vi-
num, amicus publicanorum et peccaloruin. Et
justi/icala est sapientia ab omnibus filiis suis.
Chrvs. {hom. 38, in Matth. ut sup.)
Praîuiitsa commendationc Joannis, ma-
gnum pliarisaiorum et legis[)eriloruin
prodidit crimen; qui nec post publi(;anos
ba[itisma Joannis acceperint. Uude di-
(•itur : « Et omnis populus audiens et
publicani justificaverunt Deum, » etc.
Ambr. Justificatur Deus per baptismum,
369 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
mêmes en confessant leurs péchés. En effet, celui qui, après avoir
péché, confesse à Dieu ses fautes, justifie Dieu, en se soumettant au
pouvoir de ce vainqueur, et en espérant de lui la grâce du salut. —
EusÈBE. Ceux qui ont cru ont aussi justifié Dieu, car ils l'ont trouvé
juste dans toutes ses œuvres. Les pharisiens, au contraire, qui refu-
saient d'écouter Jean-Baptiste, par un sentiment de désobéissance, se
mettaient en opposition avec ces paroles du prophète : « Afin que vous
soyez reconnu juste dans vos paroles. » (Ps. l.) « Or, les pharisiens
et les docteurs de la loi ont méprisé le conseil de Dieu, » etc. — Bède.
Cette réflexion est de l'Evangéliste, ou de Notre-Seigneur lui-même
(comme plusieurs le pensent); cette expression : « Sur eux, » ou :
« Contre eux, » signifie que celui qui méprise la grâce de Dieu, agit
contre ses intérêts, ou bien encore, le Sauveur condamne ici la con-
duite de ces insensés et de ces ingrats, qui n'ont pas voulu recevoir
le conseil que Dieu leur manifestait. Or, le conseil de Dieu, c'est le
décret de sauver le monde par la passion et la mort de Jésus- Christ,
conseil que les pharisiens et les docteurs de la loi ont méprisé. —
S. Ambr. Gardons-nous de mépriser, à l'exemple des pharisiens, le
conseil de Dieu. Ce conseil de Dieu s'est manifesté dans le baptême
de Jean-Baptiste, qui donc peut douter qu'il se manifeste également
dans le baptême de Jésus-Christ? C'est le conseil dont l'ange du grand
conseil (I) est l'auteur, et que personne ne connaît : « Car qui con-
naît les desseins de Dieu {Rom., xi)? » Personne ne méprise le conseil
d'un homme, qui oserait rejeter le conseil de Dieu (2*).
(1) C'est-à-dire Jésus-Christ, qui est ainsi appelé par le prophète Isaïe, d'après la version des
Septante \iBy(x).riz pou),àç ày^e^oç, que l'on peut rendre par : le messager du grand conseil,
magni consilii nuntius.
(2*) Nous substituons ici le texte original de saint Ambroise, à ce texte tronqué et presque inin-
dura se homines (peccata propria confi-
tendo) justifieant ; qui enim peccat et
confiteturDeo peccatimi, justificat Deum
cedens ei vincenti, ab eoque gratiam
sperans. In baplismate igitur justificatur
Deus, in quo est confessio et venia pec-
catorum. Euseb. [in Cat. Grœcorum. ubi
stip.) Qui etiam crediderunt, justifica-
verunt Deum : apparuit enim eid justus
in omnibus qufe fecit. Pbarisaei autem
repellendo Joannem tanquam inobe-
dientes, non consonabant Propheta^ di-
centi {Ps. 30) : « Ut justificeris in ser-
luonibus tuis: » unde sequitur : « Pha-
riseei autem et legisperiti consilium Dei
sprevernnt, » etc. Beda. Hœc verba sive
ex persona Evangelistœ, sive ex persona
Salvatoris (ut quibusdam placet) dicta
suut; quod autem dicit : « In semetipsis
(vel contra seuietispsos) » significat quod
qui gratiam Dei respuit, contra semet-
ipsum facit ; vel ad semetipsos missum
Dei consilium stulti et iugrati vituperan-
tur noluisse recipere. Cousilium ergo est
Dei, quod per passionem et mortem
Christi salvare deorevit; quod pharisaei
et legisperiti sprevernnt. Ambr. Non
contemnamus igitur sicut pbarisœi con-
silium Dei. Cousilium Dei est in baptis-
mate Joannis; quis igitur dubitet Dei
esse consilium in Christi lavacro ? hoc
est cousilium quod magni consilii An-
gélus reperitj quod nemo cognovit :
«Quis enim cognovit sensumDomini ?
Hominis cousilium nemo contemnit, Dei
consilium quis refutef? »
DE SAINT LUC, CHAP. VII. 363
S. Cyr. Voici l'espèce de jeu auquel se livraient les enfants des
Juifs : une troupe d'enfants se partageaient en deux pour se jouer des
vicissitudes si rapides de la vie présente ; les uns chantaient, et les
autres se lamentaient ; mais ni ceux qui pleuraient ne participaient à
la joie de ceux qui chantaient, ni ceux qui se réjouissaient ne pre-
naient part à la tristesse de ceux qui pleuraient, et alors ils se repro-
chaient mutuellement leur absence de sympathie. C'est l'image de la
conduite du peuple juif et des princes des prêtres, au témoignage de
Jésus-Christ • « A qui donc comparerai-je les hommes de cette géné-
ration et à qui sont-ils semblables? Ils sont semblables à des en-
fants, » etc. — BEDE. La génération présente des Juifs est comparée à
des enfants, parce qu'ils avaient autrefois pour docteurs les prophètes
dont il est écrit : « Vous avez tiré la louange la plus parfaite de la
bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle {Ps. viii). » —
S. Ambr. Or, les prophètes ont chanté, proclamant dans leurs mélodies
spirituelles les oracles du salut du monde; ils ont pleuré pour attendrir
par leurs plaintives lamentations les cœurs endurcis des Juifs. Ce
n'était ni dans le Forum, ni sur les places publiques que ces chants se
faisaient entendre, mais dans la ville de Jérusalem, car cette ville est
comme le Forum du Seigneur, où se publient les droits immuables
des commandements célestes. Les chants et les lamentations ne sont
que l'effet d'une émotion vive de joie et de tristesse. Les instruments
de musique laissent échapper une mélodie sympathique qui porte
l'homme à manifester les sentiments intérieurs qu'elle fait naître par
le mouvement cadencé de son pied ou de tout son corps ; voilà pour-
telligible. « Non condemnamus ergo (sicut pharisaei) consilium Dci quod est in Joannis baptis-
male : hoc est consilium quod magni consiiii Angélus reperit. Joannis consilium nemo contem-
nit, Dei consilium quis refutetf"
Ctbil. [ubi snpra.) Erat autein qui-
dam niodus ludendi talis consuelus apud
filios Jndacoruni : biparliebatiir piiero-
runi caterva^ qui reruui praîseutiâ vit*
deridentesrepenlinam transuiuiationem,
hi quidem cauebant, lii vero niœrebant ;
sed nec gaudeutibus confîaudebant inœ-
rentes, nec qui gaudebant conformabant
se flenlibus : deinde arguebant se iiivi-
i(>m improperantes incouipassionis ma-
liliain. Taie quid passam fuisse Judteo-
rum plebem una cum principibus Chri-
stus innuebat : unde ex persona Cliiisti
subditur : « Cui ergo similes dicam
liomines generationis hujus, et cui simi-
Ipa surit ? Similes suntpueris sedentibus
in foro, » etc. BF.n. Generatio Jud.Tonini
comparalur pueris, <|uia doctores olini
prophetas habebant, de quibus dicitur
{l'sal. 8) « Ex ore infantium et lacten-
tiuni perfecisti laudeui. » Ambr. Canta-
verunt aulem prophétie , spiritualibus
modulis publicïE salutis oracula résul-
tantes; fleverunt, Ihrenis flebilibus Ju-
dt-Eoruni dura corda mulcentes. Hoc
canticum, non in foro, non in plateis
canebatur, sed in Hierusalern: ipsa est
enini dominicum forum, in quo prœ-
ceplorum cœleslium jura conduntur.
Greo. Nysse. {in Cut. Grœcorum, ubi
.sw/?.), Canticum autem et lamcntatio uii
aliud est quam excessus; hoc quidem
gaudii , illud vero mcproris. Resonat
autem quaedam consona melodia ex or-
gano musico, secunduni quani dum
homo pede et motu consono corporis
364 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
(juoi ces enfants disent : « Nous avons chanté et vous n'avez pas
dansé; » « nous nous sommes lamentés et vous n'avez point pleuré. »
— S. AuG. [Quest. évang., ii, 11.) Notre-Seigneur fait ici allusion à la
conduite des Juifs à l'égard de Jean-Baptiste et de Jésus-Christ : « Ces
paroles : Nous nous sommes lamentés et vous n'avez point pleuré, »
se rapportent à la prédication de Jean-Baptiste, qui, par l'austérité de
sa manière de vivre, figurait la tristesse de la pénitence ; aussi Notre-
Seigneur ajoute : « (^ar Jean-Baptiste est venu ne mangeant point de
pain et ne buvant point de vin, » et vous dites : « Il est possédé du
démon. » — S. Cyr. Ils osent incriminer un homme digue de toute
leur admiration, et ils traitent de possédé celui qui mortifiait la loi
du péché cachée dans nos membres. — S. AuG. {Quest. év., u , 11.)
Les paroles qui précèdent : « Nous avons joué de la flûte et vous n'avez
pas dansé, » sont une allusion à Notre-Seigneur lui-même, qui, eu
adoptant la manière de vivre ordinaire des hommes avec lesquels il
mangeait et buvait, était la figure de la joie du royaume : « Le Fils
de l'homme est venu mangeant et buvant, » etc. — Tite de Bostr.
Jésus-Christ, en effet, n'a point voulu s'interdire l'usage de ces ali-
ments pour ôter tout prétexte aux hérétiques (1), qui disent que les
créatures sont mauvaises et qui condamnent l'usage des viandes et du
vin. — S. Cyr. Mais où ont-ils donc trouvé que le Seigneur était un
homme de bonne chère? Ne voyons-nous pas au contraire qu'en toute
circonstance il se garde de tout excès et conseille la tempérance et la
modération? Il ne dédaignait pas, il est vrai, d'entrer en relations avec
les publicains et les pécheurs, aussi l'accusaient-ils d'être «l'ami des
publicains et des pécheurs, » bien que cette fréquentation ne pût lui
(1) C'est-à-dire les Encratites et les Manichéens et autres du même genre, « imposteurs pleins
d'hypocrisie, « comme les appelle saint Paul (I Timoth., iv.)
commovetur, intrinsecam dispositionem
manifestât: et ideo dicit : « Cantavimus,
et non saltastis; lamentaviraus, et non
plorastis. » AUG. {de Qua:sl. Evang.,
lib. II. quaest. 11.) Haec autem pertinent
adJoannem et Christum : quod enim ait :
« Lamentavimus, et non plorasti-s, » ad
Joannem pertinet ; cujus abstineutia a
cibis et potu luctum pœnitentiae signiiî-
cabat : unde exponendo subdit : « Ve-
nit enim Joannes Baptista, neque man-
ducaus panem, neque bibens viuum ; et
dicitis : Dœmouium habet. " Cyril, [ubi
Slip.) Prfesuniunt criminari virum qua-
libet admiralione dignum ; daemonium
habere dicimt morlificantem legem pec-
cati, qusB latet in membris. Àcg. {de
Quœst. Evang,, ubi sup.) Quod autem
dixerat : « Cantavimus tibiis, et non sal-
tastis, » ad ipsum Dominum pertinet qui
uteudo cum cteteris cibo et potu laetitiam
regni figurabat : unde sequitur : « Ve-
nit Filins homiuis manducans, » etc.
TiT. BosTRENSis. Noluit enim Christus
abstinere ab bujusmodi cibis, ne occa-
sionem daret haereticis, qui dicuut crea-
tiiras esse malas, et vitupérant carnes
et viuum. Cyril, {ubi sup.) IJhl autem
potuerunt ostendere Dominum corato-
re»i ■? Invenitur enim Christus ubique
reprimereimmoderantiam, et ad modes-
tiaiu ducere. Coaversabatur autem cum
publicanis et peccatoribus : uude contra
eum dicebant : « Amicus publicauorum
et peccatorum; » cum tameu nuilate-
nus ipse posset in peccatum incidere.
DE SALXr LUC, CHAP. VII. 365
être aucunement nuisible, mais qu'elle devint, au contraire, pour les
pécheurs la cause de leur conversion et de leur salut. En effet, est-ce
que le soleil qui inonde toute la terre de ses rayons, contracte la
moindre souillure, parce que sa lumière pénètre les corps immondes?
Comment donc le soleil de justice pourrait-il éprouver la moindre
altération dans ses rapports avec les méchants. Cependant gardons-
nous tous, qui que nous soyons, de prétendre aux mêmes privilèges
que Jésus-Christ, mais à la vue de notre propre fragilité, évitons le
commerce des méchants, car les mauvaises conversations corrompent
les bonnes mœurs (l Cor., xv).
« Et la sagesse a été justifiée par tous ses enfants. » — S. Ambr. Le
Fils de Dieu est la sagesse de Dieu par nature et non par le progrès
de l'âge ou de l'étude; cette sagesse est justifiée dans le baptême, lors-
qu'elle n'est pas rejetée par opiniâtreté, mais qu'elle est reçue par la
justice comme une grâce de Dieu. La justification de Dieu consiste
donc à ce que ses dons soient communiqués, non à ceux qui s'en
rendent indignes par leurs crimes, mais à ceux qui sont devenus
justes et saints par le baptême. — S. Chrys. {hom. sur les Psaumes.)
Il appelle les sages les fils de la sagesse, car c'est la coutume de l'E-
criture, de désigner les méchants par le mal qu'ils commettent, et
d'appeler les bons, fils de la vertu qui les caractérise. — S. A_mbr. Il
dit avec raison : « Par tous ses enfants, » car la justice doit s'exercer
sur tous les hommes, sur les justes, pour leur salut, sur les infidèles
pour leur condamnation. — S. AuG. [Qiiest. évang.) Ou bien encore,
ces paroles : « La sagesse a été justifiée par tous ses enfants, » nous
font entendre que les fils de la sagesse comprennent que la justice ne
consiste ni à se permettre, ni à s'interdire la nourriture, mais à sup-
porter la pauvreté avec patience, car ce n'est point l'usage modéré.
sed contra fiebat eis causa salutis. Non
enim coinquinatur sol radians super
totain terrain, et fréquenter superveniens
immundis corporibus : noc sol justitiae
Icndi'lur couversando cum pravis. Nomo
aufein coueturcomparare propriani uieu-
suniin dignitatibus Chriàti ; sed quilibet
propriain frasilitatein considerans, vitet
consortia laliuin ; prava naraquc collo-
quia, mores corruinpunt bonos.
Sequitur : « Et justificala est sapionlia
ab omnibus fiUis suis. » Ambr. Sapientia
Dei Filius est per naturam, non per
[irofectum; qua; justificatur per jja-
ptisma. in eo quod, non per contu-
inaciani refulatur, sed per justitiam Dei
xios, sed ad innocentes, per ablutionem
sanctos et justos, videalur sua munere
Iranstulisse. Chrys. [in Cat. Grœcorum
Patnnnejr illhui hoiniliis in psulmos.)
Filios autem sapientiœ dicit sapientes :
consuevit enim Scriptura malos magis
ex peccato quam ex nomine indicare,
bonos auteui filios appellare iiiformanlis
eos virlutis. Ambu. Bene autem dicit :
« Ab omnibus; » quia circa omuesjus-
tia reservatur ; ut susceptio fiât fidelium,
et ejectio perfidorum. Al'G, ide Quœst.
Evang , ubi siip.) Vel quod dicit: « Jus-
lificata est sapientia ab omnibus filiis
suis, » ostendit « filios sapientiœ » in-
telligere, nec in abstinendo, nec inman-
nmmis agnoscilur. In eo erpo jusiifica- : dncando esse justitiam, sed in aiquanimi-
tio Dei est, si non ad indignos et obno- i taie tolerandi inopiam : uou enim usus,
366
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
mais la sensualité qui est ici coupable, et rien de plus légitime que de
se conformer pour le choix des aliments aux habitudes de ceux avec
lesquels vous êtes appelé à vivre.
^. 36-50. — Or, un des pharisiens ayant prié Jésus de manger avec lui; il entra
dans sa maison, et se mit à table. Et voilà qu'une femme connue dans la ville
pour une pécheresse, ayant su qu'il était à table dans la maison du pharisien,
apporta un vase d'albâtre plein de parfums. Et se tenant derrière lui à ses
p ieds, elle commença à les arroser de ses larmes ; et les essuyant avec ses
cheveux, elle les baisait et les oignait de parfums. Ce que voyant le pharisien
qui l'avait invité, il dit en lui-même : Si cet homme était prophète, il saurait
qui est celle qui le touche, et que c'est une pécheresse. Alors Jésus prenant la
parole, lui dit : Simon, j'ai quelque chose à vous dire. Il répondit : Maître,
dites. Un créancier avait deux débiteurs : l'un lui devait cinq cents deniers, et
l'autre cinquante. Comme ils n'avaient pas de quoi payer leur dette, il la leur
remit à tous deux. Lequel donc l'aime davantage? Simon répondit : Celui,
je pense, auquel il a le plus remis. Jésus lui dit : Vous avez bien jugé. Et se
tournant vers la femme, il dit à Simon : Voyez-vous cette femme? Je suis
entré dans votre maison, et vous tie m'avez pas donné d'eau pour me laver les
pieds; elle, au contraire, a arrosé mes pieds de ses larmes, et lésa essuyés avec
ses cheveux. Vous ne m'avez point donné de baiser ; mais elle, depuis qu'elle
est entrée, n'a cessé de baiser mes pieds. Vous n'avez point versé de parfum sur
ma tête, elle, au contraire a répandu ses parfums sur mes pieds. C'est pourquoi
je vous déclare : Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu'elle a beaucoup
aimé. Mais celui à qui on remet moins, aime moins. Alors, il dit à cette
femme : Vos péchés vous sont remis. Et ceux qui étaient à table avec lui com-
mencèrent à dire en eux-mêmes. Qui est celui-ci, qui re^net même les péchés?
Et Jésus dit encore à cette femme : Votre foi (1) vous a sauvée, allez en paix.
BEDE. L'Evangéliste venait de dire : « Et tout le peuple qui l'écou-
(1) Il s'agit ici de la foi qui opère par la charité, comme le dit saint Paul {Gai. , \, 6), et non pas
sed concupiscentia i*eprehendenda est ;
dummodo cougruas in generibus ali-
meutorum liis cum quibus tibi viven-
dum est.
Rogitbat autem illum quidam de pharisœis, ut
manducaret cum illo. Et ingressus domum
pharisœi discubuit. Et ecce niulier quœ erat
in civitate peccatrix, ut cognovit quod Jésus
accuhuisset in domo pharisœi, atlulit alabas-
trum unguenti; et slans rétro secus pedes ejiis,
lacrymis cœpil rigare pedes ejus; et capillis
capitis sui tergebat, et osculabatur pedes ejus,
et unguento ungehat. Yidens autem pharisœus
qui vocaverat eum , ait inira se, dicens : Hic
si esset propheta, sciret utique quœ et gualis
est millier quœ tangit eum; quia peccatrix
est. Et respondens Jésus dixit ad illum :
Simon, haheo tibi aliquid dicere. At ille ait :
Magister, die. Duo debitores erant euidam fœ-
neratori : unus debebat denarios quingentos ,
et alius quinquaginta ; non habentibus illis
unde redderent, donavit utrisque : quis ergo
eum plus diligit ? Respondens Simon dixit :
^stimo quia is cidplus donavit. At ille dixit
ei : Rectejudicasti. Et coniersus admulierem,
dixit Simoni : Vides hanc mulierem ? Intravi
in domum tuam , aquam pedibus meis non de-
disti; hœc autem lacrymis rigavit pedes meos,
et capillis suis tersit. Oseulum mihi non de-
disti : hœc autem ex quo intravit, non eessavit
osculari pedes meos. Oleo caput meum non
unxisti : hœc autem unguento unxit pedes
meos : propter quod dieo tibi : Remittuntur ei
peccata multa, quoniam dilexit multum; cui
autem minus dimittitur, minus diligit. Dixit
autem ad illam : Remittuntur tibi peccata. Et
cœperunt qui simul accumbebant dicere intra
se. Quis est hic qui etiam peccata dimittit?
Dixit autem ad mulierem : Fides tua te sal-
vam fecit : vade in pace.
Beda. Quia superius dictuin fuerat :
DE SAINT LUC, CHAP. VTI. 367
tait, reconnut la justice de Dieu, s'étant fait baptiser du baptême de
Jean; » il établit maintenant par des faits la même vérité, c'est-à-dire
que la sagesse a été justifiée par les justes et par les pécheurs repen-
tants. « Or , un des pharisiens le pria de manger avec lui , » etc. —
S; Grég. de NrssE. {sur la femme pécher.) Ce récit renferme une
leçon des plus utiles. Eu effet, la plupart de ceux qui se croient justes,
enflés par la présomption et la vanité de leurs pensées , se séparent
eux-mêmes comme des agneaux qui se séparent des boucs, avant que
le jugement véritable vienne faire ce discernement; ils refusent de
manger avec la foule, et ils ont en abomination tous ceux qui fuient
les extrêmes, et gardent le juste milieu dans la conduite de la vie. Or,
saint Luc, médecin des âmes bien plus que des corps , nous montre
Dieu lui-même et notre Sauveur visitant avec bonté tous les hommes :
« Il entra dans la maison du pharisien et se mit à table , » non pour
prendre quelque chose de sa vie coupable , mais pour le rendre par-
ticipant de sa propre justice.
S. Gyr. Cependant une femme de mauvaise vie, mais conduite par
un sentiment d'amour divin, vient trouver Jésus-Christ , comme celui
qui peut la délivrer de toutes ses fautes , et lui accorder le pardon de
ses crimes : « Et voilà qu'une femme , connue dans la ville pour pé-
cheresse , apporta un vase de parfums , » etc. — Bède. L'albâtre est
une espèce de marbre nuancé de diverses couleurs , on en fait des
vases destinés à contenir des parfums, qu'ils conservent , dit-on , sans
altération. — S. Grég. [hom. 32 sur les Evang.) Cette femme a cou-
de la foi seule considérée en elle même, comme le veulent les hérétiques; car comment concilier
celle explication avec ces paroles du Sauveur : « Beaucoup de péchés lui sont remis; parce qu'elle
a beaucoup aimé ? »
« Et omnis populus audiens, justificave-
runt Deiiin baptizati baplismate Joan-
nis ; » idem evancçelipla quai verbis pro-
posvieral, etiain factis astruit justilica-
tara, scilicet sapienliam ajustis et pœni-
tenlibus, dicens : « Rogabat aiitem illum
quidam de pbarisaîis, » etc. Grkg.
Nyss. {in hom. de muliere peccutrice.)
Hœc conscriptio quemdam utiiem intel-
leclum sapil : :^unt eniiii plerique corum
qui se juslificant iiiflali suspicioiio vaiii
seusus ; priusquam veuial veruin jiidi-
ciuiij, séparantes seipsos vchit agnos ab
bœdis ; nec escis cum plerisque coni-
municare voleiites ; ai)oniinanle3 omnes
quicuuque non oxtrenium, seJ medinni
tenent callem in vila. Lucas ergo plus
mcdicus animarum quam corponim ,
ostendit Ipsum Deum et Salvalorem
nostrum piissime alios visitantem : unde
sequitur : « Et ingressus domum phari-
sfei discubuit : » non ut aliquid de vitiis
ejus sortiatur, sed ut impertiatur de jus-
litia propria.
Cyril, {in Cat. Grœcorum Patrum.)
Mulier autem inhonestae vitae, promens
autem fidelem affectum, venit ad Chri-
stum, quasi potentem liberare ab omni
culpa et veniam crirainum couimissorum
largiri , sei}uitur enim : « Et ecce mu-
lier qu3B erat in civitate peccatrix ala-
bastrum unguenli, » etc. Bild. Alabas-
trum e-ît genns marmoris candidi variis
coloribus iutertincti quod ad vasa un-
guiVntaria cavari solct ; eo quod oplime
scrvare ca incorrupta dicatur. Greg. {in
hom. 32, in Evang.) Quia enim hœc
mulier lurpitudinis suœ maculas aspexit.
368
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
sidéré les souillures dout l'a couverte sa vie infâme, elle accourt donc
pour se purifier à la source même de la miséricorde , elle ne rougit
point de paraître au milieu des convives ; car elle éprouve intérieu-
rement une si grande honte d'elle-même , qu'elle compte pour rien
celle qui lui vient du dehors. Voyez quelle douleur consume cette
femme qui ne rougit point de verser des larmes au milieu des joies d'un
festin. — S. Grég. de Nysse. Profondément convaincue de son indi-
gnité , elle se tient derrière Jésus , les yeux baissés et les cheveux
épars, elle embrasse ses pieds et les inonde de larmes , elle manifeste
ainsi par ses actes la tristesse de son âme, et implore son pardon : « Et
se tenant derrière lui , elle commença à arroser ses pieds de ses
larmes, » etc. — S. Grég. Ses yeux avaient convoité toutes les jouis-
sances de la terre, mais maintenant par la pénitence , elle eu éteint le
feu dans un déluge de larmes ; elle avait fait servir ses cheveux à re-
hausser la beauté de son visage, elle s'en sert pour essuyer ses larmes :
« Et elle essuyait les pieds du Sauveur avec ses cheveux. » Sa bouche
s'était ouverte à des paroles inspirées par l'orgueil ; elle baise les pieds
du Sauveur, et imprime ses lèvres sur les pieds du Rédempteur : « Et
elle baisait ses pieds. » Elle avait employé les parfums pour donner à
son corps une agréable odeur, et ce qu'elle avait honteusement pro-
digué pour elle-même, elle en fait à Dieu un admirable sacrifice : « Et
elle les oignait de parfum. » Ainsi, autant elle a trouvé de jouissances
en elle-même, autant elle offre maintenant d'holocaustes; elle égale
le nombre de ses vertus au nombre même de ses crimes ; elle veut que
tout ce qui en elle a été un instrument pour outrager Dieu , devienne
un instrument de pénitence pour lui plaire. — S. Ghrts. [hom. 6 sur
S. Matth.) Ainsi cette femme de mauvaise vie devient plus vertueuse
que les vierges ; car à cette pénitence si pleine de ferveur, succède un
lavanda ad fontem aiisericordiae cucur-
rit, convivantes non erubuit : nam quia
semetipsam graviter erubescebat intus,
nihil e^se credidit quod verecuudaretur
foris. Discite quo dolore ardet, quai flere
et inter epulas non erubescit. Greg.
Nyss. [nt sup.) ludiguitatem autem suam
ostendens stabat post tergum dejectis
luminibus, et effusa coma pedes am-
plectens. lacrymisque eo» perfundens,
rebus tristem animuui osteudebat, ve-
niam implorans : sequitur euim : « Et
stans rétro, lacrymis cœpit rigare pedes
ejus,» etc. Gbeg. {in hom. 33, hiEvang.)
Ûculis enim terreua coucupierat, sedhos
jam per pœnitentiam conterens flebat ;
capillos ad compositioueni vultus exlii-
buerat, sed jam capillis lacrymas terge-
bat : unde sequitur : « Et capillis capitis
sui tergebat : » ore superba dixerat, sed
pedes Domini osculans, hoc in Redem-
ptoris sui vestigia figebat : unde sequi-
tur : « Et osculabatur pedes ejus. »
Unguentum sibi pro odore suœ carnis
exbibuit : quod ergo sibi turpiter exhi-
buerat, hoc jam Deo laudabiliter ofîere-
bat : unde sequitur ; « Et unguento un-
gebat. » Quot ergo in se habuit oblecta-
menta, tôt de se invenit holocausta :
convertit ad virtutura numerum. nume-
rum criminum, ut totum Deo serviret in
pcenitentia (pjidquid ex se Deum con-
tempserat in culpa. Chrys. [hom. 6, in
Matth.) Sic igitur meretrix etfecta est
honestior virginibus : postquaui enim
accensa est pœnitentia, exarsit in Christi
DE SAINT LUC, CHAP. VII.
369
amour plus ardent pour Jésus- Christ. Et nous ne parlons ici que de
ce qui se passait à l'extérieur ; car quelle ferveur bien plus grande
dans les sentiments qui agitaient son àme , et dont Dieu seul était té-
moin !
S. Grég. {hom. 33 sw les Evang .) En voyant ce spectacle, le pha-
risien n'a que du mépris pour cette femme , et il fait tomber ses re-
proches non-seulement sur elle, qui ose venir trouver Jésus , mais sur
le Seigneur qui l'accueille avec bonté : « Ce que voyant le pharisien
qui l'avait invité, il dit eu lui-même : Si cet homme était prophète, il
saurait qui est celle qui le touche, et que c'est une pécheresse. » Voilà
ce pharisien avec son orgueil trop véritable et sa fausse justice , qui
fait un crime au malade de son infirmité , et au médecin , des soins
qu'il lui prodigue. Sans doute, si cette femme se fût jetée à ses pieds,
il l'aurait repoussée violemment avec dédain ; il se fût imaginé que ce
contact allait souiller son âme , parce qu'il n'était pas rempli de la
véritable justice. C'est ainsi que quelques-uns de ceux qui exercent le
ministère pastoral, dès qu'ils pratiquent quelques œuvres médiocres
de justice, regardent avec mépris ceux qui leur sont soumis, et aflectent
du dédain pour tous les pécheurs qu'ils rencontrent. Nous devons, au
contraire, lorsque nous considérons l'état malheureux des pécheurs,
déplorer dans leur calamité notre propre malheur , à la pensée que
nous sommes déjà tombés , ou que nous pouvons tomber dans les
mêmes fautes. Il faut d'ailleurs faire usage d'un grand discernement,
nous devons être sévères pour les vices, pleins de compassion pour les
personnes ; si le pécheur doit être puni, le prochain a droit à notre
charité. Je vais plus loin, et je dis que dès que le pécheur châtie lui-
même par la pénitence le mal qu'il a fait , il cesse d'être pécheur,
amorem : et haec quidem quœ dicta
sunt, agebantur exterius ; qua; vero re-
volvebatejus iutenlio, iiiullo ferveutiora
his eratil quai soins IJeus inspiiùebat.
Gkeg. [in Iiomil. 33, in Evuiuj.) H.ec
autem Pharisœus iiitueus despicit, et
non solum veuieuleui piiccatri ;eui luu-
liereni, sed etiam suscipienlein Uumi-
uum repreheudit : uude sequilur : « Vi-
dens autem Pbarisieus qui vocaveral
emu, ait inlra se dicens : Hic si esset
propheta, scirel ulique quae <;t qualis
muiier est quie tangit euni : n ecce Pha-
risaïus veraciler apud se supn-bus et
fallaciler justus .X'f^raiu reprebcndit de
œgritiKline, inedicuiu de subv>mtione :
quie prolecto muiier si ad Pbaristei pe-
des venissel. calcibus repuisa discederet :
TOiM. V.
inquinari euim se alieno peccato crede-
ret, quia hune vera sua juslitia non re-
plebat. Sic et quidam sacerdolali officie
prœditi, si quid fortasse juste exterius
vel tenuiter egerint, prolinus subjectos
despiciuut; et peccalores quosque in
plèbe posilos dedignantur. >.'ecesse est
autem ut cum peccatores quosque cons-
picinms, uosmelipsos prius in eorum
calamitate dcfleamus ; quia fortasse in
similibus aut lapsi sumus, aut labi pos-
fuuius. Oportet autem ut sollicite dis-
ceruamus , quia districliouem debemus
vitiis, compassionem vero ualurœ. Si
enim feriendus est peccator, nutrieudus
est proximus : cum vero jam per pœui-
leiiliam percutit ipse quod fecit, jam
noster proximus peccator non est; quia
24
370
EXPLICATION DK l'ÉVANGILR
puisqu'il punit en lui-même ce que la justice divine condamne. Notre-
Seigneur se trouvait donc entre deux malades, mais l'un, jusque dans
sa fièvre , conservait l'usage de la laison , tandis que l'autre avait
perdu l'esprit ; la femme pécheresse pleurait les fautes qu'elle avait
commises ; le pharisien, au contraire, fier de sa fausse justice , exa-
gérait la force de sa santé.
TiTE DE BosT. Cependant Notre-Seigneur qui, sans entendre les pa-
roles du pharisien, voyait les pensées de son âme , lui prouve qu'il est
le Seigneur des prophètes : o Et Jésus lui répondant, lui dit : Simon,
j'ai quelque chose à vous dire. » — La Glose (d). Il répond ici à la
pensée du pharisien, que cette parole rend plus attentif : « 11 répondit :
Maître , dites. » — S. Grég. {hom. 33 sur les Evang.) Le Sauveur
établit une comparaison entre deux débiteurs, dont l'un doitjplus, et
l'autre moins : « Un créancier avait deux débiteurs, » etc. — Tite.
Comme s'il disait : Vous-même vous n'êtes pas sans quelque dette. Or,
si vous êtes tenu par une dette quelconque , pourquoi vous enor-
gueillir, puisque vous avez vous-même besoin de pardon? C'est à ce
pardon que Jésus fait allusion en ajoutant : « Gomme ils n'avaient
pas de quoi payer leur dette, il la leur remit à tous deux. » La Glose.
Car nul ne peut par lui-même être délivré de la dette du péché, si la
grâce de Dieu ne lui octroie son pardon. — S. Grég. {hom. 33 sur les
Evang.) Chacun des deux débiteurs ayant obtenu la remise de sa
dette, Notre-Seigueur demande au pharisien lequel des deux devra
plus aimer son bienfaiteur : « Lequel l'aimera davantage ? Le pha-
risien répond aussitôt : Celui, je pense, auquel il a le plus remis. »
(1) Cette citation ne se trouve plus dans la Glose actuelle.
liic iu se punit qiiod justitia divina re-
prehendit. Inter duos ergo œgros medi-
fus aderat; sed unus iu febre sensum
teuebat, alter seusum perdiderat men-
tis : ilki quippe flebat quod fecerat ; Pha-
risœus autem de falsa justitia elatus,
viiu suBe valetudinis exaggerabat.
TiT. BosTRENSis. Domiuus autem, non
verba ejus audiens, sed cogitaliones
inspicieus, Dominum se prophetarum
osteudit : unde sequitur : « Et respon-
deus Jésus dixit ad illum : Simon,
liabeo tibi aliquid dicere. » Glos. Quod
quidem dixit, ejus cogitationi respon-
dens : pharisœus autem ex verbis Do-
miui attentior est facLus : unde dicitur :
« At ille ait : Magister, die. » Greg.
{Jiom. 33, in Evang.) De duobus autem
ei debiforibus paradigma opponitur;
quorum unus minus , alius amplius
débet : unde sequitur : « Duo debitores
erant cuidam fœueratori, » etc. Titus.
Quasi diceret : Neque tu absque debito
es : quid igilur"? Si in paucioribus teno-
ris , non superbias; quia tu quoqiio
veniaeges. Unde de venia subdit dicens :
«Non babentibus autem illis uude red-
derent, douavit utrisque. » Glos. Nul-
lus enim potest per seipsum a debito
peccati Uberari, nisi divina gratia veniam
consequatur. Greg. {in /lom. 33 , in
Evang.) Utroi'umque autem debito
dimisso, quis amplius largitorem debili
diligat, pbarisseus interrogatur : sequitur
enim :« Quis ergo plus eum diligit?))Qui-
busverbisprotinus illerespoudit: « Màtl-
mo quia is cui plus donavit. » Qiia in re
notandum est quod dum sua seutenlia
DE SAINT LUC, CHAP. Vil. 371
Remarquez que le pharisien est ici condamné par son propre aveu, et
que, comme un insensé atteint de frénésie , il porte la corde qui doit
servir à l'enchaîner : « Jésus lui dit : Vous avez bien jugé. » Il
énumère alors tous les actes de vertu de cette pécheresse, et toutes les
actions répréhensibles de ce faux juste : « Et se tournant vers la
femme, il dit à Simon : Voyez-vous cette femme ? Je suis entré dans
votre maison , vous ne m'avez point donné d'eau pour me laver les
pieds ; elle, au contraire, a arrosé mes pieds de ses larmes. » — Tite
DE BosT. C'est-à-dire : Rien de plus facile que de présenter de l'eau,
mais il n'est pas aussi facile de verser des larmes ; vous ne m'avez pas
donné ce qui vous était si facile , elle, au contraire , a versé sur mes
pieds des larmes plus diflîciles à répandre. Or , en lavant mes pieds
avec ses larmes , elle a lavé ses propres souillures ; elle les a essuyés
avec ses cheveux, pour s'appliquer mes divines sueurs, et tout ce qui
lui a servi à séduire , à entraîner la jeunesse dans le péché, elle l'a
employé à poursuivre et à rechercher la sainteté.
S. Chrys. {hom. 6 swr -.S". Matth.) Lorsque la pluie est tombée avec
abondance, le ciel reprend sa sérénité ; ainsi après une abondante
effusion de larmes, le cal ne renaît, le nuage de nos crimes se dissipe,
et nous sommes purifiés «le iiouveau par les larmes et la confession,
comme nous avons été autrefois régénérés par l'eau et par l'esprit :
« C'est pourquoi, je vous le dis : Beaucoup de péchés lui sont remis,
parce qu'elle a beaucoup aimé. » En effet, ceux qui se sont jetés à
corps perdu dans le mal , se livrent avec autant d'énergie à la pra-
tique du bien, au souvenir df's dettes qu'ils ont contractées. — S. Grég.
{liom. 33 sur les Evaiicj.) Plus donc le cœur du pécheur brûle du f( a
de la charité, plus aussi ce feu consume la rouille et les souillures du
péché. — Tite de BÎist. Il arrive souvent, en effet, qu'un grand pé-
pliaristfuà conviiicilur, quasi plireueUcus | tuiu jnveututem, venata est sanctitaleui.
funem portât ex quo ligelur : imdosecjui- I Chbys. [hom. G, in Mutth.) Sicut
tur :« At ille dixit : Recte judicasli.» Eiiu
iiieraiitur aulem eiI)onapeccafricis, euu-
ineraiilur et niala falsi justi : undo se-
qnitur : « Et conversus ad inuliprera
dixit Simoni : Vid«!3 hauc imilioreui ?
iiitravi in doiiiuin luaiii ; aquam pedilms
lueis non dedisti, lia;c auteni lacryinis
rii-'avit pedes meos. » Tit. Bostrkn.
Onasi dicerel : Faciiis est usus aquanuii,
non est faciiis iacryiuaruin effiisio :
tu promptis non es usus, liœc etfudit
non pron-.pla : lavans lacrymis pedes
meos, lavit uiacuias proprias; tersit co-
mis, ut per eas sibi assuniat sacros
nudores; et quibus venata est ad pecca-
aulem ubi vehemeus iiubor prnrupit, lit
sereuitas, sic lacrymis effusis , apparet
tranquillitas, et périt caligo reatuuni ;
et sicut per aquam et spiritum, sic per
lacryiiias et confessioncm denuo niun-
damur : unde sequilur : « Proiiter quod
dico libi : Remittuntur ei peccala nuilta
quoniam dilexit nmltum. » Nam qui
vehenienter se iniresserunt nialis , riir-
5U3 et bonis vehenienter insistnnt;
conicii ad quot débita se oblisaverunt.
GiucG. [hom. 33, >n EiHing.) Tanto ergo
aniplius peccali rubigo consumitur ,
quanto peccatoris cor magno cliarilafis
igno coucreniatur. ïir. Bostkkns. Con-
sn
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
cheur obtient par la confession le pardon de ses fautes , tandis que
celui qui n'est coupable que de fautes légères, refuse, par orgueil, de
recourir au remède de la confession , comme l'indiquent les paroles
suivantes : « Celui à qui on remet moins, aime moins. » — S. Chrys.
{ho)7î. 68 sur S. Matth.) (I). Ayons donc une âme pleine de ferveur;
car rien ne s'oppose à ce que nous parvenions à la perfection la plus
éminente ; que personne parmi les pécheurs ne désespère de son sa-
lut; que personne parmi les justes ne se laisse aller au relâchement;
que le juste se garde d'une confiance présomptueuse (car souvent une
femme de mauvaise vie le précédera dans le royaume des cieux) ; que
le pécheur ne se décourage point ; car il peut s'élever au-dessus
même des plus parfaits : « Puis il dit à cette femme : Vos péchés vous
sont remis. »
S. Grég. {hom. 33 sur les Evanr/.) Cette femme donc qui était ve-
nue malade trouver le médecin, obtient sa guérison, mais cette gué-
rison même devient pour ceux qui en sont témoins une cause de ma-
ladie : « Et ceux qui étaient à table avec lui , dirent en eux-mêmes :
Qui est celui-ci qui remet même les péchés? » Mais le céleste médecin
n'a point d'égard pour ces malades dont l'état ne fait qu'empirer par
l'effet, même des remèdes qui devaient les sauver , tandis qu'il fortifie
par une parole de miséricorde celle qu'il venait de guérir : « iMais
Jésus dit encore à cette femme : Votre foi vous a sauvée , » parce
qu'en effet, elle n'a point hésité de croire qu'elle obtiendrait ce qu'elle
demandait. — Théophyl. Notre-Seigneur ne se contente pas de lui
accorder la rémission de ses péchés , il ajoute la grâce de faire le
(i) Saint. Chrysoslome parle aiasi a. l'occasion d'une fameuse courtisane, qui vivait dans le temps
qu'il était encore enfant. Cette femme changrea si subitement de sentiments et de conduite, qu'elle
surpassa par la chasteté de sa vie les vierges elles-mêmes, parmi lesquelles elle vécut et mourut
saintement.
tingit autem stepius eum qui multum
peccavil , per coiife?sioDem purgari ;
pauca vero peccaulein ex arrogantia
nou venire ad confessionis remedium :
unde sequitur : « Cui autem minus di-
miltilur. minus diligit. » Chrys. {Iioni.
68, in Mcilth.) Opus est ergo nobis fer-
venti anima; quia nihil impedit homi-
nem fieri magnum. NuUus ergo consti-
tutorum in peccatis desperet, uemo vir-
tuosus dormitet: uec hic coufidat (saepe
euim merelrix prœcedet) ; uec ille dif-
fidat (possibile namque est eum etiam
primos superare) ; unde et hic subdi-
lur : « Dixit autem ad illam : Remitluu-
tur tibi peccala tua. »
Greg. [hom. 33, in Evang.) Ecce
qu£e ad medicum venerat segra, sanata
est, sed de sahite ejus adhuc alii aegro-
tant : sequitur enim : « Et cœperuut
qui siuiLil accumbebaut dicere intra se :
Quis est hic qui etiam peccala dimittit? «
Sed cœlestis medicus œgros non respi-
cit, quos etiam de medicamento fieri
détériores videt : eam autem quam sa-
uaverat. per pietatis sufe sententiam
confirmât : unde sequitur : « Dixit au-
tem ad muherem : Fides tua te salvam
fecit : » quia scilicet lioc quod petit,
posse seaccipere non didoitavit. Theoph.
Postquam autem ei peccata dimisit, nou
sislit in remissione peccati, sed adjicit
DE SAINT UC^ CHAP. VII. 373
bien : « Allez en paix » (c'est-à-dire dans la justice) ; car la justice est
la paix de l'homme avec Dieu, comme le péché est la guerre entre
Dieu et l'homme; ce qui revient à dire : Faites tout ce qui peut vous
conduire à la paix de Dieu,
S. Ambr. Il en est beaucoup pour qui ce fait évangélique est une
source d'embarras , et qui se demandent si les Evangélistes ne sont
point ici en contradiction. — Sévère. {Ch. des Pèr. r/r.) Gomme les
quatre Evangélistes racontent qu'une femme a répandu des parfums
sur Jésus-Christ, je crois , eu égard à la condition des personnes, à
leur manière d'agir, à la différence des temps , que ce sont trois per-
sonnes différentes. Ainsi saint Jean raconte de Marie, sœur de Lazare,
que six jours avant la fête de Pâques , elle oignit les pieds de Jésus
dans sa propre maison. Saint Matthieu, après ces paroles du Seigneur .
« Vous savez que la pàque se fera dans deux jours, » ajoute, qu'à
Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux , une femme répandit
des parfums sur la tète du Seigneur , et non sur ses ineds , comme
Marie. Le récit de saint Marc est conforme à celui de saint Matthieu,
Saint Luc enfin place ce fait, non aux approches de la fête de Pâques,
mais au milieu de son Evangile. Saint Chrysostome (I) prétend qu'il
y a ici deux femmes différentes : l'une dont parle saint Jean , la se-
conde dont il est question dans les trois autres Evangélistes. —
S. Ambr. Saint Matthieu nous rapporte que cette femme répandait
ses parfums sur la tète de Jésus-Christ, aussi ne lui doune-t-il pas le
nom de pécheresse; car d'après saint Luc , cette femme pécheresse
répandit ces parfums sur les pieds de Jésus-Christ. On peut donc ad-
mettre que ce sont deux personnes différentes, pour justifier les Evan-
(t) Homél. 81 sur saint Matth., et liomél. 61 sur saint Jean, au commencement.
operationem boni : undesequitur : « Vade
in pace (id est, in justitia), » ([uia justi-
fia est pax liominis ad Deuin, siciit pec-
(•atum est inimicitia inter Deiun et lio-
minem : quasi diceret: Operare omnia
quae ad pacein Dei le ducunl.
Ambr. Hoc aulem loco pleriqiie pati
videntur scrupulum quœstionis, utrum
videantur evangelista; discordasse de
fide. Gr^x. {nempe Severus Antiochenus
in ( at. Grœcorum Patrum.) Quia cnirn
quatuor evanpelistae dicunt Cliristum
unclum fuisM! unguenlo a inuliere, très
[Hito fuisse niulieros ex personariun
qualitale, ex modo ac^'endi, ex rlifferentia
lemporum. Joannes quideni narrât de
Maria sorore Lazari quoniam sex die-
bu.s ante Pascha unxit perles .lesu in
propria domo; at Matthœus, postquam
Doininus dixerat : « Scitis quia post bi-
duum fiet Pasclia, » subdit, quoil in Be-
lliania in domo Simonis leprosi nmlier
fudit unguentum super Doniiui caput,
non autem unxit pedes ut Maria : Mar-
cus etiam Mattliaïo siiniliter : Lucas
autem, non circa tempus Paschœ, sed
in medio Evangelii hoc refert. Chrysos-
tomus autem binas asserit bas muHeres
fuisse : unam quidem quœ coutinetur in
Joanne ; alteram vero cujus nienlio fit a
tribus. Ambr. Hanc ergo nnilierein indu-
cit Matthieus supra caput Cbrisli effun-
denteni unguentum ; et ideo noluit di-
cere peccatricem : nain peccatrix se-
cundum Lucam supra pedes Christi '>f-
fudit unguentum. Pntest ergo non eadeni
31'
EXPLICATION DE [. EVANfill.F.
gélistes du reproche de contradiction. On peut aussi résoudre diffé-
remment cette tjuestion, en tenant compte de la différence de mérite
et de temps, c'est-à-dire que la même personne, d'abord pécheresse,
était depuis entrée dans les voies de la perfection. — S. AuG. {de
l'ace, des Evang., ii, 39.) On peut aussi admettre que la même per-
sonne , appelée Marie , a répété la même action , une première fois,
lors(iue, comme le raconte saint Luc , elle s'approcha dans l'humilia-
tion et dans les larmes , et obtint la rémission de ses péchés. Voilà
pourquoi saint Jean avant de raconter la résurrection de Lazare, et
lorsque Jésus n'était pas encore venu en Béthanie , s'exprime de la
sorte : « Or, Marie était celle qui avait répandu des parfums sur le
Seigneur, et lui avait essuyé les pieds avec ses cheveux, et Lazare, qui
était malade, était sou frère : » donc Marie avait déjà fait cette même
action ; elle la répète à Béthanie, sans que saint Luc en parle , parce
qu'elle n'entrait }ioint dans l'ordre de son récit, mais elle est racontée
par les trois autres Evangélistes.
S. Grég. [hom. 33 sur les Evang.) Dans le sens mystique, le pha-
risien qui présume de sa fausse justice, c'est le peuple juif; cette
femme pécheresse qui se jette aux pieds du Seigneur, et les arrose de
ses larmes, c'est la Gentilité convertie au vrai Dieu. — S. Ambr. Ou
bien encore, le lépreux, c'est le prince du monde, et la maison de
Simon le lépreux, c'est toute la terre. Or, le Seigneur est descendu des
hauteurs des cieux sur la terre, parce que cette femme qui est la figure
de l'âme et de l'Eglise , ne pouvait obtenir sa guérison , si le Christ
n'était venu sur la terre. Elle nous apparaît sous la forme d'une pé-
cheresse , parce que Jésus-Christ lui-même a pris la forme d'un pé-
cheur. Supposez donc une àme qui s'approche sincèrement de Dieu,
esse, ue sibi coutrarium evangelistae
dixisse videantur. Potest eliam qua?stio,
luerili et lemporis diversitate dissolvi ;
ut adhuc illa peccatrix sit, jam ista per-
feclior. AuG. [de Cous. Evanrj., lib. ii,
i-ap. 39.) Eamdem eLiim Mariaiu bis hoc
fecisse arbitrer intelligeudum : semel
écilicet quod Lucas aarravit, cum primo
accedens cum humililaleet lacrymis me-
vuit remissionem peccatorum : unde
Joannes, cum de Lazare resuscitando
cœpisset loqui , autequam veniret in
Belhaniam. dicit {caj^. 11) : « Maria
autem erat qufe uDxit Dominum un-
guento, et tersit pedes ejus capillis
suis, cujus f rater Lazarus infirmaba-
tnr : » juin itaqiie hoc Maria fecerat :
quod autem in Bethania rursum fecit,
aliud est quod ad Lucse narrationem
non pertinet, sed pariter narratur ab
ahis tribus.
Greg. [in hom. 33, in Evang.) Mys-
tico autem intellectu pharisseus de falsa
justitia praisumens, judaicum popuhim;
peccatrix mulier, sed ad vestigia Domiui
veniens et plorans, conversam gentilita-
tem désignât. Ambr. Vel princeps hujus
seculi quidam leprosus est, doruus au-
tem Simonis leprosi terra est : ergo Do-
minus ex illis superioribus locis descen-
dit in terram : neque cuim sanari po-
tuisset haec muUer quœ speciem habet
auimœ vel Ecclesige, nisi Christus venis-
set in terram. Merito autem speciem
accipit peccatricis, quia Christus quo-
que formam peccatoris accepit. Itaque
DE SAINT LUC. CHAP. VII.
37 :>
qui loin d'être esclave de ces crimes honteux , et qui blessent ouver-
tement la pudeur , obéit à la parole de Dieu avec amour o-t dans la
confiance d'une chasteté iuviolal)le ; elle s'élève jusqu'à la tète de
Jésus-Christ , et la tète de Jésus-Christ, c'est Dieu, (l Corinth.^ xi. )
Mais que celui qui ne peut arriver jusqu'à la tète de Jésus-Christ,
se tienne humblement à ses pieds , le pécheur à ses pieds , le juste
près de sa tète ; mais cependant l'âme qui a péché , à aussi son
parfum.
S. Grég. (Jiom. 33 sur les Evang.) Que figure ce parfum, si ce n'est
l'odeur d'une bonne renommée ? Si donc nous faisons des bonnes
œuvres, dont la réputation se répande comme un parfum par toute
l'Eglise, nous répandons dans un sens véritable des parfums sur le
corps du Seigneur. Cette femme se tenait à côté des pieds du Sei-
gneur ; car nous nous tenions directement contre ses pieds , lorsque
vivant au milieu de nos péchés , nous résistions en quelque sorte à ses
voies; mais lorsqu'après nos péchés, nous revenons à lui dans les sen-
timents d'une véritable pénitence, alors nous nous tenons derrière lui,
à ses pieds ; parce que nous suivons alors ses traces auxquelles nous
faisions alors profession de résister. — S. Ambr. Vous donc aussi qui
avez péché, rentrez dans les voies de la pénitence, accourez partout où
vous entendrez le nom de Jésus-Christ, hâtez-vous de vous rendre
dans toute maison où vous apprenez que Jésus est entré ; lorsque vous
aurez trouvé la sagesse assise dans quelque demeure secrète, accourez
vous jeter à ses pieds, c'est-à-dire cherchez d'abord le dernier degré
de la sagesse, et confessez vos péchés dans les larmes. Peut-être Jésus-
Christ ne lava point ses pieds dans cette circonstance , afin que nous
les lavions nous-mêmes dans les larmes ; heureuses larmes qui peuvent
non-seulement laver nos fautes, mais arroser les pieds du Verbe divin.
si constituas animam fideliter appropin-
qiiantem Deo, non peccalià turpibus et
obâcœnis, sed pio servienleiu Dei verbo,
habenteni iminaculata,' fiduciam castita-
tis, ad ipsum Christi capul ascendil ;
caput aulem Ghrisli Deus est. (I Cor.,
11.) Sed qui caput uou teuet Chrisli,
ille pedes teneat ; peccalor ad pedes,
justus ad caput : habet tamen eliaia ea
quas pcccavit, unguentum.
Greg. {hom. 33, in Efuncj.) Quid aliud
uufiçuento, niii bona? oilor opinionis
exprimitur? Si i'fitur recta opéra a^i-
mus ; quibus upinione boni odoris Ec-
clesiam respergamus, ({uid iiisi in corpore
Domiui unj^uentum fundimus? sed se-
cus pedes mulier slelit : conlra pedes
euiui Domiui stetiinus^ cum in peccatis
positi ejus itineribus ronitebaumr; sed
si ad verara pœniteutiam post peccata
convertimur, jaiu rétro secus pedes sta-
luus ; quia ejus vestigia sequimiir qu .•
iiupuf];aabaaius. Ambr. Defcr et tu post
peccata pœniteutiam : ubicunque audic-
ris Christi nomen, accurre ; in cujuscun-
que interiorem domum .bîsuui intrusse
cognoveris, et ipso festina ; cuni repere-
ris sapientiaui, cuui repereris juslitiani
in aliquibus penf.lralibus recumbentuui,
accurre ad pedes, id est, vel extremam
partem quœre sapientiai, lacrymis con-
lilere peccata. Et fortasse ideo non iavit
Christus suos pedes, ut eos lacryuàs nos
lavenius. Bonfe lacryma;, qua- non so-
376
EXPLICATION DE l'ÉVANGIF.E
pour que ses pas deviennent pour nous une source abondante de
grâces ! Larmes précieuses qui sont non-seulement la rédemption des
pécheurs, mais la nourriture des justes; car c'est la voix d'un juste
qui fait entendre ces paroles : « Mes larmes m'ont servi de pain le
jour et la nuit (1*). — S. Grég. [hom. 33 sur les Evang.) Nous lavons
les pieds du Seigneur de nos larmes, lorsque par un sentiment d'affec-
tueuse compassion, nous nous abaissons jusqu'aux membres les plus
humbles du Seigneur; nous essuyons ses pieds avec nos cheveux,
lorsque la charité nous porte à secourir de notre superflu les saints
serviteurs de Dieu. — S. Ambr. Déroulez aussi vos clieveux, jetez à
ses pieds tout ce qui sert d'ornement à votre corps ; les clieveux ne
sont vraiment point méprisables, puisqu'ils sont jugés dignes d'essuyer
les pieds de Jésus-Christ, — S. Grég. Cette fi^mme baise les pieds du
Sauveur après les avoir essuyés, c'est ce que nous faisons nous-même,
lorsque nous aimons tendrement ceux dont nous avons secouru la
pauvreté par nos largesses. Par les pieds du Seigneur, on peut encore
entendre le mystère de l'incarnation ; nous baisons donc les pieds du
Rédempteur , lorsque nous nous attachons de tout notre cœur au
mystère de son incarnation. Nous répandons des parfums sur ses pieds,
lorsque nous annonçons la puissance de son humanité par la bonne
renommée de la parole sainte. Ce spectacle remplit le pharisien de ja-
lousie ; en effet, lorsque le peuple juif voit les Gentils devenir les pré-
dicateurs du vrai Dieu, il sèche d'envie dans sa noire méchanceté.
Les reproches qui lui sont faits, retombent sur ce peuple perfide et
infidèle, qui ne consentit jamais à sacrifier pour le Seigneur , même
ses biens extérieurs, tandis que les Gentils, après leur conversion,
(l*) Nous avons complété le sens trop incertain de cette dernière phrase, à l'aide du texte origi-
nal de saint Ambroise.
lum nostrum possunt lavare delictum,
sed etiam verbi cœlestis rigare vesti-
giuni, ut gressiis ejus in nobis exube-
rent ! Boiiae lacrymiB, in quibus, non
soluni redemptio peccatorum, sed etiam
justorum refectio est! Greg. {hom. 33,
in Evang.) Laeryniis euira Domini pe-
des riganius, siquilmslibet ultimis mem-
bris Domini compassionis affecta incli-
nemur ; capillis pedes Domini tergimus,
(juando sanctis ejus (quibus ex charitate
compatimur) ex his quee nobis super-
fluuut miseremur.AMBR. Expande etiam
ca[iillos. sterne ante eum omnes corpo-
ris tui dignitates : non médiocres capilli
sunt, qui possunt pedes tergere Christi.
(iRKr,. (ni svp.) Osculatnr nuilier pedes
nuos tersit ; quod nos quoque plane
agimus, si studiose diligimus quos ex
largitate continemns. Potest quoque per
pedes ipsum mysterium incarnationis
ejus intelligi; osculamur igitur Redem-
ptoris pedes, cum mysterium incarnatio-
nis ejus ex toto corde diligimus. Un-
guento pedes ungimus, cum ipsam hu-
manitatis ejus potentiam sacri eloquii
bona opinione prsedicamus : sed hoc
etiam pharisseus videt et invidet; quia
cum JudaicuspopulusGentilitatem Deum
praedicare couspicit. sua apud se malitia
tabi'scit: sic antempharisfeus retnnditiir,
ut per eum perfidus ille populus osten-
datur ; quia videlicet infidelis ille populus
nec ea quae extra se erant. unquani pro
Domino trii)uit ; conversa autem Genti
litas pro eo. non solum rerum substan-
DE SAINT LUC, CHAP. VII.
377
non-seuiement sacrifièrent leurs biens , mais répandirent leur sang.
Voilà pourquoi Jésus dit au pharisien « Vous ne m'avez pas donné
d'eau pour me laver les pieds, cette femme, au contraire, m^a arrosé
les pieds de ses larmes ; » l'eau, en effet, se trouve hors de nous, tandis
que la source des larmes est en nous -même. Ce peuple infidèle ne
donna pas non plus le baiser à Dieu, parce qu'au lieu de l'aimer par
un sentiment de charité , il aima mieux le servir sous l'impression de
la crainte (car le baiser est le signe de l'amour.) Au contraire, à peine
la gentilité fut-elle appelée , qu'elle ne cessa de baiser les pieds du
Rédempteur en soupirant continuellement après lui par un sentiment
d'amour. — S. Ambr. Le Sauveur fait ressortir la vertu héroïque de
cette femme , lorsqu'il dit : « Depuis qu'elle est entrée , elle n'a cessé
de couvrir mes pieds de baisers, » c'est-à-dire qu'elle ne veut plus sa-
voir que le langage de la sagesse, que l'amour de la justice, que les
embrassements de la chasteté, que les baisers de la pudeur. — S. Grég.
{Jiom. 33 sur les Evaiig.) Jésus reproche au pharisien de n'avoir pas
répandu de parfum sur sa tête, c'est-à-dire que le peuple juif a refusé
à la puissance divine à laquelle il se vantait de croire , le juste tribut
de louanges qui lui était dû; cette femme, au contraire , a répandu
des parfums sur les pieds du Sauveur, figure en cela de la gen-
tilité qui, non contente de croire au mystère de l'incarnation, a
relevé par les plus grands éloges les profondes humiliations de ce
mystère.
S. Ambr. Heureux celui qui peut verser de l'huile sur les pieds
de Jésus-Christ, mais plus heureux celui qui peut y répandre des
parfums ; car la réunion d'un grand nombre de fleurs forme un com-
posé d'odeurs les plus suaves et les plus variées. Or, l'Eglise seule aie
privilège de la composition de ce parfum , elle qui possède d'innom-
tiam, sed eticiin saniiuinein fudil : uinle
pharisaeo dicil : « Afiiiam pedibiis ineis
non dedisti, hœi; iuilein lacryiuis rigavit
pedes meo3 : » aqiia quippe extra nos est^
lacrymarumliuiiior inlianos est. Iiifide-
lis etiam ille popiilus Deo osculum non
dedil, quia ex charitate euni aniarc no-
luil, oui ex timoré servivit (osculum
quippe dileclionis est signuni.) Vocata
aulera Genlilitas Redemptoris sui vcsti-
cia osculari non cessai, quia in ejus con-
tiniio aniore suspirat. A MUR. Non uic-
diocris aulem haec meriti est, de qua
dicitur : « Ex quo inlravit, non cossavit
osculari pedes nieos ; » ul aliud nisi
sapientius loqui nesciat, nisi justitiara
diligere, nisi caslitatiam libare, nisi pu-
dicitiam osculari. Greg. (Jiom. 33, in
EvuiKj.) Pharisceo auteni dicitur : « Oleo
caput uieum non unxisti; » quia ipsam
quoque Divinitatis potentiam, in quam
se judaicus populus credere spopondit,
digna laude prœdicare neglexit : « hrec
auteni unguento unxit pedes mecs ; »
quia dum incarnationis ejus mysterium
(ientilitas credidit, summa laude ejus
etiam ima praedicavit.
Amb. Beatus qui potestetoleo ungere
pedes C'iristi, sed bealior qui ungit un-
guento : multorum enim florum in unum
collecta gratia spargit varias odoruni
suavitates: et fortasse istud uuguentum
non posset alius nisi Ecclesia sola dé-
ferre, quae divers! spiraminis innumera-
378
EXPLICATION l>F. l/ftvANfilI.R
brables fleurs exhalant des odeurs si variées ; aussi personne ne peut
prétendre à un si grand amour que l'Eglise, qui aime par le cœur de
tous ses enfants. Dans la maison du pharisien , c'est-à-dire dans la
maison de la loi et des prophètes, ce n'est pas le pharisien, mais
l'Eglise qui est justifiée; car le pharisien refuse de croire, tandis que
l'Eglise embrassait la foi ; la loi, d'ailleurs, n'a pointée mystère divin
qui purifie les secrètes profondeurs de l'àme ; mais ce que la loi ne
peut donner, se trouve abondamment dans l'Evangile. Les deux dé-
biteurs sont les deux peuples, tous deux obligés à l'égard du créan-
cier du trésor céleste ; ce n'est point une somme d'argent matériel que
nous devons à ce divin créancier , mais l'or pur de nos mérites, l'ar-
gent de nos vertus, dont la valeur consiste dans le poids du caractère
et la gravité des mœurs, dans l'empreinte de la justice, dans le son
que fait entendre la confession. De quel prix est cette pièce de monnaie,
où se trouve empreinte l'image de notre roi ! Malheur à moi, si je ne
l'ai pas conservée telle que je l'ai reçue! Ou bien , puisqu'il n'est per-
sonne qui puisse payer toute sa dette à ce céleste créancier, malheur
à moi, si je ne le supplie de me remettre toute ma dette! Mais quel est
ce peuple qui doit plus? c'est nous-mêmes à qui Dieu a donné da-
vantage. Aux Juifs_, Dieu a confié ses oracles , à nous , il a donné le
fruit de l'enfantement virginal , l'Emmanuel (c'est-à-dire Dieu avec
nous), la croix du Sauveur, sa mort, sa résurrection. Il est donc hors
de doute que celui qui a reçu davantage , doit aussi davantage. Selon
notre manière d'agir, c'est quelquefois celui qui doit davantage, qui
manque le plus d'égards. Mais la miséricorde de Dieu a changé cet
ordre, c'est celui qui doit plus, qui aime aussi davantage, s'il est assez
heureux pour obtenir la grâce. Puisque donc nous n'avons rien qui
biles habet flores; et ideo nemo potest
tantum diligere, quantum illa quee in
pluribus diligit. In domo autem pbari-
sœi, id est, in domo legis et propbetae,
non pharisaeus, sed Ecclesia justificatur :
pharisaeus enim non credidit, ista cre-
debat; lex mysterium non habet quo
occulta mundantur; et ideo quod in
lege minus est, consummatur in Evan-
gelio. Duo autem debitores, duo populi
sunt ; fœaeratori illi thesauri cœlestis
obnoxii. Nonmaterialem autem fœnera-
tori huic debemus pecuniam, sed merito-
rum examina , œra virtutum , quarum
mérita gravitatis pondère, justitise spe-
cie, sono confessionis expenduntur. Non
mediocris autem est iste denarius, in
quo régis imago formatur : vse mibi si
non habuero quod a(;cepi ! aut quia dif-
ficile quisquam est, qui fœneratori huic
debitum integrum possit exsolvere , vœ
mihi si non petiero concedi mibi debi-
tum ! Sed quis est populus iste qui am-
plius débet, nisi nos quibus amplius
creditum est ? Illis crédita sunt eloquia
Dei, nobis creditur Virginis partus Em-
manuel (id est, nobiscuin Deus), Domini
crux, moi's, resurrectio. Itaque non est
dubium quod plus débet qui plus acci-
pit : secundum homines plus fortasse
offendit, qui plus debuerit. Sed per mi-
sericordiam Uomini i ausa mutatur, ut
amplius diligat qui amplius debuit, si ta-
men gratiam consequalur. Et ideo quo-
DE SAINT LUC. CHAV. VII. 379
soit digne d'ôtre ofifert à Dieu, malheur à moi , si je ne lui donne tout
mon amour ! Payons donc nos dettes , en aimant Dieu de tout notre
cœur ; car celui qui a reçu plus de grâces , doit aussi donner plus
d'amour.
niam nihil est quod digne Deo referre I Reddamus ergo amorem pro debito : am-
possimus, vae mihi et si non dilexero! | plius enim diligit, cui donatur amplius.
CHAPITRE VIII.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
y. 1-3. — Comment Notre-Seigneur nous apprend à ne jamais négliger le devoir
de l'instruction. — Pourquoi va-t-il de pays en pays? — A qui appartenait-il
surtout d'annoncer le royaume de Dieu? — Quel est ce royaume de Dieu. —
Comment le Sauveur élève successivement ses disciples vers les choses les
plus sublimes. — Pourquoi les prend -il avec lui ? — Pourquoi l'Evangéliste
désigne ici Marie-Madeleine sous son nom propre. —Que signifient les sept
démons dont elle était possédée. — Pourquoi jNotre-Seigneur consent que ces
pieuses femmes pourvoient à son entretien. — Interprétation allégorique du
nom de ces saintes femmes.
y. 4-15. — Pourquoi Notre-Seigneur parle au peuple en paraboles. — Conve-
nance de cette première parabole. — Quel est ce semeur qui est sorti pour
semer. — Comment celui qui remplit tout de son immensité a-t-il pu sortir?
— Dans quel dessein est-il sorti? — Comment le Fils de Dieu est le seul qui
ne cesse de répandre dans les âmes la semence des mystères du royaume des
cieux. — Comment il sème sa propre semence. — En combien de classes se
partagent ceux qui reçoivent la divine semence. — Trois degrés dans chaque
classe. — Est-ce le semeur qui sème la semence le long du chemin? — Quel
est ce chemin. — Que figure la pierre sur laquelle tombe une autre partie de
la semence. — Que figurent les épines. — Que représente la terre fertile , et
le fruit au centuple. — Que signifient ces paroles de Jésus-Christ : Que celui
qui a des oreiUes pour entendre, qu'il entende. — Qu'est-ce qu'une parabole.
— Peut-on conclure des paroles de Jésus-Christ qu'il est des hommes dont la
nature est de se perdre, d'autres dont la nature est de se sauver? — Pourquoi
Notre-Seigneur cache ces vérités à ceux qui en sont indignes. — Quels sont
ceux qui entendent en paraboles. — Pourquoi le Sauveur consent à expliquer
à ses disciples cette parabole. — Trois causes de destruction pour la semence
qui est jetée dans nos âmes. — Quels sont ceux qui sont figurés par le chemin,
la pierre, les épines. — Comment Notre-Seigneur a-t-il pu comparer les ri-
chesses aux épines? — Résumé de la doctrine de Notre-Seigneur. — Pourquoi
la bonne terre produit du fruit par sa patience.
f. 16-18. — Nécessité pour les apôtres de révéler aux autres les vérités que le
Sauveur vient de leur expliquer. — Sainte confiance avec laquelle ils doivent
prêcher la parole de Dieu. — Que figurent le vase, le lit, la lampe dont parle
Notre-Seigneur. — Sainte exactitude que doivent avoir les disciples pour tous
les devoirs de la vie. — Notre-Seigneur et l'Eglise figurés par la lampe et le
chandelier. — Nécessité pour nous d'écouter la divine parole avec toute l'at-
tention possible.
f. 19-21. — Quels sont les frères du Seigneur dont il est ici question. — Pré-
tention indiscrète des frères de Jésus. — Leçon de détachement que le Fils
de Dieu donne à ses disciples. — Peut-on dire le que Sauveur renie ici ses pa-
rents et sa mère? — Comment ceux qui écoutent et pratiquent la parole de
Dieu méritent le nom glorieux de mère de Dieu. — Notre-Seigneur a-t-il l'in-
tention de faire ici un reproche à sa mère ?. — Peut-on attribuer à l'envie des
ennenais de Jésus qui veulent l'humilier la nouvelle qu'ils viennent lui
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE DE S, LUC, CHAP. VIII. 384
apprendre? — Que figurent ici dans le sens mystique les parents de Jésus
qui se tiennent dehors, et ceux qui écoutent sa parole dans l'intérieur de la
maison.
p. 22-2o. — Pourquoi Notre-Seigneur permet que ses disciples soient exposés à
une tempête sur la mer. — Pourquoi permet-il que cette tempête arrive pen-
dant son sommeil? — Pourquoi les disciples ne crièrent-ils pas au secours au
premier moment que la barque fut assaillie? — Quelle formule précise de
prière les disciples ont-ils employée. — Comment Notre-Seigneur dans ce
seul et même miracle prouve à la fois sa nature divine et sa nature humaine. —
Comment il apaise en même temps la tempête intérieure des âmes. — Locu-
tions diverses dont Notre-Seigneur a pu se servir pour reprocher aux apôtres
leur peu de foi. — Sentiments de crainte et d'admiration dont ils sont saisis
à la \ue de ce prodige. — Que représentent dans le sens allégorique la mer
agitée, la barque, la tempête, la crainte excessive des disciples, etc.
y. 26-49. — Quel est le pays des Géraséniens auquel Notre-Seigneur aborde
avec ses disciples. — Pourquoi selon le récit de saint Matthieu y avait-il deux
possédés; tandis que saint Luc ne parle que d'un seul? — Pourquoi la provi-
dence de Dieu permet-elle que quelques-uns soient possédés? — Les démons
publient la divinité de Jésus que les hommes refusent de reconnaître. — Mé-
lange de crainte, d'audace et de désespoir dans les paroles du démon au Sau-
veur.— Pourquoi Jésus lui demande son nom. — Pourquoi répond-il qu'il
s'appelle légion? — Pourquoi les démons prient-ils le Sauveur de ne pas les
envoyer dans l'abime? — Preuve que l'enfer est la demeure des démons. —
Les peines y sont proportionnées aux crimes. — Pourquoi cette légion de dé-
mons demande à être envoyée dans un troupeau de pourceaux. — Les démons
n'ont même pas de pouvoir par eux-mêmes sur les pourceaux. — Pourquoi le
Sauveur leur accorda ce qu'ils demandaient. — Preuve de la méchanceté des
démons. — Comment Dieu en châtiant les hommes dans leurs biens temporels,
se rend le bienfaiteur de leurs âmes. — Prière que lui font les habitants de
cette contrée de s'éloigner de leur pays. — Pourquoi le Sauveur ne permet pas
au possédé qu'il vient de délivrer, de le suivre. — Comment il nous apprend
à renvoyer à Dieu tout le mérite de. nos bonnes œuvres. — Pourquoi Cdutre
sa coutume commande-t-il à cet homme de publier le miracle qu'il vient de
faire? — Explication mystique et spirituelle de cet événement. — Que repré-
sentent Gérasa, ce possédé, les entravcs-ct les chaînes de fer qui liaient ses
membres, le troupeau de pourceaux, la mer dans laquelle ils sont précipités,
les gardiens dos pourceaux, etc.
f. 43-48. — La résurrection de la fille de Jaïre eut-eile lieu aussitôt après le
fait que saint Luc vient de raconter? — Pourquoi l'Evangéliste donue-t-il le
nom de ce chef de la Synagogue? — Sous quelle impression agit cet honnne.
— Pourquoi le Sauveur guérit l'hémurrhoïsse avant de ressusciter cette jeune
fille. — Foi vive de cette (einnie. — Pourquoi touchc-t-elle la frange du vête-
ment de Nntre-Seigneur? — Effet immédiat de cette foi vive. — Pourquoi
Jésus guérit cette femme sans qu'elle lui ait fait aucune prière. — Pourquoi
demaude-t-il qui l'a touché, comme s'il n'en savait rien? — Réponse des apôtres.
— Comment Notre-Seigneur manifeste sa divinité tant par le miracle qu'il vient
d'ojiéror que par ses paroles. — Pourquoi voulut-il que ce miracle fut connu
(le tous? — Comment il rassure celle femme, et fait l'éloge de sa foi. — Pour-
quoi no la fiiil-il pas coimaitre immédiatement? — Comment il confirme la
383
KXPI.ICAnON I)F. I.'ÉVANGTI^K
guérison qu'elle a obtenue. — Monument que celte femme fit élever en sou-
venir de cette guérison miraculeuse. — Explication mystique des différentes
circonstances de ce miracle.
f. 49-56. — Pourquoi Notre-Seigneur attendit-il que cette jeune fille fût morte?
— Conciliation de saint Matthieu avec saint Luc, sur ce que le chef de la Sy-
nagogue annonce à Notre-Seigneur. — Pourquoi Jésus exige-t-il la foi de ceux
qui l'invoquent? — Pourquoi fait-il sortir tout le monde avant de ressusciter
cette jeune fille, et ne prend-il avec lui que trois de ses disciples ? — Pourquoi
fait-il retirer tous ceux qui pleuraient? — Preuves de la résurrection de cette
jeune fille. — Pourquoi défend-il aux parents de rien divulguer de ce qui vient
d'arriver? — Explication spirituelle et tropologique de cette résurrection.
f, 1-3. — Et il arriva ensuite que Jésus parcourait les villes et les villages,
prêchant l'Evangile et annonçant le royaume de Dieu; et les douze étaient
avec lui, ainsi que quelques femmes qu'il avait délivrées des esprits malins et
guéries de leurs maladies ; Marie, appelée Madeleine, de laquelle étaient sorties
sept démons; Jeanne, femme de Chusa, intendant de la maison d'Hérode,
Susanne, et plusieurs autres que l'assistaient de leurs biens.
Théophyl. Celui qui est descendu des cieux pour nous tracer la voie
et nous donner l'exemple, nous enseigne à ne jamais négliger le de-
voir de l'instruction : « Et il arriva ensuite que Jésus parcourait les
villes, » etc. — S. Grég. de Naz. (1) Il va de pays en pays, non-seu-
lement pour gagner à Dieu un plus grand nombre d'àmes, mais en-
core pour consacrer par sa présence un plus grand nombre d'endroits.
Il dort et se fatigue pour sanctifier notre sommeil et nos travaux; il
pleure pour donner du prix à nos larmes, il annonce les mystères du
ciel pour élever et agrandir l'esprit de ceux qui l'écoutent. — Tite de
BosTK. Celui qui est descendu du ciel sur la terre, annonce le royaume
des cieux aux habitants de la terre, pour changer la terre et en faire
(1) Discours 31 sur ces paroles de saint Mafth., chap. xvi :
discours, » etc.
Lorsque Jésus eut terminé tous ces
CAPUT VIII.
Et factum est deinceps, et ipse iter faciebat per
eivitates et castella prœdicans et evangelizans
regnum Dei; et duodecim cum Mo, et mnlieres
aliquœ , quœ erant curatœ a spiritibus ma
lignis et infirinitatibus : Maria quœ vocaiur
Magdalene, de c/ua septem dœmonia exierant;
et Joanna, uxor C/iusœ, procuratoris Herodis,
et Susanna, et aliœ mullœ, quœ ministrabant
ei de facultatibus suis.
Theophylact. Oui cœlitus descendit,
ut exemphim fieret uobis et forma, ins-
truit nos non piirritare in docendo : unde
dicitur : « Et factum est deinceps, et
ipse iter faciebat, » etc. Greg. Nazianz,
{in Cri t. Grœcorum Palrinn.) Vadit
quippe de loco in locum, non solum ut
plures lucretur, sed etiam ut nnilta de-
dicet loca. Dormit et laborat, ut som-
uum et laborem sanctifîcet ; plorat, ut
det pretiuui lacrymis ; prœdicat cœles-
tia, ut audientes exaltet. TiT. Bostrens.
Qui eniui de cœlo ad terram descendit,
DE SAINT LUC. CHAP. VIII. 383
un ciel anticipé. Mais qui peut annoncer dignement ce royaume, que
le Fils de Dieu qui en est le souverain Maître? Bien des prophètes ont
paru sur la terre^ mais sans annoncer le royaume des cieux, car com-
ment auraient-ils pu parler des choses qu'ils n'avaient pas vues ? —
S. IsiD. {Liv. XXIII, lettre 206.) il en est qui pen-ent que ce royaume
de Dieu est plus élevé et plus parfait que le royaume céleste; d'autres
prétendent au contraire que c'est le même dans si nature , mais
auquel on donne des noms différents. On l'appelle royaume de Dieu ,
parce qu'il a Dieu pour souverain ; et quelquefois le royaume des cieux,
quand on considère ce royaume dans ses sujets, c'est-à-dire, dans
les anges et les saints auxquels la sainte Ecriture donne le nom de
cieux.
Bède. Comme l'aigle qui excite ses petits à voler {Deut., xxxii), le
Seigneur élève successivement ses disciitles vers les choses suhlimes.
Ainsi, il commence par enseigner dans les synagogues, etpar faire des
miracles, puis il choisit les douze auxquels il donne le nom d'Apôtres;
ensuite il les prend seuls avec lui, lorsqu'il va prêcher dans les villes
et dans les bourgades, comme le rapporte l'Evangéliste : « Et les douze
étaient avec lui. » — Tiiéophtl. Ce n'est ni pour enseigner ni pour prê-
cher qu'il les prend avec lui, mais pour continuer de les instruire. Afin
de montrer que les femmes n'étaient point exclues de la suite de
Jésus-Christ, l'Evangéliste ajoute : « Il y avait aussi quelques femmes
qu'il avait délivrées des esprits malins, et guéries de leurs infirmités :
Marie-Magdeleine, de laquelle étaient sortis sept démons. » — Bède.
Maiie-Magdeleine est celle dont saint Luc a raconté la pénitence dans
le chapitre précédent. Admirons comment l'Evangéliste désigne cette
femme sous son nom propre, lorsqu'il nous la montre à la suite du
aununtiat babitantibus lerram regnum
cœleste, ut terram in cœhim convertat.
Quis auleiii prœdicare debeal ri'fïnum,
u\ii FiUu3 Dei ctijus est refrnum ? Veue-
TUDt plures prophetœ ; non taïuen prœ-
dieaverunt regiuun crcloruni : nam qua-
liter eoruai quœ non videnuilseruioneui
pra^londerenl? lsiD.ABB.\s. {in euindcm
C'a/, drœca.) Hoc autem regnum Dei
aliquibus videtur altius et raelius reguo
cœlesli ; quibusdam veio ununi et idem
secundum essentiam, sod diversimodc
nouiinaii ; aliquando quiilem regnvm
Dei & régnante; aliquundo autem ;e-
ijnum cœlorvm a subditis angelis c-l san-
clis, qui cœli dicuntur.
Bed. More autem aquilae provocantis
ad volandum pullos suos [Deuter., 32),
Uominus pedetentium discipulos sucs ad
sublimia erigit. Si quidem primo docet
in synagogis et miracula facit : ex bine
duodecim quos apostoloâ nomiuat, eli-
git : postmodum eôs solos per civitates
et castella prœdicans secum ducit: unde
seqnitiir : « Et duodecim cum illo. »
TiiKOPuyL. Non doceutes aut prœdican-
tes, sed in?truendi ab eo. Ne autem fe-
mineus sexus probiberi videretur sequi
Cliristum, subditur : « Et muUeres ab-
qute, qute erant ciiratse a spiritibus ma-
bà et ijfirmitatibus : Mariaj quie vocatur
.Magdalene , de qua septem diumonia
exicraiit. » Bkd. Mariœ Magdalene ipsa
est CUJU.S tacito nomine proxima lectio
pœnilentiam narrât. Nam pulcbre Evau-
geUsla, ubi eam cum Domino iter facere
384
EXPLICATION DK l.'ÉVANGILK
Sauveur, taudis qu'eu racoutant ses désordres el sa péuitence, il lui
doune simplement le uom do femme, de peur que le scandale de ses
premiers égarements ne flétrit un uom aussi connu que le sien. Sept
démons étaient sortis d'elle, c'est-à-dire qu'elle avait été remplie de
tous les vices. — S. Grég. Que signifient, en effet, ces sept démons,
sinon tous les vices réunis. Comme la division des sept jours comprend
l'universalité du temps, le nombre sept est le symbole de l'universalité,
Marie-Magdeleine était donc possédée de sept démons, parce qu'elle
avait en elle tous les vices.
« Et Jeanne, femme de Ghusa, intendant de la maison d'Hérode,
Suzanne, et plusieurs autres qui l'assistaient de leurs biens. » —
S. Jér. [sur S. Matth., 27.) Suivant une coutume des Juifs, et qui
n'avait rien de répréhensible dans les mœurs anciennes de cette na-
tion, les femmes se chargeaient de fournir à ceux qui les enseignaient
la nourriture et le vêtement. Saint Paul nous apprend ({u'il ne voulut
point user de ce droit, pour ne pas scandaliser les Gentils (I Coi\^ ix.)
Ces femmes assistaient le Seigneur de leurs biens; il était juste, en
effet, qu'il moissonnât leurs biens temporels, alors qu'elles recueil-
laient de lui les richesses spirituelles. Ce n'est pas sans doute que le
souverain Maitre des créatures eût besoin d'être nourri par elles, mais
il voulait être le modèle de tous ceux qui enseignent, et leur apprendre
à se contenter de la nourriture et du vêtement que leur donneraient
leurs disciples. — Bède. Mariii veut dire mèi^e pleine d'amertumes,
à cause des gémissements de sa pénitence; Magdeleine signifie tow\
.ou qui a la forme d'une tow\ par allusion à cette tour dont parle le
Roi-prophète : a Vous êtes devenu mon espérance, une forte tour
contre l'ennemi {Ps. lx). » Jeanne signifie grâce du Seig7ieur, ou le
commémorât, nolo hanc vocabulo ma-
nifestât ; ubi vero peccatricem (sed pœ-
niteutem) deàcribit, midicrem generali-
ter dicit ; ne nomen tantae famae prisci
erroris nota fuscaret, de qua daemonia
septem exiisse referuntur, >jt universis
vitiiri plena fuisse monstretur. Greg.
[in liom. 32 ut sup.) Quid enim per
septem dœmonia, nisi universa vitia in-
lelliguutur ? Quia enim septem diebus
omne tempus comprebenditur , recte
septenario numéro uuiversitas ôguratur.
Septem ergo demonia Maria babuit, quae
universis vitiis plena fuit.
Sequitur : « Et Joanua, uxor Cbusae,
procuratoris Herodis, et Susauua , et
aliae multae quae ministrabant ei de fa-
cultatibus suis. » Hier, {in Motth., 27.)
Consuetudinis judaicse fuit, uec dueeba-
tur in culpam more geotis antiquo, ut
mulieres de substantia sua victum atque
vestitum prseceptoribus darent : lioc
quia scandalum facere poterat in uatio-
nibus, Paulus se abjecisse commémorât.
(I Cor., 9.) Ministrabant autem Domim*
de substantia suautmeteret earuui carna-
lia, cujus ipse metebant spiritualia : non
quod indigeret cibis Dominus creatura-
rum, sed ut typum ostenderet magistro-
rum, quod victu atque vestilu de disci-
pulis deberent esse conteiiti. Bed. Inter-
pretatur autem Maria omariim mure
propter pœnitentiae rugitum; Magdalena
fitni.s, vel melius turrensis, a turre de
qua dicitur [Psal. 60) : « Factus es spes
mea, turris forlitudinis a facie inimi-
ci ; » Joauna Dominus gratta ejus, vel,
Doviimis miscricors interpretatur ; vi-
DE SAINT LUC, CHAP. VIII. 385
Seigneur miséricordieux, c'est-à-dire, que tout ce qui soutient notre
■^-ie, lui appartient. Or, si Marie purifiée de la souillure de ses vices,
représente l'Eglise des nations, pourquoi Jeanne ne serait-elle pas
aussi la figure de cette même Eglise, autrefois livrée au culte des
idoles? Ajoutons que tout malin esprit qui travaille à l'extension
du royaume du démon, est comme l'intendant de la maison d'Hé-
rode. Suzanne signifie loi ou grâce^ à cause de la blancheur odo-
riférante d'une vie céleste, et de la flamme d'or de la charité inté-
rieure.
y. 4-15. — Or, comme le peuple s'assemblait en foule, et accourait à lui des
villes, il leur dit en parabole : Celui qui sème sortit pour semer son grain ;
et pendant qu'il semait, une partie de la semence tomba le long du chemin,
et fut foulée aux pieds, et les oiseaux du ciel la mangèrent. Une autre partie
tomba sur la pierre, et aussitôt levée, elle se dessécha, parce qu'elle n'avait
point d'humidité. Une autre tomba parmi les épines, et les épines croissant
avec la semence, l'étouffèrent. Une autre tomba dans la bomie terre, et ayant
levée, elle porta du fruit au centuple. En disant cela, il criait : Que celui qui
a des oreilles pour entendre, entende. Or, ses disciples lui demandaient quel
était le sens de cette parabole. Il leur dit : Pour vous, il vous a été donné de
connaître le mystère du royaume de Dieu, tandis qu'aux autres il n'est proposé
qu'en paraboles, en sorte qu'en voyant, ils ne voient point, et qu'en entendant,
ils ne comprennent point. Or, voici le sens de cette parabole : la semence c'est
la parole de Dieu. Ce qui tombe le long du chemin^ ce sont ceux qui écoutent ;
le diable vient ensuite, et enlève la parole de leur cœur, de peur qu'ils ne croient
et ne soient sauvés. Ce qui tombe sur la pierre, ce sont ceux qui, ayant écouté
la parole, la reçoivent avec joie, mais ils n'ont pas de racine, ils croient pour
un temps, et au temps de la tentation, ils se retirent. Ce qui tombe parmi les
épines, ce sont ceux qui écoutent la parole, mais les sollicitudes des richesses
et des plaisirs de la vie l'ctouffent peu après, et ils ne portent point de fruits.
delicet quia ejus est oiiine quod vivi-
nius. Si autem Maria mundala a sorde
vitiorum Ecdesiam de fieutibiis insinuât,
curnon Joannaeaiudeni désignât Ecde-
siam, quodaœ idoiorum cultui subdi-
tani ? nam quilibet maligiius spiritus
dum pro regno diaboli facit, ([uasi He-
rodis procurator exislit. liiterpretatur
Siunnna liliu}n, dulf/rotiu ejus, propter
odoriferum cœleslis vilae caiidoreui, au-
reumque interuae dilectionis ardorem.
Cum niilein turba plurima conveniret , et de ci-
oitatihus properarent ad eum, dixit per simi-
Htudinem : lixiit qui séminal seminare semen
suum. Et dum séminal, aliud cecidit secus
viam, et conculcalum est, et volucres cœli co-
mederunt itlud. El aliud cecidit supra petram,
et iiatnm aruit, quia mjii fiabebal kumoreiu. Et
lOM. V.
aliud cecidit inter spinas, et simul exortœ spi-
nœ suffocaverunt illud. Et aliud cecidit in ter-
ram bonain ; et ortum fecit fructum cenluplum.
Hœc dicens clamabat : Qui hahet aures au.
diendi, audiat. Interrogabant autem eum dis-
cipuli ejus quœ essct hœc parabola. Quibus
ipse dixit : Vobis datum est 7wsse mysterium
ref/ni Dei; cœteris autem in parabolis; ut vi-
dentes non videant , et audienles non intelli-
gant. Est autem hœc parabola, semen est uer-
bum Dei. Quod autem secus viam, hi sunt gui
audiunt; deinde venit diabolus, et tollit ver-
buyn de corde eorum , ne credentes salui fiant.
Nam quod supra petram, hi sunt qui cum
audierint , cum gaudio suscipiurit verbum : et
hi radiées non habent , qui ad tempus cre-
dunt, et in iempore tentationis recedunl. Quod
autem in spinas cecidit, hi sunt qui audierunt,
et a solliciludinibus , et diviliis, et volupta-
tibus vitce euntes suffocantur. et non referwit
fructum. Quod autem in bonam terram , hi
2o
386 EXPUCATION DE F. ÉVANGILE
Mais ce qui tombe dans la bonne terre, ce sont ceux qui, ayant entendu la parole
avec un cœur bon et excellent, la conservent, et portent des fruits par la
patience.
Théoputl. Notre- Seigneur accomplit ici ce qu'avait prédit David,
qui était la figure du Christ (1) : « J'ouvrirai ma bouche pour parler
eu paraboles : » {Ps. lxxvii.) « Or, comme le peuple s'assemblait en
foule et se pressait de sortir des villes pour venir à lui^ il leur dit en
paraboles. » Le Sauveur parle en paraboles, pour rendre ceux qui l'é-
coutent plus attentifs, car les hommes aiment à exercer leur intelli-
gence sur les choses obscures, et dédaignent au contraire celles qui
sont trop claires et trop faciles ; secondement, afin que son langage
demeurât inintelligible pour ceux qui étaient indigues de le com-
prendre. — Orig. {Cil. des Pèr. gr.) Aussi est-ce avec une intention
marquée que l'Evangéliste dit : « Comme le peuple s'assemblait en
foule et se pressait de sortir des vilhs^ » etc. Car ce n'est point la mul-
titude, mais le petit nombre qui marchent dans la voie étroite, et <]ui
trouvent le chemin qui conduit à la vie, c'est pour cette raison que
saint Matthieu fait remarquer qu'il enseignait au dehors en para-
boles, et que, rentré dans la maison, il expliipiait la parabole à ses dis-
ciples (2).
EusÈBE. Remarquez la convenance de cette première parabole que
Jésus propose à la multitude, non-seulement de ceux qui étaient pré-
sents, mais encore de tous ceux qui devaient venir après eux, et comme
il excite vivement leur attention par ces premières paroles : « Celui
qui sème sortit pour semer. »
fl) Saint Matthieu dit en termes plus exprès : « Il ne parlait quen paraboles, afin que s'accom-
plit cette parole du prophète : J'ouvrirai ma bouche en paraboles. » [Matth., xm, 35.)
(2) Saint Matthieu ne fait cette observation qu'à roccasion de la parabole de l'ivraie; quant aux
précédentes, le Sauveur les avait expliquées avant son entrée dans la maison.
sunt qui in corde bono et optiino audieiites
verbum retinent, et fructum afferunt in pa-
tientia.
Theophyl. Quod David in persoua
ChrisU prœdixerat (Psal. 77) : « Aperiaiii
inparabolis os ineum, » hic Domimis
implet : unde dicitur : « Cum autem
turba plurima couvenirent^ et de civita-
tibus properareut ad eum, dixit per
simililudiuem. » Loquitur autem Domi-
nus per similitudiuem : primo quidem,
ut atteutiores faceret auditores : cou-
sueverunt enim liomines iu obscuris se
exercitare, et spernere manifesta : de-
inde ut non caperent indigni, quae mys-
tice dicebantur. Orig. {in Cat. Grœco-
rum Pft^rwTO.) El ideo signanter dicitur :
« Cum turba plurima convenirent^ et
de civitatibus, » etc. Non enim sunt
mulli, sed pauci qui per arctam viam
incedunt, et qui inveniunt viam quœ
ducit ad vitam : unde Mattlia'us dicit
[cap. 13.) quod extra domum docebat
per parabolas, sedintra domum parabo-
lam discipulis exposuit.
Edseb. [in eadem Cat. Grœcu.) Satis
autem congrue Cbristus priuiam propo-
nit parabolam multitudini, non solum
tune astantium, sed etiam fiiturorum
post iilos; induceus ad audientiam ver-
borum suorum, cum dicit : « Exiit qui
séminal seminare semen suuui. »
DE S'VINT LUC, CHAP. Vîll. 387
BEDE. A nul autre ne convient mieux cette qualité de semeur qu'au
Fils de Dieu, qui est sorti du sein de son Père (inaccessible à toute créa-
ture), pour venir en ce monde rendre témoignage à la vérité {Jean^ xix).
— S. Chrts, {liom. 455^^ S. Matth.) Celui qui remplit tout de son im-
mensité est sorti, non point en allant d'un lieu dans un autre, mais
en se revêtant de notre chair pour s'approcher de nous. Jésus-Christ
donne avec raison à son avènement le nom de sortie, car nous étions
exclus de la présence de Dieu ; or lorsque des rebelles condamnés par
leur roi sont bannis, celui qui veut les réconcilier sort pour venir
les trouver, et converse en dehors avec eux jusqu'à ce qu'il les ait ren-
dus digues de paraître devant le roi, et qu'il les introduise en sa pré-
sence, c'est ce qu'a fait Jésus-Christ. — Théophyl. Il sort maintenant,
non pour perdre les laboureurs ou pour réduire la terre en cendres,
mais il sort pour semer, car souvent le laboureur qui sème, sort pour
autre chose que pour semer. — Eusèbe. Un grand nombre de fidèles
serviteurs de Dieu sont sortis de la céleste patrie et sont descendus au
milieu des hommes; mais ce n'était point pour semer, car ils n'étaient
point semeurs, mais des esprits que Dieu envoyait pour remplir un
ministère. {Hebr., i, 14.) Moïse lui-même et les prophètes après lui
n'ont point semé dans le cœur des hommes les mystères du royaume
des cieux, mais en les arrachant à de coupables erreurs et au culte
des idoles, ils cultivaient les âmes des hommes, et les défrichaient
pour en faire une terre bien préparée. Seul le Verbe de Dieu, créa-
teur et auteur de toutes les semences, est sorti pour répandre par
la prédication de nouvelles semences, c'est-à-dire, les mystères du
royaume des cieux. — Théophyl. Or, le Fils de Dieu ne cesse pas de
semer dans nos âmes, car ce n'est pas seulement comme maître et
Beda. Satorem i-tiiiu nulluin iiielius
quam Filium Dei inlelli^ere podsumus,
qui de sinn Patris (quo croaturae non
erat accessiis) egrediens, ad lioc venit
in nmnduni, ut iedlimouiuiu perliiheret
verilati. {Joon.. 19.) Chrys. (Iiom. 45.)
Exiit autem qui ubique est, non locali-
lor, sed per aiuicluni carni^ nobis ap-
propinqiiavit. Decenlf.r auleni advenlum
proprium Chrisliis exilum noniinat :
eranius enini exclus! a Deo; et sicuti
cond«riinali et reljelltis rogis ejecli sunt ;
qui vero reconciliare viilt eos, exoundo
ad ipsos extra euni ois loquitur, douée
dignes jaui factos aspeclii re'jio, eos iii-
troducal; sic eliam Clirislus lecit. TilEO-
l'HVLACT. Exiit autem uunc, non ut
agricolas perderet aul coiubureret ter-
raui, sed exiit .-^euiinare : sœpe euim
agricola qui seminat, ob aliam causam
exit, non solum ut seminet. Euseb. {ut
supra.) Exiverunt autem nonnuUi a
patria cœlesti, et ad homines descende-
runt, non tamen ut serereut; neque
enim satores erant, sed administratorii
Spiritus in ministeriuuimissi, (adllcbr.,
I, vers. 14.) Moyses etiam et prophetae
post euni non inseruerunt houiinibus
mysteria regni cœloruui , sed retra-
liendo insipientes ab errore nequitiœ et
et idolorum culLu, quasi colebant aui-
uias liMniinum, et lu novaba redige-
bant. Solus autem onmium sator Ver-
buiu Dei exivit evangeiizaturiis nova
seniina, scilicet mysteria rngni cœlorum.
Theophylact. Non cessât autem Dei
Filius semper iu nostris aniinabus semi-
nare : nam non solum cnm docet, sed
388
EXPLICATION DE l/ÉVANGILK
docteur, mais comme créateur qu'il répand dans nos âmes la bonne
semence. — Tite de Bostr. « Il sortit pour semer sa semence, » sa
parole n'est point une parole d'emprunt, puisqu'il est par nature le
Verbe du Dieu vivant. Ce n'était point leur propre semence que ré-
pandaient Paul ou Jean, mais celle qu'ils avaient recrue; Jésus-Christ,
au contraire, sème sa propre semence, parce qu'il tire ses divins en-
seignements de sa propre nature; aussi les Juifs étonnés disaient-ils :
« Comment connait-il les Ecritures, puisqu'il ne les a point apprises? »
{Jean, vit.)
EusÈBE. Ceux qui reçoivent la divine semence se partagent donc en
deux classes, la première se compose de ceux qui sont jugés dignes de
la vocation céleste, mais qui perdent cette grâce par suite de leur né-
gligence et de leur tiédeur; la seconde comprend ceux qui multiplient
la semence en produisant de bons fruits. D'après saint Matthieu, le
Sauveur établit trois degrés différents dans chaque classe; ceux, eu
effet, qui reçoivent inutilement la semence, ne la perdent pas de la
même manière , et ceux qui la rendent féconde, ne produisent pas du
fruit au même degré. Le Sauveur expose donc les différentes circons-
tances où on laisse perdre la semence. Les uns, sans même qu'ils
aient péché, ont perdu la semence salutaire qui avait été jetée dans
leurs âmes; les esprits mauvais, les démous qui volent dans l'air, ou
les hommes fourbes et astucieux qu'il désigne sous le nom d'oiseaux,
viennent enlever la semence de leur esprit et leur en fout perdre le
souvenir : « Et pendant qu'il semait, une partie de la semence tomba
le long du chemin. » — Théophyl. Il ne dit pas que celui qui sème a
jeté sa semence le long du chemin, mais (jue la semence y est tombée,
car celui qui sème enseigne une doctrine pure et irréprochable, mais
fliam cum créât, ia nostris auiuiabus
seminat semina bona TiT. Bostrens.
Exiit autem ut seminaret semen snum ;
nou autem accepit verbum quasi mu-
tuatum, cum ipse naturaliter sit Verljum
Dei vivi. Nou est igitur suum proprium
semen Pauli, velJoannis, sed liabetcum
acceperint : Christus autem habet pro-
prium semen, proferens doctriuam ex
sua natura : unde et Juda-i dicebant
{Joan.,1, vers. 13) : « Qualiter hic litte-
rasnovit quas non didicif? »
EusEB. {ut Slip.) Docet igitur duos
esse gradus eorum qui recipiunt semina :
primum quidem eorum qui digni facti
sunt vocatione cœlesti, sed labuntur a
gratia propter negligentiam et teporem ;
secundum vero multiplicautium semen
in bonis fructibus, Ponit autem secun-
cundum Matthaeum très differentias in
quolibet gradu. Nam qui corrumpunt
semen, non similem habent perditionis
modum; et qui ab eo fructificant, non
œquam recipiunt copiam. Saue occasio-
nes perdenlium semen ostendit. Quidam
enim cum non peccaverint, suis anima-
bus insita sibi semina saUibria perdide-
runt ; subtracta ab intentione et memo-
ria eorum per spiritus malignes et dae-
mones, qui volant per aerem ; vel viros
fallaces et callidos, quœ lolatilia nun-
cupavit : unde subdit : « Et dum sémi-
nal, aliud cecidit secus viam. » Theoph.
Non dixit quod seminans projecit aliud
secus viam, sed quod semen cecidit ;
qui enim semiuat, docet rectum sermo-
DE SAINT LUC, CHAP. VIII. 389
cette doctrine tombe diversemeiit dans l'esprit de ceux qui l'en-
tendent, et quelques-uns d'entre eux sont représentés par ce chemin
où elle fut foulée aux pieds et mangée par les oiseaux du ciel. —
S. Ci'R. Tout chemin est inculte et stérile, parce qu'il est sans cesse
foulé aux piedS; et aucune semence ne peut y être enfouie. Ainsi les
cœurs indociles sont impénétrables aux divins enseignements, et au-
cune vertu ne peut y germer, c'est un chemin qui n'est fi-équenté que
par les esprits impurs. D'autres portent légèrement la foi en eux-
mêmes, en ne s'attachant qu'aux simples paroles; leur foi manque de
racines, et c'est d'eux que le Sauveur ajoute : « Une autre partie
tomba sur la pierre, et ayant levée elle sécha, parce qu'elle n'avait pas
dliumidité. — Bède. La pierre est la figure des cœurs durs et in-
domptables, l'humidité est à la semence ce qu'est dans une autre pa-
rabole l'huile qui doit alimenter les lampes des vierges (Matth., xxv),
et représente l'amour de la vertu et la persévérance dans le bien. —
EusÈBE. Il en est d'autres qui laissent étouffer la semence qu'ils
reçoivent par l'avarice, par le désir des voluptés, par les sollicitudes
du monde, que Notre-Seigneur compare à des épines : « Et une autre
partie tomba parmi les épines, » etc. — S. Chrys, [homél. 45 sur
S. Matth.) Semblables, en effet, aux épines qui ne permettent pas à la
semence de lever et de croître, mais l'étouffent par leur épaisseur, les
sollicitudes de la vie présente ne permettent pas à la semence spiri-
tuelle de croître et de fructifier. Le laboureur qui sèmerait sur les
épines matérielles, sur la pierre, sur le chemin, serait digne de blâme,
car il est impossible que la pierre se change jamais en terre, que le
chemin cesse d'être un chemin, que les épines ne soient plus des
nem : sed sermo diversimode cadit in
audientes;, ut quidam eorum via dican-
tur: « Et conculcatum est, et voUicres
cœli comederunt lllud. » Cyril. {inCat.
Crcecorum Patrvm.) A rida enim est et
inculta quodanmiodo umnis via ; eo
quod a ('unctis coiiculcatur, ac nihil ex
seminibus humatur in ea. Sic igitur ha-
bentes cor indocile non pénétrât divina
monitio, ut posait laudeui gerniinare
virtutum ; sed taies sunt via fro{|uentata
immundis spiritibus. Sunt iterum aliqui
leviter gerentes fideni in se, quasi in
verborum siniplicitato : horuni lides
caret radice de quibus subditiir : « VA
aliud cecidil supra pelraiu, el natum
aruit, quia non babebat luunnreni. »
Bed. Petram dicit duruin et iudomitum
cor : hoc est autem humor ad radicem
seminis, quod juxta aliam parabolam
oleuni ad lampades virginum nutriendas
{Matth., 25), id est, anior et perseve-
rantia virtutis. Euseb. {ut sup.) Sunt
etiani aliqui qui per avaritiam et appe-
titum voluptatum et rauudanas sollici-
tudines, quas quidem spinas nuncupat
immissum sibi semen suffocari fecerunt :
de quibus subditur : « Et aliud cecidit
inter spinas, » etc. Chrys. {hom. 45, in
Matth.) Sicut enim spinae non permil-
tunt oriri semen, sed ex condensatione
sutTocant immissum : sic sollicitudines
vitœ prœsentis, semen spiritualc fructi-
ficare non sinunt. Increpandus autcm
esset agricola, qui super sensibiles spi-
nas, et petram, et viam seminaret : non
enim possibile est petram terram fieri ;
nec via m non esse viam, nec spinas non
390
EXPLICATION DE l'ÉVANGUJE
épines. Mais il n'en est pas de même dans les choses spirituelles, car
la pierre peut devenir une terre fertile, le chemin peut n'être plus
foulé aux pieds, et il est possible d'arracher les épines.
S. Gyr. La terre riche et fertile, ce sont les âmes bonnes et ver-
tueuses qui reçoivent dans leur profondeur la semence de la parole,
qui la retiennent et la fécondent, et c'est d'elles qu'il est dit : « Une
autre partie tomba dans une bonne terre, et ayant levé, elle produisit
du fruit au centuple. » En effet, lorsque la parole divine tombe dans
une âme libre de toute agitation, elle pousse de profondes racines,
elle produit des épis et les fait arriver à une maturité parfaite. —
BEDE. Le fruit au centuple, c'est le fruit dans sa perfection, car le
nombre dix exprime toujours la perfection, parce que l'accomplisse-
ment de la loi consiste dans l'observation des dix commandements;
mais le nombre dix multiplié par lui-même, produit le nombre cent,
qui est ainsi le symbole de la plus grande perfection possible.
S. Ctr. Ecoutons l'explication de cette parabole de la bouche même
de celui qui en est l'auteur : « En disant cela, il criait : Que celui qui
a des oreilles pour entendre, entende. » — S. Bas. {Ch. des Pèr. gr.) (1)
Entendre, est un acte de l'intelligence^, et par ces paroles, Notre-Sei-
gneur invite ceux qui l'écoutent à prêter une grande attention à l'ex-
plication qu'il va donner. — Bède. Toutes les fois, en effet, que nous
rencontrons cet avertissement, soit dans l'Evangile, soit dans l'Apo-
calypse de saint Jean, il s'agit d'une vérité mystérieuse dont on nous
engage à pénétrer le sens avec une attention plus scrupuleuse. Aussi
(1) On trouve quelque chose de semblable, vers le milieu de l'homélie 12 qui porte pour titre :
Sur le commencement des Proverbes.
esse spinas. In rationalibus autem secus
est : possibile est enim petram converti
in terram pinguem, et viam non con-
culcari, et spinas dissipari.
Cyril, [iibi sup.) Sunt autem terra
pinguis et ferax animse honestœ et
bonse, quae in profundo suscipiunt verbi
semina, et retinent, et fovent : et quan-
tum ad hoc subditur : « Et aliud cecidit
in terram bonam; et ortum fecit fru-
ctum ceutuplum ; » cum enim in men-
tem mundam ab omnibus perturbationi-
bus verbum «iivinum infimditur, tune
immittit radices in profundum, et ger-
minat tauquam spicas, et convenienler
perficitur. Beda. Fntctum enim centn-
pJvm fructum perfectiim dieit : uam
deiiarius numerus pro perfectione sem-
per accipitur, quia in decem prseceptis
custodia lecis (id est, ejus observatio)
continetur : denarius autem numerus
per semetij sum multiplicatus, in cente-
narium sur ::it ; unde per centenarium
magna perfectio significatur.
Cyril, {ubi supra.) QuEe autem sit
sententia parabolse accipiamus per eum
qui eam composuit : unde sequitur :
« Hfec dicens clamavit : Qui habetaures
andiendi , audiat. » Basil, [in Cat.
Grœconim Patnan^ ubi snpra.) Audire
pertinet ad intellectum : unde per lioc
Dominus cxcilat ad exaudiendum at-
tente intentionem eorum quœ dicuntur.
Beda. Quoties enim heec admonitio vel
in Evangelio vel in Apocalj-psi Joannis
interponitur. mysticum esse quod dici-
tur queerendumque a nobis intentiiis os-
tenditur. Unde discipuli ignorantes. Sal-
DE SAINT LUC. CHAP. VIIT.
3^1
les disciples reconnaissant leur ignorance, interrogent le Sauveur :
« Or, ses disciples lui demandaient quel était le sens de cette parabole. »
Cependant ce ne fut pas immédiatement après que Jésus eut achevé
d'exposer cette parabole, que les disciples lui adressèrent cette ques-
tion, mais comme le dit saint Mare : « Ils l'interrogèrent lorsqu'il se
trouva seul {Marc, iv) . » — Orig. (d ) La parabole est comme le récit
d'un fait imaginaire mais possible et vraisemblable, c'est un récit sym-
bolique et figuré de quelque vérité dont on obtient le sens par l'appli-
cation de toutes les circonstances de la parabole. L'énigme est le récit
d'un événement qui n'est ni réel ni possible, elle est l'enveloppe
d'une vérité cachée, comme dans ce trait du livre des Juges (ix), où
nous lisons que les arbres s'assemblèrent pour se choisir un roi. Ce
récit que l'Evangéliste raconte comme un fait historique : « Celui qui
sème sortit pour semer, » n'est point arrivé à la lettre, quoiqu'il soit
dans les choses possibles.
EusÈBE. Or, le Seigneur fait connaître à ses disciples la raison
pour laquelle il parlait au peuple en paraboles : a II leur dit : A vous il
a été donné de connaître le royaume de Dieu. » — S. Grég. deNAz. (2)
En entendant ces paroles, n'allez pas croire qu'il existe des natures
différentes, avec certains hérétiques, qui prétendent qu'il est des
hommes dont la nature est de se perdre, d'autres dont la nature est
de se sauver, d'autres, au contraire, qui doivent à leur propre volonté
de devenir bons ou mauvais; mais à ces paroles du Sauveur : « Il
vous a été donné, » ajoutez : A vous qui le voulez, à vous qui en êtes
(1) Cette citation est tirée du commentaire d'Origène si»- les Proverbes, commentaire qui n'existe
plus.
(2) Discours 31 qui porte pour litre : Sur ces paroles de l'Evangile : Lorsque Jésus eut achevé
tous ces discours.
valorem iiiteirogaut : ?equitur enim :
« [nterro?abantautemeumdiscipuli,))etc.
Nemo tamen putet finita inox parabula
diâcipulos hoc interrogasse, sed ut Mar-
fus ait {cap. 4, rers. 10) : « Cum esset
singularis, iuterropavernnt euni. » Orig.
[in (at. Grœcorum Pvtrum.) Ksi autem
parabola serrao quasi facti, non aulem
facti juxla quod dicilur, possibilis aulem
fieri, rerum sifrnififativus per Iransum-
ptioneui corum qu^ in parabola traduu-
tur. A^nigm i vero est processus sernio-
nis in iiis quae dieinitur quasi fada ;
qufE tamen non sunt facta, nec |)Ossibi-
lia fieri ; siiinificat vero aliquid in oc-
culto.sicut quod in libro dicilur Judicum
(cap. 9) quod « liîrnaiveruut ut ungerent
sibi regem. » Non aulem ad litleram
faclum quod dicilur : « Exiil qui sémi-
nal, » sicut ea quae narrai hisloria ;
possibile tamen fuit fieri.
EusEB. [in Cut. Grœcorum Patrum.)
Dominus vero docuit eos causam quare
turbis per parabolas loquebalur : unde
subdilur : « Quibus ipse dixit : Vobis
datum est nosse myslerium regni Dei. »
Greg. Nazian. [in eadein Cut. Grxca.)
Cum hoc audis, non introducas diversas
naturis secundum quosdam hœreticos,
qui pulaul hos quidem esse pereuntis na-
turœ, hos vero salubris; quosdam vero
sic se habere ut eorum voluntas eos du-
cat ad pejus vel melius : sed addas ai
quod dicilur, « vobis datum est, » id est,
392
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
digues. — ÏHÉOPHYL. Mais pour ceux qui sont indignes de si grands
mystères, un voile recouvre ces vérités : « Tandis qu'aux autres il est
annoncé eu paraboles, en sorte que voyant ils ne voient point, et qu'en
entendant ils ne comprennent pas. » fis croient voir, mais ils ne voient
point, ils entendent, mais ils ne comprennent pas. Or, Jésus-Christ
leur cache ces vérités, pour leur faire éviter un plus grand crime,
celui de mépriser les mystères du Christ, après les avoir connus, car
celui qui n'a que du mépris pour les vérités dont l'intelligence lui a
été révélée, sera puni plus sévèrement. — Bède. Ceux-là donc en-
tendent en paraboles, qui ferment les sens et leur cœur pour ne point
connaitre la vérité et qui oublient cette recommandation du Sei-
gneur : « Que celui-là entende, qui a des oreilles pour entendre. »
S. Greg. {hom. 16 sur les Evancj.) Cependant le Seigneur cousent
à expliquer à ses disciples cette parabole, pour nous apprendre à
chercher le sens caché des choses qu'il n'a point voulu nous expli-
quer : « Voici donc le sens de cette parabole, la semence c'est la pa-
role de Dieu. » — Eusèbe. Or, il y a pour la semence qui est jetée dans
nos âmes, trois causes de destruction. Les uns détruisent cette se-
mence en prêtant une oreille trop légère aux discours des hommes
qui ne veulent que les tromper : « Ce qui tombe le long du chemin,
ce sont ceux qui écoutent^ le diable vient ensuite, et enlève la parole
de leur cœur. » — Bède. Ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu
sans aucune foi, sans aucune intelligence, sans aucun désir de la
mettre en pratique. — Eusèbe. D'autres ne reçoivent cette parole qu'à
la surface de leur âme, et la laissent se dessécher et périr aux pre-
mières atteintes de l'adversité. C'est d'eux que; Notre-Seigneur ajoute :
volentibus, et simpliciter dignis. Theo-
PHYLACT. His autem qui suut indigni
tantis uiysteriis , obscure dicuntur :
unde sequitur : « Cœleris aulem in pa-
rabolis ; ut videutes non videant, et
audientes non iutelligant. » Videre enim
se putant, non vident autem ; et au-
diunt quidem, sed non intelligunt. Hujus
ergo gratia hoc eis Christus abscondit
ne majus eis iprœjudicium generetur,
si postquam noverint Christi mysteria,
contempserint : qui enim inlelligit et
postea spernit, gravius punietur. Beda.
Recte igitur in parabolis audiunt, quando
clausis sensibus cordis, non curant co-
gnoscere veritatem ; obliti ejus quod
Dominus dixerat : (( Qui habet aures
audiendi, audiat. »
fîREG. {in hom. 13, in Evancj.) Do-
minus autem dignatus est exponere
quod dicebat^ ut sciamus rerum signifi-
cationes qiieerere etiam in liis quœ per
semetipsum noluit explanare : se(iuitur
enim : « Est autem liaec parabola : se-
nien estverbum Dei. » EusEB. [utsirp.)
Destruentium autem immissa semina
suis animabus très dicit esse causas.
Quidam enim destruimt in se seraen re-
conditum, dantes leviter auditum volen-
tibus fallere : de quibus subdit : « Quod
autem secus viam, hi sunt qui audiuut;
deinde venit diabolus, et tollit verbum
de corde eorum. » Bed. Qui scilicet ver-
bum quod audiuut, uulla fide, nullo
intelleclu, nulla saltem lentandœ utilita-
tis actione percipere dignantur. Euseb.
[ut SU]}.] Quidam vero cum in mentis
profundo non susceperint verbum Dei,
facile extiuguuntur advenieute adversita-
te ; sed quibus subdilur ; « Nam qui supra
DE SAINT LUC, CHAP. VIII. 393
ff Ce qui tombe sur la pierre, ce sont ceux qui, ayant écouté la parole,
la reçoivent avec joie, mais ceux-ci n'ont pas de racine, ils croient
pour un temps, et au temps de la tentation ils se retirent. » — S. Cyr.
Lorsqu'ils entrent dans l'Eglise, ils écoutent avec joie la prédication
des divins mystères, mais avec une volonté bien faible; et à peine
sortis de l'Eglise, ils oublient les enseignements sacrés. Si la foi chré-
tienne n'est l'objet d'aucune attaque, ils demeurent fidèles, mais si
la persécution vient à se déclarer, ils se dérobent par la fuite au dan-
ger, parce que leur foi n'a point de racine. — S. Grég. {hom. 15 sut'
les Evang.) Il en est beaucoup qui se proposent de commencer à faire
le bien, mais bientôt fatigués par l'adversité ou par les tentations, ils
abandonnent leur entreprise. Cette terre pierreuse n'avait donc point
l'humidité nécessaire, puisqu'elle n'a pu conduire à la maturité par-
faite la semence qu'elle avait fait germer. — Eusèbe. D'autres enfin
étouff'ent la semence qu'ils ont reçue dans les préoccupations des ri-
chesses et des plaisirs, qui sont comme autant d'épines qui étouffent
la semence : « Ce qui tombe parmi les épines, ce sont ceux qui
écoutent la parole, mais les sollicitudes des richesses et des plaisirs
l'étouffent peu à peu, et ils ne portent point de fruit. — S. Grég.
{hom. 15 sur les Evang.) Comment donc Notre-Seigneur a-t-il pu
comparer les richesses aux épines, alors que les épines piquent et dé-
chirent, tandis que les richesses sont pleines de charmes. Et cepen-
dant ce sont des épines, parce qu'elles déchirent l'âme par les pointes
acérées de leurs préoccupations, et lorsqu'elles entraînent jusqu'au pé-
ché, elles font des blessures sanglantes. Le Sauveur joint deux choses
aux richesses : les sollicitudes et les plaisirs parce qu'elles accablent
de soucis et énervent l'àme par leur abondance même. Toutes ces
petram, lii surit qui cuui nudieriiit (Uim
paudio suscipiunt votIiuui ; ol Iii radiées
non habent qui ad tempus credunt
ol in lenipore tentationis reccdunt. »
Cyril, [tibi supra.) Cuni ciiim intrant
Ecclesiam , laitanter altondunl divina
mysteria, sed ex levi voluntale : ul au-
tem egressi sunt Ecclesiani , oblivis-
cuntur sacraruin discipliuaruni : et si
fides chrisliana non fluotuet, perma-
nent; Inrbante vero persecutione, pro-
fugaui babentmenteui, quia fides eorum
caret radiée. Greg. (in hom. 15 ut siip.)
Multi Ijoni operis initia proponunt, sed
uiux ut fatigari adversitatibns vel tenta-
tionibus cœperint , incboata derelin-
quunt. Petrosa ergo terra humorem non
habuit, qnfe hoc quod germiuavcrat, ad
frnctus perseverantiam non perduxit.
EusEB. {ut supra.) Quidam vero suffo-
cant recoudilum in eis semen divitiis et
illecebris, quasi quibusdam suffocant ibns
spinis, de quibus subditur : « Quod au-
lem in spinis cecidit, bi sunt qui audie-
rnnt, et a soUicitudinibus, et divitiis, et
voluplalibus vitœ suffocantur, » etc.
Greg. {i)i hom. 15 ut suj).) Mirum quo-
modo Dominus divitias sj^ ina s into.rpre-
tatus sit ; cum ilkc pungant, iste délec-
tent : et tamen spina; sunt quia cogita-
tionum suarum punctionibus menteni
lacérant; et cum usque ad peecatum
pertrabunl, quasi inûicto vulnere crucu-
taut. Duo autem sunt quai divitiis jungit :
soUicitudines et voluptales ; quia per
curam mentem opprimant, et per af-
fluentiam résolvant. Suffocant auteni
sciuen, quia imporlunis cogitationibus
394
EXPLICATION DK l'ÉVANGILE
choses étouffent la semence, parce qu'elles étranglent pour ainsi dire
l'àme par leurs pensées importunes, et en fermant ainsi l'accès du
cœur à tout bon désir, elles étouffent la respiration et tuent la vie.
EusÈBE. C'est en vertu de sa prescience divine que Notre-Seigneur
prédit ces choses, et les faits se chargent de vérifier ces prédictions,
car on ne s'éloigne des prescriptions de la divine parole (]ue d'une de
ces trois manières. — S. Ghrys. {hom. 45 sur S. Malth.) Pour résu-
mer en peu de mots cette doctrine, on quitte la voie du bien, les uns
par leur négligence à écouter la parole de Dieu, les autres par immor-
tifîcation ou par faiblesse, d'autres enfin, parce qu'ils se rendent es-
claves de la volupté et des biens de ce monde. Remarquez encore
dans quel ordre naturel se présentent d'abord le chemin^ puis le ter-
rain pierreux et les épines; il faut donc d'abord de la mémoire et de
la vigilance, puis du courage, et enfin le mépris pour les choses pré-
sentes. Notre-Seigneur oppose ensuite les qualités de la bonne terre
aux qualités défectueuses du chemin, du terrain pierreux et des
épines : « Mais ce qui tombe dans la bonne terre, ce sont ceux (jui,
écoutant la parole, la conservent dans \m cœur boa et excellent, et
portent du fruit par la patience. » Ceux qui sont représentés par le che-
min, ne retiennent point la parole et laissent enlever la semence par
le démon; ceux qui ressemblent au terrain pierreux ne soutiennent
pas les assauts de la tentation trop forte pour leur faiblesse ; enfin,
ceux qui sont figurés par les épines ne portent aucun fruit, mais
étouffent la parole dans son germe. — S. Greg. {hom. 15 Sîir les Ev.)
Or, la bonne terre produit du fruit par la patience, parce que le bien
que nous faisons est nul, si nous ne supportons en même temps avec
patience le mal qui nous est fait. Ainsi ceux qui sont représentés par
guttur mentis strangulant, et dum bo-
num desiderium intrare ad cor non si-
nunt , quasi aditum vitalis flalns ne-
cant.
EusEB. [ut sup.) Haec autem ex pro-
visione a Salvatore preedicta suut : sic
autem se habere patefacit etïeclus : non
enim aliter aliqui a verbo diviiii ciiltus
deficiunt. nisi secuudum aliquem modo-
riiiu prœdictorum ab eo. Chrys. [hom.
45, in Mattli.) Et ut plura brevibus
comprehendam , bi quidem tanquam
négligentes audire ; bi tauquani delicati
et débiles ; bi vero tanquam servi facti
voluptatis et rerum mundi, a bono de-
.-istunt. Bonus etiam ordo viae, petrtf et
spinarum : opus enim est primo nie-
moria et cautela; deinde fortitudine ;
consequenter contemptu praesentium ,
Consequenter ponit bonam terram con-
trario modo se babentem ad viam, et
petram , el spinas; cum subdit : « Quod
autem in bonam terram, bi sunt qui
in corde bono et optimo verbum re-
tineut , » etc. Nam qui secus viam
positi sunt, non retiuent verbum, sed
rapit eis semen diabolus ; qui vero
sunt in petra, non sustineut in patientia
tentationis insultum propter imbecillita-
tem ; qui vero sunt in spinis, non fruc-
tiflcant, sed suffocantur. Greg. (/« /lom.
15 ut sup.) Terra ergo bona fructum
per patientiam reddit ; quia uulla sunt
bona quœ agimus, si non œquanimiter
etiam proximorum mala toleramus. Fru-
ctum ergo per patientiam redduut, quia
DE SAINT LUC, CHAP. VIII. 305
cette bonne terre, produisent du fruit par la patience, car après avoir
supporté eu toute humilité et en toute patience les épreuves qui leur
sont envoyées, ils entrent dans le repos et dans la joie de l'éternité.
t. 16-18. — Personne, après avoir allumé wie lampe, ne la couvre d'un vase,
ou ne la met sous un lit ; mais on la met sur le chandelier, afin que ceux qui
entrent voient la lumière. Car il n'y a rien de caché qui ne soit découvert,
rien de secret qui ne soit connu, et ne vienne au grand jour. Prenez donc garde
comment vous écoutez ; car on donnera à celui qui a ; et à celui qui n'a pas,
on ôtera même ce qu'il croit avoir.
BEDE. Notre -Seigneur venait de dire aux Apôtres : « Pour vous, il
vous a été donné de connaître le mystère du royaume de Dieu ; mais
pour les autres, il leur est proposé en paraboles, » il leur apprend
maintenant qu'ils doivent un jour révéler ce même mystère aux
autres : « Personne, après avoir allumé une lampe, ne la couvre d'un
vase ou ne la met sous un lit, » etc.
EusÈBE. C'est-à-dire, de même qu'on n'allume une lampe que pour
éclairer, et non pour la mettre sous un boisseau ou soas un lit, ainsi
les secrets du royaume des cieux proposés en paraboles, restent ca-
chés pour ceux qui n'ont pas la foi, mais cependant ils ne seront pas
toujours incompréhensibles pour tous (i). Car il n'y a rien de caché
qui ne soit découvert, rien de secret qui ne soit connu et ne vienne
au grand jour. Comme s'il disait : Bien qu'un grand nombre de vé-
rités leur aient été proposées sous forme de paraboles, de sorte qu'eu
voyant, ils ne voient point, et qu'en entendant ils ne comprennent
point, par suite de leur incrédulité, cependant toute vérité sera un
(1) La seconde partie de ce l>assage vient plutôt du vénérable Bède que de saint Augustin.
cuiii luimiliter flagella suscipiunt, posl
flagella ad roquiem sublimitor cum gau-
dio suscipiiinlur.
Nemo auleriï lucernam accendens, opciil eam
vase, aut subtus leelum ponit, sed supra can-
delabrum ponit , ut inlrantes videant lumen.
Non est enim occultum quod non manifestetur,
nec absconditum quod non cognoscatur, et in
patam veniat. \ idele ertjo quid audiatis : qui
enim habet , dabilur illi; et quicwique non
hitbet , etiam quod putat se habere , auferetur
nh il 1.0.
Beda. Qn\di supra di.xoiat apostolis ;
« Vohis datum est nosse iriysterium re-
gni Dei, ffeteris anteui in parabolis ; »
mine ostendit per cos aliquando etiain
cœteris idem mvsleriutn esse revelan-
dum, diceus : « Nemo autem lucernam
accendens, operit eaui. vase aut subtus
lectum ponit, » etc.
EusEB. (in Cat. Grxcorum Potrnm.)
Quasi diceret : Sicut lucerna accendilur
ut luceat, non ut operiatur sub modio
vel lecto ; sic etiam sécréta regni cœlo-
rum in parabolis édita, quamvis lateant
alienos a fide, non tamon pênes omnes
immanifestum habcbunt sensum : unde
subdit : « Non enim est occultum ([uod
non manifestetur ; nec absconditum
quod non cognoscatur, et in palam ve-
niat : » quasi diceret : Quamvis plurima
in parabolis dicta sint, ut vidantes non
videant , et audientes non intelligant
propter sui incredulilatem ; lotus tamen
396
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
jour éclaircie. — S. Aug. (Quest. évatig.) Ou bien autrement, Notre-
Seigneur enseigne ici dans un sens figuré, avec quelle sainte con-
fiance on doit prêcher la parole de Dieu, sans que jamais la crainte
d'un préjudice ou d'un dommage temporel porte à cacher la lumière
de la science. En effet, le vase et le lit signifient la chair, de même
que la lampe est le symbole de la parole. Celui qui cache la parole
par crainte de quelque dommage temporel, préfère la chair à la ma-
nifestation de la vérité, et celui qui tremble d'annoncer cette parole
la couvre pour ainsi dire avec la chair. Au contraire, celui qui con-
sacre sou corps au ministère de cette divine parole, place la lumière
sur le chandelier, de manière que la prédication de la vérité domine
toutes les exigences de la servitude du corps.
ÛRia. Ceux qui, dans cette lampe veulent voir la figure des dis-
ciples plus parfaits de Jésus-Christ, rendent leur interprétation plau-
sible, parce que l'Evangile dit de Jean-Baptiste, qu'il était une lumière
ardente et luisante [Jean, v). Que celui donc qui allume dans son
àme cette lampe spirituelle^ ne la cache ni sous un lit destiné au re-
pos, ni sous un vase quelconque; agir de la sorte, c'est ne prendre
aucun soin de ceux qui entrent dans la maison, et pour lesquels cette
lampe est préparée; il faut donc placer cette lumière sur le chandelier,
c'est-à-dire, sur toute l'Eglise.
S. Ghrys. (ho7n. l^sur S. Matth.) En leur parlant de la sorte, le
Sauveur exhorte ses disciples à une sainte exactitude pour tous les
devoirs de la vie, il veut qu'ils soient pleins de courage comme des
hommes exposés aux regards de tous, et qui combattent au milieu du
monde comme sur un théâtre ; ne considérez pas, semble-t-il leur
dire, que nous n'habitons qu'une faible partie de l'espace, vous serez
sermo patebit. Aug. {de Quwsl. Evang.
ut sup.) Vel aliter : his verbis typice
docet liduciam prœdicandi, ne quis ti-
moré carnalium incommodorum lucem
scientise abscondat : vasis enim et lecti
noniiue carnem, lucernx autem voca-
bulo verbum désignât, quod qui ob lue-
tum carnalium incommodorum occultât,
ipsam carnem prœponit mauifestationi
veritatis ; et ea quasi operit verbum,
qui prœdicare trépidât : supra candela-
brum autem ponit lucernam, qui cor-
pus suum ministerio Dei subjicit, ut
superior sit praidicatio veritatis, et infe-
rior servitus corporis.
Orig. (in Cat. Gracorum Patrinn.)
Sed et qui vult adaptare lucernam per-
fectioribus Christi discipulis, persuadebit
nobis per ea qum dicta sunt de Joanne,
quouiam ipse erat lucerna ardens et
lucens {Joan., 3) : non decet ergo eum
qui lucernam rationalem accendit in
animo, abscondere eam sub lecto, ubi
quis requiescit, uec sub aliquo alio vase ;
quia qui facit boc, non providet intranti-
bus domum, quibus lucerna paratur ;
sed oportet superponere candélabre, id
est, omni Ecclesite.
Chrys. {/lom. 15, iti Mcdth.) Hoc
autem diceus inducit eos ad vit;B dili-
gentiam ; docens eos streuuos esse ,
quasi expositos aspectibus omnium, ac
pugnautes in mundo quasi in tbeatro :
quasi dicat : Ne cousideretis quod ma-
nemus in modica parte mundi : eritis
enim omnibus noti, quia tantam virtu-
DE SAINT LUC, CHAP. VIII. 397
connus de tous les hommes . parce qu'il est impossible qu'une si
grande vertu demeure cachée. — S. Max. Ou bien encore, c'est lui-
même que le Seigneur veut désigner par cette lampe qui brille aux
yeux des habitants de la maison, c'est-à-dire, du monde^ puisqu'il
est Dieu par nature, et qu'il s'est fait chair par une économie toute
divine, et c'est ainsi que, semblable à la lumière d'une lampe, il est
retenu par l'intermédiaire de son âme dans la terre de sa chair,
comme la lumière est retenue par la mèche dans le vase de terre
d'une lampe. Le chandelier, c'est l'Eglise, sur laquelle la parole divine
brille de tout son éclat, et la remplit comme une maison des rayons
de la vérité. Or il compare le culte matériel de la loi à un vase ou à
un lit sous lequel il ne veut point rester caché.
BEDE. Le Seigneur nous presse avec instance d'écouter la divine
parole, afin que nous puissions la ruminer continuellement dans notre
cœur, et la donner en nourriture aux autres : « Prenez donc garde
comme vous écoutez, car ou donnera à celui qui a, » etc. Comme s'il
disait : Appliijuez-vous à écouter cette divine parole avec toute l'atten-
tion possible, car celui qui aime cette parole, recevra l'intelligence pour
comprendre ce qu'il aime, mais pour celui qui n'a point l'amour de cette
divine parole, eùt-il d'ailleurs du génie, et fùt-il versé daus la couuais-
sance des lettres, jamais il ne goûtera la douceur et la joie de la sagesse.
Souvent, en efifet, celui (jui est atteint de paresse spirituelle, reçoit le
don de l'Esprit, pour rendre ainsi sa néghgence plus coupable, parce
(ju'il dédaigne de savoir ce qu'il aurait pu apprendre sans aucun travail .
Quelquefois au contraire, celui qui est zélé pour s'instruire, souffre de
la lenteur de son intelligence, afin de recevoir une récompense d'au-
tant plus yrande, qu'jl a travaillé avec plus d'efforts pour apprendre.
tem impossibile est latere. Maxi. {hi
Cat. Crœcorrm Pafriim.) Vel forsaa
seipsum appellat Doiuinus lucernam ra-
diantem cunctis lialjilantibus donium,
id est. muuduii; ; cum sit ualiiraliter
Deus, et factus dispensative caro ; et sic
quasi lux ad instar lucern» retinelur in
testa carnis per luediaiu animain, sicut
per lychnuni ipnis in lesta lucerna;.
Vocat autem candelabnim Ecclesiani,
supra quam verbuni divinum effiilgeu:;,
quasi quamdam duiiium illuminât radiis
veritalis.Dixit autem similitudinarie îy/5
xullectuin corporalem cultum legis, sub
quo coutineri non vult.
Beda. Instdnter autem nos Doniinus
docet verbo auscultare ; ut etiam et
nostro illud pectore continue ruminare.
et alieno eructare sufficiamus auditui :
unde sequitur : « Videte ergo quid au-
diatis ; qui enimhabet, dabitur illi,» etc.
Quasi dicat : Totainteutione verbo quod
auditis, operam date ; quia qui amorem
babet verbi, dabitur illi et sensus intcl-
ligendi quod amat : at qui verbi audiendi
amorem non babet , elsi vel naturali
ingenio vel litterario se callere putaverit
exercitioj'nullasapientiœ dulcedine gau-
debit : ssepe enim desidiosus ingenium
accipit, utdenegligentia justiuo puniatur;
quia quod siue labore assequi potuit.
scire contemnit; et nonnuuquam stu-
diosus tarditate intelligenfife premitur,
ut eo majora prsemia retributionis lave-
niat, quo mugis studio inveulionis éla-
borât.
398
EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
f. 19-21. — Cependant sa mère et ses frères vinrent vers lui, et ils ne pouvaient
pénétrer jusqu'à lui à cause de la foule. On vint donc lui dire : Votre mère
et vos frères sont là dehors, qui désirent vous voir. Il leur répondit : Ma mère
et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu ; et qui la pratiquent.
TiTE DE BosTR. Notre-Scigiieur avait quitté ses parents selon la
chair pour se livrer à la prédication de la doctrine de son père; et
comme ils désiraient le voir, ils vinrent le trouver : « Cependant, sa
mère et ses frères vinrent vers lui, » etc. Lorsque vous entendez parler
des frères du Seigneur, que ce nom vous rappelle sa miséricorde et
vous fasse comprendre l'étendue de sa grâce. En eôet, personne ne
peut être frère du Sauveur en tant qu'il est Dieu, puisqu'il est le Fils
unique du Père, mais par un effet de son amour, il a daigné s'unir
notre chair, notre sang, et il est devenu notre frère, lui qui était Dieu
par nature (1). — Bède. Ces frères du Seigneur, selon la chair, ne
sont ni les fils de la bienheureuse Marie, mère de Dieu, comme le veut
Helvidius, ni les fils de Joseph et d'une autre épouse, comme d'autres
le prétendent, mais tout simplement ses cousins.
TiTE DE BosTR. Les frères de Jésus espéraient qu'en apprenant
leur arrivée, par respect pour le nom de sa mère et pour l'amour
qu'elle lui témoignait, il s'empresserait de laisser la multitude qui
l'écoutait : « On vint donc lui dire : Votre mère et vos frères sont
là dehors, » etc. — S. Chrys. {hom. 45 sur S. Matth.) Considérez
quelle indiscrétion c'était que d'enlever le Sauveur à tout ce peuple
qni l'entourait et qui, suspendu à ses lèvres, écoutait ses divins en-
(1) Allusion à la doctrine de saint Paul [Hebr., ii, U, 13), etc.
Venerunt autem ad illum mater et fratres ejus,
et non poterant adiré eum prœ turba. Et nun-
tiatum est illi : Mater tua et fralres tui stant
foris, volentes te cidere. Qui respoiidens, dixit
ad illos : Mater mea et fralres mei, hi sunt
qui verbuni Dei audiunt et faciunt.
Titus Bostrens. {in Cat. Gracorum
Patrum.) Derelictis cognatis carnalibiis^
Dominus insislebal, doctriuse paternae :
quia vero desiderabalur propter absen-
tiam, accedunt ad eum : uude dicitur :
« Venerunt aulem ad illum mater et
fratres ejus, » etc. Si audiveris de fratri-
bus Domini, adjice pielalem, et iulellige
gratiam : nullus enim secundum Divini-
tatem Salvatoris frater est (unigenitus
enim est), sed pietalis gratia communi-
cavit nobis in carne et sanguine, et
factus est frater noster, eum esset na-
turaliter Deus, Bed. Fratres autem Do-
mini qui secundum carnem dicuntur,
non filii beatœ Mariœ genitricis Dei, se-
cundum Helvidium, née filii Joseph de
alia uxore, secundum quosdam putandi
sunt, sed eornm potius iutelligendi sinit
esse cogiiati.
Titus Bostrens. [uM supra.) Putabant
autem fratres ejus quod eum eorum au-
diret praesentiam, dimitteret populum
reveritus maternum nomen, et llexus
amore materno : unde sequitur : « Et
nuntiatum est illi : Mater tua et fratres
tui stant foris, » etc. Chrys. {hom. 45, in
Matth.) Considéra quale erat astante ei
toto populo, et ab ore ejus pendente jam
inchoatadoctrina, eum foras extrahere :
DE SAINT LUC, CHAP. VIII.
399
seignements. Aussi, Notre-Seigneur leur en fait-il uu reproche : « Il
leur répondit : Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole
de Dieu, » etc. — S. Ambr. Comme un sage maître, Jésus commence
par donner l'exemple à ses disciples avant de leur enseigner, que celui
qui ne quitte point son père où sa mère n'est pas digne du Fils de
Dieu. Il veut donc pratiquer le premier ce commandement, non qu'il
refuse d'accomplir à l'égard de sa mère les devoirs de la piété filiale
(puisqu'il est l'auteur de ce commandement : « Quiconque n'honorera
point sou père ou sa mère sera puni de mort »), mais parce qu'il sait
qu'il doit plus à la mission divine qu'il a reçue de son Père, qu'à l'af-
fection filiale qu'il a pour sa mère (1). Toutefois, sa réponse ne contient
rien de blessant pour ses parents, mais elle nous apprend que l'union
des âmes est plus auguste que les liens de la chair et du sang. Le Sau-
veur ne renie donc point sa mère (comme l'affirment certains héré-
tiques qui tendent des pièges à la simplicité), puisqu'il l'a reconnue
du haut même de la croix, mais il nous enseigne à sacrifier les exi-
gences du sang à l'accomplissement des devoirs célestes. — Bède. Ceux
donc qui écoutent et qui prati<|uent la parole de Dieu, méritent le
nom glorieux de mère de Dieu, parce que chaque jour, par leurs
exemples ou par leurs paroles, ils l'engendrent dans le cœur du pro-
chain, et ils méritent également d'être appelés ses frères, puisqu'ils
font aussi la volonté de son Père qui est dans les cieux.
S. Chrys. [hom. \'i sur S. Mattli.) Notre-Seigneur ne veut pas non
plus faire ici un reproche à sa mère, mais lui accorder une grâce si-
gnalée. En effet, s'il avait tant à cœur de donner une juste idée de sa
personne uu reste des hommes, combien plus devait-il le désirer pour
(1) C'est ainsi que l'apôtre saint Paul dit en parlant de lui-même : « Mes petits enfants que j'en-
fante de nouveau jasqu'à ce que Jésus-Christ soit formé dans vos cœurs. » [Galat., iv, 19.)
ob hoc Dominus quasi increpando res-
pondit. Sequitur euiiu : « Qui respon-
dcns, dixit ad eos : Mater mea et fratres
raei lii sunt qui verbiim Uei audiuut.» etc.
Ambu. Moralis magisler, qui de se caele-
ris prœbel exeinplmn, praescriplurus caî-
teris quoniaiu qui non reliquerit patrem
aut nialrcm suam, non est Filio Dei
di^nus. Senlenti?e huic ipse primus se
subjicit, non quod niaternae refutct pie-
tatis obsequia ( ipsiu^^ enini prœceptuui
est, « qui non lionorificaverit patrem et
matrcm, morte moriatur), sed quia pa-
teriiis se mysleriis amplius quam mater-
nis affoctibus debere cognoscit : nequo
tamen iujuriose refutanlur parentes, sed
religiosiores copula; mentium docentur
esse quam corporum : ergo liic non (ut
quidam heeretici tendiculas aucupantur)
mater negatur, quœ etiam de cruce
aguoscilur; sed uecessitudini corporali
praescriptorum cœlestium forma prajfer-
tur. Bed. Hi igitur qui verbum Dei au-
diunt et faciuut, mater JJomini vocau-
tur, 60 quod illum quotidie suo exemplo
vel dicto , quasi parturiuut in cordibus
proximorum : fratres quoque sunt ejus,
cum et ipsi faciant voluntatem Patris
ejus qui in cœlis est.
Chrys. {/lom. 43, in Miiith.) Non au-
tem boc dicit increpando matrem, sed
eam pluriminu adjuvando : nam si erga
caîteros sollicilus erat, ut generaret eis
de se debitara opinionem, multo magis
400
EXPLICATION DE L*ÉVANGILE
sa mère, car jamais il ne l'eût élevé à un si haut degré de grandeur,
si elle eût pu croire qu'il lui obéirait toujours comme un fils, et si au
contraire elle ne l'eût reconnu comme son Dieu. — Théopiiyl. Quel-
ques-uns entendent ce passage dans un autre sens : Pendant que
Jésus enseignait, disent- ils, des envieux qui voulaient jeter du discré-
dit sur sa doctrine_, vinrent lui dire : « Votre mère et vos frères veulent
vous voir, » comme pour rappeler l'obscurité de sa naissance. Or
Jésus, qui connait leurs pensées, leur déclare qu'on n'est nullement
rabaissé par une humble et pauvre famille, mais que si un homme
d'une constitution obscure, écoute la parole de Dieu, il le regarde
comme son frère. Cependant, comme il ne suffit pas d'écouter pour
être sauvé, et que la parole de Dieu serait plutôt alors une cause de
condamnation, il ajoute : « Et qui la pratiquent, » car il faut tout à
la fois écouter et mettre eu pratique. La parole de Dieu, c'est sa doc-
trine, puisque tout ce qu'il enseignait venait de son Père.
S. Ambr. Dans le sens mystique, celui qui cherche Jésus-Christ, ne
doit pas se tenir dehors , c'est pour cela que le Roi-prophète a dit :
« Approchez-vous de lui, et vous serez éclairés. » {Ps. xxxiii.) Ceux
qui restent dehors, ne sont pas reconnus de Jésus, fussent-ils ses pa-
rents; peut-être est-ce pour notre instruction qu'il ne veut pas les
reconnaître, or comment espérer qu'il nous reconnaîtra , si nous per-
sistons à rester dehors ? On peut encore dire que les parents de Jésus
sont la figure des Juifs , dont le Sauveur était issu par sa naissance
temporelle, et qu'il veut nous apprendre ici la préférence donnée à
l'Eglise sur la synagogue. — Bède. Tandis que Jésus enseigne dans
l'intérieur de la maison , ceux qui négligent de s'appliquer au sens
spirituel de ses paroles , ne peuvent entrer. Cependant la foule se
erga matreni : uou autem elevasset eaiu
ad illa fastigia, si semper expectaret ho-
norari ab eo tanquam a filio^ non autem
eum Dominum reputaret. Theophylact.
Quidam vero lioc sic intelliguut, quod
Chrislo doceute quidam invidentes, et
subsaunantes eum super doctrina ejus,
dixeruut : « Mater tua et fralres tui staut
foris volentes te videre; » tanquam prop-
ter hoc ignobilem eum demonstrarent.
Et ideo qui mentem eorum cognovit, sic
eis respoudit quoniam non nocet vilis
consanguinitas, sed si ignobilis quis exis-
tât, audiat autem verbum Dei^ ipsum
consanguiueum reputat : quia tamen ati-
dire solum neminem salvat , sed magis
condemnal . subjuugit : « Et faciunt : »
decet enim audire et facere. Verbum au-
tem Dei dicit suam doctrinam : quae-
cunque enim ipse dicebat, Patris eranl.
Ambr. Mystice autem non debuit foris
stare, qui Cbristum quserebat : unde et
ille ait : « Accedite ad eum^ et ilhimi-
uamini. » Si enim foris stant, nec ipsi
agnoscuntur parentes ; et propter nos-
iruni fortasse non agnoscuntur exem-
plum; quemadmodum nos ab illo agnos-
cimur si foris stemus? Illud quoque
intelligere non abborret, quia per tigu-
ram parentum demonstrat Judœos ex
quibus est Christus secundum carnem
{ad Rom.), Ecclesiamque synagoga? cre-
didit prEelerendam. Bed. Intus enim eo
docente venientes intrare nequeunt, cu-
jus spiritualitor intelligere dicta negli-
gunt. Praeoccupans autem turba intravit
DE SAINT LUC, CHAP. VIII.
401
presse pour entrer dans la maison , parce qu'en efifet , tandis que les
Juifs usaient de lenteurs et de retards, les Gentils accoururent en foule
à Jésus-Christ. Ceux qui se tiennent au dehors , veulent voir Jésus-
Christ, parce que sans s'occuper du sens spirituel de la loi , ils s'at-
tachent au dehors à l'observation de la lettre, et ils veulent pour ainsi
dire contraindre Jésus-Christ à sortir pour leur enseigner une doc-
trine tout humaine, plutôt que de consentir à entrer eux-mêmes pour
recevoir des enseignements tout spirituels.
f. 22-25. — Or, un de ces jours, il monta sur une barque avec ses disciples, et
leur dit ; Passofis à l'autre bord du lac. Et ils se mirent en mer. Pendant
qu'ils naviguaient, il s'endormit, et un vent impétueux étant venu fondre sur
le lac, la barque s'emplissait d'eau, et ils étaient en péril. S'approchant donc,
ils le réveillèrent en disant : Maître, nous périssons. Jésus s' étant levé,
commanda aux vents et aux flots agités, et ils s'apaisèrent, et il se fit un grand
calme. Alors il leur dit : Où est votre foi ? Et eux effrayés, se regardèrent
avec surprise les uns les autres, et ils se disaient : Qui pensez-vous que soit
celui-ci, qui commande au vent et à la mer, et ils lui obéissent.
S. Cyr. Les disciples étaient tous les jours témoins des bienfaits que
Jésus-Christ répandait à profusion, il était juste qu'il en fit découler sur
eux une partie ; nous ne voyons pas en effet du même œil le bien que
l'ou fait aux autres, et celui qui nous est fait à nous-mêmes ; le Sau-
veur permet donc qu'ils soient exposés à une tempête sur la mer :
a Un jour, étant monté sur une barque avec ses disciples, il leur dit :
Passons à l'autre bord du lac , et ils partirent. » — S. Chrts. {ho?7i. 29
SU7' S. Matth.) Saint Luc évite la question que pourrait soulever le
temps précis où eut lieu ce miracle, eu disant simplement que Jésus
in domum, quia différente Jmlaea Genti-
litas confluxit ad Christum : loris autem
stanles volunl Chririluoi videre, qui spi-
ritualem in lege seusura non quairentes,
sese ad cuotodiain litterae foris fixerunt,
et quasi Clirisluui pulius ad docendum
carnalia cogiiul exire, quaui se ad dis-
cenda spiritualia conseutiuut iulrare.
Faclum est autem in una dierum, et ipse ascen-
iJit in naviculatn, et discipuli ejns, et ait ad
itlon : Trans fret émus Irans slaynum ; et as-
cenderunt. Et navigantibus illis , obdormivit ,
et descendit procella venti in stagnum, et corn-
peU'bantuT, et periclitabantur. Accedentes au-
tem suscitaverunt eum dicentes : Prœceptor,
perimua. At ille surgens, increpavit ventum,
et tempestatem aqua; et cessavit , et fada est
tranquiVitas. Dixit autem illis : Ubi est fides
TOM V,
vestra? Qui timentes mirali sunt ad inviceni,
dicentes : Quis putas hic est, quia et ventis et
mari imperat, et obediunt et?
Cyril, {in Cat. Grcecorum Patrum.)
Quia discipuli omnes beneliciatos a
Christo videbant, decebat etiam ipsos
sensim in beneficiis Cliristi delectare :
non enim similiter quis considérât quœ
fiuiit in alienis corporibus et in suo : et
ideo Dominas discipulos et mari et ven-
tis exposuit : unde sequitur : « Fac-
tum est autem in una dierum, et ipse
ascendit in naviculam, et discipuli ejus;
et ail ad illos : Transfretemus trans
stagnum ; et ascenderunt. » Chrys.
(hom. 29, in Matth.) Vitans quidem
Lucas (jUcX'slionem qua; sibi fieri posset
de temporum ordine, dicit eum in una
26
402
EXPLICATION DE l'^VANGILK
monta un jour sur une barque. Si cette tempête fût arrivée pendant
que le Sauveur veillait, les disciples n'auraient eu aucune crainte, ou
bien ils n^auraient pas cru que leur divin Maître pût opérer un si
grand prodige; il se laisse donc aller au sommeil pour donner à la
crainte tout le temps de se développer : « Comme ils naviguaient , il
s'endormit, et un vent impétueux s'éleva sur le lac. » — S. Ambr.
L'Evangéliste nous a rapporté plus haut , qu'il passait les nuits en
prière ; pourquoi donc le voyons-nous dormir ici pendant la tempête?
C'est pour exprimer la sécurité de la toute-puissance , qu'il repose
seul sans crainte , alors que tous sont saisis d'effroi , mais ce sommeil
n'atteignait que le corps; et, comme Dieu^ il avait l'œil ouvert sur ses
disciples pour les protéger ; car rien absolument ne se fait sans le
Verbe. {Jean^ i.)
S. Cyr. C'est par un dessein particulier de la providence divine que
les disciples ne crièrent pas au secours au premier moment que la
barque fut assaillie par la tempête , mais lorsque le danger devint
imminent^ pour faire éclater davantage la toute-puissance du Sau-
veur : « Et ils étaient en péril, » dit l'Evangéliste. Le Sauveur le per-
mit pour exercer leur vertu ; car en confessant la grandeur du dan-
ger, ils étaient forcés de reconnaître la graudeur du miracle qui les
en délivrait. Lors donc que l'imminence du péril les eut jetés dans
une crainte inexprimable , ils reconnaissent qu'ils n'ont plus d'autre
espoir de salut que dans le Seigneur des vertus , et ils se déterminent
à l'éveiller.
« S'approchant donc, ils le réveillèrent en disant : Maître, nous pé-
rissons. » — S. AuG. {de l'ace, des Evang. , ii, 24.) D'après saint
Matthieu, ils lui auraient dit : « Seigneur , sauvez-nous , nous péris-
dierum intrasse uaviculam. Si autem vi-
gilante Domino accidisiet tempestas, vel
non timuissent discipuli, vel non credi-
dissent eimi posse taie aliquid facere :
quapropter dormit, prœstans tempus ti-
mori : sequitur eaim : « Navigantibus
autem illis, obdormivit, et descendit
procella vent! in stagnum. » Ambr. Su-
pra habes quia pernoctabat in oratione :
quomodo hic in tempestate dormit? Sed
exprimitur securitas potestatis, quod quo-
modo omnibus timentibus soins iutrepi-
dus quiescebat; sed quiescebat corporis
somno, cum intenderet Divinitatis mys-
terio : nihil enim sine verbo fit.
Cyril, {ut supra.) Cum magna autem
dispensatione videtur esse peractum, ne
mox postquam tempestas invadere cœpit
navlculam, quaererent ab eo suifragium;
sed postquam malum invaluit, ut mani-
festior fiât divinse majestatis potestas.
Unde dicitur : « Et compellebantur, et
periclitabantur. » Quod quidem Domi-
nus permisit exercitationis gratia, ut cum
confessi fuerint periculum, cognoscant
miraculi magnitudinem. L'nde postquam
magnitude periculi in intolerabilem me-
tum eos urgebat, tanquam aliam spem
non babentes salutis , nisi solum ip-
sum Domiuum virtutum, eum excitave-
runt.
Sequitur : « Accedentes autem susci-
taverunt eum, dicentes : Prseceptor,
perimus. » Aug. {de Cons. Evang., lib.
II, cap. 24.) Matthaeus quidem dicit :
'< Domine, salva nos, perimus ; » Marcus
De saint LUC, CHÂP. viit. 403
sons; » d'après saint Marc : « Maître, n'avez -vous pas de souci que
nous périssions ? » De part et d'autre, ils expriment le même désir, de
réveiller le Sauveur et d'être sauvés du danger. Il est tout à fait inu-
tile de chercher quelle formule précise de prière les Apôtres ont em-
ployée ? Se sont-ils servi d'une de celles qui sont rapportées par ces
trois Evangélistes , ou d'une autre dont aucun n'aurait parlé , mais
dont les termes seraient équivalents ? peu importe. D'ailleurs^ on peut
fort bien admettre que tous les disciples s'empressèrent d'éveiller leur
divin Maître, mais que chacun lui parla d'une de ces trois différentes
manières.
S. Ctr. Il était du reste impossible que les Apôtres , ayant avec eux
le Tout-Puissant, pussent jamais périr. Aussi Jésus-Christ, qui exerce
une puissance souveraine sur tout ce qui existe , apaise subitement la
tempête et la fureur des vents : « Et la tempête cessa , et il se fit un
grand calme. » Il prouve ainsi qu'il est le Dieu dont le Psalmiste a
chanté : « Vous dominez la puissance de la mer_, vous apaisez ses flots
soulevés. » [Ps. Lxxxviii.) — Bède. Dans cet événement de sa vie, le
Seigneur fait voir clairement en lui deux natures dans une seule et
même personne, puisque nous le voyons livré au sommeil, comme
homme, et apaisant d'un seul mot, comme Dieu, la fureur de la
mer.
S. Cyr. Or, Jésus apaise en même temps la tempête extérieure delà
mer, et la tempête intérieure des âmes : « Alors il leur dit : Où est
donc votre foi? » En leur parlant de la sorte, il nous apprend que ce
n'est point la tentation, mais la faiblesse de l'âme qui produit la
crainte ; car les tentations éprouvent la foi , comme le feu éprouve
l'or. — S. AuG. {de l'ace, des Evang.) Les autres Evangélistes rap-
autem : « Mairister, non ad te attinet,
quia perimus"? » Eadem autem est sen-
tentia excitantium Doniinum , volen-
tiumqiie salvari. Nec opus est quferere
quid îiorum polius Cliristo dictum sit :
sive euim aliquid lionnn trium dixerint,
sive alia verba qu;e niiUus evangelista-
ruui commemoravit, taiitamdom aulem
valenlia, quid ad rem interest ? Quan-
quam etiam hoc fieh potuerit, ut pluri-
bus enra excitantibus omnia htec, aliud
autem ab alio dicoretur.
Cyril, [ubi sup.) Non autem erat
possibile eos perire, existent^ cuni eid
Omnipotente ; unde illico surgit Christus,
qui babet omnium potestatem, et sedat
confestim proiellam et ■ventorum impe-
tum ; et cessavit lempestas ; et facta est
tranquillitas : in quo ostendit se Deum
esse, cui in Psalmo dicitur (88, vers. 10) :
« Tu dominaris potestati maris, motum
aulem fluctuum ejus tu mitigas. » Bed.
Sic igitur in navigatione Dominus utram-
que uuius ejusdemque personae natu-
ram ostendit, dum is qui ul homo dor-
mit in navi, furorem maris ut Deu3
verbo coercet.
Cyril, [ubi supra.) Simul autem cum
tempestate aquarum solvit tempestalem
animarum : unde sequitur : « Dixit au-
tem illis : Ubi est fides vestra ? » In
quo verbo ostendit quod timorem non
facit tentationum inductio, sed imbecil-
litas mentis. Sicut enim aurum proba-
tur in igae, sic. in tentationibus fides.
ACG. {de L'on. Evunrj. nbt sup.) Hoc
404
EXPLICATION DE LÉVANGILE
portent diversement les paroles du Sauveur. D'après saint Matthieu,
il aurait dit à ses disciples : « Pourquoi craignez-vous , hommes de
peu de foi? ». suivant le récit de saint Marc : « Pourquoi craignez -
vous? est-ce que vous n'avez pas encore la foi ? c'est-à-dire la foi par-
faite, comme le grain de sénevé.» D'après saint Marc, il leur reproche
donc aussi leur peu de foi, tandis que d'après saint Luc , il leur de-
mande : « Ou est votre foi? » Or , Notre -Seigneur a pu fort bien em-
ployer toutes ces locutions diverses : « Pourquoi craignez- vous ? où est
votre foi ? hommes de peu de foi, » et les Evangélistes nous rapportent
chacun une d'entre elles.
S. Cyr. a la vue de la tempête subitement apaisée à la parole de
Jésus-Christ, les disciples, comme stupéfaits d'un tel miracle, s'inter-
rogeaient les uns les autres : « Remplis de crainte et d'admiration, ils
se disaient les uns aux autres, » etc. Ce n'est point par ignorance de ce
qu'était Jésus, que les disciples parlent ainsi entre eux , car ils savaient
très-bien qu'il était Dieu et Fils de Dieu ; mais ils sont remplis d'ad-
miration à la vue de l'étendue de cette puissance qu'il possède de toute
éternité, et de la gloire de sa divinité qu'il fait éclater dans ce corps
visible et semblable au nôtre dont il s'est revêtu. « Et ils s'écrient :
Quel est celui-ci?» c'est-à-dire quelle grandeur, quelle puissance,
quelle majesté! car c'est une action faite avec empire, c'est le com-
mandement d'un maître , ce n'est point l'humble demande d'un ser-
viteur. — BEDE. On peut dire aussi que ce ne sont pas les disciples,
mais les matelots et ceux qui étaient avec eux dans la barque, qui sont
remplis de crainte et d'admiration.
Dans le sens allégorique, cette mer, ce lac agités représentent l'a-
gitation de la mer ténébreuse du monde. La barque est le symbole de
l'arbre de la croix, à l'aide duquel les fidèles traversent les flots de
autem ab aliis evangelistis aliis verbis
dictum est. Mattbœus enim dicit {cap.
8) eum dixisse : « Quid timidi estis mo-
dicae fidei? » Marcus autem ita dicit
(cap. 4) : « Quid timidi estis ? necdum
habetis fidem ? » id est^ illam perfectam
velut granum sinapis. Hoc ergo et ille
ait: « ModiccB fidei; » Lucas autem :
« Ubi est fides veslra ? » Et totum
quidem dici potuit : « Quid timidi estis ?
ubi est fides vestra? Modicœ fidei: »
unde aliud bic, aliud ille commémorât.
Cyril, [ubi supra.) Pacata igitur tem-
pestate ad imperium Cbristi, discipuli
stupefacti miraculo susurrabaut ad invi-
cem. Uude sequitur : « Qui timeutes.
mirati sunt, » etc. Non autem discipuli
ut ignorantes eum, boc dixerunt ad ia-
vicem: noverant enim eum Deum esse
et Filium Dei Jesum. Admirantur autem
inuatœ potestatis abundanliam, et Divi-
nitatis gloriam, quamvis simUis uobis
esset, et visibibs secundum caruem :
unde dicunt : « Quis est bic? » id est,
quaUs et quantus et in quanta virlute et
majestate ? imperiosum enim est opus,
domiuativum praeceptum, non servibs
petitio. Beda. Vel non discipuU, sed
nautœ, et aUi mirantur qui in navi erant.
Allegorice autem mare, vel stagnum,
tenebrosus est et amarus mundi rostus.
A'avic2ila arbor crucis, cujus beueficio
DE SAINT LUC, r.HAP. VIII.
405
nette mer du monde, et parviennent au rivage de la céleste patrie. —
S. Ambr. Notre-Seigneur quitte ses parents pour monter dans cette
barque, parce qu'il sait qu'il est venu dans le monde pour l'accom-
plissement de mystères tout divins. — Bède. Les disciples , sur l'invi-
tation du Sauveur, montent avec lui dans la barque. Il leur dit en
effet : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce lui-même,
qu'il porte sa croix et qu'il me suive. » Pendant que les disciples font
cette traversée, c'est-à-dire pendant que les fidèles foulent aux pieds
le monde et méditent dans leur cœur les douceurs du repos éternel ;
pendant que, poussés par le souffle de l'Esprit saint, et aussi par leurs
propres efforts, ils rejettent à l'envi derrière eux les vanités incons-
tantes et perfides du monde, le Seigneur s'endort tout à coup, c'est-à-
dire que le temps de la passion du Seigneur est arrivé, et que la tem-
pête vient fondre sur la terre, parce que pendant le sommeil de la
mort, qu'il consent à subir sur la croix , les flots de la persécution se
soulèvent sous l'impulsion du souffle des démons (i). La patience du
Seigneur n'en est point troublée, mais la faiblesse des disciples en est
ébranlée et saisie d'effroi. Ils s'empressent donc de réveiller le Sei-
gneur dans la crainte de périr pendant son sommeil , parce qu'en
effet, après avoir été témoins de sa mort , ils désirent vivement sa ré-
surrection , dont le retard prolongé les exposerait à une perte cer-
taine. Le Sauveur se lève et commande avec menace à la tempête,
c'est-à-dire, que par sa prompte résurrection d'entre les morts, il a dé-
truit l'orgueil du démon qui avait l'empire de la mort. [Hébr., ii.) ïl
calme l'agitation des flots , c'est-à-dire qu'en ressuscitant , il fait
tomber la rage des Juifs qui insultaient à sa mort. — S. Ambr. Il veut
(1) Allusion à ces parole^/ du Psaume iit, vers. 5
soupi, D etc.
Je me suis endormi , et j'ai été as-
fldeles adjuti emensis mundi fluctibus
obtinent littus palriae cœlestis. Ambr.
Itaque Dominus, qui se intellifrit pro-
ptor divinum in terras raysterium ve-
iiisse, relictis navern ascendilparentibus.
Bed. Ascendunt auteai et discipuli ad-
moniti cum eo. Unde ipsc ait [Mutth.,
16) : « Si quis vull post nie venire, ab-
uefîet seraetii)sum, et toliat cruceiii siiain,
••t st'quatnrme.))l)iscipnlis navigantibus,
id est, fidelibns soculuni calcanlibiis, et
(ntiiri secnli quietem animo meditanti-
biis, et per sancti Spiritiis flatum, vcl
etiani proprii reraif^ii conatuin iididos
iniiudi fastus certatim post terpa jactaii-
tibus, subito obdonnivit Dominus : id
est, advenit tempus dominicae passionis,
et descendit procella ; quia Domino
somnum mortis in cruce subeunte ,
fluctus persecutionum dœmoniacis flati-
bus excitati exsurgunt : fluctibus autem
non Domini patientia turbatur, sed dis-
cipulorum imbeciilitas concutitur et
trépidât : qui suscitaverunt Dominuni,
ne eo dorniiente pereant^ quia cujus
mortem viderant, resurrectionem op-
tant ; quse si differretur, ipsi in perpe-
tuuni yierirent. Unde surgens increpat
ventum, quia céleri resurrectione per
mortem destruit superbiam diaboli, qui
habebat imperium mortis. [ad Hebr.,
2.) Tempestatem autem aquee facit ces-
sare, quia rabiem Judœorum morti ejus
insultantium resurgens labefacit. âmbr.
406
EXPLICATION DE L EVANGILE
nous apprendre qu'il est impossible de traverser sans tentations le
cours de cette vie , parce que la tentation est l'épreuve naturelle de la
foi. Nous sommes donc exposés aux tempêtes soulevées par les esprits
mauvais; mais ayons soin, comme de vigilants matelots, d'éveiller le pi-
lote de la barque qui ne cède pas aux vents, mais qui leur commande ; et
lors même qu'il est éveillé, prenons garde qu'il ne dorme encore pour
nous, en punition du sommeil de notre corps. Ceux qui se laissent
aller à la crainte dans la compagnie de Jésus-Cbrist, méritent le juste
reproche qu'il leur fait , car celui qui s'attache à lui ne peut périr. —
BEDE. Nous voyons quelque chose de semblable à ce qui se passe ici,
lorsque Jésus apparut après sa mort à ses disciples , et leur reprocha
leur incrédulité {Marc, xvi), et qu'ayant apaisé la mer agitée jusque
dans ses profondeurs, il fit éclater aux yeux de tous la puissance de
sa divinité.
^. 26-39. — Ils abordèrent ensuite au pays des Géraséniens qui est vis-à-vis de
la Galilée. Et lorsque Jésus fut descendu à terre, il vint au-devant de lui un
homme qui depuis longtemps était possédé du démon ; il 7ie portait aucun
vêtement, et n'avait d'autre habitation que les sépulcres. Aussitôt qu'il eut
aperçu Jésus, il vhit se prosterner à ses pieds, et s'écria à haute voix : Qu'y a
t-il entre vous et moi , Jésus, Fils du Dieu Très-Haut? Je vous en conjure,
ne me tourmentez pas. Car Jésus commandait à l'esprit impur de sortir de
cet homme. Depuis longtemps, en effet, il s' en était emparé, et quoiqu'il fût lié
de chaînes, et gardé, les fers aux pieds, il rompait ses liens, et le démon
l'eiitraînait dans les lieux déserts. Jésus lui demanda : Quel est ton nom? Il
lui dit : Je m'appelle Légion, parce que beaucoup de démons étaient entrés en
lui. Et les démons le priaient de ne pas leur commander d'aller dans l'abîme.
Or, il y avait là wi nombreux troupeau de porcs qui paissaient sur la mon-
tagne ; ils le prièrent de leur permettre d'entrer dans ces pourceaux, et il le
Ut advertas sine tentatione neminem
posse hoc vitœ curriculo demigrare; quia
exercitium fidei tentalio est. Subjecti
igitur sumus nequitiae spiritualis pro-
cellis ; sed quasi pervigiles naut<E gu-
bernatorem excitemus, qui non serviat,
sed imperet ventis ; qui etsi jam non
dormit sui corporis somno, caveamus
tamen ne nostri corporis somno uobis
dormiat et quiescat. Beue autem ar-
guuntur qui praesente Christo timebant,
cum utique qui ei adliœret^ perire non
possit. Bed. Cui simile est, quod post
luortem discipulis apparens, exprobra-
vit incredulitatem eorum {Marci. 16) ;
et sic tumidis gurgitibus sedatis, pa-
tefacit cunctis potentiam suse Divinita-
tis.
Et navigaverunt ad regionem Gerazenorum, quœ
est contra Galilœam. Et cum de navi egressus
esset ad terram, occurrit illi vir quidam qui
kabebat dœmonium jam temporibus multis, et
vestimento non induebatur , neque in domo
manebat , sed in monumentis. Is ut vidit Je-
sum, procidit ante illum, et exclamons voce
magna, dixit : Quid mihi et tibi est, Jesu, Fili
Dei altissimi? Obsecro te ne me torqueas :
prœcipiebat enim spiritui immundo ut exiret
ab homine : multis enim temporibus arripiebat
illum, et vinciebatur catenis , et compedibus
cusloditus , et rupiis vinculis agebatur a dœ-
monio in déserta. Interrogavit autem illum
Jésus dicens : Quod tibi nomen est? At ille
dixit: Legio: quia intraverant dœmoniamulta
in eum. Et rogavermit illum ne imperaret illis,
ut in abyssum irent. Erat autem ibi grex por-
corum multorum pascentium in monte : et ro-
gabanl eum ut permitteret eis in illos ingredi.
DE SAINT LUC, CHAP. VIII.
i07
leur permit. Les démons sortirent donc de cet homme, et entrèrent dans les
pourceaux; et le troupeau courut impétueusement se précipiter dans le lac par
un endroit escarpé; et s'y noya. Ce qu'ayant vu, les gardiens s'enfuirent, et
en portèrent la nouvelle dans la ville et dans les villages. Plusieurs sortirent
pour voir ce qui était arrivé, ils vinrent à Jésus, et trouvèrent assis à ses pieds,
vêtu et sain d'esprit, l'homme de qui les démons étaient sortis; et ils furent
remplis de crainte. Et ceux qui l'avaient vu, leur racontèrent comment il avait
été délivré de la légion. Alors tous les habitants du pays des Géraséniens le
prièrent de s'éloigner d'eux parce qu'ils étaient saisis d'une grande frayeur.
Jésus donc montant dans la barque, s'en retourna. Et l'homme dont les démons
étaient sortis lui demandait instamment de rester avec lui. Mais Jésus le
renvoya e7i disant : Retournez en votre maison, et racontez les grandes choses
que Dieu a faites pour vous. Et il s'en alla par toute la ville, publiant tout
ce que Jésus avait fait pour lui.
S. Ctr. Le Sauveur ayant traversé le lac, parvint au rivage opposé :
« Ils abordèrent ensuite au pays des Géraséniens, qui est vis-à-vis de
la Galilée. » — Tite de Bost. Les manuscrits les plus authentiques ne
portent ni Géraséniens, ni Gadariens, mais Gergéséniens. En effet,
Gadara est une ville de Judée , près de laquelle on ne trouve ni lac,
ni mer; Gérasa est une ville d'Arabie, qui n'est elle-même voisine
d'aucun lac, ni d'aucune mer. Mais Gergésa , d'où vient le nom de
Gergéséniens, est une ville fort ancienne, située sur les bords du lac
de Tibériade , dans les environs de laquelle se trouve un rocher qui
domine le lac dans lequel les démons précipitèrent les pourceaux.
Cependant comme les villes de Gérasa et de Gadara touchent aux con-
fins du pays des Gergéséniens , il est vraisemblable que c'est de ces
deux villes, que les pourceaux avaient été amenés dans le pays des
Gergéséniens. — Bède. Gérasa est une ville célèbre d'Arabie, qui
Et permisit illis. Exierunt ergo dœmonin ab
homine, et intraverunt in porcos, et impetu
abat grex per prœceps in stagnum; et suffo-
catus est. Quod ut viderunt factum gui pasce-
hant, fugerunt, et nuntiaverunt in civitatem
et in villas. Exierunt autem videre qnod fac-
tum est, et venerunt ad Jesum; et invenerunt
/lominem sedentem a quo dœmonia exierant ,
vestitum , ac sana mente ad pedes ej'is , et
timuerunt. Nuntiaverunt autem illis et qui
videront quomodo sanus factus esset a le-
gione. Et rogaverunt illum ornnis multitudo
regionis Gerazenorum, ut discederet ab ipsis,
quia magnn timoré tenebantur. Ipse nutem
ascendens navim, reversus est. Et rogauit il-
lum vir a quo dœmnnia exierant, ut cum eo
esset. Dimisii autem eum Jésus, dicens : liedi
in domum luam , et narra quanta tibi fenit
Deus. Et abiit per nniuersam ciuilatem, prœ-
dicans quanta illi fecisset Deus.
Cyril. (ïn Cat. Grxcoi-um Palram.)
Salvator navigando una cum discipulis
ad portum pervenit : unde dicitur : « Et
navigaverunt ad regionem Gerazenorum
quae est contra Galilceam. » Titus Bos-
TREXS. {in Matth.) Veraciora exempla-
ria, uec Gerazenor^im habent, nec Ga-
durorum , sed , Gergezenorum : est
enim Gadara civitasih Jud;pa; stagnum
autem vel more nuUatenus invenitur
in ea ; sed Geraza civitas Arabiee est,
nec stagnum nec mare juxta habens.
Est autem Gergeza, a qua Gergezeni,
urbs antiqua juxta Tiberiacum sta-
gnum , circa quam est rupes slagno
vicina, in quod ostenditur dejectos fuisse
porcos a dœmonibus : quia tamen Ge-
raza et Gadara confinium babent cum
terra Gergezenorum, verisimile est inde
ad horum tenam porcos fuisse addn-
M8
EXPLICATION DE L EVANCTLE
échut autrefois à la tribu de Manassé (1), située au delà du Jourdain,
près de la montagne de Galaad, non loin du lac de Tibériade, dans
lequel les pourceaux se précipitèrent.
S. Chrys. [hom. 29 sur S, Matth.) Lorsque le Sauveur fut descendu
à terre, il fut témoin d'un phénomène bien plus surprenant que la
tempête ; un possédé du démon, comme un esclave en présence de
son maître, vient confesser sa dépendance et sa servitude : « Lorsqu'il
fut descendu à terre , il vint au devant de lui un homme , » etc. —
S. AuG. {de Vacc. des Evang.) Saint Matthieu rapporte qu'ils étaient
deux possédés ; saint Marc et saint Luc ne parlent que d'un seul, il
faut donc entendre que l'un d'eux était un homme plus considérable
et plus connu^ dont tout le pays plaignait le triste sort, et désirait vi-
vement la guérison. C'est ce que veulent faire entendre saint Marc et
saint Luc en ne parlant que de celui des deux, dont l'état et la gué-
rison avait euime immense notoriété dans toute la contrée. — S. Chrys.
{hom. 29 sur S. Matth.) Ou bien , peut-être saint Luc s'est-il attaché
à celui des deux qui était le plus furieux , et dont il fait un si triste
tableau : a II ne portait aucun vêtement, et n'avait d'autre habitation
que les sépulcres^ » etc. Or^ les démons fréquentent les tombeaux des
morts pour insinuer plus facilement aux liommes cette pernicieuse
doctrine, que les âmes des morts deviennent des démons. — S. Gyr.
Il errait sans vêtements dans les sépulcres des morts, preuve de la fu-
reur des démous qui le possédaient. Or_, la providence de Dieu permet
que quelques-uns soient ainsi soumis au pouvoir des démons , pour
(1) Cette ville ne se trouve pas nommément désignée dans la part qui échut à la tribu de Ma-
nassé. [Nombr., xxxiv, 14 ; Deutér., m, 13 ; xxix, 8 ; Josué, xii, 6 ; xiii, 29 ; xvii, 6, 8, U ; xxil, 9.)
Ce n'est que dans l'Evangile que nous trouvons ce nom de Géraséniens.
ctos. Bed. Geraza enim urbs est insignis
Arabise Irans Jordanem, juncta monti
Galaad, quam teuuit tribus Manasse ;
non longe a stagne Tiberiadis^ in que
porci praecipitati sunt.
Chrys. (hom. 29, in Matth.) Cum
autem Dominus descendisset a mari,
occurrit ei aliud terribilius miraculum ;
nam dsemoniacus tanquam servus vi-
dens dominum, servitutem confitetur.
Unde sequitur : « Et cum de navi egres-
sus esset ad terram, occurrit ei vir qui-
dam, » etc. Al'g. (de Cons. Evang. ut
sup.) Quod Mattbaeus duos dicit fuisse dœ-
moniacos, Marcus et Lucas unum com-
mémorant, intelligas uuum eorum fuisse
personae alicujus clarioriset famosioris;
■ quem régie ilïa maxime dolebat, et pro
cujus sainte plurimum satagebat. Hoc
volentes significare duo evangelistae so-
lum comuiemorandum judicaverunt, de
quo facti liujus fama latins prœclarius-
que fragraverat. Chrys. [hom. 29 ut
sup.) Vel Lucas elegit ex illis duobus
eum qui saevior erat : unde flebilius
narrât ejus infortunium, cum subdit :
« Et vestimento non induebatur, neque
in domo manebat, sed in monumentis. »
Visitant autem dœmones mortuorum
sepulcra, volentes imbuere homines pe-
riculosa doctrina, quod scilicet mortuo-
rum animœ dœmones fîiint. Cyril, [iibi
stipra.) Quod autem uudus petebat de-
functorum sepulcra, dœmouiacae fero-
citatis eral indicium. Permittit autem
quosdam ilispensative Deus subesse dœ-
DE SAINT LUC, CHAP. VITI. 409
nous faire considérer ce qu'ils sont à notre égard , nous faire
renoncer à leur empire tyrannique, et par le triste spectacle d'un
seul homme , victime de leur méchanceté , donner à tous une lei^on
salutaire.
S. Chrys. {hom. 29.) Comme la multitude ne voyait dans Jésus
qu'un homme, les démons viennent publier hautement sa divinité que
la mer elle-même avait proclamée en calmant la fureur de ses flots
soulevés: « Aussitôt qu'il vit Jésus, il se prosterna devant lui et il
s'écria, » etc. — S. Gyr. Considérez quel mélange à la fois de crainte,
d'audace et de désespoir extrêmes; c'est le désespoir, en etfet, qui lui
dicte ces paroles pleines d'audace : « Qu'y a-t-il entre vous et moi,
Jésus, Fils du Dieu très-haut? et c'est sous Timpression de la crainte
qu'il lui fait cette prière : « Je vous en conjure, ne me tourmentez
pas. » Mais si tu reconnais qu'il est le Fils du Dieu très-haut ! tu avoues
donc qu'il est le Dieu du ciel et de la terre, et de tout ce qu'ils ren-
ferment. Pourquoi donc oses-tu usurper ce qui n'est pas à toi, mais
n'appartient qu'à Dieu seul, en lui tenant ce langage : « Qu'y a-t-il
entre vous et moi? » Quel est le prince de la terre qui laisserait im-
punément les barbares attaquer les sujets de son empire : « Car Jésus
commandait à l'esprit impur de sortir de cet homme, » et l'Evangé-
liste justifie l'urgence de ce commandement, en ajoutant : « Depuis
longtemps, en effet, il était sous sa puissance, » etc. — S. Chrys.
{hom, 29.) Personne n'osait ni s'approcher de ce possédé , ni s'en
rendre maître, tandis que Jésus vient lui-même le trouver et lui
adresse la parole.
a Jésus lui demanda : Quel est ton nom ?» — Bède. Si Jésus lui de-
mande son nom, ce n'est pas qu'il l'ignore, mais pour que l'aveu pu-
mouibus; ut nos perpendamus per eos j esse Filium Dei altissimi, fateris eurn
ijuales suiit daiinone.-; erga nos, ut re- i Deum cœli et terrœ et eorum quuî
luiamus eis subjici velle, et sic une pa- j coutinentur in eis. Qualiter igitur non
tiente œdificeutur couiplures. 1 tua imo sua usurpas, et dicis : « Quid
Chrys. ihom. 29 nt sup.) Quia vero mihi et tibi? » Quis autem principum
hoinincm eura populi fatebantur, ac- \ terrenorum omnino sustinebit a barba-
cesserunt dcEuiones biviuitatein prtedi- ] ris lacessirisuo subjectos iniperio? Unde
<;antes ipsius, quam etiaui mare sua ! sequitur : « Praecipiebat enim spiritui
tranquillitate clamaverat. Unde sequitur :
« Is ul vidit Jesum, procidit ante illuui,
et exflamavit voce magna, » etc. CvRiL.
{ubi supra.) Attendas bic tinioreui lui-
nexinn audaciaj, et desperalioui iiiultaj :
signuni enim diabulicae desporutionis
est in audendo dicere : « Quid mihi et
tibi est, Jesu, Fili Dei altissimi ? » Ti
immuudo ut exiret ab homine : » et
necessitatem praecepti ostendit subdeus:
« Multis enim temporibus arripiebat
ilium, » etc. Chrys. [liom. 29 ut sup.)
Unde quia nemo audebat dœmoniacum
tenere, ipse Christus ad eum vadit allo-
quens ipsum.
Sequitur : « Interrogavit autem illum
moris vero, cum precatur : « Obsecro Jésus, dicens : Quod tibi nomen est ? »
te ne me torqueas. » Sed si nosti eum l Bed. Non veluti inscius nomen inquirit,
110
EXPLICATION DK L RVANGILE
blic du mal terrible auquel il est en proie, fasse ressortir avec plus
d'éclat la toute-puissance qui doit le guérir. C'est ainsi que les prêtres
de notre temps qui chassent les démons par la grâce des exorcismes,
nous disent qu'il n'y a pour les possédés d'autre moyen de guérison
que l'aveu sincère et public de tout ce que les esprits immondes leur
font souifrir durant le jour ou pendant leur sommeil, surtout lorsqu'ils
paraissent désirer ou qu'ils semblent accomplir avec eux l'œuvre de la
chair, c'est pour cela que Jésus exige ici une espèce de confession :
« Le démon lui répondit : Je m'appelle Légion, » parce qu'en effet,
plusieurs démons étaient entrés dans cet homme.
S. Grég. de Nysse. {ho?n. sur les Cant.) C'est à l'exemple des
milices célestes et des légions des anges, que les démons s'appellent
légion, de même que le premier d'entre eux se vantait d'établir
son trône au-dessus des astres, pour devenir semblable au Très-Haut
{Isaïe, xxv).
S. Chrys. {hom. 29 sur S. Matth.) Le Seigneur était descendu
sur la terre pour détruire l'empire du démon, qui jetait le trouble et
le désordre parmi les créatures de Dieu ; les démons craignaient donc
que le Sauveur n'attendit pas le temps marqué pour punir l'excès de
leur malice, et comme ils ne pouvaient dissimuler leurs crimes, ils le
supplient de retarder au moins leur châtiment : « Et ils le priaient de
ne pas leur commander d'aller dans l'abime. » — Théophyl. Les dé-
mons font cette demande, parce qu'ils veulent encore rester parmi les
hommes. — S. Cyr. Nous avons ici une preuve évidente, que les pha-
langes ennemies de la majesté divine étaient précipitées dans les en-
fers par la puissance ineffable du Sauveur. — S. Max. Or, le Seigneur
a établi pour chaque espèce de péché un châtiment correspondant;
sed ut confessa peste quain tolerabat,
virtus curautis gratior emicaret. Sed
et nostri temporis sacerdotes, qui per
exorcismi gratiam dfemones ejicere no-
runt, soient dicere patientes non aliter
valere curari, nist omne quod ab iai-
mundis spiritibus vigilantes dormien-
tesve pertulerint, confitendo patenter
exponant : et maxime quando corporis
humani coucubilum petere se ac pa-
trare confmgunt. Unde et hic confessio
subditur : « At ille dixit : Legio, quia
introierant dœmouia multa in eura. »
Greg. Nyss. [in Cat. Grœconun Pa-
trum.) Imitantes quidam d£Emoues su-
pernas militias et legiones angelicas di-
cunt se legionem ; sicut et eorum prin-
ceps dicit se positurum thronuni super
astra, ut fiât Altissimo similis. {Isa., 14.)
Chrys. [ho-tn. 29 ut sup.) Postquam
autem Dominus supervenerat, daemo-
nibus creaturam Deiperturbanlibus, pu-
tabant eum propter excessum eorum quse
fiebant non expectare tempus supplicii ;
et quia culpam diffiteri non poterant,
instant ne cito sustineaut pœnam. Unde
sequitur : « Et rogaveruut illum ne im-
peraret ut in abyssum irent. » Théo-
phyl. Quod quidem postulant dfemones
volentes adhuc cum liominilnis conver-
sari. Cyril. {uOi sup.) Hinc autem palam
est, quod femulfe catervae majestatis
divinae , ineffabili potentia SalVatoris
detrudebantur ad interna. Maxi. {in
Cat. Grœcorum Patrum.) Statuit autem
Deus uuicuique matériel peccatorum
DE SAINT LUC, CHAP. VIII. 4il
le feu de l'enfer pour punir les ardeurs coupables de la chair, le grin-
cement de dents pour les rires lascifs, une soif intolérable pour la vo-
lupté et l'intempérance, le ver qui ne meurt pas pour le cœur dissi-
mulé et méchant, les ténèbres éternelles pour l'ignorance et la four-
berie, les profondeurs de l'abime pour l'orgueil, et c'est pour cela que
l'abîme est destiné aux démons qui sont des esprits d'orgueil.
« Or, il y avait là uu nombreux troupeau de porcs, » etc. —
S. AuG. {de l'accord des Evang.^ ii, 24.) Saint Marc dit que ce trou-
peau était autour de la montagne, et saint Luc, qu'il paissait sur la
montagne; il n'y a ici aucune contradiction. Ce troupeau était si nom-
breux, qu'une partie pouvait être autour de la montagne, et l'autre
partie se trouver sur la montagne, puisqu'il y avait jusqu'à deux mille
pourceaux, comme saint Marc le raconte(v). — S. Ambr. Lesdémons ne
peuvent supporter l'éclat de la lumière céleste, de même que ceux qui
ont les yeux malades ne peuvent supporter les rayons du soleil. —
S. Cyr. C'est pour ce motif que cette légion d'esprits immondes de-
mande à être envoyée dans un troupeau de pourceaux immondes,
à cause de la conformité de leurs instincts : « Et ils le prièrent de leur
permettre d'y entrer, et il le leur permit. )> — S. Athan. {vie de saint
Ant.) Si les démons n'ont point de pouvoir sur les pourceaux, à plus
forte raison n'en ont-ils aucun sur les hommes qui sont faits à l'image
de Dieu; c'est donc Dieu seul qu'il faut craindre et n'avoir que du
mépris pour eux. — S. Cyr. Notre- Seigneur leur accorda cette per-
mission, afin que cet événement devînt pour nous une cause de salut
et un motif d'espérance ou de confiance. — Suite. « Et il le leur per-
mit. » Considérez combien la méchanceté des démons est grande, et
consonara pœnara, gehennam ignis,
propter carnis iiicendium ; siridorem
dentium, propter risum lascivum ; in-
tolerahilem sitim, propter voluplatem
et crapulam ; pervifîilem vormem, pro-
pter obliquum et malij^çnum cor; cali-
ginein perpétua m, \^vo[)ler ignorantiam
l't fallaciain ; lymbuvi abyssi, propter
superbiam : unde dœmonibus tanquam
superbis abyssus delej^atur.
Sequitur : « Erat auteœ ibi grex por-
conmi, » etc. Aug. {de L'on. Eranrj.,
lib. II, cap. 24.) Quod Marcusdixit circa
montem fuisse gregcm porcorum, Lu-
cas auteni iw mon/c^ non répugnât. Grex
enim porcorum tam inagnus fuit ut
aliquid ejus esset in monte, aliquid circa
luontein : eranl enim duo niillia porco-
rnm, sicut Marcus expressit. {cap. 5.)
Ambr. Dœmones aulem cœlestis lumi-
niâ claritalem sustiuere non poterant :
ut qui oculos dolent radios solis ferre
non possunt. Cyril, [ubi supra.) Et
ideo turba immundorum spiritnuni petit
mitti in conformem sibi gregem immun-
dorum porcorum. Sequitur enim : « Et
rogaverunt eum ut permitteret eos in
illos ingredi. » Atha. (m Vita Ant.)
Quod si super poreos potestatem non
liabent, multo magis nullam liabent dae-
mones contra boniines factos ad imagi-
nem Del : oportet ergo Deuni solum
timere^ contemnere autem illos. Cyril.
{\ibi stipra.) Dominus autem concessit
eis potestatem ut hoc inter estera fiai
nobis causa salutis et roboris spes (vel
fiducia securitatis, àiTça>.e(aç) Sequitur:
« Et permisit illis. » Considerare ergo
412
EXPLICATION nE t/ÉVANGILE
le mal qu'ils font à ceux qui sont soumis à leur empire en les voyant
précipiter et noyer dans la mer ce troupeau de pourceaux : « Sortant
donc de cet homme, les démons entrèrent dans les pourceaux ; et le
troupeau prenant sa course, se précipita dans le lac par un endroit
escarpé et s'y noya. » Jésus-Christ accéda à leur demande, pour faire
ressortir toute leur cruauté. Il fallut aussi montrer que le Fils de Dieu
avait le gouvernement de toutes clioses_, aussi bien que le Père, et
qu'il possédait une même gloire et une puissance égale.
TiTE DE BosTR. Cependant les gardiens prennent la fuite dans la
crainte de périr avec leurs pourceaux : « Ce qu'ayant vu, les gardiens
s'enfuirent, et en portèrent la nouvelle dans la ville et dans les vil-
lages, » semant dans l'âme de leurs habitants la crainte et l'effroi,
par le récit de cet événement. La perte qu'ils viennent d'essuyer les
fait venir trouver le Sauveur : « Plusieurs sortirent pour voir ce qui
était arrivé, et ils vinrent à Jésus. » Voyez comme en châtiant les
hommes dans leurs biens temporels. Dieu se rend le bienfaiteur de
leurs âmes. Lorsqu'ils furent arrivés , ils trouvèrent parfaitement
guéri celui que le démon ne laissait pas un seul moment en repos :
a Et ils trouvèrent assis à ses pieds l'homme de qui les démons étaient
sortis, vêtu et sain d'esprit, lui qui, jusque-là, était toujours sans
vêtement, car cet homme ne quittait pas les pieds de celui à qui il
devait sa guérison. A la vue de cette guérison miraculeuse, ils furent
saisis d'admiration et d'étonnement : « Et ils furent remphs de
crainte, » ajoute l'Evangéliste, tant parce qu'ils virent de leurs yeux
que parce qui leur était raconté : « Et ceux qui avaient vu, leur ra-
contèrent comment il avait été délivré de la légion. » Leur premier
oportet quod daemones pravi sunt, et
hostiles his qui eis sunt subditi ; et po-
test patere ex eo quod praecipitaverunt
et sufîocaverunt porcos in aquis. Uude
sequitur : « Exierunt ergo daemonia ab
homiae, et intraverunt in porcos, et
impetu abiit grex per praeceps in sta-
gnum, » etc. Et lioc concessit eis Chri-
stus petentibuSjUt evenlu appareat quam
sint crudeles. Erat etiam necessarium
ostendere Filium Dei providentiam re-
rum habere, non minus quam Pater, ut
aequalitatis décor in utroque appareat.
TiT. BosTRENS. {in Matth.) Fugam
autem pastores arripiunt, ne cum porcis
périrent. Unde sequitur : « Quod ut
viderunt factum, qui pascebant fugerunt,
et nuntiaverunt in civitateset in villas, »
et hujusmodi terrorem civibus intule-
runt. Duxit autem eos ad Salvatorem
damni nécessitas. Sequitur enim : « Exie-
runt autem videre quod factum est, et
veneruntadJesum.wUbi considéra quod
dum Deus homines punit in rébus, con-
fert beneficium animabus. Cum autem
profecti essent, viderunt sanum eum
qui jugiter vexabatur. Sequitur : « Et
invenerunt hominem sedentem a quo
dœmouia exierant, vestitum (qui antea
continuo nudus erat) ac sana mente ad
pedes ejus : » non enim discedit a pedi-
bus a quibus est nactus salutem, et sic
agnosceutes signum, mirati sunt pas-
sionis remedium . et obstupuerunt in
facto. Sequitur enim : « Et timuerunt. »
Hoc autem partim visu comperiunt, par-
tim verbis audiveraut. Sequitur : « Nun-
tiaTerunt autem illis qui viderant quo-
modo sanus factus est a legione. »
Oportebat autem eos supplicare Domino
DE SAINT LUC, CHAP. VIII.
413
sentiment devait être de supplier le Seigneur de ne point s'éloigner,
mais de garder leur pays contre les nouvelles attaques du démon, mais
non, la crainte leur fait sacrifier leur propre salut, et ils prient le
Sauveur de s'éloigner d'eux.
« Alors tous les habitants du pays de Gérasa le prièrent de s'éloi-
gner d'eux, parce qu'ils étaient saisis d'une grande frayeur. » —
Théophyl. Ils craignaient d'être encore exposés à de nouveaux dom-
mages, comme celui qu'ils venaient de souffrir par la perte des pour-
ceaux. — S. Chrys. (Iiom. 29 sur S. Matth.) Admirez la mansuétude
de Jésus-Christ, après de si grands bienfaits, on le renvoie, il ne ré-
siste point, il se retire et abandonne ceux qui se déclarent ainsi in-
dignes de recevoir sa doctrine.
« Il monta donc dans la barque pour s'en retourner. » — Tite de
BosTR. [sur S. Matth.) Le Sauveur s'éloigne, mais celui qu'il venait
de délivrer ne veut pas le quitter : « Et l'homme de qui les démons
étaient sortis, le priait de l'admettre à sa suite. » — Théophyl. Une
triste expérience lui faisait craindre de retomber au pouvoir des dé-
mous, s'il s'éloignait de Jésus. Mais Notre-Seigneur lui fait comprendre
que, sans demeurer avec lui, il pouvait le protéger par sa puissance :
« Jésus le renvoya, en disant : Retournez en votre maison, et racontez
les grandes choses que Dieu a faites pour vous. » Il ne dit point : Que
j'ai faites pour vous, et il nous donne en cela cet exemple d'humi-
lité, de rapporter à Dieu tout le mérite de nos bonnes actions. — Tite
DE BosTR. [sur S. Matth.) Il ne se met pas toutefois en contradiction
avec la vérité en parlant de la sorte, car tout ce que fait le Fils, le
Père le fait avec lui. Mais pourquoi Jésus qui, toujours défendait à
ue inde recederet, sed custos esset re-
gionis, ne dsemones haberent accessuru
ad eos ; sed praî timoré propriam salu-
lem amiserunt rogantes Salvatorein re-
cedcre.
Sequitur : « Et rogaverunt illum oin
uis uiullitudo regionis Gerazeuoruiu, ut
discederet al) ipsis, quia timoré magno
lenebantur. » Théophyl. Timebautenim
ne iterum daninum aliquod patereiitur,
sicut passi t'uerant ia submersionc por-
corum. Chrys, [hom. 29, in Mollh.)
Atlcndas autem Cbristi buuiililatem :
postquam eiiim collatis a se talibus be-
neficiis emitlebant eum, non obstat ,
sed discedit : eos qui seipsos indignos
sua doctrina prouiulgaverant (sive os-
leiideraut) relinquens.
Sequitur : « Ipse autem ascendens
uavim, reversus est. » Titus Bostrens.
(in Matth.) Sed eo discedente, ille qui
passus fuerat, a Salvatore non discedit.
Sequitur euim : « Et rogabat illum a
quo daîmouia exierant, ut cum eo esset. »
Tueophylact. Nam sicut expertus time-
bat ue forte elongatus a Jesu rursus
dcemouibus esset paratus. Dominus au-
tem oâtendit ei quod quamvis non sit
cum eo praiseutialiter, tamen potest eum
gratia sua protegere. Sequitur enim :
« Dimisit autem eum Jésus , dicens :
Redi in dumum tuam, et narra quanta
tibi Icclt Deus. » Non autem dixit :
« Quanta tibi feci ego;» formam prœ-
bens liumililatis, ut rectitudines nostras
referamus in Deum. Titus Bostrens.
{in Maith.) Nec tamen pr;evaricatur in
legem veritatis : quicquid cuim Fillus
operalur, Pater operatur. Cur autem
ijuiubique omnesliberatosmonebat nulli
AU
EXPLICATION DE L EVANGILE
ceux qu'il guérissait de leurs infirmités, d'en parler à personne, dit à
cet homme qu'il venait de délivrer d'une légion de démons : « Ra-
contez les grandes choses que Dieu a faites pour vous? » Parce
que ce peuple était plongé dans l'ignorance de Dieu et livré tout
entier au culte des démons; ou hien, si l'on veut une explication plus
vraie, lorsqu'il rapporte un miracle à son Père, il commande de le
publier; lorsqu'il s'agit personnellement de lui-même, il défend d'en
parler à qui que ce soit. Mais cet homme qu'il venait d'arracher à la
tyrannie des démons, savait que Jésus était Dieu, c'est pourquoi il
s'empresse de publier la grâce extraordinaire qui venait de lui être
faite : « Et il s'en alla, publiant par toute la ville les grandes choses
que Jésus lui avait faites. » — S. Ghrys. [hom. 29 su?' S. Matth.)
C'est ainsi que Notre-Seigneur abandonne ceux qui se sont déclarés
indignes de ses divins enseignements, en leur laissant pour maître
celui qu'il venait de délivrer de la servitude des démons.
BEDE. Dans le sens mystique, Gérasa représente les Gentils, que le
Seigneur a visités par ses prédicateurs, après sa mort et sa résurrec-
tion. En effet, Gérasa_, ou Gergésa (comme lisent plusieurs), signifie,
qui chasse l'habitant, c'est-à-dire, le démon qui l'habitait auparavant,
ou encore, atTivée de l'étranger, qui s'en trouvait éloigné.
S. Ambr. Le nombre de ceux qui furent guéris dans cette circons-
tance par Jésus-Christ, est diff'érent dans saint Luc et dans saint Mat-
thieu, mais le sens mystérieux de ce miracle est le même, car cet
homme qui était possédé est, dans saint Luc, la figure du peuple des
Gentils, comme les deux possédés dont parle saint Matthieu, le sont
également. En effet, Noé ayant eu trois fils, Sem, Cham et Japhet, la
postérité de Sem eut seul le privilège d'être le peuple de Dieu, et les
dicere, huic liberato a leglone d icit : « Nar-
ra quanta tibi fecit Deus "? » Quia scili-
cet tota regio illa Deum ignorabat irre-
tita cultibus dœmonuui. Vel verius^
quando quidem ad Patrem retorquet mi-
raculum, dicit, narra ; cum vero loqui-
tur de seipso , mouet nuUi dicere. Ilie
autemqui liberatus est a dœttioQibus,no-
veralZ>eww esse Jesiim ; et ideo prœdiea-
vit quanta fecit illi Jésus. Sequitur enim :
« Et abiit per universam civitatem , »
etc. Chrys. {hom. 29, in Matth.) Et sic
illos qui se indignos sua doctrina pro-
mulgaverant, derelinqueus , statuit eis
eum in magistrum qui fuerat a dsemo-
nibus liberatus.
Bed. Mystice autem Gerasa signiticat
nationes gentium , quas post passionem
et resurrectiouein suam Dominus per
prsedicatores visitavit. Unde Gerasa, vel
Gergesa (ut quidam legunt) interpreta-
tur colonum ejiciens, id est, diabolum,
a quo prius incolebatur; vel advena
propinquans. qui prius longe erat.
Ambr. Licet autem discordet nume-
rus curatorum a Christo secundum Lu-
cam et Matthoeum , tamen concordat
mysterium. Ut enim iste qui babebat
dœuiouium . populi gentilis est figura,
duo quoque illi similiter figuram populi
gentilis accipiuut; quoniam cum très
filios Noe generaverit, Sem, Cham et
Japliet , Sem tautummodo familia in
possessionem accita est Dei, et ex duo-
DE SAINT LUC, CHAP. VIII.
415
deux autres furent la souche de tous les autres peuples. Cet homme
était depuis longtemps possédé du démon, parce que depuis le déluge,
ces peuples étaient sous la domination de l'esprit mauvais. Il était nu,
c'est-à-dire, qu'il avait perdu les vertus qui servaient de vêtement et
à la fois d'ornement à sa nature. — S. Aug, {Quest. évang., i, 14.)
Il n'habitait point de maison, c'est-à-dire, qu'il ne se reposait pas
dans sa conscience; il demeurait dans les tombeaux, parce qu'il se
plaisait dans les œuvres mortes, c'est-à-dire, dans les péchés. —
S. Ambr. Ou bien encore, que sont les corps des infidèles, sinon des
espèces de tombeaux dans lesquels la parole de Dieu ne peut ha-
biter?
S. Aug, [Quest. évang.^ w, 13.) Les entraves et les chaînes de fer
qui liaient ses membres, représentent les lois sévères et accablantes
qui réprimaient les crimes dans les gouvernements des infidèles. Cet
homme ayant brisé ses chaînes, était entraîné par le démon dans le
désert, c'est-à-dire que, lorsqu'on a transgressé ces lois, la passion
conduit à des forfaits qui dépassent la mesure des crimes ordinaires.
Il était possédé d'une légion de démons, et figurait les nations esclaves
elles-mêmes d'une multitude de démons. Le Sauveur permet à ces
esprits mauvais d'entrer dans des pourceaux qui paissaient sur les
montagnes, et qui sont la figure de ces hommes à la fois immondes et
superbes que le culte impur des idoles place sous la tyrannie des dé-
mons. — S. Ambr. Les pourceaux sont ces hommes qui, semblables à
ces animaux immondes, et privés de la parole et de la raison, souillent
l'éclat et la beauté des vertus naturelles par l'infamie de leurs mœurs.
— S. Aug. {Quest. évang.) Ils sont précipités dans la mer, c'est-à-dipe.
bus illis diversaruni nationum populi
puUularunt; qui multis, inquit, tempo-
ribus habebat dsemoniuui, utpote, qui a
diluvio usque ad adventum Domini
vexabatur. Nudus aulem erat, qnia tegu-
mentum uatunu suîb et virtutis amiëit.
AiG. [de Quœst. Evanrj., lib. i , quajst.
14.) In domo non habilabat : hoc est,
in eonscientia sua non requiescebat ; in
inonumentis manebat, quia in mortiiis
operibus (hoc est, peccatis) deiectabatur.
Ambr. Vel quid sunt corporaperfidoruni,
nisi qu.-edam sepulcra in quibus De!
verba non habitant?
Aug. [de Quœst. Econr/,, bb. n,
qutt'st. 13.) Quod autem conipedibus
ferreis et catenislifrabatur,. significat gra-
ves et duras leges gentium, quibus
etiam in eoruna republica peccata cohi-
bentur; quod autem vinculis tahbus di-
ruptis agebatur a daemonibus in deser-
tum, significat quod etiam ipsis trans-
gressis legibus ad ea scelera cupiditate
ducebatur, quîE jara vulgarem cousue-
tudinem excédèrent. Quod vero in eo
legio dœmonum erat , significatae sunt
geutes , quai multis daemonibus servie-
Ijant; quod in porcos pascentes in mon-
tibus da'monia ire concessa sunt, signi-
fi(;at etiam immundos et superbos bo-
mines , quibus dajmonia dominantur
propler idohjrum cultus. Amuu. Porci
enim lii sunt qui immundorum usu
animalium vocis et rationis experles,
iutulentis vitte suœ aetibus naturalium
(^oinquinaverunt ornamenta virtutum.
Aug. [de Quœst. Evanrj., vin supra.)
Quid autem in staguum prajcipilati sunt,
416
KXPLICATION DE L EVANGILK
que lorsque l'Eglise est enj&n glorifiée et le peuple des Gentils délivré
de la domination des démons, ceux qui n'ont pas voulu croire à
Jésus-Christ, précipités dans les abîmes par leur curiosité aveugle et
démesurée, sont condamnés à célébrer dans des retraites cachées leurs
rites sacrilèges.
S. Ambr. Les pourceaux sont précipités avec impétuosité dans la
mer, parce que ces hommes ne sont retenus par la considération
d'aucune vertu, mais sont entraînés dans la profondeur des abîmes
sur le penchant rapide de la corruption, et vont perdre la respira-
tion et la vie au milieu des flots de ce monde. \l est impossible, en
efi"et, à ceux qui sont le jouet des flots agités de la volupté, de pouvoir
conserver la respiration et la vie de l'àme. Nous voyons par là que
l'homme est lui-même l'auteur de son malheur, car s'il ne vivait pas
de la vie des animaux immondes, jamais le démon n'eût reçu de pou-
voir sur lui_, ou bien ce n'eût été que pour l'éprouver et non pour le
perdre. On peut dire aussi que le démon, dans l'impuissance où il est
de s'attaquer aux bons depuis la venue du Sauveur, ne cherche plus à
perdre tous les hommes, mais seulement les âmes légères et incons-
tantes, de même qu'un voleur n'attaque pas ceux qui sont armés,
mais ceux qu'il voit sans défense. Les gardiens des troupeaux, témoins
de cet événement, s'enfuirent. En effet, ce ne sont ni les maîtres delà
philosophie, ni les chefs de la synagogue, qui peuvent donner des
remèdes efficaces aux peuples atteints de maladies mortelles, Jésus-
Christ est le seul qui peut les délivrer de leurs péchés. — S. Aug.
{Quest. évang.^ ii, 1-4.) Ou bien encore, ces gardiens de pourceaux qui
s'enfuirent, représentent les chefs des impies qui ne veulent point
observer la loi chrétienne, mais qui, néanmoins, sont remplis d'ad-
significat quod jam clarificata est Eccle-
sia, et liberato populo geutium a doini-
natione dcemoniorum , in abditis agimt
sacrilegos ritus suos qui Cbristo credere
nolueruntj caeca et profunda curiositate
submersi.
Ambr. Impetu autem ferunlur in prte-
ceps quoniaiu nullius meriti contempla-
tione revocantur ; sed tauquam de supe-
rioribus ad iuferiora per iuiprobitatis
procUve detrusi, iuter flueuta muudi
liujus intereluso pereunt spiritus com-
meatu. Neque eniiu in bis qui fluido
œstu voluptatis hue atque illuc feruntur^
ulUus spiritus potest esse vitale com-
mercium. Videmus igitur quia bomo
ipse suœ est auctor œrumuee : uam uisi
quis porci more vixisset, nunquam acce-
pisset in eum diabolus potestatem; aiit
accepisset, non ut perderet, sed ut proba-
ret : et fortasse diabolus, quia post Domini
adventum bonos jam deprœdari non
poterat, non omnium bomiuum , sed
levium quairit interitum ; ut latro non
armatis insidiatur, sed inermibus. Vide-
runt hoc magistri gregum et fugerunt.
Neque enim, vel pbilosophise professo-
res, vel principes synagoste , pereunli-
bus populis possunt afferre medicinam :
soins est Cbristus qui aufert peccata po-
pulorum. .\UG. {de Quœst. Evcincj., lib.
11^ qu. 14.) Vel quod porcorum pastores
fugientes ista nuntiaverunt , significat
quosdam primates impiorum, quanquam
cliristiauam legem fugientes, poteutiam
tamen ejus per geates stupendo et mi-
DE SAINT LUC, CHAP. VIII. -417
miration pour elle, et ne peuvent s'empêcher de publier parmi les
infidèles son étonnante puissance. Les Géraséniens qui, en apprenant
ce qui s'est passé_, prient Jésus de s'éloiguer, figurent cette multitude
d'hommes qui, séduits et retenus par les plaisirs dans lesquels s'est
écoulée toute leur vie, honorent la religion chrétienne, mais ne
veulent point embrasser ses prescriptions, sous le prétexte qu'ils ne pour-
raient les accomphr ; ils ne laissent pas toutefois d'admirer le peuple
fidèle qu'ils voient guéri de l'état désespéré où ses crimes l'avaient
réduit. — S. Ambr. Ou bien encore, la ville des Géraséniens est la
figure de la synagogue, ses habitants supplient le Seigneur de s'éloi-
gner, parce qu'ils sont saisis d'épouvante, car l'âme qui est encore
faible n'est point capable d'entendre la parole de Dieu, et ne peut sup-
porter le poids de la sagesse. Aussi le Sauveur ne veut point leur être
plus longtemps importun, il quitte ces lieux peu élevés pour gagner
les hauteurs, c'est-à-dire, qu'il se rend de la synagogue à l'Eglise. Il
traverse de nouveau le lac, car personne ne peut passer de l'Eglise à
la synagogue, sans danger pour son salut. Pour celui qui veut accom-
plir ce passage, qu'il porte sa croix s'il veut éviter tout danger. —
S. AuG. {Quest. évang.) Cet homme que Jésus vient de guérir, veut
rester avec lui, et le Sauveur s'y oppose ; « Retournez en votre mai-
son, lui dit-il, et racontez les grandes choses que Dieu a faites pour
vous. Apprenons de là, qu'après avoir obtenu la rémission de nos pé-
chés, nous devons rentrer dans notre bonne conscience comme dans
une demeure assurée, et chercher à étendre l'Evangile pour le salut
des autres, si nous voulons un jour nous reposer avec Jésus-Christ;
car en désirant être réuni à Jésus-Christ avant le temps marqué , on
s'expose à négliger le ministère de la prédication, qui a pour objet le
salut de nos frères.
ruudo prfEdicare ; quod autem Geraseni
cogaoscenteâ quod factum est, rogant
Jesiim, ut ab eis discederet, magno ti-
moré jjereulsi , significat uiultitudinem
vetusta suavitate delectatam , bonorare
quidem , sed uolle pâli cbristianam le-
geui, dura dicunt quod eam impiere non
possiat; admirantes tamen fidelem po-
pulum a pristina perdita conversatiouo
sanatum. Ambu. Vel in Gerazeuorum
civitate species syuagogee vidctur exiâ-
tere , qui rogabant ut discederet , quia
timoré magno teuebautur : infirma euim
meus non capit Dei verbuni : nec polest
pondus sustinere sapieulia;. Kt ideo diu-
tius molestus non fuit, sed asceudit ab
inferioribus ad superiora, a synagoga
scilicet ad Ecclesiam; et régressas est
TOM. V.
per stagnum : nemo enim de Ecclesia ad
syuagogam sine periculo transit salutis :
sed ille qui de synagoga ad Ecclesiam
transire desiderat, crucem suam tollat,
ut discrimen évadât. Alg. {de Quœst.
Kvamj., lit sup.) Quod autem ille sana-
tus cupit jam esse cum Cbristo , et dici-
tur ei : « Redi in domum tuam, et narra
quanta tibi fecit Deus,» sic intelligitur,
ut sic quisque inteUigat post remissio-
uem peccatorum redeundum sibi in
conscieutiam bonam sicut in domum,
et serviendum Evangelio, proptcr alio-
rum salutem; ut deinde cum Cbristo
requiescat, ne cum prtepropere vult esse
cum Cbristo, uegligat miuisterium prœ-
dicationis, fraternae redemptioui accom-
modatum.
27
418
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
f. 43-48. — Lorsque Jésus fut de retour, le peuple l' accueillit avec joie, car tous "
l'attendaient. Et voilà qu'un homme nommé Jaîre, qui était chef de la syna-
gogue, vint se jeter aux pieds de Jésus, le priant d'entrer dans sa maison ;
parce qu'il avait une fille unique d'environ douze ans, qui se mourait. Comme
Jésus s'en allait avec lui, et qu'il était pressé par la foule, une femme malade
d'une perte de sang depuis douze ans, et qui avait dépensé tout son bien à se
faire traiter par les médecins, sans qu'aucun d'eux eût pu la guérir, s'approcha
de lui par derrière et toucha la frange de son vêtement. Aussitôt sa perte de
sang s'arrêta. Et Jésus dit : Qui est-ce qui m'a touché? Tous s'en défendant,
Pierre et ceux qui étaient avec lui dirent ; Maître, la foule vous presse et
vous accable, et vous demandez : Qui m'a touché? Mais Jésus répartit : Quel-
qu'un m'a touché, car j'ai senti qu'une vertu était sortie de moi. Cette femme,
se voyant découverte, vint toute tremblante, et, se jetant à ses pieds, elle
déclara devant tout le peuple pourquoi elle l'avait touché, et comment elle
avait été guérie en un instant. Et Jésus lui dit : Ma fille, votre foi vous a
guérie : allez en paix.
S. AuG. {de l'accord des Evang., ii, 28.) Après avoir raconté le
miracle opéré chez les Géraséniens , l'Evangéliste passe à la résur-
rection de la fille du chef de la synagogue : « Jésus étant revenu , le
peuple le reçut avec joie , parce qu'il était attendu de tous. » —
Théophyl. Tls l'attendaient pour entendre sa doctrine et pour être té-
moins de ses miracles. — S. Aug. {de l'ace, des Evang.) Le fait que
saint Luc rapporte en cet endroit : « Un homme , appelé Jaïre, » etc.,
n'arriva point aussitôt après celui qu'il vient de raconter. Il faut placer
auparavant le repas des publicains dont parle saint INIatthieu, et
auquel il fait succéder si étroitement (1*) ce miracle de la résurrec-
(l*) « Comme il leur parlait ainsi (à ceux qui se scandalisaient de le voir manger avec des publi-
cains), un chef de la synagogue s'approcha, » etc. [Matth., ix, IS.)
Factum est autem cum rediisset Jésus, excepit
illum turba. Erant autem omnes expectantes
eum. Et ecce venit vir cui nomen Jairus , et
ipse princeps synagogœ erat, et cecidit ad pe-
des Jesu, rogans eum ut intraret in domum
ejiis, quia unica filia erat et fere annorum
duodecim, et hœc moriebatur. Et contigit diim
iret, a titrbis comprimebatur. Et mulier quœ-
dam erat in fluxu sanguinis ab annis duode-
cim, quœ in medicos erogaverat omnem sub-
stanliam suam, nec ab ullo potuit ciirari.
Accessit rétro, et teiigit fimbriam vestimenti
ejus; et corifeslim stetit fluxiis sanguinis ejus.
Et ait Jésus : Quis est qui me tetigit ? Negan-
tibus autem omnibus, dixit Petrus, et qui cum
illo erant : Prœceptor, turbœ te comprimunt
et affligunt, et dicis : Quis me tetigit ? Et dixit
Jésus : Tetigit me aliquis : nam et ego novi
virtutem de me exisse. Videns autem mulier
quia non latuif, tremens venit et procidit ante
pedes ejus; et ob quam causam tetigerit eum,
indicavit coram omni populo, et quemadmo-
dum confestim sanata sit. At ipse dixit ei :
Filia , fides tua te salvam, fecit : vade in pace,
AuG. (le Co7is. Evang., lib. ii, cap.
28.) Post narratum apud Gerasenos mi-
raculiim , transit ad narrandum de ar-
chisynagogi filia dicens : « Factum est
autem cum rediisset , excepit illum
turba : nam omnes eum expectabant. »
THEOPnYLACT. Simul quidem propter
doctriuam et propter miracula.AuG. {de
Cous. Evang., ubi sup.) Quod vero
adjungit : « Et ecce vir cui nomen
Jairus, » non continue factum accipien-
dum est, sed prius illud de convivio
publicanorum , sicut narrât Mattbœus ;
cui rei sic conjungit hoc, ut non possit
DE SAINT LUC, CHAP. VIII. 419
tion de la fille de Jaïre , qu'aucun autre ne peut être placé entre les
deux. — TiTE DE BosT. L'Evangéliste donne le nom de ce chef de la
synagogue , à cause des Juifs qui connurent alors cet événement ,
et pour rendre plus évidente la preuve du miracle. Ce n'est point
un des derniers du peuple , mais un chef de synagogue qui vient
trouver Jésus pour mieux confondre les Juifs et leur ôter toute
excuse : « Il était chef de la synagogue. » Il vint trouver Jésus, parce
qu'il y était comme forcé par la nécessité ; car quelquefois c'est la
douleur qui nous porte au bien, selon cette parole du Psalmiste :
« Resserrez avec le mors et le frein la bouche de ceux qui ne veulent
point s'approcher de vous. » — Théophyl. Il vient donc, sous l'im-
pulsion de la douleur qu'il éprouve , se jeter aux pieds de Jésus. Il
aurait dû , sans y être contraint par la nécessité, se prosterner à ses
pieds, et reconnaître sa divinité. — S. Chrys. {hom. 32 sur S. Matth.,
et TiTE DE BosT.) Voyez quelle est encore son ignorance, il demande
à Jésus-Christ de venir chez lui : « II le suppliait de venir dans sa
maison, » c^est-à-dire qu'il ignorait que Jésus put guérir sa fille sans
être extérieurement présent ; car s'il l'avait su, il eût dit à Jésus comme
le centurion : « Dites seulement une parole , et ma fille sera guérie. »
{Matth.^ Yiii.) — A6TÉRIU3. {Ch. des Pèr. gr.) L'Evangéliste nous fait
connaître la cause de sa démarche : « Il avait une fille unique , l'es-
pérance de sa maison et de la perpétuité de sa race; elle avait environ
douze ans, c'est-à-dire à la fleur de l'âge ; elle se mourait, et au lieu
du lit nuptial , elle allait être portée au tombeau. » — S. Chrys.
[Ch. des Pèr. gr.) Or, le Seigneur n'était pas venu sur la terre pour
juger le monde, mais pour le sauver, il n'a donc point égard à la di-
.iliud factum consequenter intelligi.
Titus Bostrens. {in Mutth.) Est autem
positum nomen, Judaiorum causa, qui
tanc uoverunt quod accidit , ut nomen
demonstratio miraculi fiat. Accessit au-
tem non aliqnis infirmorum , sed prin-
ceps synagogte, ut magis oliturarenlur
.ludœoruQi ora : unde sequitur : « Et
ipse princeps synagogœ erat;)» accessit
autem ad Christum causa necessitatis.
L'rget enim aliquando dolor ad agen-
dum ea quae décent; secunduui ilium
l)salm. 31 : «lu came et freno maxilLis
forum constringe, qui non approximant
ad te. » Theophylact. Unde uecossitalc
instante, cecidit ad pedes ejus. Sequilur
enim : « Et cecidit ad pedes Jesu : » de-
cebat autem ut absque necessitate co-
pente caderet ad pedes ejus, et cognos-
ceret Ipsum Deuui csso. Cnrivs. (hom.
32, in Matlh., et Titus in Cat. Grœcor.)
Sed considéra ejus inertiam : quaerit
enim a Cbristo ut in domum veniat :
sequitur enim : « Rogans eum ut iutra-
ret in domum ejus : » ignorans scilicet
quod absens poterat liberare : nam si
scivisset, dixisset sicut cenlurio [Mattli.
8) : Die verbo , et curabltur filia mea.
Gr^ec. (vel Asterius in Cat. Grœcorum.)
Causa autem adventus ejus ponitur, cum
subditur : « Quia unica filia erat illi ; »
domus fuudamentum , successio gene-
ris ; « ferc annorum 12, » in ipso scilicet
flore œtatis ; « et bœc morlebatur , »
pro thalamis efferenda ad tuuiuluni.
Chrys. {mm Tito in Cat. Grœconim,
Patrum.) Advenerat autem Dominus,
non ut judicaret muudum, sed ut salva-
ret, quapropter non examinât dignitatem
petentis, sed tequanimiter arripit opus,
420 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
gnité de celui qui l'implore , mais il poursuit tranquillement son
œuvre , sachant bien qu'il allait opérer un miracle plus grand que
celui qu'on lui demandait. En effet, on l'appelait pour guérir une
jeune fille malade, mais il savait qu'il allait la ressusciter après sa
mort, et inspirer ainsi aux hommes l'espérance certaine de la résur-
rection.
S. A-MBR. Avant de ressusciter cette jeune fille , il guérit l'hémor-
rhoïsse pour exciter la foi du chef de la synagogue ; c'est ainsi que
nous célébrons la résurrection temporelle dans la passion du Sauveur,
pour affermir notre foi à la résurrection éternelle : « Comme Jésus
s'en allait avec lui , et qu'il était pressé par la foule. » — S. Cyr.
Preuve évidente qu'il avait pris une chair véritable , et qu'il foulait
aux pieds tout sentiment d'orgueil ; car la foule ne le suivait pas à
distance, mais l'entourait et le pressait.
AsTÉRius. Or, une femme atteinte d'une grave maladie, dont l'in-
firmité avait épuisé les forces corporelles , et les médecins la fortune,
n'a plus d'autre espérance dans une si grande extrémité, que de venir
se jeter aux pieds du Seigneur : « Et une femme malade d'une perte
de sang depuis douze ans , » etc. — Tite de Bost. {sur S. Matth.)
Quels éloges ne méritent pas cette femme qui , dans l'épuisement de
ses forces, causé par cette perte continuelle de sang, au milieu de tout
ce peuple qui s'empresse autour du Seigneur , soutenue par sa foi et
par le désir d'être guérie, traverse la foule , et, se dérobant aux re-
gards du Sauveur , se tient derrière lui , et touche la frange de son
vêtement (1*).
« Et elle toucha la frange de son vêtement. » — S. Cyr. Car il était
(1*) La bordure, en hébreu zizith, était une espèce de houppe que les hébreux portaient au bord
de leur vêtement, suivant les prescriptions de la loi. {Nombr., xv, 38.)
sciens quod majuo erat futurum eo quod
quaerebatur : vocabatur enim ad reme-
dium aîgrotantis : novit autem se susci-
taturum jam mortuam, et inserturum
terrenis firmam spem resurrectionis.
Ambr. Suscitaturus autem mortuam,
ad faciendam fidem arcliisyuagogo, hœ-
morrhoissam ante curavit : sic et re-
surrectio temporalis in passione Domiiii
celebratur, ut perpétua illa credatur.
« Et contigit dum iret, a turba compri-
mebatur. » CvRiL. {in Cat. Grœcorum
Patni7)i.)Qaoà maximum erat indicium,
quod veram carnem induerat, et oumem
conculcaret superbiam : neque euim a
longe sequebanlur, sed eum circumda-
baut.
Grj:c. (vel Asterins ut jam supra.)
Quœdam autem mulier gravi morbo
deteuta, cujus infirmitas corpus, medici
vero omnes divitias consumpserant,
solam spem in tanta diffidentia reperil,
ut procideret Domino : de qua sequitur :
« Et mulier quse erat in fluxii sanguinis
ab aauis 12, » etc. Titus Bostr. {in
Matth.) Qualiter autem non est digna
prœconio bœc mulier, quœ viribus ex-
tiuctis corporels ob continuum sangui-
nis fluxum, et tanto populo concurrente
circa Ipsum , affectu roborato et fide
petierat populum, et rétro latens telige-
rat fimbriam vestimeuli '^
Sequitur : « Tetigit fimbriam vesli-
meuti ejus. » Cyril, {ubi supra.) Neque
I
DE SAINT LUC, CHAP. VIII. 421
défendu à ceux qui étaient souillés de quelque impureté , de toucher
ceux qui étaient purs , ou de s'approcher de ceux que la loi réputait
pour saints. — S. Chrys. {hom. 32 sw S. Matth.) D'après la loi,
cette maladie était regardée comme une des plus grandes souillures.
[Lév, XV.) D'ailleurs cette femme n'avait pas encore une bien juste
idée du Sauveur, puisqu'elle espérait pouvoir lui cacher cette dé-
marche; cependant elle s'approche de lui dans la ferme espérance
d'être guérie.
Théophtl. Celui qui approche l'œil d'une vive lumière , en ressent
aussitôt les effets ; les épines s'embrasent au premier contact du feu ;
ainsi , quiconque s'approche avec foi de celui qui peut le guérir,
obtient aussitôt sa guérison : « Et aussitôt sa perte de sang s'arrêta. »
Ce ne furent pas les seuls vêtements du Sauveur qui produisirent ce
merveilleux effet (car les soldats les tirèrent au sort entre eux , sans
éprouver rien de semblable) (1), mais elle fut guérie parla vivacité de
sa foi. — Théophyl. Elle crut, et aussitôt elle fut guérie, et elle suivit ici
un ordre vraiment admirable en ne touchant extérieurement le Sau-
veur qu'après l'avoir touché spirituellement par la foi.
AsTÉRius. Or, Notre- Seigneur entendit les pensées de cette femme,
toute muettes qu'elles étaient, et il guérit sans proférer une seule pa-
role celle qui le priait en silence, en lui laissant pour ainsi dire
dérober sa guérison , mais il pubUe ensuite ce miracle : a Et Jésus
dit : Qui m'a touché? » — S. Cyr. Le Seigneur ne pouvait ignorer le
miracle qu'il venait d'opérer, mais bien qu'il connaisse toutes choses,
il interroge comme s'il ne savait rien. — S. Grég. {ou Victor d'An-
(1) Matth., XXVII, 33; Marc, xv, 34; Jean, xix, 23 et 24. Saint Chrysostome fait cette observa-
tion, afin de montrer qu'il est inutile de toucher les vêtements du Sauveur pour le salut, si on n«
les touche avec un vrai sentiment de foi.
enim licebat imraimdis vel tangere
qaemquam sanctorum , vel appropin-
quare viro sancto. Chrys. [hom. 32, in
Matth.) Ritu enim legis hujusniodi
passio reputabatur immunditia magna :
aliter etiam : nondum enim nec ipsa
habebat dignam opinionem de eo; non
enim putavisset latere, sed tamen conBsa
de sanitate, accedit.
Theophylact. Sicutautem cum aliquis
oculum lucernae lucenti adhibet , .lut
igni spinas, stalim operantur ; sic qui-
dem qui fidem affert potenti curare,
statim curationem consequitur : unde
dicitur : « Et confeslim stetit fluxus
sanguinis ejus , » Cbrys. {in fat. Grœ-
corum Patnivi.) Non autem sola ves-
tiraenta ipsius mulierem salvaverunt
(nam et milites sortiti sunt ea inter se),
sed fidei ejus intentio. Theophylact.
Credidit enim, et salvala est, et ut con-
gruum fuit, primo tetigit Christum in-
tellectualiter, deinde corporaliter.
Gr.ec. (vel Asterius nbi supra.) Audi-
vit autem Dominus tacitas mulieris con-
siderationes, ettacens liberavittacentem,
passus sua sponte sanitalis rapinam ;
sed po'tea miraculum publicat : unde
sequitur : « Et ait Jésus : Quis est qui
me tetigit ? » Cyril, {itbi supra.) Non
enim latuit Dominura perpetratum mi-
raculum, sed qui cuncta cognoscit, quasi
nesciret, interrogat. Greg. (trf est, Vic-
tor Antiochenus in Cat, Croscorum
422
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
tioche.) Or, les disciples ue comprenant pas la vraie signification de
cette question , et pensant que Jésus voulait parler d'un simple attou-
chement ordinaire , lui répondent dans ce dernier sens : « Tous s'en
défendant, Pierre dit : La foule vous presse de toutes parts, et vous
dites : Qui m'a touché? » etc. Aussi Notre- Seigneur, dans sa réponse,
précise la nature de cet attouchement : « Jésus dit : Quelqu'un m'a
touché. » C'est dans ce même sens qu'il disait : « Que celui qui a des
oreilles pour entendre, qu'il entende, » quoique tous aient les oreilles
du corps, parce que ce n'est pas entendre véritablement, que d'entendre
sans attention; de même qu'on ne touche véritablement, que lorsqu'on
est inspiré par la foi. — S. Cyr. Le Sauveur fait connaître ce qui vient
d'arriver : « Car j'ai senti qu'une vertu était sortie de moi. » En par-
lant de la sorte, il se conforme aux idées de ceux qui l'écoutent, mais
il leur découvre en même temps sa divinité , tant par le miracle qu'il
vient d'opérer , que par ses paroles ; car ni la nature humaine, ni
peut-être la nature augélique ne peuvent produire d'elles-mêmes une
vertu, une puissance semblable, c'est un privilège qui n'appartient
qu'à la nature divine ; nulle créature, en effet, ne possède en propre
la puissance de guérir les maladies ou d'opérer tout autre miracle de
ce genre, elle ne peut la recevoir que de Dieu. Or , ce n'est point par
un vain désir de gloire qu'il voulut que cet acte de la puissance
divine fût connu de tous , lui qui si souvent avait défendu de publier
ses miracles, mais dans l'intérêt de ceux qui sont appelés à la grâce
de la justification par la fci. — S. Chrys. {hom. 36 sur S. Matth.)
Il commence par calmer la crainte de cette femme, dont la conscience
alarmée aurait pu lui reprocher d'avoir comme dérobé la grâce de sa
Patrum.) Nescientibus autem discipulis
quod quaerebatur, sed putantibus eiim
de simplici qiiodam tactu dicere, Domini
quœstioni respondeut, Sequitur enim :
« Negantibus autem omnibus, dixit Pe-
trus : Turbaî te comprimunt, et dicis :
Quis me tetigit ? » etc. Et ideo Domi-
nus tactum sua responsione distinguit.
Sequitur enim : c Et dixit illis Jésus :
Tetigit me aliquis : » sieut etiam dice-
bat : « Qui habet aures audiendi^ au-
diat; » quamvis omnes habeant hujus-
modi corporalem auditum ; sed non est
vere audire, si audiatur incaute ; nec
vers tangere . si iniîdeliter tangatur.
Cyril, [ubi sup.) Propalat autem con-
sequenter quod factum est, cum subdi-
tur : « Nam et ego novi virtutem de me
exisse. » Materialius respondet secun-
dum opinionem audienliiim : hic tamen
nobis manifestatur quod ipse verus est
Deus, et ex eo quod prodigialiter fac-
tum est, et etiamexsermonibus : trans-
cendit enim naturam nostram (et forsan
angelicam) posse quemquam virtutem
emittere quasi a propria natura : con-
reuit autem hoc soli supremœ naturae :
uulla namrue creaturarum aliquam gerit
sanandi potestatem, vel etiam aliqua
alia similia miracula faciendi, sed divi-
nitus prEesatam : non autem ambitione
gloriae non permisit latere divinee vir-
tutis ostensionem, qui multoties prasce-
perat taceri sua miracula; sed quia
spectabat ad utilitatem eorum qui vo-
cantur per fidem ad gratiam. Chrys.
[hom. 32, in Mattli.) Primo enim solvit
femineum metum, ne remorsum cons-
cientiae pateretur quasi surripiens gra-
tiam ; secundo cqrrigit eam, quia latere
DE SAINT LUC, CHAP. VIII. 423
guérison ; troisièmement, il fait l'éloge de sa foi devant tous ceux qui
sont présents, et la propose à leur imitation ; et en faisant voir que
toutes choses lui sont connues, il ne fait pas un moindre miracle que
celui de la guérison de cette femme. — S. Cyr. Par là enfin, il
amenait le chef de la synagogue à croire , sans hésiter , qu'il délivre-
rait sa fille des liens de la mort.
S. Chrys. Notre-Seigneur ne fit pas connaître immédiatement cette
femme, il voulait, en montrant que rien ne lui est caché , la déter-
miner à publier ce qui venait d'arriver et qu'il ne pût exister aucun
doute sur la vérité du miracle : « Cette femme, se voyant découverte,
vint toute tremblante, » etc. — Orig. Le Sauveur confirme alors, par
ses paroles, la guérison qu'elle a obtenue en touchant ses vêtements :
a Et Jésus lui dit : Ma fille, votre foi vous a guérie , allez en paix, »
c'est-à-dire soyez délivrée de l'épreuve qui vous affligeait. Il ne guérit
donc le corps qu'après avoir guéri l'âme parla foi. — Tite de Bost.
Il l'appelle sa fille, parce que sa foi a été la cause de sa guérison, et
que la foi nous obtient aussi la grâce de l'adoption.
EusÈBE. [hist. ecclés., vu, 14.) On rapporte que cette femme fit
ériger dans la ville de Panéade (Gésarée de Philippe), d'où elle était
originaire, un monument remarquable, en souvenir du bienfait qu'elle
avait reçu du Sauveur. On voyait à l'entrée de la porte de sa demeure,
sur un piédestal élevé, une statue d'airain , représentant une femme
à genoux, les mains jointes, dans l'attitude de la prière; de l'autre
côté se dressait une autre statue de même matière , représentant un
homme vêtu d'un manteau, la main étendue vers cette femme; à
ses pieds, sur la base , on voyait une plante exotique, qui montait
putaverat; tertio fidem ejus exprimit
cunctis, ut alii imitentur ; proditque
non minus miraculum restrictione san-
guinis, dum ostendit sibi cuncta patere.
Cyril, {ubi supra.) Insuper principem
synagogee persuadebat indut)ilabiliter
credere, quod a laqueis naortis eripiet
filiam ejus.
Chrys. (tit sup.) Ob hoc autem Do-
minus non statim eam manifeslaverat,
ut ostenso quod orania sibi liquent^ fa-
cial mulierem praedicare quod factum
est, ut suspicione miraculum careat.
Unde sequitur : « Yidens autem mulier
quia non latoret eum, tremens veni t, » etc.
{in C'at. Grxconnn Patrum.) Eamdem
autem sanitatem quam nacta est mulier
ex contactu, verbo confirmavit Salvator.
Unde sequitur : « At ipse dixit illi : Fi-
des tua te salvam fecit. Vade in pace, id
est, esto sana a tuo flagello. » Et sanat
quidem primo per fidem animam, deinde
vero corpus. Tit, Bostrexs. (m Matth.)
Vocat autem filiatn jam fidei causa sa-
natam: fuies enim gratiam adoptionis
impetrat.
EusEB. {in Eccl. hist., lib. vu, cap.
14.) Dicunt autem hanc mulierem in
Paneade ( quee est Caesarea Philippi ,
unde fuit oriunda) statuisse triumphos
insignes coUati sibi beneficiiaSalvatore :
stabat namque super altam basim ad
limina domus ejus œneum simulacrum
mulieris flexis genibus , manibusque
junctis , quasi precaretur ; ex cujus
opposito aliud erectum simulacrum ad
instar viri, ejusdemque materife, amic-
tum diploide et manum versus mulierem
extendens, ante cujus pedessuper ipsam
basim aliéna species plantée orta.. quse
424
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
jusqu'au bord du manteau d'airain, et à laquelle on attribuait la pro-
priété de guérir toutes les douleurs (1*). Cette statue, disait-on, repré-
sentait Jésus- Christ, et l'empereur Maximin la fit détruire.
S. Ambr. Dans un sens mystique, Jésus-Christ avait quitté la syna-
gogue en s'éloignant des Géraséniens, et nous qui sommes étrangers,
nous recevons celui que les siens n'ont pas voulu recevoir. — Bède.
Ou encore, le Seigneur reviendra trouver les Juifs à la fm des temps,
et ils le recevront en s'empressant d'embrasser la foi. — S. Ambr. Mais
que représente ce chef de la synagogue , sinon la loi , en considéra-
tion de laquelle le Seigneur n'a pas entièrement abandonné la syna-
gogue? — BÈDE. Ou bien ce prince de la synagogue, c'est Moïse. Il
porte avec raison le nom de Jaïre (c'est-à-dire qui éclaire ou qui est
éclairé), parce que celui qui reçoit les paroles de vie pour nous les
communiquer, éclaire les autres , et est éclairé lui-même par l'Esprit
saint. Le chef de la synagogue se prosterne aux pieds de Jésus, parce
que le législateur des Juifs, et toute la succession des patriarches re-
connurent que le Christ fait homme leur était de beaucoup supérieur.
Car si Dieu est la tète du Christ (I Corinth., xi), il est juste de voir
dans ses pieds son incarnation par laquelle il a touché la terre de notre
mortalité. Il prie Jésus d'entrer dans sa maison , parce qu'il désirait
voir son avènement. Sa fille unique, c'est la synagogue, qui seule est
établie en vertu d'une institution légale ; elle allait mourir , âgée seu-
lement de douze ans (c'est-à-dire aux approches de sa puberté) , parce
qu'en effet, après avoir reçu des prophètes une éducation distinguée,
(1*) ScVOVTÎoOTàv/jî eloo;, c'est-à-dire une certaine espèce de plante étrangère. Dans Eusèbeau
lieu de : « L'empereur Maximin la fit détruire ; » on lit : « qui subsiste encore actuellement, » et
Eusèbe affirme l'avoir vue lui-même. (Voyez Tillemont. Mémoires pour servir à l'histoire ecclé-
siastique.)
usque ad senefe diploidis oras pertin-
gens medicina omuium passionum esse
ferebatur. Hanc autem statuam dicebant
repraesentare Christuni, quam Maximi-
nus destruxit.
Ambr. Mystice autem reliquerat in
Gerasenis synagogam Christus. et quem
sui non receperant, nos recipimus alieni.
Bed. Vel in fine seculi Domious e.-t ad
Judseos rediturus, atque ab eis per ôdei
confessiouem libenter excipiendus. A MB.
Quem autem putamus synagogfe princi-
pem esse uisi legem ? cujus contempla-
tione Doniinus synagogam non penitus
dereliquerit. Bed. Vel princeps syuagogae
Moyses intelligitur. Unde beue Jaims,
(id est. illnviinans, vel, ilhaninahis)
vocatur ; quia qui accipit verba vitae
dare nobis, et per boc cseteros illumi-
nât^ et ipse a Spiritu sancto illumina-
tiir. Cecidit autem. archisynagogus ad
pedes Jesu, quia legislator cum tota
Patrum progenie Cbristum in carne ap-
parentem longe sibi prœferendum esse
cognovit. Si enim caput Christi Deus
(I ad Cor., lY), convenienter pedes acci-
pieudi suut incarnatio^ qua terram nos-
trae mortalitatis letigit. Rogavit autem
intrare in domum ejus, quia ejus videre
desiderabat adventum. Filia autem unica
ejus est synagoga, quse sola legali est
institutioue composita ; quse duodecimo
œtatià anuo (hoc est, tempore pubertatis
appropiuquante) moriebatur, quia nobi-
DE SAINT LUC, CHAP. VIII. 425
elle devait, une fois parvenue à l'âge du discernement, produire pour
Dieu des fruits spirituels ; mais la multiplicité de ses erreurs l'ayant
fait tomber en langueur, elle ne put entrer dans les voies de la vie
spirituelle, et si Jésus-Christ ne fût venu à son secours, elle eût suc-
combé à une mort certaine. Tandis que le Seigneur se dirige vers la
maison de la jeune fille qu'il va guérir, il est pressé par la foule,
parce qu'en efifet, il est comme accablé par les mœurs de ceux qui
mènent une vie charnelle, alors qu'il annonce aux Juifs les ensei-
gnements du salut. — S. Ambr. JNIais tandis que le Verbe de Dieu se
rend chez cette fille du chef de la synagogue pour sauver les enfants
d'Israël, la sainte Eglise , composée des Gentils , et qui allait périr
victime de ses désordres et de ses crimes, dérobe par la foi la grâce de
la guérison qui était réservée à d'autres. — Bède. Cette perte de sang
peut s'entendre de deux manières , et de la prostitution de l'idolâtrie,
et des honteuses jouissances de la chair et du sang. — S. Ambr. Mais
que signifient cette fille du chef de la synagogue, qui meurt à l'âge de
douze ans, et cette femme qui souffrait depuis douze ans d'une perte de
sang, sinon que l'Eglise a été dans le travail et la souffrance, tant que
la synagogue a existé ? — Bède. Car ce fut presque dans le même siècle
que la synagogue prit naissance dans la personne des patriarches , et
que les Gentils se souillèrent par les pratiques d'un culte idolâtrique.
S. A-MBR. Cette femme avait épuisé toute sa fortune pour se faire
traiter par les médecins ; ainsi le peuple des Gentils avait perdu tous
les dons de la nature. — Bède. Ces médecins représentent ou les faux
théologiens, ou les philosophes, et les docteurs des lois humaines, qui
font de longues dissertations sur les vertus et sur les vices , et pro-
mettent aux hommes de leur donner des règles utiles pour les diriger
liter a prophetis educata, postquam ad
intelligibiles annos pervenerat, in qui-
bus spirituales Deo fructus gignere de-
bebat, subito errorumianguore conster-
nata, spiritualis vitœ viam ingredi oini-
sit : et, si Christus non succurreret,
corruisset inmortem. Ad puellam autem
sanandam pergens Doniinus a turba
comprimilur, quia geuti Judœa! Scdu-
laria monita prœbens carnaliua» populo-
rum est conjuetudine gravatus. Ambr.
Ad banc autem principis liliam dum
properat Dei Verljum, ut salvos faceret
fihos Israël, sancta Rcclesia ex gentibus
congregata, quœ inferiorum lapsu cri-
minum deperibat, paratara aliis fide
prœripuitsanitateiu. Bed. Dupliciter au-
tem sanguinis fluxus potest intelligi, hoc
est, et super idololatriee prostitutione,
et super bis quae carnis et sauguinis
oblectatione patrantur. Ambr. Quid au-
tem sibi vult quod baec principis filia
annorum duodecim moriebatur, et mu-
Uer ista fluxu sanguinis ab annis duode-
cim laboravit, nisi ut intelligatur, quia
quandiu synagoga viguit, laboravit Eccle-
?ia? Bed. Una enim pêne seculi aetate
synagoga in patriarchis nasci cœpit, et
Genlilium nationem idololatria fœdavit.
Ambr. Sicut autem [illa in medicos
erogaverat omnem substantiam suam,
ita congrefatio gentium amiserat omnia
dona uaturœ. Beda. Medicos autem in-
tellige sive falsos tbeologos, sive philo-
soplios, legumque doctores secularium,
qui multa de virtutibus viliisque disse-
rentes, utilia se vivcndi instituta morta-
libus dare promittebaat, seu ipsos Im-
426
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
dans la conduite de la vie. Ou bien encore , ces médecins sont les
esprits immondes qui, sous le voile d'un intérêt hypocrite, se faisaient
adorer par les hommes à la place de Dieu. Or , plus la gentilité avait
dépensé de facultés naturelles pour écouter tous ces docteurs , et plus
il était difficile de la purifier des souillures de ses crimes. — S. Ambr.
Mais dès que la gentilité apprit que le peuple juif était lui-même
malade, elle conçut l'espoir de sa guérison, elle reconnut que le temps
était arrivé où un divin médecin devait descendre du ciel, elle se leva
pour aller à sa rencontre, puisant un saint empressement dans sa fol,
mais retenue par sa timidité naturelle ; car c'est le propre de la pudeur
et de la foi de reconnaître son infirmité, sans désespérer du pardon.
Elle touche le bord du vêtement du Sauveur honteuse et craintive, elle
s'approche avec confiance, elle croit d'une foi religieuse et sincère, et
reconnaît sagement qu'elle a obtenu sa guérison. Ainsi le peuple des
Gentils qui a cru au vrai Dieu, a rougi des crimes auxquels il voulait
renoncer, a embrassé la foi qu'il devait professer, fait preuve de piété
dans ses prières, de sagesse, en reconnaissant sa guérison, de con-
fiance, en avouant qu'il avait comme soustrait la grâce qui était des-
tinée à d'autres. Cette femme s'approche de Jésus par derrière , pour
toucher son vêtemeiit_, parce qu'il est écrit : a Vous marcherez après
le Seigneur votre Dieu. » {Dent., xiii.) — Bède. Et Jésus-Christ lui-
même a dit : « Si quelqu'un veut être mon serviteur, qu'il me suive. »
{Jean, xiii.) Ou bien encore, parce que celui qui ne voit point le
Seigneur dans sa chair mortelle , après l'accomplissement et la con-
sommation des mystères de sa vie temporelle , marche cependant sur
ses traces par la foi.
S. GréCt. [Mor., m, 11.) (1). Tandis que la foule presse de tous
(1) Dans les anciennes éditions, chap. 15 sur ces paroles du chap, 2 du livre de Job ; o Bénissea
Dieu, et mourez, u
mundos spiritus, qui velut hominibus
consulendo, se pro Deo colendos inge-
rebant ; quibus audiendis, Gentilitas,
quanto magis naturalis industriœ vires
expenderat, tanto miaus potuit ab ini-
quitatis suœ sorde curaii. Ambr. Aiidiens
autem œgrotare populum Judajorum,
sperare cœpit salulis suae remedium ;
lempus venisse cognovit, quo medicus
adesset de cœlo ; surrexit ut occurreret,
fide promptior, pudore cunctantior. Hoc
enini est pudoris et fidei, agnoscere iu-
firmitatem, uou desperare veniam. Ve-
recunda ergo fimbriam tetigit, fidelis
accessit , religiosa credidit , sapiens
sanatam se esse cognovit ; sic san-
cta plebs gentium quae Deo credidit,
peccatum erubuit ut desereret, fidem
detulit ut crederet, devotionem exhibuit
ut rogaret, sapientiam induit ut sauita-
tem suaui ipsa sentiret, fiduciam suni-
psit ut fateretur quod prœripuisset alie-
num. Rétro autem tangitur Christus,
quia scriptmn est {Deuter., 13) : « Post
Domiuum Deum tuum ambulabis. » Bed.
Et ipse ait {.loan., 13, vers. 26) : « Si
quis mihi ministrat, me sequatur : » sive
quia preesentem in carne Dominum non
videns, peractis dispensationis tempo-
rariae sacramentis per fidem cœpit ejus
vestigia subsequl.
Greg. (III Moral., cap. il.) Premente
DE SAINT LUC, CHAP. VIII. 427
côtés le Rédempteur, une seule femme le touche véritablement,
parce que dans l'Eglise , tous ceux qui suivent les penchants de la
chair pressent le Sauveur, dont ils sont cependant bien éloignés , et
ceux-là seuls le touchent, qui lui sont véritablement unis par l'humi-
lité. Ainsi la foule le presse sans le toucher , parce qu'elle est impor-
tune par sa présence, et absente par sa vie. — Bède. Ou bien encore,
il n'y a qu'une seule femme pour toucher le Seigneur avec foi , parce
qu'on ne peut chercher avec foi que par le cœur de l'Eglise catho-
lique celui qui est affligé par le désordre des diverses hérésies. —
S. Ambr. Ceux qui le pressent, ne croient point en lui , ceux-là seuls
ont la foi, qui le touchent ; c'est par la foi que Ton touche Jésus-
Christ, c'est par la foi qu'on le voit. Enfin, pour manifester la foi de
cette femme qui le touche, il dit : « J'ai senti qu'une vertu était sortie
de moi, » preuve évidente que la divinité n'est pas renfermée dans les
bornes étroites de la nature humaine, et dans la prison du corps,
mais que sa puissance éternelle déborde au delà des limites de notre
faible nature. Ce n'est pas, en effet, par un acte de la puissance hu-
maine , que le peuple des Gentils est délivré , c'est la grâce de Dieu
qui réunit toutes les nations qui, par une foi encore imparfaite, in-
clinent vers elle la miséricorde éternelle. En effet, si nous considérons
d'un côté l'étendue de notre foi ; de l'autre la grandeur du Fils de
Dieu, nous verrons qu'en comparaison de cette grandeur divine, nous
touchons seulement le bord de son vêtement, sans que nous puissions
en atteindre le haut. Si donc nous voulons obtenir notre guérison,
touchons par la foi le bord du vêtement de Jésus- Christ, personne ne
peut le toucher sans qu'il le sache. Heureux celui qui touchera la
moindre partie du Verbe, car qui peut le comprendre tout entier?
autem turba una Redomptorem nostruni
mulier tetigit ; quia carnales quiqiio in
Ecclesia eum comprimunt a quo lonjje
sunt, et soli tangunt qui huic veraciler
humiles adjunguntur. Turba igitur pre-
nait, et non langit ; quia et imporlnna
est per prœsenliam, et absons per vi-
lani. Bed. Vel una credula mulier Do-
minum tangit; quia qui de diversis Ii.tc-
resibus inordinale affligitur, solo calho-
licae Ecclesia* corde fideliter quœritur.
Ambr. Non enim credunt qui compri-
munt; credunt qui tangunt : fide tangi-
tur Cbristus, fide videlur. Denique ut
fidem tangenlis exprimeret, dicit : « Ego
cognovi virtutem de me exisse , » quod
est evidentius indicium, quia non intra
possibilitatem conditionis humanae, at-
que intra corporis claustrum Divinitas
coarclata est, sed ultra fines nostrae me-
diocritatis virtus exundat œterna. Non
enim humana ope plebs gentium libe-
ratur, sed Dei munus est congregatio
nationum, qua? etiam brevi fide miseri-
cordiam inclinât œternam. Nam si con-
sideremus quanta sit fides nostra, et in-
telligamus quantus sit Dei Filius, vi-
demus quia comparatione ejus fim-
briam tantummodo tangimus, supcriora
vero vesliiaenti ejus uequimus attin-
gere. SI igitnr et nos curari volumus,
fide tangamus fimbriam Christi. Non
autem latet eum quiconque teligerit.
Beatus qui extrcmam partera verbi teti-
gerit; nam totum quis potest compre-
hendere?
428
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
i. 49-56. — Comme il parlait encore, quelqu'un vint dire au chef de la sy7ia-
gogue ; Votre fille est morte, ne donnez point davantage de peine au Maître.
Jésus, ayant entendu cette parole, dit au père de la jeune fille : Ne craignez
point, croyez seulement, et elle sera sauvée. Etant arrivé à la maison, il ne
laissa entrer personne avec lui, si ce nest Pierre, Jacques et Jean, et le père
et la mère de la jeune fille. Or, tous pleuraient et se lamentaient sur elle. Mais
Jésus dit : Ne pleurez pas, la jeune fille n'est pas morte, mais elle dort. Et
ils se riaient de lui, sachant bien quelle était morte. Mais Jésus prenant sa
main, dit à haute voix ; Jeune fille, levez-vous. Et son âme revint dans son
corps, et elle se leva à l'instant et Jésus ordonna de lui donner à manger. Son
père et sa mère étaient hors d'eux-mêmes d'étonnement. Et il leur commanda
de ne dire à personne ce qui était arrivé.
S. Chrys. (hom. 32 sur S. Matth.) C'est par un dessein providentiel
que Notre- Seigneur attendait que cette jeune fille fût morte, afin de
rendre plus éclatant le miracle de sa résurrection ; c'est dans cette
intention qu'il marche lentement, qu'il prolonge son entretien avec
cette femme, jusqu'à ce que la fille du chef de la synagogue expirât,
et que la nouvelle lui en fût apportée : « Comme il parlait encore,
quelqu'un vint dire au chef de la synagogue : Votre fille est
morte, » etc. — S. AuG. {de l'ace, des Evang., ii, 28.) Que saint
Matthieu raconte que le chef de la synagogue annonce au Seigneur,
non que sa fille allait mourir, mais qu'elle était morte, tandis que
saint Luc et saint Marc rapportent qu'elle n'était pas encore morte,
tellement qu'ils ajoutent qu'on vint ensuite annoncer sa mort, il n'y
a ici aucune contradiction. Saint Matthieu, pour abréger, a voulu
dire tout d'abord, que le Seigneur fut prié de faire ce qu'il fit en réa-
lité, c'est-à-dire, de ressusciter cette jeune fille qui était morte; il a
Adhuc illo loquente, venit quidam ad principem
synagogœ, dicens ei, quia mortua est filia tua,
noli vexare illum : Jésus autem, audito hoc
verbo, respondit patri puellœ : Noli timere,
crede tantum, et salva erit. Et cum venisset
domum, non permisit secum intrare quem-
quam, nisi Petrum, et Jacobum, et Joannem ,
et patrem, et matrem. puellœ. Flehant autem
omnes et plamjebant illam. At iUe dixit :
Nolite flere, non est mortua puella, sed dor-
mit ; et deridebant eum , scientes quod mortua
esset. Ipse autem. tenens manurn ejus, clamavit
dicens : Puella, surge. Et reversus est spiritiis
ejus, et surrexit continua : et jussit illi dure
manducare. Et stupuerunt parentes ejus,
quitus prœcipit ne alicui dicerent quod fac-
tura erat,
Chrys. (hom. 32, in Matth.) Oppor-
tune Dominus expectabat puellœ mor-
teru, ut propalaretur resurredionis mi-
raculum : propter quod et tardius iucedlt,
et loquitur cum muliere diutius, ut ar-
chisynagogi filia expiraret, et hujus
nuutii adveuirent. L'nde dicitur: «Adhuc
illo loquente, venit quidam ad princi-
pem synagogœ dicens ei, quia mortua
est filia tua, » etc. Augcst. (de Cens.
Evang. ,\ih. il, cap. 28.) Sed cum Mat-
thfeus archisynagogum non morituram
filiam suam narrât Domino nuntiasse, sed
omnino defunctam, Lucas autem et Mar-
cusnondum mortuara, usque adeo ut di-
cant veuisseposteaqui mortuam nuntia-
rent, considerandum est ne repugnare vi-
deatur. Et intelligeudum est bre vitatis hoc
causa IMatthaeum potius dicere voluisse
rogatum esse Dominum ut faceret quod
eum fecisse manifestum est, ut scilicet
mortuam suscitaret. Attendit enim, non
DE SAINT LUC, CHAP. VIII. 4^9
donc moins égard aux paroles du père, qu'à son désir et à sa volonté,
ce qui est beaucoup plus important, sans doute. Si les deux autres
Evangélistes, ou l'un d'eux seulement avait mis dans la bouche du
père le langage de ceux qui vinrent de chez lui, c'est-à-dire, qu'il ne
fallait pas davantage tourmenter Jésus, parce que la jeune fille était
morte ; les paroles que lui prête saint Matthieu, seraient en opposition
avec sa pensée, mais on ne lit nullement que le père se soit joint aux
envoyés pour empêcher le divin Maître de venir. Aussi Notre-Sei-
gneur, sans lui reprocher son manque de confiance, affermit au con-
traire sa foi et la rend inébranlable : « Jésus, ayant entendu cette
parole, dit au père de la jeune fille : Croyez seulement et elle sera
sauvée. » — S. Athan. [dise, sur la pass. et la croix du Seigneur.)
Le Seigneur exige la foi de ceux qui l'invoquent, non qu'il ait besoin
du secours d'autrui (puisqu'il est le maître et le distributeur de la foi),
mais pour ne point paraître faire acception de personne dans la dis-
tribution de ses dons. Il montre ainsi qu'il n'accorde ses grâces qu'à
ceux qui croient, parce qu'il ne veut pas que ses bienfaits tombent
dans une âme dépourvue de foi_, qui les laissera bientôt perdre par son
infidéhté. 11 veut au contraire que la grâce de ses bienfaits persévère,
et que la guérison qu'il accorde soit constante et durable.
Théophyl. Avant de ressusciter cette jeune fille qui était morte, il fit
sortir tout le monde, pour nous apprendre à fuir toute vaine gloire et
à ne rien faire par ostentation Ainsi, lorsque Dieu donne à quelqu'un
la grâce de faire des miracles, il ne doit point rester dans la foule,
mais rechercher la solitude et se séparer du monde : « Etant arrivé à
la maison, il ne permit à personne d'entrer avec lui, si ce n'est à
Pierre, à Jacques et à Jean. » Il ne laisse entrer que les premiers de
verba patris de filia sua, scd (quod est
polissinmm) voluiilatein. Sane si alii
duo vel quisquaui eunini palrem com-
memorassct dixissc, quod veuleules de
domo dixeruut, ul jain non vexarelur
Jésus, quia pucila mortua fuisset, repu-
gnareut cjus cogitatioui verba quai po-
sait Malliiœus : iiunc vero illud uuu-
liantibiis et prohibenlibus ne magister
veniret, non legitur quod ipse consen-
seril, Unde Doiuiuus non diffidentem
reprehendil, scd credentem roimslius
confirniavit. Unde sequitur : « Jésus
aulem, audito hoc verbo, respondit pa-
tri [juellfe : Crede lantum, » etc. Atuan.
{in Cal. Grœconim Pcitrum.) Fideni
Uumiuus exigit ab invocantibus euui,
non quia iadiget adminiculo alioruui
(ipse namque et Uominus et largitor est
fidei), sed ne videretur ex acceptione
personarum sua dona conferre, ostendil
quod credentibus favet, ne sine fide
aocipiant beneflcia, et ea per infidelita-
tem aboleant. Vult enimbeneficiens du-
rare gratiam, et sanans, inconcussum
pennanere remedium.
TnEOPuyLACT. Mortuam autem susci-
taturus ejecit oniues quasi nos docens
absque inani gloria esse, et nihil ad de-
monslrationem facere; quod cum quis
débet uiiracula perpetrare, non decet
ipsum esse in medio plurimorum, sed
solitarium, et ab aliis separatuni. Unde
sequitur : « Et cum venisset domum,
non perniisit intrare quemquam, nisi
Pelrum, Jacobum et Joannem. » Solos
430
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
ses disciples, comme plus capables de tenir secret ce miracle, car il ne
voulait pas qu'il fût divulgué avant le temps marqué, peut-être à
cause de l'envie que lui portaient les Juifs. Ainsi, lorsque nous sommes
pour un de nos frères un objet d'envie, gardons-nous de lui faire
connaitro nos bonnes œuvres, pour ne pas donner à sa jalousie une
nouvelle pâture. — S. Chrys. [hom. 32 sur S. Matih.) Il ne prit point
avec lui les autres disciples, pour stimuler leurs désirs, et aussi parce
que leurs dispositions n'étaient pas assez parfaites. Il choisit Pierre et
les fils de Zébédée, pour exciter les autres à les imiter. Il prend aussi
comme témoins les parents de la jeune fille, afin que personne ne pût
s'inscrire en faux contre les preuves de cette résurrection. Remarquez
encore qu'il fit retirer tous ceux qui pleuraient, et qu'il juge indignes
de voir ce miracle : « Or, tous pleuraient et se lamentaient sur elle. »
Si le Sauveur bannit alors les pleurs et les larmes, à plus forte raison,
devons-nous maintenant imiter cet exemple? Car on ne comprenait pas
aussi clairement alors que la mort ne fût qu'un sommeil pour le chré-
tien. Que personne donc ne s'abandonne à une douleur exagérée (I*),
et ne fasse ainsi injure à la victoii'e que Jésus-Christ a remportée sur
la mort, qui n'est plus maintenant qu'un simple sommeil, comme Notre-
Seigneur l'établit, en ajoutant : « Ne pleurez pas, elle n'est pas
morte, mais elle dort. » Il montre ainsi que toutes choses lui sont fa-
ciles, et qu'il peut aussi facilement la rappeler à la vie que la réveiller
de son sommeil : « Et ils se moquaient de lui, sachant bien qu'elle
était morte. » Le Sauveur ne leur fait aucun reproche, il n'arrête pas
(1*) Toute cette citation de saint Chrysostome est composée en grande partie de phrases déta-
chées, empruntées à l'homélie 32 (ou 31) sur saint Matthieu, et disposée dans un ordre tout diffé-
rent de celui que présente le texte original. Nous avons suivi ici ce texte pour la traduction de
cette phrase : « Que personne donc ne s'abandonne, » etc., au lieu du texte de la Chaîne d'or .■
u NuUus ergo de caetero se contemnat. »
aulem hos intromisit tauquam discipii-
lorum vertices, et potentes luiraculuai
occultare ; non enim volebat ipsum ante
tempos pluribus revelari, forte propter
invidiam Judfeorum. Sic et cum quis
nobis invidet, non debemus justitias
nostras ei revelare, ne ei majoris invi-
diae occasio tribuatiir. Chrys. [hom. 32,
in Matth.) Caeteros autem discipulos
non assumpsit, provocaus eo3 ad appe-
titum majorem; ob id quoque, quod
nondiim erant plene dispositi. Assum-
psit autem Petrum et cum illo filios
Zebedœi, ut et alii istos imiteutur. As-
sumpsit etiam parentes in testes, ne quis
dicere posset fallax esse resurrectiouis
indicium. Ad hoc etiam illud nota quod
llentes exclusit a domo, et indignos os-
tendit hujusmodi visione. Sequitui-
enim : « Flebant autem omnes, et plan-
gebant illara. » Quod si tune exclusit,
multo magis nunc : tune enim nondum
patuerat niortem in somnum fuisse con-
versam. Nulliis ergo de cœtero se con-
temnat, injuriam inferens Cbristi vic-
toriœ, qua superavit mortem, et eam in
somnum convertit. Ad cujus ostensio-
nem subditur : « At ille dixit : Nolite
flere : non est mortua, sed dormit,» etc.
Ostendens siugula sibi fore in promptu,
et quod eam vivilicaret, quasi suscitaret
a somno : nihilominus tamen deridebant
eum. Sequitur enim : « Et deridebant
eum , » etc. Quos non objurgavit , nec
DE SAINT LUC, CHAP. VIII.
431
leurs dérisions qui seront une preuve évidente de la mort de cette
jeune fille. Comme la plupart du temps, les hommes, malgré les mi-
racles dont ils sont témoins, persévèrent dans leur incrédulité, il veut
les convaincre d'avance par leurs propres paroles, et pour les disposer
à croire à la résurrection par le spectacle qu'ils avaient sous les yeux,
il prend la main de la jeune fille : a Alors prenant sa main, il dit à
haute voix : Jeune fille, levez-vous. » Et dès qu'il eut pris sa main,
elle fut ressuscitée : « Et son àme revint dans son corps, et elle se
leva à l'instant. » En efi'et, le Sauveur ne lui donne pas une âme difi'é-
rente de la sienne, mais il lui rend la même qu'elle avait perdue avec
le dernier soupir. Non-seulement il ressuscite cette jeune fille, mais il
veut qu'on lui donne à manger : a Et Jésus commanda de lui donner
à manger, » preuve évidente que cette résurrection n'était pas imagi-
naire (l). Et il ne veut pas lui donner à manger lui-même, il la fait
servir par d'autres; il agit de même dans la résurrection de Lazare,
il dit à ses disciples : « Déliez-le, » et l'admet ensuite à sa table.
Sévère d'Axtioche. Les parents de cette jeune fille sont plongés
dans la stupeur et prêts à pousser des exclamations d'étonnement et
de joie; Jésus les contient : « Son père et sa mère étaient hors d'eux-
mêmes d'étonnement, et il leur commanda de ne dire à personne ce
qui était arrivé. » 11 montre ainsi qu'il est l'auteur et la source de
tous les biens, qu'il les répand sans aucune recherche personnelle, et
qu'il donne tout sans rien recevoir. Celui, au contraire, qui poursuit
avec empressement la vaine gloire dans ses bonnes œuvres, donne, il
est vrai d'un côté, mais pour recevoir de l'autre.
(1) C'est ainsi qu'après sa résurrection, Jésus craignant que ses disciples ne le prennent pour un
fantôme, leur demanJe à manger^ c'est pour le même motif qu'il veut que Lazare après sa résur-
rection, se mette à table avec lui, selon la remarque de saint Augustin : Traité 1 sur saint Jean.
derisionem repressit , ul etiam derisio
fiât mortis indicium : nam quia ut
plurimum post acta miracula bomines
persévérant increduli, verbis propriis
eos prîEvenit : ut autem quasi per visum
disponeret ad resurrectiouis fidera, te-
net maiium puellce. Unde sequitur :
« Ipse autem teneus manum ejus , cla-
inavit dicens : Puella, surpe. » Ciimipie
tenuisset, suscitai eam. Uude seiiuitur :
« Et reversus est spiritus ejus, et surre-
xit conlinuo. d Non enim iufudit aliaui
animau), sed illam eamdoui , qu.'c expi-
raverat, rcstituit. Nec solummodo sus-
citât pueliam , iuio jubet illam cibari :
sequitur : « Et jussit illi dare mandu-
care : » ne scilicet pbantasticum esse
videatur quod factum est : nec ipse
propinat, sed aliis mandat; sicut et iu
Lazaro dixit {Joannis 11) : « Solvite
eum; » ac deindc participem mensae
fecit.
Gr^c. (vel Severiis Antiochenus in
Cut. Grcecoruvi Patrum.) Deindc stu-
pefactos miraculo , et pêne clamantes
parentes cohibet ne factum preedicent.
Sequitur enim : « Et stupuerunt paren-
tes ejus, qnibus prœcepil ne alicui dice-
renl quod factum crat. » Ostendens quod
lart'itor bonorum est; non aulera cupi-
dus gloriœ ; datque totum, uibil reci-
picns. Qui vero venatur operum glo-
riam, aliquid quidem exhibuit, aliquid
vero recepit.
432
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
BEDE. Dans le sens mystique, à peine cette femme malade d'une
perte de sang, est-elle guérie, qu'on vient annoncer à Jésus la mort
de la fille du chef de la synagogue. C'est qu'en effet, lorsque l'Eglise
fut purifiée des souillures de ses vices, la synagogue expira aussitôt
victime de son infidélité et de sa noire envie ; de son infidélité parce
qu'elle refuse de croire en Jésus-Christ, de jalousie, parce qu'elle s'at-
trista de voir l'Eglise embrasser la foi.
S. Ambr. Les serviteurs du prince de la synagogue eux-mêmes ne
pouvaient croire encore à la résurrection que Jésus-Christ avait pré-
dite dans la loi {Ps. xv), et qu'il accomplit plus tard sous le règne de
l'Evangile, et ils disent au père de la jeune fille : « Ne le tourmentez
pas davantage, » comme s'il lui était impossible de rappeler cette jeune
fille à la vie. — Bède. C'est le même langage que tiennent encore au-
jourd'hui ceux qui regardent l'état de la synagogue comme tellement
désespéré, qu'ils ne croient pas qu'elle puisse être jamais rétablie ,
mais ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu {Luc, xviii).
Aussi le Sauveur dit au chef de la synagogue : « Ne craignez pas,
croyez seulement, et elle sera sauvée. » Le père de la jeune fille re-
présente la réunion des docteurs de la loi, s'ils consentent à embrasser
la foij la synagogue qui leur est soumise sera également sauvée. —
S. Ambr. Lorsque Jésus fut venu dans la maison, il ne prit avec lui
que quelques témoins de la résurrection qu'il allait opérer; c'est
qu'en effet, la résurrection n'a été crue d'abord que par un petit
nombre. Mais pourquoi cette manière d'agir si différente? Précédem-
ment, il a ressuscité publiquement le fils d'une veuve; ici il éloigne
la foule des témoins ; dans cette première circonstance, Notre-Seigneur
voulait manifester sa bonté, parce que la douleur de cette veuve qui
pleurait son fils unique, ne souffrait aucun retard. Il voulait aussi
BjiD. Mystice autem salvata a fluxu
sanguinis muliere, mox filia principis
mortua nuntiatur; quia dum Ecclesia
a vitiorum labe muudata est , coutinuo
syaagoga perfidia atque invidia soluta
est : perfidia quidem, quia in Ciiristum
credere noluit; invidia vero, quia Ec-
clesiam eredidisse doluit.
Ambr. Adliuc autem et servuli princi-
pis increduli erant ad resurrectionem,
quam Jésus in lege prœdixit [Psalm.
15), in Evaugelio complevit : unde di-
cunt : « Noli vexare illuiu, » quasi sit ei
impossibile suscitare mortuam. Bed. Vel
per eos etiam hoc hodie dicitur qui
adeo destitutum synagogee statum vident
ut restaurari posse non credaut, ideoque
pro suscitatione illius suppiicandum esse
non fEstiment : sed quae impossibilia
sunt apud liomines, possibilia sunt apud
Deum. {Luc, 18,, vers. 27.) Unde Donai-
nus ei dixit : «Noli tiiuere, crede tan-
tum, et salva ei'it. » Pater puellse cœlus
doctorum legis accipitur : qui si credere
voluerit , etiam subjecta ei synagoga
salva erit. Ambr. Itaque cum venisset
in domum , paucos futur* resurrectio-
nis arbitres ascivit : non enim a raultis
continue est crédita resurrectio. Quae
tamen tantœ diversitatis est causa?
Supra publice filius viduee suscitatur ;
hic removentur plures arbitri : sed puto
quod pietas ibi Uomini declaratur; quia
vidua mater unici filii non patiebatur
DE SAINT LUC, CHAP. VIll. 433
dans sa sagesse, nous donner une figure, dans le fils de la veuve de
Naïm, de l'Eglise, qui devait embrasser promptement la foi, et dans
la fille du chef de la synagogue, les Juifs qui devaient croire, mais en
très-petit nombre. Enfin, lorsque Notre-Seigneur leur dit : « Cette
jeune fille n'est pas morte, mais elle dort. » Us se riaient de lui, car
quand on ne croit pas, on devient nécessairement moqueur. Laissons
donc pleurer leurs morts à ceux qui les regardent comme morts sans
retour ; avec la foi en la résurrection, il n'y a plus de mort, il n'y a
plus qu'un sommeil passager. Quant à la synagogue qui a perdu la
joie de l'époux qui faisait sa vie, elle reste étendue comme morte au
milieu de ceux qui la pleurent, sans même comprendre le sujet de
leurs larmes. — S. Ambr. Le Seigneur prend la main de la jeune fille
pour la rappeler à la vie; heureux celui que la sagesse prend ainsi
par la main pour l'introduire dans sa maison, et commander qu'on
lui donne à manger ! Car le Verbe de Dieu est vraiment le pain des-
cendu du ciel, aussi entendez la Sagesse qui a multiplié sur les autels
le corps et le sang d'un Dieu pour être notre nourriture, vous dire :
« Venez, mangez le pain que je vous donne, et buvez le vin que je
vous ai préparé. » [Prov., ix.) — Bède. La jeune fille se leva à l'ins-
tant, car dès que Jésus-Christ prend et soutient la main de l'homme,
son âme revient aussitôt à la vie. Or, il en est quelques-uns qui trouvent
la mort de l'àme dans une simple pensée coupable qui ne se manifeste
par aucun acte ; le Seigneur leur rend la vie dans la fille du chef de
la synagogue. D'autres en viennent aux actes extérieurs du mal dans
lequel ils se complaisent, et portent pour ainsi dire leur mort publi-
quement hors des portes, ils sont figurés par le fils de la veuve, que
Jésus ressuscita hors des portes de la ville, et il montre ainsi qu'il
peut les ressusciter. D^autres enfin sont ensevelis dans les habitudes
inoras : est, etiani forma sapientiœ , in
filio vidu.t; cito Eoclesiam credituram :
iu archisynagogi liiia credituros quidem
Judaeos, sed ex pluribus pauciores : de-
nique dicenle Domino : « Nou est mor-
lua puella, sed dormit, » deridebant
eum : quicunque onira non crédit, irri-
det. Fleant igitur mortuos suos, qui pu-
taut mortuos : ubi resurreciionis fides
est, non mortis species , sed quictis est.
Synagoga etiam quia sponsi lajtiliuni
qua vivere possit, aniisit, quasi inter plan-
genles morlua jaceiis^ nec lioc ipsum
quare plangatur intelligit. Amur. Tenons
autem Domums manum puelliK , sanavit
eam : beatus enim eujus manus sapienlia
Icnct, ut inducat in penetraiia sua, jubeut
dari manducare : panis enim cœlestis
TOM. V.
est Dei verbum : inde et illa sapientia
quaî Dei corporis et sangninis altaria
replevit alimentis : « Veuite , iuquit
(Prov., 9) , édite panes meos , et bibite
vinum quod miscui vobis. » Bed. Sur-
rexit autem puella coutinuo ; quia Christo
mamnn confortante, liomo a morte
anima} resipiscit. Sunt euim nonnuUi
qui latente tantum cogitatioue peccati
sibi mortem couciscunt; sed taies se
vivificare significans Dominus, suscitavit
filiani ar '.liisynagogi. Alii vero ipsum
malum quo delectanlur agendo, mor-
tuum suum quasi extra portas eflerunt;
et lios se snscitare denioustraus, susci-
tavit filium viduœ extra portas civitatis :
quidam vero etiam peccati consueludiue
se quasi sepeliendo corrumpunt; et ad
28
-i34 EXPLICATION' DE l'ÉVANGILE DE S. LUC, CHAP. VIII.
du péché comme daus la corruption du tombeau, et la grâce du Sau-
veur est également puissante pour leur rendre la vie, c'est pour
le prouver qu'il ressuscite Lazare, qui était déjà depuis quatre jours
dans le tombeau. Or, plus les crimes qui ont donné la mort à l'àme
sont graves, plus doit être vive la ferveur de la pénitence. Aussi,
Notre-Seigueur parle à voix modérée pour ressusciter la jeune fille
étendue morte dans la maison de ses parents ; il prend un ton plus
élevé, et en dit davantage pour rappeler à la vie le jeune homme
qu'on portait au tombeau; mais pour ressusciter Lazare mort depuis
quatre jours, il frémit en son esprit, il verse des larmes, et jette un
grand cri. Remarquons encore que les fautes publiques exigent un
remède public, tandis que les péchés moins graves peuvent être effa-
cés par les œuvres secrètes de la pénitence. Cette jeune fille étendue
morte dans la maison de ses parents, revient à la vie devant un petit
nombre de témoins; le fils de la veuve de Naim est ressuscité hors de
la maison et devant tout le peuple, et Lazare, rappelé du tombeau, eut
pour témoins de sa résurrection un nombre considérable de Juifs.
hos eliam erigendos adest gratia Salva-
toris , ad quod intimandum resuscitavit
Lazarum quatuor dies liabentem in mo -
numento. Quauto autem gravior est
mors animœ , tanto acrior pœuilentis
fervor insistât. Unde jacentem in con-
clavi mortuain levi voce l'esuscitat; de-
latura foras juvenem pluribus dictis cor-
roborât; ad quatriduanum vero susci-
tauduni iofremuit spirilu, lacrymas fu-
dit, et voce magua clamavit. Sed et hic
notandum quod publica uoxa publico
eget remedio; levia peccata sécréta
quœrunt poenitentia deleri, Puella in
domo jacens paucis arbitris resurgit,
juveuis extra domum turba multa co-
mitante suscitatur; Lazarus de monu-
mento vocatus multis populis innotuit.
CHAPITRE IX.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
f. 1-6. — Pourquoi Notre-Seigneur donne à ses apôtres le pouvoir de faire des
miracles. — Combien le pouvoir de faire des miracles diffère dans Notre-
Seigneur et dans les apôtres. — A quel temps leur donne-t-il ce pouvoir? —
Objet précis de leur mission. — Maxime générale qui résume toutes les re-
commandations que Notre-Seigneur fait à ses apôtres. — Avantages précieux
de la pauvreté , et désintéressement dont il leur recommande la pratique. —
Confiance dans la Providence nécessaire aux ouvriers évangéliques. — Droit
qu'ils ont aux choses nécessaires à la vie. — Autres interprétations de ces
paroles. — Notre-Seigneur ne se propose ici que de diriger les affections in-
térieures, il défend à ses disciples de thésauriser. — Pourquoi leur recom-
mande-t-il de rester dans la même maison ? — Pourquoi doivent-ils secouer
la poussière de leurs pieds contre ceux qui refuseront de les recevoir, et que
signifie cetie action'^ — Comment Notre-Seigneur envoie ses disciples comme
docteurs et comme médecins.
y. 7-10. — Comment Hérodc n'apprit-il que très-tard la renommée des miracles
du Sauveur ? — Quel était cet Hérode. — Craintes et agitations continuelles
des pécheurs. — Pourquoi Hérode rappelle-t-il qu'il a fait couper la léte
à Jean?
v. li-17. — Ce que les disciples de Jésus lui rapportent au retour de leurs pré-
dications.— Divers motifs pour lesquels Jésus se retire dans un lieu dé-
sert. — Avec quelle bonté il accueille ceux qui viennent à lui. — Pourquoi
commande-t-il à ses disriplcs de donner à manger à tout ce peuple? —
Comment on peut concilif r saint Luc avec les autres évangélistes. — La grande
multitude ajoutait aux difficultés du miracle. — Prétendue contradiction de
saint Luc et de saint Marc sur le nombre de ceux qui composaient les diffé-
rents groupes. — Pourquoi Jésus lève les yeux vers le ciel avant de faire ce
miracle. — Pourquoi distribue-t-il le pain aux peuples par les mains de ses
disciples? — Pourquoi ne tire-t-il pas du néant ce pain et ces laissons qu'il
distribue? — Nouvelle preuve du miracle dans les morceaux qui restent. —
Pourquoi ce ne sont pas des pains entiers, mais de simples morceaux. —
Explication mystique et spirituelle de ce miracle. — Dans quelles circon-
stances ce miracle a lieu. — Pourquoi est-il opéré dans le désert au déclin
du jour? — Pourquoi ne donne-t-il pas immédiatement à cette multitude la
nourriture la plus substantielle? — Il faut abandonner toutes choses pour re-
cevoir la nourriture céleste. — Que figuraient les cinq pains et les deux pois-
sons. — Que représente li; pain qui est rompu, et qui n'est pas créé pour cette
circonstance. — Que signifient les restes recueillis par les disciples. — Pour-
quoi Jésus veut qu'on en lemplisse douze corbeilles. — Que figurent ces douze
corbeilles.
y. 18-22. — Leçon que le Sauveur donne aux pasteurs des âmes de .se retirer
dans la solitude pour prier. — Pourquoi prie-t-il seul? — Pourquoi demande-
t-il à ses disciples ce que les hommes pensaient de lui ? — Opinion que le
peuple se formait de Jésus. — Pourquoi leur demande-t-il ensuite quel est leur
sentiment personnel? — Que comprend la réponse de saint Pierre. — Pourquoi
436 EXPLICATION DK I.'ÉVANGTLE
iNolre-Seigneur ne veut pas encore que sa Divinité soit proclamée parmi le
peuple. — Après quels événements les apôtres devaient-ils prêcher hautement
ce dogme de notre foi ?
f. 23-28. — Comment Notre-Seigncur encourage ses disciples a souffrir. — Il
ne veut pas qu'on le serve forcément et à regret , mais volontairement. —
Comment il se propose lui-même comme modèle de la vie parfaite. — Néces-
sité de se détacher de soi-même. — En quoi consiste le renoncement à soi-
même. — De combien de manières porte-t-on sa croix? — Pourquoi Notre-
Seigneur réunit ces deux choses : Qu'il se renonce hii-mème, et qu'il porte
sa croix. — En quoi consiste la perfection et par où doit-elle commencer? —
Raison du commandement que le Sauveur vient de donner.— Quels sont ceux
qui veulent sauver leur àme en ce monde. — Combien la participation aux
souffrances de Jésus-Christ surpasse de beaucoup les jouissances que donnent
les plaisirs et les biens de ce monde. — Deux sortes de temps que l'Eglise
traverse ici-bas, préceptes pour ces deux circonstances.— Différentes manières
dont on rougit de Jésus-Christ. — Comment il pénètre ses disciples d'une
crainte salutaire par la perspective du dernier jugement. — Comment à l'es-
pérance des récompenses éternelles il joint l'attrait d'une récompense présente.
Quel est ce royaume de Dieu que quelques-uns de ses disciples doivent voir
avant de mourir.
^29-31. — Pourquoi Notre-Seigneur découvre aux yeux des apôtres une
imaoe de son royaume. — Comment concilier saint Matthieu et saint Marc
avec saint Luc sur le nombre de jours qui s'écoulèrent depuis la promesse de
la transfiguration jusqu'à la transfiguration elle-même. — Pourquoi Jésus n'ad-
mei-il pas tous ses disciples à jouir de cette vision? — Pourquoi en prend-il
trois avec lui ? — En quoi la prière du Seigneur est différente de la prière des
serviteurs. — De quelle manière l'aspect de sa face devint tout autre. — Ce
qu'était la transfiguration du Sauveur. — Motifs de l'apparition de Moïse et
(l'Elie. — Explication mystique et spirituelle des circonstances de la tra;isfi-
o-uratioTi , du temps auquel elle eut lieu , des trois disciples que Jésus prit
avec lui, etc.
y. 32-36. — Comment faut-il entenare le sommeil auquel se laissent gagner
Pierre et ceux qui étaient avec lui? — Pourquoi n'était- il pas avantageux que
Jésus restât sur la montagne, comme Pierre le désirait? — Sens mystérieux
des paroles de Pierre ; Faisons ici trois tentes. — Dieu ne voulait pas res-
treindre le fruit de l'Incarnation à ceux qui étaient sur la montagne. —
Pourquoi encore n'était-il pas besoin de trois tentes ? — Ce qui porte Pierre
à parler de la sorte. — Pourquoi le Sauveur permet -il qu'une nuée lumineuse
enveloppe la montagne, ce qu'elle figure? — De quoi est-elle composée? —
Etendue et profondeur des paroles que Dieu le Père fait entendre du haut des
cieux. Pourquoi Moïse et Ehe disparaissent aussitôt que Dieu le Père pro-
clame la Divinité du Sauveur. — Le mystère de la Trinité toute entière révélé
dans la transfiguration. — Pourquoi Jésus ne veut pas qu'on fasse connaître
avant sa passion ces glorieuses manifestations.
•jjr_ 37-43. — Parfait rapport qui existe entre les lieux et les choses. — Sagesse
de cet homme dans la prière qu'il adresse au Sauveur en faveur de son
f,ls_ Raison du reproche d'incréduUté que Jésus lui fait. — Notre-Seigneur
s'adresse en même temps à tous les Juifs. — Pourquoi les appelle-t-il : Géné-
ration perverse, et sous qu'elle impression leur fait-il ce reproche? — Pour-
DE SAINT LUC, CHAP. IX. 437
quoi ne délivre-t-il pas ce possédé d'un seul mot comme il le pouvait? —
Explication mystique et spirituelle de ce miracle.
f. 44-45. — Pourquoi Jésus veut que ses disciples gardent comme un dépôt
dans leur âme le mystère de sa passion. — Pourquoi leur prédit-il ses souf-
frances au milieu même de l'admiration qu'excite la vue de ses miracles? —
Quel est celui qui doit le livrer. — Pourquoi ne permet-il pas que ses disciples
comprennent cette prédiction? — Cause de leur ignorance. — Pourquoi crai-
gnaient-ils d'interroger leur divin Maître?
f. 46-48. — Pièges de toute sorte que le démon tend à ceux qui veulent vivre
saintement. — Cette pensée de vaine gloire vint-elle à tous les disciples , et
quelle en fut la cause. — Comment le Sauveur extirpe cette pensée d'orgueil
avant qu'elle se soit développée. — Preuve qu'il donne de sa Divinité. — Ca-
ractère de l'enfance. — Nécessité de devenir enfant. — Comment >'otre-Sei-
gneur apprend à ceux qui veulent être les premiers à recevoir les pauvres en
son nom et par honneur pour lui. — Par quel sentiment Jean et les autres
disciples avaient-ils fait une défense formelle à un homme qui chassait les
démons? — Ce qu'ils auraient dû penser. — Comment N'otre-Seigneur leur
apprend à connaître la différence qui sépare les chrétiens faibles de ceux qui
sont forts. — Y a-t-il contradiction enti^e ces paroles du Sauveur : Celui qui
n'est pas contre moi est avec moi, et ces autres : Celui qui n'est pas avec moi
est contre moi? — Puissance de Jésus-Christ qui opère par des hommes in-
dignes qui ne sont pas ses disciples. — Le Seigneur ne demande pas seulement
à ses disciples les oeuvres de leur ministère ^ mais des œuvres de vertu. —
Ce que nous devons détester dans les hérétiques et dans les mauvais catho-
liques.
^.51-56. — Pourquoi fallait- il que le Sauveur fût immolé à Jérusalem? — Il
prévoit et prédit d'avance sa passion. — Raison pour laquelle les habitants du
bourg de Samarie refusèrent de le recevoir. — Pourquoi cependant il com-
mande à ses disciples d'aller leur annoncer sa venue. — Ce qui inspira aux
disciples de demander à Jésus que le feu du ciel tombât sur cette ville. — Le
désir de la vengeance incompatible avec la perfection de la vertu chrétienne.
— Reproche que Notre- Seigneur fait à ses disciples. — Comment la clémence
est souvent bien plus utile que la vengeance.
t- o7-G2. — Notre-Seigneur ne donne pas indistinctement et au hasard les
choses célestes. — Dans quels sentiments s'approche de lui cet homme qui lui
dit : Je vous suivrai partout où vous irez. — Leçon de désintéressement et de
pauvreté que lui donne le Sauveur. — Que sont les renards et les oiseaux du
ciel dans le sens figuré. — Pourquoi Jésus défend à un autre qu'il appelle à
sa suite d'aller ensevelir son père, alors que la religion elle-même en fait un
devoir. — Il nous enseigne par là à toujours placer les intérêts spirituels au-
dessus des choses les plus nécessaires. — Que signifie cette expression : Leurs
morts. — Dans quel sens peut-on encore entendre l'expression ensevelir ? —
Dispositions dans lesquelles un troisième s'approche de Jésus. — Qu'est-ce
que mettre la main à la charrue et puis regarder en arrière.
438
EXPLICATION DK L EVANGILE
^. 1-6. — Jésus ayant appelé les douze apôtres, leur donna puissance et autorité
sur tous les démons, et le pouvoir de guérir les maladies. Puis il les envoya
prêcher le royaume de Dieu, et rendre la santé aux malades. El il leur dit :
Ne portez rien en route, ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent, et n'ayez point
deux tuniques. En quelque maison que vous entriez, demeurez-y et n'en sortez
point. Lorsqu'on refusera de vous recevoir, en sortant de cette ville, secouez
même la poussière de vos pieds en témoignage contre eux. Etant donc partis,
ils allaient de village en village, annonçant l'Evangile, et guérissant en tout
lieu.
S. Cyr. Il convenait que les ministres établis de Dieu pour ensei-
gner la sainte doctrine, eussent le pouvoir de faire des miracles et de
faire reconnaître par leurs œuvres, qu'ils étaient les envoyés de Dieu ;
« Jésus ayant assemblé les douze Apôtres^ leur donna puissance et
autorité sur tous les démons, » etc. Il abaisse ainsi la fierté superbe du
démon j qui avait osé dire autrefois : Nul ne peut me contredire.
[Isaie, X.) (1) — Eusèbe. Comme il veut conquérir par eux tout le genre
humain, il leur donne non-seulement le pouvoir de chasser les esprits
mauvais, mais encore de guérir en son nom toute espèce d'infirmité :
« Et pour guérir les maladies. » — S. Cyr. {Très., xiv, 14.) Considé-
rez ici la divine puissance du Fils de Dieu, qui ne peut convenir à
aucune nature créée, car si les saints faisaient des miracles, ce n'était
point en vertu d'un pouvoir naturel, mais par la participation de
l'Esprit saint. Ils ne pouvaient d'ailleurs en aucune façon communi-
[l] Saint Cyrille traduit ici d'après les Septante, on lit dans la Vulgate : » 11 ne s'est trouvé per-
sonne qui osa seulement remuer l'aile, ou ouvrir la bouche, ou faire entendre le moindre cri. n
[Isai., X, 14.) Ces paroles sont mises dans la bouche du roi A!^su^ qui est la figure du démon,
auquel convient parfaitement le nom d'Assur qui veut dire, dressant des embûches.
CAPUT IX.
Convocatis autem Jésus duodecim aposiolis ,
dédit mis virtutem et potestatem super om-
nia dœmonia , et ut languores curarent. Et
misit illos prœdicare regnum Dei et sanare
infirmas. Et ait ad illos : Nihil tideritis in
via, neque virgam, neque peram, neque pa-
nent, neque pecuniam ; neque duas tunicas
habeatis : et in quamcunque domum intra-
veritis, ibi manete, et inde ne exeatis. Et qui-
cunque non receperint vos, exeuntes de civitate
illa , etiani pulverem pedum vcstrorum excu-
tite in testimonium supra illos. Egressi aulem
cireuibant per castella eoangelizantes et cu-
rantes uhique.
Cyril, [in Cat. Grœconim Patrum.)
Decebat institutos ministros sacrai'um
doctrinarum posse mira peragere , et
per ipsos effectus credi quod essent Dei
ministri : iinde dicitur : « Convocatis
autem Jésus duodecim apostolis , dédit
illis virtutem super omnia dsemonia , »
etc. In quo elatum supercilium diaboli
flectit, qui dicehat aliquando [Isaiœ,
10) :« Non est qui contradicere valeat. »
Elseb. [in eadem Cat. Grœca.) Et ut
per eos veuetur genus humanum, non
soliim dat eis ut pravos spiritus pellant,
sed eliam quamlibet infirmitatem sanent
ex ejus imperio : unde sequitur : « Et
ut lauiïuorerf curarent. » Cyril, [uhi svp.
et in Thcsauro, lib. xiv, cap. 14.) Atten-
das hic divinam Filii potestatem naturfe
corporali non couvenieutem : agere
namque miracula aderat sanctis, non
natura , sed participatione Spiritus
sancti. Super hoc autem aliis concedere
potestatem prorsus alieuum erat ab
DE SAINT LUC, CHAP. IX.
439
quer cette puissance aux autres, car comment une nature créée pour-
rait-elle disposer en maître des dons de l'Esprit saint? Au contraire,
Notre-Seigneur Jésus-Christ étant Dieu par nature , distribue cette
grâce à qui il veut, il n'appelle pas sur ceux qui la reçoivent une
vertu étrangère, il la leur communique de ses propres trésors. —
S. Chrys. {hom. 33 5?/r iS. Matth.) Mais ce n'est qu'après qu'il les a
fortifiés par un long commerce avec lui, et qu'ils ont acquis une con-
viction raisonnée de sa puissance qu'il leur donne cette mission : « Et
il les envoya prêcher le royaume de Dieu. » Remarquez l'objet précis
de leur mission, ce n'est point d'annoncer des choses temporelles,
comme Moïse et les prophètes, qui promettaient la terre et les biens de
la terre, les Apôtres annoncent et promettent le royaume de Dieu et
tout ce qu'il renferme.
S. Grég. de Naziaxze (1). En envoyant ses disciples prêcher l'Evan-
gile, Notre-Seigneur leur fait un grand nombre de recommandations
qui peuvent se résumer dans cette maxime générale, c'est que leur
vertu, leur courage, leur humilité, leur vie toute céleste, doivent briller
d'un si vif éclat, qu'ils servent à la propagation de l'Evangile, non
moins puissamment que leurs prédications; c'est pour cela qu'il les
envoie sans argent, sans bâton, et avec un seul vêtement : « Ne portez
rien eu route, ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent, » etc. — S. Chrys.
Ce précepte renfermait pour les disciples de nombreux avantages;
premièrement, il les mettait à l'abri de tout soupçon; seconde-
ment, il les affranchissait de toute sollicitude, et leur laissait toute
liberté pour la prédication; troisièmement, il les convainquait de sa
I) Discours 1, sur le caractère et les devoirs du prêtre.
eorum virtate : qualité r enim posset
natura creata super spiritus dona possi-
dere dominiuni ? At Douainus nosler
Jésus Christus lanquam uaturaliter Deus
existens, impartitur liujusmodi gratiaui
quibus vult, uon invi5cans in eus alie-
uam virtuteiu, sed infundens ex promp-
tuariis propriis. Chrvs. {/lom. 33 , in
Matth.) Poslquam autem salis conforlati
fuerant ex ejus comitiva , et competens
naçti sunt argumentum virtutis ejus,
mittit éo». Unde sequitur : « Et misit
illos prœdicaie regnum Dei : » ubi consi-
déra quod non committitur eis aliquod
sensibile dicere, sicut Moyses et pro-
phetae : nam illi qnidem terram et bona
terrena promittebaut; lii vero regnum,
et quaecunque contineutur in eo.
Greg. Nazian. {in Cat. Grœcorum
Patrum.) Mittens autem discipulos ad
prœdicandum, Dominus multa eis in-
junxit , quorum summa est, sic eos vir-
tuoses esse, sic constantes atque niodes-
tos, et (ut breviter loquar) oœlestes, ut
non minus propter eorum modum Vi-
vendi, quam propter verbum evangelica
doctrina propagaretur. Et ideo cum
œris et baculi carentia et amictus singu-
laritate mittebantur. Et ideo snbdit :
« Et ait ad illos : Nihil tuleritis in via,
neque virgam , neque , » etc. Chrys.
[vbi Slip.) Plurima quidem per hoc
constituebat : primo quidem insus-
pectos reddens discipulos; secundo
sequestrans eos a qualibet cura, ut
totum sludium adhiberent verbo; tertio
440
EXPLICATION l)E L EVANGILK
propre puissance. Ou objectera, peut-être, (|iie tous les autres com-
mandements ont leur raison d'être, mais pourquoi leur commander
de n'avoir en chemin ni sac, ni deux tunique-, ni bâton? C'est qu'il
veut les former à la plus haute perfection, et faire pour ainsi dire de
ses disciples, des anges^ en les affranchissant de tous les soucis de la
vie, pour ne leur laisser d'autre sollicitude (|uo la prédication de sa
doctrine. — Eusèbe. Cette recommandation a donc pour objet de les
éloigner de tout attachement aux biens de la terre, et de toutes les
préoccupations de la vie. 11 mettait ainsi à l'épreuve leur foi et leur
courage en leur faisant un devoir devant lequel ils ne reculeraient
pas, de vivre au milieu des privations de la vie la plus pauvre. Il était
juste qu'il y eût entre eux et leur divin Maître une espèce d'échange,
et qu'ils reconnussent le pouvoir qu'il leur avait donné de guérir les
malades par une obéissance parfaite à ses commandements. Il veut en
faire les soldats du royaume de Dieu, il les prépare donc au combat
contre les ennemis, en leur recommandant la pratique de la pauvreté •
« Car celui qui est enrôlé au service de Dieu, ne doit pas s'embarrasser
dans les affaires du siècle. »
S. Ambr. Ces préceptes divins nous apprennent donc quelle doit
être la vie de celui qui annonce le royaume de Dieu, il doit ne point
se préoccuper des moyens de pourvoir à l'entretien de la vie présente,
et puiser dans une foi vive la confiance que les choses nécessaires
lui seront données avec abondance, en raison directe de son peu d'em-
pressement à les rechercher. — Tréophyl. Il les envoie donc comme des
mendiants, avec défense de porter avec eux ni pain, ni aucune de ces
choses dont tant d'autres ne peuvent se passer. — S. Aug. {de Vacc.
des Evang.. ii. 30.) Ou bien encore, si le Sauveur défend à ses dis-
docens eos propriam virtutem. Sed
forsan dicet aliquis , csetera quidem
habere rationem; sed non habere peram
in via, nec duas tunicas , uec baculum,
cujus rei causa praecipit? Volens scili-
cet excitare eos in qualibet diligentia :
et (ut ita loquar) ex liominibus angelos
faciebat; eos dirimens a qualibet cura
vitEe ut una sola cura detineautur doc-
trinse. ErsEB. [ubi supra.) Yolens igitur
eos carere cupidine rerum in soUicitudiui-
bus vita3 protestalus est liaec : sumebat
enini experimentum fidei et auimositatis
eorum, qui babito in maudatis extremœ
vitam ducere paupertatis, non effugiunt
quge jubentur : decebat enim eos quod-
dam commercium facere , et recipientes
salubres virlutes recompeusare obe-
dientia mandatorum ? Et cum milites
eos faceret regni Dei , accingit eos ad
pugnam in bostes . monens colère pau-
pertatem. Nullus enim militans Deo^ im-
plicat se vitœ secularis negotiis. (II ad
Tim., 8.),
Ambr. Qualis ergo esse debeat, qui
evangelizat reguum Dei, prœceptis evan-
gelicis designatur ; boc est , ut subsidii
secularis adminicula non requirat ;
fideique totus iubaerens , putet quo mi-
nus ista requirat magis posse suppe-
tere. Theophylact. Sic enim ipsos
mendicos mittit, quod neque panes ipsos
portare vult, nec aliquid aliud quibus
indigent multi. Aug. (de Cons. Evang.,
lib. II, cap. 30.) Vel Dominus baîc possi-
dere discipulos ac ferre uoluit; non
DE SAINT LUC^ CHAP. IX. 441
ciples de posséder et de porter avec eux aucune de ces choses, ce n'est
pas qu'il ne les juge nécessaires au soutien de cette vie, mais il veut
leur apprendre, en leur donnant leur mission, qu'ils ont droit à rece-
voir le nécessaire de ceux à qui ils prêcheraient l'Evangile ; ils doivent
donc être parfaitement tranquilles à cet égard, et ne se préoccuper
en aucune façon, de mettre en réserve et de porter avec eux les
choses nécessaires à la vie. Aussi, d'après saint Marc, il leur com-
mande de ne rien porter avec eux, si ce n'est un bâton, pour montrer
que les fidèles doivent tout aux ministres de la parole qui, de leur
côté, ne demanderont rien de superflu. Le bâton est donc l'emblème
de ce droit et de cette puissance dans ces paroles : « Il leur com-
manda de ne rien prendre avec eux, si ce n'est un bâton. »
S. Ambr. On peut encore entendre, si l'on veut, et avec plusieurs in-
terprètes, ces paroles dans ce sens, que le Sauveur ne se propose ici
que de diriger leurs affections intérieures, qui doivent les porter à se
dépouiller du corps comme d'un vêtement, non-seulement en mépri-
sant les honneurs et les richesses, mais en renonçant à toutes les sé-
ductions de la chair. — Théophyl. D'autres encore, croiont que par
cette recommandation faite aux Apôtres, de ne porter ni sac, ni bâton,
ni deux tuniques, Notre-Seigneur veut leur faire entendre qu'ils ne
doivent point thésauriser (ce que signifie le ^sac où l'on peut entasser
des sommes considérables), qu'ils doivent maîtriser la colère et la
violence (ce qui est figuré par le bâton), et fuir la dissimulation et
la duplicité (que représentent les deux tuniques). — S. Cyr. Mais,
dira-t-on, où trouveront-ils les choses nécessaires? Ecoutez la suite :
« En quelque maison que vous entriez, n'en sortez point, » ce qui
veut dire : Contentez-vgus des choses que vos disciples vous donne-
ront pour votre entretien en échange des biens spirituels qu'ils rece-
quod necessaria non sint suslentationi
hujus vita"; sod quia sio eos mittHbaf. ut
eis liœc dfberi uionstraret ah illis ([uibiis
Evaiigelium credenlibiis aniiuntiarent";
ut .air secnri non possiderent noqne por-
tarent huii; vita; nef;essaria, ncf masna.
nec minima. Ideo posuit secuuduni
Marcnni nisi riirjam; ostendens a lidi»-
lihu.s suis ouinia deberi minUlri.s suis,
nulla superllua requirentil)us. Ilanc
autem potestatem virj^ie nomin'» sit-'uifi-
cavit, cum dicerel: « Ne quid lolierciil
in via, nisi virgaui lantum. »
Ambr. Possunt etiam qui volunt Imi'
ad eum deducere Iractatum, ut spirilua-
lem tantummodo locus istc forniaro vi-
deatur affectuni ; qui velut indumcnUun
(juoddani videatur corporis exuisse, non
soluni poteglate rejecta conteuiptioque
divitiis, sed etiani caniis ipsius illecebris
abdicatis.TiiEOi'UYL. Quidam etiam apos-
tolos « non portare pei-am, ueque bacu-
him . aut duas tunicas » sic intelligunt,
quod non tl^Bsaurizent (hoc enim pera
iunuit congregans muUa) , nequc sint
iracundi et turbulenti spiritus (quod
siguiticat baculus) , neque sint licti et
dui)lici corde (quod significat tunica
(biplex.) CvRiL. (tibi sxip.) Sed diceret
aiiquis : Unde eis necessaria in promptu
erunt ? Et ideo subdit : « Et in quamcum-
que donium intraveritis, ibi manete, et
inde ne exealis : » quasi diceret : Suffi-
ciat vobis discipulorum fructus, qui
442
EXPLICATION, DE L EVANGILE
vront de vous. Tl leur commande de rester dans la même maison pour
ne point coutrister, eu changeant de demeure, celui qui les a reçus
chez lui, et ne point s'exposer au soupçon de légèreté d'esprit ou de
sensualité. — S. Ambr. Au jugement du Sauveur, il est donc indigne
d'un prédicateur du royaume des cieux, de courir de maison en
maison, et de violer ainsi les droits sacrés de l'hospitalité. Mais de
même qu'il sauvegarde les droits de l'hospitalité, de même aussi il
ordonne à ses disciples, quand ou refusera de les recevoir, de se-
couer la poussière de leurs pieds, eu sortant de cette ville : « Lorsqu'on
refusera de vous recevoir, en sortant de cette ville, secouez même la
poussière de vos pieds en témoignage contre eux. » — Bède. Les
Apôtres secouent la poussière de leurs pieds, en témoignage de leurs
travaux apostoliques, et comme preuve qu'ils sont entrés dans cette
ville pour y faire entendre la prédication de l'Evangile ; ou bien en-
core, ils secouent la poussière de leurs pieds, comme un signe qu'ils
n'ont rien reçu, pas même le nécessaire, de ceux qui méprisent l'E-
vangile. — S. GvR. Il est très-peu probable que ceux qui méprisent la
parole du salut et le père de famille se montrent bienveillants pour
ses serviteurs, ou réclament leurs bénédictions. — S. Ambr. Ou bien
encore, dans un autre sens, le Sauveur nous enseigne à reconnaître
grandement le bienfait de l'hospitalité, non-seulement en donnant la
paix à ceux qui nous reçoivent, mais en les délivrant de ces fautes
de légèreté qui tiennent à notre nature terrestre et qui sont effacées
par les pas des prédicateurs apostoliques auxquels on accorde l'hos-
pitalité.— BÈDE. Mais quant à ceux qui, par une négligence cou-
pable ou de dessein prémédité, font mépris de la parole de Dieu,
il faut éviter leur société, et en les quittant, secouer la poussière de
ses pieds, dans la crainte que les pas de l'âme chaste ne viennent
recipieutes a vobis spiritiialia vos procu-
rabuut. Jussit autein eos iu uua domo
manere^ ut nec hospitem gravent (eum
scilicet dimittendo) , uec ipsi gulositatis
et levitatis suspicionem incurrant. Ambr.
Alienum naïuque a prœdicatore vegni
cœlestis asserit cursitare per domos et
inviolabilis hospitii jura mutare. Sed ut
hospitii gratia deferenda censealur, ita
etiam si non recipiantur, exculiendum
pulverem, egrediendumque de civitate
mandatur; cum sequitur : « Et quicun-
que non receperit vos, exeuntes de civi-
tate illa, etiam pulverum excutite^ » etc.
Beda. Pulvis exculitur de pedibus apos-
tolorum in testin\onium laboris sui,
quod ingressi sint in civitatem, et prae-
dicatio apostolica ad illos usque perve-
nerit : sive excutitur pulvis , cum nihli
ab eis aceipiunt (nec ad victum quidem
necessarium ) qui Evangelium spreve-
runt. Cyril, [ubi sup.) Nam improba-
bile valde est, contemuentes sei'monem
salutarem et patrem familias, se famulis
benignos ostendere, vel beiiedictiones
eorum exigere. Ambr. Vel non mediocris
etiam boni remuueratio docetur hospitii,
ut non solum pacem tribuamus hospiti-
bns , verumetiam si qua eos terreuse
obumbraut delicta levitatis , receptis
apostolicce prœdicationis vestiglis aufe-
rantur. Bed. Qui vero perfida negligen-
tia, vel etiam studio , verbum Dei con-
temnunt, horum vitanda communie est;
DE SAINT LUC, CHAP. IX. 443
à être souillés par leurs actions pleines de vanité figurées par la
poussière.
f. 7-10. — Cependant Hérode le tétrarque (1) entendit parler de tout ce que
faisait Jésus, et il ne savait que penser, parce que les uns disaient ; Jean est
ressuscité d'entre les morts; d'autres : Elle a paru; d'autres : Un des anciens
prophètes est ressuscité. Et Hérode dit : J'ai fait couper la tête à Jean. Qui
est donc celui-ci dont j'entends dire de si grandes choses ? Et il cherchait à le
voir.
EusÈBE. Après avoir ceint et revêtu ses disciples, comme les soldats
de Dieu, d'une puissance divine et des enseignements de la sagesse le
Sauveur les envoie vers les Juifs , comme des docteurs et des méde-
cins, et ils partent pour accomplir cette double mission : « Etant donc
partis, ils parcouraient les villages, prêchant l'Evangile et guérissant
partout; » ils annoncent l'Evangile en qualité de docteurs, et comme
médecins, ils guérissent les malades, et prouvent par leurs miracles la
vérité de leurs paroles.
S. Chrys. {hom. 49 sur S. Matth.) Hérode n'apprit les miracles de
Jésus que longtemps après que la renommée s'en était répandue, preuve
de l'orgueil de ce tyran , qui s'était peu soucié de les connaître dès
l'origine : « Cependant Hérode le tétrarque entendit parler de tout ce
que faisait Jésus. » — ïhéophyl. Cet Hérode était fils d'Hérode le
Grand, qui fit périr les enfants de Bethléem , le premier était roi, le
second était simplement tétrarque. Or, il voulait savoir ce qu'était le
Christ : « Et il ne savait que penser. » — S. Chrys. Les pécheurs, en
(1) Il est ainsi appelé du mot grec TSTpâpyr,;, parce que ses Etats étaient censés faire la qua-
trième partie du royaume de Judçje. Cependant on donne quelquefois au tétrarque le nom de roi.
[Marc, VI, i4.)
excutiendus pulvis pediim : ne gestis
inanibus pulveri comparandis mentis
castfe vestijïium polluatur.
Audivit autem Herodes tetrarclia omnia quœ
fiehanl ah eo , cl hœsitahat; eo quod diceretur
a quibusdam quia Joannes surrexit a morluis ;
a quibusdam vero quia Elias appnruit; ab aliis
autem quia prophela unus de antiquis surrexit.
Et ait Herodes : Joannem eqo drcollavi : quis
est autem iste de quo ego lalia audio ? El
(fucerebat videre eum.
ECSEB. (vbi svp.) Cum aiiteni prie-
cinxisset Dorainiis discipulos suos laii-
quam milites Del diviuis virtulibiis (.-t
sapientiae mouitis, niitteus eos Jiidtt'is,
ut doctores et medicos , ipsi secunduni
hoc procedebant. Unde sequilur :
« Egressi autem circuibant per castella
pra;dicantes et curantes ubique : » quasi
doctores qiiidem evuugelizautes; sed
quasi medici prcestantes remédia, et
verba miraculis comprobantes.
Chrys. [hom. 49, in Matth.) Mullo
transac.to tempore, non a principio, per-
cepit Herodes facta Jesa , ut pateat tibi
tyranni STiperi)ia (qui non a principio ea
scivit.) Unie dicitur: « Audivit autem'
Ilorodes, » etc. ïiikopiiylact. Herodes
eruf filins magni Herodis, qui pueros
iutereinit; sed ille quidem rex erat,
iste autem tetrarclia. luquirebat autem
de Ciirislo quis esset. Unde sequitur :
« VA Iiaîsitabat. » Chrys. {in Cat. Grae-
444
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
effet, redoutent ce qu'ils connaissent comme ce qu'ils ignorent, ils ont
peur de leur ombre, ils soupconncut partout des embûches , et trem-
blent au moindre bruit. Telles sont les tristes suites du péché , il dé-
voile le coupable sans que personne le blâme ou le reprenne, il le con-
damne sans que personne l'accuse, et il le livre en proie à la crainte
et à l'hésitation. L'Evangéliste nous indique les causes de cette
crainte : « Et il ne savait que penser, parce que quelques-uns di-
saient, » etc. — Théophyl. Les Juifs espéraient une résurrection des
morts, qui leur rendrait une vie toute charnelle de repas et de festins,
tandis qu'après la résurrection, les hommes seront affranchis de toutes
les actions propres à la chair. — S. Chrys. Hérode ayant donc appris
les prodiges que Jésus opérait, dit : « J'ai fait couper la tète à Jean. »
Ce n'était point par ostentation qu'il évoquait ce souvenir, mais pour
calmer ses alarmes, et rassurer sou esprit troublé en se rappelant qu'il
était l'auteur de la mort de Jean-Baptiste. Et comme il lui avait fait
couper la tète^ il ajoute : « Qui est donc celui-ci, » etc. — Théophyl.
Si c'est Jean-Baptiste qui est ressuscité des morts, en le voyant, il me
sera facile de le reconnaître : « Et il cherchait à le voir. »
S. AuG. {de l'ace, des Evang., ii, 43.) Saint Luc , en suivant ici
dans son récit le même ordre que saint Marc , ne nous oblige pas de
croire que tel fut l'ordre rigoureux des faits. De même que saint Marc,
il attribue aussi à d'autres, et non pas à Hérode lui-même, ces pa-
roles : et Jean est ressuscité d'entre les morts ; » mais comme il rap-
porte qu'Hérode ne savait que penser , on peut admettre, ou bien
qu'après ces incertitudes, il finit par ajouter foi au bruit qui se répan-
dait, lorsqu'il dit lui-même à ses serviteurs, selon le récit de saint
corum.) Peccatores enim metuunt scien-
tes et nescientes, umbras pavent, omnia
suspicantur, et quemlibet strepitiim per-
timescunl. Taie siquidem peccatum est :
nemine repreheudente vel arguente lio-
minem prodit , nemine accusante con-
demnat , et timidum et pigrum reddit
delinqiientem. Causa autem timoris po-
nitur consequenter, cum dicitur : « Eo
quod diceretur a quibusdam. » Theoph.
Judoii eniui resurrectionem mortuorum
expectabant in vita carnali , et in com-
messationibus et polibus ; sed résurgen-
tes non erunt in carnalibus actibus.
Chrys. Cum ergo audisset Herodes qui-
bus Jésus uteretur miraculis , ait :
« Joannem ego decollavi;» quod non
erat ostentationis verbum, sed conso-
lantis suum timorem . et persuadeatis
animœ perturbatse recolere quod ipse
eum occidit. Et quia Joannem decolla-
verat , subdit : « Quis autem est iste, »
etc. Theophylact. Si Joannes est, et a
mortuis resurrexit, videns eum cognos-
cani. Unde sequitur : « Et quœrebat
videra eum. »
AuG. {de Cons. Evang., lib. ii , cap.
43.) Lucas autem bic eumdem narrandi
ordinem quem Marcus tenens, non cogit
credi rerum gestarum eumdem ordinem
fuisse. lu bis etiam verbis Marco attes-
tatur ad boc duntaxat quod alii dixerint
(non Herodes) Joannem a mortuis sur-
rexisse; sed quia hœsitantem comme-
moravit Herodem, intelligendum est,
aut post istam bfesitationem confirmasse
in animo suo quod ab aliis dicebatur,
cum ait pueris suis (sicut Matthseus nar-
DE SAINT LUC, CHAP. IX. MS
Matthieu : « C'est Jean-Baptiste , qui est ressuscité des morts , » ou
bien, il faut entendre ces paroles de saint Matthieu dans un sens du-
bitatif.
y. 10-17 — Les Apôtres, étant de retour, racontèrent à Jésus tout ce qu'ils
avaient fait ; et les prenant avec lui, il se retira à l'écart dans un lieu désert,
près de la ville de Bethsaide. Lorsque le peuple l'eut appris, il le suivit, et
Jésus les accueillit, et il leur parlait du royaume de Dieu, et il rendait la
santé à ceux qui en avaient besoin. Cependant le jour commençait à baisser,
et les douze vinrent lui dire : Renvoyez le peuple, afin qu'il aille dans les
bourgs et dans les villages d'alentour, pour y trouver un abri et de la nourri-
ture, car ici nous sommes dans un lieu désert. Il leur répondit : Donnez leur
vous-mêmes à manger. Ils lui répartirent : Nous n'avons que cinq pains et
deux poissons, à moins que nous n'allions nous-mêmes acheter des vivres pour
toute celte multitude. Or ils étaient environ cinq mille hommes. Jésus dit
alors à ses disciples : Faites les asseoir par groupes de cinquante. Ils lui
obéirent, et les firent tous asseoir. Alors Jésus, prit les cinq pains et les deux
poissons, et levant les yeux au ciel, il les bénit, les rompit, et les donna à ses
disciples pour les distribuer au peuple. Tous mangèrent et furent rassasie';, et
des morceaux qui r-estèrent, on emporta douze corbeilles pleines.
S. AuG. {de l'ace, des Evang., ii, 45.) Saint Matthieu et saint Marc,
à l'occasion de ce qui précède^ rapportent comment Jean-Baptiste fut
mis à mort par Hérode. Saint Luc^ au contraire , qui avait déjà ra-
conté la mort du saint Précurseur, après aA'oir parlé des incertitudes
d'Hérode au sujet de la personne du Sauveur, ajoute aussitôt ; « Et
les Apôtres étant de retour, racontèrent à Jésus tout ce qu'ils avaient
fait. 0 — BEDE. Ils lui rapportent non-seulement les miracles qu'ils
ont faits , et quel a été le sujet de leurs enseignements , mais ils
rat) : « IJic esl Jop.imes liaptisla , ipse
resurrexit a mortuis; » aut ita pronun-
tianda sunt hiRC verba Mattlitei, ut eum
haîsitare adiiiic indicent.
El reversi npostoli, narraverunl illi qvcecun-
que fecerunt : et assumptis illis, secessil seor-
sum in locum desertum, qui est Bethsaidœ.
Quod cum coynouissent tiirbœ, secutœ sunt il-
lum; et excepil eos, et loquebatur illis de ré-
gna Dri; et eos qui cura indifjehanl , sanabat.
Lies aulem. cœperat declinare. Et acccdentes
duodecim, diaerunt illi : Dimilte turbas, ut
euntes in castella villasque quœ circa sunt di-
verlaut, et inventant escas, quia hic in loco dé-
serta sumus : ait autem ad illos : Vos date illis
manducare. At illi dixerunt : Non sunt nobis
plusquam quinque panes et duo pisces , nisi
forte nos eamus et emamus in omnem haue lur-
bam escas. Erant autem fere viri quinque mil-
lia, A il aulem ad discipulos suas : Facile il-
los disciir.ibere per convivia quinquagenoa : et
ita fecerunt. Et discubuerunt omnes. Accepiis
autem quinq'w panibus , et duobus piscibus
suspexit in cœlum ; et benedixit illis el freijit
et distribuit diseipulis suis ut panèrent ante
turbas. Et manducaverunt omnes , et saturati
sunt. El sublalum est quod super fuit illis,
fragmentorum caphini duodecim.
AuG. [de Cens. Evang., lib. ii, cap.
45.) Matlhœus et Marcus, ex prfEceden-
liuiii occa~ione, narrant nuemadmodum
sit .loanues ab Herode occisus : Lucas
autem, qui jam longe supra de passioue
Joannis narraverat, postquam couime-
moravil illani Herodis lia^sitationeni de
iJomino quisnaui esset, contimiosubjun-
gil : « Et reversi aposloli narraverunt
illi quEecunque fecerunt. » Beda. Non
soluiu aulem narrant qufe ipsi fecerunt
446
EXPLICATION DE l'ÉVANGTLE
lui apprennent aussi tout ce que Jean-Baptiste a eu à souffrir pendant
qu'ils prêcliaient l'Evangile, et ce sont ses propres disciples , ou ceux
de Jean-Baptiste , qui lui apprennent cette nouvelle , comme semble
l'indiquer saint Matthieu.
S. IsiD. {livre \, lettre 133.) Le Seigneur a en abomination les
hommes de sang, et ceux qui entretiennent des relations avec eux,
quand ils persévèrent dans leurs crimes ; aussi dès qu'il eut appris la
mort de Jean-Baptiste, il s'éloigne des meurtriers, et se retire dans
un lieu désert : « Et les prenant avec lui, il se retira à l'écart dans un
lieu désert, non loin de la ville de Bethsaïde. » — Bède. Bethsaïdeest
une ville de Galilée, située sur les bords du lac de Génésareth, et d'où
les apôtres André , Pierre et Philippe étaient originaires. Si le Sau-
veur s'éloigne ainsi, ce n'est point par crainte de la mort , comme le
pensent quelques-uns, mais pour épargner à ses ennemis, dans un
sentiment de miséricorde, un nouvel homicide, et aussi pour attendre
le temps marqué pour sa passion. — S. Chrys. {hom. ^Osiir S. Matth.)
Jésus ne s'éloigne que lorsqu'il eut appris ce qui venait d'arriver, pro-
fitant ainsi de toutes les circonstances pour manifester la vérité de sa
chair. — Théophyl. Notre-Seigneur se retire dans uq lieu désert
pour y opérer le miracle de la multiplication des pains , afin que per-
sonne ne put dire que ces pains avaient été apportés d'une ville voi-
sine. — S. Chrys. ijiom. 50 sur S. Matth.) Ou bien, il se retire dans
un lieu désert, pour que personne ne pût le suivre; mais le peuple ne
consent point pour cela à se séparer de lui, et s'attache à ses pas :
« Le peuple l'ayant appris, il le suivit, » etc. — S. Gyr. Ils le suivaient,
pour lui demander les uns d'être délivrés des démons qui les possé-
daient, les autres d'être guéris de leurs maladies , d'autres enfin ne
et docuerunt; sed etiam qute Joannes
eis in docendo occupatis sit passus ,
vel sui vel ejusdem Joannis discipuli
ei renuutiant , sicut Matthœus insi-
nuai.
IsiD. Quia vero Dominus viros sangui-
uum abomiualur, et conimorantes cum
eis, si a propriis criminibus non disce-
dant, posl occisionem Baptistœ deserens
occisores, discessit. Unde sequitur : « Et
assumptis illis secessit seorsum in locum
desertum, qui est Bethsaidse. » Bed.
Est autem Betlisaida in Galilœa civitas
Andreae, et Pétri, et Pliilippi aposlolo-
rum, prope stagnum Genezaretli. Non
autem timoré mortis hoc agit (ut quidam
arbitrautur), sed parcens inimicis suis,
ne honiicidio homicidiuni jnngerent;
simul et opportunum sufe passionis
tempus expectaus. Chrys. [hom. 50, in
Matth.) Non autem prius, sed relato sibi
quod acciderat discessit; manifestans
per singula carnis veritatem. Theopu.
In desertum autem locum abiit Dominus,
quia operaturus erat miraculum panum ;
ne quis diceret quod de civitate prope
existente allati sunt panes. Chrysost.
{homil. 50, in Matth.) Vel vadit in
desertum locum , ut nemo sequeretur :
sed nec sic plebs recessit, sed comitatur
ipsum : unde sequitur : « Quod cum
cognovissent turbee, secutsc sunt illum, »
etc. Cyril, [in Cut. Grœcorum Pairum.)
Hi quidem postulantes a damonibus
liberaii; lii vero languorum remotionem
exoptantes ab illo secuti sunt : necnon
DE SAINT LUC, CHAP. IX. ^7
se lassaient point de rester avec lui , retenus par le charme de sa doc-
trine.
BEDE. De son côté Jésus, Sauveur aussi puissant que bon, accueille
ceux qui sont fatigués , instruit les ignorants , guérit les malades,
nourrit ceux qui ont faim , et montre ainsi combien ce pieux empres-
sement des fidèles lui est agréable : et Et il les accueillit avec bonté, et
il leur parlait du royaume de Dieu, » etc. — Théophyl. Il veut nous
apprendre que la sagesse dont nous devons faire profession , consiste
dans les paroles et dans les œuvres, et nous fait un devoir d'enseigner
le bien que nous faisons, et de mettre en pratique ce que nous ensei-
gnons. Comme le jour était sur son déclin, les disciples commencent
à s'inquiéter pour cette nombreuse multitude, dont ils ont compas-
sion. « Or , le jour commençant à baisser , les douze vinrent lui
dire, » etc. — S. Cyr. Cette multitude, comme nous l'avons dit, ve-
nait implorer la guérison de ses diverses souffrances, et les disciples qui
savaient qu'il suffisait au Sauveur de le vouloir , pour que tous ces
malades fussent guéris , lui disent : « Renvoyez-les , et qu'ils soient
délivrés de leurs soufirances. » Considérez ici l'immense bonté de
■ celui à qui s'adresse cette prière ; non-seulement il accorde ce que lui
demandent ses disciples, mais il répand avec profusion, sur ce peuple
qui le suit, les dons de sa main libérale , en leur commandant de lui
donner à manger : « Et il leur répondit : Donnez-leur vous mêmes à
manger. » — Tuéophyl. En parlant de la sorte , il n'ignorait pas ce
qu'ils allaient lui répondre, mais il voulait les amener à dire combien
ils avaient de pains, pour faire ressortir par cette déclaration la gran-
deur du miracle qu'il allait opérer.
S. Cyr. Mais il était impossible aux disciples d'exécuter cet ordre,
quos ejus ubleclabat doclrinu , illuni
attentissime visitabant.
Bed. Ipsc autfm ut potens piusque
Salvator excipieiiclo faligatos, docendo
inscios, sanando tegrotos, reficiendo
jejunos. quantum devotione credenlium
delectetur, insinuât. Fnde sequitur : «EL
exoepit iilo?, et loquebatur eis de regno
Dei . » etc. Tueophylact. Ut addiseas
quod qiue setuuidum nos est :>apientia,
dividitur verbo et opère; et quod decot
dicere operala, et opcrari dicta. Décli-
nante auteni die, discipuli jani incipien-
163 alioruni curaiu habere, turbaî misc-
rentur : unde sequitur : « Dies auteni
cœperat declinare,»etc. Cyril, {tibi svp.)
Sicut enini diclum est, diversarum pas-
sionum postulabant remédia; et quia
videbaut diicipuli solo uutu pos^e pnr-
fici quod infirmi petebant, dicunt :
« Dimitte eos,» ne amplius anxientur.
Aspice auteni exuberantem mansueludi-
nem ejus qui rogatur : non enini illa
tantuni largilur qufe postulant discipuli,
sed sequentibus ipsum adjicit bona mu-
ni ficœ dextrœ, mandans eis escas exbi-
beri. Unde sequitur : « Ait autem ad
illos : Vos date illis manducare. » Thko-
PUYLACT. Non autem boc dixit eorum
responsiouem ignorans ; sed volens ipsos
inducere ut dicercnt quoi panes habe-
rent, et sic magnum osteuderetur ex
eoi'um confessione miraculura , panum
quantitate audita.
Cyril, {tibi supra.) Sed quod mauda-
batur intolerabile discipulis erat, qui
448
EXPLICATION DE L EVANGILE
puisqu'ils n'avaient avec eux que cinq pains et deux poissons : a Ils
lui répartirent : Nous n'avons que cinq pains et deux poissons, à
moins que nous n'allions acheter de quoi nourrir tout ce peuple. » —
S. AuG. {de race, des Evang., ii, 46.) Saint Luc réunit ici, sous une
même phrase , la réponse de Philippe : a Quand on aurait pour
deux cents deniers de pain , cela ne suffirait pas pour en donner à
chacun un morceau,, » et celle d'André : « Il y a ici un jeune homme
qui a cinq pains d'orge et deux poissons , » comme le rapporte saint
Jean-. [Jean, vi.) Eu effet, ce que dit saint Luc : « Nous n'avons que
cinq pains et deux poissons, » se rapporte à la réponse d'André, et ce
qu'il ajoute : « A moins que nous n'allions acheter de quoi nourrir
tout ce peuple, » renferme la réponse de Philippe, si ce n'est qu'il ne
parle pas des deux cents derniers , quoiqu'on puisse dire qu'il y est
fait allusion dans la réponse d'André ; car , après avoir dit : « Il y a
ici un jeune homme qui a cinq pains et deux poissons, » il ajoute :
« Mais qu'est-ce que cela pour tant de monde? » ce qui revient à
dire : « A moins que nous n'allions acheter de quoi nourrir tout ce
peuple. » De cette diversité dans le récit, et de cette concordance dans
les faits comme dans les maximes, ressort pour nous cette importante-
leçon, que nous ne devons chercher dans les paroles, que la volonté
de ceux qui parlent, et que les narrateurs, amis de la vérité , doivent
s'attacher surtout à la mettre en évidence dans leurs récits , qu'il y
soil question de l'homme, des anges ou de Dieu. — S. Gyr. La grande
multitude de peuple , dont l'Evangéliste fait connaître le uomhre,
ajoute encore aux difficultés du miracle : « Or, ils étaient environ
non liabebaut pênes se nisi qiùnque
panes et duos pisces. Unde sequitur :
« At illi dixernnt : Non sunt nobis plus-
quam quinque panes et duo pisces, nisi
forte nos eamus et emamus iu omnem
hanc turbam escas. » Aufi. [de Cons.
Evang., lib. ii, cap. 46.) In quibus qiii-
dem verbis Lucas in iioam sententiam
constrinxit responsionem Philippi dicen-
■tis : « Duceutorum denarioruui panes
lîon sufficiunt eis , ut unusquisque mo-
dicum quid accipiat; » et responsionem
Andreae dicentis : « Est puer unus hic
qui babet quinque panes bordeaceos et
duos pisces, » ut narrât Joannes. (cap.
6.) Quùd enim ait Lucas : « Non sunt
nobis plusquam quinque panes et duo
pisces, » ad Andreœ retulit responsio-
nem : quod vero adjunxit : « Nisi forte
nos eamus, et emamus in omnem hanc
turbam escas, » videtur ad responsionem
Philippi pertiuere ; nisi quod de ducen-
tis denariis tacuit; quamquam et in
ipsius Andretc senlenlia hoc posset iu-
teUigi. Cum enim dixisset : « Est puer
unus hic, qui babet quinque panes bor-
deaceos et <luos pisces, » aiijuuxit :
« Sed bœc quid inter tantos?» Hoc est
dicere : « Nisi forte nos eamus, et ema
mus in omnem hanc turbam escas. »
Ex qua varietate verborum, rerum au-
tem sentenliarum jne concordia salis
apparet sahibriter nos doceri, nibil quae-
rendum in verbis, nisi loquentium vo-
luutatem; cui demoustranda; invigilare
debent omnes veridici narratores , cum
de homine , vel de angelo, vel de Deo
aliquid narrant. Cyril, [xibi supra.) Ut
autem adbuc ad magis ardua feratur
miraculum, ostenditur non parva fuisse
multitudo virorum , cum sequitur
« Erant autem viri fera quinque millia; »
DE SAIiNT LUC, CHAP. IX. 449
cinq mille hommes, » sans compter les femmes et les enfants, comme
le remarque un autre Evangéliste. [Matth., xiv.)
Théophyl. Notre-Seigneur nous enseigne ici, lorsque nous donnons
à quelqu'un l'hospitalité, à le faire asseoir , et à lui prodiguer tous les
soins qui dépendent de nous : « Jésus dit à ses disciples : Faites les
asseoir par groupes de cinquante. » — S. Aug. [de l'accord des
Evang., ii_, 46.) Saint Luc dit qu'on les fit asseoir par troupes de
cinquante; saint Marc par groupes de cinquante et de cent, mais cette
différence ne peut faire difficulté ; car l'un des Evangéhstes n'exprime
qu'une des parties dont les groupes étaient composés, et l'autre la
totalité. Si l'un des deux Evangélistes ne parlait que de groupes de
cinquante, et l'autre de groupes de cent personnes, la contradiction
paraîtrait évidente, et il serait difficile d'admettre que les deux choses
soient vraies, mais racontées chacune par un seul des deux Evangé-
listes ; et cependant en y réfléchissant plus attentivement, qui ne re-
connaîtra la vraisemblance de cette explication? J'ai fait cette obser-
vation, parce qu'il se présente souvent des faits de ce genre qui, pour
les esprits superficiels ou prévenus , paraissent contradictoires et ne
le sont point. — S. Chrys. \hom. 50 snr S. Matth.) Ce devait être un
article de la foi chrétienne , que Jésus-Christ était sorti du Père, il
lève donc les yeux vers le ciel avant de faire ce miracle : «Alors Jésus,
prenant les cinq pains et les deux poissons , et levant les yeax vers le
ciel, » etc. — S. Cyr. Il le fait encore pour notre instruction , et pour
nous apprendre qu'en commençant le repas, et avant de rompre le
pain, nous devons l'otîrir à Dieu, et attirer sur lui la bénédiction cé-
leste : « Et levant les yeux au ciel , il les bénit et les rompit. » —
S. Chrys. {hom. 50.) Il distribue ce pain au peuple par les mains de
ses disciples, par honneur pour eux, et pour qu'ils n'oublient point le
C'xoeptis scilicel mulieribus et pueris, ut
alius evangelUta refert. (Matth., 14.)
Theophylact. Docet aulem Dominus
quod decet, cum liospitamur aliquem,
rei;liaare ipsum et omnis consolationis
participem facere. Unde sequitur : « Ail
autem ad discipulos, » etc. Auo. [de
Cons. Evang., vhi sup.) Qnod Lucas hic
dicit quinquarjenos jussos esse diseum-
bere, Marcus vero quinquagenos et cen-
tenos, ideo non movet , quia uuus par-
tem dixit, aller lotum. Verum si alius
de quinquagenis tantum couimemorarcl,
alius de cenlenis lantum, valde videre-
tur esse conlrarium ; uec salis dignosce-
relur utrumque dictum esse : ununi
auteui ab altero, alterum ab altero esse
commemoratuni , et fanien fillentius
TOM. V.
consideralum iuveniri debuisse , cjiiis
non falealur? Hoc ideo dixi, quia exis-
tuut sœpe aliqua ejusmodi, qute paruni
intendenlibus, temere judicantibus, con-
traria videanlur, et non sinl. Cbrys.
{fiom. 50, in Matth.) Et quia credendum
erat Cliristura venisse a Paire, faclurus
miraculuni aspexil in cœlum. Unde se-
quitur : « Acceplis autem quinque pani--
bus, » etc. Cyril, [ubisiipra.) Hoc etiam
dispensative pro nobis fecil, ul discamus
quod in pr'ncipio mensae cum frangere
debemus panem , debemus Deo offerre,
et elicere super ipsum benedicliouem
supernam. Unde sequitur : « El hene-
dixil, et fregil. » Chbys. [ubi supra.)
Dal quidem eis per mauu^ discipulorum
lionorando eos, et ne dent oblivioni jam
21)
450
EXPLICATION DE l' ÉVANGILE
souvenir de ce miracle. Or, ce n'est point du néant qu'il tire les pains
et les poissons dont il nourrit ce peuple, afin de fermer la bouche aux
manichéens, qui affirment que tout ce qui est créé lui est étranger (1),
et de montrer que c'est lui qui donne la nourriture à tous les êtres
créés, et qui a dit : « Que la terre produise les plantes , » etc. {Gen., i.)
Il multiplie aussi les poissons , pour signifier qu'il est le Seigneur de
la mer^ comme de la terre. Il a opéré, en faveur des malades qu'il a
guéris, un miracle particulier, il étend maintenant les effets de sa
bonté à toute la multitude , en nourrissant ceux mêmes qui n'ont au-
cune infirmité : « Tous mangèrent et furent rassasiés. » — S. Grég.
DE Nysse. {grand dise, catéch., chap. xxm.) Ce n'était point le ciel
qut distillait la manne , ni la terre qui produisait le blé selon sa na-
ture, pour subvenir aux besoins de ce peuple ; cette abondante lar-
gesse sortait des trésors ineffables de la puissance divine. Le pain se
multiplie dans les mains de ceux qui le distribuent et il augmente eu
proportion de la faim de ceux qui mangent. Ce n'est pas non plus de
la mer que sortent les poissons dont ils se nourrissent, mais de la main
de celui qui, en créant les diverses espèces de poissons, leur a donné
la mer pour séjour.
S. Ambr. Ce fut donc grâce à une abondante multiplication des
pains que ce peuple fut rassasié. On eût pu voir les morceaux sortir
comme d'une source mystérieuse, et se multiplier, sans être divisés
entre les mains de ceux qui les distribuaient, et les fragments in-
tacts venir se gUsser d'eux-mêmes sous les doigts de ceux qui les rom-
paient.
S. Cyr. Là ne s'arrête point le miracle, l'Evangéliste ajoute : « Et
(1) Saint Chrysostome veut parler ici des Manichéens et des Marcionites, qui prétendaient que
les choses créées n'avaient aucun rapport avec le Christ.
peracto miraculo. Non autem es non
entibusfacit escas ad pascendum turbas^
ut obturet os Manichaei asserenlis alie-
nam esse ab eo creaturam; ostendens
se esse Tictualium largitorein, et qui
dixit {Gènes., 1) : « Germiuet terra. »
Multiplicat quoque pisces, ad significan-
dum quod tam mari quam aridae domi-
nabatur. Bene autem in languentibus
spéciale peregit miraculum : agit et be-
neficium générale, alens omnes, etiam
non languentes. Unde sequitur : « Et
manducaverunt omnes , et saturati
sunt. » Greg. Nyss. {Orat. Catechetica
magna, cap. 23.) Quibus nec cœlum
fluebat manna , nec tellus juxta sui na-
turam producens frumentum , eorum
satisfaciebat egestati : sed ex ineffabilibus
horreis divinai potentise beneficium
aftluebat. Panis paratur factus in mani-
bus miuistrantium, necnou per saturita-
tem edentium augmenlatur. Esum etiam
piscium eorum uecessitati non admiuis-
trabat mare, sed ille qui in mare piscium
genus iuseruit.
Ambr. Non exiguo, sed multiplicato
cibo populum liquet esse saliatum. Vi-
deras iucompreliensibili quodam rigatu
iuter dividentium manus, quas non fre-
gerant, fructiticare particulas, et intacta
l'rangcutium digitis sponte sua fragmenta
subrepere.
Cyril, {ubi sup.) Nec ubique ad hoc
taulum pervenit miraculum, sed sequi-
DE SAINT LUC, CHAP. IX.
451
des morceaux qui restèrent, on emporta douze corbeilles pleines. »
C'était une preuve manifeste que les œuvres de charité envers le pro-
chain obtiennent de Dieu une récompense surabondante. — Théophtl.
C'était encore pour nous apprendre la merveilleuse puissance de
l'hospitalité, et combien nous augmentons nos propres richesses, en
les distribuant largement aux indigents. — S. Chrys. (I) Ce ne sont
pas des pains entiers qui restent, mais des morceaux, pour prouver
que c'étaient bien les restes des pains qui avaient été distribués, et il
eu reste douze corbeilles, c'est-à-dire, autant qu'il y avait de dis-
ciples.
S. Ambr. Dans le sens mystique, c'est après que cette femme, qui
était la figure de l'Eglise, a été guérie d'une perte de sang; après que
les Apôtres ont reçu la mission d'annoncer le royaume de Dieu, que
le Sauveur distribue l'aliment de la grâce céleste. Mais remarquez
ceux qui sont jugés dignes de le recevoir, ce ne sont point des gens
oisifs, ni ceux qui restent dans les villes, qui siègent dans la syna-
gogue, ou se reposent avec complaisance dans les dignités séculières,
mais ceux qui cherchent Jésus-Christ dans le désert. — Bède. Le Sau-
veur quitte la Judée, qui, eu refusant de croire en lui, s'était ôté
l'honneur d'être le siège des prophéties, et il distribue dans le désert
l'aliment de la parole divine à l'Eglise qui n'avait point d'époux. Et
lorsqu'il se retire dans le désert des nations, une multitude innom-
brable de fidèles sortent des murs de leur vie ancienne et de leurs di-
verses croyances pour s'attacher à ses pas.
S. Ambr. Or, Jésus-Christ accueille avec bonté ceux qui ne se lassent
point de le suivre, le Verbe de Dieu s'entretient avec eux, non des
(1) Cette citation est empruntée pour une partie à l'homélie 50 sur saint Matthieu, et pour
l'autre à l'homélie 41 sur saint Jean.
tur : « Et sublatum est r[uod superavit
l'ragmentoruin cophini duodeciin. » Ut
hiuc esset manifesta cerlificatio quùd
opus charitatis in proximos uberem
vendicat retributionem a Deo. Tueopii.
Et ut addisceremus quantum liospitalitas
pole5t,et quantum augentur nostra, cum
iudigeutibus subveftiimus. Cdrys. (hi
Cat. Grœconim Patrum.) Fecit autem
superabuudare, non panes, sed frag-
menta, ut ostendat illorum panum esse
reliquias; qu£e tôt factaisunt, ut totidcm
essent cophini quot et discipuli.
Ambr. Mystice autem postquam illa
quae Ecclesiai lypum accepit, a fluxu
curata est sanguinis, postea quam apos-
toli ad evangelizandum regnum Dei
sunt destinati, gratiaj cœlestis impertitur
alimentum. Sed quibus impertiatur
adverle : non otiosis, non in civitate
quasi in synagoga vel seculari dignitate
residentibus, sed inter déserta quœren-
tibus Christum. Bkd. Qui derelicta
Judœa, quœ propheiiai sibiuon credendo
caput abstulerat , iu deserto Ecclesio;
quai virum non habebat, verbi pabula
largitur. Peteutem vero déserta gentium
Christum multœ fidehum catervae rehc-
tis mœuibus priscae conversationis et
variorum dogmatuin sequunlur.
Ambr. Qui autt-in non lustidiunt, ipsi
excipiniitiir a Glirislo, et min insis lo-
452
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
choses du temps, mais du royaume de Dieu, et si quelques-uns souûrent
quelque douleur corporelle, il applique sur leurs blessures un remède
salutaire. En toute circonstance d'ailleurs, il garde un ordre mysté-
rieux, c'est-à-dire, qu'il guérit d'abord les blessures intérieures par
la rémission des péchés, et prodigue ensuite avec abondance la nour-
riture de la table céleste. — Bède. C'est au déclin du jour qu'il nourrit
la multitude, c'est-à-dire, lorsque la fin des temps approche, ou bien,
lorsque le soleil de justice s'est incliné et a disparu pour nous (1). —
S. Amer. Cependant le Sauveur ne donne pas immédiatement à cette
multitude les aliments les plus nourrissants. Les cinq pains sont le
premier aliment qu'il leur donne comme le lait aux enfants; le second,
les sept pains, et le troisième, le corps de Jésus-Christ, qui est la nour-
riture la plus substantielle. Or, s'il en est qui appréhendent de de-
mander leur nourriture, qu'ils abandonnent toutes choses et se hâtent
de venir entendre la parole de Dieu. Celui qui commence à entendre
cette divine parole, éprouve bientôt le sentiment de la faim; les
Apôtres s'en aperçoivent, et si ceux qui ressentent ce besoin, ne com-
prennent pas encore ce qu'ils désirent, Jésus- Christ le comprend, il
sait qu'ils ne soupirent point après les aliments grossiers, mais après
la nourriture céleste qui est Jésus-Christ. Les Apôtres n'avaient pas
encore compris que la nourriture du peuple fidèle ne s'achète pas
comme un aliment ordinaire, mais Jésus-Christ savait que c'est
nous-mêmes qui avions besoin d'être rachetés, tandis que la nour-
riture qu'il nous destinait devait nous être donnée gratuitement.
BÈDE. Les Apôtres n'avaient encore que les cinq pains de la loi mo-
saïque, et les deux poissons des deux Testaments, qui étaient cachés
(1) C'est Jésus-Christ qui est ainsi appelé par le prophète Malachie (chap. iv, vers. 2) ; comme
saint Jérôme l'indique dans ses commentaires sur ce prophète, et Eusèbe plus expressément en-
core dans sa Démonstration éuangélique, livre v, chapitre 29.
quitur Dei Verburu, iiou de âecularibus,
sed de regno Dei ; et si qui corporalis
geruut ulcéra passionis, bis mediciaam
suam libenter indulget. Ubique autem
mysterii ordo servatur, ut prius per re-
missionem peccatorum vulaeribus me-
dicina tribuatur , postea vero alimouia
men-ae cœlestis exuberet. Bed. Die
autem déclinante, turbam reficit; id
est, iu fine seculoium appropiuquaute ;
vel cum Sol justitiœ pro uobis occubuit.
Amer. Quamquam uondutu validioribus
ha;c turba reûciatur alimeutis. Primum
enim in modum lactis quinque sunt
panes; secundum^ septem; tertium cor-
pus Cbristi est esca solidior. Si quis
autem pelere cibum veretur^ ipse relic-
tis suis omnibus festiuet ad Dei verbum.
Dutn autem aliquis audire incipit Dei
verbum, incipit esurire. Incipiunt apos-
toli esurieutem videre : et, si illi qui
esuriunt, adbuc non intelligaut quid
esuriaut, iutelligit Cbristus : scit quod
non secularem cibum esuriant, sed ci-
bum Cbristi : nondum enim intellexe-
raut apostoli cibum populi credentis
non esse venalem. Noverat Cbristus nos
potius esse redimendos, suas vero epu-
las esse gratiiilas.
Beda. Nondum erant apostolis nisi
quinque panes Mosaicae legis, et duo
pisces utriusque TesLameuli, quae in
DE SAINT LUC, CHAP. IX. 453
dans les profondeurs obscures des mystères comme dans les eaux de
l'abîme. L'homme a reçu cinq sens extérieurs; les cinq mille hommes
Cjui marchent à la suite du Seigneur, figurent donc ceux qui, vivant
au milieu du monde, font un bon usage des biens extérieurs qu'ils
possèdent. Ils se nourrissent des cinq pains, parce qu'ils ont encore
besoin d'être dirigés par les préceptes de la loi. Car pour ceux qui
renoncent pleinemenl au monde, la nourriture de l'Evangile les fait
parvenir à une perfection sublime. Les divers groupes qui se nour-
rissent de ces pains , figurent les assemblées particulières de l'Eglise
par toute la terre, et qui toutes ne font qu'une Eglise catholique.
S. AiiBR. Dans le sens spirituel, ce pain qui est rompu par Jésus,
est la parole de Dieu, et tout discours qui a Jésus-Christ pour objet,
et ils se multiplient quand on les distribue, car c'est au moyen d'un
petit nombre de discours qu'il a donné à tous les peuples une abon-
dante nourriture. Il nous a donné ses divins enseignements, comme
autant de pains qui se multiplient en devenant notre nourriture. —
BEDE. Or, le Sauveur ne crée pas de nouveaux aliments pour rassa-
sier la faim de cette multitude, mais il prend ceux qu'avaient les
Apôtres, et il les bénit, parce qu'en eifet, dans le cours de sa vie mor-
telle, il n'annonce point d'autres vérités que celles qui ont été pré-
dites par les prophètes, et il nous fait voir les oracles prophétiques
pleins des mystères de la grâce. Il lève les yeux au ciel,' pour nous
apprendre à diriger vers le ciel toute la force de notre esprit, et à y
chercher la lumière de la science. Il rompt les pains et les donne à
ses disciples pour les distribuer au peuple, parce que c'est aux Apôtres
qu'il a dévoilé les mystères de la loi et des prophètes, en les chargeant
de les annoncer par tojite la terre.
abdito mysteriorum latentium quasi
aquis abyssi tetrpbantur.On'avero quin-
que snnt exterioros hominis sensus,
quinqne milïia viri Dominum secuti
ilesiijnant eos qui in seculari ailhuc
babilu positi, exteriorihus <|urR possi-
dent, bene nti noverunt : qui quiuque
Iianibiis aluntur, quia taies uecesse est
Iffiaiibus adbuc prai^ceptis iustrui. Nani
qui niundo ad intesrum reuuntiant,
pvangelica refertione suldiiuos sunt.
iJiversi autoui couvivantium discul)ilus,
desianant diversos per orbpui lerraruni
ecclesiarnm onnventus, qui unain catlio-
iicam tac i un t.
Ambr. llic vero pnuis . qunm iVanjjit
J»\=ius, niysfioe quidom Dei verbuin est
ot sprmo do Christo ; qui rum divi-
ditur, augetur : de paucis enim ?ernio-
nibus ouinibus popidis redundantoin
aliinoniam ministravit. Dédit sermones
nobis velut panes , qui dum no?tro li-
bantnr ore , creniinantur. Beda. Turbis
autem esurientibus Saivator non nova
créât cibaria, sed acceptis liis qurp ha-
l)Uprunt discipuli , bonedixit; quia ve-
niens in carne non alia quani prtpdicta
sunt, prfpdicat . sed propbetia? dicta
mysteriis gratife gravida denionsirat.
liespicit in cœluni , ut iiluc diriiïeu-
dani mentis aciem , ibi hiceui scien-
tife doceat esse qurerendaui. Frangit,
et ante turbas ponenda distribuit dis-
cipuli?, quia leds et propbetim sacra-
niputa Pis ut per luunduui prirdiiput
pafpf'pcil.
454
EXPLICATION l>E L EVANGILE
S. Ambr. Ce n'est pas sans dessein que les restes de ces pains sont
recueillis par les disciples, parce que les choses divines se trouvent
plus facilement auprès des élus que parmi le peuple. Heureux celui
qui peut recueillir le superflu des âmes versées dans la science divine.
Mais pourquoi Jésus-Christ a-t-il voulu qu'on remplit douze cor-
heilles des morceaux qui restèrent, si ce n'est pour délivrer le peuple
juif de cette servitude que le Roi-prophète rappelait en ces termes :
« Leurs mains servaient à porter sans cesse des corbeilles ? » [Ps. lxxx.)
C'est-à-dire que ce peuple qui était condamné à porter de la terre
dans des corbeilles {Exode, i et vi), travaille maintenant par les mé-
rites de la croix de Jésus-Christ, à gagner le pain de la vie céleste. Et
cette grâce n'est pas le privilège d'un petit nombre, elle est accordée
à tous les hommes ; ces douze corbeilles, en effet, figurent la multipli-
cation et l'affermissement de la foi dans chaque tribu. — Bède. Ou
bien encore, les douze paniers figurent les douze Apôtres et tous les
<locteurs qui sont venus à leur suite; au dehors, les hommes n'avaient
pour eux que du mépris, mais au dedans, ils étaient remplis des pré-
cieux restes de la nourriture du salut.
f. 18-22. — Un jour qu'il priait seul dans un lieu solitaire, ayant ses disciple^
avec lui, il leur demanda : Qui dit-on que je suis? Ils lui répondirent : Les
uns disent Jean-Baptiste, d'autres Elle, d'autres un des anciens prophètes qui
est ressuscité. Et vous, leur demanda-t-il, qui dites-vous que je suis? Simon
Pierre répondit : Le Christ de Dieu. Mais il leur défendit avec menace de le
dire à personne. H faut, ajouta-t-il, que le Fils de l'homme souffre beaucoup,
qu'il soit rejeté par les Anciens, les Princes des Prêtres et les Scribes, qu'il
soit mis à mort, et qu'il ressuscite le dernier jour.
S. Cyr. Le Seigneur se sépare de la foule, et cherche la solitude
Ambr. Non oliose auleiii quae lurbse
supersuut a discipulis coUiguntur, quia
oa quœ diviua sunt , apud eleclos faci-
lius possis quaiu apud populos reperire.
Beatus ille tjui potest coUigere i\\x?e. etiani
doclis supersiut. Qua ratioue autem
cophinos Christus duodecim iiuplevil,
iiisi ut illiid populi judalci solverel ;
([uia« manus ejus ia copliino servie-
runl ■? » etc. {Psal. 80.) Hoc est^ populus
qui aute lutum copliinis colUgebat , liic
jam per crucem Christi vitae cœlestis
operalur alimouiam. Nec paucorum lioc
inunus, sed omnium est. Nam per duo-
decim cophinos tanquam tribuum sin
gularum fidei iirmamentum redundat
Red. Vel per copliinos duodecim apos-
toli figurauUir. et omnes sequeutes doc-
tores; foris quidem homiuibus despecli.
sedintus salutaris cibi reliquiis cumulati.
Et factura est cum solus esset orans , erant mm
illo et discipuli ; et inlerrogavit illos, dice.ns :
Quem me dicunt esse turbœ ? At itli responde-
runt et dixerunt : Alii Joannem Baptistani ;
alii autem Eliam;alii vero r/'iia unus pro-
pheta de prioribus surrexit. Dixit autem illis:
Vos autem quem me esse dicilis ? Respondens
Simon Pelrus, dixit : Chrislum Dei. At ille
increpans illos prœcepit ne eui dicerent hoc ,
dicens quia oportet Filium hominis mulla
pati, et reprobari a senioribus, et a principi-
bus sacerdotum et scribis , et occidi , et tertia
die resurgere.
Cyril, [in Cat. Grœcoruni Patrvm.)
Sequestratiis a populis Domiuus , et
seorsum po.ntus vacabat orationibus :
DE SAINT LUC, CUAP. IX. 455
pour se livrer à la prière : « Un jour qu'il priait seul dans un lieu so-
litaire, » etc. Il se donnait ainsi comme exemple à ses disciples, et leur
apprenait à se rendre facile la pratique de sa doctrine. C'est ainsi
que les pasteurs des peuples doivent leur être supérieurs par l'émi-
nence de leurs vertus, et leur donner l'exemple d'une application
constante aux devoirs de leur ministère et aux œuvres qui sont
agréables à Dieu. — Bède. Les disciples se trouvaient avec le Sau-
veur, mais nous le voyons seul prier son Père, parce que les saints
peuvent bien être unis au Seigneur par les liens de la foi et de la
charité, mais le Fils seul peut pénétrer les incompréhensibles secrets
des conseils de Dieu. Il prie donc seul en toutes circonstances, parce
que les prières de l'homme ne peuvent comprendre les desseins de
Dieu, et que nul ne peut entrer en participation des sentiments les
plus intimes de Jésus- Christ.
S. Cyr. Cependant cette application à la prière pouvait étonner les
disciples, qui voyaient prier, comme un faible mortel, celui qu'ils
avaient vu faire des miracles avec une autorité toute divine. C'est
donc pour dissiper leurs incertitudes qu'il les interroge, il n'ignorait
pas sans doute les témoignages éclatants que le peuple lui rendait,
mais il voulait dégager ses disciples des fausses idées qu'un grand
nombre s'était faites à son sujet, et leur inspirer les sentiments d'une
foi éclairée et véritable : « Il les interrogea, disant : Qui dit-on que je
suis? » etc. — BÈDE. C'est dans un dessein plein de sagesse que le
Sauveur avant d'éprouver la foi de ses disciples, leur demande ce que
la foule pense de lui , car il veut que leur profession de foi ait pour
fondement, non l'opinion de la multitude, mais la connaissance de la
vérité, et qu'ils croient après avoir examiné, au lieu d'être comme Hé-
rode, dans l'incertitude "sur ce qu'ils auraient entendu dire. — S. AuG.
unde dicitur : « Et factum est , cura
solus esset orans, » etc. Formam euim
in hoc seipsuni constituebat , doceus
discipulos artem facilem doctriualium
dogmatum. Reor enim oportere populu-
rum antistites eliara luerilis prajesse
subditis suis, in rebuà necessariis jugiter
conversantes, et illa tractantes quibus
Deus placatur. BiiD. Aderaut auleui dis-
cipuli Domino , sed ipse Patrem solus
oravil; quia possunt saucti Domino fidei
amorisque socielate conjuugi, sed in-
oomprehensibilia palornai dispositiouis
arcana solus uovit Filius penetrare :
ubique ergo solus obsecral, quia Dei
i.onsilium humana vota non capiuiit,
neque quis(iuam potest inlerioruui par-
tii.-eps esse cum CÎiristo.
Cyril, {ubi supra.) Poterat autem ora-
tionisuegotium turbarediscipulos : vide-
bant enim Imnianitus orare, queni olim
viderant auctoritate divina peragentem
miracula. Ut igilur hujusmodi propelle-
ret turbationem, eos interrogat; non
quia nesciretab exterioribus sibi collata
pr.x'conia, sed ut eos a pUirium opinions
auferret, et rectam fidem eis insererct.
Unde sequitur : « F,t inlerrogavit illos
dicens : Quera me dicunl esse turbae ? »
Bed. Pulc'ire Dominas fidem discipu'o-
rum pxploratus, prius turbarum senten-
tiam interrogat; ne illorum confessio,
non veritatis agnitione probala , sed
vulgi videalur opinione formata; nec
comperta credere, sed instar Herodis de
audilis bœsitare putentur. Art;, {de
456
EXPLICATION DE L ÉVANGILE
{de Vacc. des Evang., ii, 53.) On peut se demauder comment saint
Luc a pu dire que le Seigneur interrogea ses disciples sur ce que les
hommes pensaient de lui, lorsqu'il était seul à prier, et qu'ils le sui-
vaient, tandis que, d'après saint Marc, il les interrogea en chemin ;
mais cela ne peut faire difficulté que pour celui qui pense que le Sau-
veur n'a jamais prié chemin faisant.
S. Ambr. L'opinion de la foule que les disciples rapportent n'est pas
indifférente • « Ils lui répondirent : Les uns disent Jean-Baptiste
(qu'ils savaient avoir été décapité), les autres Elie (qu'ils croyaient
devoir venir), d'autres, un des anciens prophètes qui serait ressus-
cité. » Mais je laisse à de plus habiles d'approfondir ces paroles,
car si l'apôtre saint Paul se glorifiait de ne savoir que Jésus- Christ et
Jésus-Christ crucifié (I Cor., ii), quepuis-je moi-même désirer que cette
divine science de Jésus? — S. Cyr. Mais voyez quelle sagesse dans
cette question ; le Sauveur reporta d'abord leurs pensées sur les té-
moignages extérieurs que le peuple lui rendait^ pour en détruire l'im-
pression dans leur esprit, et leur donner une juste idée de sa personne
divine. Voilà pourquoi il demande à ses disciples qui lui rapportent
l'opinion du peuple, quel est leur propre sentiment : « Et vous, leur
demanda-t-il, que dites-vous que je suis? » Quelle glorieuse distinc-
tion dans ce mot : « Et vous ! » Il les sépare de la foule pour leur en
faire éviter les préjuges, comme s'il leur disait : Vous, que j'ai appelés
à l'apostolat par un choix tout particulier, vous, les témoins de mes
miracles, que dites-vous que je suis? Pierre prévient tous les autres,
il devient l'organe de tout le collège apostolique, il révèle les senti-
ments d'amour dont son cœur déborde, et proclame sa confession de
foi : « Simon Pierre répondit . Le Christ de Dieu. » 11 ne dit pas sim-
Cons. Evang., lib. ii , cap. 53.) Potest
autem illud movere quod Lucas Domi-
mim interrogasse discipulos suos, quem
illum dicereut homiues, tune dixit, cum
esset solus orans, et adessent etiaui ipsi ;
porro autem Marcus in via dicit illos hoc
ab eodem interrogatos ; sed hoc eum
niovet qui putat quia nunquam oravit
in via.
Ambros. Non est autem otiosa turbse
opinio, quam discipuU respondent, cum
subditur : « At ille responderunt et dixe
runt : AUi Joannem Baptistam (quem
decoUatum sciebant), alii autem EUam, »
quem venturum putabant; « alii auleni
quia propheta unus de prioribus surre-
xit. » Sed hoc quterere alteriiis pru-
dentise est : nam si Paulo Apostolo satis
est nihil scirc, nisi Christum Je>um . i t
liunc crucifixum (I Cor,, 2), quid am-
phus mihi desiderandum est scire quam
Christum? Cyril, {ubi sup.) Vide autem
interrogationis elegantiam. Dirigit enim
prias eos ad extrinsecas laudes , ut eis
evulsis veram opinionem generet : unde
cum dixissent discipuU plebis opinio-
nem, eorum sententiam inlerrogat, cum
subdilur : « Dixit autem illis : Vos autem
quem me esse dicitis ? » 0 ! quam prœ-
cipuum ilhid vos! Excipit eos ab aUis,
ut eorum vitent opiniones : quasi dice-
ret : Vos qui censura mea vocati estis
ad apostolatum , testes miraculorum
meorum, quem me esse dicitis ? Preeve-
nit autem Petrus cseteros , fitque os
totius coUegii, eructatque diviui amoris
eloquia ; profertque fidei confessionem.
cum dicitur : <( Respondens auteu) Pelnis
DE SAINT LUC, CHAP. IX. 457
plement : « Christ de Dieu, » mais avec l'article, « le Christ de Dieu, »
par excellence, c'est pourquoi nous lisons dans le grec, -;v Xpu-iv; il
en est un grand nombre, en effet, qui, ayant reçu l'onction de Dieu,
ont été appelés Christs sous divers rapports, les uns ayant reçu l'onction
royale, les autres l'onction prophétique (1). Nous-mêmes, en vertu de
l'onction du Saint-Esprit qui nous a été donnée par Jésus-Christ, nous
avons reçu le nom de Christs, mais il n'y en a vraiment qu'un seul qui
soit le Christ de Dieu et du Père, parce qu'il est le seul qui, dans un sens
véritable ait pour Père lielui qui est dans les cieux. Ainsi expliquées,,
les paroles que saint Luc met dans la bouche du prince des Apôtres,
s'accordent avec celles que lui prête saint JMattbieu : « Vous êtes le
Christ, Fils du Dieu vivant. » Saint Luc n'a fait qu'abréger ces pa-
roles, en lui faisant dire : « Le Christ de Dieu. » — S. Ambr. Dans ce
seul nom, en effet, se trouvent exprimées la divinité du Sauveur, son
humanité et la foi en sa passion. Pierre a donc tout embrassé dans
cette seule expression, la nature aussi bien que le nom qui est comme
l'abrégé de ses perfections.
S. Ctr. Remarquez l'extrême prudence de Pierre, qui confesse un
seul Christ, condamnant ainsi ceux qui ont la témérité de diviser
l'Emmanuel en deux Christs différents; car il ne leur demande pas :
Qu'est le Verbe divin au jugement des hommes, mais : « Qui dit-
on qui est le Fils de l'homme ? » Et c'est lui que Pierre confesse être
le Fils de Dieu. C'est en cela qu'il est vraiment admirable, et qu'il a
été jugé digne des plus grands honneurs, que d'avoir cru et pro-
clamé le Christ du Père, celui qu'il contemplait dans une forme liu-
(I) On pourrait ajouter : i D'autres l'onction sacerdotale, ce qui leur a fait aussi donner le nom
Hc Christs. » (U Machab., i, iO.) I^our les rois et les prophètes. (Voyez I Paralip., x\i, 22, etc.)
dixit : Christiim Dei : » non simplicifer
eum esse « Christura Dei , » seJ niagis
cum articulo : unde in Grcoco habelur,
TÔv XpicïTÔv , nam plures divinitus uncti
diversiniodo vocati sunt christi : quidam
enim uncli fuerunt in reges, quidnm in
prophelas. Nos autem pcr Cliristuni
Sancto peruncti Spiritu nomen oblinui-
nius Christi, sed unus soins est, qui est
Christus Dei et Palris, quac-i ipso solo
propriuni habente Palrein qui in coilis
est : et sic Lucas concordat quideni in
sententiis oum Matllifeo, qui narravit
Petrum di.xisse : « Tu es Christus Filius
Dei vivi;» sed ulens breviloquio, ait
eum* dixisse : « Clirislum Dei. » Amiir.
In uno enim hoc nomine, et Divinitatis,
et iucarnationis expressio, et fides est
passiouis. Complexus est itaque omnia,
qui et uaturam et nonwn expressit , in
quosumma virtutum est.
Cyuil. (ubiiupra.) St;d uolaudum quod
uuuin coufessus est esse Christum pru-
deutissimus Pclrus; conlra prajsumeutes
Enunanueleui in duos christos dividere :
ueque enim sciscitatus est eos dicens :
« Quem dicunt homiues esse divinum
Verbum? )< sed, « Filium homiuis'? »
Ouem Pctrus confessus est esse Filium
Dei. In hoc ergo admiraudus est, et
dignus factus tam pr;ecii)uis lionoribus;
quia quem admiiaLus est in forma nos-
tra, hune credidit esse « Christum Pa-
tris, » scilicet hominem factum Ver-
458
EXPLICATION DE L EVANGILE
maine, c'est-à-dire que le Verbe, engendré de la substance du Père,
avait daigné se faire boramc.
S. Ambr. Cependant Notre-Seigneur ne veut pas encore que sa di-
vinité soit proclamée parmi le peuple, pour éviter toute agitation :
« Mais leur parlant avec empire, il leur enjoignit de ne le dire à per-
sonne. » Il commande le silence à ses disciples pour plusieurs raisons,
pour tromper le prince du monde, pour fuir toute vanité, pour nous
enseigner l'iiumilité. Jésus-Christ n'a donc point voulu de la gloire
humaine, et vous qui êtes né dans l'obscurité , vous la recherchez
avec empressement? Il voulait aussi que ses disciples, encore gros-
siers et imparfaits, ne fussent point opprimés sous le poids d'une pré-
dication trop relevée. Il leur défend donc d'annoncer qu'il est le Fils
de Dieu, afin que plus tard ils puissent prêcher publiquement ses
souffrances. — S. Chrts. {hom. 55 in Matth.) Le Sauveur a défendu
à ses disciples de dire à personne qu'il était le Christ, pour une autre
raison non moins pleine de sagesse. Il voulait qu'après avoir fait dis-
paraître tout sujet de scandale et consommé le supphce de la croix,
tous ceux qui entendraient la prédication évangélique, eussent de lui
une idée juste, car les préjugés qu'on déracine et qu'on arrache tout
d'abord, peuvent difficilement rentrer et obtenir créance dans le
même esprit; mais ceux qu'on laisse se développer en toute liberté
sans les arracher, croissent et s'enracinent avec une merveilleuse faci-
lité; car si une simple allusion aux souffrances de Jésus-Christ suffit
pour scandaliser Pierre, que serait-il arrivé au plus grand nombre,
lorsque ayant appris qu'il était le Fils de Dieu, il l'aurait vu crucifié
et couvert d'opprobres? — S. Cyr. Il fallait donc que les disciples por-
tassent son nom jusqu'aux extrémités de la terre, et cette œuvre
était réservée à ceux qu'il avait appelés à l'apostolat; mais, comme
bum quod processit de Patris substan-
tia.
Ambr. Dominas autem Jésus Christus
prfedkari se primo noluit, ne ullus stre-
pitus nascerelur : unde seqaitur : « At
ille increpans eos praecepit ne cui dice-
rent hoc : » multis ex causis jubet ta-
cere discipulos; ut faliat principem
mundi, déclinât jactantiam, et doceat
humilitatem : ergo Cliristus noluit glo-
riari, et tu qui iguobilis natus es, gloria-
ris? Simul ne rudes et imperfecti adhuc
discipuli maximœ preedicationis molibus
opprimautur. Proliibentur ergo evauge-
lizare eum Bei Filium, ut evaugeliza-
rent postea crucifixum. Chrys. {//oinil.
55, in Matth.) Opportune etiam Domi-
nas tune vetuit uuUi dicere quod ipse
esset Christus, quatenus sublatis de me-
dio scandalis, et crucis consummato pa-
tibulo, habituahter imprimeretur audien-
tium menti conveniens de eo opinio :
nam radicatum semel et postmodum
evulsum, vix unquam denuo insitum re-
tinebitur : quod autem semel insitum
persévérât immobile, de facili concres-
cit : nam si Petrus ex solo audilu scan-
dalizatus est, quid quamplures pateren-
tur, cum audissenl FUium Dei esse,
vidèrent autem crucifixum et couspu-
tum? Cyril, [ubi supra.) Oportebat ergo
discipulos eum ubique terrarum praîdi-
care : hoc enim erat opus electorum ab
eo ad apostolatus officium : sed ut sacra
DE SAINT LUC, CHAP. IX. 459
l'atteste l'Esprit saint, « il y a temps pour toute chose » {EccL, m), et il
fallait que^la passion et la résurrection fussent accomplies, avant que
les Apôtres prêchassent l'Evangile : « Il faut, disait-il, que le Fils de
l'homme soufifre beaucoup, » etc. — S. Ambr. Peut-être aussi, Notre-
Seigneur, qui savait toute la peine que ses disciples auraient à croire
le mystère de sa passion et sa résurrection, voulut en être le premier
prédicateur.
f. 23-28. — Puis, s'adressant à la foule, il disait : Si quelqu'un veut venir
après moi, qu'il se renonce lui-même, qu'il porte sa croix chaque jour, et me
suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, et celui qui perdra sa vie
à cause de jnoi la sauvera. Et que sert à l'homme de gagner le monde entier à
son détriment et en se perdant lui-même? Car si quelqu'un rougit de moi et
de mes paroles, le Fils de l'homme rougira de lui, lorsqu'il viendra dans sa
majesté, et dans celle du Père et des saints anges. Et je vous le dis en vérité,
quelques-uns de ceux qui sont ici présents, ne goûteront point la mort qu'ils
n'aient vu le royaume de Dieu.
\
] S. Cyr. Les valeureux capitaines, qui veulent inspirer plus de cou-
I rage et de hardiesse à ceux qui parcourent avec eux la carrière des
i armes, ne se contentent pas de leur promettre les honneurs de la vic-
' toire, mais cherchent à leur persuader qu'il y a de la gloire même à
supporter les souffrances. Notre-Seigneur Jésus-Christ agit de même
à l'égard de ses Apôtres. Il leur avait prédit qu'il aurait à souffrir les
' nsations calomnieuses des Juifs, qu'il serait mis à mort, et qu'il
-usoiterait le troisième jour. Mais ils pouvaient croire que ces
souffrances devaient être le partage exclusif de Jésus-Christ, sauveur
du monde, tandis qu'il leur serait permis de mener une vie molle et
Husuelle ; il leur apprend donc qu'ils ont à livrer les mêmes combats,
Scriptura testatur {EccL, 3) : « Tempus
est unicuique rei : » decebat enim ut
crux et resurrectio impleretur, et sic se-
queretur apostoloruin prœdicatio. Unde
sequitur : ■< Diceus quia oportet Filium
bominis mulla pati, » etc. Ambr. For-
tasse quia sciebat Dominus difficile pas-
sionis et resurrectiouis aiysteriuni etiaui
discipulos credituros, ipse vobiit esse
suœ passionis et resurrectiouis assertor.
I Dicehat nulem ad omnes : Si quis vult post me
venire, abneget semetipsum , et tollat crucem
iuam quolidii , et sequatur me : qui enii/i vo-
luerit animam suam salvam facere, perdet il-
lam : nam qui perdiderit animam suam prop-
ter me, salvam faciet illam. Qaid enim profi-
rit homo, si lucretur unicersum mitiidum , se
autem ipsum perdat , et delrimentum sui fa-
cial ? Nam qui me crubuerit et meos sermones,
hune Filius hominis erubeseet cum venerit in
majestate sua et Patris, et sanctorum ange-
lorum. Dico autem vobis vere : sunt aliqui
hic stantes, qui non yustabunt mortem, donec
videant regnum Dci,
Cyril, (in Cat. Grœcorum Patrurn.)
Ducum magnauinii streuuos in aruiis ad
audaciam provocaut; nou solum eis bo-
uores poUiceudo victoriœ, sed etiam ip-
sum pati gloriosum esse dicentes. Taie
quid videmus docere Douiinum Jesum
Cliristum : praedixerat enim apostolis
quod oporteiet cum pcrpeli Judreorum
calumnias, occidi, "t Icrlia die resurgere.
Ne igitur putarent Ciuislum quidem pas-
surum perseculiouespro vita muudi, eis
vero lii-eret moUem vitura duceve, osleu-
dit quod per œqua cerlauiina nccessario
gradi decet cupieotes ejus gloriam obli-
460
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
s'ils désirent partager sa gloire : « Il disait donc à tout le monde. » —
BEDE. Remar<]uez ces paroles : « Il disait à tous , » parce qu'en effet
c'était avec les disciples seuls qu'il avait traité de tout ce qui concer-
nait la foi à sa naissance ou à sa passion.
S. Chrys. [hom. 56 sur S. Matth.) Notre-Seigneur , plein de dou-
ceur et de bonté , ne veut point qu'on le serve forcément et à regret,
mais volontairement , et eu lui rendant grâces d'être à son service ;
aussi il ne force, il ne violente personne , mais c'est par la persuasion
et par les bienfaits, qu'il attire à lui tous ceux qui désirent le suivre :
« Si quelqu'un veut. » — S. Bas. [Const. mon. , iv.) En disant : « Si
quelqu'un veut venir après moi (1), » il se propose lui-même comme
modèle de la vie parfaite à ceux qui veulent suivre ses divins ensei-
gnements, et il les invite , non pas à le suivre corporellement (ce qui
serait impossible , puisque Notre-Seigueur est maintenant dans les
cieux), mais à suivre fidèlement les exemples de sa vie , selon la me-
sure de leurs forces. — Bède. Il faut nécessairement se détacher de
soi-même, si l'on veut s'approcher de celui qui est au-dessus de nous,
suivant ces paroles du Sauveur : « Qu'il se renonce hu-mèrae. » —
S. Bas. {règle expliq., quest. 6.) L'abnégation de soi-même , c'est
l'oubli de toutes les choses de notre vie passée , et l'abandon de nos
propres volontés. — Orig. {traité ^ sur S. Maith.) On se renonce
encore soi-même quand on change les habitudes vicieuses d'une vie
mauvaise par la réforme entière de ses mœurs, et par une conversion
sincère et véritable ; par exemple , celui qui a longtemps vécu dans
les plaisirs, se renonce soi-même, quand il devient chaste, et ainsi
!1) Ce n'est point en expliquant ce passage que saint Basile fait cette réflexion, mais à l'occasion
de ces paroles du Sauveur rapportées par saint Jean : « Si quelqu'un veut être mon serviteur qu'il
me suive. « (Jean, xii, 21.)
nere. Unde dicitnr : « Dicebat aiitem ad
omnes. » Bed. Pulchre posuit, ad om-
nes ; qui superiora. quœ ad fidem domi-
uicae nativitatis vel passionis pertinent,
cum solis discipulis seorsiim esit.
Chrys. [homil. 56, in Mattlt.) Cura
auleai Salvator sit pius et benignus,
uuUum invitum aut coactum babere vult
famulum, sed spontaneos et gratias agen-
tes ei pro famulatu : et ideo neuiinem
cogendo aut neces-itatem iniponendo,
sed persuadeudû et benefac.ieudo , uni-
versos volentes attrabit, dicens : « Si
quis vult. » Basil, [in Constit. monast.,
cap. 4.) Vitam autera propriam in for-
inam optimae conversationis tradldit vo-
lentibus ei obedire, <um dicit : « Post
me venire; » non obsecntionem forno-
ralem iusinuans (esset euim in omnibusj
impossibilis Domino jam in cœlis exis-
tente), sed debitam conversationis prol
posse imitationem. Bed. Nisi autem quisi
a semetipso deficiat, ad eum qui supraj
ipsura est non appropinqnat. Unde dici-
tur : « Abucget semetipsum. » Basil.;
{■in Recjtilis fusius dispiitatis vd in-
terrog. 6.) Abnegatio quideiu sui ipsiuâ
est totalis prœterilorum oblivio, et re-
cessus a propriis vobintatibus. Orig.
[Tract. 2, in Mat'h.) Abnegat etiaml
aliquis seipsum, duin vilam prius inj
malitia consuetam alteratione débita sivel
bona conversionc commutât; qui duduin
in lascivia vixerat . abnegat semetipsuuij
laseivura, cum fit castiis; et similiterj
abstincntia rujn?lihot criminis sui ipsivsl
DE SAINT LUC, CHAP. IX. -461
toutes les fois qu'on s'abstient d'un vice quelconque , on se renonce
soi-même. — S. Bas. {règle.) Or, désirer mourir pour Jésus-Christ,
mortifier les membres de l'homme terrestre (Coloss., m), être disposé
à supporter courageusement toutes les épreuves pour Jésus-Christ,
n'avoir aucune afifection pour la vie présente , c'est véritablement
porter sa croix : « Et qu'il porte sa croix tous les jours de sa vie. » —
Théophyl. La croix, dans la pensée du Sauveur, c'est une mort igno-
minieuse , et il nous fait entendre ici que celui qui veut suivre le
Christ, ne doit point reculer devant la perspective d'une mort sem-
blable. — S. Grég. {hom. 32 sur FEvang.) On peut encore porter sa
croix de deux manières, ou lorsqu'on mortifie son corps par la péni-
tence, ou lorsque l'âme s'attriste et s'afflige en compatissant aux
souflrances des autres.
S. Grég. [ou le moine Isaac^ Ch. des Pèr. gr.) Notre -Seigneur
réunit à dessein ces deux choses : « Qu'il se renonce lui-même , et
qu'il porte sa croix ; » car de même que celui qui est prêt à monter
sur la croix , est tout disposé intérieurement à souffrir ce genre de
mort, et n'a plus que de l'indifférence pour la vie présente ; ainsi celui
qui veut suivre le Seigneur , doit d'abord se renoncer lui-même , et
ensuite porter sa croix, de sorte que dans son âme, il soit prêt à sup-
porter toute espèce de souffrance. — S. Bas. [explic. des règles,
qnest. 8.) La perfection consiste donc à tenir son âme dans une com-
plète indifférence pour la vie présente et à être toujours prêt à mou-
rir, en évitant toutefois la confiance en soi-même. Or, cette perfection
doit commencer par le renoncement aux choses extérieures , par
exemple, aux richesses , à la vaine gloire, et par le détachement in-
térieur de toutes les choses inutiles.
ubiieyulio erft. Basil, {ih Ite/julis., ut
sup.) Appelitus autem mords tolerandae
pro Cliristo, et mortificatio membrorum
quse suut super terrain {ad Coloss., 3),
et viriliter dispoui ad omne periculum
sustinendum pro Cliristo, et non affici
quemquam ad vitaiii praeientein, hoc est
tollere crucein suaiu : unde subdilur :
« Et tollat crucein suam quotidie. »
Theophvlact. Cruceiii hic dicit iiiorleiii
exprobrabilem ; iunueiis quod si qiiis
vult Christuui sequi, non débet cll'ii^'ere
propler ipsum etiaiu exprobrabilem inor-
teni. Greg. (m fiomil. 32, in Lratif/.)
Uuobus etiam modis criix tollitur^ duni
aul per abslinentiam aflligitur corpus,
aut per corapassionem aflicitiir aninius.
GR.tiG. (vei Isuac Monachus in C'a t.
Grxco7xnn Patmm.) Recle autem con-
juugit licBc duo : « Abnegel seiuetipsum,
et tollat crucem suam : » sicut enim qui
paratus est ascendere crucem , sumit in
mente sua inortis intentionem , sicque
vadit non œslimans amplius hanc vitam
jiarticipare, ita qui sequi vult Dominum,
primo débet abuegare seipsum, et sic
tollere crucem ; ut ejus volnntas sit
prompta ad omnem miseriam suslinen-
dam. Basil, {in Regidis fusitts dispu-
tatis ad interrog. 8.) In hoc igitnr con-
sistit perfectio, ut impassibiliter se lia-
beat secundum alîectum etiam ad ipsum
vivere; et habeat in promptu morlis
responsum, nequaquam in seipso conli-
dat. Sumit autem exordium perfectio ab
exteriorum alienatione ; puta possessio-
num vel inanis gloria;, vel praecisœ af-
feclionis inutilium rerum.
462
EXPLICATION DE L EVANGILE
BEDE. C'est donc pour nous une obligation de porter chaque jour
cotte croix, et de marcher à la suite du Seigneur, qui a voulu porter
lui-même sa croix : « Et qu'il me suive. » — Orig. Il donne la raison
de ce commandement, en ajoutant : « Car celui qui voudra sauver
son âme, la perdra, » c'est-à-dire celui qui veut jouir de la vie pré-
sente et de toutes les satisfactions qu'offrent à son âme les choses sen-
sibles, perdra son âme qu'il néglige de conduire au terme de la béa-
titude véritable. Il ajoute , au contraire : « Et celui qui perdra son
âme à cause de moi, la sauvera, » c'est-à-dire , celui qui méprise les
biens sensibles, et ne craint point par amour pour la vérité de s'expo-
ser à la mort, sauvera bien plutôt son âme et sa vie, dont il semble
faire le sacrifice à Jésus-Christ. Si donc c'est un véritable bonheur de
procurer à son âme le salut qui vient de Dieu , on peut dire que c'est
une perte heureuse, que de perdre son âme pour l'amour de Jésus-
Christ. On peut encore dire , par analogie avec ce renoncement tel
que nous venons de l'expliquer , que chacun doit perdre son âme
livrée au péché, pour prendre celle qui doit son salut à la pratique de
la vertu.
S. Cyr. Le Sauveur veut faire comprendre combien cette partici-
pation aux souffrances du Christ surpasse de beaucoup les jouis-
sances que donnent les plaisirs et les biens de ce monde, et il ajoute :
« Que sert à l'homme de gagner le monde entier, s'il vient à se perdre
lui-même à son détriment? » comme s'il disait : Qu'un homme , par
attachement aux douceurs et aux avantages de la vie présente, refuse
de souffrir, et aime mieux vivre, s'il est riche , au milieu du luxe et
de l'opulence, que lui en reviendra-t-il, lorsqu'il aura perdu son âme ?
Bed. Prsedictam igitur crucem quoti-
die tollere , et ea sumpta Dominum se-
qui jubemur, qui crucem propriam ba-
julavit. Unde sequitur : « Et sequatur
me. » Orig. (ui sup.) Hujus autem cau-
sam assignat, subdens : « Qui enim vo-
luerit animam suam salvam facere,
perdet illam : » id est, qui vult secun-
dum vitam prœsentem vivere, et pro-
priam animam in sensibilibus couser-
vare, hic eam perdet, non deducens eam
ad termines bealitudinis. E contrario au-
tem subdit ; « Nam qui perdiderit ani-
mam suam propter me, salvam faciet
illam : » id est, qui negligit sensibilia
iutuitu veritatis exponens se morti, hic
tauquam animam perdens pro Chiisto,
eam polius salvabit. Itaque si animam
salvari bealum est (relatum ad eam
quae est in Deo salutem) débet esse et
quaedam bona perditio animse, quae fit
intuitu Ghristi. Videtur etiam mihi per-
simile ei, quod est abnegare seipsum se-
cundum prœdicta, decere perdere quem-
libet propriam animam peccatricem, ut
sumat eam quae per virtutem salvatur.
Cyril, [tibi sup.) Quod autem incom-
parabiliter exercitium passionis Christi
superet delicias et pretiosa mundi , in-
sinuât subdens : « Quid proficit honiini
si lucretur universum mundum, seipsum
autem perdat, et detrimentum sui fa-
ciat? » Quasi dicat : Cum aliquis aspi-
ciens praesentem dulcedinem aut utilita-
tem, renuit quidem pati, eligit autem
splendide vivere si sit opulentus, quod
inde sibi commodum erit cum perdide-
rit animam? Transit enim hujus mundi
DE SAINT LUC, CHAP. IX.
463
Enefifet, » la figure du monde passe (I Cor., vu); les plaisirs dispa-
raissent comme l'ombre [Sag., v) ; les trésors de l'iniquité ne servi-
ront de rien^ mais la justice délivrera de la mort. » {Prov., x.)
S. Grég. {hom. 32.) La sainte Eglise traverse deux sortes de temps
dans la vie présente, les temps de persécution et les temps de paix, et
Notre-Seigneur donne ici des préceptes pour ces deux circonstances si
différentes. Dans les temps de persécution, il faut être prêt à sacrifier
son âme, c'est-à-dire sa vie, selon ces paroles : « Celui qui perdra sa
vie ; » dans les temps de paix , au contraire , il faut s'appliquer à ré-
primer les désirs terrestres, qui exercent sur nous une influence tyran-
nique, et c'est à quoi Notre-Seigneur nous engage par ces paroles :
« Que sert à l'homme de gagner tout l'univers, s'il vient à perdre son
âme? 0 Souvent nous méprisons les choses fragiles et passagères, mais"
nous sommes encore retenus par l'habitude du respect humain, qui
nous empêche de professer publiquement les sentiments de droiture et
de justice, que nous conservons au dedans de nous-mêmes. Notre-
Seigneur nous donne un remède convenable pour cette blessure :
« Car si quelqu'un rougit de moi et de mes paroles, le Fils de l'homme
rougira de lui. » — Théophyl. On rougit de Jésus-Christ , quand on
dit : Est-ce que je croirai à un crucifié ? On rougit de ses discours, en
méprisant la simplicité de l'Evangile. Or, le Seigneur rougira de celui
qui rougit de lui, comme un père de famille rougirait de nommer un
de ses mauvais serviteurs.
S. Cyr. Il pénètre ses disciples d'une crainte salutaire en leur annon-
çant qu'il descendra des cieux , non plus dans son premier état d'hu-
miliation, et sous une forme semblable à la nôtre, mais dans la gloire
du Père et au miheu des anges : « Lorsqu'il viendra dans sa majesté
figura (I ad Cor., 1), et amœna velut
umbra discedunt {Sap., b); non eaim
proderunt thesauri impietalis : eripit au-
tem a morte justilia. (Prov., 10).
Greg. {in liomil. 32 ut sup.) Quia
ergo sancta Ecclesia habet aliud teuipus
persecutiouiSj atque aliud pacis, Domi-
nus utraque tenipora desiguavit iu prœ-
ceptis. Nam perseculioniâ tempore po-
nenda est anima, iiJ est, vita, qnod
signifioavit dicens : « Qui perdiderit ani-
mam ; » pacis aulem tempore ea ijua;
amplius dominari possuut, frangeuda
sunt desideria terrena; quod significavit
dicens : « Quid proficit homini? » Ple-
rumque autem labentia cuucta despici-
mus, sed tamen adhuc humanaî vere-
cundiae usu prœpedimur, ut reclitudiaem
quam servamus in meute, uondum ex-
primere valeamus in voce. Sed buic
quidem vulneri congruum Dominus sub-
jungit medicamentum, dicens : « Naui
qui me erubuerit, et meos sermones,
hune Filius laouiiuis erubescet. » Theo-
PHYLACT. Erubescit Chrisluui qui dicit :
« Nunquid credam crucifixo ? » Sed et
sermones ejus erubescit, qui Evangelii
ruditatem conteuiuit : quod autem huac
Dominus erubescet in regno suo, taie
est sicut si aliquis paterfamiiias iiabens
servum pravum erubescat eum uominare.
Cyril, [ubl supra.) Incutit autem eis
timorem, dicens se cœlitus descensu-
rum, non in pristina humilitate et men-
sura proportionabili nobis, sed in gloria
Patris ministrantibus angelis. Sequitur
AU
EXPLICATION DK L EVANGILE
et dans celle du Père, et des saints anges. » Ce sera donc un malheur
afifreux de paraître avec le signe de l'inimitié , et les mains vides de
bonnes œuvres, lorsque ce grand juge descendra au milieu des célestes
cohortes des anges. Apprenez encore de là que pour avoir pris une
chair semblable à la nôtre, le Fils n'en est pas moins Dieu , puisqu'il
annonce qu'il viendra dans la majesté de Dieu son Père , environné
des anges qui exécuteront les ordres qu'il leur donnera comme juge
de tous les hommes, lui qui s'est fait homme semblable à nous.
S. Ambr. Toutes les fois que Notre-Seigneur excite ses disciples à la
pratique de la vertu par la perspective des récompenses éternelles , et
qu'il leur enseigne combien il est utile de mépriser les choses de la
terre, il soutient en même temps la faiblesse de l'esprit humain par
l'attrait d'une récompense présente. 11 est dur et pénible , en effet, de
porter sa croix , d'exposer son âme aux dangers , et son corps à la
mort, de renoncer à ce que vous êtes , lorsque vous voulez être ce
que vous n'êtes pas ; et il est rare que la vertu la plus éminente cou-
sente à sacrifier les choses présentes à l'espérance des biens futurs.
Aussi, notre bon Maître , pour prévenir toute tentation de découra-
gement ou de désespoir , promet qu'il se révélera immédiatement à
ses fidèles serviteurs: « Je vous le dis, en vérité, quelques-uns de
ceux qui sont ici présents, ne goûteront point la mort, qu'ils n'aient
vu le royaume de Dieu. »
Théophyl. C'est-à-dire la gloire dont jouissaient les justes; le Sau-
veur veut parler de la transfiguration qui était le symbole de la gloire
future, comme s'il disait : Quelques-uns de ceux qui sont ici (c'est-à-
dire Pierre, Jacques et Jean) ne mourront point avant d'avoir vu dans
ma transfiguration la gloire réservée à ceux qui auront confessé mon
enim : « Gum venerit in majestate sua,
et PatriSj et sanctorum angelorum : »
pessiimim igilur et damnosum notari
inimicitia, et operis inertia, quando tan-
tus Judex descendent agniinibiis cir-
cumstantibus angelorum. Hinc autem
percipias , quod carne sumpta et san-
guine Filins non nainus est Deus, quod
se poUicetur in majestate Dei Patris ven-
turum ; et quod ei tanquam judici om-
nium ministraluint angeli; qui factus est
liomo similis nobis.
Ambr. Semper autem Dominas sicut
erigit ad prsemia fiilura virtutum^ atqiie
utilem secularium rerum docet esse con-
temptum; ita etiam infirmitatem men-
tis humanse, prœsentium remuneratione
sustentât. Arduum quippe est crucem
toUere, et animam periculis, morti cor-
pus offerre; negare quod sis, cum velis
esse quod non sis; raroque quamvis ex-
celsavirtus futuris commutât prsesentia.
Ergo bonus magisler ne quis despera-
tione frangatur aut teedio , continuo se
videndum tidelibus pollicetur, dicens :
« Dico autem vobis vere : sunt aliqui
hic stantes, qui non gustabunt mortem,
donec videant regnum Dei. »
Theophylact. Id est, gloriam in qua
justi erunt : hoc autem dixit de transfî-
guratione, quas forma erat futurœ glo-
rise : ac si diceret : Sunt aliqui hic stan-
tes (scilicet Petrus, Jacobus et Joannes)
qui non attingent mortem donec in tem-
pore transfigurationis videant in qua
gloria erunt qui me confitentur. Greg.
DE SAINT LUC, CHAP, IX. 465
nom. — S. Grég. {hom. 32.) Ou bien , ce royaume de Dieu , c'est
l'Eglise actuelle , et quelques-uns des disciples devaient vivre assez
longtemps sur la terre pour voir l'Eglise de Dieu établie, et dominant
la gloire du monde. — S. Amer. Si donc nous voulons n'avoir pas à
craindre la mort , tenons-nous toujours auprès de Jésus-Gbrist ; car
ceux-là seuls ne goûteront point la mort , qui peuvent se tenir étroi-
tement unis à Jésus-Christ. Or , on peut conclure du sens propre de
ces paroles , que ceux qui ont mérité d'être admis dans la société de
Jésus-Christ , ne ressentiront pas les atteintes mêmes les plus légères
de la mort. Sans doute, ils goûteront, comme en passant, la mort du
corps, mais ils posséderont pour toujours la vie de l'âme ; car ce n'est
point au corps, mais à l'âme, qu'est accordé le privilège de l'immor-
talité.
t. 29-31. — Enriron huit jours aprè< qu'il eut dit ces paroles, Jésus prit avec
lui Pierre, Jacques et Jean, et monta sur une moitagne pour prier. Et pendant
qu'il priait, l'aspect de son visage cliangea, et son vêtement devint d'une
éclatante blancheur. Et voilà que deux hommes s'entretenaient avec lui ;
c'étaient Moïse et Elie environnés de gloire; et ils s'entretenaient de sa mort
qui devait s'accomplir à Jérusalem.
EisÈBE. Notre-Seigneur ne se contente pas de prédire le grand
mystère de sa seconde apparition, il ne veut pas que la foi de ses dis-
ciples repose uniquement sur des paroles, et il lui donne encore pour
fondement le témoignage des faits , en découvrant aux yeux de leur
foi une image de son royaume : « Environ huit jours après qu'il leur
eut dit ces paroles , il prit avec lui Pierre, Jacques et Jean , et s'en
alla sur une montagne pour prier. » — S. Jean Dajiasg. {dise, su?' la
{in hovi. 32, ul su p.) Vel rCjUnni De/
hoc loco praesens Ecclesia vocaLur; et
quidam ex discipulis usque adeo in cor-
pore victuri erant, ut Ecclesiaiu Dei
constructam conspicerent , et contra
niundi hiijus fïloriani erectaïu. Ambr.
Ilaque si et nos volumiis mortem non
tiniere, stcmns ubi Cliristus est. Soli
enim non queunt guslarc mortem, qui
stare possunt cuni Chri?to : in quo licet
ex vcrbis ipsius qualilate perpendere,
nec tenucm quidem sensum mortis ha-
biluros, qui Cbristi vidontur meruisse
consortia. Cerle mors corporis lihando
gustetur, vlla animae possidendo teuea-
tur : non enim hic mors corporis, sed
animae denegatur.
Faclum est aulem post liœc verbit fere (lies oclo ,
TOM V.
et assumpsil Pelriim, Jacobum et Joanuem, et
ascendit in montem ut oraret. Et facta est,
dura oraret, species vultus ejus altéra : et ves-
titus ejus albus et refulgens. Et ecce duo viri
loquebantur cum illo : erant autem Mot/ses
et Elias visi in majestate ; et dicebant ex-
cessuni , quem completurus erat in Hierusa-
lem.
KdSEB. {in C(it. Grœcorum Patrnm.)
Cum Dominiis discipulis suis secundaî
dpparilionis sure promulgaverit ingens
myslerium^ ne solis verbis credere vi-
derentur, procedit ad opéra; osteudens
eis oculata fide imagiuem regui sui :
unde sequitur : « Factum est autem post
ha'c verba fere dies octo , et assumpsit
Petrum , Jacobum et Joanuem , et as-
cendit in montem , ut oraret. >> Damas.
'Orr-f. (le Transfffvr.)'S]ii\[h;}'ns quidem
30
460
EXPLICATION DE L EVAN'ilEE
transf.) Saint Matthieu et saint Marc placent la transtiguratiou six
jours après la promesse faite aux disciples , taudis que saint Luc rap-
porte que ce fut huit jours après. Il n'y a toutefois aucune contradic-
tion dans leur récit; les deux Evangélistes qui ne parlent que de six
jours, n'ont pris que les jours intermédiaires, sans compter les extrêmes,
le premier et le dernier, c'est-à-dire celui où la promesse fut faite , et
celui de son accomplissement^ tandis que saint Luc , qui compte huit
jours, comprend les deux dont nous venons de parler. Or, pourquoi
le Sauveur n'admet-il pas tous ses disciples , mais quelques-uns seu-
lement à jouir de cette vision ? Il n'y en avait qu'un parmi eux (c'é-
tait Judas), qui fût indigne de voir cette révélation de la divinité,
selon ces paroles : « Faites disparaître l'impie , pour qu'il ne voie
point la gloire de Dieu (l). » Or, si Notre-Seigneur l'avait seul excepté,
sa jalousie eut donné un nouvel aliment à sa méchanceté ; le Sauveur
enlève donc à ce traître un prétexte à sa trahison, en laissant avec lui
tous les autres disciples au bas de la montagne. Il en prend trois avec
lui, pour que toute parole soit confirmée par deux ou trois témoins.
Il choisit Pierre, pour qu'il entendît le Père confirmer par son témoi-
gnage celui qu'il avait rendu lui-même à la divinité du Christ , et
aussi parce qu'il devait être le chef de toute l'Eglise. Il prend Jacques,
parce que le premier de tous les Apôtres , il devait donner sa vie pour
Jésus-Christ; enfin il choisit Jean comme l'interprète le plus pur des
secrets divins qui , après avoir été témoin de la gloire éternelle du
Fils, devait faire entendre ces paroles sublimes : « Au commencement
était le "Verbe. » — S. Ambr. Ou bien encore, Pierre monte avec Jésus
sur la montagne, parce qu'il devait recevoir les clefs du royaume des
(1) Selon la version des Septante, car la Vulgate porte : >. 11 a fait des actions injustes dans la
terre des saints, il ne verra point la majesté du Seigneur. » [Isa., xxvi.)
et Marcus sexto die post factam pro-
missionem discipulis, Lucas autem post
octavum dicit celebratam fuisse transfi-
gurationem : nec est dissonantia in
dictis, sed qui sex numeraverunt demp-
tis extremis, (primo dico et ultimo, quo
poUicitus est, et que fecit) médias com-
putaverunt; at qui octo connumeravit,
utrumque prœdictorum computavit. Sed
cur non omnes, sed aliqui vocati sunt
ad hanc visionem? Uuus quidem erat
qui solus indignus erat Divinitatis visione
(scilicet Judas), secundum illud (IsaL,
26) : « ToUatur impius , ne videat glo-
riam Dei : » si solus ergo esset dimissus,
tanquam invidus ad majorem esset ma-
litiam provocatus : proinde proditori
tollit proditionis occasionem, cum dimi-
misit inferius reliquam aposlolorum
congeriem. Assumpsit autem très, ut iu
duobus vel tribus testibus stet omne
verbum. Petrum quidem assumpsit, vo-
iens testimonium quod testatus fuerat.
ei ostendere per Patris teslimouium
confirmari, et quasi praesidem mlurum
totius Ecclesise : sed Jacobum assumpsit
tanquam moriturum pro Ciiristo ante
omnes diseipulos : Joannem vero tan-
quam theologise purissimum organum ;
ut visa gloria Filii, qu£e non subjacet
tempori, resonet illud {Joan., 1): «lu
principio erat Verbum. » Ambr. Vel
Petrus ascendit , qui claves regni cœlo-
rum accepit : Joanues, cui commitlitur
DE SAINT JXC, CHAP. iX. 467
cieux; Jean, parce que le Sauveur devait lui confier sa mère ; Jacques,
parce qu'il devait souffrir le martyre le premier. {Actes , xii.) —
Théophyl. Ou bien encore , il choisit ces trois disciples , comme plus
capables de tenir caché ce miracle et de ne le révéler à personne. Or,
il monta sur une montagne pour prier ; il nous enseigne ainsi à
chercher la solitude et à nous élever au-dessus des choses terrestres
pour assurer le succès de nos prières.
S. Jeax DAiiAsc. Toutefois, la prière du Seigneur est différente de
la prière des serviteurs ; la prière du serviteur est une élévation de
l'esprit vers Dieu, mais la sainte intelligence du Christ (unie hyposta-
tiquement à Dieu), qui nous conduit comme par la main et par degrés, au
moyen de la prière, jusqu'à Dieu, nous enseigne par là, que loin d'être
l'adversaire de Dieu , il honore son Père comme le principe de toutes
choses. Par cette conduite, il tend aussi un piège au démon qui cher-
chait à savoir s'il était Dieu , ce que l'éclat de ses miracles attestait
suffisamment. Il cachait ainsi le hameçon sous l'appât de la nourri-
ture, pour prendre, comme avec un hameçon , par l'humanité dont il
était revêtu , celui qui avait séduit le premier homme par l'appât
trompeur de la divinité. La prière est une révélation de la gloire di •
vine ; aussi l'Evangéliste ajoute : « Et pendant qu'il priait , l'aspect
de sa face devint tout autre. » — S. Cyr. Ce n'est pas que son corps
ait changé de forme, mais il fut environné d'une gloire éclatante. —
S. Jean Dama se. A la vue de cet éclat qui environnait le Sauveur au
milieu de sa prière , le démon se ressouvint de Moïse , dont le visage
fut aussi rayonnant de gloire ; mais cette gloire venait à Moïse d'un
principe extérieur, tandis que pour le Seigneur , c'était la splendeur
innée de la gloire divine. En eflfet, comme en vertu de l'union hypos-
Domini Maler : Jacobus, qui primiià
martyrium sustinuit. {Act., 12.) Theoph.
Vel "a?3umit hos tanquam banc rem
celare potentes, el nulli alii revelare.
Asceudil autem in montem ut oraret;
docens nos sobtarios et ascendentes
orare, ad nibil terreuoruni déclinantes.
Damas. [Oiat. jom notala.) Aliter
tamen orant servi, aliter orabat Domi-
nus. Nam servi oranlis oratio est per
intellectus ascensumad Deum, sed saccr
intelleclus Cbristi (qui secundum by-
postasini Deo unitus erat) nianuducens
nos ad ascensuui quo per oralioneni ad
Deum ascenditur, et docens quod adver-
sarius Dei non est, sed tanquam princi-
pium veneratur genitorem ; quin eliam
allicieus tvranuum explorantem si Deus
esset (quod miraculorura virtus praidica-
bat) quasi sub quadam esca bamum
contegeret, ut qiii spe deificalionis ba-
marat (sive inescaverat) bominem , cor-
poris amictu decenter bamaretur (sive
ut bamo caperetur.) Oratio est divina;
revelatio gloriîe : uude sequitur : « Kt
facta est , dum oraret , species vuUus
cjus altéra. » Cyril, {iibi supra.) Non
tanquam corpore bumanam formam
mutante, sed quadam splendida gloria
supsrveniente. Damas, (ut supra.) Vi-
dons autem diabolus orationibus reful-
gentem , recordatus est 3Ioysi , cujus
îjlorificata est faciès (Exod., 34); sed
Moyses quidem glorificatur extrinsecus
adveniente gloria ; Uominus ex innato
gloriaj divinœ fulgore; cum enim secun-
4(58 EXl'l-lCATlON DE I.'ÉVANGILE
tatiiiue, le Verbe et la nature humaine ont une seule et même gloire,
la transfiguration du Sauveur n'est point l'usurpation de te qu'il n'é-
tait pas, mais la manifestation, aux yeux de ses disciples, de ce qu'il
était véritablement. C'est pour cela ijue saint iMattbieu rapporte qu'il
fut transfiguré devant eux, et que sa face resplendit comme le soleil;
car Dieu est dans l'ordre des choses spirituelles , ce que le soleil est
dans l'ordre des choses sensibles. Or de même que le soleil , qui est la
source de la lumière, ne peut être regardé facilement, tandis que nous
pouvons contempler sa lumière , parce qu'elle se répand sur la terre ;
ainsi le visage de Jésus-Christ resplendit du plus vif éclat , comme le
soleil ; et ses vêtements deviennent blancs comme la neige : « Et ses
vêtements devinrent d'une éclatante blancheur, » éclairés comme par
un reflet de la gloire divine.
En même temps, Moïse et Elle se tiennent comme des serviteurs
près du Seigneur dans sa gloire, afin de montrer que le Seigneur
du Nouveau Testament est le même que celui de l'Ancien , pour
fermer la bouche aux hérétiques, établir la foi à la résurrection, et
prouver que celui qui était transfiguré , devait être regardé comme
le Seigneur des vivants el, des morts : « Et voici que deux hommes
s'entretenaient avec lui, » etc. Le Sauveur voulait que le spectacle
de la gloire et du bonheur de ces pieux serviteurs, fit admirer à ses
disciples sa miséricordieuse bonté, et qu'étant témoins de la douceur
des biens à venir, ils fussent excités à marcher sur les traces de
ceux qui les avaient précédés, et à soutenir avec plus de force les com-
bats de la foi , car celui qui connaît la récompense promise à ses
travaux , les supporte bien plus facilement. — S. Chrys. {hom. 57
sur S. H/atth.) Un autre motif de cette apparition, c'est que le peuple
dum hypostasis unionem ana et eadem
sit gloria verbi et carnis, transfiguratur,
noQ quasi accipiens quod non erat, sed
([uod erat manifestans discipulis. Uude
tibus, ut unus ostenderetur Doininus
Novi et Veteris Testament!, et haeretico-
rum ora oblurentur, et fides fiât resur-
rectionis (ueenon qui transfigurabatur,
secundum Matthœum (cap. 17) dicitur vivorum et mortuorum Dominus crede-
quod « transfiguratus est coram eis, » et retur), Moyses et Elias tauquam famuli
quod «faciès ejus refulsit ut sol : » quod assistunt Domino in gloria. Unde sequi-
enim est in sensibilibus sol, hoc in Intel- tur : « Ecce duo viri loquebantur cum
ligibilibus Deus ; et sicut sol (qui est illo, » etc. Oportebat enim ut videntes
lucis fons) de facili videri non potest, couservorum gloriam etfiduciam, mira-
lux aulem ejus ex eo quod ad terram
pervenit, aspicilur, sic faciès Cbristi
inteusius refulget ut sol , vestimenta
autem ejus dealbantur ut nix. Unde
sequitur : « Et vestitus ejus albus reful-
gens : » illustratus scilicet per divinœ
lucis participationem.
Et inferius : His autem ita se habeu-
rentur quidem pium Domini condescen-
sum; zelarent vero eos qui prius labo-
raverant, visuri amœnitatem futurorum
bonorum; et magis fortificareutur in
agouibus : nam qui laborum noveril
emolumenta, labores facilius tolerabit.
Chrys. [hom. 37, in Matth.) Aliter
quoque quoniam vulgus asserebat eum
HE SAINT LUC, CHAP. IX. 469
affirmait du Sauveur, qu'il était Elle ou Jérémie, il fallait donc dis-
tinguer le Maître du serviteur, faire roir d'ailleurs que le Sauveur
n'était ni l'ennemi de Dieu, ni violateur de la loi, car autrement, ni
xMoïse, qui avait donné la loi, ni Elle, qui avait soutenu avec tant de
zèle les intérêts de la gloire de Dieu , n'eussent paru à ses côtés.
C'était encore pour manifester les vertus de ces deux grands hommes,
car tous deux s'étaient plusieurs fois exposés à la mort pour la dé-
fense des commandements de Dieu. Le Sauveur voulait aussi les pro-
poser comme modèles à ses disciples dans le gouvernement du peuple,
en leur inspirant la douceur de Moïse et le zèle d'Elie. Enfin il les fait
paraître pour montrer la gloire de la croix, et consoler ainsi Pierre,
et tous ceux qui craignaient les souffrances : « Ils s'entretenaient de
sa fin qu'il devait accomplir en Jérusalem. » — S. Cyr. C'est-à-dire,
du mystère de son incarnation et aussi de sa passion qui devait être
le salut du monde et qu'il devait accomplir sur sa croix adorable.
S. Ambr. Dans un sens mystique, c'est après avoir enseigné à ses
disciples la doctrine du renoncement et de la croix, que le Sauveur
les rend témoins de sa transfiguration, parce que celui qui entend et
croit les paroles du Christ , verra la gloire de la résurrection , car
c'est le huitième jour qu'eut lieu la résurrection , et la plupart des
psaumes sont intitulés, pour le huitième jour (I). Peut-être aussi,
comme Notre-Seigneur avait dit précédemment , que celui qui per-
dra sa vie pour le Verbe de Dieu , veut-il nous montrer qu'il ac-
complira ses promesses an temps de la résurrection. — Bède. Il est
ressuscité des morts après le septième jour de la semaine où il avait
ét'^ mis dans le sépulcre; et nous aussi, après les six âges du monde
1} Dans les éditions modernes de la Bil)lc, il n'y a que le sixième et le onzième psaume qui
portent ce titre.
esse F-liam vol Hiereiniain, ut «lisrenie
ri'tur iuter doniiuum et faiimlos ; et ut
pateal eum non esse adversarium Dei et
legis transuressorem, eos sibi assistentes
monstravit (non enini legislitor Moyses,
et qui pro gloria divlna zelatus est Elias,
astitisseut ei) , sed et propter virtutes
viroruni demoustrandas. Nain uterque
pro mandatis divinis quam pluries se
morti exposuerat. Volebal etiam ut dis-
cipuli eos irnifarentnr in rep;imine po-
puli ; ut scilioet fièrent mites sicul Moy-
se3, et zelantes sicut Elias. Inducit etiam
eos ut ostendat cruci3 gloriam ad conso-
landum Petrum , et alios passionem
timentes. Unde seqititur : •' Et dicebant
excessum ejus que m corapleturus erat
in Hierusalem. » Cyril, {vhi supra.)
Videlicet mysterium dispensationis in
carne, necnon salutiferam passionem
completam in venerabili cruce.
Ambr. Mystice autem post verba praî-
diita transfiguratio Christi ostenditur;
quoniam is qui verba Christi audit et
crédit , resurrectionis gloriam videbit.
Octava enim die , facta est resurrectio :
unde et plerique psalmi pro octava
scribuntur : aut forte ut ostonderot no-
bis quod dixerat, quod is qui propter
Uei verbum perdiderit animam suam,
salvam faciet eam ; quoniam promissa
sua in resurrectione reslituet. Bed. Nam
sicut ipse post septimam sabbati, qua in
sepulcro quieverat, a mortuis resurrexit,
470
EXPLICATION DE L ÉVANGILE
écoulés^ et le septième, qui est celui du repos des âmes dans l'autre
vie, nous ressusciterons pour ainsi dire au huitième âge du monde.
— S. Ambr. Saint Matthieu et saint Marc rapportent que le Sauveur
prit avec lui ses disciples six jours après, ce qui nous autoriserait à
dire que nous ressusciterons après six mille ans, car raille ans sont
comme un jour devant Dieu (1) ; mais on compte plus de six mille ans
jusqu'à la résurrection, et nous préférons voir dans ces six jours la
figure des six jours de la création du monde^ en ce sens que par le
temps, il faut entendre les œuvres, et parles œuvres, le monde. Aussi
la résurrection ne doit s'accomplir qu'après que les temps marqués
pour l'existence du monde seront écoulés. Peut-être encore, est-ce
pour figurer que celui qui se sera élevé au-dessus du monde, et aura
traversé la courte durée de la vie de ce siècle, sera placé comme en un
lieu sublime pour attendre le fruit de la résurrection qui dure éternel-
lement. — Bède. Aussi, voyez le Sauveur monter sur une montagne
pour y prier et y être transfiguré, et en même temps nous apprendre
que ceux qui attendent le fruit de la résurrection et désirent voir le
roi dans sa gloire {haïe, xiii, 47), doivent habiter les cieux en esprit ,
et faire de leur vie une prière continuelle.
S. Ambr. Dans ces trois disciples que le Sauveur conduit sur la
montagne, je serais porté à voir la figure du genre humain tout entier,
qui est descendu des trois enfants de Noé , si ces disciples n'avaient été
expressément choisis. Ceux qui sont jugés dignes de monter sur la
montagne, sont au nombre de trois, parce que personne ne peut voir
la gloire de la résurrection, s'il n'a conservé dans toute son intégrité,
la foi au mystère de la Trinité.
(1) « Mille ans sont devant vous comme le jour d'hier est passé. » [Ps. lxxxix.)
et nos post sex seculi hujiis aetates, et
septimam quietis animarum , quae inté-
rim in alia vita geritur , quasi octava
cetate resurgenius. Ambr. Sed Mattbœus
et Marcus post dies sex , assumptos hos
esse comniemorarunt, de quo posseums
dicere quod post sex millia annoraiHj
mille enim anni in eonspectu Dei tan-
quam dies una; sed plures quam sex
millia computantur anui ; et maluimus
sex dies per symbolum iutelligere, qiiod
sex diebus mimdi opéra suut creata , ut
per tempus opéra, et per opéra mundum
intelligamus. Et ideo numdi temporibus
impletis, resurrectio futura monstratur ;
aut quia is qui supra mundum ascende-
rit, et hujus seculi momeula transcen-
dent, velut in sublimi locatus futurae re-
surrectionis fructum expectabit aeter-
nuui. Bed. Unde in monlem oraturus et
transiigurandus asceudit, ut ostendat
eos qui fructum resurrectionis expec-
taut, et regem in décore suo videre de-
siderant, mente in excelsis babitare et
continuis precibus debere iucumbere.
Ambr. Putarem in tribus qui ducnnlur
ad mouteni , mystice genus humanum
comprebensum, quia ex tribus tiliis Noe
genus omne detluxit bumanum , nisi
electos cernerem. Très igitur eliguntur
qui ascendunt in mouteni; quia nemo
potest resurrectionis videre gloriam, nisi
qui mysterium Trinitatis incorrupta
fidei sinceritate servaverit.
DE SAINT LUC, CHÂP. IX. 471
BEDE. Dans sa transfiguration, le Sauveur nous donne une idée de
sa gloire, ou de sa résurrection future, ou de la nôtre, car après le
jugement, il apparaîtra à tous les élus tel qu'il est apparu aux
Apôtres. Le vêtement du Seigneur, c'est le chœur des saints qui l'en-
vironnent; tandis qu'il était sur la terre, ce vêtement paraissait mépri-
sable, mais aussitôt qu'il monte sur la montagne, il brille d'un éclat
nouveau; c'est ainsi que, «bien que nous soyons les enfants de Dieu,
ce que nous serons un jour ne parait pas encore, mais nous savons
que quand il viendra dans sa gloire, nous serons semblables à lui. »
(I Jean^ m.)
S. Ambr. Ou ])ien dans un autre sens : Le Verbe de Dieu se rapetisse
ou s'agrandit selon la mesure de vos dispositions, et si vous ne montez
au sommet le plus élevé de la sagesse, vous ne pouvez voir toute la
grandeur de Dieu qui est dans le Verbe. Les vêtements du Verbe sont
les paroles de l'Ecriture et comme l'enveloppe de l'intelligence divine,
et le sens des divins enseignements se dévoile aux yeux de votre âme
dans toute sa clarté, de même que les vêtements du Sauveur devinrent
d'une blancheur éclatante.
, 32-36. — Cependant Pierre et ceux qui étaient avec lui étaient appesantis par
le sommeil, et, se réveillant, ils le virent dans sa gloire, et les deux hommes
qui étaient avec lui. Et comme ceux-ci se retiraient, Pierre dit à Jésus : Maître,
il nous est bon d'être ici ; faisons trois tentes, une pour vous, une pour Moïse,
une pour Elie, ne sachant ce qu'il disait. Il parlait encore, lorsqu'une nuée
se forma et les^ enveloppa de son ombre, et ils furent saisis de frayeur en les
voyant entrer dans la nuée. Et il sortit de la nuée une voix qui disait : Celui-
ci est mon Fils bien-aimc, écoutez-le. Et pendant que la voix parlait, Jésus
Bf.da. Transfiguratus autem Salvator
fïloriam fulnrre , vel sute , vel uostrœ
resurrectionis oslendit; qui qualis tune
apostolis apiiaruit , talis post judicium
cunctis apparehilelectis. Vestitus autein
Domiui sauctorum ilUus r-liorus accipi-
tur; qui videliret Domino in terris con-
sistenle despeclus videbatnr , sed illo
montem petente, novo candore refuliret;
quia nunc lilii Dei sumus, et nondam
apparuit quid erimus. Scinius autem
quoniam cum apyiaruerit, similes ei eri-
mus. (I Joan., 3.)
Ambr. Vel aliter : pro tua possibilitate
tibi verbuni aut rainuitur aut crescit;
ac nisi allions pnidentiaî cacumen as-
cendas, non tibi apparet quanta sit
ploria in Uei vcrho. Vestimenta autem
verbi sunt sermones Scripturaruni ; et
quaedam intellectus indumenta divini.
Et sicut vestitus ejus albus refulsit, ita
in oculis tuse mentis divinarum leclio-
nura sensusalbescit. Inde apparet Moyses
et Elias , hoc est lex et propheta in
verbo. Neque enim lex potest esse sine
verbo , nec propheta, nisi qui de Dei
Filio prophetavit,
Petrus vero, et qui cum illo erant , yravali erant
sornno. Et eoigilantes , viderunt majestatem
ejus, et duos viros qui stabant cum illo. Et
factum est , cum discederent ah illo , ait Pe-
trus ad Jesum : Prœceptor, bonum est nos hic
Cise : et faciamus tria tabemacula, unum tibi,
et unum Moysi, et unum Eliœ , nesciens quid
diceret. Hœc autem illo loquente, facta est nu-
bes, et obumbravit eos, et timuerunt intranti-
bus mis in nubem. Et vox facta est de nube .
dicens : Eic est Filius meus dilectns, ipsum
audite. Et dxon ficret vox , inventus est Jesut
472
KXPMCATIOX DK l'ÉVANGILE
se trouva seul ; et lU se turent, et eti ces jours-là, ils ne dirent rien à personne
de ce qu'ils avaient vu.
Théophyl. Pendant que Jésus priait, Pierre se laisse gagner par le
sommeil, car il était faible, et il cède ici à la faiblesse propre à la na-
ture humaine : « Cependant Pierre, et ceux qui étaient avec lui,
étaient appesantis par le sommeil, » mais aussitôt qu'ils sont réveillés,
ils voient la gloire qui l'environne, et les deux hommes qui étaient
avec lui : « Et se réveillant, ils le virent dans sa gloire, et les deux
hommes qui étaient avec lui. » — S. Chrys. {hom. 57 sur S. Matth.)
On peut encore entendre par ce sommeil, la grande stupeur dont cette
vision frappa les Apôtres, car il n'était pas nuit, mais l'éclat de la
lumière blessait la faiblesse de leurs yeux. — S. Ambr. Eu effet, la
splendeur ineffable de la divinité est un poids accablant pour la fai-
blesse de nos sens, car si les yeux qui nous servent à voir les corps
ne peuvent regarder en face l'éclat des rayons du soleil, comment les
sens corruptibles de l'homme pourraient-ils contempler la gloire de
Dieu? Peut-être aussi, Jésus permit qu'ils fussent appesantis par le
sommeil, afin de voir l'image de la résurrection qui suivit le som-
meil. Ils virent donc le Seigneur dans sa gloire, lorsqu'ils se furent
réveillés, car ce n'est qu'à cette condition qu'on peut voir la gloire du
Christ. Pierre en fut ravi de joie, etla gloire de la résurrection captiva
celui que les délices du siècle ne devaient pas séduire : « Et comme ils
le quittaient, » etc. — S. Cyr. Peut-être Pierre pensait-il que le temps
du royaume de Dieu approchait, et c'est pourquoi il demande à rester
sur la montagne. — S. Jean Damasc. {Disc, sur la transfig.) Il ne
vous est pas avantageux, ô Pierre, que Jésus reste sur la montagne,
car s'il y fût resté, la promesse qu'il vous a faite n'aurait pas eu son
solus. Et ipsi tanuerunt , et nernini dixerunt
in illis diebus quidquam ex his quœ videratit.
Theophylact. Christo vacante ora-
tioni , Petrus somno deprimitur : iufîr-
mus enim erat, et quod luimanum erat
implevjt : unde dicitur : « Petrus vero,
et qui cum illo erant. gravati tîrant
somno : » excitati autem gloriani ojus
cernimt , et duos viros cum eo : unde
sequitur : « Et evigilantes viderunt ma-
jestatem ejus, et duos viros qni stabant
cum illo. «Crhys. (homil.51, in Matth.)
Vel soninum\ocsX ingestum eis nimiuni
stuporem ex illa visione : neque euiui
nocturnum tempus erat, sed lucis excel-
lentia gravabat oculorum debilitateni.
Ambr. Premit enim incomprebonsibilis
splendor Divinitatis uostri corporis sen-
sus : nam si solis radium e regione ocu-
lorum contuentium corpora uequit acies
continere, quomodo Dei gloriam liuma-
norum ferret corruptela membrorum ?
Et fortasse ideo gravati sonmo eraitt.
ut resurrectionis vidèrent speciem posi
quietem. Itaque vigilantes viderunt nia-
jestatem ejus : nemo enim nisi vigilans
gloriam videt Christi. Delectatus est
Peirus, et quem sci-uli bujus illecebrosa
non caperent, gluria resurrectionis ille-
xit : unde sequitur : <■ Et factuui est cum
discederent , » etc. Cvril. [ubi siiprn.)
iEstimabat enim foisan divinus Petrus
immiuere tempus rcgni Dei , et ideo
approbat montis incolalum. Damas.
[Orut. de Transfig., ut sup.) Non esl
autem bonum, Petre. tibi quod Cliristus
ibi moretur; quoniam si ibi mansisset,
nequaquam tibi facta promissio conse-
DK SAINT LUC, CHAP. IS. 473
accomplissement, vous n'auriez pas reçu les clefs du royaume, et
l'empire de la mort n'eût pas été détruit. Ne chercUez pas le bonheur
avant le temps marqué, comme Adam, qui cherchait à devenir sem-
blable à Dieu. Viendra un jour où vous contemplerez éternellement
cette sublime vision, et où vous habiterez avec celui qui est la lumière
et la vie.
S. Ambr. Cependant Pierre, toujours prompt, non-seulement à ma-
nifester son amour, mais à donner des preuves de son dévouement,
offre dans sa pieuse activité, au nom de ses compagnons, de construire
trois tentes : « Faisons trois tentes, une pour vous, » etc. — S. Jean
Da3I. Le Seigneur vous a donné la mission de construire, non point des
tentes, mais l'Eglise universelle; vos disciples, vos brebis ont accom-
pli votre désir en construisant une tente pour le Christ et aussi pour
ses serviteurs. Du reste, saint Pierre ne parlait pas ainsi de lui-même,
mais par une inspiration de l'Esprit saint, qui lui révélait les choses
futures, c'est pour cela que l'Evangéliste ajoute : « Ne sachant ce
qu'il disait. » — S. Cyr. Il ne savait ce qu'il disait, car on n'était pas
encore à la fin des siècles, et le temps n'était pas encore venu pour les
saints, de participer au bonheur qui leur était promis. Et alors que
l'œuvre de la rédemption ne faisait ijuc commencer , comment Jésus-
Christ aurait-il cessé d'aimer le monde et de vouloir mourir pour
lui? — S. Jean Damasc. Il était d'ailleurs de la bouté comme de la
jus^tice de Dieu, de ne point restreindre le fruit de l'incarnation à
ceux qui étaient sur la montagne avec Jésus, mais de l'étendre à tous
ceux qui embrasseraient la foi_, ce qui ne devait s'accomplir que par
les souffrances de sa passion et par sa croix, — Tite de Bostr. Pierre
ne savait pas ce qu^il disait, pour une autre raison, c'est qu'il n'était
quercliir effectuiu; iieque euiin chives
obtinuisses regni , nec mortis tyrannis
abolita esset. Non qua;ras aute ti.'iiipiis
felicia, ut, Adam deificationetn. Erit
quando hiinc aspectum indi^siueuter
percipies , et coliahitabis illi qui lux nA
et vita.
Ambr. Petrurf aiitom , uou suluiu
affectu , sed eliani laclornin devotione
prœslantior , aedificanda tabernacula
tria impiger operarius communis obse-
quii miriisterium poiiicetur : scquitiir
enim : « Et facianius tria taliernuciila,
iiiium libi, » etc. Damas, [ul snp.) Non
aulem te Dominus tabernaciilornm , sed
univcrsalis Ecciesia; coustruclorcui cons-
tiluit : verba tua, tiii discipuli, oves tua},
mandavermit effectui , Chrislo tabcrna-
cuium construeutcs , uecnou et servis
ejus. Hoc autem , non ex iutentioue
Petrus proferebat^ sed iuspiratione Spi-
rilus revelantis futcra. Uude sequilur :
« Nesciens quid dieeret. » Cyril, {ubi
svpru.j Nesciebat etiam quid dieeret :
neque euini aderat lempus finis seouli,
uec parliripandœ a sauctis proniisste
spei. Et cum jam siimeret exordium
dispensatio, quo paeto Christum oporte-
but desistere a niundi dileetione, voleu-
tem pati pro eo ? Damas, [ut supra.)
Deiebat etiam, non soluui restriugere
friic.tum incarnationis ad opus existen-
liuin in munie , sed dilîuudi ad omnes
eredeiites; quod per crucem et, passio-
nem erat consumniuuduni. Titus Bos-
TRE.Ns. Ignorabat etiam Pelrns quid di-
474
EXPLICATION DE L EVANGU.
pas besoin de trois tentes pour les trois dont il parle, car on ne peut
mettre les serviteurs sur le même rang que leur maître, ni comparer
la créature au Créateur. — S. Ambr. D'ailleurs la condition naturelle
à l'homme dans ce corps corruptible, ne lui permet d'élever un taber-
nacle à Dieu, ni dans son âme, ni dans son corps, ni dans tout autre
lieu. Cependant, quoiqu'il ne sût pas ce qu'il disait, Pierre offre ses ser-
vices au Sauveur, et sou zèle ne vient pas ici d'une vivacité irréfléchie,
mais d'un dévouement prématuré qui était comme le fruit de sou
amour pour Jésus; son ignorance venait de sa condition, sa propo-
sition de son dévouement. — S. Chrys. [hom, 57 sur S. Matth.) Ou
bien encore, il entendait le Sauveur déclarer qu'il lui fallait mourir, et
ressusciter le troisième jour, et comme il contemplait l'étendue de l'es-
pace et de la solitude où il se trouvait, il jugea que ce lieu offrait plus
de sûreté, ce qui lui fait dire : o II, est bon pour nous d'être ici.» Ajou-
tez qu'il voyait Moïse, qui entra autrefois dans la nuée {ExocL, xxiv),
et Elle, qui fit descendre le feu du ciel (IV Rois, i), et vous compren-
drez le trouble de son esprit, que l'Evaugéliste veut exprimer par ces
paroles : « Il ne savait ce qu'il disait. » — S. Aug. [de l'accord des
Evang., ii, 56.) Saint Luc, dit de Moïse et d'Elie : « Comme ils se sé-
paraient de Jésus, Pierre lui dit : Maître, il nous est bon d'être ici, » ce
qui n'est nullement en contradiction avec le récit de saint Matthieu et
de saint Marc, d'après lequel Pierre tint ce langage, alors que Moïse
et Elle s'entretenaient encore avec le Seigneur, car ces deux Evangé-
listes ne se sont pas expliqués, mais ont gardé le silence sur ce que
dit saint Luc, que Pierre parla ainsi, alors que Moïse et Elle se re-
tiraient.
Théophyl. Pendant que Pierre disait : « Faisons trois tentes, » le
ceret; quia non oportebat tribus tria
tabernacula facere : non eniai connume-
rantur Domino famuli, nec comparantur
creaturse Creatori. ÀMBR.Neque capithu-
mana couditio inhoccorruptibili corpore
facere tabernaculum Deo, sive iu anima,
sive in corpore, sive in quolibet alio loco :
et quamvis nesciret quid diceret , tamen
poUicebatur officium, cui non inconsulta
petulantia, sed prEematura devotio fruc-
tu5 pietatid accumulât. Nam quod igno-
rabat, conditionis fuit; quod promittebat,
devotionis, Chrys. {hom, 37, in Matth.)
Vel aliter : audiebat quod oportebat
Ipsum mori, et tertia die resurgere : vi-
debat autem multam distantiam et soli-
tudinem : uude consideravit quod pluri-
mam haberet locus tutelam : ob hoc
dixit : « Bonum est nos hic esse. » Ade-
rat quoque Moyses qui in nubem intra-
vit. {Exod., 24.) Et Elias qui in monte
iguem e cœlo deduxit. (IV Rcrj., 1.)
Evaugelisla ergo confusionem mentis
ejus , ex qua hoc proferebat, ostendi-ns,
dixit: « Nesciens quid diceret. » ACG.
(le Cons. Evang., lib. ii_, cap. 56.) Quod
autem hic Lucas dicit de Moyse et Elia :
«Et factum est dum discederent ab illo,
ait Petrus ad Jesum : Prœceptor, bonum
est nos hic esse; » non débet putari
contrarium ei quod Mattheeus et Marcus
ita conjunxerunt Petrum haîc sugges-
sisse, quasi adhuc Moyses et Elias cum
Domino loquerentur : non enim expres-
serunt quod tune, sed tacuerunt potius
quod iste addidit, illis discedentibus hoc
Petrum Domino suggessisse.
Theophylact. Pelro autem dicente :
DE SAh\T LUC, CHAP. IX.
475
Seigneur se construit une tente qui n'est pas faite de main d'homme, et
il y entre avec les prophètes : « Il parlait encore, lorsqu'une nuée se
forma et les enveloppa de son ombre. » Le Sauveur montre ainsi qu'il
n'est pas inférieur à son Père, car de même que dans l'Ancien Testa-
ment, nous lisons que Dieu habitait dans une nuée, ainsi le Sei-
gneur est enveloppé d'une nuée non plus ténébreuse mais éclatante.
— S. Bas. (l) C'est^ qu'en effet^ les obscurités de la loi étaient dissi-
pées, car de même que la fumée est produite par le feu , la nuée est
produite par la lumière; et comme la nuée est un symbole de tran-
quillité, cette nuée qui enveloppe Jésus et les prophètes , figure le
repos de la demeure éternelle. — S. Ambr. Cette nuée qui voile le
Sauveur, a pour auteur l'Esprit saint, et loin de répandre les ténèbres
sur les affections du cœur de l'homme , elle lui révèle les choses ca-
chées. — Orig. [Trait. 3 sur S. Matlh.) Les disciples, ne pouvant
supporter l'éclat de cette gloire , sont saisis de crainte , et se pros-
ternent en s'humiiiant sous la main puissante de Dieu , car ils se
rappelaient ces paroles dites à Moïse : « L'homme qui verra ma face,
ne vivra point. » Et ils furent saisis de frayeur en les voyant entrer
dans la nuée.
S. Ambr. Remarquez que cette nuée n'est point formée par les
noires vapeurs d'un air condensé, et ne couvre point le ciel d'épaisses
ténèbres, c'est une nuée lumineuse qui, au lieu de nous inonder de
torrents de pluie, répand la rosée de la foi et arrose les âmes des
hommes à la voix du Dieu tout-puissant : « Et une voix sortit de la
(1) Cette citation est tirée du Commentaire de saiul Basile, sur ces paroles du chapitre iv du
prophète Isaïe : « Et le Seigneur fera naître sur toute la montagne de Sion, et au lieu où il aura
été invoqué, une nuée obscure pendant le jour, et l'éclat d'une tlamme ardente pendant la nuit;
car il protégera de toutes parts le lieu de sa gloire. »
« Faciamus tria taberuacula, » Dominus
tabernaculuiii nou manufactura fabri-
cat, et iu illud iugrecHlur cuui pruplie-
tis. Unde ouhJitur : « Ila;c auloin illu
loqueute, facla est nuljes, et ubumbravit
eoà, » ut oriteuderelur quod uua miuor
est Pâtre : sicut eiiiui iu Veleri Teola-
meuto ia nube babitaro Uoiuiuus dice-
batur, sic et uuuc nubes susccpit Doini-
uum, non caliginosa, sed lucùda. Basil.
[in Cut. Grœcorum Patmm.) Nani ob-
scuritas Icpçis transierat : sicut euini
fumus ab igné, sic nubes a luce causala
est : verum quia nebula sigiuim trauquil-
litalis est, quies futurai uiausiuuis osleu-
ditur per nubis operimentuui. Ambu. Di-
vini puim Sfiiritus pst obuinbrafin ista.
qua; non caligat affectibus hominum ,
sed révélât occulta. Orig. ( Tract. 3, in
Mutth.) Hanc autem gloriam discipuli
sufferre ueijueuntes, procui)uerunt hu-
miliati sub potenti dextera Dei nimium
tiiueules; cuui scirent quod diclvau luit
Moysi {Lxod., 33) : « Non videbit liomo
facieni nieaiu, et vivet ; » unde sequitur :
« Et timuerLir.t iutraulibus illis iu nu-
bem. »
Ambr. Cognosce autem nubem istam
lion coacti aeris caligine piceam, et qu;E
cœhiin tenebrarum horrore subtexat, sed
lucidam nubem <[Uce nos non pluviali-
bus aquis immadidet, sed de qua men-
tes hominmn in voce Dei omuipotentis
einissa fidei ros riiiavit : sequitur eniui :
A'6
EXPLICATION DE L liVANGlLF
nuée, qui disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, » ce n'est point
Moïse, qui est ce iils, ce n'est point Elie, mais celui-là seul est mon
Fils, que vous voyez seul sur la montagne, — S. Cyr. Comment donc
pourrait-on croire que celui qui est le vrai Fils de Dieu, ait été fait ou
créé, alors que Dieu le Père fait retentir cette voix du haut des cieux :
« Celui-ci est mon Fils, » c'est-à-dire, ce n'est pas un de mes iils, mais
celui qui est mon Fils en vérité et par nature, et c'est par ressem-
blance avec lui que les autres sont mes fils adoptifs. Or, Dieu le Père
nous commande d'obéir à ce Fils par ces paroles • « Ecoutez-le, » et
écoutez-le plus que Moïse et Elie, car le Christ est la tin de la loi et des
prophètes (I), aussi est-ce avec un dessein marqué, que l'Evangéliste
ajoute • « Pendant que la voix parlait, Jésus se trouva seul. » —
Théophtl. C'était afin que personne ne put penser que ces paroles :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, » s'appliquaient à Moï-e ou à Ehe.
Ces deux personnages dispaiaissent aussitôt que Dieu le Père pro-
clame la divinité du Sauveur, ils étaient trois au comraenceuient de
la transfiguration, il n'en reste plus qu'un seul à la fin; la perfec-
tion de la foi produit cette unité. Ils sont donc comme reçus dans le
corps de Jésus-Christ , pour nous apprendre que nous aussi nous ne
ferons qu'un avec Jésus, ou peut-être encore, parce que la loi et les
prophètes ont le Verbe pour auteur. — Théophyl. Ce qui doit son
existence au Verbe prend également fin dans le Verbe, et Dieu nous
apprend par cette conduite que la loi et les prophètes ne devaient ap-
paraître que pour un temps, comme Moïse et Elie, dans la transfigu-
ration, et qu'ils devaient ensuite disparaître pour laisser la place à
Jésus seul; en effet, la loi a cessé d'exister pour faire place à l'Evan-
(1) Que le Christ soit la fin de la loi, l'ApcMre le dit expressémeut dans son Epitre aux Romains,
chapitre x, verset 4 : Qu'il soit la fin des prophètes, le Sauveur lui-même parait l'indiquer,
quand il dit : t La loi et les prophètes ont prophétisé, jusqu'à Jean- Baptiste, ■ etc. [Malth., xi, 13.]
« Et vox facta est de nube dicen? : Hic
est Filius mens dilectus : » non Elias
filins, non Moyses filius. sed hic est
filius qiieiu soluiu videtis. Cyril (iibi
supra, et in Thesauro, lib. Xli, cap. 14.)
Oualiter ergo oporteret euiu i[iii rêvera
filins est, factuiu vel creatimi existiiuare,
Deo Pâtre desuper intoiiante : « Hic est
Filius meus"? » quasi diceret : Nou uuus
ex filiis, sed qui vere et naturaliter est
Filius; ad cujus exemplar alii sunt adop-
tivi. Illi ergo jussit obedire cum subdit :
« Ipsum audite : « et magis quaui ad
Moyseu et Eliam ; quia Cbristns est liais
legis et prophetarum : uude siguanter
Evangelista subdit : « I*]t dum tîeret vox,
iuventus est Jésus solus. » Thkophvlact.
Ne scilicet pîitaret aliquis hoc quod dic-
tum est : « Hic est Filius meus dilectus. »
de Moyse vel Elia fuisse prolatum. .Ambr.
Recesseruut ergo illi ubi cœperat Domi-
uus desigoari : très etiam in principio
videntur, nnns in tiiie : perfecta enini
iide uuum sunt. Ergo et illi quasi reci-
piuutur in Cbristi corpus; quia et nos
unum erimus in Christo Jesu; aut for-
tasse , quia lex et prophétie ex verbe.
Theophylact Quœ autem ex verbo cœ-
peruut, in verbo desinunt : per hoc
enim inuuit quod usque ad tempus ali
quod lex et puophetse apparerent, sicui
hic Moyses et Elias; postmodum aniem
solus Jésus illis reredentibus : nain nunc
EvauLrelium manet transactis loaali])US.
DE SAINT LUC, CHAP. IX. 477
£rile, qui demeure éternellement. — Bède. Remarquez que le mystère
(le la Trinité tout entière est révélé dans la transfiguration de Jésus
sur la montagne, comme il l'avait été lors de son baptême dans le
Jourdain, et parce qu'en efft;t, nous verrons dans la résurrection la
gloire de celui que nous avons confessé dans le baptême. Et ce n'est
pas sans raison que l'Esprit saint apparaît ici sous la forme d'une
nuée lumineuse, tandis qu'au baptême du Sauveur, il apparaît sous
la forme d'une colombe, pour nous apprendre que celui qui conserve
dans la simplicité de son cœur la foi qu'il a reçue, contemplera un
jour dans la lumière d'une vision manifeste les vérités qui ont été
l'objet de sa foi.
Orig. {Traité m sur S. Matth.) Jésus ne veut point qu'on fasse con-
naître avant sa passion ces glorieuses manifestations : » Et ils se
turent, et en ces jours-là ils ne dirent rien à personne de ce qu'ils
avaient vu, » car on eût été scandalisé (le peuple surtout), de voir
crucifié celui que Dieu avait ainsi glorifié. — S. Jean Damas, {dise,
sur la Transfig.) Le Sauveur leur fît aussi cette recommandation,
parce qu'il connaissait l'imperfection de ses disciples, qui n'avaient
pas encore reçu la plénitude do l'Esprit saint, il ne voulait ni ex-
poser aux sentiments d'une profonde tristesse ceux qui n'avaient pas
été témoins de sa gloire, ni exciter contre lui la jalouse fureur de son
traître disciple.
y. 37-44. — Le jour suivant, comme ils descendaient de la montagne, une foule
nombreuse vint au-devant d'eux. Et voilà que de la foule un homme s'écria :
Maître, je vous en supplie, jetez un regard sur mon fils, car je n'ai que ce seul
enfant. Un esprit se saisit de lui, et aussitôt il ])Ousse des cris, puis l'esprit le
renverse contre terrt^. il l'agite par de violentes convulsions en le faisant écumer,
et à peine le quille-t-il après l'avoi) tout déchiré. J'ai prié vos disciples de le
JJed. Et nota, siciit Duiniuo in Jordane
baptizato, sic etiaui in monte glorificato,
totius Triuitatis niysterium declarari ;
quia gloriam illin» iptani in baptisinatfi
lonlîtemur. in resurroctione videbinms.
Nec frustra Spirilus suuclus liii; in lu-
fida nube, illic appart-t in ccilundja ; quia
qui nunc siniplici corde fideiu quaui per-
cipil, servat, tune luce apertœ visionis
ea quœ credid.irat, conlemplabilur.
Orig. (in (ut. Grœcoruni Patrum, et
Tract. 3 ut jam su p.) Non vult autem
Jésus dici quce ipsius spectanl ad fçlo-
riam aiite suani passionem : unde sequi-
lur : « Et ipsi tacuerunt, » etc. Offensi
enim fuissent (et prœcipue vulgus) si
vidissent crucifîgi euni, qui sic fuerat
plorificatus. Damas. {Orat. de Trans-
figiir. ut Slip.) Hoc etiani praîcipil Do-
uiinus, sciens discipulos iniperfectos ,
qui nondmn soiiiti erant plenam Spiri-
tus participalionem ; ne corda aliorum
qui non viderant, subverte reutnr tristi-
tia, et ne proditur incitarelnr ad invidiae
rabiem.
Faclum est autem in sequenti die descendentibus
illis de monte, occurrit illis turba mulla. Et
ficce vir de turba exclamavil dicens : Alagis-
ter, ohsecro te, respice in filium meum ; quia
unicus est mihi : et ecce spirilus apprehendit
eum, et subito clamai, et elidit, et dissipât eum
cum spuma. et vix discedit dilanians eum. Et
478
EXPIJCATION DE ], EVAXGir.E
chasser, et ils ne l'ont pu. Alors Jésus, prenant la parole, dit : 0 race incré-
dule et perverse, jusqu'à quand serai-je avec vous, et vous supportcrai-je ?
Amenez ici votre fils. Et comme l'enfant s'approchait, le démon le jeta contre
terre et l'agita violemment. Mais Jésus ayant parlé . avec menaces à l'esprit
impur guérit l'enfant, et le rendit à son père. Et tous étaient stupéfaits do. lu
grandeur de Dieu.
BEDE. Nous voyons ici un parfait rapport entre les lieux et les
choses; sur la montagne, Notre-Seigneur prie_, se transfigure, et dé-
voile à ses disciples les secrets de sa Majesté. Lorsqu'il descend dans la
plaine, la foule s'empresse autour de lui : « Le jour suivant, comme
ils descendaient de la montagne, une foule nombreuse vint au-devant
d'eux. » Sur la montagne, il fait entendre la voix du Père, dans la
plaine, il chasse les mauvais esprits : « Et voilà que de la foule, un
homme s'écria : Maître, je vous en supplie, jetez un regard sur mon
fils. » — TiTE DE BosTR. J'admire la sagesse de cet homme, il ne dit pas
au Sauveur : Faites ceci ou cela, mais : « Jetez un regard, » car cela
suffit pour sa guérison ; c'est dans le même sens que le Roi-prophète
disait : « Jetez les yeux sur moi, et ayez pitié de moi. » (1) Cet homme
dit à Jésus : « Jetez un regard sur mon fils, » pour motiver la har-
diesse qui le portait à crier seul au milieu de cette multitude. Il ajoute :
a Car c'est le seul que j'aie, » c'est-à-dire, je ne puis espérer d'autre
consolation de ma vieillesse. Il expose ensuite la nature de sa mala -
die, pour émouvoir la compassion du Sauveur : « Un esprit se saisit de
lui, » etc. Enfin, il semble accuser les disciples, mais il paraît bien
plus vouloir excuser sa hardiesse. Ne pensez pas, semble-t-il dire au
(1) Ps. XXIV, 16; Lxxxv, 15; cxviil, 132,
rogavi diseipulos tuos ut ejicerent illum ; et
non potuerunt, Respondens autem Jésus, di-
xit : Ogeneratio infidelis et perversa , usque-
quo ero apud vos, et patiar vos ? Adduc hue
filhcm tuum. Et cum accederet, elisit illum dœ-
monium, et dissipavit. Et increpavit Jésus spi-
ritum immund'cm , et sanavit puerum , et red-
didit illum patri ejus. Stupebant autem omnes
in magnitudine Dei.
Bed. Loca rébus congruunt : in monle
orat Dominus , transformalur, discipulis
arcana suae majestatis aperit. In infe-
riora descendens, turbae occursu excipi-
tur : unde dicitiir : « Factum est autem
in sequenti die, descendenlibus illis de
monte occurrit illis turba, » etc. Sursum
patris vocem pandit, deorsum spiritus
malos expellit. Uude sequitur : « Et ecce
vir de turba exclamavit, dicens : Ma-
gister, obsecro te, respice in filium
meum, » etc. Titus Bostrens. Videlur
mihi sapiens quidem hic esse : non euim
dixit Salvatori : << Fac hoc, vel illud, »
sed, « respice : » hoc enim sufficit ad
salutem ; sicut Propheta dicebat : « Res-
pice in me, et miserere mei : » et dixil,
« in filium meum, » ut rationabilem de-
monstret iuverecundiam quod solus in
multitudine clamât. Addit : « Quia uni-
cus est mihi : » quasi dicat : Nulhis alius
expectatur futurus remedium senectutis.
Consequenter explicat passionem, ut au-
dieutem moveat ad pietatem, dicens :
« Et ecce spiritus apprehendit eum, » etc.
Deinde videtur criminari diseipulos; sed
magis respondet quod juste verecundiam
deposuerit dicens : « Et rogavi diseipu-
los tuos ut ejicerent illud, et non po-
J»E SAINT LUC, CHAP. IX. i'O
Sauveur, que je viens à vous avec légèreté, votre dignité impose, et
je me suis bien gardé de vous importuner tout d'abord ; j'ai commencé
par m'adresser à vos disciples, mais comme ils n'ont pu guérir mon
lils, je suis forcé de recourir à vous. Aussi les reproches du Seigneur
ne s'adressent pas à cet homme, mais à cette génération incrédule :
« Et Jésus prenant la parole, leur dit : 0 race infidèle, » etc.
S. Chrts. [hom. 58 sur S. Matth.) Cependant nous voyons par plu-
sieurs expressions rapportées dans le saint Evangile, que cet homme
était encore bien faible dans la foi; ainsi il dit au Sauveur ; « Aidez
mon incrédulité. » {Marc, ix, 23.) Et encore : a Si vous pouvez. »
(vers. 21.) Et Notre-Seigneur même lui dit : «t Tout est possible à celui
qui croit. » (vers. 22.) — S. Cyr. Le motif le plus probable du re-
proche d'incrédulité que le Sauveur fait à cet homme, est donc l'ac-
cusation portée contre les saints Apôtres, qu'ils ne pouvaient com-
mander aux démons; il aurait dû bien plutôt honorer Dieu en implo-
rant son secours, car Dieu exauce ceux qui lui rendent l'honneur qui
lui est dû. Mais accuser ceux qui ont reçu de Jésus-Christ le pouvoir
de chasser les démons d'impuissance sur ces esprits mauvais, c'est
attaquer la grâce de Dieu elle-même, plutôt encore que ceux qui l'ont
reçue et par lesquels Jésus-Christ manifeste ses divines opérations.
C'est donc offenser Jésus-Christ que d'accuser les saints auxquels il a
confié la prédication de la parole sainte, aussi voyez comment le Sei-
gneur réprimande cet homme et tous ceux qui , partagent ses senti-
ments : c( 0 génération infidèle et perverse, » comme s'il lui disait :
C'est à cause de votre infidélité que la grâce n'a pas produit son effet.
S. Ghrys. [hom. 58 sur S. Matth.) Jésus ne s'adresse pas seulement
lueiuul : » quasi diceret : Non pûtes quoii
leviter ad te perveneritn : slupenda est
dignifas tua, nec statim te molestavi ; ad
discipulos tuo3 accessi primo : nunc quia
uon curaverunt, cogor proficisci ad te.
Unde et Doniiuus, nou ipsum, sed genus
incredulum iiicrepat. Sequitur enim :
« Re.-pondeus autem Jésus, dixit : 0 ge-
neratio intidelis, » etc.
Cbrys. (bom. 58, in Mutlh.) Sed
hune liominem mulluui infirmari iu iide
evangeliorum Scriptura ostendit ex plu-
ribus : ex eo scilicet quod dixit {More,
9, vers. 23) : « Adjuva incredulitaleui
meam; » et (vers. 21) : « Si quid potes; »
et ex eo quad Christus dixit (vers. 22) :
«Credenti omniapossibilia suut. "Cyril.
[iibi supra.) Uude uielius puto incredu-
lum reputatuni daeuiouiaci patrem, quod
et saci'os apostoios objuigaviL, dioeus eos
non posse imperare dsemonibus; potius
autem erat honorando Deum ab eo pe-
tere gratiam ; anuuit enim venerantibus.
Qui autem dicit debilitari erga virtutem
quœ est in spiritus malignos, eos qui a
Christo adepti sunt potestatem ejicien'di
eos, gratiam magis calumniatur quara
fulgentcs ea (gratia) in quibus Christus
operatur. Unde offendilur Christus ac-
cusalis sanctis, quibus est commissum
verbum prsedicationum sacrarum : prop •
ter quod Dorainus increpat cum et con-
cordes ei, diceus : « 0 geueralio inlideUs
etperversa! » Quasi diceret : Causa tuae
intidehtatis, gratia effectum sorlita non
est.
Chrys. {/lom. u8, in Matth.) Non au-
tem dirigit sermonem ad eura tantum.
-480 EXlLlCATlOiN bK l/ÉVANdlLK
à cet homme, pour ne point le jeter dans le trouble, mais à tous les
Juifs, car il est vraisemblable qu'un grand nombre d'entre eux s'é-
taient scandalisés, et avaient conçu des soupçons injustes contre les
disciples (r). — Théophyl. Le Sauveur, en les appelant génération per-
verse, démontre qu'ils n'étaient pas mauvais par principe et par na-
ture, car eu qualité de fils d'Abraham, ils étaient droits par nature (2),
et c'est par leur malice qu'ils s'étaient volontairement pervertis. —
S. Cyr. Ils étaient comme des hommes qui ne savent point suivre la
voie droite. Or, Jésus-Christ dédaigne de demeurer avec ceux qui sont
ainsi disposés : (( Jusques à quand serai-je avec vous et vous suppor-
terai je? » Leur commerce lui devient comme insupportable, à cause
de la dépravation de leur cœur. — S. Ghrys. Il nous fait voir en
même temps combien il désirait la mort, et qu'il redoutait moins le
supplice de la croix que de rester plus longtemps avec eux. — Bède.
Ce n'est point que le Sauveur, si plein de mansuétude et de douceui",
se soit laissé dominer par un sentiment d'aigreur et d'ennui, mais il
parle ici comme un médecin qui, voyant un malade agir contre ses
prescriptions, lui dirait : «A quoi bon venir plus longtemps vous visi-
ter, puisque vous faites tout le contraire de ce que j'ordonne. » Il est
si vrai que ce n'est pas contre cet homme, mais contre la mauvaise
disposition de son âme qu'il est irrité, qu'il ajoute aussitôt : « Amenez
ici votre fils. » —
TiT. DE BosTR. Le Sauveur pouvait le délivrer d'un seul mot,
mais il veut faire constater sa maladie , en l'exposant aux regards
de tous ceux qui l'entouraient. Aussitôt que le démon sentit la pré-
(1*) Nous avons adopté ici le texte même de saint Chrysostome beaucoup plus clair et plus
explicite que la traduction suivie par saint Thomas.
(2) C'est-à-dire eu égard à l'état particulier du peuple de Dieu dont ils faisaient partie et qui
connaissait le vrai Dieu. Car en les considérant dans la condition commune à tous les hommes,
ils étaient comme eux coupables du péché originel et fils de colère comme les autres. [Ephes., n, 3.)
sed ad omnes Judseos. ne faciat eura
haesitare : oportebat enim scandalizari
quam plures. Theophylact. Quod autem
dixit perversa, demouslrat qnod, non a
princ'ipio neque naturaliter iuerat eis
uialilia; quia natura quidem erant recti,
semen Abrahse existentes, sed per inali-
tiam erant perversi. Cyril, {ubi supra.)
Quasi nescientes procedere rectis inces-
sibus. Cum eis autem qui sic sunt dipo-
siti Christus commorari dediguatur.
Unde dicit : « Usquequo ero apud vos et
patiar vos? » Ferens quasi moleste eo-
rum conversationem propter pravitatem
ipsorum. Chrys. {vt siip.) Per hoc etiam
ostendit desideratum sibi esse suum re-
cessum ; et quod non erat grave crucis
patibulum , sed magis ipsorum conver-
satio. Bed. Non quod taedio superatus
sit mansuetus et mitis; sed in similitu-
dinem medici si œgrotum videat contra
sua praecepta se gerere dicat : « Usque-
quo accedam ad domum tuam , » me
aliud jubente, te aliud faciente? In tan-
tum autem non est iratus honiini, sed
vitio, ut statim intulerit : « Adduc hue
filium tuum. »
Titus Bostrems. Poterat quidem solo
jussu eum liberare, sed propalat ipsius
passionem, subjiciens iufirmum preesen-
tium visioni. Dcinde daemonium post-
quam Dominum sensit, concutit pue-
DE SAINT LLC, CHAP. IX.
AM
sence du Seigneur, il agita convulsivement l'enfant : et Et comme
l'enfant s'approchait, le démon le jeta contre terre et l'agita violem-
ment. » Le Sauveur voulait que sa maladie fût bien établie avant d'y
apporter remède, — S. Chrys. Gardons-nous de croire cependant que
le Seigneur obéisse ici à un motif d'ostentation, il agit ainsi dans l'in-
térêt du père, qu'il veut amener à croire le miracle qu'il va opérer,
en lui faisant voir le démon rempli de trouble à sa seule parole : « Et
Jésus commanda avec menace à l'esprit impur, et il guérit Fenfant^ et il
le rendit à son père. » — S. Cyr. Jusque-là, en effet, il n'appartenait pas
à son père, mais au démon qui le possédait. L'Evangéliste ajoute, que
tous étaient stupéfaits à la vue de ces grandes choses que Dieu opé-
rait : (( Et tous étaient stupéfaits de la puissance de Dieu. » L'auteur
sacré veut ici relever l'excellence du don que Jésus-Christ avait fait
aux saints Apôtres, en leur accordant le pouvoir divin de faire des
miracles et de commander aux démons.
Bède. Dans le sens mystique, nous voyons ici que le Seigneur agit
tous les jours avec les hommes, selon le degré de leurs mérites, il
monte avec les uns, en élevant sur les hauteurs les plus sublimes les
âmes parfaites, dont la vie est tout entière dans le ciel {Philip., m,
20), les instruisant des secrets de l'éternité, et en leur enseignant des
'vérités qui ne peuvent être entendues de la foule; il descend avec les
autres, c'est-à-dire, avec les âmes qui ont encore les goûts de la terre
et sont privés de la véritable sagesse, en les fortifiant, en les enseignant
et en les châtiant. Saint Matthieu fait remarquer que ce possédé était
lunatique (chap. xviii); saintMare, qu'il était sourd et muet (chap. ix).
Il est ainsi la figure de ceux qui sont inconstants comme la lune
{Ecclés., XXVII, 12), et que Ton voit successivement croître et décroître
dans les vices auxquels ils sont livrés ; de ceux encore qui sont muets,
rum. Unde sequitur: « Et cum accederet,
elisit illum dœraoniuni et dissipavit; » ut
sic prius exprimalur passio, deinde adhi-
beatur remedium. Chrys. [ut sup.) Non
lamen hoc Doiuiniis ad ostentationem
facit, sed causa patris, ut cum vidcrit da--
monium conturbari propter bolain voca-
tiouem, sic saltem inducatur ad fidem
futuri miraculi de quo sequitur : « Et
increpavit Jésus spiritum imniundum,
et sauavit pueruiu, et reddidil illum pa-
tri ejus. » CviuL. (ubi supra.) Antca au-
tem non erat patri?, sed dœmouis occu-
pantis. Subdit autem Evangelista stupere
plebem in magnaliis Dei, dicens : « Stu-
pebant autem omnes in magnitudiue
Dei : » quod dicit propter donum Christi,
TOM. V.
qui sacris quoque apostolis coutulit po-
testatem agendi divina miracula et im-
perandi dtemonibus.
Beda. Jlystice autem pro qualitate
meritorum quolidie aliis ascendit Domi-
nus, dum perfeclos, quorum conversatio
in cœlis est sublimius extoUendo glori-
flcat, et de œteruis instruit, et docet quai
a turbis audiri non valent : aliis autem
descendit, dum tertenos et insipientes
couiortat, docet et castigat. Hune autem
dœmoniacum .Matthœus lunaticum (cap.
17^, jMarcus surdum et nmtum (cap. 9)
describit. Significat euim illos qui ut
luna mutaatur [EccL, Ti, vers. 12) per
diversa vitia crescentes et decrescentes ;
qui muli suut non confitendo fidem ; et
31
482
EXPLICATION DE L*ÉVANGILE
parce qu'ils ne confessent pas la foi, et de ceux qui sont sourds, parce
qu'ils n'entendent pas la parole de la foi. A peine l'enfant s'est-il ap-
proché du Seigneur, qu'il est violemment agité; c'est qu'en efifet^ le dé-
mon soumet à de plus rudes tentations ceux qui se convertissent à Dieu,
pour leur inspirer l'éloignement de la vertu , ou pour venger l'afiFront
qu'on lui fait en le chassant. C'est ainsi que dans les commencements de
l'Eglise, il lui livra autant de combats acharnés qu'il eut à souffrir de
coups portés à son empire. Ce n'est point l'enfant qui souffrait cette
violence que le Sauveur reprend avec menace, mais le démon qui en
était l'auteur, parce qu'en effet, celui qui désire ramener au bien
un pécheur doit poursuivre le vice de ses reproches et de sa haine,
mais donner à l'homme pécheur les témoignages d'un amour sincère,
jusqu'à ce qu'il l'ait remis guéri de ses infirmités entre les mains des
pères spirituels de l'Eglise.
y. 44-48. — Et comme ils admiraient tout- ce que faisait Jésus, il dit à ses
disciples : Pour vous, mettez bien ceci dans votre cœur : Le Fils de l'homme
doit être livré entre les mains des hommes. Mais ils n'entendaient point ce
langage, il était voilé pour eux de sorte qu'ils ne le comprenaient pas, et ils
craignaient de l'interroger sur ce sujet.
S. Ctr. Tout ce que faisait Jésus excitait l'admiration générale, car
chacune de ses œuvres brillait d'un éclat surnaturel et divin, selon
cette parole du Roi-prophète : « Vous l'avez environné de gloire
et de beauté. » {Ps, xx.) Cependant, quoique cette admiration fût
commune à tous ceux qui étaient témoins de ses œuvres, ce n'est qu à
ses disciples qu'il adresse les enseignements qui suivent : « Et comme
ils admiraient tout ce que faisait Jésus, il dit à ses disciples, » etc. Il
avait découvert à ses disciples sur la montagne une partie de sa gloire.
^urdi nec ipsum fidei audiendo sermo-
neiu. Dum puer autem ad Domiiium
accedit, elidilur; quia conversi ad Do-
minum plerumque a d£emoiiio gravius
pulsantur ut vel odium virtutis iucutiat
vel expulsionis suiE vindicet injuriam,
sicut EcclesiîE primordiis tôt gravisbima
intulit certamina, quoi suo regnu doluit
subito illata dispendia. Non puerum au-
tem qui vim patiebatur, sed deemonium
qui inferebat, increpat; quia qui pec-
cantem emendare desiderata vitium ar-
guendo et odiendo depellere ; sed hoini-
nem débet amando refovere , donec
sanatum spiritualibus Ecclesiae possit
reddere Patribus.
Omnibusque rairantibus in omnibus qnœ faciebat.
dixit ad discipulos suos : Ponite vos in cordi-
bus vestris sermones istos : Filius enim homi-
nis fulurum est ut iradatur in manus homi-
mim. At au ignorabant verbum istud , et erat
velatum ante eos, ut non sentirent illud ; et
timebant eum interogare de hoc verbo.
Cyril, {ubi supra.) Omnia quaecunque
operabatur Jésus , admiratione digaa
pênes omnes erant : irradiabat enim
quiddam prœcipuum et divinum in qua-
libet operatione ipsius ; secundum illud
[Psal. 20) : « Gloriam et decorem su-
perpones ei. » Etsi omnes quidem mira-
rentur in bis quae faoiebat, ipse tamen
bsec quse sequuntur, non omnibus, sed
discipulis retulit. L'nde dicitur : « Om-
nibusque mirantibus, » etc. Ostenderat
in monte discipulis gloriam suam, et
DE SAINT LUC. CHAP. IX.
483
puis il avait délivré un possédé du malin esprit, mais il fallait qu'il se
dévouât pour notre salut aux souffrances de sa passion. Or, les disciples
pouvaient lui dire dans le trouble où les jetait cette triste prédiction :
Est-ce que nous avons été trompés en croyant que vous étiez Dieu?
C'est donc afin de leur faire connaître ce qui devait lui arriver, qu'il leur
commande de garder comme un dépôt dans leur âme le mystère de
sa passion : « Pour vous, mettez bien ceci dans votre cœur. » Tl dit :
« Pour vous, » afin de les distinguer des autres, car pour le peuple il ne
devait pas encore connaître qu'il devait souffrir, mais pour éviter tout
scandale, il devait plutôt recevoir l'assurance que le Sauveur ressusci-
terait vainqueur de la mort. — Tite de Bostr, C'est lorsque tous
sont dans l'admiration à la vue des prodiges qu'il opère, qu'il leur
prédit lui-même sa passion, car ce ne sont point les miracles qui
sauvent les hommes, c'est la croix qui est pour eux la source de toutes
les grâces : « Le Fils de l'homme doit être livré entre les mains des
hommes.» — Orig. {t?'aité iv sw S. Matth.) Il n'exprime pas ouverte-
ment quel est celui qui le livrera, les uns disent que ce doit être Judas,
les autres, le démon ; saint Paul affirme au contraire, que c'est Dieu
le Père qui l'a livré à la mort pour nous tous. [Rom., vrii) ; c'est-à-dire
que Judas l'a livré pour une somme d'argent dans un dessein perfide,
tandis que Dieu le Père l'a livré pour la rédemption des hommes.
Théophtl. Cependant le Sauveur ne permit point que ses disciples
comprissent cette prédiction de sa croix , par condescendance pour
leur faiblesse, et parce qu'il les conduisait d'après un plan arrêté et
en suivant une marche progressive : Aussi l'Evangéliste ajoute :
« Mais ils n'entendaient pas cette parole, » etc. — Bède. Cette igno-
rance des disciples avait moins pour cause la pesanteur de leur esprit,
post hoc liberaverat quenidaio a spiritu
nequam; sed oportebal euui sustiaere
passionom pro nobis salutarein. Poterant
autem discipuli conturbari dicentes :
« Nunquid decopti sumus dum Deum
esse eum arbitraremur? » Ut ergo sci-
rent quid circa ipsum futuruia erat, ve-
luL quûddaiu doposilnni juhet eos in
mente babere passionis my.-terium di-
cens : « Ponitc vus in cordiljiis vestris. »
Quod dicit, vos, distiui?uit eos ab aliis :
neque enim oportebat vulf^^ares scire
quoniam passurus esset, sed crant potius
certificandi quoniam mortuus resurgeret
destruens mortem, ne scandalizarentur.
TiTCS BosTRENS. Cunctis igitur admi-
rantibus signa ipse praenunLiat passio-
nem : non enim signa salvant, sed crux
bénéficia prœstal. Unde subdit : « Filius
enim bominis futurum est ut tradatur
in manus bominum. » Oriu. {Tract. 4/
in Matth.) Non autem exprimit mani-
feste a quo tradendus sit : aUquis enim
dicit eum tradendum a Juda, aUquis a
diabolo; Paulus autem dicit {ad Boni., 8)
quod Deus Pater pro nobis omnibus tra-
didit eum : sed Judas tanquam pro pe-
cunia tradens eum bostiliter prodidit ;
sed Pater beneficii causa.
Theophylact. Eorum autem infirmi-
tati Dominus condescendens^ et eos dis-
ciplina quadam gubernans, quod de
cruce dictum est^ intelligere non permi-
sit. Unde sequitur : « At illi ignora-
bant, » etc. Bed. Ilœc ignorantia disci-
piiinrum, non tam de tarditate quam de
48-4
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
4ue leur amour pour Jésus-Christ. Ils étaient encore charnels , ils ne
connaissaient pas encore le mystère de la croix , et ils ne pouvaient
s'imaginer que celui qu'ils regardaient comme vrai Dieu , devait être
soumis à la mort. Et comme le Sauveur leur parlait souvent par
figures, ils pensaient qu'en annonçant qu'il serait livré , il voulait
exprimer figurativement quelqu'autre vérité. — S.Cyr. On demandera
peut-être comment les disciples de Jésus-Christ pouvaient ignorer le
mystère de la croix, puisque la loi, qui était pleine de figures, y faisait
allusion en plusieurs endroits. Nous répondons avec saint Paul, que
jusqu'à ce jour, lorsque les Juifs lisent Moïse , ils ont un voile sur le
cœur. Ceux qui veulent s'approcher de Jésus-Christ , doivent donc lui
dire : « Otez le voile qui est sur mes yeux, et je contemplerai les mer-
veilles de votre loi. » — Théophyl. Remarquez encore la réserve res-
pectueuse des disciples : « Et ils craignaient même de l'interroger sur
ce sujet, » car la crainte est un degré du respect.
f. 46-48. — Or, une pensée leur vint à l'esprit, lequel d'entre eux était le plus
grand. Mais Jésus, voyant 'les pensées de leur cœur, prit un enfant, le plaça
près de lui, et leur dit : Quiconque recevra cet enfant en mon nom, me reçoit,
et quiconque me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé. Car celui qui est le plus
petit entre vous tous, celui-là est le plus grand. Alors Jean, prenant la parole,
lui dit : Maître, nous avons vu un homme qui chasse les démons en votre nom,
et nous l'en avons empêché, parce qu'il ne vous suit pas avec nous. Jésus lui
dit : Ne l'en empêchez point, car celui qui n'est poitït contre vous, est pour
vous.
s. Ctr. Le démon tend des pièges de toute sorte à ceux qui s'atta-
chent à vivre saintement; lorsqu'il peut séduire une âme par l'attrait
amore nascitur; qui carnales adhuc et
mysterii crucis ignari , quem Deum ve-
rum crediderunt, moriturum credere
nequiverunt. Et quia per figuras eum
ssepe loquentem audire solebaot, etiam
quœ de sua traditione loquebatur, figu-
rative eum aliud significare putabaut.
Cyril, {ut snpra.) Dicet autem aliquis
forsau : « Qualiter ignoraveruut disci-
puli crucis Christi niysterium, eum per
umbram legis in pluribus locis tangere-
tur? » Sed ut Paulus commémorât
(II Corinth., 3), u'sque ad hodiernum
diem, quando legitur Moyses, velamen
adjacet cordi eorum. Expedit ergo acce-
dentes ad Christum dicere : « Detege
oculos meos, et contemplabor mirabilia
de lege tua. » Theophylact. Vide etiam
discipulorura reverentiam iu hoc quod
sequitur : « Et timebanl inlerrogare eum
de hoc verbo : » nam timor gradus est
reverentiae.
Iniroivit autem cogitatio in eos, guis eorum ma-
jor esset. At Jésus videns cogitaiiones cor dis
illorum, apprehendit puerum, et statuit illum
secus se, et ait illis : Quicumque susceperit
puerum istum in nomine meo , me recipit ; et
quicumque me receperit , recipit eum gui me
misit. Nam qui minor est inter vos omnes , hic
major est. Bespnndens autem Joannes, dixit :
Prœceptor, vidimus qv.emdam in nomine tuo
ejicientem dœmonia, et prohibuimus eum, quia
non sequitur nobiscum. Et ait ad illos Jésus :
Nolite prohibere : qui enim non at aduersum
vos, pro vobis est.
Cyril, {tu Cat. Grœcorutn Patrum.)
Insidiatur diabolus multimode diligenti-
bus optimam vitam; et siquidem per
DE SAINT LUC, CHAP. IX. 485
des plaisirs diarnels , il excite en elle l'amour des voluptés ; si elle
échappe à cette tentation , il cherche à la rendre esclave d'une autre
passion^ de l'amour de la gloire, et c'est ce désir de la vaine gloire qui
s'empare de quelques-uns des Apôtres : « Il leur vint en pensée lequel
d'entre eux était le plus grand. » Or, avoir cette pensée, c'est désirer
être plus grand que les autres. Il n'est pas vraisemblable que tous les
disciples aient succombé à ce sentiment de vaine gloire , et c'est pour
ne point faire tomber sur quelqu'un d'entre eux cette accusation, que
l'Evangéliste s'exprime d'une manière générale : « Il leur vint en
pensée. » — Théophyl. Il parait que cette pensée leur vint de ce qu'ils
n'avaient pu guérir cet homme qui était possédé ; dans la discussion
qu'ils eurent à ce sujet, l'un disait : Ce n'est point par suite de mon
impuissance que je n'ai pu le guérir^ c'est le fait d'un autre, et telle fut
la cause de cette dispute sur celui d'entre eux qui étaient le plus
grand. — Bède. On peut dire encore que les Apôtres ayant vu le Sau-
veur faire choix de Pierre, Jacques et Jean, pour les conduire séparé-
ment sur la montagne, et promettre à Pierre les clefs du royaume des
cieux, se persuadèrent que ces trois disciples avaient le pas sur eux,
ou que Pierre était mis à la tète de tous les Apôtres. Ou bien enfin, ils
crurent que Pierre était placé au-dessus d'eux , parce que le Sauveur
l'avait comme égalé à lui-même dans le paiement du tribut. Cepen-
dant le lecteur attentif trouvera qu'ils avaient agité entre eux cette
question avant qu'il fût question de ce tribut. D'ailleurs saint Matthieu
rapporte cette discussion comme ayant eu lieu à Capharnaiim (xviii) ;
saint Marc fait de même : « Et ils vinrent à Gapharnaûm, et lorsqu'ils
furent dans la maison, il leur demanda : Que discutiez-vous en che-
min? Et ils se taisaient, parce que dans le chemin, ils avaient disputé
carnales illecebras obsidere valeat ali-
CUJU3 mentem, affectus voluptatum exa-
cuit; si qui» autem hos effuj^erit laqueos,
cupidinis glorice suscitât passionem, quée
(juidem passio vanae gloriae invasil quem-
dam apostolorum ejus : unde dicltur :
« Intravit autem cogitatio in eos , quis
eorum esset major : » hoc enim cogitare
est cupientis caeteris superiorem esse.
luiprobabile autem puto omnes discipu-
los banc aegritudinem incurrisse; et ideo
ne crimen aliquod contra aliquem dis-
cipulorum Evangelista macliinari vide-
retur, expriniit indeterminate dicens
quod « intravit in eos cogitatio. » Thf.o -
PUYLACT. Videtur autem hanc passionem
ex hoc ortam fuisse, quod daemoniacum
curare non valuerunt : eis de hoc alter-
cantibus, une dicente quod non propter
meam impotentiam, sed alterius curari
non valuit ; ut ex hoc accensa contentio
fuerit, quis eorum major esset. Beda.
Vel quia viderunt Petrum, Jacobum et
Joannem, seorsum ductos in montem ,
et Petro claves regni cœlorum promissas
fuisse : rali sunt vel ipsos très caeteris,
vel Petrum omnibus esse prœlatum; vel
quia in tributi solutione Petrum ipsi Do-
mino parificatura viderant, ipsum caete-
ris arbitrabantur prœferendum. Sed di-
ligens lector hanc intcr eos quaestionem
etiara ante didrachma redditum inveniet
fuisse versatam, Denique Matthaeus hoc
in Capharnaum momoral esse gestum.
cap. 18.) Dicit autem Marcus (cap. 9) :
« Et venerunt Capharnaum, qui cum in
domo essent, interrogabat eos : Quid in
via traclabalis? At illi tacebant : siqui-
486
EXPLICATION r>E L ÉVAiNGILK
ensemble qui d'entre eux était le plus grand. » — S. Cyr. Le Sei-
gneur, qui sait prendre les moyens les plus convenables pour nous
sauver, voit naître dans l'esprit des disciples cette pensée d'orgueil
comme une racine d'amertume (1), il l'extirpe donc entièrement avant
qu'elle se soit développée ; car rien de plus facile que de triompher de
nos passions lorsqu'elles ne font que de naître , mais lorsqu'elles ont
pris de l'accroissement, il est on ne peut plus difficile de les détruire :
« Mais Jésus, voyant les pensées de leur cœur, » etc. — Que celui qui
ne veut voir en Jésus-Christ qu'un homme, reconnaisse ici son erreur :
le Verbe s'est fait chair, il est vrai , mais il n'a pas cessé d'être Dieu ;
car à Dieu seul, il appartient de sonder les cœurs et les reins, tl prend
un enfant et le place près de lui , pour l'instruction des Apôtres et
pour la nôtre ; car la maladie de la vaine gloire s'attaque principa-
lement à ceux qui ont quelque supériorité sur les autres hommes. Un
enfant, au contraire, a l'âme candide , le cœur pur, une grande sim-
plicité dans ses pensées ; .il n'ambitionne pas les honneurs , il ne re-
cherche aucune distinction, il ne craint point de paraître inférieur
aux autres , son esprit , comme son cœur sont exempts de toute ri-
goureuse exigence. Tels sont ceux que le Seigneur affectionne et chérit
tendrement, qu'il daigne placer près de lui, parce qu'ils ont les incli-
nations et les goûts de son propre cœur. C'est lui qui nous dit en
effet : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. » Et
ici : « Quiconque recevra cet enfant en mon nom , me reçoit. » Voici
le sens de ces paroles : Puisqu'il n'y a qu'une seule et même récom-
pense pour ceux qui honorent les saints , qu'ils soient petits aux yeux
(1) Allusion à la recommandation que l'Apôtre fait aux Hébreux (chap. xii, vers, b) : n Prenez
garde que quelqu'un ne manque à la grâce de Dieu, que quelque racine d'amertume poussant en
haut ses rejetons, ne nuise à la semence, et ne souille l'âme de plusieurs. »
dem iuter se iu via disputaveraut qiiis
illorum esset major. » Cyril, {nbi svp.)
Dominus autem qui aovit salvos facere ,
videns in mente discipulorum super lioc
cogitationem esortam, velut quamdam
amaritudiuis radicem. priusquam aim-
mentum siisciperet, radieitus eam evel-
lit : cum enim iuclioant passiones in
nobis, facile devincuntur, sed auctae,
difficile sunt mobiles. Uude sequitur :
« At Jésus videns cogitaliones illo-
rum, » etc. Discat qui uudum homiuem
putat esse Jesum, se erj'asse : quamvis
enim Verbum caro factum sit, mansit
tamen Deus : nam solius Dei est posse
rimari corda et reues. Quod autem pue-
rura assumpsit, et ponebat pênes se, age-
batur causa utilitatis aposlolorum et
nostrœ. Depascitur enim inauis gloriae
morbus ut plurimum eos qui prœemi-
uent in homiuibus aliis. Puer autem sin-
ceram gerit mentem, immaculatum cor,
et manet iu simplicitate cogitationum ;
non ambit honores, nec no vit cujusvis
preerogativce modum, nec refugit videri
in minus se habere, non multam gerit
severitatem iu mente et corde. Taies au-
tem Dominus amplexatur et diligit, e\
prope se dignatur habere, quasi qui ele-
gerunt quse sua sunt sapere. Ait enim
[Matth., 11) : « Discite a me quia mitis
sum et humilis corde. » Unde sequitur :
« Et ait illis : Quicuuque susceperit pue-
rum istum in nomine meo, me recipit.»
Onasl diceret : Quando una et eadem
est nierces houorantibus sanctos, sive
DE SAINT LUC, CHAP. IX. 487
des hommes, ou qu'ils soient environnés d'honneur et de gloire, parce
que c'est Jésus-Christ qu'on reçoit dans leur personne , quelle vanité
de se disputer la prééminence ! — Bède. Le Sauveur veut ici ap-
prendre à ceux qui veulent être les premiers à recevoir en son nom
et par honneur pour lui les pauvres de Jésus-Christ , ou à imiter l'in-
nocence des petits enfants (1). Aussi , après avoir dit : « Quiconque
recevra cet enfant, » il ajoute : a En mon nom, » pour engager ses dis-
ciples à suivre, par raison et au nom de Jésus-Christ, ces exemples de
vertu qu'un enfant pratique et donne naturellement. Mais comme c'est
lui qu'on doit recevoir en recevant un enfant, et que lui-même a
daigné se faire enfant pour nous, on aurait pu croire qu'il n'était que
ce qu'il paraissait extérieurement, aussi ajoute-t-il : «Et quiconque me
recevra, reçoit celui qui m'a envoyé. » Ainsi il veut qu'on le croie tout à
fait semblable et aussi grand qu'est son Père. — S. AMBR.EuefiFet,celui
qui reçoit un imitateur du Christ , reçoit le Christ lui-même ; et celui
qui reçoit l'image de la substance de Dieu, reçoit aussi Dieu lui-même.
Mais comme nous ne pouvions voir l'image de Dieu , Dieu nous l'a
rendue sensible et présente par l'incarnation du Verbe, pour nous ré-
concilier avec la divinité qui est au-dessus de nous.
S. Cyr. Le Sauveur explique encore plus à fond le sens des paroles
qui précèdent : « Car celui qui est le plus petit parmi von» tous, est le
plus grand, » paroles qui conviennent à l'àme qui est humble , qui,
par un profond sentiment de modestie , n'ose avoir aucune grande
pensée d'elle-même. — Théophyl. Notre- Seigneur venait de dire :
« Celui qui est le plus petit parmi vous , est le plus grand , » Jean
craignit donc qu'ils ne se fusssent rendus coupables en faisant en leur
(1) C'est ainsi qae l'Apôtre s'adressant anx Corinthiens, leur dit : « Ne soyez point sans prudence
et sans discernement, comme les enfants, mais soyez comme eux sans malice. » (I Cor., xiv, 20.)
forsan minimus sit, sive praeclarus ho-
nore et gloria, quia in eo Christus sus-
cipltur, quomodo non vanum est petere
invicem fungi prserogativa? Bed. In hoc
autem vel simphciter pauperes Christi
ab his qui vehnt esse majores pro ejus
docet honore suscipieudos, vel maUtia
parvulos istos esse suadet. Unde cum
diceret : « Quicunque gusceperit puerum
istum, » addit, « in nomine meo, » ut
scilicet formam virtutis quam natura
duce puer observât, ipsi pro nomine
Christi rationis iudustria sequautur. Sed
quia et se in puero suscipi docet, et ipse
puer natus est nobis, ne putaretur hoc
esse solum quod videbatur, subjunxit :
« Et quicunque me receperit, recipit
illum qui me misit : n talem se utique
ac tantum credi volens, qualis et quan-
tu3 est Pater. Ambr. Qui euim imitato-
rem Christi recipit, Christum recipit; et
qui imaginem Dei recipit, Deum recipit.
Sed quia imaginem Dei non poteramus
videre, facta est nobis per incarnatio-
nem Verbi prœsens, ut reconciliaretur
nobis quae supra nos est Divinitas.
Cyril, [ubi sup.) Adhuc autem magis
insinuât prœmissi verbi intentiouem, di-
cens : « Nam qui minor est inter vos
omnes, hic major est : » quod de mo-
desto dicit, qui nihil de se sublime putat
propter honestatem. Toeophylact. Quia
ergo Dominus dixerat : « Qui minor est
inter vos omnes, hic major est, » timuit
Joannes nf^ forte malum aliquod fece-
rint, propria potestate queuidam homi?
488 EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
nom une défense formelle à un homme qui chassait les démons ; car
faire défense n'est pas un acte d'infériorité , mais le signe d'une auto-
rité supérieure : « Jean, prenant la parole, lui dit : Maître^ nousavons
vu un homme qui chasse les démons en notre nom, et nous l'en avons
empêché. » Ce n'était point par un sentiment d'envie , mais parce
qu'ils voulaient s'assurer de la nature et de l'authenticité de ces mi-
racles. En effet, cet homme n'avait pas été revêtu , comme eux , du
pouvoir d'opérer des prodiges ; il n'avait pas reçu , comme eux , la
mission divine, il ne marchait pas continuellement à la suite de Jésus-
Christ, comme Jean l'affirme : « Il ne vous suit pas avec nous. » —
S. Ambr. Jean, le plus aimant des disciples, et pour cela le plus aimé,
croit qu'on doit refuser ce pouvoir tout divin à celui qui n'est point le
disciple fidèle de Jésus. — S. Gyr. Il eût été plus raisonnable de
penser que cet homme n'était pas l'auteur des miracles qu'on lui
voyait opérer, mais la grâce divine qui agit dans celui qui fait des
miracles au nom et par la puissance du Christ. Qu'importe que ceux
qui ont reçu cette grâce de Jésus-Christ, ne sont point comptés parmi
les Apôtres? Les dons du Christ sont très-différents , mais comme le
Sauveur avait spécialement donné aux Apôtres le pouvoir de chasser
les esprits immondes {Matth.^ x), ils s'imaginèrent que c'était un pri-
vilège qui leur était exclusivement personnel, et c'est pour cela qu'ils
s'approchent de Notre -Seigneur pour lui demander si d'autres par-
tageaient ce pouvoir avec eux.
S. Ambr. Le Sauveur ne fait aucun reproche à Jean , parce qu'il
agissait sous l'inspiration de son amour , mais il lui apprend à con-
naître la dififércnce qui sépare les chrétiens faibles de ceux qui sont
morts. Le Seigneur récompense ceux qui sont forts , mais il n'exclut
nem proliibentes : nam prohibitio non
minorem osleudit prohibentem, sed ma-
jus aliquid sapientem. Unde snbditur :
« Respondens autem Joannes dixit :
Prœceptor, vidimus quemdam in Do-
mine tuo ejicientem dœmonia, et prohi-
buimus eum; » non quidem invidentes,
sed operationem miraculorum dijudi-
cantes; non enim cum eis miraculorum
potestatem acceperat; neque eum Do-
minus miserat sicuL illos; neque Jesum
in omnibus sequebatur : unde subdit :
«Quia non sequitur nobiscum. » Ambr.
Joannes enim plurimum diligeus, et ideo
redamatus plurimum, excludeudum pu-
tat beneficio eum qui non utatur obse-
quio. Cyril, [ubi supra.) Sed oportebat
rnapis pensare non bunc ipsum esse mi-
raculorum auctorem, sed gratiam quae
est in eo qui in virtute Cbristi miracula
perflcit. Quid autem si non connume-
rentur apostolis, qui Christi gratia coro-
nantur? Multse sunt differenlise Christi
donorum; sed quia tradiderat Salvator
potestatem apostolis ut spiritus immun-
dos ejicerent {3I(itiJi., 10), putaverunt
uulli aliorum quam sibi solis licere con-
cessam gerere dignitatem ; et ideo acce-
dunt sciscitantes si liceat et aliis hoc
agere.
Ambros. Non reprehenditur autem
Joannes, quia amore faciebat; sed doce-
tur ut noverit infirmorum esse firmo-
rumque distantiam. Et ideo Dominus
etsl fortiores rémunérât, tamen non ex-
cludit infirmos. Unde sequitur ; « Et ait
DE SAINT LUC, CHAP. IX. 489
pas pour cela ceux qui sont plus faibles : « Et Jésus lui dit : No l'en empê-
chez point, car celui qui n'est point contre vous, est pour vous. » Oui, Sei-
gneur, vous dites vrai, car Joseph et Nicodème étaient vos disciples ca-
chés par crainte, et cependant ils ne vous refusèrent pas en son temps
le témoignage de leur fidélité et de leur amour. Et toutefois , comme
vous avez dit vous-même ailleurs : « Celui qui n'est pas avec moi,
est contre moi ; et celui qui ne recueille pas avec moi , dissipe »
{Luc, XI, 23); daignez faire disparaître cette apparente contradiction.
Quant à moi, je pense que celui qui considérera attentivement le divin
scrutateur des cœurs, sera convaincu qu'il discerne les actions des
hommes par l'intention qui les produit. — S. Ghrys. {hom. 42 sur
S. Matth.) En etfet, lorsqu'il dit : « Celui qui n'est pas avec moi est
contre moi, » il veut faire connaître à ses disciples que le démon et
les Juifs sont contre lui ; mais ici , il veut leur apprendre que cet
homme, qui chassait les démons au nom de Jésus- Christ , était en
partie de leur côté. — S. Cyr. Comme s'il disait : A cause de vous
qui aimez le Christ, il en est qui cherchent tout ce ^.' a rapport à sa
gloire, et qui ont reçu le même grâce.
TflÉorHYL. Qu'elle est admirable la [juissance de Jésus-Christ, et
comme sa grâce opère par des hommes indignes qui ne sont pas ses
disciples ! C'est ainsi que les prêtres produisent la sanctification dans
les âmes , bien qu'ils n'aient pas eux-mêmes la grâce de la sain-
teté.
S. Ambr. Mais pourquoi ne veut-il pas qu'on empêche ceux qui, par
l'imposition des mains, ont le pouvoir de commander aux esprits im-
mondes au nom de Jésus, tandis que dans l'Evangile de saint Matthieu,
il leur dit : « Je ne^vous connais point? » Il n'y a ici aucune contra-
diction, nous devons seulement conclure de ces dernières paroles, que
ad illura Jésus : Noli prohibcre : qui
enim uon est adversus vos, pro vobis
est. » Bene, Domine : nara et Joseph et
Nicodemus occulli discipuli propter lue-
tum , in tempore tamen suuui litji offi-
cium non negaveruut : sed taiiicu quia
alibi dixisti {Luc, il, vers. 23) : « Qui
non est mecuin, adversum me est; et
qui mecum non colligit, dispergit^ »
aperi nobis, ne videalur esse contra-
rium : cl puto quia si ((iiià uientium con-
sideret scrutatoreni, non debeat dubitai-L'
uniuscujusqne fa('tuui mente discerni.
Chrys. [hom. 42, in Matlh.) lilir enim
cum dixit : « Qui non est mecum ad-
versum me est, » ostendit diabolum et
Judeeos sibi esse contraries : hic autem
ostendit eum qui in uomine Christi dpe-
mones ejiciebal, in parte cum eis exis-
tere. Cyril, [ubi supra.) Quasi diceret :
Fro vobis qui Gbristum diligitis, sunt
qui prosequi volunl quae ad ipsius glo-
riam spectant, ejusdem gratia corooati.
Theophylact. Mirare autem Christi
virtutem, quaUter per indignos, et non
discipulos, ejus gratia operatur : sicut et
per sacerdotes sanctiiîcantur homiues,
quamvis sacerdotes sancti uon fuerint.
Ambr. Cur autem hic eos qui possuut
per maniis impositionem imnmndis im-
perare spiritibus in nomim.' Jesu, negat
esse prohibcndos , cum secundum Mat-
thseum dicat bis : « Non novi vos"? »
Sed advertere deberaus uon esse senteu-.
490
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
le Sauveur ne demande pas seulement aux clercs les œuvres de leur
ministère , mais des œuvres de vertu ; et que le nom de Jésus-Christ
renferme une si grande puissance , qu'il la communique à ceux
mêmes qui sont loin d'être saints , pour le bien de leurs frères, mais
non pour leur propre sanctification. Que personne donc ne s'attribue
le mérite de la guérison spirituelle d'un homme , que la puissance
du nom éternel de Dieu a délivré de ses crimes ; ce n'est point votre
mérite, mais la haine que Dieu porte au démon , qui est la cause de
sa défaite. — Bède. Lorsque donc nous rencontrons des hérétiques et
des mauvais catholiques, ce que nous devons détester et combattre eu
eux, ce ne sont pas les pratiques qui nous sont communes avec eux,
et qui sont comme un lien d'unité qui les rattache encore à nous, mais
la division contraire à la paix et à la vérité, qui les rend nos ennemis.
f. 51-56. — Les jours où il devait être enlevé de ce monde étant près de
s'accomplir, il se résolut d'aller à Jérusalem. Et il envoya devant lui quelques-
uns de ses disciples pour annoncer sa venue. Ils partirent, et entrèrent dans
une ville des Samaritains pour lui préparer un logement; mais les habitants
refusèrent de le recevoir, parce qu'il se dirigeait vers Jérusalem. Ce que voyant
ses disciples Jacques et Jean, ils dirent : Seigneur, voulez-vous que nous
commandions que le feu descende du ciel et les consume? Jésus se tournant
vers eux les reprit, en disant : Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes. Le
Fils de l'homme n'est pas venu pour perdre les âmes, mais pour les sauver.
Et ils s'en allèrent dans une autre bourgade.
S. Cyr. Comme le temps approchait où le Seigneur devait, après les
souffrances de sa passion^ remonter au ciel, il résolut de se rendre à
Jérusalem : « Les jours où il devait être enlevé de ce monde étant
près de s'accomplir, » etc. — Tite de Bostr. Il fallait, en effet, que le
tiarum discordiam, sed illiid censeri,
quod non solum officii in clerico, sed
etiam virtutis opéra requirautur, tau-
tumque esse Chrisli nomeu, ut eliam
pariim sanctis opituletur ad praesidium,
etsi non ad gratiam : unde ueiuo purgati
hominis sibi gratiam veudicet in quo
aelerni nomiuis virlus operata sit : non
enim merito tuo diaboUis, sed odio suo
vincitur. Beda. Itaque in hsereticis et
malis catholicis non sacramenta commu-
nia in quibus nobiscum sunt, et adver-
sus nos non sunt, sed divisionem paci
veritatique contrariam, qua adversum
nos suot, et Dominum non sequuutur,
nobis convenit detestari et probibere.
Factum est autem dum complerentur dieu as-
sumpiionis ejus, et ipse faciern suam firmavit
ut iret in Hierusalem. Et misit nuntios ante
conspectum suum, et euntes intraverunt in ci-
vitatem S amaritanorum ut pararent illi. Et
non receperunt eum, quia faciès ejus erat eun-
tis in Hierusalem. Cum vidissent autem disci-
puli ejus Jacobus et Joannes , dixcrunt : Do-
mine, vis dicamus' ut ignis descendat de cœlo
et consumât illos ? Et conversus increpavit
illos dicens : Nescitis cujus spiritus estis ; Fi-
lius hominis non venit animas perdere, sed
salvare. Et abierunt in aliud casteUum.
Cyril, {in Cat. Grœcorum Patrum.)
Cum imminerel lempus quo decebat Do-
minum peracla passione salubri cœliim
asceudere, decrevit ascendere Hieroso-
lymam : unde dicitur : « Factum est au-
tem, » etc. Titus BostreiXS. Quia ilîi
oportebat verum A^num olTerri , ubi fi-
DE SAINT LUC, CHAP. IX.
*9i
véritable agneau fût oflfërt là où l'agneau figuratif était immolé.
L'Evangéliste dit qu'il « affermit son visage, «c'est-à-dire qu'il n'allait
point de côté et d'autre, qu'il ne parcourait point les bourgs et les
villages, mais qu'il se rendait directement à Jérusalem. — Bède. Que
les païens cessent donc d'insulter, comme un homme , ce crucifié qui
a prévu, certainement comme Dieu, le temps de son crucifiement, et
qui, consentant à cette mort ignominieuse, a marché avec une conte-
nance ferme, c'est-à-dire avec une àme résolue et intrépide.
S. Cyr. Il envoie devant lui des messagers , pour lui préparer un
logement et à ceux de sa suite, mais, lorsqu'ils arrivèrent dans le pays
de Samarie, ils ne furent point reçus : « Et il envoya devant lui
quelques-uns de ses disciples , et ils partirent et entrèrent dans un
bourg de Samarie pour lui préparer un logement; mais les habitants
refusèrent de le recevoir. » — S. Ambr. Remarquez que le Sauveur ne
voulut point être reçu par ceux qu'il savait n'être point sincèrement
convertis; s'il l'eût voulu, il eût changé leurs mauvaises dispositions,
et leur eût inspiré un véritable dévouement pour sa personne ; mais
Dieu appelle qui il veut , et donne aussi suivant sa volonté la grâce
de la foi et de la piété. Or^ l'Evangéîiste nous fait connaître la raison
pour laquelle ils refusèrent de le recevoir : « Parce qu'il se dirigeait
vers Jérusalem. » — Théophyl. Mais s'ils refusèrent de le recevoir,
parce que son intention était de se rendre à Jérusalem, né sont-ils pas
excusables ? Nous répondons qu'il faut entendre ces paroles de l'Evau-
géliste : « Et ils ne le reçurent pas, » dans ce sens qu'il ne vint même
pas dans le pays de Samarie , » et qu'à cette question : Pourquoi ne
l'ont-ils pas reçu? l'auteur sacré répond, que ce n'est point par im-
puissance de sa part, mais parce qu'au lieu de se rendre dans le
guralis agnus immolabatur. Dicit auteni :
« Firmavit faciem suaiu, » id est, non
hue et illuc ibat, uec perambulabat vicos
et municipia , sed iter tenebat versus
Hierusalem. Bed. Cessent ergo pagani
quasi liominem ridere crucifixum, quem
et tempus suœ crucifixionis constat (quasi
Deum) prtevidisse, et (quasi sponte cru-
cifigendum) locum quo crucifigendus
erat firmata facie (id est, obslinata at-
que imperterrila mente) petiïse.
Cyril, [ubi supra.) Jlisit autera uiin-
tios paraturos ei et comitibus ejus hos-
pitiuni; qui cura ivissent ad lerram Sa-
maritanorum, non fueruntaduaissi: unde
sequitur : « El misit uuntios ante con-
spectum suuni, et euntes intraverunt in
civitatein Samaritanorum ut pararent
illi, et non receperuat illum. » Ambr.
Disce, quia recipi noluit ab bis quos scie-
bat non simplici mente conversos : nam
si voluisset, ex indevotis devotos fecis-
set; sed Deus quos dignatur vocat, et
quem vult religiosum facit. Cur autem
non receperuut, Evangelista memorat
dicens : « Quia faciès ejus erat euntis in
Hierusalem. » Theopuvl. Sed si intelli-
gamus quod propter hoc illum non rece-
peruut, quia ire in Hierusalem determi-
uaverat, inveniuntur bi oxcusati qui non
receperunt eum. Sed dicendum est quod
in boc quod dicit Evangelista : « El non
receperunt illum, » intelligitur illud quod
neque in Samariam venil; deinde quasi
aliquo interroganlc, quare non recepe-
runt ipsum, neque eos adivit, solvens
boc, dicit non quia impoteus esset, sed
quod illuc ire uolebat, sed magis Hiero-
492 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
pays de Samaiic , il aima mieux aller à Jérusalem. — Bède. On peut
dire aussi que les Samaritains ne voulurent point le recevoir , par
ce qu'ils le voyaient se diriger vers Jérusalem, car selon la remarque
de saint Jean, les Juifs ne communiquent pas avec les Samaritains,
(chap. IV.)
S. Ctr. Le Sauveur, qui connaissait toutes choses avant leur accom-
plissement, savait bien que ceux qu'il envoyait, ne seraient pas reçus
par les Samaritains ; il leur commande cependant d'aller annoncer
sa venue, parce qu'il agissait toujours dans l'intérêt de ses disciples.
Il se rendait à Jérusalem aux approches de sa passion, c'est donc pour
leur épargner le scandale de ses souffrances, et leur apprendre à sup-
porter patiemment les outrages, qu'il permit ce refus des Samaritains,
comme une espèce de prélude de ce qu'il devait souffrir. Il leur
donnait encore une autre leçon , ils étaient destinés à être un jour les
docteurs de tout l'univers, et devaient parcourir les villes et les bour-
gades pour y prêcher l'Evangile , et ils devaient nécessairement ren-
contrer des hommes qui refuseraient de recevoir cette sainte doctrine,
et ne permettraient pas à Jésus de demeurer au milieu d'eux. Il leur
apprend donc, qu'eu annonçant cette divine doctrine, ils doivent se
montrer pleins de patience et de douceur, fuir tout sentiment de haine
et de colère, et ne jamais chercher à sévir contre ceux qui les outra-
geraient. Mais telles n'étaient point leurs dispositions; cédant aux
mouvements d'un zèle trop ardent , ils voulaient faire tomber sur les
Samaritains le feu du ciel : « Ce qu'ayant vu ses disciples , ils lui
dirent : Seigneur, voulez-vous que nous commandions que le feu du
ciel descende, » etc. — S. Ambr. Ils se rappelaient que le zèle de
Phinées, qui avait mis à mort des sacrilèges {Nomb.^ xxv) , lui avait
solymam. Beda. Vel iu Hierusalem ire
conspiciunt, et Samaritani Dominum
non recipiunt : non euim coutuntur Ju-
dœi Samaritanis, ut Joannes ostendit.
(cap. 4.)
Cyril, {ubi sup.) Sed cum Domiuiis
qui antequam fièrent omnia noverat,
sciret quod ejus nuntii non essent a
Samaritanis recipiendl . ideo tamen
prœcepit eis quod piacedereut; quia
mos erat ei omnia satagere erga prul'ec-
tiim discipulorum. Ascendebat quideni
Hierosolymam propinquanle tempère
passionis : ut igitur quaudo pati eum
vidèrent non scandalizareulur, considé-
rantes quod et eos oportet patientes
esse cum contumelias inferunt aliqui,
prœmisit quasi quoddam pra-ludium
Samaritanorum repulsam. Profuit autem
eis et aliter : futuri enim eraut doctores
orbis terrarum, civitates et villas per-
currentes ad prsedicandum evangelicam
doctrinam; quibus aliquando occurre-
rent aliqui minime reclpientes sacram
prsedicationem ; quasi non coucedentes
secum commorari Jesum. Docuit igitur
eos quod divinam annunliantes doctri-
nam pleui esse debebant patientia et
mausuetudiue, non autem bostdes etira-
cundi , et in peccantes in eos atrociter
insurgentes : sed adbuc non erant taies :
imo zelo fervido concitati , volebant
ignem de cœlo super eos dedueere :
sequitur : « Cum vidissent autem disci-
puli ejus, dixerunt : Vis dicamus ut igûis
descendat, » etc. Ambr. Sciebant enim
etPhinees reputatam ad justitiam [Psal.
103. vers. 31), quia sacrilegos inlereme-
DE SALXr LUC, CHAP. IX. 493
été imputé à justice; et encore, qu'à la prière d'Elie, le feu était des-
cendu du ciel pour venger les outrages faits à ce prophète (IV iîo/5,1.)
— BEDE. Ces saints personnages, en sachant parfaitement que la mort
qui sépare l'àme du corps, n'est pas à redouter, ont semblé partager
les idées de ceux qui la craignaient, et ont puni quelquefois de mort
certains crimes. Ils inspiraient ainsi à ceux qui en étaient témoins une
salutaire frayeur, et pour ceux qui étaient punis de mort, ce n'est pas
la mort qui leur était funeste, c'eût été bien plutôt le péché qui n'au-
rait fait que s'accroître, s'ils eussent vécu plus longtemps.
S. Ambr. Laissons la vengeance à celui qui est dominé par la
crainte ; celui qui est sans crainte , ne cherche pas à se venger. Nous
voyons encore ici que les Apôtres étaient égaux en mérites aux pro-
phètes, puisqu'ils espèrent obtenir le même pouvoir que le prophète;
et l'espérance qu'ils ont de faire descendre le feu du ciel est fondée,
puisqu'ils sont les fils du tonnerre. {Marc, m, 17.)
TiTEDE BosTR. Les disciples estiment que la punition des Samari-
tains, frappés de mort pour avoir refusé de recevoir le Sauveur, serait
beaucoup plus juste que celle des cinquante soldats envoyés pour se
saisir d'Elie, son serviteur. — S. Ambr. Le Sauveur, au contraire, ne
s'irrite point contre eux , il veut nous apprendre que le désir de la
vengeance est incompatible avec la perfection de la vertu,- que la plé-
nitude de la charité exclut toute colère , qu'il ne faut point repousser
la faiblesse, mais bien plutôt l'aider, et que les âmes vraiment pieuses
doivent rejeter bien loin tout mouvement d'indignation , et les âmes
magnanimes tout désir de vengeance : « Jésus, se tournant vers eux,
les reprit, en disant : Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes. » —
BEDE. Le Seigneur ne leur reproche point de vouloir suivre l'exemple du
rat {i\tim., 2b), et ad preces Eiia; ignem
descendisse de cœlo , ut Prophétie viu-
dicaretur injuria. (IV Refj., 1.) Bed.
Sancti enim viri qui optime seirent
mortem istam qtiœ animam dissolvit a
corpore, non esse formidandam, secun-
duni eorum taïuon animuni qui iilam
limèrent, nonnulla peccata morte pu-
nierunt; quo et viventibus utilis nietus
incuteretur, et illis qui morte puniebau-
tur, non ipsa mors nocerc't,sed peccatum
quod augeri posset, si viverent.
Ambr. Sed vindicelur qui timet, vin-
dictam non quaerit qui non timet : simi-
liter ostendilur nobis, in apostolis fuisse
mérita propbetarum, quando eanidem
sibi potestalem quam Propbeta nierait,
impetrandi jure prœsumuut; et beue
praesumunt, quod ud sermonem suum
ignis de cœlo descenderent , quoniam
filii sunt tonitrui.
Titus Bostrexs. Censetur auiem ab
eis mnito justius esse Samaritanos pe-
rire, Dominum non admittentes, quam
quinquaginta servum excludere tentan-
tes Eliam. Ambk. Dominus autem in eos
non commovetur; ut ostenderct quia
non habet ultionis studium perfecta vir-
tus; nec ullasit iracundia, ubi plénitude
est cbaritatis : nam nec excludenda est
irifirmitas, sed juvanda : proeul sit a re-
ligiosis indignatio; proeul a magnanimis
cupiditas ultionis. Unde sequitur « Et
conversas increpavit illos, dicens : Nes-
citis cujus spiritu-; eslis. » Bed. Repre-
hendit in eis Dominus non exompium
vu
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
saint prophète , mais l'erreur grossière où ils étaient par rapport à la
vengeance, et il les reprend de ce qu'ils désiraient se venger de leurs
ennemis, par sentiment de haine plutôt que de les ramener au bien
par un sentiment d'afïection. Aussi , après qu'il kur eut enseigné
comment ils devaient aimer leur prochain comme eux-mêmes, et lors
même qu'ils eurent reçu le Saint-Esprit , on vit encore de ces ven-
geances, quoique plus rarement que dans l'Ancien Testament ; car
comme Notre-Seigneur ajoute : « Le Fils de l'homme n'est pas venu
pour perdre les âmes , mais pour les sauver. » Vous donc qui êtes
marqués de sou esprit , soyez les imitateurs de ses œuvres , exercez
ici bas la miséricorde, vous jugerez avec justice dans le siècle futur.
— S. Ambr. En effet, il ne faut pas toujours punir ceux qui sont cou-
pables; souvent la clémence est bien plus utile; elle vous fait pratiquer
la patience , et elle inspire au pécheur le désir de devenir meilleur.
C'est ainsi que les Samaritains, sur lesquels le Sauveur refusa défaire
tomber le feu du ciel , embrassèrent la foi avec plus d'empressement.
f. 57-62. — Pendant qu'ils étaient en chemin, un homme lui dit ; Je vous
suivrai partout où vous irez. Jésus lui répondit : Les renards ont des tanières,
et les oiseaux du ciel leurs nids; mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer
sa tête. Il dit à un autre : Suivez-moi. Celui-ci répondit : Maître, permettez-
moi d'aller auparavant ensevelir mon Père. Et Jésus lui dit : Laissez les
morts ensevelir les morts ; vous, allez et annoncez le royaume de Dieu. Un
autre lui dit : Je vous suivrai. Seigneur ; mais permettez-moi de disposer
auparavant de ce que j'ai dans ma maison. Jésus lui répondit : Quiconque,
ayant mis la main à la charrue, regarde en arrière, n'est pas propre au royaume
de Dieu.
S. Ctr. Le Seigneur est plein de libéralité pour tous les hommes,
propbetœ saucti, sed ignorantiam vindi-
candi, quae adhuc erat in rudibus; ani-
madvertens eos , non amore correctio-
nem, sed odio desiderare vindietaui.
Itaque posteaquam eos docuit quid esset
diligere proximum tanquam seipsuui,
infuse etlam Spiritu Sancto non defue-
riint taies vindictee, quauivis niulto
rarius quam in Veteri Testamento; quia
sicut sequitur : « Filius laominis non ve-
nit animas perdere, sed salvare : » quasi
diceret : Et vos ergo , qui ejus spiritu
signati estis, etiam acta ejus imitamiui;
nunc pie consulentes, sed in futuro juste
judicautes. Asibr. Non enim semper in
eos qui peccaverunt, est vindicandum ;
quia nonnunquam amplius prodest cle-
meutia : tibi ad patientiam, lapso ad cor-
rectiouem. Denique Samaritani citius
crediderunt^ a quibus boc loco ignis ar-
cetur.
Factum est autem, ambulantihus illis in via,
dixit quidam ad illum : Sequar te quocunque
ieris. Dixit iUi Jésus : Vulpes foveas habent ,
et volvcres cœli nidos, Filius autem hominis
non habet ubi caput siium reclinet. Ait autem
ad alterum : Sequere me. Jlle autem dixit :
Domine, permitte mihi primum ire et sepelire
patrem meum. Dixitque ei Jésus : Sine ut mor-
tui sepeliant mortuos tuos ; tu autem vade et
annuntia regnum Dei. Et ait alter : Seqtiar
te. Domine, sed pei^mitte mihi primum renun-
tiare /lis quœ domi sunt. Ait ad illum Jésus :
Nemo mittens manum suam ad aratrum et as-
piciens rétro, aptus est regno Dei.
Cyril, lin Cat. Grœcorum Patrum.)
DE SAINT LUC. CHAP. IX.
495
cependant il ne donne point indistinctement, et au hasard, les choses
célestes et divines ; il les réserve pour ceux qui en sont dignes, c'est-à-
dire pour ceux qui savent préserver leur âme des souillures du péché,
c'est ce que nous enseigne la parole puissante du saint Evangile :
« Pendant qu'ils étaient en chemin , un homme lui dit : Je vous sui-
vrai partout où vous irez. » — Remarquons d'abord que cet homme
s'approche de Jésus avec beaucoup de tiédeur, et que, par conséquent,
ses prétentions sont excessives ; en effet, il ne demande pas à marcher
simplement à la suite de Jésus-Christ, à l'exemple d'un grand nombre,
mais il aspire ouvertement à la dignité d'apôtre, contrairement à cette
parole de saint Paul : « Personne ne peut s'attribuer cet honneur,
mais il faut y être appelé de Dieu. » {Hebi\, v.) — S. Athan. (1*). Il
ose encore s'égaler à la puissance incompréhensible du Sauveur en
lui disant : « Je vous suivrai, partout où vous irez. » Car si la nature
humaine, dans la condition que Dieu lui a faite, peut suivre le Sau-
veur pour entendre sa doctrine , il lui est impossible de le suivre
partout où il est ; car il est incompréhensible , et n'est circonscrit par
aucun lieu. — S. Cyr. Le Sauveur avait encore un autre motif légi-
time pour ne point accepter l'offre que lui faisait cet homme ; il en-
seignait qu'il devait auparavant porter sa croix et renoncer aux afifec-
tions de la vie présente ; et son intention, en lui donnant cette leçon,
n'était pas de lui faire un reproche, mais de lui inspirer des dispositions
plus parfaites.
0 Jésus lui dit : Les renards ont des tanières , » etc. — Théûphyl.
Cet homme avait vu le Sauveur entraîner une grande multitude à sa
(1*) Cette citation ne se trouve pas toute entière dans les œuvres de saint Athanase, mais seule-
ment en partie dans la discussion qu'il soutint contre les Ariens à Laodicée.
Etsi munificus sit omnium Dominus,
non simpliciter et improvide singulis
dat superna et divina, sed illis qui digni
sunt recipere, (jui scilicet aniiuani suaiu
aliénant a maculis pravitalum : et lioc
nos docet et angelicorum vcrbonim
virtus, cutn dicilur : « Factum e.-tautem
ambulantibus illis in via, dixit quidam
ad illum : Sequar le, » etc. Primo qui-
dem plurima continetur in accessu iner-
tia; consequenter ostenditur, cpiod pie-
nus sit impudentia nimia : neque enim
simpliciter Clirislum sequi pelebat, sicut
alii plures de populo, sed magis insilie-
bat ad apostolicas dignitales , cum Pau-
lus dicat [ud Ilebr., 5) : « Non assumât
quisquam sibi honorem, sed a Deo vo-
catus. » Atha. [in eadeni Cat. Gr.rca.)
Au?u3 eliam fuit cnqnipararo se inoom-
prehensibili Salvatoris potestati, dicens :
« Sequar te quocunque ieris, » eo quod
sequi Salvatorem simpliciter ad ejus
audiendam doctrinam jjossibile est
liumame naturœ proprietate, qua fungi-
tnr erga bomines; non est autem possi-
biln secum concurrere ubilibet existenti :
ipse namque incomprehensibilis est , et
non circumscribitur loco. Cyril, {ubi
supra.) Alio quoque modo non imme-
rito recusabilem facit eum : docebat
enim ipsum crucem suam accipere ad
sequendum Dominum, et abrcnuntiare
prâ?seuli5 vitœ affectibus : et hoc Domi-
nus in eo reprehendit , non vituperans,
sed corrigens.
Sequitur : « Et ait illi Jésus. Vulpes
foveas habent, » etc. Toeophylact. Quia
enim viderai Dominum multum populum
496
EXPLICAIION DE l'ÉVANGILE
suite, il s'imagina qu'elle lui payait un tribut , et qu'en s'attachant
lui-même au Seigneur, il trouverait le moyen de s'enrichir. — Bède.
Aussi Jésus lui répond : « Pourquoi n'avez-vous d'autre motif, en
désirant me suivre, que d'obtenir les richesses et les avantages de ce
monde, lorsque je suis si pauvre, que je ne possède pas même la plus
petite demeure , et que le toit qui m'abrite, ne m'appartient pas? » —
S. Chrys. {Ch. des Pèr. g7\) Voyez avec quelle sévérité le Sauveur
pratique la pauvreté qu'il avait enseignée ; il n'avait à lui ni table, ni
chandelier, ni maison, ni aucune des choses nécessaires à la vie.
S. Cyr. Dans le sens figuré , les renards et les oiseaux du ciel sont
le symbole des puissances malignes et astucieuses des démons, et Jésus
semble dire à cet homme : Les renards et les oiseaux du ciel trouvent
en vous leur demeure , comment le Christ pourrait-il s'y reposer ?
Qu'y a-t-il de commun entre la lumière etles ténèbres? (II Cor., vi,14.)
S. Athan. Ou bien encore, le Seigneur veut montrer ici la gran-
deur de sa nature , comme s'il disait : Toutes les créatures peuvent
être circonscrites par un espace, mais la puissance du Verbe de Dieu ne
peut être ni comprise ni limitée par un lieu quelconque. Ne dites donc
point : « Je vous suivrai partout où vous irez. » Si cependant vous
désirez devenir son disciple, renoncez à tout ce qui est contraire à la
raison ; car il est impossible que celui qui se plait au milieu des choses
déraisonnables , devienne le disciple du Verbe. — S. Ambr. Ou bien
encore, dans la pensée du Sauveur, les renards sont la figure des hé-
rétiques; le renard, en effet, est un animal trompeur, toujours occupé
à tendre des pièges, et qui ne vit que de fraudes et de rapines, il ne
laisse rien en repos, rien en paix, rien en sûreté, et cherche sa proie
jusque dans la demeure des hommes. De plus, le renard, animal astu-
adducenteiu, putavit quod ab eis habe-
ret pretium ; et quod si ipse Dominum
seqneretur , posset pecuniam congre-
_gare. Beda. Unde dicitur ei : « Qiiid me
.propter divitias et lucra hujus seculi
cupis sequi, cinn taûlœ sim paupertatis,
lit uec hospitiolum quideni habeam , et
non meo utar tecto ? » Chrys. (in Cat.
Grœcorum Patrum.) Aspice qualiter
paupertatem , quam Domiuus docuerat,
per opéra demonstrat : non erat ei
mensa , non candelabrum , non domus,
nec qiiicquam aliud talium.
CvRiL. [ubi supra.) Mystica autem
significatione « valpes et volatilia cœli, »
malignas et astutas potestate» dœmonum
vocat : quasi diceret : Quando vulpes et
volatilia in te mansionem habent , qua-
liter Ghristus iu te requiescet"? Quid
commune est luci et tenebris?
Atha. Yel in hoc Dominus maguitu-
dinem sui muueris docet : quasi dice-
ret : Omnia generabilia loco circumscribi
possunt; Verbum vero Dei incompre-
heubibilis potestatis est : ideo ne dicas :
« Sequar te quocunque ieris. » Caiterum
si velis diicipulus fieri , abdices irratio-
nabilia; eo quod impossibile est eum
qui moratur in irrationabilitate , Verbi
discipulum fieri. Ambr. Vel vulpes bœ-
reticis comparât , fallax quippe animal,
et insidiis semper intentum, rapiuam
fraudis exerce t : uihil tutum, nihil otio-
sum , nihil patitur esse securum ; eo
quod iutra ipsa hospitia hominum prse-
dam requiril. Pulpes etiam (plénum
DE SAINT LUC, CHAP. IX. 497
deux, se creuse une tanière, et aime à s'y tenir ^aehé; tels sont aussi
les hérétiques qui ne savent se construire une demeure, mais qui
s'efiforcent d'enlacer et de resserrer les âmes dans leurs sophismes
trompeurs. Enfin, cet animal ni ne s'apprivoise, ni ne peut servir aux
usages domestiques . Aussi l'Apôtre fait-il cette recommandation : « Fuyez
celui qui est hérétique, après le premier ou le second avertissement. »
{Tite, m.) Les oiseaux du ciel, qui sont souvent dans les Ecritures la
figure de la malice spirituelle, construisent leurs nids dans le cœur des
méchants ; et tant que la malice et la perfidie dominent leurs affec-
tions, Dieu ne peut prendre possession de leur âme; mais dès qu'il
rencontre une âme innocente, il abaisse sur elle , pour ainsi dire , la
plénitude de sa majesté, car il entre dans le cœur des bons, en y ver-
sant sa grâce avec profusion. Nous ne pouvons donc raisonnablement
regarder comme simple et fidèle cet homme que le Sauveur ne juge
pas digne de marcher à sa suite, bien qu'il promit de le servir avec un
dévouement que rien ne pourrait affaiblir. C'est que le Seigneur ne se
contente pas de l'apparence du dévouement, il exige la pureté d'in-
tention, et il ne peut agréer l'obéissance de celui dont il n'approuve
point les services. Nous ne devons exercer qu'avec réserve et prudence
les devoirs de l'hospitalité spirituelle ; car en ouvrant sans précau-
tion, aux infidèles, la demeure intérieure de notre âme , nous nous
exposons à tomber dans leur infidélité par une confiance imprévoyante.
Cependant, Dieu, après avoir éloigné cet hypocrite, admet à sa suite
un homme sincère, pour nous apprendre qu'il ne rejette point la piété
véritable, mais la fidélité mensongère.
« Il dit à un autre : Suivez-moi. » ïl savait que cet homme, auquel
il s'adressait , avait perdu son père : « Celui-ci lui répondit : Maître,
fraudis animal) foveain sibi parai, et iu
fovea semper lalere desiderat : ita sunt
hferelici, qui domum sibi parare non
norunl, sed circumscriptioiiibus suis
alios decipere conantur. Hoc animal nec
mansuescit unquam, uec est usui. Uude
Aposlolus (ad Tit. 3) : « Haereticum post
unam et secuadam correctionem de-
vita : » volucres vero cœli qua; fréquen-
ter ad nequitise spiritualis similitudinem
derivantur , veluli nidos quosdam
struunl in pectoribus improborum ; et
ideo dominante versutia in afîectibus
singulorum, nuUa potest Divinitatis esse
possessio. Ubi autem mentem probave-
ril innoxiam, supra ipsum quodamniodo
vim sua: majestatis reciinat; quia pro-
fusiore quadam gralia bonorum pecto-
ribus inseratur. Sic igitur non videtur
TOM. V.
convenire ratioui, ut simplicem fidelem-
que ipsum arbitremur, qui Domini di-
guatione respuitur, cum indefessi famu-
latus obsequium spopondisset. Sed Do-
minus non obsequiorum speciem, sed
puritatem quseritaft'ectus,nec obsequium
ejus admiltitur, cujus non probatur
officium : circumspectum etenim fidei
débet esse hospitium, ne dum infidelibus
nostrte domus interna reseramus , in
alienam perfidiam improvida crudelitate
labaniur. Itaque ut advertas Deuni , non
cultus aspernanlem esse, sed fraudis qui
repudiavit fraudulentum , elegit inno-
centem.
Sequitur enim : « Ait autem ad alte-
rum : Sequere me. » Sed boc dicit ei
cujus patrem jam sciebat mortuum :
unde sequitur : « Ille autem dixit : Do-
32
498
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
permettez-moi d'aller auparavant ensevelir mon père. » — Bèbe. Une
refuse point de devenir le disciple de Jésus-Christ, mais il veut remplir
auparavant les devoirs de la piété filiale , pour le suivre ensuite
plus librement.
S. Ambr. Mais le Seigneur appelle sans délai ceux que sa miséri-
corde a choisis : a Et Jésus lui dit : Laissez les morts ensevelir leurs
morts. » Puisque la religion elle-même nous commande de rendre à
nos semblables les devoirs de la sépulture, pourquoi le Sauveur dé-
fend-il à cet homme d'ensevelir sou père , si ce n'est pour nous faire
comprendre que ce devoir purement humain, doit le céder aux obli-
gations qui ont Dieu pour objet? Le désir de cet homme était bon,
mais les difficultés que l'accomplissement de ce désir lui créait, étaient
plus à craindre ; celui dont le zèle est partagé , partage aussi son
amour, et en appliquant ses soins à deux objets différents, il retarde
nécessairement les progrès de son âme. Il faut donc remplir d'abord
les devoirs les plus importants , à l'exemple des Apôtres qui , pour
n'être point absorbés par le soin des pauvres, établirent des ministres
pour distribuer les aumônes. — S. Chrys. [hom. 28 sur S. Matth.)
Quelle obligation plus pressante que de rendre à un père les derniers
devoirs? Mais encore, quelle obligation plus facile, puisqu'il suffit de
quelques instants pour l'accomplir. Le Sauveur veut donc nous ap-
prendre ici à ne point employer inutilement la plus légère partie du
temps, lors même que mille circonstances sembleraient nous forcer, et
à toujours placer les intérêts spirituels au-dessus des choses les plus
nécessaires ; car le démon est sans cesse aux aguets , pour trouver
quelque entrée dans notre âme, et s'il surprend la moindre négligence,
il nous jette dans un relâchement extrême. — S. Ambr. Le Sauveur
ne défend donc pas de rendre à un père les derniers devoirs , mais il
place les devoirs de religion au-dessus des devoirs de la piété filiale.
mine, permitte mihi primum ire et sepe-
lire patrem meum. » Bed. Non discipula-
tum respuit, sed expleta primum paterni
funerls pielate, liberior assequi desiderat,
Ambu. Sed Dominus quos miseratur
advocat. Unde sequitur : « Dixitque
Jésus : Sine ut mortui sepeliant mortuos
suos. » Cum religiosum humaui corpo-
ris sepeliendi acceperimus officium,
quomodo paterni quoque funerls sepul-
tura proliibetur , nisi ut intelligas lui
mana poslhabenda divluis ? Bonum sla-
dium, sed majus impedinientum : nam
qui partitur studium, dérivât affectum ;
qui dlvidit cnram , differt profectum :
ergo prias sunl obeunda quœ maxima :
nam et apostoli, ne occuparentur studio
dispensandi, ministres pauperibus ordi-
narunt. Chrys. [hom. 28, in Matth.)
Quid autem magis necessarium paternis
exequiis ? Quid facilius , Cum non esset
multum teniporis daudum ? per hoc
ergo docemur, quod minimum temporis
frustra ducere non decet (etsi mille
cogentia sint) ; imo praeferre spiritualia
cunctis admodum necessariis. Diabolos
enim insistit attentus , volens aliquem
adilum invenire , et si modicam sumat
negligentiam , maguam operatur pusil-
lanimitatem. Ambr. Non ergo paterni
funeris sepultura prohibetur, sed neces-
situdini generis divinœ religionis pietaa
DE SAINT LUC, CHAP. IX. 499
Il veut qu'on laisse à ses parents l'accomplissement des uns , mais il
fait à ses élus une obligation d'accomplir les autres. Or comment les
morts peuvent-ils ensevelir les morts, à moins que vous ne compreniez
qu'il y a deux morts dififérentes , la mort naturelle , et la mort du
péché ? Il y a encore une troisième mort, c'est celle qui nous fait mou-
rir au péché, et vivre pour Dieu. {Rom., ix.)
S. Chrys. {hom. 28, 5wr S. Matlh.) Cette expression du Sauveur :
a Leurs morts, » montrent que ce mort ne lui appartenait pas, sans
doute parce qu'il était mort dans l'infidélité. — S. Ambr. Ou bien
encore, comme la bouche des impies est un sépulcre ouvert [Ps. y),
le Seigneur commande de détruire la mémoire de ceux dont tout le
mérite meurt avec le corps ; il ne détourne donc pas ce fils des devoirs
que lui impose la piété filiale, mais il le sépare de tout commerce avec
les infidèles. Ce n'est pas l'accomplissement d'un devoir qu'il interdit,
c'est un acte de religion qu'il commande , c'est-à-dire qu'il ne faut
avoir aucun rapport avec les nations qui sont dans la mort. — S. Ctr.
On peut encore dire que le père de ce jeune homme était accablé de
vieillesse , et il croyait faire un acte louable en se proposant de pra-
tiquer à son égard les devoirs de la piété fihale , comme Dieu lui-
même le commande : « Honorez votre père et votre mère. » {Exode, xx.)
Aussi Notre- Seigneur l'ayant appelé au ministère évangélique en lui
disant : « Suivez-moi, » il demandait un délai pour subvenir aux be-
soins de son vieux père : « Permettez-moi d'aller auparavant ensevelir
mon père. » Il ne demandait pas d'aller rendre à son père les devoirs
de la sépulture, car Jésus-Christ ne l'en eût pas empêché, mais cette
expression enseveli?' signifiait qu'il désirait soutenir sa vieillesse jusqu'à
sa mort. Mais le Seigneur lui répondit : a Laissez les morts ensevelir
antefertur. lUud consortibus reliuquitur,
hoc mandatur electis : quoniodo autem
mortui sepelire mortuos possunt ? uisi
geminam hic intelligas uiorleni : unani
naturœ, alteram culpœ. Est otiani mors
tertia, in qua peccato rnorimur, Deo
vivimus.
Chrys. (/lom. 28 , in Matlh.) Cum
ergo dixisset : « Mortuos suo^^, >> osteudit
hune non esse niortuum ejus : pulo
enim du numéro infidelium fuisse de-
functum. Ambr. Aut quia sepulcrum
patens est guttur inipiorum {Psal. 5),
raemoria eorum abolenda prœscribitur,
quorum simul cum oorpore morituni
occidit : nec revocalur ab officio patris
filius , sed fidelis a perfidi comrnunione
secernitur. Non interdictum est uinne-
ris , sed religionis mysterium; iioc est
communionem nobis cum gentibua
mortuis non futuram. Cyril, (ubi supra.)
Vel ahter : erat enim pater senectute
gravatus ; putabat autem honestum ali-
quid agere, dum proponeret observare
ei debitam pietatem , secundum illud
{Exod., 20) ; « Honora patrem tuum
et matrem tuam : » unde ubi vocatus est
ad evaugeUcum ministerium, dicente
Uomino : « Sequere me, » quœrebat
inducias, quœ sufficere possentad decre-
piti patris sustcntationem , dicens :
« Permitte mihi primum ire, et sepelire
patrem meum , » non quod defunclum
patrem sepelire rogaret ; ne(|ue enim
Chrislus hoc agere voleutem impedisset,
sed dixit, sepelires, id est, sustentare in
senectute nsqiie ad mortem. Sed Domi-
nu3 ad eum dixit : « Sine mortuos sepe-
500
EXPLICATION DE l/ftVANGILE
leurs morts ; » car son père avait d'autres parents aussi proches qui
pouvaient prendre soin de lui , mais qui étaient morts , en ce sens
qu'ils n'avaient pas encore embrassé la foi. Apprenez de là que la
piété, que nous devons à Dieu, doit l'emporter sur l'amour et le res-
pect que nous devons à nos parents , parce qu'ils nous ont engendrés.
En effets le Dieu de toutes les créatures nous a donné l'être , lorsque
nous étions dans le néant , tandis que nos parents n'ont été que les
instruments dont il s'est servi pour notre entrée dans la vie.
S. AuG. {de l'accord des Evang., ii, 23.) Telle est la réponse que
Jésus fit à celui qu'il avait appelé lui-même à sa suite. Un autre dis-
ciple s'approcha encore de lui sans avoir été appelé , et lui dit :
« Seigneur, je vous suivrai , mais permettez -moi de disposer aupara-
vant de ce que j'ai dans ma maison. » — S. Cyr. La résolution de cet
homme est admirable et digne d'éloges ; mais en demandant à renoncer
aux biens qu'il possède, pour s'affranchir des soins qu'ils réclament,
il montre que son cœur est encore partagé, puisque sa résolution n'est
pas encore parfaitement arrêtée. Car vouloir consulter des proches,
qui ne consentiront point à ce dessein , c'est montrer une résolution
tant soit peu chancelante. Aussi Notre-Seigneur n'approuve pas ce
dessein : « Jésus lui répondit : Quiconque met la main à la charrue,
et regarde en arrière, n'est pas propre au royaume de Dieu, » etc. —
Mettre la main à la charrue, c'est être disposé à suivre Jésus-Christ
par amour; mais c'est regarder eu arrière, que de demander un délai
pour avoir occasion de revenir dans sa maison , et de s'entendre avec
ses proches. — S. AuG. {serm. 1 sur les par. du Seig.) Jésus semble
lui dire : L'Orient vous appelle , et vous regardez au couchant. —
BEDE. Mettre la main à la charrue, c'est aussi briser la dureté de son
lire mortuos suos : » erant enim et alii
curatores linea parentelse astricti; sed
ut seàtimo mortui , eo quod nondum
Christo crediderant. Hinc percipe, quod
praeferenda sit pietas qua Deo teneuiur,
amori parentum , quibus reverentiam
exbibenuis, quia per eos geniti sumus.
h-ed omnium Deus, cum non essemus, ad
esse nos conduxit : parentes autem facti
sunl miniitri iutroitus ad esse.
AUG. {de Cons. Evang., lib. ii, cap.
23.) HcEC ergo dicebat Doiuinus illi, cui
dixerat : « Sequere me. » Alius vero dis-
cipulus misit se in medio, cui nemo ali-
quid dixerat : unde sequitur : « Et aller
ait : Sequar te, Domine; sed permitte
mihi renuutiare primum eis qui domi
sunt.» Cyril, [ubi 5ti/3rff.)Miranda autem
hujusmodi promissio et omni laude plena,
sed quserere renuntiare his qui domi
sunt, licentiando se ab eis, ostendit quod
utcunque divisus sit a Domino , qui
nondum hoc perfecte adiré proposuerit
mente. Nam velle consulere proximos
non consensuros huic proposito, iudicat
se utcunque labantem. Propter quod
Dominus hoc improbat. Sequitur : « Ait
ad illum Jésus : Nemo mitteus manum
ad aratrum et respiciens rétro, aptus
est regno Dei, » etc. Apponit manum
aratro, qui affectuosus est ad sequen-
dum : tamen respicit rétro , qui dilatio-
nem petit occasione redeundi ad domum,
et cura propiuquis conferendi. AuG. {de
Ve)b. Dom., serm. 7). Quasi diceret ei :
« Vocat te orieus, et tu attendis occi-
dentem. » Beda. Manum etiam cuiUbet
in aratrum mittere, est (quasi quodam
DE SAINT LUC, CHAP. IX. 501
cœur avec le bois et le fer de la passion du Seigneur, comme avec un
instrument de pénitence, et ouvrir son âme pour lui faire produire les
fruits des bonnes œuvres. Celui qui se livre à cette culture, et qui,
semblable à la femme de Lotb {Genèse^ xix , 26), jette un regard de
regret et d'affection sur les choses qu'il a laissées , demeure privé de
la récompense du royaume éternel. — Chaîne des Pèr. gr. En jetant
de fréquents regards sur les choses auxquelles nous avons renoncé,
nous sommes entraînés par la force de l'habitiide vers les actes de
notre vie ancienne. L'usage, en effet, a une force véritable pour nous
enchaîner. Est-ce que l'habitude ne nait pas de l'usage? est-ce que
l'habitude, à son tour, ne devient pas une seconde nature? Or, il est
bien difficile de vaincre ou de changer la nature , et si elle cède tant
soit peu quand elle y est forcée , elle reprend bien vite son premier
empire. — Bède. Si Notre-Seigneur blâme sévèrement ce disciple qui
désirait le suivre, parce qu'il voulait d'abord disposer de ce qu'il avait
dans sa maison; qae dira-t-il à ceux qui, sans aucun motif d'utilité,
visitent fréquemment les maisons de ceux qu'ils ont laissés dans le
monde ?
compunctionis instrumento) ligno et
ferro dominicae passionis duritiem sui
cordis atterere, atque ad proferendos
bonorum operum fructus aperire, quain
si quis excolere incipiens, cum uxore
Loth, ad ea quae reliquerat respicere de-
lectatur, futiiri jam regai niunere priva-
tur. Gr^c. {id est , Nilus Monachus in
Cat. Grœcorum Patrûm.) Crebri nam-
que intuitus eorum quœ deseruimus ,
propter consuetudinem trahuut ad re-
troacta. Violeutum enim quid usus est
ad retineQdum sibi. Nonne habitus ex
usu, ex habitu vero nalura innascitur?
Naturam vero amovere vel alterare dif-
ficile : nam etsi paulisper declinet coacta,
redit ad seipsaai velociter. Bed. Si au-
tem secuturus Dominum discipulus,
quia vel domi renuutiare velit, argui-
tur; quid fiet illis, qui nulla ulilitatis
gratia saepe visitant domos illorum quos
in muûdo reliquerunt?
CHAPITRE X.
SOMMAIRE ANALYTIQUE.
j. 1-2. — Pourquoi Notre-Seigneur choisit encore outre les douze apôtres,
soixante -douze autres disciples. — Que représentent les douze apôtres et les
soixante-douze disciples. — Pourquoi Notre-Seigneur envoie les soixante-
douze prêcher deux à deux. — Pourquoi les envoie-t-il dans toutes les villes
et dans tous les lieux où il devait lui-même arriver ? — Comment appelle-t-il
moisson ce qui ne fait encore que commencer? — Combien peu nombreux
les ouvriers pour trarailler à cette moisson. — Quel est le maître de la mois-
son qu'il faut prier. — Comment il a multiplié dans la suite les ouvriers. —
Les fidèles obligés de prier pour leurs pasteurs.
^. 3, 4. — Vertus apostoliques que Notre-Seigneur enseigne à ses disciples. —
Quelle devait être leur grande consolation au milieu de tous les dangers. —
Siraphcité, innocence qu'il leur recommande. — Quels sont les loups au milieu
desquels il les envoie. — Comment il faut se garder de leurs attaques. —
Orgueil et sévérité de certains pasteurs qui se posent en maîtres plutôt qu'en
pères. — Résumé de ces divines instructions. — Confiance que le prédicateur
doit avoir dans la providence de Dieu. — Notre-Seigneur défend à ses disciples
toute préoccupation à l'égard des choses extérieures. — Pourquoi leur défend-
il d'échanger des salutations? — Sens allégorique de ces recommandations.
f. ^-12. — Pourquoi les disciples doivent souhaiter tout d'abord la paix en
entrant dans une maison. — Quelle est cette paix que les saints demandent
pour nous. — Que devient cette paix, quand elle n'est pas reçue. — Ce que
doivent donner en échange ceux qui reçoivent cette paix. — Comment le
prédicateur reçoit deux récompenses pour une seule et même œuvre. — Il ne
doit pas facilement changer de maison . — Conduite que les apôtres doivent
tenir dans les villes où ils entreront. — Bienfaits qui devront précéder leurs
prédications. — Quel est le royaume de Dieu dont ils doivent annoncer l'ap-
proche. — Comment ils devront se conduire à l'égard des villes qui auront
refusé de les recevoir, — Que signifie l'action de secouer la poussière de leurs
pieds. — Le royaume de Dieu approche pour la perte de ceux qui le repoussent,
comme pour le bonheur de ceux qui le reçoivent. — Comment le sort de ceux
qui refuseront de recevoir les apôtres sera pire que celui de Sodome.
^. 13-16. — Comment ceux qui ont refusé de suivre les préceptes de l'Evangile
seront plus sévèrement punis que ceux qui ont violé la loi naturelle. — Pour-
quoi le Sauveur déplore le sort de Corozaïn, de Bcthsaïde et de Capharnaûm.
— Crainte salutaire qu'il leur inspire en même temps. — Dans quel sens
Capharnaiïm a été élevé jusqu'au ciel. — Ces menaces ne s'adressent-elles
qu'à ces villes incrédules et impénitentes?— Crime de celui qui n'écoute pas
les apôtres. — Comment le Sauveur console et encourage les apôtres.
y, 17-20. — Les disciples se réjouissent bien plus des miracles qu'ils ont opérés,
que d'être devenus les ministres de la prédication. — Comment le Sauveur
se hâte de réprimer ce mouvement d'oi-gueil. — Pourquoi dit-il : Je voyais,
et non : Je vois Satan tomber du ciel"! etc. — Pourquoi le compare-t-il à un
éclair ? — Les esprits célestes ne sont pas saints par nature , comment le
sont-ils? — Pouvoir que Notre-Seigneur donne aux apôtres sur toute puis-
\
\
EXPLICATION DE l' ÉVANGILE DE S. LUC, CHAP. X. 503
sance de l'ennemi. — Différence entre les serpents et les scorpions, ce que les
uns et les autres représentent. — Pourquoi la volupté est compai'ée dans
l'Ecriture au serpent. — Puissance que la grâce de Jésus-Christ donne aux
vieillards, aux vierges, à de simples enfants pour triompher de la volupté. —
Comment le Sauveur cherche à guérir ses disciples de la vaine gloire. —
Pourquoi ne doivent-ils pas se réjouir de ce qu'ils ont reçu le pouvoir de
chasser les démons. — De quoi doivent-ils surtout se réjouir? Comment les
noms des saints sont écrits dans le livre de vie.
f. 21-23. — Pourquoi Notre-Seigneur tressaille de joie. — Le Fils rend-il ici
grâces au Père comme lui étant inférieur? — Comment le Fils peut- il seul
glorifier le Père? — Pourquoi le Sauveur parait-il quelquefois s'exprimer
d'une manière toute humaine ? — Condamnation de ceux qui veulent se for-
mer un Dieu différent du vrai Père du Christ. — Dessein mystérieux en vertu
duquel il a plu à Dieu de révéler les trésors de sa grâce aux petits plutôt qu'aux
sages et aux prudents. — Que représentent ces sages et ces prudents. —
Notre-Seigneur ne condamne pas ici la vraie sagesse et la vraie prudence. —
Le sentiment de ce qui nous manque, disposition pour arriver à la perfection.
— Sujet véritable des actions de grâces que le Sauveur rend à son Père. —
Ne pas discuter témérairement les conseils de Dieu dans la vocation des uns
et la réprobation des autres. — Comment Notre-Seigneur prouve qu'il avait
lui-même le pouvoir de faire cette révélation. — Dans quel sens toutes choses
lui ont été données. — Comment il montre à ses disciples qu'il ne le cède en
rien à son Père. — Condamnation des Ariens. — Ce qu'est la révélation. —
Comment le Fils de Dieu fait cette révélation.
f. 23, 24. — Pourquoi le Sauveur se retourne- t-il vers ses disciples? — En quoi
leurs yeux sont-ils bienheureux ? — Peut-on conclure de ces paroles que les
apôtres n'ont eu aucune connaissance du Christ?
f. 25-28. — Dans quel dessein ce docteur de la loi vient-il interroger Notre-
Seigneur? — Quel était ce docteur. — Le commandement de l'amour de Dieu
ne souffre aucun partage. — Comment on peut apprendre l'amour de Dieu et
du prochain. — Ces deux commandements fondés sur la nature. — Précieux
effets qui résulteraient de l'accomplissement du commandement de l'amour
du prochain. — Comment Notre-Seigneur évite le piège dans lequel ce doc-
teur voulait le faire tomber. — Quelle est la vie qui nous est annoncée et pro-
mise par le Dieu créateur du monde et par les anciennes Ecritures.
^. 29-37. — Orgueil du docteur de la loi qui prétend n'avoir point de prochain.
— Pourquoi pense-t-il n'avoir point de prochain? — Comment Notre-Seigneur
détermine l'idée juste qu'on doit se faire du prochain. — Pourquoi se sert-il
du terme générique : IJn homme descendait, etc. — Que figurent Jérusalem
et Jéricho. — Malheureux sort de cet homme qui tombe entre les mains des
voleurs. — Que figurent ces voleurs. — Blessures que le démon a faites à
l'homme. — Comment il a laissé l'homme à demi-mort. — Pourquoi les péchés
sont appelés des blessures, — Que représentent le prêtre et le lévite qui pas-
sèrent outre. — Que représente le Samaritain. — Pourquoi est-il dit que ce
Samaritain descendait, et qu'il était en voyage? — Que signifient ces paroles •
Il vint prés de lui. — Comment le Sauveur en venant sur la terre s'est fait
notre prochain. — Comment il est venu au secours de notre misère et de nos
infirmités. — Que signifient l'action du Samaritain bandant les plaies de cet
homme après y avoir versé du vin et de l'huile, le plaçant sur sa monture.
504
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
le conduisant à l'hôtellerie, etc. — Comment Notre-Seigneur enseigne au
docteur de la loi après ce récit qu'il est son prochain.
f. 38- 42. — Comment Jésus nous enseigne l'amour de Dieu non plus par ses
paroles, mais par des actions. — Comment nous pouvons avoir part au
bonheur de Marthe qui reçut le Fils de Dieu dans sa maison, — Zèle, atten-
tion, empressement de Marie pour écouter les paroles du Sauveur. — Com-
ment à l'exemple de leur divin Maître, les disciples doivent se conduire lors-
qu'ils sont reçus dans quelque maison. — Les soins et l'empressement de
Marthe étaient légitimes. — Reproche qu'elle fait à sa sœur. — Comment
Jésus justifie Marie. — Comment nous devons nous préserver d'une trop
grande préoccupation dans la pratique de l'hospitalité. — Notre-Seigneur
blàme-t-il l'empressement de Marthe? — Ce qu'il défend ici. — Distinction qu'il
établit entre les œuvres extérieures de la charité, et les œuvres de la contem-
plation. — Que représentent Marthe et Marie dans le sens allégorique.
;^. 1, 2. — Après cela le Seigneur choisit encore soixante-douze autres disciples,
et les envoya deux à deux devant lui, dans toutes les villes et tous les lieux oit
il devait venir lui-même. Et il leur disait ; La moisson est grande, mais les
ouvriers en petit nombre. Priez donc le maître de la moisson, qu'il envoie des
ouvriers à sa moisson.
S. Cyr. Dieu avait annoncé clairement par les prophètes, que la pré-
dication de l'Evangile s'étendrait non-seulement au peuple d'Israël,
mais à toutes les autres nations; et c'est pourquoi Jésus-Christ , après
avoir choisi les douze apôtres, institua soixante-douze disciples : « Après
cela, le Seigneur choisit encore soixante-douze autres disciples, » etc.
— BEDE. Ce choix des soixante-douze disciples est providentiel, parce
que l'Evangile devait être prêché dans le monde à autant de nations ;
les douze apôtres avaient été choisis pour les douze tribus d'Israël, et
ceux-ci sont destinés à enseigner les nations étrangères (1). — S. AuG.
'I) Ce n'est pas que les soixante-douze disciples aient été envoyés exclusivement vers les nations
étrangères, ou que les apôtres n'aient pas reçu cette mission alors que Jésus-Christ leur a dit :
1 Allez dans tout l'univers, » etc., mais il faut entendre cette interprétation dans ce sens que le
CÂPUT X.
Post hœe autem designavit Dominus et alios
septuaginta duos, et misit illos binos anle fa-
ciem suam in omnem civifaiem et lociim , qiw
erat ipse veniurus. Et dicebat illis : Messis
quidem multa, operarii autem pauci : rogate
ergo dorninum messis ut mittat operarios in
messem suam.
CiRiL. {in Cat. Grœcorum Patnim.)
ertificaverat Deus per prophetas quod
angelii preedicatio salutaris compre-
hensura erat, non solum Israël, sed etiam
gentium grèges. Et ideo a Christo post
duodecim apostolos, et alii septuaginta
duo sunt instituti. Uude dicitur : « Post
haec autem designavit Dominus et alios
septuaginta duos, » etc. Bed. Bene sep-
tuaginta duo mittuQtur, quia totidem
mundi gentibus evangelium praedicau-
dum erat; ut quomodo duodecim primo
propter duodecim tribus Israël, ita et hi
propter exteras gentes destiuarentur im-
buendas. AuG. (de Qncest. Evang., lib. ii,
DE SAINT LUC, CHAP. X. 505
(Quest. évang., ii, 14.) De même que la lumière parcourt et éclaire
tout l'univers dans l'espace de vingt-quatre heures , ainsi la fonction
mystérieuse d'éclairer tous les hommes par la prédication da mystère
de la Trinité , est confiée à soixante-douze disciples ; car trois fois
vingt-quatre font soixante-douze. — Bède. C'est un fait hors de doute
que les douze apôtres représentent l'ordre des évêques, de môme que
les soixante-douze disciples représentent ceux à qui l'Ecriture donne
le nom d'anciens (c'est-à-dire les prêtres du second ordre.) Cependant,
dans les premiers temps de l'Eglise , on donnait indifféremment aux
uns comme aux autres, le nom à' anciens et à' évêques , dont l'un si-
gnifie la maturité de la sagesse , et l'autre la sollicitude de la charge
pastorale. — S. Cyr. L'élection des soixante-douze disciples avait été
figurée par Moïse, qui, par l'ordre de Dieu , avait choisi soixante-dix
hommes d'entre le peuple , sur lesquels Dieu répandait son esprit.
{Nomb., XI.) Nous lisons dans le même livre des Nombres (chap.xxxiii),
que les enfants d'Israël vinrent à Elim (qui signifie action de monter),
où ils trouvèrent douze sources d'eau vive , et soixante-dix palmiers.
Or, si nous nous élevons jusqu'à l'interprétation spirituelle, nous trou-
verons aussi les douze fontaines, c'est-à-dire les saints Apôtres, où
nous puisons la science du salut comme aux sources du Sauveur
[Isaïe, XII, 5), et les soixante-dix palmiers, c'est-à-dire ceux qui sont
ici choisis par Jésus-Christ. En effet , le palmier est un arbre qui a
une sève abondante, de profondes racines, une fécondité merveilleuse,
qui naît au milieu des eaux, et dont le tronc et le feuillage s'élèvent à
une très-grande hauteur.
« Et il les envoya deux à deux devant lui. » — S. Grég. {hom. 17
mystère des douze tribus est comme figuré dans les douze apôtres, et le mystère des soixante-
douze nations dans les soixante- douze disciples.
quœst. 14.) Sicut etiam viginti quatuor
horis totus orbis peragitur atque illus-
tratur, ita mysteriura illustrandi orbis
per evangelium Trinitatis ia septuaginta
duobus discipulis intimatur : ter enim
repetita viginti quatuor septuaginta duo
faciunt. Bed. Sicut autem fliiodeeim
apostolos formam episcoporum pr.-e-
monstrare, nemo est qui diihitet; sic et
hos septuaginta duos figuram presbyte-
rorura (id est, secnndi ordinis sacerdo-
tuin ) gessisse sciendura est ; tametsi
primis Ecclesiae teniporibus (ut aposto-
îica Scriptura testis est ) utrique presbij-
teri ; utrique vocabantur et episcopi ;
quorum imum sapientiae maturitatem ,
aliud industriara curae pastoralis signifi-
cat. CïRiL. [ubi svp.) Hujus etiam forma
in verbis Moysi tigurabatur, qui jubeule
Deo septuaginta elegit (Auin., 11) qui-
bus Deus Spiritum infundebat. In Nu-
méris etiam (cap. 33) scriptum est de
filiis Israël, quod venerunt in Elim (quod
interpretatur ascensus), et erant ibi duo-
decim fontes aquarum, et septuaginta
palmœ. Convolantes enim ad augmen-
tum spirituale , reperiemus duodecim
fbntes (scilicet sacros apostolos, a quibus
hauriiiius salutis scientiam, sicut a fon-
tibus Salvatoris), et septuaginta palmas,
hos scilicet qui nunc destinati sunt a
Cliristo. Est enim palma arbor bonae
meduUae, bene radicata, et fertilis, et
semper uascens in aquis ; alla simul , et
frondes porrigens sursum.
Sequitur : « Et misit illos biuos. »
506
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
sur les Evang.) Le Sauveur envoie ses disciples prêcher deux à deux,
parce qu'il y a deux préceptes de charité , le précepte de l'amour de
Dieu, et le précepte de l'amour du prochain , et que d'ailleurs il faut
être au moins deux pour exercer la charité. Notre- Seigneur nous fait
entendre implicitement par là , que celui qui n'a pas de charité pour
son prochain, ne doit nullement se charger du ministère de la prédi-
cation. — Orig. Saint Matthieu , dans l'énumération qu'il nous fait
des Apôtres, les compte deux par deux, et l'Ecriture nous représente
comme un usage très-ancien cette association de deux personnes pour
l'exécution des œuvres de Dieu. C'est ainsi que Dieu délivra Israël de
l'Egypte par les mains de Moïse et d'Aaron {Exode, xii) ; et que Josué
et Galeb se réunirent pour apaiser le peuple soulevé par les douze
hommes envoyés pour explorer la terre de Chanaan [Nomb., xiii et xxv).
Aussi lisons-nous dans le livre des Proverbes (chap. xviii, 19) : a Le
frère qui est aidé par son frère, est comme une ville fortifiée. » —
S. Bas. Notre-Seigneur nous enseigne encore par là, que ceux qui ont
reçu les mêmes dons spirituels, ne peuvent point faire prévaloir opi-
niâtrement leur sentiment personnel. — S. Grég. {hom. 17.) Remar-
quez la mystérieuse signiQcatiou des paroles qui suivent : « Dans
toutes les villes et dans tous les lieux où il devait lui-même arriver. »
En effet, le Seigneur vient à la suite de ses prédicateurs ; la prédica-
tion lui ouvre les voies, et c'est alors qu'il fait son entrée dans notre
âme ; la parole marche devant lui , et introduit ainsi la vérité dans
notre cœur, voilà pourquoi le prophète Isaïe dit (chap. xl) : « Préparez
les voies du Seigneur, rendez droits les sentiers de notre Dieu (1). »
(1) Ces paroles d'Isaïe dans le sens littéral ne s'adressent pas seulement aux prédicateurs, mais
à tous les hommes que le prophète exhorte à préparer la voie au Seigneur, par la droiture de leur
esprit et de leur cœur. {Matth., m, 3; Marc, i, b; Jean, i, 23.)
Gbeg^ {in hom, 17, in Evang.) Binos in
preedicationem discipulos mittit, quia
duo suût praecepta charitatis : Dei scili-
cet amor et proximi; et minus quam
inter duos charitas haberi non potest;
quateuus hoc nobis tacitus inuuat quia
qui charitatem erga alterum non habet,
praedicatiouis officiuiu suscipere nuUate-
nus débet. Orig. [in Cat. Grœcorum
Patrum.) Sicut etiam ex duodecim biui
et bini numerati fuerunt , ut in eorum
(îatalogo Matthœus ostendit, quod enim
bini famularentur, Dei verbo antiquum
esse videtur : eduxit enim Deus Israël
de ^gj'pto per manus Moj'si et Aaron
[Exod., 12); Josue quoque et Caleb
concordantes, pacaverunt provocatum
a duodecim exploratoribus populum.
[Sum., 13 et 14.) Unde dicitur (Prov.,
18) : « Frater a fratre adjutus, ut civitas
vallata. » Basil, [in Cat. Grœcomm Pa-
trum.) Simul etiam per hoc indicavit
quod si aliqui pares sunt in spiritualibus
donis, hoc non sinet in eis prajvalere
propriœ opinionis passionem. Greg. [in
hom. 17, ut sîip.) Beue autem subditur :
« Ante faciem suam iu omnem civitaleni
et locum quo erat ipse venlurus. » Prae-
dicatores enim suos Dominus sequitur;
quia prœdicatio praevenit, et tune ad
mentis noslrœ habitaculum Dominus ve-
nit; quando verba exhortationis prae-
currunt, atque per hoc veritas in mente
suscipitur. Hinc praedicatoribus Isaias
dicit (cap. 40) : « Parate viam Domini,
rectas facile semitas Dei uostri. »
DE SAINT LUC, CHAP. X. 507
Théophyl. Le Seigneur avait choisi les soixante-douze disciples
pour répondre aux besoins de la multitude qui manquait de prédica-
teurs ; car de même que nos champs , couverts de nombreux épis ,
semblent appeler la faux des moissonneurs ; ainsi la multitude innom-
brable de ceux qui devaient embrasser la foi, avait besoin de docteurs
et de maîtres ; « La moisson est grande, » disait Jésus à ses disciples.
— S. Chrys. Mais comment peut-il appeler moisson, ce qui ne fait en-
core que commencer? Il n'a pas encore mis la charrue dans les
champs, ni tracé de sillons, et il parle de moissons. Cette parole pou-
vait j eter ses disciples dans l'incertitude^ et les porter à se dire : Comment,
si peu nombreux que nous sommes , pourrons-nous convertir tout
l'univers? comment, nous, ignorants, nous présenter devant des sa-
vants, pauvres devant des riches, sujets devant les puissants du siècle.
C'est donc pour leur épargner ce trouble intérieur, que le Sauveur
appelle l'Evangile une moisson; comme s'il disait : Tout est prêt, je
vous envoie recueillir des fruits parvenus à leur maturité ; car le même
jour, vous pourrez semer et moissonner. Voyez le laboureur entrer
plein de joie dans les champs, couverts d'une abondante moisson. Or,
votre joie doit être beaucoup plus grande en entrant dans le monde, car
l'œuvre à laquelle Dieu vous appelle , est une moisson abondante qui
vous présente ses champs, n'attendant que la faux du moissonneur.
S. Grég. [hom. 17.) Mais nous ne pouvons répéter les paroles qui
suivent , sans un profond sentiment de douleur : « Les ouvriers sont
en petit nombre. » Il en est beaucoup , sans doute , pour écouter les
paroles de vie, mais très-peu pour les leur adresser. Voici que le
monde est rempli de prêtres, mais qu'il est rare de rencontrer dans la
moisson du Seigneur un seul véritable ouvrier. Et la raison, c'est que
nous recevons le caractère et la charge du sacerdoce, mais que nous
Theophylact. Designaverat autem Do-
minus discipulos propter mnltitucUnem
doctoribus inflif);entem : sicut enim nos-
tri agri spicati multos niessores deside-
rant, sic qui rrediluri erant, innumera-
biles existentes, multis doctoribus indi-
prebant. Unde sequitur : « Messis quidem
uiulta. I) Chrys. [in Cat. Crœcorum Pa-
/rvm.) Sed qnaliter messeni vocal, cuin
res ad prsesens exordium suujatur? Nou-
duni jacto aratro, aut siilcis productis,
de messibus tractât : poterant cnim dis-
cipuli vacillare, et secum meditari, et
dicere : « Qualiter nos numéro brevi
emendare poterimus totum mundum?
idiotae sophistas; muuitos nudi; domi-
nantes subditi. » Ne iffilur considera-
tioue talium turbarentur, vocat Evange-
lium messem : quasi dicat : « Parata
sunt omnia : mitto vos ad paratam col-
lectionem fructuum : eodem die, et se-
rere potestis, et metere. Sicut ergo co-
lonus exiens ad messes, laetatur, sic etiam
vos multo amplius et alacrius necessa-
rium est exire in mundum : nam hoc
negotium uiessis est, agros vobis exhi-
bens prfipparatos. »
Greg. {in hom. 17, ut sup.) Sed non
sine gravi ranerore loqui possumus, qnod
subditur : « Operarii aulem pauci, » etc.
Quia etsi sunt qui bona audiant, desunt
qui dicant. Ecce mundus est sacerdoti-
bu3 plenus; sed tamen in messe T)ei
rarus ralde reperittir operator; quia offi-
508
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
nous mettons peu en peine d'en remplir les devoirs. — Bède. De même
que cette moisson abondante représente le grand nombre de ceux qui
embrassent la foi , ainsi les ouvriers peu nombreux sont les Apôtres,
et ceux qui, à leur exemple, sont envoyés pour recueillir la moisson.
S. Cyr. De vastes champs exigent un grand nombre de moisson-
neurs, ainsi en est-il de la multitude de ceux qui doivent croire en
Jésus-Christ. Le Sauveur ajoute : « Priez donc le maître de la moisson
qu'il envoie des ouvriers dans sa moisson. » Remarquez qu'après avoir
dit ces paroles : « Priez le maître de la moisson, » il envoie lui-même
les ouvriers dans la moisson. Il est donc le maître de la moisson, et
c'est par lui et avec lui que le Père exerce son empire sur tous les
hommes. — S. Chrys. {hom. 33 sur S. Matth.) Il a multiplié dans
la suite les ouvriers, non pas eu augmentant leur nombre , mais en
leur communiquant une vertu toute céleste. Il nous fait entendre encore
l'excellence de la grâce qui appelle les ouvriers à recueillir cette mis-
sion divine, en les exhortant à demander cette grâce au maître de la
moisson. — S. Grég. {ho7n. 17.) Il faut aussi profiter de ces paroles
pour exhorter les fidèles à prier pour leurs pasteurs , à demander à
Dieu qu'ils travaillent dignement au salut de leurs âmes , et que leur
langue ne cesse jamais de les instruire. Car souvent, ce sont les ini-
quités des prédicateurs qui retiennent leur langue; mais souvent aussi
il arrive que c'est en punition des fautes des simples fidèles, que Dieu
retire à ceux qui les dirigent la parole de la prédication.
^. 3, 4. — Allez, je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.
Ne portez ni bourse, ni sac, ni souliers, et ne saluez personne en chemin.
S. Cyr. Saint Luc rapporte ensuite comment Notre-Seigneur Jésus-
cium quidem sacerdotale suscipimus, sed
opus officii non implemus. Bed. Sicut
autem messis multa est omnis turba cre-
dentium, ita operarii pauci sunt apos-
toli, et imitatores eorum qui luittuntur
ad messem.
Cyril, {ubi supra.) Sicut autem agri
spatiosi messores multos exigunt, sic et
multitude crediturorum in Cliristum.
Unde subdit : « Rogate ergo Dominum
messis ut mittat operarios in messem
suam. » Illud autom attende, quod cum
dixisset : « Rogate Dominum messis, ut
mittat operarios in messem suam, » ipse
postmodum hoc peregit. Ipse igitur est
Dominas messis; ac per eum et cum eo
Deus Pater omnibus dominatur. Chrys.
(hom. 33, in Matth.) Multiplicavit au-
tem postmodum eos; non addens ad au-
merum, sed concedens virtutem. Insi-
nuât autem quod magnum donum est
operarios mittiiu messem divinam, per
hoc quod dicit dominum messis super
hoc esse rogandum. Greg. {hom. il, ut
sup.) Per hoc etiam inducendi sunt sub-
diti ut pro suis pastoribus rogent, ut
digna eis operari valeant, nec ab exhor-
tatione torpeat lingua. Saepe enim pro
sua nequitia praedicantium restringitur
lingua : saepe vero ex subjectorum culpa
agitur, ut eis qui prsesunt praedicationis
sermo subtrahatur.
I(e, ecce ego miilo vos sicut agnos inter lupos :
noUte portare sacculum, neque peram, neque
calceatnenta, et neminem per viam salutaue-
ritis.
CïRiL. {in Cat. Geecorum Patrum.)
DE SAINT LUC^ CHAP. X. 509
Christ enseigne aux soixante-douze disciples la science apostolique, la
modestie, la sainteté, la justice, comme aussi à ne jamais sacrifier
aux intérêts du siècle la prédication de l'Evangile , mais à pousser la
force et le courage de l'àme jusqu'à braver toutes les terreurs du
monde, même celle de la mort. Il leur dit donc : «Allez.» — S. Chrys.
{hom. 34 stœ S. Matth.) Leur grande consolation, au milieu de tous
les dangers, c'était la puissance de celui qui les envoyait ; c'est pourquoi
il leur dit : « Voilà que je vous envoie, » c'est-à-dire : Cela doitsuffire
pour votre consolation , pour vous donner toute espérance , et vous
affranchir de la crainte des maux qui vous attendent. Il ajoute :
« Comme des agneaux, au milieu des loups. » — S. Isid. de Séville.
(liv. v, lettre 438 à Timoth.) Comparaison qui exprime la simplicité
et l'innocence des disciples ; car ceux qui s'emportent et outragent la
nature par leurs excès, il les appelle non point des agneaux, mais des
boucs.
S. Ambr. Ces animaux sont de mœurs tout opposées, puisque les
uns sont dévorés par les autres, c'est-à-dire les agneaux par les loups,
mais le bon pasteur ne craint pas pour son troupeau les approches des
loups. Aussi envoie-t-il ses disciples, non pour ravager, mais pour ré-
pandre la grâce , et la sollicitude du bon pasteur fait que les loups
n'osent rien entreprendre contre les agneaux. Il envoie donc les
agneaux au milieu des loups, pour accomplir cette prophétie d'Isaïe :
« On verra paître ensemble le loup et l'agneau. » {fsaïe, lxv.) —
S. Chrys. {hom. 14.) Un des signes éclatants du plus glorieux triomphe,
ce fut de voir les disciples environnés de tant d'ennemis , comme des
agneaux au milieu des loups, les convertir à la foi. — Bèbe. Ou bien
Narrai Lucas consequenter septuagiuta
discipulos vindicasse sibi a Chrislo apos-
tolicam eruditioneui , modesliam , inno-
centiam, Dcquitatera; nihilque munda-
norum sacris prœdicationibiis praeferro ;
aspirare autem adeo ad fortiludineiu
mentis, ut nullum terribiliumformideiit,
neque ipsam morleni. Unde di<'it : Ite.
CHnvs. {/lom. 34, in Matlh.) Erat enim
inter omnia pericula eorum solatinm
virtus miltentis eos : et ideo dicit :
« Kcce eio mitto vos. » Quasi dicerct :
Hoc sufficit ad consolationem vcslrani,
hoc sufficit ad speranduni, et non ti-
meudum superveuieutia mala; quœ
significat subdens : « Sicut agnos intcr
lupos. » Isii). AiîBAS. {in (cit. Gracco-
rnm Patrum.) Denotans in discipulis
simplicilateni et innocentiam : nam de-
bacchantes, et sua enormitate injurian-
tes nalune, non agnos appellat , scd
hœdos.
Ambr. Contraria autem sunt sibi ista
auimalia ut alia ab aliis devoreutur, id
est, agni a lupis, sed bonus pastor lupos
gregi suo timere non novit. Ideoque isti
discipuli, non in prœdam , sed ad gra-
tiam diriguntur : sollicitudo enim pasto-
ris boni efficit ut lupi in agnos audere
nihil possint. Mittit ergo agnos inter
lupos, ut conipleretur iliud (/50/., 65) :
« Tune lupi et agni simul pasceutur. »
Chrys. [hom. 14, ul sup.) Hoc euiinfuit
manifestum indiciuni prœclari triuraphi,
ut cum circumdati essent discipuli
Christi ab hostibus, quasi agni inter
lupos, eos tameu converterent. Bed.
Vel speciahter lupos vocal scribas et
5i0
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
ces loups , ce sont plus particulièrement les scribes et les pharisiens
qui sont les ministres des Juifs. — S. Ambr. Ou bien encore, ces loups
sont la ligure des hérétiques. Les loups , en effet , sont des animaux
féroces qui guettent les bergeries , et rôdent autour des cabanes des
pasteurs. Ils n'osent entrer dans l'intérieur des demeures , ils épient
le sommeil des chiens, l'absence ou la négligence des bergers ; ils se
jettent à la gorge des brebis pour les étrangler plus vite ; ils sont fé-
roces, ravisseurs, leur corps est naturellement raide et peu flexible, et
ne leur permet pas de se plier facilement , aussi ils sont comme em-
portés parleur impétuosité, et manquent souvent leur coup. S'ils aper-
çoivent les premiers un homme, ils étouffent sa voix, dit-on, par une
certaine force naturelle; si, au contraire, l'homme les prévient le pre-
mier, ils sont comme surpris et déconcertés. Tels sont les hérétiques ;
ils tendent des pièges autour des bergeries du Christ , on les entend
hurler pendant la nuit autour des cabanes des bergers ; car il est tou-
jours nuit pour ces ennemis perfides qui répandent sur la lumière de
Jésus-Christ les nuages de leurs fausses interprétations. Cependant ils
n'osent entrer dans ses bergeries , aussi n'obtiennent-ils jamais leur
guérisou, comme cet homme qui, après être tombé entre les mains
des voleurs, fut guéri dans un étable (1*). Ils épient l'absence des pas-
teurs, parce qu'ils n'oseraient, en leur présence se jeter sur les brebis
du Christ. Ils ont aussi dans l'esprit une certaine raideur , et une du-
reté qui ne leur permettent pas de revenir de leurs erreurs. Mais Jésus-
Christ, le véritable interprète de la sainte Ecriture, déjoue leurs
efforts, rend nulles toutes leurs attaques , et leur ôte toute puissance
de nuire. Cependant s'ils trouvent le moyen d'enlacer quelqu'un les
premiers dans les filets de leurs interprétations fallacieuses, ils Je ré-
(l*) Allusion à l'histoire du bon Samaritain. Le mot stabulum, auquel saint Ambroise donne ici
le sens d'étable, doit être pris pour hôtellerie dans cette histoire; [voyez plus bas,]
pharisœos, qui sunt clerici Judœorum.
Ambr. Vel lupis sunt hœretici compa-
randi : lupi enim bestiœ sunt quœ insi-
diantur ovilibus, et circa pastorales ver-
santur casas. Habitaculadomorumintrare
non audent; somnum canum, absentiam
aut desidiam pastorum explorant; in
ovium guttur invadunt, ut cito straugu-
lent; feri, rapaces, natura corporis rigi-
diores, ut se facile non possint inflectere;
impetu quodam sue feruntur , et ideo
sœpe deluduntur. Si quem priores bomi-
nem Tiderint,vocemejus quadam naturae
vi feruntur eripere : si autem boœo
prius 603 viderit , exagitari memoran-
tur. Sic hœretici insidiantur ovilibus
Cbristi, fremuat circa casas uocturno
tempore : semper euina pertidis nox est,
qui lucem Cbristi nebulis pravae inter-
pretationis obducunt : stabula tameu
Cbristi intrare non audent, et ideo non
sanautur sicut curatus est ille in stabulo.
qui iucidit in latrones : explorant pas-
toris absentiam , quia praesentibus pas-
toribus oves Cbristi incursare non pos-
sunt : quadam etiam mentis intentione
duri et rigidi , nequaquam soient a suo
errore deflectere. quos Scripturae verus
interpres Cbristus illudit , ut in vanum
suos effundant impetus, et nocere non
possint; qui siquemversutadisputationis
suœ circumscriptione praeveniuut , fa-
DE SAINT LUC, CHAP. X. 544
duisent au silenee ; car on est muet quand on ne confesse pas Dieu ,
en proclamant la gloire qui lui appartient par essence. Prenez donc
garde que quelque hérétique ne vous ravisse la voix avant que vous
ne l'ayez surpris le premier ; car l'œuvre de sa perfidie avance toujours,
tant qu'elle reste cachée; mais si vous mettez à découvert ses projets
impies, vous n'aurez plus à craindre la perte d'une voix consacrée à
Dieu. Ils prennent à la gorge, ils font des blessures mortelles aux
organes essentiels de la vie, pour atteindre l'âme elle-même. Si donc
vous entendez parler d'un prêtre même , et que vous appreniez ses
vols et ses rapines, c'est une brebis dehors, mais au dedans, c'est un
loup qui, par un instinct de cruauté insatiable, veut assouvir sa rage
dans le sang des hommes qu'il égorge. — S. Grég. {hom. 47 sur les
Evang.) Il en est beaucoup qui, en prenant la charge pastorale,
semblent n'avoir de zèle que pour dépouiller ceux qui leur sont sou-
mis, et cherchent à inspirer la crainte de leur autorité. Gomme ils
n'ont pas les entrailles de la charité , ils veulent qu'on les regarde
comme des maîtres, ils ignorent tout à fait qu'ils sont pères, et ils
font d'une place toute d'humilité, un instrument d'orgueil et de domi-
nation. Afin de nous préserver de ces excès, rappelons-nous que nous
sommes envoyés comme des agneaux au milieu des loups , pour nous
apprendre à conserver la douceur de l'innocence , et à ne point dé-
chirer nos frères par méchanceté ; car celui qui exerce le ministère de
la prédication, loin de faire du mal aux autres , doit supporter celui
qu'on veut lui faire; et si le zèle de la justice exige qu'il déploie
quelquefois de la sévérité , il faut qu'il ressente dans son cœur un
amour tout paternel pour ceux qu'il est obligé de poursuivre et de
châtier extérieurement. Or, l'accomplissement de ce devoir sera facile
au pasteur qui ne place pas son âme sous le joug écrasant des con-
ciunt obmutescere ; ruulus est enim qui
verbum Dei non eadem qua est gloria
confiletur. Cave igilur ne tibi vocem
tollat hsereticus ne priorem non ipse de-
prehenderis : serpit enira dum latel ejus
perfidia; si autem commenta impielatis
ejus agnoveris , jacturam pire vocis
timere non poteris. Guttur invadunf,
vitalibus vulnus affigunt, dum animam
petunt. Si etiam audies aliquem sacer-
dotem dici, et rapinas ejus coguoscis,
foris ovis, intus lupus est, qui liiunan.c
necis iiibaturabiii cruùclilate rabiem
suam dcr^iderat explore. Gri:g. [in/ioui.
17, in Evang.) Multi onini cum reginii-
nisjiira suscipiunt, ad lacerandos subdi-
tos inardescunt , terrorem potestatis
exbibent ; et quia charitatis viscera non
habent, domini videri appetunt, patres
se esse minime recognoscunt , humili-
latis locum in elationem domination] s
iramulant : contra quœ onmia conside-
randum nobis est, quia sicut agni inter
hipos miltimur , ut sensum servantes
innocentise, morsum malitite non habea-
mus : qui enim locum prcedicationis
suscipit, mala inferre non débet, sed
tolerare : quera etsi quandoque zelus
reclUudinis exigit, ut erga subjectos
sœviat , intus paterna pietate diligat
quos foris (piasi insequendo castigat.
Quod tune rector bene exhibet , cum
tcrrena; cupiditatis oneribus nequaquam
mentis colla snpponit. Unde subditur :
512
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
voitises de la terre ; voilà pourquoi Notre-Seigueur ajoute : « Ne portez
ni bourse, ni sac. » — S. Grég. de Naziakze. (dise, i.) Le résumé de
ces divines instructions, c'est que leur vertu doit être tellement émi-
nente, que les exemples de leur vie servent aussi puissamment au
progrès de l'Evangile, que leurs prédications. — S. Grég. [hom. 17.)
Le prédicateur doit avoir en Dieu une telle confiance , que tout en ne
se préoccupant aucunement des choses nécessaires à la vie , il soit
cependant assuré qu'elles ne lui manqueront jamais; autrement une
trop grande sollicitude pour les choses de la terre , le détournerait de
procurer aux autres les biens de l'éternité.
S. Cyr. Le Sauveur avait défendu à ses disciples toute sollicitude à
l'égard de leur corps , en leur disant : « Je vous envoie comme des
agneaux au milieu des loups. » Il ne veut pas qu'ils se préoccupent
davantage des choses qui sont en dehors du corps : « Ne portez ni
bourse, ni sac. » Il ne leur permet pas même de porter les vêtements
qui ne sont pas encore à l'usage du corps : « Ni chaussures. » Non-
seulement, il leur défend de porter un sac ou une bourse, mais il ne
veut pas qu'ils se laissent distraire du ministère qui leur est confié ,
même pour saluer ceux qu'ils rencontrent : a Et ne saluez personne
dans le chemin. » Elle avait déjà fait la même recommandation à son
serviteur (1), et Notre-Seigneur semble leur dire : Marchez droit à
votre œuvre sans échanger de salutations. Car le temps destiné à la
prédication ne doit pas être employé inutilement , et on ne peut en
distraire que ce que réclame la nécessité. — S. Ambr. Si donc le Sau-
veur fait cette défense, ce n'est pas qu'il désapprouve les témoignages
(1) Lorsque Eiie envoie son serviteur Giezi pour ressusciter le fils de la Sunamite avec sou
bâton. (IV Bois, iv, 29.)
« Nolite portare sacculum, neque pe-
ram. » Greg. Naz. {Orat. 1.) Quorum
summa est, ut adeo virtuosi existant,
quod non minus propter vitae modum
quam propter eorum verbum Evange-
lium proficiat. Greg. {in hom. 17 , ut
sup.) Tanta enim prËedicatori débet esse
in Deo fiducia, ut prœsentis vitce sump-
tibus quamvis non provideat, tamen sibi
hos non déesse certissime sciât; ne dum
mens ejus occupatur ad temporalia,
minus aliis provideat aeterna.
Cyril, [ut sxtp.) Sic igitur prœceperat
nec de ipso subjecto curam liabere,
cum dixerat : « Mitto vos sicut agnos
inter lupos. » Nec etiam concessit solli-
cites esse erga extrinseca corpori , cum
dixit : « Nolite portare sacculum, ut que
peram. » Nec etiam concessit portare
aliquid eorum qu8e nondum uuita sint
corpori. Unde subdit : « Neque calcea-
menta : » non solurn autem sacculum et
peram portare probibuit , sed nec ali-
quam studii distractionem permisit
assumere, qui nec ob obviantum saluta-
tionem distrabi voluit : unde subdit :
« Et neminem per viam salutaveritis. »
Quod et dudum ab Elisaeo dictum fuit;
quasi diceret : « Recto tramite ad opus
procedite , non alternantes benedictio-
nibus benedictiones : » damnum enim
est expendere frustra tempus prœdica-
tionibus competnnsprœterquam in rébus
necessariis. Ambr. Non ergo baec Do-
minus probibuit, quod beuevolentite
displiceret officium , sed quod perse-
DE SAINT LUC, CHAP. X.
513
de bienveillance mutuelle, mais parce qu'il met au-dessus le désir que
nous devons avoir d'accomplir les devoirs de religion. — S. Greo. de
Nazianze. Il fait encore ce commandement pour l'honneur de sa pa-
role, pour soustraire ses disciples à la funeste influence de la flatterie
et les rendre indifférents aux paroles d'autrui.
S. Grég. {homél. 17 sur les Evang.) Si l'on veut entendre ces pa-
roles dans un sens allégorique, l'argent renfermé dans la bourse est
la sagesse qui demeure cachée. Celui donc qui possède en lui-même
la parole de la sagesse , et qui néghge de la communiquer au pro-
chain, tient son argent comme lié dans sa bourse. Le sac représente
le fardeau des affaires du siècle, et les chaussures, les œuvres mortes.
Celui donc qui prend la charge du ministère de la prédication , doit
regarder comme indigne de lui de porter le poids des sollicitudes de
la terre, qui courbe sa tète sous un joug honteux et ne lui permet
pas de se relever pour prêcher les choses du ciel. Il ne doit pas non plus
arrêter ses regards sur les œuvres des insensés, dans l'espérance de dé-
fendre et de protéger ses œuvres comme avec des peaux mortes , et
de pouvoir faire impunément ce qu'il voit faire aux autres. — S. Amb.
Le Seigneur ne veut rien voir en nous de mortel , voilà pourquoi il
ordonne à Moïse de délier sa chaussure terrestre et mortelle, lorsqu'il
renvoie pour délivrer son peuple. {Exode, m.) Etes-vous surpris de
ce que Dieu commande aux Israélites, en Egypte, d'avoir leurs chaus-
sures pour manger l'agneau {Exode, xii), tandis que les Apôtres
doivent les quitter pour prêcher l'Evangile? considérez que tant qu'on
est dans l'Egypte, on doit craindre les morsures du serpent; car
l'Egypte est fertile en poisons de tout genre , et celui qui célèbre la
quendse devotionis intentio plus place-
rez Greg. Nazianz. [in Cat. Grxcorum
Patrum.) Maudavit etiam hoc eis Do-
minus ad verbi gloriam ; ne viderelur in
eis magis vigere posse blanditias : voluit
eliam eos non esse sollicites in verbis
alienis.
Greg. (in hom. \1 , in Erang.) Haec
aulem verba si quis eliam per allego-
riani velit intelligi ; pecunia clausa in
sacculo est sapieulia occulta. Qui igitur
sapientiœ verbum habet, et hoc erogare
proximo ncgligil , quasi pocuniam in
sacculo ligalam teuet. Per peram vero
onera seculi , per calccamevla mortuo-
rum operum exempla siguifîcantur. Qui
ergo officium prœdicatio'nis suscipit, di-
gnum non est ut opus secularium uego-
tiorum portet; ne dum hoc ejus colla
TOM. V.
deprimit, ad prsedicanda cœlestia non
assurgat; nec débet stultorum operum
exempla conspicere, ne sua opéra quasi
ex mortuis pellibus credat munire, ne sci-
licet quia aUos lalia fecisse considérât,
se etiam facere licenter putet. Ambr!
Nihil etiam Dominus in nobis mortalè
vult esse : mortale enim atque terrenum
calceamentum Moyses jubetur solvere
cum mitteretur ad populum liberandum'.
[ExocL, 3.) Quod si quem movet, qua
ratione in yEgypto calceati jubentur
ederc agnum [ExocL, 12), apostoli autem
sine calceamento ad praedicandum Evan-
gelium diriguntur : is considerare débet
quia in ^gypto positus débet adhuc
morsus cavere serpentis; multa enim
venena in ^gypto ; et qui typo Pascha
célébrât, patere potest vulaeri; qui
33
514
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
pâque figurative est encore exposé aux blessures , tandis que le mi-
nistre de la vérité ne craint aucunement les poisons.
S. Grég. (Jiom. 17.) Tout homme qui en salue un autre en chemin,
le salue plutôt, parce qu'il le rencontre, que pour lui souhaiter toutes
sortes de biens. Celui donc qui prêche la parole du salut, moins par
l'amour de la vie éternelle, que par désir de la récompense, salue aussi
pour ainsi dire en chemin , parce qu'il souhaite le salut à ceux qui
l'écoutent par occasion , plutôt que dans l'intention directe de leur
être utile.
^. 5-12. — En quelque maison que vous entriez, dites d'abord : Paix à cette
maison. Et s'il s'y trouve un fils de la paix, votre paix reposera sur lui;
sinon, elle reviendra à vous. Demeurez dans la même maison, ynangeant et
buvant de ce qui sera chez eux; car l'ouvrier mérite son salaire. Ne passez
point de maison en mais07i. En quelque ville que vous entriez et où vous serez
reçus, mangez ce qu'on vous présentera ; guérissez les malades qui s'y trouve-
ront, et dites-leur ; Le royaume de Dieu s'est approché de vous. Mais, en quel-
que ville que vous soyez entrés, s'ils ne vous reçoivent point, sortez sur la
place publique, et dites : Nous secouons contre vous la poussière même de notre
ville, qui s'est attachée à nos pieds ; cependant sachez que le royaume de Dieu
est proche. Je vous le dis, il y aura, en ce jour, moins de rigueur pour Sodome
que pour cette ville.
S. Chrys. (sur l'Ep. aux Coloss. , m.) La paix est la mère de tous
les biens, et sans elle, toutes les autres jouissances ne sont rien; aussi
le Sauveur commande à ses disciples , lorsqu'ils entrent dans une
maison, de souhaiter aussitôt la paix, comme le gage de tous les
biens : « En qudque maison que vous entriez , dites d'abord : Paix à
cette maison.» — S. Ambr. Il veut que nous soyons les messagers de la
autem minister est veritatis, venena non
trépidât.
Greg. [in hom. 17, ut svp.) Omnis
autera qui salutal in via , ex occasione
salutat ilineris, non ex studio optandae
salutis. Qui igitur non amore aeternse
patriae, sed praemiorum ambitu salutem
audientibus prsedicat, quasi in itinere
salutat ; quia ex occasione non ex
intentione salutem audientibus exoptat.
In quamcunque domum intraveritis, primnm di-
cite : Par hiiic domui! et si ibi fiierit filius pa-
cis, requiescet super illutn pax vestra; sin au-
tem, ad vos revertetur. In eadeta autem domo
manete , edentes et bibentes quœ apud illos
sunt : dignus est enim operarius mercede sua.
Nolite transire de domo in domum. Et in
quamcunque civitatem. intraveritis et suscepe-
rint vos, manducate quœ apponuniur vobis, et
curate infirmas qui in illa sunt, et dicite illis :
Appropinquavit in vos regnum Dei. In quam-
cunque autem civitatem intraveritis , et non
susceperint vos, exeuntes inplateas ejus di-
cite : Etiam pulverem qui adhœsit nobis de
civitate vestra, extergimus in vos : tamen hoc
scitote quia appropinquavit regnum Dei : dico
vobis quod Sodnmis in die illa remissius erit
quam illi civitati.
Chrys. [in epist. ad Coloss., 3, et in
Cat. Grœca.) Bonorum omnium mater
pax est, sine qua CEetera inania sunt;
propter quod Dominus discipulis intran-
tibus domos illico pacem jussit proferre,
tanquam bonorum indicium , dicens :
« (n quamcunque domum intraveritis,
primum dicite : Pax huic domui ! »
Ambr. Ut scilicet pacis perferamus
DE SAINT LUC, CHAP. X. 615
paix, et que notre première entrée dans une maison soit consacrée par
les bénédictions de la paix. — S. Chrys, {Ch. des Pèr. gr., et sur le
Ps. cxxiv.) Voilà pourquoi le pontife la donne à toute l'Eglise par ces
paroles : « La paix soit avec vous 1 » (1) Or, cette paix, que les saints
demandent pour nous , n'est pas seulement la paix des hommes entre
eux, mais la paix avec nous-mêmes. Car bien souvent , nous portons
la guerre au dedans de nous-mêmes , nous sommes en proie à une
agitation qui ne vient point des autres hommes , et nous sentons les
mauvais désirs s'insurger contre nous. — Tite de Bost. q Paix à cette
maison ! » c'est-à-dire à ceux qui habitent cette maison. Comme s'il
leur disait : Adressez-vous à tous , aux grands comme aux petits , et
cependant votre bénédiction ne tombera pas sur ceux qui en sont in-
dignes.' Il ajoute : « Et s'il s'y trouve un fils de la paix , votre paix
reposera sur lui, » c'est-à-dire : Vous prononcerez les paroles de paix,
mais pour la paix elle-même, c'est moi qui la donnerai à celui que
j'en jugerai digne. Et si personne ne s'en trouve digne, vous ne serez
pas trompés, et la grâce attachée à vos paroles ne sera point sans
effet, au contraire , elle retournera sur vous , c'est ce qu'il ajoute :
a Sinon, elle retournera sur vous. » — S. Grég. En effet, la paix, que
souhaite la bouche du prédicateur , se repose sur la maison , s'il s'y
trouve quelque personne prédestinée à la vie, et qui suive avec docilité
les célestes enseignements qui lui sont donnés. Mais si personne ne
veut les entendre, le prédicateur ne restera pas sans fruit , et la paix
qu'il a souhaitée, lui reviendra avec la récompense que le Seigneur
lui donnera pour son travail. Or, lorsque la paix que nous souhaitons
est reçue, il est de toute justice que ceux à qui nous apportons les ré-
(1) Le Pontife ne disait pas seulement : « La paix soit avec vous, n mais « la paix soit avec voue
tous, » Etprivr) 7îâ<7i, comme l'ajoute saint Chrysostome.
nimtium, ut et ipse primus ingressus
pacis benedictione celebretur. Chrys.
{ut sup. in Cat. Grxconim . et in Ps.
124.) Unde poutifex Ecclesiae tradit eam,
diceus : « Pax vobis ! » Implorant autem
pacem sancti, non solum eam quse ver-
satur inter homines ad invicem, sed eam
quse pertinet ad nos ipsos. Nam sœpius
in pectore bellum gerimus, et nulle mo-
lestante turbamur, necnon prava desi-
deria contra nos crebro insurgunt. Titus
BosTRENS. Dicitur autem : « Pax liuic
domui ! » scilicet babitantibus domum.
Quasi dicat : Omnes alloquimini, majo-
res pariter et minores; neque tamon
indignis vestra salutatio dirigetur. Unde
subditur : « Et si ibi fuerit tîiius pacis,
requiescel super lUum pax vestra. n
Quasi dicat : « Vos quidem proferetis
verbum , res autem pacis applicabitur
meo judicio ubicimque dignum esse
videbitur : si quis autem non sit dignus,
non estis delusi , nec verborum vestro-
rum gratia periit; imo reciprocatur ad
vos : » et hoc est quod subditur : « Sin
autem , ad vos revertetur. » Greg. Pax
enim quaj ab ore praedicatoris ofTertur,
aut requiescet in domo , si in ea fuerit
quisquam prsedestinatus ad vitam , et
cœleste verbum sequitur, quod audit;
aut si nullus quidem audire voluerit,
ipse praedicator sine fructu non erit,
quia ad eum pax revertitur dum ei a
Domino pro labore sui operis merces
recompensatur. Si autem pai nostra
recipitur, dignum est ut ab eis terrena
516
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
compenses de la patrie céleste , nous donnent en échange ce qui est
nécessaire à notre subsistance : « Demeurez dans la même maison, man-
geant et buvant de ce qui sera chez eux. » Ainsi celui qui défend à ses
disciples de porter ni bourse, ni sac, leur permet de tirer de la prédi-
cation elle-même, tout ce qui est nécessaire à leur nourriture et à leur
entretien. — S. Chrys. Le Sauveur prévient cette objection : Mais je
dépense tout ce que je possède, pour nourrir ces étrangers , et il veut
que celui qu'il vous envoie , vous offre en entrant le don incompa-
rable de la paix, pour vous faire comprendre que vous recevez beau-
coup plus que vous ne donnez. — Tite. Ou bien, on peut encore
regarder ces paroles comme la suite de ce qui précède , c'est-à-dire :
Vous n'êtes pas établis pour juger ceux qui sont dignes ou indignes,
mangez et buvez ce qu'on vous présente ; mais laissez-moi lô discer-
nement de ceux qui vous reçoivent, à moins, cependant , que vous ne
sachiez parfaitement vous-mêmes qu'il ne se trouve dans cette maison
aucun enfant de la paix ; car vous devriez alors la quitter.
Théophyl. Vous voyez comment il a voulu que ses Apôtres men-
dient leur pain, et reçoivent la nourriture pour salaire, car il ajoute :
« L'ouvrier mérite son salaire. » — S. Grég. {hom, 17.) En efifet, les
aliments qui soutiennent l'existence de l'ouvrier , sont une partie de
son salaire, elle est pour le travail de la prédication un commencement
de la récompense qui recevra toute sa perfection dans les cieux de la
contemplation de la vérité. Remarquons que pour une seule et même
œuvre, nous recevons deux récompenses , l'une dans cette vie, qui est
la voie; et l'autre dans la patrie, après la résurrection. Or, l'effet de
la récompense que nous recevons ici-bas, doit être de nous faire tendre
avec plus de force et de courage vers la récompense éternelle. Le vrai
stipendia consequamur, quibus patriae
cœlestis praemia offerimus. Uude sequi-
tur : « Iq eadem autem domo manete,
edentes et bibentes quse apud illos
sunt. » Ecce qui peram et sacculum
portari proliibuit, sumptus et alimenta
ex eadem praedicatione concedit. Corys.
{ut sup.) ried ne aliquis diceret : « Con-
sumo res proprias parando advenis
mensamp) illum primo iutrantem facit
tibi pacis donum oiTerre , cui nihil est
aequale ; ut scias te majora , quam des,
suscipere. Titus Bostrens. Vel aliter
continua : « Quia non eslis constituti
judices eorum qui sunt digni vel indi-
gni, edalis et bibatis quae vobis offerun-
tur ab eis : dimittite autem mihi eorum,
qui vos recipiunt , examen ; nisi vobis
quoque sit notum , non esse ibi filium
pacis : tune enim fortassis retrocedere
debetis. »
Theophylact. Vide igitur qualiter
discipulos mendicare instituit , et pro
pretio eos nutrimentum habere voluit :
nam subJitur : « Dignus enim est ope-
rarius mercede sua. » Greg. [hom. 17,
ut sup.) Sunt enim jam de mercede
operarii ipsa alimenta sustentationis ;
ut hic merces de labore praedieatiouis
inchoetur, quœ illic de veritatis visione
perficitur. Qua in re considerandum est
quod uni nostro operi duae mercedes
debentur : una in via, quae nos in labore
sustentât; alla in patria , quae nos in
resurrectione rémunérât. Merces itaque
quae in praesenti recipitur, hoc in nobis
débet agere, ut ad sequentem mercedem
robustius tendatur. Verus ergo quisque
DE SATNT LUC, CHAP. X. 317
prédicateur ne doit donc pas prêcher dans l'intention d'obtenir ici-bas
sa récompense, mais recevoir cette récompense comme soutien de sa
prédication. Car celui qui annonce la parole sainte pour obtenir des
louanges ou quelque avantage temporel,, se prive par là même de la
récompense éternelle.
S. Ambr, Le Sauveur recommande encore à ses disciples une autre
vertu, c'est de ne point aller de maison en maison avec une incons-
tante facilité : « Ne passez point de maison en maison , » c'est-à-dire
que par affection pour ceux qui nous reçoivent, nous devons rester
chez eux, et ne pas rompre trop facilement les liens d'amitié qui nous
unissent à eux.
BEDE. Après les avoir prévenus des différentes manières dont l'hos-
pitalité leur serait offerte , il leur trace la ligne de conduite qu'ils de-
vront tenir dans les villes où ils entreront, c'est-à-dire partager en
tout la manière de vivre des âmes vraiment religieuses , et fuir tout
rapport avec les impies: « En quelque ville que vous entriez, et où vous
serez reçus, mangez ce qu'on vous présentera. » — Théophyl. Quelque
modeste et commune que soit la table qui vous est offerte , n'en de-
mandez pas davantage; et il les avertit en même temps d'opérer
des miracles pour attirer les hommes à leurs prédications : « Et gué-
rissez les malades qui s'y trouveront, et dites-leur : Le royaume de
Dieu est proche de vous. » Si, en effet, vous commencez par les guérir
avant de les enseigner, vos discours en recevront plus d'efficacité, et
les hommes croiront que le royaume de Dieu approche en vérité,
puisque ces guérisons ne peuvent être que l'effet d'une vertu divine.
Mais lors même qi^e leur guérison est toute spirituelle, il est vrai de
dire que le royaume de Dieu s'approche d'eux ; car ce royaume est
praedicator non ideo praedicare débet,
ut in hoc tempore mercedem accipiat;
sed ideo mercedem recipere ut praedi-
care sufficiat. Quisquls namque ideo
praedicat, ut hic laudis vel muneris mer-
cedem recipiat, aeterna mercede se
privât.
Ambr. Subditur virtus alia; ne de
domo in domum quis vaga facilitate
demigret. Sequitur enira : « Nolite
transire de domo in domum, » ut scili-
cet amore hospitali servemus constan-
tiam , neque aliquam amiciliae necessi-
tudinem facile resolvamus.
Bed. Descripto autem diversae domus
hospitioquidjam in civitatibus agere de-
beant, docet : piis scilicet in omnibus com-
municare ; ab impiorum vero per omnia
societate secerni : unde sequitur: «Et in
quamcunque civitatem intraveritis, et sus-
ceperint vos, manducate quae apponuntur
vobis. » Theopuylact. Quamvis modica
existant et vilia , nihil amplius inqui-
rentes : denuntiat etiam eis, ut opéran-
tes miracula, homines ad suas praedica-
tiones attraherent. Unde subdit : « Et
curate infirmes qui in illa sunt. Et dicite
illis : Appropinquavit in vos regnum
Dei » Si enim prius curaveritis , deinde
docueritis, prosperabitur scrmo, et bo-
mines credent regnum Dei appropin-
quare : non enim curarentur, nisi hoc
aliqua virtus divina perficeret. Sed etiam
cum secundum animam curantur, ap-
propinquat in cos regnum Dei, quod
1 longe est ab eo cui dominatur pecca-
518
EXPLICATION DE L EVANGILE
loin de ceux en qui domine le péché. — S. Chrys. {hom. 33 sur
S. Matth.) Voyez quelle est la dignité des Apôtres , ce ne sont point
des grâces sensibles (c'est-à-dire des biens terrestres) qu'ils doivent
répandre, comme Moïse et les prophètes , mais des grâces toute nou-
velles et vraiment admirables , c'est-à-dire le royaume de Dieu. —
S. Max. Le Sauveur dit : a Le royaume de Dieu approche , » non
pour signifier qu'il s'écoulera peu de temps jusqu'à ce qu'il arrive ;
car le royaume de Dieu ne vient pas de manière à être remarqué
{Luc, XVII, 20), mais pour nous faire connaitre la disposition des
hommes au royaume de Dieu qui est en puissance dans ceux qui ont
embrassé la foi, et en réalité dans ceux qui méprisent la vie du corps
pour ne vivre que de la vie de l'âme, et qui peuvent dire : « Je vis, ce
n'est pas moi, mais c'est Jésus-Christ qui vit en moi. » {Gai., ii, 20.)
S. Ambr. Il leur commande ensuite de secouer la poussière de leurs
pieds contre les villes qui n'auront pas cru devoir leur accorder l'hos-
pitalité : « En quelque ville que vous entriez , et où l'on ne vous re-
cevra point , secouez la poussière, » etc. — Bède. Cette action, de la
part des Apôtres , est une attestation solennelle des travaux et des
fatigues qu'ils ont supportés inutilement pour les habitants de ces
villes ; ou bien, un signe qu'ils désirent si peu leurs biens temporels,
qu'ils ne veulent même pas que la poussière de leur terre s'attache à
leui's pieds. Ou bien encore , les pieds signifient les travaux et les
progrès de la prédication , et la poussière dont ils sont couverts, la
légèreté des pensées de la terre, dont les plus grands docteurs ne
peuvent entièrement se garantir. Ceux donc qui méprisent la doctrine,
les travaux et les périls de ceux qui leur annoncent l'Evangile , se
préparent un témoignage sévère de condamnation. — Orig. {Ch. des
tum. Chrts. {hom. 33, in Matth.) Vide
autem dignitatem apostolorum : nihil
sensibile moneûtur proferre ; qualia qui
circa Moysen et proplaetas (scilicet bona
terrena), sed qusedam nova et mirabiiia;
scilicet regnum Dei, Maxim, {in Cat.
Grœcorum Patrinn.) Dicitur autem,
appropinquavit , non ut ostendat tem-
poris brevitatem , neque enim regnum
Dei venit cum observatione, sed osten-
dit dispositionem hominum ad regnum
Dei, quod quidem potentia est in omni-
bus credentibus; actu vero in his qui
respuunt corporalem vitam, et solam
eligunt spiritualem ; qui dicere possunt :
« Vivo autem non ego , sed vivit in me
Ghristus. »
Ambr. Deinde docet excutiendum de
pedibus pulverem; si quis recipiendos
civitatis hospitio non putaverit, dicens :
« In quamcunque civitatem intraveritis,
et non susceperint vos, excutite pulve-
rem, » etc. Bed. Vel ad contestationem
terreni laboris, quem pro illis inaniter
susceperunt; vel ut ostendatur, usque
adeo se ab ipsis nihil terrenum quaerere,
ut etiam pulverem de terra eorum non
sibi patiantur adhaerere; vel per pedes
ipsum opus et incessus praedicationis
significatur : pulvis vero, quo aspergun-
tur, terreuse levitas est cogitationis; a
qua et summi doctores immunes esse
nequeunt. Qui ergo spreverint doctri-
nam, labores et pericula docentium ad
testimonium suae damnationis inflectunt.
Orig. {in Cat.-Grxcorum Patrum.) Ex-
DE SAINT LUC, CHAP. X. 51$
Pèr. gr.) En secouant la poussière de leurs pieds , ils semblent leur,
dire : La poussière de vos péchés retombera justement sur vous.
Remarquez encore que les villes qui refusent de recevoir les Apôtres,
ont de larges places, selon ces paroles du Sauveur : « La voie qui
mène à la perdition est large. »
Théophyl. Le royaume de Dieu approche pour le bonheur de ceux
qui reçoivent les Apôtres, mais il approche aussi pour la perte de ceux
qui les repoussent : « Sachez cependant que le royaume de Dieu est
proche ; » c'est comme l'avénemeut d'un roi qui' vient pour punir les
uns et récompenser les autres, c'est pourquoi il ajoute : « Je vous le
dis^ il y aura en ce jour moins de rigueur pour Sodome que pour
cette ville. » — Eusèbe. En effet , même dans la ville de Sodome , les
anges trouvèrent l'hospitalité, et Loth fut jugé digne de les recevoir.
[Genèse, xix.) Si donc en entrant dans une ville , les Apôtres ne trou-
vent pas un seul habitant qui veuille les recevoir, comment le sort de
cette ville ne serait-il pas plus triste que celui de Sodome? Le Sauveur
leur enseignait encore par ces paroles à embrasser avec courage la vie
de pauvreté; car une ville, une maison, un bourg ne peuvent exister,
qu'à la condition de renfermer quelque serviteur fidèle connu de
Dieu. La ville de Sodome elle-même n'eût pu exister , si Loth ne
l'eût habitée, et à peine en fut-il sorti^ qu'elle fut soudainement réduite
en cendres. — Bède. Et cependant les habitants de Sodome, bien
qu'hospitaliers au milieu des désordres de la chair et de l'esprit, n'ont
jamais reçu des hôtes comme étaient les Apôtres ; car si Loth a con-
servé ses yeux et ses oreilles pures (II Pierre, ii, 7), nous ne voyons
pas cependant qu'il ait rien enseigné , ou qu'il ait fait quelque pro-
dige.
tergendo ergo pulverem pedum in eos,
quodammodo dicunt : « Pulvis peccato-
rum vestrorutn merito veniet super vos. »
Et attende quod quaecunque civitates non
suscipiunl apostolos, sanamque doctri-
nam, habent plateas : juxta illud [Matlh.,
7) : « Lata est via quœ ducit ad perdilio-
nem. »
Theophylact. Et sicut recipientibus
apostolos appropinquare regnum Dei di-
citur in beneficium , sic non recipienti-
bus in prœjudicium. Unde subdit : « Ta-
men hoc scitote quia appropinquavit
regnum Dei; » sicut adventus régis est
quibusdam ad pœnam, quibusdani vero
ad honoreni. Unde de eoruui pœna sub-
ditur : « Dico autem vobis quod Sodo-
mis remissius erit, » etc. Euseb. (m Cat.
Gracorutn Patrum.) Nam in oivitate
Sodomorum non caruerunt angeli hos-
pitio, sed Loth inventus est dignus eos
hospitari. {Gen., 19.) Si ergo ad acces-
suni discipulorum nec unus invenietur
in civitate, qui eos recipiat, quouiodo
non pejor erit civitate Sodomorum? Hic
sermo docebat eos audacter aggredi re-
gulam paupertatis : non enim posset
consistere civitas et villa^ nec viens sine
aUquo incola noto Deo. Nam nec So-
doma subsisteret non reperto Loth, quo
recec'ente tota repente periit. Bed. So-
doniitai quoque ipsi etsi hospitales fue-
rinl inter caetera carnis animaque flagi-
tia, nuUi tamen apud eos taies hospites
quales apostoli, reperti sunt; et Loth
quidem aspectu et auditu justus erat
(II Pétri II rers. 7), non tamen aliquid
docuisse aut signa fecisse perhibetur.
520
EXPLICATION DE l'ÉVÂNGILE
f. l3-iQ. ~— Malheur à toi, Corozaïn, malheur à toi, Bethsaide l Car si les
miracles qui ont été faits au milieu de vous, l'avaient été dans Tyr et Sidon,
elles eussent depuis longtemps fait pénitence sous le ciliée et assises dans la
cendre. C'est pourquoi il y aura, au jour du jugement, moins de rigueur pour
Tyr et Sido?i que pour vous. Et toi Capharnaûm, qui t'es élevée jusqu'au
ciel, tu seras abaissée jusqu'aux enfers. Celui qui vous écoute, m'écoute, et
celui qui vous méprise, me méprise; or, celui qui me méprise, méprise celui qui
m'a envoyé.
S. Ambr. D'après ces paroles du Seigneur, ceux qui ont refusé de
suivre les préceptes de l'Evangile seront punis bien plus sévèrement
que ceux qui ont violé la loi naturelle : « IMalheur à toi , Corozaïn,
malheur à toi Betlisaïde ! » — Bède. Corozaïn , Bethsaide et Caphar-
naûm, et Tibériade, dont parle saint Jean , sont des villes de Galilée,
situées sur les bords du lac de Génésareth, que les Evangélistes
appellent aussi la mer de Galilée ou de Tibériade (I). Le Sauveur dé-
plore donc le sort de ces villes , que tant de prodiges et de miracles
opérés sous leurs yeux n'ont pu amener à faire pénitence, et qui sont
plus coupables que les nations qui transgressent seulement la loi na-
turelle, puisqu'au mépris de la loi écrite, ils joignent encore le mépris
du Fils de Dieu et de sa gloire : a Car si les miracles qui ont été faits
au milieu de vous, l'avaient été dans Tyr et dans Sidon , elles eussent
depuis longtemps fait pénitence dans le cilice et dans la cendre. » Le
cilice qui est tissé de poils de chèvre , figure le souvenir déchirant du
péché, qui perce l'âme comme d'une pointe aiguë ; la cendre repré-
sente la pensée de la mort, qui nous réduit eu cendres; l'action d'être
(1) Ce lac est appelé mer de Galilée dans saint Matthieu, rv, 18; xv, 29; dans saint Marc, i, 16;
VII, 31 ; et mer de Tibériade dans saint Jean, xxi, 1 ; et tout à la fois mer de Galilée et mer de
Tibériade, vi, 1,
Vœ tibi, Corozaim ! vœ Bethsaida ! quia si in
Tyro et Sidone factœ fuissent virtutes quœ
factœ sunt in vobis, olim in cilicio et cinere se-
dentes pœniterent. Veriimtamen Tyro et Si-
doni remissius erit injudicio quant vobis. Et
tu , Capharnaûm , usque ad cœlum exaltata ,
usgue ad infernum demergeris .Qui vos au-
dit, me audit ; et qui vos spernit, me spernit :
qui auiem me spernit, spernit eum qui me misit.
Ambr. Docet Dominus graviori pœnœ
obnoxios fore, qui Evangelium non se-
quendum, quam qui iegem judicave-
nt esse solvendam, dicens : « Vae tibi,
ru. ^zaim! vae tibi, Bethsaida! » Bed.
Coro ini^ Bethsaida et Capharnaûm,
Corozb. auoque quam Joannes nominat,
Tibenas .^ vjt Galilsese sitae iû Uttore laci
civitates svu
Genezareth, qui ab evangeUstis 7nare
Galilœœ vel Tiberiadis appellatur. Plau-
git ergo Dominus bas civitates, quae post
tanta miracula atque virtutes non pœni-
tuerunt, pejoresque sunt gentibus natu-
rale tantum jus dissipantibus; quia post
descriptse legis contemptum, FiUum
quoque Dei et gloriam ejus spernere
non timuerunt. Unde sequitur : « Quia
si in Tyro et Sidone factee fuissent vir-
tutes qua; factœ sunt in vobis, ohm in
cihcio et in cinere pœniterent, » etc.
« In cihcio, » quod de pilis caprarum
contexitur, asperam peccati pungentis
memoriam significat; in cinere autem,
mortis considerationem (per quam in
pulverem redigimur) demonstrat : porro
DE SAINT LUC, CHAP. X.
521
assis signifie l'humilité de la conscience. Or, nous voyons aujourd'hui
l'accomplissement de cette prédiction du Sauveur, parce que Corozain
et Bethsaïde ont refusé de croire au Seigneur qui les enseignait en
personne, tandis que Tyr et Sidon ont été autrefois en relations d'a-
mitié avec David et Salomon , et ont ensuite embrassé la foi qui leur
était annoncée par les disciples de Jésus-Christ.
S. Chrys. [de l'hom. intltuL, que les femmes consacrées à Dieu
ne doivent point habiter avec les hommes.) Le Seigneur déplore le
sort de ces villes, pour nous apprendre que les gémissements et les
larmes répandues sur ceux qui sont insensibles à leur malheur , sont
un des moyens les plus efficaces pour les tirer de leur insensibilité,
comme aussi un remède souverain, et une consolation puissante pour
ceux qui s'attristent de leur indififérence. {Et hom. 38 sur S. Matth.)
Ce n'est pas seulement en déplorant leur sort , qu'il les amène à faire
le bien, mais en leur inspirant une crainte salutaire : « C'est pourquoi
il y aura, au jour du jugement, moins de rigueur pour Tyr et Sidon,
que pour vous. » Soyons nous-mêmes attentifs à cette menace; car ce
n'est pas seulement à ces villes, mais à nous-mêmes, qu'un jugement
sévère est réservé , si nous refusons de recevoir ceux qui nous de-
mandent l'hospitalité ; puisqu'il commande à ses disciples de secouer
la poussière de leurs pieds contre ceux qui refuseront de les recevoir.
{D'un autre endroit.) Les miracles nombreux que le Seigneur avait
opérés dans Capharnaûm, le séjour qu'il avait fait, lui avait donné
une certaine prééminence sur les autres villes , mais son incrédulité
fut cause de sa ruine , comme le Sauveur le lui prédit : « Et toi, Ca-
pharnaûm, élevée jusqu'au ciel, tu seras abaissée jusqu'aux enfers, »
c'est-à-dire que le châtiment sera proportionné à l'honneur que tu as
in sessione humilitatem propriae con-
scientice signifient. Implelum autem vi-
dimus hodie dictum Salvaloris , quia
Corozaim et Bethsaida praesente Domino
credere noluerunt. Tyrus autem et Si-
don, et quondam David ac Salomoni
amicfe fuere (III Recj., 5), et post evan-
gelizantibus Cliristi credidere discipulis.
Chrys. {in Cat. Grœcorum Pairum,
ex homilia quod recjxilares femina vins
cohahitare non debeant.) Déplorât au-
tem Dominus bas civitates ad nostrum
exemplum; eo quod effusio lacrymarum,
et gemitus amarus super patientes in-
sensibilitatem doloris, non modicum an-
tidotum est, et ad correctionem patien-
tium, et ad remedium vel consolationem
ingemiscentium super eos. (Et hom. 38,
in Matth.) Non solum autem per deplo-
rationem inducit eos ad bonum, sed
etiam per lerrorem. Unde sequitur :
« Verumtamen Tyro et Sidoni remis-
sius erit, » etc. Hoc et nos audire debe-
mus : non enim solis illis sed etiam no-
bis pejus judicium statuit, nisi recepe-
rimus intrantes ad nos bospites, quando
etiam pulverem prœcepit excutere. Ac
ex alio loco : cum autem plurima signa
fecisset Dominus in Capharnaûm , et
cum ipsa incolam babuisset, videbatur
super alias civitates exaltata; sed prop-
ter incredubtatem cecidit in ruina: unde
sequitur : « Et tu, Capbarnaum, usque
in cœlum exaltata, usque ad infernuni
demergeris , » ut scilicet judicium sit
proportionabile honori. Bed. Duplex au-
522
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
reçu. — BEDE. Ces paroles peuvent recevoir deux significations dififé-
rentes. Ou bien, tu seras plongée jusqu'au fond de l'enfer _, parce que
tu as résisté avec un orgueil indicible à mes prédications , et dans ce
sens, c'est par orgueil qu'elle s'est élevée jusqu'au ciel; ou bien, tu as
été élevée jusqu'au ciel, par le séjour que j'ai fait dans tes murs , par
les miracles que j'y ai multipliés sous tes yeux, et tu seras puni d'au-
tant plus sévèrement , que tant de grâces n'ont pu vaincre ton incré-
dulité. Et que personne ne pense que ces menaces ne sont faites
qu'aux villes ou aux personnes qui ont méprisé le Seigneur dans sa
chair visible ; elles s'adressent à tous ceux qui, aujourd'hui encore,
méprisent les enseignements de l'Evangile ; aussi ajoute-t-il : a Celui
qui vous écoute, m'écoute. » — S. Cyr. Il faut recevoir avec respect
les enseignements des saints Apôtres ; car celui qui les écoute , écoute
Jésus-Christ lui-même. Un châtiment inévitable attend donc les héré-
tiques qui rejettent les paroles des Apôtres, car il ajoute : « Et celui
qui vous méprise, me méprise. » — Bède. Il étabht clairement cette
vérité, qu'en écoutant ou en méprisant la prédicati,on évangélique, ce
ne sont pas des hommes de peu d'importance qu'on écoute ou qu'on
méprise, mais le Sauveur, et son Père lui-même : « Celui qui me mé-
prise, méprise celui qui m'a envoyé ; » parce qu'en effet , dans le dis-
ciple, c'est le maître qu'on écoute, et dans le Fils , c'est le Père qu'on
honore.
S. AuG. {des par. du Seig., serm. 24.) Si donc la parole de Dieu est
parvenue jusqu'à vous, et vous a placé dans le lieu élevé que vous
occupez^ gardez-vous de nous mépriser ; car ce mépris que vous nous
témoigneriez, remonterait jusqu'à lui. On peut encore entendre ces
paroles dans un autre sens : « Celui qui vous méprise , me méprise, »
tem in hac sententia sensus est. Vel
ideo, « ad infernum demergeris, » quia
contra praedicationem meam superbis-
sime restitisti; ut scilicet iutelligatur in
cœlum exaltala per superbiam : vel ideo
quia es exaltata usque ad cœlum meo
hospitio et mais signis, majoribus plecte-
ris suppliciis quia his quoque credere
noluisti. Et ne quis putaret banc iucre-
pationem , vel tantummodo civitatibus ,
vel personis convenire, quse Dominum
in carne videntes spernebant, et non
omnibus qui hodie quoque Evangelii
verba despiciunt, consequenter adjuuxit
dicens : « Qui vos audit, me audit. »
Cyril, {in Cat. Grœcorvm Patnun.) Per
quod docet quicquid per s&nctos aposto-
los dicitur, acceptandum esse, quia qui
illos audit, Christum audit. Inevitabilis
ergo pœna hsereticis imminet, qui apos-
tolorum negligunt verba : sequitur enim :
« Et qui vos spernit, me spernit. » Bed.
Ut scilicet in audiendo quisque vel sper-
nendo Evangelii prœdicationem, non
viles quasque personas , sed Dominum
Salvatorem, imo ipsum Patrem, sper-
nere se vel audire disceret : nam sequi-
tur : « Qui autem me spernit, spernit
eum qui me misit, » etc. Quia in disci-
pulo magister auditur, et in filio pater
bonoratur.
AuG. {de Verb. Dom., serm. 24.) Si
autem sermo Dei ad vos quoque perve-
nit, et in eo loco vos constituit, videte
ne spernatis nos, ne ad illum perveniat,
quod nobis feceritis. Bed. Potest et ita
intelligi : « Qui vos spernit, me sper-
nit, i> id est, qui non facit misericordiam
DE SAINT LUC, CHAP. X. 523
c'est-à-dire celui qui refuse de faire miséricorde à l'un des plus petits
d'entre mes frères, c'est à moi qu'il le refuse {Matth.^ xxv); et celui
qui me méprise, en refusant de croire que je suis le Fils de Dieu ,
méprise celui qui m'a envoyé, parce que mon Père et moi nous sommes
un. {JeaJî, X.) — TiTE de Bost. 11 console en même temps ses disciples,
car tel est le sens de ces paroles : « Ne dites point : Pourquoi aller
nous exposer aux outrages ? » Prètez-moi le concours de vos paroles ,
moi, je vous donnerai celui de ma grâce , et les outrages qu'on vous
fera, retomberont sur moi.
f. 17-20. — Or, les soixante-doiise disciples revinrent avec joie, disant : Seigneur,
les démons mêmes nous sont soumis en votre nom. Il leur répondit : Je voyais
Satan tomba- du ciel comme un éclair. Voilà que je vous ai donné le pouvoir
de fouler aux pieds les serpents et les scorpions, et toute la puissance de
l'ennemi, et rien 7ie pourra vous nuire. Cependant, ne vous réjouissez pas de
ce que les esprits vous sont soumis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms
sont écrits dans les deux.
S. Gyr. Nous avons vu plus haut que le Seigneur envoya ses dis-
ciples revêtus de la grâce du Saint-Esprit , et que , devenus ministres
de la prédication , ils reçurent en même temps tout pouvoir sur les
esprits immondes ; nous les voyons revenir maintenant en proclamant
la puissance de celui qui les a ainsi honorés : « Or, les soixante-douze
disciples revinrent avec joie, en disant : Seigneur, les démons eux-
mêmes nous sont soumis, » etc. Ils semblent se réjouir bien plus de
ce qu'ils ont opéré des miracles , que d'avoir été les ministres de la
prédication. Et cependant ils devaient bien plutôt mettre leur joie
dans ceux qu'ils avaient gagnés à l'Evangile , à l'exemple de saint
uni de fratribus meis minimis, nec mihi
facit [Matth., 23); « qui autem me sper-
uit (nolens credere Filium Dei), spernit
eum qui me misit; quia ego et Pater
naum sumus. » (Jean., dO.) Titus Bos-
TRENSis. Simul autem in hoc discipulos
consolatur : quasi dicat : « Non dica-
tis : Cur imus passuri contumelias?
Accommodate linguam , ego preebeo
gratiam ; in me vestra redundat contu-
raelia. »
Reversi sunt autem septuaginta duo cum gau-
dio, dicentes : Domine, etiam dœmonia subji-
ciuntur nobis in nomine tua. Et ait iilis : Vi-
debam Satanam 'sicut fulgur de cœlo caden-
tem. Ecce dedi vobis potestatem calcandi su-
per serpentes, et scorpiones , et super omnem
virtutem inimici, et nihil vobis nocebit ; ve-
rumtfi/tHh in hoc nolite gaudere, quia spiritus
vobis subjiciuntur ; gaudele autem quod no-
mina vestra scripta sunt in cœlis.
CvRiL. (in Cal. Crœcorum Patnnn.)
Supra dictum est quod Dominus misit
discipulos gratia Spiritus sancti insigni-
tos; et facti prcedicationis minlstri, po-
testatem super immundos spiritus acce-
perunt : nunc autem reversi confitentur
honorantis eos potentiam : unde difl-
tur : « Reversi sunt autem septuaginta
duo cum gaudio, dicentes : Domine ,
etiam dœ-nonia subjiciuntur nobis, » etc.
Yidebantur quidem gaudere magis quod
facti sunt miraculorum auctores , quam
quod facti erant praedicationis ministri.
Erat autem melius eos gaudere in ilIis
quos ceperaut, sicut vocatis per ipsum
524
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
Paul, qui disait à ceux qui avaient été appelés à la foi par ses prédi-
cations : « Vous êtes ma joie et ma couronne. » [Philip.^ iv.)
S. Grég. {Moral., xxiii , 4.) (1) Le Sauveur se hâte de réprimer ce
mouvement d'orgueil dans le cœur de ses disciples , et il leur rappelle
la chute trop justement méritée du maître de l'orgueil, pour leur ap-
prendre, par le prince de l'orgueil, combien ce vice était redoutable :
« Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair , » etc. — S. Bas.
{hom., Dieu n'est pas l'auteur du mal.) Le démon est appelé Satan,
parce qu'il est opposé au bien (c'est le sens du mot hébreu) ; il est
aussi appelé diable, parce qu'il nous aide à commettre le mal, et qu'il
devient notre accusateur. Sa nature est immatérielle , et il fait son
séjour dans les airs.
BEDE. Il ne dit pas : Je le vois maintenant ; mais : « Je le voyais
précédemment, » au moment même de sa chute. Il le compare à
l'éclair, pour signifier la rapidité avec laquelle il a été précipité du
haut du ciel au fond des abîmes , ou pour exprimer que depuis sa
chute, il se transforme encore en ange de lumière (Il Cor., xi, 4.)
— TiTE DE BosTR. G'cst comme juge qu'il a vu la chute de Satan,
lui qui connaît les passions des êtres immatériels. Il le compare dans
sa chute à un éclair, parce que Satan, de brillant qu'il était par na-
ture, est devenu ténébreux par ses inclinations vicieuses ; et qu'il a
corrompu en lui la bonté que Dieu lui avait communiquée en le
créant. — S. Y^xs. {contre Eunom., m.) Caries esprits célestes ne sont
pas saints par nature, mais la mesure de leur sainteté est propor-
tionnée à la mesure de leur amour pour Dieu. De même que le fer
(1) Dans les anciennes éditions cliap. 7, sur ces paroles du chapitre 32 du livre de Job : « L'inspi-
ration du Tout-Puissant donne l'intelligence. »
dicit Paulus {ad Philip., 4) : « Gaudium
meum et corona mea. »
Greg. (23 Moral., cap. 4.) Mire au-
em Dominus ut in discipulorum cordi-
bus elationem premeret, judicium ruinée
retulit, quod ipse magister elationis ac-
cepit; ut in auctore superbiae discerent,
quid de elationis vitio formidarent. Uude
sequitur : « Videbam Satanam sicut
fulgur, de cœlo cadentem, » etc. Basil.
{in hom. quod Deus non sit auctor
mali.) Dicitur Satanas, eo quod ad-
versatur bono (hoc enim significat no-
men hebraicum); sed diaholus dicitur,
eo quod cooperatur nobis in malo, et
accusator sit. Natura ejus est incorpo-
rea, locus aereus.
Bed. Non autem dicit : Modo video,
sed prius , videbam, quando corruit :
quod autem ait : Sicut fulgur, vel prae-
cipitem de supernis ad ima lapsum
significat; vel quia dejectus adhuc
transfigurât se in angelum lucis. (II ad
Cor., 11, vers. 14.) Titus Bostrens. Se
autem dicit vidisse tanquam judicem,
qui novit incorporeorum passiones. Vel
dicit : Sicut fulgur, quia natura fulgidus
erat ut fulgur, sed factus est tenebrosus
propter affectum ; quia quod Deus fecit
bonum, hoc ipse in se alteravit in ma-
lum. Basil, {adversus Eunomium, lib.d.)
Supernee euim virtutes non sunt natu-
raliter sanctae, sed secundum analogiam
divini amoris mensuram sanctificationis
DE SAINT LUC, CHAP. X.
525
qu'on met dans le feu, ne perd pas sa nature , et cependant, par son
étroite union avec la flamme ardente , prend l'aspect et la vertu du
feu ; ainsi les esprits des cieux, par leur union avec celui qui est saint
par nature , entrent en communication de sa sainteté ; car en effet,
Satan ne fût jamais tombé, s'il avait été impeccable par nature. —
S. Cyr. Ou bien encore, dans an autre sens : «Je voyais Satan tomber
comme l'éclair , » c'est-à-dire de la plus haute puissance à la plus
extrême faiblesse. En effet , avant la venue du Sauveur , le démon
régnait sur tout l'univers, et recevait les adorations de tous les
hommes ; mais lorsque le Fils unique de Dieu fut descendu du ciel, il
tomba avec la rapidité de l'éclair, parce qu'il est foulé aux pieds par
tous ceux qui adorent Jésus-Christ , c'est ce qu'indiquent les paroles
suivantes : « Voici que je vous ai donné le pouvoir de marcher sur
les serpents, » etc.
TiTE DE BosT. Autrefois les serpents, dans le désert, firent des bles-
sures mortelles aux Israélites à cause de leur infidélité. {Nomb.^ xxi.)
Mais le serpent d'airain est venu sur la terre, il a été attaché à la croix,
et il a détruit ainsi la vertu de ces serpents, de manière que tous ceux
qui le regardent avec foi sont guéris de leurs blessures, et obtiennent
le salut. — S. Chrts. {Ch. des Pêr. g?\) Et dans la crainte qu'on en-
tendit ces paroles de véritables serpent?, le Sauveur ajoute : « Et sur
toute la puissance de l'ennemi. » — Bède. C'est-à-dire qu'il leui donne
le pouvoir de chasser toute espèce d'esprits impurs des corps des pos-
sédés. Et pour ce qui les concerne, il ajoute : « Et rienne pourra vous
nuire. » On peut cependant entendre aussi ces paroles dans le sens
littéral, car une vipère s'étant élancée sur la main de saint Paul, il
n'en souffrit aucun mal {Actes, xxviii), et saint Jean prit du poison,
sorliuntur. Et sicut ferrum positum in
igné non desinit esse ferrum, vehementi
tamen flammae unione tam effectuquam
aspectu in ignem pertransit; sic et almae
virtutes ex participatioue ejus quod est
naluraliter sauctuiu , insilam habent
sanctificationeui : neque euini cecidisset
Satanas, si natura fuisset insusceptibi-
lis mail. Cyril, {in eut. Grxconim Pa-
tiiim , ut sup.) Vel aliter : « Videbam
Satanam sicut fulgur de cœlo caden-
tem, » id est, ab ultima virtute in extre-
mam fraailitatem. Nam ante Salvatoris
adventuui , subegorat tibi orbeui , et ab
omnibus cokbatur; sed cum uuigeiii-
tum Verbum Dei de cœlo descendit,
corruit tanquam fulgur , quia conçut ■
catur ab adorantibus Cbristum. Unde
sequitur : « Et ecce dedi vobis potes-
tatem calcandi super serpentes, » etc.
Trrus Bostrens. Serpentes quidem
aliquando figuraliter in deserto morde-
bant Juda?os, et necabant eos, eo quod
infidèles erant. {i\u)ner., 21.) Vcnit
aulem qui serpentes illos perinieret
auieus serpens crucifixus ; nt si quis
credens in eum prospexerit, liberetur a
niortibus et salvetur. Curys. .{in Cat.
Grœcorum Pairnm.) Deiude ne putare-
mus boc dici de bestiis, subjunxit : « Et
supra omnera virtutem inimici. » Bed.
Hoc est, onme gcnus immundorum spi-
rituuui de obsessis corporibus ejiciendi.
Et quantum ad ipsos subdit : « El nihil
vobij nocebit. » Quamvis et ad lilteram
possit accipi : Paulus enim a vipera
invasus, nibil mali patitur {Act., 28;, et
Joaanes hausto veueno non laeditur. {In
826
KXPLICAIION DE j/ÉVANGlLE
sans en ressentir aucune atteinte (1). Or, il y a cette différence entre
It^s serpents qui blessent avec leurs dents , et les scorpions dont le venin
est dans la queue, que les serpents représentent ceux qui exercent ou-
vertemeut leur fureur ; et les scorpions , ceux qui dressent en secret
leurs embûches, que ce soient des hommes ou des démons. Ou bien,
les serpents sont ceux qui attaquent extérieurement, comme le démon
de la fornication et de l'homicide, mais ceux dont le pouvoir de nuire
s'exerce intérieurement, sont comme des scorpions, telles sont les
passions intérieures de l'âme. — S. Grég. de Nysse. [hom. sur les
Canl.) La volupté est comparée au serpent, dans la sainte Ecriture.
Or, telle est la nature du serpent, que si sa tête atteint une fente dans
un mur, elle attire tout son corps à sa suite ; ainsi la nature accorde à
l'homme de se construire une habitation comme chose nécessaire,
mais à l'aide de cette nécessité, la volupté dresse ses attaques, elle
porte l'homme à un luxe exagéré ; puis comme conséquence , elle fait
entrer dans l'âme la passion de l'avarice, que suit immédiatement le
vice de l'impureté, c'est-à-dire le dernier membre et comme la queue
de la bestialité. Or, de même que pour faire lâcher prise à un serpent,
on ne le saisit point par la queue; ainsi , c'est inutilement qu'on vou-
drait déraciner la volupté eu commençant par les dernières ramifica-
tions, si on ne ferme tout d'abord l'entrée par où le mal a pénétré dans
l'âme. — S. Athan. {dise, sur la passion et la croix du Seig.) Nous
voyons aujourd'hui des enfants triompher, par la vertu du Christ,
de la volupté qui, autrefois, séduisait les vieillards ; et des vierges per-
(1) Comme le rapporte sommairement saint Isidore dans son livre de la vie et de la mort des
Saints, § 73, bien que Métaphraste qui raconte la vie de saint Jean, attribue ce fait à un homme
qui, perdu de dettes, prit deux fois du poison, mais sans en ressentir aucun mal, parce qu'il avait
fait le signe de la croix, et fut délivré de ses dettes par une somme d'or que saint Jean lui fournit
miraculeusement.
ejus vita.) Hoc autem inter serpentes
qui dente , et scorpiones qui cauda no-
cent , distare arbitrer, quod serpentes
aperte ssevientes , scorpiones clauculo
insidiantes , vel homiues vel daemones,
significent. Vel serpentes, qui inclioan-
dis virtutibus venena pravae persuasio-
uis objiciunt; scorpiones, qui consum-
matas virtutes ad finem vitiare iuteii-
dunt. Theophyl. Vel serpentes sunt qui
visibiliter nocent, veluti fornicationis et
homicidii daemon; qui vero invisibiliter
nocent , scorpiones vocautur , sicut in
vitiis spirilualibus. Greg. Nyss. [iii,Cut.
Grœcorum Patrum , ex /lomiliis in
Cant.) Voluptas enim serpens dicitur in
Scriptura, cujus natura est, quod si caput
ejus mûri stricturam attigerit, totum
sequens corpus ad se trahit ; sic natura
necessarium concessit homini domici-
lium ; sed per banc necessitatem aggre-
diens voluptas animum , ad inimodera-
tura quemdam ornatum pervertit; ad
hoc subsequentem avaritiam trahit,
quam impudicitia sequitur , id est , ulti-
mum membrum et cauda bestialitatis.
Sed quemadmodum non est per caudam
serpentem retrahi, sic non est incipien-
dum ab ultimis ad evellendum volupta^
tes , uisi quis priorem aditum obturet
maUtiœ. Ath. \Orat. in passionem et
crucem Domini.) Deluduut autem nunc
per Christi virtutem pueri voluptatem,
quse quoudam seducebat grandaevos; et
DE SAINT LUC. CHAP. X.
527
sévérer dans l'innocence, en foulant aux pieds les artifices du serpent
de la volupté. Quelques-uns mêmes ont écrasél'aiguillon du scorpion,
c'est-à-dire du démon, en affrontant la mort, et en devenant les mar-
tyrs de Jésus-Christ ; et la plupart ont sacrifié les jouissances de la
terre pour marcher plus librement vers les biens du ciel, sans crainte,
aucune, des puissances de l'air.
TiTE DE BosTR. Notre- Seigneur vit bien que la joie de ses disciples
était mélangée de vaine gloire ; car ils se réjouissaient surtout d'avoir
reçu une puissance qui les élevait au-dessus des autres hommes , et
les rendait terribles aux hommes et aux démons. Aussi ajoute-t-il :
« Cependant ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont
soumis, » etc. — Bède. Il leur défend, simples mortels qu'ils sont, de
se réjouir de ce que les esprits leur sont soumis ; car le pouvoir de
chasser les esprits ou de faire d'autres miracles , ne vient pas du mé-
rite de celui qui les opère , mais de l'invocation du nom de Jésus-
Christ, qui produit ces effets miraculeux pour la condamnation de
ceux qui l'invoquent , ou pour l'utilité de ceux qui sont témoins de
ces prodiges. — S. Cyr. Mais pourquoi, Seigneur, ne permettez-vous
pas à vos disciples de se réjouir de la puissance que vous-même leur
avez donnée, alors qu^il est écrit : « Ils se réjouiront dans votre nom
durant tout le jour? » C'est que le Sauveur les invite à une joie beau-
coup plus grande et plus pure : « Réjouissez-vous de ce que vos noms
sont écrits dans les cieux. » — Bède. Comme s'il leur disait : Ce n'est
pas de l'humiliation des démons , mais de votre élévation , qu'il faut
vous réjouir. Et nous pouvons entendre ces paroles, dans ce sens plein
d'édification, que les œuvres de l'homme, qu'elles aient le ciel ou la
terre pour objet, sont écrites pour ainsi dire, et éternellement gravées
virginea persévérant, conculcantes ser-
pentinae voluptatis fallacias. Sed et qui-
dam ipsum aculeum scorpionis , id est,
diaboli, conculcantes , scilicet mortem^
non timuerunt interitum, Verbi marty-
res facti : plerique vero postpositis ter-
renis libero gressu conversantur in
cœlis, principem aeris non timentes.
Titus Bostrexs. Sed quia lœlitia, qua
eos laetos videbat , inanem gloriam sa-
piebat, gaudebant enim quod quasi su-
blimes eft'ecti , terrihiles homiiiibus ol
daemonibus oranl. Ideo Domiiius suIj-
jungit : M Verumtauien in hoc nolite
gaudere, quia spirilus vobis sujjjiciun-
tiir,» etc. Bed. De subjectione spiri-
tuum cum caro sint, gaudcre prohiben-
tur; quia spiritus ejicere, sicut et virlu-
tes alias facere , interduin non est ejus
meriti qui operatur, sed invocatio nomi-
nis Christi, hoc agit ad condemnationein
eoruiii qui invocaut, vel ad utilitatem
eorum qui vident et audiunt. CYniL. {in
Cat. Grxcorum Patruin.) Sed cur.
Domine , non sinis lœtari in honoribus
a te collatis , cum scriptum sit [Psal.
88) : « In noraine tuo exultabunt tota
die? » Sed Dominus eos ad majus gau-
dium erigit : unde subdit : « Gaudete
autem quia noniina vestra scripta sunt
in cœlis. » Bed. Quasi dicat : « Non
oportet vos de dœmonuiu humiliatione
sed d3 vestra subliniatioiie gaudere. »
Salubriter autem iulelligendiim est, quod
sive cœlestia, sive terrestria quis opéra
gesserit, per hoc quasi litteris annota-
528 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
dans le souvenir de Dieu. — TnÉOPiiYL. Les noms des saints sont écrits
dans le livre de vie, non pas avec de l'encre , mais par la grâce et le
souvenir de Dieu , et tandis que le démon tombe des hauteurs où Dieu
l'avait élevé, les hommes placés au-dessus de lui, sont inscrits dans le
livre des cieux. — S. Bas. {sur le chap. iv d'Isàie). Il en est dont
les noms sont écrits, non sur le livre de vie, mais sur la terre , comme
le dit Jérémie (xvii, 13), d'où nous devons entendre qu'il y a deux
inscriptions , les uns sont écrits pour la vie ; et les autres pour leur
perte. Quant à ces paroles du Roi-prophète ; « Qu'ils soient effa-
cés du livre des vivants^ » elles doivent s'entendre de ceux qu'on avait
cru dignes d'être inscrits sur le livre de Dieu; et dans le style de l'Ecri-
ture, nos noms sont effacés ou inscrits lorsque nous tombons de la
vertu dans le péché, ou lorsque nous sortons du péché pour revenir
à la vertu.
% 21-23. — En cette heure même, Jésus tressaillit de joie par un mouvement
de l'Esprit saint, et il dit : Je [vous rends gloire, ô mon Père, Seigneur du
ciel et de la. terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents,
et les avez révélées aux petits. Oui, mon Père, cela est juste, parce que vous
l'avez ainsi voulu. Toutes choses m'ont été données par mon Père, et personne
ne sait quel est le Fils, sinon le Père ; et quel est le Père, sinon le Fils, et celui
à qui le Fils a voulu le révéler.
Théophyl. Gomme un bon père qui se l'éjouit de voir ses enfants
dans la voie du bien, Jésus tressaille de joie de ce que les Apôtres ont
été jugés dignes de si hautes faveurs : « En cette heure môme , Jésus
tressaillit de joie, » etc. — S. Gyr. Il vit que les Apôtres , par la vertu
de l'Esprit saint qu'il leur avait donnée , en gagneraient un grand
nombre (c'est-à-dire les amèneraient à la foi), c'est pour cela que l'Evan-
lus, apud Dei memoriam sit œternaliter
affixus.THEOPHYLACT. Scripta suutenim
nomina sanctorum in libro vitae; non
encausto , sed memoria Dei et gratia :
et diabolus quidem desuper cadit : ho-
mines vero inferius existantes, supe-
rius ascribuntur in cœlis. Basil, {in Isai.
4 caput.) Quidam autem sunt qui scri-
buntur quidem, non in vita, sed secun-
dum Hieremiam in terra (cap. 17,
vers. 13), ut secnndum hoc intelligatur
duplex quœdam descriptio , horum qui-
dem ad vitam , illorum ad perditio-
nem. Quod autem dicitur {Psal. G8,
vers. 29) : « Deleantur de libro viven-
tium, » intelligitur de bis qui digni pu-
tabantur in libro Dei conscribi : et se-
cundum hoc fieri dicitur Scriptura , vel
deleri, quando a virtute delabimur in
peccatum, vel e contra.
In ipsa hora, exultavit in Spiritu saneto , et di-
xit : Confiteor tibi, Pater, Domine cœli et
terrce, qiiod abscondisti hœc a sapientibus et
prudentibus, et revelasti ea parvulis : etiam,
Pater, quoniani sicplacuit ante te. Omnia mihi
tradita sunt a Pâtre men. Et nemo scit quis
sit Filius, nisi Pater; et quis sit Pater , nisi
Filius, et cui voluerit Filius revelare.
Theophylact. Sicut benignus pater
videns filios suos dirigi , gaudet, sic et
Christus exultât , quod apostoli tantis
bonis facti sunt digni. Unde sequitur :
« In ipsa autem hora, » etc. Cyril, {in
C'at. Grœcoruin Patrum.) Inspexit qui-
dem per spiritus operationem quam
sanctis apostolis tradidit, plurium acqui-
DE SAINT LUC. CHAP. X.
529
géliste dit qu'il se réjouit dans l'Esprit saint , c'est-à-dire dans les
effets produits par l'Esprit saint. En effet , le Sauveur aime tant les
hommes, qu'il regarde comme un sujet de joie la conversion de ceux
qui se sont égarés, et il rend grâces à Dieu ; « Je vous rends gloire, ô
Père, » etc. — Bède. Le mot confession ne signifie pas toujours péni-
tence, mais, actions de grâces , comme nous le voyons fréquemment
dans les Psaumes (1).
S. Ctr. Des hommes à l'esprit ou au cœur perverti nous objectent
que le Fils rend ici grâce au Père, comme lui étant inférieur. Mais
qui donc empêche le Fils, tout en étant cousubstantiel à son Père, de
rendre gloire à celui qui l'a engendré^ et qui s'est servi de lui pour
sauver le monde? Si vous pensez que par-là même qu'il rend gloire à
son Père, il lui est inférieur, veuillez remarquer qu'il l'appelle son
Père et le Seigneur du ciel et de la terre. — Tite de Bost. Toutes les
autres créatures ont été tirées du néant par le Christ, mais lui seul a
été engendré par le Père d'une manière incompréhensible, car Dieu
n'est Père dans un sens véritable que de son Fils unique; aussi le Fils
est-il le seul pour dire à son Père : « Je vous rends grâces, Seigneur
Père, » c'est-à-dire, je vous glorifie. Ne soyez pas surpris si le Fils
glorifii' le Père, car toute la gloire du Père est dans la personne de son
Fils unique. Toutes les créatures, les anges eux-mêmes sont la gloire
du Créateur, mais comme ces créatures sont placées beaucoup trop
au-dessous de sa Majesté, le Fils seul peut dignement glorifier le Père,
parce qu'il a une même substance, une même divinité avec Dieu son
Père. — S. Athax. (2) Nous savons i|ue souvent le Sauveur s'exprime
(1) Ps. IX, 2 ; xvn, 50; xxix, 13 ; XLVUI, 19 ; li, 1 1 ; cxvil, 21, 28.
(2) La première partie de cette citation se trouve dans son discours contre les partisans de
sitionem (sive plures ad fidem adducen-
dos) , unde in Spiritu sanclo Ifstalus
dicitur; id est, iii effeclibus qui per
Spirituna Sanclurn proveuiuut : quasi
enim ainator hoiuiuum , giiudii niputa-
bat materiaiu conversiouem errautium ;
de quo gratias agit, Unde sequitur :
« Coufiteor libi, Pater.» Bi£D. Confessio,
non semper pœuitentiam , sed et gra-
liarum actioneui significat . ut in Psal-
rais saepissimc legimus.
Cyril, (ubi supra.) Krce autem,
inquiunt illi quorum corda perversa
sunt (vel qui mentem perversam habeut)
gralias refertfilius Patri tanquain minor.
Sed quid impedit consubstantialeni
Filium laudare proprium geuitorcm,
mundum salvantem ppr eum ? Quod si
censés coulessiouis causa huuc esso mi-
TOM. V.
norem, aspice quod vocat eum « Patrem
suum, M et « Dominum cœli et terrae. »
Titus Bostrens. {in MaWi.) Alia enim
per Christum ex non entibus producta
sunt, sed solus ipst; incompreheusibiliter
a Pâtre est genitus : solius enim unige-
niti tanquain veri fiiii naturaliter pater
est : unde solus Patri dicit : « Coniiteor
tibi, Domine Pater ; » hoc est, « glorifico
te. » Nec mireris si Patrem Filius glori-
lîcat : Iota enim iiypostasis unigeniti,
genitoris est gloria; nam et quœ facta
sunt, et angeli, gloria sunt Creatoris :
verum quia ha?c nimis infime sita sunt
respectu dignitalis ipsius , solus Filius
(cuui Deus perfecte sit similis Genitori)
perfecte glorificat Patrem. Atoan. {ia
Cat. (irœcorum Patrum.) Novimusetiam
saepius Salvatorem huniana proferre :
34
530
EXPLICATION UK L EVANGILE
d'une manière toute humaine, car sa divinité est intimement unie à
son liumanité; gardez-vous cependant de méconnaître la divinité à
cause du voile du corps qui la recouvre. Mais que répondront à cela
ceux qui veulent que le mal ait une existence distincte, et qui se
forment un Dieu différent du vrai Père du Christ. Ils disent que ce
Dieu n'a pas été engendré, qu'il est l'auteur du mal, le prince de
l'iniquité, et la créature de ce monde matériel. Mais le Sauveur, con-
firmant les paroles de Moïse, dit hautement : « Je vous rends gloire ,
Père, Dieu du ciel et de la terre. » — S. Epiph. (1) L'Evangile deMar-
cion porte : « Je vous rends grâces, Dieu du ciel, » et supprime ces pa-
roles : « Et de la terre , » et ces autres : « Mon Père, » pour ne point
donner à entendre que Jésus-Christ appelle son Père le Créateur du
ciel et de la terre.
S. Ambr. Le Sauveur découvre ensuite à ses disciples le dessein
mystérieux, en vertu duquel il a plu à Dieu de révéler les trésors de
la grâce aux petits, plutôt qu'aux sages et aux prudents de ce monde :
« Je vous rends grâces de ce que vous avez caché ces choses aux sages
et aux prudents, » etc. — Théophyl. On peut voir ici deux sortes de
personnes ; les sages sont les pharisiens et les scribes interprètes de
la loi; et les prudents, ceux qui étaient enseignés par les scribes. Les
petits, au contraire, dont parle le Seigneur , sont ses disciples qu'il a
choisis^ non parmi les docteurs de la loi , mais parmi le peuple et les
pêcheurs des bords de la mer ; et il les appelle petits, parce que leur
volonté est sans malice. — S. Ambr. Ou bien , ces petits sont ceux qui
Sabellius, et la seconde dans son discours contre les Gentils, et aussi dans celui qui a pour titre :
contre les idoles,
(1) Livre i contre les hérésies, num. 22, où le saint docteur discute les passages altérés par
Marcion.
habet enini adjunctam humanitatem Di-
vinitas, nec tamen propter corporis te-
gimen Deum ignores. Sed quid respon-
dent ad hoc qui volunt subsistentiam
esse mali, formant vero sibiDeum aliuui
a vero Paire Christi ? Et huuc dicuuL
esse ingenitum, mali créatorem, et ue-
quitise principem , necnon mundialis
machinai conditorem. Ait autem Domi-
nus approbans verba Moysi : « Confileor
tibi, Pater, Domine cœH et terrce. »
Epiph. {in eadevi Cot. grœca.) Editmn
autem a Marcione Evangehum habet:
«Regratior tibi, Domine cœli; » tacens
quod dicitur, et terrœ ; et quod dicitur,
Pater, ne intelhgatur quod vocat Chris-
tus Patrem «Créatorem cœli et terrce. »
Ambr. Postremo aperit cœleste mys-
terium, quo placuit Deo , ut parvnhs
magis quam prudentibus bujus mundi
suam gratiam revelaret. Unde sequitur :
« Quod abscondisti hœc a sapientibus et
prudentibus. » Théophyl. Potest sic
disliugui , ut dicatur a sapientibus , id
id est, a pharisaeis et scrilais legem in-
terpretantibus ; et prudentibus, id esL,
ab his qui a scribis fuerant docti :
sapiens euim est qui docet, prudens
vero qui docetur; paivulos vero vocat
Dominus suos discipulos, quos non legis
doctores , sed de turba et piscatores
elegit ; qui sunt vocati parvuli quasi
non malevoli. Ambr. \e\ parvulum hic
accipiamus qui se exaltare non noverit.
DE SAINT LUC, CHAP. X.
531
ne cherchent point à s'élever , et à faire ressortir leur prudence dans
des discours étudiés, ce que fout la plupart des pharisiens. — Bède.
Il rend donc grâces à Dieu de ce qu'il a révélé aux Apôtres , qui sont
petits à leurs yeux, les mystères de son avènement qu'ont ignorés les
scribes et les pharisiens qui se croient les seuls sages, et se complaisent
dans leur prudence.
Théophyl, Ces mystères restent donc cachés pour ceux qui pré-
tendent être sages, et ne le sont pas; car s'ils l'étaient réellement,
ces mystères leur auraient été révélés. — Bède. Remarquez qu'il
oppose aux sages et aux prudents , non pas les insensés et les
esprits stupides, mais les petits, c'est-à-dire les humbles, pour faire
comprendre que ce qu'il condamne, ce n'est point la pénétration',
mais l'orgueil de l'esprit. — Orig. En effet, le sentiment de ce qui
nous manque est une disposition pour arriver à la perfection. Celui
qui , séduit par l'apparence du bien qu'il croit avoir, ne sent point
qu'il ne possède pas le bien véritable^ en demeure privé pour tou-
jours.
S. Chrys. [honi. 39 sur S. Matth.) Si le Sauveur tressaille de joie
et rend grâces à son Père , ce n'est point de ce que les mystères de
Dieu restent cachés aux scribes et aux pharisiens, car c'était un sujet
de gémissement et de larmes , plutôt que de joie, mais il rend grâces
de ce que ses disciples ont connu ce que ces prétendus sages ont ignoré.
Il rend grâces à Dieu de cette révélation dont il est aussi l'auteur con-
jointement avec son Père, et nous fait ainsi connaître la grandeur de
son amour pour nous. Il nous apprend encore que la cause première
de cette révélation, c'est sa volonté et celle de son Père , qui agissait
en cela par un dessein formel de sa volonté divine. — S. Grég.
et phaleratis sermonibus artem suae
jactare prudentiœ, quod pharisaei pleri-
que faciuut. Bed. Gratias igitur agit quod
apostolis quasi parvulis advontus sui
apeniit sacramenla, qua; ignoraverunt,
scribcB et pharisaei , qui sibi sapientes
videntur, ot iu conspectu suo pruden-
tes.
Theopuylact. Abscondita igitur sunt
mysleria ab bis qui pulant se esse sa-
pieutes, ot non sunt : nain si cssent, cis
revelala fuissent. Bed. Unde supicntibus
et prudentibus non insipientes et liebe-
tes , scd purvulos (id est , bumiles)
opposuit ; ut probaret se tumoroai (iaïu-
uasse, non acumen. OiilG. [in Cul. (ine-
coruni Putrum.) Sensus enim defectus,
prœparatio fit supervenientis perfeclio-
nis. Quisquis enira non sentit quod
careat vero bono propter apparens bo-
nuuij vero bono privatur.
Chrys. {hom. 39, in Matth.) Non au-
lem laetatur et gratias agit, quod Dei
mysteria latebant seribas et pharisîEos
(haec enira non erat materia alacritatis,
sed gemitus) ; sed de hoc gratias agit
quia quod sapientes non noverant , hi
noverunt. Gratias autem super lioc agit
Patri , cura quo ipso simul hoc facit,
osteudens nimiani dileclionem qua di!i-
git nos. Ostendit autem consequeater
quod l'ujus rei causa primum vohmtas
sua sit et Patris , qui propria vohuilate
hoc agebat. Unde sequitur : « Ktiani,
Pater, quouiam sic placuit ante te. »
GuEG. (XXV Moral., (ap. 13.) His ver-
532 EXPLICATION DE l'ÉVANGU.K
{Moral., XXV, 13.) Notre-Seigneur nous donne ici une leçon d'humi-
lité, en nous enseignant à ne pas discuter témérairement les conseils
de Dieu dans la vocation des uns, et la réprobation des autres; car ce
que la souveraine justice juge à propos de faire , ne peut jamais être
injuste (1). Ainsi donc dans tous les événements qui arrivent^ la cause
évidente de la conduite de Dieu , c'est la justice secrète de sa volonté
mystérieuse.
S. Chrys. {hom, 39 siu' S. Matth.) Ces paroles : « Je vous rends
grâces, ô mon Père, de ce que vous avez révélé ces choses aux petits, »
pouvaient donner à penser que le Christ n'avait pas le pouvoir de
faire la même révélation , il ajoute donc : « Toutes choses m'ont été
données par mon Père. » — S. Athan. (2). Les partisans d'Arius ne
comprennent pas le véritable sens de ces paroles, et en donnent cette
interprétation absurde et injurieuse au Seigneur : Si toutes choses ,
disent-ils (c'est-à-dire le domaine sur toute créature), lui ont été
données, il fut un temps où il ne les avait pas , il n'est donc pas con-
substantiel au Père ; car s'il l'était , il n'aurait pas eu besoin de rece-
voir le domaine sur toutes choses. Mais cette explication fait ressortir
davantage leur folie ; car si avant de recevoir le domaine sur toute
créature, le Verbe était étranger aux créatures, comment admettre ces
paroles de l'Apôtre : « Toutes choses subsistent en lui?» (Co/os.,i, 47.)
D'ailleurs, si toutes les créatures lui ont été données, aussitôt qu'elles
furent créées, il n'était pas besoin de les lui donner de nouveau ; car
c'est par lui que toutes choses ont été faites. » {Jean^ t.) Il n'est donc
pas question ici , comme le prétendent les ariens , du domaine sur les
créatures , mais ces paroles ont un rapport évident aux suites de l'in-
(1) Dans les anciennes éditions chap. xvni, sur les paroles du chapitre iv de Job : a S'il donne
la paix, qui osera condamner? »
(2) Dans le Traité que saint Athanase a composé sur ces paroles.
bis exempla humilitîLis accipimus, ne
temere discutere superna cousilia de
aliorum vocalione, aliorumverepulsione,
praesumamus : injustiim enim e^se nou
potest, quod placuit justo. la cuuctis
ergo quœ exlerius disponuatur , aperta
causa rationis est occultœ justitia voluu-
tatis.
Chrys. (Jwm. 39, in Matth.) Cum
Tero dixisset : « Confiteor libi , quia re-
velasti ea parvulis, » ne putares quod
ipse Christus hac virtute privatus non
posset lioc facere, subjungit: « Omuia
mihi tradita sunta Pâtre naeo. » Athan.
Hoc non recte intelligentes Arii sequa-
ces, délirant in Dominum dicentes : Si
data suut ei omnia (id est , doraiûiuni
creaturœ) , fuit tempos quo ea non
habuit, et sic non de substantia Patris;
nam si esset, non esset ei opus recipere :
sed ex hoc magis dementia eorum car-
pitur. Si enim priusquam recepisset,
vacabat creatura a Verbo , qualiter sal-
vabitur illud [ad Coloss., 1, vers. 17) :
« Omnia in eo consistant?» Cceterum si
simul postquam facta est creatura, tota
fuit tradita ei , non erat opus tradere :
per ipsum namque facta sunt omnia.
{Joan., d.) Non ergo, ut ipsi putant , si-
gnificatur hic creaturae dominium ; imo
significativum est hoc verbum factae
dispensationis in carne : postquam enim
DE SAINT LUC, CHAP. X.
533
carnation du Verbe. En effet, le péché de l'homme fut cause d'un bou-
leversement général, et le Verbe s'est fait chair pour rétablir tout dans
le premier état. Si donc toutes choses lui ont été données, ce n'est pas
chez lui défaut de puissance, mais elles lui ont été données pour qu'il
les réformât en qualité de Sauveur. Ainsi de même qu'au commen-
cement toutes les créatures ont été tirées du néant par le Verbe, de
même, c'est le Verbe fait chair qui les a rétablies et renouvelées. —
BEDE. Ou bien, en disant que toutes choses lui ont été données, le
Sauveur veut parler, non des éléments de ce monde, mais de ces pe-
tits auxquels le Père a révélé les mystères du Fils, et dont le salut
éternel lui cause ici un véritable tressaillement de joie. — S. Ambr.
Ou bien encore, dans ces paroles : « Toutes choses, » vous reconnaissez
dans le Fils le Tout-Puissant égal en toutà son Père; dans ces autres :
« M'ont été données, » vous confessez qu'il est véritablement le Fils,
à qui toutes choses appartiennent essentiellement en vertu de sa con-
substantialité , et sans qu'elles lui aient été données par grâce. —
S. CyR.{Tres., liv. iv.) Après avoir déclaré que toutes choses lui ont
été données par son Père , il élève les esprits jusqu'à la gloire et la
grandeur qui lui sont propres , en montrant qu'il ne le cède en rien à
son Père : « Personne ne sait qui est le Fils, si ce n'est le Père, et qui
est le Père , que le Fils, » etc. En efifet, la pensée de la créature ne
peut atteindre la profondeur de la substance divine qui surpasse toute
intelligence, et dont la beauté est au-dessus de toute conception. Le
Père connaît donc le Fils en vertu de sa nature divine , et le Fils con-
naît le Père de la même manière, sans qu'il y ait la moindre dififérence
de nature. Quant à nous, nous croyons que Dieu existe, mais nous ne
pouvons comprendre quelle est sa nature. Mais si le Fils avait été
homo peccavit , perturbata sunt omnia ;
unde « Verbum caro factura est, » ut
omnia restauraret. Data sunt ergo ei
omnia, non quia potestate careret, sed
ut Salvator emendet universa ; ut sicut
per Verbum omnia in principio intro-
ducta sunt in esse, ita cnm «Verbum
caro factura est, » in ipso orania res-
tauraret. Bed. Vel dicit « orania sibi
tradila, » non raundi eleracnta, sed hos
(fuibus parvulis Spirilu sacraraenta Filii
Pater revelavit, et de quorum sainte
cum hic loqueretur exuUavit. Ambu. Vel
cum omnia iegis, omnipotentcm aguos-
cis, non degencrem Pains : cura t7a-
dita legis, Filhun confiteris, cui per
naturam omnia unius substantiœ jure
sunt propria, non donn collata per gra-
tiam. Cybil. {in Cat. Grœcorum Pa-
trum, ex Thesauro.) Cum autem dixis-
set omnia sibi fore a Pâtre tradita,
ascendit ad propriara gloriam et excel-
lenliara , osteudens in nuUo se superari
a Pâtre : unde -ubdit : « Et uenio novit
quis sit Filius uisi Pater, » etc. Non valet
enim creaturae intentio comprehendere
modura divinaî substantiœ, quae omnem
superat intellectum ; et décor ejus quam-
libet considerationem transcendit; sed a
seipsa quid sit natura divina cognosci-
tur. Itaque Pater per id quod est, novit
Filium et Filius per id quod est, novit
Patrem; non interveniente aliqua diffe-
rentia quantum ad Diviuilatisnaturara et
alibi : quod enim sit Deus credimus ; quid
autem naturaliter sit, incompreheiiMbile
534
EXPLICATION DE L EVANGILE
créé, comment serait-il le seul pour connaître le Père, ou comment le
Père seul pourrait-il le connaître? Car aucune créature ne peut con-
naître la nature divine, tandis que la connaissance des choses créées
ne surpasse pas toute intelligence , bien qu'elle puisse surpasser la
portée de notre esprit.
S. Atha:n. (1) Il est évident que les ariens se mettent en contradic-
tion avec ces paroles du Sauveur, quand ils osent avancer que le Père
ne peut être vu par le Fils. Mais n'est-ce pas une absurdité manifeste,
que le Verbe ne se connaisse pas lui-même , alors qu'il donne à tous
la connaissance de lui-même et de son Père • « Et celui à qui le Fils
voudra le révéler? » — Tite pe Bostr. La révélation, c'est la trans-
mission d'une connaissance faite d'une manière proportionnée à la
nature et aux facultés de chacun ; là où la nature est consubstantielle,
la connaissance existe sans enseignement ; pour nous , au contraire,
la connaissance ne peut exister sans révélation. — Orig. Le Fils de
Dieu veut faire cette révélation , comme Verbe , d'une manière con-
forme à la raison (2). et comme la souveraine justice qui sait choisir
les temps les plus opportuns , et la mesure la plus convenable. Or, il
révèle en écartant le voile qui est placé sur le cœur (II Cor., m), et
les ténèbres où lui-même habite comme dans une retraite. [Ps. xvii.)
Mais puisque ceux qui sont d'une opinion contraire s'efforcent d'ap-
puyer sur ces paroles leur dogme impie, que le Père de Jésus n'a pas
été connu des saints des temps anciens, nous leur répondrons que ces
paroles : « Et celui à qui le Fils voudra le révéler , » se rapportent
(1) Cette citation se trouve en partie dans le ler discours de saint Athanase contre les Ariens,
tome I; et en partie dans un discours abrégé contre les mêmes hérétiques, tome II.
(2) Allusion au mot grec Xoyo;, qui signifie à la fois verbe et raison.
est.Sivei'OcreatusestFilius, quomodoso-
lus sciret Patrem ? aut quomodo solum a
Pâtre sciretur? Scire namque naturam
divinam, impossibile est cuilibet creatii-
rœ; scire autem quodeunque eorum quae
creata sunt , quid sil , non trnnscendit
quemlibet intelleclum : quamvis superet
nostrum sensum.
Athan. {in Cot. Gracorvm Patnnn.)
Hoc autem Domino dicente, constat
Arianos ei obsistere , dum dicuut non
videri Patrem a Filio. Sed eorum osten-
ditur insania, si seipsum non novit Ver-
bum, quod omnibus Patris et sui praestat
notitiam, Sequitur enim : « Et cui vo-
luerit Filius revelare. » Titus Bostrens.
Est autem revelatio Iraditio notionis
juxta proportionem naturae et virtutum
imiuscuj usque ; et ubi quidem est na-
tura consimilis , ibi est cognitio sine
doctriua; hic autem est per revelatio-
nem disciplina. Orig. {in Cat. Grœco-
nun Patrum.) Vult aulem revelare ut
Verbxim, non irrationabiliter; et tan-
quam justitia. qui novit digne et tem-
pora revelandi et mensuras revelalio-
nis. Révélât autem removens oppositum
cordi velamen (II ad Cor., 3). necnon
tenebras quas posuit sui latibulum. {Psal.
17.) Sed quoniam ex lioc pulaut qui al-
terius sunt opinionis, construere nefa-
riuin suum doguia, quod scilicet ignolus
erat Pater Jesu sanctis anliquis, dicen-
dum est eis quoniain quod dicitur :
« Cuicunque vull Filius revelare, « non
solum retorquelur ad lempus futurum,
DE SAINT LUC, CHAP. X. 535
non-seulement aux temps qui ont suivi celui où le Sauveur les a dites,
mais encore au temps qui ont précédé. Et s'il leur répugne d'étendre
le mot révéler aux temps passés , nous leur dirons que connaître et
croire sont deux choses différentes : « L'un reçoit de l'Esprit saint le
don de parler avec science ; un autre reçoit le don de la foi par le
même Esprit. ([ Cor., xii.) Ainsi les hommes eurent d'abord la foi,
mais sans avoir la connaissance. — S. Ambr. De plus , afin que vous
sachiez, que de même que le Fils révèle le Père à qui il veut, le Père
révèle aussi le Fils à qui il veut , écoutez ces paroles du Seigneur :
« Vous êtes bienheureux, Simon, fils de Jean, parce que ce n'est ni la
chair ni le sang qui vous sont révélés, mais mon Père qui est dans les
deux. »
% 23, 24. — Et se tournant vers ses disciples, il dit : Heureux les yeux qui
voient ce que vous voyez ! Car, je vous le dis ; beaucoup de prophètes et de rois
ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l'ont point vu, d'entendre ce que vous
entendez, et ne l'ont point entendu.
Théophyl. Le Sauveur venait de dire : « Nul ne sait quel est le
Père, si ce n'est le Fils , et celui à qui le Fils aura voulu le révéler , »
il proclame maintenant bienheureux ses disciples auxquels il a lui-
même révélé quel est le Père : « Et se tournant vers ses disciples , il
leur dit : Bienheureux les yeux, » etc. — S. Gyr. Il se retourne vers
ses disciples, parce qu'il repousse les Juifs aveugles et sourds d'esprit,
pour se donner tout entier à ceux qui l'aiment, et il déclare bienheu-
reux les yeux qui voient ce qu'ils voyaient eux-mêmes de préférence
aux autres. Il faut cependant remarquer , que voir ne signifie pas ici
une action et un mouvement des yeux, mais une jouissance de l'âme
ex quo Salvator hoc protulit , sed etiam
ad tempus praeteritum : quod si nolunt
hoc verbum revelare, pro praiterito su-
raere, dicenduDi est eis quod uoii est
idem cognoscere et credere : aUi datur
per Spiritum sermo scienliie ; aUi fides
in eodein Spiritu. (1 Cor., 12.) Erant
ergo primo quidem credenles, uou au-
tem cogQoscentes. Amb. Ut scias autem
quia sicut Filius Patrem quibus vult ré-
vélât, etiam Pater révélât quibus vult
Filium, audi Dominum diceutera : « Bea-
tus es, Siuinii Barjona, quia caro et san-
guis non revelavit tibi , sed Pater meus
qui in cœlis est. »
Et conversus ad disr.ipu/ns suos , divit : Beati
OKuli qui vident quœ vos videlis ! Uiro "iiim
vohis quod miilti prophetœ et reges voluerunt
videre quœ vos videtis, et non viderunt, et au-
dire quœ vos auditis, et non audierunt.
Theophyl. Quia superius dixerat :
« Non novit quid sit Pater nisi Filius,
et cui voluerit Filius revelare, » beati-
ficat discipulos, quibus Pater per eum
revelabatur. Uude dicitur : « Et conver-
sus ad discipulos suos dixit : Beati
oculij » etc. Cyril, {in Cat. Grxcorum
Palrum.) Convertitur quidem ad eos,
quia repellens Judœos, surdos, cœcam
mentem gerentes, nec videre volentes
totum se praebobat dilipreutibus eum; et
beatos asserit oculos videntes qute prius
aliis ipsi videbaut. Illud tamen scire
convenit quia videre non significat ac-
tum oculorum, sed mentis recrealionem
536
EXPLICATION DE L KVANGTLE
dans la possessioQ des bienfaits dont elle est l'objet; comme quand on
dit : « Il a vu des jours heureux, » c'est-à-dire il s'est réjoui des jours
heureux; c'est dans ce sens que le Roi-prophète dit : « Vous verrez les
biens de Jérusalem. » {Ps. cxxvii.) Combien de Juifs, en effet, qui ont
vu des yeux du corps Jésus-Christ opérant des miracles divins , et à
qui ne peuvent convenir ces paroles du Sauveur ; car ils n'ont pas cru,
et ils n'ont point vu sa gloire des yeux de l'esprit. Si donc nos yeux
sont heureux, c'est que nous voyons par la foi le Verbe fait homme
pour nous (1), et gravant dans notre âme l'impression de sa divinité
pour nous rendre semblables à lui par la sainteté et la3ustice.
Théophyl. Il proclame bienheureux ses disciples et tous ceux qui
voient des yeux de la foi , en comparaison des anciens prophètes et
des rois qui ont désiré voir et entendre le Dieu incarné : « Car, je vous
le déclare, beaucoup de prophètes et de rois , » etc. — Bède. Saint
Matthieu appelle plus clairement les prophètes des rois et des justes
(chap. xiii) [T] ; ils sont eu effet de grands roi?, parce que loin de con-
sentir et de succomber aux mouvements des tentations , ils ont su
toujours les gouverner et les réprimer. — S. Ghrys. {tiré des hom. sur
S. Jean.) Il eu est plusieurs qui concluent de ces paroles^ que les pro-
phètes n'ont eu aucune connaissance du Christ ; mais s'ils ont désiré
voir ce que les Apôtres ont vu, ils ont donc su qu'il devait descendre
parmi les hommes , et accomplir les mj^stères qui étaient la suite de
son incarnation; car personne ne peut avoir le désir de ce qu'il ne
connaît pas ; ils ont donc connu le Fils de Dieu. Aussi le Sauveur ne
(1) Bien cepeuilant que nous ne voyions point Dieu corporellement d'après ces paroles du Sau-
veur : « Bienheureux ceux qui n'ont pas vu et qui out cru. «
(2*) Nous lisons dans saint Matthieu : « Je vous le dis en vérité , beaucoup de prophètes et de
justes ont désiré voir ce que vous voyez et ne l'ont point vu.
in prsestitis beueficiis : puta, si quis
dicat : « Iste vidit bona tempora, » id
est, « gavisus est in bonis temporibus;»
secundum illud {Psal. 127) : « Videas
bona Hierusalem. » Multi enim Judaio-
rum viderinitr Christum divina operau-
tem (corporali scilicet intuitn), nec ta-
men omnibus beatifieatio couvenit, non
enim credidenmt, sed neque viderunt
gloriam ejus oculis mentis. Beatlficati
sunt ergo oculi nostri in hoc quod fide
videmus Verbum pro uobis liominem
factam, imprimens nobis decorem sui
numinis, ut nos sibi conformes faciat
per sanctificationem atque justitiam.
Théophyl. Beatificat autem eos et
omnes simpliciter qui cum fide respi-
ciunt, ex hoc quod antiqui prophetae et
reges Deum in carne videre et audire
optaverunt : unde sequitur : « Dico
enim vobis quod multi prophetee et re-
ges vokieruut, » etc. Bed. Mattbaeus
apertius propbetas reges et juslos appel-
lat (cap. 13) : ipsi enim sunt reges magni,
quia tentationum suarum motibus , non
consentiendo succumbere, sed regendo
praeesse noverunt. Chrys. (In Cat. Gra:-
corum Potrvrn exhomiliisin Joannem.)
Ex hoc autem dicto pbires existimaut
prophetas caruisse Christi notitia ; sed si
optaverunt videre quœ viderunt apos-
toli, noverunt ilium venturum ad homi-
nes, et dispeusaturum quœ dispensavit ;
nullus enim habet horum appetitum quae
mente non concepit : noverunt ergo Fi-
lium Dei. Unde non simpliciter dicit :
DE SAINT LUC. CHAP. X.
537
dit pas simplement : Ils ont voulu me voir et m'euteudre , mais :
« Ils ont voulu voir ce que vous voyez , et entendre ce que vous en-
tendez. » Ils l'avaient vu, en effet , mais avant qu'il fût incarné, qu'il
conversât avec les hommes, et qu'il leur parlât un langage si plein de
majesté. — Bède. Les prophètes qui ne l'apercevaient que dans le
lointain des temps, l'ont vu comme dans un miroir et sous des images
obscures (1) ; les Apôtres, au contraire , qui jouissaient de la présence
visible du Sauveur, et apprenaient de lui tout ce qu'ils voulaient con-
naître, n'avaient nul besoin d'être enseignés par les anges ou par
d'autres visions semblables.
Orig. {Ch. des Pèi\ fjr.) Mais pourquoi le Sauveur dit-il que beau-
coup de prophètes ont désiré, et non pas tous ? Parce qu'il est dit d'A-
braham qu'il a vu le jour du Christ et qu'il s'en est réjoui. Or , cette
vision fut le partage d'un très-petit nombre ; les autres prophètes
comme les autres justes ne furent pas assez grands en mérite pour
obtenir de voir ce qu'a vu Abraham, et de connaître ce qu'ont connu les
Apôtres; et c'est d'eux que Jésus dit : «Ils ont désiré voir et ils n'ont
pas vu. »
y. 25-28. — Et voilà qu'un docteur de la loi, se levant, lui dit pour le tenter :
Maître, que ferais-je pour posséder lu vie éternelle? Jésus lui dit : Qu'y a-t-
il d'écrit dans la loi? Qu'y lisez-vous? Il répondit : 2\i aimeras le Seigneur
ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces, et de tout
ton esprit, et ton prochain comme toi-même. Jésus lui dit : Vous avez bien
répondu, faites cela et vous vivrez.
BÈDE. Notre-Seigneur avait dit précédemment à ses disciples que leurs
1) Allusion à ces paroles de l'Apôtre ; i Tous ces saints sont morts dans la foi, sans avoir reçu
'< Voluerunt videre me, » sed, « quae vos
videtis; » nec, u audire me, » sed, « quae
vos audilis. » Viderant enim ipsiim, non
tamen jam incarnatum, nec sic cum ho-
minibus conversautem, nec tanta majes-
tate eis loquenteui. Bed. Illi enim a lon^te
aspicientos , per spéculum et in œni-
gmate viderunt : apostoli autem in prœ-
senliarum habentes Domiuum, quiecun-
que voiuissent inlerrogando disceutes,
nequaquam per anq;eIo5 aut alias visio-
num species opus habebaul doceri.
Orig. {in L'ut. Grxcorum Patrum.)
Sed quare dicit plerosque proplielas
optasse, non autem omnes? Quia de
Abraham dicitur {Joan., 8); quod vidit
diem Christi, ef Iselatus est : qnam vi-
sionem non plures, imo pauci contige-
runt : fuerunt autem alii prophetae et
justi non tanti, ut visionem Abrahae et
peritiam apostolorum attingerent : et hos
dicit non vidisse, sed optasse.
Et ecce quidam legisperitus surrexit , tentons
illutn et dicens : Magister , quid faciendo
vilam œternam possideho? At i/le dixit ad
eitm : lu lege quid scriptum est ? Quomodn le-
gis ? lUe respondens dixit : Diliges Dominum
Deum tuum ex loto corde tua, et ex tota anima
tua , et ex omnibus virihus tuis , et ex omni
meute tua, et proximum tuum sicut teipsum.
Dixitque illi : Rec.te respondisli : hoc fac , et
vives.
Bed. Dixerat supra Dominus quod Do-
mina eorum scripta sunt in cœlis : unde.
538
EXPLICATION DE I. EVANGILE
noms étaient écrits dans les cieux, et c'est de là, je pense, qu'un doc-
teur de la loi prit occasion pour le tenter : « Alors un docteur de la loi
se leva pour le tenter, » etc. — S. Cyr. Il y avait parmi les Juifs de ces
grands parleurs, qui parcouraient toute la Judée, accusant Jésus-Christ,
et lui reprochant d'enseigner que la loi de Moïse était inutile , et de
répandre lui-même de nouvelles doctrines. Ce docteur de la loi, vou-
lant surprendre le Sauveur , et l'amener à parler contre Moïse, vient
pour le tenter, et il l'appelle « Maître, » lui qui repoussait tout ensei-
gnement. Et comme le Seigneur avait coutume de parler de la vie
éternelle à ceux qui venaient le trouver , ce docteur de la loi tient le
même langage. Mais comme il le tentait dans un dessein perfide, le
Sauveur ne lui répond que ce qui est écrit dans la loi de Moïse :
a Jésus lui dit : Qu'y a-t-il d'écrit dans la loi ? Qu'y lisez-vous? (1) »
— S. AiiBR. Cet homme était un de ceux qui s'imaginent être docteurs
de la loi , parce qu'ils possèdent les paroles de la loi , mais qui n'eu
connaissent ni la force ni le sens , et Jésus leur apprend par ce texte
même de la loi qu'ils sont dans une complète ignorance de la loi , en
leur prouvant que dès le commencement, la loi enseignait l'existence
du Père et du Fils, et annonçait le mystère de l'incarnation du Sei-
gneur : « 11 répondit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton
cœur, de toute ton àme, de toutes tes forces , et de tout ton esprit. »
— S. Bas. {Ch. des Pèr. gr.) Ces paroles : « De tout ton esprit^ » ne
souffrent aucun partage ; car quelle que soit la partie de notre amour
que vous détachiez pour la répandre sur les choses de la terre, elle l'em-
l'effet des promesses, mais les voyant et les saluant de loin, » etc. [Hebr., xi, 13,) et à ces autres :
a Maintenant nous voyons comme dans un miroir et sous des images obscures. » (I Cor., xiii, 12.)
(1) C'est-à-dire dans les livres de la loi écrits par Moïse comme le Deuiéronome (vi, 5,) quant à
la première partie, et le Lévilique pour la seconde (xtx, 18.)
ut puto, occasionem lentandi Dominum
legisperitus assumpsit. Unde dicitur :
« Ecce quidam legisperitus surrexit ten-
tans illum, » etc. Cyril, [in Cat. Grx-
corum Patrum.) Erant enim quidam
verbosi cLrcumeuntes totam regionem
Judaeorum, incusautes Christum, et di-
centes quod prœceptum Moysi inutile
diceret, ipse autem quasdam novas doc-
trinas promeret. Yolens ergo legisperi-
tus seducere Christum, ut aliquid coutra
Moysea loqueretur, adest tentans ipsum,
magistrum vocans, doceri non paliens.
Et quia Dominus solitus erat liis qui ve-
niebant ad eum loqui de vita aeterna,
utitur legisperitus ejus eloquiis. Et quia
tentabat astute , nihil aliud audit , nisi
quee per Moysen édita sunt. Sequitur
enim : « At ille dixit ad eum : In lege
quid script um est? Quomodo legis? »
AiiBR. Eiat euim ex his qui sibi legispe-
riti videutur, qui "cerba legis tenent, vim
legis ignorant; et ex ipso legis capitulo
docet esse legis ignaros ; probans quod
in priucipio statim lex Patrem et Filium
prœdicaverit, et incarnationis dominicœ
annuntiaverit sacramentum. Sequitur
enim : « Ille respondens, dixit : Dùiges
Dominam Deum tuum ex loto corde tuo,
et ex tota auima tua, et ex omnibus vi-
ribus tuis, et ex tota mente tua. » Basil.
{in Cat. Grœconun Patrum ex asceti-
cis.) Quod dicitur : « Tota mente tua, »
in caetera non recipit sectionem. Nam
quamcunque dilectionem in infimis ex-
penderis, hoc tibi necessario a toto de-
DE SAINT LUC. CHAP. X.
539
pèche nécessairement d'être entier. De même que ce qui s'écoule d'un
vase plein de liqueur en diminue nécessairement la quantité, de même
tout ce qui se détache de votre amour, pour se répandre sur les choses
défendues, diminue d'autant l'amour que vous devez avoir pour Dieu.
S. Greg. de Nyss. {De la créât, de l'homme., chap. 8.) On distingue
dans l'âme trois degrés ou trois parties différentes , l'une est simple-
ment végétative , comme dans les plantes, l'autre est sujette aux sen-
sations, comme dans les animaux dépourvus de raison; la troisième
enfin qui est la plus parfaite est l'àme raisonnable qui fait le caractère
propre de la nature humaine. Ces paroles : « De tout votre cœur , »
font allusion à la substance corporelle ou végétative ; ces autres : « De
toute votre âme, » à celle qui tient le milieu et qui est purement sen-
sible ; ces autres enfin : « De tout votre esprit ^ » expriment la nature
la plus élevée, c'est-à-dire la partie intellectuelle qui pense et réfléchit.
— Théophyl. Notre-Seigneur nous enseigne donc par ces paroles qu'il
faut appliquer toutes les forces de notre esprit à l'amour de Dieu , et
le faire avec ardeur et empressement; et c'est pour cela qu'il ajoute :
« Et de toutes vos forces. » — S. Max. {Chaîne des Pèr. f/7\) La loi, en
insistant sur cette triple direction de tout notre être vers Dieu , veut
nous détacher de la triple inclination du monde vers la cupidité, vers
la gloire et la volupté, trois tentations auxquelles Jésus-Christ a été lui-
même soumis.
S. Basil. (1) Si on nous demande comment on peut obtenir l'amour
de Dieu , nous répondrons que l'amour de Dieu ne peut s'apprendre.
Nous n'avons appris ni à nous réjouir de la présence de la lumière,
(1) Cette citation se trouve dans les Règles développées, Réponse à la question 2.
ficiet : sicut enini in vase aliquo pleno
liquore quantum émanât foras, tantum
necesse est pleniludiui derogari; sic et
in anima quantum emanaverit ab ipsius
dilectioue ad illicita, tantum minui ue-
cessarium est amorem ad Deum.
Greg. Nyssen. flib. de hominiscreut.,
cap. 8.) In tria autem qu£edam animai
vis discernitur : lia;c enim est augmen-
tativa solum et nutritiva, quai etiam in
plantis reperitur; alia est qua? sensua-
liter disponilur, quai salvatur in natura
irrationalium animalium : perfecta au-
tem vis aniuire est rationalis, quae in
natura humana conspicitur. Dicendo
ergo cor, substantiam corporalem signi-
ficavit, scilicet uutritivam, dicendo vero
animam, mediocrem , id est, sensiti-
vam. Dicendo vero mentein, altiorem
naturam, id est, intellectivam et consi-
derativam potentiam. Théophyl. Hoc
igitur iutelligendum est, quod oportet
nos omnem virtulem aniniae amori di-
vino subjicere ; et hoc viriliter et non
remisse : un de additur : « Et ex omni-
bus viribus tuis. » Maxim. ( ni Cat.
Grœcorum Patrum.) Cum bac igitur in-
tentione trinam ad Deum directionem
lex pertractat, ut avellat nos a trina
mundi liabitudine , qua respicitur ad
passiones, ad gloriam et ad voluptates;
in quibus etiam tentatus est Christus.
Basil, [in eadem Cat. Grxca.) Si
quis autem quœrat quo pacto divina di-
lectiu poterit obtineii, dicemus quoniam
iudocibilis est divina dilectio : nam nec
lucis gaiidere praesentia, nec vitam am-
plecti ab alio didicimus , vel amare pa-
540
EXPLICATION DE l/ftVANGILE
ni à aimer la vie , nos parents , ou ceux qui nous ont nourris ; à plus
forte raison l'amour de Dieu ne peut être l'objet d'un enseignement
extérieur. Mais il y a en nous un sentiment intime déposé comme une
semence au dedans de nous, et qui, par des motifs qui lui sont pro-
pres , nous porte à nous attacher à Dieu. Les enseignements des
divins préceptes s'emparent ensuite de ce sentiment, pour le cultiver,
le développer et le conduire à la perfection. En effet , nous aimons
naturellement tout ce qui est bon ; nous aimons aussi nos parents, nos
proches , et nous accordons spontanément toute notre affection à ceux
qui nous font du bien. Si donc Dieu est bon, et si tous aiment naturel-
lement ce qui est bon, nous pouvons donc dire que tous aiment Dieu(l*).
Le bien que nous faisons volontairement se trouve naturellement en
nous, à moins que nos pensées n'aient été corrompues par le vice.
Quand même nous ne connaîtrions pas Dieu par les effets de sa bonté,
nous devrions l'aimer sans mesure par le sentiment qu'il nous a tirés
du néant et qu'il est notre Créateur. D'ailleurs , qui nous a comblés
de plus de bienfaits , parmi ceux qui ont un droit naturel à notre
amour? (2) Le premier et le plus grand commandement, c'est celui de
l'amour de Dieu. Le second, qui complète le premier, lequel est aussi
son complément , c'est le commandement de l'amour du prochain :
« Et votre prochain comme vous-mêmes. » C'est Dieu qui nous rend
facile l'accomplissement de ce précepte. Qui ne sait que l'homme est
un être doux et sociable , et qui n'est point né pour vivre dans la so-
litude au milieu des bois ? En effet, la première inclination de notre
nature, c'est d'entrer en relations avec nos semblables, d'avoir recours
(1*) Nous ajoutons d'après le texte original cette conclusion 0îoù àpa iràvra Èyiôxai, </ Deum
igitur omnia appetunt, » qui ne se trouve pas dans la Chaîne d'or, et sans laquelle le sens laisse
trop à désirer.
(2) Réponse à la 3» question.
rentes aut alumuos, et multo magis
divinae dilectionis doctrinaiu; sed se-
miualis quaedam ratio uobis iusita est,
intrinsecus habeus causas, ut liomo Deo
adhsereat ; quam rationem accipiens
doctrina divinorum prseceptorum colère
diligenter, cauteque fovere , et ad per-
fectionem divinae gratiee perducere cou-
suevit. Naturaliter enim bonum amamus;
amamus etiam proprium et cognatum ;
uecnon et beuefactoribus sponte aiîectio-
nem iotam profundimus. Si igitur bouus
est Deus, omnia vero bouum desideraut,
Deum igitur omnia appetunt. Quare quid-
quid volunlarie perficilur, naturaliter no-
bis inest : quem etsi per bonitatem mi-
nime novimus, ex hoc ipso tamen quod
ab ipso processimus tenemur ipsum ul-
tra modum amare, tanquam scilicet no-
bis cognatum. Major etiam est et beue-
factor omnibus qui naturaliter diligun-
tur. Et inferius : est igitur primum et
prtecipuum mandatum divinse dilectio-
nis : secundum autem primi compleli-
vum, et ab eo completum, quo mone-
mur diligere proximum. Uude sequilur :
M Et proximum tuum sicut teipsum. »
Sortimur autem a Deo potentiam ad
hujus executionem mandati. Quis autem
non novit quoniam mansuetum et corn-
muuicativum animal est homo, non au-
tem solitarium et silvestre? Nihil enim
tam proprium est nostrae natura, sicut
ad invicera commuuicare . et mutuo in-
DF. SAINT LUC, CHAP. X. 541
les uns aux autres , et d'aimer ceux qui ont avec nous une même
nature. Le Seigneur ne fait donc ici que nous demander les fruits des
semences qu'il a déposées lui-même au dedans de nous.
S. Chrys. {hom. 3-2, sur UEpître V^ aux Cor.) Remarquez cepen-
dant que Dieu veut que ces deux préceptes soient accomplis dans la
même étendue : «Vous aimerez Dieu de tout votre cœur,... et votre
prochain comme vous-mêmes. » Si ce commandement était fidèle-
ment observé , il n'y aurait plus ni esclave, ni homme libre, ni vain-
queur ni vaincu, ni prince ni sujet , ni riche, ni pauvre , et le démon
resterait à jamais inconnu; car la paille résisterait plus facilement à
la violence du feu , que le démon aux saintes ardeurs de la charité,
tant la force de l'amour est supérieure à toutes choses. — S. Grég.
{Moral., XIX, 14). (I) Dieu nous dit : «Vous aimerez votre prochain
comme vous-mêmes , » mais comment celui qui est dur pour lui-
même en persévérant dans l'injustice pourra- t-il être tendre et com-
patissant pour les autres ?
S. Cyr. Le docteur de la loi ayant répondu ce qui était contenu
dans la loi, Jésus- Chri:^t, pour qui rien n'est caché, déchire les filets
artificieux dans lesquels il voulait l'envelopper : « Jésus lui dit : Vous
avez bien répondu, faites cela et vous vivrez. » — Orig. Une co!:clu-
sion rigoureuse à tirer de ces paroles , c'est que la vie qui nous est
annoncée et promise par Dieu , le Créateur du monde , et par les
anciennes Ecritures dont il est l'auteur, est la vie éternelle. Notre-
Seigneur lui-même l'atteste, en citant ce texte du Deutéronomo :
«Vous aimerez le Seigneur votre Dieu » (chap. vi), et cet autre du
(I) Dans les anciennes éditions, chapitre 20 sur ces paroles du cliapitrc 31 du livre de Job : «J'ai
été l'œil de l'aveugle, et le pied du boiteux. »
digère, et cognatum diligere. Quorum
ergo preeveniens Dominus nobis tradidit
semina, lioruiii couse(]uenter fructus re-
quirit.
Chrys. (liomil. 32, in I ad Corindi.)
Tu tamen attende qiialiter fere cuin eo-
deni excessti postulat utrumijne prae-
ceptum : de Dec enim ait : « Toto corde
tuo; » de proximo : « Sicut te ipsum. »
Ouod si diligenter observaretur, nec ser-
vus esset, nec liber, nec victor, nec
victus (vel potius non priuceps, non sub-
ditus), nec dives, nec pauper; nec uotus
unquam esset diabolus. Potius enim pa-
leae susliuerent iunnissionem ignis, quam
fervorem charitatis diabolus ; adeo cuncta
superat dilecliouis constanlia. Grec.
(XIX Moral., cap. 14.; Cuin aulem di-
calur : « Diliges proximum tuum sicul
teipsum, » quomodo alteri miserendo
plus est, qui adhuc injuste vivendo fit
impius sibimetipsi?
Cyril, {in Va t. Grœcornm Patnon.)
Cum autem legisperitus respondisset quse
couliuei:)antur in lege, Christus cui nota
sunt omnia, scindit fallaciœ ejus retia.
Sequitur enim : « Dixitque illi : Recte
respondisti : lioc fac, et vives. » Orig.
{in Caf. Grucorum Patnim.) Ex bis
indubitanter colligilnr quod vita quœ
prœdicatur secundum mundi Creatorem
Deum, et anliquas scripturas ab eo tra-
dilas, vita perpétua est : attestatur enim
Dominus sumens ex Deuteronomio qui-
dem illud : « Diliges Dominum Deum
tuum » (cap. 6j, ex Levitico vero illud :
542
EXPLICATION DE I. EVANGILE
Lévitique : « Vous aimerez votre prochain comme vous-mêmes. »
(chap. XIX.) Or, par ces paroles, le Sauveur réfute l'hérésie des parti-
sans de Valentiu , de Basilide , de Marcion (1). En effet , que veut-il
que nous fassions pour obtenir la vie éternelle^ sinon ce que contien-
nent la loi et les prophètes ?
f. 29-37. — Meus cet homme, voulant faire paraître qu'il était juste, dit à
Jésus : Et qui est mon prochain ? Jésus reprit : Un homme descendait de
Jérusalem à Jéricho; il tomba entre les mains des voleurs qui le dépouillèrent,
le couvrirent de plaies, cl le laissèrent à demi-mort. Or, il arriva qu'un prêtre
descendait par le même chemin ; il vit cet homme, et passa outre : Un lévite se
trouvant aussi prés de là, le vif et passa outre. Mais un samaritain, qui était
en voyage, vint près de lui, et, le voyant, fut touché de compassion. Il
s'approcha, banda ses plaies, après y avoir versé de l'huile et du vin, et l'ayant
mis sur sa monture, il le conduisit à une hôtellerie et prit soin de lui. Le
lendemain, il tira deux deniers, et les donnant à l'hôte, il lui dit ; Ayez soin
de cet homme, et tout ce que vous dépenserez de plus, je vous le rendrai à mon
retour. Lequel de ces trois vous semble avoir été le prochain de celui qui tomba
entre les mains des voleurs ? Le docteur lui répondit : Celui qui a pratiqué la
miséricorde envers lui. Et Jésus lui dit : Allez, et faites de même.
S. Cyr. L'éloge que le Sauveur vient de faire de la réponse du
docteur de la loi lui inspire de l'orgueil , il ne croit point qu'il y ait
pour lui de prochain , c'est-à-dire qu'il s'imagine que personne ne
peut lui être compai'é sous le rapport de la justice : « Mais cet homme,
voulant faire paraître qu'il était juste, dit à Jésus : Et qui est mon pro-
^1) Ces hérétiques niaient que le Dieu de l'Ancien Testament fût le vrai Dieu, et que la loi an-
cienne eut une origine divine, comme saint Augustin le remarque dans son livre : Des hérésies de
Marcion et de Valentin, et plus explicitement encore dans son livre 2e Contre l'adversaire de la
loi et des prophètes.
« Diliges proximum tuum sicut teipsuin»
(cap. 19); hsec autem dicta siint contra
sequaces Yalentini, Basilidis et Marcio-
nis : quid enim aliiid voluit uos facere
ad qaœrendum vitam aeternaui^ nisi quse
contineat lex et prophetae?
Jlle autem volens justi/icare seipsum, dixit ad
Jesum : Et quis est meus proximus ? Suspi-
ciens autem Jésus dixit : Homo quidam des-
cendebat ab Hierusalem in Eiericho, et inci-
dit in latrones, qui etiam despoliaverunt eum,
et playis impositis , ahierunt, semivivo relicto.
Accidit autem ut sacerdos quidam descenderet
eadem via, et visa illo, prœterivit. Similiter
et levita cum esset secus locum et videret eum,
pertransiit. Samaritanus autem quidam iter
faciens, venil secus eum ; et videns eum, mise-
ricordm motus est; et appropians, alUyavit
vulnera ejus, infundens oleum et vinum ; et
imponens illum in jumentum suum, duxit in
stabuhim, et curam ejus egit. Et altéra die ,
protulit duos denarios, et dédit stabulario,
et ait: Curam ejus habe; et quodcunque super-
erogaveris , ego , cum rediero , reddam tibi.
Quis horum trium videtur tibi proximus fuisse
illi qui incidit in latrones ? Ai ille dixit : Qui
fecit misericordiam in illum. Et ait illi Jésus:
Vade, et tu fac similiter.
Cyril, {/n Cat. Grœcorum Patrum.)
Laudatus legisperitus a Salvatore quod
recte responderit, iu superbiam proru-
pit, nuUuin sibi proximum putans esse;
quasi uullus ei esset in justitia compa-
randus. Uude dicitur : « Ille autem vo-
lens justificare seipsum, dixit ad Jesum :
Et quis est meus proximus? » Circum-
DE SAINT LUC. CHAP. X.
543
cham?o II devient tour à tour la proie, pour ainsi dire , de tousies vices
qui le font tomber de la ruse artificieuse avec laquelle il cherchait à
tenter Jésus, dans une orgueilleuse arrogance. Cette question qu'il
adresse à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » prouve qu'il n'avait
aucun amour pour le prochain, puisqu'il ne croyait pas qu'il put avoir
un prochain (1*). Il n'avait par conséquent aucun amour pour Dieu,
car puisqu'il n'aimait pas son frère qu'il voyait, comment pouvait-il
aimer Dieu qu'il ne voyaitpas? (I Joan., iv, 20.) — S. Ambr. Il répond
encore qu'il ne sait qui est son prochain^ parce qu'il ne croyait pas
en Jésus-Christ , et que celui qui ne connaît pas Jésus-Christ , ne
peut connaître la loi , car si vous n'avez aucune connaissance de la
vérité, comment pouvez- vous connaître la loi qui annonce et enseigne
la vérité?
Théophyl. Ce n'est ni par les actions, ni par les dignités que le Sau-
veur détermine l'idée juste qu'on doit se faire du prochain. Ne croyez
pas, semble-t-il dire, que personne ne soit votre prochain, parce que
vous êtes juste, cartons ceux qui ont avec vous une même nature
sont votre prochain ; devenez donc aussi leur prochain, non en habi-
tant le même pays , mais en leur témoignant de l'affection et en leur
donnant les soins que leur état réclame. C'est pour confirmer cette
vérité qu'il cite l'exemple du Samaritain : « Jésus reprit : Un homiae
descendait , » etc. — Chaîne des Pèr. &r. {ou Sévère d'Antioche.) Le
Sauveur se sert avec dessein du terme générique , il ne dit pas :
Quelqu'un descendait, mais : « Un homme descendait, » car son
discours embrasse l'humanité toute entière. — S. Aug. [Quest. évang.,
(l*) Pour bien comprendre la prétention orgueilleuse de ce docteur de la loi, il faut se rappeler
que les Scribes et les Pharisiens avaient sur le prochain des idées très-exclusives, et qu'ils ensei-
gnaient que par le prochain il ne fallait entendre que les Juifs, non les païens et encore moins
les Samaritains, ennemis des Juifs.
veniuDt enim cum quodammodo alter-
natim vitia ; a fallacia qua tentando
qufesivorat, ad arroçrantiam lapsum. lu
hoc aulein quod quœrit : « Quis est
meus proxinins? » Vacuiis a dileclioue
proximi ostenditur; cuiu non œslimel
aliquem sibi proxiiimiu esse; et per con-
sequens a dilectione divina, qui cum
fratrem non dili^at quem videt, non po-
test Deuni dilicrere quem non videt.
(I Joan., 4, vers. 20.) Ambr. Respondit
eliam quod non sciret proxiumm suuni,
quia non credebat in Christum ; et qui
Cliristum nescit, nescit legem : cum enim
veritatem ignoret, rpiomodo potest scire
leirem quœ aununliat veritatem?
Theophylact. Salvator autem , non
actibus aut dignitatibus, sed natura dé-
terminât proximum. Quasi dicat : « Non
putes quod quamvis justus sis, nullus
tibi sit proximus : onines namque qui
eamdem naturam coranmuicaut^ proximi
tui sunt, lias igitur et tu eorum proxi-
nms (non loco, sed affeclu), et circa eos
cura : » et ad hoc Samaritanum in
exemplum adducit. Unde sequitur :
« Saspiciens autem Jésus dixit : Homo
quidam descendebat, » etc. Gr.eg. (vei
Secerus AntiocJienns in Cat. Gracorum
Patrum.) Bene est generis appellatione
usus : non enim ait : « Descendit qui-
dam, » sed, « homo quidam : » nain
sermo fuit de tola liumanitate. Aug. [de
Qnxst. Kvung., lib. ii, q. 19.) Homo
544
EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
II, 19.) Cet homme représente Adam et tout le genre humain ; Jéru-
salem, la cité de paix , représente la Jérusalem céleste, dont l'homme
a perdu la félicité par sou péché; Jéricho qui signifie lune est la
figure de notre mortalité , qu'on voit successivement naître , croître,
vieillir et disparaître.
S. AuG. {Cont. les Pélag.) (1) Ou bien encore, Jérusalem, qui veut
dire vision de la paix , représente le paradis , car avant son péché,
l'homme jouissait de la vision de la paix , c^est-à-dire des délices du
paradis, où tout ce qu'il voyait était pour lui une source de paix et de
joie. Lorsque le péché l'eut plongé dans l'humiliation et la misère, il
descendit de Jérusalem à Jéricho , c'est-à-dire , dans le monde , où
tout ce qui naît disparaît bientôt comme la lune. — Tiiéophyl. Le
Sauveur ne dit pas: Il descendit, mais: « Il descendait, » car
la nature humaine tend toujours à descendre, non-seulement par une
partie d'elle même, mais par toutes ses facultés sensibles. — S. Bas.
{Chaîne des Pèr. g?\) On comprendra parfaitement cette expression
du Sauveur, si l'on veut faire attention à la situation des lieux dont
il parle ; Jéiicho en effet est située dans les vallées de la Palestine ;
Jérusalem au contraire est située sur une hauteur , au sommet d'une
montagne. Cet homme descendit donc des hauteurs dans les vallées,
où il fut saisi par les voleurs qui habitaient le désert : « Et il tomba
entre les mains des voleurs. »
S. Chrys. (2) Déplorons d'abord le malheur de cet homme qui
tombe entre les mains des voleurs , sans armes et sans défense, et qui,
dans son imprévoyante témérité, choisit ce chemin où il ne pouvait
(1) Ou bien uu autre auteur cité sous le nom de saiut Augustin, dans le traité qui a pour titre :
JJypognotiscon, liv. m, vers le milieu.
(2) Homélie qui a pour titre : De celui qui tomba enti-e les mains des voleurs.
enim iste, ipse Adam iutelligitur in gé-
nère Immauo : Hierusalem civitas pa{;is,
illa cœlestis, a cujus beatitudine lapsus
est; Hiericho interpretatur hina, et signi-
ficat mortalitatem iiostrani, propter hoc
quod nascitur, crescit, senescit et occi-
dit.
AuG. [Contra Pelag.) Vel Hierusa-
lem, quee interpretatur Visio j)ocis, Pa-
radisum dicimus : aute enim quam pec-
caret homo in visione pacis erat , hoc
est, in paradiso : quicquid videbat, pax
erat et laititia; inde descendit (quasi hu-
miliatus et miser factus per peccatum)
in Hiericho, id est, in mundura, in quo
omnia orta occidunt, sicut luna. Theo-
PHYLACT. Non auleui dicit : Descendit,
sed, descendebat : semper enim humaua
natura ad inferiora tendebat ; et non in
parte, sed toto vitœ attendebat passibili.
Basil, [in Cat. Gr.xconun Pairum ex
illius Ethicis.) Convenit enim hoc si quis
loca perspexerit : Hiericho enim tenet
loca couvallia Palœstiuce; Hiernsalem
vero in cacumine sita est, occnpans api-
cem montis. Venit igitur homo ab altis
ad iniima, ut a latronibus caperetur,
qui incolebaut desertum. Unde sequitur :
« Et incidil in latrones. »
Chrys. [in eadem Cat. Grœca.) Pri-
mum istius hominis miserandus est
casus, qui iuermis ac destitutus in la-
trones inciderit , quique improvidus in-
cautusque eam viam elegerit, qua eva-
DE SAINT LUC, CHAP. X. 545
échapper aux brigands qui l'infestaient ; car comment , sans armes,
sans prévoyance, sans précaution, aurait-il pu se défendre contre ces
voleurs qui fondent sur lui à main armée . et avec les intentions les
plus meurtrières? En effet, la méchanceté marche toujours, ayant
pour armes les ruses, pour remparts la cruauté et les artifices, et prête
à se livrer aux plus violents excès. — S. Ambr. Or, quels sont ces vo-
leurs, si ce n'est les anges de la nuit et des ténèbres ? Il ne serait cer-
tainement pas tombé entre leurs mains , s'il ne se fût exposé à les
rencontrer, en quittant la voie des commandements de Dieu. —
S. Chris, {hom. précéd. cit.] C'est donc à l'origine du monde , que le
démon a déployé toute son artificieuse méchanceté contre l'homme,
en versant sur lui son venin mortel , et en inaugurant dans sa per-
sonne sa malice meurtrière. — S. Aug. {contre les Pélag.) (1) Cet
homme est donc tombé entre les mains des voleurs , c'est-à-dire au
pouvoir du démon et de ses anges qui , par la désobéissance du pre-
mier homme , l'ont dépouillé des vêtements de l'innocence , et l'ont
couvert de blessures, en affaiblissant en lui la force du libre arbitre :
« Ils le dépouillèrent, et le laissèrent couvert de blessures. » Le démon
a fait une blessure au premier homme lors de son péché, mais il nous
couvre de blessures, lorsqu'à ce premier péché , dont nous avons con-
tracté la souillure, nous en ajoutons volontairement un grand nombre
d'autres. — S. Aug. {Quesi. évang.., ii, 19.) Ou bien encore, ils ont
dépouillé l'homme de l'immortalité, et l'ayant couvert de plaies (en le
portant au mal), ils le laissèrent à demi-mort. Eu effet, l'homme est
vivant en tant qu'il peut concevoir et connaître Dieu, mais il est mort
dans la partie de lui-même qui succombe aux atteintes mortelles du
péché, c'est ce que le Sauveur indique par ces paroles : « Et ils le
(1) Du même Traité que la citation précédente.
dere prsedonum uianus nequiverit : non
enim posset inennis armatos, improvi-
dus pessimos, incautus nocivos effugere.
Quippe cum malitia semper anuata sit
dolis, crudelilate septa, munita fallacia,
et ad nocendi sœviliam praeparata. Amb.
Qui sunt autem isti latrcjnes. nisi angeli
noctis atque tenebrarura? lu quos non
incidisset, nisi eis mandati cœlestis de-
vins se fecisset obnoxium? Chrys, {ut
svp.) In exordio igitur luundi nocendi
fallaciam diabolus est operatus in homi-
nem, in quein fallendi virus exercuit, et
malitiae nocentiam dcdicavit. AuG. {Con-
tra Pclag.) Incidit ergo in latrones, id
est, in diabolum et angelos ejus, qui per
inobedientiam primi hominis bumanum
ÏOM. V.
genus despoliaverunt , morum scilicet
ornamenlis ; et vulneraverunt^ bono sci-
licet possibilitalis bberi arbitrii perdito.
Unde sequitur : « Qui etiani despoliave-
runt euni, et plagis impositis, abie-
runt. » In illo enim peccante plagam
fecit; in nos vero plagas, cum super
unum peccatum quod contrahimus, su-
peraddimus multa peccata. Aug. (de
Quœst. Evang., lib. ii, quaest. 19.) Vel
spoliaverunt hominem immortalitate; et
plagis impositis (peccata suadendo) re-
liquerunt semivivum, quia ex parte qua
potest intelligere et çognoscere Deum,
t^iviis est homo; ù^ parte autem qua
peccalis contabescit et premitur, mor-
luus est ; et • boc /"est quod subditur ;
546 EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
laissèrent à demi-mort. » — S. Aug. (contre Pélafje.) Dans cet homme
demi-mort, l'action vitale (c'est-à-dire le libre arbitre) est blessé, et
n'est pins capable de le conduire à la vie éternelle qu'il avait perdue :
il est donc là étendu , incapable de se relever par ses propres forces,
aussi appelait-il le médecin , c'est-à-dire Dieu , pour le guérir. —
TnEornYL. Ou bien encore, l'homme est à demi-mort après son péché,
parce que son àme est immortelle , et son corps mortel , de manière
que la moitié de lui-même est assujettie à la mort. Ou bien encore,
l'homme est à demi-mort , parce que la nature humaine espérait
arriver au salut par Jésus-Christ, et ne pas devenir entièrement la
proie de la mort; mais par suite du péché d'Adam, la mort est entrée
dans le monde, et elle ne pouvait être détruite (jue par la rédemption
de Jésus-Christ. [Rom., y, 42.) — S. Ambr. Ou bien encore, les démons
commencent par nous dépouiller des vêtements de la grâce spirituelle,
avant de nous couvrir de blessures ; car si nous savions conserver ces
vêtements dans toute leur beauté, nous serions inaccessibles aux coups
des voleurs. — S. Bas. On peut encore entendre qu'ils ne le dépouil-
lèrent qu'après l'avoir couvert de blessures, pour nous faire com-
prendre que c'est après le péché commis , que la grâce nous est en-
levée. — BEDE. Les péchés sont appelés des blessures , parce qu'ils
détruisent l'état d'intégrité de la nature humaine. Il est dit qu'ils s'en
allèrent, non pour cesser leurs embûches criminelles, mais pour dissi-
muler leurs ruses artificieuses.
S. Chrys. {comme p7'écéd.) Cet homme, c'est-à-dire Adam, était
donc là étendu, privé de tout secours , profondément atteint par les
blessures que ses péchés lui avaient faites , et le prêtre Aaron passe
sans pouvoir le secourir par ses sacrifices : « Or, il arriva qu'un prêtre
« Semivivo relicto. » Aug. (Coîîfra i gratiae spiritualis, et sic vulnera inferre
Pelag.) Seinivivus eniin habet vitalem ; consueverunt. Nam si intemerata quae
inolum (id est, liberum arbitrium) vul- sumpsimus indumenta servemus, plagas
neratum; quod ad œternam vitam quam latrouuoi sentire non possumus. Basil.
perdiderat, redire non sufficiebat : et ' {ut sup.) Vel potest intelligi quod expo-
ideo jacebat, quia vires ei propriae ad | liaverunt eum, plagis prius impositis :
surgendum non sufflciebant, unde ad se i prœcedunt enim vuluera nuditatem, ut
sauanduin medicum (id est, Deum) re- intelligas quod peccatum prfpcedit gra-
quireret. Theopdylact. Aut semiiivvs Vue carentiam. Bed. Dicuutur autem
dicitur hoaio post peccatum; quia ejus \plogœ çeccala, quia bis naturae bumaoce
anima immortaiis est, corpus vero mor- , integritas violatur. Abierunt autem, non
^«/e; ita ut medietas bominis morti suc- , ab insidiis cessando, sed insidiarum
cumbat : aut quia bumaua natura in
Cbristo sperabat consequi salutem, ita
ut non omniuo morti succumberet; sed
in quantum Adam peccaverat, mors in
muudum intravit : in Cbristi vero justi-
ficatione mors erat destruenda. Ambros.
Vel spoliant quœ accepimus indumenta
fraudes occultando.
Chrys. {ut sup.) Hic itaque bomo, id
est, Adam jacebat destitutus salutis auxi-
lio, confossus vulneribus delictorum; cui
nec sacerdos Aaron transiens sacrificio
potuit profuisse. Sequitur enim : « Acci-
dit autem ut sacerdos quidam descen-
DE SAINT LUC, CHAP. X.
547
descendait par le même chemin, il vit cet homme, et passa outre, » etc.
Son frère Moïse, de la tribu de Lévi, voit la loi qu'il a donnée, frappée
de la même impuissance : « De même , un lévite , se trouvant près de
là, le vit et passa outre. » — S. AuG. {contre Pelage.) On peut aussi
considérer ce prêtre et ce lévite comme représentant les deux temps
de la loi et des prophètes : le prêtre est la figure de la loi qui a insti-
tué le sacerdoce et les sacrifices ; le lévite représente les oracles des
prophètes. Or, le genre humain ne put être guéri à aucune de ces
deux époques, parce que la loi donne bien la connaissance du péché,
mais ne le détruit pas. [Rom., m, 20 ; viii, 3.) — Théophyl. Remar-
quez ces paroles : « Il passa, » parce qu'en efi"et , la loi vint et dura
jusqu'au temps que Dieu avait marqué; et comme elle ne pouvait
guérir, elle passa. Remarquez encore que la loi n'a pas été donnée
dans ce dessein , que l'homme y trouvât sa guérison ; car il ne
pouvait alors recevoir le mystère de Jésus-Christ. Aussi voyez comme
l'Evangéliste s'exprime : « Or, il arriva qu'un prêtre descendait par
le même chemin, » ce que nous disons généralement des choses qui
arrivent sans avoir été prévues. — S. Aug, {serm. 37 sur les par. du
Seig.) Le Sauveur donne à entendre que cet homme , qui descendait
de Jérusalem à Jéricho, était Israélite, par là même que le prêtre qui
passa, n'en eut aucune compassion, bien qu'il fût du même peuple, et
que le lévite qui était aussi de la même race , passât également sans
daigner le secourir. — Tiiéophyl. Peut-être leur première pensée fut-
elle une pensée de compassion, mais la dureté naturelle reprit bientôt
le dessus, ce qui nous est exprimé par cette parole : « Il passa. »
S. Aug. {comme précécl.) Le samaritain vint aussi à passer , il était
étranger pour cet homme par sa race, mais il était son prochain par
deret eadem via, et viso illo, prœte-
riit, » etc. Nec eliam ejus frater Moyses
levita per legem potuit subveuire : unde
sequitur : « Similiter et levita cum esset
secus locum et videret euin, pertran-
siit, » etc. Aug. [Cont. Pekicj.) Vel iu
sacerdote et levita duo tempera intelli-
guntur : legis scilicet et proplietarum :
in sacerdote lex, per quam sacerdotium
et sacrificia instituta sunt; iu levita va-
ticinium prophetarum , quorum tempo-
ribus humauum genus sanari uou potuit
quia per legem coguitio peccati, nou
abolitio. Theophylact. Dicit autem :
Prœteriit ; quia lex venit et stetit usque
ad tempus prtefixum ; deiude non va-
lens curare, abiit. Vide etiam quod lex
non ad hoc data est praecogitative, ut
honiineni curaret : nou enim poterat
homo a principio suscipere Christi mys-
terium : et ideo dicitur : « Accidit ut
sacerdos quidam; » quod consuevimus
dicere in his quai non preemeditalive
fiant. AuGUST. {de Verb. Dom., serm.
37). Vel quia homo descendeus a Hieru-
salem ia Hiericho, Israelita fuisse intel-
ligiturj quod intelligi potest, quia Iran-
siens sacerdos utique génère proximus
prceteriit jacenlem; transiit levita, et hic
génère proximus, jacentem et ipse con-
tempsit. Théophyl. Miserti (inquam)
illius fuere cum cogitaveruut ; postmo-
dum vero tenacitate devicti, abieruut re-
trorsum : hoc enim désignât quod dicit :
Piaieriit.
Auo. [de Verb. Dom., xib'i sup.) Tran-
siit Sau)aritanu3 , génère longinquus,
misericordia proximus ; fecit quod sequi-
548
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
la compassion, et il fit ce qui suit : « Mais un samaritain, qui était en
voyage, vint près de lui , » etc. Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu
être représenté dans ce samaritain. En effet, le mot Samaritain signifie
gardien (l). Or^ c'est de lui qu'il est dit : « Celui qui garde Israël, ne
sommeillera ni ne dormira point » {Ps. cxx), parce qu'une fois ressus-
cité des morts, il ne meurt plus. [Rom., vi.) D'ailleurs, lorsque les
Juifs lui dirent : « Vous êtes un samaritain , et vous êtes possédé du
démon , » il nia qu'il fût possédé du démon , lui qui savait qu'il était
venu pour chasser le démon , mais il ne nia point qu'il fût le gardien
des infirmes. — Sévère d'Antioche. Notre-Seigneur s'appelle ici sa-
maritain on ne peut plus à propos, en répondant à ce docteur, fier de
la connaissance de la loi; il veut lui faire comprendre que ni le prêtre,
ni le lévite, ni ceux qui vivaient sous la loi, ne pratiquaient les com-
mandements de la loi^ mais qu'il était venu lui-même pour en accom-
plir les prescriptions. — S. Ambr. Ce samaritain descendait ; car quel
est celui qui est descendu du ciel , si ce n'est celui qui est monté au
ciel, le Fils de l'homme qui est dans le ciel? {Jean., m.) — Théophyl.
Il était en voyage, ajoute le Sauveur , c'est-à-dire qu'il venait avec le
dessein formel de nous guérir. — S. AuG. {contre Pelage.) Il est venu
revêtu de la ressemblance de la chair de péché {Rom.., "^ni), et c'est
pour cela qu'il est dit « qu'il vint près de lui, » en se rendant comme
semblable à lui. — Sévère d'Antioche. Ou bien encore, il vint près
du même chemin , car il a véritablement suivi la voie droite , sans
s'en écarter jamais en descendant sur la terre pour notre salut.
S. Ambr. Or, en venant sur la terre , il s'est fait notre prochain par
(1) C'est l'interprétation que l'on donne généralement de ce nom, saint Jérôme en particulier,
dans son traité des noms hébreux. Bède ajoute une autre explication et prétend que Samarie signi-
fie lune ou conjonction, et Samaritain qui est en conjonction, ou qui est uni.
tur : « Samaritanus aiitem quidam iter
faciens venit secus eum, » etc. In quo
Samaritano se voluit intelligi Dominus
noster Jésus Chrislus : Samaritanus
enim custos interpretatur , et de ipso
dicitur {Psal. i, 20) : « Non dormitabit
neque dormiet qui custodil Israël, » quia
resurgens a mortuis , jam non moritur.
[RniH., 6.) Deuique cum dictum esset
iili {Joan.,8) : «Quia Samaritanus es,
et daemonium liabes, » uegavit se habere
dccmouium, quia se noverat dœmonum
expulsorem; non se negavit infiruii cus-
todem. GRiEC. (vel Sevenis .Antioclienus,
in Cut. Grxcorum Patrum.) Vocat au-
tem hic Clirislus se Samaritanum oppor-
tune; cum enim alloqueretur legisperi-
tum superbientem in lege , voluit expri-
mere quoniam nec sacerdos, nec levita,
et qui conversabantur in lege, legis pro-
positum implebant ; sed ipse venit cou-
summaturus legis propositum. Ambr.
Hic autem Samaritanus etiam erat des-
cendens : quis enim est qui descendit de
coelo, nisi qui ascendit in cœlum, Filius
hominis qui est in cœlo ? {Joan., 3.)
Theophylact. Dicit autem, ite7' faciens,
quasi ex proposito hoc statuens , ut nos
curaret. Aug. (Cont. Pelag., vt svj).)
Venit autem in similitudinecarnis peccati
{ad Rom., 8), ideo secus cum, quasi in
similitudine. Gr^cus. {idest, Severus An-
tiocliemis, lit jam sup.) Vel secus viam
venit; fuit enim vere viator, non devia-
tor, gratia nostri descendens ad terram.
Ambr. Veniens autem factus est com-
DE SAINT LUC, CHAP. X. 549
la sincère compassion qu'il nous porte , et notre voisin par la misé-
ricorde dont il nous comble : « Et le voyant, il fut touché de compas-
sion, » etc. — S. AuG. {comme précéd,) Il le voit étendu sans force,
sans mouvement, et il est touché de compassion, parce qu'il ne trouve
en lui aucun mérite qui le rende digne de guérison ; mais « à cause
du péché , il a condamné le péché dans la chair {Rom. , viii) : « Et
s'approchant, il banda ses plaies, y versant de l'huile et du vin, » etc.
— S. AuG. {serm. 37 sur les par. chiSeig.) Quelle distance plus grande
peut-on imaginer, que celle qui sépare Dieu de l'homme , l'immortel
de ceux qui sont soumis à la mort, le juste des pécheurs? distance
produite non par l'éloignement extérieur , mais par la différence de
nature. Il possédait deux biens, la justice et l'immortalité , et nous
avions, au contraire, deux maux, l'injustice et la mortalité. Or, s'il
eût pris les deux maux qui étaient notre partage , il fût deveau sem-
blable à nous, et il aurait eu besoin comme nous d'un libérateur. Et
comme il ne voulait pas se rendre entièrement notre égal, mais s'ap-
procher seulement de nous , il ne s'est point fait pécheur à votre
exemple, mais il s'est fait mortel comme vous ; il a pris sur lui le
châtiment sans prendre la faute , et il a ainsi détruit la faute et le
châtiment.
S. AuG. [Quest. évang.., ii, 19.) Le samaritain, en bandant les plaies
de cet homme, figure la répression des péchés; l'huile représente la
douce consolation de l'espérance donnée par la miséricorde divine, qui
nous obtient le bienfait de la réconciliation ; le vin , l'exhortation à
une vie fervente dans l'Esprit saint. — S. Ambr. Ou bien encore, il
bande nos plaies, en nous imposant une loi plus sévère ; par l'huile, il
fomente nos plaies , en nous remettant nos péchés ; et par le vin , il
passionis nostrae susceptione finilimus,
misericordiae coUalione vicinus : unde
sequitur : « Et videns eum, misericordia
motus est,» etc. AuG. [Cont. Pelacj., ut
sup.) Videns quidem eum jacentem, non
valentem, non currentem : et ideo mise-
ricordia motus est ; quia in eo nullum
meritum invenit,quo curari dignusesset,
sed ipse de peccato damnavit peccatum
in carne [ad Rom., 8) : unde sequitur :
"Et appropians alligavit vulnera ejus,
infundens oleum, » etc. Aug. [de Verb.
Dom., serm. 37, ut sup.) Quid enim tam
longinquum, quid tam remotum . quam
Deus ab homiuil>us, iounorlalis a nior-
lalibus, justus a peccaloribus , non loco
longe , sed dissimilitudine ? Cum ergo
haberet in se duo bona (sciliret ju^litiam
et immortalitatem) , et nos duo mala
(scilicet iniquitatem et mortalitateni), si
utrumque malum nostrum suscepisset,
parnosterfuisset, et Uberatore nobiscum
opus haberet : ut ergo esset non hoc
quod nos, sed prope nos, non est factus
ille peccator ut tu, sed factus est morta-
lis quod tu : suscipiendo pœnam, et non
suscipiendo culpam , et culpam delevit
et pœnam.
Aug. {de Quœst. Evang., lib. ii, qu.
19.) Alligatio vulnerum est cohibilio
peccatorum ; oleum consolatio spei bonaa
per induliientiam datam ad reconcilia-
tionem pacis; vinum exhortalio ad ope-
randum ferventissime in Spirilu. Ambr.
Vel constringit vulnera nostra austeriore
praecepto ; sicut oleo fovet remij.~ione
550
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
nous pénètre de la crainte de ses jugements. — S. Grég. {Moral. ^ xx, 8.)
Ou encore, le vin figure les atteintes secrètes de la justice, et l'huile,
la douceur de la miséricorde ; le vin baigne les plaies corrompues, et
l'huile adoucit celles qui peuvent être guéries. Il faut donc faire un
mélange de la douceur avec la sévérité, et tempérer l'une par l'autre,
pour ne pas donner lieu à l'irritation par une trop grande dureté , ou
au relâchement par une trop grande cojidescendance. ' — Théophyl.
Ou bien dans un autre sens, l'huile figure la vie humaine du Sauveur,
et le vin, qui est l'emblème de la divinité , figure sa vie divine , dont
personne ne pourrait soutenir l'éclat, si elle n'était unie à l'huile,
c'est-à-dire à la vie humaine; aussi le voyons-nous agir tantôt d'une
manière humaine, tantôt d'une manière toute divine. Il verse donc de
l'huile et du vin, parce que c'est tout à la fois par son humanité et
par sa divinité qu'il nous a sauvés, — S. Chrys. {comme précéd.) Ou
bien encore, il a versé le vin , c'est-à-dire le sang de sa passion , et
l'huile, c'est-à-dire l'onction sainte , dans le dessein que le pardon de
nos fautes nous fut donné par son sang , et la sanctification de notre
âme par l'onction de l'huile sainte. Ce céleste médecin bande nos
plaies ouvertes, afin qu'elles puissent retenir le remède qu'il leur
applique , et dont l'heureuse efficacité doit les guérir entièrement.
Après avoir versé sur ses plaies de l'huile et du vin, il mit cet homme
sur son cheval . « Et le mettant sur sa monture, » etc.
S. AuG. {Quest. évang., ii_, 19.) Cette monture représente la chair
dont le Fils de Dieu s'est revêtu pour venir jusqu'à nous. On est
placé sur cette monture quand on croit en son incarnation. —
S. Ambr. Ou bien , il nous place sur sa monture , en portant lui-
peccati ; sicut vino compungit denun-
tiatione judicii. Greg. (XX Moral., cap.
8.) Vel in vino morsum districtionis
adhibet ; in oleo moUitiem pietatis : per
vinum ungantur putrida; per oleuni
sananda foveantur. Miscenda est ergo
lenitas cum severitate, et faciendum est
quoddam ox utroque temperamenlum,
ut neque multa asperitate exulcereutur
subditi, neque nimia beuignitate solvau-
tur. Théophyl. Vel aliter : quae secuu-
dum hominem est couversatio, oleuin
est; quae vero secundum Deum est,
viuuni est, quod Diviuitatem significat ;
quam nemo meram potuisset sustinere
nisi oleum adderetur, id est, conversatio
humana : unde queedam operatus est
huraane, quaedam divinitus. Infudit
ergo oleum et vinum; quia nos huiuaui-
tate et Divinitate salvabit. Chrys. (ut
sup) Vel vinum infudit (id est, saugui-
nem passionis), et oleum (id est, unctio-
nem chrisuiatis), ut indulgentia daretur
per sanguiuem, sanctificatio couferretur
per chrismatis uuctionem. A cœlesti
medico conscissa loca ligantur, et intra
semelipsa retinentia medicinam , opé-
rante medicamine, pristinœ sanitati red-
duntur. Infaso ergo vino et oleo, impo-
suit euin super jumeutum. Unde sequi-
tur : « Et imponens illuui in jumentum
suum, » etc.
AuG. [de Quœst. Evong,, lib. ii , qu.
19.) Jumentum ejus est caro, in qua ad
nos venire dignatus est. Imponi jumento
est in ipsam incarnationem Christi cre-
dere. ^mbr. Vel jumento imponit, dum
peccata nostra portât, et pro uobis dolel
DE SAINT LUC, CHAP. X. 551
même nos péchés et en soufiFrant pour nous {Isaïe, lui) (I). L'homme,
enefifet, est devenu semblable aux animaux (/^5. xlviii) , il nous a
donc placés sur sa monture, afin que nous ne soyons pas semblables
au cheval et au mulet ( Ps. xxxi ) , et pour détruire l'infirmité de
notre chair en se revêtant lui-même de notre corps. — Théophyl.
Ou bien encore , il nous a placés sur sa monture, c'est-à-dire sur son
propre corps ; car son incarnation nous a rendus ses membres, et nous
fait entrer en participation de son corps. La loi n'admettait pas tous
les hommes à faire partie du peuple de Dieu : « Les Moabites et les
Ammonites, est-il écrit, n'entreront point dans l'Eglise de Dieu »
{Dent., xxiii); mais maintenant, dans toute nation, tout homme qui
craint Dieu, qui veut embrasser la foi et faire partie de l'Eglise, est
admis dans son sein. C'est pourquoi le Sauveur ajoute que le samari-
tain conduisit cet homme dans uue hôtellerie. — S. Chrys. {comme pré-
céd.) Cette hôtellerie, c'est l'Eghse qui reçoit tous ceux qui viennent
fatigués des voies du monde , et accablés sous le poids de leurs pé-
chés ; c'est là qu'après avoir déposé ce fardeau , le voyageur harassé
se repose et reprend de nouvelles forces au festin salutaire qui lui est
préparé. C'est ce qu'expriment ces paroles : « Et il prit soin de lui ; »
car tout ce qui pouvait lui être contraire , nuisible ou mauvais , se
trouve en dehors, tandis que cette hôtellerie offre un repos assuré et
une sécurité complète. — Bède. Remarquez que le Samaritain met
cet homme sur sa monture avant de le conduire à l'hôtellerie , parce
que personne ne peut entrer dans l'EgUse , s'il n'est uni tout d'abord
au corps de Jésus-Christ par le baptême (2).
(t) Saint Ambroise cite ici le prophète Isaïe d'après la version des Septante, tandis que la Vul-
gate traduit ainsi : « Il a vraiment lui-même porté nos langueurs, il s'est chargé de nos souf-
frances. » L'Eglise fait usage de ces deux versions dans l'office de la Passion.
(2) Cette doctrine est celle de saint Paul (1 Cor., xii, lî, 13) : o Et comme notre corps qui n'est
qu'un, est composé de plusieurs membres, et que ces membres du corps bien que nombreux, ne
sont tous néanmoins qu'un seul corps, il en est de même de Jésus-Christ. Car nous avons tous été
baptisés dans le même Esprit pour être un seul corps. »
(Isai., 53) ; homo enim jumento similis
factus est {PsalAS) : ideo supra jumen-
lum suuuï nos imposuit, ne nos esseuius
sicut equiis et mulus (Psal. 31), ut per
nostri corporis assuniptionem, inlirmita-
tem noslrœ carnis aboleret. Théophyl.
Vel imposuit iu suum juiuenUim, id est,
in corpus suum : membra nanique
sua nos fecit, et participes corporis ejus.
Et lex quideui non ouines suscipiebat :
Moabitœ, iuquit {Veut., 23), et Aniuio-
nit£e non inlrabunt iu Ecclesiam Dei :
nunc vero iu omni gente qui limet Do-
minum, ab eo suscipitur, volens credere
et pars Ecclesiœ fieri. Propter hoc dicit
quod duxit eum in .stabulum. Chrys.
{ut sup.) Est enim stabulum Ecclesia,
quae in itinere mundi lassatos etsarcinis
delictorum defessos suscipit venientes,
ubi deposito ouere peccatoruni , viator
las-us reiicitur, et refectus salubri pascuo
reparatur. Et hoc est quod dicitur : « Et
curam illius egit : » totum euiui quic-
quid contrarium noceus et uialum est,
foris est; quia iutra stabulum requies
omnis salubritasque inclusa est. BiiDA.
Et bene jumento impositum duxit iu
stabulum; quia nemo nisi per baptis-
mum corpori Christi adunatus Ecclesiam
iutrabit.
î)82
EXPLICATION DE l/ÉVANGILE
S. Ambr. Mais le bon Samaritain ne pouvait rester longtemps sur
la terre, et il lui fallait retourner au ciel d'où il était descendu : « Le
poursuivant, il tira deux deniers, et les donna à l'hôte, » etc. Quel est
cet autre jour, si ce n'est le jour de la résurrection du Seigneur, dont
il est dit : « V^oici le jour que le Seigneur a fait? » {Ps. cxvii.) Les
deux derniers sont les deux Testaments qui portent tous deux gravée
l'image du roi éternel , et par le mérite desquels nos blessures sont
guéries. — S. AuG. {Qiiest. évang., ii, 19.) Ou bien , ces deux de-
niers sont les deux préceptes de la charité que les Apôtres ont reçus
de l'Esprit saint pour annoncer l'Evangile ; ou encore , la promesse
de la vie présente et celle de la vie future. — Orig. {hom. 34 sur
S. Luc.) Ou bien encore , ces deux deniers représentent la connais-
sance de ce mystère par lequel le Père est dans le Fils , et le Fils dans
le Père, connaissance qui est donnée comme récompense à l'ange de
l'Eglise, pour qu'il prodigue tous ses soins à l'homme qui lui est
confié , et dont le Sauveur a pris soin lui-même pendant la courte
durée de sa vie mortelle. Il promet à l'hôtelier de lui rendre aussitôt
tout ce qu'il aurait dépensé de plus pour la guérison de ce pauvre
blessé : « Et tout ce que vous dépenserez de plus , je vous le rendrai à
mon retour. »
S. AuG. {Qiiest. évang. , ii, 19.) Cet hôtelier représente l'Apôtre
qui a donné en plus en ajoutant ce conseil : « Quant aux vierges, je
n'ai pas reçu de commandement du Seigneur , mais voici le conseil
que je donne » (i Cor., vu, 25); ou bien encore en travaillant de ses
mains, pour n'être à charge à personne, au commencement de la pré-
dication de l'Evangile (I Thessal., ii, 9), quoique cependant il lui fût
permis de vivre de l'Evangile (I Cor., ix.) Les Apôtres eux-mêmes ont
Ambr. Sed quia non vacabat Samari-
tauo huic diu in terris degere , redeun-
dum erat unde desceuderat. Unde se-
quitur : « Et altéra die , protulit duos
denarios, » etc. Quis est iste aller dies,
nisi forte ille dominicœ resurrectionis,
de quo diclum est {Ps. 117; : « Heecdies
quam fecit Dominus ? » Duo autem
denarii sunt duo Testamenta, qute ima-
ginem in se habent œterui Régis expres-
sam; quorum prelio vulnera nostra
curantur. Aug. {de Quxst. Evang., lib.
II , qu. 19.) Vel duo denarii suut duo
preecepta charitatis, quam per Spiritum
Sauctum acceperunt apostoli ad evange-
lizanduni caeteris ; vel promissio vitse
prsesentis et futurœ. Orig. {in Lncam,
hom. 34.) Yeldiio denarii videntur mihi
esse scientla sacramenti, quomodo Pater
in Filio, et Filius in Pâtre, sit, qua velut
mercede donatur Ecc.lesiaj angélus , ut
diligeutius curet hominem sibi commen-
datum , quem pro augustia temporis
etiam ipse curaverat. Et promittitur ei
quicquid de suo in uiedelam seminecis
expenderet, illico esse reddendum. Unde
sequitur : « Et quodcunque supereroga-
veris, ego cum rediero , reddam tibi. »
Aug. {de Quœs. Evang., ubi sup.)
Stabulurius fuit apostolus, qui supere-
rogavit , aut illud consilium quod ait
(I Cor., VII, 25): « De virginibus autem prœ-
ceptum Domini non habeo, consilium au-
tem do ; » aut quod etiam manibus suis
operatus est, ne infirmiorem aliquem
in novitate Evangelii gravaret (I ad
Thessal., 2), cum ei liceret ex Ëvange-
lio pasci, (I ad Cor,, 9.) Multum etiam
DE SAINT LUC, CHAP. X. 553
aussi donné en plus, ainsi que les docteurs venus dans la suite des
temps, et qui recevront la récompense qui leur est due pour avoir
expliqué l'Ancien et le Nouveau Testament. — S. Ambr. Heureux
donc cet hôtelier qui peut panser et guérir les blessures de son
frère; heureux celui qui entend ces paroles sortir de la bouche de
Jésus : « Et tout ce que vous dépenserez en plus, je vous le rendrai
à mon retour. » Mais quand reviendrez- vous, Seigneur, si ce n'est
au jour du jugement? Car, bien que vous soyez partout et que vous
habitiez au milieu de nous, sans que nos yeux puissent vous aper-
cevoir, il viendra cependant un temps où toute chair vous verra re-
venir sur la terre. Vous rendrez alors ce que vous devez aux bien-
heureux, puisque vous avez voulu être leur débiteur. Puissions-nous
être nous-mêmes de bons débiteurs, et rendre fidèlement ce que nous
avons reçu.
S. Cyr. Après ce récit, Notre- Sei-gneur peut maintenant faire au
docteur de la loi cette question • « Lequel de ces trois vous semble
avoir été le prochain de l'homme qui tomba entre les mains des vo-
leurs ? » [Le docteur répondit : « Celui qui a pratiqué la miséricorde
envers lui. » Ce n'est, en effet, ni le prêtre ni le lévite qui sont le pro-
chain de ce pauvre blessé, mais celui qui a eu compassion de lui.
Ainsi la dignité sacerdotale , la science de la loi sont complètement
inutiles, si elles ne sont comme relevées et consacrées par la pratique
des bonnes œuvres. Aussi le Sauveur ajoute-t-il : « Allez et faites de
même. » — S. Chrys. {hom. 10 sur l'Ep. aux Hébr.) C'est-à-dire :
Si vous voyez quelqu'un dans le malheur, ne dites pas c'est un scélé-
rat, mais qu'il soit gentil ou juif, dès lors qu'il a besoin de secours,
n'en faites pas un objet de railleries ; quel que soit son malheur , il a
supererogaverunt apostoli : sed et pro
tempore doctores, qui Yetus et Novum
Testamenluni exposuere, supererogave-
runt ; pro quibus retributiouem acci-
pienl. Ambr. Beatus ergo ille stabularius,
qui alterius vulnera curare potest. Beatus
ille oui dicit Jésus : « Quodcunquc supe-
rerogaveris , reverteus reddam tibi. »
Sed quando reverleris , Domine , uisi
judicii die ? Nain licet ubique sis semper,
et stans in uiedio nostruni non ceruaris
a nobis, eril tamen tempus quo universa
caro te respiclet reverlenteni. Reddes
ergo quod debes beatis, quibus es débi-
ter. Utinaui nos simus idonei debitores;
ut quod accepimus , possimus exsol-
vere.
Cyril, {in rat. Grnecorum Patrnm.)
His ergo praemissis, opportune jam Do
minus legisperitum interrogat, subdens :
«Quishorum trium tibi videtur proxi-
mus fuisse illi qui incidit in latrones ? »
At ille dixit : « Qui fecit misericordiam
in illum. » Neque enim sacerdos ueque
levita factus fuit proxinius patientis, sed
ille qui est ejus niisertus. Inutilis est
enim sacerdotii dignitas, et legis scien-
tia , nisi per bona opéra contirmetur.
Unde sequitur : « Et ait illi Jésus : Vade,
et lu fac siuiiliter, » etc. Chrys. {in
cdflem Cut. Graca ex homiliis ad He-
brœos, hom. tO.) Quasi dicat : Si quera
vides oppressum , non dicas : « Utique,
nequam est, » sed sive gentilis sit, sive
Judœus, et ope indigeat, non cavilleris ;
jus habet ad auxilium, quœcunque mala
554
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
droit à être secouru. — S. Aug. {de la doct. chrét.) Nous devons
apprendre de là que notre prochain est celui envers lequel nous de-
vons exercer la miséricorde, si son état la réclame ; ou celui à l'égard
duquel nous en serions redevable, s'il en avait besoin. Il suit de là, que
celui qui doit à son tour nous prêter assistance au besoin , est aussi
notre prochain ; car le nom de prochain suppose une relation, et nous
ne pouvons être le prochain d'un homme , sans que lui-même ne de-
vienne notre prochain. Or, nul n'est excepté de ce grand devoir de la
miséricorde ; au témoignage de Notre- Seigneur, qui nous recommande
de faire du bien à ceux-là mêmes qui nous haïssent {Matth., v) ;
« Faites du bien à ceux qui vous haïssent. » Il est donc évident que ce
commandement qui nous est fait d'aimer le prochain , embrasse les
saints anges eux-mêmes, qui exercent à notre égard tant d'œuvres de
miséricorde. Que dis-je ? Notrc-Seigneur a voulu lui-même être appelé
notre prochain, en nous faisant entendre que c'est lui-même qui est
venu au secours de cet homme, laissé à demi-mort dans le chemin. —
S. Ambr. Ce ne sont donc point les liens du sang^ mais la miséricorde
qui rend un homme notre prochain , parce que la miséricorde est un
sentiment que la nature inspire ; en effet , quoi de plus conforme à la
nature, que de secourir ceux qui ont avec nous une même nature ?
% 38-42. — Or, il arriva que pendant qu'ils étaient en chemin; Jésus entra
dans un village, et une femme, nommée Marthe, le reçut dans sa maison. Et
celle-ci avait une sœur nommée Marie, laquelle, assise aux pieds du Seigneur,
écoutait sa parole. Cependant Marthe s'occupait avec empressement des soins
nombreux du service; et s'arrêtant devant Jésus, elle lui dit ; Seigneur, ne
voyez-vous pas que ma sœur me laisse servir toute seule? dites-lui do)ic qu'elle
m'aide. Le Seigneur lui répondit : Marthe, Marthe, vous vous inquiétez, et
fuerit passas. Aug. (de Doct. christ.,
lib. I, cap. 30.) Ex hoc intelligimus eum
esse proximmn, cui vel exhibendum
est officium misericordiae si indiget, vel
exhibendum esset si indigeret. Hx quo
jam cousequens est, ut etiam illc a quo
nobis vicissim exhibendum est , proxi-
mus noster sit : proximi euim nomen
ad ahquid est, nec quisquam esse proxi-
mus nisi proximo potest. Nulkim autem
exceptum esse cui raisericordife deuege-
tur officium, quis non videal? Diceute Uo-
mino (Matth., 5) : « Beuefacite bis qui
vos oderunt : » unde manifestum est hoc
praecepto quo jubemur diligere proxi-
mum , etiam sauctos augelos contiueri,
a quibus tanta nobis misericordiae impen-
duntur officia : ex quo et ipse Domiuus
proximum nostrum se dici voluit, signi-
ficans se opitulatum esse semivivo ja-
centi in via. Ambr. Non enim cognatio
facit proximum, sed misericordia; quia
misericordia est secundum naturam :
nihil enim tam secundum naturam
quam juvare consortem naturœ.
Factum est autem dum irent, et ipse intravit in
qxtoddam castellum , et mulier quœdam Mar-
tha nontine, excepit illum in domum suam : et
huic erat soror nomine Maria : quœ etiam se-
deiis secus pedes Domini, audiebat verbum il-
lius. Martha autem satagebat circa frequens
ministerium. Quœ stetit , et ait : Domine, non
est tibi curœ quod soror mea reliquit me solam
ministrare ? Die ergo illi ut me adjuvet. Et
respondens dixit illi Dominus : Martha, Mar-
tha, sollicita es et turbaris erga plurima.
DE SAINT LUC, CHAP. X.
555
VOUS vous troublez de beaucoup de choses. Or, une seule chose est nécessaire.
Marie a choisi la meilleure part qui ne lui sera point ôtée.
BEDE. Le Sauveur nous a enseigné précédemment l'amour de Dieu
et du prochain en discours et en paraboles, il nous l'enseigne mainte-
nant par des actions et en vérité : « Or , il arriva que pendant qu'ils
étaient en chemin , Jésus entra dans un village. » — Orig. Saint Luc
ne dit point le nom de ce village , mais saint .lean nous le fait con-
naître en l'appelant Béthanie. (chap. xi.) (1) — S. AuG. {Serrn. xx, sur
les paroi, du Seig.) Or , le Seigneur qui est venu chez lui , sans que
les siens aient voulu le recevoir {Jean, i), a été re(^u ici comme
étranger : « Et une femme nommée Marthe le reçut dans sa maison, o
Elle le reçut comme on reçoit les voyageurs, et cependant la servante
reçut son Seigneur , celle qui était malade reçut sou Sauveur , la
créature reçut son Créateur. Ne dites pas : Heureux ceux qui ont mé-
rité de recevoir Jésus-Christ dans leur maison , n'enviez pas leur
bonheur , car Notre-Seigneur à dit : « Tout ce que vous faites pour
l'un de ces petits, c'est à moi que vous le faites, » {Matth., xxv.) Eu
prenant la forme de serviteur, il a voulu être nourri par des serviteurs
par condescendance et non par une nécessité de sa condition. Il était
revêtu d'une chair soumise à la faim et à la soif, mais lorsqu'il eut
faim dans le désert, les anges vinrent le servir. {Matth., iv.) Si donc
il consent à être nourri , c'est une grâce qu'il accorde à la personne
qui le reçoit. Marthe faisait donc toute sorte de préparatifs pour rece-
voir dignement Notre-Seigneur , et s'occupait activement du service ;
au contraire Marie, sa sœur, préférait être nourrie intérieurement par
(1) Ce fut dans une circonstance différente de celle-ci, lorsque l'Evangéliste raconte la maladie
de Lazare, sa mort et sa résurrection.
Porro unum est necessarium : Maria optimam
partem elegit, qiiœ non auferetur ab ea.
Bed. Dilectio Dei et proximi, quae su-
perius verbis et parabolis continebatur,
hic ipsis rébus et veritute dosignatur :
dicilur eniin : « Faclum est aiiteiu dura
irenl, et ipse intravit in quoddara castel-
lura.» Orig. {in Cut. Grœcorum Potrum.)
Cujus quidem nomea Lucas hic tacet,
sed Joannes expriniit (cap. Il), vocaus
ipsum BetJwnium. Ai:g. {de Verb.
Loin., serm. 20 ) Sed Doniinus , qui in
sua propria venit, et su! eum non susce-
perunt {Jean., 1), susceplus est tauquam
hospes : sequitur euim : « Et niulier
quaedam, Martha nouiine, suscepit illum
in domum suaui , » etc. Sicut soient
suscipi peregrini; sed tamen suscepit
famula Dominum , aegra Salvatorem,
creatura Creatorem. Ne quis aulem
dicat : « 0 beati qui Chrislum suscipere
in domum propriam meruerunt, » noli
dolere, cum inquit {Matth., 25) : « Quod
enim uni ex uiinimis meis fecistis , mihi
fecistis. » Accepta autem forma servi, in
illa pasci a servis voluit; dignatione,
non conditione. Habebat carnera, in qua
quidem esuriret et sitiret ; sed in erenio
esurienfi augeli ministrabant. {Matth.,
4.) Ergo quod pasci voluit, pascenti
praiStitit.Marthaigitur Dominum pascere
disponens et prœparans , circa ministe-
rium occupabatur : Maria vero , soror
ejus, pasci magis elegit a Domino. Se-
556
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
le Sauveur : « Elle avait une sœur, nommée Marie, laquelle, assise aux
pieds du Seigneur, écoutait sa parole. »
S. Chrys. L'Evangéliste ne dit pas seulement de Marie qu'elle était
assise près de Jésus, mais « qu'elle était assise à ses pieds, » afin de
mieux exprimer sou zèle, son empressement, son attention, pour re-
cueillir les paroles de Jésus, et le profond respect qu'elle avait pour le
Seigneur. — S. Aug. {Serm. xxvii, sur les paroi, du Seig.) Mais plus
elle s'humiliait aux pieds du Sauveur, plus elle recueillait abondam-
ment ses divines paroles , car l'eau descend eu abondance dans les
profondeurs des vallées, tandis qu'elle découle du sommet des collines
qui ne peuvent la retenir.
S. Bas. {Const. monast., cbap. 1.) Toutes les actions, toutes les pa-
roles du Sauveur sont pour nous autant de règles de piété et de vertu,
car il s'est revêtu de notre corps pour que nous puissions imiter les
exemples de sa vie selon la mesure de nos forces. — S. Cyr. Il apprend
donc à ses disciples par son exemple la conduite qu'ils doivent tenir
lorsqu'ils sont reçus dans quelque maison ; ils doivent eu y entrant,
ne pas goûter exclusivement les douceurs du repos, mais remplir de
la sainte et divine doctrine l'âme de ceux qui les reçoivent. Quant à
ceux qui leur donnent l'hospitalité , ils doivent l'exercer avec joie et
empressement pour deux motifs, ils trouveront d'abord un sujet
d'édification dans la doctrine de ceux qu'ils reçoivent, et recevront à
leur tour la récompense de leur charité : « Or, Marthe s'occupait avec
empressement, » etc. — S. Aug. {serm. xxvii, sur les paroi, du Seig.)
Marthe s'occupait avec raison de pourvoir aux nécessités corporelles, et
aux désirs de la nature humaine du Seigneur ; mais celui qu'elle
voyait revêtu d'une chair mortelle , « dès le commencement était le
quitur enim : « Et hiiic erat soror no-
mine Maria, quse etiam sedens secus
pedes Domini, audiebat verbum illius. »
Chrys. {in Cat. Grceconim Patrum.)
Non simpliciter diciturde Maria quod se-
deret prope Jesum, sed, secîwyjcc/ei i7//«s,
utostendat diligentiam, assiduitatem, et
solertiam erga auditiouem ; et miiltam
reverentiam quam habebat ad Dominum.
Aug. [de Verb. Dom.. serm. 27.) Quantt»
autem humiliiis ad pedes sedebat, tanto
amplius capiebat : coutluit enim aipa ad
humilitatem convallis, denatat de tumo-
ribus collis.
Basil. [Constit. monast., cap. 1.) Om-
nis autem operatio et verbum Salvatoris
régula est pietatis et virtutis. Ob hoc
enim induit corpus nostrum, ut nos con-
versationem illius imitemur pro posse.
Cyril, (m Cat. Gnjecorum Patrum.)
Exemplo igitur suo docet discipulos qua-
liter se gerere debeant in domibus eo-
rum qui eos suscipiuul; ut scilicet appli-
cantes ad domum, non resupini quies-
cant, sed potius repleant suscipientes
sacris et diviuis doctrinis : lii vero qui
doamm parant, exeant obviam hilariter
et ferventer duabus de causis : primo
quidem sedificabuntur iu doctrinis eo-
rum, quos suscipiuut; deinde et réci-
pient charitatis mercedem : unde et hic
sequitur : « Martha autem satagebat,» etc.
Aug. [de Verb. Dom., serm. 27). Beue
Martha circa corporalem Domini neces-
sitatem vel voluntatem ministrabat quasi
mortali : sed qui erat in carne mortali,
DE SAINT LUC, CHAP. X. 557
Verbe. » C'est ce Verbe que Marie écoutait. Ce Verbe s'est fait chair,
c'est celui que Marthe servait. L'une travaillait , l'autre contemplait.
Cependant Marthe, accablée de ce travail et de tout le soin du service,
s'adresse au Seigneur, et se plaint de sa sœur : « Seigneur, souffrirez-
vous que ma sœur me laisse servir seule? » etc. Marie , en effet, était
tout absorbée de la douceur de la parole du Seigneur, Marthe préparait
un festin au Sauveur, qui lui-même servait alors à Marie un festin bien
plus délicieux. Or , comment n'aurait-elle pas craint que le Seigneur
pressé par sa sœur, vînt à lui dire : « Levez-vous, et venez en aide àvotre
sœur, » alors qu'elle goûtait avec suavité les douces paroles du Sau-
veur, et que son cœur était plongé tout entier dans cette divine nour-
riture? Elle était absorbée dans d'ineffables délices, bien supérieures
à toutes les délices corporelles. Elle accepte donc ce reproche d'oi-
siveté, et confie sa cause à son juge, sans se mettre en peine de
répondre , dans la crainte que le soin même de répondre ne vînt à la
distraire de l'attention qu'elle donne aux paroles du Seigneur. Le Sei-
gneur répondit donc pour elle, lui pour qui la parole n'est pas un travail,
parce qu'il est le Verbe : « Le Seigneur lui répondit : Marthe, Marthe,
vous vous inquiétez, » etc. Cette répétition du nom de Marthe, est un
signe de l'affection du Sauveur pour elle , ou un moyen de la rendre
plus attentive à la leçon qu'il va lui donner. Après l'avoir ainsi appelée
deux fois , il lui dit : « Vous vous inquiétez de beaucoup de choses , »
c'est-à-dire vous êtes occupée de beaucoup de choses. En effet, quand
l'homme se charge de servir , il veut suffire à tout , et il ne peut y
réussir; il cherche ce qui lui manque, il prépare ce qu'il a sous la
main , et son esprit est dans le trouble et l'agitation. Ainsi Marthe
n'eût point demandé que sa sœur vînt l'aider , si elle avait pu seule
« in principio erat Verbum.» Ecce quod
Maria audiebat : « Verbum caro factum
est; » ecce cui Martha ministrabat : la-
borabat isla, vacabat illa : verumtanien
Marlha laborans luultuiii in illa occnpa-
tione etuegotio miuislrandi inlcrpellavil
Doiiiimmi, et de sororo conqnesta est :
scquilur enim : « Et ait Domine, non
est tibi curai quod soror mea reliquit
me solam ministrare? » etc. Erat enim
Maria intenta dulcedini verbi Uomini :
a Martha convivium Domino parabalur,
ciijus in convivio Maria jani jufuudaba-
lur. Cum crgo suaviler audiret verbum
dulcissimum, et corde intenlissimo pas-
ceretur, interpellato Domino a sorore
sua, quomodo putamus cam timuisse,
ue (liceret ei Domiuus : « Surge, et ad-
juva sororem tuam? » Mira cniui sua-
vitate tenebatur^ quœ profecto major
est mentis quam ventris : sed causam
suani tanquam otiosa judici nialuit coni-
mittere, nec in respondendo volait la-
borare ; si enim pararot respondendi
sermoncm, remitteret audiendi intcntio-
nem. Respondit orgo Dominas, qui in
verbo non laborat, quia Verbum erat :
sequitur enim : « Et rpspondens , dixit
illi Dominus : Marlha, Martha, » etc.
.Uepelitio nominis indicium est dilectio-
nis; aut forte movendœ iutentionis, ut
audiat attentiiis. Bis vocata audit : « Tur-
baris erga plurima, id est, circa mulla
es occupata; » vult enim bomo occur-
rere quando ministrat, et aliquando non
potest; quseritur quod deest, paratur
i|uod adest, distendilur animus. Nam si
Martha sufficeret, adjutorium sororis
558
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
suffire au travail. Elle s'inquiète de beaucoup de choses, ses inquié-
tudes, ses préoccupations sont nombreuses, elles sont de diverses
sortes, parce qu'elles ont pour objet les choses de la terre et du
temps. Or, à toutes ces choses, Notre-Seigneur en préfère une seule;
car ce ne sont pas toutes ces choses qui en ont produit une seule,
mais elles sont elles-mêmes sorties d'un seul principe (1). Aussi écoutez
la parole du Sauveur : « Or, une seule chose est nécessaire. » Marie a
voulu n'être occupée que d'une seule chose , selon cette parole du
Psalmiste : « Il est bon pour moi de m'attacher à Dieu. » {Ps. lxxii.)
Le Père, le Fils, le Saint-Esprit, ne font qu'une seule et même chose ;
et nous ne pouvons parvenir à cette seule chose , qu'autant que nous
avons tous un même cœur. (Actes., iv.) — S. Cyr. On peut encore
donner cette explication : Lorsque quelques-uns de nos frères reçoi-
vent Dieu dans leur demeure, qu'ils ne poussent pas la préoccupation
à l'excès, qu'ils n'exigent pas tout ce qui est à leur disposition , mais
n'est pas nécessaire ; car en toutes choses, la trop grande abondance
est un embarras, c'est une cause d'ennui pour ceux qui la recherchent,
et elle donne à penser aux convives qu'ils sont pour les autres une
occasion de préoccupation et de fatigue.
S. Bas. {Régi, développ., quest. d 9.) N'est-il pas absurde de prendre
des aliments pour soutenir notre corps , et de faire de ces aliments
une cause d'appesantissement pour le corps , et un obstacle à l'ac-
complissement des commandements de Dieu ? ( Quest. 20. ) Si donc il
survient un pauvre^ donnons-lui la règle et l'exemple de la modéra-
tion dans l'usage des aliments; ne donnons jamais de festin pour
flatter le goût de ceux qui aiment le luxe , et les désirs de la table.
(1) « Que de choses ont été créées, poursuit saint Augustin, et c'est un seul qui les a tirées du
néant. Voyez le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils renferment, que d'êtres nombreux et variés?
qui pourrait les énumérer ? qui pourrait même les embrasser par la pensée ? Or, qui les a faits ?
Dieu seul. »
non posceret : multa sunt, diversa suât,
quia carnalia sunt, quia temporalia sunt.
Prœponitur autem unum multis : non
enim a multis unum, sed multa ab uno.
Uude sequitur : « Porro unum est ne-
cessarium. » Circa unum se voluit occu-
pari, secundum illud [Psal. 72, vers.
28) : « Milii adhœrere Deo bouum est. »
Unum sunt Pater, et Filius, et Spiritus
sanctus : ad hoc unum non nos perdu-
cit, nisi multi liabeamus cor unum.
{Act., 4.) Cyril. {uM supra.) Vel aliter :
cum susceperint aliqui fratres Deum,
non solliciteutur erga multum officium,
nec poscant quae prae manibus sunt, et
opus exuperant; gravât enim passim in
qualibet re quod superfluit : générât
enim tœdiuni volentibus conferre; con-
vivis autem videtur, quod sunt aliis
causa laboris.
Basil, {in Regtdis fushis disputatis
ad interrofjat., 19.) Absurdum etiam est
cibos ad sustentaliouem corporis su-
mere, ac per eos ilerum officere cor-
pori, et impedire ipsum erga maudato-
rum divinorum officium. {Et ad inter-
rogat., 20.) Si ergo adveniat aliquis
pauperum , sumat formam et exemplar
modestiae ciborum; nec causa vivere
volentium in deliciis uiensam propriam
DE SAINT LUC, CHAP. X. 559
La vie d'un chrétien doit être uniforme , puisqu'elle tend à un même
but, la gloire de Dieu. Au contraire la vie des mondains prend mille
formes diverses , et ils la varient sans cesse au gré de leurs caprices. '
Mais pourquoi donc vous, qui chargez votre table de mets abondants
et recherchés pour le plaisir de votre frère , l'accusez-vous de sensua-
lité , et lui faites-vous le reproche honteux de gourmandise , en le
condamnant de savourer avec délices les mets que vous lui préparez ?
Nous ne voyons pas que le Seigneur ait loué Marthe de s'être livrée
tout entière aux soins multipliés du service.
S. AuG. {Serm. xxvii, sur les paroi. diiSeig.) Quoi donc, devrons-
nous penser que Notre- Seigneur blâme ici l'empressement de Marthe,
tout occupée des devoirs de l'hospitalité , et heureuse de recevoir un
hôte comme le Sauveur? S'il en est ainsi, cessons de servir les pauvres,
livrons-nous au ministère de la parole , que la science du salut soit
notre unique objet, ne nous inquiétons nullement s'il y a quelqu'é-
tranger parmi nous, si quelqu'un manque de pain ; laissons toutes les
œuvres de miséricorde , pour ne nous occuper que de la science. —
Théophyl. Notre-Seigneur ne nous défend donc point de remplir les
devoirs de l'hospitalité, mais la préoccupation excessive, la dissipation
et le trouble. Remarquez d'ailleurs la prudence du Sauveur, il n'avait
d'abord rien dit à Marthe , ce n'est que lorsqu'elle veut détourner sa
sœur d'écouter la parole du divin Maître, qu'il prend occasion de là,
pour lui faire un reproche. L'hospitalité est donc honorable , tant
qu'elle ne nous entraîne qu'aux choses nécessaires , mais dès lors
qu'elle nous détourne de devoirs plus importants , il est évident que
l'attention aux enseignements divins est bien préférable.
S. AuG. {Serm., xxvi et xxvii.) Notre-Seigneur ne blâme donc pas
praeparemus : uniforniis enim est Chri-
stiani vita ad imam tendens intentiouem,
scilicet ad gloriaui Dci : multiforiuis vero
et varia vita eorum qui defuris suut, pro
libitu variata. Tu vci'o cur dum copia
ciborum et causa delectationis fratri
prœparas niensam , criminaris euni vo-
luptatis, et diiïundis in euin gulosilatis
opprobria, arguens delicias ejus in eo
quod préparas? Nou commendavit Do-
niinus Mariham occupatam circa fre-
queus ministerium.
AuG. {de Verb. Dont., serm. 27.) Quid
ergo? Putamus repreliensum esse mi-
nisterium Martbœ, quam cura hospitali-
latis occupaverat, quae tanto liospile
laetabatur? Hoc si verum est, dimittaiit
homines quod ministrant egentibus; va-
cant verbo, occupentur circa scienliam
salutarem ; uihil sit eis curœ, quis pere-
grinus in vice sit, quis egeat pane; va-
ceut opéra misericordiœ, uni instetur
scientiœ. Theopuyl. Non ergo Dominus
hospitalitatem prohibel, sed plurimorum
turbationem, scilicet al)stractioncm et
tunmltum : et vide consiiium Domini,
quod prius Dominus niliil dixerat Mar-
lliîe; sed postquam illa sororem ab au-
ditu studebat avellere , tune Dominus
occasione liabita increpavit eam : usque
enim adeo houoratur liospitalitas donec
ad necessaria nos attrahit : cum vero in-
cipit au utiiioribus impedire, manifes-
tum est quod honorabilior est divinorum
auditus.
AuG. (de Verb. iJom., serm. 26 et 27.)
560
EXPLICATION DE l'ÉVANGILE
ici la pratique de l'hospitalité, mais il établit une distinction entre les
œuvres : « Marie a choisi la meilleure part, » etc. Votre part n'est pas
mauvaise, mais celle que Marie a choisie est meilleure. Pourquoi est-
elle meilleure? parce qu'elle ne lui sera point ôtée. Un jour viendra
où vous serez déchargée des soins nécessaires de cette vie, (car une
fois entrée dans la patrie , vous n'aurez plus à exercer l'hospitalité
envers les étrangers), mais cette part vous sera ôtée dans votre intérêt,
et afin que vous en receviez une meilleure. On vous déchargera du
travail pour vous donner le repos : Vous naviguez encore , et Marie
est déjà arrivée au port, car la douceur de la vérité est éternelle; elle
s'accroît successivement dans cette vie, mais elle reçoit sa consomma-
tion dans l'autre vie, où on la possède sans crainte de la perdre.
S. AaiBR. Laissez-vous donc conduire comme Marie, par l'amour
de la sagesse, car c'est l'œuvre la plus parfaite, l'œuvre par excellence.
Que les soins extérieurs ne vous détournent jamais de la connaissance
de la parole céleste, et gardez-vous de condamner et d'accuser d'oisi-
veté ceux qui s'appliquent à l'étude de cette divine sagesse.
S. AuG. (Quest. Evang., ii , 30.) Dans le sens allégorique , Marthe
recevant Jésus dans sa maison est la figure de l'Eglise , recevant le
Seigneur dans son cœur; Marie, sa sœur, assise aux pieds du Sauveur,
et écoutant sa parole , représente aussi l'Eglise , mais dans le siècle à
venir , où affranchie du soin et du service des pauvres , elle n'aura
plus qu'à jouir de la sagesse. Elle se plaint que sa sœur ne vient pas
l'aider , et elle donne occasion à Notre- Seigneur de nous montrer
l'Eglise de la terre, inquiète et troublée de beaucoup de choses, tandis
qu'il n'y a de nécessaire qu'une seule chose , à laquelle on arrive par
les mérites de cette vie d'action. Tl déclare que Marie a choisi la
Non ergo Doixiinus opus reprehendit,
sed munus distinxit. Sequitur eniiu :
* Maria optimam partem elegiL, » etc.
Non tua malam, sed illa meliorem. Unde
meliorem? Quia ab ea non auferetur :
a te auferetur aliquando ouus necessita-
tis (non enim cum veueris ad illam pa-
triam, inveuies peregrinum queui susci-
pias hospitio), sed bono tuo aufei-etur,
ut quod raelius est detur : auferetur a te
labor, ut requies detur. Tu uavigas, illa
in portu est : œterna enim est dulcedo
veritatis : iu bac tamen vita augetur^ in
illa perficietur. nunquam auferetur.
Ambr. Agat ergo te sicut Mariam de-
siderium sapientiee : boc enim majus,
boc perfectius opus? Nec ministerii cura
te a cognitione verbi cœlestis avertat.
nec arguas eos et otiosos judices , quos
videas sapientiae studere.
AuG. (de Quœst. Evung., Ub. ii, q. 30.)
Mystice autem quod Martba excepit 11-
lum in domum suam, signiflcat Eccle-
siam, quae nunc excepit Dominum in
cor suum. Maria, soror ejus, quse sede-
bat ad pedes Domini. et audiebat ver-
bum ejus, significat eamdem Ecclesiam,'
sed in futuro seculo , ubi cessans ab
opère ministerioque indigentiee, sola sa-
pientia perfruitur. Quod autem conque-
ritur, quod soror ejus eam non adjuvet,
occasio datur seutentiœ Domini, qua
ostendit istam Ecclesiam sollicitaui esse,
et turbari erga plurima, cum sit unum
necessarium ad quod per ministerii hu-
jus mérita pervenitur Mariam vero dicit
DE SAINT LUC, CHAP. X.
561
meilleure part , parce que c'est par la première qu'on parvient à la
seconde qui ne sera jamais ôtée. — S. Grég. {Moral., vi, 18.) Ou bien
encore Marie, qui écoute assise les paroles du Seigneur , est la figure
de la vie contemplative. Marthe au contraire occupée des œuvres
extérieures représente la vie active. Notre- Seigneur ne blâme pas le
genre de vie de Marthe , mais il donne des éloges à celui de Marie,
parce que si les mérites de la vie active ont du prix , les mérites de la
vie contemplative en ont beaucoup plus. Aussi le Sauveur déclare-t-il
que la part de Marie ne lui sera jamais ôtée ; en effet, les œuvres de
la vie active n'ont d'autre durée que celle du corps, tandis que les joies
de la vie contemplative ne font que se multiplier à la mort
optimam partent elegisse, quia per hanc
ad illam tenditur, et non aufertur. Greg.
(VI Moral., cap. 18.) Yel per Mariam,
quae verba Domini residens audiebat,
contcmplativa vita exprimitur; per
Martbam exterioribus obsequiis occupa-
tam, activa vita significatur, sed Mar-
thae cura non reprehenditur, Mariœ vero
laudatuv; quia magna sunt activée vitae
mérita, sed contemplativœ potiora. TJnde
nec auferri unquam Mariae pars dicitur;
quia activai vitae opéra cum corpore
transeunt, contemplativœ aulem gaudia
melius ex fine convalescunt.
FIN DU TOME CINQUIÈME.
BESANÇON. — IMPKIMbRIE D'OL'THEMN CHAL.iNURE FILS.
V.
^xlaSS
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-^!^ . ^— r^-
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THOMAS AQUINAS, St.
Explication suivie des
jiquatre évangiles.
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«ÎSL^ V -.'Xiayii'