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Full text of "Exploration du Sahara: Les Touâreg du nord;"

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HARVARD  UNIVERSITY 


LIBRARY 

or  TRI 

PEABODY  MUSEUM  OF  AMERICAN 
ARCHAEOIXJGY  AND  ETHNOLOGY 

BOUGHT  FROM 
J.  WALTER  FEWKES  FUND 

Recciv^d     DeceEitoer  38,1931 


EXPLORATION  DU   SAHARA 


TOME  PREMIER 


PARIS.  —  IMPRIMERIE    DE   J.    CLAYK. 

KUB     SAINT-BKNOIT,    7. 


EXPLORATION  DU  SAHARA 


LES  TOUAREG   • 

DU  NORD 


HENRI    DUVEYRIER 

CHEVAI.IBR    DK    L'OBDRB    IMPÉRIAL    DB    LA     LMOION     d'hONNEUK 

MRUBRE    BTRANOER     DE    LA    SOC'IBTB    ROYALÇ 

DR    OKOOHAPHIB    DB     BBRLIN 


PARIS 
CHALLAMEL   AÎNÉ,  LIBRAIRE-ÉDITEUR 

foM  Ml.SSlONN  AIRK     POIR     l'aLOKKIK     F.T     l'kTKXNUKK 
30.,     RilK    PKS     HOIII.ANCÎKRS 


186/i  • 

l'ouî*  droit. s  rpsurv»'*>. 


^^^^  V- 


PI.  1. 


Fig.  l. 


HENRI    DUVEYRIBR. 

NK      A       PARI8,       LK      1  fi      VKVKIBR      184  0. 


D'après  une  photographie  de  M.  Bertall. 


■^^^ 


EXPLORATION  DU  SAHARA 


LES  TOUAREG   • 

DU  NORD 


HENRI    DUVEYRIER 

CHRVALIKK    DK    L'OKDRE    IMPÉRIAL    DB    LA     LKOION     D' H  O  N  N  K  U  K 

MKMBKK    BTKAHOBR     DR    LA    SOCléTB    ROYAL^ 

DB    OBOORAPHIB    DR     BKHLIK 


PARIS 
CH\LLAMEL  AI\IÎ,  LIBRAIRE-ÉDITEUR 

rnMMlsSIONNAlRK     POl'R     l'aI.OKKIK     KT     I.' K  1  U  A  N  (i  K  K 
30.,     RUK    DK»    HOITI.AKG  KRf» 

I86/1     ' 
l'ous  droits  réservo>. 


O^^Vii 


A    LA    MÉMOIRE 

DE    MA    MÈRE, 


MADAME  C.  DUVEYRIEK,  NEE  CLAIRE  DENIE, 

HOMMAGE    DB    PIÉTÉ  FILIALE  ET  D'ÉTERNEL   SOUVENIR 

DK8   SOINS     DOnT    TU     AS     KNTOURK    MON     KNKANCK. 


A     MON     PERE, 

CHARLES  DUVETRIER. 

Que  la  publication  des  travaux  de  mon  exploration  soit  la  récompense  de  la 
sollicitude  que  tu  as  eue  pour  moi  pendant  toute  sa  durée,  et  des  soucis  qu'une 
séparation  prématurée,  un  voyage  lointain,  les  dangers  d'une  maladie  mortelle,  ont 
pu  te  causer. 


A    M.    LE    DOCTEUK 

AUGUSTE    WARNIER, 

OFFICIBK   DB   LA    LÉGION    D'hONNBUR,    MBDBCIN    MILITAIRE    KN    RBTRAITK, 

ANCIEN     MKMBRB    DB    LA    COMMISSION     SC I  B  NT  I  Kl  (^  U  E    DB     I.'ALOéRIB, 

\îfCIBN     DIRECTEUR     DBS     AFFAIRES     CIVILES     DB     LA      PROVINCE     d'oRAN, 

ANCIEN    UBMBRB    DU   CONSEIL   DU   OOUVBRNBMBNT   DB    l'aLOKKIR. 

Vous  avez  guidé  et  protégé,  à  distance,  mon  exploration  du  Sahara,  pendant 
les  vingt-neuf  mois  de  sa  durée  ; 

Vous  avez  eu  pour  moi  les  soins  attentifs  d'une  mère  dans  la  cruelle  maladie 
qui  m*a  atteint  au  retour  de  mon  voyage; 

Depuis ,  pendant  que  vous  suiviez ,  comme  médecin ,  les  progrès  de  ma  longue 
convalescence,  vous  avez  consacré  près  de  deux  années  au  dépouillement  de  mes 
Notes  et  Journaux  de  voyage ,  ainsi  qu'à  la  rédaction  d'un  premier  volume  :  Les 
Touareg  du  Nord ,  et  d'un  second  :  Le  Commerce  du  Sahara  et  de  l'Afrique  centrale. 

Acceptez,  avec  ceux  qui  me  sont  le  plus  chers  au  monde,  la  dédicace  de  ces 
deux  volumes. 

Je  ne  puis  les  placer  sous  un  patronage  plus  dévoué. 

Henri   DUVEYHIER. 


AVANT-PROPOS 


Le  voyage  d'exploration  que  j'ai  accompli  entre  El-Golêa' 
à  rOuest,  Zouîla  à  l'Est,  Biskra  au  Nord  et  Rhàl  au  Sud, 
avait  le  triple  but  de  recueillir  sur  le  Sahara  des  don- 
nées géographiques  qui  manquaient  à  nos  connaissances; 
d'ouvrir  avec  les  peuplades  de  cette  région  intermédiaire  des 
rapports  indispensables  avant  de  nouer  des  relations  poli- 
tiques et  commerciales  entre  l'Algérie  et  l'Afrique  centrale  ; 
enfin,  de  me  préparer  moi-même,  par  une  longue  épreuve 
de  la  vie  africaine,  par  l'étude  des  hommes,  des  mœurs  et 
des  dialectes,  à  un  second  voyage  ayant  pour  objet  plus 
spécial  l'exploration  des  régions  soudaniennes. 

J'ai  voulu  avancer  avec  lenteur,  afin  d'opérer  plus  sûre- 
ment ;  je  n'ai  pas  craint  de  séjourner  sur  les  points  où  je 
le  jugeais  nécessaire  pour  assurer  le  succès  de  mon  entre- 
prise, et  je  me  suis  toujours  efforcé  d'élargir  ma  zone  d'ac- 
tion, en  visitant  les  pays  situés  à  l'Est  et  à  l'Ouest  de  la 
ligne  embrassée  par  mes  études.  Avant  de  pénétrer  plus 
dans  le  Sud ,  j'ai  donné  à  mes  travaux  une  base  large  et 


Il  AVANT-PROPOS. 

solide  ,    par  une  reconnaissance  nouvelle  du  Sahara  alo;é- 
rien,  tunisien  et  tripolitain. 

Commencée  dans  les  limites  modestes  d'un  voyage  privé, 
avec  des  ressources  dues  à  la  libéralité  de  mon  père,  de 
M.  Arlès-Dufour  et  de  M.  Isaac  Pereire,  mon  exploration 
n'a  pu  prendre  le  caractère  étendu  qu'elle  devait  avoir,  pour 
donner  des  résultats^  utiles,  qu'à  l'aide  du  bienveillant  et  géné- 
reux appui  du  gouvernement. 

Sous  le  puissant  patronage  de  Son  Excellence  M.  le  ma- 
réchal duc  de  MalakofT,  si  bien  secondé,  dans  sa  sollici- 
tude, par  M.  le  général  sous-gouverneur  de  Martimprey, 
ma  mission  fut  entourée  d'une  protection  et  d'encouragements 
qui  ont  rendu  tout  facile  et  qui  me  feraient  craindre  d'être 
resté  au-dessous  de  la  responsabilité  que  j'ai  acceplée,  si  je 
n'avais  l'avenir  devant  moi  pour  répondre  aux  espérances  du 
gouvernement. 

Sa  Majesté  l'Empereur  Napoléon  III,  souverain  éclairé  et 
jaloux  de  l'extension  de  l'influence  civilisatrice  de  la  France, 
a  voulu  que  les  subsides  accordés  fussent  à  la  hauteur  des 
besoins. 

Mes  très-humbles  et  très-respectueux  remerciements  Lui 
sont  tout  d'abord  acquis. 

Je  ne  dois  pas  oublier,  dans  les  témoignages  de  ma 
gratitude,  Leurs  Excellences  M.  le  maréchal  Vaillant,  M.  le 
maréchal  comte  Randon,  M.  Rouher,  M.  le  comte  de 
Chasseloup-Laubat,  M.  Thouvenel ,  ministres  de  Sa  Majesté 
l'Empereur,  qui,  tous,  dans  la  limite  de  leurs  attributions, 
ont  prêté  à  ma  mission  le  concours  le  plus  efficace. 

M.   le  général    Desvaux,    commandant  supérieur  de   la 


AVANT-PROPOS.  m 

province  de  Constanline,  a  droit  aussi  à  toute  ma  reconnais- 
sance, car  c'est  à  lui  que  je  dois  le  précieux  appui  du  mara- 
bout Sîdi-Mohammed-el-'Aïd ,  clief  de  la  confrérie  religieuse 
des  Tedjâdjna,  qui  compte  tant  d'affiliés  dans  le  Sud. 

Aux  postes  officiels  dont  ma  mission  relevait,  j'ai  eu  le 
bonheur  de  rencontrer  partout  des  homme  de  cœur  : 

A  Tripoli  de  Barbarie,  M.  P.  E.  Botta,  consul  général  de 
France,  et  ses  collaborateurs,  M\I.  Gauthier  et  Lequeux; 

En  Algérie,  MM.  les  colonels  Séroka,  Lallemand,  Wolf, 
Marguerite,  le  commandant  de  Forgemol ,  le  lieutenant  Auer, 
commandant  la  garnison  de  Tougourt,  qui,  tous,  m'ont  honoré 
de  la  même  bienveillance  alTectueuse  et  ont  aplani,  autant 
qu'il  dépendait  d'eux ,  les  difficultés  de  mon  entreprise. 

Des  savants  français  et  étrangers,  les  uns,  dans  la  phase 
préparatoire  de  mon  exploration,  les  autres  dans  la  partie 
active,  ont  éclairé  ma  jeunesse  des  lumières  de  leur  science  : 
les  docteurs  H.  Barth  et  A.  Petermann;  les  professeurs 
Fleischer,  A.  Duméril  et  Cherbonneau;  MM.  Renou,  Yvon- 
Villarceau,  Malte-Brun  et  0.  Mac-Carthy. 

Je  dois  à  M.  le  docteur  Milon,  l'un  des  chefs  du  service 
de  santé  de  l'armée  d'Afrique  ,  un  protectorat  plus  personnel. 

Plusieurs  chefs  indigènes  m'ont  également  secondé  de 
tout  leur  pouvoir  :  Sîdi-Hamza,  khalîfa  du  Sud  de  la  province 
d'Oran;  Sîdi-Mohammed-ei-'Aïd,  grand  maître  de  la  confré- 
rie des  Tedjâdjna;  le  marabout  Si-'Othmàn-ben-el-Hâdj-el- 
Bekri,  chef  de  la  tribu  des  Ifôghas;  l'émîr  El-Hâdj-Moham- 
med-Ikhenoûkhen,  chef  des  Touareg  Azdjer;  le  marabout 
Sîdi-el-Bakkày,  cousin  du  célèbre  cheikh  de  Timbouktou; 
Si-Selimàn-el-'Azzàbi,  moûdîr  de  Faççâto,  dans  le  Djebel- 
tripolitain. 


IV  AVANT-PROPOS. 

Que   tous   reçoivent,  ici,   mes  sincères  remerciements. 

Qu'il  me  soit  aussi  permis  de  donner  un  témoignage  pu- 
blic de  l'inaltérable  dévouement  d'Ahmed -ben-Zerma  ,  du 
Soùf,  homme  droit,  intelligent,  énergique,  qui  fut  mon 
compagnon  pendant  la  partie  la  plus  difficile  de  mon  voyage. 

Parti  de  la  province  de  Constantine,  en  mai  1859,  je  me 
dirigeai  d'abord  sur  le  pays  des  Benî-Mezàb,  dans  l'espoir  de 
trouver  chez  les  Cha'anba  des  guides  pour  aller  au  Touàt. 

L'état  politique  du  pays,  la  présence  du  chérîf  Moham- 
med-ben-'Abd-Allah  à  Tn-SAlah  ne  me  permirent  pas  de  réa- 
liser ce  projet. 

Après  plusieurs  mois  consacrés  à  l'étude  de  l'intéressante 
contrée  qu'habite  la  confédération  Me^âbite,  je  risquai ,  muni 
d'une  lettre  de  recommandation  impérative  du  khalîfa  Sîdi- 
Hamza,  une  reconnaissance  aventureuse  sur  El-Goléa',  ville 
dans  laquelle  aucun  autre  Européen  n'a  encore  pénétré. 

J'y  fus  très-mal  accueilli,  mais  probablement  un  voya- 
geur qui  s'y  rendrait  aujourd'hui  serait  mieux  reçu.  Désor- 
mais nous  connaissons  les  deux  routes  qui  y  conduisent  de 
Methlîli. 

Le  reste  de  l'année  1859  fut  consacré  à  des  reconnais- 
sances dans  les  différentes  parties  du  Sahara  dépendant  des  ' 
provinces  d'Alger  et  de  Constantine,  de  Laghouât  au  Soùf, 
et  de  Biskra  à  Ouarglâ. 

La  sécurité  dont  jouit  le  voyageur,  même  le  voyageur 
privé,  européen  ou  indigène,  dans  ces  contrées  gouvernées,  à 
de  grandes  distances,  par  l'autorité  française,  est  digne  de 
remarque  et  fait  un  contraste  frappant  avec  la  situation  qui  a 
précédé  leur  soumission. 


AVANT-PROPOS.  v 

Les  six  premiers  mois  de  Tannée  1860  furent  employés  à 
explorer  le  Sahara  tunisien  :  le  Djérîd,  le  Nefzâoua  jusqu'à 
Gâbès  sur  la  petite  Syrte.  Protégé  par  des  amer  du  Bey 
Sîdi-Sàdoq,  obtenus  par  la  bienveillante  entremise  de 
M.  F.  de  Lesseps  et  de  M.  Léon  Roches,  consul  général  de 
France  à  Tunis,  je  fus  toléré  partout;  mais  je  dois  à  la 
vérité  de  constater  les  préventions  et  la  lierté  blessante 
dont  les  sujets  algériens  sont  victimes  dans  le  Sud  de  la 
Tunisie. 

En  juin ,  j'étais  de  retour  à  Biskra.  C'est  là  que  je  reçus 
des  instructions  et  des  subsides  du  gouvernement,  ainsi  que 
de  nouveaux  instruments,  pour  entreprendre  l'exploration  du 
pays  des  Touareg.  La  saison  des  plus  grandes  chaleurs  était 
arnvée;  elle  rendait  pénible  la  traversée  d'EI-Ouâd  à  Ghadà- 
mès,  mais  Texpérience  du  marabout  targui  Si-'Othmân  et 
des  guides  Souâfa  me  fit  surmonter  cette  difficulté,  non  sans 
fatigues,  car  j'étais  à  peine  convalescent  de  fièvres  contrac- 
tées dans  l'Ouàd-Rîgh. 

A  Ghadâmès,  je  reconnus  bientôt  la  nécessité  de  m'ap- 
puyer  sur  l'autorité  et  le  crédit  dont  jouit  dans  toute  la  Tripo- 
litaine  le  consul  général,  M.  P.  E.  Botta,  et,  après  une  courte 
station  dans  l'antique  Cydamus,  je  me  rendis  sur  le  littoral, 
en  prenant,  à  l'aller  et  au  retour,  des  routes  différentes, 
notamment  celle,  jusqu'alors  inexplorée,  qui  longe  le  Djebel- 
Nefoûsal 

Sur  la  demande  de  M.  Botta,  Son  Excellence  Mahmoud 
Pacha,  gouverneur  de  la  Tripolitaine,  voulut  bien  me  déli- 
vrer un  bouyourouldi  ^  ou  ordre  général  à  tous  les  fonction- 
naires relevant  de  son  autorité  de  me  protéger  et  de  me 
donner  l'hospitalité. 


VI  AYANT-PROPOS. 

Cet  appui  inespéré  me  fut  très-utile  dans  la  suite  de  mon 
voyage. 

Rentré  à  Ghadâmès,  je  dus  bientôt  partir  pour  Rhàt, 
avec  rémîr  Ikhenoùkhen,  qui  regagnait  sa  tribu.  Ayant  ren- 
contré  les  campements  des  Oràghen  dans  rOuàdi-Tikhàm- 
malt,  au  milieu  de  bons  pâturages,  nous  y  séjournâmes  pour 
refaire  les  chameaux  ;  aussi ,  les  premiers  jours  de  j  861  nous 
trouvèrent-ils  à  l'entrée  du  pays  habité  par  les  Touareg. 
Après  bien  des  retards,  dus  h  dilTérentes  causes,  mais  très- 
précieux  pour  mes  études,  je  pus  atteindre  Rhât,  où  je  ne 
séjournai  que  quinze  jours ,  extra  nniros. 

A  Rhât,  je  me  trouvais  au  foyer  des  ardentes  rivalités 
d'intérêt  qui  divisent  les  commerçants  de  ce  grand  marché  et 
les  Touareg  maîtres  des  routes  qui  y  aboutissent;  je  crus  pru- 
dent de  ne  pas  m'immiscer  à  leurs  querelles,  et  je  m'em- 
pressai de  continuer  à  explorer  le  Nord  du  pays  des  Azdjer. 

Diverses  raisons  m'engagèrent  à  aller  à  Mourzouk,  siège 
d'un  kâïmakàmlik  turc,  d'où  je  pouvais  me  mettre  plus  faci- 
lement en  relation  avec  le  consulat  général  de  France,  h 
Tripoli;  je  déterminai  Ikhenoùkhen  à  m'y  accompagner.  Ce 
n'était  pas  chose  facile.  Le  chef  targui  n'avait  pas  mis  les 
pieds  dans  cette  ville  depuis  l'occupation  du  Fezzàn  par  les 
Turcs. 

Nous  fîmes  le  voyage  de  Rhàt  à  Mourzouk  très-lentement, 
ce  qui  me  permit  d'aller  visiter  les  lacs  si  curieux  de  Man- 
dara,  Gabra'oûn  et  autres. 

Une  réception  très-honorable  nous  fut  faite  à  Mourzouk 
par  l'autorité  politique  de  cette  ville. 

Je  venais  de  passer  plus  de  six  mois  sous  la  tente;  je  pris, 
dans  la  capitale  du  Fezzân  ,  un  repos  devenu  nécessaire; 


AVAiNT-PROPOS.  vu 

malheureusement,  je  n'avais  pas  le  choix  d'un  lieu  plus  sa- 
lubre. 

Pour  m'accompagner,  Ikbenoûkhen  avait  négligé  ses  inté- 
rêts; d'ailleurs,  dans  l'Ouest,  Mohammed-ben-'Abd-Allah, 
aujourd'hui  interné  à  Bône,  préparait  une  nouvelle  attaque 
contre  le  Sahara  algérien  ;  le  chef  targui  sentait  la  nécessité 
de  se  rapprocher  du  centre  des  intrigues ,  pour  préserver  ses 
sujets  de  la  contagion.  Nous  nous  séparâmes. 

Je  crois  que  mon  voyage  à  Mourzouk,  en  compagnie 
d'ikhenoùkhen,  servit  notre  influence  et  nos  intérêts,  plus  que 
tout  ce  que  j'avais  pu  faire  jusque-là. 

Bientôt,  je  fis  une  nouvelle  excursion  dans  l'Est,  vers 
Zouîla,  petite  ville  de  chorfa,  marabouts  très-fanatiques. 

Knfin,  je  revins  à  Tripoli  par  la  longue  route  de  Sôkna. 

Les  difficultés  qui  se  sont  présentées  à  moi  sont  de  deux 
ordres  :  les  unes  tiennent  à  la  nature  des  lieux  parcourus;  les 
autres,  au  caractère  particulier  des  hommes  avec  lesquels  je 
me  suis  trouvé  en  contact. 

Les  premières,  inhérentes  au  climat,  au  manque  d'eau,  à 
la  stérilité  du  sol,  aux  fatigues  et  aux  privations  du  voyage, 
sont  de  beaucoup  les  plus  faciles  à  surmonter,  avec  de  la  pré- 
voyance et  une  bonne  santé. 

Les  secondes,  de  natures  essentiellement  variables,  sont 
dues  à  des  circonstances  que  le  voyageur  doit  préalablement 
connaître  et  apprécier,  pour  ne  pas  les  voir  se  transformer  en 
insurmontables  écueils.  Ici,  ce  sont  des  zâouiya,  communautés 
religieuses,  les  unes  passives,  les  autres  militantes.  Là,  prin- 
cipalement dans  les  centres  commerciaux,  on  a  à  lutter  contre 
des  intérêts  mal  compris,   placés  entre  les  mains  de  gens 


VIII  AVANT-PROPOS. 

méfiants  et  égoïstes,  qui  trouvent  un  point  d'appui  dans  Tinto- 
lérance  religieuse. 

Tous  ces  obstacles,  il  faut  l'espérer,  disparaîtront  gra- 
duellement avec  l'élément  indispensable  du  temps  et  la  puis- 
sance de  la  vérité. 

Dans  cette  dernière  voie,  je  crois  avoir  avancé  l'état  des 
choses ,  en  procédant  à  des  levés  topographiques  qui  permet- 
tent de  donner  plus  d'exactitude  au  tracé  des  routes;  en  ap- 
puyant sur  mes  propres  travaux  de  nombreux  renseignements 
oraux,  recueillis  avec  le  soin  le  plus  scrupuleux;  en  étudiant 
la  nature  des  lieux,  le  caractère  des  hommes;  en  aiTermissant 
des  relations  déjà  préparées  ou  en  en  créant  de  nouvelles; 
enfin,  en  faisant  partout  une  étude  spéciale  du  commerce  et 
des  moyens  d'échange. 

A  mon  retour  à  Alger,  après  un  voyage  qui  avait  duré  près 
de  trois  ans,  j'allais  rentrer  en  France  pour  me  mettre  en 
mesure  d'utiliser  les  bonnes  dispositions  de  Sîdi-Mohammed- 
el-Bakkây  et  aller  avec  lui  à  Timbouktou. 

Mais  le  gouvernement  de  l'Algérie  m'avait  demandé  au- 
paravant de  m'occupe r,  à  Alger,  de  l'impression  d'un  rapport 
sommaire,  avec  une  Carte  à  l'appui,  sur  les  résultats  de  mon 
voyage. 

Déjà  la  Carte  était  gravée  et  mon  manuscrit  en  partie 
imprimé,  lorsque  tout  à  coup  je  tombai  gravement  malade, 
atteint  d'une  fièvre  typhoïde  compliquée  d'accidents  perni- 
cieux. 

Dans  mon  malheur,  j'avais  heureusement  trouvé  l'hospi- 
talité chez  un  second  père,  M.  Warnier,  lequel,  assisté  du 
concours  dévoué  de  MM.  les  docteurs  Léonard  et  Dru  et  de 


AVANÏ-PROPOS.  IX 

tous  les  membres  de  la  bonne  et  excellente  famille  Bougenier, 
parvint  à  m'arracher  à  la  mort. 

Que  tous,  y  compris  les  Sœurs  de  l'Espérance,  qui  veillè- 
rent au  chevet  de  mon  lit,  reçoivent  ici  le  témoignage  de  ma 
plus  affectueuse  reconnaissance. 

Après  trois  mois  de  maladie  et  de  traitement  j'étais  sauvé, 
grâces  à  Dieu ,  mais  je  n'étais  que  convalescent  et  j'avais  le 
plus  grand  besoin  d'être  en  parfaite  santé,  car  un  Traité  de 
Commerce  allait  être  conclu  avec  les  Touareg,  un  appel  était 
fait  à  toutes  les  Chambres  de  commerce  de  France,  en  vue 
de  l'organisation  de  caravanes  d'essai  à  expédier  dans  l'inté- 
rieur de  l'Afrique,  et  la  publication  des  études  faites  pendant 
mon  exploration  était  considérée  par  le  gouvernement  comme 
urgente. 

La  Providence,  qui  m'avait  fait  airiver  à  Alger  pour  y 
trouver  les  soins  que  ma  santé  allait  réclamer,  permit  qu'après 
ma  guérison  M.  le  docteur  A.  Warnier  pût  mettre  à  ma  dis- 
position, avec  le  temps  nécessaire  pour  la  rédaction  de  deux 
volumes,  l'expérience  spéciale  qu'il  avait  acquise  en  Algérie 
par  vingt-huit  années  de  séjour  et  d'études. 

Grâces  à  ce  concours,  je  pus  faire  marcher  de  front  la 
partie  littéraire  avec  la  partie  graphique  de  mon  œuvre. 

Mais  mon  exploration  embrassait  une  contrée  presque 
inconnue,  et  toutes  les  collections  que  je  rapportais  ne  pou- 
vaient être  classées  avec  précision  et  certitude  que  par  les 
maîtres  de  la  science  ;  de  môme  toutes  mes  observations ,  soit 
astronomiques,  soit  météorologiques,  avaient  besoin  d'être 
comparées  aux  observations  correspondantes  faites  dans  d'au- 
tres contrées. 

A  l'honneur  des  savants  de  notre  pays,  je  dois  le  décla- 


X  AVANT-FROPOS. 

rer  hautement,  tous  ceux  dont  j'invoquai  l'expérience  répon- 
dirent avec  une  bienveillance  extrême  à  mes  demandes. 

MM.  Des  Cloizeaux,  de  Verneuil,  Deshayes,  le  docteur 
Mares ,  pour  la  géologie  ;  Berthelot ,  pour  la^  minéralogie  ; 
Renou ,  pour  la  météorologie  ;  le  docteur  Cosson ,  Kralik  , 
pour  la  botanique;  A.  Duméril,  pour Ticlithyologie  et  l'erpé- 
tologie; Léon  Rénier,  pour  l'archéologie;  H.  Zotenberg , 
pour  la  linguistique;  Vivien  de  Saint  -  Martin,  pour  la  géo- 
graphie ancienne;  Radau,  pour  les  calculs  de  quelques  po- 
sitions astronomiques ,  furent  assez  bons  pour  m'éclairer  ou 
me  guider,  chacun  dans  leur  spécialité ,  et  chaque  fois  que 
j'eus  recours  à  l'autorité  que  leur  donne  leur  haute  position 
dans  le  monde  savant. 

Pour  la  réduction  de  mes  itinéraires  et  le  dressement  de 
mes  cartes,  deux  habiles  dessinateurs,  MM.  E.  Dubuisson  et 
Picard,  ont  bien  voulu  me  prêter  leur  concours,  le  premier 
pour  la  Carte  du  pays  des  Touareg  qui  accompagne  ce  vo- 
lume; le  second  pour  la  Carte  commerciale  du  Sahara  et  de 
l'Afrique  centrale  destinée  au  volume  relatif  au  commerce. 

Enfin ,  aujourd'hui,  je  puis  répondre  à  tant  de  sollicitude, 
en  livrant  au  public  le  premier  résultat  de  mes  travaux. 

Puisse-t-il  Taccueillir  avec  indulgence  et  bienveillance, 
en  raison  des  difficultés  de  l'entreprise! 

Peut-être  ai-je  trop  présumé  de  mes  forces  en  abordant 
des  questions  dont  la  solution  eût  demandé  plus  d'expé- 
rience. Le  désir  d'être  utile  sera  mon  excuse. 

Henri   DUVEYRIER. 


INTRODUCTION 


L'étude  complète  de  toute  société  humaine  est  inséparable 
de  celle  du  milieu  habité,  car  souvent  les  conditions  de  Texis- 
tence,  la  raison  des  mœurs,  sont  fatalement  subordonnées  à  la 
loi  des  nécessités  de  la  nature. 

Quand  le  milieu  est  une  contrée  exceptionnelle,  comme  le 
plateau  central  du  Sahara,  inhospitalière,  même  pour  la  plupart 
des  végétaux  et  des  animaux,  réputée  avec  raison  inhabitable 
pour  rhomme,  il  devient  indispensable  de  faire  préalablement 
connaissance  intime  avec  elle,  avant  de  parler  des  peuplades 
qui,  après  de  nombreuses  migrations,  Font  adoptée  pour  patrie 
et  s'y  trouvent  tellement  heureuses,  dans  une  indépendance  à 
Fabri  de  toute  convoitise,  que,  pour  rien  au  monde,  elles 
n'échangeraient  leur  sort  contre  celui  de  tout  autre  peuple. 

Ces  quelques  lignes  suffisent  à  l'exposé  des  motifs  de  la 
division  de  cet  ouvrage  : 

Un  premier  Livre  fait  connaître  le  milieu  habité  ;  terre  et  ciel, 
géographie  physique,  hydrographie,  géologie,  météorologie, 
positions  astronomiques; 


XII  INTRODUCTION. 

Un  second  donne  T inventaire  de  la  production  dans  les  trois 
règnes  de  la  nature  :  minéral,  végétal  et  animal; 

Un  troisième  Livre,  intermédiaire  entre  les  précédents  et  le 
suivant,  consacré  aux  centres  de  rayonnement,  autour  desquels 
gravite  toute  société  nomade,  ajoute  un  complément  à  Tinfluence 
du  milieu  matériel,  celui  de  deux  attractions  sociales  :  les  centres 
commerciaux  et  les  centres  religieux  ; 

Enfin  un  quatrième  et  dernier  Livre,  exclusivement  consacré 
aux  Touareg  du  Nord,  traite  en  autant  de  Chapitres  particuliers 
de  leur  origine,  de  leur  division  en  tribus,  de  leur  constitution 
sociale,  de  Thistorique  des  tribus,  de  leurs  caractères  distinctifs, 
de  leur  vie  intérieure  et  extérieure. 

Un  Appendice  très -succinct,  sous  forme  de  simples  notes  ^ 
répond  à  un  des  vœux  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  :  rapprocher  et  comparer  les  connaissances  des  anciens 
avec  celles  que  les  explorations  modernes  ajoutent  aux  notions, 
de  plus  en  plus  positives,  sur  la  géographie  du  iNord  de 
TAfrique. 

J'espère  que  cet  ordre  logique  obtiendra  l'approbation  du 
lecteur,  car  il  procède  du  connu  à  Tinconnu. 

Contrairement  à  Tusage  généralement  adopté  par  les  voya- 
geurs, de  publier  d'abord  les  résultats  de  leurs  explorations  sous 
forme  de  Jounml  dei^oyagey  j'ai  préféré  l'ordre  méthodique  des 
matières,  pour  ne  pas  compliquer  un  sujet,  déjà  abstrait  par  lui- 
même,  de  questions  qui  lui  sont  étrangères,  bien  qu'elles  ajoutent 
souvent  beaucoup  d'intérêt  au  récit. 

Si  les  circonstances  le  permettent,  je  publierai  ultérieurement 
ce  Journal  ;  mais  ,  avant ,  j'ai  à  donner  satisfaction  aux  besoins 
du  gouvernement. 

La  question  commerciale  du  Sahara  et  de  l'Afrique   cen- 


INTRODUCTION.  xiii 

ti-ale  n'est  pas  traitée  dans  cette  première  partie.   Elle  fornie 
la  matière  d*un  second   volume,  qui  paraîtra  prochainement. 

La  transcription,  en  caractères  romains,  des  lettres  ou  des  sons 
des  langues  sémitiques  et  africaines  est  un  point  qui  embarrasse 
toujours  les  travailleurs  consciencieux.  Plusieurs  systèmes  ont  été 
adoptés;  je  ne  citerai  que  celui  de  la  Commission  scientifique 
de  r  Algérie  et  ceux  des  diverses  Sociétés  asiatiques  de  l'Europe. 

Malheureusement,  tous  ont  le  défaut  de  n'être  pas  applicables 
à  l'usage  général,  à  cause  des  caractères  spéciaux,  pointés  ou 
accentués,  que  les  imprimeries  ne  possèdent  pas.  D'un  autre 
côté,  les  accents  employés  dans  les  transcriptions  ont  le  défaut 
de  dérouter  le  plus  grand  nombre  des  lecteurs,  qui  ne  tiennent 
pas  à  une  accentuation  aussi  scrupuleuse. 

Voici  à  quoi  je  me  suis  borné  : 

Les  voyelles  longues  ont  été  distinguées  par  un  accent  cir- 
conflexe; 

Le  O  arabe  est  rendu  par  th  qui  a  le  son  de  la  même  lettre 
en  anglais; 

Le  ^  et  r»  sont  rendus  par  Vh; 

Le   ^    par  kh  ; 

Le  L  et  le  w^  par  /  ,• 

Le  ^ ,  le  ji»  et  le  i  par  dh  ; 

Le  j^  presque  toujours  par  ç  ; 

Le  ^par  '^,  '^,  '«,  'o; 

Le  ^  tantôt  par  rh ,  tantôt  par  gh  y  selon  que  la  prononcia- 
tion se  rapproche  plus  de  Yr  ou  du  g,  ce  qui  varie  suivant  les 
dialectes  ; 

Le  ^par<7; 

Le  j  par  le  iv  anglais ,  quand  la  prononciation  oblige  à  lui 
garder  sa  valeur  comme  consonne; 

Le  ^  tantôt  par  y,  tantôt  par  i. 


XIV  INTHODIJCTION. 

Provisoirement,  j*ai  transcrit  les  nonis  de  la  langue  temâhaq 
comme  s  ils  étaient  écrits  en  arabe. 

Pour  les  noms  de  lieux,  d'hommes  et  de  choses,  dont  Tor- 
thographe,  en  français,  est  consacrée  par  un  long  usage,  j'ai 
respecté,  dans  le  texte,  le  fait  accompli,  mais,  dans  \ Erratum^ 
je  restitue  à  chacun  de  ces  noms  sa  véritable  orthographe. 

De  môme,  poiH*  les  noms  de  la  nomenclature  géographique, 
soit  arabes,  soit  berbères,  je  les  ai  écrits  tels  qu'ils  sont  en  usage 
dans  les  contrées  dont  je  parle.  Ainsi,  j'ai  appelé,  en  arabe,  les 
rivières  tantôt  ouâd^  tantôt  ouâdij  et,  en  berbère,  les  montagnes 
adghagh  et  adrar^  suivant  que  les  indigènes  se  servent  eux- 
mêmes  de  ces  différentes  expressions. 

Les  gravures  qui  accompagnent  cet  ouvrage  ont  été  dessinées 
par  M.  Bertall,  soit  d'après  des  photographies \  soit  d'après  des 
croquis  pris  sur  les  lieux,  souvent  à  la  hâte  et  sans  aucune  pré- 
tention artistique.  Dans  la  reproduction  des  types  originaux  par 
la  gravure,  j'ai  tenu  essentiellement  à  ce  que  l'art  ne  pût  pas  les 
modifier,  quoique  je  reconnaisse  mon  infériorité  comme  dessi- 
nateur. 

La  Carte  que  je  livre  à  la  publicité  comprend  une  partie  posi- 
tive et  une  partie  hypothétique. 

La  partie  positive  est  la  réduction  de  mes  itinéraires ,  avec 
tous  les  détails  que  la  vue  peut  embrasser  à  droite  et  à  gauche 


4.  Quelques-unes  des  photographies  dont  je  me  suis  servi  ont  été  prises 
dans  le  Sahara  algérien  par  M.  Puig,  pharmacien  militaire.  Quelques  autres 
ont  été  exécutées  à  Paris  par  divers  artistes,  quand  les  marabouts  Touareg 
y  sont  venus;  enfin,  d'autres  ont  été  prises  par  moi ,  sur  les  lieux,  malgré 
la  difficulté  de  modifier  l'instrument  suivant  l'intensité  de  la  lumière.  La 
plupart  de  mes  épreuves  sont  brûlées,  mais  lisibles  cependant. 


INTRODUCTION.  xv 

des  lignes  parcourues,  (les  lignes  sont  indiquées.  Les  routes  des 
autres  voyageurs  ont  été  fidèlement  tracées. 

La  partie  hypothétique  est  basée  sur  de  nombreux  itinéraires 
recueillis  à  diverses  sources.  Pour  me  guider  au  milieu  de  ren- 
seignements qui  ne  concordaient  pas  toujours  entre  eux,  j'ai  été 
assez  heureux  pour  obtenir  du  Cheikh- Othmân  qu'il  me  fît,  sur 
le  sable,  le  plan  en  relief  des  parties  du  territoire  des  Touareg 
que  je  ne  pouvais  explprer,  et  quand  j'étais  bien  d'accord  avec 
mon  informateur  sur  l'ensemble  et  les  détails  de  sa  composition, 
je  la  dessinais  et  j'en  faisais  ensuite  la  critique  avec  lui. 

Cette  manière  de  procéder  m'a  permis  de  contrôler  d'une 
manière  plus  certaine  les  divergences  de  mes  itinéraires  par  ren- 
seignements. 

Pour  la  construction  des  routes  que  j'ai  levées,  chemin  faisant, 
j'ai  souvent  vérifié  les  distances  parcourues.  J'y  suis  arrivé  en 
mesurant  la  longueur  moyenne  du  pas  de  chaque  monture,  et  la 
moyenne  du  nombre  de  pas  faits  en  une  minute.  Une  réduction 
était  faite  ensuite  pour  les  petits  détoui-s  de  la  ligne  droite  et  pour 
les  facilités  ou  les  difficultés  de  la  marche,  d'après  la  nature  des 
terrains,  dont  il  est  impossible  de  tenir  compte  avec  la  boussole. 

La  moyenne  des  distances,  entre  une  observation  et  une  autre, 
est  de  2,000  mètres;  dans  les  terrains  accidentés,  elles  ont  été 
multipliées,  quelquefois,  de  200  en  200  mètres. 

Pour  les  itinéraires  par  renseignements,  les  distances  géné- 
rales sont  prises  par  journées  de  marche  de  caravane,  estimées 
suivant  la  nature  des  lieux  ,  entre  24  et  32  kilomètres  et  subdi- 
visées, autant  que  je  l'ai  pu,  en  demies  et  en  quarts  de  journée. 
Souvent ,  j'ai  été  assez  heureux  pour  obtenir  de  mes  informa- 
teurs des  détails  de  4  en  4  kilomètres. 

Je  ne  publie  pas  ces  itinéraires,  mais  la  Carte  en  donne  le 
tracé  fidèle,  avec  les  corrections  qu'un  contrôle  sévère  a  dû 
faire  subir  à  chacun  d'eux. 


XVI  liNTRODLCTION. 

Partout  où  j*ai  pu  appuyer  mes  renseignements  sur  des  itiné- 
raires relevés  par  mes  devanciers,  je  Tai  fait,  eii  donnant  tou- 
jours religieusement  la  préférence  à  leurs  indications,  sur  celles 
fournies  par  les  renseignements  des  indigènes,  si  précis  qu*ils 
aient  été. 

Ces  itinéraires  sont  également  indiqués  sur  la  Carte  avec  les 
noms  de  leurs  auteurs. 

Tous  les  travaux  graphiques  préparatoires  de  la  Carte  sont 
mon  œuvre,  mais  le  dessin  définitif  a  été  confié  à  M.  E.  Dubuis- 
son,  dont  la  réputation,  comme  cartographe,  est  faite  depuis 
longtemps.  L'ouvrage  tout  entier  a  été  rédigé  sur  cette  base 
fondamentale. 

La  Carte  a  été  gravée  après  l'impression  du  texte,  afin  qu'il  y 
eût  harmonie  parfaite  dans  les  deux  ordres  de  travaux. 

En  résumé,  en  publiant  les  nombreux  matériaux  recueillis 
pendant  la  durée  de  mon  exploration,  j'ai  compris  que  le  sujet 
était  neuf  pour  beaucoup  de  personnes,  et,  tout  en  restant  dans 
les  limites  d'une  exposition  scientifique,  j'ai  fait  mes  efforts  en 
vue  d'être  clair  et  intelligible  pour  le  plus  grand  nombre. 

Puissé-je  avoir  atteint  le  but  proposé  ! 


RAPPORT 


PRIX  ANNUEL  POUR  LA  DECOUVERTE  LA  PLUS  IMPORTANTE 

EN  GÉOGRAPHIE 

KV  NOM  D'UNB  COMMIBSIOM  DB  LA  BWllÉri  DE  OâoaRAPHIB  DB  PAB18 

et  composée  de 

MM.  D'AVEZAC,  J.  DUVAL,  V.  MALTE-BRUN,  QUATRBFAOES, 

et  VIVIEN  DE  SAINT-MARTIN,  Rapporteur. 


Messieurs, 

Le  8  mai  1859,  un  jeune  voyageur,  un  Français,  débarquait  à 
Philippeville,  cette  antique  station  maritime  de  l'Algérie  orientale, 
qui  est  rede>renue,  sous  son  nom  moderne,  le  port  de  Constantine. 

Ce  voyageur  était  M.  Henri  Duveyrier. 

A  rage  où,  parmi  ceux  que  la  fortune  n'a  pas  astreints  aux  rudes 
nécessités  du  labeur  quotidien ,  tant  d'autres  préludent  par  une  oisi- 
veté périlleuse  aux  devoirs  sérieux  de  la  vie,  M.  Henri  Duveyrier  avait 
conçu  le  projet  d'une  grande  et  difficile  entreprise.  11  voulait  péné- 
trer dans  les  contrées ,  peu  et  mal  connues ,  qui  bordent  au  Midi  nos 
trois  provinces  algériennes;  il  voulait  étudier,  sous  la  tente,  au  milieu 
de  leurs  habitudes  à  demi  nomades,  les  populations  indépendantes 
de  ces  contrées  incultes  qui  ne  sont  pas  encore  le  Désert,  mais  qui  déjà 
en  offrent  l'image;  il  voulait,  en  poussant,  aussi  loin  que  possible, 
dans  toutes  les  directions,  rattacher  par  une  série  d'observations  phy- 
siques et  astronomiques  ces  plaines  du  Sahara  algérien  et  leurs  nom- 
breuses Oasis  aux  positions  extrêmes  oii  s'arrêtait  alors  l'action  poli- 
tique et  militaire  de  l'autorité  française  ;  il  voulait  étendre  par  les 
conquêtes  de  la  science  les  conquêtes  du  drapeau. 


XVIII     RAPPORT  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE. 

Telle  était  la  tâche  que  le  jeune  voyageur  n'avait  pas  craint  de  se 
proposer. 

Il  ne  s'en  dissimulait  ni  les  difficultés,  ni  les  dangers;  mais  pour 
ceux  dont  une  éducation  virile  a  développé  de  bonne  heure  les  forces 
morales,  les  difficultés  et  les  dangers  deviennent  un  stimulant  de  plus, 
quand  il  s*agit  d'atteindre  un  but  utile  ou  d'accomplir  un  devoir. 

M.  Duveyrier,  d'ailleurs,  s'y  était  fortement  préparé.  11  possédait 
les  connaissances  qui  permettent  d'étudier  utilement  le  sol  et  ses 
productions  naturelles;  il  s'était  rendu  familier  l'usage  des  instru- 
ments qui  déterminent  avec  précision  les  phénomènes  physiques  et 
les  conditions  climatologiques,  ou  qui  fixent  par  l'observation  des 
astres  les  positions  terrestres;  il  avait  acquis  la  pratique  de  la  langue 
arabe;  il  s'était  rompu,  en  un  mot,  à  ces  études  préalables  sans  les- 
quelles on  a  des  touristes,  mais  qui,  seules,  font  l'observateur  exact, 
le  véritable  voyageur. 

11  n'a  pas  été  donné  à  M.  Duveyrier  d'accomplir,  dans  son  im- 
mense étendue,  le  plan  qu'il  s'était  tracé.  L'état  du  pays  ne  lui  a  pas 
permis  de  pénétrer  dans  les  parties  du  Sahara  algérien  qui  prolon- 
gent au  Sud  notre  province  d'Oran  *,  encore  moins  d'arriver  jusqu'au 
Sahara  marocain,  qui  jusqu'à  présent  est  resté  fermé  aux  chrétiens. 
Il  n'a  guère  dépassé,  à  l'Ouest,  le  prolongement  du  méridien  d'Alger. 
Mais  s'il  a  dû  laisser  en  dehors  de  ses  courses  (et  peut-être  faut-il 
nous  en  féliciter)  une  partie  de  son  plan,  la  moitié  occidentale,  l'autre 
moitié,  la  partie  orientale,  celle  qui  embrassait  les  contrées  situées  au 
Sud  de  nos  provinces  d'Alger  et  de  Constantine,  en  poussant  plus  à 
l'Est  encore,  jusqu'au  Sahara  tunisien  et  tripolitain  ainsi  qu'au  Fez- 
zân ,  toute  cette  partie  orientale,  dis-je,  a  été  admirablement  remplie, 
avec  une  intelligence,  une  intrépidité,  une  persévérance,  et  aussi  avec 
un  succès  qui  font  de  ce  voyage  une  des  plus  belles  et  des  plus  fruc- 
tueuses explorations  du  continent  africain. 

M.  Duveyrier  avait  donc  pris  pied  à  Philippeville  au  mois  de 
mai  1859.  11  se  dirige  immédiatement  au  Sud,  pour  atteindre  au  plus 
vile  le  champ  projeté  de  ses  opérations.  11  traverse  Constantine, 
coupe  le  plateau,  touche  aux  ruines  de  Lambèse  que  nos  archéologues 
ont  si  heureusement  explorées,  traverse  les  gorges  du  mont  Aurès, 
qui  domine  de  son  massif  élevé  toute  l'Algérie  orientale,  et  de  là 

1.  El-Golèa\  MethlUi ,  le  pays  des  Cha*anba  explorés  d*abord  par  M.  Dnveyrier, 
relèvent,  il  est  vrai ,  de  la  province  d'Oran. 


RAPPORT  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE.         xix 

descend  à  Biskra,  qui  est,  de  ce  côté,  la  porte  du  Désert.  C'est  là  que 
commence  pour  notre  voyageur  le  travail  topographique.  A  partir  de 
ce  point,  toutes  les  routes  parcourues  sont  relevées  à  la  boussole,  les 
détails  en  sont  fixés  comme  sur  nos  reconnaissances  militaires,  les 
positions  sont  fréquemment  corrigées  par  des  hauteurs  méridiennes, 
et,  toutes  les  fois  que  cela  est  possible,  par  des  observations  de  longi- 
tude. Et  ainsi  se  forme,  d'heure  en  heure,  jour  par  jour,  presque  sans 
interruption,  pendant  vingt-neuf  mois,  un  large  réseau  de  lignes  bien 
étudiées,  à  travers  des  pays  dont  une  partie  considérable  n'avait  été 
vue  jusque-là  par  aucun  Européen,  et  dont  la  carte  nous  est  mainte- 
nant parfaitement  connue,  au  moins  dans  ses  traits  essentiels. 

Je  ne  veux  ni  ne  puis  suivre  ici  M.  Duveyrier  dans  ses  courses 
multipliées.  Il  nous  faudrait  sillonner,  à  diverses  reprises,  une  vaste 
étendue  de  plaines  arides,  semées  d'Oasis  et  coupées  d'Ouâdi,  en  nous 
portant  alternativement  :  de  Biskra  sur  El-Golêa'  par  El-Guerâra  et 
Ghardâya,  en  remontant  de  là  sur  Laghouât;  puis,  de  nouveau,  de 
Biskra  sur  Ouarglâ  par  Tougourt  ;  sur  Ghadâmès,  par  la  dépression 
marécageuse  du  Meighîgh;  sur  Gâbès,  en  Tunisie,  par  la  longue 
ligne  de  Sebkha  ou  lacs  temporaires  que  l'antiquité  a  connus  sous 
le  nom  de  lac  Triton.  Il  nous  faudrait,  en  outre,  rayonner  de  tous 
les  points  principaux  sur  les  positions  intermédiaires;  il  nous  fau- 
drait enfin  suivre,  plus  à  l'Orient,  les  longues  lignes  qui  relient 
entre  elles  les  positions  de  Tripoli  et  de  Ghadâmès,  de  Ghadâmès  et 
de  Rhàt,  de  Rhàt  et  de  Mourzouk,  de  Mourzouk  et  de  Tripoli.  C'est 
sur  la  Carte  qu'il  faut  étudier  ce  vaste  réseau,  dont  les  points  extrêmes 
laissent  entre  eux  un  intervalle  de  plus  de  deux  cent  cinquante 
lieues,  soit  qu'on  le  mesure  de  l'Ouest  à  l'Est,  soit  qu'on  se  porte  du 
Nord  au  Sud.  Ajoutons  que,  dans  ce  réseau,  une  dizaine  de  points  des 
plus  importants,  et,  parmi  ceux-là,  EI-Golêa',  Ghardàya,  El-Ouâd  et 
Ghadâmès,  sont  fixés  par  des  observations  directes  de  latitude  et  de 
longitude  ;  et  que,  pour  une  trentaine  d'autres  points  au  moins,  no- 
tamment pour  Ouarglâ,  Tougourt,  Tôzer  et  Rhât,  le  voyageur  a  rap- 
porté de  bonnes  latitudes.  Quelques-unes  de  ces  positions,  Ghadâmès, 
par  exemple,  et  celles  qui  se  rapprochent  de  nos  frontières,  ainsi 
que  les  points  principaux  de  la  grande  ligne  du  Fezzàn  parcourue  par 
la  mémorable  expédition  de  18^9,  étaient  déjà  connus  d'une  manière 
exacte  ou  très-approximative  ;  mais  d'autres,  particulièrement  dans 
l'Ouest,  éprouvent  un  déplacement  considérable.  Et  d'ailleurs,  des 


XX  RAPPORT  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE. 

observations  répétées ,  dans  une  géographie  qui ,  comme  œlle-ci ,  est 
encore  en  voie  de  formation ,  sont  toujours  extrêmement  utiles,  ne 
serait-ce  qu'à  titre  de  contrôle  et  de  vérification.  En  résumé,  les  tracés 
de  routes  de  M.  Duveyrier  constituent  une  véritable  triangulation  qui 
couvre  de  ses  lignes  croisées  toute  la  partie  orientale  du  Sahara  algé- 
rien, triangulation  dont  la  base,  dans  le  sens  des  parallèles,  s'étend 
de  Ghardâya  à  Ghadâmès,  et  qui  se  prolonge  au  Sud  jusqu'aux  oasis 
d'El-Golêa'  et  d'Ouarglà,  en  se  rattachant,  vers  l'Est,  aux  positions 
déjà  fixées  de  Ghadâmès,  de  Mourzouk  et  de  Tripoli. 

Les  détails  topographiques  de  cette  vaste  reconnaissance,  je  veux 
dire  les  itinéraires  du  voyageur,  relevés  à  la  boussole  et  au  chrono- 
mètre, et  rectifiés  fréquemment  par  des  observations  astronomiques 
dont  les  éléments  et  le  calcul  ont  été  soigneusement  vérifiés,  ces 
détails,  dis-je,  sont  contenus  dans  une  longue  suite  de  feuilles  tracées 
jour  par  jour  sur  le  terrain,  dont  elles  expriment  tous  les  accidents. 
Le  nombre  de  ces  feuilles,  y  compris  les  études  par  renseignements 
qui  s'y  rattachent,  ne  s'élève  pas  à  moins  de  7/4.  Ce  sont  ces  mi- 
nutes, ces  feuilles  de  détail,  remises  à  Paris  entre  les  ihains  d'un 
habile  dessinateur,  qui  ont  servi  à  la  construction  de  la  Carte  défini- 
tive où  vient  se  résumer  la  partie  la  plus  importante  des  travaux  de 
M.  Henri  Duveyrier, 

Le  temps  n'a  pas  permis  encore  d'achever  la  gravure  de  cette 
grande  et  belle  Carte;  mais  le  dessin  terminé  a  été  communiqué  à 
votre  commission,  qui  a  pu  en  apprécier  la  construction  selon  la  na- 
ture des  matériaux  sur  lesquels  elle  repose  dans  ses  diverses  parties. 

M.  Duveyrier,  se  prêtant  au  désir  que  nous  lui  avons  exprimé,  a 
mis  aujourd'hui  ce  beau  dessin  à  notre  disposition,  pour  le  placer  ici 
même  sous  les  yeux  de  l'assemblée. 

Il  faut  y  distinguer  deux  ordres  de  matériaux  différents  :  ceux  qui 
proviennent  des  reconnaissances  directes  et  personnelles  du  voyageur, 
et  ceux  qui  proviennent ,  soit  de  reconnaissances  européennes  anté- 
rieures, soit  de  renseignements  reçus  des  indigènes. 

Ces  différentes  sources  de  documents  n'ont  pas,  on  le  conçoit,  une 
valeur  égale  au  point  de  vue  de  l'exactitude  absolue.  L'immense 
Ouâdi  qui  s'étend  de  Tougourt  à  Rhât  sur  une  longueur  de  près  de 
trois  c  nts  lieues,  et  que  les  Touareg  désignent  sous  le  nom  d'ighar- 
ghar  (ou  Igharghâren  à  la  forme  plurielle,  et  qui  signifie  les  Rivières), 
cet  Ouâdi  qui,  à  certains  moments,  offre  dans  quelques  parties  l'as- 


RAPPORT  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE.        xxi 

pect  d'un  grand  fleuve ,  avec  ses  débordements ,  a  été  tracé ,  partie 
d'après  Jes  relevés  de  M.  Boû-Derba  en  1858,  document  précieux, 
bien  qu'il  n'ait  pas  la  précision  rigoureuse  des  levés  de  M.  Duveyrier, 
partie  d'après  une  reconnaissance  personnelle  de  ce  dernier  voya- 
geur, dans  une  exploration  spéciale  de  la  vallée  basse,  entre El-Ouâd 
et  Ouarglâ.  A  l'Ouest  et  au  Sud  de  Tlgharghar,  à  l'exception  des  lignes 
parcourues  par  M.  Boû-Derba ,  M.  Colonieu  ^  et  M.  Henri  Duveyrier, 
tout  repose  sur  les  informations  indigènes.  Je  n'ai  pas  besoin  d'insis- 
ter sur  l'importance  de  cette  distinction. 

Cette  réserve  faite,  embrassons  d'un  coup  d^œil  l'ensemble  de  la 
Carte  de  M.  Henri  Duveyrier. 

Ce  qui  nous  frappe  tout  d'abord,  c'est  l'aspect  du  pays. 

Voici  une  vaste  région,  une  région  presque  égale  en  étendue  à  la 
France  ou  à  l'Espagne,  et  qui  était,  il  y  a  cinq  ans  à  peine,  absolu- 
ment en  blanc  sur  nos  cartes;  aujourd'hui,  non-seulement  elle  nous 
apparaît  couverte  d'une  multitude  de  noms  et  de  détails,  mais  ces 
détails  renversent  toutes  les  idées  que  l'on  se  formait  naguère  de  ce 
qu'on  nomme,  d'un  terme  générique,  le  Sahara.  Il  n'y  a  pas  long- 
temps, nous  étions  encore,  sur  l'intérieur  du  Nord  de  l'Afrique,  à  la 
notion  des  anciens  poétiquement  exprimée  par .  un  de  leurs  géo- 
graphes :  une  plaine  toujours  unie,  partout  sablonneuse,  a  dont  les 
vents  du  Midi  fouillent  et  tourmentent  les  flots  arides  pareils  aux 
vagues  de  la  mer  *.  »  Nos  idées  se  sont  déjà  bien  modifiées.  Le  Sahara 
est  toujours  un  immense  désert,  sans  doute,  et  il  reste  comme  le  type 
et  le  point  de  départ,  à  la  fois  ,  de  la  longue  zone  de  pays  incultes 
qui  court  à  travers  l'ancien  continent,  depuis  l'Atlantique  jusqu'au 
fond  de  la  Tartarie  ;  mais  ce  n'est  plus  le  désert  monotone  et  nu  que 
notre  imagination  se  représentait  avec  terreur.  Déjà,  l'expédition 
anglo-allemande  de  1849,  par  la  découverte  de  la  vaste  oasis  d'Aïr 
que  le  docteur  Barth  décrit  comme  une  véritable  Suisse,  entre  le 
Fezzân  et  la  Nigritie,  aussi  bien  que  les  explorations  de  plusieurs  de 

1.  M.  ]e  commandant  Colonieu  a  bien  voulu  communiquer  à  M.  Duveyrier  la 
carte  itinéraire  inédite  de  son  voyage  de  Géryville  aux  oasis  septentrionales  du 
Touàt  ;  les  renseignements  fournis  par  les  indigènes  sur  les  contrées  à  TOuest  de 
llgharghar,  s'appuyent  donc  sur  trois  reconnaissances  levées  avec  soin  :  par  M.  Boû- 
Derba  ,  entre  Ouarglâ  et  El-Beyyodh  ;  par  M.  Colonieu ,  entre  Géryville  et  le  Bâten 
du  Tâdem&yt;  par.  M.  Duveyrier,  entre  Methlîli  et  El-Golôa'. 

2.  Auster  immodicus  exsurgit ,  àrenasque  quasi  maria  agens ,  siccis  ssvit  fluc- 
t!l)ii6.»  (tf«Ia,  I,  8). 


XXII,     RAPPORT  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE. 

nos  officiers  dans  le  pays  des  Maures,  entre  le  bas  Sénégal  et  le 
Maroc,  nous  avaient  pu  donner  une  première  impression  de  la  diver- 
sité qui  se  rencontre  au  sein  de  ces  solitudes  africaines;  cette  notion 
est  singulièrement  agrandie  par  les  informations  de  M.  Duveyrier,  et 
enfin  par  la  Carte  qui  les  résume.  Là  où  nous  n'imaginions  que  des 
sables  éternellement  arides,  nous  avons  sous  les  yeux  d'innombrables 
Ouâdi  ou  cours  d'eau  temporaires,  et  parmi  ces  Ouâdi,  nous  l'avons 
déjà  vu,  le  lit  tantôt  à  sec,  tantôt  rempli,  d'un  fleuve  de  trois  cents 
lieues;  bien  plus,  nous  voyons  là  des  lacs  nombreux,  des  sources  et 
de  véritables  rivières,  des  rivières  permanentes  avec  de  vraies  cas- 
cades, au  rapport  des  indigènes,  et,  à  l'origine  de  ces  rivières,  des 
massifs  élevés,  des  groupes  de  hautes  montagnes  surmontées  de  pics 
sourcilleux,  et,  sur  plusieurs  de  ces  pics,  des  neiges  qui  se  maintien- 
nent durant  plusieurs  mois  de  Tannée,  tout  comme  dans  les  gorges 
de  TAurès.  Des  lacs ,  des  neiges  et  des  rivières,  dans  le  Sahara  I  il  était 
impossible  de  nous  apporter  un  tableau  plus  inattendu.  Là  où  se 
présente  cette  nature  alpestre,  la  vie  est  répandue  à  profusion.  La  flore 
et  la  faune  ont  fourni  au  voyageur  les  éléments  d'une  longue  nomen- 
clature, et  encore  n'en  a-t-il  pas  vu  les  centres  les  plus  actifs.  L'ob- 
servation personnelle  de  M.  Duveyrier  a  confirmé  ce  que  d'autres 
témoignages  avaient  déjà  fait  connaître.  «J'ai  vu,  nous  dit -il,  au 
moment  où  des  pluies  abondantes  venaient  d'arroser  la  terre ,  se  pro- 
duire sous  mes  yeux  le  miracle  de  vastes  espaces,  nus  la  veille,  trans- 
formés instantanément  en  pacages  de  la  plus  belle  verdure.  Sept  jours 
suffisent  pour  que  l'herbe  nouvelle  puisse  nourrir  les  troupeaux.  » 

Le  noyau  principal,  le  centre  où  vient  aboutir  cette  configuration 
si  remarquable  du  Sahara  intérieur,  et  qui  la  détermine  en  quelque 
sorte,  est  un  massif  situé  à  environ  quinze  journées  vers  l'Ouest  de 
Rhàt.  Les  informations  de  M.  Duveyrier  le  représentent  comme  un 
plateau  échelonné,  coupé  de  nombreuses  vallées,  hérissé  de  sommets 
élevés,  et  d'où  rayonnent,  en  diverses  directions,  de  vastes  Ouâdi 
dont  le  lit  large  et  profond  se  remplit  à  certaines  époques  de  l'année 
d'un  volume  d'eau  considérable.  Le  principal  de  ces  Ouâdi,  ou  du 
moins  le  mieux  connu ,  est  celui  qui  se  porte  droit  au  Nord  sur  Tou- 
gourt  :  c'est  Tlgharghar  que  nous  avons  déjà  nommé  et  dont  une 
branche  considérable  vient  de  Rhàt.  Les  informateurs  de  M.  Duvey- 
rier (car  il  n'a  pu  pénétrer  jusque-là)  lui  désignèrent  cette  région 
montagneuse  sous  le  nom  d'Ahaggâr.  Elle  avait  été  déjà  signalée  par 


RAPPORT  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE.      xxiii 

le  docteur  Barth,  mais  d'une  manière  moins  circonstanciée,  d'après 
ce  qu'il  en  avait  appris  à  Rhât  et  à  Timbouktou.  Le  nom,  chez 
M.  Barth,  est  écrit  Hogàr  ou  Hâgara;  mais  ces  formes,  dit-il,  sont 
des  formes  arabes,  et  le  véritable  nom  indigène,  c'est-à-dire  le  nom 
berbère,  sera  Atakôr  *.  C'est  le  siège  d'une  des  quatre  grandes  divi- 
sions entre  lesquelles  se  partage  la  nation  des  Touareg.  M.  Barth 
ajoute  :  a  Mon  intelligent  ami ,  le  Cheikh-Sîdi-Ahmed-el-Bakkày  de 
Timbouktou,  qui  avait  vécu  quelque  temps  chez  les  Hogâr,  ainsi  que 
chez  les  tribus  du  pays  d'Aïr,  m'assura  de  la  manière  la  plus  positive 
que  ce  groupe  de  montagnes,  et  en  particulier  une  longue  chaîne  qui 
en  fait  partie,  est  beaucoup  plus  élevé  que  les  montagnes  d'Aïr,  et 
que  les  rochers,  dont  la  couleur  est  rougeâtre,  en  sont  très-escarpés. 
On  voit,  dans  l'intérieur  de  ces  montagnes,  de  très-belles  vallées  et 
des  gorges  pittoresques,  et  quelques-unes  de  ces  vallées,  où  il  y  a  de 
belles  eaux  courantes  qui  ne  tarissent  jamais,  produisent  des  figues  et 
du  raisin  *.  » 

Ces  informations,  on  le  voit,  viennent  complètement  à  Tappui  de 
celles  qu'a  recueillies  M.  Duveyrier;  seulement  ces  dernières  sont 
infiniment  plus  détaillées.  Elles  mettent  hors  de  doute  qu'au  centre 
même  du  Grand  Désert,  sous  le  méridien  de  Sétif  et  vers  le  25*  degré 
de  latitude,  c'est-à-dire  à  mi-distance  environ  entre  l'Algérie  orien- 
tale et  le  grand  fleuve  de  Timbouktou,  il  existe  une  région  monta- 
gneuse très-abrupte,  très-variée,  très-pittoresque  et  d'une  étendue 
considérable;  que  dans  cette  région,  habitée  par  une  forte  et  belli- 
queuse fraction  de  Touareg,  il  y  a  des  montagnes  assez  hautes  pour 
y  conserver  de  la  neige  durant  trois  mois  de  l'année;  qu'on  voit  là, 
comme  dans  l'oasis  d'Aïr  décrite  par  le  docteur  Barth,  de  belles  et 
firaîches  vallées  avec  des  sources  vives  et  des  eaux  courantes;  et 
qu'enfin  des  Ouâdi  larges  et  profonds,  qui  seraient  de  grandes 
rivières,  si  les  pluies,  dont  le  Désert  est  privé,  leur  apportaient  des 
eaux  permanentes,  divergent  de  ce  noyau  montagneux  en  se  portant 
vers  tous  les  points  de  Thorizon,  au  Nord  (c'est  l'igharghar),  à  l'Ouest 
et  au  Sud.  Tel  est,  dans  son  expression  générale,  le  résumé  des  infor- 
mations recueillies  par  M.  Duveyrier,  et  qui  sont  parfaitement  d'ac- 
cord avec  celles  du  docteur  Barth. 


1.  AtakAr  signifie  faîte,  Atakôr-n-Àhaggàr,  fatte  du  Ahaggàr. 
S.  D*  Barth,  Travels  in  Centrai  Africa ,  1 ,  567. 


XXIV      RAPPORT  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE. 

Si  M.  Duveyrier  avait  pu  s'avancer  jusque-là;  s'il  avait  pu  exami- 
ner de  près  et  de  ses  propres  yeux  cette  curieuse  région,  en  étudier 
la  structure  géologique  et  la  conformation  extérieure,  se  rendre  pré- 
cisément compte,  par  des  observations  directes,  des  conditions  clima- 
tologiques  particulières  au  pays,  du  régime  de  ses  eaux  permanentes 
et  de  la  direction  de  ses  vallées  sèches;  si  M.  Duveyrier,  disons-nous, 
avait  pu  faire  cela,  il  aurait  ajouté  une  conquête  bien  précieuse  à 
toutes  celles  qu'il  a  rapportées  de  son  beau  voyage.  Ce  n'est  pas 
faute  d'y  avoir  aspiré  assurément,  et  d'y  avoir  fait  tous  ses  efforts; 
c'est  une  tâche  dont  lui-même  ne  se  tient  pajs  quitte  envers  la  science, 
car  son  plus  vif  désir  est  de  retourner  promptement  sur  le  théâtre  de 
ses  premiers  travaux,  et  d'y  poursuivre  ses  explorations  si  bien  com- 
mencées. En  attendant,  il  a  étudié  et  combiné  avec  une  profonde 
attention  la  masse  considérable  de  renseignements  qu'il  a  pu  recueil- 
lir de  la  bouche  des  Arabes  et  des  Touareg,  et  en  les  rapprochant  du 
précieux  itinéraire  de  M.  Boû-Derba,  il  en  a  tiré  toute  la  partie  infé- 
rieure de  sa  Carte  à  l'Ouest  de  Rhât.  C'est  une  acquisition  déjà  fort 
importante,  quoique  provisoire,  pour  cette  région  intérieure  du 
Sahara.  Si  votre  commission,  messieurs,  avait  à  faire  une  observa- 
tion sur  cette  partie  de  la  Carte  qui  repose,  non  sur  les  reconnais- 
sances personnelles  de  M.  Henri  Duveyrier,  mais  sur  la  combinaison 
de  renseignements,  cette  observation  porterait  seulement  sur  l'aspect 
net  et  précis  que  le  dessin  leur  donne.  Peut-être  y  pourrait-on  dési- 
rer, dans  l'intérêt  de  la  vérité  rigoureuse,  un  aspect  et  des  contours 
moins  arrêtés.  Ce  qui  appartient  en  propre  au  voyageur  se  distin- 
guerait mieux  de  ce  qui  n'a  qu'une  valeur  de  combinaison.  Quand  on 
sait  à  quel  point  les  renseignements  indigènes  les  plus  dignes  de 
confiance  se  sont,  pour  la  plupart,  profondément  modifiés  lorsqu'ils 
ont  subi  le  contrôle  direct  de  l'observation  européenne,  on  éprouve 
le  besoin  d'apporter  une  grande  réserve  dans  l'emploi  de  cette  nature 
de  documents.  Notre  remarque,  au  surplus,  ne  porte  en  aucune 
façon  sur  la  valeur  spéciale  des  informations  réunies  par  M.  Duvey- 
rier, ni  sur  l'application  générale  qu'il  en  a  faite  :  c'est  une  question 
de  mesure  dans  l'expression  du  dessin,  rien  de  plus. 

En  définitive,  il  y  a  un  grand  fait  qui  ressort  de  la  vue  de  cette 
Carte ,  au  total  si  remarquable,  aussi  bien  que  de  l'ensemble  des 
informations  déjà  nombreuses  que  les  observateurs  européens  nous 
ont  apportées  dans  ces  derniers  temps  sur  les  diverses  régions  du 


RAPPORT  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE.   xxv 

Grand  Désert  :  c'est  la  diversité  d'accidents  et  de  configuration  que 
présente  sa  surface  dans  toutes  les  parties  jusqu'à  présent  visitées. 
Une  carte  qui  représenterait,  dès  à  présent,  ce  qu'on  en  connaît  au 
Centre,  au  Nord  et  à  l'Ouest,  une  carte  surtout,  telle  que  la  marche 
aujourd'hui  si  active  des  explorations  permettra  de  la  construire  d'ici 
à  moins  de  dix  ans  peut-être,  présenterait,  au  lieu  de  cette  immense 
étendue  de  plaines  uniformes  qui  occupe  la  moitié  du  Nord  de 
l'Afrique  sur  nos  cartes  actuelles,  presque  autant  de  particularités  de 
configuration,  sauf  l'absence  Mes  villes  et  de  rivières  permanentes , 
qu'une  région  quelconque  de  l'Asie  et  de  l'Europe.  La  nature  ne  fait 
rien  d'inutile,  rien  qui  n'ait  sa  cause.  Ces  Ouâdi  sans  nombre,  ces 
rivières  sans  eau  qui  sillonnent  le  Désert  comme  les  rivières  et  les 
ruisseaux  sillonnent  nos  campagnes,  indiquent  évidemment,  dans  le 
passé  sinon  dans  le  présent,  un  état  de  choses  que  la  pensée  a  peine 
à  concilier  avec  la  privation  presque  absolue  d'eaux  courantes  qui 
caractérise  le  Désert.  C'est  là  un  sujet  d'études  déjà  plus  d'une  fois 
touché  sans  doute,  mais  qui  appellera  de  plus  en  plus  l'attention  des 
voyageurs  instruits  et  des  géologues. 

De  tous  ces  grands  Ouâdi  intérieurs,  le  plus  étendu  et  maintenant 
le  plus  accessible,  l'igharghar,  devra  être,  dans  son  immense  déve- 
loppement, l'objet  d'une  investigation  et  d'une  étude  toutes  spéciales. 
Il  y  aura  là,  sans  aucun  doute,  des  questions  du  plus  haut  intérêt  à 
examiner  et  à  résoudre.  Cet  objet  seul  justifierait  et  récompenserait 
pleinement  une  expédition  spéciale. 

Au  point  de  vue  physique,  cette  immense  vallée  de  Tlgharghar. 
presque  partout  à  sec  ou  qui  n'a  que  des  eaux  temporaires,  mais  qui 
présente,  selon  l'expression  de  M.  Duveyrier,  l'aspect  du  lit  d'un 
grand  fleuve,  offre  un  curieux  phénomène.  Partant  de  la  région 
élevée  de  Rhât  et  de  TAhaggâr,  et  recevant  de  droite  et  de  gauche,  à 
mesure  qu'elle  avance  dans  le  Nord,  un  grand  nombre  d'Ouâdi  secon- 
daires pareils  aux  affluents  de  nos  fleuves,  elle  vient  enfin  se  perdre, 
au  Nord  de  Tougourt,  dans  une  large  dépression  marécageuse  qu'on 
appelle  le  Chott-Melghîgh  ,  où  vient  aussi  aboutir  un  grand  courant, 
une  véritable  rivière,  le  Djedî,  qui  a  ses  sources  à  l'Ouest,  dans  le 
Djebel- Amour,  et  longe,  depuis  Laghouât,  le  pied  des  montagnes. 
Les  premiers  observateurs  qui  de  l'Algérie  descendirent  au  Melghîgh, 
il  y  a  une  dizaine  d'années,  reconnurent  avec  étonnement,  aux  indi- 
cations concordantes  de  leur  baromètre ,  que  le  sol  où  reposent  ces 


XXVI      RAPPORT  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE. 

vastes  lagunes  s*enfonce  au-dessous  du  niveau  de  la  mer.  M.  Paul  Mares 
a  trouvé  une  altitude  de  — 1 3  mètres  pour  le  fond  du  Chott  dans  sa  par- 
tie Nord-Ouest.  Ces  observations  seront-elles  confirmées  par  celles  de 
M.  Duveyrier  *?  Si  Tlgharghar  fut  autrefois  un  véritable  fleuve,  il  n'a 
donc  pu,  comme  le  pense  M.  Duvoyrier,  aller  déboucher  dans  le  fond 
de  la  petite  Syrte  par  le  fleuve  Triton ,  à  moins  d'un  changement  com- 
plet dans  la  configuration  et  le  niveau  du  pays,  changement  qui , 
dans  tous  les  cas ,  serait  antérieur  aux  temps  historiques. 

Cette  condition  physique,  particultère  à  la  région  orientale  du 
Sahara  algérien,  de  deux  longues  vallées  parties  des  deux  points 
opposés,  l'une  de  l'Ouest,  celle  du  Djedî,  Tautre  du  Sud,  celle  de 
righarghar,  et  venant  l'une  et  l'autre  aboutir  à  la  même  dépression 
du  sol,  le  Meliîhîgh,  celte  particularité  physique,  dis-je,  nous  fournit 
l'explication  d'un  ancien  texte  géographique  dont  la  rédaction  avait 
d(\  jusqu*à  présent  paraître  assez  bizarre.  Je  veux  parler  de  la  des- 
cription du  cours  du  Gir  dans  Ptolémée.  Le  Gii\  ou,  comme  le  nom- 
ment les  auteurs  latins,  le  Niger,  a  été  longtemps  une  pierre  d'achop- 
pement pour  les  criti(iues.  Trompés  par  les  énormes  aberrations  des 
latitudes  du  géographe  alexandrin,  on  voulait  retrouver  très-loin  dans 
le  Sud  une  rivière  qui  appartient  à  la  région  de  TAtlas;  on  allait  la 
chercher  jusque  dans  le  Soudan,  où  les  anciens  n'ont  jamais  pénétré. 
C'est  de  là  qu'est  venue  l'application  que  l'on  fait  encore  tous  les  jours 
du  nom  de  Xigcr  au  Dhioliba  ou  Kouàra,  c'est-à-dire  au  grand  fleuve 
deTimbouktou,  application  qui  se  perpétue  même  après  que  Terreur 
est  reconnue;  car,  en  géographie,  comme  en  bien  d'autres  choses, 
rien  n'est  plus  diflicile  à  déraciner  qu'un  abus.  Habituellement,  il  y 
a  dans  une  rivière  doux  choses  assez  distinctes,  une  source  et  une 
embouchure;  dans  Ptolémée,  le  G/rn'a  pas  de  débouché,  et  il  a  deux 
sources  opposées,  deux  sources  placées  aux  deux  extrémités  du  fleuve, 
l'un  au  Nord-Ouest  dans  l'Atlas,  l'autre  au  Sud-Est  dans  une  vallée 
nommée  la  Gorge  garamantique,  c'est-à-dire  au  voisinage  du  Fezzàn 
qui  est  le  pays  des  Garamantes.  Rapproché  des  notions  actuelles,  des 

l.  Les  observations  barométriques  publiées  par  M.  Duveyrier  pour  déterminer 
les  altitudes  des  points  de  son  exploration  du  pays  des  Touareg  du  Nord,  commencent 
à  El-Ouâd.  Celles  faites  dans  l'Ouàd-Rlgh  ,  sur  les  bords  du  Chott-Melghîgh,  et  dans 
le  Nefzàoua ,  c'est-à-dire  entre  le  point  où  righarghar  se  perd  dans  les  lagunes  et  le 
golfe  de  Gâbès,  seront  publiées  ultérieurement  dès  que  le  voyageur  pourra  les  calcu- 
ler au  moyen  des  observations  correspondantes  faites  sur  le  littoral ,  à  Alger,  par 
M.  O.  Mac-Garthy. 


RAPPORT  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE,     xxvii 

notions  fournies  par  M.  Boù-Derba  et  complétées  par  M.  Duveyrier, 
tout  cet  agencement  devient  parfaitement  clair,  et,  qui  plus  est,  par- 
faitement exact;  ce  qui  nous  montre  une  fois  de  plus  qu'en  bien 
des  cas  le  progrès  de  nos  propres  découvertes  confirme,  en  les 
appliquant,  celle  des  anciens.  L'identité  du  Niger  avec  les  deux 
vallées  confluentes  du  Djedî  et  de  l'Igharghar,  identité  que  votre 
rapporteur  a  le  premier  nettement  affirmée,  même  avant  le  voyage 
de  M.  Duveyrier,  est  désormais  un  fait  hors  de  discussion. 

Ce  n*est  pas  seulement  dans  sa  Carte  que  M.  Duveyrier  a  con- 
densé les  résultats  physiques  et  mathématiques  de  ses  vingt-neuf 
mois  d'explorations,  il  les  a  développés  dans  un  volume  d'une  éten- 
due considérable  auquel  s'ajoutera  plus  tard  un  complément  qui  sera 
consacré  à  la  partie  commerciale  du  voyage.  Ce  premier  volume  se 
compose  tout  entier  de  faits  et  d'observations.  L'hydrographie,  la  géo- 
logie, la  climatologie,  les  déterminations  astronomiques,  Thypsomé- 
trie,  l'histoire  naturelle  et  l'ethnographie,  y  sont  l'objet  d'une  suite  de 
chapitres  d'un  grand  intérêt  scientifique,  sans  préjudice  de  l'archéo- 
logie monumentale  et  épigraphique,  sans  oublier  non  plus  les  infor- 
mations utiles  au  commerce.  Une  notice  très-détaillée  sur  les  Touareg 
ajoute  bien  des  particularités  importantes,  bien  des  faits  nouveaux,  à 
ceux  que  d'autres  investigateurs,  M.  Carotte,  iM.  Daumas,  M.  Devaux, 
le  docteur  Barth,  M.  Hanoteau,  nous  avaient  déjà  donnés  sur  ce  peuple 
remarquable,  qui  garde  au  cœur  du.  Sahara,  où  Tinvasion  arabe  du 
XI*  siècle  l'a  repoussé,  la  pureté  du  sang  berbère  et  l'idiome  inaltéré 
de  sa  race. 

Dans  cet  aperçu  encore  bien  restreint,  malgré  son  étendue,  du 
caractère  de  cette  exploration  et  de  l'importance  extrême  de  ses  résul- 
tats, j'ai  eu  surtout  pour  objet,  messieurs,  comme  organe  de  votre 
commission,  d'exposer  les  raisons  qui,  d'une  voix  unanime,  nous  ont 
fait  décerner  à  M.  Henri  Duveyrier  la  grande  médaille  d'or  que  la 
Société  a  jusqu'à  présent  consacrée  chaque  année  à  la  découverte  la 
plus  importante  en  géographie.  Nous  n'avons  pas  oublié  non  plus, 
messieurs,  que  les  longues  investigations  de  M.  Duve^Tier,  en  même 
temps  qu'elles  ont  puissamment  servi  la  science,  ont  eu  aussi  des 
résultats  fort  importants  pour  l'extension  de  nos  rapports  avec  les 
tribus  intérieures.  Servir  à  la  fois  l'honneur  scientifique  et  les  inté- 
rêts de  son  pays  est  un  double  titre  que  réunit  M.  Duveyrier. 

Je  n'aurai  pas  à  m'étendre  beaucoup,  messieurs,  sur  les  voyages 


XXVIII   RAPPORT  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE. 

qui  auraient  pu,  en  dehors  de  celui  de  M.  Duveyrier,  balancer  les 
suffrages  de  votre  commission.  Il  est  une  classe  de  travaux  et  d'ex- 
plorations d'une  nature  tellement  spéciale,  tellement  circonscrite  dans 
leur  nationalité  et  dans  les  intérêts  qu'ils  représentent,  les  explora- 
tions australiennes,  par  exemple,  et  celles  des  Russes  dans  l'Asie 
centrale,  qu'elles  restent  nécessairement  en  dehors  de  nos  concours. 
Parmi  les  explorations  d'un  caractère  plus  général  qui  auraient  pu 
entrer  cette  année  en  balance  avec  celles  de  notre  jeune  compatriote, 
il  n'en  est  qu'une,  une  seule,  sur  laquelle  a  dû  se  porter  l'attention 
de  votre  commission  :  c'est  le  voyage  si  important  du  capitaine  Speke 
et  de  son  compagnon  le  capitaine  Grant  à  travers  la  région  des 
sources  du  Nil.  Les  capitaines  Speke  et  Grant  ont  été  les  intrépides 
pionniers  de  cette  difficile  exploration  de  l'Afrique  équatoriale,  qui 
attend  maintenant  des  investigations  plus  approfondies.  Ils  ont,  pour 
la  première  fois,  traversé  la  zone  inexplorée  où  se  trouvent  les 
sources  encore  inconnues  du  fleuve  d'Ég^Tpte  ;  leur  voyage  restera 
toujours  comme  une  des  entreprises  mémorables  de  notre  époque, 
comme  un  des  faits  importants  de  l'histoire  des  découvertes.  Mais, 
d'une  part,  les  droits  de  M.  Henri  Duveyrier  avaient  été  réservés 
Tannée  dernière;  d'autre  part,  c'est  un  devoir  pour  votre  Société 
d'attendre,  avant  de  prononcer  ses  jugements,  qu'une  lumière  com- 
plète se  soit  faite  sur  les  questions.  11  est  d'ailleurs  permis  d'espérer 
que  les  deux  voyageurs  anglais  ne  s'arrêteront  pas  en  si  brillant  che- 
min, et  qu'ils  auront  quelque  jour  de  nouveaux  titres  à  ajouter  à 
celui  que  nous  avons  cru  devoir  ajourner  pour  cette  fois. 

Déterminée  par  ces  considérations,  messieurs,  votre  commission 
décerne  sa  grande  médaille  d'or  de  1861  à  M.  Henri  Duveyrier,  pour 
ses  explorations  du  Sahara  algérien,  tunisien  et  tripolitain,  ainsi  que 
du  pays  des  Touareg.  Nous  honorons  ainsi  tout  à  la  fois  et  l'impor- 
tance des  résultats  obtenus,  et  la  rare  énergie  en  même  temps  que 
les  hautes  qualités  scientifiques  dont  le  voyageur  a  fait  preuve,  à  un 
âge  où  il  est  si  rare  de  trouver  de  tels  mérites  développés  à  ce  point. 
En  décernant  ce  prix  si  bien  acquis,  votre  commission,  messieurs,  a 
obéi  à  une  double  pensée  :  c'est  une  récompense  pour  le  passé;  c'est 
une  espérance  pour  l'avenir. 


TECHNOLOGIE  INDIGÈNE 

ARABE   OU    BERSkRE 


DONT  IL  B8T  FAIT  U0AOB 


DANS  CET  OUVRAGE  ET  SUR  LA  CARTE  QUI  L'ACCOMPAGNE 


SOL. 


Outa,  Ouotia;  plaioe. 

Reg  ;  plaine  aride  et  déserte. 

Hofra  ;  dépression. 

Hamâda,  pi.  Ham&d;  plateau,  plaine 

unie. 
TasUi^;  plateau. 
B&ten  ( litt.  ventre);  montagne  ou  colline 

allongée. 
Koudiya  ;  mamelon  isolé  (  montagne , 

dans  rpuest). 
Toùmia,  pi.  Toûmiftt  (litt.  jumeaux)  ; 

mamelons  doubles. 
Dra'  (litt.  bras);  coteau,  colline  allongée. 
R&s  (liu.  me)  ;  cap. 
Khechem  (litt.  nez);  pointe  de  rochers, 

cap  dans  le  Désert. 


Châreb  (  litt.  lèvre)  ;  crête. 

Kâf  ;  rocher. 

Djebel;  montagne. 

Djebil;  petite  montagne. 

Adràr,  Adghâgh;  montagne. 

Tadràrt;  petite  montagne. 

G&ra,  gàret,  pi.  Goûr;  élévation  isolée, 

témoin  géologique  du  sol  primitif. 
Fedjdi];  col. 
Thenîya  ;  col. 
Téhé;  col. 

Khenga,  Kheneg;  défilé,  passage  étroit. 
Khoneïg;  petit  défilé. 
Aghelàd  ;  défilé ,  passage  étroit 
*Aqba;  montée. 
Menzel;  descente. 


1.  Les  Boms  écrits  eo  lattrts  italiques  appartiennent  à  la  nomendatare  berbère. 


XXX 


TECHNOLOGIE   INDIGÈNE. 


Sables. 


Remel ,  Ramla  ;  sable ,  plaine  de  sable. 

Ghoûrd,  pi.  Aghrâd  ;  haute  dune  ou  mon- 
tagne de  sable. 

Zemla,  pi.  Zemoûl  ;  dune  allongée. 

Sif  (litt.  sabre);  dune  allongée  à  pente 
roide. 

Guelb,  pi.  Goloûb;  dune  en  forme  de  cœur. 

Guelib;  petite  dune  en  forme  de  cœur. 

'Erg,  'Aregî  collection  de  dunes,  région 
des  dunes. 


'Al  îg;  petite  collection  de  dunes. 
Adehi,  p\.  Édeyen;  sables,  collection  de 

dunes. 
Iguîdi  J,  Idjtdi;  collection  de  dunes. 
Kheit  (litt.  cordon);  cordon  de  dunes. 
Dourîya;  passage  tournant  autour  d'une 

dune. 
Sahan  ;  dépression  plate. 
Haoudb;  bassin  entre  des  dunes. 
Hafir;  dépression. 


EAUX. 


filr,  pi.  Abiàr  ( mot  oriental )  ;  puits, 
puits  profond. 

Bouîr,  pi.  Bouîrât;  puits  petit. 

Mouî^  Mouîa  (litt.  eau);  puits. 

Hàssi  (mot  occidental  )  ;  puits ,  puits  pro- 
fond. 

Hessî;  puisard. 

•Ogla  (dans  l'Ouest];  puits.  (Dans  TEst)  ; 
puits  avec  un  camp  permanent,  et 
siloa  à  provisions. 

Guettàr,  Guettàra;  puits  alimenté  par 
des  suintements. 

Sânia;  puits  à  bascule  souvent  entouré 
d'un  jardin  ;  jardin. 

Souiniya;  petit  puits  à  bascule. 

Themed;  puisard,  puits  qui  se  des- 
sèche. 

Anou;  puits. 

Tânoût,  Tdnit;  puits,  petite  source. 

Màssfn  :  puits  qui  donne  peu  d'eau. 

Fogfira  ;  puits  à  galeries  d'écoulement  ho- 
rizontales. 

Sâguia;  canal  d'écoulement  des  eaux. 

'Ain  (litt.  œt7),  pi.  'Aioûn  ;  source. 

'Aouîna,  pi.  'AoulnM;  petite  source. 

Tâla;  source. 

TU,  pi.  Tittaoutn  (litt.  œil);  source. 


Temàssint  ;  petite  source. 

Rliedîr;  flaque  d'eau  persistante. 

Abankôr;  flaque  d'eau  persistante. 

Bahar  (litt.  mer);  lac  permanent. 

Adjelmam;  lac. 

Chott  (litt.  rive,  rivage);  lac  salin  des- 
séché. 

Sebkha;  lac  salin  desséché,  quelquefois 
submergé  en  hiver. 

Dhâya;  grande  mare  d'eau  douce  dessé- 
chée. 

Guera'a;  grande  mare  d'eau  douce  dessé- 
chée. 

Gueràra,  pi.  Guerâir;  bas-fond  dans  le- 
quel se  perd  un  Ouàd. 

Guercyyir;  petit  bas-fond  dans  lequel 
se  perd  un  Ouàd. 

Ouâdl,  Ouàd,  pi.  Ouidiân;  rivière,  lit 
de  rivière. 

Aghahar;  rivière,  lit  de  rivière  (mot 
ancien). 

Aghezer  ;  rivière  ,  lit  de  rivière  (  mot 
moderne.) 

Cha'aba,  pi.  Cha'ab;  ravin. 

Tàlat;  ravin. 

Menkcba;  point  où  cesse  un  ravin. 

Defa'a;  point  où  se  perd  un  ravin. 


1.  Mot  des  Berâber  du  Maroc 


TECHNOLOGIE  INDIGÈNE. 


XXXI 


HABITANTS. 


Ouled,  pi.  Ool&d;  fils. 

Ou,  pi.  AU  y  i4t;flls. 

Ould-Sldi,  Oulâd-Sldi;  fils  de  monsei- 
gneur. 

Ou-Stdi;  fils  de  monseigneur. 

Hâdj,  Hadjdji,  pi.  Hadjâ^j;  pèlerin,  ce- 
lai qui  a  fait  le  pèlerinage  de  la  Mekke. 


Ben^  pi.  Benl;  fils,  descendants  de. 
Ahel;  gens. 
Kél  ;  gens. 

Tédjéhé;  confédération. 
Meràbot ,  pi.  Meràbotln  ;  marabout,  ma- 
rabouts. 
Cheikh,  pi.  Chioûkh;  vénérable,  chef. 


HABITATIONS. 


Dâr,  pi.  Di&r;  maison. 

Haouch;  ferme,  maison. 

Zeriba,  pi.  ZeriUb;  cabane  en  bran- 
chages. 

Kheima;  tente. 

Ehen;  tente. 

Hoûma;  quartier,  village.  (Mot  de  Tile 
de  Djerba.  ) 


Bordj;  fort,  château. 

Qaçar,  pi.  Qeçoûr;  village  fortifié. 

Qaçba;  citadelle. 

Zâouiya;  couvent  musulman,  école,  ville 

religieuse. 
Belâd;  ville,  village,  pays. 
Kherba,  pi.  Khoroûb;  ruine. 
Kantara;  pont. 


DIVERS. 


Ghàba;  verger  de  dattiers,  forêt,  oasis. 

Ghoût;  petite  oasis. 

Soùk;  marché. 

Mersa,  Mers;  port. 

Mi'a&d;  lieu  de  réunion. 

Hammam  ;  bains  d*eaux  thermales. 

Cherg  ;  Est. 

Chergui,  Chergulya;  oriental. 

Gharb ,  Ouest. 

Gharbi,  Gharbtya;  occidental. 

Gaebla;  Sud. 

Guebli,  Gucbllya;  méridional. 

Dahra;  Nord. 

Dahràni,  Dahrântya;  septentrional. 

Lefia'âya  ;  séjour  des  vipères  cérastes. 


Boû  (litt.  père)  ;  possesseur  de. 

Oumm,  pi.  Oummât  (litt.  mère);  pos- 
sesseur de. 

Gober,  pi.  Gueboûr  ;  tombeau ,  cime- 
tière. 

Moqsem  ;  partage  d'eaux. 

Dan;  fils  de,  issu  de. 

In,  En,  Wdn,  Ouàn,  Owen;  celui  de, 
c'est-à-dire,  endroit  de. 

T(n,  Tân;  celle  de,  localité  de. 

El,Ed,  Edh,  Bt,  Eth,  Es,  En,  Ez,  re- 
présentent l'article:  le,  la,  les,  du, 
au,  des,  aux. 

D,  Ed:  et. 


XXXIl 


TECHNOLOGIE  INDIGÈNE. 


PRINCIPAUX  ADJECTIFS  QUALIFICATIFS 


Djedid,  DJedida;  nouveau,  nouyelle. 
Qedlm ,  Qedlma;  ancieu ,  ancienne. 
Ahmar,  Hamr&;  rouge. 
Abiodh,  Beîdha;  blanc,  blanche. 
Mellen,  Mellet;  blanc,  blanche. 
Kahal,  Kâhela;  noir,  noire. 


Asoued,  Souda,  S6da;  noir,  noire. 
Azreg,  Zerga;  bleu,  bleue. 
Keblr,  Keblra;  grand,  grande. 
Seghtr,  Seghira;  petit,  petite. 
Tout!,  Touila;  long,  longue,  profonde. 
Asfer;  Jaune. 


ERRATA. 


CORRECTIONS  GÉNÉRALES. 

Au  limi  de  :  'Abd-el-Kader,  Adrar,  Afahlehlé,  Axel,  Cheikh,  Chorfa,  Fez,  Golea\ 
In-Exxao,  In-S&lah,  Ismayl,  Kadbi,  Kasba,  Mehyaf,  Sahara,  Sanh&dja, 
Soadan,  Targui,  Tittaouin»  Tlemsen. 

Un  :  'Abd-el-Qftder,  Adràr,  Afahlèhlé,  Azhel,  Cheikh,  Chorfà,  F&s,  Golèa*a,  In- 
Esz&o,  In-Çàlah,  Isma^yl ,  Q&dhi,  Qaçba,  Mebyàf,  Çahara,  Çanb&dju, 
Soudan ,  Tài^i,  TiUaouIo,  Tlemsâa. 


CORRECTIONS   PARTICULIÈRES. 


PàGES.           Au  lieu  de  : 

Lire  : 

III    HiloD, 

Millon. 

6    Caillé, 

Caillié. 

6  à 87    Marrés, 

Mares. 

40    il  y  a  retrouvé  les  iofusoires. 

il  y  a  retrouvé  quelques  infusoires. 

43    pyrogénique. 

pyrogène. 

58    redhir. 

rhedlr. 

75    Massif  de  HàroûdJ, 

Massif  du  H&roûdj. 

76    Freudeubourgb , 

Frendenburgh. 

80    Gharbia, 

Gharblya. 

m    2  décembre. 

20  décembre. 

112    il  y  en  a  325, 

il  y  en  a  335. 

U9    Kerchoud, 

Kerchoud. 

161      CrOTOLABU  SAUARiB, 

CaOTALAEIA  SaBARA. 

160    au  Sud  de  Maroc , 

au  Sud  du  Maroc. 

183    i  mètre. 

1/2  mètre. 

190    Var, 

var 

m    ibvA, 

Akrya. 

XXXI V                                      ER 

RATA. 

Pages.         Au  lieu  de  : 

Lire  . 

4»l    Abesgui, 

Abezgui. 

in    Ouâdi-Sa*adan, 

Ouàdi-Sa*adÀna. 

494    T!n-FedjacuÎQ, 

Tln-Fedjaouin. 

203    Comme  le  dis  du  Tell, 

Comme  le  gueçob  du  Tell. 

225    begueur, 

beguer. 

225    ihinkad. 

ihinkàd. 

226    meçici, 

meçtçt. 

227    arUtâ, 

arhàta. 

255    Abou  l"Abbàs  ,- 

AboûM  'Abbàs. 

262    (voir  la  planche  ci-contre). 

(voir  la  pi.  XI,  fig.  1,  page 

252) 

277    toi. 

voit. 

290    ouasifl. 

oasis. 

339    du  ménage,  elle, 

du  ménage,  si  elle. 

388    (PI.  XXI)»  iod,  tegherit,  iar, 

iod,  teghêrtt,  iar. 

390    (PI.  xxn),  n°      , 

n-'so. 

403    temankart, 

temankait. 

404    taftak, 

taftaq. 

405    takkaouit, 

takhaouit. 

405    iméki. 

imeki. 

408    tàserhmâlt, 

tàurhàll. 

427    tekMrmit, 

tekôrmit. 

440    amadjedol. 

amadjedàl. 

448    amârhslai. 

amârhelài. 

458    passait  par  Telizzarhôn ,  Anaï , 

passait  par  Anai. 

458    et  conduit  par, 

et  conduits  par. 

463    Aiele, 

Alele. 

490    Taibu  des  Ibèguelàn, 

Tribu  des  Ibôguelàn. 

ADDITIONS. 


Page    45    Planorbis  Duvkyrieri.  Voir  au  supplément  :  Mollusques  fos^les,  page  25. 

09  Douôssa  est  un  point  à  l*Ouest  de  la  route  de  M.  le  docteur  Barth ,  entre 
El-Hesl  et  rOu&di-ech-Cbi&ti ,  au  Sud  de  la  Hamâda-el-Homrik ,  dans 
la  Tripolitaine. 

150    DrPLOTAxis  Ddvetiierana.  Voir  sa  description  au  supplément  :  Plantes 
nouvelles,  page  31. 

161     Crotaiwiria  SAHARiB.  Voir  sa  description  au  supplément  :  Plantes  nou- 
wlles ,  page  33. 

182    Htosctamus  Falezlbz.  Voir  sa  description  au  supplément  :  Plantes  nou' 
velles,  page  35. 

229    Mollusques  rivants  déterminés  après  Timpression  des  Tottàreff  du  Nord. 
Voir  leur  description  au  supplément,  page  1  et  suivantes. 

458    La  route  garamantique  qui  passait  par  Telizzarhfin  était  une  autre  voie 
que  celle  passant  par  Anal. 


TOUAREG  DU  NORD 


LIVRE   PREMIER. 

DIVISIONS     NATURELLES     ET     POLITIQUES. 
GÉOGRAPHIE    PHYSIQUE.  —  SOL    ET   CLIMAT. 


CHAPITRE  PREMIER. 

DIVISIONS    ET    LIMITES    GÉNÉRALES    DES    CONFÉDÉBATIONS    TOUAREG. 

Cette  étude  est  restreinte  aux  Touareg  du  Nord  ;  mais,  pour  la 
circonscrire  dans  les  limites  que  je  lui  assigne,  quelques  lignes  sur 
Tensemble  de  la  nationalité  targuie  S  sur  ses  divisions  territoriales 
et  politiques,  semblent  un  préliminaire  indispensable. 

Sous  le  nom  général  de  Touareg,  nom  d'origine  arabe  et  adopté 
par  les  Européens ,  quoiqu'il  soit  repoussé  par  ceux  auxquels  il 
s'applique,  on  comprend  quatre  grandes  divisions  politiques  corres- 
pondant à  quatre  grandes  divisions  territoriales,  savoir  : 

La  confédération  des  Azdjer  ou  Kêl-Azdjer*,  au  Nord-Est,  avec  le 
plateau  du  Tasîli  du  Nord  et  dépendances,  pour  patrie; 

La  confédération  des  Ahaggar  ou  Kêl-Ahaggàr.  au  Nord-Ouest,  dans 
le  mont  Ahaggâr  ou  Hoggâr  des  Arabes; 

I^  confédération  d'AïR  ou  Kêl-Aïr,  plus  généralement  connue 


i.  Touareg,  au  singulier  Targui,  au  féminin  tàrguia,  en  français  targuie. 

*i.  Kû  signifie  gens  de;  souvent,  dans  le  discours,  on  dit  Azdjer,  Ahagg&r,  Air, 
pour  dire  gens  d* Azdjer,  gens  d'Ahaggâr,  gens  d'Air.  Pour  simplifier,  j'imiterai 
l'exemple  des  indigènes. 

I.  I 


2  TOUAREG  DU  NORD. 

sous  le  nom  de  Kêl-Ouï,  au  Sud-Est,  dans  le  massif  iïAïr,  égale- 
ment appelé  Azben; 

La  confédération  des  Aouéummiden,  au  Sud-Ouest,  dont  le  territoire 
comprend  une  portion  montagneuse,  VAdghagh^,  et  une  portion  plane, 
ÏAhâouagh. 

Les  Azdjer  et  les  Ahaggâr  constituent  les  Touareg  du  Nord, 
comme  les  Aïr  et  Aouélimmiden  ceux  du  Sud. 

Ces  derniers  ayant  été  visité?  et  étudiés  avec  beaucoup  de  soin 
par  mon  savant  ami  et  protecteur,  M.  le  D'  Barth*,  je  n'ai  pas  à 
m'en  occuper,  estimant  assez  belle  la  part  qui  m'est  dévolue,  si  je 
parviens  à  combler  la  lacune  de  l'exploration  de  mon  illustre  de- 
vancier. 

Quoi  qu'il  en  soit,  je  constate  d'abord  un  caractère  commun  aux 
quatre  confédérations  des  Touareg  ;  c'est  que  chacune  d'elles  a 
adopté  comme  centre  de  sa  vie  politique  un  système  isolé  de  mon- 
tagnes ,  refuge  de  son  indépendance  et  foyer  de  ses  libertés. 

Deux  de  ces  massifs  isolés ,  ceux  occupés  par  les  Touareg  du 
Nord,  embrassent  les  points  culminants  du  plateau  central  du  Sahara 
et  les  points  de  partage  des  eaux  entre  le  bassin  de  la  Méditerranée 
et  le  bassin  de  l'Océan  Atlantique;  les  deux  autres,  à  un  gradin  in- 
férieur du  plateau ,  appartiennent  au  bassin  du  Niger. 

Entre  les  quatre  massifs,  s'étendent  de  vastes  plaines,  véritables 
déserts  arides,  tantôt  sablonneuses,  tantôt  rocheuses,  tantôt  à  sol 
crayeux,  parfois  affectant  la  formation  alluvionnaire  des  bassins  salins 
des  Sebkha,  le  plus  souvent  se  présentant  sous  la  forme  d'un  sol  cail- 
louteux, très-dur,  d'où  le  nom  arabe  de  Sahara  qui  signifie  terre  dure. 

S'il  est  permis  d'assigner  à  chaque  confédération,  comme  étant 
son  patrimoine  propre,  le  massif  de  montagnes  qu'elle  occupe,  il 
devient  impossible  d'indiquer,  dans  les  plaines,  là  où  commence,  là 
où  finit  le  territoire  de  chacune  d'elles  et  de  préciser  les  limites  qui 
les  séparent  de  leurs  voisins  non  Touârcg. 

Le  droit  de  premier  occupant,  le  seul  à  invoquer  dans  ces  im- 
menses terres  de  parcours,  n'a  de  valeur  sérieuse  que  s'il  est  appuyé 
sur  une  force  capable  de  le  faire  respecter.   Néanmoins,  sous  la 


1 .  Forme  emphatique  du  mot  adrar,  montagne. 

2.  Voir  le  grand  ouvrage  de  M.  le  docteur  Barth ,  tomes  I,  IV  et  V  des  éditions 
anglaise  et  allemande. 


DIVISIONS  ET  LIMITES   GÉNÉRALES.  3 

réserve  d'éventualités  qui  souvent  substituent  le  fait  brutal  de  l'in- 
vasion à  la  pratique  pacifique  d'usages  consacrés  par  le  temps,  on 
peut  assigner  comme  limites  générales  aux  territoires  occupés  par 
les  quatre  confédérations  Touareg,  savoir  : 

Au  Nord,  1®  une  ligne  droite  partant  d'El-Hesî  dans  le  Hamàda- 
el-Homra  de  la  Tripolitaine  et  allant  à  Ghadâmès;  2<>  une  ligne, 
également  droite,  partant  de  Ghadâmès  et  aboutissant  à  la  limite 
Nord  de  la  confédération  indépendante  du  Touât; 

A  l'Ouest,  les  rebords  oriental  et  méridional  du  plateau  de 
Tàdemâyt  et  la  route  des  caravanes  d'Aqabli  à  Timbouktou; 

Au  Sud,  une  ligne  partant  de  Timbouktou  et  aboutissant  à 
Oungoua-Tsammit,  au  Nord  de  Zinder; 

A  l'Esl,  d'abord  une  ligne  parallèle  à  la  route  de  Koûka  à  Mour- 
zouk,  mais  d'un  quart  de  degré  à  l'occident,  puis  la  route  directe 
de  Mourzouk  à  Tripoli  jusqu'à  El-Hesî,  où  nous  retrouvons  le  point 
de  départ. 

La  limite  septentrionale,  sur  laquelle  je  devrai  revenir,  sépare  les 
Touareg  du  Nord  des  tribus  algériennes,  les  Souàfa,  les  Rouâgha  et 
les  Chaânba,  avec  lesquelles  ils  sont  aujourd'hui  en  bonnes  relations 
après  de  longues  luttes  que  l'administration  française  a  fait  cesser. 

La  limite  occidentale  sépare  d'abord  les  Ahaggâr  des  oasis  du 
Touât  ainsi  que  des  tribus  nomades  qui  en  dépendent ,  entre  autres 
les  Oulâd-Bà-Hammou  ;  puis  elle  place  d'immenses  déserts  entre  les 
Ahaggâr,  les  Aouélimmiden  et  les  tribus  nomades,  arabes  et  ber- 
bères des  rives  de  l'Océan  Atlantique.  Maigre  la  barrière  d'affreuses 
solitudes  que  la  Providence  a  placées  entre  des  ennemis  irréconci- 
liables, ils  parviennent  néanmoins  à  se  rencontrer  quelquefois  les 
armes  à  la  main. 

La  limite  méridionale,  telle  que  je  l'ai  indiquée,  est  celle  qui 
séparait  autrefois  les  Touareg  du  Sud  de  l'ancien  empire  de  Zonghay  ; 
mais,  depuis  quelques  années,  les  Aouélimmiden  ayant  reconquis  sur 
les  Fellàta  les  deux  rives  du  Niger,  jadis  occupées  par  les  Zonghay,  la 
limite  doit  être  reportée  plus  au  Sud. 

La  limite  orientale  sépare  les  Touareg  d'Aïr  du  peuple  Teboû,  et 
les  Azdjer  du  Pachalik  du  Fezzân.  En  cette  dernière  partie,  les 
Azdjer  occupent  des  territoires  appartenant  à  la  Turquie,  mais  sans 
subir.sa  domination. 

Dans  ces  limites,  l'ensemble  des  territoires  des  quatre  grandes 


k  TOUAREG  DU   NORD. 

divisions  du  peuple  targui  forme ,  entre  l'Afrique  septentrionale  et 
l'Afrique  centrale,  un  immense  quadrilatère  que  le  tropique  du 
Cancer  partage  en  deux  moitiés  à  peu  près  égales,  et  que  les  géo- 
graphes connaissent  sous  le  nom  de  plateau  central  du  Sahara. 

Les  Touareg  donnent  à  leur  pays  le  nom  général  û'Adjema,  syno- 
nyme de  Sahara. 

D'après  eux,  les  points  de  Timissaosur  TOuâdi-Tarhît,  d'Asiou  et 
d'In-Guezzam  sur  TOuàdi-Tàfasàsset  sépareraient  les  Touareg  du 
Nord  de  ceux  du  Sud  et  les  deux  grandes  gouttières  d'écoulement  des 
eaux  de  leur  pays,  l'Ouâdi-lgharghar  et  l'Ouâdi-Tàfasàsset,  l'une  au 
Nord,  l'autre  au  Sud,  seraient  généralement  acceptées,  mais  non 
sans  quelques  exceptions  particulières,  comme  lignes  de  démarca- 
tion entre  les  confédérations  orientales  et  les  confédérations  occi- 
dentales. 

Ces  divisions  générales  posées,  je  rentre  dans  l'objet  spécial  de 
ce  travail  :  les  Touareg  du  Nord. 


CHAPITRE  IL 


GÉOGRAPHIE    PHYSIQUE. 

La  géographie  physique  du  grand  plateau  central  du  Sahara  offre 
à  l'observation  deux  phénomènes  caractéristiques  qui  appellent  au 
même  degré  l'attention  du  voyageur  et  l'obligent,  à  son  insu,  à 
rechercher  la  cause  d'exceptions  aussi  considérables  :  d'un  côté, 
d'immenses  plateaux  dénudés,  où  la  roche,  continuellement  balayée 
par  les  vents,  n'est  recouverte  de  terre  végétale  que  dans  les  parties 
abritées;  d'un  autre  côté,  d'immenses  bas-fonds,  envahis  par  les 
sables,  de  manière  à  faire  disparaître  le  sol  primitif  et  dans  lesquels 
s'amoncellent,  en  véritables  montagnes,  des  dunes  de  100  mètres  et 
plus  de  hauteur. 

Quoique  les  dunes  occupent  peu  d'espace  dans  les  territoires 
parcourus  par  les  Touareg  du  Nord,  je  ne  crois  pas  pouvoir  m'abs- 
tenir,  avant  de  pénétrer  dans  les  régions  élevées  du  plateau  central 
du  Sahara,  de  chercher  à  donner  une  idée,  aussi  nette  que  possible, 
de  la  zone  qu'elles  forment  entre  la  chaîne  atlantique  et  les  massifs 
de  l'intérieur. 

Ce  chapitre  comprendra  donc  deux  paragraphes  :  l'un  spécial  à  la 
zone  des  dunes,  l'autre  exclusivement  consacré  aux  parties  surélevées 
des  plateaux,  dont  les  détritus  jouent  un  si  grand  rôle  dans  la  géo- 
graphie physique  du  Sahara. 

S  !•'.  —  ZOWB    DES   DUNES. 

Les  noms  suivants  ont  été  donnés  aux  diverses  parties  de  cette 
zone  par  le^  populations  qui  la  traversent  : 

'Erg,  'Arg,  'Areg  (veines),  par  les  Arabes  *  ; 
Adehî,  au  plur.  Edeyen  (dunes),  par  les  Touareg; 

1.  CaiUé  écrit  Helk,  mais,  par  la  description  de  la  contrée  à  laqueUe  il  donne 
ce  nom ,  il  est  facile  de  reconnaître  quMl  a  mal  entendu  le  mot  *Erg. 


6  TOUAREG   DU   NORD. 

Iguidi,  Igdia,  K-Ci^rféo  (dunes),  par  les  Berbères  marocains  et 
sénégaliens. 

Cette  zone  a  été  reconnue  ou  traversée,  par  des  voyageurs  euro- 
péens, sur  différenls  points  de  son  immense  étendue,  savoir  : 

Au  Sud  de  VOuâd-Noûn,  entre  le  Sénégal  et  le  Maroc,  du  22^  au 
230  latitude  N.  par  M.  Panet,  en  1850;  par  M.  le  capitaine  Vincent, 
en  1860; 

Au  Sud  du  Maroc,  par  René  Caillé,  en  1828,  du  22«  au  28'» 
latitude  N.; 

Au  Sud  de  l'Algérie,  entre  les  montagnes  des  Oulâd-Sîdi-Cheïkh 
et  le  Touât,  par  MM.  de  Colomb,  Colonieu  et  Marrés  ;  entre  El- 
Golêà  et  le  plateau  de  Tàdemàyt,  par  moi,  en  1859  ;  entre  Ouarglâ  et 
la  Zaouiyade  Timâssaiiîn,  par  M.  Ismayl-Boû-Derba,  en  1858;  entre 
El-Ouâd  et  Ouarglâ,  par  moi,  en  1860  ; 

Au  Sud  de  la  Tunisie,  entre  El-Ouâd  et  Nafta,  par  moi,  en  1860; 
entre  El-Ouâd  et  Ghadâmès,  par  M.  le  capitaine  de  Bonnemain, 
en  1858;  par  moi,  en  1860;  par  la  mission  placée  sous  la  direction 
de  M.  le  lieutenant-colonel  Mircher,  en  1862  ; 

Dam  la  partie  Sud  de  la  Tripolitaine,  entre  El-Hesî  et  TOuâdi-el- 
Gharbi,  par  M.  le  docteur  Barth,  en  1850;  entre  le  plateau  de 
Tînghert  et  la  vallée  des  Igharghâren,  par  moi,  en  1860;  entre 
rOuâdi-el-Gharbi  et  les  lacs  du  Fezzân,  par  moi,  en  1861. 

De  plus,  j'ai  recueilli,  par  renseignements,  de  nombreux  itiné- 
raires traversant  F 'Erg  dans  toutes  les  directions  :  trente-trois,  pour 
la  zone  comprise  entre  Ouarglâ,  Gâbès,  Ghadâmès  et  ïimâssanîn  ; 
trois  entre  El-Golêà  et  le  Touât;  quatre  entre  le  Beni-Mezâb  et  le 
Maroc;  trois  entre  Geryville  et  le  Gourâra;  enfln  des  détails  très- 
circonstanciés  sur  la  limite  des  dunes  au  Nord  et  à  l'Ouest  des  mon- 
tagnes des  Touareg. 

Avec  ces  éléments,  complétant  ceux  fournis  par  les  autres  voya- 
geurs, on  peut  aujourd'hui  estimer,  au  moins  approximativement, 
l'étendue  et  la  direction  générales  de  la  zone  des  dunes,  entre  la 
Méditerranée  et  l'Océan  Atlantique. 

Si  je  ne  me  trompe,  cette  zone  s'étendrait,  avec  ou  sans  interrup- 
tions, du  Nord-Est  au  Sud-Ouest,  sur  une  longueur  de  2^0  myriamètres 
environ,  du  golfe  de  Gâbès,  dans  la  Méditerranée,  au  cap  Barbas, 
sur  l'Océan  Atlantique,  en  suivant  une  direction  qui  semble  comman- 


GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE.  7 

(lée  par  la  disposition  réciproque  de  la  chaîne  atlantique  et  du  massif 
des  montagnes  des  Touareg.  Le  plus  grande  largeur  de  cette  zone 
serait  de  50  myriamètres;  la  plus  petite,  de  5, 

Les  causes  constitutives  d'un  phénomène  géologique  aussi  étendu 
seront  étudiées  ultérieurement;  pour  le  moment  je  me  borne  à 
constater  ce  que  j'ai  vu  et  ce  que  j*ai  appris. 

Les  indigènes  distinguent  quatre  variétés  de  formes  de  dunes  : 

La  Gara  (plur.  Goûr),  sorte  de  témoin,  rocheux  ou  terreux»  qui 
marque  l'ancien  niveau  du  sol  primitif: 

LeGhourd,  vraie  montagne  de  sable  qui  atteint  parfois  les  dimen- 
sions des  montagnes  ordinaires; 

La  Zemla,  dune  allongée,  régulière,  affectant  la  forme  d'un  dos 
d'âne,  avec  pente  normale  sur  ses  deux  principales  faces; 

Le  Si/;  dune  comparée  à  la  lame  d'un  sabre,  semblable  à  la 
précédente,  mais  en  différant  par  la  paroi  verticale  de  Tune  de  ses 
faces. 

La  Gara  n'est  pas  une  dune  proprement  dite,  car  sa  base  est  la 
roche  ou  une  terre  compacte  ;  le  Ghourd,  la  Zemla,  le  Sîf  ne  sont  que 
des  masses  de  sables. 

Ces  différentes  formes  de  dunes  sont  séparées  entre  elles  par  des 
dépressions  parmi  lesquelles  les  indigènes  distinguent  aussi  quatre 
variétés  :  le  Thenîya,  YOuâd,  le  Haoudh,  le  Saimn. 

Le  Thenîya  est  un  col  oblong,  étroit,  resserré  entre  deux  dunes, 
servant  généralement  de  passage  aux  caravanes,  mais  dont  la  tra- 
versée ne  s'opère  pas  toujours  sans  difficulté,  car,  en  raison  de  leur 
étroitesse,  ces  défilés  sont  souvent  barrés  par  des  amas  de  sable  pro- 
venant d'éboulements  ou  accumulés  par  les  vents.  Alors  on  doit 
parfois  s'ouvrir  un  sentier  à  lacets  en  pratiquant  à  la  main  un  plan 
incliné  qui  permette  aux  chameaux  de  prendre  pied. 

L'Ouàd  est  une  vallée,  plus  large  que  le  Thenîya,  toujours  ouverte 
dans  la  direction  des  vents  régnants  et  formée  par  eux.  Son  bas- 
fond  sert  de  réservoir  aux  eaux  pluviales,  d'où  lui  a  été  donné  le 
nom  d'Ouâd  (lit  de  rivière). 

Le  Thenîya  et  l'Ouâd  prennent  le  nom  de  Dourîya  (tournant), 
quand  une  dune  circulaire  oblige  la  dépression  à  prendre  la  forme 
d'un  labyrinthe. 

Le  Haoudh  est  un  bassin  d'une  certaine  étendue  qui  laisse  quel- 
quefois plusieurs  kilomètres  d'intervalle  entre  une  dune  et  une  autre; 


8  TOUAREG  DU  NORD. 

Le  Sahan  est  une  dépression  plate,  dont  le  palier  est  générale- 
ment composé  de  sable  en  mélange  avec  du  plâtre  cristallisé. 

C'est  dans  les  bas-fonds  des  Thenîya,  des  Ouâd,  des  Dourîya,  des 
Haoudh,  des  Sahan,  comparés  par  les  Arabes  à  un  réseau  de  veines, 
(*Erg,  'Areg)  que  se  trouvent  les  chemins  et  les  puits  sans  lesquels 
les  dunes  seraient  infranchissables. 

On  aura  une  idée  approximative  de  l'aspect  général  des  dunes  en 
se  figurant  une  mer  en  courroux  qu'un  miracle  aurait  instantané- 
ment solidifiée.  Les  Goûr  seraient  les  pointes  de  rochers  montrant 
leurs  létes  au  milieu  des  eaux;  les  Ghourd,  les  Zemla  et  les  Sîf,  les 
vagues  que  les  vents  auraient  soulevées  et  dressées  au-dessus  du 
niveau  général  ;  les  Thenîya,  les  Ouàd,  les  Dourîya,  les  Haoudh  et  les 
Sahan,  les  dépressions  houleuses  séparant  les  vagues. 

Mais  quelle  que  soit  la  puissance  de  l'imagination  de  l'homme, 
elle  ne  peut  pas  plus  se  figurer  l'émouvant  spectacle  du  chaos  des 
dunes  que  celui  des  mers  de  glaces  à  leur  dégel.  Il  faut  avoir  vu,  et, 
quand  on  a  vu,  renoncer  à  reproduire  ses  impressions. 

Plus  de  détails  sont  nécessaires  sur  les  dunes,  les  chemins  et  les 
puits  de  l"Erg. 

Si  la  pente  de  quelque  Zemla  est  assez  douce  pour  qu'un  homme, 
s'aidant  de  ses  mains  et  de  ses  pieds,  puisse,*  à  la  rigueur,  la  gravir, 
on  peut  affirmer  que,  ni  homme  ni  animal  d'aucune  espèce,  n'a  pu 
lutter  contre  les  pentes  de  quelques  Ghourd. 

La  hauteur  des  dunes,  comme  leurs  formes,  varie  5  l'infini,  de- 
puis celle  d'un  petit  tertre  de  1  à  3  mètres,  jusqu'à  celle  du  pic  s'éle- 
vant  à  150  et  même  200  mètres. 

Ici,  la  base  d'une  dune  présentera  un  développement  de  4  à 
6  kilomètres;  là,  elle  n'aura  pas  une  centaine  de  mètres. 

Dans  les  parties  de  T'Erg  que  j'ai  parcourues,  il  n'y  a  pas  une 
dune  importante  qui  n'ait  un  nom  propre  que  tous  les  bons  guides 
connaissent. 

Bien  que  les  vents  régnants  déplacent  continuellement  les  sables  à 
la  superficie  des  dunes  et  en  modifient  nécessairement  la  forme,  les 
proportions,  par  rapport  à  la  masse,  dans  lesquelles  ont  lieu  ces 
changements  sont  tellement  minimes  et  inappréciables  à  l'œil ,  qu'il 
faut  la  vie  d'un  homme  pour  constater  quelque  différence  sensible. 
Cela  se  comprend  :  le  vent  opposé  remet  en  place,  le  lendemain,  le 
grain  de  sable  déplacé  la  veille.  Cependant,  il  est  incontestable  que 


GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE.  9 

les  dunes  marchent  dans  la  direction  des  vents  alizés,  du  N.-E.  au 
S.-O. 

Il  est  plus  facile  de  constater  le  déplacement  continuel  des  sables 
sur  le  terre-plein  du  sol.  En  marche,  par  exemple,  lorsque  le  vent 
souffle,  un  voyageur  ne  peut  suivre  la  trace  des  pas  de  son  compa- 
gnon, si  ce  dernier  le  devance  de  quelques  mètres  seulement. 
Comme  le  navire  à  la  mer  qui  ne  laisse  de  trace  de  son  sillage  que 
par  les  résidus  de  Toffice  surnageant  à  la  surface  des  eaux,  de  même 
la  caravane  ne  marque  souvent  son  passage  sur  les  sables  que  par 
les  crottins  de  ses  chameaux. 

L'absence  de  tracé  de  route,  l'obligation  de  cheminer  dans  des 
dépressions  sans  horizons,  le  changement  d'aspect  des  lieux,  font 
que  les  voyages  à  travers  T'Erg  présentent  toujours  des  difficultés 
sérieuses. 

Avant  d'entrer  dans  l"Erg,  le  Cheikh-'Othmân,  chargé  de  me 
conduire  chez  les  Touareg,  me  fit  quatre  recommandations  : 

a  M'armer  de  beaucoup  de  patience  et  de  résignation; 

«  Ne  pas  intervenir  dans  les  discussions  des  guides  ou  khebh\ 
relativement  à  la  marche  de  la  route  ; 

(t  Faire  provision  de  beaucoup  d'eau  ; 

«  Être  libéral  envers  les  guides,  envers  mes  serviteurs  et  mes 
compagnons  de  voyage.  » 

L'expérience  avait  dicté  ces  conseils  à  la  sagesse  du  Cheikh- 
'Othmân. 

Mes  compagnons  de  voyage,  connaissant  les  dangers  de  la  tra- 
versée, recommandèrent  leur  âme  à  Dieu,  au  prophète,  à  tous  les 
marabouts,  en  réclamant  leur  puissante  intervention  pour  les  faire 
sortir  sains  et  saufs  d'un  pays  qu'ils  qualifiaient  de  champ  de  la  mort. 

Des  guides  sont  indispensables  pour  voyager  dans  T'Erg;  quand 
je  quittai  El-Ouâd,  l'autorité  locale  exigea  que  j'en  eusse  deux, 
comme  garantie  de  sécurité. 

La  profession  de  guide  est  héréditaire  dans  certaines  familles  et 
elle  constitue  chez  elles  une  sorte  de  sacerdoce,  car  de  l'expérience 
du  guide  dépend  souvent  le  salut  ou  la  perte  d'une  caravane.  On 
juge  de  l'importance  de  cette  profession  par  le  respect  dont  tous  les 
khebîr  sont  entourés  et  par  les  honneurs  qui  leur  sont  rendus  au 
départ  et  à  l'arrivée  de  chaque  caravane. 

La  marche  à  travers  les  sables  n'est  pas  sans  difficultés  pour  les 


10  TOUAREG  DU  NORD. 

chameaux  eux-mêmes,  et,  pour  les  surmonter,  il  faut  qu'ils  y  soient 
habitués  dès  leur  enfance,  si  la  distance  à  parcourir  est  un  peu 
considérable.  L'habitude  des  sables  donne  aux  pieds  de  l'animal  une 
conformation  appropriée  aux  besoins  :  élargissement  de  la  surface 
plantaire,  à  la  façon  des  palmipèdes,  pour  ne  pas  enfoncer;  ongles 
aigus  et  longs,  pour  éviter  les  glissements  aux  montées  et  aux 
descentes. 

Quoique  les  sables  soient  des  éponges  qui  absorbent  les  eaux  plu- 
viales et  les  conservent  à  l'abri  de  l'action  solaire,  la  question  des 
puits  a  une  importance  réelle  par  la  profondeur  à  atteindre  pour 
trouver  l'eau,  par  la  nécessité  de  les  coffrer  dans  la  partie  sablon- 
neuse et  mouvante  des  terrains  traversés ,  par  l'obligation  d'entre- 
tenir ces  coffrages  et  de  couvrir  les  orifices,  si  l'on  veut  prévenir  les 
éboulements  et  les  ensablements,  qui  transforment  les  puits  vivants 
en  puits  morts,  pour  me  servir  de  l'expression  caractéristique  des 
indigènes. 

Entre  El-Ouâd  et  Gbadâmès,  j'ai  mesuré  la  profondeur  des  puits 
des  stations  de  ma  route  ;  elle  s'élève  successivement  de  8"  55  à  22"30, 
dernière  limite  que  les  indigènes,  avec  les  moyens  dont  ils  disposent, 
puissent  atteindre. 

Le  coffrage  est  fait  au  moyen  de  poutrelles  de  palmier  et  de 
fascines  en  branchages. 

Généralement,  on  trouve  l'eau  dès  que  la  pioche  du  puisatier  a 
traversé  la  couche  de  sable  qui  recouvre  le  sol  primitif,  et  générale- 
ment aussi  elle  est  de  bonne  qualité.  Cependant  il  y  a  quelques 
puits  dont  l'eau  est  saumâtre. 

L'absence  de  seuil  à  l'orifice  des  puits,  malgré  le  soin  de  les  cou- 
vrir, fait  que  les  vents  y  amoncellent  des  sables  et  des  crottins  de 
chameau  qui  les  comblent  ou  altèrent  la  qualité  de  leurs  eaux.  Quel- 
quefois l'abondance  des  matières  étrangères  est  assez  considérable 
pour  qu'à  l'arrivée  des  caravanes  il  faille  les  nettoyer  avant  d'avoir  de 
l'eau  potable;  pour  éviter  ce  travail  très-fatigant  et  très-pénible,  les 
khebîr  ont  toujours  le  soin  d'ordonner  de  recouvrir  les  puits  d'une 
couche  de  branchages;  mais  jamais  ce  travail  n'est  fait  avec  assez  de 
soin  pour  empêcher  les  sables  d'y  pénétrer.  Comment  le  pourrait-on, 
quand  on  ne  peut  éviter  leur  introduction  dans  les  chronomètres  les 
mieux  fermés? 

Le  fascinage  qui  couvre  l'ouverture  des  puits  n'est  réellement 


GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE.  H 

efficace   que   pour  prévenir  les  chutes  d'hommes   ou  d'animaux. 

Pour  abreuver  les  chameaux,  on  a  des  auges  en  terre  argileuse 
pratiquées  dans  les  déblais  qui  ont  été  tassés  à  cet  effet  au  moment 
de  l'ouverture  des  puits. 

Dans  toute  la  région  de  T'Erg,  le  maximum  de  profondeur  des 
puits  paraît  être  de  22  à  25  mètres.  Quand  il  y  a  lieu  à  creuser  plus 
profondément,  on  s'abstient,  sans  doute  à  cause  des  difficultés  de 
forage  et  de  coffrage;  aussi,  dans  les  parties  que  j'ai  parcourues,  les 
puits  sont  limités  à  la  zone  la  plus  rapprochée  des  lignes  de  fond  des 
oasis  algériennes.  Le  reste  est  complètement  dépourvu  d'eau. 

Sur  la  carte  qui  accompagne  ce  travail,  je  comprends  la  presque 
totalité  de  la  partie  orientale  de  T'Erg  dans  les  limites  frontières  de 
rAlgérie.  Voici  les  raisons  sur  lesquelles  s'appuie  cette  délimitation 
nouvelle  : 

Tous  les  puits  de  cette  partie  de  T'Erg  ont  été  creusés  et  sont  entre- 
tenus par  les  Souâfa,  les  Rouâgha  et  les  Ghaânba,  tribus  soumises 
au  gouvernement  de  l'Algérie. 

Ges  tribus  sont  les  seules  dont  les  chameaux  aient  la  pratique  de 
TErg;  enfin,  elles  sont  les  seules  chez  lesquelles  on  trouve  deskhebîr 
pour  guider  les  voyageurs. 

Les  puits  de  Berreçof,  de  Bîr-Ghardâya  et  de  Bîr-Djedîd,  ainsi  que 
les  territoires  de  parcours  qui  en  dépendent,  appartiennent  incontes- 
tablement aux  Souàfa,  à  l'exclusion  de  tous  autres,  car  toujours  les 
bergers  et  les  chasseurs  de  cette  tribu  y  ont  leurs  campements. 

Ges  faits,  dont  l'authenticité  est  irrécusable,  portent  dans  l'Est  la 
limite  méridionale  de  l'Algérie,  au  delà  du  Sahara  tunisien,  jusqu'aux 
territoires  de  la  Tripolitaine  et  des  Touareg. 

Le  nom  d'un  de  ces  puits  rappelle  celui  d'un  gouverneur  de 
Conslantine,  Sàlah-Bey,  dont  le  règne  a  laissé  dans  toute  la  pro- 
vince, par  des  institutions  et  des  travaux  remarquables,  les  traces 
évidentes  d'un  grand  génie. 

Au  Sud  de  Methlîli,  sur  la  ligne  que  j'ai  reconnue  en  1859,  la 
limite  est  celle  des  terres  de  parcours  de  Ghaànba  d'El-Golêà,  limite 
qui,  à  peu  de  distance  au  Sud  de  cette  ville,  vient  se  confondre  avec 
celle  des  terres  de  parcours  des  Touareg  et  des  Oulàd-Bâ-Hammou, 
arabes  nomades  de  la  confédération  indépendante  du  Touât. 

Les  chefs  Touareg,  dont  j'ai  pris  l'avis,  assignent  à  leur  territoire, 
comme  limite  Nord,  les  points  suivants  : 


12  TOUAREG  DU  NORD. 

Tin-Yagcuin,  sur  la  route  de  Ghadâmès  à  In-Sàlah,  par  la  voie 
d'El-Beyyodh  ; 

*AïN-irr-TAÏBA,  sur  la  route  d'Ouarglâ  à  Timâssanîn  ; 

HamÂd-el-'Atchan*,  sur  TOuâd-Mîya,  entre  les  Touareg  et  les 
Chaénba  d'El-Golêa*. 

La  localité  de  Tigmi,  disent-ils,  est  aux  Touareg. 

A  moins  d'admettre  qu'entre  ces  points  et  ceux  occupés  par  nos 
tribus,  il  y  ait  une  zone  n'appartenant  à  personne,  la  presque  totalité 
de  T'Erg  au  Sud  et  au  Sud-Est  de  nos  possessions  fait  partie  de 
l'Algérie. 

D'ailleurs,  dès  que  les  Touareg  veulent  généraliser  leurs  détermi- 
nations, ils  disent  :  «  Les  Dunes  (El-'Erg)  sont  aux.Souâfa  et  aux 
Chaânba,  et  les  Plateaux  au  Sud  (Hamàd)  aux  Touareg,  w 

Ces  derniers  revendiquent,  comme  leur  appartenant,  le  plateau 
de  Tâdemâyt,  quoique  les  arabes  d'In-Sàlah  et  d'El-Golêà  y  mènent 
paître  leurs  troupeaux. 

J'aurai,  dans  la  suite  de  ce  travail,  l'occasion  d'apporter  un  nou- 
veau témoignage  à  l'appui  de  celui  des  Touareg,  en  constatant  que 
Ghadâmès  faisait  partie  de  la  Numidie  et  que  sa  garnison  lui  était 
fournie  par  la  III®  Légion  Auguste,  dont  le  dépôt  était  à  Lambèse. 

\  l'époque  romaine,  comme  aujourd'hui,  la  propriété  des  puits 
entraînait  celle  de  la  contrée  qu'ils  pourvoyaient  d'eau. 

Je  terminerai  ce  que  j'ai  à  dire  de  la  zone  de  T'Ergen  signalant 
au  Sud-Est  d'Ouarglà  et  à  l'Ouest  de  Ghadâmès  les  ruines  d'El- 
Menzeha  et  d'Es-Sohoûd,  sur  l'emplacement  d'une  ville  fort 
ancienne,  qui,  d'après  la  tradition,  aurait  eu  jadis  une  certaine 
importance,  mais  dont  les  chroniques  arabes  ne  font  aucune 
mention. 

J'ignore  en  quoi  consistent  ces  ruines,  à  quelle  ci\nlisation  elles 
appartiennent  ;  je  sais  seulement  qu'elles  sont  au  milieu  des  dunes 
et  que  l'abandon  de  la  ville  est  attribué  à  l'invasion  des  sables. 

1.  Hamàd-el-'Atchàn  est  situé  près  de  Tln-Fedjaouin  ;  c'est  un  point  très-facile  à 
trouver,  car  on  y  signale  des  peupliers  blancs  {safsaf)^  arbres  exceptionnels  à  cette 
latitude. 


GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE.  13 


S  11.   —    MASSIF    TOUÂHEG. 

Vu  de  haut  et  d'ensemble,  le  massif  Touareg  offre  une  série  de 
plateaux  superposés,  s'élevant  graduellement,  par  étages,  de  hau- 
teurs de  500  à  600  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  jusqu'à 
2,000  mètres  environ  d'altitude. 

Le  Ahaggâr  est  le  point  culminant;  viennent  ensuite,  en  contre- 
bas, le  Tasîli*  du  Nord  et  la  chaîne  d'Anhef  qui  atteignent  des  alti- 
tudes de  1,500  à  1,800  mètres  ;  sur  la  circonférence  de  ces  trois  points 
surélevés  on  trouve,  à  un  gradin  inférieur,  le  plateau  d'Eguéré,  la 
chaîne  de  TAkàkoûs,  la  chaîne  de  TAmsâk,  la  Hamàda  de  Mourzouk, 
la  Hamàda-el-Homra,  la  Hamàda  de  Tînghert,  le  plateau  de  Tàde- 
màyt,  celui  du  Mouydîr,  le  Bàten  Ahenet,  le  Tasîli  du  Sud  et  une 
Hamàda  innomée,  à  l'Est  du  Tâfasâsset,  séparative  du  pays  des 
Touareg  du  Nord  de  celui  des  Teboû. 

Tout  ce  pâté  constitue,  sinon  en  totalité,  du  moins  en  partie,  ce 
qu'on  appelle,  en  géographie,  le  plateau  central  du  Sahara. 

Dans  son  ensemble,  il  présente  trois  versants  qui  forment  trois 
grands  bassins,  vallées  ou  gouttières  d'écoulement  des  eaux  pluviales 
vers  la  mer  :  un  versant  méditerranéen  qui  embrasse  toutes  les  têtes 
de  l'Ouàdi-Igharghar  ;  un  versant  nigritien,  à  l'opposite  du  précédent, 
dont  toutes  les  eaux  se  réunissent  dans  l'Ouâdi-Tâfasàsset,  affluent 
du  Niger;  enfin  un  versant  occidental  que  j'appellerai  atlantique, 
parce  que,  malgré  l'obstacle  des  dunes  d'Iguîdi,  ses  eaux  doivent 
aboutir  à  l'Océan  Atlantique  par  l'Ouâdi-Drâa. 

Quelques  lignes  sur  les  principaux  reliefs  de  ce  pâté  doivent  com- 
pléter cette  énumération. 

Ahaggâr  :  Le  Ahaggâr  est  le  point  le  plus  élevé  du  plateau  central 
du  Sahara,  dont  il  forme  la  tête  occidentale.  D'après  un  plan  en 
relief  dressé  dans  le  sable  par  le  Cheikh-'Othmàn  lui-même,  ce 
serait  un  immense  plateau,  de  forme  circulaire,  se  prolongeant  vers 
le  Nord,  sous  le  nom  de  Tîfedest,  en  forme  de  promontoire,  jusqu'au 
mont  Oudân  que  les  indigènes  qualifient  de  nez  du  Ahaggâr,  Ce 

1.  Tastti  signifie  p/ateau  élevé  et  accidenté;  /iamdda  désigne  un  plateau  large, 
plat  et  bas  ;  bàten  est  une  expression  géographique  propre  au  Sahara,  qui  corres- 
pond au  mot  colline. 


14  TOUAREG  DU   NORD. 

massif  s'élève  par  gradins  supeqwsés,  œuronnés  eux-mêmes  par  un 
dernier  plateau,  TAtakôr-n-Ahaggâr  {faite  du  Ahaggâr),  au  centre 
duquel  se  dressent  deux  pics  jumeaux,  Ouâtellen  et  Hîkena,  que  je 
n'hésite  pas  à  considérer  ainsi  que  TOudàn  comme  des  puys  volca- 
niques analogues  à  ceux  de  l'Auvergne.  D'autres  puys  ou  pics  isolés, 
volcaniques  ou  non,  existeraient  aux  étages  inférieurs  de  la  mon- 
tagne, ceux  d'Aheggar,  d'ilamân,  de  Tahàt,  sur  le  gradin  intermé- 
diaire; ceux  de  Tasnao,  de  Téhé-n-Akeli,  de  Tâhela-Ohàt,  de  Serkout, 
sur  le  gradin  inférieur. 

Tasili  du  Nord  :  Ce  tasîli,  généralement  connu  sous  le  nom  de 
TaMli  des  Azdjer,  pour  le  distinguer  d'un  autre  tasili  sis  au  Sud  du 
Ahaggâr,  est  un  grand  plateau,  ainsi  que  l'indique  son  nom,  mais 
très-accidenté,  car  de  nombreuses  vallées,  étroites  et  encaissées,  le 
découpent  en  caps  allongés,  surtout  sur  son  rebord  Nord.  Son  rebord 
Sud,  plus  élevé  que  le  précédent,  est  comme  le  Ahaggàr  couronné 
d'un  plateau  supérieur,  l'Adrar,  dominé  lui-même  par  le  pic  d'In- 
Esôkal,  certainement  un  puy  volcanique.  Divers  plateaux  secon- 
daires ou  pitons  isolés  marquent  le  relief  de  ce  massif.  Je  cite  entre 
autres: Takarâhet,  Asàdjen,Tàfelàmin,  Atafeyfagh,  Tinaorherh,  Têlout, 
Eselî,  Aderedj,  Mezzerîren,  Tahônt-Terohet,  Eguelé,  Adjer.  A  l'aval 
de  ces  points  culminants  et  dans  les  lignes  de  fond  des  ouâdi  sont  de 
nombreux  lacs  persistants  dont  l'existence,  en  pareil  lieu,  ne  s'ex- 
plique que  par  la  transformation  d'anciens  cratères  en  réseiToirs  d'eau. 

La  forme  du  Tasîli  du  Nord  est  celle  d'un  grand  carré  long, 
isolé,  dont  les  murailles  s'élèvent  presque  verticalement  à  pic  au- 
dessus  du  milieu  environnant. 

Chaîne  d'Anhef  :  Cette  chaîne,  entièrement  isolée  aussi,  semble 
un  coin  jeté  entre  le  Ahaggàr  et  le  Tasîli  du  Nord.  M.  le  docteur 
Barth ,  qui  a  traversé  son  faîte  entre  les  origines  du  Tâfasâsset,  la 
représente  couronnée  de  pics,  comme  le  Tasîli  et  le  Ahaggàr.  Sans 
doute,  cette  chaîne  est  aussi  due  à  la  même  formation  volcanique. 
Ce  qu'on  dit  de  la  localité  de  Tâdent,  campement  renommé  pour 
l'abondance  de  ses  eaux  et  la  richesse  de  sa  végétation,  l'assimile 
encore  davantage  au  Tasîli  et  au  Ahaggâr. 

Plateau  d'Eguéré  :  Plus  encore  que  l'Anhef,  le  petit  plateau 
d'Eguéré  ressemble  à  un  coin,  interposé  entre  le  Tasîli,  le  Mouydîret 
le  Ahaggàr,  comme  pour  les  séparer.  On  le  prendrait  volontiers 
pour  un  fragment  détaché  de  l'un  de  ces  trois  massifs,  au  moment 


GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE.  15 

de  la  dislocation,  par  l'action  souterraine  du  feu,  du  grand  plateau 
central  du  Sahara. 

Chaîne  de  rAkâkoûs  :  Presque  parallèle  au  rebord  oriental  du 
Tasîli  dont  la  gorge  d'Ouaràret  la  sépare,  la  chaîne  de  TAkâkoûs, 
peu  large,  mais  étendue  du  Nord  au  Sud,  est  un  massif  de  rochers 
infranchissable  et  peu  connu,  même  des  indigènes,  car  ils  redoutent 
de  s'y  égarer.  Ils  citent  cependant  la  localité  de  Tâderart  comme 
ayant  du  être  un  ancien  centre  d'habitation,  car  on  y  remarque  des 
myrtes,  nécessairement  introduits  par  la  culture,  et  des  sculptures 
rupeslres  importantes,  indices  d'une  civilisation  disparue. 

Chaîne  de  l'Amsâk  :  Je  donne  ce  nom,  en  cela  d'accord  avec  les 
indigènes,  au  rebord  rocheux  du  grand  plateau  de  Mourzouk,  parce 
que  sa  traversée,  dans  certaines  parties,  offre  les  diflBcultés  d'une 
véritable  chaîne  de  montagnes.  L'Amsàk  nous  est  connue  dans  sa 
partie  Ouest  par  le  voyage  de  M.  le  docteur  Barth  et  dans  sa 
partie  Nord  par  mes  reconnaissances,  entre  le  désert  de  Tâyta  et 
rOuâdi-ech-Chergui.  Ses  prolongements  au  Sud  et  à  l'Est  sont  encore 
inconnus. 

Hamâda  de  Mourzouk  :  Quoique  de  nombreux  voyageurs  aient 
traversé  ce  plateau  dans  toutes  les  directions,  ses  limites  orientales 
et  méridionales  sont  vaguement  indiquées,  sans  doute  parce  qu'il 
se  continue  sans  ligne  de  démarcation  tranchée  jusqu'au  Hâroûdj-el- 
Abiodh  dans  l'Est,  et  vers  le  Sud  jusque  dans  une  partie  du  Sahara 
encore  inexplorée. 

Le  caractère  de  ce  plateau  est  d'être  uniformément  plat,  sauf 
quelques  dépressions,  bas-fonds  d'anciens  lacs  desséchés,  dans  les- 
quelles sont  les  oasis  de  l'Ouâdi-'Otba,  de  la  Hofra  et  de  la  Cher- 
guîya.     . 

On  pourrait  à  la  rigueur  considérer  cette  hamàda  comme  une 
prolongation  orientale  du  plateau  du  Tasîli  des  Azdjer. 

Hamàda-el-Homra  :  Partie  seulement  de  cette  hamâda,  nommée 
le  plateau  rouge  à  cause  de  sa  couleur,  appartient  aux  Touareg, 
mais,  géographiquement,  elle  ne  saurait  en  être  distraite,  car  elle 
sert  d'assise  inférieure  aux  massifs  du  Sud  et  les  relie  aux  forma- 
lions  volcaniques  du  Hâroûdj-el-Asoued,  de  la  Soda,  de  la  Syrte  et 
du  Djebel-Nefoûsa. 

Rien  ne  donne  l'idée  du  désert,  dans  sa  monotone  nudité,  comme 
cette  hamâda  :  ni  une  goutte  d'eau,  ni  une  plante,  ni  un  insecte  ne 


16  TOUAREG  DU   NORD. 

s'y  rencontreQl.  La  puce  elle-même  ne  peut  y  vivre,  et  la  limite 
Nord  de  ce  plateau  est  la  limite  méridionale  de  ce  parasite.  A  la  place 
de  tout  ce  qui  réjouit  la  vue  du  voyageur  en  d'autres  pays,  on  a  là 
la  roche  nue,  une  chaleur  réfractée  accablante,  des  vents  que  rien 
ne  brise,  pas  même  d'horizon,  tant  la  hamâda  est  grande,  de  sorte 
que  l'uniformité  de  la  désolation  est  absolue. 

Hamâda  de  Tinghert  :  Tînghert  signifie  pierre  à  chaux.  Cette 
hamâda,  sur  laquelle  est  assise  la  ville  de  Ghadàmès,  n'est,  en 
réalité,  qu'une  continuation  à  l'Ouest  de  la  Hamâda-el-Homra,  sous 
un  nom  différent,  l'un  arabe,  l'autre  berbère,  à  cause  de  la  nature 
différente  de  la  roche  de  sa  base.  Au  Nord-Est,  ce  plateau  commence 
au  pied  du  Djebel-Nefoûsa,  pour  finir  au  Sud  à  la  dépression 
d'Ohânet,  tête  des  eaux  de  Timàssanîn.  Dans  l'Ouest  comme  dans 
l'Est  ses  limites  sont  indéterminables,  car  tout  indique  qu'il  se  con- 
tinue sous  les  sables  de  l"Erg  jusqu'aux  plateaux  de  Tàdemàyt,  des 
Cha'anba  et  des  Benî-Mezâb,  dans  le  Sahara  algérien. 

Plateau  de  Tâdemâyt  :  Ce  bas  plateau,  compris  entre  l"Erg,  le 
Touàt  et  les  étages  supérieurs  du  massif  des  Touareg,  joue  un  cer- 
tain rôle  dans  l'hydrographie  de  cette  partie  du  Sahara.  Par  son 
rebord  occidental,  qui  porte  le  nom  de  Bâten,  et  par  sa  tête  (Ràs 
Tâdemâyt),  sise  à  l'angle  Sud-Ouest  du  vaste  quadrilatère  qu'il 
forme,  il  donne  au  Touât  les  eaux  qui  alimentent  ses  trois  cents 
villages  et  arrosent  les  forêts  de  palmiers  qui  les  environnent;  par 
l'éventail  de  son  versant  Nord-Est,  il  fournit  à  l'Ouâd-Mîya,  la 
rivière  des  cent  sources,  les  nombreuses  origines  qui  lui  ont  valu  ce 
nom. 

Un  rebord  nettement  accentué  limite  ce  plateau  sur  ses  quatre 
faces  et  protège  la  partie  du  Touàt  qu'il  abrite  contre  l'invasion  des 
•  sables  de  1'  'Erg. 

Plateau  du  Mouydîr  :  Ce  plateau,  qui  semble  former  dans  le  Nord- 
Ouest  le  pendant  de  la  chaîne  d'Anhef  dans  le  Sud-Ouest,  est  remar- 
quable par  sa  forme  oblongue,  concave  sur  un  de  ses  rebords,  con- 
vexe sur  l'autre,  et  surtout  par  le  pic  d'Ifettesen  qui  en  occupe  le 
centre,  probablement  un  puy  volcanique  aussi',  et  d'où  partent. 


1.  Je  suis  d*aatant  plus  disposé  à  croire  à  la  formation  volcanique  du  pic 
d'Ifettesen ,  que  dans  la  plaine  d'Adjemôr,  au  pied  du  plateau,  se  trouve  une  source 
sulfureuse,  Dhàyâ-el-Kâhela. 


GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE.  17 

dans  trois  directions  opposées,  rOuâdi-Rharîs,  affluent  de  l*lgharghar, 
rOuàdi-Tîrhehêrt  et  l'Ouâdi-Akâraba,  qui  vont  se  perdre  dans  les 
sables  de  TOuest. 

Bâlen  Ahenet  :  Bàten  est  une  expression  technique  de  géographie 
saharienne,  comme  hamâda,  tasîli,  adrar;  elle  indique  un  relief  du 
sol,  allongé  et  peu  considérable.  Celui  d' Ahenet,  orienté  Sud-Est  et 
Nord-Ouest,  occupe  le  centre  d'une  hamàda  entre  le  Ahaggàr,  le 
Mouydîr,  le  Touât,  les  dunes  d'Iguîdi,  le  Tànezroûft  et  le  Tasîli 
du  Sud. 

Tasîli  du  Sud  :  Le  Tasîli  du  Sud,  qu'on  désigne  aussi  sous  le  nom 
de  Tasîli  des  Ahaggâr,  pour  le  distinguer  de  celui  des  Azdjer,  est 
un  plateau  rocheux,  sans  eau,  sans  végétation ,  presque  inconnu 
des  indigènes  eux-mêmes,  tant  il  est  inhospitalier.  Les  chameaux 
qui  s'y  égarent,  disent  les  Touareg,  ou  périssent  ou  deviennent 
sauvages,  car  personne  ne  veut  exposer  sa  vie  pour  aller  les 
rechercher. 

Ce  tasîli  sépare  le  Ahaggâr  de  l'Adghagh  des  Aouélimmiden. 

De  ces  détails,  je  passe  à  l'examen  de  la  cause  qui  a  déterminé 
ces  reliefs. 

J'ai  attribué  à  ufi  soulèvement  volcanique  la  formation  isolée 
de  chacun  de  ces  plateaux;  mon  opinion  à  cet  égard  est  basée, 
pour  les  points  les  plus  remarquables,  sur  des  témoignages  géolo- 
giques. 

La  présence  certaine  de  roches  pyrogènes  *  dans  les  massifs  du 
Ahaggâr  et  du  Tasîli,  ainsi  que  dans  les  montagnes  de  la  Soda  au 
Sud  de  Sôkna  et  du  Hâroûdj  à  l'Est  d'El-Fogha  ;  la  situation  de  ces 
quatre  massifs,  sur  une  même  ligne  courbe,  me  portent  à  penser  que 
le  soulèvement  de  ces  montagnes  peut  très-bien  être  dû  au  même 
effet  volcanique,  quoiqu'elles  soient  à  de  grandes  distances  les  unes 
des  autres.  Cette  appréciation  ,  si  elle  était  confirmée,  s'accorderait 
parfaitement  avec  les  nouvelles  découvertes  sur  l'action  circulaire  des 
tremblements  de  terre. 

La  distribution  géographique  des  roches  volcaniques  dans  cette 
partie  du  continent  africain  nous  montre  l'action  du  feu  souterrain 
commençant  à  la  grande  Syrte  où  l'on  connaît  des  mines  de  soufre, 
se  continuant  à  Ghariân  où  percent  quelques  roches  de  basaltes  et  se 

t.  Le  massif  d'Air  aussi  renferme  des  roches  pyrogènes. 

I.  « 


18  TOUAREG  DU   NORD. 

prolongeant  jusqu'à  la  Soda  et  au  Hàroûdj,  pour  reparaître  dans  le 
Tasîli  et  le  Ahaggàr  chez  les  Touareg. 

La  zone  de  ces  formations  est  d'autant  plus  large  qu'elle  s'avance 
plus  vers  le  Sud-Ouest. 

Telle  est  la  charpente  du  pays  des  Touareg  du  Nord,  je  devrais 
dire  son  squelette,  car  les  plateaux  et  les  montagnes  sont  presque 
toujours  décharnés. 

Entre  ces  montagnes  et  au  pied  de  leurs  versants ,  se  trouvent 
des  plaines  et  des  vallées  qui  complètent  l'ensemble  du  territoire. 

Ces  plaines  sont  ;  Amadghôr,  Admar,  Ouaràret,  Tàyta,  Ouàdi- 
Lajâl,  Igharghâren  et  Adjemôr. 

Plaine  d' Amadghôr  :  Cette  plaine,  connue  Sous  le  nom  de  Reg 
(la  plaine),  est  un  long  couloir  entre  le  Ahaggàr,  la  chaîne  d'Anhef  et 
le  Tasîli  du  Nord  ;  elle  appelle  l'attention  à  plus  d'un  titre. 

Au  centre  est  une  sebkha  ou  lac  salin  desséché  qui  donne,  en 
grande  abondance,  un  sel  excellent,  jadis  utilisé,  mais  dont  l'ex- 
ploitation est  aujourd'hui  abandonnée,  par  suite  de  l'insécurité  qui 
règne  dans  la  contrée. 

Jadis  aussi  une  foire  annuelle,  remplacée  depuis  par  celle  de 
Rhât,  se  tenait  sur  les  bords  de  la  saline,*  et  une  grande  voie 
de  communication  directe  entre  Ouraglâ ,  Agadez  et  le  Soudan , 
très-fréquentée  par  les  caravanes ,  la  traversait  dans  toute  sa  lon- 
gueur. 

Comme  il  n'y  a,  dans  le  Sahara  occidental,  que  quatre  salines  pour 
alimenter  de  sel  cinquante  millions  de  nègres  qui  en  ont  le  plus 
grand  besoin,  il  y  a  lieu  d'espérer  la  réouverture  prochaine  du  mar- 
ché d' Amadghôr,  car,  au  dire  des  indigènes,  le  sel  de  cette  contrée 
est  aussi  beau  que  celui  de  la  sebkha  d'Idjîl,  et  supérieur  à  ceux  de 
Taodenni  et  de  Bilma.  C'est  au  gouvernement  de  l'Algérie,  qui  a  le 
plus  grand  intérêt  à  rétablir  des  relations  directes  avec  le  Soudan,  à 
hâter  le  moment  où  la  paix  permettra  de  reprendre  l'exploitation  aban- 
donnée. Les  quatre  confédérations  des  Touareg  le  désirent  vivement; 
déjà  les  Kél-Ouï  de  l'Aïr,  dont  les  caravanes  ont  souvent  été  pillées 
à  Bilma ,  sont  entrés  en  pourparlers  avec  les  Azdjer  et  les  Ahaggàr 
à  cet  effet. 

La  plaine  d* Amadghôr  doit  être  ti'ès-élevée  au-dessus  du  niveau 
de  la  mer,  car  elle  est,  avec  le  Ahaggàr  et  le  Tasîli  des  Azdjer,  un 
des  points  de  partage  d'eau  entre  le  bassin  du  Niger  et  celui  de 


GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE.  19 

la  Méditerranée.  La  ligne  séparative  des  deux  bassins  est  jalonnée 
par  une  série  de  petits  monts  isolés  qui  semblent  relier  le  pic 
ahaggârien  du  Serkoût  au  mont  tasîlien  d'Ounân  et  servir  de  trait 
d'union  entre  les  volcans  éteints  du  Ahaggâr,  ceux  du  ïasîlr  et  môme 
de  TAnhef. 

La  sebkha  d'Amadghôr  ne  paraît  plus  communiquer  aujourd'hui 
avec  le  lit  de  Tigharghar,  mais,  si  elle  ne  lui  fournit  plus  d'eau, 
elle  donne  encore  à  tout  le  bassin  les  principes  salins  qui  sont  un 
des  caractères  communs  des  puits  et  des  chott  échelonnés  sur  tout 
le  parcours  de  l'ouàdi. 

Piaille  d'Admar  :  Resserrée  entre  le  Tasîli  et  la  chaîne  d'Anhef,  la 
plaine  d'Admar  aboutit,  par  son  extrémité  occidentale,  à  celle 
d'Amadghôr  et,  par  son  extrémité  orientale,  elle  va  se  confondre 
avec  un  désert  sans  nom,  une  hamàda,  qui  sépare  le  pays  des 
Touareg  de  celui  des  Teboû. 

Vallée  dOuarâret  :  Une  partie  porte  le  nom  d'Aghelad-wàn- 
Azàrif ,  dè^  de  Calxm,  parce  qu'on  y  trouve  des  affleurements  de 
ce  sel.  Cette  vallée  n'est  en  réalité  qu'une  large  gorge  qui  sépare  le 
Tasîli  de  l'Akâkoûs  et  par  laquelle  passe  la  route  de  Ghadàmès  à 
Rhàt.  En  raison  de  cette  grande  voie  de  communication,  elle  a  une 
importance  réelle  dans  la  géographie  physique  du  pays. 

Plaine  de  Tàyta  :  Aride,  sans  aucune  végétation,  couverte  de 
cailloux,  elle  est  plutôt  un  désert  séparatif,  participant  de  la  nature 
des  hamàd,  qu'une  plaine  proprement  dite,  car  les  indigènes  ne  ré- 
servent ce  nom  qu'aux  parties  abritées  de  leur  territoire  et  dans 
lesquelles  les  alluvions  des  plateaux  environnants  permettent  à  la  vé- 
gétation de  s'y  développer.  J'ai  considéré  ce  désert  comme  une  plaine 
parce  qu'il  est  dominé  par  l'Akâkoûs  et  l'Amsâk  entre  lesquels  il 
est  situé. 

Vallée  de  VOvÂdi-Lajâl:  Cette  vallée,  comprise  entre  l'Amsâk  et 
les  dunes  d'Edeyen ,  est  couverte  d'oasis ,  de  forêts  de  palmiers  et 
de  gommiers.  Dans  sa  partie  occidentale,  par  laquelle  elle  com- 
raiAique  avec  la  plaine  de  Tâyta,  elle  prend  le  nom  d'Ouâdi-el- 
Gharbi,  et,  dans  sa  partie  orientale,  celui  d'Ouâdi-ech-Chergui. 
La  nature  de  son  sol  rappelle  celle  des  terres  alluvionnaires  de 
rOuâd-Rîgh,  terres  légères,  un  peu  salines,  parfaitement  propres  à  la 
culture. 

Au  Nord  et  au  Sud  de   cette  vallée  principale  on  trouve  deux 


20  TOUAREG  DU   NORD. 

petites  vallées  isolées,  de  même  nature,  rOuâdi-ech-Chiati  et  TOuâdi- 
'Otba. 

La  Hofra  (dépression)  de  Mourzouk  et  les  oasis  de  la  Cherguiya 
rentrent  aussi  dans  le  même  système  de  formation. 

Plaine  des  Igliarghâren  :  igharghâren  *,  les  rivières,  est  le  plu- 
riel d'Igharghar,  nom  que  porte  la  grande  vallée  d'écoulement  des 
eaux  de  tout  le  versant  méditerranéen  du  massif  des  Touareg.  On  a 
appelé  ainsi  la  vaste  plaine  qui  longe  le  pied  Nord  du  Tasîli ,  de 
Tîterhsîn  à  Timàssanîn,  parce  qu'elle  reçoit  toutes  les  rivières  qui 
descendent  du  plateau  et  forment  la  tête  orientale  de  Tartère  prin- 
cipale du  pays. 

Cette  plaine  basse,  abritée  des  vents  du  Sud,  riche  en  alluvions 
et  en  eaux  à  peu  de  profondeur,  est  le  refuge  des  Touareg  Azdjer 
dans  les  années  calamiteuses ,  c'est-à-dire  dans  lès  périodes  de  lon- 
gues sécheresses. 

Sa  pente  générale  est  du  Sud-Est  au  Nord-Ouest,  mais  cette 
pente  semble  ne  plus  être  continue  aujourd'hui;  dans  le  haut, 
des  amas  d'alluvions,  arrêtés  à  mi-chemin  de  leur  course,  ont 
transformé  cette  vallée  en  plusieurs  bassins  ;  dans  le  bas ,  des 
dunes  de  sables  la  barrent  et  l'empêchent  de  communiquer  à 
ciel  ouvert  avec  le  lit  de  l'Igharghar,  mais  la  communication 
souterraine  des  eaux  a  toujours  lieu  comme  dans  les  temps 
anciens. 

La  nature  de  son  sol  est  une  terre  sablonneuse,  micacée. 

Plaine  d'Adjemôr  :  La  plaine  d'Adjemôr,  orientée  Est  et  Ouest, 
avec  pente  à  l'Ouest,  est  comprise  entre  les  plateaux  de  Tàdemâyt 
au  Nord  et  du  Mouydîr  au  Sud.  Par  son  extrémité  occidentale,  elle 
aboutit  au  Tidîkelt,  l'une  des  confédérations  du  Touât. 

Cette  plaine  est,  dans  l'Ouest,  pour  les  Ahaggàr  ce  que  celle  des 
Igharghâren,  dans  l'Est,  est  pour  les  Azdjer,  c'est-à-dire  un  lieu  de 
refuge  dans  les  années  de  sécheresse,  car  l'Ouâdi-Akâraba,  avec 
ses  nombreux  affluents  du  Sud  et  du  Nord,  est  réputé  pour  l'abon- 
dance de  ses  eaux  souterraines.  On  dirait  que,  dans  le  Sahaîra, 
la  Providence  ait  voulu  soustraire  les  eaux  à  l'action  dévorante  du 


1.  Le  radical  ghar,  ghor,  ghir,  gher,  signifie  eau  qui  ruisselle.  Dans  le  mot 
Igharghar  on  a  répété  deux  fois  le  radical  pour  produire  le  son  imitatif  de  Peau 
quand  elle  coule  avec  rapidité. 


GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE.  21 

soleil  en  remplaçant  les  rivières  à  ciel  ouvert  de  nos  climats  par 
des  rivières  souterraines.  Cette  particularité,  bien  connue  des  indi- 
gènes ,  est  appelée  par  eux  Bàhar-taht-el'Ardh ,  mer  sous  terre.  Le 
géographe  doit  tenir  compte  de  cette  particularité  dans  la  détermina- 
tion des  lits  de  ces  rivières. 


CHAPITRE  III. 


HYDROGRAPHIE. 


Du  Ahaggâr  et  du  Tasîli  descendent  trois  longues  vallées  :  Tune 
au  Nord,  TOuâdi-Igharghar ;  Tautre  au  Sud,  rOuàdi-Tâfassàset;  la 
troisième  à  TOuest,  rOuâdi-Tîrhehêrt.  Elles  méritent  une  attention 
particulière  comme  principales  gouttières  d'écoulement  des  eaux  de 
cette  partie  du  Sahara.  Les  lits  de  ces  ouâdi ,  aujourd'hui  à  sec,  ont 
dû  être  autrefois  des  rivières  importantes. 

Ouâdi'IghargJiar  :  L'Ouâdi-Igharghar,  sorti  d'un  des  points  culmi- 
nants du  Ahaggàr,  reçoit  une  grande  partie  des  eaux  de  ce  massif 
et  de  celui  du  Tasîli  du  Nord  ;  à  son  issue  des  montagnes,  il  traverse, 
du  Nord  au  Sud ,  l'extrémité  occidentale  du  plateau  de  Tînghert,  la 
région  des  dunes  de  T'Erg,  passe  un  peu  à  l'Est  d'Ouarglà  et  vient 
se  perdre  à  Goûg ,  village  le  plus  méridional  de  l'Ouàd-Rîgh ,  après 
un  cours  de  1,000  kilomètres  au  moins. 

A  l'endroit  où  le  lit  de  l'Igharghar  se  perd  dans  la  dépression  de 
rOuâd-Rîgh,  qui,  en  somme,  n'en  est  que  la  prolongation,  il  existait 
jadis  un  petit  hameau ,  celui  de  Sîdi-Boû-Hûnia ,  aujourd'hui  ruiné, 
près  duquel  on  trouve  encore  une  Ghàba  (forêt)  de  palmiers  dans 
le  bas -fond  d'une  sebkha  et  la  Goubba  où  est  enterré  le  marabout 
qui  a  donné  son  nom  à  la  localité. 

Sur  tout  le  cours  de  cette  longue  vallée,  les  puits  creusés  dans 
son  lit  ne  fournissent  qu'une  eau  salée  et  amère  comme  celle  de  la 
sebkha  de  Sîdi-Boû-Hânia  et  d'une  partie  des  puits  artésiens  de 
rOuâd-Rîgh,  tandis  que  les  puits  creusés  en  dehors  du  lit,  sur  les 
berges  de  la  vallée ,  en  donnent  de  bonne  qualité. 

La  direction  générale  du  bassin  de  l'Igharghar,  du  Sud  au  Nord, 
la  cessation  de  son  lit  à  l'entrée  de  la  dépression  de  l'Ouâd-Rîgh,  la 
nature  similaire  des  eaux  des  puits  creusés  dans  son  lit  avec  celles 
des  eaux  souterraines  de  Tougourt  permettent  de  conclure  que  la 


HYDROGRAPHIE.  23 

nappe  artésienne  constatée  dans  la  ligne  de  bas-fonds  de  TOuâd- 
Rîgh  est  alimentée  par  les  eaux  du  Ahaggâr  et  du  Tasîli. 

Cette  nappe  artésienne,  qu'on  croyait,  jusqu'à  ce  jour,  limitée  aux 
bassins  des  oasis  de  rOuâd-Rîgh  et  d'Ouarglâ,  paraît  se  prolonger 
plus  au  Sud  au  delà  de  la  zone  de  F'Erg;  car,àTimâssanîn,  à  l'extré- 
mité occidentale  de  la  dépression  d'El-Djoua,  existe  un  puits  arté- 
sien, aujourd'hui  très-mal  entretenu  et  à  peu  près  comblé,  mais 
dont  M.  Ismayl-Boû-Derba  a  constaté  l'existence  en  se  rendant  à 
Rhât.  C'est  avec  les  eaux  de  ce  puits  que  les  serviteurs  de  la  Zaouiya 
de  Timâssanîn  arrosent  leurs  cultures. 

Ce  fait,  conûrmatif  d'ailleurs  d'autres  indications,  me  porte  à 
croire  que  des  forages  artésiens  pourraient  être  tentés,  non  sans 
chance  de  succès,  au  delà  de  T'Erg,  notamment  dans  la  dépression 
d'El-Djoua,  vers  Ohânet,  et  sur  toute  la  ligne  de  la  grande  vallée  des 
Igharghâren,  entre  Timâssanîn  et  Rhât,  au  pied  des  versants  du 
Tasîli. 

Dans  la  vallée  d'Ouarâret,  à  Ihanàren,  et  au  delà  de  l'Akâkoûs,  à 
Serdélès,  à  la  tête  même  des  eaux  du  bassin,  des  puits  artésiens 
existent;  on  peut  donc,  sans  trop  de  présomption,  espérer  le  succès 
de  semblables  puits  en  contre-bas. 

L'intérêt  géographique  qui  s'attache  au  passage  de  TOuâdi-Ighar- 
ghar  à  travers  les  dunes  de  l"Erg  m'a  engagé  à  recueillir  le  plus  de 
renseignements  possibles  sur  le  cours  de  cette  rivière  dans  cette  ré- 
gion. Voici  ceux  qui  m'ont  été  fournis  par  le  Ckeikh- Othmân,  pro- 
priétaire et  chef  de  la  Zaouiya  de  Timâssanîn  : 

A  une  grande  journée  de  marche  de  Timâssanîn,  droit  au  Nord, 
un  puits  a  été  creusé  sur  la  rive  droite  de  Tlgharghar,  par  El-hâdj- 
el-Bekri,  père  du  Cheikh-'Othmân.  Ce  puits  porte  le  nom  de  Tànez- 
roûft ,  du  nom  de  la  localité. 

A  six  journées  au  Nord  de  ce  puits,  dans  le  lit  de  la  rivière, 
se  trouve  la  source  salée  d"Aïn-El-Mokhanza. 

En  aval,  en  un  point  où  l'ouâdi  prend  le  nom  arabe  d'Ouâdi-es- 
Sâoudy,  est  un  second  puits,  celui  de  Meggarin. 

A  six  kilomètres  en  descendant  le  cours  de  l'ouâdi,  est  le  puits 
d'EI-Khadràya. 

A  trois  kilomètres,  dans  le  thalweg  même,  se  trouve  la  source 
d'EI-Khadra;  là  encore,  la  rivière  change  de  nom  et  devient  l'Ouâd- 
Chegga. 


24  TOUAREG   DU  NORD. 

A  El-Metekki,  à  douze  kilomètres  d"Aïa-El-Khadra,  est  un  qua- 
trième puits. 

A  égale  distance,  un  cinquième  se  nomme  Bey-Sâlah. 

Entre  ce  point  et  Sîdi-BoiVHânia,  se  trouve  un  dernier  puits, 
celui  de  Matmata. 

En  allant  d*El-Ouâd  à  Ouarglâ,  j'ai  traversé  le  bas-Igharghar, 
au  puits  de  Bey-Sâlah,  et  je  lui  ai  trouvé  un  lit  large  et  profond, 
sur  la  nature  duquel  il  n*est  pas  permis  de  se  tromper,  car  on 
y  reconnaît  facilement  des  alluvions  provenant  de  contrées  autres 
que  celles  de  l"Erg. 

Un  intérêt  géographique,  non  moins  .grand,  s'attache  à  la  déter- 
mination précise  des  origines  de  cet  immense  bassin.  Ma  confiance 
dans  les  renseignements  que  m'ont  fournis  les  Touareg  à  ce  sujet  est 
égale  à  celle  en  mes  observations  personnelles,  car  tous  les  Saha- 
riens sont  d'excellents  hydrographes. 

Voici  les  déterminations  que  je  considère  comme  exactes  : 

La  source  la  plus  méridionale  de  l'Igharghar,  celle  qui  fournit 
des  eaux  à  la  ville  d'idèles,  sort  de  TAtakôr-n-Ahaggâr. 

Du  flanc  Nord-Est  de  cette  montagne  naissent  d'autres  affluents 
qui,  après  avoir  longé  ou  traversé  la  plaine  d'Amadghôr  S  viennent 
se  réunir  au  lit  principal. 

Le  Mouydîr  et  le  rebord  occidental  du  Tasîli,  entre  lesquels 
righarghar  marche  dans  une  vallée  encaissée,  y  déversent  les  eaux 
de  leurs  nombreux  ravins. 

A  la  hauteur  d'El-Bîr,  au  Sud-Ouest  de  Timàssanîn,  on  reconnaît 
l'amorce  de  la  tête  orientale,  celle  alimentée  par  les  nombreux 
Igharghâren  qui  descendent  des  points  les  plus  élevés  du  Tasîli  et 
donnent  leur  nom  à  la  plaine  qu'ils  traversent. 

Cette  tête  se  prolonge  dans  l'Est  au  delà  du  Tasîli,  car  la  vallée 
d'Ouarâret,  celle  du  Tânezzoûft,  celle  de  l'Ouâdi-Serdélès  et  la  partie 
occidentale  du  désert  de  Tâyta,  appartiennent  aussi  au  même  bas- 
sin, bien  que  des  barrages  d'alluvions  et  de  dunes  en  fassent  autant 
de  bassins  secondaires  fermés  aujourd'hui. 

Indépendamment  de  ces  deux  têtes  principales,  l'Igharghar 
reçoit  ;  sur  sa  rive  droite,  à  travers  les  sables,  toutes  les  gouttières 


1.  Ama^  en  temâhaq,  indique  la  possession.  Ghdr  est  synonyme  de  ghar,  rivière, 
Amadghôr  ne  serait-il  pas  un  mot  technique  équivalent  de  tête  de  la  rivière  ? 


HYDROGRAPHIE.  25 

du  plateau  de  Tînghert  et  de  Timmense  bassin  de  T'Erg;  sur  sa  rive 
gauche,  les  eaux  du  Tàdemâyt  par  l'Ouâd-Miya,  celles  du  plateau 
des  Chaa'nba  par  de  nombreux  ravins,  celles  du  plateau  des  Benî- 
Mezàb  par  TOuâd-Mezâb,  celles  de  la  chaîne  atlantique  môme  par 
rOuàd-Djedi.  Il  est  vrai  que  tous  ces  ouâd,  aujourd'hui  envahis 
par  des  sables  ou  des  alluvions,  n'envoient  plus  leurs  eaux  au  lit 
principal  du  bassin  que  par  des  filtrations  souterraines  qui  ont 
transformé  un  grand  fleuve  en  nappes  artésiennes,  alimentant  ou 
des  puits  jaillissants  ou  des  lacs  vaseux  successivement  échelonnés 
jusqu'à  la  mer  sur  le  parcours  de  l'ancien  lit. 

Nous  verrons  plus  loin  que  cette  situation  ne  date  pas  d'hier. 

Ouâdi-Tâfasâsset  :  A  quelques  kilomètres  au  Sud  des  points  où 
l'Igharghar  prend  ses  nombreuses  sources,  on  est  à  peu  près  certain 
de  trouver  autant  d'origines  du  Tàfasâsset. 

Ses  affluents  supérieurs  partent,  les  uns  du  Ahaggàr,  les  autres 
du  Tasîli ,  et  voyagent  isolément  dans  deux  lits  séparés  jusqu'en  un 
désert,  au  Sud-Ouest  des  puits  d'Asiou,  où  ils  se  réunissent. 

La  branche  orientale,  après  avoir  reçu  tous  les  ouâdi  qui  des- 
cendent du  plateau  de  Tasîli  et  de  la  chaîne  d'Anhef,  en  longeant 
le  pied  de  cette  chaîne,  change  de  direction  à  partir  du  puits  de 
Falezlez  pour  prendre  celle  du  Sud;  à  la  hauteur  des  puits  d'Asiou, 
elle  se  détourne  vers  le  Sud-Ouest  pour  se  joindre  à  la  branche  occi- 
dentale, l'Ouâdi-Tin-Tarâbin,  dont  la  direction  générale  est  Nord  et 
Sud,  et  gagner  l'Ahaouagh,  au  centre  du  pays  des  Aouélimmiden. 

D'après  leCheikh-'Othmân,  l'Ouâdi-Tâfasâsset,  dans  son  cours  infé- 
rieur, recevrait  sur  ses  deux  rives  de  nombreux  affluents  venant  des 
montagnes  de  l'Adghagh  dans  l'Ouest  et  de  celles  d'Azben  dans 
l'Est. 

Je  n'ai  pu  savoir  de  mes  informateurs  si  cette  rivière  atteignait 
le  Niger,  dont  le  pays  d'Ahaouagh  est  limitrophe.  Cela  est  très-pro- 
bable, même  dans  l'état  actuel,  quoique,  faute  d'un  courant  d'eau 
qui  l'entretienne,  le  lit  des  rivières  sahariennes  ne  soit  pas  toujours 
nettement  marqué.  M.  le  docteur  Barth  indique  au  Sud  et  à  l'Est  de 
Saï  des  ouâdi  dont  l'un  pourrait  bien  être  le  confluent  du  Tàfasâsset 
dans  le  Niger.  Une  étude  spéciale  du  pays  des  Touareg  du  Sud  pourra 
seule  nous  apprendre  si  la  communication  existe  d'une  manière 
continue. 

Quoi  qu'il  en  soit,  un  fait  important  est  désormais  acquis  à  la 


26  TOUAREG  DU  NORD. 

géographie  physique  du  Sahara  :  c*est  que  les  massifs  du  Ahaggâr  et 
du  Tasîli  ont  formé  jadis  un  partage  d'eau  entre  la  Méditerranée,  par 
le  golfe  de  Gabès,  et  l'Océan  Atlantique,  par  le  Niger  et  le  golfe  de 
Bénin. 

Ouâdi'Tirh^hért  :  Selon  toute  probabilité,  une  troisième  grande 
vallée  formée  à  son  origine  des  bassins  de  l'Ouâdi-Tîrhehêrt  et  de 
rOuâdi-Akâraba,  partirait  du  Mouydîr  pour  aller,  dans  l'Ouest, 
aboutir  au  lac  Debaya  et,  de  là,  déverser  les  eaux  du  versant  occi- 
dental du  massif  du  Ahaggur  dans  l'Océan  Atlantique  par  le  canal 
de  l'Ouâd-Drâa. 

Mais,  pour  arriver  à  l'Ouâd-Dràa,  ces  eaux  auraient  à  traverser 
les  dunes  d'iguidi,  et  le  bassin  môme  de  la  vallée  disparaîtrait  sous 
des  masses  de  sables. 

Dans  cette  h}T)othèse,  les  eaux  qui  descendent  de  l'Atlas  maro- 
cain par  les  lits  de  TOuâd-Messaoura,  de  l'Ouâd-Guîr,  de  l'Ouâd- 
Tafilelt,  et  qui  se  perdent  aujourd'hui  dans  les  sables,  se  réuniraient 
souterraînement  à  celles  de  l'Akâraba  et  du  TîrhehArt  pour  aller  ali- 
menter le  grand  lac  du  Sahara  marocain,  comme  celles  de  l'Igharghar, 
après  de  nombreuses  disparitions  et  réapparitions,  se  retrouvent 
dans  le  Rîgh,  le  Melghîgh  et  les  chott  du  Sud  de  la  Tunisie. 

Malheureusement,  les  déserts  compris  entre  le  pays  des  Touareg 
et  le  grand  lac  de  TOuàd-Drâa  n'ont  été  explorés  par  aucun  euro- 
péen et  sont  même  très-peu  connus  des  indigènes,  et  à  défaut  d'in- 
dications plus  précises,  je  ne  dois  pas  aller  au  delà  des  informa- 
tions des  hommes  qui  connaissent  le  mieux  la  géographie  de  cette 
partie  du  Sahara. 

D'après  le  Cheikh-'Othmàn ,  «  l'Ouâdi-Tîrhehêrt,  que  les  Touareg 
u  du  Ahaggâr  appellent  Tîrhejîrt  et  les  Aouélimmiden  nomment 
«  Teghâzert,  prendrait  sa  source  au  point  culminant  du  Mouydîr, 
«  dans  la  grande  montagne  d'ifettesen  qui  donne  aussi  naissance 
«  à  rOuàdi-Akàraba  et  à  l'Ouâdi-Rharis;  puis,  dès  sa  sortie  de  la 
«  montagne,  il  se  dirigerait  droit  à  l'Ouest,  pour  aller  passer  entre 
«  In-Zîza  et  Ouâllen  en  coupant  le  Bâten  Ahenet.  Il  entrerait  dans 
et  le  Tânezroûft  en  un  endroit  appelé  Sedjendjànet  et  de  là  toume- 
<(  rait  au  Nord  pour  aller  se  perdre  dans  les  dunes  d'Iguîdi  en  se 
«  dirigeant  vers  le  bassin  de  l'Ouâd-Drâa  où  les  sables  l'empêchent 
«  d'arriver. 

«  Au  delà  de  Sedjendjànet,  le  cours  de  cet  ouâdi  est  peu  connu. 


HYDROGRAPHIE.  27 

«  car  il  traverse  alors  des  terrains  inhabités  et  parcourus  seulement 
«  par  les  voleurs  de  grands  chemins.  » 

Omdi'Akâraba  :  Parallèle  à  rOuàdî-Tîrhehêrt,  TOuâdi-Akâraba 
naît  comme  lui  dans  le  Mouydîr  et  comme  lui  se  perd  dans  les 
sables  d'Iguidi.  • 

Le  point  du  pic  d'Ifettesen,  où  se  trouve  sa  source,  se  nomme 
Immahegh. 

D'après  les  indigènes,  cet  ouâdi  apporte  souterrainement  aux 
oasis  du  Tidîkelt  et  d'Aqabli  les  eaux  d'alimentation  de  leurs  puits 
à  galeries ,  comme  Tlgharghar  fournit  à  rOuâd-Rîgh  celles  de  ses 
puits  artésiens. 

Ainsi,  quoique  le  nom  d'ouâdi,  dans  le  Sahara,  soit  à  peu  près 
s)Tionyme  de  lit  de  rivière  sans  eau ,  les  lignes  de  bas-fonds  qui  les 
caractérisent  n'en  ont  pas  moins  d'importance,  car  leurs  eaux  d'in- 
filtration y  alimentent,  ou  des  puits  ordinaires,  ou  des  puits  à 
galeries,  ou  des  puits  artésiens,  quelquefois  des  lacs  temporaires, 
Rhedîr  ou  Abankôr,  même  des  lacs  permanents,  Adjelmâm,  et  enfin 
des  sources  assez  communes  dans  les  montagnes. 

L'eau  ne  manque  donc  pas  d'une  manière  absolue  sur  le  plateau 
central  du  Sahara,  ainsi  qu'on  le  croit  généralement  ;  cependant  elle 
y  est  rare,  parce  que  les  habitants  de  cette  contrée,  ou  faute  de 
temps  ou  faute  de  moyens  industriels  suflSsants,  n'exécutent  pas  les 
travaux  qui  la  leur  donneraient  en  plus  grande  abondance. 

Quelques  mots  sur  ces  divers  compléments  de  l'hydrographie 
saharienne. 

Puits  ordinaires  :  Permanents,  on  leur  donne,  suivant  leur  pro- 
fondeur, les  noms  de  Mouï,  'Ogla,  B\r  ou  Hàsi;  temporaires,  ils  por- 
tent celui  de  Themed, 

Rarement,  les  puits  sahariens  atteignent  une  grande  profondeur, 
car  on  s'abstient  d'en  creuser  là  où  le  forage  et  le  puisage  de  l'eau 
demanderaient  trop  de  travail. 

On  s'abstient  également  d'en  ouvrir  partout  où  ils  pourraient 
devenir  des  points  de  station  et  de  refuge  pour  des  maraudeurs. 
Souvent  le  besoin  de  sécurité  pour  les  voyageurs  ou  pour  les  tribus 
les  a  fait  combler  sur  des  routes  qui  en  étaient  abondamment 
pourvues. 

Sur  tout  le  plateau  central,  les  puits  sont  encore  moins  profonds 
que  dans  les  plaines  et  dans  les  hamâd  :  ainsi  dans  le  bas  des  val- 


28  TOUAREG  DU  NORD. 

lées,  ils  n'ont  guère  plus  de  quatre  à  cinq  mètres,  et,  dans  les  par- 
ties supérieures,  on  trouve  Teau  presque  à  fleur  de  terre.  L'eau  de  ces 
puits  est  généralement  bonne. 

Fogâr  ou  puits  à  galeries  :  Près  des  centres  d'habitation  ou  de 
culture,  quand,  à  l'amont  des  terrains  susceptibles  d'être  arrosés, 
on  a  reconnu,  au  moyen  de  puits  verticaux,  l'abondance  d'une 
couche  aquifère,  on  les  réunit  entre  eux  par  des  galeries  horizon- 
tales, à  pente  réglée  et  inclinée  vers  le  terrain  à  arroser,  de  manière 
à  avoir  un  courant  continu. 

Ce  procédé  ingénieux  pourrait  recevoir  plus  d'une  application 
utile  en  Algérie,  et  même  dans  certaines  contrées  de  la  France. 

Ainsi  sont  arrosées  la  plupart  des  oasis  du  Touàt,  et  quelques- 
unes  de  celles  du  Fezzân. 

Puits  artésiens  :  Des  puits  artésiens  ont  été  creusés  avec  succès 
sur  cinq  points  différents  du  versant  méditerranéen  du  Sahara. 

On  en  compte  335  dans  TOuâd-Rîgh;  un  grand  nombre,  dont  le 
chiffre  est  inconnu ,  dans  l'oasis  d'Ouarglà  ;  un  à  Timàssanîn  ;  une 
dizaine  à  Ihanâren  ;  deux  à  Serdélès. 

Les  indigènes  donnent  le  nom  d"i4m  (fontaine)  à  ces  eaux  jaillis- 
santes. 

Avant  l'occupation  française,  ces  puits  artésiens  étaient  creusés  à 
main  d'homme,  comme  les  puits  ordinaires,  et,  quelquefois,  les 
puisatiers  payaient  de  leur  vie  la  richesse  donnée  à  leur  pays  ;  autre- 
fois aussi  des  éboulements  les  comblaient  et  rendaient  inutile  un 
travail  très-pénible  ;  aujourd'hui  notre  industrie  a  introduit  dans  le 
Sahara  des  appareils  de  forage  et  de  coffrage  qui  simpliûent  beau- 
coup l'opération,  et  il  ne  paraît  pas  douteux  (si  les  tremblements  de 
terre  ne  viennent  pas  rompre  les  tuyaux  en  fonte  dont  nous  nous  ser- 
vons) qu'avec  le  temps,  le  nombre  des  puits  artésiens  ne  soit  consi- 
dérablement augmenté  dans  tout  le  Sahara. 

Rhedir  ou  Abankôr  ;  On  donne,  dans  le  Sahara,  le  nom  de  rhedîr 
soit  à  des  puits,  à  fleur  de  sol,  creusés  dans  le  lit  d'un  ouâdi  et 
alimentés  par  des  eaux  d'infiltration,  soit  à  des  flaques  d'eaux  pluviales 
persistantes,  ici  dans  les  dépressions  des  plaines  ou  des  plateaux,  là 
dans  les  trous  des  lits  desséchés  des  ouâdi. 

En  langue  temâhaq,  les  rhedîr  des  Arabes  se  nomment  abankôr. 

Ils  sont  nombreux;  je  me  borne  à  signaler  les  importants  : 

Ceux  de  Tirhorwîn,  de  Toursêl,  sur  les  sommets  du  Tasîli  ; 


HYDROGRAPHIE.  29 

Ceux  de  Sâghen,  dans  la  plaine  des  Igharghâren  ; 

Celui  de  TOuâdi-Ohânet,  sur  le  plateau  de  Tînghert  ; 

Celui  de  Meniyet,  sur  la  tête  de  rOuâdi-Tîrhejîrt. 

Toujours  un  fond  d'argile  est  nécessaire  pour  la  conservation  des 
eaux. 

Lacs  {Âdjelmâm  en  langue  temâhaq)  :  De  véritables  lacs  existent 
en  assez  grand  nombre  sur  deux  points  différents  de  mon  explora- 
tion :  les  uns  sur  le  plateau  du  Tasîli  des  Àzdjer,  les  autres  dans  les 
dunes  d'Edeyen,  au  Nord  du  Fezzân. 

D'après  les  Touareg,  il  y  aurait  une  quarantaine  de  lacs  dans  le 
Tasîli,  sur  le  parcours  de  rOuâdi-Tikhàmmalt,  mais  il  est  probable 
que,  dans  ce  nombre,  ils  doivent  comprendre  quelques  rhedîr.  Les 
plus  importants  sont  ceux  de  Mîherô,  dont  le  principal  porte  le  nom 
de  Sebbarhbàrhet.  Un  autre  lac,  également  considérable,  se  trouve 
sur  le  versant  Sud  du  Tasîli,  à  la  tête  de  l'Ouâdi-Tanârb ,  affluent  du 
Tàfasàsset. 

Ces  lacs,  très-profonds,  sont  probablement  alimentés  par  des 
sources  assez  fortes,  car  ils  ne  dessèchent  jamais,  et  des  crocodiles  y 
vivent,  ce  qui  implique  que  le  cube  de  la  superficie  aquifère  est 
considérable. 

Les  débordements  de  TOuâdi-Tikhâmmalt,  au  moment  de  mon 
passage  dans  le  Tasîli,  m'ont  empêché  d'aller  reconnaître  ces  lacs  et 
de  constater  à  quelles  causes  était  due  leur  formation.  Plus  heureux, 
j'ai  pu  visiter  un  certain  nombre  de  ceux  du  Fezzân  et  apprendre,  de 
visu,  ce  que  j'ai  à  en  dire. 

Ils  sont  au  nombre  de  dix,  savoir  : 

Le  lac  de  Mandara, 

—  de  Oumm-el-Mâ, 

—  de  Tâzeroûfa, 

—  de  Mâfou, 

—  de  Bahar-ed-Doûd  ou  Gabra'oûn, 

—  de  Bahar-et-Trounîa, 

—  de  Oumm-el-hasan, 

—  de  Nechnoûcha, 

—  de  Ferôdrha, 

—  de  Tademka. 

Le  Bahar-et-Trounîa  ayant  été  visité  par  le  docteur  Vogel ,  qui 


30  TOUAREG  DU   NORD. 

avait  dans  son  bagage  une  petite  barque,  je  me  suis  abstenu  de  renou- 
veler une  exploration  faite  par  un  voyageur  plus  compétent;  mais 
j'ai  reconnu  avec  soin  ceux  dont  je  vais  parler. 

Le  lac  de  Mandara  peut  avoir  environ  de  deux  à  trois  cents  mètres 
de  large  ;  sa  forme  est  circulaire  ;  il  est  peu  profond.  A  Tépoque  où  je 
le  visitai  (28  mai  1861),  il  était  presque  entièrement  desséché  et 
les  riverains  étaient  occupés  à  exploiter  le  sel  qu*il  produit.  Toute  sa 
circonférence  est  enveloppée  par  une  ceinture  de  palmiers  à  l'ombre 
desquels  on  cultive  un  sorgho  appelé  gueçob  et  quelques  légumes.  En 
hiver,  il  y  a  dans  le  lac  de  Mandara  des  vers  comestibles  comme  ceux 
que  Ton  pèche  dans  le  Bahar-ed-Doûd. 

Le  lac  d*Oumm-el-Mà  est  intarissable  et  ses  eaux  sont  vives ,  ainsi 
que  rindique  son  nom;  il  a  la  forme  d'une  nappe  étroite,  serpentant 
au  fond  d'une  vallée  ombragée  par  de  très-grands  palmiers. 

Le  lac  de  Tazeroûfa  n*est  guère  qu'une  grande  mare  qui  se  des- 
sèche au  commencement  des  chaleurs;  il  est  entouré  d'une  double 
ceinture  de  palmiers  et  de  tamarix  ethel. 

Le  lac  de  Mâfou  est  également  petit,  mais  il  ne  dessèche  jamais 
et  il  est  très-profond.  Sa  nappe  d'eau  bleue,  qui  miroite  à  travers  le 
feuillage  des  palmiers,  engage  au  repos  sur  ses  rives.  On  pêche  dans 
ce  lac  des  vers  de  qualité  inférieure  et  des  fucus  comestibles. 

Le  Bahar-ed-Doûd  est  circulaire;  il  a  environ  300.  mètres  de  lar- 
geur; le  sondage  en  a  été  fait  par  le  docteur  Vogel.  Son  eau  est 
très-amère  et  très-salée,  tellement  saturée  de  sel,  qu'elle  a  presque 
l'aspect  du  sirop.  Les  fiévreux  de  tout  le  Fezzàn  viennent  demander  à 
sa  vertu  la  guérison  de  leurs  maladies.  Voulant  apprécier  par  moi- 
même  l'eflScacité  de  cette  pratique,  je  me  suis  baigné  dans  le  lac  et 
je  m'en  suis  bien  trouvé.  A  deux  ou  trois  mètres  de  son  bord 
Sud,  existent  de  petits  puisards  d'eau  douce  dans  lesquels  les  bai- 
gneurs se  plongent  pour  dissoudre  la  couche  de  sel  qui  recouvre 
leur  peau. 

Les  étoffes  de  coton,  trempées  dans  l'eau  de  ce  lac,  si  on  ne  les 
a  pas  débarrassées  des  matières  salines  qu'elles  contiennent,  en  les 
lavant  dans  l'eau  douce  avant  de  les  laisser  sécher,  se  brisent  et  se 
déchirent  sous  le  moindre  effort;  elles  ont  la  propriété  de  s'en- 
flammer comme  de  l'amadou  ;  aussi  les  emploie-t-on  à  cet  usage. 

De  même  que  les  lacs  précédents,  le  Bahar-ed-Doûd  est  entouré 
de  palmiers  et  de  dunes  de  sables. 


HYDROGRAPHIE.  31 

Pendant  que  je  prenais  un  dessin  de  la  vue  du  lac,  j'entendis  sous 
Teau ,  et  dans  la  direction  de  TEst,  une  détonation  semblable  à  un 
coup  de  tonnerre  lointain.  Un  des  indigènes  présents  ayant  entendu 
comme  moi  ce  bruit,  s'emporta  en  injures  contre  le  lac.  Je  lui 
demandai  ce  que  c'était.  Il  me  dit  que  ce  phénomène  se  reproduisait 
souvent  et  que  le  bruit  souterrain  venait  presque  toujours  du  côté 
£st  ou  Sud-Est  du  lac,  c'est-à-dire  du  côté  où  les  hautes  dunes  s'élè- 
vent à  pic  au-dessus  des  eaux.  Je  compris  alors  que  le  roulement 
entendu  ne  pouvait  provenir  que  de  Téboulement  des  dunes  de  sables 
dans  le  fond  du  lac.  Pendant  les  détonations,  il  ne  parait  cependant 
aucun  signe  d'ébranlement  extérieur,  soit  à  la  superflcie  des  eaux, 
soit  dans  les  dunes. 

On  donne  à  ce  lac  le  nom  de  Bahar-ed-Doûd  (la  mer  des  vers), 
et  aux  riverains  celui  de  Douwâda  (hommes  des  vers),  parce  qu'on 
y  fait  une  pêche  de  vers  et  de  fucus  comestibles  dont  j'aurai  à  m'oc- 
cuper  dans  le  chapitre  III  du  Livre  suivant. 

Les  lacs  de  Nechnoûcha  et  de  Ferôdrha,  le  premier  au  Nord-Est, 
le  second  au  Nord-Ouest  du  Bahar-et-Trounîa,  contiennent  du  natron 
comme  celui  qui  en  porte  le  nom. 

L'eau  d'Oumm-el-Hasan  est  amère  et  ne  nouiTit  pas  de  vers. 

Le  lac  de  Tademka,  autrefois  producteur  de  vers,  n'en  donne 
plus  depuis  quelque  temps. 

Tous  ces  lacs,  situés  au  milieu  d'un  dédale  de  dunes  de  sables, 
sont  alimentés  d'eaux  par  elles. 

M.  Ismayl-Boù-Derba  a  constaté  le  même  mode  d'alimentation  pour 
la  mare  d"Aïn-et-Taïba,  dans  l"Erg,  à  l'Ouest  de  Tlgharghar. 

Sources  :  Les  sources  les  plus  considérables  sont  celles  de  Gha- 
dàmès*,  de  Rhàt,  de  Ganderma,  d'Idélès,  de  Djànet,  de  Temàssînt, 


L  M.  Lefranc,  pharmacien  militaire.,  a  analysé  i  kilogramme  de  l'eau  de 
Gbadàmès  rapporté  par  M.  le  capitaine  de  Bonnemain.  Voici  le  résultat  de  son  opé- 
ration (année  1858,  Nouvelles  AnncUes  des  Voyages)  : 

Gr.      milligT. 

Chlorure  de  sodium >»  800 

Sulfate  de  soude »>  250 

—         chaux )»  750 

Carbonate  de  chaux »  200 

—         ma^ésie »  100 

Chlorure  de  magnésium »  250 

2       350 


32  TOUAREG  DU    VORD. 

de  Tlt-en-Afara,  d'Aherêr,  de  Tànout,  de  Tidîdji,  d'Aharhar,  de 
Tàzeroûk,  de  Dhâyet-el-Kàhela,  d'Ahêr,  de  Tadjenoût,  etc. 

11  est  bien  entendu  que  je  n^lige  d'éûumérer  toutes  celles  qui 
n*ont  pas  une  importance  réelle. 

Les  abords  de  celles  citées  ci-dessus  sont  occupés  ou  par  des 
villes,  ou  par  des  villages,  ou  par  des  campements  permanents.  Par- 
tout où  les  eaux  sont  abondantes,  on  les  emploie  à  l'arrosage  des  plan- 
tations de  palmiers. 

Les  eaux  de  la  source  de  Ghadâmès  sont  thermales  *  ;  elles  ont  29®  6 
dans  le  vaste  bassin  qui  les  reçoit  (observation  du  9  décembre  1860); 
celles  de  Sebbarhbàrhet,  à  Mîherô,  ont  aussi  une  température  élevée, 
du  moins,  l'eau  sort  en  bouillonnant  et  en  soulevant  des  sables. 
Cependant  les  Touareg  s'y  baignent  malgré  sa  chaleur. 

La  source  de  Dhàyet-el-Kàhela,  au  Nord  de  l'Ouàdi-Âkàraba,  est 
également  thermale  et  probablement  sulfureuse,  ainsi  que  l'indique 
son  nom.  Les  Ahaggâr,  qui  en  font  usage,  ont  reconnu  son  efficacité 
contre  les  fièvres  intermittentes  contractées  au  Touàt. 

i.  Une  seconde  analyse  de  Teau  de  Ghadâmès,  faite  en  d863,  au  laboratoire 
des  mines  d*Âiger  {Mission  de  Ghadâmès,  Alger,  4863,  p.  260),  a  donné  par 
iOOO  grammes  les  résultats  suivants  : 

Grammes. 

Chlorure  de  sodiunL 0,6210 

—  potassium 0,0200 

Sulfate   de  chaux 0,9000 

—  magnésie 0,3860 

—  soude 0,3424 

Acide  azotique  ....  : traces.  .        » 

Carbonate  de  chaux 0,1013 

—  magnésie 0,0975 

Silice 0,0060 

Oxyde  de  fer 0,0050 

2gr-,4792 


CHAPITRE  IV. 


GÉOLOGIE. 

Ce  chapitre  comprendra  cinq  sections  : 

1*»  Ma  route  d'El-Ouâd  à  Ghadâmès,  du  Nord-Ouest  au  Sud-Est; 
2**  Ma  route  de  Ghadâmès  à  Rhât,  du  Nord  au  Sud; 
3°  Ma  route  de  Tîterhsîn  à  Zouîla,  de  TOuest  à  l'Est; 
4<*  Ma  route  de  Mourzouk  à  Bondjêm,  du  Sud  au  Nord; 
5®  Divers  renseignements  sur  le  Tasîli  et  le  Ahaggâr,  de  TEst  à 
rOuest. 


PREMIÈRE   SECTION. 

D*EL-ODÂD     A     GHADÂMÈS. 

Toute  cette  section,  sur  un  parcours  de  trente-sept  myriamètres, 
est  un  amas  de  dunes  de  sable,  qui,  à  très-peu  d'exceptions  près, 
couvrent  la  surface  du  sol  primitif  et  laissent  peu  de  place  à  aucune 
observation  géologique  autre  que  celle  de  la  formation  des  dunes 
elles-mêmes. 

Le  sable  de  ces  dunes,  fin,  jaunâtre,  varie  dans  ses  caractères 
physiques,  comme  aussi  probablement  dans  ses  caractères  chi- 
miques, suivant  les  localités. 

J'ai  rapporté  plusieurs  échantillons  de  ces  sables;  je  regrette  de 
n'avoir  pu  en  faire  l'analyse.  Ils  figureront  dans  ma  collection  géolo- 
gique sous  les  numéros  1,  2,  3  et  4. 

On  s'est  livré  à  beaucoup  d'hypothèses  pour  expliquer  l'accumu- 
lation d'une  aussi  grande  masse  de  sables  sur  une  aussi  immense 
étendue;  je  ne  crois  pas  que,  dans  la  limite  des  observations  exactes, 
incontestables,  faites  dans  les  dunes  sahariennes,  il  soit  encore 


34  TOUAREG  DU  NOKD. 

permis  de  déduire  la  loi  générale  d'un  fait  géologique  aussi  consi- 
dérable. 

M.  le  docteur  Mares  a  vu  dans  l'Ouest,  autour  delà  Dhâya-Hàbessa, 
des  dunes  qui  contenaient  des  coquilles  fossiles  du  terrain  sur  lequel 
elles  reposaient ,  et ,  avec  raison ,  il  a  conclu  de  son  observation  per- 
sonnelle que  ces  dunes  avaient  été  formées  sur  place. 

M.  F.  Vatonne,  ingénieur  des  mines,  qui,  comme  moi,  a  traversé 
r'Erg  entre  El-Ouàd  et  Ghadâmès,  mais  à  petites  marches  et  de 
jour,  et  qui  a  pu  étudier  cette  région  avec  plus  de  temps  et  de  com- 
pétence, termine  son  excellent  mémoire*  en  émettant  l'opinion  qii'il 
ne  peut  exister  aucun  doute  sur  la  formation  des  dunes  sur  place, 
formation  due  à  la  destruction  des  éléments  constitutifs  de  la  roche 
primitive. 

«  Cette  destruction,  dit-il,  est  due  à  la  dilatabilité  des  roches,  à 
«  la  présence  du  gypse,  à  l'action  des  agents  atmosphériques,  notam- 
«  ment  de  l'eau,  qui  a  amené  à  l'état  farineux,  c*est-à-dire  à  un  état 
«  de  désagrégation  complet,  les  roches  de  carbonate  de  chaux  et  de 
«  g>'pse;  cette  désagrégation  de  la  roche  amène  un  foisonnement, 
«  développe  une  pression  intérieure  sous  laquelle  les  couches  dures 
«  des  plateaux  sont  complètement  brisées,  etc.  • 

M.  Vatonne,  convaincu  que  la  formation  des  dunes  est  due  à 
cette  cause  unique,  conclut  de  leur  fixité,  de  l'absence  de  sables 
dans  certaines  cuvettes,  de  l'inégalité  même  de  la  surface  des  sables, 
que  l'action  des  vents  n'a  d'autre  effet  que  de  déterminer  les  formes 
de  quelques  dunes,  et  ne  peut  être  invoquée  comme  cause  générale 
de  formation. 

Comme  M.  Vatonne,  et  quoique  voyageant  dans  les  dunes,  à 
grande  vitesse,  nuit  et  jour,  j'ai  constaté  des  goûr  rocheuses  à  côté  de 
ghourd  exclusivement  composés  de  sables  ;  comme  lui,  j'ai  aussi  été 
frappé  du  grand  nombre  de  roches  à  l'état  de  décomposition.  Tou- 
tefois ce  fait  de  désagrégation  des  roches  n'est  pas  une  exception 
limitée  à  la  région  de  T'Erg,  mais  l'effet  d'une  loi  générale,  com- 
mune à  toutes  les  parties  du  Sahara  que  j'ai  visitées. 

Dans  l'ensemble  de  mes  études,  j'ai  été  beaucoup  plus  frappé  de 
la  dénudation  complète  des  hamâd  et  des  montagnes  à  l'amont 
des  bassins  des  dunes. 

1.  Mission  de  Ghadâmès.  Alger,  1863.  —  Études  sur  les  terrains  et  sur  les 
eaux  des  pays  traversés ,  par  M.  F.  Vatonne,  ingénieur  des  mines. 


PI.  II. 


Page  35. 


Fig.  2,  3,  4,  5, 


Fig.    1.  — -    GARA    DE    TlSFlN. 


Fig.    2.    —    PROFIL    OU     MONT    IDINBN. 


Fig.    3.    —    BLOCS    DF    TAKARÂHET. 


Fig.    4.    —    BERGES    d'iNGHER    ET    ASOUiTAR. 


Fie:.    .\     —     \<;HFI.ÀI)     HF     TARÂT. 


GÉOLOGIE.  35 

J'ai  été  beaucoup  plus  surpris  de  l'élévation  de  ces  témoins  géo- 
logiques de  l'ancien  niveau  du  sol,  que  les  indigènes  appellent  gara 
(pi.  goûr)  et  qu'on  trouve,  de  distance  en  distance,  dans  chaque 
hamâda. 

(Voir  figure  n«  i  de  la  planche  ci-contre.) 
J'ai  été  non  moins  étonné,  dans  les  massifs  montagneux,  de  ren- 
contra, indépendamment  de  roches  entièrement  dénudées,  ici,  à 
Idînen,  par  exemple,  une  sorte  de  squelette  décharné  affectant  les 
formes  et  les  découpures  les  plus  bizarres;  là,  à  Takarâhet  dans  le 
Tasîli,  des  blocs  titaniens,  supportés  sur  une  base  étroite  et  repré- 
sentant l'action  érosive  des  eaux  sur  les  parties  les  plus  tendres  de 
la  roche;  ailleurs,  dans  la  presque  totalité  des  ouâdi,  des  berges  de 
soixante  à  cent  mètres  de  hauteur,  taillées  à  pic  comme  des 
murailles,  tantôt  assez  étroites  pour  qu'un  chameau  avec  sa  charge 
y  passe  difficilement,  tantôt  larges  de  plusieurs  kilomètres,  disposi- 
tion géographique  que  les  Touareg  désignent  sous  le  nom  spécial 
d'aglielâd,  correspondant  au  khanga  des  Arabes. 

(Voir  figures  n<»*  2,  3,  4  et  5  de  la  planche  ci-contre.) 

Quand,  par  la  pensée  ou  la  plume  à  la  main,  j'additionne  une  à 
une  la  superficie  des  espaces  dénudés  autour  de  chaque  groupe  de 
dunes,  quand  j'établis  le  cube  du  vide  que  laissent  entre  eux  tous 
les  témoins  géologiques  du  niveau  de  l'ancien  sol  et  quand  je  com- 
pare la  masse  des  matériaux  enlevés  ici  et  apportés  là,  soit  par  les 
pluies,  soit  par  les  vents,  je  me  demande  ce  qu'est  devenu  le  cube 
du  vide,  si  les  dunes  sont  formées  sur  place,  car  je  ne  retrouve  pas 
le  total  des  déblais  dans  l'ensemble  des  remblais ,  si  considérable 
qu'il  soit. 

La  carte  qui  accompagne  le  deuxième  volume  de  cette  étude 
comprend  la  totalité  des  divers  groupes  de  dunes  du  Sahara  occi- 
dental, entre  le  golfe  de  Gàbès  dans  la  Méditerranée  et  le  Sénégal 
sur  la  côte  de  l'Océan  Atlantique. 

Ces  groupes  sont  au  nombre  de  sept  : 

Celui  d'Edeyen,  du  27*»  au  28«  latitude  N.  et  du  6»  au  12*»  longi- 
tude E.; 

Celui  de  l"Erg,  du  20®  au  Zlx"*  latitude  N.  et  du  7®  longitude  E.  au 
3Mongitude  0.; 

Celui  d'Iguîdi,  du  2/i°au  30«  latitude  N.  et  du  3«  au  5<>  longitude  0. ; 


36  TOUAREG  DU   NORD. 

Celui  de  Maghtir,  du  22«  au  27<»  latitude  N.  et  du  5®  au  ik^  longi- 
tude 0.  ; 

Celui  d'Adâfer,  du  20*>  au  23*»  latitude  N.  et  du  i<>  au  13^  longi- 
tude 0.  ; 

Celui  d'Akchçir,  du  lO*»  au  23<»  latitude  N.  et  du  16^  au  IS*»  longi- 
tude 0.  ; 

Celui  d'Iguîdi  des  Tràrza,  du  16<>  au  18«  latitude  N.  et  du  17<>  au 
19®  longitude  0. 

La  superficie  des  espaces  que  ces  groupes  de  dunes  couvrent 
(superficie  très-approximative,  bien  entendu,  hypothétique  même 
dans  beaucoup  de  cas),  est  de  45,000,000  d'hectares,  savoir  : 


Nomb.  d'hecU 

Édeyen 2,000,000 

'Erg 12,000,000 

Iguîdi 8,000,000 

Maghtîr 12,000,000 

Adâfer 10,000,000 

Akchar 500,000 

Iguldi  des  Tràrza. 500,000 

Ensemble 45,000,000 

A  chacun  de  ces  groupes  de  dunes  correspondent  des  plateaux 
alimentateurs  dont  la  superficie  est  triple  environ,  savoir  : 

Nomb.  d*hect. 

Le  Hàroùdj 3,000,000 

Pour  Edeyen  )  ^  plateau  de  Mourzouk.  .  .  .      6,000,000 

Le  désert  Qe  Tâyta 2,000,000 

L'Akâkoùs 1,000,000 


Total 12,000,000 


/ 


Le  plateau  de  la  Syrte 6,000,000 

La  Uamàda-el-Homra 8,000,000 

Le  plateau  de  Tînghert. ....  2,000,000 

Le  TastU  du  Nord 4,000.000 

Pour  l"Erg (  Les  versants  N.  et  E.  du  Ahaggàr.  4,000,000 

La  chebka  du  Mezàb 2,000,000 

Le  plateau  des  Cha*anba.  .  .  .  3,000,000 

Le  plateau  des  O.-S.  Cheikh. .  2,000,000 

Le  plateau  de  T&demàyt.  .  .  .  2,000,000 

Total. 33,000,000 


PODIt   IcOlDI. 


GÉOLOGIE.  37 

Nomb.  d'hect. 

Le  plateau  de  Groûz 2,000,000 

La  plaine  d*Adjemôr 1,000,000 

Le  plateau  du  Mouydlr 1,000,000 

Le  versant  0.  du  Ahaggâr.  .  .  8,000,000 

Le  Biiten  Ahenet 6,000,000 

Total 18,000,000 

Le  versant  S.  du  Abaggàr.  .  .  2,000,000 

Le  TastH  du  Sud 4,000,000 

Poim  MaghtIr /  ^  dés&ci  de  Tftnezroûft.  .  .  .  4,000,000 

Le  désert  d*Ouarân 4,000,000 

Le  plateau  des  *Arlb 2,000,000 

Le  plateau  de  rOuftd-Dria.  .  .  4,000,000 

,  Total 20,000,000 


Pour  AdAfer.. 


UAdghagh  de  Kidal 8,000,000 

L'Azaouad 6,000,000 

Le  désert  d*Oualàta 6,000,000 


Total. 20,000,000 

Pour  Akchar |  ^  plateau  des  0.  Dellm. .  .  .  6,000,000 

I  L'Adrar  de  Bafour 2,000,000 

Total 8,000,000 

Pour  IgdÎdi  desTrArza.  |  ^  ?>**«»"  ^^  Tâgant 2,000,000 

Le  désert  d'Aftot 6,000,000 

Total 8,000,000 


L'ensemble  général  de  ces  plateaux,  dont  la  superOcîe  a  été  plutôi 
diminuée  qu'augmentée,  donne  un  total  de  119,000,000  d'hectares. 

Bien  entendu,  ces  chiffres  ne  représentent  ni  la  superficie  ftelle 
des  bassins  des  dunes  ni  celle  des  plateaux  qui  les  alimentent,  mais 
seulement  les  surfaces  que  je  suppose  couvertes  de  sable  d'un  côté 
et  celles  dénudées  de  l'autre. 

L'observation  de  la  totalité  des  dunes  sahariennes  nous  les 
montre  suivant  une  direction  générale,  du  Nord-Est  au  Sud-Ouest: 
elle  nous  les  montre  sur  une  ligne  plus  étroite  dans  le  vaste  couloir 
entre  le  relief  atlantique  et  le  plateau  central  du  Sahara,  puis 
s'élargissant  et  s'étendant  vers  le  Sud  dès  que  les  assises  du  Ahag- 
gâr s'abaissent. 

La  disposition  réciproque  des  montagnes  du  Nord  et  des  mon- 
tagnes du  Sud  ne  permet  pas  d'assigner  une  autre  direction  gêné- 


38  TOUAREG  DU  NORD. 

raie  aux  vents,  du  moins  à  celle  de  leurs  couches  qui  se  rapproche  le 
plus  de  terre. 

De  là,  une  première  indication  qui  permet,  sans  trop  sortir  du 
domaine  de  l'observation  scientifique,  d'attribuer  à  l'action  domi- 
nante des  vents  combinée  avec  l'action  secondaire  des  eaux,  la  dis- 
tribution générale  des  masses  de  sable  telle  que  nous  la  constatons 
dans  la  partie  occidentale  du  Sahara. 

Examinons  maintenant  la  question  de  production. 

En  tout  pays,  la  source  de  production  des  sables  la  plus  consi- 
dérable, si  ce  n'est  l'unique,  est  la  désagrégation  des  roches. 

Dès  que  cet  itinéraire  géologique  atteindra  les  parties  rocheuses 
de  mon  exploration,  j'aurai  soin  de  signaler  les  matériaux  en  dé- 
composition spontanée ,  et  on  verra  qu'ils  sont  relativement  nom- 
breux. 

Toutefois,  il  est  une  cause  générale  et  permanente  de  désagréga- 
tion de  la  partie  superficielle  des  roches,  qui  me  paraît  avoir  une 
grande  part  dans  la  production  des  sables  ;  je  veux  parier  de  l'action 
atmosphérique. 

En  général,  la  surface  rocheuse  des  hamàd,  des  tasîli,  des 
adrar,  en  un  mot  de  toutes  les  parties  relevées  du  relief  saharien , 
est  à  nu  et  n'est  garantie  contre  les  influences  atmosphériques  exté- 
rieures, ni  par  des  terres,  ni  par  des  produits  végétaux. 

Par  suite,  la  lumière,  la  chaleur,  le  froid,  les  pluies  torren- 
tielles, l'électricité  agissent  directement  sur  la  surface  extérieure  des 
roches. 

Il  est  diflîcile  d'apprécier  l'action  de  la  lumière,  mais  la  plaque 
phoft)graphique  nous  révèle  que  la  lumière  solaire  modifie  les  points 
par  elle  atteints  en  raison  de  son  intensité;  or,  dans  le  Sahara  1? 
lumière  est  intense ,  et  nous  avons  la  preuve  de  son  action  directe 
par  la  coloration  bronzée,  noirâtre,  brûlée,  de  la  superficie  de  la 
presque  totalité  des  roches. 

La  lumière  lunaire,  dont  l'influence  sur  la  décomposition  de 
certaines  pierres  est  démontrée,  agit  dans  le  Sahara  encore  plus 
qu'ailleurs,  car  les  nuits  y  sont  d'une  pureté  admirable. 

Les  extrêmes  de  la  température,  atteignant  souvent  au  soleil  de 
65  à  70  degrés  dans  le  jour  et  descendant  quelquefois  à  5  degrés 
au-dessous  de  zéro  pendant  la  nuit,  amènent  inévitablement  à  la 
superficie  des  roches  des   dilatations  et  des   condensations  dont 


GÉOLOGIE.  39 

Teffet  immédiat  est  la  désagrégation  de  la  partie  la  plus  friable  de 
leurs  éléments. 

L'électricité,  assez  abondante  souvent  pour  que  le  moindre 
frottement  dégage  des  étincelles  des  vêtements,  a  bien  aussi  sa 
petite  action  perturbatrice,  action  inconnue,  inappréciable,  mais 
qu'on  n'oserait  nier. 

Adviennent,  pour  compléter  la  série  de  ces  agents  de  décompo- 
sition ,  l'action  dissolvante  et  la  force  impétueuse  des  pluies  torren- 
tielles, et  l'on  comprendra  que  la  production  quotidienne  des  sables 
dans  le  Sahara  a  dû ,  avec  le  temps,  donner  des  masses  aussi  consi- 
dérables que  celles  des  dunes,  quel  que  soit  le  cube  qu'elles  repré- 
sentent. 

J'ai  eu  l'occasion,  le  30  janvier  1861,  étant  à  Oursôl,  au  pied  du 
Tasîli,  d'observer  le  débordement  d'un  des  nombreux  torrents  qui 
descendent  de  cette  montagne.  La  rapidité  du  courant  était  d'un 
mètre  à  la  seconde  et  les  eaux  charriaient  des  alluvions  dans  des 
proportions  telles  que  je  l'egrette  de  ne  pas  en  avoir  constaté  la 
quantité.  Toutefois,  on  en  aura  une  idée  par  ce  fait,  qu'après  leur 
dépôt  les  Touareg  ont  pu  ensemencer  des  céréales  là  où  la  veille  il 
n'y  avait  pas  de  terre  végétale. 

Ajouterai-je  que,  dans  les  temps  antérieurs  à  l'histoire,  l'action 
volcanique  attestée  dans  le  Djebel-Nefoûsa,  la  Soda,  le  Hàroûdj,  le 
Tasîli  et  le  Ahaggàr,  a  dû  contribuer,  dans  des  proportions  consi- 
dérables, à  la  dislocation  des  roches  et  à  la  désagrégation  de  leurs 
éléments  constitutifs? 

Le  Sahara,  en  son  entier,  est  donc  un  foyer  de  grande  production 
de  sables,  et  ces  sables,  s'ils  ne  restent  pas  sur  place,  doivent  se 
retrouver  ailleurs. 

De  la  production  des  sables,  je  passe  à  leur  circulation. 

Les  deux  grands  moteurs  de  la  circulation  des  sables  sont  les 
courants  atmosphériques  et  les  torrents. 

Pour  les  sables  chajrriés  par  les  courants  atmosphériques,  voici  ce 
qui  est  démontré  : 

M.  Ehrenberg  a  eu  l'occasion  d'analyser  des  sables  et  des  terres 
de  divers  points  du  bassin  du  lac  Tsàd  qui  lui  avaient  été  envoyés 
par  les  docteurs  Barth  et  Vogel,  et  dans  ces  sables  et  terres  il  a 
reconnu  Cent  trente-trois  formes  d'animaux  infusoires  qu'il  a  dé- 
terminés. 


ÙO  TOUAREG  DU  NORD. 

Le  savant  professeur  a  fait  aussi  recueillir  sur  la  côte  occidentale 
d'Afrique,  en  pleine  mer,  à  bord  des  navires,  les  matières  charriées 
par  les  pluies  de  sable  qui  y  sont  communes,  et,  en  analysant  ces 
matières,  il  y  a  retrouvé  les  infusoires  des  sables  du  bassip  du  lac 
Tsâd. 

Or,  entre  le  lac  Tsàd  et  la  côte  occidentale  d'Afrique,  il  n'y  a  pas 
moins  de  30  degrés  de  longitude. 

M.  Ehrenberg  explique  ces  transports  de  sables  à  de  si  grandas 
distances  par  la  grande  raréfaction  de  l'air  échauffé  dans  le  Sahara. 

Pendant  mon  voyage,  j'ai  pu  constater,  plusieurs  fois,  des  faits 
de  circulation  de  grandes  masses  de  sables  par  des  courants  atmos- 
phériques. Je  cite,  entre  autres,  les  observations  suivantes  extraites 
de  mon  journal  : 

20  FÉVRIER  1861.  —  Campement  de  Tîterhsîn.  —  Observations  de 
9  heures  15  minutes  du  matin  :  Bar.  aner.  713-50.  —  Therm.  fr. 
25<>8.  —  Ciel  voilé.  —  Vent  du  Sud  modéré. 

Observation  de  i  heure  30  du  soir  :  A  1,500  mètres  dans  le  N.-E. 
trombe  de  sable,  haute  de  50  mètres  au  moins,  chassée  par  un  vent 
du  S.-E. 

Observations  de  3  heures  du  soir  ;  Bar.  aner.  704-10.  —  Therm. 
fr.  3.0<>75.  —  Ciel  nuageux.  —  Vent  du  Sud  assez  fort. 

28  AVRIL  1861.  —  Même  campement.  —  Observations  de  6  heures 
du  matin  :  Bar.  aner.  704-65.  —  Therm.  fr.  22<>3.  —  Ciel  couvert. 
—  Vent  E.  faible. 

Observation  de  i  heure  30  du  soir  :  Pluie  par  intervalle;  un 
immense  nuage  de  sable,  rougeàtre,  semblable  à  l'aspect  d'un  vaste 
incendie,  passe  à  l'E.,  à  fleur  de  terre,  en  s'élevant  vers  le  ciel.  Sa 
marche,  du  S.-O.  au  N.-E.,  est  rapide  comme  celle  d'un  vent  vio- 
lent. 

Observations  de  3  heures  du  soir  :  Bar.  aner.  699-50.  —  Therm. 
fr.  31^4.  —  Ciel  couvert.  —  Vent  du  S.-O.  fort.  —  Pluie  froide. 

30  AVRIL  1861.  — En  routed'Iferdjanàln-Lêlen.  — Oftserua^'orw  de 
6  heures  30  du  matin  :  Bar.  aner.  704-60.  —  Therm.  fr.  21*8.  — 
Ciel  couvert.  —  Vent  E.  presque  nul. 

Observation  de  3  heures  du  soir  :  Un  coup  de  vent  terrible  du  S. 
amène  un  nuage  de  sable,  rouge,  comme  s'il  était  chargé  de  flammes. 
11  se  rue  sur  notre  caravane,  accompagné  de  grosses  gouttes  qui  res- 
semblent à  de  la  neige  fondue. 


GÉOLOGIE.  41 

Observations  de  7  heures  du  soir  :  Bar.  aner.  697-10.  —  Therm. 
fr.  31*>7.  —  Ciel  couvert.  —  Vent  du  Sud  modéré. 

3  MAI  1861.  -—Campement  de  Serdélès.  —  Observation  de  2  heures 
du  soir  :  Coups  de  tonnerre  prolongés,  lointains,  au  S.  magnétique. 

Observations  de  3  heures  :  Bar.  aner.  694-40.  —  Therm.  fr.  34**. 
—  Ciel  couvert.  —  Vent  0.  faible. 

Observation  de  3  heures  45  :  Une  trombe  de  sable  importante, 
rouge  comme  les  précédentes,  passe  au  S.-E.  Sa  marche  est  vers  TE. 
Quelques  gouttes  de  pluie. 

Observations  de  7  heures  30  :  Bar.  aner.  700-00.  —  Therm. 
fr.  27*5.  —  Ciel  couvert.  —  Vent  du  S.-S.-O.  modéré. — Quelques 
gouttes  de  pluie. 

D*où  provenaient  les  sables  dont  ces  trombes  étaient  chargées?  où 
sont-ils  allés  se  fixer?  Je  l'ignore.  En  reproduisant  ces  observations, 
j'ai  voulu  constater  leur  fréquence  et  préciser  les  conditions  dans 
lesquelles  elles  se  produisent. 

J'ai  choisi  à  dessein  la  période  de  février  à  mai,  parce  qu'alors  je 
me  trouvais  à  la  ligne  de  partage  des  bassins  méditerranéen  et 
océanien,  et  sous  le  vent  des  plateaux  alimentateurs  des  dunes. 

Si  les  vents  soulèvent  les  sables  sur  les  plateaux,  les  réunissent 
en  trombes  pour  les  transporter  à  de  grandes  distances,  ce  sont 
incontestablement  les  courants  d'eau  qui  les  fixent  dans  les  bassins 
où  nous  les  trouvons.  Du  moins,  cela  est  exact  pour  le  bassin  de 
r'Erg  que  j'ai  plus  particulièrement  observé  et  étudié.  L'hydrogra- 
phie de  cette  immense  cuvette  nous  la  représente,  en  effet,  comme 
l'aboutissant  des  eaux  de  toutes  les  montagnes  environnantes. 

En  est-il  de  môme  ailleurs?  C'est  probable,  mais  je  ne  puis 
l'affirmer. 

On  jugera  de  l'action  des  eaux  par  les  faits  suivsgits  : 

Au  printemps  de  1862,  une  pluie  d'orage  tombée  sur  le  versant 
Ouest  du  Ahaggâr  amena  de  telles  quantités  d'eau  dans  les  vallées 
d'Idjeloûdjâl  et  de  Tarhît  qu'elles  entraînèrent  une  partie  de  la 
montagne.  L'action  des  eaux  fut  assez  prompte  pour  qu'une  nezla 
(tribu)  entière,  campée  au  débouché  des  deux  vallées,  pérît  corps  et 
biens.  Trente-quatre  personnes  et  un  grand  nombre  de  chameaux 
furent  noyés.  Une  chamelle  qui  paissait  tranquillement  sur  la  portion 
de  la  montagne  emportée  par  les  eaux,  fut  retrouvée  saine  et  sauve, 
trois  jours  après  l'événement,  à  une  très-grande  distance,  sur  le 


42  TOUAREG  DU  NORD. 

terrain  même  où  elle  avait  été  surprise  et  qui,  après  une  longue 
navigation,  était  venu  échouer  sur  une  des  berges  de  l'ouâdi. 

Avant  1856,  sur  la  rive  gauche  de  TOuàdi-Tîterhsîn,  existait  une 
ligne  de  dunes,  du  nom  d'Azekka-n-Bôdelkha,  assez  hautes  pour 
que  les  chameaux  ne  pussent  les  franchir.  Advint  alors  une  crue 
accidentelle  dans  Touàdi,  et  elle  eut  la  puissance  de  faire  disparaître 
toute  la  masse  de  sable  qui  composait  ces  dunes. 

La  force  motrice  des  eaux,  dans  le  Sahara,  n'est  pas  seulement 
démontrée  par  les  déblais  qu'elles  produisent  sur  certains  points; 
elle  Test  aussi  par  les  immenses  barages  que  leurs  alluvions  créent 
sur  d'autres  et  qui,  de  siècle  en  siècle,  modifient  les  cours  des 
ouâdi. 

Le  bassin  de  l'igharghar  offre  de  nombreux  exemples  de  ces  bar- 
rages. Jadis  il  communiquait  avec  la  mer  par  le  golfe  de  Gàbès  et  y 
portait  les  sables  qu'il  charriait.  Aujourd'hui  une  barre  de  terre  et 
de  sable  de  dix-huit  kilomètres  sépare  le  Chott  du  Nefzaoua  de  la 
mer.  C'est  à  peine  si  on  reconnaît  dans  la  ligne  de  bas-fonds  de 
rOuàdi-Akarît  l'amorce  de  l'ancienne  communication. 

Jadis,  à  l'époque  de  Ptolémée,  le  Chott-el-Kebîr  du  Nefzàoua,  sous 
le  nom  de  lac  Triton,  le  Chott-el-Djerîd,  sous  celui  de  PcUlas,  le 
Chott-Melghlgh,  sous  celui  de  Libye,  communiquaient  entre  eux,  ou 
ne  formaient,  comme  à  l'époque  d'Hérodote,  qu'un  seul  lac,  sous  le 
nom  de  Triton;  aujourd'hui  ces  anciens  lacs,  sans  affluents,  ne 
sont  même  plus  des  lacs,  mais  des  bas-fonds  de  chott,  submergés 
en  hiver,  desséchés  en  été.  Toutefois,  il  ne  serait  pas  prudent  de 
s'aventurer  à  les  parcourir  sans  guide,  car  sur  certains  points, 
notamment  dans  le  Chott-Melghîgh,  on  disparaîtrait  sans  laisser  trace 
de  son  passage. 

Jadis,  la  tête  orientale  de  l'igharghar,  formée  de  l'Ouàdi-Serdélès, 
de  rOuàdi-Tànezzoûft,  de  l'Ouàdi-Ouaràret,  de  l'Ouàdi-Tîterhsîn  et 
de  rOuâdi-Tikhâmmalt  qui  les  réunissait  tous,  communiquait  avec 
la  tête  occidentale  venant  du  Ahaggàr;  aujourd'hui,  chaque  affluent 
de  la  tête  orientale  forme  un  ouâdi  distinct,  aboutissant  à  des  sables 
qui  absorbent  leurs  eaux  et  les  rendent  souterrainement  à  l'an- 
cien lit. 

La  fantaisie  de  l'igharghar  de  couler,  tantôt  à  ciel  ouvert  eu 
rompant  les  barres  qu'il  s'était  formées,  tantôt  souterrainement  en 
se   creusant  un   lit  sous  les  sables,   ne   date  m*   d'aujourd'hui  ni 


GÉOLOGIE.  43 

(l*hier,  car  déjà,  du  temps  du  roi  Juba,  au  commencement  de  notre 
ère,  le  grand  fleuve  saharien  avait  de  pareils  caprices,  à  ce  qu'il 
parait. 

D'après  les  Lihyques  du  roi  Juba  citées  par  Pline,  le  grand  fleuve 
de  la  Libye,  «  indigné  de  couler  à  travers  des  sables  et  des  lieux 
«  immondes,  se  cache  l'espace  de  quelques  journées.  Absorbé  de  nou- 
tt  veau  par  les  sables,  il  se  cache  encore  une  fois  dans  un  espace  de 
«  \ingt  journées  de  désert.  » 

Cette  citation,  que  j'emprunte  au  gi'and  ouvrage  do  M.  Vivien  de 
Saiot-Martin,  le  Nord  de  l* Afrique  dans  l*antiquité,  me  permet  de  con- 
stater, tout  d'abord,  combien  le  savant  géographe  a  été  heureusement 
inspiré  en  assimilant  le  Niger  de  Juba  et  de  Pline  avec  l'Igharghar  ^ 
moderne  des  Touareg,  le  Ouàdi-es-Sàoudy  des  Arabes. 

Au  fur  et  à  mesure  que  cette  étude  se  complétera,  on  retrouvera 
les  poissons  du  Nil  et  les  crocodiles  dont  l'existence  faisait  croire  au* 
roi  Juba  que  le  grand  fleuve  d'Egypte  avait  une  de  ses  origines 
dans  ses  états. 

Quoi  qu'il  en  soit,  par  ce  témoignage  de  Juba,  confirmé  par  Pline 
et  par  d'autres  encore,  il  devient  évident  que  la  partie  du  Sahara  dont 
je  m'occupe  était  déjà ,  il  y  a  dix-huit  cents  ans,  sinon  sous  le  rap- 
port de  la  quantité  des  eaux,  du  moins  sous  le  rapport  des  sables  et 
de  leur  circulation,  telle  qu'elle  s'est  présentée  à  mon  observation. 

Si,  depuis  cette  époque,  une  partie  du  Sahara  a  pu  être  protégée 
contre  les  influences  atmosphériques  qui  désagrègent  les  roches 
noéme  les  plus  solides,  c'est  incontestablement  celle  qui  est  abritée 
contre  le  froid,  la  chaleur,  la  lumière,  l'électricité,  par  une  couche 
épaisse  de  sables. 

Sans  doute,  dans  T'Erg,  avant  l'invasion  des  sables,  quelle  que 
soit  la  date  éloignée  du  commencement,  les  parties  solides  de  cette 
contrée  avaient,  comme  celles  de  l'universalité  du  plateau  central  du 
Sahara,  subi  les  influences  destructives  de  l'atmosphère,  et  tout  indi- 
que qu'il  y  avait  de  nombreuses  goûr  en  décomposition  coinme  partout 


1.  Avant  de  posséder  des  notions  certaines  et  complètes  sur  le  désert  de  Libye, 
incooiplétement  connu  des  anciens ,  on  ne  pouvait  que  commettre  des  erreurs  en 
cherchant  à  faire  TappUcation  de  leurs  récits.  Et  la  plus  grande  erreur  des  géogra- 
phes modernes  était  de  leur  attribuer  une  valeur  scientifique  réelle.  Au  contraire, 
en  les  réduisant  au  seul  mérite  qu'ils  ont,  celui  de  renseignements  puisés  à  toutes 
le»  sources  et  non  contrôlés ,  on  arrive  à  de  meilleurs  résultats. 


hh  TOUAREG  DU  NORD. 

.  # 

ailleurs.  Ces  goûr,  plus  ou  moins  nombreuses,  sont  restées  en  place, 
devenant  le  noyau  de  dunes,  à  côté  de  ghourd  exclusivement  com- 
posés de  sable  de  la  base  au  sommet.  Mais  ces  noyaux  solides  de 
quelques  dunes,  constatés  par  M.  Vatonne,  n'inûrment  pas  la  loi  gé- 
nérale de  l'amoncellement  des  débris  des  roches  des  plateaux  supé- 
rieurs dans  les  bassins  qui  leur  servent  de  réceptacle.  Partout,  sur 
la  surface  du  globle,  les  alluvions,  qu'elles  soient  de  sables  ou  de 
terres,  qu'elles  soient  charriées  par  les  vents  ou  par  les  eaux,  obéissent 
aux  lois  de  la  pesanteur. 

Si  les  alluvions  sablonneuses  des  dunes  n'ont  pas  obéi  à  la  loi 
ordinaire  des  nivellements  des  autres  alluvions,  la  cause  très-com- 
plexe de  ce  phénomène  n'est  pas  encore  sur  le  point  de  recevoir  sa 
solution,  car  ce  n'est  pas  en  Afrique  seulement  que  la  circulation  et 
la  fixation  des  sables  déjouent  la  sagacité  des  plus  habiles  ingé- 
nieurs. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  excellentes  et  minutieuses  observations 
de  M.  Vatonne  conservent  toute  leur  valeur  et  contribueront,  avec 
celles  qui  pourront  être  faites  ultérieurement,  à  la  solution  du  pro- 
blème. 

bans  ma  collection  géologique  sont  indiqués  comme  étant  de  la 
provenance  de  l"Erg  : 

1<>  Un  échantillon  de  sulfate  de  chaux  très-pur*  ; 

2<*  Un  échantillon  de  terre  blanche,  fine,  calcaire,  donnant  une 
très-forte  effervescence  à  l'acide  chlorhydrique  *. 

Cette  terre,  trouvée  sous  les  sables  àGhourd-Maàmmer,  contient, 
en  grande  quantité,  une  espèce  de  coquille  fossile  nouvelle  *,  que 
M.  Deshayes  a  décrite  et  à  laquelle  il  a  bien  voulu  donner  mon  nom. 

«  M.  Duveyrier,  écrit  M.  Deshayes,  mérite  bien  l'honneur  d'être 
signalé  à  la  reconnaissance  des  naturalistes,  car  pendant  toute  la 
durée  d'un  périlleux  voyage  dans  une  région  de  l'Afrique  que  per- 
sonne n'avait  visitée  avant  lui,  il  n'a  cessé  de  recueillir  des  matériaux 
propres  à  enrichir  les  diverses  branches  de  l'histoire  naturelle.  !l 
nous  a  donc  paru  équitable  d'attacher  le  nom  de  l'intrépide  et  sa- 
vant explorateur  à  une  espèce  de  mollusque  qui  nous  paraît  entiè- 
rement nouvelle.  » 

i.  Échantillon  n<>  5. 

2.  —         n«  6. 

3.  —         n»  7. 


PI.  m. 


Page  45. 


Fig.  7  et  8. 


• 


Wg.  \. 


PLANORBIS     DUVEYRlEni. 


Dessiné  d'après  nature,  p«r  M.  Delahaye,  sur  les  coquilles  rapportées 
par  M.  n.  Duveyrier. 


Fig.  2.  —   D|}NES    DANS    L'  'ERG. 
D'après  un  croquis  de  M.  H.  Duvoyrier. 


GÉOLOGIE.  45 

Voici  la  description  de  cette  coquille,  telle  que  M.  Deshayes  a 
bien  voulu  la  rédiger  : 

PLANORBIS    DDTBTRIERI.     {  Desh.) 

PI.  testa  orbiculato-discoidea,  crassiuscuU,  utroque  latere  inequaliter  ambiU- 
*cata,  supni  profundiore;  anfractibus  quaternis,  rapide  crescentibus,  convexis,  invol- 
Teotibos,  sutura  profuoda  Junctis,  interne,  ad  perîpfaeriam  umbilici  obtusissime 
aogulatis,  tenue  et  irregulariter  striatis;  ultime  anfractu  minore,  cylindraceo,  crasse, 
adaperturam  dilatato;  apertnra  magna,  dilatata,  lunari,  paulo  obliqua;  marginibus 
tenuibus,  acutis  disjunctis. 

«  Le  planorbe  de  Duveyrier  est  d'une  taille  médiocre,  discoïde 
assez  épais  et  rapproché  par  sa  taille  et  l'ensemble  de  ses  caractères 
d'une  variété  petite  du  planorbis  Dufourii  de  Graels.  Discoïde  subor- 
biculaire  assez  épaisse,  elle  est  ombiliquée  de  chaque  côté,  mais  plus 
profondément  en  dessus  qu'en  dessous.  Elle  est  formée  de  quatre 
tours  de  spire ,  dont  les  deux  premiers  sont  fort  étroits ,  les  deux 
autres  s'élargissent  rapidement.  Ils  sont  en  partie  enveloppés  les  uns 
par  les  autres,  mais  le  dernier  est  très-grand,  épais  et  s'accroît  rapi- 
dement, il  est  même  un  peu  dilaté  vers  l'ouverture.  Les  tours  sont 
convexes  de  chaque  côté  et  réunis  par  une  suture  simple  et  assez 
profonde;  du  côté  inférieur,  l'ombilic  est  circonscrit  par  un  angle 
très-obtus. Toute  la  surface  estchargée  de  fines  stries  irrégulières  d'ac- 
croissement, et  l'on  remarque,  de  plus,  à  des  distances  inégales  des 
temps  d'arrêt  dans  l'accroissement  qui  ont  produit  des  angles  obtus. 
L'ouverture  est  assez  grande,  dilatée,  peu  oblique  et  suborbiculaire, 
modifiée  par  l'avant- dernier  tour  dont  elie  embrasse  le  diamètre. 

ce  Le  plus  grand  échantillon  a  7  millimètres  de  diamètre  et 
3  d'épaisseur.  »  (Voir  la  planche  ci-contre.) 


IP  SECTION. 
DB  guadAmès   a  rhAt  1. 

Cette  section  comprendra  ; 

i4.  —  Le  plateau  de  Tînghert,  de  Ghadâmès  à  Ohânet; 

L  La  route  que  J*ai  suivie  pour  aUer  de  Ghadâmès  à  Rhàt,  du  moins  Jusqu'à 
Tlterhsln,  n'est  pas  celle  que  prennent  les  caravanes ,  beaucoup  plus  directe  et  sise 


i6  TOUAREG   DU   NORD. 

B.  —  La  traversée  des  dunes  d'Edeyen,  entre  Ohànet  et  la  Ha- 
màda  d'Eguélé; 

C.  —  La  Hamâda  d'Eguélé,  des  dunes  d'Edeyen  à  la  plaine  des 
Igharghâren  ; 

D.  —  La  plaine  des  Igharghâren,  de  Sâghen  à  Tàdjenoût; 
^.  —  Le  Tasîli  des  Azdjer,  de  Tàdjenoût  à  Tîterhsîn  ; 

F.  —  La  vallée  d'Ouarâret,  de  Tîterhsîn  à  Rhàt. 

A.  —  Plateau  de  Tfnghert. 

Le  plateau  de  Hnghert  commence  vers  le  Nord-Est  au  Djebel- 
Nefoûsa;  dans  le  Sud-Est  il  vient  se  confondre  avec  la  grande 
Hamâda-el-Homra ,  dont  il  n'est  séparé  par  aucun  relief  apparent  ; 
dans  le  Sud,  sa  limite  est  marquée  par  un  rebord  sous  lequel  sont 
les  points  d'El-Hesî,  de  Tambalout  et  d'Ohânet  qui  le  séparent  des 
dunes  d*Edeyen;  dans  l'Ouest,  un  rebord,  assez  caractérisé  en  quel- 
ques endroits,  le  sépare  de  la  région  de  l"Erg.  La  ville  de  Ghadàmès 
est  bâtie  sur  ce  rebord. 

Ce  plateau  a  185  kilomètres  du  Nord  au  Sud;  son  étendue  de 
rOuest  à  l'Est  ne  peut  être  précisée,  car  nul  ne  connaît  le  point  de 
séparation  entre  la  Hamâda  de  Tînghert  et  celle  d'El-Homra.  On  sait 
seulement  qu'entre  l"Erg  à  l'Ouest  et  le  Djebel-es-Sôda  à  l'Est,  il  y  a 
600  kilomètres  sans  eau  et  sans  végétation  ;  ce  qui  interdit  à  qui 
que  ce  soit  d'aller  faire  la  reconnaissance  de  cette  immense  soli- 
tude. Entre  Ghadàmès  et  Ohànet,  ce  plateau  s'appelle  Hamâda  de 
Tînghert;  entre  Ghariân  et  El-Hesî,  il  s'appelle  Hamâda-el-Homra, 
noms  différents,  l'un  berbère,  l'autre  arabe. 

Les  Sahariens  appellent  Hamâda  tout  plateau  élevé,  uni,  pierreux, 
sans  végétation,  sans  eau,  quelle  que  soit  sa  formation  géologique. 

Du  Djebel-Nefoûsa  aux  environs  de  Ghadàmès,  le  calcaire  est  de 
couleur  grise  ;  aux  environs  de  Ghadàmès,  la  coloration,  du  moins 
à  la  surface  du  sol,  devient  plus  uniformément  sombre;  au  delà  de 
Ghadàmès,  les  dolomies  prennent  les  différentes  couleurs  des  mi- 
néraux qui  se  trouvent  dans  le  voisinage. 


dans  TEst.  J'eus  Theureuse  chance  de  trouver  la  tribu  de  Témir  Ikhenoûkhen  près 
de  Ghadàmès,  et  je  la  suivis  dans  ses  pérégrinations,  ce  qui  m*a  permis  de  beau- 
coup mieux  connaître  le  pays. 


GÉOLOGIE.  47 

Les  environs  immédiats  de  Ghadâmès  offrent  à  l'observation  du 
géologue  : 

Le  sol  même  de  Toasis,  léger,  sablonneux  et  calcaire,  fécondé 
par  les  nombreux  engrais  de  sa  propre  végétation  ; 

Les  eaux  de  la  source,  dont  j'ai  fait  connaître  la  température  et 
l'analyse  au  chapitre  précédent,  et  sur  laquelle  je  reviendrai  au 
paragraphe  spécial  à  Ghadâmès,  du  Livre  IIP; 

Une  carrière  de  plâtre  exploitée  près  du  cimetière  du  Dhâhara  et 
qui  fournit  un  sulfate  de  chaux  cristallisé,  blanc,  presque  pur,  quoi- 
que mélangé  à  un  peu  de  sable  ^  ; 

La  roche  du  plateau  qui  entoure  la  ville  ; 

Enûn  la  gara  (  témoin  )  de  Tîsfîn ,  à  sept  kilomètres  E.  de  la 
ville. 

La  roche  du  plateau  de  Ghadâmès  *,  est  un  calcaire  crétacé,  de 
formation  marine,  jaunâtre,  avec  grands  fragments  d*inoc^ames  et 
quelques  petites  bivalves  indéterminables,  identiques  comme  aspect 
aux  calcaires  jaunâtres  coquilliers  de  la  Chebka  du  Mezâb.  Ce  calcaire 
donne  une  effervescence  bien  marquée  à  l'acide  chlorhydrique,  mais 
paraît  contenir  une  quantité  assez  notable  de  magnésie,  comme  la 
plupart  des  roches  du  Mezâb. 

La  gara  de  Tîsfîn  a  90  mètres  de  hauteur  environ. 

Elle  repose  sur  une  roche  siliceuse,  grisâtre,  homogène,  ne 
donnant  aucune  trace  d'effervescence  à  l'acide  '. 

Elle  est  couronnée,  à  son  sommet,  par  une  roche  superficielle, 
calcaire,  rougeâtre,  composée  de  fragments  très-brisés  de  coquilles, 
dans  lesquelles;  on  distingue  quelques  petites  limnèes  et  des  traces 
nombreuses  de  zoophytes.  Cette  roche,  très-compacte,  rend  un  son 
semblable  à  celui  de  la  poterie  cuite  *. 

Entre  les  deux,  l'intérieur  de  la  gara  est  formé  d'un  calcaire  ten- 
dre, jaune,  blanc,  marneux,  d'une  pâte  très-homogène  '*. 

Ce  dernier  calcaire  apparaît  aussi  dans  les  ravins  des  environs  de 
la  gara. 

La  gara  de  Tîsfîn  est  entièrement  isolée,  mais  à  peu  de  distance 

i.  ÉchantUIon  n*"    8. 
1         —         n»    9. 

3.  —         n«  10. 

4.  —         n"  a. 

5.  —         n»  12. 


i8  TOUAREG  DU   NORD. 

on  voit,  dans  différentes  directions,  des  goûr  d'une  élévation  beau- 
coup moindre  et  qui  doivent  appartenir  à  la  même  formation. 

A  k  kilomètres  au  Sud  de  Ghadâmès.  on  entre  dans  la  petite  dé- 
pression de  Kaboû,  formée  par  un  lit  d'alluvions  sablonneuses  et 
terreuses,  au  milieu  duquel  on  trouve  des  sables  et  du  carbonate  de 
chaux  agrégés  à  la  façon  des  grès  de  Fontainebleau.  Ces  agréga- 
tions sont  évidemment  une  création  des  eaux. 

Les  bords  de  cette  basse  dépression  sont  d'un  calcaire  spathique, 
rougeâtre,  très-compact  *,  dans  lequel  on  trouve  accidentellement  de 
la  chaux  cristallisée;  dans  le  lit  même  sont  des  concrétions  composées 
d'éléments  calcaires  en  mélange  avec  le  sable. 

A  15  kilomètres  de  Kaboû,  on  traverse  FOuâdi-Mâreksàn  dont  la 
direction  est  Est-Ouest.  Son  lit  est  de  sable,  graveleux  à  la  surface, 
caillouteux  au  fond.  Sous  le  sable  apparaissent  des  couches  de  sable 
marneux ,  contenant  de  petits  fragments  de  plâtre  *.  Les  berges 
latérales,  qui  ont  8  mètres  de  hauteur  au-dessus  de  l'ouâdi,  sont 
d'un  calcaire  semblable  à  la  roche  du  plateau  de  Ghadâmès. 

Entre  l'Ouâdi-Mâreksân  et  la  dépression  d'El-Gafgâf  (48  kilom.), 
le  plateau  se  présente  sous  forme  d'un  chaos  monotone  de  pierres 
calcaires  anguleuses,  tantôt  amoncelées  sur  le  roc  calcaire,  tantôt 
enchâssées  dans  des  filons  de  terre  sablonneuse. 

De  distance  en  distance,  apparaissent  dans  l'Ouest,  à  16  kilomètres 
environ,  les  rebords  d'un  gradin  plus  élevé  sur  lequel  se  dressent 
des  goûrs  calcaires  indiquant  l'ancien  niveau  du  sol  primitif;  eu  égard 
à  leur  distance,  ces  goûr  doivent  atteindre  à  une  altitude  assez 
grande. 

Avant  d'arriver  à  El-Gafgàf ,  pendant  toute  une  journée  de  mar- 
che, le  sol  est  couvert  de  petites  pierres  noires  qui  donnent  au 
paysage  une  teinte  funèbre. 

Entre  Mâreksân  et  El-Gafgâf  on  rencontre  les  lits  des  Ouâdi-Amàli 
et  Imoûlay  qui  vont  se  perdre  dans  T'Erg. 

El-Gafgâf  est  une  petite  dépression  circulaire,  à  fond  alluvionnaire, 
d'un  kilomètre  environ.  Du  côté  du  Sud,  ce  bas-fond  reçoit  les  pe- 
tites ravines  d'Imozzelaouen  (c'est-à-dire,  petites  ravines  étroites) 
qui  traversent  un  sol  calcaire  à  affleurements  plus  ou  moins  dété- 
riorés. 

1.  ÉchantiRon  n^"  13. 

2.  —         ii«  14. 


GÉOLOGIE.  49 

Au  delà  de  ces  ravines,  la  surface  du  plateau  se  nivelle  et  pré- 
sente une  formation  de  graviers  et  de  petites  pierres. 

Entre  El-Gafgàf  et  Tifôchayen,  la  distance  est  de  34  kilomètres; 
peu  avant  ce  dernier  point,  le  plateau  est  couvert  de  pierres  dé- 
tachées. 

Tifôchayen  est  une  large  vallée  dont  la  direôtion  générale  est  du 
Sud-Est  au  Nord-Ouest.  Le  sol  de  cette  vallée  est  sablonneux;  il 
provient  des  sables  de  T'Erg  que  les  vents  y  ont  apportés. 

Entre  Tifôchayen  et  Timelloûlen  (12  kilomètres),  le  plateau  re- 
prend son  caractère  précédent.  La  vallée  de  Timelloûlen  consiste  en 
un  large  ouâdi  dont  le  sol,  comme  celui  de  Tifôchayen,  est  formé  de 
sables  de  l"Erg  apportés  par  les  vents.  On  y  trouve  l'eau  à  1"50  de 
profondeur. 

Le  plateau  reparaît  sur  une  étendue  de  12  kilomètres  et  se  montre 
couvert  d'affleurements  de  calcaire  décomposé  ;  après  quoi  on  arrive 
à  la  dépression  circulaire  de  Tahâla,  qui  a  5  kilomètres  de  diamètre 
et  est  bordée  de  hautes  berges  à  pic  très-déchirées. 

Du  bas  de  la  dépression,  sur  une  épaisseur  de  1">50  à  2  mètres, 
la  berge  consiste  en  assises  marneuses  d'un  blanc  légèrement  ver- 
dàtreS  avec  des  veines  et  des  noyaux  de  gypse  blanc,  pur,  com- 
pact et  excessivement  fin  *.  Cette  roche  ne  contient  pas  de  fossiles. 

Le  sommet  de  la  berge  est  un  calcaire  rougeâtre,  identique  à 
celui  qui  couronne  la  gara  de  Tîsfin. 

Au  centre  de  la  dépression  est  une  gara  à  formes  bizarres. 

De  Tahâla  à  Ahêdjren  (20  kilomètres),  le  sol  est  alternativement 
un  fond  de  sable  ou  un  fond  de  gravier  solide,  recouvert  de  petites 
pierres  et  d'affleurements  calcaires  mêlés  à  des  marnes  vertes  dé- 
composées. 

Avant  l'arrivée  à  Ahêdjren,  le  flanc  des  hauteurs  qui  bordent  la 
route  à  l'Est  est  d'un  calcaire  blanc,  exactement  semblable  à  la  craie 
de  Meudon,  solide  par  endroits,  friable  dans  d'autres. 

Dans  la  partie  friable ,  je  détache  facilement  cinq  échantil- 
lons de  coquilles  moyennes  ^  qui  ont  été  reconnus  être  Yostrea 
columba  (Desh)  et  appartenir  au  terrain  cénomanien  de  d'Orbigny 


i.  Échantillon  n»  16. 

2.  —         n°  17. 

3.  —         n»  18. 

I. 


50  TOUAREG   DU   NORD. 

et  aux  grès  verts  supérieurs  ainsi  qu'à  la  craie  chloritée  du  terrain 
crétacé. 

Dans  la  partie  compacte  de  la  base  de  la  roche  sont  d'autres  co- 
quilles qui,  à  la  vue,  me  paraissent  de  la  même  espèce  que  les 
précédentes,  mais  grandes  comme  le  creux  de  la  main.  La  dureté 
de  la  gangue  ne  me  permet  pas  d'en  prendre  de  spécimens. 

Quoique  le  fond  de  cette  roche  soit  blanc,  elle  est  teinte  de  taches 
brunes  ou  roussâtres  en  plusieurs  endroits. 

Sur  toute  la  route,  j'ai  commencé  à  trouver  des  débris  informes 
d'ammonites  au  milieu  des  graviers. 

Ahédjren  est  un  ouâdi  à  direction  Sud-Est  et  Nord-Ouest  et  à  lit 
sablonneux.  Ici,  comme  dans  les  vallées  précédentes,  la  présence 
du  sable  s'explique  par  le  voisinage  de  l"Erg. 

De  Ahédjren  à  Ohânet,  le  plateau  de  Tînghert  continue  avec  ses 
mômes  caractères  généraux  sur  une  étendue  de  25  kilomètres.  Là,  il 
finit  et  contribue  par  son  flanc  méridional  à  former,  avec  le  rebord 
septentrional  des  dunes  d'Edeyen,  la  longue  dépression  d'Ohànet 
dont  la  direction  générale  est  Est  et  Ouest. 

Cette  dépression  d'Ohànet  est  appelée  par  les  Arabes  El-Djoua 
(le  fourreau),  parce  qu'elle  ressemble  à  un  couloir  par  lequel  les 
eaux,  conservées  comme  dans  un  réservoir  au  milieu  des  dunes,  s'écou- 
lent dans  un  lit  pour  aller  rejoindre  l'Igharghar  au  Sud  de  Timâssanîn. 

La  largeur  de  la  vallée  est  de  12  kilomètres;  son  fond  est  allu- 
vionnaire :  sables  et  graviers  mêlés. 

Au  centre  est  un  abankôr  ou  rhedir,  bassin  argileux,  qui,  d'après 
les  Touareg,  conserve  quelquefois  l'eau  pendant  2  ou  3  ans  après 
les  pluies. 

Entre  Ahédjren  et  Ohânet,  sur  tout  le  parcours  du  trajet,  les  am- 
monites continuent  au  milieu  des  pierres  parsemées  à  la  surface  de 
ce  désert.  Elles  sont  nombreuses,  brisées  en  fragments.  C'est  avec 
grande  peine  que  je  puis  en  trouver  deux  entières. 

Les  géologues  à  l'examen  desquels  ces  ammonites  ont  été  sou- 
mises, les  ont  trouvées  trop  frustes  pour  pouvoir  être  sûrement  déter- 
minées*. Ils  les  croiraient  volontiers  nouvelles,  mais  se  rapprochant 
de  Vammonites  Mantellii  du  terrain  cénomanien  de  d'Orbigny  ou 
des  grès  verts  supérieurs,  de  la  craie  tufifeau  ou  de  la  craie  chloritée. 

i.  ÉcbantUlon  n»  19. 


GÉOLOGIE.  51 

La  pâte  de  ce  fossile  est  un  calcaire  d'un  blanc  jaunâtre,  compact, 
légèrement  saccharoîde,  parsemé  de  quelques  mouchetures  de  man- 
ganèse. 

B.  —  Dunes  d'Èdêyen. 

Entre  Ohânet  et  Âbrlha,  sur  un  parcours  de  75  kilomètres,  s*étend 
une  région  de  sables,  continuation  occidentale  des  dunes  d'Edeyen, 
groupe  séparé  de  celui  de  T'Erg  par  un  prolongement  du  plateau  de 
Hnghert. 

A  peu  près  à  égale  distance  des  points  extrêmes  de  cette  zone 
sablonneuse,  on  trouve  dans  TEst  la  ligne  des  goûr  noires  d'Ay- 
derdjân,  au  Nord  de  laquelle  est  un  puits  comblé,  tandis  qu'au  Sud 
on  trouve  accidentellement  des  flaques  d'eau  dans  une  dépression 
peu  profonde  à  fond  d'argile. 

Sur  toute  l'étendue  de  ces  75  kilomètres,  les  sables  recouvrent  le 
sol  qui  apparaît  de  temps  en  temps,  soit  sous  forme  d'un  calcaire 
noirâtre  ou  violet,  compact  et  solide,  soit  sous  forme  de  graviers 
quartzeux  arrondis;  quelquefois  ces  graviers  ont  été  cimentés  avec 
le  sable  par  les  pluies  au  moyen  d'une  substance  calcaire  agré- 
geable,  et  alors  ils  forment  un  poudingue. 

On  rencontre  aussi  parfois  dans  ce  parcours  des  places  couvertes 
d'une  aiple  violette  solide  et  lisse,  mais  fendillée  par  l'action  du 
soleil;  ces  couches  d'argile  représentent  les  lits  de  mares  desséchées, 
et  expliquent  jusqu'à  un  certain  point  comment  les  graviers  et  le 
sable  ont  pu  se  souder  ensemble  de  manière  à  former  la  roche  dont 
je  viens  de  parler. 

C.  —  Plateau  d'Êguélé. 

Je  donne  le  nom  de  plateau  d'Eguélé  à  une  région  mouvementée, 
partie  hamàda,  partie  dunes,  qui  sépare  la  région  des  dunes  d'Edeyen 
de  la  vallée  des  Igharghàren.  Ce  plateau  bas  a  106  kilomètres  du 
Nord  au  Sud  dans  la  partie  où  je  l'ai  traversée.  Sa  longueur,  de  l'Est 
à  l'Ouest,  est  encore  inconnue. 

Entre  Abrlha,  point  où  les  sables  cessent,  et  Tâdjentoûrt,  est  une 
hamàda  plate,  couverte  de  petites  pierres. 

Tâdjentoûrt ,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  Touàdi  de  ce  nom 


52  TOUAREG  DU   NORD. 

situé  plus  au  Sud,  est  une  dépression  circulaire  comme  on  en  re- 
marque si  souvent  dans  les  régions  sahariennes. 

Au  delà ,  sur  une  étendue  de  9  kilomètres ,  ma  route  parcourt  la 
continuation  du  plateau  au  milieu  de  pierres  calcaires  et  d'affleure- 
ments de  même  nature.  Çà  et  là  apparaissent  des  sables  mêlés  à  du 
gravier  et  formant  un  terrain  solide. 

Eguélé  est  une  chaîne  de  hauteurs  de  pierres  calcaires  noires,  d'où 
leur  nom  Eguélé  (le  coléoptère*),  et  dont  la  direction  générale  est 
du  Nord-Est  au  Sud-Ouest.  Cette  chaîne  coupe  la  route  et  marque  le 
point  culminant  de  cette  section  ;  c'est  pourquoi ,  à  défaut  d'un  nom 
indigène  applicable  à  Tensemble  du  plateau,  je  donne  au  tout  le 
nom  de  sa  partie  la  plus"  remarquable. 

Au  Sud  du  point  où  je  traverse  la  chaîne  d'Eguélé ,  on  rencontre 
rOuàdi-Tâdjentoûrt,  ravin  sans  eau  qui  a  ses  origines  dans  une  ligne 
de  hauteurs  que  la  route  suit  sur  une  étendue  de  35  kilomètres  ; 
ligne  qu'on  laisse  dans  l'Est,  et  qui  est  la  prolongation  Sud  de  la 
chaîne  d' Eguélé. 

Le  trajet  s'effectue  au  milieu  des  rochers,  et  on  arrive  à  la  dé- 
pression d'Aseqqîfâf,  réceptacle  des  eaux  pluviales  de  la  chaîne,  mais 
à  sec,  hors  les  temps  de  pluie. 

Entre  Aseqqîfâf  et  Isaouan  (35  kilomètres)  est  le  plateau  calcaire 
de  Timozzoudjên,  recouvert  dans  sa  partie  Nord,  sur  un  parcours  de 
12  kilomètres,  de  petites  dunes  de  sables  auxquelles  on  donne  le  nom 
d'Isoûlan-n-Emôhagh  et  vis-à-vis  desquelles  on  voit  dans  l'Ouest  les 
sables  de  Tedjoùdjelt. 

Ce  plateau,  dans  son  entier,  est  de  môme  formation  que  celui  de 
TInghert;  sa  pente  générale  est  légèrement  inclinée  vers  le  Sud. 

Isaouan  est  le  nom*donné  à  la  partie  de  la  plaine  des  Ighar- 
ghâren  dans  laquelle  se  trouvent  les  grands  rhedîr  de  Sàghen,  ali- 
mentés par  l'Ouâdi  Tikhâmmalt. 

Le  rebord  méridional  du  plateau  de  Timozzoudjên  termine  la 
série  des  calcaires  sur  lesquels  est  assise  la  route  de  ce  point  à  Gha- 
dàmès. 

D.  —  Plaine  des  Fgharghâren. 

La  plaine  des  Igharghàren  est  une  grande  vallée  de  320  kilo- 

L  Presque  tous  les  coléoptères  du  Sahara  sont  de  couleur  noire. 


GÉOLOGIE.  53 

mètres  de  l'Est  à  l'Ouest,  et  d'une  largeur  moyenne  de  35,  formée  au 
Nord  par  le  rebord  méridional  du  plateau  de  Timozzoudjên  et  au  Sud 
par  les  versants  septentrionaux  des  montagnes  du  Tasîli.  Sa  prin- 
cipale largeur  est  dans  l'Est. 

Cette  grande  vallée  d'alluvîons  sablonneuses  est  découpée  du  Sud 
au  Nord  en  forme  de  larges  plates-bandes  par  les  nombreux  ouâdi 
du  Tasîli,  qui  tous  viennent  se  réunir  au  pied  du  plateau  d'Eguélé  en 
un  lit  unique  prenant  le  nom  de  son  principal  affluent,  TOuâdi-Tikhâm- 
malt,  et  qui,  après  avoir  suivi  une  direction  générale  Sud  et  Nord, 
du  sommet  du  Tasîli  à  Sâghen,  tourne  brusquement  à  l'Ouest  pour 
aller  se  jeter  dans  TOuâdi-Igharghar  à  El-Bîr,  au  Sud-Ouest  de  Timâs- 
sanîn. 

Cette  grande  vallée ,  couverte  d'arbres  dans  toutes  ses  lignes  de 
bas-fonds,  fait  un  contraste  très-remarquable  entre  l'aspect  monotone 
des  plateaux  du  Nord  et  de  ceux  du  Sud. 

'  Elle  pourrait  être  facilement  transformée  en  une  série  d'oasis,  avec 
des  eaux  courantes,  si  les  forages  artésiens  y  réussissent,  ainsi  que 
tout  l'indique.  Dans  tous  les  cas,  avec  des  puits  ordinaires,  on  y 
aurait  l'eau  à  peu  de  profondeur,  surtout  dans  les  lits  des  principaux 
onâdi. 

Je  reviens  à  mon  itinéraire. 

Les  rhedîr  de  Sàghen  ne  sont  ordinairement  pleins  qu'après  les 
grandes  pluies,  mais  à  environ  un  mètre  du  sol  on  trouve  toujours 
l'eau  nécessaire  à  tous  les  besoins. 

Au  milieu  des  alluvions  qui'  entourent  les  rhedîr,  on  remarque 
des  laves*  noires,  poreuses  et  légères,  charriées,  du  sommet  de 
l'Adrar,  point  le  plus  élevé  du  Tasîli ,  par  les  eaux  de  débordement 
de  l'Ouâdi-Tikhâmmalt. 

Les  Touareg  trempent  quelquefois  ces  laves  dans  l'huile,  qu'elles 
absorbent  comfne  le  ferait  une  éponge  ;  après  quoi  ils  y  mettent  le 
feu;  l'huile  brûle.  Ce  fait  mal  expliqué  a  fait  croire  à  l'existence  de 
la  houille  dans  les  montagnes  des  Touareg.  Lorsqu'on  leur  deman- 
dait :  «  Avez-vous  dans  votre  pays  des  pierres  noires  qui  brûlent?  » 
ils  répondaient':  «  Oui,  nous  en  avons,  »  mais  sans  ajouter:  «Nous 
les  imprégnons  d'huile  pour  qu'elles  puissent  brûler.  » 


i.  Échantillon  n°  20,  déterminé,  ainsi  que  tous  ceux  ayant  une  origine  pyro- 
génique,  par  M.  Des  Cloizeaux;  conséquemroent  on  ne  peut  craindre  d*erreur. 


5h  TOUAREG  DU   NORD. 

Déjà  M.  Ismayl-Boû-Derba  avait  trouvé  dans  rOuàdi-Igharghar, 
mais  provenant  du  Ahaggâr,  des  laves  dç  même  nature. 

Ces  deux  constatations,  conûrmatives  d'autres  indications  données 
par  les  Touareg,  ne  laissent  aucun  doute  sur  la  formation  volcanique 
des  points  culminants  du  Ahaggàr  et  du  Tasîli. 

Husloin,  j'aurai  l'occasion  de  constater  la  présence  de  pierres 
de  même  nature  dans  le  Djebel-es-Sôda  (la  montagne  noire)  que  j'ai 
pu  étudier  avec  plus  de  soin,  mon  itinéraire  traversant  ce  massif  de 
montagnes. 

Le  fond  du  sol  de  Sâghen  est  un  composé  de  sables  et  d'argile 
apportés  par  les  eaux  d'inondations;  dans  les  sables,  on  trouve  une 
grande  quantité  de  mica.  Les  pierres  roulées  par  les  eaux  sont  des 
grès  ou  des  détritus  de  roches  plus  grossières,  formés  de  grains  de 
quartz  agglomérés. 

De  Sàghen  à  Tâdjenoût,  la  route  suit  la  vallée  de  l'Ouâdi- 
Tikhâmmalt,  tantôt  sur  une  rive,  tantôt  sur  une  autre.  En  remontant 
le  lit  de  cette  rivière,  on  remarque  sur  le  sol  des  affleurements  d'un 
grès  grisâtre,  noirci  à  la  surface. 

A  Tâdjenoût,  pour  la  première  fois  depuis  mon  départ  de  Gha- 
dàmès ,  je  rencontre  des  sources  d'eau  vive  et  je  dois  faire  observer 
que,  des  puits  de  Timelloûlen  jusqu'à  Tâdjenoût,  sur' un  parcours 
de  310  kilomètres,  l'eau  ne  se  trouve  qu'accidentellement  dans  les 
rhedîr;  ce  qui  rend  cette  route  difficile  en  dehors  des  années  de 
grandes  pluies. 

La  route  orientale,  celle  des  caravanes,  est  plus  riche  en  eau, 
car  en  tout  temps  on  est  certain  d'en  trouver  dans  les  puits  sur  six 
points  différents. 

De  Ghadâmôs  à  Tâdjenoût ,  mon  itinéraire  avait  suivi  une  direc- 
tion générale  Nord  et  Sud.  Tout  à  coup,  il  tourne  à  l'Est  et  longe 
le  versant  Nord  du  Tasîli  jusqu'à  l'Ouàdi-lzêkra. 

Entre  Tâdjenoût  et  l'Ouàdi-Izékra,  la  distance  est  de  i6  kilo- 
mètres. Au  Nord  de  la  route,  le  terrain  conserve  les  caractères 
généraux  de  la  plaine  des  Igharghàren;  au  Sud,  apparaissent  en 
affleurements  les  grès  siliceux ,  Ans,  très -durs,  gris  jaunâtres  du 
Tasîli  *. 

Au  point  où  rOuâdi-lzékra  sort  du  Tasîli  pour  déboucher  dans  la 

1.  ÉchaDtUloa  n*"  21. 


GÉOLOGIE.  55 

plaine,  le  sol  est  recouvert  par  une  couche  de  sable,  en  mélange  avec 
de  la  terre  végétale. 

Il  n'y  a  d'eau  dans  cette  rivière  qu'après  les  grandes  pluies.  En 
temps  ordinaire  il  faut  aller  s'abreuver  au  puits  d'In-Hemoûl ,  à  i  ki- 
lomètres en  aval  dans  le  lit  de  l'ouâdi. 

De  rOuâdi-Izêkra  à  TOuâdi-Târat  (30  kilomètres),  la  route  con- 
tinue, comme  la  précédente,  à  suivre  le  pied  du  Tasîli  en  conservant 
les  mêmes  caractères. 

La  vallée  de  Tarât  forme  une  large  coupure  dans  la  montagne;  à 
l'Est  et  à  l'Ouest,  elle  est  bordée  4e  pics  de  grès  noir.  La  largeur  de 
l'ouâdi  est  de  800  mètres  environ;  la  hauteur  des  berges. est  de 
90  à  100  mètres.  Cette  sorte  de  col  porte  le  nom  (ÏAghelàd  (pas- 
sage). 

Dans  l'Est,  sur  la  rive  droite  de  l'ouâdi,  apparaît  le  haut  pic  de 
Mârhet,  qui  domine  le  niveau  moyen  du  plateau  du  Tasîli  dans  lequel 
on  va  entrer.  Dans  le  bas  de  la  vallée,  est  une  ligne  de  hautes  dunes 
de  sables  qui  se  prolongent  dans  l'Est  jusqu'à  Tânit-Mellet. 

Sur  la  rive  gauche  de  Tarât,  on  trouve  un  énorme  tamarix  appelé 
Azel-en-Bangou. 

Près  de  ce  point,  dans  le  fond  de  la  vallée,  je  remarque  des 
grès  ferrugineux  sensibles  à  l'aimant*,  pierres  détachées  provenant 
de  la  partie  supérieure  de  l'ouâdi.  Plusieurs  de  ces  pierres  me  pa- 
raissent avoir  été  soumises  à  l'actiofi  du  feu  ;  j'en  demande  ^expli- 
cation  aux  Touareg  qui  nie  répondent  avoir  l'habitude  de  les  faire 
rougir  et  de  les  jeter  ensuite  dans  le  lait  afin  d'en  assurer  la  conser- 
vation. 

Sans  s'en  douter,  les  Touareg  préparent  ainsi  un  lait  ferrugineux 
et  devancent,  sous  ce  rapport,  les  peuples  civilisés  qui,  jusqu'à  ce  jour, 
se  sont  bornés  à  l'usage  de  l'eau  ferrugineuse. 

E.  —  TasUi  des  Axdjer, 

Le  Tasîli  du  Nord  ou  des  Azdjer,  dont  il  est  ici  question,  est  un 
immense  gradin  de  500  kilomètres  de  longueur  et  de  130  kilomètres 
de  largeur  moyenne,  orienté  du  Sud-Est  au  Nord-Ouest,  et  dont  le 
point  le  plus  élevé  porte  le  nom  d'Âdrar. 

1,  ÉchanUUoD  n»  22. 


56  TOUAREG  DU  NORD. 

Ce  plateau,  à  l'exception  des  vallées,  est  complètement  dénudé; 
on  n*y  trouve  pas  même  d'herbe. 

A  partir  de  Tarât,  pendant  l'ascension,  ma  boussole  perd  mo- 
mentanément sa  direction  vers  le  Nord.  Ne  pouvant  attribuer  cet 
affolement  aux  grès  ferrugineux  d'Azel-en-Bangou,  j'interroge  les 
Touareg  sur  l'importance  et  l'étendue  des  gisements  de  fer  dans  leurs 
montagnes,  et  j'apprends  que  je  devais  en  trouver  sur  plusieurs 
points  de  mon  itinéraire  jusqu'à  Rhàt. 

Le  ravin  de  l'Ouâdi-Alloûn  me  conduit  sur  les  hauteurs  du  Tasîli. 

Les  berges  de  cet  ouâdi  constituent  de  chaque  côté  des  murailles 
de  grès,  noircis  à  la  surface,  dont  la  hauteur  augmente  à  mesure 
qu'on  monte. 

L'assise  inférieure  de  ces  murailles  présente,  au  niveau  du  lit,  un 
sable  jaune  grisâtre,  légèrement  concret*,  au  milieu  duquel  je  trouve 
des  veines  spathtiques*  qui  se  prolongent  en  affleurements  dans 
le  lit.  La  masse,  jusqu'au  sommet  de  la  berge,  est  un  grès  sili- 
ceux^, compact,  très-dur,  dont  la  couleur  varie  suivant  les  minéraux 
dont  il  est  imprégné. 

Sur  la  rive  droite  de  l'Ouàdi-Alloûn,  au  fond  d'un  ravin  affluent, 
jaillit  la  source  de  Ahôr,  dans  un  bassin  à  fleur  de  sol,  d'un 
mètre  carré  à  peu  près,  mais  dont  le  réservoir  est  couvert  par  un 
rocher  sous  lequel  résonne  l'écho  quand  on  plonge  les  seaux  dans  la 
source 

Sa  température  est  de  19<>  8,  celle  de  l'^ir  étant  de  26°. 

Le  sol,  autour  de  la  source,  porte  des  traces  de  dépôts  salins. 

Les  rochers  des  environs  forment  des  blocs  anguleux  détachés, 
des  grottes  ou  abris  sous  lesquels  vivent  des  pigeons  et  autres 
oiseaux. 

Dans  une  de  ces  grottes,  et  sur  un  des  rochers  voisins,  je  trouve 
douze  inscriptions  en  langue  temâhaq  que  je  copie. 

A  la  sortie  du  ravin  par  lequel  la  source  d'Ahêr  débouche  dans  le 
lit  de  l'Ouâdi-Alloûn,  je  rencontre,  sur  la  route,  des  traces  de  construc- 
tions régulières  dont  je  lève  le  plan  et  qui  me  paraissent  appartenir 
à  la  civilisation  berbère.  Les  Touareg,  que  j'interroge  sur  l'origine 
de  ces  constructions,  me  disent  que  ce  sont  les  tombeaux  des  gens 

i.  Échantillon  n*"  23. 

2.  —         n°  24. 

3.  —         n«  25. 


GÉOLOGIE.  57 

d'autrefois  qu'on  appelait  Jabbâren  ou  géants.  Il  existe  dans  le  pays 
un  certain  nombre  de  ces  tombeaux. 

Après  le  ravin  desséché  de  TOuâdi-Alloûn,  le  plateau  est  hérissé 
de  rocs  énormes,  séparés  les  uns  des  ai^utres  par  de  grandes  crevasses. 
Ces  rocs  ont  souvent  une  forme  curieuse  qui  rappelle  les  pierres 
levées  des  anciens  Druides;  mais,  ici,  l'origine  de  ces  pierres  étranges 
est  toute  géologique. 

Ce  sont  d'immenses  blocs  aplatis^  dans  leur  partie  supérieure 
et  tenus  en  équilibre  sur  une  base  étroite  comme  le  pied  d'une 
coupe,  mais  assez  haute  pour  qu'un  cheval  et  son  cavalier  puissent 
circuler  sous  le  plateau  supérieur.  (Voir  page  35.) 

Ces  formations  bizarres  sont  dues  à  l'action  des  eaux  diluviennes 
qui,  en  respectant  la  partie  supérieure  et  la  plus  dure  de  la  roche, 
ont  rongé  la  partie  la  plus  tendre  du  piédestal. 

Le  point  du  plateau  qui  supporte  ces  témoins  géologiques,  en 
nombre  assez  considérable,  s'appelle  Takarâhet.  Plus  loin,  dans  l'Est, 
le  même  plateau  prend  le  nom  significatif  de  Teroûrit  (le  dos),  parce 
qu'il  devient  le  point  de  partage  des  eaux  qui  se  rendent  du  côté  de 
l'Ouest  dans  le  bassin  de  l'Igharghar,  et  dans  l'Est,  vers  'fîterhsîn, 
d'où  elles  vont  se  perdre  dans  le  bassin  des  dunes  d'Edeyen. 
•  Entre  Takarâhet  et  Teroûrit,  la  route  traverse  successivement 
trois  basses  dépressions  :  celle  de  l'Ouâdi-Tîn-Array,  de  l'Ouâdi-Tîn- 
Têrdja,  de  Tîn-Tâkelît,  qui  portent  les  eaux  du  plateau  aux  sables  de 
Tànit-Mellet,  d'où  elles  vont  rejoindre  l'Ouâdi-Târat. 

Les  rochers  nus  qui  séparent  ces  trois  dépressions  sont  tellement 
hérissés  et  distribués  sans  ordre,  qu'un  excellent  guide  est  néces- 
saire pour  ne  pas  perdre  la  route.  Ces  rochers  sont  toujours  de 
grès  siliceux,  dur,  compact,  noir  à  la  surface,  gris  cendré  à  l'in- 
térieur'. 

Après  de  nombreux  détours  au  milieu  de  ces  rochers,  le 
chemin  atteint  la  tête  de  l'Ouâdi-In-Ezzân,  affluent  du  bassin  de 
Tlterhsîn. 

Le  ravin  assez  large  de  cet  ouàdi  est  bordé  de  chaque  côté  de 
hautes  murailles  formées  de  deux  assises  bien  distinctes  :  la  supé- 
rieure, composée  d'un  grès-quartzite*,  compact,  blanchâtre  à  l'inté- 

1.  Voir  la  page  35. 

2.  ÉchantUlon  n^"  26. 
a.  —         n»  27. 


58  TOUAREG  DU   NORD. 

rieur,  avec  coloration  brune  ferrugineuse  à  la  surfaoe;  rînférieure, 
composée  d'un  grès  grossier,  siliceux,  de  couleur  jaune  sale*. 

Ce  ravin  conduit  directement  à  Titerhsîn.  Dans  sa  partie  haute,  il 
porte  le  nom  d*In-Akhkh;  dans  sa  partie  basse,  celui  de  Timsen- 
nanîn. 

Au  confluent  de  l'Ouâdi-Tiferghasln  dans  Timsennanîn,  je  trouve 
une  pierre  roulée*,  noire,  à  grain  très-fin,  lourde,  qui,  à  Texamen,  a 
été  reconnue  être  du  fer  oligiste  de  la  plus  grande  richesse. 

Timsennanîn  est  séparé  du  bas  de  la  vallée  par  une  dépression 
du  nom  de  Takhôba,  au  delà  de  laquelle  on  entre  sur  un  terrain  plus 
élevé,  couvert  de  blocs  de  grès  de  formes  accidentées  ;  après  quoi  on 
descend  par  une  pente  insensible  dans  le  fond  de  la  vallée. 

Sur  la  rive  gauche  de  Touàdi,  à  peu  de  distance  de  la  route,  est 
une  petite  ligne  de  sable,  encore  appelée  Azekka-n-Bôdelkha,  dernier 
vestige  d'une  chaîne  de  dunes  dont  j'ai  déjà  parlé  (voir  page  42)  et 
qui  tend  à  se  reconstituer. 

La  vallée  de  Tîterhsîn,  à  fond  alluvionnaire,  est  à  l'extrémité 
orientale  du  Tasîli  ce  que  la  vallée  des  Igharghâren  est  à  son  versant 
Nord,  c'est-à-dire  le  réceptacle  des  eaux  pluviales  qui,  avec  celles 
venant  de  l'Ouest  de  la  plaine  de  Tâyta,  vont  se  perdre  dans  les 
dunes  d'Edeyen.  Avant  l'obstacle  apporté  par  les  sables,  toutes  ces 
eaux  se  réunissaient  à  celles  des  Igharghâren  pour  aller  grossir 
l'Igharghar.  Elles  doivent  s'y  rendre  encore,  mais  souterrainement. 

La  vallée  de  Tîterhsîn  cesse  d'avoir  un  bassin  tracé  à  partir  de  sa 
sortie  des  montagnes  ;  de  là  jusqu'aux  dunes,  elle  offre  l'aspect  d'une 
vaste  plaine  de  sable. 

Malgré  le  rôle  hydraulique  qu'elle  joue,  on  n'y  trouve  de  puits 
qu'à  Tàdjenoût,  au  pied  des  dunes  et  à  Tarz-Oûlli,  dans  la  vallée. 
Ce  dernier  est  comblé.  Après  les  grandes  pluies,  il  est  vrai,  il  existe 
dans  le  lit  de  la  rivière  un  endroit  appelé  Amezzien,  où  l'eau  s'accu- 
mule et  forme  un  rhedîr  qui  persiste  pendant  deux  ans. 

En  tout  temps,  les  sources  de  Tihôbar,  dans  l'Ouâdi-Taouezzak, 
affluent  de  llterhsîn,  suffisent  aux  besoins  des  voyageurs. 

Pràs  de  ces  sources  sont  des  cultures  de  blé. 

Sur  les  rives  desséchées  du  redhîr  d' Amezzien,  je  trouve  des 


1,  ÉchantiUon  n<»  28. 

2.  —  u»  29. 


GÉOLOGIE.  59 

coquilles  d'eau  stagnante,  mortes  depuis  longtemps,  et  qui  ont  été 
reconnues  par  M.  Deshayes  pour  être  la  physa  contorta  (Michaud)  et  la 
bithinia  dupoUHana  (Forbes). 

F.  —  Vallée  d'Ouaràret. 

Cette  vallée  porte  communément  et  indistinctement  les  deux  noms 
d'Ouarâret  et  d'Aghelâd. 

Ouarâret  est  le  nom  particulier  du  principal  ouâdi  de  la  vallée. 

Aghelâd  signifle  passage.  En  effet,  la  vallée  est  un  vaste  couloir 
entre  le  Tasili  et  ridînen ,  par  lequel  passe  la  grande  route  de  Gha- 
dâmès  à  Rhât. 

A  7  kilomètres  de  Tarz-Oûllî ,  on  remarque  sur  le  rebord  rocheux 
du  Tasîli  le  mont  Télout,  entièrement  isolé  aujourd'hui,  mais  dont  la 
constitution  est  tout  à  fait  semblable  à  celle  du  Tasili  dont  il  semble 
détaché. 

A  quelques  kilomètres,  à  gauche,  en  entrant  dans  la  vallée,  au 
sortir  de  llterhsîn,  on  aperçoit  un  petit  plateau  allant  de  l'Ouest  à 
l'Est,  du  nom  de  Tizoûl  (même  racine  que  tazôli,  fer).  La  couleur 
de  la  roche  me  paraît,  de  loin,  noirâtre  avec  des  nuances  jaunes.  Je 
ne  tarde  pas  à  être  fixé  sur  la  nature  de  sa  formation. 

En  effet,  à  20  kilomètres  de  Tarz-Oûllî,  je  trouve  les  puits  arté- 
siens d'Ibanâren,  nouvellement  curés,  et,  autour  de  ces  puits,  prove- 
nant des  déblais,  des  dépôts  de  §ables  ocreux,  contenant  des  débris 
végétaux,  mai^  surtout  remarquables  par  la  quantité  de  fer  qu'ils 
renferment  *. 

Ces  puits,  au  nombre  d'une  dizaine  environ^  ont  été  creusés  à  la 
façon  de  ceux  de  l'Ouàd-Rîgh  et,  comme  eux,  donnent  des  eaux  jail- 
li^antes  servant  à  l'irrigation  des  terres  voisines,  au  moye»  de 
canaux  et  de  réservoirs  en  maçonnerie. 

Le  12  mars  1861,  jour  où  je  rencontrai  ces  puits,  la  température 
des  eaux  était  de  2k^k  au  fond  des  bassins,  celle  de  l'air  extérieur 
étant  de  8**.  Je  dois  -ajouter  que  les  outres  contenant  nos  provisions 
d'eau  avaient  gelé  dans  la  nuit  du  11  au  12  et  dans  les  deux  pré- 
cédentes. 

La  profondeur  moyenne  des  puits  est  de  1»  50  à  2  mètres  envi- 

1.  Échantillon  n<>  30. 


60  TOUAREG  DU  NORD. 

ron.  Leurs  orifices  sont  entourés  de  branchages  pour  éviter  que  les 
animaux  y  puissent  tomber;  c'est  pourquoi,  sans  doute,  les  déblais 
provenant  du  curage  contiennent  des  matières  végétales. 

La  vallée  qui  conduit  à  Rhàt  a  kk  kilomètres  de  longueur,  sur 
une  largeur  moyenne  de  7.  Sa  direction  générale  est  Nord  et  Sud. 

Dans  la  vallée  est  une  source,  celle  de  Tinoûhaouen,  appartenant 
à  une  dame  de  Rhât  et  exploitée  pour  l'irrigation. 

Cette  source,  connue  des  anciens  Touareg,  avait  depuis  long- 
temps disparu  sous  des  masses  de  sables;  on  l'avait  déblayée  en 
1858. 

Le  sol  de  cette  vallée,  là  où  il  n'est  pas  recouvert  par  des  sables, 
est  composé  d'argiles  roses,  micacées,  tantôt  terreuses  *,  tantôt  schis- 
teuses*, qui  se  montrent  sous  forme  de  veines. 

Les  parties  les  plus  basses  de  ces  veines  sont  sillonnées  d'affleu- 
rements d'alun  qu'on  exploite'. 

Sous  les  grès  quartzites  des  berges  de  la  vallée,  sont  des  grès 
micacés*,  rougeâtres,  très-fins  et  très-compacts,  lamelles,  se  détachant 
en  couches  de  8  à  9  millimètres  d'épaisseur. 

Le  mont  Idînen,  qui  marque  le  côté  oriental  de  la  vallée  d'Oua- 
ràret,  est  réputé  par  les  indigènes  être  le  séjour  mystérieux  d'esprits 
surnaturels,  Idinm,  d'où  lui  est  venu  son  nom. 

La  forme  d'Idînen  est  celle  d'un  fer  à  cheval,  du  centre  duquel 
part  un  ravin  aboutissant  au  Tanezzoûft.  M.  le  docteur  Barth,  qui  a 
visité  ce  mont,  s'exprime  ainsi  sur  sa  nature:  «  J'atteignis  enfin  la 
crête  qui  s'élève  semblable  à  une  muraille  au  sommet  de  la  côte.  Je 
constatai  que  ce  massif  se  composait  généralement  de  couches  hori- 
zontales de  marne  reposant  sur  un  lit  de  pierres  calcaires  ;  sur  le 
versant,  je  découvris  un  vaste  chaos  de  blocs  de  rochers  tombés  du 
haut  de  la  montagne,  n 

Rhât  est  adossée  à  une  chaîne  de  collines  peu  importantes  qui 
portent  le  nom  de  Koukkoûmen. 

Autour  de  Rhât,  on  retrouve  la  terre  végétale  des  oasis,  légère- 
ment sablonneuse  et  arrosée  par  de  nombreuses  sources  qui  sourdent 
de  tous  les  points. 

L  Échantillon  n^  31. 

2.  —         n»  32. 

3.  —         n°  33. 

4.  —         n°  34.  • 


GÉOLOGIE.  61 


IIP   SECTION. 


DE  tITERHSIpI    a    ZOtiLA. 

Cet  itinéraire  géologique  comprendra  les  divisions  suivantes  : 

A.  —  Passage  de  TAkàkoûs,  entre  Tîterhsîn  et  Serdélès; 

B.  —  Désert  de  Tàyta,  entre  Serdélès  et  Oubâri  ; 

€.  —  Parcours  de  rOuàdi-Lajâl,  entre  Oubâri  et  le  plateau  de 
Mourzouk  ; 

Z).  —  Dunes  d'Edeyen  ; 

E.  —  Hamâda  de  Mourzouk  ; 

F.  —  Dépression  d'El-Hofra  ; 

G.  —  Cherguîya; 

H.  —  Massif  du  Hâroûdj. 

A.  —  De  Titerhstn  à  Serdélès. 

La  distance  entre  ces  deux  points  est  de  80  kilomètres. 

Jusqu'à  rOuâdi-Tanezzoûft,  qui  vient  de  Rhât  et  dont  la  vallée 
sépare  le  plateau  d'Idînen  de  la  chaîne  de  TAkàkoûs,  la  route  ne  tra- 
verse guère  que  des  sables  et  quelques  petits  plateaux  pierreux  entre 
des  dunes  de  sables. 

AAmarhîdet,  je  retrouve  les  argiles  schisteuses*  de  la  vallée 
d'Ouarâret,  avec  des  colorations  qui  varient  du  rouge  lie  de  vin  au 
blanc  pur  en  passant  par  les  nuances  intermédiaires  du  violet,  du 
rose  et  du  jaune,  suivant  les  diverses  stratifications. 

Au  delà  du  Tanezzoûft  est  le  passage  de  TAkâkoûs,  d'abord  par 
nn  plateau  inégal,  ensuite  par  un  dédale  de  collines,  de  pitons  et  de 
ravins  successivement  échelonnés  dans  le  plus  grand  désordre. 

Sur  un  parcours  de  l\  kilomètres,  la  roche  est  nue,  sans  végétation 
et  composée  d'un  grès  fin,  micacé,  de  couleur  rosée,  stratifié,  très- 
solide  *. 


1.  Échantillon  n°  35. 

2.  -         n«  36. 


62  TOUAREG   DU  NORD. 

La  chaîne  de  l'Âkâkoûs  est  tellement  abnipte,  dressée  en  forme 
de  muraille,  que  c'est  à  peine  si,  une  fois  en  dix  années,,  il  se  ren- 
contre parmi  les  Touareg  un  homme  assez  adroit  pour  pouvoir  en 
opérer  l'ascension,  par  un  unique  escalier  très-étroit,  Abarqa-wân- 
dârren  (chemin  des  piétons),  et  qui  va  chaque  jour  en  se  dégra- 
dant. On  cite  dans  le  pays  les  rares  individus  qui  ont  gravi  ce  rempart 
de  roches  dénudées,  dont  les  pointes,  dressées  vers  le  ciel,  présen- 
tent l'aspect  le  plus  bizarre. 

Le  versant  méridional  de  la  montagne  conduit,  par  une  pente 
insensible,  à  Serdélès. 

Ce  point,  que  les  Arabes  appellent  aussi  El-'Aonïnât,  est  certaine- 
ment l'un  des  plus  remarquables  du  Sahara. 

Si  l'artiste  peut,  dans  un  seul  coup  d'œil,  embrasser  trois  des 
grandes  horreurs  de  la  nature  :  le  squelette  dénudé  de  la  chaîne  de 
l'Akâkoûs,  le  désert  de  Tàyta,  les  dunes  d'Edeyen  ;  si  Tarchéologue 
trouve  dans  les  ruines  du  château  d'Aghrem  matière  à  exercer  sa 
sagacité  ;  si  l'attention  du  botaniste  est  appelée  par  un  arbre  gigan- 
tesque, Vacacia  albida  de  Delille,  unique  de  son  espèce  dans  tout  le 
pays  d'Azdjer,  celle  du  géologue  est  bien  plus  surexcitée  encore  par 
la  constatation  d'une  série  de  faits,  tous  nouveaux  pour  lui. 

D'abord,  il  est  au  point  de  partage  des  eaux  entre  le  bassin  de  la 
Méditerranée  et  celui  de  l'Océan  ;  ensuite,  au  lieu  d'une  nature  aride, 
sans  eaux,  comme  celle  des  contrées  environnantes,  il  trouve  dans 
l'enceinte  du  château  une  source  remarquable  par  son  volume  et,  à 
côté,  deux  puits  artésiens,  alimentant  de  leur  jet  continu  divers 
bassins  aménagés  pour  l'irrigation  des  terres  ;  enûn,  il  est  là  sur  le 
terrain  le  plus  ancien  connu  sur  tout  le  continent  africain,  le  ter- 
rain devonien,  immédiatement  inférieur  aux  dépôts  houillers,  et  ce 
terrain  apparaît  dans  des  conditions  qui  ne  laissent  aucun  doute  sur 
son  identification. 

M.  de  Vemeuil,  celui  de  nos  professeurs  le  plus  versé  dans  l'étude 
des  terrains  anciens,  a  bien  voulu  déterminer  la  nature  des  échan- 
tillons de  roches  que  j'ai  rapportés  de  cette  contrée.  Voici  textuel- 
lement les  notes  qu'il  a  bien  voulu  rédiger  à  ce  sujet. 

«  11  y  a  dans  les  échantillons  de  grès  argileux  de  Serdélès  soumis 
à  mon  observation  deux  espèces  de  coquilles  fossiles  reconnaissa- 
bles  :  un  spirifer  et  le  chonotes  crmvXaXa. 

«  La  plus  abondante  des  deux  espèces  est  un  spirifer  strié,  à 


GÉOLOGIE.  63 

sillon  lisse,  appartenant  au  groupe  des  osliolati  de  de  Buch.  C'est 
peut-être  même  le  spirifer  ostiolatus  (Schlotheim)  qu'on. réunit  au- 
jourd'hui généralement  au  spirifer  Icevicosta  (Valencienne). 

tt  11  y  en  a  deux  variétés,  Tune  plus  courte ,  l'autre  plus  trans- 
verse. Ces  deux  variétés  s'observent  dans  le  spirifer  Icsvicosta  tel  que 
Ta  flguré  M.  Schur.  (Brachiopoden  von  derEifel,  pi.  32  bis,  fîg.3  a-h.) 

a  Un  des  échantillons  de  Serdélès  représente  un  are^  assez  élevé 
qui  pourrait  le  rapprocher  du  spirifer  sxûfcuspidatus  (Schnur)  de 
VEifel. 

ce  Enfin  on  peut  aussi  comparer  cette  espèce  au  spirifer  medialis 
(Hall),  qui  est  abondant  dans  le  Hamilton  Group  ou  terrain  dévonien 
de  l'État  de  New-York. 

«  Quelle  que  soit  l'espèce  à  laquelle  on  rattache  le  spirifer  de 
Serdélès,  c'est  toujours  avec  une  espèce  caractéristique  du  terrain 
dévonien  qu'il  sera  identifié,  et  c'est  là  le  point  capital. 

c(  L'autre,  brachiopode  que  je  distingue  dans  les  deux  échantillons 
qui  m'ont  été  soumis  est  le  chonoles  crenvXaia  (Rômer).  C'est  une 
coquille  exclusivement  dévonienne  et  caractéristique  surtout  de 
l'étage  moyen  ainsi  que  la  précédente.  Elle  a  beaucoup  de  ressem- 
blance avec  le  chonoles  slricUdla  du  système  silurien ,  mais  elle  a 
Yarea  un  peu  moins  développé  et  sa  plus  grande  largeur  est  au 
milieu  des  deux  valves,  ce  qui  lui  donne  une  forme  légèrement  ar- 
rondie. 

tt  Le  terrain  dévonien  est  aujourd'hui  connu  dans  le  Nord  de 
l'Afrique  sur  ti'ois  points: 

((  1»  Dans  le  Maroc,  où  il  a  été  découvert  et  décrit  par  M.  Coquand, 
professeur  à  Marseille  (voirie  Bulletin  de  la  Société  gèoloffique,\o\,  IV, 
page  1204)  ; 

a  2*»  Dans  le  Fezzân,  où  le  docteur  Overweg  l'a  trouvé  en  traver- 
sant l'Amsâk  à  80  kilomètres  environ  à  l'Est  de  Serdélès  (voir  Zeits- 
chrift  der  deutschen  geologischen  Gesellschaft ,  IV  Band.  —  Berlin  , 
1852)  ; 

et  3^  Enfin,  à  Serdélès,  d'où  proviennent  les  deux  échantillons 
.soumis  à  mon  examen  par  M.  Henry  Duveyrier*. 


1.  M.  Vatonne,  dans  le  Mémoire  géologique  dont  j*ai  déjà  parlé,  nous  apprend 
queBL  Ismayl-Boû-Derba  a  également  trouvé  le  terrain  dévonfen,  au  pied  du  l'astii, 
non  loin  de  Timà86anln,prè8  de  la  source  de  Touskirin,  et  de  nombreuses  empreintes 


64  TOUAREG  DU   NORD. 

«  Dans  le  Sud  de  l'Afrique,  ce  même  terrain  dévonîen  se  repré- 
sente près  du  cap  de  Bonne- Espérance,  dans  la  montagne  de  la 
Table. 

((  Le  terrain  silurien  et  le  terrain  carbonifère ,  le  premier  au- 
dessous,  le  second  au-dessus  du  dévonien,  n'ont  pas  encore  été 
signalés  en  Afrique,  que  je  sache  au  moins. 

«  Cependant,  au  Maroc,  M.  Coquand  croit  pouvoir  rapporter  au 
terrain  silurien  les  calcaires  à  bronleus  et  à  orlhoceras  qui  sont  au- 
dessous  des  grès  dévoniens.  (Voir  le  Bulletin,  vol.  IV.  p.  120/|.) 

«  Des  grès  argileux,  assez  semblables  à  ceux  de  Serdélès,  se 
trouvent  aussi  à  Almaden,  en  Espagne,  dans  le  terrain  dévonien.  Ils 
abondent  également  en  moules  de  spirifer  dont  quelques-uns  sont 
voisins  de  l'espèce  que  nous  venons  de  mentionner.  » 

Les  échantillons  soumis  à  l'examen  de  M.  de  Verneuil  figurent 
dans  ma  collection  sous  les  n*»»  37  et  38.  Ils  proviennent  d'une  roche 
près  du  château. 

La  même  localité  me  fournit  encore  un  grès  ferrugineux*  pré- 
sentant quelques  traces  de  coquilles  indéterminables  paraissant  se 
rapporter  aux  grès  précédents. 

Mais,  chose  curieuse,  près  de  la  source,  je  retrouve  le  calcaire 
crétacé*,  jaunâtre,  avec  Inocerames  et  bivalves,  du  plateau  sur  lequel 
est  bâti  Ghadâmès. 

La  source  du  château  sort  d'un  bassin  de  3  à  /i  mètres  de  long, 
sur  1  mètre  50  de  large.  De  là,  les  eaux  s'écoulent,  par  un  canal 
profond  creusé  dans  la  butte  sur  laquelle  est  bâti  le  château,  pour 
aller  arroser  des  cultures  de  céréales  dans  les  environs. 

A  Serdélès,  pour  atteindre  la  nappe  d'eau  jaillissante,  il  faut  creuser 
à  la  profondeur  de  trois  hauteurs  d'homme;  mais,  disent  les  habi- 
tants, pour  y  arriver  on  a  à  percer  une  couche  de  roche  très-dure,  dif- 
ficulté devant  laquelle  on  recule  pour  augmenter  le  nombre  des 
puits.  D'ailleurs  à  quoi  bon?  La  nature  du  sol  environnant,  imprégné 
d'alun  et  de  sel,  n'est  pas  favorable  à  la  culture,  et  son  infertilité  ne 
sollicite  pas  à  entreprendre  des  travaux  pénibles  pour  le  féconder. 

L'eau  de  la  source,  comme  celle  des  puits,  est  excellente.  L'une 

de  spirifer  dans  les  quartxites  du  ravin  de  l*Ouàdi-Ilèzi.  Les  échantiUons  de  M.  Boù- 
Derba  ont  été  déterminés  par  M.  le  professeur  Coquand. 

1.  Échantillon  n»  39. 

2.  —         n»  40. 


GÉOLOGIE.  65 

et  l'autre  sont  employées  aux  irrigations.  Les  puits  son  particulière- 
ment affectés  à  l'arrosage  des  palmiers. 

A  h  kilomètres  au  Nord-Ouest,  avant  d'arriver  au  château  de  Ser- 
délès,  on  trouve  la  source  de  l'alun,  Tîn-Azârif,  près  de  laquelle,'  en 
effet,  de  beaux  affleurements  d'alun  blanc*  me  permettent  d'en  faire 
provision. 

B.  --Désert  de  Tâyta. 

Dès  la  sortie  du  bassin  de  l'Ouâdi-Serdélès,  on  entre  sur  un 
terrain  plus  élevé,  à  gradins  successifs,  le  tout  de  la  plus  grande 
aridité  et  recouvert  de  grès  noirâtres.  Bientôt  on  atteint  une  plaine 
unie,  de  gravier  solide;  c'est  le  commencement  du  désert  de  Tâyta 
qui  présente  une  formation  géologique  nouvelle;  ici,  de  grandes  par- 
lies  calcaires  qui  m'ont  paru  dolomitiques ,  sur  et  dans  une  pâte 
de  grès  avec  laquelle  elles  forment  corps  ;  là,  des  pierres  détachées, 
d'un  calcaire  gris  compact  à  grain  très-fm*;  ailleurs,  des  rognons 
d'un  conglomérat  composé  de  grains  quartzeux  blancs  réunis  par 
une  pâte  rouge  complètement  siliceuse^;  à  droite,  du  gravier  pur;  à 
gauche,  une  terre  rougeâtre  tendre,  avec  ou  sans  gravier;  enfin,  une 
roche  composée  de  divers  .éléments  :  dolomies,  quartz,  silex,  agglo- 
mérés ou  plutôt  fondus  les  uns  dans  les  autres. 

Le  désert  de  Tâyta  occupe  l'espace  compris  entre  le.s  chaînes  de 
l'Akàkoùs  et  de  l'Âmsâk,  les  oasis  de  l'Ouâdi-Lajâl,  les  dunes  d'Edeyen 
et  la  plaine  des  Igharghâren. 

Sur  toute  son  étendue  la  végétation  est  nulle. 
Sa  largeur,  entre  l'Akàkoùs  et  l'Amsâk,  c'est-à-dire  de  l'Ouest 
à  l'Est,  est  de  65  kilomètres,  et  sa  longueur,   du  Nord  au  Sud, 
est  de  160.' 

Ma  route  coupe  ce  désert  dans  sa  plus  grande  largeur,  en  me 
rapprochant  du  coude  de  l'Amsâk  et  en  m'éloignant  des  dunes 
d'Edeyen. 

J'aperçois  de  loin,  dans  le  Sud-Est,  la  coupure  de  l'Amsâk,  que 
M.  le  docteur  Barth  a  traversée  pour  passer  de  l'Ouâdi  -  Aberdjoûch 


1.  EchantiUon  n°  il. 

2.  —         n«  42. 

3.  —         n»  43. 

I. 


66  TOUAREG   DU  NORD. 

dans  le  désert  de  TAyta.  Elle  est  appelée  Aghelâd  par  les  Arabes  et 
Alfao  par  les  Touareg*. 

«  Des  deux  côtés  de  Tétroit  passage ,  dit  le  célèbre  voyageur, 
s'élevaient  à  une  hauteur  de  cent  pieds ,  des  murailles  de  rochers  à 
pic,  composées  d'énormes  couches  de  marne  et  de  grès ,  qui  se  rap- 
prochaient quelquefois  au  point  de  ne  plus  laisser  entre  elles  qu'un 
espace  de  six  pieds.  » 

A  sa  sortie  du  défilé,  M.  le  docteur  Barth  a  trouvé  le  sol  du  désert 
aride,  couvert  de  grès  et  de  pierres  calcaires. 

Sous  le  même  méridien,  à  33  kilomètres  dans  le  Nord,  le  sol 
se  présenta  à  moi  sous  forme  d'une  terre  rougeâlre  et  tendre,  mais 
toujours  recouvert  de  graviers  et  de  pierres. 

Plus  on  se  rapproche  de  l'Amsâk,  plus  le  plateau,  tout  en  conser- 
vant ses  caractères  généraux,  est  jonché  de  pierres  détachées,  de 
grès  ordinaire. 

Au  pied  d'un  des  nombreux  caps  de  l'Amsâk,  apparaît  une  pro- 
fonde caverne ,  avec  une  ouverture  assez  large  pour  donner  passage 
à  un  chameau  ;  cette  caverne  est  une  ancienne  carrière  de  pierres 
meulière*s,  appelée  Ouideréren  (les  meules). 

Sur  un  autre  point,  nommé  lln-Aboûnda,  surgissent  des  affleure- 
ments de  calcaire  blanc  détérioré. 

Avant  l'arrivée  à  Tîn-Aboûnda,  le  désert  perd  son  aspect  désolé: 
à  un  sol  nu,  aride,  sans  végétation,  sans  eau,  succède  une  forêt  de 
gommiers,  celle  dite  d'Oubâri,  qui  sépare  le  désert  de  Tà^Oa  des 
nombreuse^  oasis  de  l'Ouàdi-Lajàl. 

Deux  puits,  celui  d'Essàniet  et  d'In-Tafarat,  peu  éloignés  l'un  de 
l'autre,  témoignent  aussi  que  la  nature  du  sol  a  changé. 

Le  puits  d'In-Tafarat,  d'une  profondeur  de  4"  50,  est  creusé 
dans  une  terre  ocreuse. 

La  pente  générale  du  désert  de  Tâyta  est  du  Sud-Est  au  Nord- 
Ouest.  Toutes  les  eaux  des  versants  de  l'Amsâk,  après  avoir  traversé 
la  plaine  de  Tâyta  dans  des  dépressions  à  peine  marquées,  vont  se 
perdre  dans  les  dunes  d'Edeyen. 

Le  plateau  sur  lequel  s'élève  la  forêt  de  gommiers  est  le  point 
de  partage  des  eaux  entre  le  bassin  de  Tâyta  et  celui  de  l'Ouàdi- 
Lajâl. 

i.  Mais  ces  deux  noms  sont  de  la  langue  temâhaq. 


GÉOLOGIE.  67 


C.  —  Ouâdi-Lajài. 

On  donne  le  nom  commun  d'Ouâdi-Lajàl  à  une  vallée  de  190  ki- 
lomètres de  longueur  dans  sa  partie  habitée  et  cultivée,  et  d'une 
largeur  moyenne  de  8  kilomètres. 

Cette  longue  vallée,  dont  la  direction  et  la  pente  générale  sont 
de  rOuest  à  TEst,  est  bornée  au  Nord  paf  le  bourrelet  méridional 
des  dunes  d'Edeyen  et  au  Sud  par  la  prolongation  de  la  chaîne 
de  TAmsàk. 

Au  Nord,  les  dunes  forment  une  ligne  à  peu  près  droite,  tan- 
dis qu'au  Sud  la  chaîne  de  TAmsâk  offre  de  nombreux  caps  et  de 
nombreux  golfes ,  sortants  et  rentrants ,  qui  découpent  inégalement 
ce  côté  de  Touâdi. 

La  partie  Ouest  de  cette  vallée  porte  le  nom  de  Ouâdi-el-Gharbi 
(vallée  de  TOuest)  ;  la  partie  Est,  celui  de  Ouâdi-ech-Chergui  (vallée 
de  l'Est);  elles  sont  séparées  l'une  de  l'autre  par  deux  promontoires: 
l'un  (Je  dunes,  du  côté  du  Nord;  l'autre  de  rochers,  du  côté  du  Sud. 
Mais  géologiquement,  ces  deux  vallées  n'en  font  qu'une;  car  elles 
ont  la  même  pente  à  l'Est,  la  même  nature  d'eau  et  de  sol. 

Le  sol,  à  la  superficie,  est  un  terrain  de  heycha,  c'est-à-dire  une 
terre  alluvionnaire,  légère,  saturée  de  sel  et  boursouflée  par  l'action 
combinée  des  eaux  et  de  la  chaleur. 

Ce  terrain  de  heycha,  on  le  retrouvera,  plus  au  Sud,  dans  TOuâdi- 
'Otba,  dans  la  Hofra  ou  dépression  de  Mourzouk,  et  dans  la  Cher- 
gulya,  autour  de  Zouîla. 

Cette  nature  de  terrain  est  aussi  celle  des  oasis  septentrionales 
du  Nefzâoua,  d'El-Faïdh,  de  l'Ouâd-Rîgh ,  du  bassin  de  Ouarglâ  et 
même  du  Touât. 

Le  sous-sol  est  un  terrain  d'alluvion  jaunâtre,  calcaire,  mélangé 
de  petits  grains  quartzeux  très-roulés  *.• 

Dans  cette  grande  vallée  de  l'Ouâdi-Lajâl ,  il  n'y  a  pas  de  lit  de 
rivière  proprement  dit;  mais,  sur  toute  l'étendue  de  la  vallée,  on 
trouve,  à  une  profondeur  moyenne  de  3" 60,  une  couche  aquifère 
dont  l'eau  est  amenée  à  la  surface  du  sol  au  moyen  de  puits  et  d'ap- 
pareils en  charpente  qui  ne  sont  pas  sans  quelque  analogie  avec 

1.  ÉchantiUon  n*"  44. 


(38  TOUAREG  DU  NORD. 

ceux  usités  en  Egypte  pour  Tarrosage  des  terres.  J'en  donne  un  dessin 
ci-contre. 

Toute  la  vallée  est  couverte  de  villages  et  de  forêts  de  palmiers, 
à  Tombre  desquels  on  cultive  des  plantes  maraîchères  et  des  arbres 
à  fruits  de  diverses  espèces. 

J'ai  à  signaler  comme  dérogeant  à  l'uniformité  générale  de  la 
vallée  les  objets  suivants  : 

i^  Une  carrière  d'argile  à  poterie,  encore  exploitée  aujourd'hui, 
au  pied  du  Djebel-Tîndé ,  l'un  des  caps  de  TAmsâk  qui  dominent 
Oubâri  ; 

2^  A  Djerma,  les  grandes  pierres  de  taille  du  monument  romain, 
extraites  des  carrières  de  l'Amsàk,  en  grès  rose,  analogue  à  ceux  des 
édifices  de  l'ancienne  Egypte  ; 

3°  Une  mine  de  sel,  de  qualité  inférieure  à  cause  de  son  mélange 
avec  une  terre  rousse,  et  située  au  milieu  de  l'Ouâdi-El-Gharbi,  entre 
la  chaîne  de  l'Amsâk  et  les  dunes  ; 

4<»  Un  système  de  puits  à  galeries,  fogârât,  creusé  sur  le  flanc  du 
versant  Sud  de  l'Amsàk  dans  un  golfe  vis-à-vis  l'ancienne  Garama. 

Me  trouvant  à  Djerma,  je  ne  pus  m'empêcher  de  penser  aux  éme- 
raudes  garamantiques  jadis  si  célèbres  à  Rome.  Sur  les  lieux,  on  ne 
m'a  donné  que  des  renseignements  négatifs;  mais  les  Arabes  no- 
mades de  l'Ouàdi-ech-Chiati,  à  120  kilomètres  au  Nord  de  Djerma, 
m'assurèrent  que  Ton  trouvait  chez  eux  de  ces  émeraudes  enchâssées 
dans  des  bagues  provenant  des  fouilles  des  anciens  tombeaux. 
D'autre  part,  on  sait  que  des  émeraudes  ont  été  découvertes  dans  le 
Tooât,  qui  devait  être  compris-  dans  le  pays  des  Garamantes,  dont 
la  domination  s'étendait  dans  l'Ouest  jusqu'à  l'oasis  du  Tafilelt, 
l'ancienne  Sedjelmàssa.  11  est  donc  possible  que  les  émeraudes  de 
l'antiquité  aient  été  trouvées  ailleurs  qu'aux  environs  de  Djerma. 

Le  nombre  des  villages  de  l'Ouâdi-El-Gharbi  est  de  onze, 
savoir  : 

Oubâri,  Ghoreyfa,  Touech,  Djerma,  Teouîoua,  Berêg,  El-Fogâr, 
Tekertîba,  El-Kharâig,  Garâgara,  El-Fejîj. 

Je  ne  puis  indiquer  ceux  de  l'Ouâdi-Ech-Chergui,  n'ayant  pas 
visité  cette  partie  de  la  vallée. 


PI.  IV. 


Page  G8 


Fig.  9. 


APPAREK.    A    ELEVFR     L  FAt     DANS    LES    OASIS    DL     FEZZAN. 
D'après  un  dessin  de  M.  H.  Duveyrier. 


GÉOLOGIE.  69 


D.  —  Ikines  d'Édeyen. 

Edeyen,  en  langue  temâhaq,  signifie  dunes.  Je  donne  ce  nom  à 
toute  une  région  de  sables,  courant  de  TOuest  à  TEst,  que  j*ai  tra- 
versée entre  les  plateaux  de  Tînghertet  d'Eguélé,  puis  longée  dans  la 
traversée  du  désert  de  Tâyta,  et  que  je  retrouve  au  Nord  de  TOuâdi- 
el-Gharbi  en  visitant  les  lacs  de  Gabrâoûn  et  de  Mandara.  M.  le 
docteur  Barth  Ta  parcounie  dans  sa  plus  grande  largeur  entre 
rOuâdi-ech-Chiati  et  TOuâdi-el-Gharbi ,  en  se  rendant  directement 
de  Tripoli  à  Mourzouk. 

La  longueur  de  cette  zone  de  sables,  de  TEst  à  TOuest,  est  de  800 
kilomètres  environ. 

Sa  largeur  moyenne  est  de  80. 

Dans  mon  itinéraire  géologique  de  Ghadâmès  à  Rhât,  j'ai  indiqué 
la  nature  de  cette  zone  entre  Ohânet  et  Abrîha. 

Un  itinéraire  de  Ghadâmès  à  Rhât,  recueilli  par  renseignements, 
me  donne  sa  largeur  entre  Tâghma  et  Tidjedakkannin,  avec  un  puits 
au  milieu,  celui  d'El-Mîsla. 

J'extrais  de  l'itinéraire  du  docteur  Barth,  entre  l'Ouâdi-ech-Chiati 
et  l'Ouâdi-el-Gharbi,  les  renseignements  suivants  : 

«  Notre  routé,  extrêmement  pénible,  nous  conduisit  presque  sans 
cesse  entre  de  hautes  et  roides  collines  de  sable.  Il  s'élevait  encore 
dans  certains  endroits  des  groupes  de  palmiers.  Le  plus  important 
est  rOuâdi-ech-Chiouch ,  enseveli  entre  deux  hc^utes  dunes  de  sable 
blanc  mouvant. 

«  Dans  notre  seconde  journée  de  marche,  les  collines  de  sable 
étaient  si  escarpées  qu'il  nous  fallait,  de  nos  mains,  en  aplanir  les 
côtés  pour  que  nos  chameaux  pussent  y  avoir  pied;  l'un  de  nos  cha- 
meliers me  dit  que  cette  zone  de  sable  s'étendait,  du  Sud-Ouest  au 
Nord-Est,  depuis  Douessa  jusqu'à  Foukka.  » 

J'ignore  quelle  est  la  position  de  Douessa,  mais  je  connais  celle 
de  Fogha,  à  l'Est  de  ma  route  de  retour  par  Sôkna,  et  je  crois  de- 
voir ne  pas  prolonger  jusque-là  la  zone  de  ces  dunes,  bien  qu'en  effet 
les  sables  s'y  montrent  encore,  mais  non  plus  sous  la  forme  de  dunes 
compactes  et  pressées  les  unes  sur  les  autres. 

«  Notre  troisième  journée  de  marche,  ajoute  M.  le  docteur  Barth. 
continua  à  travers  des  collines  de  sable.  Après  avoir  traversé  l'Ouâdi- 


70  TOUAREG  DU  NORD. 

Djemmal,  nous  arrivâmes  à  la  pente  la  plus  escarpée  de  ce  désert  de 
sable^. 

«  Nous  campâmes  dans  TOuàdi-Tiguidéfa,  près  de  deux  palmiers 
plantés  Tun  à  côté  de  Tautre  et  d'une  source  abondamment  pourvue 
de  fort  bonne  eau. 

«  Après  douze  heures  de  marche  dans  les  dunes  de  sable,  nous 
arrivâmes,  le  quatrième  jour,  dans  TOuàdi-el-Gharbi.  » 

En  allant  visiter  les  lacs  de  Mandara,  de  Gabràoûn,  de  Bahar-ed- 
Doûd  et  autres,  situés  dans  ces  dunes,  au  Nord  de  TOuâdi-el-Gharbi, 
j'eus  l'occasion  de  les  reconnaître  de  nouveau.  Je  les  trouvai  dépour- 
vues de  végétation,  d'un  accès  difficile,  tantôt  formant  des  chaînes, 
tantôt  s'élevant,  à  de  grandes  hauteurs,  en  pitons  isolés  taillés 
presque  à  pic. 

Un  des  caractères  distinciifs  de  cette  région  est  d'être  abondam- 
ment pourvue  d'eau,  car  indépendamment  des  dix  lacs  salés  ou 
d'eau  douce  dont  il  a  été  question  au  chapitre  précédent,  il  en  est 
encore  d'autres  que  je  n'ai  pas  cru  utile  d'aller  visiter,  parce  qu'ils 
m'ont  paru  tous  de  même  nature. 

M.  le  docteur  Barth  constate  aussi  la  présence  de  l'eau  en  plu- 
sieurs points. 

On  dirait  donc  que  cette  immense  région  de  sable  a  pour  mission 
de  conserver  les  eaux  des  hauteurs  qui  les  bordent. 


E.  —  Hamâda  de  Moursouk. 

Entre  l'Ouâdi-el-Gharbi  et  Mourzouk  s'étend  un  plateau  que  les 
indigènes  appellent  hamâda,  sans  le  différencier  par  un  nom  parti- 
culier des  autres  hamâd,  mais  auquel  je  donne  le  nom  de  la 
capitale  du  Fezzân ,  afin  de  le  distinguer  de  ses  homonymes. 

En  sortant  de  l'Ouâdi-el-Gharbi,  on  doit  traverser  la  chaîne  de  < 
l'Amsâk  par  un  col  étroit,  difficile  à  gravir,  à  cause  des  pierres  glis- 
santes qui  obstruent  le  passage;  puis  on  entre  dans  la  hamâda,  dont 
le  sol,  dépourvu  de  végétation,  est  couvert  d'un  gravier  mélangé  de 
terre  formant  un  tout  solide.  Cette  contrée  me  rapi3elle,  malgré  moi, 
la  hamâda  entre  Laghouat  et  le  pays  des  Beni-Mezâb,  avec  cette  dif- 
férence que  les  pistachiers  du  Sahara  algérien  sont  remplacés  dans  le 
Fezzân  par  des  gommiers. 


GÉOLOGIE.  71 

Oq  me  signale  à  peu  de  distance,  dans  TOuest  de  la  route,  un 
puits  de  45  mètres  de  profondeur;  plus  loin,  je  trouve  dans  le  lit  de 
rOuâdi-er-Resiou  un  autre  puits  qui  n'a  plus  que  18  mètres;  il 
s'appelle  Bîr- Amrân.  La  hamâda  conserve  toujours  l'aspect  d'un 
désert  sec  et  aride  jusqu'à  l'Ouàdi-'Otba. 

L'Ouâdi- Otba  est  une  longue  vallée  qui  prend  son  origine  dans 
la  chaîne  de  l'Amsâk  et  se  prolonge  dans  l'Est  jusqu'au  delà  de 
la  route  de  Mourzouk  à  Sôkna.  11  ne  forme  oasis  que  dans  sa  partie 
centrale,  là  où  des  alluvions  sablonneuses  permettent  la  culture  des 
palmiers  et  des  autres  arbres. 

On  y  compte  cinq  villages,  savoir  : 

Tessâoua,  Agâr,  Tiggerourtîn ,  Marhaba,  Doûjàl,  tous  rapprochés 
les  uns  des  autres  et  réunis  ensemble  par  des  plantations  de  pal- 
miers. 

Grâce  à  l'altitude  du  plateau,  on  trouve  dans  cette  oasis  des 
végétaux  des  zones  les  plus  différentes,  entre  autres  l'olivier  à  côté 
du  palmier,  le  pommier  et  le  pécher  à  côté  du  gommier  et  d'autres 
arbres  de  l'Afrique  centrale. 

L'Ouàdi-'Otba,  comme  l'Ouâdi-el-Gharbi ,  n'est  alimenté  d'eau 
que  par  des  puits.  La  nature  du  sol  est  la  même,  mais  moins  saline. 

Entre  l'Ouàdi-'Otba  et  la  dépression  de  Mourzouk,  on  traverse  la 
suite  de  la  haraàda,  couverte  de  gravier  en  tout  semblable  à  celui 
qu'on  a  rencontré  dans  la  partie  Nord  ;  quelques  petites  dunes  de 
sable  viennent  de  temps  en  temps  atténuer  la  monotonie  du  pay- 


La  distance  entre  l'Ouâdi-el-Gharbi  et  l'Ouâdi-'Otba  est  de  55  kilo- 
mètres, celle  de  l'Ouàdi-'Otba  à  Mourzouk  est  de  45;  ensemble 
100  kilomètres.   * 

Ce  plateau,  que  j'ai  traversé  obliquement,  est  limité  au  Nord  et 
dans  l'Ouest  par  la  chaîne  de  l'Amsâk  ;  mais  dans  le  Sud  et  dans 
l'Est,  il  se  prolonge  indéfiniment  jusque  dans  le  pays  des  Teboû  ;  ce 
qui  rend  les  routes  méridionales  de  ce  côté  si  pauvres  en  eau. 


F.  —  Dépression  de  la  Bofra. 

La  dépression  dans  laquelle  se  trouve  Mourzouk,  et  que  les  indi- 
gènes appellent  Hofra  (bas-fond),  est  une  surface  unie  de  110  kilo- 


72  TOUAREG   DU  NORD. 

mètres  de  long  sur  15  de  large  environ,  divisée  en  deux  parties 
inégales,  Tune  de  30  kilomètres  à  TOuest,  l'autre  de  80  à  TEst  de  la 
capitale  du  Fezzân. 

Son  fond  est  par  excellence  une  terre  de  heycha,  c'est-à-dire  un 
terrain  alluvionnaire  salin,  à  couches  aquifères  à  peu  de  profondeur. 

Les  alluvions  de  la  Hofra  sont  de  sable  mêlé  d'argile,  formant  un 
tout  assez  solide,  mais  facile  à  travailler. 

La  terre  est  tellement  saline  que  les  briques,  avec  lesquelles  la 
ville  de  Mourzouk  est  construite,  se  fondent  à  la  pluie  comme  le  sel 
lui-même. 

La  profondeur  moyenne  des  puits  est  de  quelques  mètres  ;  Teau 
qu'ils  fournissent  est  un  peu  saline  comme  le  sol  et  d'une  diges- 
tion difficile. 

Aux  environs  de  Tràghen,  existe  une  source,  celle  de  Ganderma, 
Tune  des  plus  belles  qu'on  puisse  trouver  dans  la  région  saharienne. 

La  fontaine  est  entourée  d'une  muraille  d'enceinte  assez  vaste, 
mais  très-mal  conservée.  Cette  construction  est  défendue,  sur  toute  sa 
circonférence,  par  un  fossé  qui  porte  le  nom  de  gandô.  Il  servait 
autrefois  de  réservoir,  d'où  les  eaux  se  rendaient  par  trois  canaux 
aux  plantations  de  palmiers  jusqu'à  Ghoddoua,  à  2  kilomètres  de  la 
source.  Ces  canaux,  dont  on  peut  encore  suivre  le  tracé,  avaient 
de  0"70  à  1  mètre  de  largeur;  ce  qui  témoigne  d'un  débjt  consi- 
dérable. • 

Au  moment  de  la  conquête  arabe,  la  source  fut,  dit-on,  bouchée 
avec  des  coins  en  pierre;  seul  moyen  que  trouvèrent  les  conquérants 
pour  réduire  à  leur  discrétion  la  ville  païenne  de  Trâghen.  Depuis 
cette  époque,  la  plus  grande  partie  des  eaux  se  perd  dans  le  sol. 

Toute  l'étendue  de  la  dépression  de  la  Hofra'  est  couverte,  de 
l'Ouest  à  l'Est,  de  villages,  de  plantations  de  palmiers  et  de  cultures 
de  toute  nature. 

Au  Sud-Ouest  de  Tràghen,  à  2  kilomètres  environ,  s'étend  une 
sebkha  autour  de  laquelle  on  rencontre  des  pierres  bizarres  appe- 
lées merch  ou  fordogh. 

Ces  pierres,  de  nature  calcaire,  ont  subi  une  sorte  de  cristallisa- 
tion, mais,  au  lieu  de  prendre  des  facettes  régulières  comme  celles 
des  cristaux,  elles  montrent  les  formes  les  plus  étranges,  cependant 
toujours  terminées  par  des  lignes  courbes;  ce  sont  probablement  des 
concrétions  accidentelles  des  particules  calcaires  dont  les  terrains 


GÉOLOGIE.  73 

voisins  des  sebkha  sont  comme  imprégnés.  Les  produits  naturels 
auxquels  on  peut  le  mieux  les  comparer  sont  les  stalactites. 

Touîla  est  dans  l'Est  le  dernier  village  de  la  Hofra;  il  est  bâti 
au  pied  d'un  petit  plateau  pierreux  qui  forme  la  limite  orientale  du 
bassin.  Sur  l'un  de  ses  versants,  on  a  construit  un  puits  à  galerie 
ou  fogâr,  qui  amène  l'eau  dans  les  réservoirs  échelonnés  servant  à 
l'arrosage. 

G.  —  La  Cherguiya, 

La  Cherguîya  est  séparée  de  la  Hofra  par  une  petite  hamâda, 
continuation  probable  de  celle  de  Mourzouk  et  entrecoupée  de 
dépressions  alluvionnaires  salines  de  même  nature  que  la  Hofra 
elle-même. 

En  quittant  Touîla  pour  aller  dans  la  Cherguiya,  on  gravit 
immédiatement  le  petit  plateau  pierreux  auquel  cette  ville  est 
adossée. 

Ce  plateau  est  composé  d'un  grès*  quartzeux,  brun  lie  de  vin, 
probablement  chauffé  par  les  anciens  volcans,  et  d'un  grès  grossier, 
très-siliceux,  blanchâtre"  dans  certaines  parties,  jaunâtre'  dans 
d'autres. 

A  l'extrémité  orientale  de  ce  plateau,  on  trouve  Maghoua,  petit 
village  bâti  dans  une  dépression  saline  dont  l'eau  a  un  goût  de  sel 
très-prononcé. 

En  continuant  la  route  dans  l'Est,  le  sol  est  recouvert  de  buttes 
de  terre  couronnées  de  tamarix  ethel  qui  portent  à  croire  que  ces 
arbres  auraient  protégé  de  leurs  racines  la  partie  d'un  terrain  autre- 
fois plus  élevé.  Une  inondation  formidable  et  récente  aura  proba- 
blement ravagé  celles  de  ces  terres  que  les  tamarix  ne  cou- 
vraient pas. 

Dès  qu'on  quitte  ce  sol  végétal,  on  rentre  dans  la  hamâda 
avec  son  fond  pierreux.  Au  milieu  est  bâti  le  petit  et  misérable  vil- 
lage de  Tha'aleb.  Au  delà,  la  hamâda  recommence,  d'abord  avec  un 
sol  de  sable  et  de  gravier,  puis  avec  un  sol  pierreux.   Enfin  elle 

1.  Échantillon  n°  45. 

2.  —         n«>  46. 

3.  —         n°  47. 


74  TOUAREG   DU   NORD. 

finit,  et  on  arrive  à  Oumm-el-Arâneb,  village  encore  bâti  sur  le 
plateau. 

Sur  la  droite  de  la  route,  on  a  laissé  une  dépression  légère 
appelée  El-Guerâra,  et  plus  loin  une  haute  gara  ou  témoin  isolé. 

En  quittant  Oumm-el-Arâneb,  une  longue  colline  rocheuse,  de 
20  kilomètres  environ,  reste  dans  le  Nord;  le  sol  devient  sablonneux 
sans  être  mouvant  jusqu'au  village  d'El-Bedîr;  au  delà  on  continue 
à  voyager  sur  un  fond  de  sable  mélangé  à  de  la  chaux;  après  quoi 
on  traverse  un  petit  plateau  pour  descendre  dans  une  dépression 
riche  de  végétation  dont  le  village  d*Oumm-es-Sougouîn  occupe  le 
centre. 

Après  cette  dépression,  couverte  de  palmiers  sur  une  étendue  de 
plusieurs  kilomètres,  reparaît  une  hamâda  sablonneuse  plus  élevée 
que  Toasis. 

Je  dois  faire  remarquer  ici  que,  depuis  l'entrée  dans  la  hamâda 
séparative  de  la  Hofra,  des  sables  se  montrent  toujours  dans  le  Sud, 
parallèlement  à  la  route  suivie.  Au  delà  de  la  hamâda  d'Oumm-es- 
Sougouîn,  les  dunes  se  prolongent  à  2  kilomètres  de  la  route  avec 
une  bordure  de  palmiers ,  puis  on  monte  un  nouvel  échelon  de  la 
hamâda  redevenue  pierreuse,  et  sur  ce  gradin,  qui  permet  de  do- 
miner les  dunes  de  droite,  on  aperçoit  une  longue  ligne  de  hauteurs 
bleues  à  14  kilomètres  environ.  Je  suppose  que  c'est  le  rebord  du 
plateau  sur  lequel  on  trouve  Gatrôn  etWao. 

Le  village  de  Medjdoûl,  qui  fait  partie  de  la  Cherguîya,  est  situé 
entre  la  ligne  des  sables  et  celle  des  hauteurs  bleues. 

Des  points  élevés  de  la  hamâda  d'où  je  plonge  mes  regards  vers 
le  Sud,  on  descend  par  une  pente  douce  dans  les  terres  de  culture  et 
les  plantations  de  Zouîla. 

De  Touîla  à  Zouîla,  la  distance  est  de  70  kilomètres.  Je  n'ai  pu  ni 
entrer  ni  séjourner  dans  cette  dernière  ville,  et  j'ai  dû  la  quitter 
quelques  heures  après  avoir  atteint  ses  jardins. 

Tout  ce  que  j'en  sais,  c'est  que  l'oasis  de  ce  nom  est  considé- 
rable comme  étendue  et  couvre  le  bas-fond  d'une  dépression  entre 
une  ligne  de  dunes  de  sables  au  Sud  et  une  ligne  de  collines  rocheuses 
au  Nord.  L'eau  qui  alimente  la  ville  est  fournie  par  des  puits. 

Ici  se  termine  ma  reconnaissance  à  l'Est  des  montagnes  occupées 
par  les  Touareg. 

Je  m'étais  proposé,  en  m'avançant  dans  l'Est  du  Fezzân,  d'aller 


GÉOLOGIE.  75 

jusqu'au  massif  du  Hâroûdj,  sur  la  route  de  TÉgypte,  pour  embrasser 
dans  son  ensemble  le  mouvement  géologique  auquel  est  due  la  for- 
mation des  montagnes  de  cette  partie  du  Sahara  ;  mais,  à  la  résis- 
tance que  je  rencontrai  à  Zouîla ,  malgré  l'appui  du  gouvernement 
turc,  je  reconnus  que  je  ne  serais  pas  mieux  accueilli  chez  les  fana- 
tiques des  villes  de  Fogha  et  de  Zella  et  chez  les  Arabes  nomades  de 
)a  montagne  ;  je  me  bornai  donc  à  recueillir  des  renseignements  qui, 
complétés  par  ceux  du  voyageur  Hornemann  et  de  M.  de  Beurmann, 
ne  laissent  aucun  doute  ni  sur  la  nature  volcanique  de  ce  massif,  ni 
sur  sa  position. 

H.  —  Massif  de  Ràroùdj. 

Construit  d'après  mes  renseignements  combinés  avec  ceux  du 
voyageur  Hornemann,  le  massif  volcanique  du  Hâroûdj  constitue 
un  grand  système  de  montagnes  entièrement  isolé,  de  22&  kilo- 
mètres du  Nord  au  Sud,. sur  une  largeur  moyenne  de  170  de  TOuest 
à  l'Est,  traversé  obliquement  par  la  route  des  caravanes  du  Fezzân 
en  Egypte,  entre  2touîla  et  Aoudjela,  route  que  Hornemann  a  par- 
courue à  grandes  marches  en  5  jours  1/4. 

Sa  principale  altitude,  de  800  mètres  environ  au-dessus  du  niveau 
de  la  mer,  est  indiquée  à  l'angle  Nord-Est,  à  peu  de  distance  de 
Zella  ;  de  ce  point,  la  montagne  s'incline  graduellement  vers  le  Sud? 
Ouest,  de  manière  à  venir  se  confondre  avec  les  collines  de  la 
hamâda  calcaire  qui  l'enveloppe,  de  Zella  à  Fogha,  de  Fogha  à  Temessa, 
de  Temessa  à  Wao,  ce  qui  a  fait  distinguer  un  Hâroûdj  noir  (el-Asoued) 
au  Nord  et  un  Hâroûdj  blanc  (el- Abiod)  diU  Sud. 

J'estime  à  600  mètres  l'altitude  moyenne  du  plateau  sur  lequel  se 
développe  le  Hâroûdj.  ,  . 

D'après  Hornemann,  la  surface  générale  du  pays  présenterait  des 
chaînes  continues  de  collines  courant  dans  diverses  directions ,  de 
8  à  12  pieds  seulement  au-dessus  du  niveau  intermédiaire,  et  entre 
ces  coteaux  (sur  une  surface  parfaitement  unie)  s'élèveraient  des 
montagnes  isolées  à  rampes  extrêmement  escarpées  ;  l'une  d'elles,  le 
Stres,  était  fendue  depuis  le  haut  jusqu'au  milieu  ;  une  autre,  depuis 
le  pied  jusqu'au  sommet,  était  couverte  de  pierres  détachées  de 
même  nature  que  les  collines. 

Fsiire  les  collines  basses  et  les  pics  surélevés,  il  y  a  de  petites 


76  TOUAREG  DU   NORD. 

vallées  couvertes  de  sables  et  de  végétation,  dont  quelques-unes 
de  k  kilomètres  de  largeur.  Au  milieu  de  ces  parties  planes  seraient 
épars  des  blocs  de  pierre,  de  même  nature  que  celle  des  pics  des 
montagnes. 

La  roche  du  Hâroùdj  est  moitié  rouge ,  moitié  noirâtre;  la  partie 
rouge,  plus  poreuse,  plus  spongieuse,  plus  légère,  est  moins  dense 
que  la  noire.  Dans  ces  scories,  Hornemann  n'a  pu  découvrir  aucune 
matière  ou  substance  étrangère. 

La  couche  de  terre  servant  d'assise  à  ces  masses  de  verrues  ro- 
cheuses lui  a  paru  des  cendres  sorties  d'un  volcan. 

La  stratification  des  pierres  est  horizontale,  mais  souvent  dé- 
rangée :  une  partie  du  premier  lit  s'enfonçant  et  se  mêlant  avec  celles 
du  second  et  celles  du  second  avec  celles  du  troisième. 

Quelquefois,  ajoute  le  voyageur,  il  ne  paraît  pas  du  tout  de  strata 
et  une  suite  de  collines  basses  est  formée  d'une  masse  solide  de  ro- 
chers, avec  des  crevasses  dans  la  direction  du  Nord. 

Hornemann  rencontra  une  caverne  de  9  pieds  de  profondeur  et 
de  5  pieds  de  largeur;  il  éprouva,  dit-il,  des  sensations  telles  que 
s'il  avait  vu  l'entrée  des  enfers. 

Son  interprète,  Freudenbourgh,  en  vit  une  autre  dont  les  esca- 
liers étaient  noirs  jusqu'à  une  profondeur  considérable  et  dont  le 
stratum  était  de  pierre  blanche. 

Pour  Hornemann,  il  n'y  a  pas  de  doute,  la  formation  du  Hâroûdj 
est  due  à  un  soulèvement  volcanique. 

Dans  sa  partie  occidentale,  à  une  journée  de  marche  dans  l'inté- 
rieur du  massif,  le  cheikh  de  Fogha  indique  une  source  sulfureuse, 
nouveau  témoignage  de  l'action  volcanique. 

A  part  cette  source,  impropre  à  l'alimentation,  mes  indicateurs  ne 
me  signalent  aucune  eau'  dans  toute  cette  région. 

Après  les  pluies,  on  en  trouve  dans  des  rhedîr;  c'est  là  que 
s'abreuvent  les  bergers  et  les  troupeaux  des  tribus  nomades  des 
Riah,  des  Oulâd-Khérîs  et  de  la  Cherguîya,  qui,  seuls,  dans  la  saison 
des  pâturages,  fréquentent  cette  contrée  désolée. 

Ce  que  Hornemann  appelle  le  Hâroûdj  blanc  n'est  qu'une  partie 
de  la  hamâda  de  la  Cherguîya  soulevée,  mais  non  atteinte  par  l'action 
du  feu  souterrain. 

Dans  les  roches  blanches  et  calcaires  de  cette  contrée,  dit-il, 
6n  trouve  des  squelettes  entiers  de  gros  animaux  marins  pétrifiés. 


GÉOLOGIE.  77 

des  têtes  de  poissons  qu'un  homme  pourrait  à  peine  porter,  des 
coquillages,  des  conques  variées  et  en  grand  nombre. 

11  est  regrettable  que  le  fanatisme  des  habitants  de  la  ville 
de  Zouîla  ne  permette  pas  à  un  géologue  expérimenté  d'aller 
explorer  librement  les  deux  Hâroûdj  ;  car  on  pourrait  y  faire  une 
ample  collection  de  grands  fossiles.  Le  meilleur  moyen  de  pénétrer 
avec  sécurité  dans  cette  contrée  est  de  se  placer  sous  la  protection  des 
Riah,  Arabes  nomades  des  environs  de  Sôkna,  habitués  aux  rela- 
tions avec  les  Européens  et  qui  vont  chaque  année  faire  paître  leurs 
troupeaux  dans  le  Hàroûdj. 

J'aurai  l'occasion  de  signaler  un  gisement  de  grand  fossile  dans 
le  Àhaggâr. 

D'ailleurs,  les  fossiles  ne  paraissent  pas  rares  dans  certaines  par- 
ties de  l'Afrique  centrale;  car  un  de  mes  informateurs  qui  a  fait 
de  fréquents  voyages  au  Kânem  m'indique  de  grands  animaux  fossiles 
dans  les  roches  des  ravins  du  Bahar-el-Ghozàl. 


IV   SECTION. 

DE  MOURZOUK  À  LA  MER  PAR  LE  MASSIF  VOLCANIQUE  DE  LA  SODA. 

Dans  cet  itinéraire  géologique,  accessoire  à  l'objet  principal  de  ce 
travail,  je  me  bornerai  à  décrire  à  grands  traits  ma  route,  en  n'appe- 
lant l'attention  que  sur  les  points  justificatifs  de  ma  carte  et  sur  ceux 
dans  lesquels  l'action  du  feu  souterrain  se  révèle. 

De  Mourzouk  à  la  Soda,  on  ne  quitte  guère  qu'accidentellement 
les  terrains  pierreux  des  hamâd ,  d'abord  celle  à  laquelle  j'ai  donné 
le  nom  de  Hamâda  de  Mourzouk,  puis  la  grande  Hamâda-el-Uomra, 
comprise  entre  'Ghàdamès  et  Sôkna  de  l'Ouest  à  l'Est,  et  entre  El-Hesî 
et  Gueria  du  Sud  au  Nord. 

Je  me  limiterai  donc  aux  constatations  suivantes  : 

Traversée  de  la  Hofra,  au  Nord  de  Mourzouk  ; 

Rencontre  successive  d'une  petite  sebkha,  produisant  un  peu  de 
sel,  à  la  hauteur  de  Gheggoua;  d'un  second  bas-fond  couvert  de 
palmiers  brouss^lles;  d'une  dépression  à  sol  de  sebkha  humide;  du 
lit  de  rOuâdi-'Otba  qui  se  prolonge  encore  dans  le  Nord-Est; 

Entre  ces  bas-fonds,  terrains  couverts  tantôt  de  pierres  de  grès- 


78  TOUAREG   DU   NORD. 

quartzite  grossier  S  tantôt  d'un  simple  gravier,  alternant  entre  eux  ; 

Entre  le  puils  de  Néchoûà  et  le  village  de  Delôm,  un  fragment 
roulé  de  lave*  dont  la  couleur  varie  du  vert  au  noir; 

De  ces  points  à  Ghoddoua,  gravier  solide,  semé  de  pierres  noi- 
râtres ; 

Au  Nord  de  Ghoddoua,  terrain  sablonneux  couvert  de  tamarix 
ethel  et  de  palmiers  broussailles  qui  indiquent  la  présence  de  l'eau  à 
peu  de  profondeur  ; 

Dans  rOuâdi-Néchoûà,  Bîr-el-Wouchka  (puits  entouré  de  palmiers 
broussailles)  au  fond  d'une  petite  grotte  creusée  dans  l'argile  ; 

Gravier  solide,  avec  affleurement  de  pierres; 

Fin  des  collines  rocheuses  signalées  au  Nord  de  ma  roule  de 
Mourzouk  à  la  Cherguîya  ; 

Dépression  d'El-Mehyaf,  à  sol  nu,  à  bords  déchiquetés  et  hérissés 
de  pitons  ; 

El-Bîbàn  (les  portes),  petit  col  entre  le  dernier  contre-fort  onental 
de  la  chaîne  de  l'Amsak  et  les  hauteurs  rocheuses  du  Nord  de  la 
Cherguîya  qui  n'en  sont  que  la  continuation  atténuée; 

Terrain  sablonneux,  prolongement  des  dune5>  d'Edeyen ,  dans  le- 
quel des  palmiers  à  haute  tige  et  en  broussailles  se  succèdent  d'El- 
Gordha  à  la  ville  de  Sebhâ  ; 

Au  Nprd  de  Sebhâ,  continuation  des  sables  avec  palmiers;  hau- 
teurs de  20  mètres  composées  de  grès  noir;  dépression  pierreuse  de 
Hadjâra  (les  pierres),  avec  palmiers;  plaine  de  Ouâsâà-Khanga  (large 
défilé),  à  sol  de  gravier  et  de  pierres  et  bordée  à  l'Est  et  à  l'Ouest 
par  des  hauteurs  qui  se  prolongent  jusqu'à  Hotîyet-el-Ghazi  (la  plaine 
des  maraudeurs),  où  les  sables  reparaissent  ; 

A  la  sortie  des  sables,  puits  de  Sâlah-ber-Rekheyyis,  avec  une 
eau  puante  impossible  à  boire  ;  sol  de  gravier  avec  sables,  devenant 
argileux  à  l'approche  des  palmiers  de  Temenhent. 

Les  eaux  de  cette  oasis  sont  douces  ou  salées,  suivant  les  puits 
d'où  on  les  tire. 

En  continuant  la  route  au  Nord  de  Temenhent  :  d'abord  terre 
argileuse  et  palmiers  avec  dunes  à  2  kilomètres  au  Nord  ;  ensuite  sol 

1.  ÉchaDtiUon  n»  48.  « 

2.  —  n"  49.  Cet  échantillon ,  déterminé  par  M.  Des  Cloizeaux ,  porte 
la  mention  suivante  :  lave  d*un  volcan  qui  a  fait  irruption,  mais  qui  peut  être  éteint 
aujourd'hui» 


GÉOLOGIE.  79 

couvert  de  pierres  noires  et  d'affleurements  de  calcaire  blanc;  puis 
dépression  riche  en  végétation  et  dans  laquelle  se  trouve  le  puits 
de  Gourmêda. 

Après  Gourmêda,  sol  pierreux,  ligne  de  petites  montagnes  cou- 
pant la  route.  A  l'Est  apparaissent  les  plantations  de  Semnou  et  celles 
de  l'oasis  de  Zîghen. 

A  la  sortie  des  palmiers  de  Zîghen,  le  sol  s'élève  par  gradins 
superposés;  à  10  kilomètres  au  Nord,  les  sables  réapparaissent,  et 
plus  loin,  de  leur  milieu,  se  dressent  des  hauteurs  noires  ;  entre  les 
sables  et  le  plateau  est  la  source  d'  'Aouînet-Tittaouin.  Toujours  le 
voisinage  des  sables  donne  de  l'eau.  On  en  retrouve  encore  au  puits 
d'Oumm-el-'Abîdetà  unfogàr,  ou  puits  à  galerie  horizontale  situé  sur 
la  route,  et  creusé  dans  le  rebord  occidental  d'une  petite  dépression, 
lequel  rebord  est  composé  d'argile  feuilletée,  recouverte  de  pierres  de 
grès  noir  et  gris. 

Entre  ces  puits  et  la  montagne  volcanique  de  la  Soda,  la  route  est 
tout  entière  dans  une  hamâda  qui  d'abord  porte  le  nom  de  Serîr- 
ben-'Afin,  puis  celui  de  Boû-Hogfa. 

Serîr  est  synonyme  de  hamâda. 

Mais  cette  hamâda  n'est  pas  un  plateau  uni  :  d'abord  elle  est 
coupée  par  la  ligne  de  collines  de  Mehyaf,  de  10  mètres  de  hauteur 
environ,  composée  d'une  roche  blanche  analogue  au  plâtre  sablon- 
neux; puis  viennent  deux  petites  ligues  de  sable  et  une  dépression, 
El-Hofer  ;  et  enfin  la  ligne  des  collines  blanches  du  Gàf  que  la  route 
traverse  entre  deux  mamelons  symétriques. 

A  l'Ouest  de  Mehyaf  se  dresse  la  gara  ou  témoin  d"Ameyma  qui 
en  est  détachée. 

A  l'Est  de  la  route,  mais  entre  El-Hofer  et  le  Gâf ,  sont  les  hautes 
dunes  de  Remla-el-Kebîra. 

Au  delà  du  Gâf,  on  aperçoit  les  hauteurs  de  la  Soda,  et  le  sol,  com- 
posé d'un  gravier  rougeâtre,  commence  à  être  parsemé  de  pierres 
basaltiques  que  l'on  trouvera  en  plus  grandes  quantités  dans  le  ravin 
de  Màitbât,  au  pied  même  de  la  Soda. 

Le  Djebel-es-Sôda,  ou  montagne  noire,  est  un  massif  volcanique 
comme  le  Hâroûdj,  isolé  comme  lui,  au  milieu  d'une  hamâda  de  cal- 
caire blanc. 

Sa  longueur  est  de  110  kilomètres  environ  de  l'Est  à  l'Ouest,  et  de 
55  environ  du  Sud  au  Nord.  Une  sorte  de  col  formé  par  une' série 


80  TOUAREG  DU   NORD. 

successive  de  ravins  le  traverse  dans  cette  dernière  direction,  et  le 
divise  en  deux  sections,  la  Sôda-Gharbia  et  la  Sôda-Cherguîya.  Cest 
dans  ce  col  que  passe  la  route. 

L'altitude  moyenne  de  la  Soda  est  de  736  mètres  au  dessus  du 
niveau  de  la  mer  ;  les  sommets  les  plus  élevés  sont  le  Dhâharet-es- 
Sôda  dans  TOuest,  et  la  Gâret-Tefîrmi  dans  TEst. 

A  partir  du  ravin  d*El-Mâitbât,  en  continuant  la  route,  on  com- 
mence à  gravir  les  pentes  méridionales  du  massif,  au  milieu  d*amas 
de  grosses  pierres  basaltiques. 

DansTOuest,  au  loin,  est  une  montagne  importante,  Gâra-el- 
Kohela  (le  témoin  noir),  isolée  comme  toutes  les  goûr,  mais,  par  sa 
nature  noire,  appartenant  au  massif  de  la  Soda. 

Les  échantillons  des  roches  que  j*ai  rapportés  de  cette  contrée  ont 
été  déterminés  par  M,  Des  Cloizeaux,  ainsi  qu'il  suit  : 

Èchanlillon  n°  50.  «  Roche  volcanique  amygdaloïde  basaltique, 
remarquablement  lourde,  contenant  probablement  du  fer  et  du 
péridot.  Cette  roche  indique  presque  certainement  un  épanchement 
volcanique  sous-marin.  » 

Échantillon  n^  51.  «  Amygdaloïde  basaltique  avec  géodes  remplies 
de  calcaire  et  d'une  substance  brune  paraissant  analogue  à  l'hyalosi- 
dérite.  Cette  roche  se  retrouve  dans  les  volcans  éteints  de  l'Islande 
et  de  l'Auvergne.  » 

Les  Arabes  qui  m'accompagnent,  et  qui  sont  des  Riah  de  Sôkna, 
dont  les  troupeaux,  après  avoir  consommé  les  pacages  de  la  Soda, 
vont  dans  le  Hâroûdj ,  m'affirment  que  les  pierres  de  ce  dernier 
massif  sont  de  môme  nature  que  celles  de  la  Soda. 

Hornemann,  qui  traversa  la  Soda  après  avoir  reconnu  le  Hâroùdj, 
fit  la  même  constatation. 

Le  point  culminant  de  la  route,  celui  qui  forme  le  partage  des 
eaux,  est  Dhâharet-Moûmen  {le  dos  de  Moûmen),  plateau  uni,  très- 
vaste,  couvert  de  grosses  pierres. 

Au  centre  de  ce  plateau  est  une  légère  dépression  à  sol  de  gravier; 
elle  se  nomme  El-Mejnah. 

De  Dhâharet-Moûmen,  la  route  continue  par  une  succession  de 
ravins  et  de  vallées  jusqu'à  Sôkna,  au  pied  du  versant  Nord  de  la 
montagne. 

Dans  cette  seconde  partie  de  la  route,  la  nature  des  roches  s'est 
modifiée:  les  pierres  basaltiques  n'occupent  plus  que  le  haut  des 


GÉOLOGIE.  81 

berges;  celles  qu'on  trouve  dans  le  lit  de  Touâdi  ont  toutes  été 
roulées;  le  fond  des  roches  est  un  calcaire  coquillier,  de  couleur  rou- 
geàtre,  qui  repose  lui-môme  sur  des  argiles. 

Les  ravins  successivement  suivis  ou  traversés  sont  : 

Au  Sud  de  Dhâharet-Moûmen, 

L'Ouàdi-Temechchîn,  très-étroit,  qui  se  dirige  vers  l'Est  ; 
L'Ouàdi-Fonguer; 

L'Ouàdi-Ouiddegànen  (les  lits  de  ces  deux  ouâdi  se  creusent  de 
plus  en  plus  et  ont  des  berçes  très-marquées)  ; 
Megrîz-es-Sâmeha; 
Megrîz-el-Ghârega  ; 

L'Ouâdi-'On-Guezzin,  assez  vaste  et  profond; 
L'Ouâdi-Boù-l'Hàchem; 
L'Ouâdi-Boû-lTerêa'a  ; 
Au  Nord  de  Dhàharet-Moûmen  : 
L'Ouàdi-Tef  îrmi,  profond  ; 
L'Ouàdi-Zeggàr,  qui  se  dirige  dans  l'Est  ; 
L'Ouâdi-el-Wouchka; 
L'Ouàdi-BoiVSouwàn  ; 
L'Ouàdi-el-Afenàt. 

Le  nombre  considérable  d'ouàdi  rencontrés  ou  traversés  indique 
combien  la  Soda  est  ravinée  et  accidentée,  et,  bien  certainement,  la 
route  la  parcourt  dans  sa  partie  la  plus  accessible. 

Une  argile  verdàtre*,  imprégnée  de  sel  marin,  et  parsemée  de  cris- 
taux de  gypse  lamellaire,  sert  de  base  au  calcaire  de  l'Ouàdi-el-Wouchka. 

Ce  calcaire,  crétacé*,  gris,  jaunâtre,  saccharoïde,  contient  des 
moules  de  cardium  et  de  turritella  indéterminables. 

L'Ouâdi-TIn-Guezzîn  a  des  puits-citernes  {ihemed)  dans  le  haut  ; 
mais  le  seul  puits  réel  de  la  route  est  celui  de  Gottefa,  dans  la  vallée 
de  Boû-Souwân. 

Un  pacha  du  Fezzân,  Moukkeni,  avait  entrepris  d'en  faire  creuser 
dans  le  ravin  de  l'Ouâdi-Temechchîn  ;  il  a  dû  abandonner  cette  entre- 
prise; depuis,  les  travaux  ont  été  continués  par  un  riche  marchand 
de  Sôkna,  Makersou,  mais  sans  plus  de  succès,  malgré  la  grande 
profondeur  du  forage. 

i.  Échantillon  n°  52. 
ti.         —         n«  53. 


82  TOUAREG  DU  NORD. 

Sur  la  .périphérie  du  massif,  on  me  signale  tuit  puits,  savoir: 
Wenzeref,  Oumm-es-Slàg,  Moguettem,  'Açîla,  'Aâûa,  Zâkeia,  Ferdjân, 
Zemâmîya. 

J'ignore  queJle  est  la  qualité  des  eaux  de  ces  puits,  mais  celles  de 
Sôkna  se  troublent  beaucoup  par  Taddition  du  nitrate  d'argent,  qui 
ne  s'y  dissout  pas  complètement,  ce  que  j'ai  pu  constater  en  cherchant 
à  préparer  un  collyre.  Celle  de  la  petite  ville  de  Hôn,  à  12  kilomètres 
Est  de  Sôkna,  est  amère  et  encore  plus  désagréable  au  goût;  enfin 
celle  de  Zemâmîya,  que  j'ai  eu  l'occasion  de  goûter,  en  allant  de 
Sôkna  à  Bondjêm,  est  aussi  amère  et  mauvaise,  comme  celles  de  toute 
cette  région. 

Je  ne  continuerai  pas  cet  itinéraire  dans  les  détails  qu'il  com- 
porte jusqu'à  la  mer.  Je  me  bornerai  à  dire  qu'au  Nord  de  Zemâ- 
mîya, les  sables  disparaissent,  le  sol  devient  calcaire,  et  toutes  les 
montagnes  sont  de  calcaire  blanc  compact.  La  seule  exception  à 
cette  loi  générale  est  à  quatre  journées  de  marche  de  Tripoli ,  dans 
les  berges  de  l'Ouàdi-Nefîd  :  on  y  retrouve  la  même  structure  géolo- 
gique que  sur  le  flanc  Nord  de  la  Soda,  notamment  dans  le  Chaa'bt- 
es-Sôda,  où  des  pierres  basaltiques  sont  éparses  sur  une  assez  grande 
étendue  de  terrains  calcaires  *. 

Toutefois,  je  ne  puis  m'abstenir  de  parler  de  la  grande  Hamàda-el- 
Homra  (la  rouge),  dont  les  quatre  points  cardinaux  sont  marqués  par 
Ghadâmès  à  l'Ouest ,  Gueria-el-Gharbîya  au  Nord ,  Sôkna  à  l'Est  et 
Ïl-Hesî  au  Sud. 

M.  le  docteur  Barth  l'a  parcourue  du  Nord  au  Sud  sur  une  étendue 
de  215  kilomètres.  De  l'Est  à  l'Ouest,  eUe  en  a  690.  Dans  cette  der- 
nière direction,  aucune  route  ne  la  traverse,  parce  qu'aucun  animal 
ne  peut  supporter  la  faim  et  la  soif  assez  longtemps  pour  entreprendre 
un  pareil  voyage. 

D'après  le  savant  voyageur,  l'altitude  moyenne  du  plateau  est 
de  451  à  486  mètres.  A  son  point  le  plus  élevé,  Redjem-el-Erha  Qe  tas 
de  pierres  meulières),  il  atteint  511  mètres. 

Le  caractère  général  de  cette  hamâda  est  d'être  totalement 
dépourvue  d'eau  et  presque  totalement  de  végétation  et  d'animaux. 
Les  oiseaux  eux-mêmes  n'entreprennent  pas  sa  traversée  sans  dan- 

1.  Échantillon  n°  54. 


GÉOLOGIE.  83 

ger  ;  aussi,  tjomme  en  mer,  leur  présence  signale-t-elle  le  vdsinage 
d'une  terre  habitable. 

Une  tranchée,  profondément  creusée  dans  le  roc,  permit  à 
MM.  Barth  et  Overweg  de  constater  la  formation  géologique  de  ce 
plateau.  * 

«  La  ma§se  générale  des  pierres  de  l'escarpement,  dit  le  docteur 
fiarth,  se  compose  de  grès  que  Ton  prendrait,  au  premier  abord,  pour 
du  basalte,  à  cause  de  la  surface  complètement  noire  qu'elles  offrent, 
ainsi  que  des  blocs  détachés  qui  gisent  à  leur  pied. 

«  Au  dessus  de  cet  immense  lit  de  grès,  recouvert  à  certains 
endroits  d'une  couche  d'argile  mêlée  de  gypse,  reposait  une  autre 
couche  de  marne  au-dessus  de  laquelle  se  trouvait  une  croûte  supé- 
rieure de  calcaire  et  de  silice.  » 

Les  renseignements  particuliers  qui  m'ont  été  donnés  par  les  indi- 
gènes me  permettent  d'ajouter  que  le  niveau  uniformément  plat  de 
la  hamâda  n'est  interrompu  que  par  quelques  dunes,  des  goûr  et  de 
légères  dépressions. 

M.  Francesco  Busettil,  officier  de  santé  de  la  garnison  de  Mour- 
zouk,  qui  a  parcouru  la  hamàda,  m'a  remis  plusieurs  fossiles  trouvés 
sur  sa  route,  entre  autres  : 

1®  Vostrea  larva^  (Lamk),  de  l'étage  sénonien  ded'Orbigny,  de 
la  craie  blanche  à  silex,  de  la  craie  de  Maëstricht  ; 

2°  Une  osirea*,  du  groupe  de  Vostrea  frons,  du  terrain  crétacé 
sénonien,  dont  une  identique  a  été  trouvée  par  M.  Hébert,  à  Aube- 
terre  (Charente),  mais  qui  n'est  pas  encore  décrite; 

3<>  Des  baguettes  d'oursins'*  qui  devaient  être  énormes; 

4"*  Plusieurs  coquilles  univalves*  indéterminables; 

5®  Enfin  une  concrétion  curieuse  *  qui  ressemble  à  l'agate. 

Quand  on  constate  l'état  actuel  de  ce  désert,  nu,  aride,  sans  eau, 
on  se  demande  comment  les  armées  romaines  ont  pu  le  traverser  à 
une  époque  où  le  chameau  n'était  pas  encore  introduit  dans  le  pays; 
car  l'assiette  des  ruines  romaines  sur  cette  route,  à  l'exclusion  de 


1.  ÉchantiUon  n?  55. 

2.  —  a»  56. 

3.  —  n°  57. 

4.  —  n°  58. 

5.  —  u«»  59. 


84  TOUAREG   DU   NORD. 

celle  par  Sôkna,  ne  laisse  aucun  doute  sur  la  voie  suivie  pour  aller 
d'OEea  (Tripoli)  à  Garama  (Djerma).  D'ailleurs  le  passage  suivant  de 
Pline  ne  laisse  aucune  incertitude  sur  la  préférence  donnée  à  la  voie 
directe  :  «  Jusqu'à  ce  jour,  le  tracé  de  la  route  des  Garamantes  fut 
inexplicable.  Dans  la  derilière  guerre  que  les  Romains  entreprirent 
avec  le  concours  des  Œensiens,  sous  les  auspices  de  l'empereur  Ves- 
paâien,  le  total  de  la  route  fut  diminué  de  quatre  jours.  Ce  chemin 
est  appelé  :  par  la  tête  de  la  montagne,  PRytTER  caput  saxi.  »  (Liv.  V,  5.) 
Aujourd'hui,  avec  le  concours  du  chameau,  les  caravanes  tra- 
versent péniblement  la  hamâda;  une  armée,  fùt-elle  exclusivement 
indigène,  ne  le  pourrait  pas. 


V«   SECTION. 

DE    RHÂ^    À     IN-SALAH. 

La  présence  de  Mohammed-ben-'Abd-Âllah  au  Touàt,  avec  des 
contingents  qui  devaient  bientôt  arborer  l'étendard  de  la  guerre  sainte' 
et  envahir  le  Sahara  algérien,  m'a  empêché  d'aller  de  Rhàt  à  In-Sâlah 
par  les  montagnes  d'Azdjer  et  du  Ahaggàr,  et  de  prolonger  dans  l'Ouest, 
comme  je  l'ai  fait  dans  l'Est,  de  Tîterhsîn  à  la  Cherguîya,  l'étude  géo- 
logique du  plateau  central  du  Sahara,  mais  de  nombreux  renseigne- 
ments me  permettent  de  suppléer  à  l'exploration  personnelle. 

Cette  section  comprendra,  de  l'Est  à  l'Ouest  : 

A.  —  Le  plateau  du  Tasîli  des  Azdjer; 

B.  —  Le  plateau  d'Éguéré  ; 

C.  —  Le  plateau  du  Mouydîr; 

D.  —  Le  massif  du  Ahaggâr. 

A.  —  Plateau  du  TasUi. 

Je  résume  succinctement  les  indications  géologiques  sur  le  Tasîli 
que  me  fournissent  mes  observations  et  mes  itinéraires  par  rensei- 
gnements. 

La  masse  du  plateau  est  de  grès,  noir  à  la  surface,  mais  sem- 
blable aux  échantillons  de  ma  collection  pris  entre  l'Ouàdi-Tàrât  et 
rOuâdi-Tîterhsîn.  —  Le  nom  d'Éguélé  (le  coléoptère),  donné  à  un  pic 


GÉOLOGIE.  85 

isolé  du  rebord  Sud  du  Tasîli ,  indique  que  cette  roche  se  retrouve 
dans  le  Sud-Ouest  comme  dans  la  partie  Nord-Est  du  plateau  que  j*ai 
traversée. 

Sur  plusieurs  points,  des  roches  blanches,  probablement  des  cal- 
caires crayeux,  sont  signalées,  notamment  à  Tâfelâmt-Tamellet  et  à 
Tiôkasîn.  L'informateur  qualifie  ce  dernier  point  de  hamâda  à  sol  blanc. 

Après  les  grès,  les  roches  de  formation  volcanique,  semblables  à 
celles  que  j*ai  trouvées  à  Sâghen  et  dans  la  Soda,  les  -unes  poreuses 
et  légères,  les  autres  compactes  et  pesantes,  semblent  être  fré- 
quentes, notamment  dans  TAdrar,  dont  la  longueur  est  de  quatre 
jours  de  marche  et  la  largeur  de  deux. 

Le  point  culminant  d'In-Esôkal  est-il  le  seul  volcan  éteint  d*où 
sont  sorties  toutes  ces  roches  volcaniques  ?  Je  Tignore ,  mais  je  suis 
tenté  de  lui  assigner  ce  rôle  en  commun  avec  d'autres  pics  isolés  qui 
me  sont  signalés  sur  toute  l'étendue  du  plateau,  car  la  dissémination 
des  laves  démontre  que  le  feu  souterrain  a  dû  se  faire  jour  en  plus 
d'un  endroit. 

Un  long  ravin ,  tellement  profond  et  encaissé  que  le  soleil  y  pé- 
nètre à  peine  quelques  heures  par  jour,  coupe  le  Tasîli  par  son 
milieu,  du  Sud  au  Nord ,  du  pic  d'In-Esôkal  à  la  vallée  des  Ighar- 
ghâren.  Ce  ravin,  qui  porte  le  nom  d'Ouâdi-Afara  dans  sa  partie  supé- 
rieure et  d'Ouâdi-Sâmon  dans  sa  partie  inférieure,  peut  être  consi- 
déré comme  une  fracture  du  plateau  ,  contemporaine  sans  doute  de 
l'action  volcanique. 

La  force  du  feu  épuisée  pour  soulever  la  portion  orientale  du 
Tasîli  a  laissé  en  contre-bas  la  portion  occidentale;  de  là  la  brisure, 
de  là  le  niveau  différent  des  deux  parties  du  plateau,  l'une  suréle- 
vée, l'autre  plus  basse  et  s'inclinant  en  pente  douce  vers  le  bassin  de 
1  Igharghar. 

Après  ces  indications  générales,  mes  renseignements  me  donnent 
comme  détails  les  faits  géologiques  suivants  : 

Carrière  de  serpentine  dans  le  ravin  de  Tehôdayt-tân-Hebdjân, 
ainsi  appelé  parce  qu'on  en  tire  la  pierre  dont  on  fait  les  anneaux  de 
bras  que  portent  les  Touareg  ; 

Débris  d'un  grand  mammifère  fossile*  dans  le  ravin  de  Tehôdayt- 
tàn-Tamzerdja; 

1.  D*aprè8  les  Tou&reg,  une  femme  peut  s'asseoir  à  Taise  dans  la  cavité  de  Var- 
ticulation  coxo-fémorale  de  ranimai. 


86  TOUAREG  DU  NORD. 

Sebkha  ou  saline  à  laquelle  aboutit  ce  dernier  raviq  ; 

Mine  de  bon  alun  à  Tifernîn  sur  la;  route  d"iJn-eI-Hadjàdj  à 
*Apuînet-Tîn-AbderkcIi  ; 

Fer  oligiste  semblable  à  l'échantillon  n»  29,  et  grès  ferrugineux  sur 
plusieurs  points  du  plateau  ; 

Roches  bouleversées  en  un  grand  nombre  d'endroits. 

D'après  les  remarques  et  tes  échantillons  de  M.  Ismayl-Boû-Derba, 
l,es  grès  et  la  rraie  blanche  du  Tasîli  reposeraient  sur  le  terrain  dé- 
Yoiûen. 

Indépendamment  des  lacs  de  Mlherô,  assez  riches  en  eaux  pour 
nourrir  des  poissons,  mes  informateurs  me  signalent  dans  Amguîd, 
sur  le  rebord  occidental  du  Tasîli ,  une  source  du  nom  de  Tîn-Sel- 
makin ,  dont  le  bassin  est  assez  grand  pour  que  de  gros  poissons  y 
vivent  aussi. 


B.  —  Plateau  cTÈguéré. 

Le  petit  plateau  d*Éguéré  semble  être  une  seconde  fracture  du 
Tasîli,  mais  la  fracture,  au  lieu  de  s'étendre  sur  toute  sa  largeur 
comme  celle  d'Afara,  est  restreinte  à  l'angle  Sud-Ouest  du  plateau. 
La  séparation,  au  lieu  d'une  ravine  profonde  et  étroite,  forme  ici  une 
plaine  ou  large  vallée  parcourue  par  TOuâdi-Tôdjert,  prolongement 
Nord  de  la  plaine  d'Amadghôr. 

Je  n'ai  aucune  indication  sur  la  nature  de  la  roche  d'Éguéré,  mais 
tout  me  porte  à  croire  que  la  masse  est  de  grès. 

C.  —  Plateau  du  Mouydtr, 

La  forme  particulière  du  Mouydir,  la  situation  du  point  dominant, 
rifettesen,  par  rapport  aux  trois  points  culminants  du  Ahaggàr,  le 
prolongement  de  ses  assises  caractérisé  dans  l'Est  par  des  pitons 
isolés  :  Tisellêlin,  Afisfés,  Sakkàya,  le  voisinage  de  la  source  sul- 
fureuse de  Dhâyet-el-Kâhela,  tout  semble  indiquer  que  la  for- 
mation de  ce  plaleau  est  due  à  l'action  volcanique.  Cependant,  je 
dois  le  dire,  aucune  indication  précise  de  mon  journal  de  voyage 
ne  justifie  cette  opinion  ;  j'ai  négligé  d'interroger  les  indigènes  à  ce 
sujet. 


«  • 


GÉOLOGIE.  87 

Mes  note»  se  bornent  à  signaler  la  présence  du  fer  à  Tlwonkenîn, 
appelé  par  les  Arabes  Kheng-el-Hadîd. 

L'abondance  relative  des  eaux  dans  le  Mouydlr  est  aussi  un  fait 
confirmé  par  tous  les  informateurs. 

D.  —  ^fassif  du  Ahaggàr. 

Le  soulèvement  du  massif  du  Ahaggèr  par  l'action  du  feu  souter- 
rain n'est  pas  seulement  attesté  par  la  forme  de  son  relief  et  par  les 
témoignages  nombreux  des  indigènes,  il  est  encore  affirmé  par  les 
laves  roulées  que  M.  Ismayl-Boû-Derba  a  trouvées  dans  le  lit  de 
righarghar  à  son  débouché  des  montagnes,  dans  un  endroit  où  les 
sables  ne  sont  pas  venus  cacher  la  nature  des  alluvions. 

Voici  ce  que  dit  ce  voyageur  : 

5  Septembre.  «  Vers  les  quatre  heures  du  matin,  nous  gagnâmes 
«  rOuâdi-lgharghar.  Une  grande  vallée  unie  venant  du  Sud-Ouest  et 
«  se  dirigeant  vers  le  Nord -Est  forme  le  lit  de  la  rivière.  De  gros 
«  cailloux  roulés ,  en  pierre  ponce,  semblent  indiquer  l'origine  de  cet 
<i  ouâdi. 

«  Les  Touareg,  en  me  montrant  cette  pierre,  me  dirent  qu'elle  est 
«  tout  à  fait  semblable  à  celle  dbnt  est  formé  le  pâté  de  montagnes 
«  du  Ahaggâr.  Elle  est  très-légère,  celluleuse,  d'une  couleur  noirâtre, 
H  et  affecte  l'apparence  d'une  éponge.  » 

M.  le  docteur  Marrés,  qui  a  vu  les  échantillons  de  M.  Ismayl- 
Boû-Derba,  les  a  trouvés  identiques  à  ceux  que  j'ai  rapportés  de 
Sâghen  et  que  M.  Des  Cloizeaux  a  reconnus  être  de  la  lave  de  volcan 
éteint. 

Ces  laves  ne  peuvent  provenir  du  même  point,  car  les  sables  de 
la  plaine  des  Igharghâren  empêchent  aujourd'hui  et  depuis  longtemps 
la  communication  de  FOuâdi-Tikhâmmalt  avec  l'Igharghar.  Ainsi  la 
certitude  scilhtiflque  est  absolue. 

Voici  maintenant  les  indications  particulières  que  me  donnent 
mes  renseignements. 

Tout  FAtakÔr-en-Ahaggâr  est  en  pierres  noires.  Du  côté  du  Touât, 
elles  s'étendfent  jusqu'à  l'Ouâdi-Idjeloûdjâl.  De  ce  point  à  Menîyet,  la 
roche  est  blanche ,  mais  elle  redevient  noire  lorsque  l'on  monte  le 
Mouydlr. 

Le  promontoire  du  Tîfedest  est  aussi  noir:  tout  indique  qu'il  a  dû 


88  TOUAREG  DU  NORD. 

être  couvert  par  les  laves  du  puy  d'Oûdân,  comme  TAtakôr  par  celles 
des  puys  de  Ouâtellen  et  Hîkena. 

Quoi  qu'il  en  soit,  si  Tidentification  des  trois  monts  ci-dessus  nom- 
més avec  d'anciens  volcans  est  permise ,  celle  des  cônes  des  gradins 
inférieurs,  quoique  possible,  est  moins  probable. 

Le  Ahaggâr  doit  à  son  altitude  et  à  sa  constitution  géologique  une 
richesse  de  sources  d'un  débit  assez  abondant,  car  elles  suQisentaux 
besoins  de  l'irrigation.  On  y  cite  des  ruisseaux  à  eaux  courantes,  ceux 
d'Idélès,  de  Tàzeroûk  et  deïazoùlt,  très-grande  rareté  dans  le  Sahara. 
On  parle  même  de  la  cascade  d'un  ouâdi  du  nom  d'Adjellal ,  descen- 
dant du  Tîfedest;  ce  serait  la  seule  peut-^tre  entre  la  vallée  du  Nil 
et  rOcéan  Atlantique. 


CONCLUSION  GÉOLOGIQUE. 

J'ai  donné  à  ce  chapitre  un  développement  considérable  ,  sans 
craindre  môme  de  suppléer  à  l'investigation  personnelle  par  de  nom- 
breux renseignements  glanés  ça  et  là  auprès  des  indigènes  ou  dans 
les  travaux  de  mes  devanciers,  parce  qu'il  m'a  semblé  important  de 
fixer  d'une  manière  plus  nette  l'opinion  sur  la  constitution  géologique 
de  la  partie  centrale  du  Sahara,  la  moins  connue  jusqu'à  ce  jour. 

Désormais  des  faits  importants  me  paraissent  acquis  à  la  science: 

Jusqu'au  versant  Nord  des  montagnes  des  Touareg,  la  nature  du 
sol  reste  la  même ,  sans  changements  appréciables ,  et  nous  présente 
toujours  le  terrain  crétacé  comme  au  Sud  de  l'Algérie ,  de  la  Tunisie 
et  dans  la  Tripolitaïne. 

Dans  la  montagne  apparaissent  des  terrains  paléozoîques  reconnus 
d'abord  par  le  docteur  Overweg  sous  le  versant  occidental  du  plateau 
de  Mourzouk ,  puis  par  M.  Ismayl-Boû-Derba  dans  le  Tasîli  du  Nord, 
et  enfin  par  moi,  au  pied  de  l'Akâkoûs,  en  un  point  inteifnédiaire  aux 
gisements  précédents. 

Désormais,  la  production,  la  circulation,  l'amoncellement  des 
sables  sont  circonscrits  dans  les  limites  que  la  nature  leur  a  as- 
signée s,  et  la  comparaison  du  Sahara  à  une  peau  de  panthère,  faite 
par  Strabon,  cesse  d'être  le  dernier  mot  de  nos  connaissances  sur 
des  oasis  disséminées  dans  un  désert  de  sables. 

Enfin  nous  savons  qne  le  soulèvement  du  Tasîli  et  du  Ahaggâr,  et 


GÉOLOGIE.  89 

probablement  des  plateaux  secondaires  qui  en  dépendent,  est  dû 
à  une  action  volcanique  définie ,  comme  le  Djebel-Nefoûsa ,  la  Soda , 
le  Hàroûdj  et  le  massif  d*Aïr. 

Ces  connaissances  sommaires  ont  besoin  d'être  complétées,  cela 
est  certain;  mais  en  attendant,  nous  avons  la  satisfaction  d'être  arrivé 
à  un  résultat  qui  nous  permet  de  contrôler  les  récits  fort  obscurs  des 
anciens  sur  une  contrée  qui  a  excité  la  curiosité  du  monde  depuis 
l'antiquité. 


CHAPITRE   V. 


MÉTÉOROLOGIE. 

Hérodote  nous  fait  connaître  (livre  IV,  §§  173,  184  et  185)  ce 
qu'était,  il  y  a  deux  mille  trois  cents  ans,  le  climat  du  pays  qu'em- 
brasse mon  exploration.  Voici  ce  qu'il  en  dit  : 

« 

Température  :  «  Les  Atarantes  maudissent  le  soleil  qui  passe  au- 
«  dessus  de  leur  tête  et  lui  adressent  toutes  sortes  d'outrages,  parce 
«  que  sa  chaleur  consume  les  hommes  et  la  contrée. 

Vents  :  u  Le  souffle  de  Notus  (S.-E.)  dessécha  tout  ce  qui  conle- 
«  nait  de  Teau.  D'après  les  Libyens,  les  Psylles  marchèrent  en  armes 
«  contre  Notus.  Or,  quand  ils  arrivèrent  au  désert  de  sable,  Notus 
«  souffla  de  plus  belle  et  les  ensevelit  tous. 

EauXy  pluies  :  «  Le  pays  est  désert,  sans  eau,  sans  bétes  fauves, 
«  sans  pluies,  sans  arbres  ;  on  n'y  trouve  nulle  humidité.  » 

Les  observations  que  j'ai  faites  pendant  les  trois  cent  dix  jours 
consacrés  à  l'étude  de  la  région  qu'Hérodote  appelle  le  désert  de 
Libye  permettront  d'apprécier  quelles  modifications  le  temps  a 
apportées  au  climat  de  ce  pays. 

Pour  ne  pas  abuser  de  la  patience  du  lecteur,  je  limite  le  tableau 
ci-après  au  pays  des  Touareg  et  à  une  gbservation  quotidienne  ou 
locale  (total  :  330  observ.),  me  réservant  de  publier  dans  un  recueil 
spécial  l'ensemble  de  toutes  celles  faites  pendant  les  vingt-neuf  mois 
de  mon  voyage. 

Quant  aux  diverses  séries  d'observations  qui  n'ont  pu  trouver 
place  dans  ce  tableau,  je  les  résume  à  la  suite. 


MÉTÉOROLOGIE. 


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TOUAREG  DU  NORD. 


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106  TOUARRG   DU   NORD. 


Températures, 

Inslruments  employés  :  Les  divers  thermomètres  dont  j'ai  fai(  usage 
sont  : 

Des  thermomètres  Baudin  :  n®  204,  n<>  329,  n®  660,  n^  663; 
n^  665  pour  les  minima,  et  n®  662  pour  les  maxima; 

Des  thermomètres  Salleron  :  n^»  300  et  302; 

Un  thermomètre  Fastré,  qui  m'a  été  envoyé  par  M.  Mac  Carthy 
avec  la  note  très-bon. 

En  voyage,  le  18  décembre  1860,  à  Timélloûlen,  j'ai  pu  contrôler 
la  marche  de  ces  divers  instruments  au  moyen  de  la  glace  fon- 
dante. De  plus,  j'ai  comparé  tous  mes  thermomètres  avec  l'étalon 
Baudin,  une  première  fois  à  Tougourt,  le  29  février  1860,  et  une 
seconde  fois  à  Serdélès,  le  2  mai  1861. 

Température  de  l'air  :  L'ensemble  de  mes  observations  sur  la 
température  de  l'air  donne  les  constatations  suivantes  : 

Marche  diurne  :  Dans  la  journée,  le  plus  grand  abaissement  de  la 
température  a  lieu  le  matin  avant  le  lever  du  soleil,  et  la  plus  grande 
élévation  entre  deux  et  trois  heures  de  l'après-midi. 

Un  tableau,  ci-après  (voir  le  §  Pression  atmosphérique,  page  121), 
indique  la  marche  des  différents  thermomètres,  de  15  en  15  minutes, 
entre  le  lever  et  le  coucher  du  soleil.  11  peut  être  considéré  comme 
donnant  approximativement  la  marche  diurne  moyenne. 

Variations  suivant  les  saisons  :  Quelles  que  soient  la  latitude  et 
l'altitude,  dans  tout  le  Sahara,  du  moins  sur  le  versant  Nord  du 
plateau  central,  les  températures  les  plus  basses  sont  obtenues  de 
décembre  à  mars,  et  les  plus  hautes  de  juin  à  septembre.  C'est  ce 
que  démontre  le  journal  météorologique  de  mon  voyage ,  complété 
par  celui  que  tient  M.  J.  Auer  à  Tougourt. 

Influences  :  L'altitude  et  Téloignement  de  la  mer,  bien  plus  que 
la  latitude,  exercent  une  influence  sur  le  thermomètre. 


METEOHOLOGJIv 


107 


Si  Ton  compare  la  température  du  plateau  du  Tasîli  des  Azdjer, 
d'un  degré  et  quart  au  Nord  du  tropique  du  Cancer,  avec  celle  de 
Tougourt,  ville  située  à  huit  degrés  plus  au  Nord,  et  sous  l'influence 
probable  de  la  Méditerranée,  on  trouve  rarement  chez  les  Azdjer  les 
fortes  chaleurs  de  l'Ouâd-Rîgh,  mais,  en  revanche,  on  constate  même 
dans  les  vallées  abritées  du  Tasîli  des  gelées  inconnues  ou  excep- 
tionnelles dans  rOuâd-Rlgh. 

Chez  les  Touareg  même,  suivant  l'altitude  des  lieux,  il  y  a  de 
grandes  différences  :  entre  la  température  du  Ahaggàr,  où  les  neiges 
persistent  pendant  trois  mois  de  l'année,  et  celle  du  Tasîli,  où  elles 
durent  à  peine  quelques  jours;  entre  les  plateaux  élevés,  où  Ton 
retrouve  la  végétation  de  la  côte  européenne  de  la  Méditerranée,  et 
les  basses  dépressions  des  plaines,  en  contre-bas  des  montagnes,  où  la 
végétation  désertique  s'allie  à  celle  des  tropiques. 

Extrêmes  de  température  :  Ils  sont  fournis  par  les  deux  chiffres 
suivants  : 

Maximum  +  44°,6,  à  Mourzouk ,  les  5  et  26  juillet  1801; 
Afinimum  —    2°,1,  à  Timelloûlen,  le  18  décembre  1860. 

La  plus  gi*ande  amplitude  des  oscillations  thermométriques  con- 
statée dans  mon  voyage  chez  les  Touareg  a  donc  été  de  /i6<>,7.  • 

Maxima  (saison  d'été)  :  Les  observations  comprises  entre  les 
dates  du  7  juin  au  7  juillet  et  du  27  juillet  au  11  août  1861  ont  été 
faites  à  Mourzouk,  les  autres  en  route  sur  divers  points.  (Voir,  pour 
les  stations  correspondantes,  le  tableau  général  qui  précède.) 


1860. 

8  août 42o,2 

9  »               40 ,6 

10  ,.                40 ,7 

11  »                40 ,8 

12  ..               41  ,6 

13  »                42  ,3 

14  »                41  ,8 

15  »                40 ,1 

16  »                40 ,2 

4  septembre 40  ,4 


1861. 

24  mai 40%5 

25  >.               40 ,3 

10  juin 41,0 

19  »                37 ,8 

20  »                38 ,2 

21  »               37  ,8 

22  »               37 ,6 

23  »               36 ,1 

25  >»               38 ,1 

26  ..                38 ,8 


108 


TOUAREG  DU  NORD. 


1861. 


28  juin 42o,5 

29  n               39 ,4 

30  >.                39,0 

i  juillet 40,0 

2  I)                41  ,3 

3  ..                42 ,4 

4  n               ......  44 ,3 


5  juillet 44«,6 

16  »               40 ,6 

17  »                40 ,5 

18  «                41  ,7 

26  «                44,6 

27  ».                42 ,6 

28  ..                42,6 


Maxima  (saison  d'hiver)  :  Je  regrette  de  ne  pas  avoir  de  série 
d'observations  maxima  pour  la  sai.son  d'hiver.  11  sera  facile  d'y  sup- 
pléer approximativement  par  les  indications  du  thermomètre  fronde, 
dans  les  observations  générales  quotidiennes. 

Minima  (saison  d'hiver)  ;  Je  n'ai  que  peu  d'observations  de 
minima  de  la  tenffpérature  en  hiver.  Je  donne  ci-dessous  le  nombre 
des  jours  où  j'ai  observé  la  congélation  de  l'eau. 


1860. 


1861. 


17  décembre. .  .  . 

.  .    —  2°,0 

14 

janvier.  . 

.  .    Eau  gelée. 
Id. 

18 

.  .    -  2  ,1 

15 

28        .. 

.  .    +  i  ,» 

16 

n 

Id. 

20 

»» 

Id. 

1861. 

22 

)i 

Id. 

11  Janvier 

Eau  gelée. 

10 

mars.  .  . 

Id. 

12 

Id. 

il 

)) 

Id. 

13 

Id. 

12 

n 

Id. 

Minima  (saison  d'été)  :  Ces  observations  appartiennent  toutes  à 
Tannée  1861,  savoir  : 


20  juin 18»,6 

21  ..  19 ,7 

22  »  20 ,9 

23  »  19 ,2 

24  n  17  ,5 

20      ..  16,6 

27      ..  17  ,6 

30      »  22  ,4 

2  juillet 23  ,6 

3  »  28,6 


4  juillet 23%4 

5  ..               24 ,4 

25  tt                21  ,6 

26  »                25 ,2 

30      n                23 ,1 

7  août 20  ,6 

8  «               22 ,4 

9  »               20 ,0 

10      ..                21  ,2 


MÉTÉOROLOGIE. 


109 


Si,  pour  la  saison  d'été,  je  compare  le  chiffre  le  plus  bas  de  la 
température  de  Tair,  16**,6,  obtenu  le  26  juin  à  Mourzouk,  avec  le 
chiffre  le  plus  élevé,  hh^fi,  constaté  dans  la  même  localité  et  dans  la 
même  année,  les  5  et  26  juillet,  je  trouve  une  différence  de  28®  à 
quelques  jours  d'intervalle. 

Température  du  sol  :  Les  observations  relatives  à  la  température 
du  sol  ont  été  prises  à  l'ombre  et  au  soleil,  en  hiver  et  en  été. 

Maxima  à  l'ombre  :  Pendant  le  jour,  pas  d'observations  faute  de 
temps,  mes  instants  étant  pris  par  d'autres  études. 

Minima  à  Vombre  :  Toutes  les  observations  qui  suivent  ont  été 
faites,  le  thermomètre  étant  recouvert  d'une  légère  couche  de  sable 
ou  de  terre. 


1860. 


Saison  d'hiver. 


1861. 


U  décembre. 
28      >. 


1861. 


10  janvier. 
12      » 

13  M 


3^0 
1,4 


1,4 
0,4 
0,4 


16  janvier. 

19  » 

22  » 

25  » 

26  n 

27  n 
30  » 


—  2°,4 

—  2,2 

—  4,7 
-3,2 
-3,2 

4-1,3 

+  1,1 


Saison  d'été.  —  1861. 


12  août . 

13  » 

14  •> 

15  » 

16  » 

19  » 

20  .. 

21  » 

22  M 
2i  » 

25  » 

26  » 

27  .. 

28  .. 


20«,8 

30 

18,3 

1 

18,9 

2 

23,3 

3 

21  ,5 

4 

19,6 

5 

23,6 

7 

20,6 

8 

21,6 

9 

18,6 

10 

20,6 

11 

18,1 

12 

20,8 

13 

19,6 

15 

30  août 19«,9 

septembre 18  ,7 

»       19  ,1 

16 ,6 

19,8 

18 ,6 

»       .....  14,2 

15 ,1 

).       21 ,6 

»       13  ,3 

14  ,0 

18 ,1 

16  ,3 

19  ,8 


Maxima  au  soleil  :  L'ombre  n'existant  pas  dans  le  Sahara,  ni 


110  TOUAKEG  DU   NORD. 

pour  le  sol  ni  pour  les  plantes  qu'il  nourrit,  ni  pour  les  hommes  ni 
pour  les  animaux  qui  Thabitent,  il  était  imporunt  de  déterminer, 
dans  les  différentes  saisons,  la  température  du  milieu  au  soleil. 

(Test  à  ce  besoin  que  correspondent  les  deux  séries  d'observations 
qui  suivent  : 

Saison  d'hiver,  —  1861. 

18  janvier.  29°,00,  la  température  de  Tair  à  Tombre  étant  17<»,8 

19  »  26 ,05  »  »  »  17  ,35 
22        »  30,15  n  I*  »  16,6 
31        !>  19,8  »  m  •  14,0 
14  février.  39 ,65  »  »  »  29 ,35 

Saison  d'été.  —  1860  et  1861. 

13  avril.  .    42°,55,  la  température  de  Pair  à  Tombre  étant  3I^85 

20  juin. .  .  58  ,22  »  »  »  '  42  ,52 
28  »  63,12  »  M  ..  38,62 
20  juillet..  65,12                 ..                 »                 »  37,50 

»        «        66,42  «  ..  M  38,32 

La  moyenne  de  la  différence  des  températures  est  de  9<>,89  pour 
la  saison  d'hiver  et  de  23o,l  pour  la  saison  d'été. 

Si,  à  défaut  d'observations  quotidiennes  de  la  température  du  sol 
au  soleil,  j'ajoute  la  moyenne  différentielle  de  23®,i  aux  tempéra- 
tures de  l'air  pendant  les  journées  des  5  et  26  juillet  1861,  soit 
hh^fiy  =  67**,7  ;  si  j'augmente  ce  dernier  chiffre  de  —  4*»,7,  mini- 
mum du  sol  le  22  janvier,  j'obtiens  un  total  de  72*^,4  représentant 
l'écart  annuel  entre  les  extrêmes  de  la  température  du  sol ,  et  cet 
écart  ne  saurait  être  un  maximum. 

On  s'étonne  moins  alors  si  la  flore  et  la  faune  d'un  pareil  climat 
sont  limitées  à  des  espèces  créées  pour  lui;  on  comprend  comment 
Hérodote  a  pu  dire  que  la  chaleur  consume  les  hommes  et  le  fonds 
même  de  la  contrée,  11  faut,  en  effet,  des  roches  très-dures  et  très- 
compactes  pour  résister  à  des  dilatations  de  —  5®  à  +  67®,7.  Bien 
certainement,  les  extrêmes  constatés  dans  une  seule  année  ne 
représentent  pas  les  extrêmes  absolus  d'une  période  centenaire. 
Probablement  Técart  est  souvent  de  75**  et  peut-être  de  80**. 

Température  des  puits  ordinaires  :  J'ai  apporté  le  plus  grand  soin 


MÉTÉOROLOGIE.  111 

à  la  constatation  de  la  température  des  puits  et  de  leur  profondeur^ 
en  vue  d'aider-à  la  détermination  de  la  moyenne  de  la  température 
annuelle  de  chaque  contrée. 

Voici,  pour  chaque  région,  les  résultats  constatés  : 


Dunes  de  V'Ery. 

renip<^-  Profon- 

rature.  deur. 

Bîr-es-Soùk 23%5  i2-,5 

BIr-el-Djàma' 23  ,2  10  ,2 

Bir-Ôulâd-Khalifa 23  ,5  12  ,1 

Bîr-el-Azàzla 23  ,4  14  ,6 


El-Ou&d  { 16  Juiu) . 


/  Bîr-djâma'-el-Gharbî 21  ,9  7  ,3 

( 


Gomàr  (19  juin) J  Bîr-djàma^-el-Akhouàn 21  ,7  6  ,2 

'  Bir-8ldi-'Abd-er-Rahman 22  ,2         6  ,5 

Bîr-i&bet-Cheria'a 21  ,6         6  ,6 


{Premier  puits  (14  Juillet).  ...  22  ,7  3  ,9 

Deuxième  puits      (id.)    ....  22 ,6  3  ,4 

Premier  puits  (21  juin) 21  ,7  3  ,9 

Mouïet-el-Kàid  (15  juillet) 22  ,3  6  ,5 

Choûchet-el-Guedhàm  (28  juillet) 23  ,1  13  ,7 

B!r-ez-Zouâit  (29  juillet) 23  ,5  14  ,8 

Màleh-ben-'Aoùn  (30  juillet) 22  ,7  13  ,3 

Moùî-er-Rebah  (31   juillet   .  .  .  .  '. 21  ,8  8  ,8 

El-'Ogla                  (  id.] 22 ,8  10  ,4 

Ma*atîg  (1"  août) 23  ,7  20  ,6 

Berrcçof  (2  août) 23.,2  23  ,0 


Plateau  de  Tinghert. 

Timelloùlen  ^  Premier  puits  (16  décembre).  .     17  ,7  1  ,3 

/  Deuxième  puits  (2  décembre)  .     17  ,3  3  ,3 


Vallée  des  Igharghàren. 

Asoultar  (26  janvier) 11  ,4  4  ,0 

Vallée  de  l'Ouàdi-el-Gharbi. 

lo-Tafarat  (15  mai; 22  ,7  4  ,2 

Oubàri  (18  mai  ) ' 20  ,3  2  ,5 

Brèg  (20  mai  ) 24  ,2  1  ,2 


(  21  mai 23  ,4  j 


TakerUba !  22  mai 25  ,7   }    ^^  i^ 

(  27  mai 23  ,8 


112  TOUAREG   DU   NORD. 


Dunes  (VEdeyen,  Tempe-      profon- 

rauire.  dcur. 

Mandata  (28  mai  ) 23S5  ? 

Gabr'aoûn \  ^  "^^ ^2  ,4         4»',0 

I  30  mai 22  ,5         1  ,8 

Bîr-en-Nechoûa' 22  ,4  2  ,4 

Bîr-el-Wouchka 23  ,7  2  ,5 

Bîr-Sâlah-ber-Rekheyyis  (16  août) 25,5  2  ,9 

Gourmèda  (i9  août) 22  ,0  2  ,8 

Oumm-el-'Abîd  (  21  août) 24  ,9  1  ,2 

Gottefa  (26  août) 24  ,7  3  ,7 

'Ain-el-Hamàm  (2  septembre) 24  ,2  1  ,5 

Température  des  sources  :  Je  donne  comparativement  la  tempé- 
rature de  l*air  au  moment  de  Tobservation. 

Ghadàmès  (9  décembre).    30o,15  ,  la  température  de  Tair  étant.  .    i7«,7 

Tàdjenoùt  (29  janvier)..  .  11  ,95  »  h  »  13,1 

Ahèr  (23  février) 20 ,35  h  »  »  26 ,6 

Serdélès  (4  mai) 25,55  »  .,  »  21  ,4 

Ganderma  (11  juillet).   .  .  22,55  ..  »  «  24,4 

Ayàl-Slîmàn       (irf.).  .  .  .  25,05  .h  »  ..  24,4 

Bel-Hasan  (13  juillet)  ...  23 ,95  n  »  »  37  ,0 

M.  IsmayJ-Boii-Derba  avait  antérieurement  constaté  les  tempéra- 
tures de  trois  autres  sources,  au  pied  N.  du  Tasîli,  que  je  n'ai  pas 
visitées,  savoir  : 

'Aîn-Tabelbâlet  (iO  septembre)  23°,0  ,  Tair  étant 30«,0 

'Aîn-el-Hadjâdj  (12        trf.        )  24 ,0  »  35 ,0 

Tihoùbar  (24        id,       )  26 ,0  ».  35 ,0 

La  source  de  Ghadâmès  est  thermale  ;  il  y  en  a  d'autres  d'ailleurs 
dans  le  pays. 

Température  des  puits  artésiens  :  Dans  le  voisinage  des  dunes  les 
puits  artésiens  sont  très-nombreux,  car  dans  le  seul  district  de 
rOuâd-Rîgh,  il  y  en  a  325  qui  arrosent  600,000  palmiers;  dans 
Toasis  d'Ouarglà,  il  y  en  a  aussi  en  quantité.  Pour  le  groupe  de 
rOuàd-Rîgh ,  je  me  bornerai  à  donner  la  température  de  quelques 
puits  seulement. 


MÉTÉOROLOGIE.  '  113 

Tempe-  Profon- 

raturo.  deur. 

,.-    «.  w    ...       (  Premier  puits..  .    24°,7l        5T,0 
'Ain-Bâ-Mendll .  .  l  ^      -x  •.         ai  nt,       to  \a 

(  Deuxième  puits.  .    24,75        58,10 

'Aîn-el-Amîra 24  ,83        57  ,95 

Tougourt /  'Ain-Boû-'Alem.  .  .^  Premier  puits.  .  .    24  ,40       M  ,0 

/  Deuxième  puits.  .    24  ,82        52  ,0 

'Aîn-Azai 24  ,75        53  ,0 

'Ain-el-Bîr 23  ,85        64  ,0 

'Aîn-es-Soûk 2i  ,65       55  ,0 

Merhayyer  \  'Ain-Mellàha. 24 ,85       39  ,0 

I  'Ain-Battàh 24  ,91        39  ,0 

Ouarglà  (nombreux  puits,  pas  d'observations). 

Ihanàren  (Tun  des  puits) 24  ,95         1  ,25 

Serdélôs )  Un  puits 26,42         5  ,50 

(  Un  autre  puits 26  ,52         5  ,50 

M.  Ismayl-Boû-Derba  a  trouvé,  le  25  septembre,  une  température 
de  26*»  pour  le  puits  dMhanâren  et  le  même  chiffre  pour  le  puits 
artésien  de  Timâssanîn  (6  septembre)  ;  mais  j'ignore  s'il  a  tenu 
compte  des  corrections  à  faire  à  son  thermomètre. 

Température  des  eaux  pluviales  :  Le  25  août  1861,  à  Gottefa,  la 
pluie  qui  tombait  me  paraissant  aussi  chaude  que  celle  des  bains 
ordinaires,  j'en  déterminai  la  température,  qui  se  trouva  être  à 
29M,  celle  de  l'air  étant  seulement  de  25<>,52. 

Température  des  rhedîr  ou  flaques  d'eau  :  Le  3  juin ,  la  tempé- 
rature de  l'air  étant  29*»,95,  le  thermomètre  plongé  dans  l'eau  du 
Rhedîr  de  Setîl  marqua  21^,8. 

Température  moyenne  mensuelle  de  l'air  a  Tougourt.  —  M.  le 
lieutenant  J.  Auer,  commandant  supérieur  de  la  garnison  indigène  de 
Tougourt,  fait  des  observations  thermométriques  depuis  son  instal- 
lation dans  la  capitale  de  l'Ouàd-Rîgh.  Amon  arrivée  dans  le  Sahara , 
j'ai  calculé  les  moyennes  de  /i2  mois  de  ses  observations,  et  je  crois 
utile  de  les  publier  pour  permettre  la  comparaison  entre  un  climat* 
encore  sous  l'influence  maritime  de  la  Méditerranée  et  celui  tout 
continental  des  hauts  plateaux  qu'habitent  les  Touareg. 

Le  thermomètre  à  alcool  de  M.  Auer  était  exposé  an  Nord,  à  l'ombre, 
dans  un  courant  d'air.  M.  Renou,  secrétaire  de  la  Société  météorolo- 
gique, craint  qu'un  thermomètres  alcool,  exposé  dans  une  embrasure 
de  fenêtre,  ne  donne  des  chiffres  trop  élevés  de  plusieurs  degrés. 


114 


TOUAREG  DU   NORD. 


MOIS. 


1855. 


1856. 


Septembre . 
Octobre. . . . 
Novembre. . 
Décembre. . 
Janvier.  . . . 

Février 

Mars 

Avril 

Mai 

Juin 

Juillet 

Août 


18.57 


■I 


1858. 


Septembre . 
Octobre. . .  1 
Janvier . . . . 
Février . . . . 

Mars 

Avril 

Mai 

Juin 

Juillet 

Août 

Septembre . 
Octobre. . . . 
Novembro. . 
\  Décembre. . 
Janvier . . . . 

Février 

Mars 

Avril 

Mai 

Juin 


\ 


1850. 


I 


Juillet 

Août 

Septembre . 
Octobre .  . . 
Novembre. . 
Décembre. . 
Janvier . . . . 
Fé\Ticr . . . . 

Mars 

Avril 


55 

■     ^ 

Vi 

•* 

ç6 
o      « 

26,7 

41,6 

35,8 

20,1 

32,7 

28,8 

10,3 

20,2 

17,7 

7,8 

15,6 

12,5 

9,3 

18,8 

15,9 

10,1 

19,4 

16,5 

11,8 

23,3 

i8,9 

10,3 

29,6 

25,4 

21,7 

36,7 

31,9 

25,8 

39,3 

33,7 

27,3 

46,6 

27,9 

23,3 

41,3 

35,5 

24,8 

38,2 

34,1 

i6,7 

27,1 

23,1 

8,6 

18,2 

13,8 

8,6 

18,2 

13,7 

i2,5 

21,4 

16,0 

17,8 

28,4 

23,2 

19,0 

38,2 

25,7 

24,0 

41,3 

36,3 

27,8 

45,2 

39,2 

28,8 

45,9 

40,6 

21,2 

40,0 

36,0 

18,5 

32,5 

26,1 

13,3 

24,9 

21,4 

7,4 

14,6 

11,6 

4,3 

12,3 

9,2 

8,7 

19,6 

H,7 

lî,0 

24,4 

19,8 

17,7 

32,1 

23,7 

22,4 

29,8 

27,7 

26,6 

34,8 

32,7 

29,1 

39,1 

35,4 

29,2 

38,2 

35,0 

23,5 

32,8 

29,6 

20,2 

29,4 

26,5 

14,1 

21,9 

18,7 

8,9 

14,7 

12,0 

5,9 

12,2 

8,8 

8,0 

14,5 

14,6 

12,3 

':o,8 

16,1 

18,3 

28,3 

23,7 

PRINCIPAUX 

PHéNOIlfeNES  ATtfOSPHéBlQUKS. 


4  siroccos,  2  petites  pluies. 

4  siroccos. 
3  pluies. 

5  pluies,  1  tonnerre. 
1  pluie. 
3  pluies. 
7  pluies,  1  orage,  1  sirocco. 

1  petite  pluie,  6  siroccos. 

2  orages,  1  pluie ,  8  siroccos. 
1  petite  pluie,  7  siroccos. 

1  tempête  avec  pluie,  10  sir. 

1  tempête,  2  orages,  2  petites 

pluies,  7  siroccos. 

1  orage  avec  petite  pluie,  7  sir. 

0  siroccos. 

2  petites  pluies,  1  avec  orage. 

1  orage. 

1  orage. 

3  orages,  1  tempête,  1  sirocco. 

2  pluies,  1  orage,  10  siroccos. 
18  siroccos. 

1  petite  pluie,  3  siroccos. 

3  pluies. 

4  pluies. 

4  petites  pluies. 
9  pluies. 

4  pluies. 

1  pluie,  1  orage. 

3  pluies,  1  orage. 
1  sirocco. 

1  pluie  avec  tempête ,  3  ora- 
ges ,  5  siroccos. 
1  pluie,  2  orages,  4  siroccos. 

5  siroccos  avec  4  orages. 

1  petite  pluie. 
^  pluie. 

2  pluies. 

4  pluies. 

6  pluies. 
9  pluies. 

3  pluies. 

3  pluies,  0  siroccos. 


MÉTÉOROLOGIE.  115 

Les  deux  extrêmes  constatés  ont  été  :  minimum  +  2,  maxi- 
mum +  51  =  49,  chiffre  supérieur  de  2" 3  à  celui  que  j*ai  trouvé 
sur  le  plateau  central  du  Sahara. 

Les  variations,  suivant  les  saisons,  diffèrent  peu  :  les  plus  basses 
températures ,  sur  le  plateau  central ,  ont  lieu  de  décembre  à  mars; 
la  même  période,  dans  les  bas  fonds  de  rOuâd-Rîgh,  est  limitée  à 
décembre,  janvier  et  février.  Les  hautes  températures,  sur  le  plateau 
central,  se  répartissent  sur  quatre  mois  :  juin  ,  juillet,  août  et  sep 
terabre;  dans  rOuâd-Rîgh,  juin  et  juillet  sont  les  deux  mois  les  plus 
chauds. 

Mais  quelles  différences  dans  les  extrêmes  :  ici  H-  2*>3,  là  —  2° 
pourmimmum;  ici  51^9,  là  hk°à  pour  maximum. 

Ajoutons  l'influence  d'une  quantité  de  journées  de  pluies,  dans 
toutes  les  saisons ,  sur  un  sol  alluvionnaire  empreigne  de  divers  sels, 
pendant  que  la  même  période  ne  compte  pas  une  seule  pluie  sur  le 
plateau  centra),  et  on  comprendra  comment  les  hommes  de  race  noire 
peuvent  seuls  supporter  le  climat  de  rOuâd-Rîgh  ,  pendant  que  les 
blancs  jouissent  d'une  santé  florissante  dans  le  Sud. 

Hygrométrie, 

Au  moment  de  mon  arrivée  chez  les  Touareg,  il  y  avait  neuf 
années  qu'aucune  pluie  sérieuse  n'était  tombée  sur  leur  territoire  ; 
mais  à  peine  étais-je  entré  dans  leur  pays  (décembre  1860),  que  les 
pluies  commencèrent  :  conséquemment,  la  série  de  celles  de  mes 
observations  destinées  à  faire  apprécier  la  sécheresse  ou  l'humidité  du 
climat  peut  être  considérée  comme  représentant  une  période  relati- 
vement humide. 

Vapeur  d'eau  de  Vatmosplière,  —  Les  observationsont  été  faites  au 
moyen  de  deux  thermomètres  stables  :  l'un  mouillé,  l'autre  sec;  elles 
embrassent  deux  périodes  :  Tune  du  16  août  au  15  septembre  1860, 
l'autre  du  26  juin  au  5  juillet  1861.  A  mon  grand  regret,  j'ai  dû 
négliger  ce  genre  d'observation  en  route,  faute  de  temps  suffisant. 

A  défaut  de  tables  de  réduction  s'appliquant  au  climat  saharien, 

je  ne  puis  calculer  ni  la  force  élastique  de  la  vapeur  d'eau  ni  l'humi- 

•   dite  relative  pour  quelques-unes  de  mes  observations  :  je  me  borne 

donc  à  livrer  les  expériences  elles-mêmes,  en  indiquant  les  différences 

entre  les  deux  thermomètres. 


116 


TOUAREG   DU   NORD. 


PREMIÈRE     PÉRIODE    (GHADAMÈS). 


OBSERVATIONS 

OBSERVATIONS            || 

DATES. 

DE  6  A  7 

HBCIIBS  DU  MATIN. 

DB    2    A    J 

HEURES    1 

DU    SOIR. 

Différence. 

Thermom. 
sec. 

Thermom. 
mouillé. 

Différence. 

Thermom. 
sec. 

Thermom. 
mouillé. 

Août. 

16 

23*77 

16*64 

7*13 

40*57 

24*64 

15*93 

17 

27,47 

19,94 

7,43 

» 

» 

» 

18 

24,47 

18,84 

5,63 

39,77 

29,14 

10,63 

19 

23,67 

19,04 

4,63 

37,97 

24,54 

13,43 

20 

24,07 

19,14 

4,93 

39,37 

26,34 

13,03 

21 

24,07 

19,34 

4,73 

39,47 

27,14 

12,33 

22 

22,67 

16,94 

4,73 

38,97 

25,54 

13,43 

23 

23,27 

16,94 

6,33 

38,07 

25,14 

12,93 

24 

23,67 

18,24 

5,43 

40,47 

26,34 

14,13 

25 

22,87 

17,04 

5,83 

37,37 

26,04 

11,33 

20 

» 

» 

» 

39,07 

28,M 

10,53 

27 

22,47 

18,64 

3,83 

.    36,87 

28,14 

8,73 

28 

» 

» 

M 

35,77 

23,84 

11,93 

29 

20,17 

15,34 

4,73 

30,77 

25,74 

H. 03 

30 

20,17 

15,24 

4,93 

37,87 

23,24 

14,63 

31 

22,07 

15,44 

0,63 

38,37 

22,94 

15,43     : 

Septembre. 

1 

23,97 

17,14 

0,83 

39,17 

24,84 

14,33     1 

2 

» 

n 

u 

38,87 

20,84 

18,03     1 

3 

24,47 

18,94 

5,53 

38,77 

21,84 

16,93 

A 

23,07 

14,54 

8,43 

•39,67 

22,34 

17,33 

5 

22,87 

.  14,74 

8,13 

37.97 

22,14 

15,83 

6 

23,47 

17,84 

5,63 

37,77 

21,54 

10,23     1 

7 

20,97 

17,14 

3,83 

n 

n 

«       1 

8 

» 

» 

» 

36,87 

21,94 

14,93 

9 

24,57 

15,04 

9,53 

38,67 

21,34 

17,33 

10 

24,07 

21,14 

2,93 

37,47 

21,74 

15,73 

11 

23,87 

18,74 

5,13 

35,17 

24,64 

10,53 

12 

21,07 

17,14 

3,93 

36,07 

20,14 

15,93 

13 

19,37 

13,04 

5,73 

37,57 

22,14 

15,43 

14 

22,17 

15,14 

7,03 

39,27 

22,84 

16,43 

15 

22,77 

15,44 

7,33 

39,07 

22,84 

16,23 

Je  ne  dois  pas  négliger  de  faire  remarquer  que 
est  une  des  plus  riclies  en  eaux  de  tout  le  Sahara 


Foasis  de  Ghadâmès 
,  et  qu'elles  y  circu- 


METEOROLOGIE. 


117 


lent  en  ville  et  dans  les  jardins,  la  nuit  et  le  jour,  dans  des  conditions 
qui,  sous  une  température  élevée,  permettent  une  grande  évaporation. 

DEUXIÈME     PÉRIODE     (MOURZOUK). 


DATES. 

OBSERVATIONS 

DE    6    HEURES    DU    MATIN. 

OBSERVATIONS            1 

DE    2    A    3    HEURES    DU    SOIR.     1 

Thermom. 
sec. 

Thermom. 
mouillé. 

Différence. 

Thermom. 
sec. 

Thermom. 
mouillé. 

Différence. 

1      Juin. 
26- 
27 
29 
30 
Juillet. 

2 
3 
4 

5 

1 

36*32 
37,32 
38,32 
36,22 

37,72 
39,92 
40,77 
40,62 
41,72 

16»02 
17,22 
17,52 
17,22 

16,82 
18,52 
18,82 
17,92 
18,52 

20»30 
20,10 
20,80 
19,00 

20,90 
21,*0 
21,95 
22,70 
23,20 

H 

20,22 

» 

n 

n 
1» 

30,12 

28,47 

»  . 

» 
9,22 

II 

n 

n 
» 

14,57 
14,52 

» 

» 
11,00 

» 

n 
n 

15,55 
13,95 

>» 

L'altitude  et  la  latitude  de  Mourzouk  expliquent  seules  la  diffé- 
rence hygrométrique  des  observations  de  cette  dernière  station  com- 
parées à  celles  de  Ghadàmès,  car  Mourzouk  comme  Ghadâmès  est 
assise  au  milieu  de  plantations  de  palmiers  arrosées  deux  fois  par 
mois,  au  moins.  11  est  vrai  que  Teau  est  moins  abondante  à  Mourzouk. 

Par  comparaison,  je  donne  les  différences  constatées  sur  d'autres 
points  du  Sahara,  mais  plus  au  Nord. 

A  Mouï-€l-Ferdjàn ,  près  de  rOuâd-Rîgh,  par  un  violent  vent  du 
Sud,  j'ai  constaté,  les  20  et  21  juin  1860,  des  différences  de  19«4 
et21*>5. 

A  Tougourt,  dans  TOuàd-Rîgh,  du  22  juin  au  1"  juillet  inclus, 
même  année,  j'ai  constaté  les  différences  suivantes  :  6*» 7,  6° 9, 
7«5,  7«7,  10^8,  10°9,  12*»5  et  ISMô. 

Antérieurement,  en  juillet  et  août  1859,  j'avais  obtenu  sur  le 
plateau  des  Benî-Mezâb  des  différences  de  16<>20,  16«>99,  17^68, 
18«28,  19<>05,  19°56  et  19'>71. 

Malheureusement,  mes  observations  n'embrassent  que  la  saison 
d'été  et  ne  comprennent  pas  les  parties  les  plus  arides  du  Sahara, 
celles  où  la  sécheresse  de  l'atmosphère  est  la  plus  grande. 


118  TOUAREG  DU   NORD. 

Rosée.  — Dans  la  série  de  310  jours  d'observations  applicables  au 
pays  des  Touareg,  je  n'ai  constaté  de  rosée  que  les  jours  suivants  : 
22  et23  décembre  1860,  23,  2/i,  26  août,  et  l^^  3,  4,  7,  8,  9,  10,  11, 
12  septembre  1861.  En  tout  H  rosées  sur  310  jours.  Les  cinq  pre- 
mières suivaient  des  journées  de  pluie;  les  autres  coïncidaient  avec 
un  abaissement  notable  de  la  température  du  sol ,  sous  l'influence 
des  vents. 

Gelée  blanche,  —  Quoique  la  température  de  Tair  ou  du  sol,  du 
14  décembre  au  12  mars,  soit  descendue  26  fois  au-dessous  de  zéro, 
je  n'ai  jamais  constaté  ni  gelée  blanche,  ni  rien  qui  pût  y  ressembler, 
et  je  m'autorise  de  cette  observation  négative  pour  conclure  que 
Tair  atmosphérique,  sur  les  grands  plateaux  sahariens,  ne  contient 
pas  plus  d'humidité  en  hiver  qu'en  été. 

Brouillard.  —  Deux  fois  seulement  j'ai  vu  le  brouillard  se  pro- 
duire: d'abord  le  30  août  1860,  dans  les  jardins  de  Ghadâmès,  mais 
limité  aux  jardins;  puis  dans  les  sables  d'Eguélé,  après  deux  jours  de 
pluie,  le  matin  du  30  décembre  de  la  même  année.  Cette  fois  le 
brouillard  était  épais  et  paraissait  embrasser  tout  le  pays.  Une  heure 
après  le  lever  du  soleil,  il  était  dissipé. 

Pluie.  —  Depuis  longtemps,  les  pluies  semblent  être  devenues  plus 
rares  dans  la  partie  centrale  du  Sahara  habitée  par  les  Touareg.  La 
dernière  période  de  sécheresse,  qui  a  cessé  vers  le  milieu  de  Tété 
1860,  avait  duré  neuf  ans.  Elle  avait  été  précédée  de  plusieurs  autres 
de  dix  à  douze  années.  A  In-Sàlah,  au  pied  du  Ahaggàr,  on  avait 
même,  dit-on,  traversé  une  série  de  vingt  années  sans  qu'une  seule 
pluie  y  eût  été  constatée. 

Mon  journal  de  voyage,  d'El-Ouàd  à  Tripoli,  signale  comme  jour- 
nées dans  lesquelles  il  est  tombé  plus  o\i  moins  de  pluie  celles  des 
31  juillet,  20  et  21  décembre  1860,  27  et  30  janvier,  28  et  29  avril, 
6,  7,  9  et  25  mai,  21  et  25  août  1861. 

Au  dire  des  Touareg,  la  quantité  d'eau  tombée  dans  les  monta- 
gnes, en  1860  et  1861,  avait  été  considérable  et,  depuis  mon  retour, 
j'ai  appris  que  les  pluies  avaient  continué  jusqu'au  printemps  de  1862. 

Je  dois  faire  remarquer  que  l'ouverture  de  cette  période  de 
pluies  a  coïncidé  avec  une  humidité  excessive  en  France,  et  avec  les 
crues  extraordinaires   du  Nil  en  1860  ;  ce  qui   implique   que   le 


METEOROLOGIE.  119 

Sahara  central  n'est  pas  complètement  en  dehors  de  l'action  des 
{grands  mouvements  atmosphériques  qui  ont  lieu  dans  les  autres 
contrées  et  particulièrement  dans  les  régions  tropicales. 

La  coïncidence  des  pluies  sur  le  plateau  central  du  Sahara  avec 
les  grands  débordements  du  Nil  d'Egypte  a  été  constatée  par  d'autres 
et  ne  paraît  pas  dater  de  nos  jours  seulement,  car  Pline,  qui  vivait 
au  commencement  de  l'ère  chrétienne ,  en  fait  mention  dans  deux 
passages  de  son  Histoire  7ialurelle, 

«  La  crue  du  Nigris  (l'Igharghar  moderne)  se  fait  aux  mêmes 
M  époques  que  celles  du  Nil  :  ilsdem  tewporibm  aunescit.  »  (L.  V,  8.) 

«  En  outre,  on  a  observé  que  la  crue  du  Nil  correspond  à  l'abon- 
«  dance  des  neiges  et  des  pluies  en  Mauritanie.  PrxUrca  obscroatum 
«  est,  proiU  in  MauHtania  nives  imbresve  sntiaverint,  ita  Nilum  incrcs- 
«  cere.  »  (L.  V,  10.) 

Probablement,  nous  ne  tarderons  pas' à  apprendre  que  les  pluies 
tombées  chez  les  Touareg  en  1860,  en  1861,  en  1862,  se  sont  pro- 
longées jusqu'en  1863  sous  l'influence  des  pluies  tropicales  qui  vien- 
nent de  produire  un  nouveau  grand  débordement  du  Nil. 

Les  orages  qui  amènent  les  pluies,  disent  les  indigènes,  se  pro- 
duisent dans  toutes  les  saisons  et  viennent  indistinctement  de  tous 
les  points  de  l'horizon-,  mais,  d'après  eux,  ceux  qui  donnent  de 
l'eau  en  plus  grande  abondance  sont  toujours  le  résultat  du  choc  de 
nuages  de  l'Est  contre  d'autres  venant  de  l'Ouest. 

D'après  mes  observations  personnelles,  la  pluie  du  31  juillet  a 
été  amenée  par  le  vent  du  N.,  celles  des  21  et  22  décembre  par  le 
vent  d'E.,  celles  des  27  et  30  janvier  par  le  N.-E.,  celles  des  28  et 
29  avril,  des  6,  7  et  9  mai,  par  une  lutte  entre  les  vents  de  l'E.  et 
du  N.-E.  contre  le  S.-O.,  celle  du  25  mai  par  le  S.-E.  et  celle  du 
21  août  par  le  N.-O. 

Quand  les  pluies  sont  générales  et  abondantes,  les  rivières 
débordent,  couvrant  de  leurs  inondations  les  vallées  dans  lesquelles 
elles  déposent  leurs  alluvions,  seules  terres  de  culture  que  les 
Touareg  connaissent. 

Presque  toutes  les  rivières  des  montagnes  agissent  à  la  façon  des 
torrents,  ravageant  et  dévastant  tout  sur  leur  passage.  Malheur  à 
ceux  que  ces  avalanches  liquides  surprennent  dans  leur  chute  dés- 
ordonnée ! 

Il  ne  m'a  pas  été  permis  d'apprécier  les  quanliiés  variables  d'eau 


120  TOUAREG  DU   NORD. 

que  donne  chaque  pluie  ;  mais,  d'après  les  indigènes,  je  dois  croire  que, 
dans  certains  cas,  les  pluies  sahariennes  sont  de  véritables  déluges. 

Neige.  —  Non-seulement  il  tombe  de  la  neige  chez  les  Touareg, 
mais  encore  elle  s*y  conserve  pendant  trois  mois  de  Tannée,  du  mois 
de  décembre  au  mois  de  mars.  Les  sommets  du  Ahaggâr,  il  est  vrai, 
jouissent  seuls  de  ce  privilège.  J'ignore  si  ce  bienfait  est  annuel  ou 
s'il  est  limité  aux  seules  années  de  pluie. 

J'ai  estimé  l'altitude  de  Ahaggâr  à  2,000  mètres  au-dessus  du  ni- 
veau de  la  mer,  amené  à  cette  détermination  par  la  comparaison 
avec  l'Adrar  du  Tasîli  et  avec  l'Anhef  qui  ne  conservent  pas  les  neiges, 
bien  qu'atteignant  des  hauteurs  de  1,500  et  1,800  mètres. 

Pression  atmosphérique. 

Observations  barométriques. — ^^ Pendant  les  29  mois  de  mon  explo- 
ration dans  le  Sahara,  j'ai  fait  chaque  jour  plusieurs  obsei^vations 
barométriques,  principalement  en  vue  de  déterminer  les  altitudes 
des  points  visités. 

Les  baromètres  dont  je  me  suis  servi  successivement  et  quelque- 
fois concurremment,  pendant  toute  la  durée  de  mon  voyage  chez  les 
Touareg,  sont  l'anéroïde  et  un  baromètre  Fortin,  qui  m'a  été  envoyé 
en  roule  par  M.  0.  Mac  Carthy. 

Ces  deux  instruments  ont  été  contrôlés,  à  mon  retour  à  Alger,  par 
M.  0.  Mac  Carthy ,  et  les  observations  que  je  publie  sont  corrigées 
de  toutes  les  erreurs  constatées. 

Quoique  des  marches  et  des  déplacements  journaliers  soient  peu 
favorables  pour  tirer  quelques  conclusions  sur  les  variations  diurnes, 
mensuelles  ou  annuelles  du  baromètre  dans  le  Sahara,  je  trouve 
cependant  dans  mon  journal  météorologique  quelques  détails  utiles 
à  publier. 

Oscillations  diurnes.  —  A  Ghardâya,  le  22  août  1859,  à  la  suite 
d'un  violent  orage  qui  avait  duré  une  partie  de  la  nuit,  j'ai  consacré 
toute  la  journée,  du  lever  au  coucher  du  soleil,  à  constater  les  oscil- 
lations barométriques  de  15  en  15  minutes. 

Pour  cette  observation  spéciale ,  je  me  suis  servi  du  baromètre 
Fortin  n®  892,  construit  par  M.  Tonnelol. 

Les  résultats  de  cette  étude  sont  consignés  dans  le  tableau  qui  suit. 


MÉTÉOROLOGIE. 


121 


es 
g 

m 

M 

lu 

V 

i3 

S 

il 

H 

1  1' 

X 
H 

ÉTAT  DU  QEL  ET  VENTS. 

h.  m. 

6.40 

719.38 

26«,1 

Cumulus  pommelés  au  zénith  N.-N.-E.  et 
au  N.-O.  sur  un  quart  du  ciel. 

7.30 

719.43 

2n«,5 

18«,9 

28,5 

Vent  N.  frais  (force  1);  cumulus  pom- 

7.45 

719.60 

melés  au  zénith  ;  bande  de  cumulus  au 

1    8.« 

719.62 

30,2 

18,8 

S.-S.-B.;  cumulus  en  bande  du  N.  (du 

,    8.15 

719.69 

N.-O.  au  S.-B.). 

8.30 

719.65 

31,0 

18,2 

31  ,8 

8.45 

719.60 

9.» 

719.76 

31  ,6 

18,1 

9.15 

719.69 

9.30 

719.68 

32,7 

18,4 

32,8 

9.45 

719.90 

10.» 

719.77 

33,1 

18  ,i 

j  10.15 

719.65 

10.45 

710.40 

11... 

719.31 

34,0 

18,6 

34,3 

11.15 

719.49 

11.30 

719.36 

34,5 

19,4 

11.45 

719.13 

12.  « 

718.84 

35^1 

19,2 

35,3 

Vent  N.   faible  ;  cumulus  légers  sur  la 

12.15 

718.92 

moitié  du  ciel. 

12.30 

718.93 

35,9 

19,8 

12.45 

718,91 

l.s. 

718.77 

35,5 

19,0 

34,9 

* 

1.15 

718.71 

1.30 

718.62 

1.45 

718.52 

2.  ». 

718.08 

2.30 

717.73 

35,3 

18,9 

3i,9 

Cumulus  couvrant  les  2/3  du  ciel.Vent  N. 

2.45 

717.72 

toujours  très-faible. 

3.» 

717.60 

35,8 

18,9 

35,0 

3.15 

717.50 

3.30 

717.47 

36,0 

18,7 

3.45 

717.31 

4.  » 

717.18 

36,7 

19,8 

36,3 

4.15 

710.92 

4.30 

717.03 

36,2 

18,5 

4.45 

716.89 

5.» 

716.87 

36,3 

18,7 

36,0 

5.15 

716.50 

5.30 

716.75 

36,0 

19,1 

1    5.45 

716.46 

1    6.» 

716.51 

35,5 

19,0 

35,0 

Vent  trè»-faible,  toujours  N.  ;  horizon  S. 

0.15 

716.60 

nuageux;  petits  cumulus  au  N.  et  au 
N.-E. 

122  TOUAREG.    DU    NOKD. 

Dans  cette  journée,  le  baromètre  atteint  son  maximum  d'ampli- 
tude 719,90  à  9  heures  45  minutes  du  matin,  et  son  minimum  716,46 
à  5  heures  45  minutes  du  soir. 

L'oscillation  diurne  du  22  août  1859  a  donc  été,  à  Ghardàya,  de 

A  Tougourt,  une  période  de  21  jours  d'observation,  du  23  juin  au 
13  juillet  1860,  donne  pour  maximum  des  oscillations  diurnes  12°""  22, 
le  27  juin,  et  une  moyenne  de  2""  78. 

A  Ghadâmès,  une  seconde  période  de  33  jours  d'observation ,  du 
12  août  au  15  septembre  1861,  donne  un  maximum  de  20""  41,  le 
3  septembre,  et  une  moyenne  de  5""  84. 

Une  troisième  période  de  16  jours,  à  Afara-n-Wechcheran,  du  6  au 
21  janvier  1861,  donne  un  maximum  d'oscillation  de  12'""'19  pour  la 
journée  du  9  janvier,  et  une  moyenne  de  5""  26. 

Une  quatrième  période  de  15  jours,  à  Toûnîn,  faubourg  de  Rhât, 
du  14  au  28  mars,  donne  un  maximum  de  10"" 78,  le  28  mars,  et 
une  moyenne  de  7""  04. 

Une  cinquième  période  de  31  jours,  à  Tarz-Oûlli,  du  8  mars  au 
29  avril  1861,  donne  un  maximum  de  9""  75,  le  25  avril,  et  une 
moyenne  de  4°"87. 

Enfin,  une  sixième  période  de  34  jours,  à  Mourzouk,  du  7  juin  au 
11  juillet  1861,  donne  un  maximum  de  3""  77  et  une  moyenne  de 
l'""73. 

La  moyenne  de  ces  six  séries  d'observations  est  de  4"'"  59;  mais, 
si  on  défalque  de  chaque  série  les  chiffres  accidentels  et  exception- 
nels donnés  par  les  maxima,  on  arrive  à  une  moyenne  d'oscilla- 
tions diurnes  qui  se  rapproche  beaucoup  de  celle  de  la  journée  du 
26  août  1859  à  Ghardàya. 

Extrêmes  pour  chaque  'période  d'observation,  —  Je  prends  pour 
termes  de  comparaison  les  observations  du  matin,  au  lever  du  soleil  ; 
celles  du  milieu  de  la  journée,  à  l'heure  où  le  thermomètre  est  le  plus 
haut;  et  celles  du  soir,  au  coucher  du  soleil. 

Les  plus  grands  abaissements  de  la  colonne  mercurielle  sont 
indiqués,  dans  le  tableau  qui  suit,  pour  chaque  heure  d'observation 
en  regard  des  plus  hautes  élévations  :  la  colonne  de  gauche  repré 
sentant  les  minima,  celle  de  droite  les  maxima. 


MÉTÉOROLOGIK. 


123 


STATIONS. 

MATl^. 

a  K  1/2  S.OIR. 

SO.B.          1 

Période  de  Tougourt 

—  de  Ghadàmès 

—  d'Afara 

753,63 
730,08 
710,71 
698,36 
696,69 
711,67 

761,66 
737,92 
716,93 
706,90 
709,37 
721,97 

749,22 
731,29 
698,61 
602,05 
691,72 
701,21 

765,82 
748,55 
715,32 
706,37 
707,11 
725,39 

750,82 
728,14 
705,16 
695,91 
693,77 
718,96 

761,35 
738,85 
716,25 
706,67 
707,68 
720,19 

—      de  Toûnln 

—  de  Tan-Oûlli 

—  de  Mourzouk 

Moyennes  pour  chaque  période.  —  A  défaut  d'autres  observations 
barométriques  connues  pour  la  région  saharienne,  j'ai  pensé  qu'il 
n'était  peut-être  pas  sans  intérêt  d'établir  la  moyenne,  à  diverses  alti- 
tudes, des  156  jours  de  stations  que  comprennent  les  six  périodes. 
Voici  ces  moyennes  : 


STATIONS. 

ALTITUDE. 

MATIN. 

2fc.  l/«SoiR. 

SOIR. 

Période  de  Touirourt 

89' 
351 
543 
726 
766 
559 

757,15 
733,13 
715,04 
702,55 
703,18 
720,11 

756,06 
737,43 
710,34 
697,70 
696,99 
719,30 

755,49 
733,53 
711,36 
702,22 
7C0,94 
719,47 

—       de  Ghadâmès 

d*Afara 

—        de  Toûotn 

—  deTarz-OûlU 

—  de  Mourzouk 

Instruments,  —  Quoique  je  me  sois  servi  le  plus  souvent  du  baro- 
mètre anéroïde  exclusivement,  on  peut  cependant  avoir  confiance  aux 
chiffres  qu'il  a  fournis,  parce  que  j'ai  pu  en  faire  usage  concurrem- 
ment avec  trois  baromètres  Fortin,  et  pendant  assez  de  temps,  avant 
que  ces  derniers  aient  été  brisés,  pour  bien  étudier  les  dilatations  de 
Tanéroïde  et  le  corriger  de  ses  erreurs. 

A  dater  de  Serdélès  jusqu'à  Tripoli,  je  me  suis  servi  du  baro- 
mètre Fortin  que  j'ai  reçu  en  route. 

La  marche  de  cet  instrument  avait  été  contrôlée  avant  son  cxpé- 

I.  Altitude  donnée  par  M.  P.  Mares  pour  le  premier  étage  de  la  Kiieha. 


124 


TOUAREG  DU   NORD. 


dition  par  M.  Mac  Carthy,  qui  a  eu  la  généreuse  obligeance  de  me 
renvoyer  pour  remplacer  ceux  que  des  accidents  de  voyage  avaient 
mis  hors  de  service. 

Venu. 

Le  tableau  suivant,  résumé  du  tableau  général  placé  en  tête  de  ce 
chapitre/ indique  la  direction  principale  des  vents,  suivant  les  saisons, 
et  leur  force  moyenne.  Quoique  restreint  aux  observations  qui  ont 
servi  à  déterminer  les  altitudes,  il  n'en  représente  pas  moins  la 
moyenne  de  l'état  de  Tatraosphère. 

DIRECTION   MENSUELLE   ET  FORCE   MOYENNE   DES   VENTS. 


VENTS. 

1 

> 

S 

< 

M 

'S 
7 

à 

D 

6 

's 
•-» 

8 

i 

< 

il 

l 

1 

1 

1 

1 

i 

TOTAL 

par  UMre 
de 

Tent». 

ta  c 

Calme. . . . 

8 

c 

4 

» 

» 

» 

8 

58 

0,0 

N 

2 

4 

n 

3 

5 

] 

i 

5 

)) 

» 

n 

22 

1,8 

N.-N.-E . . 

2 

M 

1 

n 

3 

n 

i 

i 

» 

» 

M 

8 

3,0 

N.-E 

5 

» 

5 

3 

3 

1 

4 

4 

» 

1) 

1 

33 

2,7 

E.-N.-E.  . 

2 

1 

i 

i 

1 

4 

4 

n 

» 

» 

2 

16 

2,4 

E 

2 

4 

4 

4 

3 

13 

9 

8 

)i 

» 

2 

56 

2,3 

E.-S.-E... 

1 

3 

1 

1 

1 

M 

» 

2 

» 

)i 

i 

10 

2,2 

S.-E 

3 

2 

2 

2 

5 

2 

i 

8 

B 

1» 

» 

25 

2,7 

S.-S.-E... 

1 

1 

3 

i 

1 

n 

1 

9 

n 

M 

i 

18 

2,6 

S 

1 

3 

3 

4 

» 

2 

» 

4 

» 

n 

1 

18 

i,7 

S.-S.-O... 

1 

1 

» 

2 

n 

M 

n 

3 

n 

» 

1 

8 

3,2 

S.-O 

» 

3 

1 

2 

» 

» 

1 

» 

» 

» 

3 

11 

2,5 

O.-S.-O.. 

n 

1 

n 

n 

» 

» 

n 

n 

n 

n 

2 

4 

i,s 

0 

1 

1 

2 

3 

1 

i 

n 

» 

» 

» 

» 

9 

2,4 

O.-N.-O. . 

1 

» 

R 

» 

» 

» 

2 

» 

n 

u 

» 

3 

2,3 

N.-O 

3 

w 

5 

3 

2 

\ 

2 

2 

» 

» 

» 

18 

2,2 

N.-N.-O... 

» 

2 

i 

1 

» 

» 

)) 

2 

n 

M 

» 

6 

2,8 

TOTAUX 

mensuels. 

33 

32 

33 

30 

32 

3i 

3i 

59 

17 

n 

n 

22 

323 

La  période  de  mes  observations,  modifiée  par  des  pluies  excep- 
tionnelles, ne  représente  peut-être  pas  Tannée  moyenne,  car,  d'après 
les  Touareg,  les  vents  de  la  partie  E.,  en  temps  ordinaire,  souffleraient, 
pendant  la  saison  d*été,  avec  la  constance  de  vents  alises. 


MÉTÉOROLOGtE.  125 

Cependant,  je  remarque  que  les  observations  faites  par  M.  Boû- 
Derba,  du  1"  août  au  3  octobre  1858,  c'est-à-dire  au  milieu  de  la 
dernière  période  de  sécheresse,  ne  modifient  pas  sensiblement  le 
résultat  de  mes  observations  personnelles,  car  sur  94  observations  il 
constate  : 


Calme 

N 

NE 

E 

SE 

S 

0 

NO 

\^t 

8f. 

8f. 

12  f. 

5f. 

13f. 

3f. 

4f. 

11  est  vrai  que  ces  observations  s'appliquent  à  l'automne,  et  non  à 
Tété. 

Variations  suivant  les  saisons.  —  D'après  les  indigènes,  le. vent 
d'E.  serait  le  vent  dominant  de  l'année.  Pendant  la  saison  des  chaleurs, 
il  inclineraitau  S.;  pendant  la  saison  tempérée,  au  N.  Les  vents  du  N. 
et  de  ro.,  ceux  qui  amènent  le  plus  souvent  la  pluie,  ne  souffleraient 
guère,  d'une  manière  un  peu  continue,  que  dans  la  saison  froide. 

Variations  diurnes.  —  En  général,  dans  tout  le  Sahara,  le  temps 
est  calme  le  matin,  dans  la  proportion  de  12  à  15  jours  sur  30,  et  dès 
que  le  soleil  baisse,  le  soir,  le  vent  mollit,  s'il  n'arrive  au  calme  par- 
fait. 

Par  exception,  à  Bondjôm,  dans  la  Tripolitaine,  une  brise  du  N.-E., 
venant  de  la  mer,  s'élèverait  tous  les  soirs.  J'ai  constaté  cette  brise  à 
mon  passage,  les  7  et  8  septembre  186i,  mais  je  n'oserais  affirmer 
qu'elle  est  quotidienne,  ainsi  que  le  prétendent  les  indigènes. 

Vitesse  du  vent.  —  L'échelle  que  j'ai  adoptée  pour  mesurer  la 
vitesse  du  vent  est  celle  de  0  à  10,  ce  dernier  chiffre  correspondant 
aux  vents  qui  renversent  tout  sur  leur  passage. 

A  défaut  d'anémomètre,  j'ai  estimé  toutes  les  vitesses  au  jugé. 

Sur  310  jours,  8  fois  seulement  la  force  du  venta  dépassé  5,  que 
j'assimile  à  la  brise  fraîche  des  marins  :  2  fois  en  août,  2  fois  en 
janvier,  2  fois  en  mars,  2  fois  en  avril;  3  fois  par  le  S.-E.,  4  fois 
par  le  S.-S.-E.,  1  fois  par  le  S.-O.,  2  fois  par  le  S.-S.-O.,  1  fois  par 
le  vent  d'O. 

Nos  tentes  ont  toujours  été  renversées  par  les  vents  arrivant  à  la 
puissance  de  7.  C'est  probablement  parce  que  les  Touareg  ont  con- 
staté la  difficulté  de  lutter  contre  pareille  force,  qu'ils  ont  générale- 


126  TOUAREG  DU  NORD. 

ment  renoncé  à  avoir  das  tentes  en  voyage,  préférant  coucher  à  la 
belle  étoile,  sous  l'abri  des  ballots  qui  composent  le  chargement  de 
leurs  chameaux.  D'ailleurs,  dans  le  Sahara,  on  ne  trouve  pas  toujours 
un  sol  favorable  à  la  tenue  des  piquets  de  tente. 

Quoi  qu'il  en  soit,  à  part  ces  exceptions  généralement  dues  au 
sirocco,  le  pays  des  Touareg  du  Nord  peut  être  réputé  tempéré,  sous 
le  rapport  des  vents. 

Pluies  et  trombes  de  sable.  —  Les  trombes  de  sable  constituent  un 
des  phénomènes  caractéristiques  de  la  climatologie  saharienne. 

Ces  trombes  sont  produites  par  des  vents  venant  de  toutes  les 
directions,  mais  principalement  par  le  sirocco. 

Le  sirocco  est  un  phénomène  atmosphérique  complexe,  qui  toujours 
a  pour  origine  un  vent  de  la  partie  Sud,  une  température  élevée  et 
un  soulèvement  souvent  considérable  des  parties  les  plus  tenues  des 
masses  de  sable. 

Les  siroccos  directs  venant  du  Sud  sont  les  plus  fréquents,  mais 
il  y  a  aussi  des  siroccos  en  retour,  repoussés  par  les  vents  du  Nord, 
de  l'Est  et  de  l'Ouest,  quand  la  force  de  ces  derniers  domine  la  puis- 
sance des  vents  du  Sud. 

Pendant  la  durée  du  sirocco,  l'atmosphère  est  comme  embrasée, 
rougeâtre,  desséchante,  obscurcie  partiellement  par  les  matières 
terreuses  ou  siliceuses  qu'elle  tient  en  suspension. 

Sous  son  influence,  la  respiration  de  l'homme  est  haletante,  la 
peau,  les  muqueuses  de  la  bouche  et  du  nez  sont  sèches  et  arides,  et, 
pour  peu  que  pareil  état  dure ,  le  cerveau  ne  larde  pas  à  manifester 
des  symptômes  de  prostration. 

Les  animaux,  même  les  mieux  acclimatés,  souffrent  comme  les 
hommes  :  quelquefois  les  chevaux  refusent  de  marcher  et  tournent 
le  dos  au  vent. 

Les  plantes  herbacées,  au  lendemain  d'un  sirocco,  sont  flétries 
comme  le  sont  dans  nos  climats  des  herbes  coupées  depuis  quarante- 
huit  heures.  Beaucoup  de  feuilles  et  de  jeunes  tiges  sont,  pour 
jamais,  privées  de  vie.  Quant  aux  plantes  ligneuses  persistantes ,  or- 
ganisées pour  vivre  sous  une  température  élevée,  elles  résistent 
même  aux  siroccos  les  plus  violents. 

Les  trombes  de  sables  m'ont  toujours  apparu  sous  forme  de 
gros  nuages  de  couleur  rouge,  embrasés,  d'une  épaisseur  de  50  h  60 
mètres,  marchant  à  la  vitesse  des  grands  coups  de  vent,  tantôt  à 


MÉTÉOROLOGIK,  127 

fleur  de  terre,  tantôt  à  une  certaine  hauteur  du  sol,  s'abaissant  ici, 
s*élevant  là,  mais  s'avançant  dans  Tatmosphère  à  la  façon  d'un  corps 
étranger,  entièrement  isolé. 

Du  mois  de  février  au  mois  de  mai  1861,  j'ai  observé,  à  peu  de 
distance,  quatre  de  ces  trombes,  et  une  cinquième  a  enveloppé  de 
toutes  parts  notre  caravane  sans  que  nous  ayons  pu  l'éviter. 

La  première,  celle  du  19  février,  chassée  par  un  vent  de  S.-O.,  a 
passé  à  2  kilomètres  N.-E.  de  notre  campement.  Elle  n'a  pas  môme 
eu  d'action  sur  la  température  de  notre  milieu,  car  le  thermomètre 
est  resté  à  29®  95,  température  ordinaire  à  pareille  heure. 

La  seconde,  du  jour  suivant,  20  février,  et  de  la  même  localité, 
s'est  présentée  dans  la  môme  direction,  mais  à  1  kilomètre  1/2  seu- 
lement et  poussée  par  un  vent  du  S.-E.  Comme  celle  de  la  veille,  elle 
n'a  exercé  aucune  influence  sur  mes  instruments. 

La  troisième,  du  28  avril ,  passa  à  notre  E.  comme  un  immense 
nuage  rougeâtreet  tellement  semblable  au  foyer  d'un  vaste  incendie, 
qu'on  aurait  pu  s'y  tromper,  s'il  ne  s'était  successivement  élevé  et 
abaissé  au-dessus  de  l'horizon,  en  suivant  une  marche  du  S.-O.  au 
N.-O-,  avec  la  rapidité  d'un  ouragan. 

La  quatrième ,  du  3  mai ,  annoncée  par  des  coups  de  tonnerre 
lointains  dans  le  S.  et  par  une  baisse  du  baromètre,  de  15"""20  en 
3  heures,  passa  k  notre  S.-E.,  embrassant  comme  la  précédente  un 
immense  espace,  rouge,  enflammé  comme  elle,  et  se  dirigeant  vers  TE. 

Le  passage  très-rapproché  de  cette  masse  de  sables  nous  valut 
quelques  gouttes  de  pluie  et  une  élévation  du  thermomètre  à  43°. 

Le  30  avril,  en  route,  nous  avions  fait  connaissance  plus  intime 
avec  pareille  avalanche  de  sables  arrivant  du  S.,  toujours  sous  la 
forme  d'un  nuage  rouge,  et  qui  se  rua  sur  nous  comme  un  torrent 
dévastateur  accompagné  de  grosses  gouttes  de  pluie  froide  que  je 
trouvai  semblables  à  de  la  neige  fondue. 

Le  désordre  qui  s'était  mis  dans  notre  caravane  m'empêcha  de 
constater  l'effet  de  cette  trombe  sur  mes  instruments  qui  n'étaient 
pas  sous  ma  main. 

Voilà  ce  fameux  Notus  d'Hérodote  contre  lequel  marchèrent  les 
Psylles  et  qui  les  ensevelit  tous. 

Inutile  de  dire,  je  crois,  que,  pendant  la  durée  des  grands  vents, 
du  sirocco  particulièrement,  la  marche  est  très-pénible,  surtout  dans 
la  région  des  dunes.  On  a  parlé  de  caravanes  englouties  corps  et  biens 


128  TOUAREG   DU   NORD. 

sous  des  avalanches  de  sables;  je  ne  crois  pas  ce  fait  bien  constaté. 
En  traversant  T'Erg,  dans  la  saison  la  plus  chaude  de  Tannée  et  pen- 
dant une  période  constante  des  vents  du  Sud,  notre  caravane,  fatiguée 
par  des  tourbillons  de  sables  qui  obscurcissaient  l'atmosphère  et  em- 
pêchaient les  guides  de  diriger  la  marche,  a  dû  s'arrêter  plusiem's 
fois.  Alors  les  hommes  se  couchaient  pour  dormir,  tournant  le  dos 
au  vent  et  offrant  par  conséquent  un  certain  obstacle  aux  sables. 
Jamais  aucun  de  nous,  quoique  enveloppé  de  toutes  parts,  n'a 
éprouvé,  au  réveil,  aucune  difficulté  pour  secouer  son  linceul. 

Par  les  vents  desséchants  du  Sud,  les  provisions  d'eau  diminuent 
rapidement,  et  quand  elles  sont  épuisées  sans  pouvoir  les  renou- 
veler, les  caravanes  périssent  de  soif.  Les  indigènes  ont  conservé  le 
souvenir  de  pareilles  catastrophes,  même  sur  des  parcours  de  peu 
d'étendue  et  loin  des  zones  sablonneuses.  A  distance,  on  a  imputé  à 
l'ensevelissement  des  sables  un  sinistre  qui  ne  devait  être  attribué 
qu'au  manque  d'eau. 

Influence  des  vents  sur  le  thermomètre  et  le  baromètre. — Je  n'ai  jamais 
constaté,  sous  l'influence  des  vents  du  Sud,  une  élévation  des  thermo- 
mètres proportionnelle  à  l'action  de  la  chaleur  sur  la  peau  ;  de  même, 
par  les  vents  du  Nord ,  l'abaissement  de  la  température  est  peu  sen- 
sible, parce  que  ces  vents  ont  le  temps  de  s'échauffer  avant  d'ar- 
river sur  le  plateau  central  du  Sahara. 

Le  baromètre  subit  davantage  l'action  des  vents;  presque  toujours 
il  annonce  l'approche  du  sirocco  par  une  baisse  remarquable. 

Électricité. 

Je  n'étais  muni  d'aucun  instrument  pour  mesurer  l'électricité  de 
l'atmosphère  :  conséquemment  toutes  mes  observations  reposent  sur 
des  faits  appréciables  à  l'œil  ou  à  l'oreille.  Toutefois,  je  n'ai,  jamais 
négligé  de  consigner  même  les  plus  petits  phénomènes  que  je  pou- 
vais attribuer  au  fluide  électrique.  Voici,  à  ce  sujet,  les  notes  que 
je  trouve  dans  mon  journal  de  voyage  : 

Étincelles  cleclriques.  —  (13  janvier  1861.  Vent  violent  du  O.-S.-O. 
Température  du  sable  —  1®  le  matin,  celle  de  l'air  =  +  12^2  à 
9  heures.)  —  Vers  le  milieu  de  la  journée  et  dans  la  nuit,  décharges 
d'étincelles  électriques  dans  les  vêtements  de  laine  qu'on  secoue. 


MÉTÉOROLOGIK.  129 

« 

(30  mars  1861.  Vent  nul.  Température,  13® 7  le  matin.) —  Le  soir, 
ma  jument  fait  jaillir  des  étinoeUes  électriques  de  sa  queue  en  fouet- 
tant les  mouches. 

(13  avril.  Vent  épouvantable  de  TO.  1/8  S.)  —  Toute  la  journée  et 
toute  la  nuit,  ciel  couvert,  sables  soulevés.  Le  soir,  électricité  dans 
les  étoffes  de  soie  et  de  coton. 

Éclairs.  —  (31  juillet  1860.  Tempérât,  max.  de  la  journée,  33<»8.) 
—  Dans  la  nuit  des  nuages  apportés  par  un  vent  violent  du  Nord 
lancent  des  éclairs  non  interrompus. 

(7  mai  1861.  Vent  fort  de  S.-O.  Pluie  d'averse,  ciel  couvert  ; 
température,  29^25.)  — Au  coucher  du  soleil,  éclairs  au  S.-O.  et 

à  ro. 

(8  mai.  Vent  nul,  ciel  couvert.) —  A  6  heures  10" du  soir,  éclairs 
à  l'horizon  S.-O.,  puis  à  TE. 

Tonneire.  —  (25  avril  1861 .  Journée  orageuse,  vent  fort  du  S.-S.-O.  ; 
tempérât.,  37® 8.  ) —  Vers  7  heures  du  soir,  un  coup  de  tonnerre  très- 
lointain. 

(2  mai.  Vent  0.,  ciel  couvert;  tempérât.,  34®.)  —  A  2  heures  de 
l'après-midi,  coups  de  tonnerre  prolongés,  mais  lointains,  au  Sud 
magnétique. 

(8  mai.  Vent  S.-O.,  orages  la  veille,  petite  pluie  le  soir.)  —  Ton- 
nerre lointain  avant  le  coucher  du  soleil. 

Orages.  —  Si,  par  orage,  on  doit  entendre  un  grand  trouble  atmo- 
sphérique, principalement  dû  à  Télectricité  et  se  manifestant  par  une 
grosse  pluie,  avec  grand  vent,  éclairs,  tonnerre,  grêle,  etc.,  je  dois 
dire  que  je  n'ai  rien  vu  de  semblable  pendant  les  230  jours  consacrés 
à  l'exploration  des  hauts  plateaux  habités  par  les  Touareg,  et  d'après 
mes  conversations  avec  les  indigènes ,  je  dois  croire  que  ces  boule- 
versements de  l'atmosphère,  très- fréquents  au  delà  du  tropique, 
assez  communs  dans  les  parties  septentrionales  du  Sahara  encore 
soumises  à  l'action  du  climat  de  la  Méditerranée,  doivent  être 
assez  rares  dans  les  parties  élevées  du  Sahara  central.  Des  orages 
secs,  dus  exclusivement  à  l'action  des  vents  et  sans  le  concours 
de  l'électricité,  me  semblent  plus  caractéristiques  du  climat  de  ce 
pays. 

I.  9 


130  TOUAREG  DU   NORD. 


Lumière, 


IntmsiU,  couUeur,  transparence, — La  lumière,  dans  tout  le  Sahara, 
mais  particulièrement  dans  les  lieux  élevés,  est  tellement  intense, 
que  son  action,  soit  directe,  soit  réfléchie,  ne  peut  être,  ni  pendant 
longtemps  ni  impunément,  supportée  par  Foeil  :  aussi  tous  les  habi- 
tants du  plateau  central ,  à  peu  près  sans  exception ,  sont  obligés  de 
porter  le  voile,  s'ils  veulent  conserver  la  vue,  et  encore,  malgré  cette 
précaution,  la  plupart  des  hommes  de  /|0  à  50  ans  sont  atteints  d'o- 
pacité de  la  cornée  transparente  et  d'une  sorte  de  paralysie  du  cercle 
ciliaire;  .beaucoup  sont  borgnes  ou  aveugles,  et  les  vieillards  attei- 
gnent difficilement  le  terme  de  leur  existence  sans  que  leur  vue  soit 
beaucoup  affaiblie.  Les  appareils  photographiques  construits  pour  nos 
climats  tempérés  ne  donnent  que  des  épreuves  brûlées. 

La  couleur  bleue  de  l'air,  mais  d'un  beau  bleu  indigo  clair,  est  le 
fait  qui  frappe  le  plus  l'Européen  dans  le  Sahara.  Cette  splendide 
coloration  s'alliant  à  une  extrême  transparence  de  l'atmosphère  fait 
qu'on  ne  peut  plus  cesser  de  regretter  le  ciel  du  Sahara  dès  qu'on  Ta 
connu. 

On  aura  une  idée  de  la  transparence  de  l'air  par  le  fait  suivant  : 
Le  28  décembre,  sur  le  sommet  du  plateau  de  Tiraozzoudjén ,  j'ai  pu 
distinguer  nettement  les  découpures  du  Tasîli  des  Azdjer;  cependant 
le  pied  de  ces  m  întagnes  est,  en  ligne  droite,  à  80  kilomètres  de 
Timozzoudjên.  Bien  souvent,  pour  dresser  la  carte  de  mes  itiné- 
raires, j'ai  déterminé,  à  la  boussole  et  avec  certitude,  des  points  à  des 
distances  de  30  à  60  kilomètres. 

Les  indigènes,  dont  la  vue  a  reçu  l'éducation  du  milieu  atmosphé- 
rique, distinguent  les  objets  à  de  bien  plus  grandes  distances  encore, 
car  souvent,  à  mon  grand  étonnement,  ils  m'ont  annoncé  la  venue 
de  voyageurs  qu'ils  avaient  reconnus  plusieurs  heures  avant  leur  ar- 
rivée. 

Plus  on  s'élève  dans  les  montagnes,  plus  le  ciel  devient  bleu, 
plus  l'atmosphère  est  transparente  et  l'air  pur. 

En  parlant  du  Ahaggâr,  point  le  plus  élevé  de  leur  pays,  les 
Touareg  disent  :  «  La  quantité  de  nourriture  nécessaire  pour  nourrir 
trois  hommes  dans  la  plaine  suffit  pour  en  rassasier  cinq  dans  le 
Ahaggâr,  tant  Pair  et  l'eau  y  sont  fortifiants.  » 


METKOROLOGIE.  131 

Mirage,  —  Le  mirage  est  un  phénomène  si  commun,  sur  les  hamâd, 
dans  les  plaines  et  vallées,  que  nécessairement  je  ne  Tai  pas  men- 
tionné dans  mon  journal  de  voyage.  J'aurais  dû  écrire  ce  mot  aussi 
souvent  que  le  ciel  était  pur  et  la  température  un  peu  élevée.  Comme 
tous  les  voyageurs  en  Orient,  quoique  prévenu,  j'ai  été  victime  de 
ses  illusions.  Comment  ne  pas  Tétre  dans  un  pays  où  Ton  désire 
toujours  l'eau  et  où,  chaque  jour,  une  fée,  fille  de  Tantale,  vient 
mettre  sous  votre  regard  les  lacs  les  plus  merveilleux  qu'on  puisse 
imaginer?  Souvent  le  mirage  ne  se  borne  pas  à  tromper,  il  fatigue 
beaucoup  la  vue  et  l'esprit  par  Toscillation  continuelle  et  le  chan- 
gement de  forme  des  objets  bizarres  qu'il  représente. 

Dans  le  Sahara,  comme  ailleurs,  le  mirage  cesse  dès  que  le  sol 
devient  accidenté  ou  dès  que  le  vent  entraîne  l'atmosphère  dans  un 
courant  continu.  , 

Aurore  et  crépuscule.  — Plus  on  avance  dans  le  Sud  et  moins  est 
grand  l'intervalle  qui  sépare  la  nuit  du  lever  et  du  coucher  du  soleil. 
Sous  ce  rapport,  le  Sahara  obéit  à  la  loi  générale,  car  l'aurore  et  le 
crépuscule  y  ont  si  peu  de  durée  qu'on  n'en  tient  pas  compte.  Lever 
du  jour  et  lever  du  soleil  sont  à  peu  près  synonymes. 

Au  crépuscule,  l'horizon  0.  prend  une  teinte  rose  ou  rougeâtre, 
que  l'horizon  général  a  presque  toute  la  journée,  à  un  degré  moindre. 

Lueur  crépusculaire.  — Au  campement  de  Sâghen,  le  3  janvier,  à 
7  h.  30  m.  du  soir,  je  remarquai  à  gauche  de  la  voie  lactée,  dans 
l'Ouest,  environ  au  point  où  le  soleil  s'était  couché,  une  lueur  blan- 
che, partant  de  l'horizon,  et  se  répandant  comme  une  colonne  de 
fumée. 

A  Tarz-OûUi,  le  8  mars,  à  7  h.  21  m.  du  soir,  j'ai  encore  observé 
dans  l'Ouest  la  même  cplonne  de  lumière,  mais,  cette  fois,  elle  était 
séparée  de  l'horizon  par  une  bande  obscure. 

Serait-ce  la  lueur  crépusculaire  de  Humboldt? 

Arc-en-ciel. — Les  arcs-en-ciel  sont  aussi  rares  que  lespJuies  dans 
le  Sahara;  cependant,  j'ai  pu  en  observer  deux  :  l'un  le  8  mai  1861, 
consécutif  à  deux  jours  de  pluie;  l'autre  le  20  août,  précédant  la 
pluie  du  lendemain.  Le  premier  se  montra  vers  5  heures  du  soir; 
ses  deux  bases  seules  furent  visibles.  Le  second  parut  à  4  h.  50  m. 
du  soir. 


132  TOUAREG   DU  NORD. 

Halo  lunaire. —  Le  19  août  1859,  à  Ghardâya,  par  un  ciel  couvert 
de  stratus,  la  lune,  au  moment  où  elle  approchait  du  méridien,  était 
entourée  d'un  superbe  halo. 

Le  19  février  1861 ,  à  Azel-n-Bangou,  à  8  h.  45  m;  du  soir,  le 
ciel  étant  couvert  de  cirrhonstratus ,  je  constatai  un  halo  autour  de  la 
lune.  Sa  distance  du  bord  de  la  lune,  mesurée  au  sextant,  s'est  trou- 
vée ôtre  de  20^30  ^ 

Lune  rouge  sang.  —  Le  21  août  1861,  à  Oumm-el-Abîd,  vers  8  h. 
15  m.  du  soir,  la  lune,  à  son  lever,  se  présenta  avec  une  cou- 
leur rouge  sang,  tirant  un  peu  sur  le  brun.  Les  indigènes  prétendent 
que  cet  aspect  de  la  lune  présage  le  sirocco.  En  effet,  le  lendemain  22, 
le  vent  souffla  d'abord  E.-S.-E.,  puis  S.-E. 

Étoiles  filantes.  —  On  signale  la  nuitdulO  au  11  août  comme  l'une 
de  celles  dans  lesquelles  on  observe  le  plus  d'étoiles  filantes,  et  parmi 
elles  on  a  cru  en  reconnaître  de  périodiques. 

Me  trouvant  le  10  août  1859  à  Ghardàya,  par  une  belle  nuit,  je 
la  consacrai  à  observer  ces  météores  ignés.  Voici  les  résultats  constatés 
dans  mon  journal  : 

Vers  8  h.  30  m.,  à  une  demi-minute  d'intervalle,  deux  belles 
étoiles  filantes  tombent  vers  10®  du  méridien,  au-dessous  de  la  hme, 
à  une  dizaine  de  degrés  au-dessus  de  l'horizon. 

A  10  h.  25  m.,  une  grosse  étoile  rouge  tombe  de  haut  en  bas,  à 
l'Ouest,  à  peu  d'clévation  au-dessus  de  l'horizon  ; 

A  12  h.  22  m.,  une  belle  étoile  bleue  se  montre  dans  l'Fst,  allant 
du  Sud  au  Nord. 

Je  dors  de  minuit  30  m.  à  2  h.  30  m.,  après  quoi,  jusqu'au  matin, 
je  compte  de  nombreuses  étoiles  filantes,  se  dirigeant  pour  la  plu- 
part de  haut  en  bas  dans  la  direction  de  Methlîli,  c'est-à-dire  au  Sud. 

Antérieurement,  dans  la  nuit  du  23  au  24  juillet,  à  Methlîli,  j'avais 
constaté  de  nombreuses  étoiles  filantes ,  entre  autres  une  superbe. 

Ces  météores  apparaissent  en  si  grande  quantité  dans  les  belles 
nuits  du  Sahara,  qu'un  voyageur  ne  peut  les  noter  toutes. 

Globe  lumineux.  —  Dans  le  grand  nombre  de  mes  observations 
nocturnes,  je  dois  une  mention  spéciale  à  un  globe  enflammé  observé 
le  21  juillet  1859,  vers  9  heures  du  soir.  Ce  globe,  dès  qu'il  m' apparut, 
s'éleva  à  quelques  degrés  au-dessus  de  l'horizon  et  retomba  en 


MÉTÉOROLOGIE.  133 

augmentant  d'éclat.  Je  ne  puis  mieux  comparer  ce  phénomène  qu'à 
une  bombe  d'artifice  très-brillante  et  très-forte. 


CONCLUSION. 

Le  climat  du  pays  des  Touareg  du  Nord  est  essentiellement  conti- 
nental et  parfaitement  distinct  de  celui  du  bassin  de  la  Méditerranée, 
ainsi  que  de  celui  du  bassin  du  Niger.  Au  Nord  comme  au  Sud,  des 
pluies  périodiques  divisent  Tannée  en  deux  saisons  :  Tune  sèche, 
l'autre  humide.  Chez  les  Touareg,  il  y  a  des  périodes  d'années,  de 
6  à  12,  sans  aucunes  pluies,  et  des  périodes  d'années,  de  1  à  3,  dans 
lesquelles  il  pleut  en  toutes  saisons  :  conséquemraent,  il  n'y  a  chez 
les  Touareg  que  des  saisons  chaudes  et  des  saisons  froides. 

Dans  les  unes,  comme  dans  les  autres,  mêmes  vents,  même  séche- 
resse de  l'air,  même  électricité,  mêmes  effets  de  la  lumière. 

En  somme,  le  climat  du  Sahara  est  très-exceptionnel  sur  la  sur- 
face du  globe,  et  c'est  à  ce  climat  que  le  Sahara  doit  d'être;  le 
Sahara. 


CHAPITRE  VI. 


OBSERVATIONS    ASTRONOMIQUES. 

Le  but  de  ce  chapitre  est  de  faire  connaître  les  principaux  éléments 
d'observations  astronomiques  d'après  lesquels  a  été  dressée  la  carte 
qui  accompagne  ce  volume. 

Je  ne  publie  pas  les  observations  elles-mêmes.  Je  me  borne  à  les 
tenir  à  la  disposition  des  personnes  qui  auraient  besoin  de  les 
contrôler. 

Le  matériel  de  mon  observatoire  ambulant  se  composait  de  chro- 
nomètres, d'un  sextant,  d'une  lunette  astronomique,  d'une  boussole 
avec  lunette,  c'est-à-dire  des  instruments  les  plus  simples  et  les  plus 
facilement  portatifs  à  dos  de  chameau. 

Le  plus  grand  nombre  de  mes  observations  a  été  calculé,  par 
moi,  pendant  mon  voyage  et  depuis  mon  retour;  d'autres,  les  plus 
compliquées,  l'ont  été  par  MM.  Yvon-Villarceau,  Bruhns  et  Radau,  qui 
ont  bien  voulu  me  prêter  le  concours  de  leur  longue  pratique. 

Aucune  de  ces  observations  ne  donne  lieu  à  des  remarques  parti- 
culières qui  méritent  d'être  consignées  ici.  Le  seul  côté  par  lequel 
le  Sahara  diffère  des  autres  points  du  globe  pour  l'étude  des  phéno- 
mènes célestes,  est  que  le  ciel  y  est  presque  toujours  pur,  d'une 
transparence  exceptionnelle,  et  qu'on  y  peut  presque  conlinuellement 
suivre  la  marche  des  astres  dès  que  l'obscurité  se  fait  :  aussi  est-il  à 
regretterqu'aucun  observatoire  sédentaire  ne  soit  pas  établi  dans  cette 
région. 

Voici,  par  ordre  de  dates,  le  relevé  des  observations  faites  pendant 
mon  voyage  qui  ont  servi  à  établir  la  latitude  et  la  longitude  des 
principaux  points  de  la  carte  : 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES. 


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OBSERVATIONS  ASTRONOMIQUES. 


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138 


TOUAREG   DU   NORD. 


Ne  sont  pas  comprises  dans  ce  tableau  toutes  les  observations 
faites  sur  les  points  intermédiaires.  Le  détail  en  eût  été  trop  long.  Je 
me  borne  à  indiquer  les  latitudes  que  j'ai  calculées  en  voyage  pour 
un  certain  nombre  de  ces  points  secondaires. 


LOCALITÉS. 

LATITUDES 

NORD. 

LOCALITÉS. 

LATITUDES 

NOBD. 

Hâssi-Djedtd 

320  12'  8" 
810  51'  48" 
310  32'  47" 
310  15'  18" 
820  470  25" 
840  9'    39" 
330  29'  20" 
820  45f  38" 
820  29'  56" 
340  0'    37" 
310  26'  32" 
330  58'  33" 
330  19'  29" 

Mottl-erRoba'âya-el-G  ueblâoui. 
Mâleb-ben-'Aoûn 

380  (y    2" 
320  51'  1" 
300  11'  53" 
310  4'    27" 
32*  8'    27" 
310  59/  0" 
320  3'    43'/ 
320  39'  32" 
320  46'  85" 
3Io  54'  2"^ 
310  51'  89  ' 
30*  38' 49" 
25»  82'  53" 

Hâssi-Dbomràn 

Hftssi-Bergbàoui 

Màtrès 

Hâssi-Zirâra 

Blr-'AUâg 

Bl-Oueràra 

Tàredié 

Chegga  { puite  artésien  ) 

Oom&r 

Kberbet-Dzîra 

Kacar-Yôfren 

Hftœi-Stdi-el-fiàchtr 

Hâni-Oiilàd-Miloûd 

BlivTeiTÎn 

Zâouiya-el-Gharbîya  (le  Bordj). 
Tînzegbt 

Sedâda  (Djérîd  tunisien)  .... 

Gafça               (id.)     

NemUt             (id.)    

Sîdi-Ràched  (0.  Rtgh) 

Kûbâo 

Cb'aouÀ 

Tarz-Oûlli 

Les  emprunts  de  positions  astronomiques  qui  ont  été  faits,  pour 
la  construction  de  la  carte ,  aux  travaux  des  autres  explorateurs , 
sont  : 

Le  tracé  de  la  côte,  d'après  le  capitaine  Smith,  de  la  marine  an- 
glaise; 

Les  positions  du  docteur  Vogel  entre  Tripoli  et  le  Bornou  ; 

Les  latitudes  de  M.  de  Beurmann,  d'après  la  carte  de  M.  le  doc- 
teur Petermann,  entre  Ben-Ghàzi  et  Zouîla; 

Quelques  points  du  Sahara  algérien,  antérieurement  déterminés 
astronomiquement  par  M.  le  capitaine  Vuillemot,  et  adoptés  par  le 
Dépôt  de  la  Guerre  ; 

Enfin  la  position  d'In-Sèlah  du  major  Laing. 


Deux  mots  sur  réclipse  du  18  juillet  1860  et  sur  une  comète  du 
\"  juillet  1861.  Je  copie  mon  journal  : 

J'étais  au  lit,  atteint  d'une  violente  fièvre  contractée  dans  l'Ouàd- 
Rîgh ,  quand  je  sortis  pour  aller  observer  l'éclipsé.  J'avais  calculé 


OBSERVATIONS  ASTRONOMIQLES.  139 

l'heure  à  laquelle  elle  devait  se  produire,  comme  si  elle  devait  être 
totale  à  El-Ouâd  ;  elle  ue  le  fut  pas  complètement;  aussi,  quand  j'ar- 
rivai à  ma  lunette,  comptant  sur  dix  minutes  d'avance,  je  trouvai 
le  disque  solaire  entamé.  Je  ne  puis  donc  indiquer  le  moment  exact 
du  premier  contact. 

Le  ciel  était  pur. 

A  l'observation,  je  vis  la  lune  couvrir  successivement  le  soleil, 
comme  le  ferait  une  tache;  à  un  moment  je  crus  voir  certaines  mon- 
tagnes faire  éclipse  totale,  mais  à  peine  mon  œil  avait-il  quitté  la  lu- 
nette pour  prendre  l'heure,  que  l'éclipsé  commença  à  diminuer 
lentement. 

Le  dernier  contact  eut  lieu  à  ù  h.  55  m.  18  s.  de  mon  chrono- 
mètre, qui  marquait  encore  le  temps  de  Paris. 

La  lumière  la  plus  faible  a  été  celle  qui,  dans  cette  saison,  succède 
au  coucher  du  soleil. 

Les  Arabes  me  dirent  avoir  vu  des  étoiles. 

Mieux  portant,  j'aurais  pu  apporter  une  plus  grande  attention  aux 
détails  de  cette  éclipse;  mais  la  maladie  paralyse  les  forces  de  l'esprit 
comme  celles  du  corps.  Quand  je  fus  me  remettre  au  lit ,  la  fièvre 
s'était  aggravée  et  je  fus  pris  de  vomissements  très-pénibles. 

A  2  h.  30  m.,  le  baromètre  marquait  7/i9,05,  le  thermomètre 
h^^  5  ;  le  vent  soufflait  du  Sud. 

A  5  heures,  le  baromètre  était  à  7/i0,95  et  le  thermomètre  à  41°  8, 
le  vent  restant  le  même. 

Je  me  portais  heureusement  mieux  quand,  à  jMourzouk,  le  1*' juillet, 
à  7  h.  15  m.  du  soir,  on  vint  m' annoncer  un  phénomène  astronomi- 
que qui  remplissait  de  terreur  toute  la  population. 

C'était  une  comète;  on  ne  l'avait  pas  vue  la  veille,  elle  devait  dis- 
paraître le  surlendemain. 

D'après  les  habitants,  elle  avait  apparu ,  à  leurs  yeux ,  rouge  et 
très-belle,  un  peu  après  le  coucher  du  soleil,  vers  le  méridien  Nord. 

Quand  je  l'observai  à  la  lunette,  elle  était  à  5  degrés  environ  au- 
dessus  de  l'horizon,  en  ligne  à  peu  près  droite  sous  «  de  la  grande 
Ourse  ;  sa  queue,  de  lumière  blanchâtre,  se  prolongeait  jusqu'à  p  et  7 
de  la  petite  Ourse;  continuée  en  arc  de  cercle,  elle  eût  coupé  la  voie 
lactée  par  son  milieu.  Le  noyau,  très-distinct  à  la  lunette,  apparais- 
sait comme  une  étoile  de  3®  ou  de  4®  grandeur. 


140  TOUAREG   DU  NORD. 

Le  lendemain,  à  la  môme  heure,  ou  un  peu  avant,  la  comète  était 
plus  haut  dans  le  ciel,  mais,  probablement  à  cause  des  nuages  qui 
le  voilaient  en  cet  endroit,  elle  paraissait  sans  queue  et  sous  la 
forme  de  deux  disques  lumineux  juxtaposés.  Du  moins,  c*est  l'effet 
qu'elle  produisait  à  Tœil.    . 

Depuis  je  n'ai  plus  entendu  parler  de  cet  objet  d'effroi  et  je  ne  l'ai 
plus  vu. 


LIVRE    IL 


PRODUCTION. 


Les  productions  minérales,  végétales  et  animales  d*un  pays  aussi 
peu  favorisé  sous  le  double  rapport  de  la  constitution  du  sol  et  du 
climat,  ne  peuvent  êire  qu'en 'petit  nombre  ;  cependant  elles  ne  sont 
pas  complètement  nulles,  et  je  ^is  les  passer  successivement  en 
revue. 


CHAPITRE  PREMIER. 


MINÉRAUX. 


Mon  exploraticm  n'a  pas  été  assez  complète,  surtout  dans  la  partie 
montagneuse  du  pays,  pour  que  je  puisse  prétendre  connaître  toute 
sa  richesse  minérale  ;  d'un  autre  côté,  les  Touareg  ne  sont  pas  un 
peuple  assez  industriel  pour  que  j'aie  pu  suppléer  à  l'insuffisance  de 
mes  recherches  personnelles  par  une  enquête  sur  les  produits  miné- 
raux qu'ils  exploitent.  Les  besoins  des  peuples  nomades  ne  sont  pas 
ceux  des  nations  civilisées  et  sédentaires:  aussi  n'est-on  pas  autorisé 
à  conclure  de  l'absence  d'exploitations  au  manque  de  minéraux 
exploitables.  Au  contraire,  en  constatant  que  les  Touareg  ont  trouvé 
chez  eux  tout  ce  qui  est  nécessaire  à  leur  existence,  on  peut  croire 
qu'il  y  a  beaucoup  plus.  Quoi  qu'il  en  soit,  je  signalerai  ce  que 
j'ai  vu  et  ce  qui  m'a  été  indiqué  par  les  indigènes. 


1/|2  TOUAREG   DU   NORD. 


Métaux  et  pierres  précieuses. 


Fei\  (Tazhô)i).  —J'ai  constaté  la  présence  du  fer  en  plusieurs 
endroits  :  notamment  à  Azel-en-Bangou ,  dans  les  environs  du  mont 
Télout,  sur  le  rebord  Nord  du  Tasîli,  dans  le  ravin  d*In-Akhkh,  autour 
des  puits  artésiens  d'ihanâren,  dans  la  vallée  d'Ouarâret.  Les  rensei- 
gnements des  indigènes  signalent  aussi  ce  minerai  sur  d'autres  points 
du  Tasîli  et  du  Ahaggâr,  en  massifs  plus  ou  moins  considérables.  Mais 
à  quoi  bon  ?  Le  fer  fût-il  plus  riche  et  plus  abondant  encore,  com- 
meet  l'exploiterail-on  sans  combustible  ? 

Tout  le  fer  employé  par  les  Toaàreg  leur  est  apporté  par  le  com- 
merce. 

Cuiiyre,  (Dârogh).— Les  Touareg  ne  connaissent  aucun  minerai  de 
cuivre  dans  leur  pays.  Tous  les  cuivres  qu'ils  emploient  à  l'omemen- 
tation  de  leurs  armes  viennent  d'Europe;  jadis,  quand  Mourzouk 
entretenait  encore  des  relations  commerciales  avec  leWaday,  ils  pou- 
vaient en  recevoir  de  cette  contrée. 

Plomb.  (Alloûn). — Le  nom  d'Ouâdi-Âlloûn  (rivière  du  plomb)  donné 
à  l'un  des  torrents  qui  descendent  du  versant  Nord  du  Tasîli  rappelle- 
t-il  la  découverte  de  minerai  de  plomb  dans  le  lit  de  l'ouâdi  ?  Je 
l'ignore.  i 

Les  Touareg  ne  faisant  généralement  pas  usage  des  armes  à  feu, 
l'emploi  du  plomb  est  assez  restreint  chez  eux  pour  qu'ils  n'aient 
jamais  songé  à  utiliser  les  galènes  de  leur  pays,  fussent-elles  même 
riches. 

Élain,  (?)  —  Un  gisement  de  ce  minerai  ou  d'un  métal  analogue 
m'a  été  signalé  dans  l'Ouâdi-ech-Chiâti  (Fezzân).  Cette  indication 
est-elle  fondée  ou  non?  L'avenir  l'apprendra. 

Sulfure  d'antimoine.  (Tazôlt). — Le  sulfure  d'antimoine  est  récolté 
aux  environs  d'El-Barakat,  près  de  Rhât,  mais  dans  la  proportion  des 
besoins  locaux,  limités  à  l'application  du  kohel  sur  les  cils  et  les 
sourcils. 

Kohel,  en  Arabe,  signifie  tout  ce  qui  noircit.  Donc,  sous  ce  nom, 
on  emploie  indistinctement  ou  le  sulfure  de  plomb,  ou  le  sulfure 
d'antimoine,  suivant  la  facilité  de  se  les  procurer. 

L'emploi  du  kohel  est  des  plus  anciens  chez  les  peuples  orientaux. 
Jérémie  dit,  chap.  IV,  vers.  30  :  «  Cum  slibîo  pinxeris  ocuhs  tuos.  »  Le 


MINÉRAUX.  i/i3 

prophète  Mohammed,  copiant  Jérémie,  répète  :  «  Employez  Tantimoine, 
il  fortifie  la  vue  et  fait  pousser  les  cils.  » 

Sur  la  foi  de  ces  autorités,  l'habitude  du  kohel  est  passée  dans  les 
mœurs,  surtout  dans  le  Sahara,  où  la  réverbération  du  soleil  affaiblit 
si  promptement  la  vue  et  cause  si  souvent  des  oph  thaï  mies. 

Le  docteur  Bertherand,  dans  son  ouvrage  sur  la  Médecine  des  indi- 
gènes de  V Algérie,  dit  que  l'emploi  du  kohel,  dans  toute  e^èce  d'oph- 
thalmies,  lui  a  toujours  rendu  les  plus  grands  services. 

Pierres  précieuses. — Les  Touareg  modernes  font  usage  d'une  espèce 
de  serpentine  dont  ils  fabriquent  leurs  anneaux  de  bras.  On  trouve 
cette  pierre  dans  le  ravin  de  ïahôdayt-tàn-Hebdjân  (rebord  méri- 
dional du  Tasîli),sur  la  route  directe  de  Rhàt  à  In-Sàlah,  non  loin  du 
ravin  de  Tadôhayt-tân-Tâmzerdja,  où  sont  les  restes  fossiles  d'un 
grand  mammifère  antédiluvien. 

Mais  il  est  hors  de  doute  que  les  peuples  anciens  de  cette  contrée 
connaissaient  et  faisaient  usage  d'autres  pierres  précieuses,  car  on 
en  trouve  dans  tous  les  tombeaux  des  Jabbâren  (géants),  nom  que 
les  Touareg  donnent  à  la  génération  qui  les  a  précédés  dans  le  pays. 
Ces  pierres  sont  enchâssées  dans  les  bagues  ou  dans  les  boucles 
d'oreilles. 

J'ai  déjà  dit  qu'on  avait  trouvé  des  émeraudes  dans  le  Touât; 
moi-môme  j'ai  rapporté  de  mon  excursion  à  El-Golêa*  des  cristaux 
qui  y  ressemblent.  Il  est  probable  qu'une  exploration  complète  des 
montagnes  des  Touareg  et  des  bassins  qui  en  dépendent  ferait  retrou- 
ver l'ancienne  émeraude  garamantique  des  musées. 

Sels  divers. 

Sel  commun.  (Tîsemt.)—  Une  belle  mine  de  sel,  longtemps  exploitée 
et  abandonnée  pour  cause  d'insécurité,  existe  dans  la  Sebkha  d'Amad- 
ghôr,  sur  l'ancienne  route  des  caravanes  d'Ouarglâ  à  Agadez,  au 
pied  d'un  des  contre-forts  orientaux  du  Ahaggàr.  D'après  les  indigènes, 
cette  mine  serait  la  plus  belle  connue  dans  tout  le  Sahara.  Elle  sera 
ultérieurement  l'objet  d'une  attention  toute  spéciale. 

Une  mine  de  sel  m'est  aussi  signalée  dans  la  montagne  au  Sud  de 
Tikhâmmalt. 

Sur  beaucoup  d'autres  points,  on  trouve  du  sel  de  qualité  infé- 
rieure ,  mélangé  de  terre  :  aux  environs  de  Rhât  et  à  Tekertîba,  ou 


lU  TOUAREG  DU   NORD. 

provenant  de  révaporatiôti  des  eaux  salines  de  sebkha  desséchées, 
notamment  sur  le  cours  inférieur  de  Tlgharghar,  à  Menkebet-Izîman 
et  à  Sîdi-Boû-Hânia. 

Les  puits  salés,  indiquant  la  nature  saline  des  terres  traversées 
par  les  eaux,  sont  communs.  Je  citerai  entre  autres  celui  de  Tînessedj 
sur  la  route  septentrionale  de  Tebalbâlet  à  In-Sâlah;  celui  de  Harhé, 
dans  une  sebkha,  sur  la  route  de  Tikhâmmalt  à  Oubâri. 

Je  citerai  aussi,  comme  sources  salines,  celle  de  Tânout  sur  la 
précédente  route,  et  d"Aïn-el-Mokhanza  (la  fontaine  pourrie,  puante), 
sur  righarghar,  sans  compter  celles  que  j'ai  signalées  précédemment 
dans  mes  itinéraires  géologiques. 

Alun.  (Azârîf.) — Après  le  sel,  Talun  est  la  production  minérale  la 
plus  commune  du  pays  des  Touareg.  On  en  trouve  des  dépôts,  entre 
autres,  dans  la  vallée  d'Ouarâret,  au  Nord  du  Rhât;  à  Serdélès;  à  In- 
Hâs,  dans  la  plaine  d'Adjemôr;  sur  rOuàdi-Tetch-Oûlh*,  affluent  de 
rOuâdi-Akâraba.  Ces  deux  dernières  mines  sont  situées  au  Nord  de 
Mouydîr,  et  non  loin  d*In-Sàlah,  marché  sur  lequel  on  vend  leurs 
produits. 

J'ai  rapporté  un  échantillon  des  dépôts  d'alun  de  la  vallée  de  Ser- 
délès. 11  est  pur  et  de  bonne  qualité. 

Salpêtre.  (Tîsemt-n-elbaroûd.)  —  Tout  le  salpêtre  consommé  par 
les  Touareg  vient  du  Touât,  où  cette  matière  paraît  très-abondante.  11 
n'est  pas  douteux  qu'on  en  trouve  également  et  en  quantité  impor- 
tante dans  les  contrées  similaires  du  pays  des  Touareg,  car  ces  der- 
niers m'en  signalent  un  dépôt  assez  important  dans  la  vallée  de 
Tikhâmmalt  et  d'autres  dans  les  ouâdis  aux  environs  de  Rhât.  N'em- 
ployant pour  ainsi  dire  pas  la  poudre,  ne  sachant  pas  la  préparer, 
ils  négligent  ce  produit  et  n'y  font  aucune  attention;  mais,  si  le  com- 
merce français  demandait  du  salpêtre  au  Touât,  les  Touareg  ne  tar- 
deraient probablement  pas  à  lui  faire  concurrence. 

Natron.  (Elatroùn  et  Oksem.)  —  Le  natron  est  récolté  en  assez 
grande  abondance  dans  le  Bahar-et-Trounîa  au  Nord-Ouest  de  Mour- 
zouk.  Il  est  employé  par  les  Touareg  en  mélange  avec  la  feuille  du 
tabac,  soit  pour  la  prise,  soit  pour  la  chique;  il  est  aussi  d'un  usage 
journalier  comme  mordant  dans  les  préparations  tinctoriales.  Inutile 
d'ajouter  qu'il  entre  dans  la  matière  médicale  des  indigènes ,  car,  à 
défaut  de  produits  européens,  ils  utilisent  tout  ce  qu'ils  ont  sous  la 
main. 


MINÉRAUX.  U5 

J'aurai  l'occasion  de  faire  connaître  ultérieurement  l'importance 
commerciale  de  ce  sel. 

Soufre  (Tazzefrît  et  Aouodhîs).  —  Quoique  le  Ahaggâr,  leTasîli,  le 
Hâroûdj  et  la  Soda,  soient  le  produit  de  soulèvements  volcaniques; 
quoique  le  soufre  se  montre,  au  Nord,  en  assez  grande  quantité  dans 
la  Syrte,  il  est  à  peu  près  certain  qu'il  n'existe  pas  dans  le  pays  des 
Touareg,  car,  s'ils  y  connaissaient  des  soufrières,  elles  seraient  exploi- 
tées pour  les  besoins  des  chameaux,  atteints  fréquemment  de  la  gale, 
que  le  soufre  seul  guérit  d'une  manière  radicale.  Je  conclus  donc 
de  ce  que  le  soufre  n'est  pas  exploité  par  les  Touareg  qu'il  n'y  en 
a  pas  chez  eux. 

BfAT^RIACX    DE   CONSTRUCTION. 

Pierres  et  terres. 

Bien  que  des  nomades  ne  tirent  aucun  parti  des  matériaux  de 
construction  dont  leur  pays  est  doté,  je  ne  crois  pas  devoir  omettre 
cette  partie  importante  de  la  richesse  minérale  du  Sahara. 

Pierre  calcaire  (Tahônt-n-Tînçher).  —  Tous  les  plateaux  dits  ha- 
mâd  sont  généralement  recouverts  d'une  couche  calcaire  qui  donne 
d'excellents  moellons  pour  les  constructions  urbaines.  Cette  pierre 
domine  dans  celles  de  Ghadâmès. 

Grès  (Tîlellît,  la  pierre  noble).  —  Le  grès  est  la  pierre  la  plus 
abondante,  surtout  dans  le  Tasîli  du  Nord.  On  trouve  dans  la  chaîne 
de  l'Amsàk  le  beau  grès  rose  des  ruines  romaines  de  Djerma. 

Gypse  (Têhemaq).  —  Commun  au  Nord  et  autour  de  Ghadâmès, 
où  on  l'exploite  pour  les  enduits  de  la  ville,  il  est  peut-être  plus 
rare  sur  tous  les  autres  points  du  pays ,  mais  il  est  hors  de  doute 
qu'on  n'a  pas  dû  aller  le  chercher  au  loin  pour  les  constructions  des 
autres  villes. 

Chaux  (Ezzebch).  —  La  pierre  propre  à  la  chaux  est  commune 
partout;  autour  de  Ghadâmès,  on  ramasse  les  calcaires  du  plateau 
deTînghert  et,  de  leur  grillage,  on  obtient  une  chaux  excellente. 

Arg{le  (Tabàriq  et  Telaq).  — Tous  les  enfants  des  Touareg  ont 
des  poupées  et  des  bonshommes  en  argile;  dans  tous  les  ménages  on 
trouve  des  vases  en  poterie  qui  doivent  être  fabriqués  sur  les  lieux, 
ce  qui  prouve  que  la  terre  à  poterie  ne  manque  pas.  Quant  à  l'argile 
propre  à  la  préparation  des  tuiles  et  des  briques,  elle  existe  dans  plu- 

I.  10 


H6  TOUARKG   DU   NORD. 

sieurs  ravins.  J*ai  déjà  dit  que  les  auges  dans  lesquelles  on  abreuvait 
les  chameaux  autour  des  puits  étaient  en  argile  provenant  des  déblais 
de  ces  puits. 

Terre  à  ciment,  —  Les  canaux  d'irrigation  de  Ghadânjès  sont  ci- 
mentés et,  d'après  les  renseignements  qui  m*ont  été  donnés,  ce  ci- 
ment était  obtenu  au  moyen  d'un  mortier  fait  avec  la  chaux  des 
ammonites  et  les  argiles  rouges  ferrugineuses  des  goûr. 

J'ai  rapporté  de  Ghadâmès  et  de  Djerma  des  ciments  de  l'époque 
garamantique  ;  ils  sont  de  la  plus  grande  solidité. 

Pierre  meulièire  (Tasîrt  et  Tahônt-n-Ezhîd). —  L'usage  du  moulin  à 
bras,  ustensile  obligatoire  pour  chaque  ménage,  rend  la  pierre  meu- 
lière de  première  nécessité  chez  tous  les  nomades.  Heureusement, 
les  carrières  qui  la  fournissent  ne  sont  pas  rares.  J'en  ai  déjà  cité 
une,  abandonnée,  à  l'entrée  de  l'Ouàdi-el-Gharbî  ;  on  en  indique  d'au- 
tres au  Nord  et  au  Sud  du  Tasîli. 

Ocre  (Tamâdjohît).  —  L'ocre  est  exploitée  aux  epvironsde  Djânet 
pour  les  besoins  de  la  teinturerie,  mais  surtout  pour  être  employée 
avec  l'indigo  comme  cosmétique  tinctorial  et  hygiénique  de  la  peau, 
en  vue  de  la  préserver,  par  l'interposition  d'un  corps  étranger,  des 
influences  atmosphériques  extérieures. 

Combustibles  minéraux. 

Pendant  longtemps,  à  Alger,  on  a  cru  à  l'existence  de  la 
houille  dans  le  Aliaggâr,  par  suite  de  réponses  faites,  de  bonne  foi, 
par  des  Touareg  venus  en  Algérie,  qu'il  y  avait  dans  leur. pays  des 
pierres  noires  qui  brûlaient. 

J'ai  déjà  fait  connaître  comment  les  Touareg,  interrogés  à  ce 
sujet,  avaient  pu  nous  induire  en  erreur  sans  manquer  à  la  vérité. 

Toutefois,  la  découverte  de  terrains  très-anciens  dans  la  vallée 
de  Rhàt  et  du  terrain  dévonien,  inférieur  aux  terrains  houilliers,  sur 
plusieurs  points,  permet  d'espérer  le  succès  de  recherches  de  gise- 
ments de  combustibles  minéraux,  dans  le  centre  du  Sahara,  ou  tout 
au  moins  dans  les  parties  que  mon  exploration  recommande  à  l'atten- 
tion des  ingénieurs. 

Là  se  borne,  à  ma  connaissance,  la  liste  des  produits  minéraux 
utilisables  dans  le  pays  des  Touareg  ;  mais  il  n'est  pas  douteux  que 
des  recherches  plus  complètes  en  augmenteraient  le  nombre. 


CHAPITRE  IL 


VÉGÉTAUX. 

Le  règne  végétal  est  un  peu  plus  riche  que  le  règne  minéral,  car, 
quoique  les  sommets  des  montagnes,  leurs  versants,  ainsi  qu'une 
partie  des  plateaux,  soient  dénudés  et  entièrement  stériles,  on  trouve, 
dans  les  nombreuses  vallées  du  pays,  des  points  plus  favorisés  où  la 
végétation  saharienne  s'allie  avec  quelque  représentants  de  celle  des 
tropiques  et  du  bassin  de  la  Méditerranée. 

Les  végétaux  domestiques  sont  en  très-petit  nombre.  Si  je  devais 
ne  citer  que  ceux  cultivés  par  les  Touareg  eux-mêmes,  la  liste  serait 
close  quand  j'aurais  nommé  le  dattier,  le  figuier,  le  blé,  l'orge,  le 
sorgho,  le  millet:  en  tout  six  végétaux. 

Mais,  dans  le  territoire  même  des  Touareg,  sont  les  oasis  de  Gha- 
dâmès,  de  Rhât,  de  l'Ouâdi-Lajâl ,  de  l'Ouâdi-'Otba,  de  Djânet, 
d'Idélès,  habitées  par  des  sédentaires  dont  les  cultures  sont  un  peu 
plus  variées. 

Voyageur  et  non  botaniste,  j'ai  recueilli  à  peu  près  toutes  les 
plantes  que  j'ai  vues  et  tous  les  renseignements  que  pouvaient  me 
donner  les  indigènes  sur  la  végétation  de  leur  pays;  mais  je  n'ai 
pas  la  prétention  d'avoir  rapporté  de  mon  voyage  toute  la  richesse 
végétale  des  contrées  traversées,  comme  eût  pu  le  faire  un  explo- 
rateur exclusivement  chargé  d'étendre  le  domaine  de  nos  connais- 
sances en  histoire  naturelle  au  Sud  de  l'Algérie. 

J'ai  scrupuleusement  recueilli  les  noms  indigènes,  en  langue 
arabe  et  en  langue  temâhaq ,  parce  que  je  crois  la  connaissance  de 
cette  double  synonymie  nécessaire  aux  personnes  auxquelles  l'avenir 
réserve  de  voyager  avec  les  caravanes.  Cette  synonymie  n'a  pas  les 
défauts  de  celle  des  noms  vulgaires  assignés  aux  plantes  par  nos 
paysans  en  Europe;  chez  les  peuples  pasteurs,  chacun  connaît  exac- 


m  TOUAREG  DU   NORD. 

tement  le  nom,  les  stations  et  les  propriétés  de  chaque  plante,  et  les 
noms,  quand  les  caractères  distinctifs  sont  bien  tranchés,  ne  varient 
pas  d'une  localité  à  une  autre,  mais  se  conservent  tant  que  la  même 
langue  est  parlée.  Or,  comme  la  langue  arabe  est  connue  dans  tout 
le  monde  musulman ,  et  la  langue  berbère ,  dont  le  temâhaq  est  un 
des  dialectes,  dans  tout  le  Nord  du  continent  africain,  il  y  a  presque 
certitude  d'être  compris  des  indigènes  en  leur  nommant  une  plante 
dans  l'une  de  ces  deux  langues. 

Dans  la  classification  des  plantes,  objet  de  cet  examen,  j'ai 
adopté  l'ordre  naturel  des  familles. 

Je  dois  à  l'extrême  obligeance  de  M.  le  docteur  Cosson,  président 
de  la  Société  botanique  de  France  et  chargé  par  le  gouvernement  de 
la  publication  de  la  Flore  de  l'Algérie,  la  détermination  exacte  de 
toutes  les  plantes  de  mon -herbier  et  même  de  quelques-unes  de 
celles  dont  je  me  suis  borné  à  mentionner  le  nom  dans  mon  journal 
de  voyage,  sachant  par  les  comptes-rendus  des  explorations  du  savant 
botaniste  qu'il  les  avait  déjà  déterminées. 

Je  mentionne  cet  utile  concours;  autant  par  reconnaissance  que 
pour  assurer  à  cette  partie  de  mon  travail  le  caractère  sérieux  que 
lui  donne  la  collaboration  de  M.  le  docteur  Cosson. 

RENONCULACÉES. 
Adonis  migrocarpa   DC? 
Boû-garoûna  {arabe). 

Récolté  le  13  mars  1860,  dans  les  environs  du  Chott-Meighigh. 

Sans  emploi  connu. 

RANDIfCULUS    MCRICATDS     L. 

Kosberbîr  (arabe). 

Récolté  le  13  mars  1860,  dans  les  environs  du  Chott-Melghlgh. 
Sans  emploi  connu.  Croît  dans  les  terrains  humides. 

NiGELLA    SATIVA     L. 

Sahnoudj,  Habbet-es-soûda  (arabe). 
Cultivé  dans  quelques  Jardins  des  oasis. 
«Procurez-vous  de  la  graine  noire  (mot  à  mot,  habbet-es-soûda) ^ 


VÉGÉTAUX.  149 

a  dit  le  prophète  Mohammed  :  c'est  un  préservatif  contre  toutes  les 
maladies.  » 

En  exécution  de  cette  prescription,  les  bons  musulmans  prennent 
volontiers,  le  matin,  une  pincée  de  graine  de  nigelle  dans  une  cuille- 
rée de  miel,  à  Tefifet  de  préparer  les  voies  digestives  et  d'ouvrir  l'ap- 
pétit. 

fumariacëes. 

FUMARIA   CAPREOLATA     L. 

Guerîn-djedey,  Sibân  (arabe). 

Récolté  le  13  mars  1860,  dans  les  environs  du  Chott-Melghtgh. 

Cette  plante  est  employée  par  les  indigènes  en  lotion  contre*  les 
démangeaisons  et  en  fumigations  contre  les  douleurs. 

CRUCIFÈRES. 

Matthiola   livida  DC. 

Guelguelàn  (arabe)  d'après  M.  le  docteurCosson  ;  Tamadé  (temâhaq). 
Récolté  le  2  mars  1861 ,  à  Tln-Arrày. 

Cette  plante  vient  dans  les  sables. 

Matthiola  oxycbras  DC. 

Hàrra '(arabe);  Tânekfâït  (temâhaq). 

Récolté  le  7  mars  1860,  au  S.-O.  de  Nafta,  entre  Guettàra-Ahmed-Beo- 
'Amàra  et  G&ret-Dj&b-Allah. 

Affectionne  les  terres  de  heycha. 

Anastatica    Hibrochuntica  L. 

Akarba  (temâhaq);  Kômecht-en-Nebî  (arabe  fezzanien);  Kerchoud 
(au  Bergau), 

Reconnu  entre  Ghadàmès  et  Rh&t. 

Cette  plante  est  vulgairement  connue  sous  le  nom  de  rose  de 
Jéricho. 

Malcolmia  iEoTPTiACA   Spreng. 

El-Maroûdjé,  El-Hamâ  (arabe);  Almaroûdjet  (temâhaq). 

Récolté  le  2  janvier,  les  8,  21  et  29  février  1861 ,  sur  rOuàdi-AUoûn  et  à 
Aghel&d.  Reconnu  en  huit  stations  entre  Ghadàmès  et  Rh&t. 


150  TOUAREG  DU  NORD. 

Celte  plante  donne  un  excellent  fourrage  que  tous  les  animaux 
recherchent.  Elle  vient  dans  les  sables. 

Senebiera  lepidioides   Coss.  et  DR.  in  Bull,  Soc,  bot, 

Harharha  {arabe  et  temâhaq). 

Récolté  à  Sàghen,  le  1«'  janvier  1861. 

Peu  commun ,  comestible. 

MoRicANDiA  suFPRUTicosA  Coss.  et  DR.  Brossica  suffruticosa  Desf. 

Foûl-el-djemel,  Foûl-el-ibel  {arabe)  ;  Afarfar  {temâhaq). 

Récolté  aux  environs  de  Ghadàmès  et  sur  TOuâdi-TInzeght,  les  12  et 
13  novembre  1860.  Peu  commun.  Plus  abondant  dans  les  montagnes  du 
Ahaggàr,  entre  Rhât  et  In-Sàlah. 

Plante  recherchée  par  les  chameaux,  ainsi  que  l'indique  son  nom 
indigène  :  fève  du  chameau, 

Hbnophyton  ueserti   Coss.  et  DR.  in  Bull.  Soc,  bot. 

Alga,  Allegommo  (araôe). 

Récolté  dans  les  dunes  de  l"Erg,  entre  'Erg  Boû-Delil  et  Medhaheb-ech- 
Chergulya;  sur  la  route  de  Merhayyer  à  Gomàr,  le  5  février  1860,  et 
entre  El-Ouàd  et  Ouarglà,  sur  rOuàdi-Çtdah,  le  16  février  1860. 

Cette  plante  recherche  les  sables. 

DiPLOTAXIS  DUVBYRIERANA  COSS.   Sp.   HOVa, 

Hârra  {arabe);  ïânekfàït  {temâhaq). 

Récolté  les  9  et  18  février  1861 ,  sur  l'Ouâdi-Alloûn  et  rOuâdi-Târât.  Ren- 
contré en  onze  stations  entre  Ghadàmès  et  Rh&t. 

Cette  espèce  nouvelle,  désormais  destinée  à  rappeler  le  souvenir 
de  mon  voyage,  grâce  à  l'extrême  bienveillance  de  M.  le  docteur 
Cosson,  est  une  de  ces  nombreuses  plantes  de  la  famille  des  Cruci- 
fères dont  les  Touareg  font  usage  pour  leur  alimentation.  A  défaut 
d'autres  provisions ,  j'ai  été  souvent  heureux  de  la  mettre  à  contri- 
bution pour  l'approvisionnement  de  ma  table  et  de  celle  de  mes  ser- 
viteurs. Son  usage  délassait  mon  estomac  fatigué  des  légumes  secs, 
les  seuls  à  la  disposition  des  caravanes.  Je  ne  me  doutais  pas  alors 
que  je  mangeais  un  plante  qui  plus  tard  porterait  mon  nom. 


VÉGÉTAUX.  151 

DiPLOTAXIS    PENDULA     DC. 

Récolté  le  12.  mars  1860,  dans  les  montagnes  de  Kerlz. 
Comestible  comme  la  précédente. 

Erdca  sativa  Lmk.  E.  stenocarpa  Boiss.  et  Reut. 

Hàrra  (arabe);  Tânekfàït  (temâhaq). 

Récolté  à  Sâghen  et  sur  l'Ouàdi-Alloûn ,  les  1"  janvier  et  29  février  1861. 
Commun. 

Cette  plante  est  également  comestible  et  mangée  par  les  Touareg. 

La  graine  et  le  suc  de  cet  Eruca,  concurremment  avec  les  mêmes 
parties  des  deux  Diplotaxis  ci-dessus ,  sont  employés  comme  remède 
contre  la  gale  des  chameaux. 


ScHouwiA  Arabica  DC. 


Alouâs  (temâhaq). 


Trouvé  et  récolté  à  Tikh&mmalt,  le  27  janvier,  et  à  Tîn-Térdja,  le  2  mars 
1861. 

Plante  rare,  spéciale  aux  déserts  d'Arabie  et  non  encore  trouvée 
en  Berbérie. 

ZiLLA    MACROPTERA  CoSS.   in  BulL  SoC,  bot. 

Chobrom,  dans  TEst;  Chebreg,  dans  TOuest  (arabe);  Oftozzon 
(temâhaq). 

Récolté  à  Aghelâd,  le  8  février,  et  sur  rOuàdi-Alloûn ,  les  28  et  29  fé- 
vrier 1861 ,  entre  Ghadâmès  et  Rhàt;  signalé  sur  le  plateau  de  Tàde- 
màyt,  entre  le  Touât  et  le  pays  des  Benî-Mezâb. 

Cette  plante  épineuse,  qui  croît  en  touffes  larges,  est  avidement 
mangée  par  les  chameaux. 

Brassica  Napus  L.? 

Left  (arabe);  .Afràn  (temâhaq). 

Le  navet  est  cultivé  dans  les  jardins  de  toutes  les  oasis ,  où  il 
vient  très-bien. 

Sa  racine,  crue  ou  cuite,  sert  à  Talimentation. 
Sa  graine  est  employée  comme  médicament. 

Brassica  olbrageA  L.7 
Kronb  (arabe). 


152  TOUAREG   DU   NORD. 

Le  chou  ne  paraît  pas  très-bien  réussir  dans  les  oasis,  à  moins 
que  la  variété  qui  y' est  cultivée  ne  soit  inférieure  à  celle  de  nos  jar- 
dins d'Europe. 

CAPPARIDÉES. 
Cleomb  Arabica   L. 

Mekhînza,  Oumm-el-djelâdjel  (arabe)  :  le  premier  usité  à  Gha- 
dàmès,  le  second  au  Fezzân;  Ahôyyarh,  Wôyyarh  {temâfiaq). 

Récolté  le  26  août  1859,  dans  rOuâd-Mez&b;  le  6  septembre  1860,  aux  en- 
virons de  Ghad&mès;  le  7  février  1861,  à  Aghelàd  ;  le  2  mars  1861,  àT!n- 
Tôrdja. 

Cette  plante  croît  dans  les  sables  et  dans  les  pierres. 

M^RDA    RIGIDA    R.  Br. 

Sarah  {arabe);  Adjàr  {temâhaq). 
Récolté  le  1"  avril  1861,  à  Ouariret. 

Cet  arbre,  assez  rare,  vit  toujours  isolé. 

Son  tronc  a  de  3  à  4  mètres  de  hauteur  et  de  O^TO  à  1"  de  cir- 
conférence en  moyenne. 

Ses  branches,  noueuses,  peu  nombreuses,  ne  retombent  pas 
comme  dans  les  autres  arbres,  mais  se  dressent  verticalement  vers 
le  ciel.  Elles  partent  de  terre  et  donnent  à  l'arbre  l'aspect  d'une 
grande  broussaille. 

Ses  feuilles  sont  petites. 

11  était  en  fleur  le  !«'  avril. 

Par  son  port  et  sa  taille  cet  arbre  rappelle  le  Balanites  .Egyp- 
tiaca,  mais  il  n'a  pas  d'épines  et  ses  feuilles  sont  différentes. 

Capparis  spinosa  L.  var,  coriagea. 

Kebbàr  {arabe). 

Récolté  le  24  août  1859,  dans  une  ravine  aride  montant  au  Qaçar-Sidi- 
Sa&d.  Reconnu  dans  les  vallées  de  TOuàd-Mezàb  et  entre  MethlUi  et  El- 
Golêa*,  où  il  est  commun. 

Les  belles  fleurs  roses  de  cet  arbrisseau  rampant  et  épineux  dis- 
traient agréablement  la  vue  de  la  monotonie  des  solitudes  déser- 
tiques. 

Les  médecins  arabes  font  un  grand  usage  du  bois  de  câprier  dans 
les  maladies  chroniques  et  notamment  dans  la  dyssenterie. 


VÉGÉTAUX.  153 

CISTINÉES. 

HeLIANTHBMCM    SESS1L1FL0RUM  PCFS. 

Semhari,  Reguîg  (aro^e)  ;  Tahaouat,  Tahesouet  {temâhaq). 

Reconnu  en  cinq  stations  dans  la  région  de  r*£rg,  entre  El-Ouâd  et  Gha- 
dàmès;  commun  aux  environs  de  Ghadâmès,  dans  les  plaines  au  pied  du 
Ahaggàr  et  entre  El-Golêa'  et  Methllli. 

Récolté  dans  la  Hamàda  de  Tlnghert,  près  de  la  Gara  de  Tlsfln,  le  16  sep- 
tembre 1860. 

Plante  de  sables,  mangée  par  les  chameaux. 

Helianthemum  Cahiricdm  Delile. 

Rega  {arabe);  Aheo  {temâhaq). 

Récolté  dans  rOuàd-Mez&b.  Commun  dans  les  environs  de  Ghadâmès. 
Plante  sans  importance. 

Helianthemum  Tcnetanum  Coss.  et  Kral.  in  Bull.  Soc,  bot. 

Récolté  le  18  mars  1860,  entre  El-Hàmma  et  Gàbès,  dans  un  pays  aride  et 
rocheux. 

Cette  plante  est  sans  importance  pour  l'alimentation  des  animaux. 

RÉSÉDACÉES. 
Reseda  stricta  Pers. 
Récolté  dans  les  montagnes  de  Keriz,  le  12  mars  1860. 
Plante  sans  importance. 

FRANKÉNIACÉES. 
Frankenia  pdlverdlenta  L. 

Guenoûna,  Melêfa  {arabe). 

Récolté  autour  des  mares  des  dattiers ,  dans  les  jardins  de  Ghard&ya ,  en 
1859,  et  dans  ceux  de  Sldi-Khelil,  le  5  juin  1860. 

Celte  plante  aime  Tombre  et  les  endroits  humides.  Sans  impor- 
tance. 

Frankenia  pallida  Roiss.  et  Reut. 
Melêfa  {arabe). 

Récolté  sous  les  dattiers  de  Sldi-KhelU,  le  5  juin  1860. 
Même  observation  que  ci-dessus. 


154  TOUAREG    DU   NORD. 

MALVACÉES. 
Malva  parviflora  L. 
Khoubbîz  {arabe). 

Récolté  en  1859,  dans  les  jardins  de  Ghard&ya. 

Plante  émolliente,  employée  comme  médicament  par  les  indi- 
gènes. 

Hibiscus  escclentus   L. 

Meloûkhîa  (arabe). 

Le  meloûkhîa  (gombo  des  Européens)  est  le  légume  favori  des 
Orientaux,  aussi  le  cultive-t-on  dans  tous  l'es  jardins  potagers  des 
oasis.  C*est  un  fruit  très-mucilagineux,  sain  et  d'une  digestion  facile. 

On  le  mange  en  ragoût  avec  la  viande. 

On  l'emploie  également  cru  en  salade. 

GossYPiLH  viTiFOLiuM  Lmk. 

Koton-bernâoui  (arabe)  ;  Tàbdoûq  (temâhaq). 

Récolté  le  21  Juin  1861,  à  Mourzouk,  où  ce  cotonnier  est  cultivé. 

Ce  cotonnier,  cultivé  dans  tout  le  Fezzân,  a  été  importé  du  Bornou 
(Afrique  centrale),  ainsi  que  Tindique  son  nom  arabe.  Il  est  à  courte 
soie.  Dans  les  graines  que  j'en  ai  rapportées,  M.  Hardy,  directeur  du 
jardin  d'acclimatation  d'Alger,  a  reconnu  deux  variétés  :  Tune  blan- 
che et  Tautre  nankin. 

GOSSYPIUM    HERBACEDM     L. 

Koton-fezzâni  (arabe)  \  Tàbdoûq  (temâhaq). 

Récolté  le  22  mai,  à  Tekertiba,  oasis  de  TOuàdi-el-Gharbl,  et  à  Mourzouk, 
le  24  juin  1861,  où  il  est  cultivé. 

Le  cotonnier  du  Sahara  ne  peut  figurer  ici  que  pour  mémoire, 
en  raison  du  peu  d'importance  de  sa  production.  Cependant,  il  y  est 
cultivé  et  à  très-bas  prix;  c'est  là  un  point  important,  car  le  bas  prix 
résulte  de  l'abondance  de  la  main-d'œuvre  et  des  conditions  clima- 
tériques  qui  rendent  cette  culture  certaine ,  sans  exiger  aucun  travail 
sérieux  autre  que  celui  de  la  cueillette,  conditions  qui  ne  peuvent 
être  modifiées. 

Au  Fezzân,  j'ai  trouvé  le  cotonnier  en  fleur  au  mois  de  juin,  c'est-à- 


•jôiaidAna   H   W  ôp  uissdp  un  sjide.a 
'vaixuaxaj.    aa    aovnu    aa   an.v  — '  'z>  '^\A 


iOUJ^eAna    H  *K  ^P  uissop  un  sçadE.i] 
•luva.io  V  MkAasoii-ia-iiîuaH'j  aa  vAiaoyi  vi  aa  aiiA  —    y  -aij 


•Il  13  01    3\d 


CCI    D^BJ 


A    W 


VÉGÉTAUX.  155 

dire  à  l'époque  où  il  commence  à  sortir  de  terre  sur  le  littoral  algérien. 

11  en  est  de  même  au  Touât. 

Dans  ces  deux  archipels  d*oasis,  rien  ne  sollicite  la  production, 
limitée  aux  besoins  des  ménages  ;  car  on  y  reçoit  de  l'Europe  et  de 
l'Afrique  centrale  des  étoffes  qu'il  est  plus  commode  d'acheter.  Mais, 
dans  ces  deux  districts ,  il  y  a  un  excédant  de  population  qui  est 
forcé  d'émigrer  pour  aller  demander  des  moyens  d'existence  à  d'au- 
tres contrées,  et  il  préférerait  trouver  sur  place  l'emploi  de  ses  bras. 
Il  s'adonnerait  donc  volontiers  à  la  culture  du  coton,  si  ce  produit 
avait  un  débouché  régulier  et  assuré. 

L'espace  non  plus  ne  manque  pas,  car  avec  des  puits  on  peut 
créer  des  oasis  partout  où  la  terre  végétale  recouvre  la  roche  et  les 
sables. 

Si  le  Touât  et  le  Fezzân  paraissaient  trop  éloignés  des  ports  de 
l'Algérie,  ou  si  leur  situation  en  dehors  de  notre  colonie  devait  être 
un  obstacle  à  des  encouragements  directs  à  une  culture  développée,  il 
y  a,  dans  le  Sahara  algérien  même,  la  zone  des  puits  artésiens,  qui 
peut  produire  le  coton  courte  soie  dans  des  conditions  climatériques 
et  de  main-d'œuvre  analogues  à  celle  du  Fezzân  et  du  Touât. 

Là,  le  nègre  est  dans  son  climat  de  prédilection,  et  dès  qu'il  saura 
qu'un  jçouvernement  capable  de  le  faire  respecter  y  creuse  des  puits 
pour  cultiver  le  coton,  il  y  viendra,  et  il  suffira  de  lui  donner  de  bonnes 
graines  et  de  lui  enseigner  les  meilleures  méthodes  de  culture. 

J'ai  rapporté  des  graines  du  cotonnier  fezzanien  et  du  cotonnier 
soudanien,  pour  être  ensemencées  au  jaMin  d'acclimatation  d'Alger. 
On  ne  tardera  pas  à  être  fixé  sur  leur  valeur  comme  semences  à  pro- 
pager en  Algérie. 

A  U  R  A  N  T  I A  C  É  E  s. 

CllTRUS  MEDICA   L. 

Chedjret-el-Lîm  {arabe). 

Un  seul  citronnier  existe  dans  l'oasis  de  Ghadàmès.  Je  ne  pense 
pas  qu'il  y  en  ait  à  Rhàt.  Au  Fezzân,  on  en  compte  quelques-uns. 
Au  Touât,  ils  doivent  être  rares  aussi. 

Si  un  arbre ,  dont  le  fruit  est  si  précieux  dans  la  saison  des 
grandes  chaleurs,  n'est  pas  plus  répandu  dans  les  oasis,  c'est  que 
probablement  il  y  résiste  à  l'acclimatation. 


1&6  TOUAREG  DU   NORD. 

CiTRUS  AURANTIUM  L. 

Chemmâm  (arabe). 

L'oranger  réussit  un  peu  mieux  que  le  citronnier  et  il  y  est  un 
peu  plus  comniun,  sans  œsser  d*être  rare  cependant. 

Les  oranges  des  oasis,  même  celles  du  Zibân ,  sont  loin  de  valoir 
celles  du  littoral  méditerranéen. 

âmpélidéës. 

VlTIS     VlKilFBRA     L. 

Dâlia  (arabe). 

La  vigne  est  cultivée  dans  toutes  les  oasis.  Le  12  juillet  1861,  les 
'  raisins  étaient  mûrs  à  Trâghen,  au  moment  de  mon  passage. 

Le  raisin  frais,  *aneb,  qui  en  provient,  de  qualité  inférieure,  est 
mangé  en  fruit.  Le  raisin  sec,  zebîb,  qui  entre  comme  condiment 
dans  le  couscoussou,  est  tiré  du  Nord. 

D'après  les  renseignements  qui  me  sont  fournis,  il  existerait  dans 
les  montagnes  du  Ahaggâr  trois  variétés  de  vignes  sauvages  aux- 
quelles les  Touareg  donnent  les  noms  de  tezzebibt,  de  tâlekat  et 
telôkat. 

Le  raisin  des  vignes  sauvages,  toujours  petit,  est  de  qualité  infé- 
rieure. 

Le  Touât  paraît  posséder  quelques  bonnes  variétés  de  raisin. 

Les  musulmans  ne  font  jamais  de  vin ,  mais  ils  conservent  des 
raisins  cuits  et  confits  dans  le  sucre  ;  ils  donnent  à  cette  prépara- 
tion le  nom  de  robb^l-'aneb. 

GÉRANIACÉËS. 
Erodium  glaucophtllum  Ait 
Sa'adân  (arabe). 

Récolté  le  7  mars,  entre  Guett&ra-Ahmed-ben-*Amàra  et  Nafta,  et  le  12  mars 
dans  les  montagnes  de  Keriz. 

Cette  petite  plante  affectionne  les  terres  de  heycha. 

ZYGOPHYLLÉES. 

Tribdlcs  megistoptbrcs  Kral.  in  Ann.  se.  nat,  var.  magrocarpus. 
Bôriel  (iemôhaq). 


VÉGÉTAUX.  157 

Trouvé  et  récolté  dans  une  station  unique,  le  5  mars  1861,  à  Tiferghaslo, 
entre  Ghad&mès  et  Rh&t. 

Sans  importance. 

Zygophtlluh  Gesliri  Coss.  in  Bull.  Soc,  bot, 

Bou-grîba,  Agga  {arabe). 

Récolté  le  13  mars  1860  sur  les  bords  de  laSebkha  de  Sedàda. 
Affectionne  les  terres  salines  des  sebkha. 

Fagonia  Sinaica  Boiss. 

Choreïka  {arabe). 

Récolté  le  12  mars  1860 ,  dans  les  montagnes  de  Kerlz  et  près  de  la  Gara 
de  Tisfln^  aux  environs  de  Gbadàmès.  Abondant  dans  les  dunes. 

Malgré  ses  épines,  les  chameaux  ne  dédaignent  pas  cette  plante. 
Fagonia  frdticans  Coss.  in  BtUl.  Soc,  bot, 

Chega'a,  Reguîg  {arabe). 

Récolté  en  septembre  1859,  entre  Hàssî-Dhomrân  et  Chaâbet-Timedaqsin , 
sur  la  route  de  Metblili  à  El-Golèa' ,  et  sur  la  bam&da ,  près  de  la  G&ra- 
Tlfsln,  aux  environs  de  Gbadàmès,  le  16  septembre  1860.  ^ 

Assez  commun,  quoique  rare  dans  le  Sahara  algérien. 

Balanitbs  iEGYPTiACA  Delilo. 

Hadjilidj  {arabe  local),  Heglig  {arabe  d'Egypte),  Tebôraq  {temâhaq), 
Tchaïchot  (au  Touât),  Addaoua  (au  Haoussa), 

Trouvé,  chargé  de  fleurs  et  de  fruits,  le  3  mars  à  In-Ezz&n,  et  le  4  mai  1861 

à  Tîterbsîn. 
Sa  limite  Nord  est  au  pied  des  montagnes  du  TasUi.  On  le  trouve  aussi 

dans  le  Ahaggàr  et  au  Touât ,  mais  à  Tétat  isolé ,  sans  être  rare. 

Son  tronc,  d'une  circonférence  del"àl"50  environ,  s'élève  à 
5  mètres  de  hauteur  sous  branches.  Dans  les  pays  où  cet  arbre  est  le 
plus  commun,  son  bois  est  employé  à  faire  des  planchettes,  des 
colliers,  ce  qui  indique  qu'il  est  fln  et  très-dur.  Chez  les  anciens 
Égyptiens,  on  en  faisait  des  statues.  On  dit  aussi  qu'il  sert  à  l'éclai- 
rage à  la  façon  du  bois  résineux. 

Ses  feuilles,  persistantes,  sont  petites  et  charnues;  quand  elles 
sont  nouvelles,  on  les  cueille  pour  en  assaisonner  les  aliments,  sur- 
tout dans  les  contrées  où  le  sel  manque.  Elles  sont  aussi  employées 
pour  déterger  les  plaies  de  mauvaise  nature. 


158  TOUAREG   DU  NORD. 

Des  épines  formidables  défendent  les  feuilles  et  les  branches 
contre  les  attaques  de  la  dont  des  animaux. 

Son  fruit,  ibcn^â^hen,  qui  a  la  grosseur  d'une  forte  jujube  allongée, 
est  enveloppé  dans  une  écorce  jaune,  mince,  qu'il  faut  enlever  pour 
arriver  au  noyau. 

Le  noyau,  de  nature  cornée,  très-dense,  jaunâtre,  est  recouvert 
d'une  pulpe  brune  qui  s'enlève  facilement  avec  Tongle  et  se  délaye 
dans  Teau. 

L'amande  que  contient  le  noyau,  de  la  grosseur  d'une  arachide 
ordinaire,  d'un  jaune  verdàtre,  a  un  goût  d'amertume  légère. 

Avec  la  pulpe,  d'une  amertume  plus  prononcée  encore,  on  prépare 
une  pâte  à  laquelle  on  attribue  la  propriété  de  guérir  les  maladies  de 
la  rate  et  de  tuer  le  ver  de  Guinée  (vena  medensis). 

Avec  le  fruit,  débarrassé  de  son  amertume  par  la  macération,  on 
prépare  une  pâte,  sucrée  avec  du  miel. 

RUTACÉES. 

RUTA    BRACTEOSA  DC. 

Djell,  Jell,  Fîdjel  {arabe)  ;  Issîn  {temâhaq). 

Récolté  le  7  novembre  1860,  sur  l'Ouàdi-Tîji,  près  de  Djàdo. 

Dans  les  oasis,  on  attribue  à  l'odeur  de  cette  plante  la  propriété 
d'éloigner  les  scorpions  des  habitations. 

Ses  feuilles  et  ses  graines  sont  employées  comme  médicaments. 

Haplophyllum  tuberculatum  Adr.  de  Juss. 
Chedjret-er-rîh  (arabe). 

Récolté  le  17  septembre  1860  sur  TOuàdi-Aouàl,  au  Nord-Est  de  Ghad&niès. 

Cette  plante,  ainsi  que  l'indique  son  nom  arabe,  Varbre  au  vent^ 
est  employée  contre  les  douleurs  causées  par  les  refroidissements. 

Peganum  Harmala  L. 

Harmel  {arabe);  Bender-tifîn  {temâhaq). 

Très-commun  dans  TOuàd-Mezàb,  où  je  Tai  récolté.  Signalé  en  plusieurs 
stations,  dans  les  montagnes,  entre  Rb&t  et  In-Sàlab. 

Cette  plante,  dont  «  chaque  racine,  chaque  feuille,  dit  le  Prophète, 
«  est  gardée  par  un  ange,  en  attendant  qu'un  homme  y  vienne  cher- 
«  cher  sa  guérison,  »>  est  très-employée  par  les  indigènes  dans  tout 
le  Sahara. 


VÉGÉTAUX.  159 

Avec  sa  graine  on  fait  une  huile ,  zH-el-harmel ,  qui  s'exporte  au 
loin. 

J'aurai  l'occasion  de  revenir  sur  les  propriétés  de  cette  plante. 

rhâmnéës. 

ZiZTPHUS   SPIIfA-CHRISTI    WiUd. 

Zegzeg  (arabe),  môme  racine  que  zizyphus;  Korna  (au  Fezzân); 
Abaka  {temâhaq);  Nabq  {en  Egypte);  Sidr  {traducteurs  et  commenta- 
teurs du  Coran), 

Cet  arbre  est  cultivé  dans  le  Fezzân ,  et  particnlièremeot  daioB  TChiàdi-el- 
Gharbt,  près  deDjerma.  Cest  deTekertiba,  dans  la  même  oasis,  que 
provient  l'échantillon  de  mon  herbier.  Je  Ta!  également  récolté  à  Nafta, 
le  9  mars  1860. 

Ainsi  que  l'indique  son  nom  scientifique,  cet  arbre  passe  pour 
avoir  fourni  la  couronne  d'épines  qui  ensanglanta  la  tête  de  Jésus. 
Pour  ce  motif  et  malgré  le  triste  souvenir  qu'il  rappelle ,  ce  jujubier 
est  l'objet  d'un  certain  culte  chez  les  chrétiens  d'Orient. 

Chez  les  musulmans,  il  est  non  moins  vénéré,  car,  d'après  le  pro- 
phète Mohammed,  le  sidr  est  un  arbre  du  paradis,  et  il  y  en  a  même 
un  dont  la  tête  est  assez  considérable  pour  qu'un  cavalier,  en  un 
siècle,  ne  puisse  traverser  l'ombre  qu'il  projette. 

Au  chapitre  66,  verset  17  du  Coran,  il  est  dit  : 

«  Le  sidr  est  un  arbre  sous  lequel  les  élus  du  paradis  feront  leur 
u  séjour.  » 

Ainsi,  à  des  titres  bien  différents,  cet  arbre  se  recommande  à  la 
mémoire  des  hommes  religieux  de  l'Orient  et  de  l'Occident.  Les  pèle- 
rins de  Jérusalem  en  rapportent  des  branches  pour  orner  leurs  ora- 
toires, les  musulmans  en  récoltent  les  feuilles,  dont  ils  font  une 
décoction  pour  lotionner  les  morts,  afin  de  donner  à  leurs  dépouilles 
terrestres  un  avant-goût  des  jouissances  du  paradis. 

Indépendamment  du  culte  dont  il  est  l'objet ,  ce  jujubier  forme 
un  bel  et  grand  arbre  qui  contribue  à  l'embellissement  des  oasis. 

Son  fruit  est  d'un  goût  assez  savoureux  quand  il  est  frais.  11  est 
recherché  comme  aliment. 

Ses  feuilles  sont  employées  comme  anthelminthiques. 

Le  jujubier  couronne  du  Christ  est  aussi  cultivé  dans  la  Tunisie 
et  môme  en  Algérie ,  dans  le  Zibân.  En  cette  dernière  contrée ,  il 
atteint  des  proportions  assez  considérables  pour  être  remarqué. 


160  TOUAREG  DU   NORD. 

ZizYPHUs  Lotus  L. 

Sedra  {arabe);  Tâbakat  {temâhaq). 

Ce  Jujubier  nain,  si  commun  dans  le  Tell  de  TAlgérie  et  dont  les  épines 
sont  si  redoutables  pour  les  vêtements,  apparaît  de  temps  à  autre,  jusqu'au 
pied  des  montagnes  du  Taslli.  Près  de  Djerma,  dans  le  Fezzàn,  j'en  ai 
retrouvé  un  pied  unique,  vers  la  môme  latitude  que  sur  la  route  de  Gha- 
dâmès  à  Rhât.  Je  Tavais  également  rencontré  dans  le  Mez&b  et  entre 
Methim  et  El-Golêa*. 

Mes  itinéraires  par  renseignements  le  signalent  sur  le  versant  Nord  du 
Ahagg&r,  mais  pas  au  delà. 

Son  fruit  est  comestible,  il  a  un  goût  sucré  légèrement  acidulé, 
agréable  pendant  la  saison  des  chaleurs,  mais  pas  assez  pour  faire 
perdre  aux  étrangers  le  souvenir  de  leur  patrie,  ainsi  que  le  dit 
Homère. 

Ce  fruit  est-il  bien  le  même  que  celui  qui  a  donné  son  nom  aux 
Lotophages?  Il  est  permis  d'en  douter,  car  la  description  de  l'arbre  et 
du  fruit  que  nous  donnent  Polybe  et  Hérodote  se  rapporte  peu  à  la 
baie  que  les  Arabes  appellent  nabqa  et  les  Touareg  ibakâten. 

Mohammed  (le  prophète) ,  qui  devait  se  connaître  en  botanique 
désertique,  autant  que  les  savants  qui  ont  assimilé  le  nabqa  au  Lotus 
des  anciens,  ne  se  trompe  pas  quand  il  qualifie  le  saveur  du  fruit 
du  sedra. 

Les  habitants  de  Saba  s'étant  rendus  coupables  de  pacte  avec 
l'erreur,  il  les  punit  en  convertissant  leurs  jardins,  couverts  de  fruits 
délicieux,  en  d'autres  jardins  produisant  des  fruits  amers,  et  au 
nombre  de  ces  fruits  flgure  celui  du  sedra. 

TÈRÉBINTHACÉES. 

Rhcs  dioica  Willd. 

Djedârîa,  Djedâri  (arabe);  Dezougguert  {berbère-nefoûsien);  Teh6- 
naq  {temâhaq). 

Récolté  le  18  novembre  1860,  sur  rOuâdi-Tirhît  ;  le  3  mars  1861,  à  In- 
Ezzàn,  affluent  du  bassin  derTUerhsln;  trouvé  en  trois  stations  entre 
Ghad&mès  et  Rhàt;  signalé  dans  les  montagnes  entre  Rhàt  et  In-S&lah, 
ainsi  que  sur  le  plateau  de  T&demàyt,  entre  In-Sàlah  et  Methlili. 

Antérieurement,  j'avais  constaté  la  présence  de  cet  arbuste  dans  les  vallées 
du  Djebel  tripolitain,  dans  le  Sud  de  la  Tunisie  et  même  autour  de  quel- 
ques rhedtr  du  Sahara  algérien. 

L'écorce  des  racines  et  de  la  tige  de  ce  sumac  est  recherchée  pour 


VÉGÉTAUX.  161 

le  tannage  des  peaux  de  moutons.  On  en  fait  un  commerce  assez 
important  par  Gâbès.  Les  Touareg  l'emploient  aussi  aux  mêmes 
usages.  Ils  l'appellent  aoufar. 

LÉGUMINEUSES. 
Crotularia  SaharjE  Coss.  sp,  nova. 

Observé  en  une  station  unique,  sur  la  Hamàda  de  Ttnghert,  près  Ghadà- 
mès,  et  récolté  le  13  septembre  1860. 

Cette  espèce  nouvelle,  dénommée  par  M.  le  docteur  Cosson ,  n'a 
encore  été  ni  décrite  ni  publiée. 

Retaua  RiCTAM  Webb  in  Ann,  sr.  nat. 

Retem  {arabe);  Telit  (lemâhaq). 

Récolté  dans  le  Sahara  algérien  ;  reconnu  sur  onze  points  de  ma  route,  entre 
Ghadàmèset  Rh&t,  où,  avec  le  Calligonum  comosuniy  il  fournit  le  seul 
bois  de  chauffage  à  l*u3age  des  caravanes  ;  signalé  comme  étant  commun 
dans  les  montagnes  dii  Àhaggàr. 

Cet  arbrisseau  atteint.de  1  à  2  mètres  de  hauteur,  rarement  3. 

Les  branches  du  retem,  nous  apprend  M.  le  docteur  Cosson,  ont 
été  utilisées  à  Géryville  par  le  Génie  militaire  pour  remplacer  les 
lattes  dans  la  construction  des  plafonds  et  des  terrasses. 

Ses  feuilles  recherchées  par  les  chèvres  et  les  chamelles  commu- 
niquent à  leur  lait  un  goût  d'amertume  prononcé. 

Ses  racines  sont  employées  en  décoction  comme  vermifuges. 

Genista  Sahar/E  Coss.  et  DR.  in  Bull.  Soc.  bot. 

Merkh  {arabe). 

Récolté  dans  le  Sahara  algérien,  le  20  février  1860. 
Cet  arbuste  ne  paraît  pas  s'étendre  dans  le  Sud.  Dans  le  Nord,  il 
forme  de  gros  buissons. 

Genista? 

Hana  {arabe);  Asabay  {temâhaq). 

Sur  ma  route,  de  Ghadàmès  à  Rhàt,  de  Rh&t  à  Mourzouk,  J*ai  rencontré,  en 
trois  stations,  notamment  le  3  mars  1861, 'à  In-Ezzân,  un  genêt  très- 
connu  des  indigènes,  sous  ses  noms  arabe  et  tem&haq.  Je  ne  Tai  pas 
récolté,  parce  quMl  n'avait  ni  fleurs  ni  fruits.  On  le  signale  comme  étant 
plus  commun  dans  les  montagnes  entre  Rh&t  et  In-S&lah. 

J'appelle  l'attention  des  voyageurs  sur  cette  espèce  ligneuse  ,  si , 
plus  heureux  que  moi,  ils  peuvent  la  récolter  dans  des  conditions  qui 
permettent  de  la  déterminer. 


162  TOUAREG   DU   NORD. 

Par  sa  forme,  cet  arbuste  rappelle  celles  du  Relania  Rœtam  et  des 
Ephedra, 

Le  3  mars,  les  gousses  vides  tenaient  encore  à  la  plante. 

Ononis  angdstissim a  Lmk. 
Récolté  le  12  mars  1860,  dans  les  montagnes  de  Keriz. 

Plante  sans  importance. 

Trigonella  angdina  Delile. 

Nefel  {arabe);  Ahazès  (lemâhaq). 

'    Trouvé  en  sept  stations ,  entre  Ghadàmès  et  Rhàt;  récolté  le  9  février  1861, 
dans  rOuâdi-Târat. 

Bon  fourrage.  Quelquefois  cette  Léguraineuse  forme  des  prairies 
dans  lesquelles  les  caravanes  font  des  provisions  de  route. 

Trigonella  laciniata  L.  ixir,*i 

Handegoûg  { arabe)]  Ahazès  {teinâliaq). 

Récolté  à  S&ghen,  en  fleurs,  mais  sans  fruits,  le  3  janvier  4861;  reconnu 
en  dix  stations,  entre  Ghadàmès  et  Rhàt;  signalé  sur  quelques  points, 
entre  RbAt  et  In-Sàlah. 

Cette  plante,  qui  croît  volontiers  dans  les  lits  des  ouâdi  après  les 
pluies,  est  très-recherchée  par  les  animaux. 

LOTCS  Creticds  L. 
Récolté  les  17  et  21  mars  1860,  aux  environs  de  Gàbès. 
Petite  plante. 

LOTDS  corniculatcs  L. 

Nedjem  {arabe). 

Récolté  dans  la  Ghâba  de  Sedàda,  aux  environs  du  Ghott-eUDjérld,  le 
i3  mars  1860. 

Petite  plante  fourragère. 

Inbigofera  argentea  L. 
iNîla  {arabe);  Bâbba  {lemâliaq). 

Récolté  le  4  juin  1861,  dans  les  jardins  de  Tessâoua.  Cultivé  dans  le  Fezzàn 
et  au  Touât. 

La  culture  de  Tindigotier  n'est  pas  très-développée  dans  les  oasis, 
non  qu'elle  n'y  r/'ussisse,  mais  parce  que  les  Oasiens,  se  procurant 
facilement  Tindigo  par  les  caravanes  du  Soudan,  préfèrent  réserver 
leurs  terres  pour  des  céréales. 


VÉGÉTAUX.  163 

On  prépare  l*indigo  par  la  macération  de  la  plante  et  par  l'éva- 
poration  à  Tair  de  sa  partie  aqueuse  qui  surnage  au-dessus  du  résidu. 
On  verra  plus  loin  quel  usage  particulier  en  font  les  Touareg. 

'     AsTRAGALus  GoMBO  Coss.  et  DR.  iD  BulL  Soc.  bot. 

Foggoûs-el-Hamîr  {arabe). 

Récolté  dans  rOo&d-Mez&b  où  il  est  assez  commun. 

Sans  usage. 

AsTRAGALus  PROLixcs  Sieber. 

Adreylal  (temâfiaq). 

Récolté  à  Tin-Tèrdja,  le  â  mars  1861,  sur  la  route  de  Ghad&mè»  à  Rh&t, 
reconnu  aussi  sur  deux  autres  points. 

Petite  plante  fourragère  rampante. 

ASTRAGALUS    HaUARENSIS  BoiSS. 

Tàmerazraz  {temâhaq). 

Récolté  à  Tln-Têrdja,  le  3  mars  1861.  Station  unique. 
HippocREPis  ELEGANTULA  Hochst.  m  Schimp.  PL  Arab.  eocsicc, 
Têskart  {temâhaq). 

Récolté  à  Tin-Tôrdja,  le  3  mars  4861.  Stajtion  unique. 

Alhagi  Maurorum  DC. 
'Agoûl  (arabe). 

Reconnue  en  six  stations,  dans  la  Ghergutya,  entre  Mourzouk  et  Zoulla,  où 
cette  plante  est  assez  abondante  pour  qu'elle  couvre,  sur  plusieurs  lieues 
d'étendue,  tous  les  espaces  que  la  culture  ne  lui  dispute  pas. 

Elle  ne  figure  pas  (fans  mon  herbier.  J'ai  cru  inutile  de  recueiUir  une  es- 
pèce dont  les  caractères  sont  tellement  reconnaissables,  qu'elle  porte  le 
même  nom  indigène  dans  toutes  ses  stations ,  de  la  Perse  au  Sénégal.  Je 
ne  crois  pas,  d'ailleurs,  être  le  premier  voyageur  qui  signale  son  existence 
dans  l'Est  du  Fezzàn,  car  1'  'agoûl  y  constitue  un  fait  de  peuplement  si 
exceptionnel,  qu'il  a  dû  appeler  l'attention  de  tous  ceux  de  mes  devan- 
ciers qui  ont  reconnu,  exploré  ou  simplement  traversé  la  Chergutya. 

Les  indigènes  du  Fezzàn  mangent  les  longues  racines  de  cette 
plante.  A  cet  effet,  ils  les  font  sécher;  après  quoi,  ils  les  réduisent  en 
farine  par  la  mouture. 

Tous  les  ruminants  domestiques  et  même  les  sauvages,  chameaux, 
chèvres,  moutons,  gazelles,  mangent  les  sommités  de  T'agoûl  malgré 
les  épines  qui  les  défendent.  L'àne  lui-même  ne  les  dédaigne  pas. 

Il  ne  paraît  pas  que  cette  plante  fournisse  aux  Fezzaniens  la 


16Ù  TOUAREG   DU   NORD. 

sécrétion  qu'on  a  appelée  dans  l'Orient  la  manne  des  pèlerins;  car 
cette  production  ne  m'a  pas  été  signalée  au  nombre  des  produits 
utiles  de  cet  arbuste. 

Il  était  en  fleur  en  juillet. 

Ldpinus  vabius  L. 
Djezey-Fôk,  regarde  soleil  (temâhaq). 

Récolté  le  5  mars  1861  à  Titerhsln.  Reconnu  seulement  en  deux  stations 
entre  Ghadàmès  et  Rhàt. 

Acacia  albida  Delile? 
Ahadès,  Ahatès  (temâhaq);  Agawô  (enhaoussa). 

Récolté  le  4  mai  1861  près  des  ruines  du  ch&teau  de  Serdélès,  sur  un  arbre 
gigantesque,  mais  unique  dans  le  pays  des  Touareg  Aidjer. 

Signalé  comme  étant  plus  commun,  mais  toujours  à  Tétat  isolé,  dans  1^ 
montagnes  du  Ahaggftr. 

La  cime  de  cet  acacia  atteint  15  mètres  au  moins  de  hauteur.  Son 
tronc  colossal,  duquel  s'élèvent  cinq  grands  rejetons  remarquables  par 
leurs  énormes  dimensions ,  semble  avoir  été  couché  par  les  venta 
depuis  fort  longtemps.  (  Voir  la  planche  ci-contre.) 

D'après  la  tradition,  il  y  a  un  trésor  enfoui  là  où  s'arrête  l'ombre 
de  l'arbre  à  T'aser (3  heures  du  soir);  mais  on  ne  l'a  pas  encore  trouvé. 

Acacia  Arabica  Willd.;  Benth. 
Talha  {arabe);  Absaq  {temâhaq);  Guerodh  {au  Fezzân). 

Récolté  le  7  mars  1861  dans  les  Jardins  du  Fezzàn,  mais  il  croit  aussi  spon- 
tanément en  forêts ,  car  j*ai  constaté  qu'il  constitue  seize  massifs  entre 
Ghad&mès  et  Rhàt,  et  vingt-deux  entre  Rhàt  et  Mourzouk,  et  j*ai  déter- 
miné sur  mes  cartes  itinéraires  l'étendue  de  chacun  des  trente-huit  bois 
qu'il  forme. 

J'ai  acquis  aussi  la  certitude  que  le  talha  existe  en  forêts  dans  le  Taslli  des 
Azdjer,  dans  les  montagnes  du  Ahaggàr,  sur  le  plateau  de  Tàdemàyt  et 
dans  tout  le  Touàt,  ce  qui  est  confirmé,  pour  cette  dernière  station,  par 
M.  le  commandant  Colonieu,  qui  Ta  trouvé  dans  les  oasis  du  Gouràra. 

Plus  au  Nord,  M.  Pélissier  avait  antérieurement  constaté  son  existence  au 
BoOl-Heudma,  dans  le  Sud  de  la  régence  de  Tunis,  où  il  constitue  une 
forêt  de  plus  de  30  kilomètres  de  longueur. 

Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que  le  talha  est  signalé  dans  les  mômes 
contrées.  Voici  ce  qu'en  disait  Léon  l'Africain  il  y  a  trois  siècles  : 

((  Et-talche  est  un  grand  arbre  épineux,  ayant  les  feuilles  comme 
«  le  genèvre,  et  jette  une  gomme  semblable  au  mastic,  lequel  est 
«  pour   les   apothicaires   africains  sophistiqué   avec  cette  gomme, 


PI.  VI. 


Page  Ifil. 


Fip.  12  et  13. 


Fip.  1.  —  VUE  i>ES  nriNES  t>r  cnÀTE\r  n'Ar.iiREM,  a  serdélès 

(  PHIHK    Dl'    CÔTli    niKSTJ. 

D'après  ua  dessin  de  M.  H.  Duvej'rier. 


Fig.  2.   —  AHATès    (acacia   albida  ). 

(aubrr  nrdAiHTRSQi'R  PRfcs' nit   châtrât   ruink  df  sp.Rnéi.fcp.  ) 
r)';»pr^«i  un  dessin  H"  Nf,  lî.  OuvovriT 


VÉGÉTAUX.  165 

«  pour  ce  qu'elle  est  de  semblable  couleur  et  odeur.  //  s'en  trouve  an 
«  désert  de  la  Numidie,  de  la  Libye,  et  au  pays  des  noirs  :  mais  les 
«  arbres  qui  croissent  en  la  Numidie  estant  ouverts  apparaissent 
«  de  telle  blancheur  au  dedans  que  les  autres  arbres  et  ceux  de  Libye 
c(  sont  violets  et  très-noirs  :  mais  ceux  de  "la  terre  des  noirs  sont 
u  très-noirs,  et  du  cœur  d'iceus  (que  les  Italiens  appellent  sangu) 
Cl  Ton  fait  de  très-beaux  et  gentils  instruments^de  musique.  Le  bois 
«  violet  est  aujourd'huy  en  usage  entre  les  médecins  pour  guérir  le 
c(  mal  de  Naples,  au  moyen  de  quoy  le  bois  prend  son  nom  de 
tt  Teffet  :  bois  guérissant  de  la  vérole,  » 

L'arbre  de  la  Numidie  et  de  la  Libye  auquel  Jean  Léon  attribue 
tant  de  propriétés  est  bien  le'lalha  rencontré  par  moi  dans  mon 
voyage,  mais  il  ne  jouit  plus  de  la  même  réputation  qu'autrefois, 
car  on  se  borne  à  récolter  sa  gomme,  sans  exploiter  son  bois. 

V Acacia  Arabica  des  forêts  du  pays  des  Touareg  atteint  les  pro- 
portions des  plus  grands  amandiers  dans  le  Nord  de  l'Afrique  et  en 
Provence  :  3  niètres  environ  d'élévation  sous  branches  et  1  mètre  de 
circonférence.  D'après  M.  Pélissier,  ceux  de  Boû-Heudma  seraient  non 
moins  remarquables  par  leur  grosseur  et  leur  grandeur. 

La  gomme  que  j'ai  récoltée  à  Oubâri  est  aussi  belle  que  celle  de 
la  côte  de  l'Océan.  L'échantillon  de  la  forêt  du  Boû-Heudma,  que 
M.  Pélissier  avait  envoyé  à  Marseille,  y  a  été  reconnu,  par  le  com- 
merce de  cette  ville ,  d'aussi  bonne  qualité  que  la  gomme  du  Sé- 
négal. 

La  gomme,  on  le  sait,  est  une  production  maladive  de  l'arbre, 
provoquée  par  une  haute  température  et  sous  l'influence  souvent  re- 
nouvelée des  vents  du  Sud.  Elle  sort  spontanément  des  gerçures  que 
la  chaleur  détermine  sur  l'écorce  de  l'arbre;  du  moins  c'est  ce  que 
j'ai  constaté  dans  mon  voyage. 

On  a  écrit  que  la  gomme  était  obtenue  par  incision  ;  il  est  pos- 
sible que,  pour  avoir  une  plus  grande  production  de  gomme\  on  se 
livre  à  cette  opération ,  mais  elle  est  inusitée  dans  les  contrées  que 
j'ai  parcourues.  D'ailleurs,  chez  les  Touareg,  qui  manquent  souvent 
de  vivres,  la  gomme  est  presque  toujours  mangée  dès  qu'elle  est 
produite,  et  on  ne  la  récolte,  pour  le  commerce,  que  dans  les  oasis 
du  Fezzân,  où  l'homme  trouve  facilement  une  nourriture  plus  sub- 
stantielle. 

J'ai  cherché  à  préciser  d'une  manière  certaine  les  stations  de 


166  TOUAREG   DU   NORD. 

V Acacia  Arabica  dans  les  parties  les  plus  rapprochées  du  Sahara  algé- 
rien, parce  que  cet  arbre  est  un  de  ceux  que  nous  avons  le  plus  d'in- 
térêt à  y  acclimater. 

Avant  moi,  M.  le  docteur  Cosson,  juge  beaucoup  plus  compétent, 
a  déjà  appelé  l'attention  du  gouvernement  sur  le  choix  à  faire  de 
cette  essence  pour  le  reboisement  des  solitudes  sahariennes. 

D'après  les  points  où  sa  présence  a  été  constatée  ou  signalée ,  il 
semble  que  l'altitude  et  la  qualité  du  sol  lui  sojit  à  peu  près  indiffé- 
rentes. Laf  seule  condition  que  réclame  cet  acacia  pour  prospérer  et 
produire  de  la  gomme  est  d'avoir  beaucoup  d'air  et  de  lumière. 
Dans  tous  les  bois  que  j'ai  parcourus,  les  arbres  sont  très-espaces, 
ce  qui  avait  déjà  été  remarqué  au  Sénégal  et  au  Sud  de  Maroc. 

V Acacia  Arabica  ne  croît  pas  toujours  en  arbre  :  sur  la  circonfé- 
rence des  forêts  et  à  l'exposition  Nord,  il  ne  forme  guère  que  des 
buissons. 

Les  Fezzaniens  et  les  Touareg  considèrent  l'acacia  broussaille 
comme  constituant  une  espèce  différente  de  l'acacia  arbre  et  lui 
donnent  des  noms  différents  :  'Ankîch  (arabe),  Tamât  (temâhaq);  mais 
après  comparaison  des  échantillons  de  V*ankkh  récoltés  à  Ouarâret 
avec  ceux  du  guerodh  de  provenance  fezzanienne ,  les  deux  ont  été 
reconnus  appartenir  à  la  même  espèce. 

Les  gousses  de  l"anktch,  plus  faciles  à  récolter,  sont  employées  à 
la  préparation  des  cuirs. 

La  broussaille,  comme  l'arbre,  donne  de  la  gomme. 

Les  fleurs  de  VAcacia  Arabica  m'ont  paru  répandre  un  parfum 
suave  qui  aurait  quelque  succès,  s'il  pouvait  être  fixé. 

Dans  l'inventaire  des  arbres  cultivés  au  Touât  figure  un  acacia 
du  nom  d'aggâra  dont  les  gousses  sont  aussi  récoltées  pour  la 
tannerie. 

Cet  arbre  croît  spontanément  dans  le  Ahaggâr  où  il  est  connu 
sous  le  nom  de  Tâdjdjart.  11  m'est  indiqué  avec  la  note  suivante  : 
c(  Arbre  épineux ,  à  graines  amères,  dont  les  gousses  sont  employées 
comme  tannin.  Semblable  au  talha  ou  Acacia  Arabica  y  mais  distinct 
cependant.  » 

Est-ce,  sous  un  nom  différent,  une  variété  de  V Acacia  Arabica? 
Est-ce  une  autre  espèce?  Je  l'ignore. 

Je  consigne  ici  ce  détail  pour  mémoire  et  à  titre  de  simple  ren- 
seignement. 


VÉGÉTAUX.  167 

Cassia  obovata  Coll. 

Senà,  Hachîcha,  Senà-el-Mekki  (arabe);  Adjerdjer  (lepiâhaq). 

Récolté  à  Oubàri  le  17  mai  1861  ;  trouvé  sur  deux  points  de  ma  route  entre 
Ghadàmès  et  Rhât,  sur  quatre  points  différents  du  Fezzàn,  sur  un  point 
entre  Methlîli  et  El-Goléà;  signalé  comme  couvrant  de  grands  espaces  à 
Wahellidjen  et  à  Arhafra  dans  les  montagnes  du  Ahaggàr  ;  très-commun 
jdans  le  pays  d'Air. 

Le  séné  pullule  partout  où  les  vents  portent  sa  graine.  Jadis  on  le 
récoltait  en  abondance  pour  le  vendre  sur  les  marchés  de  Tripoli, 
mais  la  concurrence  a  tellement  fait  baisser  les  prix  qu'ils  ne  cou- 
vrent plus  les  frais  de  transport. 

Les  Touareg  distinguent  deux  variétés  de  séné  :  Vadjerjer-afelâmi 
ou  séné  des  autruches,  qui  est  le  plus  commun,  et  Yadjerjer-omn- 
Anhef,  que  produisent  les  montagnes  d'Anhef  et  qui  est  le  séné 
noble  des  Arabes. 

Celui  du  Ahaggâr,  qui  croît  en  montagne,  est  réputé  plus  actif 
que  celui  des  autres  contrées. 

Les  indigènes  des  pays  de  production,  sur  la  foi  de  cette  parole 
du  Prophète  :  «  Procurez-vous  du  séné  ;  vous  y  trouverez  des  re- 
u  mèdes  contre  touteé  les  maladies,  excepté  la  mort,  »  en  font  usage 
dès  qu'ils  éprouvent  le  moindre  mal. 

PiSUM    SATIVCM   L.? 

Hammîz,  Hommoz,  Djeldjelân  [arabe). 

Cultivé  dans  les  oasis.  Près  de  la  source  de  Tinoûhaouen ,  entre 
Rhàt  et  le  village  de  Fêouet,  j'en  ai  trouvé  un  grand  champ  à  matu- 
rité le  13  mars  1861.  Le  propriétaire  consentit  à  m'en  vendre.  Ce 
pois  me  parut  délicieux. 

Les  indigènes  mangent  toujours  les  pois  secs  et  non  verts.  Les 
ménagères  aiment  à  décorer  les  plats  de  couscoussou  de  guirlandes 
de  pois. 

Indépendamment  du  Pisum  salivum,  les  Oasiens  cultivent  aussi, 
pour  le  même  usage,  le  Cicer  arielinum  L.,  sous  le  nom  de  djelbâna. 

Lathyrus  Ochrds  DC. 
Garfâla  {arabe). 
Ce  lathyrus  est  cultivé  au  Fezzân  comme  plante  fourragère. 

Faba  vdlgaris  Mœnch. 
Foula  (arabe). 


168  TOUAREG  DU  NORD. 

La  fève  de  marais  est  également  cultivée  dans  les  oasis.  On  la 
mange  crue  ou  cuite.  Au  printemps,  les  citadins  s'en  nourrissent 
presque  exclusivement. 

DOLICIIOS...? 

Loûbia  {arabe). 

Le  haricot  dolichos  est  plus  rare  dans  les  oasis  ;  cependant  il  doit 
figurer  au  nombre  des  plantes  potagères  qui  y  sont  cultivées. 

Medicago? 

Guedhob  {arabe  et  lemàhaq). 

Sous  ce  nom,  on  cultive  au  Fezzân,  comme  plante  fourragère, 
une  luzerne  qui  croît  spontanément  dans  le  pays  et  que  j'ai  trouvée 
en  six  stations  entre  Oubàri  et  Zoulla. 

Ne  rayant  rencontrée  ni  en  fleurs,  ni  en  fruits,  elle  ne  figure  pas 
dans  mon  herbier. 

Cette  plante  serait-elle  le  Medicago  pentaajda  D  G.  que  Prax  a 
trouvée  dans  les  cultures  tunisiennes? 

Trifolu'M? 

Foçça  {arabt^). 

Cultivé  au  Fezzàn  et  au  Touât  comme  plauto  fourragère,  priucipalemeut 
pour  l'usage  des  chevaux. 

D'après  M.   le  commandant  Colonieu,  au  Touàt,  on  faucherait 

cette  Légumineuse  tous  les  vingt  jours  pour  en  nourrir  les  moutons. 

Au  Fezzân,  on  vend  également  cette  plante  sur  tous  les  marchés. 

ROSACÉES. 

NEUnAUA    PROCUMBENS   L. 

Saàdân,  Kofeïza  {arabe)  syn.  Coss.;  Nefel,  Anefel  (ànefel)  ((e- 
màhaq), 

Ut^colté  le  2  mars  1861  à  Tin-Tèrdja.  Reconnu  en  huit  stations  de  Ghadà- 
mès  à  Rhàt.  Indiqué  comme  étant  commun  dans  les  montagnes  entre  Rhàt 
et  In-Sàlah. 

Bonne  plante  fourragère. 

AMYGDALÉES. 
Amygdalus  communis  L. 

Ghedjret-el-Loûz  {arabe);  Ibaobaoen  {Lemàhaq), 

L'amandier,  dans  le  Sahara,  rencontre  les  conditions  qui  lui  con- 


VÉGÉTAUX.  169 

viennent  le  mieux,  bien  qu'il  n'existe  pas  dans  les  oasis  du  Nord;  on 
le  trouve  à  Ghadâmès,  àTessâoua  et  dans  les  jardins  du  Fezzân. 

Son  fruit  frais,  frek,  est  très-recherché. 

Son  fruit  sec,  loûz,  est  quelquefois  employé  en  boisson  émulsive. 
On  en  extrait  une  huile,  zit-el-loùz,  consacrée  aux  mêmes  usages  que 
chez  nous. 

L'arbre  donne  une  gomme,  ^alk-elrloûz,  qui  est  mangée. 

Amygdalus  Persica  L. 
Chedjret-el-Khoûkh  (arabe). 

Le  pêcher  réussit  mal  dans  les  oasis.  Il  est  rare,  ses  fruits  sont 
de  qualité  médiocre. 

La  station  la  plus  méridionale  de  cet  arbre  est  à  Tessàoua. 

PntNus  Armeniaca  L. 

Chedjret-el-Berkoûk  (arabe). 

L'abricotier  atteint  souvent  dans  les  oasis,  notamment  à  Ghadâ- 
mès ,  le  développement  des  plus  grands  arbres ,  mais  ses  friiits  per- 
dent de  leur  qualité  au  fur  et  à  mesure  qu'on  avance  dans  le  Sud.   . 

A  Tunis  et  à  Biskra,  on  prépare  des  abricots  secs  qui  sont  vendus 
dans  le  commerce  sous  le  nom  de  mechmâch. 

PRINIS    UOMESTICA  L. 

Chedjret-el-'Aïn  (arabe). 

Le  prunier  à  fruits  oblongs,  cultivé  dans  les  oasis  du  Nord,  se 
retrouve  encore  dans  les  oasis  du  Sud,  mais  plus  rarement. 

POMAGÉES. 
Malus  commlnis  L. 

Chedjret-et-Teffàh  (arabe). 

Le  pommier,  quoique  rare,  est  aussi  acclimaté  dans  les  oasis, 
mais  ses  fruits  sont  sans  goût  et  mauvais. 

Les  pommes  étaient  en  pleine  maturité  à  mon  passage  à  Tessàoua, 
le  5  juin. 

Tous  ces  arbres  importés  d'autres  climats  ne  sont  pas  là  dans 
leur  élément.  Sans  l'ombre  protectrice  des  dattiers,  ils  ne  pourraient 
pas  même  vivre. 

CyDONIA    VULGARIS   PCFS. 

Seferdjel  (arabe). 


170  TOUAREG   DU  NORD. 

Le  coignassier  est  aussi  un  des  arbres  fruitiers  cultivés  dans  les 
oasis  où  il  acquiert  un  développement  considérable. 

LYTHRARIÉES. 

LawSONIA    INERlilS  L. 

Henna  (arabe);  Anella  [temâhaq). 

Cultivé  dans  toutes  les  oasis,  mais  particulièrement  au  Touàt,  car  on  donne 
souvent  au  district  qui  la  produit  le  nom  de  Touât-el-Henua. 

Le  henné  affectionne  les  terres  basses,  chaudes,  humides  des 
lignes  de  fonds  du  Sahara  ,  comme  celles  de  Gâbès ,  du  Nefzàoua  , 
du  Belâd-el-Djerîd,  de  TOuâd-Rîgh,  d'Ouarglâ  et  du  Touàt,  qui  con- 
stituent une  zone  de  même  formation  et  de  môme  climat,  également 
riche  en  eau  et  en  chaleur,  conditions  que  réclame  impérieusement 
la  culture  de  cette  plante  tinctoriale  pour  atteindre  les  dévelop- 
pements,que  désire  l'industrie. 

Si  je  suis  bien  renseigné,  le  henné  peut  être  cultivé  comme 
plante  herbacée  et  annuelle,  à  la  façon  des  plantes  fourragères,  semé 
comme  elles,  fauch^  comme  elles,  et  séché  comme  elles. 

S'il  en  était  ainsi,  le  Sahara  pourrait  produire  le  henné  en  grande 
quantité  et  aux  conditions  de  prix  fixées  par  le  commerce,  qui  sont  en 
moyenne  de  1  fr.  par  kilo. 

Au  Nord  de  la  ligne  des  bas-fonds  ci-dessus  énumérés,  le  henné 
ne  vient  qu'exceptionnellement  à  maturité.  Aussi,  pour  toutes  les  cul- 
tures du  Tell  algérien,  il  faut  demander  des  graines  au  Sahara;  dès 
lors  c'est  dans  le  Sahara  et  non  le  Tell  que  le  commerce  doit  aller 
chercher  le  henné  dont  il  a  besoin. 

Ce  que  f  aurai  à  dire  du  henné  dans  le  deuxième  volume  de  cet 
ouvrage,  au  chapitre  consacré  à  la  matière  commerciale  saharientie, 
me  dispense  d'entrer  ici  dans  de  plus  grands  détails  sur  les  divers 
emplois  de  cette  plante. 

GRANATÉES. 
PUNICA   Granatdm   L. 

Roummâna  (arabe);  Tarroummant  (lemâhaq). 
Le  grenadier  est  cultivé  avec  succès  dans  toutes  les  oasis. 
Son  fruit  aigrelet  convient  particulièrement  au  climat  :  aussi  est-il 
très-estimé. 


VÉGÉTAUX.  171 

Les  écorces  du  tronc  et  de  la  racine  sont  employées  comme  ver- 
mifuges et  les  feuilles  comme  hémostatiques. 

CUCURBITACÉES. 

GccuBiis  Melo  L. 

BetUkha  {arabe). 

De  nombreuses  variétés  de  melons  sont  cultivéesT)ar  les  Sahariens. 
Celles  préférées  sont  les  melons  à  chair  aqueuse,  particulièrement 
les  melons  verts  d'Espagne. 

COCUMIS    SATIVUS    L. 

Foggoûs  {arabe):  Itekel  {lemâhaq). 

Le  concombre  entre  pour  une  part  très-considérable  dans  Talimen- 
tation  des  Oasiens.  On  le  mange  généralement  avec  des  dattes,  à 
rimitation  du  Prophète,  qui  disait  :  «  Le  froid  des  concombres  com- 
pense la  chaleur  des  dattes,  et  la  chaleur  des  dattes  compense  le  froid 
des  concombres.  » 

CUCUMIS    GOLOCYNTHIS      L. 

Handhal  {arahe)\  Alkat  {tcmâhaq)\  Tajellet  {mesabite). 

Récollé  le  18  janvier  1859  dans  l'Ouâd-Mezàb  et  le  24  août  1861  dans  les 
montagnes  de  la  Soda. 

Croit  spontanément  partout.  Rencontré  en  cinq  stations  entre  Ghadâmès 
et  Rhât;  en  deux  de  Tîterhsîn  à  la  Cherguîya;  indiqué  dans  les  mon- 
tagnes entre  Rhàt  et  In-Saïah.  Assez  commun  dans  le  pays  des  Teboù 
pour  que  la  vente  de  ses  graines,  aguellet,  soit  Tobjet  d*un  commerce. 

Les  auteurs  grecs  et  romains  ont  signalé,  comme  une  très-grande 
aberration  du  goût,  l'usage  que  les  Troglodites  (ïeboû  modernes) 
faisaient  de  la  graine  de  la  coloquinte.  Cet  usage  s'est  perpétué  jusqu'à 
nos  jours.  Les  graines  de  coloquinte,  débarrassées  de  leur  principe 
amer  par  Tébullition  et  torréfiées,  sont  encore  vendues  aujourd'hui 
sous  le  nom  de  taberka  par  les  Teboù  sur  les  marchés  et  recherchées 
comme  aliment  de^luxe. 

A  l'imitation  de  mes  compagnons  de  route,  j'ai  mangé  des  graines 
de  coloquinte  et  je  n'ai  pas  trouvé  qu'elles  fussent  dignes  de  la  répro- 
bation des  anciens.  J'avoue  cependant  qu'il  faut  habiter  le  pays  de 
la  famine  pour  avoir  l'idée  de  chercher  un  aliment  dans  la  graine 
d'une  pareille  plante. 

La  graine  de  coloquinte,  non  débarrassée  de  son  principe  amer, 
est  donnée  comme  boisson,  en  mélange  avec  de  l'ail,  contre  les  mor- 
sures de  vipères. 


172  TOUAREG   DU   NORD. 


CCCURBITA    MAXIMA  Ducll. 


Guera'a  (arabe);  Takasâïm  [temâhaq). 

Le  potiron,  qui  atteint  dans  les  oasis  des  proportions  gigantesques, 
est  un  aliment  très-prise  dans  le  Sahara,  comme  tous  les  fruits  de  la 
famille  des  Cucurbitacées. 

•  GocuRBiTA  Pepo  Scringe. 

Kâboùïa  (arabe);  Kabêoua  {temâhaq). 

La  citrouille  est  cultivée  concurremment  avec  le  potiron  et  est 
recherchée  comme  lui. 

CucuMis  CiTRCLLus  Seiinge. 

Della'a  {arabe);  Tiledjest  {temâhaq). 

Dans  les  pays  chauds,  la  pastèque  est  le  sorbet  le  plus  agréable 
qu'on  puisse  trouver.  On  en  cultive,  dans  tout  le  Sahara,  de  nom- 
breuses variétés  à  chair  rouge,  à  chair  blanche  et  à  chair  jaune! 
Toutes  sont  sucrées  et  très-rafraîchissantes. 

Lagenadia  vdlgaris  Seringe. 

Guera*a  {arabe). 

Cette  courge  bouteille  est  principalement  cultivée  pour  son  écorce 
solide.  On  en  fait  des  vases,  mais  surtout  des  instruments  de  inusique 
à  cordes,  compagnons  obligés  de  toutes  les  femmes  et  de  tous  les 
nègres  qui  se  vengent  de  l'infériorité  de  leur  position  sociale,  en 
chantant  et  en  dansant,  dès  que  leurs  maîtres  leur  laissent  un  instant 
de  liberté. 

TAMARISCINÉES. 

TaMARIX     ARTICULATA  Vahl. 

Ethel  {arabe);  Tabarkat  {temâhaq). 

Échantillon  récolté  à  El-Bedîr  le  20  juillet  1861. 

La  carte  itinéraire  de  mon  voyage  indique  65  bois  de  taoïarix ,  doct  58 
entre  Ghadàmès  et  Rhât  et  7  entre  Titerhsin  et  la  Ghergulya. 

Cl\ez  les  Touareg,  le  tamarix  éthel  est  Tarbre  le  plus  important 
par  son  nombre,  par  les  proportions  qu'il  atteint  et  par  les  services 
qu'il  rend. 

Sur  la  ligne  de  Rhât  à  Ghadàmès,  la  limite  Nord  de  cet  arbre  est 
à  Tahâla  par  le  29®  degré  de  latitude  ;  à  partir  de  ce  point,  on  le 
trouve  dans  tous  les  bas-fonds  des  vallées,  où  il  forme  quelquefois, 


VÉGIÎTAUX.  173 

soit  seul,  soit  mélangé  à  d'autres  tamarix,  d'importantes  forêts  qui 
rompent  la  monotonie  saharienne. 

Au  Sud  de  TAlgérie,  Téthel  se  montre  pour  la  première  fois  sur 
rOuâd-Nesâ  inférieur. 

Cet  arbre,  à  moins  de  mutilation  dans  son  jeune  âge,  pousse  en 
un  tronc  unique,  qui  s'élève  à  plusieurs  mètres  de  hauteur  et  porte 
généralement  de  1"  50  à  2"  de  circonférence. 

A  Azel-n-Bangou,  un  éthel,  celui  sous  lequel  le  forgeron  Bangou 
avait  établi  son  atelier,  d'où  lui  est  venu  ce  nom,  mesure  à  sa  base 
5"  iO  de  circonférence.  Cest  un  véritable  géant  pour  la  région  saha- 
rienne; mais  il  n'est  pas  le  seul,  car  j'en  ai  remarqué  d'autres  qui 
m'ont  paru  presque  aussi  gros. 

Souvent  cet  arbre  pousse  en  groupes  de  quatre  à  cinq  pîeds,  mais 
toujours  distincts  lès  uns  des  autres. 

Souvent  aussi  il  se  ramifie  à  partir  de  terre  et  projette  des  branches 
tortueuses  dans  toutes  les  directions. 

Son  feuillage,  composé  de  fils  articulés,  retombe  gracieusement 
comme  des  plumes.  11  est  d'un  beau  vert  bleuâtre. 

Le  bois  de  l'éthel,  de  couleur  jaune  rosé,  léger,  tendre,  cependant 
solide,  fournit  à  l'industrie  locale  des  planches,  des  poutres,  mais 
surtout  du  bois  de  tour  avec  lequel  on  confectionne  des  plats,  des 
vases  et  môme  des  selles  de  dromadaire. 

Son  fruit ,  nommé  par  les  Arabes  adabeh,  paraît  jouir  de  pro- 
priétés astringentes  et  tannantes  très-marquées,  car  on  l'emploie  con- 
curremment avec  la  galle  de  cet  arbre  et  celles  des  autres  tamarix 
sahariens  à  la  préparation  des  cuirs. 

La  galle  des  tamarix,  nommée  takaout,  est  un  des  meilleurs 
tannins  connus.  J'aurai  l'occasion  de  revenir  sur  ce  produit  dans  le 
deuxième  volume  de  cet  ouvrage. 

L'éthel  n'est  pas  partout  apprécié  comme  il  l'est  dans  le 
pays  des  Touareg,  car  on  lit  dans  le  Coran,  chapitre  XXIV,  ver- 
set 15  : 

«  Dieu,  pour  se  venger  des  habitants  de  Saba,  rompit  les  #gues 
«  qui  les  préservaient  de  l'inondation,  et  leurs  jardins  furent  envahis 
«  par  l'éthel.  » 

Arbre  de  malédiction  à  Saba,  l'éthel  est  souvent  béni  dans  le 
Sahara  pour  l'ombre  qu'il  donne  aux  voyageurs  après  des  marches 
pénibles. 


174  TOUAREG  DU   NORD. 

Tamarix  Gallica  L. 

Tarfa,  Elhel  {arabe);  Tabarkat  (temâhaq). 

Échantillons  rapportés  de  la  Heycha  de  Chegga^  le  25  novembre  1859;  d'El- 
Faidh  le  31  mai;  de  rOuâdi-'l-Ethel,  le  17  octobre;  de  rOuàdi-Tirhît,  le 
18  novembre  1860;  de  Tekertlba,  le  28  mal  1861. 

Les  indigènes  confondent  souvent  cette  espèce  avec  la  précédente, 
parce  qu'elles  peuplent  les  mêmes  forêts,  donnent  les  mêmes  produits 
et  servent  aux  mêmes  usages.  J'ai  pu  constater  cette  confusion  par 
le  nom  d'Ouàdi-1-Ethel,  qu'ils  donnent  à  des  vallées  dont  les  lits 
sont  couverts  des  deux  espèces  et  quelquefois  même  du  T.  Gallica  seul, 
à  l'exclusion  de  Varliculala. 

Le  Tamarix  Gallica,  qui  est  l'espèce  dominante  dans  le  Tell,  paraît 
s'étendre  très-loin  au  Sud  dans  le  Sahara. 

Le  bois  de  cet  arbre,  presque  toujours  atteint  par  la  pourriture, 
dans  le  Nord,  ce  qui  le  rend  impropre  à  tout  usage,  paraît  conserver 
toutes  les  qualités  d'un  bois  d'œuvre  dans  le  Sud. 

Tavarix  paugiovulata  J.  Gay. 

Tarfa,  Ethel,  Azaoua  (arabe);  Tàzaouat,  Tabarkat  (temâhaq). 

Récolté  le  11  décembre  1860,  sur  rOuàdi-Sodof,  et  le  !«'  janvier  1861,  à 
S&ghen.  Parait  commun  dans  les  vallées  du  Âbaggàr. 

Mélangé  dans  les  vallées  avec  les  précédents,  il  est  souvent  con- 
fondu avec  eux. 

Tamarix  Africana  Poir? 

Tarfa  {arabe). 

Récolté  à  'Aîn-ed-Dowtra  le  4  février  1860. 

Tamarix  Africa?ia  var,  laxiflora  J.  G&y. 

Tarfa  {arabe). 

Récolté  aux  environs  de  Nafta  le  8  mars  1860. 

Ces  deux  dernières  espèces,  communes  sur  le  littoral,  semblent 
affectionner  des  stations  septentrionales,  car  je  ne  les  ai  pas  trouvées 
au  delà  de  la  zone  de  V  'Erg. 

PARONYCniÉES. 

SCLEROCEPHALIIS    ArABICUS  Boiss. 

Tasakkaroût  {leinâluiq). 

Récolté  à  Tiferghasin,  entre  Ghadàmès  et  Rh&t,  le  5  ma^s  1S61. 


VÉGÉTAUX.  175 

Cette  plante ,  ainsi  que  l'indiquent  son  nom  botanique  et  la  sta- 
tion dans  laquelle  elle  a  été  trouvée,  appartient  aux  régions  chaudes 
du  Sahara. 

PORTULACÉES. 

PORTULAGA    OLBRACEA  L. 

Ridjla  {arabe)  ;  Benderâkech  {temâliaq). 

Le  pourpier  est  une  des  cultures  des  oasis  et  une  de  celles  qui 
réussissent  le  mieux. 

Indépendamment  du  ridjla,  on  trouve  encore  deux  autres  variétés 
de  pourpier  :  le  tafrîta  et  le  boguel ,  ce  dernier  connu  aussi  sous  le 
nom  de  bortoulâkech ,  probablement  parce  qu'il  a  été  importé  du 
Portugal. 

,  FICOIDÉES. 

AizooN  Canariense  L. 

Taouit  (temâhaq). 

Trouvé  et  récolté  dans  une  station  unique,  à  Ttn-Arrày,  le  i*'  mars  1861. 

Cette  plante  est  mangée  par  les  Touareg,  ce  qui  implicyie  qu'elle 
est  assez  commune  dans  d'autres  contrées  de  leur  pays. 

NiTRARIA    TRIDENTATA  Dcsf. 

Ghardek  (arabe);  Âtarzîm  [temâhaq). 

Échantillon  du  Sahara  algérien,  récolté  entre  'Oglat-Setîl  et  Merhayyer,  le 
3  juin  1860.  Reconnu  en  six  stations  entre  Tlterhsîn  et  le  Chergutya^ 
principalement  entre  Mourzouk  et  Zouîla,  où  il  dispute  le  sol  à  VAlhagi 
Maurorum. 

((  Le  fruit  de  cet  arbrisseau,  damouch,  est  une  baie  rougeâtre,  dit 
«  M.  le  consul  Pélissier,  d'un  goût  exquis,  mélange  de  ceux  de  la 
«  fraise,  de  la  framboise  et  de  la  groseille.  L'effet  de  ce  fruit  sur 
«  l'organisme,  ajoute-t-il,  est  une  fraîcheur  viviflante,  disposant  Tes- 
«  prit  à  la  gaieté  et  laissant  dans  la  mémoire  de  l'estomac  une  forte 
«  appétence  pour  cet  aliment  suave  et  presque  aérien.  » 

M.  Pélissier,  auquel  j'emprunte  cette  appréciation,  estime  que 
c'est  là  le  véritable  Lotus  des  anciens ,  attendu  qu'il  croît  en  abon- 
dance dans  l'île  de  Djerba,  l'ancienne  Lotophagitis, 

Adhuc  sub  judice  lis  est. 


176  TOUAREG   DU    NORD. 

OMBELLIFÈRES. 

ÂPIl'M     GRAVBOLENS    L. 

Keràfes  (arabe). 

Récolté  sous  les  palmiers  de  Sidi-Khelil. 

Plante  sans  importance. 

Dbverra  scoparia  Coss.  et  DR.  in  Bull,  Soc.  bot. 

Gouzzah  {arabe). 

Trouvé  et  récolté  le  44  novembre  i860,  dans  rOuadi-Tirhît,  du  plateau 
de  Tînghert.  Reconnu  sur  la  Chebka  des  Beni-Mezâb.  Signalé  sur  le  pla- 
teau de  Tàdemâyt. 

Petite  plante,  très-odorante,  très- commune  dans  les  stations 
qu'elle  affectionne. 

ScANDix   Pbcten-Veneris  L. 
Sennârt-el-Behâïm  [arabe). 

Récolté  dans  les  environs  du  Chott-Melghtgh. 

.  Plante  sans  importance. 

Dadccs  Carota  L. 

Zeroûdïa  {arabe);  Ezzeroûdîet  (temâhaq). 

La  carotte  est  cultivée  dans  les  oasis,  mais  en  très-petite  quantité. 

Cdmiwdm  Cyminom  L. 

Kerouïa  (arabe). 

Cultivé  dans  les  jardins  des  oasis  comme  épice.  On  mêle  sa 
graine  avec  le  sel  et  le  poivre  pour  saupoudrer  les  alimenls. 

Dans  les  embarras  gastriques,  on  en  avarie  une  pincée  matin  et 
soir. 

Dans  quelques  villes  du  littoral  méditerranéen,  on  distille  la 
graine  et  on  en  obtient  une  liqueur,  mâ-kerouïa,  qui  est  considérée 
comme  un  spécifique  des  douleurs  intestinales. 

Coriandrum   sativcm  L. 

Gouzbîr  (arabe). 

Cette  Ombellifère  aromatique  est  cultivée  dans  les  jardins  pour 
sa  graine  connue  sous  le  nom  de  label. 

Le  tabel  est  employé  avec  le  sel  et  le  poivre  pour  conserver  les 


VÉGÉTAUX.  177 

viandes  sèches  à  Tusage  des  caravanes.  On  s'en  sert  aussi  dans  les 
ragoûts. 

La  médecine  indigène  préconise  un  sirop  de  graine  de  coriandre 
dans  les  affections  chroniques  de  poitrine. 

COMPOSÉES    (CORYMBIPÈRES). 

Francgeuria  crispa  Cass. 
Récolté  le  20  septembre  1860  à  la  Guerto  de  Ben-'Aggiou. 

PULICARIA    UNDULATA   DG. 

Ameo  (temâhaq). 

Trouvé  et  récolté  en  une  station  unique  sur  TOuàdi-AUoùn  le  29  fé- 
vrier 1861. 

ASTERICUS    GRAVEOLBNS  DC. 

Nogued  {arabe);  Akatkat  {temâhaq). 

Récolté  sur  le  sommet  de  la  Gara  de  Tisfln  le  16  septembre  1860  et  à 

Aghelâd  le  8  février  1861. 
Reconnu  dans  les  environs  de  Ghadàmès,  en  sept  stations  entre  Ghadàmès 

et  Rhàt.  Signalé  dans  les  montagnes  entre  Rh&t  et  In-S&lah ,  ainsi  que 

sur  le  plateau  de  T&demàyt. 

Plante  sans  importance,  au  point  de  vue  de  Futilité. 
Anvillba  RADIAT  a  Goss.  et  DR.  in  Btdl,  Soc,  bot. 

Chedjret-edh-dhobb,  'Arfej  {arabe)  ;  Tehetit  {temâhaq) . 

Reconnu  dans  T'Erg,  à  Tlterhsln,  et  à  Serdelès. 

Récolté  le  20  septembre  entre  Guerâa-ben-*Aggiou  et  rOu&di-Gober-Sàlah. 

Signalé  comme  étant  commun  entre  Rh&t  et  In-SâJah. 

Cette  plante  frutescente ,  qui  croît  en  vastes  touffes  blanchâtres , 
couvertes  de  fleurs  jaunes  au  printemps,  embrasse  souvent  de  grands 
espaces  auxquels  elle  donne  un  aspect  tout  particulier. 

Gyrtolepis  Alexandrina  DG. 
Récolté  dans  des  lieux  incultes  à  Gâbès^  les  17  et  21  mars  1860. 

Sans  utilité. 

Artbmisia  Hbrba-alba  âsso. 

Chîh  {arabe);  Azezzeré  {temâhaq). 

Reconnu  de  Methlîli  à  El-Golêà. 
Signalé  commun  entre  Rhàt  et  In-S&lah. 

I.  12 


178  TOUAREG  DU   NORD. 

Les  sommités  fleuries  de  œtte  plante  sont  récoltées,  séchées, 
réduites  en  poudre  et  prises  comme  digestives. 

Quand  les  Touareg  sont  venus  en  France,  ils  avaient  leur  provi- 
sion de  cette  poudre  et  en  faisaient  souvent  usage. 

Une  décoction  de  feuilles  et  de  fleurs  est  donnée  aux  enfants  at- 
teints de  vers  intestinaux. 

Artbhisia  campestris  L. 
Chîh  (arabe)  ;  Tiheredjdjelé  {temâhaq). 
Commun  dans  le  Ahagg&r. 

Cette  espèce,  plus  grande  que  la  précédente,  sert  aux  mêmes 
usages. 

Tanacetuh  cinerecm  DC. 
Robîta  {arabe)  ;  Tâkkilt  {Umâhaq). 

Récolté  le  9  février  4861  sur  rOu&di-Taràt.  Reconnu  en  six  stations  entre 
Ghad&mès  et  Rh&t. 

Chlamydophora  pubescbns  Goss.  et  DR.  CottUa  pubescens  Desf. 

Gartoûfa  {arabe),  syn.  Coss. 

Récolté  le  7  mars  1860  entre  Guettàra-Ahmcd-ben-*Amâra  et  Gâretr-Djàb- 
AUah  et  le  8  février  1861  à  Âghelâd. 

Affectionne  les  terres  alluvionnaires  salines  de  heycha.  Plante  sans 
importance. 

Senbcio  coronopifolids  Desf. 
Beddâna  {arabe)  ;  Temasâsoui  {temâhaq). 

Récolté  entreGuettâra-Ahmed-bcn-'ÀmàraetGàret-Djàb-ÂUahle  7  mars  1860 
et  à  Sâghen  le  l**"  Janvier  1861. 

Croît  dans  les  terrains  de  heycha. 

COMPOSÉES     (CHICORAC<BS). 

SpiTZBLiA  SAHARiE  Coss.  et  Kral. 
Tasoûyé  {temâhaq). 

Récolté  sur  l'Ouâdi-AUoûn  le  29  février  1861. 

LOMATOLEPIS    CLOMERATA  CaSS. 

Harchâïa  {arabe),  syn.  Coss.;  Rhardélé  {temâhaq). 
Récolté  le  29  février  1861  sur  rOuàdi-AUoûn. 


VÉGÉTAUX.  179 

SONGHDS  IfARlTIMUS  L. 

Sîf-el-Ghorâb  (arabe). 

Récolté  aux  environs  de  Nafta  le  8  mars  1860. 
Sans  importance. 

TouRNBCxiA  YARiiFOLiA  Goss.  in  BulL  Soc.  bot. 
Récolté  entre  Hàssi-Dhomràn  et  Ghâabet-Timedaqsin  le  9  septembre  1859. 

ZoLLiKOFERiA  QCBRCiFOLiA  Coss.  eiKn\,  Sonckus  quercifoUw  Desf. 

Récolté  le  12  mars  1860  dans  les  montagnes  de  Kerlz. 

Petite  plante  sans  importance. 

ZoLLiKOFBRiA  AN6USTIP0LIA  Coss.  et  DR.  Souchus  angusHfoHus  Desf. 

Récolté  sur  la  Hamàda  de  Tlnghert  près  de  la  Gara  de  Tisfln  (environs  de 
Ghadàmès),  le  16  septembre  1860. 

ZOLLIKOFBRIA  RBSEDiFOLiA  Coss.  SoTichus  chondnUoides  Desf. 

'Adhîdh  (arabe). 

Récolté  sur  TOuàd-Mez&b  le  18  juillet  1859  et  sur  le  rivage  de  la  mer  à 
G&bès  les  17  et  21  mars  1860.  Gommun  dans  la  partie  septentrionale  du 
Sahara  algérien  et  tunisien. 

Recherché  par  les  chameaux. 

PRIMULACÉES. 

Anagallis  arvensis  L. 

Récolté ,  le  13  mars  1860,  dans  les  terrains  humides  aux  environs  du  Ghott* 
Melghlgh. 

Aime  les  terrains  humides. 

Samolds  Valbrandi  L. 
Récolté  à  Tânout-Tlrekln,  près  de  Djado,  le  7  novembre  1860. 

OLÉAGÉES. 

OlEA    EUROPiEA  L. 

Zitoûna  (aroôc)  ;  Tahatimt  (temâhaq). 

L'olivier  croît  spontanément  dans  toutes  les  parties  de  la  pénin- 
sule atlantique  réputées  appartenir  au  Tell  {Tellus  des  Romains), 
mais,  dans  le  Sahara,  il  est  toujours  une  conquête  de  la  culture. 

A  Tessâoua,  capitale  de  TOuâdi-Otba,  ancien  centre  de  civilisa- 
tion nègre  et  Tune  des  premières  villes  conquises  par  les  Arabes  »  on 


180  TOUAREG  DU  NORD. 

en  trouve  d'énormes,  à  gros  fruits,  aussi  remarquables  par  leur  déve- 
loppement que  les  plus  beaux  siyets  de  la  même  espèce  sur  le  litto- 
ral méditerranéen. 

Tant  à  Tessàoua  que  dans  le  reste  du  Fezzân ,  on  en  compte  une 
vingtaine  de  pieds ,  tous  cultivés  pour  olives  de  table.  Que  je  sache , 
ces  oliviers  doivent  être  les  plus  méridionaux  de  ceux  connus  sur  le 
continent  africain. 

On  constate  facilement,  dans  cette  localité,  qu'on  est  sur  le  terrain 
d'une  zone  de  transition,  car,  à  côté  de  cultures  soudaniennes,  coton 
et  indigo,  croissent  l'olivier,  le  pêcher,  le- pommier  et  le  citronnier, 
qui  appartiennent  aux  zones  plus  tempérées  du  Nord. 

ASGLÉPIADÉES. 

Periploca  angdstifolia  LabiU. 
Hallâb  [arabe). 

Récolté  dans  les  ouàdi  de  la  Djef&ra,  près  de  TripoU^  les  18  octobre  et 

12  novembre  1860. 
En  1859^  J'avais  rencontré  cette  plante  sur  TOuàd-Màssek,  entre  Methllli  et 

£l-Golûà. 

Cette  broussaille  est  mangée  par  les  chameaux. 

Calotropis  proceraR.  Br. 

Korounka  {arabe)  ;  Tôreha  {temâhaq). 

Récolté  à  Methllli  en  joillet  et  août  1859.  Déjà  trouvé,  en  1858,  sur  le 
même  point,  par  M.  le  docteur  Cosson.  Reconnu  en  quatre  stations  entre 
Gbad&mès  et  Rhàt.  Signalé  au  Touât. 

La  limite  Nord  de  cette  plante  tropicale  est  à  Methlîli,  au  Sud  de 
l'Algérie,  et  dans  la  Djefàra,  plaine  au  Sud  de  Tripoli. 

La  forme  et  la  couleur  de  cet  arbuste  rappellent  celles  du  chou 
domestique.  Sa  fleur  est  blanche  à  la  base  et  violette  au  sommet.  Sa 
tige  atteint  2"  de  hauteur. 

Les  graines  que  j'avais  envoyées,  en  1859,  au  Jardin  d'acclimata- 
tion d'Alger,  n'ont  pas  levé,  probablement  parce  qu'elles  n'étaient  pas 
en  parfaite  maturité.  Depuis,  je  n'ai  pas  eu  l'occasion  de  rencontrer 
cette  espèce  en  graine. 

Les  Touareg  utilisent  la  tige  de  cette  plante  dans  la  confection  des 
selles  et  des  cages  de  voyage  pour  les  femmes.  Au  Touât,  on  l'em- 
ploie exclusivement,  convertie  en  charbon,  pour  la  préparation  de  la 
poudre. 


PI.  VII. 


Page  180. 


Pig.  14  et  15. 


Fig.   i.    —    VUE    DE    TESSAODA,    PRISE    DU    CÔTÉ    NORD. 

D'après  un  dessin  de  M.  U.  Duveyrier. 


'Vina>»utjji 


■Tiiim.  ,tniJ 


Fig.  '2.  —  i.NScniPTioN  colkique  sur  uime  tombe  de  l/A^CIE^  cimetière 

DE    TES  s  VOUA. 

U'.iprès  un  'sUimpage  do  M,  H.  Duvejrior. 


.    A 


VÉGÉTAUX.  181 

Les  Arabes  de  la  Tripolîtaine,  dit-on,  s'en  servent  comme  pur- 
gatif. 

DiBMIA   COUDATA  R.  Br. 

Oumm-el-leben  {arabe)  ;  Tellâkh  (temâhaq). 

Récolté  le  24  août  1861  sur  TOuâdi-TIn-Guezzln  dans  la  Soda.  Reconnu 
en  deux  points  do  ma  route  entre  Ghadàmès  et  Rh&t. 

GENTIANÉES. 

ERYTHRiEA    PCLCHBLLA  FriOS  Vaf.? 

Tifechkan  (temâhaq). 

Récolta  près  de  la  source  de  Serdélès^  le  3  mai  1861. 

CONVOLVULACÉES. 
Crbssa  Crbtica  L. 

'Achbet-el-mâ  {arabe). 

RécoUâ  sur  rOu&di-Aou&I  le  17  septembre  1860. 

BORRAGINÉES. 
Heuotropidm  Europ^uh  L. 

Dhaharet-ech-chems  (arabe). 

Récolté  dans  rOu&d-Mezàb,  pendant  Tété  1859. 

ECHIOCHILON     FRDTICOSUH  Dosf. 

Ras-hamrâ  (arabe). 

Récolté  le  7  mars  1860,  entre  El-Ouàd  et  Nafta. 

Commun  dans  les  terres  de  heycha. 
Sans  importance. 

Lithospbrmdh  callosdh  Vahl. 

Raima  (arabe). 

Récolté  dans  la  plaine  d'El-Bàla  entre  Methltli  et  El-Golèà  le  8  sep- 
tembre 1859. 

Plante  des  sables,  sans  importance. 

Trichodesma  Africanum  r.  Br. 
Tâlkaït  (Umâhaq). 

Récolté  le  1"  mars  1861  à  Tin-Arrày. 


182  TOUAREG  DU  NORD. 

SOLANÉES. 
Physalis  somnifera  L. 

Farhaorhao  {temâhaq). 

Récolté  le  17  mai  et  le  24  juin  à  Oubàri  et  à  Mourzouk.  Commun  dans 
toutes  les  oasis  du  Fezziltn. 

Grande  plante;  narcotique  comme  les  autres  Solanées  vireuses. 

Lycium  Mediterranedh  Dunal. 

Aoused  (arabe). 

Récolté  dans  les  rochers  de  DJàdo,  le  28  octobre  1860,  et  à  Qaçar-el-IUdJ, 
le  18  octobre  1861. 

Les  Arabes  font  avec  une  décoction  concentrée  de  Lycium  et  le 
blanc  d'Espagne  (Biodh^el-Ouedj)  une  pâte  dont  on  couvre  les  yeux, 
dans  la  petite-vérole,  pour  éviter  qu'ils  soient  atteints. 

La  même  pâte  est  employée  dans  les  ophtalmies  graves, 

Hyosctamds  Falezlez  Coss.  sp.  nova. 
Goungot  {arabe  tripolitain)  ;  Falezlez  (arabe  saharien)  ;  Afahlehlé 
(temâhaq). 

Récolté  sur  l'Ouàdi-Aouâl,  le  17  septembre,  et  sur  la  Guerâa-ben-'Aggiou,  le 
20  septembre  1860;  commun  entre  Ghadàmès  et  Rhftt,  dans  tout  le  pays 
des  Tou&reg  ainsi  qu'au  Fezzân. 

Plusieurs  localités,  sur  le  versant  nigritien  du  plateau  central  du  Sahara, 
portent  le  nom  de  cette  plante,  Falezlez  ou  In-Afahlehlé,  notamment  sur 
les  routes  de  Rhàt  à  Agadez  et  d'In-S£ilah  à  Timbouktou. 

Le  désert  de  T&oezroûft  en  est  aussi  empoisonné,  mais  elle  ne  croît  plus 
au  Sud.  Cette  plante  nouvelle  parait  exclusivement  saharienne. 

Le  falezlez  est  un  poison  très-actif  pour  tous  les  animaux  autres 
que  les  ruminants.  Il  engraisse  les  chameaux ,  les  chèvres  et  les 
moutons,  et  donne  la  mort,  en  quelques  heures,  à  l'homme,  au  cheval, 
à  l'âne  et  au  chien. 

J'ai  apprécié  les  qualités  vénéneuses  de  cette  plante  dans  des 
circonstances  qui  doivent  être  relatées. 

Un  jour ,  mon  cheval  qui ,  pour  la  première  fois  dans  le  Sahara , 
rencontrait  des  feuilles  vertes  et  tendres ,  se  jeta  avec  avidité  sur  cet 
Hyoscyamus,  Les  Touareg  témoins  de  son  inexpérience  m'annoncèrent 
la  mort  très-prochaine  de  la  pauvre  béte. 

Comme  on  exagérait  toujours  à  mes  yeux  les  dangers  du  voyage 
d'un  chrétien  dans  le  Sahara,  je  ne  voulus  pas  m'en  rapporter  au 


VÉGÉTAUX.  183 

pronostic  de  mes  compagnons  indigènes,  et,  malgré  leurs  prières  de 
m' abstenir,  je  goûtai  une  feuille  de  cette  maudite  herbe  et  je  reconnus 
bientôt  que  les  Touareg  avaient  raison. 

Mon  cheval  mourut  en  peu  de  temps  et  je  fus  assez  gravement 
indisposé. 

Peu  après  l'expérience,  je  fus  pris  d'un  engourdissement  et  d'un 
froid  général ,  avec  la  vue  voilée ,  tendance  et  disposition  au  som- 
meil. Je  me  remis  d'abord  en  prenant  quelques  gouttes  de  rhum , 
mais,  pendant  plusieurs  jours,  je  ressentis  les  effets  de  mon  impru- 
dence. 

Mon  cheval ,  qui  avait  été  moins  réservé  que  moi ,  commença  à 
se  coucher  sur  le  flanc  et  à  donner,  de  temps  à  autre,  des  ruades  et 
des  coups  de  tête  convulsifs.  L'œil  devint  terne  tout  de  suite. 

En  vain  je  lui  administrai  de  l'ammoniaque  et  de  l'alcool  étendu 
d'eau,  puis,  sur  le  conseil  des  Touareg,  une  boisson  faite  avec  du 
poivre  rouge  et  des  dattes  :  rien  n'y  fit.  En  quelques  heures,  l'animal 
était  ballonné,  il  n'ouvrait  plus  les  yeux  et  respirait  difficilement. 
Dans  la  nuit  il  mourut  gonflé  comme  une  outre. 

Qui  le  croirait?  malgré  les  dangers  de  l'usage  de  cette  plante,  les 
indigènes  l'emploient  comme  aliment  et  comme  médicament!  Ses 
feuilles  récoltées  sont  transportées ,  vendues  et  recherchées  sur  le 
marché  de  Timbouktou. 

Je  ferai  connaître  le  mode  d'emploi  du  falezlez  en  passant  en  revue 
les  pratiques  médicales  des  Touareg. 

D'après  les  indigènes,  les  propriétés  toxiques  de  cette  Solanée, 
comme  celles  de  beaucoup  de  plantes,  seraient  en  raison  directe  de 
l'altitude  des  lieux  où  elle  croît.  Presque  inoff'ensive  aux  environs  de 
Tripoli,  déjà  dangereuse  sur  les  plateaux  du  Fezzân,  elle  devient  poi- 
son actif  dans  les  montagnes  des  Touareg.  J'ignore  si  me^  informa- 
teurs ne  confondent  pas  des  espèces  voisines,  mais  jouissant  de  pro- 
priétés différentes. 

Quoi  qu'il  en  soit,  dans  les  cas  où  cette  plante  vireuse  agit  avec 
le  moins  de  gravité,  elle  détermine  des  accidents  cérébraux  qui  sont 
qualifiés  de  folie  par  les  gens  du  pays. 

VHyoscyamus  Falezlez  s'élève  à  1  mètre  de  hauteur  et  met  deux 
années  pour  atteindre  tout  son  développement.  Il  vit  pendant  5  ou 
6  ans,  montrant  ses  grandes  feuilles  vertes  au-dessus  des  herbes 
sèches  de  la  végétation  annuelle. 


184  TOUAREG  DU  NORD. 

En  attendant  la  description  de  cette  plante  par  M.  le  docteur 
Cosson,  voici  comment  elle  est  définie  dans  mon  journal  de  voyage  : 

Racine  simple,  s'enfonçant  verticalement  à  une  certaine  pro- 
fondeur. 

Feuilles  larges,  charnues,  succulentes,  d'un  vert  peu  foncé,  avec 
larges  nervures  presque  blanches; 

Calice  grand,  vert,  charnu,  à  cinq  sépales  ou  échancrures  au 
sommet  ; 

Fleur  violette; 

SoLATiUM  Mblougeiva  L. 

Badîndjâl  (arabe). 

L'aubergine  est  encore  un  des  fruits  cultivés  et  estimés  dans  les 
oasis. 

Ltcopersigdm  escdlbntch  Dunal. 

Tomâiich  (arabe). 

La  tomate,  plus  encore  que  l'aubergine,  est  commune  dans  les 
jardins  des  oasis. 

Gapsicdm  annduh  L. 

Felfel-el-ahmar  (arabe)  ;  Chitta  (temâhaq). 

Le  piment  est  le  condiment  de  la  plupart  des  mets  africains.  On 
en  cultive  plusieurs  variétés  et  en  grande  quantité,  non-seulement 
pour  l'approvisionnement  des  citadins,  mais  encore  pour  celui  des 
nomades. 

NlCOTlANA    RUSTICA  L« 

Doukhkhân  (arabe);  Tâba,  Tàberha  (temâhaq). 

La  seule  variété  cultivée  dans  les  oasis  est  le  tabac  rustique,  qui 
est  très-fort  et  dont  l'odeur  est  très-piquante. 

C'est  au  Soûf  et  au  Touàt  que  les  cultures  sont  les  plus  étendues. 

L'usage  du  tabac  est  plus  général  parmi  les  indigènes  du  Sahara 
que  dans  le  Tell,  et  on  le  prend  sous  toutes  les  formes ,  per  fas  et  nef  as. 

Chez  les  Touareg,  hommes  et  femmes  fument,  et,  quoique  la  fu- 
mée du  tabac  rustique  soit  très-âcre,  hommes  et  femmes  la  rendent 
par  le  nez. 

Le  tabac  en  poudre  est  pilé  très-fin  et  mêlé  à  un  huitième  de 
natron  pour  lui  donner  plus  de  montant.  En  cet  état  on  le  prend  par 
le  nez  et  par  la  bouche. 


VÉGÉTAUX.  185 

Les  femmes  arabes,  mariées  à  onze  ans,  mères  à  douze,  vieilles 
à  vingt ,  employent  le  tabac  comme  aphrodisiaque  en  s'en  saupou- 
drant certain  organe. 

Pour  l'honneur  de  l'humanité,  je  m'empresse  de  dire  que  cet 
usage  exceptionnel  et  impudique,  inconnu  des  Touareg,  est  circonscrit 
dans  le  Sud-Est  du  Sahara  algérien,  de  Lahgouât  au  Soûf,  particu- 
lièrement chez  les  arabes  Nemêmcha.  Là ,  ce  mode  d'emploi  semble 
si  naturel  que  la  femme  n'attend  pas,  dit-on,  d'être  hors  de  la  vue  de 
l'homme  pour  utiliser  la  prise  qui  lui  a  été  offerte. 

En  raison  de  ces  nombreux  usages,  le  tabac  est  l'objet  d'un  grand 
commerce  dans  le  Sud. 

SCROFDLARINÉES. 

LiNARIA    FRUTICOSA    Desf. 

Tâzeret  (temâhaq). 

Récolté  le  4"  mars  1861,  à  Tîn-Arrày. 

Plante  presque  ligneuse. 

LlNARIA    LAXIFLORA    Desf. 

Récolté  le  1"  mars  1860  à  Mouî-el-Ferdjân ,  entre  TOuâd-Rlgh  et  le  Soûf. 

Commun  dans  les  terres  de  heycha. 
Petite  plante  sans  importance. 

OROBANCHACÉES. 
Phblipjsa  violacba  Desf. 

Dhânoûn  {arabe);  Ahêliwen,  Timzhellitîn,  Fetekchên  {temâhaq). 

Récolté  sur  le  littoral  de  Gâbès,  les  17  et  21  mars  1860.  Signalé  en  plu- 
sieurs stations,  dans  les  montagnes,  entre  Rhât  et  In-S&lah. 

Cette  plante  remarquable,  à  tige  unique,  sans  branches  ni 
feuilles,  haute  de  60  centimètres,  n'apparaissant  que  dans  les  sables, 
est  mangée  dans  les  temps  de  disette.  A  cet  effet,  disent  les  indigènes, 
on  la  fait  bouillir,  puis  sécher  au  soleil,  afin  de  pouvoir  la  réduire 
en  farine.  La  fécule  ainsi  obtenue  est  mélangée  à  d'autres  substances 
alimentaires. 


186  TOUAREG  DU  NORD. 

LABIÉES. 

Lavandula  multifida  L. 

Kammoûn-el-djemel ,  Kerouïet-el-djemel  (arabe);  Djey  (temâhaq). 

Récolté  sur  rOu&di-Arhl&D,  près  de  Djàdo,  le  28  octobre  1860;  dans  le  pays 
des  Harâba,  le  42  novembre  1860;  à  Tîn-Air&y,  le  1*'  mars  186i.  Signalé 
comme  étant  commun  dans  les  montagnes  du  Âhaggàr. 

Cette  plante  est  recherchée  par  les  chameaux  à  raison  de  ses  pro- 
priétés aromatiques. 

Thymus  hirtds  WiUd. 
Za'ater  {arabe). 

Récolté  entre  H&mma  et  Gàbès,  le  18  mars  1860. 
Tous  les  thyms  auxquels  les  indigènes  donnent  le  nom  de  za^ater 
sont  récoltés  et  employés  pour  aromatiser  les  aliments.  Les  habitants 
des  pays  où  ils  croissent  les  échangent  dans  les  oasis  contre  des 
dattes. 

Dans  la  médecine  arabe,  les  thyms  sont  employés  comme  sto- 
machiques. 

Thymus  capitatus  Link  et  Hoffm. 
Za'ater  (arabe). 

Récolté  sur  l'Ouâdi-Tirbît,  le  18  novembre  1860. 

En  général,  dans  le  Sahara,  les  thyms  marquent  les  lignes  des  bas- 
fonds  par  lesquelles  s'écoulent  les  eaux  pluviales. 

SaLVIA  iECYPTIACA    L. 

Récolté  sur  les  berges  de  TOuM-Mezàb,  le  18  juiUet  1859. 

Les  feuilles  et  les  sommités  fleuries  de  toutes  les  sauges  sont 
employées  par  les  indigènes  en  infusion  théiforme,  comme  excitant 
digestif. 

Beaucoup  d'entre  eux  mettent  volontiers  des  feuilles  de  sauge 
dans  leurs  fosses  nasales  pour  y  maintenir  la  fraîcheur. 

ROSMARINUS    OFPICINALIS    L. 

Kelîl  (arabe);  Ouzbîr  (berbère). 

Récolté  dans  le  pays  des  Haràba,  le  12,  et  sur  rOu&di-Tirblt,  le  18  no- 
vembre 1860. 

Les  feuilles  de  romarin,  récoltées  dans  le  Sahara,  sont  transpor- 


VÉGÉTAUX.  187 

tées  par  les  caravanes  dans  l'Afrique  centrale  comme  article  d'échange. 

On  s'en  sert  pour  aromatiser  les  aliments. 

La  médecine  arabe  leur  attribue  des  propriétés  vulnéraires  :  aussi 
toutes  les  plaies  récentes  sont-^lles  couvertes  de  poudre  de  romarin. 

GLOBULARIËES. 
Globdlaria  Alypdm  L. 
Tâselrha  (arabe  et  temâhaq). 

Reconnu  entre  Ghadàmès  et  Rh&t. 
Dans  toutes  les  contrées  où  pousse  cette  plante,  ses  branches  et 
ses  feuilles  sont  employées  en  tisane  concentrée,  et  avec  succès, 
contre  les  fièvres  intermittentes  et  les  éruptions  furonculeuses. 

PLOMBAGINÉES. 
Statigb  BoNDDELLii  Lestib. 
Châchîet-edh-dhobb  (arabe). 

Récolté  sur  TOuàd-Mez&b,  dans  Tété  1859. 

StATICE    GLOBULARIiEFOLIA  Desf. 

Messâs  (arabe). 

Récolté  dans  l'Ouâdi-Tagotta,  le  18  novembre  1860. 
Staticb  pruinosa  L. 
Guedhâm-el-ghozâl  (arabe). 

Récolté  dans  la  heycha  de  Ghegga,  le  25  novembre  1859. 
En  général,  toutes  les  Statice  sont  recherchées  par  les  animaux 
comme  plantes  salées. 

LiMONIASTRUM  GcTONIANUM  DR. 

Zeïta  (arabe);  Tafonfela  (temâhaq). 

Récolté  dans  la  beycha  de  Ghegga,  le  25  novembre  1859;  à  El-Faîdh,  le 
31  mai  1860;  signalé  comme  étant  commun  dans  les  oasis  du  Tou&t  et 
dans  les  montagnes  du  Ahagg&r. 

Cet  arbuste  atteint  quelquefois  les  proportions  d'un  petit  arbre  et 
couvre  d'assez  grands  espaces  pour  former  des  bosquets. 

Bdbania  Feei  de  Girard. 

Melhafet-el-khàdem,  Ràs-el-khâdem  (arabe). 
Reconnu  en  1859,  entre  Methllli  et  El-Golèà. 


188  TOUAREG   DU  NORD. 

L'herbier  de  cette  course,  ainsi  que  d'autres  parties  de  mon  bagage, 
a  été  confisqué  par  les  habitants  de  la  ville  alors  inhospitalière  d*El- 
Golêa'. 

PLANTAGINÉES. 

Plantago  ovata  Forsk. 

Halma  (arabe). 

Reconnu  en  quatre  stations  de  ma  route ,  entre  El-Ouàd  et  Ghad&mès ,  du 
26  juiUet  au  12  août  1860. 

Plantago  albicans  L. 

Inem  (arabe). 

Récolté  le  7  mars  1860,  aux  environs  de  Nakhlet-eUMengoûb. 

Affectionne  les  terrains  de  heycha. 

Plantago  Pstllium  L. 
Récolté  le  13  mars  1860,  aux  environs  du  Chott-Mèlghlgh. 

La  poudre  de  tous  les  plantains  est  employée  comme  astringent 
pour  cicatriser  les  ulcères. 

SALSOLACÉES. 
Beta  vdlgaris  L,  var.  Gicla. 
Selk  (arabe). 

Cultivé  comme  plante  alimentaire  dans  les  oasis. 

Atriplbx  mollis  Desf. 
Jell,  Djell  (arabe). 

Récolté  dans  la  heycha  de  Ghegga,  le  25  novembre  1859;  reconnu  en  six 
stations,  de  Titerhstn  à  la  Ghergutya. 

Les  Arabes  attribuent  au  suc  de  cette  plante  la  propriété  d'amener 
la  stérilité  :  aussi  les  femmes  trop  fécondes  en  font- elles  souvent 
usage. 

Atriplex  Halimds  L. 

Guetof  (arabe);  Aramâs  (temâhaq). 

Récolté  en  mai  et  en  octobre  1860,  à  El-Faidh  et  à  Djàdo.  Reconnu  en 
quatre  stations,  entre  Ghadàmès  et  Rhàt.  Signalé  dans  les  montagnes, 
entre  Rh&t  et  In-S&lah,  ainsi  que  sur  le  plateau  de  T&dem&yt. 


VÉGÉTAUX.  189 

Cette  plante  est  recherchée  par  tous  les  animaux  à  cause  de  la 
saveur  saline  de  ses  jeunes  pousses.  L'homme  lui-même  ne  la  dédaigne 
pas  comme  aliment.  De  plus,  les  Touareg  récoltent  ses  graines  qu'ils 
mangent  en  bouillie. 

Le  bois  de  sa  racine  sert  de  brosse  à  dent;  on  lui  atttribue  des 
vertus  antiscorbutiques. 

On  extrait  de  sa  tige  une  soude  que  les  indigènes  appellent  melhr 
eirguetof.  Cette  soude,  quelquefois  employée  en  médecine,  sert  prin- 
cipalement à  la  saponification  de  Thuile. 

Cette  plante  frutescente,  qui  forme  d'énormes  buissons,  déjà 
commune  sur  les  côtes  de  Provence,  s'étend  sur  le  continent  africain 
du  littoral  aux  confins  les  plus  reculés  de  mon  exploration.  Partout  où 
le  sol  est  un  peu  salin,  on  est  à  peu  près  certain  de  la  retrouver. 

Chenopodium  murale  L. 

Lessîg  {arabe);  Tîbbi  {mezabite). 

Récolté  à  Ghard&ya,  en  1859,  sur  la  lisière  des  jardins  et  sur  les  murs 
d*enceinte. 

Chenopodina  tbra  Moq.-Tand.? 

Souïd  {arabe);  Tirbâr  {temâhaq). 

Récolté  sur  TOuàdi-Tagotta,  le  18  septembre  1860. 

SUADA   VERMICULATA  Forsk. 

Souïd  {arabe);  Tirbâr  {temâhaq). 

Récolté  dans  les  dunes  d*El-*Arefdji ,  près  de  Negoûsa ,  le  20  février  1860. 
Reconnu  aux  environs  de  Gbad&mës. 

Traganum  nudatcm  Delile. 

Dhomrân ,  Souïd-Ahmar  {arabe)  ;  Tirehît  {temâJiaq)  ;  Tâsra  {mezor 
bite). 

Échantillons  de  rOuâdi-Saâdàna  (19  août  1859),  entre  MethllU  et  El-Golèà; 
reconnu  depuis  en  deui  stations,  autour  de  Ghadâmès;  en  cinq,  entre 
Giiadàmès  et  Rhât;  en  trois,  entre  Tîterhsîn  et  la  Cherguîya.  Signalé 
dans  le  Âhaggàr,  plaine  et  montagne,  ainsi  qu'au  Touàt. 

Cette  plante  frutescente  est  recherchée  avec  avidité  par  les  cha- 
meaux. 

Garoxylom  articulatum  Moq.-Tand. 
Remeth  {arabe)  ;  Ouân-Ihedân  {temâhaq). 

Récolté,  en  1859  et  1860,  dans  le  Sahara  algérien  et  tripolitain,  où  il  est 


190  TOUAREG  DU   NORD. 

très-commun.  Reconnu  en  six  stations,  plus  au  Sud,  entre  Ghadàmès  et 
Rhàt. 

Sàlsola  vermicdlata  L.  Var.  microphylla.  5.  brevifolia  Desf. 

Guedhâm  (arabe);  Adjerwâhi  (temâhaq). 

Récolté  dans  les  sables  de  Mouî-er-Robââya ,  le  29  juillet  1860.  Signalé 
comme  étant  commun  dans  les  montagnes  des  Tou&reg  et  dans  Toasis 
du  Tou&t 

Salsola  longifolia  Forsk. 

Semommed  (arabe). 

Récolté,  le  12  novembre  1860,  sur  l'Ouàdi-Tlnzeght. 
Par  l'incinération,  cette  plante,  comme  la  précédente,  donne  une 
soude  employée  dans  la  fabrication  du  savon. 

ÂNABASis  ARTiGULATA  Moq.-Tand.  var,  gracilis. 

Bàguel,  Belbâl,  Belbâla  (arabe);  Abelbâl,  Tàza  (temâhaq). 

Récolté,  le  20  novembre  1860,  àDhàhar-^l-Djebel,  et  le  23  novembre  1859, 
à  El-Mogherreb ,  au  N.-O.  d'El-'Aliya.  Reconnu  en  cinq  stations,  dans  la 
région  de  T'Erg,  entre  £l-Ouàd  et  Ghadàmès.  Commun  aux  environs  de 
Ghad&mès. 

Cette  plante  ligneuse,  quoique  peu  riche  en  matière  alimentaire, 
est  mangée  par  les  chameaux. 

Les  Sahariens  prétendent  qu'on  peut  creuser  des  puits  avec  sécu- 
rité partout  où  croît  le  belbâl,  parce  qu'on  est  certain  de  trouver  l'eau 
à  peu  de  profondeur. 

Ainsi,  entre  El-Ouâd  et  Ghadàmès,  au  milieu  des  dunes  de  T'Erg, 
mes  guides  et  le  Cheikh-'Othmàn  ont  été  unanimes  à  me  signaler 
Haoudh-el-Belbâlàt  comme  un  point  d'élection  pour  doter  cette  route 
de  l'eau  qui  lui  manque. 

La  disposition  de  la  localité  m'a  paru  correspondre  aux  indications 
des  khebîr. 

Cornulaca  monacantha  Delile. 

El-Hâdh  (arabe);  Tâhara  (Umâhaq). 

Récolté  à  ChaÂbet-Lekkàz,  le  21  novembre  1859.  Reconnu  en  cinq  stations, 
entre  £l-Ouàd  et  Ghad&mès;  en  trois  stations,  de  Ghadàmès  à  Rhàt;  en 
deux,  de  Tlterhsîn  à  la  Chergulya.  Indiqué  comme  étant  commun  dans 
les  plaines  au  pied  du  Âhaggàr. 

Cette  plante  sous-frutescente  couvre  de  très-grands  espaces  sur  les 


VÉGÉTAUX.  191 

versants  Sud  des  montagnes  des  Touareg.  Elle  constitue  un  des  four- 
rages recherchés  des  chameaux,  malgré  ses  épines. 

AMARANTACÉES. 
MnYk  Jatanica  L. 

Tamakerkaït,  Timekerkest  (temâhaq). 

Récolté  à  Aghelàd,  le  8  février  1861.  Signalé  dans  les  montagnes  entre 
Rhàt  et  In-Sàlah. 

SALVADORACÉES. 

Salvadora  Pbrsica  L. 

Siouâk  {arabe  vulgaire)  ;  Irak  {arabe  littéral)  ;  Têhaq  {temâhaq  du 
Nord);  Abesgui  {dialecte  d'Aïr);  Teguî,  Tijat  {dialecte  de  Timbouktou). 

Récolté  en  fleors  et  en  fruits  à  Afara-n- Wechcber&n ,  le  1*'''  Janvier  1861. 
Commun  partout  au  delà  de  la  région  de  l"Erg. 

Cet  arbre  de  la  région  tropicale,  très-répandu  dans  le  bassin  du 
Niger,  vient  cependant  en  troisième  ligne  comme  importance  de  la 
végétation  ligneuse  de  la  partie  du  territoire  des  Touareg  que  j'ai 
visitée.  Toutefois  on  ne  Ty  trouve  que  dans  les  vallées  abritées  et  de 
préférence  dans  celles  où  les  alluvions  sablonneuses  abondent. 

Cest  un  bel  arbre,  de  deuxième  grandeur,  dont  le  feuillage  d'un 
beau  vert  tendre  repose  agréablement  la  vue  fatiguée  de  la  couleur 
sombre  du  pays. 

Son  fruit,  d'un  goût  délectable,  est  employé  comme  aliment  et 
comme  médicament. 

Ce  fruit  consiste  en  petites  baies,  semblables  aux  raisins  de  Co- 
rinthe ,  dit  M.  le  docteur  Barth,  lesquels  offrent  un  léger  supplément 
au  frugal  menu  du  désert  ;  frais ,  il  a  un  goût  de  poivre  assez  pro- 
noncé. 

Comme  l'illustre  voyageur,  j'ai  mangé  ce  fruit,  et  mes  impressions 
sur  son  mérite  sont  les  mêmes. 

Son  bois  odorant  et  solide,  susceptible  de  se  diviser  en  fibres  très- 
fines,  fournit  les  cure-dents  et  les  brosses  à  dents  si  recherchés  par  les 
musulmans  pour  l'entretien  de  leur  bouche.  On  sait  que  pour  tous  les 
peuples  d^Orient  la  question  du  cure-dents  est  une  grave  affaire  pour 
laquelle  il  est  fait  d'importantes  recommandations  dans  les  ouvrages 
de  religion  et  de  jurisprudence. 


192  TOUAREG  DU  NORD. 

L'écorce  de  l'arbre,  légèrement  épispastique,  est  appliquée  par 
les  indigènes  sur  les  blessures  d'animaux  venimeux. 

Les  chameaux  mangent  volontiers  les  feuilles  fraîches  de  cet  arbre, 
mais  mélangées  avec  celles  d'autres  plantes  à  cause  de  leur  goût 
d'amertume  prononcé. 

Dans  toute  la  région  où  croît  ce  Salvador  a,  ses  feuilles  sont  em- 
ployées comme  antisiphylitiques.  A  cet  effet ,  on  les  réduit  en  poudre 
avec  les  épices  connues  sous  le  nom  de  râs-^l-hânout  (tête  de  la  bou- 
tique), et  chaque  matin  on  en  prend  une  dose  en  breuvage. 

Calligonoh  cohosum  LHérit. 

Arta,  Resoû,  Ezâl  {arabe)\  Aresoû,  Isaredj  (temâhaq). 

Récolté  dans  rOu&di-Saàd&n,  le  21  août  1859;  sur  POu&di-Izèkra,  le  5  fé- 
vrier; à  Tln-Têrdja,  le  2  mars;  à  Ouar&ret,  le  11  mars  1861.  Reconnu 
en  treize  stations  dans  T'Erg,  entre  El-Ouàd  et  Ghadàmës;  en  onze  sta- 
tions, de  Ghad&mès  à  Rhàt;  en  trois,  de  Tlterhsln  à  la  Cherguiya;  en 
plusieurs  stations ,  de  MethlUi  à  El-Golèâ.  Signalé  dans  les  montagnes 
entre  Rh&t  et  In-Sàlab,  ainsi  que  dans  tout  le  Tou&t. 

Le  Calligonum  comosum  forme  d'épais  buissons  auxquels  les  cha- 
meaux donnent  toujours  un  coup  de  dent  en  passant.  Le  bois  de  cette 
broussaille  est  souvent  la  seule  ressource  des  caravanes  pour  cuire 
les  aliments.  Dans  T'Erg ,  cet  arbuste  devient  un  véritable  arbre. 

POLYGONÉES. 

POLYGONCM    EQUISETIFORHE  Sibth.  et  Sm. 

Récolté  dans  la  Djefâra,  16  octobre  1860. 

RUMEX  VESICARIUS  L. 

El-Hommîz  (arahe);  Tânesmîm  {temâhaq). 

Récolté  au  Rhedir  de  Sàgben,  dans  TOuàdi-Tikhàmmalt,  le  3  janvier,  et 
dans  rOuàdi-Âlloûn,  le  19  février  1861. 

Plante  comestible  dont  le  goût  rappelle  celui  de  l'oseille. 

THYMÉLÉACÉES. 
Thyxeljea  hirsuta  Endl.  Passenna  hirsuta,  L. 

Methenân  (arabe). 

Récolté  dans  TOuàd-Biskra,  en  janvier  1860. 

Croît  dans  les  sables.  Commune  sur  le  littoral  de  la  Syrte. 


VÉGÉTAUX.  193 

EUPHORBIâGÉES. 
EupHORBiA  CALYPTRATA  Cos8.  et  DR.  io  BulL  Soc,  bot. 

Oumm-el-leben  (arabe);  Tellâkh  {temâhaq). 
Récolté  le  3  janvier  1861,  à  Sàgheo. 

EuPHORBiA  GcYOKiANA  Boiss.  et  Reut. 

Lebbîn  (arabe). 

Récolté  dans  les  sables  du  Soûf ,  entre  El-Ouàd  et  Sahéo,  le  5  mars  1860. 

EUPHORBIA    PaRALIAS  L. 

Lebbîn,  Lebeïna  (arabe). 

Récolté  près  de  GM>ès,  les  17  et  21  mars  1860. 
Le  SUC  de  ces  diverses  Euphorbiacées  est  employé  contre  les  mor- 
sures des  vipères. 

gânnâbinées. 

Cannabis  sativa  L. 

Kemeb,  Tekroùri,  Hachîcha  (arabe). 

Cultivé  dans  quelques  oasis,  notamment  dans  le  Fezzân,  à  Trâgheo. 

Les  sommités  fleuries  de  ce  chanvre  sont  fumées  dans  des  pipes 
ou  mangées  en  confitures  en  vue  de  déterminer  une  sorte  d'extase 
que  les  amateurs  de  hachîch  (hachchâchin)  appellent  kîf. 

L'hébétude  résulte  souvent  de  ces  pratiques  qui  heureusement 
ne  sortent  guère  du  cercle  des  fainéants  ou  de  ceux  qui  ont  voyagé  en 
Orient.  Les  Touareg  entre  autres  ne  font  jamais  usage  du  hachîch. 

MORÉES. 
Ficus  Carica  L. 
Kerma  (arabe)  ;  Ahar,  Tâhart  (temâhaq). 

Après  le  dattier,  le  figuier  est  Tarbre  le  plus  cultivé  chez  les 
Touareg.  Non-seulement  on  en  trouve  quelques  pieds  dans  chaque 
jardin  des  oasis,  mais  encore  on  compte  çà  et  là,  dans  les  montagnes, 
quelques  vergers  exclusivement  peuplés  de  figuiers. 

Les  figues  provenant  de  ces  cultures  sont  généralement  mangées 
fraîches.  Les  figues  sèches  sont  principalement  tirées  du  littoral: 
cependant,  on  m'en  a  donné  provenant  de  Miherô. 

I.  18 


194  TOUAREG  DU  NORD. 

SALICINÉES. 

POPCLCS    ALBA  L. 

Safsaf  (arabe). 

Signalé  sur  un  point  du  plateau  de  Tâdemâyt,  à  Hamâd-el-'Atchàn,  près  de 
Tîn-Fedjaculn. 

Le  peuplier  blanc,  très-commun  dans  le  Tell,  est  une  exception 
unique  à  cette  latitude. 

CONIFÈRES. 
Ephedra  alata  Dcnc. 

'Alenda  [arabe)  ;  Tîmatart  {temâhaq). 

Reconnu  en  douze  stations,  entre  El-Ouàd  et  Ghadàmès. 

Les  chameaux  mangent  ses  jeunes  pousses,  à  défaut  d'autre  nour- 
riture. 

Ses  tiges  et  ses  sommités,  douées  de  propriétés  astringentes,  sont 
employées  dans  la  matière  médicale  indigène. 

Ses  fruits  sont  comestibles. 

Les  branches  de  cet  arbuste  atteignent  quelquefois  trois  mètres 
de  hauteur.  Près  d'El-Arba-Tahtanîya,  M.  le  docteur  Cosson  en  a 
découvert  «  un  magniûque  pied  dont  le  tronc,  jusqu'aux  ramifications 
«  principales,  mesurait  au-dessus  du  sol  près  d'un  demi- mètre  et 
<(  dont  la  circonférence,  prise  au  niveau  du  sol,  atteignait  48  centi- 
«  mètres,  » 

11  y  en  a  de  plus  grands  encore  sur  TOuâd-el-'Alenda ,  dans  le  Soûf. 

POTAMÉES. 

POTAMOGETON  PECTINATUS  L. 

Récolté  dans  la  source  de  Tagotta. 
Plante  aquatique  submergée. 

PALMIERS. 
Phgenix  dactylifera  L. 
Nakhla  {arabe)\  Tàzzeït  (temâhaq). 

Le  palmier  dattier  est,  sans  contredit,  le  roi  de  la  végétation 
saharienne,  non-seulement  par  le  nombre  des  ghâbâ  qu'il  constitue, 
mais  encore  par  l'importance  des  services  directs  ou  indirects  qu'il 
rend  à  l'habitant  de  la  région  désertique* 


VEGETAUX.  195 

On  donne,  dans  tout  le  Sahara,  le  nora  de  ghâbâ  ou  forêt  à  toute 
plantation  de  dattiers,  quel  que  soit  le  nombre  des  arbres. 

Généralement,  les  plantations  sont  agglomérées,  autour  ou  à  peu 
de  distance  des  habitations.  Leur  ensemble  forme  ce  qu'on  appelle 
une  oasis. 

Dans  la  partie  du  Sahara,  objet  de  cette  étude,  quatre  principaux 
groupes  d'oasis  appellent  Tattention  :  celui  de  Ghadâmès,  celui  de 
Rhât,  celui  du  Fezzân,  celui  du  Touât. 

A  Ghadâmès,  on  compte,  m'a-t-on  dit,  63,000  palmiers;  à  Rhât, 
y  compris  les  plantations  des  villages  voisins ,  le  nombre  de  ces  ar- 
bres n'est  pas  moins  considérable;  quant  à  ceux  innombrés  et  pres- 
que innombrables  du  Fezzân  et  du  Touât,  ils  atteignent  peut-être  le 
chiffre  de  deux  millions  de  pieds,  car,  dans  ces  contrées  favorisées, 
les  oasis  se  succèdent  les  unes  aux  autres  sur  d'immenses  étendues  : 
cent  lieues  du  Nord  au  Sud  pour  le  Touât,  quarante  lieues  de  l'Est  à 
l'Ouest  pour  le  Fezzân. 

En  dehors  de  ces  massifs  principaux,  il  y  a  encore  une  dizaine  de 
petites  oasis  dans  les  montagnes  des  Touareg  :  à  Djânet,  à  Idelès,  et 
autres  points  arrosés  par  des  sources,  mais  elles  ne  peuvent  pas  être 
comparées  aux  premières,  car  toutes  ces  plantations  ne  donneraient 
peut-être  pas  un  total  de  6,000  palmiers. 

Les  produits  directs  du  dattier  sont  les  suivants  : 

La  datte,  themer  des  Arabes,  teïni  des  Touareg,  aliment  fari- 
neux et  sucré,  d'une  conservation  et  d'un  transport  faciles,  immense 
ressource  pour  des  populations  nomades  et  voyageuses  ; 

La  palme,  djerida  en  arabe ,  taratta  en  temàhaq,  comprenant  le 
pétiole,  ahebêr,  et  la  feuille,  îakôla  des  Touareg,  employés,  l'un 
sous  forme  de  lattes,  dans  les  constructions  et  les  clayonnages,  l'autre 
comme  matière  textile,  à  la  fabrication  de  nattes,  de  paniers,  de 
sacs,  de  cordes,  en  un  mot,  à  la  confection  de  ces  mille  petits 
riens  connus  sous  le  nom  d'articles  de  sparterie  exécutés  ailleurs  avec 
le  palmier  nain  et  le  halfà  ; 

La  bourre,  sa'af,  provenant  des  feuilles  radicales  ou  du  tronc,  et 
avec  laquelle  on  fait  des  tissus,  des  rembourrages  de  bâts,  etc.  ; 

Le  noyau  de  la  datte,  a*lef,  que  l'on  écrase  et  que  l'on  donne  à 
manger  aux  animaux  :  chameaux,  chèvres  et  moutons  ; 

La  sève,  lâgmi,  obtenue  par  incision  et  de  laquelle  on  retire  : 

A  l'état  frais,  le  lait  de  palmier,  boisson  fade,  quoique  sucrée; 


196  TOUAREG  DU  NORD. 

Fermentée,  le  vin  de  palmier,  dont  le  goût  rappelle  celui  d'une 
jeune  bière  ; 

Distillée,  un  alcool  très-inférieur; 

Les  fleurs,  nouâr,  réputées  aphrodisiaques; 

L'involucre  des  fleurs,  hemmamin,  aussi  employé  en  médecine; 

Enfin,  la  tige  du  palmier,  kfiechba,  débitée  comme  le  bois  des 
autres  arbres,  et  qu'à  raison  de  ses  services  on  a  appelée  sapin  du 
Sahara.  On  l'emploie  dans  les  constructions,  dans  les  coffrages  des 
puits,  sous  forme  de  planches,  de  poutres  ou  de  madriers.  Dans  la 
région  saharienne,  le  dattier  est  la  seule  essence  qui  donne  des  bois 
droits  et  de  longueur. 

En  présence  de  tant  de  produits  fournis  par  le  dattier,  on  ne 
peut  s'empêcher  de  reconnaître  que,  si  la  Providence  a  été  avare 
envers  les  Sahariens,  en  limitant  à  un  petit  nombre  les  arbres  utiles 
de  leur  pays,  elle  a  tellement  prodigué  ses  faveurs  au  dattier,  qu'à 
lui  seul  il  peut  remplacer  tous  les  autres  arbres. 

Mais  le  dattier  n'est  pas  seulement  utile  par  les  produits  directs 
dont  il  comble  l'habitant  des  oasis,  ill'est  encore,  au  même  degré,  par 
les  produits  indirects  qu'il  permet  d'obtenir  à  l'ombre  de  sa  cime  pa- 
rasolaire  qu'on  peut  comparer,  contre  la  chaleur,  à  l'effet  des  serres 
contre  le  froid. 

Les  extrêmes  se  touchent  en  tout:  dans  nos  climats  tempérés,  les 
plantes  tropicales  ne  peuvent  germer,  croître,  fructifier,  qu'à  l'aide 
d'une  chaleur  factice  ;  dans  le  Sahara,  les  plantes  des  climats  tem- 
pérés ne  peuvent  prospérer  qu'à  l'abri  d'une  chaleur  excessive  et 
d'une  lumière  intense;  et  cet  abri ,  le  dattier  le  donne  en  permettant 
à  l'air  de  circuler,  à  la  lumière  et  à  la  chaleur  de  pénétrer  dans  les 
proportions  réclamées  par  la  végétation  sous-palméenne. 

Que,  dans  les  oasis,  les  palmiers  soient  décapités,  le  sol  qu'ils 
couvrent  de  leur  ombre  rentre  dans  les  conditions  climatériques 
des  terres  voisines  frappées  de  mort,  de  juin  à  septembre,  par  l'excès 
de  la  chaleur,  comme  ailleurs,  de  novembre  à  mars,  par  l'excès  du 
froid. 

Sous  l'abri  protecteur  des  palmiers,  l'Oasien  peut  cultiver  une  cin- 
quantaine de  plantes  alimentaires  ou  industrielles  dont  il  serait 
complètement  privé  sans  l'auxiliaire  que  la  Providence  a  mis  si  libé- 
ralement à  sa  disposition  :  j'ai  donc  raison  de  dire  que  le  dattier 
rend  à  l'habitant  du  Sahara  autant  de  services  par  ses  produits  in- 


VÉGÉTAUX.  197 

directs  que  par  ses  produits  directs,  si  nombreux  quMls  soient. 

On  ne  sera  donc  pas  étonné  d'apprendre  que  le  dattier,  dans  le 
Sahara,  soit  l'objet  de  soins  qui  ne  sont  donnés  à  aucun  arbre,  dans 
aucun  autre  pays  du  monde. 

J'estime  à  l'égal  des  plus  grandes  conquêtes  de  l'homme  sur  la 
nature  les  travaux  exécutés  par  les  Sahariens  pour  assurer  à  cet  arbre 
les  conditions  nécessaires  à  son  existence. 

Dans  l'Ouàd-Rîgh  et  le  bassin  d'Ouarglà,  des  puits  artésiens  creu- 
sés à  bras  d'homme  jusqu'à  la  couche  d'eau  jaillissante;  dans  l'Ouâd- 
Mezâb,  d'immenses  barrages  jetés  en  travers  des  torrents  ;  dans  le 
Fezzân  et  dans  le  Touât,  des  puits  à  galeries  souterraines  pour  créer 
des  rivières  artificielles  ;  dans  le  Soûf  et  dans  les  autres  oasis  de 
l"Erg,  la  lutte  de  tous  les  instants  contre  les  envahissements  des 
sables,  constituent  des  efforts  de  géants  que  tout  homme  impartial 
compare,  avec  la  différence  des  moyens,  aux  plus  beaux  résultats 
obtenus  par  la  science  et  l'industrie  dans  nos  États  civilisés. 

Le  dattier,  disent  les  Sahariens,  doit,  pour  produire  de  bons 
fruits,  avoir  la  tête  dans  le  feu  et  les  pieds  dans  l'eau. 

Le  soleil  africain  pourvoit  suffisamment  aux  besoins  de  sa  cime  ; 
l'homme  doit  procurer  à  ses  racines  l'eau  qu'elles  réclament.  Ce  n'est 
pas  toujours  facile,  mais,  partout  où  il  y  a  des  dattiers,  on  leur  sert, 
d'une  manière  ou  de  l'autre,  l'eau  nécessaire. 

Dans  les  oasis  pourvues  de  puits  artésiens,  de  puits  à  galeries, 
de  fontaines  aménagées,  l'irrigation  est  facile  et  se  pratique  à  eau 
courante  ;  mais  là  où  il  n'y  a  que  des  puits  ordinaires,  l'eau  doit  être 
élevée  par  des  machines  ou  à  bras  d'hommes,  et  l'arrosage ,  dans  ce 
cas,  impose  des  peines  considérables. 

Dans  l'oasis  du  Soûf,  où  l'eau  se  trouve  au-dessous  du  sol  à  des 
profondeurs  variables  de  0""  85  à  2""  55  et  4°  10,  on  plante  le  dat- 
tier de  manière  à  ce  que  ses  racines  plongent  dans  l'eau.  Là,  du 
moins,  le  planteur  est  exonéré  de  l'obligation  d'irriguer,  mais  cet 
avantage  est  chèrement  acheté  par  la  nécessité  de  lutter  continuelle- 
ment contre  l'envahissement  des  sables  et  de  féconder  ces  sables  par 
de  nombreux  engrais. 

La  charge  d'engrais  de  crottin  de  chameaux  (150  kilos)  coûte, 
dans  le  Soûf,  10  francs,  et  on  n'hésite  pas  à  donner,  à  un  seul  pal- 
mier, douze  charges  d'engrais,  d'une  valeur  de  420  francs,  ce  qui,  à 
raison  d'une  fumure  tous  les  huit  ou  dix  ans,  porte  à  12  et  à  15  fr. 


198  TOUAREG  DU  NORD. 

par  an  la  dépense  d'engrais  de  chaque  palmier.  Mais,  il  faut  le  dire, 
les  dattes  de  cette  oasis  sont  de  qualité  très-supérieure. 

Généralement,  dans  tout  le  Sahara,  on  préfère  les  plantations  par 
boutures  à  celles  par  noyaux,  parce  que  la  bouture  produit  le  môme 
fruit  que  le  pied  de  l'arbre  d'où  elle  a  été  extraite,  tandis  qu'avec  le 
noyau  on  n'est  jamais  certain  de  la  qualité  du  fruit. 

Cependant,  c'est  par  les  semis  de  noyaux  qu'on  a  obtenu  les  nom- 
breuses variétés  de  dattes  du  Sahara.  On  n'en  compte  guère  moins 
de  quarante.  Il  est  vrai  de  dire  qu'elles  ne  sont  pas  toutes  également 
bonnes. 

Les  boutures  provenant  d'arbres  faibles  et  maladifs  paraissent 
mieux  reprendre  ;  on  leur  donne  le  nom  de  arfiedd. 

On  a  remarqué  aussi  que  les  boutures  tirées  de  pays  lointains 
acquièrent  en  voyage  plus  d'aptitude  à  la  reprise.  Il  suffit,  pour  les 
conserver  en  bon  état,  de  leur  enlever  leurs  feuilles. 

Certaines  boutures  sont  obtenues  du  tronc  mère  avec  des  racines  ; 
elles  portent  le  nom  de  zalloûch.  On  se  borne  à  éviter  de  blesser 
les  racines  en  les  détachant  du  tronc.  De  même,  pour  les  boutures 
sans  racines,  on  a  soin  de  faire  des  incisions  nettes,  sans  màchures 
ni  déchirures. 

On  plante  les  boutures  à  l'automne,  et,  pour  cette  opération,  on  . 
reconnaît  plusieurs  procédés. 

Le  plus  sûr  est  celui  appelé  mechloùla  :  il  consiste  à  planter  les 
boutures  auprès  d'un  puits  qui  en  permet  l'arrosage.  Au  bout  de  six 
mois,  elles  ont  pris  racine  et  on  les  transporte  dans  des  terrains  défon- 
cés, nommés  toloûa\ 

Au  Soùf,  on  emploie  un  procédé  appelé  hachchâna  :  à  cet  effet,  on 
met  de  suite  en  place  les  boutures  dans  les  trous  qui  leur  sont 
destinés  et  qu'on  a  préalablement  creusés  jusqu'à  apparition  de  l'eau. 
La  bouture  est  plantée  de  manière  à  ce  qu'elle  ait  le  pied  dans  l'hu- 
midité. Quand  elle  a  réussi,  au  bout  de  six  mois,  elle  a  poussé  trois 
petites  branches,  djeridâi,  et,  au  bout  de  trois  ans,  l'arbre  est  assez 
développé  pour  qu'il  puisse  être  fécondé.  Alors  on  creuse  la  terre 
tout  autour  pour  mettre  du  fumier  de  chèvre  sous  ses  racines. 

Au  Soiif,  on  a  aussi,  pour  rajeunir  les  vieux  dattiers,  un  procédé 
qui  n'est  pas  usité  dans  les  autres  oasis. 

Quand  un  sujet,  atteint  de  vieillesse,  ne  produit  plus,  on  creuse 
le  sol  sous  ses  racines,  on  supporte  le  tronc  pendant  l'opération  et. 


VÉGÉTAUX.  199 

sans  le  faire  changer  de  place,  on  lui  donne  un  nouveau  lit  de  sable, 
de  fumier  et  d'eau,  qui  ne  tarde  pas  à  lui  faire  recouvrer  sa  jeunesse. 
Les  palmiers  ainsi  restaurés  sont  appelés  meseggueta. 

En  toute  plantation,  on  distingue  les  dattiers  mâles,  dhokhâra,  des 
dattiers  femelles,  nakhla.  Il  suffit  de  quelques  mâles  pour  féconder  une 
plantation  entière  de  femelles. 

On  distingue  deux  sortes  de  dattiers  mâles  :  le  sersâr,  dont  les 
spathes  renferment  une  semence  peu  abondante,  peu  active  et  qui 
tombe  dès  qu'on  la  touche  ;  cette  espèce  ne  féconde  pas  toujours  et 
quelquefois  même,  après  la  fécondation,  on  ne  récolte  que  des  dattes 
avortées,  sich.  L'autre  espèce,  appelée  khoxvwâr,  produit  des  spathes 
d'une  farine  abondante,  tenace  et  conservant  ses  propriétés  fécon- 
dantes pendant  deux  années.  Cette  variété  est,  de  beaucoup,  la  pré- 
férée. 

Inutile  d'ajouter  que  les  Oasiens  aident  à  la  fécondation  de  leurs 
dattiers  par  la  caprification. 

Dans  le  Fezzân,  on  trouve  souvent  des  forêts  de  palmiers  dattiers 
qui  se  sont  créées  spontanément  de  graines.  Venus  sans  culture,  ne 
recevant  aucun  soin  de  l'homme,  au  lieu  de  s'élever  en  un  tronc 
élancé,  comme  le  dattier  cultivé ,  ils  se  développent  en  broussailles, 
à  la  façon  des  palmiers  nains  {Chamœrops  humilis)  du  Tell.  On 
donne  à  ces  palmiers  le  nom  de  hachchâna.  Ils  produisent  des  fruits 
maigres  et  peu  savoureux  qui  sont  cependant  récoltés  par  les  pauvres, 
quand  la  concurrence  des  gazelles  laisse  les  régimes  intacts. 

Cdcifera  Tuebaica  DeUle. 

4 

Doûm  (arabe)  ;  Tâgaït  {temâhaq). 

Ce  palmier,  dont  la  véritable  région  est  beaucoup  plus  au  Sud, 
est  représenté  par  quelques  pieds  dans  une  des  oasis  méridionales  du 
Fezzân,  celle  de  Tedjerri. 

LILIACÉES. 

ÂSPHODELUS    TENUIFOLIUS  Cav. 

Tàzia  (arabe);  Iziân  [temâhaq). 

Récolté,  le  9  février  1860,  dans  la  vallée  de  TOuâdi-Tàrât,  seule  station  où 
je  Taie  rencontré. 

ÂLLiuH  Cepa  L. 
Boçla  (arabe)  ;  Efelôli  (temâhaq). 


200  TOUAREG  DU  NORD. 

Cultivé  dans  les  oasis. 

L'oignon  est  non  moins  nécessaire  dans  la  cuisine  monotone  des 
Sahariens  que  dans  celle  plus  variée  des  Européens.  Ici,  il  n'est  qu'un 
auxiliaire  dont  on  se  passe  facilement  ;  là,  il  est  souvent  l'unique  élé- 
ment de  la  digestion. 

Allidm  sativum  L. 

Thoûm  (arabe)  ;  Têskart  {temâhaq). 

Je  n'ai  pas  pris  le  soin  de  constater  si  l'ail,  vendu  sur  tous  les 
marchés,  était  cultivé  dans  toutes  les  oasis  ou  provenait  du  Nord; 
cependant  je  croîs,  sans  en  être  certain,  qu'il  est  le  produit  des  cul- 
tures locales.  Pour  l'oasis  de  Ghadâmès,  je  puis  l'affirmer. 

Toute  la  matière  médicale,  à  l'usage  du  chameau,  comme  applica- 
tion interne,  se  résume  dans  l'unique  emploi  de  l'ail. 

MÉLANTHAGÉES. 
Erytheostictus  punctatds  Schlecht. 
Kaïkoût  (arabe)]  Afahlehlé-n-ehedan  (temâhaq). 

Récolté  entre  les  dunes  d'El-*Arefdji  et  Hassi-Ma'ammer,  le  21  février, 
et  dans  la  plaine  d'Dian&ren,  au  pied  des  montagnes  du  Tastli,  le 
1"  avril  1851. 

L'oignon  de  cette  plante  répand  une  odeur  aromatique  agréable. 
Les  ânes  fuient  cette  odeur,  d'où  son  nom,  poison  des  ânes,  en 
temâhaq. 

La  fécule  de  cet  oignon  est  quelquefois  introduite  dans  le  pain  ou 
dans  le  couscoussou  pour  l'aromatiser.  * 

JONCÉES. 
Jdngds  maritixus  Link. 

Semâr  (arabe)  ;  Talegguît  (temâhaq). 

Récolté,  le  18  septembre  1860,  près  la  source  de  Tagotta,  et  le  8  mai  1861, 
près  de  la  source  de  Serdélès. 

Commun  autour  des  sources,  mais  rare  comme  elles. 

TYPHACÉES. 
Ttpha..,? 

Berdi  (arabe)  ;  Tahelé  (temâhaq). 


VÉGÉTAUX.  201 

Recouau  en  beaucoup  de  points,  à  peu  près  partout  où  il  y  a  de  Peau  per- 
manente. Commun  dans  les  montagnes,  autour  des  lacs  et  des  sources. 

Les  chaumières  des  serfs  des  Touareg  sont  presque  toutes  cou- 
vertes avec  la  feuille  de  cette  plante. 

CYPÉRACÉES. 
Ctpbrus  conglomeratus  Rottb. 

Sa'ad,  Se'ad  (arabe). 

Récolté,  le  29  juillet  1860,  dans  les  sables  de  r*Erg,  autour  du  puits  de 
Màleh-ben-*Aoûn,  entre  El-Ouàd  et  Berreçof  ;  reconnu  sur  d*autres  points 
de  ma  route,  entre  Ël-Ouàd  et  Ghadâmès  et  autour  de  Ghadàmès. 

GypeRUS    nOTUNDUS  L. 

Azejmîr  {mezabite). 

Récolté  à  Gbardâya,  dans  les  mares  d'irrigation  des  dattiers  (aoÂt  1859). 

Gyperds  lavigatus  L. 
Récolté  autour  de  la  source  de  Tagotta,  le  18  septembre  1860. 
Gtperus  lavigatus  L.  var,  distachyds.  Cyperus  junciformis  Cay, 

Merga,  le  plongeur  (arabe). 

Récolté  dans  les  sources  de  TOu&d-Nafta,  le  8  mars  1861. 

SCIRPUS  HOLOSCHGENUS  L. 

Sommîd  (aràbe)\  Iregga,  lleg^di  (temâhaq). 

Récolté  près  de  la  source  d*Ahêr,  le  28  février,  et  près  de  celle  de  Ser- 
délès,  le  3  mai  1861. 

SCIRPDS    MARITIMUS  L. 

Leoulîoua  (arabe  et  temâhaq). 

Récolté,  le  l*'  janvier  1861,  autour  du  Rhedîr  de  S&ghen.  Reconnu  en  trois 
autres  stations,  entre  Ghadàmès  et  Rhftt. 

GRAMINÉES. 
Lygbch  Spartum  Lœfl. 

Senrha,  dans  l'Ouest;  Halfâ,  dans  l'Est  (arabe). 

Récolté  dans  le  Djebel-Nefoûsa  et  entre  Ghefl  et  Dj&do,  le  !<'>'  novembre  1860. 

Au  Sud  de  l'Algérie,  le  senrha  croît  dans  les  mêmes  régions  que  le 

halfâ  (Stipa  tenacissima),  et,  à  première  vue,  quand  les  deux  plantes 


â 


202  TOUAREG  DU   NORD. 

n'ont  pas  atteint  tout  leur  développement,  on  peut  les  confondre; 
mais  dès  que  Tépi  se  montre,  les  deux  espèces  apparaissent  bien  dis- 
tinctes. 

En  Algérie,  on  préfère  le  halfâ  au  senrha  pour  les  travaux  de  spar- 
terie,  parce  que  le  chaume  du  premier  est  trois  fois  aussi  long  que 
celui  du  second.  En  Tunisie,  lesenhra  est  plus  estimé,  parce  qu'on  le 
croit  plus  solide. 

Les  chameliers,  conducteurs  des  caravanes,  qui  font  grand  usage 
de  cordes  en  sparterie  pour  l'arrimage  de  leurs  chargements,  ne  règlent 
leur  choix  entre  le  halfà  et  le  senrha  que  par  le  prix  de  vente.  La 
préférence  est  toujours  acquise  au  meilleur  marché. 

Phalaris  minor  Retz. 

Seboûs  (arabe);  Tanâla  (temâhaq). 

Trouvé  et  récolté  eu  une  station  unique  à  Sàghen. 

Panicum  tcrgidum  Forsk. 

Boû-rekoûba  [arabe);  Afezô  (temâhaq). 

Échantillons  récoltés  surl'Ouâdi-Tîn-Guezzîn  et  àOuarâret,  le  !«'  avril  1851. 
Reconnu  en  huit  stations,  entre  Ghadàmès  et  Rhàt,  et  en  six  stations, 
entre  Tîterhsîn  et  la  Cherguîya. 

Plante  commune  dans  tout  le  Sahara  central,  où  elle  concourt  à  la 
nourriture  des  chameaux.  Ses  graines  sont  récoltées  par  les  Touareg  et 
mangées  comme  celle  du  drîn  (Arthratherum  pungens). 

Setaria  verticillata  P.B. 

Oulâffa  (mezabite). 

Récolté  dans  les  jardins  de  Ghardàya  (août  1859),  autour  des  mares  for- 
mées par  les  canaux  d'irrigation. 

Pennisetum  dichotomum  Delile. 

Boû-roukeba  (arabe);  Tehaoua  (temâhaq). 

Récolté  à  Sàghen,  le  2  janvier  1861.  Reconnu  entre  El-Ouàd  et  Ghadàmès, 
entre  Ghadàmès  et  Rhàt,  entre  Tlterhsln  et  la  Cherguîya. 

Plante  fourragère,  mais  en  général  peu  recherchée  par  les  animaux. 

Imperata  cylimorica  P.B. 

Dis  (arabe);  Bastô,  Taïsest  (temâhaq). 

Récolté  dans  la  plaine  d'nianàren,  le  1*»"  avril  1861.  Reconnu  en  quatre 
stations,  entre  Ghadàmès  et  Rhàt;  en  six  stations,  de  Tlterhsin  à  la 


VÉGÉTAUX.  203 

Chergutya.  Signalé  comme  étant  commun  entre  Rhàt  et  In-Sàlah,  dans  la 
montagne  et  sur  le  plateau  de  Tàdemâyt. 

Comme  le  dîs  du  Tell  {Phragmites  communis  Trin.),  celui  du  Sahara 
croît  en  touffes  épaisses  et  couvre  souvent  de  grands  espaces.  Ses 
feuilles  droites,  vertes ,  servent  également  à  la  nourriture  des  trou- 
peaux. 

Andropogon  laniger  Desf. 

Lemraâd  (arabe)  ;  Tiberrimt  (temâhaq). 

Récolté,  le  24  août  1859,  sur  le  plateau  des  Benî-Mezâb ,  et  le  l*'  mars  1861, 
à  Tîn-Arrây. 

Cette  Graminée  a  une  odeur  aromatique  prononcée. 

PiPTATHERUM  MiLiACEUM  Coss.  AgrosOs  miliocea  L. 
Récolté  le  27  octobre  1860  dans  les  rochers  de  Djàdo. 
Stipa  tenacissima  L. 

Halfà,  en  Algérie;  Gueddîm,  Bechna,  en  Tripolitaine  (arabe). 

Récolté  entre  Zint&n  et  Ri&yna,  le  27  septembre  1860,  et  dans  les  monta- 
gnes de  Guettàr,  le  23  mars  1861. 

La  solidité  des  fibres  de  cette  plante  textile ,  avec  laquelle  on  fait 
tous  les  travaux  de  sparterie  dans  le  Sud  de  l'Algérie,  a  l'inconvénient, 
comme  plante  fourragère,  de  ne  pas  se  prêter  facilement  à  la  dige^ 
tion.  Son  usage,  chez  les  animaux,  amène  des  constipations  qui  ré- 
clament l'emploi  d'eaux  laxatives.  Ces  eaux  se  trouvent  heureusement 
être  assez  communes  dans  les  parties  du  Sahara  algérien  où  croît  le 
halfâ.  Aussi ,  tous  les  quatre  ou  cinq  joure,  les  bergers  de  chameaux 
et  ceux  de  moutons  conduisent-ils  leur  troupeaux  à  ces  sources  pour 
combattre  les  effets  constipants  du  halfà. 

La  limite  méridionale  de  cette  plante,  qui  couvre  de  si  grands 
espaces  dans  la  région  des  steppes,  me  paraît  être  :  au  Sud  de  l'Al- 
gérie, au  point  de  partage  des  eaux  du  bassin  de  l'Ouâd-Djédi  et  de 
celui  de  l'Ouâd-Miya;  au  Sud  de  la  Tunisie,  la  limite  de  l"Erg;  au 
Sud  de  la  Tripolitaine,  un  point  mitoyen  entre  Chefî  et  Djàdo. 

La  connaissance  de  cette  limite  a  son  importance,  car  souvent  les 
caravanes  qui  doivent  la  franchir  sont  forcées  de  changer  de  relais  de 
chameaux.  La  loi  de  la  circulation  dans  le  Sahara,  subordonnée  à 
celle  de  la  végétation,  sera  l'objet  d'un  examen  particulier  dans  le 
deuxième  volume  de  cette  étude,  spécialement  consacré  au  commerce. 


204  TOUAREG  DU  NORD. 

Aristida  àdscbnsionis  L. 

Neçi-oueddàn  {arabe);  Arhemmoûd-ouân-ihedân  {temâhaq). 

Récolté  dans  rOuàdi-Alloûn,  le  29  février  1861.  Reconnu  entre  El-Ou&d  et 
Gbaâ&mès  et  entr^  Ghad&mès  et  Rhàt 

àuthratheruh  pcngens  P.B. 

Drîn,  en  Algérie,  Sebot  en  Tripolitaine  {arabe);  Toûlloult  {temâhaq). 

Récolté  sur  rOuàdi-AUoûn,  le  29  février  1861.  Reconnu  dix-neuf  fois  entre 
El-Ouàd  et  Ghadàmës,  quarante-trois  fois  entre  Ghadàmès  et  Rhàt,  deux 
fois  entre  Tlterhsîn  et  la  Chergulya,  en  de  nombreuses  stations  entre 
Golêa*  et  Methllli.  Signalé  comme  étant  commun  entre  Rhât  et  In-Sâlah , 
ainsi  qu'au  Touàt. 

C'est  incontestablement  la  plante  la  plus  répandue  et  celle  qui 
couvre  le  plus  d'espace  dans  la  partie  du  Sahara  au  Nord  des  mon- 
tagnes des  Touareg,  car  dès  qu'il  y  a  un  peu  de  terre  végétale  sur  le 
sol,  on  est  assuré  de  la  voir  paraître. 

C'est  incontestablement  aussi  la  Graminée  qui  rend  le  plus  de 
services  aux  Sahariens,  car,  si  son  chaume  nourrit  les  troupeaux,  son 
grain  est  souvent  le  seul  aliment  de  l'homme. 

Le  grain  de  VArthratherum  pungens  se  nomme  loûl.  Chez  les  Toua- 
reg, comme  dans  tout  le  Teste  du  Sahara,  on  le  récolte,  et  après  l'avoir 
réduit  en  farine,  on  le  mange,  soit  en  bouillie,  soit  en  galette.  Je  me 
suis  trouvé  moi-même,  faute  d'autres  provisions,  dans  la  nécessité 
d'en  faire  usage,  et  je  reconnais  volontiers,  la  faim  aidant,  que  ce 
n'est  pas  un  aliment  à  dédaigner. 

Le  loûl  se  vend  comme  les  autres  céréales,  mais  son  prix  est  tou- 
jours inférieur.  Dans  le  Sahara  algérien,  trois  mesures  de  loûl  sont 
échangées  contre  une  mesure  d'orge. 

Quand  on  se  préoccupera  d'améliorer  les  voies  de  communication 
dans  le  Sahara,  en  y  creusant  des  puits  et  en  créant  autour  de  ces 
puits  des  pacages  pour  les  caravanes,  on  fera  bien  certainement  des 
semis  de  loûl,  car  on  ne  peut  trouver  une  plante  qui  convienne  mieux 
au  climat  du  Sahara  que  VArthratlierum  pungens, 

ÂITHRATHERUM    PLCMOSUM  NeCS  Vaf.   PLOGGOSUM. 

Neçi  {arabe);  Arhemmoûd  {temâhaq). 

Récolté  le  24  août  1861  sur  rOuâdi-lln-Guezzîn,  dans  les  montagnes  de  la 
Soda.  Reconnu  en  huit  stations,  entre  Ghadàmès  et  Rhât,  en  deux  entre 
Tîterhsîn  et  la  Chergutya.  Signalé  en  quelques  stations,  dans  les  monta- 
gnes, entre  Rhât  et  In-Sâlah. 


VÉGÉTAUX.  205 

Plante  fourragère,  basse,  croissant  en  touffes,  recherchée  par  les 
animaux. 

ÂRTHRATHERUM    OBTUSCll  NOOS. 

Récolté^  le  24  août  1859^  sur  le  plateau  des  Benl-Mez&b. 

ÂRTHRATHERUM    BR ACHYATHERCH  COSS.  et  Balausa? 

Seffàr  {arabe);  Imateli  {temâhaq). 

J*ai  reconnu  cette  plante  en  cinq  stations,  dans  les  dunes  de  T'Ërg,  entre 
El-Ou&d  et  Ghadàmès,  mais  Je  ne  Tai  pas  récoltée,  de  sorte  que  sa  déter- 
mination exacte  reste  douteuse. 

Cette  Graminée  est  mangée  par  les  animaux  comme  fourrage. 

ÂGROSTIS   TBRTICILLATA  YiU. 

Récolté  dans  rOuàd-Mez&b  (août  1859). 

POLTPOGOR    MONSPELIBNSIS  Dosf. 

Seboûl-el-fàr,  Dheïl-el-fâr  {arabe) ,  syn.  Coss.  ;  Tamatasast  {te- 
mâhaq). 

Récolté  près  de  la  source  de  Serdélès,  le  4  mai  1861. 

POLYPOGON    IIARITIMUS  Willd. 

Seboûl-el-fâr  {arabe). 

Récolté,  le  5  Juin  1860,  sous  les  dattiers  de  Sidi-KhelU. 

Phragmites  cohmunis  Trin. 

Gueçob  {arabe). 

Récolté  à  Hassi-'ArefdJi,  le  20  février  1861 ,  et  dans  TOuàdi-Tagotta,  le 
18  septembre  1861. 

Gynodon  Dactyloh  Rich. 

En-nedjem  {arahe);  Ajezmîr  {mezabite);  Aoukeraz  {temâhaq). 

Récolté  à  Ghardàya ,  autour  des  dattiers  et  des  petites  mares  formées  par 
les  canaux  d'irrigation.  Commun  autour  des  sources,  dans  les  montagnes 
des  Touareg. 

Cette  plante  toujours  verte,  parce  qu'elle  choisit  toujours  des 
endroits  humides,  est  d'une  grande  ressource  pour  les  troupeaux, 
quand  tout  le  reste  de  la  végétation  est  desséché  par  le  soleil. 

Plus  d'une  fois,  les  troupeaux  de  l'Algérie,  comme  ceux  du  Sahara, 
lui  ont  dû  leur  salut  dans  les  mauvaises  années. 

On  en  fait  des  tisanes  diurétiques. 


i 


208  TOUAREG  DU  NORD. 

lette  au  beurre.  Ce  mets  est  considéré  comme  un  spécifique  contre 
les  engorgements  de  la  rate. 

FOUGÈRES. 

Adiantcm  Capillcs-Veneris  L. 

Rafraf  {arabe). 

Récolté  sur  rOuàdi-Arhlàn  le  28  octobre  1860.  Croit  sur  les  racines  des 
dattiers  et  sur  les  pierres  qui  bordent  les  rigoles  des  canaux  d'irrigation. 

Les  médecins  arabes  emploient  les  feuilles  de  cette  plante  en 
fumigations. 

CHARACÉES. 
Ghara  gtmr ophylla  a.  Br. 

Récolté  le  4  février  à  'Aîn-ed-Dowwîra,  et  le  7  novembre  1860  à  Tànout^ 
Tirekîn. 

Cette  petite  plante  affectionne  le  voisinage  des  sources. 

CHAMPIGNONS. 

Cheiromyces  leonis  L.R.  Tul.  Tuber  nitmim  Desf. 

Terfâs  {arabe)  ;  Tirfâsen  {temâhaq). 

Commun  après  les  pluies  dans  tous  les  terrains  sablonneux  du  Sahara , 
surtout  dans  les  environs  de  Ghad&mès. 

Ben-*Abd-en-Noûri-el-Hamîri-et-Toimsi»  auteur  d'un  traité  de  géo- 
graphie saharienne,  prétend  qu'autour  de  Ghadâmès  les  terfâs  de- 
viennent assez  grosses  pour  que  des  gerboises  et  des  lièvres  puissent 
y  aller  faire  leurs  nids. 

Pline  indique  comme  originaire  de  la  Cyrénaïque  une  truffe 
blanche,  probablement  le  terfâs,  d'un  goût  et  d'un  parfum  exquis,  qui 
était  très-renommée  dans  l'antiquité  sous  le  nom  indigène  de  misy. 

J'avoue  n'avoir  jamais  trouvé  dans  le  Sahara  des  terfâs  ni  aussi 
grosses  que  celles  de  Ben-'Abd-en-Noûri,  ni  aussi  parfumées  que 
celles  de  Pline.  Celles  que  j'ai  mangées  avaient  un  goût  intermé- 
diaire entre  la  truffe  et  le  champignon,  goût  agréable,  sans  doute, 
mais  perdant  beaucoup  de  sa  valeur  par  le  sable  qui  pénètre  dans 
la  chair  du  tubercule  et  qui  craque  désagréablement  sous  la 
dent. 

Quoi  qu'il  en  soit,  des  tribus  entières  font  une  grande  consomma- 
tion de  ce  champignon,  dès  qu'il  devient  abondant. 


VÉGÉTAUX.  209 

ALGUES. 
Danga  {arabe  fesxanien). 

Parmi  les  produits  rencontrés  dans  mon  voyage,  je  ne  dois  pas 
oublier  une  plante  Cryptogame  qui  croît  dans  les  lacs  producteurs  de 
vers  comestibles  du  Fezzân  et  que  les  indigènes  appellent  danga. 

On  récolte  ce  fucus,  soit  seul,  soit  en  mélange  avec  les  vers. 
Quand  ces  derniers  sont  nombreux,  le  danga  est  rare,  et  vice  versa. 
Les  riverains  disent  que  les  vers  en  font  leur  pâture.  A  Tépoque  de 
ma  visite  aux  lacs,  la  plupart  de  ces  insectes  étant  formés  en  chrysa- 
lides, le  danga  était  plus  abondant. 

Le  danga,  péché  avec  les  vers,  entre  dans  la  conserve  alimentaire 
préparée  avec  ces  larves.  Quand  il  est  récolté  seul ,  on  en  fait  des 
petits  pains  qui,  desséchés,  ont  la  couleur  brune  de  Taloès,  une  cas- 
sure vitreuse,  et  sont  employés  comme  condiment.  (Voir  page  2^4.) 

PLANTES  INDÉTERMINÉES. 

Aucun  échantillon  des  plantes  suivantes  n*a  été  rapporté  :  par  conséquent , 
la  détermination  scientifique  de  ces  espèces  n'a  pu  être  faite. 

PLANTES  DE  HAMADA. 

GoçBYBA  {arahe)\  Tikamayt  {temàhaq). 

Entre  El-Ouàd  et  Ghadamès;  indiquée  aussi  dans  le  Ahagg&r. 

Cette  plante  fourragère  est  incontestablement  une  Graminée. 

BsnESMOUN  {arabe). 
Entre  Ghadamès  et  Rh&t. 
Probablement  un  Hypericum,  Beresmoun  est,  en  effet,  le  nom  que 
les  indigènes  du  Tell  donnent  au  Millepertuis  officinaL 

'AcGÂYA  {arabe)\  Tabelkost  {temâhaq). 
Trouvé  dans  le  Fezz&n.  Indiqué  aussi  dans  le  Ahaggâr  et  au  Touàt 
Techt-edh-dheba*  {arabe). 

L'échantillon  de  mon  herbier,  après  trois  années  de  voyage,  est 
arrivé  dans  un  état  qui  n'a  pas  permis  de  le  déterminer.  Heureuse- 
ment, c'est  le  seul. 

KhorIdu  {arabe). 
Reconnu  entre  Ghadamès  et  Rhàt. 
I.  H 


210  TOUAREG   DU   NORD. 

SED?iA  (arabe). 
Reconnu  entre  Ghadàmès  et  Rh&t. 

GoEçoB  (arabe);  Tisekdjelt  (temâhaq). 
Roseau  à  canne  trouvé  autour  des  sources. 
Commun  au  Fezzàn,  au  Soudan   et  dans   les  montagnes  des 
Touareg. 

Probablement  le  Phragniites  communis  Trin.  ou  une  espèce  voisine. 

Gdeçob  (arabe)\  Alemès  (temàhaq). 
Trouvé  comme  le  précédent  autour  des  sources. 

Plus  grand  et  plus  fort  que  le  tisenguelt,  probablement  VArundo 
donax. 

Ces  deux  roseaux  me  sont  indiqués  comme  existant  sur  plusieurs 
points  du  territoire  des  Touareg. 

Comme  dans  le  Tell,  ils  servent  à  dresser  les  murailles  et  les  toi- 
tures des  cabanes.  Les  serfs  en  font  des  manches  de  ligne  ;  les  nègres 
et  les  bergers,  des  chalumeaux. 

La  tabatière  à  priser  des  Touareg  consiste  en  un  tube  de  ces 
roseaux,  plus  ou  moins  couvert  de  dessins  ou  d*inscriptions  en  langue 
temâhaq. 

Fers  (arabe  et  temâhaq). 
Reconnu  en  plusieurs  points  de  ma  route. 

Assimilé  à  une  Anabasis, 

Nota  :  Les  neuf  plantes  indéterminées  qui  précèdent  ont  été  re- 
connues par  moi,  et  leurs  stations  sont  indiquées  dans  mon  journal  de 
voyage  :  celles  qui  suivent  me  sont  connues  seulement  par  les  rensei- 
gnements des  indigènes. 

PLAXTES  DE  MOXTAGNES, 

TaroCt  (temâhaq). 

Thuya  articulé?  Thuya  articulata  Desf.? 

Forôt  sur  le  versant  Sud  du  Tasîli ,  entre  Rhât  et  Djànet. 
Échantillon  de  planche  rapporté. 

La  forêt  qui  produit  cette  essence  paraît  considérable,  car  tous 
les  bois  employés  dans  les  constructions  de  Rhât  et  de  Djànet  en 
proviennent. 


VÉGÉTAUX.  211 

Les  dimensions  des  planches,  la  couleur,  la  finesse  et  la  solidité 
du  bois,  rappellent  celles  du  thuya. 

Le  nom  de  taroût,  forme  berbérisée  du  mot  'ar'ar,  employé  dans 
le  Tell  pour  désigner  le  Tliuya  arliculata,  m'engage  à  identifier,  pro- 
visoirement, le  taroùtdes  Touareg  avec  V'afar  des  Arabes. 

Cet  arbre  fournit  une  résine,  du'  nom  de  tighanglierl ,  qui  est 
employée  pour  rendre  sonores  les  cordes  des  rebàza  ou  violons  du 
pays. 

On  en  extrait  du  goudron. 

Ces  deux  faits  viennent  à  l'appui  de  Tidentification  du  taroût  avec 
le  Thuya  arliculata. 

D'après  les  indigènes,  quelques  sujets  atteignent  24  coudées  de 
circonférence. 

Cet  arbre  commence  à  se  montrer  à  Tarharha,  dans  le  haut  de 
rOuâdi-Tarât,  et  à  Eriey,  dans  le  haut  de  TOuàdi  de  Rhàt. 

YÂBNOûs  {temàhaq). 

Grand  arbre,  probablement  Vèbènier,  auquel  on  assigne  comme 
station  plusieurs  points  du  mont  Ahaggâr. 

Jusqu'à  ce  jour,  le  bois  d'ébène  n'avait  été  fourni  au  commerce 
que  par  des  plaqueminiers  originaires  de  l'Inde  et  de  l'Amérique  du 
Sud.  D'après  M.  le  docteur  Barth,  l'ébénier  aurait  été  rencontré  par 
lui  sur  son  parcours  de  Kanô  à  Timbouktou,  dans  le  bassin  du  Niger, 
mais  il  n'indique  pas  le  nom  botanique  de  l'espèce. 

Le  Cheikh  Mohammed-et-Toûnsi,  dans  son  Voyage  au  Darfour, 
dit  que  les  Fôriens  reçoivent  l'ébène  du  Dàr-Fertît. 

«  Ce  qu'on  appelle  l'ébène,  dit-il,  est  le  bois  d'un  arbre  de 
«  grandeur  moyenne,  dont  l'écorce  est  d'un  vert  foncé.  Lorsqu'on 
u  Tenlève,  on  met  à  découvert  un  bois  noirâtre  qui,  par  la  dessicca- 
«  tion,  acquiert  une  nuance  plus  franche  et  plus  noire.  La  plus 
«  belle  ébène,  ajoute-t-il,  est  celle  qu'on  retire  des  racines.  » 

Mohammed-et-Toùnsi ,  si  scrupuleux  pour  indiquer  le  nom  indi- 
gène de  toutes  les  plantes  signalées  par  lui ,  ne  donne  pas  celui 
de  l'ébénier,  ou  plutôt  le  traducteur  n'aura  pas  jugé  nécessaire 
de  mettre  yabnoàs  à  côté  du  mot  ébénier,  ces  deux  noms  étant  les 
mêmes. 

La  synonymie  du  nom,  la  découverte  de  l'ébénier  plus  au  Sud, 
la  coloration  en  noir  du  bois,  sa  dureté  et  sa  finesse,  l'emploi  qui  en 


212  TOUAREG  DU  NORD. 

est  fait,  permettent  de  penser  que  le  yabnoûs  du  mont  Oudân  (pro- 
longement Nord  du  Ahaggâr)  est  Tébénier. 

Le  bois  de  cet  arbre  est  principalement  employé  pour  faire  des 
hampes  de  lance  et  des  manches  de  poignards. 

Le  yabnoûs  n'existerait  pas  seulement  dans  le  Ahaggâr;  on  le 
trouverait  encore  sur  le  Tasîli,  mais  toujours  isolé  et  jamais  en 
massifs. 

À  LEO  {temàhaq). 

Grand  arbre ,  dit-on ,  en  tout  semblable  à  l'olivier,  à  l'exception 
que  son  fruit  n'est  pas  une  olive.  Il  se  montre  par  petits  groupes 
dans  quelques  stations  du  Ahaggâr. 

Je  suis  d'autant  plus  disposé  à  identifier  l'aleo  au  Phyllirxa  que, 
d'après  le  rapport  de  Valentin  Ferdinand,  lephyllirœa  existerait  dans 
une  île  au  Sud  de  celle  d'Arguin  sur  la  côte  de  l'Océan. 

Rien  d'étonnant,  d'ailleurs,  de  trouver  cet  arbre  là  où  vivent  le 
thuya  et  le  laurier  rose.  L'altitude  explique  la  présence  de  ces  arbres 
dans  ces  sta^Jons  méridionales. 

NbRION    0L8ANDBR  L. 

Defla  {arabe);  Elel  {temâhaq). 

En  quelques  points,  sur  les  rives  des  ouâdi. 

Le  delfa  est  trop  facile  à  reconnaître  pour  que  des  Touareg,  ayant 
beaucoup  voyagé,  puissent  se  tromper  en  assimilant  Velel  de  leur  pays 
au  Nerion  si  caractéristique  des  berges  des  ouâdi  du  Tell. 

ël-iat!m  (arabe);  âdjâr  {temâhaq). 

Grand  arbre,  sans  épines,  unisexuel,  à  fruits  petits  qui  n'appellent 
pas  l'attention.  L'arbre  mâle  se  dit  adjâr;  l'arbre  femelle  se  dit 
tâdjarl;  ce  dernier  est  toujours  moins  développé  que  le  mâle. 

Les  Touareg  recommandent  de  ne  pas  le  confondre  avec  Vagâr 
du  Tasîli  dont  j'ai  récolté  un  échantillon  et  qui  a  été  reconnu  être  le 
Mœrua  rigida. 

Les  deux  noms  s'écrivent  d'ailleurs  avec  une  orthographe  différente. 

Cet  arbre  est  commun  dans  le  Ahaggâr;  il  se  montre  quelque- 
fois sur  les  points  les  plus  élevés  du  Tasîli. 

On  l'exploite  comme  l'ébénier  pour  la  monture  des  armes.  Son 
bois  est  couleur  marron,  fin,  léger  et  souple. 


VÉGÉTAUX.  213 

IsARHÉR  {temâhcKi), 

L'isarhêr,  disent  les  Touareg,  appartient  à  la  même  famille  que  le 
tamât  et  le  talha  {Acacia  Arabica) ^  mais  il  ne  peut  pas  être  confondu 
avec  cette  espèce,  parce  que,  vivant  ensemble  sur  les  flancs  du  Ahag- 
gâr,  leurs  caractères  distinctifs  sont  trop  faciles  à  constater. 

Les  Arabes  donnent  à  Tisarbôr  le  nom  de  talhfi. 

Kl  NBA  (temàhaq). 

D'après  les  Touareg,  le  kînba  est  une  variété  d*acacia  (talha) 
qui  croît  plutôt  en  gaulis  qu'en  arbre,  très-commun  dans  le  pays 
d'Aïr,  mais  qu'on  trouve  aussi  dans  le  Tasîli  et  le  Ahaggâr  et  dont  les 
gaules  sont  employées,  concurremment  avec  les  branches  du  Mœrua 
rigida,  à  faire  les  hampes  des  javelots  et  des  lances. 

El-bergou  (arabe);  Ekaywod  {temàhaq). 

Roseau,  le  même  que  celui  du  Niger,  produisant  une  sorte  de  miel. 
Il  croît  autour  des  sources  et  des  mares. 

ÀMATELTEL    {Umâhaq), 

Plante  grasse  grimpante. 

KerhAyet-edh-dhIb  (arabe);  Tâhert-n-abeggui  (temàhaq). 

Plante  à  fruits  en  forme  de  grappe  de  raisin. 
Les  Arabes  de  l'Algérie  donnent  le  nom  de  kermâyet-edh-dhîb 
(petites  figues  de  chakal  )  au  Solarium  nigrum. 

Mtrtus  commcms. 

Rehàn  (arabe). 

D'après  les  Touareg,  le  myrte  existe  en  assez  grande  quantité  sur 
le  plateau  de  Tâderart  dans  TAkâkoûs. 

Gaota  (fessanien), 

A  Trâghen,  les  indigènes  cultivent  sous  le  nom  de  gaota  un  fruit 
légumineux,  de  la  grosseur  d'une  tomate.  On  le  mange  cru.  J'en  ai 
goûté.  Il  est  sucré  et  légèrement  amer.  On  le  dit  très-digestif. 

WoRTEMfcs  (temàhaq), 

Broussaille,  peu  commune  dans  les  montagnes  des  Touareg,  mais 
abondante  au  Touât  où  elle  porte  le  nom  de  chaliât. 


214  TOUAREG  DU  NORD. 

Aharadj  {temâhaq). 

Plante  herbacée,  grimpante,  venant  mêler  ses  feuilles  jaunes 
à  la  verdure  foncée  des  bois  de  tamarix,  d'où  lui  est  venu  son  nonj 
arabe  d'es-soffâr-el-ahrech,  le  jaunissant  les  arbres  verts.  Probablement 
une  clématite.    * 

Adal  (temâhaq);  El-khozz  {arabe). 
Mousse  aquatique. 

TÂNEDFEnT  (temâhaq);  El-'attâsa  {arabe). 

Commune.  Pas  de  renseignements. 

FarsÎga  {arabe  et  temâhaq). 
Commune  dans  les  montagnes  du  Ahaggâr  et  au  Touât. 

Akerfal  {temâha4]);  El-iadh1dh  {arabe). 
Quelques  stations. 

PLANTES   DE  PLAINES. 
Tassak  (temâhaq);  Askâf  (arabe). 
Commune.  S'élève  quelquefois  dans  la  montagne. 

Afessôr  (temâhaq);  Et-tolîha  (arabe). 
Commune. 

TameddoCnet  (temâhaq);  Odmbi-es-sîma  (arabe). 

Commune. 

Tahenna  (tetnâhaq);  Et-tehenîva  (arabe). 

Herbe  toujours  verte.  Commune. 

Afarfar  (temâhaq);  El-FoCla  (arabe), 

Légu  mineuse. 

Rhassâl  (arabe). 
Commune  sur  le  plateau  de  Tàdemâyt. 


VÉGÉTAUX.  215 


CONCLUSION. 


Je  le  répète,  si,  dans  cet  inventaire,  figure  le  plus  grand  nombre 
des  plantes  qui  composent  la  végétation  persistante  du  pays,  celle 
sur  laquelle  comptent  ses  habitants  pour  la  nourriture  de  leurs  trou- 
peaux, il  est  hors  de  doute  que  la  végétation  annuelle,  celle  qui 
naît,  vit  et  meurt  dans  une  courte  saison,  n'y  est  représentée  que 
pour  une  très-minime  partie.  Mon  exploration  directe  ou  indirecte 
ne  comprend  d'ailleurs  que  le  versant  méditerranéen  des  montagnes 
des  Touareg;  quand  on  pourra  explorer  le  versant  nigritien  de  ces 
montagnes,  quand  surtout  on  pourra  pénétrer  dans  le  massif  du 
Ahaggâr,  plus  élevé  que  le  Tasîli,  plus  riche  en  eau,  mieux  boisé,  il 
est  probable  que  la  flore  du  plateau  central  comprendra  presque 
autant  de  plantes  que  celle  du  Sahara  algérien  aujourd'hui  parfaite- 
ment connue  par  les  voyages  botaniques  de  M.  le  docteur  Cosson  et 
de  ses  collaborateurs. 

Plus  on  avance  dans  l'étude  de  la  région  désertique,  et  plus  le 
désert,  tel  que  notre  imagination  l'avait  créé,  disparaît  pour  faire 
place  à  une  région  exceptionnelle,  sans  doute,  mais  plus  aride  par  le 
fait  de  l'homme  que  par  l'abandon  du  Créateur. 

Tous  les  voyageurs  chargés  d'explorer  le  Sahara  ont  constaté  que 
la  morte-saison  des  végétaux  correspondait  aux  mois  des  plus  grandes 
chaleurs,  et  qu'après  chaque  pluie  le  sol  se  couvrait  presque  instan- 
tanément de  plantes  qu'on  n'aurait  pas  soupçonnées  s'y  trouver  en 
germe.  Mon  témoignage  doit  confirmer  le  leur.  J'ai  eu  l'occasion  de 
me  trouver  chez  les  Touareg  au  moment  où ,  après  neuf  années  de 
sécheresse  absolue,  des  pluies  abondantes  venaient  d'arroser  la  terre, 
et  j'ai  vu  se  produire  sous  mes  yeux  le  miracle  de  vastes  espaces,  nus 
la  veille,  transformés  instantanément  en  pacages  de  la  plus  belle  ver- 
dure. Sept  jours  suffisent  pour  que  l'herbe  nouvelle  puisse  nourrir 
les  troupeaux.  On  donne  à  cette  production  spontanée  le  nom  d'  *acheb 
ou  celui  de  rebiàa,  printemps. 

Mon  exploration  conOrme  aussi  une  loi  bien  connue  de  la  géogra- 
phie botanique  :  celle  qui  subordonne  les  stations  des  plantes  bien 
plus  à  l'altitude  des  lieux  qu'à  leur  latitude.  Ainsi,  alors  que  dans 
les  vallées  au  Nord  du  Tasîli  je  trouvais  des  représentants  de  la  flore 


216  TOUAREG  DU  NORD. 

intertropicale,  au  sommet  de  la  montagne,  au  Sud,  les  plantes  des 
environs  de  Montpellier  n'étaient  pas  i*ares. 

Le  lecteur  comprendra  pourquoi  j'ai  donné  autant  de  développe- 
ment à  cette  étude  : 

Le  pays,  objet  de  mon  exploration,  est  réputé  un  désert  sans 
végétation  ;  j'ai  tenu  à  constater  que  la  Providence  avait,  même  pour 
les  lieux  les  plus  arides,  des  ressources  spéciales. 

Les  botanistes  qui  avaient  exploré  le  Sahara  algérien  avaient 
prévu ,  par  la  comparaison  de  leurs  herbiers  avec  ceux  du  Sénégal , 
de  la  haute  Egypte  et  de  l'Arabie,  qu'à  partir  de  la  zone  reconnue  par 
eux  jusqu'à  la  limite  des  pluies  tropicales,  la  végétation  saharienne 
ne  pouvait  pas  se  modifier  sensiblement  ;  j'avais  à  démontrer  cette 
vérité. 

Enfin  la  marche  des  caravanes  est  souvent  subordonnée  aux  lois 
naturelles  du  développement  des  plantes  qui  alimentent  les  cha- 
meaux; j'avais  à  mettre  sous  les  yeux  du  lecteur  les  éléments  d'ap- 
préciation des  causes  qui  règlent  les  départs  et  obligent  à  avoir  des 
relais  d'animaux. 

J'ose  espérer  que  ces  motifs  feront  excuser  l'aridité  d'une  nomen- 
clature très-étendue. 


CHAPITRE  III. 

ANIMAUX. 

La  faune  du  pays  des  Touareg  est  en  rapport  avec  sa  flore.  En 
général,  les  animaux  y  sont  relativement  plus  rares  que  dans  les 
parties  du  Sahara  rapprochées  du  littoral.  Cette  remarque  s'applique 
au^i  bien  aux  animaux  domestiques  qu'aux  animaux  sauvages. 

S  I".  —  Animaux  domestiques. 
Les  animaux  domestiques  que  possèdent  les  Touareg  sont  : 


Le  chameau, 

Amadjoûr  *  ; 

Le  cheval , 

ilïs; 

Le  zébu, 

Esoû; 

L'âne, 

Eyhad; 

Le  mouton. 

Akerêr; 

La  chèvre, 

Tîrhsi  plur.  Oidli; 

Le  chien. 

Eydi. 

On  trouve,  dans  les  villes  seulement  : 

Le  chat,  Akârouch; 

Le  pigeon,  Tidebîrt,  plur.  IdeMren; 

Le  coq,  Ikahi;  la  poule,  Tikahit. 

Inutile  de  dire  que  le  porc  est  exclu  pour  des  motifs  religieux. 
Les  Touareg  n'ont  aucun  oiseau  domestique,  par  la  raison  qu'ils 
n'en  mangent  pas. 

1.  Nom  général  de  Tespèce. 


218  TOUAREG   DU   NORD. 


Chameau, 


La  vie  des  Touareg,  plus  encore  que  celle  des  autres  Sahariens, 
est  intimement  liée  à  celle  du  chameau  ;  car  ce  noble  animal  est  non- 
seulement  sa  monture  de  guerre,  la  locomotive  de  ses  trains  de  cara- 
vane, Yexpress  qui  fait  disparaître  Tespace,  ce  grand  ennemi  de  l'ha- 
bitant du  désert,  mais  encore  il  est  le  pourvoyeur  de  ses  principaux 
besoins. 

Son  lait  est  presque  Tunique  aliment  de  la  famille  dans  la  saison 
des  pâturages; 

Sa  viande  est  le  nec  plm  ultra  de  Thospitalité  offerte  à  Uhôte  de 
distinction  ; 

Son  cuir,  l'un  des  meilleurs  qui  existe,  donne  le  tissu  de  Ta  tehte, 
la  matière  première  des  selles,  des  bâts,  des  chaussures  et  de  la  plu- 
part des  ustensiles  de  ménage  ; 

Son  poil  fournit  la  matière  textile  des  cordes  d'arrimage  des 
convois; 

Sa  fiente,  récoltée,  sert,  ici,  d'engrais  fécondant  pour  les  pal- 
miers; là,  dans  les  grands  espaces  sans  aucune  végétation,  de  com- 
bustible avec  lequel  on  fait  cuire  les  aliments; 

Enfin,  sa  trace,  interrogée  dans  toutes  les  marches,  fournit  au 
voyageur  des  indications  précieuses  dont  il  est  toujours  tenu  compte, 
soit  qu'elle  annonce  le  voisinage  pacifique  d'un  troupeau  au  pacage, 
soit  qu'elle  signale  le  passage  d'individus,  isolés  ou  en  caravanes, 
chargés  ou  non,  amis  ou  ennemis;  car  la  largeur  du  pied,  la  longueur 
des  ongles,  la  nature  des  déjections,  révèlent  à  l'homme  expérimenté 
tout  ce  qu'il  a  besoin  de  savoir  sur  les  dispositions  de  ceux  qui  suivent 
la  même  route  ou  la  traversent. 

La  nécessité  de  pourvoir  à  la  nourriture  d'un  animal  si  utile,  on 
le  comprendra  sans  peine,  a  obligé  les  Touareg  à  adopter  la  vie  no- 
made pour  aller,  suivant  les  saisons,  suivant  les  pluies,  chercher,  ici 
l'eau ,  là  les  pacages  que  le  chameau  réclame. 

On  distingue  le  chameau  de  selle  du  chameau  de  bât,  qui  diffèrent 
l'un  de  l'autre  comme  le  cheval  de  course  du  cheval  de  trait  : 

Le  chameau  de  bât  {taouti,  plus  communément  amis,  fém.  tâlamt, 
plur.  imenâs,  hongre,  indân)  constitue  la  base  des  troupeaux,  l'élé- 
ment des  transports  par  caravanes; 


ANIMAUX. 


219 


Le  dromadaire  de  selle  {arhelâm,  fém.  tarhelâmt,  hongre  arerfj- 
djân)  est  un  animal  presque  de  luxe»  que  les  riches  seuls  possèdent. 

A  son  défaut,  les  pauvres  montent  souvent  dans  leurs  courses  des 
chameaux  dé  bât  dressés  pour  la  marche  accélérée  auxquels  on  donne 
le  nom  spécial  de  imenâs-wân-terik. 

La  chamelle  laitière,  tasaghârt,  providence  des  ménages,  et  Téta- 
Ion,  amâli,  objet  de  soins  particuliers,  représentent  encore  des  indi- 
vidualités distinctes,  ainsi  que  le  chameau  ayant  la  moitié  de  la  tête 
blanche  et  l'autre  moitié  noire,  azerghâf,  considéré  avec  raison  comme 
appartenant  à  une  race  en  dégénérescence. 

Tandis  que,  pour  les  différents  âges  de  Thomme,  on  ne  connaît 
que  Tenfance,  la  virilité,  l'âge  mur  et  la  vieillesse,  pour  le  chameau 
et  la  chamelle,  il  y  a  une  série  de  périodes  qui  n'en  finissent  pas. 

Voici,  par  sexes,  cette  nomenclature  : 

Mâle.  Femelle. 

A  la  naissance.  .  .  Aoura,  Taourait. 

Avant  un  an.  .  .  .  Asûka,  Tesâkaït. 

A  un  an Aledjôd  {âledjôd) ,  Tâledjot. 

A  deux  ans Aleggès  (  dleggès  ) ,  Tàleggest, 

A  trois  ans Akkanafoûd,  Takkanafoûd. 

A  quatre  ans. .  .  .  Arhâir,  Tarhàirt. 

A  cinq  ans Egg-esstn,  Ouelt-esstn. 

A  six  ans Egg-ekkâz,  Ouelt-ekkôe, 

A  sept  ans Ameçadis  {âmeçad(s)^      TâmeçadisL 

A  huit  ans Ouân-taJielât ,  Tahelât. 


Ces  distinctions  ont  leur  importance  pour  la  détermination  des 
charges  à  mettre  sur  le  dos  des  animaux.  Des  proverbes  qui,  dans  le 
Sahara  comme  ailleurs,  formulent  les  préceptes  de  l'expérience, 
règlent  les  questions  de  poids  à  porter  suivant  l'âge  des  animaux. 

Mon  intention  n'est  pas  de  faire  ici  une  monographie  du  chameau, 
quoique  l'importance  du  rôle  de  cet  animal  dans  la  vie  saharienne 
exigerait  quelques  développements;  je  me  bornerai  à  dire  que  le 
chameau  des  Touareg,  de  selle  ou  de  bât,  comparé  à  celui  du  Nord, 
a  généralement  les  formes  délicates,  le  poil  ras,  la  robe  d'un  ton 
clair,  se  rapprochant  de  la  couleur  des  sables  ou  des  plaines  jaunâ- 
tres au  milieu  desquels  il   vit. 

Sa  sobriété  aussi  est  plus  grande,  il  endure  mieux  la  faim  et  la 
soif;  cependant  sept  journées  sont  la  plus  grande  limite  d'abstinence 
qu'il  puisse  supporter  en  été,  lorsqu'il  est  en  marche  et  chargé.  En 


220  TOUAREG  DU   NORD. 

hiver,  quand  les  herbes  sont  aqueuses,  il  peut  rester  au  pâturage  un 
et  deux  mois,  même  plus,  sans  avoir  besoin  d'être  abreuvé. 

Par  les  immenses  quantités  de  chameaux  que  possèdent  les  tribus 
du  Sahara  algérien,  on  serait  tenté  de  croire  que  ces  animaux  doivent 
être  plus  nombreux  encore  chez  les  Touareg;  il  n'en  est  pas  ainsi.  Le 
plus  riche  propriétaire  de  chameaux,  dans  tout  le  pays  d'Azdjer,  n'en 
a  qu'une  soixantaine  environ.  Il  y  a  lieu  d'ajouter  que  la  sécheresse  et 
le  manque  de  pâturages,  dans  les  neuf  dernières  années,  y  ont  beau- 
coup diminué  la  richesse  cameline. 

Le  chameau,  chez  les  Touareg,  est  abattu  comme  bête  de  bou- 
cherie, et  sa  viande,  avec  celle  du  mouton  et  de  la  chèvre,  est  à  peu 
près  la  seule  qu'ils  mangent,  soit  fraîche,  soit  salée,  soit  séchée.  J'ai 
dû  m'en  nourrir  souvent  dans  mon  voyage  et  je  lui  ai  reconnu  de 
bonnes  qualités. 

Quoique  le  lait  des  chamelles  soit  la  principale  nourriture  des 
familles  pendant  la  saison  des  pâturages,  il  est  toujours  rare  dans  les 
tribus,  parce  que  les  bonnes  laitières,  sans  pacages  suffisants,  sont 
difficiles  à  trouver  dans  l'espèce  cameline  comme  dans  toutes  les  au- 
tres races  d'animaux  :  aussi  les  Touareg  croyaient-ils  me  faire  un 
grand  cadeau  en  m'envoyant  un  litre  de  lait. 

Cheval. 

Le  cheval  est  aujourd'hui  très-rare  chez  les  Touareg,  la  période  de 
sécheresse  que  le  pays  vient  de  traverser  en  ayant  réduit  beaucoup  le 
nombre.  Jadis  quelques  chefs  avaient  des  juments  poulinières  et  fai- 
saient des  élèves,  maintenant  ceux  qui  veulent  avoir  des  chevaux  les 
tirent  du  Touât  où  l'espèce  chevaline  paraît  être  belle. 

En  temâhaq,  le  cheval  se  dit  aïs,  la  jument  tâbedjoût,  tâbedjooût, 
le  poulain  ahoûdj,  la  pouliche  lahôk. 

Quoique  les  chevaux  soient  rares  dans  le  Sahara,  et  quoiqu'il 
soit  très-difficile  de  les  y  nourrir  et  de  les  y  abreuver,  j'ai  acquis,  par 
expérience  personnelle,  la  preuve  qu'un  voyageur,  avec  des  provi- 
sions d'eau  et  d'orge  suffisantes,  n'est  pas  obligé  d'adopter  exclusive- 
ment la  monture  incommode  du  chameau,  même  dans  les  régions 
sablonneuses. 

Si  je  dois  en  croire  le  marabout  Sîdi-el-Bakkây  et  le  Cheikh- 
'Othmân,  deux  autorités  indiscutables  dans  les  questions  sahariennes, 


ANIMAUX.  221 

les  Arabes  nomades  des  rives  de  l'Océan  viennent  avec  des  chevaux, 
jusque  sur  la  route  d'In-Sâlah  à  Timboiiktou,  pour  y  piller  les  cara- 
vanes. Des  chameaux,  chargés  d*eau  et  de  suif,  accompagnent  ces 
expéditions.  On  nourrit  d'abord  les  chevaux  avec  le  suif,  et  dès  qu'un 
chameau  est  déchargé,  on  le  tue,  et  sa  viande  est  employée  à 
nomrir  hommes  et  chevaux.  Ainsi  approvisionnés,  ces  pillards  peu- 
vent attendre,  pendant  des  mois  entiers,  dans  les  solitudes  les^plus 
arides. 

Des  expéditions  de  cavalerie  ont  été  entreprises  par  les  sultans  de 
Mourzouk  contre  le  Kânem,  dans  l'Afrique  centrale,  et  elles  ont  sur- 
monté les  difficultés  de  la  nourriture  des  chevaux. 

Le  cheval  g'habitue  très-bien  à  ne  boire  que  tous  les  deux  jours. 


Zébu. 


Le  zébu  ou  bœuf  à  bosse,  très-commun  dans  le  Soudan,  est  repré- 
senté, chez  les  Touareg,  par  quelques  individus  dont  les  habitants  de 
Rhât  font  usage  pour  leurs  labours. 

On  lui  donne,  dans  le  pays,  le  nom  d*esoù,,  pi.  tisita.  La  vache 
s'appelle  tésout,  le  veau  tahârhôlt,  le  veau  qui  tette  alàki. 

Cet  animal  doux,  intelligent,  sobre,  facile  à  manier,  sert  mainte- 
nant comme  bête  de  somme;  autrefois  on  l'employait  comme  bête  de 
trait. 

Avant  l'importation  du  chameau  dans  le  Sahara,  à  une  époque 
incertaine,  mais  qu'on  peut  fixer  approximativement  du  m*  au 
iv«  siècle  de  notre  ère ,  tous  les  transports  entre  le  Nord  et  le  centre 
de  l'Afrique  étaient  faits  par  des  zébus,  non  pas  à  dos,  ainsi  que  cela 
se  pratique  aujourd'hui  encore  dans  la  zone  des  pluies  tropicales  et  à 
l'exclusion  du  chameau,  qui  n'est  même  plus  connu  au  delà  du  Niger, 
mais  au  moyen  de  chariots  que  les  zébus  traînaient. 

Sur  la  route  que  suivaient  les  Garamantes,  de  Djerma  au  pays 
d'Aïr,  route  encore  parfaitement  tracée,  comme  sont  les  anciennes 
voies  romaines,  on  trouve,  à  la  station  d'Anaï  *,  de  grandes  sculp- 
tures sur  le  rocher,  qui  représentent  très-distinctement  des  chariots 
avec  roues,  traînés  par  des  bœufs  à  bosse. 


1.  Ne  pas  confondre  cette  locaUté  avec  ceUe  du  même  nom,  sur  la  route  de 
Mourzouk  à  Koûka. 


222  TOUAREG   DU  NORD. 

Je  n*ai  pas  pu  visiter  cette  contrée ,  mais  d'après  les  renseigne- 
ments qui  m'ont  été  donnés,  je  ne  puis  douter  de  la  signification  de 
ces  sculptures. 

En  traversant  la  vallée  de  Telizzarhên,  sur  la  roule  directe  de 
Mourzouk  à  Rhàt,  M.  le  docteur  Barth  a  trouvé  plusieurs  sculptures 
analogues  à  celles  d'Anaï,  dans  lesquelles  le  bœuf  à  bosse  joue  le  prin- 
cipal rôle.  Il  est  à  remarquer  qu'aucune  des  sculptures  de  l'époque 
garamantique  trouvées  jusqu'à  ce  jour  ne  rappelle  le  chameau ,  et 
que  cet  animal  n'apparaît,  à  l'exclusion  du  bœuf,  que  dans  les  épi- 
graphies  grossières  des  Touareg  modernes. 

L'emploi  exclusif  du  bœuf  pour  les  transports,  dans  les  temps 
anciens,  implique  une  richesse  en  eaux  et  en  pâturages  beaucoup 
plus  grande  que  celle  de  l'époque  actuelle.  J'auraf  l'occasion  de 
faire  remarquer,  dans  le  cours  de  ce  chapitre ,  qu'il  a  dû  en  être 
ainsi. 

Ane, 

En  temâhaq,  l'âne  s'appelle  cyhad,  l'ànesse  lèihH,  Tânon  amainoit. 

Après  le  chameau,  l'âne  est  l'animal  domestique  qui  rend  le  plus 
de  services  aux  Touareg,  surtout  aux  serfs,  dont  le  plus  grand  nombre 
est  réduit  à  cette  unique  bête  de  somme. 

Les  ânes  du  pays  des  Touareg  sont  remarquables  par  leur  taille 
élevée  et  leur  sobriété,  presque  égale  à  celle  du  chameau.  Ils  ont  le 
pelage  gris  cendré  sur  le  dos,  blanc  sous  le  ventre,  avec  une  croix 
très-marquée,  d'un  beau  noir,  sur  les  épaules. 

L'âne  existant  encore  à  l'état  sauvage,  dans  quelques  contrées  du 
pays,  il  en  est  beaucoup,  parmi  ceux  domestiqués  aujourd'hui,  qui 
ont  été  arrachés  à  la  liberté  depuis  peu  de  temps  :  aussi  sont-ils  gé- 
néralement peu  dociles  et  se  ressentent-ils  de  l'état  sauvage  dans  le- 
quel ils  ont  vécu. 

Mouton, 

Les  seuls  troupeaux  de  bétail  de  rente,  chez  les  Touareg,  se  com- 
posent de  chèvres  et  de  moutons  à  poils  comme  ceux  du  Soudan. 

Le  mouton,  en  général,  s'appelle  akerêr  en  langue  temâhaq.  Les 
Touareg  distinguent  \q  mouton  à  laine  des  Arabes  du  Nord  ànmoulon 
à  poil  de  leur  pays,  en  donnant  au  premier  le  nom  d'akerér-âjelbi  ou 


ANIMAUX.  223 

ouân-tedoûft,  et  au  second  celui  de  akerêr-Emmôhagh  ou  mouton  des 
Imôhagh, 

Cette  variété  de  la  race  ovine  se  distingue  surtout  de  ses  congé- 
nères par  la  hauteur  de  ses  membres  :  c*est  pourquoi  les  zoolo- 
gistes lui  ont  donné  le  nom  d*Ovis  longipss,  ou  mouton  à  longues 
jambes. 

A  la  taille  il  joint  un  développement  considérable  de  toutes  les 
parties  de  son  corps. 

La  tête  est  allongée,  le  nez  arqué,  les  oreilles  pendantes,  la  queue 
longue  et  fine. 

Sa  toison,  blanche  et  noire  ou  de  couleur  fauve,  à  poil  long  et 
rude,  ne  rappelle  nullement  celle  des  moutons  à  laine. 

Le  mâle  seul  a  des  cornes,  et  il  en  a  souvent  quatre. 

La  brebis  se  dit  tâheli,  l'agneau  âbedjoûdj,  le  petit  qui  vient  de 
naître,  âkarouât,  le  mouton  bistourné,  adjoùr. 

Ce  mouton  supporte  la  marche  du  cheval,  sans  doute  par  suite  de 
rhabitude  qu'il  a  contractée  de  parcourir  de  grands  espaces  pour 
trouver  sa  nourriture. 

Les  ïouâreg  n'élèvent  le  mouton  que  pour  sa  viande  et  son  cuir; 
sous  ce  double  rapport,  l'animal  ne  laisse  rien  à  désirer,  car  il  donne 
autant  de  viande  et  un  cuir  aussi  grand  que  deux  moutons  de  l'Algérie. 
J'ai  trouvé  sa  viande  bonne  :  il  est  vrai  que  je  n'ai  pu  la  juger  compa- 
rativement. 

Chèvres, 

Les  Touareg  distinguent  deux  espèces  de  chèvres  :  celle  à  poils  ras, 
tîrhsi,  pi.  oûlli,  et  celle  à  longs  poils,  iâjelbît.  Ils  nomment  le  bouc 
ahôlagh,  le  chevreau  aboùlcdj,  le  petit  erheïd  ou  lirheïdet,  suivant  son 

Les  troupeaux  de  chèvres  sont  beaucoup  plus  nombreux  que  ceux 
de  moutons,  parce  que  leur  aptitude  à  aller  dans  tous  les  terrains  et  à 
vivre  de  broussailles  leur  permet  de  trouver  plus  facilement  leur 
nourriture. 

Les  chèvres  du  pays  des  Touareg  n'ont  rien  qui  les  différencie 
sérieusement  de  celles  de  l'espèce  commune  du  Nord  de  l'Afrique; 
elles  sont  d'une  grande  ressource  pour  les  serfs  auxquels  elles  don- 
nent viande,  lait,  poil  et  cuir,  qu'ils  utilisent. 


224  TOUAREG  DU  NORD. 

Chiens, 

Les  Touareg  possèdent  trois  sortes  de  chiens  :  le  lévrier,  ôska,  le 
chien  arabe ,  à  long  poil ,  âbar-hoûh,  très-rare,  et  un  bâtard  de  ces 
deux  espèces,  à  poil  ras,  qui  porte  le  nom  commun  de  l'espèce ,  eydi 
teydît,  suivant  les  sexes.  Ce  dernier,  de  beaucoup  le  plus  nombreux, 
sert  à  la  fois  de  chien  de  garde  et  de  chien  de  chasse. 

Quand  j'aurai  ajouté  à  cette  liste  le  chat  ordinaire,  quelques 
poules  et  des  pigeons,  mais  seulement  dans  les  villes,  j'aurai  énu- 
méré  tous  les  animaux  domestiques  qui  se  trouvent  dans  le  pays. 

Sans  aucun  doute  le  nombre  des  espèces,  et,  dans  chaque  espèce, 
le  nombre  des  individus ,  pourraient  être  plus  considérables  malgré 
Taridité  générale  du  sol;  mais  le  servage  est  un  obstacle  presque 
insurmontable  à  l'accroissement  des  animaux  domestiques.  Le  serf 
n'a  aucun  intérêt  à  accroître  les  troupeaux  de  son  seigneur  ;  car  leur 
augmentation  doublerait  son  travail  de  garde.  Quant  à  ceux  qui  lui- 
appartiennent  en  propre,  il  aurait  un  bénéflce  réel  à  les  multiplier,  si 
le  seigneur  n'était  là,  prélevant  une  sorte  de  dîme  et  quelquefois  plus 
que  la  dîme,  puisqu'il  peut  prendre  tout  ce  que  possède  et  produit 
l'homme  attaché  à  la  glèbe. 

S   II*   —  ANIMAUX    SAUVAGES. 

Si  la  nomenclature  des  animaux  domestiques  laisse  à  désirer, 
celle  des  bêtes  fauves,  quoique  plus  riche,  dénonce  également  un 
pays  pauvre. 

Mammifères, 

Parmi  les  mammifères  on  compte  : 

La  chauve-souris,  watwat,  thir-el-lîl  (ar.); 
La  hyène,  irJienî,  bêlfen  (tem.),  dhebaà  (ar.); 
Un  Carnivore?  tahoûri  (tem.)  ; 
Le  chacal ,  âbaggui  (  tem.),  dhîb  (  ar.)  ; 
Le  loup?  adjoûlè  (le  mâle  en  temâhaq); 
Id,      tarlisU  (la  femelle),  pi.  tirhès; 
Le  fennec  (Fennecus  Brucei),  akliôr-hi,  alzôzhekkal,  khônchekki, 
arhôleh  (tem.),  el-fenek  (ar.); 


ANIMAUX.  225 

Le  renard,  abârrân  (  tem.),  thaàleb  (ar.)  ; 

Le  guépard  (Felis  jubata)  amayâs  (tem.),  fehed  (ar.); 

Le  chat  sauvage  (Felis  catus)  târhda  (tem.); 

Id.  bârheda  {tem.); 

Id.  c^^a«(tem.); 

Le  rat  rayé  (Mus  barbarus)  akoûnder  (tem.),  djird  (ar.); 
Le  rat  ordinaire,  akôteh  (tem.),  fâr  (ar.); 
Le  Ctenodactyle  de  Masson,  télout  (tem.),  goundi  (ar.); 
La  gerboise,  idhaoui  (tem.),  djerbouà  (ar.); 
Le  lièvre  isabelin,  tîmerouelt  (tem.),  ameb  (ar.); 
L'onagre,  ahoûlil  (  tem.)  ; 
Le  hérisson,  tihanêsU  (tem.),  ganfoud  (ar.); 
L'antilope  addax,  amellâl  (m.),  tamellâlt  (fém.  tem.),  el^m6to(ar.); 
L'antilope  mohor,  êner  (tem.)»  eÏHTiohor  (ar.); 
L'Alcelaphe bubale  (ant.  orix)  tiderit  (tem.),  fceâfueur-eI-(nkiAcfc(ar.); 
Le  mouflon  à  manchettes,  oûdad  (tem.),  laroui  (ar.)  ; 
La  gazelle  commune,  akankôd,  pi.  iliinkad  (tem.),  ghozâl  (ar.)  ; 
La  gazelle  des  dunes,  tedemît  (tem.),  er^m  (ar.); 
Un  petit  mammifère?  akaokao  (tem.); 
Un  rat  des  champs  (au  Fezzân),  korowmbâko. 

Le  lion  âhar;  la  panthère,  anâba,  dâmesâ;  le  sanglier,  azhîbara 
(appelé  adaouiydaouay  dans  l'Aïr  et  aganguera  dans  le  Ahaggâr); 
l'éléphant,  êlou,  le  buffle,  tahâlmousy  ainsi  que  le  rhinocéros  et  l'hip- 
popotame, quoique  connus  des  Touareg  du  Nord,  dans  leurs  voyages 
au  Nord  et  au  Sud,  ne  sont  pas  des  animaux  propres  à  leur  pays,  trop 
pauvre  en  eaux,  en  végétaux  ou  en  gibier,-  pour  qu'ils  viennent  s'y. 
aventurer. 

Quelquefois  les  Touareg  rapportent  du  Soudan ,  soit  comme  arti- 
cles de  commerce,  soit  comme  objets  de  curiosité,  des  singes,  adâ- 
guel  (tem.),  guerd  (ar.),  connus  sous  le  nom  de  Guenon  patas  (Cerco- 
pithecus  ruber)  ;  j'en  ai  acheté  deux  qui  sont  au  Muséum  dhistoire 
naturelle  de  Paris. 

OiseaiUD  [iguedàd). 
Parmi  les  oiseaux  figurent  : 

Un  aigle  noir  et  blanc,  îhadar  (tem.)  ; 
Un  aigle  à  tête  blanche,  azhizh  (tem.); 

I.  15 


226  TOUAREG  DU  NORD. 

Le  néophron,  tarhâldji  (tem.); 

Le  gypaète,  tamîdda  (  tem.)  ; 

Le  faucon,  imestarh  (tem.); 

La  chouette,  taouîk  (  tem.)  ; 

Le  hibou ,  bôinhên  (tem.)  ; 

Le  corbeau,  arhâlidj,  arhâla  (t^m.); 

Le  moineau  des  arbrps,  çiden-firdzelàn  (tem.)  ; 

Un  motteux,  belrhô  (tem.),  boû-bechîr  (ar.); 

Une  berçeronnette,  me^ci  (ar.)  ; 

L'hirondelle,  améstarh  (tem.).  hhotteïfa  (ar.); 

Le  pigeon  ramier,  tîdebirt  (tem.); 

Le  flamant,  adjâïs-  (tem.); 

Le  Pteroclurus  aldiata,  erak  (tem.)  ; 

Le  ganga,  tîkedouin  (  tem.),  gatâ  (ar.)  ; 

La  bécassine,  tenêq  (tem.)  ; 

Le  canard  sauvage,  tenèq-cnrâman  (tem.); 

La  demoiselle  de  Numidie,  arhellendjoiim  (tem.)  ; 

L'autruche,  ânhil  (m.),  tarthîlt  (fém.),  plur.  tînhcU  (tem.). 

Tels  sont,  sauf  quelques  omissions,  les  seuls  oiseaux  que  nourrit 
et  que  peut  nourrir  le  pays,  oiseaux  voraces  pour  la  plupart,  et  qui 
trouveraient  à  vivre  là  où  il  n'y  a  rien. 

Quant  aux  autres  espèces,  celles  qui  aiment  l'ombrage,  les  fleurs, 
les  eaux,  le  voisinage  de  l'homme,  la  vie  et  le  mouvement,  que 
feraient-elles  au  milieu  d'une  nature  désolée,  aride,  où  la  mort  règne 
sur  d'immenses  espaces  ? 

Un  des  caractères  du' désert,  celui  qui  surprend  le  plus  les  voya- 
geurs européens,  est  l'absence  d'oiseaux.  On  peut  voyager  une  se- 
maine, dans  certaines  contrées,  sans  en  rencontrer  un  seul. 

Souvent  les  caravanes  rapportent  aussi  du  Soudan  des  perro- 
quets, akoû  (tem.). 

ReptUes. 

La  série  des  reptiles  est  plus  complète,  quoique  la  famille  des 
chéloniens  manque  entièrement. 
Parmi  les  sauriens,  on  compte  : 

Le  crocodile,  arhôchchâf  (tem.)  ; 


ANIMAUX.  227 

Le  gecko  des  murailles,  amazregga  (  tem.)  ; 

Le  gecko  des  sables,  timakouert  (tem.),  boû-kechâch  (ar.); 

Un  lézard  vert  et  rouge,  ametarhtarh  (  tem.)  ; 

Un  lézard  jaune,  tîmekelkelt  (tem.); 

Le  scinque,  tân-ahâlmouU  (tem.),  zelgâg  (ar.)  ; 

Le  même  (jeune),  imechellerh  (tem.); 

Le  fouette-queue  (Uromastix),  aguezzarâm  (tem.),  dhobh  (ar.); 

Le  varanus,  arhâtâ  (tem.),  elrourân  (ar.). 

Les  batraciens  n'ont  que  deux  représentants  :  la  grenouille,  âdje- 
rou,  autour  des  sources  et  des  lacs,  et  le  crapaud  des  joncs,  autour 
des  oasis. 

Les  ophidiens  venimeux  sont  très-connus,  et  même  au  delà  du 
chiffre-de  leur  nombre  réel ,  car  la  nomenclature  locale  comprend 
deux  espèces  dont  l'existence  est  au  moins  douteuse. 

Voici  cette  nomenclature  : 

Vipère  cornue,  tâchchelt  (tem.),  lefa'a  (ar.); 
Vipère  des  jongleurs,  seffeltbs  (tem.)  ; 
Vipère  minute,  zorreîg  (ar.)  ; 
Serpent  fabuleux,  âchchel  (tem.)  ; 
Autre  serpent  fabuleux,  tânerhouet  (tem.). 

Les  ophidiens  non  venimeux,  probablement  plus  nombreux  que 
les  précédents,  sont  tous  confondus  sous  deux  noms  communs  : 
àchchel  et  emedjel  (tem.). 

Poissons, 

Dans  un  pays  où  l'eau  manque,  les  poissons  doivent  être  rares; 
cependant  on  en  distingue  trois  espèces  : 
Le  Clarias  lazera,  asoûlmeh  (tem.); 
Une  autre  espèce,  isâttafen  (tem.); 
Id.  imanân  (tem.). 

Arachnides. 

Deux  familles  de  cette  classe  sont  représentées  dans  le  pays  par 
les  scorpions,  tâzherdâmt,  et  les  araignées,  sârâs,  dont  l'une,  très- 
grande,  tîn-aghrân,  est  réputée  venimeuse  par  les  indigènes. 


228  TOUAREG  DO  NORD. 


In$ect$s. 


L'entomologie  intéresse  assez  peu  les  Touareg  pour  qu'ils  ne 
s'amusent  pas  à  donner  des  noms  particuliers  aux  myriades  de  petits 
êtres  qui  composent  cette  classe  d'animaux  ;  ils  se  bornent  à  distin- 
guer par  des  noms  particuliers  les  grandes  familles  qui  ont  des 
caractères  bien  tranchés.  Leur  classification  peut  être  résumée  ainsi 
qu'il  suit  : 

Coléoptères,  èguèlê  (gros),  téguéleyt  (petits)  ; 
Orthoptères  (sauterelles),  tâhouâlt; 

Névroptères  (libellules),  tâtel'-oùlarhet  (mot-à-mot,  qui  vole 
bien). 

Hyménoptères  (abeilles),  tihenhikert-^n-toûraout  ;^ 

Id,  id.         tihenkêkert'enrtâment; 

Hémyptères  (punaises  du  chameau),  tacMloûft; 
Id.        (         id.        Sàlàrve),  adjôrmel; 
Id.       (punaises  des  maisons),  bîzbîz; 
Lépidoptères  (papillons),  ehellêloû; 
Diptères  (moustiques),  tadast; 
Id.      (mouches  du  chameau),  aheb; 
Id.      (mouches  de  l'homme),  ehi,  pi.  ehân; 
Id.      {Arihemia  Otxdneii,  larve),  ed-doùda. 

Myriapodes. 

Cette  classe  très-nombreuse  d'animaux  inférieurs  n'est  repré- 
sentée que  par  un  seul  type,  la  scolopendre,  téouânt  des  Touareg, 
sott-^lrkheU  des  Arabes. 

Annélides. 

Un  seul  genre  de  cette  famille ,  les  sangsues,  tâdelît,  appelle  l'at- 
tention par  les  accidents  qu'elle  détermine  sur  les  animaux  qui  vont 
boire  avec  avidité  dans  les  eaux  troubles. 

Le  ver  de  terre  se  dit  tâouhki. 


ANIMAUX.  229 


Mollwques, 


Toutes  les  coquilles  sont  confondues  sous  le  nom  général  d'issinen- 
tafoûk  {i^m.). 

Cependant  les  Touareg  donnent  le  nom  dHzhabi  à  une  volute  venant 
de  la  côte  de  Guinée,  et  qui  est  employée  comme  pendant  d'oreille  ; 
de  tâmguelloût  à  la  Cyprea  monela,  qui  sert  de  monnaie  au  Soudan; 
de  ifarghas  aux  coquilles  d'eau  douce  et  particulièrement  à  celles  du 
genre  Melania. 

Parmi  les  coquilles  fluviales  ou  palustres  que  j'ai  recueillies  dans 
mon  voyage  se  trouvent  : 

Une  Planorbis  nouvelle  et  la  PAj/5a  contorta  récoltées  à  Bîr-ez-Zouâït, 
région  des  dunes  ; 

La  Melania  fasciolata,  commune  dans  les  environs  de  Ghadâmès 
et  de  Titerhsîn  ; 

La  Melanopsis  Dufouri  de  l'Ouâd-Biskra  ; 

Une  Paludine  à  déterminer,  provenant  d'Aîn-Temôguet  (environs 
de  Djâdo). 

ParasUes, 

L'un  est  spécial  au  pays,  le  ver  de  Guinée,  arhân;  l'autre,  le  pou, 
tillik,  commun  à  toute  la  partie  de  l'espèce  humaine  qui  vit  dans  la 
malpropreté. 

Les  vers  intestinaux,  fréquents  chez  les  enfants,  se  nomment 
achchellen  (serpents). 

Un  parasite  des  végétaux,  donnant  un  miel  de  qualité  inférieure, 
porte  le  nom  de  khamît. 

ESPÈCES    REMARQUABLES, 

Cette  nomenclature  aride  exige,  comme  complément,  quelques 
lignes  sur  les  espèces  qui  appellent  l'attention. 

Tahoûri. 

Sous  ce  nom ,  les  Touareg  connaissent  un  grand  Carnivore ,  de  la 
taille  de  la  hyène,  commun  dans  toute  l'Afrique  centrale  et  qui  porte 
les  noms  suivants  dans  les  pays  qu'il  habite  : 


230  TOUAREG  DU  NORD. 

Au  Haonssa»         Kora; 
A  Timbouktou,      Kourou  ; 
An  Touât,  Gabou. 

D'après  les  Touareg  venus  à  Paris,  il  y  aurait  au  Jardin  des  plantes 
un  tahoûri  originaire  du  Sénégal. 

D'après  M.  le  commandant  Hanoteau ,  il  en  existerait  dans 
le  Ahaggâr  deux  variétés  :  Tune  noire,  l'autre  blanche.  Cette  dernière 
serait  très-craintive. 

Loup,  —  Adjoûlé. 

Je  donne  le  nom  de  loup  à  une  espèce  très-féroce  qui  vit  dans  le 
haut  du  Tasili  et  dans  les  montagnes  du  Ahaggâr.  Je  n'ai  pas  vu  cet 
animal  et  je  n'ose  pas  affirmer  qu'il  soit  réellement  un  loup  ;  cepen- 
dant, par  les  renseignements  qui  m'ont  été  donnés,  je  ne  puis  que 
l'assimiler  à  cet  animal. 

«  Il  ressemble  à  un  grand  chien  fauve,  disent  les  Touâreg\  et  il 
«  est  le  seul  Carnivore  de  notre  pays  qui  attaque  l'homme  sans  même 
((  être  provoqué  à  la  défense.  » 

Les  anciens  auteurs  avaient  signalé  la  présence  du  loup  dans  le 
Nord  de  l'Afrique  :  il  n'est  donc  pas  étonnant  qu'il  s'y  retrouve  là  où 
la  présence  de  l'homme  ne  lui  dispute  pas  le  terrain. 

Cette  espèce  semble  d'ailleurs  tendre  à  disparaître  des  montagnes 
des  Touareg,  comme  elle  a  disparu  du  Tell,  car  aujourd'hui,  si  l'on 
en  croit  les  indigènes,  elle  serait  déjà  assez  rare. 

Guépard. 

Le  guépard  est  assez  commun  dans  toute  la  région  de  l"Erg,  au 
Sud  de  la  Tunisie,  de  l'Algérie  et  du  Maroc;  il  entre  peu  dans  les 
montagnes  des  Touareg. 

Les  Souâfa  le  chassent  pour  sa  peau,  plus  petite,  mais  aussi  belle 
que  celle  de  la  panthère. 

Dans  l'Asie  méridionale,  où  cet  animal  existe,  on  le  dresse  pour 
la  chasse':  d'où  lui  est  venu  le  nom  vulgaire  de  tigreH:hasseur.  Dans 
les  contrées  de  l'Afrique  septentrionale,  où  on  le  rencontre,  le  gué- 
pard chasse  pour  son  compte  seulement. 


ANIMAUX.  231 


Onagre. 


L'ona^  ou  âne  sauvage  vit  en  troupeaux  dans  le  Tasîli  du  Nord , 
dès  la  plus  haute  antiquité ,  car  Pline  le  signale  à  peu  près  dans  les 
mêmes  lieux.  C'est  un  bel  animal,  assez  grand,  très-rapide,  mais 
d'une  domestication  difficile. 

Les  Touareg  ont  renoncé  à  le  poursuivre  ;  ils  lui  tendent  des  pièges. 
Les  jeunes  seuls,  susceptibles  d'être  dressés,  sont  conservés  vivants. 
On  tue  les  vieux  pour  avoir  leur  peau. 

AfUUope  mohor. 

Ce  ruminant,  si  remarquable  par  ses  cornes  recourbées  en  avant, 
par  la  blancheur  de  son  pelage,  par  la  gracieuseté  de  sa  démarche, 
vit  en  grand  nombre  dans  la  plaine  d'Admar.  On  commence  à  le 
trouver  dans  les  dunes  de  F'Erg.  Il  est  très-commun  dans  le  pays 
d'Aïr.  Les  Touareg  le  chassent  pour  sa  viande  et  pour  sa  peau  dont 
ils  font  leurs  boucliers. 

Le  cuir  de  l'antilope  mohor  est  épais  et  assez  résistant  pour  parer 
utilement  les  coups  de  flèche,  de  sabre,  de  javelot  et  de  lance.  11  peut 
dévier  la  balle,  l'amortir,  mais  non  la  repousser. 

AntUope  oryx,        * 

La  viande  de  cet  animal,  appelé  hosuf  sauvage  par  les  indigènes, 
sert  en  grande  partie  à  l'alimentation  des  Sahariens  et  des  cara- 
vanes. 

Les  Cha'anba  et  les  Souâfa  lui  font  de  grandes  chasses  dans  T'Erg 
et  viennent  vendre  à  Ghadâmès  la  chair  salée  et  séchée  qui  en  est  le 
produit. 

Pendant  mon  séjour  dans  cette  ville,  j'ai  souvent  fait  usage  de  cette 
viande. 

Akaokao, 

Les  Touareg  donnent  ce  nom  à  un  petit  mammifère  noir,  à  peau 
excessivement  dure,  qu'on  trouve  dans  les  ouâdi  de  l'Akâkoûs  et  du 
Tasîli,  et  qui  vit  sur  les  arbres  dont  il  mange  les  feuilles. 


232  TOUAREG  DU  NORD. 

Cet  animal  est  très-craintif  et  fuit  dans  les  fentes  des  rocUers  dès 
qa*il  entend  venir  quelqu'un. 

Autruche. 

L'autruche  est  rare  dans  le  pays  des  Touareg  et  on  ne  chasse 
même  pas  celles  qui  y  sont,  parce  que  les  habitants  de  cette  contrée, 
n'utilisant  pas ,  comme  les  Arabes ,  sa  graisse  et  ^a  chair,  ne  trouvent 
pas  d'intérêt  sérieux  à  la  poursuivre.  Quant  aux  plumes,  déchirées 
par  les  rochers,  elles  n'ont  aucune  valeur. 

Celles  de  la  région  sablonneuse  de  T'Ergsont,  au  contraire,  très- 
renommées  pour  leur  belle  conservation.  Les  Souâfa  obtiennent  des 
dépouilles  de  ces  oiseaux  des  prix  plus  élevés  que  de  celles  de  toute 
autre  provenance. 

Le  7  mars  1861 ,  au  puits  de  Tarz-Oûlli,  sur  la  route  de  Rhât, 
j'ai  rencontré  un  marchand  deGhadâmès,  El-Hâdj-Mohammed-ben- 
Deloû,  qui  suivait  une  caravane  lui  appartenant.  Il  était  accompagné 
dans  son  voyage  par  une  autruche  femelle  privée.  On  lui  mettait  des 
entraves  comme  aux  chameaux  qui  vont  au  pacage.  Ce  fait  ne  parut 
pas  extraordinaire  à  mes  compagnons  de  route. 

Gypaète. 

Les  Touareg  tirent  cet  oiseau ,  d'ailleurs  commun ,  pour  en  avoir 
la  graisse  et  la  viande.  L'une  et  l'autre  sont  préconisées  contre  les 
piqûres  et  les  morsures  d'animaux  venimeux. 

CrocodUe. 

Je  signale  la  présence  du  crocodile  dans  les  lacs  de  Mîherô,  et  aussi 
à  la  tête  de  l'Ouâdi-Tedjoûdjelt,  en  un  endroit  appelé  Tadjeradjeré, 
sur  le  rebord  Sud  du  Tasîli  du  Nord. 

Les  grandes  inondations  qui  ont  eu  lieu  à  Tépoque  de  mon  pas- 
sage àTikhâmmalt  m'ont  empêché  d'aller  moi-même  constater  l'iden- 
tité de  cet  animal  amphibie  avec  ceux  du  Nil  ou  du  Niger,  mais 
les  renseignements  précis  et  certains  qui  m'ont  été  donnés  par  des 
personnes  ayant  vu  le  crocodile  en  Egypte  et  dans  le  Soudan , 
l'effroi  qu'il  inspire  aux  serfs  riverains ,  la  dîme  qu'il  prélève  sur 


ANIMAUX.  233 

les  troupeaux  qui  vont  boire  aux  lacs,  enfin  les  blessures  dont  quel- 
ques Touareg  portent  la  cicatrice,  ne  me  laissent  aucun  doute  à  cet 
égard. 

D'après  les  Touareg,  ce  reptile  reste  caché  dans  des  grottes  sous- 
aquatiques  pendant  l'hiver  et  il  vient  à  partir  du  printemps  sur  le 
rivage. 

A  la  saison  des  amours,  disent-ils,  les  femelles  poussent  des  cris 
semblables  à  ceux  des  chameaux  en  rut. 

Toutefois,  l'existence  d'un  aussi  grand  animal  dans  de  petits  lacs 
de  quelques  hectares  à  peine  et  dans  un  pays  où  les  pluies  sont 
rares  semble  d'abord  improbable.  Cependant  l'histoire  et  la  consta- 
tation récente  de  l'existence  du  crocodile  dans  des  régions  similaires 
m'autorisent  à  maintenir  ce  saurien  dans  la  nomenclature  de  la  faune 
du  pays  des  Touareg  du  Nord. 

Pline  nous  apprend  que  le  fleuve  Nigris  (l'igharghar  moderne) 
était  habité  par  des  crocodiles  ;  que  l'éléphant  se  trouvait  à  l'état 
sauvage  sur  les  bords  du  Guîr,  rivière  saharienne  qui  aboutit  au 
Touât ,  et  même  dans  les  belles  vallées  de  Ghariân ,  au  pied  des 
montagnes  de  la  Tripolitaine,  au  Nord  des  lacs  de  Mîherô. 

Les  historiens,  d'accord  avec  les  géographes  et  les  naturalistes, 
nous  enseignent  en  outre  que  les  Carthaginois  se  servaient  d'éléphants 
domestiques  dans  leurs  guerres. 

Pour  que  des  éléphants  aient  pu  vivre  en  liberté  dans  le  Nord  de 
l'Afrique,  il  a  fallu  que  le  pays  fût  alor3  plus  boisé  et  mieux  arrosé 
qu'aujourd'hui. 

Là  où  il  y  a  assez  d'eau  pour  l'éléphant,  il  y  en  a  assez  pour  le 
crocodile,  car  l'un  et  l'autre  se  rencontrent  à  peu  près  partout  dans 
les  mêmes  localités. 

On  a  été  aussi  surpris  en  apprenant,  par  les  explorations  de 
MM.  V.  Guérin  et  Roth,  que  le  crocodile  se  trouvait  encore  en  Pales- 
tine dans  rOuâdi-Timsah,  torrent  analogue  à  ceux  du  Sahara.  Désor- 
mais ce  fait  est  accepté  par  la  géographie  zoologique. 

D'ailleurs,  l'existence  du  crocodile  dans  les  lacs  du  Tasîli  du  Nord 
ne  serait  pas  une  exception  dans  la  région  saharienne,  car,  s'il  faut 
en  croire  les  Teboû,  plusieurs  lacs  de  leurs  pays,  notamment  celui 
de  Domor,  sur  la  frontière  du  Borgou,  seraient  aussi  peuplés  de  cro- 
codiles. 

L'étonnement  du  lecteur  sera  moins  grand,  s'il  se  rappelle  que  les 


234  TOUAREG  DU  NORD. 

lacs  à  crocodiles  de  Mîherô  sont  une  des  têtes  de  l'igharghar;  que, 
dans  les  temps  anciens,  l'igharghar  était,  d'après  Hérodote,  un  grand 
fleuve  «  iroTafioç  (J^iyaç,  »  qui,  sous  le  nom  de  Triton,  se  jetait  dans 
la  mer  après  avoir  traversé  trois  grands  lacs. 

Si  le  grand  fleuve,  dont  le  lit,  à  sec,  n'a  pas  moins  de  6  kilo- 
mètres de  largeur  au  point  où  je  l'ai  traversé,  roulait  encore  de 
grandes  eaux,  personne  ne  serait  surpris  que  le  crocodile  fût  un  de 
ses  hôtes;  par  la  même  raison,  on  doit  accepter  comme  vraisemblable, 
l'eau  à  ciel  ouvert  ayant  manqué  dans  la  partie  inférieure  du  fleuve, 
que  les  animaux  auxquels  il  donnait  la  vie  soient  remontés  jusqu'à 
ses  sources. 

Si  le  xorajxoç  [uyoLç  d'Hérodote  explique  la  présence  des  croco- 
diles dans  les  eaux  des  petits  lacs  de  Mîherô,  au  besoin ,  ces  croco- 
diles justifient  l'identification  de  l'igharghar  moderne  avec  l'ancien 
fleuve  Triton. 

Avec  le  temps  tout  a  changé  :  faute  d'eau,  le  chameau  a  remplacé 
le  zébu  ;  faute  d'eau,  l'igharghar  est  devenu  un  grand  ouâdi  au  lieu 
d'être  un  grand  fleuve,  et  de  même  qu'il  y  a  encore  quelques  zébus 
dans  l'oasis,  riche  en  eau,  de  Rhât ,  de  même  il  y  a  encore  des  cro- 
codiles dans  les  lacs  de  Mîherô. 

La  zoologie,  dans  ces  cas,  vient  confirmer  les  traditions  de  l'his- 
toire. 

Gecko  des  sables, 

,  Les  Touareg  et  les  Arabes  sont  unanimes  pour  proclamer  le  gecko 
venimeux.  Dans  le  midi  de  la  France  aussi  le  gecko  des  murailles 
est  réputé  dangereux.  Tout  au  plus  peut-on  admettre  que  les  plaies 
contuses  résultant  de  la  morsure  de  ce  lézard  ne  guérissent  pas 
comme  des  plaies  simples. 

AfMtarhkarh. 

Ce  lézard,  que  j'ai  rapporté  du  pays  des  Touareg  dans  de 
l'alcool,  a  été  reconnu,  au  Muséum  d'histoire  naturelle,  n'être  autre 
que  VAgama  colonorum. 

Les  Touareg  le  disent  venimeux  et  prétendent  que  son  virus  tue 
les  chiens  et  rend  les  hommes  malades. 


ANIMAUX.  235 

Ce  saurien,  comme  beaucoup  d'autres  Agames,  inspire  deTeffroi 
quand  on  le  voit,  pour  sa  défense,  dresser  sa  tête  et  son  cou  armé  de 
piquants,  mais  il  n'est  certainement  pas  venimeux. 

Autres  lézards. 

Parmi  les  lézards  dont  mon  exploration  constate  de  nouveau 
l'existence  dans  le  Sud  de  l'Algérie  se  trouvent  : 

L^Acanihodactylus  Saviqnyi,  )    .     ,  ..  .    ,     „    . 

^  ^    ^,         ,      ;     [  timekelkell  des  Touareg. 
L  Acanthodactylus  vulgaris ,  \ 

UAgama  agilis. 

Toutes  ces  déterminations,  ainsi  que  celles  des  poissons ,  m'ont 
été  données  par  M.  le  professeur  Duméril. 


Vipère  cornue. 

La  vipère  cornue  ou  Cérastes  jEgyptiaca  se  trouve  dans  tout  le 
Sahara  :  commune  dans  les  bas-fonds  et  les  vallées,  rare  dans  les 
lieux  élevés,  recherchant  les  points  où  le  sol  est  blanc,  fuyant  ceux 
où  il  est  noir. 

Plus  encore  que  les  autres  vipères,  ce  reptile  a  besoin  d'une 
grande  chaleur  pour  être  dangereux.  En  hiver,  engourdi,  il  reste 
enfoui  sous  les  sables;  en  été,  il  se  tient  volontiers  dans  son  trou 
pendant  tout  le  temps  que  le  soleil  n'échauffe  pas  la  terre  de  ses 
rayons.  D'ailleurs,  craintif,  il  fuit  avec  la  rapidité  de  l'éclair  au 
moindre  bruit,  de  sorte  qu'une  double  surprise  est  nécessaire  pour 
qu'un  accident  ait  lieu. 

Quoique  plus  rare  chez  les  Touareg  qlie  dans  les  autres  parties  du 
Sahara,  cette  vipère  n'en  est  pas  moins  redoutée  à  cause  de  la  gravité 
de  sa  morsure ,  et  on  prend  des  précautions  pour  s'en  préserver. 

Vipère  des  jongleurs, 

La  vipère  des  jongleurs,  si  remai^uable  par  sa  marche,  la  tête 
relevée  et  le  cou  étalé,  en  signe  de  menace,  lorsqu'elle  voit  quel- 
qu'un, est  rare  chez  les  Touareg;  on  la  trouve  plus  communément 


236  TOUAREG  DU  NORD. 

au  pied  du  versant  Sud  de  TÀurès  à  El-Faïdh  et  à  Chegga,  points  les 
plus  chauds  et  les  mieux  abrités  du  Sahara  algérien. 

Les  Arabes  de  ces  deux  contrées  appellent  le  mâle  tha*abân  et  la 
femelle  na'adja,  nom  conforme  à  celui  sous  lequel  cette  vipère  est 
connue  en  zoologie  :  Naja  haje. 

Ce  serpent,  m'à-t-on  dit,  atteint  la  grosseur  de  la  cuisse  de 
l'homme  et  une  longueur  de  deux  à  quatre  mètres.  Il  est  noir,  et, 
quand  il  devient  vieux,  il  porterait  sur  le  cou  une  touffe  de  poils  I 

Il  est  de  remarque  générale  que  Teffroi  causé  par  la  vue  des 
reptiles  leur  fait  attribuer  des  dimensions  en  longueur  et  en  grosseur 
qu'ils  n'ont  pas  :  il  y  a  donc  lieu  de  se  tenir  en  garde  contre  l'appré- 
ciation et  les  descriptions  des  gens  d'El-Faïdh  et  de  Chegga. 

On  sait  que  cette  vipère  est  venimeuse,  mais  on  ne  se  souvient 
pas  que  quelqu'un  ait  été  atteint  par  son  poison. 


Zorréig. 

Le  zorreîg  est  la  vipère  vulgairement  connue  en  Algérie  sous 
le  nom  de  Vipère  minute,  par  une  fausse  identification  avec  la 
vipère  du  cap  de  Bonne- Espérance,  rapportée  par  Levaîllan t.  Son 
nom  scientifique  est  Échis  carinata  ou  Vipère  des  Pyramides  de 
Geoffroy. 

On  l'a  trouvée  aux  environs  d'Oran,  mais  elle  est  plus  commune 
dans  le  Sud,  sans  y  être  très-fréquente.  Elle  n'existe  pas  chez  les 
Touareg. 

Desfontaines,  qui,  le  premier,  a  signalé  l'existence  du  zorreîg 
dans  le  Sud  de  l'Algérie,  mais  sans  l'assimiler  à  aucune  vipère 
connue ,  n'ayant  pu  se  la  procurer,  lui  attribue ,  d'après  les  indi- 
gènes ,  la  faculté  de  s'élancer  comme  une  flèche  contre  l'animal  ou 
l'homme  qu'elle  veut  atteindre.  Sans  avoir  cette  faculté  au  degré 
que  la  peur  a  peut-être  amplifiée,  il  est  incontestable  que  le  zorreîg 
se  dresse  et  se  lance  contre  son  ennemi,  mais  toujours  à  très-faible 
distance. 

L'identification  de  VÉchis  carinata  avec  le  zorreîg  des  indigènes 
n'est  pas  douteuse ,  car,  à  Biskta,  M.  le  capitaine  Pigaiie  en  possède 
un  exemplaire  trouvé  dans  la  contrée,  et  les  Arabes  ne  lui  donnent 
pas  d'autre  nom. 


ANIMAUX.  237 


Psammophis  punctatus. 

Parmi  les  reptiles  que  j'ai  rapportés  du  pays  des  Touareg  et 
qu'ils  confondent  avec  d'autres  sous  le  nom  général  d*âchchel,  s'en 
trouve  un  petit  que  j'ai  capturé  sur  un  arbre  et  qui  a  été  reconnu 
être  le  Psammophis  punctatus. 

En  l'examinant,  on  lui  a  trouvé  à  la  mâchoire  supérieure  des  dents 
cannelées,  à  venin,  et  à  la  base  des  dents  une  glande  produisant  né- 
cessairement une  sécrétion  sur  les  propriétés  toxiques  de  laquelle  la 
science  n'est  pas  bien  fixée. 

Ce  reptile- est  rangé  dans  la  classe  des  Opisihoglyphes. 

Codopeltis  insignitus* 

Je  signale  ici,  pour  mémoire  seulement,  une  couleuvre  trouvée 
dans  le  Sahara  algérien,  qui  a  été  reconnue  être  le  Cœlopeltis 
insignitus. 

Serpents  fabuleux. 

Ils  sont  au  nombre  de  deux. 

Le  plus  petit,  quoique  ayant  quatre  fois  la  longueur  de  l'homme, 
porte  une  robe  grise  argentée  avec  des  taches  jaunes  rougeâtres. 

On  l'appelle  âchchel. 

Cet  animal  sort  peu  l'hiver,  il  craint  le  froid. 

Le  plus  grand  s'appelle  tânerhouet;  il  est  rare. 

Sa  peau  est  tachetée,  sa  tête  est  couronnée  de  cornes,  il  crie 
comme  un  chevreau. 

Quand  ce  serpent  marche,  il  laisse  sur  le  sol  des  traces  profondes 
de  son  passage. 

Voilà  ce  que  disent  les  Touareg. 

Mais,  leur  demande-t-on  s'ils  ont  vu  ces  serpents,  de  leurs 
yeux  vu  ,  tous  reconnaissent  qu'ils  en  ont  seulement  entendu 
parler. 

Rien  d'étonnant  à  ces  créations  imaginaires.  Les  ancêtres  des 
Touareg  ont  probablement,  eux  aussi,  entendu  parler  de  ce  fameux 
serpent  de  Régulus  qui  anéantit  une  armée  romaine  près  de 
Carthage. 


238  TOUAREG  DU  NORD. 


Poissons. 

fai  déjà  dit  que  les  Touareg  avaient  trois  espèces  de  poissons  dans 
leur  pays  :  les  imanân  qui  vivent  dans  quelques  rivières,  Yasoùlmeh 
et  Yisattâfen  qui  se  tiennent  dans  les  lacs. 

Pendant  que  je  séjournais  à  Tikhâmmalt,  les  eaux  de  déborde- 
ment venues  du  Tasîli,  en  traversant  les  lacs,  emmenèrent  dans  la 
plaine  quelques  poissons.  Le  seul  que  je  pus  me  procurer  est  le 
Clarias  lazera,  l'asoûlmeh  des  Touareg,  armé  de  longues  barbes, 
comme  ceux  de  la  môme  espèce  trouvés  dans  le  Nil  et  dans  le 
Niger  *.  (  Voir  la  planche  ci-contre.  ) 

D'après  les  Touareg,  les  isattâfen  atteindraient  la  grosseur  de  la 
cuisse  de  l'homme  et  auraient  une  longueur  de  deux  à  trois 
coudées. 

Les  poissons  des  lacs  de  Mîhero  donnent  lieu  à  une  pêche  qui 
contribue  à  l'alimentation  des  serfs  riverains.  A  cet  effet,  ils  creusent 
sur  les  bords  des  lacs  de  petits  canaux  étroits,  aboutissant  à  des 
réservoirs  dans  lesquels  les  poissons  viennent  pour  y  chercher  une 
nourriture  qu'ils  ne  trouvent  pas  dans  les  profondeurs  des  lacs. 


1.  Voici  la  description  de  ce  poisson,  d*après  un  extrait  de  VHistoire  natwrslU 
des  Poissons,  par  M.  le  baron  Cu?ier  et  M.  A.  Valenciennes,  tome  XV,  page  372  : 

Le  Harmoulh  lazera  {Clarias  lazera,  Nob.)* 

Nous  trouvons  une  figure  parfaitement  reconnaissable  de  Tun  d'eux  dans  les 
dessins  faits  dans  la  haute  Egypte  par  M.  Riffaud. 

Les  caractères  tirés  de  la  disposition  des  dents  Yomériennes  sont  très-sensibles. 
Le  cr&ne  est  un  peu  plus  large  en  ayant ,  surtout  parce  que  le  grand  sous-orbicu- 
laire  postérieur  est  plus  large  ;  il  est  un  peu  convexe  transversalement,  et  sa  pointe 
mitoyenne, due  à  la  proéminence  interpariétale,  est  un  peu  plus  obtuse;  ses  barbiUons 
beaucoup  plus  longs.  Le  maxillaire  dépasse  la  pectorale,  et  atteindrait  à  la  nais- 
sance de  la  dorsale;  le  nasal  a  moitié  de  sa  longueur,  le  sous->mandibula:re  externe 
en  a  les  trois  quarts ,  et  touche  le  milieu  de  la  pectorale  ;  Tinterue  est  de  moitié  plus 
court  que  Texteme.  Une  autre  différence  bien  marquée,  c'est  que  les  dents  vomé- 
rieunes  sont  mousses,  ou  comme  de  peths  pavés  ronds,  serrés,  disposés  sur  un 
croissant  plus  large  dans  le  milieu...  * 

Le  dessus  de  ce  poisson  parait  cendré ,  et  le  dessous  blanchâtre.  Les  nageoires 
sont  d'un  cendré  brun.  Sur  le  dos  sont  de  chaque  c6té  des  séries  verticales  de  points 
blancs,  au  milieu  de  chacun  desquels  parait  un  petit  pore,  elles  ne  dépassent  pas 
la  ligue  latérale ,  et  Ton  en  compte  neuf  ou  dix  depuis  la  nuque  Jusqu'au  milieu  de 
la  longueur  où  elles  s'effacent  par  degrés. 

Le  cabinet  du  roi  en  a  un  long  de  trois  pieds. 


PI.   VIII. 


Page  S38. 


Fig.  16. 


CLARIAS    LAZERA 

(poisson    db    l'ouadi-tikhammalt). 

Doasiné  d'après  nature,  par  M.  Bocourt, 
sur  le  sujet  rapporté  par  M.  H.  Duveyrier  et  déposé  au  Muséum  d'histoire  naturelle 

de  Paris. 


ANIMAUX.  239 

Quand  ils  y  sont  entrés,  on  referme  les  conduits  et  on  les  prend. 

La  présence  des  crocodiles  dans  ces  lacs  rend  ce  mode  de  pêche 
difficile  et  en  interdit  tout  autre. 

J'ai  rapporté  de  mon  voyage,  mais  non  du  pays  des  Touareg, 
d'autres  poissons  qui  ont  été  reconnus  être  : 

L'un,  trouvé  dans  les  fossés  de  Tougourt,  le  Glyphisodon 
ZUlii.  Val.  ; 

Deux  autres,  fournis  par  les  eaux  artésiennes  de  l'Ouâd-Rîgh,  le 
Cyprinodon  doliatus  et  le  Cyprinodon  cyanogaster. 

Enfin,  un  quatrième,  un  Chromis^  encore  indéterminé,  commun 
dans  les  eaux  du  Belâd-el-Djérîd,  oasis  de  la  Tunisie. 

Scorpion. 

Le  scorpion  est  généralement  plus  commun  que  la  vipère,  mais, 
comme  ce  reptile,  il  préfère  les  bas-fonds  chauds  et  humides  aux 
terrains  élevés,  froids  et  secs. 

On  en  distingue  deux  variétés  :  le  noir  et  le  jaune.  On  dit  le 
venin  du  noir  plus  dangereux.  C'est  à  vérifier. 

Cette  arachnide  est  relativement  plus  rare  chez  les  Touareg  que 
dans  les  autres  parties  du  Sahara,  et  sa  piqûre  y  est  moins  dange- 
reuse, car  on  dit  qu'elle  ne  détermine  pas  des  accidents  graves.  Dans 
les  maisons  des  oasis,  les  piqûres  sont  plus  féquentes,  le  scorpion  trou- 
vant un  refuge  dans  les  interstices  des  briques  crues  des  murailles,  et 
l'obscurité  faiforîsant  ses  attaques.  A  El-Ouâd,  j'ai  été  piqué  ainsi, 
dans  mon  lit,  en  dormant;  heureusement,  une  légère  cautérisation 
avec  Tammoniaque  liquide  a  aussitôt  neutralisé  les  effets  du  virus. 

Araignée  venimeuse. 

Cette  araignée  du  genre  Galeodes,  dont  l'Algérie  possède  plusieurs 
espèces,  paraît  affecter  les  plateaux  élevés ,  car,  dans  mon  exploration 
du  Sahara,  je  ne  l'ai  trouvée  que  chez  les  Beni-Mezâb  et  chez  les 
Touareg. 

L'exemplaire  de  cette  espèce  que  j'ai  rapporté  n'a  pu  être ,  faute 
de  temps,  déterminé  par  M.  Lucas,  professeur  au  Muséum  d'histoire 
naturelle.  {Voit  Mémoires  de  r Académie  des  sciences  :  Galeodes.) 

Le  venin  de  cette  araignée  ne  produit  jamais  d'accidents  sérieux.  - 


240  TOUAREG  DU  NORD. 

Coléoptères. 

D'autant  moins  nombreux  et  moins  variés  qu'on  s'avance  dans 
le  Sahara,  les  coléoptères  n'offrent  guère  à  l'entomologiste  que  les 
genres  suivants  ;  cicindèles,  graphiptères,  carabes,  scarites,  buprestes, 
ateuchus,  bouziers,  blaps,  pimelies. 

A  peu  près  tous  les  insectes  du  pays  des  Touareg  sont  noirs. 

Les  sujets  que  j'ai  rapportés  de  mon  voyage  sont  : 

Des  Cicindèîes,  indéterminables  par  suite  d'avaries; 

VAnthia  venatrix; 

VAnthia  sexmaculata; 

Le  Scarites  héros  ; 

La  Pimelîa  senegalensis; 

Une  Adesmia,  voisine  de  la  montana  de  Klug; 

Le  Trachiderma  hispida; 

Le  Scaurus  carinatus; 

Une  Akis  indéterminée; 

VAgryporus  notodenta; 

UAteiLchus  sacer. 

Sauterelles. 

Lors  de  mon  séjour  chez  les  Touareg,  il  y  avait  plusieurs  années 
que  la  sauterelle  voyageuse  n'avait  paru  :  aussi  n'en  Paient-ils  plus 
en  provision.  Je  sais  toutefois  que  l'apparition  de  ces  orthoptères, 
calamité  pour  les  habitants  du  Tell,  est  pour  eux,  comme  pour 
tous  les  autres  Sahariens,  une  bonne  fortune,  car  elle  leur  assure  des 
subsistances  pour  quelque  temps. 

On  conserve  les  sauterelles,  soit  confites  dans  l'huile,  soit  dessé- 
chées ou  réduites  en  poudre. 

D'après  la  loi  musulmane,  ces  animaux  doivent  être  privés  de 
la  vie  par  un  procédé  quelconque,  l'asphyxie  ou  Tébullition,  avant 
d'être  conservés  pour  la  nourriture  de  l'fiomme,  car,  si  on  les  laissait 
mourir  de  leur  belle  mort,  ils  seraient  réputés  djîfa  et  défendus  ;  mais 
il  est  douteux  que  cette  prescription  religieuse  soit  observée. 

Depuis  mon  retour,  on  m'a  fait  part  de  la  bonne  nouvelle  de 
l'arrivée  de  cette  manne  du  désert. 


ANIMAUX.  2ftl 

Il  faut  avoir  vu  des  invasions  de  sauterelles  pour  se  faire  une 
idée  de  l'étendue  qu'elles  embrassent  et  des  ravages  qu'elles  cau- 
sent. 

Quelquefois  leurs  essaims,  aussi  épais  que  des  nuages,  obscur- 
cissent le  soleil  à  plusieurs  kilomètres  à  la  ronde  et  font  en  volant 
un  bruit  sourd  qui  s'entend  à  de  très-grandes  distances. 

Malheur  aux  contrées  sur  lesquelles  ils  s'abattent,  car  ils  y  dé- 
truisent toute  la  végétation  et  dévorent  les  champs  les  plus  riches, 
comme  si  le  feu  y  avait  tout  consumé  I 

Libellules, 

Elles  n'existent  qu'autour  des  sources,  les  unes  rares  comme  les 
autres.  C'est  à  peine  si  j'en  ai  vu  quelques-unes  pendant  toute  la 
durée  de  mon  voyage. 

Abeilles. 

L'apiculture  est  très-restreinte  chez  les  Touareg  :  l'état  nomade 
des  populations  et  la  pauvreté  de  la  flore  la  rendent  difficile  ;  néan- 
moins, dans  les  établissements  fixes,  quelques  ruches  donnent,  dit- 
on  ,  d'excellent  miel. 

Des  abeilles  sauvages,  plus  communes  que  les  abeilles  domes- 
tiques, déposent  leurs  gâteaux  dans  les  rochers,  dans  les  trous  des 
arbres.  Quand  on  les  découvre,  on  les  récolte  avec  soin. 

Il  semblerait  que  cette  abeille,  domestique  ou  sauvage,  a  été 
importée  chez  les  Touareg,  soit  de  Tunis,  soit  du  Soudan,  car  ils 
assimilent  l'espèce  productive  du  véritable  miel  à  celle  de  ces  con- 
trées, et  ils  l'appellent  tihenkêkert-en-toûrâout  (mouche  du  miel),  pour 
la  distinguer  d'une  autre  mouche  indigène  à  laquelle  ils  donnent  le 
nom  de  lihenhékert-en-tâment  (mouche  du  tâment). 

Les  Touareg  appellent  tâment  des  gouttes  de  miel  ou  de  résine 
mielleuse  qu'on  trouve  adhérente  aux  feuilles  du  tamarix  éthel. 

Cette  liqueur,  douce,  sucrée,  que  j'ai  souvent  go(itée,  et  à  laquelle 
j'ai  trouvé  beaucoup  des  qualités  du  miel,  est-elle  produite  par  l'arbre 
ou  par  une  mouche  mellifère?  Je  l'ignore. 

Quoi  qu'il  en  soit,  jusqu'à  ce  que  le  doute  ait  disparu,  je  constate 
qu'il  y  a  chez  les  Touareg  une  mouche  spéciale,  abeille  ou  non,  à 

I.  16 


242  TOUAREG  DU  NORD. 

laquelle  ils  donnent  le  noin>  de  mouche  d'un  miel  particulier,  autre 
que  celui  de  Tabeille  ordinaire. 

Un  troisième  miel,  fourni  par  un  insecte  ou  par  une  larve  que  les 
Touareg  appellent  khamït,  est  de  qualité  inférieure. 

Dans  la  XXVI*  surate  du  Coran,  le  Prophète  s'exprime  ainsi  sur 
le  miel  : 

Verset  70.  «  Ton  Seigneur  a  fait  cette  révélation  à  l'abeille  :  Cher- 
((  che-toi  des  maisons  dans  les  aK)ntagnes,  dans  les  arbres,  dans  les 
((  constructions  des  hommes. 

Verset  71,  «  Nourris-toi  de  tous  les  fruits  et  voltige  dans  les 
«  chemins  frayés  par  ton  Seigneur.  De  tes  entrailles  sort  une  liqueur 
((  de  différentes  e^èces,  et  elle  contient  un  remède  pour  les 
«  hommes.  » 

Commentant  lui-même  la  parole  de  Dieu  révélée  par  l'ange  Ga- 
briel, le  Prophète  ajoute  dans  ses  Hadith  : 

«  Deux  choses  sont  salutaires  et  nécessaires  :  le  Coran  et  le 
«  miel.  » 

Et  ailleurs,  il  complète  sa  pensée  en  disant  :  u  Quiconque  en 
«  mourant  auta  du  miel  dans  le  ventre  ne  verra  pas  le  feu  de 
«  l'enfer.  » 

Es-Sioûti,  qui  a  recueilli  en  un  livre  toutes  les  pratiques  médicales 
du  Prophète,  enseigne  que  le  miel  détruit  la  pituite,  chasse  la  trop 
grande  humidité  du  corps,  déterge  les  ulcères  de  mauvaise  nature 
et  guérit  les  affections  dépendantes  de  l'atrabile. 

«  Mêlez,  dit-il,  du  sel  avec  du  miel,  frictionnez  avec  ce  mélange 
a  la  langue  d'un  enfant  qui  n'a^  pas  encore  parlé  :  non-seulement 
((  cette  opération  lui  donne  la  parole,  mais  elle  développe  extraor- 
a  dinairement  son  organe  vocal.  »  Avis  aux  chanteurs  qui  voudront 
faire  usage  de  la  recette  ;  je  la  leur  livre  telle  qu'elle  se  trouve  dans 
Es-Sioùti. 

Recommandé  par  le  Prophète,  le  miel  est  le  remède  par  excellence 
de  tous  les  musulmans;  il  joue  un  rôle  d'autant  plus  grand  dans  la 
vie  des  Touareg  que  le  sucre  leur  manque. 

Les  riches  font  usage  du  toûrâout,  les  moins  riches  du  tâment  et 
les  pauvres  duMiamit,  mais  cet  usage  est  très-limité. 


ANIMAUX.  2Ù3 


LBpi4optères. 


Je  n'ouvre  îcî  un  compte  aux  papillons  du  Sahara  que  pour  con- 
stater leur  rareté  et  leur  infériorité  sur  tous  les  papillons  connus. 

A  quoi  bon  des  animaux  si  brillants  et  si  délicats  au  milieu  du 
désert  et  d'une  nature  désolée? 

Mouches  et  moustiques. 

Si  les  papillons  n'embellissent  pas  le  désert,  par  contre  les  mou- 
ches et  les  moustiques  contribuent  à  y  rendre  l'existence  de  Thomme 
très-pénible,  surtout  dans  les  parties  habitées. 

Pendant  le  jour  les  mouches,  pendant  la  nuit  les  moustiques  : 
c'est  à  n'y  pas  tenir.  Il  faut  cependant  s'habituer  à  leurs  persé- 
cutions. 

Les  moustiques  au  moins  restent  dans  les  oasis,  dans  les  campe- 
ments où  il  y  a  de  l'eau;  mais  les  mouches  suivent  les  caravanes  au 
milieu  des  déserts  les  plus  arides. 

Plus  d'une  fois,  dans  les  villes,  pour  pouvoir  écrire,  je  me  suis  vu 
dans  la  néccessité  de  faire  la  nuit  autour  de  moi  et  d'allumer  la  bougie 
en  plein  jour. 

Scolopendre, 

Ce  myriapode,  généralement  connu  sous  le  nom  vulgaire  de  mille- 
pieds,  se  trouve  dans  le  Sahara,  particulièrement  dans  les  endroits 
pierreux. 

Ses  fourches  caudines  contiennent  un  venin  subtil  assez  puissant 
pour  renverser  l'homme,  comme  pourrait  le  faire  une  forte  décharge 
d'électricité;  mais,  ce  premier  effet  passé,  les  traces  du  virus  dis- 
paraissent promptement.  Cependant  il  détermine  parfois  des  vomis- 
sements et  une  sorte  d'engourdissement  général. 

Vers  comestibles. 

Ces  vers,  que  l'on  pêche  dans  les  lacs  du  Fezzân,  ne  sont  autres 
que  les  larves  d'une  diptère  à  laquelle  on  a  donné  le  nom  de  Ârthemia 
Oudneii,  en  souvenir  de  l'exploration  qui  CQÛta  la  vie  ^u  docteur 
Oudney. 


244  TOUAREG  DU  NORD. 

Mouches  et  larves  se  trouvent  par  myriades  :  les  premières  sur 
les  rives  des  lacs  et  sur  les  eaux  assez  denses  pour  les  porter;  les 
secondes  dans  les  vases  d'où  elles  sortent  à  des  époques  périodiques, 
correspondant,  pour  le  printemps,  à  la  maturité  de  Torge,  et  pour 
l'automne,  à  la  maturité  des  premières  dattes  ;  époques  auxquelles 
les  lacs  sont  agités  et  bouleversés  par  les  tempêtes  équinoxiales. 

On  distingue  deux  sortes  de  vers  :  l'un,  rouge-carmin,  la  doùda 
proprement  dite,  de  qualité  supérieure;  l'autre,  brun -jaunâtre,  la 
tâkeroûka,  de  qualité  inférieure. 

Le  corps  de  ces  petits  animaux  a  quelques  millimètres  de  lon- 
gueur à  peine,  de  la  tête  à  la  queue,  entre  lesquelles  est  un  petit, 
canal  intestinal  tracé  en  noir.  La  tête  supporte  deux  antennes  ter- 
minées par  des  points  noirs  qui  sont  les  yeux  ;  la  queue  et  les  flancs 
sont  armés  de  petites  rames  ou  nageoires  en  éventail.  Ces  vers  nagent 
indistinctement  sur  le  ventre  et  sur  le  dos. 

La  pêche  se  fait  au  moyen  d'un  sac  allongé,  tenu  ouvert  par  un 
cercle  et  supporté  par  un  long  manche. 

Dans  le  sac  de  pêche  se  trouvent  aussi,  avec  les  vers,  des  fucus  dont 
j'ai  déjà  parlé.  (Voir  page  209.)  Vers  et  fucus  sont  laissés  ensemble. 

La  pêche  et  la  préparation  des  vers  sont  dévolues  aux  femmes. 

Après  chaque  pêche,  les  vers  sont  pétris  en  pains  et  exposés  au 
soleil  pour  être  séchés ,  puis  on  les  met  dans  des  petites  bourriches 
pour  les  conserver  en  silos. 

Cette  denrée  alimentaire  se  vend  dans  tout  le  Fezzân;  on  la 
mange  quelquefois  seule,  bouillie,  mais  le  plus  souvent  en  sauce,  avec 
d'autres  aliments.  Le  goût  de  ces  vers  rappelle  celui  de  crevettes 
un  peu  faisandées  ou  mal  préparées;  nonobstant,  les  indigènes  en 
font  grand  cas. 

Les  vers  de  première  qualité  ne  se  trouvent  que  dans  le  Bahar-ed- 
Doûd  ;  ceux  de  seconde  qualité  sont  péchés  dans  le  lac  de  Mâfou  ;  on 
en  trouve  aussi  dans  le  premier  lac.  (Voir  la  planche  ci-contre.) 

Parasites  de  Vhomme, 

Le  ver  de  Guinée  est  trop  connu  pour  que  je  le  décrive.  Je  consta- 
terai seulement  qu'il  atteint  presque  tous  les  Touareg  qui  vont  au 
Soudan,  et  que  cet  animal,  dont  on  se  débarrasse  difficilement,  laisse 
après  lui  des  traces  de  cicatrices  considérables. 


PI.  IX. 


Page  «44. 


Fig.   n  et  18. 


Fip.  1.   —  viTP  nu    i\ih[  m- Kri- no  i  i>* 

D'après  itn  d#!S.iin  de  il.  II.  Duvnynnr. 


LARVÎk,  NYMPHK.  MOUCHR. 

(La  taillei^H  riniecte  «ou»  cbaqtiv  forme  «»t  indiqu<^e  par  un  p«tit  trait.) 


Fig.    2.    —    ARTHEIIIA    OUDNEÎi. 

Dessinée  d'après  nature,  par  M.  Bocourt,  sur  les  insectes  rapportés  par  M.  H.  Duveyrier 
et  déposés  au  Muséum  d'histoire  naturelle. 


H 


ANIMAUX.  245 

Les  Européens  qui  iront  dans  l'Afrique  centrale  doivent  s'atten- 
dre à  subir,  sous  ce  rapport,  la  loi  commune. 

Puce. 

Je  dois  constater  ici  un  fait  important  :  la  puce  n'existe  pas  sur 
le  plateau  central  du  Sahara.  Elle  accompagne  le  voyageur  jusqu'aux 
points  où  l'humidité  de  l'air  lui  permet  de  vivre,  mais  elle  disparaît 
dès  qu'on  entre  dans  le  pays  sec. 

NOTE. 

Tous  les  échantiUons  de  roches,  de  minéraux,  de  plantes,  d*aniniaux,  rappor- 
tés de  mon  voyage  et  classés  dans  Tordre  de  cet  ouvrage ,  vont  être  prochainement 
remis  au  Muséum  d'histoire  naturelle  de  Paris,  où  chaque  personne  intéressée  à 
consulter  ces  collections  pourra  en  prendre  connaissance. 

Mon  registre  d'observations  météorologiques  sera  également  remis  au  Bureau  de 
la  Société  météorologique  de  France,  qui,  je  l'espère,  le  publiera  dans  son  Bulletin, 

Quant  à  l'Atlas  original  de  mes  itinéraires,  comprenant  quatre-vingt  feuilles, 
il  sera  déposé  soit  au  Dépôt  des  cartes  de  la  Guerre,  soit  à  la  Bibliothèque  de  la  So- 
ciété de  géographie  de  Paris,  dès  que  le  dessin  et  la  gravure  des  diverses  cartes  de 
mon  exploration  me  permettront  d*en  disposer. 


LIVRE  111. 


CENTRES    DE    RAYONNEMENT. 


Dans  tout  le  Sahara,  l'existence  matérielle  et  morale  des  nomades 
n'est  assurée  qu*au  moyen  d'annexés  sédentaires,  assises  dans  des 
lieux  d'élection,  au  centre  de  leurs  pérégrinations  ou  sur  la  périphérie 
de  leurs  terres  de  parcours. 

Ces  annexes ,  organes  essentiels  de  la  vie  intérieure  et  des  rela- 
tions extérieures  des  tribus,  appellent  tout  d'abord  l'attention. 

Parmi  ces  centres,  les  uns  sont  exclusivement  commerciaux,  les 
autres  exclusivement  religieux. 

Les  centres  commerciaux  sont  des  villes  :  Ghadâmès  et  Rhât,  en 
territoire  targui  ;  Mourzouk,  Ouarglâ  et  In-Sâlah,  sur  les  frontières  de 
leurs  parcours ,  mais  dans  le  rayon  des  relations  journalières  des 
Touareg. 

Les  centres  religieux,  au  nombre  de  quatre,  sont  ou  des  confré- 
ries organisées  en  vastes  associations  ou  des  familles  princières  de 
marabouts  exerçant  une  sorte  de  pouvoir  spirituel  sur  leurs  clients. 

Les  confréries  sont  :  celle  des  Tedjâdjna ,  dont  le  siège  principal 
est  à  Teraâssîn,  dans  l'Ouâd-Rîgh  (Algérie),  et  celle  des  Senoûsi,  dont 
la  métropole  est  à  Jerhâjîb,  dans  un  désert  situé  entre  la  Tripolitaine 
et  rÉgypte. 

Les  familles  princières  de  marabouts  sont  les  Bakkày,  à  Timbouk- 
tou,  et  les  Oulâd-Sîdi-Cheikh,  à  El-Abiodh,  dans  le  cercle  de  Géryville 
(Algérie). 

Dans  les  confréries,  les  chefs  sont  des  cheikh,  vénérables,  des 
moqaddem,  gardiens;  les  disciples  sont  des  Mioxiân,  frères. 

Dans  les  familles  de  marabouts,  l'autorité  souveraine  est  exercée 
par  l'aîné,  cheikh,  vénérable,  mais  avec  le  concours  des  autres  mem- 


248  TOUAREG  DU  NORD. 

bres  de  sa  famille,  marabouts  comme  lui  ;  les  clients  sont  des  khod- 
dâm,  serviteurs. 

Ces  quatre  centres  religieux  embrassent  dans  leurs  juridictions, 
à  peu  près  sans  exception,  toutes  les  populations  des  villes  et  des 
campagnes  du  Sahara  central. 

Leur  action  s'exerce,  dans  chaque  groupe,  soit  par  des  zâouiya, 
sanctuaires  fixes,  à  la  fois  églises  ou  lieux  de  réunion  et  écoles  ou 
académies  d'enseignement,  vers  lesquelles  convergent  les  disciples  et 
les  serviteurs,  soit  par  des  missionnaires  ambulants  qui  vont,  de  tribu 
en  tribu,  pour  diriger  les  consciences  et  rappeler  aux  nomades  les 
liens  qui  les  rattachent  à  leurs  chefs  spirituels. 

Ce  livre  sera  donc  divisé  en  deux  chapitres  :  les  centres  commer- 
ciaux et  les  centres  religieux  ;  et  chaque  chapitre  subdivisé  en  autant 
de  paragraphes  qu*il  y  a  de  centres  d'attraction. 


CHAPITRE  PREMIER. 


CENTRES     COMMERCIAUX. 

Je  range  dans  cette  catégorie  les  points  d'arrivée  et  de  départ  des 
grandes  caravanes,  des  caravanes  de  long  cours,  à  l'exclusion  des 
points  secondaires,  dont  les  opérations  peuvent  être  comparées  à 
celles  du  cabotage,  parce  que,  si  les  Touareg  ont  des  rapports  journa- 
liers avec  les  grands  centres,  ils  n'en  ont  presque  aucun  avec  les 
petits. 

Je  n'embrasse  dans  ce  chapitre  que  Tétude  des  rapports  sociaux 
des  Touareg  avec  ces  centres,  et  non  la  question  commerciale,  réser- 
vée pour  un  second  volume,  dont  la  publication  ne  se  fera  pas  attendre. 

S  l*^  —  GhadAmès. 

La  vrlle  de  Ghadâmès,  quoique  située  dans  les  terres  de  parcours 
des  Touareg  Azdjer  et  quoique  relevant  socialement  de  cette  peu- 
plade indépendante ,  est  aujourd'hui  incorporée  politiqiiement  dans 
la  Tripolitaine,  conséquemment  dans  l'Empire  Ottoman. 

Les  nécessités  de  son  commerce  l'ont  obligée  à  subir  la  double 
loi  du  maître  du  port  maritime  avec  lequel  elle  opère,  et  des  maîtres 
de  toutes  les  routes  par  lesquelles  elle  importe  ou  exporte  ses  mar- 
chandises. 

Ghadâmès  est  une  ville  fort  ancienne  :  la  tradition  et  l'histoire 
l'afllrment;  les  ruines  de  différentes  époques  et  de  différentes  civili- 
sations trouvées  dans  son  enceinte  confirment,  en  les  complétant,  les 
renseignements  que  nous  ont  transmis  à  ce  sujet  les  auteurs  grecs  et 
latins. 

Le  choix  de  l'emplacement  de  cette  ville  fut  déterminé  par  la  pré- 
sence d'une  source  d'eau  douce  des  plus  abondantes  presque  à  égale 


250  TOUAREG  DU   NORD. 

distance  de  quatre  points  que  nous  trouvons  être  des  centres  d'habi- 
tation fixe  de  rhomme,  dès  les  premiers  âges  de  l'histoire  : 

Djerma  (Garama),  dans  le  Sud-Est; 

Ouarglâ ,  dans  TOuest-Nord-Ouest  ; 

Gâbès  (Tacape)  et  Tripoli  Ifiea),  dans  le  Nord,  sur  le  littoral  médi- 
terranéen. 

De  plus,  cette  source  placée  entre  deux  barrières  que  les  sables 
opposent  à  la  circulation:  les  dunes  de  T'Erg,  dans  l'Ouest,  les  dunes 
d'Édeyen  dans  le  Sud-Est ,  était  située  sur  la  grande  voie  commerciale 
de  la  Méditerranée  à  la  région  mystérieuse  de  la  Nigritie,  voie  dont 
la  fréquentation  était  consacrée  par  le  temps  et  sur  laquelle  circu- 
laient des  produits  alors  fort  recherchés. 

Il  fallait  tous  ces  avantages  de  position  pour  décider  des  hommes 
entreprenants  à  venir  s'établir  au  milieu  de  la  plus  aride  des  solitudes, 
loin  des  points  plus  favorisés  auxquels  ils  ont  dû,  doivent  et  devront 
toujours  demander  les  denrées  nécessaires  à  leur  consommation. 

D'après  les  habitants  de  Ghadâmès,  l'origine  de  leur  ville  remonte 
au  temps  d'Abraham. 

L'Ég^'pte  était  en  pleine  prospérité  à  l'époque  des  patriarches  bi- 
bliques et  Ghadâmès  a  conservé  jusqu'à  nos  jours  un  bas-relief  que 
j'y  ai  découvert  et  qui  ressemble  trop  aux  productions  si  caracté- 
risées des  anciens  Égyptiens  pour  qu'on  puisse  lui  assigner  une  autre 
origine.  On  en  jugera  par  la  planche  ci-contre.  (Fig.  n®  1.) 

Ce  fragment,  ainsi  que  d'autres  objets  que  Ton  met  à  nu,  de  temps 
à  autre,  en  creusant  les  fondations  de  nouvelles  maisons,  semble 
être  la  preuve  qu'il  florissait  là,  dès  la  plus  haute  antiquité,  une 
civilisation  sœur  de  celle  des  rives  du  Nil ,  quoique  moins  avancée 
et  moins  parfaite. 

Pline  nous  apprend  qu'au  commencement  de  l'ère  chrétienne  et 
dans  la  contrée  où  se  trouve  aujourd'hui  Ghadâmès  vivaient  des  Liby- 
Égyptiens  *,  c'est-à-dire  des  Libyens  d'origine  égyptienne. 

Le  témoignage  de  Pline,  confirmé  par  le  bas-relief  libyco-égyptien 


1.  Dans  rintérieur  de  l'Afrique,  dit  Pline,  du  côté  du  Midi,  au-dessus  des  Gé- 
tules,  et  après  avoir  traversé  des  déserts,  on  trouve  d*abord  des  Liby-Égyptiens,  puis 
les  Leuc-Éthiopiens  ;  plus  loin  des  nations  éthiopiennes...  Tous  ces  peuples  sont  bor- 
nés du  côté  de  l'Orient  par  de  vastes  solitudes,  jusqu'aux  Garamantes,  aux  Augyles 
et  aux  Tro^odytes. 


^1.  x« 


Page  250. 


Fig.  19  et  20. 


si 


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»    • 


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CENTRES    COMMERCIAUX.  251 

dont  je  reproduis  le  dessin  exact,  semble  donner  quelque  valeur  à 
la  tradition  locale  :  car,  pour  que  des  colons  égyptiens  soient  devenus 
Libyens  au  commencement  de  notre  ère,  plusieurs  générations  avaient 
dû  se  succéder  dans  le  pays. 

Mais  à  Ghadâmès  il  n'y  a  pas  que  des  ruines  libyco-égyptiennes  : 
à  250  mètres  environ,  au  Sud-Ouest  de  Toasis,  sur  le  plateau  d'El- 
Esnâmen  (les  idoles),  on  remarque  des  ruines  5iii  gen^ris,  postérieures 
à  répoque  égyptienne  et  antérieures  à  l'époque  romaine  et  auxquelles 
je  n'ai  pu  assigner  de  caractère,  avant  d'avoir  visité  en  détail  les 
ruines  de  l'ancienne  capitale  des  Garamantes.  Aujourd'hui  le  doute 
n'est  plus  permis  pour  moi  :  les  débris  auxquels  les  indigènes  donnent 
le  nom  d'idoles,  parce  que  leur  construction  est  due  à  des  peuples  idolâ- 
tres, ces  débris,  dis-je,  composés  des  mêmes  matériaux,  liés  entre  eux 
par  un  même  ciment,  appartiennent  à  l'époque  garamantique,  époque 
d'une  civilisation  indigène  qui  a  laissé  plus  d'une  trace  dans  le  Sahara. 

M.  Vatonne,  membre  de  la  mission  de  Ghadâmès  (1862),  dans 
son  remarquable  Mémoire  déjà  cité,  nous  fait  connaître  un  autre 
monument  de  la  môme  origine. 

«  Une  autre  construction  analogue,  ditril ,  est  assez  éloignée  des 
«  six  idoles;  elle  se  trouve  à  un  des  angles  du  rempart  de  Ghadâmès, 
«  du  côté  Nord-Ouest.  C'est  une  tour  carrée,  en  matériaux  du  pays, 
«  grès,  gypse  et  dolomie  ;  les  pierres  ont  été  choisies  de  forme  plate  ; 
«  on  y  a  fait  entrer  quelques  briques.  L'une  de  ces  pierres  plates,  en 
«  grès  rouge,  nous  a  été  apportée  par  un  indigène  et  donnée  comme 
a  provenant  de  cette  tour.  Quelques  caractères  étaient  tracés  dessus  ; 
«  nous  les  reproduisons  sans  savoir  quels  ils  sont  ni  IHntérét  quHls 
«  peuvent  avoir.  A  la  partie  inférieure,  il  y  a  une  chambre  dans 
{(  laquelle  on  pénètre  par  une  porte  basse.  Dans  le  fond,  il  y  a  une 
«  saillie  de  mur  formant  banquette  sur  laquelle  on  peut  s'asseoir  ou 
u  s'étendre;  au-dessus  est  un  emplacement  qui  a  dû  être  voûté. 
u  La  voûte  est  aujourd'hui  détruite;  il  y  a  une  ouverture  ou  sorte  de 
«  fenêtre  par  laquelle  nous  avons  pu  pénétrer.  La  destination  de 
«  cette  tour,  dont  la  construction  doit  remonter  à  une  époque  très- 
«  reculée,  est  complètement  inconnue  des  indigènes.  A  côté  de  celle 
(t  encore  debout,  il  y  a  les  ruines  d'une  autre  petite  tour  dont  les 
«  débris  sont  épars  sur  le  sol.  D'autres  inscriptions  ont-elles  été  trou- 
ce  vées  en  ce  point?  Nous  l'ignorons,  mais  il  nous  a  été  dit  que  le 


252  TOUAREG  DU  NORD. 

(f  vice-consul  anglais  se  rendait  très-souvent  à  cette  tour;  peut-être 
tt  y  a-t-il  trouvé  quelque  chose  de  plus  intéressant  que  la  dalle  qui 
«  nous  a  été  donnée.  » 

Je  cite  ce  passage  du  Mémoire  de  M.  Vatonne  parce  que  sa  des- 
cription me  rappelle  celle  du  Qeçîr-el-Watwat  ou  châtelet  des  chauves- 
souris  de  Djerma-el-Ked!ma,  et  constate  l'origine  commune  des  deux 
monuments  et  de  leurs  similaires.  (Voir  la  planche  d*El-Esnâmen ,  ci- 
contre,  et  celle  du  Qeçir-el-Watwat,  page  279.) 

Quant  à  l'inscription  trouvée  dans  la  tour  décrite  par  M.  Vatonne, 
elle  est  bilingue  :  moitié  en  caractères  grecs ,  moitié  en  caractères 
inconnus,  peut-être  ceux  de  la  langue  garamantique.  Dans  la  partie 
grecque  de  l'inscription  on  lit  distinctement  les  mots  suivants  : 

EAKAREAI 
ENZVAN^^EV, 

soit  elkaredi  enzulnuchen,  qui  n'ont  aucune  signification  en  grec, 
mais  qui  peuvent  être  la  transcription  de  mots  étrangers  en  carac- 
tères grecs. 

Ce  petit  détail  offre  beaucoup  d'intérêt  à  l'archéologue,  car  il  té- 
moigne d'un  certain  contact ,  à  Ghadâmès ,  entre  la  civilisation  grec- 
que et  une  civilisation  indigène  inconnue  de  nous.  A  quoi  eût  servi 
une  inscription  grecque  dans  une  ville  où  nul  Grec  n'aurait  pu  la  lire  ? 

Mais  les  Égyptiens,  les  Garamantes  et  les  Grecs  ne  sont  pas  les 
seuls  parmi  les  grands  peuples  de  l'antiquité  qui  aient  laissé  à 
Ghadâmès  des  indices  certains  de  leur  passage. 

Par  Pline,  nous  savions  qu'au  nombre  des  lieux  subjugués  par 
les  armes  romaines,  sous  la  conduite  de  Cornélius  Balbus,  figuraient 
les  villes  importantes  de  Cydamus  et  de  Garama  ;  par  un  passage 
des  Fastes  capitolins,  nous  savions  que  cette  expédition  avait  été  en- 
treprise en  l'an  de  Rome  DCCXXXIV  (19  avant  J.-C.),  mais  nous  igno- 
rions si  la  ville  de  Cydamus  avait  été  occupée  par  les  conquérants, 
si  leur  occupation  avait  été  temporaire  ou  durable. 

Une  inscription  romaine  *,  enfouie  jusqu'au  moment  de  la  dé- 
couverte que  j'en  fis  en  1860,  à  la  porte  des  jardins,  en  venant 
de  la  Zàouiya  de  Sîdi-Maâbed,  et  probablement  placée  à  l'entrée  du 

1.  Cette  inscription  a  été  envoyée  à  Tougourt,  pour  de  là  être  expédiée  au  Mu- 
séum d'Alger,  mais  elle  ne  parait  pas  être  encore  arrivée  à  destination. 


PI.  XI 


Page  202. 


Pig.  «I  et  «. 


Fig.     1.    —    VCB    DE    l/OASIS    DE    GHADÂMÈS 
(  PRISE    DU     BHAHARA). 

D'après  un  dessin  de  M.  H.  Duveyrier. 


Fig.   "2,    —    VIE    DES     RIIXES    DES     ESNÂMEN.      \     Gll^nÂVÈS. 
D'après  un  dessin  de  M.  H.  Durerrier. 


Af 


PI.  XII. 


Page  258. 


Kg.  fa. 


•    1. 


CENTRES  COMMERCIAUX.  253 

jMirap  fortifié  qui  protégeait  la  ville,  non-seulement  assigne  une  longue 
durée  à  l'occupation  de  Cydarae  par  les  Romains ,  mais  encore  nous 
révèle  des  détails  importants  sur  cette  occupation. 

Bien  que  cette  inscription  ait  déjà  été  publiée  dans  l'Annuaire  de 
la  Société  arclUologique  de  Comlaniine  (1860-1861),  je  la  repro- 
duis ici.  (Voir  sur  la  planche  ci-contre.) 

M.  Léon  Régnier,  membre  de  Flnstitut,  auquel  des  connaissances 
spéciales  assurent  une  incontestable  autorité  dans  toutes  les  questions 
d'archéologie  africaine,  a  bien  voulu,  sur  ma  demande,  contrôler 
Tinterprétation  de  cette  inscription  telle  qu'elle  a  été  faite  à  Constan- 
tine  par  M.  Cherbonneau.  Voici  son  avis  à  ce  sujet  : 

«  L'inscription  latine  trouvée  à  Ghadâmès  par  M.  Henri  Duvey- 
«  rier  n'est  pas  du  règne  de  Caracalla,  mais  de  celui  d'Alexandre 
<(  Sévère  (221-235).  Les  noms  qui  ont  été  effacés  avec  intention  dans 
«  l'antiquité  sont  ceux  de  ce  prince  et  de  sa  mère  Julia  Mammxa. 
«  Le  nom  de  Julia  Domna  n'a  jamais  été  effacé  sur  les  monuments. 

«  Le  monument  a  été  élevé,  non  par  un  vexillaire,  mais  par  une 
«  vexillatio,  c'est-à-dire  par  un  détachement  de  la  Légion///*  Augusta 
«  commandé  par  un  centurion  dont  le  nom  a  disparu,  mais  dont  le 
«  titre  subsiste  dans  les  sigles  : 

.>.LEG.E1VSDEM 

(t  c'est-à-dire  : 

Centurio  Legionis  ejusdem. 

«  Cette  inscription  est  très-importante,  parce  qu'elle  prouve  que  le  terri- 
ce  toire  de  la  province  de  Numidie  s'étendait  alors  jusqu'à  Ghadâmès.  n 

D'après  la  nouvelle  interprétation  de  M.  Léon  Régnier,  l'occupation 
de  Cydamus  par  les  Romains  aurait  eu  une  durée  minimum  de  250  ans, 
et  comme  il  n'est  pas  probable  que  le  monument  orné  de  cette  inscrip- 
tion ait  été  élevé  au  moment  de  l'évacuation  de  la  ville,  on  est  auto- 
risé à  donner  à  l'occupation  une  limite  beaucoup  plus  considérable. 

La  rectification  de  l'honorable  membre  de  l'Institut,  indépen- 
damment du  fait  considérable  qu'elle  constate ,  —  l'extension  de  la 
province  de  Numidie  au  delà  de  la  zone  des  sables  de  T'Erg,  — 
apporte  une  nouvelle  preuve  matérielle  à  l'appui  de  l'opinion  una- 
nime des  indigènes,  qui  fait  arriver  la  frontière  actuelle  de  la  pro- 
vince de  Constantine  jusqu'aux  portes  même  de  Ghadâmès. 

De  plus,  elle  fait  pressentir  que  les  Romains,  pour  leurs  relations 


264  TOUAREG  DU  NORD. 

commerciales  avec  l'intérieur  du  continent,  avaient  considéré  la  voie 
indirecte  par  Girta,  Lambesse  et  Cydame,  préférable  à  la  voie  directe 
par  Sabrata  ou  Oea,  car  ce  n'est  pas  sans  motif  sérieux  que,  maîtres 
de  tout  le  littoral,  ils  ont  rattaché  l'administration  de  Cydame  à 
celle  de  Lambesse  et  non  à  celle  de  toute  autre  métropole  plus  rap- 
prochée soit  de  la  Province  d'Afrique,  soit  de  la  Tripolitaine.  La  ques^ 
tion  de  production  ne  doit  pas  être  étrangère  à  ce  choix. 

Enfin,  la  subalternisation  de  Gydame  à  Lambesse  implique  que 
les  Romains  avaient  pu  surmonter  les  difficultés  de  la  communica- 
tion, car  un  détachement  de  la  III*  Légion  Auguste,  dont  le  dépôt 
était  en  deçà  de  l'obstacle  des  sables  et  de  la  chaîne  de  l'Aurès,  ne 
pouvait  pas  être  isolé  de  son  quartier-général ,  des  magasins  et  du 
siège  administratif  de  la  Légion. 

Mes  études  personnelles  sur  1'  'Erg,  ainsi  que  celles  plus  complètes 
de  la  mission  qui  avait  pour  chef  M.  le  lieutenant  colonel  Mircher,  dé- 
montrent que,  sur  le  parcours  des  différentes  routes  entre  El-Ouàd  et 
Ghadâmès,  on  pourra,  avec  des  moyens  plus  puissants  que  ceux  dont 
disposent  les  indigènes ,  multiplier  les  puits  autant  qu'on  voudra. 

D'autres  traces  de  l'occupation  romaine  se  retrouvent  encore  à 
Ghadâmès  :  ainsi ,  sur  la  place  d'El-'Aouïna ,  j'ai  vu  des  débris  de 
chapiteaux  et  de  colonnes,  témoignage  d'un  luxe  d'une  autre  nature. 
(Voir  page  250 ,  figure  2  de  la  planche.) 

Si  je  suis  bien  informé,  la  charpente  de  la  principale  mosquée 
de  la  ville  est  supportée  par  des  colonnes  romaines  et  les  murs  de 
l'édifice  sont  en  matériaux  de  même  origine.  On  comprendra  que  je 
me  sois  abstenu  de  chercher  à  constater  ce  fait. 

Dans  l'immense  nécropole,  dite  le  cimetière  des  Benî-Ouazît,  on 
remarque  des  tombes  de  tous  les  âges,  depuis  l'époque  païenne 
anté-islamique  jusqu'à  nos  jours.  Il  est  possible  qu'on  y  retrouverait 
des  inscriptions  tumulaires  romaines,  si  on  pouvait  fouiller  les  tombes 
les  plus  anciennes. 

Ghadâmès  est  donc  autorisée  à  revendiquer  une  origine  antérieure 
à  l'histoire,  et  tout  porte  à  croire  qu'elle  n'a  cessé  d'être  habitée 
depuis  sa  fondation. 

Le  général  arabe  'Amrou-ben-el-'Aâçi ,  qui  fit  la  conquête  du  Sud 
de  la  Tripolitaine  sur  les  Romains  *,  obligea,  dit  la  tradition,  les  habî- 

i.  J*ai  rapporté  de  mon   voyage  la  copie  d*un  livre  d'histoire  sur  ces  contrées 


CENTRES    COMMERCIAUX.  255 

tants  de  Ghadàmës  à  embrasser  rislamisme,  et  cette  conversion 
forcée  ne  paraît  pas  s'être  réalisée  sans  difficulté,  car  il  y  a  encore 
aujourd'hui  dans  la  ville  une  rue,  celle  d'El-Wahchi,  appelée  aussi  la 
rue  du  NON,  c'est-à-dire  de  ceux  qui  refusèrent  d'accepter  tout  d'abord 
la  religion  de  Mohammed. 

Avant  la  conquête  musulmane,  quelle  religion  professaient  les 
*  Ghadâmèsiens  :  païenne  ou  chrétienne?  On  n*a  malheureusement 
aucun  renseignement  précis  sur  la  population  de  Ghadàmës  dans  ces 
temps  reculés. 

Au  moyen  âge,  les  doctrines  hérésiarques  de  la  secte  des  Ouaha- 
bites,  qui  paraissent  avoir  été  embrassées  avec  tant  d*ardeur  par  les 
Berbères,  firent  à  Ghadâmès  de  nombreux  prosélytes,  et,  pour  les 
docteurs  musulmans  des  rites  orthodoxes,  les  Ghadâmèsiens  ne  sont 
pas  encore  aujourd'hui  purs  de  l'accusation  d'hérésie. 

Sidi-Mohammed-el-Bakkây,  de  Timbouktou,  qui  était  à  Ghadâmès, 
de  passage,  en  même  temps  que  moi,  avait  résumé  ses  impressions 
sur  l'orthodoxie  des  modernes  habitants  de  cette  ville  dans  le  qua- 
train suivant  : 

Traduction  mot  à  mot  : 

«  Je  n*ai  pas  va  parmi  les  hommes  qui  surpassent,  eu  manque  d'hospitalité, 
«  (ceux  de)  Ghad&mës  :  aussi  je  n'emporte  de  chez  eux  que  la  certitude  qu'en  fait 
«  de  religion  ils  sont  schismatiques.  » 

Les  Ghadâmèsiens  font  partie  de  la  section  des  Berbères  que 
les  géographes  arabes  appellent  molâthemîn,  c'est-à-dire  les  voilés, 

au  moment  de  la  conquête  musulmane.  Il  a  été  écrit  par  Aboû  l"Abbfls-ben-Sa*î d 
cch-Gbemàkhi,  et  a  pour  titre  Kitàb  fi  Sahâib-el-Gholoûb ,  ou  Livre  sur  les  conqué- 
rants. Je  n'ai  eu,  jusqu'à  présent,  ni  le  temps  ni  la  santé  nécessaires  pour  le  tra- 
duire, mais  un  jour  viendra,  je  l'espère,  où  je  pourrai  extraire  de  cet  ouvrage 
tout  ce  qail  contient  d'important. 


256  TOUAREG  DU  NORD. 

parce  que ,  comme  les  Touareg,  Us  portent  un  voile  sur  la  figure. 
Mais,  quoique  voilés,  quoique  Berbères,  ils  ne  sont  pas  Touareg, 
car  ils  diffèrent  d'eux  par  leur  origine,  par  leur  dialecte,  par  leurs 
vêtements,  par  leurs  habitudes  urbaines,  enfin  par  leur  aptitude 
spéciale  à  Tindustrie  et  au  grand  commerce. 

Quatre  groupes  distincts  d'habitants  constituent  la  population  de  • 
Ghadâmès  : 

Les  Benî-Ouazît ,  Berbères,  se  prétendant  nobles  et  descendants 
des  fondateurs  de  la  ville  ; 

l^s  Benî'Oulid,  également  Berbères,  également  nobles,  également 
anciens  habitants  de  la  ville  ; 

Les  Oalâd'BellU,  Arabes,  nobles,  originaires  de  Sinâoun,  ville 
voisine  ; 

Les  'Atriya,  mélange  de  nègres  affranchis  et  des  enfants  de  sang 
mêlé  que  les  Ghadàmèsiens  ont  eus  de  leurs  rapports  avec  des 
négresses. 

Pendant  longtemps,  les  Benî-Ouazît  et  les  Benî-Oulîd  ont  été  en 
guerre  entre  eux,  et  les  quartiers  qu'ils  habitaient  étaient  isolés  les 
uns  des  autres;  aujourd'hui,  quoique  en  meilleur  intelligence,  ils 
évitent  réciproquement  de  prendre  demeure  en  dehors  du  quartier 
de  leurs  tribus. 

Les  Oulâd-Bellîl  n'ont  qu'un  rang  secondaire  dans  une  ville  prin- 
cipalement berbère. 

Les  'Atrîya,  attachés  en  qualité  de  clients  aux  familles  de  leurs 
anciens  maîtres,  comme  autrefois  les  affranchis  chez  les  Romains, 
n'ont  aucune  influence,  malgré  leur  grand  nombre,  car  il  leur  est 
interdit,  par  les  coutumes  locales,  de  franchir  l'échelon  social  qui  les 
sépare  de  la  classe  noble. 

Au  Sud-Ouest  de  Ghadâmès  est  un  plateau,  celui  de  Dhâhara,  où 
campent  les  Touareg  qui  viennent  en  ville.  Quelques-uns  même  y  sont 
à  résidence  fixe.  C'est  une  sorte  de  faubourg  targui. 

Bien  que  les  Ghadàmèsiens  parlent  l'arabe  avec  les  Arabes  qui  fré- 
quentent leur  ville,  le  temâhaq  avec  les  Touareg,  hhaoussa  avec  leurs 
esclaves,  ils  font  usage  entre  eux  d'un  dialecte  berbère  particulier  qui 
tient  le  milieu  entre  celui  des  Nefoûsa  et  celui  des  Touareg.  L'isolement 
absolu  de  leur  ville  explique  la  conservation  d'un  idiome  propre. 


CEJ^TRES  COMMERCIAUX.  257 

Les  femmes  n'ayant  aucune  relation  avec  les  étrangers,  ne  parlent 
que  le  dialecte  ghadàmèsien. 

Elles  sont  rigoureusement  cloîtrées.  11  ne  leur  est  permis  de  sortir 
dans  les  rues  que  voilées  et  le  soir  seulement,  pour  aller  chercher 
de  Teau  à  la  fontaine,  pendant  que  les  hommes  sont  à  la  mosquée. 
Mais,  pendant  le  jour,  les  terrasses  des  maisons  leur  sont  exclusive- 
ment abandonnées,  et  comme  ces  toitures  communiquent  toutes 
ensemble,  elles  peuvent  se  visiter  entre  elles,  aller  faire  leurs  em- 
plettes, sans  affronter  des  regards  indiscrets.  Cependant  presque 
toutes  sont  instruites  dans  leurs  devoirs  de  religion,  prient  aux  heures 
prescrites  et  vont  même  à  la  mosquée,  qui  reste  ouverte  pour  elles 
seules  après  la  prière  du  Maghreb. 

Le  voile  des  habitants  de  Ghadâmès  est  toujours  blanc;  presque 
tous  leurs  vêtements  viennent  du  Soudan,  et  ils  choisissent  de  préfé- 
rence ceux  d*une  couleur  claire. 

Le  costume  des  femmes  consiste  en  une  longue  gandoura,  dalma- 
tique  orientale,  qui  couvre  tout  le  corps,  et  leur  coiffure  en  une  sorte 
de  diadème  qui  donne  un  air  de  grandeur  à  leur  physionomie.  Les 
femmes  d'origine  noble  sont  toujours  voilées;  les  *Atrîyât  seules  sor- 
tent au  dehors  le  visage  découvert. 

Comme  les  nomades  Touareg,  les  Ghadâmèsiens  sont  souvent  sur 
les  routes  pour  leurs  affaires:  mais  rencontre-t-on  une  ville,  ces  der- 
niers saisissent,  en  vrais  citadins,  l'occasion  qui  leur  est  offerte 
d'aller  chercher  un  abri  sous  un  toit  protecteur,  tandis  que  les 
Touareg  semblent  tenir  à  honneur  de  ne  jamais  accepter  l'hospitalité 
dans  l'enceinte  d'une  ville,  dans  l'intérieur  d'une  maison.  On  dirait 
qu'ils  craignent  de  ne  pas  avoir  assez  d'air  à  respirer  ou  assez  d'es- 
pace pour  se  mouvoir,  s'ils  interposent  quelque  obstacle  entre  eux  et 
l'immensité  du  ciel  et  de  la  terre. 

Le  caractère  des  Ghadâmèsiens  est  grave  et  réservé;  il  se 
ressent  de  la  position  exceptionnelle  de  leur  ville  au  milieu  d'un 
désert  improductif  qui  les  oblige  à  ne  voir  de  la  vie  que  le  côté 
sérieux,  et  à  s'ingénier  à  remédier  par  le  commerce  et  l'indus- 
trie à  l'extrême  pauvreté  et  à  l'isolement  du  milieu  qui  les  a  vus 
naître. 

Leur  aptitude  au  grand  commerce  est  surtout  digne  de  remarque. 
Il  n'est  par  rare  de  trouver  à  Ghadâmès  des  maisons  ayant  des  suc- 
cursales à  Kanô,  à  Katsena  dans  le  Soudan,  à  Innbouktou  sur  le 


258  TOUAREG  DU   NORD. 

Niger,  à  Rhât  et  à  In-Sâlah  dans  le  centre  du  Sahara ,  à  Tripoli  et  à 
Tunis  sur  le  littoral  de  la  Méditerranée. 

En  voyant,  au  milieu  d'un  désert,  dans  une  ville  sans  gouverne- 
ment sérieux,  sans  autres  lois  que  celles  du* Coran,  sans  garanties 
pour  les  personnes  et  pour  les  marchandises,  sans  routes  autres  que 
des  sentiers  dont  la  trace,  comme  celle  du  sillage  du  navire,  se 
perd  à  l'instant  du  passage  ;  en  voyant,  dans  de  semblables  condi- 
tions, des  maisons  de  commerce  embrasser  des  marchés  si  nombreux 
et  si  .différents,  et  à  des  distances  aussi  considérables,  on  se  demande 
si  le  mirage  saharien  ne  grossit  pas  un  peu  trop  les  objets  et  ne  mul- 
tiplie pas  les  relations.  Cependant  le  doute  ne  peut  être  permis, 
car  le  contrôle  le  plus  sévère  démontre  que  le  commerce  du  littoral 
méditerranéen  avec  l'Afrique  centrale  et  les  villes  intermédiaires, 
sauf  la  portion  dévolue  au  Maroc,  est  en  presque  totalité  aux  mains 
des  Ghadàmèsiens  ou  de  leurs  correspondants. 

La  priorité  et  la  fidélité  des  relations,  le  génie  commercial,  de 
grandes  richesses  acquises  et  multipliées  par  la  plus  sévère  économie, 
une  prudence  consommée,  des  alliances  solides  avec  les  Touareg,  ne 
suffisent  pas  pour  expliquer  comment  une  bourgade,  isolée  de  l'uni- 
vers par  la  solitude  des  déserts,  a  pu  perpétuer,  à  travers  tant  de 
siècles  et  au  milieu  de  tant  de  révolutions,  des  entreprises  aussi  con- 
sidérables; il  a  fallu  encore  que  le  besoin  de  rapports  entre  le  Nord 
et  le  Sud  fût  une  nécessité  impérieuse,  et  que  le  commerce,  objet  de 
ces  rapports,  fût  lucratif,  respecté  et  non  soumis  aux  avanies  et  aux 
risques  de  perte  qui  ont  valu  aux  pirates  du  Sahara  la  réputation 
dont  ils  jouissent  parmi  nous. 

Je  n'anticiperai  pas,  pour  démontrer  qu'il  en  est  ainsi,  sur  une 
matière  qui  ne  peut  être  traitée  incidemment;  cependant  je  crois 
utile  de  prouver  immédiatement,  par  des  faits  authentiques,  que  les 
bénéfices  du  commerce  saharien  sont  énormes,  et  que  les  risques 
sont  à  peu  près  nuls,  si  le  commerçant  se  soumet  aux  coutumes  res- 
pectées du  pays. 

Peu  de  temps  après  mon  arrivée  à  Ghadâmès,  je  reçus  la  visite 
d'un  marchand  qui,  à  Kanô,  avait  prêté  à  M.  le  docteur  Barth,  lors  de 
son  retour  deTimbouktou,  de  l'argent  au  taux  fabuleux  de  100  pour  % 
pour  quatre  mois.  L'ayant  dérisoirement  complimenté  sur  sa  libé- 
ralité ,  il  me  répondit  :  «  Mais ,  je  ne  lui  ai  demandé  que  ce  que 
m'eût  rapporté,  dans  le  môme  laps  de  temps,  pareille  somme  em- 


CENTRES  COMMERCIAUX.  259 

ployée  en  achat  d'ivoire  et  sans  courir  l'ombre  de  chance  de  perte.  » 

Il  est  d'ailleurs  accepté  par  tous  les  Sahariens,  comme  axiome 
proverbial,  que,  pour  s'enrichir,  il  suffît  de  faire  un  voyage  au 
Soudan. 

Mais  voici  d'autres  faits  qui  éclairent  encore  mieux  la  ques- 
tion : 

M.  le  capitaine  de  Bonnemain ,,  dans  le  compte  rendu  de  son 
voyage  à  Ghadâmès  en  1856,  dit  :  «  La  plupart  des  caravanes  qui 
«  arrivent  à  Ghourd-  Taferiest  (environ  moitié  chemin  entre  El-Ouâd 
«  et  Ghadâmès)  ont  l'habitude  d'y  déposer,  à  ciel  ouvert,  une  partie 
a  des  provisions  qui  doivent  leur  servir  pour  le  retour;  il  n'y  a  pas 
«  à  craindre  que  d'autres  voyageui^s  songent  à  s'en  emparer. 

«  Au  retour,  ajoute  M.  de  Bonnemain,  la  caravane  reprit  les  vivres 
«  qu'elle  avait  déposés  à  son  passage.  » 

Sur  la  même  ligne,  mais  par  un  chemin  différent,  en  1860,  j'ai 
aussi  trouvé  des  marchandises  ainsi  confiées  à  la  garde  de  Dieu. 

M.  Ismayl-Boû-Derba,  entre  Ouarglâ  et  Rhât,  a,  comme  M.  de 
Bonnemain,  déposé  et  retrouvé  des  provisions  de  retour  à  mi-chemin  ; 
comme  moi,  il  a  remarqué  en  route  des  ballots  abandonnés  par 
d'autres  caravanes. 

Sur  les  routes  de  Mourzouk  et  de  Rhât  au  Soudan ,  tous  les  voya- 
geurs européens  ont  rencontré  sur  leur  passage  des  charges  de  mar- 
chandises attendant  le  retour  de  leur  propriétaire  pour  être  rendues 
h  destination. 

Dans  les  caravanes,  disent  tous  les  indigènes,  il  n'y  a  pas  de 
bêtes  de  somme  de  rechange.  Quand  un  chameau  vient  à  périr  ou  se 
trouve  dans  l'impossibilité  de  continuer  à  porter  son  fardeau,  on 
laisse  sa  charge  sur  la  route,  avec  la  certitude  de  la  retrouver  intacte, 
attendît-on  une  année  pour  venir  la  chercher. 

Je  ne  cite  pas  ces  faits  pour  en  tirer  la  xîonclusion  que  toutes  les 
routes  sahariennes  offrent  plus  de  sécurité  que  les  routes  euro- 
péennes. Non.  Il  y  a  dans  le  Sahara  des  roules  protégées  par  des 
populations  auxquelles  les  caravanes  paient  un  faible  droit  de  pas- 
sage pour  prix  de  leurs  services.  Ces  routes,  généralement  suivies 
par  les  caravanes,  offrent  les  exemples  de  sécurité  que  je  viens  de 
rapporter.  D'autres,  celles  qui  traversent  des  territoires  en  proie  à 
l'anarchie,  ne  sont  plus  dans  les  mêmes  conditions;  les  caravanes 
fortes  et  armées,  seules,  peuvent  les  parcourir,  cx)m me  les  navires 


260  TOUAREG  DU  NORD. 

pourvus  de  moyens  de  défense  peuvent,  seuls  ,  fréquenter  certaines 
mers. 

L'industrie,  ai-je  dit,  est  aussi  un  des  éléments  d'activité  de  Gha- 
dàmès.  En  effet,  on  y  trouve  tons  les  corps  de  métiers  qu'exige  l'iso- 
lement de  la  ville  :  tailleurs,  tisserands,  cordonniers,  tanneurs,  for- 
gerons, selliers,  bijoutiers,  menuisiers,  maçons,  et  ces  professions 
sont  généralement  exercées  de  père  en  fils  dans  la  même  famille. 
Déjà,  au  xi«  siècle,  Ghadàmès  était  renommée  pour  le  travail  des 
cuirs ^  et  elle  a  conservé  cette  réputation  justement  méritée,  car 
nulle  part,  en  Afrique,  on  ne  fait  d'aussi  bonnes  chaussures. 

L'industrie  agricole,  quoique  limitée  à  la  culture  des  jardins 
compris. dans  le  mur  d'enceinte  de  l'oasis,  occupe  un  certain  nombre 
de  bras,  l'isolement  de  la  ville  obligeant  ses  habitants  à  y  pratiquer 
la  culture  la  plus  intensive  possible.  Les  engrais  et  les  irrigations  n'y 
sont  pas  négligés. 

Les  eaux  d'irrigation  sont  fournies  par  des  puits  et  par  la  source 
qui  donne  des  eaux  alimentaires  à  la  population. 

Le  débit  total  de  la  source  est  divisé,  sur  une  rotation  de  treize 
jours,  en  925  dermîsa,  subdivisées  elles-mêmes  en  6,&75  qâdoûs, 
qu'un  fonctionnaire  répartiteur  distribue  à  tous  les  ayant  droits 
d'après  un  règlement  municipal  religieusement  observé. 

Le  qàdoûs  étant  la  500«  partie  du  volume  des  eaux  fourni  par  la 
source  dans  les  2k  heures,  correspond  à  une  part  journalière  de 
2"  53*  du  débit  total,  soit,  en  nombre  rond,  trois  minutes. 

La  dermîsa  se  composant  de  sept  qâdoûs,  représente  20"  !!■  du 
volume  total  fourni  en  treize  jours,  soit  20"  11*  répartis  sur  18,720", 

La  dermîsa  arrose,  en  moyenne,  une  superficie  indéterminée 
couverte  de  64  dattiers*,  à  l'ombre  desquels  sont  cultivés  d'autres 
arbres  et  toutes  les  plantes  maraîchères  que  consomment  les  habi- 
tants de  l'oasis. 

Toutes  les  eaux  d'irrigation  appartiennent  au  gouvernement,  qui 
en  aliène  la  jouissance  perpétuelle  aux  familles  propriétaires  des  jar- 
dins. La  dermîsa  est  louée  80  riâl  sebili  par  an,  soit  55  fr.  20.  L'en- 


^  ■  i.  Voir  :  Description  de  V Afrique,  par  un  anonyme,  texte  arabe  publié  à 

Vienne ,  par  M.  A.  de  Kremer,  1851. 

2.  D*après  les  habitants,  le  nombre  des  palmiers  de  Toasis  s'élèverait  à  63,000, 
mais  j'ignore  si  cette  estimation  est  le  résultat  d*an  dénombrement  régulier,  ancien 
9)1  moderne. 


CENTRES  COMMERCIAUX.  261 

semble  des  eaux  rapporte  donc  à  TÉtat  environ  50,000  fr.  par  an*. 

L'usufruitier  d'une  dermîsa  ainsi  que  ses  héritiers  en  disposent 
comme  s'ils  en  étaient  propriétaires,  sous  la  réserve  qu'à  l'extinction 
de  la  famille  du  tenancier  le  droit  de  libre  disposition  fait  retour  à 
rÉtat. 

Cette  sage  mesure,  conforme  aux  règles  de  l'islamisme  sur  l'ap- 
propriation des  eaux,  a  pour  but  de  prévenir  l'accaparement  d'un 
produit  naturel  indispensable  à  tous  et  inséparable  de  la  terre  qu'il 
doit  féconder. 

Les  eaux  de  la  source  sont  recueillies  dans  un  vaste  bassin,  de 
construction  ancienne,  assez  étendu  et  assez  profond  pour  qu'on  y 
puisse  nager  à  l'aise;  de  ce  bassin,  elles  sont  réparties  dans  l'oasis^ 
par  cinq  canaux  également  de  construction  ancienne. 

En  langue  temàhaq ,  cette  source  porte  le  nom  d!arhechchoùf,  mot 
dont  la  racine  est  la  même  que  celle  de  arhôchchâf,  crocodile;  non 
que  le  crocodile  y  ait  jamais  existé,  mais  parce  que  le  nom  temôhaq 
du  crocodile  signifierait  Vanimal  des  sources  ou  des  eaux  vives. 

L'étude  des  terrains  environnants  et  des  puits  de  l'oasis,  ainsi  que 
la  température*  élevée  des  eaux  de  la  source,  paraissent  à  M.  Vatonne 
des  indications  suffisantes  pour  faire  espérer  qu'avec  un  sondage  de 
120  mètres  on  pourrait  atteindre  la  nappe  qui  alimente  la  source 
actuelle  et  augmenter  dans  des  proportions  considérables  le  volume 
des  eaux  de  Ghadâmès  et  des  environs. 

Je  m'assode  volontiers  à  ces  espérances,  non-seulement  pour 
Ghadâmès,  mais  encore  pour  beaucoup  d'autres  points  du  Sahara. 

Pour  Ghadâmès  en  particulier,  la  question  des  relations  commer- 
ciales avec  l'Algérie  serait  bien  simpliûée,  si,  à  la  limite  de  notre 
frontière,  des  forages  artésiens  permettaient  d'y  établir  une  coloniie'. 
de  Souâfa,  succursale  d'El-Ouàd,  le  plus  avancé  de  nos  marchés  dans 
le  Sud-Est. 

Un  entrepôt  de  marchandises  françaises,  installé  dans  cette  co- 
lonie, offrirait  au  commerce  de  Ghadâmès  beaucoup  de  produits  qui 
lui  manquent  aujourd'hui ,  et  entre  autres  ceux  d'Alger  et  de  l'indus- 
trie orientale  des  Maures  d'Alger. 

1.  Ces  cbiffireft  sont  ceux  qui  m'ont  été  donnés  en  1860.  Ceux  foamis,  en  1862 , 
à  M.  le  lieutenant-colonel  Mircher,  sont  plus  élevés. 

2.  Voir,  pour  la  température  et  Tanalyse  des  eaux  de  la  source ,  liv.  I,  chap.  iii , 
pages  34  et  32. 


262  TOUAREG  DU  NORD. 

En  attendant  que  Tavenir  réalise  ou  démente  ces  espérances,  je 
reviens  à  l'état  actuel  du  principal  centre  commercial  de  la  ïripoli- 
taine. 

La  physionomie  de  la  ville  de  Ghadâmès  répond  très-bien  au  degré 
de  développement  industriel  et  commercial  de  ses  habitants,  à  leur 
richesse,  à  leur  intelligence  et  à  leur  moralité. 

Les  maisons  vastes,  bien  aérées,  blanchies  à  la  chaux,  sont  sou* 
vent  à  plusieurs  étaglss. 

Les  rues  sont  presque  toutes  couvertes,  pour  leur  conserver  le 
plus  de  fraîcheur  possible. 

Dans  les  rues  principales,  des  boutiques  de  détail,  boutiques 
à  la  façon  de  Berbèrie,  bien  entendu,  consistant  en  un  étal  et  uo 
siège  pour  le  débitant ,  pourvoyent  aux  besoins  journaliers  des  cita^ 
dins. 

Un  marché  hebdomadaire,  qui  se  tient  tous  les  vendredis  sur  la 
place  d'El-'Aouîna,  supplée,  par  des  apports  étrangers,  aux  approvi- 
sionnements quotidiens  des  boutiquiers  ordinaires.  Là,  comme  sur  la 
plupart  des  marchés  de  consommation  deTintérieur,  les  denrées  sont 
vendues  à  l'encan.  L'importance  de  ce  marché  varie  suivant  les  sai- 
sons, les  arrivées  ou  les  départs  des  caravanes.  Pendant  mon  séjour, 
on  y  vendait,  par  marché,  environ  300  moutons  destinés  à  la  bou- 
cherie. 

Des  boucheries,  des  boulangeries  et  des  biscuiteries,  à  l'usage  de 
la  population  flottante,  remplacent  pour  les  étrangers  les  abatages  et 
la  fabrication  de  pain  qui,  pour  les  habitants  sédentaires,  s'effectuent 
dans  l'intérieur  de  chaque  famille. 

Des  fontaines,  dans  chaque  quartier,  donnent  abondamment  l'eau 
à  tous. 

Enfin,  ce  qui  ne  se  voit  dans  aucune  autre  partie  du  Sahara,  l'en- 
semble des  plantations  de  palmiers  est  entouré  d'un  mur  de  défense, 
en  ruines,  il  est  vrai,  sur  plusieurs  points,  quoiqu'il  porte  des  traces 
de  différentes  reconstructions.  (  Voir  la  planche  ci-contre.) 

Sans  doute ,  Ghadâmès,  ville  souvent  réédiûée,  n'offre  ni  la  régu 
larité  ni  le  confortable  des  cités  européennes  modernes  ;  mais  dans 
le  jugement  que  je  porte  sur  son  assiette,  je  ne  puis  raisonnablement 
que  la  comparer  aux  autres  centres  sahariens,  et  je  n'hésite  pas  à  lui 
accorder  un  rang  distingué  entre  toutes  ses  rivales. 

Les  principaux  quartiers  de  la  ville  sont  :  In-Djoûra,  Taskô,  Tin- 


CENTRES  COMMEaCIAUX.  3Ô8 

Guezzîn,  Taferfar,  El-Aouîna  ou  Benî-Màzigh,  Amaendj,  Aydrâr, 
Djer-Essân  et  Oulâd-Bellîl. 

7,000  habitants  environ  peuplent  ces  divers  quartiers. 

La  population  flottante  varie  avec  les  départs  et  les  arrivées  des 
caravanes. 

Une  seule  grande  porte  donne  accès  dans  la  ville,  ce  qui  rend  la 
surveillance  des  entrées  et  des  sorties  plus  facile. 

A  l'époque  de  mon  séjour  à  Ghadâmès  (1860),  l'autorité  politique 
et  administrative  des  Turcs  y  était  représentée  par  un  moûdîr,  assisté 
d'un  kaououâs. 

La  fonction  de  moûdîr  correspond  à  celle  de  k^^d  des  tribus  algé- 
riennes. 

La  force  publique  mise  à  la  disposition  de  cette  autorité  supérieure 
consistait  en  quelques  Arabes  du  Djebel-Nefoûsa ,  quelquefois  au 
nombre  de  quatre  seulement,  envoyés  en  corvée  pour  trois  mois,  par 
le  kâïmakâm  du  Djebel,  duquel  Ghadâmès  dépendait.  Pour  empêcher 
cette  garnison  temporaire  de  rentrer  dans  ses  foyers  avant  l'expi- 
ration du  délai  fixé,  le  moûdîr  était  obligé  de  prendre  en  gage  ses 
fusils. 

La  mission  de  ce  simulacre  de  gendarmerie,  sans  armes,  était  de 
garder  la  porte  de  la  ville,  de  prêter  main-forte  au  chef  de  la  douane, 
pour  l'acquittement  des  droits,  et  de  servir  de  chaouch  ou  agents  de 
police  au  moûdîr. 

A  la  fin  de  1862,  quand  une  mission  française  s'est  rendue  à 
Ghadâmès  pour  y  conclure  un  traité  de  paix  avec  les  Touareg,  cette 
ville  ayant  été,  par  un  édit  de  la  Porte  Ottomane,  placée  sous  le  régime 
de  la  liberté  commerciale,  la  garde  protectrice  de  la  douane  avait  été 
supprimée  avec  elle,  et  Ghadâmès  offrait  le  spectacle,  peut-être  unique 
dans  le  monde,  d'une  ville  relevant  d'une  autorité  étrangère  repré- 
sentée par  un  seul  agent,  le  moûdîr. 

Mais,  depuis,  cet  âge  d'heureuse  quiétude  a  disparu.  Le  kaîd 
algérien,  'Aly*Bey,  ayant  franchi  les  dunes  de  F'Erg  avec  une  troupe 
(goûm)  de  cavaliers  Souâfa  et  Rouâgha,  pour  venir  faire  escorte  aux 
missionnaires  officiels  à  leur  retour,  la  paisible  population  de  Gha- 
dâmès s'est  crue  menacée  de  conquête  et  a  obligé  le  gouvernement 
de  Tripoli  à  prendre  des  mesures  pour  la  défendre  au  cas  de  néces- 
sité. 

Au  moûdîr  a  succédé  un  pacha;  une  garnison  de  Turcs  (redîf). 


264  TOUAREG  DU  NORD. 

envoyée.  d'Europe  et  renforcée  de  cavaliers  du  Sàhel  [hacki-bouzouk]^ 
est  venue  occuper  la  place. 

Désormais  Ghadâmès  est  devenue  le  chef-lieu  d'un  kâïmakâmlik 
saharien  relevant  de  Tripoli,  et  embrassant,  dans  sa  circonscription  , 
une  partie  du  Fezzàn. 

Cette  organisation,  fondée  sur  la  peur,  n'est-elle  que  transitoire? 
Je  rignore.  Quoi  qu'il  en  soit  de  craintes  sans  motifs  *,  je  ne  puis  que 
me  réjouir  de  voir  un  nouvel  élément  d'ordre  introduit  dans  le  pays. 

De  1850  à  1858,  le  gouvernement  anglaisa  entretenu  à  Ghadâmès 
un  vice-consul,  probablement  en  vue  de  surveiller  le  commerce  des- 
nègres.  Ce  consulat  est  aujourd'hui  supprimé,  ainsi  que  celui  de 
Mourzouk. 

La  création  d'une  agence  consulaire  de  France,  beaucoup  plus 
nécessaire,  est  à  l'état  de  projet  depuis  plusieurs  années.  Elle  ne 
tardera  pas,  sans  doute,  à  être  installée,  car  les  intérêts  des  Touareg, 
devenus  aujourd'hui  nos  alliés,  ainsi  que  ceux  de  notre  commerce, 
réclament  cette  institution. 

La  cité  est  administrée  par  un  cheikh,  avec  le  concours  d'une 
assemblée  libre  des  notables  {djema*a),  suivant  les  anciennes  cou- 
tumes municipales  des  Berbères. 

Ce  fonctionnaire,  nommé  par  l'autorité  politique  locale,  est  le 
véritable  magistrat  de  la  ville. 

La  justice  est  rendue,  au  nom  du  sultan  de  Constantinople ,  par 
un  kâdhi,  qui  reçoit  son  investiture  de  l'autorité  judiciaire  de  Tripoli. 

Un  imâm  est  le  chef  de  la  religion ,  en  même  temps  que  le  sup- 
pléant du  kâdhi. 

L'instruction  publique  est  représentée  par  un  mouderris  ou  maître 
d'école. 

En  1860,  le  moûdîr  seul  recevait  un  traitement  de  l'État. 

La  garde  n'était  ni  payée  ni  nourrie. 

Le  cheikh ,  le  kàdhi  et  l'imâm  n'avaient  d'autres  honoraires  que 
ceux  inhérents  à  leurs  fonctions  et  payés  directement  par  les  admi- 
nistrés. 

Le  maître  d'école  et  les  amîn  des  corporations  avaient,  pour 
toute  rétribution,  la  jouissance  d'une  portion  d'eau. 

1.  Pendant  quinze  jours.,  les  Turcs  de  Tri poU  ont  cru  qu*  'Aly-Bey  s'était  em- 
paré de  Ghadâmès ,  et  on  affirmait  que  des  Français  déguisés ,  venus  avec  lui,  con- 
struisaient un  fott  près  du  bassin  de  la  source. 


CENTRES  COMMERCIAUX.  265 

Dans  6es  condidoDs,  le  budget  des  dépenses  s'élevait  à  3,500  fr., 
chiffre  du  traitement  du  moûdîr. 

Le  budget  des  recettes,  non  compris  les  produits  de  la  douane  et 
des  locations  d'eau,  s'élevait  à  2,500  mitkhal  d'or,  soit  30,937  fr. 
50  c,  au  taux  du  change  de  l'époque. 

11  parait  que,  nonobstant  la  levée  des  droits  de  douane,  l'impôt 
mobilier  et  immobilier  a  aussi  subi  une  réduction,  car,  d'après  M.  le 
lieutenant-colonel  Mircher,  en  1862,  il  avait  été  fixé  à  21,000  francs 
seulement. 

L'érection  du  moùdîrît  en  kàïmakâmlik,  avec  des  charges  in- 
connues jusque-là,  aura  probablement  fait  augmenter  la  part  d'impôt 
de  Ghadâmès,  car  les  Turcs  ont  pour  habitude  de  mettre  au  compte 
des  populations  les  dépenses  que  leur  protection  occasionne. 

Quel  que  soit  l'avenir  réservé  au  nouvel  ordre  de  choses,  la 
force  de  l'habitude,  comme  celle  de  la  nécessité,  maintiendra  l'ad- 
ministration intérieure  de  la  ville  aux  mains  des  notables  com- 
merçants du  pays  et  le  gouvernement  des  relations  extérieures  au 
pouvoir  des  chefs  Touareg,  car,  sans  une  alliance  intime  des  maîtres 
des  routes  et  des  propriétaires  des  marchandises  qui  alimentent  le 
commerce  de  la  place,  Ghadâmès,  déjà  en  décadence  depuis  l'aboli- 
tion de  la  traite,  ne  tarderait  pas  à  devenir  une  ville  morte,  inhabi- 
table môme  pour  ses  habitants,  en  raison  du  haut  prix  de  toutes  les 
denrées  de  consommation. 

En  vain  le  drapeau  de  la  Porte  Ottomane,  dans  les  circonstances 
solennelles,  est  hissé  à  Ghadâmès,  sur  une  maison  à  loyer  qu'y  occupe 
un  gouverneur  turc;  en  vain  l'acquittement  volontaire  d'un  faible 
impôt,  tribut  religieux  autant  que  politique,  semble  sanctionner  la 
reconnaissance  d'une  autorité  étrangère  :  Ghadàmèsiens  et  Touareg 
Azdjer,  unis  entre  eux  par  les  liens  du  sang  et  de  l'intérêt,  se  consi- 
dèrent réciproquement  comme  faisant  partie  de  la  môme  confédé- 
ration. En  frères  associés  à  la  môme  entreprise,  les  uns,  maîtres  de 
l'espace,  forts,  actifs,  protègent  sur  les  routes  les  convois  de  leurs 
clients;  les  autres,  maîtres  de  la  fortune  et  des  relations  qui  permet- 
tent d'acheter  des  vivres  et  des  vêtements  au  dehors,  donnent  libé- 
ralement à  leurs  protecteurs  ce  qui  est  nécessaire  à  leur  existence. 

La  sollicitude  et  les  égards  des  commerçants  de  Ghadâmès  pour 
les  Touareg,  grands  et  petits,  révèlent  combien  est  intime  l'union  des 
deux  populations. 


266  TOUAREG  DU  NORD, 

Que  chaque  maison  de  commerce  pourvoie  aux  besoins  de  la 
famille  de  son  protecteur  particulier  et  prévienne  môme  ses  désirs: 
rien  de  plus  naturel  que  la  réciprocité  des  services  rendus. 

Mais  là  ne  se  bornent  pas  les  bons  offices  des  citadins  envers  les 
nomades. 

Un  chef  targui  tombe- 1- il  dans  la  misère,  la  corporation  des 
marchands  l'invite  à  venir  habiter  la  ville ,  l'entretient  et  le  nourrit. 

L'un  des  Touareg,  homme  libre  ou  serf,  vient-il  en  ville  pour  ses 
affaires,  le  repas  de  l'hospitalité  lui  est  donné  pendant  toute  la  durée 
de  son  séjour. 

Des  mendiante  se  permettent-ils  d'enfoncer  les  portes  d'une  mai- 
son qui  ne  s'ouvrent  pas  assez  vite,  on  s'excuse  de  n'avoir  pas  deviné 
qu'ils  étaient  Touareg. 

Par  extraordinaire,  des  Touareg  ont-ils  quelques  démêlés  avec 
l'autorité  turque,  aussitôt  les  notables  habitants  interviennent  pour 
éviter  tout  conflit  en  prenant  à  leur  charge  la  responsabilité  des 
fautes  commises,  et  l'autorité  s'associe  à  la  prudence  de^  habitante. 

Ghadàmès,  nominalement  vassale  de  la  Porte  Ottomane,  obliga- 
toirement tributaire  de  Tripoli  pour  ses  besoins  commerciaux,  est  donc 
bien  plus  une  ville  neutre  qu'une  ville  d'État,  et  si  elle  était  mise  en 
demeure  d'arborçr  le  drapeau  d'ime  nationalité,  tout  l'obligerait  à 
adopter  celui  des  Touareg. 

De  cette  situation,  je  conclus  que  la  convention  commerciale  signée 
à  Ghadàmès  le  26  novembre  1862,  par  les  principaux  chefs  des  Toua- 
reg Azdjer  et  les  délégués  du  gouvernement  général  de  l'Algérie,  engage 
aussi  bien  la  corporation  des  commerçante  de  Ghadàmès  que  les 
Touareg  eux-mêmes,  quoique  la  convention  n'en  fasse  pas  une  mention 
spéciale,  mais  les  deux  parties  contractantes  l'ont  explicitement  com- 
pris ainsi. 

S  II.  —  RhAt. 

Rhât  est  une  ville  berbère,  indépendante  des  Touareg,  quoiqu'elle 
soit  assise  au  milieu  jie  leurs  campemente  et  quoiqu'elle  relève  de 
leur  protectorat. 

Sa  position,  au  débouché  de  la  gorge  d'Ouaràret  et  de  la  vallée 
du  Tânezzoûft,  sur  la  grande  voie  commerciale  de  Tripoli  au  Soudan, 
en  un  point  riche  en  eaux  de  sources  et  en  terres  susceptibles  de 


CENTRES  COMMERCIAUX.  267 

culture,  semble  Tavoir  prédestinée  au  rôle  qu'elle  joue  au  milieu  de 
populations  nomades. 

D*aprës  la  tradition  locale,  la  fondation  de  Rhât  daterait  de  quatre 
ou  cinq  siècles  au  plus ,  ce  qui  explique  le  silence  des  auteurs  arabes 
du  moyen  âge  à  son  sujet. 

Mais  la  môme  tradition  lui  donne  pour  fondateurs  une  tribu 
berbère  noble,  les  Ihâdjenen,  avec  le  concours  des  Kêl-Rhâfsa,  des 
Kêl-Tarât,  des  Tél-Telaq  et  des  Ibakammazôn,  également  Berbères, 
mais  d'origine  moins  noble  que  les  Ihâdjenen. 

La  coopération  des  Kêl-Rhâfsa  à  la  restauration  de  la  ville  mo- 
derne permet  de  lui  assigner  une  origine  ancienne  et  de  retrouver 
l'emplacement  d'un  des  centres  de  population  vaincus  par  les  armées 
romaines  dans  l'expédition  de  la  Phazanie. 

En  effet,  Pline  {Hist.  natur.,  Lib.  V,  c.  6)  nous  apprend,  d'après 
les  auteurs  du  temps,  que  parmi  les  peuples,  les  villes  et  les  lieux 
dont  la  conquête  a  valu  les  honneurs  du  triomphe  à  Cornélius  Balbus, 
figure  le  nom  de  Rapsa,  qualifiée  oppidum. 

V oppidum  des  Romains  était  une  ville,  avec  enceinte  fortifiée,  dans 
une  position  stratégique. 

Sans  doute,  cet  oppidum  commandait  le  4>apaY^  Fapapuxvrixi 
de  Ptolémée,  comme  Rhât  moderne  commande  VAghelâd  d'Ouarârel. 

Les  noms  ont  changé,  mais  les  hommes  et  les  choses  sont  restés 
les  mêmes.  Les  gens  de  l'antique  Rapsa,  les  Kêl-Rhàfsa  de  l'époque 
moderne,  trop  faibles  pour  défendre  par  leurs  seules  forces  une  posi- 
tion qui  peut  à  juste  titre  être  considérée  comme  une  des  clefs  du 
plateau  central  du  Sahara,  auront  du  s'associer  avec  les  seigneurs 
Ihâdjenen  et  leurs  serviteurs,  pour  restaurer  leur  ville  sous  un  nom 
dont  l'étymologie  nous  échappe,  Kêl-Rhât,  gens  de  Rhât,  mais  qui  doit 
être  emprunté  à  des  circonstances  locales,  car  trois  des  portes  de  la 
ville,  contre  l'habitude,  portent  le  nom  commun  de  Tœmelrhàt,  et 
une  quatrième  celui  de  Tafelrhât. 

Une  exploration  spéciale  permettrait  peut-être  de  retrouver  dans 
les  constructions  modernes  de  Rhât  des  traces  de  l'ancienne  Rapsa; 
il  est  regrettable  que  la  jalousie  superstitieuse  de  ses  habitants  n'ait 
pas  encore  permis  de  rechercher  si  l'emplacement  de  Yoppidum  des 
Romains  était  là ,  ou  dans  quelque  autre  ville  du  voisinage  habitée 
jadis  par  les  Kêl-Rhâfsa. 

La  petite  confédération  à  laquelle  la  Rapsa  des  anciens  dut  sa 


268  TOUAREG  DU  NORD. 

résurrection  porta  d'abord  le  nom  deKêl-Rhât,  qu'elle  conserva  jusqu'à 
ce  jour,  concurremment  avec  le  nom  arabe  de  Rhâtïa.  Mais  ce  n'est  pas 
leseul  changement  à  noter  dais  l'histoire  de  cette  petite  agglomération. 

Les  Ihàdjenen,  frères  consanguins  des  Touareg,  liés  d'une  étroite 
amitié  avec  eux,  ont  longtemps  conservé  leur  autonomie  sous  le  pro- 
tectorat dévoué  de  leurs  puissants  alFiés.  La  bonne  harmonie  entre 
deux  pouvoirs  indépendants  l'un  de  l'autre  s'explique,  d'un  côté,  par 
la  répulsion  instinctive  des  Touareg  pour  l'habitation  dans  les  villes, 
par  le  besoin  qu'ils  avaient  d'un  centre  commun  d'intérêts,  et,  de 
l'autre  côté,  par  la  nécessité  qu'il  y  avait  pour  les  Ihàdjenen  d'être  en 
relations  amicales  avec  des  peuplades  les  environnant  de  toutes  parts 
et  pouvant  ouvrir  ou  fermer  les  routes  aboutissant  à  leur  ville. 

Dès  le  début,  la  cité  de  Rhât  s'est  d'ailleurs  signalée  par  une  con- 
stitution administrative  et  gouvernementale  fort  simple,  mais  très- 
bien  entendue  : 

Pour  les  affaires  intérieures,  une  municipalité  élective,  issue  de  la 
tradition  berbère,  administrait  sans  contrôle; 

Pour  les  affaires  extérieures,  un  cheikh  héréditaire,  sorte  de  sul- 
tan, comme  ceux  deTougourt,  d'Ouarglà  etd'Agadez,  gouvernait,  sous 
le  titre  d'amghâr,  et  défendait  l'indépendance  des  Ihàdjenen. 

La  tradition  a  conservé  les  noms  de  ces  anciens  sultans;  les  voici 
dans  l'ordre  chronologique  : 

Khammadi , 

Ahmâdou , 

EI-Hâdj-Mohammed-Settaqa, 

El-Hàdj-Arhdâl , 

Arhdâl, 

El-Hàdj-Khatîta, 

El-Hâdj-Bel-Qàsem ,  qui  régnait  au  commencement  de  ce  siècle, 

Enûn,  Mohammed-Ould-Arhdâl. 

Mohammed-ould-Ardhâl  devait  clore  la  série  des  sultans  d'origine 
Ihàdjenen  pure,  par  application  d'une  loi  locale  sur  les  successions  à 
laquelle  les  Ihàdjenen  doivent  la  fondation  d'une  dynastie  et  Rhât  le 
développement  de  sa  prospérité,  mais  qui,  par  un  retour  des  choses 
d'ici-bas,  pourra  bien  faire  perdre  à  cette  ville  son  indépendance,  si . 
ce  n'est  sa  fortune. 


CENTRES  COMMERCIAUX.  269 

Dans  le  Sahara,  les  tribus  d'origine  berbère,  suivant  l'ordre  de 
succession  en  usage,  sont  ou  Ebna-SÎd  {fils  de  leur  père)  ou  RenÎ-Oum- 
MÏA  {fils  de  leur  mère). 

Les  Ihâdjenen  étaient  Benî-Oummïa  et,  à  Rhât,  comme  chez  les 
Touareg,  comme  dans  d'autres  tribus  berbères,  la  transmission  du 
pouvoir  n'a  pas  lieu,  ni  d'après  la  loi  musulmane,  ni  d'après  la 
coutume  générale  des  autres  peuples,  en  ligne  directe,  du  père  au 
fils,  mais  par  voie  indirecte,  du  défunt  au  fils  aîné  de  sa  sœur  aînée. 

Dans  le  Livre  suivant,  exclusivement  consacré  aux  Touareg,  cette 
loi  sera  l'objet  d'un  examen  tout  particulier;  toutefois,  je  dois  dire, 
avant  de  passer  outre,  que,  par  ce  mode  de  succession,  les  Rerbères 
Benî-Oummïa  croient  mieux  assurer  la  transmission  du  sang.  En 
effet,  la  sœur,  fille  d'une  mère  consanguine,  transmet  certainement  à 
son  fils  une  parcelle  du  sang  de  son  frère,  quel  que  soit  le  père,  tandis 
que  l'épouse  infidèle  introduit  un  sang  étranger  dans  la  famille. 

Comme  complément  de  cette  loi,  les  mariages  avec  des  étrangers 
sont  interdits,  mais  quand  les  familles  s'éteignent,  résultat  presque 
inévitable  des  alliances  trop  rapprochées;  quand  les  seuls  survivants 
sont  des  femmes,  il  faut  bien  que  ces  femmes  aillent  chercher  des 
époux  en  dehors  de  la  famille. 

C'est  ce  qui  est  advenu  aux  princes  Ihâdjenen.  La  sœur  de 
Mohammed-Ould-Arhdàl  a  du  se  marier  avec  un  riche  négociant  du 
Touât,  et  de  ce  mariage  est  né  un  fils,  El-HâdjrAhmed-Ould-es-Saddîq, 
et  à  la  mort  du  dernier  amghàr,  le  fils  du  touâti  s'est  trouvé,  par 
droit  de  naissance,  cheikh  héréditaire  de  Rhât. 

Depuis  longtemps,  les  descendants  des  fondateurs  de  Rhât  étaient 
en  minorité  —  tant  il  est  vrai  que  des  nomades  se  perpétuent  diffi- 
cilement dans  l'enceinte  d'une  ville  —  et  ils  avaient  été  remplacés 
par  une  nouvelle  génération  d'enfants  issus  du  mariage  des  Rhâtiennes 
avec  les  nombreux  marchands  de  Ghadâmès,  du  Touât,  de  Sôkna  et 
de  Djâlo,  venus  à  Rhât  pour  profiter  des  avantages  de  son  commerce. 

Quand  s'est  produit  le  fait  nouveau  d'un  fils  de  touâti  arrivant 
au  pouvoir,  les  nombreux  étrangers,  composant  aujourd'hui  la  grande 
majorité  de  la  population  de  la  ville,  ont  trouvé  tout  naturel  qu'un 
étranger  comme  eux  fût  le  souverain  du  pays,  et  El-Hâdj-Ahmed  fut 
accueilli  avec  faveur.  Toutefois,  il  ne  prit  que  le  titre  de  cheikh  et 
non  celui  d'amghâr. 

Mais  cette  substitution  d'an  Arabe  touâti  à  un  Berbère  ihâdjeni 


270  TOUAREG  DU   NORD. 

blessait  Tamour-propre  berbère  des  Touareg,  et,  depuis  lors,  à  de 
bons  rapports  entre  les  Rhàtiens  et  les  Azdjer  a  succédé  une  rivalité 
dont  les  causes  sont  nombreuses. 

L'avènement  du  ûls  d*un  Arabe  à  Tautorité  souveraine  dans  une 
ville  berbère  devait  surtout  blesser  les  chefs  des  Oràghen,  véritables 
sultans  du  pays. 

Il  y  a  deux  siècles  environ,  les  Imanân,  rois  des  Touareg  du  Nord, 
avaient  à  peu  près  usurpé  le  pouvoir  des  amghâr  Ihâdjenen  dans  la 
ville  de  Rhât  et  tenaient  ses  habitants  sous  le  joug  de  leur  oppression. 

Une  révolution,  dont  les  détails  seront  racontés  ci-après,  mais 
faite  par  les  Orâghen,  détrôna  les  Imanân  et  permit  à  la  ville  de 
Rhât  de  recouvrer  son  ancienne  indépendance  sous  la  protection  de 
ses  libérateurs. 

De  plus,  il  y  a  cinquante  ans  environ,  sous  le  règne  de  Tamghâr 
Bel-Qâsem,  Rhât  fut  inopinément  attaquée  par  une  armée  du  sultan 
du  Fezzân,  qui,  déjà  alors,  convoitait  la  domination  ou  la  destruction 
de  la  rivale  du  commerce  de  Mourzouk. 

Rhât,  réduite  aux  seules  forces  de  ses  habitants,  eût  peut-être 
succombé,  mais  les  chefs  des  Orâghen  vinrent  à  son  secours  et,  sous 
leur  bannière,  les  Fezzaniens,  battus  par  les  Adzjer,  laissèrent  entre 
les  mains  de  leurs  vainqueurs  2,000  chevaux  chargés  de  bagages, 
ce  qui  ne  les  engagea  pas  à  renouveler  leur  audacieuse  entreprise. 

Après  cette  victoire,,  comme  après  celle  qui  avait  mis  en  leurs 
mains  le  pouvoir  des  Imanân,  les  Orâghen  auraient  pu  s'emparer 
de  Rhât  et  y  commander  en  souverains.  Ils  ne  l'ont  pas  fait,  par  respect 
des  droits  héréditaires  des  Ihâdjenen. 

11  ne  pouvait  donc  pas  leur  convenir  de  voir  les  destinées  d'une 
ville  affranchie  par  eux,  défendue  par  eux,  et  de  la  prospérité  de  la- 
quelle dépend  la  leur,  passer  aux  mains  d'étrangers,  ûls  d'Arabes, 
c'est-à-dire  d'hommes  auxquels  les  Berbères  reprochent  d'être  tou- 
jours prêts  à  accepter  toutes  les  dominations,  pourvu  qu'on  leur 
donne  un  beau  burnous  dMnvestiture. 

Rhât  est  loin  d'avoir  comme  ville  l'importance  qu'elle  a  comme 
marché,  car  elle  compte  à  peine  600  maisons  et  /i,000  habitants; 
mais  elle  s'agrandit  tous  les  jours,  par  la  création  de  villages  voisins 
qui,  par  leur  accroissement  successif,  pourront  devenir  de  nouveaux 
quartiers  de  la  ville  primitiv<a.  L'un  deux,  Tâderâmt,  est  à  600  mètres 


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PI.  XlII. 


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:*'%1  et  25. 


PJl*'^!  et 


D'aprài  un  Aesmn  do  M.  IL  Duvoyricr. 


Fig.  2.  —  VUE  nv  pic  dk  télout  dans  la  vallée  df  TlTEnnsl!^ 

(  VOIU     PAOK     58  1. 

D'après  un  dessin  de  M.  H.  Duveyrier. 


CENTRES    COMMERCIAUX.  271 

du  mur  d'enceinte  de  Rhât;  l'autre,  Toûnîn,  est  à  800  mètres  en- 
viron. Toûnîn,  de  fondation  toute  récente  (douze  ans) ,  compte  déjà 
500  habitants  :  c'est  là  qu'est  le  château  particulier  d'El-Hâdj- 
Ahmed-Ould-es-Saddîq. 

Rhât,  Tâderàmt,  Toûnîn,  marquent  trois  côtés  d'un  vaste  espace 
sur  lequel  se  tient  le  grand  marché  annuel,  source  de  la  fortune  de 
cette  contrée. 

La  ville  a  une  forme  circulaire.  Au  centre  se  trouve  une  petite 
place  nommée  Eseli,  de  laquelle  rayonnent  six  rues  qui  divisent  la 
cité  en  six  massifs  de  maisons  et  vont  aboutir  à  six  portes  ouvertes 
darîs  le  mur  irrégulier  qui  sert  d'enceinte. 

Trois  des  portes  sont  désignées  sous  le  nom  de  Tâmelrhât,  qui 
est  celui  d'un  quartier,  une  quatrième  s'appelle  Tafelrhât,  la  cinquième 
est  Bàb-Kelâla,  la  sixième  est  Bâb-el-Kheïr. 

La  construction  dominante  de  la  ville  est  le  Mesid  ou  école  ; 
l'unique  mosquée  a  un  minaret  assez  élevé. 

Les  maisons  sont  à  deux  étages  comme  celles  de  Ghadâmès,  mais 
dans  des  dimensions  moins  vastes. 

Vue  du  dehors,  Rhât  semble  et  est  en  effet  bâtie  sur  un  petit 
mamelon  qui  domine  le  pays  circonvoisin  du  Sud-Sud-Est  au  Nord- 
Nord-Ouest.  Elle  est  elle-même  dominée,  à  peu  de  distance  du  mur 
d'enceinte,  par  les  derniers  contreforts  de  Koukkoûmen,  petite  ligne 
de  collines,  entre  le  Tasîli  et  l'Akâkoùs,  qui  sépare  la  vallée  d'Oua- 
râret  de  celle  du  Tànezzoûft.  (Voir  la  planche  ci-contre.) 

L'eau  abonde  autour  de  Rhât,  et  c'est  à  cette  circonstance,  comme 
à  sa  position  au  débouché  d'un  large  col,  que  cette  localité  doit 
l'avantage  d'avoir  toujours  été  recherchée  par  des  populations  sé- 
dentaires. 

Les  plantations  de  dattiers  forment  au  Sud  des  bois  ou  des 
groupes  de  jardins  isolés,  dont  quelques-uns,  ceux  d'iberkân  et  de 
Temattîn,  sont  à  2  et  3  kilomètres. 

Plus  au  Sud  encore  se  trouve  la  petite  ville  targuie  d'El-Barkat, 
qui  a  une  existence  indépendante. 

La  population  de  Rhât  est  aujourd'hui  un  mélange  de  toutes 
les  populations  qui,  depuis  sa  fondation,  s'y  sont  donné  rendez- 
vous  dans  un  intérêt  commercial  :  blancs,  noirs,  métis,  hommes 
libres,  esclaves,  Arabes,  Berbères,  gens  du  Sud,  gens  du  Nord,  gens 
de  l'Est,  gens  de  l'Ouest. 


272  TOUAREG  DU  NORD. 

Les  femmes  seules  représentent  la  tribu  primitive  des  Ihâdjenen,  et 
comme  le  droit  berbère  leur  réserve,  même  dans  le  mariage,  l'admi- 
nistration de  tout  ce  qu'elles  possèdent,  elles  seules  disposent,  en 
qualité  de  propriétaires,  des  maisons,  des  sources,  des  jardins,  en 
un  mot,  de  toute  la  richesse  foncière  du  pays.  Ce  fait  a  contribué  à 
conserver  à  Rhât  sa  physionomie  propre,  ses  mœurs,  son  idiome  par- 
ticulier. 

11  en  est  résulté  aussi,  au  profit  des  femmes,  un  développement 
d'intelligence  et  un  esprit  d'initiative  qui  étonnent  au  milieu  d'une 
société  musulmane. 

Le  costume  des  Rhâtiens  est,  en  général,  celui  des  Touareg  :  voile, 
blouse,  longs  pantalons,  vêtements  de  couleur  provenant  du  Soudan. 

La  langue  de  Rhât,  quoique  parente  de  celle  des  Touareg,  con- 
stitue cependant  un  dialecte  à  part. 

Comme  chez  les  Touareg,  la  femme  est  respectée. 

Comme  chez  tous  les  Berbères,  Tesprit  municipal  est  développé 
au  plus  haut  point. 

Tout  en  conservant  des  traces  aussi  importantes  de  leur  origine 
berbère,  les  Rhàliens  ont  largement  emprunté  aux  nègres  leurs  su- 
perstitions; ils  croient  aux  sorciers,  amchsahhâr,  et  leur  attribuent 
le  pouvoir  de  préserver  des  balles,  du  fer,  des  maladies,  de  la  dent 
des  bêtes  fauves;  mieux  encore,  de  métamorphoser  un  homme  en  une 
bête  quelconque. 

Beaucoup  de  Rhâtiens,  ennemis  des  chrétiens,  ennemis  surtout  des 
Français,  coupables  d'avoir  conquis  une  terre  de  l'Islam,  avaient  crié, 
tempêté,  juré,  avant  mon  arrivée,  que,  si  je  foulais  le  sol  de  leur 
territoire,  ils  me  feraient  regretter  mon  imprudence. 

Parmi  eux,  quelques-uns,  les  plus  audacieux,  voulurent  voir  de 
leurs  yeux  ce  chrétien  tant  redouté,  tant  maudit. 

Grand  fut  leur  désappointement  :  le  chrétien  était  un  jeune 
homme,  parlant  une  langue  qui  leur  est  familière,  causant  de  tout, 
s'enquérant  de  tout,  passant  son  temps  à  écrire,  à  dessiner,  à  obser\-er 
les  étoiles. 

A  leur  rentrée  en  ville,  ces  visiteurs  avaient  de  l'infidèle,  cause 
de  tant  d'agitation,  une  opinion  toute  différente. 

Il  n'en  fallut  pas  davantage  pour  me  transformer  en  sorcier  aux 
yeux  des  plus  récalcitrants.  N'avais-je  pas,  d'ailleurs,  guidé  par  mes 
observations  météorologiques,  prédit  des  changements  de  temps? 


CENTRES  COMMERCIAUX.  '  273 

Aussi  El-Hâdj-el-Amîn,  cheikh  actuel  de  la  ville,  Thomme  le  plus 
opposé  à  ma  venue  à  Rhàt,  prit-il  toutes  les  précautions  pour  éviter 
mon  regard  :  il  craignait  que  je  ne  l'ensorcelasse. 

Rhât  a  tenu  à  poser  vis-à-vis  de  moi,  chrétien,  en  ville  musul- 
mane, fanatique  de  sa  religion.  On  serait  dans  une  grande  erreur,  si 
Ton  imputait  cette  attitude  à  une  ferveur  religieuse  exceptionnelle.  Il 
n'en  est  rien.  La  religion  n'est  qu'un  masque,  l'intérêt  est  le  seul 
mobile  de  cette  conduite. 

Le  Cheikh-el-Hàdj-el-Amîn ,  dévoré  d'ambition,  pétri  d'intrigues, 
a  forcé  son  frère  aîné,  El-Hàdj-Ahmed-Ould-es-Saddîq,  le  successeur 
du  dernier  amghàr,  à  lui  abandonner  la  souveraineté  de  la  ville. 
Cela  ne  lui  suflit  pas.  Il  voudrait  qu'une  investiture  de  la  Porte  Otto- 
mane vînt  ratiûer,  en  sa  personne,  la  substitution,  sur  le  trône  de 
Rhât,  d'un  Arabe  à  un  Berbère,  d'un  touàti  à  un  ihàdjeni,  d'un  frère 
cadet  à  un  frère  aîné  encore  vivant,  et,  dans  ce  but,  depuis  qu'il  est 
au  pouvoir,  il  travaille  à  amener  les  Turcs  à  Rhât,  d'abord  pour  faire 
consacrer  son  usurpation,  ensuite  pour  n'avoir  plus  à  compter  avec 
les  Oràghen,  ses  voisins. 

L'éventualité  possible  de  l'occupation  de  Rhàt  par  les  Turcs  est 
envisagée  par  les  Tonàreg  comme  un  des  plus  grands  malheurs  qui 
puissent  leur  arriver  :  nobles  et  serfs  y  perdraient  le  plus  net  de  leurs 
moyens  d'existence ,  car  le  monopole  du  protectorat  du  marché  de 
Rhàt  donne  aux  premiers  une  partie  des  revenus  qui  les  font  vivre, 
et  aux  seconds  des  transports  pour  leurs  chameaux.  Puis,  il  n'est  pas 
de  targui,  petit  ou  grand,  qui  n'ait,  en  quelque  sorte,  le  droit 
d'exiger,  de  temps  à  autre,  des  Rhàtiens,  soit  un  déjeuner,  soit  un 
dîner,  soit  quelque  bagatelle,  et  dans  un  pays  où  tout  manque,  c'est 
là  une  ressource  in  extremis  qui  n'est  pas  dédaignée. 

Il  est  vrai  que  les^  rapports  fraternels  qui  existaient  autrefois 
entre  les  Ihâdjenen  et  les  Touareg  ont  cessé ,  et  que  les  Rhàtiens  ont 
souvent  aujourd'hui  de  légitimes  motifs  de  se  plaindre  des  avanies  et 
des  exigences  de  leurs  voisins,  mais  l'appel  fait  aux  Turcs*  par  le 
cheikh  actuel  de  la  ville  ne  me  paraît  pas  une  solution  heureuse,  car 
leur  arrivée  à  Rhàt,  fût-elle  possible  devant  la  résistance  des  Touà- 

1.  Depuis  la  conclusion  d*un  traité  de  commerce  entre  la  France  et  les  chefs 
Touareg,  le  cheikh  de  Rh&t,  appuyé  par  une  partie  des  habitants  de  la  ville,  a 
renouvelé  avec  plus  d*ardeur  ses  instances  près  des  Turcs  pour  Tannexion  de  Rhàt  à 
la  Tripolitaine. 

I.  18 


27i  •    TOUAREG  DU   NORD. 

reg,  aurait  pour  résultat  immédiat  de  ruiner  le  commerce  local. 

On  comprend  dès  lors  pourquoi  les  chefs  des  Touareg,  bénéû- 
ciaires  de  ce  commerce,  se  sont  montrés  aussi  favorables  «à  une 
alliance  française.  Ils  ont  le  sentiment  instinctif  que,  de  tous  les  gou- 
vernements avec  lesquels  ils  peuvent  être  en  relations,  celui  de  T Al- 
gérie est  le  seul  assez  éclairé  et  assez  puissant  pour  sauvegarder  leurs 
intérêts  menacés. 

Ainsi ,  à  Rhàt,  il  y  a  deux  partis  en  présence  :  celui  des  Turcs  et 
celui  des  Français,  représentant  tous  deux  des  intérêts  rivaux;  le 
parti  français,  composé  de  la  grande  majorité  des  Azdjer  et  de  quelques 
marchands  de  la  ville,  est  le  plus  puissant.  Grâce  à  son  appui,  j*ai 
pu  arriver  sous  les  murs  de  RhâtS  y  séjourner  quinze  jours,  lever 
une  esquisse  du  plan  extérieur  de  la  ville  et  de  ses  environs,  recueillir 
tous  les  renseignements  dont  j'avais  besoin,  faire  toutes  mes  obser- 
vations, malgré  les  imprécations  du  parti  adverse. 

Inutile  de  dire,  je  crois,  que  les  gouvernements  d*Alger  et  de 
Tripoli  sont  étrangers  à  la  création  de  ces  deux  partis  nés  des  circon- 
stances et  d'intérêts  en  conflit.  J*en  ai  trouvé  la  preuve  dans  Taccueil 
qui  m'a  été  fait  à  Mourzouk,  ainsi  qu'aux  Touareg  qui  m'accompa- 
gnaient, et  dans  une  lettre  que  le  pacha  de  Tripoli  a  écrite  aux  Rhâ- 
tiens  pour  les  engager  à  m'accueillir  convenablement. 

Peut-être  les  deux  gouvernements  amis  devront-ils  intervenir  de 
leur  influence  réciproque  pour  faire  cesser  pacifiquement  les  rivalités 
qui  divisent  les  Rhâtiens  et  les  Touareg.  La  France,  puissance  chré- 
tienne, aurait  un  beau  rôle  à  jouer,  en  prenant  l'initiative  au  Maroc, 
à  Tunis,  à  Tripoli,  à  Timbouktou  môme,  d'une  sorte  de  médiation 
générale,  à  l'effet  de  résoudre  toutes  les  difficultés  qui  tiennent  en 
conflit  toutes  les  peuplades  du  Sahara,  les  unes  vis-à-vis  des  autres. 

Le  commerce  en  gros  pour  les  riches,  en  détail  pour  les  pauvres, 
est  la  principale  source  de  richesse  des  Rhâtiens  ;  cependant  l'in- 
dustrie y  a  quelque  importance,  quoique  limitée  aux  besoins  de  la 
localité.  On  y  fait  des  pelleteries,  des  vases  en  bois,  des  montures  ou 
des  étuis  pour  armes  :  poignards,  sabres,  fusils,  etc.,  etc. 

1.  Malgré  mon  grand  désir  d*entrer  dans  Rhàt  pour  visiter  la  vîUe,  j'ai  dû 
m'abstenir  par  respect  pour  rémir  des  Touareg,  Ikhenoûkhen,  qui,  pour  rien  au 
monde,  n'aurait  consenti  à  exposer  son  hôte  aux  avanies  d*un  fanatique.  Campé  avec 
lui  sur  le  marché  même  de  la  ville,  dont  la  police  appartient  aux  Tou&reg,  je  n'avais 
à  redouter  aucun  danger. 


CENTRES  COMMERCIAUX.  275 

Les  principaux  commerçants  de  Rhàtsont  :  El-Hàdj-el-Amln,  cheikh 
de  la  ville,  dont  la  richesse  paraît  considérable;  Ei-Hâdj-Ahmed,  frère 
aîné  et  prédécesseur  du  cheikh  actuel/fondateur  de  ïoùnîn,  qui  peut 
devenir  une  rivale  de  Rhât;  un  jeune  marchand,  originaire  de  Djerba, 
nommé  Yoûnis,  fort  entreprenant. 

El-Hàdj  el-Amîn ,  protecteur  avoué  de  la  zâouiya  de  la  confrérie 
d'Es-Senoûsi ,  contiguë  à  la  ville,  et  foyer  d'un  fanatisme  exalté,  est 
le  chef  du  parti  hostile  à  l'extension  de  l'influence  française. 

El-Hàdj-Ahmed  conserve  une  sage  neutralité  entre  les  partis. 

Yoûnis,  dévoué  à  notre  cause,  aurait  déjà  tenté  d'ouvrir  des  rela- 
tions entre  Rhât  et  Alger,  si  le  Cheikh-el-Hâdj-el-Amîn  ne  menaçait 
de  l'expulser  de  la  ville. 

S    III.   —   MODRZOUK. 

Mourzouk  est  la  capitale  du  Fezzân,  groupe  d'oasis  au  Sud  de 
la  Tripolitaine ,  érigé,  depuis  18/»1,  en  kâïmakâmlik  de  l'Empire 
Ottomai^. 

Je  n'aurais  à  m'occuper  ni  de  Mourzouk,  ni  du  Fezzân,  si  tout  ne 
se  liait  dans  la  vie  saharienne,  si  d'importantes  fractions  des  Touareg 
Azdjer,  quoique  indépendantes  des  Turcs,  n'étaient  comprises  dans  le 
kâïmakâmlik  du  Fezzân,  notamment  celles  qui  habitent  l'Ouâdi-el- 
Gharbi  et  l'Ouâdi-'Otba,  aux  portes  mêmes  de  Mourzouk  ;  si  je  n'avais 
à  appeler  l'attention  sur  Djerma,  la  Qarama  des  anciens,  et  sur  une 
civilisation  antérieure  à  la  conquête  romaine,  dont  le  type  se  trouve 
à  Djerma;  si,  enûn,  je  n'avais  à  constater,  par  l'exemple  du  Fezzân, 
que  le  Sahara  n'est  pas  un  pays  à  exploiter  comme  source  de  revenus 
gouvernementaux,  mais  à  féconder  par  l'ordre,  la  paix  et  des  insti- 
tutions libérales. 

Le  Fezzân  actuel  comprend  des  oasis  et  des  terres  de  parcours. 

Dans  les  oasis,  on  distingue  les  groupes  du  Sud  qui  représentent 
l'ancienne  Phazania,  et  un  groupe  au  Nord,  celui  d'El-Jofra,  qui  a 
pour  capitale  Sôkna,  sous  la  dépendance  de  laquelle  se  trouvent  deux 
villes  isolées  :  Fogha  et  Zella. 

Le  groupe  des  oasis  du  Sud  a  eu  successivement  pour  capitale  : 

Djerma,  sous  les  Garamantes; 

Garama,  sous  les  Romains  ; 


276  TOUAREG  DU  NORD. 

Trâghen,  sous  la  dynastie  des  Nesoûr; 

Zouîla,  sous  les  conquérants  arabes; 

Mourzouk,  sous  les  dynasties  des  Oulàd-Mehammed  et  des  Kara- 
manli,  sous  'Abd-el-Djelîl  et  sous  les  Turcs. 

Les  Oasiens,  tous  sédentaires,  habitent  des  villes  et  des  villages 
au  milieu  de  forêts  de  dattiers;  ils  appartiennent,  en  très-grande 
majorité,  à  un  type  nègre  que  j'appelle  sub- éthiopien;  quelques-uns 
sont  Teboû,  également  nègres;  d'autres  sont  Touareg,  blancs  ou  de 
sang  mélangé. 

Les  terres  de  parcours  sises  entre  les  oasis  sont  occupées  par 
trois  grandes  tribus  arabes,  savoir  : 

Les  Hotmân  et  les  Megâr-ha,  qui  rayonnent  autour  de  TOuâdi-ech- 
Chiâti,  dans  les  dunes  d'Edeyen,  la  Hamâda  de  Mourzouk  et  une 
partie  de  là  Hamâda-el-Homrâ  ; 

Les  Rîah,  qui  campent  alternativement  dans  la  Hamàda-el-Homrâ 
et  dans  les  massifs  volcaniques  de  la  Soda  et  du  Hàroûdj. 

La  capitale  des  Garamantes  se  retrouve,  sous  le  nom  de  Djerma- 
el-Qedîma,  au  Sud  de  la  Djerma  moderne,  dans  une  sorte  de  baie  que 
forme  la  montagne  de  TAmsàk.  Le  principal  caractère  de  ces  ruines 
nous  est  transmis  par  le  Qeçîr-el-Walwat  ou  châtelet  des  chauves-souris. 

La  capitale  des  Nesoûr  est  représentée  par  les  ruines  de  Yancien 
château  de  Trâghen,  qui  ont  quelque  rapport  avec  celles  de  Djerma-el- 
Qedîma. 

De  la  Garama  des  Romains ,  il  ne  reste  plus  aujourd'hui  qu'un 
monument  carré,  très-bien  conservé,  au  milieu  de  pierres  de  taille, 
couvrant  une  superficie  de  60  mètres  environ ,  ainsi  qu'un  amas  de 
pierres  de  taille  très-étendu  au  Sud  de  la  Djerma  moderne.  (Voir  la 
planche  ci-contre). 

Zouïla,  ville  de  Chorfâ,  est  le  chef-lieu  de  la  Cherguîya. 

Mourzouk,  capitale  actuelle,  est  le  siège  du  kàïmakâmlik. 

La  tradition,  d'accord  d'ailleurs  avec  l'histoire,  nous  apprend  ce 
qui  suit  : 

Les  plus  anciens  habitants  des  oasis  étaient  des  Berâouna ,  nom 
sous  lequel  les  Arabes  confondent  tous  les  nègres  du  Bornou ,  aussi 
bien  que  les  Teboû. 

La  dynastie  la  plus  ancienne  qui  ait  gouverné  les  Berâouna  est 


PI.  XIV. 


Page  276. 


Fig.  «6. 


MONIMENT    nOIIAIN     DE    LANCIENNE    CARAMA. 
D'après  un  dessin  de  M.  H.  Duveyrier. 


CENTRES  COMMERCIAUX.  277 

celle  des  Nesoûr,  originaire  du  Soudan.  Elle  régnait  à  Tràghen.  On 
y  voi  encore  les  ruines  du  château  des  sultans  et  le  tombeau  de  Tun 
d'eux,  Maï'Ali  (le  sultan  'Ali). 

Les  Nesoûr  régnèrent  longtemps,  mais  ils  furent  vaincus  et  dé- 
trônés par  une  tribu  arabe,  les  Khormân,  qui  réduisirent  les  Fezza- 
niens  à  l'état  d'esclaves  et  les  accablèrent  d'injustices. 

Sous  le  gouvernement  des  Arabes  Khormân,  Zouîla  était  la  capitale 
du  Fezzân. 

Pendant  que  le  peuple  opprimé  souffrait,  passa  un  chérîf  du  Ma- 
roc, allant  au  pèlerinage  de  la  Mekke.  On  lui  raconta  tous  les  mal- 
heurs du  pays  et  on  le  supplia  de  venir  le  délivrer.  Ce  chérîf,  au 
retour  de  la  ville  sainte,  obtint  de  son  père  l'autorisation  de  secourir 
les  malheureux  Fezzaniens,  ce  qu'il  fit  avec  le  concours  d'hommes 
dévoués  qui  le  suivirent. 

Ce  chérîf  s'appelait  Sîd-el-Monteser-ould-Mehammed. 

Il  ne  tarda  pas  à  vaincre  les  Khormân  et  à  les  expulser. 

Par  reconnaissance,  les  Fezzaniens  élurent  sultan  leur  libérateur. 
Ainsi  fut  fondée  la- dynastie  des  Oulàd-Mehammed. 

Si  l'on  s'en  rapporte  aux  souvenirs  des  indigènes,  cette  dynastie, 
qui  régna  550  ans  environ,  fit  le  bonheur  du  pays  et  agrandit  le 
Fezzân,  peu  à  peu,  par  de  sages  conquêtes,  jusqu'à  Sôkna,  vers  le 
Nord. 

Voici  les  noms  de  quelques-uns  des  successeurs  de  Sîd-el-Mon- 
teser  : 

Sultan  Djeheïm  ; 

—  Mehammed  ; 

—  Mehammed  ; 

—  Ahmed,  qui  régnait  en  1747  ; 

—  Mehammed  ; 

—  El-Monteser. 

Le  dernier  de  ces  sultans  fut  tué  aux  environs  de  Tràghen ,  où 
l'on  voit  son  tombeau,  en  1811,  par  El-Moukkeni,  l'un  des  lieutenants 
de  Youçef-Pacha,  le  dernier  souverain  de  la  dynastie  indépendante 
des  Karamanli  de  Tripoli. 

El-Moukkeni,  devenu  sultan  du  Fezzân ,  se  rendit  célèbre  par  les 
expéditions  qu'il  fît  en  Nigritie,  et  dans  lesquelles  il  emmena,  non- 
seulement  beaucoup  de  chevaux,  mais  encore  de  petits  canons.  Dans 


Pi.  XV. 


Page  27U. 



Fi({.  ï7,  48  et  4». 

— ^f 

mt..  -: 

--3fe^^S^..^r= 

Fi«.    I.   —    nt'INES    D15    qeçIb-el-\vatwat. 
D'après  un  dessin  de  M.  H.  Duveyrier. 


Fig.   2.   —  TOMBKS    DE    l'aNCIENNE    N^.CROPOI.fi    DE    QEÇl  B  ÂT-KR-ROt  M. 

D'après  un  dessin  de  M.  H.  Duveyrior. 


Fig.  3.  —  TOMBES  DBS  JABBArEJ««  DANS  l/Ot'.\  DI  -  ALLOCN. 

D'après  un  croquis  de  M.  H.  Duveyrier. 


CENTRES  COMMERCIAUX.  279 

Nord,  dans  les  villes  habitées  par  la  même  race,  le  doute  n'est  plus 
permis,  et  Ton  est  porté  à  admettre  que  Garamantes,  Berâouna  et  les 
sujets  des  sultans  Nesoîir  appartiennent  à  cette  race  noire  qui  eiuste 
encore  aujourd'hui  sur  les  lieux. 

Dans  le  Fezzân  méridional,  d'ailleurs,  on  retrouve,  à  chaque  pas, 
des  noms  de  lieux  appartenant  à  la  langue  du  Bornou  (le  kanôri)  : 
Ngouroutou,  Karakoura,  Kerekerimi,  Kangaroua,  tous  noms  de  puits 
anciens  de  Toasis  de  Trâghen. 

Ainsi,  il  est  désormais  à  peu  près  certain  qu'à  une  époque  très- 
ancienne  a  régné  dans  tout  le  Sahara  une  civilisation  nègre  très- 
avancée  pour  l'époque,  et  que  cette  civilisation  a  doté  le  pays  de 
travaux  hydrauliques  remarquables,  de  constructions  distinctes  de 
toutes  les  autres,  de  tombeaux  qui  ont  partout  le  même  caractère,  de 
sculptures  sur  les  rochers  qui  rappellent  les  faits  principaux  de  leur 
histoire. 

A  cette  civilisation  appartiennent  : 

1®  Les  forages  des  puits  artésiens  de  rOuâd-Rîgh  et  d'Ouarglâ; 

2°  L'aménagement  des  eaux  de  Ghadâmès  et  de  Ganderma  ; 

3®  Les  puits  à  galeries,  fogâràt,  communs  au  Fezzân  et  au  Touât; 

ù®  Le  chàtelet  des  chauves -souris  (Qeçîr-el-Watwat),  de  Djerma- 
el-Qedîma; 

50  Les  ruines  de  Serdélès  et  de  l'Ouàdi-Takarâhet; 

6®  Les  Esnàmen  de  Ghadâmès  ; 

7<>  Les  chapiteaux  de  la  place  du  marché  de  la  même  ville ,  s'ils 
ne  sont  pas  d'origine  romaine  ; 

8°  La  nécropole  de  Oeçîràt-er-Roûm  à  Djerma  ; 

9**  La  grande  nécropole  isolée,  entre  Garàgara  et  Kharâig,  à  l'Est 
de  Djerma; 

10®  Les  anciennes  tombes  du  cimetière  de  Ghadâmès; 

11*»  Celles  des  Jabbâren,  que  j'ai  trouvées  sur  ma  route,  en  allant 
à  Rhât; 

12<>  Celles  de  Djelfa  (Algérie)  et  d'El-Fogâr  (Fezzân),  qui  ont  des 
liens  de  parenté; 

13®  Les  sculptures  de  Bordj-Taskô  à  Ghadâmès; 

li**  Les  sculptures  d'Anaï; 

15®  Les  sculptures  trouvées  par  M.  le  docteur  Barth  dans  la 
vallée  de  Telizzarhên  ; 


280  TOUAREG  DU  NORD. 

16®  Les  sculptures  de  Moghar  et  d*'Asla,  dans  le  cercle  de  Géry- 
vîlle; 

Enfin,  tant  d'autres  monuments  d'origine  incertaine,  mais  très- 
ancienne,  qu'on  retrouve  dans  le  Sud  de  l'Algérie,  de  la  Tunisie  et 
delà  Tripolitaine. 

La  description,  la  filiation  de  tous  ces  débris  de  la  civilisation 
garamantique,  ne  peuvent  trouver  place  ici,  mais,  pour  qu'on  en  puisse 
saisir  les  caractères  généraux,  je  reproduis  les  dessins  de  ceux  de 
ces  types  qui  m'ont  paru  les  plus  remarquables. 

Mon  but  principal  est  de  constater  que  des  nègres,  dont  quelques- 
uns  sont  encore  sur  place,  mais  dont  la  masse  a  été  refoulée,  ont 
occupé  le  Sahara  avant  toute  autre  race,  et  qu'ils  y  ont  atteint  un 
degré  de  civilisation  qui  n'a  jamais  été  dépassé  depuis  par  leurs 
successeurs.  La  constatation  de  ce  fait  a  une  grande  importance  pour 
la  colonisation  ultérieure  du  Sahara,  si  la  France  croit  devoir  s'en 
occuper. 

A  Djerma,  à  Tràghen,  dans  toutes  les  parties  du  Fezzân  où  j'ai 
été  admis  à  rendre  visite  aux  djema'a,  ou  assemblées  municipales 
de  notables,  je  me  suis  informé  si  l'on  possédait  des  archives  relatives 
à  l'histoire  ancienne. 

A  Djerma,  les  vieillards  disent  que  leurs  chroniques  ont  été  per- 
dues, mais  qu'elles  assignaient  aux  Teboû  la  possession  originaire  de 
leur  pays  et  même  la  fondation  de  leur  ville;  leur  langue  primitive 
était  le  tedâ, 

A  Tràghen ,  de  vieux  titres  conservés  par  la  famille  des  Thâmer 
donnent  le  Bornou  pour  origine  aux  habitants  de  cette  ville. 

Interrogé  sur  le  même  sujet,  Boû-Beker-Effendi ,  l'un  des  princi- 
paux officiers  civils  du  gouvernement  turc  à  Mourzouk,  répond  :  «  Du 
temps  des  Oulâd-Mehammed,  tout  était  à  la  mode  du  pays  des  nègres. 
Le  sultan  avait  une  ganga,  une  garde-noire;  la  langue  était  presque 
le  kanôri,  et  tous  les  noms  donnés  aux  lieux  et  aux  choses  étaient  de 
cette  langue  :  ainsi  le  boulevard  commercial  de  la  ville  s'appelait  le 
dendal,  comme  dans  les  villes  de  la  Nigritie.  » 

Abba-Serki,  le  dernier  descendant  des  Oulâd-Mehammed,  ajoute 
à  ces  renseignements  un  témoignage  très-remarquable  :  «  Sous  ses 
ancêtres,  il  était  permis  aux  marchands  de  race  blanche  de  rester  à 
Mourzouk,  pour  leurs  affaires,  pendant  les  trois  mois  de  l'hiver  seule- 
ment. Dès  que  les  chaleurs  commençaient,  le  sultan  faisait  annoncer 


CEiNTRES   COMMERCIAUX.  281 

par  un  héraut  que  les  blancs  eussent  à  se  retirer,  sous  peine  d'amende 
et  d'expulsion,  parce  que  les  blancs  étaient  toujours  malades  et  com- 
muniquaient leurs  maladies  aux  autres  habitants.  »  Donc,  l'expérience 
avait  démontré  qu'il  fallait  être  noir  pour  supporter  impunément 
l'insalubrité  du  climat  pendant  les  grandes  chaleurs. 

Serait-ce  cette  insalubrité  qui  aurait  conservé  au  pouvoir  de  la 
race  primitive  les  contrées  insalubres  du  Fezzân,  du  Nefzâoua,  de 
rOuàd-Rîgh,  d'Ouarglâ  et  du  Touàt?  Il  est  permis  de  le  croire,  car 
on  remarque  que  les  populations  blanches  intercalées  entre  ces  con- 
trées insalubres  habitent  toutes  des  territoires  plus  sains.  Encore  un 
fait  d'observation  pratique  à  noter  pour  la  colonisation  du  Sahara. 

Je  résume  le  résultat  de  toutes  ces  informations  :  Les  Fezzaniens 
sont  unanimes  à  attribuer  le  premier  peuplement  de  leurs  oasis  à 
des  nègres  païens,  djohâla. 

De  ces  préliminaires  je  passe  à  la  ville  de  Mourzouk. 

Elle  fut  fondée  par  les  Oulâd-Mehammed,  il  y  a  environ  cinq 
cents  ans,  vers  1310.  Le  chérîf,  qui  devint  plus  tard  sultan,  trouva 
là  quelques  zerâïb  ou  chaumières  en  palmes.  11  en  fit  sa  demeure,  et, 
comme  c'était  ua  saint  homme,  il  ouvrit  une  école,  laquelle  attira 
beaucoup  de  gens  autour  de  lui. 

Une  des  premières  constructions  fut  celle  de  la  Qaçba ,  dans  la 
partie  Oues^de  la  ville.  Les  Turcs  l'ont  restaurée ,  ainsi  que  le  mur 
d'enceinte  de  la  ville,  qui  a  la  forme  d'un  carré  presque  parfait,  avec 
de  petits  bastions  en  saillie. 

Les  constructions  particulières  de  Mourzouk  ont  un  type  uni- 
forme :  toutes  sont  en  briques  d'une  terre  crue,  tellement  riche  en 
sel  et  tellement  pauvre  en  argile,  que  les  pluies,  heureusement  fort 
rares,  les  dégradent  beaucoup.  Les  habitations  ordinaires  n'ont  qu'un 
rez-de-chaussée  ;  celles  des  riches  marchands  de  Sôkna  et  d'Aoud- 
jela  ont  un  étage  ;  ces  dernières  sont  vastes  et  bien  aménagées  pour 
le  climat  et  pour  les  besoins  des  habitants. 

La  ville  est  coupée  en  deux  par  une  sorte  de  large  boulevard,  le 
dendal,  garni  de  boutiques  de  chaque  côté  et  aboutissant  par  ses  deux 
extrémités  aux  deux  portes  principales  :  celle  de  TOuest,  près  de  la 
Qaçba,  celle  de  l'Est,  entre  un  corps-de-garde  et  le  poste  de  la  douane. 

Au  dendal  arrivent  toutes  les  rues  latérales,  qui  divisent  la  ville 
en  quartiers. 


282  TOUAREG  DU  NORD. 

Contrairement  à  ce  qu'on  observe  dans  les  villes  arabes  et  ber- 
bères, les  rues  sont  larges,  droites  et  découvertes,  comme  dans  les 
villes  nègres,  ce  qui  n'est  pas  le  plus  agréable,  car  la  chaleur  y  est 
accablante. 

La  ville  est  alimentée  par  des  puits  dont  l'eau  est  lourde. 

La  salubrité  locale  laisse  à  désirer,  surtout  pour  les  individus 
originaires  des  climats  tempérés.  Jusqu'à  ce  jour,  tous  les  gouver- 
neurs, d'origine  turque,  envoyés  au  Fezzân ,  y  sont  morts,  à  l'excep- 
tion de  Mehemed-Bey,  qui  gouvernait  le  pays  à  mon  arrivée  et  qui 
était  tout  nouvellement  installé. 

L'insalubrité  doit  être  attribuée  à  ce  que  Mourzouk  est  bâtie  dans 
le  bas-fond  d'une  sebkha,  saline  desséchée. 

La  langue  aujourd'hui  parlée  à  Mourzouk  et  même  dans  la  plus 
grande  partie  du  Fezzân  est  l'arabe. 

L'esprit  religieux  est  celui  des  centres  dans  lesquels  des  fonc- 
tionnaires, une  garnison  et  des  commerçants  étrangeis  dominent. 
Cependant  il  y  a  une  mosquée  à  la  Qaçba  et  une  autre  dans  la  ville. 

Mourzouk  est  assez  bien  approvisonnée  en  viande,  légumes,  fruits, 
car  les  environs  sont  productifs. 

Pendant  longtemps,  les  gouverneurs  turcs  ont  craint  d'habiter  la 
Qaçba,  parce  qu'elle  avait  la  réputation  d'être  hantée  par  de  mauvais 
esprits.  Cependant  le  kâïmakâm  militaire  actuel ,  Moustafa-Agha,  y 
est  établi.  « 

Autour  de  la  citadelle  sont  des  casernes  et  des  magasins,  récem- 
ment construits  à  l'européenne. 

L'établissement  militaire  et  administratif  de  Mourzouk  com- 
prend : 

1"  Une  garnison  de  250  hommes  environ  de  troupes  régulières 
(redîf),  presque  tous  indigènes  du  Fezzân  ou  nègres; 

2**  Quatre  pièces  d'artillerie  de  campagne  avec  une  vingtaine  de 
chevaux  pour  les  traîner; 

3°  Des  magasins  réputés  approvisionnés  pour  une  année; 

ù*»  Un  hôpital  dirigé  par  un  médecin  européen; 

5**  Environ  50  cavaliers  arabes  irréguliers  {bachi-bouzouk)  que  les 
tribus  de  la  côte,  Mesrâta  et  Mesellâta,  sont  tenues  de  renouveler  tous 
les  ans.  Les  irréguliers  sont  commandés  par  un  bâch-agha  arabe. 

Jusqu'au  moment  de  mon  arrivée  à  Mourzouk  et  depuis  l'érection 


CENTRES  COMMERCIAUX.  283 

du  Fezzân  en  kâïmakâmlik,  le  gouvernement  avait  été  confié  à  deux 
chefs,  indépendants  Tun  de  l'autre,  le  kâïmakâm  civil  (bey  ou  pacha), 
le  kâïmakâm  militaire  (agha  ou  bey),  suivant  le  grade  du  titulaire. 
Le  chef  civil  gouvernait  et  administrait  toutes  les  populations  du 
kâîmakâmlik,  le  chef  militaire  s'occupait  exclusivement  de  la  force 
publique.  Mais,  pendant  que  j'étais  à  Mourzouk,  tous  les  pouvoirs 
ont  été  concentrés  entre  les  mains  du  chef  militaire,  et  le  chef  civil 
lui  a  été  subalternisé.  Ces  deux  fonctionnaires  supérieurs  nommés 
par  le  gouvernement  de  la  Porte^ttomane  ne  peuvent  être  changés 
que  par  un  ordre  de  Constantinople.  A  part  cela,  ils  sont  les  subor- 
donnés du  moûchîr,  pacha  de  Tripoli. 

Les  autorités  secondaires  du  pays  sont  : 

Pour  le  civil:  le  kâieb-el-mâl,  administrateur  des  finances;  le  bach- 
cheikh,  chef  de  la  ville  de  Mourzouk;  les  kaïd  et  cheikh  des  différentes 
oasis ,  qui  demeurent  au  milieu  de  leurs  administrés. 

Pour  le  militaire  :  les  officiers  des  redîf  et  des  bachi-bouzouk , 
dont  les  titres  varient  suivant  leurs  grades. 

De  tous  ces  fonctionnaires,  civils  ou  militaires,  huit  à  peine  sont 
d'origine  turque. 

Je  serai  sobre  de  remarques  sur  l'administration  du  Fezzân.  En 
ce  qui  concerne  les  impôts  et  accessoires  de  l'impôt ,  je  me  bornerai 
à  constater  que  le  sultan  *Abd-el-Medjîd,  avant  sa  mort,  après  avoir 
apprécié  les  raisons  de  la  dépopulation  du  Fezzân  et  de  l'anéantisse- 
ment de  son  commerce,  a  cru  devoir  abolir  les  droits  de  douane 
et  réduire  l'impôt  du  quart,  soit  de  175,000  piastres. 

Pendant  longtemps,  l'occupation  du  Fezzân  a  coûté  des  sommes 
importantes  à  l'Empire  Ottoman  ;  on  m'a  assuré  que  les  recettes  cou- 
vrent aujourd'hui  les  dépenses. 

Les  personnes  qui,  par  expérience,  savent  combien  on  s'était 
trompé,  au  début  de  la  conquête  de  l'Algérie,  en  voulant  estimer  en 
bloc  le  chiffre  de  sa  population  indigène  avant  que  des  recensements 
réguliers  et  généraux  eussent  éclairé  la  question,  comprendront  pour- 
quoi je  m'abstiens  de  dire  quel  est,  même  approximativement,  le 
chiffre  de  la  population  de  Mourzouk  et  du  Fezzân. 

L'infortuné  Vogel,  qui  séjourna  à  Mourzouk,  du  5  août  au  19  oc- 
tobre 1853,  donne  à  cette  ville  un  chiffre  de  2,800  habitants,  et  au 
Fezzân  une  population  totale  de  5/i,000  âmes.  J'accepte  ces  chiffres 


284  TOUAREG  DU  NORD. 

sans  les  approuver,  sans  les  infirmer,  jusqu'à  plus  ample  informé 
d'un  recensement  réel. 

Ce  que  je  sais,  pour  l'avoir  vu  et  constaté,  c'est  que  le  Fezzân  est 
en  grande  voie  de  décadence.  Les  travaux  de  culture  sont  délaissés, 
les  villages  tombent  en  ruines,  la  partie  mâle  adulte  de  la  population 
émigré  vers  le  Soudan  ou  vers  le  littoral,  partout  où  elle  espère 
trouver  des  conditions  meilleures  d'existence.  11  y  en  a  môme  en 
Algérie,  entre  autres  à  Guelma,  où  Ton  paraît  très -content  d'eux, 
puisqu'on  provoque  de  nouvelles  immigrations.  Lès  femmes  seules 
restent,  et  il  est  facile  de  prévoir  que,  si  cet  état  de  choses  continue, 
le  Fezzân  changera  totalement  d'aspect. 

Dans  un  village  où  j'ai  vu  cent  personnes  au  moins,  il  n'y  avait 
qu'une  dizaine  d'hommes  ;  dans  tout  l'Ouâdi-el-Gharbî,  vaste  agglo- 
mération de  villages  et  de  forêts  de  dattiers,  il  n'y  a  que  cent  dix 
hommes  adultes. 

Cependant  la  fécondité  du  Fezzân  est  incontestable.  J'y  ai  vu  la 
moisson  mûre  et  récoltée  en  mai,  les  cotons  en  fleur  en  juin;  j'y  ai 
mangé ,  à  la  même  époque,  presque  tous  les  fruits  de  l'Europe  méri- 
dionale. A  côté  de  dattiers  cultivés ,  d'autres  poussent  en  broussailles, 
sans  soins,  et  donnent  encore  des  fruits  ;  l'olivier  lui-même,  cet  arbre 
du  littoral,  s'y  trouve.  Dans  toutes  les  oasis,  à  côté  des  légumes  des 
climats  tempérés,  on  voit  les  légumes  et  les  céréales  de  l'Afrique  cen- 
trale. Une  population,  sobre  d'ailleurs,  devrait  être  heureuse  dans 
un  tel  pays. 

Faut-il  imputer  à  l'abolition  du  commerce  des  esclaves  la  ruine 
d'une  contrée  naguère  si  prospère?  Sans  doute,  ce  sacrifice  fait  aux 
grandes  puissances  de  l'Europe  occidentale  y  a  une  grande  part,  car 
il  n'entrait  pas  moins  de  2,500  à  3,000  esclaves  par  an  à  Mourzouk: 
mais  est-ce  là  la  seule  et  unique  cause  du  mal?  L'examen  de  la  situa- 
tion commerciale  de  Mourzouk  dans  le  second  volume  de  ce  travail 
éclairera  la  question. 

S  IV.   —  OUARGLÀ. 

Ouarglâ  est  bien  certainement  l'une  des  villes  les  plus  anciennes 
du  Sahara  algérien,  sans  qu'il  soit  possible  d'assigner  à  son  origine 
une  date  certaine. 

On  n'y  trouve  aucune  trace  de  l'occupation  romaine,  et  il  y  a  peu 


.CENTRES   COMMERCIAUX.  285 

de  chance  pour  qu'on  en  découvre,  car  celte  occupation  paraît  s'être 
arrêtée  beaucoup  plus  au  Nord,  aux  versants  méridionaux  du  Djebel- 
'Amoûr  et  de  l'Auras. 

Cependant  cette  ville  semble  avoir  été  connue  d'Hérodote,  car  il 
décrit  exactement  son  site  (1.  11,  32)  comme  point  extrême  de  la 
reconnaissance  des  Nasamons  au  delà  des  sables  de  T'Erg. 

Les  Romains,  qui  tenaient  à  la  vie  autant  que  nous,  ont  évité  avec 
le  plus  grand  soin  la  ligne  des  bas-fonds  insalubres  du  Touât,  d'Ouar- 
glà  et  de  rOuâd-Rîgh. 

Alors  cette  ligne,  tout  l'indique,  était  occupée  par  la  race  sub- 
éthiopienne, dont  le  type  se  retrouve  sur  les  lieux  et  à  laquelle  on 
doit  ce  remarquable  aménagement  des  eaux  souterraines  qui  est  un 
des  caractères  généraux  de  cette  contrée. 

Ultérieurement,  environ  vers  le  ix«  siècle  de  notre  ère,  toute  cette 
région  fut  envahie  par  la  race  berbère,  et  c'est  de  cette  époque  que 
date  ou  la  restauration  ou  la  prise  de  possession  d'Ouarglâ  par  les 
Benî-Ouarglâ,  de  la  grande  famille  des  Zenâta. 

Ebn-Khaldoûn  nous  apprend  que  les  Benî-Ouarglà  n'étaient  primi- 
tivement qu'une  faible  peuplade  qui,  d'abord,  habita  plusieurs  bour- 
gades voisines  les  unes  des  autres  et  qu'ils  réunirent  pour  former  une 
ville  considérable. 

En  325  de  l'hégire,  les  Benî-Ouarglà  étaient  assez  forts,  d'après 
le  même  historien,  pour  donner  refuge  au  sectaire  khâredjite,  Abou- 
Yezîd,  dont  le  père  visitait  souvent  le  pays  des  noirs  pour  y  faire  le 
commerce. 

Bientôt  après,  les  Benî-Ouarglâ  fortifièrent  leur  ville,  et  quand 
l'émîr  Aboù-Zekerîya  (de  1319  à  1366  de  J.-C.).fut  devenu  souverain 
del'lfrikïa,  il  fut  si  émerveillé  de  l'importance  d'Ouarglâ,  que  pour 
ajouter  à  sa  splendeur  il  y  fit  bâtir  une  mosquée. 

«  De  nos  jours,  dit  Ebn-Khaldoûn,  Ouarglâ  est  la  porte  du  désert 
((  par  laquelle  doivent  passer  les  voyageurs  qui  veulent  se  rendre  au 
«  Soudan.  Son  chef  porte  le  titre  de  sultan.  11  descend  d'Abou-Tha- 
«  boul ,  de  la  famille  des  Benî-Ouagguîn ,  personnage  dont  la  posté- 
«  rite,  en  ligne  directe,  a  toujours  exercé  la  souveraineté.» 

En  1353,  Ebn-Khaldoûn  vit  à  Biskra  un  ambassadeur  du  seigneur 
de  Takedda,  ville  importante  de  l'Afrique  centrale,  avec  laquelle 
Ouarglâ  faisait  un  grand  commerce. 

A  l'époque  de  Jean  Léon  (xvi«  siècle),  il  y  avait  à  Ouarglâ  «  des 


286  TOUAREG  DU  NORD. 

«  marchands  étrangers,  même  de  Tunis  et  de  Constantîne  ,  qui  fai- 
«  saient  arriver  en  la  cité  la  marchandise  de  Barbarie ,  laquelle  ils 
«  troquaient  avec  le  produit  de  la  terre  des  noirs.  » 

Takedda  ayant  alors  disparu  comme  place  commerciale,  Ouarglâ 
commerçait  avec  Agadez. 

Elle  avait  un  roi  avec  2,000  chevaux  de  garde  et  150,000  ducats 
de  revenu. 

De  l'époque  de  Jean  Léon  à  nos  jours,  les  documents  historiques 
manquent  sur  Ouarglâ.  Pour  suppléer  à  leur  absence,  on  pouvait 
compter  sur  les  chroniques  de  la  ville,  conservées  précieusement  par 
la  municipalité,  mais,  quand  j'ai  visité  Ouarglâ  en  1860,  elles  avaient 
été  enlevées  quelques  années  auparavant  par  Mohammed-ben-'Abd- 
AUah ,  alors  que  cette  cité  est  tombée  en  son  pouvoir. 

Aujourd'hui  on  est  réduit  à  consulter  les  souvenirs  des  vieillards 
pour  combler  cette  lacune. 

Voici  ce  que  j'ai  appris  : 

Ouarglâ  a  toujours  conservé,  jusqu'en  ces  derniers  temps,  et  ses 
sultans  et  sa  municipalité.  J'ai  même  pu  connaître  et  interroger  le  fils 
du  dernier  sultan. 

Depuis  longtemps  des  rivalités  de  pouvoir  entre  les  sultans  et  la 
djema'a  avaient  amené  le  désordre  dans  l'administration  des  intérêts 
publics. 

A  une  époque  que  nul  ne  peut  préciser  et  pour  des  causes  mul- 
tiples, mais  toutes  rapportées  à  la  décadence  du  pouvoir  local,  le 
grand  commerce  avec  l'Afrique  centrale  avait  cessé;  la  ville  s'était 
dépeuplée;  les  maisons,  la  Qaçba,  le  mur  d'enceinte,  étaient  tombés 
en  ruines;  les  eaux  n'avaient  plus  été  aménagées,  et  l'insalubrité, 
avec  la  maladie,  était  venue  substituer  la  désolation  à  une  situation 
jadis  prospère. 

A  Ghadàmès  et  à  Rhât,  j'ai  pu  compléter,  par  des  renseignements 
plus  précis,  ce  que  la  notoriété  publique  et  la  vue  des  lieux  m'avaient 
appris  à  Ouarglâ. 

Entre  Ouarglâ  et  Agadez  existe  une  grande  voie  dont  les  traces 
sont  parfaitement  conservées,  et  que  de  vieux  Kêl-Ouï,  Touareg  d'Aïr, 
se  rappellent  avoir  parcourue. 

Je  donne  le  tracé  de  cette  route  sur  mes  cartes,  et  des  détails 
complémentaires  dans  la  partie  commerciale  de  cette  étude. 

Les  sultans  d' Agadez,  ceux  des  Touareg  du  Nord  et  d'Ouarglâ, 


CENTRES  COMMERCIAUX.  287 

souverains  jadis  puissants,  assuraient  la  sécurité  de  cette  route,  et  elle 
était  le  passage  d*un  très-grand  commerce. 

Agadez  a  commencé  par  tomber  en  décadence  par  des  causes 
qui  seront  indiquées  ailleurs. 

Le  commerce,  dont  cette  ville  était  le  point  de  départ  au  Sud,  ne 
donnant  plus  de  revenus  aux  sultans  des  Touareg  et  d'Ouarglâ,  ceux- 
ci  n'en  continuèrent  pas  moins  à  vivre  dans  le  luxe  aux  dépens  de 
leurs  sujets  qui ,  eux-mêmes ,  souffraient  de  la  cessation  du  négoce. 
Les  exactions  amenèrent  la  révolte,  et  rois  d* Agadez,  rois  des  Toua- 
reg, rois  d'Ouarglâ,  disparurent  les  uns  après  les  autres,  entraînant 
dans  leur  ruine  commune  un  commerce  dont  ils  étaient  les  créateurs, 
les  soutiens  et  presque  les  maîtres. 

Le  principe  d'autorité  avait  créé  Tordre  et,  à  sa  suite,  de  grandes 
relations  commerciales  :  l'anarchie  a  amené  le  désordre  et,  à  sa  suite, 
la  situation  que  nous  constatons  aujourd'hui  : 

Le  commerce  d' Agadez  s'est  réfugié  à  Katsena  et  à  Kanô  dans  le 
Soudan  ; 

Celui  d'Ouarglâ ,  qui  s'opérait  par  la  route  directe  de  la  Sebkha 
d'Amadghôr,  s'est  détourné  sur  Rhât,  sur  Ghadàmès  et  sur  El- 
Ouâd  ; 

Le  pouvoir  du  roi  des  Touareg  du  Nord  a  été  remplacé  par  celui 
du  cheikh  des  Azdjer,  en  laissant  la  confédération  du  Ahaggâr  daqs 
l'anarchie  ; 

Dans  cette  révolution,  Ouarglâ  a  sombré,  corps  et  biens,  ne  lais- 
sant à  El-Ouâd  que  quelques  bribes  de  son  grand  commerce  ; 

Ghadàmès  a  tout  absorbé,  môme  le  commerce  qui  s'opère  par  les 
routes  aboutissant  à  In-Sâlah. 

On  se  demande  si ,  avec  le  rétablissement  de  l'ordre  au  Sud 
de  nos  possessions,  Ouarglâ  peut  recouvrer  son  ancienne  splen- 
deur. 

L'état  présent  de  cette  ville,  hommes  et  choses,  répondra  à  cette 
question. 

Quatre  groupes  d'habitants  composent  la  population  d'Ouarglâ  : 

Les  Benî-Ouagguîn, 

Les  Benî-Brahîm, 

Les  Benî-Sisîn, 

Des  Beni-Mezâb  qui,  d'après  un  document  que  j'ai  trouvé  à  Ghar- 


288  TOUAREG  DU   NORD. 

dâya,  confirmé  d'ailleurs  par  E2)n-Khaldoûn,  sont  probablement  les 
contemporains  des  Benî-Ouarglà  dans  l'oasis  à  laquelle  ces  derniers 
ont  imposé  leur  nom. 

Les  Benî-Mezâb  confondus  aujourd'hui  avec  les  Benî-Sisîn  habitent 
le  même  quartier. 

En  réalité,  les  quatre  groupes  d'habitants  d*Ouarglà  n'en  font 
que  trois,  et,  par  suite  de  leurs  prétentions  réciproques,  ils  ne  sont 
jamais  d'accord;  ce  qui  fait  que,  quoique  constituant  un  chiffre  total 
de  4  à  5,000  habitants,  ils  ont  souvent  succombé  dans  leurs  luttes 
contre  la  petite  ville  voisine  de  Negoûsa  (1,000  âmes  environ)  et 
contre  les  Arabes  qui  les  enveloppent. 

Les  rivalités  qui  divisent  les  habitants  d'Ouarglà  sont  déjà  une 
première  cause  de  faiblesse. 

De  plus ,  quoique  les  membres  des  quatre  groupes  berbères  com- 
posant la  population  d'Ouarglà  soient  autorisés  à  revendiquer  une 
origine  blanche,  tous,  à  peu  près  sans  exception,  appartiennent  au 
type  sub-éthiopien  du  Tafîlelt,  du  Touàt,  de  TOuâd-Rîgh,  du  Nef- 
zàoua  et  du  Fezzân.  Par  leurs  traits,  .ils  se  rapprochent  des  Cauca- 
siens ;  par  la  coloration  de  la  peau,  ce  sont  des  noirs. 

Les  Ouargliens  attribuent  leur  teint  noir  au  mélange  de  leur  sang 
avec  celui  des  nombreuses  esclaves  que  leurs  ancêtres  ont  achetées 
aux  caravanes  du  Soudan. 

11  est  possible  aussi  que  les  Berbères  Benî-Ouarglà,  très- peu  nom- 
breux à  leur  origine,  ainsi  que  le  constate  Kbn-Khaldoûn,  et  rencon- 
trant de  grandes  difficultésd'acclimatation  dans  le  bas-fond  de  la  cuvette 
de  rOuâd-Mîya,  aient  cherché  dans  une  fusion  de  leur  sang  avec  celui 
des  noirs  de  la  race  garamantique,  qui  s'étendaient  jusque  dans  ces 
parages,  l'unique  chance  qu'ils  avaient  de  se  reproduire  dans  une 
contrée  où  la  race  blanche  ne  peut  vivre. 

Une  étude  complète  du  Sahara  nous  montre  toutes  les  régions 
basses  des  lits  des  anciennes  sebkha  habitées  par  des  noirs  et  toutes 
les  régions  élevées  et  sèches  environnant  ces  bas-fonds,  peuplées  de 
blancs.  11  y  a  dans  ce  cantonnement  général  autre  chose  que  le  fait 
de  l'importation  d'esclaves  noirs,  car  les  tribus  des  hauts  plateaux  ont 
reçu  autant  d'esclaves  que  celles  des  bas-fonds.  Je  ne  puis  m'empêcher 
d'y  voir  l'application  d'une  des  lois  les  plus  simples  de  la  nature.  Le 
sang  nègre  a  vaincu  le  sang  blanc  dans  les  lieux  où  le  climat  se  rap- 
proche de  celui  de  la  Nigritie  ;  le  sang  blanc  a  dominé  le  sang  nègre 


PI.  XVI 


Pafçe  2m. 


Fig,  30. 


^: 


TYPES     KK&ilMNS     DE     L\    HACK     S  t  B  -  ÉTII 10  PI  E\  %  E    0(     G  \  l;  A  U  ATS  Tl  Ql  K 

(  <»  LAD -Rio  H  ). 


IVaprim^dos  photographies  Me  M.  H.   Duvcyrier^ 
*»t  ii«»  M.  Puig. 


CENTRES  COMMERCIAUX.  2f89 

partout  où  la  race  blanche  a  retrouvé  les  conditions  du  climat  ori- 
ginel. 

Les  plantes  ne  se  conduisent  pas  autrement.  La  plus  vivace  étouffe 
la  plus  faible. 

L'impossibilité,  pour  les  blancs,  de  vivre  et  de  se  reproduire 
à  Ouarglà,  crée  donc  une  seconde  cause  de  faiblesse  pour  cette 
ville. 

Enfin,  tout  est  en  ruine  à  Ouarglâ  :  habitations,  habitants,  moral 
même. 

La  Qaçba  que  j'ai  visitée  en  détail  et  qui  était  une  petite  ville 
fortifiée  au  milieu  de  la  grande  est  aujourd'hui  inhabitable  :  à  peine 
pourrait-on  en  dresser  le  plan. 

Les  maisons  de  la  ville,  quoique  bien  bâties,  à  plusieurs  étages, 
avec  des  portes  encadrées  et  décorées  d'arabesques,  sont  mal  entre- 
tenues ou  en  ruines.  On  voit  cependant  qu'elles  ont  été  construites 
par  des  propriétaires  riches,  car  elles  offrent  le  luxe  de  passages 
voûtés  qui  donnent,  pour  l'été,  d'agréables  lieux  de  repos  pendant  la 
chaleur  du  jour. 

Les  mosquées  sont  à  peine  en  meilleur  état  que  la  Qaçha  et  les 
maisons. 

Le  fossé,  large  de  douze  mètres  environ,  qui  enveloppe  exté- 
rieurement le  mur  d'enceinte  de  la  ville  et  qui  sert  d'exutoireà  toutes 
les  immondices  et  à  l'excédant  des  irrigations  des  jardins,  est  aujour- 
d'hui un  immense  cloaque  infect ,  sans  issue ,  dont  les  émanations 
empoisonneraient  l'air  le  plus  pur. 

Aussi,  au  printemps  et  à  l'automne,  la  fièvre  paludéenne  atteint- 
elle  tous  les  habitants. 

Déjà  bon  nombre  d'entre  eux  ont  émigré  à  Tunis;  ce  qui  reste  ne 
sait  que  se  plaindre  et  accuser. 

Aujourd'hui,  à  Ouarglà,  il  n'y  a  plus  un  riche  négociant,  mais 
des  propriétaires  mal  aisés  et  des  khnmmâs^,  qui  vivent  du  cinquième 
des  produits  des  jardins  qu'ils  cultivent. 

On  dit  qu'il  y  vient  encore  quelques  caravanes  de  Rhàt,  d'El- 
Golêa',  d'In-Sâlah,   mais,  évidemment,  ce  ne  peut  être  que  pour 

1 .  Le  kbammàs,  c'està-dire  cultivateur  au  cinquième,  est  un  engagé  à  la  dispo- 
sition duquel  les  propriétaires  mettent  tout  ce  qui  est  nécessaire  à  la  culture  :  sol, 
plantations,  semences,  eaux,  instruments,  et  qui  donne  gratuitement  sa  main-d'œuvre, 
moyennant  le  cinquième  de  la  récolte. 


290  TOUAREG  DU  NORD. 

échanger  des  marchandises  sans  valeur  contre  des  dattes,  seule  pro- 
duction sérieuse  de  Toasis. 

Aujourd'hui  Ouarglâ  est  une  ville  morte,  et  nul  ne  la  ressuscitera, 
je  le  crains;  cependant  la  belle  ceinture  de  60,000  palmiers  qui  Ten- 
virônne,  ses  eaux  artésiennes,  sa  situation  à  l'embranchement  d'une 
route  sur  Timbouktou  par  In-Sàlah,  et  sur  le  Soudan  par  les  mines  de 
sel  d*Amadghôr,  les  nombreux  Cha'anba  avec  leurs  chameaux  qui 
peuplent  sa  banlieue,  lui  donnent  une  grande  valeur  comme  station 
de  caravanes,  entre  le  plateau  rocheux  des  Benî-Mezâb  et  la  zone  des 
dunes  qui  la  séparent  des  montagnes  des  Touareg. 

Conservons  à  Ouarglâ  ce  rôle  dans  l'avenir  et  cherchons  au  Nord 
un  endroit  plus  salubre  pour  servir  d'entrepôt  à  notre  commerce. 
Methlîli ,  Ghardâya  et  Laghouât  ne  laissent  que  l'embarras  du  choix. 

Ouarglâ  a  encore  un  autre  rôle  à  jouer  :  c'est  le  point  de  nos 
possessions  le  plus  rapproché  des  Touareg  du  Nord,  notamment  des 
Ifôghas  qui  viennent  quelquefois  camper  à  très-peu  de  distance  de 
•  cette  ville.  De  bons  rapports  entre  un  centre  soumis  à  notre  domina- 
tion et  des  peuplades  indépendantes  peuvent  être  un  excellent  trait 
d'union.  Mais,  pour  cette  mission  spéciale,  il  faudrait  que  le  chef 
d'Ouarglà  fût  en  même  temps  le  représentant  des  intérêts  de  la  France 
près  des  Touareg  et  non  un  personnage  exclusivement  préoccupé  d'in- 
térêts personnels  ou  locaux. 

S  V.  —  In-SAlah   et  le  TocAt. 

Cinq  groupes  d'oasis  constituent  l'archipel  auquel  on  donne  le 
nom  collectif  de  Touât,  forme  berbère  du  mot  Ouasis, 

Le  Tidîkelt  est  le  plus  méridional  de  ces  groupes.  In-Sâlah  *  en 
est  le  chef-lieu.  En  même  temps,  cette  ville  est  le  principal  centre 
de  commerce  de  la  contrée,  dans  ses  rapports  avec  l'Afrique  centrale, 
l'Algérie,  la  Tunisie  et  la  Tripolitaine. 

In-Sâlah  est ,  à  vol  d'oiseau ,  à  peu  près  à  une  égale  distance  de 
Timbouktou,  de  Mogador,  de  Tanger,  d'Alger  et  de  Tripoli.  Par  sa 
position  centrale,  cette  ville  devait  devenir  et  est  devenue  un  centre 


1.  In-Sàlah  doit  être  écrit  en  deux  mots  et  non  en  nn  seul  comme  on  le  fait  or- 
dinairement. Ce  nom  est  composé  du  pronom  démonstratif  temàhaq,  In,  celui  de,  et 
du  nom  propre  arabe  SAlah,  c'est-à-dire  l'endroit,  la  yiUe  de  Sàlah. 


PI.  XVII. 


Page  «90. 


Fig.  31. 


.TYPE    MASCOLIN    DE    LA     RACE    SU  B  -  KTHIOPI  EiN  \  E    OU    G  A  R  AM  AN  Tl  QU  E. 

(OUAD'Btau). 


D'après  une  photographie  de*M.  II.  Duveyrier. 


ï       % 


CENTRES   COMMERCIAUX.  291 

commercial  important.  Tune  des  clefs  du  commerce  du  Nord  avec 
Timbouktou. 

Le  Touât  est  une  confédération  indépendante  de  trois  cents  à 
quatre  cents  petites  villes  ou  villages,  à  quelques  journées  do  marche 
au  Sud  de  nos  possessions,  et  qui  embrasse ,  du  Nord  au  Sud,  une 
longueur  de  300  kilomètres  et,  de  l'Est  à  TOuest,  une  largeur  de 
160  kilomètres,  entre  les  méridiens  d'Alger  et  d'Oran,  sur  la  route 
directe  de  l'Algérie  au  Niger  moyen. 

Par  sa  situation,  cette  confédération  se  trouve  dans  le  rayon 
naturel  d'attraction  de  notre  colonie. 

Elle  est,  en  outi^,  dans  notre  dépendance  immédiate  pour  ses 
besoins  de  première  nécessité  :  la  viande  et  le  blé  dont  elle  se  nourrit, 
la  laine  dont  elle  fait  une  partie  de  ses  vêtements.  Ces  denrées  sont 
portées  annuellement  par  nos  tribus  algériennes  du  Sahara  occidental 
dans  les  divers  oasis  du  Touât  qui  ne  pourraient  se  les  procurer  ail- 
leurs, car  l'anarchie,  qui  est  l'état  normal  du  Maroc ,  ne  leur  permet 
pas  de  compter,  pour  leurs  approvisionnements,  sur  la  production, 
d'ailleurs  très-restreinte,  de  cet  Empire. 

Le  Touât  reconnaît  la  souveraineté  religieuse  des  chorfa,  empe- 
reurs du  Maroc,  et,  à  ce  titre,  lui  envoie  des  présents  en  argent, 
quelque  chose  comme  le  denier  de  saint  Pierre  de  l'Europe  catholique; 
mais  là  se  bornent  ses  rapports  avec  les  souverains  de  Fez.  Au  même 
titre,  le  Touât  fait  des  dons  aux  marabouts  de  Timbouktou,  les 
Bakkây,  et  les  Touâtiens  ont  bien  le  soin  de  faire  remarquer  que  ces 
témoignages  de  déférence  religieuse  ne  s'adressent  pas  au  î)ouvoir 
temporel,  mais  au  pouvoir  spirituel  dont  ces  marabouts  sont  revêtus. 

Jaloux  de  leur  indépendance  politique,  même  vis-à-vis -des  souve^ 
rains  musulmans,  les  Touâtiens  le  sont,  à  plus  forte  raison,  vis-à-vis 
de  la  France,  puissance  chrétienne. 

Instinctivement,  appréciant  mieux  leur  position  que  nous  ne  l'avons 
fait  nous-mêmes,  ils  ont  le  pressentiment  que  tôt  ou  tard  ils  tombe- 
ront sous  notre  influence,  si  ce  n'est  sous  notre  domination. 

L'occupation  de  Laghouât  et  de  Géryville,  l'extension  donnée  à 
nos  possessions  du  Sénégal,  ontrépandu  chez  eux  de  grandes  craintes  : 
aussi,  quand  simultanément,  en  1861,  M.  le  commandant  Colonieu  et  le 
khalîfa  Sîdi-Hamza  se  sont  avancés ,  le  premier  jusqu'à  Timmîmoun 
avec  une  caravane  d'essai,  le  second  jusqu'à  El-Golôa',  où  il  a  des 


292  TOUAREG  DU  NORD. 

propriétés,  a-t-OQ  vu  tous  les  Touâtiens  trembler  comme  si  leur  indé- 
pendance politique  avait  été  menacée  et  songer  à  fuir  dans  les  monta- 
gnes des  Touareg  Ahaggàr. 

Alors ,  en  quelques  jours ,  le  prix  des  chameaux  s'est  élevé  de 
200  à  500  francs. 

Une  ambassade  a  été  envoyée  à  l'empereur  du  Maroc  pour  le  prier 
d'intervenir,  probablement  par  la  voie  officieuse  de  la  diplomatie;  des 
supplications  ont  été  adressées  au  marabout  de  Timbouktou  à  l'efTet 
de  rendre  favorable  à  la  cause  du  Touât  l'influence  qu'il  peut  exercer 
à  Londres  et  à  Constaniinople. 

Avant  d'implorer  l'intervention  de  leurs  chefs  religieux,  les  Touâ- 
tiens s'étaient  jetés  dans  les  bras  d'El-Hâdj- Ahmed,  le  moqaddem 
de  la  confrérie  hostile  des  Senoûsi,  et  dans  ceux  de  Mohammed-ben- 
'Abd-Allah,  qu'on  a  vu ,  les  armes  à  la  main ,  nous  disputer  la  domi- 
nation du  Sahara  algérien. 

Ainsi,  pendant  qu'on  s'occupe  peu  du  Touât  en  Algérie,  on  ne 
pense  qu'à  nous,  on  ne  parle  que  de  nous  au  Touât,  et,  je  le  répète, 
cette  agitation  est  due  à  la  conviction  que  cette  contrée  est  naturelle- 
ment destinée  à  subir  la  loi  du  maître  d'Alger. 

Convaincus  de  leur  impuissance  à  nous  résister,  ces  Oasiens  ont 
adopté  contre  nous  la  politique  de  l'isolement  et  de  l'abstention  de 
tout  rapport,  dans  l'espoir  que  l'ignorance  de  leur  position  favorisée 
les  protégera  mieux  que  la  lumière. 

Cependant  tous  les  hommes  intelligents  comprennent  le  côté 
faible  de  cette  tactique  et  le  danger  que  court  l'indépendance  de  leur 
confédération  en  accueillant  les  prédications  des  Senoùsi,  en  donnant 
asile  à  des  Mohammed-ben-'Abd-Allah,  en  refusant  toute  relation  de 
commerce  avec  nous. 

Les  principaux  propriétaires,  les  riches  commerçants,  les  capita- 
listes, en  un  mot,  tous  ceux  qui  ont  voyagé,  devinent  qu'une  puissance 
comme  la  France  ne  peut  pas  permettre  au  commerce  de  Timbouktou 
de  longer  toute  la  limite  Sud  de  ses  possessions,  pour  aller  gagner  le 
port  de  Tripoli,  sans  être  tentée  d'y  prendre  une  part  quelconque. 

11  est  vrai  qu'à  côté  de  ces  hommes  sensés  il  y  a  la  classe  turbu- 
lente et  inquiète  des  tolba  ou  gens  lettrés  vivant  aux  dépens  de 
la  crédulité  publique  et  exploitant  l'ignorance  des  Sahariens.  Cette 
classe  a  le  sentiment  instinctif  que  son  règne  cessera  le  jour  où  notre 
influence  se  fera  sentir  au  Touât. 


CENTRES  COMMERCIAUX.  29^ 

En  attendant,  elle  va  partout  semant  les  plus  grandes  absurdités 
sur  notre  compte  et  recrutant  des  auxiliaires  aux  Senoûsi  et  aux  agi^ 
tateurs  comme  Moharamed-ben-'Abd-Allah. 

Néanmoins,  la  lumière  se  fait,  et,  peu  à  peu,  les  préventions  dis- 
paraîtront. 

Au  nombre  de  ces  préventions,  il  en  est  une  que  le  gouvernement 
doit  dissiper  :  c*est  qu'il  n*a  aucun  intérêt  à  grever  son  budget  des 
dépenses  d^  Toccupatipn  du  Touât,  si  de  bons  rapports  avec  ses 
habitants  permettent  au  commerce  de  l'Algérie,  comme  à  celui  de 
Malle  et  de  Gibraltar,  de  prendre  part  aux  échanges  avec  l'Afrique 
centrale,  mais  que,  si  les  Touâtiens  continuent  à  vouloir  fermer  aux 
marchandises  françaises  la  route  de  l'Algérie  à  Timbouktou,  au  profit 
exclusif  des  marchandises  anglaises,  il  se  verra  contraint  ou  de  con* 
quérir  le  Touât,  ce  qui  n'est  pas  diflScile,  ou  de  rouvrir  Tancienne 
route  rivale  par  Ôuarglà,:  El-Beyyodh,  Aghelâchchem ,  Timîssao  et 
Mabroûk,  entreprise  réalisable,  qui  enlèverait  au  Touât  et  à  In-Sâlah 
tout  le  commerce  qui  les  enrichit. 

Malheureusement,  la  république  touâtienne  n'a,  ni  un  pouvoir 
central  pour  la  totalité  de  la  confédération,  ni  un  pouvoir  local  pour 
chaque  groupe.  Au  contraire,  chaque  centre  a  son  autorité  distincte  : 
ici,  dans  les  villages  berbères,  la  municipalité  démocratique;  là,  dans 
les  villages  arabes,  le  pouvoir  héréditaire  de  familles  nobles  ou  reli- 
gieuses; ailleurs,  dans  les  villages  où  le  sang  noir  domine,  la  muni- 
cipalité aristocratique,  et  partout  pour  couronnement  de  l'édifice 
anarchique  deux  partis  politiques  :  les  Sefiân  et  les  Ihàmed;  deux 
partis  religieux  :  les  Senoûsi  et  les  Tedjâdjna,  qui  achèvent  de  diviser 
les  populations. 

Sans  cette  division  à  l'inflni  du  pouvoir  et  des  partis,  le  Touât, 
placé  comme  il  l'est  sur  une  grande  route  commerciale,  favorisé 
d'un  territoire  fertile  et  bien  arrosé,  serait  un  pays  très-riche. 

Comme  ancre  de  salut  apparaît  dans  le  lointain  l'intervention 
efficace  du  marabout  Sîdi-Ahmed-el-Bakkày  de  Timbouktou,  qui,  solli- 
cité par  son  intérêt  personnel  de  propriétaire  de  plusieurs  zâouiya  au 
Touât  et  de  maître  du  marché  alimenta teur  de  celui  d'In-Sâlah,  semble 
aujourd'hui  disposé  à  entrer  en  rapports  avec  le  gouvernement  de 
FAIgériç. 

Le  désir  du  marabout  de  Timbouktou  est  le  même  que  le  nôtre  : 
développer  les  relations  commerciales  de  l'Afrique  centrale  avec 


294  TOUAREG  DU  NORD. 

l'Europe,  sans  que  Tocccupation  du  Touàt  par  des  chrétiens  soit  né- 
cessaire. 

L'intérêt  des  commerçants  de  l'Afrique  centrale  dans  la  question 
est  encore  plus  grand  que  celui  des  Algériens,  car,  si  l'Europe  peut, 
à  la  rigueur,  se  passer  des  produits  de  la  Nigritie,  la  Nigritie  ne  peut 
guère  rester  privée  des  produits  de  l'Europe. 

Le  gouvernement  marocain  pourrait  aussi  être  sollicité,  par  l'in- 
termédiaire de  notre  consul  général  de  Tanger,  à  éclairer  le  Touât 
sur  ses  véritables  intérêts,  et  ce  gouvernement  peut  le  faire  :  car  la 
route  du  Maroc  à  Timbouktou  est  indépendante  de  celle  d'In-Sâlah, 
et  il  importe  peu  au  souverain  de  Fez  que  les  marchands  du  Touât 
scHent  les  intermédiaires  du  commerce  d'Alger  ou  de  celui  de 
Tripoli. 

Trois  races  distinctes  peuplent  le  Touât  i  les  Noirs,  les  Berbères  et 
les  Arabes. 

Les  Noirs  sont  les  plus  nombreux  et  les  plus  anciens  habitants  du 
pays.  Le  Gourâra  et  l'Aougueroût  paraissent  ne  pas  en  avoir  d'autres. 

Les  auteurs  grecs  et  latins  indiquent  le  Tafilelt  (la  Sédjelmàssa  du 
moyen  âge)  comme  limite  Ouest  au  territoire  des  Garamantes.  Les 
Noirs  du  Touât ,  d'après  cette  indication ,  auraient  la  même  origine 
que  leurs  frères  du  Fezzân.  L'usage  commun  des  puits  à  galerie  (fogà- 
rât  des  Garamantes)  confirme  cette  assimilation. 

Plus  au  Nord,  à  Moghàr  et  à  'Asla,  les  rochers  portent  des  sculp- 
tures sui  generis  rappelant  la  civilisation  garamantique. 

On  est  donc  autorisé  à  considérer  les  Noirs  du  type  sub-éthio- 
pien  du  Touât  comme  ayant  appartenu  primitivement  au  groupe  ga- 
ramantique. 

L'historien  Ebn-Khaldoûn  nous  fait  connaître  quelles  tribus  ber- 
bères sont  venues  envahir  le  Touât  :  les  Benî-Yaleddès,  fraction  des 
Ouemmanou  avec  des  Benî-Ourtatghîr,  des  Benî-Mezâb,  des  Benî- 
Abd-el-Ouâd  et  des  Benî-Merîn. 

On  comptait  à  cette  époque,  au  Touàt,  deux  cents  bourgades, 
plus  cent  dans  le  Gourâra ,  ce  qui  correspond  assez  exactement  au 
nombre  actuel  des  Qeçoûr.  * 

Tementît  et  Bouda  étaient  alors  les  centres  commerciaux,  points 
d'arrivée  et  de  départ  des  caravanes  de  l'Afrique  centrale. 

Avant  l'invasion  de  ces  Berbères  dans  le  Touàt,  les  Touareg  du 


CENTRES   COMMERCIAUX.  295 

Ahaggâr  auraient  étendu  leur  domination  8ur  les  oasis  méridionales 
de  Tarchipel,  mais  Ebn-Khaldoûn  n*en  fait  pas  mention. 

Depuis,  des  tribus  arabes  nomades,  dont  quelques  essaims  se  sont 
stabilisés  en  élevant  de  nouveaux  villages,  sont  venues  ajouter  un 
nouvel  élément  de  population ,  sinon  de  discorde,  aux  éléments  ber- 
bères et  noirs  qui ,  jusque-là ,  semblent  avoir  vécu  en  assez  bonne 
intelligence. 

Cependant  le  berbère  est  resté  la  langue  nationale  du  Gourâra,  de 
l'Aougueroût  et  du  Tîmmi,  quoique  Varabe  soit  devenu  la  langue 
écrite,  commerciale  et  religieuse  de  tout  le  louât. 

Si  de  l'origine  des  habitants  je  passe  aux  détails  de  leur  assiette 
sur  le  territoire  qu'ils  occupent,  je  trouve  chaque  groupe  d'oasis 
installé  sur  le  versant  Ouest,  à  pente  douce,  du  plateau  du  Tàdemâyt, 
et  tirant  de  ce  plateau  ses  eaux  d'alimentation  et  d'irrigation,  au 
moyen  de  travaux  hydrauliques  particuliers,  inconnus  des  Berbères  et 
des  Arabes,  mais  communs  partout  où  j'ai  constaté  la  préexistence  du 
type  sub-éthiopien.  Ces  travaux  étaient  nécessaires  pour  que  le  Touât 
fût  habitable,  car  il  y  pleut  rarement,  et  souvent,  à  l'époque  actuelle, 
on  y  traverse  des  périodes  de  vingt-cinq  années  sans  pluies. 

Quoique  sur  le  versant  d'un  plateau ,  le  territoire  du  Touât  peut 
être  considéré  comme  se  rapprochant  beaucoup  de  la  nature  des 
bas-fonds  de  sebkha  d'Ouarglâ,  de  rOuàd-Rîgh,  du  Nefzàoua  et  du 
Fezzân,  occupés  par  leurs  frères  noirs  de  même  race.  On  dirait  que 
ces  enfants  de  l'Afrique  centrale  ont  partout  recherché ,  dans  le  Nord 
du  continent,  les  régions  dont  le  climat  ressemblait  le  plus  à  celui  de 
leur  patrie  originelle.  11  est  vrai  qu'ailleurs  ils  s'acclimatent  et  se 
reproduisent  difïlcilement. 

La  population  surabonde  au  Touât,  aussi  a-t-elle  dû  recourir  à 
l'émigration  pour  faire  cesser  le  trop-plein.  On  rencontre  desTouâtiens 
partout  :  à  Timbouktou,  à  Agadez,  à  Rhât,  à  Ghadâmès,  à  Tripoli,  à 
Tunis,  à  Tlemsen,  dans  toute  la  partie  occidentale  du  Sahara  algérien 
et  dans  les  principales  villes  du  Maroc.  Dans  les  centres  commerciaux, 
ils  s'adonnent  au  commerce;  dans  les  tribus,  ils  sont  instituteurs. 
Comme  les  Benî-Mezàb  et  les  Biskri,  dès  qu'ils  ont  gagné  un  petit  pé- 
cule, ils  rentrent  dans  leur  patrie. 

Bien  que  la  fertilité  du  Touât  soit  grande,  sa  production  est  infé- 
rieure à  ses  besoins  :  aussi  est-il  tributaire  des  provinces  d'Alger  et 


296  .     TOUAREG  DU   NORD. 

d'Oran,  pour  là  partie  de  sa  consommation  qui  ne  consiste  pas  en 
dattes  et  en  légumes  frais. 

Les  vêtements,  la  plus  grosse  affaire  après  Talimentation ,  sont 
par  moitié  en  coton  venant  de  Timbouktou  ou  du  Soudan ,  par  moitié 
en  laine  dont  la  matière  première  vient  de  l'Algérie. 

Plusieurs  villes  de  la  confédération  touâtienne  ont  une  certaine 
importance  commerciale,  les  unes  comme  centres  d'un  commerce 
local  :  Tîmmi,  Timmîmoun,  Tabalkosa;  les  autres  comme  centres 
d'échange  entre  les  produits  de  l'Europe  et  ceux  de  l'Afrique  centrale  : 
In-Sâlah  et  Aqabli,  Ces  deux  dernières  villes  doivent  aux  relations 
journalières  qu'elles  entretiennent  avec  les  Touareg  d'avoir  mono- 
polisé en  leurs  mains  un  commerce  qui  exige  de  bons  rapports  avec 
les  maîtres  des  routes.  Jadis  Aqabli  avait  la  prédominance,  aujour- 
d'hui c'est  In-Sàlah. 

In-Sàlah  est  une  des  villes  les  moins  anciennes  du  Touàt,  car 
aucun  document  ne  la  mentionne  avant  le  xv^  siècle,  et  ses  habitants 
ne  font  remonter  sa  fondation  qu'à  deux  cents  ans.  Néanmoins  elle 
est  aujourd'hui  l'une  des  plus  grandes,  des  plus  peuplées  et  incon- 
testablement la  plus  riche. 

11  faut,  toutefois,  s'entendre  sur  ce  qu'on  est  convenu  d'appeler 
la  ville  d'In-Sâlah. 

In-Sâlah  est  un  nom  collectif  donné  à  quatre  qeçoûr  ou  centres 
d'habitation  qui  se  touchent  et  sont  échelonnés  à  l'Orient  l'un  de 
l'autre. 

Ces  quatre  qeçoûr  sont  : 

Qaçar-el-'Arab  ou  Qaçar-el-Kebir  ; 

Qaçar-Bel-Qàsem  ; 

Qaçar-Oulâd-el-Hâdj  ; 

Qaçar-ed-Derhàmcha. 

De  ces  quatre  qeçoûr  le  plus  important,  celui  auquel  pourrait 
s'appliquer  le  titre  de  ville  portant  le  nom  d'In-Sàlah,  est  Qaçar-el- 
Keblr(le  grand  centre)  ou  Qaçar-el-'Arab  (le  centre  des  Arabes):  mais, 
je  le  répète,  In-Sàlah  n'est  pas  une  ville  dans  le  sens  que  nous  atta- 
chons à  ce  mot  :  c'est  une  collection  de  quatre  bourgades  fortifiées, 
ayant  chacune  leur  vie  propre. 

Autour  de  ce  point  central ,  capitale  du  Tidîkelt,  convergent  d'au- 
tres qeçoûr  :  Ej-Jedid ,  Ez-Zàouiya ,  Es-Souâhel ,  Meliàna ,  Hâss-el- 


CENTRES   COMMERCIAUX.  297 

Hadjâr,  Igueston,  Oaçbet-Oulâd-Zommît,  Fogâret-ez-Zouâ,  Ez-Zâouiyet- 
Mouley-Heyba,  Sillâfen,  Fogâret-Oulâd-elrHàdj-Badjoûda,  Fogâret- 
Oulàd-el  -Hâdj-'Ali ,  Fogâret-Oulâd-el-Hâdj- Mohammed ,  Sâhel, 
EI-Barka.  Ces  quinze  villages  fortiûés  peuvent  être  considérés  comme 
formant  une  grande  banlieue  autour  des  quatres  qeçoûr  constituant 
In-Sâlah. 

La  portion  la  plus  active  de  la  population  d'In-Sâlah  est  arabe; 
quelques  étrangers ,  particulièrement  les  Ghadàmèsiens ,  y  ont  des 
établissements.  Plusieurs  des  chefs  Touareg  y  tiennent  en  dépôt  tout 
ce  qu'ils  possèdent:  ainsi  le  Cheikh- Othmân  y  a  maison,  magasins, 
jardins  de  dattiers.  C'est  là  qu'il  emmagasine  tout  ce  qu'il  a  de  pré- 
cieux, et  il  se  considère  autant  habitant  d'In-Sâlah  que  de  Timâs- 
sanîn. 

En  cela,  In-Sàlah,  quoique  centre  d'un  grand  commerce,  conserve 
le  rôle  dévolu  à  tout  qaçar,  celui  de  servir  de  lieu  de  dépôt  à  la 
partie  de  la  fortune  des  nomades  qu'ils  n'emportent  pas  avec  eux  dans 
leurs  pérégrinations. 

Une  municipalité  ou  djema'a  gouverne  la  ville. 

Les  familles  les  plus  influentes  sont  les  Oulâd-Badjoûda  et  les 
Oulàd-el-Mokhtâr. 

Ce  qui  assure  la  prospérité  d'In-Sâlah  est  la  solidarité  d'intérêts  ^ 
qui  existe  entre  les  commerçants  de  cette  ville,  d'un  côté  avec  les  ' 
chefs  des  Touareg  Ahaggàr,  de  l'autre ,  avec  les  marabouts  de  Tim- 
bouktou  ;  solidarité  que  le  courage  de  ses  habitants,  appuyé  sur  le 
concours  de  la  tribu  belliqueuse  des  Oulâd-Bà-Hammou,  a  toujours 
su  maintenir. 

In-Sâlah  est  aux  Touareg  Ahaggàr  ce  que  Rhàt  et  Ghadâmès  sont 
aux  Azdjer,  c'est-à-dire  un  marché  sur  lequel  ils  peuvent,  à  peu 
près  sans  bourse  délier,  s'approvisionner  de  tout  ce  qui  leur  manque 
dans  leurs  montagnes. 

Sans  les  coutumes,  les  présents,  les  victuailles  que  les  gens  d'In^ 
Sâlah  donnent  aux  Ahaggàr,  ces  derniers  seraient  souvent  exposés  à 
mourir  de  faim  ;  sans  la  protection  que  les  Ahaggàr  donnent  aux  ca- 
ravanes d'In-Sàlah  sur  les  routes,  le  commerce  qui  fait  la  richesse  de 
la  ville  ne  serait  pas  possible. 

La  même  solidarité  existe  entre  les  marabouts  de  Timbouktou  et 
les  commerçants  d'In-Sâlah.  Sur  le  Niger,  les  marabouts  appuient  de 
leur  toute-puissance  les  commerçants  du  Touât,  et  les  commerçants 


298  TOUAREG  DU  NORD. 

d*In-Sâlah  font  respecter  et  entretiennent  au  Touât  les  trois  zàouiya 
des  marabouts  El-Bakkây. 

Les  gens  d'In-Sâlah  sont  réputés  excellents  guerriers  :  montés  sur 
des  chevaux,  armés  de  fusils  et  de  pistolets,  ils  ont  sur  leurs  ennemis 
Favantagc  de  ne  paî?  fuir  devant  les  armes  à  feu. 

Les  Oulâd-Bâ-Hammou ,  leurs  parents  et  leurs  alliés,  sont  aussi 
très-braves  et  très-redoutés. 

Un  mot  sur  cette  tribu  qui  pèse  d'un  si  grand  poids  dans  les 
destinées  d'In-Sâlah,  car  elle  lui  permet  de  faire  respecter  ses  cara- 
vanes et  même  de  réduire  les  exigences  des  Touareg  Ahaggàr  à  de 
légitimes  proportions. 

Les  Oulâd-Bà-Hammou  sont  d'origine  arabe,  ils  parlent  Tarabe  et 
vivent  de  la  vie  des  nomades  ;  mais,  depuis  longtemps,  ils  ont  adopté 
toutes  les  coutumes  des  Touareg. 

Comme  eux,  ils  portent  des  vêtements  bleus  en  coton  du  Soudan, 
le  voile,  le  poignard  de  bras  et  la  lance. 

Comme  eux,  ils  ont  des  imrhâd  (serfs),  Arabes  ou  Touareg,  et  les 
uns  et  les  autres,  propriétaires  de  chèvres  et  de  chameaux,  habitent 
avec  les  tribus  imrhâd  des  Touareg  dans  les  montagnes  du  Ahaggâr 
et  même  de  TAdzjer  les  plus  rapprochées  du  Touàt. 

Cette  similitude  de  vie  les  a  souvent  fait  appeler  Touareg  blancs, 
Touâreg-el-biodh,  parce  qu'ils  portent  généralement  le  voile  blanc. 

D'ailleurs,  les  Touareg,  sans  les  considérer  comme  des  frères, 
ne  les  tiennent  pas  pour  étrangers,  car  ils  regardent  le  territoire 
de  leurs  parcours  comme  faisant  partie  du  domaine  national  de  leurs 
confédérations. 

A  une  époque,  diflBcile  à  préciser,  les  Touareg  auraient  abandonné 
aux  Touâtiens  et  aux  Oulàd-Bà-Hammou  le  territoire  qu'ils  occupent 
aujourd'hui,  mais  sans  renoncer  aux  droits  que  la  conquête  leur  avait 
conférés. 

Les  Oulâd-Bâ-Hammou  ont  un  village  leur  appartenant  dans  la 
banlieue  d'In-Sàlah,  celui  d'Igueston,  où  ils  tiennent  leurs  approvi- 
sionnements sous  la  garde  de  quelques-uns  d'entre  eux;  mais  la 
tribu  mène  la  vie  nomade  sur  le  grand  plateau  de  Tâdemâyt,  entre 
les  dunes  de  1'  'Erg,  les  oasis  de  la  confédération  touâtienne  et  les 
montagnes  des  Ahaggâr. 

Les  Oulâd'Bâ-Hammou  sont  assez  forts  pour  se  faire  respecter 


CENTRES  COMMERCIAUX.  299 

des  Touareg.  En  1860,  ils  sont  même  venus  faire  un  rhezî  sur  les 
Azdjer  à  Tikhâmmalt  :  mais  généralement  ils  préfèrent  vivre  en  bons 
rapports  avec  eux,  parce  qu'ils  ont  à  défendre  les  caravanes  d*In-Sâlah 
contre  d'autres  ennemis,  notamment  contre  les  Beràber,  les  Douï- 
Menîa*  du  Maroc  et  les  Oulàd-Moûlât  des  rives  de  l'Océan. 

Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  les  Douï-Menîa'  et  les  Oulâd-Moûlàt 
viennent  à  cheval ,  de  deux  cents  à  trois  cents  lieues ,  enlever  les 
chameaux  des  Touâtiens  jusque  dans  les  pâturages  de  leurs  oasis. 

Pour  résister  à  des  adversaires  aussi  audacieux,  le  commerce  d'In- 
Sâlah  avait  besoin  de  trouver  dans  la  tribu  des  Oulâd-Bà-Hammou 
une  force  qui  ne  le  laissât  pas  complètement  à  la  discrétion  des 
Touareg  Ahaggâr.  Là  est  peut-être  le  secret  de  la  puissance  d'In-Sâlah 
et  de  sa  supériorité  sur  Aqabli,  Tementît  et  Bouda. 

Un  petit  district  du  Tidîkelt,  celui  d'ingher,  est  habité,  partie  par 
des  Arabes,  partie  par  des  Touareg. 

Deux  villages  du  district  d' Aqabli  :  El-Mançoûr  et  Arrekâch ,  sont 
occupés  par  une  tribu  targuie,  les  louînhédjen,  qui  antérieurement 
habitait  les  environs  d'El-Barkat,  au  Sud  de  Rhàt,  mais  qui  a  été  for- 
cée d'émigrer  par  les  anciens  sultans  des  Touareg.  Les  Arabes  don- 
nent le  nom  de  saltâf^  à  ces  Touareg. 

Ces  deux  groupes,  devenus  Touâtiens,  servent  de  trait  d'union 
entre  les  oasis  et  les  Touareg  Ahaggâr  et  Adzjer. 


i.  Corraption  da  mot  temàhaq  isattafentn,  les  noirs,  c'est-à-dire  ceux  qui  por- 
tent le  voile  noir.  Les  habitants  du  Tidîkelt  ont  ordinairement  des  voileà  blancs. 


CHAPITRE  II. 


CENTRES     RELIGIEUX. 


Je  l'ai  déjà  dit,  deux  grandes  confréries  et  deux  grandes  familles 
de  marabouts  tiennent  sous  leur  dépendance  religieuse  la  presque 
totalité  des  populations  du  Sahara. 

L'une  des  confréries,  celle  des  Tedjâdjna,  la  plus  ancienne,  con- 
stituée, il  y  a  un  siècle  environ,  en  dehors  de  toute  influence  de 
l'antagonisme  de  la  religion  chrétienne  et  de  la  religion  musulmane 
et  basée  sur  les  vraies  lumières  de  Tlslâm,  semble  avoir  été  créée  par 
son  fondateur  dans  un  but  de  rapprochement  et  de  lien  entre  toutes 
les  peuplades  divisées  du  Sahara  et  de  l'Afrique  centrale. 

L'autre,  celle  des  Senoûsi,  organisée  depuis  la  conquête  de  TAl- 
gérie,  depuis  que  la  question  d'Orient  est  devenue  l'objet  permanent 
des  préoccupations  des  puissances  chrétiennes,  s'est,  au  contraire, 
proposée  pour  but  spécial  de  lutter  contre  l'influence  toujours  crois- 
sante de  la  .politique  européenne  sur  les  États  musulmans  et  de  pré- 
server les  populations  du  Sahara  et  de  l'Afrique  centrale  de  tout 
rapport  avec  jes  Européens. 

La  première,  par  ses  actes,  par  son  exemple,  prêche  la  tolérance; 
la  seconde  enseigne  le  fanatisme  le  plus  exalté  et,  dans  sa  carrière 
active  et  militante,  cherche  à  opposer  une  barrière  matérielle  à  une 
fusion  d'intérêts  entre  des  peuples  qui  ne  peuvent  vivre  séparés  les 
uns  des  autres. 

Les  représentants  de  la  première ,  pendant  toute  la  durée  de  ma 
mission,  ont  été  mes  protecteurs  dévoués;  ceux  de  la  seconde,  infé- 
rieurs en  nombre  et  en  puissance,  ont  été  partout  mes  adversaires 
les  plus  redoutables. 

Je  dois  à  la  reconnaissance  de  signaler  la  conduite  tolérante  des 
Tedjâdjna,  et  à  la  vérité  d'éclairer  le  gouvernement  sur  l'hostilité  des 


CENTRES  RELIGIEUX.  301 

Senoûsi  et  sur  les  obstacles  qu'ils  peuvent  opposer  à  l'extension  de 
nos  rapports  avec  le  Sahara  et  TAfrique  centrale. 

Les  deux  familles  de  marabouts  que  je  considère  comme  des 
centres  religieux  sahariens  doivent  être  aussi  connues,  car  celle  des 
Bakkây,  toute-puissante  à  Timbouktou  et  chez  les  Touôreg  Aouélim- 
miden ,  peut  exercer  une  grande  influence  sur  l'avenir  de  nos  rela- 
tions avec  les  populations  du  Niger,  et  celle  d'Oulàd-Sîdi-Cheikh  doit 
encore  nous  rendre  d'importants  services  au  Touât, 

La  face  politique  des  deux  congrégations  étant  la  seule  qui  doive 
m'occuper,  je  m'abstiendrai  Saborder  le  côté  religieux  de  ces  deux 
institutions. 

L'ordre  méthodique  de  ce  travail  m'impose  l'obligation  de  mettre 
d'abord  en  scène  les  Senoûsi ,  nos  ennemis,  avant  de  m'occuper  de 
nos  amis,  les  Tedjàdjna,  les  Bakkây  et  les  Oulâd-Sidi-Cheikh,  afin  de 
mieux  démontrer  que ,  si  le  fanatisme  aveugle  peut  nous  créer  des 
embarras,  la  raison  éclairée  est  assez  puissante  pour  nous  aider  à  les 
surmonter. 

S  l*^  —  CONFRéRlB    DES    SeNOCSI. 

Es-Senoûsi,  originaire  de  Djàlo  (Tripolitaine),  disent  les  uns,  de 
la  tribu  algérienne  des  Benî-Senoûs,  au  Sud-Ouest  de  Tlemcen,  disent 
les  autres,  était  un  savant  et  pieux  musulman  qui  a  longtemps  sé- 
journé dans  les  villes  saintes  de  la  Mekke  et  de  Médine  et  qui,  dans 
l'Orient  asiatique  comme  dans  l'Orient  africain,  notamment  en  Egypte, 
a  toujours  recherché  la  société  des  champions  les  plus  exaltés  de  l'isla- 
misme, de  ceux  surtout  dont  l'orgueil  était  blessé  de  voir  les  gouver- 
nements de  Constantinople  et  du  Caire  adopter  toutes  nos  coutumes , 
copier  toutes  nos  institutions,  subir  notre  influence. 

En  homme  éclairé,  il  avait  pu  constater  dans  ses  voyages,  avec 
la  décadence  toujours  progressive  de  la  puissance  politique  de  l'Islàm, 
des  injustices  nombreuses,  des  exactions  fréquentes,  plaie  fort  an- 
cienne des  gouvernements  de  l'Orient,  et  naturellement  il  avait  attri- 
bué tous  ces  vices  à  l'abandon  de  la  morale  islamique  et  à  l'invasion 
de  l'esprit  nouveau  de  progrès  venu  de  l'Occident. 

De  là  au  projet  de  former  un  rempart  derrière  lequel  pourrait 
se  réfugier  l'indépendance  politique  et  religieuse  des  vrais  musul- 


302  TOUAREG  DU    NORD. 

mans  il  n'y  avait  qu'un  pas.  Ce  pas ,  il  le  franchit  en  instituant  la 
confrérie  à  laquelle  il  donna  son  nom. 

La  pensée  fondamentale  de  cette  association  est  donc  une  triple 
protestation  :  contre  les  concessions  faites  à  la  civilisation  de  FOcci- 
dent;  contre  les  innovations,  conséquences  du  progrès,  introduites 
dans  divers  États  de  TOrient  par  les  derniers  souverains;  enfin,  contre 
de  nouvelles  tentatives  d'extension  d'influence  dans  les  pays  encore 
préservés  par  la  grâce  divine. 

Mais,  dans  l'état  des  rapports  qui  existent  aujourd'hui  entre  tous 
les  gouvernements,  il  était  difficile  d«  trouver,  à  l'abri  de  la  sur- 
veillance des  chancelleries,  un  point  où  un  tel  projet  pût  être  mis  en 
pratique. 

Entre  le  Nil  et  l'Océan,  enti'e  l'Afrique  septentrionale  et  l'Afrique 
centrale ,  s'étend  un  vaste  désert  où ,  jusqu'à  ce  jour,  de  rares  voya- 
geurs, à  la  discrétion  des  populations  qui  l'habitent,  ont  seuls  pu 
pénétrer,  où  même  plus  d'un  point  reculé  a  été  à  l'abri  de  la  souillure 
des  pas  de  l'infidèle  :  c'est  ce  désert  qu'Es-Senoûsi  choisira  pour  champ 
d'application  de  ses  projets;  c'est  ce  désert  sans  eau,  dévoré  par  un 
soleil  ardent ,  qu'il  opposera  comme  un  cordon  sanitaire  à  la  conta- 
gion européenne. 

Donc ,  pendant  que  d'autres  fanatiques  préparent  les  massacres 
de  Djedda  et  de  Damas,  protestation  directe,  mais  impuissante, 
Es-Senoûsi  dresse  le  plan  de  la  conquête  du  Sahara  par  une  propa- 
gande active,  y  fonde  des  zâouiya  successivement  échelonnées  de 
manière  à  ce  que  la  dernière,  la  plus  isolée,  la  plus  éloignée,  puisse 
encore  servir  de  refuge,  in  extremis,  aux  derniers  éléments  d'une  foi 
déjà  atteinte  par  l'indifférence  religieuse. 

Le  Djebel-el-Aklidar,  situé  à  environ  20  kilomètres  à  l'Est  de  Ben- 
Ghàzi  et  se  prolongeant  jusqu'à  Derna,  habité  d'ailleurs  par  des  tri- 
bus arabes  turbulentes  qui  causent  souvent  des  difficultés  au  gouver- 
nement de  Tripoli,  devient  d'abord  le  berceau  et  le  siège  central  de 
l'institution  nouvelle. 

Bientôt  l'ordre  d'Es-Senoûsi  est  accueilli  avec  faveur  dans  tout  le 
Sahara,  où  il  recrute  de  nombreux  khouân.  Une  circonstance,  née  en 
Algérie  de  la  lutte  soutenue  contre  l'émîr  'Abd-el-Kâder,  doit  contri- 
buer à  lui  donner  une  certaine  importance. 

Mohammed-ben-'Abd-Âliah,  aujourd'hui  interné  à  Bône,  avait  été 
notre  kbalîfa  dans  la  subdivision  de  Tlemsen.  Gompronûs,  destitué 


CENTRES  RELIGIEUX.  SOS 

et  exilé  à  la  Mekke,  il  avait  eu  occasion  de  rencontrer  Es-Senoûsî  dans 
rOrient;  et  comme  les  projets  du  novateur  s*alliaient  aux  vues  de 
haine  et  de  vengeance  de  notre  ancien  serviteur,  une  sorte  d'alliance 
s'établit  entre  eux. 

Peu  de  temps  après,  Mohammed-ben-*Abd-Allah,  qui  avait  emporté 
de  TAlgérie  une  grande  fortune  (500,000  francs  environ),  était  de 
retour  à  Ouarglâ  et  au  Touàt  où  il  prenait  le  titre  de  ch^rîf  et  arbo- 
rait un  drapeau  hostile  dans  le  Sud  de  nos  possessions.  « 

Alors  vivait  au  Tidîkelt,  dans  la  plus  profonde  obscurité,  un  tâleb 
de  troisième  ordre  sous  le  rapport  de  Tintelligence  et  de  Tinstruclion, 
mais  animé  d'un  fanatisme  aveugle  et  d'une  ambition  sans  bornes. 
Homme  actif  d'ailleurs,  audacieux  et  entreprenant.  Son  nom  estEl- 
Hàdj-Ahmed-et-Touâti,  plus  connu  aujourd'hui  sous  le  surnom  d'El- 
'Aàlem  (le  savant),  qu'il  s'est  donné  et  que  ses  partisans  illettrés  lui 
conservent  respectueusement. 

Par  Mohammed'ben-'Abd-Allah,  ce  tâleb  est  adressé  à  Es-Senoûsi 
et,  sur  sa  recommandation,  il  est  investi  du  titre  de  moqaddem ,  ou 
vicaire  général  de  l'ordre  pour  la  région  à  l'Ouest  du  Djebel-el- 
Akhdar,  c'est-à-dire  le  Fezzân,  le  pays  des  Touareg  et  le  Touàt. 

A  partir  de  ce  moment,  le  therîf  Mohammed-ben- Abd-Allah  et  le 
moqaddem  El -Hàdj -Ahmed  ne  poursuivent  qu'un  même  but.  L'un 
recrute  des  khouân,  l'autre  les  enrôle  sous  sa  bannière  pour  la  guerre 
sainte.  On  sait  comment  Mohammed-ben-'Abd-AIlah  paie  de  sa  liberté 
ses  tentatives  contre  notre  domination. 

Cependant  la  propagande  mettait  de  grandes  ressources  à  la  dis- 
position du  chef  de  l'ordre,  de  nouvelles  zàouiya  s'élevaient  à  Sôkna, 
à  Zouîla,  à  Mourzouk,  à  Ghadâmès  et  à  Rhât. 

Quand  M.  le  capitaine  de  Bonnemain  vint  à  Ghadâmès,  il  n'y  avait 
qu'une  zàouiya  de  marabouts,  celle  de  Sîdi  Ma'abed,  fort  ancienne, 
inoffensive,  à  laquelle  le  gouverneinent  turc  a  conservé  son  indépen- 
dance. Aujourd'hui,  à  côté»  une  nouvelle  zàouiya,  plus  grande  et  plus 
belle,  a  surgi  sous  la  baguette  miraculeuse  d'Es-Senoûsi. 

Quand  M.  Ismayl-Boû-Derba  visita  Rhàt,  il  n'y  avait  pas  de  zàouiya; 
aujourd'hui,  à  la  sollicitation  et  avec  l'appui  du  cheikh  de  la  ville, 
El-Hâdj-el-Amîn ,  un  autre  fanatique,  le  moqaddem  de  l'ordre,  en  a 
construit  une  sous  les  murs  de  la  ville.  On  y  travaillait  activement 
pendant  mon  séjour  à  Rhàt  (avril  1861). 

Cependant  Es-Senoûsi,  sentant  la  mort  venir  et  trouvant  le  Djebel- 


304  TOUAREG  DU  NORD. 

el-Akhdàr  encore  trop  rapproché  des  Turcs  de  Ben-Ghâzi  et  des  con- 
suls qui  y  résident,  ordonna  la  création  d'une  nouvelle  zàouiya  à 
Jerhâjîb,  dans  un  désert,  un  peu  au  Nord  de  la  route  de  Sîoua  à 
Aoudjela. 

A  Jerhâjîb,  il  n'y  avait  qu'un  seul  puits  d'eau  amère,  dans  une 
vallée,  au  milieu  du  vide  ;  de  nouveaux  puits  y  ont  été  creusés,  et  la 
zàouiya  s'est  élevée  comme  par  enchantement.  Au  printemps  1861, 
OQ  y  plantait  des  dattiers. 

Aujourd'hui  la  zàouiya  de  Jerhâjîb  est  la  métropolitaine  de 
Tordre. 

En  même  temps  on  bâtissait  une  autre  zàouiya ,  en  plein  désert,  à 
Wao,  ancienne  plantation  de  palmiers,  abandonnée  sur  la  frontière 
du  pays  des  Teboû,  à  208  kilomètres  au  Sud-Est  de  Zouîla, 

Ainsi,  dans  une  période  fort  courte,  moins  de  quinze  années, 
voilà  huit  centres  de  fanatisme  créés,  organisés  et  pourvus  de  moyens 
d'existence  par  les  tributs  volontaires  des  khouàn. 

Mais,  en  1859,  l'homme  qui  avait  conçu  et  improvisé  de  si  grandes 
choses  meurt;  son  fils  lui  succède  comme  chef  de  l'ordre  :  le  rempla- 
cera-tTÎl  comme  continuateur  de  son  œuvre? 

A  la  mort  d'un  homme  comme  Es-Senoûsi,  surtout  quand  cette 
mort  arrive  avant  que  l'institution  dont  il  est  le  fondateur  ait  jeté 
de  profondes  racines,  il  est  rare  que  la  pensée  mère  du  créateur  soit 
adoptée  sans  modification  par  ses  héritiers  ou  ses  lieutenants.  Au  res- 
pect pour  les  lois  du  maître  succède  l'esprit  d'innovation  chez  les 
uns,  de  relâchement  chez  les  autres.  Ce  double  effet  me  semble  s'être 
produit. 

Au  rôle  passif  et  purement  défensif  de  l'institution  ;  à  la  création 
de  zàouiya,  à  la  fois  refuges  et  centres  d'un  enseignement  réputé 
plus  orthodoxe,  les  plus  ardents  ont  tout  d'abord  cherché  à  substituer 
l'action  offensive.  Kl-Hàdj-Ahmed-et-Touàti,  le  moqaddem  de  l'Ouest, 
devait  naturellement  se  trouver  à  leur  tête. 

En  effet,  dès  que  la  mort  du  chef  de  l'ordre  lui  permet  de  prendre 
une  plus  grande  initiative,  on  le  voit  aller,  de  ville  en  ville,  prêchant 
la  guerre  sainte,  ordonnant  à  ses  partisans  d'acheter  des  armes  et  des 
munitions,  poussant  Mohammed -ben-'Abd- Allah  à  entrer  en  cam- 
pagne, enûn,  organisant  ce  mouvement  qui  a  agité  et  troublé  tout  le 
Sahara  algérien  dans  le  cours  de  l'été  1861  et  auquel  la  capture  de 
Mohammed-ben-'Abd-Aliah  a  mis  fin. 


CENTRES  RELIGIEUX.  305 

PeDdant  ce  temps,  le  jeune  fils  d'Es-Senoûsi  semblait  se  borner  à 
jouir,  dans  la  zâouiya  de  Jerhàjîb,  de  l'héritage  de  fortune,  d'hon- 
neurs et  de  respect  que  lui  avait  laissé  son  père  :  aussi  voit-on  les 
quatre  premières  années  de  son  règne  s'écouler  sans  que  la  création 
d'aucune  nouvelle  zâouiya  soit  entreprise. 

Un  fait  plus  significatif  démontrerait  que  le  chef  actuel  de  l'ordre 
serait  disposé  à  se  contenter  des  résultats  acquis.  Si  mes  informations 
sont  exactes,  il  aurait,  en  1861,  mandé  près  de  lui  le  moqaddem  de 
rOuest  pour  le  rappeler  aux  principes  expectants  du  fondateur. 

Sur  toute  ma  route,  à  Rhât,  à  Mourzouk,  à  Trâghen,  à  Zouîla,  j'ai 
rencontré  cet  homme,  suivant  lentement  mes  pas,  me  créant  des  em- 
barras partout  où  il  le  pouvait. 

11  se  rendait  à  Jerhàjîb,  pour  comparaître  devant  le  grand  maître, 
mais  il  cheminait  comme  un  coupable  qui  n'est  pas  pressé  d'arriver, 
prétextant  de  la  nécessité  de  me  surveiller,  de  faire  obstacle  à  mes 
desseins,  pour  retarder  le  moment  des  explications.  Peut-être  atten- 
dait-il, avant  de  recevoir  l'ordre  de  remettre  l'épée  dans  le  fourreau, 
que  Mohammed-ben-'Abd-Allah  eût  jeté  dans  la  balance  le  poids  d'un 
fait  accompli. 

Une  circonstance  imprévue,  la  mort  du  sultan  'Abd-el-Medjîd ,  au- 
quel les  musulmans  reprochent  trop  de  condescendance  pour  les  chré- 
tiens ,  et  son  remplacement  par  le  sultan  'Abd-el-'Azîz,  paraissaient  à 
El-Hàdj-Ahmed-et-Touâti  un  signe  providentiel  justificatif  de  ses  me- 
nées et  de  l'initiative  belliqueuse  qu'il  avait  prise. 

Dans  tout  le  Nord  de  l'Afrique ,  l'avènement  du  nouveau  sultan 
de  Constantinople  a  été  l'occasion  d'une  grande  agitation. 

Quoi  qu'il  en  soit  des  dispositions  respectives  du  chef  de  la  con- 
frérie et  du  moqaddem  de  l'Ouest,  du  désaccord  qui  a  pu  exister 
entre  eux  sur  l'attitude  expectante  ou  militante  à  prendre,  il  est  cer- 
tain que  dans  l'état  actuel  des  choses  les  zâouiya  de  Sôkna ,  de 
Zouîla,  de  Rhât  et  de  Ghadâmès,  forment  déjà  les  quatre  points  cardi- 
naux d'un  immense  quadrilatère  élevé  pour  la  défense  du  fanatisme 
dans  cette  partie  de  l'Afrique. 

Je  n'ai  pas  à  apprécier,  au  point  de  vue  théologique  musulman, 
l'orthodoxie  des  enseignements  de  cette  confrérie  ;  néanmoins  je  ne 
puis  omettre  de  signaler  la  lutte  qui  s'est  engagée  à  mon  sujet,  pen- 
dant mon  séjour  à  Rhât,  entre  le  moqaddem  d'Es-Senoûsi  et  le  mara- 
bout très^pieux,  très-instruit,  très-éclairé  de  Timbouktou,  Sîdi-Mo- 

L  10 


3d6  TOUAREG   DU   NOKD. 

hatnméd-él-Bakkây.  Le  môqaddetti,  sur  rautôrité  d'un  livre  doHt  il 
m'a  été  iiîipossible  de  connaître  mêhié  le  titre ,  enseignait  qu'il  était 
non-seulement  perinis,  mais  encore  louable,  de  me  Voler  et  d'assa*sl- 
lier  tnôi  et  mes  serviteurs  musulmans.  A  ces  prédications  fanaticjuefe 
Sîdi-el-Bakkây  opposait  Taulorité  des  |)rincipalJX  docteurs  de  IMsIÔm  el 
la  correspondance  que  son  oncle,  le  grand  marabout  de  Tîmbouktou, 
avait  adressée  au  roi  fanatique  des  Fellàta,  qui  voulait  S'opp(>ser  hit 
séjour  de  M.  le  docteur  Barth  dans  son  Kmpire.  La  Copie  de  cette  cor- 
respondance si  remarquable ,  véritable  manifesté  de  tolérance  *  a  été 
laissée  aux  habitants  de  Rhât  pbur  qu'ils  poissent  là  méditer- 
Grâce  à  Tappui  moral  de  Sîdi-el-Bakkâ^i'  et  à  Fautorité  louté^puis- 
sante  de  Fémîr  Ikhenoûkhen,  j*ai  pu  bravfer»  pertdant  qulWîe  jours, 
sur  le  marché  extra  muros  de  Rhât,  la  colère  des  khouân  d*Es-Senoûsi, 
mais  je  n'ai  pu  pénétrer  en  ville,  et  ceux  de  mes  serviteurs  musul- 
mans qui  y  sont  allés  pour  faire  des  provisions  de  bouche  y  ont  été 
maltraités. 

L'opposition  que  M.  tsmayl-Boû-Derba,  quoique  musulman,  a  ren-^ 
contrée  à  Rhàt,  n'a  eu  d'aUtre  cause  que  la  résistance  des  sectàlewre 
d*l£s-Scnoûsi. 

Tout  Voyageulr  européen  qui  parcourra  les  moines  contrées,  sur- 
tout s'il  est  Français,  doit  s'attendre  à  rencontrer  le  môme  obstacle. 
La  conclusion  de  ce  qui  précède  est  qu'il  est  nécessaire  de  sur- 
veiller cette  confrérie  religieuse  et  de  s* opposer  à  son  développemertt 
partout  où  on  le  pourra. 

S  H.  ~  GoNFb^iiife  t>Bs  TbdjAdjna. 

Celte  confrérie  fut  fondée,  vers  1775,  par  Sîdi-Ahmed-et-Tidjéni, 
de  la  famille  des  marabouts  d"Aïn-Màdhi. 

Par  les  exemples  de  vertu  et  de  piété  ée  son  pète,  pat  les  le^ns 
de  ses  professeurs,  par  les  connaissances  acquises  dans  des  voyiages 
à  Fez  et  à  la  Mekke,  et  de  longs  séjours  auprès  des  savants  les  plus 
renommés  de  l'islamisme,  Sîdi-Ahmed  était  l'homnnie  de  son  époqtre  et 
de  son  pays  le  mieux  préparé  à  fonder  une  confrérie  reitgieuëc  sur  la 
double  base  du  triomphe  du  droit  par  le  droit  et  de  la  tolérakce  tktjtis 
la  voie  de  Dieu^, 

i.  Mot  à  mot:  le  droit  suit  le  droit;  tout  ce  qui  vient  de  Dieu  doit  être  respecté. 
Telle  est  la  /bimnle  dt  la  profession  de  foi  des  Tedjftdji^tt. 


CENTRES  RELÏOIEUX.  307 

La  réputation  de  sainteté  de  SJdi-Ahrped,  le  libéralisme  die  ses 
doctrines,  attirèrent  autour  du  roarabout  beaucoup  de  disciples»  au- 
tour du  fondateur  d'une  confrérie  beaucoup  d*adeptes.  pe  son  vivant, 
il  ne  recueillit  que  des  témoignages  éclatants  d'un  souverain  respect, 
taint  de  la  part  des  rois  que  de  I4  part  des  peuples.  Les  cours  de  Fez, 
de  Tunis,  avaient  prodigué  toutes  leurs  faveurs  à  Tapôtre  des  nouvelles 
idées;  seule,  l'oligarchie  des  janissaires  d'Alger  lui  gardait  ses  ran- 
cunes. On  comprend  pourquoi  :  le  triomphe  du  droit  par  le  droit 
devait  amener  l'abolition  de  la  piraterie  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur, 
seul  mode  de  gouvernement  que  connaissaient  les  pachas  d'Alger. 

Aussi  était-il  réservé  aux  deux  fils  du  fondateur  de  l'ordre  d'assis- 
ter à  de  grands  événements. 

Ces  fils  avaient  tous  deux  le  même  nom  :  Mohammed.  Pour  les 
distinguer,  on  appela  :  l'aîné  Mohammed-el-Kebîr  (le  grand),  et  le  cadet 
Mohammed-esSeghîr  (le  petit). 

Mais  à  la  mort  de  leur  père,  ces  deux  fils  étant  trop  jeunes  pour 
administrer  les  intérêts  de  la  confrérie,  Sîd-el-Hàdj-'Ali-ben-el-Hàdj- 
'Aïssa,  marabout  de  Temàssîn,  fut,  par  testament,  institué  grand 
maître  des  khouàn.  Peut-être  le  fondateur  de  la  confrérie  naissante, 
prévoyant  l'avenir  et  connaissant  la  jalousie  des  Turcs,  espérait-il,  en 
se  dom^ant  pour  successeur  un  marabout  qui  ne  fût  pas  en  même 
temps  héritier  de  son  nom,  détourner  de  la  tête  de  ses  fils  les  coups 
dont  ils  étaient  menacés. 

Mais  la  voie  de  Dieu  est  impénétrable  aux  hommes,  et  pendant  que 
le  marabout  de  Temàssîn  gouvernait  la  confrérie,  Mohammed-el-Ke- 
bîr, le  fils  aîné,  était  appelé,  en  1822,  à  défendre  'Aïn-Màdhi  contre  les 
Turcs  et  périssait  en  1827,  dans  la  plaine  d'Eghréis,  sous  Ma'askara, 
trahi  par  les  Hàchem,  en  prenant  lui-même  l'offensive  contre  le  pou- 
voir que  nous  devions  détrôner  trois  ans  plus  tard. 

Le  sang  versé  alors  séparait  à  jamais  les  Tedjâdjna  de  la  cause 
des  Turcs  et  de  celle  des  Hâchem,  tribu  qui,  en  1808,  avait  donné  le 
jour  à  *Abd-el-Kàder,  également  fils  d'un  chef  de  zàouiya. 

Bientôt  après  la  chute  des  Turcs,  en  1832,  les  Hâchem  avaient  élu 
sultan  l'un  d'eux,  'Abd-el-Kàder,  fils  de  Mahi-ed-Dîn,  et  le  premier 
acte  du  nouvel  Emir-el-Moùmemn  avait  été  de  proclamer  la  guerre 
sainte  contre  les  Français  nouvellement  débarqués  à  Oran. 

Si  alors  'Abd-el-Kâder  avait  appelé  le  cadet  des  fils  de  Sîdi- 
Ahmed-et-Tidjâni  à  lui  prêter  son  appui  dans  la  lutte  qu'il  allait 


308  TOUAREG   DU   NORD. 

soutenir  contre  les  chrétiens,  peut-être  eût-on  vu  Mohammed-es-Se- 
ghîr  oublier  la  trahison  des  Hàchem  et  renouveler  la  tentative  auda- 
cieuse de  son  frère,  en  venant,  avec  *Abd-el-Kâder,  mettre  le  siège 
devant  Oran. 

Alors  du  sang  eût  été  mis  entre  nous  et  les  Tedjàdjna ,  comme  il 
y  en  avait  entre  eux  et  les  Turcs. 

Mais  dans  la  voie  de  Dieu  tout  est  impénétrable ,  répéterai-je  avec 
l'auteur  du  Kounnâch,  le  guide  des  khouân  Tedjàdjna.  Non-seulement 
*Abd-el-Kàder,  le  commandeur  des  croyants,  ne  réclame  pas  le  con- 
cours de  Mohammed-es-Seghîr  contre  les  chrétiens,  mais  encore,  en 
1838,  après  avoir  fait  la  paix  avec  eux,  il  va  mettre  le  siège  devant 
'Ain-Mâdhi,  où  il  tient  bloqué,  pendant  neuf  mois,  mais  sans  résul- 
tat, rhéritier  d'un  nom  vénéré. 

Dans  cette  lutte  impie  et  que  rien  ne  justifiait,  *Abd-el-Kàder  com- 
promet son  titre  de  marabout,  ses  finances  et  tout  le  prestige  de  ses 
réguliers. 

De  plus,  il  met  de  nouveau  du  sang  entre  les  Tedjàdjna  et  les 
Hàchem. 

Pendant  qtio  ces  faits  s'accomplissent  dans  l'Ouest,  El-Hàdj- Ali, 
le  maraboui.  d^  Temàssîn,  le  chef  de  la  confrérie,  est  attaqué  dans 
l'Est  par  les  frères  d'une  autre  confrérie,  les  Mouley-Tayyeb,  nos  enne- 
mis achiiniés,  sous  la  conduite  de  Ben-Djellâb,  sultan  de  Tougourt, 
autre  ennemi  do  notre  drapeau. 

Dans  l'Est  comme  dans  l'Ouest,  les  Tedjàdjna  avaient  donc  été 
amem%  à  mettre  du  sang  entre  eux  et  tous  nos  adversaires,  sans  le 
moindre  conûn  avec  nous.  A  notre  insu,  nous  étions  devenus  amis 
les  uns  d«*s  antres,  par  l'audacieuse  imprudence  des  mômes  ennemis 
que  nous  avions  eus  à  combattre. 

Ce  qui  précède  explique  la  réponse  du  chef  des  Tedjàdjna,  El-Hàdj- 
'Ali,  aux  gens  du  Zibàn,  de  l'Ouàd-Rîgh  et  du  Soûf,  qui  vinrent  en 
1844  lui  signaler  notre  marche  sur  Biskra  et  lui  demander  quelle 
conduite  il  fallait  tenir. 

Voici  cette  très-remarquable  réponse  : 

«  C'est  Dieu  qui  a  donné  aux  Français  FAIgérie  et  toutes  les  pro- 
«  vinces  qui  en  dépendent;  c'est  Lui  qui  veut  les  y  voir  dominer. 
«  Restez  donc  en  paix  et  ne  faites  pas  parler  la  poudre  contre  eux. 
«  Dieu  a  changé  ceux  qui,  jadis  nos  maîtres,  n'avaient  d'autre  loi 
«  que  l'oppression ,  d'autre  règle  que  la  violence ,  qui  sans  cesse 


^ 


>• 

^ 


PI.  XYIII. 


Page  309. 


Fig   3S. 


SiDI-M0IIA1IMeP-EL-*Ail), 

O  RAND-.MaItKR     DR     LA     CONFHKRIF     n«S    TKnjAHJNA. 


D*apr«''s  un"  photo|?raphio  do  M.  Puip 


CENTRES  RELIGIEUX.  309 

((  faisaient  le  mal  et  portaient  le  trouble  avec  eux.  Laissez  donc 
«  faire  aux  Français  ce  qu'ils  veulent ,  car  ils  paraissent  avoir  pris 
((  un  chemin  juste  et  sage ,  qui  doit  faire  fructifier  le  bien  de  tous.  » 

M.  le  colonel  de  Neveu ,  auteur  des  Khouân ,  livre  auquel  j'em- 
prunte cette  réponse,  en  garantit  Texactitude. 

Elle  doit  être  authentique,  en  effet,  car  elle  n'est  que  la  paraphrase 
du  mot  de  passe  de  la  confrérie  :  triomphe  du  droit  par  le  droit,  tolé- 
rance dans  la  voie  de  Dieu. 

Un  an  après  cette  réponse,  qui  nous  livrait  sans  résistance  tout  le 
Sud  de  la  province  de  Constantine ,  le  marabout  de  Temâssîn  mou- 
rait et  la  grande  maîtrise  de  la  confrérie  passait  aux  mains  du  fils 
cadet  du  fondateur  de  Tordre,  Sîdi-Mohammed-es-Seghîr-ould-Sîdi- 
Admed-et-Tidjàni,  l'adversaire  d"Abd-el-Kâder. 

Ce  grand  marabout,  notre  ami  comme  son  prédécesseur,  laissa 
prendre  Laghouât,  ville  voisine  d"Aïn-Mâdhi  où  il  résidait,  d'abord, 
en  1866,  par  M.  le  général  Marey-Monge,  puis  en  1851  par  M.  le  géné- 
ral Pélissier,  sans  sortir  des  limites  assignées  aux  khouân  de  Tordre 
par  la  réponse  antérieure  du  marabout  df^  Temâssîn, 

A  la  mort  de  Mohammed-es-Seghîr,  a<ivf?nue  peu  de  temps  après 
la  dernière  prise  de  Laghouât,  le  gouvei'nemcnt  dp  la  confrérie  re- 
tourna aux  mains  du  marabout  de  Temâssîn.  Sîdï-Mohammed-el-Âïd, 
fils  d'El-Hàdj-' Ali,  encore  en  possession  aujourd'hui  du  litre  d'ouâlL 

C'est  à  lui  que  je  fus  recommandé  pnv  M.  le  général  Desvaux , 
commandant  supérieur  de  la  province  de  Constantine;  c'est  à  Taide 
de  son  concours  que  j'ai  pu  pénétrer,  avec  séciirité,  chesî  les  Touareg, 
malgré  l'opposition  des  khouân  et  du  moqaddem  des  Senoûsi. 

Sîdi-Mohammed-el-'Aïd ,  fidèle  à  la  tradition  de  la  confrérie,  est  un 
excellent  homme,  instruit,  bienveillant,  charitable  et  conséquemment 
très-vénéré.  (  Voir  son  portrait  ci-contre.  ) 

Pour  mieux  me  protéger  à  distance,  par  un  signe  visible  émanant  de 
lui,  il  me  conféra  le  titre  de  frère  et  me  revêtit  du  chapelet  de  Tordre. 

Ainsi,  quoique  chrétien,  quoique  Français,  titre  aggravant  pour 
tous  ceux  qui  croient  leur  indépendance  menacée,  j'ai  voyagé  comme 
frère  de  Tordre  des  Tedjâdjna,  et  j'ai  été  accueilli  comme  tel  par  tous 
les  khouân. 

11  est  de  croyance  dans  la  confrérie  que  les  prières  de  Sîd-€l-Hadj- 
'Ali ,  père  de  Sîdi-Mohammed-el-'Aïd  ,  ont  fait  tomber  Alger  au  pou- 
voir des  Français  pour  punir  les  Turcs,  coupables  d'avoir  tué  son  fils. 


Mo  ïdUAREG   DO   NORD. 

La  2fâouiya  de  Temâssîn  est  probablement  la  plus  iitiportàfttB  de 
toute  TAlgërie.  En  y  entrant,  on  sent  qu'on  est  là  au  éiége  d'une  im- 
poltante  institution,  d'un  grand  gouvernement  :  mosquée  pour  le 
culte  ;  nombreux  logements  pour  les  disciples  et  les  serviteurs  ;  pa- 
lais somptueux  pour  le  maître,  avec  glaces  de  Venise  et  fauteuils 
dorés  à  l'européenne,  le  tout  d'un  luxe  qu'on  ne  souprjonnerait  pas 
dans  une  ville  saharienne.  (Voir  la  planche  ci-contre.  ) 

C'est  qu'en  effet  cette  zàouiya  est  un  grand  centre  :  protégée  par 
les  souverains  de  Fez ,  de  Tunis ,  dans  les  meilleurs  rapports  avec 
l'autorité  française,  elle  étend  ses  ramifications  jusqu'à  Timbouktou, 
jusqu'au  Soudan,  jusqu'en  Egypte  et  à  la  Mekke.  Des  rois  nègres, 
affiliés  à  la  confrérie  des  Tedjâdjna,  font  une  active  propagande 
contre  le  paganisme  dans  l'Afrique  centrale. 

Une  zâouiya  secondaire  de  l'ordre,  celle  de  Timâssanîn^  dont  le 
marabout  Si-'Othmân  est  le  moqaddem,  assise  entre  les  Touareg  Azd- 
jer  et  les  Touareg  Ahaggâr,  exerce  son  influence  conciliatrice  sur  ces 
deux  peuplades. 

Accompagné  jusqu'à  Ghadâmès  par  le  mrtqaddem  des  Tedjâdjna, 
confié  par  lui  à  la  vigilance  d'ikhenoûkhen»  remis  par  ce  dernier  au 
gouverneur  de  Mourzouk,  j'étais  donc  en  mesure  de  faire  face  à  la 
malveillance  des  Senoùsi. 

La  zâouiya  de  Timâssanîn  a  été  fondée  par  El-Hàdj-el-Faqqi,  an- 
cêtre de  Si-'Othmân,  il  y  a  environ  160  ans.  Depuis  sa  fondation,  la 
zàouiya  n'a  eu  que  trois  moqaddem  :  Et-Hàdj-el-Faqqi ,  El-Hâdj-el- 
Bekrî  et  Si-'Othmân.  Il  est  vrai  qu'El-Hàdj-el-Bekrî,  mort  en  1831 , 
était  âgé  de  108  années  lunaires. 

Une  aulre  zâouiya  secondaire  de  la  confrérie  existe  au  Gourâra, 
dans  le  Touât.  El-Hâdj-Mohammed-el-Feguîgui  en  est  le  moqaddem. 

Il  y  a  des  khouân  Tedjàdna  dans  toute  l'Afrique  Centrale,  au  Bof- 
nou,  à  Timbouktou,  dans  le  fond  du  Foî^ta;  mais  là  où  l'ordre  compte 
le  plus  de  frères,  c'est  à  El-Ouâd,  à  Temâssîn  et  à  Chinguît  dans  l'Adrar, 
entre  Timbouktou  et  l'Océan  Atlantique. 

S  IIÏ.   — -  ZÂOCïYA    DBS    BAKKÂY. 

Avec  les  Senoùsi,  avec  les  Tedjâdjna,  une  troisième  grande  in- 
fluence, plus  grande  peut-être  que  celle  de  ses  rivales,  règne  dans 
tout  le  Sahara  et  dans  toutes  les  parties  de  l'Afrique  centrale  où  le 


PL  XIX. 


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CENTRES  RPLIQIEUX.  311 

npffi  d^  TimJxHiktoq  eM  connu.  Cette  troisième  antprit^  est  celle  des 

D'fiprès  soa  art)re  généalogique ,  celte  famille  descendrait  de 
'Oqb»-ebB-Nàfti'-el-F«^hn ,  le  conquérant  de  l'Afrique  oçcidentfde^  ce 
général  arabe  qui  n'arrêta  ses  conquêtes  que  dans  les  flols  de  i'Océan 
Atl,apM<ïue. 

'Oqba,  dao9  sa  première  incursion,  s'était  avancé  jusqu'à  Djaojuàja, 
au  centre  du  pays  des  Teboû  ;  dans  la  seconde,  jusgu'ajj  grand  désert 
habité  par  les  l^eoitoûna ,  entre  le  Maroc  et  le  Niger.  Par  la  renom- 
mée que  se$  succès  Jih  avaienjL  acquise  dans  des  contrée^  ii?abiordé(5s 
jusque-là ,  il  avait  préparé  à  ses  laitiers  le  cbemia  de  l'Afrique 
;Ge«Ftra]e. 

L'ftrriyée  des  Bakkày  à  Timbouktou  date  de^cette  époque  de  pro- 
sélytï8#ae  religieuse  qui  anaena  les  Almoravides  jusiqu'au  centre  çle 
la  Nigritie,  apostolat  glorieux,  qui  fit  ,de  'l'imbouktou  un  foy^r 
-de  lumières  et  de  lettres,  dont  les  ouvrages  bistoriques  du  Cheikh- 
Ahmed-Bàba,  le  ïimbouktien,  analysés  par  M.  le  docteur  Barl^  pt 
M.  le  professeur  Cherbonneau ,  nous  ont  dernièreïaeïnt  révélé  Texis- 
lence. 

Ues  jBakkAy  ont  perpétué  ce  mouvement  à  tr^ivers  les  générations 
depuis  te  ?cn^  siècle  jusqu'à  nos  jours,  bravant  toutes  les  révolutions 
qui  (mi  altePïttttivement  mis  le  pouvoir  aux  mains  des  Berbère^.,  des 
Arabes  ou  des  Nègres. 

A«ÎQurd'ihui  encore  la  zàouiya  des  Bakkây  à  ïimjbouktou  feçoit  de 
nombreux  «disciples ,  telâmid,  qui,  du  Maroc,  du  Touât,  du  Sénégjil 
et  des  divers  États  nègres,  vieoinent  y  puiser  tous  Jes  gei^re?  d'in- 
struction de  la  civilisation  musulmane  :  l'étude  de  l'arabe  ancieo  et 
tnaderne,  la  grammaire,  la  rhétorique,  la  versification,  l'histoire,  la 
jurisprudence  et  surtout  la  théologie. 

Souverains  religieux ,  indépendants  de  l'empire  des  Fellâta  et  des 
autres  États  nègres  qui  les  ^nveloippeat,  les  Bakkây  représentent 
encore  aujourd'hiû  la  plus  grande  .puissance  morale  de  tout  le  conti- 
nent africain. 

Alliés  des  souverains  du  Maroc,  dont  ils  reconnaissent  la  supré- 
matie religieuse  et  pour  lesquels  ils  font  la  prière  officielle;  amis  des 
rofc  de  Sokkoto  et  do  Bornou ,  ils  n'ont  d'autres  adversaires  que  le 
chef  de  Hamd-Allâhi,  capitale  du  nouvel  Empire  des  Fellâta. 

Mais,  sans  armée,  sans  autre  appui  que  l'autorité  qu'ils  exercent 


312  TOUAREG  DU  NORD. 

comme  marabouts  sur  les  tribus  arabes  de  TAzaouad ,  sur  les  TràrzaS 
les  Brâkna  et  autres  Maures  du  Sénégal ,  ainsi  que  sur  les  Touareg 
Aouélimmiden,  sur  les  Ahaggâr,  sur  les  Azdjer  et  le  Touât,  ils  tiennent 
tête  aux  Fellâta  et  les  empêchent  de  soumettre  toute  l'Afrique  centrale 
à  leurs  lois. 

Les  revenus  de  ces  marabouts  sont  considérables  :  d'abord,  ils 
possèdent  de  grands  troupeaux  de  chameaux,  de  zébus,  de  moutons 
et  des  chevaux  que  gardent  de  nombreux  esclaves  et  leurs  serviteurs, 
les  Machrhoûfa,  Tune  des  tribus  arabes  de  l'Azaouad;  ensuite,  toutes 
les  caravanes  et  toutes  les  populations  de  leur  dépendance  religieuse 
leur  paient  volontairement  tribut. 

Les  Bakkây  ont  aussi  des  zàouiya  importantes  et  de  grandes 
propriétés  au  Touât*;  ce  qui  fait  qu'ils  sont  autant  Touâtiens  que  Tim- 
bouktiens.  Cette  circonstance  nous  explique  pourquoi  ils  tiennent  à 
l'indépendance  politique  de  éette  confédération. 

Les  représentants  de  cette  grande  famille  sont  au  nombre  de 
huit. 

Sîdi-Ahmed  est  leur  chef. 

Sîdi-Mohammed,  son  fils  et  successeur;  Sîdi-Mohammed,  son  ne- 
veu, celui  que  j'ai  rencontré  dans  mon  voyage»  et  Sîdi-Alaouété,  sont, 
après  le  cheikh  souverain ,  les  personnages  les  plus  influents. 

Jusqu'à  ce  jour,  ces  marabouts  ne  nous  sont  connus  que  par  leur 
tolérance  envers  les  chrétiens. 

Ils  avaient  bien  accueilli  le  major  Laing  et  ils  n'ont  pas  encore 
voulu  accorder  le  pardon  aux  Berâbtch  qui  l'ont  assassiné. 

Grâce  à  eux,  M.  le  docteur  Barth  a  pu  rester  sept  mois  à  Timbouk- 
tou,  malgré  l'opposition  des  chefs  politiques  du  pays. 

Sîdi-Mohammed,  le  neveu,  a  été  pour  moi  plus  qu'un  protecteur, 
un  véritable  ami.  Mon  cheval  étant  mort,  il  m'a  imposé,  avec  une 
extrême  délicatesse,  l'obligation  d'accepter  la  jument  qu'il  montait; 
service  énorme,  car,  dans  tout  le  pays  d' Azdjer  où  je  me  trouvais,  il 
était  impossible  de  me  procurer  un  nouveau  cheval. 

i.  Les  Trtrza,  diaprés  Stdi-Mohammed-el-Bakkày,  enverraient  annueUement  à 
la  zftouiya  de  sa  famiUe,  à  Timboaktoa,  à  titre  dMmpôt  religieux,  cent  pièces  d*iD- 
dlenne  et  neuf  fusils. 

Le  roi  Mohammed-el-HabIb  et  autres  chefs  des  Trârza  seraient  des  tdàmid  des 
Bakkày. 

2.  Les  Bakkày  prétendent  être  propriétaires  d*Âqabli ,  de  Zàouiyet-Kounta  et 
de  Djedld,  dans  le  Tidikelt. 


CENTRES  RELIGIEUX.  31S 

Les  Bakkày  seraient  entrés  plus  tôt  en  relations  avec  nous,  s'ils  ne 
s'étaient  crus  engagés  par  l'alliance  que  M.  le  docteur  Barth  a  négo- 
ciée avec  eux  au  nom  de  l'Angleterre,  et  s'ils  n'avaient  supposé,  à  tort, 
la  France,  sinon  en  hostilité,  du  moins  en  continuelle  rivalité  avec  le 
gouvernement  de  la  Grande-Bretagne  :  mais  la  lettre  de  pressante 
recommandation  que  M.  le  docteur  Barth  m'avait  donnée  pour  le 
Cheikh-Ahmed,  et  que  je  lui  ai  transmise  par  son  neveu,  a  dû  faire 
disparaître  l'erreur,  accréditée  d'ailleurs  dans  tout  le  Sahara  et  dans 
toute  l'Afrique  centrale,  que,  pour  conserver  de  bonnes  relations  avec 
les  Anglais,  il  faut  refuser  tous  rapports  avec  les  Français. 

La  seule  pierre  d'achoppement  entre  les  Bakkây  et  le  gouverne- 
ment de  l'Algérie  est  le  Touât.  Les  fanatiques  dé  cet  archipel  d'oasis 
nous  représentent  comme  convoitant  l'occupation  de  ce  point,  bien 
que  notre  conduite  témoigne  que  nous  ne  voulons  pas  avancer  notre 
ligne  d'occupation  au  delà  de  Laghouât  et  de  Géryville.  Mais  Tim- 
bouktou  est  loin  de  nous  et  la  vérité  y  arrive  difficilement,  surtout 
par  la  bouche  des  indigènes.  Pour  mettre  fin  à  l'incertitude,  donnons 
aux  Bakkây  toute  sécurité  de  ce  côté,  et  immédiatement  les  résis- 
tances tomberont  entre  l'Algérie  et  Timbouktou,  et  Timbouktou  et  le 
Sénégal. 

Sîdi-Mohammed  m'avait  offert  de  me  conduire  près  de  son  oncle, 
en  me  faisant  traverser  le  Touât;  je  n'ai  pu  accepter  cette  proposition 
parce  qu'après  un  voyage  de  deux  ans  j'étais  démuni  de  tout  ce  qu'il 
faut  à  un  explorateur  pour  entreprendre  utilement  une  semblable 
course,  et  parce  que  le  marabout,  retenu  par  des  affaires  de  famille, 
n'était  pas  libre  de  reprendre  tout  de  suite  le  chemin  de  son  pays  : 
mais,  si  le  gouvernement  daigne  agréer  la  continuation  de  mes  ser- 
vices, j'espère  pouvoir  mettre  à  profit  les  bonnes  dispositions  de  Sîdi- 
Mohammed  pour  moi. 

\\ 

S  IV.  —  ZÂOIIITA    DBS    OuLÂD-SlDI-CHBiKH. 

S'il  faut  en  croire  la  tradition ,  la  partie  de  l'Algérie  sise  sur  la 
frontière  du  Maroc,  et  connue  aujourd'hui  sous  le  nom  de  Sahara  des 
Oulâd-Sîdi-Cheikh ,  était,  il  y  a  environ  500  ans,  un  véritable  désert, 
théâtre  des  incursions  des  nomades  du  voisinage. 

Un  marabout,  de  la  descendance  du  Prophète  par  les  femmes, 
homme  sage,  instruit,  tolérant,  chassé  de  Tunis  par  des  discordes  de 


al/|  TOUAREG  DU  WORD, 

•  famille,  choisit  cette  solitude  pour  y  vivre  en  paix.  Sa  réputation  de 

sainteté  commença  par  attirer  quelques  ser^tem»  à  la  sàouiyii  qu*i\ 
avait  fondée  è  El-Àbiodh. 

Ses  enfants,  héritiers  de  ses  vertus,  avaifint  déjà  conquis  une 
grande  influenoe,  lorsque  la  prise  de  possession  d*Gmn  par  les  Fispt- 
gnols ,  la  destruction  du  pouvoir  des  Benî-Ziàn  de  TieHiS6n  î»r  tes 
Turcs,  rétabiissemeat  à  main  armée  d'une  4omination  nouvelle,  vin- 
rent jeter  la  plus  grande  perturbation  au  milieu  des  tribus  de  la  pro- 
vince de  i*Ouest. 

Alors  la  famille  des  marabouts d'£l-Abiodh  avait  pour  chef  Thomnie 
dont  la  réputation,  surpassant  celle  de  ses  aooêtres,  donne  encore  au- 
jourd'hui du  prestige  à  ses  descendants.  La  commune  renommée  hii 
avait  décerné  le  titre  de  Sîdi-<]heikh ,  Monseigneur  ie  vénértxtfie. 

Tous  les  malheureuic,  victiufMS  ^ies  diseonies  politiques  qui  agi- 
taient alors  le  pays,  vinrent  chercher  un  refuge  près  de  Jui,  et  iJ  fut 
charitable ,  consolateur  pour  tous.  Sa  zâoiuya  devint  i'asile  de  la 
proscription, 

La  dientèJe  formée  par  Témigration  s'acorot  encore  de  oeffle  des 
gens  généreux  dont  Vdtxàe  est  toujoirrs  à  la  disposition  des  makis 
appelées  à  centraliser  Tassistance  dans  les  malheurs  publics. 

Les  aumônes,  d*abord  temporaires,  que  des  cireonstances  excep- 
tkmneîles  rendaient  nécessaires,  devinrent,  en  se  reiouvelant,  défi- 
nitives ,  et  aujourd'hui  elles  sont  transformées  en  redevances  rdi- 
fieuses,  volontairement  acquittéesientre  les  mains  des  successeurs  du 
marabout  par  les  filsdfôconrtemporwnside  Nîdi-€beifch. 

M.  le  colonel  'de  Colonnb,  ancien  conowandant  supérieur  <tu  cercle 
de  Géry ville,  n*estime  pas  à  moins  de  :80,(H)0  fj^ttcs  fimpèt  annuel 
versé  par  les  clients  de  Sidi'^^heikli  au  m<K|adâem  de  sa  z&eiiiya. 

Quand  un  établissement  religieux  dispose,  pendant  écs  isàèdes, 
d*un  pareil  revenu  ;  quand,  d'ailleurs,  la  famille  qui  dirige  cet  éta- 
blissement possède  de  grandes  rioUes^E^  pefsoniïdles,  ils  peuvent 
produire  beaucoup  de  bien;  malheureusement,  les  Oulâd-Sîdi-Cheikh 
sont  devenus  depuis  longtemps  des  a^bnifiistnateurs  temporeis,  laissant 
à  leurs  esclaves  aiTranchis  les  devoirs  «le  la  zàatûya,  et  l'ifistituliton 
religieuse  est  un  peu  en  décadoace. 

Cependant  Sidi-Mamsa,  chef  de  cette  'fanHile,  tétevé,  sous  notre 
gouvernement,  à  la  dignité  de  khafifa  du  Sud  de  la  province  d'Oran, 
a  contribué  puissamment  à  la  soumission  des  tribus  de  sa  dépan- 


CENTRES  RELIGIEUX.  315 

dance  religieuse,  embrassant  tout  le  pays  compris  entre  la  frontière 
du  Maroc  à  l'Ouest,  Ouarglâ  et  El-Golêa*  au  Sud-Est.  Son  fils,  Sîdi- 
Boû-Beker,  nous  a  rendu  un  plus  grand  service  encore  en  capturant 
le  perturbateur  Mohammed-ben-Abd-Allah,  qui  agita  si  profondément 
le  Sahara,  au  nom  de  la  confrérie  des  Senoûsi. 

Quand,  en  1859,  au  début  de  mon  exploration,  je  partis  pour  El- 
Golêa'  (la  Tâorert  des  Berbères),  le  khalîfa  Sîdi-Hamza  m'avait  envoyé 
une  lettre  de  recommandation  pour  la  djema'a  ou  assemblée  des  no- 
tables de  cette  ville.  El-Golêa*,  quoique  appartenant  aux  Cha'anba, 
administrés  de  Sîdi-Hamza,  élevait  la  prétention  de  ne  pas  dépendre 
de  l'Algérie  et  de  ne  relever  que  de  sa  municipalité;  Thospitalité  m'y 
fut  refusée,  avec  accompagnement  de  beaucoup  de  menaces,  qui  au- 
raient été  suivies  d'exécution,  si  je  n'avais  pris  le  parti  prudent  de 
la  retraite.  El  -  Golêa'  a  payé  sa  conduite  de  son  indépendance ,  car 
Sîdi-Hamza  a  reçu  l'ordre,  en  1861,  de  prendre  possession  de  cette 
ville  au  nom  de  la  France,  et  aujourd'hui  le  gouverneur  général  de 
l'Algérie  nomme  directement  les  chefs  de  cette  petite  cité. 

Parmi  les  clients  des  Oulàd-Sîdi-Cheikh,  on  compte,  indépendam- 
ment de  la  plupart  des  tribus  du  cercle  de  Géry ville  et. des  Cha'anba 
d'Ouarglà,  de  Methlîly  et  d'El-Golôa',  les  Oulàd-el-Mokhtâr,  d'origine 
arabe,  qui  constituent  la  population  active  d'In-Sâlah.  Quelques  au- 
tres groupes  arabes  du  Touât  relèvent  aussi  de  l'autorité  religieuse  de 
la  zàouiya  d'El-Abiodh. 

Ainsi,  aux  services  que  la  famille  de  Sîdi-Hamza  nous  a  déjà  rendus 
elle  peut  encore  joindre  celui  d'établir  de  bons  rapports  entre  nous 
et  le  Touât.  Cette  tâche  lui  est  facile,  car  les  Oulâd-Sîdi-Cheikh  com- 
mandent toutes  les  routes  par  lesquelles  le  Touât  tire  ses  approvi- 
sionnements de  l'Algérie. 

En  terminant  ce  paragraphe  sur  les  centres  religieux  sahariens,  je 
ne  puis  m'empêcher  de  constater  que  quatre  marabouts  m'ont  prêté 
le  plus  grand  appui  dans  mon  voyage:  Sîdi-Hamza,  Sîdi  Mohammed- 
el-'Aïd,  le  Cheikh-'Othmân  et  Sîdi-Mohammed-el-Bakkây.  Il  est  vrai 
que  ces  marabouts  sont  des  hommes  éclairés,  et  non  des  ignorants 
obligés  d'abriter  la  pauvreté  de  leur  esprit  et  de  leur  cœur  sous  le 
manteau  si  facile  à  porter  du  fanatisme. 


LIVRE    IV. 


touAreg  proprement  dits. 

Sans  aucun  doute,  plus  d*un  des  nombreux  détails  qu'embrasse 
ce  Livre  peut  s'appliquer  à  Tensemble  des  quatre  confédérations  ber- 
bères connues  sous  le  nom  général  de  Touareg,  mais  je  tiens  à  avertir 
de  nouveau  le  lecteur  que  mes  observations  et  mes  recherches  ont 
été  limitées  aux  Touareg  du  Nord,  Azdjer  et  Ahaggâr,  et  que  si,  acci- 
dentellement,  je  parle  des  Touareg  d'Aïr  et  des  Aouélimmiden,  je 
n'entends  pas  les  comprendre  dans  cette  étude. 


CHAPITRE  PREMIER. 


ORIGINE    DES    TOUAREG. 


A  quel  peuple  primitif,  à  quelle  langue  primordiale  rattacher  les 
Touareg  et  le  dialecte  qu'ils  parlent  ?  Comment  établir  leur  filiation  ? 

L'opinion  des  Touareg  sur  ces  diverses  questions  a  l'avantage  d'être 
unanime. 

u  Nous  sommes  Imôhagh,  disent  les  Azdjer  ;  Imôcharh,  disent  les 
Ahaggàr  et  les  Aouélimmiden;  Imâjirhen,  disent  les  Touareg  d'Aïr. 

«  La  langue  que  nous  parlons  s'appelle  temâhaq  ou  temâcheq ,  sui- 
vant les  dialectes. 

«  Les  Arabes  ont  donné  à  nos  tribus  le  nom  de  Touareg  et  à  notre 
langue  celui  de  târguïa,  du  participe  arabe  târeh,  au  pluriel  tou&reg, 


318  TOUAREG  DU   NORD. 

qui  signifie  \qs  abandonnés  a  de  Dieu,  »  sous-entendu,  parce  que  nous 
avons,  pendant  longtemps,  refusé  d'adopter  la  religion  que  les  Arabes 
nous  apportaient,  et  parce  que,  après  l'avoir  embrassée,  nos  pères  ont 
souvent  renié  la  foi  nouvelle.  Mais  ce  nom,  qui  rappelle  une  situation 
ancienne  dont  le  souvenir  est  aujourd'hui  injurieux  pour  nous ,  n'a 
jamais  été  celui  de  notre  race. 

«  Les  cinq  mots,  Imôhagh,  Imôcharh,  imajirhen,  temàhaq,  temâ- 
cheq,  qui  sont  les  noms  de  notre  race  et  de  notre  langue,  dérivent 
de  la  même  racine,  le  verbe  iôhagh,  qui  signifie  :  il  est  libre,  il  est 
fraiic,  il  est  indépendant,  il  pille.  » 

La  signification  historique  de  cette  racine  sera  ultérieurement 
précisée. 

Quant  à  la  filiation  des  Touareg  du  Nord,  elle  a  été  dreseée,  pour 
chaque  tribu  noble,  par  le  Cheikh-Brahîm-Ould-Sîdi,  réputé  l'homme 
le  plus  instruit  parmi  les  Touareg,  ses  contemporains,  dans  une  Note 
adressée  à  Sîdi-Mohammed-el-'Aïd,  le  grand  maître  de  Ja  confrérie 
des  Tedjàdjna,  note  qui  m'a  été  remise  en  original  et  qui  est  acceptée 
par  les  Touareg  comme  étant  l'expression  de  leurs  communes  opi- 
nions. 

Voici  l'analyse  de  cette  pièce  : 

«  Tu  nous  demandes  des  renseignements  sur  notre  origine.  Je  ré- 
ponds :  Notre  descendance  la  plus  générale  est  celle  des  Êdrisides 
de  Fez;  quelques-uns  viennent  d'Ech-CMngult,  entre  Timbouktou  et 
l'Océan  ;  d'autres  sont  des  gens  de  l'Adghagh,  entre  le  Niger  et  nos 
montagnes. 

«  Nous  descendons  des  Êdrisides  par  un  chérîf  qui  fut  tué  par  le 
roi  Ourmîn,  et  ce  çhérîf  est  à  la  fois  l'ancêtre  commun  des  chorfa 
d'Azdjer,  des  chorfa  de  Kerzâz*  et  des  chorfa  d'Ouazzân*. 

«  Ainsi  nos  chorfa  Ifôghas  et  Imanân  sont  de  la  même  lignée  que 
les  plus  grandes  familles  du  Maghreb. 

i.  Les  chorfa  de  Kerzâz  existent  encore  à  TabalbfUet,  entre  le  Touàt  et  le  Tafî- 
lelt  Us  y  possèdent  une  iâouiya  qui  jouît  de  la  plus  grande  réputation. 

Ceux  qui  y  entrent  ignorants,  malades,  affamés,  nus,  attristés,  en  sortBtttiB- 
fttruits,  guéris,  rassasiés,  habillés,  coosolés.  0u  moins,  c'est  ce  qu'^n  disent  les  indi- 


2.  Les  chorfa  d'Ouazzân  habitent  une  ville  du  Maroc ,  entre  Fez  et  Tanger.  Ils 
sont  les  chefs  de  la  grande  confrérie  des  Mouley-Ti^eb,  et,  à  ce  tidne,  ils  consacrent 
l'ioTestHure  des  empereurs  du  Maroc  à  chaque  changement  de  réigne. 


ORIGINE.  5t^ 

«  Si  tta  nous  demande»  de  ihre^i  caractériser  les  origines  de  cha- 
que tribu  et  de  distinguer  les  nobles  des  serfs ,  nous  te  dirons  que 
Botre  ensemble  est  mélangé  et  entrelacé  comme  le  tissu  d'une  tente 
dàffô  lequel  entre  le  poil  du  chameau  avec  la  laine  du  mouton.  11 
faut  être  habile  pour  établir  ane  distinction  entre  le  poil  et  la  laine. 
Cependant  nous  savons  que  t:hacune  de  nos  nombreuses  tribus  est 
sortie  d'tin  pays  différent.  » 

Après  ces  considérations  générales,  te  Cheikh -Brahîm-Ould - 
SMi  passe  en  revue  cha<|ue  tribu  d'origine  noble,  en  commençant 
par  les  Aidj^t*  et  en  unissant  par  les  Âhaggàr.  Il  continue  en  ces 
termes  : 

lOWâfifw  des  tf%us  du  pays  éCÂzdjtr. 

îmawé^:  «  Les  !manân  ou  Es^Solatin  (les  sultans)  î^ont  de  vrais 
chorfa ,  moitié  Édrisiens  de  la  famille  régnante  de  Pez ,  moitii^ 
'Alou^iettSs  descendant  de  Stdna-Aly,  peiit-fils  du  Prophète,  h 

Ûrâghtri  :  «  Ils  sont  lUs  de  sultans  par  leurs  pères,  mais  vilains 
]f»r  leurs  mères,  car  elles  ne  sont  pas  .toutes  de  nobïe  origine.  >> 

Imanghasâten:  «  Ils  sont  issus  des  Arabes  de  l'Est  fArab-ech^ 
Cheiig).  Ni  leur  roture,  ni  Jeur  noblesse  n'est  bien  démontrée.  S'il  y 
a  parmi  eux  des  ûls  de  sultans,  ils  ne  sont  pas  bie»  nombreux.  » 

ffôghas:  «  Dans  l'origine,  les  Ifôghas  we  faisaient  qu'une  seciie 
tribu  avec  les  louadàJen,  tes  f gaouaddàren ,  les  Idaoara'a  et  tes  AheU 
ë^oôki  et  toutes  ces  fractions  constituaient  la  population  de  la  viUe 
d'ËS-Soûk.  1» 

t(  Es-Soûk,  ajoute  un  commentateur,  -était  mie  ville  trè&^g^aDde  et 
trè&-peâplée,  située  à  moitié  chemin  entre  *n-Sâlato  et  Gôgio,  sur  la 
m&{JB  qui  relie  ces  deux  points,  à  peu  près  à  i" ancienne  limite  de  k 
race  blanche  et  de  la  race  noire. 

u  Les  Noirs  ont  bâti  E&^ùk; 

*«  bftS  Touareg  l'ont  conquise,  occapée,  agrandie,  ejnbe^ie  ; 

h  Elle  ^  'été  àémiite  à  trois  iTgprisftB  différentes  : 

A  Une  première  fois  par  r^vie; 

«  Une  seconde  fois  par  des  plantes  épineuses,  tellement  épaisscB 
qu'on  ne  pouvait  trouver  une  place  pour  prier  Dieu  (probablement 
l'hérésie)^ 

((  Une  troisième  Ibis  par  rennômi  ; 


S22  TOUAREG  DU  NORD. 

Tâïtoq  :  «  Partie  de  cette  tribu  est  de  la  race  des  Imanân  d'Azdjer, 
c^est-à-dire  de  la  descendance  des  Édrisiens;  partie  est  originaire  des 
Ahel-Fadày,  du  pays  d'Aïr,  où  la  souche  de  leur  tribu  existe  encore.» 
(Ce  sont  les  Kêl-Fadày  de  M.  le  docteur  Barth.) 

tt  Mais  tous  sont  d'origine  noble;  on  le  reconnaît  à  leur  science 
et  à  leur  manière  de  vivre. 

«  Cependant,  parmi  eux,  a  côté  des  Aheè-Bît'êl-Bîdh  (gens  de 
maison  blanche  ou  de  sang  blanc),  il  y  a  des  Àhel-BihâS'So&d  (gens 
de  maison  noire  ou  de  sang  noir).  » 

Kèl^Rhelà  :  u  Ce  sont  des  Ebna-^ld,  c'est-à-<tire  des  /Us  d«  kurs 
pères ,  qui  tous  avaient  pour  aïeul  le  sultan  £l^'Alouî. 

«  Parmi  eux  sont  des  fils  de  Hatîta  ; 

«  D'autres  sont  des  fils  d'Kl-Mahoûk,  targui,  ayant  du  sang  de 
chorfa.  » 

Ikadèen  :  u  Ils  sont  originaires  d^Bs-Softk,  mais  de  famiRes 
blanches.  » 

Irhechchoùmen  :  «  Aussi  originaires  d'Es-Soûk. 

«  Une  partie  de  la  tribu  descend  des  Édrisiens  et  une  autre  par- 
tie a  pour  pères  des  Ikadéen. 

«  Je  ne  sais  si  cette  dernière  partie  est  un  essaim  détaché  de 
la  tribu  paternelle  ou  bien  si  elle  est  née  de  la  prostitution  de  leurs 
mères.  » 

Tèdjèhè-n-oU'Sxdi  :  «  Ceux  qui  restent  des  Oulâd-Aoused  ont  des 
pères  sultans,  et  ils  ne  font  qu'une  même  tribu  avec  les  Imanân  des 
Azdjer.  Leur  séparation  n'indique  qu'une  bifurcation  du  même  arbre.» 

Tédjélié-MeUen  ou  Oalâd-Meçaoud  :  «Ce  sont  des  nobles;  huit 
d'entre  eux,  les  Ouggoûg,  ont  trace  du  sang  de  chorfa.  » 

Le  commentateur  ajoute  :  «  Ils  sont  très-forts  et  très-hauts  de 
stature*.  » 

Autres  tribus  :  «  Elles  sont  originaires  de  Es-Soûk,  mais  de  familles 
Bîl-esSoùd,  c'est-à-dire  mulâtres.  » 

Celte  Note^  9^e  j'ai  ^n^lysée^,  pour  qq  pa$  fatiguer  te  lecteur,  aY^He 
un  grand  mélange  de  sang,  et  assigne  comme  dernière  station  à  la 
presque  totalité  des  Azdjer  et  dtes  Ahaggâr,  avaint  leur  fixation  dans  les 
montagnes  dont  ils  ont  pris  le  nom,  une  ligne  circulaire  de  l'Ouest  au 

1.  Les  Ghorfe  du  Tafllelt  (Maroc)  sont  aussi  remarquables  par  leur  tiôlle 
élevée. 


ORIGINE.  323 

Sud,  jalonnée  par  les  points  de  Fez,  capitale  du  Maroc,  deGhinguîl, 
ville  de  TAdrar,  et  d'Ks-Soûk,  ville  de  rAdghagh.  Cette  ligne  est  aussi 
celle  assignée  par  tous  les  historiens  du  moyen  âge  au  mouvement 
de  migration  des  Berbères  Lemtoûna  et  Sanhàdja,  vers  le  pays  des 
iNoirs.  Une  expansion  politique  les  avait  portés  du  iNord  au  Sud,  uqe 
réaction  les  refoula  du  Sud  au  Nord. 

La  préiention  à  une  descendance  édriside  qui  donnerait  aux 
principales  familles  des  Touâifeg  une  origine  arabe  et  leur  conférerait 
le  titre  cje  chorfa  est  à  peu  près  celle  de  toutes  les  grandes  familles 
berbères,  et  elle  serait  presque  justifiée  par  les  nombreuses  alliances 
çiiatrimoniales  que  les  souverains  de  Fez  ont  contractées  avec  les 
familles  des  chefs  dont  ils  ne  pouvaient  obtenir  la  soumission  par  la 
force  des.  armes. 

Aujourd'hui  encore,  au  Maroc,  les  unions  de  l'empereur  avec  les 
filles  des  chefs  de  Berbères  indépendants  du  trône  temporel  sont 
érigées  à  Tétat  de  système  gouvernemental.  Quand,  dans  une  pro* 
vince -rebelle,  un  Berbère  peut  faire  échec  au  pouvoir  du  souverain 
nominal,  on  fait  tomber  sa  résistance  en  offrant  à  l'une  de  ses  filles 
une  place  au  harem.  Cet  honneur  est  toujours  accepté,  parce  qu'il 
confère  le  titre  de  chérîf  aux  enfants  qui  naîtront  de  cette  union, 
et  \3i  répudiation  presque  immédiate  qui  réintègre  femme  et  en- 
fant dans  la  famille  maternelle ,  loin  d'être  considérée  comme  un 
affront,  est  acceptée  comme  un  titre  autorisant  à  faire  souche. 

Les  deux  derniers  souverains  du  Maroc,  Mouley-'Abd-er-Rahmân 
et  Mouley-Slîmân ,  pendant  la  durée  de  leurs  longs  règnes,  ont  auto- 
risé, par  ces  sortes  d'unions,  plus  de  cinq  cents  familles  berbères  à 
revendiquer  pour  leurs  héritiers  la  descendance  édriside  ;  et  si  leuif^ 
prédécesseurs,  depuis  le  ix®  siècle  de  notre  ère,  ont  procédé  de  mêi^e  |i 
l'égard  des  grandes  familles  berbères  du  Maghreb,  —  ce  que  l'histoire 
semble  démontrer, —  il  devient  très-probable  que  les  nobles  Touareg 
d'Azdjer  et  du  Ahaggàr,  soit  par  des  alliances  directes,  soit  par  des 
alliances  indirectes  avec  les  chorfa  de  Kerzàz  et  d'Ouazzân,  sont 
aussi  autorisés  à  revendiquer  la  même  descendance. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  Touareg,  mal^é  le  mélange  de  leur  sang 
avec  celui  des  Édrisiens  arabes,  sont  restés  Berbères,  et,  comme 
fX^çtjiOû  du  peuple  berbère,  leur  origine  est  loin  d'être  incertaine. 

^a  tradition  populaire,  chez  les  Azdjer,  ajoute  à  la  Note  de  Bra- 


32i  TOUAREG   DU   NORD. 

hlm-Ould-S!di  quelques  détails  sur  la  formation  de  la  confédération 
et  sur  le  partage  des  terres  entre  les  différentes  tribus. 

D*après  cette  tradition,  les  premiers  Touareg  qui  prirent  pos- 
session du  pays  d*Azdjer  furent  les  chorfa  Imanân  et  Ifôghas;  puis, 
successivement,  d'autres  tribus  vinrent  se  ranger  autour  d'eux. 

Un  beau  jour,  le  chef  dès  Imanàn  invita  à  sa  cour  les  femmes 
douairières  des  autres  tribus,  c'est-à-dire  celles  des  dames  nobles  dont 
le  ventre  avait  le  privilège  de  donner  naissance  aux  chefs ,  et ,  mu 
par  un  généreux  sentiment  de  galanterie ,  il  affecta  à  chacune  d'elles 
un  douaire  foncier. 

La  dame  douairière  des  Orâghen  reçut  en  apanage  la  plaine  des 
Igharghâren  ; 

La  dame  douairière  des  Imanghasâten  eut  pour  lot  la  vallée  de 
Tikhàmmalt; 

Chaque  tribu  fut  dotée  de  la  même  manière. 

Ce  qui  frappe  dans  cette  tradition,  comme  dans  toutes  celles 
relatives  aux  origines  des  coutumes  exceptionnelles  des  Touareg, 
c'est  le  rôle  principal  qu'y  joue  la  femme. 

A  Ghadàmès,  cherchant  la  lumière  sur  cette  question  d'origine, 
je  m'adressai  au  kâtlhi,  l'homme 'le  plus  instruit  de  la  ville;  il  me 
répondit  en  ouvrant  un  livre  qui  fait  autorité  dans  le  Sahara. 

11  a  pour  titre  :  Roudli-el-ino'altâr,  fi  aktibâr-el'aqtâr  (ou  Le  Jardin 
parfumé  par  les  nouvelles  des  pays),  et  pour  auteur  :  Ebn-'Abd-en- 
Nour-el-Hamîri ,  de  Tunis. 

Ce  livre  assigne  pour  origine  aux  Berbères  musulmans  voilés  qui 
habitent  l'espace  compris  entre  Ghadàmès  et  Tademekka  (espace  de 
quarante  jours  de  marche)  les  tribus  de  Lemtoûna,  Massofifa  et  autres. 

Ebn-Khaldoûn  est  plus  explicite  encore. 

Les  Molâthemîn  ou  les  voilés,  dit-il,  qui  habitent  la  région  stérile 
au  Midi  du  désert  sablonneux,  entre  Barka,  Ghadàmès,  à  l'Orient,  et 
l'Océan  Atlantique,  à  l'Occident,  proviennent  des  tribus  de  Guedàla, 
de  Lemtoûna,  de  Oiitzila,  îîe  Tàrrja,  de  Zegâoua  et  de  Lemta,  tous 
descendants  des  Sanhâdja  de  seconde  race. 

Ainsi  les  Târga  ou  Touareg  modernes  sont  Sanhâdja,  c'est-à-dire 
de  la  race  de  ces  Almoravides  Lemtouniens  qui,  selon  l'expression 
d' Ebn-Khaldoûn ,  «  après  avoir  soumis  le  désert  et  forcé  les  nègres  à 
• 


ORIGINE.  325 

devenir  musulmans,  fonda  un  Empire  en  Espagne  et  dans  le  Nord 
de  TAfrique,  et,  épuisée  à  force  de  dominer,  consumée  dans  de  loin- 
taines expéditions  et  ruinée  par  le  luxe,  disparut  exterminée  par  les 
Alraohades,  »  sauf  les  fractions  restées  dans  \e  désert  et  représentées 
aujourd'hui  par  les  Touareg,  dans  le  Sahara  central,  par  les  Maures 
de  la  côte  de  l'Océan  Atlantique,  débris  de  ces  Sanhâdja  qui  ont 
donné  leur  nom  au  Sénégal. 

Ebn-Khaldoûn  nous  éclaire  encore  sur  beaucoup  d'autres  points. 

«Les Sanhâdja,  d'après  lui,  forment  la  majeure  partie  de  la  popu- 
lation de  l'Afrique  occidentale,  au  point  que  bien  des  personnes  les 
regardent  comme  formant  le  tiers  de  toute  la  race  berbère. 

«  Primitivement  ils  occupaient  la  presque  totalité  du  littoral  médi- 
terranéen. 

«  De  temps  immémorial,  —  bien  des  siècles  avant  l'islamisme, — 
les  voilés  parcouraient  la  région  qui  sépare  le  pays  des  Berbères  de 
celui  des  Noirs,  »  c'est-à-dire  le  plateau  central  du  Sahara,  entre  le 
bassin  de  la  Méditerranée  et  celui  du  Niger. 

((  Ils  ne  cessèrent  de  se  tenir  dans  ce  pays  et  de  le  parcourir  avec 
leurs  troupeaux  qu'après  la  conquête  de  l'Espagne  par  les  Arabes, 
moment  où  ils  abandonnèrent  le  magisme  pour  embrasser  l'isla- 
misme. »  C'était  dans  le  troisième  siècle  de  l'hégire. 

«  D'abord  les  Sanhâdja  se  rangèrent  parmi  les  clients  de  la  famille 
d"Ali-ben-Abî-Tàleb ,  gendre  de  Mohammed,  mais  leur  conversion 
fut  suivie  de  retours  fréquents  au  paganisme. 

«  Ce  fut  un  missionnaire  de  Sédjelmâssa,  envoyé  par  Aggâg,  de  la 
tribu  de  Lemia,  »  —  probablement  celui  dont  les  nobles  des  Ahaggâr 
prétendent  descendre,  —  «  qui  les  ramena  dans  la  bonne  voie  en  leur 
enseignant  la  vraie  religion. 

«Au  iv**  siècle  de  l'hégire,  un  des  plus  illustres  de  leurs  rois, 
Tinezwa,  étendait  sa  domination  sur  une  région  longue  de  deux 
mois  de  marche  et  large  d'autant.  Vingt  rois  nègres  reconnaissaient 
son  autorité,  mais,  sous  ses  fils,  l'unité  de  la  nation  sanhâdjienne 
se  brisa,  et  chaque  tribu,  chaque  fraction  de  tribu  eut  un  roi.  » 

Dans  le  milieu  du  vui"  siècle  de  l'hégire,  à  l'époque  où  Ebn- 
Khaldoûn  écrivait  son  Histoire  des  Berbères,  «  les  Sanhàdjiens  porteurs 
du  voile,  soumis  à  l'autorité  du  roi  des  Noirs  (Mâlek-es-Soûdân),  lui 
payaient  l'impôt  et  fournissaient  des  contingents  à  ses  armées.  » 

Ce  roi  des  Noirs  doit  être  le  sultan  de  Gôgo  qui  détruisit  la  ville 


328  TOUAREG  DU  NORD. 

Màzigh  des  généalogistes  et  des  Maz^es  ou  Maziqfies  de  l'antiquité, 
je  dirai  que  désornaais  Tétude  de  la  langue  temâhaq,  comparée  aux 
autres  langues  africaines  et  asiatiques,  peut  seule  jeter  quelque  lu- 
mière dans  la  question. 

En  vue  de  fournir  mon  faible  contingent  à  ces  recherches,  j'ai 
recueilli,  avec  le  soin  le  plus  scrupuleux,  toutes  les  inscriptions,  tant 
anciennes  que  nouvelles,  en  caractères  tefinagh,  que  j'ai  trouvées  sur 
les  rochers ,  et  j'ai  réuni,  en  un  vocabulaire,  environ  1,500  mots  de 
la  langue  temâhaq,  surtout  de  ceux  dont  j'ai  pu  contrôler  la  véritable 
signification ,  et  j'ose  espérer  que  ce  travail  ne  sera  pas  sans  quelque 
utilité  pour  établir  la  filiation  anté  historique  des  Touareg  modernes. 

D'un  autre  côté,  M.  le  docteur  Barlh  ,  qui  a  longtemps  vécu 
parmi  les  Touareg  du  Sud,  a  recueilli  un  riche  vocabulaire  du  dia- 
lecte temâcheq,  dialecte  aussi  étudié  par  M.  le  chef  de  bataillon 
Hanoteau  K 

Avec  ces  éléments  modernes,  comparés  avec  les  éléments  anciens 
de  l'inscription  bilingue  de  Thugga,  dont  la  partie  gauche  reproduit 
la  presque  totalité  de  l'alphabet  teviâhaq  ou  temâcheq,  il  est  impos- 
sible qu'on  n'arrive  pas  prochainement  à  rattacher  les  Imôhagh  et 
leur  langue  à  l'une  des  souches  primitives  de  l'antiquité. 


1.  Essai  de  grammaire  de  la  langue  temâchek\  par  M.  A.  Hanoteau,  chef  de 
bataillon  du  génie.  (Paris,  Imprimerie  impériale ,  iSCO.) 

M.  Hanoteau  écrit  femàchek*  par  un  k  suivi  d'un  accent;  j'ai  préféré  représen- 
ter la  môme  lettre  de  récriture  teflnagh  par  un  q.  Voilà  la  raison  des  différences  de 
transcription ,  l'orthographe  du  mot  restant  la  même. 


CHAPITRE  II. 


DIVISIONS     ET    CONSTITUTION     SOCIALE. 

Les  Touareg  du  Nord  se  divisent  en  deux  grandes  sections  :  les 
Azdjer  à  l'Est,  les  Ahaggâr  à  l'Ouest. 

Les  Ahaggàr,  je  l'ai  déjà  dit,  sont  les  Hoggàr  des  Arabes  et  des 
Européens. 

Chacune  des  deux  sections  se  subdivise  en  tribus. 

Les  unes  sont  nobles  et  prennent  le  titre  de  ihaggâren;  les  autres 
sont  serves  et  placées  dans  la  dépendance  absolue  des  nobles;  on  les 
appelle  imrliâd.  Quelques-unes  ne  sont  ni  nobles  ni  serves,  mais 
rayonnent  dans  le  cercle  d'action  d'une  tribu  noble  à  laquelle  elles 
payent  impôt  ;  d'autres,  enfin,  sont  des  tribus  de  marabouts  rem- 
plissant le  rôle  de  modérateurs,  de  conciliateurs  et  d'instructeurs, 
rôle  important  au  milieu  d'une  société  qui  n'est  soumise  à  aucune 
forme  de  gouvernement  régulier,  mais  qui,  grâce  à  une  certaine 
force  de  cohésion,  traverse  la  série  des  siècles,  sans  subir  de  modi- 
fications sérieuses,  malgré  ses  nombreuses  pérégrinations,  ses 
guerres  intestines  et  les  luttes  qu'elle  a  dû  soutenir  pour  conserver 
son  indépendance. 

Dans  la  section  des  Azdjer,  les  tribus  nobles  sont  : 
Les  Imanân , 
Les  Orâghen , 
Les  Imanghasâten , 
Les  Kêl-Izhabân, 
Les  Imettrilâlen , 
Les  Ihadhanâren. 

Les  tribus  de  marabouts  sont  : 
Les  Ifôghas, 
Les  Ihôbaouen. 


330  TOUAREG  DU   NORD. 

Les  tribus  mixtes  sont  : 
Les  Ilemtln, 
Les  Kê)-Tln-Alkoum. 

J'indiquerai  les  noms  des  tribus  serves  au  chapitre  suivant  en  fai- 
sant l'historique  des  tribus  nobles  auxquelles  elles  appartiennent. 

Dans  la  section  des  Âhaggâr,  il  n'y  a  que  des  nobles  et  des  serfs. 
On  pourrait  considérer  comme  tribus  mixtes  celles  qui  habitent  les 
villages  du  Touât,  mais  elles  ne  sont  plus  considérées  par  les  Touareg 
comme  faisant  partie  de  leurs  confédérations. 

Primitivement,  les  Âhaggâr  ne  constituaient  qu'une  seule  tribu, 
celle  des  Kél-Ahamellen  ^  divisée  en  un  grand  nombre  de  filetions  : 
mais  l'accroissement  de  la  population ,  l'obligation  de  se  disperser 
sur  d'immenses  espaces  pour  assurer  la  subsistance  des  troupeaux, 
probablement  aussi  la  rivcilité  de  familles  à  fattailles,  ont  amené  les 
fractions  de  la  tribu  tnère  à  se  constituer  en  tribus  indépendantes, 
et  aujourd'hui,  au  lieu  d'uhe  seule  tribu,  on  en  compte  quatonse, 
savoir  t 

Les  Tédjéhé-Mellen, 

Les  Tédjéhé-n-oû-Sîdi, 

Les  Ennîtra, 

Les  Tàïtoq, 

Les  Tédjéhé-n-Eggali, 

Leslhembà,>^>-^"^^^^^^ 


àbà,  j 


Kôl-Tahât, 
Les  Kêl-Rhelà , 
Les  Irhechchoûmen, 
Les  Tédjéhé-n-Esakkal, 
Les  Kêl-Ahamellen, 
Les  Ikadéen, 
Les  Ibôguelân, 
Les  Ikerremôïn. 

Comme  pour  les  Azdjer,  je  ferai  connaître,  au  chapitre  suivant,  les 
tribus  serves  de  la  dépendance  de  chaqut  trilm  oob^i 

De  la  division  des  tribus  je  passe  à  quelques  considëffitions  géné- 
rales sur  chacun  des  organes  constitutifs  de  cette  société» 


DIVISION*  ET   CONSTITUTION  SOCIALE.  331 


Du  Pùuvoit  «otttwfdin.  ^  AmanOkal  et,  Àtnghâr. 

Il  y  a  environ  deux  siècles,  une  famille,  réunissant  à  la  noblesse 
de  race  la  hoblesse  religieuse  des  chorfa,  celle  des  Imanàn,  dominait 
au  dessus  des  Azdjer  et  des  Àhaggâr,  nobles,  marabouts  et  serfs, 
et  son  chef*  sous  le  titre  (ïamanôkal^,  nom  berbère  synonyme  de 
sultan,  représentait  le  roi  d'une  monarchie  féodale. 

Par  suite  d'une  révolution,  les  Imanân,  vaincus  par  leurs  sujets, 
(avec  le  concours  d'un  élément  étranger,  les  loûrâgheli,  sont,  depuis, 
réduits  à  l'état  de  simple  tribu  noble,  et  les  deui  groupes  des  Azdjer 
et  deB  Ahaggâr,  constitués  en  confédérations  aristocratiques,  recon- 
naissent l'autorité  supérieure  de  cheikh  héréditaire^ ,  sous  le  nom 
d'amghâr,  synonyme  de  cheikh. 

Malgré  sa  déchéance,  l'héritier  du  litre  d'amanôkal  continue  à  le 
porter,  et  on  le  lui  accorde  par  déférence  pour  sa  qualité  de  chérîf, 
mais  ce  titre  est  purement  nominal.  Aujourd'hui,  les  deux  amghâr 
exercent  dans  chacune  des  deux  confédérations  les  pouvoirs  autrefois 
dévolus  à  l'unique  souverain. 

(iCS  pouvoirs,  on  le  comprend,  ne  sont  définis  par  aucune  charte, 
et  ils  varleht,  dans  les  limites  de  la  loi  musulmane,  suivant  l'auto- 
rité ou  le  crédit  personnel  dont  jouit  Vamghâr. 

De$  NMts. 

Les  nobleë,  ihaggârerii  sont  seuls  en  possession  des  droits  politiques 
dans  la  confédération  et  seuls  ils  exercent  le  pouvoir  dans  la  tribu* 

Tous*  dès  qu'ils  ont  atteint  leur  grande  majorité,  Sont  appelés  à 
faire  partie  des  mia^âd^  oU  assemblées,  dans  lesquelles  se  discutent 
les  intérêts  communs. 

Un  seul*  dans  là  tribu,  par  une  sorte  de  droit  d'aînesse  spécial, 
gouverne  et  administre,  avec  ou  sans  le  conoourls  des  autres  membres 
de  sa  famille^ 

L'occupation  ordinaire  des  nobles  est  de  faire  la  police  du  terri- 
toire de  la  tribu,  d'assUrer  la  sécurité  des  routes,  de  prot^er  les 
caravanes  de  leurs  clients,  de  veiller  sur  l'ennemi ,  de  le  coknbéttre 

1.  Mot  à  tnM  c  amà  péè^^sMùt  H  du,  aktti  pays. 


332  TOUAREG   DU   NORD. 

au  besoin,  et,  au  cas  d'une  guerre  qui  appelle  tout  le  monde  sous  les 
armes,  nobles  et  serfs,  de  prendre  le  commandement  des  serfs. 

Tout  travail  manuel  est  considéré  par  les  nobles  comme  indigne 
de  leurs  seigneuries;  ils  seraient  même  disposés,  en  leur  qualité  de 
gentilshommes,  à  n'apprendre  ni  à  lire  ni  à  écrire,  si  l'obligation  de 
suppléer  par  la  correspondance  aux  relations  orales,  que  l'espace  à 
parcourir  rend  souvent  impossibles,  n'imposait  au  plus  grand  nombre, 
nobles  ou  serfs,  hommes  ou  femmes,  la  nécessité  de  la  lecture  et  de 
l'écriture. 

D'ailleurs,  la  vie  des  nobles  est  loin  d'être  inactive,  car,  pour 
remplir  les  devoirs  qui  leur  incombent,  ils  sont  toujours  par  voies  et 
par  chemint,  par  monts  et  par  vaux.  L'espace  que  chacun  d'eux  par- 
court dans  une  année  dépasse  tout  ce  que  l'imagination  la  plus 
féconde  peut  supposer.  Chez  les  Touareg,  une  femme  franchit  à  mé- 
hari 100  kilomètres  pour  aller  à  une  soirée,  et  un  homme  sera  quel- 
quefois dans  la  nécessité  de  voyager  vingt  jours  pour  aller  à  un  mar- 
ché. L'immensité  du  désert  dévore  la  vie  des  nobles. 

Des  Marabouts. 

Les  marabouts,  inislimin,  sont  des  nobles  qui  ont  abdiqué  tout 
rôle  politique  dans  la  gestion  des  affaires  des  confédérations  pour 
conquérir  une  plus  grande  autorité  religieuse,  autorité  nécessaire 
dans  une  société  où  la  justice  n'est  représentée  par  aucun  pouvoir  et 
où  la  loi  de  la  force  est  souvent  la  seule  invoquée,  où  enûn  l'instruc- 
tion publique,  civile  ou  religieuse,  serait  délaissée  sans  leur  puissante 
intervention. 

Les  marabouts,  chez  les  Touareg,  sont  donc  à  la  fois  ministres 
de  la  religion,  ministres  de  la  justice  et  ministres  de  l'instruction 
publique. 

Prêtres,  ils  veillent  au  maintien  de  l'orthodoxie  musulmane  et 
prêchent  la  vertu  et  la  morale  par  l'exemple  de  leur  vie  autant  que 
par  leurs  paroles,  car,  chez  les  nomades,  il  n'y  a  ni  mosquées  ni  lieux 
de  réunion  pour  la  prédication. 

Juges,  ils  interviennent,  comme  amiables  compositeurs,  dans 
toutes  les  querelles  d'individu  à  individu,  de  tribu  à  tribu,  de  confé- 
dération à  confédération,  de  Touareg  à  étrangers.  Souvent  ils  sont 
assez  heureux  pour  faire  entendre  le  langage  de  la  saine  raison ,  mais 


DIVISIONS    ET  CONSTITLTIOIS    SOCIALE.  35S 

ils  n'ont  d'autre  pouvoir  que  celui  d'hommes  à  l'estime  desquels  on 
tient  généralement. 

Professeurs,  ils  enseignent,  suivant  le  degré  de  leur  instruction, 
tout  ce  qu'ils  savent  eux-mêmes  :  la  lecture,  récriture,  le  Coran,  aux 
enfants;  l'histoire,  le  droit,  la  théologie,  l'astronomie,  le  calcul,  à 
ceux  qui  se  constituent  leurs  disciples,  telâmid,  et,  par  ces  disciples, 
marabouts  comme  eux  de  naissance,  ils  font  pénétrer  l'enseignement 
dans  toutes  les  classes  de  la  société. 

A  la  différence  des  marabouts  arabes,  qui  attendent  leurs  clients  à 
domicile,  les  marabouts  des  Touareg,  pour  peu  qu'ils  veuillent  exercer 
de  l'influence  sur  leurs  contribules*,  sont  obligés,  comme  des  mis- 
sionnaires, de  se  rendre  partout  où  leur  intervention  est  nécessaire. 
Un  marabout,  le  Cheikh-'Othmàn  entre  autres,  est  souvent  forcé 
d'être,  pendant  des  mois,  des  années  entières,  absent  de  sa  zàouiya. 

Ne  l'a-t-on  pas  vu  venir  en  France  chercher  à  établir  de  bons 
rapports  entre  nous  et  les  peuplades  dont  il  est  le  chef  religieux  I 

Dans  une  sociiié  comme  celle  des  Touareg,  sans  l'intervention  des 
marabouts  dans  tous  les  actes  de  la  vie  privée  et  publique,  le  désordi^e 
et  l'anarchie  n'auraient  plus  de  limites.  Des  hommes  qui  remplissent 
'  la  mission  si  difficile  de  maintenir  dans  les  bornes  du  devoir  un  élé^ 
ment  aussi  mobile  et  aussi  passionné  méritent,  au  plus  haut  degré, 
la  considération  de  toutes  les  personnes  de  cœur  de  toutes  les  reli* 
gions  et  de  toutes  les  civilisations.  Aussi  le  gouvernement  français 
doitril  être  félicité  d'avoir  accueilli  le  Cheikh-'Othmân  et  ses  deux 
disciples,  avec  la  distinction  dont  il  les  a  entourés  pendant  leur  voyage 
en  France,  et  je  ne  doute  pas  que  la  bienveillance  dont  ces  ma- 
rabouts ont  été  l'objet  ne  produise  les  meilleurs  effets  chez  les 
Touareg. 

Une  leçon  du  Cheikh-'Othmân  à  ses  disciples,  à  sa  sortie  des  Tui- 
leries, mérite  d'être  consignée  ici  : 

a  Chacune  des  religions  révélées,  leur  dit-il,  peut  élever  la  pré- 
tt  tention  d'être  la  meilleure:  ainsi,  nous,  musulmans,  nous  pouvons 
a  soutenir  que  le  Coran  est  le  complément  de  l'Évangile  et  de  la 
«  Bible,  mais  nous  ne  pouvons  contester  que  Dieu  ait  réservé  pour 
(c  les  chrétiens  toutes  les  qualités  physiques  et  morales  avec  lesquelles 
«  on  fait  les  grands  peuples  et  les  grands  gouvernements.  » 

i.  Contribule ,  de  la  même  tribu.  Ce  mot  a  pour  les  tribus  la  même  valeur  que 
le  mot  concitoyen  pour  les  habitants  de  la  même  ville. 


S3ft  TOUAREG  DU  NOBD. 

Cette  Femargue.  dans  ia  bouche  d'ua  oif^abauti  oms^vd^,  révèle 
une  haute  philosophie  en  même  temps  qu'une  instruction  solide:  ear 
les  fanatiques  n'admettent,  pour  les  chrétiens,  de  supériorité  que  par 
rintervention  du  diable,  et  seulement  pour  égarer  les  mMSulmans. 

Des  Tribus  mixtes. 

Je  donne  ce  nom,  à  défaut  d'autre,  à  des  tribus  qui  ae  sont  ni 
nobles,  ni  serves,  mais  qvii  achètent  cependant  la  liberté  en  payant 
un  impôt  aux  nobles. 

Cet  impôt  est  celui  de  la  gharâma,  qui  existait  autrefois  ea  Algérie 
sous  la  domination  des  Turcs. 

Cette  classe  correspond  à  celle  des  ra'aya  de  l'Orient. 

Dês  Serp. 

J'ai  longtemps  hésité  à  traduire  le  mot  amrhid,  pi.  imrhâd,  par  le 
mot  français  serf,  par  la  raison  que  les  Touàrçg,  à  défaut  d'un  laot 
spécial,  traduisent  le  mot  temàhaq  amrhid^  par  oelui  de  ra*0Ufa  en 
arabe,  lequel  correspond  au  mot  sujei  de  aotr^  langue  :  mais  V\^^  ' 
tation  a  cessé  a  partir  du  moment  où  j'ai  su  que  les  tribus  mixtes 
représentaient  les  vrais  ra'aya  et  que  la  religion  musulmane  défen- 
dait aux  marabouts  d'avoir  des  imrhâd. 

Le  ra'aya  des  Arabes  et  des  Turcs  est  un  sujet,  plus  ou  moins  cor- 
véable, plus  ou  moins  contribuable,  mais  ce  n'est  qu'un  ra'aya  poli- 
tique, tandis  que  ramrhîd  est  un  ra'aya  social,  c'est-rà-dire  un  serf 
dans  la  pire  acception  du  mot,  serf  duquel  on  peut  exiger  non-seuler 
ment  des  corvées  et  des  contributions,  mais  encore  Tabandoii  aJi^Iii 
de  tout  ce  qu'il  possède. 

En  droit,  l'amrhîd  plaidant  devant  u^  kâdhi  contre  son  maître 
ne  lui  doit  rien,  parce  que  la  loi  musulmane,  qui  admet  l'escla- 
vage, repousse  l'inféodation  de  l'homme  à  l'homme  :  mais^  en  fait, 
chez  les  Touôreg,  l'amrhîd  doit  tout,  parce  que,  dans  ce  pays,  l'auto- 
rité du  sabre  remplace  souvent  celle  de  la  Icii. 

Cependant,  avec  le  droit  de  la  force,  comme  avec  tous  les  autres 
droits,  il  y  a  des  accommodements. 

Dans  la  pratique  ordinaire,  le  droit  du  maître  restant  absolu  sur 
les  biens  du  serf,  le  maî|r^  aime  guç!  le  §ç^f  soit  riçh^  ^  a^g^m,  ep 


DIVISIONS   FÎT  CONSTITUTION  SOCIALE.  âlfl 

troupeaux,  en  eficlaves,  en  jnobilier,  et  il  lui  laisse  toute  liberté  pour 
arriver  à  la  fortune,  parce  qu'il  sait  devoir  trouver  )à,  en  cas  de 
besoin,  des  ressources  qui  ne  lui  seront  pas  refusées,  mais  dont  il 
n'usera  qu'aveo  discrétion  pour  ne  pas  décourager  le  serf,  pour  ne  pas 
tuer  la  poule  aux  œufs  d'or. 

Le  noble,  je  l'ai  déjà  dit,  ne  se  livre  à  aucun  travail  manuel  ;  sa 
grande  occupation  est  d^assorer  la  séeurité  des  routes  au  proQl  du 
commerce. 

  répoque  des  récoltes,  il  se  rapproebe  des  eaais  habitée^  par  les 
commerçants  doat  il  protège  le$  intérêts)  là,  ses  clients  lui  font  une 
part  sur  les  produits  de  leurs  jardins,  et  il  vit  temporairement  dç 
cette  Ame. 

A  l^poque  où  les  caravanes  marcbenl,  il  oampe  sur  tes  routes  et 
il  se  nourrit  des  dMfa  que  lui  offrent  les  voyageurs. 

Entre  temps,  il  vieat  s'^installer  ches  ses  serfs,  et  oeux-^çi  Talir 
mentent. 

F^r  ces  demierii,  exolosivemeal  oeoupés  de  pourvoir  à  leurs  pro- 
pres besoins,  et  d^ailleurs  beaucoup  plus  nombreux  que  les  nobles, 
la  charge  est  lourde,  sans  doute,  car  le  pays  est  pauvre,  mais  eUe 
n^exoède  pas  leurs  forces. 

Parfois t  quand  le  noble  a  perdu  ses  chameaux,  soit  par  excès  ëe 
fatigue,  soit  par  manque  de  nourriture,  il  se  remontera  chez  ses 
serilB,  et  ces  derniers  trouveront  cet  impôt  presque  légitime:  car.,  si  les 
nobles  usent  des  chameasx  pour  assurer  la  séourité  du  pays,  les 
serfs  n'ont  guère  d'autre  besogne  sérieuse  que  d*en  élever,  et ,  pour 
eela,  l'espace  leur  est  abandonné  en  pacc^ge,  et  ils  savent  toujours 
ehoîsh*,  pour  y  conduire  leurs  troupeaux,  les  vall^  les  plus  ptantit^ 
reuses. 

Les  redevances  ordinaires  ées  imrbàd  envers  leurs  miû^res  ooDsis» 
tent  à  leur  donner  annuellement  un  chameau ,  une  botta  ou  pot  de 
beurre,  à  leur  réserver  le  lait  de  dix  brebis  ou  chèvres  et  à  garder 
leurs  troupeaux.  De  cette  fonction  spéciale  leur  esc  venu  le  surnom  de 
kilrêéUh  gens  de  bétail. 

Il  feut  bien  que  les  nobles  n^abusent  pas  trop  de  leurs  serb,  car 
il  en  est  qnelque-uns  plus  riches  que  leurs  maîtres.  De  ce  non^bre 
est  un  nommé  Ël-Hàdj -Mohammed,  die  la  tribu  des  Iworworen,  serf 
de  r^mîr  Ikbenoûkhen,  dont  la  fortune  est  égale  à  celle  de  son 
nM^tre,  incontestablement  le  plus  riobe  des  Touareg  du  Nord.  Ce 


336  TOUAREG  DU   NORD. 

Hâdj-. Mohammed,  qui  doit  sa  position  à^son  kiteUigence,  est  très- 
coDsidéré,  et  il  n'est  pas  rare  de  voir  Ikhenoûkhen  prendre  ses  con- 
seils. 

Le  serf  se  transmet  par  héritage  ou  donation,  mais  ne  se  vend 
pas ,  condition  qui  le  distingue  de  l'esclave. 

Quelle  est  l'origine  de  l'asservissement  des  imrhâd? 

Plusieurs  réponses  sont  faites  à  cette  question. 

Chaque  noble  possède,  suivant  sa  fortune,  un  nombre  plus  ou 
moins  considérable  d'esclaves  noirs  qui  souvent,  à  la  mort  dé  leurs 
propriétaires,  sont  affranchis.  C'est  une  œuvre  pie  chez  les  musul- 
mans. Dans  la  société  targuie,  l'esclave  affranchi  nç  peut  trouver  à 
louer  ses  bras  pour  vivre;  fatalement  il  est  amené  à  transformer  son 
affranchissement  en  servage ,  car  souvent  son  retour  dans  sa  patrie 
est  impossible.  Ainsi  se  recrutent  journellement  les  tribus  d'imrhâd 
noirs  désignés  sous  le  nom  d*ikelân. 

Les  imrhàd  blancs  sont  de  même  origine  que  les  autres  Touareg 
et  proviennent  de  tribus  congénères  asservies  par  la  force  des  armes, 
ou  qui  ont  réclamé  le  protectorat  des  nobles. 

Quelques-uns  attribuent  le  servage  à  la  position  exceptionnelle  de 
la  femme  chez  les  Touareg.  Les  extrêmes  se  touchent,  et  souvent , 
comme  dit  le  proverbe,  le  mieux  est  l'ennemi  du  bien. 

Chez  les  Berbères  sahariens,  la  femme  dispose  de  la  plus  grande 
partie  de  la  richesse.  Or,  il  s'est  trofivé,  dans  les  temps  anciens,  dit 
la  tradition ,  des  femmes  non  mariées  possédant  de  nombreux  trou- 
peaux, et  qui,  dans  l'impossibilité  de  les  défendre  par  elles-mêmes 
Contre  le  vol  et  le  pillage,  ont  réclamé  le  protectorat  de  familles  prin- 
cières  et  ont  consenti  à  leur  payer  tribut.  Plus  tard,  ces  femmes  se 
sont  mariées  et  leurs  enfants  ont  constitué  le  noyau  des  premières 
tribus  serves. 

Mais  ce  ne  peut  être  qu'une  des  origines  nombreuses  du  servage. 

Dans  V Histoire  des  Berbères  d'Ebn-Khaldoûn ,  l'exemple  de  l'asser- 
vissement des  vaincus  ou  de  leur  réduction  en  servage  est  souvent 
mentionné.  Si  le  servage  ne  s'est  pas  maintenu  comme  fait  plus  gé- 
néral dans  l'Afrique  septentrionale ,  c'est  qu'il  a  été  aboli  ,•  comme 
chez  les  marabouts  Touareg,  au  nom  de  la  morale  islamique. 

Mais  les  Touareg  ne  sont  pas  les  seuls  à  ^voir  des  serfs  :  les  Ou- 
làd-Bâ-Hammou ,  Arabes  nomades  du  Touât ,  ont  aussi  des  imrbâd , 


DIVISIONS  ET  CONSTITUTION  SOCIALE.  337 

les  uns  Arabes,  les  autres  Berbères.  Il  est  vrai  de  dire  que  les  Oulâd- 
Bà  -  Hammou ,  comme  les  Touareg ,  appartiennent  à  une  confédéra- 
tion indépendante  de  tout  gouvernement  régulier. 

Au  Nord  du  Sénégal  aussi,  plusieurs  tribus  arabes  ou  berbères 
tiennent  sous  leur  dépendance  d'autres  tribus  dont  l'état  social  me  . 
paraît  correspondre  à  celui  des  imrhâd  chez  les  Touareg* 

D'après  les  hommes  les  plus  éclairés  dont  j'ai  pris  l'avis,  le  ser- 
vage, pour  quelques  tribus  imrhâd  des  Imanân,  daterait  du  règne 
du  dernier  amanôkal,  Gôma,  qui  tuait  impitoyablement  ceux  qui 
résistaient  à  ses  volontés,  et  qui,  pour  ses  méfaits,  fut  tué  lui-même 
par  Bîska ,  l'un  des  principaux  chefs  des  Azdjer. 

Déjà,  à  cette  époque,  la  réduction  des  faibles  en  servage  parais- 
sait un  fait  tellement  monstrueux,  tellement  contraire  à  la  morale  du 
Coran ,  qu'un  homme  de  haute  lignée  n'a  pas  craint  de  se  dévouer 
pour  débarrasser  son  pays  d'un  tel  monstre. 

Quant  aux  autres  imrhâd ,  leur  asservissement  est  antérieur  à  la 
conversion  des  Touareg  à  l'islamisme,  ou  doit  dater  de  la  dispersion 
des  Kêl-es-Soûk  par  le  roi  de  Gôgo. 

On  comprend  qu'alors  des  familles  faibles,  étrangères  au  métier 
des  armes,  et  voulant  échapper  à  la  mort  ou  à  l'esclavage  qui  les 
attendait  en  tombant  au  pouvoir  du  roi  noir  et  païen ,  aient  acheté  la 
protection  des  nobles  en  se  constituant  leurs  serfs. 

D'ailleurs ,  font  remarquer  les  nobles ,  la  plupart  des  imrhâd  ont 
eu  pour  mères  des  esclaves  noires;  s'ils  fussent  restés  dans  la  condi- 
tion que  leur  créait  le  ventre  de  leurs  mères ,  d'après  la  coutume 
targuie,  ils  auraient  dû  être  esclaves.  En  devenant  serfs,  ils  ont  con- 
quis la  liberté  personnelle  et  ont  pu  épouser  des  femmes  blanches ,  ce 
qui  est  à  la  fois  un  grand  avantage  et  un  grand  honneur  pour  eux. 

L'enfant,  chez  les  Touareg,  suit  le  sang  de  sa  mère; 

Le  fils  d'un  père  esclave  ou  serf  et  d'une  femme  noble  est  noble  ; 

Le  fils  d'un  père  noble  et  d'une  femme  serve  est  serf; 

Le  fils  d'un  noble  et  d'une  esclave  est  esclave. 

u  C'est  le  ventre  qui  teint  l'enfant,  »  disent-ils  dans  leur  langage 
primitif. 

Et,  ajoutent-ils,  «l'amrhîd,  quels  que  soient  son  intelligence, 
son  instruction,  son  courage,  sa  force,  sa  richesse,  ne  peut  s'affran- 
chir du  servage. 


338  TOUAREG   DU  NORD. 

«  Il  ne  peut  ni  se  racheter,  ni  fuir,  car  son  maître  a  sur  lui  un 
droit  imprescriptible.  » 

Cependant ,  quand  il  y  a  mélange  successif  et  prolongé  de  sang 
noble  avec  le  sang  serf  dans  la  même  famille,  on  admet  que  l'amrhld 
puisse  devenir  un  demi-noble.  On  en  cite  quelques  rares  exemples. 

En  général,  les  imrhâd  sont  aussi  fiers  d'être  Touareg  que  les 
nobles,  et,  pour  défendre  l'honneur  de  leur  nom,  ils  font  merveille 
quand  ils  sont  appelés  au  combat,  surtout  quand  ils  se  battent  contre 
les  Arabes,  ces  grands  mangeurs,  qu'ils  accuseraient  volontiers  d'af- 
famer la  terre ,  tant  ils  envient  même  leurs  plus  modestes  repas. 

On  a  écrit  que  les  imrhâd,  par  mesure  de  prudence,  n'étaient 
pas  armés ,  et  que  jamais  ils  n'étaient  appelés  à  combattre,  dans  la 
crainte  qu'ils  n'apprissent  à  tourner  leurs  armes  contre  leurs  maî- 
tres. 

C'est  le  contraire  qui  est  presque  la  vérité,  car  tous  les  imrhâd  ont 
le  sabre,  la  lance,  le  poignard,  le  bouclier,  et  quelques-uns  même 
des'fusils  achetés,  quand  les  nobles  n'ont  que  des  fusils  donnés. 

Dans  toutes  les  guerres,  les  imrhâd  sont  les  premiers  en  avant,  et 
ils  se  croiraient  déshonorés  si  on  ne  les  appelait  à  défendre  la  cause 
de  leurs  maîtres. 

Souvent  ils  entreprennent  des  rhezî  pour  leur  compte  ou  avec  le 
concours  des  nobles,  et,  dans  ces  expéditions  périlleuses,  ils  se  mon- 
trent audacieux  comme  des  hommes  qui  ont  à  racheter  leur  infé- 
riorité sociale  par  une  supériorité  dans  la  profession  qui  a  ennobli 
leurs  maîtres. 

Quand  des  contestations  s'élèvent  entre  des  tribus  imrhâd ,  elles 
les  vident  les  armes  à  la  main. 

M.  le  commandant  Hanoteau ,  dans  son  Essai  de  grammaire  temâr 
chek\  raconte  longuement  une  querelle  entre  les  Isaqqamâren  et  les 
Kêl-Ouhât,  deux  tribus  serves  du  Ahaggâr. 

La  tradition  n'a  transmis  la  mémoire  d'aucun  fait  ressemblant  à 
une  coalition  des  serfs  contre  leurs  maîtres ,  quoiqu'il  y  ait  parfois 
des  actes  de  rébellion  d'individus  assistés  des  membres  actifs  de  leurs 
familles.  Mais  le  respect  du  maître  est  si  grand  que ,  par  l'interven- 
tion des  autres  imrhâd,  tout  rentre  bientôt  dans  l'ordre. 

On  cite  le  cas  d'un  amrhîd,  maltraité  par  son  maître,  qui  alla  se 
plaindre  à  Tripoli.  11  y  a  longtemps  de  cela.  Le  sultan  de  cette  ville, 


DIVISIONS  ET  CONSTITUTION  SOCIALE.  339 

croyant  à  une  révolte  des  serfs  qui  lui  permettrait  d'avoir  raison  des 
nobles  Touareg,  envoya  contre  eux  une  armée,  laquelle  arriva  jus- 
qu'à Djânet.  On  lui  permit  de  mettre  à  mort  le  coupable,  et  l'armée 
rentra  à  Tripoli.  Les  descendants  du  noble  et  de  l'amrhîd,  acteurs 
dans  ce  petit  drame,  existent  encore  aujourd'hui  et  vivent  dans  de 
bons  rapports. 

Des  Esclaves, 

Presque  tous  les  Touareg  nobles  et  riches  ont  des  esclaves  nègres 
du  Soudan  amenés  par  les  caravanes ,  et  aujourd'hui  vendus  à  vil 
prix  dans  le  pays.  Quelques  serfs  en  possèdent  aussi. 

Les  oègres  servent  de  domestiques,  gardent  les  troupeaux,  font 
des  convois;  les  négresses,  quand  elles  sont  des  concubines,  accom- 
pagnent leurs  maîtres  dans  leurs  longs  voyages;  autrement,  elles 
remplissent  le  rôle  de  servantes  dans  les  ménages  et  permettent  aux 
dames  de  bonne  famille  de  vaquer  à  leurs  plaisirs  avec  une  liberté 
que  ne  connaissent  pas  les  femmes  arabes. 

L'esclavage,  chez  les  Touareg  comme  chez  tous  les  peuples  mu- 
sulmans» est  très-doux  et  n'a  rien  de  commun  avec  le  travail  forcé 
des  colonies*  Dans  la  famille  musulmane ,  l'esclave  est  traité  par  ses 
maîtres  avec  les  plus  grands  égards,  et  il  n'est  pas  rare  de  vcir  l'es- 
clave se  considérer  comme  un  des  enfants  de  la  maison. 

De  la  Femme. 

S'il  est  un  point  par  lequel  la  société  targuie  diffère  de  la  société 
arabe,  c'est  par  le  contraste  de  la  position  élevée  qu'y  occupe  la  femme 
comparée  à  l'état  d'infériorité  de  la  femme  arabe. 

Chez  les  Touareg,  la  femme  est  l'égale  de  l'homme,  si  même,  par 
certains  côtés,  elle  n'est  dans  une  condition  meilleure. 

Jeune  fille,  elle  reçoit  de  l'éducation. 

Jeune  femme,  elle  dispose  de  sa  main,  et  l'autorité  paternelle 
n'intervient  que  pour  prévenir  des  mésalliances. 

Dans  la  communauté  conjugale,  elle  gère  sa  fortune  personnelle 
sans  être  jamais  forcée  de  contribuer  aux  dépenses  du  ménage, 
elle  n'y  consent  pas  :  aussi  arrive-t-il  que,  par  le  cumul  des  produits, 
ta  plus  grande  partie  de  la  fortune  est  entre  les  mains  des  femmes. 


340  TOUAREG  DU   NORD. 

A  Rhàt,  la  presque  totalité  de  la  propriété  foncière  leur  appartient. 
Nous  Tavons  déjà  vu. 

Dans  la  famille ,  la  femme  s'occupe  exclusivement  des  enfants, 
dirige  leur  éducation. 

Les  enfants  sont  bien  plus  à  elle  qu'à  son  mari ,  puisque  c'est 
son  sang  et  non  celui  de  Tépoux  qui  leur  confère  le  rang  à  prendre 
dans  la  société,  dans  la  tribu,  dans  la  famille. 

£n  dehors  de  la  famille,  quand  la  femme  s'est  acquise,  par  la 
rectitude  de  son  jugement,  par  l'influence  qu'elle  exerce  sur  l'opi- 
nion, une  sorte  de  réputation,  on  l'admet  volontiers,  quoique  excep- 
tionnellement, à  prendre  part  aux  conseils  de  la  tribu.  Libre  de  ses 
afctes,  elle  va  où  elle  veut,  sans  avoir  à  rendre  compte  de  sa  conduite, 
pourvu  que  ses  devoirs  d'épouse  et  de  mère  de  famille  ne  soient  pas 
négligés. 

Son  autorité  est  telle  que ,  bien  que  la  loi  musulmane  permette 
la  polygamie,  elle  a  pu  imposer  à  l'homme  l'obligation  de  rester 
monogame,  et  cette  obligation  est  respectée  sans  aucune  exception. 

Pour  que  la  femme  targuie  ait  pu  se  placer  ainsi  au-dessus  de  la 
loi,  de  la  religion  et  des  passions,  il  lui  a  fallu  plus  que  la  puissance 
attractive  du  sexe  féminin  sur  le  sexe  masculin. 

Cette  puissance,  quelle  qu'elle  soit,  elle  l'a  exercée,  et  les  résul- 
tats attestent  son  heureuse  influence,  car,  dans  le  même  milieu, 
quelle  différence  entre  la  famille  arabe  polygame  et  la  famille  targuie 
monogame  ! 

Dans  cette  dernière,  malgré  de  grands  éléments  de  dissolution , 
la  monogamie  a  retenu  autour  du  foyer  domestique  de  très-beaux 
restes  de  ces  vertus  qui  ont  fait  jadis  la  gloire  de  la  race  berbère. 
Dans  la  famille  arabe,  au  contraire,  du  moins  dans  certaines  tribus 
du  Sahara,  malgré  de  meilleures  conditions  matérielles  d'existence , 
la  polygamie  a  fait  descendre  assez  bas  le  niveau  de  la  morale  pu- 
blique pour  que  le  père,  avant  de  marier  sa  fille,  puisse  exiger 
d'elle  le  remboursement,  prélevé  sur  son  corps,  de  ce  qu'elle  a  coûté 
à  sa  famille,  et  pour  que  la  fille,  déshonorée  selon  nous,  rachetée 
suivant  les  idées  locales,  soit  d'autant  plus  recherchée  en  mariage, 
qu'elle  aura  eu  plus  de  succès  dans  le  commerce  de  ses  attraits.  La 
conséquence  de  ces  prémices  est  que  la  femme  arabe ,  tombée  dans 
la  décrépitude  à  l'âge  où  la  femme  monogame  brille  de  tout  son 
éclat,  descend  au  rang  des  bêtes  de  somme  pour  servir  son  père,  son 


DIVISIONS  ET  CONSTITUTION  SOCIALE.  341 

mari,  ses  enfants,  voîre  même  la  femme  qui  l'a  remplacée  dans  les 
faveurs  de  l'époux  et  qui  partagera  bientôt  avec  elle  le  fardeau  de  la 
domesticité. 

Que  d'enseignements  découlent  de  ces  constatations  ! 

Dans  la  société  targuie,  le  rôle  du  marabout  et  celui  de  la  femme 
semblent  plutôt  procéder  de  la  civilisation  chrétienne  que  des  insti- 
tutions musulmanes.  Paut-il  voir  dans  ces  deux  exceptions  un  reste 
d'une  tradition  ancienne?  Rappelons-nous  que  les  Touareg  portent  ce 
nom  pour  avoir  longtemps  repoussé  et  renié  l'islamisme.  Parmi  eux 
il  y  a  eu  lutte  et  lutte  prolongée  entre  une  foi  antérieure  et  la  religion 
nouvelle.  Mais,  quelles  que  soient  les  causes  de  la  résistance  des  Touâr 
reg  à  l'islamisme,  il  est  hors  de  doute  que  leur  société  exception-, 
nelle,  au  milieu  de  tant  d'éléments  de  destruction,  s'est  maintenue, 
telle  que  nous  la  retrouvons,  par  la  femme  et  par  le  marabout. 

La  civilisation  française,  dont  nous  sommes  fiers  à  si  juste  titre, 
n'est-elle  pas  aussi  l'œuvre  de  la  femme  chrétienne  et  des  évêques 
éclairés  du  moyen  âge? 


CHAPITRE  111.. 


HISTORIQUE    DES    TRIBUS. 

Le  but  de  ce  chapitre  est  de  faire  connaître  Timportance  relative 
de  chaque  tribu,  ses  chefs,  sa  force,  ses  ressources,  ses  principaux 
lieux  de  campement,  en  un  mot,  le  rôle  qu'elle  joue  dans  chaque 
confédération. 

On  ne  s'attend  pas,  sans  doute,  à  ce  que  je  donne  ici  la  mono- 
graphie des  diverses  Jribus  ;  pareille  tâche  ne  ponrrait  être  remplie, 
même  par  l'amghâr  de  chaque  confédération,  tant  l'espace  occupé 
par  les  Touareg  du  Nord  est  considérable,  tant  il  existe  de  divisions 
dans  les  différentes  confédérations,  tant  le  caractère  particulier  de 
chaque  tribu  diffère,  tant  il  est  difficile,  enfin,  de  suivre,  dans  leurs 
pérégrinations,  des  tribus  qui  se  mêlent  à  tout  instant  ou  se  disper- 
sent de  manière  à  ne  jamais  se  rencontrer.  Puis,  chacun  des  groupes 
se  divise  en  plusieurs  partis,  et  les  renseignements  qu'on  obtient  de 
chaque  parti  rival  sont  souvent  contradictoires.  Démêler  l'erreur  de 
la  vérité  dépasse  les  forces  d'un  étranger  auquel  on  ne  confie  pas 
tous  les  secrets  de  la  vie  intérieure  des  tribus. 

4insi,  quel  chiffre  donner  à  la  population ,  quand  jamais  aucun 
recensement  n'a  été  fait?  Quelle  richesse  lui  attribuer,  quand  aucun 
impôt  n'est  prélevé?  Quel  territoire  assigner  à  chaque  tribu,  quand 
chaque  saison,  chaque  querelle  amène  des  déplacements;  quand, 
surtout,  après  les  pluies  qui  ont  fécondé  un  territoire,  toutes  les 
tribus  s'y  rendent  avec  leur  bétail,  et  se  mélangent  entre  elles 
comme  leurs  troupeaux? 

Sous  la  réserve  de  ces  difficultés  à  surmonter,  j'enti'een  matière, 
avec  la  conviction  cependant  d'apporter  quelques  lumières  dans  des 
questions  jusque-là  fort  obscures. 


HISTORIQUE  DES  TRIBUS.  343 


^    }*^.  —  CONF#.Df^.RATION    DBS   AZDJER. 

Dans  l'ordre  hiérarchique  des  confédérations  des  Touareg,  celle 
des  Azdjer  me  paraît  occuper  le  premier  rang ,  non  par  sa  force  nu- 
mérique, car  elle  est  une  des  plus  faibles;  non  par  sa  richesse,  car 
elle  est  une  des  plus  pauvres,  mais  par  le  degré  de  civilisation  qu'elle 
a  atteint,  par  Tordre  qui  y  règne,  par  la  réputation  dont  elle  jouit  au 
dehors,  par  l'influence  légitime  qu'elle  exerce  sur  les  autres  confé- 
dérations, par  la  part  qu'elle  prend  au  commerce  du  Sahara  avec 
l'Afrique  centrale,  enfin,  par  le  caractère  éclairé,  conciliateur  et  ferme 
en  même  temps  des  hommes  qui  la  dirigent. 

C'est  par  le  pays  das  Azdjer  et  avec  le  concours  de  leurs  chefs  que 
les  Européens  ont  pu,  jusqu'à  ce  jour,  pénétrer  dans  l'Afrique  cen- 
trale et  l'explorer;  c'est  dans  le  pays  des  Azdjer  que  les  routes  com- 
merciales sont  les  plus  sûres  et  les  plus  suivies  ;  c'est  sous  le  pro- 
tectorat des  Azdjer  que  Ghadâmès,  comme  entrepôt,  Rhât,  comme 
marché,  ont  pu  atteindre  le  degré  de  prospérité  que  leur  envient  les 
autres  villes  commerciales  du  Sahara;  enfin,  c'est  par  les  Azdjer 
seuls  que  l'Europe,  les  États  du  Nord  de  l'Afrique ,  communiquent 
avec  les  autres  Touareg  et  une  partie  des  peuplades  nègres  de  l'Afrique 
centrale. 

Cette  puissance  morale  est  le  résultat,  du  moins  dans  ces  deux 
derniers  siècles,  de  la  prépondérance  politique  des  Orâghen  dans  la 
confédération,  et  aussi  de  l'influence  religieuse  des  marabouts  Ifô- 
ghas  sur  tout  ce  qui  les  environne.  Le  voisinage  des  populations 
sédentaires  de  Mourzouk,  de  Rhàt,  de  Ghadâmès,  de  cette  dernière 
ville,  surtout,  l'un  des  plus  anciens  foyers  de  civilisation  dans  le 
Sahara,  a  contribué  puissamment  à  préparer  la  facilité  des  relations, 
qui  est  le  caractère  dominant  des  Azdjer. 

Dans  cette  confédération,  il  y  a  lieu  aussi  à  signaler  une  tendance 
à  la  stabilisation  :  ainsi  les  Touareg  Fezzaniens  sont  tous  sédentaires, 
vivant  de  la  vie  des  Oasiens,  dans  des  villages  entourés  de  forêts  de 
dattiers;  les  habitants  de  Rhàt  sont  d'anciens  nomades,  de  même 
ceux  d'El-Barkat  et  de  Djànet,  petites  villes  situées  au  Sud  de  Rhàt;  à 
Ghadâmès,  les  Touareg  ont,  extra  miAros,  un  faubourg  qui  leur  ap- 
partient. La  seule  zàouiya  bâtie  dans  l'immensité  des  parcours  des 
Touareg,  celle  de  Timâssanîn,  est  sur  le  territoire  des  Azdjer,  et  il  ne 


344  TOUAREG  DU  NORD. 

faudrait  pas  faire  beaucoup  d^efforts  pour  décider  le  Cheikh- Othmân 
à  donner  plus  d'importance  à  ses  constructions. 

Parmi  les  nomades  mêmes,  on  remarque  que  leurs  tribus  tendent 
à  se  renfermer  dans  des  limites  définies  de  territoire,  ce  qui  n'a  pas 
lieu,  au  même  degré,  dans  les  autres  confédérations,  car  déjà  les 
imrhâd  des  Azdjer  semblent  rechercher  des  résidences  fixes  qui  leur 
permettent  de  donner  plus  de  développement  à  la  culture. 

Le  maintien  de  la  paix,  l'appui  moral  que  le  gouvernement  de 
l'Algérie  donne  aux  principaux  chefs  des  Azdjer,  l'introduction  de 
quelques  appareils  de  sondage  artésien ,  contribueront  puissamment 
à  développer,  dans  les  limites  du  possible,  ces  tendances  à  la  stabi- 
lisation. 

Tribu  des  Imanân, 

Imanân  signifie  sultans.  En  effet,  jadis  la  famille  des  Imanân 
tenait  sous  son  autorité  souveraine  tous  les  Touareg  du  Nord. 

Rhât  était  le  lieu  ordinaire  de  la  résidence  du  sultan ,  et  la  tribu 
des  Imanghasâten  formait  la  garde  et  la  force  armée  de  cette  famille. 

11  y  a  deux  cents  ans  environ  régnait  l'amanôkal  Gôma.  Ses  pré- 
décesseurs avaient  désolé  le  pays  par  des  guerres  intestines  et  ruiné 
le  commerce  de  Rhât  par  des  avanies  faites  aux  caravanes,  qui  fré- 
quentaient son  marché. 

Gôma,  plus  injuste  que  ses  devanciers,  voulut,  à  leur  imitation, 
anéantir  ou  réduire  en  servage  ceux  de  ses  sujets  qui  n'acceptaient 
pas  son  despotisme  sans  protestation. 

De  ce  nombre,  entre  autres,  était  un  petit  essaim  des  Orâghen  \ 
venant  du  Niger  et  depuis  peu  arrivé  dans  le  pays. 

En  leur  qualité  d'étrangers,  ces  Orâghen  étaient  principalement 
l'objet  des  persécutions  de  Gôma ,  mais  ils  étaient  braves  et  pouvaient, 
au  besoin,  compter  sur  l'appui  de  leui's  contribules,  voisins  de 
Timbouktou.  Ils  ne  se  laissèrent  pas  entamer. 

Cependant  la  mesure  de  l'iniquité  fut  bientôt  à  son  comble  et  la 
mort  de  Gôma  résolue  par  ses  malheureux  sujets. 


1.  Le  nom  de  la  partie  de  cette  tribu  restée  sur  les  rives  du  Niger  est  gramma- 
ticalement  un  peu  différent  :  il  s'écrit  et  se  prononce  hûrâghen. 


HISTORIQUE  DES  TRIBUS.  345 

Bîska,  l'un  des  nobles  des  Azdjer  outragés  par  le  roi,  le  tua,  aux 
applaudissements  de  ses  victimes. 

Sur  ces  entrefaites  arriva  un  chef  des  loûrâghen  du  Niger,  du  nom 
de  Mohammed-eg-Tînekerbâs,  homme  de  guerre,  juste  et  estimé,  qui 
venait  à  Rhât  demander  réparation  de  dommages  causés  à  ses  frères, 
devenus  Azdjer,  et  à  d'autres  loûrâghen  du  Sud,  appelés  sur  le  marché 
du  Rhât  pour  affaires  de  commerce. 

Dieu  aidant,  il  acheva  de  renverser  la  dynastie  des  Imanân,  fort 
compromise  par  l'assassinat  de  Gôma  et  généralement  détestée  de 
tous  les  Touareg. 

Cette  révolution  sera  racontée,  ci-après,  daps  ses  détails  légen- 
daires. 

De  cette  époque  date  la  séparation  des  Ahaggâr  et  des  Azdjer  en 
deux  confédérations  indépendantes. 

Cependant  les  Imanân  continuèrent  à  donner  à  leur  doyen  d'âge 
le  vain  titre  d'amanôkal. 

Les  successeurs  de  Gôma  furent  : 
Mahâoua,  réputé  un  géant*, 
Ouân-Alla, 
Hamma, 
Jebboûr, 
Mohammed-eg-Jebboûr,  l'amanôkal  actuel. 

Chez  les  Imanân,  pour  hériter  du  titre  d'amanôkal,  il  faut  être 
issu  de  père  et  de  mère  originaires  de  la  tribu. 

Les  Imanân  ont  la  prétention  d'être  chérîfs  :  mais  quelle  est  la 
famille  africaine  un  peu  puissante  et  un  peu  ancienne  qui  ne  reven- 
dique pas  l'honneur  de  descendre  du  Prophète? 

Là  Note  de  Brahîm-Ould-Sîdi  sur  l'origine  des  Touareg,  analysée 
au  chapitre  I*'  de  ce  livre,  leur  accorde  cette  descendance;  tous  les 
Touareg  sont  unanimes  pour  la  leur  reconnaître,  et  c'est  à  cette  con- 
sidération que  les  anciens  sujets  des  Imanân  leur  portent  encore 
quelque  respect.  Je  ne  leur  contesterai  donc  pas  le  seul  mérite  qui 
leur  reste. 


1.  A  Gbadàmès,  dans  le  quartier  de  Ttn-Guezzîn,  un  clou  planté  dans  le  mur 
indique  à  quelle  hauteur  arrivait  la  tête  de  Blahàoua  quand  il  se  tenait  debout. 


346  TOUAREG  DU  NORD. 

Aujourd'hui  il  n'y  a  plus  que  cinq  hommes  Imanân,  mais  beau- 
coup de  femmes. 

Ennemis  naturels  d*Ikhenoûkhen,  coupable,  à  leurs  yeux,  d'avoir 
usurpé  un  pouvoir  qu'ils  ont  laissé  tomber  de  leurs  mains  impuis- 
santes, les  Imanàn  sont  le  centre  de  toutes  les  intrigues  contre  ce 
grand  chef,  et  conséquemment  contre  l'influence  française.  Heureu- 
sement, ils  ne  jouissent  pas  de  grand  crédit  dans  le  pays,  quoiqu'ils 
aient  encore  conservé  le  tambour,  tqbol,  symbole  de  leur  ancienne 
royauté. 

Rois  fainéants,  les  cinq  représentants  de  cette  race  déchue  mè- 
nent la  vie  sédentaire  des  Arabes,  comme  s'ils  n'étaient  pas  Touareg, 
habitant  tantôt  à  Rhât,  où  ils  négocient  avec  El-Hâdj-el-Amîn  la  ces- 
sion du  pays  aux  Turcs,  tantôt  à  Djânet,  où  ils  se  trouvent  au  milieu 
de  leurs  serfs. 

Comme  moyens  d'existence,  les  Imanân  ont  les  redevances  de 
leurs  serfs  et  les  coutumes  de  leurs  clients  étrangers. 

Leurs  serfs  sont  : 
Les  Ibattanâten, 
Les  Ikourkoumen, 
Les  Ikendemân, 
Les  Kél-el-Mîhân, 
Les  Kêl-Ahérêr. 

A  l'exception  des  Kêl-Ahérêr  qui  habitent  d'une  manière  fixe  le 
village  d'Ahérêr,  à  la  tête  de  l'Ouâdi-Tikhâmmalt,  les  autres  serfs  des 
Imanàn  cultivent  et  parcourent,  partie  dans  le  Tasîli,  chez  les  Azdjer, 
partie  chez  les  Kêl-Ahamellen,  dans  le  Mouydîr. 

Leurs  ikelân,  serfs  noirs,  sont  également  répandus  sur  les  terri- 
toires des  deux  grandes  sections  des  Touareg  du  Nord,  mais  surtout 
dans  le  Ahaggâr,  témoignage  de  leur  ancienne  autorité  sur  les  Ihag- 
gâren  aussi  bien  que  sur  le^ Azdjer. 

Les  Imanân  ont  encore  en  commun  avec  les  Orâghen  les  tribus 
serves  suivantes  : 
Izedjazâten, 
Kêl-Djânet, 
Kêl-Farhî, 
Kêl-Tamelrhik, 
Kêl-Tazoùlt. 


HISTORIQUE  DES  TRIBUS.  347 

Djânet  est  un  village  important,  au  pied  du  versant  Sud  du 
Tâsîli,  sur  TOuâdi-Titsîn,  affluent  du  Tàfassâset,  à  125  kilomètres 
Sud-Ouest  de  Rhât.  Des  sources  y  arrosent  quelques  cultures  et  des 
plantations  de  dattiers. 

Farhî,  Tamelrhik  et  Tazoûlt  sont  des  points  de  résidences  fixes 
d'imrhâd,  où  ils  ont  des  zerâïb  ou  chaumières.  Je  ne  connais  pas  la 
position  exacte  de  ces  campements. 

En  leur  qualité  de  rois  déchus,  les  Imanân  n'ont  pas  le  droit  d'en- 
traîner leurs  serfs  à  la  guerre,  mais,  si  les  nobles  des  autres  tribus 
les  appellent  sous  les  armes ,  ces  derniers  doivent  obéir,  même  mal- 
gré l'opposition  de  leurs  maîtres. 

La  galanterie  targuie  a  conservé  aux  femmes  des  Imanân  le  titre 
de  timanôkalm ,  femmes  royales,  à  cause  de  leur  beauté  et  de  leur 
supériorité  dans  Fart  musical.  Souvent  elles  donnent  des  soirées  où 
les  hommes  viennent  de  très-loin  et  parés  comme  des  mâles  d'au- 
truche ,  delîm.  Dans  ces  soirées,  les  femmes  chantent  en  s' accompa- 
gnant du  tambour  (tobol)  et  d'une  sorte  de  violon  {rebâza). 

Le  sang  des  Imanân,  par  leurs  femmes,  est  très-répandu  chez  les 
Touareg  ;  on  les  recherche  volontiers  en  mariage,  en  raison  du  titre 
de  chérîf  qu'elles  confèrent  à  leurs  enfants. 

Tribu  des  Oràghm, 

Elle  s'appelait  autrefois  loûrâghen. 

D'après  la  tradition ,  cette  tribu  est  originaire  des  environs  de 
Sôkna.  Avant  de  se  fixer  là  où  nous  la  trouvons  aujourd'hui ,  elle 
habita  successivement  le  Fezzân,  le  pays  de  Rhât  et  l'Ahâouagh,  ter- 
ritoire situé  sur  la  rive  gauche  du  Niger,  à  l'Est  de  Timbouktou. 

A  cette  dernière  station,  la  tribu  se  divisa  :  une  fraction,  celle 
dont  il  est  ici  question,  revint  aux  environs  de  Rhât;  Fautre,  la  plus 
nombreuse,  resta  dans  l'Ahâouagh,  où  elle  compte,  dit-on,  1,200  com- 
battants réputés  pour  leur  valeur  guerrière. 

Autour  de  Rhât,  les  Orâghen  eurent  à  conquérir  l'autorité  dont  ils 
jouissent  aujourd'hui. 

Voici  comment  la  légende  raconte  les  hauts  faits  auxquels  ils 
doivent  la  suprématie  dans  le  pays  : 

«  Il  y  a  deux  cents  ans  environ,  vivait  Mohammed-eg-Tînekerbâs, 
grand  seigneur  des  loûrâghen. 


348  TOUAREG  DU  NORD. 

w  Son  père  était  originaire  de  TAhâouagh  et  sa  mère  était  née 
dans  le  pays  des  Azdjer. 

(i  Eg-Tînekerbâs  eut  Tidée  de  venir  visiter  le  pays  maternel ,  et 
comme  un  noble  Amôhagh  ne  voyage  jamais  seul,  il  emmena  avec  l^i 
des  compagnons. 

«  En  passant  à  Djânet,  petit  village  appartenant  aux  Imanân,  Eg- 
Tînekerbâs  y  trouva  une  pauvre  femme  en  pleurs,  à  laquelle  les  sul- 
tans venaient  de  prendre  son  maigre  dîner,  et ,  dans  ses  lamenta- 
tions, elle  invoquait  le  nom  de  Mohammed-eg-Tînekerbâs,  comme 
étant  le  seul  assez  vaillant  pour  venger  tous  les  aiïronts  subis  par  les 
Azdjer. 

«  Étonné  que  son  nom  fût  connu,  si  loin  de  sa  patrie,  Eg-TInekerbâs 
s'approcha  de  la  femme,  lui  demanda  la  cause  de  son  chagrin.  Celle-ci 
lui  raconta  en  détail  tous  les  malheurs  de  ses  frères  maternels.  E^- 
Tînekerbâs  la  consola. 

«  Les  plaintes  de  la  bonne  femme  rappelèrent  à  la  mémoire  du 
voyageur  quelques  avanies  dont  les  loûrâghen,  ses  contribules, 
avaient  été  Tobjet  de  la  part  des  Imanân,  sur  le  marché  de  Rhât 
qu'ils  fréquentaient,  et  des  plaintes  récentes  adressées  à  la  tribu 
métropole  par  une  petite  colonie  d'Orâghen  établie  depuis  peu  chez 
les  Azdjer. 

a  Tel  était  alors  le  despotisme  des  Imanân,  qu'un  nommé  Bîska 
venait  de  tuer  le  sultan  Gôma,  et  cet  événement  n'était  pas  étranger 
aux  motifs  qui  avaient  déterminé  Eg-Tînekerbâs  à  venir  dans  le  pays 
de  sa  mère» 

((  En  ce  temps-là,  Kôtika  était  le  chef  des  Imanghasâten.  Jeune,  il 
avait  joui  d'une  grande  réputation  de  bravoure  et  était  très-considéré. 
Alors  il  était  vieux  et  aveugle. 

u  Pour  lui  permettre  d'aller  faire  ses  ablutions,  une  corde  avait 
été  tendue  entre  sa  maison  de  Rhât  et  son  jardin,  voisin  de  la  ville, 
où  il  y  avait  un  puits  appelé  Tânout-lmanân. 

«  L'aveugle,  guidé  par  la  corde,  se  rendait  à  son  jardin,  lorsque 
les  loûrâghen,  qui  de  Rhât  allaient  au  village  de  Fêouet,  le  virent,  et, 
sans  autre  motif  que  celui  de  chercher  une  querelle  aux  Imangha- 
sâten, amis  et  complices  des  Imanân,  le  jetèrent  dans  le  puits. 

«  Une  chienne,  qui  était  dans  le  jardin,  se  mit  à  aboyer.  Un  des 
loûrâghen  la  perça  d'une  lance,  mais  elle  ne  fut  pas  tuée  sur  le  coup 
et  se  sauva  dans  Rhât,  emportant,  accrochée  dans  son  ventre,  l'arme 


HISTORIQUE^DES  TRIBUS.  349 

qui  Tavait  blessée,  pièce  de  conviction  qui  devait  révéler  aux  Iman- 
ghasâten  les  noms  des  auteurs  du  crime  commis. 

«  La  ville  fut  bientôt  en  émoi ,  et  chacun  de  dire  :  «  Yoûdjer  âdjen 
«  Orâghen  tenerhîn  en  teydit — ce  sont  les  Orâghen  armés  qui  ont  tué 
«  la  chienne.  »  On  ignorait  encore  la  mort  de  Kôtika. 

«  Le  lendemain,  un  homme  très-redouté  parmi  les  Imanghasâten, 
et  qui  se  nommait  Edôkân ,  sortit  de  la  ville  et  trouva  la  trace  des 
meurtriers  de  la  chienne.  11  la  suivit  jusqu'au  village  de  Fêouet. 

((  Les  loûrâghen ,  venus  des  environs  de  Timbouktou ,  faisaient 
route  pour  rentrer  chez  eux. 

«  Edôkân,  qui  avait  reconnu  les  voyageurs,  avertit  ses  frères  les 
Imanghasâten  et  les  Imanân,  qui  se  mirent  à  leur  poursuite. 

<(  Une  rencontre  eut  lieu.  Eg-T!nekerbâs  tua  de  sa  main  Edôkân, 
au  pied  del'arbre,  azhel,  encore  appelé  aujourd'hui  Azhel-n-Edôkân. 
C'est  un  Acacia  Arabica  situé  près  de  Fêouet. 

a  La  mort  d'Edôkân  jeta  la  terreur  parmi  les  Imanghasâten;  ils 
prirent  la  fuite.  Quant  aux  Imanân,  ils  furent  battus  à  plate  cou- 
tur» 

La  défaite  des  forces  réunies  des  Imanân  et  des  Imanghasâten  par 
une  poignée  d'hommes  est  due  à  ce  que  les  loûrâghen,  comme  tous 
les  Touareg  du  Sud,  avaient  quelques  chevaux  et  des  dromadaires  de 
race  supérieure  à  ceux  de  leurs  ennemis. 

Et  puis,  sdns  aucun  doute  aussi,  les  Orâghen  d'Azdjer  n'avaient 
pas  ignoré  la  visite  d'Eg-Tînekerbâs  et  ses  projets  de  vengeance,  et, 
en  bons  frères,  ils  étaient  là,  embusqués  dans  quelque  petit  ravin, 
pour  lui  prêter  appui  en  cas  de  besoin. 

La  légende  n'entre  pas  dans  ces  détails,  mais  ils  sont  faciles  à 
deviner. 

L'effroi  causé  dans  le  pays  par  une  pareille  victoire  fut  si  grand 
que  le  vide  ne  tarda  pas  à  se  faire. 

Les  Imanân,  parents  et  alliés  des  souverains  d'Agadez,  allèrent  se 
placer  sous  leur  protection. 

Les  Imanghasâten  se  réfugièrent  chez  les  Arabes  Megâr-ha,  leurs 
cousins,  dont  j'ai  déjà  fait  connaître  la  station  autour  de  l'Ouâdi-ech- 
Chiati.  (Voir  page  276.) 

Les  Ihadhanâren  se  sauvèrent  dans  le  pays  d'Aïr,  chez  les  Kél- 
Fadây. 


350  TOUAREG  DU  NORD.^ 

D'autres  Touareg  se  rendirent  au  Fezzln ,  où  ils  habitent  encore 
aujourd'hui. 

Les  Kêl-Tln-AJkoum,  dont  le  berceau  est  voisin  d'El-Barkat,  les  y 
avaient  précédés,  fuyant  les  injustices  des  Imanân  :  aussi  ont-ils  été 
les  premiers  et  sont  restés  les  plus  fidèles  alliés  des  Oràghen. 

Seuls,  les  habitants  de  Rhât,  fixés  au  sol  par  le  lien  de  la  propriété 
et  ennemis  des  Imanân,  restèrent  dans  le  pays;  ils  s'empressèrent  de 
faire  leur  soumission  à  E^-Ttudcerbâs. 

Ce  chef,  pour  utiliser  sa  victoire  et  se  ncieUre  à  Tabri  des  retours 
offensifs,  fit  venir  près  de  lui  les  membres  de  sa  famille  restés  sur  le 
Niger,  et  quand  son  pouvofr  fut  bien  assis,  il  autorisa  les  flrgitifs  à 
rentrer  dans  leurs  anciens  campements. 

C'est  ainsi  que  les  Oràghen  conquérirent  le  premier  rang  chez  les 
Azdjer,  en  réduisant  les  Imanân  au  rôle  de  rois  sans  sujets,  en  subal- 
ternisant  les  Imanghasâten  et  en  s'emparant  des  campements  qui 
commandent  les  positions  de  Rhât  et  de  Ghadâmès,  les  deux  clefs  de 
voûte  de  la  contrée.  Ils  complètent  aujourd'hui  leur  mission  en  cher- 
chant de  nouvelles  destinées  pour  leur  patrie  adoptive. 

Je  l'ai  déjà  dit,  il  y  a  deux  cents  ans  environ  que  cette  révolution 
eut  lieu. 

La  reconnaissance  a  conservé  les  noms  des  successeurs  de  Mô- 
hammed-eg-Tînekerbàs;  ce  sont  : 
Alghoùd, 

Sîd-el-Uàdj-Saddîq, 
llbak,      ' 

Mohammed-eg-Amîdi , 
Integga, 

Eg-es-Saghâda,  père  de  la  mère  d'ikhenoûkhen  , 
Akkeya, 
Et-Tafrîs , 

Mohammed-Châffao , 
Mohammed-eg-Khatîta ,  chef  actuel  des  Oràghen. 

A  la  mort  de  Châffao,  il  y  a  environ  quarante  ans,  Ikhenoûkhen, 
(ils  de  la  sœur  aînée  de  Châffao,  devait,  d'après  la  coutume  des  Toua- 
reg, hériter  .du  titre  d'amghâr,  mais  il  renonça  à  ce  droit  en  faveur 
de  son  cousin ,  Mohammed-eg-Khatîta ,  époux  de  sa  sœur,  ne  voulant 


HISTORIQUE  DES  TRIBUS.  351 

pas  se  soumettre  à  l'obligation  de  rester  sédentaire  comme  il  con- 
vient à  un  amghâr  des  Azdjer. 

Eg-Khatîta  est  donc  le  chef  couvert  de  l'investiture,  mais  El-Hàdj- 
Mohammed-Ikhenoùkhen  a  la  puissance  de  fait ,  comme  il  l'avait  par 
droit  de  naissance. 

Ikhenoûkhen  est  fils  d"Osmân, 

Petit-fils  de  Dembalou, 

Arrière-petit-fils  de  Koûsa ,  qui  quitta  les  rives  du  Niger  avec  Eg- 
Tînekerbâs  pour  conquérir  le  pays  d' Azdjer. 

Ikhenoûkhen  a  pour  frères  Edegoum  et  'Omar-el-Hàdj;  la  seule 
de  ses  sœurs  actuellement  existante  est  Zahra,  mariée  à  Mohammed- 
Eg-Khatîta. 

Ses  fils  sont  :  Es-Senoûsi ,  'Omar-el-Hàdj ,  Mohammed. 

Il  a  pour  filles  :  Fadhimàta,  mariée  à  Sîdi-Mohammed-El-Bakkây; 
Toûraout  et  Khadîdjet,.  encore  demoiselles. 

Le  fils  de  sa  sœur,  héritier  de  sa  puissance,  en  vertu  du  droit 
berbère  local,  est  Ouitîti. 

Les  fils  tf'Osmàn  ont  été  chantés  par  par  un  poëte  indigène ,  et 
les  vers  consacrés  à  leur  louange  ont  été  cités  à  titre  d'exemple  par 
M.  le  commandant  Hanoteau,  dans  sa  Grammaire  temâchek'.  J'en  ex- 
trais les  passages  suivants  qui  reproduisent  fidèlement  l'opinion  des 
Orâghçn  et  de  leurs  alliés  sur  Ikhenoûkhen  et  sa  famille  : 

«  Les  fils  d"Osmân  *  sont  des  hommes  forts  et  braves ,  qui  ne  se 
souillent  pas  du  sang  de  leurs  parents  et  ne  mesurent  pas  le  grain  à 
leurs  hôtes,  à  petite  mesure  ou  par  poignée. 

«  Si  un  homme  vient  les  chercher,  ils  lui  font  tàter  du  combat. 

«  Leurs  chamelles  de  race  ne  viennent  ni  d'Adher,  ni  d'Aïr,  ni  de 
chez  les  Arabes ,  qui  paient  l'impôt!!!  et  si  l'une  d'elles  s'égare,  ne 
croyez  pas  que  ce  soit  pour  s'enfuir  et  retourner  dans  son  pays. 

«  Leurs  chameaux  de  charge  ont  le  pied  aussi  large  qu'un  tam- 
bour, et  les  fardeaux  qu'ils  portent  sont  comme  des  sommets  de 
montagnes. 

«  Ils  ont  des  juments,  avec  une  belle  crinière,  dont  les  reins  sont 
larges  comme  des  dalles  :  nuit  et  jour  elles  sont  sellées. 


i.  Les  TouÀreg  prononcent  souvent  ce  nom  comme  s*il  était  écrit  Hhosmàn , 
parce  qulls  n*ont  pas  dans  leur  langue  les  sons  de  V^cun  et  du  tha  arabe. 


352  TOUAREG   DU  NORD. 

«  Dieu  a  réuni  dans  leurs  méharis  les  qualités  nécessaires  pour  la 
course  et  la  marche  du  voyage. 

«  Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que  les  fils  d"Osmàn  brillent  de  cet 
éclat;  tout  FAhaggâr  et  TAzdjer  le  savent.  » 

D'après  ses  contribules ,  Ikhenoûkhen  est  arrivé  au  degré  de  puis- 
sance qu'il  a  atteint  parce  qu'il  est  de  tous  les  Touareg  celui  qui  ma- 
nie le  plus  habilement  le  glaive  et  le  bouclier.  Ainsi  doivent  raison- 
ner des  hommas  pour  lesquels  la  force  matérielle  est  tout.  Quant  à 
moi,  qui,  pendant  près  de  sept  mois,  ai  vécu  avec  Ikhenoûkhen, 
l'observant  attentivement,  je  suis  convaincu  que  les  qualités  de  son 
cœur  et  de  son  esprit,  la  générosité  et  la  droiture  de  son  caractère, 
ont  autant  contribué  à  son  élévation  que  son  habileté  à  manier  les 
armes.  Ikhenoûkhen  a  aujourd'hui  soixante-seize  ans,  mais  il  sup- 
porte encore  les  fatigues  de  la  vie  nomade  comme  le  plus  jeune  de 
ses  fils.  Tout,  dans  ses  allures,  dans  sa  voix,  dans  sa  manière  de 
commander,  révèle  l'homme  d'une  civilisation  encore  barbare,  mais, 
au  milieu  des  défauts  inhérents  à  sa  race ,  on  ne  tarde  pas  à  recon- 
naître en  lui  une  grande  solidité  de  principes,  un  dévouement  sans 
bornes  à  ce  qu'il  croit  son  devoir,  et  un  respect  inaltérable  pour  la 
foi  jurée. 

Après  l'émîr  Ikhenoûkhen  et  l'amghâr,  Mohammed-eg-Khatîta, 
les  principaux  chefs  des  Orâghen  sont  :  Djebboûr,  Kelâla  et  Elegoui, 
également  Orâghen ,  mais  d'une  autre  souche. 

En  effet,  on  distingue  les  Orâghen  en  grands,  Oui-ldjdjeroûtenîn, 
et  en  petits,  Oui-Djezzoûlenîn. 

Les  fils  d"Osmân  sont  les  grands  ;  les  autres  chefs  appartiennent 
à  la  fraction  des  petits. 

Les  tribus  serves  des  Orâghen  sont  : 
Les  Idjerâdjrtwen  avec  les  Kêl-Tândjet, 
Les  Kêl-Tôberen  avec  les  Oui-Ihaggârhenîn , 
Les  Iworworen  avec  les  Kél-Abâda , 
Les  Ifilâlen , 
Les  Kêl-Intoûnôn , 
Les  Kôl-Arâs , 
Les  Kêl-Aharhar, 
Les  Kêl-Errekhmet , 
Les  Kêl-Djahil , 


HISTORIQUE  DES  TRIBUS.  353 

Les  Kêl-FadhnoÛD, 

Les  Kêl-Medak, 

Les  Imekkerasen , 

Les  Chêt-Ihemma , 

Les  Kêl-Kelouaz.  • 

A  cette  liste  il  faut  ajouter  les  tribus  serves  qui  appartiennent  en 
commun  aux  Imanàn  et  aux  Orâghen ,  savoir  : 

Les  Izedjazâten , 
Les  Kêl-Djânet, 
Les  Kêl-Farhî, 
Les  Kêl-Tamelrhik. 
Les  Kêl-Tazoûlt. 

Les  nobles  Orâghen  parcourent  les  vallées  des  Igharghâren ,  de 
Tikhâromalt,  le  pays  de  Mîherô  et  les  environs  de  Djânet. 

Leurs  serfs  habitent  le  Tasîli. 

Parmi  les  chefs  Orâghen,  celui  qui  a  le  plus  de  serfs  est  Kelâla, 
quoiqu'il  n'appartienne  pas  à  la  famille  la  plus  puissante. 

Ikhenoûkhen  abandonne  aux  autres  membres  de  sa  famille  les 
redevances  des  serfs,  remplaçant,  par  le  droit  général  qu'il  s'est  attri- 
bué sur  les  Azdjer  et  sur  les  voyageurs,  le  droit  personnel  que  sa 
naissance  lui  donnait  sur  les  serfs. 

J'ai  cherché,  par  tous  les  moyens  possibles,  à  me  rendre  compte 
de  la  force  et  de  la  richesse  des  Touareg,  et  je  dois  avouer  n'être  pas 
arrivé  à  un  résultat  très-satisfaisant. 

Cependant  je  suis  à  peu  près  certain  des  chiffres  suivants  : 

Ikhenoûkhen,  avec  tous  les  nobles  de  sa  famille,  les  Oui-Idjdje- 
roûtenîn ,  et  leurs  serfs,  peut  avoir  à  sa  disposition  une  force  de 
100  combattants  à  dromadaire. 

Les  chefs  des  Oui-Djezzoûlen!n ,  ayant  ensemble  une  force  à  peu 
près  égale,  la  tribu  en  son  entier,  et  la  plus  puissante  des  Azdjer,  au- 
rait environ  200  guerriers. 

Pour  des  Européens,  200  hommes  armés  sont  un  bien  faible  con- 
tingent. Pour  le  désert,  c'est  beaucoup,  car  il  est  peu  de  puits  qui 
puissent  abreuver  rapidement  200  chameaux,  et,  entre  une  étape  de 
puits  et  une  autre,  il  y  a  quelquefois  200  et  300  kilomètres  d'intervalle. 


354  TOUAREG  DU   NORD. 

La  force  des  Orâghen  est  donc  en  harmonie  avec  les  difficultés 
militaires  du  pays. 

Ikhenoûkhen  est  F  un  des  plus  riches  des  Azdjer,  si  même  il  n'est 
le  plus  riche ,  et  sa  richesse  consiste  principalement  en  chameaux.  Il 
en  a  une  soixantaine  environ,  sans*compter  les  chamelles. 

Après  Ikhenoûkhen,  le  plus  puissant  personnage  est  Tamghàr. 
Pendant  que  j'étais  là,  il  eut  une  mission  de  pacification  à  aller  rem- 
plir à  une  certaine  distance.  Eh  bien  I  un  étranger  au  pays  dut  lui 
prêter  un  chameau  de  selle ,  le  seul  que  l'amghâr  possédait  devant 
être  affecté  à  porter  ses  provisions. 

Voilà  un  exemple  de  la  force  et  de  la  richesse  des  Touareg. 

Ils  sont  tellement  pauvres ,  les  malheureux ,  que  souvent,  quand 
ils  ont  des  courses  à  faire ,  ils  doivent,  pour  avoir  des  montures , 
arracher  avec  la  main  les  fœtiis  du  ventre  de  leurs  chamelles,  mu- 
tilation qu'ils  ne  pratiqueraient  pas,  s'ils  avaient  des  montures  de 
rechange. 

Et  cependant,  telle  est  la  valeur  des  Touareg,  que  deux  grandes 
tribus  tunisiennes  du  Ncfzâoua  :  les  Ghorlb  et  les  Merâzig,  payent 
tribut,  la  gharâma,  les  premiers  à  Ikhenoûkhen,  les  seconds  au 
Cheikh-'Othmân,  pour  n'avoir  pas  à  redouter  leurs  attaques. 

Tribu  des  fmanghasàten. 

Les  Touareg  tiennent  pour  un  fait  de  notoriété  publique  que  les 
Imanghasâten  descendent  des  Arabes  Megâr-ha,  qui  habitent  aujour- 
d'hui rOuâdi-ech-Chiati ,  dans  le  pachalik  du  Fezzân. 

Brahîm-Ould-Sîdi,  dans  sa  Note  sur  les  origines,  d'accord  avec 
l'opinion  générale,  les  dit  issus  des  Arabes  de  l'Est. 

Eux-mêmes  avouent  leurs  liens  de  parenté  avec  ces  Arabes  et  se 
réfugient  sur  leur  territoire,  comme  on  Ta  vu,  dans  les  mauvais 
jours. 

Comment  des  Arabes  ont-ils  pu  devenir  Touareg? 

La  réponse  à  cette  question  est  bien  simple.  Les  Imanghasâten 
constituaient  le  makhzen,  ou  force  armée,  des  Imanân,  et,  pour  ces 
fonctions,  les  anciens  sultans  ont  préféré  des  étrangers,  et  les  étran- 
gers ont  accepté  cette  position  en  raison  des  avantages  attachés  à  la 
qualité  de  défenseurs  du  pouvoir. 

Comme  noblesse ,  comme  puissance  et  comme  importance  numé- 


HISTORIQUE  DES  TRIBUS.  355 

rique,  les  Imanghasâten  contre-balanceût  la  suprématie  des  Orâghen. 

Eg-ech-Chîkh  est  leur  chef .  C'est  un  homme  âgé ,  de  haute  sta- 
ture et  très-influent. 

Dans  toutes  les  afTaires  où  l'esprit  de  parti  est  en  jeu,  les  Iman- 
ghasâten sont  de  l'opinion  des  Imanân  contre  les  Orâghen ,  mais  à 
part  les  questions  qui  réveillent  d'anciennes  rivalités,  leurs  chefs  se 
mettent  facilement  d'accord  avec  ceux  des  Orâghen. 

L'un  des  chefs  des  Imanghasâten,  du  nom  de  Hatlta,  aujourd'hui 
décédé ,  a  accompagné  le  docteur  Oudney  et  le  capitaine  Clapperton 
dans  leur  voyage  de  Mourzouk  à  Rhât,  et  de  plus  il  a  protégé  la  mis- 
sion dont  M.  le  docteur  Barth  faisait  partie.  Par  ces  précédents,  les 
Imanghasâten  se  considèrent  les  alliés  des  Anglais,  de  même  que  les 
Orâghen  et  les  Ifôghas,  pour  m'avoir  protégé  ainsi  que  M.  Ismayl- 
Boû-Derba,  sont  désignés  par  tous  comme  les  amis  des  Français*.  Il 
est  probable  que,  si  la  route  de  Rhât  était  ouverte  au  commerce  euro- 
péen ,  ces  tribus  prétendraient  au  droit  respectif  de  prélever  l'impôt 
de  protection  sur  les  voyageurs  de  ces  deux  nationalités.  Cependant 
M.  le  docteur  Barth  constate,  dans  son  grand  ouvrage,  que  le  chef  de 
la  mission  anglaise ,  pour  avoir  pris  au  sérieux  le  titre  d'amanôkal 
du  doyen  des  Imanân  et  réclamé  l'appui  de  son  parti  dont  les  Iman- 
ghasâten sont  les  principaux  soutiens,  n'a  pas  trouvé  chez  les  Toua- 
reg les  facilités  d'exploration  qu'ils  eussent  eus,  s'ils  avaient  demandé 
le  protectorat  des  nobles  Orâghen. 

Les  Imanghasâten  se  divisent  en  trois  fractions  : 
Les  Tédjéhé-n-Abbâr, 
Les  Inannakâten, 
Les  Tédjéhé-n-Bedden. 

Leurs  serfs  sont  : 
Les  Isesmodân, 
Les  Ikêlezhzhân , 
Les  Kél-Touan. 

De  plus  ils  ont  encore ,  comme  les  Imanân  et  les  Orâghen ,  une 
partie  des  Kôl-Tamelrhik. 

1.  Le  traité  de  Ghadàmès  confère  à  la  famille  d'Ikhenoûkhen  la  protection  des 
voyageurs  français,  à  charge  par  eux  d*acquitter  des  droits  qui  ne  sont  pas  encore 
déterminés. 


356  TOUAREG  DU  NORD. 

Les  nobles  habitent  alternativement  la  vallée  de  Tikhâmmalt  et  le 
Fezzàn. 

Les  serfs  ont  pour  campement  les  vallées  du  Tasîli,  dans  le  paj-s 
d'Azdjer,  et  TOuâdi-el-Gharbi  dans  le  Fezzàn. 

Pendant  mon  séjour  chez  les  Touareg,  quelques  Imanghasâten 
avaient  pris  dans  un  rhezî  vingt  chameaux  aux  Oulâd-Bâ-Hammou 
d*In-Sâlah.  Ces  derniers  vinrent  les  réclamer.  Ikhenbûkhen,  Sîdi- 
Mohammed,  Tamghàr,  le  marabout  Si-'Othmân  et  Eg-ech-Chlkh ,  chef 
des  détenteurs  des  chameaux,  intervinrent  pour  faire  restituer  cette 
prise,  mais  tous  leurs  efforts  furent  impuissants. 

La  résistance  des  capteurs  était  fondée  sur  ce  que  le  propriétaire 
des  chameaux  volés  avait  autrefois  tué  l'oncle  de  l'un  d'eux,  et  qu'à 
ce  crime  il  avait  ajouté  l'immense  injustice  de  payer  ses  coutumes, 
non  à  l'alné  des  neveux,  selon  l'usage  targui,  mais  à  son  frère  cadet. 
Le  détenteur  des  chameaux  pardonnait  bien  l'assassinat  de  son  oncle, 
crime  un  peu  oublié  ,  mais  il  ne  voulait  pas  entendre  raison  sur  la 
violation  des  règles  relatives  aux  coutumes. 

Ikhenoûkhen  se  fâcha,  renonça  à  maintenir  l'ordre  et  la  paix  dans 
le  pays,  et  menaça  d'abandonner  les  Azdjer  à  leur  mauvais  génie. 

Le  marabout  Si-'Othmân  jura  que,  si  je  n'étais  pas  là,  et  s'il  n'avait 
pris  l'engagement  d'être  à  ma  disposition,  il  serait  déjà  parti  pour 
ne  jamais  revenir  chez  les  Azdjer. 

Eg-ech-Chîkh  était  résolu  à  se  séparer  de  pillards  incorrigibles , 
et  à  les  abandonner  à  la  vengeance  de  leurs  ennemis. 

Tous  ^es  grands  des  Imanghasâten  témoignèrent  de  leur  désir  de 
rendre  les  chameaux  à  tout  prix. 

Un  mia'âd  fut  tenu.  Nobles  Orâghen  et  nobles  Imanghasâten  y 
assistèrent.  11  dura  toute  la  journée,  sans  solution. 

Les  Oulâd-Bâ-Hammou  offrirent  de  racheter  leurs  chameaux  à  un 
prix  double  de  leur  valeur;  leur  proposition  fut  repoussée. 

Ikhenoûkhen  passa  la  nuit  en  conciliabule,  parlant  de  manière  à 
être  entendu  de  tout  le  camp. 

Au  point  du  jour,  furieux  de  voir  son  autorité  méconnue,  il  sella 
son  dromadaire  et  partit  pour  Rhât. 

Effrayés  du  départ  de  leur  émîr,  les  Imanghasâten  se  décidèrent 
enflnà  rendre  aux  Oulâd-Bâ-Hammou  deux  chameaux  et  un  chamillon 
(hâchi). 

Ainsi  se  termina  cette  grande  querelle,  dont  j'ai  reproduit  toutes 


HISTORIQUE  DES  TRIBUS.  357 

les  péripéties  afln  de  permettre  de  mieux  apprécier  ce  qu*est  la  vie 
au  désert. 


Tribu  des  Kél-hbobân. 

Satellite  des  Orâghen ,  cette  tribu  n'a  pas  d'importance.  Ses  serfs 
sont  les  Ikelzen. 

Nobles  et  serfs  vivent  sur  les  mômes  territoires  que  les  Orâghen. 

Tribu  des  lmeUrU(Uen, 

Cette  tribu  est  un  composé  de  petits  groupes,  ayant  pour  ainsi 
dire  renoncé  à  la  vie  politique  des  Touareg  et  vivant  entre  Rhât  et 
Mourzouk  dans  le  Fezzân,  à  la  manière  des  Fezzaniens,  c'est-à-dire 
plus  adonnés  à  l'agriculture  et  à  l'horticulture  qu'à  l'art  pastoral. 

Quoique  habitant  un  territoire  nominalement  rattaché  au  pacha- 
lik  du  Fezzân,  les  Imettrilâlen,  comme  les  autres  Touareg  de  la  môme 
contrée,  ne  relèvent  pas  du  gouvernement  turc. 

Dans  des  vues  politiques  que  je  n'ai  pas  à  apprécier  ici,  les  Turcs 
tolèrent  cette  situation  pour  n'avoir  pas  à  lutter  contre  les  Touareg. 

Tribu  des  Ihadhanâren, 

Cette  tribu  est  à  la  fois  la  plus  turbulente  et  la  plus  nomade  des 
Azdjer.  Heureusement  elle  est  peu  forte,  très- pauvre,  mais  son  au- 
dace supplée  au  nombre  de  ses  guerriers. 

Tantôt  les  Ihadhanâren  campent  dans  la  plaine  d'Admar  sur  le 
territoire  des  Azdjer  ;  tantôt  ils  vivent  avec  les  Kôl-Ahamellen ,  chez 
les  Ahaggâr,  suivant  que  leur  conduite  leur  a  valu  l'amitié  ou  l'ini- 
mitié des  uns  ou  des  autres. 

Dans  toutes  les  guerres  entre  les  Azdjer  et  les  Ahaggâr,  ils  ont 
toujours  trahi  les  premiers  au  proflt  des  seconds. 

En  1860,  dix  hommes  de  cette  tribu  sont  allés  dans  l'Azaouad , 
près  de  Timbouktou  ,  à  1,200  kilomètres  de  Djânet ,  d'où  ils  étaient 
partis,  pour  opérer  une  rhezî  sur  les  serviteurs  de  la  zâouiya  des  ma- 
rabouts El-Bakkây.  Leur  entreprise  réussit  :  trois  cents  chameaux , 


358  TOUAREG  DU  NORD. 

disent  les  victimes,  deux  cents,  disent  les  capteurs,  sont  devenus  leur 
proie. 

C'est  cet  acte  de  piraterie  qui  avait  amené  le  marabout  Sîdi-Mo- 
hammed-El-Bakkây  chez  les  Azdjer  pendant  mon  voyage. 

D'abord  il  s'était  rendu  personnellement  chez  les  Ihadhanâren , 
espérant  que  sa  qualité  de  marabout  et  de  bonnes  paroles  les  enga- 
geraient à  une  restitution. 

A  l'acte  coupable  qu'ils  avaient  déjà  commis  les  Ihadhanâren  joi- 
gnirent l'insulte  en  offrant  au  marabout,  pour  dhîfa,  la  viande  d'une 
de  ses  chamelles.  Cette  dhîfa,  ou  repas  de  l'hospitalité ,  fut  refusée,  la 
viande  d'un  animal  volé  ne  pouvant  pas  être  ludâl ,  c'est-à-dire  per- 
mise, suivant  la  loi  musulmane.  Tout  ce  que  put  obtenir  le  marabout 
fut  la  restitution  de  sept  chameaux. 

Mécontent  de  l'insuccès  de  sa  démarche  paciflque ,  Sîdi  -  Moham- 
med-el-Bakkây  vint  demander  justice  à  l'amghâr  des  Azdjer. 

Celui-ci ,  accompagné  d'autres  nobles ,  se  rendit  chez  les  Ihadha- 
nâren, pour  convoquer  un  mia*âd  et  obtenir  une  solution  amiable  à 
cette  affaire.  Les  délégués  furent  aussi  repoussés. 

Un  recours  aux  armes  étant  devenu  nécessaire,  Sîdi-Mohammed , 
l'amghâr,  envoya  l'ordre  à  tous  ses  sujets,  Ikhenoûkhen  compris,  de 
se  rendre  à  Rhât,  pour  de  là  aller  reprendre  aux  Ihadhanâren  le  butin 
capturé. 

Mais ,  pendant  que  les  Azdjer  se  préparaient  à  entrer  en  cam- 
pagne, les  Ihadhanâren  se  dispersaient  dans  le  Sahara,  emmenant 
avec  eux  tout  leur  butin. 

Cette  circonstance  m'a  permis  de  connaître  exactement  la  force 
des  Ihadhanâren ,  qui  est  de  quarante  hommes  pouvant  entrer  en 
ligne  de  lîombat. 

Sidi-Mohammed-el-Bakkày,  quoique  marabout,  quoique  appuyé 
par  tous  les  chefs  des  Azdjer,  dut,  comme  les  Oulâd-Bâ-Hammou  du 
Touât,  renoncer  à  obtenir  justice. 

Les  Ihadhanâren  n'ont  pas  de  serfs.  Avant  le  rhezî  dont  il  est 
ici  question,  ils  n'avaient  que  très-peu  de  chameaux  et  peu  ou  pas  de 
troupeaux  de  chèvres  ou  de  moutons. 

Nobles,  sans  serfs,  sans  coutumes,  ne  pouvant  travailler  pour 
vivre,  leurs  titres  de  noblesse  le  leur  défendant,  ils  devaient  natu- 
rellement demander  au  vol  et  au  pillage  les  moyens  d'existence  qu'ils 


HISTORIQUE  DES  TRIBUS.  359 

n'avaient  pas  autrement.  En  tout  pays,  la  faim  chasse  le  loup  hors 
(Ju  bois.  Pui3se  la  richesse  qu'ils  viennent  d'acquérir  si  illicitement 
les  rendre  meilleurs! 

La  tribu  des  Ihadhanâren  comprend  trois  fractions  : 
Les  Oui-Sattafenîn, 
Les  Ouî-Temoûlat, 
Les  Dergou. 

Quoique  la  qualiOcation  adjective  de  Sattafenin,  noirs,  soit  appli- 
quée à  Tune  de  ces  fractions,  tous  les  Ihadhanâren  sont  blancs.  Cette 
épithète  doit  se  rapporter  à  la  couleur  du  voile  qu'ils  portent. 


Tribu  des  Ifâghas. 

Les  Ifôghas  comprennent  trois  fractions  : 
Les  N-Ouqqirân, 
Les  N-Iguedhâdh, 
Les  N-et-Tobol. 

Les  deux  premières  sont  des  marabouts,  de  descendance  de 
chorfa  ;  la  dernière  se  compose  de  gentilshommes ,  jadis  au  service 
des  rois  Imanân,  près  desquels  ils  remplissaient  le  rôle  d'officiers 
du  palais  et  de  tambours,  en  battant  la  marche  sur  le  passage  de 
leurs  maîtres  :  d'où  leur  est  venu  le  surnom  d'Et-Tobol,  Ifôghas  du 
tambour. 

Les  trois  fractions  sont  oViginaires  de  la  ville  d'Es-Soûk,  dernière 
station  de  la  plupart  des  tribus  Touareg,  avant  leur  installation  dans 
les  lieux  qu'elles  occupent  aujourd'hui. 

Les  Touareg  contestent  aux  Ifôghas  le  titre  de  nobles  ou  Ihaggà- 
ren,  tout  en  leur  reconnaissant  celui  de  marabouts.  Cependant,  quand 
un  Fâghîs  (singulier  d'Ifôghas)  des  fractions  de  N-Ouqqirân  ou  de 
N-Iguedhâdh  se  présentait  devant  les  anciens  sultans,  ceux-ci  se 
levaient  et  allaient  eux-mêmes  dresser  le  tapis  et  la  natte  sur  les- 
quels le  visiteur  était  invité  à  s'asseoir.  Cet  honneur  exceptionnel 
n'était  jamais  rendu  aux  ihaggâren ,  quels  que  fussent  leur  rang  et 
leur  puissance.  Le  sultan  restait  assis  à  leur  entrée  et  les  laissait 
s'installer  où  ils  voulaient. 


360  TOUAREG   DU   NORD. 

Les  N-OuqqiràQ  sont  répandus  : 

Chez  les  Azdjer,  dans  le  Tasîli,  à  Mîherô  et  dans  le  Bas-Igharghar; 

Chez  les  Ahaggâr,  dans  le  Haut-Igharghar; 

Au  Touât,  dans  les  oasis  méridionales  de  cette  confédération  ; 

En  Algérie  môme,  dans  la  région  des  dunes,  au  Sud  d'Ouarglâ  et 
de  rOuâd-Rîgb. 

La  zâouiya  de  Timâssanîn,  établissement  secondaire  de  la  con- 
frérie des  Tedjâdjna,  dont  Si- Othmân  est  le  moqaddem,  est  le  centre 
de  réunion  de  toutes  les  familles  de  la  fraction. 

Rapprochés  des  Arabes  Cha'anba,  les  N-Ouqqirân  ont  été  souvent 
exposés  à  leurs  coups,  avant  l'incorporation  de  ces  tribus  dans  le 
cercle  d'action  de  l'administration  française  et  leur  soumission  à  un 
régime  gouvernemental. 

Si- Othmân  raconte  que  sa  zâouiya,  malgré  le  caractère  religieux 
qui  la  protège,  a  été  pillée  par  les  Cha'anba,  en  l'absence  de  ses 
Séfenseurs,  et  que  sa  mère,  tombée  au  pouvoir  des  profanateurs  d'un 
lieu  sacré,  a  subi  de  leur  part  les  plus  mauvais  traitements. 

Les  marabouts  N-Ouqqirân,  et  particulièrement  ceux  qui  habitent 
la  zâouiya  de  Timâssanîn,  ont  donc  beaucoup  gagné  à  la  soumission 
des. Cha'anba  à  notre  domination.  Depuis  cette  époque,  ils  peuvent 
s'adonner  plus  librement  au  commerce. 

La  route  si  fréquentée  de  Ghadâmès  à  In-Sâlah  est  placée  sous 
leur  protectorat  et  leurs  chefs  y  perçoivent  les  droits  de  protection  en 
usage  dans  le  pays. 

Toutes  les  matières  précieuses  qui  sont  expédiées  sur  cette  route, 
notamment  l'or  en  poudre  et  en  lingots,  sont  confiées  exclusivement 
aux  marabouts  et  aux  chameliers  de  la  zâouiya  de  Timâssanîn. 

Chaque  caravane  allant  d'In-Sâlah  à  Ghadâmès,  à  destination  de 
l'Europe,  compte,  m'a-t-on  dit,  dans  sa  cargaison,  deux,  trois,  quatre 
et  môme  quelquefois  cinq  charges  d'or. 

La  charge  étant  de  150  kilos,  en  supposant  une  moyenne  de  deux 
convois  par  an  et  de  trois  charges  par  convois,  In-Sâlah  opérerait  an- 
nuellement, d'après  le  Cheikh-'Othmân,  sur  une  moyenne  de  900  à 
1,000  kilogrammes  d'or,  qui,  au  cours  actuel  de  Paris  (août  1863), 
représentent  une  somme  de  3,265,100  francs. 

Si-'Othmân  fait  remarquer  que  les  convois  d'or  entre  In-SâFah  et  Gha- 
dâmès sont  moins  fréquents  depuis  que  M.  le  gouverneur  Faidherbe 
a  donné  aux  routes  du  Sénégal  une  sécurité  qu'elles  n'avaient  jamais 


HISTORIQUE  DES  TRIBUS.  361 

connue  jusque-là,  et  il  craint  que  la  concurrence  de  nos  possessions  sé- 
négaliennes  n'achève  de  priver  les  routes  du  Nord  de  ce  riche  produit. 

Les  marabouts  N-Ouqqirân  vivent  en  grande  partie,  soit  comme 
négociants,  soit  comme  convoyeurs,  du  trafic  des  routes  qui  traver- 
sent leurs  territoires. 

Cest  par  eux  que  le  gouvernement  français  a  pu  entrer  en  rela- 
tions avec  le  reste  des  Touareg;  c'est  encore  par  eux  qu'il  main- 
tiendra de  bons  rapports,  car  ils  se  distinguent  par  leur  loyauté,  par 
leur  tolérance  et  par  l'exercice  professionnel  de  la  conciliation. 

Les  Ifôghas-n-lguedhâdh  sont  ainsi  appelés  parce  que,  comme 
des  oiseaux  (Iguedhâdh),  ils  voyagent  continuellement,  ne  se  fixant 
nulle  part.  Dans  leurs  courses,  ils  s'étendent  du  Tasîli  du  Nord  au 
Soudan,  campant  tantôt  au  milieu  des  Touareg  Âzdjer,  tantôt  au 
milieu  des  Touareg  d'Aïr,  suivant  que  les  pluies  ont  fait  pousser 
l'herbe  nécessaire  à  la  nourriture  de  leurs  troupeaux. 

Marabouts  ambulants,  parcourant  des  parages  tous  situés  au  Sud 
des  points  occupés  par  leurs  frères  N-Ouqqiràn,  les  N-Iguedhàdh  sont 
un  trait  d'union  entre  les  Touareg  du  Sud  et  ceux  du  Nord,  comme 
les  N-Ouqqirân  sont  un  lien  entre  les  Azdjer  et  les  Ahaggâr  et  entre 
ces  deux  confédérations  et  les  Algériens. 

Les  N-lguedhâdh,  protégés  contre  les  dangers  de  la  piraterie  par 
leur  caractère  religieux,  autorisés  à  user  des  meilleurs  pâturages 
pour  leurs  troupeaux,  trouvent  dans  la  production  pastorale  les  res- 
sources nécessaires  à  leur  existence. 

En  pays  targui ,  les  amulettes  sont  très-recherchées,  car  tous  en 
sont  couverts,  et  ce  sont  les  marabouts  qui  les  rédigent.  Ils  ne  les 
vendent  pas,  moyen  d'en  tirer  un  prix  plus  élevé,  car  chaque  amu- 
lette augmente  au  moins  d'une  chèvre  ou  d'un  mouton  le  troupeau 
de  celui  qui  la  délivre. 

Les  Ifôghas-n-et-Tobol ,  restés  fidèles  à  leurs  anciens  maîtres,  les 
Imanân,  et  à  la  tradition  qui  les  a  pourvus  de  tambours,  continuent  à 
constituer  la  cour  et  le  corps  de  musique  des  sultans  déchus.  Ils 
vivent  avec  ces  derniers  entre  Rhât  et  Djânet,  partageant  leurs  reve- 
nus et  aussi  leur  haine  contre  les  Orâghen  et  leurs  amis.  Les  reve- 
nus sont-ils  insufiisants  pour  subvenir  aux  besoins  de  tous,  l'exaction 
y  supplée. 

Le  rôle  des  Ifôghas-n-et-Tobol  se  borne  donc  à  faire  du  bruit. 


362    '  TOUAREG  DU  NORD. 

Quant  aux  marabouts  N-Iguedhâdh  et  N-Ouqqiràn,  franchement 
dévoués  aux  Oràghen,  ils  suivent  en  toutes  choses  la  bannière  d'ikhe- 
noûkhen  ;  mais  il  y  a  lieu  d'ajouter  que  le  chef  des  Azdjer  croirait 
manquer  à  ses  devoirs  en  ne  prenant  pas  leurs  conseils  dans  toutes 
les  affaires  de  quelque  importance.  Ainsi,  Ikhenoûkhen  est  notre  ami 
parce  que  les  Ifôghas  lui  ont  conseillé  de  rechercher  notre  alliance. 

Les  Ifôghas  constituent  une  tribu  très-importante,  non  par  leur 
valeur  militaire,  car  les  marabouts  ne  portent  les  armes  que  pour 
leur  défense  personnelle,  mais  par  leur  caractère  religieux,  qui  les 
rend  arbitres  de  toutes  les  contestations,  par  leur  aptitude  au  com- 
merce, par  leur  dispersion,  qui  les.  met  en  contact  avec  les  différentes 
confédérations,  sauf  celle  des  Aouélimmiden  des  environs  de  Tim- 
bouktou ,  qui  reconnaissent  les  Bakkây  pour  leurs  marabouts. 

Le  chiffre  de  la  population  des  trois  fractions  réunies  est,  assure- 
t-on,  égal  à  celui  des  autres  tribus  d'Azdjer.  Leur  dispersion  et  leur 
qualité  de  marabouts  font  qu'on  n'en  tient  pas  compte  dans  l'éva- 
luation des  forces  du  pays;  autrement,  si  tous  les  Ifôghas  étaient 
réunis  sous  la  main  d'un  chef  militaire,  ils  pourraient,  à  eux  seuls, 
constituer  une  confédération  égale,  en  force  et  en  nombre,  à  celles 
de  leurs  voisins  de  l'Est  et  de  TOuest  :  car,  quoique  marabouts, 
quand  la  nécessité  les  oblige  à  armer  en  guerre,  ils  se  battent  brave- 
ment. Le  Cheikh-'Othmân  est  même  réputé  pour  sa  valeur  militaire 
à  l'égal  des  premiers  guerriers  de  sa  nation. 

Les  Ifôghas  n'ont  pas  de  serfs,  par  la  raison  qu'ils  sont  mara- 
bouts et  que  la  religion  musulmane  ne  permet  pas  le  servage  ;  mais, 
comme  tous  les  marabouts,  ils  ont  des  serviteurs  attachés  librement 
h  leurs  personnes  et  qui,  de  père  en  fils,  tiennent  à  honneur  d'être 
leurs  khoddâm.  Des  esclaves  nombreux,  sous  la  direction  de  ces  ser- 
viteurs ,  sont  chargés  des  troupeaux  et  des  travaux  domestiques. 

Les  dames  Ifôghas  sont  renommées  pour  leur  savoir-vivre  et  leur 
habileté  en  toutes  choses.  Mieux  que  les  femmes  des  autres  clans 
targuis,  elles  savent  jouer  de  la  rebâza,  sorte  de  violon  avec  lequel 
elles  accompagnent  leurs  chants  improvisés.  Dans  l'art  musical,  elles 
ne  sont  surpassées  que  par  les  princesses  Imanân.  Mieux  que  toutes 
leurs  rivales,  elles  savent  monter  à  méhari.  Huchées  dans  leurs  cages, 
elles  soutiennent  la  course  des  plus  intrépides  cavaliers,  —  si  on  peut 
donner  ce  nom  aux  chevaucheurs  de  dromadaire  :  —  aussi,  pour 


HISTORIQUE  DES  TRIBUS.  363 

conserver  l'habitude  de  ce  genre  d'équitation,  se  réunissent-elles 
pour  faire  de  petits  voyages,  allant  où  bon  leur  semble,  sans  être 
accompagnées  d'aucun  homme.  La  liberté  dont  elles  jouissent  est 
grande^  et  elles  ne  paraissent  pas  en  abuser. 

Si- Otbmân  est  le  chef  des  trois  fractions  des  Ifôghas.  Ce  mara- 
bout est,  avec  l'émir  Ikhenoûkhen,  la  plus  grande  figure  des  Touareg 
du  Nord. 

Son  père,  El-Hàdj-el-Bekrî-ben-el-Hâdj-el-Faqqi  a  vécu  cent  huit 
années  lunaires,  entouré  de  la  vénération  publique.  On  lui  doit  la 
construction  de  plusieurs  puits  sur  les  principales  routes  du  pays. 

Yamîna,  frère  d'El-Hàdj-el-Bekrî  et  oncle  d"Othmân,  jouissait 
d'une  réputation  de  sainteté  dans  tout  le  Sahara  et  du  plus  grand 
crédit,  môme  chez  les  Cha'anba,  ennemis  nés  des  Touareg.  Par  sa 
pieuse  intervention  bien  des  effusions  de  sang  ont  été  prévenues. 

Héritier  de  l'auréole  de  réputation  de  ses  ancêtres,  'Othmân,  dès 
son  enfance,  s'est  fait  remarquer  par  sa  perspicacité. 

Jeune  encore",  à  l'époque  des  grandes  guerres  du  premier  Empire 
français,  il  était  à  Ghadâmès  au  milieu  d'une  réunion  d'hommes  graves, 
lorsqu'on  apporta  la  nouvelle  d'une  reprise  d'hostilités  entre  les  chré- 
tiens. 

«  Tant  mieux!  dit  un  yieux  marchand,  puissent-ils  s'entre-tuer 
jusqu'au  dernier! 

«  Tant  pis  !  dit  l'imberbe  'Othmân,  au  grand  étonnement  de  tous, 
car,  si  les  chrétiens  se  font  la  guerre,  le  commerce  en  souffrira.  » 

Le  lendemain,  une  caravane ,  chargée  de  produits  soudaniens, 
partait  pour  Tripoli  et  devait,  en  retour,  prendre  des  marchandises 
d'Europe. 

A  Tripoli,  la  caravane  ne  trouva  ni  acheteur  ni  vendeur. 

On  se  souvient  encore  à  Ghadâmès  de  la  prédiction  du  jeune 
'Othmân. 

Pourquoi,  à  cet  âge,  un  jeune  targui  se  préoccupait-il,  instinc- 
tivement, des  affaires  des  chrétiens?  La  suite  de  sa  vie  va  nous  révé- 
er  sa  prédestination  providentielle. 

De  1826  à  1827,  arrive  à  Ghadâmès  un  chrétien  recommandé  par 
le  consul  général  d'Angleterre  à  Tripoli.  C'est  le  major  Alexandre 
Gordon  Laing.  Il  veut  se  rendre  à  In-Sâlah  et  de  là  tenter  d'arriver  à 
Timbouktou. 


364  TOUAREG  DU  NORD.  , 

Mais  In-Sàlah  est  encore  plus  inabordable  aux  chrétiens  que  Tim- 
bouktou.  Qui  Vy  conduira? 

'Othmân. 

Seul  entre  tous  ses  coreligionnaires,  il  a  assez  de  crédit  pour  faire 
accepter  un  chrétien  dans  une  ville  où  nul  autre  n*a  pu  pénétrer 
depuis. 

Pendant  le  voyage,  'Othmân  apprend  quelques  mots  d'anglais 
que  sa  mémoire  avait  fidèlement  conservés  jusqu'en  1862. 

A  son  retour  de  Timbouktou,  le  major  Laing  est  assassiné.  L'An- 
gleterre et  sa  famille  ont  intérêt  à  retrouver  ceux  de  ses  papiers  qui 
n'ont  pas  été  détruits. 

Mais  qui  osera  aller,  sur  la  trace  d'assassins,  s'intéresser  aux  notes 
d'une  inûdèle  victime  du  fanatisme  musulman  ? 

Encore  'Othmân. 

Par  ses  soins,  le  consul  général  d'Angleterre  à»  Tripoli  recevra  reli- 
gieusement tout  ce  que  des  recherches  de  plusieurs  années  peuvent 
reconquérir  sur  la  cupidité  de  barbares. 

Enfin,  l'heure  est  venue  où  les  Touareg  et  les  Français  ont  besoin 
de  se  connaître. 

'Othmân  fait  d'abord  trois  voyages  en  Algérie  et,  entre  chacun  de 
ces  trois  voyages,  il  conduit  des  explorateurs  français  dans  son  pays; 
enfin  ,  pour  couronner  ses  efforts ,  tendarjt  à  des  ouvertures  de  rela- 
tions, il  vient,  en  1862,  à  Paris,  ville  où  jamais  un  targui  n'avait  mis 
les  pieds  et  à  près  de  trois  mille  kilomètres  de  son  pays. 

Homme  d'une  haute  intelligence  et  d'un  grand  sens  pratique, 
'Othmân  a  surtout  remarqué  en  France  ce  qui  contraste  avec  le 
désert  :  le  nombre  considérable  des  habitants,  l'abondance  des  eaux, 
la  richesse  et  la  variété  de  la  végétation,  la  rapidité  et  la  sécurité 
des  communications,  enfin  la  généreuse  hospitalité  qu'il  y  a  reçue. 

Au  milieu  de  toutes  les  merveilles  qui  ont  captivé  son  attention, 
il  a  choisi,  pour  les  reporter  dans  son  pays,  les  choses  les  plus 
utiles  :  une  collection  de  médicaments,  un  choix  de  livres  arabes  sur 
la  religion,  le  droit,  l'histoire  et  la  littérature,  un  assortiment  d'ou- 
tils de  professions  les  plus  ordinaires  et  spécialement  des  instru- 
ments agricoles,  des  pelles  et  des  pioches  pour  creuser  des  puits  et 
des  poulies  pour  en  tirer  l'eau. 

Le  Cheikh-'Othmân  n'a  pas  d'enfants.  Son  ambition,  avant  de 
mourir,  après  avoir  accompli  le  pèlerinage  de  la  Mekke,  est  de  con- 


HISTORIQUE  DES  TRIBUS.  365 

sacrer  sa  fortune  à  poursuivre  l'œuvre  commencée  par  son  père  : 
doter  les  routes  de  son  pays  de  puits  utiles  aux  voyageurs. 

En  tout  lieu,  le  Cheikh-*Othmân  serait  un  homme  remarquable, 
par  son  instruction,  par  la  douceur  de  ses  mœurs,  par  sa  bonté  et  sa 
franchise  ;  mais  quand  on  rencontre  un  tel  ensemble  de  qualités  chez 
un  enfant  du  désert,  on  ne  peut  se  défendre  d*un  certain  étonne- 
ment. 

J'aime  le  Cheikh-'Othmân,  par  reconnaissance  des  services  qu'il 
m'a  rendus  pendant  mon  voyage,  mais  je  l'aime  surtout  parce  qu'il 
sait  se  faire  aimer. 

Son  nom  complet  est  u  'Othmân-ben-el-Hâdj-el-BekjJ-ben-el-Hâdj- 
el-Faqqi-ben-Mohammed-Boûya-ben-Si-Mohammed-ben-si-Ahmed-es- 
Soûki-ben-Mahmoûd. 

Tribu  des  Ihéhaouen. 

Les  Ihéhaouen  sont  les  marabouts  des  Touareg  Fezzaniens.  Excel- 
lentes gens,  hospitaliers,  communicatifs,  ils  n'ont  d'autres  défauts 
que  celui  d'être  un  peu  mendiants.  En  cela  ils  ressemblent  à  tous 
ceux  de  leur  caste  qui  répudient  le  sacerdoce  du  marabout  pour 
exploiter  le  titre  qu'ils  portent. 

Les  Ihéhaouen  habitent  entre  fthât  et  Mourzouk  dans  les  oasis, 
notamment  à  El-Fogâr  où  je  les  ai  rencontrés. 

Par  une  particularité  caractéristique  de  la  position  exceptionnelle 
de  la  femme  chez  les  Touareg,  les  marabouts  Ihéhaouen  d'El-Fogàr 
ont  pour  chef  une  cheikha  qui  a  la  réputation  d'être  fort  belle.  En 
son  honneur,  Ikhenoûkhen,  mon  compagnon  de  voyage,  revêtit  ses 
plus  beaux  habits,  témoignage  d'un  très-grand  respect. 

Les  Ihéhaouen  sont  peu  nombreux,  mais  ils  jouissent  d'une  cer- 
taine aisance. 

Quoique  marabouts,  ils  ont  des  serfs,  les  Isourekkien,  qui,  comme 
tous  les  autres  Fezzaniens ,  se  livrent  à  la  petite  culture  dans  les 
oasis. 

Je  dois  dire  que  la  tribu  des  Isourekkien  n'est  pas  considérée  par 
tous  les  Touareg  comme  étant  serve,  mais  comme  une  tribu  de  ser- 
viteurs {khoddâm),  des  marabouts  Ihêhaoune. 


366  TOUAREG   DU   NORD. 


Tribu  des  Kél-Tin-Alkoum, 

Il  y  a  deux  siècles,  avant  la  révolution  qui  enleva^aux  Imanân  le 
pouvoir  souverain,  les  Kêl-Tîn-Alkoum  habitaient  le  qaçar  Tîn-Alkem, 
dont  on  voit  encore  aujourd'hui  les  ruines  au  Sud  d'El-Barkat,  sur  la 
route  de  Rhâtà  Djànet.  Après  de  longues  luttes  contre  des  maîtres  trop 
avides,  ils  prirent  le  parti  d'émigrer  au  Fezzân  où  ils  habitent  des 
oasis  dont  ils  sont  propriétaires  et  qu'ils  cultivent.  Ces  Touareg  sont 
donc  sédentaires  et  cultivateurs  quand  les  autres  sont  nomades  et 
pasteurs.       ^ 

Les  Kêl-Tîn-Alkoum  se  distinguent  encore  des  autres  Azdjer  en 
ce  qu'ils  ne  sont  ni  nobles  ni  serfs,  mais  libres  comme  on  Test  dans 
les  tribus  arabes  ou  dans  l'intérieur  des  villes  :  cependant  ils  recon- 
naissent la  souveraineté  des  nobles  Orâghen ,  leur  payent  tribut,  les 
traitent  en  sultans  quand  ils  passent  sur  leur  territoire. 

G)mme  tous  les  Oasiens,  les  Kôl-Tln-Alkoum  sont  aussi  commer- 
çants, entrepreneurs  de  transports,  industriels  même.  Les  plus  pau- 
vres vont  vendre  des  légumes,  des  fruits,  du  beurre,  de  la  viande, 
du  bois  à  brûler,  à  Mourzouk  et  à  Rhât.  Les  plus  riches  font  pour  leur 
compte  le  commerce  avec  le  Soudan.  D'autres  louent  leurs  chameaux 
aux  caravanes  et  les  accompagnent.  Les  explorateurs  anglais,  qui  ont 
voyagé  dans  l'intérieur,  du  moins  ceux  qui  ont  choisi  le  Feziàn  pour 
point  de  départ  de  leurs  explorations,  ont  toujours  pris  des  Tîn- 
Alkoum  comme  chameliers.  D'autres  se  livrent  au  tannage  des  peaux 
et  à  la  préparation  des  outres,  industrie  importante  dans  un  pays  où 
tout  voyageur  doit  emporter  avec  lui  sa  provision  d'eau,  . 

Par  suite  de  leurs  rapports  avec  de  nombreux  étrangers,  les  Tîn- 
Alkoum  sont  devenus  des  hommes  presque  civilisés.  Beaucoup  d'entre 
eux  savent  lire  et  écrire  ;  tous  parlent  l'arabe  en  même  temps  que  le 
temâhaq;  quelques-uns  même  comprennent  le  haoussa. 

Leurs  habitations,  construites  en  branches  de  palmiers,  ressem- 
blent à  nos  chaumières  ordinaires.  Assez  vastes  pour  loger  une 
famille,  avec  tout  son  mobilier,  elles  abritent  bien  contre  le  froid,  le 
chaud  et  même  la  pluie. 

Pour  arroser  leurs  cultures,  généralement  entourées  de  haies 
sèches  en  djerîd  ou  palmes,  ils  ont  au-dessus  des  puits  un  appareil 
en  charpente,  dont  la  hauteur  est  égale  à  la  profondeur  des  puits  et 


HISTORIQUE  DES  TRIBUS.  367 

qui  supporte  un  système  de  cordages  et  de  poulies,  au  moyen  duquel, 
par  un  simple  va-et-vient,  l'eau  est  amenée  à  fleur  de  terre,  d'où  elle 
est  conduite  dans  les  cultures.  (Voir  la  planche,  page  68.) 

Le  travail  a  donné  aux  Kêl-Tîn-Alkoum  une  aisance  relative  ;  mal- 
heureusement,  le  pays  qu'ils  habitent,  s'il  est  productif ,  n'est  pas 
très-sain  :  aussi  ont-ils  toujours  beaucoup  de  malades.  Les  ophthalmies 
régnent  endémiquement  chez  eux  ;  moi-même,  j'en  ai  été  atteint  en 
traversant  leur  territoire. 

La  tribu  des  Kêl-Tîn-Alkoum  est  très-nombreuse  ;  elle  est  généra- 
lement armée  de  fusils  qui  servent  plus  à  la  chasse  qu'à  la  guerre. 

Bien  que  Touareg  Azdjer,  et  sous  la  dépendance  des  Orâghen,  les 
Kêl-Tîn-Alkoum,  comme  les  autres  Touareg  Fezzaniens,  prennent  une 
part  très-minime  à  l'agitation  des  Touareg  nomades.  Leurs  intérêts 
et  leur  genre  de  vie  sont  trop  distincts  pour  que  l'assimilation  soit 
complète  entre  eux. 

Tribu  des  Ilemtin, 

Les  Ilemlîn  habitent  la  petite  ville  d'El-Barkat,  à  10  kilomètres  de 
Rhàt,  et  le  village  de  Féouet,  dans  la  vallée  d'Ouaràret. 

Leur  chef  est  El-Khabîd. 

Us  ont  pour  serfs  la  tribu  des  Ifarqanen ,  qui  réside  hors  la  ville, 
dans  des  cases  en  palmes,  au  milieu  des  cultures. 

Les  llemtîn  Sont  des  citadins,  cultivateurs,  commerçants,  consé- 
quemment  gens  paisibles,  qui  n'auraient  de,  commun  avec  les  Touareg 
nomades  qu'une  même  origine,  s'ils  ne  payaient  tribut,  la  gharâma, 
aux  chefs  Oràghen. 

Assise  au  milieu  d'une  belle  oasis,  El-Barkat  est  une  jolie  petite 
ville,  de  200  maisons  à  plusieurs  étages,  entourée  d'un  mur  d'en- 
ceinte et  construite ,  comme  toutes  les  villes  de  cette  «contrée,  en 
briques  d'argile  cuites  au  soleil. 

Les  plantations  de  dattiers  et  les  cultures  de  plantes  alimentaires, 
aux  produits  desquels  ils  trouvent  un  débouché  certain  sur  le  marché 
de  Rhât,  à  l'époque  de  la  foire,  constituent  la  principale  richesse  de 
la  tribu  des  llemtîn  et  de  leurs  serfs,  les  Ifarqanen. 


368  TOUAREG  DU   NORD. 


S    II.  —  Coq  FéDÉRATION    DES    AhAGGÂR. 

Dans  le  classement  des  quatre  confédérations  des  Touareg,  j'ai 
donné  le  premier  rang  aux  Azdjer,  mais  je  suis  forcé  d'assigner  le 
dernier  aux  Ahaggâr. 

Depuis  la  révolution,  qui  a  réduit  à  néant  le  pouvoir  des  anciens 
rois  Imanân  et  permis  aux  deux  groupes  des  Touareg  du  Nord  de  se 
gouverner  eux-mêmes,  la  plus  grande  anarchie  règne  chez  les 
Abaggâr. 

A  l'autorité  de  Tamghâr,  souvent  contestée,  s'est  substitué  un 
gouvernement  à  quatorze  têtes,  représenté  par  les  quatorze  chefs  des 
tribus  nobles,  qui,  dans  toutes  les  contestations,  ont  pour  habitude 
de  recourir  à  la  force  des  armes. 

La  tribu  des  Kêl-4\helâ,  la  plus  importante  de  Ja  confédération ,  a 
le  droit,  comme  celle  des  Orâghen  chez  les  Azdjer,  de  conférer  le 
titre  d'amghâr  à  son  chef  héréditaire  :  mais  autant  vaut  l'homme, 
autant  vaut  la  chose. 

Malheureusement,  le  chef  actuel  des  Kêl-Rhelâ,  par  droit  de  nais- 
sance, est  Guemâma,  le  doyen  des  centenaires  du  Sahara,  depuis 
longtemps  aveugle  et  depuis  longtemps  dans  l'impuissance  de  gou- 
verner. 

Cependant  le  besoin  d'une  autorité  supérieure  .se  faisait  sentir, 
non-seulement  chez  les  Ahaggâr,  mais  encore  à  In-Sâlah,  à  Tîm- 
bouktou,  pour  la  sécurité  des  routes,  et  dans  les  autres  confédéra- 
tions Touareg,  pour  les  rapports  de  bon  voisinage. 

Que  faire?  Ouvrir  la  succession  de  Guemâma,  de  son  vivant,  était 
contraire  à  la  loi  du  pays.  L'héritier  d'aujourd'hui  transmet  le  pou- 
voir dans  une  branche  de  la  famille,  tandis  que  l'héritier  de  demain 
pourra  le  transmettre  dans,  une  autre,  le  droit  de  succéder  étant 
réservé  au  fils  de  la  sœur.  Quand  l'oncle  est  vieux  comme  Guemâma, 
les  neveux  utérins  doivent  être  bien  près  de  la  tombe. 

Donner  à  Guemâma  un  successeur,  par  droit  de  naissance,  la  mort 
n'ayant  pas  saisi  le  vif,  n'était  pas  une  solution,  car  c'était  allumer  le 
feu  de  la  guerre  civile  entre  toutes  les  familles  des  Kêl-Rhelâ  et  autres 
ayant  épousé  des  sœurs,  peut-être  dés  nièces  ou  des  petites-nièces  de 
l'amghâr  vivant. 


HISTORIQUE  DES  TRIBUS.  369 

On  tourna  cette  diiliculté  en  trouvant  miraculeusement  réunies 
sur  la  tête  d'un  homme  trois  conditions  importantes  : 

Le  titre  de  marabout,  qui  imposait  le  respect; 

La  qualité  d'étranger,  qui  anéantissait  toutes  les  rivalités  locales; 

La  condition  de  fils  d'une  sœur  de  Guemâma. 

Cet  homme  est  le  marabout  El-Hâdj -Ahmed,  frère  du  Cheikh- 
'Othmân,  de  la  tribu  des  Ifôghas,  de  la  confédération  des  Azdjer, 
mais  appartenant  aux  Ahaggàr  et  aux  Kôl-Rhelâ  par  sa  mère. 

Ce  choix,  dicté  par  la  sagesse,  fut  au  moins  une  solution  provi- 
soire. Pour  la  faire  accepter,  le  marabout  Sîdi-el-Bakkây,  de  Tim- 
bouktou,  dut  envoyer  un  de  ses  frères  sur  les  lieux  :  mais  Dieu  seul 
sait  quelles  prétentions  rivales  vont  surgir  à  la  mort  de  Guemâma. 

En  attendant,  le  nouvel  amghàr,  par  l'intermédiaire  de  son  frère 
Si- Othmân ,  a  donné  aux  Ahaggâr  une  sorte  de  sécurité  du  côté  des 
Cha'anba,  leurs  plus  redoutables  ennemis. 

De  même,  le  voyage  d"Othmân  à  Paris,  les  présents  qu'il  en  a  em- 
portés pour  El-Hâdj-Ahmed,  contribueront  à  consolider  son  autorité, 
et  peut-être  à  amener  paciûquement  dans  la  confédération  des  Ahag- 
gâr une  révolution  analogue  à  celle  qui,  chez  les  Azdjer,  a  transporté 
le  pouvoir  des  anciens  sultans  aux  mains  des  Oràghen.  L'appui  d'un 
gouvernement  fort  exerce  un  grand  prestige  sur  des  populations 
comme  les  Touareg. 

Par  son  esprit  conciliateur,  par  l'autorité  que  lui  donnent  son  âge 
et  son  titre  de  marabout,  El-Hàdj- Ahmed,  s'il  n'est  pas  encore  par- 
venu à  rétablir  la  paix,  l'ordre  et  l'harmonie  entre  toutes  les  tribus, 
a  au  moins  conjuré  la  guerre  civile  et  établi  de  meilleurs  rapports 
entre  les  Ahaggâr  et  leurs  voisins.  Déjà  même  quelques  heureux 
symptômes  de  progrès  matériel,  fruits  de  la  sécurité  pour  les  biens 
et  les  personnes ,  commencent  à  se  manifester.  Ainsi,  le  village 
d'Idélès,  situé  dans  le  Haut-Igharghar,  et  qui  date  d'une  vingtaine 
d'années  à  peine,  voit  chaque  jour  augmenter  ses  constructions  et 
tend  à  devenir  une  petite  ville.  Au  Sud- Est  de  cet  établissement  se 
trouve  un  autre  village,  celui  de  Tàzeroûk,  où  il  a  été  entrepris, 
en  1861,  des  cultures  de  céréales  assez  importantes  pour  donner,  à 
la  récolte,  environ  350  charges  de  grains. 

Les  Touareg  Ahaggâr  jouissent,  généralement,  de  la  réputation 
d'avoir  un  caractère  indépendant,  irascible  et  emporté,  qui  rend  les 

I.  S4 


370  TOUAREG  DU   NORD. 

relations  très-diflBciles  avec  eux,  et  ils  avouent  mériter  cette  répu- 
tation, même  dans  leurs  rapports  entre  eux,  et  ils  s'en  vantent  de 
manière  à  laisser  croire  qu'ils  tiennent  à  honneur  de  se  montrer  in- 
traitables en  toutes  choses. 

Ce  caractère  indompté,  qui  fait  des  Ahaggâr  des  hommes  redoutés 
dans  le  Sahara,  est,  en  dehors  de  la  situation  anarchique  du  pays,  le 
résultat  de  nombreuses  causes  matérielles,  parmi  lesquelles  je  signale 
en  première  ligne  :  l'habitation  dans  un  pâté  de  monlagnes  déchi- 
rées, dénudées  et  d'une  sauvagerie  exceptionnelle,  ou  dans  des  déserts 
arides  dont  presque  toutes  les  plantes  sont  épineuses;  l'impossibilité 
de  vivre  des  produits  de  leur  sol,  à  moins  d'avoir  la  sobriété  du  cha- 
meau ;  enfin  l'abandon  des  routes  commerciales  qui  longent  ou  tra- 
versent leur  territoire  et  qui,  jadis,  suppléaient,  par  les  bénéfices 
retirés  du  passage  des  caravanes,  à  l'improductivité  de  leurs  mon- 
tagnes ou  de  leurs  déserts.  En  tout  pays,  le  caractère  et  la  nature  de 
l'homme  subissent  Tinduence  du  milieu  qu'il  habite.  Les  autres  peu- 
plades Touareg,  quoique  de  même  race,  ont  un  caractère  plus  souple 
et  plus  docile,  parce  que  le  pays  habité  par  elles  est  moins  sauvage  et 
plus  clément.  Sans  aucun  doute ,  l'introduction  possible  de  quelques 
cultures  dans  les  vallées  et  le  rétablissement  des  roules  abandonnées, 
en  améliorant  l'existence  matérielle  des  Ahaggâr,  contribueront  aussi 
à  adoucir  leurs  mœurs. 

Probablement  ils  valent  mieux  que  leur  réputation.  Partout  on 
m'a  dit  et  répété  qu'ils  n'avaient  jamais  permis  à  un  étranger,  même 
musulman,  de  visiter  leurs  montagnes,  parce  qu'ils  voulaient  réser- 
ver pour  eux  seuls  le  secret  du  dédale  de  leurs  repaires.  Cependant 
tous  mes  rapports  avec  eux  protestent  contre  cette  assertion. 

Ils  m'ont  donné,  sans  réserve,  tous  les  itinéraires  à  l'aide  des- 
quels j'ai  dressé  la  carte  de  leur  pays. 

Aûnguenân,  l'un  de  leurs  chefs,  que  je  rencontrai  à  Methlîli, 
en  1859,  à  l'époque  de  la  plus  grande  puissance  de  notre  ennemi 
Mohammed-ben-'Abd-Allah,  accepta,  si  je  voulais  me  confier  à  lui  et 
payer,  suivant  la  coutume,  sa  protection  la  somme  de  1,000  francs, 
de  me  conduire  au  sein  de  leurs  tribus  et  de  me  mettre  en  rapport 
avec  tous  les  chefs. 

Le  Cheikh- Othmân,  auquel  je  demandai,  en  1861,  si,  avec  sa  pro- 
tection et  celle  de  son  frère  El-Hâdj-Ahmed,  je  pourrais  visiter  le 
Ahaggâr  avec  la  même  sécurité  que  le  pays  des  Azdjer,  me  répondit 


HISTORIQUE  DES  TRIBUS.  371 

comme  Afinguenân  ;  u  Tout  Français  qui  voudra  explorer  le  Ahaggâr 
sera  bien  accueilli,  s'il  se  conforme  aux  usages.  » 

Donc,  si  je  n'ai  pas  traversé  ce  pâté  de  montagnes,  par  la  route 
de  KtïM  à  In-Sàlah,  comme  j'en  avais  le  désir,  ce  n'est  pas  que  les 
Ahaggâr  s'y  soient  opposés,  mais  parce  que  les  gens  sages  qui  avaient 
répondu  de  ma  sécurité  au  gouvernement  français,  connaissant  les 
intentions  de  Mohammed-ben-'Abd-Allah  de  tenter  un  coup  de  main 
contre  nos  établissements,  ne  voulurent  pas  m'exposer  à  être  capturé 
par  lui  en  arrivant  à  In-Sâlah,  où  cet  agitateur  avait  établi  son  quar- 
tier général. 

Les  Ahaggâr  ont  aussi  la  réputation  d'être  batailleurs,  querel- 
leurs, par  un  amour  particulier  de  la  guerre,  du  sang  et  du  carnage. 
Ils  avaient  une  magnifique  occasion  de  satisfaire  cette  passion  en 
s'enrôlant  sous  le  drapeau  de  Mohammed-ben-'Abd-Allah.  Ils  y  ont 
été  vivement  sollicités  et  par  les  promesses  de  riches  captures  et  par 
l'exemple  des  Touareg  à  voiles  blancs  du  Touât,  mais  pas  un  d'entre 
eux  n'a  succombé  à  la  tentation.  Le  veto  des  marabouts  Ifôghas  a 
suffi  pour  maintenir  leur  neutralité. 

U  est  cependant  vrai  qu'ils  ont  à  peu  près  pour  ennemis  tous 
leurs  voisins  :  ainsi,  ils  ne  peuvent  se  rencontrer,  ni  avec  les  Berâber 
du  Sud  du  Maroc,  ni  avec  les  Beràbîch  du  Nord  de  Timbouktou,  sans 
que  du  sang  soit  versé.  Avec  les  Touareg  Aouélimmiden,  les  Kél-Ouï 
et  les  Azdjer,  il  y  a,  en  ce  moment,  trêve  d'hostilités,  parce  que  les 
intérêts  de  chacune  des  confédérations  se  meuvent  dans  des  cercles 
distincts,  mais  il  y  a  abstention  presque  complète  de  rapports  et 
plutôt  tendance  à  l'antipathie  qu'à  la  réconciliation. 

Par  unique  exception,  les  Ahaggâr  sont  les  alliés  des  Touâtiens  et 
les  amis  des  commerçants  d'In-Salâh,  et  cette  exception  donne  la 
raison  de  leur  attitude  hostile  vis-à-vis  de  leurs  autres  voisins.  In- 
Sâlah  a  aujourd'hui  le  monopole  du  commerce  de  Timbouktou  avec 
le  Nord;  ses  caravanes  ont  besoin  de  la  protection  et  du  concours 
des  Ahaggâr,  et  In-Sâlah,  ainsi  que  les  autres  villes  du  Touât,  les 
fait  vivre  par  les  coutumes  qu'elle  paye  aux  chefs  et  les  transports 
qu'elle  procure  aux  serfs. 

Le  commerce,  en  donnant  d'une  main,  reprend  de  l'autre,  car 
les  Touareg  du  Ahaggâr,  en  raiîSon  de  leur  isolement,  sont  forcés 
d'acheter  au  Touât,  au  poids  de  l'or,  tout  ce  dont  ils  ont  besoin,  et 
d'y  vendre,  à  vil  prfac,  tout  ce  qu'ils  produisent. 


372  ÏOUAUEG   DU  NORD. 

En  dehors  de  l'influence  de  celui  qui  remplit  leurs  ventres,  pour 
me  servir  d'une  expression  consacrée,  les  Ahaggàr  en  subissent  peu 
d'autres,  même  quand  elles  se  présentent  au  nom  des  principes  de 
la  religion.  Le  grand  marabout  de  Timbouktou,  El-Bakkây,  qui  a 
passé  une  partie  de  sa  jeunesse  dans  leurs  tribus,  est  bien  un  peu 
écouté  quand  il  fait  entendre  de  sages  conseils;  le  chef  de  la  con- 
frérie des  Tedjâdjna,  qui  compte  beaucoup  de  khouàn  chez  les  Ahag- 
gàr,  jouit  bien  aussi  d'un  peu  de  crédit,  mais  il  ne  faut  pas  que  la 
faim^  cette  mauvaise  conseillère  de  tous  les  peuples,  ferme  les  oreilles 
et  empêche  d'entendre  le  langage  de  la  raison.  Le  Cheikh- Othmàn 
seul  est  apprécié  des  Ahaggàr,  non  parce  qu'il  est  marabout,  chef 
d'une  tribu  puissante  et  frère  de  leur  amghàr,  mais  parce  qu'il  a 
contribué,  par  ses  relations  avec  les  Français,  à  rendre  la  sécurité  à 
la  route  de  Ghadàmès  et  à  faire  arriver  à  In-Sâlah  plus  de  marchan- 
dises. 

A  donneur  donnant.  Les  Ahaggâr  ne  connaissent  pas  d'autre  poli- 
tique, et  c'est  la  seule  à  suivre  avec  eux. 

A  nombre  égal,  les  Ahaggâr,  habitués  à  une  lutte  constante, 
triomphent  toujours  de  leurs  ennemis,  mais  leurs  forces  collectives 
sont  de  beaucoup  inférieures  à  celles  de  leurs  voisins.  En  bloc,  le 
chiffre  de  leur  population  est  d'un  tiers  inférieur  à  celui  des  tribus 
des  Azdjer;  du  moins,  c'est  l'opinion  générale. 

Mais,  protégés  par  leurs  montagnes,  inaccessibles  aux  chameaux 
habitués  à  vivre  dans  les  plaines,  ils  n'ont  pas  à  redouter,  dans  une 
guerre  offensive,  l'enlèvement  de  leurs  familles  ou  de  leurs  trou- 
peaux. Dans  la  guerre  offensive,  au  contraire,  ils  sont  redoutables, 
parce  que,  sans  inquiétude  pour  ceux  des  leurs  qu'ils  abandonnent, 
ils  peuvent  aller  au  loin  porter  la  ruine  et  la  désolation. 

A  part  quelques  jardins  autour  d'In-Sâlah,  d'idélès  et  de  Tâze- 
roùk ,  quelques  champs  ensemencés  exceptionnellement  au  débouché 
des  vallées,  après  les  inondations,  les  Ahaggâr  ne  cultivent  pas. 

Les  seules  industries  qu'ils  connaissent  sont  celles  de  la  fabrica- 
tion des  armes  et  de  la  préparation  des  vêtements  de  peaux,  le  tout 
à  leur  usage. 

Exclusivement  pasteurs,  ils  pratiquent  l'art  pastoral  dans  les  con- 
ditions les  plus  défavorables  du  monde  :  au  sein  de  leurs  montagnes 
abruptes,  où  il  y  a  des  eaux  et  de  la  sécurité,  l'herbe  manque;  dans 


HISTORIQUE  DES  TRIBUS.  373 

les  plaines  où  les  pâturages  sont  plus  abondants,  Teau  et  la  sécurité 
font  souvent  défaut. 

Cette  obligation  de  sortir  des  montagnes  pour  nourrir  les  trou- 
peaux entraîne  les  Ahaggâr  à  errer  dans  les  plaines  et  h  changer  de 
campements  chaque  fois  que  les  eaux  et  les  pâturages  sont  épuisés. 
La  famille  est  obligée  de  suivre  le  bétail,  d*abord  parce  que  le  bétail 
la  nourrit  de  son  lait,  ensuite  parce  que  des  bras  sont  nécessaires 
pour  abreuver  les  bêtes  et  repousser  les  attaques  de  l'ennemi. 

Il  résulte  de  Tétat  continuellement  nomade  dans  lequel  vivent 
quelques-unes  des  tribus  de  cette  confédération  qu'on  ne  peut  leur 
assigner  de  territoires.  Toutes  ont,  dans  la  montagne,  des  asiles  pour 
le  cas  de  nécessité,  mais,  dans  les  terres  de  parcours,  elles  vont  là  où 
une  pluie  accidentelle  peut  leur  assurer  de  Teau  et  de  Therbe  pen- 
dant quelque  temps. 

Dans  un  pays  où  Ton  a  vu  des  périodes  de  douze  ans  sans  pluies, 
les  habitants  sont  quelquefois  amenés  à  mettre  fin  à  toutes  leurs  dis- 
cordes et  à  se  grouper,  amis  et  ennemis,  autour  du  seul  point  où  les 
puits  donnent  encore  un  peu  d'eau.  Ainsi,  pendant  la  période  con- 
temporaine, Azdjer  et  Ahaggâr  ont  dû  abandonner  complètement 
leur  pays  et  venir  partager,  avec  les  Touâtiens,  le  peu  d'eau  qui  res- 
tait dans  les  bas-fonds  de  leurs  oasis,  et  si  la  sécheresse  eût  continué, 
les  Touareg  eussent  dû  émigrer,  soit  vers  le  littoral  méditerranéen, 
soit  vers  le  bassin  du  Niger. 

Dans  le  climat  où  nous  vivons,  nous  ne  saurions  nous  rendre 
compte  de  ce  que  peut  être  un  pays,  sous  le  tropique,  après  une 
sécheresse  de  douze  ans.  Faute  d'eau,  les  plantes  meurent;  faute  de 
plantes,  les  animaux  meurent,  et  l'homme,  malgré  son  intelligence,  a 
bi  soin  d'êlre  fabriqué  avec  du  bronze  pour  résister  aux  causes  qui 
détruisent  tout  autour  de  lui. 

En  de  telles  conditions  on  ne  vit  pas,  on  ne  peut  pas  vivre,  et, 
pour  ne  pas  périr,  il  faut  nécessairement,  faute  d'autre  moyen  d'exis- 
tence, piller  ceux  que  le  ciel  a  plus  favorisés. 

Je  ne  me  sens  pas  le  courage  de  jeter  la  pierre  à  des  gens  qui, 
s'ils  n'existaient  pas,  devraient  être  inventés  :  car,  sans  eux,  les 
déserts  qu'ils  habitent  et  qui  séparent  la  race  blanche  de  la  race 
noire  seraient  infranchissables. 

Chez  les  Touareg  du  Ahaggâr,  il  n'y  a  que  des  tribus  jlobles  et 


374  TOUAREG  DU  NORD. 

des  tribus  serves.  Quand  les  conditions  de  l'existence  sont  aussi  dif- 
ficiles, on  est  fatalement  sollicité  à  asservir,  si  on  n'est  pas  soi-même 
asservi.  Inutile  d'ajouter  que  les  serfs  sont  beaucoup  plus  nombreux 
que  les  nobles.  Si,  chez  les  Azdjer,  quatre  serfs  sont  nécessaires  pour 
nourrir  un  noble,  il  en  faut  au  moins  huit  chez  les  Ahaggâr. 

Pendant  la  durée  de  mon  exploration,  j'ai  toujours  espéré  pouvoir 
visiter  les  Ahaggâr  et  prendre  sur  place  les  renseignements  indis- 
pensables à  rétablissement  de  l'historique  de  chacune  de  leurs  tri- 
bus. On  sait  pourquoi  j'ai  dû  m'abstenir  :  on  ne  sera  donc  pas  étonné 
si  je  n'entre  pas  dans  de  plus  grands  détails  sur  chaque  tribu ,  mais 
on  peut  considérer  comme  exact  ce  qui  va  suivre. 

A  l'origine,  tous  les  Ahaggâr  ne  formaient  qu'une  seule  tribu, 
celle  des  Kêl-Ahamellen ,  divisée  en  quatorze  fractions,  mais,  par 
suite  de  l'impossibilité  de  vivre  réunies,  chacune  des  divisions  a  dû 
se  séparer  de  la  souche  mère  et  se  constituer  à  l'état  de  tribu  indé- 
pendante, avec  son  autonomie  spéciale.  Les  fractions  qui  avaient  des 
imrhâd  se  sont  réservé  pour  leurs  besoins  des  territoires  particuliers 
dans  les  parties  protégées  de  la  montagne;  celles  qui  ne  possédaient 
pas  de  serfs  ont  adopté  la  vie  errante  des  nomades  dans  les  déserts 
qui  les  séparent  de  leurs  voisins. 

De  ces  généralités  je  passe  aux  détails. 

IW6ti  des  Kél'Ahamellen  proprement  dits. 

Cette  tribu ,  qui  a  d'abord  embrassé  quatorze  fractions ,  en  com- 
prendrait encore  trois  aujourd'hui,  d'après  quelques  Touareg,  savoir  : 

Les  Tédjéhé-n-Esakkal , 

Les  Tédjéhé-n-Eggali , 

Les  Kêl-Ahamellen-wân-Taghert. 

Selon  cette  version ,  la  confédération  des  Ahaggâr  ne  compren- 
drait que  douze  divisions. 

D'après  d'autres  Touareg ,  les  Essakal  et  les  Eggali  constitueraient 
des  tribus  ayant  une  vie  propre,  et  les  Kél-Ahamellen-wàn-Taghert 
seraient  aujourd'hui  les  seuls  représentant  la  tribu  mère.  J'adopte 
cette  dernière  version. 

Cette  tribu  vit  dans  le  Mouydîr,  entre  Ïn-Sâlah  et  le  Ahaggâr. 


HISTORIQUE  DES  TRIBUS.  375 

De  tous  les  Touareg  de  TOuest,  elle  est  la  plus  rapprochée  de  TAl- 
gérie  et  celle  qui  fréquente  le  plus  souvent  nos  marchés. 

Elle  n'a  pas  de  serfs. 

Le  voisinage  d'In-Sâlah,  la  fertilité  relative  de  son  territoire,  assez 
abondamment  pourvu  d'eau,  permettent  à  cette  tribu  de  vivre  dans 
de  meilleures  conditions  d'aisance  que  les  autres. 

On  est  généralement  d'accord  pour  donner  le  titre  d'hommes  sages 
à  tous  ses  membres,  première  preuve  à  l'appui  de  l'opinion  que  tous 
les  Ahaggâr  abandonneraient  la  carrière  des  aventures,  si,  comme  les 
Kêl-Ahamellen,  il  pouvaient  ajouter  aux  produits  de  leurs  troupeaux 
quelques  bénéfices  réalisés  par  le  commerce. 

Tribu  des  Tédjéhé-Mellen, 

Son  chef  est  Mohammed-eg-Brahîm. 

Cette  tribu,  faible  par  le  petit  nombre  de  ses  nobles,  a  une  impor- 
tance réelle  par  les  serfs  dont  elle  dispose  et  par  la  position  qu'elle 
occupe  sur  la  frontière  du  territoire  des  Azdjer,  dans  la  partie  occi- 
dentale du  plateau  de  Tasîli. 

Les  serfs  des  Tédjéhé-Mellen  sont  : 
Les  Kôl-Ouhàt  (fraction  des  Isaqqamâren), 
Les  Aït-Lôahen  (une  partie). 
Les  Kêl-Taroûrit. 

On  accorde  aux  Tédjéhé-Mellen  un  esprit  de  conciliation  utile 
aux  bons  rapports  entre  les  deux  branches  de  la  grande  famille  des 
Touareg  du  Nord. 

Tribu  d$s  Kél'Rhêlà. 

La  plus  puissante  de  la  confédération  par  le  nombre  de  ses 
hommes  nobles,  de  ses  serfs  et  des  tribus  satellites  qui  gravitent 
autour  d'elle,  la  tribu  des  Kôl-Rhelà  est  aux  Ahaggâr  ce  que  celle 
des  Orâghen  est  aux  Azdjer.  La  position  qu'elle  occupe  à  la  tôte  et  au 
centre  du  plateau,  citadelle  de  la  confédération,  lui  assigne  aussi  le 
rang  de  tribu  capitale.  On  sait  déjà,  parla  Note  de  Brahîm-Ould-Sîdi, 
que  l'aïeul  des  Kôl-Rhelà  est  un  sultan  du  nom  d'El-'Alouï. 

A  tous  ces  titres,  cette  tribu  donne  à  la  confédération  son  amghâr 
ou  chef  des  chefs. 


376  TOUAREG  DU   NORD. 

J'ai  dit  que  le  centenaire  Guemâma  était  en  possession  de  cette 
dignité ,  par  droit  de  naissance,  mais  que,  par  suite  de  nécessité  ma- 
jeure, on  avait  dû  en  conférer  les  fonctions  à  El-Hâdj-Ahmed,  de  la 
tribu  des  Ifôghas,  et  frère  du  Cheikh-'Othmân.  Je  ne  reviendrai  pas 
sur  cette  transaction. 

Ahitârhen  est  le  chef  particulier  de  la  tribu. 

Les  serfs  des  Kêl-Rhelâ  sont  : 
I^s  Imesselîten  (un  tiers), 
Les  Kêl-Rhâfsa  (la  moitié), 
Les  Isaqqamâren  (une  partie), 
Les  Kêl-Ingher, 
Les  Kôl-Rhârîs, 
Les  Kêl-Tesôka, 
Les  Kôl-Adenek, 
Les  KôMIfedest, 
Les  Kél-Tâzhôlet, 
Les  Kél-Tahât, 

Les  ïsândaten, -  ^ oV  c  -  v .  c^  ^^  ^  -  ■» '  "  * '^^ *  - 
Les  Martamaq, 
I^s  Dag-wân-Taouât. 

J'ai  à  faire  ici  plus  d'une  remarque  sur  le  rôle,  l'importance  et  la 
position  des  tribus  imrhâd  de  la  dépendance  des  Kêl-Rhelâ. 

In-Sâlah  est  le  marché  des  \haggâr;  les  Kôl-îngher  habitent  le 
petit  village  de  ce  nom  dans  le  Tidîkelt  ef  servent  de  point  d'appui 
aux  nobles  quand  ils  se  rendent  au  marché. 

La  route  de  Rhât  à  In-Sâlah  est  la  principale  artère  qui  traverse 
les  montagnes;  les  Isaqqamâren  dans  le  Tasîli  et  les  Kél-Rhârîs dans 
le  Mouydîr  en  commandent  les  principaux  passages. 

Sur  cette  route  s'effectuent  de  nombreux  transports  ;  les  Isaqqa- 
mâren, riches  en  chameaux,  en  ont  le  monopole. 

La  seule  production  de  quelque  valeur  commerciale  dans  le  Ahag- 
gâr  est  celle  du  séné  ;  lesKêl-Ihàfsa  occupent  les  territoires  de  Wahel- 
lidjen  et  d'Arhafra  qui  le  produisent. 

les  nobles  seigneurs  peuvent  redouter  des  surprises  dans  leur 
citadelle  du  Ahaggâr;  quatre  tribus  serves,  sédentaires,  veilleront, 
sentinelles  vigilantes,  aux  quatre  points  cardinaux  de  leur  territoire  : 


HISTORIQUE  DES   TRIBUS.  377 

les  Kél-Tahût  au  Sud  Ouest,  les  Kêl-Tazhôlet  au  Sud-Est,  les  Kêl- 
Tîfedest  et  les  Kêl-Adenek  au  Nord.  Par  ces  deux  dernières  tribus,  les 
Kêl-Rhelà  commandent  les  deux  routes  d'Idélès  à  In-Sâlah,  et  d'Idëlès 
à  Ouarglà. 

A  ces  signes,  on  reconnaît  une  tribu  qui  domine  et  qui  veut  con- 
server SI  prépondérance. 

M.  le  commandant  Hanoteau,  dans  sa  Grammaire  temâ>chek\ 
donne  quelques  détails  sur  les  Isaqqamâren  ;  je  les  consigne  ici  : 

«  Les  Isaqqamâren  comptent  deux  douars  de  quarante  tentes  cha- 
cun. Ils  ont  beaucoup  de  chameaux. 

a  Leur  territoire  est  compris  entre  Tiferkan  du  côté  du  Touât,  Tîn- 
Zaouâten  du  côté  de  Rhât  et  Tîn-Gharest  du  côté  du  Ahaggàr.  » 

L'esclave  duquel  M.  le  commandant  Hanoteau  a  obtenu  ces  ren- 
seignements se  souvenait  encore  d'un  chant  sur  les  Isaqqamâren;  il 
le  cite  comme  exemple  de  poésie  temàchek*.  Je  le  copie,  car  il  repro- 
duit l'opinion  des  Touareg  sur  eux-mêmes  : 

«  Les  Isaqqamâren,  dit-il,  ne  sont  pas  des  hommes,  car  ils  n'ont 
ni  lances  en  fer,  ni  lances  à  hampe  de  bois,  ni  harnachements,  ni 
selles,  ni  boucliers,  rien,  en  un  mot,  de  ce  qui  rend  l'homme  joyeux, 
pas  même  de  chameaux  gras  et  bien  portants. 

M  Cependant  ne  portez  pas  sur  eux  un  jugement  trop  absolu,  car 
ils  sont  très-méi anges,  et  l'on  trouve  chez  eux  des  gens  de  toute 
condition. 

<(  Quelques-uns  n'ont  que  leur  bâton  pour  tout  bien;  d'autres 
sont  pauvres ,  mais  à  l'abri  du  besoin  ;  d'autres  sont  possédés  du 
démon. 

«  II  y  en  a  qui  font  le  pèlerinage  de  la  Mekke  et  le  renou- 
vellent; il  y  en  a  qui  savent  lire  le  Coran  et  qui  l'apprennent  par 
cœur. 

«  11  y  en  a,  enfin,  qui  ont  aux  pâturages  des  chamelles  avec  leurs 
petits  et  des  lingots  d'or  bien  envelopf)és  dans  des  chiffons. 

^  «  Quant  aux  armées,  ils  ne  se  joignent  pas  à  elles  :  c'est  pour- 
quoi les  pointes  de  leurs  lances  sont  aussi  aiguës  et  leurs  boucliers 
si  beaux.  » 

Nonobstant  le  dire  du  poëte ,  les  Isaqqamâren  passent  pour  des 
convoyeurs  de  caravanes  très-braves,  et  même  on  les  accuse  d'aimer 
un  peu  trop  les  querelles. 


378  TOUAREG   DU   NORD. 


Tribu  des  Irhechchoûmen, 

Petite  tribu,  satellite  des  Kêl-Rhelâ,  vivant  comme  ces  derniers 
sur  les  plateaux  les  plus  élevés  du  Àhaggâr. 
Son  chef  est  Ouân-Sella. 

Trthu  des  Ibôguelàn. 

Le  nom  d'Ibôguelân  est  un  objet  d'effroi  dans  tout  le  Sahara ,  car 
cette  tribu  ne  vit  que  du  produit  de  ses  courses. 

Nomade,  elle  n'a  pas  de  territoire,  si  ce  n'est  un  centre  de  réunion 
entre  le  Tîfedest  et  les  sommets  du  Ahaggâr,  chez  les  Kôl-Rhelâ»  leurs 
parents  et  alliés. 

Assurée  de  sa  retraite  et  certaine  d'être  protégée  au  besoin,  en  cas 
de  revers,  elle  ne  craint  pas  de  s'aventurer  au  loin,  et  même  d'aller 
en  course  jusque  dans  l'Azaouad,  au  Nord  de  Timbouktou. 

Les  autres  indigènes,  Arabes  ou  Touareg,  ne  pouvant  s'expliquer 
comment  les  Ibôguelàn  ne  succombent  pas  au  rude  métier  qu'ils  font, 
prétendent  très-sérieusement  qu'ils  sont  fils  d'un  djinn  ou  génie  et 
d'une  fille  d'Eve.  Le  généalogiste  Brahîm-Ould-Sîdi  s'abstient  même 
de  les  mentionner. 

Leur  chef  est  Akourzelli. 

Leurs  serfs  sont  les  Imesselîten  (un  tiers)  et  les  Iberbêren. 

Ce  dernier  nom,  comme  celui  des  Iworworen,  tribu  serve  des 
Orâghen,  rappelle  celui  de  Berbères  que  nous  donnons  à  toute  la  race. 

Tribu  des  TàUoq. 

Cette  tribu,  à  peu  près  égale  en  forces  à  celle  des  Kêl-Rhelâ,  leur 
sort  de  contre-poids,  dans  le  Ahaggâr,  comme  les  Imanghasâten  con- 
tre-balancent  la  puissance  des  Orâghen  chez  les  Azdjer. 

File  ocx:upe  le  versant  Ouest  du  massif  du  Ahaggâr,  position  qui 
la  rapproche  de  la  route  d'In-Sâlah  à  Timbouktou. 

Son  chef  est  Si-Mohammed. 

Leurs  serfs  sont  : 

Les  Kêl-Ahenet,  placés  en  sentinelle  avancée  entre  la  route  de 
Timbouktou  et  la  montagne; 


HISTORIQUE  DES  TRIBUS.  379 

Les  Kêl-Rhâfsa  (par  moitié  avec  les  serfs  des  Kêl-Rhelâ),  dans  la 
contrée  productrice  du  séné; 
Les  Imesselîten  (un  tiers); 

Les  Ikelàn,  tirant  leur  origine  de  nègres  affranchis;* 
Les  Tédjéhé-n-Afîs. 

Ces  deux  dernières  tribus  serves  sont  nomades  et  chargées  de  la 
garde  des  troupeaux. 

Les  principales  familles  des  TAïtoq  passent  pour  avoir  conservé 
des  traces  de  leur  noble  origine  et  pour  mener  une  existence  moins 
matérielle  que  celle  des  autres  tribus. 

Dribu  des  Tie^éhé-n-EgotUi. 

Tribu  nomade,  satellite  des  Kôl-Ahamellen. 
Pas  de  territoire  propre,  pas  de  serfs. 
Son  chef  est  El-Ouahâb. 

Tribu  des  Ikcuiéen, 

Autre  satellite  des  Tâïtoq,  habitant  le  versant  occidental  du 
Ahaggâr. 

Cette  tribu  a  pour  serfs  les  Eharhân. 

Son  chef  est  Mohammed-Eg-Semâna ,  sorte  de  géant,  redouté  à 
cause  de  sa  bravoure. 

Tribu  dês  InembA-KH-Tahât. 

Le  mont  Tahât,  que  cette  tribu  habite,  est  un  des  points  les  plus 
élevés  du  Ahaggâr. 

Ces  montagnards  ont  peu  d'importance  ;  un  tiers  de  la  tribu  serve 
des  Imesselîten  leur  appartient. 

Leur  chef  est  Ourzîg. 

Tribu  des  Inembâ-Kél'ÊmoghH. 

Les  vallées  d'Ouâdinki  et  d'Emoghrî,  qui  descendent  du  versant 
Nord-Est  du  Ahaggâr,  pour  aboutir  à  la  Sebkha  d'Amadghôr,  sont  les 
lieux  de  résidence  de  cette  tribu,  peu  importante  d'ailleurs. 


380  TOUAREG  DU   NORD. 

S'js  serfs  sont  : 
Les  Aït-Loâhen  (une  partie)» 
Les  Ehen-n-Ehôlagh , 
Les  Aï^-Loâhen-kél-Tazhôlet. 

Son  chef  se  nomme  Oû-Rhalla. 

Tribu  des  [kerrêmôtn. 

Petite  triba  sans  importance,  n'ayant  pas  de  serfs,  vivant  à 
Tazhoûlt. 

Elle  a  pour  chef  El-Kounti-eg-Findeguema. 

Tribu  dês  Tédiéhé-n^ùdi-Stdi, 

La  tribu  qui  porte  ce  nom  n'a  aucun  point  de  résidence  fixe";  elle 
erre  dans  le  désert,  sous  la  conduite  de  Mettoûk. 

Tribu  des  Ennitra. 

Autre  tribu  nomade  qui ,  de  même  que  la  précédente ,  parcourt 
rimmensité  du  Sahara. 

Son  chef,  Eg-Anléouen,  a  la  réputation  d'être  un  brigand. 

Tribu  des  Tédjéhé-n-Esakkal, 

Encore  une  tribu,  annexe  des  Kêl-Ahamellen,  qui  a  pour  chef 
Afinguenàn,  et  sur  laquelle,  comme  pour  les  trois  précédentes,  il 
m'a  été  impossible  d'avoir  des  renseignements. 

On  les  connaît  de  nom ,  on  sait  quels  sont  leurs  chefs»  Que  peut-on 
savoir  de  plus  de  tribus  n'ayant  ni  feu  ni  lieu,  et  dont  toute  l'exis- 
tence se  consume  à  suivre  dts  troupeaux  et  à  disputer  des  puits  et 
des  pâturages  à  leurs  voisins? 

Sans  aucun  doute,  ces  tribus  trouvent  beaucoup  de  charmes  dans 
leur  vie  vagabonde,  mais  il  faudrait  se  faire  nomade  comme  elles 
pour  pouvoir  les  apprécier. 


CHAPITRE  IV. 


CARACTÈRES    DISTINCTIFS    DES    TOUÀRKG. 


Le  mouvement  de  migration  des  Touareg,  du  Nord  au  Sud,  s'est 
opéré  avant  les  grandes  conquêtes  qui  ont  amené  tant  de  peuples  dif- 
férents dans  le  Nord  de  TAfrique. 

Refoulant  une  race  inférieure,  beaucoup  d'entre  eux,  les  nobles 
surtout,  paraissent  avoir  mis  un  point  d'honneur  à  s'abstenir  de  toute 
union  avec  les  vaincus. 

Préservés,  depuis  leur  implantation  au  centre  du  Sahara,  de  toute 
invasion  :  du  côté  du  Nord ,  par  la  zone  défensive  des  dunes  de 
l"Erg  ;  du  côté  du  Sud ,  par  la  barrière  que  leurs  frères  d'Aïr  et  les 
Aouélimmîden  ont  opposée  à  la  réaction  de  la  race  noire  contre  la 
race  blanche,  les  Touareg  du  Nord  semblent  devoir,  au  plus  haut 
degré,  représenter  le  type  primitif  de  la  race  berbère,  si  ce  type  peut 
être  retrouvé  en  toute  pureté. 

Seuls,  du  haut  de  leurs  montagnes,  ils  ont  pu  contempler  toutes 
les  révolutions  qui  ont  tant  de  fois  bouleversé  l'Afrique  occidentale , 
sans  jamais  être  atteints  par  elles. 

On  ne  sera  donc  pas  étonné  que  je  consacre  un  chapitre  spécial  à 
l'étude  des  caractères  qui  distinguent  les  Touareg  du  Nord  des  autres 
peuplades  qui  les  environnent. 

Caractères  physiques. 

En  général,  les  Touareg  sont  de  haute  taille,  quelques-uns  même 
paraissent  de  vrais  géants. 

Tous  sont  maigres,  secs,  nerveux;  leurs  muscles  semblent  des 
ressorts  d'acier. 


382  TOUAREG  DD  NORD. 

Blanche  est  leur  peau,  dans  reirfaoce;  mais  le  soleil  ne  tarde  pas 
à  lui  donner  la  teinte  bronzée  ^)éda]e  aux  habitants  des  tropi- 
ques. 

Chez  les  serfs,  une  teinte  plus  foncée  de  la  peau  est  souvent  due 
au  mélange  du  sang  noir  avec  le  sang  blanc. 

.JLe  type  caucasique  est  celui  de  leur  ûgure  :  face  ovale  et  allongée 
chez  les  uns,  ronde  chez  les  antres  :  front  large,  yeux  noirs,  nez 
petit,  pommettes  saillantes,  bouche  moyenne,  lèvres  fines,  dents 
blanches  et  belles,  quand  ellfs  n'ont  pas  été  cariées  par  l'usage  du 
naCron ,  barbe  noire  et  rare,  cheveux  lisses  et  noirs.  Quelques-uns 
ont  des  yeux  bleus,  mais  cette  nuance  se  rencontre  peu  fréquem- 
ment. 

Les  yeux,  chez  toutes  les  personnes  qui  ont  dépassé  quarante  ans, 
paraissent  voilés  et  obscurs.  Cet  effet  est  dû  à  l'intensité  de  la  lumière 
et  à  l'action  de  la  réverbération  solaire.  Beaucoup  deviennent  borgnes 
ou  aveugles  avant  l'âge  de  la  vieillesse. 

Le  tronc,  aussi  bien  chez  l'homme  que  chez  la  femme,  est  lar- 
gement développé. 

Les  membres  supérieurs  et  inférieurs,  allongés,  musculeux,  se 
terminent  par  des  mains  petites  et  bien  faites  et  par  des  pieds  qui 
seraient  égalenSent  beaux,  si  le  gros  orteil,  effet  ou  cause  de  la  chaus- 
sure employée,  ne  faisait  une  saillie  désagréable  à  l'œil. 

Les  hommes  sont  généralement  forts,  robustes,  infatigables, 
quoique  leur  alimentation  moyenne  soit  de  beaucoup  inférieure  à 
celle  de  l'Européen;  chez  eux,  pas  d'individus  chétifs,  rachitiques. 
Le  climat  fait  rapidement  justice  de  tout  ce  qui  est  mal  constitué. 

Les  femmes,  grandes  aussi,  au  port  altier,  sont  généralement 
belles ,  mais  de  cette  beauté  à  laquelle  l'éducation  ne  donne  pas  de 
distinction.  Leur  physionomie  les  rapproche  cependant  beaucoup  plus 
des  femmes  européennes  que  des  femmes  arabes. 

Un  des  caractères  physiques  auxquels  un  targui  peut  se  reconnaître 
entre  mille,  est  l'attitude  de  sa  démarche  grave,  lente,  saccadée,  à 
grandes  enjambées,  la  tête  haute,  attitude  qui  rappelle  un  peu  celle 
de  l'autruche  ou  du  chameau  en  marche,  mais  qui  est  due  principa- 
lement au  port  habituel  de  la  lance. 

Cette  démarche  a  été  remarquée  par  tous  les  Algériens,  chaque  fois 
que  des  Touareg  sont  venus  dans  la  colonie. 

Pour  l'ensemble ,  voir  la  planche  ci-contre. 


TYPES    TOUAnEG. 

Daprès  Jes  photographies  de  M.  Crémière. 


1-.*^ 


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-►  ^ 


CAHACTÈRES  DISTINCTIFS.  383 


Caractères  moraux, 

Ebn-Khaldoûn ,  dans  son  Histoire  des  Berb>res^,  trace»  en  ces 
termes,  les  caractères  moraux  de  cette  race  : 

«  Citons,  dit-il,  les  vertus  qui  font  honneur  à  Thomme  et  qui 
a  étaient  devenues,  pour  les  Berbères,  une  seconde  nature  :  leur  em- 
«  pressement  à  s'acquérir  des  qualités  louables,  la  noblesse  d'àme 
«  qui  les  porta  au  premier  rang  parmi  les  nations,  les  actions  par  les- 
«  quelles  ils  méritèrent  les  louanges  de  T  uni  vers  :  bravoure  etpromp- 
«  titude  à  défendre  leurs  hôtes  et  clients;  fidélité  aux  promesses ,  aux 
«  engagements  et  aux  traités;  patience  dans  l'adversité,  fermeté  dans 
«  les  grandes  afflictions,  douceur  de  caractère  ^  indulgence  pour  les  dé- 
«  fauts  d' autrui,  éloignement  pour  la  vengeance,  bonté  pour  les  mal- 
«  heu^reux,  respect  pour  les  vieillards  et  les  hommes  pieux,  empresse- 
«  ment  à  soulager  les  infortunés  y  industrie,  hospitalité,  charité,  magna* 
«  nimité,  haine  de  l'oppression,  valeur  déployée  contre  les  empires  qui 
M  les  menaçaient,  victoires  remportées  sur  les  princes  de  la  terre,  dé- 
a  vouement  à  la  cause  de  Dieu  et  de  sa  religion  :  voilà,  pour  les  Ber- 
ce bères,  une  foule  de  titres  à  une  haute  illustration,  titres  hérités 
«  de  leurs  pères  et  dont  Texposition,  mise  par  écrit,  aurait  pu  servir 
«  d'exemple  aux  nations  à  venir.  » 

Les  Touareg  ont  encore,  au  plus  haut  degré,  quelques-unes  des 
belles  vertus  assignées  à  leur  race,  il  y  aura  bientôt  six  siècles,  par 
un  historien  impartial,  car  il  était  Arabe. 

La  bravoure  des  Touareg  est  proverbiale.  Quoi  qu'on  en  ait  dit,  ils 
n'empoisonnent  jamais  leurs  flèches  oi  leurs  lances;  entre  eux  ils 
dédaignent  l'emploi  des  armes  à  feu ,  qu'ils  appellent  armes  de  la 
traîtrise,  parce  qu'un  homme  embusqué  derrière  une  broussaille  peut 
tuer  son  adversaire  sans  courir  aucun  danger. 

La  défense  de  leurs  hôtes  et  de  leur  clients  est  encore  la  vertu 
par  excellence  des  Touareg,  et,  si  elle  n'était  érigée  chez  eux  à  l'état 
de  religion,  le  commerce  à  travers  les  déserts  du  Sahara  serait 
impossible. 


i.  Traduction  française  par  M.  le  baron  deSlane.  Alger,  1852.  Tome  I,  p.  199 
etSUO. 


384  TOUAREG  DU   NORD. 

La  ûdéiité  aux  promesses,  aux  traités,  est  poussée  si  loin  par  les 
Touareg,  qu'il  est  difficile  d'obtenir  d'eux  des  engagements  et  dan- 
gereux d'en  prendre ,  parce  que ,  s'ils  se  fout  scrupule  de  manquer 
à  leur  parole,  ils  exigent  l'accomplissement  rigoureux  des  promesses 
qui  leur  sont  faites.  Il  est  de  maxime  chez  les  Touareg,  en  matière  de 
contrat,  de  ne  s'engager  que  pour  la  moitié  de  ce  qu'on  peut  tenir, 
afin  de  ne  pas  s'exposer  au  reproche  d'infidélité.  Comme  tous  les 
autres  musulmans,  ils  subordonnent  bien  leur  exactitude  à  la  volonté 
de  Dieu,  mais  ils  ne  spéculent  pas  sur  cette  réserve. 

Quand  un  targui  quitte  sa  famille  pour  aller  en  voyage ,  il  confie 
à  son  voisin  l'honneur  de  sa  maison,  et  le  voisin  venge  les  affronts 
faits  à  l'absent  avec  plus  de  rigueur  que  s'il  s'agissait  de  lui-même. 

La  patience,  la  résignation  et  la  fermeté  des  Touareg  dans  la 
misère ,  peuvent  être  égalées ,  mais  non  surpassées  :  car,  sans  ces 
vertus,  comment  pourraient-ils  vivre  au  milieu  de  déserts  où  Ton  ne 
voit  souvent  ni  une  plante,  ni  le  plus  petit  des  animaux? 

Je  n'ose  pas  affirmer  les  qualités  du  cœur  des  Touareg ,  dans  les 
tertiies  qu'Ebn-Khaldoûn  employait  en  parlant  des  Berbères,  au  temps 
de  la  plus  grande  puissance  de  cette  race,  parce  que,  dans  plus  d'une 
circonstance,  je  les  ai  vus  emportés,  vindicatifs,  indifférents  aux 
souffrances  des  autres.  Cependant,  au  fond,  il  faut  que  les  nobles 
soient  bons  envers  leurs  serfs  et  leurs  esclaves,  pour  que  ceux-ci  ne 
se  révoltent  pas,  ne  les  abandonnent  pas.  Et  puis,  là  où  il  n'y  a 
rien,  la  charité,  comme  le  roi,  perd  ses  droits.  Chez  les  Touareg, 
nobles  et  serfs,  riches  et  pauvres,  se  serrent  le  ventre  avec  une 
ceinture  quand  il  n'y  a  plus  de  vivres  au  logis,  et  vont  dans  les 
champs  disputer  aux  troupeaux  les  quelques  plantes  qui  peuvent 
entretenir  leur  existence.  La  générosité,  dans  ce  cas,  serait  une  vertu 
plus  qu'humaine. 

Les  capacités  industrielles  des  Touareg  sont  encore  à  la  hauteur  de 
celles  des  autres  Berbères.  Ils  ne  sont  pas  riches  en  matières  premières, 
mais  ils  approprient  à  leurs  besoins  tout  ce  qu'ils  ont  sous  la  main. 

Quant  à  la  haine  de  l'oppression,  elle  est  encore  aussi  vivace  chez 
eux  qu'aux  plus  beaux  jours  de  la  puissance  des  Berbères,  car  c'est 
leur  amour  de  l'indépendance  qui  les  a  conduits  et  les  maintient  au 
désert. 

11  est  une  qualité,  spéciale  aux  Touareg,  qu'Ebn-Khaldoûn  ne 
mentionne  pas  et  qui  a  une  valeur  réelle  pour  des  hommes  perdus  dans 


CARACTÈRES  DISTINCTIFS.  385 

rimmensité  des  déserts  ;  je  veux  parler  de  leur  aptitude  aux  grands 
voyages,  au  milieu  de  dangers  de  toute  nature.  Essentiellement  cos- 
mopolite, le  targui  passe  sans  transition  du  climat  sain  de  ses  mon- 
tagnes dans  les  marécages  de  l'Afrique  centrale,  d'une  température 
quelquefois  au-dessous  de  zéro  à  celle  de  la  zone  torride,  d'un  pays 
où  il  pleut  rarement  dans  des  contrées  où  les  pluies  tropicales  amè- 
nent des  déluges  d'eau.  Dans  ces  pérégrinations,  il  résiste  à  des 
épreuves  qui  tuent  les  animaux  les  plus  robustes. 

J'ajouterai  encore  que  le  mensonge,  le  vol  domestique  et  l'abus 
de  confiance  sont  inconnus  des  Touareg. 

Un  targui  a-t-il  commis  un  crime,  il  fuira;  mais,  s'il  est  pris,  il 
l'avouera,  dût  sa  vie  dépendre  de  son  aveu. 

Un  targui  arme-t-il  en  course  et  fait-il  huit  cents  kilomètres  pour 
aller  enlever  au  pâturage  du  bétail  appartenant  à  une*  tribu  enne- 
mie; s'il  rencontre  en  chemin  des  marchandises  ou  des  vivres 
déposés  par  une  caravane ,  il  les  respectera.  Jamais  il  ne  pénétrera 
dans  une  tente  ou  dans  un  bivac  pour  y  prendre  quoi  que  ce  soit. 

Conûe-t-on  à  un  targui  des  marchandises,  de  l'argent,  pour* les 
porter  d'une  ville  dans  une  autre ,  il  aura  beau,  à  mi-chemin,  séjour- 
ner dans  sa  tente;  ni  lui,  ni  sa  femme,  ni  ses  enfants,  fussent-ils 
dans  le  plus  grand  dénûment,  n'y  toucheront. 

Prête-t-on  sur  parole,  même  sans  témoin,  de  l'argent  à  un  targui, 
il  le  rendra,  fût-ce  vingt  ans  après,  s'il  lui  a  fallu  ce  temps  pour 
réaliser  la  somme  empruntée,  et  il  passera  trois  mois  sur  les  routes 
pour  aller  la  restituer.  Si  le  prêteur  est  mort,  la  dette  est  remboursée 
à  ses  héritiers,  et  si  l'emprunteur  meurt  insolvable,  ses  enfants  tien- 
nent à  honneur  de  payer  dès  qu'ils  pourront. 

11  est  bien  entendu  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  de  ces  dons,  déguisés 
sous  le  nom  de  prêts,  que  les  Touareg  sollicitent  soufrent  de  leurs 
clients,  voyageurs  ou  commerçants,  en  sus  du  prix  de  protection 
stipulé. 

Un  targui  meurt-il  en  voyage,  ses  compagnons  de  caravane  accep- 
tent, ipso  facto,  le  mandat  de  gérer  ses  affaires  au  mieux  de  ses  inté- 
rêts, et,  au  retour,  ils  rendent  un  compte  fidèle  de  leurs  opérations 
à  ses  héritiers. 

Un  peuple  qui  a  de  telles  qualités,  au  milieu  de  quelques  défauts 
inséparables  de  l'humanité,  ne  mérite  pas  la  réputation  que  lui  ont 
faite  des  écrivains  renseignés  par  ses  ennemis. 

I.  «6 


W6  TOUAHEG  DU  NORD. 

Conservation  de  l'écriture  berbère. 
(Teftnagh.) 

Depuis  longtemps  on  savait  que  les  plus  anciens  habitants  de 
l'Afrique  septentrionale  se  servaient  de  différents  dialectes  d'une 
langue  à  laquelle,  sans  la  connaître,  on  avait  donné  le  nom  de 
langue  berbère,  comme  on  avait  appelé  Berbères  ceux  qui  la  par- 
laient. Des  vocabulaires  de  divers  dialectes  avaient  même  été  publiés, 
avant  et  depuis  l'occupation  de  l'Algérie,  par  Venture,  MM.  Delaporte 
et  Brosselard. 

On  savait  aussi  par  Ebn-Khaldoûn  que  le  Coran  avait  été  traduit, 
au  Maroc,  de  l'arabe  en  berbère,  mais  que  cette  traduction,  écrite 
d'ailleurs  avec  les  lettres  de  l'alphabet  arabe,  avait  été  détruite,  la 
parole  de  Dieu  ne  pouvant,  sans  profanation,  être  exposée  à  être  alté- 
rée^ par  des  traducteurs. 

On  savait,  enfin,  par  la  narration  du  voyage  de  Denham  et  Clap- 
perton  dans  l'Afrique  centrale,  que  le  docteur  Oudney,  leur  compa- 
gnon d'exploration,  qui  succomba  dans  le  Soudan,  avait  recueilli, 
en  1822,  un  alphabet  de  dix-neuf  lettres,  au  moyen  duquel  les  Toua- 
reg représentaient  les  mots  de  la  langue  de  leur  pays. 

Depuis,  nos  découvertes  en  cette  matière  ont  beaucoup  progressé. 
Aujourd'hui  nous  possédons  une  Grammaire  de  la  langue  temâcheK, 
par  M.  le  chef  de  bataillon  du  génie,  A.  Hanoteau,  avec  un  recueil  de 
fables,  d'histoires,  de  poésies,  de  conversations  et  de  fac-similé  d'écri- 
ture iefinagh  et,  de  plus,  les  caractères  typographiques  qui  ont  été 

fondus  pour  composer  ce  remarquable  ouvrage.  Aussi  quand,  l'année 

« 

dernière,  les  marabouts  Touareg  furent  conduits  à  l'Imprimerie  impé- 
riale, ont-ils  été  émerveillés  de  voir  sortir  des  presses  un  magnifique 
tableau  commémoratif  de  leur  visite,  imprimé  en  français  et  en 
tefinagh. 

Plus  récemment  (1862),  l'imprimeur  Harrison,  de  Londres,  a  pu- 
blié une  seconde  grammaire  du  même  dialecte ,  Grammatical  sketch 
of  the  temâhuq,  par  M.  Stanhope  Preeman,  gouverneur  de  Lagos, 
ancien  vice-consul  britannique  à  Ghadâmès. 

Antérieurement,  la  Société  biblique  de  Londres  avait  aussi  publié 
dans  la  même  langue  quelques  fragments  des  Écritures,  d'après 


CARACTÈRES  IDISTINCTIFS.  987 

James  Richardson,  mort  depuis  dans  l'exploration  dont  M.  le  docteur 
Barth  est  le  seul  survivant.  ^ 

Par  quelle  exception  les  Touareg,  ces  enfants  perdus  dans  le  dé- 
sert, avaient-ils  conservé  récriture  de  leur  langue,  quand  toutes  les 
autres  peuplades  berbères  du  littoral  méditerranéen  avaient  môme 
perdu  le  souvenir  de  son  ancienne  existence? 

L'invasion  par  les  Arabes  de  tous  les  pays  berbères,  la  conversion 
forcée  à  l'islamisme,  la  substitution  de  la  langue  du  Coran  à  toute 
autre,  la  destruction  même  des  traductions  berbères  du  Livre  saint, 
l'ardeur  avec  laquelle  quelques-uns  des  nouveaux  convertis  se  mirent 
à  la  tête  du  prosélytisme  religieux,  expliquent  comment  la  langue 
arabe  a  partout  remplacé,  comme  langue  écrite,  toutes  celles  anté- 
rieurement en  usage  dans  le  Nord  du  continent  africain. 

Garthage  aussi  avait  vu  de  même  sa  langue  et  son  écriture  na- 
tionales, qui  étaient  celles  des  Phéniciens,  effacées  par  le  fanatisme 
politique,  terribles  exemples  de  ce  que  peut  Thomme  en  matière 
de  destruction  quand  la  passion  l'anime.  Toutefois,  au  centre  du 
Sahara,  dans  un  de  ces  lieux  arides  où  des  hommes  simples  abri-  ' 
tent  leur  indépendance  et  où  l'ambition  des  conquérants  ne  pénètre 
pas,  il  y  avait  des  peuplades  de  la  race  vaincue,  mais  non  asservie, 
qui  purent  conserver  et  transmettre  à  la  postérité  ce  qui  avait  été 
anéanti  avec  tant  de  soin  partout  ailleurs. 

Au  nombre  de  quatre,  ces  peuplades,  représentant  les  quatre  frac- 
tions des  Touareg,  ont  conservé  la  même  écriture  malgré  la  diver- 
gence de  leurs  dialectes  parlés.  Il  y  a  bien  quelques  différences  dans 
la  forme  donnée  à  certaines  lettres,  suivant  les  contrées;  mais  ces 
variantes  n'ont  rien  d'étonnant.  Dans  toute  langue  écrite,  quand 
l'imprimerie  n'est  pas  là  pour  rappeler  au  type  primitif,  la  forme 
des  lettres  varie  à  l'inûni,  suivant  le  caprice  des  maîtres  et  des 
copistes.  Sous  ce  rapport,  le  tefînagh  offre  moins  de  types  différents 
que  les  écritures  de  nos  anciennes  chartes,  car  les  lettres  modernes, 
à  quelques  exceptions  près,  sont  les  mêmes  que  celles  de  l'Inscrip- 
tion de  Tugga,  contemporaine  de  l'époque  carthaginoise. 

Tout  est  exceptionnel  dans  la  conservation  de  cette  écriture;  car 
c'est  principalement  aux  dames  targuies  que  nous  sommes  redevables 
de  ce  miracle. 

Miracle  en  HSeil  dans  tout  le  continent  africain  «  les  femmes  let- 


388  TOUAREG  DU   NORD. 

trées  se  comptent  par  unités,  tandis  que  chez  les  Touareg  presque 
toutes  les  femmes  savent  lire  et  écrire,  dans  une  proportion  plus 
grande  même  que  les  hommes. 

Dès  mon  arrivée  au  milieu  de  leurs  tribus ,  je  manifestai  le  désir 
d'apprendre  le  temâhaq,  et  je  demandai  qui  pourrait  m*enseigner  la 
lecture  et  l'écriture  de  cette  langue.  A  mon  grand  étonnement,  on 
m'apprit  que  l'enseignement  du  tefînagh  était  réservé  exclusivement 
aux  fenmies,  et  quelques-unes  s'offrirent  pour  me  donner  des  leçons. 

Pour  me  guider  dans  mes  études,  j'avais  un  exemplaire  de  la  Gram- 
maire temâchek'  de  M.  Hanoteau.  Cette  circonstance  me  ût  trouver, 
en  station  comme  en  voyage,  autant  de  professeurs  que  je  pouvais 
le  désirer;  car  toutes  les  dames  targuies  voulaient  voir,  examiner, 
contrôler  cette  œuvre  merveilleuse.  Jamais  livre  en  Europe  n'a  ou 
plus  de  succès.  D'abord ,  il  flattait  l'amour-propre  national  ;  puis ,  il 
témoignait  du  grand  intérêt  que  nous  portons  à  tout  ce  qui  concerne 
les  peuples  conservateurs  de  la  langue  temâhaq;  il  était  imprimé 
sur  beau  papier,  avec  le  luxe  typographique  de  l'imprimerie  impé- 
riale ;  enfin ,  il  contenait  un  recueil  de  fables,  de  poésies,  d'histoires 
qui  n'étaient  pas  toutes  connues  dans  le  pays  et  qui  apportaient  une 
grande  distraction  dans  la  vie  monotone  du  désert. 

J'ai  lu  la  Grammaire  de  M.  Hanoteau  avec  les  Touareg,  et  je  dois 
dire  que  le  contrôle  des  linguistes  du  pays  est  tout  en  faveur  de  ce 
travail.  Le  seul  reproche  qu'on  puisse  lui  adresser  est  d'avoir  été  fait 
loin  des  lieux  où  l'on  parle  le  temâhaq,  ce  qui  n'a  pas  permis  à 
l'auteur  de  distinguer  les  différences  propres  à  chaque  dialecte. 
D'ailleurs  le  nom  de  temâchek*  qu'il  donne  à  l'idiome  objet  de  ses 
études  témoigne  que  M.  Hanoteau  a  puisé  principalement  ses  con- 
naissances dans  le  dialecte  du  Sud;  car  celui  du  Nord  porte  le  nom 
de  temâhaq. 

Chez  les  Azdjer,  presque  toutes  les  femmes  savent  lire  et  écrire, 
tandis  qu'un  tiers  des  hommes  à  peine  est  arrivé  à  ce  degré  d'in- 
struction. La  majorité  sait  mal,  et  il  est  facile,  même  à  un  Européen, 
de  constater  beaucoup  de  fautes  ;  mais  quelques-unes  écrivent  cor- 
rectement et  paraissent  être  guidées  par  de  véritables  règles. 

On  a  publié  plusieurs  alphabets  tefînagh  plus  ou  moins  complets. 
Les  plus  corrects  sont  ceux  de  MiM.  Richardson,  Hanoteau  et  Free- 
man.  Nonobstant,  je  crois  utile  de  donner  ici  celui  que  j'ai  recueilli 
dans  mon  voyage,  en  faisant  remarquer  toutefois  que  les  différences 


PI.  XXI. 


Page  388. 
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Fig.  35. 


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CARACTÈRES  DISTINCTIFS.  389 

les  plus  importantes  tiennent  à  la  forme  variable  de  quelques  letr 
très. 

J'ajouterai  à  ce  qu'ont  dit  mes  devanciers,  savoir  : 

1**  Que  le  tefînagh  s'écrit  à  volonté,  horizontalement  ou  vertica- 
lement ; 

2*»  Que,  dans  l'écriture  horizontale  ou  verticale,  les  caractères 
sont  tracés  indistinctement  de  droite  à  gauche,  de  gauche  à  droite, 
de  haut  en  bas ,  de  bas  en  haut,  bien  que  la  manière  arabe  ou  hé- 
braïque, de  droite  à  gauche,  soit  la  plus  généralement  adoptée; 

3°  Qu^  les  lettres  n'ont  pas,  comme  dans  nos  caractères,  d'une 
manière  absolue,  un  haut,  un  bas,  un  côté  droit  et  un  côté  gauche, 
mais  s'emploient  à  volonté  dans  tous  les  sens  ;  ainsi,  la  lettre  iedh, 
correspondant  à  notre  dh,  s'emploie  indistinctement  comme  il  suit: 

D'après  le  Cheikh-'Othmân,  guide  excellent  dans  toutes  les  recher- 
ches spéciales  à  l'étude  de  son  pays,  il  existerait  un  livre  de  droit, 
traduit  en  bon  temâhaq ,  mais  écrit  en  lettres  arabes.  Un  exemplaire 
de  ce  livre  existe  à  Aqabli ,  et  un  autre  entre  les  mains  de  Brahtm- 
Ould-Sîdi ,  le  savant  des  Ifôghas.  Le  brave  cheikh  m'a  promis  d'en 
faire  prendre  une  copie. 

Autrement ,  on  ne  trouve  écrits  en  tefînagh  que  des  inscriptions 
sur  les  rochers,  sur  les  armes,  sur  les  anneaux  de  bras,  les  bracelets, 
les  instruments  de  musique,  les  lanières  de  cuir,  les  boucliers  ou 
des  broderies  sur  les  vêtements.  Tous  les  écrits  sérieux,  les  livres,  les 
chroniques,  la  correspondance,  les  amulettes  sont  en  arabe,  langue 
que  beaucoup  parlent,  mais  que  les  lettrés  seuls  savent  écrire. 

Les  inscriptions  sur  les  rochers  sont  les  unes  anciennes,  les 
autres  modernes;  les  unes  gravées  en  creux  au  burin,  les  autres  en 
relief  et  exécutées  au  moyen  d'un  mastic  auquel  le  goudron  sert  de 
base  et  qui  a  la  double  propriété,  comme  l'encre  des  transpositions 
lithographiques,  de  faire  corps  avec  la  pierre  et  de  se  conserver  plus 
ou  moins  longtemps. 

Sur  les  rochers  aussi,  on  trouve  souvent,  soit  isolées,  soit  rap- 
prochées, des  sculptures,  des  gravures,  informes  bien  entendu,  mais 
qui,  quelquefois,  ont  la  prétention  de  représenter  des  scènes  all^o- 
riques. 


390  TOUAREG  DU  NORD. 

M.  le  docteur  Barth  a  déjà  livré  à  la  publicité  quelques  fac-similé 
dç  tableaux  rupestres  qu'il  a  rencontrés  sur  sa  route.  Moins  heu- 
reux que  lui,  je  n'ai  pas  eu  la  chance  d'en  trouver  d'assez  impor- 
tants pour  mériter  la  reproduction;  mais,  par  contre,  ma  collection 
d'inscriptions  est  plus  riche,  et  j'en  donne,  dans  la  planche  ci-contre, 
quelques-unes,  principalement  celles  qui  ne  me  paraissent  pas  se 
borner  à  de  simples  noms  d'hommes  ^ 

Tôt  ou  tard,  l'examen  comparé  des  sculptures  et  des  inscriptions 
rapportées  par  les  divers  voyageurs  pourra  donner  lieu  à  d'impor- 
tantes remarques  ethnograptiicfues. 

En  général,  les  lettres  des  inscriptions  sur  les  rochers  ont  envi- 
ron 6  centimètres  de  hauteur;  le  trait  se  ressent  de  l'inhabileté  des 
graveurs.  Quelques-unes  sont  frustes  et  d'une  lecture  diflficile. 

Les  Touareg  disent  que  les  inscriptions  en  creux  sont  anciennes, 
car  les  modernes  se  bornent  aux  inscriptions  en  relief,  en  noir  avec 
le  charbon,  ou  en  rouge  avec  l'ocre . 

U$age  du  voUe, 

Si,  pour  les  hommes  de  science,  la  conservation  de  l'écriture, 
d'une  écriture  perdue,  et  qui  fut  jadis  celle  exclusivement  en  usage 
dans  tout  le  Nord  du  continent  africain,  est  un  fait  capital  qui  per- 

1.  NOTES    EXPLICATIVES    DE    Là    PLANCHE    CI-CONTRE. 

Les  inscriptioDs  da  n^  1  au  n^  12  inclusivement  ont  été  copiées  sur  des  blocs 
de  grès  détachés  de  la  berge  de  rOu&di-Tamiouttn.  Elles  doivent  être  anciennes  et 
sont  peut-être  incomplètes,  car  il  est  facile  de  reconnaître  des  brisures  dans  les 
pierres.  Les  quatre  premières  appartiennent  à  un  bloc,  et  les  huit  dernier»  à  un 
second  bloc.  Les  lettres  ont  6  centimètres  de  hauteur  en  moyenne ,  le  trait  en  est 
large  et  peu  profond.  Le  dessin  de  chameau  qui  figure  au  bas  de  la  planche  a  été 
copié  sur  un  bloc  voisin  des  inscriptions. 

Les  inscriptions  du  n»  1 3  au  n°24  sont  de  la  source  d*Ahèr  ou  des  grottes  et  des 
rochers  environnants.  Parmi  un  très-grand  nombre,  ]*ai  choisi  les  moins  frustes,  et 
Je  doute  encore  qu'elles  soient  toutes  complètes.  L'une  d'elles,  le  n»  15,  Ouinek  otiw- 
lim  (moi,  musulman),  semble  révéler  une  origine  ancienne,  car  il  y  a  longtemps 
déjà  que  les  Tou&reg  n'ont  plus  besoin  d'attester  leur  foi  par  des  témoignages  exté- 
rieurs. Des  sujets,  représentant  des  autruches  et  des  chameaux,  appellent  mon  atten- 
tion ici  comme  dans  l'Ouàdi-Tamiouttn. 

Les  inscriptions  du  n*  25  au  n^  28  et  celles  du  n^  29  au  n<^  32  proviennent  :  les 
premières  de  l'Ouàdi-AHoûn ,  les  secondes  du  monument  romain  de  DJerma. 

Ces  sortes  d'inscriptions  sont  tellement  communes  dans  certaines  parties  du 
pa3rs  des  Touareg  que,  si  on  allait  à  leur  recherche,  en  en  trouverait  en  très-grand 
nombre,  surtout  dans  les  lieux  qui  sont  d'anciens  centres  d'habitation. 


P!.  XXII. 


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INSCRIPTIONS    TBPtNAGH. 


CARACTÈRES  DISTINCTIFS.  m 

mettrait  de  donner  aux  Touareg  le  surnom  de  Conservateurs  du  tef\r 
nagh,  l'usage  du  voile  est  pour  1q  vulgaire  un  signe  plus  caractéris- 
tique encore;  car,  dès  leur  arrivée  en  Afrique,  les  Arabes  ont 
immédiatement  appelé  ces  peuples  :  Molâthemin,  les  voilés ,  ou  Ahôl- 
el'lithâm,  les  gens  du  voile;  et  les  historiens  arabes  leur  ont  depuis 
conservé  ce  surnom. 

Le  voile,  en  effet,  est  d'usage  général  chez  les  Touareg,  et  ils  ne 
le  quittent  jamais,  ni  en  voyage,  ni  au  repos,  pas  môme  pour  man- 
ger, encore  moins  pour  dormir;  de  là,  grande  difficulté  pour  voir  le 
visage  d'un  targui. 

Quoique,  par  imitation,  les  chefs  arabes  de  Timbouktou,  les 
princes  Fellâta,  les  gens  d'Jn-Sâlah,  de  Ghadâmès,  de  Rhât,  les 
Arabes  nomades  du  Touât,  et  les  Teboû,  aient  aussi  la  figure  voilée 
ou  couverte,  les  Touareg  sont  réellement  les  seuls  chez  qui  l'usage 
du  voile  est  général  et  passé  dans  les  mœurs. 

11  est  difficile  de  remonter  à  l'origine  de  cette  coutume  et  de  lui 
assigner  une  cause. 

L'usage  du  voile  est  hygiénique,  dit-on.  Il  préserve  les  yeux  de 
l'action  trop  intense  du  soleil,  le  nez  et  la  bouche  de  la  poussière  fine 
des  sables  et  il  entretient  l'humidité  à  l'entrée  des  deux  principales 
voies  respiratoires,  ce  qui  est  important  sous  un  climat  où  l'air  est 
excessivement  sec. 

Mais ,  si  une  raison  exclusivement  hygiénique  a  fait  adopter  le 
voile,  pourquoi  les  femmes  ne  le  portent-elles  pas?  pourquoi  les 
hommes  ne  se  débarrassent-ils  pas  la  nuit,  au  repos,  quand  il  n'y  a 
ni  soleil,  ni  sables,  ni  air  chaud  et  sec,  d'un  vêtement  toujours  gê- 
nant, malgré  la  grande  habitude  de  le  porter? 

Un  targui,  quel  qu'il  soit,  croirait  manquer  aux  convenances  en 
se  dévoilant  devant  quelqu'un,  à  moins  que  ce  ne  soit  dans  l'ex- 
trême intimité  ou  pour  satisfaire  à  la  demande  d'un  médecin  à  l'effet 
de  constater  la  nature  d'une  maladie.  A  part  ces  cas  exceptionnels, 
le  voile  doit  toujours  couvrir  le  visage. 

A  Paris,  j'ai  vainement  sollicité  le  Cheikh-'Othmân  et  ses  deux 
disciples  de  laisser  tomber  leur  voile  devant  l'appareil  photographi- 
que, en  leur  affirmant  que  ce  n'était  à  autre  fin  que  d'avoir  une  image 
fidèle  des  traits  d'hommes  aimés;  je  ne  pus  obtenir  cette  faveur. 

Ce  n'était  pas  affaire  de  religion ,  car  le  Cheikb^'OthmÂn  i^aiC 


3M  TOUAREG  DU   NORD. 

SQus  les  yeux  les  photographies  d"Abd-el*Kâder  et  du  chef  de  la  con- 
frérie doDt  il  est  un  des  principaux  dignitaires,  et  il  ne  les  blâmait 
pas  de  leur  condescendance;  mais  sa  qualité  de  targui  lui  faisait 
considérer  comme  une  sorte  de  profanation  de  se  dévoiler,  en  dehors 
de  tout  regard,  même  devant  le  miroir  d*un  appareil. 

On  a  cru,  d'après  des  informations  inexactes,  que  les  Touareg 
portaient  le  voile  parce  qu'ils  ne  voulaient  pas  être  reconnus  comme 
auteurs  des  cruautés  qu'ils  exercent  sur  leurs  ennemis. 

Cette  interprétation  est  fausse  pour  trois  motifs  :  d'abord  les  Toua- 
reg ne  sont  pas  cruels;  puis,  malgré  leur  voile,  ils  se  reconnaissent 
entre  eux  comme  s'ils  n'étaient  pas  voilés;  enûn,  ils  repoussent  les 
armes  à  feu,  qu'ils  appellent  armes  de  traîtrise,  considérant  comme 
seul  honorable  le  combat  à  l'arme  blanche,  corps  à  corps,  face  à  face. 

Parmi  les  porteurs  de  voile,  on  distingue  ceux  qui  font  usage  du 
voile  blanc  de  ceux  qui  ont  le  voile  noir. 

Par  un  contraste  fréquent  dans  la  nature,  les  Touareg  à  figure 
blanche,  aux  traits  caucasiques,  les  nobles  en  particulier,  ont  adopté 
exclusivement  le  voile  noir;  au  contraire,  les  hommes  de  race  infé- 
rieure, ceux  chez  lesquels  le  sang  du  nègre  se  manifeste,  ont  donné 
la  préférence  au  voile  blanc.  Ce  dernier,  plus  facile  à  laver,  d'un 
prix  inférieur,  est  aussi  préféré  par  un  grand  nombre  des  habitants 
des  villes  de  Rhàt,  de  Ghadàmès  et  d'In-Sâlah. 

De  là,  deux  classes  de  Lithâmiens  :  les  blancs  et  les  noirs. 

Dans  le  langage  vulgaire,  et  par  abréviation,  les  Arabes  disent 
quelquefois  aussi  Touareg  blancs  pour  Touareg  serfs  et  Touareg  noirs 
pour  Touareg  nobles. 

Ceux  qui  ont  fait  de  cette  division  en  blancs  et  en  noirs,  d'après 
la  couleur  du  voile ,  une  division  basée  sur  la  couleur  de  la  peau , 
ont  donc  commis  une  erreur. 

Anneau  de  pierre  au  bras. 

Tous  les  Touareg,  dès  que  leur  âge  leur  permet  de  prendre  les 
armes,  portent  au  bras  droit,  entre  le  ventre  du  biceps  et  l'attache 
inférieure  du  deltoïde,  un  anpeau  en  pierre  qui,  une  fois  mis  en 
place,  n'est  jamais  enlevé. 

Le  but  de  cet  usage,  disent  les  Touareg,  est  de  donner  plus  de 
force  au  bras  pour  assener  un  coup  de  sabre. 


CARACTÈRES   DISTINCTIFS.  393 

Dans  les  combats  corps  à  corps,  quand  deux  champions  se  tien- 
nent enlacés  de  manière  à  ne  pouvoir  plus  faire  usage  de  leurs 
armes,  chaque  combattant  cherche  à  écraser  les  tempes  de  son  ad- 
versaire sous  Tanneau  de  son  bras. 

Ces  anneaux,  en  serpentine,  de  couleur  verte,  avec  des  raies  d'un 
vert  plus  foncé,  sont  larges  et  arrondis,  de  manière  à  ne  pas  blesser 
celui  qui  les  porte,  On  les  fabrique  dans  les  contrées  où  se  trouve  la 
serpentine,  chez  les  Aouélimmiden  et  chez  les  Azdjer. 

Quoique  chaque  targui,  à  l'exception  des  marabouts,  ait  un 
anneau  à  son  bras,  cet  article  est  assez  rare  dans  le  pays  pour  que 
je  n'aie  pas  eu  l'occasion  d'en  acheter  un  pour  mes  collections. 

Seuls,  au  milieu  de  tous  les  peuples  qui  les  environnent,  les 
Touareg  portent  l'anneau  de  pierre  au  bras  droit. 

Poignard  d*avanUbrai. 

Il  est  une  arme  aussi  dont  un  targui  ne  se  sépare  jamais;  c'est 
un  poignard  plat,  de  la  longueur  d'une  coudée,  fixé  par  un  large 
bracelet  en  cuir  à  la  face  interne  de  Tavant-bras  gauche,  de  manière 
que  la  poignée  soit  toujours  à  la  disposition  de  la  main  droite,  sans 
gêner  aucun  mouvement. 

Cette  arme  exceptionnelle,  portée  d'une  manière  si  exception- 
nelle, n'appartient  encore  qu'aux  Touareg  seuls. 

Succession  maternelle,  —  Droit  d*atn$sse  politique  au  profit  du  fils  de  la  scBur  ainée, 

(  Bent-Oummîa.  ) 

Déjà ,  la  Note  de  Brahîm-Ould-Sîdi  sur  leurs  origines  a  fait  con- 
naître que  les  Touareg  attachent  un  aussi  grand  prix  à  la  filiation 
maternelle  qu'à  la  descendance  paternelle,  et  qu'entre  eux  ils  distin- 
guent les  tribus  qui  suivent  l'ordre  de  succession  maternelle ,  par  le 
nom  de  Beni-Oummïa ,  de  celles  qui ,  exceptionnellement ,  et  depuis 
l'introduction  de  l'islamisme,  ont  adopté  la  succession  paternelle ,  et 
qu'ils  appellent  Ebna-Sîd. 

Déjà,  dans  le  paragraphe  consacré  à  Rhât,  j'ai  été  amené  à  constater 
chez  les  Berbères  Ihàdjenen,  fondateurs  de  cette  ville,  une  constitu- 
tion de  la  famille  et  une  loi  d'hérédité  différentes  de  celles  des  autres 
peuples  de  religion  juive,  chrétienne  ou  musulmane. 


398  TOUAREG   DU  NORD. 

.  Dans  les  temps  très-anciens,  dit  la  tradition,  un  de  leurs  sultans 
se  trouva  atteint  par  le  mauvais  œil. 

Le  mauvais  œil,  quelque  chose  comme  la  jeUatura  des  Italiens! 

L'effet  du  mauvais  œil  fut  que  la  première  femme  du  sultan 
conçut  de  lui  un  djinn  ou  génie  qui,  aussitôt  entré  dans  ce  monde, 
alla  rejoindre  ses  frères  dans  le  royaume  des  esprits. 

Le  sultan,  comme  il  arrive  toujours  en  pareil  cas,  accusa  sa 
femme  et  la  répudia. 

11  prit  une  seconde  femme.  Même  résultat,  avec  cette  différence 
que  le  produit  de  leurs  amours  fut  un  inn,  autre  être  surnaturel, 
au  lieu  d'être  un  djinn. 

Nouveau  divorce,  nouveau  mariage,  renouvelé  une  troisième, 
une  quatrième,  une  cinquième  fois. 

On  dit  même  que  le  sultan  eut  la  vertu  d'aller  jusqu'au  chiffre  de 
soixante  femmes  sans  pouvoir  obtenir,  pour  héritier  de  son  royaume, 
autre  chose  que  des  inn  ou  des  djinn  qui,  tous,  à  leur  naissance, 
disparaissaient,  laissant  en  deuil  père  et  mère  et  tous  ceux  intéres- 
sés à  leur  malheureux  sort. 

Pendant  toute  cette  série  d'épreuves,  le  sultan  était  devenu  vieux 
et,  le  chagrin  aidant,  il  ne  pouvait  songer  à  convoler  à  de  nouvelles 
noces. 

Quel  parti  prendre  en  telle  occurrence? 

En  homme  sage,  désireux  d'épargner  à  ses  sujets  les  malheurs 
de  la  guerre  civile,  inévitable  à  sa  mort,  pour  le  partage  de  ses 
biens  et  de  son  pouvoir,  le  sultan  réunit,  de  son,  vivant,  une  assem- 
blée générale  de  tous  ses  sujets,  masculins  et  féminins,  et  leur 
demanda  leur  opinion  sur  les  mesures  à  adopter  pour  assurer  la  pai- 
sible transmission  de  son  héritage  :  grave  question,  souvent  agitée 
dans  le  monde. 

Beaucoup  d'avis  furent  ouverts.  Chaque  opinant,  voulant  être 
sultan,  présentait  une  solution  favorable  à  ses  prétentions.  Après  de 
longs  et  vifs  débats,  les  concurrents  au  trône  allaient  en  appeler  à  la 
force  des  armes,  lorsqu'un  des  assistants,  silencieux  jusque-là,  parce 
qu'il  ne  voulait  pas  changer  sa  modeste  condition  contre  un  trône , 
demanda  et  obtint  la  parole. 

Ce  sage  était  un  savant  marabout,  très-versé  dans  les  sciences 
occultes  :  la  magie,  l'astrologie,  la  sorcellerie  et  la  connaissance  des 
génies. 


CARACTÈRES   DISTINCTIFS.  399 

Il  rappela  à  l'assemblée  les  malheurs  adveaus  à  un  homme  aussi 
respectable  que  le  sultan  régnant  et  à  ses  soixante  femmes,  toutes 
choisies  parmi  l'élite  des  plus  nobles  familles;  il  disculpa  ces  der- 
nières, une  à  une,  des  soupçons  qui  avaient  injustement  pesé  sur  elles, 
—  tactique  habile  pour  se  rendre  favorable  la  plus  belle  moitfé  de 
rassemblée  et  tous  ceux  de  Tautre  moitié  qui,  en  galants  chevaliers, 
avaient  pris  les  couleurs  de  leurs  belles,  pour  assister  à  la  délibé- 
ration. 

Après  l'exposé  d'une  infortune  sans  précédents  dans  l'histoire,  il 
démontra  que  le  Grand-Maître  des  hommes  et  des  choses,  celui  par 
la  volonté  duquel  tout  arrive,  n'avait  pas  voulu,  sans  motifs,  sou- 
mettre le  peuple  des  Imôhagh  à  une  pareille  épreuve,  et  qu'au  lieu 
de  se  disputer  la  succession  d'un  trône  qui ,  grâce  à  Dieu ,  n'était 
pas  encore  vacant,  il  était  bien  plus  conforme  à  la  raison  'de  recher- 
cher le  motif  pour  lequel  le  Grand-Maître  avait  refusé  au  sultan  un 
fils,  héritier  de  son  sang  et  de  son  pouvoir. 

C'est  ce  que  fît  le  marabout  en  interrogeant  successivement  toutes 
les  probabilités  des  secrets  desseins  de  la  Divinité. 

L'énumération  des  causes  possibles  ou  probables  fut  longue  ;  la 
critique  de  ces  hypothèses  fut  plus  longue  encore.  Pendant  ce  temps 
la  passion  des  prétendants  s'était  calmée ,  et  l'assemblée ,  subjuguée 
par  l'éloquence  d'un  homme  qui  savait  se  taire ,  quand  il  savait  si 
bien  parler,  attendait  avec  impatience  la  conclusion  d'un  discours  qui 
révélait  une  si  grande  connaissance  de  choses  mystérieuses  pour  tout 
le  monde. 

La  conclusion  tant  attendue  arriva. 

Dans  le  cas  particulier.  Dieu  n'avait  pas  voulu  que  la  transmission 
du  pouvoir  s'effectuât  par  le  ventre  des  épouses  ;  c'était  incontestable. 

Cependant,  un  peuple  ne  pouvait  rester  sans  sultan,  et  sans  sul- 
tan de  sang  royal  ;  c'était  incontestable  encore. 

Alors,  il  fallait  chercher  ce  sang  dans  le  ventre  où  on  était  assuré 
de  le  trouver,  avec  le  plus  de  garanties  de  consanguinité. 

La  sœur  du  sultan  se  trouvait  naturellement  indiquée,  non  pour 
régner,  mais  pour  donner  la  couronne  à  son  fils  aîné. 

On  le  croira  sans  peine ,  les  femmes  applaudirent  à  une  solution 
qui  donnait  tant  d'importance  à  leur  sexe  ;  les  chevaliers  Imôhagh 
saisirent  avec  empressement  l'occasion  de  donner  une  nouvelle  preuve 
de  leur  galanterie  >  et  la  loi  Benî-Oummia ,  proposée  par  un  saint 


40S  TOUAREG  DU  NORD. 

mais  qu'ils  s'en  abstitonent  comme  tous  les  bon»  musulmans,  eux 
compris,  s'interdisent  l'usago  de  la  viande  de  porc. 

Cependant,  tous  les  Touareg  me  partagent  pas  la  répugnance 
oommune;  ainsi,  les  marabouts.,  qui  ont  le  plus  complètement  rompu 
avec  les  anciennes  traditions  du  paganisme,  mangent-ils  du  poisson, 
de  la  volaille,  des  oBuis,  oomma  de  tous  les  autres  aliments  que  le 
Coran  n'interdit  pas. 

Les  s&rfs  et  les  esclaves  ausm,  à  l'imitation  des  marabouts,  man- 
gent les  poissons  qu'ils  pécbeiit  dans  les  lacs  de  leurs  montagnes. 
Mais»  malgré  ces  temples,  les  nobles  des  Azdjer  et  des  Ahaggàr, 
chez  lesquels  la  tradition  des  cultes  antérieurs  à  l'islamisme  est  plus 
wvaoe^  s'abstiennent  et  croiraient  faillir  à  leurs  quartiers  de  noblesse 
en  ne  se  conformant  pas  à  la  tradition. 

CONCLUSION  D£  CE  CHAPITRE. 

Sans  doute,  ces  caractères  ne  suffisent  pas  encore  pour  autoriser 
le  classement  des  Touareg  dans  l'une  ou  Tautre  des  races  de  la  grande 
famille  humaine,  mais  déjà  ils  fournissent  à  l'observation  des  élé- 
ments de  comparaison  assez  nombreux  pour  guider  les  recherches 
ultérieures. 

J'ai  attaché  une  grande  importance  à  l'étude  de  ces  caractères 
distinctîfs ,  parce  que  les  Touareg,  surtout  ceux  du  Nord ,  me  parais- 
sant avoir  le  mieux  conservé,  à  travers  les  âges ,  les  coutumes,  les 
mœurs  et  les  habitudes  des  anciens  Berbères;  parce  que  la  connais- 
sance du  type  le  plus  pur  me  semble  un  commencement  sérieux  de 
conquête  sur  l'inconnu. 


CHAPITRE   V. 


TOUÂaKG    DANS    LEUR    VIE    INTéRIBURB. 

Les  Touareg  étant  nomades,  pasteurs,  musulmans,  et  habitant  le 
désert,  leur  vie  intérieure  a  beaucoup  d'analogie  avec  celle  des  Arabes 
nomades  de  la  même  région.  La  manière  de  vivre  de  ces  derniers 
étant  connue,  je  la  prendrai  pour  terme  de  comparaison. 

J'entrerai  peut-être  dans  des  détails  qui,  au  premier  abord,  peu- 
vent paraître  surabondants.  J'ai  eu  l'heureuse  chance  de  voyager  en 
tribu,  de  voir,  d'observer  la  vie  du  peuple  targui;  je  puis  donc  es- 
sayer de  la  raconter,  ce  qui  n'a  pas  encore  été  foit. 

Campements,  —  Habitations. 

Les  Touareg  ont  des  campements  de  station  et  des  campements 
de  marche. 

Dans  leurs  campements  de  station,  toujcM;irs  choisis  près  des  points 
les  plus  riches  en  eaux  et  en  pacages,  les  nobles  habitent  la  tente, 
les  serfs  la  chaumière. 

Un  grand  camp  de  tentes  est  un  âmexzâgh;  un  petit  eamp,  un 
irhéouen. 

L'habitation,  qu'on  appelle  tente ,  comprend  : 

Un  vélum  ou  abri  contre  les  intempéries  des  saisons,  tantôt  en 
tissu  de.  chaume,  êhm,  tantôt  en  peau,  ehakit,  tantôt  en  laine, 
abirdjen; 

Un  pilier,  support  de  la  couverture,  témankart; 

Des  piquets,  âmauïté. 

Un  groupe  de  chaumières,  au  nombre  de  six  à  douze  environ,  dans 
lequel  les  familles  consanguines  se  concentrent  pour  se  protéger  en 
cas  d'attaque,  mais  pas  assez  pour  se  gêner,  ccmstitue  une  taousit  ou 
triba. 


404  TOUAREG  DU   NORD. 

^'l^  Généralement,  les  réunions  de  tentes  sont  disposées  en  rond, 
comme  les  doaâr  des  Arabes;  l'espace  circulaire  qu'elles  laissent 
entre  elles,  la  cour,  dans  laquelle  on  réunit  les  troupeaux  pour  la 
nuit,  porte  le  nom  de*lasaguîft. 

La  tente  a  la  forme  de  la  hheïma  arabe  ;  mais  elle  est  beaucoup 
plus  petite. 

Les  peaux  de  Vehakît  sont  tannées,  peintes  en  rouge  et  bien 
cousues. 

La  chaumière,  tikaberty  dont  les  murailles  sont  en  branchages  et 
les  toits  en  roseaux  et  en  paille  de  marais,  ressemble  assez  au  gourbi 
des  indigènes  de  l'Algérie,  quoique  généralement  plus  grande. 

Pour  le  climat  du  Sahara,  ces  deux  habitations  sont  d'assez 
médiocres  abris. 

Dans  les  campements  fjxes  des  serfs,  chaque  habitation  a  souvent 
son  petit  jardinet,  avec  une  haie  sèche  en  palmes,  dans  lequel  on 
cultive  quelques  légumes.  Ce  petit  potDger  porte  le  nom  d'âfaradj. 

En  marche,  à  l'exception  des  nobles  et  des  riches,  qui  ont  des 
tentes,  la  masse  campe  en  plein  air,  sans  ordre,  au  milieu  des  ba- 
gages, en  se  servant  de  ces  bagages,  kâya,  comme  abri  contre  le 
vent. 

Quoique  voyageant  avec  les  chefs,  et  pendant  huit  mois,  je  n'ai 
peut-être  pas  vu  dix  tentes. 

Mobilier.  —  Ustensiles. 

Le  mobilier  d'un  ménage  targui  comprend  : 

Des  nattes  en  sparterie,  éfim,  tenant  lieu  de  plancher; 

Des  nattes  paravent,  âsalâ; 

Des  tapis  en  laine,  de  diverses  couleurs,  tâhouârt,  très-rares; 

Des  tapis  en  laine,  rouges,  tâgdoùmfest,  également  rares; 

Des  peaux  de  bœuf  tannées,  îserkow,  servant  de  table  à  manger; 

Des  matelas,  ettorâh;  des  oreillers,  âsâmou;  des  couvertures, 
elbottânîet;  des  lits,  là;tak;  mais  ces  objets  de  luxe  sont  à  peine 
connus  même  des  chefs,  la  plèbe  se  contentant  de  Vâdebénou  lit 
creusé  dans  le  sable  avec  la  main  ; 

Des  coussins  en  cuir,  âdafôr; 

Des  corbeilles  en  sparterie,- tar/iéennat; 

Des  sacs  en  peaux,  âdjerâ  ou  ârheredj,  tenant  lieu  d'armoires  et 


VIE   INTÉRIEURE.  405 

fermés  à  l'aide  d'une  clef,  asârou,  au  moyen  d'un  cadenas,  tenâst; 

Des  cages  à  dromadaire,  takkâouit,  avec  leur  couverture,  âhenneka, 
pour  abriter  les  dames  en  voyage; 

Des  bâts  d'âne,  eroùkkou  ; 

Des  outres,  abeôq,  pour  les  provisions  d'eau; 

Des  seaux  en  cuir,  adjâ ,  et  des  cordes ,  erhorêfi ,  pour  puiser 
l'eau  ; 

Des  outres,  tânouart,  pour  le  lait  ; 

Des  gourdes,  titahalt,  tenant  lieu  de  vases; 

Des  cruches  en  terre,  iméki; 

Des  cruches  en  bois,  tahatiint,  pour  le  beurre; 

Des  vases  en  bois,  akoûs,  pour  boire; 

Des  tasses,  tébènt; 

Des  plats  en  bois,  târhelâlt  :  grands,  ârhelâl;  petits,  târhehoût; 

Des  vases  en  fer  battu ,  êrhér  :  ceux  pour  manger,  irhér-wânr 
efoûs;  ceux  pour  se  laver,  êrhér-wân-emoùd ; 

Des  cuillers  en  bois,  tesôkall; 

Un  mortier  en  bois,  âkabar,  pour  remplacer  le  moulin  à  bras  des 
Arabes,  avec  un  pilon  en  pierre,  tindi,  pour  écraser  les  grains  dans  le 
mortier; 

Une  lampe,  tâflilt; 

Des  miroirs,  thit; 

Des  violons,  atnz/idd  (la  reMza  des  Arabes),  avec  leur  archet, 
tadjegnlié; 

Si,  à  ces  principaux  ustensiles,  on  joint  quelques  menus  objets,  on 
aura  l'inventaire  de  tout  le  mobilier  d'une  famille  targme;  cepen- 
dant il  ne  faut  pas  que  j'oublie  Técuelle,  ébedjî,  du  chien,  ce  fidèle 
gardien  de  la  maison. 

Vêtements,  —  Coiffures.  —  Chaussures,  —  Parures, 

Les  Touareg,  nobles  et  serfs,  portent  les  mômes  vêtements,  plus 
ou  moins  beaux,  plus  ou  moins  nombreux,  suivant  leur  richesse  res- 
pective. 

Presque  tous  ont  une  chemise  longue,  tihamist,  à  manches,  then- 
fâssen,  le  tout  en  toile  de  coton  blanc. 

Ceux  qui  n'ont  pas  la  chemise  portent  une  blouse  large,  refirha, 
également  en  toile  de  coton  blanc,  mais  très-forte. 


ft«6  TOUARSa  DU  NORD. 

Un  loog  pantaJon  lange,  karteba,  h  la  fa^n  de  ceux  des  aacjaiis 
Gaulois,  ^D  toile  décote  bleue»  lustrée,  provenant  du  Soudan^  couvre 
la  partie  inférieure  du  corps ,  de  la  ceinture  à  la  cheville  du  pied. 

Une  longue  blouse,  tikamist-korè  (le  lob  des  Arabes),  eo  toile  de 
coton  bleue,  teinte  à  Tindigo,  lustrée,  sert  de  pardessus. 

Des  broderies,  iihiren,  décorent  ce  vétemeat;  des  pocbes,  aihîh, . 
le  rendent  utile  pour  serrer  le  mouchoir,  elmakharmet,  la  tabatière, 
la  pipe  et  ses  accessoires. 

Une  ceinture  en  coton  bleu^  tâmeruiia,  ou  tachirbU  <|uaQd  elle  est 
en  laine  rouge,  fixe  ce  pardessus  au  niveau  de  la  taille  et  donne  de 
la  tournure  à  ce  vêtement 

Quelques-uns  ont  le  pardessus  en  peau;  c'est  même  un  vêtement 
estimé. 

Ceux  des  Touareg  qui  ont  dies  relations  avec  las  Arabes  portent 
quelquefois,  par  fantaisie,  différentes  pièces  de  leurs  vêtements  :  la 
gandoura,  qui  est  une  longue  robe,  akbbay;  le  haïk,  longue  pièoe 
d'étoffe  de  laine ,  elhaouli,  ordinairement  blanche ,  mais  quelquefois 
teinte  en  bleu  ;  alors  elle  prend  son  nom  de  isa  couleur,  enniL 

Une  longue  calotte  rouge  de  Tunis^  tekowmbout,  avec  un  gland  en 
soie,  sert  de  coiffure. 

Le  voile,  tiguêlmoust,  couvre  la  tête,  le  front,  la  nuque,  la  figure 
et  le  cou.  C'est  une  longue  pièce  de  toile  de  coton,  peu  large,  teinte 
à  l'indigo  et  lustrée  d'un  côté,  qu'on  arrange  de  façon  que  les  yeux 
seuls  soient  visibles,  et  encore  sontrils  masqués  par  un  large  pli 
qui  forme  en  avant  une  sorte  de  visière.  Le  tiguélmou$t  est  fabri- 
qué au  Soudan. 

La  partie  du  voile  qui  recouvre  la  tête  s'appelle  îtelli. 

Ceux  trop  pauvres  pour  acheter  cette  pièce  se  voilent  avec  de  la 
gaze  blanche  d'Europe,  achchâch^  qu'ils  roulent  autour  de  la  tête  en 
forme  de  turban. 

Pendant  la  saison  des  ^ndes  chaleurs ,  les  voyageurs  sahariens 
portent  volontiers  un  grand  chapeau  de  paille  parasol.  Mi,  mm  cette 
coiffure  est  rarement  adoptée  par  les  Touareg. 

La  chaussure  consiste  en  une  forte  et  large  semelle  oomposéo  de 
quiutre  épaisseurs  de  cuir  de  chameau,  kabilement  cousues  avec  des 
lanières  de  cuir,  et  en  œe  bride  à  trois  attaches,  poafe  sur  te 


VIE  INTÉRfEURE.  &IT 

semelle,  seus  forme  de  trépied  ;  deux  des  attaches,  plalts*  posées  laté- 
ralement comme  les  brides  de  nos  sabots  déeoufepts^  sm*v«it  à  main- 
tenir le  cou-de-pied  ;  la  troisième,  arrondie,  de  la  grossesr  du  petit 
doigt,  est  fixée  sur  la  ligne  médiane  de  la  semelle,  en  un  point  tm^ 
tral.  à  peu  près  à  égale  distance  de  son  reberd  circulant.  Cette  tniîr 
sième  attache,  introduite  entre  le  gros  orteil  et  le  premier  doigt,  »rt 
à  asseoir  l'ensemble  du  pied  sur  la  semelle.  Le  dessus  de  la  semelle 
et  les  brides  soQt  en  peau  de  chèvre  iparoquiné^^  do  couleur  rouge, 
avec  des  dessins  variés.  (Voir  planche  XXIV,  fig.  9.) 

Les  chaossures  ou  sandales  faites  à  Kanô  (Soudan)  sont  appelées 
irhâtimen,  celles  fabriquées  dans  le  pays,  tmerkedm. 

Les  chefs  ont  quelquefois  des  bottes  molles  en  maroquin  >  ibôi- 

La  chaleur  du  sol,  sa  nature  pierreuse  et  sablonneuM  empftçhopt 
les  Touareg  de  marcher  pieds  nus  comme  les  Arabes. 

Les  pauvres  seuls  n'ont  pas  de  chaussure* 

Tel  est,  avec  un  chapelet,  ifedhenen,  autour  du  cou,  le  CQttil9f 
national. 

Les  chefs  y  ajoutent  quelquefois,  à  la  manière  arabe,  m  g^, 
une  veste  à  manches,  un  burnous  en  drap  de  couleur  reuge  on  bien 
elair.  Le  rouge  est  préféré. 

Le  costume  des  femmes  est  plus  simple  encore. 

il  eomi^rend  une,  deux  ou  trois  longues  blouses  decpton^  êikamist- 
horé,  serrées  autour  de  la  taille  par  une  ceinture  du  UÎM  rougi, 
tadUrbU. 

Par-dessus  ces  blouses,  une  longue  pièce  de  laine,  tantôt  bll4ie]MI» 
alliaouli,  iantôt  rouge,  taharrakamt,  tantôt  à  bandes  rouges  et  blan- 
ches, tâbrogh,  dans  laquelle  elles  se  drapent  à  la  (hçM  orientale, 
achève  de  couvrir  leur  corps. 

La  coiffure  consiste  en  bandeaui^  faits  avec  les  cheveux,  qn'eHii 
recouvrent  d'une  pièce  d'étofie,  ikar-hay,  plus  ou  moiitt  riehe,  en 
laine  ou  en  coton,  et  dont  elles  encadrent  leur  face. 

La  chaussure  est  la  même  que  celle  des  hommes,  mais  plus  iëgève 
et  plus  ornementée. 

Les  seuls  objets  de  panne  à  leur  ue^  sont  : 
Des  bagues,  tUak; 


&0S  TOUAREG  DU  NORD. 

Des  bracelets  en  verre,  tihokaouin,  ou  en  argent,  iouoki; 

Quelques  grains  de  verroterie,  tâserhmâlt. 

Avec  d'aussi  minces  éléments  de  toilette,  les  femmes  trouvent 
cependant  le  moyen  de  rappeler  la  pose  allière  des  déesses  de  l'anti- 
quité. Le  mariage  de  couleurs  tranchantes  se  prête  à  de  nombreuses 
combinaisons  qui  sont  étudia  avec  soin. 

AUmmU,  —  Boissons.  —  Thé.  —  Café.  —  Tàbae. 

Jamais  peuple  ne  fut  plus  pauvre  en  ressources  alimentaires; 
aussi,  à  l'exception  d'une  bouillie,  asink,  ne  trouve-t-on  pas  chez  les 
Touareg,  comme  ailleurs,  un  mets  national,  base  de  leur  nourriture. 
Chacun  mange  ce  qu'il  trouve  ou  ce  qu'il  peut  se  procurer  au  plus 
bas  prix  possible,  généralement  en  petite  quantité  et  tout  juste  ce 
qu'il  faut  pour  ne  pas  mourir,  excepté  dans  le  cas  où  l'occasion  se 
présente  de  manger  gratuitement;  car  alors  l'appétit,  surexcité  parla 
gourmandise,  ne  connaît  pas  de  limites. 

Les  Touareg,  comme  tous  les  animaux  de  leur  pays,  supportent 
admirablement  la  faim  et  la  soif.  Il  est  de  notoriété  publique  parmi 
eux  qu'un  homme,  contraint  par  la  nécessité,  peut  voyager  sans 
boire  ni  manger  pendant  plusieurs  jours.  Alors,  pour  supporter  plus 
facilement  la  privation,  on  se  serre  le  ventre  avec  une  2x)urroie  ou 
avec  une  ceinture. 

En  voyage,  les  Touareg  ne  mangent  qu'une  fois,  quand  la  marche 
de  la  journée  est  terminée.  L'unique  repas  se  dit  azhebri. 

En  station,  ils  font  deux  repas  :  le  déjeuner,  âmekli;  le  dîner, 
amedjin. 

Par  le  nombre  des  matières  premières  qui  entrent  dans  l'alimen- 
tation, il  est  facile  de  se  convaincre  que  le  pays  ne  suffît  pas  aux 
besoins  de  ses  habitants.  • 

Je  les  énumère  ici  par  ordre  de  nature  : 

Graines  :  blé,  orge,  sorgho,  millet,  toîiUoùlt  (graine  de  Varthra- 
therum  pungens); 

Fruits  :  dattes,  figues,  raisin  sec,  jujube  sauvage,  fruits  du  Sa^ 
vadora  Persica; 

Légumes  domestiques  :  oignons,  tomates,  aubergines,  melons,  pas- 
tèques, concombres,  courges,  citrouilles,  polirons; 


VIE   INTÉRIEURE.  409 

Légumes  sauvages  :  les  principaux  sont  connus  sous  les  noms 
indigènes  de  tânekfâït,  harharha,  tanesmym ,  ineMin ,  azezzedja  ;  ils 
sont  principalement  fournis  par  la  gi*ande  famille  botanique  des  Cru- 
cifères ; 

Viande  d animaux  domestiques  :  chameau,  mouton,  chèvre; 

Viande  d^ animaux  sauvages  :  mouflon,  antilope,  gazelle,  gerboise, 
rat  des  champs ,  sauterelles,  vers  ; 

Condiments:  lait,  beurre,  huile,  graisse,  suif,  miel,  cassonade, 
gomme,  ail,  poivre,  poivron,  sel  et  un  piment  du  Soudan,  la 
chitta; 

Des  fromages,  importés  du  pays  d'Aïr,  complètent  la  liste  des 
ressources  alimentaires  des  Touareg. 

Le  riz,  tâfarhat,  abondant  dans  tout  le  Soudan  occidental,  est 
quelquefois  acheté  par  les  caravanes  comme  provisions  de  retour;  on 
le  mange  cuit  et  assaisonné  comme  le  pilau  dans  le  Levant. 

Avec  les  farines  du  blé,  de  Torge  et  du  toûlloûlt,  soit  prises  iso- 
lément, soit  mélangées,  on  fait  quelques  galettes,  mais  principale- 
ment une  bouillie  cuite,  grossière  et  épaisse,  qui  rappelle  le  brouet 
des  anciens  Spartiates. 

Cette  bouillie,  qui  est  la  base  de  la  nourriture  des  Sahariens, 
porte,  suivant  les  contrées,  les  noms  d'asînk,  tàraouit,  en  temâhaq, 
eid**aç1da,  en  arabe. 

La  même  bouillie,  non  cuite,  la  mohamsa  des  Arabes,  est  appelée 
tihhammazm  par  les  Touareg. 

Le  kouskousou,  mets  national  des  Arabes,  apparaît  quelquefois, 
mais  en  de  rares  circonstances,  sur  la  table  des  nobles  et  des  mara- 
bouts; on  lui  a  conservé  son  nom,  kaskasoû,  ce  qui  constate  son  ori- 
gine étrangère. 

Dans  les  jours  de  fête  aussi,  on  prépare  une  pâtisserie,  alkâk, 
sorte  de  gâteau  à  base  de  farine,  lait,  beurre  et  miel. 

Avec  les  farines  du  gâfoûli  et  du  gueçob,  on  fait  aussi  des  bouillies, 
mais  principalement  des  crêpes,  el fêlât,  que  les  Arabes  appellent 
cherchich. 

Dans  les  villes  seules  on  fabrique  du  pain  : 

Frais,  on  le  nomme  takeïa  et  tadjella; 

Biscuité,  pour  1*  usage  des  caravanes,  takeïa-taqqôret. 

La  datte  {âheggarh  pi.  îheggarhen),  la  figue  et  la  jujube  sont 


&10  TOUAREG  DU  NORD. 

souvent  mangées  en  nature  ;  le  raisin  sec  est  mis  dans  les  ra^ts. 

La  datte,  pilée  dans  de  Teau  et  du  beurre,  constitue  le  târekU; 

Pétrie  avec  la  farine  du  gueçob  et  du  piment,  et  mise  en  gâteaux 
crus,  sous  forme  de  petits  bondons,  elle  constitue  le  takodart,  con- 
serve que  Ton  mange  ensuite  en  la  délayant  dans  de  l'eau. 

Les  légumes  de  jardins  ne  se  trouvent  que  près  des  villes  ou  des 
campements  fixes  des  serfs  ;  ils  sont  assez  peu  abondants  pour  qu'on 
ne  les  mange  jamais  secs;  les  légumes  sauvages  constituent  souvent 
la  principale  ressource  des  malheureux. 

On  les  cuit  à  Teau  et  au  sel,  avec  ou  sans  beurre  ou  graisse. 

Ordinairement,  on  ne  tue  d'animaux  domestiques  que  pour  célé- 
brer la  bienvenue  d'un  hôte. 

Le  repas  de  l'hospitalité,  âmadjârou,  doit  toujours  être  assez  co- 
pieux pour  rassasier  trois  ordres  de  convives  :  l'hôte,  âmadjâr;  le 
voisin,  anâradj,  qui,  sous  prétexte  d'honorer  l'étranger,  ne  manque 
jamais  l'occasion  de  remplir  son  ventre  ;  et  le  mendiant,  dadâla,  au- 
quel reviennent  de  droit  les  miettes  du  festin. 

Suivant  le  rang  du  visiteur  et  la  fortune  du  visité,  c'est  tel  ou  tel 
animal  qui  est  égorgé  :  la  jeune  chamelle  grasse  est  le  grand  extra 
de  l'hospitalité;  viennent  ensuite,  par  ordre  de  mérite,  le  chamillon, 
le  chameau,  le  mouton,  la  brebis,  le  chevreau  et  la  chèvre. 

Les  viandes  de  ces  animaux  sont  mangées  en  rôti  ou  en  ragoût. 

Les  Sahariens  excellent  dans  l'art  du  rôtisseur,  quoiqu'ils  n'aient 
pour  tout  appareil  qu'une  broche  en  bois,  deux  piquets  fourchus, 
plantés  au-dessus  de  tisons  ardents. 

Bien  que  les  viandes  des  animaux  nourris  avec  les  plantes  odorantes 
du  Sahara  aient  généralement  du  goût,  on  augmente  encore  leur 
fumet  en  les  garnissant  des  mêmes  espèces  odorantes. 

Les  viandes  en  ragoût  sont  ou  pilées  dans  du  beurre,  ou  découpées 
en  petits  morceaux  et  cuites,  avec  assaisonnements,  dans  des  vases 
en  terre  ou  en  fer  étamé.  Les  ragoûts  de  la  première  espèce  sont  des 
tâlebadjdjat,  les  seconds  des  ikerrâyen. 

Quoique  cette  cuisine  ne  ressemble  pas  à  la  nôtre  et  se  recom- 
mande surtout  par  les  épices,  elle  est  cependant  bonne,  et  ceux  qui 
sont  admis  à  la  goûter  la  trouvent  délicieuse. 

Mais  voici  le  revers  de  la  médaille! 

Pendant  que  le  grand  seigneur,  âfuiggar,  le  mattre,  mess,  se  réga- 
lent d'une  manière  aussi  soimptoeuse,  il  n'est  pas  rare  de  voir  la 


VIE  INTÉRIEURE*  411 

plèl)r  des  ptuTres,  tatekki,  prendre  leur  part  de  la  fête  en  mangeant 
la  peau  de  l'animal  sacrifié,  si  cet  animal  est  un  mouton 'ou  une 
eàè¥re.  A  cet  effet,  après  avoir  ébouillanté  la  peau  pour  en  détacher 
te  poiU  on  la  découpe  en  petites  lanières,  sous  forme  de  vermicelle, 
puis  on  la  fait  cuire  ou  frire,  suivant  qu'elle  est  supposée  dure  ou 
tendre. 

J'ai  été  initié  à  ce  détail  de  mœurs  d'une  assez  singulière  façon. 
En  roule,  à  l'occasion,  j'achetais  quelquefois  une  chèvre  ou  un  mouton 
pour  ma  nourriture  et  celle  de  mes  serviteurs.  D'après  l'usage,  la 
peau  de  ces  animaux  revient  de  droit  à  celui  qui  a  eu  la  peine  de  le 
tuer,  le  nettoyer  et  le  dépecer.  Un  beau  jour,  une  béte  ayant  été 
abattue,  un  de  mes  serviteurs,  qui  n'avait  pas  droit  au  pourboire  de 
la  peau,  vint  me  la  demander,  au  détriment  d'un  de  ses  camarades. 
A  ma  question  :  a  Pourquoi  il  voulait  me  faire  commettre  une  injus- 
tice? n  il  me  répondit  :  «  J'ai  une  femme  et  des  enfants  qui  souffrent 
peut-être  de  la  faim,  moi  absent,  et  je  la  leur  enverrai  pour  la 
manger^  *»  Je  me  fis  expliquer  comment  on  faisait  du  vermicelle  avec 
la  peau  d'un  mouton,  et,  en  homme  qui  n'avait  jamais  été  réduit  à 
un  tel  mets,  je  payai  la  leçon  le  prix  d'un  mouton,  pour  que  la  pauvre 
femme  et  les  pauvres  enfants  pussent  qu  moins  en  goûter  la  viande , 
ce  qui*  leur  était  arrivé  bieti  peu  souvent.  Probablement  ma  charitaé 
n'H  pas  reçu  sa  destination,  car  mon  malheureux  serviteur  aura  en- 
glouti mon  argent  dans  son  escarcelle,  et  j*en  suis  i  me  demander  si 
je  n'ai  pas  commis  une  mauvaise  action ,  en  refusant  à  une  pauvre 
famille  le  régal  d'une  peau  de  mouton. 

La  viande  des  mouflons ,  des  antilopes  et  des  gazelles ,  chassés 
dafM  les  dunes  pour  les  besoins  de  la  boucherie,  est  séchée  et  gardée 
précieusement  pour  les  voyages.  Cet  article  est  l'objet  d'un  commerce 
assez  important  à  Ghadâmès. 

La  chair  de  ces  animaux  sauvages  est  excellente,  et  serait  très- 
appréciée  si  elle  pouvait  arriver  sur  nos  marchés. 

Les  sauterelles,  considérées  comme  un  fléau  dans  le  Tell,  sont  une 
bénédiction  de  Dieu  dans  le  Sahara.  On  les  sale,  ou  on  les  confit  dans 
rhaile  pour  les  conserver. 

Le  f)Ot89on,  fbtimi  par  les  laos  du  platean  du  Tastti,  a^  mangé 
frais,  mais  par  tes  serfs  et  les  nègres  seulement. 

Avec  les  vers  des  lacs  du  Fezzân,  on  fait  une  pâte  alimentaire  dont 
le  goût  rappelle  celui  des  crevettes^  c'est  presque  une  flriandMe  dans 


ki2  TOUAREG  DU  NORD. 

un  pays  si  dépourvu,  mais  les  Fezzaniens  seuls  en  font  usage,  en 
délayaift  cette  pâte  dans  leurs  sauces. 

Le  lait  est  la  base  essentielle  de  la  nourriture  des  Touareg;  dans 
la  saison  des  pâturages ,  ils  ne  consomment  guère  autre  chose.  En 
toute  saison,  il  fournit  le  principal  condiment  de  l'alimentation. 

Le  lait  pur  se  dit  akh  ou  akh^wâkafâyeny  le  lait  aigre  ahh-iDân- 
tmomrt,  le  lait  caillé  et  écrémé  aoulîs. 

On  fait  peu  de  beurre,  oudi,  le  lait  étant  presque  tout  consommé 
en  nature. 

Par  la  même  raison,  le  caseum  manque  pour  les  fromages.  Ceux 
que  l'on  consomme  chez  les  Touareg  du  Nord,  fromages  secs,  tikam- 
marin,  viennent  du  pays  d*Aïr  et  du  Soudan. 

L'huile,  ahalhn,  le  suif,  tâdent,  et  la  graisse  (suif  fondu),  isim, 
viennent  du  Nord. 

Avec  le  beurre,  ces  trois  matières  grasses,  toujours  rares,  sont  les 
seuls  assaisonnements  de  la  nourriture. 

Les  Touareg  ont,  pour  remplacer  le  sucre,  trois  sortes  de  miel  :  le 
toùraout,  de  qualité  supérieure,  le  tâment  et  le  khamU,  de  qualité 
inférieure.  (Voir  liv.  M,  chap.  m,  page  261.) 

La  gomme,  tahaha,  produite  par  Y  Acacia  Arabica,  est  souvent  man- 
gée, à  défaut  d'autre  aliment,  avant  qu'elle  soit  concrète. 

Tout  le  sel,  tîsemt,  employé  dans  les  aliments,  vient  de  la  sebkha 
d'Amadghôr,  ou  des  salines  du  Fezzân. 

Les  boissons  en  usage  chez  les  Touareg  sont  : 

L'eau,  le  lait  pur,  le  lait  coupé,  le  lait  aigre  et  le  lait  caillé. 

Ils  font  une  boisson  rafraîchissante  avec  de  la  farine  de  sorgho, 
du  fromage  du  Soudan,  du  poivre  et  des  dattes;  elle  se  nomme 
aghâhara. 

Dans  les  oasis,  à  l'occasion,  ils  font  usage  de  la  sève  de  palmier, 
le  lâgmi  des  Arabes,  qu'ils  appellent  ilâjbi;  mais  ils  ne  la  boivent  pas 
fermentée. 

Le  thé  en  infusion,  le  café  en  décoction  sont  des  boissons  de  luxe 
que  les  chefs  seuls  connaissent.  Ces  articles,  de  provenance  étrangè^e, 
sont  à  un  prix  si  élevé  que  la  masse,  trop  pauvre,  ne  peut  s'en  pro- 
curer. 

L'usage  du  tabac,  tâberha,  taba,  est  presque  général  chez  les 


VIE    INTÉRIEURE.  41S 

• 

Touareg,  car,  àTexception  des  marabouts,  hommes  et  femmes  fument 
et  prisent  ou  chiquent,  les  femmes  moins  que  les  hommes  cependant. 

Le  tabac  employé  vient  du  Fezzân ,  de  Tripoli,  du  Soûf  ou  du 
Touât,  contrées  où  on  le  cultive  en  assez  grande  quantité.  Il  est  d'une 
qualité  très-inférieure. 

L'arsenal  du  fumeur  se  compose  d'une  blague  en  peau,  abelboûdh, 
et  d'une  pipe  composée  d'un  fourneau,  tchougna,  et  d'un  tuyau,  an- 
nefèr.  Un  chapeau  en  cuivre,  dxé  au  tuyau  par  une  chaînette,  couvre 
le  fourneau,  précaution  très-utile  pour  éviter  les  incendies  et  qui 
devrait  bien  être  imitée  en  Algérie. 

La  tabatière  consiste  en  un  segment  de  roseau.  Le  tabac  prisé  est 
en  poudre  très-fine. 

Le  tabac  de  chique  est  toujours  mélangé  avec  du  natron,  pour 
atténuer  les  effets  de  l'àcreté  du  tabac,  mais  le  correctif  est  loin 
d'ôtre  innocent,  car  son  usage  gâte  promptement  les  dents. 

Religion,  —  Superstitionê, 

Les  Touareg  sont  musulmans,  mais  à  l'exception  des  marabouts 
et  de  quelques  hommes  pieux,  ils  ne  pratiquent  pas. 

L'islamisme  impose  aux  vrais  croyauts  de  nombreuses  obliga- 
tions :  la  prière,  précédée  d'ablutions,  le  jeûne  du  ramadhân,  le  pèle- 
rinage à  la  Mekke,  l'aumône,  etc. 

Gomment  les  Touareg  pourraient-ils  s'acquitter  de  ces  prescrip- 
tions? 

La  prière  et  le  pèlerinage  exigent  du  temps,  le  jeûne  et  l'aumône 
supposent  le  superflu,  et  ils  n'ont  ni  l'un  ni  l'autre. 

A  peine  compterait-on  chez  les  Touareg  du  Nord  une  trentaine  \ 
d'individus  ayant  visité  le  tombeau  du  prophète,  quoique  le  titre  de 
hâdj  soit  très-cousidéré  chez  eux;  c'est  que,  pour  aller  à  la  Mekke, 
il  faut  être  riche  et  avoir  quelqu'un  qui,  en  l'absence  du  chef  de  la 
famille,  réponde  de  sa  sécurité. 

L'aumône  ne  saurait  être  pratiquée  dans  un  pays  qui  semble  avoir 
pour  loi  générale  de  vivre  aux  dépens  d'autrui. 

'Ainsi,  les  principales  prescriptions  de  l'islamisme  ne  sont  pas  ob- 
servées. 

D'ailleurs,  rien  au  milieu  d'eux  qui  rappelle  aux  devoirs  reli- 
gieux :  pas  d'imàm,  pas  de  mufti,  pas  de  mosquées,  pas  de  chapelles. 


kik  TOUAREG  DU  NORD. 

« 

La  zâouiya  de  TimàssanîD  est  une  exception  comme  le  ourabciit 
Si- Othmân ,  qui  en  est  le  chef;  aussi  les  Arabes  diseotrils  des  Toaâh 
reg  :  «  ma' andhoMm-eârdin,  ils  tfont  pas  de  religion.  » 

Le  reproche  d'impiété  que  les  Arabes  formalistes  adressent  aux 
Touareg  n'est  cependant  pas  complètement  fondée  car  si,  commd 
tous  les  hommes  aux  prises  avec  les  difficultés  matérielles  dé  l'exis- 
tence, ils  sont  forcés  de  négliger  la  forme ,  ils  pratiquent  la  morale 
mieux  que  les  Arabes. 

Néanmoins,  les  Azdjer  reconnaissent  l'autorité  spirituelle  du  sultaû 
de  Gonstantinople,  et  les  Ahaggâr,  comme  les  Touàtiens,  cdle  dé 
l'empereur  du  Maroc,  pour  lesquels  ils  font  la  prière  officielle  dans 
les  grandes  solennités. 

Si  on  interroge  les  croyances,  les  superstitiùiis  des  Toaàrag,  on 
retrouve  vivantes  enoore  dans  leurs  amas  les  traces  dos  divtrses 
religions  qu'ils  ont  professées. 

Leur  Dieu  est  imanaï  (l'Adonaï  de  la  Bible);  il  est  unique; 

Le  ciel,  adjenna,  le  paradis,  idjennaoum,  où  l'homme  reçoit  la 
récompeo$e  de  ses  bonnes  actions  après  la  mort,  est  habité  par  les 
anges,  andjeloûs  pi.  cmdjeloûsen  (ayyeXoç,  angelw); 

L'enfer  est  tîmsi-tm'elâkhcbrt,  le  dernier  feu; 

Le  diable,  iblîs,  y  règne. 

La  croix  se  trouve  partout  :  dans  leur  alphabet,  sur  leurs  armes, 
sur  leurs  boucliers,  dans  les  ornements  de  leurs  vétementSi  Le  seul 
tatouage  qu'ils  portent  sur  le  front,  sur  le  dos  de  la  main,  est  une 
croix  à  quatre  branches  égales;  le  pommeau  de  leurs  selles,  les 
poignées  de  leurs  sabres,  de  leurs  poignards,  sont  en  croix. 

Les  selles  des  chameaux  sont  garnies  de  clochettes,  quoique  par- 
tout l'islamisme  ait  détruit  et  repoussé  la  cloche  comme  une  sorte 
de  cachet  du  christianisme. 

Dans  les  mœurs,  les  traces  du  christiaoisme  sont  encore  plus  évi- 
dentes :  la  monogamie,  le  respect  de  la  femme^  l'horreur  du  vol,  du 
m^songe,  l'accomplissement  de  la  parole  donnée,  etc.,  etc. 

Quoique  musulman,  le  targui  n'a  jamais  qu'une  femme  $  quoique 
musubociane,  la  femme  est  l'égale  de  son  mari  en  toutes  choses. 

Ebn-Khaldoûn  semble  douter  que  les  Sanhâdja  Lithâmiens  aient 
jamais  été  chrétiens,  et  il  afi^rme  môme  qu'iie  professaient  le  ma- 
gîsme  quand  ils  oui  été  si  diAcitomaiu  ooa^ertîi  k  Tidamime  ;  ear« 


VIE  INTÉRIEURE.  415 

d'après  les  historiens  do  temps,  ils  ont  renié  quatorze  fois  leur  nou- 
velle religion. 

Probablement,  ils  n'ont  pas  été  meilleurs  chrétiens  qu'ils  ne  sont 
aujourd'hui  bons  musulmans.  Les  traditions  païennes  devaient,  à  cette 
époque,  comme  de  nos  jours,  dominer  dans  leurs  croyances. 

Souvent,  soit  pour  le  commerce,  soit  pour  le  pillage,  les  Touareg 
vont  en  expéditions  lointaines  et,  pendant  ces  longues  absences,  leurs 
familles  sont  privées  de  leurs  nouvelles.  Pour  se  mettre  en  commu- 
nication avec  ceux  qui  leurs  sont  chers,  les  femmes,  parées  de  leurs 
vêtements  et  ornements  les  plus  riches,  vont  se  coucher  sur  les 
anciennes  tombes,  où  elles  évoquent  Tàme  de  celui  qui  les  rensei- 
gnera. A  leur  appel,  Idebni,  un  esprit,  se  présente  sous  la  forme  d*un 
homme.  Si  Tévocatrice  a  su  plaire  à  Tesprit,  Idebni  lui  raconte  tout 
ce  qui  s'est  passé  dans  l'expédition  ;  dans  le  cas  contraire,  il  l'étrangle. 
Il  va  sans  dire  que  les  femmes,  connaissant  les  exigences  d'Idebni, 
font  si  bien  qu'elles  reviennent  toujours  avec  des  nouvelles  qui, 
dit-on,  sont  conûrmées  par  les  voyageurs  à  leur  retour. 

Pomponius  Mêla  {Afrique  intérieure,  ch.  tx)  constate  la  haute 
antiquité  de  cette  superstition  :  u  Les  Augiliens,  dit-il ,  ne  recon- 
«  naissent  d'autres  divinités  que  les  âmes  des  morts.  Ils  ne  jurent 
<c  que  par  elles  et  ils  les  consultent  comme  des  oracles;  à  cet  effet, 
«  après  avoir  expliqué  leur  demande,  ils  se  couchent  sur  quelque 
(c  tombeau  et  reçoivent  la  réponse  en  songe.  » 

Àugilx  mânes  tantum  Deos  putant;  per  eos  dejurant;  eos  ut  oror 
oula  consulunt  :  precatique  qux  volurU,  ubi  tumulis  incubuere,  pro 
responsis  ferunt  somnia. 

L'oasis  d'Aoudjela^  où  les  mânes  étaient  consultés  comme  des 
oracles,  est  la  première  station  que  l'histoire  et  la  tradition  assignent 
aux  peuples  objet  de  cette  étude. 

La  perpétuité  de  cette  superstition  est  d'autant  plus  étrange,  qu'à 
part  cette  évocation  exceptionnelle  des  âmes  les  Touareg  ont  horreur 
de  tout  ce  qui  leur  rappelle  le  souvenir  des  morts.  Ils  n'en  parlent 
jamais,  ne  veulent  pas  qu'on  en  parle  devant  eux,  qu'on  prononce 
leurs  noms,  et^  quand  une  tombe  se  rencontre  sur  leur  route,  ils 
l'évitent  avec  le  plus  grand  soin. 

Mais  rien  n'est  comparable  à  la  croyance  aux  génies,  âlMn, 


416  TOUAREG   DU    NORD. 

âlhinen,  êtres  surnaturels,  auxquels  l'ima^nation  donne  la  forme 
humaine,  avec  des  cornes,  une  queue  et  du  poil  pour  vêtements. 

D'après  la  tradition  orientale,  les  génies  sont  partout,  mais  chez 
les  Touareg  Azdjer,  les  âlhînen  occupent  un  pâté  de  montagnes  isolées 
qui  leur  est  entièrement  abandonné  et  où  nul  n'oserait  pénétrer. 

Cette  montagne  est  située  sur  la  roule  des  caravanes  de  Gha- 
damés  à  Rbàt,  près  la  chaîne  de  YAkâkoûs,  à  30  kilomètres  au  Nord 
de  Hhât.  Les  Arabes  l'appellent  Qaçar-el'Djenoûn,  les  Touareg  Idinen. 

Ce  palais  enchanté,  dont  on  distingue  tous  les  détails  de  la  route, 
est  composé  d'une  série  d'énormes  blocs  de  pierres  lavées  par  les 
eaux  et  représentaat  ,les  formes  les  plus  bizarres.  Pour  peu  que 
Fimagination  vienne  viviûer  ces  masses  inertes,  on  y  voit  des 
temples,  des  fortifications,  des  tours,  des  châteaux,  tout  ce  que  l'on 
veut.  (Voir  la  planche  ci-contre.) 

On  raconte  qu'un  individu  ayant  cherché  à  y  entrer  par  la 
gouttière  d'écoulement  des  eaux,  y  trouva,  au  centre,  un  cimetière 
de  grands  tombeaux  de  païens,  djohàla,  qui  lui  inspira  une  frayeur 
à  le  faire  rebrousser  chemin. 

Une  plantation  de  palmiers,  affirme-t-on,  existerait  dans  Tinté- 
rieur  de  ces  montagnes  qui  ont  la  forme  d'un  fer  à  cheval.  On  aurait 
la  preuve  de  ce  fait  par  les  troncs  de  palmiers  trouvés,  à  l'époque  des 
grandes  pluies,  dans  les  eaux  qui  descendent  d'idlnen  dans  le  lit. du 
Tânezzoûft. 

M.  le  docteur  Barth  a  entrepris  d'explorer  la  montagne  d'Idinen, 
mais  nul  targui  n'a  voulu  1  y  accompagner.  Sans  guide,  il  s'est 
perdu,  et,  sans  eau,  sans  vivres,  sous  un  ciel  aident,  il  a  failli  périr 
de  soif  et  de  faim,  à  ce  point  qu'il  a  dû  ouvrir  une  de  ses  veines 
pour  en  boire  le  sang.  Bien  qu'il  n'y  eût  rien  que  de  naturel  dans  le 
grave  danger  couru  par  l'intrépide  vo^'ageur,  les  Touareg  y  voient 
une  preuve  de  plus  de  l'impossibilité  de  pénétrer  impunément  dans 
le  domaine  des  génies. 

Quand  j'ai  témoigné  à  Ikhenoûkhen  le  désir  de  visiter  la  mon- 
tagne d'idînen,  il  en  fut  aussi  effrayé  que  s'il  s'était  agi  de  la  chose 
la  plus  difficile  du  monde.  Je  n'insistai  pas. 

Inutile  de  dire  que  M.  le  docteur  Birth,  qui  a  parcouru  en  détail 
les  monts  Idinen,  n'y  a  trouvé  ni  cimetière,  ni  palmiers. 

Chez  les  Ahaggâr,  le  mont  Oudân  est  aussi  abandonné  aux  âlhî- 
nen et  nul  n'y  pénètre.  Les  génies  qui  l'habitent  auraient,  dit-on» 


.  PI.  XXllI. 


Page  410. 


Fig.  37  et  38. 


■t''*» 


^       **    r      .Rt*p«I^  la  'Infnaurejdpj  esprit-^  cti**  t»  AkdJF-r.      * 


l'ig.  2.  —  VIE  DE  L  id1m:n  ft  de  l'akâkoîs. 
D'après   les  profils   relevés  à  Li  boussole   par  M.  H.    Duvoyrior. 


VIE   INTÉRIKURE.  M7 

l^humeur  batailleuse  ,  car  on  raconte  qu'ils  viennent  attaquer  leurs 
frères,  chez  les  Azdjer,  et  qu'on  entend  parfois  le  bruit  de  leurs  com- 
bats. 

Chez  les  Touareg  d'Aïr,  les  génies  occupent  une  oasis  enchantée 
que  personne  ne  connaissait  lorsque  la  découverte  en  fut  faite  de  la 
manière  suivante  : 

Un  targui  de  la  vallée  de  rOuàdi-Tâfasàsset,  après  avoir  abreuvé 
ses  chameaux  aux  puits  de  son  campement,  les  conduisit  au  pâtu- 
rage dans  un  désert  du  côté  du  pays  des  Teboû,  où  il  les  abandonna, 
selon  rhabitiide,  les  chameaux  revenant  toujours  vers  les  puits  quand 
ils  ont  soif.  Cette  fois ,  les  chameaux  furent  très-longtemps  à  repa- 
raître, et  quand  ils  rentrèrent  leurs  crottins  étaient  pleins  de  noyaux 
de  dattes. 

D'où  venaient-ils  donc?  on  ne  connaissait  pas  de  dattiers  dans 
le  pays. 

Intrigué  de  cette  découverte,  le  propriétaire  des  chameaux  sirivit 
leurs  traces.  Elles  le  conduisirent  au  milieu  des  sables,  à  une  plan- 
tation de  dattiers  arrosés  par  des  sources.  11  mangea  des  dattes,  en 
remplit  une  outre,  après  quoi  il  monta  un  de  ses  chameaux  pour 
regagner  sa  demeure. 

Quel  ne  fut  pas  son  étonnement,  quand,  après  avoir  voyagé 
toute  la  nuit,  il  se  retrouva,  au  point  du  jour,  à  la  source  qu'il  avait 
quittée  la  veille  ! 

f eut-être  l'obscurité  l'a-t-elle  empêché  de  rernnnaîlnt  sa  miH*^? 

11  se  remet  en  marche  et  voyage  tout  le  jour.  Au  soir,  il  est 
encore  au  même  point. 

A  bon  entendeur,  salut  l  Notre  targui  a  n.mi|inîî  qiu*  k*  gt%ip 
conservateur  de  la  plantation  ne  veut  pas  qu'il  Huiporfr  iIcs  (lattes. 
Il  vide  donc  son  outre  et  repart;  mais,  après  une  longue  marche,  la 
source  fatale  est  encore  là.  Alors  le  targui  fouille  son  bagage,  et  il  y 
trouve  une  datte  oubliée.  C'est  là  la  cause  de  l'enchantement.  Il  la 
jette,  se  remet  en  route  et  arrive  enfin  pour  raconter  à  ses  contri- 
bules  l'histoire  de  ses  mésaventures. 

Personne  n'a  mis  en  doute  son  récit,  mais  nul  n'est  allé  à  la 
recherche  de  l'oasis  enchantée. 

Il  y  a  probablement  aussi  un  territoire  réservé  aux  alhînen  chez 
les  Aouélimmiden,  de  sorte  qu'il  y  aurait,  dans  chaque  grande  frac- 
tion targuie,  une  tribu  de  génies  correspondant  à  chacune  d'elles. 


/,18  TOUAREG   DU   NORD. 

En  voyant,  au  xix*"  siècle,  les  Touareg  assigner,  an  milieu  de  leurs 
campements,  un  territoire  aux  génies,  et  raspecter  ce  territoire 
comme  inviolable,  on  est  tout  étonné  de  retrouver  une  tradition  qui 
remonte  aux  premiers  âges  de  l'histoire. 

Pomponius  Mêla  place  dans  les  montagnes,  aujourd'hui  occupées 
par  les  Touareg,  «  des  peuples  plus  qu'à  demi  sauvages,  qui  méri- 
«  tent  à  peine  qu'on  les  mette  au  rang  des  hommes  et  qu'on  nomme 
u  les  Égipanes,  les  Blemyens,  les  Gamphasantes  et  les  Satyres,  qui, 
((  n'ayant  ni  feu  ni  lieu,  ne  font  qu'errer  d'un  endroit  à  l'autre  sans 
c(  s'arrêter  nulle  part. 

a  Les  Gamphasantes  sont  bus;  les  Blemyens  n'ont  pas  de  tête, 
«  leur  visage  étant  placé  sur  leur  poitrine  :  les  SatA  res  n'ont  rien 
«  de  l'homme  que  la  figure.  Les  Égipanes  sont  faits  comme  on  le 
<(  dit  communément.  » 

Depuis  l'antiquité  jusqu'à  nos  jours,  la  somme  des  connaissances 
sur  ces  êtres  surnaturels  s*est  beaucoup  agrandie ,  car  on  ne  serait 
pas  embarrassé  de  trouver  aujourd'hui  dans  les  bibliothèques  des 
zâouiya  bien  des  volumes,  œuvres  d'hommes  graves,  qui  donnent 
les  détails  les  plus  intimes  sur  la  vie  des  génies,  leurs  divisions  en 
nations,  en  tribus,  leurs  mœurs,  leurs  coutumes,  etc.,  etc.  L'imagi- 
nation de  l'homme  ne  recule  devant  rien,  quand  il  s'agit  de  mystères. 

Dans  toute  l'Afrique,  il  n'y  a  pas  un  individu,  éclairé  ou  ignare, 
instruit  ou  illettré,  qui  n'attribue  aux  génies  tout  ce  qui  arrive  d'ex- 
traordinaire sur  la  terre. 

Chez  les  Touareg,  cette  croyance  est  tellement  puissante  qu'ils  ne 
veulent  jamais  passer  la  nuit  sous  un  toit,  dans  la  crainte  de  s'y 
trouver  emprisonné  par  les  alhînen  :  aussi ,  mettre  un  targui  en  pri- 
son est  presque  le  condamner  à  mourir  de  peur. 

Toute  maladie  nerveuse  :  épilepsie,  catalepsie,  convulsion,  etc., 
est  réputée  prise  de  possession  par  les  génies;  pour  les  conjurer 
d'évacuer  la  place,  on  a  recours  aux  exorcismes  les  plus  étranges. 

Lf  s  Touareg  croient  aussi  aux  sorciers,  aux  enchanteurs,  aux- 
quels ils  attribuent  le  pouvoir  de  métamorphoser  les  hommes  en 
bêtes.  Tout  voyageur  européen,  par  le  seul  fait  qu'il  ose  aborder  des 
pays  inconnus,  tsi  réputé  quelque  peu  sorcier.  Aussi  El-Hàdj-el-Amîn, 
le  cheikh  de  Rhât,  évitait-il  mes  regards  avec  le  plus  grand  soin, 
dans  la  crainte  de  tous  les  dangers  possibles. 


VIE    INTÉRIEURK.  M9 

L'ignorance  des  peuples  barbares,  qui  transforme  les  voyageurs 
européens  en  êtres  surnaturels  et  les  fait  apparaître  comme 
dangereux,  a  souvent  créé  de  grands  dangers  à  de  nobles  martyrs 
de  la  science.  Peut-être  la  mort  de  Vogel  est-elle  due  à  cette  cause. 
C'est  pourquoi  les  voyageurs  agiront  toujours  prudemment  en  ne 
s'avançant  dans  des  contrées  où  ils  sont  inconnus  que  sous  la  cau- 
tion des  hommes  qu'ils  viennent  de  quitter  et  qui  ont  eux-mêmes 
expérimenté  la  limite  tout  humaine  de  la  puissance  de  l'étranger. 

En  raison  de  ces  terreurs  et  superstitions,  Tamulette  joue  un 
grand  rôle  chez  les  Touareg ,  car  on  lui  attribue  la  propriété  de  pou- 
voir préserver  de  tout,  excepté  de  la  mort.  Et  comme  les  Touareg 
craignent  beaucoup  de  choses,  ils  ont  la  tête,  le  cou  et  la  poitrine 
couverts  d'amulettes. 

Les  amulettes  des  Touareg  ressemblent  à  celles  de  tous  les  autres 
musulmans  :  elles  consistent  en  petits  sachets  de  cuir,  plus  ou  moins 
ornementés,  ajustés  sur  une  lanière  également  en  cuir,  de  manière  à 
former  des  colliers.  Dans  ces  sachets  sont  enfermées  des  feuilles  de 
papier  couvertes  de  versets  du  Coran  ou  de  signes  cabalistiques. 

11  y  a  deux  classes  bien  distinctes  d'amulettes  :  celles  destinées 
à  appeler  sur  la  personne  qui  les  porte  toute  la  série  des  biens  que 
l'homme  peut  désirer;  celles  appelées  à  éloigner  toute  la  série  des 
maux  qu'il  peut  redouter. 

Les  marabouts  qui  les  fabriquent  ont  chacun  leur  spécialité. 
L'Islamisme,  en  son  entier,  est  mis  à  contribution  pour  constituer 
la  collection  de  chaque  croyant. 

Instruction. 

La  langue  parlée  dans  chaque  confédération  constitue  un  dialecte 
propre. 

Bien  que  les  Touareg  des  quatre  confédérations  se  comprennent 
entre  eux,  il  y  a  cependant  des  différences  notables  dans  chaque 
dialecte,  surtout  dans  ceux  du  Sud  qui  ont  donné  l'hospitalité  à 
beaucoup  de  mots  des  diverses  langues  nègres  de  l'Afrique  centrale. 
Ceux  du  iNord  paraissent  plus  purs  de  mélange.  Si  on  y  trouve 
quelques  mots  arabes,  nécessairement  importés  avec  la  religion  mu- 
sulmane, du  moins,  les  mots  d'origine  nègre  ne  les  ont  pas  envahis. 


420  TOUAREG   DU  NORD. 

Pour  la  prononciation  des  mots,  la  principale  différence  entre  les 
dialectes  du  Nord  et  ceux  du  Sud  est  que ,  dans  les  premiers ,  Vh  est 
aspirée,  et  que,  dans  les  seconds,  cette  lettre  est  remplacée  par  un 
ch  ou  par  un  z,  ce  qui  rend  la  prononciation  plus  douce*. 

En  général ,  hommes  et  femmes  savent  lire  et  écrire ,  mais  les 
femmes  plus  que  les  hommes,  surtout  dans  la  classe  des  nobles. 

La  lecture  et  l'écriture  du  tefînagh  sont  enseignées  dans  la  fa- 
mille par  les  femmes  :  c'est  pourquoi,  sous  ce  rapport,  le  degré  de 
leur  instruction  est  supérieur  à  celui  des  hommes. 

La  connaissance  de  la  langue  arabe  écrite  est  restreinte  à  une 
minorité  d'élite.  Un  plus  grand  nombre  se  sert  de  la  langue  arabe 
parlée. 

La  langue  arabe  est  enseignée  par  des  tolba  du  Touâl,  qui  entre- 
prennent l'éducation  de  toute  une  famille,  filles  et  garçons.  Les 
familles  un  peu  aisées,  celles  des  chefs,  ont  un  maître  qui  les  accom- 
pagne partout  où  elles  vont,  tant  qu'il  y  a  un  enfant  à  instruire. 
Comme  les  filles  sont  moins  distraites  de  leurs  travaux  que  les  gar- 
çons, elles  profitent  mieux  qu'eux  des  leçons  de  leur  instituteur. 

Les  livres  arabes  qu'on  trouve  chez  les  Touareg  sont  le  Coran  et 

ses  commentaires.  Ils  sont  rares. 

« 

Ceux  des  Touareg  qui  parlent  la  langue  arabe  s'expriment  en 
termes  bien  plus  corrects  que  les  Arabes  de  l'Algérie,  mais  au  bout 
de  cinq  mots  on  reconnaît  qu'ils  sont  Touareg,  car  ils  ne  peuvent 
prononcer  Vh  dur,  et  remplacent  cette  lettre  par  un  kh  :  ainsi  ils  ne 
disent  pas  hânoût,  halxb,  mais  khânoût,  khaUb, 

Parmi  les  femmes,  il  en  est  de  véritablement  instruites  et  qui 
feraient  honte  aux  femmes  des  Arabes  de  l'Algérie.  Aussi,  quand  on 
constate  quel  degré  d'influence  l'éducation  a  donné  à  la  femme  tar- 
guie dans  la  famille,  on  regrette  d'apprendre  que,  sur  la  proposition 
de  quelques  membres  musulmans  des  conseils  généraux  de  l'Algé- 
rie, on  ait  renoncé  à  enseigner  la  lecture  et  l'écriture  aux  jeunes 
filles  mauresques  qui  fréquentent  les  écoles  d'Alger,  surtout  quand 
on  avait  surmonté  les  premières  difficultés  du  professorat. 


1.  M.  le  docteur  Henri  Barth,  qui  a  étudié  surtout  les  Touareg  du  Sud,  écrit 
le  nom  de  ce  peuple  Imàcharh  d'après  le  dialecte  des  Âouélimmiden.  J*ai  adopté 
dans  cet  ouvrage  la  forme  Imôhagh ,  qui  est  celle  usitée  dans  le  Nord.  Le  même 
changement  de  lettre*^  se  trouve  dans  un  grand  nombre  de  mots  de  nos  deux  voca- 
bulaires. 


VIE    INTÉRIEURE.  /j21 

Dans  cette  circonstance,  on  a  trop  subi  Tinlluence  d'hommes  habi- 
tués à  considérer  la  femme  comme  un  être  inférieur  qui  doit,  en 
toutes  choses,  être  subordonnée  aux  caprices  de  T homme. 

Les  connaissances  en  calcul  sont  à  peu  près  nulles,  si  ce  n'est 
chez  les  marchands  des  villes  de  Ghadàmès,  de  Rhàt  et  d'In-Sâlah. 

Quant  aux  Touareg  nomades,  ils  comptent  sur  les  grains  de  leurs 
chapelets,  ou  au  moyen  de  points  marqués  sur  le  sable. 

Cependant,  à  la  différence  des  Arabes,  la  plupart  des  Touareg 
savent  leur  âge,  en  années  lunaires. 

La  division  de  Tannée  est  la  môme  que  chez  les  Arabes. 

Voici,  en  temàhaq,  les  noms  des  mois  : 

Azhofim  (âzhoûm)  .  .  correspondante  Ramadhân. 

Tesesî —  à  El-fotor. 

Djer-moCihadan.  ...  —  à  Ei-foior-elh-lhâni. 

Tafàski —  à  El-ditL 

Tàmessadaq —  à  'Achoùra. 

Tâllit-sattafet —  à  Sefer. 

Tàllit-àrarhet —  à  El-mouloàd. 

Aouhêm-iezzàren. .  .  .  —  k  Teba'at-monloûd-el-ooueL 

Aouhêm-ilkemen. ...  —  à  Teba'nt'mouloûd'eth-thàni. 

Saret —  à  Chaa'bân-el-ooneL 

Tîn-tenslemîn —  à  Chaaban-clhrihâni, 

lln-tenslemîn-imezzehêl       —  à  Chaa'ban-ethrthàleth, 

Les  noms  dos  jours  de  la  semaine  sont  : 

Vendredi El-djcmet, 

Samedi Es-sebcl, 

Dimanche ENiâd , 

Lundi Elr-îtni, 

Mardi El-tenâta , 

Mercredi Enârda , 

Jeudi El-rhamts, 

tous  empruntés  à  la  langue  arabe  et  dénaturés. 

En  dehors  de  la  géographie  de  la  partie  de  l'Afrique  comprise 
entre  le  Niger  et  la  Méditerranée,  de  celle  des  pays  de  TOrient  sur 
la  route  de  la  Mekke,  qu'ils  connaissent  bien,  les  Touareg  savent 


422.  TOUAREG   DU   NORD. 

tout  au  plus  qu'il  y  a  des  pays  qui  s'appellent  l'Angleterre ,  la  France, 
la  Russie,  et  que  le  premier  de  ces  pays  est  séparé  des  deux  autres 
par  des  mers.  A  cela  se  borne  la  science  géoi^raphique  du  peuple 
le  plus  voyageur  du  monde. 

Mais  on  peut  dire  que  le  dernier  d'entre  eux  connaît  son  pays, 
dans  ses  détails,  comme  peu  d'entre  nous  connaissent  le  leur. 

A  Texceplion  de  quelques  faits  conservés  par  les  légendes  et  la 
tradition,  l'histoire  est  un  livre  clos  pour  eux. 

Cependant,  par  la  Note  de  Bràhîm-Ould-Sîdi,  par  les  listes  de 
sultans,  de  cheikh,  qui  m'ont  été  données  et  qui  embrassent  plu- 
sieurs siècles,  on  voit  que  les  Touâi*eg,  comme  tous  les  Orientaux, 
tiennent  à  la  conservation  de  leurs  généalogies. 

En  botanique,  les  Touareg  défieraient  les  plus  érudits  :  ils  savent 
le  nom  de  toutes  les  plantes  du  Sahara,  leurs  propriétés  utiles  ou 
nuisibles,  les  terrains  qu'elles  préfèrent,  les  époques  de  leur  floraison 
et  de  leur  fructification.  On  reconnaît  en  cela  qu'ils  sont  essentielle- 
ment pasteurs. 

En  zoologie,  ils  sont  moins  instruits,  mais  tous  connaissent  les 
grands  animaux  de  leur  pays,  leurs  mœurs  et  leurs  habitudes.  Quel- 
ques-uns possèdent  traditionnellement,  en  médecine  et  en  art  vété- 
rinaire, des  connaissances  qui  suffisent  à  leurs  besoins. 

En  minéralogie ,  leur  science  se  borne  à  distinguer  entre  elles  les 
substances  minérales  qu'ils  emploient. 

Ils  savent  aussi  discerner,  par  l'observation,  les  terrains  dans  les- 
quels il  y  a  chance  de  trouver  de  l'eau  pour  le  forage  des  puits. 

Dans  le  forage  des  puits,  ils  tiennent  compte  des  couches  traver- 
sées, leur  donnent  des  noms  et  attachent  la  plus  grande  attention  à 
bien  reconnaître  celle  qui  précède  immédiatement  l'eau. 

Sur  tous  les  points  du  Sahara,  on  trouve  des  mineurs  et  des  pui- 
satiers qui  ont  une  certaine  expérience.  Quelques-uns  même  préten- 
dent être  hydroscopes  et  reconnaître  les  couches  d'eau  souterraines 
que  les  Arabes  appellent  Baliar-taht-el-ardh,  mer  sous  la  terre. 

Les  marabouts  ont  des  notions  de  théologie  et  de  droit.  Malheu- 
reusement les  marabouts  instruits  sont  rares  chez  les  Touareg  : 
obligés  d'être  continuellement  sur  les  routes  pour  les  devoirs  de  leur 


VI K    INTÉRIKURE.  /i23 

ministère,  ils  ne  peuvent  consacrer  aux  études  sérieuses  le  temps 
qu'elles  réclament. 

Les  controverses  religieuses  ont  pour  thèmes,  d'un  côté,  le  fana- 
tisme le  plus  exalté  prêché  dans  les  zàouiya  de  la  confrérie  des 
Senoûsi,  de  l'autre,  la  tolérance  et  la  conciliation  recommandées  par 
les  zàouiya  des  Tedjâdjna  et  des  Bakkày. 

Pour  renseignement  du  droit,  on  suit  les  préceptes  du  Traité  de 
jurisprudence  de  SUli  KhelU,  modifiés  par  les  Coutumes  de  Fez.  Dans 
la  pratique,  chez  les  Touareg,  les  coutumes  locales  ont  la  préférence 
sur  les  décisions  des  plus  savants  jurisconsultes. 

I.e  maximum  de  la  science,  pour  ceux  qui  ont  des  prétentions  à 
l'érudition,  est  de  se  proclamer  savants  en  sorcellerie  et  en  alchimie. 
Mais,  quand  on  les  interroge  sur  ces  sujets,  ils  évitent  habilement 
toute  discussion.  Les  sciences  occultes  aiment  le  secret. 

Mais  là  où  excellent  incontestablement  les  Touareg ,  c'est  dans 
l'astronomie. 

Un  peuple  qui  voyage  toujours  dans  des  déserts,  et  qui,  pour 
éviter  la  chaleur,  préfère  les  marches  de  nuit  à  celles  du  jour;  ce 
peuple,  s'il  n'a  pas  de  boussole,  est  obligé  de  guider  sa  marche  sur 
celle  des  étoiles.  L'esprit  d'observation  a  dû  bientôt  suppléer  chez 
lui  à  l'enseignement  méthodique,  et  si  ce  peuple,  comme  tout  l'in- 
dique ,  a  des  liens  de  parenté  avec  les  anciens  Égyptiens,  la  tradition 
vient  en  aide  à  l'observation. 

Je  n'ai  pas  la  prétention  de  donner  ici  une  situation  des  connais- 
sances des  Touareg  en  astronomie  :  il  eut  fallu,  pour  cela,  consulter 
un  grand  nombre  de  guides  des  caravanes  et  contrôler  les  unes  par 
les  autres  leurs  informations  ;  je  me  borne  donc  à  constater  ce  que 
j'ai  appris,  en  conservant  autant  que  possible  à  la  poésie  saharienne 
tout  son  caractère. 

Le  Firmament  est  Erlier. 

Le  Soleil  est  Tafoûk,  et  la  Lune  Ayôr. 

Quand  il  y  a  éclipse,  c'est  une  rhazia  que  l'un  des  deux  astres 
opère  sur  l'autre. 

L'éclipsé  de  Soleil  ou  la  rhazia  de  la  Lune  sur  le  Soleil  est  Tafoàk- 
leméhagh. 

L'éclipsé  de  Lune  est  Ayôr'ïemèliagh. 


h2k  TOUAREG  DU   NORD. 

La  nouvelle  Lune  s'appelle  TâllU; 

La  pleine  Lune,  Afaneôr; 

La  Lune  avec  halo ,  Ayôr-ieffrâdj  ; 

Les  Étoiles,  en  général,  Itrân,  au  sing.  àtn: 

l>a  Voie  lactée ,  Mâhellaou. 

Vénus  est  TâtriHan-toùfat  {Vétoile  du  matin),  comme  l'appellent 
aussi  nos  bergers. 

Orion  est  Amanâr  (celui  qui  ouvre),  étymologie  qui  rappelle  celle 
du  nom  classique. 

Le  Baudrier  d'Orion,  Tàdjebesl-en-Amanâr  (mot  à  mot  ceinture  de 
celui  qui  ouvre),  est  une  traduction  plus  complète  encore. 

Rigel  est  Adâr-n-elâkou  ou  le  Pied  datis  la  vase. 

Sinus  est  Eydi,  le  Chien,  c'est-à-dire  le  chien  du  chasseur  Amanâr, 

D'après  les  uns,  Orion  (Amanâr)  sort  d'un  puits  vaseux,  et  Rigel 
(Adàr-n-elâkou)  est  le  dernier  pied  qu'il  sort  de  la  vase,  c'est-à-dire  la 
dernière  étoile  qui  apparaît  lorsque  la  constellation  monte  dans  l'Est. 

D'après  d'autres,  Amanâr  est  un  Chasseur  ceint  de  sa  Ceinture; 
il  est  suivi  par  un  Chien,  Eydi  (Sirius),  et  précédé  par  des  Gazelles, 
Ihenkâdh,  qui  sont  les  étoiles  de  la  constellation  du  Lièvre. 

A  l'époque  où  Adâr-n-elâkou  (Rigel)  paraît  au  firmament,  les 
fruits  du  Zizyphus  Lotus,  arrivés  à  maturité,  sont  déjà  tombés  à  terre. 
L'apparition  de  cette  étoile  est  donc  à  la  fois  une  époque  astrono- 
mique et  botanique. 

La  grande  et  la  petite  Ourse  est  une  Chamelle  avec  son  Chamillon, 
Tâlemt-de-rôris. 

Le  Chamillon,  sans  sa  mère  (la  petite  Ourse),  s'appelle  Aourâ, 

L'Étoile  Polaire  est  dite  Lemkechen,  mot  à  mot,  tiens,  c'est-à-dire 
qu'une  Négresse  est  supposée  recevoir  l'ordre  de  tenir  le  Chamillon 
Aou7^â,  pour  qu'on  puisse  traire  sa  mère,  Tâlemt,  la  Chamelle  (c'est- 
à-dire  la  grande  Ourse). 

Les  étoiles  de  la  même  constellation  vj;,  X,  jjl,  v,  Ç,  qui  forment 
un  triangle,  figureraient  une  Assemblée,  El-Djema'al,  qui  délibérerait 
pour  tuer  Lemkechen  (la  Négresse);  c'est  pourquoi  cette  dernière, 
saisie  d'effroi,  ne  bouge  pas  et  cherche  à  se  cacher. 

Les  Pléiades  sont  les  Filles  delà  Nuit,  Chét-AMdh;  chacune  des 
six  principales  étoiles  de  cette  constellation  a  son  nom  propre;  la 
septième  est  l'œil  d'un  garçon ,  qui,  après  avoir  quitté  l'orbite  ocu- 
laire de  son  propriétaire  terrestre,  est  allé  se  fixer  au  ciel. 


VIK    INTÉRIEUR!:.  425 

Cela  est  expliqué  dans  les  cinq  vers  suivants  : 

Chôt-Ahadh  essa  hetisenet 
Màtoredjrè  d-Erredjeâut , 
MiUeseksck  d-Essekâot , 
Màtelarhlarh  d-EIIerl»àol, 
KttàH  djenen,  baràd,  lit-ennit  abâtet. 

Ce  qui  mot  à  mot  signifie  : 

«  Les  Filles  de  la  Nuit  sont  sept  : 

«  Màleredjré  et  Erredjeàot, 

((  Mâteseksek  et  Essckàot, 

«  Mâtel'irhlarh  et  Ellerhàot, 

«  La  septième  est  un  garçon  dont  un  œil  s'est  envolé.  » 

Le  Scorpion  est  tantôt  désigné  sous  le  nom  de  Tâzherdamt  (scor- 
pion), tantôt  sous  celui  de  Tâzzeït  (palmier).  Cette  dernière  désigtia- 
tion  convient  très-bien  à  la  figure  de  cette  constellation. 

Un  jeune  homme,  du  nom  d*Amrôt  {Anlarès),  disent  les  astro- 
logues Touareg,  veut  monter  sur  le  Palmier,  Tâzzeïl,  mais  arrivé  à 
mi-hauteuf  de  farbre,  il  aperçoit  de  belles  jeunes  Filles,  Tiharadhi, 
revôtues  de  haoulis  rouges,  venant  de  la  Mare,  appelée  Tesâhak,  et 
se  dirigeant  vers  lui;  il  reste  alors  à  mi-hauteur  du  Palmier  pour  les 
comtempler.  Sans  doute  cette  image  peut  s'expliquer,  mais  je  ne  veux 
pas  me  risquer  à  appliquer  ces  dénominations  à  telles  ou  telles  étoiles 
voisines  de  la  constellation  du  Scorpion. 

La  constellation  du  Lièvre  est  désignée  sous  le  nom  d'ihmkâdh, 
les  Gazelles. 

La  constellation  du  grand  Chien  (  e  <î  et  v)  )  est  appelée  Jfarakfa' 
rciken,  mot  qui  sert  ordinairement  à  indiquer  le  bruit  que  fait  un 
éventail  agité  dans  Tair,  ou  le  vol  d'un  oiseau  à  son  passage,  parce 
qu'à  répoquc  où  parait  celte  constellation  des  vents  violents  agitent 
toujours  l'atmosphère. 

P  du  grand  Chien  est  Aoulièm,  le  petit  de  la  Gazelle. 

Les  étoiles  de  la  constellation  du  Navire  sont  désignées  :  S,  sous 
le  nom  de  Tenâfelit,  la  Richesse,  l'Opulence;  o,  sous  celui  de  Tôzzert, 
la  Misère,  le  Besoin,  la  Pauvreté. 

Quand  on  traverse  le  désert  de  Tànezroûft,  de  Ouâllen  à  Am-Rhan- 
nàn,  ces  deux  étoiles  servent  à  indiquer  la  direction  en  prenant  le 


426  TOUAREG  DL   NORD. 

point  central  entre  celui  de  leur  lever  et  celui  de  leur  coucher,  c'est- 
à-dire  droit  ao  Sud.  Ces  étoiles  étant  près  de  Thorizon,  il  est  lou- 
jonrs  facile  de  se  guider  sur  leur  passage  au  méridien.  Flntre  leur 
coucher  et  leur  lever,  les  guides  disent  qu'il  y  a  la  longueur  de  rem- 
placement de  la  ville  d*Araouân. 

Mdébaran  est  Kôkoyyodh. 

Canopus  est  Ouâdet, 

Une  Comète  se  dit  Aharôdh.  Comme  chez  tous  lf*s  peuples,  l'ap- 
parition inattendue  de  ces  corps  lumineux  étonne  et  effraie. 

Le  Soleil  et  les  Étoiles  servent  aux  Touareg  à  distinguer  les  quatre 
points  cardinaux  : 

Le  Nord  se  dit  : Fôy, 

Le  Sud :  ,  Anthôi, 

L'Est LeqqâbUl, 

L'Ouest Idjedel-en-Tafoùh. 

Les  divisions  du  jour,  Ahel,  sont: 

Le  matin Toùfat, 

Le  midi Imogkri,    ^ 

L'après-midi  (trois  heures) Takkâst, 

Le  soir Tadeggat, 

La  nuit EhadJi. 

Tout  le  temps  de  la  grande  chaleur,  la  Gnïla  des  Arabes,  celui 
pendant  lequel  les  caravanes  se  reposent,  se  dit  Taroût. 

Les  Touareg,  comme  tous  les  Arabes  du  Sahara,  pour  avoir 
l'heure  du  midi,  planieot  un  piquet  dans  le  sable  et  calculent  la 
projection  de  l'ombre  suivant  la  saison. 

La  boussole,  aussi  utile  dans  les  voyages  sahariens  que  dans  la 
navigation  maritime,  étaitentièrement  inconnue,  non-seulement  chez 
les  Touareg,  mais  encore  dans  toute  l'Afrique  centrale.  On  n'en  savait 
,  même  pas  le  nom. 

Par  mes  soins,  les  Touareg  la  connaissent  désormais.  Le  marabout 
Sîdi-el-Bakkây  attachait  le  plus  grand  prix  à  en  avoir  une;  j'ai  pu 
satisfaire  ce  désir.  Ikhenoûkhen  aussi  en  désirait  une ,  mais  il  a  dû 
attendre.  Le  Cheikh -'Othmân  en  a  fait  ample  provision  à  Paris. 

J'estime  donc  que  la  boussole  est  un  des  présents  les  plus  utiles 


VIE    INTÉRIEUHt:.  Ù27 

qu'on  puisse  faire  aux  chefs  du  Sahara,  à  la  condition  que  l'instru- 
ment sera  portatif  et  leur  sera  remis  par  une  personne  qui  leur 
indiquera  la  manière  de  s'en  servir. 

A  Ghadâmt'S,  on  m'a  parlé  de  deux  Traités  d'astronomie,  en 
langue  arabe,  qui  existeraient  dans  la  bibliothèque  de  la  mosquée, 
preuve  incontestable  de  l'importance  que  les  Sahariens  attachent  à 
la  connaissance  de  la  marche  des  astres. 

Je  ne  puis  terminer  ce  que  je  viens  dé  dire  sur  l'instruction  des 
Touareg  sans  faire  remarquer  que  la  somme  de  leur  savoir  se  trans- 
met, traditionnellement,  de  père  en  fils  et  avec  le  concours  d'une 
seule  famille  :  celle  des  marabouts  de  Timâssanîn. 

Droit.  —  Justice,  —  Police. 

Le  droit  écrit  n'est  invoqué  qu'à  défaut  du  droit  coutumier,  pour 
les  contestations  exceptionnelles.  Alors,  on  ouvre  le  Traité  de  juris- 
prudence du  grand  légiste  Sîdi-Khelîl. 

Le  droit  coutumier,  'Aâda,  conservé  traditionnellement  dans  la 
mémoire  des  anciens,  doit  être  une  émanation  de  l'ancien  droit  ber- 
bère. Pour  en  avoir  une  idée  nette,  il  faudrait  vivre  pendant  plu- 
sieurs années  chez  les  Touareg,  tenir  note  des  solutions  données  à 
tous  les  litiges  et  demander  aux  juges  la  raison  de  leurs  jugements. 
Un  voyageur  ne  peut  entrer  dans  de  pareils  détails. 

Les  Touareg  n'ont  pas  de  kâdhi  dans  leurs  tribus,  et  on  n'a 
recours  à  ceux  de  Rhàt,  de  Clhadàmès  et  d'In-^âiah,  que  très-excep- 
tionnellement. 

Le  chef  de  famille  supplée  à  leur  absence  dans  la  famille,  comme 
les  chefs  de  tribus  dans  les  tribus.  Quand  il  y  a  lieu,  les  marabouts 
interviennent. 

La  police  intérieure  est  faite  par  les  chefs  de  tribus.  Les  peines 
qu'ils  appliquent  sont  l'amende,  isekkeser,  la  bastonnade,  tibodren,  et 
la  mise  aux  fers. 

La  peine  de  la  prison ,  tekhôrmit,  et  la  peine  de  mort,  tâmattant, 
ne  sont  jamais  appliquées.  La  punition  des  crimes,  assez  graves  pour 
emporter  l'une  ou  l'autre  de  ces  deux  peines,  d'après  nos  lois,  est 
réservée  aux  représailles  des  parents  des  victimes. 


i28  touari:g  du  nord. 

Q'pendant,  quand,  pour  un  crime  particulier,  on  a  recours  à  Fin- 
tervention  de  Vam^jhàr,  en  vue  d'éviter  des  guerres  de  tribu  à  tribu , 
il  prononce  la  peine  du  talion,  conformément  aux  prescriptions  du 
Coran  :  œil  pour  œil,  dent  pour  dent,  coup  pour  coup. 

Dans  ce  cas,  ks  plus  proches  parents  de  la  victime  décident  du 
sort  du  criminel  :  ils  peuvent  accepter  le  rachat  du  sang,  moyennant 
une  somme  d'argent,  ou  désigner  celui  d'entre  eux  qui  remplira  les 
fonctions  d'exécuteur  des  hautes  œuvres  de  la  justice. 

Si  le  prix  du  sang  n*est  pas  accordé ,  malheur,  malheur  au  cou- 
pable! 11  subira,  en  présence  de  témoins,  de  sa  propre  famille  et  de 
celle  de  sa  victime,  le  plus  terrible  des  supplices,  car  TenixTement 
de  la  vengeance  ne  se  contente  pas  d'un  œil  pour  un  œil,  d'une  dent 
pour  une  dent. 

Quel  affreux  spectacle  que  celui  de  cette  justice  patriarcale! 

Dans  toutes  les  sociétés  musulmanes,  l'absence  d'une  justice  offi- 
cielle est  une  des  principales  causes  qui  entretiennent  les  haines  et 
les  divisions  entre  les  familles  et  entre  les  tribus. 

Cependant,  les  crimes  ayant  un  caractère  individuel  sont  rares  : 
l'infanticide ,  à  la  suite  des  grossesses  illicites,  est  assez  commun. 
Dans  ce  cas,  le  père  de  la  coiipable  est  juge  de  l'offense  faite  à  sa 
maison  et  généralement  il  cache  sa  honte. 

Naissancfs.  —  Mariages.  —  Décès. 

A  ma  connaissance,  les  naissances,  chez  les  Touareg,  appellent 
peu  Tattention.  Un  fils  est  toujours  le  bienvenu  parce  qu'il  augmente 
le  nombre  des  défenseurs  de  la  tribu.  A  Tàge  ordinaire,  il  est  cir- 
concis, suivant  la  coutume  musulmane. 

Chez  les  Touareg,  à  la  différence  des  Arabes,  les  jeunes  gens  ne 
sont  pas  admis  à  prendre  part  à  la  gestion  di^?^  affaires  publiques.  La 
grande  majorité  pour  eux  ne  commence  pas  avant  quarante  ans; 
jusque-là,  on  est  admis  à  l'action,  pas  au  conseil. 

La  longévité  des  Touareg  explique  cette  longue  durée  de  la  mino- 
rité comme  aussi  le  retard  apporté  au  mariage,  car  les  centenaires  n'y 
sont  pas  très-rares.  On  cite  môme  des.  individus  qui  ont  atteint  cent 
trente  et  cent  cinquante  ans;  entre  autres  celui  qui  m'a  conduit  à  la 
sculpture  Lybico-égyptienne  de  Bordj-Taskô,  à  Ghadâmès,  auquel  on 
donne  plus  de  cent  cinquante  ans.  Il  est  vrai  qu'il  est  actuellement 


VIE    INTÉRIEURi:.  429 

en  enfance.  Les  auteurs  arabes  du  moyen  âge  avaient  déjà  constaté 
ce  fait  exceptionnel.  Ebn-Khaldoôn,  entre  autres,  dans  sa  notice  sur 
les  Molâthemîn,  dit  :  «  Dans  le  pays  habité  par  ce  peuple,  on  vivait 
ordinairement  jusqu'à  Tàge  de  quatre-vingts  ans.  »  J'ai  constaté 
qu'il  en  est  encore  de  même  aujourd'hui. 

Les  mariages  donnent  lieu  aux  remarques  suivantes  :  la  femme 
se  marie  rarement  avant  vingt  ans,  l'homme  avant  trente.  Un  targui 
n'a  jamais  qu'une  femme.  11  peut  divorcer,  mais  il  n'introduira  pas 
une  nouvelle  épouse  au  foyer  conjugal  avant  d'avoir  réglé  le  sort  de 
la  femme  répudiée. 

La  femme  mariée  jouit  d'autant  plus  de  considération  qu'elle 
compte  plus  d'amis  parmi  les  hommes,  mais,  pour  conserver  sa  répu- 
tation, elle  ne  doit  en  préférer  aucun.  Une  femme  qui  n'aurait  qu'un 
ami  ou  qui  témoignerait  plus  d'affection  pour  l'un  de  ses  adorateurs 
serait  considérée  comme  pervertie  et  montrée  au  doigt. 

Les  mœurs  permettent,  entre  hommes  et  femmes,  en  dehors  de 
l'époux  et  de  l'épouse,  des  rapports  qui  rappellent  la  chevalerie  du 
moyen  âge  :  ainsi  la  femme  pourra  broder  sur  le  voile  ou  écrire  sur 
le  bouclier  de  son  chevalier  des  vers  à  sa  louange,  des  souhaits  de 
prospérité  ;  le  chevalier  pourra  graver  sur  les  rochers  le  nom  de  sa 
belle,  chanter  ses  vertus,  et  personne  n'y  voit  rien  de  mal.  «  L'ami 
et  l'amie,  disent  les  Touareg,  sont  pour  les  yeux,  pour  le  cœur,  et 
non  pour  le  lit  seulement,  comme  chez  les  Arabes.  »> 

Presque  tous  les  soirs,  les  femmes  chantent  en  s' accompagnant 
de  la  rebâza;  elles  improvisent  généralement  leurs  chants,  à  la  façon 
des  anciens  trouvères..  Les  hommes  font  cercle,  accroupis  autour  des 
chanteuses,  et,  pour  honorer  la  réunion,  ils  revêtent  leurs  plus  beaux 
habits. 

Au  milieu  de  ces  mœurs  patriarcales,  la  femme  demanderait 
immédiatement  le  divorce,  si  elle  avait  une  rivale,  et  l'homme  aurait 
le  droit  de  tuer  sa  femme,  sans  avoir  à  rendre  compte  de  sa  vie  à  sa 
famille,  si  elle  commettait  une  inûdélité. 

Est-ce  à  dire  pour  cela  que  les  mœurs  soient  d'une  pureté  irré- 
prochable? Je  ne  le  crois  pas.  11  y  a  près  de  Ghadàmès  un  campe- 
ment de  targuies  qui  rappelle  les  Nâylîyàt  de  Biskra  et  de  Tougourt, 
et  plus  d'une  jeune  fille  est  accusée  d'être  devenue  mère  avant  le 
mariage. 

Dans  les  rapports  de  l'homme  avec  la  femme,  en  mariage,  la  for- 


430  TOUARKG  DU  NORD. 

mule  du  Code  Napoléon  est  la  règle  :  «  La  femme  doit  obéissance 
au  mari  et  le  mari  doit  pourvoir  aux  besoins  de  la  femme  dans 
la  limite  de  ses  ressources,  n  La  délaisser  même  est  un  motif  à 
reproche. 

Les  Touareg  mangent  en  compagnie  de  leurs  épouses  ;  ce  qui  est 
contraire  à  l'usage  des  autres  musulmans;  la  meilleure  part  du  repas 
leur  est  donnée.  Toutefois,  il  est,  dans  les  aliments,  des  parties  exclu- 
sivement réservées  à  l'un  ou  à  l'autre  :  le  cœur,  les  intestins  des 
animaux,  ne  sont  mangés  que  par  Thomme;  le  foie  et  les  rognons 
reviennent  aux  femmes.  Le  café  et  le  thé  ne  peuvent  être  bus  que 
par  les  hommes. 

La  tenue  des  dames  Touareg  est  toujours  décente  et  convenable. 
Une  sorte  d'étiquette  préside  à  tous  leurs  mouvements  quand  elles 
sont  en  société.  Une  grande  marque  de  leur  respect  pour  Thomme 
auquel  elles  parlent  est  de  lui  cacher  leur  figure,  quoiqu'elles  ne 
portent  jamais  le  voile,  et,  à  cette  fin,  elles  tournent  le  dos  à  leur 
interlocuteur,  ou  bien  elles  ramènent  un  coin  de  leur  par-dessus  sur 
leur  figure. 

Le  sentiment  de  la  pudeur,  inconnu  et  impossible  au  milieu  des 
familles  polygames,  recouvre  tous  ses  droits  dans  les  ménages  mo- 
nogames des  Touareg. 

Plus  heureuse  que  la  femme  arabe,  la  femme  targuie  n'est  obli- 
gée ni  à  moudre  le  blé,  ni  à  aller  chercher  sur  son  dos  l'eau  et  le 
bois,  ni  à  faire  la  cuisine;  les  esclaves  pourvoient  à  tous  ces  besoins, 
de  sorte  que,  comme  les  dames  des  contrées  civilisées,  elles  peuvent 
consacrer  du  temps  à  la  lecture,  à  l'écriture,  à  la  musique  et  à  la 
broderie.  Ce  n'est  pas  sans  quelque  émotion,  qu'après  avoir  traversé 
quatre  cents  lieues  de  pays  dans  lesquels  la  femme  est  réduite  à 
l'état  de  bête  de  somme,  on  constate,  en  plein  désert,  une  civili- 
sation qui  a  tant  d'analogie  avec  celle  de  l'Europe  chrétienne  au 
moyen  âge. 

La  célébration  du  mariage,  chez  les  Touareg,  ressemble  beaucoup 
à  celle  des  autres  pays  musulmans,  avec  cette  différence  que,  les 
armes  à  feu  étant  inconnues  ou  à  peu  près  chez  les  nomades,  on  n'y 
fait  pas  parler  la  poudre.  Chez  les  nobles,  la  fantazia  à  dromadaire 
remplace  la  fantazia  à  cheval  ;  on  chante,  on  joue  de  la  rebâza  ;  chez 
les  serfs  et  chez  les  esclaves,  on  danse  à  la  mode  de  Nigritie,  au  son 
de  la  derboûka. 


VIE   INTÉRIEUIIE.  m 

Un  marabout  préside  à  la  bénédiction  nuptiale  et  rédige  les  con-. 
ventions  particulières  des  époux,  quand  il  y  a  lieu  à  contrat. 

Les  morts  sont  enterrés  conformément  aux  prescriptions  de  la 
religion  musulmane  ;  lavage  du  corps  à  Teau  chaude,  linceul  neuf, 
prières  pour  tous,  aromates  pour  les  riches.  Mais  on  ne  les  pleure  pas, 
et  dès  qu'on  leur  a  rendu  les  derniers  devoirs  de  la  sépulture,  après 
un  repas  propitiatoire,  on  évite  tout  ce  qui  pourra  ressusciter  leur 
souvenir.  Ainsi,  on  change  de  campement,  on  ne  prononce  jamais 
leur  nom,  et,  afin  qu'ils  disparaissent  du  milieu  des  vivants,  on  n'ap- 
pellera pas  leurs  enfants,  comme  chez  les  Arabes,  tel  fils  d'un  te!, 
on  leur  donnera  un  nom  qui  vivra  et  mourra  avec  eux.  Il  n*y  a 
d'exception  à  cette  règle  que  dans  les  familles  des  marabouts,  ou 
dans  les  familles  princières  dont  le  nom  est  intimement  lié  à  l'his- 
toire de  la  tribu  *.  Cet  oubli  apparent  ou  réel  des  morts  a  sa  cause 
dans  la  crainte  des  revenants,  crainte  générale  et  qui  fait  éviter  tout 
ce  qui  pourrait  être  considéré  comme  une  évocation. 

Pratiqwds  hygiéniques. 

L'hygiène  est  en  grand  tionneur  chez  les  Touareg,  et  ses  pré- 
ceptes, plus  ou  moins  orthodoxes,  plus  ou  moins  rationnels,  sont  re- 
ligieusement suivis. 

Jamais  un  targui,  à  moins  d'une  circonstance  exceptionnelle,  ne 
se  lave  ni  la  figure,  ni  les  mains,  ni  les  pieds,  à  plus  foile  raison 
les  autres  parties  du  corps,  parce  que  l'eau  est  réputée  rendre  la 
peau  plus  impressionnable  au  froid  et  au  chaud.  Les  ablutions 
prescrites  par  la  religion  sont  faites  avec  du  sable  ou  avec  un 
caillou. 

Toujours  en  vue  de  soustraire  la  peau  aux  influences  extérieures, 
les  Touareg  se  teignent  les  mains,  les  bras  et  la  figure,  avec  de  l'in- 
digo en  poudre.  Le  reste  de  leur  corps,  également  couvert  d'indigo 
par  la  déteinte  continuelle  de  leurs  vêtements,  est  soumis  aux  mêmes 
effets. 


1.  Le»  auteurs  de  l'antiquité  gi'ecque  et  romaine  parlent  d*hommes  habitant  le 
pays  actuel  des  Tou&reg  qui  ne  portaient  pas  de  noms  propres.  Sans  doute  il  est 
question  de  noms  patronymiques  et  d'un  usage  analogue  à  celui  que  je  constate,  car 
il  est  douteux  que  des  hommes  aient  Jamais  pu  vivre  en  société  sans  avoir  un  nom 
personnel. 


Ù32  TOUAREG  DU   NORD. 

Les  femmes  emploient  souvent,  mais  sur  leur  visage  seulement, 
Tocre  au  lieu  de  l'indigo. 

Ainsi,  quoique  blancs,  les  Touareg  paraissent  bleus,  et  leurs 
femmes  jaunes,  ce  qui  contribue  à  leur  donner  un  aspect  si  étrange. 

il  va  sans  dire  que  jamais  on  ne  lave  les  vêtements  teints  à  Fin- 
digo,  attendu  que,  par  le  lavage,  ils  perdraient  leur  propriété  essen- 
tielle, qui  est  de  déteindre  sur  le  corps. 

La  conséquence  de  pareilles  habitudes  est  que  ceux  des  Touareg 
qui  n'ont  pas  une  garde-robe  de  rechange  sont  largement  pourvus  de 
parasites. 

Gomme  les  Arabes,  les  Touareg  se  rasent  la  tête,  mais,  au 
lieu  de  se  borner  à  laisser  une  simple  mèche  de  cheveux,  iahoqqàt, 
pour  que  l'ange  puisse  les  enlever  de  terre  au  ciel ,  le  joiur  du  juge- 
ment dernier,  et  les  faire  comparaître  convenablement  devant  le 
Grand  Maître,  ils  conservent,  du  front  à  la  nuque,  une  sorte  de  crête 
de  cheveux,  ahoqqél,  qui  ressemble  assez  à  celle  de  certains  casques, 
et,  en  attendant  que  ces  cheveux  servent  à  l'usage  commun  aprës  la 
mort,  ils  en  tirent  un  parti  hygiénique  dans  cette  vie.  A  cet  effet, 
cette  crête  est  tressée  en  petites  mèches,  réunies  les  unes  aux  autres, 
de  manière  à  former  une  charpente  pour  supporter  la  calotte  et  per- 
mettre à  l'air  de  circuler  entre  le  cuir  chevelu  et  le  tissu  de  laine  qui 
recouvre  la  têle. 

Les  enfants  et  les  jeunes  gens  portent  à  une  oreille  un  grand 
anneau,  tantôt  en  métal,  tantôt  en  corne,  tantôt  en  bois.  Est-ce  là 
aussi  une  pratique  hygiénique  pour  préserver,  pendant  le  jeune 
âge,  par  un  dérivatif  continuel,  des  nombreuses  maladies. auxquelles 
les  yeux  sont  exposés? 

L'usage  du  sulfure  d'aniimoine,  le  kolui  des  Arabes,  sur  le  bord 
libre  des  paupières,  a  incontestablement  ce  but.  Cette  poudre  est 
appliquée  avec  délicatesse  au  moyen  d'un  stylet  en  bois,  tâfendil. 

Mais  la  pratique  hygiénique  par  excellence  des  Touareg  est  la 
religion  du  voile,  pour  préserver  leurs  organes  extérieurs  les  plus 
délicats,  yeux,  oreilles,  fosses  nasales  et  bouche,  de  l'action  des 
sables,  du  soleil ,  des  vents  et  de  la  sécheresse  extrême  de  l'air  ; 
jamais  coutume  ne  fut  mieux  appropriée  au  climat,  aussi  tous  les 
étrangers  qui  voyagent  dans  leur  pays  s'empressent-ils  de  l'adop- 
ter. Moi-même  j'ai  suivi  la  mode  générale  et  je  n'ai  qu'à  m'en  féli- 
citer. 


VIE    INTÉRIEURE.  i33 


Maladies  et  pratiques  médicaies. 

Le  genre  de  vie  menée  par  les  Touareg  est  promptement  fatal  aux 
constitutions  faibles,  et  la  sélection  opérée  par  la  mortalité  ne  laisse 
dans  la  population  que  des  sujets  forts  et  robustes. 

D*un  autre  côté,  le  climat  est  sain,  et  la  sobriété,  commandée  par 
Taridité  du  sol,  contribue  puissamment  à  maintenir  la  santé. 

Les  maladies  sont  donc  rares,  quoique  les  voyageurs  étrangers 
soient  assaillis  par  des  demandes  de  médicaments;  mais  ces 
demandes  ne  font  que  révéler  l'impuissance  des  pratiques  médicales 
en  usage  dans  le  pays. 

Les  maladies  les  plus  graves  et  les  plus  générales  sont  les  oph- 
talmies, les  rhumatismes,  les  fièvres  intermittentes,  les  engorge- 
ments des  viscères  consécutifs  aux  fièvres,  la  variole,  les  affections 
cutanées,  les  maladies  de  la  vessie,  le  ver  de  Guinée,  enfin  le  boûri 
chez  les  nègres. 

11  est  peu  de  Touareg  dont  les  yeux  n'aient  été  le  siège  d'oph- 
talmies les  plus  graves ,  probablement  d'ophtalmies  purulentes  si 
communes  en  Egypte,  sous  l'influence  des  mêmes  causes;  car,  chez 
un  grand  nombre,  la  cornée  transparente  est  devenue  opaque;  beau- 
coup sont  aveugles  ou  ne  voient  que  pour  se  conduire. 

La  réverbération  solaire,  les  sables  charriés  par  les  vents;  les 
variations  extrêmes  de  température,  entre  la  nuit  et  le  jour;  la 
sécheresse  de  l'air  ;  les  effluves  salines  qui  se  dégagent  du  fond  des 
lacs  desséchés  ;  la  contagion  elle-même,  sont  les  causes  de  ces  oph- 
talmies endémiques.  Au  Fezzân,  j'ai  trouvé  une  grande  partie  de  la 
population  atteinte  de  maux  d'yeux. 

Les  remèdes  empiriques  qu'emploient  les  indigènes  sont  plutôt 
de  nature  à  aggraver  qu'à  guérir. 

Un  des  plus  grands  services  qui  puisse  être  rendu  auxTotiàreg, 
serait  d'introduire  chez  eux,  à  titre  de  complément  de  l'usage  du 
voile ,  la  coutume  de  conserves  à  verres  bleus  avec  œillères.  Il  suffit 
pour  cela  d'en  donner  en  cadeau  aux  principaux  chefs,  —  c'est  ce 
qui  a  été  fait,  —  et  d'introduire  cet  article  dans  les  pacotilles  des 
caravanes  à  des  conditions  de  prix  qui  le  rendent  abordable  à  toutes 
les  bourses. 

Les  Anglais  ont  bien  opéré  un  plus  grand  miracle,  en  remplaçant 

I.  28 


/i3(i  TOUAREG   DU   NOIU). 

l'usage  du  café  par  celui  du  thé.  Ils  ont  commencé  par  en  faire  pro- 
sent aux  chefs,  et,  par  esprit  d'imitation,  tout  le  monde  a  voulu  en 
goûter.  Aujourd'hui  le  Maroc,  presque  tout  le  Sahara  et  une  partie 
de  l'Afrique  centrale  sont  tributaires  de  l'Angleterre  pour  le  thé. 

Au-dessus  de  trente  ans,  peu  d'hommes  ou  de  femmes  sont 
exempts  de  rhumatismes;  quelques-uns  en  sont  perclus.  Le  coucher 
sur  le  sable  refroidi  pendant  la  nuit,  et  l'usage  exclusif  des  vête- 
ments de  coton  expliquent  la  multiplicité  et  la  gravité  de  ces  affec- 
tions. Parvenons  à  livrer  aux  Touareg  des  vêtements  de  laine,  che- 
mises, blouses  et  pantalons,  à  des  prix  peu  supérieurs  à  ceux  de 
coton,  et  nous  verrons  le  coton  abandonné  pour  la  laine  ;  car  déjà 
les  chefs  recherchent  les  tissus  en  laine  des  Arabes.  Mais  le  prix 
élevé  de  ces  derniers  est  un  obstacle  réel  à  leur  adoption,  tant  le 
peuple  est  pauvre. 

A  l'exception  de  quelques  liniments  et  du  feu  appliqué  à  la  ma- 
nière arabe,  par  la  cautérisation  transcurrente,  les  Touareg  n'ont 
aucun  moyen  curatif  ou  palliatif  rationnel  contre  les  rhumatismes. 
Ceux  qui  en  sont  atteints  souffrent  jusqu'à  leur  mort. 

Les  Oèvres  intermittentes,  tàzzaq,  contractées  dans  le  pays,  sont 
rares,  mais  comme  les  Touareg  voyagent  beaucoup  et  sortent  souvent 
des  régions  saines  de  leurs  montagnes,  ils  rapportent  de  leurs  voyages 
des  fièvres  persistantes  auxquelles  le  changement  de  climat  met 
quelquefois  Qn,  mais  qui  souvent  se  transforment  en  engorgements 
chroniques  et  incurables  du  foie  et  de  la  rate. 

Les  seuls  renijJes  connus  sont  des  tisanes  laxatives  ou  purgatives 
préparées  avec  des  plantes  du  pays  ou  des  médicaments  tirés  du 
Soudan.  Notre  commerce  pourrait  substituer  à  ces  préparations,  sans 
valeur  sérieuse,  les  principaux  fébrifuges,  les  purgatifs  et  les  vomitifs 
de  notre  matière  médicale,  dont  l'emploi  deviendrait  bientôt  général, 
si  la  vente  de  c(îs  médicaments  était  accompagnée  de  notices  simples 
rédigées  en  langue  arabe. 

La  variole,  âchek  ou  bedi,  vient  périodiquement  décimer  ces  mal- 
heureuses populations;  à  mon  passagti  à  Ghadàmès,  une  épidémie  y 
régnait  et  n'épargnait  ni  jeunes  ni  vieux.  Klle  avait  antérieurement, 
au  printemps  181)0,  exercé  ses  ravages  sur  les  Ifôghas  du  Cheikh- 
'Othmàu.  Contre  ce  terrible  fléau  on  ne  connaît  ni  la  vaccine  ni 
même  l'inoculation  du  virus  variolique,  en  usage  chez  les  Arabes. 

Sans  doule,  un  jour ,  grâces  aux  relations  que  nous  sommes  ap- 


VIK    INTÉRIEURE.  435 

pelés  à  entretenir  avec  les  peuplades  du  Sahara  et  de  l'Afrique  cen- 
trale ,  elles  nous  seront  redevables  de  Tinlroduction  de  la  vaccine,  et 
de  ce  moment  datera  pour  elles  une  ère  nouvelle  qui  fera  époque 
dans  leurs  souvenirs  historiques;  jusque-là,  nous  sommes  impuis- 
sants à  leur  venir  en  aide. 

La  rougeole,  loùmet,  ainsi  que  les  autres  maladies  de  Tenfance, 
n'épargnent  pas  plus  les  Touareg  que  les  autres  peuples. 

On  comprendra  facilement  que  les  maladies  de  la  peau ,  du  cuir 
chevelu,  de  la  paume  des  mains  et  de  la  plante  des  pieds,  soient  fré- 
quentes et  presque  incurables  chez  un  peuple^  dévoré  de  vermine  et 
qui  redoute  de  se  laver  avec  de  Teau,  dans  la  crainte  de  rendre  la 
peau  plus  impressionnable  au  froid  et  au  chaud.  L'importation  par  le 
commerce  des  préparations  sulfureuses  et  mercurielles  peut  donc,  en 
attendant  mieux,  devenir  un  objet  d'échange  utile  et  lucratif. 

Les  dartres,  ânerhoû,  sont  communes. 

Les  voyages  fréquents,  Tallure  fatigante  du  chameau,  la  dureté 
des  selles,  en  vue  de  prévenir  le  sommeil,  déterminent  souvent  des 
maladies  chroniques  de  la  vessie,  dites  tezhaggâlt,  qui,  d'après  les 
symptômes  indiqués,  pourraient  bien  être  la  pierre. 

Contre  cette  maladie  les  Touareg  n'ont  aucun  remède. 

Les  hernies,  âmokketes,  suites  de  longues  marches,  sont  aussi  fré- 
quentes. Des  bandages,  plus  ou  jjioins  grossiers,  les  maintiennent 
réduites. 

Généralement,  les  Touareg  qui  vont  au  Soudan  en  rapportent  le 
ver  de  Guinée,  farentîl,  parasite  qui  vit  entre  cuir  et  chair,  cause 
d'atroces  souffrances,  et  revient  pendant  longtemps,  tous  les  ans,  à 
la  môme  époque. 

En  langue  temâhaq,  la  maladie  que  donne  le  ver  de  Guinée  est 
appelée  âlleb. 

Les  Européens,  comme  les  indigènes,  paient  le  tribut  au  farentît. 
M.  le  docteur  Barth  en  a  été  atteint  et  ne  s'en  est  débarrassé  qu'avec 
peine.  ' 

Le  suc  laiteux  du  Calotropis  procera  (voir  page  180)  est  le  seul 
remède  connu  à  ce  mal. 

Probablement,  notre  matière  médicale,  si  riche  en  toxiques,  aura 
à  donner  aux  habitants  de  l'Afrique  centrale  un  sj  ('cifique  plus  puis- 
sant que  le  suc  de  ce  Calotropis.  Ln  débouché  certain  est  assuré  à  ce 
médicament,  dès  qu'il  sera  trouvé. 


430  TOUAREG  DU   NORD. 

Le  bouri  est  une  affection  vertigineuse  du  cerveau,  qui  atteint 
spécialement  les  nègres  dans  la  période  d'acclimatation,  et  les  rend 
fous  à  lier.  Cette  maladie  se  présente  sous  forme  d'accès.  On  se 
borne,  pour  tout  traitement,  à  séquestrer  les  malades. 

La  syphilis,  tàlaouaït,  héréditaire  ou  acquise,  vient  couronner 
la  série  des  maladies  qui  atteignent  les  Touareg ,  quoique  ce  mal 
soit  moins  commun  que  dans  les  populations  sahariennes  du  Sud 
de  l'Algérie  et  de  la  Tunisie.  La  sévérité  des  mœurs  explique  la 
préservation  plus  générale  et  aussi  la  gravité  moins  grande  des  acci- 
dents. 

Les  symptômes  les  plus  ordinaires  de  cette  affection  sont  des 
ulcères ,  amaluir. 

Des  tisanes  et  des  poudres  de  diverses  plantes  sont  d'abord  em- 
ployées à  l'intérieur  et  à  l'extérieur  contre  les  premiers  symptômes  de 
cette  maladie,  et  quand  elles  n'ont  pas  amené  la  guérison,  on  a  recours 
au  traitement  traditionnel  par  la  salsepareille,  el-acJieba,  qui  est  très- 
compliqué. 

La  salsepareille,  qui  vient  d'Europe,  est  l'objet  d'un  commerce 
important  dans  le  Sahara.  Les  préparations  mercurielles,  employées 
avant  tant  de  succès  par  nos  médecins  sur  les  indigènes  de  l'Algérie, 
peuvent  très-bien  prendre  place  avec  la  salsepareille  dans  les  paco- 
tilles à  destination  de  l'intérieur. 

Les  Touareg  se  plaignent  souvent  d'ulcères,  dans  les  fosses  nasales, 
déterminés  probablement  par  les  sables  ou  l'excessive  chaleur;  ils 
donnent  à  cette  maladie  spéciale  le  nom  de  fandhefir. 

Les  bronches  elles-mêmes  ne  paraissent  pas  toujours  à  l'abri  de 
la  pénétration  des  sables,  malgré  l'usage  du  voile;  ils  provoquent  la 
toux,  tisoût,  mais  ne  déterminent  pas  d'autres  accidents. 

Dans  les  cas  de  piqûre  d'animaux  venimeux,  vipères  ou  scorpions, 
les  Touareg  étranglent  par  une  ligature  le  membre  ou  la  partie  at- 
teinte, pour  faire  obstacle  à  la  transmission  du  venin  par  la  circula- 
tion; après  quoi,  ou  ils  appliquent  le  feu,  ou  ils  font  des  lotions 
oléagineuses,  ou  ils  mettent  en  contact  avec  la  plaie  la  chair  san- 
glante et  encore  vivante  d'un  animal  quelconque,  poulet,  mouton  ou 
chèvre,  en  attribuant  aux  chairs  vivantes  la  propriété  d'absorber  le 
virus. 

La  seule  chose  rationnelle  dans  ces  pratiques  est  la  destruction 
des  parties  atteintes  par  le  cautère  incandescent;  mais  on  pourra 


VIK    INTÉRIL:URE.  /i37 

utilement  substitue!'  à  cette  méthode  douloureuse  remploi  de  Tam- 
moniaque  liquide  à  Tintérieur  et  à  Textérieur. 

Est-il  nécessaire  de  constater  que  les  'Aïssâoua,  qui  prétendent 
charmer  les  vipères  et  affronter  impunément  leur  morsure ,  ne  vont 
jamais  dans  la  contrée  où  leur  prétendue  exemption  anti-septique 
pourrait  être  mise  à  l'épreuve?  Us  sont  même  inconnus  chez  les 
Touareg. 

Dans  quelques  tribus  du  Sud  de  la  province  d'Oran,  quand  la  gale 
du  cheval  ou  du  chameau  a  résisté  au  traitement  par  le  goudron,  on 
détruit  YAcarus  ou  insecte  de  la  gale  par  le  virus  du  scorpion;  à  cet 
effet,  on  fait  piquer  l'animal  galeux  au-dessous  de  la  croupe,  et  on 
affirme  que  les  Acarus  sont  bientôt  tués.  Celte  pratique  n'est  pas  en 
usage  chez  les  Touareg,  quoique  la  gale  du  chameau  y  soit  fréquente 
et  difficile  à  guérir. 

Dans  le  Tell  algérien  et  tunisien,  on  fait  quelquefois  aussi,  dit-on, 
un  coupable  usage  de  viandes  présentées  à  la  dent  des  vipères  et 
empoisonnées  par  leur  venin.  Je  dois  dire  que  les  Touareg  sont  trop 
honnêtes  et  trop  loyaux,  même  vis-à-vis  de  leurs  ennemis,  pour  em- 
ployer de  tels  moyens. 

La  seule  plante  vénéneuse  que  produise  le  pays  des  Touareg 
est  VHyosajamus  Falezlez  (Voir  page  182).  On  ne  s*en  sert  pas  comme 
poison  ,   mais  comme  aliment  et  comme  médicament. 

L'observation  a  appris  aux  Touareg  que  Vafahlehlé  engraissait 
les  chameaux,  les  moutons  et  les  chèvres  (tous  ruminants),  et 
ballonnait,  avant  de  les  tuer,  les  chevaux  et  les  ânes  qui  en  avaient 
mangé. 

Leurs  femmes,  pour  lesquelles  l'embonpoint  est  le  suprême  de  la 
beauté,  ont  voulu  savoir  si  la  susdite  plante  agirait  sur  elles,  soit  en 
les  engraissant,  soit  en  les  ballonnant,  et,  en  vraies  filles  d'Eve,  elles 
ont  touché  au  fruit  défendu,  sans  qu'il  leur  soit  advenu  trop  grand 
mal,  en  prenant  certaines  précautions,  toutefois. 

Donc,  les  femmes  maigres  qui  veulent  devenir  grasses  mangent  de 
la  viande  assaisonnée  avec  une  petite  quantité  d'afahlehlé,  puis  elles 
se  couchent  en  ayant  soin  de  se  couvrir  de  manière  à  appeler  à  la 
peau  une  abondante  transpiration.  Pour  la  provoquer,  elles  boivent, 
par  gorgées,  de  grandes  quantités  de  lait  aigre.  Si  la  médication 
réussit,  la  peau  se  dilate,  et,  après  quelque  temps  de  ce  régime, 
l'embonpoint  se  développe.  Dans  le  cas  où,  au  lieu  de  la  chaleur,  sur- 


438  TOUARKC;  DU    NORD. 

vient  le  froid,  alors  il  y  a  folie  momentanée,  quand  des  accidenLs 
plus  graves  ne  se  manifestent  pas. 

Comme  médicament,  l'extrait  d'afahlehlé,  incorporé  à  du  beurre 
fondu,  est  employé  en  frictions  dans  les  douleurs  rhumatismales. 

Dans  les  maladies  de  Tutérus,  les  femmes  font  usage  de  tampons 
en  coton  recouverts  de  beurre  chargé  de  la  même  substance.  Celte 
pratique  rappelle  l'usage  que  les  dames  romaines  faisaient  de  la  bel- 
ladone, dans  les  mêmes  cas. 

Je  suis  entré,  à  dessein,  dans  ces  détails,  pour  faire  comprendre 
quelle  importance  le  commerce  des  médicaments,  asafar,  avec-  le 
Sahara  et  l'Afrique  centrale  peut  acquérir  un  jour.  Quoique  fatalistes, 
les  musulmans  n'hésitent  pas  à  acheter  des  drogues  pour  calmer  leurs 
souffrances  et  prolonger  leur  existence. 

Un  médecin,  âdliabîb,  qui  accepterait  avec  dévouement  la  mission 
d'aller  passer  quelques  années  au  milieu  des  Touareg,  non-seulement 
serait  considéré  par  eux  comme  un  personnage  sacré,  mais  encore  y 
exercerait  la  plus  heureuse  influence  pour  l'avenir  de  nos  relations 
commerciales  ou  politiques. 

Quand  la  France  aura  un  agent  consulaire  à  Ghadâmès  ou  à  Rhàt, 
on  pourra  utilement  confier  cette  glorieuse  mission  à  l'un  de  ces  nom- 
breux officiers  de  -santé  de  l'armée  pour  lesquels  l'occasion  de  rendre 
des  services  est  toujours  une  bonne  fortune.  Si  ce  médecin  parlait 
l'arabe  et  avait  le  goût  des  voyages,  le  Sahara  n'aurait  bientôt  plus 
de  secrets  pour  nous. 

Travail. 

Le  Touareg  n'ont  pas  d'habitation ,  ils  ne  produisent  ni  les  vête- 
ments qu'ils  portent  ni  les  aliments  qu'ils  consomment;  à  les  juger 
par  leur  impuissance  à  suffire  à  leurs  premiers  besoins,  surtout  quand 
on  sait  qu'ils  ont  des  vallées  où  la  terre  est  profonde  et  l'eau  presque 
à  la  superficie  du  sol,  on  est,  à  première  vue,  disposé  à  les  classer 
parmi  les  peuples  paresseux,  dignes  de  toutes  les  misères  qui  les 
atteignent. 

Il  n'en  est  rien  cependant,  car  le  targui  est  un  homme  actif, 
toujours  occupé  ;  mais  l'immensité  de  l'espace  dévore  son  temps  et  ne 
lui  laisse,  après  chaque  course,  que  trop  peu  d'intervalle  pour  vaquer 
à  d'autres  soins. 


VIE    INTEHIEURE.  439 

Ou  se  rendra  compte  de  la  lutte  de  Thomme  contre  l'espace  en  rap- 
prochant deux  chiffres:  celui  de  la  population,  environ  30,000  âmes, 
pour  la  totalité  des  Touareg  du  Nord;  et  celui  de  la  superficie  occu- 
pée, 100  millions  d'hectares  environ,  probablement  plus,  dont  ils 
doivent  faire  la  police,  soit  pour  protéger  les  caravanes  de  leurs 
clients,  soit  pour  surveiller  les  mouvements  de  leurs  ennemis. 

Pour  aller  à  un  marché,  vendre  ou  acheter,  ce  qui,  partout  ailleurs, 
n'exige  qu'un  jour  au  plus,  demande  souvent  un  mois  à  un  targui,  et 
ainsi  de  tout. 

Dans  cette  situation,  les  Touareg  ne  peuvent  êire  ni  agriculteurs, 
ni  industriels,  mais  seulement  pasteurs  des  très-maigres  et  des  très- 
petits  troupeaux  indispensables  à  leur  existence,  à  leurs  courses,  à 
leurs  transports.  Néanmoins  la  surveillance  de  leur  territoire,  la  garde 
de  leurs  troupeaux,  les  voyages,  les  déplacements  fréquents  que  la 
transhumance  impose,  obligent  les  Touareg  à  un  travail  continu  qu'une 
race  forte  et  robuste  peut  seule  supporter. 

A  part  les  oasis  de  Ghadàmès,  de  Rhât.  du  Fezzân,  de  Djânet  et 
d'Idélès,  qui  ne  produisent  même  pas  tout  ce  que  leui^s  habitants  con- 
somment, on  ne  trouverait  j)eut-ôtre  pas  1000  hectares  cultivés  dans 
les  100  millions  occupés  par  les  nomades.  Du  moins,  je  suis  autorisé 
à  tirer  cette  conclusion  de  ce  que  j'ai  vu  et  des  renseignements  qui 
m'ont  été  donnés.  On  cite,  chez  les  Azdjer,  trois  groupes  de  dattiers 
et  deux  groupes  de  figuiers,  et  à  peine  un  plus  grand  nombre  chez 
les  Ahaggàr. 

D'ailleurs,  les  Touareg  n'ont  ni  bœufs,  ni  chevaux,  ni  cliarrues 
pour  abréger  le  travail  de  la  terre;  ils  sont  donc  fatalement  con- 
damnés à  ne. cultiver  que  les  rares  petits  jardinets  qu'ils  peuvent 
piocher  avec  leui-s  bras. 

On  cite  cependant  un  fait  exceptionnel  de  culture  que  je  dois 
mentionner.  Sur  l'un  des  points  culminants  du  Tasîli,  à  Harêr,  il 
n'y  avait  qu'un  plateau  dont  la  roche  était  à  nu.  Les  serfs  y  ont 
apporté  de  la  terre  végétale  à  dos  d'hommes  et  d'animaux,  et  ils  y 
cultivent  aujourd'hui  des  dattiers,  des  vignes  et  des  céréales. 

Ce  point  est  assez  élevé  au-dessus  du  niveau  général  du  plateau 
pour  que ,  du  pied  de  la  montagne ,  un  homme  placé  à  son  sommet 
ne  paraisse  pas  plus  grand  qu'un  corbeau. 

L'industrie  est  un  peu  moins  bornée  que  l'agriculture,  sans 
cependant  dépasser  les  limites  imposées  par  la  stricte  nécessité. 


iùO  TOUAREG  DU   NORD. 

Des  forgerons,  inat,  réparent  les  armes;  après  les  nobles,  ces 
artisans  sont  les  principaux  personnages  de  la  tribu. 

Des  tanneurs,  sefel,  préparent  les  peaux  de  tous  les  animaux 
tués  :  chameaux,  moutons,  chèvres,  mouflons,  antilopes. 

Des  selliers,  des  cordonniers  mettent  ces  peaux  en  œuvre. 

Quelques-uns  font  des  travaux  de  sparterie  et  de  poterie  en  argile. 

D'autres  travaillent  le  bois,  tournent  des  plats  et  des  sébiles, 
préparent  des  arcs  et  des  flèches,  des  hampes  de  lance,  des  manches 
de  sabre  et  de  poignard. 

D'autres  sont  vétérinaires,  saignent,  bistournent  les  animaux, 
leur  appliquent  le  feu. 

Enfin  quelques-uns  se  hasardent  à  faire  du  goudron,  matière 
indispensable  au  chameau. 

Je  dois  dire  que  les  ouvriers  de  ces  professions  ne  manquent  pas 
d'adresse.  J'avais  perdu  la  clef  de  mon  chronomètre;  un  forgeron 
targui  d'El-Fogâr,  où  cet  accident  est  arrivé,  a  pu  m'en  faire  une. 
Le  travail  de  la  pelleterie,  de  la  cordonnerie  et  de  la  sellerie  a  atteint, 
notamment  à  Ghadâmès,  un  assez  haut  degré  de  perfection  pour 
pouvoir  rivaliser  avec  les  produits  des  mêmes  industries  du  Maroc , 
qui  n'ont  pas  encore  été  surpassés  pour  la  force,  la  souplesse  et  la 
couleur  des  cuirs,  par  les  imitateurs  européens.  Quelques  échantil- 
lons de  fine  sparterie  témoignent  d'une  supériorité  réelle  sur  les 
produits  similaires  du  Sud  de  l'Algérie  et  de  la  Tunisie. 

L'intelligence  qui  distingue  le  peuple  targui  ne  saurait  lui  faire 
défaut  en  industrie;  malheureusement  il  n'a  ni  le  temps,  ni  les  res- 
sources suffisantes  pour  l'appliquer. 

Les  professions  autres  que  celles  ci-dessus  dénommées  sont  celles 
de  marchand,  ajiesfear/wr;  guide,  âkhaMr;  chamelier,  âmakân;  voya- 
geur, amesôkal;  chasseur,  amacljedôl;  berger  de  chameaux,  amadân; 
berger  de  moutons,  amaouâL 

La  garde  des  troupeaux  et  les  soins  à  leur  donner  occupent  beau- 
coup de  bras,  car  l'eau  qu'ils  consomment  doit  souvent  être  tirée 
de  puits  profonds. 


CHAPITRE  VI. 


TOUAREG  DANS  LEUR  VIE  EXTÉRIEURE. 

La  conservation  de  leur  indépendance  au  milieu  de  voisins  de 
races  différentes,  leurs  ennemis  ou  leurs  rivaux,  a  exigé  des  Touareg, 
souvent  affaiblis  par  leurs  divisions  intestines,  toujours  à  la  discré- 
tion d'étrangers  pour  les  besoins  de  leur  consommation,  un  grand 
déploiement  de  vitalité  extérieure,  ici  pour  conserver  de  bonnes 
relations,  là  pour  défendre  leur  territoire.  L'examen  des  procédés 
par  lesquels  ils  font  face  aux  besoins  de  leur  politique  n'est  donc 
pas  sans  intérêt. 

Ces  procédés  sont  ceux  des  nations  civilisées  :  les  négociations 
amiables  ou  la  lutte  à  main  armée.  A  l'exception  de  rares  moments 
de  trêve,  la  vie  des  nobles  se  passe  ou  à  prendre  part  à  des  assem- 
blées, mia'âd,  ou  à  faire  la  guerre,  âmdjer,  sous  la  forme  de  course, 
êdjen, 

«^  I•^  —  Assemblées  or   Mia'Ad. 

Je  suppose  le  cas,  journalier  d'ailleurs,  où  s'élèvent  des  contes- 
tations, soit  entre  Touareg,  soit  entre  Touareg  et  étrangers.  On 
essaie  d'abord  les  voies  de  la  conciliation.  A  cet  effet,  un  miaâd  est 
proposé  et  presque  toujours  accepté,  parce  que  si  les  Touareg  tien- 
nent à  leur  réputation  d'hommes  de  guerre,  ils  aiment  aussi  à  faire 
preuve  d'habileté  diplomatique,  à  se  montrer  éloquents,  mais  sur- 
tout à  prendre  leur  large  part  des  repas  homériques  qui  ouvrent  et 
terminent  les  assemblées  publiques. 

Le  choix  du  lieu  de  la  réunion  est  toujours  une  affaire  impor- 
tante, car  chaque  parti  élève  ordinairement  la  prétention  de  placer 
son  adversaire  dans  des  conditions  défavorables  pour  sa  défense ,  si 
le  démon  de  la  traîtrise  venait  à  s'introduire  dans  l'assemblée. 


kk2  ÏOIAHKG    nu   NORD. 

Quand  les  circonstances  sont  délicates,  on  choisit  ordinairement 
un  terrain  neutre  et  on  détermine  à  l'avance  le  nombre  d*hommes 
armés  qui  pourront,  de  part  et  d'autre,  assister  à  la  réunion. 

Une  fois  les  préliminaires  réglés  et  le  lieu  de  la  réunion  fixé  d*un 
commun  accord,  les  chefs,  les  hommes  graves,  s*y  rendent  avec 
Tescorte  convenue. 

La  politesse  la  plus  exquise  préside  à  la  rencontre.  Les  saluta- 
tions, les  compliments  durent  le  temps  nécessaire  à  la  cuisson  d'un 
chameau  et  de  plusieurs  moutons. 

«  Quand  le  ventre  est  satisfait,  dit  un  proverbe  local,  le  cerveau 
est  bien  près  de  l'être  aussi.  » 

Conformément  aux  habitudes  musulmanes,  la  première  entrevue 
s'effectue -sans  qu'il  soit  question  de  l'objet  de  la  réunion. 

En  attendant,  chaque  parii  scrute  les  regards  de  l'autre,  sonde 
les  dispositions  hosliles  ou  favorables  des  hommes  influents  et  de* 
mande  à  la  nuit  quelque  bon  conseil. 

Le  lendemain,  la  conférence  s'ouvre. 

Ces  congrès,  inutile  de  le  dire,  ont  toujours  lieu  en  plein  air  et 
en  présence  de  tonte  l'assistance. 

Deux  arcs  de  cercle  concentriques,  formés  vis-à-vis  l'un  de  l'autre 
par  les  plénipotentiaires,  gravement  assis  à  la  façon  orientale  et  rou- 
lant leurs  chapelets  dans  leurs  doigts,  marquent  la  limite  de  l'en- 
ceinte réservée  aux  orateurs. 

Autour,  deux  autres  arcs  de  cercle  réunissent  la  foule  des  audi- 
teurs,  debout  ou  assis,  qui  écoutent,  dans  le  plus  grand  respect, 
toutes  les  raisons  pour  ou  contre,  aûn  d'en  rendre  un  compte  exact 
aux  absents. 

Toujours  le  silence  est  rompu  par  une  imprécation  contre  le  dé- 
mon : 

«  Que  Dieu  éloigne  ses  mauvais  conseils!  » 

«  Amîn,  ainsi  soit-il,  »  répondent  tous  les  assistants. 

Chacun  prend  la  parole,  à  tour  de  rôle,  les  chefs  des  chefs, 
ceux  qui  doivent  tirer  la  conclusion,  se  réservant  de  parler  les  der- 
niers. 

L'habitude,  dans  ces  réunions,  est  de  parler  lentement,  distinc- 
tement, sobrement,  après  avoir  pesé,  avec  une  grande  réserve,  les 
arguments  de  la  partie  adverse. 

Aucun  secrétaire  ne  dresse  procès-verbal  de  la  séance,  mais  per- 


VIE   EXIÉinKURE.  ii3 

sonne  n'a  d*effort  de  mémoire  à  faire  pour  se  rappeler  tout  ce  qui  a 
été  dit,  tant  il  y  a  de  calme  dans  toute  la  délibération. 

Rien  n'est  simple,  mais  rien  n'est  majestueux  comme  ces  as- 
semblées d'hommes  voilés,  aux  vêtements  noirs,  désarmés  pour 
délibérer,  mais  dont  les  lances  et  les  javelots,  plantés  en  terre,  se 
dressent  en  faisceaux  derrière  eux.  ^ 

Enfin  le  moment  solennel  de  la  conclusion  est  arrivé. 

La  conclusion  ordinaire  d'Ikhenoûkhen  peut  se  résumer  eh  ces 
quelques  mots  : 

u  Tout  ce  que  vous  venez  de  dire  n'a  pas  le  sens  commun.  Voilà 
ce  qui  sera,  quia  ego  nominor  ko,  » 

Chez  les  Touareg,  comme  ailleurs,  la  raison  du  plus  fort  est  sou- 
vent la  meilleure. 

•  Cependant,  comme  la  diplomatie  saharienne  ne  se  tient  pas  pour 
battue  apràs  un  insuccès,  elle  en  appelle  d'un  premier  mia'âd  à  un 
second,  même  à  un  troisième.  Souvent,  dans  l'intervalle,  les  pas- 
sions s'appaisent,  la  réllexion  l'emporte  sur  la  colère  et  un  marabout 
arrive  à  point  pour  tout  concilier. 

Dans  ces  cas  heureux,  on  ne  se  sépare  pas  sans  sceller  l'alliance 
nouvelle  en  mangeant  le  même  pain  et  le  même  sel,  avec  l'accom- 
pagnement obligatoire  de  chamelles  et  de  moutons  rôtis,  eî,  souvent, 
pour  perpétuer  la  mémoire  d'un  aussi  heureux  résultat,  on  dresse 
une  pyramide  en  pierres  séchas  sur  le  point  où  le  mia'àd  a  été  tenu. 

Mais  quand,  de  chaque  côté,  il  y  a  un  Ikhenoîikhen,  malgré  les 
efforts  des  marabouts,  malgré  l'intérêt  général  qui  réclame  la  paix, 
il  faut  avoir  recours  à  la  force  des  armes. 

§  II.  —  Guerre. 

Les  Touareg  distinguent  la  guerre ,  dmdjer,  de  la  course ,  êdjcn 
(le  rkezl  des  Arabes),  quoique  le  plus  souvent  la  course  soit  l'unique 
manifestation  d'un  état  hostile  après  une  déclaration  de  guerre. 

La  guerre  offensive  et  défensive  n'est  qu'exceptionnellement  pos- 
sible de  nomade  à  nomade.  La  surprise  ou  la  fuite  constitue  la  seule 
tactique  dans  le  Sahara,  aussi  les  Touareg  doivent-ils  toujours  veiller 
et  être  prêts  à  lever  leurs  camps. 

Mais  avant  d'arriver  sur  le  champ  de  la  lutte,  il  y  a  lieu  de 


kkk  TOUAREG   DU   NORD. 

faire  connaître,  de  pied  en  cap,  le  chevalier  targui,  son  armement, 
son  équipement,  sa  monture,  en  un  mot  tous  les  détails  d'une  guerre 
exceptionnelle. 

Armetnent. 

• 

L'armement  complet  d*un  targui  comprend  un  sabre,  un  poi- 
gnard, une  lance,  un  javelot,  un  arc,  des  flèches,  un  anneau  de 
pierre,  un  bouclier,  quelquefois  un  fusil  et  des  pistolets. 

Le  sabre,  takôba,  est  un  glaive  droit  et  long,  tranchant  des  deux 
bords;  les  plus  estimés  s^ont  fabriqués  dans  le  pays;  le  plus  grand 
nombre  vient  de  Solingen  en  Allemagne.  (Voir  planche  XXIV,  fig.  2.) 

Le  fourreau  du  sabre,  partie  en  fer  ou  cuivre  et  partie  en  cuir, 
s'appelle  tsdoummân.  11  est  toujours  un  produit  de  l'industrie  locale. 

Le  poignard,  télaq,  porté  sur  la  face  interne  de  l'avant- bi^s 
gauche,  est  tantôt  un  long  couteau  de  chasse  droit,  tantôt  un  large 
poignard  qui  représente  en  petit  le  sabre  actuel  de  notre  infanterie. 

Cette  arme,  que  le  targui  ne  quitte  jamais,  comprend  une  poi- 
gnée, une  lame,  un  fourreau  et  un  bracelet. 

La  poignée  est  en  bois  d'ébène ,  avec  des  incrustations  en 
cuivre  ; 

La  lame  est  en  acier  à  trempe  douce; 

Le  fourreau,  en  cuir  rouge  avec  des  garnitures  en  cuivre  feston- 
nées à  l'emporte-pièce,  peut  être  considéré  comme  un  ornement; 

Le  bracelet,  en  maroquin  rouge  avec  des  broderies  de  soie  ou  de 
cuir  jaune,  permet  tous  les'  mouvements  sans  les  gêner.  11  fait  corps 
avec  le  fourreau. 

Le  tout,  sauf  la  lame,  est  de  fabrication  locale.  (Voir  fig.  8.) 

La  lance,  âllârh,  de  2"  70  centimètres  à  3  mètres  de  hauteur  envi- 
ron, est  une  verge  en  fer,  de  quatre  centimètres  de  circonférence, 
fabriquée  dans  le  pays  avec  du  fer  tendre  de  première  qualité.  Laté- 
ralement, sur  ses  quatre  faces,  au-dessous  du  fer  tranchant  destiné 
à  ouvrir  la  voie,  elle  est  armée  de  crochets  comme  les  harpons,,  de 
sorte  qu'en  la  retirant  du  ventre  ou  de  la  poitrine  de  l'ennemi,  on 
ramène  au  dehors  une  partie  des  intestins  ou  des  poumons.  (  Voir 

fig.  1.) 

Le  javelot  est  une  arme  de  jet,  sous  forme  de  lance,  avec  hampe 
en  bois  et  pointe  en  fer  à  crochets.  Un  petit  javelot  se  dit  târhda,  un 


PI.  XXIV. 


Page  444. 


Fig.  39. 


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*  f. 


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V.* 


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VIE   EXTÉRIEURE.  Ù45 

grand,  âdjedeL  Cette  arme  ne  peut  être  lancée  qu*à  une  distance 
très-rapprochée.  (Voir  fig.  1  bis.) 

L*arc,  tanâchchabt,  faite  avec  un  bois  léger  nommé  kinba,  est 
plus  en  usage  chez  les  Touareg  du  Sud  que  chez  les  Touareg  du 
Nord.  (Voir  fig.  3.) 

Les  flèches,  emlerbâ,  sont  en  roseau  ou  en  bois  léger  avec  pointes 
ailées  en  fer.  (Voir  fig.  ù.)  Jamais  elles  ne  sont  empoisonnées. 

L'anneau  de  bras,  âJiabedj,  a  un  double  but  :  donner  plus  de 
force  pour  porter  le  coup  de  sabre  ;  offrir  un  point  d'appui  solide 
pour  écraser  la  tête  de  son  ennemi,  en  cas  de  prise  de  corps.  Cette 
manière  de  tuer  prend  le  nom  de  temârhait. 

Cette  arme,  je  Tai  déjà  dit,  est  portée  au  bras  droit,  entre  Fat- 
tache  inférieure  du  deltoïde  et  le  ventre  du  biceps. 

Le  bouclier,  ârhar,  est  la  seule  arme  défensive  des  Touareg.  C'est 
un  grand  disque,  en  peau  épaisse,  qui  couvre  tout  le  corps,  moins  la 
tête  et  les  pieds. 

La  peau  adoptée  pour  la  confection  des  boucliers  est  celle  de  Vm- 
tilope  mohor,  très-commun  dans  le  pays  d*Aïr. 

Impuissant  contre  la  balle,  le  bouclier  résiste  aux  flèches,  amor- 
tit les  coups  de  sabre  et  de  lance.  On  voit  qu'ils  sont  utiles,  car 
beaucoup  sont  couverts  d'honorables  cicatrices. 

Les  armes  à  feu,  très-rares  chez  les  Touareg  nomades,  sont  plus 
communes  chez  les  serfs  pacifiques  du  Fezzàn,  qui  s'en  servent  prin- 
cipalement pour  la  chasse;  cependant  quelques  chefs  ont  des  fusils 
et  des  pistolets  à  pierre,  du  même  modèle  que  ceux  des  Arabes  du 
Sud  de  l'Algérie. 

Les  noms  donnés  à  ces  armes  témoignent  du  peu  d'habitude  de 
s'en  servir  : 

On  appelle  :  un  fusil  albârôd,  du  mot  arabe  qui  signifie  poudre; 
un  pistolet  elrhodnyet,  d'un  mot  également  arabe  qui  signifie  traî- 
trise; la  poudre,  etoû;  la  balle,  tabellàlt;  la  pierre  à  fusil,  tafarâst;  la 
corne  à  poudre ,  attelkhîg, 

A  la  joie  qu'lkhenoûken  a  éprouvée  en  recevant  de  moi  une  paire 
de  pistolets,  et  de  M.  le  gouverneur  général  de  l'Algérie  un  magni- 
fique fusil,  je  dois  croire  que  les  Touareg  apprécient  à-  leur  valeur 
les  armes  à  feu,  et  que,  s'ils  n'en  sont  pas  tous  pourvus,  il  faut  l'im- 
puter à  la  difficulté  de  s'en  procurer. 

(Cependant,  la  substitution  des  armes  à  feu  aux  armes  blanches 


/i46  TOlJAnKG   DU    NORD. 

mettra  le  pouvoir  aux  mains  du  premier  groupe  qui  pourra  faire  en- 
tendre la  poudre.  S'il  entrait  jamais  dans  la  politique  française  de 
constituer  un  makhzcn  targui,  pour  la  protection  de  notre  commerce 
et  la  sécurité  des  routes,  ainsi  que  l'a  proposé  M.  le  commandant 
Hanoteau,  la  délivrance  de  quelques  centaines  de  fusils  à  ces  auxi- 
liaires les  aurait  bientôt  rendu  les  arbitres  des  destinées  du  pays. 

En  rétat  de  l'armement,  les  rencontres  ont  lieu  de  très-près, 
presque  corps  à  corps,  mais,  en  somme,  elles  sont  lrè5r-peu  meur- 
trières. Le  combat  cesse  dès  qu'il  y  a  quelques  liotnmes  tués  ou  blessés 
de  part  ou  d'autre. 

En  1860,  les  Azdjer  et  les  Ahaggâr  en  sont  venus  aux  prises  en- 
semble; les  premiers  ont  eu  quatre  hommes  tues. 

Antérieurement,  les  Cha'anba  avaient  opéré  une  grande  rhazia 
sur  les  Azdjer,  au  pied  du  Tasîli;  la  perte  a  été  de  quelques  hommes 
seulement. 

Dans  leurs  rencontres  avec  les  Teboû,  les  Touareg  sont  exposés 
aux  blessures  très -dangereuses  du  changuomanguer,  à  la  fois  arme 
de  jet  et  d'escrime.  (Voir  planche  XXIV,  fig.  5.) 

Équipement. 

Le  méhari,  aredjdjân,  est,  par  excellence,  l'animal  de  guerre,  car 
on  n'en  connaît  pas  d'autre.  C'est  à  peine  si,  dans  la  totalité  des  tribus 
des  Azdjer,  on  trouverait  une  dizaine  de  chevaux  de  selle. 

Le  méhari  est  au  chameau  porteur  ce  que ,  chez  nous ,  le  cheval 
de  selle  est  au  cheval  de  trait.  Autant  l'un  est  lourd  et  lent,  autant 
l'autre  est  léger  et  vif. 

Le  méhari  marche,  trotte  et  galope,  mais  ses  allures  accélérées 
sont  très-dures.  Généralement,  on  le  tient  au  pas. 

Comparé  au  cheval,  il  peut  faire  une  plus  longue  marche  sans 
boire  ni  manger;  il  peut  porter  un  poids  plus  lourd,  mais  il  a  moins 
de  vitesse,  il  est  moins  docile;  quand  le  méhari  est  en  fureur,  ce  qui 
arrive  souvent,  c'est  un  animal  terrible.  Parfois  il  jette  à  terre  celui 
qui  le  monte,  et  les  chutes  sont  suivies  d'accidents  graves. 

Pour  monter  un  méhari  ou  pour  en  descendre,  il  faut  qu'il  se  soit 
rais  à  genoux,  et  un  long  dressage  est  nécessaire  pour  qu'il  se  prête  à 
cette  manœuvre.  Par  précaution,  les  chefs  sont  assistés  d'un  homme 
à  pied  chaque  fois  qu'ils  veulent  monter  ou  descendre. 


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PI.  XXV. 


Page  iV 


Fig.  40  i  SI. 


ARMEMENT    ET    II ARN  ACH  BM  EMT. 

N«  7,  fouet.  —  N»  9,  sandale.  —  N»  11,  coussin.  —  N»  15,  boîte  en  cuir. 


VIE    EXTÉRIEUR!:.  khi 

L'équipement  du  méhari  esta  peu  près  celui  du  cheval. 

La  selle  ordinaire,  ârlhozer  {rihla  des  Arabes),  la  sellé  de  luxe  des 
chefs,  âiarâm,  sont  construites  sur  le  modèle  de  celles  de  nos  spahis. 
Le  dossier  en  est  moins  large  et  moins  élevé,  le  pommeau  est  en  croix 
au  lieu  d*être  rond.  En  somme ,  ce  serait  un  bon  siège  de  marche  s'il 
était  rembourré.  (Voir  planche  XXIV,  fig.  6  et  planche  XXV.) 

A  la  différence  de  la  selle  du  cheval,  la  selle  du  dromadaire  n'a 
pas  d'étriers,  Uekif,  support  inutile,  les  pieds  du  cavajier  à  droma- 
daire, cg-emU,  étant  croisés  sur  le  cou  de  la  bête.  Mais,  en  revanche, 
elle  est  ornée  d'une  masse  de  lanières  en  cuir,  de  toutes  couleurs, 
qui  tombent  sur  les  jambes  de  l'animal  et  le  sollicitent  à  la  marche. 

Des  groupes  de  clochettes,  anaïna,  en  cuivre  et  étain,  Fixées  à 
l'avant  et  à  l'arrière  de  la  selle,  servent  de  parure  et  tiennent  conti- 
nuellement le  dromadaire  en  éveil. 

La  selle  est  posée  sur  le  garot,  à  Tendroit  où  le  cou  s'attache  au 
corps,  en  avant  de  la  bosse.  Elle  est  fixée  au  moyen  d'une  sangle  en 
fines  lanières  de  cuir  tressées  à  plat.  Ce  genre  de  sangle,  à  la  fois 
souple  et  solide,  doit  avoir  une  très-grande  durée. 

Entre  la  selle  et  le  dos  de  l'animal,  un  feutre  épais,  isâtfâr,  pré- 
vient les  blessures. 

La  bride,  tîrhounîn,  est  aussi  une  corde  tressée,  en  cuir,  qui  s'at- 
tache à  un  anneau  en  métal  fixé  au  nez  de  l'animal,  et  qui  le  fait 
obéir  à  la  main  du  cavalier.  (Voir  planche  XXIV,  fig.  10.) 

Les  accessoires  de  la  selle  sont  considérables ,  car  ils  doivent 
contenir  tout  ce  que  l'homme  de  guerre  emporte  avec  lui.  Ils  con- 
sistent : 

1**  En  un  grand  sac  de  cuir,  ârheredj,  orné  de  lanières,  de  franges 
et  de  dessins,  dans  les  divers  compartiments  duquel  entre  tout  l'ar- 
senal du  cavalier  :  sabre,  fusil,  javelot,  arc,  flèches,  pistolets,  quand 
on  ne  les  porte  pas  à  la  ceinture;  en  un  mot,  les  armes  et  les  muni- 
tions. Ce  sac  est  à  droite,  pour  être  toujours  à  la  disposition  de  la  main. 
Il  est  recouvert  et  proto<,^é  par  le  bouclier.  (Voir  planche  XXIV,  ^\^.  12.) 

2®  En  un  second  sac  en  cuir,  servant  de  pendant  à  Vârl^redj,  et 
contenant  les  provisions  de  bouche  :  farine  de  gafoûli ,  farine  de 
gueçob,  tabac  à  fumer,  tabac  à  chiquer,  natron,  pipes,  etc.,  etc.,  le 
tout  dans  des  compartiments  séparés.  (  Voir  planche  XXIV,  fig.  H.) 

3°  En  une  ou  plusieurs  outres,  aheôq,  ou  peaux  tannées,  dans  les- 
quelles est  la  provision  d'eau. 


/i/i8  TOUAHEG  DU   NORD. 

Les  chefs  ont  quelquefois  la  djebira  des  Arabes,  pour  y  serrer 
leurs  objets  Tes  plus  précieux.  (Voir  planche  XXIV,  fig.  13.) 

A  part  ce  qui  est  sur  le  méhari,  les  guerriers  Touareg  n'ont  pas 
d'autres  bagages,  ni  tentes,  ni  vivres,  ni  bêtes  de  somme. 

Si  l'expédition  est  heureuse ,  les  chameaux  conquis  sur  l'ennemi 
porteront  les  prises.  En  cas  de  revers,  on  ne  veut  pas  d'embarras. 

Rencontres. 

Les  éclaireurs,  amârhelat,  jouent  un  grand  rôle  dans  les  guerres 
de  surprise;  c'est  par  eux  que  la  proie  est  signalée,  guettée,  livrée 
aux  capteurs.  Si  tous  les  Touareg,  en  général,  ont  la  vue  et  l'ouïe 
d'une  délicatesse  qui  les  fait  voir  et  entendre  à  des  distances  incroya- 
bles, les  éclaireurs  ont  ces  qualités  au  suprême  degré.  Devançant  la 
troupe  au  loin,  pour  observer,  ils  savent  toujours  où  ils  retrouveront 
leurs  amis.  La  subtilité  de  leurs  sens  est  pour  eux  un  guide  certain. 

Les  interrogatoires  que  les  Touareg  font  subir  à  tous  les  étrangers 
traversant  leurs  territoires  sont  aussi  un  moyen  de  savoir  ce  qui  se 
passe  autour  d'eux,  car  on  s'expose  peu  à  les  tromper. 

La  rapidité  de  la  transmission  des  nouvelles  par  les  voyageurs  est 
quelque  chose  d'incroyable.  Pendant  mon  séjour  dans  le  Sahara,  j'ai 
toujours  appris  les  événements  importants  longtemps  avant  d'en  avoir 
été  avisé  par  ma  correspondance;  ainsi  l'entrée  de  notre  khalîfa  Sîdi- 
Hamza  à  El-Golêa',  la  marche  de  M.  le  commandant  Colonieu  sur 
Timmîmoun,  la  mort  du  sultan  'Abd-el-Medjîd,  ont  été  connues  très- 
rapidement. 

L'ennemi  découvert,  on  cherche  toujours  à  l'aborder  en  le  sur- 
prenant. 

Les  hommes  montés  se  battent  du  haut  de  leurs  chameaux;  les 
serfs,  qui  n'ont  pas  de  méharis,  se  battent  à  pied. 

L'armement  exige  qu'on  s'aborde  de  très-près,  à  la  distance  d'un 
fer  de  lance. 

Chaque  targui,  dit  M. le  commandant  Hanoteau,  tient  le  bouclier 
de  la  main  gauche  et  le  javelot  de  la  droite  ;  le  sabre  est  suspendu  au 
côté.  Le  combat  commence  en  lançant  le  javelot,  dont  on  pare  les 
coups  avec  le  bouclier,  puis  on  s'aborde  au  sabre. 

L'agilité  des  Touareg,  leur  habileté  à  manier  le  bouclier,  le  long 
apprentissage  qu'ils  ont  fait  de  l'escrime,   font  qu'ils  peuvent  se 


VIE  EXTÉRIEURE.  /i49 

battre  longtemps  sans  résultat.  Tant  que  Tun  des  deux  partis  ne 
tourne  pas  le  dos,  il  n'y  a  pas  d'action  décisive.  Mais,  malheur  à  celui 
qui  est  obligé  de  battre  en  retraite,  car  il  est  poursuivi,  la  lance  dans 
les  reins.  Quoique  les  combats,  nkennâs,  cessent  dès  que  l'honneur 
peut  être  réputé  satisfait  et  dès  qu'il  y  a  un  certain  nombre  de  tués 
ou  de  blessés,  on  cite  cependant  des  batailles  qui  ont  été  très-meur- 
trières et  dans  lesquelles  la  destruction  du  parti  vaincu  a  été  la  con- 
séquence de  la  victoire. 

Mais,  généralement,  on  préfère  la  surprise  à  la  rencontre.  Voici 
ce  qui  a  lieu  dans  ce  cas.  Les  tribus  enveloppées  n'opposent  pas  de 
résistance  el  fuient,  abandonnant  tout  ce  qu'elles  possèdent.  De  leur 
côté,  les  assaillants,  plus  préoccupés  de  piller  que  de  poursuivre  leur 
ennemi,  se  hâtent  de  s'emparer  au  plus  tôt  du  butin,  dans  la  crainte 
d'un  retour  offensif,  qui  est  à  redouter,  même  après  quatre  et  cinq 
jours  de  capture. 

C'est  dans  les  retours  offensifs  que  les  Touareg  paraissent  redou- 
tables. 

Les  pillés,  imViaghen,  (sing.  amîliagh),  réunissent  leurs  méharis, 
font  appel  à  leurs  amis  et  alliés,  et  quelle  que  soit  la  célérité  que  les 
pilleurs,  imôliagh,  apportent  à  la  retraite,  on  se  met  à  leur  poursuite. 

On  tâchera  de  les  devancer  aux  premiers  puits  où  ils  doivent 
abreuver  leurs  montures  et  leurs  bêtes  de  somme,  et  là,  on  est  sûr 
que  le  besoin  de  boire  amènera  toutes  les  bêtes  de  prise  au  pouvoir 
de  leurs  anciens  maîtres. 

Les  capteurs,  chargés  de  butin,  traînant  à  leur  re  norque  des  bêtes 
de  somme,  au  pas  lent,  et  obéissant  mal  à  la  voix  de  nouveaux  con- 
ducteurs, n'ont  d'autre  expédient,  pour  échapper  à  la  poursuite  d'en- 
nemis légers  et  résolus  à  reconquérir  leurs  biens,  qu'en  dérobant  leur 
marche  de  retraite,  ce  qui  n'est  pas  facile  avec  des  rôdeurs  comme 
les  Touareg. 

On  cite  un  retour  offensif  d'ikhenoiikhen  contre  les  Cha'anba,  où 
après  quatre  grands  jours  de  marche  forcée  ces  derniers  ont  été 
obligés  d'abandonner  toutes  leurs  prises,  en  perdant  beaucoup  de 
monde. 

Par  nature,  par  tempérament,  les  Touareg  sont  constitués  pour 
être  de  braves  guerriers,  et  ils  le  sont,  sans  quoi  ils  eussent  déjà  été 
dévorés  par  leurs  voisins,  bien  plus  nombreux,  bien  mieux  armés 
qu'eux,  surtout  ceux  du  Nord,  les  Cha'anba  et  autres.  Mais  indépen- 

I.  29 


450  TOUAREG  DL    NORD. 

(iamment  de  leurs  dispositions  naturelles  à  la  bravoure  chevale- 
resque, les  Touareg  sont  encore  sollicités  à  l'héroïsme  par  leurs 
femmes  qui,  dans  leurs  chants,  dans  leurs  improvisations  poétiques, 
flétrissent  la  lâcheté  et  glorifient  le  courage.  Un  targui  qui  lâcherait 
pied  devant  l'ennemi  et  qui,  par  sa  défection,  compromettrait  le 
succès  de  ses  contribules,  ne  pourrait  plus  reparaître  au  milieu  des 
siens.  Aussi  est-ce  sans  exemple. 

Entre  Touareg,  quand  deux  partis  en  sont  venus  aux  mains,  et 
que  l'un  des  deux  est  battu,  les  vainqueurs  crient  aux  vaincus,  de 
ce  cri  sauvage  particulier  aux  Touareg  : 

Hia  hia!  hia  hia! 

Il  n'y  aura  donc  pas  de  rebàza! 

Le  rebâza  est  le  violon  sur  lequel  les  femmes  chantent  la  valeur 
de  leurs  chevaliers. 

A  la  menace  du  silence  des  rebàza,  les  vaincus  reviennent  à  la 
charge,  tant  est  grande  la  crainte  du  jugement  défavorable  des 
femmes. 

Chants  de  guerre. 

Comme  tous  les  peuples  guerriers,  les  Touareg  ont  leur  chants  de 
guerre. 

Les  Arabes,  ces  grands  mangeurs,  qui  vivent  dans  une  abon- 
dance enviée  et  enviable  ,  ont  surtout  excité  la  verve  de  poètes  affa- 
més. Voici  leur  Marseillaise  contre  les  Cha'anba,  jadis  leurs  plus 
intimes  ennemis  : 

Ab&  mak,  Ma'talla,  alhîn,  keihânî 
Midden  dlh  souort  arhèledh  iyyàn 
Ezzâiii  asikel  aked  aoudân 
Ezzàin  înnen  inhâyen  ôdouàn 
Kzzâin  iddàsin  aies  insân 
Nanesberhôr  sàdhittes  telâ  djân 
Tckenâs  atiti  âberdjen  Ikenàn 
Tekenâs  làftaq  imôzhen  îmedàn 
letkàr  derhôred  idemànen  ingngàn 
Dakh-an-tlemîn  sîkid  izzedj  edsân 
Sarhtîn  des  àllarh  ioulân  desennân 
leqqân  isifef  âttedjmodan  raân 
Nellilouet  ournoûye  oualâmAn 
Mkît  tckhamkliàm  iôkày  ezegzân. 


VIF.   IvXTÉRIF.URK.  451 

Voici  la  traduction,  mot  à  mot,  de  ce  chant.  Les  mots  en  italiques 
sont  sous-entendus  dans  le  texte  original. 

«  Que  Dieu  maudisse  ta  mère,  Ma^taUa  i,  car  le  diable  est  en  ton  corps! 

M  Ces  hommes,  les  Touareg^  tu  les  prends  pour  des  lâches; 

M  Cependant ,  ils  savent  voyager,  et  même  guerroyer  ; 

o  Ils  savent  partir  de  bon  matin  et  marcher  le  soir  ; 

«  Ils  savent  surprendre,  dans  son  lit,  tel  homme  couché; 

«  Surtout  le  riche  qui  dort,  au  milieu  de  ses  troupeaux  agenouillés; 

«  Celui  qui  a  orgueilleusement  étendu  sa  large  tente; 

«  Celui  qui  a  déployé,  en  leur  entier,  et  ses  tapis  et  ses  doux  lainages; 

«Celui  dont  le  ventre  est  plein  de  blé  cuit  avec  de  la  viande, 

«  Et  arrosé  de  beurre  fondu  et  de  lait  chaud  sortant  du  pis  des  chamelles; 

«  Us  le  clouent  de  leur  lance,  pointue  comme  une  épine, 

«  Et  lui  se  met  à  crier,  jusqu'à  ce  que  son  âme  s'envole. 

((  Nous  le  laverons  de  son  bien,  sans  môme  lui  laisser  d'eau; 

«  Sa  gourmande  de  femme  •  ne  pourra  plus  supporter  son  désespoir  '.  » 

La  traduction  est  impuissante  à  rendre  et  Tharmonie  imitative  et 
le  laconisme  de  cette  poésie  sauvage. 

Que  de  choses  en  peu  de  mots! 

La  guerre  est  sainte,  car  Ma'talla  est  un  suppôt  de  Satan. 

Elle  est  juste,  car  MaHalla  traite  de  lâches  des  hommes  qui  sont 
les  plus  braves  de  la  terre. 

Puis  vient  l'appel  à  toutes  les  passions  qui  remuent  le  cœur  d'un 

targui  : 

Ma'talla  dort. 

Sur  de  moelleux  tapis. 

Dans  une  large  tente. 

Entourée  de  gras  troupeaux! 

Ma'talla  a  le  ventre  plein  : 

De  blé  cuit. 

Avec  de  la  viande. 

Et  cet  assaisonnement  n'a  pas  suffi  à  sa  gourmandise;  il  a  encore 
arrosé  son  blé  et  sa  viande  de  beurre  fondu  et  de  lait  chaud. 


1 .  Ma'talla  est  le  nom  d'un  chef  arabe. 

2.  Jii  traduis  le  mot  tekhamkhâm ,  par  sa  gourmande  de  femme,  à  défaut  d'un 
mot  dans  notre  langue  pour  signifier  celle  qui,  devant  un  bon  mets,  fait  lien,  hen  , 
hen^  comme  le  cheval  auquel  on  apporte  sa  musette  pleine  d'orge, 

3.  M.  Hanoteau,  dans  son  Essai  de  Grammaire  tamdchek',  donne,  livre  VI, 
pages  209,  2i0,  211 ,  une  variante  de  ce  chant. 

J'ai  tout  lieu  de  croire  que  l'auteur  doit  mieux  se  rappeler  son  œuvre  que  ceux 
qui  réiitent  un  chant,  en  le  molifiant  au  gré  de  leurs  caprices;  c'est  pourquoi  j'en 
donne  ici  une  seconde  édition  conforme  à  l'origina'. 


452  TOUAREO  DU  NORD. 

La  femme  de  Ma*talla, 

Celle  qui  Tait  tekhamkhâm  en  mangeant. 

Elle  est  là  aussi. 

Avec  le  ventre  plein. 


Toutes  ces  jouissances,  inconnues  des  Touareg,  car  ils  n'ont  ni 
lits,  ni  tapis,  ni  tentes  ;  car  leurs  troupeaux  maigres  ne  donnent  pas 
assez  de  lait  pour  faire  du  beurre; 

Toutes  ces  richesses,  dont  leurs  femmes,  à  l'estomac  vide,  sont 
toujours  privées; 

Un  coup  de  lance  les  leur  donnera. 

Quel  bonheur  pour  un  targui  d'aller  sonder  un  ventre  si  bien 
plein,  avec  une  épine  bien  pointue  et  armée  de  harpons  I 

Et  ce  coup  de  lance  lui  donnera,  non-seulement  la  vie  de  Ma'talla, 
mais  encore  tous  ses  biens. 

Et  oû  emportera  tout,  même  Teau. 

Quant  à  la  tekhamkhâm,  en  lui  épargnant  la  douleur  de  la  lance, 
on  lui  réserve  un  supplice  bien  plus  cruel  :  celui  de  vivre  avec  rien, 
comme  les  femmes  des  Touareg.  Mais  elle  ne  résistera  pas ,  parce 
qu'elle  n'est  pas  habituée  aux  privations. 

D'où  la  conclusion,  sous  forme  de  morale,  que  les  femmes  tar- 
guies doivent  apprécier  le  mérite  de  leur  misère  habituelle,  puis- 
qu'elle les  préserve  du  sort  de  la  tekhamkhâm. 

Mais,  quelles  que  soient  les  chances  diverses  de  la  lutte,  quel 
que  soit  le  parti  qui  entonne  les  chants  de  victoire,  il  y  aura  tou- 
jours lieu  à  traiter  de  la  paix.  Alors  recommence  la  série  des  mia'ad. 
S'ils  sont  vainqueurs,  les  Touareg  se  montrent  de  bonne  composition, 
car  ils  sont  généreux  dès  que  leur  amour-propre  est  satisfait.  D'ail- 
leurs, il  est  à  remarquer,  quoiqu'ils  soient  souvent  en  guerre,  qu'ils 
font  tout  leur  possible  pour  l'éviter. 


VIE   EXTÉRIEURE.  /j53 


CONCLUSION. 

Dans  leurs  rapports  avec  les  Français,  les  Touareg  se  sont  mon  • 
très,  jusqu'à  ce  jour,  fort  dociles.  On  leur  a  demandé  de  venir  à 
Alger;  ils  y  sont  venus.  On  m*a  envoyé  au  milieu  d'eux,  ils  m'ont 
bien  accueilli.  On  a  invité  leur  principal  marabout  à  visiter  la  France; 
malgré  l'imprévu  de  la  demande,  malgré  l'inconvénient  d'abandon- 
ner sa  famille,  pendant  plusieurs  mois,  sans  avoir  pourvu  à  tous  ses 
besoins,  le  Cheikh-'Othmàn  s'est  rendu  à  nos  désirs.  En  vain  Mo- 
hammed-ben-'Abd-Allah  a  sollicité  le  concours  des  Touareg  dans  la 
prise  d'armes  qui  l'a  fait  tomber  en  nos  mains,  les  Touareg  se  sont 
abstenus. 

Espérons  qu'il  en  sera  toujours  ainsi.  D'ailleurs,  en  terminant, 
je  constate  un  fait  capital  :  jusqu'à  ce  jour,  aucun  des  voyageurs 
européens  qui  ont  exploré  l'intérieur  de  l'Afrique  n'a  été  victime 
d'un  acte  de  brutalité  ou  de  fanatisme,  ni  sur  le  territoire  des  Toua- 
reg, ni  de  la  main  d'un  targui. 

Cette  honorable  exception  répond  à  toutes  les  calomnies  que  les 
Arabes,  leurs  ennemis,  avaient  propagées  sur  leur  caractère  indomp- 
table. 


APPENDICE. 


G  K  (>  G  R  A  F  II  I  E     ANCIENNE. 

La  partie  aujourd'hui  explorde  du  Sahara  était  comprise  dans  la 
Libye  intérieure  des  géographes  grecs  et  romains. 

Les  documents  anciens  sur  cette  contrée  sont  vagues  et,  jusqu'au 
moment  de  la  publication  du  dernier  ouvrage  de  M.  Vivien  de  Saint- 
Martin  :  le  Nord  île  l'Afrique  dans  l'antiquité  grecque  et  romaine, 
leur  interprétation  prématurée  est  venu  jeter  la  confusion  au  milieu 
d'erreurs  originelles,  inévitables  pour  des  compilateurs  qui  n'avaient 
pas  vu  le  pays,  qui  ne  connaissaient  ni  les  langues  ni  la  technologie 
géographique  locales  et  qui,  pour  la  plupart,  se  sont  faits  les  échos 
des  dires  des  indigènes,  sans  pouvoir  les  contrôler.  On  ne  sera  donc 
pas  étonné  que  je  ne  laisse  pas  à  d'autres,  beaucoup  plus  érudits, 
sans  doute,  mais  qui  ne  peuvent  s'inspirer  de  mes  appréciations  per- 
sonnelles, le  soin  de  comparer  les  éléments  de  la  géographie  moderne 
avec  ceux  de  la  géographie  ancienne  que  le  hasard  a  fait  arriver  jus- 
qu'à nous. 

Dans  l'état  actuel  de  nos  informations  sur  le  Sahara,  je  me  crois 
autorisé  à  conclure  : 

1°  Qu'h  l'exception  de  l'oasis,  jadis  éthiopienne,  d'Aïr,  identifiée  * 
avec  raison  à  VAqisymba  regio  des  expéditions  de  Septimius  Flaccus 
et  de  Julius  Maternus,  les  anciens  n'ont  pas  connu  le  plateau  central 
du  Sahara  au  delà  du  tropique  du  Cancer  qui  correspond,  à  peu 
près,  à  la  limite  de  la  Libye  intérieure  avec  l'Ethiopie  intérieure; 

L  M.  Vivien  de  Saint-Martin  est  le  premier,  et  peut-être  le  seul  encore  aujour- 
d'hui, qui  ait  établi  cette  correspondance  dont  Timportance  est  fondamentale,  car 
cite  marque,  sur  ce  point,  la  limite  extrême  de  la  mappemonde  ancienne. 


/j56  APPENDICE. 

2°  Que,  restreintes  à  cette  limite  méridionale,  leurs  connaissances 
se  bornent  : 

A  la  topographie  des  masses  montagneuses  qui  séparaient  la 
Libye  intérieure  des  autres  contrées  au  Nord  et  au  Sud; 

A  la  division  de  l'espace  intermédiaire  en  deux  grands  bassins; 

A  la  présence  d'immenses  masses  de  sables  dans  les  bas-fonds  de 
ces  bassins  ; 

3°  Que  les  détails  donnés  par  Pline,  Ptolémée  et  autres,  détails 
résumés  en  des  noms  de  lieux,  de  peuples,  quelques  distances  et 
orientations — à  supposer  que,  primitivement,  ils  fussent  tous  exempts 
d'erreurs  et  de  confusions,  ce  qui  n'est  pas,  —  ne  peuvent  être  vrai- 
semblablement retrouvés  aujourd'hui,  après  les  changements  surve- 
nus depuis  dix-huit  cents  ans,  à  l'exception,  toutefois,  des  centres 
les  plus  importants  qui  semblent  être  restés  comme  des  points 
géodésiques  pour  guider  et  diriger  les  recherches. 

Cet  Appendice  n'a  d'autre  but  que  de  démontrer  ces  trois  pro- 
positions. 

Agisymba  regio. 

VAgisymba  regio  est  le  point  le  plus  méridional  du  Sahara  que 
les  anciens  puissent  revendiquer  à  leur  avoir  géographique.  Voici, 
en  résumé,  à  quoi  se  borne  ce  qu'ils  nous  apprennent  sur  cette 
contrée. 

«  Septimius  Flaccus  faisant  une  expédition  contre  les  Éthiopiens 
«  était  arrivé  chez  ceux-ci,  en  trois  mois,  à  partir  du  pays  des  Gara- 
((  mantes,  en  se  ponant  dans  la  direction  du  Sud, 

«  Julius  Maternus  qui  avait  rejoint,  à  Garama,  le  Roi  des  Gara- 
«  mantes  pour  opérer  avec  lui  contre  les  Éthiopiens,  avait  mis  quatre 
«  mois,  en  marchaîit  constamment  au  Sud,  pour  atteindre  le  pays 
(c  éthiopien  ô* Agisymba.  » 

C'est  Marin  de  Tyr  qui  nous  révèle  ces  faits. 

Ptolémée,  en  reproduisant  ces  extraits,  critique  les  appréciations 
de  son  informateur  quant  à  la  latitude  donnée  à  Agisymba,  mais  y 
ajoute  deux  détails  importants. 

«  Les  Éthiopiens  contre  lesquels  l'expédition  de  Maternus  est 
«  dirigée  sont,  dit-il,  les  propres  sujets  du  Roi  des  Garamanles.  » 


GÉOGRAPHIE    ANCIENNE.  457 

VAgisymba  re(jio,  d'après  le  géographe  grec,  est  une  région  de 
montagnes,  dans  laquelle  il  place  «  les  monts  Mesche,  Zipha  et 
Bardetus,  » 

La  distance  de  Garama  à  Agisymba,  Torientation  de  la  marche, 
la  nature  montagneuse  de  la  contrée,  but  de  l'expédition,  ont  paru 
à  M.  Vivien  de  Saint-Martin  des  motifs  suffisants  pour  identifier 
VAgisymba  regio  de  Ptolémée  au  pays  d'Aïr  ou  Azben,  patrie  des 
Touareg  Kêl-Ouï. 

Mes  recherches  personnelles  me  permettent  d'appuyer  ces  déduc- 
tions de  l'autorité  d'un  fait  matériel  important  dans  la  question. 

Ce  fait  matériel  est  celui  de  la  route  de  Garama  à  Agisymba,  car 
des  armées  romaines,  à  une  époque  où  le  chameau  n'était  pas  encore 
introduit  en  Afrique,  ne  se  portaient  pas  en  avant,  à  trois  et  quatre 
mois  de  leur  point  de  départ,  sans  avoir  des  masses  de  bagages, 
attendu  que,  dans  le  désert,  les  besoins  du  retour  doivent  être  pré- 
vus à  l'avance,  et,  sans  que  ces  masses  de  bagages  eussent  une  route 
carrossable  pour  y  circuler,  car,  à  défaut  d'animaux  porteurs,  des 
voitures  étaient  indispensables. 

La  date  probable  des  expéditions  de  Flaccus  et  de  Maternus  est 
de  la  On  du  i®''  siècle  de  Tère  chrétienne. 

A  cette  époque  vivait  Pline,  mort  en  81  de  J.-C. 

Or,  Pline  qui  énumère  tous  les  animaux  de  l'Afrique  ne  men- 
tionne pas  le  chameau,  mais  parle  des  bœufs  des  Garamantes  qui 
paissent  à  reculons  (Liv.  Vlll,  70),  reproduisant  en  cela  une  notion 
tirée  d'Hérodote  (Liv.  IV,  183). 

Le  même  Pline  nous  révèle  en  outre  (Liv.  V,  5)  une  préoccupation 
de  son  temps,  au  sujet  du  parcours  entre  Œa  (Tripoli)  et  le  pays 
des  Garamantes  (Fezzân),  et  nous  apprend  que,  dans  la  dernière 
guerre,  on  a  enfin  trouvé  une  route,  celle  qu'on  appelle  :  par  la  tête 
du  rocher.  «  Hoc  iter  vocalur  :  PRifrreR  caput  saxi  ^  » 

Pourquoi  cette  préoccupation? 

C'est  qu'à  l'époque  de  Pline,  comme  à  l'époque  d'Hérodote,  les 
transports,  dans  le  pays  des  Garamantes,  se  faisaient  en  chars  qui 


1.  Traduisons  Viter  prœter  caput  saxi  do  Pline,  par  le  mot  à  mot  arabe  :  terîq- 
*ala  Ms-el-Hamâda  et  nous  aurons  le  nom  de  la  route  directe  de  Tripoli  à  Mour- 
zouk  par  Djerma,  celle  suivie  par  M.  le  docteur  Barth. 


458  APPENDICE. 

exigent  des  routes,  et  non  à  dos  de  bêtes  de  somme  qui  passent 
partout. 

uLes.Garamantes  chassent  en  chars  à  quatre  chevaux, «dit  Héro- 
rodote.  (Liv.  IV,  183.) 

La  seule  différence,  entre  l'époque  d'Hérodote  et  celle  de  Pline, 
consiste  en  ce  que  les  chevaux  ont  été  remplacés  par  des  bœufs  à 
bosse,  zébus. 

Une  route  était  donc  nécessaire  aux  armées  romaines  pour  le  pas- 
sage de  leurs  trains  de  chars,  non -seulement  entre  OEa  et  Garama , 
mais  encore  pour  aller  de  Garama  à  Agisymba. 

Cette  route,  carrossable,  si  son  tracé  existe  encore,  nous  appren- 
dra où  était  Agisymba. 

Or,  ce  tracé  existe,  très-reconnaissable  sur  plusieurs  points  de 
son  parcours. 

Comme  Yiter  prœler  capul  saxi  du  Nord,  et  pour  éviter  les  reliefs 
des  montagnes  qui  eussent  barré  le  passage,  il  travei^sait  la  hamâda 
plate  qui  sépare  le  pays  des  Touareg  de  celui  des  Teboù,  à  peu  près 
à  égale  distance  des  deux  routes  modernes  suivies  par  les  dernières 
missions  anglaises. 

Cette  route  passait  par  Telizzarhên,  Anaï  et  Tîn-Telloust. 

A  Anaï,  —  point  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  TAnaï  au  Nord 
de  Bilma,  — la  voie,  avec  ses  anciennes  ornières,  est  encore  assez 
caractérisée  pour  que  des  Teboù,  mes  informateurs,  qui  en  arri- 
vaient, n'aient  laissé  dans  mon  esprit  aucun  doute  à  ce  sujet. 

D'ailleurs,  ajoutaient-ils,  pour  qu'on  ne  puisse  se  tromper  sur  la 
destination  de  cete  artère,  les  anciens  ont  pris  la  peine  de  buriner, 
dans  le  roc ,  sur  une  des  berges  de  la  voie,  des  tableaux  représentant 
un  convoi  de  chars,  avec  des  roues,  traînés  par  des  bœufs  à  bosse  et 
conduit  par  des  hommes. 

Ce  tableau  rupestre,  très-lisible  encore  aujourd'hui,  même  pour 
des  Teboù,  est  interprété  unanimement  par  eux  dans  le  sens  que  je 
viens  de  dire ,  car  je  traduis  ici  leur  paroles  presque  textuellement. 

A  Telizzarhên  d'ailleurs,  M.  le  D»"  Barth  a  vu  lui-même  sur  le 
rocher  des  sculptures  analogues  à  celles  d'Ânaï;  il  en  donne  la  des- 
cription et  le  dessin  au  chap.  ix,  tome  l"  de  son  grand  ouvrage  *. 

1.  Voir  lieisen  und  Entdêckungen  in  Nord  und  Central-Afrika ,  von  doctor 
H.  Barth.  T.  1,  p.  207-217.  Gotha.  Justus  Perthes,  1857. 


GEOGRAPHIK    ANCIEN  NK.  459 

On  y  reconnaît  facilement  les  bœufs  à  bosse,  dont  parlent  les 
Teboû. 

Cette  voie,  qui  serait  peut-être  encore  accessible  aux  voitures,  est 
abandonnée  aujourd'hui  faute  d'eau.  Sans  doute,  à  une  époque  an- 
cienne déjà,  on  aura  dû  en  combler  les  puits,  pour  des  motifs  de 
sécurité.  Dans  tout  le  Sahara,  dans  les  temps  de  trouble,  des  routes, 
avec  puits,  sur  la  frontière  de  deux  peuplades,  sont  un  danger  pour 
chacune  d'elles.  Mieux  vaut  une  hamâda  déserte. 

Déjà,  du  temps  de  Pline,  les  Garamantes  eux-mêmes,  pour  éviter 
la  conquête  de  leur  pays  par  les  Romains,  avaient  comblé  les  puits 
des  routes  qui  y  conduisaient.  On  en  trouve  la  preuve  dans  les 
lignes  suivantes  :  «  Ad  Garamantas  lier  inexplicabile  adhuc  fuit, 
lalronibus  genlis  ejvs  puteos  {qui  sunl  non  alte  fodicndi,  si  locorum 
notitia  adsit),  arenis  apprienlibus,  » 

Ainsi,  plus  de  doute,  une  route  carrossable  ouverte  par  les  an- 
ciens Garamantes  unissait  Tancienne  Phazanie  à  Agisymba  ,  et  cette 
route  conduisait  directement  à  l'oasis  d'Aïr  ou  Azben. 

Limite  séparât ive  de  ta  Libye  et  de  r Ethiopie, 

La  Libye  des  Grecs  était  l'Afrique  des  Romains  :"  Africam  Grseci 
Libyam  appellavere  (Pline,  Liv.  V,  1). 

La  limite  méridionale  de  la  Libye  sera  donc  celle  de  l'Afrique. 

Quelques  lignes  des  documents  anciens  résument  toutes  nos  con- 
naissances sur  cette  limite  : 

u  Le  fleuve  Nigris  sépare  l'Afrique  de  l'Ethiopie.  »  (Pline, 
Liv.  V,  10.) 

«  La  Libye  intérieure  a  pour  limite  méridionale  la  région  incon- 
u  nue,  désignée  sous  le  nom  d'Ethiopie  intérieure  ,  dans  laquelle  est 
«  le  pays  d'Agisymba.  »  (Ptolémée,  Liv.  IV,  4.) 

«  Au  Midi  de  la  Mauritanie  de  Sétif  sont  les  montagnes  Uzzar,  au 
«  delà  desquelles  on  ne  trouve  plus  que  des  nations  d'Éthiopiens.  » 
(Paul  Orosius.) 

«  Au  Midi  de  la  Mauritanie  de  Sétif  se  trouve  le  mont  Suggar,  au 
«  delà  duquel  il  n'y  a  plus  que  des  Éthiopiens.  )>  (Éthicus.) 

Un  nom  de  fleuve,  le  Nigris;  un  nom  de  montagne,  écrit  Suggar 
et  Uzzar;  une  direction,  le  Sud  de  la  Mauritanie  de  Sétif;  tels  sont 
les  seuls  éléments  qui  doivent  guider  les  recherches. 


460  APPENDICE. 

Heureusement  le  relief  du  plateau  central  du  Sahara  étant  aujour- 
d'hui mieux  connu ,  il  n'est  pas  nécessaire  d'un  bien  grand  effort 
pour  trouver  la  synonymie  moderne  des  noms  anciens. 

Si  Pline,  Orose  et  Éthicus  nous  ont  transmis  des  indications  con- 
cordantes entre  elles,  la  montagne  servant  de  limite  doit  également 
donner  naissance  au  fleuve  séparatif  des  Libyens  et  des  Éthiopiens. 
La  raison  l'indique. 

Ce  premier  point  établi,  vérifions  la  valeur  de  la  direction  con- 
forme donnée  par  Éthicus  et  Orose. 

Droit  au  Sud  de  Sétif,  au  delà  de  la  Mauritanie,  le  premier  nom 
de  montagne  rencontré  sur  ma  carte,  nom  de  notoriété  publique  et 
correspondant  à  un  relief  qui  appelle  l'attention,  est  celui  du  AJiaggàr 
des  Toiiâreg  ou  Hoggâr  des  Arabes,  identique  à  ceux  de  Suggar  et 
Uzzar. 

Sèlifei  VAtaJiôr-n-Ahaggàr  sont  exactement  sur  le  même  méridien. 

Cette  première  constatation  nous  conduit  à  une  seconde  qui  la 
confirme. 

Le  Ahaggâr  donne  naissance  au  plus  grand  fleuve  du  Nord  de 
l'Afrique,  après  le  Nil,  à  l'îgharghar  {le  courant  en  murmurant)  des 
Touareg,  rOuâdi-es-Sâoudy  [la  rivière  noire)  des  Arabes. 

Ce  fleuve  serait-il  le  Mgris,  de  Pline,  le  fameux  ;4/'n'cam  ab  .€tJiio- 
pia  dispescen^  ? 

Le  doute  n'est  pas  possible ,  quelque  soit  le  radical,  latin  ou  liby- 
que,  adopté  comme  origine  du  mot  Nig^ris,  car,  en  libyen,  Mgris  et 
Igharghar  sont  identiques,  —  ce  qui  va  être  bientôt  démontré  —  et 
en  latin,  Flumen  Nigrum  est  exactement  traduit  par  Ouâdi-esSâoudy. 

Bientôt  aussi  il  sera  démontré  que  les  expressions  géographiques 
de  reip,  Niyetp  des  Grecs,  Niger,  Aigris  des  Romains ,  doivent  être 
entendues,  non  dans  un  sens  appellatif,  restreint  à  la  désignation  spé- 
ciale d'un  fleuve  ou  d'une  rivière,  mais  dans  un  sens  qualificatif  plus 
général  correspondant  au  bassin  d'un  fleuve,  d'une  rivière. 

Pris  dans  cette  dernière  acception,  le  Nigris  dispescens  Afrimm 
ab  Mhiopia  a  un  sens,  tandis  que  dans  l'autre  il  n'en  a  pas. 

En  effet,  les  origines  du  bassin  du  Nigris  (l'îgharghar)  embrassant 
quinze  degrés,  de  l'Ouest  à  l'Est,  séparent  très-bien  les  Libyens  au 
Nord,  des  Éthiopiens  au  Sud,  tandis  que  le  cours  principal  du  Nigris, 
à  direction  Sud  et  Nord,  pourrait  tout  au  plus  séparer  la  Libye  en 
occidentale  et  en  orientale. 


GÉOGRAPHIE  ANCIENNE.  /|61 

De  ces  faits  acquis,  je  tire  la  conclusion  que  la  limite  séparalive 
de  la  Libye  et  de  l'Ethiopie  était  au  point  de  partage  des  eaux  de  la 
Mt^diterranée  avec  celles  de  TOcéan,  limite  naturelle,  si  jamais  il 
en  fut. 

Si  ma  conclusion  est  rigoureuse,  les  anciens  ont  dû  connaître  le 
versant  méditerranéen  du  massif  aujourd'hui  habité  par  les  Touareg 
du  Nord.  L'occupation  de  Cydamus,  de  Garama,  ne  pouvait  laisser 
aucune  incertitude  à  cet  égard. 

.    Voyons  quelle  était  l'étendue  de  leurs  connaissances,  restreintes 
dans  ces  limites. 

Mons  ater  ou  Massif  des  Touareg, 

Pline  dit:  (Liv.  V,  5.) 

«  De  la  Phazanie  s'étend,  sur  un  long  espace,  du  Levant  au  Cou- 
ce  chant,  une  montagne  noire  que  les  NOTRES  ont  appelée  Mons  aiei\ 
«  soit  que  naturellement  elle  semble  brûlée,  soit  qu'elle  doive  cette 
«  apparence  à  l'action  du  soleil. 

(c  Au  delà  de  cette  montagne  sont  des  déserts.  » 

L'orientation,  l'étendue,  la  couleur  de  la  montagne,  partie  brûlée 
par  le  soleil ,  partie  vulcanisée  par  le  feu ,  sa  situation  par  rapport  aux 
vrais  déserts,  ne  permettent  pas  l'hésitation.  Le  massif  des  Touareg 
du  Nord,  Tasîli  et  Ahaggâr  compris,  avec  leurs  dépendances,  est  bien 
le  Mons  ater  de  Pline. 

Antérieurement  et  successivement,  ce  Mons  ater  avait  été  identifié 
au  Djebel-Nefoûsa,  à  la  Soda,  au  Hâroùdj-el-Asoued ,  en  raison  de  la 
nature  volcanique  de  ces  montagnes,  parce  qu'on  ne  connaissait  pas 
les  contrées  au  Couchant  de  la  Phazanie;  mais,  aujourd'hui,  tous  les 
géographes  seront  unanimes  pour  reconnaître  que  le  massif  des 
Touareg,  seul,  répond  à  toutes  les  exigences  du  texte  de  l'encyclopé- 
diste latin. 

Mais  répétons- le  :  Mons  ater  est  un  nom  romain,  et  Pline  ne 
paraît  pas  connaître  le  nom  indigène,  unique  ou  multiple  ,  que  ce 
massif  portait  alors. 

Toutefois,  Pline  ne  se  borne  pas  à  constater  l'existence  du  Mons 
ater  et  des  déserts  qui  l'environnent;  il  ajoute  : 

«  Toutes  ces  contrées  ont  été  subjuguées  par  les  armées  romaines; 
«  Cornélius  Balbus  en  a  triomphé.  » 


^62  APPKNDICF.. 

Pour  ces  conquêtes,  Balbus  a  obtenu  les  honneurs  du  char  triom- 
phal, et,  à  son  triomphe,  —  qui  eut  lieu  en  Tan  hf\  de  J.  -C,  —  il  fit 
porter  les  noms  et  les  images  de  toutes  les  nations  et  villes  qu'il  avait 
soumises. 

Pline  donne,  d'après  les  auteurs  du  temps,  Tordre  dans  lequel 
ces  trophées  suivaient  le  char  triomphal.  Cet  ordre  n'ayant  rien  de 
géographique,  il  n'y  a  pas  à  en  tenir  compte.  J'aime  mieux  les  classer 
suivant  leur  désignation. 

Vi7/e5:  Cydamus,  Gararaa,  Tabidium,  Negli^çemela,  Thuben,  Ni- 
tibrum,  liapsa ,  Débris,  Thapsagum,  Boin,  Pège,  Baracum,  Buluba, 
Alasi,  Balsa,  Galla,  Maxala,  Zizama; 

Nations  :  Niteris,  Bubéium,  Enipi,  Discera,  Nannagi; 

Montagnes  :  Niger,  Gyri,  — cette  dernière,  avec  une  inscription 
portant  qu'on  y  trouve  des  pierres  précieuses. 

Rivières  {([umin^)  :  Nathabur,  Dasibari. 

Indépendamment  de  cette  nomenclature  décorative,  riche  en  noms 
de  lieux,  mais  pauvre  en  détails,  Pline  cite  encore,  comme  apparte- 
nant à  la  contrée  conquise  par  les  armes  romaines,  des  noms  de 
peuples  et  de  villes,  sur  lesquels  il  possède  des  renseignements  per- 
sonnels, dont  il  fait  usage  pour  déterminer,  aussi  approximativement 
que  possible,  leurs  stations  ou  leurs  emplacements. 

Voici  ces  noms ,  avec  les  renseignements  qui  les  accompagnent  : 

Peuples  :  Les  iNasamons,  sur  la  côte  de  la  Syrte,  appelés  aupara- 
vant par  les  Grecs,  Mesammons,  à  cause  de  leur  situation  au  milieu 
des  sables; 

Les  Asbystes , 


.   après  les  Nasamons  ; 
Les  Maces,       )     * 

Les  Hammanientes,  au-delà  des  Asbystes  et  des  Maces,  à  douze 
journées  de  marche  de  la  grande  Syrte,  vers  l'Occident,  et  entourés 
eux-mêmes  de  sables  de  tous  les  côtés: 

Les  Troglodytes,  à  quatre  journées  de  marche  des  Hammanientes, 
du  côté  du  Couchant  d'hiver; 

Les  Phazaniens,  du  côté  des  déserts  d'Afrique,  au-dessus  de  la 
petite  Syrte; 

Los  Garamantes ,  dont  la  ville  célèbre  de  Garama  est  la  capitale. 

Villes  ;  Alele  et  Cillaba,  villes  des  Phazaniens;  Matolgœ,  ville  des 


GEOGRAPHIK    ANCIKN^E.  463 

Garamantes;  Débris,  où  est  une  fontaine  dont  les  eaux  sont  bouillantes, 
de  midi  à  minuit,  et  glaciales,  de  minuit  à  midi. 

Cette  double  nomenclature,  en  partie  étrangère  à  la  région  monta- 
gneuse du  Mons  ater,  mais  s'en  rapprochant  cependant,  laisse  à  dé- 
sirer, car,  à  Texception  de  Cydamus,  de  Garama,  deRapsa,  de  Boin, 
qu'on  retrouve  dans  les  villes  modernes  de  Ghadâmès,  de  Djerma,  de 
Rhât  (Kêl-Rhàfsa*)  et  de  Bondjêm,  quatre  des  points  les  plus  impor- 
tants (lu  pays,  il  est  vrai,  le  reste  a  moins  de  valeur  *  ;  on  en  jugera 
par  les  noms  de  montagnes. 

Mger,  sous  sa  forme  latine,  synonyme  de  ater,  est  aussi,  sous  sa 
forme  libyque,  identique  au  nom  Nigris,  donné  au  fleuve  qui  a  ses 
sources  dans  le  Mons  ater. 


1.  Voir  Livre  III,  Centres  commerciaux^  page  267  et  suivantes. 

2.  M.  Vivien  de  Saint -Martin,  convaincu  qu'après  le»  reconnaissances  do 
MM.  Bapth,  Overweg,  Richardson  et  Vogel,  on  pouvait  ajouter  quelque  chose  aux 
identifications  déjà  constatées,  n*a  pas  hésité,  dans  ce  but,  à  se  livrer  à  un  long  et 
pénihie  travail  dont  voici  le  résultat  : 

Matelgœ Assimilé  à  Ouâdi-Talha, 

Débris —  à  Éderi, 

Tabidium —  à  Tabounîyé , 

Thapsagum -  à  Tessàona, 

Nannagi -  -  à  Denhadja, 

Maxala —  à  Mechaal, 

Zizama -  à  Ouàdi-Zemzpm , 

Gyri,  Girgyris —  à  Djebel-Ghariàa , 

Cillaba —  à  Z)uila  ou  Zeila , 

Aiele —  à  Hall  ou  HoU  , 

Mons  Ater  et  Niger ~  au  Djebel-Nefoùsa. 

Sans  contester  la  valeur  critique  des  motifs  sur  lesquels  s'appuie  M.  Vivien  de 
Saint^Martin,  je  ne  puis  m'empêcher  de  constater  que  Talha  (Acacia  Arabica),  Zem- 
zem  (nom  d'un  puits  très-vénéré  de  la  Mekke)  et  Ghariàn  (cavernes^  sont  trois 
dénominations  arabes,  introduites  dans  la  nomenclature  géographique  moderne,  seu- 
lement depuis  la  conquête  arabe,  et,  que,  pour  les  autres  points,  aucune  raispn  réel- 
lement déterminante  ne  légitime  Tassimilation. 

On  conteste,  il  est  vrai,  au  Djebel-Ghariân  sa  signifîcation  arabe,  parce  que  les 
Berbères  de  la  contrée  prononcent  plus  ou  moins  correctement  le  nom  que  les 
Arabes  ont  donné  à  leur  montagne;  mais  ce  point  n'est  pas  le  seul  dans  le  Nord  de 
l'Afrique  où  des  cavernes  servent  de  refuge  aux  populations,  et  partout  le  même 
nooi  arabe  est  employé  pour  caractériser  ce  mode  d'habitation.  En  Algérie,  au  Nord 
de  Frenda,  dans  le  pays  de  Sedama.  il  y  a  des  tribus  qui  habitent  des  cavernes  et  les 
Arabes  les  ont  appelées  Ahel-el-Ghlràn  (les  gens  des  cavernes),  comme  ils  ont  appelé 
la  montagne  des  cavernes,  au  Sud  de  Tripoli,  Djebel-Ghariân. 


464  APPENDICE. 

Gyri  ^  autre  mont,  est  en  double  emploi,  car  la  racine  des  mots 
Niger,  Mgrls  et  Gyri  est  la  même;  mais  ce  double  emploi  est  justifié 
par  le  besoin  de  compter  au  nombre  des  conquêtes  du  triomphateur 
les  pierres  précieuses  du  susdit  mont. 

Sans  doute,  les  pages  de  Pline  sur  les  conquêtes  des  Romains, 
dans  le  Sud  de  la  Tripolitaine,  ont  leur  valeur,  mais  ce  n'est  que  dans 
Ptolémée  qu'on  trouve ,  au  milieu  de  nombreuses  confusions ,  des 
détails  relatifs  au  massif  des  Touareg  du  Nord ,  ou  Mons  ater  des 
Romains,  détails  que  la  géographie  moderne  confirme. 

Orose,  Éthicus,  Corippus,  de  beaucoup  inférieurs  en  mérite  et  en 
savoir,  donnent  aussi  cependant  quelques  indications  utiles. 

Ptolémée  connaît  aux  deux  extrémités  du  massif  deux  points  im- 
portants ,  car  ils  sont  deux  têtes  de  bassins  : 

La  Gorge  Garamantique ,  4)àpaY^  rapaaavrtV/î ,  dans  TEst,  ori- 
gine du  grand  fleuve  oriental  de  la  Libye,  le  Tsip  ; 

Le  Mont  Thala,  GaXa,  dans  TOuest,  origine  d'un  fleuve  occiden- 
tal, le  Ntyetp,  qui,  avec  le  précédent,  constituent  les  deux  seules 


1.  M.  Vivien  de  Saint-Martin,  assimile  les  Gyri  montes  du  triomphe  de  Balbus 
au  rîpyupi;  ou  Tipyipi  de  Ptolémée  et  les  place  dans  les  montagnes  de  Ghariàn  ;  dans 
ce  cas,  il  n'y  aurait  pas  double  emploi. 

Mais  M.  Vivien  de  Saint-Martin  a  été  amené  à  cette  détermination  parce  que 
Ptolémée  place  la  source  du  fleuve  Cinyps  dans  le  Tipy^piç  et  parce  que  Tembou- 
chure  de  ce  fleuve  étant  bien  connue,  d'après  les  indications  d'Hérodote  et  de  Scylax, 
sa  source  ne  peut  être,  en  effet,  que  dans  la  chaîne  de  montagne  du  littoral  tri- 
politain. 

Toutefois,  si  Ptolémée  (Liv.  IV,  chap,  vi)  place  la  source  du  Cinyps  dans  le 
Girgyris,  il  la  fait  sortir  aussi  (Liv.  IV,  chap.  m)  du  mont  Zuchabari  ou  Chusambari. 

Entre  ces  deux  indications  contradictoires,  laquelle  choisir? 

Ptolémée  ne  laisse  aucune  incertitude  à  cet  égard.  La  position  qu'il  donne  au 
Zuchabari  correspond  aux  sommets  du  versant  maritime  du  Djebel  tripolitain,  tan- 
dis que  celle  du  Girgyris ,  dans  le  Sud-Ouest  de  Garama ,  correspond  au  massif  des 
Touareg. 

D'ailleurs,  la  position  vraie  du  Girgj'ris,  au  Sud  de  Lynxama,  sur  le  Gir,  est 
encore  mieux  fixée  par  celle  de  Lynxama  elle-même. 

En  identifiant  le  Girgyris  à  une  partie  du  Djebel  tripolitain,  il  devient  impos- 
sible de  placer  le  Gir,  Lynxama  et  les  Lynxamatae  comme  ils  doivent  l'être. 

L'analogie  de  nom  entre  Girgyris  et  Ghariàn  a  doublement  trompé  M.  Vivien 
de  Saint-Martin,  car  le  nom  de  Ghariàn  lui-même,  limité  à  la  partie  de  la  chaîne 
dans  laquelle  existent  des  cavernes ,  n'est  pas  celui  de  la  chaîne  et  ne  donne  nais- 
sance à  aucun  fleuve  qui  puisse  être  le  Cynips. 


GÉOGRAPHIE  ANCIENNE.  465 

grandes  rivières  qui  coulent  dans  Tintérieur  du  pays  (Liv.  IV,  5). 

Le  premier  de  ces  points,  que  M.  Vivien  de  Saint-Martin  a  iden- 
tifié d*une  manière  certaine  avec  TAghelâd  (gorge)  d'Ouarâret  ou 
vallée  de  Rhât,  et  le  second,  qui  a  conservé  son  nom  ancien  :  làhela- 
Ohàt,  mont  d'où  sort  TOuâdi-In-Amedjel,  nous  serviront  de  jalons 
principaux. 

Entre  ces  deux  repères  est  un  troisième  point,  le  lac  Nouba, 
Nouêa  7.i[x.v7),  situé  à  la  tête  des  eaux  du  Gir  (Liv.  IV,  chap.  vi),  à 
rOuesf  de  la  montagne  appelée  la  Gorge,  tx;  <î>apayyoç  opoç,  et  au 
Sud  du  mont  Girgyris,  dans  la  direction  des  Garamantes  (même 
Liv.,  môme  chap.). 

Il  m'est  bien  difficile  de  ne  pas  identifier  le  lac  Nouba,  si  bien  ca- 
ractérisé par  Plolémée,  avec  la  plaine  d'Amadghôr,  Tune  des  origines 
de  righarghar,  sise  à  l'Ouest  de  la  gorge  de  Rhât  et  au  Sud  du  Tasîli 
des  Azdjer,  et  dans  laquelle  est  une  sebkha  ou  lac  desséché  qui  doit 
être  connue  de  toute  antiquité.  (Voir  Liv.  I",  chap.  u,  pages  18  et  19  ; 
et  chap.  m,  page  2/j.) 

Ptolémée  connaît  encore,  dans  la  même  contrée,  un  mont  Girgyris, 
rtpyuptç  ou  ripytpi,  sis  au  Sud  de  Lynxama,  ville  sur  la  rivière  du 
Gir,  et  au  Nord  du  lac  Nouba. 

11  m'est  encore  impossible,  en  tenant  compte  de  la  position  abso- 
lue que  Ptolémée  donne  à  son  Girgyris,  et  de  sa  position  relative  par 
rapport  au  lac  Nouba  et  à  la  ville  de  Lynxama ,  de  ne  pas  assimiler 
le  plateau  riche  en  eaux  du  géographe  alexandrin  avec  le  plateau 
que  les  Touareg  nomment  simplement  tasUi,  plateau ,  mais  qui  donne 
naissance  aux  nombreux  ighargfiâren  (les  ruisseaux  ruisselants)  qui, 
avant  les  barrages  des  dunes,  formaient  autrefois  la  tête  orientale  de 
righarghar. 

J'ai  déjà  dit  pourquoi  je  n'acceptais  pas  l'identification  du  mont 
Girgyris  avec  le  Djebel-Ghariân ,  mais  je  conserve  comme  étant  hors 
de  contestation  la  remarque  de  M.  Vivien  de  saint-Martin,  à  savoir 
que  Girgyris,  Djerdjera  ou  Djurjura,  sont  absolument  identiques,  et 
j'ajoute  que  les  noms  d'îgharghar,  d'igharghâren,  ont  aussi  la  même 
signification  dans  la  nomenclature  géographique  des  Berbères. 

Le  radical  de  tous  ces  noms  indique  une  contrée  riche  en  eaux , 
mais  s'applique  aussi  bien  aux  rivières  par  lesquelles  elles  s'écou- 
lent qu'aux  montagnes  dans  lesquelles  elles  prennent  naissance. 

Les  Berbères  de  la  grande  Kabylie  algérienne  ont  donné  au  massif 

I.  30 


660  APPENDICE. 

des  montagnes  qu'ils  habitent  le  nom  général  de  Djerdjera,  parce  que 
l'eau  y  idjerdjère  sur  toute  son  étendue ,  et  parce  que ,  sous  ce  rap- 
port, il  est  le  point  le  plus  favorisé  du  Tell.  De  même,  les  Berbères 
Touareg  ont  donné  le  nom  d'igharghar  à  la  principale  gouttière  d'écou- 
lement des  eaux  de  leur  pays,  et  dMgharghàren  à  la  plaine,  au  pla- 
teau et  aux  ravins,  tête  du  bassin,  parce  que  les  eaux  y  itjhargharent, 
et  parce  que,  dans  tout  le  Sahara,  il  n'y  a  pas  un  autre  point  aussi 
riche  en  eau. 

Le  Girgyris  de  Ptolémée  est  aussi  un  mot  imitatif  qui  dcfit  avoir 
la  même  signification. 

On  me  pardonnera,  je  l'espère,  la  création  des  verbes  idjerdjerer 
et  ighargharer.  Pour  bien  faire  comprendre  des  choses  nouvelles,  le 
plus  simple  souvent  est  de  créer  des  mots  nouveaux. 

La  signification  réelle  du  radical  ne  tardera  pas  à  être  pré- 
cisée. 

En  attendant,  je  considère  comme  exactes  les  indentifications  sui- 
vantes : 

Celle  de  TAghelàd  d'Ouaràret,  avec  le  <t>apaY$  FapafjiavTUTi  ; 

Celle  du  Tàhola-Ohât  avec  le  0a>.a; 

Celle  de  la  î^ebkha  d'Amadghôr  avec  le  Nouêa  \iuMr\  ; 

Celle  du  Tasîli  des  Azdjer  ou  plateau  des  Igharghàren,  avec  le 
ripyupt;  ou  rtpyipi. 

Mais  avant  de  demander  aux  documents  grecs  et  romains  plus 
qu'on  ne  doit  ail  adre  d'eux,  je  tiens  à  faire  une  autre  constatation 
importante,  en  remontant  du  présent  au  passé. 

Aujourd'hui ,  deux  confédérations  politiques,  composées  de  tribus 
diverses,  occupent  le  Mons  atcr  des  Romains,  et,  entre  les  deux,  est 
une  grande  tribu  de  marabouts,  aussi  nombreuse,  et  occupant  autant 
d'espace  que  leurs  voisins  de  l'Est  et  de  l'Ouest. 

Nous  savons  par  Ebn-Khaldoûn  et  par  la  Sole  sur  les  oingints  de 
Brahîm-Ould-Sîdi  que  ces  trois  grandes  fractions  des  Touareg  du 
Nord  n'occupaient  pas  le  Mons  atcr  à  l'époque  romaine,  et  qu'avant 
leur  dernier  mouvement  de  migration  elles  portaient  d'autres  noms 
qu'elles  ont  échangés  contre  celui  des  contrées  nouvelles  qu'elles  ont 
définitivement  adoptées  pour  leur  patrie. 

Ainsi,  les  Kêl-Ahamellen  se  sont  transfigurés  en  Kèl-Ahaggàr, 
gens  du  Ahaggàr,  comme  leurs  devanciers ,   de  l'époque  romaine. 


GKOGRAPHIE  ANCIENNE».  467 

sN'taient  appelés  ,€zarêe,  Uzzarœ,  Suggarœ  *,  suivant  les  époques  et 
la  manière  de  prononcer  les  noms  d'une  langue  étrangère,  et  aussi 
suivant  la  pureté  ou  la  corruption  des  textes. 

De  même  les  loarâghen,  des  environs  de  Timbouktou,  sont  deve- 
nus les  Kél-Azdjery  pour  perpétuer  jusqu'à  nous  le  souvenir  des  Asta- 
curi,  AdTaxoOpoi ,  de  la  Gorge  Garamantique; 

De  même  encore  les  marabouts  d'Es-Sofik,  anciennement  Kéi^s- 
Soùk,  ont  pris  le  nom  d*Ifôghas,  afin  qu'on  ne  perde  pas  le  souvenir 
des  Ifxifaces  de  Corippus. 

Maintenant,  étant  connu  le  massif  occupé  par  les  Touareg  du 
Nord,  est  il  nécessaire  de  torturer  les  textes  pour  retrouver  les  noms 
des  anciens  et  faire  justice  des  doubles  emplois  de  leurs  nomen- 
clatures? 

Non. 

S'agit-il  de  noms  généraux  de  races? 

On  n'est  pas  étonné  de  voir,  pêle-mêle,  des  Libyens,  des  Mélano- 
Gétules,  des  Éthiopiens  rouges  et  noirs,  en  un  point  de  contact,  alors 
contesté  et  disputé,  entre  les  descendants  de  Sem  et  de  Cham.  Sui- 
vant les  chances  heureuses  ou  malheureuses  de  la  fortune,  on  trou- 

1.  Je  sais  que  les  monts  Uzzar»  et  Suggar»  d'Orose  et  d'Éthicus  sont  consi- 
dérés comme  représentant  les  monts  Usarpala  et  Buzara  do  Ptolémée,  monts  qui 
donnent  naissance  à  l'Ouâd-Seggeur  des  modernes,  ce  qui  semble  confirmer  leur 
identification  avec  la  partie  occidentale  du  Djcbel-'Amoûr. 

Je  me  garde  de  contester  le  mérite  de  cette  identification,  mais  je  pense  qu'on 
peut,  sans  audace,  faire  appel  à  un  plus  ample  informé. 

L'identification  ancienne  repose,  d'abord  sur  une  ressemblance  de  noms,  puis 
sur  une  limite. 

Ressemblance  pour  ressemblance,  j'aime  mieux  celle  qui  compare  Uzzarœ  et 
Sugj;arîB  à  Hoggàr  et  à  Ahaggàr  que  celle  qui  transforme ,  sans  preuves ,  Uzzarse 
et  Suggarœ  en  Usargala  et  Buzara ,  pour  les  identifier  à  une  portion  du  Djebel- 
'Amoûr. 

La  limite  donnée  par  Orose  et  Éthicus  est  celle  de  la  race  blanche  avec  la  rare 
noire,  et  non  celle  de  la  Mauritanie  ou  de  la  Numidie  avec  la  Libye,  et  tout  le 
monde  est  d'accord  aujourd'hui  que,  si  quelques  infiltrations  de  noirs  ont  pénétré 
dans  quelques  parties  du  Sahara ,  en  deçà  des  points  culminants  du  massif  des 
Touùreg,  la  limite  vraie  a  été  au  point  de  partage  des  eaux  entre  le  bassin  médi- 
terranéen, occupé  par  la  race  blanche,  et  le  bassin  nigritien,  occupé  par  la  race 
noire. 

Enfin ,  il  faut  lire  les  textes  tels  qu'ils  sont  :  c'est  au  Midi  de  la  Mauritanie  de 
Sétif  et  non  au  Midi  de  la  Mauritanie  Césaréenne  que  sont  les  monts  dont  parlent 
Orose  et  Kthicus. 

Donc,  jusqu'à  preuve  contraire,  je  maintiens,  provisoirement,  l'identification 
des  monts  Uzzane  et  Suggare  avec  le  Hoggàr  ou  Ahaggàr. 


668  APPENDICE. 

vera  les  uns  ou  les  autres  tantôt  au  Sud,  tantôt  au  Nord  du  tropique 
du  Cancer,  mais  on  peut  être  assuré  que,  dans  les  moments  d'armis- 
tice, les  hommes  de  race  noire  prendront  position  dans  les  bas  fonds, 
où  la  fertilité  est  plus  grande,  et  les  hommes  de  race  blanche  sur  les 
hauteurs,  là  où  la  salubrité  convient  mieux  à  leur  tempérament. 

S'agit-il  de  noms  particuliers  de  tribus,  que  les  anciens  appe- 
laient des  Nations? 

D'abord,  pour  retrouver  leurs  anciens  campements,  on  a  désor- 
mais une  base  géodésique  :  naturellement  les  Tluilœ,  qui  avaient  pris 
le  nom  de  leur  montagne,  se  mettront  au  lieu  et  place  des  Kél-Ohât, 
tribu  serve  du  versant  Ouest  du  Ahaggàr  qui,  eux,  par  un  retour  des 
choses  d'ici-bas,  ont  ajouté  leur  nom  propre  à  celui  de  la  montagne 
pour  en  faire  Tâkela-OluU.  De  même  les  Xoubx,  les  Mgritœ,  les 
Asararœ,  rcprendronl  leur  ancienne  position,  les  premiers  autour  de 
la  saline  d'Amadghôr,  les  seconds  sur  les  rives  de  l'Igharghar,  Ks 
troisièmes  dans  la  Gorge  d'Ouarâret. 

Puis,  autour  des  territoires  de  ces  anciennes  tribus,  aujourd'hui 
retrouvés,  viendront  se  ranger  comme  autant  de  satellites,  et  dans 
l'orientation  donnée  par  Ptolémée,  toutes  les  autres  tribus  dont  il 
nous  transmet  les  noms. 

On  préviendra  toute  erreur  en  assignant  comme  campements  pro- 
bables à  ces  dernières  tribus  les  points  du  territoire  actuel  des 
Touareg  les  plus  riches  en  eau  et  eh  pâturages,  car,  dans  tout  le 
Sahara,  hier  comme  aujourd'hui,  ces  points  ejcceptionnels  ont  tou- 
jours été  des  lieux  d'élection  pour  l'habitation  de  l'homme. 

Maintenant,  si,  ce  placement  de  détail  opéré,  nous  voulons  consti- 
tuer des  groupes  généraux,  d'après  la  circonscription  territoriale 
habitée,  nous  aurons  des  Uzzarœ,  des  Saggane,  dans  lesquels  seront 
compris  les  Tlmlx  cl  leurs  voisins  ;  des  Ifuracœ  qui  engloberont  les 
Sigrilse,  les  Noubœ  el  autres;  enOn  des  Aslacarœ,  avec  leurs  subdivi- 
sions, comme  nous  avons  aujourd'hui  des  Kêl-Ahaggâr,  des  Ifôghas,  des 
Kél-Azdjer  embrassant,  sous  ces  dénominations  générales,  des  tribus 
nobles  et  serves,  des  tribus  à  sang  blanc  et  à  sang  noir,  sans  comp- 
ter les  mélanges,  et  des  tribus  de  race  arabe,  de  race  berbère  et  de 
race  éthiopienne. 

Dans  les  circonscriptions  territoriales  modernes,  nous  retrouvons 
donc,  comme  dans  les  anciennes,  des  Mélano-Gètules,  des  Libyens,  des 
LibO'Égyplicns,  des  Élhiopiem  blancs,  rouges  et  autres,  suivant  Ton- 


GÉOGRAPHIE  ANCIENNE.  /|69 

gine  ethnographique  des  populations  ou  la  variété  des  langues 
qu'elles  parlaient,  mais  dont  la  nomenclature  fait  doifble  emploi  avec 
celle  qui  a  pour  base  la  division  du  territoire  ou  les  confédérations 
politiques  de  groupes. 

S'agit-il  de  noms  de  lieux? 

L'identification  d'un  grand  nombre  est  certaine,  notamment  pour 
les  montagnes  et  les  fleuves. 

Si  je  sors  de  la  limite  de  mon  exploration,  le  Daradus  et  le  Uufus- 
Campus,  dont  on  retrouve  les  noms  anciens  dans  la  synonymie 
moderne,  viennent,  comme  de  nouveaux  jalons,  servir  de  guide  dans 
le  placement  des  tribus. 

Les  nouvelles  conquêtes  de  la  géographie  nous  ont  donc,  enfin, 
affranchi  des  erreurs  de  longitude  et  de  latitude  de  Ptolémée.  C'est 
là  un  point  capital. 

De  l'orographie  je  passe  à  l'hydrographie. 

Des  Xùjer  de  /a  Libye. 

Je  dois  rappeler  au  lecteur  qu'en  langue  libyque,  berbère  ou 
temàhaq,  le  radical  fjJiar,  gJier,  (jhir,  (jhor,  signifie  eau  qui  coule,  sans 
distinction  entre  l'eau  superficielle  ou  souterraine,  et  par  extension 

BASSIN  HYDROGRAPinOlE. 

Je  dois  ajouter  aussi  que,  dans  tout  le  Nord  du  continent  africain, 
le  mot  JSU  est  employé  pour  désigner  tous  les  grands  fleuves;  enfin 
que,  depuis  la  plus  haute  antiquité,  les  indigènes  ont  toujours  con- 
sidéré les  grandes  rivières  de  leur  pays  comme  étant  autant  de 
sources  du  Nîl  d'Egypte. 

La  description  des  Niger  de  la  Libye,  par  Pline  et  Ptolémée,  n'étant 
que  la  reproduction  des  dires  des  indigènes  de  leur  époque,  on  doit 
tenir  compte  de  ces  manières  de  voir  les  choses,  si  l'on  veut  com- 
prendre leurs  récits. 

Pline  connaît  deux  grandes  rivières  dans  la  Libye  : 

Le  Nigris  ou  Niger,  dans  l'Est;  le  Ger  ou  Gir,  dans  l'Ouest. 

Sa  description  du  Niger  est  empruntée  aux  Libyques  du  roi  Juba , 
celle  du  Ger  aux  Mémoires  de  Suetonius  Paulinus,  ouvrages  aujour- 
d'hui perdus. 

Ptolémée  est  plus  explicite  :  il  n'y  a,  dit-il ,  que  deux  grandes 


470  APPKNDICE. 

rivières  dans  riiilérieur  du  pays  :  le  Ghèr  (Feip)  et  le  Nighèr 
(Niyeip)l;       •    - 

Le  Ghèr,  à  TEst,  aboutissant  d*iin  côté  au  Mont  Lsargala  et  de 
l'autre  à  la  Gorge  Garamantique  ; 

Le  Nighèr,  à  l'Ouest,  aboutissant  d'un  côté  au  Mont  Mandnis  et 
de  l'autre  au  Mont  Thala. 

En  apparence,  Pline  et  Ptolémée  ne  sont  d'accord  ni  sur  les  noms 
ni  sur  la  situation  respective  de  chacune  de  leurs  deux  rivières, 
mais,  si  on  fait  abstraction  de  la  différence  des  noms,  identiques 
d'ailleurs  entre  eux,  pour  ne  tenir  compte  que  des  détails  de  leurs 
descriptions,  on  reconnaît  que  l'un  et  l'autre  ont  voolu  parler  des 
mêmes  bassins. 

Le  Nigris  ou  Niger  de  Pline,  comme  le  Ghèr  de  Ptolémée,  prend 
sa  source,  au  Nord ,  dans  la  région  orientale  de  l'Atlas,  et  se  dirige 
au  Sud,  vers  la  partie  orientale  du  Mons  nier,  pour  aller  séparer  la 
Libye  de  l'Ethiopie  ; 

Tous  deux  traversent  deux  lacs  dont  les  noms  sont  différenLs,  il 
est  vrai,   mais  tous  deux  placés  aux  mêmes  étages  du  bassin  : 

Les  premiers,  A7//5  de  l'un,  Taç  yç^e^wvt^aç  de  l'autre,  dans  les 
bas-fonds  de  l'Ouàd-Hîgh  ; 

Les  seconds,  Sigris  dans  Pline,  Nôjêa  dans  Ptolémée,  sur  la 
ligne  de  partage  des  eaux  de  l'Océan  et  de  la  Méditerranée; 

L'un  comme  l'autre,  absorbés  par  les  sables  qu'ils  traversent  . 
disparaissent  pour  réapparaître  et  disparaître  encore. 

Je  ne  poursuivrai  pas  plus  loin  ces  comparaisons,  j'aime  mieux 
expliquer  comment  le  radical  libyque  gher,  qui  suivant  les  dialectes 
s'écrit  et  se  prononce  aussi  ger,  guir,  djir,  righ,  s'est  transformé 
sous  la  plume  de  Pline,  de  Ptolémée  ou  de  leurs  copistes,  en  Mger 
ou  Ntyetp. 

La  démonstration  est  facile. 

Dans  certains  dialectes  libyques,  un  I  préfixe  est  souvent  ajouté  au 
radical  ;  exemples  :  i  GliaVghar,  iAhaggâren,  Ainsi  <jer  et  yeip  sont 
d'abord  devenus  i  Ger  et  t  reip. 

Puis,  souvent  une  N ,  conjonction,  lie  le  mot  qui  précède  au  mot 
qui  suit;  exemples:  Atakôr-N-Ahaggâr,  Adehî'X'Oaaran ,  Afara-X- 
Wechcheran.  Ainsi  iOer  et  t  Teip  sont  devenus  X-Ignr  et  N-lysip  , 

i.  Les  Grecs  modernes  prononceraient  ces  mots  GlUr  et  Nighir. 


GÉOGRAPHIE   ANCIENNE.  /»71 

et  par  abréviation  on  aura  écrit  Niger  et  Niyctp,  en  retranchant  le 
trait  d'union. 

Enfin,  clans  la  langue  berbère,  beaucoup  de  noms  géographiques 
sont  précédés  du  technique  In,  qui  signifie  endroit  de  ;  exemple  :  In- 
Gher  ou  In-Ghar,  endroit  de  l'eau,  noms  que  portent  un  point  de  la 
vallée  des  Igharghàren  et  un  village  du  Touât.  Souvent,  même  au- 
jourd'hui, et  c'est  ce  que  j'ai  fait,  on  écrii  Ingher  et  Inghar,  sans  trait 
séparatif.  Entre  Ingher  et  Ntyeip  ou  Niger,  la  seule  différence  con- 
siste dans  le  déplacement  d'une  lettre,  faute  qu'un  copiste  aura  bien 
pu  commettre.  , 

La  signification  latine  du  mot  Niger,  correspondant  à  la  couleur 
des  habitants,  a  dû  contribuer  à  la  propagation  de  l'erreur. 

En  Algérie,  nous  inventons  aujourd'hui  encore  de  semblables  assi- 
milations. 

Quelle  que  soit  la  version  adoptée,  on  se  rend  compte  désormais 
comment  les  Grecs  ont  donné  indistinctement  les  noms  de  icoTajjioç- 
v-iFeip  ou  TTOTapLo;  Tcip,  ou  7roTa(JLOç  Nîyeip,  et  les  Romains  ceux  de 
(lumen-n'iGer  ou  flumen  Ger  ou  flimun  Niger  à  tout  endroit  du  terri- 
toire libyque  où  il  y  avait  de  l'eau,  sans  faire  attention  que  Tcorap; 
et  flumen  étaient  synonymes  de  Niger  ou  Ger, 

Comment  les  Grecs  et  les  Romains  auraient-ils  évité  ces  erreurs, 
quand  nous,  Français,  éclairés  sur  toutes  ces  questions  beaucoup 
mieux  qu'on  ne  pouvait  l'être  dans  l'antiquité,  nous  sommes  forcés, 
pour  être  compris,  d'écrire  chaque  jour  :  le  bassin  de  l'Ouâd-Rîgh,  la 
rivière  de  l'Ouâd-Igharghar,  le  plateau  du  Tasîli,  la  montagne  du 
Djebel-Adrar,  la  fontaine  d"Aïn-Thâla? 

Les  Arabes  et  ies  Turcs  se  rendent  aussi  coupables  de  pareils  pléo- 
nasmes dans  leurs  nomenclatures  géographiques.  La  responsabilité 
en  incombe  à  l'ignorance  des  masses. 

Sans  doute,  les  hommes  de  science  ont  tort  de  ne  pas  s'affranchir 
des  lois  que  leur  imposent  ceux  qui  ne  savent  pas.  Mais  quel  but  se 
propose-t-on  en  écrivant?  Éclairer.  Et  pouB  éclairer,  il  faut  d'abord 
être  compris. 

M.  le  commandant  Hanoteau  a  pu  intituler  Grammaire  temâchek* 
son  étude  sur  la  langue  que  parlent  les  Touareg  et  donner  le  nom 
d'Imôcharh  aux  peuples  qui  la  parlent,  parce  que  tous  ceux  qui  doi- 
vent lire  son  livre  savent  préalablement  quelle  est  la  valeur  des 
termes  dont  il  se  sert.  Si  j'avais  intitulé  ce  livre  :  Imôhagh,  au  lieu  de 


./i72  x\PPENDICE. 

Touareg  du  Sord ,  aucun  de  ceux  auxquels  il  est  destiné  n'auraii  su 
de  qui  je  veux  parler. 

Mais  je  dois  revenir  aux  Niger. 

Les  géographes  du  moyen  âge  n'ont  donc  pas  commis  une  erreur 
en  donnant  le  nom  berbère  de  Mger  au  grand  fleuve  du  Soudan  occi- 
dental, en  tant  que  la  signiûcation  de  ce  nom  est  restreinte  à  celle  de  : 
eau  qui  coule,  fleuve,  cette  désignation  n'ayant  pas  plus  de  valeur  que 
celle  de  :  Ml  des  noirs.  Mais  ils  se  sont  grossièrement  trompés,  si, 
induits  en  erreur  par  la  latitude  de  Ptolémée,  ainsi  que  Ta  victorieu- 
sement démontré  M.  Vivien  de  Saint-Martin,  ils  ont  cru  retrouver 
dans  le  fleuve  deTimbouktou  Tun  des  Niger  de  la  Libye. 

Ce  point  acquis  aux  débats,  j'ai  à  démontrer  que,  pour  ks  anciens, 
les  mots  Mger  ou  Ger  signiûaient  moins  un  fleuve  qu'un  bassin  hy- 
drographique. 

J'en  trouve  la  preuve  dans  les  textes  mêmes  de  Pline  et  de  Pto- 
lémée. 

Pline  (L.  V,  10)  nous  donne,  d'après  le  roi  Juba,  un  exemple  bien 
remarquable  du  peu  de  respect  des  indigènes  de  son  temps  pour  les 
lois  physiques  de  la  circulation  des  eaux.  Son  Niger  naît  dans  une 
montagne  de  la  Mauritanie,  probablement  le  Djebel-'Amoûr  des  mo- 
dernes; de  là,  il  descend  dans  un  bas-fonds,  où  il  forme  le  lac  Nilis, 
comme  l'Ouàd-Djedî ,  auquel  il  est  assimilé  dans  cette  partie  de  son 
cour?,  va  se  perdre  dans  le  Chott-Melghîgh.  Mais,  du  lac  Nilis,  au  lieu 
d'aller  déverser  ses  eaux  à  la  mer,  au  golfe  de  Gâbès,  comme  l'exige 
le  sens  attaché  au  mot  flamen,  son  fleuve,  devenu,  dans  son  imagi- 
nation, une  des  têtes  du  Nil  d'Egypte,  va  gravir  des  pentes  de  1,000  à 
1,500  mètres  environ,  à  l'inverse  du  cours  de  l'igharghar,  mais, 
comme  lui,  à  travers  de  nouvelles  lagunes  et  de^  masses  de  sables 
qui  se  succèdent  et  l'absorbent,  pour  arriver  au  sommet  du  massif 
des  Touareg,  où  il  sépare  l'Afrique  de  l'Ethiopie.  «  Là,  sans  doute ^ 
ajoute  Pline,  d'après  le  roi  Juba,  jaillissant  de  cette  source  qu'on  a 
nommée  Mgris,  il  s'élance^,,  )>  probablement  au-dassus  du  point  de 
partage  des  eaux  !!!  Pline  n'ose  pas  l'écrire,  mais  il  le  laisse  deviner, 
car  son  fleuve,  jusque-là  renfermé  dans  le  bassin  libyen  de  la  Médi- 
terranée, va  passer  dans  le  bassin  éthiopien  de  l'Océan,  «  sous  le  nom 
d\islapus,  pour  séparer,  par  le  milieu,  le  pays  des  ÉMopiens,  Astapus 
medios  ^thiopas  secat.  » 

Cette  description,  contraire  aux  lois  naturelles,  si  le  mot  Niger  est 


GÉOGRAPHIE    ANCIENNE.  i73. 

restreinte  la  signification  de  fleuve,  devient,  au  contraire, d'une  exac^ 
litude  remarquable,  si  l'on  généralise  le  sens  de  ce  mot  en  le  considé- 
rant comme  l'équivalent  du  mot  bassin  dans  nos  langues  modernes. 

En  effet,  non-seulement  la  description  du  Niger  de  Pline  est  con- 
forme à  celle  de  l'Igharghar,  que  j'ai  faite  dans  le  livre  I®"^  de  cet  ou- 
vrage ;  non-seulement  la  communauté  des  origines  de  l'Igharghar  et 
du  Tàfasàsset,  symbolisée  dans  la  source  que  Pline  nomme  Nûjris, 
est  une  réalité  incontestable,  mais  encore  VAslopus^  sépare  parle 
mih'eu  les  peuplades  éthiopiennes,  comme  le  Tàfasàsset  isole  les 
Touareg  d'Aïr  des  Touareg  Aouélimmiden. 

Le  Niger  de  Pline  est  donc  un  bassin  et  non  un  fleuve. 

Ptolémée  appuie  d'une  autorité  indiscutable  la  nouvelle  interpré- 
tation donnée  au  mot  Niger. 

Ses  deux  Niger,  celui  de  l'Est  comme  celui  de  l'Ouest,  marchent 
du  Nord  au  Sud,  à  la  façon  des  siphons.  Nés  tous  deux  dans  l'Atlas, 
par  des  altitudes  de  700  à  1,000  mètres,  ils  descendent  dans  des  bas- 
fonds  de  90  à  200  mètres,  au  maximum,  et  viennent  aboutir,  en 
remontant  dans  le  massif  dos  Touareg,  à  une  altitude  de  plus  de 
700  mètres  pour  la  Gorge  Garamanlique,  et  de  1,000  à  1,200  pour  le 
Mont  Thala. 

Cette  constitution  n'est  pas  celle  des  rivières  ou  des  fleuves,  dans 
le  sens  ordinaire  des  mots  flumen  et  TroTarjio;,  mais  celle  des  bassins 
de  tous  les  cours  d'eau. 

Pline  et  Ptolémée,  en  traduisant  les  récits  des  indigènes,  par  l'in- 
termédiaire d'interprètes  illettrés,  n'ont  pas  compris  le  sens  du  mot 
libyque  Aigrr;  nous<  nous  devons  lui  restituer  sa  véritable  significa- 
tion, autrement,  il  est  impossible  de  faire  l'application  des  récits  des 
anciens  auteurs  aux  lieux  tels  que  nous  les  retrouvons  aujourd'hui. 

Maintenant  abordons  la  délimitation  des  bassins  des  deux  Niger 
de  la  Libye  et  indiquons  les  noms  de  la  nomenclature,  grecque  et 
romaine,  qu'on  peut,  avec  autorité,  identifier  avec  ceux  de  la  nomen- 
clature moderne. 


1.  Pour  les  anciens  Africains,  la  plupart  des  grandes  rivières  de  rint(*riLMir  du 
continent  africain  étaient  des  embranchements  du  X\\  d'Egypte  qui  y  allaient  di^v^r- 
ser  leurs  eaux  sous  le  nom  d'Astapus,  qui  est,  en  eflfet,  le  nom  ancien  d'une  tb* 
branches  supérieures  du  ^iil. 

Cette  erreur,  née  chez  les  indigènes,  est  acceptée  sans  contradiction  par  Héro- 
dote et  par  Plino,  qui  nous  transmettent  leurs  traditions. 


lillx  APPENDICE. 

Niger  orient<U. 

Dans  I*état  actuel  de  nos  connaissances  géographiques,  les  limites 
du  bassin  du  Niger  oriental  de  la  Libye  peuvent  être  déterminées, 
sinon  mathématiquement,  du  moins  très-approximativement. 

Au  Sud,  les  points  culminants  du  Ahaggàr,  de  la  plaine  d'Amad- 
ghôr,  du  plateau  dit  le  Tasîli  des  Azdjer,  de  TAkâkoûs,  de  TAmsâk  et 
de  la  forêt  de  gommiers  séparative  du  désert  de  Tûyla  et  de  TOuàdi- 
Lajâl,  jalonnent  une  longue  ligne  de  partage  d'eau  entre  le  bassin 
éthiopien  de  TAstapus  (Tâfasâsset  moderne)  et  le  bassin  libyen  du 
Niger  oriental  (Tlgharghar  des  Touareg). 

A  TEst,  une  ligne  droite,  de  la  tête  occidentale  de  l'Ouâdi-Lajàl  à 
Gàbès,  par  le  caput  saxi  de  la  Hamàda-el-Homra  et  les  sommets  du  . 
Djebel-Douîrât,  marque  aussi  exactement  que  possible  un  second  par- 
tage d*eau  ,  peu  caractérisé ,  il  est  vrai,  sur  sa  plus  grande  étendue, 
entre  la  Hamâda-el-Homra  et  les  dunes  de  T'Erg,  sorte  d'épongé  qui 
rend  souterrainement  au  principal  thalweg  du  bassin,  Tlgharghar,  les 
eaux  qu'elles  ont  absorbées. 

Au  Nord,  le  versant  méridional  de  la  chaîne  atlantique,  de  Gàbès 
au  Djebel-'Amoùr,  l'Aurès  compris,  ferme  le  bassin  de  ce  côté,  d'une 
manière  plus  accentuée,  à  raison  de  son  imposant  relief. 

A  l'Ouest,  la  limite  séparative  du  Niger  oriental  avec  le  Niger  occi- 
dental, peu  caractérisée  dans  le  Sahara  algérien,  où  elle  est  d'ailleurs 
bien  connue,  se  relève  dans  le  Sud,  où  le  Bâten  de  ïâdemâyt,  l'ifet- 
tesen  du  Mouydîr  ainsi  que  le  Tîfedest  et  TAtakôr  du  Ahaggàr,  lui 
donnent  des  points  de  partage  d'eau  nettement  définis. 

Dans  ces  limites,  l'étendue  du  bassin  oriental  embrasse  près  de 
20  degrés,  du  Nord  au  Sud,  et  16  de  l'Est  à  l'Ouest,  et  comprend, 
indépendamment  de  Tlgharghar,  aboutissant  de  tous  les  affluents: 
d'abord  les  igharghâren  de  sa  tête  orientale,  puis  les  ouâdi  de  sa  tête 
occidentale,  qui  descendent  du  Ahaggàr,  du  Mouydîr  et  de  la  plaine 
d'Amadghôr,  enfin  l'Ouâd-Mîya,  l'Ouâd-Mezâb ,  l'Ouâd-Nesâ,  l'Ouàd- 
Djedî,  plus  les  nombreux  torrents  du  versant  Sud  de  l'Aurès. 

De  cet  immense  réseau  de  gouttières  d'écoulement  des  eaux  qui, 
toutes,  venaient  aboutir  aux  lagunes  du  Rîgh,  d'Ouarglà  et  du  Mel- 
ghîgh,  et,  de  là,  déversaient  leur  trop-plein  dans  le  golfe  de  Gàbès  par 
les  Chott  du  Djerîd  et  du  Nefzàoua,  les  anciens  ne  connaissaient,  en 


GEOGRAPHIE    ANCIKNiME.  675 

réalité,  que  fort  peu  de  chose;  du  moins,  ce  qu'ils  nous  en  ont  trans- 
mis laisse  beaucoup  à  désirer  : 

Une  dizaine  de  noms  de  centres  d'habitation  fixe  de  l'homme 
pour  représenter  les  districts  formés  par  huit  groupes  d'oasis  ;  les 
Qeçoûr  de  T'Amoûr,  le  Mezàb,  les  Zibân,  Ouarglâ  avec  son  annexe 
d'El-Golêa',  le  Rîgh,  le  Soûf,  le  Djerîd  et  le  Nefzâoua,  districts  qui 
alors  devaient  être  très-peuplés,  car  l'occupation  romaine,  étendue 
jusqu'à  la  limite  de  ces  oasis,  n'aurait  pas  eu  sa  raison  d'être  sans  de 
nombreux  indigènes  à  dominer  au  Sud; 

Quelques  noms  de  tribus  nomades,  parmi  lesquels  des  doubles  em- 
plois, pour  occuper  l'espace  que  les  Larba'a,  lesCha'anba,  lesOulàd- 
Bà-Hammou,  les  Kôl-Ahaggàr,  les  Ifôghas,  les  Kêl-Azdjer,  les  Rouâgha, 
les  'Arab  du  Zibân,  les  Souàfa,  les  Ourghamma  et  autres,  couvrent 
de  leurs  campements; 

Quelques  noms  généraux  ou  particuliers  de  montagnes,  au  lieu 
de  milliers  que  nous  connaissons  aujourd'hui  d'une  manière  certaine  ; 

Quelques  détails  sur  les  bas-fonds,  sur  les  sables,  sur  le  cours 
souterrain  des  eaux,  sur  les  plantes  et  les  animaux  exceptionnels  de 
cette  contrée  qui,  heureusement,  sont  très-exacts,  quoique  leur  men- 
tion repose  sur  Terreur  qui  attribuait  à  cette  partie  de  la  Libye  l'hon- 
neur d'appartenir  au  bassin  du  Nîl  d'Egypte; 

Enfin  des  noms  de  lacs  et  celui  du  bassin  dans  son  ensemble 
complètent  tout  ce  que  les  anciens.  Grecs  et  Romains,  y  compris  le 
très-savant  roi  Juba,  nous  ont  transmis  sur  une  contrée  d'autant  plus 
intéressante  pour  eux,  qu'ils  lui  attribuaient  un  rôle  fabuleux. 

L'a  comparaison  des  noms 'de  villes,  de  montagnes,  de  rivières,  de 
lacs,  de  tribus,  donnés  par  les  nomenclatures  anciennes,  avec  ceux 
beaucoup  plus  considérables  de  la  nomenclature  moderne,  autorise, 
d'une  manière  certaine,  les  identifications  suivantes  : 

La  ville  de  Cydamas  avec  Ghadàmès; 

WOppidnm  Rapsa  avec  Rhàt,  reconstruite  par  les  Kêl-Rhâfsa; 

A(jar  Selnepte  avec  Nafta;  ^ 

Tysunis  avec  Tôzer; 

Capsa  avec  Gafça  ; 

Tacape  avec  Gâbès; 

Le  }fons  aler  avec  le  massif  des  Touareg,  Tasîli  et  Ahaggàr  com- 
pris ; 


/»76  APPENDICE. 

Le  0apay^  rapa|xavTtx7i  avec  l'Aghelàd  d'Ouaràret  ; 

Le  pays  des  Astaciiri  avec  celui  des  Azdjer; 

Celui  des  Ifaraœs  avec  le  territoire  des  Ifôghas  ; 

Le  mont  des  Suggar,  des  Uzzar,  des  .£zar,  avec  la  patrie  actuelle 
des  Ahaggâr  ou  Hoggàr; 

Le  mont  rîpyipi  avec  le  Tasîli  du  Nord,  dans  lequel  naissent  de 
nombreux  ighargliâren  ; 

VAurasim  avec  la  chaîne  de  TAurès; 

Le  Niger  avee  righarghar; 

VAstapus  avec  le  Tàfasâsset; 

Le  lac  Nigris  avec  les  lacs  de  Mîhcrô  ; 

Le  lac  Nouba  avec  la  Sebkha  ou  saline  d'Amadghôr; 

Le  lac  de  Libye  ou  Palus  Chelmides  avec  le  Chott-Melghîgh  ; 

Le  lac  Pallas  avec  le  Cliott-el-Djerîd  ; 

Le  lac  Triton  avec  le  Chott  du  Nefzâoua; 

Vile  de  Phla  avec  Toasis  du  Nefzâoua. 

Toutes  ces  identifications  sont  justifiées  ou  par  la  similitude  des 
noms,  ou  par  des  rapports  de  position,  ou  par  des  détails  qui  excluent 
toute  incertitude. 

Ptolémée  cite  dix  noms  de  villes  dans  le  bassin  du  Gir,  savoir  : 

Au  Sud,  Cira,  métropole,  Fetpa  (xr,Tp07:Xi$ , 

Au  Nord ,  Thykimath  ,  0uxtjAà6 , 

—  Ghéoua ,  F'/io-Ja , 

—  Badiath ,  Ba.îiàO , 

—  Iskhérî,  l(7)^£p£i/ 

—  Toucroumouda,  Touxpo'j(xouSa, 

—  Thoûspa ,  0oO'7ira , 

—  Artaghîra,  Aprayeipa , 

—  Rhoubounê,  PooêouvYi , 

—  Lynxama ,  Auy^apia. 

Je  néglige  les  longitudes  et  les  latitudes,  qui  ne  peuvent  qu'in- 
duire en  erreur. 

M.  Vivien  de  Saint-Martin  constate  avec  raison  que  Thykimath , 
Ghéoua,  Iskhérî,  s'échelonnent  sur  la  rive  Nord  du  Gir,  comme  Tadje- 
mout,  Laghouât  et  Biskra  sur  la  rive  gauche  de  rOuâd-Djedl, 


GÉOGRAPHIE    ANCIENNE.  477 

L'assimilation  de  Gira,  métropole,  avec  Guerâra,  admise  sous  ré- 
serve par  M.  Vivien  de  Saint-Martin,  me  paraîtrait  plus  heureuse  avec 
Tougourt,  car  cette  ville  est  encore  la  ville  principale  de  la  contrée, 
tandis  que  Guerâra  située  hors  centre,  dans  un  pays  aride,  sans  voies 
de  communication,  n'a  jamais  pu  être  une  métropole. 

D'ailleurs ,  d'après  les  chroniques  de  cette  ville  qui  m'ont  été 
communiquâmes,  Gueràra  a  été  fondée  par  les  Benî-Mezàb,  en  l'année 
1589  de  notre  ère. 

Les  détails  que  Pline  (Liv.  V,  10)  donne  d'après  Juba,  sur  les 
intermittences  du  cours  de  son  Niger,  sur  les  animaux  qu'il  nourrit, 
sur  les  plantes  spontanées  de  ses  rives,  sur  ses  débordements  corres- 
pondant avec  les  crues  du  Nîl,  non-seulement  sont  plus  exacts,  mais 
suffiraient  à  eux  seuls  pour  justifier  son  identification  avec  l'Igharghar. 

((  Sorti  du  lac  Nilis,  dit  Pline,  le  fleuve  s'indigne  de  couler  à  tra- 
ce vers  des  lieux  sablonneux  et  arides  et  il  se  cache  pendant  un  trajet 
<t  de  quelques  jours  de  marche  ;  puis  traversant  un  plus  grand  lac 
«  dans  la  Massaesylie,  portion  de  la  Mauritanie  Césaréenne,  il  s'élance 
u  et  jette  pour  ainsi  dire  un  regard  sur  les  sociétés  humaines;  la 
«  présence  des  mêmes  animaux  prouve  que  c'est  toujours  le  même 
«  fleuve.  Reçu  de  nouveau  dans  les  sal)les,  il  se  dérobe  encore  une 
«  fois  dans  des  déserts  de  vingt  journées  de  marche,  jusqu'aux  con- 
«  fins  de  l'Ethiopie,  et  lorsqu'il  a  reconnu  derechef  la  présence  de 
«  rhomme,  il  s'élance,  sans  doute  jaillissant  de  cette  source  qu'on  a 
«  nommée  le  Nigris.  Là,  séparant  l'Afrique  de  l'Ethiopie,  les  rives 
«  en  sont  peuplées,  sinon  d'hommes,  du  moins  de  bêtes  et  de 
«  monstres  ;  créant  des  forêts  dans  son  cours,  il  traverse  l'Ethiopie 
«  sous  le  nom  d'Astapus.  » 

Tout  cela  est  encore  exact  aujourd'hui;  pour  le  constater  ouvrons 
la  Carte  qui  accompagne  ce  volume,  et  suivons  le  cours  de  l'Ighar- 
ghar, de  l'aval  à  l'amont,  comme  le  fait  Pline. 

Du  lac  Meighîgh,  où  le  Djedl  s'est  perdu  et  d'où  il  est  réputé 
sortir,  il  traverse  souterrainement  les  bas-fonds  sablonneux  du  Rîgh 
(150  kilom.  environ);  puis,  traversant  la  Sebkha  de  Sîdi-boù-IIàniya, 
probablement  réunie  autrefois  aux  sebkha  voisines  de  Negoûsa  pour 
former  le  grand  lac  de  la  Massaesylie,  il  s'élance  de  nouveau  sur  la 
Hamàda  desCha'anba  et,  après  avoir  attesté  qu'il  est  toujours  le  môme 
fleuve,  se  dérobe  de  nouveau  dans  les  dunes  de  l"Erg  et  sans  doute 
aussi  sous  les  sables  de  la  vallée  des  Igharghâren  (ensemble  380  kilo- 


478  APPKNDICE. 

mètres,  correspondant  à  vingt  journées  de  marche  dans  les  sables;. 
Après  quoi ,  dans  la  montagne,  sont  les  sources  d*eau  vive. 

Dans  ce  fleuve  et  dans  les  lacs  qu'il  alimente,  ajoute  Pline ,  «  on 
«  trouve,  en  fait  de  poissons,  des  alabètes,  alabetœ^,  des  coracins, 
«  coracini  *,  des  silures,  siluri  ';  un  crocodile,  crocodilus,  en  a  été 
«  rapporté  et  consacré  par  Juba  même,  —  preuve  que  c*fôt  bien  le 
«  Nîl  —  dans  le  temple  d'Isis  à  Césarée  (la  moderne  Cherchel),  où 
«  on  le  voit  encore  aujourd'hui.  » 

Chose  curieuse,  les  Touareg  connaissent  encore  trois  espèces  de 
poissons  dans  les  lacs  et  sources  de  leurs  montagnes,  savoir  :  les 
imcuiân,  Yasoûlmeh  et  les  isattâfen. 

J'ai  rapporté  de  leur  pays,  comme  pièce  justificative,  le  Clarias 
lazera,  l'asoùlmeh  des  Touareg,  aussi  un  poisson  du  Nîl.  (Voir  Liv.  II, 
chap.  ni,  page  238.) 

Quant  au  crocodile,  il  s'est  perpétué,  depuis  2,000  ans,  dans  les 
lacs  de  Mîherô  et  de  Tanàrh.  (  Voir  page  232.  ) 

«  En  outre,  ajoute  Pline,  on  a  observé  que  la  crue  du  Ml  corres- 
pond à  l'abondance  des  neiges  et  des  pluies  en  Mauritanie.  » 

Moi-môme  j'ai  constaté  la  même  coïncidence,  en  1861  et  1862, 
après  neuf  années  de  sécheresse  absolue.  (Voir  Liv.  l*^^  chap.  w 
page  119.) 

Avant  (même  Liv.  V,  8),  Pline  avait  dit  : 

«  Le  Nigris  a  la  même  nature  que  le  Nîl;  il  produit  le  roseau, 
«  le  papyrus,  calamus  et  papyrus,  et  les  mêmes  animaux;  la  crue 
«  s'en  fait  aux  mêmes  époques  ;  il  a  sa  source  entre  les  Éthiopiens 
«  Tareléens  et  les  Œcaliqucs.  » 

Encore  aujourd'hui  on  trouve  dans  les  lieux  humides  du  pays 
des  roseaux  et  des  typha,  voisins,  sinon  identiques  au  roseau  et  au 
papynis  d'Egypte. 

Cette  dernière  citation  me  permet,  en  terminant  ce  que  j'ai  à 
dire  du  Niger  oriental,  de  constater  que  Pline  savait  exactement  où 
le  Mgris  avait  sa  source  dans  le  massif  des  Touareg,  ce  qui  ne  l'a 
pas  empêché,  dans  la  description  générale  de  ce  fleuve,  d'intervertir 

1.  On  ne  sait  pas  au  juste  ce  qu*est  ce  pois^^on.  D*ordinaire  on  le  prend,  soit 
pour  un  gadus  Iota  L.,  soit  pour  unpeiromyzon  fluviatUis  L.  (Note  de  M.  E.  Littr^, 
traducteur  de  Vffistoire  naturelle  de  Pline.  Paris,  1859.) 

'2.  Le  coracinus  de  Pline  est  le  labrus  niloticus  L 

3.  Le  silurusde  Pline  est  le  silurus  glanis  L,  poisson  ti-ès-gros  qui  habite  le  Ml. 


GÉOGRAPHIE  ANCIENNE.  fi79 

l'ordre  naturel  de  son  cours,  par  respect  pour  les  idt^es  des  indi-, 
gènes,  tant  il  est  vrai  que  son  Niger  n'était  pas  seulement  un  fleuve, 
mais  un  bassin. 


Niger  occidental. 

Le  bassin  du  Niger  occidental,  séparé  du  Niger  oriental  comme  il 
a  été  dit  ci-dessus,  est  délimité  au  Nord  par  la  chaîne  atlantique,  à 
rOuest  par  TOcéan,  au  Sud  par  les  reliefs  du  Sâguiet-el-Hamrâ,  du 
Djebel-Azour  et  du  plateau  du  Tânezroûft.  Sauf  la  partie  du  littoral 
océanien,  sur  laquelle  les  documents  abondent,  ce  bassin  a  été  connu 
des  anciens  d'une  manière  plus  vague  encore  que  celui  de  l'Est. 

Bien  qu'aucun  explorateur  moderne  n'ait  encore  étudié  le  Sahara 
marocain  comme  nous  pourrions  le  désirer,  nous  le  connaissons 
assez  cependant  par  les  voyages  de  René-Caillié,  de  Robert  Adams, 
de  Davidson,  qui  y  a  été  assassiné,  de  MxM.  Léopold  Panet,  Si-Boû- 
l'Moghdad  et  Gerhard  Rohlfs,  par  les  écrits  des  Arabes,  par  les  ren- 
seignements verbaux  des  indigènes,  par  les  travaux  de  M.  Renou,  de 
M.  le  capitaine  Beaudouin  et  de  M.  le  général  Faidherbe,  pour  ne 
pas  commettre  de  grandes  erreurs  en  comparant  les  connaissances 
des  anciens  avec  l'état  actuel  du  pays.  Le  champ  possible  des  erreurs 
est  d'ailleurs  très-rétréci  depuis  la  publication  du  .\ord  de  VAfrique 
dans  i antiquité,  par  M.  Vivien  de  Saint-Martin. 

La  critique  de  ce  savant  géographe  resterait  complète,  si  je  n'avais 
à  apporter  à  l'appui  de  son  exposé  des  éléments  nouveaux  qu'il  a 
soupçonnés,  mais  qu'il  ne  pouvait  inventer.  Ces  éléments  sont  : 

D'abord,  une  portion  entiènîment  inconnue  de  la  tête  du  bassin, 
celle  du  versant  océanien  du  Ahaggâr,  dont  un  des  contreforts,  le 
Tâhela-Ohàt,  perpétue  jusqu'à  nos  jours  le  nom  du  Mont  Thala  de 
Pîolémée  et  d'où  descendent  dos  ouàdi  dont  le  principal  m'est  indi- 
qué comme  se  dirigeant  vers  l'Oufidi-Dra'a.  (Voir  Liv.  !«•■,  chap.  m, 
page  26.) 

Ensuite,  entre  le  Haut-Niger  occidental  et  la  vallée  du  Daradus, 
les  masses  de  dunes  d'iguîdi  qui,  comme  celles  de  l"Erg  pour  le 
Niger  oriental,  absorbent  les  eaux  des  affluents  supérieurs  et  ne  les 
restituent  que  .sou terrai nement  à  la  vallée  exutoire.  (Voir  Liv.  l«^ 
chap.  II,  pages  5  et  G ,  et  chap.  iv,  pages  35,  30  et  37.) 


480  APPENDICE. 

Ces  éléments  nouveaux  permettent  de  mieux  apprécier  les  con- 
naissances des  anciens  sur  cet  immense  bassin. 

Topographiquement,  les  dunes  de  riguîdi  le  diviseut  en  deux 
sections,  Tune  supérieure,  Tautre  inférieure,  mais  hydrographique- 
ment  la  capillarité  des  éléments  constitutifs  des  dunes  permet  aux 
eaux  des  affluents  supérieurs  de  se  rendre  au  lit  inférieur,  surtout 
quand  elles  sont  abondantes,  ce  qui  a  toujours  lieu  après  les  grandes 
pluies  périodiques. 

Des  affluents  supérieurs  du  Niger  occidental,  les  anciens  n'ont 
connu  que  la  branche  du  Ger  de  Suetonius  Paulinius  ou  Ntysip  de 
Ptolémée,  qui  prend  sa  source  dans  la  partie  de  l'Atlas  marocain  où 
naît  aussi  le  Malua  (lumen:  mais  è  la  manière  dont  Ptolémée  consti- 
tue son  Ntyetp,  on  voit  qu'il  réunit  les  eaux  du  versant  saharien  de 
l'Atlas  à  celles  du  versant  océanien  du  massif  des  Touareg. 

Voici  sa  description  : 

«  Le  fleuve  Nigir  (Ntyetp)  aboutit  d'un  côté  au  mont  Mandrus  et 
«  de  l'autre  au  mont  Thala,  et  forme  le  lac  Nigris. 

«  Deux  embranchements  qui  descendent  du  Nord,  l'un  du  mont 
«  Sagapola,  l'autre  du  mont  Usargala,  viennent  se  réunir  au  Nigir; 
«  ce  dernier  forme  un  détour  à  l'Kst  pour  aller  se  terminer  au  lac 
«  Libya, 

«  Au  Sud,  dans  la  direclion  du  Daradus,  le  Nigir  reçoit  un  em- 
«  branchement.  » 

Sauf  les  latitudes  et  les  longitudes,  dont  je  ne  tiens  pas  compte, 
parce  qu'elles  sont  erronées,  toutes  ces  indications,  quoique  très- 
vagues,  sont  conformes  à  la  vérité. 

Au  Mandrus  et  au  Thala  correspondent  : 

Le  Djebel-Aït-'Aïach  de  l'Atlas  marocain  ; 

Le  Tàhela-Ohât  du  versant  occidental  du  Ahaggàr. 

Le  lac  Nigris  auquel  aboutissaient  les  'eaux  des  monts  Mandrus  et 
Thala,  assis  vis-à-vis  l'un  de  l'autre  ,  mais  à  i5  degrés  de  distance, 
est  le  bas-fonds  desséché  du  Touùt,  aujourd'hui  couvert  d'oasis; 

Le  lac  Libya,  dans  lequel  allait  se  perdre  l'affluent  de  l'Usargala, 
se  retrouve  dans  la  Sebklia  du  Gouràra,  encore  aujourd'hui  le  récep- 
tacle des  eaux  de  l'Ouàd-Seggeur,  malgré  le  barrage  des  dunes  de 
TErg; 


GÉOGRAPHIK   ANCIENNE.  ÛSI 

Le  Nigir  est  cetouâdqui  porte  actuellement  le  nom  de  Guîr,  dans 
sa  partie  supérieure,  et  de  Messâoura,  dans  son  cours  inférieur; 

Nous  connaissons  déjà  son  affluent  de  l'Est,  TOuâd-Seggeur,  qui 
vient  du  Djebel- Amour,  l'ancien  Usargala; 

L'affluent  oriental  correspond  à  rOuàdi-Tafîlelt,  comme  le  mont 
Sagapola,  d'où  il  sort,  nous  représente  ce  point  de  l'Atlas  marocain, 
d'où  descendent  les  principales  rivières  du  bassin  océanien  du 
Maroc; 

La  tête  des  eaux  venant  du  Sud  et  se  dirigeant  vers  le  Daradus 
est  encore  plus  facile  à  déterminer,  car,  grâce  à  la  loyale  franchise 
des  Touareg,  nous  sommes  mieux  renseignés  sur  les  détails  du 
Ahaggâr  que  sur  ceux  de  l'Atlas  marocain  ; 

L'identification  du  Tàhela  des  Ohât  avec  le  Thala  des  Thaï»  de 
Ptolémée  ne  laisse  que  l'embarras  du  choix  entre  les  nombreux  ouâdi 
fournis  par  l'Ifettesen,  le  Tîfedest  et  le  Ahaggâr,  pour  avoir  un  em- 
branchement dans  la  direction  du  Daradus; 

L'Ouâdi-Tîrhehért,  par  son  importance,  par  la  notoriété  dont  il 
jouit,  semble  le  mieux  répondre  aux  indications  de  Ptolémée. 

En  analysant  la  description  du  géographe  grec,  je  ne  puis  m'em- 
pêcher  de  faire  une  remarque  qui  révèle  une  connaissance  complète 
de  la  limite  des  bassins  des  deux  Niger  :  entre  l' Usargala  et  le  Thala, 
quoique  l'intervalle  soit  de  16  degrés,  Ptolémée  ne  fait  arriver  aucun 
aflluent  à  son  Niger  occidental.  Il  savait  donc  que  toutes  les  eaux  de  la 
région  intermédiaire  se  déversaient  dans  le  Niger  oriental. 

Malgré  l'exactitude  des  informations  topographiques  de  Ptolémée, 
il  était  probablement  moins  bien  renseigné  sur  le  nombre  des  centres 
de  populations  situés  sur  son  Niger,  car  il  ne  cite  que  dix-sept  noms 
de  villes  ou  villages  là  où  nous  en  comptons  plus  de  quatre  cents 
aujourd'hui. 

Faut-il  admettre  que  le  pays  n'avait  alors  que  de  rares  habitants? 

Pline  l'affirme.  Voici  ce  qu'il  dit  : 

«  Suetonius  Paulinus,  le  premier  des  généraux  romains  qui  ait 
«  dépassé  l'Atlas,  rapporte  qu'au  delà,  jusqu'à  un  fleuve  qui  porterait 
«  le  nom  de  Gcr,  on  traverse  des  déserts  couverts  d'un  sable  noir,  au 
«  milieu  duquel  s'élèvent,  d'intervalle  en  intervalle,  des  rochers 
«  comme  brûlés;  que  ces  lieux  sont  inhabitables  à  cause  de  la  chaleur, 
«  même  en  hiver,  et  qu'il  l'a  éprouvé.  »  (Pline,  Liv.  V,  1.) 

I.  31 


f^&2  APPENDICE. 

Puis,  si  le  lac  Nigris  occupait,  comme  tout  T indique,  l'emplace- 
ment actuel  du  Touàt,  les  300  centres  de  population  qui  constituent 
cette  agglomération  d  oasis  ne  pouvaient  alors  exister. 

La  tradition  locale,  d'accord  avec  le  rapport  de  Suélonius  Pau- 
linus,  nous  représente  la  première  population  du  Touàt  réduite  à 
quelques  colonies  de  nègres,  asservies  postérieurement  et  succe-ssive- 
ment  par  les  Berbères  et  les  Arabes.  (Voir  Liv.  III,  chap.  v,  page  294.) 

Quoi  qu'il  en  soit,  des  dix-sept  noms  de  villes  donnés  par  Plolé- 
raée  deux  siulemeni  peuvent  être  identifiés  avec  les  noms  modernes: 

Taloubath,  Ta>ouoaO,  avec  F  oasis  de  Tabelbàlet; 

Toukabat,  Touxaéa6,  avec  la  ville  de  Tci^àbit. 

Cependant,  je  serais  tenté  de  croire  que,  dans  le  dénombrement 
et  la  dénomination  des  villes  du  Niger  occidental,  Ptolémée  aurait  éié 
mal  informa,  car  il  lui  donne,  pour  métropole,  Ntyeipa  MTÇTpoicdXt;, 
nom  identique  à  celui  de  la  capitale  du  Niger  oriental,  Teipa 
Mr.Tporo>.i;.  11  est  douteux  que  deux  centres,  devant  avoir  des  rela- 
tions entre  eux,  aient  porté  le  même  nom,  bien  que  l'un  et  l'autre  ne 
signifient  que  ceci  :  métropole  du  bassin. 

D'autre  part,  les  noms  des  lacs  Nigris  et  de  Libve,  donnés  aux 
principaux  réceptacles  du  bassin,  noms  identiques  à  ceux  d'autres 
lacs  du  Niger  oriental,  attestent  une  confusion  très-grande  dans  les 
éléments  dont  Ptolémée  s'est  servi  pour  dresser  sa  carte  de  la  Libye. 

Je  ne  poursuivrai  pas  l'étude  critique  de  ce  bassin  jusqu'à  la  mer; 
ce  serait  sortir  du  domaine  de  mes  investigations  personnelles. 

Mais  avant  de  clore  cet  examen  sur  les  deux  Niger  de  la  Libye, 
je  ne  puis  me  défendre  de  le  résumer  en  constatant  que,  si,  jusqu'à 
ce  jour,  les  documents  anciens  sur  la  Libye  nous  ont  paru  obscurs, 
la  faute  n'en  est  pas  seulement  imputable  à  leurs  auteurs,  mais 
encore  et  bien  plus  à  ce  que  nous  manquions  nous-même  du  premier 
élément  de  critique  :  la  connaissance  des  lieux,  des  hommes  et  des 
choses  de  ce  pays.  Sans  doute,  ni  les  Grecs  ni  les  Romains  n'ont  pos- 
sédé des  détails  très-circonstanciés  sur  la  topographie  de  cette  con- 
trée, mais,  du  moins,  leurs  idées  sur  ses  principaux  caractères  ont 
été  nettes  et  exactes  :  montagnes  au  Nord  et  au  Sud;  bassin  oriental 
et  occidental,  al)  )utissant  tous  deux  à  la  mer;  sables  dans  les  bas- 
fonds  intermédiaires;  oasis  disséminées  çà  et  là,  mais  principalement 
sur  le  versant  méridional  de  l'Atlas,  lesdites  oasis  ressemblant,  par 


GÉOGRAPHIE    ANCIENNE.  483 

l'éclat  de  leur  verdure,  sur  un  fond  jaunâtre,  aux  maculatures  d'une 
peau  de  panthère;  populations  sédentaires  dans  les  oasis,  nonaades 
dans  les  déserts;  voire  même  quelques  fables  pour  que  la  compa- 
raison avec  la  situation  actuelle  soit  plus  complète. 

Toutefois,  on  reste  étonné  que  les  Romains,  qui  ont  possédé  tant 
d'établissements  sur  les  limites  de  cette  région,  se  soient  contentés 
de  documents  aussi  sommaires  sur  sa  constitution,  sur  ses  produc- 
tions et  sur  sa  population  si  variée. 


Peuples  (le  la  Libye. 

Les  anciens  donnaient  le  nom  de  peuples  on  nations  h  ce  que  nous 
appelons  tribus. 

Voici  d'abord  la  liste  la  plus  moderne,  celle  du  géographe 
d'Alexandrie. 

Les  peuples  les  plus  considérables  de  la  Libye  et  les  positions 
qu'ils  occupent  sont,  dit-il  : 

Les  Garamantes,  du  Bagradas  au  lac  Nouba; 

Les  Mélano-Gétules ,  entre  les  monts  Sagapola  et  Lsargala  : 

Les  Éthiopiens-Rouges,  au  Sud  du  Gir; 

Les  Éthiopiens-Nigrites,  au  Nord  du  Nigir; 

Les  Daradae,  sur  le  Daradus; 

Les  Perorses ,  écartés  de  la  mer,  à  l'Oriept  de  Tlieôn  Okhêma; 

Les  Éthiopiens-Odrangides ,  entre  les  monts  Caphas  et  Thala  ; 

Les  Mimak,  au  Sud  du  Thala; 

Les  Noubae,  entre  le  lac  Nouba  et  la  Gorge  Garamantique; 

*  Les  Derbik,  à  l'Ouest  du  mont  Aranga, 


Viennent  ensuite  d'autres  petits  peuples,  savoir  : 

Les  Autololes,  )        ^    ,  ,    ,     ^^    ,. 

/  au  Sud  de  la  Gétulie,  entre  la  mer  et  le 
LesSirangaB,  ^,     , 

\      montMandrus; 
Les  Mausoli ,  ) 

Les  Rhabii,  j  ,  ,.     ,  ,     ^ 

,,  ,  f  entre  le  mont  Mandrus  et  le  fleuve  Da- 

Les  Malcoœ , 

Les  Mandori ,  ) 

Les  Sophucaei ,  après  ces  derniers  ; 


V^'i  APPENDICE. 

Les  Leucapthiopiens,  séparés  des  Pérorses  par  le  Rufus-Campus  ; 
Les  Pharusii,  entre  le  Rufus-Campus  et  le  mont  Sagapola  ; 
Les  Naiembes,  au  Nord  du  mont  Usargala; 


Les  Lynxamatse, 
Les  Saman 
Les  Salthi, 


[au  Nord  du  Girg\Tis; 
Les  Samamycii ,  ) 


Les  banni,  i  ,  „     ,  ^         . 

^    .    .  }  entre  les  monts  Mandrus  et  Sagapola: 

Les  DaphnilaB,  )  ^  ^ 

Les  Zamazii ,  i 

Les  Arocca* ,  >  entre  ces  monts  et  le  fleuve  Nigir  ; 

Les  Cetiani,  » 

Les  Suburpores,  au  Sud  du  mont  Usargala; 

Les  Maccoi  1 

(au  Sud  du  mont  Girgvris,  entre  les  Gara- 
Les  Daucnitae,  )  ,    . 

^  ,  l      mantes  et  le  lac  Nouba  ; 

Les  Calelœ,  ) 

Les  Macchurebi,  à  TF-st  des  Darad»; 

Les  Soloëntii,  à  l'Est  des  Sophucaei  ; 

Les  Anticoli,  K  i,r^      ,      j  ^  .•. 

.  là  lEst  des  deux  précédents  jusqu  au  raont 

Les  L<nurii3& ,  i      ^    i 

Les  Stachirae,  ) 

*  Les  Orpheis,  entre  le  Caphas  et  le  Theôn  Okhéma; 

*  Les  Tarvaltae ,  j 

*  Les  Maltitae,  |  au  Sud  des  Orpheis; 

*  Les  Africerones,      ) 

Les  Achaemae ,  au  Sud  des  Éthiopiens-Odrangides  ; 

Les  Gongalaî,  v       o    i  i     n-     i 

,    .  ;  au  Sud  des  Mimak  ; 

Les  Nanosbeis,  > 

*  Les  Nabathrae,  entre  le  mont  Thala  et  le  mont  Arvaltes; 

Les  Alitambi ,  j  .  ^.    .        ,    .      , ., 

[  entre  le  mont  Thala  et  le  lac  Libyque  ; 
Les  Maurali,  ) 

Les  Harmiae,  \ 

LesThalae,  /entre  le  lac  Libyque,  le  lac  Nouba  et  la 

Les  Dolopes,  l      Gorge  Garamantique  ; 

Les  Astacuri  ;  ' 

*  Les  Arocc«,  au  Nerd  du  mont  Aranga; 

*  Les  Asaracae,  à  TKst  du  susdit  mont  ; 

*  Les  Dermoncnses,  entre  le  mont  Aranga  et  le  mont  Arvaltes; 

*  Les  Éthiopiens-AganginaB,  entre  le  mont  Arvaltes  et  le  mont 
Aranga,  au  Sud-Ouest  des  Africerones; 


GÉOGRAPHIE    ANCIENNE.  485 

*  Les  Éthiopiens -Xyliccenses,       ^  au  Sud  du  mont  Arvaltes,  à 

*  Les  Éthiopiens -Uchaliccenses,   \     l'Est  des  Agangines. 

Pline  nous  transmet  aussi  sa  nomenclature  des  peuples  ;  la  voici 
avec  les  positions  données  par  le  naturaliste  : 

Les  Marmarides,  au  cap  Chersonèse; 

Les  Araraucèles ,  sur  la  côte  de  la  Grande  Syrte  ; 

Les  Nasamons  ou  Mésammons ,  au  milieu  des  sables,  sur  la  côle 
de  la  Petite  Syrte: 

Les  Asbystes  et  les  Maces ,  après  les  Nasamons  ; 

Les  Hammanientes  ,  au  delà  des  Asbystes  et  des  Maces,  à  douze 
journées  de  marche  de  la  Grande  Syrte,  vers  UOccident,  et  entourés 
eux-mêmes  de  sables  de  tous  les  côtés  ; 

Les  Troglodytes,  à  quatre, journées  de  marche  des  Hamma- 
nientes, du  côté  du  Couchant  d'hiver; 

Les  Phazaniens,  sur  la  route  de  TÉthiopie; 

*  Les  Niteris  ou  Nitiebres, 

*  Les  Bubéium ,  nation  ou  ville , 

*  Les  Enipi ,  )  sans  désignation  d'habitat; 

*  Les  Discera , 

*  Les  Nannagi , 
Les  Éthiopiens  -  Taréléens , 


,^    ,.  .  sur  la  source  du  Nigris; 

Les  Œcahques ,  ) 

Les  Éthiopiens-Nigrites,  sur  le  Nigris; 

Les  Liby  -  Égyptiens ,  j  au-dessus  des  Gélules,  par  delà 

Les  Leucéthiopiens ,  S     les  déserts  ; 

Enfin ,  les  Garamantes,  séparés  des  précédents,  du  côté  de  l'Occi- 
dent, par  de  vastes  solitudes. 

Je  renonce  à  énumérer  les  noms  de  peuples  ou  de  nations  des 
autres  auteurs  grecs  ou  romains,  les  nomenclatures  de  Pline  et  de 
Ptolémée  les  comprenant  à  peu  près  tous  avec  plus  de  précision.  Je 
préfère  constater  qu'à  l'exception  des  noms  de  peuples  précédés  du 
signe  *  dans  les  deux  listes  ci-dessus,  tous  peuvent  être  rationnelle- 
ment placés  sur  une  carte  moderne,  grâce  aux  nombreuses  identi- 
fications de  noms  de  lieux  qui  ne  peuvent  plus  être  contestées. 

Je  remarque  également  que,  le  placement  fait,  suivant  les  indica- 
tions de  Pline  et  de  Ptolémée,  toutes   les  populations  indiquées 


486  APPENDICK. 

comme  étant  de  sang  noir  on  occupent  les  lignes  de  bas-fonds  du 
Sahara  ou  sont  transférées  au  delà  de  la  limite  de  la  Libye  avec 
rÉthiopie. 

Quant  à  Tassimiiation  des  noms  des  peuples  anciens  avec  ceux 
des  tribus  modernes,  il  faut  être  très-prudent,  car  les  tribus  berbères 
ont  bien  souvent  changé  de  noms  depuis  Tantiquité,  les  unes  ayant 
entièrement  disparu,  les  autres  ayant  été  complètement  transformées. 

D'ailleurs,  tous  les  noms  grecs  et  romains  reproduisent  très- 
inexactement  l'ethnique  indigène.  Pour  les  noms  dont  rideniification 
est  la  plus  certaine,  ne  constatons-nous  pas  des  différences  trop 
grandes,  entre  les  uns  et  les  autres,  pour  ne  pas  reculer  devant  une 
assimilation  impossibl.e? 

Mieux  vaut  terminer  cette  étude  comparée  en  la  complétant 
par  l'exposé  des  renseignements,  non  écrits  dans  les  livres,  mais 
nettement  tracés  sur  le  sol,  que  nous  fournissent  les  ruines  de  Toc- 
cupation  romaine  sur  la  frontière  de  la  Libye. 

Limites  méridionales  de  l'occupation    romaine. 

Les  reconnaissances  de  MM.  les  ofliciers  d'éiat-major  et  de  M.  Vic- 
tor Guérin,  complétées  par  les  miennes,  assii^nent  comme  limite  à 
l'occupation  romaine  au  Sud  des  Mauriianies,  de  la  Numidie,  de  la 
Province  d'Afrique  et  de  la  Cyrénaïque,  savoir  :  une  ligne  suivant  le 
bassin  de  l'Ouàd-Djedî,  de  Laghouàt  à  Biskra  ;  le  versant  saharien 
de  la  chaîne  aurasique,  de  Biskra  à  Mîdàs;  le  rebord  méridional 
des  Chott-el-Djerîd  et  Chott-el-Nefzàoua ,  de  Mîdàs  à  Gàbès  ;  le  ver- 
sant occidental  du  Djebel-Douîrât,  de  Gàbès  à  .Nàloût;  enfin,  Ghadà- 
mès  et  Djerma,  de  Nàloùt  au  Fezzàn. 

A  l'exception  des  bas-fonds,  au  Sud  de  la  Tunisie,  les  Romains 
semblent  avoir  arrêté  leur  ligne  d'occupation  à  la  limite  des  terres 
habitables  pour  des  hommes  d'origine  européenne. 

Les  ruines  de  leurs  établissements-frontières  sont  indiquées  sur 
la  Carte  dressée  pour  l'intelligence  de  cet  ouvrage  par  le  signe  ordi- 
naire (IL  R.)  des  ruinas  romaines. 

Ces  ruines,  autant  que  j'ai  pu  en  juger  par  l'espace  qu'elles  cou- 
vrent, sont  celles  de  petits  postes  d'observation,  de  centres  de  com- 
mandement, peut-être  de  comptoirs-entrepôts  pour  les  relations  com- 
mercial avec  les  populations  indépendantes  du  Sud. 


GÉOGUAFHIE    ANCIENNE.  hSl 

Rien  n'indique  que  les  Romains  aient  tenté  par  eux-mêmes  des 
entreprises  de  commerce  au  delà  de  la  limite  que  j'assigne  à  leur 
occupation,  car,  au  Sud  de  cette  ligne,  aucun  monument  ne  révèle 
leur  présence,  et  leurs  écrits  attestent  que  leurs  connaissances  géo- 
graphiques elles-mêmes  avaient  pour  limite  le  versant  méditerra- 
néen du  Mons  ater, 

A  rOuest  du  Djebel-' Amour,  sur  tt)ut  le  versant  de  TAtlas  maro- 
cain, les  ruines  romaines  paraiss'^nt  fort  rares,  car  aucun  de  mes 
informateurs  indigènes  ne  m'en  a  signalé.  Peut-être,  dans  les  ruines 
de  Sedjelmâssa,  dont  la  position  m'a  été  bien  précis'^?  au  centre  des 
qerour  du  Tafîlell,  retrouverait-on  quelques  débris  de  la  grandeur 
romaine,  mais  c'est  encore  très-douleux. 

Les  Touareg,  que  j'ai  souvent  interrogés  sur  les  ruines  de  con- 
structions qui  pouvaient  se  trouver  dans  leur  pays,  se  sont  bornés 
à  me  signaler  les  vestiges  des  tombeaux  des  Jabbàren ,  comme  ceux 
que  j'ai  trouvés  près  de  la  source  d'Ahêr  (voir  Livre  l®^  chap.  4, 
pages  56  et  57)  et  qui  m'ont  paru  destinés  à  des  hommes  qu'on  en- 
terrait assis;  plus,  les  ruines  d'un  monument  religieux,  probablement 
une  mosquée,  dont  la  construction  est  attribuée  aux  Sohâba  ou  com- 
pagnons du*  prophète  Mohammed,  qui  s'étaient  avancés  en  conqué- 
rants dans  le  pays  pour  le  convertir  à  l'islamisme  et  qui  ont  perpétué 
jusqu'à  nos  jours  le  souvenir  de  leur  passage  à  Timissao,  au  moyen 
d'inscriptions,  en  arabe  coufique ,  encore  très-lisibles  aujourd'hui, 
dit-on. 

Ainsi,  au  delà  de  la  ligne  que  j'ai  tracée,  les  indigènes  eux-mêmes 
ne  connaissent  aucune  ruine  de  l'occupation  romaine. 


CONCLUSION  DK  L'APPENDICK. 

Dans  ce  travail  de  géographie  comparée,  je  ne  me  suis  pas  pro- 
posé une  étude  critique  des  textes,  œuvre  délicate  qui  exige  une 
expérience  que  je  n'ai  pas;  j'ai  seulement  voulu  exposer  comment  j'in- 
terprétais les  récits  des  anciens,  en  procédant  de  la  connaissance  des 
lieux  à  l'inconnu  des  origines  et  des  sources  des  textes  parvenus  jus- 
qu'à nous;  je  me  suis  principalement  propose  pour  but  de  démontrer 
que  la  dernière  exploration  du  Sahara  confirmait  dans  son  ensemble 
et  dans  ses  principaux  détails  le  dernier  exposé  d(»  nos  connaissances 


488  APPENDICE. 

sur  la  Libye  des  Grecs  et  des  Romains,  d'après  M.  Vivien  de  Saint- 
Martin,  dont  Touvrage  si  remarquable.  Le  Nord  de  l'Afrique  dans 
L'antiquité,  a  été  couronné  par  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres. 

Sans  doute,  dans  les  détails  secondaires,  quelques  identifications 
ne  sont  pas  les  mêmes,  mais  il  était  inévitable  qu'il  n*en  fût  pas  ainsi. 
L'honorable  géographe  ne  pouvait  pas  connaître  le  massif  des  Toua- 
reg avant  qu'il  eût  été  étudié,  exploré,  reconnu. 

Pour  mon  compte  personnel,  je  m'estimerai  heureux,  si,  par  les 
preuves  nouvelles  que  j'apporte  à  l'appui  de  ses  déductions,  je  con- 
tribue à  accroître  l'autorité  dont  le  livre  de  M.  Vivien  de  Saint- 
Martin  doit  jouir. 

Si  je  n'avais  eu  pour  guide  une  critique  aussi  sûre,  cet  Appendice, 
rédigé  pendant  l'impression  de  ce  volume,  n'aurait  probablement  pas 
vu  le  jour. 


FIN    DU    TOME    PREMIER. 


TABLE. 


AVANT-PROPOS. 

Pages. 

But  de  TexpéditioD.  —  Patronage  gouvernemental  et  scientifique.  —  Les 
diverses  reconnaissances  exécutées.  —  Difficultés  surmontées  et  résultats 
acquis.  —  Maladie  grave  à  Alger.  —  Concours  obtenu  pour  la  rédaction  de 

mes  travaux i 

INTRODUCTION. 

Division  de  l'ouvrage.  —  Sa  raison.  —  Transcription  des  noms  indigènes.  — 

Des  gravures.  —  De  la  caste.  —  Sur  quelles  bases  elle  a  été  établie.  ...  xr 

LIVRE  PREMIER. 

Divisions  naturelles  et  politiques.  —  Géographie  physique,  sol  et  cliuat.  1 

Chapitre  prbuier.  —  Divisions  et  limites  générales  des  confédérations  Touareg.  1 

Divisions  en  quatre  confédérations 1 

Patrimoine  de  chaque  confédération 2 

Limites  générales 3 

Limites  particulières 3 

Chap.  II.  —  Géographie  physique 5 

S  i*"'.  —  Zone  des  dunes 5 

Étendue  de  cette  zone 6 

Variétés  de  dunes 7 

Voyages  dans  les  dunes , 0 

Puits  dans  les  dunes U) 

Limite  de  l'Algérie  dans  les  dunes.  .  .  » 11 


/i90  •  TABLE. 

S  2.  —  Massif  des  Touareg 13 

Tasili  du  Nord.  —  Chaîne  d*Anhef.  —  Plateau  d'Eguéré. U 

Ghaine  de  TAkàkoûs.  —  Chaîne  de  rAms^Lk.  —  Ham&da  de  Mourzouk. 

—  Ham&da-el-Homra 15 

Hamàda  de  Tînghert.  —  Plateau  de  Tàdemâyt.  —  Plateau  du  Mouydir.  16 

Bâten  Ahenet.  —  Tasili  du  Snd 17 

Plaine  d'Amadghôr 18 

Plaine  d'Admar.  —  Vallée  d'Ouarâret.  —  Plaine  de  Tàyta.  —  Vallée  de 

l'Ouâdi-Lajâl 19 

Plaine  des  Igharghàren.  —  Plaine  d'Adjenaôr 20 

Chap.  m.  —  Hydrographie fî 

Ouàdi-Igharghar 22 

Ouàdi-Tâfasàsset 25 

Ouâdi-Tirhehôrt 26 

Ouâdî-Akâraba.  —  Puits  ordinaires 27 

Puits  à  galeries.  —  Puits  artésiens.  —  Rhedîr 28 

Lacs 20 

Sources 31 

ChÀp.  ÏV.  —  Géologie 33 

i""  section.  —  D'El-Ouâd  à  Ghadàmès 33 

Formation  des  dunes 33 

Dénudation  des  plateaux  et  des  montagnes  en  amont  des  dunes 35 

Groupes  de  dunes  entre  la  Méditerranée  et  le  Sénégal 35 

Superficie  des  plateaux  alimentateurs 37 

Influences  atmosphériques  sur  les  roches.  —  Production  des  sables.  .  .  38 

Circulation  des  sables 39 

Trombes  do  sables 40 

Fixation  des  sables  par  les  eaux 41 

Formation  des  dunes  sur  place  et  formation  par  amoncellement  des  sables 

étrangers 43 

Planorbis  Dtiveyrieri 44 

2«  section.  —  De  Ghadàtnès  à  Rhàt 45 

A,  Plateau  de  Tînghert 46 

B.  Dunes  d'Édeyen 51 

r.  Plateau  d*Éguélé 51 

D.  Plaine  des  Igharghàren 52 

E.  Tasîli  des  Azdjer 55 

F.  Vallée  d'Ouarâret 50 

3e  section.  —  De  Titerhsin  à  ZouUa 6! 

A.  De  Tîterhsîn  à  Serdélès 61 

B.  Désert  de  Tàyta 65 

C.  Ouàdi-Lajâl # 67 

D.  Dunes  d'Édeyen G9 

E.  Hamàda  de  Mourzouk 70 


TABLK  191 

F.  Dépression  de  la  Hofra 71 

G.  La  Cherguîya 73 

H.  Massif  du  Hâroùdj 75 

4*  section.  —  De  Mourzouk  à  la  mer 77 

Djebel-es-Sôda » 79 

Hamàda-el-Homra 82 

5«  section.  —  De  Rhât  à  In-Sàlah 84 

A.  Plateau  du  Tasili 84 

B.  Plateau   d'Éguéré 86 

C.  Plateau  du  Mouydîr 86 

D.  Massif  du  Ahaggàr 87 

Conclusion  géologique .  , 88 

CuAP.  V.  —  Météorologie 90 

Tableau  résumé  des  observations  météorologiques  faites  du  26  juillet  1860 
au  20  septembre  1861,  à  l'effet  de  déterminer  les  altitudes  de  chaque 

station 91 

Température  de  Tair 106 

—  du  sol 109 

—  des  puits  ordinaires 110 

—  des  puits  artésiens 112 

—  des  eaux  pluviales  et  des  flaques  d'eau 113 

Température  moyenne  meusuelle  de  l'air  à  Tougourt*(  série  comprenant 

tout  ou  partie  des  années  1855,  1856,  1857, 1858  et  1859) 113 

Hygrométrie.  —  Vapeur  d'eau  de  l'atmosphère 115 

Rosi^e.  — Gelée  blanche.  — Brouillard.  —  Pluie 118 

Neige 120 

Pression  atmosphérique,  —  Observations  barométriques 120 

Oscillations  diurnes 120 

Extrêmes  des  oscillations , 1 22 

Moyennes  des  oscillations 123 

Vents.  —  Direction  mensuelle  et  force  moyenne 12 i 

Variations  diurnes  et  suivant  les  sais^ons 125 

Vitesse  du  vent 125 

Pluies  et  trombes  de  sable. 126 

Influence  des  vents  sur  le  thermomètre  et  sur  le  baromètre 128 

Électricité.  —  Étincelles  électriques 128 

Éclairs.  —  Tonnerre.  —  Orages 129 

Lumière.  —  Intensité.  —  Couleur.  —  Transparence 130 

Mirage.  —  Aurore  et  crépuscule.  —  Lueur  crépusculaire.  —  Arc-en-ciel.  131 

Halo  lunaire.  —  Lune  rouge  sang.  — Étoiles  filantes.  — Globe  lumineux.  132 

Conclusion  météorologique 133 

Ch\p.  VL  —  Observations  astronomiques 134 

Tableau  résumé  des  observations  faites  pour  établir  la  latitude  et  la  lon- 
gitude des  principaux  points  de  la  carton 135 

Éclipse  de  soleil  du  18  juillet  1860àEl;Ouâd 138 

Comète  à  Mourzouk  le  l'"^  juillet  1861.  '. 139 


m 


TABLE. 


LIVRE    II. 


Production. 


Chapitre  prbmier.  —  Minéraux. 


141 


Métaux  et  matières  précieuses i  42 

Sels  divers H3 

Matériaux  de  constructions.  —  Pierres  et  terrefi i  45 

Combustibles  minéraux 146 


Chap.  II.  —  Végétaux 147 


Renonculacées 148 

Fumariacées 140 

Crucifères 149 

Capparidées 152 

Cistinées 153 

Résédacées 153 

Frankéniacées.  .• 153 

Malvacées 154 

Aurantiacées 155 

Ampélidées 156 

Géraniacées 156 

Zygophyllées 156 

Rutacées 158 

Rhamnées 159 

Térébinthacées 160 

Légumineuses 161 

Rosacées 168 

Amygdalées 168 

Pomacées 169 

Lythrariées 170 

Granatées 171 

Cucurbitacées 171 

Tamariscinées 172 

Paronychiées 174 

Portulacées 175 

Ficoidées 175 

Composées  (corymbifères).  177 

Composées  (chicoracées).  .  178 

Primulacées 179 

Oléacées 179 

Asclépiadées ^180 

Gentianées 181 

Convolvulacées 181 


Borragînées 181 

Solanées 182 

Scropbularinées 185 

Orobanchacées 185 

Labiées 186 

Globulariées 187 

Plombaginées 187 

Plantaginées 188 

Salsolacées 188 

Amarantacées 191 

Salvadoracées 191 

Polygonées 192 

Thyméléacées 192 

Eupborbiacées 193 

Cannabinées 193 

Morées 193 

Salicinées 194 

Conifères 194 

Potamées 194 

Palmiers 194 

Liliacées 199 

Mélanthacées 200 

Joncées 200 

Typhacées 201 

Cypéracées 201 

Graminées 201 

Balanophorées 207 

Fougères 208 

Characées 208 

Champignons 208 

Algues 209 

Plantes  Indéterminées.  ...  209 

Conclusion  botanique.  ...  215 


TABLE. 


/|93 


Chap.  m.  —  Animaux. 


Si«'. — Animaitx  domestiqties  .  .  .  . 

Chameau 218 

Cheval 220 

Zébu 221 

Ane 222 


Page». 

217 
.    217 


Mouton 222 

Chèvre \ 223 

Chien 224 


S  2.  —  Animaux  sauvages 224 


Mammifères  {nomenclature). 
Oiseaux  — 


224 
225 
226 
227 
227 
228 
228 
228 
229 
229 


Reptiles  — 

Poissons  — 

Arachnides  — 

Insectes  — 

Myriapodes  — 

Annelides  — 

Mollusques  — 

Parasites  — 

Espèces  remarquables  :  Tahoûri.    229 

Loup 230 

Guépard 230 

Onagre 231 

Antilope  mohor 231 

Antilope  oryx 231 

Akaokao 231 

Autruche 232 

Gypaète 232 

Crocodile 232 

Gecko  des  sables 23  i 

Agama  colanorum 234 


Acanthodxictylus  Savignyù,  235 

Acanihodactylus  vulgaris,  .  235 

Agama  agilis 235 

Vipère  cornue 235 

Vipère  des  jongleurs.  .  .  .  235 

Vipère  des  Pyramides.  .  .  .  236 

Psammophis  punctatus. .  .  237 

Cœlopeltis  insignitus 237 

Serpents  fabuleux 237 

Poissons^  (C/anVw  lazera).  .  237 

Scorpion 239 

Araignée  venimeuse 239 

Coléoptères 2i0 

Sauterelles 240 

Libellules 241 

Abeilles 241 

Lépidoptères 243 

Mouches  et  moustiques.  .  .  243 

Scolopendre 243 

Vers  comestibles 243 

Parasites  de  l'homme.  .  .  .  244 

Puce 245 


Dépôt  des  collections  minéralogiques,  géologiques,  botaniques,  zoologi- 
ques, ainsi  que  des  cartes  itinéraires 245 


LIVRE  m. 


CeNTAES  de  RATONNEMBirr 2-^7 

Chapitre  premier.  —  Centres  commerciaux 2V9 

S  l«^  —  Ghadâmès 249 

Motifs  du  choix  de  cet  emplacement 249 

Ruines  liby- égyptiennes 250 

Ruines  garamantiques 251 

Ruines  grecques 252 

Ruines  romaines 253 

Conquête  arabe 254 

Population  de  la  ville • 256 

Dialecte  particulier 256 


m  TABLE. 

Costume.  •—  Mœin-s 257 

Commerce.  —  Ses  bénéfices 2;)8 

Industrie.  —  Horticulture 260 

Eaux  dMrrigation 260 

Habitations.  —  Quartiers.  —  Marchés 262 

Gouvernement  et  administration. 263 

Rapports  avec  les  TOuâreg 265 

S  2.  —  Rhât 256 

Ancienne  Rapsa  des  Romains 267 

Sa  restauration  par  les  Ihàdjenen  et  les  Kêl-Rhâfsa 268 

Sultans  Ihàdjenen 268 

Loi  particuli6re  de  succession 269 

Substitution  d*un  Arabe  tou&d  à  un  Berbère  ih&djeni  dans  le  gouverne- 
ment de  la  ville 269 

Motifs  de  mécontentement  des  chefs  Touareg 270 

Détails  sur  la  ville  de  Rhât 27i 

Pourquoi  l'entrée  de  la  ville  m*a  été  refusée 272 

Parti  des  Turcs.  —  Parti  des  Français 274 

S  3.  —  Mourzouk 275 

Le  Fezzân  moderne 275 

Le  Fezzân  ancien 276 

Civilisation  garamantique 279 

Ville  de  Mourzouk 28i 

Gouvernement.  —  Administration.  —  Garnison 282 

Décadence  du  Fezzân 281 

S  A,—Ouargîd 284 

Ce  qu'on  sait  de  sa  fondation,  de  son  histoire,  de  son  ancienne  prospt^ 

rite,  des  causes  de  sa  décadence 285 

Celte  ville  peut-elle  recouvrer  son  ancienne  splendeur? 287 

Rôle  que  lui  assignent  les  circonstancps 290 

S  5.  —  In^Sàlah  et  le  Touàt 290 

Le  Touàt,  confédération   politique  indépendante,  mais  dépendant  de 

l'Algérie  pour  ses  besoins  matériels 291 

Du  pouvoir  et  des  partis  au  Touàt 293 

Noirs.  —  Berbères.  —  Arabes  du  Touàt 294 

Assiette  de  tes  populations 295 

In-Sàlah.  —  Ce  que  ce  nom  comprend 296 

Causes  de  la  prospérité  de  ce  point 297 

Tribu  des  Oulâd-Bâ-Hammou 298 

Cbap.  il  —  Centrer  religieux 300 

%  1".  —  Confrérie  des  Senoûsi 301 

Es-Senoùsi.  —  Le  but  qu'il  s'est  proposé  en  instituant  une  confrérie.  .  .  301 

Pourquoi  il  choisit  le  désert. 302 

Moqaddem  de  l'Ouest  et  Mohammed-ben-'Abd-Allah 303 


TABLE.  ^95 

p*g*». 

Jerhàjlb,  métropolitaine  de  Tordre 30i 

Avènement  du  fils  d*Es-Senoûsi 305 

Opposition  de  cette  confrérie  à  ma  mission 30G 

S  2.  —  Confrérie  des  Tedjâdjna 306 

Profession  de  foi  tolérante 306 

Luttes  contrs  les  Turcs,  contre  *Abd-el-Kâder  et  les  Mouley-Tayyeb. .  .  307 

Rapports  de  bonne  amitié  avec  les  Français. 308 

Protection  que  m'a  donnée  cette  confrérie 309 

Son  influence  dans  le  Sahara  et  l'Afrique  centrale ; 310 

S  3.  —  Zàouiya  des  Bakkây 310 

Les  Bakk&y  descendent  du  conquérant  'Oqba 311 

Leur  puissance  morale 311 

Composition  de  cette  famille 312 

Sldi-Mohammed  offre  de  me  conduire  à  Timbouktou 313 

S  4.  —  Zàouiya  des  Oulàd-S(di'Cheikh, 313 

Fondée  pour  devenir  Tasile  de  la  proscription 314 

Son  chef  me  recommande  aux  habitants  d'EI-Golêa* 315 

Services  que  nous  a  rendus  et  que  peut  nous  rendre  encore  la  ftimille 

des  Oulâd-Sldi-Cheikh 315 


LIVRE   IV. 

TouArbg  proprbmknt  dits 317 

CHâprrns  premier.  —  Origine  des  Touareg 31 7 

• 

Opinion  des  Touareg  sur  leur  origine 317 

Analyse  d'une  Not^  sur  les  origines  des  diverst^s  tribus  TouArog,  par  le 

Cheikh-Brahîm-Ould-Sidi 318 

Origine  des  tribus  du  pays  d'Azdjer 310 

Origine  des  tribus  du  Ahagglr 32 1 

Justification  des  prétentions  de  la  Noie 323 

Partage  des  terres  chez  les  Azdjer 32i 

Opinion  d'Ebn-'Abd-en-Nour-el-HamIri  sur  la  question  des  origines. .  .  32i 
Opinion  émise,  sur  le  même  sujet,  par  Ebn-Khaldaûn  dans  son  Histoire 

des  Berbères 325 

Résumé  de  ces  opinions 326 

Les  Touareg  sont  les  Mazyes  d'Hérodote.  '. 327 

L'étude  de  la  langue  temàluiq  peut  seule  éclairer  l'ethnologie  des  Touareg.  328 

Chap.  h.  —  Divisions  et  constitution  sociale .329 

Divisions  des  Azdjer 320 

Divisions  des  Ahaggûr 330 

Du   pouvoir  souverain .331 

Des  Nobles ^  .  .  .  .  331 

Des  Marabouts 332 


tx%  TABLK. 

Des  Tribus  mixtes 334 

Des  Serfs 334 

Des  Esclaves 339 

De  la  Femme 339 

Chap.  m.  —  Historique  des  tribus 342 

S  1".  —  Confédération  des  Azdjer 343 

Tribu  des  Imanàn 344 

Tribu  des  Orâghen 347 

Tribu  des  Imanghasâten 35i 

Tribu  des  Kèl-lzhabân 357 

Tribu  des  Imettrilâlen 357 

Tribu  des  Ihadhanâren 357 

Tribu  des  Ifôghas .  359 

IS-Ouqqirân 360 

N-Iguedh&dh 361 

N-et-Tobol :  .  .  .  .  361 

Le  Cheikh-'Othmàn 363 

Tribu  des  Ihèhaouen 365 

Tribu  des  Kôl-Tîn-Alkoum 366 

Tribu  des  Ilemtîn 367 

S  2.  —  Confédération  des  Ahaggâr 368 

Tribu  des  K6l-Ahamellen 374 

Tribu  des  Tédjéhé-Mellen 375 

Tribu  des  Kôl-Rhelâ 375 

Tribu  des  ïrhechclioûmen 377 

Taibu  des  Ibôgueiàa 378 

Tribu  des  Taitoq .* 378 

Tribu  des  Tédjéhé-n-Eggali 379 

Tribu  des  Ikadécn 379 

Tribu  des  Inembà-Kêl-Tahât 379 

Tribu  des  Inembà-Kêl-Emoghrî 379 

Tribu  des  Ikerremôîn 380 

Tribu  des  Tédjéhé-n-oû-Sldi :  .  .  .  380 

Tribu  des  Ennltra 380 

Tribu  des  Tédjéhé-n-Esakkal 380 

Chap.  IV.  —  Caractères  distinctifs  des  Touareg 381 

Caractères  physiques 381 

Caractères  moraux 383 

Conservation  de  l'écriture  berbère * 386 

Alphabet  tefînagh 388 

inscriptions  rupestres ; 389 

Usage  du  voile 390 

Anneau  de  pierre  au  bras 392 

Poignard  d'avant-bras 393 

Succession  inalemelle.  —  Benl-Oummia 393 


TABLE.  Ù97 

Pafcrs. 

Exemples  de  ce  mode  de  succession  chez  d'autres  peuples 394 

Loi  spiiciale  aux  Touùreg 31)0 

Origine  de  cette  loi 398 

Part  faite  à  la  femme  dans  toutes  les  institutions  des  Touareg 400 

Abstinence  de  la  chair  de  poissons  et  d'oiseaux 401 

Conclusion  du  chapitre  IV 402 

Chap.  V.  —  Touareg  dans  leur  vie  intérieure 403 

Campements.  —  Habitations 403 

Mobilier.  —  Ustensiles 404 

Vêtements.  —  Coiffures.  —  Chaussures.  —  Parures 405 

Aliments.  —  Boissons.  —  TM.  —  Café.  —  Tabac 408 

Religion.  —  Superstitions 413 

lYaces  du  christianisme 414 

Évocation  des  âmes 415 

Croyances  aux  génies 416 

Préjugés  sur  la  sorcellerie 418 

Amulettes 419 

Instruction 419 

Lecture.  —  Écriture 420 

Connaissances  en  calcul 421 

—  en  géographie 421 

—  en  histoire 422 

—  en  botanique 422 

—  en  zoologie 422 

—  en  minéralogie 422 

—  en  théologie 423 

—  en  droit 423 

—  en  astronomie 423 

Droit.  ^  Justice.  —  Police i27 

Droit  écrit  et  coutumier 427 

Police  intérieure.  —  Peines 427 

Peine  du  talion 428 

Naissance.  —  Mariages.  —  Décès 428 

Circoncision.  —  Majorité.  —  Longévité 428 

Position  de  la  femme  dans  le  mariage 429 

Célébration  du  mariage 430 

Morts.  —  Enterrement.  —  Noms  personnels 431 

Pratiques  hygiéniques 431 

Peinture  du  corps  à  Tindigo 43l 

—             —      à  l'ocre 432 

Coupe  des  cheveux 432 

Boucles  d'oreilles  hygiéniques 432 

Csage  du  sulfure  d'antimoine 432 

Voile 432 

Maladies  et  pratiques  médicales 433 

Ophthalmies 433 

Rhumatismes 434 

Fièvres  intermittentes 43i 

I  32 


498  TABLE. 

Variole 434 

Rougeole 435 

Maladies  de  la  peau 435 

Ver  de  Gainée 435 

Boûri  des  nègres 435 

Sjrphilis 436 

Piqûres  et  morsures  d^animaax  venimeux 436 

Emploi  médical  de  VHyoscyamus  Falezles 437 

Travail 438 

Agriculture  et  horticulture 439 

Industries  professionnelles 440 

Chap.  m.  ~  Touareg  dans  leur  vie  extérieure 44t 

Assemblées  politiques 4H 

Convocation.  —  Réunion 441 

Tenue  de  ces  assemblées 44i 

Conclusions  ordinaires 443 

Guerre 443 

Armement • 444 

Équipement 446 

Rencontres 445 

Chants  de  guerre 450 

Conclusion  du  chapitre  VI i^d 


APPENDICE. 

GéOGRAPDIE  ANCIEJlIfE 455 

Objet  de  TAppendice 455 

Agisymba  regio 450 

Identification  avec  Toasis  d'Aîr 457 

Route  qui  y  conduisait 458 

Limite  séparative  de  la  Libye  et  de  P  Ethiopie i5î» 

Concordance  des  documents  anciens  avec  les  connaissances  modernes.  460 

Afons  ater 461 

Identification  avec  le  massif  des  Touareg 46t 

Connaissances  des  anciens  sur  cette  région 462 

Pline 462 

Ptolémée 464 

Identification  de  la  Gorge  Garamantique  avec  l'Aghelâd  d'Ouarârct,  du 
mont  Thala  avec  le  Tàhela,  du  lac  Nouba  avec  la  Sebkha  d'Amadghôr, 

du  Girgyris  avec  le  Tasili  des  Azdjer 465 

Identification  des  Uzzar  ou  Suggar  aux  Ahaggilr,  des  Astacuri  aux  Azdjer, 

des  Ifuraces  aux  Ifôghas 466 

Des  Niger  de  la  Libye 469 

Deux  Niger 470 

Éthymologie  du  mot  Niger 471 

Sa  signification  :  bassin  et  non  fleuve 472 


TABLK.  499 

Niger  oriental 474 

Ses  limites 474 

Ce  qu'en  connaissaient  les  anciens 475 

Identifications  possibles 475 

Niger  occidental 479 

Ses  limites 479 

Nouveaux  éléments  de  critique 479 

Description  de  Ptolémée.  —  Assimilation  des  points  connus  du  géo- 
graphe grec 480 

Le  Niger  occidental  était  à  peu  près  un  désert  à  l'époque  de  Ptolémée.  181 

Résumé  des  connaissances  des  anciens  sur  les  deux  bassins  de  la  Libye.  482 

Peuples  de  la  Libye 483 

D'après  Ptolémée 483 

D'après  Pline 485 

Assimilation  des  peuples  anciens  aux  tribus  modernes 480 

Limites  méridionales  de  Voccupaiion  romaine 486 

Ruines  romaines 486 

Ruines  indigènes 487 

Conclusion  de  l'appendice 489 


Vl^    DE     LA    TABLE. 


TABLE  DES  PLANCHES. 


Pagw. 

Planche  I,  M.  Henri  Duveyrier i 

—  Il,  flg.  1,  Gara  de  Tîsfîn  ;  fig.  2,  Profil  du  mont  Idinen  ;  fig.  3,  Blocs 

de  Takar&het;  fig.  4,  Berges  dlogher  et  Asouttar;  fig.  5,  Aghelàd 

de  Tarât 35 

—  111,  flg.  1,  Planorbis  Duveyrieri;  fig.  2,  Dunes  dans  T'Erg 45 

—  IV,  Appareil  à  élever  l'eau 68 

—  V,  fig.  1,  Zâouiya  du  Cheikh-el-Hoseyni,  à  Oubàri;  fig.  2,  Tekertîba.  155 

—  VI,  fig.  i ,  Château  d'Aghrem,  à  Serdélès  ;  fig.  2,  Ahatès  {Acacia  albtda).  IM 

—  VII,  fig.  1,  Tessâoua;  fig.  2,  Inscription  coufiqne 180 

—  VÏII,  Clarias  lazera 238 

—  IX,  fig.  I,  Bahar-ed-Doûd  ;  fig.  2,  Arthetnia  Oudneii 2i4 

—  X,  fig.  1,  Bas-relief  libyco-égyptien  ;  fig.  2,  Colonnes  et  chapiteaux 

d'El-'Aouîna 250 

—  M,  fig.  1,  Oasis  de  Ghadàmès;  fig.  2,  Ruines  des  Esnâmen 252 

—  XII,  Inscription  romaine  trouvée  h  Ghadàmès 253 

—  XIII,  fig.  1,  Mlle  de  Rhât;  fig.  2,  Pic  de  Têlout 271 

-—      XIV,  Monument  romain  de  l'ancienne  Garama 276 

—  XV,  fig.  1,  Ruines  du  Qeçir-el-Watwat  ;  fig.  2,  Tombes  de  Qeçirat- 

er-Roûm  ;  fig.  3,  Tombes  des  Jabbàren 279 

—  XVI,  Types  féminins  de  la  race  subéthiopienne 288 

—  XVII,  Types  masculins  de  la  race  subéthiopienne 288 

—  XVIII,  Sîdi-Mohammed-el-'Aîd 300 

—  XIX,  Temâssîn 310 

—  XX,  Types   Touareg 382 

—  XXI,  Alphabet  Tefînagh 388 

—  XXII,  Inscriptions  Tefînagh 390 

—  XXIII,  fig.  1,  Vue  isolée  de  l'Idînen;  fig.  2,  Vue  de  l'Idtnen  et  de 

l'Akâkoùs 416 

—  XXIV,  Equipement  de  marche  des  Touareg 444 

—  XXV,  Armement  et  harnachement 447 


IAR18.  —   IMPRIUKKIB    DK    J.    CLAYB,     HUB    S  A  IN  T- D  BN  O  IT,    7. 


SUPPLEMENT 


TOUAREG  DU  NORD 


SUPPL. 


MOLLUSQUES 

TERRESTRES    ET    FLUVIATILES 

RECUEILLIS   PAR  M.    HENRI    DUVEYRIER 

DANS  LE  SâHâRA 
ET  DÉCRITS  PAR  M.  J.-R.  BOURGUIGNAT 


lo_  ESPÈCES  VIVANTES. 


ZONITBS    GANOIDISSIMUS. 

Hélix  candidissima,  Drapamaud,  Tabl.  moll.,  p.  75. 1801.— Et  Hist.  moU. 
France,  p.  89,  pi.  y,  f.  19.  1805. 

Zonites  candidissimus ,  Moquin- Tandon,  Observ.  mach.  Hel. 
in  Mém.  acad.  Toulouse  (3*  série),  t.  IV,  p.  374.  1848. 

Espèce  abondante  à  Biskra,  Laghouàt,  Tougourt,  Ghardâya,  etc. 
dans  le  Sahara  algérien. 

Environs  de  Tripoli,  sur  les  vieux  murs. 


MOLLUSQUES. 


Hélix  apbrta. 

Hélix  aperta,  Bom,  Ind.  mus.  Ces.  Vindob.  test.,  p.  399,  tabl.  xv, 
f.  19-20. 1778. 

Hélix  neritoides,  Chemnits,  Conch.  cab.  ix  (2«  partie  ),  p.  150, 
pi.  cxxxm.  f.  1204-1205.  1786. 

Hélix  naticoidcs,  Drapamaud,  Tabl.  moll.,  p.  78. 1801. 

Cantareus  naticoidet ,  Risso,  Hist.  nat.  Eur.  mérid.,  t.  TV,  p.  64. 1826. 

Pomatia  aperta,  B€ck,  Ind.  moll.,  p.  44. 1837. 

Oenatoria  naticoides ,  Held,  in  Isis,  p.  911.  1837. 

Sous  les  pierres.  Oasis  d'EI-Kantara.  Environs  de  Biskra. 
Cette  espèce  s'enfonce  sous  terre  pour  résister  aux  chaleurs. 


Helix  Warnieriana. 

Testa  perforata,  carinata,  globoso-conica,  solidula,  cretacea,  pas- 
sim  subpellucida,  albido-lutescente,  maculis  corneis  subtransi ucidis 
irregulariter  variegata ,  ac  striata  obscureque  passim  malleata  ;  spira 
parum  elata,  conica;  apice  minuto,  levigato,  niiidissimo,  fulvo;  — 
anfractibus  6i/2  vix  subconvexiusculis,  carinatis  (carina  ad  periphe- 
riam  èvanescens),  regulariter  crescentibus,  sutura  paululum  impressa 
separatis;  uliimo  majore,  basi  rotundato,  ad  insertionem  labri  externi 
paululum  descendenle;  —  apertura  obliqua,  lunato-rotundata  ;  peri- 
stomate  acuto,  recto,  intus  remote  albo-incrassato  prœsertim  ad  basio; 
margine  columellari  ad  partem  superiprem  reflexo  ;  marginibus  callo 
tenu]  junctis. 

Coquille  perforée,  carénée,  de  forme  globuleuse-conoîdale.  Test 
solide,  crétacé,  d'une  teinte  jaune  blanchâtre  parsemé  çà  et  là  par  de 
petites  taches  cornées  un  peu  translucides,  et  orné  de  striations 
grossières,  interrompues  par  des  malléations  plus  ou  moins  pronon- 
cées. Spire  peu  élancée,  conique,  à  sommet  petit,  lisse,  fauve,  très- 
brillant.  Six  tours  et  demi  à  peine  convexes,  s'accroissant  avec  régu- 
larité, munis  d'une  carène  qui  disparaît  vers  l'ouverture  et  séparés 


ESPÈCES  VIVANTES.  5 

par  une  suture  peu  profonde.  Dernier  tour  plus  grand,  bieû  arrondi 
à  sa  base,  offrant  vers  Pinsertion  du  bord  externe  une  direction  des- 
cendante régulière.  Ouverture  oblique,  échancrée,  arrondie.  Péri- 
stome  droit,  aigu,  encrassé  à  l'intérieur,  surtout  vers  la  base  de  l'ou- 
verture, par  un  léger  bourrelet  blanchâtre  peu  saillant,  assez  enfoncé. 
Bord  columellaire  réfléchi  surtout  à  sa  partie  supérieure.  Bords 
marginaux  réunis  par  une  callosité  délicate. 

Hauteur 8  millimètres. 

Diamètre 10         -^ 

Espèce  abondante  dans  le  Sud  de  la  Tunisie,  surtout  aux  alentours 
du  petit  village  de  Kerîz ,  près  du  Chott-el-Djérîd. 

Cette  hélice ,  que  nous  dédions  au  docteur  A.  Warnier,  se  ren- 
contre également  dans  les  briques  de  tov^,  dont  les  habitants  se  ser- 
vent pour  construire  leurs  demeures. 


Hélix  agrioica. 

Helîx  agrioica,  Baurguignat ,  Blalac.  Alg.,  1. 1,  p.  20i,  pi.  xxn, 
flg.  1-6.  1863. 

Testa  anguste  umbilicata,  depressa,  cretacea,  albida,  maculis 
comeis  translucidis  irregulariter  (supra  vel  subtus)  passim  sparsis, 
munità,  supra  costulis  distantibus  sulcata,  subtus  crebre  obscureque 
subcostulata;  —  spira  convexa;  apice  minuto,  levigato,  corneo;  — 
anfractibus  feex  convexis ,  regulariter  crescentibus ,  sutura  impressa 
separatis;  ultimô  paululum  majore,  obscure  subcarinato  (carina  ad 
peripheriam  evanescens),  ad  aperturam  subito  deflexo;  —  apertura 
obliqua,  lunata,  oblonga;  peristomate  recto,  acuto,  intus  valide  albido- 
labiato;  margine  columellari  paululum  patulo. 

Coquille  étroitement  ombiliquée,  déprimée,  subcarénée,  à  test 
crétacé,  solide,  blanchâtre,  moucheté,  en  dessus  ou  en  dessous,  par 
quelques  petites  taches  cornées,  translucides,  d'inégale  grandeur  et 
irrégulièrement  espacées  les  unes  des  autres.  Côtes  émoussées  (surtout 
sur  le  dernier  tour),  espacées  en  dessus  et  devenant  en  dessous 
beaucoup  plus  petites,  plus  serrées  et  moins  saillantes.  Spire  convexe; 


6  MOLLUSQUES. 

à  sommei  petit,  lisse  et  corné.  Six  tours  convexes,  à  croissance  régu- 
lière, séparés  par  une  suture  prononcée.  Dernier  tour  proportionnel- 
lement plus  dilaté,  subcaréné  (la  carène  disparaît  vers  le  péristome), 
et  offrant  à  l'insertion  du  bord  externe  une  petite  déflexion  subite. 
Ouverture  oblique,  échancrée,  oblongue.  Péristome  droit,  tranchant, 
intérieurement  épaissi  par  un  fort  bourrelet  blanchâtre.  Bord  colu- 
mellaire  légèrement  évasé. 

Hauteur 4  millimètres. 

Diamètre 7         — 

Au  pied  des  arbrisseaux,  sous  les  touffes  d'herbes,  dans  les  en- 
droits arides,  à  Methlîli. 


Hélix  Rebouduna. 

Hélix  Reboudiana,  Bourguignat ,  Malac.  Alg.,  1. 1,  p.  212,  pi.  xxi, 
fig.  19-30.  1863. 

Testa,  anguste  umbilicata,  depressa,  solida,  cretacea,  griseo-albida, 
fulvo-flammulata ,  praesertim  supra  ;  eleganter  irregulariterque  costu- 
lata  (costis  albidis);  —  spira  depresso-convexa  ;  apice  fulvo,  levigato, 
obtusissimo  ;  —  anfractibus  sex  convexiusculis,  celeriter  crescentibus, 
sutura  impressa  separatis;  ultimo  majore,  dilatato,  subrotundato, 
supra  convexiusculo,  subtus  exacte  convexo,  ad  aperturam  regulariter 
valde  descendente ;  —  apertura  obliqua,  vix  lunata,  rotundata;  peri- 
stomate  recto,  acuto,  intus  paululum  labiato;  marginibus  {columellari 
reflexo,  basait  subpatulo)  approximatis. 

Coquille  étroitement  ombiliquée,  déprimée,  à  test  solide,  crétacé, 
opaque,  terne,  d'un  blanc  grisâtre,  flammulé,  surtout  en  dessus,  par 
de  petites  taches  fauves  peu  prononcées.  Striations  en  forme  de  côtes 
élégantes,  irrégulières,  assez  espacées  et  se  détachant  en  blanc  plus 
vif  sur  le  fond  de  la  coquille.  Spire  convexe,  peu  élevée,  à  sommet 
fauve,  lisse  et  très-obtus.  Six  tours  peu  convexes,  à  croissance  rapide, 
séparés  par  une  suture  assez  profonde.  Dernier  tour  dilaté ,  propor- 
tionnellement beaucoup  plus  grand,  faiblement  convexe  en  dessus, 
bien  arrondi  en  dessous,  présentant,  vers  l'insertion  du  bord  ex- 


ESPÈCES  VIVANTES.  7 

terne,  une  déclivité  régulière,  assez  forte.  Ouverture  oblique,  à  peine 
échancrée,  arrondie,  à  péristome  droit,  aigu,  épaissi  par  un  faible 
bourrelet  blanchâtre.  Bord  columellaire  réfléchi.  Bord  basai  légère- 
ment évasé.  Bords  marginaux  assez  rapprochés. 

Hauteur 6  millimètres. 

Diamètre 10  — 

Var.  B.  —  Zonata,  Coquille  bien  costulée,  de  petite  taille,  ornée 
de  cinq  zonules,  dont  deux  en  dessus  (une  suit  la  suture)  et  trois  en 
dessous  (celle  du  milieu  est  la  plus  large  et  la  mieux  colorée). 
Mechoûnêch. 

Var.  C.  —  Subcostulata.  Coquille  à  stries  émoussées  en  dessus , 
d'un  blanc  sale,  avec  une  zone  noire  interrompue  sur  le  milieu  du  der- 
nier tour.  El-Kantara. 

Var.  D.  —  Subcarinata.  Coquille  plus  déprimée,  à  carène  obsolète 
peu  sensible,  ornée,  en  dessus,  d'une  série  de  flammules  grisâtres 
également  espacées,  et  ceinte,  sur  le  milieu  du  dernier  tour,  d'une 
bande  noire  assez  large,  interrompue  par  des  fascies  blanchâtres. 
Mechoûnêch. 

Au  pied  des  touffes  d'herbes,  sous  les  pierres  dans  l'oasis  de 
Mechoûnêch,  sur  TOuâd-el-Abiadh  à  24  kilomètres  de  Biskra,  ainsi 
qu'à  El-Kantara...  Espèce  abondante. 

Hélix  rvpolabris. 

Hélix  rufolabris,  Benoit,  mss. 

Hélix  nifôlabris,  L  Pfeiffer,  in  Malak.  Bmtt.,  p.  184.  1856. 
—  Et  Monogr.  Hel.  viv.,  t.  IV,  p.  132. 1859. 

Helix  rufolabris,  BourguignoUf  flialac.  Alg.,  1. 1,  p.  210, 
pi.  XXIV,  flg.  11-16.  1803. 

Espèce  abondante  dans  la  partie  Sud  de  la  Tunisie,  à  Gâbès,  sur 
les  herbages  du  littoral;  à  Kerîz,  à  Nafta,  sur  le  bord  du  Chott-el- 
Djérîd. 

Cette  hélice  se  trouve  fréquemment  dans  la  terre  qui  sert  à  fabri- 
quer les  briques  de  toùb,  employées  dans  les  constructions. 


8  ^         MOLLUSQUES! 

Hélix  livbat4. 

Hélix  lioeata,  OUvi,  Zool.  ÂdriâU,  p.  177.  1792. 

Hélix  omritima,  Drapamaud ,  Hîst  moll.  France,  p.  85,  pi.  y,  f.  9-10. 1885. 

Theba  maritinm,  Beck,  Ind.  moll.,  p.  12.  1837. 

Espèce  commane  sur  toute  la  côte  méditerranéenne.  Environs  de 
Tripoli  ;  alentours  de  Gàbès,  de  Keriz,  de  Nafta,  au  Sud  de  la  Tunisie. 

Hélix  lacta. 

Hélix  Urata  i,  Lxnoe ,  Primit.  faune  Blader.,  p.  53 ,  n<^  43,  pi.  v,  f.  9.  1831. 

Hélix  sabmaritlma,  DesmotUins,  in  Jhssmdssler,  ieonogr.  IX  et  X, 
pi.  xun,  f.  575  (optinui).  1839. 

Helix  yariabilis,  varietas,  plur.  auct.,  etc. 

Se  rencontre  avec  la  lineata  sur  les  plantes  du  littoral,  sur  les 
murs,  etc.,  à  Tripoli,  à  Gâbès,  à  Kerîz,  etc..  Espèce  très-abondante. 

Helix  Pisana. 

Helix  Pisana,  Miiller,  Verm.  hist  II ,  p.  60. 1774. 

HeUx  zonaria,  Pennant,  Biit.  zool.,  p.  137,  pi.  lxxxv,  f.  133. 1777. 

Helix  petholata,  0/tin,  Zool.  Adriat.,  p.  178. 1792. 

Helix  rhodostoma,  Drapamaud,  Tabl.  moll.,  p.  74.  1801. 

Theba  Pisana,  Risso,  Hiat.  nat.  Enrop.  mérid.,  t.  rr,  p.  73. 1826. 

Xerophila  Pisana,  Hêld,  in  Isis ,  p.  913.  1837. 

Euparypha rhodostoma,  Hartmann,  Gasterop.  Schw.  1,  p.  204, 
pi.  Lxxix  et  lxxx.  1840. 

Hélice  commune  à  Tripoli,  à  Gâbès,  à  Keilz,  à  Nafta,  etc... 

1.  Non  Helix  lanta  de  LodêU  R$eve ,  Goncb.  icon.,  t.  CXL,  f.  891 ,  qoi  est  une 
antre  espèce. 


ESPÈCES  VIVANTES. 


Hélix  Tbrvbri.  ^ 

Hélix  Terveri,  Michaud,  Compl.  Drap^,  p.  26,  pi.  xiv,f.  20-21. 1831. 
Hélix  Terveri,  Bourguignat,  Malac.  Âlg.vt.  I,  p.  249,  f.  xxiXv^g.  ^-^*  ^S63. 

Voici  les  caractères  de  cette  hélice  peu  connue,  qui  jusqu^à  pré- 
sent a  été  confondue  par  presque  tous  les  auteurs  avec  une  quantité 
d'autres  espèces  voisines  :  / 

"^  Testa  mediocritêr  umbilicata,  globoso-depressa ,  vel  depresâa,  so- 
lida,  subopaca,  subnitida,  albida,  saspius  fulvo-vel-nigro-purpuras- 
cente,  multifasciata  et  saepe  quasi  maculata  aut  tœniata,  regulariter 
striatula  ;  —  spira  convexa  ;  apice  minuto ,  levigato,  nitido,  comeo  ; 
—  anfractibus  6  convexis ,  primo  lente  ,  deinde  celeriter  crescenti- 
bus,  sutura  impressa  sépara tis;  ultimo  maxiino,  globoso-rotundato , 
anticenon  descendente; — apertura  obliqua,  lunato-rotundata  ;  peri- 
stomate  recto,  acuto,  intus  albo-vel-fulvo-labiato  ;  margine  columellari 
vix  reflexiusculo. 

Coquille  déprimée,  ordinairement  assez  globuleuse,  solide,  légère- 
ment transparente,  assez  brillante,  finement  striée  avec  régularité  et 
pourvue  d'une  perforation  ombilicale  profonde,  étroite  et  non  évasée. 
Test  blanchâtre,  orné,  le  plus  souvent,  de  zonules  fauves  ou  d'un 
pQurpre  noirâtre,  interrompues  et  flammulées.  Spire  convexe,  à 
sommet  petit,  lisse,  brillant  et  corné.  Six  tours  assez  convexes,  à 
croissance  d'abord  lente,  ensuite  plus  rapide,  séparés  par  une  suture 
prononcée.  Dernier  tour  proportionnellement  bien  dilaté,  globuleux, 
arrondi  et  rectiligne  vers  l'insertion  du  bord  externe.  Ouverture 
oblique,  échancrée,  arrondie.  Péristome  droit,  aigu,  intérieurement 
bordé  par  un  renflement  blanchâtre  ou  fauye.  Bord  columellaire  peu 
réfléchi. 

Hauteur 9— 12  millimètres. 

Diamètre  ....    13— IB         — 

Environs  de  Methlîli,  au  Sud  de  la  province  d'Alger. 


10  MOLLUSQUES. 


Hélix   ericetorum. 

Hélix  ericetorum ,  Mûller,  Verm.  hist.  U,  p.  33. 1774. 

ZoDites  ericetorum,  Leach,  Brit.  moU.,  p.  101.  1818. 
(Teste,  Turton,  1831.) 

Oxychilut  ericetorum,  Fitzinger,  Syst.  Verzeichn,  p.  100.  1833. 

Theba  ericetorum,  Beck,  Ind.  moll.,  p.  13.  1837. 

Xeropliila  ericetorum,  Ifeld,  in  Isis,  p.  913.  1837. 

Environs  de  Methlîli.  —  L'on  rencontre  également  dans  cette 
localité  une  variété  zonulée,  dont  le  dernier  tour  est  légèrement  sub- 
caréné. 

Hélix  ptramidata. 

Hélix  pyramidata ,  Z^rapomatid ,  Hist.  moll.  France,  p.  80, 
pi.  V,  f.  5-6.  1805. 

Theba  pyramidata,  Eisso,  Hist.  nat.  Europ.  mérid.,  t.  iv,  p.  74.  1826. 

Xerophila  pyramidata,  Beck,  Ind.  moll.,  p.  11. 1837. 

Espèce  commune  sur  les  plantes  du  littoral,  sur  les  rochers,  etc. 
—  Tripoli;  Gâbès;  Kerîz,'près  du  Chott-el-Djérîd. 

On  trouve  dans  cette  dernière  localité  une  petite  variété  dont  le 
test  est  élégamment  sillonné  par  des  costulations  serrées,  assez 
saillantes,  surtout  sur  le  milieu  du  dernier  tour. 


Hblix  Dcvetrieriana. 

Hélix  Duveyrieriana,  Bourguignat ,  Malac.  Alg.,  t.  I,  p.  265, 
pi.  XIX,  fig.  30-35.  1863. 

Testa  aperte  perspectiveque  umbilicala,  lenticulari-depressa, 
supra  subtusque  convexa,  subcarinata,  parvula,  solidiuscula,  cre- 
tacea,   subopaca,   griseo-albida,   irregulariter  corneo-marmorata, 


ESPÈCES  VIVANTES.  11 

crebre  costulata;  —  spira  convexiuscula  ;  apice  obtuso,  levigato, 
nitido,  corneo;  —  anfractibus  5  convexiusculis,  regulariter  crescen- 
tibus,  sutura  impressa  separatis;  —  ultimo  vix  majore,  compresse, 
subcarinato  (carina  ad  peripheriam  evanescens),  antice  recto;  — 
apertura  obliqua,  parum  lunata,  transverse  subangulato-oblonga; 
peristomate  recto ,  acuto ,  intus  non  labiato  ;  margine  columellari 
superne  reflexiusculo;  marginibus  approximatis. 

Coquille  petite,  déprimée,  de  forme  lenticulaire,  convexe  en 
dessus  et  en  dessous,  subcarénée,  assez  solide,  crétacée,  un  peu 
transparente,  d'un  gris  blanchâtre  et  irrégulièrement  mouchetée, 
surtout  en  dessus,  de  petites  taches  cornées  peu  foncées.  Test 
sillonné  de  côtes  serrées,  régulières,  saillantes,  surtout  sur  la  carène, 
et  pourvu  d'un  ombilic  très-évasé,  en  entonnoir,  laissant  voir  facile- 
ment Tenroulement  intérieur  des  tours.  Spire  peu  élevée,  convexe, 
à  sommet  obtus,  lisse,  brillant  et  corné.  Cinq  tours,  faiblement 
convexes,  à  croissance  lente,  régulière,  et  séparés  par  une  suture 
très-prononcée.  Dernier  tour  à  peine  plus  développé  que  Tavant- 
dernier,  comprimé  dans  le  sens  de  la  hauteur,  rectiligne  vers  l'in- 
sertion du  bord  externe  et  subcaréné  (la  carène  disparaît  vers  le 
péristome).  Ouverture  oblique,  peu  échancrée,  transversalement 
oblongue,  subanguleuse,  convexe  à  la  base.  Péristome  droit,  aigu, 
non  épaissi  à  Tintérieur.  Bord  columellaire  court,  légèrement  réfléchi 
à  sa  partie  supérieure.  Bords  marginaux  rapprochés. 

Hauteur 3  1/2  millimètres. 

Diamètre.  .....    6  — 

Oasis  de  Mechoûnêch,  près  de  Biskra,  sous  les  pierres,  au  pied 
des  arbrisseaux  sur  les  coteaux  arides. 


Hélix  aguta. 

Helix  acuta,  Millier,  Verm.  hist.  II,  p,  100.  1774. 

Bulimusacutus,  Bruguière,  in  Encycl.  méth.,  t.  YI  (1«  partie), 
p.  323.  1789. 

Très-abondante  aux  environs  de  Tripoli,  de  Gâbès,  de  Kerîz,  etc. 


12  MOLLUSQUES. 


BCLIMCS   BECOLLATVS. 

Helii  deo^lata,  Unnœus,  Sys.  nat.  (éd.  x  ,,  1,  p.  773. 1758. 

Balimus  decolUtas,  Bruguière,  in  Encyd.  méth.,  l.  VI  ';!'•  p«rtie^, 
p.  326.  1789. 

RmniBa  decoUata,  Atsso  ,  Hitt.  nat.  Earop.  mérid.,  t.  I¥,  p.  79. 1826. 

Obeliscuft  dixollatos,  Beck,  hid.  molL,  p.  61. 1837. 

Alentours  de  Laghouât,  de  Biskra,  de  Toagourt,  de  Ghardâya. 
dans  le  Sahara  algérien. 
Environs  de  Tripoli. 


Ferlssacia  chabopia. 

Ferussacia  charopia,  B(mr{fuigf%at ,  Malac.  Alg.,  t.  II,  p.  54,  pi.  nr,  f.  8-10. 
(Janvier.)  1854. 

Testa  cylindrico-lanceolata,  sat  solidula,  pellucida,  nitida,  polita, 
levigata  vel  sub  lente  obsolète  striatula ,  pallide  cornea  ;  —  spira 
elongata;  apice  pallidiore,  obtuso;  —  anfractibus  septem  vix  subcon- 
vexiusculis,  gradatim  crescentibus,  sutura  pallidiore,  obscure  super- 
ûciali,  duplicata,  sépara tis  ;  ultimo  1/3  altitudinis  paululum  supe- 
rante;  — apertura  oblonga,  infus  albidula,  in  medio  ventre  penultimi 
lamellifera  (lamella  valida,  crassa,  albida);  columella  alba,  valida, 
contorta,  callosa;  peristomate  recto,  leviter  crassiusculo;  margine 
externo  regulariter  antice  arcuato;  raarginibus  callo  albidulo  junctis. 

Coquille  cylindrique-lancéolée,  assez  solide,  transparante,  bril- 
lante, polie,  d'une  teinte  cornée,  lisse  ou  paraissant,  au  foyer  d'une 
loupe,  ornée  de  petites  striations  émoussées.  Spire  allongée,  à  som- 
met plus  pâle  et  obtus.  Sept  tours  à  peine  convexes,  s' accroissant  peu 
à  peu,  avec  régularité,  et  séparés  par  une  suture  superficielle,  ceinte 
inférieurement  p$ir  une  seconde  ligne  ressemblant  à  une  rainure  sutu- 
rale.  Dernier  tour  dépassant  un  peu  le  tiers  de  la  hauteur.  Ouverture 
oblongue,  blanchâtre  à  l'intérieur  et  offrant,  vers  le  milieu  de  la 


ESPÈCES  VIVANTES.  13 

convexité  de  Tavant-dernier  tour,  une  forte  lamelle  épaisse,  blanche, 
saillante  et  plongeant  à  Tintérieur.  Colamelle  blanche,  forte,  con- 
tournée et  calleuse.  Bord  externe  arqué  en  avant  avec  régularité. 
Bords  marginaux  réunis  par  une  callosité  blanchâtre. 

Hauteur 10  millimètres. 

Diamètre 3  -- 

Hauteur  de  Touverture.  .3  1/2  — 

Sous  les  pierres  et  les  touffes  d'herbes  dans  l'oasis  d'El-Kantara 
et  aux  environs  de  Biskra. 


Pdpa  grandii. 

Pupa  granum,  Drapamaud,  Tabl.  moU.,  p.  59.  1801.  —  Et  Hist.  moU. 
France,  p.  63,  pi.  ni,  flg.  45-46.  i$05. 

TorquUla  granum,  Studer,  Kurz.  veneichn.,  p.  89. 1820.. 

CUondrus  granum,  Hartmann  y  m  Neue-Alpin.,  p.  219. 1821. 

Hélix  granum,  Ferussac,  Tabl.  System.,  p.  64.  1821. 

Jaminia  granum,  Risso,  Hist.  nat.  Europ.  mérid.,  t.  IV,  p.  00. 1826. 

Stomodonta  granum,  Mermet,  Hist.  moll.,  Pyr.-occid.,  p.  52.  1843. 

Testa  rimata,  subcylindrica,  sat  tenui ,  subpellucida ,  cornea,  ac 
subtilissime  costulato-striata  :  —  spira  attenuata,  plus  minusve  acu- 
minata;  apice  obtusiusculo;  —  anfractibus  7-8  convexiusculis,  lente 
regulariterque  crescentibus,  sutura  impressa  separatis;  ultimo  paulu- 
lum  majore,  basi  rotundato,  ac  ad  aperturam  ascendente;  —  aper- 
tura  semi-ovata,  septemplicata;  plica  parietali  unica,  valida;  duabus 
plicis  columellaribus,  approximatis,  dentiformibus  ;  plicis  palatalibus 
i  valde  immersis  (tértia  plica  validior)  ;  —  peristomate  expansiusculo, 
acutiusculo;  marginibus  conniventibus,  valde  approximatis,  tenui 
callo  junctis. 

Coquille  presque  cylindrique,  allongée,  assez  fragile,  faiblement 
transparente,  légèrement  brillante,  d'une  teinte  cornée  uniforme, 
sillonnée  par  de  petites  côtes  délicates,  fines,  serrées,  régulières ,  et 


U  MOLLUSQUES. 

pourvue  d'une  fente  ombilicale  assez  prononcée.  Spire  atténuée,  plus 
ou  moins  acuminée,  suivant  les  échantillons.  Sommet  assez  obtus, 
lisse  et  d'une  nuance  généralement  plus  pâle.  Sept  à  huit  tours  assez 
convexes,  à  croissance  lente  et  régulière,  séparés  par  une  suture 
bien  marquée.  Dernier  tour  un  peu  plus  grand,  arrondi  à  sa  base  et 
offrant  vers  l'insertion  du  bord  externe  une  direction  ascendante.  Ou- 
verture échancrée,  semi-ovale,  ornée  de  sept  plis  ainsi  placés  :  un  pli 
pariétal,  fort,  saillant,  sur  la  convexité  de  l'avant-demier  tour;  deux 
plis  columellaires,  rapprochés,  dentiformes,  dont  l'inférieur  est  le 
plus  petit;  quatre  plis  palataux  n'atteignant  pas  le  péristome,  dont 
le  troisième  est  le  plus  grand.  Péristome  légèrement  évasé,  mince, 
tranchant.  Bords  marginaux  convergents,  très-rapprochés,  réunis  par 
une  faible  callosité. 

Hauteur 4-5  millimètres. 

Diamètre 1  3/4-2  — 

Hauteur  de  l'ouverture.  .11/2  — 

Oasis  d'El-Kantara,  de  Mechoûnêch  près  de  Biskra,  ainsi  qu'aux 
alentours  de  cette  ville  au  pied  des  arbres,  dans  les  anfractuosités 
des  rochers  ou  sous  les  pierres. 


LlMNiCA    TRDNCATDLA. 

BuceiDum  truncatalum ,  MiUler,  Verm.  hisu  n,  p.  130. 1774. 

Hélix  truncatola,  Gmelin,  Sy3t.  nat.,  p.  3659. 1788. 

Bolimus  truncatus,  Bruguière,  Encycl.  méthod.,  vers.  1,  p.  310.  1789. 

Limneus  minutas,  Drapamaud,  Tabl.  moU.,  p.  51. 1801. 

LymiMBa  minuta,  Lamarck,  An.  s.  vert.,  t  VI,  (2*  partie),  p.  162. 1822, 

Limnœus  truDcatuIus,  Jeffreyss,  Syn.  test,  in  trans.  Linn., 
t.  XVI  (2«  partie),  p.  377.  1830. 

Limnœa  tnincatula,  Beck,  Ind.  moU.,  p.  112.1837. 
Abondante  dans  rOuâd-Mezî,  près  de  Laghouât  Se  rencontre  dans 


ESPÈCES  VIVANTES.  •  15 

presque  tous  les  fossés  d'irrigation  pratiqués  pour  Tarrosement  des 
palmiers  dans  les  oasis  du  Sahara. 


Htdrobia  Peraddibri. 

Hydrobia  Peraudieri,  Bourguignat,  in  Spicil.  malac,  p.  108.  1863. 
Et  Paléont.  Alg.,  p.  94,  pi.  v,  f.  12-15.  1862. 

Testa  rimata,  elongatissima,  turriculato-conica,  pallide  comea, 
striatula,  ac  saepe  passim  spiraliter  paululum  lineolata;  —  spira  lan- 
ceolata;  apice  obtusiusculo ;  —  anfractibus  7  1/2  convexis,  superne 
paululum  subangulatis ,  regulariter  crescentibus ,  sutura  profunda 
separatis;  —  ultimo  rotundato;  —  apertura  recta,  rotundata;  peri- 
stomate  acuto,  recto;  margine  columellari  reflexiusculo ;  marginibus 
subcontinuis. 

Coquille  pourvue  d'une  fente  ombilicale  assez  ouverte.  Test  très- 
allongé,  turriculé,  conique,  d*une  teinte  pâle  cornée,  un  peu  trans- 
parent, strié  et  quelquefois  sillonné  çà  et  là  par  de  petites  stries  spi- 
rales. Spire  lancéolée,  à  sommet  un  peu  obtus.  Sept  tours  et  demi 
convexes ,  un  peu  subanguleux  vers  la  suture,  qui  paraît ,  par  cela 
même,  profonde.  Accroissement  spiral  des  plus  réguliers i  Dernier 
tour  parfaitement  arrondi.  Ouverture  droite,  presque  ronde,  à  pé- 
ristome  aigu  et  droit.  Bord  columellaire  légèrement  réfléchi.  Bords 
marginaux  presque  continus.  Callosité  blanchâtre.  Opercule  d'un 
brun  rouge. 

Hauteur 6-7      millimètres. 

Diamètre 11/2         — 

Hauteur  de  l'ouverture.  .      2  — 

Cette   magnifique  espèce  habite  dans   le   gouffre  froid  à  Bis- 


kra 


1.  Le  gouffre  froid  de  Biskra  est  un  bassin,  appelé  El-Bourma  par  les  Arabes,  et 
ainsi  dénommé  par  les  Européens  pour  le  distin^er  de  la  source  thermale  de  Ham- 
m&m-Sàlahin ,  qui  est  dans  le  voisinage. 


16  «  MOLLCSQCES. 


Ht»bobia  Bbob»bli. 

Palodinft  acou  <,  Porbes,  On  tbe  land  md  fresfaw.  molL  Alg.  ia  Ana.  aat. 
or  Maeaz.  zool.,  etc.,  p.  ÎM.  1838. 

Ptlodina  acota,  Terver,  Cat.  moU.,  Nord  de  r Afrique,  p.  71.  1839. 

Palodisa  acott,  itos9fiid«si«r,  in  Wagner,  Beise  in  der  Bcgemath.  Alg., 
p.  251. 1841. 

Palndina  acnla,  MareUt,  io  Jotmi.  eonch.,  t.  IV,  p.  396.  It^. 

Hydrolna  Brondefî,  Bourguignat,  in  Spidl.  malac^  p.  110. 1802. 
Et  PaléoQt.  Alg.,  p.  96. 1802. 

Testa  rimata,  obeso-conoidea ,  nltidiila,  sat  soltdula,  eomea  vel 
fusco-luteola,  fere  lasvigata;  —  spira  obesa;  apice  obtuso;  —  anfrac- 
tibus  5  convexiusculis,  celeriter  crescenta)us;  —  penultimo  ultimoqoe 
magnis,  rotundatis,  sutura  profooda  separatis;  —  apertura  oblonga: 
peristoraate  recto,  continuo,  ad  columellam  paululum  reflexiuscuk) 
ac  incrassato;  margine  externo  antrorspm  paululum  arcuato. 

G>quille  pourvue  d'une  faible  fente  ombilicale.  Test  crf)èse, 
conoïde,  assez  solide,  un  peu  brillant,  tant  soit  peu  transpareoU 
presque  lisse,  d'une  teinte  cornée  ou  d'un  brun  jaunâtre.  Spire 
courte,  trapue,  à  sommet  obtus.  Cinq  tours  convexes,  s' accroissant 
avec  rapidité;  les  deux  derniers  sont  grands,  arrondis,  plus  convexes, 
par  conséquent  séparés  par  une  suture  plus  profonde.  Ouverture 
oblongue,  à  péristome  droit,  continu,  un  peu  réfléchi  et  épaissi  à 
l'endroit  de  la  columelle.  Bord  externe  légèrement  arqué  en  avant 

Hauteur U       millimètres. 

Diamètre 2  — 

Hauteur  de  Touverture .  .      1  3/i       —     • 

Dans  le  gouffre  froid  à  Biskra. 

L'Uydrobia  Brondeli  diffère  de  VHydrobia  Peraxidieri,  par  sa 
taille  plus  petite,  plus  trapue;  par  son  test  presque  lisse;  par  son 
sommet  obtus;  par  ses  tours  qui  sont  moins  convexes  et  qui  ce 

1 .  Non  Paludina  acuta ,  des  auteurs  français. 


KSPÈCES  VIVANTES.  17 

s'accroissent  point  avec  régularité;  par  son  ouverture  plus  grande; 
par  son  bord  externe  arqué  en  avant  et  non  droit. 

Hydrobia  arenaria. 

Uydrobia  arenaria,  Bourguignat ,  in  Spicil.  malac.,  p.  111*1862. 
Et  Paléout.  Alg.,  p.  97.  1802. 

Testa  oblongo-pyramidali,  corneo-viridescente,  laevigata; —  spira 
conica;  apice  obtuso;  —  anfractibus  6  fere  planulatis  vel  paululum 
convexiuscuiis,  c(^leriter  crescentibus,  sutura  marginata  parum  im- 
pressa scparatis;  —  penuliimo  ultimoque  magnis ;  —  apertura  oblongo 
piriformi;  peristornate  aculo,  recto;  margine  extemo  antrorsum  ar- 
cuato;  marginibus  callo  junctis. 

Coquille  oblongue,  pyramidale,  lisse,  d'une  teinte  cornée  ver- 
dâtre.  Spire  conique,  à  sommet  obtus.  Six  tours  presque  plans  ou  à 
peine  convexes,  s' accroissant  avec  rapidité,  séparés  par  une  suture 
marginéc,  peu  profonde;  les  deux  derniers  sont  grands  et  un  peu 
plus  convexes.  Ouverture  oblongue,  piriforme,  à  péristome  droit  et 
aigu,  seulement  réfléchi  au  bord  columellaire.  Bord  externe  arqué  en 
avant.  Bords  marginaux  réunis  par  une  callosité. 

Hauteur 4  l//j  millimètres. 

Diamètre 2  — 

Hauteur  de  Touverture .  .      2  — 

Habite  à  Tougourt,  dans  les  eaux  des  sources  artésiennes. 

L'Hydrobia  arenaria  diffère  de  YHyd,  Brondeli,  par  sa  forme  plus 
pyramidale,  moins  obèse;  par  ses  tours  moins  convexes;  par  sa  suture 
moins  profonde  ;  par  ses  deux  derniers  tours  proportionnellement  plus 
forts  et  surtout  ventrus  à  leur  partie  inférieure,  ce  qui  est  l'inverse 
chez  la  Brondeli;  par  son  ouverture  plus  oblongue;  enfin,  par  son  pé- 
ristome non  continu,  mais  dont  les  bords  sont  réunis  par  une  callosité. 

Uyorobia  Duveyribri. 

Testa  lanceolato-turrita,  solida,  subpellucida,  cornea,  vel  corneo- 
viridescente,  argutissime  sub  lente  striatula;  —  spira  elato-acumi- 
nata;   apice  minuto,  obtusiusculo;  —  anfractibus  7  convexiusculis 

SUPPL.   S. 


18  MOLLUSQUES. 

(prope  suturam  planiosculis),  paulatim  crescentibus,  sutura  lineari 
separatis;  —  ultimo  rotundato,  sat  ventroso,  1/3  altitudinis  paululum 
superante;  —  apertura  ovata,  superne  angulata,  inferne  rotundata; 
peristomate  acuto,  intus  albido-incrassato;  margine  columellah 
leviter  exBansiusculo;  margine  externo  praesertim  ad  partem  ex- 
teriorem  valde  antrorsum  arcuato;  marginibus  callo  valido  junctis. 

Coquille  lancéolée,  turriculée,  à  test  solide,  bien  qu'un  peu 
transparent,  d'une  teinte  cornée  uniforme,  passant  quelquefois  à 
une  nuance  cornée -verdâtre.  Striations  excessivement  délicates, 
visibles  seulement  à  la  loupe.  Spire  allongée,  diminuant  peu  à  p^ 
et  terminée  par  un  sommet  petit,  un  peu  obtus.  Sept  tours  faible- 
ment convexes,  légèrement  aplatis  vers  la  suture  qui  est  linéaire, 
et  s'accroissant  peu  à  peu.  Dernier  tour  arrondi,  assez  ventru,  dé- 
passant le  tiers  de  la  hauteur.  Ouverture  ovale,  anguleuse  à  sa  partie 
supérieure,  bien  arrondie  à  sa  partie  inférieure.  Péristome  droit, 
tranchant,  muni  à  l'intérieur  d'un  bourrelet  blanchâtre.  Bord  coluoiel- 
laire  légèrement  évasé.  Bord  externe  arqué  en  avant,  surtout  à  sa  par- 
tie inférieure.  Bords  marginaux  réunis  par  une  callosité  assez  épaisse. 

Hauteur 5  millimètres. 

Diamètre 2         — 

Dans  la  rivière  d'eau  tiède  de  Kerîz  (Djérîd),  au  Nord  du  Chott- 
el-Djérîd  (Sud  de  la  régence  de  Tunis). 

Btthinta  similis. 

Cyclostoma  simile,  Drapamaudf  Hist.  moU.  France,  p.  34, 
pi.  l,f.  15.  1805. 

Valvata  similis,  Hartmann ,  Syst.  Gasterop.,  p.  57.  1821. 

Paludina  similis,  Michaud,  Compl.  Drap.,  p.  93. 1831. 

Bithinia  similis,  Dupuy,  Cat.  extram.  GaUie,  etc.,  n*"  48. 1849. 

Bythinia  similis,  Stem,  Schneck.  Berl.,  p.  93.  1850. 

Hydrobia  similis,  Dupuy,  Hist.  moU.  France  (5*  fasc.),  p.  553, 
pi.  xxvu,  f.  9,1851. 

Dans  les  eaux  à  Laghouât. 


ESPÈCES  VIVANTES.  19 


Btthinia  Ddpotetiana. 

PaludioaDopotetiana,  Forbes,  On  the  landand  freshw.  moU.  of  Algien  and  Bougia, 
in  Ann.  oat.  Hist,  or  magaz.  zool.,  etc.,  p.  254,  pi.  xii,  f.  3. 1838. 

Bythinia  Dupotetiana,  Bourguignatf  in  Spicil.  malac,  p.  116. 1862. 

Ruisseau  de  la  fontaine  chaude  de  Biskra,  où  cette  espèce  est  très- 
abondante. 

M.  H.  Duveyrier  a  encore  recueilli  cette  bythinie  en  très-grand 
nombre  dans  la  vase  des  rigoles  de  la  source  d"Aïn-Temôguet,  près 
de  Djâdo,  dans  TOuàdi-Arblân  (Djebel-Nefoûsa). 


Btthinia  ptcnogheila. 
Bythinia  pycnodieila,  Bourguignat,  in  Spicil.  malac,,  p.  117.  1863. 

Testa  vix  rimata,  ventricosa,  solida,  crassa,  levigata,  virides- 
cente;  —  spira  brevi,  acutiuscula  ac  apice  obtusiusculo  ;  —  anfrac- 
tibus  5  convexis,  celeriter  crescentibus,  sutura  bene  impressa  sepa- 
ratis;  —  penultimo  ultimoque  maximis,  rotundatis;  —  apertura 
parum  obliqua,  ovata,  inlus  albidula;  peristoniate  continuo,  acuto, 
intus  undique  valde  incrassato.  , 

Coquille  à  peine  pourvue  d'une  fente  ombilicale,  ventrue,  à  test 
solide,  épais,  lisse  et  verdâtre.  Spire  courte,  conoïde,  à  sommet  un 
peu  obtus.  Cinq  tours  convexes,  séparés  par  une  suture  bien  mar- 
quée et  s'accroissant  avec  rapidité;  les  deux  derniers  tours  sont 
arrondis  et  proportionnellement  très -grands.  Ouverture  à  peine 
oblique,  ovale,  intérieurement  blanchâtre,  ornée  d'un  péristorae 
continu,  aigu  et  fortement  épaissi  à  l'intérieur.  Opercule  d'un  rouge 
orangé. 

Hauteur h  millimètres. 

Diamètre 3         — 

Hauteur  de  l'ouverture ...    21//»  — 

Espèce  abondante  à  Temâssîn ,  près  de  Tougourt. 


20  MOLLUSQUES. 


BTTHIFIIA    SEMIfllDlf. 


Paludina  seminiam,  Morelet,  Append.  conch.  Âlg.,  in  journ.  conch.. 
t.  VI,  p.  376,  pi.  xn,  f.  10.  1857. 

Bythinia  seminium,  Bourguignat ,  in  Spicil.  nulac.,  p.  121.  1862. 


Cette  charmaDte  espèce  microscopique  est  très-commune  dans 
l'oasis  d'El-Outâya,  près  de  Biskra. 


Melania  tubercdlata. 

Nerita  tuberculata,  MuUer,  Verm.  hist.  Il,  p.  191.  1774. 

Strombus  costatus,  Schrôter.  FIusscoQchyl.,  p.  373,  pi.  vui,  f.  14.  1779. 

Melanoîdes  fasciolata,  Olivier,  Voy.  emp.  Oit.,  vol.  II,  p.  10, 
pi.  x\\i,f.  7.  1804. 

Melania  fasciolata,  Lamarck,  An.  s.  vert.,  vol.  VI  (2*  partie  ), 
p.  167,  n«  16.  1^22. 

Melania  tuberculata,  Bourguiynat,  Cat.  rais.  moU.  Or.,  p.  65.  1853. 

Testa  conico-oblongoque-turrita,  tenui,  plus  minusve  diaphana, 
comeo-fusca  ac  sappe  flammulis  luteolis  vel  ca.staneis  longitudinal ibus 
aut  inlerrupiis,  ornata;  eleganlissime  spiraliter  costulis  numerosis 
sulcata,  vel  tenuissime  decussata,  aut  saepe  transverse  tubercuioso- 
coslata;  —  spira  acula  ;  apice  acuto;  —  anfractibus  10-12  vel  li 
convexiusculis,  sat  regulariter  crcscentibus ,  sutura  bene  impressa 
separatis;  —  apertura  ellipiica,  basi  fere  rotundata;  peristomate 
recto,  acuto;  columella  albidula,  ad  basin  paululumeffusa;  margine 
extcrno  antrorsum  arcuato;  marginibus  callo  junctis.  . 

Coquille  allongée,  conique-luiriculée,  assez  fragile,  plus  ou  moins 
transparente,  d'une  teinte  fauve  cornée,  quelquefois  ornée  de  pe- 
tites flammules  jaunes  ou  d*un  brun -marron,  longitudinales  et  la 
plupart  du  temps  interrompues.  Test  sillonné,  d'une  manière  déli- 
cate et  élégante,  par  une  foule  de  stries  spirales  plus  ou  moins 
fortes  et  saillantes.  Quelquefois  ces  stries  sont  interrompues  par 


ESPECES  VIVANTES.  21 

d'autres  transversales,  ce  qui  donne  au  test  une  apparence  treillis- 
sée,  ou,  lorsque  les  stries  sont  fortes,  une  apparence  tuberculeuse. 
Spire  aiguë,  à  sommet  petit  et  aigu.  10  à  12,  quelquefois  jusqu'à 
Mi  tours  plus  ou  moins  convexes,  s'accroissant  assez  régulièrement, 
et  séparés  par  une  suture  bien  marquée.  Ouverture  elliptique,  à 
base  presque  arrondie.  Péristome  simple  et  aigu.  Columelle  blan- 
châtre, un  peu  réfléchie  vers  la  base.  Bord  externe  arqué  en  avant. 
Bords  marginaux  réunis  par  une  callosité. 

Hauteur 15-35  millimètres. 

Diamètre 6-10  — 

Espèce  des  plus  communes  dans  presque  toutes  les  eaux  du 
Sahara.  M.  Henri  Duveyrier  Ta  notamment  recueillie  dans  la  fon- 
taine chaude  de  Chetma  et  dans  rOuàd-Melîly,  près  de  Biskra;  — 
aux  environs  d'Ouarglâ  ;  —  dans  les  eaux  de  l'oasis  de  Merhayyer, 
près  de  Tougourt*;  enfin  dans  les  eaux  lièdes  de  Djérîd,  au  Nord  du 
Chott-el-Djérîd  (Sud  de  la  Tunisie),  ainsi  qu'au  fond  du  Désert  dans 
rOuàdi-riterhsîn,  au  Nord  de  Rhàt. 

Melanopsis  Maroccana. 

Buccinum  Maroccanum,  Chemnitz,  Conch.  cab.  (éd.  1),  t.  XI,  p.  285, 
pi.  ccx,  fig.  2080-2081.  1795. 

Melanopsis  Dufouri,  Ferussac ,  Monogr.  Mel.  in.  Mem.  soc.  d*Hist.  nat. 
Paris,  1,  p.  153,  pi.  vu,  f.  16. 1823. 

Melanopsis  Dufourei,  Deshayes,  in  Lamarok,  An.  s.  vert.  (2*  éd.), 
t.  Vni ,  p.  493.  1838. 

Melanopsis  Buccinoidea  « ,  Michaud,  Cat.  test.  vi?.  Alg.,  p.  11. 1833. 

Melanopsis  Maroccana,  Morelet,  Cat.  moll.  Alg.,  in  Journ.  conch., 
t.  IV,  p.  297.  1853. 

Espèce  abondante  dans  la  fontaine  chaude  de  Chetma,  près  de 


1.  Où  se  trouvent  des  échantillons  magnifiques  qui  atteignent  55  millimètres 
de  hauteur  sur  15  de  diamètre. 

2.  Non  Melanopsis  buccinoidea,  de  Ferussac,  1814  (Melania  buccinoidea,  d'Oli- 
vier. 1804  ),  qui  est  la  Melanopsis  prœmorsa  de  Dupuy.  1851. 


22  MOLLUSQUES. 

Biskra;  dans  tes  eaux  d'Ouarglâ  et  de  Tougourt  (Ouàd-Rlgh)  ;  enfin, 
dans  les  petits  ruisseaux  d'eau  tiède  de  Nafta  et  de  Kerîz  (Djérîd),  an 
Nord  du  Chott-el-Djérîd. 


Melanopsis  pramorsa. 

Buccinum  prœmorsum,  Linnams,  Syst.  nat.  (éd.  Hal»),  p.  740.  i760. 

Buccinum  prseroftum,  Linnœus,  Syst.  nat.  (éd.  xn),  p.  1203. 1767. 

Melania  buccinoidea,  Olivier,  Voy.  emp.  Ott.,  1. 1,  p.  297, 
pi.  XVII,  f.  8.  1801. 

Melanopsis  buccinoidea»  Ferussac,  in  Mém.  géol.,  p.  54. 1814. 

Melanopsis  prœrosa,  Bossmâssler,  Iconogr.  IX  et  X,  pi.  l,  f.  677. 1839. 

Melanopsis  prœmorsa,  Dupuy,  Hist.  nat.  moll.  France  (5«  fasc.),p.  450.  1851. 

Cette  mélanopside  a  été  recueillie  dans  les  eaux,  aux  alentours  de 
Biskra  et  d'Ouarglâ. 

Melanopsis  Maresi. 

Melanopsis  Maresi,  B(mrguignat,  Paléonto).  Alg.,  p.  106 « 
pi.  VI,  f.  1-4.   1862. 

Testa  ovato-conica,  solida,  opaca,  comeo-viridula,  vel  fusco-comea, 
costis  crassis  (sub  sutura  nodosis)  numerosisque  sulcata;  —  spira 
acuto-acumfnata  ;  apice  levigato,  acuto;  — anfractibus  7  subplanu- 
latis,  gradatis,  sutura  lineari  separatis;  ultimo  maximo,  ad  partem 
superiorem  impresso,  ac  dimidiam  altitudinis  paululum  superante; 
—  apertura  ovato-lanceolata  ;  columella  recta,  truncata;  sinu  colu- 
mellari  e  margine  exteriore  valde  retroQexo;  —  margine  exteriore 
in  medio  antrorsum  paululum  arcuato;  callo  sat  valido. 

Coquille  de  forme  ovalaire-conique,  aiguë,  solide,  opaque,  d'une 
teinte  cornée-verdàtre,  ou  brune-cornée,  et  munie  de  grosses  côtes 
transverses,  assez  espacées  les  unes  des  autres,  présentant  vers  la 
suture  un  renflement  tuberculeux.  Spire  aiguë-acuminée,  terminée  par 


ESPÈCES  VIVANTES.  23 

un  sommet  lisse  et  aigu.  Sept  tours  presque  plans,  comme  étages  les 
uns  sur  les  autres,  séparés  par  une  suture  linéaire.  Dernier  tour 
très-grand,  offrant  vers  sa  partie  supérieure  une  inflexion  prononcée 
et  dépassant  la  moitié  de  la  hauteur.  Ouverture  ovale -lancéolée, 
très-rétrécie  à  sa  partie  supérieure,  très-dilatée  à  sa  base.  Columelle 
forte,  droite,  nettement  tronquée,  dont  la  base  se  trouve  un  peu 
infléchie  en  avant  et  séparée  du  bord  extérieur  par  un  sinus  profond, 
parfaitement  arrondi.  Bord  droit,  légèrement  arqué  en  avant.  Bords 
marginaux  réunis  par  une  callosité  assez  forte. 

Hauteur 15-20  millimètres. 

•    Diamètre 8-9        — 

Cette  mélanopside,  recueillie  à  Tétat  fossile  par  M.  Mares,  dans  la 
Dhâya  de  Hâbessa  *,  a  été  retrouvée  vivante  dans  le  petit  ruisseau  de 
Kerîz,  qui  se  perd  dans  le  Chott-el-Djérîd  (Sud  de  la  Tunisie).  11  est 
à  présumer  que  cette  espèce  doit  vivre  dans  tous  les  cours  d'eau  du 
Nord  du  Sahara. 

La  Melanopsis  Maresi  est  très-voisine,  par  sa  forme  et  l'apparence 
de  ses  costulations,  des  Melanopsis  costata  du  Jourdain  *  et  cariosa 
d'Espagne  ^;  mais  notre  espèce  diffère  complètement  de  ces  mollus- 
ques par  sa  columelle  droite  (et  non  courbe),  plus  allongée  et  inflé- 
chie en  avant  ;  ce  qui  est  le  contraire  chez  les  costata  et  cariosa  ; 
enfln ,  par  son  sinus  columellaire  plus  profond ,  plus  arrondi  et 
presque  fermé,  tandis  que  chez  les  costata  et  cariosa  le  sinus,  com- 
parativement plus  profond,  est  très-ouvert. 


t.  Ancien  lac  desséché  dans  la  région  de  l"Erg,  au  Sud  de  la  province  d*Oran. 

2.  Melanopsis  costata,  Femssac,  in  Monogr.  mélan.,  p.  28,  n*  6,  pi.  i,  f.  14-15. 
1823.  —  Melania  costata,  Olivier,  Voy.  emp.  Ottom.,  t.  II,  p.  294,  pi.  xxxi,  f.  2. 
1804. 

3.  RossmOssler,  icono^r.  IX  et  X,  pi.  42,  f.  680.  1839.  —  (Murex  cariosus,  de 
LinnœuSf  Syst.  nat.,  p.  1220.  —  Et  Melania  Sevillensis  de  Grateloup.  ) 


2ft  MOLLUSQUES. 


î«  —  ESPÈCES  FOSSILES. 


PlANORBIS    ArCAPITAlNIA^^I  vs. 

Testa  sat  inflata,  supra  profonde  umbiiicata,  subtus  concava,  fra- 
gili,  striatula  ac  irrec;niariter  sulcis  incrementi  siïbdefomnata  ;  —  an- 
fraclibus  5  convexis  (supra  rotundalis,  subtus  ad  unibilicum  obscure 
subangulatis),  celeriter  crescentibus,  sutura  (in  prioribus  lineari,  in 
ultimis  impressa)  separatis:  ultimo  maximo,  dilatato,  rotundato-subj- 
compressiusculo,  supra  antice  descendente;  —  apertura  valde  obli- 
qua, parum  iunala,  subrotunda;  peristomate  recto ,  expansiusculo: 
margine  supero  diiatato,  arcuato;  marginibus  callo  junctis. 

Coquiile  assez  renflée,  discoïde,  profpnde'ment  ombiliquée  en  des- 
sus, concave  en  dessous,  fragile,  finement  striée  et  la  plupart  du  temps 
déformée  par  quelques  bourrelets  du^  au  temps  d'arrêt  de  raccroisse- 
ment.  Cinq  tours  convexes,  arrondis  en  dessus,  subanguleux  en  dessous 
vers  l'ombilic,  à  croissance  rapide  et  séparés  par  une  suture,  d'abord 
linéaire  vers  le  sommet,  puis  devenant  de  plus  en  plus  prononcée. 
Dernier  tour  très-grand,  dilaté,  arrondi  tout  en  étant  lég^remem 
comprimé  dans  le  sens  de  la  hauteur,  et  offrant  en  dessus  vers  l'in- 
sertion du  bord  externe  une  direction  descendante  très-marquée. 
Ouverture  oblique,  peu  échancrée,  presque  arrondie.  Péristome  droit, 
aigu,  légèrement  évasé.  Bord  supérieur  dilaté,  projeté  en  avant  et  ar- 
qué. Bords  marginaux  peu  écartés,  réunis  par  une  callosité. 

Diamètre 11  millimètres. 

Hauteur 6        — 

Cette  nouvelle  espèce  se  trouve  à  Tétat  fossile  dans  un  dépôt  de 
terre  blanche  savonneuse,  près  de  Ghoûrd-Ma'ammer,  grande  dune, 
sur  la  route  d'El-Ouâd  à  Ghadàmès ,  sur  la  section  de  cette  artère  , 
à  laquelle  aboutissent  tous  les  chemins  venant  du  ISord-Ouest. 


ESPECES   FOSSILES.  25 


PlANOHBIS    DUVETRIBRI. 


Planorbis  Duvejrrieri ,  Deshayes ,  in  Duveyrier  , 
Touareg  du  Nord.  (Voy.  p.  45,  pi.  m,  f.  1.) 

Testa  supra  profunde  infundibujiformi ,  subtus  late  umbilicata, 
crassiuscula,  eleganter  arguteque  strialula;  —  anfractibus  4  1/2  con- 
vexis,  supra  rotundatis,  paululum  involveiitibus,  subtus  ad  piMÎphe- 
riam  umbilicalem  subangulatis,  celeriter  crescentibus,  sutura  impressa 
separatis;  ultimo  maximo,  dilatato  praîsertim  ad  aperturam ,  con- 
vexo-rotundato ,  supra  antice  recto;  —  apertura*  obliqua,  maxima, 
dilatata,  lunata,  semi-rotundata,  superne  convexa,  inferne  subangu- 
lata;  peristomate  recto,  acuto,  intus  remote  labiato;  marginibus 
tenui  callo  junctis. 

Coquille  discoïde,  de  taille  médiocre,  infondibuliforme  en  dessus, 
largement  ombiliquée  en  dessous,  à  test  assez  épais  et  élégamment 
sillonné  de  striations  fines  et  régulières.  Quatre  tours  et  demi  convexes, 
arrondis,  s'enroulant  légèrement  les  uns  sur  les  autres  en  dessus,  et 
présentant  en  dessous,  vers  le  pourtour  ombilical,  une  partie  anguleuse, 
imitant  une  carène  obsolète.  Accroissement  très-rapide.  Suture  pro- 
noncée. Dernier  tour  très-grand,  développé  surtout  vers  Touverture, 
convexe-arrondi  et  offrant  en  dessus,  vers  l'insertion  du  bord  externe, 
une  direction  rectiligne.  Ouverture  oblique,  très-grande,  dilatée, 
échancrée,  semi-arrondie,  bien  convexe  à  sa  partie  supérieure,  angu- 
leuse jëL  sa  partie  inférieure.  Péristome  droit,  aigu,  épaissi  intérieu- 
rement par  un  bourrelet  assez  enfoncé.  Bords  marginaux  écartés, 
réunis  par  une  callosité  délicate. 

Diamètre 7  1/2  millimètres. 

Hauteur 3  1/2  — 

Ce  planorbe  a  été  récolté  avec  Tespèce  précédente  dans  les  cou- 
ches de  terre  blanche  savonneuse  près  de  Ghoùrd-Ma'ammer,  sur  la 
route  d'El-Ouâd  à  Ghadâmès. 

Le  Planorbis  Duveyrieri  diffère  de  V Aucapitainianm  par  son  test 
plus  petit,  plus  délicatement  strié,  plus  fortement  ombiliqué  en  dessus 


26  MOLLUSQUES. 

et  en  dessous;  par  ses  tours  plus  convexes,  plus  arrondis  en  dessus  et 
plus  anguleux  en  dessous  vers  la  concavité  ombilicale  ;  par  son  der- 
nier tour  rectiligne  vers  l'insertion  du  bord  externe,  et  non  descen- 
dant comme  celui  de  VAucapitainianus;  par,  son  ouverture  plus  obli- 
que, anguleuse  à  sa  partie  inférieure,  plus  haute  que  large  ;  par  son 
péristome  intérieurement  bordé;  enfin  par  son  bord  externe  non 
arqué  et  ne  se  projetant  pas  en  avant  à  sa  partie  supérieure  comme 
celui  de  VAucapitainianxis. 


Planorbis  varesiarcs. 

Testa  utrinque  umbilicata  (umbilicus  inferus  profundior,  pervior), 
fragili,  translucida,  argute  striatula;  —  anfractibus  5  convexo-rotun- 
datis,  utrinque  prope  umbilicum  subangulatis,  celeriter  crescentibus, 
sutura  impressa  separatis;  ultimo  paululum  majore,  rotundato,  ad 
aperturam  supra  non  subangulato,  ac  antice  lente  descendente;  — 
apertura  obliqua,  leviter  lunata,  oblonga;  peristomate  recto,  acuto; 
marginibus  callo  junctis. 

Coquille  fragile,  transparente,  finement  striée,  pourvue  en  dessus 
et  en  dessous  d'une  dépression  ombilicale  très-prononcéei  L'ombilic 
inférieur  est  plus  profond  et  plus  en  forme  d'entonnoir.Cinq  tours  con- 
vexes arrondis,  présentant  en  dessus  et  en  dessous  vers  le  pourtour  de 
l'ombilic  une  partie  anguleuse.  Croissance  rapide.  Suture  bien  mar- 
quée. Dernier  tour  un  peu  plus  grand,  bien  arrondi,  surtout  en  des- 
sus (la  partie  anguleuse  disparaît  vers  l'ouverture) ,  et,  offrant  une 
direction  descendante  lente ,  et  si  prononcée  que  l' avant-dernier  tour 
paraît  plus  proéminent  que  le  dernier.  Ouverture  oblique,  faiblement 
échancrée,  oblongue.  Péristome  droit,  aigu.  Bords  marginaux  réunis 
par  une  callosité  délicate. 

Diamètre 11  millimètres. 

Hauteur ù  — 

Cette  espèce  a  été  recueillie  à  l'état  fossile  dans  une  couche 
sablonneuse  près  du  puits  de  Bîr-Ez-Zouâit  entre  ENOuàd  et  Ber- 
reçof. 


ESPÈCES  FOSSILES.  27 


Phtsa  contorta. 

Physa  contorta,  Michaud ,  Desc.  coq.  viv.  in  Act.  soc  Linn. 
Bordeaux,  in,  p.  268.  1829. 

Fossile  dans  les  sables  d'un  bas- fond,  près  du  puits  de  Btr-E2- 
Zouâit,  entre  El-Ouàd  et  Berreçof. 


Physa  Brocciiii. 

Isidora  Brocchii,  Ehrenherçy  Symb.  phys.  moU.  1831. 

Physa  Brocchii,  Bowguignat,  in  Amén.  malac.,  1. 1,  p.  169. 1856, 

Et  Paléont.  Alg.,  p.  84,  pi.  v,  f.  20. 1862. 

Dans  les  mêmes  sables  que  l'espèce  précédente. 

Physa  truncata. 

Physa  truncata,  Ferusêac,  mss. 

Physa  truncata,  Bourguignat,  in  Amén.  malac,  1. 1,  p.  170,  pi.  xxi,  f.  5-7. 1856. 

Et  Paléont.  Alg.,  p.  85,  pi.  v,  fig.  19. 1862. 

Dans  les  sables  de  Bîr-Ez-Zouâit,  avec  les  précédentes. 

Toutes  ces  espèces  fossiles,  que  nous  venons  de  signaler,  des  sa- 
bles de  Bîr-Ez-2ouâit,  ou  des  terres  savonneuses  de  Ghoûrd-Ma'ammer 
près  de  Ghadâmès,  sont  des  espèces  de  l'époque  contemporaine.  Les 
couches  où  ces  mollusques  ont  été  recueillis  sont  également  de  for- 
mation moderne. 

Ces  fossiles  sont  une  preuve  nouvelle  que  la  région  de  T'Erg  du 
Sahara,  qui  était ,  il  y  a  quelques  mille  ans ,  une  vaste  et  profonde 
mer,  s'est,  depuis  l'apparition  de  l'homme,  élevée  lentement,  gra- 
duellement, puisque  les  fossiles  de  ses  dépôts  sont  tous  des  espèces 
de  l'époque  contemporaine. 


PL.XXVII. 


Mollusques,  Page  29. 


Ti^JB  à  104. 


10 


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15 


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18 


16 


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20 


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25 


24 


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Imp.  £tcftMt.Art» . 


PL.  XXVI. 


Mollusques.  Page  29. Hg.  55  à  78. 


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22 


23 


24 


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EXPLICATION  DES  PLANCHES 


PLANCHE   XXVI. 

1.  Hbux  agrioig\.  Coq.  grossie  vue  en  dessus.  —  2.  La  môme,  de  grand,  nat., 
vue  de  face.  —  3.  La  même  grossie,  vue  de  face.  —  4.  La  même,  de  grand, 
nat.,  vue  en  dessous.  —  5.  La  même  grossie ,  vue  en  dessous. 

6.  Heijx  Du\ byriertana.  Coq.  grossie  vue  en  dessus.  —  7.  La  même,  de  grand, 
nat,  vue  de  face.  —  8.  La  môme  grossie,  vue  de  face.  —  9.  La  môme,  de 
grand,  nat,  vue  en  dessous.  —  10.  La  même  grossie,  vue  en  dessous. 

11.  Heux  Reboldiana.  Coq.  de  grand,  nat.,  vue  de  face.  —  12.  La  môme,  vue  en 
dessus.  —  13.  La  même,  vue  en  dessous.  —  li.  Variété  «  subcostulatat  » 
coq.  vue  de  face.  — 15.  Variété  «  subcarinata,  »  coq.  vue  de  face.  —  16.  Va- 
riété M  zonata,  »  coq.  vue  de  face.  —  17.  Môme  variété ,  vue  en  dessous. 

18.  Ueux  WARNiEBiA'<tA.  Coq.  de  grand,  nat.,  vue  de  face.  —  19.  La  même,  vue  en 
dessous.  —  20.  La  même,  vue  en  dessus. 

21.  Helu  Terveri  (type).  Coq.  de  grand,  nat,  vue  de  face.  —  22.  La  même,  vue 
en  dessous.  —  23.  La  même,  vue  en  dessus.  —  2i.  Variété,  vue  en  dessus. 


PLANCHE  XXVIL 

1.  Heux  ericetordm.  Coq.  de  grand,  nat.,  vue  de  face.  — 2.  La  même,  vue  en 
dessous.  —  3.  La  môme,  vue  en  dessus.  —  4.  Variété  a  subcarinata,  »  de 
Methllli ,  vue  de  face. 

5.  Ferdssacia  charopia.  Coq.  grossie  vue  do  face.  —6.  La  même ,  au  trait,  vue  de 
face,  de  grand,  nat  —  7.  Dernier  tour  grossi,  vu  de  profil. 

8.  Pdpa  graiidm.  Ouverture  très- grossie  vue  de  face.  —  9.  Coq.  au  trait,  vue  de 
face,  de  grand,  nat  —  10.  Dernier  tour  grossi ,  vu  de  profil.— 11.  Coq.  gros- 
sie ,  vue  de  face. 

12.  Htdrobia  Brondbli.  Coq.  grossie  vue  de  face.  —  13.  La  même,  au  trait,  vue 
de  face,  de  grand,  nat.  —  14.  Dernier  tour  grossi,  vu  de  profil. 


30  EXPLICATION   DES   PLANCHES. 

15.  HTsmouA  PE&ADMmi.  Coq.  aa  trmit,  foe  de  fKe,  de  grand,  nat.— 16.  La  même 
grossie,  roe  de  face.  —  17.  La  même,  au  trait,  de  grand,  nat.,  Toe  de  profil. 

18.  Htmobu  Dcveranai.  Coq.  an  trait,  de  grand,  nat.,  vue  de  face.  — 19.  Dernier 
tour  grossi,  to  de  profil.  —  20.  Coq.  grossie,  vue  de  Cue. 

il.  Htmobu  aeenakia.  Coq.  grossie,  Tue  de  face.  —  22.  La  même,  de  grand.  oïL, 
Tue  de  face. 

23.  BrraniiA  Dopotbtiaiu.  Coq.  grossie,  vue  de  face.  —  24.  La  même,  de  grand, 
nau,  vue  de  face. 

25.  Btthuiia  PTCNOcueiLA.  Coq.  de  grand,  nat.,  vae  de  face.  —  26.  Coq.  groeiie, 
vue  de  face. 


PLANCHE    XXVin. 

t.  Planobbis  ALCAPiTAi^nANDS.  Coq.  grossie,  vue  en  dessus.  —  2.  La  même,  de 
grand,  nat.,  vue  en  dessus.  —  3.  La  même,  vue  de  face.  —  4.  La  même,  fœ 
en  dessous.  —  5.  La  même  grossie,  vue  en  dessous. 

6.  Pla!ioibis  DuvETRiEti.  Coq.  grossie ,  vue  en  dessus.  —  7.  La  même,  de  grand, 
nat.,  vue  en  dessus.  —  8.  La  même,  vue  de  face.  —  9.  La  même,  vue  en  des- 
sous. —  10.  La  même,  grossie,  vue  en  dessous. 

11.  PLANoaus  Mabesiarus.  Coq.  grossie,  vue  en  dessus.  — 12.  La  même,  de  grand, 
nat,  vue  en  dessus.  — 13.  La  même,  vue  de  face.  — 14.  La  même  grossie, 
vue  en  dessous.  —  15.  La  même ,  de  grand,  nat.,  vue  en  dessous. 

16.  Melahia  TCBEikCULATA.  Variété  maxima  (d*après  un  échantillon  de  Toasis  de 
Merbayyer).  Coq.  de  grand,  nat,  vue  de  face.  —  17.  (d'après  un  autre  échan- 
tillon du  Djérid).  Coq.  de  grand,  nat.,  vue  de  face. 

18.  Melanopsis  BIaresi.  Coq.  de  grand,  nat.,  vue  de  face.  — 19.  Dernier  tour  vu  es 
dessous.  —  20.  Dernier  tour  grossi,  vu  de  face.  —  21.  Coq.  de  grand,  nat, 
vue  par  le  dos. 


PI,.XXVI1I. 


MoUuscjUcs  ,Page  30. 


Fi^  105  à  125. 
5 


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21 


Àrncul  dtl  U  luh. 


Intp  Btc^utt .  À  /izru. 


DESCRIPTION 

DES 

PLANTES  NOUVELLES  DÉCOUVERTES  PAR  M.   HENRI  DUVEYRIER 

PAR  M.  E.  COSSON 


-«>«*»«*e»»».ft''»- 


DlPLOTAXIS    DUVEYRIERANA  COSS.   Sp.   nOt\ 

Planta  annua,  Radix  indurata,  fusiformis,  fibras  paucas  emittens. 
Gaulis  erectus,  robustus,  subangulatus,  in  specimine  corapleto  suppe- 
tente  Circiter  5  decim.  iongus  et  subsimplex,  pilis  longis  rigidulis  al- 
bidis  patentibus  praesertim  in  parte  inferiore  hispidus.  Folia  alterna , 
oblonga  vel  obovato-oblonga,  inœqualiter  et  grosse  sinuato-lobulata 
vel  inferne  pinnatiûda,  inferiora  in  petiolum  elongatum  atténua  ta , 
superiora  sœpius  subsessilia ,  praesertim  in  .petiolo  et  in  pagina  infe- 
riore ad  nervos  densius  pilis  rigidulis  longis  hispida.  Flores  magni, 
17-27  millim.  longi,  in  racemum  aphyllum  primum  confertum  dein 
laxiusculum  dispositi,  siliquas  juniores  superantes.  Pedicelli  sub 
ànthesi  15-20  dein  25-35  millim.  longi,  \xietipeiio\ipate7iter  tongeque 
hispidi,  erecto-patuli.  Calyx  dense  patenterque  hispido-villosus,  sepa- 
lis  oblongis  erectis  lateralibus  basi  subsaccatis.  Petala  lUacina  inter- 
dum  alba  venis  saturatioribus  picta,  limbo  obovato  integro,  in  unguem 
calycem  subaequantem  attenuata ,  calycem  duplum  subaequantia. 
Glandulse  hypogynae  k  i  2  trapezoideae  staminum  lateralium  insertio- 


32  PLANTES    NOUVELLES. 

nem  circumvallantes,  2  ovato-lanceolata^  intra  staminum  longioram 
inserlionem.  Slaniina  tetradynama,  filamentis  linearibus,  membra- 
naceo-complanatis,  edentulis,  liberis.  SiLiquœ  in  pedicdlis  ascendeiiUs, 
glabrae,  circiter  65-68  miHim.  longae,  2-3  millim.  latae,  pedicellum 
subduplum  longae,  elongato-lineares,  compressœ,  slipitalae  stipite  cir- 
citer 2  1/2  raillira.  longo,  valvis  membranaceis  tenuibus  unineniis 
subtorulosis  venulis  lateralibus  obsoletis;  septo  membranaceo;  stig- 
mate subsessiii ,  tereti  -  compresse ,  obscure  bilobo.  Semina  plurima, 
minima,  biseriata,  pallide  fuscescentia,  ovato-subglobosa,  compressa, 
immargiuata,  laevia.  Cotyledones  obovato-suborbiculatae,  transverse 
latiores ,  conduplicatœ ,  radiculam  in  plicatura  foventes.  —  Mense 
Februario  florifera  et  jam  fructifera  lecta. 

In  Sahara  per  26°  lat.  sept.,  ad  septentrionem  urbLs  Bhât  in  pla- 
nitie  excelsa  Tasili  ad  alveos  OuâdiTâi^at  et  Ouàdi-Alloùn,  ubi  ab 
indi^enls  A zezzedjn  et  Tànikfâït  nuncupatiir,  a  clarissimo  peregrioa- 
tore  et  indefesso  Saharae  scrutatore  H.  Duveyrier  lecta  cui  lubentis- 
sirao  animo  dicatam  voluimus.  Locis  alteris  undenis  inter  Gliadàmès 
et  Rliàl  visa  (H.  Duveyrier). 


EXPLICATION  DES  FIGURES  DE  LA  PLANCHE  XXIX. 


i.  Partie  supérieure  de  la  plante,  de  grandeur  naturelle. 

2.  Fragment  de  la  grappe  fructifère,  de  grandeur  naturelle;  Tune  des  siliquesett 

figurée  après  la  chute  des  valves. 

3.  Fleur  de  grandeur  naturelle. 

4.  Pétale  vu  de  face,  grossi. 

5.  Fleur  grossie  et  dont  les  sépales  et  les  pétales  ont  été  enlevés  pour  montrer  les 

étamines  et  l'ovaire. 

6.  Embryon  fortement  grossi. 

7.  Le  même ,  les  cotylédons  étaq^  écartés  artiflciellement. 


PI  \ll\ 


tu",.t'/A4,  Paee     '\l 


*i)aHÙ.i  MruitÙ/j.  Fig  126al32 


DIPLOTAXIS  DlVRYRItRANA  iCKk> 


PLANTES   NOUVELLES.  33 


Crotalaria  Sahara  Coss.  sp,  nov. 

Planta  dumosa,  erecta,  indurato-frutescens,  divarîcato-ramosa,  ra- 
mis  elongatîs  teretibus  haud  striatîs  pube  densa  brevi  patente  incanO" 
tomenlosis.  Folia  peliolata,  palmatim  composita,  4-5-rarius  abortu 
3'foliolata,  folîolis  cum  petiolo  articula tis,  oblongis,  obtusis,  petiolo 
multo  longioribus,  utrinque  pube  sericea  canescentîbus  vel  pagina 
superiore  minus  pubescente  virentibus.  SUpuUe  minuUe,  lineares  vel 
subulatae.  Racemi  pluriflori  (sub-lO-flori),  caules  terminantes  vel 
oppositifolii,  laxiusculi.  Braclex  anguste  lineares  pedicello  paulo  Ion- 
giores,  demum  deflexae.  Flores  médiocres,  circiter  1  centim.  longî, 
nutantes,  breviter  pedicellati,  pedicello  tubo  calycis  brevîore,  bibrac- 
teolati,  bracteolis  calyci  adpressis  minimis  linearibus.  Calyx  deme 
sericeo-vUlosus ,  tubo  campanulato,  limbo  bilabiato,  labio  superiore 
bipartito,  inferiore  tripartito,  ladniis  lanceolatis  subaequilongis  vel 
inferiore  paulo  longiore,  tubi  longitudinem  subaBquantibus.  Corolla 
flava,  vexilli  dorso  excepto  glabra,  calyce  subdimidio  longior.  Vexillum 
venis  fuscescentibus  saturatioribus  pictum ,  magnum,  alas  et  carinam 
subaequilongas  subaequans,  late  obovato-subcuneatum ,  ascendens  et 
inde  limbi  basis  quasi  cordata,  in  unguem  latum  intus  incras- 
sato-callosum  callo  villoso  calycis  tiibum  subaequantem  contractum. 
AI©  liberœ,  oblongo-obovatae ,  obtus»,  plurinerviae,  extus  in  parte 
inferiore  inter  nervos  corrugatae ,  in  unguem  abrupte  contractée , 
demum  ascendentes  et  carinam  nudantes.  Carina  e  petalis  in  dimi- 
dia  longitudine  superiore  adnatis  formata,  ovato-insequilatera  dorso 
arcuato  margine  superiore  recto,  acutiuscula,  petalis  abrupte  in 
unguem  contractis  et  supra  unguem  late  emarginatis.  Stamina  10, 
altematim  inaequalia  longiora  antheris  minoribus  suborbiculatis  bre- 
viora  antheris  majoribus  ovato  -  oblongis ,  filamentis  elongatis  fili- 
formibus,  in  longitudine  dimidia  inferiore  complanatis  et  in  tubum 
superne  fissum  coadunatis.  Ooarium  dense  sericeo-villosum,  stipi- 
tatum ,  oblongo-inaequilaterum  ventre  convexo ,  a  lateribus  compres- 
sum,  in  stylum  sensim  attenuatum,  stylo  tereti  arcuato- asc^nden te 
ovarium  subaequante  apice  et  in  latere  superiore  usqve  ad  mediam 
longitudinem  barbato,  sub-G-ovulatum  y  ovulis  ad  basim  suturae  ven- 
tralis  insertis.  Legxmen  nutans,  brevissime  stipîtatum,  dense  serieeth 


34  PLANTES   NOUVELLES. 

tomentosum ,  calyceni  plus  qoam  duphim  superans^  Mongo-obovatum 
lurgidum  dorso  gibbum,  sotara  Yentrali  basi  styli  mucronata  obtosîs- 
sime  carinata,  vatvis  valde  inflato-ventricosb  induraU>-^artilagmeis 
intus  lana  destitutis,  abortu  subdispermum.  Semma  (iuunatora)  sd- 
borbicalato-reniformia,  compressa ,  lama. 

la  Sahara  per  27<*  lat.  sept,  inter  Ouarglâ  et  RhéU  loco  dicto  'Ain' 
el-Hadjâdj  a  cl.  Ism'ayl  Boû-Derba  2^  die  octobris  1858  florifera 
iBventa«  per  50*  haud  procul  a  Ghadâmès  in  planîtie  excelsa  Hamâda- 
Tînghert  13*  die  septembris  1860  a  cl.  H.  DaveyrierflorifCTa  et  fructi- 
fera  lecta* 

Le  C*  Saharx  dans  Tordre  artificiel  ad<q>té  par  De  Gandolle  dans 
le  Prodromus  doit  être  placé  à  côté  da  C.  quinquefolia  (L.  Sp.  1006; 
DC.  Prodr.  11, 135.— C.  heteraphylla  L.  f.  Suppl.  323  et  DC.  ProdrAl 
131  sec.  Benth.)  dont  il  est  très-différent  par  le  calice  velo-soyeax, 
par  les  légumes  tomenteux,  etc.  Dans  la  classification  pins  ration- 
nelle adoptée  par  M.  Bentham  (Benth.  in  Hook.  Lond.joum.  II,  ^72, 
et  in  Walp.  Repert.  V,  &35),  il  doit  être  rapporté  à  la  sons-section  des 
PolyphylUs,  caractérisée  par  les  feuilles  toutes  ou  la  plupart  à  5-7 
folioles  articulées  an  sommet  du  pétiole,  par  la  tige  souvent  frutes- 
cente à  rameaux  divergents,  par  les  stipules  très-petites  ou  indis- 
tinctes, par  les  fleurs  en  grappes  lâchement  pluri-multiflores,  par  le 
calice  ord.  profondément  fendu  à  divisions  lancéolées. 


EXPLICATION  DES  FIGURES  DE  LA  PLANCHE  XXX. 


1.  Rameau  de  la  plante  de  grandear  natarclle. 
S.  Fleur  grossie,  vue  de  profil. 

3.  Étendard  étalé  artificiellement.  Ta  de  face,  grossi. 

4.  Aile  Toe  par  la  face  extérieure,  grossie. 

5.  Carène  grossie. 

6.  Étamines  groMîes  ;  le  tube  résultant  de  la  soadure  de  la  partie  inférieure  des 

filets  a  été  fendu  en  dessus  et  étalé  artificiellement. 

7.  Ovaire  grossi. 

8.  Le  même,  coupé  longitodinalement ,  vu  à  un  phi^  fort  grossiA^mcnt. 

9.  Graine  iroparftûtement  mûre ,  grossie. 


VI  x\\ 


l'noc  V. 


:'h^.'/r:>  }iai,x((ù^  Ti- 13:^.1 141 


CROTALAKIA    SAIIAR  \.    (,■> 


PLANTES   NOUVELLES.  35 


Hyoscyamus  Falezlez  Coss.  sp,  nov. 

Planta  indurato-perennans,  plus  minus  pubescenti-viscidula,  pal- 
lide  et  sordide  virens.  Radix  fusiformis  elongata,  indura to-sublignosa. 
Caulis  herbaceus  crassus  demum  indura  tus,  fistulosus,  albidus,  teres, 
erectus,  in  speciminibus  junioribus  vix  florigeris  s»pe  1  decim.  non  su- 
perans,  demum  saepius  1  metr.  et  ultra  longus,  subsimplex  vel  superne 
ramosus.  Folia  crassiuscula ;  infima  rosulata,  6-20  centim.  longa, 
13-35  millim.  lata,  oblonga  vel  ovato-acuminata,  in  petiolum  longius- 
culum  marginatum  attenuata  vel  contracta,  intégra,  sinuato-repanda 
vel  utrinque  grosse  angulato-dentata  dentibus  2-3,  petiolo  cum  nervo 
medio  et  primariis  albidis;  caulina  média  ovato-  vel  oblongo-lanceo- 
lata,  brevius  petiolata  ;  bractecUia  multo  minora,  sessilia,  oblongo-lan- 
ceolata  vel  oblongo-linearia,  intégra,  basi  apiceque  attenuata,  pleraque 
calycibus  fructiferis  breviora.  Flores  extra-axillares,  singuli  folio  brao- 
teali  lateraliter  sufTulti,  sub  anthesi  in  racemum  scorpioideum  spici- 
formem  secundum  densum  primumcircinatum  dein  erecto-arcuatum 
dispositi,  inferiores  interdum  longe  superiores  breviter  pedicellati.  Ca- 
lyx  pubescenti-viscidulus,  10-costatus,  campanulatus,  irregulariter  ad 
tertiam  partem  5-iîdus,  dentibm  laie  ovato-triangularibus  acutis  saepe 
mucronatis  inferiore  minore,  sub  anthesi  viridulus,  post  anthesin 
accrescens,  frvbctifer  20-28  millim.  longus  indurato-coriaceus  et  costis 
venisque  prominentibus  reticulato-venosus,  marcescenti-persistens 
demum  albidus  tubo  vix  inflato  campanulatus  limbo  ampliato  erec- 
tiusculo  hiante.  Corolla  sub  anthesi  calyce  non  latior  et  vix  longior, 
infimdibuliformi-subcampanulata  a  basi  ad  apicem  sensim  ampliata, 
ad  quartam  partem  superiorem  inaequaliter  5-loba,  inter  lobos  2  infe- 
riores minores  profunde  fissa ,  lobis  late  ovato-triangularibus  obtusis, 
extus  pubescenti-viscidula  et  albido-virens ,  intus  superne  atro-viola- 
ceus  absque  venis  purpureis,  demum  marcescens  albida  intus  apice 
tantum  violacea  ovario  crescente  soluta  et  calycem  longius  superans. 
Slamina  declinata,  superiora  subinclusa,  inferiora  exserta,  filamen- 
tis  albis  filiformibus  inferne  complanatis  ibique'  pubescenti-viscidis, 
antheris  violaceis  oblongis  paulo  infra  médium  in  filamento  insertis 
lobis  infra  insertionem  discretis.  Stylus  longe  exsertus,  arcuato-decli- 
natus,  stamina  inferiora  subaBqiians  vel  superans.  Capsula   calyce 


36  PLAiNTES  NOUVELLES. 

abscondita,  ejusque  tubo  brevior,  ovatooblonga  basi  haud  ventricosa, 
chartacea  ,  bîlocularis,  paulo  supra  médium  circumscissa ,  operculo 
mocronato  mcomplete  biloculari.  Semina  Dumerosa ,  subreniformia 
vel  suborbiculata ,  contacta  mutuo  angulata,  luteolo-fuscescentia, 
crebre  reticulato-punctata. 

lo  Sahara  austral!  et  australiore ,  ubi  ab  iadigeols  Goungot ,  Fa- 
texlez  et  Afahlèhlé  nuncupatur,  late  ut  videtur  dispersa  :  per  30^  lat. 
sept,  in  provinda  Tripolitana  ad  orientem  uii>is  Ghadâmès  loco  dkto  ^ 
Guera'orbenr'Aggiou  et  ad  alveum  Ouâdi  Aouâl  (H.  Duveyrier);  per 
27^  ioter  Ouarglâ  et  Rkât  ad  septentrionem  planitiei  excelss  TasUi, 
ad  fontem  Touskirin  (Ism'ayl  Boû-Derba).  Inter  Ghadâmès  et  Rhât 
nec  noo  in  ditione  Fezzân  vulgaris  (sec.  H.  Duveyrier).  Lod  plures 
Id  declivitate  Sahara  australiens  ad  regionem  nigritarum  versa  a 
planta  nomen  Falezlez  aut  In-AfahUhlé  mutuantur,  praesertim  inter 
Rhâl  et  Agadez  et  inter  In-Sâlah  et  Timbouktou  (confer  supra  p.  182). 

Bien  que  notre  plante  soit  surtout  voisine,  par  la  forme  de  son 
calice  et  de  sa  capsule  et  par  la  plupart  de  ses  caractères,  des  H.  mu- 
ticus  L.  et  Daiora  Forsk.,  rapportés  par  Dunal  à  sa  section  Datera  du 
genre  Scopoiia,  je  crois  devoir  la  rattacher  au  genre  Hyosq^amxa.  En 
effet,  notre  espèce  et  celles  qui  composent  la  section  Daiora  de 
Dunal  me  paraissent  être  de  véritables  Hyoscyamus;  elles  en  pré- 
sentent le  calice  et  la  corolle  irréguliers  et  n'en  diffèrent  que  par  la 
forme  de  la  capsule  et  la  hauteur  à  laquelle  a  lieu  sa  déhiscence.  — 
Le  H.  Falezkz  diffère  du  H.  nxuticus  (L.  Mant.  45;  Jaub.  et  Spach 
llluslr.  pi.  Or.V,  t.  415.  —  H.  beUsfolius  Lmk  Etmfcl.  mélh.  III, 
329  excl.  var.  p.  —  H.  Datora  Delile  Èg,  lllustr.  n.  212  non  Forsk. 
—  Scopolia  mutica  Dun.  in  DC.  Prodr.  XIII  pars  i,  552)  par  le  port 
moins  robuste,  par  les  grappes  fructifères  plus  serrées,  par  le  calice 
fructifère  plus  brièvement  pédicellé,  de  moitié  plus  petit,  à  limbe  beau- 
coup moins  ample  à  réticulations  plus  prononcées,  par  la  cofolle 
moins  ample  et  par  la  capsule  plus  petite  et  plus  courte.  Le  H.  mu- 
ticus  n'a  encore  été  observé  que  dans  TÉgypte  inférieure  aux  environs 
du  Caire,  où  il  est  abondant,  et  dans  l'Égyple  supérieure  (Lippi!  in 
herb.  Mus.  Par.,  Delile!,  Olivier  et  Bruguière!,  Wiest!  PL  .€g.  earsicc. 
un.  it.  [1835]  n.  518  sub  nomine  H.  mulicus,  Aucher-Éloyî  PL  exsicc, 
fl837]  n   2!\1\  in  herb.  Mus.  Par.,  Boissinr!,  Kralik!).  Les  échantil- 


PLWXI 


'Y,//v,-.'  f\.'.y  •///•,'.  Paiic  37 


M/ v//if  ftCN.  .à^<r  T^»fif.  i42*  ir 


HVOSCÏAMUS    FALEZLEZ    .  .» 


Iv.'KTCUt  (1^1 


PLANTES  NOUVELLES.  37 

loDS  recueillis,  dans  la  Perse  méridionale  «  à  Géré  entre  Abouchir 
et  Chiraz,  par  M.  Kotschy  {PL  Ptrs.  Austr.  exsicc.  éd.  1845,  n.  38) 
paraissent  appartenir  à  une  espèce  nouvelle  distincte  des  H.  muHcus 
et  Datora,  ainsi  que  Tont  fait  remarquer  MM.  Jaubert  et  Spach  (loc. 
cit.).  A  cette  même  espèce  devraient  être  rapportés  les  échantillons 
reciieillis  par  Aucher-ÉIoy  en  Perse  (Aucher-Éloyl  PL  exsicc.  n.  5040 
in  herb.  Mus.  Par.)  et  en  Cappadoce  (Aucher-Éloyl  PL  exsicc.  n.  2478 
in  herb.  Mus.  Par.).  —  Le  H.  Falezlez  diffère  du  H.  Datora  Forsk. 
(Descr.pL  yEg.-Arab.  p.  45,  loco  natali  forsan  excludendo?;  Jaub  et 
Spach.  loc.  cit.  in  adnot.  —  Scopolia  Datora  Dun.  in  DG.  Prodr.  XIII 
pars  I,  553.  —  Se.  Boveana  Dun.,  loc.  cit.,  discrimine  certo  nullo  dis- 
tinguenda  sec.  Jaub.  et  Spach,  loc.  cit.)  par  les  fleurs  plus  briève- 
ment pédicellées,  par  le  calice  beaucoup  moins  grand  à  limbe  moins 
dilaté,  par  la  corolle  dépassant  à  peine  le  calice  lors  de  la  floraison, 
et  non  pas  longue  de  plus  de  5  centimètres  et  environ  deux  fois  aussi 
longue  que  le  calice.  Tous  les  échantillons  de  Y  H.  Datora  que  j'ai  pu 
.observer  dans  Therbier  du  Muséum  proviennent  de  la  péninsule  du 
Sinaî  (Bové!  PL  exsicc.  n.  78  sub  nom.  H.  mulicus;  Bottai;  Aucher- 
Éloy  !  PL  eocsicc.  [1837]  n.  2472).  —  Consulter  sur  les  propriétés 
vénéneuses  de  VH.  Falezlez  l'article  publié  dans  ce  volume  p.  182  par 
M.  H.  Duveyrier. 


EXPLICATION   DES  FIGUBES  DE  LA  PLANCHE  XXXL 


1.  Plante  jeune,  de  grandeur  natureUe. 

2.  Fleur  vue  de  profil ,  un  peu  grossie. 

3.  Corolle  fendue  par  le  côté  inférieur,  et  étalée  artificiellement  pour  montrer  la 

forme  des  lobes  et  Tinsertion  des  étamines,  un  peu  grossie. 

4.  Calice  fructifère,  de  grandeur  naturelle. 

5.  Le  même,  coupé  longitudinaicment ,  pour  montrer  la  capsule, 
ti.  Graine  fortement  grossie. 


TABLE  DU  SUPPLÉMENT 


MOLLUSQUES. 


!•  —  ESPÈCES   VIVANTES. 


Zonites  candidissimus 3 

Hélix  aperta 4 

—  Warnieriana. 4 

—  agrioica 5 

-—    Reboadiana. 6 

—  Tufolabris 7 

—  lineata 8 

—  laata 8 

—  Pisana. 8 

—  Terveri 9 

—  ericetorum iO 

—  pyramidata '  10 

—  Daveyrieriana iO 

—  acuta il 

Bulimiis  decollatus '.  .  .  12 


Ferussacîa  charopia 12 

Pupa  graouin 13 

Limnœa  truncatula 14 

Hydrobia  Peraadieri 15 

—  Brondeli. 16 

—  arenaria 17 

—  DuTeyrieri 17 

Bythinia  Bimilis 18 

—  Dapotetiana 19 

—  pycDocheila. 19 

—  seminium 30 

Melania  tnberculata 20 

Melanopsis  Ifaroccana 21 

—  pnemona 22 

—  Maresi 22 


2«  —  ESPÈCES   FOSSILES 

Planorbis  Aucapitainianus 24 

—  Duveyrieri 25 

—  maresianns 20 


Physa  contorta 27 

—  Brocchii 27 

—  tnmcata 27 


Kxplication  des  planche;»  \xvi ,  xxvii ,  xxviii 29 


PLANTES  NOUVELLES. 


Diplotaxis  Duveyrierana 31 

Explication  des  flg.  de  la  xxix^  pi.    32 
Crotalaria  Sahara; 33 


Explication  des  fig.  de  la  xxx*  pi.  .    3i 

Hyoscyamus  Faleziez 35 

Explication  des  flg.  de  la  xxxi*  pi.    37 


PARIS.     —    J.     Cr.AYE,     IMPRIUKIK.     RVK     S  A INT-B  KNO IT,   7. 


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EXPLORATION  DU   SAHARA 


I*-  i*  •• 


LES  TOUAREG 


DU    NORD 


Henri  DUVETRIER 

Membre  honora  iro  de  la  Société  de  géographie  de  Paris 

Membre  étranger  de  la  Société  royale  de  géographie  de  Berlin 

Membre  correspondant  honoraire  de  la  Société  royale  de  géographie  de  Londres 

Membre  correspondant  de  la  Société  archéologique  de  Constantine 

Chevalier  de  Tordre  impérial  de  la  Légion  d^toonenr. 


AVEC    31    PLANCHES    ET    UNE   CARTE 


OUA'BAfiJt  Vir  k  VALU  A  L'aUTRI'I   La  GH.iNDB  MEDAILLE  l/OR  DR  LA  SOCIlh-é  DE  uéOGRAPHIE 
IIR  l>ABI<(.  R7«  1R64. 


-^HH$- 


PARIS 

CHALLAMEL   AÎNÉ,    LIBRAIRE-ÉDITEUR 

COMMISSIONNAIRE    POUR    L'aLOÉRIR    ET    L'éTRANORR 
30,    RUE    DES    BOULANOERS 


m^ 


CBEZ  CHALLAMEL  AIXE,  LIBRAIRE-EDITEUR 

COMMISSIONNAIRE    POUR   l' ALGÉRIE,    LES    COLONIES   ET   l'ORIENT 

30,     KVE    DES    BOULAMOBR8,    PARIS 


RECHERCHES  SUR  L'ORIGINE  ET  LES  MIGRATIONS  DES  PRINCIPALES  TRIBUS  DE  UAFRIQUE 
SEPTENTRIONALE,  et  particulièrement  de  TAlgérie,  par  E.  C4iirrTE.  Paris,  1853. 
i  vol.  in-8« *  12  fr. 

VOYAGES  DANS  LE  SUD  DE  L'ALGÉRIE  et  des  États  barbaresques  de  Touest  et  de  Test, 
par  El-*Aîachi  et  Moula-Ahmed,  traduits  par  M.  Adribn  Berbbd6QBR  ,  membre  de 
la  commission.  Paris,  1846. 1  vol.  in-S". 12  fr. 

RECHERCHES  SUR  LA  GÉOGRAPHIE  et  le  commerce  de  TAlgérie  méridionale,  par 
E.  C\RETrE;  acompagnées  d'une  Notice  sur  la  géographie  de  l'Afrique  septen- 
trionale,  et  d'une  Carte,  par  M.  Renol  ,  membre  de  la  commission.  Paris,  1854. 
1  vol.  in-8<»,  avec  trois  cartes .   •     15  fr. 

ÉTUDES  SUR  U  KABYLIE  proprement  dite,  par  E.  Carette.  Paris,  1818.  2  vol.  in-8", 
avec  une  carte  de  la  Kabylie,  grand  aigle. 24  fr. 

RECHERCHES  GÉOGRAPHIQUES  SUR  LE  MAROC,  par  M.  Rexoc,  membre  de  la  com- 
mission scientifique;  suivies  d'itinéraires  et  de  renseignements  suî*  le  pays  de 
Sous  et  autres  parties  méridionales  du  Maroc;  recueillies  par  AoRrer*  Berbrcgger, 
membre  de  la  commission.  Paris,  18i6.  1  vol.  in-8'»,  avec  une  carte  da  Maroc 
sur  papier  de  Chine  grand  aigle 12  fr. 

HISTOIRE  DE  L'AFRIQUE,  de  MoH*AifMED-BEN-ABi-EL-RAif«i-EL-K'AÎROuANf,  traduite  de 
l'arabe  par  MM.  E.  Pellissier  et  Rémcsat.  Paris,  1845. 1  vol.  grand  in-8®.     12  fr. 

ÉTUDES  DES  ROUTES  SUIVIES  PAR  LES  ARABES  dans  la  partie  méridionale  de  TAlgérie 
et  de  la  régence  de  Tunis,  pour  servir  à  l'établissement  du  réseau  géographique 
de  ces  contrées,  par  E.  Carette,  commandant  du  génie,  membre  et  secrétaire  de 
la  commission.  Paris,  1854. 1  vol.  grand  in-8°,  avec  une  belle  carte.  .  .     15  fr. 

MÉMOIRES  HISTORIQUES  ET  GÉOGRAPHIQUES  SUR  L'ALGÉRIE,  par  E.  Pelussieb.  1  vol. 
in-8°.  Paris,  1844 12  fr. 

RECHERCHES  DE  PHYSIQUE  GÉNÉRALE  SUR  LA  MÉDITERRANÉE,  par  M.  G.  Aîné,  membre 
de  la  commission.  Paris,  1845.  Grand  in-i*»  avec  planches.  T.-!**".   ...     30  fr. 

OBSERVATIONS  SUR  LE  MAGNÉTISME  TERRESTRE,  par  U  même.  Paris',  1846.  Gr.  in-4'' 
avec  planches.  T.  II 36  fr. 

GÉOLOGIE  DE  L'ALGÉRIE,  par  K.  REi<ioc,  accompagnée  d'une  Notice  minéralogiquc 
sur  le  massif  d'Alger,  par  M.  Ravergie.  Paris ,  1848.  1  vol.  grand  in-4**,  avec 
4  planches  et  une  carte  géologique 25  fr. 

DESCRIPTION  DE  LA  RÉGENCE  DE  TUNIS,  par  E.  Pelussier,  membre  de  la  commis- 
sion. Paris,  1853. 1  vol.  iQ-8°,  avec  une  carte 12  fr. 

DE  L'HYGIÈNE  EN  ALGÉRIE,  par  J.-A.-N.  Parier,  membre  de  la  commission,  suivi 
d'un  Mémoire  sur  la  poste  en  Algérie,  par  A.  Bebbruggbr,  membre  de  là  com- 
mission. 2  vol.  grand  in-8. 24  fr. 

LES  KABYLES  ET  U  COLONISATION  DE  L'ALGÉRIE.  Études  sur  le  passé  et  Tavenir  des 
Kabj^les,  par  le  baron  Henri  Aucapitaine,  sous -lieutenant  au  36*  de  ligne. 
1  vol.  in-18 2  fr.  50 

MISSION  DE  GHADAMÈS.  Septembre,  octobre,  novembre  et  décembre  1862.  MM.  Mim- 
cnER,chef  d'escadron  d'état  major,  chef  de  la  mission;  de  Pougnac,  capitaine 
d'état  major,  Vatonivb,  ingénieur  des  mines;  Hoffmann,  docteur;  Boc-Debba, 
interprète.  Rapports  officiels  et  documents  à  l'appui,  publiés  avec  l'autorisation 
de  S.  Kx.  le  maréchal  duc  de  Malakoff,  gouverneur  général  de  l'Agérie.  ln-8°, 
planches  et  cartes.  —  Alger,  1863. 

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PAUIP.     —     J.     rt,  \VK,     I  M  PKI  M  KIR,    /,    RUK     SAINT-BENOIT 


AFRjSAH.  D  flir  • 


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