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EXPOSÉ
DE LA CONDUITE
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M. LE DUC D’ORLÉANS,
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DANS LA RÉVOLUTION DE FRANCE;
Rédigé par lui - même , a Londres.
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AVIS DE L’ IMPRIMEUR.
Le préfent écrit ayant été envoyé de Londres
à Paris le 1 1 Juin > & les exemplaires imprimés
devant être exactement conformes au manufcrit
original > on na pas pu fe conformer au Décret
de V AJfemblée nationale du i y Juin > concernant
les noms & les titres .
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EXPOSÉ
DE LA CONDUITE
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M. LE DUC D’ORLÉANS,
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DANS LA RÉVOLUTION DE FRANCE;
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Rédigé par lui - même 3 a Londres .
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J?ai toujours cru, ôc je crois encore, que ma
conduite , dans la révolution préfente , a été
aufli fimple ôc naturelle que mes motifs étoienc
taifonnables & juftes. Il me paroît cependant
que tout le monde en a jugé autrement : je dis
tout le monde, car j’ai été aufli fouvent étonné
de l’exagération des éloges que de celle des
reproches. Chacun a voulu deviner mes fend-
mens 8c mes penfées j &, comme il arrive d’or-
dinaire, au lieu de les chercher en moi, chacun
m’a prêté les liens.
Les démocrates outrés ont penfé, que jë
Aij
r* i
voulais faire de la France une République; les
courtifans ambitieux ont fuppofé que je vouloîs,
par une exceflive popularité, forcer la Cour à
m’accorder une grande influence dans l’admi-
niftration; les méchans m’ont prêté les projets
les plus criminels, & n’ont pas même été arrêtés
par rabfurdité de leur fyftême calomnieux; les
patriotes les plus zélés ont eu aufli leur erreur ,
&■ quoiqu infiniment honorable pour moi, je
ne l’adopterai pas davantage; car je ne cherche
pas ici ce qui feroit le mieux, mais ce qui efl:
le vrai. Les meilleurs patriotes ont donc eu aullî
leur erreur. Ils m’ont vu , ils m’ont préfenté
comme m’immolant uniquement à la chofe
publique : ce que je cédois fans peine, leur a
paru d’immenfes facrifices; ils ont tout calculé
d’après le prince, & rien d’après l’homme. En
obfervant mieux , ils auraient bientôt reconnu
que mon caractère, mes opinions, mes goûts,
étoient tels que mon bonheur perfonnel 6c par-
ticulier fe trouvoit néceflairement lié au bonheur
public, en ce qu’il ne pouvoir venir que de la
même fource, je veux dire de la liberté. C’eft
ainfi que tous ont été chercher fi loin des motifs
que j’avois trouvés fi près de moi.
Ces réflexions me déterminent à me remettre
fous les yeux ce que j’ai fait, dit 6c penfé de
m
relatif a la révolution préfente depuis fon ori-
gine, Je rappellerai même tour ce qui , dans ma
conduite précédente, peut avoir quelque rap-
port aux fentimens que j’ai développés depuis.
Je veux enfin , pour ma propre fatisfaétion ,
tâcher de découvrir fi j’ai donné lieu, ou non, à
tant d’étonnement , a tant de louanges , â tant
de reproches. En me livrant â ce travail, j’ai
la ferme intention de tout dire; & j’avoue que
je n’en fuis pas moins perfuadé que , fi j’avois
par la fuite, le defir ou le befoin de montrer à
d’autres ce qu’en ce moment je fais pour moi
feul, je fuis , dis-je , très-perfuadé que je ne
trouverois rien du tout à y changer. Je fuis
curieux de favoir fi je conferverai cette idée
jllfqu’â la fin.
J’ai lu quelque part, je ne me fouviens plus
où , que chaque homme naît avec un goût
dominant qui , non - feulement , maîtrife tous
les autres , mais qui ne cède ni aux événemens ,
contre lefquels il ne celle de lutter avec cou-
rage , ni même aux pallions qu’il parvient tou-
jours â modifier à fon gré. Ce goût dominant
a de tout tems été chez moi le goût de la liberté.
Je conviens qu’il fut d’abord bien plus l’effet
du fentiment que celui de la réflexion, & que
je chéiilfois la liberté bien avant de la connoîcre..
A iij
f 4 1
Je la cherchois en vain au-tour de moi ; je n’étbïs
pas placé pour la rencontrer fi facilement. Je
crus en apercevoir limage dans ces grands
corps de magiftrature qui, au moins, en avoienr,
en quelque forte, confervé les formes 8c le
langage. Au défaut de la réalité, j’embraffai le
fantôme & je lui confacrai mes premiers vœux*
Trois fois j’en ai été la vi&ime, 8c trois fois
ces traverfes pafiagères ont augmenté le goût
que , par elles , on cherchoit à détruire.
Je dois pourtant faire quelques diftinétions
entre ces trois époques. A la première, je fui-»
vois , fans trop en chercher les raifons , llmpul-»
fion de mon penchant, celle de la voix publique
8c de l’exemple. Il eft bien vrai qu’on me diri-
geoit d’une manière conforme à mon goûtj
mais enfin on me dirigeoit, 8c je ne puis pas
dire que la conduite que je tins alors, fut réeb*
lement ma conduite. Livré à moi feul , eût-elle
été meilleure ou pire? C’efl: ce qu’il ne me con-
vient pas d’examiner.
A la fécondé époque je n’avois d’autre motif
que de ne pas vouloir contredire, par une dé-
marche publique, les fentimens que j’avois
publiquement profeffés.
Mais à la troilième époque, ma conduite fut
entièrement le réfui tat de mes idées 8c l’effet de.
ma volonté.
• 1
T 5]
Mont goût pour fa liberté ms avoir, depuis
long-tems, engagé à me répandre à Paris dans
les différentes claffes de la fociété; & la, mes
opinions avoiént été renverfées ou raffermies
par le choc des opinions contraires. Le même
motif m’avoit porté à voyager chez les Nations
voifines, &, dans ces voyages, j’avois été déjà
plufieurs fois en Angleterre , cette terre natale
de la liberté. Je ne m’y étois pas beaucoup
occupé de rechercher fur quels principes étoic
fondée la Conftitution qui faifoit des Anglois
un Peuple libre; je ne prévoyois pas que ces
connoiffances duffent être jamais à mon ufage :
mais je n’en avois pas moins obfervé les heureux
effets de la liberté pour le bonheur de tous , Sc
mon goût dominant $ etoit fortifié de tout ce
que j'avois acquis d’expérience.
Le moment arriva où avoient été promis les
Etats généraux , & les lettres de convocation
parurent. Dès ce moment je me vis libre , car je
ne doutai pas que la Nation ne voulût le de-
venir.
J ai eu lieu de remarquer depuis, que, dans
tout ce qui concerne la liberté individuelle »
j’avois deviné le vœu de la Nation jufques dans
les détails. En effet, les inftruétions que je crus
devoir joindre aux nombreufes procurations que
Àiv
j’étois alors dans le cas de donner, font, fur ce
point, d’une conformité frappante avec la géné-
ralité des cahiers des Bailliages ; &c Ion peut fe
rappeler qu’elles étoient déjà publiques avant
qu’aucun Bailliage eût été alfemblé. Ce n’eft
pas que je prétende avoir fervi de modèle, cela
prouve feulement que je n’en avois pas befoin :
cela prouve furtout que mon goût dominant,
le goût de la liberté avoit, dès-lors, lié mon
intérêt perfonnel à l’intérêt public.
Si l’on en vouloit une autre preuve, on pour-
roit voir encore que dans ces mêmes inftrnc-
tions , 6c toujours avant qu’aucun Bailliage ait
pu fe faire entendre, j’ai provoqué la fuppref-
fion des droits qui pouvoient m’être les plu$
agréables, >en déclarant que je me joindrois à la
demande qu’en feroient les Bailliages : on penfe
bien que je ne me fais pas un mérite d’un aban-
don fi juftej mais on peut, au moins, en con-
clure que quelle que fût la vivacité de mes goûts,
j’aimois encore mieux la liberté ; que je fentois
déjà quelle ne pouvoit pas profpérer au milieu
des privilèges, 6c que rien ne me coûtoit de
tout ce qui pouvoit me la faire acquérir.
En donnant ces inftrucfions, que je faifois
rédiger à mefure, par l’un de mes Secrétaires
des Commandemens } en y joignant un ouvrage
[ 7 ]
du plus fort de nos publicités, je n’avois eu
que deux motifs : l’un d’avoir, dans les différera
Bailliages où j’étois repréfenté , un vœu uni-
forme &: qui fut le mien j l’autre de donner à mes
Repréfentans un guide sûr qui pût les diriger
dans les cas que je n’avois pas prévus. Cepen-
dant la publicité qu’acquirent ces inftruéfcions ,
en a fait une mémorable époque dans ma vie.
C’eft de ce moment que l’affeétion des uns &:
la haine des autres s’eft manifeftée, a mon égard ,
avec plus d’énergie : mais je puis bien affirmer,
avec vérité, que j’ai été très-reconnoilïànt pour
les uns, ôc très-peu afteété par les autres.
C’eft peut-être ici le lieu de dire un mot fur
une forte de reproche que je n’ignore pas qu’on
me fait depuis long-tems, de mon infouciance
relativement à l’opinion publique. Il me femble
qu’on n’a deviné, à ce fujet, que la moitié de
ma penfée \ la voici toute entière.
Dans toute démarche un peu importante, je ne
me fuis jamais décidé qu’après avoit été pleine-
ment perfuadé que j’avois droit Sc raifon; & fi
quelquefois j’ai été dans l’erreur, cette erreur,
d’après ma perfuafion, n’en étoit pas moins une
vérité pour moi. Or , quand l’opinion du public
s’eft trouvée contraire à la mienne, j’ai penfé,
avec quelque raifon, qu’il s’étoit moins ooeupé
4
I s ]
que moi de la queftion, & qu’il m’avoit jugé
fans m’entendre ; j’en ai donc été peu afïeété :
mais quand, au contraire, le public a approuvé
ma conduite, plus affermi par-là dans mon opi-
nion , je n’en ai été que plus fenhble à fon
fuffrage. Je ne fais comment font ceux qui fe
conduifent autrement ; mais je perflfte à penfer
que dans tout autre fyftême, il faut fe réfoudre
à faire dépendre fa raifon 8c fa juftice , de toutes
les erreurs, de tous les préjugés, & aufli de tous
les intrigans qui favent fi bien les faire naître
ou en diriger le cours.
C’eft pour me rendre compte de tout que je
fuis entré dans, ces légers détails. Je reprends
fhiftorique de ma conduite.
A peine eus-je entrevu qu*enfîh la France
auroit des Citoyens, que je voulus me mettre à
même d’en remplir les devoirs ; non-feulement
je. délirai d’être Député , mais quoique déjà
nommé par deux Bailliages, je ne m’en livrai
pas avec moins de zèle 8c d’exaélitude aux
foiiétions d’Eleéteur que m’avoit confiées
l’une des Serions de la Ville de Paris. J’eiv
obtins l’honorable récompenfe d’être nommé
Député par mes Concitoyens; &c quoique je
n’aie pas pu accepter cette place, jofe croire
cependant avoir juftifié leur confiance, par la
! 9 1
conformité de mes principes avec ceux de la
grande pluralité des Députés de la ville de
Paris.
N
Pendant que tout ceci fe paffoit, les Etats
généraux étoient déjà ouverts; 8c chaque jour
les débats entre les différens Ordres qui exif-
toient alors, acquéroient plus de chaleur 8c de
vivacité. La fameufe queftion de la vérification
des pouvoirs en commun étoit élevée, 8c l’una-
nimité pour le refus étoit prefqu’égale dans la
chambre de la Noblefle , à celle qui avoit décidé
la demande dans la falle du Tiers - Etat. La
minorité de la Chambre, fi forte en raifon, mais
fi foible en nombre, était rarement écoutée 8c
jamais entendue : tous fes efforts ne parvenoient
pas à ébranler la moindre des prétentions; 8c
Fon fe rappelle encçre combien on trouvoit
fcandaleux que des Gentilshommes François
ofaflTent penfer qu’il étoit pofiible que le Tiers-
Etat eût raifon, contre les deux premiers Ordres.
J etois un de ces Gentilshommes, 8c quelques
perfonnes prétendoient que cela ajoutoit beau-
coup au fcandale.
Je n’écris pas FHiftoire de la Révolution, mais
feulement celle de la conduite que j’y ai tenue :
je paffe donc au moment où quelques Membres
de la» Nobleffe délibérèrent s’il netoit pas de leur
devoir d’abandonner la Se&ion des Etats géné-
raux dont ils faifoienc partie, pour fe réunir à la
pluralité effedive des Députés, que, dans la
chambre de la Nohlede, on appeloir encore le
Tiers - Etat 8c quelques Difîidens du Clergé r
mais qui s’étoit conftituée 8c qui étoit devenue ,
réellement 8c de fait , l’Affemblée Nationale.
Cette délibération importante étoit purement
individuelle, 8c paroifîoit alors dépendre prin-
cipalement de la teneur des cahiers de chaque
Bailliage, puifque la queftion des mandats im-
pératifs n étoit pas encore réfolue, n’avoit pas
même encore été difcutée.
Quoique le cahier de mon Bailliage ne contînt
aucun article réellement impératif, l’opinion par
ordre y étoit fuffifamment énoncée comme le vœu
de la Nobleffe; mais ce même cahier énonçoit
plus pofitivement encore le vœu de la régénération
du Royaume, 8c je voyois clairement que, fans
réunion, il n’y auroit pas de régénération. Je
jugeai qu’en toute affaire les moyens dévoient
être fubordonnés à la fin , 8c je me déterminai à
me joindre au petit nombre des Membres de la
NoblefTe qui fe réuniffoit à l’Affemblée Na-
tionale. J’en rendis compte aufïitot à mes Com-
mettans , 8c j’eus la fatisfaction d'en recevoir
l’approbation la plus entière. On ne manqua pas.
t 11 ]
a cette époque, de répandre dans le public que
mon feul mocifétoic l'ambition., & mon feul defir
celui d’être le Chef de l’Affemblée Nationale.
En effet, très - peu de tems après, l’Aflèmblée
me lit l’honneur de me choifir pour fon Préfi-
dent , & je refufai la préfidence, non pas, à la
vérité, à raifon des propos qu’on avoir tenus,
mais , tout Amplement , parce que je croyois
alors, comme je le crois encore aujourd’hui,
que je ferois un très - mauvais Prélident de
l’AlTemblée Nationale (i).
( i ) Ce n’eft point par les mêmes raifons que, quelque
tems auparavant , j’avois aufîi refufé de préfider le Bureau
qui m’étoit deftiné à la fécondé AfTemblée des Notables.
Comme cette démarche de ma part a paru extraordinaire
à beaucoup de gens , je vais en expofer ici les motifs.
Les fondions de Prélident de Bureau, fondions que
j’avois eu occafion de connoître à la première AfTemblée,
confiftoient principalement à recueillir les opinions, & à
certifier enfuite, par fa fignatùre , que tel avis étoit celui
de la pluralité de fon Bureau. Mais les queftions ne s’y
pofoient pas par oui ou par non , & les opinans n’étoient
point tenus de fc réduire à deux opinions. Ou regardoi
comme majorité l’opinion feulement la plus nombreufe.
Je jugeai que, furtout dans des questions aufiî impor-
tantes que celles qu’on avoir à difeuter dans cette Aflem-
blée , je ne pouvois ni ne devois me charger de certifier
que tel ou tel avis étoit celui do la majorité, quand il croie
Cette démarche de quelques Députés de h
Nobleffe , rendoit plus prenante pour les autres
la nécelfité de prendre un parti ; bientôt après ils
fe décidèrent à la réunion defirée , Ôc T Affemblée
Nationale fut complette: l’alégrefie publique qui
éclata à cette occafion , fit affez connoître que tel
étoit le véritable vœu de la Nation.
Les principes de la grande pluralité de l’Af-
femblée furent bientôt connus , & la deftruétion
totale & prochaine des abus de tous les genres ,
put être facilement aperçue par les moins clair-
yoyans. Aulfi vit-on redoubler les efforts de tous
ceux qui avoient quelque intérêt au maintien de
ces abus. Les prétentions les plus oppofées cé-
dèrent même à ce danger commun : les riva-
lités de corps 8c de perfonnes parurent égale-
ment oubliées; & fi la fagefie de l’intrigue en
eût égalé l’aétivité, il eft difficile de calculer quel
degré de force elle eût pu acquérir.
Ce n étoit pas que, dès - lors, il ne me parût
bien démontré qu'il étoit impoffible d’empêcher
la révolution ; car ce netoit pas l’ouvrage de
quelques Chefs qu’il auroit fuffi de gagner ou
évidemment pour moi celui de la minorité. Je n’ai jamais
pu ni renoncer à ce calcul ni le faire adopter, & je me
fuis abftenu de jréfider.
E 13 I
de vaincre; ce n’étoit même pas celui de PAG
femblée Nationale qui en a plutôt été l’organe
que le moteur ; c’étoit l’effet de la volonté géné^
raie 8c uniforme de la Nation , ou au moins des
dix-neuf vingtièmes de la Nation : 8c que pou-
voit-on oppofer à une telle puiffance? Mais tout
le monde ne voyoit pas ainfî , 8c de fauflès com-
binaifons pouvoient être foutenues par des efforts
vigoureux, 8c entraîner des maux incalculables*
J’ignore jufquou fut portée l’illufion à cet
egard ; mais différens Corps de Troupes furent
raffemblés, ils entouroientl’Aflemblée Nationale,
8c fembloient menacer Paris. La France entière
étoit alarmée ; la Capitale , dont le danger pa-
roiffbit plus preffant, obfervoit avec inquiétude
la contenance des Troupes dont elle étoit in-
vertie, ou qu’elle renfermoit dans fon fein. Les
Gardes Françoifes furent les premiers qui raffu-
rèrent leurs Concitoyens ; ils furent les premiers
qui profefsèrent hautement les fentimens qui,
depuis, font devenus la baie du ferment qu’on
exige des Troupes.
Il étoit naturel que la conduite civique de ce
Régiment déplût à tous ceux dont elle contra-
rioit les projets, 8c ils publièrent avec afe da-
tion , qu il avolt été acheté . Plufieurs perfonnes
crûrent aiifh , ou plutôt cherchèrent à faire croire.
[ «4 ]
que j’avois fait , eh grande partie, les frais de cù
marché. Répondre à un tel reproche, feroit faire
à ce Corps une injure gratuite; car on ne peut
acheter que ceux qui font à vendre; mais je dirai
librement mon opinion. Ç’eût été , fi les Gardes
Françôifes fe fu fient conduits autrement, que
j’aurois été tenté de croire que, fans doute, on
leur avoit payé chèrement de femblables fervices.
Ce n’eft pas que je ne cônnoifle , comme un
antre, lanécefiité de l’obéifiance militaire; mais
il faut aufii difiinguer la règle de l’abus : car les
exemples ne manquent pas des refiources qu’a
trouvées le defpotifme miniftériel , dans la faufie
application des principes les plus vrais.
Plufieurs Régimens ne tardèrent pas d mani-
tefier des fentimens conformes a ceux des Gardes
Françôifes ; mais on comptoir davantage fur
quelques autres, rien ne fut changé dans les
difpofirons.
L’alarme, qui, depuis quelques tems , aug-
mentoit tous les jours , fut au comble dans Paris,
quand on y apprit le renvoi d’un Mini-ftre que fes
amis 8c fes ennemis ont également concouru d
identifier avec la Révolution. Le bruit fe répan-
dit aufiirôt que l’AfiTemblée Nationale alloit être
difioute, «5c que plufieurs de fes Membres dé-
voient être arrêtés : on les défignoit , on en don-
noic
t *5 3
hoir des liftés , de mon nom fe trouvoit fur toutes f
j’ai toujours penfé que ce fut cette particularité
qui fut caufe qu’on joignit mon effigie à celle dé
M. Necker , dans l’efpècé de triomphe que Le
peuple Lui décerna.
On £e rappelle allez la fcène défaftreüfe qui fe
paftà le même jour à la place de Louis XV : ce
fut l’étincelle qui caufa l’eXplofion.
Au milieu de ces événemens , quelle fut ma
conduite? Je ne flattai point le peuple, & ne
craignis point la cour. Je me dérobai à des eni*
prefïemens qui me paroifloient plus propres d
augmenter le trouble qu’a remédier au mal ; je
me retirai, pour la foirée , à ma maifôn de Mon-
ceau, où je paffiii la nuit; de le lendemain, je
me rendis , comme de coutume , à l’Aflemblée
Nationale.
Je n’ai befoin de retracer ni la conduite fl
fage de i’Alîemblée, ni k conduite fl énergique
des Habitons de Paris ; l’une de l’autre feront
confacrées dans l’Hiftoire, de y feront l’admira-
tion des races futures. Je pafle au moment plus
heureux , où le Roi , mieux informé de rendu à
fa propre volonté , vint fe réunir à l’Aftemblée
Nationale; de j’obferve que je demandai de ne
pas être de la dépuration qui fut chargée d’aller
annoncer à la Capitale, cette grande de mémo-
B
E I* 1
rable nouvelle. Jevitai pareillement de me mon-
trer à Paris le jour où le Roi y fut , 8c encore
quelques jours après. Je ne vois pas quelle con-
duite j’aurois pu tenir qui eût été plus fage 8c
plusoppofée aux vues ambitieufes que mes enne-
mis, ou plutôt les ennemis delà Liberté ont,
depuis , affe&é de me fuppofer.
L’orage étoit pafle , mais l’agitation des flots
dure plus long-tems que la tempête, 8c quelques
perfonnes furent encore les vidâmes d’une im-
pulflon dont la caufe n’exiftoit plus. Cependant
l’Aflemblée Nationale , de concert avec le Roi ,
8c fécondée par la Commune de Paris , parvint ,
bientôt après , à ramener le calme ; 8c on com-
mença , dans la Capitale , à refpirer l’air de la
Liberté , dégagé des vapeurs de la licence.
Cet état de tranquillité dura jufques vers la fin
de Septembre.
A cette époque , les alarmes fe renouvel-
lèrent. On parut craindre une contre-révolution.
On dé'oitoit qu’il s’étoit formé un parti puiflant ,
dont le projet étoit d’emmener le Roi de Ver-
failles , 8c de le conduire dans quelque grande
place de guerre*: il m’a paru qu’on s’accordoitpeu
fur les circonftances qui dévoient fuivre cette
démarche ; mais l’effet n’en étoit pas moins le
même , 8c l’inquiétude devint générale. Une fête
t *7 1
dont on n’avoit pas calculé l’effet, excita de la
fermentation dans le peuple , que déjà l’excetfive
difette du pain mécontentoit depuis long-tems ;
des cocardes (blanches pour Verfailles & noires
pour Paris ) diftribuées avec profufion, & fubfti-
tuées par un grand nombre de perfonnes , à la t
cocarde nationale , donnèrent une confiftance
dangeroufe aux bruits qui s’étoient répandus :
telles furent à mon fens les caufes réunies qui
amenèrent les journées des 5 & 6 Oétobre.
Voici d’abord ce qui m’eft perfonnel dans les
événemens de ces deux jours.
Il n’y avoit pas d’Affemblée le dimanche 4 ;
& j ’étois parti, fuivant mon ufage, lefamedi 3 au
foir, pour me rendre à Paris. J’étois dans l’inten-
tion de retourner le lundi matin à Verfailles j mais
je fus retenu par le travail qu’avoient à faire avec
moi quelques perfonnes de ma maifon. J’appris
fucceilivement, pendant ce jour, l’effervefcence
qui régnoit dans Paris, le départ pour Verfailles
d’une quantité de peuple affez confidérable ,
ayant des armes & même du canon ; & enfin le
départ d’une grande partie de la Garde Nationale
Parifienne. Je ne fus d’ailleurs rien de ce qui fe pa£
foit à Verfailles jufqu’au lendemain mardi matin,
bue M. le Brun, Capitaine d’une Compagnie de
la Garde Nationale, Bataillon de Saint Roehy
Bij
ï 18 )
de Infpe&eur du Palais Royal, me fit éveiller;
de vint me dire qu’un exprès de la Garde Na-
tionale étoit venu donner, à fon corps-de-garde ,
des nouvelles de Verfailles; mais elles ne conte-
noient aucun détail, ni le récit d’aucun événe’,
ment.
Le même jour, vers huit heures du matin, je
me mis en route pour me rendre à l’Affemblée
Nationale. Tout me parut tranquille jufqu’à
l’entrée du pont de Sève ; mais là, je rencontrai
les têtes des malheureufes victimes de la fureur
du peuple. Je dois dire cependant, à la décharge
de ce même peuple , que le cortège qui fuivoit
ce fpeétacle fanglant étoit peu confidérable.
Entre Sève de Verfailles , je recontrai quelques
charrettes chargées de vivres , de efeortées par un
détachement de la Garde Nationale. Quelques-
uns des fufiliers de cette garde pensèrent que ma
voiture ne devoir pas paffer ce convoi; malheu-
reufement mon poftillon , à qui ils s’adrefsèrent ,
étoit Anglais , ôc ne favoit pas un mot de fran-
çois *, il écoutoit fans comprendre, de continuoit
fon chemin; un des fufiliers le mit en joue, à
bout portant, de tira fon coup de fufil , qui, par
bonheur, ne partit point. L’Officier qui com*-
mandoit le détachement, s’aperçut de ce qui fe
pailoit , il accourut , réprimanda févérement le
î J9 î
foldat, me dit que cet homme étoitivre, ordonna
très-honnêtement qu'on me laifsât paffer , & me
donna deux hommes à cheval pour efcorte , afin
que je n’effuyaffe pas de nouvelles difficultés
dans ma route. Ces deux cavaliers m’efcortèrent,
en effet, jufques chez moi , Si refusèrent la légère
récompenfe que je crus devoir leur offrir.
Je fortis fur le champ de chez moi , pour me
rendre à TAffemblée Nationale. Je trouvai une
partie des Députés dans l'avenue j ils m'apprirent
que le Roi defiroit que TAffemblée fe tînt dans
le falon d’Hercules ; je montai au Château , &
j'allai chez Sa Majefté : j’appris enfuite que
TAffemblée fe tiendrait dans la falle accoutumée ,
& j’y revins à tems pour participer au Decret qui
déclarait TAffemblée Nationale inféparable de
la perfonne du Roi.
Ici finit tout ce que je devrais avoir a dire fur
ces deux journées } mais la fuite des évenemens
me forcera d’y revenir.
Peu de jours après l’arrivée du Roi à Paris,
M. de la Fayette m’écrivit pour me demander
un rendez-vous. Je lui répondis qu’il n'avoic
qu’à me faire dire le lieu & l’heure , & il me le
donna chez Madame de Coigny. Voici ce qui
fe paffa de relatif à moi, dans cette entrevue.
M. de la Fayette me dit que le Roi defiroit que
B iij
je me chargeaffe d’une million à l’Etranger; Si
il ajouta que mon abfence , ôtant tout pré-
texte à fe fervir de mon nom , dont il croyoit
quon pouvoir abufer , il penfoit qu’alors il trou-
veroit plus de facilité pour maintenir la tran-
quillité dans la Capitale, & empêcher des mouve-
mens, qu’en effet fes foins n’avoient encore pu ni
prévenir, ni réprimer. Il me préfenta aufîi, comme
un motif pour accepter, que cette marque de
confiance de la part de Sa Majefté, détruirait
entièrement tous les bruits que la méchanceté
commençait à répandre fur mon compte. Il finit
par ajouter que fon opinion perfonnelle étoit
que je pouvois être en Angleterre, d’une grande
utilité à la Nation.
Le defir du Roi eût été, à lui feul, un objet
important de confédération ; concourir au retour
de la tranquillité publique, me parut le plus
grand bienfait dont je puiTç payer l’affection ü
touchante que m’avoir témoignée le peuple ; il
me parut encore que cette tranquillité étoit le
befoin le plus prenant de la Capitale, dans un
moment où déjà elle poffédoit fon Roi, 8c où
elle alloit, fous peu de jours, pofféder l’Af-
femblée Nationale; je voyois furtout la révo-
lution , plus affermie que jamais , n’avoir à
redouter que les troubles dont on pourrait tenter
[ ^ 3
‘d’embarraffer fa marche ; enfin la million qu’on
me propofoic pouvoit être très-importante pour
la France. J’acceptai donc, fous la feule con-
dition que l’Alfemblée Nationale confentiroit à
ce que je m’abfentafle ; elle confentit, & je partis
aufli-tôt.
Je ne fais quelle intrigue jugea convenable à
fes intérêts d’engager le peuple de Boulogne à
s’oppofer à mon départ ; mais ce que je n’ai pas
pu ignorer,, c’eft que l’agent qui fut envoyé à
cet effet, n’ofa employer d’autres moyens que
ceux que lui fournifïoit l’amour que me portoit
le peuple. Retenu par une foule innombrable,
on eût dit que j’emportois avec moi le falut de
toute la France } la réfiftance ne fe manifeftoit
qu’au milieu des louanges &: des bénédiéfcions ;
il étoit difficile de ne pas être impatienté , mais
il étoit impoflible de ne pas être attendri.
Cet incident retarda , de trois jours , mon
arrivée en Angleterre } mais rien ne retarda l’ac-
tivité de mes ennemis , de ce voyage , entrepris
par de louables motifs, a été à la fois le fignal de
le prétexte des plus ab fard es comme des plus
atroces calomnies. Il ne me convenoit affiirément
pas de m’abailfer jufqu’à répondre à de fi mépri-
fables libelliftes, mais il entre dans le plan ds
B iv
s
f « 3
l’exatpen que je -fais en ce moment, de cherches
fi les forfaits que la haine m’a imputés, je ne
ne dirai pas font vraifemblables , mais s’ils ne
font pas réellement impoflibles.
On a répandu que j’avois été le fauteur du
mouvement de Paris fur Verfailles, du $ Oc*
tobre ; & on a fuppofé que mon motif étoic
l’efpoir que la terreur décideroit le Roi à fuit
de Verfailles } qu’il emmeneroit avec lui M. le
Dauphin j que Monjicur raccompagnerait} fk
que je parviendrois à me faire nommer Régent
ou Lieutenant général du Royaume. Ces ca-
lomnies font frémir! hé bien les libelles où
elles fe trouvent font encore les plus modérés.
D’autres n’ont pas craint de prodiguer les afiaf-
finats, & de me fuppofer l’ambition du Trône.
Tâchons de furmonter un moment l’indignation
que canfent~ces horreurs } un moment fuffira
pour en démontrer l’abfurdité.
Examinons le premier de ces fyftèmes de
calomnie.
Le R.oi s’enfuira : = pour établir un fait fur
cette fuppolition, les libellâtes ont été obligés
de difîimuler une remarque que tout le monde
a pu faire, & qui eft également honorable pour
la Nation ôc pour le Monarque, C’eft qu’au
[ 2-3 ]
milieu des évenemens les plus défaftreux , Jamais
le Roi n’a manqué de confiance dans le peuple ,
ni le peuple dans le Roi, certes il eût été difficile
de penferque celui qui, de fon propre mouve-
ment, avoit été à Paris le 1 6 de Juillet , fe feroic
enfui de Verfailles le 5 O&obre : == mais foit,
fuppofons lui cette volonté. Ne diroit-on pas
que les barrières de Verfailles font les limites
de la France? Les libeilifces fuppofent donc, ou
que le Roi auroit pu fe dérober à tous les yeux ,
dans toute la traverfée du R.oyaume, & cela
dans quel tems? ou que nulle part il n’eût trouvé
les François empreffés à le raffiner, à le retenir,
à le ramener? Ce n’eftpasmoi que cette calomnie
outrage, c’eft, a la fois, le Monarque & la
Nation. Je pourfuis.
Monfieur s’enfuira comme le Roi : = ôc
quelle raifon auroit-il eue de fuir, lui qui ne
s’étoir montré dans la révolution , que pouc
donner fa voix à la double repréfentation du
Tiers ? = Mais par attachement pour Sa Ma*
jefté: = ç’eût été, ce me femble, une étrange
marque d’attachement que d’abandonner le foin
du Royaume , &: par fuire l’intérêt ôc peut-être
le falut du Roi , aux premières mains qui euffent
voulu s’en faifir {
[ *4 ]
Et pourtant , fi le Roi ne fuit pas , fi Monjïeur
ne le fuit point , fi tous deux ne parviennent pas
à le rendre invifibles à. toute la France , le crime
qu’on me fuppofe eft totalement fans objet ; ce
feroit le délire de l’atrocité.
Et dans l’impoffible fuppofition de cet affreux
fuccès , quel devoit en être le prix? Ou la Ré-
gence , ou la Lieutenance générale du Royaume.
Ce reproche qu’on m’a fait, m’a donné lieu de
confidérer quel feroit donc l’avantage de ce pofte
qu’on fuppofe fi defirable. J’ignore encore ce
que décidera l’Affemblée Nationale , fur cet
objet; mais voici les réflexions qu’il m’a infpirées.
L’Affemblée a déclaré, avec autant de fagefie que
de raifon , la perfonne du Roi inviolable Sc non
refponfable : mais je crois connoître allez fes
principes pour être fur qu’elle fentira que s’il y
avoir dans le Royaume deux perfonnes non ref-
ponfables , dès ce moment il y cl roit deux Rois.
Or fi un Régent , fi un Lieutenant général du
Royaume, eft refponfabîe, comme je n’héfite
pas à dire que je penfe que cela doit être , il me
femble que cette place , toute éminente qu’elle
feroit, devra toujours moins exciter l’ambition
que la crainte.
On fe forme par l’ufage , de les libellées ont
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fend rabfurdité de ce premier fyftême, ils ons
eflayé , dans un autre , de le faire difparoître
à force d’atrocités. Voyons s’ils ont mieux réufîi.
Ils fe font aperçus que l’impoflibilité fi évidente
du Roi , de la Pleine , du Dauphin , de Monjïeur,
traverfans le Royaume fans être aperçus , ôtoit
toute bafe à leur calomnie: alors ils ont accumulé
les meurtres , & m’ont frayé la route du Trône à
travers une foule d’afTadinats. Mais comme ils
n’ont pas pu y comprendre M. le Comte d’Artois,
ils n’ont pas héîité à fuppofer que la France
le déclareroit , ainfi que fes enfans , inhabiles
a fuccéder au Trône. Aind calomniant une
fécondé fois la Nation, ils ont penfé que les
François dépouilleroient de fes droits un Prince
devenu leur Roi légitime; & pourquoi? Parce
que l’erreur dont quelques courtifans l’ont en-
touré, a duré plus que celle du refte de la France,
ce s calomniateurs ne s’aperçoivent pas qu’ils me
donnent, néceffairement , l’AfTembiée Nationale
pour complice : car alFurément on ne niera pas
qu’un feul Decret émané d’elle, n’eût fuffi pour
anéantir de fi criminelles prétentions : l’adhélîon
de toutes les parties du Royaume aux Decrets
de l’Affemblée étoit déjà fuffifamment connue.
Et difons plus , cette adhéfion méritée & obtenue
t *6 1
par la raifon & par la juftice , eût ceffé dès î«
moment même où , par impoffible, l’Aflemblée
eût porté ce jugement injufte. Les François , en
changeant leur gouvernement, n’ont changé ni
de fentimens ni de caractère, & j’aime à croire
que le Prince, dont il eft ici queftion, en fera
lui-même l’heureufe épreuve. J’aime à croire que
fe rapprochant d’un Roi qu’il chérit & dont il
eft fi tendrement aimé , fe rapprochant d’un
peuple à l'affection duquel tant de qualités
aimables lui donnent de fi juftes droits, ce Prince
reviendra jouir de la partie la plus précieufe de
fon héritage } l’amour que la Nation la plus fen-
fible & la plus aimante a voué aux defeendans
de Henri IV.
Je n’avois pas befoin de ces réflexions pour ne
lailfer approcher de moi ni l’idée ni le foupçon
de ces crimes odieux , mais je les ai employées,
pour confondre mes calomniateurs.
Tandis que, par ces baffes manœuvres, on
cherchoit , en France , à profiter de mon abfence
pour me faire perdre l’affeétion des bons citoyens,
je m’occupois à Londres des moyens de me
rendre utile à ma patrie , en préparant le fuccès
de la négociation que le Roi m’avoit fait l’hon-
laeur de me confier. Différais événement, &
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particulièrement ceux qui ont , depuis quelque
tenis, entièrement changé la face des affaires
politiques de l’Europe , ont oppofe jufqu’ici des
obftacles renouvelles aux efforts de mon zèle. Je
faurai bientôt , j’efpère, li ces obftacles font en
effet invincibles , <$ c alors je m’emprefferai de me
réunir à l’Augufte Afïemblée, dont j’ai l’honneur
d’être Membre , & de concourir avec elle à
l’achevement d’une conftitution fi defirable 8c fi
xlefirée.
Que fi Ton demande encore quel efl l’intérêt
perfonnel qui me guide? Je répondrai que c’en
eft un le plus cher à mon cœur, 8c dont je ne
me départirai jamais; celui de vivre libre 8c
heureux, au milieu de la France heureufe 8c
libre : enfin celui de voir la Nation Françoife
jouir du degré de puiffanCe, de gloire 8c de
bonheur, que, depuis fi longtems , la nature lui
deftinoit en vain.
P . S. En confignant dans cet écrit mes
aétions , mes fentimens , 8c mes penfées , je
n’avois d’autre projet que de çiépofer dans mes
archives, pour mes enfans 8c pour mes amis,
un expofé de ma conduite qui n’eût été défi-
guré ni par leloge , ni par la fatyre. En le reli-
[ 28 ]
✓
fant, j’ai jugé convenable de le rendre public :
non pour répondre à de méprifables libelles ;
mais pour que les amis de la vérité & les bons
citoyens n’ayent pas à me reprocher d’avoir con*
couru , par mon filence , à. l’erreur dans laquelle
on a voulu , évidemment , les entraîner fur mon
compte.
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De l’Imp. de la Veuve D’HOURY & DEBURE, Imp-Lib.
de Mgr. le Duc d’Oju,£ANS , rue Hautefeuillc «N°. i
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