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A^H> ^ ■ {fh — AaiOG. J
Vei:. F^lttl A . 2^5
EXPOSITION ABRÉGÉE
DU
SYSTÈME PHALAN8TÉRIEN
DE FOURIER
PAU
VICTOR CONSIDERAINT
ancien Ë'ève de TËcoIc Polytechnique
RKCUBILLIE
Par P.-C.-E. Mo^...b.
Trotolème Édlllon. -— Prix s ftO e.
PARIS
A LA LIBRAIRIE PHALANSTÉRIENNE
QUAI yOLTAIRB, H* 26
Vis-ii-Ylfl le pont de la Nfttioa
1848
<^ UNIVERSiTY'O
^^ 2 6 SEP i960 "
OF OXFORD /
/
/
é R ^
Jroprtinerie d*E. LcvEiiGKR, rue de VeiO'uil,i). 4.
I
TABLE DES MATIÈRES.
1«
pag.
Arcrlisâement de la 3« édition 5
EXPOSITION DU SYSTÈSfE PHALANSTÉRIEN. . . 9
l'« SÉANCB. — Position nv pkoblèmb social. . . 10
S f «-r. Coup d'œil sur les partis. —Nécessité d*une nou-
velle orsanisation sociale, œuvre delà science. . 40
I S. Caractère général de la science f l
S 3. Caractère parliculier de la science sociale. . . 43
S A. Position et solution générale du problème de
l'Organisation «... 48
S 5. Condition que doit remplir tout plan d'organi-
sation sociale. 45
S 6. Il faut organiser le travail dans la commune. —
Large signification du mot ihdcstrib 46
S 7. Conditions matérielles de l'organisation du travail
dans la commune 46
!!• SEANCE. — Solution! économique du problènb
sociAi. 48
S 8. Transformation de la propriété morcelée. — Ex-
ploitation unitaire du sol, conciliée avec la propriété
personnelle 48
S 9. Association des trois éléments de production : le
Capital, le Travail et le Talent 90
S 40. Système des grandes économies domestiques,
agricoles, commerciales, etc., du régime sociétaire. S4
S 44. Augmentation du nomlA^ des travailleurs pro-
ductifs. — Multiplication de la richesse sociale. . . 99
S 49. Nécessité d'une architecture nouvelle pour un
ordre social nouveau 93
S 43. Idée d'un Phalanstère 93
llle BëANCE. — Orgahisation du travail bt db la
COMMUNE SOCliTAIRE 97
S 44. Distinction profonde entre la Communauté et
l'Association ............. 97
S 45. Condition générale d'accord entre les individus. 98
S 46. Le travail est répugnant. — On peut le rendre
attrayant. — Point de liberté sans le système du
travail nttrayant 9a
$ 47, Cauae de répugnance dans le travî^W. , ^ , ^ t\
s 18 Moyens de rendre 1« traf»ll attrayant. — Orga-
nisation de» f^'oupes et des i«érieft. . ...... 33
^ <9. Division du travail. — Variété des ronctioiis . . :a
S 20. Rivalité» nombreuses. — KUea ne peuvent dégé-
nérer en haines 3C
S 2i. Le (iontraste et la divci^sit^^ de» caractëro» Font
des conditions d'harmonie ."{K
S 8S. Essor donné h l'ambition .?'j
S 23. Système électif 40
S 24. Equilibres corapensatifs 41
S 25. Modération universelle A 2
IVe SÉANCE. — SfPBTS HAUlOTÎfOVES DE L'onCAMt-
SATION SOCIÉTAIRE 41
S 96. Répartition proporlionnolle au capital, au tra-
vail et au talent 44
$ Tr. L'égolsme et la eqpSdité deviendraient volei de
justice 4(S
S 28. Les médecins dans Tordre sociétaire 47
i 29. Impossibilité du vol 4S
S 30. Plus de paresse. —Extinction de ia misère et
de la mendicité. —Armées industrielles. .... 49
S 31. Impression faite sur les esprltsparVBxpotitlon.
—Espoir d'un prochain essai. — UniTersaiité de la
théorie de Fourier.— Conclusion. (M
L«
ÉTUDES SCH QtELQUI^ PROBLÈMES FOINDimi*
TAUX DE LA DESTINÉE SOGLLLE S7
Avertissement »es étoves 119
!*• Thèse. — De Tunité ou de Fanalogie universelle. . 6i
1I« TaiESB.— Ducode soelal divin et de la Destinée pré-
établie ou naturelle es
III* TnàsB. — De la duaffîé aoeiale.— S^-stème harara-
nique, loi d'attraction. — Systèmes subverslb, loi de
contrainte. . . , 73
IV* Thèse. — De Vantériorité des sodélés Bubversiyes. 76
V« Thèse. — Du caractère organkitte des sodétés sub-
versives, et de celui des socioiéa harmoniques. • M
YI* Thèse. — Des conditions de rAssodatioo. ... 85
TIl* Thèse. — Du travail attrayant. Nisud cantal du
S roblème social , 88
le Thèse.— ApplioatioD du principe de Tassodation
à la construction successive de la société harmoiUque. M
IX« Thèse. —De quoi dépend le salut du monde. « , 104
Aril^OGl}^ (1845) « . . « 106
AVERTISSEMENT
VE LA TROISIÈME ÉDltlOff.
>«»0«
Il y a, aujourd'Imi encore, beaucoup de per-
sonnes auxquelles le système social de Fourier
est à peu près inconnu ; mais il en est peu dont
fattention no soit excitée par le retentissement
croissant des doctrines sociétaires, et qui n'é^
prouvent le désir de s'y initier.
La plupart deces personnes redoutant de s'en-
gager dans de trop longues lectures sur un sujet
qui n'a pas encore conquis Tadhésion de leur
esprit, réclament instamment un Résumé taès-
COURT, et cependant assez détaillé et assez sys-
tématique pour leur donner une notion , générale
et juste, de ce grand type d'organisation inté-
grale d*où sortent, par voie de réductions et d'a-
moindrissements , ces myriades de plans, de
projets et de propositions de toute nature que Ton
voit éclore tousies jours, et qui caractérisent les
nouvelles tendances économiques et sociales de
notre siècle.
Il n'est pas de partisan de la cause sociétaire
qui, dans ses elTorts personnels de propagation.
6 AVERT1S6BHENT.
n*ait été miilo fois sollicité» par ceui dont il en-
treprenait la conquête, de leur indiquer un Ex-
posé TRÈS-COURT (c*e8t toujours la première
condition], débarrassé des termes scientiGques,
d'unelccture facile,et qui établisse régulièrement
celte première idée sommaire que tous les bons
3sprits veulent posséder avant d'entreprendre
des études sur un sujet nouveau , parce que
seule elle leur permet de juger si le sujet vaut
des études skieuses.
Nous ne croyons pas pouvoir mieux répondre
à ce besoin général et à cet intérêt important
de propagation , qu*en réimprimant Téc rit que
le lecteur a sous les yeux. Jusqu'ici en effet il
n'existe pas, en un aussi petit nombre de page^,
d'Exposition systématique de Torganisation pha-
lanstéricnne, plus satisfaisante, plus claire et
plus subslanticllc.
En février 1841 M. Considérant fit, à Dijon,
dans une des salles du Palais des États, mise à sa
disposition pour cet objet par Tau torité munici-
pale, une exposition de la Théorie sociétaire.
Cette exposition, renfermée dans un cadre de
quatre séances seulement, était déjà cile-môme
une Exposition sommaire. M. Mo... ose chargea
d*en faire le comj)te rendu dans le Journal de la
Côte-d^Orj et s'acquitta de cette lâche avec un
AVERTIâSEIIËNT. 7
talent de condensation analytique (rcs-rare.
C'est ce tra vail, Résumé d*un Résumé, dont nous
donnons aujourd'hui une 3*" édition, corrigée et
améliorée, et que nous engageons les amis de
la cause sociétaire i faire lire et à répandre
abondamment.il est impossible que des hommes
d'un esprit un peu élevé, un peu clairvoyant, et
doués de quelque chaleur de cœur, lisent cet
écrit, si court qu'il soit, sans comprendre même,
à ce premier et rapide aperçu de l'idée de THar-
monie des choses , qu'un génie formidable est
bien réellement venu , de notre temps, sonder,
dans ses profondeurs , la question suprême de
la Destinée humaine. Aucun caractère, d'un
certain titre de noblesse intellectuelle et morale,
ne saurait d'ailleurs rester étranger désormais à
la source de ces idées nouvelles, qui ont si puis-
samment déjà imprimé leur sceau sur notre
siècle et leur mouvement à l'esprit contem-
porain.
Faite au point do vue d'une bienveillante neu-
tralité par l'écrivain dijonnais, cette Exposi-
tion sommaire ira mieux à Tesprit de beaucoup
de lecteurs qu'un plaidoyer de disciple. Dans un
très-légitime sentiment de son indépendance, il
arrive souvent que Tintelligence s'insurge con-
tre des formes trop dogmatiques , et qu'elle
repousse même de bonnes choses , s'ircltwt
8 AV£rkri9»KiiiL>T.
quand elles lui apparaisâcal coinine lin joug
qu'on lui voudrait im)K>9er*
£naonimc,leRésuinéa»a)ytiquedeM.Mo....e
nous semble oicellent pour le bûlque nous noi»
proposons ici et que TÉcole doit poursuivre très*
activement : c'est un eipcMé fort coartde roR-
GANisATiON DU TRAVAIL » Cil mode Sociétaire^
débarrassé de toutes les considérations passion-
nelles et de tous les termes scientifiques qui
é|iouvantcnt, à première vue, beaucoup de lec«
teurs. C'est en outre» pour des dé%eloppements
orauT, un canevas éprouvé par des expéricnceis
favorables et qui peut, a ce titre» servir aux
premiers essais de ceux qui 'tentent renseigne-
ment sociétaire par la parole. — Le prix de cette
brochure n'étant pas ruineux» nous ne saurions
tro|> engager tes amis des réformes pacififiues
et du progrès des saines idées sociales à la ré-
pandre largement.
EXPOSmOiN ABRÉGÉE
SYSTÈME PHALANSTÉRIEN
Extrait du Journal de la Côte-d'Or.
M. Considérant vient de terminer son Exposition
de la Théorie sociétaire de Fourîer, commencée
dans la grande salle de la Société philharmonique ,
au Palais des États, devant un auditoire de 600 per-
sonnes d'élite, qui n'a fait que grossir jusqu'à la
dernière séance. Nous ne nous dissimulons point la
difficulté de renfermer dans un cadre étroit les es-
cadrons serrés d'idées que M. Considérant a fait
manœuvrer pendant quatre jours deVîant ses audi-
teurs : aussi nous proposons-nous do ne pas perdre
de temps en préfaces. Nous dirons seulement que
pendant toute la durée de son Exposition, Fora-
leur s'est fait constamment remarquer par son ton de
franchise et de bonne foi, par une élocution facile,
par la justesse et la lucidité de ses raisonnements.
Le public qui Técoutait a suivi ses déductions avec
beaucoup d'intérêt, et lui a donné fréquemment des
preuves trèsy-vives d'assentiment. Nous entrerons en
matière sans plus de préambule.
POSITION DU PROBLÈME SOCIAL.
8».
Coup (l'œil sur les partis. — Nécessité d'ane nouvelle orga-
nisation sociale, œuvre de la science.
M. Considérant, après avoir réclamé la bienveil-
lance de ses auditeurs, leur a dit que son but n'était
pas de les amuser par des discours brillants, mais de
leur exposer, en termes simples et clairs, des idées
qu'il croit utiles à l'humanité. Abordant immédia-
tement son sujet, il Ta traité avec la rigueur des mé-
thodes scientifiques. Un coup d'œil jeté rapidement
sur les partis qui divisent la société, a montré que
ces partis pouvaient se réduire à deux : le parti no-
vateur ou du progrès, et le parti conservateur ou
de la stabilité,,. — Chacun d'eux représente des élé-
ments spéciaux et légitimes. Le premier se donne
comme le défenseur des intérêts des classes infé-
rieures, auxquelles il prétend procurer la jouissance
des droits et du bien-^tre dont elles sont privées. Le
second protège les intérêts des classes plus élevées,
les défend contre les attaques dont ils sont l'objet,
et s'occupe particulièrement du maintien de l'ordre.
Au fond, les deux partis ont raison, chacun à son
point de vue : mais ils sont exclusifs, par conséquent
injustes, et de leur fausse position résulte un étai de
lutte plus ou moins vioi<^nte. Il n'y a pas d^iostilité
LE PROBLÈMB SOCUL. 4 4
csseotielle entre le principe dn progrès et le principe
de la stabilité , entre les intérêts de Vavenirei ceux
du présent :. ce sont les deux éléments de la vie ; la
société se transforme continuellement, de grands
cliangemenls s'opèrent dans son sein pendant le cours
de chaque siècle ; mais l'ordre lui est indispensable,
et l'ordre ne peut exister qu'à la condition que les
intérêts et les droits nouveaux soient reconnus, et
trouvent leur place dans la société, sans opprimer ou
renverser les intérêts et les droits anciens. Aucun
des partis existants ne possède le moyen de résou-
dre ce problème. Il faut donc trouver une concep-
tion supérieure, une organisation nouvelle qui ait la
puissance d'harmoniser les éléments de progrès et
de stabilité, et d'opérer la fusion des partis, par
l'accord des intérêts de toutes les classes dans la so-
ciété. La découverte de cette conception est l'œuvre
d'une science, de la science sociale.
Caractère général de la science.
Et d'abord, qu'est-ce qu'une science? à quels ca-
ractères peut-on reconnaître la science ? qu'est-ce
qui la constitue? •— Une science est constituée ,
quand on a trouvé un principe générateur d'où dé-
coulent tous les faits de cette science. Ainsi, l'astro-
nomie est une science constituée (en tant du moins
que mécanique céleste), car elle explique tous les
phénomènes de mouvement avec le seul principe de
l'Attraction directement proportiontielle aux mas-
ses, et inversement proportionnelle aux carrés des
41 PREMIÈRE SÉANCE.
di$Utnee$. Ceiie loi fournil les mayens de prédire
l'état du ciel, d'annoncer les éclipses, le retour des
comMesdont les éléments sont observés, de calculer
leur distance au soleil à un moment donné, etc. , etc.
Les mathématiques ne forment pas une science
constituée ; car elles manquent encore d'une loi su-
prême, d*une fonnule générale, de laquelle on puisse
déduire toutes les théories particulières dont elles se
composent. Il en est de même de la physique, de la
chimie, de Thrstoire naturelle, etc.
La science sociale ne sera donc constituée que si
elle possède un principe capable d'emlu'asser tous les
phénomènes sociaux et de satisfaire à tous les in-«
térèts.
8 5.
Caractère particulier de la scienec sociale»
Certaines sciences ont un caractère spécial : elles
ne se bornent pas, comme l'astronomie, à l'explica-
tion des faits , elles ont pour objet la création des phé-
nomènes. Alors elles sont assujetties à des conditions
particulières. Telle est, par exemple, la mécanique.
Une machine nouvelle est inventée : d'après la théo-
rie, elle doit produire des résultats supérieurs à ceux
qu'on a obtenus précédemment avec les machines
existantes : mais l'expérience seule prononce déRni-
tivement sur la valeur de la découverte. La science
sociale doit avoir les deux caractères. Non-seulement
il faut qu'elle explique les faits du passé, et détermine
d'une manière générale ceux de l'avenir; il faut en
outre qu'elle produise des procédés pour perfection-
LE rROBLÈlf E SOCIAL. 4 3
ner l'ordre social existant, ou pour lui substituer un
ordre meilleur. Toutefoiis, quelque juste que puisse
paraître la théorie, les procédés ne peuvent éû-e re-
connus bons par la société, qu'après desexpériencii
décisives.
pQiltion et solution générale da pnMèmedel'OrganiMtéon.
Dans les sciences, pour bien résoudre un pro-
blème, il faut le poser dans toute sa généralité.
Par conséquent, si Ton se propose de trouver une
nouvelle organisation sociale, il faut chercher un
systtème applicable à tous les peuples du globe.
Au premier abord, cette entreprise peut paraître
gigantesque et téméraire : mais on va voir qu'elle
se réduit, en dernière analyse, à des termes fort
simples.
Avant tout, il faut préciser l'idée d'oRGANiSATioN.
Elle renferme deux idées fondamentales. Un être
ou un système organisé suppose, <• un centre direc-
teur, y la séparation, la distinction des éléments
divers du système (<).
(t) H. Canilderanl a rendu cette idée |énéra!« del'drfa-
^Hsaiiwn tfès-daire, ainsi que toutes les apj^cationsqu'iJ en
a faites soit au globe, soit à la commune, en traçant, sur un
tableau, des cercles hiérarchiquement renfermés les uns
dans les autres, reliés par des rayons divergeantteiùMrs
d'im oentre supérieur aux centres basmédiatement subor-
donnés, el unissant ainsi successivement et léslUmement
cp« cercles les uns aux autres, dans Içur ordre d1mpor«
tuuce.
1 4 PREMIÈRE SÉANCE.
Gela posé, supposons pour un instant que le pro-
blème soit résolu, c'est-à-dire que la société univer-
selle soit organisée. On ne pourra concevoir cette
organisation qu'en admettant qu'il existe , sur un
point donné du globe, un gouvernement central ,
lequel étend à toute la terre son action direc-
trice. Et comme ce gouvernement ne pourrait se
mettre en rapport avec chaque commune sans inter-
médiaires, il faudra concevoir que le globe est divi •
se en continents, ayant chacun un gouvernement
centrai ; que les continents sont divisés en empires,
les empires en royaumes, ceux-ci en provinces, les
provinces en départements, enfin les départements
en communes. Toutes ces divisions successives ont
leurs gouvernements respectifs, et forment des
centres subordonnés les uns aux autres , qui ratta-
chent ainsi, par la chaîne hiérarchique, Tensembte
des communes du globe au gouvernement suprême.
Si le globe était ainsi organisé, il lui serait arrivé
cx)mme à la France, dont les provinces autrefois hos-
tiles ne forment plus qu'une seule unité nationale.
Or, on voit qu'en définitive le globe n'est, cx)mme la
France, qu'un assemblage de communes, et que la
commune est la base, l'élément alvéolaire de la so-
ciété. Donc, pour réaliser sur la terre une organisa-
tion sociale nouvelle, il faut la réaliser dans les com-
munes, et d'abord dans une commune. Si le système
est bon, il s'étendra successivement à toutes les
autres, dans un temps plus ou moins long. Les com-
munes étant organisées, il sera facile d'organiser
et d'a'ssocier Jes départements, les provinces, les
Lfi PROBLÈME SOCIAL. 45
royaumes , les empires, les contine/its. — Donc, le
problème de l'organisation sociale du globe se ré-
duit, avant tout, à la détermination du meilleur sys-
tème d'organisation de la commune.
Conditions que doit remplir tout plan d'organisation
sociale.
Cette manière de poser la question sociale appar-
tient à Fourier et à son École : elle a fait impression
sur le public. M. Considérant en a tiré immédiate-^
ment ces deux conséquences : 4® que tout plan d'or-
ganisation sociale, pour être réalisable et positif,
doit être expérimentable sur une lieue carrée de
terrain au plus, sans aucun danger pour l'ordre
établi ; 2" que tout plan de réforme sociale , s*il est
bon, doit prétendre non à s'imposer par la violence
et par le pouvoir, mais à se faire librement accep-
ter par les avantages réels qu'il est capable de pro-
curer à toutes les classes. — Si ces principes étaient
reconnus, soit par les gouvernements, soit par
l'opinion publique, les plus mauvais systèmes de-
viendraient tout-à-fait innocents. Par exemple, il
n'y aurait rien à craindre des Communistes^ dont les
opinions sont néanmoins dangereuses aujourd'hui,
puisque la doctrino de la communauté des biens^
laissée dans le vague tend à exciter la guerre du
pauvre contre le riche. En elTet, ces réformateurs
étant obligés de présenter un plan d'organisalion, ce
plan pourrait être localement expérimenté. Si dans
la pratique on le trouvait bon, la société en çro(vt^-
■'■>■
46 PRGMlfeftC âéANCfi.
rait à sa guise; dans le cas contraire, le conmiUDii»-
me tomberait de lui-même.
8 B.
Il faut organiaor le travail «lans la commune. — Large
signiflcation-du mot industrie.
L'&coie sociétaire propose donc un plan d*organi~
sation de la commune. Mais elle ne veut pas tou-
cher à ceux des éléments sociaux qui y sont déjà
plus ou moins bien organisés, tels que le culte reli-
gieux, l'élément politique, Tiioral , civil ou admi-
nistratif. Son but immédiat est d'organiser ce qui
ne l'est pas, c'est-à-dire lb tawail; car dans le
champ de l'industrie tout est livré à l'arbitrairB et
au caprice des individus qui se cofnbattent avec
fureur, par la concurrence anarchique.
Le mot indasirU a nn sens très-^tendu dans ie
vocabulaire de la science sociale. L'industrie est
la réunion de toutes les branches de VacU^Ué pro^
(iuctive de l'homme : elle comprend les travaux
agricoles, domestiques, manufacturiers, c(N(mKier~
ciaux, réducation, les sciences et les beaux-arts.
CondifionB matérielles de Vorganisaliau é» travail daM
la commune.
Voilà donc la question néUxsment posée : il s'agît
d'organiser les travaux de l'industne dans la com-
mune. IL Considérant indique les conditions maté-
rielles de la solution de ce problème. La première
de colles -ci, c'est que la commune seît assez forte
LE PROBKKAIE SOCIAL. 47
pour que rhomme y trouve tous les éléments de la
vie sociale. Une commune de 200 habitants, comme
il en existe beaucoup en France, ne se prêterait pas
au développement des différentes branches sur les-
quelles doit s'exercer l'activité humaine. 11 faut au
moins une population de. 4 ,800 à 2,000 personnes, ou
environ 400 familles, exploitant une lieue carrée de
terrain. La seconde condition consiste en ce que la
commune doit pouvoir être maniée comme le do-
maine d'un seul homme. En effet, qu'on applique à la
commune l'idée d'organisation exposée plus haut, on
comprendra la nécessité, 4 ^ d'une Régence chargée de
la direction supérieure des opérations , 2° d'un sys-
tème de distinction et classification des choses de
l'agriculture, des fabriques, du ménage, de l'éduca-
tion, des arts et des sciences. Chacune de ces bran-
ches de travail devra être régie par un centre di-
recteur , subordonné au grand centre. Si Ton con-
sidère une branche en particulier, l'agriculture, par
exemple, on verra que les travaux agricoles se di-
visant en genres, en espèces, en variétés, il faudra,
dans chacune de ces divisions, des sous-centres de
direction liés hiérarchiquement entre eux et aux cen-
tres supérieurs. Ainsi, les travaux de culture et au-
tres devront être distribués dans des cadres dis-
tincts et parfaitement classés, comme si le terril
toire de la commune était un seul domaine bien
administré. — Telle a été la conclusion de la pre-
mière séance, que l'auditoire abeaucoup goûtée, d en
juger par les applaudissements.
SOI.ITTION ÉCONOMtOrE DU PROBLEME SOCIAL.
8 8.
Transformation de la propriété morcelée. — Exploitation
unitaire du sol, eonciliee avec la propriété personnelle.
Comment exploiter unitaîrement le territoire de
la commune sans porter atteinte à la propriété indi-
viduelle et privée î Aujourd'hui la commune est di-
visée en autant d'exploitations qu'il y a de familles.
Chaque famille gère ses affaires, le plus souvent fort
mal. La division de la propriété est poussée à l'ex-
trême; le sol est coupé en morceaux : sur beaucoup
de points il tombe véritablement en poussière. Les
haies, les murs de clôture, les chemins de desserte,
rendent improductive une grande partie du terrain.
Les propriétaires voisins se disputent la terre et l'eau :
de là des haines, des procès, des pertes de temps et
de capitaux ; on connaît le proverbe : Qui terre «,
guerre a. — En résumé, le tenritoire de la commune
est très-mal cultivé, et la production est considéra-
blement réduite. Évidemment, pour que les iK^mmes
chargés d^organîser letrawiU agricole pussent ap-
proprier les cultures aux différentes natures de ter-
rains, qu'ils pussent, adopter les meilleur» systèmes
d'assolement, introduire les bonnes noéthodes et
les procédés mécaniques perfectionnés, source d'é*
conomie, disposer librement des cours d'eau, soit
comme moyen d'irrigation^ soit comme force mo-
!<OUltlOX ÉCONOlflQUE. 49
trice i en un mot, pour qu'ils pussent exploiter le
sol le plus avantageusement possible, il faudrait
que Ton pût arracher les bornes des h<H*itages, »•
^«r les divisions des parcelles , et fonner , de
l'ensemble des pn>priétés particulières, une vaste
propriété de 45 à 46 cents hectares, dans laquelle
on substituerait la grande et riche culture à la {je-
tiie et pauvre culture du morcellement. Or, existe-
t»il un moyen d'obtenir un résultat si désirable
sans porter aucune atteinte au droit de propriété tel
qu'il est réglé par nos lois? — Oui, ce moyen existe:
on le met en pratique à chaque instant; il s'agit
d'en étendre l'application. Tous les jours on voit
des propriétaires, des capitalistes» grands et petits,
s^associer pour l'ouverture et l'exploitation d'un ca-
nal, d'un chemin de fer, d'une mine de houille, etc.
Ici, la propriété est collecltve^ et pourtant la part
individuelle de chaque intéressé est représentée par
un titre particulier nommé action ^ qui donne un
droit proportionnel aux bénéfices. Qu'on étende ce
système à l'agriculture : on aura des Associations
agricoles, comme on a maintenant des Associations
dites industrielles. Les terres, les bestiaux et toutes
les valeurs en nature, estimées à Tamiable ou à dire
d'expert, pourront entrer dans la société comme le
numéraire, et donneront droit à des titres action-
naires. Ces titres seront hypothéqués sur tout le
domaine communal, qui est indestructible. Dans ce
système, il y a transjormalion du mode dejovis"
sance de la propriété; mms le droit et les avaota-^
ges de la propriété individuelle sont consorvés et
SO DEUXIÈME SÉANGB.
mieux garantis que dans le système actuel. Le re-
venu du propriétaire, qui n'est aujourd'hui que de
deux et demi ou trois pour cent, atteint rapide-
ment un taux plus élevé, grâce à Taccroissement de
la production, comme on l'expliquera tout à l'heure.
Ainsi, pour que le territoire de la commune puis-
se être exploité itnUatrement^ comme le domaine
d'un seul homme, il faut abandonner le Morcelle-
ment et entrer en Association; substituer, à lapro*
priété individuelle morcelée, la propriété indivi"
duelle sociétaire ou associée.
8».
Association des trois éléments (le_productioD : le Capital,
le Travail et le Talent.
Les Associations actuelles sont incomplètes : elles
ne comprennent que le capital. — Fourier propose
d'associer tous les éléments de la production, qui
sont au nombre de trois. En elTet, pour obtenir un
produit il ne suffit pas d'avoir un fonds de terre, une
matière première, des instruments de travail ; il faut
encore que ce capital soit mis en œuvre et fécondé
par l'activité de l'homme : le travail est donc le sa-N
cond élément nécessaire de la production. Enfin, les
travailleurs sont plus ou moins habiles, ils déploient
plus ou moins de talent dans les opérations qu'ils
exécutent, ou dans l'administration d'une entre-
prise : par conséquent, le talent est le troisième élé-
ment de la production. — Il est donc clair que lés
associés doivent être rétribués proportionnellement à
kur concours en capital, en travail et en talent
SOLUTION ÉCONOMIQUE. 91
dans la production. Cette loi est Texpression même
de la justice. Reste à savoir comment on pourra ap-
précier exactement la quantité du travail effectué,
et le degré du talent développé , car pour le capù'
UU, il n*y a pas de difficulté. — La théorie de Fou-
rier donne, comme on le verra , la solution de ce
problème, le plus important de l'économie sociale.
S io.
Système des grandes économies domestique, agricole,
commerciale, etc., du régime sociétaire.
Supposons qu'une compagnie veuille fonder une
commune sociétaire conformément au plan de Fourier.*
Après avoir préparé, comme il vient d'être dit, l'or-
ganisation des travaux agricoles, elle prendra des
dispositions analogues pour les autres branches dç
l'industrie, en suivant toujours le principe d'associa-
tion et d'unité. Les 400 cuisines du ménage morcelé,
avec tout leur attirail d'ustensiles, seront remplacées
par une seule vaste et belle cuisine, dans laquelle
les hommes, les femmes et les enfants qui auront le
plus de penchant et d'aptitude pour les opérations
culinaires, préi^areront, sur une grande échelle,
comme dans les cuisines du roi, la nourriture de tous
les habitants de la commune. Les aliments seront
fournis au prix coulant, et variés en nature et en raf-
finement, suivant les goûts et la fortune de chacun.
Unité et variété dans ia production, Liberté dans
la consommation — qui se fera comme on le voudra
chaque jour, isolément, eu famille ou en société d'a«
rais : — telle est la devise et la formule de rAssociation.
Hi DECXIÈMB SÉANCE.
Au lieu de 400 caves et de 400 gi^niers, il tCf
aura que quelques caves grandes et salubres, de
vastes greniers bien aérés , où seront emmagasinés,
classés, étiquetés, soignés, les vins, les céréales, et
en général tous 1^ approvisionnements. Pour chaque
prctduit, les petites fabriques feront place à une vé-
ritable manufacture. Le commerce, à son tour, est
organisé unitairement et simplifié dans ses rouages.
Le nombre de ses agents se réduit au strict né-
cessaire. Aujourd'hui les marchands, dont la seule
fonction est de distribuer les richesses sociales, que
Jeur position d'intermédiaires entre le producteur et
le consommateur pousse à exploiter l'un et l'autre,
et qui augmentent considérablement le prix des pro-
duits sans rien ajouter à leur valeur réelle, les mar-
chands sont en nombre vîngtuple de celui que récla-
me l'Association. La commune fera directement les
ventes et les achats, et c'est ainsi que le producteur
et le consommateur, mis face à face, se passeront de
l'intermédiaire ruineux et improductif qui enlève
aujourd'hui le plus clair des revenus du corps social.
Immense éconpmie pour les communes sociétaires I
S H.
Augmentation du nombre des travailleurs productifs. —
Multiplication de la richesse sociale.
Il résultera de cette organisation de l'industrie
qu'un grand nombre d'hommes et de femmes, ab-
sorbés aujourd'hui par les soins du ménage ou du
commerce, et par les complications d'un ordre indus-
triel basé bur le moriellcmenl, deviendront dispo
SOLUTION ÉCONOHIOUE. ^
aibles, et pourront tourner tear activité vers les tra-
vaux productif. Ainsi toutes les combinaisons du
régime sociétaire conoonrent à l'accroisseineat de la
ridiesaB et àTéconomie dans les dépenses. Dè& lors,
il sera très^facile, non^seuleaient d'améliorer beau-
coup la position des classes pauvres, mais encore
d'au^enler le bien-être de celles qui ne soulTront
pas, ou plutôt de celles qui soulTrent moins , car tout
le monde souffre dans la société actuelle.
8 12.
Nécessité d'une archilsciurc nouvelle pour un ordre socliU
N nouveitn.
Un des éléments les plus essentiels d'une organi-
sation sociale est l'élément architectural. L'architec-
ture d'un peuple représente exactement son état so-
cial. Les hommes sauvages vivent sous des huttes ;
les peuples nomades sous des tentes. Allez dans la
Bretagne et dans beaucoup de nos provinces, vous
y trouverez dos villages qui ont encore Taspect bar-
bare. Enfin, pénétrez dans les villes ornées de mo-
numents, d'émises, de théâtres, dont les rues s'élar--
gissent et s'alignent peu à peu : à ces caractères vous
reconnaîtrez la civilisation. — Il faut une architectoni-
que nouvelle pour une organisation sociale nouvelle.
S is.
Idée d'un Phalanstère.
On pres^îfnt déjà, d'après ce qui a été dit, qut?
les construclioni de la commune sociétaire ne
ccmpoisent pas de iOO maisons isolées, plus ouiïjoitî'
24 DEUXIÈME SÉANCE.
mal bâties, sales et incommodes ; mais d'un seul
édifice bien exposé, assez vaste dans ses contours
et ses développements, assez varié dans ses disposi*
lions intérieures pour loger i à 500 familles diverses
de goûts , de caractères , de rang et de fortune ,
et pour satisfaire , en même temps , à tous les
besoins des grands services. Cet édifice s'appelle
Phalanstère. Fourier donne à toute la population
le nom de Phalange industrielle^ comme pour en
comparer Faotivité pacifique à l'action guerrière de
cette célèbre Phalange macédonienne avec laquelle
Alexandre conquit une partie du monde. Le mot Pha
lan5^^6 signifie manoir de la Phalange , de même
que le mot mona^^ér^ signifie manoir des moines.
Pour donner à ses auditeurs Tidée d'un Phalans-
tère, M. Considérant en a figuré un plan général sm
le tableau, et en a lu la description contenue dans
son ouvrage intitulé Destinée sociale. Ce Phalans
1ère, vu de face, ressemble un peu par la forme aii
Palais des États de Dijon vu du milieu de la Plac€
Royale. Il y a une grande cour ouverte en avani
avec deux ailes à droite et à gauche comme la coui
du Logis du Roi ; mais celle-ci n'est, en comparaison
qu'une miniature. Au milieu de la façade s'élève h
Tour (Tordre^ où sont le télégraphe, l'observatoire
l'horloge, etc., etc. A l'intérieur, les salles destinée
aux relations publiques occupent le centre. Sur le*
ailes et derrière, sont disposés les appartements, dif
it^rents de grandeur et d'élégance, mais tous propres
commodes et confortables, tels, en un mot, que le:
plus riches et les plus pauvres aient la facilité de s<
SOLUTION ÉCOiNOMIQUE. 25
loger eomme ils le désirent. Les grands appartements,
les moyens et les petits sont répartis, dans tout le
Phalanstère , d'après certaines règles d'engrenage,
de manière* qu'il n'y ait pas de séparation tran-
chée entre les différentes classes de citoyens , et
qu'on ne voie pas le contraste choquant d'un faubourg
Saint-Marceau à côté d'un faubourg Saint-Germain.
La disposition la plus remarquable du Phalanstère est
la rue^alerie couverte, qui règne au premier étage
dans tout le pourtour de l'édifice, et qui peut être
chauîTée en hiver et ventilée en été : par elle, on
conmiunique avec toutes les parties de l'habitation
sans être expbsé aux intempéries de l'air. Un système
unitaire et économique distribue dans tous les appar-
tements, dans toutes les salles et tous les ateliers
du palais sociétaire, la chaleur, l'eau et la lumière.
L'idée d'un Phalanstère parait d'abord si extraor-
dinaire, que tout le monde en est plus ou moins cho-
qué. M. Considérant a fait preuve de beaucoup
d'esprit et de sens en essayant de faire comprendre
à ses auditeurs que cette idée est très-simple au fond,
que même elle n'est pas nouvelle, en ce sens que l'on
fait des' choses analogues chez toutes les nations ci-
vilisées. Lorsque Louis XIV voulut créer un asile pour
cinq mille invalides, ni lui ni ses architectes n'eurent
l'idée absurde de bâtir une petite maison pour cha-
que soldat : ils construisirent un vaste hôtel dans
lequel des logements différents sont affectés aux
invalides, aux administrateurs de tout rang, au
?;ouverneur de l'établissement, à ses ofificiers et à
leurs familles. De même aujourd'hui, lorsque le
26 DEUXIÈME SÉANCE.
gouvernenient veut loger trois ou quatre cents élè
ves, un ou plusieurs régiments, il trouve plus simple
et plus économique de construire un collège, une
caserne, que de bâtir une maison particulière pour
chaque élève et pour chaque militaire. Si donc on
veut loger une population de 400 familles associées,
il y aura bien plus d'économie et d'avantages à les
réunir dans un seul édilice construit à leurs conve-
nances, qu'à leur construire 400 maisoes, — • toutes
choses égales d'ailleurs, et les matériaux étant sup-
posés de même nature dans les deux cas.
Le Palais-Royal, à Paris, est l'édifice civilisé qui
a le plus de rapport avec un Phalan&tère. L'unité
(trop peu variée) du plan; les galeries (trop étroites
et trop mal garanties) qui mettent en communication
toutes les parties entre elles; les jardins qui séparent
les corps de bâtiment, le système de l'éclairage, etc. ,
tout cela concourt à donner une idée de l'édifice so-
ciétaire. Ajoutez que sans sortir du Palais-Royal on
trouve deux théâtres, plusieurs bains, des cafés, des
cabinets de lecture, des magasins de toutes choses,
et que 8 à 900 familles, à tous les degrés de fortune,
y logent sous le même toit, mais aussi distincte-
ment que partout ailleurs. Comme au Plialanstère,
chacun y a son chez-soi^ chaque famille y occupe
le logement qu'elle affectionne et dont le prix lui
convient. Seulement , l'entassement des locataires
dans le Palais-Royal, les cloaques qui l'environnent
et Tatmosphcre de Paris, en font une habitation
bien inférieure en salubrité et en agrément à celle
du p}itë BoodeMe Phalanslèie.
UX* BÈAMQM»
ORGANiaATIOxN DU TRAVAIL £T DE tA COMHUNB
SOCIÉTAIRE.
S U.
Distinction profonde entre la Communauté et l'Association
En commençant la troisième séance et avant de
reprendre le fil de son exposition, M. Considérant,
pour répondre à Tobservation d'un auditeur, a mon-
tré rénorme différence qui existe entre la com-^
munauié et Va$socia(ion telle que Fourier la pro-
pose. La eorfimunauté se fonde sur Tégalité absolue
de tous ses membres : celui qui apporte un capital
considérable, qui travaille beaucoup, ou qui se dis-
tingue par son talent, n'est pas mieux rétribué que
cehii qui n*a rien versé , que le paresseux ou l'inca-
pable. Vassociation admet une hiérarchie basée sur
les inégalités et la diversité des aptitudes et des
facultés : chacun y est rétribué proportionnellement
à son concours dans l'œuvre générale. — La com-
munauté, jalouse des supériorités, tend à les abais-
ser sons un niveau écrasant; elle éteint toute
émulation. Vassocidfion favorise le libre dévelop-
pement des individualités et leur mouvement as-
cendant : au lieu de supprimer toute espèce de dis-
tinction et de privilèges, elle les multiplie à Tin-
fini et les met à la portée de tous. — La commu^
nauié ressemble à un concert où Ton ne ferait
que répéter toujours la même note. Vassociation
rcégemble à une belle partition de musique, dans la-
28 TROISIÈME SÉANCE.
quelle toutes les notes sont combinées de manière à
produire une riche harmonie.
Après avoir exposé l'ensemble des dispositions
matérielles nécessaires à Torganisation de Tindus-
trie, M. Considérant montre comment les personnes
fonctionneront dans l'intérieur de la conmiune so-
ciétaire.
Conditions générales d'accord entre les individus.
La première question qui se présente à tous les
esprits est de savoir si, dans le Phalanstère, les in-
dividus pourront s'accorder entre eux. — Il y a
deux conditions primordiales d'accord : 4° le bien-
être matériel. Indépendamment de Tinfluence que
l'éducation exerce sur les sentiments des hommes,
il est certain que le bien-être suffit pour les disposer
aune bienveillance mutuelle ; à cet égard l'ordre so-
ciétaire réalisera les plus grandes préparations d'ac-
cord. 2** La solidarité des intérêts. Aujourd'hui,
les intérêts sont divisés, hostiles : nul n'est porté à
souliaiter la prospérité de son voisin ; on désire plu-
tôt sa ruine, dont on pourra profiler. Qu'importe à
l'ouvrier que le fabricant soit en perte ou en béné-
fice ? Ce n'est pas cette circonstance qui règle le
taux du salaire. Dans la phalange, au contraire, tous
les individus étant associés , le malheur du voisin
vous touche personnellement, et vous profitez de ses
succès. On n'augmente son bien-être qu'en augmen-
tant le bien-être général , et l'on ne peut nuire aux
autres sans se nuire à soi-même. L'antagonisme du
ORGANISATION hV TRAVAIL. %9
capital conlre le travail ou le talent n'existe plus :
ces trois éléments sont unis solidairement et concou-
rent à l'envi aubonheurcommun. Ainsi Vintérêi, qui
divise les hommes aujourd'hui, est un gage d'union
dans le régime phalanstérien. L'égoïsme disparaît,
chacun faisant son propre bien en concourant au
bien public.
8 16.
Le travail est répugnant.— On peut le rendre attrayant.—
Point de liberté sans le système du travail-attrayant.
Un des problèmes les plus graves de la science so-
ciale est celui qui a pour objet de rendre le travail
attrayant. On comprend Timportance de cette ques-
tion. Depuis trois ou quatre mille ans, les hommes
cherchent en vain la liberté à travers les révolutions
politiques : ils ne la trouveront que dans le travail*
attrayant. En effet, le travail est la loi de l'Humanité :
c'est par le travail que l'homme doit pourvoir aux be-
soins de sa nature, et sans le travail la société n'exis-
terait pas. Mais beaucoup de travaux sont pénibles
et répugnants : delà, dans l'antiquité, la division des
hommes en deux catégories, ceux qui travaillaient
et ceux qui ne travaillaient pas ou ne faisaient que
les travaux qui leur plaisaient , tels que ceux de
science, d'administratiepi et de gouvernement. Pres-
que tous les travaux étaient le lot des esclaves :
l'esclavage résultait de la nécessité et de la ré-*
pugnancedu travail. Aussi, les républiques grecques
et la société romaine, que nous admirons tant, sur la
foi de nos livres de classes, n'étaient en réalité que
des aristocraties de patriciens et d'hommes Whm
30 TROISIÈME SJKAFfCR.
exploitant une mnltitude Innombrable d'esclaves.
Maintenant il n'y a plus d'&sctaves, du moins en
Europe ; mais la masse des travailleurs n'est pas en-
core libre. On travaille généralement par force ; cha-
cun est rivé à sa fonction par le besoin de se procu-
rer les choses nécessaires à la vie, par Tobligation
de nourrir et d'élever une famille ; chacun aspire à
ne rien faire, à vivre de ses rentes; une loi de con-
trainte pèse sur tous les individus. Or, puisque le
travail est nécessaire, inévitable, il est clair que les
hommes ne peuvent jouir de la liberté qu*à la con-
dition d'organiser Findusli^ie de manière à en reodre
l'exercice attruy<tnL
Est-il possible de rendre le travail attrayant ? Le
préjugé répond : non ; car, dans nos idées, les mots
travail et peine sont synonymes. Gependanlcertains
travaux sont faits avec plaisir, spontanément, parées
personnes qni travaillent sans y être obligées. Qtt'est-
ce que le travail ? Une dépense d'activité physiq^
ou intellectuelle, faite en vue d'un résultat vouIq.
Or, il est constant que tous les homnw« éprouvent
le besoin d'exercer leur activité; l'inaction engendre
un ennui insupportable. Le travail n'est donc pas ré-
pugnant en lui-même ; s'il le devient , e'est par les
conditions dans lesquelles il s*exerce. Par exenipl<8,
ceux qui vivent de la diasse on de la pèche domme
d'un métier n'y trouvent pas, «n générée , beaucoup de
plaisir : cependant il y a des gens riches qui se pa$-
i^ionnentpour ce genre de travail, malgré les fatigues
qu'il leur occasionne. Il y a deux catégories de tra-
vaux pour lesquels on ne conteste pa9 Texisleiice de
ORGANISATION IHI TRAVAIL. 31
l'attrait, ceux des sciences et des arts, pourvu tou
tefois qu'on s'y livre par vocation, et que ces Ira-
vaux reçoivent la récompense qu'ils méritent. Les
travaux répugnants sont surtout dans la catégorie de
ceux qui n'exigent que l'activité matérielle de
l'homme. Il faut analyser les causes des répugnan*
ces pour déterminer les conditions de l'attrait.
Causes de répugnunco dans le travail.
L'insuffisance du salaire, l'insalubrité des ateliers,
l'isolement, la trop longue durée des séances, le dé->
faut d'émulation: voilà les principales causes de la
répugnance au travail.
Rétribution insuffisante. —En général, le tra*
vail est aujourd'hui mal rétribué. Combien d'hom-
mes et de femmes s'excèdent de fatigue sans pouvoir
suffire aux besoins de leur existence ! L'état de gêne
continuelle dans lequel ils vivent, et dont ils ne
votent pas le terme, les décourage profondément. Le
travail devient pour eux un supplice comparable à
celui de Sisyphe et des Danaïdes. — Au contraire, s'il
est fortement rétribué, le travail prend de Tatlrai t.
Cette condition est abondamment remplie dans Tor-
ganisation pbalanstérienne. qui a la propriété de créer
beaucoup de richesses et de les répartir aux divei^sea
fondions de manière à attirer les travailleurs dans
chacune d*elles en proportion des besoins publics.
InsalHbtiU des ateliers. — La plupart des in-
dustries pénibles s'exercent actuellement dans des
conditions d'insalubrité. Les ateliers sont humides,
sales, mal aérés, d'un aspect repouii^sant. La fabri*
32 TROISIÈME SÊANCB.
cation do certains produits donna lieu à def^ émana-
tions délétères qui minent la santé des ouvriers, et
causent des madadies extrêmement graves : il y a
tels d'entre eux dont la profession est si dangereuse
qu'ils sont sûrs d'avance de ne pas atteindre l'âge de
trente ans. Est-il étonnant que, dans ces conditions
odieuses, le travail soit répugnant? Mais vous lui don-
neriez déjà un élément d'attrait, si vous construi-
siez des ateliers propres et sains , élégants même
chacun dans son espèce, où l'air pur et la lumière
circulassent librement, et si vous préserviez de toute
altération la santé des travailleurs.
Isolement, — L'homme s'ennuie dans Tisolement.,
Le laboureur, seul au milieu d'un champ, travaille
mollement, sans plaisir. Mais le charme se répand
dans les travaux faits en réunions plus ou moins nom-
breuses, témoin l'ardeur et lagaîté qui animent les
groupes de travailleurs à l'époque des fauchaisons,
des moissons et des vendanges. Il faut donc, pour ex-
citer l'attrait, que les travailleurs s^embrigadent par
sociétés d'amis, se forment en groupes joyeux.
Monotonie et continuité du travail. — La plus
grande cause de répugnance des travaux est leur
continuité. L'homme a des facultés physiques, mo-
rales et intellectuelles. La nature veut qu'il déve-
loppe toutes ses facultés : c'est pour cela qu'elle atta-:
che l'ennui et le dégoût à tout travail trop longtemps
soutenu. Les jouissances même fatiguent , lors-
qu'elles sont trop prolongées. Le plus bel opéra, s'il
durait dix heures, serait insupportable : les specta-
teurs déserteraient la salle, Que penser de notre
ORGANISATION DU TftAVAIL. 33
régime iaduBtrtei, qui coâd»nne uo bonHne à fairp
la même travail pendant quinze heures do la jour-
née, pendant six jours de la semaine, pendant
douze mois de Tannée, et ne lui permet d'exercer
qu'une ou deux des facultés si nombreuses dont Dieu
Ta doté ? — La naiiire eiige impérieusement que l'é-
lément de variélé soit introduit dans les travaux.
Absence d^émukUion, — Ua autre élément né-
cessaire est la rivalilè. Les hommes sont capables
des plus grands dforts lorsqu'un sentiment de riva-
lité joyeuse ou de noble émulation les anime. Un des
avantages de la concurreoce. d'ailleurs si désastreuse,
est d'exciter une émulation qui a pour résultat le
perfectionnement àe» produits de l'industrie. M. Con-
sidérant prouve, par plusieurs exemples puisés dans
Texpérience, que si des travailleurs quelconques
manquent d'activité lorsqu'ils opèrent confusémeiU,
il suffit de les diviser en deux ou plusieurs groupes
pour qu'à Tinstant il s'établisse entre les groupes
opposés des Hvalités ardentes qui ont la propriété
de doubler l'énergie des individus et de déterminer
subitement chez eux un acharnement passionné au
travail.
S ta.
Moyens de rendre le traTail attrayant. — Organisation dci
groupes et des séries.
Les <x>nditions nécessaires pour rendre le Irav^ûl
attrayant sont satisfaites par l'organiâalion de la
commune associée.
Chaque genre de tra^ ail c:->\ confié à ui\ ocv:Lm
34 TROISIÈME SÉANCE.
nombre d'hommes, de femmes ou d'enfants, qui en
ont pris par goût la responsabilité, et dont l'affilia-
tion forme une 5^r/^. La «m'a se divise en plusieurs
grmtpes : chacun de ces groupes s'adonne à une es-
pèce, à une variété du travail de genre exercé par
la série. Par exemple, tous ceux qui se sont chargés
de la culture des graminées composent une ù&& séries
de la branche des travaux agricoles, et les membres
de cette série qui s'occupent spécialement de telle
graminée forment le ^rot/;?e spécial de cette culture.
— Tout individu appartient à plusieurs séries, et
s'enrôle dans les groupes qui lui conviennent : il ne
consulte que ses goûts, ses aptitudes, ses talents pro-
pres. Cette latitude assure l'essor des vocations.
Division du travail. — Variété des fonctions.
On voit que l'organisation des séries et des groupes
permet de pousser aussi loin que l'on veut la division
du travail, préconisée avec raison par tous les éco-
nomistes, et de l'appliquer à toutes les branches de
rindustrie. De plus, la division du travail se combine
avec la variété des fonctions, de sorte que, dans la
phalange, chacun peut exercer toutes ses facultés ,
développer toutes ses vocations ; tandis que, dans no-
tre système de morcellement, un homme est appliqué
tout le jour, toute l'année, toute la vie, à une seule
profession, ou même à un détail minime de cette pro-
fession! — L'industrie actuelle réduit l'homme à
l'état d'automate et de machine : elle use ses organes
et abrulit son intelligence. L'ouvrier voit 5Ci^ mem-
ORGANISATION OC TBAVAIl. 35
bres se déformer par la répétition continuelle du
même mouvement. A force de se pencher vers la
terre, le laboureur finit par demeurer courbé. Nos
villes manufacturières fourmillent d'individus rachi-
tiques, atteints d'infirmités précoces, et impropres
au service militaire par faiblesse de constitution. Il
n'est pas dans la destinée d'un être riche de facultés
nombreuses de n'en exercer qu'une seule. £n fai-
sant un si triste usage des dons qu'il a reçus, l'hom-
me viole les lois de la nature : aussi la nature le pu-
nit>-elle justement par la dégradation de l'âme et du
corps. — Ces vues, aussi justes qu'humaines, déve
loppées avec chaleur par M. Considérant, excitent des
applaudissements spontanés dans toute la salle.
On voit donc que le changement d'occupation est
à la fois une condition du travail-attrayant et du dé*
veloppement normal des individus. Ce changement
s'opère par les mouvements continuels des socié-
taires dans l'ensemble des groupes et des séries ;
mais il est purement facultatif, et quoique Fourier
calcule en général à deux heures la durée des séan-
ces d'un môme travail, il est bien évident que l'ar-
tiste ou le savant, par exemple, qui trouve plaisir à
s'occuper, pendant quatre ou six heures, de l'objet
de ses études, en sera parfaitement libre. On est
toujours libre au Phalanstère.
Quoique les travaux intellectuels aient beaucoup
d'attrait pour les personnes qui s'y livrent par goût,
ils fatiguent et répugnent par une trop longue durée.
L'illustre Laplace, après avoir pâli pendant plusieurs
heures sur un problème, éprouvait le besoin d'une
36 TftoisièMB séANce.
autre occupation : il 8C plaignait de n'avoir à sa por-
tée aucun objet de distraction qui pût lui faire ou-
blier le problème qu'il Tenait de quitter, mais qui no
le quittait pas. — Un ancien préfet de la Côte-d'Or
était quelquefois tellement excédé par une k>ngue
contention d'esprit, qu'il enviait le sori de ceux qui
ont toute facilité pour exercer leurs facultés phy-
siques, et regrettait de ne pouvoir aller, pendant une
heure ou deux, casser des pierres sur la route, avec
les cantonniers. Ces exemples et d'autres encore
ont été eités par M. Considérant.
Rivulités nombreuses. — Elles ne peuvent dégénérei* en
haïMs.
Le système sêrlalre favorise au plus haut degré
lessor des rivalités. Toute série est disposée de ma-
nière qu'un groupe quelconque fait une variété de
travail qui diffère peu de celle des deux groupes voi-
sins. Cette similitude établit entre les groupes con-
tigus une violente concurrence émulative qui ex-
cite chacun d'eux à déployer toute son habileté pour
faire prévaloir ses produits, l'emporter sur ses rivaux.
C'est ainsi que dans la gamme chromaUque chaque
note est en discordance avec les notes contigué»,
tandis qu'elle entre en accord avec les sons plus
éloignés.
U n'y a pas à craindre ici que les rivalités engen-
drent ées haines individuelles, et jettent ta discorde
dans le sein éê la commune. Au «oniraire, les choses
aea iront q*m mieux ; c »■, plus la rivalité est éner-
O ne. A. \' DATION WJ TIIAVAIL. 37
gique entre \e% groupes, plus le lien affectuf ux se re-;-
serre entre les membres de chaque groupe en par-
ticulier. Or, si vous êtes maintenant en concurrence
avec 1(»3 meml)res de tel groupe opposé au vôtre,
dans quelques instante vous serez uni à ces mémos
individus dans un des groupes d'une autre série, par
un lien amical et corporatif. II en résulte que les
rivalités existent do groupe à groupe, et non d'indi-
vidu à individu : elles n'ont pas un caractère d'hos-
tilité, mais d'émulation. -Elles sont absorbées par
l'intérêt supérieur de la série. EnfSn, la gloire et
les bénéfices du groupe vainqueur profitant à la
série tout entière, tournent à l'avantage du groupe
surpassé qui en fait partie. Au sein de l'armée, qui
e.^t aujourd'hui le corps le plus régulièrement orga-
nisé, il existe une foule de rivalités qui tournent au
bien général. Dans un jour de bataille, les soldats de
la même compagnie rivalisent entre eux d'ardeur et
(le courage : mais ils désirent, chacun, que leur com-
pagnie se distingue entre toutes. Et si les com-
pagnies rivalisent entre elles, un sentiment de
confraternité les rallie à l'honneur du bataillon.
Les rivalités des bataillons se rallient au drapeau du
régiment ; celles des régiments à la gloire du corps
d'armée dont ils font partie; celles des différents
corps d'armée à la gloire de Tarmée prise dans
son ensemble : enfin, la gloire de l'armée se ratta-
che au faisceau des gloires nationales. — Il en est
de même des rivalités de toutes sortes dans l'orga-
nisation sociale normale dont Fourier a découvert
les lois naturelles : seulement, l^ c^td^ %'^^js^5èv^^
\
38 TROISIÈME SÉANCE.
il franchit les limites de la patrie, et embrasse l*fau <
manité tout entière.
§ Si.
Le contraste et la diversité des caractères sont des condi-
tions d'harmonie.
On entend dire souvent qu'il faudrait que tous les
hommeseussent lemême caractère pour qu'ilspussent
vivre d'accord. C'est une erreur. Si tous avaient le
même caractère, les goûts et les vocations se res^
sembleraient : rien ne serait plus monotone. Tout
le monde voudrait faire la môme chose ; une foule
de fonctions indispensables seraient abandonnées. 11
faut, au contraire, une grande diversité dans les
caractères, un assortiment complet, afin qu'il so
trouve des amateurs passionnés pour toutes les es-
pèces de travaux nécessaires à la société. C'est à
dessein que la nature donne aux honunes des carac-
tères si variés. En musique, s'il n'y avait qu'une
seule note, on ne produirait aucun accord, tandis
qu'on tire les plus belles harmonies de la combinai-
son infinie des sons différents.
Il y a, sans doute, et il y aura toujours des carac-
tères antipathiques : mais il leur sera très-facile de
s'éviter, sans froissement, comme cela se pratique
toujours dans de grandes réunions. D'ailleurs , les
gens qui ne se conviendront pas auront entre eux
des points de ralliement par la solidarité des inté-
rêts et par l'engrenage des groupes et des séries.
Ces contre-poids empêcheront les antipathies de
dégénérer en haine». Le sentiment du bonheur com-
ORGANISATION DU TRAVAIL. 39
mun, l'éducation, le ton, disposeront tous les cœurs,
dès l'enfance, à une bienveillance générale et ù ia
tolérance réciproque des caractères répulsifs.
882.
Essor donné à l'ambition.
On objecte qu'il est impossible de mettre des bor-
nes à l'ambition ; que, dans le nouvel ordre social,
cette passion ne sera pas changée, et qu'elle excitera
toujours les sentiments d'envie et de haine qui dé-
vorent maintenant le cœur des hommes. — Fourier
répond qu'il ne faut pas vouloir modérer l'ambition,
comme le prêchent en vain les moralistes, mais lui
ouvrir de vastes essors dans toutes les directions.
Il n'est pas étonnant que, dans notre société, les
hommes soient si envieux. La plupart des carriè-
res sont très-bornées : ceux qui occupent une posi-
tion inférieure, se voyant condamnés à y rester toute
leur vie, sans espoir de monter plus haut, considè-
rent avec raison leurs supérieurs et leurs égaux com-
me des ennemis ou des obstacles. Si vous voulez
que l'ambition n'inspire que de nobles sentiments,
établissez une foule de hiérarchies dans les fonc-
tions, et donnez à tous le droit de parvenir aux
degrés les plus élevés des échelles. Les places du
gouvernement sont aujourd'hui très-recherehéès,
quoique, en général, elles ne soient pas bien payées.
Pourquoi? parce que les fonctionnaires espèrent un
peu d'avancement et sont assurés d'une retraite
dans leur vieillesse. Napoléon ne cherchait pas à
étouffer l'ambition dans le cœur de ses soldats : au
10 TROfSiEIRR SKAnct,
contraire , il lès excita'rt par Tappât «tes récompen-
iies, il leur monlrait en perspective un rubans la
croix, les grades supérieurs, un bâton de maré-
chal de France , même un trône. Dans la phalange,
comme dans l'armée, l'ambition est encouragée,
et toutes les portes lui sont ouvertes ; chacun a de-
vant soi mille carrières illimitées. On commence par
être aspirant dans un gi^oupe ; ensuite on est admis
comme travailleur de 3", de 2" ou l^e^jasg^j p^jg
on devient chef de groupe, chef de série, etc. On
s'élève par degrés aux plus hautes positions dans
la commune et dans !'£ ta t. Quel les que soient les spé-
cialités auxquelles on se livre, on peut espérer, dans
les unes ou les autres, devenir le premier de la pb^iH
ilange, le premier de la province, du royaume, d«
l'empire, le premier de la terre. L'on est du moins
absolument sûr de monter toujours à la hauteur de
aon mérite en chaque fonction.
Sysièinc élecllf.
Mais comment sera-t-on assuré de pSHTenir aux
postes qu'on aura mérilés? Qui choisira les chefs?
Qui jugera de la valeur des individus? N'est'^il
pas à craindre que l'homme capable no soit souvent
écarté par l'intrigue et la faveur ? Non : et voies
'pourquoi. La nomination des chefs se fait toujours
par l'élection, ei tout candidi^ est jugé par ^» pair*.
Par exemple, les chefs du groupe ou de la série
sont élus par les membres du groupe ou de la série.
Or, il est évident que lesc'»li»ctours connaissent, d'une
ORGANISATION DU TRAVAIL. 41
part, \e travail pour lequel ilâ ont un chef à nom*
mer, et d'autre part, les individuâ qui briguent
leurs suffrages ; car ceux-ci ont fait leurs preuves
depuis long-temps sous les yeux de leurs collègues :
on sait de quoi il sont capables, quel est leur latent
\ii leur degré de supériorilé. C'est comme à l'École
polytechnique, où les élèves se connaissent même
jmieux entre eux qu'ils ne sont connus de leurs pro-
fesseurs. Les électeurs sont donc parfaitement com-
pétents sur les choses et sur les personnes. Dès
lors, il est presque impossible que le plus digne ne
^x)it pas élu. Si, par intrigue ou autrement, le con-
traire arrivait, l'honnour et les intérêts du groupe en
seraient compromis. Les groupes rivaux, ou ceux des
phalanges voisines, s'empresseraient de réparer Tin-
josticc en attirant dans leur sein, par des offres
avantageuses, le talent méconnu. Ainsi, tout homme
est sûr de parvenir aux emplois qu'il mérite. Quelle
que soit sa position sociale, du jour où il commence
à travailler, il entre dans une carrière qui pourra le
conduire, par des élections successives, aux dignités
les plus éminentes de son pays, de son continent,
du Globe.
8 ««.
Équilibres compensatifs.
Mais, dira-t-on, il y a des gens sans capacité:
ceux-^à seront humiliés de se trouver aux derniers
rangs. — Réponse : Dans les phalanges, le travail
est très-^ivisé ; il y a pour tout le monde des occu-
pations de toute esf>èce. Or, puisqu'un individu
it TROISIKME SÉANCE.
prend part à dix, vingt, trente travaux différents,
à son choix, on ne peut supposer, sans invraisem-
blance, qu'il restera inférieur dans toutes ses fonc-
tions. 11 est certain que dans quelques-unes au moins
il surpassera ses collègues, et que dans d'autres.
Il sera d'une force moyenne ; de sorte qu'un indi-^
vidu, supérieur à un autre dans une fonction, se trou-
vera son inférieur dans une fonction différente ; ce
qui donnera lieu à un équilibre compensatif. C'est
un des beaux effets du mécanisme naturel des séries
et des groupes.
S 2».
Modération universelle.
Un autre résultat non moins précieux dé cet or-
dre sera de faire pratiquer volontairement , sans
qu'il soit besoin de sermonner les gens, la modération
tant recommandée par les philosophes. Nous voyons
tous les jours des hommes se livrer au plaisir avec
excès. Ce n'est pas, comme on le croit généralement,
parce que les jouissances sont trop multipliées;
c'est, au contraire, parce qu'elles sont trop rares. Les
gens riches usent assez modérément des plaisirs du
boire et du manger ; c'est que leur table est toujours
bien servie. Mais le pauvre qui, pendant six jours,
a fait un travail répugnant et pris une mauvaise
nourriture, est heureux de pouvoir se dédommager
le dimanche ou le lundi des privations de la semaine :
il s'abandonne sans mesure aux jouissances de ce
jour exceptionnel; il commet des excès. L'histoire ra-
conte que 3? officiers d'Alexandre le Grand mou-
ORGANISATION DU TRAVAIL. 43
rurent à la suite d*une orgie trop prolongée. Fourîer
remarque avec raison que si le dîner de ces offi-
ciers avait dû être suivi d'un autre plaisir, par exem-
ple d'un beau spectacle, les convives ne seraient
pas restés si long-temps à table ; il auraient bu et
mangé plus sobrement, auraient goûté deux plaisira
au lieu d'un seul, et ne seraient pas morts gorgés.
Or, dans le régime sériaire, les hommes sont à
chaque instant sollicités par une foule de plaisirs et
de travaux attrayants : ils n'ont que l'embarras du
choix. Gomme ils aiment beaucoup la variété, il
passent fréquemment d'un objet à un autre, et goû
tant successivement toutes les jouissances physiques,
morales et intellectuelles que la Providence a réser-
vées à la nature humaine. De cette manière, ils ne
font point d'excès,' et la modération en toutes choses
résulte de l'alfluence même des plaisirs. — Onvoi
bien que tous les ressorts de la nature humaine on
été calculés par le Créateur. Il ne s'agit que d
les faire jouer dans le mécanisme social pour leque
il les a disposés. — Quelle plus belle preuve veut
on de la suprême intelligence qui a présidé à la créa-
tion de la nature humaine, que ce résultat magnifi-
que, ce plein accord de la Raison et des Passions,
se réalisant par la plénitude même du développe-
ment, par la liberté intégrale de celles-ci I
C'est au développement général de ces vues éle-
vées et religieuses sur l'harmonie préétablie ou en
puissance dans l'homme , que M. Considérant a
consacré la fm de sa troisième séance.
!▼• SÉAMTCS.
KPFPTSTIAUMONrOVRS DE l/ORGAmSATlON SOCI^tAIRS
R^pe^rtition proportionnelle au capital, aa travail
•t au taleni.
Après avoir exposé rorganisation de l'industrie so-
ciétaire et quelques-uns des avantages qui en résul-
tent, M. Considérant s'est occupé de la répartition
proportronneneauca/;îYrt'/, mfravaîl et au talent.
Le maintien de l'Association dépend d*une bonne so-
lution de ce problème, car l'Association croulerait si
les sociétaires ne devaient pas s*entendre sur la ré-
partition des dividendes.
Le bénéfice total se divise en trois paris corres-
pondantes à ces trois facultés industrielles. Fourier
propose d'attribuer quatre douzièmes au capital,
cinq douzièmes au travail et trois douzièmes au ta-
lent. Mais ce n'est pas une règle, c'est une propor-
tion prise comme exemple : on adoptera , faculta-
tivement, toute autre base.
D'abord, quant au capUaf, il sera rétribué en rai-
son de son utilité. On conçoit que les grandes Asso*
dations phalanstériennes auront besoin de capitaux
pour accroître leur prospérité. Les capitaux seront
donc très-recherchés, et le prix de l'argent s'élève-
râ d'autant plus que la demande sera plus consi-
dérable. La concurrence nivellerai \e taux de l'inté"
I^FFETS llAttMONlOUeS. 43
rét. Si une phalange prétendait payer l'intérêt
au-dessouâ du cours, les détenteurs de capitaux pla-
ceraient leur fortune aitleurs. Le capital sera donc
rélribué d après sa valeur sociale. D'ailleurs, cha-
cun en particulier sera intéressé à lui affecter une
l)art coi^'enable : car, grâce à raccroissemeni de la
richesse sociale et à l'équité de la répartition, tout
le monde sera plus ou moins capitaliste en peu de
temps. La phalange fera fonctioa de caisse d'épargne
pour les petits capitaux, qui n'y trouveront pas seu-
lement un intérêt, mais en outre un fort dividende.
La part afférente au capital se distribue aux ac-
tionnaii^es <ui mareto franc des actioas, c'est-à-dire
de toutes les gommes, petites ou grandes, placées
daDS la phalange et hypothéquées sur rensemble do
&BS valeurs. Rien n'est plus ^ile que cette distri-
bution : c'est ce qui se fait dans toutes les sociétés
où Von partage des bénéfices.
Peur régler la part due au travail , on divisera
les travaux en trois catégories : travaux de nécessi-
té 9 d'vUlUé et d^offrémeat. Ces derniers seront
moins rétribnésque lesdeux autres. Généralement les
travailleurs appartiendront aux tix>is catégories : ils
ne chercheront donc pas à faire prévaloir injuste-
ment une catégorie s^r une autre, et Ton ne consul-
tera que Itss intérêts généraux. Chaque série rece-
vra un dividende qiii sera réparti entre les groupes,
et ehaque groupe fera la sous-réparlition entre les
membres qui le composent proportionnelleaient à
leur travail constaté {^ar les relevés des séances.
En ce qui concerne I9 rétributioo du talent, on
46 QUATRIEUE SÉANCE.
a VU que les hommes les plus capables s'élevaient
infailliblement, par rélection compétente, au rang
qui leur était dû. Il en résulte que le grade qu'un in-
dividu occupe dans chacune des séries où il est en-
rôlé est l'expression exacte du talent dont il fait
preuve dans chaque espèce de travail. Il sera donc
bien facile de le rétribuer proportionnellement à
son talent : -^ problème insoluble dans notre orga-
nisation sociale actuelle.
8 27.
I/égoYsme et la cupidité deviendraient voies de jusUcc.
On n'a point à craindre que les chefs de groupe
ou de série s'entendent pour s'adjuger de gros di-
videndes au détriment des simples travailleurs, ni
que ceux-ci se coalisent contre les chefe dans un but
analogue. En effet , tout individu se trouve au
nombre des chefs dans certaines séries, et au nom-
bre des soldats dans d'autres, sans compter les
positions intermédiaires. Dès-lors, il est aisé de voir
que les cheh ne pourraient être injustes envers
les simples travailleurs, et réciproquement, sans se
porter préjudice à eux-mêmes. Par conséquent , en
supposant qu'au jour de la distribution des divi-
dendes, chaque associé ne soit mû que par des sen-
timents d'égoïsme et de cupidité, qui disparaîtront
complètement du milieu sociétaire, ses désirs ne
pourront être satisfaits que par une répartition basée
BUT les règles de la justice. Il y a donc parfait
accord de l'intérêt individuel avec l'intérêt collec-
tif dans le système sériaire.
EFFETS UAHHONIQUES. 47
Telle est la soluUon du problème de la ré(>arti-
tion proportioimelle au capital, au travail et au ta-
lent. M. Considérant a terminé par cette question
son exposition du système de Fourier. Il a ensuite
récapitulé avec une pi*écision remarquable les théo-
ries développées dans les quatre séances du cours,
et il a jeté dans son résumé des aperçus nouveaux
et intéressants que nous croyons devoir signaler au
lecteur, afin de remplir la tâche que nous nous
sommes imposée, de reproduire en historien fidèle
la substance des idées exposées par M. Considé-
rant.
S sa.
Les médecins dans Tordre sociétaire.
En régime sociétaire , la médecine s'exerce dans
des conditions différentes de celles qui lui sont impo*
sées dans les sociétés morcelées. Âujourdliui , les
médecins trouvent leur intérêt à ce qu'il y ait beau-
coup de malades. Dans le Phalanstère, ils sont inté-
ressés à ce qu'il y en ait le moins possible. En effet,
les médecins ne reçoivent directement aucun salaire
des individus ; ils touchent, à la fin de l'année, un
dividende comme tous les autres membres de l'As-
sociation; etce dividende est d'autant plus élevé que
le nombre des malades a été plus faible, que les mé-
decins ont mieux défendu la phalange contre la ma-
ladie. Il résulte de ce système de rétribution que tous
les malades indistinctement, quelle que soit leur po-
sition sociale, sont traités avec les mêmes soins ; que
les médecins s'occupent constamment de la santé d^
48 QUATRIKME SÉANCE.'
leurs co-associés , et que leur rôle ne se borne pas a
guérir les maladies qui surviennent , mais con-
siste surtout à les prévenir en prescrivant toutes
les me«ures dliygîène publique et privée capa-
bles d'améliorer l'élat physique de la population
en ma«ee.
Imposilbilité du vol.
Dans un Phalanstère, le vol est impossible. D'a-
bord, les hommes n'y sont pas poussés par la misère,
malesuada famés ; ensuite leur moralité grandit
sous l'influence du travail et de l'éducation. Mais in-
dépendanmient de ces causes mortes, le vol serait
empêché par des obstacles matériels presque insur-
nâontables. En effet, le vol ne peut porter que sur
un objet de consommation ou sur un objet mobilier.
Dans le prepnier cas, le voleur serait fort embar-
rassé du comestible dérobé. Où le préparerait-il?
comment le consommeraitr-il ? Dans le second cas ,
il ne saurait où cacher ta chose volée, et ne trou-
verait personne qui voulût Tacheter, attendu que
les particuliers ne font pas le commerce, et que
les phalanges seules ont le droit de vendre et
d'acheter. Tout individu qui se présenterait devant
les administrateurs d'un Phalanstère , avec l'in-
tention de vendre un objet quelconque, serait tenu
de prouver la légitimité de sa possession. Ainsi ,
ni moralement ni matériellement le vol n'est pos-
sible.
EFFE're HARMONIQUES, 40
§ 30.
Plus de paresse.— Extinction de la misère et de la men-
dicité.-— Armées industrielles.
La distribution des travaux par groupes et séries
ayant la propriété de les rendre attrayants, toutes
les classes de la société recherchent avec ardeur
des places dans toutes les branches infiniment va-
riées des fonctions sociales. Il n'y a donc plus de
paresseux : on pourra faire aux sociétaires pau-
vres Tavanco d'un minimum^ avec la certitude
qu'ils auront gagné plus que leur dépense à la fin
de l'année. Ainsi, l'établissement du régime socié-
taire extirpera la misère et la mendicité, fléaux des
sociétés basées sur la concurrence anarchique et
le morcellement. Il serait impossible aujourd'hui de
faire au peuple l'avance du minimum : il tombe-
rait aussitôt dans la fainéantise, attendu que le tra-
vail est répugnant. Voilà pourquoi la taxe des pau-
vres, en Angleterre, n'a fait qu'élargir la plaie hi-
deuse du paupérisme. — L'avance du minimum,
c'est la base de la liberté et la garantie de l'éman-
cipation du prolétaire. Pas de liberté sans mini-
mum ; pas de m/n/m)/m sans attraction indus-
trielle. Toute la politique d'émancipation des mas-
ses est là. (V. pag. 88, la thèse du travail-ali rayant.)
M. Considérant a parlé, en finissant, de l'immen-
sité du bonheur auquel l'humanité atteindra, au
bout de quelques générations, par rorganisiilion
phalanslérienne. Il a peu développé ce sujet , dan^
la crainte d'exciter i'incréduUiè à» w% *àM^\\R.\\\T*%
Une des plus grandes conséquences du nouvel or-
dre social sera la substitution aux armées destruc-
tives d'armées {Mtcifiques et industrielles de divers
degrés, qui seront employées à r^XHser les montagnes
dénudées par notre imprévoyante société; à attaquer
les déserts, à y amener des eaux et à les couvrir peu
à peu de terre v^étale^ pour y rappeler la vie et la
fécondité; à dessécher les marais; à jeter des pools,
à maîtriser par des digues et des eucaissemeots le
cours des fleuves et des rivières } à creuser des canaux
(rirrigation et de navigaUoa; à construire des routes
et des chemins de fer entre les priacipmix pointe des
continents ; à percer des isthmes , tels que ceux de
Suez et de Panama ; en un mot, à exécuter comme
par enchantement les grandes opérations d'utilité
générale exigeant des liions de travaiUewrs, qui au-
ront pour résultat d*asBainir, d'embelUr etd*ex]^iler
toute la mirfoca du domaine terrestre, dont l*hiBaa-
ni lé est Tusufruitière perpétuelle. LVateur s'est
ému à l'idée du bonheur futur comparé au malheur
présent, et il a fait partager son émotion à loute l'as-
semblée, lorsqu'il s'est écrié : c Messieurs, tous les li-
vres sacrés s'accordent à proclamer que l'homme est
le Roi de la création. Telle est en effet sa Destinée.
Mais, je vous le demande, l'homme mérite-il aujour-
d'hui de porta" ce titre glorieux? Quel est donc ce Roi
couvertde haillons,dévoré par la faim et les maladies,
et qui vient étaler ses plaies et ses misères sur les pla-
ces publiques? Je ne reconnais pas là le Roi de la terre!
Les prophéties ne sont pas accomplies. Que toutes les
nations s'associent, que tous les peuples s^uoissent
et » or^aDlàeut dans l'Unité de la {^raodc £»miUe ;
que rhofnoie emploie ses bras et son intelligence à
la culture générale du globe, au lieu de le dévaster;
qu'il prenne possession complète de son domaine, et
qu'il applique au bonhsua de tous les richesses pro-
duites : alors il pourra s'appeler Roi delà création!
Mais aujourd'hui encore, il n'en v&i que le rebut : car
la condition des aninnaux est meilleure et souvent
plus poUe que la sienne 1 » {\ïh applaudissements.)
8 51.
Ii)iprci.<ioii faite «ir le» eaprit» par l'Exposition. — Espoir
il*uu prochain cesai. — Univcr^alHô de la théorie deFou-
rier.— Conclurfon.
•
Tfi 4fst à peu près l'ensemble des idées qu'a dé-
veloppées M. Considérant. Nous n'avons pu en don-
ner qu'une sèche analyse, obligé que nous étions de
l'easerrer sa pensée dans des limites étroites. Ses
Icro&f OQi oferi constamment un grand intérêt. M.
Considérant parlait trè^-vit» : mais son style, à la
fois single et ^evé, était si clair et si précis, que,
malgré la nouveauté des idées, il a toujours été com-
pris et écouté aveo la plus giuode attention. Dès la
preflosère aéaJioe, il s'est coacUié la bienveillance des
auditeurs par sa siimplicité et par le ton de pariaite
coBvenance avee lequel il s'est exprimé sur les par-
,tis politiques. La seconde séance, consacrée aui
descrifHions , a moios intéressé que la première ,
mais on s'accorde à dire qu'il a traité son sujet d'une
manière supérieure dans la 'à^ et la 4*, surtout
dang la dernière. Quoiqu'il ait pailé pendant
52 QUATHIÈME séANG£.
deux heures et demie, le public ne paraissait nulle-
ment fatigué : sa parole a toujours été facile, pleine
de lucidité et de pensées. Il s'est élevé jusqu'au ton
do Téloquence , et Tauditoire l'a couvert deux fois
d'applaudissements prolongés.
M. Considérant s'est acquis, auprès de ceux qui
l'ont entendu, la réputation d'un homme de grand
talent, animé de convictions sincères et habile propa-
gateur du système social dont il est l'apôtre zélé,
mais tolérant ; n'ayant pas la prétention d'imposer
à personne des principes exclusifs et absolus, mais
faisant un appel à l'examen et à l'expérience. Ses
enseignements ont fait tomber en partie les méfiances
et les préventions qui existaient contre la théorie de
Fourier. Sans doute, l'immense majorité est toujours
incrédule, et dit : Ce serait bien beau^ si c'était
réalisable ! mais il est certain que le système pha-
lanstérien ne parait plus aussi extravagant qu'on se
le figurait, qu'on y trouve des choses sérieuses et
dignes de fixer l'attention des hommes les plus po-
sitifs. Nous croyons que M. Considérant a été assez
heureux pour faire naître dans la majorité des es-
prits le désir, et, dans quelques-uns, l'espoir de voir
une réalisation prochaine. Fourier demanda inutile-
ment, pendant trente ans , que l'on fît un essai de
son système. Ses disciples le demandent aussi, ei
travaillent dans ce but. Seront-ils plus heureux que
le maitre ? Nous l'ignorons. Nous savons seulement
qu'ils en ont l'espérance. Car M. Considérant a
annoncé au public que l'École sociétaire serait certai-
nement en mesure de répondre, de notre temps, par
EFFETS HARMONIQUES. f>3
un essai, aux reproches d'impossibilité qiie le siècle
lui adresse (1).
Avant de quitter ses auditeurs , ^f . Considérant
leur a fait remarquer qu'il n'avait exposé qu'une
faible partie de la théorie de Fourier ; que cette
théorie était universelle, et reposait sur une concep-
tion générale de Dieu, de l'Homme et de l'Univers,
dont le système social n'était qu'un élément ; que le
temps ne lui avait pas permis de parler de l'admi-
nistration , du commerce et de l'éducation dans le
régime sociétaire, ni de faire connaître les vues his-
toriques de Fourier et sa critique de la société ac-
tuelle. Il a donc engagé les personnes qui l 'écou-
taient à ne pas se hâter de porter un jugement défini-
tif sur cette doctrine, sans en avoir faitune étude plus
approfondie dans les ouvrages de l'École sociétaire.
Nous suivrons, quant à nous, te conseil de M. Con-
sidérant. Nous sommes en effet convaincu qu'un sys-
tème aussi vaste ne peut pas être jugé sur une ex-
position aussi rapide : d ailleui*s une critique cons-
ciencieuse ne doit pas être formulée en quelques
lignes, mais dans des articles raisonnes et d'une cer-
(0 II est certain que les partisans des idées de Fourier
sont Aujourd'hui plus nombreux dans notre ville qu'ils ne
l'étaient avant le passage de M. Considérant. La théorie
phalanstérienne a des amis dans toutes les classes de la
société et dans tous les partis politiques. Beaucoup de
personnes lisent maintenant les ouvrages de l'École socié-
taire, et Von pourrait citer des femmes d'un esprit très-
distingué qui s'occupent avec intérêt de l'étude du système,
et qui forment des tcpux pour sa prompte réussite.
(A'o/e de ré(M«ox\ «Le v^w^
i
54 OtlATRIKIlt 8BANCC.
taine éfeifttu^. Noos iQMirnerofift donc notre jii!:;e-
ment (4), el nous terminerons notre compte rendu
par quelques réflexions sur le caractère de laUi^ie
de Fourier, considérée au point de vtie qui préoc*
. cupe aujourd'hui tous les esprits.
I Cette théorie a la prétention de concilier tous le*^
partis par la satisfaction des intérêts l^itimes de
chacun d'eux. Pour y parvenir, elle ne leur propose
pas une nouvelle doctrine politique, mais le plan
d'une meilleure constitution sociale. Aux yeux des
phalanstériens, les formes de gouvernement ont de.
l'importance, mais une importance secondaire, et
ils considèrent les discussions politiques et adminis*
tratives comme des brandons éternels de discorde.
Au lieu donc de plaider des institutions monarchi-
ques, constitutionnelles ou républicaines, ils portent
la question sur un terrain neutre où toutes les classes
de la société peuvent se rencontrer dans les mêmes
vues et les mêmes intérêts. Ils s'occupent de l'orga-
nisation des éléments sociaux hmnaift's^ uniwruU^
de l'agriculture , de Tindustrie , du commerce , du
ménage, de l'éducation, des sciences et des arts,
c'est-à-dire de tout ce qui compose la vie réelle »
positive et journalière des individus et des peuples.
La théorie de Fourier nous parait être à la fois
radicale et conservatrice. En effet, elle a pour but
de transformer complètement les relations actuelles
des hommes, de substituer la richesse à la misère,
CV L'auieur est entièrement acquis autounl'hui à la
itiéorie êociâlaire. (JYote de lo 5« édilion.'i
EFFETS HARMONIQUES. 65
la liberté à l'oppression, l^ordre aux révolutions, U
bonheur au malheur : en un mot , do constituer lu
société, pour ainsi dire, au rebours de ce qu'elle est
aTijourd'hui. Eh bien ! pour obtenir ces grands résul-
tats, elle propose des moyens simples, innocents,
pacifiques : tout se réduit à établir roRCANiSA-*
TiON DU TRAVAIL, d'après la loi naturelle des grou-
pes et des séries : Fessai ne peut compromettre
aucune existence, il est compatible avec les lois qui
nous régissent. Nous ne croyons pas que jamais sys<
lème ait présenté de tels caractères. 11 nous semble
dès-lors que tous les hommes doivent s'intéresser à
la tliéoriede Fourier, et en provoquer les essais. Si
les expériences ne réussissaient pas, elles ne fe^
raient du moins aucun mal : en cas de succès, lo
sort de rhumanité serait bientôt changé. Les plus
pauvres auraient le bien-être matériel assuré et
une large part aux jouissances morales et intellec-
tuelles ; ils seraient émancipés et libres ; plus do
haines entre les classes ; le sort des riches eux-
mêmes serait notablement agrandi, et le genre liu-
main tout entier s'élèverait aux plus hautes sphères
de bonheur, de gloire et de dignité. La réalisation do
l'Association universelle serait véritablement la réa-
lisation sociale du Christianisme, l'avènement sur la
terre du royaume de Dieu et de sa justice, le Para-
dis reconquis I... Eh I quel esprit sage oserait pren
dre sur lui d'affirmer que là ne sont pas les voie»
de notre Destinée sociale et do la Vérité ?
P.-C-E. Mo.,..e.
FIN DU COIIPTE-ni:XDU,
^i
■ t
I S
M
1
it
.
ÉTUDES
SUB
(UfiLtDES P&OBLÈÏES FONDAÏENTM
DE LA
DESTINÉE SOCIALE
PAR
VICTOR CONSIDERANT.
f
AîEiTissEiep m înm.
A la 8uUe de l'analyse rapide àa mécanisme iocié-
laire que l'on vient d'avair sous les yeui, nous avoM
pensé qne le lecleur ne trouverait pas sans inléfét une
série d'études, rapides elles- reémes , sur plosieura
problèmes fondamcnuiux de la Destinée sociale, dont
les uns ont à peine été effleurés , dont les autres n'ont
po même se trouver indiqués dans cette analyse.
Ces études nous paraissent d'auUint mieux à leur
place ici qu'elles avaient été écrites (en 1837) pour
former la première partie d'une Kxposition Abrégée dt
la Doctrine sociétaire , Exposition plus développée ce-
pendant que celle dont on vient de prendre connais-
sance. Ces études ouvrent donc un second degré d'ini-
tiation , et rcmpllsseiit l'objet de cette courte publlca
tlon ; car, par celle adjonction , le lecleur ne sera que
mieux mis en état de décider lui-même s'il est de ca*
ractëreà subir les initiations plus élevées, à s'approcher
du centre de la lumière , à pénétrer jusqu'au cœur de
la loi de rHarnionie et des Destinées universelles.
L'expérience est facile à faire : tout lecteur qui, ar-
rivé à la fin de celte petite brochure, n'aura rien senti
passer dans son intelligence , n'aura rien senti vibrer
dans sou cœur; qui n'aura pas entendu murmurer
au fond de son éme le moindre son d'espérance , le
moindre accord de fol, de charité et d'amour; qui
60 AVERTISSEMEIVT DES ÉTUDES.
B*aura pas , ne fût-ce qu'un moment , saisi et aimé
Tidéal de Ja Destinée heureuse, el éprouvé le noble et
religieui désir de travailler à la rédemption de ses frè-
res qui souffrent; tout lecteur qui, en faisant son exa-
men de conscience, se trouvera être resté toujours
froid, toujours sceptique, toujours incrédule et égoïste,
pourra se dispenser de perdre son temps A des études
plus profondes sur la théorie de l'Unité universelle.
Seulement il saura gré à l'École sociétaire de lui avoir
fourni un moyen court et facile de faire cette expé-
rience.
Quant à ceux qui auraient éprouvé un mouvement,
même léger et fugitif, au fond de leur esprit ou de
leur cœur, qu'ils continuent l'élude, c'est un devoir
pour eux ; qu'ils réfléchissent, ceux-là, que les préju-
gés si invétérés du monde peuvent les empêcher de
voir vite , de comprendre au premier mot ; qu'ils ail-
lent donc plus avant, qu'ils se présentent à des initia-
lions supérieures. Tous ceux chez qui le feu sacré de
l'humanité n'est pas éteint par l'égoisme , ou dominé
par l'orgueil, ont en eux de quoi comprendre ; ils peu-
vent, s'ils le veulent, arriver à la science, et prendre
part à l'œuvre sainte et glorieuse de la rédemption
universelle.
SUB
QUELQUES PROBLÈMES rONDAMENTAUX
DE J.A
DESTINÉE SOCIALE.
ire
Do l'Unité ou de l'Analogie universelle.
L'objet de la Science sociale est la connaissance
des Destinées humaines, c'est-à-dire de toutes les
phases du développement de l'humanité sur un globe.
L'objet spécial de la Théorie sociétaire est le cal-
cul des conditions de l'Association, ou la détermi-
nation de la forme sociale particulière aux phases
heureuses de la carrière de l'humanité.
Le génie de Fourier a découvert cette organisa-
tion sociale dont la réalisation changera bientôt en
richesses et en joies les misères et les larmes de
la terre : en outre il a fait passer sous nos yeux
le majestueux spectacle du développement de
notre humanité sur son globe ; enfin, dominant le
temp» et l'espace, il a conquis et livré à l'homme
la connaissance de la constitution analogique dc%
62 !'• THÈSE.
choses, la Loi cosmogonique de l'Unilé du monde.
L'idée de Tunité universelle est adéquate à
la raison, et les manifestations supérieures de
cette idée ont constitué, dans tous les temps, les ma-
nifesUtioQft &u{^rieures de rinielligence humaine.
Ainsi les grands génies qui ont irradié sur le monde
ne sont autres que ceux qui ont possédé, aux degrés
les plus hauts, le sentiment de l'Unité universelle,
qui en ont'eu la vue la plus claire, qui en ont éprouvé
les aspirations les plus puissantes. Los noms des
Aristote, des Platon, des Pythagore, des Keppler,
des Leitnitz, des Newton, etc., le prouvent dans
Tordre de la science, comme ceux des Alexandre,
des César, des Charlemagne et des Napoléon dans
Tordrede la p<riitique. La mesure dece sentiment, le
degré de clarté de cette vue, l'énergie de ces aspi-
rations, constituent la mesure même du génie de ces
grands hommes et en évaluent le titre. Que les es-
prits étroits et fourvoyés dans les préjugés mesquins
d'une époque d'anarchie intellectuelle, où le génie
humain ne se produit plus qu*en œuvres fragmen-
taires, cessent donc de frapper de proscription les
hautes synthèses; qu'ils cessent de faire objection
contre la synthèse sociale de Fourier par cela qu'elle
se rapporte à une conception plus haute encore; à
une conception qui embrasse, dans «ne coordination
absolue , l'ensemble infini des phénomènes dont la
composition, toujours hiérarchique et infininseirt va-
riée, constitue l'Ordre universel.
L'ordre, l'harmonie, régnent dans l'univers. La so-
Ijdariié de toutes les vies individuelles, successives et
DE L*UNIT4Î UNIVEnSELLR. 63
Ilicrarchiqiiofncni sis90cié«*§ , ronsUlue lii Vie-iuii-
verscHe,!'Èlr(»-vivant-ah80lu. L'ordre, i iuinnonie, )a
VIO, ne peuvent être conçus que comine expressions
i\\mo seule et mémo loi qui régit toutes les branches
du mouvement, toutes les forces eosmogoniques, tou-
tes les énergies de ia vie, et qui se reproduit, tou-
jours une, de la b9se jusqu'au sommet de IWlielle
infiniment varice des Êtres. Les découvertes succes-
^vcs des sciences ont tellenieni oonlirmé ce grand
à prhrî, qu'il feudnut même riico^)ter comme ré-
sultat de Tobservation et de lanalo^ie analytique.
Le principe nécessaire de l'Unité universelle éta-
blit donc le Hen hiérarchique de toutes les mani^
festatlons phénoménales, leurs d(*pendaiices. réci-
proques et concordantes, leurs rapports analogiques.
Ainsi tes hannooies planétaires, stellaires, physio-
logiques, scicialfiSf etc« , ne peuvent être conçues,
à un point de vue élevé et géaésiaque, que comme
les développements divers d'un seul et même pria-
cipe, les résultats roncordants d'une seule et même
loi. Le principe de l'Unité ou de l'Asalo^ universelle
est ia base de tout sfstème cosmogonique, et oensti-
tue la pcmière condition logique de toute vne géné-
rale sur les (ihéoomènes du monde. I^ découverte
dt* la loi, une et souveraine, qui régit les harmonies
(le ces phénomènes et les compose dans Tharmonie
^totale, supérieure, une et absolue, n'est autre chose
que la science absolue, la soluliofi du problème du
monde, le mot ée la grande énigme jusqu'ici incom-
plètement résolue des Destinées $;énérdles.
Le règne hominal iaii partie du monde et lui aç-
64 l^* THÈSE.
partient ; il vit dans la vie universelle et ne peut en
être isolé que par une abstraction sans réalité pos-
sible. L'existence de Thumanité ne peut être conçue
qu*à la condition de l'existence des êtres qui Tenvi-
ronnent et du milieu au sein duquel elle est placée.
Sa Destinée est donc une appartenance nécessaire
des Destinées générales. Si la théorie de la Destinée
sociale, découverte par Fourier, ne se ralliait pas à
la théorie des Destinées universelles, si elle n'était
pas un cas particulier de la loi suprême, si elle ne se
déduisait pas de l'harmonie du monde, ou ne pou-
vait s'y rattacher et s'y réduire , elle serait la néga-
tion même de l'ordre, de l'harmonie et de l'existence,
elle briserait le lien sublime qui fait la vie. Gomme
toutes les conceptions étroites et arbitraires qui ne
satisfont pas à celte condition nécessaire, elle ne se-
rait dès-lors qu'une aberration, une vanité.
La simple indication que nous venons de faire des
principes de l'Unité, servira d'avertissement aux
esprits élevés qui sentent la nécessité de sa présence
à la base de toutes les questions de haute science.
D'un autre côté, elle répondra aux objections des
esprits étroits ou irréfléchis, qui croient (H'ouver que
les vues sociales de Fourier sont de pures rêveries,
par cela seul qu'il a jeté dans ses livres des vues
ultérieures et cosmogoniques.
L'étude de l'Unité universelle, pour Thomme, se
divise en trois branches :
Unité de l'homme avec lui-même ;
Unité de l'homme avec Dieu ;
Unité de l'homme avec l'univers.
UK L\ I^Kî^riN^K PltËRTABLIR. 65
' Noua nous occuperons ici seulement du problème
de la première branche, la solution de ce problème
n'étant autre chose que la découverte des conditions
sociales qui peuvent établir l'accord de la Passion
et de la Raison dans l'homme, et réaliser Pharmo-
nie dtîs hommes entre eux sur la terre. Telle est en
effet la partie Urgente à vulgariser de la science
de l^unité universelle.
Du Code social divin et de la DesUnée préétablie^ ou
naturelle.
Le tableau déroHiè sous nos ymx par Fhistotre de
tmis les siède» nou» présente le s^^ctacle du combat
perpétuel des passions, des intérêts^, du devoir et
de la raison aux prtse:^ dans le cœur de l'homme^
se comprimant récifNroquement, s'imposant sans cesse
de cruels sacrifices, et réalisant les plus doulofureux
martyres o» les plas honteuses dégradations.
J^speclaolede cette lutter intérieure, à laquelle nul
au monde eneore n'a pu soustraire mhi àme, se re-
produit en grand dans la société, où le conflit desi
intérêts individuels et cotleetifi, ta collision des am-
bitionSf le cktoc das pasaiona, iasaltaiit à t'impuis^
sance dealofg répressives ; où la grande et lameii*
table voix des douleurs et des miaèrea s'élève inces.
samment du sein de» nations; où les peuples , livrés
«^y génie de*» roYolutions et des guerre^^ %»sei t^-
66 Jl^ THÈSe.
lâche déchirent de leurs mains leurs propres «en-
trailles, ou s'égorgent les uns les autres.
Cette guerre de l'homme avec lui-même et avec
ses semblables, cette guerre ^ous toutes ses formes,
a tous ses degrés, à toutes ses puissances, cette
guerre et son cortège de fléaux, serait-ce la Destinée
invincible, fatale, éternelle, que Dieu a décrétée pour
l'homme ici-bas? La dévastation et le carnage com-
posent-ils, ô mon Dieu ! le but final de votre créa-
tion sur la terre? Ne l'a veB*vous jetée, cette terre si
belle et si parée, dans l'espace ; ne l'avez-vous bai-
gnée dans Içs (lots lumineux du soleil qui portent la
chaleur et la vie ; ne l'avez-vous enveloppée de son
manteau resplendissant d'étoiles; ne l'avez vous pla-
cée au centre de votre ciel, n'avez-vousdé])osé la fé-
condité dans son sein et développée sa surface les
richesses et les harmonies infinies de tous les gem^
et de tous les règnes, que pour qu'elle fût sous vos
yeux un étemel théâtre de combats acharnés, un
cliamp de bataille toujours sanglant, oùdoivent s'é-
gorger à jamais les peuples et les générations ? Est-ce
un spectacle de révolutions, de massacres, de mi-
sères et de désolations que vous avez voolu vous
donner en créant l'humanité ? Ëstrce un concert de
larmes, de gémissements, de sanglots et de haines
étemelles que vous avez voulu vous ccMnposer au
sein de Tharmoiiiei^fis mondes, ea nous-pkîçant sur
cette terre avec les passionsquevousavez vous-même
déposées dans nos coeurs? Le mal est-il nécessaire
et fatal sur cette terre où vous nous avez fait nattre?
'^rJ} inhéreui à notre nature, que vous avez for-«
DE LA DB&TfNjl8 PRÉKTABLIË. 67
tnée de vos mains touteïr-pai&gBntes ? L'avez-voui
combiné, le mal, avec notre organisme que vous avez
pétri ? Nulle forme desoeiété, parmi les sociétés pos-
sibles, ne peut-elle réalisersor la terre, avec Thomme
tel qu-ii est sorti de votre pensée créatrice^ l'Union ^
rUnion sainte des individus, des peuples et des ra-
ces ? Pouvons^nous nous unir, nous aimer et jouir;
pouvons-nous conununier en gloire et en bonheur
avec vous, en nous associant avec vous au gouver-
nement éternel de rharmonte des mondes ? Ou bien
cette, terre est-elle retranchée de l'Ordre-universel ?
nous ave^vous maudits, nous avez^vous ici-bas fa-
(alemmt dévoués, 6 Dieu notre père, à la haine, au
versement du sang, à toute misière, à toute dégr»^
dation et à touto souffrance?
Non, non ! ce décret odieux qui rive le mal à la
(erre et à rhumanité, n- si point été lancé sur la créa-
tion ! Non , le Diea de rhumanité et du monde n'a
point étendu cette infernale malédiction snr rhu-
manité et sur le monde t Que l'homme interroge son
cœur dans le silence de ses préjugés; et la voix de
son cœur, qui est la vmx de ]>ieu , hti' répondra
qu'il est fait pour bénir et non pour maudire, pour
aimer et non pour haïr l L'hooune a soifde bonheur,
<^'estdonc que Thomme a été créé pour l'amour et
pour l'harmonie. L'homme a été créé à l'image de
Dieu, c'est donc qu'il doit ordonner, régir et gou-
verner sur la terre, comme Dieu ordonne, régit et
gouverne dans le domaine lAflni des cieux.
Et maintenant que le cœur a répondu , écoulons
l'ini^'lliç^nce; cherchons les lois de noU^ "ec^vn^^v
d9 U^THJiSE.
rapportons ie mal à s^ causes, et découvrons le:)
conditions des Destinées heureuses.
Tous les actes de l'homme , bons ou mauvais ,
utiles ou nuisibles^ ont leur cause et leur origine
dans les appétits de ses sens, les affections de son
cœur ou les désirs de son intelligence. Or, ces ap-
pétits, ces affections, ces désirs, ne sont autre
chose que les facultés fondamentales, les forcbs yi*
V£S qui constituent la nature essentielle de Thomme^
et font qu'il est Vf tomme el non un autre être. Ces
besoins, ces goûts, ces penchants y toutes ces forces
actives qui composent le système passionnel de
l'homme , isonl les ressorts intimes et voulus qui
président à toutes les relations des hommes , qui
mettent l'homme en rapport avec ses semblables^
avec le monde et avec Dieu. Ces éléments de l'activité
humaine ont nécessairement une rmon et un but; ils
sont nécessairement appdés à se oombiner harmor
nieusement daiiB unecert^dne forme sociale précon-
çue, concordant en tout point avec la nature humaine,
domiantsatisfaction à cette nature, développant tou-
tes ses richesses, utilisant toutes ses forces et tousses
dédirs, ouvrant enfin à ses facultés puissant08 les
plus libres essors , les plus heureux emplois, les
fonctions les plus variées et les plus harmoniques.
Cette forme sociale, convenant à* la nature de
l'homme, utilisant pour son perfectionnement et
pour le perfectionnement de l'espèce , pour le bon-
heur de riiumanité entière , les facultés natives de
tous ses membres^ constitue la Destinée normale de
Hiommé ici-bas , la Destinée sociale préétablie.
DE LA DESTINÉE PR^TABLIE. 60
l^forgnai^atton ^q cetle société est la condition du
ro^ne de rharmonie et du triomphe du bieri sur la
terre.. .
S1i en était autrement, nos passions (1 ) auraient été
ffiites au hasard ou dans des intentions mauvaises.
La puissance créatrice serait une puissance impuis-
i^ante, stupide ou malfaisante: car elle n'aurait pai
pu t n'aurait pas su ou n'aurait pas voulu noui
douer d'impulsions susceptibles de produire le biet
dans aucun ordre social que ce puisse être. Elle au
rait manifesté une libéralité et une sagesse infinies
dans les jouissances et les attraits dont elle a envi-
ronné les lois conservatrices et reproductrices de
l'espèce; elle aurait déployé une sublime intelli-
gence dans la constitution matérielle de l'homme ,
où il n'est pas un organe, pas un nerf, pas une fibre,
qui ne concourent à l'harmonie de l'ensemble , où
un muscle a été préposé comme instrument pour
servir chaque besoin, et même pour exprimer les
plus délicates nuances de nos passions ; et ces pas-
sions, ressorts des acteshumains, éléments de l'hom-
me moral et social , auraient été déterminées sans
coordination et sans butî on bien elles ne seraient
rioôtinées qu'à agir les unes contre les autres, à fo
CO Le lecteur intelligent a bien compris , par ce q\\\ prfi-
<;Me, que Von n'entend point ici par passions les excès, lea
abus de» impulslous natives ou les vices produits par leurs
essors df!eordonn<?p dans no» soejétés mauvaises; mais, au
roiifr.iirc, ces impulsigiid dans loutr, la puni»' de leur na-
tiiti' primitive.
70 n« THÈSE.
combattre, a engendrer une lutte éternelle dans
l'homme, une lutte éternelle dans l'humahité , un
éternel concert de ruses, d'oppressions, de violences,
de massacres et de misèrte !
L'organisme physiologique de Thomme serait une
œuvre sublime d'intelligence et d'harmonie , et son
organisme passionnel , dont le premier n'est que le
corps et l'instrument, une discordante absurdité ou
un méfait ! — A un autre point de vue, les manifesta-
lions matérielles et physiologiques dériveraient d'un
principe d'unité et d'harmonie, et les manifestations
m
morales seraient rejetées en dehors du cadre de
l'harmonie et de l'unité universelles !
Celte déplorable conception, qui a passé au
compte de la nature humaine les vices de nos détes-
tables sociétés, doit être repoussée par le sentiment
comme par la science, par la raison aussi bien que
par la foi.
L'homme est bon dans tout son être, dans son âme
comme dans son corps , dans les passions essen-
tielles de ses sens et de son cœur, cx>mme dans les
facultés de son intelligence. Il n'est pas vrai, comme
l'ont trop long-temps soutenu des moralistes et des
théologiens ignorants sur sa nature, que sanaturecon-
tienne des penchants au mal, des penchants mauvais
en eux-mêmes. Et ce qui le prouve, c'est que, quand
un individu s'est assez dépravé dans l'atmosphère
empoisonnée de notre milieu social pour en venir à
faire le mal pour le mal , sans un intérêt quelcon-
que, on appelle, et avec riison , cet individu un
DE LA DESTlXÉË PllÉÉTABLIE. 7t
Oui, toutes les impulsions qui résultent de notre
organisme, tous les besoins qui en dérivent sont
légitimes en eut-mèmes. Seulement les actes que
ces impulsions passionnelles déterminent (et qui ne
sont point les impulsions elles-mêmes, mais bien loè
eflets, sans cesse renouvelés et variables, de ces im-
pulsions) peuvent être bons ou mauvais , profita-
bles ou nuisibles, soit à rindividu, soit à là société,
suivant les circonstances variables du milieu social
darts lequel agissent ces forces impulsives.
La justesse de cette vue fondamentale sur la na-
ture passionnelle de l'homme est évidente, et ce qui
la confirme avec éclat, c'est qu'il n'est aucune pas-
sion à laquelle on ne puisse attribuer les effets les
plus honteux et les plus criminels, etaucune qui n'ait
aussi, dans d'autres circonstances , engendré les
actes les plus nobles, les plus heureux, les plus uti-
les à la société. L'ambition , l'amour , les affections
paternelles et filiales, toutes les passions que nous
nommerions, causent tantôt les attentais les plus
abominables , tantôt les dévouements les plus subli •
mes. Cessons donc de rapporter le mal à l'essence
même de notre nature ; reconnaissons qu'il s'engen-
dre dans des circonstances et des combinaisons so-
ciales qui arment les intérêts, les passions et les hom-
mes les uns contre les autres , et pervertissent la
nature , au lieu d'utiliser, pour le bien de tous , les
impulsions primitives et la force des penchants, des
besoins et des intérêts essentiels de chacun.
Il faut donc accepter, dès maintenant, comme un
à priori dont noqs aurons d'ailkuvs '^ n W«^^^ \^
72 Ul*^ TUÊS£.
légitimité} que parmi les combinaisons sociales possi-
bles il en existe une, convenantb a la nàtujib hu-
iiAiNB, dans laquelle les intérêts, les goûts, les pen^
chant^ naturels, toutes les forces vives, dérivant 4«
notre organisme, et tous les caractères humains, se
développant librement , concourent à Tharinonie de
l'ensemble , comité les sons et les accords de mille
ii^sti'uments, mariés et fondus dans un orchestre im«-
mense.
Or, la forme sociale qui satisfait à cette haute
condition est celle-là même à laquelle l'homme est
destiné de par sa nature , la forme dans laquelle
seule rhumanilé pourra associer toutes ses puissances
et réaliser glorieusement sa Royauté sur la terre.
nV TBÂSB.
Delà Dualité sociale :— Système harmonique, loi d'Attrac-
tion. Systèmes Bubv^rsifs, loi de Contrainte.
Lorsque Ton a conçu Tidée de cette société si bien
appropriée à la nature humaine , que toutes les
énergies intimes de notre être y seraient des res~
sorts utiles, des éléments d'union et d'harmonie, des
excitations entraînant tous les individus dans la
création des moyens matériels et intellectuels du
bonheur de chacun et de tous; lorsque l'on a conçu
ridée de cet organisme social , corrélatif à Torga-
ni.->me humain, on en déduit facilement la théorie de
la dualité du mouvement social et la distinction
eJoâ phases harmoniques et de» phases subversives.
DE LA J)UAi4TË SOCIALE. 73
Le3 spci^ics sQntsubversiyes(faus^s,iQCohérentes,
oppressives] ou harmQuiques , suivant que leurs .
formes sont en disconvenance ou en convenance avec '
Torganisme passionnel de l'homme , avec la nature
humaine. . , : ,
Il Qst évident, en. etfet, que, si Tbommc, avec ses
énergies natives, si nombreuse^, si variées, si puis
santés, est destiné à une forme sociale où chacune
de celles-ci trouve sa place, son utilité, son emploi,
et concourt à Tharmonie et au bien , — il est évident
qu'fiN DEHOBS de cette forme qui seuls les utilise et
les rallie, ces forces passionnelles ne peuvent que
discorder, se heurter, se choquer les unes contre les
autres, réaliser enfin le désordre et le maU
Dans cette conflagration générale, dans ce combat
furieux de toutes les forces de la nature humaine,
il ne peut être question que d'atténuer le mal ; et le
seul moyen d'atténuation, c'est de modérer, de con-
tenir, d'enchaîner ces forces. Aussi, dans les sociétés
subversives, voyons-nous l'intelligence elle*méme
s'emparer du rôle répressif, et, se résolvant en acte,
produire des systèmes de législation ou de répres-
sion externe, étayée de peines et de supplices, et des
systèmes de morale ou de répression interne, étayée
de tlétrissureS' Elle fait appel à tout ce qu'il y a de
puissance dans la passion religieuse, et l'exil pair
la crainte des peines ou l'espoir de& récompenses
des vies ultérieures, pour obtenir le sacrifice ou la
compression des autres passions de la nature. En un
mot, elle organise la contrainte à tous les degrés et
)»ous toutes les faces : contrainte phys\^\\^>wsvvNx"îwçiVi.
74 III" tnksB.
morale, contrainte religieuse. Et comme là contrainte
du code péii»l est, aprèâ tout, la plus nécessaire et
la plus efficace, il est vrai de dire que le bourreau
est la pierre angulaire des sociétés subversives. —
Dans ces sociétés l'homme n'est pas libre.
Dans la forme sociale har monique , toutes les pas-
sions que rhomme tient de Dieu sont utilisées ; les
impulsions se coordonnent au bien général et se di-
rigent sur les travaux et les œuvres que l'intelligence
sociale propose à l'activité des individus. — Les
prisons et les échafauds ont pu sans danger dispa-
raître; — il n'y a plus à morigéner les hommes avec
des moralités pédagogiques, entraînés qu'ils sont à
toutes les vertus sociales par les séductions même
du plaisir, par la puissante voix de l'enthousiasme
et du bonheur. — -La religion enfin, dépouillée do
son voile noir, de ses habits lugubres, a renoncé à
ses pratiques austères éternelles, à ses mystères de
rigueur, à ses condamnations et à ses énathèmes :
— couronnée de fleurs, parée comme la nouvelle
épouse , elle chante au ciel , d'un pôle à l'autre , les
saiqts et joyeux cantiques de la reconnaissance, du
triomphe et de l'amour; car le royaume de Dieu
el sajiullce sont enfin éiablis sur la ferre.
La loi de contrainte — qui opprime la nature
humaine dans les sociétés subversives, — est rem-
placée par la loi d attrait^ à laquelle tout être obéit
avec bonheur dans la plénitude de sa liberté. —
L'homme est donc vraiment libre ; et les harmonies
sociales étant régies par l'Attraction passionnelle, de
même que y djins un autre ordre, les harmonies mole-
DE LA DUALITÉ SOCIALE. 7ô
eulaires, planétaires oustellaires sont régies par l'Àlr
traction maiiérieUe, l'humanité fonctionne alors con-
formément à la loi supérieure qui gouverne les elio-
ses; elle entre enfin en rapport vrai, en unité avec
l'univers.
Pans cette transformation, les passions. n'ont pas
changé de nature , seulement de nouvelles ciroons-
tance&Ies environnent, de noiiibr^x et magnifiques
essors leur sont ouverts. La nature do Thomme est
restée la même; le milieu social a été modifié et ap-
proprié aux exigences de cette inunuable nature.
Ainsi, les mêmes molécules aériennes tan lot s'agi-
tent en affreuses tempêtes/ se déchaînent en oura-
gans destructeurs ; tantôt souillent en brises parfu-
mées et légères, enflent les voiles de nos grands na-
vires, rafraîchissent nos campagnes ou leur appor-
tent des pluies chaudes et fécondantes. Ainsi encore
les mêmes éléments qui mugissent et bouillonnent
déchaînés dans le chaos, produisent au jour de la créa-
tion les continents et les mers et leurs sublimes har-
monies, les plaines, les forêts, les montagnes ver-
doyantes y leurs lacs et leurs rivières, leurs habi-
tants et leurs fleurs. '
Il résulte des considérations précédemment éniises
sur la nature de l'homme, sur sa Destinée et sur les
différentes sortes de sociétés dans lesquelles il peut
être engagé, que le mal n'est pas inhérent à l'Être
de l'homme, mais seulement aux vices des consti-
tutions sociales qui, au lieu d'utiliser et de rallier les
forces de cet Être, les mutilent, les froissent, les irri-
tent et les arment les unscoiUv© te* waL^.\çs»,\Iw^îi*r
76 IV« THKSE.
nismedd rfaomme est bon, noire organisme social esl
mauvais. — Dès lors le problème capital de la science
sociale s'eflre à nous sous la forme suivante :
Etant donné Vhommef avee les Énergies de sa
nature, appelées besoins j goûts, penchants, autre^
ment dU, avec les Passions qui résultent de son
esseneeetde son organisme, déterminer la Jorme
es société qui satisfatt ces besoins^ emploie ces
goûiê et ces penchants, coordonne toutes ces Éner-
gies, utilise toutes ces Passions ; enfin la forme
sociale correspondante à la nature humaine.
!▼• vakniSm
^ De l'Anlérioriié des sociétés subversives.
Avant de rechercher , parmi toutes les formes
possibles , cette organisation sociale déduite de la
nature de l'homme, nous devons lever une difficulté
qui se présente naturellement à Fesprit.
S'il peut exister, est-on tenté de dire, une société
qui soit en harmonie avec la nature humaine, qui réa-
lise le bien et le bonheur, pourquoi l'homme nel'a-
t-il pas inaugurée dès les premiers jours de sa vie
terrestre? pourquoi ce retard dans la Destinée heu-
reuse ? pourquoi les douleurs ot les misères qui au*
ront précédé les beaux jours et les joies?
La solution de ceUe difficulté toi^he à une ques<
iion supérieure, à cette question mystérieuse, si
long-temps et si vainement agitée, de l'existence du
Mai dans /'Ordre-universel , {ormifljil»U' problème
DE L'ANTÉRIORrré DE ÎJL SUBVERSION. 77
diint nous avon»;, dont nous donnerons la solution
à priori claire et absolue, mais que nous ne pou->
vons traiter ici dans sa î^énéralité, puisque ce serait
sortir de notre étucie sociale pour rentrer dans là
théorie cosmogoniqueou de TUni té-universelle. Noos
nous contenterons donc, en restant dans notre do-
maine spécial, de lever la difficulté par une con-^
atdéralion à posteriori trè&^imple et trèé-facile à
saisir.
Oui , disons-nous , nos donleurft et nos misères
doivent se change eh richesses et en joies; oui,
l'existence antérieure des so<iiétés pauvres, doulou-
reuses, incohérentes et subversives, ne détruit pas la
possibilité d'une société postérieure harmonique ef
heureuse ; et même il est facile de voir que cette
dernière devait être précédée et amenée par celle-là,
et que cette antériorité est conforme à la loi univers
selle du développement des eiieses.
En effet, rexisfèhcë d'une société harmonique sur
la terre, d'Une société convenante à la nature de
l'homme , capable de répondre aux nombreuses
exigences de son organisation, ne se conçoit qu'à là
condition d'utle immense création de richesse^ et dé
moyens de satisfaction des besoins physiques, mo-
raux et intellectuels de tous les boÀrmted. Cette forme
sociale qui doit investir l'humanité dé la gestion gé-
nérale du globe, de l'empire de la terre, exige donc
un développement préalable des sciences, des ails,
des procédés techniques de l'industrie, des connais-
sances et des inventions de toutes sortes, qui doi-
vent être les instruments et les organes de «oii^fi/*^
78 IV^.THÈSS*
livité Utile etprodaclive,de son travail »ur la natu!;^
extérieure.
Comment lliomme, avant la conquête; de ces ios-
tniments et de. ces moyens, eût-il assis sa domina-
tion sur le monde , façonné et réduit les éléments à
son usage? comment eût-il fécondé, exploité, admi*
nistré le domaine de la création ? comment enfin
eût-il développé les richesses de toutes sortes dont
la surabondance est nécessaire à la satisfaction des
besoins matériels^ affectifs et intellectuels des indi-
vidus, et des peuples, et sans laquelle les intérêts et
les passions ne sauraient s'accorder?
L'organisation de la société harmonique, telle que
nous l'avons généralement définie, est donc subor-
donnée à la création préalable des instruments et
des mpyens de puissance de l'humanité, au dévelop-
pement des arts, des sciences, des forces de l'indus-
trie. Il faut à rhumsAÎté bien des tâtonnements et
|des peines pour apprendre à construire ses machines,
ses vaisseaux, se$ palais; pour former ses légi^ons
de praticiens, de savants et d'artistes ; pour rassem-
bler les éléments fondajpientaux de sa prospérité
collective et de sa puissance. Tant qu'elle n'a pas
rempli ces conditions premières , elle n'est pas en
mesure d'entrer dans sa vraie Destinée , de réaliser
l'organisation sociale apte à satisfaire les besoins, à
utiliser et harmoniser les passions de tous les mem-
bres qui la composent.
Ainsi, comme la planète, comme l'animal, comme
l'être humain lui-même, l'humanité, qui est unÊtrc-
yiypnt, d'un degré supérieur, a ses époques eni-»
DE L'ANTËRIOAlTé DE LA SlîBVEhSÏON. 79
bryonnaires et son enfance. L'humanité ne peut at-
teindre l'âge de la force, la plénitude de la vie,
qu'en traverâaat d'abord des âges d'ignorance, de
faiblesse et de douleur. — Ces premiers âges sont
précisément les temps des sociétés pauvres , inco-
hérentes, incapables de répondre par desjouissances
aux désirs de notre nature, de réaliser le bonheur
dont elles doivent pr^àrerles instruments, façonner
et rassembler le matériel immense. Ces premiers
âges sont ceux des phases que nous avons nommées
subversives.
Ces phases se divisent en périodes successives dé
signées par les noms de Sauvagerie, Patriarcat, Bar-
barie, Civilisation.' — Celles-ci se distinguent par
certains caractères spéciaux et particulièrement par
les degrés progressifs du développement des arts,
des himièresj dé l'indiiistrie, en un mot, par l'accn-
mulation des instruments nécessaires à Torganisa^
tion des sociétés harmoniques. ■ — Bien entendu,
les idées et les principes comptent en première ligne
parmi ces instruments de Tavenir et de la destinée
heureuse.
Ainsi TiildastriQ, bornée, dans la période sauvage,
à la chasâe, à la pêche, à la fabrication des armes
grossières, s'étend, dans la période patriarcale, aux
soins des troupeaux. Les peuples barbares se livrent
déjà à l'agriculture et conunencent à fabriquer. En-
fin la Civilisation développe les sciences et les arts,
perfectionne les procédés techniques en toute
branche, crée les grands moyens de communication
et tous les éléments de la grande \\vdv\%vx*\^ ^ Xs^^'^
W V» THÈSE.
cet instant, l'humanité possède toutes les ressourcés
nécessaires pour organiser ses forces et ses puissan-
ce^, et réaliser, par T association des individus et
des peuples, les conditions générales de son bon-
heur et de ses Destinées glorieuses.
Ou caractère organique des sociétés subTertives et de
celui des sociétés harmonique». — L'AssoçiaUoii ; le Mor-
cellement.
Définissons d'abord Tidée renfermée soos le mot
ASSOCIATION.
Le mot J$80ciaiîon caractérise une réunion vo--
ion taire de forces agissant dans une direction com-
mune, pour réaliser, par leur synergie, un résultat
dont les avantages se répartissent, à chaeuile des
forces associées, proportionnellement à son concours
dans l'œuvre collective.
L'idée AssociaUon suppose donc à la' foi» :
4° V Unité de but.et d'action ou la convergence des
forces;
2"* Le concours volontaire des forces ;
Z" La proportUmnaliU de répartition, c'est^à^
dire le p^rta^e des avantages entre toutes les forces
proportionnellement, pour cliacune, à sa part dans
la tréation collective.
(V Unité de but et d'action correspimd à Tidée
absolue de V Ordre; le concoure volontaire, à Ti*
dée de la liberlé; la proportionnante de répar^
iWon, â ridée de la iuUice. — L'Ordre^ la Uicf^rti^
h\] CAllACtfitlE OftGANlOtîK. 81
la Justice^ sont donc les trois éléments de TAsso-^
dation.)
Le lecteur ne doit pas aller plus avant sans s'être
pénétré de cette délinition,car elle est capitale dans
le sujet que nous traitons. Il faut la relire, la savoir
et la comprendre.
D'après cette définition, il est évident que Ton ne
peut pas dire d'un corps d'armée en campagne, par
exemple, que les individus qui le composent sont
associés dans la pleine signification du mot. Il y a
bien dans le corps d'armée unité d'action, de ma-
nœuvres et de but; il y a bien concours de toutes les
forces individuelles; mais le concours n'est pas
libre et volontaire, puisqu'il a été amené par la cons-
cription et qu'il est maintenu par une discipliae
plus ou moins violente.
Quant à la répartition des avantages personnels,
l'équité y est supposée mais n'y est point garantie.
Lorsque des capitalistes, réunis par un acte de
société, exploitent une branche d'industrie, il y a,
sur cette branche, association entre leurs capitaux,
puisque leur concours a été volontaire et que les
bénéfices de l'entreprise se partagent proportionnel-
lement aux mises de fonds. Il y a, de plus, associa-
tion [par lcui*s capitaux seulement] entre eux et les
directeurs industriels de l'enlroprise, lorsque ces
derniers, au lieu de ne recevoir qu'un traitement
fixe pour leur travail et leur talent, ont encore, dans
les produits, des parts proportionnelles à leur con-
cours i augmentant avec les bénéfices. Quant aux
6
82 V« THÈSE.
simples ouvriers et manœuvres, ils restent toujours
hors d'association, à l'état de salariés, exerçant par
besoin, parnécpssité devivre^un travail répugnant,
sans être intéressés dans ie8 bénélices qu'ils con-
courent si puissamment à produire; De telle sorte
que leur travail peut rapporter aux actionnaires ca-
pitalistes et aux sociétaires industriels des sommes
énormes, sans que leur journée, à eux, malheureux
travailleurs, en soit haussée d'un centime 1 Ces ou-
vriers ne sont donc pas associés.
D'ailleurs, ni Tarmée, ni les associations indus-
trielles dont nous avons aujourd'hui des exemples ne
sont associées dans le milieu ambiant, puisque l'ar-
mée est faite pour combattre d'autres années et que
DOS associations industrielles ont à renouveler sans
cesse contre d'autres entreprises les luttes d'une
concurrence meurtrière.
En l'absence de la répartition proportionnnelle au
Capital, au Travail et au Talent^ il y a distribution
injuste, fausse, illégitime des richesses, des produits,
des avantages créés par le concours de ces trois
^rces. Il y a en même temps divergence et guerre
des intérêts, lesquels sont, au contraire, rendus con-
vergents et fortement unis par la répartition des di-
vidensde proportionnels au concours. H est é^îdent,
par exemple, qu'il n'y aurait pas lieu à coalitions et
révoltes d'ouvriers, si les ouvriers étaient associés,
proportionnellement à leur concours en travail et
en habileté, dans les bénélices des industries où ils
sont engagés.
L'idée dAs?ociation nous représente donc : i*» Vu*
DU CARACTÈRE ORGANIQUE. ' 83
nUidt but et d'action; 2** le libre ralliement des
indwidualités; 3» la juste et légitime ré partition
d<^s avantages distribués proportionnellement au
concours à la production, dernière condition sans la-
quelle les 'précédentes peuvent un moment exister
dans une masse, mais ne sauraient s'y maintenir.
L'idée opposée à celle d'Association comporte,
par contre : K° Vabsence de but commun^ 2** la di-
vergence des forces ^lenr éparpillement, leur hosti-
lité, 3® enfin la répartition arbitraire, frauduleuse
où oppressive et toujours illégitime des richesses ou
autres avantages produits.
Ainsi le morcellement, qui représente le fait gé-
néral opposé à celui d'ABSOciATiON, engendre les
résultats précisément contraires à ceux que pro-
duirait la réalisation de l'Association ; il engendre la
lutte, l'anarchie, la spoliation, l'égoïsme général,
quand l'Association établirait la convergence. Tordre,
le ralliement libre et passionné de toutes les indi--
vidualités dans l'unité de l'action sociale et du bon
heur commun.
Si maintenant l'on évoque l'idée dii règne de
l'Harmonie sociale sur la terre, on conçoit que cette
Harmonie ne peut être que le résultat de l'Associa-
tion de tous les éléments, de toutes les forces, de
toutes les puissances de l'humanité. — C'est trop
clair ; on n'insiste pas là-dessus.
De ce que nous venons d'établir résulte donc ceci,
à savoir :
Que les sociétés caractérisées par le rè^ae <!k
l'incohérence, de ^opp^ession^tte\«lWT\i«ù^^^^^^
Si V^ TIlkSE.
misère, de Tégoïsme, de la guerre, de tous les
fléaux qui peuvent ravaget le glol)e, c'est-à-dire les
sociétés subversives, ont le Morcellement' poiirprin^
cipe fondamental et générateur;
Et que les sociétés harmoniques^ qui doivent
briller par la richesse, la liberté, la justice, l'union
dés individus, des peuples et des races, réaliser la
Destinée de Thomme et sa Boyauté sur son globe,
que ces sociétés ont nécessairement T^s joçf a ^îon
pour principe fondamental et générateur.
Découvrir le régime sociétaire et le substituer à
nos SOCIÉTÉS MORCELÉES, tel cst douc, sous de nou-
veaux termes, l'expression du problème social, du
problème de la Destinée.
Résumons maintenant :
L'humanité a sur la terre, sans préjudice du
Ciel, une Destinée de bonheur et d'harmonie.
Dans les formes sociales où elle réalise cette Des-
tinée, toutes les forces, toutes les passions, toutes
les facultés de ses membres sont associées, libre-
ment unies dans l'œuvre de ses grandes fonctions
collectives.
L'humanité ne peut réaliser cette organisation
harmonique qu'après avoir traversé des sociétés
non -harmoniques, c'est-à-dire brutes, incohérentes,
pendant lesquelles elle forge les instruments de sa
puissance sur la nature.
Enfin, l'humai ité, nantie des ressources créées
^r les périodes antérieures, possédant les scien-
ces, les arts, l'industrie, les instruments nécessaires
4 / (^.veroîce dç son çictivité 3ur le monde, doitac-
DES CONDITIONS D£ L'ASSOCIATION. 85
compiir le grand , le magnifique progrès qui con-
siste à organiser l'harmonie en substituant VAssa-
dation au Morcellement dans le régime des rela-
tions sociales d'individus à individus et de peuples
à peuples. (Réalisation pratique du Christianisme '
La question est donc de découvrir le procède
d'Association qui convient à la nature humaine, de
créer la Science de l'Association, ou l'art d'associé r.
Or, cette science est faite, le mécanisme sociétaire esr
déterminé ; c'est à le faire connaître et à le rcal'sef
qu'est aujourd'hui la tâche.
Dm eonditions (1er Association.
Nous avons dû définir avec précision le sens du
mot Association: ce motse trouve aujourd'hui dans
toutes les bouches, et n'y est souvent, comme celui
(l'Organisation du travail, qu'une vague expression
qui sert à toutes les opinions les plus nulles, comi>ie
les mots de liberté, de progrès, d'ordre, de frater-
nité, etc., avec lesquels se confectionne le bavar-
dage progressif, littéraire, philosophique et politique
de ce temps-ci. — Procédons actuellement à l'examen
des conditions que la définition du mot contient.
En principe, l'Association doit s'étendre à l'hu-
manité entière. L'objet de la science ne saurait être
de rechercher un procédé d'Association qui fût de sa
nature limité à un groupe, à un [)euple, à une race.
Il ne s'agit donc pas jjour uoué d^ v^viV^\Owi\ V.^\*à>s
S6 Vl« THÈSE.
d*im système d'Association applicable seulement à
telle industrie, à tel lieu, à tels hoiiimes. Des Asso-
ciations partielles, fonctionnant dans un milieu mor-
celé, sont soumises à Thostilité extérieure et ne
constituent en aucune façon rilarmonie-sociale. Nos
compagnies industrielles luttent entre elles comme
des individus, et les duels des nations s'appellent
des combats et des batailles. Le réseau de l'Associa-
tion doit s'étendre sur lliumanité entière. Il faut
donc que le procédé d'Association soit, par sa natu-
re, applicable en tous lieux à tous les honmies. —
Pour être universalisable , l'Association doit donc
procéder d'une formule déduite des conditions es-
sentielles et générales de la nature humaine.
Bappelons-nous maintenant notre définition de
r Association , et posons les trois problèmes qu'elle
contient : i® but commun , V concours libre , 3» ré-
partition proportionnelle. Ceci est capital.
1 ® Sur quel but doivent converger les forces humai-
nes, quel doit être Vobjet de l'Association? — Cet
objet sans doute ne saurait être la destruction, la dé-
vastation univei*selle. — L'embellissement et le gou-
vernement du globe, la création de tous les moyens
du bien-être et du développement physique , moral
et intellectuel de l'humanité, l'exercice de I'indus-
TRiE, en un mot, tel est l'objet sur lequel doit être
dirigée tout entière l'activité humaine. — Obser-
vons que le mot industrie est pris ici, non dans une
acception restreinte aux travaux manuels et méca-
4niques, mais dans l'acception qui embrasse l'ensem-
ble deà créaûonis utiles du génie humain, depuis les
DES CONDlTIOf>IS &|S L'ASSOCIATION. 87
iodustrie^ agriccfle, manufacturière, etc«, jusq^'À
ia haute industrie des sciences et des be^ux-arts.
Ainsi, Texercice intégral de riMDUSTniE , c'est-à.
dire la meilleure gestion du globe lerrestret et la
création de tous les éléments du bonbeur , du per«
feçtionnement et de la dignité de tous les êtres, tel
doit être fobjet de rAssociation des hommes.
Mais, pour qu'il y ait «niJ^crac^io^t entre toutes
les forces engagées dans l'exercice de l'industrie , ii
faut que l'industrie soit organisée, combinée en
mode hiérarchique et unitaire. Cette condition pose
ainsi ia nécessité de I'organisation du tbavail dani
la société.
2° Les forces ne seront spontanémenf convergen-
tes, les individus ne fonctionneront en plénitude de
liberté dans l'œuvre industrielle, que si l'Organisa-
tion cherchée a puissance de les passionner pou
l'exercice de l'industrie, autrement dit de rendre
l'industrie attrayante. .
3° Enfin, si la réparUtiondes produits et avantages
créés dans l'atelier social doit être proportionnelle
au concours^ il faut que l'organisation de cet atelier
fournisse le moyen d'AppiiÉciER le Travail et le Ta-
lent aussi bien que le Capilalf engagés par les co<
opérateurs ; — le Capital , le Travail et le Talent
sont, en effet, les trois facultés industrielles, les
trois forces productives dont le concours est néces-
saire à la création des richesses matérielles ou in-
tellectuelles, et qui ne viendront pas lirrement se
combiner dans râtelier social, ou qui n'y déploieront
pas toute leur puissance créaU'k^^%\ ^\tfï» viw\\»ft>
88 Tll« THJSSE.
la garantie qu'il leur sera rigoureusement tenu
compte de leur concours.
Ainsi, notre exacte définition de l'idée d'Associa-
tion nous fournit très-clairëment les premières con-
ditions du problème social , et ces conditions se ré-
duisent en somme à la détermination d'une organi-
sation iN0usTRi£LLE ayant la propriété de rendre le
TRAVAIL ATTRATANT ct coRnaissânt uno règle fixe de
RÉPARTITION PROPORTIONNELLE aux trois facultés pro-
ductives. — Il est même facile de comprendre que
cette seconde condition rentre dans la précédente, et
que la découverte îiu régime de I'industrie at-
trayante esi le véritable nœud du problème.
VtV TBB8B.
Du TftAVAiL-ATiitvYAAT. N(£ud capUul du problème aocinl.
Nous avons pris la question sociale de haut, nous
ne Tavons certes pas amoindrie en examinant ses
conditions essentielles, et nous mettons au défi au-
cune École politique, philosophique ou religieuse do
prouver qu'elle est, sur cette question, aussi large,
aussi complète et aussi logique. Eh bien! pourtant,
nous voici arrivés, non pas à des abstractions vides
et retentissantes, mais à un problème qui porte sur
la réalité des choses, et dont l'énoncé excite le éé^
daigneux sourire de (a plupart de nos grands hom •
mes du jour , bien éloignes qu'ils sont d'abaisser leur
esprit sublime sur un aussi misérable sujet que ce-
Ju/ de rindustrie^attra^anlt l Ce^ hommes ne s'oc-
DU TRAVAIL- ATTRAYANT. 89
cupcnt pas d'une pareille pauvreté , ils laissent cela
aux esprits sans portée , aux maiérialisUs ; ils vont
plus haut, ils s'occupent des droits deCh-omme^ de
la liberté^ de la dignité humaine^ de la justice^
de \^ fraternité^ &\x progrès^ de la mora/f/ë, de la
per/ectibilitéf et ils enfilent sur tout cela assez de
paroles pour se croire dispensés de songer à réaliser
les choses. Ceux qui entrent dans la vie pratique,
qui cherchent à savoir comment Thomme vit, tra-
vaille, agit, et comment il devrait agir, travailler et
vivre pour être libre et heureux, ceux-là sont des
matérialistes , c'est entendu.
Eh bien ! si parmi tous ces beaux phraseurs, il en
est qui aient sérieusement à cœur Tavènement des
éalifés auxquelles les mots qu'ils manient si vail-
amment correspondent, nous les engagerons à don-
ner quelque attention aux théorèmes suivants, qui
ont rÀ B C de la question sociale, et dont nos
rands réformateurs de tous les calibres devraient
)ien un peu se pénétrer :
\^V Organisation du TRAVAiL-ArrRAVANT est la
condition sine quâ non de lu liberté. — Tant
que l'immense majorité des travaux seront répu-
gnants, en effet, l'immense majorité des travailleurs
ne s'y livreront pas par plaisir et de libre volonté,
mais par besoin, par nécessité de position, par un
fait d'infériorité sociale quelconque, c'est-à-dire par
contrainte. — Travail attrayant, liberté des masses ;
— ^Travail répugnant, esclavage (direct ou indirect,
sous quelque forme que ce soit) des mas§ç&.
Celle Jiaisoii profonde, a\)so\\x«, ^\\ ^Vî>fe\\V. '^^^'^^^
>
90 Vll« THÈSE.
(e développement de la liberté dans les sociétés et
la nature de leiir régime industriel, le rapport lo-
gique et nécessaire de l'effet à la cause, démon-
trons-la sous une forme plus saisissante encore.
N*est-il pas sensible, d'abord, que les individus ou
les classes qui ne possèdent rien^ qui n'ont ni ca-
pitaux, ni instruments de travail ^ ni avances pour
exister, sont nécessairement, dané quelque système
politique que ce soit, réduites, par le fait même de
leur dénuement, à un état de dépendance et d'ilo-
tisme social, qui prend tantôt le nom d'esclavage, tan-
tôt celui de servage ou de prolétariat? Gela est indé-
niable. Sous quelque Constitution que ce soit, il
n'y a pas de liberté sociale et il n*y aura jamais de
liberté politique, sérieuse et durable, pour desclasses
dont tous les membres, sous peine de mourir de
faim, eux et leur famille, sont forcés chaque jour de
SE TROUVER UN MAITRE dans une autre classe.
Arrière toutes les niaiseries dites et écrites sur la
liberté ! La première condition pour qu'un être soit
libre, c'est qu'il tienne, dans ses mains à lui, les con-
ditions de son existence ! la première condition pour
qu'un être soit indépendant, c'est que les conditions
formelles de sa vie ne dépendent pas de la volonté
d'autrui, ne soient pas à la merci do tels ou tels !
Faites des révolutions, des décrets, des constitutions,
réclamez toutes sortes de républiques, nommez qui
vous voudrez président ou consul , vous n'aurez
rien fait, absolument rien fait pour la liberté sé-
rieuse, vraie, réelle, des masses, tant que la société
a 'aura pas garanti à chaque\\oïx\mQ , à chaque femme,
DU TRAVAIL-ATTRAYANT. 94
9 chtfque enfant, un minimum convenable d'exis*
tence, tant que chaque homme ne sera pas as*
âuré, m^is assuré comme du premier de ses droits
de membre de l'humanité , du vêtement^ du loge'
m^ntf de la nourriture et de toutes les c/ioses né-
ces$aire$ à V entretien de sa vie et à l'indépen*
dance sociale de sa personnalité.
Or, il serait par trop absurde de demander que
la société avançât le minimum à l'individu et donnât
ainsi la liberté sociale à chacun de ses membres,
aussi long-temps que le régime industriel ne serait
pas organisé de manière à passionner les masses, à
les entraîner au travail parla puissance de Tattrait
à défaut de la force ou du besoin — qui seuls pour-
ront jamais les contraindre àrexercice de l'industrie
morcelée et répugnante.
Ainsi donc et sans réplique : pas de liberté po-
litique ei sociale pour les masses sans minimum ,
et pas de minimum sans aitragtion industrielle.
Pas d'autre voie par conséquent, pour la rédemp-
tion réelle des esclaves, des serfs, des prolétaires,
de tous les faibles et de tous les opprimés, que 1 'or-
ganisation du travail-attrayant.
Nous défions qui que ce soit de réfuter cette
thèse capitale, et tous les hommes intelligents qui
voudront y réfléchir reconnaîtront d'ailleurs, dans
l'histoire, à toutes les époques, les concordances
intimes des conditions du travail et de celles de la
liberté.
2" V Organisation du travail-attrayant est la
condition sine quâ non de la digtiU^. KumaV».^» —
92 Vn« THÈSE.
En effet, il n'y a pas de dignité pour l'homme qui
vit sans liberté, qui vit dans les conditions d'infé-
riorité sociale où le caractère répugnant de l'indus-
trie plonge nécessairement les masses.
30 L'Organisation du travail-attratant est
la condition sine quâ .non de la justice. En effet,
il est odieusement injuste que les masses soient
condamnées à des travaux répugnants, à côté des
minorités qui peuvent se passer de travailler ou
qui exercent des travaux attrayants, des fonctions
recherchées. L'organisation du travail attrayant,
d'ailleurs, exige la condition de répartition propor-
tionnelle qui est la loi même de la justice distribu-
tive, et qui est iriipraticable dans le système du
travail répugnant, où tout le bénéfice de l'atelier
social est absorbé par les parasites.
4** L'Organisation du travail-attrayant est la
condition de l'harmonie sociale (terme bien supé-
rieur à celui de fraternité humaine et qui le con-
tient). — En effet, tant que le joug du travail ré-
pugnant sera imposé aux masses, il y aura toujours
une profonde division dans la société, toujours des
classes ennemies, toujours des germes de révolutions
et toujours une tendance de l'individu à s'affranchir
du travail, à échapper égoïstemènt au supplice de
l'industrie répugnante.
^^L'Organisation du travail -attrayant est
plus précieuse que tous les droits de Vhomme du
(Contrat social ou de la Déclaration de 89. En effet,
elle garantit à tout homme le droit de vivre libre,
digne et heureux , de Vexercke b\eu et éc^ui table •
DU TBAVAIL-ATTBAYANT. 93
ment réttibué d'un travail volontaire, qui lui est dû
et partout offert; ce qui vaut mieux pour les masses
que les mystiGcations des constitutions qui les lais-
sent plongées dans la misère et condamnées , pour
vivre, aux travaux répugnants, sans seulement leur
garantir le droit au travail, le premier droit social
de l'homme, celui sans lequel aucun autre n'est ga-
ranti , mais qui garantit, entraîne et assure tous les
autres.
6° V Organisation du travail-attrayant est la
condition du progrès social. En effet, l'intolérable
état des masses de travailleurs devient de plus en
plus menaçant au sein d'une civilisation dont les
progrès éveillent chez les classes inférieures le juste
sentiment de leurs droits, tout en les laissant en-
foncés, à côté du luxe croissant des riches , dans
les perplexités, les douleurs, les misères de toutes
sortes qui sont le cortège de l'industrie morcelée et
répugnante, et qui dévouent notre civilisation à la
mort comme toutes celles qui l'ont précédée, si
nous n'organisons, pas bientôt l'industrieattrnyante.
70 Enfin y Organisation du travail- attrayant
est la condition sine quà non du règne de la
moralité. En effet, il ne peut y avoir de moralité
pour l'honune, dans la bonne acception du mot,
sans le travail j et le travail ne peut être généralisé,
exercé dignement, spontanément, par les pauvres
comme par les riches, qu'autant que son exercice
sera attrayant. D'ailleurs le travail-attrayant peut
seul créer les richesses abondantes, expulser la mi-
sère, et avec çHe le vol, la crapule, l'^brutisserofti^^v
94 VI II* THESE.
le meurtre, toutes les plaies sociales enfin dont la
misère étend les pourritures autour d'elle.
Nous / sommes donc en droit de conclure, et qui-
conque ne voudra pas se laisser berner par les ri-
dicules illusions politiques , économiques, ou au-
tres, au milieu desquelles l'intelligence s'égare en-
core, s'écriera avec nous :
{ Que la liberté politique et sociale des masses, la
dignité humaine, la justice, le progrès, l'harmonie
sociale, ne sauraient devenir des réaliItés que par
la réalisation du régime qui rendra le travail at-
trayant.
Voilà ce que Ton reconnaît avec un peu déportée
et de véritable profondeur , et quand on n'a pas
l'esprit assez faible pour se laisser imposer par les
vacuités retentissantes qui occupent aujourd'hui la
place des grandes questions de la Destinée humaine.
En résumé, le problème social a pour objet T asso-
ciation UNIVERSELLE, et la solution de ce problème
est subordonnée à la découverte du mécanisme de
L' INPUSTRI E-ATTRAYANTE .
. >
VUie nèSB.
Du modo d'application du principe de TABSoelatioii à la
construction succeBsIve de la société harmonique.
Observons d'abord que le mot de sociétéi qui ne
peut pas s'appliquer à des individus isolés, ne peut
s'appliquer non plus à des individus réunis seule-
DU MODE D'aPPIICATION. 95
ment en famille. Ainsi le lion, Tours, le loup, ac-
couplés mâle et femelle, et nourrissant leurs petits,
constituent ju5qu*à Témancipation de ceux-ci une
véritable famille. Mais le lion, Tours et le loup no
peuvent être dits animaux vivant en société ; tan-
dis que Ton désigne comme tels^es fourmis, les
abeilles , les castors, ou d'autres espèces plus ou
moins industrieuses, dont les rassemblements ne
sont pas limités aux seules exigences de la repro-
duction de Tespèce.
La famille, réunion de reproduction, ne peut donc
pas, à elle seule, être considérée comme constituant
société. Le fait de société n'apparaît que quand un
plus ou moins grand nombre d'individus se rassem-
blent, et vivent réunis, à d'autres titres encore que
ceux de père, mère et progéniture.
La famille n'est donc pas le premier degré de la
société ; le premier degré de la société c'eistle noyau
formé par un rassemblement de familles.
Si nous suivons Téchelle des Êtres, nous voyons
les individus des espèces inférieures vivre isolés ,
sans rapport les uns avec les autres, sans même
former temporairement la réunion de famille. Plus
liant dans Téchelle, ce lien apparaît et établit des
relations entre les parents et les petits pendant
l'époque du premier développement de ces derniers.
Enfin, dans des espèces plus intelligentes, les indi-
vidus et les familles se réunissent pour pourvoir en-
semble à leurs besoins, construire des logements,
emmagasiner des subsistances, etc. Mais, remar-
quons-le I tant que Ton ne sort pas du règ^ie o^au^^y
96 vm<^ Tuksfi.
la sociabilité reliant à son premier d^ré, à sa
première puissance, n'engendre que des noyaux sé-
parés, des éléments sociaux isolés, sans établir entre
ces centres de populations des rapports qu'il n'e^t
donné qu'à la sociabilité humaine de réaliser. Ainsi
les abeilles, les fourmis, les castors fondent bien
des ruches, des villages, des communes, comme les
oiseaux voyageurs se forment en hordes connaissant
des directeurs, des chefs, des sentinelles et des ne-
sures de sûreté admirables. Mais ces , ruches, ces
villages, ces communes et ces hordes voyageuses,
ces éléments sociaux primaires, demeurent sans
rapport entre eux, isolés les uns des autres.
Les espèces animales peuvent donc réaliser le de-
gré primaire de la sociabilité, c'est-à-dire des sociétés
de familles, mais il ne leur est pas donné de com-
biner ces Associations primaires entre elles et de
réaliser l'unité sociale de l'espèce. L'accession à
Tunité sociale, faculté exclusive de l'Être pivotai,
dominateur, recteur et nécessairement unique, est
réservée à l'honune, et distingue l'espèce humaine
de toutes les autres en la marquant du signe royal.
D'où il est évident déjà que ce n'est pas l'homme^
individu qui peut être appelé le Roi de la création,
mais seulement l'Homme-espèce. '
Il résulte de ce que nous venons de dire que la
société humaine se constitue sur des noyaux de po-
pulation, occupant chacun une certaine surface du
sol, et aptes à nouer des relations extérieures entre
mx ; dernier caractère ;}ui l^ disMnguç d© la socift-
DU MODE d'application. 97
bilité animale, et qui prouve que Tespèce entière
est appelée à réaliser son unité.
Ces premiers centres de population, dans lesquels
les individus sont en relations directes et journalières
avec la portion de leurs semblables qui habitent le
même lieu , et que l'on désigne en France sous le
nom de commune», offrent donc l'élément alvéo-
laire de la société humaine. Et cette société, dans
sa plus grande extension , ne saurait être conçue
que comme tfn composé de communes, — quels que
soient les rapports suivant lesquels celles-ci se com-
posent elles-mêmes en nouveaux groupes appelés
cantons, départements, provinces, nations, etc.
En résumé, la fanûUe, simple réunion de repro-
duction, ne constitue pas à elle seule l'élément so-
cial. La société n'apparaît et ne se fonde qu'avec la
commune. Lacommune contient la rèuniim de repro-
duction ou la famille; de plus, elle constitue l'ale^
lier du travail social, de la production industrielle,
où les membres de l'espèce entrent en rapport pour
la création des éléments nécessaires au développe-
ment de la sociabilité humaine : enfîn, elle possède
la propriété de nouer des rapports extérieurs avec
les autres centres de population.
Mais les rapports intérieurs des individus et des
familles dans lacommune, et les rapports extérieurs
des communes entre elles, peuvent s'effectuer suivant
des modes plus ou moins défectueux , plus ou moins
parfaits. De la nature de ces rapports dépend la con-
vergence ou la divergence des forces humaines ,
l'harmcmie ou la lutte des individus duiis lç> <,<è.\^^'vï^
1
I
9S VIU*^ THÈSE.
communes, des communes dans la nation, des na«
lions entre elles. De la nature de ces rapports dépend
le bonbeur ou le malbeur des individus, le bien ou
le mal social.
Or, si l'on se rappelle ce que nous avons établi
précédemment et d'une manière générale sur le
Morcellement et sur l'Association , on comprendra
avec la plus grande facilité que les sociétés peuvent
appartenir à deux ordres , Vordre sociétaire et
Vordre insociétaire ou morcelé :
4^ Vordre soctélaire^ fondé sur la commune as-
sociée, au sein de laquelle les individus et les fa*
Tnilles combinent unitairement leurs capitaux, leurs
travaux, leurs facultés de toutes sortes, pour la plus
grande création des éléments du bien-être matériel
et inlcUectuel de la société , et où les bénéfices de
l'œuvre commune sont répartis proportionnellement
au concours de chacun dans l'atelier social organisé;
2° Vordre infociétaîre^ fondé sur la conunune
morcelée, au sein de laquelle les individus et les
familles, simplement juxta-posés et non associés ,
fractionnent le noyau social , l'atelier du travail
créateur, en autant d'ateliers disjoints et d'opéra-
tions divergentes qu'il y a de réunions de reproduc-
tion, c'est-à-dire de familles: — ce régime, hachant
le sel, divisant et opposant les intérêts et les forces,
engendre dans la commuôe la misère , la fourberie ,
l'hostilité, l'égoïsme et tous les fléaux qui affligent
les sociétés barbares et civilisées.
Il est évident quo la comm^uno étant lelément
DU MODE d'application. 99
social alvéolaire, c'est de son sein qu*origine le
bien ou le mal général.
Si le Morcellement règne dans les communes , les
fléaux qu'il y engendre séviront dans le département,
qui est une réunion de communes, dans la province,
qui est une réunion plus grande encore. La société
ne saurait être riche , prospère , unie , si la misère ,
le désordre, Tégoïsme régnent dans les communes
qui la constituent à la base.
Dans tous les cas , les communes ou aggloméra-
tions de population sont de différentes forces : d'a-
bord le village, puis le bourg , agglomération plus
nombreuse servant de chef-lieu cantonal à un cer-
tain nombre de villages. Le chef-lieu d'arrondisse-
ment vient ensuite ; puis le chef-lieu de départe-
ment ; puis la capitale de province ; et enfin la
capitale de nation. Ici nous nous arrêtons forcément,
car nous n'avons encore ^ ni les capitales continen-
tales, ni la capitale du globe. Les nations, les unes
par rapport aux. autres, en sont encore où en étaient
entre elles leurs provinces il y a quelques siècles
leur union administrative n'est point encore opérée,
et quelque incomplet que serait ce résultat à lui
seul, en face des conquêtes que doit faire l'huma-
nité, il n'est pas eu la puissance de la Civilisation de
le produire. Cette tâche est réeervée à une période
sociale aussi supérieure à la période civilisée que
celle-ci, avec ses arts, ses monuments et ses villes,
est au-dessus de la période sauvage.
Quoi qu'il en soit, il est bien constant que le Mor-
cellement, qui est le principe 'A^r\v:.o\^çi\.*\w'^>\^vOv^«
4>00 VIIl^ THÈSE.
de nps communes, et qui y établit l'incohérence et la
lutte entre les familles , se reproduit aux degrés su-
périeurs de l'échelle sociale, et que notre t^rre tout
entière n'est elle-même encore qu'une commune
planétaire morcelée, incohérente, dont les familles ,
qui sont des peuples et des races, se spolient , se
trompent, s'oppriment, et n'ont pas jusqu'ici cessé
de se combattre.
Terminons cet examen de la constitution des so-
ciétés actuelles, en observant que ces agglomérations
plus ou moins nombreuses, qui forment nos villes et
nos villages, n'ont été produites que par l'instinct, les
besoins individuels et tout-à-fait accidentels des fa-
milles qui les ont fondées et successivement accrues.
Ce ne sont point de grandes raisons de prévoyance,
tirées de la configuration du terrain , des circons-
tances topographiques , des besoins supérieurs du
commerce, de l'administration, des convenances
générales enfin, qui ont présidé au choix des empla-
cements de ces centres plus ou moins nombreux de
population. La plupart même ont dû leur ori-
gine et leur accroissement à des circonstances qui
n'existent plus. Si bien que la distribution de la
population sur le sol réfléchit, elle aussi, par ses
contre-sens, le principe des fausses relations sociales.
Les sociétés actuelles ont donc , de la base au
sommet , le Morcellement pour caractère général.
Or, qu'y a-t-il à faire pour substituer à ce caractère
vicieux le caractère d'Association, et asseoir l'insti-
tution sociale sur ce principe, dans ses éléments et
dans 9on ensemble? Qu'y a-t il à faire, et par où
LE SALUT Dli MONDB. 404
la transformation doit-elle commencer? 11 ne faut
pas un grand effort 4'intelligence pour concevoir
que chaque homme, ne pouvant pas être en relation
immédiate et directe avec tous les autres habitants
du globe , l'Association-universelle ne saurait résul-
ter que d'une hiérarchie d'Associations successives,
de différents degrés, et que l'Association de premier
degré a pour limites les dimensions de la sphère
d'activité journalière de l'homme.
Le problème de l'Association consiste donc à dé^
couvrir un procédé qui permette de combiner socié-
tairement les intérêts, les travaux, les facultés des
hbnmies destinés à respirer le même air, à exploiter
le même sol, à former une Association directe dans
un même noyau de population, dans un même ate-
lier social ; puis à combiner entre eux oes premiers
éléments d'après la même loi d'harmonie. Le problè-
me consiste, en un mot, à savoir organiser, sur le
principe de l'Association, les relations intérieures et
extérieures de tous les groupes successifs de la po-
pulation humaine.
De quoi dépend le salut et le bonheur du monde.
Y a-t-il lieu à demander par où doit commen-
cer la transformation?^-' N'est-il pas évident que
les rehitions extérieures des agglomérations socié-
taires ne sauraient s'établir qu'après la formation de
ces agiîlomérations nouvelles, après l'organisation
40Î IV THÈSE.
de leurs relations intérieures ? L'opération pai- la-
quelle il faut passer, de toute nécessité, pour arriver
à l'Association-universelle, est celle qui consiste à
associer un homme à ses voisins, à constituer Té-
lément alvéolaire de la société nouvelle. L'Associa-
tion-universelle a son berceau dans la commune. Le
noyau ou centré de premier degré remplaçant le vil-
lage morcelé sera la Phalange industrielle , Associa-
tion de 300 à iOO familles, étendantsoii action sur un
terrain d'une lieue carrée environ, et dans le sein
de laquelle les travaux combinés et unitairement
dirigés se porteront sur l'agriculture, l'industrie
manufacturière et domestiqué, les sciences, les art»,
l'éducation, etc., enfin sur tous les éléments de la vie
sociale existants et représentés dans la Phalange.
Des villes, noyaux de second degré, sont les
centres des phalanges poupées autour d'elles. I^s
emplacements de tous cescentres de population sont
calculés sur les convenances générales pour la com-
modité des relations, et déduits des rapports topo-
graphiques des lieux.
Ces villes, noyaux de second degré, se groupent
elles-mêmes en satellites autour de villes plus consi-
dérables, et ainsi de suite jusqu'à la capitale du
globe, centre supérieur des relations sociales de TU-
nité-sphérique.
On voit facilement que ceux qui veulent établir
l'Association-universelle, sans posséder ou sans cher-
cher d'abord la loi d'après laquelle on peut associer
un homme avec ses voisins, n'ont pas une intelligence
LE SÀLPT DU MONDE. 403
bien claire de la grande idée renfermée sous ce mot
Association.
Une observation qu*il importe de mettre en évi-
dence, c'est que la Phalange, noyau de la société
harmonique, diffère de la commune morcelée, non
seulement à ce titre que la convergence et l'as-
sbciation ont remplacé, dans la première, la di-
vergence et le morcellement de la seconde j mais
encore parce que tous les éléments de la vie sociale
existent dans les phalanges et y président, dès le
berceau, au développement intégral de l'homme :
tandis que l'immense majorité de nos communes
morcelées, réduites aux seuls éléments matériels
d'une industrie grossière, ingratt) et répugnante^
privées de l'action éducatrlce et fécondante dos
sciences et des beaux-arts, ne sauraient produire
que des populations incultes et abruties.
Là les innombrables facultés de cette nature hu-
maine, si noble, si belle, si richement douée par le
Créateur, se déploient, s'épanouissent et brillent de
tout leur éclat au foyer de la vie sociale : — Ici, en
l'absence de toute chaleur et de toute lumière, les
trésors restent enfouis, les beaux germes son^
frappés de mort, les belles facultés demeurent ense.
velies,- et les générations entières passent sur la
terre, sans que les êtres incultes dont elles se com-
posent, aient pu seulement sentir en eux-mêmes les
révélations de leurs aptitudes, entendre la voix de,
leurs vocations, soupçonner leurs destinées perdues!
En résumé, — la société se fonde sur la commune
et par la commune,— Aux divers états, aux diverses
404 IX« THfeSB.
constitutions delà commune correspondent les divers
états, les diverses constitutions de la société.
De la commune morcelée sortent les sociétés
morcelées et subversives que caractérisent Tindi-
genco, la fourberie, Toppression, Tanarchie, la
guerre, l'égoïsme général, la dévastation du globe.
De la commune associée sort la société harmo-
nienne que caractérisent la richesse générale, la
justice distributive, la liberté, le concert universel
des individus, des peuples et des races, Tunité de
la famille humaine, le bonheur de l^espèce, la plé-
nitude de sa domination sur le globe qu'elle doit
gouverner, enfin le déploiement convergent de
toutes ses forces, de toutes ses puissances.
Représentez - vous le globe nettoyé de tous les
vieux fléaux , purgé de toutes choses immondes,
et couvert de riches Phalanges ardentes à tous les
travaux utiles et créateurs ; les somptueux palais
des Phalanges s^élevant au sein des campagnes
verdoyantes, parées de toutes les magnificences de
l'art et de la nature ; la terre tout entière transfor-
mée en un jardin paradisiaque, étalant sous le soleil
les innombrables produits des règnes, des zones et
des climats, déployant les richesses et lés merveilles
infinies de la création ; voyez toutes les facultés hu-
maines naître, se développer, s'épanouir au sein
des Phalanges, et réaliser tous progrès et toutes
conquêtes dans leur sublime et tout-puissant accord ;
écoutez les chants des artistes, les voix sublimes
des poètes, les cantiques religieux des lévites, les
chœurs dés populations libres, passionnées, actives
LE SALUT PU liofrlD^. 4 Ûh
et heureuses j voyez la loi qui associe les individus
et les familles dans les Phalanges, associer les Pha-
langes dans les provinces, les provinces dans les na-
tions, et tous les peuples dans la grande Unité de
TEspèce... Evoquez ce spectacle et vous aurez certes
'aspect de l'harmonie sociale dans sa généralité la
plus étendue.
Eh bien! cette harmonie, dans son intégralité,
repose sur la constitution harmonique de la Pha»
lange. L'Harmonie totale, universelle, â'engendre
de rharmonie élémentaire, ,n'est et ne peut être
autre chose que l'harmonie élémentaire répétée et
élevée à ses puissances successives. Vous ne com-
poseriez pas plus une harmonie sociale avec des
éléments sociaux faux et inharmoniques, qu'un con-
cert de joie avec des gémissements, des angoisses et
des larmes, qu'un concert de vie avec des cadavres.
Associez-vous donc â nos efforts, ô vous tous qui
aimez l'humanité, la liberté, la justice, vous tous
qui aimer Dieu &^ vos frères 1 associez-vous à nos
efforts et joignez-vous à nous pour préparer For-
ganisation de cette première Phalange, Arche de
la Nouvelle-Alliance^ qui donnera à tous les. peu-
ples du monde le signal glorieux de la Rédemp-
tion, qui fera éclater, dans toute sa gloire, la Des
tinée radieuse de la fille aînée de Dieu sur la terre,
de l'Humanité régénérée !
puirims ÊTunEs.
EPILOGUE.
(1845.)
AU LECTEUR.
Nous ne répéteroDS pas ici les éloges don-
nés, dans Y Avertissement y à Tanalyse écrite par
M. M...» avec autant d'intelligence et de con-
cision que de bienveillance. Il est certain qu'elle
constitue la plus claire, la plus courte et la meil-
leure des initiations rapides que possède encore
rÉcole sociétaire. C'est une introduction élé-
mentaire faite pour servir de préface à l*étdde do
la doctrine comme à tous les livres de l'École, et
après laquelle les ouvrages de Fourier ou ceux
de ses disciples deviennent tous faciles.
Aucun homme raisonnable , et dont la con-
quête intellectuelle puisse être désirable , ne
saurait d'ailleurs se refuser à une lecture qui ,
en moins d'une heure, lui donne sinon la con^
naissance approfondie , du moins des notions
justes et claires sur une conception moderne
parvenue déjà à une grande célébrité, qui remue
profondément les esprits dans les plus grands
pays de l'Europe, qui atteint aux Etats-Unis le
caractère de grande opinion populaire, et dont
les principes généraux, de toutes parts répandus
dans l'atmosphère , ont complètement trans-
AO LECTEUR. ^07
formé depuis quinze années le domaipo des
idées publiques, et tué à jamais les vieilleries
politiques, pour y substituer les nouvelles ques-
tions, les questions du jour et de l'avenir, les
questions sociales.
C'est donc ici, parmi nos petits livres à bon
marché, un de ceux pour lesquels nous recom-
mandons principalement une grande et active
propagation à nos amis et à tous ceux qui veulent
travailler avec nous à la transformation sociale.
Le temps d'agir et d*agir sur une grande
échelle est venu.
Nos idées sont maintenant, et depuis long-
temps déjà, posées dans le domaine public comme
des idées sages, saines, scientifiques et pacifi-
ques. Il n^est plus permis à personne de les
prendra pour ce qu'elles ne sont pas , de les
confondra avec des doctrines perturbatrices,
haineuses, jalouses et révolutionnaires ; il n*est
plus permis à personne de s'en effrayer.
Nous n'attaquopsaucua intérêt, aucuneclasse;
Nous ne réclamons aucune disposition qui
réduise les avantages de la propriété ou de tout
autre droit acquis ;
l^oufl acceptons complètement le régime des
lois; nous avons horreur de toute violence;
C'est librement, spontanément, par l'exem-
ple des bienfaits du travail sociétairement or-
108 AU LFXTKUR.
ganisé, que doit s'opérer la transformation for-
tunée dont nous poursuivons Vœuvre.
Le but de cette œuvre» ce n'est autre chose
que la réalisation sociale du Ghristianîsnic : c'est
rétablissementd'institutions libres et attrayantes
dans lesquelles les hommes ne seront plus con-
duitSy par le morcellement, Tincohérence et les
divergences de leurs intérêts, à s'entre- tromper,
à s'entre-spoHer et même à s'entre -égorger
comme des loups et des tigres; mais où Thar-
monie des intérêts , Tessor naturel des voca-
tiens ,. l'emploi varié et équilibré des diverses
facultés natives, l'universalité du bien- être , de
l'éducation et du bonheur, les amèneront à
s'aimer comme des frères.
La loi de la Dedtinée sociale de l'konitDé est
découverte-, le royaume deDîeu, c'est-à-dirç le
règne de la richesse pour tous, de la vérité, de
la justice , du travail-attrayant et de Te mour,
peut être réalisé bientôt sur la terre, plus cor-
rompue aujourd'hui, plus malade et plus souf-
frante que jamais. Mais le Bien ne se fei'a pas
tout seul, il faut que les hommes d'intelligence
et de bonne volonté s'y emploient.
11 est certain quil n'y a qu'une chose, line
seule grandechosé à faire, ube seule route de suint
pour la Société : c'édl d'entrer dans les réformes
sociales par la vête pacifique des essais de For-
AU LECTEUR. I09
ganisation sociétaire dn travail eldeVindustrie.
C'est ce que nous ferons dès que nous serons
assez forts, assez nombreux, assez riches pour
tenter ces essais à coup sûr.
Il faut donc nous aider à gagner chaque jour
de la force, du nombre, des ressources nouvel-^
les à la cause de rAssoclation et de THumanité;
l faut former un parti (il n'y a pas diantre mot
dans la langue), un parti large, dévoué, général,
n'ayant rien de TexClusivisme , ni des fausses
idées, ni des haines des vieux partis, conviant
tes hommes de cœur de tous les bords À une œu-
vre commune : la transformation pacifique , la
rédemption sociale du monde par TAssociation !
Yoîiâ bientôt quarante ans que Fouricr a
commencé à publier la découverte des grandes
lots de la Destinée du monde, à faire connaître
là forme sociale correspondante à la nature pas-
sionnelle de l'homme, à donner les moyens pra-
tiques de réaliser F Association, le Bien, VUiiité,
l'Harmonie ; voilé bientôt quinze ans que TË-
colo sociétaire s'est formée ; déjà elle étend par-
tout ses ramifications, son influence , ses prin-
cipes. Ses plus aveugles adversaires se trou-
vent souvent déjà, sans s^en douter, imprégnés
eux-mèmésdeses idées étdeses dogmes. Les que-
relles de la vieille politique s'en vont pour faire
place à la politiauc de T Association, do là i^aix.
r
t
MO AU LECTEUA.
âe l'Orgaoisation du travail. Un terra
est donc conquis. Il faut accélérer
meiit, conquérir encore , conquérir
rendre les conquêtes productives £
pour la cause 1 11 faut se dire toujpu
n'est fait tant qu'il reste quelque ch(
Lecteur ! si le sentiment de Fhu
pas été entièrement corrodé et d<
votre cœur par une société scepti<
rompue; si les fibres saintes y ibreni
votre âme ; si vous n*avez pas été ab
préjugés régnantssur le mal général ;
partagez pas cotte odieuse croyance
désespoir qui livre à jamais à la de
haine, à tous les vices et à toutes I
Tempirede la terre; si vous croyez <
me, fait à l'image de Dieu, est appc
sur ce monde et à y gouverner dans
comme Dieu règne et gouverne dam
si les souffrances des pauvres, des
; ; des enfants et des femmes vous attrisi
i ; touchent;si vous souhaitez que le mal
sur la terre; si vous entendez encon
intérieure qui crie au fond do no£
l l'homme a devant lui, dans ce monde
li vie, comme dans la succession ult^
; f|^ vies, une Destinée progressive, sou^
(jâ vine : alors , associez-vous à nous, joi
:'^
i, t
t
AU LECTEUR. III
forte aux nôtres, embrassez la cause du progrès
réel, la cause delà JLIberté et de F Avenir! Enga-
gez-vous dans la sainte croisade qui doit vain-
cre le Mal social par r Association, parTOrgani-
sation pacifique du travail et des droits de tous.
£t que faut-il faire, demandez-vous, pourai-
der la cause de T Association, pour travailler à
Tavènement des Destinées heureuses? Ce qu'il
faut faire? — Il faut d'abord étudier les livres
de r Ecole, y puiser une conviction lumineuse
et profonde, puis agir autour de soi, suivant
sesv moyens et ses facultés, dans toutes ks
sphères, et répandre abondamment la lumière
el la foi sociales. Il faut faire du prosélytisme
partout, avec un enthousiasme réfléchi, avec
autant de tact que de zèle et d*ardeur. Il
faut parler, agir, (^crire; il faut répandre de
tous côtés les livres et les journaux où TEcole
sociétaire expose et produit ses principes dans
tous les ordres; 11 faut demander et multiplier la
Démocratie pacifique (1), notre organe principal,
destiné à introduire sur le terrain des questions
actuelles les principes de la politique d*associa-
» .11. m . ■ I II !■ ■ I I ^^»»— >— a
(1) La Démocratie pacifique ^ — Journal quotidien, po-
litique et littéraire. — Pour Paris, 40 fr. par an, — 3 moi»,
10 fr.;— Pour la province, 48 fr. par an ; — 3 mois, 12fr.
—On s'abonne à Paris, rue de Seine, 10, et cIjcz tous les
directeurs des postes et dei messageries.
112 AU LECTEUR.
lion et des réformes généreuses et scient!
il faut soutenir ce journal en aagmenli
cesse le nombre de ses abonnés et de s
teurs. Un journal est la force d'une I
d'un parti, il faut porter la lumière ]
mais surtout à la jeunesse, parce que
nesse a Tintelligenco limpide, le cœur
l'âme généreuse, et que les nobles i
d'humanité, de liberté, dejustice unirer
les hauts sentiments religieux ne sont p
coro usés et tués en elle par le souffle n
glacé de Végoïsme contemporain. La j
est saisie par Tidée de la Destinée huma
Il faut se mettre en relation avec c
travaillent au progrès de la cause, s\
avec eus pour répandre les Idées, poui
puyer sous toutes leurs formes. Il faut
nir dans toutes les afTaires publiques, d^
tes les élections, depuis les élections
pales de nos plus modestes villages
celles des grands collèges électoraux ;
produire, soutenir des candidats dévo
cause, on lui donnant des gages et des g;
il faut user partout de tous nos droits,
enfin dans tous les sens les plus fortes
t travailler sans relâche, toujours par les
les plus légaux et les plus honorables, à
nombreux, forts, inilnents, puissants; à (
h
h^
AU LECTEUR. 1 1 3
les ressoarces, les finances et la valeur pollti^
que, intellectuelle et morale de TËcolc qui porte
la cause du progrès et de la liberté du monde.
Voilà ce qu'il faut faire! Et quand notre
parti, c'est-à-dire le parti de Thumanité , de la
paix glorieuse et active, de Tassociation des in-
dividus, des classes et des peuples, de la cha-
rité intelligente ; le parti de Témancipation, du
bien-être et de la dignité de tous ; le parti de
tous les intérêts, de tous les droits, le parti de
la liberté, de l'unité et du bonheur ; quand ce
parti, qui est déjà très-nombreux dans le
monde, sera devenu plus nombreux encore,
plus fort, plus puissant, plus compacte ; quand il
sera assez puissant enfin pour mettre la main à
l'œuvre pratique, alors il réalisera; il fera sur
le terrain les expériences sociétaires; il mon-
trera au monde le spectacle de la vie phalans-
térienne, du travail-attrayant,dudévelopperacnt
des vocations, de remploi équilibré et varié do
tontes les facultés natives. Pour tout dire, il fera
voir au monde le mécanisme de rharmonîc so-
ciale dans sa réalité lumineuse, et alors Tlieure
de la transfiguration du monde sonnera, et Tai-
guille des âges marquera encore , si nous le
voulons fortement tous, le milieu de ce siècle !
Tout est mort, tout croule, tout est tombé
dans les vieux partis ! partout la foi est morte
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tÉrti
. t
^ : lli AULfiCTEUA.
i î Nous seuls nous croyons, nous seuls oai
! I Ions, nous seuls nous offrons quelque ei
' {^ monde, et quelle immense chose I...
^ j £t ^ quelques éléments semblent vh
renouveler autour de nous, ce n*estqu'
pruntant nos idées, en aspirant le vent di
\ i^ tions posées et résolues par le grand géi
f \' lavoixapparattra,àraYenir,commelav
lective du génie de rbumanité dans ce X
clo, appelé à être le plus grand des sièck
qu*il n*en soit encore que le plus vil pei|l
Couragodionc et foi ! Foi, Espérance
rite! Que tous les hommes de bonne
s'éclairent et s'unissent , et bientôt ap
ront les lemps où les malades seront gu(
j les faibles seront secourus, où ceux qi
frent seront soulagés l bientôt se lèvero
;. sur la terre les beaux jours de rhumao
' rieuse cl délivrée ! Ah î ne vous endorq
dans les froids linceuls du scepticisme el
aoîsme ! Sursùm corda ! A nous et av<
; < de tous les coins de Thorixon, de tous
^ , du globe, les hommes de dévouement, ^
I '. ter icSfilut social et ratlrauchi^sement du
<0:^\Q461
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