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EXTRAIT
Rapport
. L '1‘ - ; à ••' r '* x ' v
Présenté au Comité de Salut public,
par D ^ r c e t , Pelletier et
Lelievre;
SUR LA FABRICATION DE LA SOUDE.
imprimé par ordre du comité de salut public.
La soude, Pun des objets de première nécessité pour
nos usages domestiques et pour les besoins des arts , nous
étoit vendue par une nation qui la retire d’une plante qui
- Croît sur ses côtes ; mais cette nation est entrée dans la
coalition contre la liberté.
Cependant les chimistes avoient découvert plusieurs
moyens d’extraire la so^de du sel marin dont elle est la
base 5 mais des spéculations isolées avoient été le but
principal des recherches : delà, les découvertes étoient
restées sous un voile mystérieux 5 elles n’avoient pu
s’éclairer mutuellement , ni se perfectionner et s’adapter
ÏB2N2WSERRY
I^ UBRAitY
( 2 )
au* circonstances locales : delà, ancnn établissement
n’avoit encore pu obtenir un succès qui en assurât
FlTcoinité de Salut public , voulant que la nation tirât
de son heureux sol toutes les ressources qui dolïen‘.
franchir des dispositions politiques de. ^ etrangers a f t un
aunel à ceux qui possédoient des procédés sur 1 extracti
a« 1. soude; il . »e~C F» >“ ' ““
Dusse.,
de l’intérêt; et ceux qui étoient possesseurs de quelques
procédés en ont à ton fait hommage. Les commissaires
Int examiné les différents procédés = ils en ont perfectionne
quelques-uns ; ils ont établi leur degré d’utilité relativement
aux circonstances locales. On présente au Comité «n précis
des observations qu’ils ont exposés dans leur rapport.
Procédé exécuté à Franciade.
Leblanc, Diaé et Shée -avoient fait à Franche un
établissement dont le procédé à été constate avec beauc p
Ce' procédé consiste à décomposer le muriate de soude
par l’intermède de l’acide sulfurique , à décomposer ensuite
te sulfate de soudé qui résulte de la première opération en
Chassant l’acide sulfurique , de manière que la, sou
demeure libre ou plutôt combinée avec l’acide car omqu .
La décomposition du sel marin par l’acide sulfurique se
' fait dans des fourneaux construits de
à volonté retirer l’acide muriatique qui' se degag ,
s’exaler en vapeurs, ou le convertir immédiatement en
muriate d’ammoniaque, ou sel ammoniac.
Quand on
veut retenir l’acide muriatique , on le reçoi
(3 \
dans une chambre de plomb 7 dans laquelle on peut former
immédiatement du sel ammoniac , en y faisant arriver des
vapeurs d’ammoniaque.
On fait passer le résidu de la première calcination dans
un fourneau , où il reçoit un plus grand degre de chaleur
pour achever la décomposition.
On écrase le résidu de la second6 operation dans un
moulin à manchon , et l’on mêle dans ce meme moulin , a
mille livres de sulfate de soude qu’on vient de former ,
mille livres de craie de Meudon lavée , et six cent cin-
quante livres de charbon : on commence le mélange par
le charbon , ensuite l’on introduit la craie.
Le mélange fait et pulvérisé , est porté dans un fourneau
à réverbère qui doit être rouge , et dans lequel on le calcine
en le remuant fréquemment avec un râble de fer.
On retire ensuite la matière du four 5 elle tombe sous la
forme d’une pâte molle, terreuse et embrasee $ elle se durcit
-en se refroidissant : on la brise , on la porte dans un magasin
un peu humide : là , elle se délite et tombe en poussière , à
l’aide de l’acide carbonique qu’elle absorbe.
On peut employer la soude dans cet état y ou bien en
séparer les matières étrangères , par la lixiviation et la
cristalisation. On retire alors soixante-six livres de cristaux
de soude de cent livres de matière brute.
On propose d’employer dans le commerce la soude
ainsi dégagée des matières étrangères.
On a joint au rapport non -seulement les plana très-
détaillés de tous les fourneaux , ateliers et magasins de
lp. soudière de Franciade , mais le plan et la description
d’un grand atelier pour piler la soude brüté , pour k
lessiver et pour ep extraire le sel,
( 4 )
Procédé d’Alhan, établi h Javelle.
Alban se sert du sulfate de soude qu’il obtient des
résidus de l’acide muriatique oxigéné qu’il prépare pour
les blanchisseries.
Il calcine deux cents livres de sulfate de soude avec
quarante livres de charbon pulvérisé , soixante-cinq livres
de rognures de fer blanc, de tôle et autres fragments de
fer , vingt-deux livres de charbon en état de braise. Il
introduit d’abord dans le fourneau à réverbère le sulfate
de soude avec quarante livres de charbon en poudre ;
une heure après , il ajoute quarante livres de fer : la ma-
tière prend de la consistance $ alors il y jette seize livres
de braise de charbon : il brasse , et lorsque le fer paraît
entièrement dissous , il introduit le reste du fer et de la
braise 5 enfin , lorsque le mélange est dans un état de fusion
parfait , il le retire en le faisant couler.
La soude qu’on obtient par ce procédé est d’abord noi-
râtre elle se délite à l’air , et acquiert un poids considé-
rable. Cent livres ont donné , par la lixiviation et la
cristallisation, soixante-onze livres quatre onces de soude
cristalisée.
Ce procédé est le même que celui que proposa Ma herbe ,
en 1 777 , au gouvernement.
Procédé d’Athenas.
Àthenas paroit avoir été l’aide de Malherbe ; mais
ayant eu de la peine à se procurer de l’acide sulfurique
pour préparer le sulfate de èoude , il imagina d’employer
le sulfate de fer. Il calcine quatorze r parties de sulfate de
fer , avec dix parties de mnriate de soude , qui se convertit
en sulfate de soude. Lorsqu’il ajoute du charbon qui dé-
(7)
que le gel décrépite. Lorsque la décrépitation a cessé , il
verse un peu d’eau sur le mélange qui se gonfle et devient
pâteux ; il continue de brasser et de verser de l’eau jus-
qu’à ce que l’oxide soit blanc dans toutes ses parties , et que
l’eau domine environ d’un pouce sur la masse 5 alors il cesse
le feu 5 il jette le mélange dans une chaudière de plomb,
dans laquelle il a mis environ cent livres d’eau bien chaude;
il brasse de nouveau ; il laisse déposer pendant dix minutes ;
il tire la liqueur a clair; il l’a fait évaporer jusqu’à pelli-
cule , et la laisse reposer pendant trois ou quatre jours. Le
muriate de soude, qui ne s’est pas décomposé , cristallise : on
le sépare et l’on fait évaporer jusqu’à siccité , la soude qui
est dans l’état caustique et qui contient un peu d’oxide de
plomb , qu’on peut ensuite en séparer, en la laissant exposée
a l’air , ou elle prend de l’acide carbonique.
Carny expose ensuite les moyens de tirer avantage du
résidu. '9
TJ11 troisième procédé consiste a ^>ndre parties égales de
feldspath et de sel marin , qu’on stratifie avec trois fois
autant de soude : on obtient par la lessive une augmentation
de soude.
Dans, un quatrième procédé , on décompose le sel marin
par la potasse ; la soude devient libre ; on la rend caustique
par la chaux , afin de la mieux séparer du muriate de
potasse qui s’est formé , et qui peut servit utilement pour
la fabrication du salpêtre.
Dn cinquième procédé consiste à retirer l’acide pyro-
ligneux des bois , et particulièrement de celui de hêtre ; à
faire digérer cet acide sur de la iitharge ; à mêler la disso-
lution qui en resuite avec une solution de sel marin. Le
plomb quitte l’acide pyroligneux , et se combine avec
1 acide muriatique ; le muriate de plomb se précipite : on
/
C 8 )
évapore à siccîté le pyrolignite de soude qui s’est formé et
qui surnage 5 on le brûle 5 on lessive la matière charbon-
neuse y et l’on obtient un carbonate de soude blanc et bien
cristallisé.
Dans un sixième procédé 7 on réduit le sulfate de baryte
en sulfure ^ on décompose ce sulfure par l’acide pyro-
ligne ux -, on m&le ensuite le pyrolignite de baryte avec du
muriate de soude 5 il surfait un échange des bases j on éva-
pore et l’on calcine le pyrolignite de soude.
Procédés de Rihaucourt.
Ribaucourt a proposé plusieurs moyens qui se réduisent
aux procédés déjà décrits ; » cependant il s’y trouve quelques
différences qui méritent d’être remarquées.
Il réduit en soude le sulfate de soude qu’il mele avec un
quart de poussière de charbon , en calcinant le mélangé et
en l’amenant par degré à l’état de fusion ÿ mais l’operation
est difficile à conduire*de manière à dissiper le plus de
soufre qu’il est possible , et à empêcher que le sulfure de
soude ne se convertisse en sulfate \ de sorte qu’il a fini par
adopter l’addition du fer pour absorber le soufre.
Il a aussi décomposé le muriate de soude avec la îitharge 5
et ce qui distingue son procédé de celui de Chaptal et
Bérard 7 c’est qu’il employé la lithargie et le sel marin à
parties égales , et qu’il se sert de la presse pour exprimer
la dissolution de soude.
Il propose aussi de décomposer le muriate de soude par
la potasse y pour extraire la soude 7 et se servir ensuite du
muriate de potasse pour le travail du salpêtre.
Expériences des Commissaires.
Les commissaires ? considérant la grande utilité dont e toit
( 5 )
compose l’acide sulfurique , le fer qui provient du sulfate
de fer se combine avec le soufre , et l’alcali reste séparé.
La décomposition du muriate de soude par le sulfate de
fer a été publiée par Lorgna en 1786 5 mais Atlienas l’avoit
mise en. pratique long-temps auparavant.
Athenas a encore fait une observation importante : il
a trouvé que l’on pou voit substituer plusieurs espèces de
mines de fer , au fer qu’on emploie dans le procédé de
Malherbe. Il fait rougir la mine , il l’éteint dans l’eau ,
il la pile et il la mêle avec suffisante quantité de char-
bon et avec poids égal de sulfate de soude.
Procédé de Chaptal et Bérard.
Chaptal et Bérard ont communiqué un procédé qu’ils
exécutent depuis long-temps à Montpellier.
Ce procédé consiste à mêler quatre parties de litharge
bien tamisée avec une dissolution d’une partie de muriate
de soude dans quatre parties d’eau qu on ajoute succesive-
jnent 5 à laisser le tout en repos pendant quelques heures $
à agiter ensuite fréquemment le mélange , en y ajoutant
de la dissolution de muriate jusqu’à ce qu’elle soit épuisée.
L’opération dure vingt-quatre heures 5 on ajoute de l’eau
bouillante ; on filtre ensuite la liqueur qui contient la
soude caustique qu’on fait évaporer pour l’avoir sous
forme sèche ;
On obtient d’un quintal de sel marin et de quatre quin-
taux de litharge , soixante-quinze livres de soude caustique
qui contient un peu de muriate de plomb et de muriate
de soude , qu’on peut séparer par des opérations subsé-
quentes : cette soude , exposée pendant quelque tems à Pair,
perd sa causticité et se combine avec l’acide carbonique.
Le muriate de plomb qui se forme dans cette opération
prend une belle couleur jaune par la calcination.
( 6 )
On peut en retirer le plomb , soit en le projettent à
travers des charbons ardens , soit en le traitant avec le
quart de son poids de charbon , ou de tartre et de lie de
vin desséchée.
On peut aussi le décomposer par le moyen de l’acide sul-
furique 7 et former un sulfate de plomb très-blanc 7 et plus
léger que le blanc de plomb ordinaire 7 ou en séparer
l’oxide de plomb 7 par le moyen de l’alcali.
Ce procédé peut être avantageux dans le voisinage des
mines de plomb et dans celui des verreries.
Procédés de Guy ton et de Carny.
Guy ton et Garni ont présenté leurs procédés en commun.
Celui 1 que les Commissaires regardent comme le plus
avantageux par sa simplicité , a ete execute dans un
établissement que Guyton a entrepris à Croisic 7 et dont le
succès n’a été contrarié que par des circonstances étrangères.
Il consiste à étendre la chaux vive dans l’eau , à
ajouter ensuite une dissolution de sel marin. On fait du
mélange une pâte qu’on expose dans un lieu bas un peu
humide 7 et où l’air ne se renouvelle pas trop foiblement.
La. surface se couvre d’une efflorescence de carbonate de
soude 7 ce qui peut se renouveller plusieurs fois 7 et quand
enfin la chaux est épuisée 7 on peut la recalciner de nouveau
et répéter successivement la même operation.
C’est indubitablement à l’action de la chaux sur le sel
marin , que sont dues les efflorescences de soude qu on a
observées sur plusieurs murs.
Carny décompose le muriate de soude par le moyen de
l’oxide rouge de plomb. Il prend cinquante livres d’oxide de
plomb , et quarante livres de sel marin , qu’il met dans une
chaudière de fer sur le feu 7 il brasse le mélangé pendant
( 9 )
le sulfate de fer pour produire avec le sel marin le sulfate
de , soude qui sert ensuite à l’extraction de la soude , ont
tenté des expériences pour s’assurer si la pyrite elle-même
ne pourroit pas remplir le même objet , en épargnant les
frais et les longueurs des opérations par lesquelles on
convertit la pyrite en sulfate de fer ; et leurs expériences
ont eu un succès complet.
Iis ont calciné mélange de pyrites et de sel marin s
et ils ont obtenu quarante-cinq livres de sulfate de soude ,
à raison de cent livres de pyrites et de quarante livres de
inuriate de soude. Ils ont mêlé ensemble dix livres de
pyrite martiale, trente-deux livres de ciiarbon de terre, pilé
grossièrement 5 ils ont pétri le mélange avec une dissolution
de six livres de sel marin. Ce mélange , réduit en boules, à
ete brûle sur la grille d’un fourneau à réverbère , et les
cendres ont donné six livres de sulfate de soude,
La meme expérience a eu un succès égal avec la tourbe.
Il s exale dans ces dernières opérations du muriate
d ammoniaque qu’on pourroit retenir dans une chambre
placée au-dessus du fourneau 5 mais il est mêlé avec du
sulfate d’ammoniaque.
R É S U M Ê.
Le procédé par l’intermède de la ci aie paroi t celui qui
peut être le plus généralement adopté , parce que cette ma-
tière première est la plus universellement répandue , et
que sont mélange n’empêche pas la soude d’être mise dans
le commerce, et d’être employée dans l’état brut , et qu’elle
ressemble plus particulièrement à celle dont l’usage est
établi. De plus, comme on dégage l’acide muriatique par
le moyen de l’acide sulfurique, on peut , par une même
opération , faire du muriate ammonjacal.
( ÎO )
Ces avantages sont bien compei^ses dans les procédés,
dans lesquels on emploie le sulfate de fer, les pyrites , la
tourbe , &c. Les commissaires ont éprouvé que l’on en reti-
roit une plus grande quantité de soude que par le premier
procédé .
Mais on sera obligé de faire , dans les manufactures
mêmes , la lessive de ces soudes brutes, afin d’en séparer
tout l’oxide de fer.
Les commissaires proposent , même pour prévenir la
la grande variété qui existe dans les soudes relativement à
la quantité d’alcali qu’elles contiennene , et les fraudes
des marchands, de faire lessiver toutes les soudes qui seroient
mises dans le commerce , en proportionnant leur prix à la
valeur qu’elles auroient acquise par cette opération.
Il n’est presque point de partie dans la France où l’on
ne puisse fabriquer la soude ; sinon pour en faire un grand
objet de commerce , au rpoins pour les besoins immédiats
du lieu*, mais il y a des endroits qui offrent de grandes
ressources pour cette fabrication > tels sont ceux qu’on va
indiquer.
Le département du Gard, aux environs d’Alais , et celui
de l’Ardèche , qui en est voisin , possède beaucoup de py-
rites , de charbon de terre et schite pyriteux ; on y fabrique
déjà une grande quantité de sulfate de fer , et l’on pourrait
y établir une distillation de soufre , dont les résidus
pourraient également servir à la fabrication du sulfate
de fer et à celle de la soude. Il serait avantageux de
procurer de la soude à cette partie de la République, pour
le savon qui s’y fabrique en grande quantité.
Le département de l’Isère, et particulièrement le district
de Grenoble, possèdent des charbons de terre pyriteux , des
tourbes sulfureuses qui , étant brûlées avec du sel marin ,
Ç il )
pîodûiroient du sulfate de soude, dont on extrairoit la soudé
pour l’usage des blanchisseries qui s’y ouvrent , et où la
potasse seroit remplacée par-là»
La pyrite cuivreuse et la matte des mines de Chesy et de
Sainû-Bel , près de Commune-Affranchie , pourraient pro-
bablement servir à convertir le sel marin en sulfate de
soude. L© citoyen Girard se propose d’en faire l’expérience.
Les immenses tourbières de la Vendée et de la Loire
inférieure , donnent , par la simple incinération , une
quantité considérable de sulfate de soude.
Daquin , qui a communiqué ses observations sur cet objet 1
retire deux cents milliers de sulfate de soude des cendres
qu’il achète ; et en profitant simplement des cendres des
tourbes que l’on brûle dans le pays , on pourrait extraire
au moins cinq cents milliers de ce sel par an. Le sel marin
y est abondant : il s’y fabrique beaucoup de toiles qui
demandent une grande quantité de soude.
Le département de l’Aisne possède une vaste étendue dé
tourbières pyriteuses et imprégnées de sulfate de fer qui
seraient très-propres à l’extraction de la soude , et les
nombreuses blanchisseries y sollicitent un établissement de
cette espèce.
Non-seulement le sel marin , les mines de fer, les schistes
py-riteux de toute espèce , celles de charbon de terre sont
répandues en abondance dans le département de la Meurthe 5
mais le sulfate de soude s’y trouve avec profusion 5 et
Nicolas a présenté des observations importantes sur cet
objet : un établissement de soude ne saurait donc être
mieux placé» Le même département présente de grandes
ressources pour la fabrication dû salin.
Enfin il y a déjà aux ©avirons de Paris plusieurs ateliers
j
( 13 )
chimiques qui peuvent devenir promptement des soudières
très -importantes pour les consommations de cette grande
commune.
Le Comité de Salut public , en appellant tous les
Citoyens qui s’occuppent d’arts chimiques dans les lieux
indiqués , à s’occuper de l’exécution de la soude, prouve
qu’il regarde cette opération , comme une de celles qui
intéressent la prospérité de la République.
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DE L’IMPRIMERIE DU COMITÉ DE SALUT PUBLIC.